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Full text of "Révolution récente dans la facture d'orgue"

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L  I  B  R.AR.Y 

OF   THE 
UNIVER.SITY 
or    ILLINOIS 


186.6 
MélrFb 


MUSIC  LIBRARY 


ROOMU^ 


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Latest  Date  stamped  below.  A 
charge  is  made  on  ail  overdue 
books. 

University  of  Illinois  Library 


DEC    7  195'1> 


L161— H41 


Pr'ix'  :     8     francs 
majoration  comprise 


GEORGES  LAING  MILLER 


RÉVOLUTION  RÉCENTE 


DANS 


LA  FACTURE  D'ORGUE 


(.Deuxième     Edition 


Ouvrage  traduit  et  annoté  par  le  Docteur  BÉDART 

professeur  T^grégé  à  l'Université  de  Xille 

Suivi  d'une  réponse  au  livre  »  l'Orgue  Moderne  »,  de  M.  A.  Cellier 
et  à  son  Préfacier  :  M.   Louis  Vierne 


TOCS    DROITS    DE    TRHDUeTION 
&  DE  REPRODUerieN  RÉSERVÉS 


^^^ 


JiTftxr»,   o.    OUJSA.I* 


DÉPOSITAIRE  : 


HAnoLO    RtCvi - 

^riwîc  MiiU  Musical  1    r 

atO   ^MAfTFseunv    «v 

LCNDt%N,    w.c      r' 


MasséW^,  LILLE 


A    M^  J.  W.   HINTON 


ARCHITECTE-EXPERT    D'ORGUES;     MAITRE    HS-ARTS  ; 

DOCTEUR       ES -MUSIQUE       DE       L'UNIVERSITÉ       DE       DUBLIN     ; 

ÉLÈVE     DE     CÉSAR     FRANCK    ;     ANCIEN     ORGANISTE      DE      S  A INT-M ICHA  EL 

ET       DE       ALL      ANGELS      A      -WOOLWICH     ,        AUTEUR      DE        «     ORGAN 

CONSTRUCTION»     DE     «STOBY     OF     ELECTRIC     ORGAN  »    

DE        «     MODERN        ORGAN       CONSTRUCTION     »  LEÇONS 

PROFESSÉES    AU    COLLÈGE     ROYAL    DES    ORGANISTES 

DE      LONDRES,     ETC.,     ETC. 


JE     DEDIE     CETTE     TRADUCTION 

SN     SOUVENIR      OE      NOTRE     DEJA     VIEILLE     AMITIÉ 

ET      DE      MON       INITIATION       PAR      LUI      A 

L    ÉTUDE     EXPÉRIMENTALE     DE 

LA     FACTURE      D'ORGUE 

ANGLAISE 


D""     G.     BEDART 


LILLE,     MAI      I  Q  H 


M.  Georges  Laing  MILLER 


FELLOW  OF  THE  ROYAL  COLLEGE  OF  ENGLFSH  ORGANIST  : 
FIRST  MUS.  BAC.  DULNEM.  ;  ORGANIST  OF  CHRIST  CHURCH, 
PKLHAM  MANOR,  N.-Y.  ;  LATE  OF  ALL  ANGELLS',  NEW- 
YORK    ;      s'-clemknt's,     philadelphia,     and     WALI.ASEY 

PARISH     CHIJRCH,    ENGLAND. 


sAuteur   de    The  Récent  Révolution  in  Organ  Fiuilding    {2""-  Édition 


-"''""'  ^^~- ^i,^^^ 


REVOLUTION  RECENTE 

DANS     ■ 
LA  FACTURE  D'ORGUE 


par 


GEORGES   LAING    MILLER 

New-York,    The    Charles  Francis   Press,    1913    (2«"«    Edition^ 


Traduite  et  annotée  par  le  D'  G.  BÉDART 

Professeur  Agrégé  à  l'Université  de  Lille 


1014 
IMPRIMERIE    G.    DUBAR    &   C'^-    LILLE 


-mlo^Af-^ 


en 

f^  PRÉFACE  DU  TRADUCTEUR 

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55 


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^ 


Quand  je  reçus,  en  1909,  la  première  édition  de  Récent 
Révolution  in  Organ  Building,  je  fis  immédiatement  part  à  l'au- 
teur de  mes  remarques  sur  certaines  inexactitudes  concernant 
la  facture  européenne  et  la  facture  française  plus  particulièrement; 
M.  G.  Miller  a  bien  voulu  en  tenir   compte   dans  sa   deuxième 

3     édition  de   1913. 

0 

—  C'est  un  livre   de  propagande,  un   peu   combative  et  toute 

:•     en  faveur  de   M.  Hope-Jones,   certainement  un    des  hommes  les 

plus  inventifs  de   notre  époque  en   matière  d'orgue. 

Si  j'ai  traduit   cet  intéressant  ouvrage,  c'est  avec  l'idée  de 

présenter  à  nos  organistes,  qui  ignorent  trop  ce  qui  se  fait  hors 

de  France,  un  document  original  dans  sa  forme,  sur  l'état  de  la 

facture  en  Amérique. 

^  Il  servira  d'introduction  à   un   ouvrage   plus  important   que 

'      je  termine  sur   la  construction  de  l'Orgue  Moderne. 

^  A   cette   traduction,   je  me   suis    permis   d'ajouter  quelques 

œ     notes  rectificatives,  toutes   les  fois  que   la   vérité  historique   ou 

-     la    certitude    expérimentale    m'ont  paru  l'exiger.    Ni  M.  Georges 

Miller,    ni   M.    Hope-Jones   ne   sauraient    s'en    formaliser,    car   : 

si  amicus   mibi  Plato,  magis  arnica  mihi  veritas  ! 


D^  G.  BEDART 
Avril  19 14  Université  de  Lille 


PRÉFACE  DE  LAUTEUR 


Il  y  a  quelques  années,  les  fabriciens  et  les  notables  d'une 
paroisse  d'Ecosse  étaient  réunis  dans  un  conclave  solennel  pour 
discuter  le  projet  d'installation  d'un  orgue  ;  sur  la  table  s'élevait 
un  monceau   de  devis   et  de   plans. 

La  discussion  s'engagea  pour  savoir  si  l'on  prendrait  un 
orgue  à  deux  claviers  ou  à  trois  claviers  ?  Grand  Orgue  et  Récit  ? 
ou  bien  Grand  Orgue,  Récit  et  Positif?  M.  le  doyen  Mac  Nab, 
trésorier  et  personnage  d'importance,  finit  par  placer  son  mot  et 
par  dire  :  «  M.  le  Président,  je  ne  vois  pas  très  bien  pourquoi 
«  il  nous  faut  un  Grand  Orgue,  un  Récit,  et  un  Positif  ;  je 
«  trouve  qu'un  seul  orgue   serait  suffisant.  » 

D'autre  part,  pour  répondre  à  M.  Mac  Nab,  maître  tailleur 
et,  d'ailleurs,  artiste  en  son  genre,  le  seul  musicien  de  l'assem- 
blée chercha  à  lui  donner  une  explication  basée  sur  des  argu- 
ments capables  de  satisfaire  sa  mentalité  professionnelle  ;  il 
répondit  ainsi  :  «  Voyons,  M.  Mac  Nab,  certainement  vous  ne  diriez 
pas  que  quelqu'un  est  bien  habillé,  s'il  n'avait  qu'une  pièce 
de  vêtement  à  mettre  ;  vous  lui  conseilleriez  d'avoir  un  panta- 
lon, un  gilet,  une  jaquette  ?  »...  Et  l'on  décida  l'acquisition 
d'un  orgue  à  trois  claviers. 

Il  n'y  avait  jamais  eu  d'orgue  dans  cette  église,  sans  cela 
ce  brave  marguillier  aurait  été  mieux  au  courant,  et  s'il  avait 
pu  lire  le  deuxième  chapitre  de  ce  livre,  il  aurait  possédé  le 
minimum  des  connaissances   indispensable  sur  la  question. 

Les  pages  suivantes  ont  été  écrites  avec  l'idée  de  venir  en 


PREFACE  DE  L'AUTEUR 


aide  à  ceux  qui  se  trouveront  dans  la  situation  de  M.  Mac  Nab, 
et  peuvent  être  amenés  à  discuter  la  question  toujours  sérieuse 
de  l'achat  d'un  orgue  pour  leur  église,  leur  salle  de  fêtes 
municipale  ou  la  reconstruction  de  leur  ancien  orgue  ;  souvent 
on  se  trouve  fort  embarrassé  entre  les  affirmations  contradic- 
toires contenues  dans  les  plans  et  devis  des  facteurs  rivaux. 

Ce  livre  s'adresse  aussi  à  ceux  qui  ne  désirent  point  s'en 
remettre  à  un  expert,  ou  à  un  soi-disant  expert,  mais  qui  préfè- 
rent examiner  les  choses  par  eux-mêmes,  et  acheter  intelligemment 
un  instrument  vraiment  doté  de  tous  les  perfectionnements  moder- 
nes, un  orgue  qui  n'entraînera  pas  l'organiste  à  jouer  des  airs 
trop  profanes  et  qui  ne  sera  pas  pour  son  constructeur  une 
source   profitable  de   réparations  incessantes. 

L'étudiant,  l'amateur,  et  même  l'organiste  professionnel, 
trouveront  dans  ce  livre  des  choses  intéressantes  parce  qu'elles 
leur  feront  mieux  connaître  ce  que  c'est  qu'un  orgue. 

La  révolution  dans  la  facture  d'orgue  décrite  dans  ce  livre 
s'est  effectuée  durant  ces  cinquante  dernières  années  sous  les  yeux 
et  pendant  la  pratique  personnelle  de  l'auteur.  Les  organistes 
de  la  jeune  génération  peuvent  être  félicités  pour  les  avantages 
ainsi  mis  à  leur  disposition,  surtout  par  le  génie  des  quatre 
grands  hommes,  dont  nous  relaterons  les  persévérants  efforts. 


RÉVOLUTION  RÉCENTE 

DANS 
LA  FACTURE  D'ORGUE 

CHAPITRE    PREMIER 


ORIGINE  DE  L'ORGUE 


Solennelle  et  profonde,  la  grande  voix  des  orgues 
se  fait  entendre  ;  celle  du  peuple  s'y  joint,  chantant 
les  graves  psaumes  et  les  hymnes  pieux  ;  et  les  voix 
des  choristes  leur  répondent,  fondues  dans  d'har- 
monieux accords,  tandis  que  le  long  des  voûtes, 
l'écho  répète,  en  les  prolongeant,  la  fin  des  strophes. 

Mais,  voici  que  sous  les  doigts  d'un  artiste,  par- 
lent et  résonnent  doucement  des  tuyaux  aux  accents 
variés  :  c'est  d'abord  une  harmonie  infiniment  déli- 
cate qui,  tour  à  tour,  s'accroît,  puis  semble  s'éva- 
nouir à  nouveau.  Ces  accords  flottent  dans  l'air 
comme  des  soupirs  qui  se  condensent  en  des  mur- 
mures cadencés  ;  mais  il  en  émerge  de  douces 
mélodies  et  des  chants  qui,  après  s'être  épandus  de 
toutes  parts,  finissent,  dans  leur  sereine  allure,  par 
monter  jusqu'au  Ciel  ! 

Dryden. 


L'origine  de  l'Orgue  se  perd  dans  la  nuit  des  temps,  la 
tradition  rapporte  qu'il  y  en  avait  un  dans  le  temple  de  Salomon 
à  Jérusalem,  orgue  que  l'on  pouvait  entendre  jusque  sur  le 
mont  des  Oliviers.  L'Orgue  a  l'honneur  d'être  le  premier  ins- 
trument à  vent  mentionné  dans  la  Bible  (Genèse  IV,  21),  on 
y  lit  «  Jubal  fut  le  père  de  tous  ceux  qui  jouent  de  la  harpe 
et  de  l'orgue».  Le  mot  hébreu  employé  est  «ugab»,  traduit 
dans  la  version  des  Septante  par  le  mot  «  Cithare  »  ou  par 
le   mot  «  psaume  »,   mais  aussi  par  le  mot  «  orgue  ».  Sir  John 


L 


10  ORIGINE  DE  L'ORGUE 


Stainer  (dictionnaire  p.  144)  dit  :  il  est  probable  que  dans  sa 
première  forme  l'ugab  n'était  autre  chose  qu'une  flûte  de  Pan 
(syrinx),  et  que,  peu  à  peu,  il  se  transforma  en  un  instru- 
ment plus  compliqué.  Un  autre  passage  montre  que  l'ugab 
était  connu  du  temps  de  Moïse,  qui  «  était  instruit  de  tout 
ce  que  savaient   les    Egyptiens  ». 

La  flûte,  une  des  parties  fondamentales  de  l'orgue,  est  un 
des  plus  anciens  instruments  connus  ;  nous  la  voyons  figurer 
sur  les  tombeaux  Egyptiens  ;  et,  dans  nos  musées,  on  en 
trouve  provenant  de  fouilles  en  état  de  pouvoir  encore  être 
jouées.  Certaines  de  ces  flûtes  étaient  doubles  (voir  figure)  à 
côté  d'elles,  nous  trouvons  le  chalumeau  des  bergers,  avec  une 


Doubles  flûtes  représentées  sur  des  tombeaux  égyptiens  et  assyriens. 

anche  ou  une  languette  de  roseau  dans  l'embouchure  ;  on  en 
rencontre  maintenant  encore  dans  le  Tyrol.  Le  perfectionne- 
ment suivant  fut  sans  doute  la  cornemuse,  où  nous  trouvons 
quatre  de  ces  tuyaux  attachés  à  une  outre  ou  sac  de  cuir.  La 
mélodie  était  jouée  sur  l'un  d'eux,  présentant  des  trous  dans 
ce  but  ;  tandis  que  les  trois  autres  constituaient  une  pédale  con- 
tinue ;  le  sac,  étant  gonflé,  forme  réservoir  de  vent,  et  la  force 
du  son  est  réglée  par  la  pression  du  bras  contre  le  sac,  c'est 
une  ébauche  du  soufflet  de  l'orgue.  Après,  vient  la  cornemuse 
Irlandaise,  avec  son  soufflet  actionné  par  le  bras,  et  fournis- 
sant du  vent  à  l'outre  qui  devient  ainsi  un  réservoir  ;  c'est 
un  premier  progrès. 

D'autre  part,   nous  avons  le  syrinx  ou  flûte  de  Pan  ;  pour 
Stainer  c'est  le  précurseur  de  l'orgue   :  étant  formé  de  sept,  huit 


ORIGINE  DE  L'ORGUE  11 


OU  neuf  bouts  de  roseau,  réunis  par  de  la  cire  et  coupés  à  des 
longueurs  convenables  pour  produire  une  sorte  de  gamme.  Les 
bouts  inférieurs  de  ces  roseaux  étaient  bouchés,  leurs  bouts 
supérieurs  placés  au  même  niveau,  de  façon  que  les  lèvres 
pussent  passer  facilement  d'un  tuyau  à  l'autre,  c'est  le  même 
instrument  qu'emploient  actuellement  «Punch  et  Judy  man  ». 
Ils  portent  cette  flûte  de  Pan  attachée  au  cou,  et  la  jouent  en 
tournant  la  tête  d'un  côté  à  l'autre,  pendant  que  les  mains 
battent   du    tambour. 

Le  progrès  suivant  fut  sans  doute  la  combinaison  de  plu- 
sieurs rangées  de  flûtes  ou  de  chalumeaux  avec  le  réservoir 
de  vent  des  cornemuses  ;  l'adjonction  d'une  petite  glissière,  per- 
forée d'un  trou  au-dessous  de  chacun  des  tuyaux  d'une  de 
ces  rangées,  permit  en  la  poussant  de  faire  parler  à  volonté 
telle  ou   telle   rangée   seulement. 

Enfin  quelque  artiste  ingénieux  imagina  d'obtenir  la  pres- 
sion de  l'air  comprimé,  en  refoulant  de  l'air  dans  un  réser- 
voir partiellement  rempli  d'eau  ;  ce  fut  le  fameux  Orgue 
Hydraulique  dont  le  nom  suggéra  l'idée  de  tuyaux  d'orgue 
chantant  par  le  passage  d'un  liquide,  ce  qui  est  impossible. 
Nous  arrivons  ainsi  à  l'ère  chrétienne  :  le  Talmud  mentionne 
un  orgue  (magrépha),  ayant  dix  tuyaux  joués  par  un  clavier, 
dès  le  deuxième  siècle  ;  Aldhelm,  mort  en  709,  parle  d'un  Orgue 
qui  avait  des  tuyaux  dorés.  Au  milieu  du  huitième  siècle,  à  Com- 
piègne,  fut  placé  un  orgue  à  l'Eglise  Saint-Corneille,  ses  tuyaux 
étaient  en  plomb,  tandis  que  ceux  de  l'orgue  de  Saint-Dunstan 
étaient  en  cuivre.  Mentionnons  aussi  l'orgue  de  la  Cathédrale  de 
Winchester,  décrit  par  Wufstan  dans  sa  vie  de  Saint  Swithin  ; 
orgue  double  nécessitant  deux  organistes  pour  le  jouer  ;  avec  400 
tuyaux  et  treize  paires  de  soufflets  ;  on  l'entendait,  paraît-il,  de 
tous  les  coins  de  Winchester  quand  on  le  jouait  en  l'honneur 
de   Saint-Pierre,   patron  de   la  Cathédrale. 

Arrivons  maintenant  à  9m  ,  à  cette  date  mémorable  de  l'éclo- 
sion  de  l'harmonie  moderne;  jusque  là  pas  d'harmonie,  en  dehors 
d'une  basse  continue  ;  et  les  grandes  compagnies  de  musiciens 
dont  nous  parlent  Holy  et  Writ  et  beaucoup  d'autres  sem- 
blables, ne  faisaient  que  jouer  et  chanter  en  octaves  et  unis- 
son. Je  cite  à  nouveau  Stainer  ;  les  gros  tuyaux  de  chacune 
des  touches  du  clavier  des  plus  anciennes  orgues  étaient  visi- 
bles ;  tout  l'instrument  chantait  et  grondait  terriblement.  Le  cla- 
vier avait  onze,  douze,  quelquefois  treize  touches  en  succession 


12  ORIGINE  DE  1/ORGUE 


diatonique  sans  demi-tons  ;  aussi,  sur  un  pareil  orgue,  on  ne 
pouvait  obtenir  qu'une  mélodie  chorale  à  une  voix.  La  largeur 
d'un  clavier  de  neuf  touches  était  d'environ  soixante-dix  centi- 
mètres ;  chaque  touche  étant  large  de  trois  pouces,  quelquefois 
de  cinq  à  six  pouces,  les  soupapes  étaient  dures,  et  tout  le 
mécanisme  grossier,  aussi  n'était-il  pas  question  de  jouer  avec 
les  doigts,  on  était  obligé  de  frapper  ces  touches  avec  le  poing 
fermé,  d'où  le  nom  de  l'organiste  «  Pulsator  organorum  »  mot 
à   mot,   frappeur  d'orgue.   (Voir  page  17). 

Graduellement,  les  touches  furent  rétrécies,  on  ajouta  des 
demi-tons  ;  et,  en  1499,  les  claviers  avaient  à  peu  près  les 
dimensions  actuelles.  En  1470  l'allemand  Bernard,  un  musicien 
renommé  habitant  Venise,  inventa  le  clavier  de  pédales.  La 
fabrication  des  tuyaux  fut  très  améliorée,  et  nous  arrivons 
ainsi  jusqu'au  seizième  siècle,  après  lequel  l'orgue  resta  dans  le 
statu  quo  pendant  près  de  deux  siècles  ;  les  compositions  de 
Frescobaldi  le  fameux  organiste  Italien  (i 591-1640)  démontrent 
qu'à  cette  époque  on  devait  jouer  avec  les  doigts  et  non 
avec    le   poing. 

Depuis  le  seizième  siècle  les  grandes  époques  dans  la 
construction  de  l'orgue  sont  les  suivantes  : 

1°  L'invention  de  la  boîte  expressive  par  l'Anglais  Jordan 
en    1712  ; 

2°  L'invention  des  soufflets  horizontaux  par  Samuel  Green 
en   1789;  (1) 

3»  L'invention  du  levier  pneumatique  par  Barker  en  1832, 
puis  la  transmission  électro-pneumatique  par  Peschard  en  1866; 

4"  Les  merveilleux  perfectionnements  du  mécanisme  et  de 
la  sonorité  de    1886  à    19 13   par   Robert   Hope-jones.  (2) 


(i)  Le  Père  Mersenne,  dans  son  Harmonie  Universelle,  livre  imprimée  Paris  en 
i636,  donne  des  dessins  très  nets  d'orgues  avec  soufflets  horizontaux  :  dans  son 
grand  traité  de  facture  d'orgue,  Dom  Bedos  en  1756,  montre  plusieurs  orgues  avec 
des  soufflets  à  «  lanterne  »  comme  les  appelait  le  Père  Mersenne.  Green,  en  1789, 
n'a  fait  que  copier  Cummins  qui,  dans  sa  brochure  datée  de  1766,  revendique 
l'invention  des  soufflets  horizontaux,  ignorant  ce  qu'avaient  décrit  le  Père  Mer- 
senne et  Dom  Bedos,  mais  Cummins  y  apportait  un  perfectionnement  considéra- 
ble: les  plis  alternés  compensateurs, seuls  capables  de  donner  du  vent  de  pression 
stable  et  actuellement  encore  en  usage  chez  tous  les  facteurs. 

(j)  11  faut  y  ajouter  l'invention  du  tubulairff  aspirant,  par  Moitessier,  en 
1847  ;  du  tubulaire  par  vent  comprimé,  par  Ferrais,  en  France,  et  G.  Sander  en 
Allemagne,  en  i865  ;  procédés  qui  ont  révolutionné  la  facture  moderne,  non 
seulement  de  l'orgue,  mais  aussi  celle  des  instruments  automatiques  aujourd'hui 
en  plein  essor.  —  D'  G.  B. 


CHAPITRE    II 


L'ORGUE  AU  XIX-  SIECLE 


Avant  d'aller  plus  loin,  nous  proposons  de  donner  une 
description  rapide  de  la  construction  de  l'orgue  tel  qu'il  était 
au  commencement  du  XIX™»  siècle,  et  d'expliquer  les  termes 
techniques  que  nous  emploierons  plus  tard.  Chacun  sait  que 
le  son,  dans  l'orgue,  est  produit  par  des  tuyaux,  dont  un 
certain  nombre  seulement  sont  vus  en  façade,  les  autres 
tuyaux,  de  longueur  et  de  forme  différentes,  sont  disposés  par 
rangées  sur  le  sommier  ou  caisse  de  vent  alimentant  les  tuyaux 
(fig.  i)  ;  chacun  de  ces  rangs  s'appelle  un  «  jeu  »  ou  un 
«  registre  ».  Bien  se  rappeler  que  le  mot  jeu  se  rapporte  à 
une  rangée  de  tuyaux,  et  non  pas  seulement  au  bouton  de 
tirage  du  jeu,  par  lequel  l'organiste  fait  parler  chaque  rangée. 
Beaucoup  d'idées  fausses  surgissent  de  cette  confusion  ;  et  des 
constructeurs  à  bon  marché  en  tirent  avantage  en  mettant  deux 
boutons  de  jeu  (basse  et  dessus)  un  pour  chaque  demi-rangée 
de  tuyaux,  donnant  l'illusion  d'un  nombre  de  jeux  double 
de  celui  existant  réellement  ;  pratique  qui  fut  très  suivie  pendant 
quelque   temps  en    Amérique. 

Les  premiers  facteurs,  pour  obtenir  de  la  variété,  divisèrent 
les  tuyaux  par  groupes,  placés  de  façon  que  chaque  groupe 
put  être  joué  par  un  clavier  séparé  ;  c'est  encore  la  pratique 
actuelle. 

Un  orgue  d'église,  un  peu  grand,  renfermera  trois  ou 
quatre  sommiers,  chacun  supportant  un  certain  nombre  de  rangs 
de  tuyaux  désignés  ainsi  :  i»  le  Grand  Orgue,  constitué  par  les 
tuyaux  de  façade  et  d'autre  jeux  à  sonorité  puissante  ;  der- 
rière  lui   et  ordinairement  à    un    niveau   plus  élevé,    se   trouve 


14 


L'ORGUt:    AU    XIX°>«  SIÈCLE 


le  Récit,  dont  tous  les  tuyaux  sont  contenus  dans  une  boîte 
en  bois,  fermée  en  avant  par  des  jalousies  pivotantes,  dont 
l'ouverture  ou  la  fermeture   modifie  la   force  du   son. 

Au-dessous  du  Récit  se  trouve  le  Positif,  contenant  des  jeux 
plus  doux,  propres  à  accompagner  les  voix  ;  et  enfin  derrière 
tous  ces  tuyaux,  ou  sur  les  côtés,  se  trouve  la  Pédale  conte- 
nant  les  gros  tuyaux  de  basse  joués  avec   les  pieds.   Les  instru- 


Kio.    1. 


ments  plus  grands,  ont  un  quatrième  sommier,  celui  du  Solo 
dont  les  tuyaux  très  puissants  sont  souvent  placés  au-dessus 
de  ceux  du  Grand  Orgue.  Dans  quelques  très  grandes  orgues 
anglaises,  notamment  dans  celui  du  Town  Hall  de  Leeds,  il  y 
a  encore  une  subdivision  dans  les  tuyaux  du  Grand  Orgue 
appelé  «  Front  Great  »  et  «  Back  Great  »  (Orgue  de  devant  et 
Orgue  de   derrière).    La  raison   pour  subdiviser    ainsi    un    orgue 


L'ORGUE    AU    Xl.\>»«    SIÈCLE 


15 


est  l'impossibilité  d'alimenter  un  grand  nombre  de  jeux  par 
un  seul  sommier.  Somme  toute,  un  orgue  ordinaire  deglise 
est  en  réalité  la  combinaison  de  trois  ou  quatre  petites  orgues 
séparées. 

Le  sommier  est  une  boîte  oblongue  renfermant  l'air  com- 
primé fourni  par  les  soufflets,  et  munie  de  soupapes  comman- 
dant l'accès  du  vent  aux  tuyaux  ;  entre  ces  soupapes  et  le 
trou  du  pied  du  tuyau,  il  y  a  une  autre  soupape  glissante 
appelée  registre,  qui  commande  l'accès  du  vent  à  toute  la 
rangée  des  tuyaux  qui  forment  un  jeu.  La  soupape  est  com- 
mandée depuis  le  clavier  par  le  mécanisme  de  tirage,  chaque 
touche  commande|  une  soupape  dans  le  sommier  ;  chaque  bou- 


FiG.   2. 


ton  de  jeu  commande  une  soupape  glissante  sous  la  même 
rangée  de  tuyaux,  donc  il  faut  :  i"  tirer  le  jeu  ;  2"  abaisser 
une  soupape  avant  de  faire  parler  un  tuyau,  les  dessins  l'ex- 
pliquent clairement  ;  la  figure  i  est  une  vue  de  face,  et  la 
figure  2  une  vue  de  profil  d'un  sommier  ;  A  est  le  sommier 
dans  lequel  l'air  comprimé  est  introduit  soit  par  le  fond,  soit 
en  bout   par  le   tuyau   porte-vent    B  ;    Les   soupapes  CC    sont 


16  LORGUE    AU    XIX»«    SIECLE 

maintenues  fermées  contre  les  ouvertures  DD  (faisant  commu- 
niquer le  sommier  avec  les  tuyaux)  par  des  ressorts  placés 
en  dessous.  Le  ressort  S  (fig.  2)  presse  la  soupape  C  contre 
l'ouverture  D,  les  fils  métalliques  PPP  qui  passent  à  travers 
de  petits  trous  dans  le  fond  du  sommier,  sont  reliés  aux 
touches  du  clavier,  et  d'autre  part  attachés  à  l'extrémité  mobile 
des  soupapes,  une  pointe  (guide)  est  placée  de  chaque  côté  des 
soupapes  pour  maintenir  bien  perpendiculaire  leur  course  ascen- 
dante ou  descendante,  chaque  soupape  est  recouverte  d'une  peau 
assurant  sa  fermeture  et  amortissant  le  bruit. 

duand  le  fil  F  est  tiré  en  bas  par  le  clavier,  la  soupape  C 
s'abaissant,  l'air,  contenu  dans  le  sommier  A,  se  précipite  à 
travers  D  vers  les  tuyaux  placés  au-dessus  ;  mais  la  glissière 
ou  registre  F,  constituée  par  une  mince  réglette  de  bois,  placée 
entre  le  panneau  G  et  le  panneau  H,  doit  être  mobilisée  de 
droite  à  gauche,  afin  de  faire  correspondre  ses  trous  avec  ceux 
placés  au  pied  des  tuyaux.  Si  les  trous  de  la  glissière  sont 
sous  ceux  des  tuyaux,  chaque  ouverture  d'une  soupape  fera 
parler  le  tuyau  ;  si  au  contraire  le  registre  est  poussé  de 
façon  à  détruire  cette  correspondance  des  trous,  la  soupape 
abaissée  ne  permettra  à  aucun  tuyau  de  jouer.  Quand  les  trous 
du  registre  correspondent  à  ceux  du  tuyau,  on  dit  que  le 
«registre»  ou  «jeu»  est  tiré,  quand  il  ne  correspondent  plus, 
on  dit  que  le  «jeu»  est  fermé  ;  donc,  quand  les  jeux  ne  sont 
pas  tirés,  impossible  d'obtenir  un  son,  même  si  le  sommier 
est  plein  d'air  comprimé,  et  si  l'on  abaisse  les  touches. 

Le  sommier  avec  glissière-registre  appelant  le  jeu  est  à  peu 
près  ce  qui  nous  reste  de  l'ancien  système  de  construire  les  orgues. 
Les  soupapes  étaient  reliées  aux  touches  par  une  série  de  leviers 
et  vergettes  (tracker-action  en  facture  anglaise).  Il  y  avait  ordi- 
nairement six  brisures  ou  articulations  constituant  autant  de 
sources  de  frottement,  entre  la  touche  et  la  soupape  ;  pour 
vaincre  ces  résistances  au  frottement  et  bien  fermer  la  soupape 
il   faut  déjà    un  bon  ressort. 

On  ne  pouvait  à  cause  de  leur  poids,  placer  tous  les  gros 
tuyaux  de  basse  sur  le  même  bout  du  sommier,  on  en  plaçait 
la  moitié  à  l'autre  bout,  par  suite  il  fallut  transmettre  le 
tirage  des  touches  latéralement  au  moyen  d'une  série  de 
rouleaux  pivotants  constituant  l'abrégé  ;  d'où  nouvelles  sources 
de  frottement  et  nécessité  d'employer  un  ressort  encore  plus 
résistant  ;    ajoutez   à   cela    l'accroissement  de   la   largeur   de   la 


L'ORGUE    AU    XIX"»    SlECLt  17 

soupape  et  vous  comprendrez  sans  peine  la  dureté  des  cla- 
viers dans  la  basse,  puisque,  à  la  résistance  du  ressort,  il  faut 
ajouter  la  pression  du  vent  contre  la  soupape,  pression  aug- 
mentant  avec    le   nombre   des  jeux  tirés. 

Dans  un  orgue  un  peu  grand,  avec  beaucoup  de  jeux 
et  des  claviers  accouplés,  il  fallait  exercer  un  véritable  effort 
sur  les  claviers  pour  jouer  l'ensemble  de  l'orgue  tutia  for:{a  ; 
quelquefois  même,  l'organiste  se  dressait  sur  les  pédales  et 
pesait  de  tout  son  poids  sur  les  touches  pour  pouvoir  frapper 
un  grand  accord  (i).  Mille  systèmes  furent  essayés  pour  dimi- 
nuer cette  résistance,  l'un  des  meilleurs  fut  la  division  de 
la  soupape  en  deux  parties  dont  la  première,  en  admettant  une 
petite  quantité  de  vent  dans  la  gravure,  diminuait  la  pression 
avant  l'ouverture  du  reste  de  la  soupape  ;  mais  même  sur  les 
meilleures  orgues  de  cette  époque,  la  facilité  d'exécution,  si 
aisément  obtenue  dans  nos  orgues  modernes,  était  absolument 
impossible. 


(i)  Dans  les  notes  graves,  une  soupape  de  3o  centimètres  longueur  x  3  cen- 
timètres de  largeur,  avec  du  vent  à  90  %,  oppose  une  résistance  d'environ  un 
kilogramme,  rien  que  par  la  pression  clu  vent.  Les  anciens  employaient  des 
pressions  plus  taibles  :  mais  du  temps  de  Don  Bédos,  les  orgues  allemandes 
«traitées  a  fort  vent  »  devaient  exiger  des  doigts  de  fer  pour  y  exécuter  les 
œuvres  de  Bach  dans  les  passages  fortissimo.  —  D'  G.  H. 


CLAVIER     MANUEL    DES    NOTES    AIGUËS 

DE  l'orgue  d'halbbbst^dt  (i36j) 

Les    touches    blanches    avaient   73   %    de   largeur 
comme   celles   de    nos    carillons  actuels. 


CHAPITRE  III 


L'AURORE  D'UNE  ÈRE   NOUVELLE 
LE  LEVIER  PNEUMATIQUE 


De  même  que  nous  ne  voyons  plus  quatre  matelots  manœu- 
vrer la  roue  du  gouvernail  d'un  paquebot,  depuis  que  les  gouver- 
nails à  vapeur  ont  rendu  inutile  un  aussi  grand  déploiement  des 
forces  humaines,  de  même  un  facteur  d'orgue  de  la  ville  de  Bath, 
l'Anglais  Charles  Spachman  Barker,  eut  l'idée  d'utiliser  la  force 
de  l'air  comprimé  lui-même,  pour  vaincre  la  résistance  de  cet 
air  comprimé  contre  les  soupapes  du  sommier  ;  cette  disposition 
est  connue  sous   le   nom    de   levier  ou    machine  pneumatique. 

Elle  consiste  en  un  petit  soufflet  de  20  centimètres  de 
long,  interposé  entre  la  soupape  et  le  clavier  ;  la  force  pour 
abaisser  la  touche  est  alors  réduite  au  très  léger  effort  utile 
pour  ouvrir  une  petite  soupape  de  12  millimètres  de  large, 
laquelle  introduit  du  vent  dans  ce  petit  soufflet  ;  celui-ci,  gonflé 
subitement  par  le  vent,  tire  la  soupape,  en  faisant  ainsi  toute 
la  partie  dure  du  travail.  La  fig.  3,  représentant  le  levier 
pneumatique  perfectionné  par  le  célèbre  facteur  Anglais  Henri 
Willis,   montre  le  cycle  de   l'opération 

Quand  le  doigt  ou  le  pied  presse  sur  une  touche  reliée 
avec  K,  le  bout  extérieur  du  levier  G  G  est  abaissé,  en  ouvrant 
la  soupape  P.  1°  L'air  comprimé  dans  le  compartiment  A  (laye) 
pénètre  alors  par  le  trou  B  dans  le  soufflet  C  qui,  se  gonflant, 
élève  avec  lui  tout  le  mécanisme  rattaché  à  sa  face  supérieure 
par    L  ; 

2°  A  mesure  que  le  dessus  de  CC  monte,  il  élève  et  ferme  la 


L'AURORE  D'UNE  ÈRE  NOUVELLE  —  LE  LEVIER  PNEUMATIQUE    19 

soupape  D  réglée,  le  laiton  fileté  M,  et  ainsi  empêche  toute 
entrée  de  vent  supplémentaire    venant   du    compartiment  B  ; 

30  L'action  de  la  touche  sur  G  qui  a  ouvert  la  soupape  P,  a  en 
même  temps  causé  la  fermeture  de  la  soupape  de  décharge  en 
détendant  la  courroie  F  ;  de  cette  façon  l'air  comprimé  admis  dans 
le  compartiment   B   ne   peut   s'échapper. 

D'autre  part,  quand  le  doigt   cesse  de  presser  sur  la  touche, 


CL08ED 


OPEN 


FiG.  3 


l'extrémité  du  levier  G  s'élève,  la  courroie  F  se  raidit  en  ouvrant 
la  soupape  E  ;  immédiatement  le  souflet  CC  retombe  en  s'appla- 
tissant. 

Le  toucher  d'un  clavier  d'orgue  pouvait  être  rendu  aussi 
doux  que  celui  d'un  piano,  donc  beaucoup  plus' facile  qu'avant 
le  levier  pneumatique.  Cette  invention  qui  fait  époque,  appli- 
quée en  1832  a  rendu  possibles  des  perfectionnements  extra- 
ordinaires ;  au  début  elle  fut  l'objet  d'un  mépris,  puis  d'une 
opposition  étrange.  Les  facteurs  anglais  ayant  refusé  de  l'adopter, 
Barker  vint  en  France,,  il  y  trouva,  dans  la  personne  d'Aris- 
tide Cavaillé-Coll,  un  homme  à  vues  moins  bornées,  quand 
Cavaillé-Coll    eut    pleinement    démontré    la    valeur   .pratique    de 


20    L'AURORE  D'UNE  ÈRE  NOUVELLE  -  LE  LEVIER  PNEUMATIQUE 

l'invention  de  Barker,  Henry  Villis  et  beaucoup  d'autres  s'occu- 
pèrent de  son  développement  et  bientôt  surmontèrent  toutes 
les  difficultés  de  façon  à  faire  adopter  partout  le  levier  de 
Barker. 

Cette  évolution,  néanmoins,  fut  assez  lente,  et  il  y  a 
50  ans  on  ne  trouvait  le  levier  de  Barker  que  dans  quelques 
orgues  de  grande  dimension  ;  la  révolution  récente  dans  la 
construction  et  dans  la  sonorité  de  l'orgue,  dont  traite  ce  livre, 
est  basée  :  1°  Sur  le  levier  pneumatique  de  Barker  ;  2°  Sur  le  sys- 
tème électro-pneumatique  inventé  par  le  français  Peschard,  de 
Caen,  et  réalisé  pratiquement    par    son    association  avec  Barker. 

11  est  bon  de  le  faire  remarquer  :  Tart  de  la  facture  d'orgue 
a  fait  plus  de  progrès  dans  ces  cinquante  dernières  années,  que 
dans  les  trois  siècles  précédents,  nous  sommes  donc  fondés  à 
dire  qu'une  véritable  révolution  s'est  produite  et  elle  est  loin 
d'être  terminée.  Comme  chefs  de  ce  mouvement  révolution- 
naire trois  noms  sont  en  première  ligne  :  Henry  Willis,  Aris- 
tide Cavaillé-Coll  et  Robert  Hope-Jones,  d'autres  ont  apporté 
des  contributions  d'importance  secondaire  notamment  Hill  Borne, 
L.  Roosevelt,  mais  c'est  grâce  aux  inventions  géniales  des 
trois  grands  hommes  précités  que  la  facture  d'orgue  moderne 
se   trouve   où  elle   en    est   aujourd'hui  (i). 

Nous  nous  proposons  :  i»  D'énumérer  et  de  décrire  les 
inventions  et  perfectionnements  qui  ont  entièrement  transformé 
l'instrument  ;  2"  D'exposer  les  étapes  de  cette  révolution  en 
Amérique  ;  3»  De  décrire  les  faits  et  gestes  des  chefs  de  ce 
mouvement. 

Au  milieu  du  XIX™«  siècle,  toutes  les  orgues  employaient  du 
vent  à  faible  pression,  entre  37  et  75  millimètres  de  hauteur 
de  colonne  d'eau  ;  Mais  il  faut  dire  que,  dès  1833,  le  célèbre 
facteur  William  Hill  avait  déjà  mis  dans  son  orgue  du  Town  Hall 
de  Birmingham,  un  tuba  parlant  avec  22  centimètres,  et  de 
même  Willis,  Cavaillé-Coll,  Gray  et  Davidson  et  bien  d'autres 
employèrent  exceptionnellement  du  vent  fort  pour  certains  jeux 
d'anches  dans  leur  plus  grandes  orgues  ;  mais  99  %  des  orgues 
à  cette  époque  avaient  des  pressions  voisines  de  86  milli- 
mètres. 


(1)  Il  me  semble  que  le  terme  «inventions  géniales»  s'applique  aussi  très 
bien  au  levier  pneumatique  de  Barker,  au  tubulaire  aspirant  de  Moitessier,  et 
à  la  transmission  électro-pneumatique,  de  Peschard  ;  sans  ces  trois  véritables 
inventeurs,  que  serait  l'orgue  moderne  ?  —  D'  G.  B. 


L'AURORE  D'UNE  ÈRE  NOUVELLE  —  LE  LEVIER  PNEUMATIQUE    21 

On  trouvait  alors  beaucoup  d'orgues  qui  exigeaient  une 
pression  du  doigt  de  20  onces  (560  gr.)  pour  abaisser  une  touche 
avec  les  claviers  accouplés  ;  il  n'était  pas  rare  de  trouver  cette 
pression  de  50  onces  (1.400  gr.)  et  plus  pour  les  notes  graves  ! 
Actuellement  la  pression  nécessaire  est  entre  trois  et  quatre 
onces,  mais  nous  connaissons  encore  un  orgue  à  New-York, 
n'exigeant  pas  moins  de  40  onces  (i .  1 20  gr.)  pour  les  notes  graves. 

L'étendue  du  clavier  de  ces  vieilles  orgues  dépassait  rare- 
ment le  fa  ou  le  sol  aigu,  quoique  descendant  souvent  au  G 
grave.  L'orgue  de  Great  Homer  Street  Wesleyan  Chapel  de  Liver- 
pool,  avait  des  claviers  descendant  jusqu'à  l'ut  de  16  pieds, 
il  fut  construit  pour  un  organiste  qui,  ne  pouvant  pas  jouer 
des  pédales,  obtenait  ainsi  les  16  pieds,  à  la  main  ;  le  vieil 
orgue  de  Trinity  Church  à  New- York  avait  aussi  la  même  éten- 
due ;    il   était   habituel    de  supprimer  par  économie   les  tuyaux 


*e<: 


FiG.  4 


de  l'octave  la  plus  grave  de  pas  mal  de  jeux,  qui  n'avaient 
ainsi  pas  de  basse  ;  souvent  enfin,  les  claviers  secondaires  ne 
descendaient  pas  au-dessous  de  quatre  pieds.  (Ténor  C  des  anglais). 
L'étendue  du  clavier  de  pédale  (quand  il  y  en  avait) 
variait  d'une  octave,  à  2  octaves  1/4;  les  touches  en  étaient 
presque   toujours  droites   et   l'ensemble    du  pédalier,    plat. 


NOMENCLATURE  ANGLAISE  DES  NOTES 

On  appelle  :  CC  (double  C)  le  dernier  ut  grave  des  claviers 
manuels  ;  —  donc  l'ut  de  8  pieds.  (Fig.  4). 

Ténor  C,  c'est  le  2«  ut,  ou  ut  de  4  pieds  ;  ainsi  nommé  parce 
qu'il  correspond  à  la  note  la  plus  grave  de  la  voix  du  ténor  et  du 
violon  ténor,  qui  est  l'alto. 

Midle  C  ou  ut  du  milieu  du  clavier,  c'est  l'ut  de  2  pieds. 

Treeble  c  ou  c*  est  l'ut  de  1  pied  ;  c^  l'ut  de  1/2  pied,  enfin 
c^  l'ut  de  1/4  de  pied,  ou  ut  suraigu  des  claviers  de  61  notes. 

A  la  pédale  l'ut  le  plus  grave  est  le  CGC  =  16  pieds. 


CHAPITRE    lY 


SYSTÈME  PNEUMATIQUE 
&  ÉLECTROsPNEUMATIQUE 


Sans  aucun  doute  les  perfectionnements  à  citer  en  toute 
première  ligne,  sont  les  systèmes  pneumatiques  et  électro- 
pneumatiques, sans  eux  beaucoup  des  progrès  dont  nous 
parlons  actuellement  n'auraient  jamais  pu  être  réalisés.  Comme 
nous  l'avons  déjà  dit,  Cavaillé-Coll  et  Willis,  furent  des 
pionniers  en  perfectionnant  et  en  appliquant  le  levier  pneuma- 
tique de  Barker.  Ce  système,  avec  les  perfectionnements  qu'ils  y 
apportèrent,  eux  et  bien  d'autres,  laisse  peu  à  désirer,  il  est 
robuste,  et,  quand  les  claviers  sont  près  de  l'orgue,  il  est 
prompt  comme  attaque  et  répétition,  qualités  dont  manquent 
beaucoup  de  transmissions  pneumatiques  construites  actuel- 
lement. 

SYSTÈME  TUBULAIRE 

Les  recherches  du  Docteur  Bédart,  Professeur  à  l'Université 
de  Lille,  un  connaisseur  documenté  et  enthousiaste  de  tout 
ce  qui  se  touche  à  l'orgue,  ont  remis  en  lumière  le  fait  que 
le  premier  orgue  tubulaire  pneumatique  fut  construit  vers  1850 
en  France,  par  Moitessier  et  avec  du  vent  aspirant  (voir  aussi 
D'  Hinton,   Organ  Construction    1902,  Chapitre    VII). 

En  1872,  Henri  Willis  construisit,  pour  l'immense  Cathé- 
drale Saint-Paul  de  Londres,  un  grand  orgue  divisé  en  deux 
parties  placées  de  chaque  côté  du  chœur  à  sa  jonction  avec 
la   coupole,    et    à    neuf   mètres   en    l'air.    Les    claviers    étaient 


FiG.  4  bis 


Prosper-Antoine    MOITESSIER 


INVENTEUR    I>U   SYSTEME   TUBULAIRE 


»<  L'Inventeur  du  système  tubulaire  fut  un  Franç.iis,  Prosper- 
«  Antoine  Moitessier,  facteur  d'orgues  à  Montpellier  ;  en  octobre 
«  1847,  il  créait  ce  qu'il  appelait  l'abrégé  pneumatique,  système 
«  dans  lequel  tous  les  leviers,  bascules  et  rouleaux  du  système 
«  mécanique,  avec  ou  sans  levier  pneumatique,  étaient  rem- 
*<  placés  par  des  tubes  aspirants.  En  1830,1!  construisait  d'après 
«  ce  système  un  orgue  de  42  jeux  pour  Notre-Dame  de  la 
«  Dalbade  à  Toulouse,  cet   orgue    fonctionna    pendant   33   ans. 

«  Chaque  soupape  S  du  sommier  était  rattachée  à  la  face 
«  supérieure  dun  piston  P  glissant  dans  un  cylindre  N  comme 
«  celui  d'une  machine  à  vapeur,  une  soufflerie  aspirante  faisait 
«  le  vide  dans  un  réservoir  (comme  dans  les  pianos  automati- 
«  ques  actuels)  ;  quand  (fig.  4  ferj  on  abaissait  la  touche  du  clavier, 
«  poussée  par  l'équerre  K,  la  pièce  C  D,  se  déplaçant  vers  la 
«  droite,  coupait  la  communication  H  du  tube  T  avec  l'air  extérieur 
«  en  ferm.  nt  les  ouvertures  F  et  A.  Mais  en  même  temps,  au 
«  niveau  de  E,  par  le  tube  T,  la  face  inférieure  du  piston  était 


«  mise  en  communication  avec  le  réservoir  aspirant  A  ;  immé- 
«  diatement  la  pression  atmosphérique  agissant  sur  la  face  stipé- 
«  rieiire  du  piston  P  l'enfonçait  dans  le  cylindre  en  ouvrant  la 
«  soupape   du    sommier  rattachée    au    piston  par  la  vergette   V. 

«  Le  premier  tubulaire  fut  donc 
«  le  svstème  «  aspirant  »  porté  à  un 
«  si  haut  degré  de  perfectionnement 
«  dans    les    instruments    automatiques. 

«  Le  second  système  tubulaire  par 
«  air  «  comprimé  »  fut  aussi  inventé, 
«  en  France.  Dans  son  brevet  de  Février 
«  1866,  Permis,  un  instituteur,  orga- 
«  niste  du  village  de  Haute-Rive,  près 
«  Toulouse,  qui  cotmaissait  bien  l'orgue 
«  de  la  Dalbade,  modifia  le  système  de 
«  Moitessier  en  combinant  des  tubes  qui 
«  envoyaient  de  l'air  comprimé  pour 
v<  gonfler  les  soufflets  du  levier  pneu- 
«  matique   de  Barker. 

«  La  même  année,  Gustave  San- 
<v  der,  un  des  facteurs  les  plus  inventifs 
«  de  l'Allemagne,  faisait  breveter  un 
«  système  tubulaire  à  air  comprimé  ; 
<s  ses  essais  dataient  de  1863  ;  il  est 
«  probable  que  Sander  ne  connaiss  it 
v<  pas  les  travaux  de  Fermis.  Mais  tous  deux  ignoraient  que,  dès 
«  1S62.  Peschard,  l'inventeur  de  l'orgue  électrique,  attaquait 
«  ses  «  tracteurs  à  soufflets  multiples  »  soit  avec  un  électro- 
«  aimant,  soit  avec  une  membrane  soulevée  par  un  tube  de 
«  transmission  de  sonnette  pneumatique. 

«  Le  premier  orgue  que  Fermis  construisit  fut  le  40  jeux  de 
«  Sainl-Volusien  à  Foix,  où  il  fonctionne  encore  tel  qu'il  fut 
«  monté  ;  ce  fut  une  partie  de  cet  orgue  (clavier  et  sommier 
«  de  positif;  installée  à  l'Exposition  de  Paris  en  1867,  qui  attira 
«  l'attention  de  Henry  Willis.  Le  grand  facteur  anglais  en  fut  si 
«  frappé,  qu'immédiatement  il  fit  des  expériences  de  contrôle,  et 
«  arriva  à  construire  son  système  tubulaire,  porté  à  un  haut 
«  degré  de  perfection  dans  l'orgue  de  Saint-Paul  de  Londres 
«  en  1872  (résumé  des  articles  du  Docteur  Bedait.  dans  Musical 
«  Opinion  Londres,  Jui'let  1908,  et  dans  Dictionarv  of  Orgaiis 
<\  and  Oroanist'i,   Article  Pneinnalic   Transmission,   1912  ». 


SYSTÈME  PNEUMATIQUE  &  ÉLECTRO-PNEUMATIQUE  23 

placés  (et  le  sont  encore)  du  côté  de  l'évangile.  Au  lieu  de 
commander  un  mécanisme  de  traction  par  vergettes,  pour 
passer  au-dessous  du  pavé  du  chœur,  et  remonter  vers  le 
deuxième  buffet  (comme  c'était  la  coutume  en  1872),  ces 
claviers,  dis-je,  commandent  une  communication  au  moyen  de 
tubes  rappelant  des  tuyaux  '  de  gaz,  dans  ces  tubes  une 
insufflation  de  vent  par  un  trajet  descendant,  puis  horizontal, 
puis  ascendant,  va  gonfler  le  soufflet  des  leviers  pneumati- 
ques, qui  commandent  le  tirage  des  jeux  ou  les  soupapes 
des  tuyaux.  C'est  une  reproduction  perfectionnée  du  système 
du  Français  Permis.  Sir  John  Stainer  décrit  le  mécanisme  de 
l'orgue  de  Saint-Paul  comme  un  chef-d'œuvre  d'habileté  méca- 
nique, organiste  de  Saint-Paul  pendant  bien  des  années,  il  se 
plaisait  à  le  reconnaître  ;  c'était  parfait  «  pour  une  cathédrale  ou 
les  mélodieux  accords  courent  le  long  des  voûtes  »,  mais  il  faut 
aussi  citer  la  remarque  du  fameux  organiste  anglais  Best  sur  le 
tubulaire  appliqué  à  un  orgue  de  salle  de  concert  :  «  c'est  com- 
plètement raté,  vous  ne  pouvez  pas  jouer  un  triolet  sur  la 
trompette  et  je  considère  que  c'est  la  plus  diabolique  invention 
placée  dans  un  orgue  ».  (1) 

Malgré  cette  réflexion,  le  système  fut  généralement  adopté 
après  la  démonstration  de  Saint-Paul,  et  dans  beaucoup  de  petites 
orgues,  où  même  il  fut  employé  de  préférence  au  levier  de  Barker. 
Un  facteur  a  avoué  à  l'auteur  de  ce  livre  que  le  tubulaire  lui  avait 
fait  perdre  beaucoup  d'argent  ;  après  avoir  dépensé  beaucoup  de 
temps  (et  le  temps,  c'est  de  l'argent)  pour  essayer  de  tout  mettre 
au  point,  le  système  dut  être  enlevé  et  jeté  au  feu  par  le  sacristain; 
pas  mal  d'orgues,  à  New-York,  sont  dans  le  même  cas  (2). 

L'auteur  néanmoins  reconnaît  qu'il  a  rencontré  quelques 
orgues  tubulaires  fonctionnant  très  bien,  notamment  chez  Monck, 
de  Londres,  avec  des  tubes  de  50  pieds  soit  1 5  mètres  de  long  ;  le 
D''  Bédart  nous  dit  que  Puget ,  le  facteur  toulousain  si  connu  en  France, 
considère  que  vingt  mètres  est  l'extrême  limite  du  tubulaire.  Henri 
Willis  et  Sons,  dans  la  description  de  l'orgue  destiné  à  la  Chapelle  de 
la   Vierge  de  la  Cathédrale  de  Liverpool,  disent  que  leur  système 


(i)  C'était  peut-être  vrai  en  1872  ;  mais  pas  en  1904,  malgré  les  dires  de 
certains  pontifes  parisiens. 

(2)  Cette  anecdote  prouve  seulement  que  ce  facteur  ne  savait  pas  bien  faire 
le  système  tubulaire  ;  il  y  a  encore  aujourd'hui  dans  tous  les  pays,  (et  en  France, 
ils  ne  sont  pas  tous  en  province)  des  facteurs  et  des  ouvriers  facteurs,  des  orga- 
nistes oui,  par  routine  ou  ignorance  font  une  opposition  ridicule  ou  intéressée 
au  système  tubulaire  ;  les  archives  de  la  ville  de  Lille  contiennent  à  ce  sujet  des 
lettres  documentaires  qui  en  sont  la  preuve.  —  D'  G.  B. 


24 


SYSTÈME  PNEUMATIQUE  &  ÉLECTRO-PNEUMATIQUE 


tabulaire  peut  donner  mille  répétitions  à  la  minute  ;  ce  qui 
est  beaucoup  plus  que  ne  peut  le  réaliser  le  doigt  du  plus 
agile  organiste  ;  mais  ils  ont  adopté  le  système  électrique  pour 
le  grand  orgue  de  cette  cathédrale,  ou  la  distance  entre  les 
claviers  et  les  tuyaux  est  trop  grande  pour  assurer  tubulaire- 
ment  une  rapidité  suffisante   dans   l'attaque  (i). 

Concernant  l'application  courante  du  tubulaire,  nous  décrirons 
le  modèle  de  M.  J.  Binns,  de  Leeds  (Angleterre),  quej.  Matteuws 
dans  son  Manuel  de  l'orgue,  dit  être  un  bon  système  sans  défectuo- 
sité :  les  tubes  L  correspondant  à  chaque  touche  sont  fixés  dans  un 
trou  communiquant  sous  des  petites  membranes  P  fixées  sur 
un   porte  membrane    R  ;    la   touche  en    s'abaissant  introduit  du 


y/A^Ar/-//Ar/M'/^/^//////////^/^///, 


'sr//^/^/y^mm^j^/mmmmmmm^/.%mmm0^ 


FiG.  5 

vent  dans  les  tubes  L,  vent  qui,  en  gonflant  les  membranes 
P,  soulève  la  soupape  en  forme  de  bobine  S,  fermant  le 
trou  T  dans  le  fond  du  sommier  A  et,  ouvrant  une 
ouverture  semblable  T  dans  le  fond  de  la  planche  F,  ce  qui 
amène    l'échappement  de    l'air   contenu    dans    le   petit    soufflet 


(i)  J'ai  vu  chez  M.  Willis  les  plans  du  180  jeux  de  la  cathédrale  de  Liverpool, 
en  réalité  il  y  aura  70  pieds  anglais,  soit  21  mètres,  entre  la  console  et  l'Echo 
placé  dans  le  triforium  du  côté  opposé  :  et  si  les  fils  électriques  ont  3oo  oieis 
=  100  mètres  de  long,  c'est  a  cause  du  parcours  imposé  par  des  raisons 
d'architecture.  —  D'  G.  B. 


SYSTÈME  PNEUMATIQUE  &  ÉLECTRO-PNEUMATIQUE  25 

M  qui  s'écrase  en  soulevant  la  soupape  H  qui  ferme  le 
trou  G  en  même  temps  qu'il  met  le  soufflet  en  commu- 
nication avec  l'air  extérieur.  Aussitôt  le  soufflet  E  s'écrase  sous 
la  pression  du  vent  du  sommier,  entraînant  la  soupape  B. 
Aucun  système  tubulaire  n'est  entièrement  satisfaisant  si  l'on 
augmente  trop  la  distance  entre  les  claviers  et  les  sommiers, 
cela  est  dû  non  pas  à  une  imperfection  du  plan  ou  de  son 
exécution,  mais  bien  aux  lois  de  la  physique,  l'impulsion 
pneumatique  voyage  relativement  d'une  façon  lente,  environ 
I  .000  pieds  (330  mètres)  par  seconde;  dans  les  grandes 
orgues  ou  nécessairement  certains  tubes  sont  courts  et  d'autres 
plus  longs,  il  est  impossible  d'assurer  la  simultanéité  d'attaque 
de  tous  les  claviers  accouplés  (i).  De  plus,  la  sensation  spéciale 
d'une  communication  directe  du  doigt  avec  les  tuyaux, 
comme  dans  le  vieux  système  à  traction,  n'existe  plus  (2).  Les 
facteurs  d'orgue  et  les  organistes  à  idées  ouvertes  au  progrès 
pensent  que  tôt  ou  tard  le  tubulaire  sera  remplacé  par  le 
système  électrique  ;  de  fait,  en  Amérique,  le  système  électrique 
est  de  plus  en  plus  employé  en  facture  d'Orgue,  et  la 
même    tendance    s'observe   dans   tous  les  pays. 

BESOIN  CRIANT 

D'UN  SYSTÈME  ÉLECTRIQUE 

L'exemple  de  la  cathédrale  St-Paul,  cité  plus  haut,  montre 
que  déjà  on  réclamait  le  moyen  de  pouvoir  jouer  l'orgue  sur 
des  claviers  situés  loin  de  l'instrument.  Dans  les  cathédrales 
l'orgue  trônait  ordinairement  sur  un  jubé  séparant  le  chœur  et 
la  nef  et   interceptant  la   vue.  On  demandait  le  changement  de 


(i)  L'auteur  confond  la  vitesse  du  son  avec  celle  de  l'impulsion  pneumatique, 
il  néglige  les  travaux  de  Biehle,  que  j'ai  vérifiés  expérimentalement,  et  qui 
montrent  que, dans  une  transmission  tubulaire  d'orgue  bien  éiablie,  le  retard  est 
de  5  millièmes  de  seconde  par  mètre,  avec  des  tubes  de  ô  %  intérieur,  et  de 
4  millièmes,  avec  8  %  diamètre  intérieur  ;  une  différence  de  6  mètres  dans  la 
longueur  des  tubes  donnerait  donc  3o  millièmes  ^  3  centièmes  de  su-conde, 
retard  inappréciable  ;  la  totalité  des  retards  qui  est  de  1  dixième  de  seconde,  pour 
12  mètres  de  tube,  provient  d'autres  causes,  dans  la  console,  les  relais,  etc.,  etc. 

(2)  De  même  avec  le  levier  de  Barker  ou  le  système  électrique,  lors  de  mon 
premier  voyage  à  Londres,  c'est  le  vénérable  facteur  Bryceson  qui  me  disait  à  ce 
sujet  «comparez  le  toucher  d'un  petit  orgue  à  traction  directe  (comme  celle 
«  d'un  ancien  Positif  par  les  bascules  éventaillées)  au  toucher  d'un  orgue  avec 
«  machine  pneumatique  ou  électro-pneumatique  interposée  ;  c'est  un  peu  comme 
«  si  vous  embrassiez  une  jolie  cousine,  par  procuration  donnée  a  un  notaire  !  » 

D'  G.  B. 


26  SYSTÈME  PNEUMATIQUE  &  ÉLECTRO-PNEUMATIQUE 

cette  position  de  l'orgue,  chose  réalisée  à  St-Paul  et  dans  les 
cathédrales  de  Chester  et  Durham  ;  dans  les  grandes  églises 
paroissiales  le  quatuor  vocal  qui  était  avec  l'orgue  dans  la 
tribune  du  front  ouest  disparurent,  les  chantres  furent  installés 
dans  le  sanctuaire,  laissant  l'orgue  et  l'organiste  à  la  tribune 
s'arranger  comme  ils  pouvaient.  Dans  les  cathédrales  également 
l'organiste  se  trouvait  ainsi  fort  loin  des  choristes  ;  quelle 
belle  chose  s'il  avait  pu  les  accompagner  étant  placé  au  milieu 
d'eux. 

Dans  une  lettre  adressée  au  Musical  News  en  1890, 
H.  Willis  note  qu'on  leur  avait  souvent  demandé  cette  dispo- 
sition mais  qu'ils  avaient  refusé  parce  que  «  dame  nature  se 
mettait  en  travers  »  ;  ce  qu'elle  aurait  sûrement  fait  si  l'on 
avait  employé  le  système  tubulaire  (i).  Le  fait  est  que  jusque  là 
tous  les  systèmes  électriques  essayés  avaient  montré  qu'ils 
étaient  plus  ou  moins  dignes  de  confiance,  et  Willis,  qui 
désirait  conserver  sa  réputation  artistique,  ne  voulait  pas  em- 
ployer l'électricité  (2).  Comme  exemple  de  leur  imperfection,  nous 
dirons  que  l'on  considérait  une  pointe  de  platine  plongeant 
dans  du  mercure,  comme  étant  le  meilleur  système,  comparé 
à  d'autres  contacts  devenant  inutilisables  par  une  oxydation 
rapide. 

Vers  1852,  le  Docteur  Gauntlet  prit  un  brevet  pour  un 
système  électrique  de  jonction  entre  le  clavier  et  les  soupapes  ; 
son  idée  était  de  pouvoir  faire  jouer  toutes  les  orgues  placées  à 
la  grande  Exposition  de  Londres,  en  1851,  par  un  seul  clavier 
central  ;  il  proposait  de  placer  un  électro-aimant  sous  chaque 
soupape  du  sommier  ;  ce  qui  aurait  nécessité  une  énorme 
dépense  de  courant  électrique.  L'idée  ne  fut  jamais  réalisée, 
elle  paraît  avoir  été  tentée  en  1872,  par  Wilkinson,  facteur 
d'orgue   à  Kendal,    mais   il   l'abandonna   après   quelques   essais. 


(i)  Plus  exactement  :  Je  trouve  dans  Musical  News,  1892, une  lettre  de  Willis 
disant  :  «  On  nous  a  souvent  demandé  de  jouer  avec  les  claviers  placés  dans  le 
«  chœur  un  orgue  situé  sur  la  tribune  du  portail  ouest,  mais  la  Nature  empêche 
«  cette  réalisation  en  limitant  la  vitesse  de  propagation  du  son  »  ;  Le  système 
tubulaire  n'a  rien  à  voir  là  dedans,  car  le  défaut  dû  au  retard  de  propaga- 
gation  du  son  aurait  été  le  même  avec  l'électricité  ;  nous  en  avons  eu  des  exemples 
à  Paris,  St-Jacques  du  Haut  Pas,  Lyon.  St-Nizier,  la  transmission  électrique  est 
quasi  instantanée,  mais  le  son  prend  un  certain  temps  pour  venir  de  la  tribune 
jusqu'aux  oreilles  de  l'organiste  placé  dans  le  chœur,  j'en  ai  fait  moi-même 
l'expérience  dans  ces  deux  églises. 

(2)  Inexact  :  L'orgue  de  la  cathédrale  de  Canterbury  avait  été  doté  en 
1886,  par  Willis,  d'une   transmission   électrique,  qui   a    été  maintenue  depuis. 

D'  G.  B. 


SYSTÈME  PNEUMATIQUE  &  ÉLECTRO-PNEUMATIQUE  27 

Un  orgue  à  traction  directe  fut  construit  par  Weiglé,  de 
Stutgard,  en  1870.  Malgré  des  résultats  assez  défectueux,  il 
en  fit  un  autre  semblable  pour  l'Exposition  de  Vienne,  en 
1873  ;  mais  à  cause  de  la  quantité  de  courant  nécessaire  pour 
ouvrir  les  soupapes,  les  contacts  formèrent  des  arcs  d'étin- 
celles  qui   furent  la   cause   d'incendies    partiels    de    cet    orgue. 

En  réalité  c'est  à  Peschard  qu'il  faut  reporter,  dès  1866,  tout 
le  mérite  du  levier  électro-pneumatique  :  Peschard  inventa  le 
système  et   Barker,  son  associé,  le   réalisa  dune  façon  pratique. 

MM.  Brycesson  Frères  sont  les  premiers  qui,  en  Angleterre, 
introduisirent  le  système  électro-pneumatique  en  i868,  ayant 
obtenu  une  concession  du  brevet  Peschard-Barker.  Leur  premier 
orgue  fut  celui  de  Her  Majesty's  Opéra,  Drury  L.  Lane,  à  Londres; 
situé  derrière  la  scène,  mais  avec  les  claviers  dans  l'orchestre, 
il  fonctionna  d'une  façon  parfaite  pendant  un  an,  après  quoi 
il  fut  démonté  et  montré  comme  une  curiosité  à  l'Institut 
Polytechnique  de  Londres,  où  deux  fois  par  jour  on  y  donnait 
des  récitals. 

Schmœle  et  MoUs,  Debierre,  Merklin,  Conti,  Trice  el  bien 
d'autres  furent  les  pionniers  de  l'orgue  électrique  en  Europe, 
tandis  que  Roosevelt  en  fut  le  grand  promoteur  aux  Etats-Unis. 
Beaucoup  de  constructeurs  de  différents  pays  ont  depuis  fait  bre- 
veter une  foule  de  petits  perfectionnements  ou  modifications,  mais 
pas  un  n'a  fait  faire  un  grand  pas  à  la  question.  Aucun  des 
anciens  systèmes  électriques  ne  se  montra  assez  rapide  d'attaque 
ni  suffisamment  à  l'abri  des  dérangements  ;  de  plus  leur  entre- 
tien était  très  coûteux. 

