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LES OUVRIERS DES DEUX MONDES.
Deuxième série. — Tome quatrième.
SOCIÉTÉ D'ÉCONOMIE SOCIALE,
SECHKTAltlAT : oi, lU K DK SEINE. l'ARlS.
LES OUVRIERS EUROrÉENS, par F. Lk Play.
SOXXAIRR do la r édition : T. I : L« méthode d'observation. — T. II : Les ouvriers de l'Orient. — T. III : Les
ouvriers du Nord. — T. IV : Les ouvriers de l'Occident (.yopulatUm» ttablet). — T. V : Les ouvriers de l'Occi-
dent {populationM ébranUei). — T. VI : Les ouvriers de l'Occident (populalùnu détorganùéea).
Prix de chn/iite vohime, 6 fr. 50.
LES OUVRIERS BES DEUX MONDES (suite des Ouvriers européens de F. Le Play), publiés
piir la Société d'Écosomik sociale.
1" Rhrik, r"""!"" ÉI)"is<'-e ; t. I il V. Prix : «0 fr. (Lis t. II ;\ V se vciulcnt sr)iiiri'ment ftu prix de 10 fr.l.
TOME Itr.
1. Chnrpentier do Paris.
I. Manœuvre-sKrifultiMir de In OinnipuRne.
3, Paysans en coniniuiiaulé du Lavedan (U'^'-Pyré-
nt-cs).
4. Paysan du Laijourd {B--Pyrén(-os1.
5. Métayer de la banlieue de Florence.
6, Nourrisseur de vaches de la banlieue de Londres
(Surrey).
ï. Tisseur on chftles de Paris.
H. Manoeuvre-agriculteur du comté de Nottinpham.
y. P*"eheiir cfttier, maître de barqties de Saint-Sébastien.
TOMIC II.
In, Kerbliiiitier, convreur *ti vitrier d'Aix-les-Bains.
II. <>arrier des environs de Paris.
l:'. Menuisier-ebariwntier (Nedjar) de Tanger.
13. Tailleur d'habits de Paris.
II. Compositeur typographe de Bruxelles.
I.'i. Décapenr d'untils en aeier, de la fabrique d'IIéri-
moncourt lUoubs).
16. Monteur d'outils en acier, id.
17. Porteur d'eau de Paris.
18. Paysans en communaolé et en polygamie, do Bons-
rali, dans le Haourân (Syrie).
19. P/harileur et piochour de craie du la banlieue de
Paris.
TOME IH.
20. Brodeuse des Vosges.
SI. Paysan et savonnier de la basse Provence.
K2. Mineur des placers du comté de Mariposa (Cali-
ï.t. Manœuvre-vigneron de l'Annis (Charent«-Inf).
2t. Linpère do Lille.
tu. Parfumeur de Tunis,
se. Instituteur rural de l'Eure.
27. MancBtivre à famille nombreuse de Paris.
2«. Fondeur de plomb des Alpes apuanes.
29. Paysan d'un village à banlieue morcelée du Loon-
nais.
30. Paysans en communauté de Ning-Po-Fou (province
de Tché-Kian).
31. Mulâtre aflFranchi de l'île de la Réunion.
32. Manœuvre-vigneron de la basse Bourgogne.
33. (Compositeur typographe de Paris.
34. Auvergnat brocanteur en boutique à Paris
3'), Mineur de la Maremme de Toscane.
3i;. Tisserand des Vosges.
37. Pécheur côticr, maitrc de barques, de Marken (Hol-
lande).
TOME V.
38. Fermiers à communauté taisible du Nivernais.
3B. P^iysan de Saint-Irénée (Bas-Canada).
40. L'ouvrier éventailliste de Sainte-Geneviève (.Oise).
41. Cordonnier de Malakoff (Seine).
42. Serrurier-forgeron de Paris.
43. Brigadier de la garde républicaine, de Paris.
44. Paysan ré-'inier do Lévignacq (Landes).
4i. Bftehoron usager du comté de Dabo (Lorraine alle-
mande).
4G. Paysans en communauté ot colporteurs émigrant»
do la Grande-Kabylie (Algérie).
urs ; ch. vol,, I.-p fr. (ponr les m.iiibns, 12 fr.) ; rli, fuse, 2 fr. (par souseriplion, 1 fr. .V)).
TOME 1".
47. Paysan paludier du Bonrg de Batz (Loire-Inf.)
4S. Bordier» émancipés en communauté, de la Grando-
Kn>sie.
4S fci». Précis do l'Armurier do Toula (Grondc-Kussio).
49. Charron do Montatairo (Oise).
40. Kaîoneiem de Nevers.
61. Maraîcher de I)ouil iSeine-et-Oise).
4ï. Pécheur cfttior de Martiguos (Bouches-du-Bhûne).
53. MétJiyor du \tnytt d'Korto (Gascogne).
&4. Arabes pasteurs nomades du Sjiliara.
55. Oanti«>r do Grenoble.
TOMF. II.
511. Tounionr mécanicien de Sa'raing (Belgique).
.•,7. I;..r.!:. r 1.. rhf r. .le la flrnnl.-Kaliylie.
; -.1,1.1 (Algérie).
iretat ( Seine-Inf. ).
Min- Il et Hindou •migrant de la Marche.
r,a ,M I hiuisin houillerde la Ruhr.
«1. M r . r,., ,1.. L..rcttra (Sirlle).
f.J. Tnlll. i.r .1. .il. > .1 vigneron de l'Orli'nnais.
«3. Vigneron et métayer de Valmontonc (pr.de Rome).
G4. Paysans corses en communauté, de Bostelica.
TOME III.
0.'). Métayers en communauté du Confolentals (Cliarenle).
(">G. Vignerons de Ribeauvillé (Alsace).
66 bis. Précis du Pécheur côtier du Finmark ( Lo-
ponie).
66 ter. Précis du Tisserand d'IIilversnm (Pays-Bas).
67, Tis.serand de Oand (Belgique).
Ca. Paysan de la Capitanate (Italie).
69. Tanneur de Noitingham ( Anglctorre).
70. ChariHUtior indépendant de Paris.
71. Conduct^'ur typographe de llruxoUc».
72. Coutelier de Gembloui (Belgique).
TOME IV.
73. Ajust.ur surveillant de Guise (Aisne).
7 I. Kbéiiisti parisien de haut luxe.
75. Mélayir de l'ouest du Texas,
76. Ouvrière mouleuse do jouets parisiens,
77. Savetier de BAle.
78. Ouvrier do la papeterie d'AngouIéme.
79. Tisseur de Sun Louelo (Italie),
KO. Vermlors montagnards du Haut-ForcK.
Kl. Allumeur île réverbères de Nancy.
lt7V. ^'"^ *'-'
LES
OUVRIERS
DES DEUX MONDES.
ETUDES
LES TRAVAUX, LA VIE DOMESTIQUE ET LA CONDITION MORALE
DES POPULATIONS OUVRIÈRES DES DIVERSES CONTRÉES
ET SUR
LES RAPPORTS QUI LES UNISSENT AUX AUTRES CLASSES,
publiées sous forme de monographies
PAR LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE
DES ÉTUDES PRATIQUES d'ÉCONOMIE SOCIALE.
S"^ Séi-ie.
TOME QUATRIÈME.
PARIS,
LIBRAIRIE DE FIRMIN-DIDOT ET G'%
IMPRIMEURS DE L'iNSTITUT , RUE JACOB, 56,
1895.
SOMMAIRE
MONOGRAPHIES DE FAMILLES
PUBLIÉES DANS LE l'KÉSENT VOLLME.
.V 73. — AJUSTELR SLRVEILLAM DE L'LSl.NE DE GUISE (Aisne —
France), par M. Ukdain Guérix 1
N° 74. — ÉBÉNISTE PARISIEN DE HAUT LUXE (Seine — France, par
M. Pn-iuiE DU Maroussem t)3
iN'° 75. — METAYER DE L'OUEST DU TEXAS (États-Unis d'Amérique),
par M. Clal'dio .Jannet 101
N° 7G. — OUVRIÈRE MOULEUSE EN CARTONNAGE D'UNE FABRIQUE
COLLECTIVE DE JOUETS PARISIENS (Seine — France),
par M. PiEiuŒ DU Maroussem 17.3
N" 77. — SAVETIER DE BÂLE (Suisse), par .M. Cn. Lanf^olt -225
N" 78. — OUVRIER EMPLOYÉ DE LA FABRIQUE COLLECTIVE DE
PAPIERS D'ANGOULÊME (Charenle — France), par M. Ur-
bain GuÉiuN. 273
N« 79. — TISSEUR DE SAN LEUl'JO (Province de Caserte — Italie),
par M. Ilii'poi.YTE Sa.ntangelo Spotc». ... . 32.")
^o ^0. — FERMIERS MONTAGNARDS DU HAUT FOUEZ (Loire —
France), par M. Pucrhe du Maroussem 397
iN- «1, _ ALLUMEUR DE RÉVKBBÉRES DE NANCY (.Meurthe-et-Mo-
scllo — France , par M. Cil ASPic.NET 477
AVERTISSEMENT
SUR CE QUATRIEME TOME DE LA DEUXIÈME SÉRIE.
DES « OUVRIERS DES DEUX MONDES ».
Il n'est pas besoin, en présentant au public le tome IV de la
2^ série des Ouvrions des Deux Mondes (9*^ volume de la collection),
de rappeler une fois de plus le caractère expérimental et la
portée scientifique des monographies de familles. De pareilles
études, toutes dressées suivant une ordonnance uniforme qui
permet les comparaisons de détail, font seules pénétrer dans la
réalité intime de la vie domestique, du travail et de la condition
morale des populations ouvrières. Les nombreuses monogra-
phies publiées par F. Le Play dès 1855 dans les Oiivriei^s euro-
péens, celles plus nombreuses encore qui prennent place les
unes après les autres dans les Ouvriei's des Deux Mondes, ont
mis à leur rang véritable devant le public savant ces documents,
aussi intéressants pour l'histoire sociale que pour l'économie
politique, qui embrassent déjà plus d'un demi-siècle et qui ont
été recueillis dans les régions les plus variées. L'application de
ce procédé d'étude, de jour en jour plus fréquente en Angle-
terre, en Allemagne, en Italie, aux États-Unis, a été mentionnée
avec quelques développements ici même (V. l'Avertissement du
tome III, 2" série), et prouve par un irrécusable témoignage l'u-
tilité et la rigueur de la méthode fondée par Le Play.
Ce n'est pas à dire qu'on ne voie reparaître de temps à autre
des objections cent fois présentées, et toujours réfutées. Ceux
qui les relèvent à nouveau leur donneraient peut-être plus de
poids, s'ils avaient eux-mêmes mis en pratique la méthode
qu'ils croient devoir critiquer. La plupart se bornent, au con-
traire, à la regarder en quelque sorte du dehors, pour en blâmer
les proportions, parfois même avec quelque naïveté. Celui-ci
reproche aux divers travaux insérés dans les Ouvriers des Deux
VI AVERTISSEMENT.
Mondes d'èlre inégaux en intérêt et en valeur, selon le type étu-
dié et le talent de l'observateur; inégalité inévitable, (mi effet,
puisqu'elle est dans la nature des choses, et qui d'ailleurs n'em-
pêche point, ainsi que M. Ad. Focillon l'a montré dans l'Aver-
tissement du t. II, ces études si diverses de lieu, de date et d'au-
teur, de présenter un caractère général d'unité que leur impose
la communauté de la méthode. Cehii-là, probablement sans
avoir jamais dressé de budget domestique, conteste l'impor-
tance accordée à des comptes qui ne peuvent être d'une exac-
titude absolue, et croit avoir découvert que bien des faits ne s'y
traduisent qu'à peine et par des chiffres insignifiants : par exem-
ple les coutumes ou les lois qui président à la transmission des
héritages ou les principes sur lesquels se règle l'éducation des
enfants. Objection puérile, car jamais les tableaux des recettes
et des dépenses n'ont été séparés des « observations préliminai-
res » qui ont pour objet précisément de décrire, avec les détails
nécessaires et dans un ordre régulier, les faits que les subdivisions
multipliées du Inidget ont tout au moins le mérite de rappeler
pour prévenir une involontaire omission.
Il en est ainsi notamment pour tout ce qui regarde la con-
dition morale des populations étudiées. Le titre môme de ce
recueil place l'élément moral parmi les causes prépondérantes du
bien-être et de la prospérité de la race; et Le I*lay, dans le ca-
dre des monographies de familles ou des monographies de so-
ciétés, aussitôt après les définitions indispensables, aussi bien que
dans le plan de chacun de ses ouvrages, a toujours assigné la
première place à ce (pii touche les sentiments religieux et les
habitudes morales. (V. les Monographies, ?i 3, et la Constitution
de IWmjleierre, liv. IV; La Réforme sociale en France, livre
I"; LOrfjonisalion du Travail, iji; l à 3; La Constitution essen-
tielle, etc.). Ce qui en effet influe sur la prospérité d'un peuple,
bien plus que la condition des lieux ou le mode de travail, c'est
l'idée dominante chez les classes dirigeantes louchant la distinc-
tion du bien et du mal (Ouv. europ., liv. T""). C'est là une vérité
ioiidamentale de la science sociale, souvent méconnue deceuv (jui
en prétendant corriger les erreurs de Le IMay, ont en fait substitué
lesconceptionssystématiquesd'un matérialisme empiricpie aux dé-
AVERTISSEMENT. VU
nionstrations expérimentales de l'auteur des Ouvriers européens.
Parfois, ceux mêmes qui condamnent volontiers la fixité des ca-
dres du budget et des observations préliminaires, signalent en
même temps comme un défaut de méthode l'absence de classifi-
cation régulière pour les notes consignées après le budget sous
le titre général : (( Éléments de la constitution sociale ». C'est seu-
lement, dit-on, en réunissant ces observations un peu plus nom-
breuses et moins isolées, surtout en les rangeant méthodiquement,
qu'on serait en droit de tirer de l'examen minutieux d'une famille
une vue générale sur la société dont elle fait partie. Mais telle
n'est pas l'utilité des monographies : ce serait donner à une vaste
étude une base bien étroite, ajouter à une analyse limitée des
généralisations fort incertaines, et s'exposer à d'inutiles redites,
quand plusieurs familles auraient été décrites dans un même
pays. Ce n'est donc pas par inattention ou impuissance que
F. Le Play et les nombreux auteurs qui sont venus après lui,
ont laissé au rédacteur de chaque monographie le soin de choisir,
pour les exposer à la suite du budget, les faits spéciaux ou les
conclusions d'ensemble que la vie de la famille met particu-
lièrement en évidence. C'est ainsi que dans le présent volume
l'Ajusteur surveillant de l'Usine de Guise, ou l'Ouvrier employé
de la Papeterie coopérative d"Angoulême,permettentd'apprécier,
sur deux exemples soigneusement élucidés, le système qui par la
participation aux bénéfices, fait passer progressivement la pro-
priété de l'usine aux mains du personnel. En suivant dans les
épreuves de leur labeur quotidien l'Ébéniste parisien de haut
luxe ou l'Ouvrière en jouets parisiens, on assiste à quelques-unes
des péripéties de la lutte des fabriques collectives et des « grands
magasins ». Qu'on aille chez les Fermiers du Haut Forez cons-
tater la continuité vivace de leurs coutumes traditionnelles de
transmission intégrale et d'émigration, ou chez les Métayers du
Texas saisir sur le vif les aspirations sociales des « Farmers » de
l'Ouest américain, toujours la vie des familles confine p;ir quel-
que côté à des faits d'ordre général, trop nombreux pour être
tous enregistrés sans choix judicieux, et trop variés pour ne point
échapper à une classification régulière.
Les monographies de familles, il ne faut pas l'oublier, ont un
AVERTISSEMENT.
triple l)ut. Le plus important, celui que visait surtout F. Le Play,
c'est de mettre en évidence, par l'observation directe de la véri-
table unité sociale, la famille, quels sont les faits permanents qui
sont partout liés à la prospérité ou à la souffrance des races ;
c'est, en d'autres termes, de dégager de la complexité des phéno-
mènes, sans acception de système préconçu, les conditions tou-
jours nécessaires au bien-être et à la paix sociale. Le second avan-
tage des monographies, c'est de fournir sur l'état réel des popu-
lations des données vraiment scientifiques, des analyses précises,
bien plus utiles que des vues générales et synthétiques; en vivant
en quelque sorte au foyer de l'artisan ou du paysan, on ressent
avec lui le contre-coup de tout ce qui le touche : le chômage,
qui amène aussitôt une restriction des dépenses ; le vrai rôle delà
femme, dont rien ne peut suppléer la présence au logis et qui,
économe ou dépensière, fait la fortune ou la ruine du ménage;
la portée parfois surfaite des ingénieuses pratiques qui veulent
ajouter au salaire quelques « condiments »... Enfin le troisième
caractère des monographies, c'est d'être pour la science sociale
de vraies photographies familiales; n'auraient-elles, comme on
leur en a fait quelquefois le reproche, que la valeur d'une sorte
de procès-verbal de constat; ne seraient-elles que la peinture
naïve de la réalité vécue, elles constitueraient néanmoins pour
la statistique sociale, l'économie politique et l'histoire des mœurs,
des documents dont l'intérêt, loin de diminuer, s'accroît au con-
traire à mesure (jue le tem[)S transforme les conditions morales
et l'état économique des populations.