Sir  John  Stainer,  dans  l'édition  de  1889  du  «Dictionary 
of  Musical  terms  »  expédie  la  description  du  système  élec- 
trique dans  un  paragraphe  de  quatre  lignes,  comme  une  chose 
de  peu  d'importance  (i).  En  1889,  l'auteur  demanda  à  Monsieur 
Wt.  Best  de  venir  visiter  à  Birken  Head  l'orgue  de  St-Jean, 
dont  on  commençait  à  parler  ;  mais  Best  sourit  à  la  seule 
idée  que  l'on  put  faire  quelque  chose  de  bon  avec  une  trans- 
mission électrique.  C'était  un  homme  de  grande  expérience 
qui,  donnant  des  récitals  dans  toute  l'Angleterre,  connaissait 
très  bien  toutes  les  tentatives  faites  dans  ce  sens  et  n'avait 
plus   souci  de   voir  un   orgue  électrique  (2). 


(i)  L'auteur   devrait   dire   que  dans    la   3"   édition  de  son   Traité    (1877), 
Hopkins  consacrait  déjà  600  lignes  à  l'orgue  électrique. 

(2)  Voir  la  note  sur  Peschard  et  l'Orgue  de  Salon  {Hors-Texte  page  2S). 


28  SYSTÈME  PNEUMATIQUE  &  ÉI,ECTRO-PNEUMATIQUE 

Cette  forme  de  transmission  avait  donc  une  mauvaise 
réputation,  ne  faisait  pas  de  progrès,  elle  était  même  presque 
abandonnée,  quand  un  électricien  ingénieux,  Robert  Hope-Jones 
s'en  occupa  vers  1886.  Ne  connaissant  rien  des  orgues,  ni 
des  tentatives  antérieures  pour  leur  appliquer  l'électricité,  il 
construisit  de  ses  propres  mains,  et  avec  l'aide  d'ouvriers 
d'occasion  pris  dans  les  membres  du  chœur  qu'il  dirigeait,  la 
première  console  mobile,  avec  touches  d'appel  des  jeux, 
doubles  touches,  basse  appropriée,  etc.  commandant  une  trans- 
mission électrique  qui  fit  sensation  dans  le  monde  des  orga- 
nistes. Dans  ce  système  le  «choc  pneumatique»  (1)  fut  pour 
la  première  fois  obtenu  avec  une  précision  d'attaque  et  de 
répétition  dépassant  tout  ce  que  l'on  pouvait  concevoir  à  cette 
époque  en   matière  d'orgues  ou   de   pianos. 

Hope-Jones  introduisit  le  contact  par  des  fils  ronds  qui 
constituent  des  points  de  frottement  parfait,  et  fit  ces  contacts 
de  métaux  différents  non  oxydables,  (or  contre  platine),  il 
remplaça  les  règles  empiriques  par  des  calculs  scientifiques 
préconisant  la  valeur  des  faibles  voltages,  des  bons  isolements  ; 
il  corrigea  les  inconvénients  de  la  self  induction,  avec  ce  résultat 
que  l'électro-pneumatique  bien  fait  devint  aussi  sûr  que  le 
mécanisme  de  tirage  par  vergette  avec  ou  sans  levier  pneu- 
matique. 


DESCRIPTION 

DU  SYSTÈME  ÉLECTRIQUE 

Le  système  électrique  est  réalisé  par  des  petits  soufflets, 
comme  ceux  de  la  machine  de  Barker  mais,  au  lieu  que  la 
petite  soupape  y  introduisant  le  vent,  soit  actionnée  par  un 
tirage  venant  du  clavier,  cette  soupape  est  ouverte  par  un 
électro-aimant,  excité  par  un  courant  établi  quand  la  touche 
s'abaisse,  courant  transmis  au  moyen  d'un  fil  auquel  on  peut 
donner   la    longueur   désirée. 


(  I  )  Le  «  choc  pneumatique  »  produit  par  l'entrée  subite  du  vent  dans  les  gra- 
vures du  sommier  est  identiquement  le  même,  que  le  levier  pneumatique  Ouvrant 
la  soupape  soit  chargé  ou  déchargé  par  une  transmission  mécanique,  tabulaire 
ou  électrique.  Peu  d'organistes  peuvent,  ou  ont  besoin,  d'abaisser  cinq  fois  une 
touche  par  seconde  ;  rapidité  de  répétition  déjà  obtenue  par  une  bonne  méca- 
nique ou  un  bon  tubulaire.  —  D'  G.  B. 


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D'  Albert  PESCHARD 

INVENTOR    OF    ÉLECTBO-PNEUMATIC    ACTION". 

Albert  Peschard,  né  à  Caen  en  i836,  était  Docteur  en  Droit,  très  versé 
dans  les  sciences  naturelles  et  fut  organiste  de  Saint-Etienne,  de  Caen,  de  1857 
à  1875.  C'est  vers  1860  qu'il  commença  ses  recherches  persévérantes  sur  l'appli- 
cation de  l'électricité  aux  grandes  orgues,  et  se  lia  avec  Barker  par  une  colla- 
boration toute  scientifique  et  complètement  désintéressée. 

L'appareil  électrique  qu'il  breveta  en  1862  et  i863,  avec  levier  pneumatique 
intérieur  et  soupape  à  double  eflFet,  constitue  le  principe  de  toutes  les  variétés 
actuellement  en  usage  ;  l'action  d'un  électro  sur  une  soupape  à  perforations 
miltioles  est  déjà  décrite  dans  ces  brevets.  Les  orgues  de  Saint-Laurent, de  Salon 
{1866),  et  de  Saint-Augustin,  de  Paris  (1868).  furent  suivies  des  grandes  orgues 
de  Saint-Pierre,  de  Montrouge  i86g,  cù  Peschard  et  Barker  appliquèrent  des 
moteurs  pneumatiques  en  série,  dont  le  p'us  petit  était  commandé  par  un 
électro-aimant  de  très  faible  puissance  ;  disposition  typique  recopiée  à  l'envi, 
sous  des  noms  dilîérents,  par  nombre  de  facteurs. 

Quand  Barker  quitta  la  France,  l'entretien  des  orgues  de  Saint-.\ugustin 
fut  confié  à  M.  Paul  Férat,  avec  lequel  M.  Peschard  réalisa  l'es  derniers  modèles 
présentés  ^i  l'Exposition  de  1900  ;  perfectionnements  qui  obtinrent  une  médaille 
d'or.  M.  Peschard  mourut  en  1903. 

Si  Sir  John  Stainer  et  M.  Best  étaient  allés  à  l'Église  St-Laurent  de 
Salon,  en  188g,  ils  auraient  trouvé  l'orgue  construit  en  1866  par  Peschard  et 
Barker  (donc  le  doyen  des  orgues  électriques)  fonctionnant  sans  interruption 
depuis  23  ans;  j'ai  moi-même  revu  cet  orgue  en  1912,  il  fonctionne  très  bien 
avec  les  électro-aimants,  placés  par  Barker,  46  ans  auparavant,  et  avec  les 
contacts  à  mercure  datant  de  la  construction  de  l'orgue  qui  n'a  jamais  été 
restauré,    mais  simplement  nettoyé. 

C'est  un  orgue  de  28  jeux  à  2  claviers,  qui  sonne  bien  dans  cette  grande 
église  à  une  seule  nef  ;  il  attaque  vivement  avec  des  électro-aimants,  prenant 
5  i  6  dixièmes  d'ampère  avec  8  volts,  pour  soulever  directement  la  soupaoe  de 
décharge  d'un  levier  pneumatique  renfermé  dans  la  lave.  Peschard  et  Barker 
construisirent  aussi  les  orgues  ae  Saini-Augustin  et  de  Montrouge  à  Paris,  ce 
dernier  fut  incendié  pendant  le  siège  de  1870,  par  une  bombe. 

Ce  que  de  modestes  organistes  de  province,  IVIM.  Payen  et  Franc,  ont  S'i 
faire  à  Salon  pour  conserver  cet  orgue  historique,  aurait  pu  être  sûrement 
réalisé  à  Saint-Augustin,  à  Paris,  où  le  même  système  de  transmission  électrique 
qu'à  Salon  a  été  enlevé  et  remplacé  par  l'ancien  levier  pneumatique  ;  C'  Hinton 
dans  son  «  Story  of  Electric  Organ  »  s'étonne  de  ce  fait,  qu'il  appelle  un  «déplo- 
rable art  of  vandalism  », 


SYSTÈME  PNEUMATIQUE  &  ÉLECTRO-PNEUMATIQUE 


29 


Nous  donnons  les  détails  d'une  des  dispositions  inventées 
et  employées  par  Hope-Jones.  Dans  l'orgue,  les  fils  arrivant  du 
clavier  sont  reliés  à  de  petits  électro-aimants  bobinés  de  façon 
à  supprimer  l'étincelle  de  rupture  ;  cet  électro  attire  une  mince 
rondelle  de  fer  (d'environ  6  millimètres  de  diamètre)  soulevée 
par  la  pression  du  vent  et  l'abaisse  d'une  distance  inférieure  à 
un  centième  de  pouce  soit  ^  1/2  de  millimètre.  Le  fonction- 
nement est  le  suivant  ;  la  boîte  A  est  reliée  à  la  soufflerie 
donc  remplie  d'air  sous  pression  ;  cet  air  passe  entre  les  pôles 
de  l'électro  M,  soulève  et  plaque  le  petit  disque  de  fer  J 
contre  l'ouverture  H,  et  d'autre   part    s'introduit,  par  le  conduit 


FiG.  6 


L,  dans  le  petit  soufflet  M,  qui  ainsi  gonfle,  ferme  la  sou- 
pape C  I,  et  ouvre  la  soupape  C  2.  Dans  ces  conditions,  le 
grand  soufflet  B  s'aplatit  et  le  tirage  P,  qui  agit  sur  la  sou- 
pape du  sommier,   remonte. 

Maintenant,  si  un  très  faible  courant  est  envoyé  dans 
l'électro  N,  la  petite  rondelle  armature  J  s'éloigne  de  H  par 
l'attraction  de  N  et  retombe  sur  la  lame  de  zinc  K.  Aussitôt 
l'air  comprimé,  gonflant  le  petit  moteur  M,  s'échappe  par  le 
passage  E  M  et  à  travers  les  trous  H  découverts  par  l'abais- 
sement de  J.  L'air  comprimé  de  la  boîte  A  aplatit  alors  le  petit 
moteur  M  qui,  se  relevant,  ouvre  par  E  la  soupape  de  charge 
C    1,  en  fermant  la  soupape  de  décharge  C  2  ;    aussitôt  le  vent 


30 


SYSTÈME  PNEUMATIQUE  &  ÉLECTRO-PNEUMATIQUE 


de  A  rentre  dans  le  moteur  B,  qui  en  se  gonflant,  tire  le  fil  P, 
et  par  suite  ouvre  la  soupape  du  sommier  alimentant  les  tuyaux. 
Les  ouvertures  dans  la  pièce  H,  que  vient  boucher  l'arma- 
ture J,  sont  formées  de  petites  fentes  longues  et  étroites  ;  par 
suite    le    moindre    abaissement    de  J,  suffit    pour    ouvrir    com- 


H 


-7- 


/■ 


K 


KiG.  7 


plètement  2  longues  fentes  formant  décharge.  Ce  mouvement 
est  de  ^  de  millimètre  ;  par  suite  J  est  toujours  très  rapproché 
des  pôles  de  l'électro,  et  le  moindre  courant  suffira,  avec 
l'aide  de  la  pesanteur,  pour  décoller  J  des  ouvertures  H.  La 
plaque  de  zinc    K,    étant   en   contact   intime    avec    les   noyaux 


SYSTÈME  PNEUMATIQUE  &  ÉLECTRO-PNEUMATIQUE  31 

de  fer  de  lelectro,  les  empêche  de  se  rouiller.  Toutes  les 
parties  sont  métalliques  de  façon  que  les  variations  de  la 
température    ne  peuvent  modifier   leurs   positions    relatives. 

R  est  le  point  de  charnière  du  grand  moteur  B,  G  est 
un  ressort  maintenant  la  pièce  H  en  position.  O  sont  les 
câbles  d'apport  du  courant  ;  CL  la  planche  dévissable  pour 
visiter  le  compartiment  A.  La  figure  7  représente  à  plus  grande 
échelle  la  plaque  K  dans  laquelle  les  pôles  de  l'électro  sont 
solidement  fixés  ;  un  morceau  de  fine  mousseline  M  (indiquée 
par  un  trait  un  peu  plus  épais)  empêche  les  grains  de  pous- 
sière de  s'interposer  entre  l'armature  de  fer  doux  J  et  l'ouverture 
H  Au-dessus  de  H,  il  y  à  aussi  une  autre  pièce  de  mous- 
seline pour  empêcher  l'arrivée  de  la  poussière  extérieure  sur 
J  :  tout  l'appareil  étant  métallique  reste  insensible  aux  variations 
de  température  et  d'humidité. 

L'emploi  de  l'électricité  rend  possible  l'éloignement  des 
claviers  placés  ainsi  sur  une  console  mobile,  rattachée  à  l'ins- 
trument par  un  câble  qui  peut  avoir  aussi  bien  50  pieds  qu'un 
kilomètre  de  long  ;  cette  disposition  peut  être  vue  au  collège 
de  la  Ville  de  New-York,  où  la  console  de  l'orgue  (construit 
par  M.  Skinner)  peut  être  transportée  sur  la  plate-forme  quand 
un  organiste  donne  un  récital  et  retirée  quand  la  plate-forme 
doit  être  occupée  par  d'autres  exécutants.  Comme  tout  le  vieux 
mécanisme  :  bascules  abrégé,  rouleaux,  vergettes,  est  mainte- 
nant enlevé,  on  peut,  en  mettant  la  soufflerie  à  la  cave, 
utiliser  l'intérieur  du  soubassement  du  buffet  comme  un  ves- 
tiaire pour  les  choristes  :  chose  que  fit  Hope-Jones  dans  son 
premier  orgue  à  Saint-Johns  Birkenhead. 


ORGUE  DIVISÉ 

Avant  l'invention  des  systèmes  tubulaire  et  électro-pneu- 
matique, les  orgues  étaient  invariablement  construites  d'un  seul 
bloc,  on  pouvait  trouver  quelques  instruments  à  traction  méca- 
nique divisés  en  deux  de  chaque  coté  du  sanctuaire,  mais  ces 
exemples  n'étaient  pas  communs  et  il  était  difficile,  même  pour 
un  organiste  bien  musclé,  de  jouer  de  pareils  instruments  ; 
la  perfection  du  tubulaire  pneumatique  a  donné  des  facilités 
merveilleuses  et  a  permis  de  mettre  des  instruments  dans  des 
positions   autrefois   jugées   impossibles    pour  un   orgue.  Presque 


32  SYSTÈME  PNEUMATIQUE  &  ÉLECTRO-PNEUMATIQUE 

tous  les  grands  facteurs  ont  travaillé  dans  ce  sens  là,  mais 
la  O"  Eolian  a  eu,  la  première,  la  notion  de  cet  avantage 
pour    le  placement  des   orgues  dans   des   maisons  privées. 

Des  réflecteurs  de  sons  ont  été  récemment  introduits,  et 
dans  l'avenir,  ils  sont  appelés  à  jouer  un  rôle  important  en 
facture;  jusqu'ici  ils  n'ont  été  employés  que  par  Hope  Jones 
et  les  firmes  dont  il  a  été  l'associé.  On  a  démontré  que  les 
ondes  sonores  peuvent  être  rassemblées,  concentrées  puis  dis- 
persées tout  comme  les  ondes  lumimeuses  ;  ainsi  l'orgue 
de  Hope-Jones  à  Océan  Grove,  a  la  plus  grande  partie  de 
ses  tuyaux  placés  dans  un  sous-sol  construit  hors  de  la  salle 
du  concert  ;  les  ondes  sonores  sont  lancées  vers  le  haut  et 
dispersées  dans  l'auditorium  à  l'aide  de  réflecteurs  paraboliques 
constitués  par  du  ciment  recouvert  de  bois.  L'effet  est  excel- 
lent ;  à  la  Cathédrale  de  la  Trinité  (Cleveland,  Ohio)  Hope- 
Jones  a  disposé  le  tuba  dans  le  sous-sol  à  un  bout  de 
la  nef  ;  le  son  est  dirigé  contre  un  réflecteur  en  ciment  qui 
le  projette  à  travers  un  grillage  métallique  scellé  dans  le  dal- 
lage, pour  aller  frapper  le  plafond  de  la  nef,  d'où  il  se  dis- 
perse dans  toute  la  cathédrale.  A  l'église  de  Saint-Luc  de 
Montclair,  on  a  suivi  la  même  disposition  pour  le  trente-deux 
pieds  ouvert  de  pédale,  couché  à  plat  dans  le  sous-sol.  Nous 
croyons  que  cette  disposition  a  été  employée,  pour  la  pre- 
mière fois  en  1892,  par  Hope-Jones,  quand  il  reconstruisit 
l'orgue  de  la  résidence  de  Monsieur  Martin  White,  Baruddery, 
près  Dundee. 

ACCOUPLEMENTS  D'OCTAVES 

Dans  le  vieux  système  mécanique,  tout  accouplement  était 
une  source  d'ennuis  et  de  dureté  pour  les  claviers,  avec  le 
résultat  que  l'on  ne  dépassait  guère  l'accouplement  à  l'unis- 
son. Dans  quelques  orgues  il  n'y  avait  même  pas  d'accou- 
plements ;  dans  le  fameux  orgue  de  Schulze  à  Doncaster,  il 
était  impossible  d'accoupler  les  manuels  à  la  pédale  ;  et,  si 
nos  souvenirs  sont  exacts,  il  y  avait  seulement  deux  accouple- 
ments en  tout.  Après  l'introduction  du  levier  pneumatique 
on  vit  apparaître  l'accouplement  d'octaves.  Dans  l'orgue  typique 
d'Hope-Jones  à  Birkenhead  un  grand  pas  fut  soudainement 
fait,  il  ne  contient  pas  moins  de  dix-neuf  accouplements  ;  non 
seulement   les    accouplements    d'Octaves   aiguës    et    graves    s'y 


ORGUE  DE  SAINT-LAURENT,  à  SALON  (Bouches-du-Rhône) 

QUI    FUT    LE    PREMIER   CONSTRUIT    AVEC    UNE   TRANSMISSION    ÉLECTRIQUE    DÈS    1866 


MM.  FRANC  PERE  &  FILS,  ORGANISTES  DE  SAINT-LAURENT 

QUI    ONT    SU    ARTISTIQUEMENT 
ENTRETENIR   EN    BON   ÉTAT   CET   ORGUE    HISTORIQUE. 


SYSTÈME  PNEUMATIQUE  &  ÉLECTRO-PNEUMATIQUE  33 

trouvent  nombreux,  mais  il  y  a  même  un  accouplement  du 
Récit  sur   la  Pédale    à   la   quinte. 

Maintenant  tous  les  facteurs  mettent  des  accouplements 
d'octaves,  beaucoup  de  théoriciens  les  condamnent,  mais  sans 
aucun  doute,  pratiquement,  ils  ajoutent  d'une  façon  indiscu- 
table aux  ressources  d'un  instrument.  Nous  connaissons  même 
de  petites  orgues  dans  lesquelles  on  a  mis  l'électricité,  sim- 
plement pour  avoir  des  accouplements  d'octaves  sans  accroître 
la    résistance    des   claviers  (i). 

Hope-Jones  paraît  avoir  été  le  promoteur  de  l'addition  des 
tuyaux  supplémentaires  sur  le  sommier,  pour  donner  à  l'orga- 
niste, avec  l'accouplement  à  l'octave,  une  extension  réelle  des 
claviers  dans  l'aigu  (2).  C'est  une  chose  pratiquement  réalisée  en 
Angleterre  ;  la  Compagnie  Austin  fait  de  même  et  l'usage  s'en 
est  généralisé,  c'est  le  système  décrit  dans  les  catalogues  sous 
le  nom  de  Sommier  à  Extension,  expliquant  pourquoi  les  jeux  ont 
soixante-treize  tuyaux  pour  un  clavier  de  soixante  et  une 
notes  ;  un  accouplement  d'octaves,  sans  ce  prolongement,  est 
incomplet  et  n'est  pas  plus  honnête  qu'un  jeu  dont  la  basse 
ne   dépasserait  pas    l'ut  à    quatre  pieds  (Ténor  C). 


(i)  Le  système  tubulaire  aurait  donné  le  même  résultat  ;  l'on  peut  y  mul- 
tiplier les  accouplements  sans  modifier  cette  légèreté  de  toucher,  contre  laquelle 
quelques  organistes,  habitués  aux  claviers  commandant  des  vergettes,  s'obsti- 
nent, en  osant  dire  que  tout  doigté  lié  est  impossible  sur  un  tubulaire  !  Des 
organistes  réputés  de  Paris  osent  même  l'écrire  en  igiS  I 

''(2)  Le  mot  «paraît»  est  exact  car  Barker  (comme  beaucoup  d'autres)  a 
employé  souvent  une  octave  aiguë  avec  des  tuyaux  réels;  notamment  à  St-Nicolas 
de   Toulouse,   où  elle  fonctionne   depuis  60  ans  au  moins.  —  D'  G.  B. 


LUTH    ET    OBGUE   PORTATIF 


CHAPITRE    Y 


REGISTRES    PAR    TOUCHES    (Stop   Kcys) 


En  regardant  la  console  d'un  orgue  moderne,  on  est 
frappé  de  la  disparition  des  boutons  de  tirage  de  jeux,  s'ils  y 
sont  encore  on  trouvera  en  plus  une  rangée  de  petites 
tablettes  basculantes,  en  ivoire,  avec  inscription,  rappelant  des 
dominos  rangés  au-dessus  du  clavier  supérieur,  duand  tous 
les  anciens  boutons  de  jeux  sont  absents,  nous  trouvons  une 
rangée,  quelquefois  deux,  de  ces  petites  tablettes  ;  on  les 
appelle  touches  de  jeux  (stop  keys),  elles  balancent  sur  leur 
centre  et  commandent  les  registres  des  jeux  sur  le  sommier, 
appellent  ou  suppriment  les  différents  accouplements  entre  les 
claviers.  Nous  avons  appris,  par  le  D''  Bédart,  que,  déjà  en 
1804,  à  la  Métropole  d'Avignon,  Piantanida  avait  un  arrange- 
ment rappelant  les  «stop  keys»  ,  en  1877,  William  Klarke 
faisait  breveter  une  forme  spéciale  de  «stop  keys»,  néanmoins 
on  regarde  Hope-jones  comme  ayant  introduit  le  premier  des 
touches  de  jeux  vraiment  pratiques  employées  si  fréquemment 
aujourd'hui  et  adoptées  en  Angleterre,  puis  en  Amérique  et 
dans  le  monde  entier.  Notre  gravure  (fig.  8),  donne  une 
bonne  idée  de  l'aspect  d'une  console  moderne  de  Hope-jones, 
les  «stop  keys»  sont  arrangées  en  un  demi-cercle,  dont  le 
plan  est  incliné  en  encorbellement,  au-dessus  des  claviers  ;  la 
fig.  9,  montre  une  console  de  Hennet,  les  fig.  10  et  11,  des 
systèmes  mixtes  :  car  la  tablette  basculante  s'y  trouve  employée 
seulement  pour  les  accouplements.  Actuellement,  on  discute 
beaucoup  pour  savoir  si  les  stops  keys  remplaceront  définiti- 
vement   les    anciens    boutons   de   tirage  ;    quelques    organistes 


REGISTRES  PAR  TOUCHES  (Stop  Reys) 


â& 


éminents,  tels  Edwin  H.  Lemare,  y  sont  très  opposés,  mais 
dans  la  jeune  génération  d'organistes,  la  majorité  fait  un 
chaud  accueil  à  la  nouvelle  méthode.  11  est  significatif  qu'après 
que  Hope-Jones  se  fut  montré,  pendant  des  années,  le  seul  avocat 
des  «Stop  keys»,  maintenant  quatre  ou  cinq  facteurs  américains 
et  une  douzaine  de  facteurs  étrangers  les  emploient  exclusive- 
ment. Austin  Skinner,  Norman  et  Beard,  Ingram  et  d'autres, 
emploient  le  modèle  Hope-Jones,  tandis  que  Askaall  Bennett, 
Hèle,    Walker,    Puget,    Voit  and  Sohn,    etc.,    etc.,  ont  chacun 


FiG.  8 


leur  modèle,  il  est  regrettable  que  les  facteurs  ne  se  soient 
pas  mis  d'accord  sur  un  modèle  unique  ;  après  les  avoir 
essayées  et  pratiquées,  les  organistes  trouvent  que  cette  rangée 
de  touches  de  jeux,  placées  au-dessus  des  claviers  manuels, 
est  très  aisée  à  manœuvrer,  car  on  peut  en  glissant  le  doigt 
le  long  de  la  rangée  amener  ou  supprimer  tous  les  jeux  de 
l'orgue. 


36 


REGISTRES  PAR  TOUCHES  (Stop  Reys) 


COMBINAISON  DE  JEUX 

Autrefois,  il  fallait  tirer  tous  les  jeux  avec  la  main,  et 
par  suite,  durant  l'exécution,  l'organiste  ne  pouvait  faire  que 
peu  de  changements  dans  la  registration  ;  dès  1809,  des 
pédales,  pour  amener  ou ,  supprimer  diverses  combinaisons  de 
jeux  avaient  été  introduites  par  J.-C.  Bishop  ;   Willis   introduisit 


rapfA 


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FiG.    9 


vers  1851,  les  boutons  à  pression  placés  au-dessous  du  clavier 
dont  il  commandait  certains  groupes  de  jeux.  C.  Lewis  intro- 
duisit plus  tard  de  petites  touches  disposées  au-dessus  du 
fronton  de  chaque  manuel,  leur  abaissement  appelait  diffé- 
rentes combinaisons  de  jeux,  et  Hope-Jones,  de  même  que 
la  Austin  Organ  C»  ont  quelquefois  adopté  cette  disposition  ; 
enfin,  des  boutons  de  métal  placés  sur  le  dessus  du  pédalier 
se  rencontrent  dans  les  orgues  de  l'ingénieux  facteur  canadien 
Casavant.  Beaucoup  les  emploient  maintenant,  et  leur  usage  se 
généralise,  ces   pistons  à   la  pédale   sont   une   heureuse  addition 


REGISTRES  PAR  TOUCHES  (Stop  Keys) 


37 


pour  appeler  les  jeux  ou  les  enlever.  Primitivement  tous  ces 
systèmes  actionnaient  des  combinaisons  de  jeux  fixés  une  fois 
pour  toutes,  par  le  facteur,  mais  maintenant  on  emploie  des 
combinaisons  dites  «  ad  libitum  »  ;  l'organiste  choisissant  chaque 
fois  les  jeux  qu'il  veut  appeler  par  la  pédale,  le  piston  ou 
la  bascule  tablette  de  combinaison.  Hilborne  Roosevelt,  de 
New- York,  paraît  devoir  en   être   considéré   comme  l'inventeur  ; 


FiG.   10 

mais  le  Docteur  Bédart  a  trouvé  dans  les  orgues  (i)  de  Pianta- 
nida,  un  rudiment  de  pédales  combinant  l'appel  des  jeux 
«  ad  libitum  ».  L'introduction  de  ces  moyens  de  changer 
rapidement  les  jeux,  a  révolutionné  tout  un  côté  de  l'art  de 
jouer  de   l'orgue,  en  rendant  possible  l'exécution  des  transcrip- 


(i)  Dans  l'orgue  de  Piantanida,  à  la  Métropole  d'Avignon,  les  jeux  se  tirent 
en  poussant  de  droite  à  gauche  des  poignées  horizontales.  Un  mécanisme  très 
simple  permet  de  pousser  plusieurs  de  ces  poignées  à  la  fois  ;  au  moyen  d'une 
pièce  mobile,  on  leur  donne  une  saillie  plus  grande  contre  laquelle  vient  buter, 
en  les  entraînant,  une  barre  commandée  par  la  pédale  de  combinaison  ;  et  les 
seuls  jeux  ainsi  préparés  sont  appelés.  Cet  orgue,  construit  en  i8o3,  possède 
donc  un  appel  de  jeux  choisis  ad  libitum,  m&is  l'orgue  de  chœur  construit  en  1904 
par  un  facteur  parisien  dans  cette  même  église,  n'en  contient  pas  !  —  D'  G.  B. 


38  REGISTRES  PAR  TOUCHES  (Stop  Keys) 

lions  orchestrales,  maintenant  si  répandues  dans  les  récitals 
d'orgue  en  Angleterre  et  en  Amérique.  Par  raison  d'économie, 
beaucoup  de  facteurs  américains  et  allemands  ont  adopté  le  regret- 
table usage  d'avoir  des  pédales,  pistons  ou  bascules  de  com- 
binaison, agissant  sans  remuer  les  boutons  de  tirages  de 
jeux,  ce  qui  force  l'organiste  à  se  rappeler  les  jeux  qu'il  a  tem- 
porairement disposés  sur  la  combinaison,  ou  nécessite  l'emploi 
d'un  indicateur  lui  montrant  les  jeux  groupés  sur  le  piston  ou  la 
pédale   de   combinaison. 

Dans  le  grand  orgue  de  la  Chapelle  Commémorative  de 
Guillaume  p""  à  Berlin,  le  facteur  emploie  dans  ce  but  une 
série  de  petits  disques  qui  s'illuminent  électriquement  (i)  ; 
sans  ces  indicateurs,  l'exécutant  doit  garder  un  souvenir  exact 
des  jeux  qu'il  a  groupés  sur  chaque  piston  ou  pédale  de 
combinaison  et  les  identifier  instantanément  avec  les  chiffres 
montrés  par  l'indicateur,  ce  qui  complique  beaucoup  les  chan- 
gements de  combinaison  «ad  libitum»  ;  beaucoup  des  meilleurs 
organistes  rejettent  les  combinaisons  qui  ne  font  pas  remuer 
en    même  temps  les   tirages  de  jeux. 


(i)  La  même  disposition  existe  à  la  cathédrale  de  Genève,  où  Tchanun  a  mis 
pour  chaque  rangée  de  combinaison  des  index  lumineux  de  couleurs   diiréren- . 
tes,  l'organiste  voit  donc  immédiatement  les  jeux  préparés  pour  chaque  combi- 
naison, dont  l'appel  est  indiqué  par  l'illumination  d'un  index  de  même  couleur, 
procédé  très  employé  en  Allemagne.  ^  D'  G.  B. 


UN     FACTEUR     DU     BON    VIEUX    TEMPS 
ACCORDANT   UN    PETIT    ORGUE 
DIT    POSITIF     


CHAPITRE    YI 


PEDALIER  RAYONNANT  &  CONCAVE 

Les  pédaliers  avaient  toujours  été  faits  plats,  avec  des 
touches  parallèles,  jusqu'au  moment  où  Willis  et  le  grand 
Organiste  Dr.  S.  S.  Wesley,  imaginèrent  le  pédalier  rayonnant 
et  concave,  au  moyen  duquel  toutes  les  touches  se  trouvaient 
placées  à  égale  distance  du  pied  de  l'exécutant.  Ce  modèle 
fit  sa  première  apparition  en  1855  dans  l'orgue  de  St-Georg's 
Hall  à  Liverpool  ;  et  depuis  Willis  refusa  de  placer  tout  autre 
modèle  de  pédalier  dans  les  orgues  qu'il  construisit.  Chose 
curieuse  :  les  avantages  de  ce  pédalier  ne  furent  pas  appréciés 
par  beaucoup  d'exécutants  qui  préférèrent  l'ancien  modèle  ;  ce 
fut  seulement  en  1890  que  la  Conférence  du  Collège  Royal 
des  Organistes  de  Londres  se  décida  à  recommander  un  péda- 
lier concave,  mais  avec  les  touches  parallèles  ;  la  lettre  suivante 
adressée  à  l'auteur  montre  que  la  R.  C.  O-  a  changé  d'opinion. 

COLLEGE    ROYAL    OF    ORGANISTS 

Londres,    37   Mai    1909. 

Cher  Monsieur, 

«  En  réponse  à  votre  demande,  les  résolutions  et  recomman- 
))  dations  dont  vous  me  parlez  ont  été  abrogées  par  le  CONSEIL 
»  il  y  a  déjà  quelques  années  ;  actuellement  nous  ne  recommandons 
»  officiellement  aucun  système  ;  dans  notre  Annuaire,  le  Conseil  du 
»  Collège  des  Organistes  désire  qu'il  soit  entendu  que  les  arrangements 
»  et  mesures  de  l'orgue  du  Collège  ne  doivent  pas  être  regardés 
»  comme   des   suggestions  ayant    un   caractère  impératif.  » 

Votre   très  dévoué, 

Le   Secrétaire  : 

Thomas  Sclinder. 


40  PÉDALIER  RAYONNANT  &  CONCAVE 

Le  pédalier  rayonnant  et  concave  a  été  adopté  par  la 
corporation  des  Organistes  Américains  et  considéré  comme  le 
modèle  type  pour  les  meilleures  orgues  Américaines  et  Cana- 
diennes. Il  va  de  soi  que  ce  pédalier  est  plus  coûteux,  c'est 
pourquoi  on  ne  le  trouve  pas  dans  les  orgues  bon  marché. 
11  y  a  vingt  ans,  le  pédalier  Américain  avait  deux  octaves 
et  deux  notes,  quelquefois  seulement  deux  octaves,  puis  on 
arriva  aux  trente  notes,  étendue  ordinaire  des  pédaliers 
Anglais.  A  la  suite  de  Hope-Jones,  les  bons  facteurs  mettent 
trente-deux  notes,  étendue  utile  pour  certaines  pièces  de  Bach 
et  de  l'Ecole  Française,  où  une  mélodie  est  jouée  par  le 
pied  droit  et  sa  basse  par  le  pied  gauche.  La  raison  c'est 
que  le  sol  aigu  du  pédalier  correspond  ainsi  au  sol  de  la 
contre-basse  à  corde  ;  Henri  Willis,  dans  sa  reconstruction  de 
1898,  a  également  mis  trente-deux  notes  à  la  pédale  de  l'orgue 
de  Saint-Georges    Hall  de   Liverpool. 

REGISTRATION  DE   LA  PÉDALE 

Pendant  longtemps,  il  n'y  eut  aucun  moyen  de  contrôler 
les  jeux  de  la  pédale  et  les  accouplements,  puis  graduellement 
on  voulut  que  les  pistons  et  pédales  de  combinaisons  du  clavier 
de  Grand  Orgue  d'abord,  et  des  autres  claviers  ensuite,  eussent 
une  action  sur  les  jeux  de  pédales  et  les  accouplements,  de 
façon  à  fournir  une  basse  convenable  pour  chaque  combi- 
naison spéciale  appelée  sur  les  claviers  manuels.  D'abord  ce  fut 
un  .système  assez  primitif,  plutôt  une  gêne  qu'une  aide  pour 
l'exécutant  ;  et  malheureusement,  pas  mal  de  facteurs  routi- 
niers conservent  ce  vieux  système,  qui  oblige  souvent  l'organiste 
à  se  priver  de  la  pédale  de  combinaison  (alors  qu'il  désirerait 
en  user),  par  crainte  de  jeter  le  désarroi  dans  les  jeux  et  accou- 
plements du  pédalier. 

Le  fameux  organiste  anglais  W.  T.  Best,  en  parlant  de  ces 
systèmes,  rappelait  une  pièce  d'orgue  bien  connue  :  Le  Concerto 
de  flûte  de  Rinck,  demandant  de  fréquents  changements  au  Récit, 
et  au  Grand  Orgue  et  vice  versa  ;  et  il  ajoutait  :  je  ne  connais 
pas  d'instrument  sur  lequel  on  puisse  le  faire  aisément  en 
Europe.  Pour  surmonter  cette  difficulté,  on  fit  usage  de  deux 
claviers  de  pédales,  l'un  au-dessus  de  l'autre, disposition  qui  n'eut 
pas  de  succès.  Le  brevet  de  Hope-Jones  (1889),  qui  applique 
aux  pédales  et  aux  boutons  de  combinaison  la  double  touche,  fut 


PEDALIER  RAYONNANT  &  CONCAVE  41 

un  progrès  en  permettant,  par  une  pression  légère,  d'appeler 
seulement  les  jeux  des  manuels,  puis,  par  une  pression  beau- 
coup plus  forte  sur  la  pédale  ou  piston  de  combinaison, 
d'introduire  les  jeux  de  pédales  et  les  accouplements.  Beaucoup 
de  grands  orgues  modernes  possèdent  une  pédale  spéciale  pour 
changer  la  tirasse  de  Grand  Orgue.  A  défaut  d'autres  moyens, 
cette    pédale   est    utile,   mais   c'est   un   pis  aller. 

Thomas  Casson,  de  Denbigh,  pays  de  Galles,  inventa  en  1884, 
le  Duplication,  système  un  peu  encombrant  mais  artistique,  il  mit 
en  double  tous  les  boutons  de  jeux  commandant  les  accouplements 
et  les  jeux  de  Pédales  ;  il  mit  une  série  avec  les  jeux  de 
Grand  Orgue,  une  autre  avec  les  jeux  du  Récit,  une  troisième 
avec  ceux  du  Positif  ;  puis  au-dessous  de  chaque  manuel 
il  plaça  son  bouton  spécial  Aide  de  pédale  «  Pedal  Help  »  ;  en 
jouant  sur  le  Grand  Orgue  et  touchant  le  «  Pedal  Help  »,  il 
appelait  le  groupe  des  jeux  de  Pédale  placés  dans  la  section 
des  jeux  du  Grand  Orgue  ;  en  touchant  le  «  Pedal  Help  »  du 
Récit,  le  groupe  des  jeux  de  Pédales  convenables  pour  le 
Grand  Orgue  disparaissait,  étant  remplacé  par  un  groupe  de 
jeux  de   Pédale   convenables   pour   les  jeux  tirés  au   Récit. 

De  cette  façon,  on  pouvait  préparer  à  l'avance  les  jeux  de 
Pédales  convenant  pour  les  jeux  tirés  à  chaque  clavier  manuel, 
et,  en  louchant  le  Pedal  Help,  on  appelait  instantanément  les 
jeux  de  Pédale  convenables.  Les  pédales  de  combinaisons  action- 
nant les  boutons  de  jeux  des  manuels  faisaient  également 
mouvoir    les  boutons  des   jeux   de    Pédale   correspondants. 

Mais  le  plus  simple  et  le  meilleur  moyen  de  venir  en 
aide  à  l'organiste  pour  le  contrôle  des  jeux  tirés  à  la  Pédale, 
est  celui  breveté  par  Hope-Jones  en  1891  sous  le  nom  de 
«  Basse  convenable  automatique  ».  Dans  ce  système,  au-dessus 
de  chaque  rangée  des  dièses,  il  y  a  une  tablette  basculante  ; 
en  la  pressant  modérément,  elle  met  en  mouvement  les  jeux 
de  Pédale  et  les  accouplements,  formant  une  basse  conve- 
nable pour  les  jeux  tirés  à  ce  manuel  ;  en  la  pressant  plus 
fort  elle  reste  bloquée,  pour  ne  se  décrocher  que  lorsque  l'organiste 
touche  la  bascule  de  Basse  automatique  d'un  autre  clavier,  ou 
même  un  autre  jeu  de  Pédale.  Quand  la  Basse  automatique 
d'un  manuel  est  ainsi  bloquée,  les  jeux  et  accouplements  de 
la  Pédale  sont  mus  automatiquement,  de  façon  à  donner  tou- 
jours un  groupe  de  jeux  de  Pédale  d'une  force  convenable  pour 
les  jeux    et  les  accouplements  tirés   sur  chaque  clavier  manuel. 


42  PÉDALIER  RAYONNANT  &  CONCAVE 

En  touchant  la  Basse  Automatique  d'un  manuel,  la  tablette 
poussée  à  bloc  pour  un  autre  clavier  est  décrochée,  et  les  jeux 
et  accouplements  de  pédale  seront  de  nouveau  groupés  pour 
former  une  basse  convenable  de  ce  dernier  manuel,  jusqu'à  ce 
que  la  tablette  de  pression  automatique  pour  ce  clavier  soit 
elle-même  relevée.  La  Basse  Automatique  n'apporte  aucun 
obstacle  à  l'usage  normal  des  touches  de  jeux,  ni  des  pédales  ; 
car,  dès  que  l'on  abaisse  une  touche  de  jeu,  la  Basse  Automatique 
est  immédiatement  dégagée  ;  les  pédales  et  pistons  de  combi- 
naisons ont  aussi  la  double  touche  :  une  pression  légère 
donne  les  jeux  des  manuels,  une  pression  forte  donne  la  pédale 
appropriée. 

Dans  les  grandes  orgues,  deux  ou  trois  pistons  actionnés 
par  la  pression  du  pied,  donnent  aussi  un  contrôle  indépendant 
des  jeux  de  Pédale,  ainsi  si  le  pied  enfonce  un  de  ces  pistons, 
immédiatement  toutes  les  pédales  automatiques  bloquées  sont 
dégagées,  et  de  même  tous  les  jeux  de  Pédale  et  accou- 
plements que  l'organiste  avait  déjà  préparés  pour  ce  bouton 
de  pédale  sont  introduits.  Le  plan  de  Hope-jones  semble 
laisser  peu  de  place  pour  de  nouveaux  perfectionnements, 
et  on  le  considère  comme  plus  grande  ressource  mise  à  la 
disposition  de  l'exécutant,  depuis  l'invention  des  pédales  de 
combinaison.  M.  Compton  de  Nottingham,  facteur  très  progressif 
et  très  artiste,  met  déjà  une  Basse  Convenable  Automatique 
dans  ses  orgues  et  bientôt  ce  système  sera  généralement 
adopté   (i). 

M.  Elliot  Vice- Président  de  la  «  Austin  Organ  Co  », 
à  son  retour  d'Angleterre,  nous  disait  que  Compton  était  le 
facteur  qui  lui  paraissait  faire  le  travail  le  plus  artistique  en 
Angleterre  ;  M.  Compton  s'inspire  beaucoup  des  idées  de 
Hope-Jones,  et  il  a  le  bénéfice  des  conseils  et  de  l'assistance  de 
Monsieur  J.  Martin  White,  un  homme  très  épris  des  choses 
d'art,  et  grand  actionnaire  dans  la  réorganisation  et  l'agran- 
dissement de   la   Société  John   Compton    Limited. 


(i)  Les  systèmes  tubulaires  et  électriques  pour  tirer  les  jeux  soit  indépen- 
damment, soit  collectivement  par  groupes  fixes  ou  groupes  préparés  ad  libitum, 
soit  par  pédale  de  crescendo,  permettent  actuellement  des  solutions  multiples 
pour  fournir  une  pédale  convenant  aux  jeux  tirés  à  chaque  manuel.  Mais  il  est 
certain  que  les  perfectionnements  de  M.  Hope-Jones  ont  bien  obtenu  (notam- 
ment avec  la  double  touche)  la  quintessence  des  solutions  possibles  en  ce  genre. 

D'   G.  B. 


CHAPITRE   YII 


MOYENS  D'OBTENIR  L'EXPRESSION 


r  Pédale  de  crescendo. 

Dans  beaucoup  d'orgues  américaines,  allemandes,  et  quel- 
quefois dans  d'autres  pays,  on  trouve  une  pédale  à  bascule  dont 
le  mouvement  appelle  les  différents  jeux  et  les  accouplements 
l'un  après  l'autre,  du  ppp  au  fff  ;  permettant  de  grossir  ou  de 
diminuer  la  sonorité  graduellement  sans  toucher  ni  registre,  ni 
accouplements,  ni  piston  de  combinaison  ;  c'est  la  pédale  de 
crescendo  peu  employée  en  Angleterre,  où  même  on  la  regarde 
comme  une  facilité  réservée  pour  les  organistes  peu  habiles, 
ajoutant  que  c'est  la  chose  la  plus  anti-artistique,  car  on  peut 
introduire  ou  retirer  des  jeux  au  milieu  d'une  phrase,  au 
lieu  que  ce  "Soit  au  commencement  ou  à  la  fin  de  cette  phrase 
musicale.  Malgré  ce  défaut  apparent,  beaucoup  de  nos  meilleurs 
organistes  américains  la  considèrent  comme  une  chose  fort  utile, 
nous  croyons  que  la  première  pédale  de  crescendo  a  été 
placée  par  le  facteur  Steere,  dans  l'orgue  de  l'église  presby- 
térienne de   Syracuse  (Etat  de  New- York). 

2»  Pédale  de  Sforzando. 
Double  touche. 

Sous  le  nom  de  «  Sforzando  Coupler  »,  le  dictionnaire  de 
Stainer  décrit,  avec  figures,  un  système  par  lequel  on  pouvait 
jouer  le  Grand  Orgue  par  le  clavier  du  Récit  ;  son  action 
étant  introduite   et  retirée  par    une  pédale,  il  était  donc  possible 


44  MOYENS  D'OBTENIR  L'EXPRESSION 

d'accentuer  fortement  le  premier  temps  de  chaque  mesure  dans 
le  style  d'orchestration  des  grands  maîtres.  Hope-Jones  dans 
son  «  pioneer  organ  »  à  St.  Jean  de  Birkenhead,  avait  mis  une 
pédale  appelant  le  tuba  sur  le  Grand  Orgue  ;  la  pédale  se 
relevait   par   un   ressort,    dès    que    le   pied    ne   l'enfonçait  plus. 

Quelques  beaux  effets  étaient  ainsi  obtenus,  mais  natu- 
rellement tout  le  clavier  était  ainsi  accouplé,  et  on  ne 
pouvait   frapper  que   des   accords. 

Bien  des  facteurs  ont  inventé  des  systèmes  compliqués, 
pour  mettre  en  dehors  la  mélodie  ;  mais  tous  ont  été  sur- 
passés par  la  double  touche  ;  sur  un  clavier  muni  de  la 
double  touche,  une  pression  plus  énergique  du  doigt  permet 
aux  touches  déjà  enfoncées,  de  descendre  encore  d'environ 
trois  millimètres,  et  de  faire  parler  les  jeux  tirés  sur  un  autre 
clavier  :  ainsi  jouant  au  Récit,  vous  pouvez  faire  parler  les  notes 
désirées  des  jeux  déjà  tirés  au  Positif,  en  appuyant  très  fortement 
sur  les  touches  correspondantes  du  Récit;  de  même  en  jouant  au 
Grand  Orgue,  la  double  touche  fera  parler  le  tuba  ou  la  trom- 
pette ;  il  devient  alors  possible  de  jouer  un  choral  à  quatre 
parties  au  Récit,  et  de  faire  ressortir  le  thème  sur  la  clari- 
nette du  Positif,  ou  de  jouer  au  Positif  et  de  faire  ressortir 
la  mélodie  sur  la  voix  humaine  ou  la  trompette  du  Récit, 
ou  encore  de  jouer  une  fugue  avec  le  Grand  Orgue  entier 
et  de  faire  ressortir  le  sujet  de  la  fugue  (toutes  les  fois 
qu'il  réapparaît  au  soprano,  au  ténor,  à  l'alto  ou  à  la  basse) 
par  une  pression  plus  énergique  qui  fera  parler  la  trompette 
tirée   à  un   autre  clavier. 

Dans  les  dernières  orgues  de  Hope-Jones,  on  peut  appeler 
des  jeux  individuels  en  seconde  touche,  sans  même  passer 
par  des   accouplements    de   claviers. 

3°  Pédale  d'expression  à  bascule. 

11  y  a  quelque  cinquante  ans,  les  jalousies  d'expression 
de  presque  toutes  les  orgues  étaient  disposées  pour  se  fermer 
par  leur  propre  poids  ou  par  un  ressort  de  rappel  ;  l'orga-' 
niste  pouvait  laisser  la  boîte  ouverte  au  moyen  d'un  cran 
d'arrêt  ou  la  laisser  fermée,  mais  quand  il  désirait  avoir  la 
boîte  à  moitié  ouverte,  il  lui  fallait  la  maintenir  au  degré 
voulu    avec  le  pied,  ou  par  des  crans  intermédiaires. 

En    1863,    l'introduction   de   la  pédale  d'expression    équili- 


MOYENS  D'OBTENIR  L'EXPRESSION 


45 


brée  à  bascule  par  Walcker,  a  considérablement  augmenté  les 
ressources  expressives  de  l'orgue  ;  cette  pédale  est  universel- 
lement employée  en  Amérique,  mais  chose  étrange,  dans  le 
pays  ou  la  boîte  d'expression  fut  inventée,  en  Angleterre 
vers  171 2,  elle  n'est  pas  totalement  appréciée  ;  et  même  en 
1913,  beaucoup  d'organistes  Anglais  préfèrent  la  vieille  pédale 
à  ressort.  Dans  les  orgues  récentes  de  la  «  Hope-Jones 
Organ  Company  »  un  progrès  nouveau  a  été  fait,  en  per- 
mettant   à    l'organiste    de     modifier    l'ouverture    de    la    boîte 


v-^  ev.;'<Sg^»»^î 


KiG.     11 


expressive  aussi  bien  avec  ^  les  doigts  qu'avec  les^  pieds?; 
chaque  pédale  d'expression  à  bascule  porte  un  indicateur,  fixé 
au-dessous  du  pupitre  portant  la  musique,  donc  bien  visible. 
Quand  l'organiste  ouvre  la  boîte  d'expression,  l'indicateur  se 
meut  d'environ  35  millimètres,  dans  une  direction,  quand  il 
la  ferme,  l'indicateur  revient  en  sens  inverse,  ainsi  l'organiste 
sait  toujours  le   degré    d'ouverture   de   la   boîte   expressive.    De 


46  MOYENS  D'OBTENIR  L'EXPRESSION 

plus,  au  moyen  d'un  mécanisme  électrique,  l'indicateur  est 
relié  à  la  pédale  expressive,  de  façon  que  le  plus  léger  mou- 
vement sur  l'indicateur  lui-même,  dans  un  sens  ou  dans  l'autre, 
actionnera  l'ouverture  ou  la  fermeture  de  la  boîte  expressive 
au    degré    voulu. 

Quand  un  orgue  renferme  quatre  ou  cinq  boîtes  expressives, 
et  quand  ces  boîtes,  comme  dans  les  orgues  d'Hope-Jones, 
modifient  la  puissance  dans  le  rapport  de  un  à  cent  ;  il  est 
tout  à  fait  important  que  l'organiste  ait  constamment  sous 
l'œil  le  contrôle  complet  du  degré  d'ouverture  des  différentes 
boîtes  expressives,   sans  avoir   à    regarder   sous    les   claviers. 

Hope-Jones  met  aussi  une  pédale  générale  d'expression 
sur  laquelle,  comme  sur  son  indicateur,  on  peut  à  volonté 
amener  une  ou  toutes  les  autres  pédales  expressives.  Le  même 
facteur  a  aussi  trouvé  le  moyen  d'actionner  l'ouverture  des 
lames  expressives  par  les  claviers  et  d'obtenir  ainsi  des  effets 
de  sforzando.  Quand  l'organiste  introduit  ce  système  sur  un 
clavier,  immédiatement  les  lames  d'expression  s'entrouvent  un 
peu  plus  qu'elles  ne  l'étaient  par  la  position  de  la  pédale 
expressive,  mais  dès  que  l'on  touche  ce  clavier,  elles  se  fer- 
tnent  un  peu  pour  reprendre  la  position  obtenue  par  la 
pédale  d'expression  ;  le  résultat  donne  un  certain  accent  à 
à  l'attaque  au  commencement  de  chaque  phrase,  un  peu 
comme  l'effet  obtenu  à  l'orchestre.  Ces  systèmes  ne  peuvent 
s'appliquer  qu'aux  orgues  ayant  des  péd;iles  d'expression  à 
bascule. 


Boîte    Expressive   (anglais  :  Swell  Box). 
Callemand  :  Schwell  werke). 

L'invention  de  la  boîte  expressive  est  généralement 
attribuée  à  l'Anglais  Abraham  Jordan,  c'est  en  1731  qu'il 
montra  à  l'Église  Saint  Magnus  de  Londres,  son  expression  dite 
à  «  tête  de  cheval»  (nag's  Head  Swell^  ;  ce  système,  avec 
sa  grande  cloison  grillée  glissante,  fut  bien  vite  remplacé  par 
les  jalousies  ou  lames  pivotantes  à  la  Vénitienne  qui  devinrent 
d'un  usage  universel.  Au  commencement  de  la  période  que 
nous  considérons,  il  y  a  50  ans,  les  boîtes  expressives  étaient 
presque  toujours  faites  avec  des  parois  minces,  dont  l'effet  sur 
la   force   du   son   était  faible. 


MOYENS  D'OBTENIR  L'EXPRESSION  47 

Willis,  le  premier,  a  réalisé  les  possibilités  artistiques  d'un 
grand  récit  expressif,  et,  dans  la  plupart  de  ses  orgues,  nous 
trouvons  d'épaisses  parois  avec  des  lames  bien  ajustées 
et  souvent  même  à  Pintérieur  de  cette  première  boîte,  une 
seconde  contenant  les  jeux  d'anches  délicats  comme  la  voix 
humaine  et  le  hautbois.  Maintenant  tous  les  bons  facteurs 
font  des  boîtes  épaisses,  et  il  n'est  pas  rare  de  trouver  des 
parois  de  75  millimètres  d'épaisseur,  assourdies  avec  de  la 
sciure  de  bois  remplissant  l'intervalle  des  panneaux  qui  les 
constituent.  Le  facteur  Hutchings,  et  beaucoup  d'autres, 
emploient  un  double  jeu  de  lames  expre.ssives,  de  façon  que 
les  ondes  sonores,  après  avoir  traversé  les  premières  lames,  ont 
ont  à  traverser  les  secondes,  ce  qui  améliore  les  effets  de 
crescendo    et    de    diminuendo. 

Mais  Hope-Jones,  par  l'adoption  des  principes  scientifiques 
a  décuplé  l'efficacité  de  la  boîte  expressive,  il  a  remarqué  que 
le  bois,  employé  jusqu'ici  dans  leur  construction,  est  un  des 
meilleurs  conducteurs  du  son  que  l'on  connaisse,  il  ne  faudrait  pas 
l'employer  ;  les  résultais  donnés  avec  des  chambres  expressives 
en  briques,  pierres  ou  ciment  (cathédrale  de  Worcester,  Me  Ewan 
Hall  Edinburgh,  Océan  Grove,  New  jersey,  etc..^  marquent 
l'aurore  d'une  ère  nouvelle  dans  la  construction  de  la  chambre 
expressive  et  d'après  des  méthodes  scientifiques  permettant  des 
augmentations  ou  des  diminutions  de  puissances  dans  le  rapport 
de  une  à  plusieurs  centaines  de  fois  :  nous  avons  entendu  le  tuba 
à  «Océan  Gi'ove»  qui  parle  avec  du  vent  à  50 pouces—  i  mètre  25 
de  pression,  résonner  si  doucement  que  ce  jeu  faisait  un  accompagne- 
ment allant  très  bien  pour  un  chanteur.  La  méthode  Hope-jones 
paraît  s'attacher  à  construire  la  boîte,  soit  en  briques,  en  ciment 
ou  toute  autre  matière  inerte  et  non  poreuse,  et  de  plus  à  substi- 
tuer au  feutre  ordinairement  employé  pour  mieux  fermer  les 
joints  des  lames,  ce  qu'il  appelle  son  «  sound  trap  »  (piège 
à  son).  Ce  dernier  est  si  intéressant,  et  si  important  dans 
l'histoire  de  l'orgue,  que  nous  allons  vous  en  donner  une 
description    complète    avec    figures. 

Supposez  quelqu'un  placé  à  un  bout  du  corridor  fermé  en  G  ; 
il  lui  sera  facile  de  causer  avec  un  ami  placé  à  l'autre  bout 
en  D,  le  corridor  faisant  office  d'un  grand  tube  acoustique 
et  le  dialogue  peut  s'échanger  même  à  voix  basse  (Fig.  2) 
ce  passage  est  analogue  à  l'ouverture  entre  les  lames  des 
boîtes     expressives     ordinaires  ;    Mais     si    quelqu'un    se     tient 


48 


MOYENS  D'OBTENIR  L'EXPRESSION 


dans  la  chambre  i  en  A,  il  verra  très  bien  un  ami  dans 
la  chambre  4,  en  B  ;  mais  il  sera  dans  l'impossibilité  de  lui 
parler,  car  quand  A  parlera,  les  ondes  sonores  de  sa  voix  iront 
en  se  répandant  remplir  la  chambre  i,  mais  une  très  petite 
partie  de  ces  ondes  viendra  passer  par  l'ouverture  conduisant 
dans  la  chambre  2,  à  leur  tour  ces  quelques  ondes  sonores 
se    diffuseront    dans    la    chambre    2,    et    seulement     une   petite 


I 


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FiG.  12 

quantité  de  ces  ondes  déjà  diffusées  pénétrera  dans  la 
chambre  3  ;  en  s'y  diffusant  à  nouveau,  elles  seront  si 
atténuées  que  le  résidu,  qui  pénétrera  enfin  dans  la  chambre 
4,    sera  trop   faible  pour  être   entendu   par  B. 

Le  plan  12  montre  le  principe  du  «Sound  trap  »  ;  (1) 
la  figure  13  montre  en  section  le  joint  de  fermeture  entre 
deux   lames  ;    une   petite   quantité  d'ondes  sonores,    venant   de 


FiG.  13 


l'intérieur  de  la  boîte  expressive,  frappe  la  paroi  juste  à  la 
jointure  (comme  le  montre  la  flèche)  et  s'introduira  dans  la 
fente   entre   les  deux   lames,    mais   ces    quelques    ondes,  en    se 


(i)  En  1902,  Compton  avait  déjà  employé  cette  disposition  r,  Radford,  dans 
l'église  de  AU  Soûls.  —  D'  G.  B. 


MOYENS  D'OBTENIR  L'EXPRESSION 


49 


diffusant  dans  la  rainure  A,  s'affaibliront  beaucoup  ;  ce  qui  en 
pénétrera,  à  travers  la  seconde  fente,  pour  remplir  la  chambre  B, 
s'affaiblira  plus  encore  ;  le  résidu  s'affaiblira  à  nouveau  dans 
la  rainure  C  ;  et  pratiquement  il  ne  passera  pins  d'ondes 
sonores   après    la    rainure   B. 

Hope-Jones  a  l'habitude  de  placer  les  lames  immédia- 
tement au-dessus  des  tuyaux  de  façon  que,  lorsque  la  boîte 
est  ouverte,  elle  n'a  plus  à  vraiment  dire  de  plafond  ;  il  n'a 
pas  l'habitude  de  mettre  des  lames  sur  le  devant  ou  sur  les 
côtés.  Pour  éviter  la  compression  de  l'air  produite  par  les 
jeux  joués  avec  la  boîte  longtemps  fermée,  il  met  une 
soupape   d'échappement  s'ouvrant    hors   de    la   salle  de  concert. 


FiG.  14  et  15 


11  met  aussi  des  ventilateurs  pour  enlever  avant  de  jouer 
tout  l'air  froid  contenu  dans  la  boîte  expressive,  et  pour  égaliser 
ainsi  la  température  avec  celle  de  l'extérieur  de  la  boîte,  ou  bien 
il  arrive  à  ce  résultat  par  des  radiateurs  au  gaz,  à  élec- 
tricité ou  à  la  vapeur,  réglés  par  des  thermostats.  La  fig.  14 
et  1 5  montre  des  lames  avec  compartiments  sans  air  d'Hope- 
Jones,  et  leur  «  Sound  Trap  ».  On  sait  que  le  son  a  besoin 
d'un  intermédiaire  pour  voyager,  tous  mes  lecteurs  connais- 
sent les  expériences  qui  le  prouvent  :  une  sonnerie .  élec- 
trique placée  sous  une  cloche  en  verre  s'entend  bien  mais 
à   mesure  que   l'on   aspire    l'air  sous  la  cloche  avec  une  pompe 


50 


MOYENS  D'OBTENIR  L'EXPRESSION 


à  vide,  le  son  diminue  ;  et,  pour  un  certain  degré  de  vide, 
on  voit  le  marteau  de  la  sonnette  électrique  frapper  le  timbre, 
mais  on  n'entend  plus  rien  ;  c'est  pourquoi  des  lames  expres- 
sives creuses  dont  on  a  pompé  l'air  intérieur,  en  y  faisant 
le   vide,   sont   d'admirables  barrières   contre  le   passage  du  son. 

Les  lames  expressives  figurées  en  14  et  15  sont  en 
aluminium  fondu  ,  des  cloisons  R  i  et  R  2,  formant  entre- 
toise, renforcent  leurs  faces  contre  la  pression  de  l'atmosphère, 
mais  ces  cloisons  sont  disposées  de  façon  à  soutenir  seule- 
ment une  des  faces  plates  sans  communication  avec  le  côté 
opposé,  ainsi  R  1  supporte  une  des  faces,  tandis  que  R  2 
supporte  l'autre  ;  chacune  de  ces  lames  pivote  en  P.  Elle 
sont  très  légères  et  peuvent  ainsi  être  ouvertes  et  fermées 
avec  rapidité  ;  une  lame  à  intérieur  vide  d'air,  même  très  mince, 
forme  une  barrière  plus  efficace  contre  le  passage  des  ondes 
sonores,  qu'un  mur  de  briques  de  deux  ou  trois  pieds  d'épais- 
seur. Quand  elles  sont  partiellement  vidées  de  leur  air,  ces 
lames  d'aluminium  sont  trempées  dans  un  bain  de  gomme- 
laque,  ayant  pour  effet  de  boucher  tous  les  petits  trous  ou 
pores   pouvant    exister    dans    le   métal. 

L'emploi  de  pareilles  boîtes  a  permis  l'usage  de  tuyaux 
d'un  diamètre  beaucoup  plus  grand,  et  des  pressions  beau- 
coup plus  considérables  que  tout  ce  qui  a  été  connu  jusqu'ici, 
avec  le  résultat  de  donner  à  l'orgue  un  accroissement  énorme 
de  sa  souplesse  sonore.  Ce  système  permet  aussi  de  suppri- 
mer les  jeux  très  doux  dans  un  orgue,  ce  qui  est  une 
économie  ;  quand  tous  les  jeux  sont  renfermés  dans  une 
chambre  en  ciment  comme  dans  les  derniers  instruments  de 
Hope-Jones,  et  quand  on  emploie  des  lames  avec  «  sound 
trap  »,   n'importe  quel  jeu  est  «potentiellement»  un  jeu  doux. 


CHAPITRE  YIII 


REVOLUTION  DANS  LA  SOUFFLERIE 


Avant  la  construction  de  l'orgue  déjà  cité  de  Birkenhead, 
on  avait  l'habitude  d'obtenir  et  de  régler  la  pression  du  vent, 
alimentant  les  tuyaux,  en  chargeant  les  soufflets  avec  des  poids, 
mais  à  cause  de  leur  inertie  les  soufflets  lourdement  chargés  ne 
pouvaient  pas  se  mouvoir  rapidement,  par  suite  quand  un 
accord  en  staccato  était  frappé  dans  ces  orgues  avec  tous  les 
jeux  tirés,  on  n'obtenait  que  peu  ou  pas  de  réponse  des  tuyaux. 

Voici  pourquoi  :  la  laye  devenant  instantanément  vidée, 
l'inertie  des  poids  chargeant  les  soufflets,  ne  leur  permettait 
pas  de  descendre  assez  brusquement  afin  de  donner  une 
nouvelle  alimentation  immédiate  à  la  laye  (i). 

Emploi  des  ressorts  au  lieu  des  poids. 

Certes  dans  les  premiers  brevets  d'Hope-Jones,  on  trouve 
encore  des  poids,  mais  ils  servent  seulement  à  comprimer  des 
ressorts,  qui  à  leur  tour  pressent  sur  la  table  supérieure  des 
soufflets;  (2)  mais,  déjà  avant  ce  brevet,  dans  sa  pratique  il  avait 
complètement  abandonné  les  poids  pour  les  ressorts  ;  ce  simple 
détail  :  ressort  remplaçant  les  poids,  a  eu  une  influence  marquée 
sur  la  musique  d'orgue,  il  a  rendu  possible  la  disparition  de 
l'ancienne  instabilité  de  vent,  qui  était  plus  ou    moins  le  défaut 


(1)  Ces  orgues  «  poussifs  »  avaient  une  soufflerie  mal  comprise  et 
insuffisante,  voilà  tout. 

(2)  Robertson  parle  des  ressorts  interposés  entre  les  poids  et  la  table  supérieure 
des  réservoirs,  pratique  abandonnée,  et  remplacée  avec  avantage  par  des  ressorts, 
d'un  usage  courant  chez  tous  les  facteurs  d'orchestrions,  mais  ce  n'est  pas  une 
solution  obligatoire.  —  D'  G.  B. 


52  RÉVOLUTION  DANS  LA  SOUFFLERIE 

des  orgues  à  cette  époque,  il  facilita  l'attaque  du  mécanisme  et 
du  son  des  tuyaux,  d'une  façon  étonnante,  ouvrant  un  champ 
nouveau  et  plus  vaste  au  Roi  des  instruments  (i).  En  1894,  John 
Turnell  Austin  (maintenant  à  Hartford)  prit  son  brevet,  connu 
sous  le  nom  de  Sommier  Universel  où  les  ressorts  remplacent 
les  poids  ;  le  Sommier  Universel,  a  résolu  le  problème  d'une 
pression  de  vent  presque  immuable,  mais  pratiquement,  il  donne 
seulement  le  même  résultat  qu'un  petit  réservoir  à  ressort  n'ayant 
pas  la  centième  partie  de  son  volume,  aussi  on  se  demande  si  le 
sommier  Austin,  qui  a  d'autre  part  quelques  désavantages,  sur 
vivra. 

Soupape  individuelle. 

11  y  a  cinquante  ans,  le  sommier  à  glissière  et  à  soupape 
était  employé  partout,  mais  plusieurs  facteurs  allemands,  et 
Roosevelt  en  Amérique,  vantèrent  beaucoup  et  employèrent 
des  sommiers  ayant  une  soupape,  un  piston  ou  une  mem- 
brane contrôlant  l'arrivée  du  vent  pour  chaque  tuyau.  Dans 
ces  cas,  de  petites  soupapes  rondes  étaient  employées  ;  un 
bon  sommier  à  glissière  est  difficile  a  faire,  construit  par  des 
ouvriers  peu  soigneux  ou  avec  du  bois  mal  choisi,  il  donne 
des  emprunts,  c'est-à-dire  une  communication  de  vent  d'un 
tuyau  à  son  voisin  ;  dans  les  mauvais  sommiers  à  glissières 
celles-ci  se  gonflent  quand  le  temps  est  humide,  et  au 
contraire  se  rétrécissent  et  ne  sont  plus  ajustées  quand  le 
temps    est    sec. 

Les  sommiers  à  soupape  individuelle  coûtent  meilleur  marché 
et  n'ont  pas  les  défauts  précités^  mais  ils  ont  toutefois  des 
défauts  particuliers,  et  pas  un  de  ceux  garnis  de  soupapes 
rondes  ne  permettra  aux  tuyaux  de  bien  parler.  Willis, 
Hope-Jones,  Carlton  Michell  et  d'autres  artistes,  après  de 
longs  essais  indépendamment  poursuivis,  arrivent  à  la  même 
conclusion  que  les  meilleurs  résultats  sonores  ne  sauraient 
être  obtenus  par   ces  sommiers  à    bon  marché  (2)  ;  de  longues 


(i)  Je  connais  beaucoup  d'orgues  en  France  et  en  Angleterre,  sur  les- 
quelles un  grand  choeur  peut  être  joué  en  staccato  sans  altération,  quoique 
les  soufflets  et  les  réservoirs  soient  chargés  avec  des  poids  ;  mais  tout  y 
est  largement  compris  pour  parer  à  ces  dépenses  subites  et  intermittentes  de 
vent  par  les  tuyaux. 

(2)  Un  sommier  à  piston,  à  boursette,  bien  fait  avec  de  bons  matériaux, 
muni  d'une  double  introduction  séparée  pour  les  dessus  et  les  basses,  revient 
aussi  cher,  sinon  plus,  qu'un  sommier  à  registre  et  gravure  ancien  modèle. 

D'  G.  B. 


REVOLUTION  DANS  LA  SOUFFLERIE  53 

soupapes  donnant  beaucoup  d'air  à  pression  constante  sous 
chaque  tuyau   sont  considérées   comme   l'idéal. 

Le  but  des  sommiers  à  soupapes  individuelles  était  d'éviter  les 
altérations  par  «  emprunt  »  (robbing).  On  remarquait  dans  les 
sommiers  à  glissières  que,  si  le  vent  était  suffisant  et  stable 
avec  un  ou  deux  jeux  tirés,  d'autre  part,  quand  tous  les  jeux 
étaient  mis,  les  gros  tuyaux  volaient  aux  petits  tuyaux  voisins 
leur  alimentation  en  air  comprimé,  ce  qui  faisait  baisser  leur 
accord  tandis  que,  avec  une  soupape  pour  chaque  tuyau,  ce 
défaut,  disparaissait,  ces  sommiers  supprimaient  aussi  les  longs 
registres  à  glissières  en  bois,  sujets,  comme  nous  l'avons  dit 
plus   haut  à  subir   les   variations  de  la  température. 

Un  exemple  frappant  de  la  différence  entre  ces  deux  types 
de  sommiers,  se  trouve  à  l'église  de  AU  Angels,  de  New-York, 
construit  par  Roosevelt  (deux  claviers  avec  sommier  à  soupapes 
individuelles),  -en  1897,  lors  de  l'agrandissement  de  cette  église, 
Jardine  remonta  l'orgue  a  dix  mètres  en  l'air  avec  une  transmis- 
sion électrique  ;  en  même  temps  il  ajouta  un  troisième  clavier  de 
positif  électrique,  mais  avec  sommier  à  registre  ;  la  supériorité 
comme  rapidité  d'attaque  pour  les  basses  du  positif  sur  celles  du 
grand  orgue  et  du  récit  est  étonnante  (i),  de  même  à  Saint- 
James  de  New- York  oij  l'orgue  de  Roosevelt  fut  modifié  par 
Hope-Jones   en    1908. 

Vent  à  forte  pression. 

Nous  l'avons  déjà  dit,  il  y  a  50  ans,  la  pression  maxi- 
mum était  de  75  millimètres  ;  en  1833,  Hill  mit  un  Tuba 
avec  22  centimètres  de  pression,  dans  son  orgue  du  Town 
Hall  de  Birmingham  ;  mais  le  son  était  si  rude  et  si  éclatant 
que  ces  jeux  ne  furent  employés  pendant  longtemps  que 
pour  de  très  grandes  églises  ;  quelques  paroisses  les  firent 
même  supprimer.  Plus  tard  Cavaillé-CoU  utilisa  des  pressions 
un  peu  plus  fortes  pour  les  dessus  que  pour  les  basses  des 
jeux  de  fonds,  et  aussi  pour  les  gros  jeux  d'anches,  perfectionne- 
ment  dont    il    fut  le  pionnier    avec  beaucoup    de   succès. 


(i)  Le  temps  perdu  dans  le&  sommiers  Roosevelt  et  analogues,  par  le  petit 
soufflet-soupape  ou  le  piston,  est  de  cinq  millièmes  de  seconde  (expériences 
multipliées  de  Joseph  Bielhe),  et  poui  ce  qui  est  de  la  supériorité  du  sommier 
k  registre,  il  suffit  de  lire  la  discussion  de  IQ07,  dans  Musical  Opinion,  pour 
voir  qu'elle  n'est  pas  admise  par  tout  le  monde.  —  D'  G.  B. 


54  RÉVOLUTION  DANS  LA  SOUFFLERIE 

Néanmoins,  c'est  Willis  qui  a  fait  faire  le  plus  grand  pas 
dans  l'utilisation  des  pressions  fortes  pour  les  anches.;  le 
premier,  il  démontra  que  l'avantage  des  fortes  pressions  pour 
ces  jeux  n'est  pas  seulement  d'augmenter  leur  puissance,  mais 
d'améliorer  aussi  la  qualité  du  son  Henry  Wiliis  fonda  ainsi 
une  nouvelle  méthode  d'harmoniser  les  jeux  d'anches,  dont 
l'influence   n'est  pas  près  de  disparaître. 

Tout  orgue,  ayant  quelques  prétentions  d'être  moderne 
eut  alors  des  pressions  de  200  à  250  millimètres  pour  les 
anches  du  récit  et  du  grand  orgue,  et  les  tubas  du  solo,  dans 
les  très  grands  instruments,  parlaient  avec  500  ou  même  600 
millimètres  de  pression.  Willis  introduisit  l'anche  fermée,  le 
«  closed  eschallot  »  ou  anches  à  larmes  et  créa  une  révo- 
lution  dans   l'art  d'harmoniser   les  jeux   d'anches. 

Il  eut  beaucoup  d'imitateurs;  mais  il  sera  difficile  de  sur- 
passer les  superbes  exemples  de  son  habileté  dont  il  a  doté 
beaucoup  d'orgues  des  cathédrales  anglaises  et  de  beaucoup 
de  salles   municipales   de   concerts. 

Avant  Hope-Jones,  vers  1887,  nous  ne  croyons  pas  que 
l'on  ait  dépassé  600  millimètres  de  pression.  Nous  l'avons  dit, 
la  pression  de  75  millimètres  était  la  plus  universellement 
employée  et  l'harmonisation  des  jeux  de  fond  à  forte  pression 
était  pratiquement  inconnue  (1)  :  pour  les  jeux  d'anches,  Willis 
employait  des  pressions  modérées,  sauf  pour  les  tubas  dans 
les  grands  locaux.  Hope-jones  démontra  qu'avec  des  tuyaux 
épais,  un  peu  ventrus  au  milieu  (2)  avec  des  lèvres  recouvertes  de 
peau,  et  le  biseau  renversé  il  pouvait,  en  usant  de  fortes  pressions, 
arriver  non  seulement  à  des  puissances  illimitées,  mais  en  même 
temps  ajouter  à  la  douceur  des  sonorités  produites  par  les 
tuyaux  harmonisés  à  vent  faible  suivant  l'ancienne  méthode. 
Il  employa  des  bouches  étroites,  laissa  de  coté  le  réglage  du 
vent  par  le  pied  du  tuyau,  et  utilisa  le  «  choc  pneumatique  » 
obtenu  par  son  système  électrique  (3).  Il  inaugura  «  une 
méthode  entièrement  nouvelle  dans  l'art  d'harmoniser  les  jeux 
d'anches»  Dictionnaire  des  jeux  de  l'orgue  Wedgwood,  p.  167). 


(i)  Ne  pas  oublier  cependant  que  les  erands  orchestrions  de  Gavioli,  Limo- 
naire, Gasparini  avaient  des  jeux  de  fonds  Harmonisas  sur25o%  bien  avant  itSUj 
et  quelques-uns  avec  une  sonorité  tout  à  fait  remarquable. 

(1)  La  pratique  de  «donner  du  ventre  ■»  aux  tuyaux  des  jeux  de  fonds  est  bien 
antérieure  a  HopeJones,   surtout  en  Angleterre.   —  D'  G.  B. 

(3)  Voir  note  page  18. 


RÉVOLUTION  DANS  LA  SOUFFLERIE  55 

Hope-Jones  n'emploie  jamais  moins  de  125  millimètres 
et  va  jusqu'à  50  pouces,  soit  i  mètre  2',,  ses  travaux 
dans  cette  direction  ont  produit  une  influence  marquée  sur 
la  construction  de  l'orgue  et  les  meilleurs  constructeurs  dans 
tous  les  pays  ont  adopté  ces  pressions,  ou  tout  au  moins 
font  des  essais  du  même  genre.  Comme  toutes  les  nouveautés, 
les  hautes  pressions  furent  âprement  discutées  ;  mais  maintenant 
les  organistes  et  les  «  acousticians  »  s'étonnent  que  l'idée 
ancienne  de  la  faible  pression  ait  prévalu  si  longtemps,  alors 
qu'ils  savent  que  des  pressions  très  fortes  sont  employées, 
par  la  voix  humaine  dans  le  chant,  et  aussi  par  les  différents 
instruments  à  vent  de  l'orchestre,  pour  obtenir  de  belles  sono- 
rités. 

Charles  Gottlieb-Weigle,  de  Stuttgard  fut  légèrement  en 
avance  sur  ses  confrères,  en  employant  des  pressions  déjà 
assez  fortes,  mais  comme  il  négligea  les  bouches  étroites  et 
les  lèvres  garnies  de  peau,  il  obtint  la  puissance  sans  distinc- 
tion. Avec  de  fortes  pressions  il  faut  d'abord  viser  la  beauté 
et    la   pureté  du    son,    la  puissance   existant   toujours. 

Soufflerie  mécanique  au  moteur. 

Le  vieux  balancier  de  la  soufflerie  antique  était  invaria- 
blement accompagné  par  le  «  pompeur  d'orgue  »,  quelqueiois 
par  plusieurs  ;  on  connaît  la  vieille  histoire  du  souffleur 
refusant  de  travailler  jusqu'à  ce  que  l'organiste  ai  consenti  à 
dire  «  nous  avons  bien  travaillé  tous  deux  aujourd'hui  ». 
Le  métier  de  souffleur  d'orgue  est  maintenant  complètement 
perdu  (surtout  en  Amérique),  bien  que  nous  connaissons 
actuellement  en  Angleterre  des  orgues  ayant  besoin  de  quatre 
souffleurs. 

Quand  Willis  construisit  le  grand  Orgue  de  la  Salle 
St-Georges  à  Liverpool  en  1855,  il  installa  pour  la  soufflerie 
une  machine  à  vapeur  de  huit  chevaux  ;  à  la  cathédrale  de 
Chester  on  mit  en  1876  une  machine  à  vapeur  de  six 
chevaux.  Les  moteurs  à  gaz,  à  pétrole,  à  essence  ont  été 
très  employés  en  Angleterre,  fournissant  un  moteur  moins 
cher  que  l'homme,  mais  moins  réglable,  ces  moteurs  étant 
appliqués  aux  soufflets-pompes  de  l'orgue.  D'autre  part,  le 
moteur  à  eau  a  été  la  forme  la  plus  commune  de  soufflerie 
mécanique,     étant  économique,    facilement    réglable  partout  où 


56 


RÉVOLUTION  DANS  LA  SOUFFLERIE 


il  y  avait  une  pression  d'eau  suffisante  ;  mais  beaucoup  de  villes 
ayant  refusé  l'emploi  de  l'eau  sous  pression  pour  la  force 
motrice,  le  moteur  électrique  agissant  sur  des  ventilateurs  ou 
des  turbines  devient  la  solution  idéale.  Le  principe  des  venti- 
lateurs conjugués  en  série  introduit  par  Cousans  de  Licoln  en 
Angleterre,  est  maintenant  regardé  comme  un  modèle  réalisé 
dans  le  «  Kinetic  Blower  »,  constitué  par  un  certain  nombre 
de  turbines  ingénieusement  montées  en  séries  sur  le  même 
arbre,  la  première  turbine  fournissant  à  la  seconde  de  l'air  à 
75  millimètres  de  pression  je  suppose,  pour  l'élever  à  une 
pression  plus  forte  en  passant  successivement  dans  la  turbine 
voisine  (i).  Cette  méthode  est  une  solution  économique  pour 
avoir  du  vent  à  des  pressions  intermédaires  différentes  ;  comme 
il  tourne  lentement  le  Kinetic  (étant  monté  sur  le  même  arbre 
que  le  moteur,  sans  courroie)  est  à  la  fois  silencieux  et  d'un 
bon   rendement. 


(i)  Actuellement  il  existe  des  ventileurs  tournant  1  900  tours,  assez  silencieux 
pour  être  placés  sur  la  tribune  même  de  l'orgue;  du  premier  coup,  avec  une 
seule  turbine  ils  donnent  200;?^  de  pression  ;  leur  rendement  électrique  excellent 
car  ces  ventilateurs  silencieux  fournissent  à  la  minute  25  mètres  cubes  St  i3o  % 
avec  une  dépense  de  800  watts.  On  en  construit  maintenant  en  France. —  D'  G.  B. 


SOUFFLERIE  d'oRGUE 


ACTIONNÉE  PAR  UN  MOULIN  A  VENT, 
DÉCRITE  PAR  HÉRO  d'aLEXANDRIE, 
200    ANS    AVANT    L'ÈRE   CHRÉTIENNE. 


CHAPITRE    IX 


JEUX  TRANSFERES 


11  y  a  cinquante  ans  les  jeux  du  récit,  je  suppose,  ne 
pouvaient  être  tirés  que  sur  ce  sommier,  de  même  les  jeux 
du  grand  orgue  du  positif  et  de  la  pédale  ne  pouvaient  être 
joués  que  par  leur  clavier  respectif  ;  maintenant  on  trouve 
de  plus  en  plus  des  dispositions  permettant  de  jouer  les 
tuyaux  d'un  même  jeu  par  des  claviers  différents  ;  si  <5n  a 
recours  à  ce  système  pour  ne  donner  qu'une  réduction  du  nombre 
des  jeux  réels  dans  un  grand  vaisseau,  c'est  un  leurre  et  on 
ne  saurait   trop   condamner  cette  tendance. 

Mais,  d'autre  part,  un  facteur,  qui  d'abord  place  le  nombre 
de  jeux  suffisants  pour  assurer  la  variété  sonore  et  le  volume 
nécessaires  pour  le  local  ou  l'orgue  est  placé,  et  qui,  ensuite, 
s'arrange  pour  qu'un  certain  nombre  de  jeux  puissent  parler 
sur  des  claviers  multiples,  ajoute  réellement  aux  ressources 
de  l'instrument  et  doit  en   être  félicité. 

Beaucoup  d'orgues  modernes  doublent  ainsi  les  ressources 
de    leurs  effets  de   sonorité. 

11  est  difficile  de  dire  quel  fut  le  premier  inventeur  des 
jeux  transférables,  puisque  dès  le  seizième  siècle  on  en  trouve 
des  exemples  authentiques.  Depuis  cinquante  ans,  les  facteurs 
(Schyven,  Dryvers,  Delmotte),  ont  de  nouveau  travaillé  dans 
cette  direction,  il  est  indubitable  que  le  grand  entraîneur 
est  certainement  Hope-Jones  ;  si  d'autres  ont  eu  la  même 
idée,  c'est  lui  qui  a  donné  par  centaines  les  preuves  d'une 
réalisation  pratique  et  a  ainsi  attiré  sur  les  avantages  artistiques  de 
ce  système,  l'attention  de  tous  ceux  qui  s'occupent  d'orgue.  Son 
idée  de  traiter  l'orgue  comme  une  simple  unité   «  Unit  Organ  » 


58  JEUX  TRANSFÉRÉS 


en  rendant  possible  le  fait  de  tirer  n'importe  quel  jeu  sur 
n'importe  quel  clavier  à  des  octaves  différentes,  fut  développée 
dans  une  conférence  faite  en  mai  1891,  à  Londres,  au  Col- 
lège   Royal  des   Organistes. 

En  adoptant  ce  système  partiellement  et  en  disant  qu'il 
a  fait  un  «  Unit  Organ  »  un  facteur  emploie  une  expression 
inexacte  qui  menace  de  devenir  générale.  Tous  ceux  ..qui  ont 
joué  un  «  Unit  Organ  »  de  Hope-Jones  vantent  son  équilibre 
artistique,  sa  puissance  expressive  et  sa  souplesse  ;  mais  ce 
genre  d'instrument  révolutionne  beaucoup  de  choses  réputées 
intangibles,  par  suite  rencontrer  beaucoup  d'adversaires.  Néan- 
moins on  ne  trouve  plus  que  quelques  organistes  ne  recon- 
naissant pas  l'utilisation  du  principe,  comme  étant,  à  un  degré 
plus  ou  moins  grand,  une  chose  vraiment  utile  dans  n'importe 
quel  orgue.  Par  exemple,  quel  est  celui  qui  n'a  pas  regretté 
de  ne  pouvoir  jouer,  avec  la  pédale,  le  bourdon  du  Récit 
rendu  indépendant,  ou  encore  l'impossibilité  de  faire  parler  la  clari- 
nette du  Positif  à  volonté  sur  le  Récit,  sans  accoupler  les 
deux  claviers.  Compton  de  Nottingham  emploie  cette  méthode 
de  transférer  et  de  dédoubler  les  jeux  dans  tous  les  instru- 
ments  qu'il   construit.  (1) 

Une  méthode  additionnelle,  permettant  le  transfert  des  jeux 
se  trouve  dans  la  double  touche  et  le  pizzicato-touche  ;  la 
double  touche,  quoique  réintroduite  par  Hope-Jones  dans  les 
orgues  qu'il  fit  dans  ces  quinze  dernières  années,  fut,  néan- 
moins trouvée  par  un  français  qui  l'appliqua  aux  harmoniums. 
Dans  l'harmonium  français  de  Mustel,  la  première  touche 
s'obtient  en  abaissant  la  note  d'environ  deux  millimètres,  ce 
qui  produit  un  son  très  doux,  si  l'on  enfonce  la  touche  plus 
profondément  on  obtient  un  son  plus  fort.  Dans  l'orgue  à 
tuyaux  la  double  touche  est  un  peu  différente,  le  premier 
enfoncement  fait  parler  les  jeux  tirés  et  dépendant  de  ce 
clavier,  en  enfonçant  plus  fortement  la  touche  (d'environ  trois 
millimètres)  on  produit  la  double  touche  donnant  l'augmentation 
de  son  en  faisant  parler  d'autres  tuyaux  ;  le  système  est 
ordinairement  constitué  avec  des  accouplements  et  fonctionne 
suivant  la  volonté  de    l'organiste.  Ainsi,  jouant   la  flûte   sur  le 


(1)  Pratique  égUeraent  courante  chez  Rieger,  Hofferveizer,  et  qui  permet 
d'augmenter  fa  variété  et  jusqu'à  un  certain  point  la  réelle  puissance  d'un  orgue 
avec  moins  d'encombrement.  Puget  a  utilisé  ce  procédé  pour  la  pédale  de  rorgu« 
du  Théâtre  des  Champs-Elysées.  —  D'  G.  B. 


JEUX  TRANSFÉRÉS  59 


Positif,  tout  en  ayant  tiré  le  hautbois  du  Récit,  l'organiste, 
s'il  a  la  double  touche,  peut,  par  une  pression  plus  forte,  faire 
parler  telle  ou  telle  note  de  hautbois,  tandis  que  les  autres 
touches  pressant  moins  fortement  font  seulement  chanter  la 
flûte   du    Positif. 

Le  pizzicato-touche  est  une  autre  invention  de  Hope-Jones, 
elle  date  de  20  ans,  mais  au  début  n'eut  pas  le  mérite  d'attirer 
l'attention  comme  récemment  (quand  il  fut  placé  en  1909  dans 
l'orgue  de  Hanson  Place  Baptist-Church  New- York).  Ce  système 
s'emploie  beaucoup  avec  les  accouplements,  il  donne  ceci  :  avec 
des  jeux  doux  au  Grand  Orgue,  si  l'organiste  met  le  pizzicato 
de  Récit  sur  G.  O.,  quand  il  touchera  le  G.  O.,  la  touche  corres- 
pondante du  Récit  s'abaissera,  mais  remontera  aussitôt,  même 
si  la  note  est  tenue  au  Grand  Orgue.  Hope-Jones  met  le 
pizzicato  à  toutes  les  orgues  qu'il  construit  en  Amérique.  Une 
grande   variété  d'effets  musicaux  peut   être   ainsi    obtenue. 


LE    ''UNIT    ORGAN 


tt 


Le  «  Unit  Organ  »  consiste  en  un  seul  instrument  divisé 
en  cinq  familles  sonores,  chacune  dans  une  boîte  expressive 
spéciale  : 

1°  Jeux  fondamentaux  :  diapasons,  diaphones,  tibias,  etc.; 

2°  Les   bois   :   flûtes,   hautbois,    clarinettes,    etc.  ; 

3°  Les  cordes  :  gambes,  vicies  d'orchestres,  dulcianas  etc.  ; 

4"   Les  cuivres  :  trompettes,   corponeéas  et   tubas  ; 

5"  Percussions  :  timbales,  gongs,  carillons  et  glockenspiel, 
etc. 

N'importe  lequel  de  ces  jeux  pris  dans  la  famille  des  fonds, 
des  bois,  des  cordes,  des  cuivres  peut  être  tiré  sur  n'importe 
quel  clavier,  à  l'unisson  en  huit  pieds,  à  l'octave  grave  en  seize 
pieds  ;  dans  quelques  cas  en  quatre  pieds,  en  deux  pieds  ; 
même  à  la    quinte  ou   à   la    tierce   pour  certains  Jeux  (i). 

Ainsi   disposé,   l'orgue  devient   un   instrument    tout   à    fait 


(i)  En  1870,  L.  Dryrers,  de  Louvain,  plaçait  chez  les  Ursulines  de  Werchter 
(Brabant)  un  orgue  de  dix  jeux  réels  dédoublés,  transférés  en  4o  registres  sur 
deux  claviers  manuels  et  un  pédalier;  le  principal  de  16  pieds  y  est  dédoublé  en 
sept  jeux  de  16,  8,  4,  2  pieds  dont  certains  peuvent  être  tirés  indépendamment  au 
Grand  Orgue,  au  Positif,  ou  à  la  Pédale  ;  l'année  précédente  il  avait  placé  un 
orgue  semblable  chez  les  Ursulines  de  Lierre  près  Anv.rs.  L.  Drivers  était  un 
précurseur,  mais  cette  tentative  pour  sortir  il  y  a  40  ans.,  de  l'ornière  habituelle, 
succomba  dans  la  complication  du  mécanisme.  —  D'  G.  B. 


60  JEUX  TRANSFÉRÉS 


différent,  il  est  très  souple,  car  non  seulement  les  sonorités 
peuvent  être  modifiées  en  appelant  les  jeux  à  l'unisson  ou  à 
l'octave  soit  grave,  soit  aiguë  mais  encore  dans  chaque  famille 
la  force  du  son  peut  être  modifiée  par  sa  boîte  expressive  spé- 
ciale. Ainsi  les  jeux  de  fonds  peuvent  dominer,  et  en  manœu- 
vrant les  pédales  d'expression  on  pourra  faire  prédominer  les 
cordes,  en  estompant  la  sonorité  des  fonds.  A  leur  tour, 
les  cordes  peuvent  s'effacer  devant  un  rinforzando  des  bois, 
jusqu'à  ce  que,  en  ouvrant  leur  boîte  spéciale  les  cuivres, 
dominent  à  leur  tour  ;  la  variété  des  combinaisons  sonores 
est    ainsi    illimitée. 

L'adoption  de  ce  principe  évite  des  répétitions  inutiles  de 
jeux,  ainsi  dans  l'orgue  de  St-George's  Hall  Liverpool,  on  trouve 
aux  manuels  :  cinq  diapasons,  quatre  prestants,  cinq  doublettes, 
trois  clarinettes,  deux  hautbois,  trois  trompettes,  trois  ophi- 
cléides,  trois  trombones,  six  clairons,  quatre  flûtes  etc..  Dans 
l'orgue  «  Unit  »  de  Hope-Jones  à  Océan  Grove,  six  jeux 
suffisent  à  obtenir  tous  ces  effets  ;  l'organiste  de  Toure  Syna- 
gogue New-Orléans  a  exprimé  l'opinion  que  son  «  Unit  Organ  » 
de  dix  jeux  est  l'égal  d'un  instrument  ordinaire  de  soixante 
jeux. 

L'interférence  des  ondes  sonores,  connue  chez  les  facteurs 
sous  le  nom  sympathie  ou  d'entraînement,  est  leur  bête  noire  ; 
ce  curieux  phénomène  acoustique  est  enèore  une  nouvelle  raison 
contre  la  répétition  de  jeux  semblables  dans  un  orgue.  Quand 
deux  tuyaux  identiques  de  diamètre  et  de  hauteur  se  trouvent 
placés  de  façon  que  les  ondes  qu'ils  émettent  puissent  passer  de 
l'un  à  l'autre,  si  on  les  joue  séparément,  ils  parient  bien  ;  si  on 
les  fait  parler  ensemble  on  ne  les  entend  plus,  par  leur  mélange,  leurs 
ondes  sonores  se  détruisent  réciproquement  et  l'on  ne  perçoit  plus 
que  le  bruit  d'un  jet  d'air.  On  peut  démontrer  néanmoins,  que 
chacun  de  ces  tuyaux  émet  un  son,  au  moyen  d'un  tube  ayant 
une  extrémité  près  des  lèvres  de  l'un  des  deux  tuyaux  et  l'autre 
extrémité  contre  l'oreille  de  l'auditeur  qui  alors  perçoit  nettement 
le  son  du  tuyau.  En  d'autres  termes:  un  son  détruit  l'autre; 
voici  l'explication  de  Helmholtz  :  quand  deux  ondes  sonores 
identiques  sont  en  opposition,  la  première  détruit  l'effet  de  la 
seconde,  et  le  résultat  donne  une  ligne  droite,  donc  pas  d'ondes 
sonores  résultantes,  donc  pas  de  son.  Si  la  crête  d'une  onde 
sonore  d'une  grandeur  et  d'une  forme  déterminée  coïncide  avec 


JEUX  TRANSFÉRÉS 


61 


l'émission  d'une  onde  exactement  semblable,  le  résultat  sera  une 
onde  ayant  le  double  de  hauteur,  donc  augmentation  du  son  ; 
si  la  crête  d'une  onde  coïncide  avec  le  creux  d'une  autre  onde, 
le  résultat  sera  une  destruction  réciproque  et  l'on  n'entendra 
rien  (i). 

C'est  pourquoi  les  anciens  facteurs,  quand  ils  mettaient 
plusieurs  jeux  semblables,  s'efforçaient  de  détruire  cette  sympathie 
en  employant  des  tuyaux  de  diamètres  (taille)  différents,  mais 
avec  un  résultat  médiocre,  les  gros  tuyaux  semblaient  avaler  les 
petits. 

Dans  l'orgue  gigantesque  du  Town  Hall  de  Leeds,  il  y  avait 
un  tuyau  du  prestant  que  personne  ne  pouvait  accorder, 
l'accordeur  le  retournait  de  toutes  les  façons  mais  sans  résultat  ; 
il  y  réussit  en  le  postant  au  moyen  d'un  tube  assez  loin  de  sa 
place  sur  le  sommier  (2).  C'est  un  exemple  d'une  chose  qui  arrive 
fréquemment  ;  dans  les  orgues  de  Hope-Jones  le  plan  ordinaire 
des  sommiers  séparés:  côté  UT  et  côté  UT  dièze,  est  abandonné, 
les  tuyaux  sont  mis  en  échelle  chromatique,  cette  disposition 
ingénieuse  évite  les  interférences  en  grande  partie  (3). 


(1)  Cette  expérience  de  laboratoire  réussit  dans  des  conditions  spéciales  qui 
peuvent  se  rencontrer  fortuitement  dans  un  orgue,  mais  c'est  plutôt  rare  :  ce  qui 
est  beaucou*  plus  fréquent, c'est  l'altération  par  voiiinage,  corrigée  en  déplaçant 
les  tuyaux  capricieux,  ou  en  les  mettant  sur  un  pied  plus  élevé  pour  empêcher 
que  le  voisinage  des  bouches  ne  produise  l'entraînement,  l'auteur  le  dit  plus 
bas. 

(2)  L'histoire  de  ce  tuyau  récalcitrant,  sur  les  6.400  de  l'orgue  monumental 
de  Leeds,  est  de  minime' importance,  et  ce  n'est  pas  la  crainte  de  ce  défaut,  si 
facilement  corrigeable,  qui  fera  adopter  intégralement  1'  «  Unit  Organ  ».  11  faudrait 
que  les  architectes  en  général  entêtés  et  ignoran'S  (oh  !  combien)  en  matière 
d'orgue,  donnent  aux  facteurs  la  place  que  ceux-ci  réclament  pour  bien  espacer 
leurs  tuyaux.  Mais  le  principe  de  l'Unit  Organ  est  utilisable  comme  remplaçant 
partiel  cle  certains  instruments  de  l'orchestre  :  une  sonate  de  flûte  de  Bach  ou  de 
Haendel  jouée  en  selo  à  l'orgue  et  accompagnée  au  piano  peut  prendre  un  grand 
caractère  artistique. 

(3)  Certains  facteurs  sont  d'une  opinion  opposée,  trouvent  que  l'entraîne- 
ment se  produit  plus  facilement  entre  tuyaux  voisms  d'un  demi-ton  ? —  D'  G.  B. 


CHAPITRE    X 


PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE 


Nous  voici  arrivés  au  chapitre  intéressant  le  plus  l'auditeur, 
savoir  les  diverses  sonorités  de  l'orgue.  La  forme  générale  et  la 
construction  de  nos  tuyaux  actuels  comparées  aux  dessins  les 
plus  anciens  connus,  n'ont  guère  changé  depuis  des  siècles,  les 
anciens  ne  manquaient  pas  d'ingéniosité  et  nous  avons  des 
dessins  et  toute  une  série  de  tuyaux  de  formes  bizarres  devant 
imiter  les  grognements  de  l'ours,  tuyaux  quelquefois  appelés  voix 
humaine.  D'autres  imitant  le  chant  du  coq,  celui  du  coucou, 
du  rossignol  ou  les  roulades  du  canari,  les  bouts  de  ces  derniers 
tuyaux  étaient  renversés  et  plongés  dans  l'eau  absolument  comme 
les  jouets  employés  dans  quelque  symphonie  burlesque. 

11  y  avait  un  jeu  appelé  le  Hummel  constitué  par  les  deux 
plus  gros  tuyaux  parlant  ensemble  «  pour  réveiller  ceux  qui 
dormaient  pendant  le  sermon»,  on  trouvait  aussi  la  fameuse 
queue  de  renard  :  un  bouton  de  jeu  portait  comme  inscription 
«  noli  me  tangere  ».  Le  visiteur,  prié  de  tirer  le  jeu,  déclan- 
chait  un  ressort  lui  projetant  sur  la  figure  une  queue  de  renard, 
pour  la  plus  grande  joie  des  assistants. 

Pour  bien  comprendre  ce  qui  suit,  il  va  nous  falloir  faire 
un  petit  voyage  dans  le  royaume  de  l'acoustique  ;  déjà  nous 
avons  fait  remarquer  la  très  grande  antiquité  de  la  flûte,  dont 
le  son  se  produit  en  soufilant  à  travers  un  trou  latéral,  par  un 
courant  d'air  venant  frapper  un  rebord  tranchant  (i).  On  peut  ainsi 


(i)  Cette  explication  est  apparente,  mais  elle  n'a  plus  cours  scientific]ue  en 
Europe  ;  les  belles  expériences  du  F.  Looten  S.  J.  et  de  Herman  Smith  ont 
démontré  que  ce  choc  n'existe  pas,  mais  que  le  vent  arrivant  par  la  lumière  des 
tuyaux  doit  tangenter  la  lèvre  supérieure  pour  créer  une  succion  dans  le  tuyau. 
Cette  succion  suivie  d'une  réaction  forme  un  régime  périodique  oscillatoire  ; 
c'est  l'anche  aérienne  «theairreed»  que  H.  Smith  a  si  bien  décrite,  et  que 
Cavaillé-Coll  avait  entrevue.  —  D'  G.  B. 


PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE  63 

produire  un  son  en  soufflant  à  travers  de  l'extrémité  d'un  tube  fait 
de  n'importe  quelle  substance  :  verre,  métal,  caoutchouc,  roseau, 
c'est  encore  le  son  obtenu  en  soufflant  sur  le  trou  d'une  clef  de 
porte  ordinaire.  Les  flûtes  primitives  trouvées  sur  les  tombes  des 
Egyptiens  et  décrites  dans  les  hiéroglyphes  sont  en  roseau  d'en- 
viron quatorze  pouces  anglais  de  longueur  (trente-cinq  centi- 
mètres) avec  six  trous,  une  extrémité  n'est  pas  bouchée 
comme  dans  nos  flûtes  modernes,  mais  est  amincie  en  biseau 
donnant  un  large  trou  circulaire  percé  en  angle  droit  de  la  tubu- 
lure centrale.  En  soufflant  à  travers  cette  ouverture,  on  obtient 
un  joli  son  de  flûte  un  peu  faible  ;  ferme-t-on  les  six  trous,  avec 
les  doigts,  le  tuyau  rend  son  son  fondamental  ;  en  débouchant 
successivement  les  six  trous,  on  obtient  les  sept  notes  de  la 
gamme  majeure,  en  fermant  successivement  les  trous  et  en 
soufflant  plus  fort,  on  obtient  la  même  gamme  d'une  octave  plus 
haut  ;  enfin,  en  soufflant  encore  plus  fort,  de  nouveau  le  son 
monte  d'un  octave  ;  en  d'autres  termes  on  a  fait  produire  aux 
tuyaux  des  sons  harmoniques. 

D'un  tube  ne  présentant  aucun  trou,  ni  soupape,  comme  le 
cor  sans  piston  de  l'orchestre,  on  peut,  en  serrant  les  lèvres  et  en 
augmentant  le  souffle,  produire  la  série  des  harmoniques  ;  leur 
existence  dans  les  cordes  du  piano  est  facilement  prouvée  de  la 
façon  suivante  :  abaissez  la  pédale  de  forte  et  donnez  sur 
n'importe  qu'elle  note  dans  le  grave,  un  coup  sec  ;  alors,  écou- 
tant attentivement,  vous  percevrez  la  tierce,  la  quinte  et  l'octave, 
l'accord  majeur  de  la  note  frappée  se  répétant  même  en  octaves  ; 
dans  ce  cas,  les  autres  cordes  du  piano  jouent  le  rôle  de  réson- 
nateurs  sympathiques  permettant  la  perception  des  harmoniques. 

Revenons  à  notre  flûte  de  tout  à  l'heure,  et  appliquons  ce 
que  nous  venons  d'apprendre  à  un  tuyau  d'orgue,  nous  obser- 
verons :  1"  que  la  hauteur  du  son  dépend  de  la  longueur  du 
tuyau  ;  2»  que  la  hauteur  du  son  dépend  aussi  de  la  pression  du 
vent  faisant  parler  le  tuyau. 

On  voit  tout  de  suite  l'importance  d'une  pression  stable  et 
uniforme  pour  alimenter  un  orgue,  autrement  les  tuyaux  feront 
entendre  un  harmonique  au  lieu  de  la  note  fondamentale,  ce  qui 
arrive  souvent. 

Quand  un  jeu  d'orgue  est  marqué  8p  ,  abréviation  de  huit 
pieds,  cela  veut  dire  que  son  tuyau  le  plus  grave  appelé  CC 
est  long  de  huit  pieds  environ  =  2  m.  60,  et  que  la  touche  de 
l'ut   le  plus  grave  du   clavier  lui  correspond.    Un   jeu  marqué 


64 


PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE 


i6  pieds  fera  entendre,  sur  cette  même  dernière  touche  du 
clavier,  un  ut  à  l'octave  au-dessous  ;  un  jeu  marqué  quatre 
pieds,  un  ut  à  l'octave  aigué  du  tuyau  ut  de  huit  pieds.  Ces 
mesures  sont  applicables  aux  tuyaux  ouverts,  mais  d'une  façon 
approximative  ;  car,  pour  une  même  note,  des  tuyaux  de  fort 
diamètre  (de  grosse  taille,  disent  les  facteurs)  n'ont  pas  besoin 
d'être  aussi  longs  que  des  tuyaux  de  fine  taille,  tels  ceux  de 
gambe,  d'éoline,  de  viole  d'orchestre. 

Dans  ses  «  Musical  Acoustics  »  page  27,  Broadhouse 
dit  ceci  :  si  vous  prenez  un  tube  ouvert  aux  deux  bouts,  et  si 
vous  soufflez  en  travers  à  une  extrémité,  le  tube  donnera  sa 
note  fondamentale,  mais  si  vous  bouchez  l'autre  bout  avec  la 
main,  le  son  obtenu  sera  à  l'octave  grave  de  celui  obtenu  avec  les 
deux  bouts  ouverts  (i)  ;  on  dira  tuyau  ouvert  et  tuyau  bouché 
ou  bourdon,  et  cette  différence  constitue  les  deux  grandes 
classes  des  tuyaux  qui   dans  l'orgue  donnent  des  sons  de  flûte. 

Donc,  en   bouchant  un  tuyau  de  quatre  pieds,  nous  aurons 


^^ 


^^ 


s^ 


FiG.  15  bis 


la  tonalité  de  huit  pieds  ouvert  ;  en  bouchant  un  huit  pieds,  le 
son  grave  du  seize  pieds  ouvert,  toutefois  avec  moins  d'inten- 
sité et  de  volume. 

Les  sons  harmoniques,  que  l'on  peut  faire  naître  dans  les 
tuyaux  bouchés,  sont  tout  à  fait  différents  des  harmoniques 
produits  par  des  tuyaux  ouverts;  où  leur  succession  harmonique  est 
produite  par  des  vibrations  dont  le  nombre  à  la  seconde  sont 
dans  les  rapports  i,  2,  3,  4,  tandis  que,  pour  les  tuyaux 
bouchés,  les  vibrations  sont  dans  le  rapport  i,  3,  s,  7,  ces 
sons  harmoniques  sont  aussi  appelés  harmoniques  partiels  aigus. 

La  «  Estey  Organ  Company»  prétend  qu'elle  a  découvert  un 
nouveau  principe  acoustique  dans  ses  tuyaux    de  basse   ouverte 


(i)  Cela  n'est  pas  tout  à  fait  exact,  car  pour  donner  l'octave,  il  faut  enfoncer 
le  tampon  du  bourdon  juste  au  niveau  où  se  trouve  le  nœud  du  tuyau  ouvert, 
or  ce  niveau  est  toujours  situé  bien  au-dessous  du  milieu  du  tuyau  ouvert  ;  donc 
en  bouchant  l'extrémité  d'un  tuvau  ouvert  on  a  un  son  plus  grave  que  son  octave. 

D'  G.  B. 


PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE 


65 


dont  figure  ci-contre.  Cette  invention  de  William  Haskell  permet 
de  donner  des  sonorités  de  basse  ouverte  dans  les  locaux  où  les 
boîtes  de  Récit  expressives  n'ont  pas  la  hauteur  suffisante. 

En  regardant  la  figure  on  verra  que  les  tuyaux  sont  en  partie 
ouverts,    en   partie   fermés  avec   une   glissière   d'accord   dans    la 


TWMINC   ROO 


ENLAircco  VIEW  or  TuNiNC  suoe  3 


FiG.  16 


partie  médiane.  Voici  la  description  de  l'inventeur  :  «  le  tube 
«  inclus,  ou  chambre  complémentaire,  placé  dans  le  tuyau  à  la 
«  longueur  requise  pour  compléter  la  longueur  réelle  du  tuyau 


66  PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE 

«  ouvert,  on  remarquera  qu'il  est  d'une  taille  plus  petite  que 
«  l'extérieur  du  tuyau,  l'effet  est  d'obtenir  des  vibrations 
«  pareilles  à  celles  produites  par  un  tuyau  de  longueur  réelle  et 
«  ne  modifierait  pas  la  qualité  de  son,  même  matériellement 
«  parlant  il  favoriserait  l'émission  du  son  surtout  dans  les 
«  trente-deux  pieds  ouverts  qui,  construit  à  l'ordinaire  en 
«  longueur  réelle,  parlent  lentement;  avec  le  nouveau  système, 
«  le  tuyau  attaque  mieux  et  aussi  vite  qu'un  seize  pieds 
«  ouvert,  nous  avons  essayé  ce  procédé  pour  toutes  les  familles 
«  de  tuyaux,  diapasons,  flûtes,  gambes,  et  le  principe  est  bon 
«  pour  tous  ces  tuyaux  ». 

Helmoltz  démontra  le  premier  que  le  timbre  de  n'importe 
quel  instrument  dépend  entièrement  de  la  présence  ou  de 
l'absence  d'un  certain  nombre  des  harmoniques  supérieurs  ;  le 
timbre  très  creux  de  la  flûte  est  pauvre  en  harmoniques  supé- 
rieurs, le  son  éclatant  de  la  trompette  en  contient  un  très  grand 
nombre  et  des  plus  élevés,  les  cymbales  donnent  la  presque  tota- 
lité des  harmoniques  supérieurs. 

Les  différentes  qualités  de  sonorité  d'un  tuyau  d'orgue 
dépendent  :  i»  des  matériaux  dont  sont  faits  les  tuyaux  (i)  ;  2»  de 
leur  forme  ;  3»  de  la  pression  de  vent  les  faisant  parler  ;  4»  de 
la  grandeur  et  de  la  forme  de  la  bouche  du  tuyau,  de  la  posi- 
tion du  courant  d'air  venant  de  la  lèvre  inférieure  vers  la  lèvre 
supérieure,  de  l'épaisseur  et  de  la  forme  de  cette  lèvre  supérieure. 
Le  travail,  le  façonnement  de  la  bouche  et  de  la  lèvre  pour  obte- 
nir la  sonorité  désirée  s'appelle  harmonisation  du  tuyau  (en  anglais 
Voicing;  en  allemand  Intonation),  la  mise  en  harmonie  d'un  tuyau 
demande  une  habileté  artistique  considérable,  l'auteur  se  rappelle 
l'exemple  de  Gustave  Shellette,  un  harmoniste  fort  habile  prenant 
en  main  un  orgue  d'une  sonorité  non  satisfaisante  et  ayant  tout 
corrigé  à  la  fin  de  la  semaine  (2). 


(i)  D'une  façon  secondaire,  car  avec  une  épaisseur  de  parois  assez  forte 
pour  ne  pas  vibrer  et  un  même  état  de  poli  de  leurs  surfaces  intérieures,  des 
tuyaui  identiques  de  forme  donneraient  le  même  son  fondamental  et  le  même 
cortège  d'harm')niques,  donc  le  même  timbre.  Beaucoup  de  bons  harmonistes 
«sauvent»  même  la  transition  d'un  tuyau  rond  en  métal  au  tuyau  suivant 
construit  en  bois  et  de  forme  carrée  (basses  de  flûte  de  bourdon,  de  gambes)  au 
point  que  seule  une  oreille  très  exercée  distinguera  une  différence  notable  de 
sonorité. 

(2)  Il  faudrait  nous  indiquer  le  nombre  des  jeux  de  l'orgue,  dire  s'il  y  avait 
beaucoup  de  jeux  de  mutations,  de  jeux  d'anches  etc.,  etc.,  pour  pouvoir  bien 
se  rendre  compte  de  l'nabileté  de  cet  harmoniste.  Ce  devait  être  un  ouvrier  ti es 
adroit,  sachant  reconnaître  rapidement  les  défauts  d'un  tuyau  et  comment  y 
remédier  d'une  façon  certaine,  tandis  que  d'autres  harmonistes  n'y  arrivent  que 
par  tâtonnements  et  s'éternisent  dans  la  réharmonisation  d'un  orgue.— D'  G.  B. 


PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE  6^ 

Un  autre  genre  d'harmoniques  existe,  ce  sont  les  harmoni- 
ques de  Tartini,  célèbre  violoniste  italien  du  XVIII"»»  siècle,  qui 
en  17 14  les  a  le  premier  décrits,  Helmoitz  les  appelle  harmoniques 
résultants.  Ils  sont  perçus  toutes  les  fois  que  deux  sons  de 
hauteur  différente  sont  entendus  simultanément  d'une  façon 
continue  et  forte.  Inutile  de  donner  ici  une  table  de  toute  la 
collection  de  ces  harmoniques  de  Tartini,  prenons  les  deux  qui 
sont  les  plus  employés  :  si  deux  sons  à  l'intervalle  de  la 
quinte  sont  produits  simultanément,  on  entend  nettement  une 
note  d'une  octave  au-dessous  du  plus  grave  de  ces  deux 
tuyaux,  ainsi  les  facteurs  d'orgues  prennent  deux  tuyaux,  un 
de  seize  pieds  Ut,  un  de  dix  pieds  2/3  Sol  à  l'intervalle  de  la 
quinte.  En  les  faisant  parler  ensemble,  on  perçoit  le  ton  grave 
d'un  tuyau  de  trente-deux  pieds,  c'est  ce  jeu  que  l'on  trouve 
marqué  «  trente-deux  pieds  résultant».  Hope-Jones  fait  un  jeu 
appelé  «  gravissima  »  ou  «  soixante-quatre  pieds  résultant  » 
dans  ses  grands  instruments.  Pour  certains,  ce  système  donne 
des  résultats  meilleurs  que  si  l'on  employait  des  tuyaux  ayant 
réellement   trente-deux  ou  soixante-quatre  pieds. 

D'ailleurs,  un  soixante-quatre  pieds  donnerait  un  son  imper- 
ceptible pour  l'oreille  humaine  ayant  une  portée  limitée  et  qui 
se  refuse  à  distinguer  une  tonalité  plus  basse  que  le  trente- 
deux  pieds  (de  même  qu'une  pompe  ordinaire  ne  peut  aspirer 
l'eau  au-dessus  de  trente-deux  pieds)  mais  en  réalité,  ces  grands 
tuyaux  (i)  produisent  des  harmoniques  qui  renforcent  merveilleu- 
sement les  sonorités  graves  de  l'orgue,  cela  rend  leur  emploi  légitime. 

Un  autre  son  résultant  de  Tartini,  est  celui  produit  par  deux 
tuyaux  parlant  à  un  intervalle  de  tierce  majeure  ;  il  donne  une 
note  à  deux  octaves  au-dessous  du  plus  grave  des  deux  tuyaux  ; 
l'auteur  ne  sait  pas  s'il  a  jamais  été  utilisé  dans  la  construction 
d'un  orgue,  mais  Guilmant  et  quelques  autres  compositeurs 
émérites  écrivent  cet  effet  de  tierce  majeure.  On  voit  qu'un 
organiste  avisé  peut,  avec  les  sons  résultants  de  Tartini,  produire 
sur  de  petites  orgues  des  effets  qu'un  organiste  moins  instruit 
négligera  (2). 


(1)  Non  pas  de  64  pieds,  mais  bien  ceux  d'une  quinte  de  21  pieds  i/3;  c'est 
seulement  pour  l'orgue  de  Sydney  (i5o  jeux,  1879)  que  Hill  a  construit  un  64  pieds 
réel  en  jeu  d'anches. 

(2)  L'organiste  allemand  Sorge,  théoricien  célèbre  (1703-1765)  s'est  préoccupé 
de  l'utilisation  des  sons  de  Tartini.  Mais  avant  Tartini,  le  français  J.  S' uveur 
avait  oublié,  dès  1702,  son  Traité  de  l'Applicat'on  des  sons  Harmoniques  à  !a 
composition  des  jeux  d'orgue.  Idée  française  reprise  et  réalisée  pratiquement  en 
1789  par  l'abbé  de  Vogler,  dans  son  «  Orchestrion»,  lequel  contenait  des  16  pieds 
résultant  d'un  8  pieds  associé  à  sa  quinte.  —  D'  G.  B. 


68  PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE 

Revenons  une  fois  de  plus  à  notre  flûte  primitive,  dont  la 
partie  sonnante  du  tube  est  raccourcie  en  découvrant  plus  ou 
moins  de  trous  ;  on  ignore  généralement  qu'on  peut  traiter  de 
même  les  tuyaux  d'orgue,  l'auteur  en  a  trouvé  des  exemples 
en  Angleterre,  dans  la  cathédrale  de  Chester,  les  deux  tuyaux 
graves,  ut  et  ut  dièze  du  seize  pieds  ouvert  de  pédale  étaient 
construits  de  façon  à  donner  chacun  deux  notes,  au  moyen  d'une 
valve  pneumatique  débouchant  un  trou  vers  le  haut  du  tuyau. 
Cette  valve  fermée,  le  tuyau  donnait  l'ut,  mais  si  l'organiste 
touchait  l'ut  dièze,  la  valve  était  soulevée  pneumatiquement, 
ouvrant  un  trou  qui  raccourcissait  le  tuyau.  Le  système  mar- 
chait très  bien  ;  mais  naturellement  il  était  impossible  de  faire 
entendre  à  la  fois  ut  et  ut  dièze  pour  l'effet  de  tonnerre  ! 
L'organiste  qui  jouait  cet  orgue  deux  fois  par  jour  depuis  dix 
ans,  ne  s'en  aperçut  que  lorsque  ces  tuyaux  furent  démontés 
pour  un  nettoyage  ;  c'est  un  bon  expédient  quand  la  place 
manque  (i). 

Jeu  de  Diapason. 
(Montre  ou  Principal  des  facteurs  français) 

Les  tuyaux  qui  ornent  l'extérieur  d'un  buffet  d'orgue, 
appartiennent  ordinairement  au  jeu  de  diapason  ou  montre  du 
Grand  Orgue  jeu  longtemps  regardé  comme  le  seul  jeu  fonda- 
mental ;  le  diapason  peut  varier,  en  diamètre  ou  taille,  depuis 
deux  cent  vingt  millimètres  jusqu'à  soixante-quinze  millimètres, 
pour  l'ut  de  huit  pieds  ;  ordinairement  il  a  quinze  centimètres. 
Les  vieux  facteurs  Father  Schmidt,  Renatus  Harris,  Green,  Snetzler 
et  d'autres  aussi  célèbres  faisaient  des  diapasons  d'une  sonorité 
exquise  mais  un  peu  faible.  Cependant,  tout  en  paraissant 
très  doux  entendus  près  de  l'orgue,  ces  diapasons  ne  perdaient 
pas  leurs  qualités  de  finesse,  même  entendus  à  l'autre  bout  de 
l'église.  En  1862,  Schulze  dans  son  fameux  orgue  de  Doncaster, 
Angleterre,  mit  en  vedette  un  diapason  plus  puissant  et  d'une 
sonorité  plus  brillante,  les  tuyaux  avaient  des  bouches  très  larges  et 
étaient  fortement  fournis  de  vent.  T.C.  Lewis  et  Willis,  en  Angle- 
terre, imitèrent  le  travail  de  Schulze,  artiste  qui  a  eu  une  grande 
influence  sur  la  facture  anglaise  et  allemande.   L'harmonisation 


(1)  M.  Debierre,  de  Nantes  emploie  constamment  les  tuyaux  polyphones 
ouverts  ou  fermés  ;  ch  ique  tuyau  donnant  dans  le  grave  jusqu'à  trois  notes  dans 
set  orgues  de  modèle  réduit,  fa  sonorité  est  bonne.  —  D'  G.  B. 


PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE  69 

de  Schuize  ajoutait  certainement  beaucoup  au  caractère  tranchant 
et  à  la  puissance  du  son,  mais  donnait  l'impression  d'un  tuyau 
parlant  avec  trop  de  vent,  et  qui  perdait  ainsi  la  qualité 
vraiment  musicale  et  chantante  des  anciens  diapasons.  Néamoins 
les  diapasons  à  sonorité  tranchante  devinrent  des  modèles,  Willis 
arriva  même  à  harmoniser  ces  diapasons  avec  des  entailles; 
pratique  suivie  par  Cavaillé-Coll. 

Waiker  en  Angleterre,  et  Henri  Erben  en  Amérique,  ont 
continué  à  faire  des  diapasons  à  sonorité  fondamentale  très  accusée  ; 
avec  quelques  autres  facteurs,  ils  ont  aidé  à  maintenir  les  vieilles 
traditions. 

En  1887,  Hope-Jones  mit  en  pratique  sa  découverte,  savoir: 
en  garnissant  de  peau  les  lèvres  des  diapasons  en  rétrécissant 
les  bouches,  en  renversant  les  biseaux,  augmentant  l'épaisseur  du 
métal  les  tuyaux  pouvaient  être  harmonisés  avec  10,  20,  même  30 
pouces  de  pression  (25,  50,  et  75  centim.),  sans  produire  aucune 
rudesse,  ni  donner  la  sensation  d'un  tuyau  forcé  comme  vent  et 
par  suite   «  soufflant  ». 

Hope-Jones  cessa  de  régler  le  vent  par  le  pied  du  tuyau, 
et  obtint  ce  réglage  par  le  façonnage  de  la  bouche  ;  son  inven- 
tion a  montré  qu'elle  avait  une  très  grande  portée,  car  elle  repro- 
duisait la  qualité  des  vieux  diapasons  avec  leur  belle  sonorité 
fondamentale,  mais  avec  la  puissance  en  plus.  L'emploi  de  ces 
«  leathered  lips  »  (mot  à  mot  :  lèvres  garnies  de  peau)  commence 
à  progresser,  étant  destiné  à  remplacer  les  diapasons  à  sonorité 
maigre  que  nous  connaissions.  Dans  presque  tous  les  pays 
l'influence  de  Hope-Jones  se  fait  sentir,  et  il  n'y  a  que  peu  de 
facteurs  qui  n'adoptent  point  le  «  leathered  lip  »  ;  M.  Wedgwood, 
dans  son  Dictionnaire  des  jeux  d'orgues  (pages  44,  45),  dit  ceci  : 
M.  Ernest  Skinner,  le  constructeur  éminent  de  quelques-unes  des 
plus  belles  orgues  américaines,  regarde  la  découverte  du  «  leathered 
lip»  comme  l'égale  de  l'invention  de  la  machine  pneumatique 
de  Barker,  et  prédit  qu'elle  révolutionnera  les  sonorités  de 
l'orgue  aussi  profondément  et  aussi  sûrement  que  le  fit  pour  la 
mécanique,  le  levier  pneumatique  ;  idée  qui  n'est  peut-être  pas 
aussi    exagérée    qu'on   serait   disposé  à    le  croire. 

Les  diapasons  garnis  de  peau  ont  atteint  un  zénith  de  popularité 
autant  en  Angleterre  qu'en  Amérique,  où  beaucoup  des  meilleures 
orgues  autrefois  construites  par  Roosevelt  sont  actuellement 
améliorées  par  divers  facteurs,  simplement  en  garnissant  les  lèvres 


70' 


PRODUCTION  DU  SON  DANS  L'ORGUE 


des  tuyaux  avec  de  la  peau(i).  Un  grand  facteur  allemand  ayant 
essayé  cette  méthode  sur  la  recommandation  de  l'auteur,  a  été 
si  frappé  de  la  qualité  de  son,  qu'il  manifeste  l'intention  d'en 
généraliser  l'emploi  dans  sa  facture. 

Quelques  tentatives  isolées  et  imparfaites, 
d'améliorer  la  sonorité  en  garnissant  les  lèvres 
avec  du  papier,  du  parchemin,  du  feutre  et 
diverses  autres  substances  ont  été  retrouvées, 
mais  certainement  M.  Robert  Hope-Jones  a  été 
le  premier  a  en  concevoir  et  à  en  réaliser  toute 
la  valeur  (2). 

C'est  seulement  après  beaucoup  de  médita- 
tions et  de  travail  qu'il  est  arrivé  à  passer  de 
la  théorie  scientifique  embryonnaire  à  une 
méthode  pratique  qui  va  transformer  la  cons- 
truction de  l'orgue.  Les  noms  de  Cavaillé-Coll  , 
Georges  Willis  et  de  Hopejones  seront  trans- 
mis à  la  postérité  comme  ayant  réalisé  les 
inventions  les  plus  importantes  dans  le  domaine 
respectif  de  l'harmonisation  des  jeux  d'anches 
et  des  jeux  à  bouche,  inventions  dont  l'ère  pré- 
sente de  la  facture  d'orgue  donne  largement 
la  preuve. 

Le    désir  d'avoir  une  sonorité  de 
diapason  plus  puissante  trouva  sa  réali- 
sation   avec    la    mise    en    place,    dans 
nos   plus   grandes   orgues  américaines, 
du  jeu  de  Stentorphone  ;  c'était  un  diapason  en 
métal  de  grosse  taille,  de  construction  ordinaire. 
Harmonisé  à  forte  pression,  il  avait  une  sonorité 
dure,  peu  musicale  et  inartistique,  et  il  produi- 
sait comparativement  peu  de  sonorité  fondamen- 
tale, celle-ci  étant  masquée  par  un  puissant  cortège 
d'harmoniques,  dont  quelques-uns  dissonants.  En 


.y^Leathered  Lip 
i^:^CloVied  Fine 


FiG.  17 


(1)  C'est  exact:  les  lèvres  garnies  de  peau  donnent  une  modification  du 
son  d'un  tuyau  faible  et  de  petit  diamètre  en  l'adoucissant  et  lui  donnant  du 
volume,  cela  je  l'ai  vérifié  moi-même;  mais  un  bon  harmoniste,  avec  un  tuyau 
bien  fait  à  parois  suffisamment  épaisses,  obtient  la  même  qualité  de  son,  sans 
avoir  recours  à  la  garniture  des  lèvres. 

Néanmoins  cette  méthode  donne  de  bons  résultats  et  constitue  une  innova- 
tion très  intéressante  dont  il  faut  tirer  un  parti  artistique,  sans  vouloir  la  généra- 
liser d'emblée,   surtout  pour  les  pressions  de  vent  moyennes. 

(a)  M.  Herbet  Norman  est  considéré  en  Angleterre,  comme  pouvant  faire  les 
mêmes  revendications.  —  D'  G.  B. 


PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE  71 

Allemagne,  Weiglé  de  Stuttgart  fit  usage  d'un  jeu  de  ce  type, 
mais  exagéra  son  manque  de  raffinement  en  faisant  la  bouche 
d'une  largeur  dépassant  la  normale  (i). 

A  mesure  que  la  méthode  de  Hope-Jones  fut  connue, 
ces  jeux  durs  et  peu  musicaux  disparurent,  il  est  hors  de 
question,  qu'en  augmentant  les  pressions  on  doit  chercher  à 
augmenter  le  raffinement  du  son,  plutôt  que  sa  puissance.  Une 
sonorité  fondamentale  douce,  obtenue  avec  une  forte  pression,  a 
toujours  une  puissance  satisfaisante. 

Hope-Jones  a  aussi  absolument  raison  quand  il  prétend  que, 
pour  obtenir  une  grande  noblesse  dans  les  jeux  de  fonds,  il  est 
inutile  de  multiplier  les  diapasons  ;  mais  qu'il  faut  leur  associer 
des  puissantes  flûtes  spéciales  qu'il  appelle  tibias. 

Toute  innovation,  destinée  à  faire  époque,  commence  par 
trouver  des  adversaires  ;  ceux-ci  prétendent  que  la  sonorité  fon- 
damentale n'est  pas  d'un  caractère  s'associant  bien  avec  les 
autres  jeux,  quand  elle  est  très  pure.  C'est  vrai,  en  partie  :  il 
y  a  des  orgues  où  l'on  trouve  des  jeux  de  fonds  très  purs,  qui 
qui  ne  se  fondent  pas  bien  avec  le  reste  des  autres  jeux  ;  mais 
d'autre  part,  c'est  une  méprise  de  dire  que  la  sonorité  des 
fonds  bien  pure  ne  se  marie  généralement  pas  bien  avec  les 
autres  jeux.  Hope-Jones  a  prouvé  indubitablement,  qu'avec 
l'habileté  voulue  on  y  arrive,  et  de  même  ceux  qui  ont  suivi 
ses  préceptes.  Une  vue  de  la  bouche  d'un  diapason  de  Hope- 
Jones  à  forte  pression,  avec  le  biseau  renversé,  les  lèvres  supé- 
rieures et  inférieures  garnies  de  peau  est  donnée  dans  la  fig.  17. 

La  sonorité  molle  des  anciens  diapasons  tenait  à  l'absence 
du  cortège  des  harmoniques  supérieurs.  Avec  l'introduction  du 
choral  luthérien,  chanté  par  tous  les  fidèles,  on  s'aperçut  que 
les  orgues  de  l'époque  ne  se  faisaient  pas  entendre  au-dessus 
des  voix  ;  mais  la  pratique  fit  découvrir  qu'en  y  ajoutant  des 
harmoniques  artificiellerrrent,  la  sonorité  de  ces  orgues  devenait 
plus  brillante  et  arrivait  à  trancher  sur  de  grandes  masses  cho- 
rales, d'où  l'introduction   des  jeux  de  mixtures  ou  de  mutation. 


(i)  Ch.  Weigle  m'a  montré  lui-même  à  Echterdingen  dans  ses  ateliers,  toutes 
les  étapes  de  ses  «  hauptdrucli  stimnen  »  jeux  à  forte  pression  ;  certains  avaient 
une  bouche  circula're  dsposée  comme  celle  d'un  siiflet  de  locomotive;  pratique 
qu'il  abandonna  pour  le  tuyau  à  doubles-bouches  adjacentes;  ce  fut  la  famille 
des  Séraohone-,.  A:tuellement  les  perfectionnemen!s  permettent  d'obtenir  la 
puissance  de  ces  jeux  spéciaux,  avec  des  tuyaux  de  forme  ordinaire,  mais  à 
parois  épaisses.  En  utilisant  la  même  pression  que  pour  les  autres  jeux,  on 
obtient  de  ces  tuyaux  un  volume  de  son  considérable.  —  D'  G.  B. 


72  PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE 

encore  nommés  «jeux  composés»  lorsqu'ils  sont  constitués  par 
plusieurs  rangs  de  tuyaux.  Le  plus  simple  fut  la  doublette  faisant 
sonner  la  double  et  la  triple  octave  sur  la  même  note.  En  ajoutant 
ensuite  d'autres  rangs,  donnant  la  quinte  et  l'octave  de  cette 
quinte,  on  arriva  à  réaliser  sur  une  même  note  frappée  au  clavier, 
non  seulement  l'accord  complet,  mais  encore  à  introduire  l'addi- 
tion de  quelques-uns  des  sons  harmoniques  dissonnants  supé- 
rieurs de  cet  accord. 

Abandon  des  jeux  de  mixtures. 

Il  y  a  cinquante  ans,  il  était  commun  de  trouver  le  nombre 
des  rangs  de  tuyaux,  formant  les  mixtures,  en  excès  sur  le  nom- 
bre des  jeux  de  fonds  :  les  grands  instruments  avaient  même 
des  mixtures  à  la  pédale.  Les  organistes  de  l'époque  ne  parais- 
sent pas  y  avoir  fait  d'objection,  et  beaucoup  des  meilleurs 
exécutants  furent  de  terribles  adversaires  de  Hope-Jones  quand 
il  se  montra  le  champion  de  l'abolition  des  mixtures  ;  ces  jeux 
excitaient  beaucoup  la  fureur  de  Berlioz  qui  déclame  contre  eux 
dans  son  célèbre  Traité  d'Orchestration. 

Le  sonorité  de  ces  anciennes  orgues  avec  toutes  les  mixtures 
tirées  fait  presque  sourire  l'auditeur  moderne,  de  même,  quand 
on  lit  le  plaidoyer  de  quelques  organistes  bien  connus  de  la 
génération  passée,  en  faveur  du  mamtien  de  ces  jeux.  Ils  ont 
néanmoins  leur  place  dans  un  grand  orgue  ;  mais  on  ne  pense 
plus  qu'ils  soient  nécessaires  pour  maintenir  le  chant  des  fidèles 
ni  surtout  qu'on  doive  les  harmoniser  fortement.  Le  déclin  de 
la  valeur  des  mixtures  a  entièrement  changé,  tout  en  l'améliorant 
beaucoup,  l'eiïet  sonore  général  de  l'orgue  considéré  au  point  de 
vue  musical  pur.  La  sonorité  moderne  est  à  la  fois  brillante  et 
claire. 