Au milieu de cette évolution si rapide des hommes et des choses,
en face des agitations profondes qui émeuvent nos sociétés moder-
nes, \es Ouvriers f/rs fJeti.r mo/idrs ne cesseront d'enrichir leur i;a-
lerie par des nortraits nouveaux, et les monogniphies de familles
ainsicontinuécs seront à la fois une démonstration toujours rajeunie
des principe fondamentaux de la science sociale, des contributions
relevant n i ». fois de la morale et de la statistique pour la solution
des problèmes contemporains, et des archives précieuses [)our
l'histoire des idées, des mœurs et des institutions à la Hn du
dix-neuvième siècle.
LES OUVRIERS DES DEUX MONDES.
DEUXIÈNIE SÉRIE. — 28« FASCICULE.
AVERTISSEMENT
DE LA SOCIÉTÉ D'ÉCONOMIE SOCIALE.
L'Académie des sciences, en 1856, a couronné le premier ou-
vrage de science sociale publié par F. Le Play, les Ouvriers eu-
ropéens. Elle a en même temps exprimé le désir qu'une pareille
œuvre fût continuée. La Société d'Économie sociale, fondée aus-
sitôt par l'auteur de ce livre aujourd'hui célèbre , lui a donné
pour suite les Ouvriers des Deux Mondes. De 1857 à 1885, la
Société a publié une première série de cinq volumes contenant
quarante-six monographies de familles ouvrières.
La deuxième série des Ouvriers des Deux Mondes a commencé
en juillet 1885. Le premier tome de cette série a été terminé
en juillet 1887; le deuxième, à la fin de 1889; le troisième, au
commencement de 1892. Ils comprennent les descriptions mé-
thodiques de trente-deux familles d'ouvriers, appartenant à la
Bretagne, la Picardie, le Nivernais, l'Ile-de-France, la Provence,
la Gascogne, le Dauphiné, la Normandie, la Marche, l'Orléanais,
le Limousin, la Corse, la Grande-Russie, la Grande-Kabylie, le
Sahel, le Sahara algérien, la Belgique, la Prusse rhénane, la
Sicile, la campagne de Rome, la Capitanate, l'Angleterre, la
Laponie, l'Alsace, la Hollande. Le présent fascicule, le 29" de la
deuxième série, est le premier du tome IV. (Voir au verso de la
couverture du présent fascicule.)
La publication se poursuit par fascicules trimestriels, avec
le concours de la maison Firmin-Didot. Un tel concours lui as-
sure cette perfection que nos lecteurs ont su apprécier dans une
œuvre typographique particulièrement délicate.
Les prochains fascicules contiendront les monographies de fa-
mille d'un Métayer du Texas, d'un Pécheur de l'archipel Chusan
(Chine), d'un Armurier de Liège, d'un Ébéniste de Paris, d'un
Ouvrier de la Papeterie coopérative d'Angoulôme, d'un Ardoisicr
d'Angers, etc.
LES OUVRIERS DES DEUX MONDES
PUBLIÉS PAR LA SOCIETE d'ÉCONOMLE SOCIALE,
RECONNUE d'utilité PIBLIQLE.
Deuxième série. — 28«' fascicule.
AJUSTEUR-SURVEILLANT
DE
L'USINE DE GUISE (OISE),
TACHEROS-EMPLOTÉ,
DANS LE SVSTÈME DES ENGAGEMENTS VOLONTAIRES PERMANENTS,
d'après
LES RENSEIGNEMENTS RECUEILLIS SUR LES LIEUX, EN 1884 ET 1890,
PAR
M. URBAIN GUÉRIN.
PARIS,
LIBRAIRIE DE FIRMIN-DIDOT ET G'^
IMPRIMEURS DE L'l>STITUT, RUE JACOB, 50.
1892.
Droite de traduction et de reproduction réservfe.
N" 73.
AJUSTEUR-SURVEILLANT
DE
L'USINE DE GUISE (AISNE) ,
TACIIEHUN-EMPLOYÉ,
DANS LE SYSTÈME DES ENGAGEMENTS VOI.ÛNTAIUES PERMANENTS ,
d'après
LES RENSEIGNEMENTS RECUEILLIS SUR LES LIEUX, EN 188-1 ET EN 1800,
PAU
M. Urbain Guérin.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES
DÉFINISSANT LA CONDITION DES DIVERS MEMBRES DE LA FAMILLE.
DÉFINITION DU LIEU, DE L'ORGANISATION INDUSTRIELLE
ET DE LA FAMILLE.
ÉTAT DU SOL, DK l'iNDUSTRIE ET DE LA POPULATION.
La famille habite la commune de Guise, située sur les rives de
l'Oise, dans le département de l'Aisne. C'est un chef-lieu de canton de
l'arrondissement de Vervins qui conline à la Belgique. La ville faisait
autrefois partie de la Thiérache, pays dépendant de la province de
Picardie. Elle est située à une distance de lî)i kilomètres de Paris;
un embranchement, appartenant aune compagnie spéciale, la relie
à Saint-Quentin, station de la grande ligne du Nord qui met en com-
munication la capitale avec Gharleroi, Liège, Cologne et l'Allemagne
septentrionale. Une nouvelle voie ferrée (de Gâteau à Laon), dont cer-
taines considérations stratégiques ont déterminé la construction, va
bientôt desservir Guise.
1
2 N" 73. — A.IISTEUR-SUR VEILLANT DE L'uSINE DE GUISE (aISNE\
La ville a été construite dans la vallée étroite traversée par l'Oise;
elle s'étend sur les deux bras de la rivière qui serpente au milieu de
riantes prairies. Sur le plateau s'élevant au-dessus de lu vallée s'éten-
dent d'immenses plaines, mornes et nues, qui enlèvent au paysage tout
aspect pittoresque. Guise ne présente aucun caractère tranché. Dans la
principale rue se trouvent plusieurs maisons de respectable apparence.
Une vieille tour, débris des anciennes fortifications, domine la ville;
d'en haut la vue s'étend sur une vaste étendue de pays, et, dit-on, jus-
qu'aux tours de la cathédrale de Laon. Cette tour est maintenant en-
clavée dans la citadelle moderne qui motive la présence d'une gar-
nison composée en ce moment d'un bataillon d'infanterie.
Le climat de Guise est celui des vallées appartenant à la région
septentrionale de la France, notamment froid et brumeux pendant
l'automne et l'hiver; dans cette dernière saison, le thermomètre
descend fréquemment à plusieurs degrés au-dessous de zéro.
La population de la ville s'élève à 7.580 âmes; le mouvement se dé-
compose ainsi dans une année prise comme type : 290 décès, contre
210 naissances. Cette population se compose de tous les corps de mé-
tiers que nécessite une agglomération humaine; elle comprend aussi
des agriculteurs qui se rendent tous les jours à leurs champs situés à
proximité de la ville, des propriétaires, des rentiers et enfin une nom-
breuse population ouvrière. Guise, en effet, possède deux fabriques
d'inégale importance : une fabrique de tissage et de filature occupant
six cents personnes, et l'usine créée par M. Godin et connue sous le nom
de familistère, à laquelle ses maisons ouvrières et son organisation
spéciale ont assuré une vogue quasi universelle. Parmi les personnes
qui ont visité l'usine, il s'en trouve, en effet, appartenant à tous les pays,
et, entre autres, beau(;oup d'Américains du Nord et du Sud. L'exploita-
tion industrielle de la Société comprend la fabrication : 1" d'appareils
de chauffage consistant en fourneaux de cuisine, appelés aussi cuisi-
nières, calorifères, poêles et réchauds; 2° d'ustensiles de cuisine;
.'{"d'articles d'éclairage et d'ameublement; 4° d objets de quincaillerie
et de bâtiment.
L'usine a été construite à mi-cùle d'un petit coteau qui monte dou-
cement au-dessus de la ville, du côté opposé à celui où se dresse la
vieille tour dont nous avons parlé plus haut. Klle se déploie sur une
siq)erficie de treize hectares de terrain. Le hall ipii sert de magasin aux
fourneaux de diverses sortes et aux pnèjes comprend un hectare. Trois
halls pareils sont affeclés à la fonderie, un est réservé à l'ajustage.
OBSERVATIONS PRELIMINAIRES. d
L'émaillage, la décoration des émaux, le montage, etc., occu-
pent une superficie de deux à trois hectares. Les bureaux, l'atelier
de construction et de réparation des machines ou outils employés dans
l'usine, soift installés dans des locaux proportionnés à ceux ci-dessus
désignés. Les cours prennent le reste du terrain.
En sortant de l'usine, on rencontre, à gauche, au bout du faubourg
appelé Faubourg de Landrecies, un établissement servant au logement
des ouvriers, et auquel son fondateur a donné le nom de familistère.
C'est le premier qui ait été construit. Sur le bord de la route perpen-
diculaire à l'usine, et qui la met en communication avec la gare, des
constructions, affectées aux autres services publics organisés par M. Go-
din pour son personnel, ont été successivement édifiées.
A droite se voit d'abord un jardin appartenant à l'association; puis
un bâtiment affecté au lavoir et à l'établissement de bains. Sur ce ter-
rain a été construit le gazomètre. La route traverse alors un des bras
de l'Oise sur un pont qui a été élevé aux frais de M. Godin.
Là se déploie le plus grand des trois familistères, dont la façade
extérieure n'a pas moins de 180 mètres; il se compose d'un vaste pa-
villon central, en retrait sur deux ailes et d'une hauteur de trois étages.
Derrière, et presque attenant au familistère, deux constructions de
modeste dimension servent pour la nourricerie et le pouponnât; elles
prennent jour sur un parc appartenant à l'établissement, et dans lequel
se célèbrent quelquefois les fêtes de l'association (§ 11); ce parc et les
jardins qui en dépendent sont bordés par un des bras de l'Oise. En
face, de l'autre côté de la route, se trouvent la buvette, une salle ser-
vant autrefois de restaurant, le magasin de vente de la charcuterie et
de la boucherie, les écuries; et, auprès, une ancienne basse-cour, un
autre lavoir; puis le bâtiment renfermant le théâtre et les écoles.
Si nous continuons la route que nous avons descendue depuis l'u-
sine, nous apercevons à gauche, après avoir franchi la rue qui relie
la ville de Guise au familistère et à la voie ferrée, le troisième fami-
listère, qui n'était pas terminé, lors de notre première visite. Il est
maintenant habité. Du même cùté se trouvent ensuite la boulangerie
et le billard; de l'autre, des jardins, loués par l'association à des
ouvriers et affectés à la culture des légumes.
Le personnel industriel de l'usine comprend, comme ouvriers et
employés, 1.137 personnes qui se décomposent de la manière suivante :
hommes, 987; femmes, 54; jeunes gens de quatorze à dix-sept ans, 96.
11 y a lieu d'ajouter le personnel employé aux services du familistère,
OBSERVATIONS rRELIMINAlUES. 5
comprenant 31 hommes et 09 femmes, ce qui donne un total de 1.237 em-
ployés et ouvriers. La société possède en Belirique, à Lacken, une autre
usine où se fabriquent les mêmes objets, mais elle n'occupe que 212 per-
sonnes, dont 207 hommes et 5 femmes. Le personnel de l'usine change
jicu, et les avantages assurés aux diverses catégories d'ouvriers (§ 22\
en leur procurant une participation aux bénéfices et, à ceux parve-
nus aux premiers rangs de la hiérarchie établie, une part de co-pro-
priété, les attachent à l'établissement.
Voici comment se décompose la stabilité des employés et ouvriers
dans les services divers :
230 occupes depuis une période de 5 ans fit au-dessous,
282 — depuis '> .i 10 ans,
1.';2 — depuis 10 à 15 ans,
180 — depuis 15 à 20 ans,
142 — depuis 20 à 2"; ans,
88 — depuis 25 à 30 ans,
45 — depuis 30 à 35 ans,
16 — depuis 35 à 40 ans,
2 — depuis 40 à 45 ans.
Les services du familistère comprennent :
41 personnes occupées depuis une période de 5 ans et au-dessous,
31 — depuis 5 à 10 ans,
8 — depuis 10 à 15 ans,
" — depuis 15 à 20 ans,
10 — depuis 20 .T 25 ans,
2 — depuis 25 à 30 ans,
— depuis 30 à 35 ans.
l 2.
KTAï CIVIL nr: l\ famille.
La famille comprend cinq personnes :
1. VicTOP.-IsiDoiîF, .!•", chef de famille, né à Neuvillette (Aisne) 37 ans.
2. IIermance-Lûlise, sa femme, née à Guise ,30 —
3 Ai.ice-Hekmvxce J*'*, leur fille aînée, âgée de 11 —
4. Georges-Victok J***, leur seul fils, Age de i il —
5. (iEoiiGEiTE-Fi.oriE .1'**, leur 2" fille, âgée de 7 —
Les enfants ont eu p(nir parrains et marraines des membres de la
famille.
Le père de l'ouvrier était tisseur, sa mère faisait le ménage. Ils ont
eu SIX enfants dont trois fils, outre Victor-Isidore. Tous travaillent k
6 n" 73. — AJUSTEUR-SURVEILLANT DE L'uSINE DE GUISE (aISNE).
l'usine de (luise dans l'atelier d'ajustage; deux d'entre eux demeurent
au familistère ; ils sont mariés : l'un a deux enfants; l'autre a perdu les
siens. Le plus jeune, non marié, est resté avec le père et la mère; bien
qu'fàgé de soixante-treize ans, le père travaille encore; il est employé
à l'usine, comme manœuvre, à la machine à mouler. Des deux fdles
qu'il a eues, l'une est mariée à un ferblanlier dont elle a eu deux en-
fants; l'autre, non mariée, est couturière à Guise.
Le père de la femme était gan-on brasseur; la mère restait à la
maison pour se livrer aux travaux du ménage. La femme a un frère
et une sœur : le frère est ébéniste à Guise et marié; il a perdu un de
ses enfants. La sœur est mariée à Nantes à un forgeron; elle en a eu
quatre enfants.
§3.
RELIGION ET RABITUDES MORALES.
Le mari et la femme vivent en bonne intelligence; ils entretiennent
d'excellents rapports avec leurs parents, en même temps qu'ils s'atta-
chent à donner de l'instruction à leurs enfants qui vont aux écoles du
laniilistère. Créées parM. Godin en 1862, ces écoles sont entretenues
exclusivement aux frais de la société industrielle (|ui possède l'usine.
Aux termes des statuts, les frais qui s'y rattachent ne peuvent
être inférieurs à la somme de 15.000 francs pour la rémunération
des personnes attachées au soin et à l'enseignement de l'enfance, et à la
somme de 10.000 francs pour tous les déboursés divers nécessités
comme frais généraux de l'éducation et de l'instruction. Les institu-
teurs et institutrices sortent des écoles gouvernementales; mais ils sont
placés là beaucoup plus sous la direction du familistère que sous celle
(le l'administration. Les écoles de l'usine ne suivent pas les prescriptions
littérales du programme officiel ; ainsi le même enseignement est donné
aux garçons et aux filles, sauf pour quelques matières : la couture,
l'économie domestique, la coupe et l'assemblage, exclusivement ensei-
gnés aux filles; la mécanique et le dessin industriel, aux garçons. Bien
quf l;i loi ne les permette plus dans les coiunuuK^s aussi peuplées (|ue
Guise, ce sont des écoles mixtes. Du vivant même de M. Godin, les
enfants se pr(jmenaient ensemble, un petit garçon à coté d'une petite
lillc. Us se rendent à l'école en chantant des cantiques sur le travail.
Les enfants restent à l'école |)rimaire jus(|u'à l'âge de (pialor/.e ans;
OBSERVATIONS PRELIMINAIRES. 7
l'instruction qu'ils y acquièrent est à peu près celle de l'enseignement
public ; mais elle est dirigée en vue de la profession qu'ils embrasseront,
une partie des enfants devant plus tard entrer à l'usine. Ainsi la géo-
métrie, le dessin, l'algèbre, les éléments de mécanique, la compta-
bilité , de première importance pour les futurs ouvriers ou employés
de l'usine, reçoivent plus de développements que d'autres matières
moins utiles pour eux. Une large place est faite à l'instruction morale
et civique.