M""  James  Wedgwood  dit  :  la  tendance  à  exagérer  les 
mixtures  a  atteint  son  summum  dans  l'orgue  construit  en  1750 
pour  l'abbaye  de  Weingartem,  près  Ratisbonne,  instrument  ne 
contenant  pas  moins  de  quatre-vingt-quinze  rangs  de  mixtures, 
dans  lesquelles  figurent  deux  jeux  ayant  chacun  modestement 
vingt  et  un  et  vingt  rangs  de  tuyaux  !  A  la  fin  du  XVlIlme  siècle, 
l'abbé  Vogler  (i 749-1 814)  présenta  son  système  de  «  Simplifi- 
cation »,  caractérisé  par  le  rejet  des  mixtures  trop  multipliées, 
le  digne  abbé,  théoricien  remarquable,  excellent  exécutant, 
d  une  personnalité  excentrique  et  par  suite  très  attirante,  forma 


PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE  73 

beaucoup  de  disciples,  lesquels  prêchèrent  la  croisade  contre  les 
mixtures  ;  le  succès  de  ce  mouvement  d'opinion  peut  être  bien 
jugé  par  l'importance  de  la  littérature  qu'il  fit  naître,  et  l'obli- 
gation où  il  mit  les  théoriciens  de  bien  examiner  le  rôle  réel 
des   jeux    de    mutation. 

L'annonce  à  la  fin  du  dix-neuvième  siècle,  faite  par  Hope- 
jones,  du  rejet  complet  des  mixtures  et  des  jeux  de  mutation, 
peut  être  regardée  comme  une  date  importante  dans  l'histoire 
de  ce  débat  ;  mais  il  n'est  pas  moins  étrange  de  voir  que 
cet  homme,  qui  a  tant  fait  pour  proscrire  les  jeux  de  mutation, 
ne  les  a  jamais  complètement  abandonnés,  car  actuellement,  il 
est  le  seul  champion  d'un  jeu  de  mutation  à  deux  rangs  qu'il 
met  dans  ses  orgues  sous  le  nom  de  mixtures  célestes.  Toutefois 
ce  sont  des  jeux  d'une  sonorité  très  faible  et  complètement 
différents,  par  leur  but  et  par  leur  effet,  des  vieilles  mixtures 
fort  heureusement  délaissées  actuellement. 

Jeux  de  flûtes. 

Les  principaux  développements  des  jeux  de  flîite,  dans  la 
période  considérée,  est  la  vulgarisation  du  principe  des  jeux 
harmoniques  avec  tuyaux  de  longueur  double,  remis  en  honneur 
et  perfectionné  par  Cavaillé-CoU,  par  William  Thynne  et  bien 
d'autres  ;  car,  comme  nous  l'a  écrit  le  Docteur  Bédart,  déjà, 
en  1780,  Dom  Bédos,  avait  décrit  et  réalisé  le  principe  et  la 
réalisation  du  tuyau  harmonique,  et,  en  1804,  Piantanida  avait 
mis  des  flûtes  harmoniques  à   Saint  Pierre    d'Avignon  (i). 

Ces  tuyaux  de  double  longueur,  mais  qui  sonnent  à  l'octave 
aiguë  au  moyen  d'un  petit  trou  percé  à  moitié  hauteur,  sont 
employés  maintenant  par  tous  les  facteurs  d'orgue;  D'une  façon 
générale  la  sonorité  est  pure  et  possède  une  grande  puissance  de 
dispersion  ;  Thynne  pour  son  Zauber  Flôte  emploie  des  tuyaux 
bouchés  de  façon  à  leur  faire  produire  le  premier  harmonique, 
soit  la  douzième  du  son  fondamental  du  tuyau,  la  sonorité  revêt 
alors  un  caractère    brillant   mais   discret  néanmoins  ;  ce  jeu  n'a 


(1)  Dès  le  milieu  du  XVI»  siècle  quelques  facteurs  allemands,  Compenius 
entre  autres,  seraolent  avoir  placé  des  tuyaux  octaviants.dont  parle  aussi  Joachim 
Hees,  facteur  hollandais  de  la  fin  du  XVIII»  siècle.  Dom  Bédos  cite  la  Basse  de  Viole 
jeu  sonnant  une  octave  plus  haut  que  ne  le  comporte  la  hauteur  de  ses  tuyaux, 
«  quoique  ce  soit  un  8  pieds  on  le  fait  octavier  à  l'unisson  du  prestant  »  et 
page  443  «  il  est  d'usage  de  faire  parler  les  clairons  une  octave  plus  haut  que  ne 
te  comporte  la   longueur  de  leurs  tuyaux  pour  avoir  les  sons  plus  forts  ». 

D'  G.  B. 


74  PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE 

pas  rencontré  la  faveur  des  autres  facteurs  d'orgue.  Sans  doute 
le  plus  joli  jeu  de  ce  genre,  fait  par  Tynne,  est  celui  qu'il 
plaça  dans  l'ordre  de  la  résidence  de  M.  Martin  Wihte  Balrud- 
dery,   Dundee. 

M.  Hope-Jones,  en  garnissant  de  peau  la  bouche  des  Tibias, 
avait  déjà  apporté  une  révolution  dans  la  structure  tonale  des 
grandes  orgues,  ces  jeux  produisent  en  effet  une  intensité 
plus  grande  de  sonorité  fondamentale  que  les  meilleurs 
diapasons,  et  sont  tout  indiqués  dans  les  grandes  orgues 
modernes.  Cette  famille  se  présente  avec  ses  variétés  :  Tibia 
Plena,  Tibia  Clausa,  Gross  Flôte,  Flûte  fondamentale  et  Philo- 
méla  ;  le  mot  «  tibia  »  a  été  appliqué  aux  jeux  d'orgue  en 
Europe,  il  y  a  quelques  siècles  ;  actuellement,  le  même  mot, 
en  Amérique,  s'emploie  pour  désigner  un  jeu  ayant  une  qualité 
de  son  intensive  à  la  fois  ronde  et  claire,  pour  la  première  fois 
obtenue  par  Hope-Jones,  tout  en  reconnaissant  qu'elle  fut  esquissée 
par  Bishop  dans  sa  Clarabella. 

Les  tuyaux  des  Tibias  sont  de  très  grand  diamètre,  donnent  un 
gros  volume  de  sonorité  fondamentale,  accompagnée  d'un  cortège 
harmonique  très  faible.  Même  considérée  en  soi,  la  sonorité  de 
de  la  famille  des  Tibias  est  des  plus  attirantes,  mais  en  outre  sa 
capacité  de  se  marier  avec  toutes  les  sonorités  fondamentales  de 
l'orgue,  et  de  servir  de  soubassement  aux  jeux  d'anches 
modernes  est  inestimable.  En  1887,  M.  Hope-Jones  plaça  le 
Tibia  Plena,  qu'il  venait  d'inventer,  dans  l'orgue  de  St-Jones 
Birkenahed  ;  c'était  une  flûte  en  bois  de  forte  taille,  ayant  la 
bouche  sur  le  côté  le  plus  étroit  du  tuyau,  le  bloc  est  renfoncé, 
et  la  lèvre  très  épaisse  est  de  plus  garnie  d'une  mince  lame  de 
peau  pour  donner  à  la  sonorité  le  fini  et  la  douceur  voulue. 
Harmonisé  sur  n'importe  quelle  pression  au-dessus  de  dix 
centimètres,  le  Tibia  plena  est  le  jeu  le  plus  puissant  et  le  plus 
rond  de  toute  cette  famille,  donc  d'une  valeur  incomparable 
dans  les  grands  instruments  (i).  Le  Tibia  profonda,  et  le  Tibia 
profondissima,  sont  des  jeux  prolongeant  le  Tibia  plena  en 
seize  pieds  et  en  trente-deux  pieds  à  la  pédale  ;  le  Tibia  Clausa 
est    un    jeu    bouché   d'une   grosse  taille,  un  bourdon   avec   les 


(i)  Le  jeu  de  tibia  que  nous  avons  entendu  en  igiS,  à  la  cathédrale  de 
Worcester,  a  une  rondeur  et  une  plénitude  de  son  superbes,  qui  s'associent 
très  bien  à  la  sonorité  des  autres  jeux  ;  c'est,  à  côté  des  diapasons,  un  autre  jeu 
fondamental  dans  le  timbre  flûte  qui  donne  à  l'ensemble  des  fonds  une  grande 
majesté  sans  lourdeur.  —  D'  G.  B. 


PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE  75 

lèvres  garnies  de  peau  ;  la  sonorité  en  est  puissante,  merveil- 
leusement pure  et  comme  fluide.  Un  grand  défaut  des  Récits- 
modernes  est  l'inégalité  de  ses  jeux  de  flûte  ;  ce  fut  la  consta- 
tation de  ce  défaut  qui  conduisit  Hope-Jones  à  inventer  son 
Tibia  Clausa,  le  Tibia  Dura  est  une  autre  de  ses  inventions; 
c'est  un  tuyau  en  bois  ouvert  de  forme  spéciale,  plus  large  en 
haut  qu'à  la  bouche  et  décrit  par  Wedgwood  comme  ayant  une 
sonorité   brillante   un   peu   dure   et   pénétrante. 

Le  Tibia  Minor  fut  créé  par  M.  John  H.  Compton  de  Nottin- 
gham,  un  des  facteurs  anglais  les  plus  artistes  ;  ce  jeu  a  quelque 
ressemblance  avec  le  Tibia  Clausa  de  Hope-Jones  ;  mais,  étant  des- 
tiné à  un  sommier  expressif,  il  en  diffère  en  plusieurs  points  ;  le 
jeu,  généralement  en  bois,  a  été  parfois  fabriqué  en  métal  mais  la 
lèvre  supérieure  est  toujours  garnie  de  peau  ;  la  sonorité  porte 
extraordinairement  dans  la  basse  où  elle  est  ronde  et  veloutée, 
dans  l'aigu  elle  est  pleine  est  claire.  C'est  un  très  beau  jeu 
de  solo  ;  avec  les  autres  jeux,  il  donne  aux  dessus  beaucoup 
de  clarté  et  de  rondeur,  en  général,  il  produit  au  maximum  la 
caractéristique  de  la  famille  des  Tibias.  La  facilité,  si  largement 
réalisée  d'enrichir,  tout  en  les  adoucissant,  la  sonorité  des 
dessus  des  autres  jeux  (trop  souvent  brillante  et  dure)  fait  que 
le  Tibia  Minor  doit  être  reconnu  comme  une  des  meilleures 
innovations  modernes  dans  la  sonorité. 

Le  Tibia  Mollis  de  M.  Hope-Jones  est  une  flûte  douce  avec 
tuyaux  en  bois  rectangulaires.  M.  Compton  donne  le  même 
nom  à  une  variété  moins  forte  de  son  Tibia  Minor. 

On  trouve  dans  les  orgues  d'autres  tuyaux  à  son  de  flûte  : 
tels  sont  les  bourdons,  la  clarabella,  la  clarinette  Flûte,  les  Rohrflôte, 
Wald  flôte,  Flauto  Traverse,  Suabe  Flûte,  Clear  Flûte,  Doppel 
Flûte  (avec  deux  bouches)  Melodia,  Orchestral  Flûte  etc..  avec 
des  puissances  et  des  nuances  variées  de  sonorité  ;  le  Philoména 
de  Jardine  est  un  mélodia  à  deux  bouches. 

Jeux  imitant  les  instruments  à  cordes. 

(angl.  :  Strings  ;  ail.  :   geigen  stimmen) 

* 
Sous  le  nom  de  «strings»  ou  cordes,  on  comprend  les  jeux 
imitant  le  violon,  l'alto,  le  violoncelle,  la  contrebasse,  et  surtout 
la  viole  de  gambe,   montée  avec  cinq  cordes  et  d'une  sonorité 
moins  ronde  que  notre  violoncelle. 


76 


PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE 


Il  y  a  50  ans,  la  famille  des  «  strings  »  telle  que  nous  la 
connaissons  actuellement,  n'existait  pour  ainsi  dire  pas;  étant 
représentée    seulement    par    la    Dulciana     et     la    vieille    gambe 

allemande,  lente  d'attaque,  ces  deux  jeux 
ressemblaient  plutôt  à  des  diapasons  fai- 
bles. Edmond  Schulze  fit  un  grand  pas  en 
construisant  des  gambes  et  «Violones» 
qui,  malgré  leur  grosse  taille,  avaient 
une  si  jolie  sonorité,  qu'à  cette  époque 
on  les  considérait  comme  imitant  bien 
les  instruments  à  cordes. 


C'est  à  William  Thynne  que  l'on 
accorde  le  crédit  d'avoir  beaucoup  per- 
fectionné ces  jeux  :  les  gambes  que 
Tynne  et  Mitchel  placèrent  à  l'Exposition 
de  Liverpool  en  1886,  furent  une  révéla- 
tion de  ce  que  l'on  pouvait  obtenir  dans 
cette  direction,  et  bientôt  beaucoup  d'or- 
gues renfermèrent  ces  beaux  jeux  qu'ils 
fournissaient  eux-mêmes,  notamment  l'or- 
gue à  sonorité  orchestrale  de  M.  Martin 
White,  un  ardent  promoteur  de  ces  nou- 
veaux jeux.  L'associé  de  Thynne,  Carlton 
W  |2«  I        C.  Miichell  fit  aussi  des  jeux  très  réussis. 

Hope-jones  travailla  d'après  le  modèle 
de  Thynne  ;  en  diminuant  encore  les 
diamètres,  élargissant  les  tuyaux  dans  la 
partie  médiane,  il  arriva  à  produire  ces 
violes  de  gambes  de  sonorité  si  tran- 
chée et  si  raffinée,  adoptées  maintenant 
dans  toute  orgue  de  quelque  importance. 
Ces  violes  d'orchestre  si  délicates  sont 
FiG.   18  fort   étroites,  l'ut   de   8    pieds  a  seule- 

ment 28  millimètres  de  diamètre  ;  cette 
famille  comprend  la  viole  d'orchestre,  la  viole  céleste,  le  dulcet 
et  son  modèle  de  viole  sourdine  d'une  sonorité  voilée  exquise. 
Ces  jeux,  jîlus  que  tout  autre  perfectionnement,  ont  contribué 
à  rendre  l'orgue  mieux  capable  d'exécuter  la  musique  d'orchestre. 
Haskell  a  introduit  en  facture  plusieurs  magnifiques  variétés 
de  jeux  (en  bois  ou    en  métal)    de   sonorité    tranchante,    dont 


PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE 


77 


les  plus  connues  sont  le  hautbois  labial  (i),  le  saxophone 
tuyaux  en  forme  de  gambe)  souvent  rencontrés  dans  les  orgues 
Estey  ;  ces  jeux  de  Haskell  sont  destinés  à  exercer  une  influence 
considérable  dans  les  méthodes  d'harmonisation  artistique  ; 
quelquefois  on  trouve  aussi  d'autres  jeux  imitant  les  cordes  : 
Kéraulophon,  Aeoline,  Gemshorn,  Spitzflôte,  Clariana,  Fugara, 
Salicional,  Salicet  et  le  Erzaeler,  une  sorte  de  Gemshorn  employé 
par  Ernest  Skinher. 


(angl. 


Jeux  d'anches. 
Reed  stops;  ail.  :  zungen  stimmen). 


r-A/1 


Nous  l'avons  fait  remarquer  dans  notre  introduction,  les 
tuyaux  avec  des  languettes  de  roseaux  dans  l'embouchure  datent 
de  la  plus  haute  antiquité,  puisqu'on  les  trouve 
à  côté  des  flûtes  dans  les  tombeaux  égyptiens  ; 
ces  anches,  tout  comme  celles  employées  aujour- 
d'hui, étaient  façonnées  avec  la  couche  extérieure 
de  la  tige  d'une  graminée  de  grande  taille 
(Arundo  donax  ou  sativa),  qui  croit  en  Egypte 
et  dans  le  Sud  de  l'Europe.  Ces  anches  étaient 
souvent  doublées,  comme  celles  de  notre  haut- 
bois et  basson  actuels  ;  mais  le  prototype  du 
tuyau  d'orgue  à  anche  peut  être  trouvé  dans  la 
clarinette  et  le  Krunhorn,  ou  l'anche  est  simple 
et  bat  contre  l'embouchure.  Naturellement  il 
faut  pour  le  tuyau  d'orgue  remplacer  la  cavité 
bucale  du  clarinettiste,  par  une  pièce  que  l'on 
appelle  le  pied  du  tuyau  (voyez  fig.  19,  la  cons- 
truction d'un  tuyau  à  anche)  :  A  est  la  boîte 
ou  pied,  contenant  un  tube  appelé  «  canal  de 
l'anche  »  B.  portant  une  rainure  ouverte  contre 
laquelle  vient  frapper,  en  la  fermant,  une  lan- 
guette de  laiton  C  vibrant  sous  la  pression  du 

FiG.  19  ^^"^-  ^  ^^^  ""  '■'  métallique,  la  rasette,  servant 


(i)  Ch.  Wtfiele,  de  Stuttgard  m'a  fait  entendre  à  la  Garnison  Kirche  de 
Strasbourg,  en  1896,  une  gamba-oboe  imitant  très  bien  le  hautbois  d'orchestre, 
d'autres  facteurs  arrivent  à  d'excellentes  imitations  de  la  clarinette  et  du  oboe 
par  la  combinaison  d'un  quintaton  avec  une  gambe  harmonisés  d'une  façon 
particulière  :  labial  >>boe,  labial  clarinette.  Ces  jeux  ont  l'avantage  de  ne  pas 
se  désaccorder  comme  les  jeux  d'anche,  et  d'attaquer  vivement%ans  la  basse,  à 
cause  du  quintaton  qui  parle  très  facilement.  —  D'  G.  B. 


78  PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L"ORGUE 

à  accorder  la  languette.  E  constitue  le  corps  du  tuyau,  dont  il  forme 
le  résonnateur.  Au  milieu  du  XIX""  siècle,  l'art  d'harmoniser  les 
anches  a  été  complètement  révolutionné  ;  avant  Willis,  les  jeux 
d'anche  étaient  misérables,  avec  des  sonorités  maigres  rappelant 
le  bourdonnement  d'un  gros  insecte,  de  qualité  peu  musicale 
et  sans  grandeur  (i).  La  preuve  de  cette  assertion,  se  trouve  dans 
les  méthodes  d'orgue  de  l'époque,  on  y  lit  :  que  les  anches  ne 
doivent  jamais  être  employées  seules,  mais  toujours  avec  un 
bourdon  ou  quelque  autre  jeu  de  fonds,  pour  améliorer  'eur 
sonorité  (2). 

Willis  créa  une  méthode  tout  à  fait  nouvelle  de  construire 
les  jeux  d'anches,  le  premier,  il  montra  que  l'on  peut  obtenir 
des  sonorités  réellement  belles  et  n'ayant  pas  besoin  d'être 
arrondies  par  un  jeu  de  fonds.  Quand  il  avait  besoin  de  puis- 
sance, il  l'obtenait  par  l'augmentation  de  pression,  de  façon  à 
n'avoir  à  considérer  que  la  beauté  sonore.  Le  premier,  Willis, 
montra  que  toute  trace  de  dureté  et  de  bruit  de  ferraille  pou- 
vait être  évitée  en  donnant  à  la  languette  une  courbure  exacte  ; 
il  diminua  les  vibrations  de  trop  grande  amplitude  des  notes  graves 
en  vissant  de  petits  poids  à  l'extrémité  de  leur  languette  (anches 
lestées).  Immédiatement  il  adopta  les  tuyaux  harmoniques  (de 
longueur  double)  pour  les  dessus,  obtenant  une  puissance  et  un 
brillant  auquels  personne  n'avait  rêvé  avant  lui. 

Willis  laissa  le  canal  d'anche  à  bords  parallèles,  pour 
prendre  l'anche  à  larme,  il  obtenait  ainsi  plus  de  raffinement 
de  la  sonorité  tout  en  sacrifiant  un  peu  de  la  puissance  ;  il  traça 
les  plans  de  nombreuses  variétés  de  jeux  d'anches  dont  les 
plus  remarquables  furent  son  «Cor  Anglais»  et  son  «Orchestral 
Oboe  ».  Sous  l'impulsion  du  génie  de  Willis,  le  Récit  qui, 
jusque  là  avait  été  une  partie  de  l'orgue  de  sonorité  faible  et 
pauvre,  complètement  étouffée  par  celle  du  grand  orgue,  devint 


(i)  Peut-être  en  Amérique  et  en  Angleterre,  mais  pas  en  France,  où  avant 
i85o,  on  pouvait  entendre  les  belles  trompettes  et  bombardes  de  Saint-Denis, 
Saint-Eustache,  Saint-Sulpice,  de  la  Madeleine,  sans  compter  en  province  les 
belles  bombardes  des  catiiédrales  de  Poitiers,  Albi,  Bordeaux,  etc.,  etc. 

(2)  Pas  en  France,  oii  dès  1766  Dom  Bédos  dit  tout  le  contraire  dans  ses 
conseils  pour  la"  registration,  recommandant  de  jouer  les  Fugues  graves  avec 
les  jeux  d'anches  seulement  «  pour  les  faire  apparaître  dans  tout  leur  brillant 
et  leur  beauté  »  Il  ne  veut  pas  qu'on  y  mêle  le  cornet  qui  altère  la  sonorité  des 
jeux  d'anches  dans  le  dessus  ;  plus  loin  il  ajoute  «  si  les  jeux  d'anches  ont  par 
eux-mê  nés  une  harmonie  sourde  et  douce  on  les  touchera  sans  fonds,  on  retran- 
chera même  ie  prestant  »...  «  On  ne  mêle  aucune  Pédale  de  Flûte  avec  celle;  de 
trompatie  et  de  clairon  ».  Donc,  à  cette  époque,  en  France,  on  savait  déjà  faire 
de  bons  jeux  d'anches  ;  Clicquot  en  a  laissé  de  nombreux  exemples.  —  D'  G.  B. 


PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE  70 

un  clavier  à  sonorité  puissante,  richement  variée  par  des  jeux 
d'anches  très  tranchants,  mais  néanmoins  d'un  effet  vraiment 
musical  (i). 

Hope-Jones  prit  la  besogne  en  l'état  où  l'avait  laissé  Willis, 
non  seulement  il  développa  la  méthode  de  Willis  dans  toutes 
ses  conclusions  logiques,  mais  de  plus,  il  trouva  une  nouvelle 
méthode.  Hope-Jones  a  conservé  les  «  chorus  reeds  ».  anches  de 
chœur  de  Willis  ;  mais  en  doublant  les  pressions,  en  augmentant 
l'épaisseur  et  le  lestage  des  languettes,  il  a  obtenu  des  résultats 
d'une  magnificence  incontestable  ;  du  cor  Anglais  de  Willis  il  a  fait 
sortir  son  Double  Englisch  Horn  ;  du  Willis-Oboe,  son  Hoboe- 
Horn  ;  de  même  l'Orchestral  Oboe  de  Willis,  s'est  transformé 
en  ces  jeux  d'anche  délicats  que  Austin,  Skinner  ont  introduits 
dans  leurs  orgues,  d'après  les  méthodes  Hope-Jones. 

Les    revendications    de    Hopes-Jones    dans    la    construction 
h    des   anches  sont    :    i"  la  production  de  jeux  d'anche  à  sonorité 
I'    très  douce  smooth  toned  reeds  (rapidement  adoptés  par  tous  les 
::    facteurs)    tel    son   tuba  de   quatre-vingt-cinq   notes  ;     2'^   l'em- 
ploi de  canaux  d'anches  présentant  comme  ouverture  une  fente 
étroite,  presque   un    trait   de   scie  ;     3°   la    réalisation  pour  les 
anches  d'une  stabilité  d'accord  presque   aussi    grande   que   celle 
I;  des  jeux  à  bouche  ;  enfin,    4''     l'utilisation  des  «  vowel  cavi- 
ties  »   (  cavités   de    voyelles  )    donnant   un  caractère  spécial  aux 
jeux  d'anche  pour  imiter  les  sonorités   de   l'orchestre. 

Ces  derniers  sont  tout  à  fait  intéressants,  ce  que  l'on  peut 
en  attendre  est  encore  en  voie  de  développement,  les  résultats 
I  déjà  obtenus  permettent  de  penser  qu'un  orgue  très  perfectionné 
pourra  rivaliser  avec  l'orchestre.  Pour  démontrer  le  principe  des 
«  vowel  cavities»  (cavités  de  voyelles),  dès  1890,  Hope-Jones 
avait  l'habitude,  dans  ses  ateliers  de  Birkenhead,  de  placer 
le   bout    de    ses    minces    tuyaux    de    Kinura    dans    sa    propre 


(i)  Nous  pensons  qu'il  ne  faut  pas  oublier  l'école  française  dans  la  revendi- 
cation de  l'effet  musical  des  grands  claviers  de  Récit.  Quand  en  1847  H.  Willis 
s'étiblit  comme  facteur,  les  orgues  de  Saint-Eustache  1844,  '^^  Saint-Sulpice 
restauration  de  1846  avaient  déjà  de  grands  Récits,  contenant  des  16  pieds  et  des 
jeux  à  vent  fort.  Enfin,  comme  ces  instruments  (et  ceux  de  Saint-Denis  1841 
delà  Madeleine  184Ô)  contenaient  un  puissant  clavier  de  bombardes,  si  caracté- 
ristique de  la  facture  française,  on  peut  l'affirmer  :  nous  avions  songé  a  avoir  un 
clavier  ou  des  claviers  trancnant  sur  la  sonorité  de  celui  du  Grand  Orgue,  avant 
que  Willis,  en  i855,  ne  réalisai  son  superbe  Récit  de  25  jeux  de  Saint-Georges 
Hall,  ce  que  Cavaillé-Coll  imita  en  1862,  à  Saint-Sulpice.  Cavaiilé  et  Willis 
avaient  d  ailleurs  été  devancés  par  M»V1.  Elliot  et  HiU  qui,  dès  1841,  sur  les 
52  jeux  de  Great  George  street  Chapel  à  Liverpool,  en  placèrent  20  dans  la  boîte 
expressive,  dont   5   jeux  d'ancnes  avec  basson  de  16  pieds  ;  Cuique  suum  I 

D'  G.  B. 


80 


PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE 


cavité  buccale  et,  en  donnant  à  celle-ci  la  forme  nécessaire  pour 
prononcer  les  voyelles  a,  e,  i,  o,  il  modifiait  complètement  les 
qualités  du  son  émis  par  ce  tuyau.  Il  y  a  quelques  années, 
dans  l'orgue  du  Presbyterian  Church  Irvington-on-Hudson,  New- 
York,  Hope-Jones,   mit  un  jeu  d'anches  battantes  sans  tuyau  ni 


'Brait  SHda 


FiG.  20,  21,  22 

résonnateurs  et  il  emploie  ce  nouveau  jeu  dans  la  plupart 
de  ses  orgues  (i).  En  Angleterre,  le  principe  de  la  cavité 
voyelle    a    été    appliqué    au  jeu    de    Hautbois,    Kinuras,    Voix 


(i)  Mais  c'est  l'antique  réeale  à  anches  battantes  connue  dans  ta  «  vieille 
Europe  »  de  temps  immémorial  I  Le  phys  irmonica  à  anches  libres,  sans  tuyaux 
ni  résonnateur,  est  également  en  usage  depuis  longtemps  en  Allemagne  et 
donne  une  sonorité  très  belle  que  j'ai  entendue  dans  l'immense  cathédrale  de 
Ulm,  et  dans  celles  de  Berne,  de  Fnbourg.  —  D'  G.  B. 


PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE  81 

humaines  ;  en  Amérique,  introduit  il  y  a  sept  ans,  il  n'avait 
été  adapté  qu'a  l'Orchestral  Oboe.  Pendant  l'impression  de  ce 
livre,  Hope -Jones  l'a  étendu  aux  voix  humaines  et  au 
kinuras  (orgues  Walaker  New-York,  Park  Church,  Elmira  Buf- 
falo-Cathédral,  Columbia  Collège,  Saint-James  Church,  New- 
York  ;  Collège  of  the  City,  New-York  ;  Océan  Grove  Audito- 
rium). Il  y  a  là  un  grand  avenir  pour  l'extension  de  la  variété 
des  sonorités  orchestrales  ;  la  fîg.  20  montre  une  Voix  humaine 
(Norwich  Cathédral)  la  figure  21  Orchestral  Oboe  (Vorcester 
Cathédral),  la  figure  22,  un  Kinura,  (orgue  de  Kinoul  Ecosse), 
avec  des  «  cavités  voyelles  ». 

Les  facteurs  qui  n'ont  point  acquis  la  maîtrise  nécessaire 
pour  donner  une  bonne  courbure'  à  leur  languette,  afin  de  les 
empêcher  de  claquer  ou  de  bourdonner,  ont  essayé  d'obtenir  la 
douceur  en  garnissant  de  peau  l'ouverture  du  canal  de  l'anche. 
Ce  mauvais  moyen  a  été  malheureusement  adopté  trop  fréquemment 
en  Allemagne  et  aux  Etats-Unis  ;  on  ne  saurait  trop  le  condamner, 
car  il  enlève  au  jeux  d'anches  leur  sonorité  virile  si  caractéristique  ; 
de  plus,  les  changements  atmosphériques  influent  sur  ces 
anches  garnies  de  peau  et  désaccordent  les  tuyaux. 

L'Ecole  Française,  se  guidant  sur  Cavaillé-Coll,  a  produit 
toute  une  série  de  jeux  d'anches  justement  renommés  ;  beaucoup 
de  jeux  d'anches  de  facteurs  français  sont  vraiment  beaux  et 
raffinés,  leurs  grandes  trompettes  et  leurs  tubas  bien  que  un  peu 
agressives  et  beuglantes  (i),  ont  un  caractère  musical  ;  néanmoins 
l'école  française  ne  paraît  pas  destinée  à  avoir  une  grande 
influence  sur  la  facture  américaine.  Pour  plus  amples  renseigne- 
ments sur  les  anches  voir  le  chapitre   sur   l'accord   des   tuyaux. 

Jeux  ondulants  ou   célestes. 

L'auteur  ne  sait  pas  qui  le  premier  plaça  dans  un  orgue  un 
rang  de  tuyau  à  sonorité  douce,  mais  intentionnellement 
accordé  un  peu  plus  bas  ou  un  peu  plus  haut  que  le   reste  de 


(i)  En  France  nous  aimons,  depuis  Clicquot,  les  jeux  d'anches  à  sonorité 
éclatante,  comme  celle  du  grand  chœur  de  St.  Sulpice:  mais  les  étrangers 
y  trouvent  à  redire  ;  et  l'auteur  en  employant  le  mot  «  blatant  -  beuglant» 
traduit  une  impression  que  j'ai  souvent  recueillie  en  Angleterre  et  en  Allemagne, 
sur  la  sonorité  de  nos  anches  dans  les  effets  de  grand  chœur.  D'autre  part, 
nos  jeux  d'anches  imitant  les  timbres  de  l'orchestre  y  sont  très  prisés.  C'est 
une  impression  comparable  à  celle  que  nous  avons  en  entendant  dans  les 
meilleurs  orchestres  allemands  la  sonorité  des  hautbois  et  des  cors,  si  différente 
de  celle  de  nos  instrumentistes  français  ;  dans  un  autre  ordre  d'idées,  certains 
préfèrent  le  Champagne  «  goût  anglais  »   au  Champagne  «  goût  français  ». 

D'  G.  B. 


82  PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE 

l'orgue,  afin  d'obtenir  un  battement  ou  une  ondulation  dans  la 
sonorité  résultante  (i).  Il  y  a  50  ans,  ces  jeux  n'étaient  introduits 
dans  un  orgue  qu'avec  discrétion  ;  car  beaucoup  d'organistes  en 
rejetaient  l'emploi  ;  dans  les  petites  orgues  il  n'y  en  avait  pas  et 
les  plus  grands  instruments  en  contenaient  rarement  plus  d'un  ; 
depuis,  leur  usage  s'est  développé  et  semble  devoir  se  généraliser 
encore.  Déjà  presque  tous  les  facteurs  mettent  une  céleste  dans 
leur  petites  orgues,  et  deux  ou  trois  dans  leurs  grands  instruments  ; 
alors  que  les  orgues  de  Hope-Jones  sont  conçues  avec  des  Vox 
Humana  Célestes,  Physarmonica  Célestes,  Kinura  Célestes  et 
même  des  Mixtures  Célestes. 

La  plupart  des  Voix  Célestes  sont  maintenant  accordées  un 
peu  plus  haut  que  l'unisson  ;  l'effet  étant  plus  vivant  qu'accordées 
un  tantinet  plus  bas  ;  mais  l'eflet  obtenu  est  beaucoup  plus 
heureux,  en  mettant  deux  rangs  de  tuyaux  :  l'un  accordé  plus 
haut,  l'autre  plus  bas  que  l'unisson.  Une  Céleste  à  trois  rangs 
(Scharp'  flat,  unisson)  était  une  des  particularités  nouvelles  de 
l'orgue  construit  en  1896  par  Hope-Jones  pour  la  cathédrale  de 
Worcester.  La  Bennet  Organ  C'  et  M.  Compton  de  Nottingham 
emploient  beaucoup  ces  Célestes  à  trois  rangs,  dont  Wedgwood 
attribue  l'invention  au  facteur  anglais  Thomas  Casson. 

En  sus  de  la  beauté  particulière  de  ces  jeux,  on  peut 
insister  sur  leur  utilité,  toutes  les  fois  que  l'orgue  doit-être 
employé  comme  auxilliaire  ou  remplaçant  de  l'orchestre,  car  en 
y  regardant  de  près,  l'ensemble  d'un  orchestre  constitue  une 
agrégation  d'instruments  constamment  oscillants  comme  des  voix 
célestes.  Quand  cet  effet  manque,  la  sonorité  y  paraît  froide  et 
comme  morte  ;  il  y  a  bien  peu  d'instrumentistes  qui  aient  jamais 
réussi  à  jouer,  même  une  seule  mesure,  absolument  d'accord 
avec  tous  les  autres  instruments. 

Jeux   à  percussion. 

Cette  classe  de  jeux  trouve  maintenant  sa  place  dans  les 
orgues  bien  plus  souvent  qu'autrefois ,  des  gongs  donnant,  quand 


(i)  Ulric  Sponsel,  dans  son  Orgel  Historié,  page  io5,  dit:  «  l'Unda  IVlaris  a 
deux  tuyaux  par  note,  ils  sont  accordés  pas  tout  à  fait  juste,  de  façon  à  créer,  par 
leur  différence  d'accord,  un  battement  ou  ondulation  du  son  ».  Sponsel  était 
contemporain  de  Dora  Bédos,  donc,  vers  le- milieu  du  XVlll"  siècle,  les  jeux 
ondulants  avec  deux  tuyaux  étaient  employés  ;  ce  constat  rend  inutile  toute 
discussion  sur  le  BifTara,  ondulant  par  un  seul  tuyau,  ayant  deux  lèvres  dont 
l'une  était  coupée  un  peu  plus  haut  que  l'autre  pour  créer  le  battement  ?  pro- 
cédé de  nature  à  produire  tout  au  plus  une  instabilité  irrégulière  de  la  hauteur 
tonale  du  tuyau.  —  D'  G.  B. 


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53  5 


* 


PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE  83 

on  s'en  sert  adroitement,  des  effets  rappelant  beaucoup  ceux  de 
la  harpe,  sont  fréquemment  employés  par  Aeolian  Company 
dans  ses  orgues  de  salon.  Dans  ce  cas  il  n'y  a  pas  d'objection 
à  faire,  car  la  sonorité  est  très  musicale  et  se  marie  fort  bien 
avec  celle  des  autres  jeux.  Sous  le  nom  de  carillon,  nous 
retrouvons  ces  gongs  dans  beaucoup  d'orgues  d'Eglise  et  de 
concert,  enfin  des  tubes  sonores,  imitant  les  cloches,  sont 
employés  par  tous  les  grands  facteurs  dans  le  même  but. 

Dans  cette  voie  c'est  l'Orgue  "Unit"  de  Hop-Jones.  qui  en 
donne  l'exemple  le  plus  typique,  on  y  voit  qu'un  tiers  des  jeux 
parlants  ont  recours  a  la  percussion  pour  produire  leur  effet  ;  même 
les  petits  instruments  du  type  "  Hope-Jones-Unit-Orchestra  " 
possèdent  Carillon,  Crysoglott,  Glockensplel,  Electric  Bells  (avec 
résonnateur)  Xylophone,  et  Clochettes  de  traîneau  «  Sleigh-bells  » 
(bien  accordées)  en  sus  des  instruments  à  percussion  ordinaire  :  tam- 
bour, grosse  caisse,  timbale,  tambourin,  castagnette,  triangle,  cim- 
bale  et  gongs  chinois.  Tous  ces  appareils  à  percussions  ont  enfermés 
dans  une  boîte  expressive  à  parois  épaisses,  permettant  à  un 
artiste  de  les  employer  avec  autant  de  raffinement  que  lorsqu'on 
les  entend  dans  un  orchestre  symphonique.  Monsieur  Hope-Jones 
fait  connaître  à  l'auteur  qu'il  a  trouvé  une  transmission  électrique 
donnant  une  percussion  proportionnelle  à  la  force  avec  laquelle, 
on  attaque  la  touche,  donc  procurant  l'expression  par  la  seule 
action  du  doigt,  tout  comme  au  piano.  Bien  employés  ces  jeux 
à  percussion  se  marient  d'une  façon  si  parfaite  avec  les  jeux 
d'anches  ou  les  jeux  de  fonds  qu'ils  deviennent  partie  intégrante 
des  sonorités  de  l'instrument  et  non  pas  seulement  des  jeux  de 
fantaisie  d'un  usage  occasionnel  (i). 

Les  Diaphones. 

L'invention  du  diaphone  par  Hope-Jones  en  1894,  sera 
regardée  plus  tard  comme  le  pas  en  avant  le  plus  marqué  dans 
la  facture  d'orgue.  Actuellement   les  brevets   empêchent   encore 


(i)  En  1894,  Th.  Puget  de  Toulouse,  dans  le  grand  orgue  de  salon  de  40 
jeux  de  M.  G.  Pauilhac, avait  établi  l'accouplement  électrique  d'un  Pieyel  à  queue. 
Lorsque  le  piano  était  bien  d'accord,  la  percussion  se  fondait  merveilleusement 
avec  l'orgue  et  donnait  aux  anches  une  vivacité  d'attaque,  un  mordant  spécial 
que  l'on  retrouve  dans  l'Orphéal  du  facteur  bruxellois  Clootens.  M.  Marty 
l'excellent  organiste  de  Saint-François  Xavier  de  Paris,  en  tirait  des  effets  éton- 
nants pour  les  rentrées  de  pédale  de  certaines  fugues  de  Bach,  La  facture  des 
orchestrions,  si  en  progrès  actuellement  permet  d'ailleurs  de  juger,  de  la  réelle 
valeur  de  certains  de  ces  effets  de  percussion,  autrefois  employés  ep  Italie  même 
dans  les  orgues  d'église.  —  D'  G.  B. 


84 


PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE 


son  adoption  générale,  et  limitent  son  emploi  dans  les  instruments 
de  quelques  facteurs  seulement  ;  d'autre  part  le  diaphone  a  des 
formes  si  variées  et  ouvre  un  champ  expérimental  si  grand,  que 
bien  des  années  passeront  avant  que  l'on  en  ait  tiré  tout  ce  qui  est 
possible.  Néanmoins,  les  orgues  faites  il  y  a  12  ans,  et  même  18  ans, 


FiG.  23 


en  Angleterre  par  Hope-Jones  contiennent  des  diaphones,  montrant 
que  la  période  des  essais  est  terminée  et  que  cette  invention 
prendra  dans  l'avenir  une  importance  pratique  considérable. 
L'opinion  de  l'auteur  c'est  qu'avant  peu  tous  les  nouveaux 
instruments  de  grandes  dimensions  auront  le  diaphone  comme 
jeu  fondamental  ;  opinion  admise  par  tous  ceux  qui  ont  eu 
l'opportunité  d'entendrece  nouveau  jeu.  Par  aucun  autre  des  moyens 


PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE 


85 


connus  jusqu'à  ce  jour,  on  n'a  pu  produire  quelque  chose 
d'approchant  comme  grandeur  et  majesté  dans  le  genre  de  la  sono- 
rité du  diapason.  Si  on  mettait  20  gros  diapasons  à  «  Océan  Grove  » 
ou  au  «  Temple  Baptiste»  de  Philadelphie,  à  la  place  du  seul 
diaphone  qui  y  est  actuellement,  la  sonorité  de  ces  orgues 
en  serait  beaucoup  diminuée.  A  la 
pédale,  aucun  jeu  de  fonds,  ou  d'an- 
ches ne  peut  lui  être  comparé,  comme 
volume  et   comme   franchise  d'attaque. 

Fig.  23  on  voit  une  coupe  du 
premier  diaphone,  construit  par  Hope- 
Jones  en  1896  pour  la  Cathédrale  Wor- 
cester  (i),  M  est  un  moteur  pneumati- 
que, auquel  est  attaché  un  laiton  qui 
commande  la  soupape  composée  V  V, 
relevée  par  le  ressort  S.  Quand  le  vent 
pénètre  dans  la  boîte  A,  M  s'applatit  en 
ouvrant  V.  L'air  comprimé  passe  alors 
dans  la  chambre  B,  mais  repassant  dans 
l'intérieur  du  moteur  M  par  le  canal  C, 
les  deux  faces  de  M.  sont  à  la  même 
pression,  alors  S  ferme  V  I  et  le  cycle 
recommence  à  nouveau. 

La  fig.  24,  montre  le  diaphone 
placé  dans  l'orgue  de  l'Université  d'Aber- 
déen(2);  voici  comment  il  fonctionne  :  le 
vent  des  soufflets  rentre  par  le  pied  F, 
et  augmente  la  pression  dans  la  cham- 
bre C  en  pressant  sur  V  qu'il  tend  à 
maintenir  fermée  ;  mais  en  même  temps, 
le  vent  comprime  le  petit  soufflet  M  et, 
comme  celui-ci  a  plus  de  surface  que  V, 
il  s'aplatit  et  par  la  queue  T  ouvre  V.  Immédiatement  l'air  com- 
primé s'introduit  dans  le  tuyau  ou  résonnateur  P  ;  en  vertu  de 
son  inertie,  la  colonne  d'air  contenue  dans  P  subira  une  compres- 

(i)  J'ai  entendu  ce  diaphone  en  septembre  igiS,  et  quelques  jours  après,  à 
Bristol  j'ai  entendu  le  diaphone  de  l'orgue  de  Colston  Hall  (90  jeux).  En  changeant 
de  place  dans  la  salle,  et  en  faisant  alterner  le  diaphone  avec  les  diapasons,  pour 
bien  les  comparer,  on  a  nettement  l'impression  que  le  diaphone  produit  une 
sonorité  fondamentale  d'orgue  d'une  grande  majesté  alliée  à  beaucoup  de 
puissance. 

(2)  Erreur  de  citation,  car  cet  orgue  d'Aberdéen  ne  contient  aucun  diaphone 

D'  G.  B. 


Fig.  24 


86 


PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE 


sion  momentanée,  d'où  naîtra  à  la  partie  inférieure  du  résonna- 
teur  une  réaction  sur  l'intérieur  du  moteur  M,  M  ayant  ainsi  la 
même  pression  en  dedans  et  en  dehors,  laissera  se  refermer  V 
et  le  ressort  S  ouvrira  M  et  par  suite  fermera  V. 

La  compression,  causée  par  la  rentrée  d'une  bouffée  d'air  à 
la  partie  inférieure  de  P,  sera  suivie  d'une  raréfaction,  et,  comme 
cette  raréfaction  aura  pour  effet  d'atténuer  la  pression  intérieure 
de  M.  celui-ci  s'aplatira  de  nouveau  en  ouvrant  V,  et  le  cycle 
de  ces  ouvertures  et  fermetures  successives  continuera  envoyant 


Fig.25 


Sectional  Plan  qfy 
Piston  and 
Cylinder 


Fig,  "27 


FiG.  25,  26,  27 


une    série   régulière   de    bouffée  d'air   à    la  partie  inférieure  du 
tuyau  du  résonnateur,  d'où  production  d'une  note  musicale. 

Les  flg.  25  26  27  représentent  le  premier  diaphone  entendu 
publiquement  en  Amérique  en  1905  dans  l'orgue  de  St-Patrick's 
Cathedra!  New- York  ;  cette  forme  de  diaphone  permet  de  faire 
varier  la  pression  de  10  pouces  à  300  (de  o™  25  à  10  mèties)  pouces 
sans  faire  varier  la  hauteur  du  son.  La  chambre  de  W  étant  remplie 


PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE  87 

d'air  sous  pression,  quand  l'organiste  abaisse  une  touche  de 
clavier,  la  pression  de  l'air  pénètre  à  travers  la  fente  circu- 
laire S,  d'où  augmentation  de  pression  dans  le  compartiment  C 
et  par  suite  soulèvement  du  piston  en  aluminium  P  par  la 
cloison  D  fmarquée  en  noir)  qui  forme  le  fond  de  ce  piston. 

Mais  quand  le  bord  inférieur  de  ce  piston  se  sera  soulevé 
d'une  certaine  quantité,  il  découvrira  la  fente  (circulaire  comme 
un  tiroir  de  piston)  E  et  permettra  à  l'air  comprimé  de  s'éva- 
cuer dans  l'atmosphère  ;  d'autre  part,  à  ce  moment  là,  l'éléva- 
tion du  piston  aura  fermé  la  porte  d'entrée  S  amenant  le 
vent  sous  le  piston.  Néanmoins,  en  vertu  de  la  vitesse  acquise 
(voir  fig.  27)  celui-ci  aura  une  tendance  à  monter  un  petit  peu 
plus,  et  par  ce  mouvement  produira  une  compression  d'air 
à  la  partie  inférieure  du  résonnateur  P.  Cette  compression  sera 
augmentée  par  l'ouverture  simultanée  des  8  lumières  circulaires 
S    P. 

La  pression  de  l'air  comprimé  au  pied  du  résonnateur  R 
s'exerçant  sur  la  face  supérieure  de  la  cloison  D  repoussera 
vers  le  bas  le  piston  d'aluminium,  jusqu'à  ce  que  dans  ce 
mouvement  il  ouvre  à  nouveau  la  lumière  S.  A  ce  moment 
la  compression,  née  au  pied  du  résonnateur  R,  se  sera  transmise 
sous  forme  d'onde  sonore  jusqu'au  bout  supérieur,  tout  en 
étant  suivie  d'une  onde  complémentaire  de  raréfaction  ;  cette 
raréfaction  à  la  partie  supérieure  rendra  encore  plus  effective 
l'action  de  l'air  comprimé  passant  à  travers  S  pour  venir  au- 
dessous  du  piston  V,  naturellement  ce  cycle  d'opérations  recom- 
mencera aussi  longtemps  que  l'organiste  tiendra  la  note. 

Comme  ce  piston  en  aluminium  P  est  très  léger  et  qu'il  ne 
rencontre  aucun  obstacle  dans  ce  mouvement  de  va-et-vient,  sa 
rapidité  de  vibration,  et  par  suite  la  hauteur  du  son  produit,  sera 
entièrement  déterminée  par  la  longueur  du  tuyau  résonnateur  R. 

La  sonorité  fournie  par  ce  petit  diaphone  possède  une 
grande  douceur  tandis  que  d'autre  part  sa  puissance  dépend  de 
la   pression   d'air   employée. 

Dans  la  fig.  28  nous  donnons  le  diapason  du  grand  Diaphone 
placé  à  «Océan  Grove»,  P  est  une  soupape  réglant  l'entrée  de 
l'air  dans  le  corps  du  tuyau  P  i  ;  M  est  un  soufflet  pour  ouvrir 
P  au  moyen  de  la  pièce  S,  la  boîte  B  est  constamment  remplie 
d'air  sous  pression  venant  du  soufflet.  Quand  les  soupapes  V  et 
V  I    sont  dans  la  position  indiquée  sur  le  croquis,  le  diaphone 


PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE 


ne  parle  pas  parce  que  l'air  comprimé  de  la  boîte  B  s  échappera 
par  l'ouverture  de  V  qui  se  trouve  ouverte  dans  l'intérieur  du 
moteur  M. 

Lorsqu'on  veut  faire  parler  la  note,  les  petits  moteurs  exté- 


FiG.  28 

rieurs  M  i  M  2  se  gonflent  ensemble  (par  transmission  électro- 
pneumatique) aussitôt  V  se  ferme  tandis  que  V  i  s'ouvre,  mais 
la  pression  de  l'air  à  l'intérieur  du  moteur  M  trouvant  une  voie 
vers  le  résonnateur  P,  ce  moteur  M  s'aplatira  en  ouvrant  la 
soupape   P  ;   alors  malgré  l'action  du   ressort  S  qui  tend  à   la 


PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE 


89 


fermer,  le  vent  de  B  pénétrera  subitement  par  P  dans  l'intérieur 
de  P  I,  d'  où  production  d'une  compression  d'air  venant  augmenter 
la  pression  à  l'intérieur  de  M  ;  aussitôt  P  se  refermera   et   le  cycle 

de  ces  opérations  se  répé- 
tera indéfiniment,  admettant 
une  série  de  bouffées  d'air 
dans  le  pied  du  tuyau  P  i  et 
par  suite  produisant  un  son 
musical  d'une  grande  puis- 
sance. 

Comme  la  soupape  V  i 
est  ouverte  les  ondes  sono- 
res formées  dans  le  tuyau 
P  1  détermineront  la  rapidité 
de  vibration  du  moteur  M. 
Par  suite  on  comprend 
que  le  diaphone  donnera 
toujours  une  note  d'accord 
avec  son  résonnateur  P  i , 
et  que  la  hauteur  de  cette 
note  variera  comme  la  lon- 
gueur du  tuyau. 

La  fig.  39  montre  le 
diaphone  avec  «anches-sou- 
papes» mis  par  Hope-Jones 
à  la  cathédrale  de  Buffalo  ; 
le  vent  rentrant  dans  B  fera 
plaquer  la  soupape  V  contre 
son  siège  malgré  le  ressort 
S.  Cela  toutefois  ne  peut 
se  produire  que  lorsqu'une 
bouffée  d'air  a  passé  déjà 
par  le  pied  du  tuyau  P, 
produisant  ainsi  une  onde 
sonore  qui,  réagissant  sur  V, 
permet  aux  ressorts  S  d'ouvrir  V  et  à  une  autre  bouffée  d'air  de 
pénétrer  dans  le  tuyau  P  ;  de  cette  façon  la  soupape  V  est 
maintenue  en  vibration  rapide  produisant  un  son  très  puissant 
dans   P. 

A  Middlesborough,  en  Angleterre,  Hope-jones  mit,  en  1899, 


Fig.    29 


90 


PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE 


un  diaphone  de  i6  pieds  de  ce  modèle  ;  mais  le  résonnateur  était 
cylindrique    et    n'avait  que    huit    pieds. 

La  fig.  30  donne  un  autre  modèle  de  diaphone  dans  lequel 
la  sonorité   est    produite   par   un    certain    nombre    de   billes    de 


Fig.  30 


métal  couvrant  une  série  de  trpus  dans  le  fond  du  résonnateur 
et  admettant  des  bouffées  d'air  intermittentes,  voici  le  fonc- 
tionnement :  le  vent  des  soufflets  arrive  dans  B,  et  par  les 
petits  conduits  Ci,  C2  pousse  les  billes  de  métal  D,  Di,    Da 


PRODUCTION  DES  SONS  DANS  L'ORGUE  91 

au-dessus  des  trous  communiquant  avec  la  chambre  E,  formant 
le  pied  du  résonnateur.  La  pression  de  l'air  au-dessus  des  billes 
s'accroît  jusqu'à  ce  qu'elle  devienne  égale  ou  à  peu  près  à  la 
pression  de  l'air  en  B,  parce  que  la  colonne  d'air  remplissant 
le  tuyau  E  a  du  poids  et  de  l'inertie,  de  plus,  étant  élastique, 
sa  tranche  inférieure  subit  momentanément  une  compression.  Cette 
augmentation  de  pression,  ajoutée  à  la  pesanteur,  plaque  de 
nouveau  les  billes  D,  Di,  Da  sur  les  trous,  mais  pendant  le 
temps  que  ces  billes  ont  mis  pour  revenir  à  leur  position  pre- 
mière l'impulsion  de  l'air  à  fait  route  dans  le  tuyau  sous  forme 
d'une  onde  sonore,  et  ainsi  de  suite  avec  comme  résultat  une 
note  musicale  de   sonorité  fondamentale  très  pure  (i). 

Le  diaphone  est  accordé  comme  un  jeu  de  fonds  et  reste 
d'accord  avec  eux,  la  pression  de  l'air  et,  par  suite,  la  puissance 
du  son  peut  être  variée  sans  affecter  la  hauteur  du  son.  La 
forme  du  résonnateur  modifie  la  qualité  du  timbre,  on  peut 
lui  donner  un  caractère  fluté  ou  celui  d'un  violon  de  pédale, 
d'un  tuba  éclatant  ou  rond,  d'un  hautbois  ou   d'une  clarinette  ; 

En  finissant  ce  chapitre,  l'auteur  désire  exprimer  toute  l'obli- 
gation qu'il  doit  pour  les  matériaux  et  documents  qu'il  a  puisés 
dans  le  Dictionnaire  des  jeux  d'orgues  par  James  Ingall, 
Wedgwood,  Fellow  of  the  Society  Antiquaries  Scotland,  and  of  the 
Royal  Historical  Society.  Bien  que  le  titre  semble  un  peu  rébar- 
batif, c'est  un  livre  fort  intéressant  et  qui  prouve  un  ensemble 
de  recherches  originales  et  une  connaissance  personnelle  des 
orgues  d'Angleterre  ou  du  Continent  qui  est  tout  simplement 
merveilleuse.  Ce  livre  a  sa  place  dans  la  Bibliothèque  de  tous 
les  organistes  (2). 


(i)  M.  Clootens,  l'ingénieux  facteur  bruxellois,  a  réalisé  des  sonorités 
analogues  avec  un  appareil  se  rapprochant  du  diaphone,  mais  d'une  conception 
originale. 

(2)  Dictionary  of  Organ  Stops  (igoS  Vincent  Music  Co  Londres)  ouvrage  que 
je  recommande  à  ceux  qui  ont  lu  l'Orgue  Moderne  de  M'  A.  Cellier  (1914)  ce 
dernier  y  aurait  trouvé  des  matériaux  pour  la  mise  au  point  de  son  livre  trop 
incomplet.  Cela  devait  être,  en  voyant  la  mince  bibliographie  citée  par  M. 
Cellier,  qui  signale  seulement  cinq  ouvrages  dont,  quatre  trop  surannés  pour 
documenter  en  igiS,  une  étude  sur  l'Orgue  Moderne.  —  D'  G.  B. 


L  ANTIQUE    KLUTB   DE   PAN 


CHAPITRE  XI 


DE  L'ACCORD  (Angl.  :  Toning) 


Ayant  décrit  les  améliorations  et  inventions  récentes  dans  les 
tuyaux  dorgue,  considérons  comment  on  les  accorde.  D'abord  nous 
devons  parler  de  l'introduction  du  tempérament  égal  ;  il  y  a 
50  ans  environ  la  plupart  des  orgues  étaient  accordées  de  façon 
que  l'exécutant  était  limité  à  certaines  tonalités,  s'il  voulait  que 
sa  musique  sonnât  bien  ;  car  l'usage  de  toute  modulation  exces- 
sive, allant  s'égarer  dans  le  domaine  des  tonalités  interdites,  ame- 
nait des  dissonnances  terribles  connues  sous  le  nom  de  «loup». 
L'auteur  se  rappelle  qu'en  1866  il  se  trouvait  à  la  reprise  du 
Messie  de  Haendel  à  St.  Georges  Hall  de  Liverpool  ;  l'orgue 
était  alors  accordé  à  tempérament  inégal  et  une  discussion  ani- 
mée s'éleva  entre  le  chef  d'orchestre  et  M.  M.  T.  Best  qui 
demandait  que  l'orchestre  jouât  l'air  de  «Every  Valley»  dans  le 
ton  de  mi  mineur,  afin  d'être  plus  d'accord  avec  l'orgue. 

Le  clavier  moderne  est  imparfait,  puisque  la  même  touche 
noire  représente  le  ré  dièse  et  le  mi  bémol,  alors  qu'en  réalité 
les  deux  sons  ne  sont  pas  absolument  identiques.  Quelques  or- 
gues ont  été  faites  (notamment  celui  de  Temple  Church  à  Londres) 
avec  des  touches  noires  séparées  pour  les  bémols  et  les  dièses. 
On  a  perdu  en  adoptant  le  tempérament  égal,  mais  on  y  a 
gagné  encore  plus.  Pour  des  oreilles  très  sensibles,  les  tierces 
et  les  quartes  diésées,  les  quintes  bémolisées  et  aussi  d'autres 
intervalles  discordants,  non  séparés  dans  nos  claviers  modernes, 
sont  bien  une  source  constante  de  sensations  désagréables  ;  mais 
la  plupart  des  organistes  se  sont  tellement  habitués  à  ce  défaut 
qu'ils  ne  s'en  aperçoivent  plus. 

L'adoption  du   tempérament  égal  a,  d'autre  part,  beaucoup 


DE  L'ACCORD  93 


augmenté  la  libre  carrière  de  l'orgue,  lui  rendant  possible  l'exé- 
cution de  toute  composition  ou  transcription,  sans  se  préoccuper 
des  modulations  ni  de  la  tonalité. 

L'accord  des  tuyaux  d'un  orgue  est  très  affecté  par  la  tem- 
pérature ambiante,  la  chaleur  dans  les  tuyaux  ouverts  dilate  l'air 
et  ils  montent^  à  rencontre  des  bourdons  dans  lesquels  l'air  ne 
peut  pas  se  mouvoir  aussi  facilement.  Les  jeux  d'anches  sont 
affectés  d'une  autre  façon  :  la  chaleur  allonge  les  languettes  et 
les  fait  baisser  d'une  façon  suffisante  pour  compenser  la  cause 
qui  les  ferait  monter  d'autre  part  (i),  d'où  l'importance  d'une  tem- 
pérature égale  et  d'une  circulation  facile  de  l'air  à  travers  les 
bottes  expressibles,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut. 

NOUVELLE    MÉTHODE 
POUR  ACCORDER  LES   JEUX  D'ANCHES 

Les  jeux  d'anches,  notamment  ceux  à  sonorité  délicate, 
tiennent  mal  l'accord,  surtout  quand  l'accordeur  pressé  (ou  ne 
connaissant  pas  bien  son  métier)  obtient  l'accord  en  faisant 
travailler  la  rasette  comme  un  ressort.  Peu  de  personnes  com- 
prennent totalement  pourquoi  les  jeux  d'anches  ne  tiennent  pas 
aussi  bien  l'accord  qu'ils  devraient.  Les  fig.  31,  32,  33,  donne- 
ront plus  clairement  les  causes  de  ce  défaut  :  la  fig.  3 1  repro- 
duit le  bloc,  l'anche,  la  languette  et  la  rasette  (fil  métallique 
pressant  contre  la  languette),  dans  ce  cas  la  rasette  presse  forte- 
ment en  B  contre  la  languette,  position  dans  laquelle  la  rasette 
ne  subira  aucune  déformation  anormale. 

Regardez  la  fig.  32,  si  nous  relevons  la  rasette  en  frappant 
en  C  la  friction  de  la  rasette  contre  la  languette  en  B,  empê- 
chera B  de  monter,  car  n'oublions  pas  que  le  coefficient  de 
friction  au  repos  est  plus  grand  que  le  coefficient  de  friction  en 
mouvement  ;  par  suite,  en  poussant  vers  le  haut  la  rasette  au 
point  C,  la  résistance  à  la  friction  en  B  serrera  fortement  la 
rasette,  la  partie   descendante  de  celle-ci   travaillera  comme  un 


(i)  En  réalhé.  quand  on  orgue  a  été  bien  accordé,  les  changements  de  tem- 
pérature feront  peu  Tarier  les  jeux  à  anches  battantes,  inflaenceront  moins  encore 
(es  anches  libres  arec  rasene,  et  pas  du  tout  les  anches  avec  languettes  nssées  des 
jeux  d'harmonium  ;  mais  d'autre  part  la  température,  modifiant  ia  densité  de 
l'air,  créera  des  écarts  d'accord  très  marqués  entre  les  fonds  ei  les  anches.  Prati- 
quement les  anches  battantes  varient  par  ces  petits  déplacements  de  la  rasette 
dont  l'auteur  parle  plus  loin,  et  aussi  par  d'autres  causes  encore  mal  définies. 

D'  G.  B. 


94 


DE  L'ACCORD 


ressort,  et  prendra  la  forme  montrée  en  32  et  le  point  A  s'écar- 
tera de  la  languette.  Alors  si  l'on  se  sert  de  l'orgue  pendant 
quelque   temps,  on  verra  le  point   B   de   la   rasette   se   déplacer 


vers  le  haut,  jusqu'à  ce  que  la  déformation  exercée  sur  la  rasette 
ait  été  compensée,  par  suite  cette  note  chantera  plus  bas  qu'elle 
n'avait   été   accordée. 


DE  L'ACCORD  95 


D'autre  part  si,  en  accordant,  la  portion  de  la  rasette  marquée 
C,  est  poussée  vers  le  bas  (fig.  33)  la  résistance  à  la  friction 
en  B  aura  pour  effet  de  faire  cintrer  la  rasette.  Alors  quand 
on  jouera  l'orgue,  sous  l'action  des  vibrations  de  la  languette, 
on  verra  graduellement  le  point  B  se  déplacer  vers  le  bas, 
pour  remédier  à  la  déformation  produite  sur  la  partie  descen- 
dante de  la  rasette.  duand  le  point  A  aura  ainsi  trouvé  sa 
position  d'équilibre,  le  tuyau  chantera  plus  haut. 

Naturellement  sur  les  fig.  32  et  33,  on  a  exagéré  la  défor- 
mation de  la  rasette  pour  mieux  faire  comprendre,  mais  en  fait 
cette  courbure  des  rasettes  se  produit  à  un  degré  beaucoup 
plus  marqué  que  ne  l'imaginent  beaucoup  de  facteurs  ;  c'est 
une  des  principales  raisons  pour  lesquelles  certains  jeux  d  anches 
ne  tiennent  par  l'accord. 

duand  le  point  A  de  la  rasette  est  maintenu  d'une  façon 
rigide  dans  sa  position  normale,  un  tuyau  à  anches  conservera  aussi 
bien  sa  tonalité  qu'un  tuyau  de  jeux  defonds(i);  la  fig.  34  montre 
la  méthode  de  Hope-jones  pour  maintenir  la  rasette  au  point  A, 
au  moyen  d'un  bout  de  tube  de  cuivre  T  inséré  dans  les  moules 
avant  la  fonte  du  bloc,  dont  il  devient  ainsi  partie  intégrante  ; 
le  diamètre  intérieur  de  T  est  choisi  de  façon  que  le  fil  de  la 
rasette  y  glisse  à  frottement  dur,  la  fig.  35  représente  une  autre 
méthode  ;  le  bloc  porte  une  saillie  venue  de  fonte  avec  lui,  son 
extrémité  recourbée  empêche  la  rasette  de  se  déformer  au  niveau 
du  point  A  (2).  Cette  méthode  de  construction  des  blocs  rend 
l'accord  plus  facile  et  plus  durable  qu'avec  les  moyens  ordinaires. 


(1)  C'est  e?tact;  mais  cela  ne  veut  point  dire  que  des  jeux  d'anches  ainsi 
accordés  d'une  façon  beaucoup  plus  stable  vont  rester  mieux  d'accord  avec  les 
jeux  de  fonds,  malgré  les  variations  de  la  température  1  Nullement,  car  à  ce 
compte  les  anches  d'harmonium,  avec  languettes  en  tonalité  fixée  par  leur  rivnre 
sur  leur  cadre,  devraient  être  toujours  d'accord  avec  les  tuyau-x  de  fonds,  or,  on 
sait  que  c'est  précisément  le  contraire.  Si  je  fais  cette  remarque  c'est  que 
l'énoncé  de  l'auteur  pourrait  servir  de  démonstration  apparente  à  la  vantardise 
de  certains  facteurs  osant  dire  «  notre  maison  fait  des  jeux  d'anches  qui  ne 
se  désaccordent  pas  »  en  laissant  ainsi  croire  à  de  naïfs  curés  et  organistes,  qu'ij 
s'agit  du  maintien  de  la  tonalité  des  anches  par  rapporta  celle  des  jeux  de  fonds_ 

(2)  M'  Compton,  il  y  a  7  ans,  employa  ce  même  système  dans  l'orgue  de 
Grosvenor  Chapel  à  Manchester,  avant  M'  Hopes-Jones.  —  D'  G.  B. 


CHAPITRE  XII 


PROGRÈS  DE  LA  RÉVOLUTION 
EN  AMÉRIQUE 


Dans  l'étude  de  l'art  de  la  facture,  personne  ne  peut  man- 
quer d'être  frappé  par  ce  fait  que  tous  les  grands  progrès  sont 
dus  à  des  anglais,  savoir  :  les  soufflets  à  table  horizontale,  (i)  les 
soufflets  anti-secousses,  la  boîte  expressive,  le  levier  pneuma- 
tique, le  système  tubulaire,  le  système  électro-pneumatique,  le 
sommier  Universel,  les  tuyaux  avec  lèvres  et  lumière  recouverts 
de  peau,  le  diaphone,  les  anches  à  sonorité  douce,  les  jeux 
imitant  les  instruments  à  cordes,  les  cavités  voyelles,  la  basse 
convenable,  l'Unit  Organ,  la  console  mobile,  les  pédaliers  conca- 
ves et  rayonnants,  les  pédales  de  combinaison,  les  pistons  et 
touches  de  combinaison,  le  ventilateur  pour  soufflerie,  tout 
cela  est    d'invention    anglaise  (2). 

D'une  façon  générale,  en  Amérique  jusqu'à  ces  dernières 
années,  nos  facteurs  se  trouvaient  très  en  arrière  non  seule- 
ment sur  leurs  confrères  anglais,  mais  sur  ce  qui  se  faisait  en 
France,  et  même  en  Allemagne;  récemment  la  facture  américaine 
a  fait  des  progrès  extrêmement  rapides  et,  si  maintenant  elle  n'est 


(i)  Voir  note,  page  12. 