L'inspection des classes et la présidence des examens semestriels sont
confiées à une commission spéciale composée de trois membres et ap-
pelée « commission scolaire ». Le conseil de gérance (§2;î) la nomme.
Un petit conseil, chargé de veiller en dehors des classes au maintien
du bon ordre et à l'observation des règlements, se compose d'élèves
nommés par leurs camarades. Le vote de ce petit conseil est ainsi
réglé : chaque mois, le directeur ou le professeur fait une causerie sur
deux facultés à l'ordre du jour : une faculté intellectuelle, telle par
exemple que l'orthographe; une faculté morale, comme l'ordre,
la propreté ou l'exactitude, etc. Les élèves désignent ensuite ceux qui
se sont fait le plus remarquer dans les deux facultés. Une légère
amende est infligée aux enfants qui manquent l'école sans motifs suf-
fisants.
La famille n'a conservé presque aucune pratique religieuse. Le
mari n'assiste jamais à aucun office, et la femme ne va à la messe
qu'à de très rares intervalles. Les enfants cependant feront leur pre-
mière communion. C'est du reste un état d'esprit à peu près général
parmi les ouvriers du familistère et qu'expliquent, entre autres causes,
les idées très hautement manifestées de son fondateur (§ 17). Plusieurs
ouvriers se sont fait enterrer civilement. L'ouvrier lit chaque jour un
journal, le Petit Parisien, appartenant à une nuance d'opinion très
accentuée.
Le mari et la femme, cette dernière surtout, présentent les traits
du caractère picard, c'est-à-dire une certaine rudesse de formes et
peu d'aflabilité à l'égard des étrangers. Le premier n'est pas atteint du
vice de l'intempérance, très répandu chez les ouvriers de la région, ils
absorbent en grande quantité du café et de l'eau-de-vie, qu'ils appellent
du tiopot, ou de l'eau-de-vio' et du cidre très chaud, mélange auquel
ils donnent le nom de flip. C'est dans les cabarets qu'ils se livrent à
ce plaisir très vif pour eux, et les jours de paie tous les débits de
boisson comptent de plus nombreux clients que les autres jours. Heu-
8 N° "3. — AJUSTEUR-SL'RVEILLA.NT DE L USINE DE GLISE (aISNE).
reusemenl rinlempérance perd pliitùt du terrain ([u'olle n'en gagne. Un
ouvrier, du re.«te, (jui se présenterait à l'usine eu état d'ivresse serait
exclu, et la direction s'attache à faire monter dans la hiérarchie (§ 2â)
les ouvriers les plus sobres.
Une autre tendance des ouvriers, c'e.^t le luxe de l'ameublement. Ils
achètent des tapis, des meubles, plus coûteux que ne le comporterait
leur situation pécuniaire. Le luxe de la toilette les séduit non moins
vivement. On cite, comme preuve de ces dispositions, un ménage qui,
pour une somme assez élevée, a fait faire son portrait. La famille
décrite dans la présente monographie se plaît à orner son intérieur;
ses enfants sont très bien mis. mais il n'y a aucun excès à lui repro-
cher.
§ ^'
IIYGIKNE ET SERVICE DE SANTÉ.
Doués d'une bonne constitution, le mari et la femme se portent
bien. Il en est de même des enfants, rarement atteints de quelque in-
disposition. Le familistère de Landrecies est, il est vrai, placé dans des
conditions particulières de salubrité. Mais les autres ne sont pas plus
éprouvés par la maladie, et la ville de Guise ne présente sous ce rap-
port aucun trait caractéristique. Gomme partout, l'épidémie d'influenza
qui a sévi ù la fin de l'année 1889 et dans le mois de janvier 18'J0, a fait
de grands ravages. Dans l'atelier où travaillait l'ouvrier, 18 de se.s
compagnons manquaient sur 25.
L'ouvrier et sa femme sont assurés contre la maladie (!:$ 20). Il a la
faculté de choisir son médecin et son pharmacien ; le bon pour le pliar-
macien doit être signé seulement par un délégué de la caisse. Les en-
fants ont droit gratuitement à la pharmacie. Certains remèdes sont
toutefois à la charge de l'assuré. Les accouchements sont faits par
une sage-femme; elle prend une somme de 10 francs dont le paiement
se fait à l'usine.
8 s.
RANG m: I.'OIVRIER.
Le titre d'associé, li' plus élevé dans la hiérarchie (§ 22), indique la
considération dont jouit l'ouvrier auprès de ses supérieurs; ils lui on
OBSERVATIONS PRELIMINAIRES. 9
ont donné une nouvelle preuve en le nommant surveillant. S'il n'a pas
de relief, ainsi que beaucoup d'ouvriers de la grande industrie, pris
dans un engrenage et plies à une vie en quelque sorte mécanique, lui
et sa femme passent pour des gens rangés, laborieux, menant une vie
sage et réglée, se préoccupant du sort de leurs enfants, et c'est tout
ce qu'on leur demande.
MOYENS D'EXISTENCE DE LA FAMILLE.
6.
PROPRIETES.
(Mol)ilicr et vêtements non compris.)
Immeubles 0^00
La famille ne possède aucune propriété immobilière et n'en acquerra
sans doute jamais.
Valeurs mobilières 5.iOi''00
L'ouvrier a reçu chaque année, depuis sa nomination d'associé, une
somme représentant la part qui lui est allouée comme participation
aux bénéfices. Cette somme, qui s'élève maintenant à 5.401 francs, re-
présente une part de propriété de l'usine. Elle est productive d'intérêts
à 5 % et lui donne droit en oulre h un dividende proportionnel à
l'état des affaires (§ 22).
Argent .WOO
La famille conserve l'argent nécessaire pour les dépenses quoti-
diennes et les incidents imprévus qui peuvent se présenter.
Animaux domestiques 0^00
La famille n'entretient aucun animal domestique.
Matériel SPÉCIAL des travaux et industries 21*^70
Les outils dont l'ouvrier se sert a l'usine appartiennent à celle-ci.
i" Outils pour la cuUurc du jardin. — i l)cche. 3' ;";o; — 1 ralonu, .V 00. — Total, 0' r;0.
10 N" 73. — AJUSTEUR-SURVEILLANT DE l'uSIXE DE GUISE (aISNE).
•2" Mdlcrifl de blanchissage. — 1 cuve à 3 pieds, o'25; — i chaiulron, VOO; — 1 baquet,
l'OO; — hattoirs, 2'00: — 3 fers à repasser. 3'00. — Tolal 15'i'i.
Valeur totale des propriétés 5. 452' 7 5
subventions.
L'ouvrier reçoit de son père une modeste subvention sous la forme
de prêt de quelques instruments de jardinage, et aussi des autres mem-
bres de la famille quelques menus cadeaux faits aux enfants.
Avant que la loi n'eût établi la gratuité d'une manière générale,
l'enseignement gratuit donné par l'usine pouvaitêtre considéré comme
une subvention. Aujourd'hui les familles qui envoient leurs enfants
à ses écoles se trouvent placées dans la même condition que les autres.
Les institutions de prévoyance (§ 20) qui ont été établies ne sont
pas des subventions au sens strict du mot, puisqu'une cotisation des
ouvriers alimente leur fonctionnement. Mais les avantages qu'elles
procurent et que, livrés à eux-mêmes, ils n'auraient jamais été en me-
sure d'acquérir à si bon compte, rentrent dans cette catégorie de res-
sources si précieuses pour le bien-être des familles ouvrières et que
les errements de l'économie moderne ont trop souvent fait dispa-
raître. On peut notamment faire figurer parmi elles l'économie que
la famille réalise sur l'achat de divers objets en s'adressant à la
société coopérative de consommation qui vend à un taux moins élevé
(pie les marchands de la ville.
Une véritable subvention également, c'est la participation aux bé-
néfices qui a acheminé l'ouvrier vers la possessinu d'une part de l'u-
sine. Llle est sans doute devenue un droit pour une catégorie déter-
minée d'ouvriers, mais elle a été libéralement établie parle patron.
TKAVAU.V et INDUSTIUES.
Travail de l'ouvrier. — L'ouvrier travaillait à l'alelier d'ajustage:
il montait des fourneaux émaillés, besogne qui ne lui imposait pas une
lr(i|i grande; fatigue, mais qui réclame beaucoup de soins. Il a été aussi
à remaillage; toutefois le séjour d'un ouvrier dans ce dernier atelier ne
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 11
s'y prolonge pas au delà d'une quinzaine, à cause de l'insalubrité du
travail, qui résulte d'une chaleur excessive et de l'emploi du minium.
Maintenant il est surveillant; ce poste n'est donné qu'aux ouvriers
qui se distinguent par leur bonne conduite et par leur habileté pro-
fessionnelle. La durée du travail est de dix heures : les ouvriers entrent
à l'usine à six heures et demie; ils y restent jusqu'à neuf heures. Le
travail reprend ensuite de neuf heures et demie à une heure, puis,
après une interruption d'une heure, de deux à six heures. Le travail
s'arrête le dimanche, sauf dans l'atelier où se fait la cuisson des bri-
ques; la présence de quelques ouvriers y est nécessaire. Comme ajus-
teur, l'ouvrier gagnait en moyenne 6^o0 par jour; sa rétribution
comme surveillant ne dépasse pas ce chiffre. A Guise, les salaires sont
fixés à la pièce, à l'heure, au mois : à la pièce, pour tous les travaux
concernant la fabrication proprement dite ; à l'heure, pour les travaux
concernant les modèles, l'entretien et les constructions. Les directeurs,
employés de bureaux, et certains surveillants d'atelier sont payés au
mois. Le directeur d'un atelier, d'accord avec les surveillants, fixe les
tarifs des travaux à la pièce; il en est de même pour la fixation du
prix de l'heure, qui varie suivant les métiers exercés et suivant l'ha-
bileté de l'ouvrier. Toute fixation de prix ou toute modification de
prix doit être approuvée par l'administrateur-gérant, assisté du
conseil de gérance. Dans la fixation des salaires à la pièce, la direction
prend pour base la production journalière de dix heures d'un ouvrier
de force et d'habileté moyennes, pouvant atteindre un gain de 5 francs.
Elle s'attache aussi à ne pas faire dépendre le prix de la valeur du
produit vendu, mais seulement de la valeur du travail qu'il nécessite.
Pour le paiement du salaire, il est arrangé de telle sorte que tous les
ouvriers d'un même atelier ne le reçoivent pas en même temps. M. Go-
din avait été très frappé des tristes scènes auxquelles il avait assisté
dans sa jeunesse, lorsque les ouvriers d'un même atelier, ayant reçu
leur paie en même temps, se faisaient réciproquement fête dans les
cabarets et rentraient chez eux en état d'ivresse, leur porte-monnaie
allégé d'une partie de son contenu. Aussi la paie est-elle faite suivant
l'ordre alphabétique des noms du personnel, sans égard ni aux profes-
sions ni aux ateliers dans lesquels les ouvriers travaillent. Elle a lieu
tous les quinze jours, et les ouvriers ont été divisés en quatre parties
égales : la première, de A à G, payée le mardi; la seconde, de D à G, le
vendredi; la troisième, de 11 à L, le mardi suivant; la quatrième, de
M à Z, le vendredi suivant; et ce mode de paiement a diminué dans
12 N" ".'{, — AJUSTKLH-SLUVEILLANT DE L' USINE DE GUISE (aISNE).
une forte proportion les absences le lendemain des jours de paie.
Sur 337.800 journées qui auraient dû être faites, les statisticjues de
l'usine n'ont relevé que 1.826 absences non autorisées. Dans toutes les
([uestions de salaire et de travail, le comité des délégués, nommés au
familistère et à l'usine, représente les intérêts de tous les ouvriers.
Aux termes du règlement de l'usine, article 67, ce s^-ndical, par
l'organe de son président, soumet toutes questions en litige à l'admi-
nistrateur-gérant; celui-ci, après examen, réunit le comité pour donner
à ces questions une solution conforme aux intérêts communs; et, au
besoin, si la solution présente des difficultés, l'adminislrateur-gérant
peut réunir le conseil de gérance et le syndicat pour trancher la dilR-
culté. C'est également le conseil de gérance, d'accord avec le syndicat
du travail, qui fixe, selon les traditions de l'établissement, les amendes
))Our vacances non autorisées.
Travaux de la femme. — La femme s'occupe exclusivement des tra-
vaux du ménage : préparation des aliments, soins aux enfants, bonne
tenue des appartements, réparation des vêtements.
Travaux des enfants. — Les enfants sont trop jeunes pour se livrer
à aucun travail; ils rendent quelques menus services dans le ménage
ou au jardin.
Industries domestiques. — De même qu'un très grand nombre d'ou-
vriers de Guise, l'ouvrier loue un jardin. L'usine en possède autour
des familistères; elle les donne en location aux ouvriers qui les re-
cherchent fort, eu égard à la proximité de leurs habitations. Comme
ils étaient tous pris, l'ouvrier on a loué un sur le chemin delà Bussière,
à une très faible distance de la ville. La journée ne se prolongeant pas
au delà de dix heures, il lui est possible, dans les longs jours d'(''lé,
de travailler à son jardin, soit le matin dès l'aube, avant de se rendre
à l'usine, soit surtout le soir. La famille s'y rend tous les dimanches,
lorsque le temps le permet, et c'est surtout ce jour-là qu'elle y exé-
cute la plus grande partie des travaux nécessaires. Le jardin lui four-
nit ainsi des légumes qu'elle prise beaucoup (ij 16). La famille a aussi
retenu comme industrie domestique le blanchissage.
OBSERVATIONS rKELlMINAlRES. 13
MODE D'EXISTENCE DE LA FAMILLE.
ALIMENTS ET KEl'AS.
La famille se nourrit bien, sans excès ni recherche. L'ouvrier fait
quatre repas par jour. Le matin, avant d'aller à l'usine, un petit dé-
jeuner composé de café et de pain sec, A 9 heures, second déjeuner,
qui se compose de laitage et d'un reste de la veille. A 1 heure a lieu
le dîner dont voici le menu le plus habituel : soupe grasse, avec de la
bière comme boisson, et du café, A 6 heures l/:2 enfin, le souper : un petit
morceau de viande, avec de la salade ou des œufs,
La famille prend du vin le dimanche, et quelquefois un autre jour de
la semaine. Le cidre était consommé jadis; aujourd'hui, c'est la bière
qui sert de boisson habituelle au ménage et à la plupart des familles
ouvrières.
Lorsque la famille invite quelques personnes (§ H), la table se cou-
vre de mets plus nombreux et plus variés : du bœuf ou une poule dont
le bouillon sert pour la soupe, un ragoût de lapin, un rôti, de la pâtis-
serie.
L'ouvrier, demeurant tout près de l'usine, ne se trouve jamais dans
la nécessité de prendre des repas au dehors. Il ne consomme de boissons
alcooliques au café qu'avec une grande modération.
l 10.
IIAUrrATlON, MOBILIER ET VETEMENTS.
La famille habite, au familistère de Landrecies, ainsi nommé à cause
du faubourg dans lequel il a été bâti et qui s'appelle également petit
famihstère, un appartement au rez-de-chaussée composé de cinq pièces,
deux chambres et trois cabinets, plus une cave et un grenier. La première
de ces pièces, celle par laquelle on pénètre en entrant, sert à la fois de
salle à manger et de cuisine; dans la seconde couchent les parents. Les
lits des enfants sont dressés dans deux des cabinets. L'appartement
14 iN° 73. — AJUSTEUR-SURVEILLANT DE l' USINE DE GUISE (AISNEj.
coûte 18^40 par mois. 11 est payé par une retenue opérée chaque
quinzaine; les employés ne subissent celte retenue qu'une fois par
mois. Le familistère de Landrecies est le plus recherché des trois; il
ne comprend pas de cour vitrée; de plus, placé à mi-côte, il domine la
ville, et de la salle à manger la vue s'étend sur Guise couronnée par sa
vieille tour, sur les prairies et jardins au milieu desquels l'Oise ser-
pente, et sur les autres familistères. Aussi la famille est-elle très atta-
chée à son appartement.
Autrefois les logements se donnaient à l'adjudication ; mais ce mode
de location a été abandonné, parce que, dans la chaleur des enchères,
les ouvriers se laissaient entraîner à des prix, trop élevés; aujourd'hui
ils sont donnés suivant l'ordre d'inscription. Les ouvriers ayant une
bonne conduite sont seuls admis au familistère; toute demande d'ad-
mission doit du reste être présentée au conseil de gérance. Le loge-
ment au familistère est exigé de certaines catégories d'ouvriers (§ 18).