(2)  Nullement  :  Dans  cette  énumération,  il  y  a  des  inventions  de  premier 
ordre  et  des  inventions  accessoires.  Parmi  les  inventions  fondamentales,  les  sys- 
tèmes tabulaires,  aspirant  et  refoulant,  le  système  électro-pneumatique  sont 
d'invention  et  de  réalisation  françaises  et,  sans  ces  systèmes,  l'orgue  moderne 
n'eiisterait  pas.  —  D'  G.  B. 


PROGRÈS  DE  LA  RÉVOLUTION  EN  AMÉRIQUE  97 

pas  la  première,  elle  marche  de  front  avec   les  meilleurs  facteurs 
des  autres  nations. 

A  partir  de  1874,  Hilborne  Roosevelt  construisit  en  Amé- 
rique une  quantité  de  beaux  instruments  ;  s'ils  manquaient  un 
peu  de  la  noblesse  et  de  la  grandeur  impressionnante  des  orgues 
européennes  de  la  même  époque,  ils  étaient  déjà  remarquables 
par  le  fini  et  le  souci  artistique  de  la  construction  des  détails. 
Roosevelt  trouva  la  «  combinaison  de  jeux  variable  ad  libitum  », 
fait  destiné  à  influencer  considérablement  la  façon  de  jouer 
l'orgue.  D'ailleurs,  tout  ce  que  fit  Roosevelt  en  Amérique  fut 
remarquable  et  d'un  grand  intérêt  pour  l'art  de  la  facture, 
qu'il  avait  étudié  en  Europe  et  particulièrement  en  France  ; 
il  importa  en  Amérique  une  foule  de  détails  pratiques  qui  y 
étaient  inconnus  ;  beaucoup  des  orgues  qu'il  construisit  fonc- 
tionnent encore  très  bien,  ils  contiennent  des  flûtes  qu'il  serait 
difficile  de  surpasser,  des  diapasons  d'une  sonorité  solide  et 
tranchante  et  très  au-dessus  de  la  moyenne,  quoique  certains 
trouvent  qu'ils   manquent  de  volume  et  de   grandeur. 

La  transmission  des  mouvements  est  excellente,  les  maté- 
riaux et  la  main-d'œuvre  ne  peuvent  qu'être  appréciés  très 
hautement,  donc  il  faut  proclamer  que  Roosevelt  est  bien  le  chef 
de  la  révolution  qui,  en  important  les  méthodes  étrangères,  a 
complètement  transformé,  il  y  a  vingt  ans,  la  facture  dans 
les  Etats-Unis  d'Amérique.  Roosevelt  fut  encore  le  pionnier  du 
système  électro-pneumatique  ;  en  Angleterre  la  réputation  de  ce 
facteur  était  bien  établie  par  ce  que  l'on  y  connaissait  de  son 
bel  orgue  électrique  de  Garden  City  Cathedral,  divisé  en  4  parties 
placées  respectivement  :  sur  la  tribune  du  portail  ouest,  dans  le 
sanctuaire,  dans  les  voûtes  et  dans  le  soubassement  du  vestiaire 
des  choristes. 

L'auteur  de  ce  livre  arrivant  en  1893  à  Philadelphie  comme 
organiste  de  Saint-Clement's,  était  très  désireux  de  voir  un 
orgue  électrique  de  Roosevelt  et  fut  prié  de  venir  voir  celui 
de  la  Salle  des  Concerts  dans  la  manufacture  de  chapeaux  de 
M.  Steson's;  on  lui  montra  un  des  électro-aimants  qui  n'avait 
pas  moins   de    15  centimètres  de  long(i)!  Dans  le  Musical  News 


(i)  L'important  dans  un  électro,  c'est  son  rendement  pour  les  watts  qu'il 
laisse  passer,  et  non  ses  dimensions  linéaires.  Il  est  étonnant  que  dans  la  patrie 
d'Edison,  les  électriciens  n'aient  pas  imaginé,  en  1893,  pour  Roosevelt,  une 
solution  électrique  aussi  satisfaisante  que  celle  réalisée,  dès  1866,  par  Peschard, 
pour  l'orgue  de  Saint-Laurent,  de  Salon  ;  où  je  tiens  à  le  répéter,  les  électro- 
aimants, placés  à  cette  époque,  font  encore  un  très  bon  service  après  48  ans  ; 
je  l'ai  vérifié  en  septembre  1912,  de  visu  et  de  auditu.  —  D'  G.  B. 


,98  PROGRÈS  DE  LA  RÉVOLUTION  EN  AMÉRIQUE 

de  février  1896,  il  y  a  un  compte  rendu  de  l'orgue  construit 
par  Roosevelt  dans  Grâce  Church  New-Yorit  City  :  Cette  «église 
contient  trois  orgues,  un  dans  le  sanctuaire,  un  sur  la  tribune 
de  l'ouest  et  un  troisième  faisant  orgue  écho  dans,  les  voûtes, 
elles  sont  reliées  électriquement  et  peuvent  être  jouées  sur  deux 
consoles  de  claviers,  placées  l'une  dans  le  sanctuaire  et  l'autre 
sur  la  tribune.  Le  système  électrique  est  d'un  vieux  modèle, 
un  peu  lourd,  alimenté  par  des  accumulateurs  chargés  par  le 
courant  de  la  ville  et  demandant  une  surveillance  constante, 
les  grands  chœurs  comme  l'ensemble  du  récit  parlent  avec  un 
effet  désagréable  bien  connu  des  exécutants  sur  un  instrument 
défectueux  ».  Cet  orgue  a  été  récemment  reconstruit  avec 
une  nouvelle  transmission  et  d'autres  perfectionnements  par 
M.  Skinner. 

En  1894,  l'auteur  fit  la  connaissance  de  M.  Edmond 
Jardine,  alors  en  train  de  construire  un  nouvel  orgue  pour 
l'église  Ecossaise  Presbytérienne  de  Central  Park  West,  avec 
un  nouveau  système  électrique  inventé  par  son  neveu.  Déjà 
les  inventions  de  M.  Hope-jones  étaient  connues,  et  M.  Jardine 
dit  à  l'auteur  que  les  autres  facteurs  se  servaient  de  systèmes 
imitant  et  copiant  celui  de  Hope-Jones  jusqu'à  la  limite 
extrême  pour  ne  point  tomber  dans  la  contrefaçon.  Le  système 
de  Jardine  était  une  copie  presque  exacte,  et  l'auteur,  ayant 
eu  à  Ail  Angel's  Church  la  pratique  de  ce  système  pendant 
trois  ans,  peut  affirmer  qu'il  était  excellent.  Les  pionniers 
du  système  électrique  rencontrèrent  des  difficultés  intrinsèques 
causées  par  l'usage  d'électro-aimants  trop  puissants  et  épuisant 
la  batterie  de  piles  plus  vite  qu'elle  ne  pouvait  être 
réalimentée. 

L'auteur,  en  fit  l'expérience  plusieurs  fois  ;  mais  les  facteurs 
ne  se  rendaient  pas  un  compte  exact  de  la  nature  de  ce 
défaut.  C'est  que  l'emploi  de  l'orgue,  pour  des  répétitions  de 
chœurs  dépassant  une  i  heure  1/2,  épuisait  la  batterie  d'accu- 
mulateurs ;  on  avertissait  le  facteur  qui,  arrivant  le  lendemain 
trouvait  tout  fonctionnant  bien,  la  batterie  ayant  été  rechargée 
dans  l'intervalle  ;  finalement  on  mit  deux  batteries  avec  un 
commutateur  de  façon  à  se  servir  de  la  seconde  batterie 
aussitôt    que    la    première    montrait   des   signes    d'épuisement. 

Dans  beaucoup  d'orgues,  le  courant  destiné  à  la  trans- 
mission  des  claviers   est   fourni   par   une  petite  dynamo  gêné- 


PROGRÈS  DE  LA  RÉVOLUTION  EN  AMÉRIQUE  99 

ratrice  à  bas  voltage,  mais  même  dans  certains  cas,  l'orgue 
montre  des  signes  de  faiblesse  et  avec  tous  les  jeux  tirés, 
l'organiste  a  la  sensation  qiae  toutes  les  notes  jouées  au  clavier 
ne  parlent  pas.  C'est  le  même  défaut  pour  la  même  cause  : 
électro-aimant  consommant  trop(i).  La  raison  pour  laquelle  le 
système  d'Hope-jones  a  une  prééminence  sur  tous  les  autres 
la  voici  :  une  seule  pile  (a  single  cell)  suffisant  à  fournir  le 
courant  qui  lui  est  nécessaire,  tandis  que  dans  les  orgues 
jouées  par  l'auteur  il  y  avait  de  sept  à  huit  piles  (2).  Beaucoup 
des  orgues  électriques  montées  en  Amérique  de  1894  à  1904, 
ont  dues   être    entièrement  reconstruites. 

Vers  1894,  M.  Ernest  Skinner,  alors  super  intendant  de  la 
Hutchings  Organ  Co  Boston  Mass.,  vint  en  Angleterre  pour 
y  étudier  la  facture,  et  reçut  bon  accueil  de  Hope-jones  et 
de  Willis  entre  autres.  Il  rapporta  pas  mal  des  inventions 
anglaises,  savoir  :  i"  La  console  mobile  (Saint-Bartholomew's, 
New- York,  Symphony  Hall  Boston,  etc.)  ;  2"  La  forte  pression 
et  les  lèvres  garnies  de  peau  (Orgues  de  Grâce  Church, 
Plymouth  Church,  Columbia  Collège,  Collège  of  the  City  N.  Y. 
Cleveland  Cathedral,  etc.)  ;  3°  Les  jeux  d'anches  doux  à  fortes 
pressions,  les  jeux  de  la  famille  des  tibias  «  Philomela  »  et  les 
gambes  de  très  fine  taille.  Dans  tout  ce  travail,  Skinner 
eut  l'avantage  de  la  collaboration  de  Hope-Jones  en  qualité 
de  Vice-Président  de  sa  firme,  et  également  la  coopération 
d'un  certain   nombre  d'ouvriers  qu'il  avait  ramené  d'Angleterre. 

Vers  1S95,  Carlton  C.  Michell,  un  anglais  ancien  associé 
de  Thynne,  et  de  Hope-Jones,  construisit,  comme  représentant 
de  celui-ci,  des  orgues  nouveau  modèle  à  Baltimore  et  à 
Tauton,  (Massachusetts).  Puis  il  rentra  dans  la  Austin  Organ  Co 
Hartford,  (Connecticut)  où  il  fît  prévaloir,  avec  beaucoup 
d'autres  perfectionnements,  la  sonorité  des  gambes  modernes, 
imitant    les    instruments    à    cordes. 


(1)  C'est  que  la  dynamo  ne  débite  pas  assez  de  ceurant  et  voilà  tout.  Mais, 
cette  préoccupation  des  très  petites  consommations  d'électricité,  fort  juste  à 
l'époque  des  piles,  ou  même  des  accumulateurs,  est  devenue  inutile  avec  les 
dynamos  génératrices  à  bas  voltage  ;  j'ajouterai  qu'avec  les  pare-étincelles  de 
rupture  actuels,  les  très  bas  voltages  n'ont  plus  besoin  d'être  recherchés. 

(2)  Tout  cela  est  vague  ;  sauf  le  terme  «single  cell  »  qui,  précisant  l'emploi 
par  Hope-Jones  d'un  seul  élément  de  pile,  précise  par  suite  un  courant  de  deux 
volts  au  maximum  ?  Mais  il  vaudrait  mieux  nous  dire  combien  de  centièmes  de 
watt  consomme  l'électro-airaant  pour  soulever  l'armature  commandant  le  déclan- 
chement  pneumatique.  Actuellement  en  Angleterre,  en  Allemagne,  en  France, 
les  orgues  électriques  emploient  de  six  à  huit  volts,  et  de  60  à  80  centièmes  de  watt 
pour  soulever  la  soupape  de  décharge  (voir  aussi  la  remarque,  p.  101). —  D'G.B. 


100  PROGRÈS  DE  LA  RÉVOLUTION  EN  AMÉRIQUE 

Enfin  en  1903,  Hope-Jones  lui-même  vint  en  Amérique, 
et  rentra  comme  Vice-Président  de  la  Austin  Organ  Co  ;  à 
partir  de  ce  moment,  cette  maison  adopta  les  touches  de 
jeux,  les  fortes  pressions  de  vent,  les  diapasons  avec  lèvres 
garnies  de  peau,  les  jeux  à  sonorité  orchestrale,  etc.  (Orgues 
d'Albany  Cathedral,  de  Wanamaker  et  de  l'Académie  de 
Brooklyn   entre   autres). 

En  1907,  la  Compagnie  de  facture  d'orgues  Hope-Jones 
et  C"  à  Elmira,  New- York  commença  à  construire  des  orgues 
contenant  tous  les  perfectionnements  précités  et  d'autres 
encore,  réalisés  par  Hope-Jones  dans  les  instruments  de  Océan 
Grove,  Buffalo  Cathedral,  New-Orléans,  etc.  L'influence  des 
travaux  faits  par  les  pionniers  nommés  précédemment,  s'est 
fait  sentir  dans  toute  l'Amérique  et  a  produit  une  grande 
amélioration   du    mécanisme   et   de  la   sonorité. 

Les  musiciens  entendant  les  sonorités  nouvelles  et  les 
effets  ainsi  obtenus,  ont,  pour  la  première  fois,  une  notion 
très  nette  de  la  grandeur,  du  raffinement  et  de  l'étonnante 
variété  de  ce  qu'un  orgue  peut  rendre  comme  effets  musi- 
caux. En  revenant  à  leurs  orgues,  ils  sont  remplis  d'un  «divine 
discontent»  (d'un  malaise  divin)  et  n'ont  de  cesse  que 
lorsqu'ils  peuvent  avoir  un  orgue,  neuf,  ou  au  moins  une 
modernisation  de  leur  ancien  orgue.  On  commence  à  aban- 
donner les  vieilles  idées  sur  la  limitation  des  capacités  musi- 
cales de  l'orgue  ;  maintenant  une  rénovation,  qui  s'étendra 
sur   tout   le   pays,  est  franchement    établie  et  implantée. 

Sans  aucune  discussion  possible,  jusqu'à  ces  temps  derniers, 
l'Angleterre  a  tenu  la  tête  dans  le  développement  de  la  fac- 
ture de  l'orgue  ;  et  Hope-Jones  en  fut  le  véritable  leader  en 
Angleterre  ;  maintenant  que  son  génie  s'exerce  en  Amérique, 
qui  viendra  limiter  notre  marche  en  avant  ?  Même  en  passant 
à  travers  les  procédés  des  autres  facteurs,  l'influence  de  Hope- 
Jones  a  complètement  modifié  les  vieilles  pratiques  fonda- 
mentales ;  et,  depuis  que  cette  action  s'exerce  plus  directe- 
ment, les  perfectionnements  dans  l'ensemble  de  la  facture 
américaine  vont  plus  rapidement  encore. 

L'opinion  de  l'auteur,  basée  sur  une  connaissance  des  orgues 
anglaises  et  américaines  est  que,  dans  ces  dix  dernières  années, 
l'Amérique  a  fait  de  si  grandes  «  enjambées  »  dans  l'art  de  la 
facture,  qu'elle  peut  revendiquer  la  prétention  de  construire  des 


PROGRÈS  DE  LA  RÉVOLUTION  EN  AMÉRIQUE 


101 


orgues  aussi  belles  que  les  meilleurs  instruments  anglais. 
L'auteur  risque  la  prophétie  :  En  moins  de  dix  ans,  les  orgues 
construites  à  l'américaine  seront  regardées  dans  le  monde  entier 
comme  le  plus   parfait    modèle. 

En  1906,  dans  le  banquet  donné  en  son  honneur  à  New- 
York,  Alexandre  Guilmant  se  plaignait  de  ce  qu'aucun  des 
orgues  joués  par  lui  en  Amérique,  ne  possédait  la  majesté 
de  sonorité  désirable.  L'arrivée  de  Hope-jones  a  changé  tout 
cela  ;  M.  Tertius  Noble,  le  célèbre  organiste  anglais  de  la 
cathédrale  de  York,  vient  justement  de  faire  un  voyage  en 
Amérique,  il  déclare  qu'actuellement  on  y  peut  jouer  des 
instruments  égaux,  sinon  supérieurs,  à  ceux  qu'on  trouve  en 
Angleterre  ;  le  fameux  organiste-virtuose  Edwin  Lemare  déclare 
que  les  jeux  d'anches  d'Océan  Grève  sont  les  plus  beaux 
qu'il   ait  jamais  entendus. 


REMARQUE.  —  Comme  complément  aux  notes  pages  ^7  et  99,  il  faut  dire 
que  la  pratique  actuelle  (avec  la  facilité  d'avoir  du  courant  à  bas  voltage)  est  de 
supprimer  le  petit  soufflet  intermédiaire  M  {fig.  6.  page  29),  inventé  par 
Peschard  et  conservé  par  Hope-Jones.  On  revient  à  l'attaque  directe  de  la  sou- 
pape de  décharge  du  moteur  pneumatique  ou  du  relai  pneumatique,  comme 
Peschard  et  BarKer  l'oat  mise,  il  y  a  48  ans,  à  Salon.  Cette  tendance  à  la  sup- 
pression de  tout  relai  intermédiaire  se  manifeste  aussi  dans  la  construction  des 
pianos  automatiques  de  marque  réputée  :  simplification  sans  aucune  perte  de 
rapidité  d'attaque,  quand  le  tout  est  bien  agencé.  La  conservation  des  deux 
relais,  primaire  et  secondaire,  avec  un  très  faible  électro  pour  déboucher  le 
très  petit  trou  de  décharge  du  relai  primaire,  n'est  pratiquement  indiquée  que 
dans  le  cas  du  courant  fourni  par  des  piles  ou  des  accumulateurs.  —  D'  G.  B. 


UN    DOCUMENT   HISTORIQUE 


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REPRODUCTION  PHOTOGRAPHIQUE  DES  SIGNATURES  DU  CONSEIL  DE  FABRIQUE 
DE  NOTRE-DAME  DE  LA  DALBADE,  DE  TOULOUSE,  PASSANT  MARCHÉ  AVEC 
MOITESSIER,   POUR  LA  CONSTRUCTION   DU   PREMIER   ORGUE  TUBULAIRE  (1846). 


CHAPITRE  ZIII 


LES  PRINCIPAUX   ACTEURS  DU  DRAME 


Maintenant,  nous  nous  proposons  de  donner  une  biographie 
rapide  des  principaux  acteurs  qui  ont  travaillé  à  révolutionner 
le  roi  des  instruments,  ce  furent  des  hommes  dont  le  génie 
.et  l'indomptable  persévérance,  en  face  des  préjugés,  du  découra- 
gement et  d'obstacles  en  apparence  insurmontables,  financiers 
ou  autres,  ont  rendu  possible  l'orgue  moderne.  En  tête  de 
tous,  nous   trouverons 


Charuss-Spachman    BARK.ER 

Né  à  Bath  (Angleterre),  le  lo  Octobre  1806,  orphelin  à 
cinq  ans,  fut  élevé  par  son  grand-père  qui  dirigea  son  instruction 
vers  la  carrière  médicale,  et  il  fut  même  apprenti  chez  un  phar- 
macien droguiste  de  Bath.  Ce  pharmacien  était  aussi  arracheur 
de  dents,  Barker  devait  parfois  tenir  la  tête  des  patients  ;  leurs 
gémissements  et  leurs  cris  lui  portaient  tellement  sur  les  nerfs, 
qu'il  refusa  d'apprendre  le  métier,  et  lâcha  tout  avant  même 
d'avoir  fini  son  temps  d'apprentissage.  Le  Docteur  Hinton  n'a- 
joute pas  crédit  à  certaine  histoire  d'après  laquelle  Barker,  assistant 
par  hasard  aux  travaux  du  célèbre  facteur  Londonien  Bishop,  qui 
construisait  un  orgue  près  de  chez  lui,  se  décida  tout  d'un  coup 
à  faire  de  la  facture  et  à  se  mettre   sous  les  ordres  de  Bishop. 

Il  semble  à  peu  près  certain,  qu'après  un  assez  long  séjour 
à  Londres,  il    revint  à    Bath    pour  s'y  installer  comme  facteur 


Charles-Spachman  BARKER 


INVENTEUR   DU    LEVIER   PNEUMATIQUE 


LES  PRINCIPAUX  ACTEURS  DU  DRAME  103 

d'orgues.  En  1832,  le  nouvel  orgue  que  l'on  venait  de  placer  à 
la  cathédrale  de  York  attirait  l'attention  générale,  et  Barker,  très 
frappé  par  les  efforts  que  causait  à  l'exécutant  la  dureté  des 
claviers,  médita  sur  les  moyens  de  surmonter  la  résistance  ainsi 
opposée  par  les  touches  aux  doigts  de  l'organiste.  Ces  médita- 
tions aboutirent  à  l'invention  du  levier  pneumatique,  système 
ingénieux,  dans  lequel  la  pression  même  du  vent  qu'il  s'agis- 
sait, de  vaincre,  fut  annihilée  par  l'emploi  de  cette  pression  elle- 
même.  Barker  écrivit  au  docteur  Camidge,  alors  organiste  de  la 
cathédrale  de  York,  lui  demandant  l'autorisation  d'attacher  un 
de  ces  leviers  pneumatiques  de  façon  temporaire  à  l'une  des 
notes  les  plus  dures  au  toucher,  car  le  Docteur  Camidge 
admettait  que  les  efforts  pour  jouer  son  instrument  étaient 
suffisants  pour  fatiguer  plusieurs  personnes  ;  mais  des  questions 
d'argent   s'opposèrent    à   l'application  du  remède. 

Barker  offrit  son  invention  à  plusieurs  autres  facteurs 
anglais,  rebuté  par  leurs  refus  successifs,  il  vint  à  Paris  en 
1837,  au  moment  où  Cavaillé-CoU  construisait  le  grand  orgue 
de  la  Basilique  de  Saint-Denis.  M.  Cavailié-Coll  avait  adopté  la 
pratique  de  faire  donner  à  ses  jeux  de  fonds  et  à  ses  jeux 
d'anches  des  sons  harmoniques  au  moyen  d'une  pression  plus 
forte,  mais  non  sans  certaines  difficultés,  car  le  toucher  deve- 
nait pratiquement  trop  dur  (i).  Aussi  la  machine  de  Barker  qui, 
d'une  façon  très  simple  surmontait  cette  résistance  inévitable,  lui 
fut  présentée  au  moment  tout  à  fait  opportun.  En  1839,  Barker 
prit  son  brevet  d'invention  français,  et  M.  Cavaillé-Coll  installa 
la  machine  de  Barker  dans  l'orgue  de  Saint-Denis  en  même 
temps  que  plusieurs  jeux  harmoniques.  Cavaillé-Coll  mit  aussi 
des  machines  de  Barker  à  Saint-Roch,  à  la  Madeleine  et  à 
d'autres   orgues    de   Paris. 

La  collaboration  de  Cavaillé  avec  Barker  ne  dura  pas 
longtemps,  et  bientôt  nous  trouvons  Barker  travaillant  dans  la 
maison  Daublaine  et  Callinet,  alors  en  train  de  reconstruire  le 
magnifique     orgue    de    Saint-Sulpice,  chef-d'œuvre   de  Cliquet, 


(i)  Inexact  :  Ce  n'est  pas  par  une  augmentation  de  pression  que  Cavaillé- 
Coll  obtenait,  dans  les  dessus  de  certains  jeux,  des  sons  harmoniques  ;  mais  en 
faisant  les  tuyaux  de  longueur  double,  avec  un  petit  trou  vers  le  milieu  de  la 
hauteur;  procédé  qui  permet  d'avoir  des  jeux  harmoniques  même  avec  des  pres- 
sions de  vent  très  faibles  :  ^  %.  La  dureté  des  claviers,  à  Saint-Denis,  provenait 
uniquement  des  considérations  exposées  dans  la  note  de  la  page  17  ;  car  les  basses 
n'étaient  pas  harmonisées  sur  le  vent  fort,  qui  était  réserve  aux  dessus,  non 
pour  leur  faire  rendre  des  harmoniques,  mais  pour  leur  donner  plus  de  brillant 
ou  de  rondeur.  —  D'  G.  B. 


104  LES  PRINCIPAUX  ACTEURS  DU  DRAME 

le  «  Father  Schmith  »  français.  Durant  le  cours  de  cette  recons- 
truction de  Saint-Sulpice,  Louis  Callinet  eut  des  embarras 
financiers  personnels  et  ne  pouvant  obtenir  que  son  associé 
Daublaine  lui  avançât  des  fonds,  Callinet  devint  exaspéré,  au 
point  qu'il  rentra  dans  l'orgue,  sous  un  prétexte  quelconque, 
et  y  brisa  tout,    à    coups  de   marteau. 

Cet  acte  de  vengeance,  ou  de  folie  criminelle  comme 
on  voudra,  entraîna  Daublaine  lui-même  à  la  ruine,  et  ainsi 
la  maison,  dans  laquelle  Barker  semblait  avoir  trouvé  une 
position  stable,  disparut  à  la  suite  de  ces  événements  vraiment 
tragiques.  Callinet,  était  sans  fortune,  ne  put  être  rendu 
responsable  et  termina  sa  carrière  comme  harmoniste  et 
accordeur  chez  Cavaillé-Coll.  Ce  ne  fut  pas  le  seul  désastre 
qui  arriva  pendant  que  Barker  était  chez  Daublaine  et  Callinet. 
Le  i6  Décembre  1844,  Barker  eut  la  malchance  de  faire 
tomber  une  bougie  allumée  en  essayant  de  guérir  un  corne- 
ment  dans  l'orgue,  récemment  inauguré  de  Saint-Eustache  ;  ce 
petit  accident  piovoqua  un  incendie  qui  détruisit  tout  l'instru- 
ment. L'avenir  était  donc  très  sombre  pour  Barker  au  moment 
de  la  ruine  de  Daublaine  et  Callinet  ;  mais  à  ce  moment 
M.  Ducroquet  (un  capitaliste)  racheta  le  fonds  de  la  maison 
de  facture  de  Daublaine  et  en  confia  la  direction  à  Barker, 
J.-B.  Stoltz,  contremaître  de  Daublaine,  homme  très  capable 
et  excellent  ouvrier,  n'accepta  pas  que  le  poste  de  directeur 
fut  ainsi  donné  à  Barker,  et  il  partit  pour  fonder  une  nouvelle 
maison,  qui  a  doté  les  églises  françaises  d'un  nombre  important 
d'excellentes  orgues,  bien  faites  et  bien  harmonisées. 

Stoltz  fut  remplacé  par  M.  Verschneidcr,  chez  lequel 
Barker  trouva  une  collaboration  efficace  comme  habileté  techni- 
que. Pendant  que  Barker  était  chez  Ducroquet,  on  y  cons- 
truisit le  nouvel  orgue  de  Saint-Eustache  remplaçant  celui 
incendié  précédemment  et  aussi  l'orgue  exposé  à  Londres, 
en    1851. 

A  l'Exposition  de  Paris,  de  1855,  Barker  comme  exposant 
personnel  (en  dehors  de  M.  Ducroquet,  alors  très  malade  et 
sur  le  point  de  liquider  ses  affaires),  obtint  la  médaille  d'or 
de  première  classe  et  le  ruban  de  la  Légion  d'Honneur.  A 
la  mort  de  Ducroquet  survenue  peu  après,  Merkiin  prit  la 
suite  des  affaires  ;  Barker  resta  avec  lui  jusqu'en  1860.  A  ce 
moment,  il  quitta  Merkiin  pour  s'associer  avec  Verschneidcr  et 
c'est  durant  cette  décade  i86o-i87oque  fut  réalisé  l'orgue  électrique. 


LES  PRINCIPAUX  ACTEURS  DU  DRAME  105 

L'histoire  de  la  mémorable  invention  du  D''  Peschard  a  déjà 
été  esquissée  dans  ce  livre  (voir  page  28).  Barker  paraît  en 
avoir  été  quelque  peu  jaloux  en  appelant  le  système  «  Pneu- 
mato-électrique  »  au  lieu  d'Electro-pneumatique  en  mettant 
ainsi  la  charrue  avant  les  bœufs.  Le  Docteur  Hinton  nous 
a  dit  :  «  Bien  que  je  fusse  en  relations  constantes,  personnelles 
«  avec  Barker  durant  une  partie  de  cette  mise  au  point  de 
«  l'orgue  électrique,  le  nom  de  Peschard  fut  rarement  prononcé 
«  et  n'avait  guère  de  signification  pour  moi  ;  je  ne  savais  pas 
«  si  Peschard  était  un  savant  encore  en  vie,  et  pour  moi,  alors 
«  un  tout  jeune  homme,  je  croyais  que  c'était  une  sorte  de 
«  revenant  avec  lequel  Barker  avait  intérêt  à  rester  en  bons 
«  termes.  » 

A  l'Exposition  de  Paris,  au  Champ-de-Mars,  en  1867,  les 
frères  Bryceson  installèrent  un  orgue  sur  lequel  M.  Templin 
donnait  des  auditions  tous  les  jours.  M.  Templin  engagea 
MM.  Bryceson  à  aller  voir  l'orgue  électrique  construit  par 
Peschard  et  Barker  à  Saint-Augustin.  Les  deux  frères  Bryceson 
acquirent  du  premier  coup  la  conviction  que  là  se  trouvait 
l'avenir  de  la  transmission  entre  les  tuyaux  et  les  claviers  ; 
sans  perdre  de  temps,  ils  examinèrent  le  système  à  fond  et 
s'arrangèrent  pour  avoir  la  concession  exclusive  du  système 
aussitôt  que  Barker  aurait  obtenu  le  brevet  anglais,  ce  qui 
arriva  l'aTinée  suivante.  Cependant  Barker  regretta  d'avoir 
conclu  cette  affaire,  car  des  licences  furent  quelquefois  rétro- 
cédées à  d'autres  facteurs  par  les  frères  Bryceson,  tout  en 
conservant  le   droit   d'exploiter   eux-mêmes    leur  brevet. 

Les  Bryceson  apportèrent  beaucoup  de  petits  perfection- 
nements à  l'invention  de  Barker,  dont  le  défaut  résidait  dans  la 
résistance  des  soupapes  qu'il  fallait  décoller  de  leur  siège,  car 
il  n'employait  pas  la  soupape  dite  «brisée»  (i)  ;  ils  remédièrent 
à  la  dépense  de  l'entretien  des  batteries  qui  se  détérioraient 
rapidement  sous  l'influence  des  acides  forts  employés  pour 
le  dégagement  du  courant.  Une  description  complète  du 
système  Peschard-Barker  se  trouve  dans  l'Histoire  de  l'orgue 
électrique   du   D^    Hinton. 

Cette  même  Exposition  de  Paris,  en  1867,  ^^^  aussi  la  cause 


(i)  Mais  pas  du  tout;  puisque  l'étectro  attaquait  non  pas  la  grande  soupape 
du  sommier,  mais  la  très  petite  soupape  de  la  machine  pneumatique  qui  n'avait 
pas  besoin  d'être  brisée.  Le  système  original  de  Peschard-Barker  fonctionne, 
depuis  48  ans,  à  l'orgue  de  Salon,  sans  soupape  brisée. 


106  LES  PRINCIPAUX  ACTEURS  DU  DRAME 

de  l'introduction  en  Angleterre  du  système  tubulaire  par  Henry 
Willis.  Le  fameux  facteur  anglais  put  y  voir  de  près  un  orgue 
de  ce  système  construit  et  exposé  par  le  français  Permis  (i)  ;  cet 
examen  détermina  Willis  à  adopter  immédiatement  la  transmis- 
sion tubulaire  et  à  la  pousser  jusqu'à  son  présent  degré  de 
perfectionnement.  La  guerre  Franco-Prussienne  de  1870  chassa 
Barker  de  Paris.  Ses  ateliers  furent  détruits  par  le  bombarde- 
ment,   et,  à  l'âge   de   64  ans,   il  fut   de   nouveau  à  la   dérive. 

Revenu  en  Angleterre,  il  s'aperçut,  en  voulant  reprendre 
un  nouveau  brevet  pour  sa  machine  pneumatique,  que  tous  les 
facteurs  employaient  son  système,  qu'ils  avaient  d'abord  méprisé. 
Barker  réussit  à  obtenir  une  commande  pour  l'orgue  de  la  cathé- 
drale catholique  de  Dublin  ;  il  était  spécifié  qu'il  recevrait  une 
certaine  somme  d'avance,  puis  des  versements  mensuels  au  fur  et 
à  mesure  de  l'avancement  du  travail.  11  eut  des  difficultés  pour 
trouver  de  bons  ouvriers,  car  il  ne  réussit  qu'à  avoir  une 
escouade  bigarrée  d'ouvriers  français,  allemands,  hollandais  et 
américains,  parlant  tant  de  langues  différentes  que  c'était  une 
nouvelle  tour  de  Babel,  Hilborne  Roosevelt,  le  grand  facteur 
américain  faisait  alors  une  tournée  en  Europe  ;  il  répondit  à 
une  demande  pressante  de  Barker,  et  vint  à  Dublin  en  inco- 
gnito, de  façon  à  ne  pas  amoindrir  la  réputation  de  Barker. 
Ses  conseils  et  sa  direction  furent  d'une  valeur  inestimable  pour 
Barker.  La  conduite  de  Roosevelt  était  dictée  par  un  sentiment 
généreux  et  tout  à  fait  chevaleresque  ;  malgré  tout  et  quoique 
construit  avec  d'excellents  matériaux,  cet  orgue  ne  fut  pas  un 
succès,  ni  au  point  de  vue  artistique,  ni  au  point  de  vue 
financier.  Barker  ne  fut  guère  plus  heureux  pour  l'orgue  de  la 
cathédrale  catholique  de  Cork,  ce  fut  son  dernier  travail. 

Ces  malchances  accumulées,  le  réduisirent  à  faire  appel  dans 
les  journaux  musicaux  à  ses  compatriotes,  sous  forme  de  souscrip- 
tion. Déjà  très  vieux,  il  s'était  marié  avec  la  fille  de  son  contre- 
maître M.  Ougby  ;  en  1879,  le  26  novembre,  Barker  mourut 
à   Maidstone  (Angleterre). 

Ce  résumé  de  la  carrière  de  la  vie  de  Barker  est  emprunté 


(r)  Donc,  dans  la  dernière  moitié  da  XIX"  siècle,  les  deux  bases  de  la 
révolution  actuelle  en  facture  d'orgue  :  la  transmission  tubulaire  (1847),  la 
transmission  électrique  (1862),  sont  bien  d'invention  française;  si  elles  ont 
été  délaissées  pendant  longtemps  en  France,  c'est  à  cause  de  l'influence  néfaste 
de  certains  grands  organistes  parisiens,  dont  j'établirai  la  responsabilité  dans 
un    livre  en   préparation.  —  D'  G.  B. 


LES  PRINCIPAUX  ACTEURS  DU  DRAME  107 

au  dictionnaire  de  Grove,  aux  historiques  de  Hopkin's  et  Rim- 
bault's,  mais  surtout  au  «  Story  of  the  Electric  Organ  »  du 
Docteur  Hinton  (i).  Quelques  paragraphes  sont  textuellement 
tirés  de  l'ouvrage  du  Docteur  Hinton,  auquel  nous  sommes  aussi 
redevables   de   la  photographie  de   Barker. 


Aristide      CAVAILLE-COLL 

Le  résumé  de  la  vie  de  cet  éminent  artiste  est  tiré  en  partie  du 
Chapitre  «  Cavaillé-Coll  et  les  Orgues  de  son  temps  »,  dans  un 
ouvrage  du  Professeur  Bédart,  qui  va  prochainement  paraître,  en 
partie  extrait  des  articles  publiés,  en  1899,  par  le  Monde  Musical, 
auquel  nous  empruntons  aussi  le  portrait  de  Cavaillé-Coll. 

Aristide  Cavaillé-Coll,  né  à  Montpellier  (France),  le  4 
Février  181 1,  était  le  fils  de  Dominique  Cavaillé-Coll,  facteur 
d'orgues  réputé  dans  le  Languedoc  et  petit-fils  de  Jean-Pierre 
Cavaillé  qui  avait  construit  à  Barcelone  les  orgues  de  Sainte- 
Catherine  et  de  l'église  de  la  Merci.  Le  nom  de  Coll  était 
celui  de  sa  grand-mère.  Si  nous  remontons  au  commencement 
du  XVIIN  siècle,  nous  trouvons  à  Gaillac,  département  du  Tarn, 
en  France,  trois  frères  :  Gabriel  Cavaillé,  père  de  Jean-Pierre, 
Pierre  Cavaillé,  et  aussi  Joseph  Cavaillé  qui,  lui,  était  un  facteur 
d'orgues,  c'est  donc  par  tradition  professionnelle  qu'à  l'âge  de 
18  ans,  Cavaillé  apprit  l'art  de  la  facture  et  fut  envoyé,  en  1829,  à 
Lérida  pour  la  construction  d'un  orgue,  dans  lequel  il  mit, 
pour  la  première  fois  (2),  un  accouplement  du  pédalier  au 
manuel,  et  le  système  d'équilibration  dans  les  grands  réservoirs 
de  la  soufflerie. 

En  1834,  Aristide  Cavaillé,  comprenant  la  nécessité  d'acquérir 
des  connaissances  en  physique  et  en  mécanique,  vint  à  Paris 
comme     élève    de     Savart     et    de    Cagnard    de    la    Tour.    La 


(i)  Edité  à  Londres  par  Simpkin  Marshall  Hamilton.  Voir  aussi  «Organ 
Construction  »,  par  le  D'  Hinton,  Weekes,  éditeur,  Londres. 

(2)  Ce  n'était  pas  précisément  une  nouveauté:  puisque  en  i55o,  à  l'orgue  de 
Luneberg,  il  y  avait  une  tirasse  perpétuelle  du  G.  O.  sur  le  pédalier  I  En  1600, 
nous  retrouvons  cette  tirasse  à  Sainte-Marie-de-Lubeck,  mais  déjà  avec  faculté, 
pour  l'organiste,  de  s'en  servir  on  non  ad  libitum  ;  en  1829,  c'était  une  pratique 
courante.  —  D'  G.  B. 


108  LES  PRINCIPAUX  ACTEURS  DU  DRAME 

même  année  s'ouvrit  un  concours  pour  l'orgue  à  construire 
dans  l'Eglise  royale  de  Saint-Denis  ;  Cavaillé-Coll  envoya  un 
projet  qui  réussit  à  lui  faire  obtenir  la  commande.  Ce  succès 
décida  MM.  Cavaillé-Coll  à  transporter  leurs  ateliers  à  Paris, 
où  ils  s'établirent  d'abord  rue  Neuve-Saint-Georges  ;  à  cause 
des  réparations  de  maçonnerie,  l'orgue  de  Saint-Denis  ne  put 
être  terminé  qu'en  1841,  mais  il  montra  des  perfectionnements 
de  grande  importance,  dont  le  plus  grand  et  le  plus  remar- 
quable était   l'application    du    levier   pneumatique  de    Barker. 

La  distribution  du  vent  était  nouvelle,  les  dessus  du 
jeux  ayant  une  pression  plus  forte,  afin  de  leur  donner  une  plus 
grande  puissance.  Les  réservoirs  régulateurs  étaient  munis  de 
doubles  soupapes  assurant  une  alimentation  plus  stable,  que 
l'on  jouât  tous  les  jeux  ensemble,  ou  séparément.  L'intro- 
duction des  jeux  harmoniques  était  pratiquement  une  inno- 
vation, leur  usage  ayant  été  jusque  là  presque  interdit  par 
les  difficultés  d'avoir  du  vent  à  forte  pression  (i).  Ce  système 
enrichissait  l'orgue  d'un  nouveau  groupe  de  jeux,  sonnant 
mieux  comme  rondeur  et  volume. 

En  1840,  Cavaillé  soumettait  à  l'Académie  des  Sciences 
ses  résultats  expérimentaux  sur  les  travaux  d'orgue,  l'archi- 
tecture et  la  tonalité  normale  de  l'orgue,  la  longueur  des 
tuyaux  par  rapport  à  leur  intonation  et  à  la  pression  à 
employer.  Cavaillé  a  fait  beaucoup  de  recherches  et  d'amé- 
liorations dans  la  soufflerie,  il  fût  même  l'inventeur  du  Poiki- 
lorgue  qui  fut  un  des  ancêtres  de  l'harmonium  expressif 
De  1834  à  1898,  il  construisit  plus  de  700  orgues  y  compris 
ceux  de  Saint-Sulpice,  Notre-Dame,  Sainte-Clotilde,  La  Madeleine, 
le  Trocadéro.  Saint-Augustin,  Saint-Vincent-de-Paul,  la  Trinité 
(Paris),  Saint-Ouen,  à  Rouen,  Saint-Sernin  à  Toulouse,  les 
cathédrales  de  Nancy,  Amiens,  Orléans,  Perpignan  et  les  orgues 
de  Amsterdam  et  Moscou,  de  Sheffiels  et  Manchester  en  Angle- 
terre. Le  plus  célèbre  de  tous  est  l'orgue  de  Saint-Sulpice 
inauguré  en  avril  1862,  qui  contient  100  jeux,  mais  le  Docteur 
W.-C.  Cari,  de  New-York,  qui  connaît  bien  ces  instruments, 
considère    que    l'orgue    de    Notre-Dame    quoique    un    peu  plus 


(1)  Voir  note  page  io3.  Actuellement  chez  Cavaillé  comme  chez  les  autres 
facteurs,  il  est  exceptionnel  de  trourer  (même  avec  des  réservoirs  séparés)  une 
pression  notablement  plus  forte  pour  les  dessus  des  jeux  harmoniques,  dont  les 
tuyaux  parlent  à  la  même  pression  que  les  basses,  et  sur  le  même  sommier  que 
les  jeux  non  harmoniques.  —  D'  G.  B. 


Aristide  CAVAILLE-COLL 


LES  PRINCIPAUX  ACTEURS  DU  DRAME  109 

petit    (90   jeux),    donne    une    meilleure   idée   de  la   facture  de 
Cavaillé-Coll.  On  en  trouvera  plus  loin  la  description. 

La  belle  période  de  CavailIé-CoU  fut  sous  l'empire,  Napoléon  III, 
pour  se  faire  bien  venir  du  clergé  et  des  évéques,  favorisa  la 
restauration  des  orgues  des  cathédrales  et  de  beaucoup  d'églises; 
et  souvent  Cavaillé-Coll  en  fut  chargé.  Dans  beaucoup  de  ces 
restaurations,  il  conserva  les  anciens  sommiers,  en  les  divi- 
sant en  deux  layes  séparées  pour  les  fonds  et  les  anches  ;  il 
augmenta  les  pressions  de  vent,  améliora  la  soufflerie,  mit  des 
leviers  pneumatiques  et  transforma  les  petits  récits  qui  s'arrê- 
taient au  4  pieds  (récits  de  42  notes)  en  de  grands  récits  de 
15  à  20  jeux.  Il  mit  des  anches  de  16  pieds  dans  la  boîte  expres- 
sive, donnant  ainsi  un  brillant  couronnement  aux  beaux  jeux  de 
fonds  et  de  mutation  des  anciennes  orgues  des  cathédrales 
françaises.  Nous  connaissons  tous  le  magnifique  effet  d'un 
grand  récit,  beaucoup  d'orgues  des  cathédrales  et  églises  fran- 
çaises, en  1850,  étaient  privées  de  cette  précieuse  ressource 
sonore,  et  Cavaillé-Coll  par  des  reconstructions  bien  comprises, 
pour  lesquelles  il  employa  de  bons  matériaux,  et  surtout  par 
l'addition  de  grands  récits,  transforma  complètement  leur  sonorité. 

Ces  grands  instruments  placés  d'ailleurs  dans  des  positions  très 
favorables,  au  dessus  du  grand  portail  ouest,  trouvaient  dans  les 
nefs  de  ces  grands  édifices  gothiques,  une  résonnance  acoustique 
convenant  admirablement  aux  sons  de  l'orgue, 

Cavaillé-Coll,  durant  sa  longue  carrière,  reçut  dans  les  Exposi- 
tions universelles  des  récompenses  les  plus  élevées  :  Chevalier  de  la 
Légion  d'Honneur  en  1849,  Officier  en  1878,  il  fut  aussi 
Président  honoraire  de  la  Chambre  Syndicale  des  instruments  de 
musique.  Très  affaibli  par  l'âge,  en  1898,  il  laissa  la  direction  des 
ateliers  à  un  de  ses  meilleurs  élèves,  M.  Charles  Mutin,  qui  n'a 
jamais  cessé   de  maintenir    la    haute   réputation   de   la  maison. 

Aristide  Cavaillé-Coll  s'est  éteint  sans  souffrance,  le  13  octobre 
1899,  dans  sa  quatre-vingt-neuvième  année  ;  comme  Chevalier 
de  la  Légion  d'Honneur,  il  eut  à  ses  funérailles  les  honneurs 
militaires.  Un  service  très  simple  fut  célébré  à  Saint-Sulpice,  et 
M.  Charles  Widor  joua  encore  une  fois,  devant  la  dépouille  de 
l'illustre  facteur,  le  magnifique  instrument  qui  fut  la  plus  belle 
conception   de   sa  vie  artistique. 

Au  cours  de  notre  revue  des  étapes  de  la  facture,  nous 
avons    mentionné   les    principales    contributions    apportées    par 


110  LES  PRINCIPAUX  ACTEURS  DU  DRAME 

Cavaillé-Coll  au  perfectionnement  de  l'Orgue,  notamment  dans 
l'emploi  des  jeux  harmoniques  et  des  fortes  pressions  de  vent. 
M.  W.  T.  Best,  dans  son  rapport  à  la  Philharmonique  de  Liver- 
pool  sur  l'achat  d'un  orgue  pour  leur  salle  de  concert,  recom- 
manda Cavaiilé-CoU  «  comme  le  meilleur  pour  la  sonorité 
d'orgue  pure  à  cette  époque  »  ;  immédiatement  après  lui  il  pla- 
çait T.  C.  Lewis  &  Sons,  puis  W.  Hill  &  Son  (i).  Mais  les  orga- 
nistes du  monde  entier  doivent  surtout  remercier  Cavaillé-Coll 
pour  l'assistance  qu'il  donna  à  Barker,  en  adoptant  et  déve- 
loppant l'usage  de  la  machine  pneumatique,  sans  laquelle  il  eut  été 
absolument  impossible  de  réaliser  le  système  actuel  de  sonorité, 
basée  sur  les  fortes  pressions  de  vent. 

Béni  soit  l'homme  «  dit  Sancho  Pança,  qui  le  premier  a 
inventé  le  sommeil,  et  quel  bonheur  qu'il  n'ait  pas  gardé  cette 
découverte  pour  lui  tout  seul  !  »  Joseph  Booth  de  Wakefield,  avait 
placé  ce  qu'il  appelait  un  «  puflf  bellows  »  (soufflet  à  gonflement) 
pour  aider  au  tirage  des  notes  de  pédales  de  l'orgue  d'Arter- 
cliffe,  près  Scheffield  dès  1827  (3);  mais  il  garda  l'invention  pour 
lui,  et  c'est  seulement  24  ans  après  sa  mort,  que  la  chose  a  été 
divulguée  ;  d'autre  part,  notons  la  persévérance  de  Barker  : 
pendant  cinq  ans  il  se  promena  essayant  de  convertir  l'un  après 
l'autre  les  facteurs  anglais,  mais  sans  aucun  succès  ;  alors  il  se 
décida  à  traverser  la  mer  avec  son  invention. 

Son  histoire  rappelle  celle  de  Rev.  William  Ly,  l'inventeur 
de  la  machine  à  tricoter  les  bas,  au  temps  de  la  Reine  Elisabeth. 
Ses  compatriotes  méprisèrent  son  invention,  et  le  découragèrent 
si  bien  que  peu  de  temps  après,  invité  à  venir  en  France  par 
Henri  IV,  avec  promesses  de  privilèges  d'honneurs  et  de  récom- 
penses, il  partit  avec  neuf  ouvriers  et  neuf  machines  pour 
Rouen,  où  il  travailla  au  milieu  de  l'approbation  générale.  C'est 
ainsi  que   l'histoire  se   répète. 


(i)  Oubliant  le  célèbre  H.  Willis,  avec  lequel  il  s'était  brouillé  (voir  p.  114). 

(2)  Dans  cet  orgue,  Booth  avait  mis  les  grosses  basses  de  la  montre  de  16, 
sur  un  sommier  spécial,  dont  les  soupapes  étaient  rattachées  à  de  petits  soufflets 
ronds  (comme  le  pli  d'une  lanterne  vénitienne)  ;  leur  gonflement  entraînait  la 
soupape  ;  c'est  donc  bien  Booth  qui  fut  le  premier  inventeur  et  le  réalisateur 
de  la  machine  pneumatique.  En  i835,  David  Hamilton  plaça  une  machine  pneu- 
matique à  Saint-John-d'Edimbourg  ;  mais,  à  ce  moment,  Barker  avait  déji 
proposé,  depuis  deux  ans,  son  système  au  D'  Camidge  pour  la  cathédrale  de 
York.  —  D'  G.  B. 


LES  PRINCIPAUX  ACTEURS  DU  DRAME  111 


Henry    ^WILLIS 

Le  résumé  suivant  sur  le  plus  grand  constructeur  anglais 
de  la  période  Victorienne  est  tiré  de  l'interview  dont  il  fut 
l'objet,  en  1898,  par  le  Musical  Times.  Né  en  1821,  à 
Londres,  d'un  père  qui,  tout  en  étant  entrepreneur  de  cons- 
tructions, était  aussi  choriste  à  Old  Surrey  Chape!  et  timbalier 
à  l'orchestre  d'amateurs  les  Céciliens,  Henry  Wiliis  commença  à 
jouer  de  l'orgue  dans  son  tout  jeune  âge  Ce  fut  entièrement 
un  autodidacte,  car  il    ne   reçut  jamais  de  leçons   de   personne. 

En  1835,  il  avait  à  peine  14  ans,  quand  il  fit  son  engage- 
ment de  sept  ans  d'apprentissage  chez  le  facteur  d'orgues 
John  Gray  (plus  tard  Gray  et  Davidson).  Comme  apprenti,  il 
inventa  un  système  d'accouplement  des  manuels  au  pédalier, 
qu'il  employa  ensuite  pendant  plus  de  60  ans  dans  toutes 
ses  orgues  ;  en  accordant  l'orgue  de  la  Chapelle  de  Windsor, 
il  fit  la  connaissance  de  Sir  George  Elvey,  qui  prit  en  grande 
affection  ce  tout  jeune  accordeur.  Pendant  qu'il  finissait  son 
apprentissage,  Henry  Wiliis  fut  nommé  organiste  de  Christ 
Church  à  Hoxton.  Vers  1850,  nous  le  trouvons  organiste  de  la 
paroisse  de  Hamsptead,  dont  il  avait  construit  le  nouvel  orgue, 
enfin  pendant  30  ans,  il  fut  organiste  de  Chapel  of  Ease,  à 
Islington  ;  il  abandonna  ce  poste  seulement  lorsqu'il  eut 
dépassé,  comme  dit  le  Psalmiste  :  «  trois  vingtaines  et  dix 
années  ». 

En  dépit  des  obligations  toujours  croissantes  de  ses  affaires, 
Henry  Wiliis  s'acquitta  toujours  de  ses  devoirs  d'organiste 
avec  une  ponctualité  remarquable  ;  souvent  le  samedi  il  fît 
un  voyage  de  150  milles,  pour  être  présent  à  son  office  du 
dimanche.  Dans  sa  jeunesse,  il  joua  aussi  de  la  contrebasse, 
prenant  part  au  Festival  de  Musique  Provinciale  de  187 1  et 
1874.  Son  apprentissage  terminé,  il  passa  trois  ans  à  Chel- 
tenham,  chez  un  facteur  nommé  Evans,  plus  tard  très  connu 
par  ses  instruments  à  anches  libres  ;  de  cette  collaboration, 
sortit  un  orgue  à  anches  libres  à  deux  claviers  et  pédalier 
de  30  notes,  qui  fut  exposé  chez  l'éditeur  Novello,  à  Londres  ; 
c'est  là  que  Wiliis  fit  la  connaissance  du  très  célèbre  organiste 
Samuel  Sébastien  Wesley.  Enfin  en  1847,  Henry  Wiliis, 
s'établit  pour  son  compte  et  son  premier  grand  succès  fut, 
la   reconstruction  de    l'orgue  de    la    Cathédrale  de    Gloucester. 


112  LES  PRINCIPAUX  ACTEURS  DU  DRAME 

«  Ce  fut  la  pierre  basilaire  de  ma  réputation,  aimait-il  à  dire  ; 
«  le  Récit,  qui  descendait  jusqu'au  huit  pieds,  avait  12  jeux, 
«  avec  un  double  rang  de  lames  expressives.  L'effet  pianissimo 
«  était  absolument  étonnant,  on  me  donna  .  400  livres 
«  (10.000  francs),  pour  cette  besogne;  j'en  devins  assez  pré- 
«  somptueux  pour  me  marier.  » 

Pour  la  grande  Exposition  de  1851  au  Crystal  Palace  de 
Hyde  Parck,  Henry  Willis  installa  un  orgue  magnifique  qui 
fut  très  remarqué  et  eut  les  honneurs  de  la  visite  de  la 
Reine  et  du  prince  Consort  :  avec  trois  claviers  manuels,  70  jeux 
parlants  et  sept  pédales  d'accouplements,  il  comptait  22  jeux 
au  récit.  L'étendue  des  manuels  montait  jusqu'au  sol  suraigû, 
et  le  pédalier  avait  32  notes.  Il  y  avait  bien  d'autres  parti- 
cularités dans  ce  bel  instrument,  qui  fut  un  acheminement 
vers  les  révolutions  prochaines  dans  la  facture  d'orgue  :  notons 
tout  d'abord  l'introduction  de  pistons  placés  entre  les  barres 
des  claviers,  et  remplaçant  les  lourdes  pédales  de  combi- 
naisons alors    en  vogue. 

Cet  orgue,  fait  pour  une  Exposition,  marquait  un  grand 
perfectionnement  dans  le  levier  pneumatique;  car  un  enfant  pouvait 
abaisser  les  touches  du  clavier  avec  tous  les  jeux  tirés  (i);  et 
jamais  cet  orgue  ne  se  dérangea.  Remonté,  l'année  suivante, 
dans  la  cathédrale  de  Winchester,  il  fonctionna  pendant  40  ans, 
avant  d'être  retouché. 

Ce  succès  fit  donner  à  Willis  la  commande  de  l'orgue  de 
Saint-Georges  Hall,  Liverpool  «  Le  secrétaire  de  la  municipalité  de 
«  Liverpool  m'écrivit  un  jour,  dit  M.  Willis,  pour  m'informer  qu'une 
«  Commission  municipale  visiterait  l'Exposition  un  certain  jour, 
«  dès  six  heures  du  matin,  dans  le  but  d'essayer  les  différents  orgues 
«  exposés  et  de  choisir  le  facteur  pour  le  nouvel  instrument  projeté 
«  à  Saint-Georges  Hall  ;  il  me  demandait  si  je  pourrais  y  être, 
«  j'y  fus  ;  et  nous  étions  d'ailleurs  tous  là.  Les  deux  autres 
«  facteurs  concurrents  X  et  Y,  en  prévision  de  cette  visite, 
«  avaient  accordé  leurs  orgues  la  veille  au  soir,  avec  ce  joli 
«  résultat  que,    par    l'excessive     chaleur    du     soleil    passant    à 


(1)  Je  ne  saisis  pas  la  portée  de  cette  remarque,  car  la  résistance  pour  enfon- 
cer la  touche,  ouvrant  la  petite  soupape  d'introduction  p  de  la  machine  pn  u- 
matique  (voir  page  ig,  fig.  3)  est  identiquement  la  même,  qu'il  y  ait  un  ou  tous 
les  jeux  tirés,  que  l'on  )oue  avec  ou  sans  les  accouplements.  C'est  dans  une 
autre  partie  dn  mécanisme  (et  au-delà  de  cette  soupape  p)  que  la  résisiance 
croit  avec  le  nombre  des  jeux  et  des  accouplements  ;  elle  n'eit  donc  pas  trans- 
mise aux  touches  du  clavier.  —  D'  G.  B. 


LES  PRINCIPAUX  ACTEURS  DU  DRAME  113 

«  travers  le  toit  de  verre,  les  jeux  d'anches  étaient  horribles 
«  à  entendre.  Je  ne  dis  rien,  mais  le  lendemain  dès  cinq  heures 
«  du  matin,  j'étais  là  avec  mes  hommes  pour  accorder  les 
«  anches  pendant  la  fraîcheur  du  matin  de  cette  belle  journée 
«  d'été. 

»  A    six   heures,    la   Commission    venue   de   Liverpool,  fit 

«  son     entrée,    il     y     avait     avec    le     maire    et    le    secrétaire, 

«  MM.    Samuel   Wesley  et  T.   A.    Walmisley,  leurs  conseillers 

«  au    point   de  vue    musical,  MM.  X  et  Y  avaient  spécialement 

«  engagé   deux  organistes    éminents  ;    moi,    je    n'avais    retenu 

«  personne  ;    mais  j'avais   fait    dire    d'abord  à   Best,    qui  avait 

«  donné  plusieurs    récitals  sur  mon    orgue   à  cette  Exposition  : 

«  ce   ne   serait    pas  une    mauvaise    idée,    si    vous   vouliez  bien 

«  venir  demain  à   six  heures    du  matin,    comme   vous  le   faites 

«  ordinairement  quand  vous  devez  répéter.  Best   était  là;  quand 

«  on   eut    entendu    les    deux   orgues    de    mes  concurrents,    le 

«  secrétaire    vint    à    moi  et   me   dit,    maintenant    nous    allons 

«  entendre    votre  orgue  M.  Willis,  est-ce  que    vous   le  jouerez 

«  vous   même  ?  Je   répondis  :  mais  il  y  a  là  un  de  vos   conci- 

«  toyens   (c'était    Best),    demandez    lui    s'il    veut   jouer  ;    il   le 

«  lui    demanda,    M.     Best    ne    voit   aucune    difficulté    à  jouer; 

«  me  dit  le  secrétaire,  mais  il  demande  cinq  guinées  (125  francs) 

«  Eh   bien  !  donnez-les  lui  !  La    municipalité  de  Liverpool    peut 

«  bien    faire    cela  !    L'affaire    s'arrangea.     Best   joua   l'Ouverture 

«  de  Jessonsda,    de    Spohr,  et   il   la  joua    si   superbement,    que 

«  l'audition    de   mon   orgue   fut  toute  une    révélation   pour   les 

«  gens  de  Liverpool.  » 

Après  avoir  délibéré  en  petit  comité,  pendant  environ 
vingt  minutes,  la  Commission  décida  de  recommander  Willis 
au  Conseil  de  la  Ville  de  Liverpool,  pour  construire  l'orgue 
de   Saint-Georges  Hall. 

Willis,  néanmoins,  eut  quelques  sérieuses  difficultés  avec  le 
D'  Sam.  Wesley  qui  voulait  que  les  claviers  manuels  et  la 
pédale  commencent  au  sol  grave.  «  Je  vous  fais  la  conces. 
«  sion  pour  les  manuels,  dit  Willis,  mais  je  vous  le  répète, 
«  à  moins  que  vous  n'acceptiez  le  pédalier  en  ut,  je  refuse 
«  absolument  de  faire  l'orgue  ».  L'orgue  fut  construit  avec 
ce  compromis,  mais  néanmoins  Willis  vécut  assez  longtemps 
pour  pouvoir  modifier  son  magnifique  orgue  de  Liverpool, 
dont     il    étendit     les    manuels    jusqu'à    l'ut    grave    en     1898. 


114  LES  PRINCIPAUX  ACTEURS  DU  DRAME 

L'orgue  fini,  il  recommanda  de  prendre  Best  comme  titulaire, 
bien  que  le  D^  Wesley  en  eut  fait  l'inauguration.  Non  seu- 
lement Willis  fit  nommer  Best  à  Liverpool,  mais  auparavant 
il  lui  avait  appris  à  jouer  des  transcriptions  d'Ouvertures  et 
d'autres  pièces  orchestrales  arrangées  pour  l'orgue.  «  Je  l'avais 
couvé  »  répétait  ce  vétéran  de  la  facture  d'orgue  ;  et  nous 
savons  avec  quel  magnifique  résultat.  Malgré  que  tout  ce  que 
Best  devait  ainsi  à  Willis,  il  lui  chercha  maintes  querelles  à 
la  fin  de  sa  carrière  à  propos  de  l'entretien  de  son  orgue 
de  Saint-Georges.  Comme  Best  demandait  non  pas  des  modi- 
fications que  Willis  ne  pouvait  pas  faire,  mais  que  ce  maître 
facteur  ne  voulait  pas  faire,  il  ne  put  y  réussir  ;  mais  Best 
parvint  à  faire  donner  l'accord  de  l'orgue  à  T.  Lewis  &  Sons, 
Cependant  à  la  mort  de  Best,  Willis  fut  remis  en  possession 
de    son    bel    orgue. 

Willis  a  conquis  une  haute  réputation  bien  méritée  pour 
ses  orgues  de  cathédrales,  il  n'en  construisit  pas  moins  de 
seize.  Son  plus  grand  instrument  est  celui  du  Royal  Albert 
Hall  renfermant  150  jeux;  il  en  fit  entièrement  le  plan  lui- 
même,  ne  fut  mis  en  concurrence  avec  aucun  autre  facteur, 
on  lui  donna  carte  blanche.  On  raconte  une  amusante  histoire  à 
propos  de  la  hauteur  du  diapason  auquel  devait  être  accordé 
l'instrument.  Les  membres  du  comité  décidèrent  que  Sir 
Michael  Costa,  M.  R.  K.  Bowley  Directeur  du  Crystal  Palace 
et  quelques  uns  des  meilleurs  instrumentistes  à  vent  de 
l'époque,  y  compris  le  fameux  clarinettiste  Lazars,  se  réuni- 
raient dans  les  ateliers  du  facteur  pour  décider  la  question 
du  diapason. 

«  Ils  amenèrent  avec  eux  un  violoniste,  dit  Willis,  mais 
«  je  ne  vois  pas  ce  qu'un  violoniste,  quoique  très  expert,  peut 
«  avoir  de  compétence  pour  déterminer  le  diapason  d'un  orgue? 
«  Je  dois  vous  dire,  ajoutait  Willis,  qu'avant  l'arrivée  de  ces 
«  gentlemen,  j'avais  quelque  idée  de  ce  que  devrait  être  le 
«  diapason  exact  de  l'instrument...  On  commença.  Costa 
«  présidait  ce  conclave,  mais  quand  chacun  d'eux  commença  à 
«  souffler  dans  son  instrument,  chacun  donnait  un  la  diffé- 
«  rent  de  son  voisin,  c'était  un  pandemonium  typique  !  Enfin 
«  peu  à  peu,  nous  arrivâmes  à  quelque  chose  qui  fut  regardé 
«  comme  satisfaisant,  et  nous  nous  souhaitâmes  le  bonjour 
«  réciproquement  ». 


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LES  PRINCIPAUX  ACTEURS  DU  DRAME  115 

Il  n'est  pas  besoin  de  dire   ce   qui   s'en  suivit,    nous  laissons 

à    nos   lecteurs    le     soin     de     conclure    si    l'orgue    de    Royal 

Albert     Hall     fut     accordé     à     la     hauteur     du     diapason     de 

MM.   Costa,  Bowley,  Lazarus  &   C»,   ou  à  celui   antérieurement 

.  choisi    par    Willis. 

Willis  construisit  deux  grands  instruments  :  l'un  pour 
Alexandre  Palace,  et  l'autre  pour  le  Château  de  Windsor,  cet 
orgue  ayant  deux  consoles  de  clavier,  l'une  dans  la  salle  Saint- 
Georges,  l'autre  dans  la  chapelle  privée  de  Sa  Majesté,  ce  qui 
permet  de  jouer  l'instrument  et  de  le  faire  entendre  dans  les 
deux  endroits.  Si  l'orgue  de  la  cathédrale  de  Saint-Paul  fut 
construit  dans  sa  forme  actuelle,  c'est  entièrement  dû  à  la 
personnalité  si  dominante  de  Willis.  11  exigea  l'enlèvement  de 
l'ancien  jubé  et  du  buffet  qui  le  surmontait  ;  puis  trouvant 
qu'il  avait  les  deux  façades  pareilles,  il  fit  couper  le  buffet 
en  deux,  et  réinstalla  ces  façades  de  chaque  côté,  entre  les 
piliers  du  chœur,  à  la  place  des  statues  de  Lord  Nelson  et  de 
Lord  Cornwalis.  Quelqu'un  du  comité  lui  ayant  demandé  s'il 
se  proposait  d'avoir  deux  organistes  pour  cet  orgue  divisé  en 
deux,  Willis  répondit  «  laissez-moi  faire  »  et  il  se  mit  à  cons- 
truire son  système  tubulaire  en  s'inspirant  de  l'orgue  tubulaire 
à  vent  rentrant  du  français  Permis,  qu'il  avait  examiné  à 
l'Exposition  de  Paris  en  1867,  car  nous  avons  dit  précédemment 
que  le  système  tubulaire  avait  été  réalisé  antérieurement  en 
France,  dès  1849,    mais  avec  vent  aspirant,   par  Moitessier. 

L'orgue  de  Saint-Paul  reconstruit,  fut  joué,  pour  la  première 
fois,  en  1872,  à  l'occasion  du  service  d'actions  de  grâce  pour  la  gué- 
rison  du  Prince  de  Galles,  après  une  typhoïde.  Ce  jour  là,  la  tubu- 
larisation  de  la  pédale  n'était  pas  terminée,  Willis  installa  un  clavier 
de  pédale  de  fortune,  tout  contre  le  sommier  des  tuyaux  de  pédale, 
et  joua  lui-même  la  partie  de  pédales  pendant  tout  le  service,  tandis 
que  l'organiste  Georges  Cooper  jouait  les  claviers  situés  beaucoup 
plus  haut  (à  neuf  mètres  au-dessus  du  sol).  A  la  fin  de  l'office, 
M.  Goss  dit  à  M.  Ousley  qui  se  trouvait  là.  «  Que  pensez-vous  des 
jeux  de  pédales  de  l'orgue?  »  Superbes  !  répliqua  le  professeur 
d'Oxford.  Vous  savez  que  les  tuyaux  sont  loin  des  claviers,  est-ce 
que  la  pédale  vous  a  paru  attaquer,  bien  exactement,  avec  les  manuels, 
demanda  Goss  ?  Parfaitement,  répliqua  Ousley,  mais  pourquoi  me 
demandez-vous  cela  ?  Alors  Goss  lui  dévoila  le  secret,  et,  à  cette 
époque,  c'était  vraiment  un  secret. 