Meubles : très suffîsanls et soigneusement entretenus . . . 882^ 75
1» Literie. — l grand lit avec sommier, loO'OO; — 2 lits en fer pour les enfants, rJO'OO;
— -2 éclredons, 40'00; — 2 matelas de laine, '2(»0f00; — 1 matelas de crin, -^O^OO; — -2 cou-
vertures de coton, lO'OO; —3 oreillers, 27'00; — 9 taies d'oreillers, lO'ij; — -2 tra\crsins,
3'00; — 3 couvertures de laine, 4i)'00; — 1 couvre-pieds blanc, 5'00. — Total, 'MO'2^.
2" Mobilier. — C chaises, 27'00; — 1 armoire, 13'i'00; — 1 table ronde avec toile cirée,
;i2'00; — i pendule. 80'O3; — t glace, iO'0(»; — 2 vases, gagnes aux fêtes, 4'0O; — 1 table
de nuit, l'-2S; — 1 vieux ta])is, l'OO; — 2 tableaux , O'OO; — i)liot()grapliies, l'OO. —
Total, 3n'23.
3" Livres. — 1 livre de messe, 2' 25; — 3 livres de prix des enfants (Perdu sur la vicr
de corail, Les bêles industrieuses, La bibliothèque laïque), 3' 00. — Total, ti'iti.
Ustensiles : répondant très largement à tous les besoins de la fa-
mille 179^00
i" Employas pour la préparution et la consommation des aliments. — 1 fourneau, ap-
pelé aussi cuisinière, 03' 00; — 1 marmite en fer cmaillé, ¥îiO; — 2 casseroles en fer-
blanc, 2' 00; — 1 autre casserole en fer émaillé, 2' 2.'»; — 12 assiettes ordinaires, 2' 20; —
18 assiettes plus belles, 4'iiO; — 12 cuillers ordinaires, 2' 40; — 12 cuillers en métal i)lus
belles, 10'(K); — 1 grande cuiller à snupe, 2'00; — 12 fourchettes ordinaires, 2' 40; —
12 fourchettes en métal plus belles. lo'OO ; — 12 petites cuillers à café,(> en métal anglais
et G en ruolz, 4' 50; — l douzaine de couteaux, 6' 00; — 1 cafetière émaillée, C'OO; — 18 ver-
res à pied, 3' 60; — 12 petits verres, 2^40; — 18 tasses, 2'70; — 4 bols, l'20; — 2 sala-
diers, 3'30; — 1 soupière, 2^25; — 3 plats. 2' 40; — 3 plats de faïence. 2^00; — 1 moulin à
café, 3^00; — 1 pot au lait en fer-blanc, l'50; — 2 seaux pour l'eau, 3'0(); ~ l grande
terrine, 0^75; — 30 bouteilles, «'00. — Total, 14'»'00.
2" l'stcn.silcs divers. — 1 lampe avec sa suspension, 13' 00; — 2 llambeaux, 'i'(K>; — 1 boite
à charbon, 8'00; — I grille de cheminée, 10' 00. — Total, 35'00.
Linge de ménage : en quantité siilïi>aiiti^ L2'i^H0
8 paires de drap. <Mi'(H); —2 najypes, IO'(K»; — 12 serviettes, k'oo; - 18 tnrclions. io'ho.
OBSERVATIONS rRÉLIMlNAIRES. 15
Vktements : nombreux et assez recherchés 997'8o
l" l'clemenls de l'ouvrier. — 1 habillement com])let'i)()ur les dimanclies et jours de l'êtc,
comiiosé il'iui pantalon, gilet et paletot, fait sur mesure à Saint-Quentin, au moment de
son mariage, 100' 00; — 1 liabillenicnt complet composé des mêmes oi)jets, l'ail cgalcmcui
sur mesure à Saint-Quentin, 8">'0O; — l vêtement de travail, velours et drap, 4()'00; — 1 par-
dessus, fô'OO; — 1 chapeau haute forme, 14' 00; — 1 chapeau dit melon, 'J'OO; — i cha-
peau de paille, 3'o0; — G chemises de couleur, de cretonne, 13' 00; — G chemises blan-
ches, âT'OO; — G mouchoirs, ;V00; — 3 calerons, C'OO; — 2 paires de souliers de tous les
jours, 10' 00; — 1 paire de bottines, IS'OO; — 1 paire de sabots, 3' 30; — 3 paires de
chaussons, 3' 73; — 3 cravates, :2' 75; — G paires de chaussettes de laine, 7'30; — G paires
de chaussettes de coton, 4'o0. — Total, 414'30.
2° Vêtements de la femme. — 1 costume noir pour s'habiller, iO'OO; — 1 costume égale-
ment pour s'habiller, un peu défraichi,25'00; — 1 vêtement de maison, lO'OO; — 1 veston
pour l'hiver, 13'00; — 1 visite d'été, lO'OO; ~ 1 jupe d'hiver, 7'30; — 6 jupons de laine et
de coton, 2G'00; — 1 chapeau d'hiver, lO'OO; — 1 chapeau d'été, 12'00; — G paires de bas
de laine, 13'30; — 6 paires de bas de coton, 7'50; — 1 paire de bottines, 13' 00; — 1 paire
de souliers, 4'o0; — 1 paire de sabots, 4'o0; — 1 paire de pantoufles, 3'o0; — G ta-
bliers, 9'00; — 18 chemises, faites par la femme, 63' 80; — mouchoirs, 3' 30. — Total, 287' 30.
3" Vêtements de la fille aînée. — 1 paletot d'hiver, 12'00; — 1 robe pour s'habiller, 10' 00;
— 2 robes pour tous les jours, 5'00; — 8 jupons, 12'00; — 3 paires de bas de laine, 4' 30;
— 3 paires de bas de coton, 2'70; — 1 paire de bottines pour le dimanche, lO'OO; — chaus-
sures de tous les jours et sabots, 7'00; — ■ 6 chemises, 13' 23; — mouchoirs, l'30; — 1 cha-
peau d'hiver, G'OO; — 1 chapeau d'été, 8'00; — tabliers pour tous les jours, 3'00; —
1 manchon, avec le tour de cou, 8'00. — Total, 102'03.
4" Vêlements de la seconde fille (les mêmes que ceux de la sœur ainée, avec un prix
moins élevé, à cause de la différence d'âge). — Total, 70'00.
3° Vêtements du petit garçon. — 1 habillement pour les dimanches, 12'00; — 1 habil-
lement de tous les jours, 9'00; — 1 pardessus, 12'00; — 1 chapeau pour le dimanche, 4'30;
— 1 calotte, 0'G3; — 2 caleçons, 3"M ; — 3 paires de bas de laine, 4' 05 ; — 3 paires de bas
de coton, 2'33; — 3 chemises, 5' 23; — mouchoirs, l'30; — 1 paire de bottines, lO'OO; -
chaussures de tous les jours et sabots, 3'70. — Total, 71' 10.
G" Bijoux. — 1 montre en argent du mari, 40' 00; — 1 anneau d'alliance de la femme, l"2'00.
— Total, 32' 00.
Valeur TOTALE du mobilier et des vêtements 2.184^40
g 11-
RÉCRÉATIONS.
La culture du jardin où la famille se rend tous les dimanches, dans
la belle saison, constitue une de ses plus grandes distractions. Elle
se plaît aussi à inviter quelques parents, plus rarement des amis,
et notamment le jour de la fête du Travail et de celle des Knfanls. La
table, mieux garnie, Ii.'ur fait passer de joyeux instants. C'est encore
un vif plaisir pour le maii que de lire tous les jours le journal oîi
il suit avec intérêt les péripéties du feuilleton ou les détails passion-
10 N" 73. — AJL'STEUR-SURVEILLANT DE LUSINE DE GL'ISE (aISNE).
nants pour lui des crimes célèbres, aussi bien que de se reposer en
fumant ou de boire quelques petits verres avec ses camarades.
Le familistère offre aux familles de ses ouvriers des distractions
qu'elles apprécient beaucoup. La société qui exploite l'usine possède en
effet un jardin où sont à la fois plantés des arbres à fruit et dos ar-
bustes. Situé à mi-côte du plateau qui s'élève au-dessus de la val-
lée, ce jardin offre aux ouvriers un agn-able lieu de promenade; dans
la journée, plusieurs femmes d'employés ou d'ouvriers s'y installent
et s'y livrent à des travaux de couture. Un cabinet de lecture et une
bibliothèque, appartenant à l'association et comprenant près de
3.000 volumes, attirent, le dimanche, la partie st\idieuse de la popu-
lation ouvrière. La bibliothèque prête des livres au personnel de l'u-
sine; la moyenne des volumes prèles est de 0.000 environ par an.
L'association possède aussi un théâtre qui s'élève en face du [)rin-
cipal familistère. Pendant la saison d'hiver, une troupe de Saint-
Quentin y donne des représentations deux fois par mois; mais ces re-
présentations ne sont pas gratuites. Les ouvriers paient leur place,
ainsi que les habitants delà ville, qui ont le droit d'y venir.
Le fondateur de l'usine, M. Godin, a enfin créé deux fêtes annuelles,
la fcte du Travail et la fètc de l'Enfance. Elles ont lieu : la j)remière, le
premier dimanche de mai; la seconde, le premierdimanche de septembre.
Les deux fêtes présentent beaucoup d'analogies. La fête du Travail
commence par la distribution solennelle de primes et de récompenses
aux ouvriers, La fête de l'Enfance débute par la distribution des prix
aux élèves des écoles du familistère.
Le programme de ces fêtes est ainsi composé : la matinée du di-
manche est consacrée aux derniers apprêts, tant dans la vaste cour
du pavillon contrai qu'au théâtre.
A 2 heures, les tambours ot clairons des pompiers battent le rap-
pel. Le cortège se forme : en tête la musique, composée d'habitants
du familistère, puis les enfants des écoles qui déploient leurs longues
fdes, ensuite les diverses sociétés de l'usine, les conseils de l'usine et
du familistère, enfin le directeur escorté par les pompiers. La foule
suit, et c'est dans cet ordre (piOn arrive au théâtre. Le directeur et sa
suite |)rennont i)lace sur la scène. Souvent la séance s'ouvre pai* «les
compliments que lui adressent dos enfants, si c'est la fête de l'Enfance,
des ouvriers, si c'est la fête du Travail. Il y répond par un discours
dans lequel il donne des conseils aux ouvriers et aux enfants, ou fait
ressortir le sens des institutions créées au familistère; puis a lieu la
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 17
dislribulion dos primes et des prix, entremêlée de morceaux de mu-
sique. Après l'audition de quelques morceaux, le cortège se reforme
dans le même ordre qu'à l'arrivée et se sépare dans la grande cour
du pavillon central du familistère.
Le bal a lieu le soir, dans celte même cour brillamment décorée.
Les balcons sur lesquels donnent les appartements, la charpente qui
soutient la toiture vitrée, sont enguirlandés avec art. Au premier bal-
con sont espacés les attributs des différents métiers de l'usine et du
familistère et des devises de morale; le tout entouré de feuillages, de
fleurs et de guirlandes en papier multicolore.
La cour offre un aspect étincelant, le soir, quand scintillent mille
lumières et qu'aux sons de l'orchestre tourbillonnent de nombreux
couples de danseurs et de danseuses. Le bal se termine à minuit.
Le lendemain lundi, la fête reprend dans la matinée par des jeux
de toutes sortes. L'après-midi ont lieu des concours de tirs à l'arc, à
la carabine, des assauts d'adresse et de force; souvent, pour finir, la
direction permet un second bal.
Des sociétés dites attractives ont été fondées parmi les ouvriers : la
société de musique, la plus florissante de toutes, est parvenue à un
haut degré de perfection, comme l'attestent les nombreuses récom-
penses qu'elle a obtenues dans les concours; elle organise chaque
année un concert au théâtre, avec le concours d'artistes et d'amateurs;
elle joue dans la belle saison, tous les quinze jours, sur la place du fa-
milistère, lorsque le temps le permet, et de plus donne trois bals par an,
en dehors des bals qui ont lieu lors des fêtes de l'association. Une sub-
vention de celle-ci, qui se monte à plus de 3.000 francs par an, et la co-
tisation de 50 centimes par mois des membres honoraires pourvoient
aux dépenses de la musique. Ces membres honoraires sont au nombre
de GO. Il existe encore trois autres sociétés : la société des archers, la
société de tir à la carabine, la société de gymnastique. Les cotisa-
tions de leurs membres alimentent le budget de ces sociétés. La so-
ciété des arcliers est organisée militairement; des exercices ont lieu
pendant la belle saison : chaque année un concours en termine la
série, de même qu'un banquet annuel a lieu. La société de tira la ca-
rabine organise deux concours par an entre ses membres. La société
de gymnastique fait trois répétitions par semaine et une promenade
mensuelle. Il s'était également fondé une société de spirites, sous
l'impulsion de M. (Jodin, spirite convaincu, mais elle s'est dissoute,
ses membres craignant d'être traités de « sorciers ».
18 iN° 7.']. — AJL'STEUR-SURVEILLANT DE l'USINE DE GUISE (aISNE).
HISTOIRE DE LA FAMILLE.
g 12.
PHASES PRINCIPALES DE l'eXISTENCE.
L'histoire de la famille esl aussi brève à raconter que celle des
peuples heureux. L'ouvrier a été à l'école primaire, et, lorsqu'il a été
en âge de travailler, il entra à l'usine qu'il ne quitta plus. X l'âge de
vingt-cinq ans, il se mariait et s'élevait peu à peu dans la hiérarchie;
en 18S0, il était nommé associé, en même temps qu'il prenait un ap-
partement au familistère. Depuis, il a été promu surveillant; ses ca-
marades l'ont nommé délégué à la caisse et aux réclamations, et son
existence se continuera ainsi, jusqu'à ce que l'heure du repos ait sonné
pour lui.
L'existence de la femme est aussi dépourvue d'incidents que celle
de son mari; après avoir reçu l'instruction primaire, elle resta dans
la maison de ses parents où elle aida aux travaux du ménage jusqu'à
son mariage qu'elle contracta très jeune, à l'âge de dix-huit ans. Il en
sera de même des enfants. Le fils entrera jeune au familistère qu'il ne
quittera sans doute plus, comme la plupart des ouvriers; et, élevées
dans ce milieu, les filles aspireront probablement à se marier avec des
ouvriers de l'usine, séduites par la stabilité et la sécurité de cette
existence.
§ 13.
MOEURS ET INSTITUTIONS ASSURANT LE RIEN-l^TRE PHYSIQUE ET MORAL
DE LA FAMILLE.
I^a famille est douée de qualités sérieuses : esprit de conduite, ap-
plication au travail. C'est à elles qu'elle doit son élévation, ce sont
elles qui l'empôcherdnt toujours de descendre. Déplus, elle n'a pas à re-
douter les crises industrielles qui se traduisent souvent, pour les ouvriers
de la grande industrie, par un cruel resserrement du salaire, sinon
par la perle de tout travail. La prospérité de l'association dont elle
fait partie est assise sur de fortes bases; si les affaires diminuent, elle
peut craindre un abaissomenl de salaire, mais elle aura toujours l'in-
N" 73. — AJUSTEUR-SURVEILLANT DE l'uSINE DE GUISE (aISNE). 19
lérèt des sonimes qui représentent sa part acquise dans les bénéfices,
part qui la transforme en co-proprictaire de l'usine, et lui donne droit
en outre à des dividendes. Quant à la stabilité, des engagements per-
manents l'attachent à l'usine, et de plus tout un ensemble d'institu-
tions la garantit contre les hasards de la vie (§ 20), Elle est sûre de
rester dans le logement qu'elle occupe; les exigences d'un proprié-
taire peu facile ne l'atteindront donc jamais. En cas d'accidents ou de
maladies, les caisses spéciales lui fourniront des secours. Une société
coopérative permet à la famille de vivre à meilleur compte que si elle
était obligée de s'adresser aux commerçants. Enfin, le plus triste sort
qui menace l'ouvrier devenu incapable de travail, une vieillesse indi-
gente, la caisse des retraites le lui évitera, en lui servant une pension
En un mot, la famille peut envisager l'avenir sans crainte.
20 N" 73. — AJUSTELR-SrRVEILLA.NT DE l'CSINK DE GUISE (aISNE)
S< iÂ. — BUDGKT DES KECETTKS DE L'ANNÉE.
SOURCES DES RECETTES.
propriï:tés possédi^:es par la famille
Aux. I". — PltOPlUKTKS IMMIIIIII.IKIIKS.
(l.a famille ne possède aucune propriété <lc ce genre.)
Art. 2. — VAi.F.cns mohii.if.res.
AnCEXT :
Somme gardée au logis cuniinf fcuuis de roulcmcnl
Part de propriété dans le londs social
Matkiiif.i. spkci.m. des travaux et industries :
Outils pour la culture du jardin
l'stcusiles jtour le Idaucliissage du linge.
AftT. 3. — DliOlTS ALX ALLOCATIONS DE SOCIÉTÉS D'ASSCIUXCES MITUELLES
Droit aux allocalions des diverses caisses d'assurances
Yaleck totale des propriétés
SKCTION II.
SUBVK^TIOi\S REÇUES PAR LA FAMILLE.
AitT. I'"' — PiiopiiiÉTÉs iiEçn.s EN rsiKiini.
(I.a (aniille ne reçoit aucune propriété en usufruit.)
AiiT. -2. — DiioiTs d'csac.e suit les piiopisiétés voisines.
(I.a famille ne jouit d aui un droit de ce genre.)
Ar.T. ;{. — Allocations d'oujets et de service<.
Allocalions conceinant la iioiurilure, l'Iialiilation et les vêlements
— les industries
— les récréations
— le service de santé
l'arlicipalion aux hénelices de l\isin(!
KVAI.CATION
.VI'1'U()XIMAT1\ K
DKS SOUIICKS
DK UECETTKS.
VAI.KUU
dus
PROpaiKTi^:!:.
iOI UO
fi ;H)
V, 2.>
N" l'i. — A.JLSTEL'K-SURVEILLANT DK L USINE DE GLISE (aISNE),
^ 14. — BL'DGET DES RECETTES DE L'ANNÉE.
21
RECETTES.
ser. TioN r%
REVE\CS DES PROPRIÉTÉS.
Ai;t. 1^'. — Kevf.m'S des piuipPvIÉtés immorilièiies.
(La famille ne jouit d'aucun revenu de ce genre.)
AtiT. -2. — Revenus des valeurs snmiLiÈnEs.
:ettc somme ne produit aucun intérêt.)
itérét (.S X) ('e cette part (les dividendes f|ui lui sont attribués élantajnutés
au capital)
l(T(H(o X) de la valeur de ces outils (S <6, B).
— de CCS objets (,;iC,A).
Ar.T. 3. — AlLOCATIOSS DES SOCtÉTÉS D'ASSURANCES MUTUELLES.
ileur de ces allocations, supposée égale à la cotisation annuelle. G' 00 (cette
valeur, n'étant que la rentrée d'une somme égale payée par la famille, est
omise ici, comme la dépense qui la balance)
Totaux des revenus des propriétés
SECTION II.
PRODUITS DES SrBVE\TIO\S.
Ar.T. ^'=^ — Pr.ODUITS DES PliOPP.IÉTÉS P.EniES EN USUFHUIT.
(La famille n<! jouit d'aucun produit de ce genre.)
Ai:t. -2. -— Pr.dDuiTs DES DnoiTS d'usage.
(La famille ne jouit d'aucun |)roduit de ce genre.)
Ar.T. .3. — Objets et services alloués.
:onomie résultant des acquisitions faites à la Société coopérative de l'usine,
100' 00. (Cette recette est omise ici, ainsi que la dépense qui la balance, '; l.">,
S""> I. II et m.) .■;...
et d'outils |)our la culture du jardin fait à l'ouvrier par son père (5 16, B .)..
;nus cadeaux faits aux enfants par les parents
intrihution de la société d'assurances contre les maladies, 28' ,')0; —alloca-
tion pour le fonds de pliarmacie, 12' 00 (ces sommes, n'étant que la rentnc
de celles <|ui sont [lavecs par la famille, sont omises ici, comme les dépenses
qui les balancent. '.; I.'J, S"" IV.)
irt accordi'e à l'ouvrier par b; patron (elle est reportée à la Section I snu-;
forme de dividendes (jui s'ajoutent au capital ipie ]>osséde l'ouvrieri
Total des produits des subventions
MONTANT DKS UKCKTT»
Valeur dei
ibjrts reçDS er
imturu.
0 3-2
0 m
270' 0.'i
8 00
2:2 N" T;J. — A.ILSTELK-SURVEILLANT UK LÏSIMi DE GUISE (AISNE).
Î5 14. -- BUDGET DES HECETTES DE L'ANNÉE (suile).
SOURCES DES RECETTES (suite).
SECTION III.
TR\VV(\ EXÉCUTÉS PAR I.A FAMILLE.
Tr;i\;iil di- l'uin riiT a l'usine
Ciilliiri' (In ja 1(1 in
Soins ihi nii'iiaLte et Iravauv donK'Sti(|uos
Uc|taiali(tn du linge cl des vctenicnls de la l'aniilie
Blancliissage du linge et des vclcmcnnls de la famille
ToTAix des journées de tous les membres de la laniilk'.
.SliCTION IV.
l>OISTItiES E\TREPRISES PAR LA l'AllILLE
(a sou proiire comple).
■20
I.NDU^iiiiEs entreprises au comple de la famille
Cullurc du jardin
Blanchissage du linge el des xileuients
N" 73. — AJUSTEUR-SURVEILLANT DK l'uSLNE DE GUISE (aISNE). 23
^ li. — BUDCIET DKS KKCETTES DE L'ANNÉE {suite).
MONT.ANT DES KEi:ETTES.
RECETTES {suite).
Valeur
(les objet-s
Eccettcs
reçus
en nature.
urgent.
PRIX DES SVI.AIItES
JOU'ItNALlF.ns.
rire.
Mère.
fr. c.
fr. c.
SECTION III.
SAL.\IRRS.
ti .-.0
■2 :.ii
2 00
Salaire total attribué à ce travail
37' ;iO
31 '2-i
M 00
!.'Ji7':.o
— ^ — (" l(> A)
(.Aucun salaire ne peut être attribué à ces travauv. )..
Salaire total attribué à ce travail
— — — {" 1() B )
ToT.ux des salaires de la famille
108 7.-;
i.!ji7 .•;()
SECTION IV.
BÉ\ÉFICES DES l\DLSTRIES.
Bénéfice résultant de celte industrie ( " lti,.\).
2 23
»- - - • C; l<î-B)-
.■; <ji
•
ToTALx des héuélices résultant des industries
8 17
•
Totaux des recettes de l'année (l)alançanl les dépenses) (!î.3i3'5/>). ..
12U 00
2.187 .;.•;
24 N" T.'i. — AILSTEUIl-SUUVKILLANT I>K l'USINK DI-: GUISE (aISNE),
^ 15. — BUDGlîT DES DÉPENSES DE L'ANNÉE.
DÉSIGNATION DES DÉPENSES.
SECTION l".
DKPEiVSES CONCERI^AI^T L\ iVOUnRITURE.
Art. 1". — ALIMENTS CONSOMMÉS DANS lE MÉNAGE.
(l'ur l'ouvi-iur, sa femme et ses trois enfants pemlnnt 36S jours.)
CÉRÉALES :
I>aiii •
l-'ariiiu cl pàlissurio
l'nids total cl prix ini>\eii
Coups gras :
Ilciirn^
Ciaisst! (I(! porc
Huile
Poids total cl prix moyen ... .
Laitages et ceufs :
l,ail
I- ronia^'c de Marolics
niùil's, va i)icces à O'O"
Poids total et prix moyen
Viandes et poissons :
Viande de lni'ul
— de \cail
— dépure
Cihier : <• lapins
Vol.iillcs : -2 oies, .•;" à -i'i'A), 1-2'. "id; — li poulcls . (i
a I • ■!:<. 7 ' oO
poissons : Inoehcts cl autres poissons de rivière...
Poids total et |)rix moyen
poids et prix des
aliments.
POIDS
consommé.
.■i-2 0
■n n
PRI.X
p.ir kUog.
n 'i.'iit
MO.NTANT DES DEPENSE':
Valeur
des objet-s
consonim«''.i
en nritiire.
■211 (1
.■t '2(10
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-2 'il Ml
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Il 0
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IS.'> 0
1 (ilil
N" 73. — A.ILISTEUH'SUKVEILLANT DK l'uSI.XK, DE GUISE (aISNE). ^25
i 15. - BUDGET DES DÉPENSAIS DE L'ANNÉE {suite).
DESIGNAT[ON DES DEPENSAS {suite).
SECTION V
DÉPENSES COiVCERIMAlXT L\ iXOCURITURE (siuït).
I.ÉIUMES ET FIUITS :
Tubercules : Pommes de terre , flu jardin , iOO" à 'J'^iO
les 100 kil., lti';;o Cj l(i,A); — achetées, d-W à ."i'oO
les 100 kil., 8' 25
Légumes farineux: Haricots, du jardin, d^"^ àO'iO,
4^80 (à 16. A); — achetés, 4" à '0^40, l'OO
Légumes verls à cuire : Petits pois, du jardin, ii" à i'.jO,
l'm (■• t6,A); - aclietés, 3" à l'.-iO, 4^50; — clinuK,
du jardin, 40" à O'I.S, 6'00 (3 16,A); — aclietés,
;to >■ à 0' l.-i, i'.-JO
Garnîtes, persil, poireaux , navels {',■ t(>,A)
Légumes épiccs : Oignons, du jardin, 10'' à CIS, l'50
C; 1(),A)"; —achetés, 4" à Ofïo, 0' GO
Salades diverses (S d6,A).
Fruits à [lepiii et à novau : Pommes, 32" à 0'30, OMiO:
— poires, 40" à 0'-2ii, lO'OO; — cerises, 12" à 0"iO,
4^80; — prunes. 8" à O'.'iO, 4'00
Fruits baies : Fraises C,' 10, A ) .
Poids total et prix moyen.
Condiments kt stimulants
Sel....
Poivre.
Vinaigr
Sucre .
Calé . . .
Poids total et prix moyen.
Boissons FEnMENTÉES :
I
luérc
Vin ■
Kau-(lc-\ie, 38" à 1' 40, .>i'20: — rhum, 2" à 2f."iO, .VOO.
Poids total et prix moyen
POIDS KT PUIX DliS
ALIMENTS.
POIDS
PRIX
consommé.
par
kilos.
5;.o" 0
01^ 0.55
iii
0
0
too
78
0
0
288
i(i
(i
0
302
11
0
0
1.50
2")
0
0
1.50
i>2 0
0
30!»
10
0
0
too
731 (i
0 115
17
0
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200
0
1
.5
0(H)
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0
0
800
2(i
0
1
150
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0
■i
400
57 1
1
513
1.015
0
0
100
(»t)
0
0
liOl
40
0
1
1,55
I.I8I
0
0
If 15
Art. 2. — .-Vliments pukpauks et consommes en dehors du ménage.
Boisson consoinmcc au cabari'l par I'uun rlcr
Totaux dos dépenses concernant la nourriture.
montant des DEPENSES
Valeur
des objets
colisomînéa
eu natuie.
3 .5(1
10 01
10 38
1 11
2 78
Dépenses
argent.
12' 51
2 81
12 1!»
.3 «2
0 0!)
0 t)7
28 40
1 03
:t 10
0 50
1 00
2!» ilO
48 00
1 1 1 00
.5S 00
.58 20
26 N° 73. — AJUSTELR-SUHVEILLANT DE L'uSI.VIi DE GUISE (aIS.NE).
^' 15.— BL^DGET DES DÉPENSES DE L'ANNÉE {suite).
DESIGNATION DES DÉPENSES {suite}.
SECTION II.
dépë:vses coivcer.wkt liiabitatiom.
J.OCEMENT :
l,(iyef iIl- la maison
Moisir. lEii :
Eiilrelien du iiioljilkT : « juurii. de la reiiiiiif à l'i"i, 10' (X);— achats, Wj'OO.
ClIAlFFAGE :
Chaihoii dp IriTc, 't.i»i>^ à l'J' .'iO les LOOn"-, 87' 't."i; — -2 \uitmo.s de Ixiis, pdiir
alluriicT le Ifu, à "' i)ar voilure, I4'0(»
ÉCLAinAGE :
Pétrole, 4-2 litres à O'.";», -il' (K); — liougie, 3 |ia(iuels d'une li\re. à O'IiOlc pa-
quet, 2'70
Totaux des dépenses concernant l'habitation
SECTION III.
DÉPENSES COniCERniAIMT LES VÊTEMENTS.
VÊTEMENTS :
Yctemenls de l'ouvrier
de la leniiMc
— des cnraiits
Enlrelicu du linge cl des NÙtenients : 17 jouriii-es (h; la l'einme à V-2'i....
Blanchissage :
lilancliissage du linge et des vêlements, l'ait à la maison (,; ic,lî)
TOTAix des dépenses cimcernaul les vclemcnls
s i; c T j o N I V.
Di:i>E>SES COM'.ERKANT LES BES()I\S MOIUUX, LES RÉOIIKATIUIVS
ET LE SERVICE DE SA\TË.
ClLTE :
l,«)catioii de chaise, lailc e\rlusiAenifiit pour la petite lille
iNsrmCTION DES EM^AMs :
La gratuité de renseignement est absolue
MO.NTANT DES DEPENSES
Valeur
des objeta
consommés
en nature.
Dépense:
en
argent.
10' 00
■»-J(»'«0
-:; (M)
70 00
(;•> 00
^'' 7.'{. — A.ILSTEUIÎ-SURVEILLANT DE l'uSINE DE GUISE (aISNE).
§ 15. — BUDGET DES DÉPENSES DE L'ANNÉE {suite).
m
i -
MONTANT des DÉPENSES.
DÉSIGNATION DES DÉPENSES {suile).
Vftlour
des objeU
consommés
en nature.
Dépenses
en
urgent.
SECTION IV.
DÉI»EÎ\SBS COISCERNAI^T LES BESOII\S 1IIOR4lI\, LES RÉGRÉ\TIO;\S
ET LE SERVICE DE SANTÉ {suite}.
SECOUnS ET AIMÔXES :
Aumônes ildiinées à des niciuliants
>
:i<i:,
Hf.créations et solennités :
Dépenses au cabaret, dîners donnés à des amis (mentionnés à la S"" 1); —
dépenses diverses à l'oecasioa des jours de l'été, lO'OO; — tabac, li'OO;
— cadeaux faits aux enfants par les [larcnls, ."i'OO; — journaux, 1'j'7j...
.von
4;j ";;
Service de santé :
Cotisation payée par l'ouvrier pour l'nssuraiicc contre les maladies, 28';;0:
pour le fonds de pharmacie, i-2'(\n (ces dépenses, clanl remboursées par
les allociiiloiis cpie reçoit la laniiile. sont omises ici comme les recettes
(jui le l)alanccnt, 'i.i'i, S""Ii); — menues dé|tenses, ïJ'jO
ToTAcx des dépenses concernant les besoins moraux,
les récréations et le service de saule
„
■2 .•;')
5 00
:,-2 !I0
SECTION V .
DÉPENSES CONCERNANT LES INDUSTRIES, LES DETTES, LES HIPÔTS
ET LES ASSURANCES.
DÉPENSES CONCERNANT LES INDUSTRIES :
Nota. — Les dépenses concernant les industries entreprises au com|)-
te de la laniiile montent à Ci 16,(;) tO'J'88
Elles sont remboursées parles recettes provenant de ces mêmes in-
dustries, consistant en objets employés pous les consommations du
Intérêt des dettes :
(Aucune dette n'a été contractée par la famille.)
j,
_^
Impôts :
Coti- personnelle, l'Hii; — cote mobilière, lO'ftO; — preslations, H'OO
»
18 -:;
Assurances concourant a garantir le bien-être physique et moral de la famille :
Somme versée pour l'assurance desdames du familistère, (j'OO (cette dé|>ense,
reml)oursée |)ar lesalloc-aiions reçues par la famille, est omise ici, comme
.
Total des dépenses concernant les industries, les dettes, les impôts
et les assurances
IS 7.-.
Épargne de l'année :
I.'cparHiK? faite par l'ouvrier lui-même est peu considérable, l(i!Jf-2(> (la véri-
table éi)arf,'ne consiste dans les dividendes, mis de côte par la société, (|ui
viennent grossir la part île propriété de l'ouvrier dans le fonds .social).. ..
Totaux des dépenses de l'année (balançant les recettes) (2.;u:»'5.">j
»
10!» Sîli
t"2li IK)
■2.187 .';;;
28
N" 73. — AJUSTEUK-SURVlilLLANT DE l'uSINE DE GL'ISE (aISNE).
§ 16.
COMPTES ANNEXÉS AUX BUDGETS.
SECTION I.
COMPTES DES BÉNÉFICES
BÉSULTANT DES INDUSTRIES ENTREPIUSES l'AK LA PAMII.l.E
(;i son propre coniple).
A. — CULTURE DU JARDIN.
Pommes de Icrrc, consonimccs par la famille, 300'' à .'i'.'iO les 100 kil.