116  LES  PRINCIPAUX  ACTEURS  DU  DRAM 

«  Le  grand  dada  de  Willisfut  le  yachting  ;  il  possédait  l'Opale, 
«  un  yacht  de  54  tonneaux,  et  attribuait  le  maintient  de  sa  belle 
«  santé  à  ses  nombreuses  sorties  en  mer.  J'ai  fait  le  tour,  dans 
«  mon  bateau,  de  toute  l'Angleterre  et  de  l'Ecosse,,  disait-il  ;  je 
«  suis  mon  propre  capitaine  et  ces  deux  gaillards-là,  disait-il,  en 
«  montrant  deux  de  ses  ouvriers,  sont  mon  steward  et  mon  char- 
«  pentier.  Mon  steward  est  un  pêcheur,  or  un  pécheur  est  un 
«  homme  très  utile  pour  la  prévision  du  temps  qu'il  fera.  Je 
«  répare  mon  yacht  moi-même,  déjà  j'ai  réparé  son  doublage  en 
«  cuivre  deux  ou  trois  fois,  je  lui  ai  fait  un  gréément  tout  neuf, 
«  voici  l'ancien  mât.  11  y  a  quelques  années,  une  corde,  en  glissant 
«  fortement  entre  mes  mains,  m'abîma  les  troisième  et  quatrième 
«  doigts  des  deux  mains  ;  ils  restèrent  recourbés  me  forçant,  pen- 
«  danl  longtemps,  à  faire  mon  service  d'organiste  en  utilisant 
«  seulement  le  pouce^  l'index  et  le  médius  de  chaque  main  ;  mais  le 
«  docteur  Macready,  le  fameux  chirurgien,  me  demanda  de  tenter 
«  une  opération  sur  mes  doigts  crochus  ;  le  résultat  fut  que  je  puis 
«f  m'en  servir,  comme  autrefois,  ou  peu  s'en  faut.  » 

Henry  Willis  mourut  à  Londres,  le  11  Février  1900,  âgé  de 
80  ans,  profondément  regretté  de  tous  ceux  qui  le  connurent,  il 
fut  inhumé  dans  le  cimetière  de  Highgate. 

Dans  le  cours  de  cette  étude,  nous  avons  mentionné  les  multi- 
ples perfectionnements  que  Willis  apporta  dans  la  facture  d'orgue, 
notamment  dans  les  jeux  d'anches.  Comme  dit  Sir  Georges  Glowes, 
«  les  orgues  de  Willis  resteront  célèbres  pour  les  merveilleuses 
«  qualités  de  leur  mécanisme  ».  Homme  adroit,  ingénieux,  auda- 
cieux même,  plein  de  ressources,  qualités  heureusement  associées 
avec  beaucoup  de  bon  sens  et  un  jugement  très  sûr,  voilà  les  traits 
caractéristiques  de  la  remarquable  personnalité  de  Willis.  Il  s'occu- 
pait lui-même  des  moindres  détails  de  son  atelier,  rien  ne  lui 
paraissait  indigne  d'attirer  son  attention.  Cette  puissance  détaillée 
dans  le  travail  était  extraordinaire,  on  peut  dire  que  chaque  tuyau 
lui  passait  entre  les  mains.  Etant  organiste  lui-même,  quand  il  faisait 
le  plan  d'un  instrument,  il  pensait  toujours  à  l'exécutant. 

Son  génie  inventif  était  remarquable  et  le  servit  étonnam- 
ment dans  la  partie  mécanique.  Il  prenait  souci  des  moindres 
choses,  son  enthousiasme  était  sans  bornes,  avant  tout  il  possédait, 
au  plus  haut  degré,  cette  qualité  qu'un  de  ses  confrères  en 
facture,  appelait  de  la  persévérance  obstinée.  Il  avait  beaucoup 
d'aversion  pour  les  journalistes  et  les  congédiait  sans  cérémonie. 
S'il  était  sans  vanité,  il  n'était  pas  très  facile  à  se  laisser  mener, 


LES  PRINCIPAUX  ACTEURS  DU  DRAME  117 


spécialement  dans  ses  discussions  avec  les  architectes,  discussions 
dont    les   architectes  sortaient  un   peu    malmenés. 

Il  considérait  l'orgue  de  Saint-Paul,  remanié  en  1899,  comme 
son  «  magnum  opus  ».  Il  n'y  a  rien  au  monde  de  pareil,  disait-il, 
avec  un  orgueil  bien  pardonnable,  un  jour  que  Sir  Georges  Martin 
jouait,  on  peut  le  dire,  d'une  façon  vraiment  royale,  ce  roi  des  ins- 
truments. Paraphrasant  l'inscription  du  monument  de  Purcell', 
à  Westminster  Abbey,  nous  ajouterons  : 

Il  est  parti  pour  le  seul  séjour  où  ses  belles  harmonies  pour- 
ront être  surpassées,  laissant  derrière  lui  une  quantité  de  nobles 
spécimens  de  ses  exploits  artistiques  en  facture  d'orgue. 


Robert     HOPE-JONES 

Robert  est  le  troisième  fils  de  William  Hope-jones,  de 
Hooton,  Grange,  Cheschire  (Angleterre).  Son  père,  un  homme 
de  ressources,  est  cité  comme  un  des  pionniers  qui  organisèrent 
l'armée  des  volontaires  en  Grande-Bretagne.  C'était  un  musicien 
jouant  du  cornet  à  piston,  et  possédant  une  voix  de  ténor 
remarquable.  Sa  mère  Agnes  Handforth,  fille  du  Recteur  de 
Asthon-Under  Lyne,  Lancashire,  était  aussi  bonne  musicienne, 
chanteuse  très  douée,  ayant  une  grande  impressionnabilité 
artistique. 

Elle  eut  neuf  enfants,  deux  filles  et  sept  garçons.  Robert 
naquit  le  9  Février  1859,  héritant  à  un  degré  exagéré  de  la 
nature  très  émotive  de  sa  mère.  Avec  une  enfance  mélanco- 
lique, faible  et  maladive,  on  croyait  qu'il  ne  vivrait  pas,  et 
pour  éviter  les  durs  hivers  anglais,  on  envoya  le  jeune  Robert 
tous  les  ans  dans  le  Sud  de  la  France.  Jugé  trop  délicat  pour 
aller  à  l'école,  on  lui  donna  un  précepteur  ;  avec  une  enfance 
aussi  sensitive  et  aussi  délicate,  il  ne  fut  jamais  question  de 
lui  faire  faire  du  sport,  et  alors  il  n'est  pas  étonnant  qu'il 
devint  un  peu  rêveur  et  un  intellectuel.  Trop  malade  pour  faire  des 
études  suivies,  son  instinct  musical  l'attira  vers  l'orgue,  à 
l'âge  de  9  ans,  nous  le  trouvons  jouant,  à  l'occasion,  l'orgue  aux 
offices  de  Eastham  Paris  Church. 

A  la  mort  de  son  père,  il  avait  14  ans,  et  suivait  d'une  façon  plus 


118  LES  PRINCIPAUX  ACTEURS  DU  DRAME 

OU  moins  régulière  les  cours  d'un  collège.  Au  moment  de  sa  confir- 
mation, il  se  persuada  qu'un  effort  surhumain  de  sa  volonté  compen- 
serait sa  faiblesse  physique  et  qu'il  pourrait  faire  quelque  chose  de 
bien  dans  la  vie.  Alors  commença  une  lutte  désespérée  dans  laquelle 
il  surmonta  peu  à  peu  tous  lés  obstacles,  et  q\ii  eut  pour 
résultat  dt  développer  chez  Hope-Jones  une  volonté  de  fer  et 
une  détermination  de  réussir  qu'aucune  malchance  n'a  été  pos- 
sible de  faire  fléchir.  Jusqu'à  30  ans,  son  état  de  santé  l'a 
beaucoup  gêné  ;  à  peine  âgé  de  15  ans,  il  était  organiste 
volontaire  et  maître  de  Chapelle  Birekenhead  School  ;  trois  ans 
plus  tard,  il  avait  les  mêmes  fonctions  à  St-Luke-s-Tranmere, 
où  il  dirigeait  un  chœur  d'enfants  qui  devint  rapidement 
célèbre. 

Dans  cette  église,  il  acheta  et  fit  placer  un  bel  orgue,  il  en 
devint  même  marguillier,  montrant  aussi  une  activité  sans  pareille 
dans  d'iiutres  postes  ecclésiastiques  ;  il  fit  installer  un  Orgue  dans 
Claugton  Music  Hall,  y  organisa  et  y  fit  exécuter  des  oratorios  pour 
le  bénéfice  de  plusieurs  «  Church  funds  ».  Hope-Jones  faisait  répéter 
et  dirigeait  de  grandes  masse  chorales  et  orchestrales,  constituées 
par  des  exécutants  de  bonne  volonté.  Pour  les  psaumes,  dont  les 
vers  sont  arrangés  en  groupes  ternaires,  il  écrivit  ce  qu'il  appela 
«  triple  chant  »,  une  forme  musicale  adoptée  depuis  par  d'autres 
musiciens,  et  composa  des  cantiques,  des  kyrie  et  beaucoup  d'autre 
musique  religieuse. 

Bien  que  la  paroisse  de  Saint-Luke's  fut  située  dans  un 
milieu  peu  fortuné,  les  hommes  et  les  enfants  formant  les 
chœurs,  non  seulement  chantaient  gratuitement,  mais  sonnaient 
les  cloches,  soufflaient  l'orgue,  achetaient  toute  la  musique  néces- 
saire, payaient  le  blanchissage  des  surplis  et  même  faisaient  des 
collectes  pour  les  fonds  de  la  paroisse. 

L'enthousiasme  de  Hope-Jones  n'avait  pas  de  limite  ;  et  il 
savait  le  communiquer  à  ses  collaborateurs  ;  ce  jeune  homme 
était  si  énergique,  qu'en  dépit  de  sa  petite  santé,  et,  sans 
même  résilier  ses  fonctions  à  Saint-Lucke's,  il  devint  maître 
de  Chapelle  et  organiste  honoraire  à  Saint-John's  Church  de 
Birkenhaed,  et  dirigea  simultanément  les  deux  maîtrises  de  ces 
paroisses  ;  l'auteur  de  ce  livre,  dont  le  fils  était  à  la  maîtrise  de 
Saint-John's,  aida  souvent  Hope-Jones  comme  organiste  le 
Dimanche.  C'est  dans  cette  église  que  Hope-Jones  réalisa  son 
premier  travail   important    comme  facteur    d'orgue  ;    la    trans- 


LES  PRINCIPAUX  ACTEURS  DU  DRAME  119 

mission  électrique  améliorée,  la  console  des  claviers  transpor- 
table, et  beaucoup  d'autres  questions  destinées  à  retentir  dans 
le  monde  des  organistes,  furent  conçues  et  réalisées  par  lui, 
après  la  besogne  quotidienne  et  les  répétitions  des  chœurs.  Il 
avait  d'ailleurs  l'assistance  volontaire  de  ses  choristes  adultes 
et  enfants  qu'il  avait  enthousiasmés  et  qui  travaillaient  très  tard 
le  soir,  ils  y  passèrent  même  la  nuit  plus  d'une  fois.  Quelques- 
uns  de  ces  collaborateurs  bénévoles  occupent  maintenant  des 
postes  élevés  dans  la  Hope-Jones  Organ  C°. 

Tout  cela  était  une  occupation  de  ses  loisirs.  C'est  à 
i8  ans  que  Robert  Hope-Jones  commença  un  travail  profes- 
sionnel, en  rentrant  comme  apprenti  dans  la  grande  maison 
de  Laird  Bros,  constructeurs  de  navires  et  de  machines,  à 
Birkenhaed. 

Après  avoir  porté  le  bourgeron  de  l'ouvrier  et  avoir  fait 
les  travaux  manuels  des  différents  ateliers,  puis  séjourné  dans 
des  salles  de  dessin  de  l'usine,  il  fut  nommé  chef  électricien 
de  la. Compagnie  Téléphonique  de  Lanscahire  et  Cheschire  (plus 
tard  National  Company).  Dans  les  téléphones,  il  inventa  une 
foule  de  perfectionnements  dont  quelques-uns  sont  encore  en 
usage.  A  cette  époque,  il  imagina  une  méthode  pour  accroître 
la  puissance  de  la  voix  humaine,  au  moyen  d'un  relai  à  air 
comprimé,  principe  encore  utilisé  dans  les  phonographes  et 
autres  machines  reproduisant  la  voix.  Il  inventa  aussi  le 
Diaphone,  maintenant  employé  officiellement  au  Canada,  pour 
les  signaux  de  brumes,  et  considéré  comme  le  plus  puissant 
des  appareils  sonores  ;  en  le  modifiant,  Hope-Jones  l'appliqua 
ensuite   à  l'orgue. 

En  i88t),  il  donne  sa  démission  de  téléphoniste-ingénieur, 
afin  de  donner  une  plus  grande  partie  de  son  attention  aux 
perfectionnements  de  l'orgue  d'Eglise  ;  préoccupation  qui,  nous 
l'avons  vu,  avait  autrefois  accaparé  tous  ses  loisirs.  Il  conserva 
un  bureau  comme  ingénieur  consultant,  mais  graduellement  son 
dada  de  la  facture  d'orgue  étouffa  les  autres  occupations,  et  ce  à 
son  désavantage  financier,  mais  au  plus  grand  profit  du  monde 
musical. 

Son  orgue  de  Saint-John's  Church  Birkenhead  devint  fameux, 
de  toutes  les  parties  du  monde,  des  milliers  d'amateurs  de  musique 
vinrent  pour  le  voir,  et  des  orgues  construits  sur  le  même 
modèle  furent  commandés  pour  l'Amérique  à  Tauton,  à 
Baltimore,  pour  l'Inde,  l'Australie,    la   Nouvelle   Zélande,  Terre- 


120  LES  PRINCIPAUX  ACTEURS  DU  DRAME 

Neuve,  pour  la  France  (i),  l'Allemagne,  pour  Malte,  sans  compter 
un  certain  nombre  de  cathédrales  et  de  salles  de  concert  en 
Angleterre. 

Rien  néanmoins,  ne  fut  dépensé  pour  payer  de  la 
réclame;  la  presse  musicale  anglaise,  pendant  des  années, 
consacra  ses  colonnes  à  une  discussion  très  âpre  des  inventions 
de  Hope-Jones,  inventions  destinées  cependant  à  faire  époque  ; 
les  échos  de  ces  discussions  se  répercutaient  dans  les  journaux 
de  musique  des  autres  pays.  Mais  en  dépît  de  toutes  ces 
oppositions  et  d'embarras  financiers,  Hope-Jones  construisit  des 
orgues  qui  ont  influencé  l'art  de  la  facture  dans  toutes  les 
parties  du  globe.  11  prouva  qu'il  était  un  inventeur  prolifique, 
et  put  légitimement  revendiquer  que  durant  ces  vingt  dernières 
années  les  9/10  des  perfectionnements  en  facture  lui  sont  dûs. 
C'est  avec  raison  qu'en  parlant  de  Hope-Jones,  on  a  pu  dire  : 
«  le  plus  grand  esprit,  appliqué  à  la  construction  de  l'orgue, 
maintenant,    et   avant    notre  époque.  » 

Tout  organiste  qui  connaît  bien  l'œuvre  de  Hope-Jones 
acceptera  ce  jugement,  et  plus  de  trente  facteurs  se  sont 
honorés  en  écrivant  des  témoignages  admiratifs  du  même 
genre  ;  la  «  Austin  Organ  Company  »,  dit  :  «  Nous  avons 
«  pris  beaucoup  de  peine  pour  étudier  le  système  Hope-Jones, 
«  et  pour  avoir  satisfaction  touchant  les  résultats  qu'ils  a  obte- 
«  nus  ;  nous  n'avons  plus  de  doute  sur  ce  fait  qu'il  a  réalisé 
«  une  révolution  complète  dans  le  développement  des  sono- 
«  rites.  »  Dans  son  Dictionnaire  de  Musique,  page  551,  Sir 
Georges  Growe  écrit  :  «  aucune  description  de  la  transmission 
«  électrique,  telle  quelle  existe  maintenant,  ne  serait  complète 
«  sans  mentionner  le  nom  de  M.  Hope-Jones,  les  recherches 
«  dans  le  domaine  de  la  sonorité  de  l'orgue  poursuivies  par 
«  M.  Hope-Jones  et  par  tous  ceux  qui,  sans  relâche,  luttent 
«  pour  la  prééminence  de  l'emploi  des  pressions  variées  entre 
«  3  et  25  pouces  (c'est-à-dire  entre  75  et  620  millimètres  !) 
«  ont  produit  dans  les  sonorités  de  l'orgue  moderne  une 
«  variété  et  une  supériorité  plus  grande  que  tout  ce  qui  a 
«  existé    auparavant.  » 

Elliston,  dans  son  Organ  Construction,  consacre  un 
long  article  à    la    description    des   instruments    de  Hope-Jones, 


(i)  Un  seul  fut  importé  en  France  par  Mader,  de  Marseille,  pais  fut  transporté 
à  Paris,  à  l'Ecole  Niedermeyer.  —  D'  G.  B. 


LES  PRINCIPAUX  ACTEURS  DU  DRAME  121 

en   Angleterre  et  en    Ecosse,    disant    que   ce   système  contient 
énormément    de    nouveautés    comme    mécanisme    et   sonorité. 

Mathews,  dans  Handhook  of  the  Organ,  dit  «  par  son 
système  électrique,  M.  Hope-Jones  chercha  non  seulement  à 
obtenir  une  répétition  d'une  rapidité  maximum,  mais  encore 
à  provoquer  les  vibrations  des  anches  comme  celles  des 
autres  tuyaux  par  une  bouffée  percutante  «  percussive  blow  »  ; 
ce  qui  lui  a  permis  d'obtenir  certaines  qualités  de  son, 
impossibles  dans  les  anciens  systèmes  (i).  Ses  orgues  sont  remar- 
quables par  la  rondeur  et  la  douceur  des  jeux  d'anches 
même  les  plus  puissants,  et  aussi  par  la  profondeur,  le 
volume  et   la    majesté    de  sonorité   des   jeux   de    pédales  ». 

M.  Ernest  Skinner,  de  Boston  lui  écrivait  ceci  :  «  votre 
patience,  vos  recherches,  vos  expériences,  ont  plus  fait  que 
tous  les  autres  pour  rendre  la  sonorité  de  l'orgue  moderne 
ce  qu'elle  est  actuellement.  Je  regarde  votre  invention  des 
lèvres  garnies  de  peau  comme  étant,  en  matière  de  sonorité, 
l'équivalent  de  ce  que  fut  le  levier  de  Barker  pour  le  méca- 
nisme, je  pense  que  la  portée  de  vos  découvertes  ne  sera 
pas  moindre,  je  crois  que  vous  fûtes  le  premier  à  reconnaître 
l'importance  d'un  petit  voltage,  et  que  le  monde  entier  doit 
vous  remercier  pour  le  contact  par  fils  ronds  et  l'électro 
renversé.  Depuis  que  je  me  suis  familiarisé  avec  votre  œuvre 
et  vos  écrits,  je  les  trouve  pleins  de  suggestions  fort 
utiles  ». 

Au  début,  Hope-Jones  donna  des  licences  à  pas  mal  de 
constructeurs  pour  exploiter  ses  inventions,  mais  le  résultat 
n'étant  pas  satisfaisant  il  rentra  lui-même  dans  la  lutte  comme 
facteur  d'orgue,  soutenu  très  libéralement  par  M.  Thomas 
Threlfall,  Président  de  l'Académie  Royale  de  Musique,  par 
M.  Martin  White,  Membre  du  Parlement  britannique,  et  par 
quelques  autres  amis.  C'était  sans  doute  beaucoup  trop 
demander  en  pensant  que  tous  ceux  qui  avaient  profité  des 
brevets  et  des  travaux  de  Hope-Jones,  lui  resteraient  favorables, 
quand   il   devint   leur   rival    et   leur   compétiteur. 

Pendant  vingt  ans,  il  rencontra  une  opposition  organisée 
qui  aurait  brisé  un  homme  ordinaire,  et  il  fut  attaqué 
tour  à  tour  sur  ses  connaissances  électriques,  son  goût  musical. 


(i)  Voir  note  page  28. 


122  LES  PRINCIPAUX  ACTEURS  DU  DRAME 

ses  capacités  comme  harmoniste  de  tuyaux,  sa  situation  finan- 
cière et  même  sur  son  caractère  personnel  Ses  vrais  admira- 
teurs sont  ceux  qui,  comme  l'auteur  de  ce  livre,  le  connaissent 
depuis  trente  ans  ;  ses  plus  grands  partisans  sont  les  gens 
des  villes  dans  lesquelles  il  a  résidé  ;  ses  plus  chauds  amis, 
ce  sont  les  collaborateurs  associés  qui  l'ont  suivi  en  Amérique, 
après   avoir  longtemps   travaillé   avec    lui   en    Angleterre, 

Bien  avant  que  Hope-Jones  eut  atteint  sa  prééminence 
actuelle,  et  ne  visant  qu'une  seule  de  ses  inventions,  M. 
Wedgwood,  Membre  de  la  Royal  Hislorical  Society,  homme 
instruit  en  matière  d'orgue,  le  classait  à  côté  de  Qvaillé-Coll 
et  de  Wiilis,  le  déclarant  un  de  ceux  dont  le  nom  sera  transmis 
à  la  postérité  comme  celui  de  l'inventeur  des  plus  importants 
perfectionnements. 

Au  début  de  sa  carrière  de  facteur,  M.  Hope-Jones  eut 
la  bonne  fortune  de  rencontrer,  en  Ecosse  M.  Martin  White,  de 
Dundee,  homme  riche  et  d'une  grande  influence,  qui  le  sauva  de 
difficultés  financières  et  le  maintint  dans  la  facture  d'orgues,  mais 
rendit  un  service  plus  spécial  à  Hope-Jones  en  le  poussant  à  réali- 
ser dans  l'orgue  des  sonorités  orchestrales.  M.  White  malgré  ses 
devoirs  de  membre  du  Parlement  Britannique  et  ses  occupations 
innombrables  en  Ecosse  et  en  Amérique,  consacra  beaucoup  du 
meilleur  de  son  temps  à  ce  qui  concerne  les  perfectionnements  à 
obtenir  dans  le  jeu  de  l'orgue  et  dans  sa  construction. 

Thynne  qui  a  été  le  vrai  pionnier  dans  l'art  d'imiter  le  qua- 
tuor à  cordes  avec  des  tuyaux,  doit  beaucoup  à  Martin  White  ; 
et  d'autre  part  Hope-Jones  déclare  que  toutes  les  idées  qu'il  a 
eues  dans  ce  sens  là,  il  les  a  prises  en  entendant  le  bel  orgue 
de  M.  White.  M.  White  a  toujours  soutenu  que  le  clavier  de 
récit,  dans  un  orgue,  devait  avoir  une  qualité  prépondérante 
dans  la  sonorité,  rappelant  celle  des  violons,  comme  les  cordes 
à  l'orchestre,  où  tout  en  formant  la  base  de  l'accompagnement, 
elles  sont  aussi  capables  de  se  suffire  à  elles-mêmes.  M.  Martin 
White  prêta  à  Hope-Jones  quelques  uns  de  ses  tuyaux  imitant 
le  violon,  afin  d'en  faire  de  semblables  pour  la  cathédrale  de 
Worcester. 

Plus  tard,  M.  White  soutint  que  l'ensemble  d'un  orgue 
devrait  être  entièrement  expressif.  11  est  extraordinaire  qu'un  non- 
professionnel  comme  M.  White,  très  occupé  à  des  affaires 
totalement   différentes,    ait   exercé    une    telle   influence   sur  l'art 


LES  PRINCIPAUX  ACTEURS  DU  DRAME  123 

de  construire  les  orgues,  car  du  fait  de  son  discernement 
artistique  uni  à  la  libéralité  de  ses  encouragements,  en  Amérique, 
dans  les  théâtres  et  dans  les  hôtels,  l'orgue  tend  à  supplanter 
l'orchestre,  et  d'autre  part,  dans  les  églises  et  salles  de  con- 
certs, l'orgue  a  subi  de  grandes  modifications.  M.  White 
pendant  près  de  trente  ans,  a  encouragé,  aidé,  non  seulement 
des  facteurs  d'orgues  artistes  comme  Casson,  Thynne,  Hope- 
Jones  et  Compton,  mais  son  influence  s'est  aussi  exercée  sur 
les  hommes  les  plus  en  vedette  parmi  les  meilleurs  organis- 
tes ;  donc,    honneur  à  M.  Martin  \yhite. 

Au  printemps  de  1903,  Hope-Jones  vint  en  Amérique;  à 
l'instigation  de  M.  R.  P.  Elliot,  organisateur,  Vice-Président  et 
secrétaire  de  La  Augustin  Organ  Company  (Hartford,  Connec- 
tient)  Hope-Jones  se  décida  à  rester  parmi  nous,  acceptant  la 
Vice-Présidence  de  cette  maison.  Plus  tard,  une  nouvelle  firme 
Hope-Jones  et  Harisson  fut  tentée  à  Bloomfields  New-Jersey  en 
juillet  1904;  mais  les  fonds  n'ayant  pu  être  réunis,  Hope-Jones, 
avec  son  équipe  d'ouvriers  spécialistes,  entra  dans  la  Compagnie 
de  Ernest  Skinner  à  Boston,  dont  il  devint  Vice-Président  en 
1905.  C'est  alors  qu'il  construisit  le  bel  orgue  de  Park  Church 
Elmira,  à  New- York,  à   la  mémoire   de  Thomas  K.   Beecher. 

A  cette  occasion,  il  fit  la  connaissance,  dans  le  comité  de 
l'orgue,  de  M.  Jervis  Langdon  qui  était  trésorier  de  la  Chambre 
de  Commerce  de  Elmira.  Ce  gentleman  s'arrangea  pour  que  la 
facture  d'orgues  devint  une  industrie  locale  et  créa  une  Société 
pour  construire  exclusivement  les  orgues  du  système  Hope- 
Jones.  Mais  cette  Compagnie  commençant  ses  travaux  en  Février 
1907,  au  moment  de  la  grande  panique  financière,  la  réalisation 
du  capital  fut  difficile  et  gêna  beaucoup  son  évolution.  Pendant 
les  trois  années  qu'elle  dura,  cette  Compagnie  construisit  une 
quarantaine  d'orgues,  dont  le  plus  remarquable  est  celui  du 
Grand  Auditorium   d'Océan  Grove,    New-Jersey. 

Les  brevets  et  le  fond  de  la  Compagnie  Hope-Jones  à 
Elmira  furent  achetés  par  la  «  Rudolph  Wurlitzer  C°  »  en 
Avril  19 10.  Hope-Jones  y  entra  en  qualité  de  directeur,  et 
dans  les  immenses  ateliers  (mammoth  factory)  de  North  Tona- 
wanda  à  New-York,  il  put  y  continuer  la  facture  en  son 
propre    nom. 

M.  Robert  Hope-Jones  est  membre  du  British  Institute  of 
Electrical  Engineers,  du  Royal  Collège  des  Organistes  de  Londres, 


124  LES  PRINCIPAUX  ACTEURS  DU  DRAME 

de  «  American  Guild  des  Organistes  »  et  de  bien  d'autres 
Corporations. 

En  1893,  ''  épousa  Cécile  Laurence,  une  bonne  musi- 
cienne, membre  d'une  des  meilleures  familles  de  Maidstone, 
en  Angleterre.  Cette  femme  s'initia  à  toutes  les  difficultés 
des  inventions  de  son  mari  ;  à  son  aide  et  à  ses  encoura- 
gements dans  les  moments  difficiles,  Hope-Jones  rattache  une 
partie   de  ses   succès. 

Nous  supposons  que  la  raison  du  proverbe  *<  Le  monde 
se  répète  continuellement  »  réside  en  ce  que  la  nature 
humaine  varie  peu,  et  de  génération  en  génération  reste  au 
fond  la  même.  Dans  la  Bible,  nous  voyons  que  Demetrius, 
l'argentier  d'Éphèse,  s'alarma  beaucoup  de  la  diminution  des 
commandes  d'ex-voto  en  argent  pour  l'autel  de  Diane,  à  la  suite  des 
prédications  de  l'apôtre  Saint-Paul.  Il  souleva  tous  ses  ouvriers 
avec  le  cri  «  notre  art  est  en  danger  !»  ;  et  mit  toute  la  ville 
d'Ephèse  en  rumeur.   (Actes    19  et   24.) 

En  1^62,  on  voulut  faire  un  nouvel  orgue  pour  Temple 
Church,  à  Londres.  Father  Smith  et  Renatns  Harris,  les  réputés 
facteurs  de  l'époque  avaient  chacun  tellement  d'influence  dans 
le  Conseil  paroissial,  que  celui<i  autorisa  chacun  de  ces  deux 
facteurs  à  installer  un  orgue  aux  deux  extrémités  opposées 
de  cette  église.  Certains  jours  alternativement  les  deux  orgues 
étaient  entendues  :  Purcell  et  le  D^  Blow  jouaient  l'orgue  de 
Smith,  tandis  que  Baptist  Draghi,  organiste  de  la  Reine  Cathe- 
rine jouait  l'orgue  de  Harris.  Une  tentative  des  membres  du 
comité  de  Middle  Temple,  pour  faire  choisir  l'orgue  de  Smith, 
fit  éclater  une  explosion  violente  de  la  part  des  membres  de 
Inner  Temple,  lesquels  préféraient  Harris.  La  dispute  fit  rage 
pendant  près  de  cinq  ans  au  bout  desquels  on  acheta  l'orgue 
du  Père  Smith,  en  donnant  à  Harris  l'ordre  d'enlever  le  sien. 
C'est  la  fameuse  Histoire  de  la  «  Bataille  des  Orgues  »  ;  où,  dans  le 
feu  de  la  lutte,  un  des  partisans  de  Harris,  plus  zélé  que  discret, 
s'introduisit  dans  l'orgue  de  Smith  et  creva  les  soufflets. 

En  1875-1876,  les  facteurs  J.  C.  Witheley  furent  choisis 
pour  reconstruire  l'orgue  de  la  cathédrale  de  Chester.  Les 
«  argentiers  »  de  Londres  s'alarmèrent  de  ce  qu'un  orgue  de 
cathédrale  tombât  entre  les  mains  d'un  petit  facteur  local,  ils  se 
liguèrent  et  arrivèrent  à  débaucher  tous  les  ouvriers  des  Witheley, 
en  leur  offrant  de  venir  à  Londres  avec  des  salaires  plus  élevés. 


LES  PRINCIPAUX  ACTEURS  DU  DRAME 


125 


Si  les  Witheley  n'avaient  pas  été  quatre  frères,  tous  facteurs  de 
leur  métier,  il  leur  aurait  été  impossible  de  remplir  leurs  enga- 
gements pour  la  cathédrale  de  Chester.  Cette  vilenie  fut  cause  de 
la  mort  du  chef  de  la  maison,  qui  se  désorganisa  peu  après.  Tout 
cela  s'écoute  comme  une  histoire  du  Moyen-Age,  arrivée  il  y  a 
longtemps,  longtemps,  car  l'on  ne  pourrait  croire  que  de  pareilles 
choses  puissent  se  produire  actuellement  ?  Mais  écoutez  encore  : 
en  1895,  le  premier  orgue  électrique  de  Hope-Jones,  fut  acheté 
pour  l'Eglise  de  Saint-George's  Church,  Hanover  Square  de  Londres. 

La  fureur  causée  par  cette  acquisition  ne  s'apaisa  brusque- 
ment qu'à  la  suite  d'un  incendie  qui  brûla  l'orgue  et  une 
partie  du  clocher.  Immédiatement,  avec  une  sollicitude  tout  à 
fait  curieuse,  on  attira  l'attention  sur  le  danger  «  qu'il  y  avait 
à  permettre  à  des  amateurs  de  faire  des  expériences  de  facture 
d'orgue,  dans  les  Eglises  historiques  à  cause  du  grand  danger 
que  présentait  la  transmission  électrique».  Mais  comme  d'autre 
part  la  malveillance  était  plus  que  soupçonnée,  le  Conseil  de 
l'Eglise  fit  immédiatement  à  Hope-Jones  la  commande  d'un 
orgue  électrique  identique,  pour  remplacer  celui  détruit  par  le  feu, 

A  la  même  époque,  un  clou  fut  planté  dans  le  câble  élec- 
trique de  la  console  de  l'orgue  de  Hope-Jones  à  Hendon  Parish 
Church.  Peu  après,  le  câble  de  son  orgue  à  Ormskirk  Parish 
Church  (Lancashire,  Angleterre)  fut  sectionné,  pendant  qu'à 
Burton-on-Trent  on  dérobait  certains  tuyaux  des  jeux  à  sono- 
rité spéciale  que  Hope-Jones  y  avait  placés. 

A  l'Auditorium  d'Océan  Grove,  quelques  instants  avant  un 
des  Concerts  d'inauguration  on  tenta  de  «  saboter  »  l'orgue,  et  la 
même  année  le  dimanche  qui  précéda  le  récital  d'Edwin  Lemare 
sur  l'orgue  de  Hope-Jones  à  First  Universalist  Church  Rochester 
N.-Y.,  subitement  dans  presque  tous  les  jeux  il  se  trouva  que 
plusieurs  tuyaux  ne  pouvaient  plus  parler  !!! 


CHAPITRE    XIV 


OU  EN  SOMMESsNOUS  AUJOURD'HUI  ? 


Jetant  un  regard  en  arrière  sur  le  chemin  parcouru,  nous 
voyons  que  l'orgue  moderne  est  un  instrument  tout  à  fait 
différent  de  celui  du  X1X«  siècle,  les  vergettes,  les  poids  sur 
les  soufflets,  toute  la  cohorte  des  jeux  à  sonorité  maigre  et 
floue  ont  disparu.  A  leur  place,  nous  avons  des  jeux  d'un 
caractère  plus  musical,  tout  en  ayant  plus  de  puissance,  et  d'un 
maniement  parfait  et  facile,  nous  trouvons  de  nouveaux  jeux  à 
sonorité  orchestrale,  dont  quelques  uns  imitent  le  quatuor  à 
cordes.  Enfin  les  jeux  transmis  et  dédoublés  présentent  infini- 
ment plus  de  ressources  avec  un  instrument  beaucoup  moins 
volumineux  que  les  anciennes  orgues. 

Dans  son  Hatidbook  Of  the  Organ  (page  24),  J.  Malthews 
nous  dit  qu'il  ne  peut  pas  y  avoir  de  limite  dans  la  cons- 
truction des  orgues  ;  si  le  violon  nous  fascine  par  sa  perfec- 
tion, l'orgue  y  arrivera  aussi  par  tout  ce  qui  peut  s'y  faire 
encore,  car  la  science  transforme  rapidement  l'orgue  moderne 
en  un  instrument  très  expressif.  Les  effets  d'orchestre  et  les 
crescendo  d'une  énorme  puissance,  possibles  sur  les  orgues  du 
type  décrit  ci-dessus,  la  double  touche,  les  nouvelles  méthodes 
de  créer  des  sons  comme  dans  le  diaphone,  la  facilité  avec 
laquelle  toutes  les  ressources  d'un  instrument  puissant  peuvent 
être  placées  instantanément  sous  les  doigts  de  l'exécutant, 
constituent  un  domaine  dont  ni  Bach,  ni  Haendel  n'ont  pu 
rêver. 


ou  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ?  127 

Aussi  la  tendance  des  meilleurs  constructeurs  modernes 
est  d'augmenter  encore  le  caractère  orchestral  de  ces  orgues 
en  y  ajoutant  des  carillons  et  d'autres  instruments  à  percussion. 
W.  T.  Best,  un  des  plus  grands  exécutants  qui  ait  jamais  existé, 
déclarait  à  un  ami  de  l'auteur  demandant  pourquoi  il  n'avait 
jamais  joué  l'Ouverture  du  Tannbauser.  «  Je  considère  son 
exécution  à  l'orgue  impossible  d'une  façon  convenable,  et 
cependant  j'y  ai  longtemps  songé  ».  Actuellement  beaucoup 
d'organistes  trouvent  qu'il  est  possible  d'interpréter  cette  Ouver- 
ture et  l'auteur  tout  le  premier  «  plaide  coupable.  »  Le  D"-  Peace 
a  joué  ce  morceau  à  l'inauguration  de  l'orgue  de  M.  White  à 
Ballruddery  et  a  déclaré  que  les  effets,  imitant  le  quatuor, 
réalisés  dans  cet  instrument  étaient  une  ressource  particulière 
pour  les  transcriptions  wagnériennes.  Le  D""  Bédart  dans  une 
très  intéressante  étude  sur  l'orgue  moderne  {Musical  Opinion, 
1910)  a  fait  judicieusement  remarquer  qu'il  reste  à  écrire  pour 
ces  nouveaux  instruments  de  la  musique  nouvelle. 

Tout  en  considérant  que  l'orgue  est  surtout  associé  aux 
cérémonies  religieuses,  un  nouveau  champ  lui  est  ouvert  dans 
les  salles  de  concerts,  les  théâtres,  les  auditoriums,  les  collè- 
ges, les  salles  de  bals,  les  hôtels,  les  promenades  publiques, 
les  casinos  au  bord  de  la  mer,  et  cela  non  seulement  comme 
un  simple  auxiliaire  de  l'orchestre,  mais  souvent  dans  le  but 
de  le  remplacer.  Les  récitals  d'orgue  du  dimanche  soir  au 
«  Collège  of  the  City  »  de  New-York,  sont  suivis  par  plus  de 
deux  mille  cinq  cents  personnes  et  beaucoup  ne  peuvent 
trouver  la  place.  En  1909,  à  Océan  Growe,  les  récitals 
d'orgue  ont  fait  une  recette  quotidienne  de  2000  francs  (400 
dollars). 

Dans  les  Palace-Hôtels  de  Nev^^-York  et  d'autres  villes  on  a 
mis  des  orgues  ;  en  ce  moment-ci  on  fait  des  plans  d'un  orgue 
destiné  à  une  jetée-promenade  ;  les  tuyaux  seront  au-dessous 
du  niveau  de  la  mer,  et  les  sons  seront  dirigés  là  où  l'on  aura 
besoin  ;  des  calorifères  avec  thermostats  maintiendront  l'orgue 
à  une  température  constante. 

Les  organistes  américains  ont  tellement  bien  fait  sentir  qu'il 
fallait  une  étude  spéciale  pour  apprendre  à  jouer  ces  nouveaux 
instruments,  que  l'Université  de  New- York  a  trouvé  la  question 
d'une  importance  suffisante  pour  justifier  la  création  d'une  Classe 
de  Hope-Jones  Unit  Orchestra. 


128  OU  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ? 

Parmi  ces  innovations  notre  revue  serait  incomplète  si  on  ne 
mentionnait  pas  les  appareils  automatiques.  Quand  on  entend  un 
Welte  Mignon  Pianista,  il  est  difficile  de  ne  pas  croire  qu'un 
pianiste  habile  est  assis  devant  les  claviers.  La  durée  exacte  de 
la  note,  la  vigueur  d'attaque  sont  enregistrées  et  reconstituées 
d'une  façon  tout  à  fait  exacte,  et  l'appareil  arrive  à  reproduire, 
avec  une  différence  inappréciable,  la  puissance  avec  laquelle  l'exé- 
cutant a  enfoncé  les  touches. 

Le  premier  de  ces  éléments,  la  durée  de  la  note  est 
directement  reproduite  d'après  l'artiste  au  moment  où  il  joue, 
le  second  de  ces  éléments,  la  puissance  sonore,  est  ensuite 
retouchée,  soit  par  l'artiste  lui-même,  soit  par  de  bons  musiciens 
qui  ont  noté  les  particularités  de  son  jeu  ;  comme  résultat,  on 
obtient  une  reproduction  fidèle  de  l'interprétation  donnée  par 
l'artiste.  Dans  le  cas  de  l'orgue,  la  pression  sur  les  touches 
n'a  pas  besoin  d'être  notée  ni  reproduite,  mais  il  nous  faudra 
enregistrer  l'orchestration  et  les  différentes  nuances  des  crescendo 
et  des  diminuendo,  si  nous  voulons  assurer  une  reproduction 
exacte  du  morceau  que  l'artiste  aura  joué  sur  l'orgue. 

Les  appareils  automatiques  sont  maintenant  adjoints  à 
beaucoup  de  grandes  orgues,  certains  d'entre  eux  sont  semblables 
au  pianista  et  font  mouvoir  soit  les  touches,  soit  le  mécanisme 
actionné  par  les  touches  du  clavier  ;  c'est  un  peu  élémentaire 
et  le  résultat  reste  un  peu  mécanique  et  même  insuffisant, 
on  ne  peut  faire  jouer  qu'un  seul  clavier  (i);  la  registration,  les 
boîtes  expressives,  les  pédales  ne  sont  pas  actionnées.  L'Eolian  C» 
de  New-York,  il  y  quelques  années,  a  introduit  ce  qu'elle 
appelle  la  double  flûte  de  Pan  (double  tracker  bar),  dans  cette 
disposition,  les  trous  de  la  flûte  de  Pan  sont  plus  petits  que 
ceux  des  pianistas,  et  disposés  sur  deux  rangées  commandant 
chacune  un  clavier  manuel. 

Tous  les  numéros  pairs  correspondent  à  la  rangée  infé- 
rieure, tous  les  numéros  impairs  à  la  rangée  supérieure,  si  le 
papier  se  déroule  bien   exactement,  le  système  de  l'Eolian  permet 


(i)  En  igo7,  Puget  en  combinant  les  c  Solo  attachements  »  dans  l'orgue  à  trois 
clavier*,  de  M.  J.  Boittiaui,  à  Lille,  a  montré,  ique,  même  en  utilisant  des 
rouleaux  ordinaires  pour  piano,  on  pouvait  obtenir  à  l'orgue  des  effets  orches- 
traux très  réussis,  en  faisant  chanter  en  Pédale-solo  et  en  Récit-solo,  des  jeux 
différents  de  ceux  tirés  au  G.  O.  pour  l'accompagnement.  Les  effets  ainsi  réalisés 
sont  encore  plus  variés  avec  des  jeux  et  des  accouplements  à  l'unisson  et  à 
l'octave,  divisés  en  dessus  et  en  basses,  tels  que  le  traducteur  tes  a  lait  mettre  dans 
son  oiguc  d'étude.  —  D»  G.  B. 


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ou  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ?  129 

le  jeu  automatique  indépendant  des  deux  claviers  d'un  orgue  ; 
mais  le  tirage  des  jeux  et  l'ouverture  de  la  boîte  expressive 
doivent  être  effectués  à  la  main. 

Tout  récemment  Hope-Jones  a  trouvé  un  plan  permettant 
l'exécution  simultanée  sur  deux  claviers  manuels  et  la  pédale,  en 
même  temps  qu'il  permet  le  tirage  individuel  de  tous  les  jeux  et 
les  nuances  de  la  boîte  expressive  automatiquement.  Un  bouton 
permet  d'ailleurs,  quand  on  le  désire,  d'avoir  le  tirage  des  jeux 
et  la  boîte  expressive  séparés  du  mécanisme  automatique  pour 
pouvoir  les  manœuvrer  ad  libitum.  Le  Tracker  bar  de  Hope-Jones 
n'a  pas  moins  de  dix  rangées  de  trous,  il  est  naturellement  large 
en  proportion.  Nous  croyons  que  les  appareils  automatiques  pour 
l'orgue  prendront  un  grand  développement.  Le  Pianista  a 
beaucoup  fait  pour  généraliser  le  piano,  et  dans  le  même  sens, 
nous  pensons  que  l'appareil  automatique  fera  beaucoup  pour 
populariser  l'orgue.  Bien  des  personnes,  qui  ne  savent  pas  jouer 
l'orgue,  seront  poussées  à  en  acquérir  quand  elles  sauront 
qu'elles  peuvent,  même  en  l'absence  d'un  organiste  expérimenté, 
entendre  de  la  musique  d'orgue  au  moment  où  elles  le  dési- 
reront. 

Maintenant  nous  donnons  les  spécifications  de  quelques 
uns  des  orgues  les  plus  remarquables  du  monde,  tous  ont  été 
construits  ou  restaurés  depuis  1888  et  renferment  des  réalisations 
modernes  en  mécanisme,  pression  de  vent  et  ressources  sonores. 
Le  premier,  d'après  l'estimation  de  l'auteur,  est  celui  de  Saint- 
Georges  Hall,  Liverpool. 

Orgue  de  SaintsGcorge's  Hall,  Liverpool 

Ce  magnifique  instrument  fut  construit  par  Henry  Willis, 
d'après  la  spécification  du  Docteur  SS.  Wesley  qui  l'inaugura  le 
29  et  le  30  Mai  1855,  l'auteur  l'entendit  pour  la  première  fois 
en  1866  ;  il  était  alors  accordé  à  tempérament  négal,  quand 
Best  succéda  à  Wesley  en  1867,  il  obtint  que  l'orgue  fut  mis 
au  tempérament  égal  (accord  bien  tempéré),  on  fit  quelques 
améliorations  et  quatre  jeux  d'anche  du  clavier  de  solo  eurent 
leur  pression  de  vent  élevées  de  9  pouces  1/2  à  22  pouces  (de 
220  à  550  %). 

En  1898,  la  machine  de  Barker  de  cet  orgue  fut  enlevée,  et 
remplacée    par  le  système  tubulaire  ;    l'étendue  des  manuels  fut 


130 


OU  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ? 


modifiée  et  portée  à  cinq  octaves  des  cendant  jusqu'à  l'ut,  les 
anciens  claviers  ne  dépassaient  pas  le  sol  grave,  Best  obtint  32 
notes  au  pédalier,  un  accouplement  de  récit  sur  positif  fut 
ajouté  (!),  plusieurs  jeux  furent  changés,  la  voix  humaine  passa 
du  récit  au  solo,  et  deux  des  sommiers  du  clavier  de  solo  eurent 


irisa» CONSOLE  DE  SAINT-GEORGES  HALL 

a/ï  gauche  deux  rangées  de  boutons  de  jeux  ne  sont  pas  représentés 
dans  ce  dessin. 


leurs  tuyaux  mis  dans  une  boîte  expressive,  mais  les  tubas 
furent  laissés  hors  la  boîte  expressive.  Les  tuyaux  en  fonte  de 
fer  de  la  dernière  octave  de  32  pieds,  le  double  diapason  de  16 
de  la  pédale  furent  remplacés  par  des  tuyaux  de  zinc  épais, 
et  le  récit  reçut  quatre  pédales  de  combinaison.  Voici  la  com- 
position actuelle  : 


PREMIER  MANUEL:  CHOIR  (POSITIF)   (18  Jeux) 


Double  diapason 16 

Open  diapason 8 

Clarabella 8 

Stoped  diapason 8 

Dulciana 8 

Viol  de  Gamba 8 

Vox  Angelica 8 

Principal 4 

Harmonie  flùie 4 


Gamba 4 

Twelfth 2  2/3 

Fiheenth 2 

Flageolet 2 

Sesquialtera  3  ranks 

Trumpet 8 

Cremona 8 

Orchestral  Oboe 8 

Clarion 4 


ou  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ? 


131 


DEUXIÈME  MANUEL  :  GREAT  (GRAND  ORGUE)   (15  Jeux) 


Double  Open  diap  (métal)  Itt 

Open   diapason    N"   1 8 

Open    diapason   N°  2 8 

Open   diapason    wood....  8 

Open   diapason   N°   3....  8 

Stopped  diapason 8 

Violloncello 8 

Quint 5 

Viola 4 

Principal  N»  1 4 

Principal  N»  2 4 

Flûte 4 

Tenth 3 


1/2 


1/2 


Tweifth 2  2/3 

Fifteenth 2 

Harmonie  Piccolo 2 

Doubletie  2  ranks 

Sesquialtera  5  ranks 

Mixture  4  ranks 

Trombone 16 

Trombone 8 

Ophicleide 8 

Trumpet 8 

Clarion    No   1 4 

Clarion    No   2 4 


TROISIÈME  MANUEL   :    SWELL  (RÉCIT)  (28  Jeui) 


Double  diapason  (métal)..  16 

Open  diapason  N»  1 8 

Open  diapason  N»  2 8 

Dulciana 8 

Viol   de  Gamba 8 

Stopped  diapason 8 

Voix  Céleste 8 

Principal 4 

Octave  Viola 4 

Flûte 4 

Tweifth 2 

Fifteenth  No  1 2 

Fifteenth  N«  2 2 


2/3 


Piccolo 2 

Doubleite  2   ranks 

Fourniture   5  ranks 

Trombone 16 

Contra  Hautbois 16 

Ophicleide 8 

Trumpet 8 

Horn 8 

Oboe 8 

Clarionet 8 

Clarion  N*  1 4 

Clarion  N»  2 4 


QUATRIÈME  MANUEL   SOLO  (15  Jeux) 


Viola  di  Gamba 8 

Open  diapason,  wood....  8 

Stopped  diapason 8 

Flûte   (orchestral) 4 

Flûte  Piccolo 2 

Contra  Fagotto 16 

Trombone 8 

Bassoon 8 


Vox  Humana 8 

Orchestral  Oboe 8 

Corno   Di  Bassetto 8 

•Ophicleide 8 

*Trumpet 8 

'Clarion    No  1 4 

'Clarion   No  2 4 


Tous  ces  jeux  sont  placés  dans  une  nouvelle  boîte,  exceptés 
ceux  marqués  d'une  astérique,  qui  sont  à  forte  pression. 


132  OU  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  > 


PEDAL   ORGAN   (17  Jeux) 

Diapason  (wood) 32  Fifteenth 4 

Diapason  (métal) 32  Fourniture,  5  ranks. 

Open   diapason  (wood)...  16  Mixture,   3   ranks.... 

Open  diapason  (métal). ..  16  Posaune 32 

Salicional  Cmétal) 16  Contra  Fagotto. 16 

Bourdon   (wood) 16  Ophicieide 16 

Bass  flûte  (wood) 8  Trumpei 8 

Principal  (wood) 8  Clarion 4 

Quint  (métal) 5  1/2 

ACCOUPLEMENTS 

Solo   Super-Octave  Choir  to  Great 

Solo  Sub-Octave  Choir  Super-Octave 

Solo  to  Great  Choir  Sub-Octave 

Swell    to   Great   Super-Octave  Solo  to   Pedals 

Swell    to  Great   Unisson  Swell    to    Pedals 

Swell    to  Great  Sub-Octave  Great   to   Pedals 

Swell    to   Choir  Choir  to   Pedals 

En  SUS  de  ces  pédales  d'accouplement,  il  y  a  d'autres 
mécanismes  accessoires  représentés  par  36  pistons  pneumatiques; 
six  pour  chaque  manuel,  et  douze  actionnant  des  jeux  de 
pédales  ;  il  y  a  aussi  six  pédales  de  combinaison  agissant 
sur  les  jeux  du  grand  orgue  et  de  la  pédale  simultanément  ; 
quatre  pédales  agissant  sur  les  pistons  du  récit,  et  deux 
trémolos  (récit  et  solo).  La  soufflerie  très  grande,  placée  dans 
les  sous-sols  de  la  salie,  consiste  en  deux  grands  soufflets 
alimentés  par  deux  machines  à  vapeur  de  huit  chevaux,  il  y 
a  dans  l'orgue  quatorze  réservoirs  répartissant  des  pressions 
variant    de   3    pouces    i/a   à    22    pouces  (de  75   ^   à  550  %). 


Orgue  de  la  Cathédrale  NotresDame 
de  Paris 

L'ancien  orgue  de  la  Cathédrale  de  Notre-Dame  de  Paris 
fut  construit  sous  Louis  XV  par  Thierry  Leselope,  avec  les 
meilleurs  ouvriers  de  l'époque.  Au  XYlll»  siècle,  Clicquot  le 
répara  et  l'agrandit,  puis  de  1832  à  1838,  Dalsey  le  retoucha 
enfin,  en  1863  le  gouvernement  confia  à  Cavaillé-Coll  sa  recons- 
truction complète.    11  y    mit  cinq   ans,  et  le   nouvel  orgue   fut 


ou  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ? 


133 


solennellement  inauguré  en  mars  1868.  Il  est  placé  dans  une 
tribune  au-dessus  du  grand  portail  ouest  ;  les  cinq  manuels 
ont  chacun  56  notes  et  la  pédale  30,  il  y  a  86  jeux  parlants 
actionnés  par  110  registres;  22  combinaisons  par  pédales  et 
6.000  tuyaux  dont  les  plus  longs  ont  32  pieds,  le  mécanisme 
est  le  système  de  Barker,  perfectionné  par  Cavaillé  ;  la  souf- 
flerie contient  25.000  litres  d'air;  il  y  a  six  paires  de  pompes 
donnant    600    litres    d'air    par  seconde,    voici   sa   composition  : 

PEDAL  ORGAN    (16  Jeux) 


Principal   Basse 32 

Contre   Basse 16 

Grosse   Quinte 10  2/3 

Sous  Basse.- 16 

Flûte 8 

Grosse  Tierce 6  2/5 

Violoncelle 8 

Octave 4 


Quinte 5  2/3 

Septième 4  4/7 

Contre  Bombarde 32 

Bombarde 16 

Trompette 8 

Basson 16 

Basson 8 

Clairon • 4 


FIRST   CLAVIER  (GRAND   CHŒUR)    (IJ    Jeux) 


Principal 8 

Prestant 4 

Bourdon 8 

Quinte 2  2/8 

Doubletite 2 


Tierce. 


Larigot 11/3 

Septième 11/7 

Piccolo 1 

Tuba  Magna 16 

Trompette 8 


1  3/5      Clairon 4 


SECOND   CLAVIER   (GRAND   ORGUE)  (14  Jeux) 


FEET 

Violon    Basse 16 

Montre 8 

Bourdon 16 

Flûte  Harmonique 8 

Viole  de   Gambe 8 

Prestant 4 

Bourdon  8 


Octave 

Doublette 

Fourniture,  2  to  5   rangs 
Cymbale,  2  to  5  rangs... 

Basson 16 

Basson-Hautbois 8 

Clairon 4 


FEET 

4 
o 


TROISIÈME  CLAVIER   (BOMBARDES)    (14   Jeux) 


Principal    Basse 16 

Principal 8 

Sous-Basse 16 

Flûte  Harmonique 8 

Grosse  Quinte 6 

Octave 4 

Grosse  Tierce 


Quinte 2  2/3 

Septième 2  1/7 

Doublette 2 

Cornet  2  à  5  rangs 

Bombarde 16 

Trompette 8 

Clairon 4 


134 


OU  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ? 


QUATRIÈME  CLAVIER  (POSITIF)    (i4  Jeux) 


Montre 16 

Flûte    Harmonique 8 

Bourdon 16 

Salicional 8 

Prestant 4 

Unda  Maris 8 

Bourdon 8 


Flûte  Douce 4 

Doublette 2 

Piccolo 1 

Plein  jeu,  3  à  6  rangs... 

Clarinette    Basse 16 

Cromorne 8 

Clarinette   Aiguë 8 


CINQUIÈME   CLAVIER   (RÉCIT   EXPRESSIF)   (16   Jeui) 
8 


Voix  humaine 

Basson  Hautbois 8 

Diapason 8 

Flûte   Harmonique 4 

Voix  céleste 8 

Bombarde 16 

Viol   de  Gambe 8 

Quintaton 16 


Prestant 4 

Plein  jeu,  4  ou  ou  7  rangs 

Quinte 2  2/3 

Octave 12 

Flûte  Octaviante 4 

Cornet  3  à  5   rangs 

Trompette 8 

Clairon 4 


CONSOLE  DES  CLAVIERS  DE  NOTRE-DAME  DE  PARIS 


Violer  que  cette  image  n'est  pas  une  photographie,  mais  une  gravure  sur  bois 

exécutée  par  un  dessinateur  qui  n'était  certes  pat  un  musicien, 
car  il  n'a  mis  que  38  touches  aux  claviers  manuels,  alors  qu'il  y  en  a  56, 

(NOTE   DE   l'auteur) 


Cette  composition  nous  a  été  aimablement  fournie  par  le 
Docteur  Cari  de  New- York,  qu'il  l'avait  demandée  spécialement 
à  M.  Mutin,  successeur  de  Cavailié-CoU.  La  question  des 
accouplements  n'y  est  pas  très  bien  détaillée,  il  semble  que 
tous   les   manuels  peuvent  être  appelés  sur  le  clavier  de  grand 


ou  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ?  135 


chœur,  que  le  grand  orgue  et  le  grand  chœur  peuvent  être 
accouplés  à  la  pédale  et  que  chaque  manuel  à  un  accouplement 
de  l'octave  sur  lui-même  ?  Une  des  combinaisons  de  la  pédale 
est  marquée  :  Effet  d'orage.  L'orgue  de  Notre-Dame  fut  entière- 
ment relevé  et  retouché  par  Cavaillé-Coll,  en  1899,  peu  avant 
sa  mort,  tous  les  jeux  du  récit  marqués  d'un  astérisque  furent 
changés.  Le  programme  de  l'inauguration  revendique  que  cet 
orgue  est  le  plus  grand  et  le  plus  complet  en  Europe  !  Et 
qu'indépendamment  de  la  perfection  du  mécanisme,  il  possède 
une  puissance  et  une  variété  jusqu'alors  inconnue  en  facture 
d'orgue,  et  réalisée  pour  la  première  fois(i),  c'est  certainement 
le  chef-d'œuvre  de  Cavaillé  et  un  monument  remarquable 
de  son    génie. 


Orgue  de  la  Cathédrale   de   SaintsPaul 

Le  vieil  orgue  de  la  Cathédrale  de  Saint-Paul  que  jouait 
Sir  John  Coss,  et  qui  ressentit  le  jeu  magique  de  Mendelsohn, 
avait  treize  jeux  au  Grand  orgue,  sept  au  Récit,  huit  au 
Positif  et  un  seul  jeu  à  la  pédale  !  Il  était  placé  dans  un 
buffet  qui  couronnait  le  jubé  séparant  le  chœur  de  Fa  nef; 
nous  avons  déjà  dit  précédemment  comment  Willis  exigea  le 
déplacement  de  ce  Jubé,  et  la  reconstruction  de  l'orgue  divisé 
en  deux  parties  de  chaque  côté  du  chœur;  en  1 891,  il  fut 
reconstruit  dans  l'état  actuel  que  nous  décrirons  plus  bas, 
l'auteur  vit  et  entendit  cet  orgue  pour  la  première  fois  en 
1872  et  depuis  il  n'a  jamais  manqué  dans  ces  fréquentes 
visites  à  Londres  d'assister  aux  offices  qui  ont  lieu  deux 
fois  par  jour  avec  les  choristes,  car  il  n'y  a  pas  de  vacances 
d'été  à  Saint-PauL  L'effet  du  tuba  éclatant  sous  le  dôme  est 
superbe  Willis  regardait  cet  instrument  comme  son  chef 
d'œuvre  aimant  à  dire  «  il  n'y  a  rien  de  pareil  au  monde  !  »  (2) 


(i)  Assertions  fort  discutables,  pour  ne  pas  dire  insoutenables,  en  1899  ;  le 
rédacteur  du  programme  ignorait  donc  l'existence  des  instruments  de  Saint-Paul, 
de  Londres,  de  Albert  Hall,  de  Saint-George's  Hall,  etc.,  etc.  ?? 

(2)  J'ai  eu  l'occasion  d'entendre  plusieurs  fois  cet  orgue  magnifique  avant  et 
après  la  restauration  de  1891,  et  mes  dernières  impressions  en  igiS  confirment 
les  précédentes  :  l'orgue  de  Saint-Paul,  de  Londres  est  un  instrument  incompa- 
rable ;  comme  majesté,  il  ne  le  cède  en  rien  à  celui  de  Saint-Sulpice  ;  comme 
puissance,  il  lui  est  supérieur,  de  même  au  point  de  vue  de  la  variété  des  timbres 
et  des  ressources  du  mécanisme.  —  D»  G.  B. 


136  OU  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ? 

Le  grand  orgue  est  situé  sur  le  côté  Nord  du  sanctuaire,  le 
récit  et  le  positif  en  face  sur  le  côté  sud,  le  sommier  de 
solo  et  un  tiers  des  jeux  de  pédales  sont  sous  la  première 
arche  du  côté  Nord  du  sanctuaire  ;  l'orgue  près  de  l'autel 
«  Altar  Organ  »,  qui  peut  être  joué  par  le  clavier  de  solo,  est 
dans  la  seconde  arche  du  côté  Nord,  le  reste  de  la  pédale  et 
les  trois  tubas  occupent  la  galerie  Nord-Est  sous  le  dôme.  Les 
claviers  sont  du  côté  Nord  enfoncés  dans  le  buffet,  on  peut  les 
voir  étant  dans  le  «  whispering  gallery  »,  (faisant  tout  le 
tour  du  dôme  à  l'intérieur)  ;  il  y  a  cinq  manuels  de  6i  notes 
et  les    pédales  ont    52    notes. 

PÉDAL  ORGAN  (GALERIE  NORD  DU  DOME)  (10  Jeui) 

Double  diapason 32  Octave 8 

Open  Diapason  N»  1 16  Mixture.  3  rangs   

Open  Diapason  N»  2 16  Contra  Posaume 32 

Violone  Open  Diapason 16  Bombardon  16 

Violoncello 8  Clarion 8 

PÉDAL  ORGAN  (UNDER  ARCH,  NORTH  SIDE  OF  CHANCEL)  (6  Jeux) 

Violone 16      Octave 8 

Bourdon 16      Ophicleide 16 

Open  Diapason 16 

POSITIF  CHŒUR  111  Jeux) 

Contra  Gamba 16  Fl(^te  Harmonique 4 

Open  Diapason 8  Principal 4 

Dulciana 8  Flageolet 2 

Violoncello 8  Corno  di  Bassetto 8 

Lieblich  Gedackt 8  Cor  Anglais 8 

Claribel  Flûte 8 


GREAT  ORGAN  (16  Jeux) 

Double  Diapason 16  Principal 4 

Open  Diapason  N»  1 8  Octave  Quint 3 

Open  Diapason  N»  2 8  Super  Octave 2 

Open  Diapason  N»  3 8  Fourniture,  3  rangs 

Open  Diapason  N»  4 8  Mixture,  3  rangs 

Open  Diapason 8  Trombone 16 

Quint,  métal  6  Tromba 8 

Flûte  Harmonique 4  Clarion 4 


ou  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ? 


137 


SWELL  ORGAN  (13  Jeax> 


Contrat  Camba 16 

Open  Diapason 8 

Lieblich  Gedacke 8 

Salicional 8 

Vox  Angelica 8 

Principal 4 


Fifteenth 2 

Echo  Connet,  3  rangs 

Contra  Posaume 16 

Cornopean 8 

Hautbois 8 

Clarion 4 


Flûte  Harmonique , 8 

Concert  Flûte  harmonique 4 


SOLO  (hors  la  boîte  expressive,  3  Jeux) 
Piccolo 


SOLO  (10  Jeux  expressifs) 


Open  Diapason 8 

Gamba 8 

Contra  Fagoito 16 

Cor  Anglais 8 

Contra  Posaune 16 


Tuba  8 

Orchestral  Oboe 8 

Corno  di  Bassetto 8 

Cornopean 8 

Flûte 8 


ALTAR  ORGAN  (Joué  par  le  clavier  de  Solo,  8  Jeux) 


Contra  gamba 16 

Gamba 8 

Vox  angelica,  3  rangs 


Vox   Humana. 
Tremblant 


Dans  la 

galerie 

du  dôme 


TUBA  ORGAN  (S  Jeux) 


Double  tuba. 

Tuba   

Tuba   


16 
8 
4 


Au-dessus 

du 

grand  orgue 


Tuba  major. 
Clairon..    .. 


ACCOUPLEMENTS  ACCESSOIRES  PNEUMATIQUES 


Récit  sur  grand  Orgue  octave  grave. 

Récit  au  grand  orgue  unisson. 

Récit  au  grand  orgue  octave  aiguë. 

Solo  au  récit. 

Grand  orgue  à  la  pédale. 

Positif  à  la  pédale. 


Tubas  du  dôme  au  grand  orgue. 

Tubas  du  sanctuaire  au  grand  orgue. 
Tubas  du  sanctuaire  au  récit. 
Tuba  organ  à  la  pédale 
Solo  à  la  pédale. 
Récit  à  la  pédale. 


Six  pistons,  groupent  les  différents  jeux  de  l'orgue  ;  il  y  a,  en 
plus,  quarante  pistons  ou  pédales  de  combinaison.  Le  mécanisme 
entièrement  neuf  depuis    1891,  la  portion  placée  dans   le  dôme 


138  OU  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ? 

électro-pneumatique,  tout  le  reste  tubulaire  ;  il  y  a  loi  boutons  de 
registre. 

Les  particularités  nouvelles  de  cet  orgue  sont  :  le  «  altar  organ  » 
et  le  «  tuba  organ  »  ;  le  premier,  avec  la  voix  humaine,  la  voix 
angélique,  les  deux  gambes  de  seize  et  de  huit,  sert  pour  des 
effets  d'écho  mystérieux,  et  pour  soutenir  la  voix  du  célébrant  à 
l'autel  ;  tandis,  qu'au  contraire,  le  chœur  des  tubas  produit  un 
effet  extrêmement  brillant  :  trois  des  tubas  étant  placés  dans  la 
galerie  d'angle  Nord-Est  sous  le  dôme,  d'où  leurs  sons  se  répandent 
dans  tout  l'édifice. 

Parmi  les  mécanismes  accessoires,  notons  le  grand  nombre  des 
combinaisons  ad  libitum  qui  peuvent  appeler  les  différentes  sections 
de  l'orgue  sous  les  doigts  de  l'exécutant  ;  le:>  pressions  de  vent 
varient  de  75  %  à  62  %. 

Orgue   de  WestminstersAbbey 

Tout  bon  Américain  visitant  Londres,  va  à  Westminster-Abbey 
et  y  trouve  un  bel  orgue  très  intéressant,  car  nous  croyons  fort 
qu'il  a  été  érigé  avec  des  fonds,  venus  en  grande  partie  d'Amérique. 
La  Maison  William  Hill  &  Son  qui  l'a  construit  est  la  plus  ancienne, 
en  Angleterre,  puisqu'elle  a  été  fondée  en  1755,  par  John  Sneltzer. 
Les  affaires  de  ce  célèbre  facteur,  continuées  d'abord  par  Thomas 
EUiot,  passèrent  ensuite  à  son  gendre  W.  Hill,  l'inventeur  du  tuba 
au  début  du  XIX"»  siècle.  Actuellement,  sous  la  direction  du 
Dr  Arthur  Hill,  petit-fils  de  William  Hill,  l'affaire  est  donc  dans  la 
famille  depuis  près  de  cent  ans.  Ce  facteur  a  construit,  en  Angleterre 
et  dans  ses  colonies,  beaucoup  d'instruments,  tous  remarquables, 
par  le  raffinement  et  la  beauté  de  leur  sonorité,  notamment  le 
1 50  jeux  de  Sydney.  L'orgue  de  Westminster  est  placé  de  chaque 
côté  du  jubé  du  chœur,  sauf  le  Celestial  Organ  (clavier  céleste) 
placé  dans  le  triforium  du  transept  sud,  coin  des  poètes  et  relié 
par  un  câble  électrique  de  70  mètres  de  long,  le  système  est  spécial 
à  M.  Hill  et  les  touches  de  jeux  faites  sur  un  modèle  de  Sir  Frédéric 
Bridge  se  voient  à  gauche  du  pupitre  sur  la  photographie  des  claviers 
et  remarquez  que  cet  orgue  peut  être  joué  par  deux  claviers  diffé- 
rents; la  partie  principale  de  l'orgue  est  tubulaire:  commencé  en 
1884  et  augmenté  à  mesure  que  les  fonds  arrivaient,  il  fut  terminé 
en  1895.  La  description  avec  des  additions  faites  en  1900,  1909, 
est  la  suivante  : 


ou  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ?  139 


GREAT  ORGAN  (GRAND  ORGUE)  (14  Jeux) 

Double  Open  Diapason 16  Harmonie  Flûte 4 

Open  Diapason,  large  scale 8  Twelfth 8  2/3 

Open  Diapason,  N»  1 8  Fifteenth 8 

Open  Diapason,  No  2 8  Mixture  4  rangs 

Open  Diapason,  N»  3 8  Double  Trumpet 16 

Hohl  Flote 8  Posaune 8 

Principal 4  Clarion 4 

CHOIR  ORGAN  (POSITIF)  (U  Jeux) 

Gedackt 16  Nason  Flûte 4 

Open  Diapason 8  Suabe  Flûte 4. 

Keraulophon 8  Harmonie  Gemshorn 4 

Dulciana 8  Contra  Fagotto 16 

Lieblich  Gedackt. 8  Cor  Anglais 8 

Principal 4 

SWELL  ORGAN  (RÉCIT)  (18  Jeux) 

Double  Diapason  (Basses) 16  Dulcet 4 

Double  Diapason  (Dessus) 16  Principal 4 

Open  Diapason,  N»  1 16  Lieblich,  Flûte 4 

Open  Diapason,  No  2 8  Fifteenth 2 

Rohr  Flûte 8  Mixture,  3  ranks 

Salicional 8  Oboe 8 

Voix  Célestes H  Double  Trumpet 16 

Dulciana 8  Cornopean  8 

Hohl  Flûte 8  Clarion 4 

SOLO  ORGAN  (8  Jeux) 

Gamba 8      In  a  Swell  Box 

Rohr  Flûte 8      Orchestral  Oboe 8 

Lieblich  Flûte 4      Clarinet 8 

Harmonie  Flûte.. 4      Vox  Humana 8 

Tuba  Mirabilis  (hçavy  wind)..  8 

CELESTIAL  ORGAN  (17  Jeux  en  8  groupes) 

PREMIER  GROUPE  (7  JeUx) 

Double  Dulciana,  Bass 16  Voix  Célestes 8 

Double  Dulciana,  Treble 16  Hohl  Flûte 8 

Flauto  Traverso 8  Dulciana  Cornet,  6  ranks 

Viola  di  Gamba 8 


DEUXIÈME   GROUPE     (10  Jenx) 

Cor  de  Nuit 8      Vox  Humana 

Suabe  Flûte 4      Place  réservée  pour  un  jeu . . 

Flageolet 2      Glockenspiel,  3  ranks 


140  OU  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ? 


DEUXIÈME   GROUPE   (10  JeUX)   {Suitt) 

Harmonie  Trumpet 8      3  octaves  de  Gongs  en  bronze. 

Musette 8  frappés  par  des  marteaux 

Harmonie  Oboe 8  éleetro-pneumatiques 

Les  jeux  de  ce  deuxième  groupe  peuvent  être  joués 
séparément  au  clavier  de  solo,  donnant  ainsi  l'effet  d'un  deuxième 
clavier  «  céleste  ». 

PÉDAL    ORGAN  (10  Jeux) 

Double  open  diapason 32      Bass  Flûte 8 

Open  Diapason 16      Violoncello 8 

Open  diapason 16      Contra  Posaune 32 

Bourdon 16      Posaune  16 

Principal 8      Trumpet 8 

L'instrument  est  alimenté  par  une  turbine  et  des  compres- 
seurs à  haute  pression  mus  par  un  moteur  à  gaz  ;  il  y  a  24  pédales 
d'accouplement,  10  pédales  de  combinaison,  24  pistons  de  combi- 
naison et  trois  pédales  de  crescendo. 

En  1909,  l'orgue  fut  remanié  avec  adjonction  du  dernier 
système  tubulaire  de  William  Hill,  sauf  l'orgue  céleste  qui  resta 
électrique  ;   la   console    des   claviers   fut   entièrement   refaite,   un 


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CONSOLE  DES  5  CLAVIERS  DE  WESTMINSTER   ABBEY 

diapason  de  grosse  taille  y  fut  ajouté  sur  les  sommiers  des  anches 
du  grand  orgue,  et  de  nombreuses  additions  complétèrent  la 
collection  des  accouplements  et   des  pistons  de  combinaison. 

William  Hill  &    Son  ont   aussi  construit  le  fameux    orgue 
de  la  Salle   de  concerts  du  Town  Hall  de  Sidney,  en  Australie; 


ou  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ?  141 

il  fut  pendant  longtemps  le  plus  grand  du  monde  entier, 
avec  ses  1 26  jeux  parlants,  on  peut  le  regarder  comme 
l'apothéose  de  la  facture  d'orgues  ancien  style,  avec  des 
pressions  de  vent,  relativement  faibles,  la  répétition  de  jeux 
à  peu  près  du  même  timbre  et  le  maintien  des  mixtures  et 
mutations. 

La  pression  maximum  est  de  30  centimètres  ;  il  n'y 
a  pas  moins  de  45  rangs  de  tuyaux  dans  les  jeux  de  mutation 
formant  un  ensemble  que  l'éminent  organiste  de  Westminster, 
Sir  Frédéric  Bridge  compare  à  des  «  Streaks  of  Silver  »,  à 
des  «  rayures  d'argent  »  brochant  sur  le  tout.  L'auteur  a 
vu  cet  orgue  dans  l'atelier  avant  son  départ  pour  Sidney  : 
une  nouveauté  vraiment  unique  était  le  contre-trombone  de 
pédale  de  64  pieds  de  longueur  réelle,  les  derniers  tuyaux 
graves  étaient  faits  en  trois  morceaux,  et  la  languette  de  l'ut 
de  64  pieds  avait  60  centimètres  de  long.  Quoique  presque 
imperceptible,  joué  tout  seul,  ce  jeu  produisait  néanmoins  un 
cortège  harmonique,  renforçant  très  nettement  la  sonorité  du 
grand  chœur.  Le  buffet  de  l'orgue  de  Sidney  fut  dessiné  par 
M.  Arthur  Hill,  d'après  des  buffets  Style  Renaissance. 


Orgue  de  Monsieur  Martin  White,  Esq. 
dans    sa   résidence    de   Balruddery    (Ecosse) 

Toutes  les  orgues  décrites  jusqu'ici  sont  plus  ou  moins  bâties 
à  l'ancienne  manière  ;  mais  en  1894,  nous  assistons  à  l'aurore 
d'une  ère  nouvelle,  et  l'étoile  de  Hope-Jones  apparaît  à 
l'horizon.  Si  l'on  excepte  l'instrument  reconstruit  par  Hope- 
Jones,  à  Paris,  Church  de  Dundee,  l'orgue  que  nous  allons 
décrire  est  le  premier  bâti,  en  Ecosse,  avec  le  système  électrique. 

Balruddery,  la  maison  de  campagne  de  M.  Martin  White, 
est  située  dans  un  joli  pays,  à  10  kilomètres  à  l'ouest  de 
Dundee  ;  les  terres  qui  en  dépendent  offrent  la  vue  de  magni- 
fiques forêts  ;  plus  loin  c'est  le  lit  élargi  de  la  rivière  Tay,  et 
au  delà,  c'est  la  ligne  bleue  de  la  côte  de  Fife  ;  cet  orgue  est 
l'œuvre  de  trois  facteurs  :  construit  d'abord  par  Thomas  Casson, 
ce  fut  Thynne  (1)   qui  lui  donna   un  caractère   très  particulier 


(i)  Voir  page  122. 


142  OU  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ? 

de  sonorité,  et  à  M.  Hope-Jones  on  doit,  dans  un  relevage  complet, 
l'addition  du  système  électrique,  des  touches  dappel  de  jeux, 
de  la  double-touche,  du  pizzicato-touche  et  de  quelques  jeux 
nouveaux  ;  la  console  est  mobile,  rattachée  à  l'orgue  par  un  câble 
d'environ  un  pouce  de  diamètre  contenant  environ  i  .000  fils,  ce 
qui  permet  à  l'exécutant  d'entendre  l'orgue  absolument  comme 
les  auditeurs  l'entendent  eux-mêmes  ;  si  l'on  regarde  la  figure  hors- 
texte,  le  Grand  Orgue  est  dans  un  local  situé  derrière  les  tuyaux  de 
montre  de  la  galerie,  le  Récit  et  le  Solo  sont  dans  l'attique  située 
au-dessus,  et  les  sonorités  de  ces  deux  claviers  peuvent  être  éloi- 
gnées ou  rapprochées  par  le  jeu  des  lames  d'expression  ;  les  tuyaux 
de  pédale  sont  mis  la  tête  en  bas,  afin  que  leur  bout  libre  soit 
dirigé  vers  la  salle  de  musique. 

SPÉCIFICATION 
3  manuels  58  notes  {ut  à  la).         Pedal  30  notes  (ut  ifa). 

PEDAL  ORGAN  (6  Jeux) 


Open  Diapason 16  Principal 

"  Great  Bourdon  " 16                       accouplements 

"  Swell  "  Violone 16  G.  O.  to  Pedal 

Ophicleide  (en  Ire  et  2e  touches)  16  Swell  to  Pedal 

"Swell"  Viola 8  Solo  to  Pedal 


L'Open  diapason  16  est  un  jeu  réel  de  Pédale  qui,  par  dédoublement, 
donne  le  principal  de  huit.  L'ophicléide  de  16  est  réel  mais  emprunte  son 
octave  de  16  au  Solo.  —  Les  autres  jeux  sont  transmis  du  G.  O.  ou  du  Récit. 

GREAT  ORGAN  (G.  O.)    (9  Jeux| 

Boîte  Expressive  N»  2  excepté  :  Open  Diapason,  Clarabel,  Sourdine 

Bourdon 16      Principal 4 

Open  Diapason 8      Zauber  flûte 4 

Clarabel 8      Piccolo 2 

Sourdine 8      Mixture,  5  ranks 

Gedackt 8 

Swell  to  Great  (en  première  et  seconde  touches). 

Swell  to  Great  Sub-Octave. 
Accoupl.  <  Swell  to  Great  Super-Octave. 

'  Solo  Unisson  to  Great  (première,  deuxième  et  pizzicato  touches.) 

Solo  To  Super  Octave  to  Great. 

SWELL  ORGAN  (RÉCIT)  (10  Jeux  dans  boîte  exp.  n'  1) 

Violone 16      Geigen  Principal 4 

Geigen  Open 8      Horn 8 

Violes  d'Orchestre 8      Oboe 8 


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ou  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ?  143 


SWELL  ORGAN  (RÉClTy  (10  Jeui  dans  boîte  exp.  n»  i]  {suite) 

Harmonie  Flûte 8      Violes  Célestes  (Ténor  C) 8 

Echo  Salcional 8      Vox  Angelica  (Ténor  C) 8 

l    Sub-Octave  and  Super  Octave. 
Accouplements    |    Solo  to  Swell  (seconde  touche). 
(    Great  to  Swell  (seconde  touche). 

Cinq  pédales  pour  combinaisons  de  registres. 

SOLO  ORGAN  (5  Jeux)  (Boîte  expr.  N*  2). 

Harmonie  Flûte  (vent  250  %).       8      Tuba  Mirabilis  (vent  250  %). .       8 

Violoncello 8      Cor  Anglais 8 

Clarionet 8 

Accouplements  :  Sub  Octave  :  Super  Octave. 

3  Pédales  de  jeux  groupés  p  ;  f  ;  ff. 
Sforzando  Pedal  /,  ff. 

Commutateur  de  jeux  (Manuels  et  Pédale). 
Tremulant  (Swell  et  Solo). 


Orgue  de  la  Cathédrale  de  Worcester 
(Angleterre) 

Dans  l'ordre  chronologique,  c'est  l'orgue  construit  par 
Hope-Jones  en  1896,  à  la  cathédrale  de  Worcester  qu'il  faut 
considérer  comme  faisant  époque,  Hope-Jones  y  rendit  public 
le  fruit  de  ses  recherches  originales  dans  la  production  des 
sonorités  d'orgue,  et  nous  oserons  dire  qu'aucun  autre  ins- 
trument n'a  eu,  par  son  caractère  révolutionnaire,  autant 
d'influence  sur  l'art  de  la  facture,  en  Angleterre  comme  en 
Amérique. 

Pour  la  première  fois,  nous  sommes  mis  en  présence 
du  diaphone,  cette  merveilleuse  invention  tonale,  et  même  la 
nomenclature  des  jeux,  quelque  familière  qu'elle  puisse  nous 
paraître  maintenant,  17  ans  plus  tard,  était  alors  toute 
nouvelle. 

On  dit  que  Hope-Jones  passa  plusieurs  jours  à  étudier  les 
propriétés  acoustiques  de  la  cathédrale,  avant  de  faire  le  plan 
de  son  orgue,  dont  le  résultat  fut  une  merveille  de  sonorité, 
la  renommée  s'en  étendit  dans  toutes  les  parties  du  monde. 
Des   musiciens  éminents  vinrent  en  pèlerinage  voir  et  entendre 


144  OU  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ? 

cet  orgue,  comme  nous  le  mentionnons  plus  bas  dans  la 
description  de  Torgue  de  Yale  University.  Charles  Heinroth 
organiste  et  directeur  de  musique  Inst.  Carnegie  à  Pittsburg 
nous  disait  :  «  je  ne  crois  pas  que  je  puisse  jamais  oublier  ma 
«  première  impression  en  entendant  l'orgue  de  Worcester,  je 
«  le  tiens  pour  un  pur  chef-d'œuvre  ;  tout  de  suite,  le  sentiment 
«  de  quelque  chose  dépassant  l'ordinaire  me  saisit  en  enten- 
«  dant  la  qualité  de  l'ensemble  sonore,  puis  celle  des  différents 
«  mélanges  qui  me  semblèrent  tout  à  fait  à  part  ».  Beaucoup 
d'organistes    ont  exprimé    des    opinions  semblables. 

Il  y  avait  deux  orgues  dans  la  cathédrale  :  le  plus  ancien 
était  placé  au  nord  du  choeur  et,  bien  que  déjà  réparé  par 
Hill  et  Son,  il  contenait  encore  des  tuyaux  ayant  plus  de 
200  ans,  et  provenant  du  premier  orgue  construit  par  Rénatus 
Harris;  le  deuxième  orgue  construit  en  1875  par  Hill  et  Son, 
était  dans  le  transept  sud,  il  avait  été  donné  par  le  comte 
de    Dudley. 

En  1895-1896,  Hope-Jones  construisit  un  nouvel  orgue, 
en  conservant  quelques-uns  des  jeux  de  Rénatus  Harris  et 
de  Hill.  Cet  orgue  est  divisé  en  trois  parties,  une  dans  le 
transept  sud,  les  deux  autres  parties  de  chaque  côté  du 
chœur,  l'organiste  joue  les  claviers  placés  dans  le  bas  côté 
nord  du  chœur,  auparavant  ils  étaient  à  l'intérieur  du  jubé. 
Le  plan  primitif  comportât  un  tuba  avec  une  pression  de 
100  pouces  anglais  (2  m.  50)  mais  on  peut  regretter  que  le 
manque  de  fonds  n'ait  point  permis  cette  réalisation.  Les 
manuels    ont    61    notes,    les    pédales    30    notes. 

Voici    la   composition   : 

GRAND  ORGUE   (11  Jeux) 

Diapason  Phonon 16  Octave  Diapason 4 

Tibia  Plena 8  Quintadena  4 

Diapason  Phonoii 8  Harmonie  Piccolo 2 

Open  Diapason 8  Tuba  Profunda 16 

HohI  Flûte 8  Tuba 8 

Viole  d'Amour ■ 8 

SWEIX  ORGAN  (15  Jeux) 

Contra  Viola 16      String  Gamba 8 

Violes  Célestes 8      Quintaton 8 

Tibia  Clausa 8      Gambette 4 

Horn  Diapason 8      Harmonie  Flûte 4 


ou  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ?  145 


SWELL  ORGAN  (18  Jeux)  {suite) 

Harmonie  Piccolo 2  Cor  Anglais  (anches  libres) 8 

Double  English  Horn 16  Vox  Humana 8 

Cornopean 8  Clarinette 8 

Hautbois 8 

POSITIF  (10  Jeux) 

Double  Open  Diapason 16  Dulciana 8 

Open  Diapas 'n 8  Flûte 4 

Cône  Leiblich  Gedacht 8  Flûtina 8 

Viola  d'Orchestre 8  Cor  Anglais  (anches  battantes)  8 

Tiercina 8  Clarionnette 8 

SOLO  (3  Jeux) 

RohrFlûte 4      Orchestral  oboe 8 

Bombarde 16      Tuba  sonora 8 

Tuba  Mirabillis 8 

PEDALE  (13  Jeux) 

Gravissima 64  Ociove  Violon 8 

Double  Open  Diapason 32  Flûte 8 

Contra  Violone 32  Diaphone 82 

Tibia  Profonda 16  Diaphone 16 

Open  Diapason 16  Tuba  profunda 16 

Violone 16  Tuba 8 

Bourdon 16 

ACCOUPLEMENTS 

Positif,  Grand  Orgue,  Récit,  Solo,   sur  la  pédale. 

Jeux   doux  du   grand    orgue  ;   à   l'octave   grave. 

Jeux  d'anche  du  grand    orgue  ;   à    l'octave   aigûe. 

Solo  sur  Grand  Orgue,  Unisson,  Octave  Grave,   Octave    Aiguë. 

Récit   sur  grand  Orgue,  Unisson,  Oct.  Aigûe,  Oct.  Grave. 

Positif  sur   grand   Orgue.   Unisson,   Oct.   Grave.  ■ 

Récit  Oct.    Aigûe  et  Oct.  grave  sur  lui-même. 

Solo   sur   Récit. 

Positif  sur   Récit. 

Positii,    Oct.   Aigûes,    Oct.    Graves. 

Récit   sur  positif  à  l'unisson,  à  l'Oct.  aigûe,  à  l'Oct.  Grave. 

Solo  Oct.  aigûe  et  Oct.  grave  sur  lui-même. 

Tuba  du  Solo  sur  Grand  Orgue  en  deuxième  touche. 

Récit  sur  Grand  Orgue  en  deuxième  touche. 

Récit  sur  Positif  en  deuxième  touche. 

Positif  sur  Récit  en  deuxième  touche. 

Les  tubas  du  Solo  et  de  la  Pédale  ont  des  languettes  doubles, 
et  harmonisées  sur  50  centimètres  de  pression. 


146  OU  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ? 

Accessoires  :  5  touches  de  registration  pour  G.  O.  et  Pédale, 
Récit  et  pédale,  Solo  ;  3  pour  Positif  et  Pédales.  2  à  chaque  manuel 
pour  les  accouplements.  Trémolo  du  récit.  5  pédales  décomposition. 

Les  touches  de  combinaisons,  placées  entre  les  claviers 
manuels,  si  touchées  au  milieu,  donnent  des  jeux  de  pédales  conve- 
nant aux  jeux  déjà  tirés  sur  ce  clavier,  si  touchées  sur  le  côté,  elles 
ne  modifient  pas  la  pédale. 

Toutes  les  combinaisons  font  mouvoir  les  touches  des  jeux 
appelés  par  la  combinaison.  Le  «stop  switch  »  permet  un  groupe- 
ment spécial  de  jeux  et  d'accouplements  préparés  à  l'avance,  que 
l'on  introduit  au  moment  voulu.  Un  moteur  de  six  chevaux  fait 
marcher  la  soufflerie  (i). 

Orgue  de  Woolsey  Hall,  Yale  University 
New  Haven,    Connecticut 

Ce  magnifique  instrument,  construit  par  Hutchings-Votey 
Organ  Company,  en  1902,  possède  des  jeux  fondamentaux  d'une 
grande  puissance,  car  ils  sont  à  forte  pression,  le  regretté  profes- 
seur Samuel  Sanford,  y  consacra  beaucoup  de  temps  et  de  soins  ; 
avant  d'arrêter  la  composition  de  l'instrument,  il  vint  à  Worcester 
et  fut  profondément  frappé  par  la  modernité  sonore  mise  si  fortement 
en  relief  dans  l'orgue  de  la  cathédrale;  il  s'efforça  d'obtenir  que 
M.  Hope-Jones  lui  construisit  des  jeux  de  tuba  et  de  tibia,  pour 
l'orgue  de  Yale  University.  Il  n'y  arriva  point,  mais,  néanmoins, 
les  caractéristiques  de  l'orgue  de  Worcester  furent  franchement 
copiées,  et  généreusement  reconnues  comme  telles  dans  cet  orgue 
par  le  facteur  M.  George  Hutchings,  qui  interpréta  très  largement 
les  termes  du  contrat  qu'il  avait  avec  l'Université  ;  celle-ci,  recon- 
nai.ssant  le  grand  effort  artistique  de  M.  Hutchings,  lui  conféra 
l'honoriat  de  Master  of  Arts. 

Les  diapasons  ont  des  pressions  variant  de  75  millimètres  à 
550  millimètres,  les  anches  du  Récit  et  du  Grand  Orgue  parient 
sur  250  millimètres,  celles  du  tuba  sur  550  millimètres.  Les 
constructeurs  font  remarquer  que  les  jeux  de  mutation  ont  été 
introduits  à   la  requête  de  plusieurs    éminents   organistes. 

Il  y  a  78  jeux  (manuels  de  61  notes,  pédales  32  notes). 


(1)  Ce  bel  orgue,  entendu  en  igiS,  quoique  sans  jeux  de  mutations,  m'a 
paru  admirablement  équilibré  dans  le  grand  chœur  fff  ;  néanmoins,  il  est  privé 
des  ressources  sonores  si  heureusement  utilisées  par  les  vieux  maîtres  avec  ces 
jeux  qui,  donnant  à  l'orgue  un  timbre  spécial  et  caractéristique,  sont  parfaite- 
ment à  leur  place  dans  un  instrument  moderne.  —  D'  G.  B. 


ou  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ? 


147 


GRAND  ORGUE  (19  Jeux) 


Diapason 16 

Quintaton 16 

Diapason 8 

Diapason 8 

Diapason 8 

Doppel  Flûte 8 

Principal  Flûte 8 

Gross  Gamba 8 

Viol  d'Amour 8 

Gemshorn 8 

RÉCIT 

Contra  Gamba 16 

Bourdon 16 

Stentorphone 8 

Diapason , 8 

Gamba 8 

Bourdon 8 

Flûte  Trayersière 8 

Salicional 8 

Quintadena 8 

Unda  Maris 8 

Aéoline 8 


Octave 4 

Wald  Flûte 4 

Gambette 4 

Quinte 2  2/3 

Doublette 2 

Mixture  5  rangs 

Trompette 16 

Trompette 8 

Clairon 4 

(21  Jeux) 

Voix  Céleste 8 

Flûte  harmonique 4 

Principal 4 

Violine 4 

Flantino 2 

Dolce  Cornet,  5  rangs 

Posaune 16 

Cornopean  8 

Oboe 8 

Vox  Humana 8 

Trémolo 


POSITIF    EXPRESSIF  (13  Jeux) 


Violoncello 8 

Viola 4 

Fluto  Traverse 4 

Piccolo  harmonique 2 

Clarinette 8 

Contre-basson 16 

Trémolo 


Contra  Dulciana  16 

Diapason 8 

Mélodia 8 

Viole 8 

Lieblich  Gedackt 8 

Dulciana 8 

Viole  Céleste  2  rangs 8 

SOLO  EXPRESSIF  (6  Jeux) 

Tibia  Plena 8      Hohlpfeide 4 

Tuba  sonora 8      Dolce 8 

Grosse  Flûte 8      Orchestral  Oboe 8 

PÉDALE   (19  Jeux) 

Gravissima  (résultant) 64      Contrebasse  (résultante) 32 

Diapason 16 


Diapason 32 

Contre  Bourdon 32 

Violon  16 

Bourdon  16 

Dulciana 16 

Lieblich  Gedackt 16 

Bombarde 16 

Contra  Fagotto 16 

Bass  Flûte 8 

20  accouplements,  29  pistons  de   combinaison,  2  pédales  de  combi- 
naison, 3  pédales  d'expression,  une  pédale  de  crescendo  pour  les  jeux. 


Diapason 

Octave 

Violoncello 

Bourdon 

Tromba 

Super  Octave 4 

Flûte 4 


16 
8 
8 
8 
8 


148  OU  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ? 

Orgue  de   la  Cathédrale  de   SaintsPaul 
de  Buffalo 

Construit  par  la  Compagnie  Hope-Jones,  inauguré  pour 
Noèl  1908,  et  placé  dans  une  des  plus  belles  églises  améri- 
caines, cet  instrument  est  remarquable  parmi  les  orgues  les 
plus  importants  du  Nouveau  Monde.  Construit  sur  le  «  Unit 
système  »,  il  est  placé  aux  deux  extrémités  de  ce  bâtiment  très 
élevé,  l'orgue  du  sanctuaire,  constitué  seulement  par  quatre  jeux 
dédoublés,  occupe  la  place  de  l'ancien  orgue,  avec  deux  faces  sur  le 
sanctuaire  et  dans  le  transept  ;  cette  partie  de  l'orgue,  est 
placée  dans  une  boîte  expressive  en  ciment,  d'où  des  réflecteurs 
pour  les  ondes  sonores,  envoient  celles-ci  dans  le  transept  et  dans 
le  sanctuaire.  Ce  petit  orgue  contient  un  diaphone,  et  le  grand 
chœur  en  est  très  puissant,  mais  peut  être  réduit  à  un  simple 
murmure,  en  fermant  les  lames  expressives  garnies  de  plomb  ; 
au  moyen  d'une  transmission  électrique  les  reliant  à  la  pédale 
d'expression. 

L'autre  partie  de  l'instrument,  qui  est  l'orgue  proprement  dit, 
est  placée  dans  une  tribune,  à  l'autre  bout  de  la  nef  dans  un 
compartiment  y  attenant.  Cette  partie,  qui  forme  un  orgue 
complet,  considérée  en  elle-même,  représente  le  dernier  modèle 
du  système   «  Unit  ». 

D'une  façon  générale,  tous  les  jeux  sont  communs  aux  quatre 
claviers  qui  peuvent  les  appeler  à  l'unisson  ou  en  octave,  même 
à  la  pédale.  Pour  se  rapprocher  encore  plus  des  sonorités  de 
l'orchestre,  l'orgue  est  divisé  en  quatre  portions  distinctes  placées 
dans  quatre  boîtes  expressives  en  ciment  avec  lames  blindées  en 
plomb  actionnées  électriquement,  savoir:  i"  jeux  de  fonds;  2»  jeux 
imitant  les  bois  de  l'orchestre  ;  y>  jeux  imitant  le  quatuor  à  cordes  ; 
4»  jeux  imitant  les  cuivres  de  l'orchestre.  Tout  l'instrument  est 
joué  par  des  claviers  situés  dans  la  nef,  reliés  à  l'orgue  du  sanctuaire 
par  un  câble  électrique  de  20  mètres,  et  avec  le  grand  orgue 
par  un  câble  de  168  pieds  (environ  50  mètres).  Cette  console  est 
du  modèle  bien  connu  de  Hope-Jones  si  apprécié  par  un  très 
grand  nombre  d'organistes,  elle  offre  les  dernières  commodités  : 
touches  de  jeux  en  demi-cercle  au-dessus  des  manuels,  touches  de 
combinaison  faisant  mouvoir  les  touches  des  jeux,  commutateur  à 
bonne  portée  pour  changer  les  groupes  de  jeux,  touches-bascules 


ou  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ? 


149 


pour  basses  convenables  automatiques  (i),  (économie  de  temps  et 
d'ennui  pour  l'exécutant)  ;  double-touche  avec  ses  merveilleux 
effets,    etc. 

En  pressant  sur  une  petite  bascule  on  peut  jouer  ensemble 
ou  séparément  les  deux  parties  de  l'orgue,  clavier  6i  notes,  pédale 
32  notes. 

PÉDAL  ORGAN  (16  Jeux) 


FONDS 

Tibia  Profundissima 32 

Résultant  Bass 32 

Tibia  Profunda 16 

Contra  Tibia  Clausa 16 

Open  Diapason 16 

Tibia  Plana 8 

Tibia  Clausa   8 

LES   BOIS 

Clarinet 16 

LES   CORDES 

Contra  Viola 16 

Dulciana 16 

Cello 8 


Cello  Céleste 


LES    CUIVRES 

Ophicléide 16 

Trombone 16 

Tuba 8 

Clairon 4 

Grand  Orgue \ 

Récit ( 

n,  ..      .  >    a  la  pédale. 

Récit  octave l  '^ 

Positif ) 

Un  bouton  annulant  toutes  les  bas- 
ses automatiques. 


GRAND  ORGUE  (14  Jeui) 


FONDS 

Tibia  Profunda 16 

Contra  Tibia  Clausa 16 

Tibia  Plena 8 

Tibia  Clausa 8 

Oben  Diapason 8 

Horn  Diapason 8 


Octave 


Récit  Cet.  aig.  au  G.  G. 
Récit  Cet.  gra.  au  G.  O. 
Récit  à  l'unisson  au  G.  O. 
Positif  Oct.  grave  au  G.  O. 


LES    BOIS 

Concert  Flûte 8 

Flûte 4 

LES    CORDES 

Dulciana 8 

LES   CUIVRES 

4      Ophicléide 8 

Positif  Oct.  aig.  au  G.  O. 

Positif  unisson  au  G.  O. 

Tuba  au  G.  O.  seconde  touche. 


Une  bascule  à  double  touche  permet  aux  accouplements 
et  aux  jeux  de  pédales  de  fournir  automatiquement  un  groupe 
de  jeux  convenables  pour  les  combinaisons  ad  libitum  des  jeux 
du  Grand  Orgue  et  de  leur  basse  appropriée. 


(i)  Voir  l'explication  page  41. 


150 


OU  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ? 


POSITIF  (22  Jeux) 


FONDS 

Contra  Tibia  Clausa 10 

Tibia  Clausa 8 

Horn  Diapason 8 


LES    BOIS 

Orctiestral  Oboe 

Concert  Flûte 

Orchestral  Oboe 

Vox  Humana 

Flûte  


LES    CORDES 

Contre  Viole 

Viole  d'orchestre 

Viole  Céleste 


16 
8 
8 
8 
4 

16 
8 


Quintadena   8 

Quint  Céleste  (Ten  C) 8 

Dulciana 8 

Unda  Maris  (Ten  C) 8 

Gambette 4 

Octave  Céleste 4 

Quintadena 4 

Quint  Céleste 4 

LES   CUIVRES 

Trombone 16 

Tuba 8 

Tromba 8 

PERCUSSION 

Gongs  Harmoniques 8 

Gongs  Harmoniques 4 


Une  double  touche  permet  aux  jeux  de  pédale  et  à  leurs 
accouplements  de  donner  la  basse  convenable  ;  lo  touches  à 
double  mouvement  pour  combinaison  des  jeux  de  récit  avec 
des  Jeux  de   pédale  appropriés. 

POSITIF  (M  Jeux) 


LES    FONDS 

Contra  Tibia  Clausa.    . 

Tibia  Clausa 

Horn  diapason 

LES   BOIS 

Clarinet 

Vox  Humana  (Ten  C).. 

Concert  Flûte 

Clarinet 

Oboe  Horn 

Orchestral  Oboe 

Vox  Humana 


16 
8 
8 

16 
16 
8 
8 
8 
8 
8 


Flûte... 
Piccolo. 


PERCUSSION 

Harmonie  Gongs 

Octave  Aigûe  ;  Octave  Grave. 

Unisson  muet  pour  le  Récit. 
Récit  Sub  Oct  au  Positif. 


LES   CORDES 

Dulciana 16 

Viole  d'orchestre 8 

Viole  Céleste 8 

Quintadena 8 

Quint  Céleste 8 

Dulciana 8 

Unda  iVlaris  (Ten  C) 8 

Dulcet 4 

Unda  Maris 4 


Récit  unisson  au  Positif. 
Récit  Super  Octave  au  Positif. 
Récitau  Positif  en  deuxième  touche 


Bascule  de  double  touche  pour  basse  automatique  convena- 
ble pour  le  récit,  lo  touches  de  combinaison  ad  libitum  pour 
le  récit  avec  la  basse  appropriée. 


ou  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ?  151 


SOLO  (8  Jeux) 

FONDS 

Tibia  Profunda 16      Tuba 8 

Tibia  Plena 8      Tromba 8 

Open  Diapason 8      Clarion 4 

LES    CUIVRES  PERCUSSION 

Ophicléide 16      Harmonie  Gongs. ., 8 

/ 
Grand  Orgue  au  solo.  Récit  unisson  au  solo. 

Récit  Sub.  Oct.  au  solo.  Récit  Super  Oci.  au  solo. 

Quatre  Touches  de  combinaison  ad  libitum. 

ORGUE  DU  SANCTUAIRE 

PÉDALE 

Diaphonie  Diapason 16      Bourdon 16 

GRAND    ORGUE 

Bourdon 16  Flûte 4 

Diapason 8  Octave  Gamba 4 

Doppel  Flûte 8  Horn 8 

Gambe 8 

POSITIF 

Doppel  Flûte 8      Flûte 4 

Gamba 8      Horn 8 

PÉDALES  EXPRESSIVES 

Sforzando  Pédale.  Expression  des  jeux  de  fonds.  Expression  des  bois. 
Expression  des  cordes.  Expression  des  cuivres.  Pédale  d'expression 
générale.  Cinq  tablettes  pour  indiquer  et  contrôler  la  position  des  pédales 
d'expression.  Trémolo  pour  les  bois.  Trémolo  pour  les  cordes. 


Orgnc  dénommé  «  Hopes  Jones  Unit  Orchestra» 

Dans  le  «  Paris-Théâtre  »  de  Denver,  Colorado. 

Ce  bel  instrument,  inauguré  en  Mni  1913,  a  été  l'objet 
d'un  accueil  enthousiaste  de  la  part  du  public  de  Denver. 
Le  Directeur  de  la  Société  du  Théâtre,  écrivait  le  9  Juin  : 
«  Cet  instrument  merveilleux  a  montré  qu'il  était  inté- 
«  ressant  pour  tout  habitant  de  cette  ville,  et  matériellement 
«  il  a  ajouté  à  la  renommée  de  Paris-Théâtre,  comme  le 
«  premier  des  Théâtres  cinématographiques  de  Denver  ;  un 
«  orchestre  de  trente  musiciens  n'aurait  pas  pu  accompagner  le 


152 


OU  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ? 


«  déroulement  des  films  comme  le  Hope-Jones  Unit  Orchestra, 
«  et  n'iiurait  déclanché,  d'une  façon  aussi  marquée,  l'enthou- 
«  siasme   de   la  foule  qui  se  presse  pour  venir  l'entendre.  » 


L'AUTEUR  M.  GEORGES  MILLER 
JOUANT  UN  «HOPE-JONES  UNIT  ORCHESTRA» 


On  ne  voit  que  les  claviers,  l'instrument  est  placé  de 
chaque  côté  du  proscenium  occupant  la  place  des  loges 
d'avant-scène,  les  sons  sont  réfléchis  dans  la  salle  au  travers 
des  boiseries  d'un  buffet  purement  décoratif  ;  le  Diapason  de 
)2  pieds  ouvert    est   placé    derrière    l'écran  du    cinéma. 


PÉDALE  {3J  Notes) 


Diaphone 32 

Ophicléide 16 

Diaphone 16 

Basse 16 

Tuba  Horn 8 


Octave  . . . 
Clarinette. 

Celle 

Flûte 

Flûte 


8 
8 
8 
8 
4 


ou  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ?  153 

Grosse  caisse.  Timbale.  Cimbale  en  deuxième  louclie.  —  Grand 
Orgue  à  la  Pédale.  —  Solo  en  octave  à  la  Pédale.  —  Diaphone  32  pieds 
en  deuxième  touche.  —  Ophicléide  de  16  en  Pizzicato-touche.  —  6  Pistons 
de  combinaisons  aux  pieds. 

ORGUE  D'ACCOMPAGNEMENT  (61  Notes) 


Vox  Humana  (Ten  C) 

Tuba  Horn 

Diaohonic  Diaoason 

...     16 

..       8 
8 

Octave  Céleste 

Flûte   

Twelth 

....       4 
....       4 
....       22/3 

...      8 

Piccolo 

Chrysoglotte 

2 

Viole  d'Orchestre. 

.      8 

....       4 

Viole  Céleste 

8 

Tambour. 

Tambourin. 

Castagnettes. 

Flûte       . . 

8 

Vox  Humana 

.    .      8 

Viola 

...      4 

Triangle,  Carillon  de  Cathédrale,  SIeigh  -  Bells,  Xylophone, 
Tuba  Horn  du  Solo  sur  le  clavier  d'Accompagnement,  en  deuxième 
touche.  —  Tibia  8  du  Solo  sur  l'Accompagnement  en  Pizzicatto- 
touche.  —  Dix  combinaisons  de  jeux  ad  libitum.  —  Une  bascule  à 
double  touche  pour  donner  et  retirer  instantanément  des  jeux  de 
pédale  et    leurs   tirasses    correspondant    aux  jeux    tirés   aux   manuels. 

GRAND    ORGUE  (61  Notes) 

Ophicléide 16  Clarinette  (Ten   C) 16 

Diaphone - 16  Contre  Viole  (Ten  C) 16 

Basse 16  Tuba  Horn 8 

Diaphotiic  Diapason 8  Flûte 4 

Clarinette 8  Tweilth 2  3/3 

Viole  d'Orchestre 8  Viole 2 

Viole  Céleste 8  Piccolo 2 

Flûte 8  Tierce 13/5 

Vox  Humana 8  Chrysoglott 4 

Clairon 4  Cloche 4 

Viole 4  SIeigh  Bells , 4 

Octave  Céleste 4  Xylophone 2 

Solo  sur  G/0,  à  l'octave.  —  Ophicléide  et  Solo  sur  G.  O.  en  deuxième 
touche.  —  Solo  sur  grand  Orgue  et  Pizzicato.  —  10  boutons  de  combinai- 
sons libres.  —  Bascule  pour  donner  les  jeux  de  pédales  convenables  aux 
jeux  tirés  sur  le  clavier  de  G.  0. 

SOLO   ORGAN    (37  Notes) 

Tibia  Clausa 8  Quintadena 8 

Trompette 8  Carillon  Cathédrale 8 

Hautbois  d'Orchestre 8  Cloches 4 

Kinura 8  Sleich  Bells 4 

Hautbois  Burn 8  Xylophone 2 


154 


OU  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ? 


6  Pistons  de  combinaison  ad  libitum. 

2  indicateurs  d'expression  avec  des  touches  de  contrôle.  —  Pédale 
d'Orage  par  le  diaphone.  —  Pédale  d'orage  par  les  Anches.  —  2  Trémolos. 
Réitérator  pour  les  Cordes  et  pour  le  Solo.  —  Sforzando  Pédale  en 
double  touche.  —  Tutti  en  simple  touche.  Jeux  de  percussion  en 
deuxième  touche.  —  Tambour  en  première  touche.  —  Grosse  caisse  et 
Cymbale   en    deuxième   touche. 


Orgue  de  la  Cathédrale  de  Stsjohn  the  Divine 

(NewsYork) 


Cet  orgue  construit  en  191 1,  par  la  Compagnie  Ernest 
Skinner  de  Boston,  est  un  don  de  M.  et  M°>«  Levi  P.  Morton. 
On  dit  qu'il  a  coûté  50.000  dollars  (250.000  francs),  il  est 
renfermé  dans  deux  buffets  placés  de  chaque  côté  du  choeur 
dans  le  triforium  ;  la  soufflerie  électrique  est  de  25  HP. 


Diapason 16 

Bourdon 16 

Premier  Diapason 8 

Deuxième  Diapason 8 

Troisième  Diapason 8 

Philomela 8 

Grosse  Flûte 8 

HohI  Flûte 8 

Gedackt 8 

Gamba 8 

Erzahler 8 


GRAND  ORGUE  (21  Jeux) 

Harmonie  Flûte  8 

Octave 4 

Gambette 4 

Flûte 4 

Fifteenth 2 

Mixture 

Trombone 8 

Ophicléide 16 

Harmonie  Tuba 8 

Harmonie  Clarion 4 


SWELL  ORGAN  (RÉCIT)  (M  Jeux) 


Dulciana 16 

Bourdon 16 

Premier  Diapason 8 

Deuxième  Diapason 8 

Troisième  Diapason 8 

Spitz  Flœte 8 

Salicional 8 

Viola 8 

ClaribeV  Flûte 8 

Aeoline 8 

Voix  Célestes 8 

Unda  Maris 8 

Gedackt 8 

Octave 4 


Première  Flûte 4 

Deuxième  Flûte 4 

Violin 4 

Flautino 2 

Mixture 

Trompette 16 

Englisch  Horn 16 

Cornopean 8 

Trompette  à  la  française 8 

Vox  Humana 8 

Clarion 4 

Oboe 8 

Trémolo 


ou  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ? 


155 


CHOIR  ORGAN  EXPRESSIF    (POSITIF)  (18  Jeux) 


Gedackt 16 

Gamba 16 

Diapason 8 

Geigen  Principal 8 

Dulciana 8 

Dulcet 8 

Concert  Flûte 8 

Quintadena 8 

Flûte 4 

Fugara 4 


Piccolo 2 

Fagotto 16 

Saxophone  8 

Clarinette 8 

Englisch  Horn 8 

Orchestral  Oboe 8 

Vox  Humana 8 

Carillons 8 

Téinolo 


SOLO  ORGAN  (17  Jeux) 


Stentorphone 8 

Philomela 8 

Claribel  Flûte 8 

Harmonie  Flûte 8 

Voix  Célestes 8 

Ophicléide 16 

Tuba 8 

Tuba  Mirabilis 8 

Flugel  Horn 8 


Gamba 

.   .      8 

Hohl  Pfeife 

...      4 

Flûte 

...      4 

Octave 

4 

Cymbale 

Choir  Clarinette 

...      8 

Choir  Orchestral  Oboe 

Clarion  

...      8 
4 

Trémolo 

PEDAL  ORGAN  (24  Jeux) 


Diapason 32 

Contra  Violone 33 

Violone 16 

Premier  Diapason 16 

Deuxième  Diapason 16 

Gamba 16 

Premier  Bourdon 16 

Deuxième  Bourdon 16 

Dulciana 16 

Gedackt 8 

Quinte 10  2/3 

Cello 8 


Première  Octave 8 

Deuxième  Octave 8 

Super  Octave 4 

Bombarde 32 

Euphonium 16 

Ophiclcléide 16 

Cor  Anglais 16 


Tuba  Mirabilis 

Tuba 

Premier  Clairon. . . 
Deuxième  Clairon. 
Pizzicato 


8 
8 
4 
4 
8 


32  Accouplements.  Boutons  de  tirages  pour  les  jeux  Touches  à 
bascule,   pour   les   accouplements   (voir   la   fig.    page   45). 

Toutes  les  combinaisons  font  mouvoir  les  boutons  de  registre 
Sforzando  pédale.  —  Tirasse  de  Grand  Orgue  réversible.  —  Tirasses 
de  Récit  réversible.  —  3  Expressions  à  bascule  pour  le  Récit,  pour  le 
Positif  et  pour  le  Solo  ;    Pédale  de   Crescendo   par   jeux,    etc.,    etc. 


156  OU  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI? 


Orgue   de   l'Université   de  Toronto  (Canada) 

MM.  Cassavant  frères,  de  Saint-Hyacinthe,  province  de 
Québec,  ont  construit  dans  le  Nord  des  Etats-Unis  et  au 
Canada,  beaucoup  de  beaux  instruments  ;  entre  autres  ceux 
de  Notre-Dame  de  Montréal,  Cathédrale  de  Montréal,  Cathédrale 
d'Ottawa,  Université  du  Nord-Ouest  à  Chicago,  et  l'orgue  du  grand 
opéra  de  Boston.  L'Orgue  de  Convocation  Hall  de  l'Université 
de  Toronto  possède  quatre  manuels  de  61  notes,  32  notes  de 
Pédale  ;  système  électro-pneumatique  ;  76  jeux  parlants, 
32  accouplements,  4.800  tuyaux,  inauguré  le  8  juin  19 12. 
Voici  sa   composition  : 

GREAT  ORGAN  (GRAND  ORGUE)   (16  Jeux) 

Double  Open  Diapason 16  Octave 4 

Bourbon 16  Harmonie  Flûte 4 

Open  Diapason  (large) 8  Principal 4 

Open  Diapason  (moyen) 8  Tweifth 2  2/3 

Violin  Diapason 8  Fifteenth 2 

Doppel  Flote 8  Harmonies (15-17-19-21-22) 

Fl(ite  harmonique 8  Double  trumpet 16 

Gemshorn 8  Tromba 8 

SWELL  ORGAN  (RÉCIT)   (17  Jeux) 

Gedeckt 16  Piceolo 2 

Open  Diapason 8  Mixiiire 3  Rgs 

Clarabella 8  Cornet 4  Rgs 

Stopped  Diapason 8  Bassoon 16 

Doleissimo 8  Cornopean 8 

Viola  de  Gamba 8  Oboe 8 

Voix  Céleste 8  Vox  Humana 8 

Fugara 4  Clarion 4 

Flauto  Traverse 4 

CHOIR  ORGAN  (EXPRESSIF)  (positif)  (11  Jeux) 

Saliclonal 16  Suabe  Flûte 4 

Open  Diapason 8  Violina 4 

Melodia 8  Quint 2  2/3 

Gamba 8  Flageolet 2 

Dulciana 8  Contra   Fagotte 16 

Lieblich  Gedeckt 8  Clarinet 8 

SOLO  ORGAN  (EXPRESSIF)  (16  Jeux) 

Rohr  Flôte 8      Stentorphone 8 

Quintadena 8      Tibia  Piena 8 


ou  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ?  157 

SOLO  ORGAN  (EXPRESSIF)  (16  Jeux)  (suite) 

Viole  d'Orchestre 8      Violoncelle 8 

Violes  Célestes  (2  Rangs) 8      Octave 4 

Concert  Flûte 4      Harmonie  Piccolo 8 

Orchestral  Oboe 8      Tuba  Magna 16 

Cor  Anglais 8      Tuba  Mirabilis 8 

Célester.  Tubular  Chimes. 

PEDAL  ORGAN  (15  Jeux) 

Dojble  Open 32      Violoncelle 8 

Open  Diapason  (wood) 16      Octave 8 

Open  Diapason  fmélal) 16      Bourdon • 8 

Violone 16      Super  Octave 4 

Dulciana 16      Trombone 16 

Dourdon 16      Trumpet 8 

Gedeckt 16      Clarion 4 

Flûte 8 

Pression  de  vent  fonds,  125  %,  anches,  300  %. 

32  accouplements  opérés  par  boutons,  pistons  ou  pédales  réversibles  ; 

6  pistons  de  combinaison  à  chaque  manuel. 

4  pistons  pour  les  pédales. 

4  pédales  pour  les  jeux  et  les  accouplements;  1  pédale  de  grand  chœur, 
3  pédales  d'expression  séparées  pour  Récit,  Positif,  et  Solo  ;  pédale  de 
crescendo,  3  trémolos  (Récit,  Positif,  et  Solo). 


Orgue  de  City  Hall  de  Portland,  Maine 

Construit  en  1912,  par  la  Austin  Organ  C"  de  Hartford,  il 
fui  présenté  à  la  ville  de  Portland  par  M.  Cyrus  K.  Curtis  du 
Saturday  Evening  Post,  à  la  mémoire  du  regretté  Hermann 
Kotschmar,  musicien  dont  le  Te  Deum  est  une  œuvre  bien 
connue  et  fort  appréciée  des  Américains.  Le  buflFet  est  placé 
sur  une  tribune  au  fond  du  hall,  cet  orgue  peut  être  consi- 
déré comme  ayant  une  belle  place  à  côté  des  plus  grandes  orgues 
connues.  Curieuse  coïncidence  :  ces  facteurs  associés  dès  le 
début,  à  M.  Hope-Jones  se  trouvent  maintenant  classés  parmi 
les  facteurs  américains  les  plus  réputés  ;  le  très  bel  orgue  de 
la  cathédrale  de  Saint-John  the  Divine  de  New- York  en  est  la 
meilleure  preuve,  de  même  l'orgue  de  Portland  avec  88  jeux 
réels  et  33  accouplements,  répartis  sur  4  manuels  de  61 
notes   et  un  pédalier   de  32   notes,  dont  voici  le  détail  : 


158 


OU  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ? 


GREAT   ORGAN   (18  Jeux) 
Sub  Bourdon 32      Octave  Quint 3 


Bourdon  16 

Violone  Dolce 16 

1er  Open  Diapason 8 

2e   Open  Diapason 8 

3«  Open  Diapason 8 

Doppel   Flûte 8 

Clarabella 8 

Octave 4 

Hobl  Flûte 4 


Super  Octave 2 

Violoncelle 8 

Gemshorn 8 

Double  Trumpet 16 

Trumpet 8 

Clarion 4 

Cathedral  Chimes  dans  la  boîte  du 
Solo. 


SWELL  ORGAN  (16  Jeux) 


Quintaton 16 

Diapason  Phonon 8 

Horn  Diapason 8 


Viole  de  Gambe. 

Rohr  Flûte 

Flauto  Dolce 

Unda  Maris 

Viole  sourdine. . 
Principal 


8 
8 
8 
8 
8 


Harmonie  Flûte 

Flautino 

Mixture  3  à  4  rangs. 

Contra  Fagotto 

Cornopean 

Oboe 

Vox  Humana 

Tremulant. 


4 
2 

16 
8 
8 
8 


ORCHESTRAL  ORGAN  (13  Jeux) 


Contra  Viole 16  Quintadena 

Geigen  Principal 8  Flûte  d'Amour. 

Concert  Flûte 8  Flageolet 

Dulciana 8  French  Horn  . . 

Viole  d'Orchestra 8  Clarinet 

Viole  Céleste 8  Cor  Anglais  . . . 

Vox  Seraphique 8  Tremulant. 


8 
4 
2 
8 
8 
8 


SOLO  ORGAN  (12  Jeux) 


Violone 16 

Flauie  Major 8 

Grand  Diapason 8 

Gross  Gamba 8 

Gamba  Céleste 8 

Flûte  Ouverte 4 


Concert  Piccolo. 
Tuba  Profunda. . 
Harmonie  Tuba. 
Tuba  Clarion. . . 
Orchestral  Oboe. 
Tuba  Magna. . . . 


2 
16 
8 
4 
8 
8 


ECHO  ORGAN  (dans  le  Plafond)  (8  Jeux) 


Cor  de  Nuit 8 

Gedackt 8 

Vox  Angelica 8 

Viola   Aetheria 8 

Fern  Flûte 4 


Echo  Cornet  8  rangs. 

Vox  Humana 

Harpe. 
Tremulant. 


ou  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ?  159 


PEDAL  ORGAN   (21  Jeux) 

Contra  Magnaton 32  Grosse  Flûte 8 

Contra  bourdon 32  Violoncello 8 

Magnaton Iti  Octave  Flûte 4 

Open  Diapason 16  Contra  Bombarde 32 

Violone 16  Bombarde  (25  inch  wind) 16 

Dulciana  (pris  dansG.  G.)  16  Tuba  Profuuda 16 

First  Bourdon 16  Harmonie  Tuba 8 

Contra  Viole 16                          (Transmis  du  Solo) 

Second  Bourdon 16  ^^^^  ^.^^^-^^ 4 

Lieblich  Gedackt  (Echo) . .  16 

Gross  Quint 10  1/2                   (Transmis  du  Récit) 

Flauto  Doice 8  Contra  Fagotto 16 

11  y  a  6  pédales  de  combinaison  de  jeux  pour  la  pédale; 
8  combinaisons  ad  libitum  pour  chacun  des  manuels  ;  les  jeux 
s'appellent  en  pressant  sur  des  touches,  pédale  de  crescendo  ne 
faisant  pas  remuer  les  registres,  4  expressions  séparées  à 
bascule  inerte  pour  :  i»  Récit,  2"  Pédale  orchestrale,  3°  Solo, 
40   Echo. 

G.  O.  sur  pédale  réversible,  Solo  et  Echo  sur  G.  O. 
réversible,  Pédale  des  sforzando. 


Orgue  de  la  Cathédrale  de  Liverpool 
en  Angleterre 

La  maison  Henry  Willis  et  fils,  fondée  en  1845,  par 
«  Father  Willis  »  eut  comme  associés  les  deux  fils  du  fonda- 
reur,  Vincent  et  Henry  Willis  en  1878  ;  la  majorité  des  brevets 
et  perfectionnements  pris  par  la  maison  étaient  dus  à  «  Father 
Willis  »  lui-même  ;  néanmoins  dans  les  derniers  temps  son 
fils  Vincent  fut  l'auteur  d'un  certain  nombre  de  brevets,  mais 
Vincent  Willis  quitta  la  maison  en  1894,  six  ans  avant  la 
mort  du  père  Willis,  en  Février  1900.  Les  affaires  restèrent, 
depuis,  sous  la  direction  de  Henry  Willis  (i)  qui  prit  pour  associé 
Henry   Willis  junior,    petit-fils   du    fondateur   de  la   maison. 


(1)  Au  début  le  «  Père  Willis  »  faisait  toute  l'harmonisation  de  ses  tuyaux  : 
jeux  de  fonds  et  anches;  c'est  le  chef  actuel  de  la  maison,  M.  Willis,  qui,  avec 
les  conseils  de  son  père,  s'occupa  de  l'harmonisation  des  jeux  d'anches  à  forte 
pression,  et  qui  réalisa  notamment  les  belles  trompettes  et  autres  jeux  d'anches 
d'Albert  Hall.   -  D'  G.  B. 


160  OU  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ? 

La  grande  réputation  de  Willis,  en  matière  de  jeux  d'anches 
et  jeux  de  fonds,  a  été  bien  soutenue  par  la  maison  actuelle,  dont 
les  co-directeurs  sont  eux-mêmes  des  harmonistes  de  valeur. 
D'une  façon  générale,  les  détails  des  mécanismes  de  trans- 
mission qu'ils  emploient  (électrique  ou  tubulaire)  sont  tout  à 
fait  modernes  et  maintiennent  cette  maison  au  premier  rang 
de  la  facture  anglaise.  Ce  que  nous  venons  de  dire  trouve 
une  confirmation  évidente  dans  la  construction  actuellement 
en  cours  (19 13-1914)  du  grand  orgue  de  la  cathédrale  de 
Liverpool  dont  voici   la  composition  : 

Cinq  claviers  manuels  de  61  notes,  pédalier  rayonnant  et  concave  de 32 
notes. 

Il  n'y  a  ni  jeux  empruntés,  ni  jeux  à  l'octave  sur  eux-mêmes  ;  tous 
les  jeux,  sauf  les  célestes,  qui  descendent  même  jusqu'au  fa  du  8  pieds, 
sont  complets  sur  toute  l'étendue  du  clavier  ;  et  il  y  a  167  jeux  réels  parlants, 
et  48  boutons  d'accouplement,  donnant  un  total  de  215  boutons  de  registre. 

PEDAL  ORGAN  (33  Jeux) 

Open  Diapason  (bois) 32  Violoncello  (métal) 8 

Open  Diapason  (métal)  ...  32  Flûte  (métal) 8 

Contra  Violone  (métal)  .. .  32  Quintadena  (métal) 8 

Double  Quint,  wood 211/3      Twelfth  (métal) 5  1/3 

Open  Diapason  N»  1  (bois)  16  Fifteenth  (métal) 4 

Open  Diapason  N»  2  (bois)  16  Mixture,  17,  19,  22  d. 

Open  Diapason  N»  3  (bois)  16  Fourniture,  19.  ai,  22,  26,  29. 

Open  Diapason  (métal)  .. .  16  Contra  Trombone 32 

Contra  Basso  (métal) 16  Contra  Ophicléide 32 

Geigen  (métal) 16  Trombone 16 

Doice  (métal) 16  Bombardon 16 

Violone  (métal) 16  Ophicléide 16 

Bourdon  (bois) 16  Fagotto 16 

Quintaton  (métal) 16  Octave  Trombone 8 

Quint  (bois) 10  2/3      Octave  Basson 8 

Octave  (bois) 8  Clarion 4 

Principal  (métal) 8 

CHOIR  ORGAN  (POSITIF)  (13  Jeux)  (i) 

Contra  Dulciana 16      Gambette 4 

Contra  Gamba 10      Dulciana 2 

Open  Diapason 8      Flageolet 2 


ou  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ? 


161 


CHOIR  ORGAN  (POSITIF)  (23  Jeux)  {suite) 


Violin  Diapason 8 

Rohr   Flûte 8 

Claribel  Flûte 8 

Dulciana 8 

Gamba 8 

Unda  Maris  (FF) 8 

Flûte  ouverte 4 

Suabe  Flûte 4 

Dulcet 4 


Dulciana  Mixture,  10,  12,  17, 19,  22. 

Bass  Clarinet 16 

Baryton,  double  vox  humana. .  16 

Corno  di  Bassetto 8 

Cor  Anglais 8 

Vox  Humana 8 

Trumpet  (orchestral) 8 

Clarion 4 


GREAT  ORGAN  (GRAND  ORGUE)    (28  Jeux,  l  accouplement) 


Double  Open  Diapason...  16 

Contra  Tibia 16 

Bourbon 16 

Double  Quint 10  2/3 

Open  Diapason  N»  1 8 

Open,  No  2 8 

Open,  No  3 8 

Open,  No  4 8 

Open,  No  5 8 

Open.  No  6 8 

Tibia  Major 8 

Tibia  Minor 8 

Stopped  Diapason 8 

Doppel  Flote 8 

Quint 5  1/3 


Octave  Diapason 4 

Prmcipal 4 

Flûte  Couverte 4 

Flûte  Harmonique 4 

Tweifth 2  2/3 

Fifieenth 2 

Piccolo  Harmonique 2 

Mixture  lO,  12,  17, 19,  22. 
Sesquialtera  19,  2i,  22,  26,  29. 

Double  Trumpet 16 

Trumpet 8 

Trompette  Harmonique  . .  8 

Clarion 4 

Trombas    du    Solo   sur  G.  O.    par 
accouplement. 


SWELL  ORGAN  (RÉCIT)  (3!  Jeux) 


Contra  Geigen 16 

Contra  Salicional 16 

Lieblich  Bordun 16 

Open  Diapason  No  1 8 

Open  Diapason  No  2 8 

Geigen 8 

Tibia 8 

Flauto  Traverso 8 

Wald  Flote 8 

Lieblich  Gedackt 8 

Echo  Gamba 8 

Salicional 8 

Vox  Anglelica  (FF) 8 

Octave 4 

Geigen   Principal 4 

Salicet 4 


Lieblich  Flote 

Doublette 

Lieblich  Piccolo. 

Lieblich  Mixture  17,  19,  22. 
Full  Mixture  12, 17, 19,  *  21,  32. 

Double  Trumpet 

W^ald  Horn 

Contra  Hautbois 

Trumpet 

Trompette  Harmonique 

Cornopean 

Hautboy 

K.rummhorn 

Clarion,  N"  1 

Clarion,  N»  2 


16 
16 
16 
8 
8 
8 
8 
8 
4 
4 


162 


nu  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ? 


SOLO  ORGAN  (Î3  Jeux) 


Conira  Hohl  Flote 16 

Contra  Viole 16 

Hohl  Flote 8 

Flûte  Harmonique 8 

Viole  de  Gambe 8 

Viole  d'Orchestre 8 

Viole  Céleste  (FF) 8 

Octave  Hohl  Flote 4 

French  Horn  (orchestral) 8 

Oboe  (orchestral) 8 

Contra  Tromba 16 

Tromba 8 


Concert  Flûte 4 

Octave  Viole 4 

Piccolo  Harmonique 2 

Violette 2 

Cornet  de  Violes  10,  12, 16. 

Cor  Anglais 16 

Clarinet  (orchestral) 8 

Bassoon  (orchestral) 8 

Tromba  Real 8 

Tromba  Clarion  4 

Diapason  Stentor 8 


CLAVIER  DES  BOMBARDES  (TUBA  ORGAN)  (6  Jeux) 


Contra  Tuba. . . 
Bombardon  .. . 
Tuba  mirabilis. 


16      Octave  Bombardon 4 

8      Tuba  Clarion .'....      4 

8      Tuba  Magna  8 


ECHO  ORGAN   ((»  Jeux) 

ECHO   PEDAL  (4  JeUX) 

Salicionat 16      Fugara 8 

Echo  Bass 16      Dulzuin  (jeux  d'anches) 16 

CCBO  MANUAL  (19  JcUX) 


Qiiintaton 16 

Echo  Diadason 8 

Cor  de  nuit 8 

Carillon  (gongs) 8 

Flauto  Amabile 8 

Muted  Viole 8 

Aeoline  Céleste  (FF) 8 

Célestina 4 

Fernflote 4 


Flautina 2 

Harmonica  Aetheria  (flûte  mix- 
ture) 10,  12,  15 

Chalumeau 16 

Cor  Harmonique 8 

Trompette 8 

Musette 8 

Voix  Humaine 8 

Hautbois  d'Amour 8 


Rohr  Nasat 2  2/3      Hautbois  Octaviant 4 

Pression  de  8o  ^  à    172  ^. 

Certains  jeux  de  pédale  sont  dans  une  boîte  expressive  ; 
les  jeux  de  l'Echo  parlent  au  cinquième  clavier,  quand  on 
tire  le   bouton  Echo   sur  Solo. 

Les  48  boutons,  pour  les  accouplements  et  trémolo,  sont 
disposés  en  deux  colonnes  doubles  à  main  gauche  sur  un 
pan  coupé  à  portée  de  la  main  ;  les  principaux  accouplements 
peuvent  aussi  être  mis  par   des  pistons  réversibles,  et  les  trois 


ou  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ?  163 

trémolos  par  trois  pédales  réversibles.  Cinq  autres  pistons 
réversibles  actionnés  par  les  pieds  peuvent  également  appeler 
les  cinq   manuels  sur  le   clavier   de  pédale. 

En  sus  des  accouplements  de  manuels  entre  eux,  chaque 
manuel  Positif,  Récit  Solo  et  Echo  peut  parler  à  l'octave 
aigué,  à  l'octave  grave  avec  l'unisson  muet,  sur  son  clavier 
respectif. 

Une  nouveauté  est  l'accouplement  dit  «  ténor  solo  à  la 
pédale  »,  ce  qui  permet  au  pied  droit  de  jouer  un  solo  de 
ténor  sur  les  20  notes  aigués  du  pédalier,  en  même  temps  que 
les  autres  jeux  de  pédale  ne  parlent  plus  sur  les  notes  chan- 
tant en  ténor  ;  les  douze  notes  graves  seulement  faisant  parler 
encore    les  jeux   tirés  à  la    pédale. 

La  registration  se  fait  aussi  par  neuf  combinaisons  ad 
libitum  pour  les  jeux  de  pédale  ;  chacun  des  manuels  possède 
neuf  boutons  de  combinaison,  sauf  le  clavier  des  tubas 
qui  n'en  possède  que  cinq.  Chacun  de  ces  pistons  de  combi- 
naison peut  être  individuellement  accouplé  aux  pédales  de 
combinaison  des  jeux  du  pédalier,  soit  par  un  piston,  soit  par 
un  bouton  de  tirage  qui,  en  même  temps,  fait  mouvoir  les 
registres  ;  donc  pistons  et  pédales  de  combinaisons  font  mouvoir 
les  boutons  de  jeux  qu'ils  font  parler,  cela  constitue,  pour 
l'exécutant,  un    précieux   renseignement   visuel. 

Le  cadre  des  claviers,  dans  les  dessus  et  dans  le  grave,  porte 
cinq  pistons  qui  amènent  des  combinaisons  spéciales  entre  les 
manuels,  la  pédale  et  les  accouplements. 