Haricots, — 1-2" à 0"iO
Petits pois, — 5" à l';iO
Oignons, — 10" à 0' l."J
Choux, — M)"àO'I.S
Persil, poireaux, carottes, ctc W a ii 0' 3tt-2
Sa ladcs, — -i'i" à 0' lo
Kraiscs, — 10" a 0' iO
Totaux.
Location (lu Janiiti
l'rét d'outils fait à l'ouvrier par son père
Achat de fumier
— de semences
Intérêt (ii p. X) ''e la valeur des outils..
Travail de l'ouvrier : 1."> journées à :2'"iO..
BÉNÉncK résultant de l'industrie.
Totaux comme ci-dessus.
(1
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l.-i (K)
V (M)
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B. — BLA.NCIllSSAtiK DU LINGK KT DES VÊTEMENTS
1»K LA EAMILLi:.
'rix (pii serait payé pour le idancliissajje des mêmes ohjets exécute au
dehors
Achat de savon , -2-2" à 0"»:;
ïllaiic d'amidon. l"."i(K) ;i o'îMi, \<Xi: hieu. 0'-2.';
Iiiti'rct (fi p. % ) du malcrii-l de l'indnslrie... .
Travail de l.i leiniiic: 20 jouriuîcs a 2'0((
Hknkhii. ri'siillanl (le rindustric
carlxuiate, 1-2" àO'l.'i. l'xo...
Inliiiix cdinme ci-dessus.
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»
3 '<0
0 "(1
iO 00
•
N" 7,5. — COMPTES ANNEXÉS AUX lîUD.JETS.
9J.)
C. — liÉSUMÉ DES COMI'TES DES BÉNÉFICES, RÉSULTANT
DES INDUSTRIES (A ET BV
ItF.CF.TTF.S TOTALES :
ml 11 ils cniploycs ])nur la nourriluro de la famillfi (ï" 1.'>, S"" I )
— pour les vêtements (ii <">. S"" III)
Totaux
DÉPENSES TOTALES.
ntérèt (le la valeur des propriélés possédées par la lamllle et employées jiar
elle aux industries (S l'*? S°" ')
odiiils des subventions reçues par la lamille cl emplovées par elle aux
industries " {§ 14, S"" II)
salaires afférents aux travaux exéeutés par la famille pour les indus-
tries (S It, S"" ni)
)épcnsos en argent qui devront être remboursées par des recettes résultant
des industries
Totaux des dépenses... (IO'J'88)
BÉNÉFICES TOTAL x résultant des industries
• Totaux comme ci-dessus
w, "0
l.-i'OO
1 08
»
3 00
'
77 .•>0
•
•
28 30
81 .'.8
28 30
8 17
•
SECTION II,
COMPTES RELATIFS AUX SUBVENTIONS,
.es com]ites, se rapportant à des opérations fort simples, ont été établis dans le budget même.
SECTION III.
COMPTES DIVERS,
'ous les comptes sont établis directement dans le budget même.
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE.
FAITS IMPORTANTS D'ORGANISATION SOCIALE;
PARTICULARITÉS REMARQUARLES;
APPRÉCIATIONS GÉNÉRALES; CONCLUSIONS.
§"■•
SUR l'histoire de l'usine.
L'usine de Guise a eu pour fondateur M. Godin, ne à Esqueliéries,
canton du Nouvion (Aisne); son père était un simple maréchal fer-
rant. A peine eut-il reçu les premiers rudiments de l'instruction pri-
maire que sa famille voulut lui faire apprendre l'état paternel. Mais,
(loué d'un caraclrre résolu et entreprenant, le jeune Godin ne voulut
pas rester auprès d'elle. Aussitôt son apprentissage terminé, il quitta
son villat^e pour parcourir la France.
Dans le cours de son excursion, il lit déjà preuve de ces fortes qua-
lités qui l'ont conduit à la fortune : amour du travail, esprit d'ordre
et d'économie, volonté énergique. Avide de savoir, il complétait par
des lectures l'instruction rudimentaire qu'il avait reçue, et consacrait
à l'élude les heures que ses compagnons donnaient à de grossiers
plaisirs. Certains faits l'avaient vivement frappé, appelant à ses yeux
une prompte réforme, entre autres rcnlassemcnt des enfants dans les
écoles, la routine des métiers manuels, les scènes de bruyante ivresse
qui suivaient trop souvent la paie des ouvriers.
C'était alors le temps où les idées socialistes se répandaient en
France, La Révolution de 18.10 avait jeté un trouble universel dans les
esprits; d'ardents novateurs agitaient toutes les questions, bâtissaient,
avec des systèmes tout d'une [)ièce, une société nouvelle, dégagée des
traditions, en même temps que la |)aix sociale, maintenue jus(ju'alors,
notamment dans les ateliers parisiens, commençait à faire place à
l'antagonisme qui depuis est allé en s'accenluanl. Ces idées charmaient
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 31
les ouvriers, aux yeux desquels elles faisaient luire la séduisante pers-
pective d'un sort plus fortuné, et M. Godin, plus que tout autre, goûta
les tiiéories de Cabet et de Fourier.
Quand son tour de France fut terminé, il revint dans son paj's, s'é-
tablit d'abord à Esquehéries; mais, au bout de peu de temps, il trans-
porta à Guise, dans l'endroit où il est demeuré depuis, l'établissement
destiné à un si prodigieux accroissement.
Cependant il fut aux prises, dès les débuts de son installation
dans cette dernière ville, avec de grandes difficultés. Aucun centre in-
dustriel ne se trouvait dans les environs, et les seuls ouvriers de la
région étaient des tisseurs qui, au travail des champs, joignaient le
travail industriel. Il fallut donc créer tout un personnel, et l'empêcher
ensuite de quitter l'usine au bout d'un court séjour. Cette nécessité
de fixer la population ouvrière amena M. Godin à concevoir le pro-
jet de construire des logements confortables dont les avantages re-
tiendraient ce personnel mobile. Vingt ans plus tard seulement, cette
idée s'est réalisée sous la forme du familistère.
Déjà la fortune avait récompensé les énergiques efforts de M. Go-
din; il n'hésita pas à en sacrifier une partie pour aider au triomphe
des idées qui lui étaient chères, et, lors de l'expédition que Victor
Considérant tenta dans le Texas pour appliquer les idées de son
maître Fourier, M. Godin sacrifia généreusement 100.000 francs, soit le
tiers de la fortune qu'il avait déjà acquise. L'issue misérable de l'ex-
pédition ne le découragea pas; il comprit seulement que l'application
du fouriérisme devait être confiée à des mains plus fermes, plus pré-
voyantes, plus économes.
Le développement progressif de son usine appelait de plus en plus
son attention sur la nécessité de fixer la population ouvrière. Si son
personnel se composait des ouvriers tisseurs qui habitaient les envi-
rons, il se recrutait aussi parmi les ouvriers nomades et parmi ceux
qui sont appelés vulgairement traînards. Comme ils arrivaient à l'u-
sine sans aucune ressource, M. Godin était obligé de leur fournir le
logement et la table. 11 les engageait seulement pour huit jours; au
bout de cette épreuve, apercevait-il chez eux de bonnes qualités, il
les gardait définitivement. En même temps, désireux de former un
noyau plus solide, il transforma en apprentis mouleurs et ajusteurs
les hommes de peine et les tisseurs qui étaient venus lui demander
du travail. Mais presque tous résidaient à 3 ou 4 kilomètres de
l'usine, aux villages de La Bussière ou de Lesquelles-Sainl-Germain.
;{2 N" 73. — A.1L'STEUR-SUR VEILLANT DE LÏ'SINE DE GUISE (aISNE).
Chaque jour, par ronséqucnt, ils élaienl obligés de faire une longue
course qui, s'ajoiilant aux labeurs de l'usine, leur imposait un surcroît
de fatigue. En outre, trouvant presque tous dans les travaux agricoles
un supplément de ressources au salaire industriel, ils étaient plus in-
dépendants de leur patron. Aussi ce dernier désirait-il de plus en plus
les tenir directement sous sa main, et la création de logements ou-
vriers autour des ateliers ne cessait d'être une de ses constantes préoc-
cupations.
A ce moment s'opérait une révolution économique. La vulgarisation
des progrès de la science, l'application de la mécanique à tous les
moyens de production et de transformation, la construction des
chemins de fer, le télégraphe, donnèrent à l'industrie un essor qui
s'accentua surtout dans les premières années de l'Empire. Plus que
tout autre peut-être, l'établissement de Guise profita de ce mouvement.
La substitution de la fonte à la tôle dans les appareils de chauffage
fut une innovation heureuse et devint le point de départ d'une vogue
industrielle qui s'est traduite pour M. Godin par une immense fortune.
Il profita de cette prospérité pour réaliser ses projets de cités ou-
vrières, dans la construction desquelles il se proposa d'appliipier les
idées de Fourier. Aux yeux de ce dernier, la vie en commun de-
vait être substituée à la vie familiale individuelle, source pour la
société de maux de toute sorte. Ne pouvant réaliser entièrement ce
programme, il dut se contenter d'abord de construire, pour loger ses
ouvriers, vm immense bâtiment, au(|uel il donna le nom de familis-
tère ou celui plus ambitieux de palais social. Commencé en 1850, le
bâtiment fut achevé et habité l'année suivante; et les autres familis-
tères s'élevèrent successivement.
Kn 1870, les événements surprirent M. Godin avant ([u'il ont le
temps de retirer les fonds qu'il avait déposés à Paris. Pour suppléer à
la rareté des capitaux, il créa des bons représentant une valeur mo-
nétaire, et les donna à ses ouvriers. La solidité de son crédit était toile
que ces bons furent partout reçus sans difficulté. En même temps,
réduisant une production qu'il était incapable d'écouler immédiate-
ment, il abaissa de deux heures la journée de travail. Mais, avec huit
heures de travail, les ouvriers produisaient autant qu'en travaillant
dix heures. Le travail fut encore abaissé d'une heure. Même résul-
tat. IjCS magasins pouvaient h peine contenir les objets fabriqués, que
l'étal de guerre, joint à rinlerrujition des communications, empêchait
de vendre. Uin' iliuiiiiuHun sensible de production fut seulement ob-
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 33
tenue lorsque les ouvriers ne travaillèrent plus que six heures.
Jusqu'en 1880, l'organisation de l'usine de Guise ne présentait
aucun caractère particulier, sauf le système des cités ouvrières adopté
là, alors qu'ailleurs la tendance était de l'abandonner. M. Godin
donnait à )a caisse d'assurances une subvention égale à celle de ses
ouvriers; il distribuait chaque année des récompenses pécuniaires à
ses collaborateurs les plus méritants. Des institutions spéciales con-
cernant l'enfance avaient encore été créées (§!:^ 3 et 19).
En 1880, M. Godin vit que, par suite de certaines circonstances,
il trouverait difficilement un successeur dans sa famille. En même
temps qu'il désirait rendre moins lourd le fardeau qu'il avait porté,
il se préoccupait du jour où l'usine passerait dans des mains étran-
gères. Si, en effet, il s'était décidé à la mettre en vente, il n'aurait pu
transmettre qu'à une société anonyme un établissement aussi considé-
rable. Or les actionnaires n'auraient sans doute pas obéi aux mêmes
inspirations que lui; ils se seraient moins empressés de continuer son
œuvre sociale, et, entre leurs mains, celle-ci eût subi des transfor-
mations qui en auraient altéré le caractère. En outre, la vente d'un éta-
blissement de ce genre n'aurait pas été facile à réaliser dans des
conditions de sécurité absolue. M. Godin se décida alors à former une
association, composée d'un certain nombre de ses ouvriers et em-
ployés, àlaquelle il transférerait lapropriété de l'usine et du familistère.
Nous exposerons plus loin le mécanisme de cette association (§ 22).
La prospérité de l'usine s'est développée d'une manière continue ;
toutefois elle a subi le contre-coup des crises industrielles, dans une
faible mesure, il est vrai, quoiqu'elle rencontrât des maisons rivales,
fixées surtout dans le département des Ardennes, et contre lesquelles
elle n'avait pas à lutter lors de la première période de son existence.
En 188G, une crise industrielle sévissait sur les fonderies des appa-
reils de chauffage, et, sous le coup de la diminution des affaires, plu-
sieurs maisons avaient opéré des abaissements de salaires, qui avaient
même provoqué des grèves. M. Godin écrivit alors à ses concurrents
une lettre dans laquelle il leur proposa une entente, « à l'effet d'étabhr
un syndicat général des patrons et un syndicat général des ouvriers
de cette industrie ».
Ces syndicats, agissant de concert, auraient pour principal objet :
1° D'élever les salaires à un même niveau dans toutes les usines
pour un même nombre d'heures de travail;
2° D'arrêter un tarif des salaires gradué, correspondant aux diverses
3
34 n" 7.'{. — AJUSTELR-SURVEILLANT DE L USINE DE GUISE (aISNE).
séries ou catégories d'ouvriers clans chaque usine, tarif au-dessous
duquel aucun chef d'établissement ne pourrait payer les ouvriers de
chacune des séries ou catégories; ou de fixer une moyenne de prix
des salaires, au-dessous de laquelle la paie générale ne pourrait des-
cendre;
3° De fixer un nombre d'heures uniforme pour la journée de travail
dansions les ateliers, 10 heures par exemple.
Le syndicat des patrons et le syndicat des ouvriers, chacun de son
côté, seraient chargés de signaler les infractions à la règle établie,
à un comité qui aurait pouvoir de faire redresser ces infractions par
les moyens légaux.
« Il y a, écrivait M. Godin, la plus grande urgence à porter remède
à la réduction des salaires, car, la baisse une fois opérée dans un éta-
blissement, les autres chefs d'industrie sont fatalement condamnés à
faire de même. Ce n'est donc qu'un avantage momentané pour ceux
qui provoquent la baisse, avantage acquis au prix de la gène et de
la misère de la classe ouvrière. »
Cette tentative fut infructueuse. Quelques maisons seules répon-
dirent. D'autres groupes industriels ont au contraire fondé des Unions
qui ont mis fin à une concurrence meurtrière pour eux. Citons notam-
ment les établissements métallurgiques du bassin de Longwy.
M. Godin n'avait pas seulement voulu appliquer les idées deFourier
dans son usine. 11 les défendit dans plusieurs ouvrages ou brochures,
en les corrigeant ou les complétant sur un grand nombre de points.
Sesprinci[)aux ouvrages sont : Solutions sociales; — Mutualité sociale et
association du capital et du travail, ou extinction du 'paupérisme par la
consécration du droit naturel des faibles au nécessaire et du droit des
travailleurs à participer aux bénéfices de la production; — Le Gouverne-
ment] — La république du travail et la réforme parlementaire. — 11 fut
aussi élu membre de l'Assemblée nationale aux élections du 8 fi}-
vrier 1871, mais il n'y joua qu'un rôle effacé. Sa carrière politique du
reste fut courte. Il ne se représenta pas aux élections législatives
et échoua même aux élections du Conseil général.
M. Godin mourut le 15 janvier 1888. Suivant sa demande, ses obsè-
ques furent purement civiles; il avait rn effet toujours été éloigné de
ri'iglisc catholi(iue, mais il croyait à l'existence d'un autre monde.
Pour lui, la mort n'était qu'un changement d'existence. C'est égale-
ment pour répondre à ses vœux que sa dépouille fut déposée dans le
jardin même de l'association, en un point culminant d'où la vue
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 35
domine toute la propriétti du familistère. Depuis, la société de l'usine
a fait élever un mausolée sur sa tombe, ainsi que sa statue sur la
place publique ([ui s'étend devant le plus grand des familistères.
La mort de M. (îodin n'interrompit pas la prospérité de l'usine.
L'exercice 1887-1888 accusait un chiffre d'affaires de 4.394.703^ 17.
Depuis, les affaires n'ont pas diminué. M. Dequenne a été nommé direc-
teur de l'association, conformément aux statuts (§ 23). Il avait fait
toute sa carrière à l'usine et s'était peu à peu élevé par sa haute va-
leur professionnelle et morale. Aussi son autorité est-elle unanime-
ment respectée.
Aujourd'hui les services sont divisés comme suit :
1" Bureaux;
2" Modèle et sculpture ;
3° Fonderies, comprenant : a, moulage à la main; — b, moulage
à la machine, et dépendances ; — c , sellerie ; — d, noyautage ;
4° Ajustage et montage des meules, comprenant : a, ébarbage ; — b,
polissage; — c, emballage; — d, montage;
5" Émaillerie, comprenant : a, préparation des émaux, broyage
et cuisson; — 6, applications;
()° Galvanoplastie;
7" Quincaillerie;
8° Produits en terre réfractaire et céramique ;
9° Magasins d'expédition;
10" Écuries et services des transports;
11° Entretien du matériel et des constructions;
12° Matières et approvisionnements.
Voici maintenant la moyenne annuelle de la consommation des ma-
tières premières par l'usine : fontes mises aux cubilots, 7.500.000 kil.;
— tôles d'acier, 100.000 kil.; — fers, 100.000 kil.; — coke,
2.300.000 kil.; — houille, 2.200.000 kil., — paille pour emballage,
030.000 kil.; — bois blanc et de diverses essences, 700 stères.
Un trait donnera une idée de la solidité des bases sur lesquelles
M. Godin a assis la prospérité de son usine. Quelques mille francs
seulement chaque année restent impayés par les nombreux quincail-
1ers que l'association charge de l'écoulement de ses produits, tant
son fondateur a su choisir ses correspondants avec intelligence.
36 n" 71} . — AJUSTEUR-SURVEILLANT DE l'uSINE DE GUISE (aISNE).
§ 18-
SUR LE familistère; son organisation; ses avantages et ses
INCONVÉNIENTS.
Le familistère a attire de nombreux visiteurs. Jusqu'au moment où
a été créée l'organisation donnant aux ouvriers une part de propriété
de l'usine el dont nous exposerons plus loin les détails (§ 2i2\ il cons-
tituait la partie la plus originale de Guise.
Chaque édifice se compose d'un sous-sol, d'un rez-de-chaussée et
de trois étages, dominés par un grenier. Des galeries en forme de
balcon entourent chaque étage; elles donnent sur les cours intérieures,
sauf dans celui où habile notre ouvrier; étant de dimensions plus
petites, il ne renferme pas de cour.
Sur ces galeries se trouve l'entrée des appartements. Ceux-ci sont
construits sur un modèle uniforme; ils comprennent tantôt deux,
tantôt trois chambres avec un petit cabinet; ils sont aménagés de telle
sorte qu'un courant d'air puisse y circuler. Les pièces qui donnent
sur les cours vitrées sont en efl'et exposées à une forte chaleur, quel-
ques précautions que l'on prenne pour atténuer l'ardeur des rayons
du soleil à travers le vitrage. Ces cours sont arrosées à grande eau
trois fois par jour, et la ventilation a été organisée de manière à ame-
ner l'air plus frais des caves.
Le prix des appartements dépend de l'exposition plus ou moins
avantageuse. Ainsi ceux qui sont exposés à l'Ouest et au Sud sont
loués moyennant un prix légèrement plus élevé que ceux donnant au
Nord et à l'Est.
La cohabitation d'un si grand nombre de ménages sous le même
toit entraine, au point de vue hygiénique, des inconvénients qui ne
peuvent être combattus que par la propreté la plus minutieuse. Cette
question était une de celles (jui s'imposaient dès la construction du la-
milislèn; à son fondateur. Il a su la résoudre de la manière la plus
conqtlète. Sous le rapport de l'entretien, le familistère est un véritable
modèle.
Des water-closcts sont disposés aux angles de chaque étage.
Toutes les cuvettes sans exception y sont à soupape avec efl'et d'eau.
A côté sont établies des chambres à ordures; il y existe des trappes
ELEMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. J7
qu'il suffit de faire basculer pour que ces ordures soient aussitôt pré-
cipitées dans des réservoirs placés au sous-sol, d'où on les, enlève
chaque jour.
A côté sont établis des robinets d'eau qui permettent de laver à
grande eau les locaux, ci-dessus désignés. Des règlements appliqués
avec rigueur préviennent de la part des habitants toute contraven-
tion aux mesures relatives à la propreté, mesures très minutieuses.
L'entretien des cours, couloirs et escaliers, est confié à une escouade
de 20 femmes, appelées balayeuses; elles reçoivent une rétribution
moyenne mensuelle de 20 francs Le service coûte annuellement à la
Société une somme de 7.530 francs environ.
L'eau est fournie par un puits artésien, jaillissant d'une profondeur
de 266 mètres. Elle n'est pas distribuée dans l'intérieur des logements,
mais seulement à chaque étage, où des fontaines pourvues de robinets
ont été aménagées. La consommation moyenne est de 20 litres par
habitant. En outre, dans la cour de chaque pavillon est installé un fort
robinet, auquel s'adapte un tuyau à lance pour l'arrosage d'été; suivant
la température, les cours sont arrosées une, deux ou plusieurs fois par
jour. Les fontaines constituent de plus des réservoirs en cas d'incen-
die. Un veilleur de nuit fait d'heure en heure une ronde générale dans
toutes les parties du familistère. En outre, un corps de pompiers, qui
se recrute librement parmi les ouvriers et employés, a été créé. Deux
incendies de médiocre importance ont éclaté dans l'usine : l'un en 1886,
l'autre en 1888.
L'éclairage des cours, couloirs et cabinets se fait au gaz; il est main-
tenu pendant toute la nuit.
Se familistère n'a pas de concierge. De grands tableaux placés à
l'entrée de chaque porte contiennent les noms des familles et les nu-
méros des différents logements. Les entrées n'ont même pas déportes;
en hiver seulement l'on pose des vantaux mobiles pour maintenir
une douce température dans les cours vitrées.
Le prix des appartements est fixé par mètre carré. Il dépend, pour
le premier groupe, de l'étage et de l'orientation plus ou moins avan-
tageuse. Ainsi les appartements dont les fenêtres donnent à l'Ouest
et au Sud sont loués 0^33 le mètre carré au rez-de-chaussée, 0^332
au premier, 0'^33 au second, 0^308 au troisième. Du côté Nord et Est
le prix s'abaisse : au rez-de-chaussée, il est de 0f297 et de 0^308; au
premier, de 0^319 et de 0^33; au second, de Of297 et de 0^308; au troi-
sième, de 0*293. Ces prix sont ceux de l'aile gauche et du pavillon cen-
38 N° 73. — AJUSTEUR-SURVEILLANT DE l'USINE DE GUISE (aIS.Ne).
tral. A l'aile droite, ils sont légèrement abaissés. Pour les groupes
des rues de Landrecics et de Cambrai, le [)rix de base par étages est
unifié; il est, dans le premier, de 0*^21)8, 0^358, 0^332; dans le second,
qui comprend un étage de plus, de 0'"315, 0^36, 0*^327, 0^27. Dans ces
prix, la location des caves et greniers n'est pas comprise; elle se paie
à part et surélève le prix du loyer mensuel d'une somme variant en-
viron de 0^80 à 1*^40. Les familles qui ne veulent user que des cabinets
réservés, avons-nous déjà dit, doivent pa3^er une somme de 1^00 par
an. Le prix dos loyers est retenu sur le salaire.
Jadis, vu la multiplicité des demandes, les logements des fami-
listères se donnaient à l'adjudication; mais dans l'ardeur des encliè-
res, les ouvriers acceptaient des prix trop élevés. Un tel système
fut abandonné, et l'adjudication dut se faire par soumission sous pli
caclicté. I^lle a été aussi mise de côté. Les logements sont mainte-
nant (lnnné> [>ar ordre d'inscription. Toute demande est examinée
par le conseil du familistère, et ensuite, en cas d'admission, par le
conseil de gérance. Le premier de ces conseils s'occupe de toutes les
questions relatives au palais social; il veille à l'entretien des bâtiments,
à leur construction.
Nonloin des familistères, se trouve le groupe dil<< la buanderie ». Il
comprend : aurez-de-cbaussée, une grande piscine, unesalle de lavage,
uncaulre de rinçage; au [iromier étage, un étendoir. Un autre élondoir
de 1.200 mètres carrés est établi à air libre sur un terrain contigu
à la buanderie. Le service de la buanderie est surveillé par une dame,
chef de service, et par une adjointe. La piscine, alimentée par les
eaux de condensation des machines à vapeur, est mise à certains
jours à la disposition des membres de l'association pour y prendre des
bains. En outre, il existe quatre salles de bains.
!,(' fauiilistère est administré par un conseil composé de tous les
membres associés (i^ ±2) faisant i)artie du conseil de gérance (!:; 23)
et présidé par l'administrateur-gérant. Le conseil veille aux intérêts
sociétaires et commerciaux du familistère; c'est lui, par exemple, qui
prend les mesures concernant l'entretien des bâtiments et de leurs
dépendances, la police, la propreté et l'hygiène des logements. 11 se
réunit tme fois par semaine.
M.iiiiIrM.iMl, dira-l-ou, quels n'-sullals a amen(''s le familistère, au
point de vue matériel comme au point de vue moral? Sont-ils de
telle nature iju'une institution de ce genre doive être recommandée
dans les usines qui groupent autour d'elles de nombreux ouvriers?
ÉLÉMENTS DIVEHS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. ' 39
Le créateur du familistère doit-il être considéré comme ayant ou-
vert une voie nouvelle dans laquelle les industriels auraient intérêt à
s'engager? On a calculé que, si tous les habitants des trois familistères
avaient été logés dans des maisons indépendantes, celles-ci s'éten-
draient sur une étendue de plus de deux kilomètres. Un des buts que
M. Godin se proposait d'atteindre l'a donc été pleinement : tous les
services sont concentrés sous sa main et à la portée des ouvriers, sans
déplacement ni perte de temps.
Les cités ouvrières ont été maintes fois dénoncées comme présen-
tant des conditions de salubrité très inférieures à celles des maisons
isolées; les maladies contagieuses y trouveraient un terrain propice à
leur propagation. Le familistère n'a pas échappé à ces reproches; ils
lui ont été adressés notamment par une plume médicale dans une
revue célèbre. Mais la direction conteste la véracité d'une telle accu-
sation qui, dit-elle, ne repose sur aucun fait. Le familistère n'a été
éprouvé par aucune épidémie. Quant à la mortalité, elle est, en temps
ordinaire, moins élevée que dans la ville de Guise. D'après une statis-
tique dressée pour une période de dix années, de 1879 à 1888, la
moyenne des décès, calculée sur le chiffre de 100, est à Guise : pour
les enfants de 0 à 1 an, de 19,68; pour ceux de 1 à 10 ans, de 3,08;
calculée sur le chiffre de 1.000 pour les personnes dépassant cet âge,
elle est : pour celles du sexe féminin, de 12,19; pour les autres, de 14,66.
Le familistère paie à la mort un tribut plus faible; sur les mêmes
chiffres pris comme base du calcul, la statistique relève seulement :
pour les mêmes catégories d'enfants, 14,61 et 3,02; pour les personnes
d'un âge supérieur à 10 ans, 10,99 et 12,08. Grâce au soin des amé-
nagements intérieurs, à la propreté exigée de leurs nombreux loca-
taires, les trois grandes cités ouvrières de l'usine échappent donc aux
inconvénients d'un tel mode d'habitation.
Mais elles en présentent un autre plus réel : si bien installés qu'ils
soient, les appartements ne comprennent et ne peuvent comprendre
que deux ou trois pièces; ils ne se prêtent pas au développement de
nombreuses familles; et, alors que tant de causes contribuent déjà à
restreindre le chiffre des enfants en France, leurs dimensions res-
treintes stimulent encore leurs habitants à éviter une postérité encom-
brante. De plus, un appartement pris à location dans une cité ou-
vrière ne constitue pas un foyer stable, que la famille tiendrait à
honneur de transmettre aux siens, avec lequel elle contracterait des
liens durables; il ne lui donne pas autant de relief.
40 N" 73. — AJUSTEUR-SLHVEILLANT DE l'l'SINE DE GUISE (aISNE).
§ 19.
SUR UNE INSTITUTION SPÉCIALE A LENFANCE : LA NOURRICERIE.
Le fondateur du familistère a accordé une attention particulière à
l'éducation et à l'instruction de l'enfance et de la jeunesse.
Imbu des idées socialistes, il a voulu habituer l'enfant à vivre en
communauté dès les premiers jours de l'existence. Il a donc organisé
une institution spéciale qui porte le nom de nourricerie et où, dans
sa pensée, l'enfant doit trouver des soins supérieurs à ceux que sa
famille est en mesure de lui donner. Les femmes des employés et des
ouvriers de l'usine ont la faculté de déposer leurs enfants à la nourri-
cerie, sans qu'elles aient besoin de justifier d'une occupation urgente
qui les empêche de remplir leur devoir maternel. Jusqu'en 1875, elles
pouvaient même confier leurs enfants à la nourricerie pendant toute
la semaine et n'étaient tenues de les reprendre que le dimanche. De-
puis, cette faculté a été réduite à la journée; un enfant n'est admis à
la nourricerie que de sept heures du matin jusqu'à sept heures du
soir.
Les enfants sont déposés dans des berceaux dont l'ingénieux arran-
gement manifeste l'esprit de prévoyance du fondateur du familistère,
son art à organiser les plus petits détails.
Tout est prévu dans l'organisation de la nourricerie. Au milieu de
la pièce où sont les berceaux, un système spécial a été imaginé pour
que les enfants puissent jouer librement, sans courir aucun ris(iue. A
côté, dans une autre pièce, sont installés de petits sièges d'aisance où
on habitue les nourrissons à se rendre eux-mêmes. Un chemin en
pente douce mène de la nourricerie au jardin sur lequel clic donne.
Enfin des vaches sont spécialement affectées à la nourricerie, de
manière que le lait des enfants soit à l'abri de toute falsification.
Les enfants sont surveillés par une femme qui, remplissant cette
fonction depuis vingt-cinq ans, a acquis une grande habileté dans
l'art de manier l'enfance.
Aucune redevance n'est demandée aux familles pour les suins don-
nés aux enfants dans la nourricerie. Chaque ménagi; reçoit même un
berceau semblable à celui <|ui y est enq)loyé.
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 41
§ 20.
SUR LES ASSURANCES.
Un sj'stème complet d'assurances, parant à peu près à toutes les
éventualités fâcheuses qui peuvent se produire dans la vie d'un ouvrier,
existe au familistère. Elles ont d'abord pour but de donner à la fa-
mille les sommes qui lui sont nécessaires pour se procurer le pain
quotidien; ensuite elles lui accordent des secours en cas de maladie ou
lorsqu'un accident condamne le chef de famille à l'incapacité de tra-
vail; elles lui fournissent les médicaments nécessaires; enfin, lorsque
l'ouvrier arrive à l'heure du repos, elles lui servent une pension de
retraite.
1" Assurances du nécessaire à la subsistance et des pensions.
L'assurance du nécessaire fonctionne de la manière suivante : une
table, insérée dans les règlements, indique, d'après la valeur des den-
rées de première nécessité, quel est le prix minimum indispensable
pour la subsistance journalière des vieillards, des adultes et des en-
fants, suivant l'âge. Lorsqu'une famille ne reçoit pas un total de salai-
res équivalent au total de cette somme, l'association paie la différence.
Le taux du minimum journalier est fixé comme suit :
Pour le mari et la femme 2' 5
— un veuf ou une veuve, chef de famille 1 50
— la veuve sans famille 1 00
— un homme invalide dans une famille 1 00
— une femme 0 7">
— les jeunes gens de plus de 11» ans chacun 1 00
— — de 14 à 16 ans 0 75
— les enfants de 2 à 14 ans 0 50
— — de moins de !2 ans 0 25
D'après un article du règlement, dans le compte à faire des res-
sources d'une famille, en vue de fixer la somme complémentaire qu'elle
doit recevoir, les gains de ses membres ou les allocations des diverses
assurances sont d'abord portés en ligne de compte. Les gains qui ne
peuvent être fixés sont évalués d'après un taux déterminé dans le rè-
glement.
Une mesure restreint en apparence la portée de celte assurance :
4:2 N" 73. — AJUSTEUR-SURVEILLANT DE l'uSINE DE GUISE (aISNE).
seules les familles habitant le familistère y ont droit. Toutefois des
secours sont aussi accordés aux autres familles ouvrières; ils sont dé-
termines par le comité des assurances, puis approuvés par le conseil
de gérance. De 1S79 à 1888, ils se sont élevés à la somme de
72.094' 30, sous le nom d'allocations temporaires.
Cette section des assurances a encore pour objet de servir des pen-
sions aux anciens travailleurs de l'association devenus incapables de
travailler. Les droits à la pension sont réglés, après quinze ans de
service, de la manière suivante :
Pour les associés, hommes et femmes, la pension est fixée aux deux
cinquièmes de leurs appointements ou salaires annuels, à l'exclusion
de tout autre bénéfice. Pour les sociétaires (§ 22), hommes et femmes,
elle est fixée au tiers de ces mêmes appointements ou salaires. Tou-
tefois les pensions des associés ne peuvent jamais descendre, pour
les hommes, au-dessous de 75 francs par mois, cl, pour les femmes,
au-dessous de 45 francs. Celles des sociétaires ne peuvent descendre,
pour les hommes, au-dessous de 60 francs, et, pour les femmes, au-
dessous de 35 francs.