Il  y  a  enfin  cinq  pédales  commandant  les  différentes 
boîtes  expressives  avec  le  système  du  locking  lever  (levier 
d'arrêt)  qui  permet  à  l'exécutant  d'arrêter  la  pédale  expressive 
à  la  position  désirée.  La  pédale  d'expression  agissant  sur  certains 
jeux  du  pédalier,  peut  être  accouplée  aux  autres  pédales  expres- 
sives. 

Les  trémolos  peuvent  avoir  leur  rapidité  augmentée  ou 
diminuée  au    gré  de  l'exécutant. 

La  transmission  est  tubulaire  ou  électrique  suivant  la 
distance  des  tuyaux  aux  claviers,  excepté  les  accouplements  des 
manuels  au  clavier  de  pédale  qui  sont  mécaniques,  et  font 
mouvoir    les    touches    des     claviers     manuels   en    tirasse. 

La  console  est  placée  du  côté  Nord  au-dessus  des  stalles 
du  chœur. 


164 


OU  EN  SOMMES-NOUS  AUJOURD'HUI  ? 


Des  moteurs  électriques  actionnent  sept  souffleries  séparées. 

L'instrument  occupe  deux  emplacements  spéciaux  de 
chaque  côté  du  sanctuaire  et  une  partie  du  triforium  sud 
du  chœur.  Il  y  a  quatre  buffets,  deux  se  faisant  face  dans  le 
chœur  et    deux   de    32    pieds   étalés   dans    le   transept. 

Cet  instrument  est  le  don  de  Madame  James  Barrow  ;  le 
prix,  sans  les  buffets,  est  de  450..000  francs  ;  la  composition  en 
en  est  due  à  M.  W.  J.  Riddiey,  neveu  de  Madame  James 
Barrow,  avec  l'approbation  complète  du  comité,  choisi  par  elle, 
composé  de  Messieurs  Charles  Collins,  E.  Townsend  Driffleld, 
organiste  de  la  Qthédrale,  Burstall,  F.  C.  C.  O.  et  de 
MM.   Henry    Willis    &    Son. 

Cet  orgue  est  réputé  être  le  plus  grand  du  monde  ;  comme 
comparaison  nous  donnons  les  chiffres  suivants  :  Paris,  Saint- 
Sulpice,  iio  jeux;  Uim,  cathédrale,  125  Jeux;  Albert  Hall, 
125  jeux;  Libau,  Courlande,  125  jeux;  Sidney,  Town  Hall, 
144  jeux  ;  Saint-Louis,  Exposition  167  ;  Hambourg,  Saint- 
Michaels,   163  Jeux;    et  Liverpool   Cathédrale,    215   jeux  (i). 


(1)  C'était  vrai  au  début  de  l'année,  mais  l'orgue  de  Breslau,  inauguré  en 
septembre  iQiB,  contient  188  jeux  réels  et  12  dédoublés  donnant  200  jeux,  il 
est  entièrement  électrique  et  a  été  construit  par  M.  Paul  Walker,  successeur 
de  Sauer,  à  Francfort/Oder,  sur  le  principe  de  la  valve  pendulaire  à  relai  pri- 
maire. L'orgue  de  Liverpool  contiendra  167  jeux  réels  parlants,  sans  aucun 
dédoublement  ni  emprunt  ;  à  Saint-Sulpice,  il  y  a  118  registres,  mais  100  jeux 
réels  ;  le  bel  orgue  de  Ulm  a  159  registres,  mais  seulement  109  jeux  parlants. 
Saint-Michaels,  de  Hambourg,  i63  jeux  réels.  —  D'  G.  B. 


EPILOGUE 


James  Ingall  Wedgwood,  quand  il  écrivit  son  excellent 
dictionnaire  des  jeux  d'orgue  sentit  qu'il  était  presque  néces- 
saire de  présenter  des  excuses,  ou  mieux  une  justification 
pour  avoir  si  souvent  cité  le  nom  de  Hope-Jones  ;  l'auteur 
du  présent  ouvrage  se  trouve  dans  le  même  embarras, 
néanmoins  il  ne  voit  pas,  pour  lui  et  pour  les  auteurs  à 
venir  qui  auront  souci  de  la  vérité,  comment  on  pourrait 
éviter  de  citer  très  souvent  le  nom  de  Hope-jones  et  de 
mentionner  ses  travaux.  Si  l'on  veut  écrire  quelque  chose 
de  bien  au  courant  sur  la  facture  d'orgues  moderne,  c'est 
impossible. 


REMERCIEMENTS 


L'auteur  offre  ses  remerciements  à  «  Tbe  Austin  Organ  Cy  », 
the  Bennett  Organ  Compyny,  au  D'  IV.  C.  Cari,  à  the  Estey 
Organ  Company,  tbe  Hock  et  Hastings  Company^  the  Hope-Jones 
Organ  Company,  the  Hutchings  Organ  Company,  M.  M.  P.  Moller, 
MM.  J.  H.  et  S.  C.  Odel  et  tbe  E.  M.  Skinner  Company,  en 
Amérique. 

MM.  Casavant  Frères  du  Canada,  MM.  J.  H.  Compton, 
IV.  mil  et  Son,  D''  J.  IV.  Hinton,  Alfred  Kirkland,  John 
Moncrieff  Miller ,  Henry  IVillis  et  Son  de  Londres,  le  Professeur 
Gabriel  Bédart,  de  l'Université  de  Lille,  M.  Charles  Mutin,  de 
Paris,  ont  droit  aussi  à  mes  remerciements,  pour  des  renseigne- 
ments importants,  les  photographies  et  les  dessins  aimablement 
donnés  pour  documenter  notre  livre. 


INDEX  DES  FIGURES 


Portrait  de  l'auteur  M.  Georges  Laing  Miller 2 

Double  flûte  préhistorique 10 

Sommier  vu  de  face  et  de  profil 14 

Le  levier  pneumatique 19 

Portrait  de  Moitessier,  inventeur  du  tubulaire. 22 

Système  tubulaire  pneumatique 24 

Portrait  du  Docteur  Peschard 28 

Le  levier  électro-pneumatique 29 

Système  électrique  de  Hope-Jones 30 

L'orgue  de  Saint-Laurent  de  Salon,  le  premier  orgue  électrique   .....  32 

Console  de  la  Cathédrale  de  Saint-Paul.  Buffalo 35 

Console  système  Bennett ,36 

Console  de  Trinity  Church,  Boston 37 

Console  du  Collège  of  City  of  New-York 45 

Principe  du  Sound  Trap 48 

Le  joint  du  Sound  Trap 48 

Boîte  expressive  avec  Vacuum  Shutter 49 

Tuyaux  de  basses  ouvertes  système  Estey 65 

Tuyau  de  diapason  avec  lèvres  garnies  de  peau 70 

Clarinette  de  Ha&kell,  sans  anches 76 

Diagramme  d'un  jeu  d'anches 77 

Cavités-voyelles 80 

Diapbone  de  la  Cathédrale  de  Worcester 84 

Diaphone  d'Aberdeen  University 85 

Diaphone  de  Saint-Patrick',  New-York 86 

Diaphone  dans  l'Auditorium  d'Océan  Grove 88 

Diaphone  de  Saint-Paul,  Buffalo •. 89 

Diaphone  produisant  la  sonorité  des  jeux  de  fonds 90 

Nouvelle  méthode  d'accorder  les  jeux  d'anches 94 

Portrait  de  Charles-Spachman  Barker 103 

Portrait  d'Aristide  Cavaillé-CoU 109 

Portrait  de  Henry  Willis 113 

Orgue  de  Sainl-Georges-Hall,  Liverpool 112 

Portrait  de  Robert  Hope-Jones 119 

Clavier  de  Saint-Georges  Hall,  Liverpool 115 

Clavier  de  Notre-Dame  de  Paris 134 

Clavier  de  l'Abbaye  de  Westminster 140 

Orgue  de  Balruddery  Mansion,  Dundee  (Ecosse) 142 

L'auteur  jouant  un  orgue  «  Hope-Jones-Unit-Orchestra  » 152 


TABLE  DES  MATIERES 

CHAPITRE   I.  —  Origine  de  l'orgue 9 

CHAPITRE  II.   —  L'orgue  au  début  du  XIX»*  siècle 13 

CHAPITRE   III.  —  L'aurore  d'une  ère  nouvelle.  -  Le  levier  pneumatique      18 

CHAPITRE  IV.  —  Transmission  pneumatique  électro-pneumatique.  — 
Orgue  divisé.  —  Réflexion  du  son.  —  Accouplements  d'octaves.  —  Jeux 
dédoublés 22 

CHAPITRE  V.  —  Tirage  des  jeux  par  touches  bascules,  et  rcfiistration 
moderne.  —  Consoles  américaines 34 

CHAPITRE  VI.  —  Pédalier  rayonnants  et  concaves.  —  Registration 
de  la  pédale.  —  Pedal  Help.  —  Basse  automatique 39 

CHAPITRE  VII.  —  Moyens  d'obtenir  l'expression.  —  Pédale  de  cres- 
cendo. —  Pédale  de  sforzando.  —  Double  touche.  —  Pédale  d'expression 
à  bascule  inerte.  —  Contrôle  du  Récit  par  les  claviers.  —  Boîtes  Expres- 
sives. —  Le  Sound  Trap.  —  Les  lames  expressives  Vacuum  Shutter   .       43 

CHAPITRE  VIII.  —  Révolution  dans  la  soufflerie.  —  Emploi  des 
ressorts  au  lieu  des  poids.  —  Soupapes  individuelles.  —  Vent  à  forte 
pression.   —    Souffleries  mécaniques 51 

CHAPITRE  IX.  —  Jeux  transférés.  —  Double  touche.  —  Pizzicato 
touche.  —  Unit  Organ.  —  Altération  par  sympathie 57 

CHAPITRE  X.  —  Production  des  sons  dans  l'orgue.  —  Acoustique 
des  tuyaux  d'orgue.  —  Tuyaux  système  Estey.  —  Diapason.  —  Flûtes. 
—  Jeux  imitant  les  instruments  à  cordes.  —  Jeux  d'anches.  — 
Cavités-Voyelles.  —  Jeux  ondulants.  —  Instruments  de  percusion.  — 
Les   diaphones 62 

CHAPITRE  XI.  —  De  l'accord  de  l'orgue.  —  Le  tempérament  égal.  — 

Nouvelle  méthode  d'accorder  les  jeux  d'anches 92 

CHAPITRE   XII.   —    Progrès  de  la  révolution  dans  notre  propre  pays 

(Amérique) 96 

CHAPITRE  XIII.  —  Les  principaux  chefs  :  Barker,  Cavaillé-Coll, 
Willis,  Hope-Jones 102 

CHAPITRE  XrV.  —  État  actuel.  —  Appareils  automatiques.  — 
Spécifications  d'orgues  célèbres  :  Saint-Georges  Hall,  Livtrpool  ; 
Notre-Dame,  Paris  ;  Cathédrale  Saint-Paul,  Londres  ;  Westminster 
Abbey  ;  Balruddery,»  Ecosse  ;  Worcester  Cathédral  ;  Yale  University, 
U.S. A.  ;  Cathédrale  Saint-Paul  à  Buffalo  ;  Paris-Théâtre  à  Denver  ; 
Cathédrale  de  Saint-John  the  Divine,  à  New-York  ;  Université  de 
Toronto,  Canada  ;  City  Hall  Portiand  ;    Cathédrale  de  Liverpool.   .    .     126 


D'-  G.   BÉDART 

Professeur  Agrégé  à  l'Université  de  LUIe 


REPONSE 
A   M.   ALEXANDRE    CELLIER 

Organiste  de  la  Société  Jean-Sébastien  £ach 
et    de    l'église    évangélique    du     Zemple     de     l'étoile,    à    paris 

et  à  son  Préfacier  M.  LOUIS  VIERNE 

Organiste  de  /fotre-f)ame  de  Paris 

au  sujet   du  livre  :  "L'Orgue    Moderne 


REPONSE 
A  M.  ALEXANDRE  CELLIER 

Ûrganisie  de  la  Société  Jean-Sébastien  £ach 
et    de    l'Église    €vangélique    du    Zemple    de    l'-étolle,    à    Paris 

et  à  son  Préfacier  M,  LOUIS  VIERNE 

Organiste  de  J/otre~J)ame  de  Paris 

au  sujet  du  livre   :    "  L'Orgue    Moderne  " 


Si  l'ouvrage  de  M.  Alexandre  Cellier  avait  été  écrit  par 
un  inconnu,  petit  organiste  de  province,  et  la  préface  élaborée 
par  un  autre  inconnu,  organiste  de  province  sans  prestige, 
j'aurais  simplement  souri  à  la  lecture  de  ce  livre,  en  constatant 
la  pauvreté  documentaire,  et  les  inexactitudes  qu'il  renferme. 

Mais  l'auteur  est  un  Parisien,  organiste  de  la  Société  Jean- 
Sébastien  Bach,  et  de  l'Eglise  Evangélique  du  Temple  de 
l'Etoile,  et  le  préfacier  n'est  autre  que  M.  Louis  Vierne, 
organiste  justement  réputé  de  Notre-Dfime  de  Paris.  Cet 
ouvrage  a  donc  quelques  prétentions,  puisque  le  préfacier  nous 
le  signale  comme  «  un  ouvrage  capital  qu'il  est  heureux  de 
«  présenter  à  ceux  qui  s'occupent  de  l'art  de  l'orgue,  et  comme 
«  un  livre  comblant  une  lacune  et,  par  suite,  devant  prendre 
«  place  dans  la  bibliothèque  de  tout  musicien  soucieux  d'éru- 
«  dition  ». 

Sur  cette  dernière  indication  très  affirmative  émanant  d'un 
artiste  aussi  réputé  que  M.  Louis  Vierne  et,  de  plus,  professeur 
à  la  Schola  Gantorum,  je  n'ai  plus  hésité  à  faire  l'emplette  de 
ce  livre,  heureux  d'apprendre  que  la  littérature  française 
concernant  la  facture  d'orgue  allait  s'enrichir  d'un  ouvrage 
ayant  quelque  valeur  documentaire.  Hélas  !  Je  le  dis  sans 
ambages,  mon  espoir  a  été  très  fortement  déçu. 


174  RÉPONSE  AU  LIVRE  tL'ORGUE  MODERNE  • 

L'ayant  rapidement  parcouru,  c'est  sur  une  première 
impression  que  j'avais  mis  une  note  à  la  page  91  de  ma  traduc- 
tion ;  depuis,  ayant  eu  le  temps  de  relire  l'ouvrage  de  M.  Cellier 
avec  plus  de  soin,  j'ai  pensé  que  beaucoup  des  propositions 
et  affirmations  contenues  dans  ce  livre  ne  pouvaient  pas 
rester  sans  réponses,  parce  qu'elles  constituaient  une  documen- 
tation insuffisante,  inexacte,  surannée,  et  presque  un  véritable 
danger  pour  les  lecteurs  non  avertis  et  désireux  de  connaître 
ce  qu'est  l'orgue   moderne. 

Néanmoins,  j'aurais  encore  hésité  à  faire  ces  réponses,  si 
un  ami  ne  m'avait  fait  comprendre  que  c'était  mon  devoir  de 
critique,  surtout  après  les  annotations  ajoutées  à  ma  traduc- 
tion de  «  Becent  Bevolulion  in  Organ  building  »,  enfin  que, 
logiquement,  je  devais  appliquer  à  MM.  Vierne  et  Alexandre 
Cellier  le  principe  «  si  amicus  mihi  Plato,  magis  amica  mihi 
Veritas  »,  dont  je  m'étais  si  largement  autorisé  pour  le  livre 
de   M.  G.   Laing  Miller. 

Je  vais  donc  formuler  mes  critiques,  un  peu  comme  si, 
membre  d'un  jury  de  thèse  à  la  Faculté,  j'inscrivais  en  marge 
mes  annotations  pour  argumenter  le  travail  d'un  de  mes 
étudiants  en  médecine,  ayant  pris  comme  sujet  la  mise  au 
point  d'une  question  d'anatomie  ou  de  physiologie  pour  préciser 
où  elle  en  est  en   1914. 

Un  premier  moyen  de  se  rendre  compte  si  un  travail  de 
ce  genre  est  ba.sé  sur  une  documentation  sérieuse,  est  d'exa- 
miner avant  tout  la  bibliographie  citée  par  l'auteur,  et  je 
trouve  que,  si  nous  nous  reportons  à  la  page  111,  nous  décou- 
vrons avec  étonnement  ceci  :  pour  se  documenter  sur  l'orgue 
moderne,  M.  A.  Cellier  cite  et  conseille  la  lecture  complé- 
mentaire de  : 

1 .  Dom   Bedos,    Traité  de   Facture  d'Orgue,  1755  ; 

3.  Hamel,   Traité  de   Facture  d'Orgue,   1853  ; 

3.  Cavaillé-Coll,  Orgue  et  son   Architecture,   1870  ; 

4.  Anonyme,  te  Grand  Orgue  de  la  Salle  de  Sheffield,   1872  ; 

5.  Anonyme,    le  Grand   Orgue   d'Amsterdam,   1878  ; 

6.  Charles   Locher,  les  Jeux  de   l'Orgue,  1898; 

7.  Encyclopédie  Rotet,  Manuel  du  Facteur  d'Orgue,  Guédon, 

1903. 

Or,  ces  sept  livres  se  réduisent  en  réalité  à  cinq  ;  le 
Manuel  Roret,  par  Guédon,  étant  une  reproduction  annotée 
des  deux  premiers. 

C'est  fort  maigre.  Certes  nous  ne  réclamerons  pas  les 
180  indications  bibliographiques  du  Traité  de  Bobertson,  ni 
même  les  48  ouvrages  cités  par  7/edgwood  dans  son  Dictionary 


RÉPONSE  AU  LIVRE  «L'ORGUE  MODERNE»  175 

0/  Organ  Slops;  mais,  indiquant  dans  l'Encyclopédie  Roret,  le 
Facteur  d'orgues  revu  par  Guédon,  M.  Cellier  aurait  pu  en 
tirer  meilleur  parti,  car  son  livre  édité  en  1914,  «  retarde  », 
et  même  considérablement,  sur  ce  manuel  Roret  publié  en 
1903.  M.  Cellier  ferait-il  comme  certains  de  nos  étudiants 
en  médecine,  qui  mettent  dans  leur  bibliographie  des  livres 
qu'ils   n'ont  point  lu  ? 

L'auteur  nous  avertit  qu'il  se  limite  à  la  facture  d'orgue 
française,  étant  «  celle  qui  a  réalisé  les  perfectionnements 
«  les  plus  notoires  dans  les  cours  du  siècle  dernier,  et  il 
«  suffit  de  rappeler  pour  cela  les  travaux  d'un  Cavaillé-(^oll 
«  pour  l'apprécier  ». 

Erreur  profonde  :  si  la  facture  française  et  mondiale  s'en 
était  tenue  aux  perfectionnements  introduits  par  Cavaillé-GoU, 
nous    en   serions   encore   aux    orgues    style   1864 1 

Quoi,  pas  un  mot  du  système  tubulaire,  ni  du  système 
électrique,  sans  lesquels  l'orgue  moderne  n'existerait  pas  ? 
Est-ce  que  M.  Cellier  croirait  par  hasard  que  ce  sont  des 
inventions  étrangères,  dont  la  description  sort  du  cadre  qu'il 
s'est  imposé;  s'il  a  lu  son  manuel  Roret,  il  l'a  mal  lu,  car 
je  ne  veux  pas  encore  croire  à   une  omission   volontaire. 

Je  ferai  aussi  remarquer  qu'en  appelant  l'orgue  le  «  roi 
des  instruments  »,  M.  Cellier  se  sert  d'un  vieux  cliché,  car, 
au  risque  d'être  taxé  de  modernisme,  je  considère  l'orgue 
comme  une  république  d'instruments  divisée  en  plusieurs 
claviers.  C'est  même  une  république  modèle,  car,  quand  le 
facteur  lui  a  donné  une  bonne  Constitution  mécanique, 
Tubulaire  ou  Electrique,  le  Président  -  Organiste  trouve 
toujours  les  lois  de  l'acoustique  fidèlement  observées  par  les 
citoyens-tuyaux  dont  il  réclame  le  concours  harmonieux. 

Ces  généralités   connues,   passons  aux   détails  : 

PAGE  17.  —  L'auteur,  dans  un  sous-titre  alléchant, 
nous  promet  :  «  les  jeux  de  l'orgue,  le  mécanisme,  les 
combinaisons.  » 

Or,  savez-vous  combien  de  lignes  sont  consacrées  à  cette 
description    du    mécanisme    de    l'Orgue    Moderne  ? 

Vingt-deux  lignes,  ^  y  compris  les  notes  en  bas  de  pages 
et  les  légendes  des  figures  I 

C'est  ce  qu'on  appelle  étouifer  un  chapitre  très  important 
et  tout  à  fait  caractéristique  dans  la  description  de  l'Qi'gue 
Moderne. 

Serait-ce  parce  qu'il  aurait  fallu  parler  de  ce  qu'ont  fait 
les  facteurs  de  province  français? 


176  RÉPONSE  AU  LIVRE  «L'ORGUE  MODERNE. 

PAGE  21.  —  <i  On  accorde  les  tuyaux  ouverts  en 
«  élain  à  l'aide  d'une  entaille  dans  le  haut  du  tuyau... 
«  pour  les  petits  tuyaux,  on  se  sert  de  l'accordoir, 
*  instrument  qui  permet  d'évaser  ou  de  rétrécir  l'extré- 
«  mité    supérieure   du    tuyau  ». 

Vous  ne  les  avez  pas  regardés  de  près  ces  petits  tuyaux, 
car  très  souvent  ils  les  possèdent  (même  les  tout  petits  de 
5  %  de  diamètre)  ces  entailles  d'accord  que  vous  semblez 
réserver  aux  gros  tuyaux.  Ceux-ci  bien  souvent  n'en  ont  pas, 
quand  ils  sont  coupés  au  ton,  pratique  suivie  quand  on  veut 
des  sonorités  plus  rondes,  ou  qu'ils  ont  des  bagues  mobiles 
pour  l'accord. 

A  propos  des  bourdons,  vous  parlez  de  leur  accord  par 
le  tampon  ou  la  calotte  mobile  ;  mais  quand  la  calotte  est 
soudée,  comment  faire?  pourquoi  ne  pas  dire  que  les  oreilles 
servent  alors  à  accorder  les  bourdons. 

Au  sujet  de  la  matière  des  tuyaux,  l'énumération  «  étain, 
étoflfe  ou  mélange  d'étain  et  de  plomb,  zinc,  chêne  »  laissera 
croire  au  lecteur  novice  que  les  tuyaux  sont  ou  en  étain,  ou 
en  étoffe,  ou  en  zinc  ;  or  les  tuyaux  d'étain  pur,  sauf  ceux 
placés  en  montre,  sont  plutôt  rares  ;  les  mélanges  d'étain 
mélangé  avec  40,  50  %  de  plomb  —  ce  dernier  dit  spotted 
métal  —  sont  beaucoup  plus  employés  par  les  bons  facteurs, 
que  l'étoffe,  mélange  pauvre,  contenant  seulement  25  % 
d'étain,    contre    75   %   de  plomb. 

PAGE  24.  —  Jeux  Harmoniques  :  Ces  jeux  appar- 
tiennent à  la  famille  des  jeux  ouverts . . .  pour  les  rendre 
harmoniques,  on  pratique  deux  petits  trous . . . 

Deux  inexactitudes  :  1"  Il  y  a  aussi  des  tuyaux  bouchés 
harmoniqyes  :  Zauberflote  de  Thynne,  Harmonie  Gedackt  de 
Casson,  également  employés  par  Norman  et  Beard,  ce  sont 
des  imitations  perfectionnées  des  bourdons  harmoniques  intro- 
duits dès  1754,  par  Snetzler...  ;  2»  On  peut  rendre  un  tuyau 
harmonique  en  y  perçant  un  seul  trou,  ou  deux,  ou  même 
quatre,  et  aussi  en  forçant  la  pression  ! 

PAGE  25.  —  Un  jeu  à  diapason  large  donne  un 
son  rond  et  blanc  sans  mordant. 

Erreur  :  il  existe  des  tuyaux  de  gros  diamètre  qui  peuvent 
produire,  en  même  temps  que  leur  fondamentale,  un  riche 
cortège  d'harmoniques,  leur  donnant  du  brillant,  du  mordant; 
toute  la  famille  des  Séraphones,  des  jeux  Stentor    est  dans  ce 


RÉPONSE  AU  LIVRE  «L'ORGUE  MODERNE.  177 

cas,  avec  la  même  pression  que  les  jeux  ordinaires,  qualité 
qui  augmente  si  on  les  met  sur  vent  fort  ;  mais  l'auteur  ne 
parait  pas  soupçonner  l'existence  de  ces  jeux,  dont  la  sonorité 
tranchante  fait  un  pont  entre  les  fonds  et  les  anches.  Ces 
jeux  sont  tout  à  fait  caractéristiques  de  la  facture  moderne  ; 
MM.  Gigout,  Marty,  Tournemire,  Bonnet,  diront  à  M.  Cellier 
qu'ils  ont  joué  à  Bordeaux  un  orgue,  où  un  seul  Diapason 
Stentor  de  8  ajouté  au  Positif,  sonne  aussi  vigoureusement 
que  les  4  huit  pieds  du  Grand  Orgue  :  montre,  flûte  harmo- 
nique, salicional  et  bourdon  d'un  facteur  parisien. 

PAGE  26.  —  Tuyaux  de  montre  avec  écusson  tels 
qu'on    les  place   en   façade    de   l'orgue  (Fig.  7). 

Mais  actuellement,  avec  les  bouches  estampées,  on  écus- 
sonne  les  plus  petits  tuyaux,  même  ceux  ayant  6  ^  de  diamètre. 

PAGE  26.  —  Diapason  :  Nom  importé  d'Angleterre 
et  désignant  une  sorte  de  principal  à  sonorité  moins 
ronde  et  plus  tranchante   que    la  montre. 

Mais,  c'est  une  hérésie,  dont  renonciation  ferait  bondir 
tous  les  facteurs  anglais;  vous  n'en  avez  jamais  entendu  pour 
oser  écrire  une  pareille  énormité  :  le  «  english  open  Diapason  » 
moins   rond  et  plus  tranchant  que  les  montres  françaises  ! 

C'est  le  contraire  ;  les  Anglais  reprochent  beaucoup  aux 
jeux  de  montre  de  Ga vaille  et  de  l'ancienne  école  française 
leur  sonorité  de  grosse  gambe,  due  à  la  minceur  des  biseaux, 
à  l'emploi   de  l'entaille  d'accord,  etc.,  etc. 

Vous  consacrez  vingt  mots  à  la  description  de  ce  jeu  fonda- 
mental et  caractéristique  de  la  facture  anglaise,  vous  auriez 
trouvé  vingt  pages  dans  le  dictionnaire  de  Wedgwood,  16 
pages  dans  Audsley  ;  vous  ne  soupçonnez  pas  ce  qu'est  la 
sonorité  d'un  open  diapason  ;  alors,  où  avez-vous  trouvé  cette 
définition  ?  Qui  vous  l'a  dicfée  ? 

Vous  pouviez  vous  documenter  expérimentalement  à  Paris 
même,  en  allant  écouter  les  diapasons  de  l'orgue  construit  par 
Bishop,  de  Londres,  à  Saint-Georges'  Church,   rue  Vacquerie. 

Mais  il  faut  avoir  entendu  l'ensemble  des  diapasons  de 
Saint-Paul  de  Londres,  de  Westminster  Abbey,  de  King's 
Collège  Cambridge,  des  Cathédrales  de  Gantorbery,  d'Ely,  etc., 
pour  se  rendre  compte  de  l'effet  de  ces  jeux  dans  une  grande  nef. 

PAGE  27.  —  FuGABA  :  Salicional  de  4,  ou  Kéraulo- 
phone   de  i. 

Inexact  :  C'est  un  jeu  de  8  pieds  spécial  plus  gros  que 
le  salicional,   avec    une  bouche  plus  large  et    qui  peut    subir 


17«       RÉPONSE  AU  LIVRE  «L'ORGUE  MODERNE. 

une  harmonisation  vigourease,  tranchante,  mordante  et  chanter 
fort  ;  donc  différent  du  salicional,  dont  la  sonorité  doit  rester 
Toilée,  tout  en  laissant  percevoir  le  cortège  des  harmoniques 
propres  à  la  famille  des  gambes. 

PAGE  27.  —  Gemshorn  :  jeu  le  plus  doux  du 
genre  salicional  ;  le  tuyaux  se  rétrécissent  en  forme  de 
cône  afin  d'en  atténuer  le  son. 

liais  nullement  :  un  gemshorn  n'est  pas  plus  doux  qu'un 
salicional,  qui  lui  doit-être  toujours  d'une  sonorité  discrète  ;  il 
peut  chanter  fort;  et  même,  s'il  est  de  grosse  taille,  presque 
aussi  fort  qu'une  montre  à  la  française. 

La  forme  rétrécie  conique  d'un  tuyau  n'est  donc  pas 
une  condition  requise  pour  en  atténuer  le  son  ;  puisque 
d'autre  part,  les  doice  de  8,  de  4  (que  M.  Cellier  ne  daigne 
même  pas  citer)  sont  des  jeux  évasés,  dont  la  sonorité  est 
tellement  douce  que.  boite  fermée,  elle  est  presque  impercep- 
tible. 

L'auteur  range,  à  coté  de  la  montre,  le  salicional,  le  fugara, 
le  gemshorn  dans  les  jeux  de  diapason  moyen,  c'est-à-dire  de 
diamètre  moyen  ;  c'est  une  classification  toute  artificielle,  car 
les  timbres  très  différents  d'un  salicional  et  d'une  gambe 
peuvent  être  obtenus  de  tuyaux  ayant  le  même  diamètre,  le 
salicional,  avec  78  %  à  l'ut  de  8  pieds  ne  peut  être  mis 
dans  les  jeux  de  diamètre  moyen. 

Les  diamètres  des  tuyaux  facilitent  l'émergence  de  certains 
harmoniques  caractéristiques  du  timbre,  et  pour  l'organiste 
qui  ne  fait  pas  les  tuyaux,  mais  s'en  sert  comme  d'un 
matériel  sonore,  la  classification  doit  être  celle-ci  :  jeux  pro- 
duisant le  son  fondamental  de  l'orgue  ;  genre  diapason  ou 
principal  ;  jeux  de  timbre  flûte ,:  bourdons  et  flûtes  ;  jeux 
à  riche  cort^e  harmonique  :  gambes,  etc.,  etc. 

Les  tuyaux  d'orgue  étant  destinés  à  reproduire  des  sensa- 
tions sonores,  doivent  être  classés  par  le  type  des  sensations 
qu'ils  nous  donnent  par  leur  timbre,  c'est-à-dire  par  le  type 
et  la  force  des  cortèges  harmoniques,  qui,  en  accompagnant 
leur  son  fondamental,  créent  ce  timbre  caractéristique.  Tout 
le  reste  est  arbitraire  et  relève  du  catalogue  de  marchand  de 
tuyaux  bruts  qui  les  vend  au  poids.  C'est  Tharmoniste  qui 
donne  au  tuyau  son  individualité  par  le  travail  de  la  bouche  ; 
un  tuyau  de  dolce  peut  être  harmonisé  de  façon  à  parler 
aussi  fort  qu'une  montre  et  avec  une  sonorité  très  franche  et 
très  vigoureuse. 


RÉPONSE  AU  LIVRE  t  L'ORGUE  MODERNE.  179 

PAGE  28.  —  Jeux  a  Diapason  étroit  :  L'auteur  cite 
la  viole  de  gambe,  la  voix  céleste  et  la  dulciane,  qu'il  ne 
connaît  qu'en  4  et  8  pieds,  alors  qu'elle  est  très  fréquem- 
ment employée  en  16  pieds  dans  les  plus  grandes  orgues 
anglaises. 

Cette  nomenclature  écourtée  était  peut-être  exacte  en 
1865,  mais  depuis  l'œoline,  la  viole  d'orchestre,  la  viole 
sourdine,  la  gambe  obœ  ont  acquis  droit  de  cité  dans  l'orgue. 
Cette  famille  s'est  enrichie  de  la  gambe  stentor,  qui  sonne 
presque  comme  une  petite  trompette  quand  elle  est  sur  vent 
fort;  ce  sont  des  jeux  caractéristiques  de  la  famille  des 
gambes  modernes,  elles  paraissent  inconnues  de  l'auteur. 

PAGE  29.  —  Parlant  de  la  céleste,  il  dit  :  ses  batle- 
ments  rendent  ce  jeu  impropre  à  se  mélanger  avec  les  i- 
pieds,  les  anches  et  les  mixtures  !  !!! 

Objection  purement  théorique,  que  l'auteur  en  fasse  l'expé- 
rience :  une  flûte  de  quatre  forme  un  charmant  mélange  avec 
la  céleste,  qui  fait  aussi  bonne  compagnie  avec  la  voix 
humaine,  avec  le  quintaton.  Je  viens,  avant  d'écrire  ces 
lignes,  de  refaire  cette  expérience  sur  mon  orgue;  c'est  la 
pratique  de  beaucoup   d'organistes. 

Un  hautbois  très  délicat  (genre  orchestral  obœ  anglais) 
serait  peut-être  un  peu  altéré  par  une  céleste  trop  fortement 
embouchée,  mais  en  quoi  voulez-vous  qu'elle  gêne  une  bonne 
trompette  harmonique  ;  ou  modifie  sensiblement  les  pétille- 
ments  d'un  petit  plein  jeu  de  récit  ? 

Pas  un  mot  sur  les  célestes  modernes  à  3  rangs  ;  l'unda 
maris  n'est  pas,  comme  le  dit  l'auteur,  une  «  céleste  moins 
discordée  »,  mais  bien  un  jeu  ondulant  avec  des  tuyaux 
moins  tranchants  que  ceux  de  la  gambe  :  avec  des  gemshorns, 
ou  même  des  flûtes,   des  bourdons  un  peu    quintoyants. 

PAGE  29.  —  Jeux  a  Diapason  large  :  M.  Cellier  n'y 
place  que  les  flûtes,  harmoniques  ou  non. 

Alors,  où  mettre  les  «  diapasons  anglais  »  ayant  respecti- 
vement 150  %,  90  %,  55  X  de  diamètre  à  l'ut  de  8.  4,  et 
2  pieds  ?  Parlant  de  la  flûte  harmonique  de  8,  il  nous  la 
donne  comme  le  jeu  de  flûte  le  plus  puissant  de  l'orgue  (!)  ; 
il  n'a  jamais  entendu  un  seraphone  flûte  ou  un  stentor 
flûte. 

PAGE  30.  —  La  «  flûte  traversière  »,  pour  bien  imiter 
la  flûte  d'orchestre,  ne  doit  pas  être  un  jeu  à  diapason  large, 


180  RÉPONSE  AU  LIVRE  «L'ORGUE  MODERNE. 

car  la  flûte  Bœhm  est  un  instrument  de  diapason  étroit  dans 
le  grave  où  elle  sonne  comme  un  salicional,  et  de  diapason 
progressivement  croissant  à  mesure  que  l'on  monte,  le  tube 
devenant  de  plus  en  plus  court  par  Touverture  des  clefs, 
tout  en  gardant  le  même  diamètre. 

PAGE  31.  —  La  flûte  creuse  (Holh  flûte)  et  la  flûte  à 
pavillon  (Bell  diapason)  sont  citées  comme  «  des  jeux  à  peu 
près   identiques.  » 

Opinion  discutable  :  la  vraie  flûte  creuse  avec  sa  bouche 
coupée  très  haute  (presque  à  la  moitié)  et  la  lèvre  supérieure 
arrondie  pour  éteindre  certains  harmoniques  supérieurs  est 
différente  de  la  flûte  à  pavillon  avec  bouche  coupée  au  tiers  ; 
je   parle    des   jeux    types    et   non  des    imitations  déformées. 

L'auteur  termine  là  son  énumération  des  flûtes;  alors,  la 
Vienna  Flote  avec  bouche  circulaire,  la  flûte  en  pointe,  la 
Clarabella,  toute  la  famille  des  tibias,  des  flûtes  d'écho  à 
sonorité  voilée,  etc.,  etc.,  inconnues  au  bataillon  ? 

PAGE  32.  —  En  28  lignes,  M.  Cellier  expédie  la 
description  de  la  très  intéressante  famille  des  bourdons, 
consacrant  21  mots  en  tout  à  la  sous-famille  des 
bourdons    à   cheminée  ! 

Mais,  puisqu'il  nous  parle  de  facture  française,  ignore- 
t-il  que  les  tuyaux  polyphones  de  M.  Debierre,  l'excellent 
facteur  nantais,  sont  des  flûtes  à  cheminée  non  apparente  ? 
A-t  il  jamais  entendu  cette  variété  de  bourdon  à  cheminée  si 
caractéristique,  le  «  clarinet  flote  ».  Le  quintaton  moderne, 
vrai  jeu  de  solo,  n'est  pas  décrit  ;  les  bourdons  à  double 
bouche,  les  demi-bourdons  ou  flûtes  couvertes,  le  lieblich- 
gedackt,  les  tuyaux   bouchés   harmoniques,  etc.,  etc.,  ignorés  ! 

PAGE  33.  —  Nous  trouvons,  à  propos  des  mixtures  et 
mutations,  cette  phrase  stupéfiante  •  les  tuyaux  d'orgues  ne 
produisant  pas  de  résonances  harmoniques  appréciables  ». 

J'ai  relu  plusieurs  fois  »  pas  de  résonances  harmoniques 
appréciables  »   !  I 

Mais,  cher  Monsieur,  ils  ne  font  que  cela  ces  braves 
tuyaux.  Sortis  des  mains  du  soudeur,  ces  tuyaux  passent 
dans  celles  de  l'harmoniste,  dont  le  talent  réside  dans  le 
réglage  de  la  quantité  et  de  l'intensité  avec  lesquelles  il 
laissera  émerger  certains  de  ces  harmoniques,  toujours  présents 
à  côté  du  son  fondamental  ;  ces  inévitables  harmoniques  sont 
catalogués  pour  chaque  type  de  tuyau  ;  et  ils  ne  sont  pas 
les  mêmes  pour  le  tuyau  bouché  ou  le  tuyau  ouvert. 


RÉPONSE  AU  LIVRE  «L'ORGUE  MODERNE.  181 

Mais  vous  nous  avez  parlé  page  24  des  flûtes  harmoniques 
qui  font  entendre  leur  premier  harmonique  :  l'octave  ;  page  33, 
du  quintaton  qui  «  possède  la  curieuse  propriété  de  faire  entendre  : 
avec  le  son  fondamental  une  quinte  très  douce  ».  Mais  ça  n'est 
pas  curieux  du  tout,  c'est  très  naturel,  parce  que  le  premier 
harmonique  d'un  tuyau  bouché  c'est  sa  quinte  ;  ce  qui  serait 
curieux,  mais  tout  à  fait  curieux,  c'est  que  ce  bourdon  donnât 
en  premier  harmonique  l'octave  comme  un  tuyau  ouvert. 

Votre  comparaison  du  son  fondamental  «  comparable  à  un 
caillou  tombant  dans  l'eau  et  de  ses  harmoniques  aux  ondes  concen- 
triques qui  en  résultent  »,  même  sous  la  réserve  omnis  compa- 
ratio  claudicat,  est  mauvaise  :  les  ondes  concentriques  se 
.succèdent,  tandis  que  les  harmoniques  sont  émis  simultanément 
avec  le  son  fondamental,  la  famille  des  gambes  présente  même 
une  anticipation  du  cortège  harmonique  sur  la  note  fondamentale, 
comme  la  corde  d'un  violoncelle  sous  la  morsure  de  l'archet,  etc., 
etc.,  etc. 

PAGE  34.  —  Vous  comparez  le  rôle  des  jeux  de  mutations 
«  à  celui  des  assaisonnements  tel  que  le  sel,  le  vinaigre,  la 
«  moutarde,  etc  ,  aussi  désagréables  à  goûter  «  seuls  » 
«  qu'ils  sont  agréables  lorsqu'ils  relèvent  un  plat  qui 
«  serait  fade  sans  eux  ». 

Mais  alors,  pourquoi  consacrez-vous  un  alinéa  laudatif  au 
nasard  joué  en  «  solo  »  ou  en  détail,  ou  en  duo  avec  le  cro- 
morne  ? 

Dans  votre  énumération  des  mixtures  composées,  vous 
oubliez  qu'il  y  a  des  mixtures  modernes  composées  de 
tuyaux  de  la  famille  des  gambes  «  cornet  dulciana,  mixtura 
aetherea  »,  et  même  formées  de  rangs  de  tuyaux  de  timbre 
différent. 

Dans  votre  conception  du  rôle  des  jeux  de'  mutation  vous 
en  êtes  resté  à  l'ancien  orgue,  dont  les  tuyaux  faiblement 
embouchés  avec  du  vent  à  petite  pression,  produisaient  des 
cortèges  harmoniques  faibles  et  des  différences  de  timbre 
peu  marquées,  d'où  un  manque  d'éclat  et  de  clarté,  surtout 
dans  l'aigu.  De  là  vint  la  nécessité  d'y  annexer  des  «  harmo- 
niques artificiels  de  renfort  »  pour  varier  le  timbre  et  rétablir 
l'équilibre  entre  les  dessus  et  les  basses. 

Mais,  dans  l'orgue  moderne,  cet  équilibre  des  dessus  et 
des  basses,  avec  l'éclat  et  la  clarté  désirables,  sont  facilement 
obtenus  sans  jeux  de  mutations  obligatoires  :  l'harmonisation 
des  jeux  modernes  réalisant  une  bonne   émission  du   cortège 


182  RÉPONSE  AU  LIVRE  «L'ORGUE  MODERNE. 

harmonique  dans  l'aigu,  les  mutations  n'y  sont  indispensables 
que  pour  exécuter  la  musique  ancienne  ou  produire  des  effets 
de  sonorité  spéciale. 

PAGE  40.  —  Dans  la  fanïille  des  trompettes  et  bombardes, 
l'auteur  ne  signale  que  la  trompette  ;  il  fait  une  juste 
remarque  à  prof>os  des  tuyaux  en  chamade  dans  lesquels  la 
poussière  ne  tombe  pas,  mais  ne  connaît  pas  les  trompettes 
couvertes  de  Walker  de  Londres,  et  la  pratique  anglaise  de 
couder  tous  les  tuyaux  d'un  jeu  d'anche  pour  éviter  l'intro- 
duction de  la  poussière. 

Pas  un  mot  sur  la  famille  des  Tubas  inventée  par 
Willis,  en  Angleterre,  et  dont  la  qualité  de  son  comme  anches 
de  grand  choeur  «  chorus  reeds  »  est  si  différente  de  celle  de 
nos  trompettes,  car  elle  se  rapproche  beaucoup  plus  du  tuba 
de  l'orchestre  wagnérien. 

Rien  sur  1'  «  Orchestral   obœ  »,  de  l'école  anglaise. 

Rien  sur  la  clarinette  à  tuyaux  couverts,  presque  fermés, 
imitant  mieux  la  sonorité  d'orchestre  que  la  clarinette  à 
pavillon  de  Gavaillé-Coll. 

PAGE  42.  —  L'auteur  expédie  en  quatre  lignes  les  jeux 
d'anches  libres  :  «  en  France  notamment  on  a  renoncé  à 
«  ces  jeux  ne  tenant  pas  l'accord  et  donnant  des  sons 
«  mous  et  grêles  ». 

Inexact  :  les  anches  libres  tiennent  trop  l'accord  (1)  ; 
tant  qu'aux  sons  mous  et  grêles,  M.  Cellier  a-t-il  entendu  à 
Lausanne,  à  Berne,  à  Ulm,  les  physarmonicas  ;  a-t-il  entendu 
les  tubas  et  bombardons  à  anches  libres  des  Orchestrions 
de    Welte,    dans    l'Ouverture    du     Tannhaiiser  ? 

A  propos  du  Cromorne  et  de  la  Voix  Humaine,  M.  Cellier 
emploie  le  mot  «  taille  »  d'une  façon  impropre  ;  en  facture 
d'orgue,  la  taille  signifie  la  grosseur  du  tuyau  et  non  sa 
longueur. 

Et  les  jeux  de  pédales  ?  Ils  auraient  bien  mérité  un  petit 
chapitre  à  part,  au  lieu  des  15  lignes  :  2  lignes  par-ci, 
5  lignes  par-là,  que  leur  réserve  trop  parcimonieusement 
l'auteur. 

Ce  soubassement  sonore  de  l'orgue,  qui  le  différencie 
tant  de  l'orchestre,  réclamait  une  description  d'ensemble,  puis 
un  examen  des  éléments  capables  de  le  constituer  par  les 
procédés  modernes  d'extension,  de  dédoublement,  etc.,  etc. 
C'est  une  grosse  lacune. 


(1)  Voir  note  page  93. 


RÉPONSE  AU  LIVRE  t  L'ORGUE  MODERNE.  183 

PAGE  43.  —  L'auteur  remercie  un  grand  facteur  parisien 
pour  lui  avoir  fourni  tous  les  documents  et  renseignements 
nécessaires  à  cet  ouvrage. 

Ah  !  ils  ne  sont  pas  nombreux  ni  nouveaux  les  docu- 
ments communiqués,  et  qui  ont  trait  à  des  orgues  comme 
on  les  construisait  il  y  a  60  ans!  Ces  renseignements  traînent 
dans  tous  les  comptes  rendus  d'inauguration  d'orgue,  et  dans 
les  vieux  livres  de  Hamel,  de  Régnier,  ils  sont  insuffisants 
pour  donner  une  idée  de  l'Orgue  Moderne  ;  pas  un  mot  des 
Diaphones,  des  leathered  diapasons,  des  labial  oboe,  labial 
clarinet,  etc.,  etc.  ;  pas   un  mot  sur  les  sons  résultants. 

PAGE  45.  —  Pourquoi  donner  comme  modèle  de  console 
moderne  1913,  la  console  de  Saint-Sulpice,  de  1863,  avec  sa 
pédale  d'expression  à  ressort  et  sa  vieille  disposition  en 
amphithéâtre,  alors  que  les  consoles  modernes  des  orgues  de 
200  jeux,  présentent  un  tirage  bien  plus  à  la  portée  des 
mains  de  l'exécutant. 

PAGE  47.  —  «  Dans  un  petit  orgue  à  2  daviers,  on 
«  ne  met  pas  d'anches  au  Grand  Orgue  de  nos  jours  ; 
«  préférant  les  grouper  au  Récit,  afin  de  rendre  la  puis- 
«  sance  de  l'orgue  plus  malléable  avec  la  botte  expressive, 
«  disposition  adoptée  surtout  pour  les  orgues  de  salon, 
«  même  à  3   claviers,  orgue   de   Guilmant,  à  Meudon  ». 

Mais  il  n'y  a  qu'à  mettre  les  anches  du  G.  0.  dans  une 
boite  expressive  spéciale,  car  un  orgue  de  salon  vraiment 
moderne  à  2  claviers,  doit  avoir  2  boîtes  expressives,  et 
s'il  y  a  3  claviers,  3  boîtes  expressives,  ne  laissant  en  dehors 
des  boîtes  que  les  fonds  de  pédale  et  aux  manuels  quelques 
jeux  fondamentaux  donnant   la  sonorité  d'orgue  pure. 

A  la  cathédrale  d'Albi,  sur  74  jeux,  il  y  en  a  38  expres- 
sifs, ce  qui  ne  nuit  pas  à  la  puissance  de  l'instrument;  mais 
il  n'a  pas  été  fait  par  un  facteur  parisien. 

PAGE  52.  —  Le  levier  pneumatique  de  Barker  a 
rendu  possible  d'accoupler  plusieurs  claviers,  sans  que 
le  toucher  en   soit   plus   dur  que   celui    d'un    bon   piano. 

Exagération  :  même  avec  une  machine  de  Barker,  il  faut 
125  gr.  environ  pour  abaisser  la  touche,  tandis  que  dans  un 
bon  piano  l'échappement  déclanche  à  70  grammes. 

Les  systèmes  tubulaire  et  électrique  dont  M.  Cellier  ne 
parle    pas,  permettent  tous    les  accouplements   à  l'unisson,  à 


-  T-i_»       t^'ij;.k      'ia  T      'jtt      tyAZ^'rt      U      G-    O. 

Jip  c  !■  fmîâU  :woîr  uemtrmlûer  ce  daner, 

maamfÊ^mKmi  ma  ihnuu  cmbkts  ,  IMBr  cna. 
ap^  ^  G.  O.  occrodke  oa  «crodbe 
«  !■  fmrUe  ém  mÊfmuiime  fm  lire  tes  sompapes  du 
«  aoÊÊmâer  ée  G.  O.  ». 

cfcat  iHliis  :  ne  àmfle  anvape  «litfiwiMtioB  de 
!■  6.O. 


PAG£  Sfc.  —  /Vdbfcs    ^«ppef   de  famds,   a    Forgé 
9  pouède  UK   mmrUme  de  Barktr  ». 

Mais  celte  reaiiliM   c«  iHtile:    B   fut 


pédale  d-irtradfliM  de 
la  aachûe  de  Barker  et 
de  Gavaillè<:elL 

tnlmlairaa  •■ 
les   je«x  de  fiMd«    de  alapsrte   qod 


PAGE  54.—  Il  nm Iliiia  iiMinaw  \u\  la  pidale 

de  Béât  mm  naiilir  «rt  fwt  otfle;   Q  la  cketckoait 
les  GaOéftaka  r ft  ■i«i,  dXMéan. 
ià  «aad  firats  nr  GnailIMML 


BÈPOySE.  AU  LfVTlE  .  LOBGLE  MODEFOE  .  135 


Tatioa  (déjà  ancieBne  !>  N' as  v  ofpoimcMj  TApiiiioB  fut 
musieMa  de  fba  haute  ea^trgm  eacote.  ■  Seanac  maek 
nore  aiwre  ■.  celle  de  Liât,  q«i  «■  rrc— miailf  rc^ptai  et 
a  pris  soin  de  le  noler  dass  ses  <t«nea  dTeigae. 

Lorsqu'un  fa^eor  de  provînee  iairoAùst  cette  ppihlr  de 
creseeado,  il  y  a  18  ans.  dans  TmguL  das  A»eugki>  i  Paris, 
rtode  pariâeBoe  en  cril^pa  riifliii,  fane  fae,  daa»  Terfoe, 
on  doit  registrer  par  plaas,  diaail-«B  ;  funum 
si,  lenr  masique  ea  maio,  on  exanae  les 
tion  de  ceux  qui  en  repoossaient  Fi 


PAGE  56.  —  L'antenr  déclare  le  STstème  des  jeux  eoml»- 
nés  de  la  Maison  Matin  (orgue  de  la  Salle  Gavean)  «  le  plms 
parfait  qui  existe»,  alors  qui!  ff 'iwla  i|»Blt[ari  imper- 
fections : 

1*  Impossibilité  de  combiner  des  accoopkmeats  pt^fiés  ; 

2*  Obligation  de   manipuler  deux  registres  :  un    à  droite,  on 

à  gauche,  pour  préparer  la  combiBaîaoa  «■  saa   éei 

des  jeux  à  combiner  :  3*  Aucun   indice  poaMttaat  de 

si  tel  jeu  fait  partie  de   telle  ou   telle   combinaison  préparée. 

Quant  au  désir  de  M.  Cellier  «  qa'on  puisse  revenir  à 
a  une  combinaison  quittée  pour  retrouver  des  sonorités 
«  déjà  entendues  a,  il  est  automatiquement  comblé  daas  m 
orgue  moderne  :  dès  que  l'on  appelle  une  combinaison,  tons 
les  autres  jeux  qui  n'en  font  pas  partie  se  taisent  ;  dès 
qu'on  annule  cette  combinaison,  ces  jeux  parlent  à  noareau  ; 
c'est  élémentaire  en  facture  moderne,  et  en  pressant  on  sii^le 
bouton  entre  les  claviers,  ou  une  pédale  faisant  le  aitaie 
effet,   si  les   mains  sont  occupées. 

Certes,  nos  facteurs  de  province  :  Abbey,  Debierre.  Didier. 
Puget.  Ghys  n'ont  rien  à  apprendre  de  l'école  parisienne  en 
fait  de  mécanisme  moderne,  ce  serait  plutôt  le  contraire. 

PAGE  60.  —  «r  77  a  faUa  attendre  te  XIX»  siècle, 
a  pour  que  l'orgue  atteigne  le  degré  de  perfection  dési- 
c  rable  pour  qu'il  soit  utile  ^indiquer  une  registration 
«  spéciale  ». 

Ce  n'était  point  l'avis  de  Dom  Bedos,  qui.  en  1750  (^p*S* 
5â3\  a  fait  exactement  ce  que  fait  M.  Cellier  pour  la  regîstm- 
tion  moderne,  et  consacre  '14  grandes  pages  in-folio  «  «■x 
«  principaux  métanges  dfs  jeux  de  COrguf.  tiis.  erammés,  eani- 
*  gès  el  approuvés  par  Us  plus  habiles  organistes  dt  i^■rts,  Mt 
c  que   MM.   Calvière.   Fouquet^    Couperin,  Batbosin  «l    wHrts  >. 


186  RÉPONSE  AU  LIVRE  .  L'ORGUE  MODERNE  . 

Vous  avez  cité  Dom  Bedos  dans  votre  mince  bibliogra- 
phie, mais  vous  ne  l'avez  même  pas  lu,  car  dans  votre 
chapitre  «  Registration  ancienne  »,  vous  n'en  parlez  pas. 
Page  81,  vous  vous  contredites  vous  même  en  reconnaissant: 
«  que  les  organistes  français  Raison,  Grigny,  Clérambaut,  Da— 
quin,  Couperin  regisiraient  volontiers  et  avec  soin  leurs  œuvres 
d'orgues  ».  Et  ils  avaient  raison,  car  en  dehors  des  gambes, 
leurs  orgues  possédaient  tous  les  timbres  typiques  actuels  : 
montres,  flûtes,  bourdons  trompette,  bombarde,  hautbois, 
clarinette,  voix  humaine,  jeux  de  mutation  simples  et  compo- 
sés. 

Je  ne  vous  taquinerai  même  pas  sur  le  jeu  de  Nasard 
«  rutilant  »  (?)  «  joué  en  solo  ou  en  détail,  ou  sur  un  duo 
«  de  Cromorne  et  Nasard  évoquant  à  merueille  Philémon 
«  et  Baucis  »  !?!? 

PAGE  100.  —  Sur  l'architecture  des  Salles,  vous  êtes 
également  documenté  comme  en  1864,  et  parlez  «  des  doc- 
((  trines  acoustiques  de  Cavaillé-Coll  fondées  sur  des 
«  données  scientifiques  rigoureuses  »  ;  lesquelles  dans  l'espèce? 
Je  prélère  la  fin  de  votre  phrase  «  et  sur  une  expérience 
«  méritant  quelque  considération  ». 

Mais  pourquoi  ne  souflez-vous  mot  des  recherches  de 
Wallace-Sabine  et  de  Marage  f  Pourquoi,  parlant  de  la  Salle 
du  Trocadéro,  oubliez-vous  de  mentionner  les  remarquables 
expériences  de  M.  Gustave  Lyon  Pleyel  ?  C'est  un  savant  qui 
fait  autorité  en  la  matière,  car  il  prouve  par  des  faits,  et  non  par 
des  mots,  ce  qu'il  avance  sur  les  qualités  et  les  défauts  acous- 
tiques d'une  salle. 

Je  ne  vous  donnerai  pas  mon  opinion  sur  la  fuçon  dont 
vous  comprenez  et  cherchez  à  enseigner  la  registration  mo- 
derne, ce  n'est  plus  une  question  de  faits,  mais  une  affaire 
de   goût  où    toute    discussion  est    vaine. 

Je  me  bornerai  à  remarquer  que  le  fait  de  choisir  tous 
vos  exemples  dans  les  œuvres  des  organistes  parisiens  (sauf 
Bossi  et  Liszt,  cités  chacun  une  fois),  semble  montrer  un 
particularisme   étrange  en  matière  d'esthétique. 

Votre  sèche  énumération  des  noms  d'auteurs  ne  cite  en 
France  qu'un  seul  organiste  de  province,  M.  Messerer  ;  en 
Angleterre,  vous  omettez  de  citer  le  nom  du  grand  virtuose 
W.  Best,  qui  était  un  maître  dans  l'art  de  la  registration. 
Dans  ses  œuvres  originales  comme  dans  ses  transcriptions, 
il  y  avait  beaucoup  à  prendre. 


RÉPONSE  AU  LIVRE  •  L'ORGUE  MODERNE  •  187 


Somme  toute,  votre  thèse  sur  l'Orgue  moderne,  le  méca- 
nisme, les  combinaisons  etc.,  est  fort  incomplète,  et  révèle 
que  vous  n'êtes  pas  au  courant  de  la  question  :  Or,  je  l'ai  dit 
en  commençant;  votre  bibliographie  indigente  me  l'avait  fait 
prévoir. 

Donc,  en  leur  présentant  votre  livre  comme  un  «  travail 
d'érudition  et  un  ouvrage  didactique  »,  tous  les  techniciens 
et  vrais  connaisseurs  en  facture  d'orgue  se  demanderont  si 
M.  Vierne  n'a  pas  voulu  se  «  payer  leur  tête  »,  et  les 
étrangers  qui  savent  ce  que  c'est  qu'un  orgue  moderne,  se 
riront  de  nous. 

Mais  alors,  c'est   un    méchant  tour  que  M.   l'Organiste  de 
la  Métropole    de    Paris   vous    a    joué,    et    peut-être  aussi  un 
vilain   tour  qu'il  s'est  joué  à  lui-même  ? 
Car  vous    voyez    d'ici  le    dilemme  : 

Ou  bien  M.    Vierne    a    pris    connaissance    de    votre  livre 
avanl  d'écrire  sa  préface  ? 
Ou  bien  il  ne  l'a  pas  lu  ? 

S'il  n'a  pas  lu  votre  livre,  cette  préface  dithyrambique 
est,  de  la  part  de  M.  Vierne,  organiste  à  Notre-Dame  de 
Paris  et  professeur  à  la  Schola  Cantorum  un  acte  de  légèreté 
inconcevable. 

Si  M.  Vierne  a  pris  connaissance  de  votre  livre,  un 
nouveau    dilemme    se   pose  : 

Ou  bien  M.  Vierne  est  incompétent  et,  quoique  grand 
organiste,  s'est  montré  ignorant  en  facture  d'orgue  puisqu'il  a 
accepté  la  responsabilité  de  présenter  naïvement  votre  livre 
au  public  comme  un  «  livre  utile  à  ceux  qui  voudront  aller  au 
«  fond  des  choses  et  comprendre  absolument  leur  pourquoi.  »(!) 
Ou    bien,    M.    Vierne    est    compétent,   au    courant    de    la 

question,   et  alors? Simple  bluff  parisien  à  l'américaine? 

Bluff  calculé  ?  M.  Vierne  a  cru  que  l'autorité  de  son  nom 
d'organiste  de  Notre-Dame  ferait  office  de  pavillon  et  couvri- 
rait la  marchandise. 

Il  s'est  grossièrement  mépris  :  nous  ne  sommes  pas  si 
«  poires  »  que  cela,  en  province,  nous  n'y  croyons  plus  à 
l'infaillibilité  des  directeurs  de  conscience  parisiens  en  facture 
d'orgue. 

Pour  résumer,  sauf  quelques  lignes  par -ci,  par-là,  votre 
travail  ne  contient,  touchant  la  facture,  rien  qui  ne  se  trouve 
dans  la  description  de  l'orgue  de  Saint-Denis,  de  1843.  Or, 
depuis,  la  facture  française  a  fait  des  progrès,  et  les  facteurs 
étrangers  aussi. 


18*  RÉPONSE  AL'  LIVRE  .  L'ORGl  E   MODERNE  . 

Mais  ces  derniers  uniquement  en  recopiant  et  développant 
deux  inventions  françaises  :  la  transmission  tabulaire,  et  la 
transmission  électrique.  Il  en  fut  de  même  pour  les  instru- 
ments automatiques  :  pianista,  pianola,  pleyela.  etc.,  dont  le 
premier  fut  construit  en  France,   vers  1863. 

Ces  inventions  fécondes,  admirables,  mal  comprises,  déni- 
grées, puis  combattues  par  l'école  des  pontifes  et  sous-pontifes 
parisiens,  sont  allées  prendre  un  magnifique  essor  à  l'étranger 
d'où  elles  nous  sont  revenues. 

Croyez,  néanmoins.  Monsieur,  que  j'excuse  votre  incom- 
pétence,  parce  que  je  la  crois  de  bonne  foi. 

Dans  l'Université  nous  ne  faisons  jamais  un  crime  à  un 
étudiant  de  ne  pjis  apporter  un  travail  complet  ;  mais,  si  ce 
travail  sort  dun  laboratoire,  où  il  lui  a  été  inspiré  et  revu 
par  quelqu'un  qui,  en  l'endossant  par  une  préface,  en  prend 
la  responsabilité,  alors  c'est  sur  l'inspirateur  que  tout  retombe. 

Donc,  je  m'adresse  maintenant  à  votre  préfacier  M.  Louis 
Vierne. 

Permettez-moi,  cher  Maître,  de  vous  le  faire  remarquer  : 
si,  dans  une  Faculté  de  province  un  étudiant  présentait  une 
thèse  sur  la  D\'namo  moderne  et  n'y  parlait,  en  1914,  que  des 
premières  Dynamos  de  Gramme  et  de  Siemens,  fort  admirées 
d'ailleurs  vers  1874.  on  ne  lui  laisserait  pas  imprimer  sa  thèse  ; 
cependant,  si  cette  thèse  avait  pour  égide  la  préface  d'un 
Professeur  de  Paris  analogue  à  celle  que  vous  avez  écrite 
pour  M.  Cellier,  le  Jury  accorderait  l'imprimatur,  pour  avoir 
le  malin  plaisir,  à  l'argumentation,  de  dauber  sur  l'inspira- 
teur, tout  en  ayant  le  regret  de  donner  finalement  des  t)ouIes 
noires  au  candidat. 

Vous  ne  l'ignorez  pas,  cher  Maître,  en  Angleterre,  le  grade 
de  Doctorat  en  Musique  existe.  Vous  figurez-vous  l'accueil 
reçu  à  l'Université  de  Cambridge  ou  d'Oxford,  par  l' c  Orçue 
Moderne  »    adomé  de  votre  préface  ? 

On  en  parlerait  pendant  longtemps,  non  du  travail  de 
M.  Cellier,  mais  de  la  monumentale  et  grandiloquente  préface 
où  vous  déclarez  que  «  pour  édifier  (!)  pareil  livre  il  fallait 
«  en  outre  d'une  expérience  sagace  et  raffinée,  une  somme 
«  de    connaisï-ances     physiques,    physchologiques,    artistiques 

«jointe  à    une    solide   érudition  >  et    que    vous    n'avez 

«  aucun  doute  sur  la  portée  artistique  à  laquelle  peut  pré- 
«  tendre  cet  ouvrage  »  capable,  d'après  vous,  de  «  servir  de 
«  consécration  et  d'évangile  (!!)  à  cette  renaissance  du  Grand 
«  Art  de  l'Orgue  ». 


RÉPONSE  AU  LIVRE  c  L'ORGUE  MODERNE  .  1?9 

Croyez-Toos  que.  par  ricochet,  il  en  rejaillirait  beancoop 
de  gloire  sor  la  grare  Schola  CarUomm  qui,  à  tort  oo  à 
raison,  passe  pour  £aire  la  niqae  ao  Conserratoire  ? 

L'antre  jour,  reclassant  les  lettres,  articles  de  jouroanx, 
de  reToes  etc.,  etc.,  où  certains  pontifes  parisiens  et  leurs 
acolytes  armés  du  c  magister  dixit  •,  ont  cherdié  systémati- 
qnement,  depuis  25  ans,  a  décrier  les  systèmes  tnhnlaire  et 
électrique  (nous  en  eûmes  une  preuTe  toute  récolte  pour 
rOi^e  du  Théâtre  de  Lille),  j'ai  relu  Totre  article  du  Coarrier 
Musical,  1913,  et  j'ai  pensé  opportun,  en  terminant,  de  tous 
donner  on  petit  acompte  sur  la  part  qui  tous  revient  dans 
un  travail  sous  presse,  et  on  tous  serez  en  illustre  compagnie, 
non  loin  de  Celui  qui  a  osé  écrire  dans  un  traité  didaetîqiie  : 
que  le  système  tubnlaire  c  ne  permet  pas  de  li«r  dans  nn 
«  mooTement  modéré,  une  gamme  ascendante  en  c  croches  • 
•  et  cela  à  cause  €  de  la  dépense  considérable  du  vent  qui 
«  doit  circuler  dans  les  tubes  arant  d'atteindre  le  c  tuyan  •  !  '. 

Cet  acompte  j'aurais  pu  vous  le  faire  passer  en  emprun- 
tant le  style  expressif  de  M.  Benlemans,  de  Bruxelles,  où  je 
termine  cette  réponse  à  M.  Cellier,  mais  j'ai  préféré  toos  le 
donner  en  latin. 

Non  parce  que  le  latin  dans  les  mots  brare  HiMUiêteté; 
(j'ai  In  mon  Léon  Bloy,  sarez-Toos  pour  une  fois),  mais 
parce  qae  cela  me  paraît  mieux  convenir,  étant  donné  rotre 
titre   de  Magisler  Schobt  Caniortim. 

Tu  autem,  Ladovice,  eminens  inter  eminentes,  in 
pulsandis,  si  non  in  oeraciter  describendis  organis,  haad 
dignam  in  artibas  istiasce  modi  <  le  meiUear  chocolat 
est  le  chocolat  de  la  Maison  Fantassin  »  doctrinam,  per 
fas  et  aliquantulam  per  nefas.  constitaere  profiterique 
conans,  graviter  errare  mihi  videris. 

Mémento  errare  hamanum  est  persevemre  aatein 
diaholicam. 

Valeas  et  plarimam  ! 

D'  G.  BÉDART-