Le taux delà pension des participants et des auxiliaires est fixé, pour
les hommes, à 1 franc par jour, au bout de quinze ans de service; elle
s'augmente, suivant leur ancienneté à l'usine, jusqu'au chiiïre de 2 -'" 50
par jour après trente ans de service. Les femmes, employées au même
titre dans les services du familistère ou de l'usine, ont également droit
à une pension de 0'^75 par jour, après quinze ans de services; elle s'é-
lève, après trente ans, jusqu'au double de cette somme.
L<'s droits à la pension sont toutefois suspendus pour tout pension-
naire qui accepte, sans autorisation du conseil de gérance, des fonc-
tions salariées en dehors de l'association.
Des pensions sont également servies à des ouvriers, hommes ou
ft'uimes, employés dans l'association, même ne se trouvant pas dans
les (•onditi(»ns exigées par les règlements, lorsqu'ils sont victimes d'un
accident d'atelier entraînant incapacité de travail. L'accident inter-
vient-il avant quinze années de service dans l'association, la victime
a droit à la même pension qu'après vingt ans de services; l'accident
survient-il après (piinze ans, la pension est la même qu'après trente
ans de services. Les ressources de celte section des assurances sont :
I" une subvention df 2 ^ des salaires et appointements payt's par
l'association et (jui est porlée à ses frais générau.x ; 2" le dividende
représenté par le travail des auxiliaires (§ 22).
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 43
2" Assurances contre la maladie et les accidents.
Celle assurance a un double but : payer les frais de visites des mé-
decins et donner aux malades des allocations qui suppléent au salaire.
Ces allocations sont ainsi fixées : deux fois le montant de la cotisation
mensuelle, pendant les trois premiers mois; une fois et demie, pen-
dant le second trimestre; une fois pendant les six mois suivants. Ces
allocations journalières sont réduites de 23 % environ pour les indi-
vidus entrés à l'association après quarante-cinq ans. Dès son entrée à
l'usine, tout ouvrier ou employé est inscrit d'office sur le livre d'ordre
de l'assurance contre la maladie. Il acquitte en conséquence une coti-
sation établie sur le taux de 1 1/2 % de son salaire ou de ses appointe-
ments s'il habile le familistère, de 1 % s'il habite au dehors; quand la
situation financière de celte assurance l'exige ou le permet, le taux des
cotisations ou allocations peut être réduit ou élevé; sont seules exem-
ptées de cette inscription les dames habitant le familistère, pour les-
quelles une assurance spéciale dont nous parlerons plus loin a été créée.
Outre les cotisations des ouvriers, les ressources de la caisse contre la
ladie se composent du produit des amendes infligées pour contraven-
mations aux règlements intérieurs des bureaux ou des ateliers, ou pour
infractions aux règlements de ladite caisse, des retenues pour casse,
malfaçon, poids trop lourds, fournitures de limes, etc.
Un comité de dix-huit membres administre l'assurance contre la ma-
ladie : neuf de ses membres sont nommés au familistère et choisis
exclusivement parmi les associés et sociétaires, neuf autres sont élus
à l'usine par tous les ouvriers et employés sans exception. Ce comité
se réunit deux fois par mois; ses membres ont droit à une allocation
mensuelle de S francs, dont le paiement est inscrit au compte des frais
généraux de l'association.
3" Assurances des dames du familistère.
Comme son nom l'indique, celte assurance concerne exclusivement
les dames habitant le familistère, mais seulement après l'âge de qua-
torze ans. Elle donne droit pour l'assurée aux visites et aux soins du
médecin ou de la sage-femme de son choix, en outre à des allocations
journalières fixées comme suit : une fois et demie le montant de la co-
tisation mensuelle pendant la période aiguë du mal, c'est-à-dire celle
44 N" 73. — AJUSTKUH-SUUVEILLANT DE LUSINE DE GUISE (aISNEJ.
OÙ la malade est forcée de garder le lit ou dans rimpossibilité de se
servir elle-même; les trois quarts de la cotisation mensuelle i»endant
la période de convalescence ou pour toute indisposition qui, sans
mettre la femme dans l'incapacité do toute occupation, ne lui permet
néanmoins, ni de faire les gros travaux du ménage, tels que cuisine,
lavage du linge ou lavage des appartements, ni de se livrer à ses occu-
pations professionnelles.
La caisse de l'assurance des dames du familistère est alimentée par
trois sortes de ressources : 1° les cotisations des assurées, fixées au mi-
nimum de O'oO par mois, ou à 2 % des gains, lorsque les 2 %
sont supérieurs à ce minimum, sans que toutefois ces cotisations puis-
sent dépasser .'J francs par mois; 2" le produit des amendes perçues
dans le familistère et que l'association lui abandonne; 3" la subven-
tion complémentaire que celle-ci lui alloue. Un comité de dames,
librement élu, administre cette caisse; il fonctionne comme le comité
de la caisse d'assurances contre la maladie et les accidents.
4" Fonds de pharmacie.
Les médicaments ne sont pas fournis par la caisse d'assurance
contre la maladie. Le fonds de pharmacie forme une division spéciale
dont la caisse s'alimente au moyen d'une cotisation mensuelle de
0^ oO payée par chacjue personne âgée de plus de quatorze ans, et au
moyen d'une allocation égale au montant des cotisations et versée par
l'association.
Le fonds de pharmacie procure gratuitement les médicaments or-
donnés par le médecin ou la sage-femme, les bains, les ustensiles et
linges nécessaires au soin des malades. 11 pourvoit aussi aux frais d'en-
terrement des mutualistes, mais uni(|uemcnt aux frais civils. Cette
disposition, conservée dans le règlement, porte la trace des opinions
de M. Godin, soucieux d'éloigner tout élément religieux de l'usine.
Les neuf dames et les neuf hommes, élus au familistère pour admi-
nistrer les caisses de secours contre la maladie et les accidents, for-
ment par leur réunion le comité d'administration du fonds de phar-
macie.
g 21.
suit LA SOCIÉTÉ COOl'ÉItATIVl': DE CONSOMMATION DU FAMILISTÉUE.
Avant 1^(S(), un ('conitmat existait à l'usine de (jiuise; tous ses béné-
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE, 45
fiées appartenaient au patron. Soucieux de développer Jes habitudes
de vie commune parmi les familles ouvrières, il avait en outre créé
un restaurant où celles-ci auraient pu venir prendre leurs repas; mais
elles préférèrent faire leur cuisine à leur gré.
Depuis la constitution en société, une société coopérative existe;
elle se divise en deux parties : les services de vente et les services de
production.
Les premiers comprennent sept sections : l'habillement, l'épicerie,
l'alimentation, les combustibles, la buvette, les bains et lavoirs, et la
réserve, service auxiliaire pour les liquides alimentant l'épicerie et la
buvette. Les seconds en comprennent deux : la charcuterie et la bou-
langerie; le prix du pain est établi sur le chitTre minimum des bou-
langers de Guise.
Les ventes sont faites au comptant; elles s'effectuent, soit sur ver-
sement d'argent en prenant la marchandise, soit sur carnet, et, dans
ce cas, l'acheteur dépose à la caisse du familistère une somme dont le
montant est facultatif. Les bénéfices se divisent en deux parts : une
première est répartie en marchandises à tous les acheteurs sur car-
net, au prorata de leurs chiffres d'achat; elle s'est élevée jusqu'à
83 % du bénéfice net réalisé. La seconde est répartie entre tous les
membres de l'association, sur le titre de chacun (§ 22).
Le prix de la boulangerie, avons-nous dit, est établi sur le chiffre
minimum des boulangers de Guise. Beaucoup d'ouvriers, appréciant
les bienfaits de cette institution coopérative, s'y fournissent d'un grand
nombre des objets qui leur sont nécessaires; aussi le chiffre d'afl'aires
dépasse-t-il 500.000 francs.
C'est le conseil du familistère qui est chargé de l'administrer.
22.
SUR LA l'ARTlCIl'ATION AUX BENEFICES ET LA TRANSMISSION AUX
PARTICII'A.NTS DE LA PROPRIÉTÉ DE l'USINE.
Le mode de partici|)ation aux bénéfices, qui achemine les partici-
pants vers la propriéié de l'usine, constitue de[)uis 1881 (vj 17) le trait
le plus caractéristique de l'organisation de Guise.
La répartition des bénéfices n'est pas laissée ici à la libre volonté du
chef de l'usine, comme dans beaucoup d'établissements industriels
k
46 iN" 73. — AJUSÏEUH-SURVEILLANT DE L USINE DE GUISE (aISNE).
(|ui |irati(|ucnl ce système. Des règles fixes déterminent l'emploi des
bénéfices nets. Sur les bénéfices industriels et commerciaux que cons-
tatent lés inventaires annuels, sont d'abord opérés les prélèvements
suivants : 1" TS % de la valeur des immeubles, 10 % de la valeur du
matériel et 13 % de la valeur du uialériel modèle; quand les immeu-
bles locatifs seront ramenés à la valeur de 1.200,000 francs, l'amortisse-
ment de o % sera suspendu; — 2° une subvention égale à 2 ;^ de la
valeur des salaires pour la caisse des pensions et du nécessaire à la
subsistance (§ 20) ; — 3° les frais d'éducation et d'instruction; — 4° les
intérêts dus aux possesseurs des apports et des épargnes. Tout ce qui
reste constitue le bénéfice net.
11 csl d'abord opéré un prélèvement de 23 Rappliqué à la réserve; les
sommes (pii restent sont partagées conformément à l'axiome de M. (îo-
din : que l'ouvrier doit recevoir le produit intégral de son labeur
et que le travail et l'intelligence ont les mômes droits que le capital
dans la distribution des bénéfices provenant d'un établissement in-
dustriel. Les bénéfices de l'usine sont en conséquence répartis à Guise
de la manière suivante : 23 ^ à l'intelligence, et par ce mot il faut en-
tendre : l'administrateur-gérant, qui reçoit 4 %; le conseil de gérance,
autant de fois 1 % qu'il y a de membres en exercice; le conseil de
surveillance, 2 %; les employés et ouvriers qui se sont distingués d'une
manière exceptionnelle et auxquels il est attribué des primes s'élevant
à 2 % de la part réservée à l'intelligence ; les jeunes gens sortant des
écoles de la Société du familistère et admis dans les écoles de IKlat,
auxquels 1 % est réservé.
75^ sont ensuite allcibués au capital et au travail; mais 1 franc de
salaire est mis sur le même i)ied que 1 franc d'intérêt; le travail, re-
présenté par i.lW.'i'.iO^ 37 de salaires, reroit donc une part de bé-
néfices plus' considérable ((uc le capital, ([ui n'entre en ligne qu'avec
230.000 francs d'intérêts. Seulement les bénéfices du capital sont payés
en espèces, tandis que les bénéfices du travail sont rejjrésentés par des
titres d'épargne.
(]es derniers titres sont productifs d'intérêts à 3 %. De plus, ils re-
présentent la |iart de propriété du participant dans l'usine, en même
temps f|u'ils remboursent le fondateur du capital (]u'il a engagé, (domine
part du fonds social, ils doiuient droit à un diviilende variable
selon l'état des affaires. Lorsque le capital social aura été remboursé,
la Société remettra en argent les titres d'épargne. Jusque-là, l'ouvrier
n'est pas le maître d'en dis[)Oscr. D'après les statuts, toute acqui-
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 47
sition de certificats d'apport ou d'épargne, par suh.^liluLioiiJiéritage
ou toute autre voie, entraîne de la part du nouveau possesseur l'ac-
ceptation de la représeutation de ses droits par l'assemblée générale
des associés et parle conseil de surveillance, dans toutes les opérations
sociales. L'association, de plus, se réserve expressément le droit de dé-
sintéresser, intégralement ou partiellement, tout possesseur d'apport
ou d'épargne, en lui remboursant au pair toutou partie des titres dont
il est possesseur.
Tous les ouvriers ne se trouvent pas placés sur le même pied. Ils
sont divisés en quatre classes ; les conditions exigées pour être admis
dans chacune d'elles varient.
La plus élevée est celle des associés. Vingt-cinq ans d'âge au mini-
mum, une résidence d'au moins cinq ans dans les locaux du familis-
tère, la participation au moins depuis le même temps aux travaux et
opérations de l'association, la connaissance des rudiments de l'instruc-
tion primaire, la possession d'une part du fonds social, telles sont les
conditions exigées. Il faut en outre que l'associé soit admis par l'as-
semblée générale. Seule, cette catégorie d'ouvriers la compose. Elle se
réunit une fois par an, au plus tard le premier dimanche d'octobre. Les
associés jouissent d'autres avantages : si l'âge , la . maladie ou les
infirmités les mettent dans l'obligation de suspendre tout travail, ils
conservent le droit d'habiter dans le familistère, ainsi que celui de sié-
ger et de voter aux assemblées générales. Une décision de cette as-
semblée, prise à la majorité des deux tiers, peut seule les exclure.
En cas de chômage, ils seront occupés avant toute autre personne.
Enfin, dans la répartition des bénéfices, l'associé intervient à raison
de deux fois la valeur de son salaire, ou, en d'autres termes, 1 franc de
son salaire est compté comme 2 francs.
Immédiatemcînt après les associés, viennent les sociétaires, desquels
on exige les conditions suivantes : âge minimum de vingt et un ans, li-
bération du service militaire dans l'armée active, participation aux
travaux de l'association depuis trois ans au moins. Comme les associés,
les sociétaires doivent habiter le familistère. Ils peuvent, mais sans
. que cette condition soit obligatoire, posséder une part du fonds social.
L'administrateur et le conseil de gérance se prononcent sur leur ad-
mission. Dans la répartition des bénéfices, ils interviennent à raison
d'une fois et demie la valeur de leur salaire.
hQs participants ïoYmQXii latroisiéme catégorie des ouvriers; ils doi-
vent réunir les trois conditions suivantes : âge minimum de vingt et
48 N° 73. — AJUSTEUR-SURVEILLANT DE l'uSINE DE GUISE (aISNE).
un ans, libération du service militaire dans l'armée active, travail au
service de l'association depuis un an. De même que les sociétaires,
ils sont admis par l'adminislrateur-gérant et le conseil de gérance.
Ils ne sont astreints ni à habiter le familistère, ni h posséder une
part du fonds social. Dans la répartition des bénéfices, le salaire des
participants n'est compté que pour sa valeur réelle.
Si l'état des aiïaires ne permet plus de donner du travail à tout le
personnel, les sociétaires sont, après les associés, employés de préfé-
rence au.\ participants, et ceux-ci ont le pas sur les auxiliaires.
Les trois premières classes ne sont pas formées d'après les salaires
que leurs membres reçoivent dans l'usine; ainsi il peut se trouver
parmi les associés tel ouvrier dont le salaire est égal, sinon inférieur
à celui d'un participant; mais sa bonne conduite, son assiduité au tra-
vail, l'auront fait dislini^uer par ses chefs. Les associés, sociétaires et
participants, peuvent perdre leur situation, avec tous les avantages
qui y sont attachés, pour les causes suivantes : ivrognerie, malpropreté
de la famille et du logis, gênante pour le familistère, actes d'improbité,
inassiduité au travail, indiscipline, désordre ou actes de violence, in-
fraction à l'obligation de donner l'instruction aux enfants dont ils ont
la respr)nsabilité à un titre quelconque.
La dernière classe est celle des auxiliaires ; elle comprend tous
ceux qui, à un titre quelconque, travaillent dans l'association, en dehors
des catégories précédentes. Ils n'ont pas droit à la répartition des bé-
néfices, mais seulement aux secours des sociétés mutuelles. Les som-
mes qui leur auraient été attribuées, s'ils avaient été traités comme les
participants, sont versées aux fonds d'assurances des pensions et du
nécessaire à la subsistance.
Mentionnons encore deux catégories : les intéressés elles jeunes gens,
fils des membres de l'association. Les intéressés possèdent seule-
ment par liérilage, achat ou toute autre voie, des parts du fonds social;
ils reçoivent l'intérêt de leur argent ho %, plus le dividende du capital,
et sont remboursés peu à peu.
Les jeunes gens, fils des membres de l'association, sont traités d'une
manière particulière ; la direction espère, par les avantages qu'elle .
leur accorde, les attacher ib^linilivcment à (îuise et s'assurer ainsi
des travailleurs sérieux ayant le goût de leur métier, dis|)osition trop
rare aujourd'hui dans la classe ouvrière. Ils sont traités comme les
participants, mais ils ne sont mis en possession de b-urs titres
d't'p.irgnc (pic s'ils i'i'\ iciMU'ut liav.iilici- au familistère, après leur
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 49
service dans l'armée active. Sinon, leurs titres rentrent à l'assurance.
Les diverses catégories d'ouvriers ne sont pas composées d'un nom-
bre de personnes fixe, de telle sorte que les ouvriers ne puissent ja-
mais espérer un avancement.
Les mutations d'auxiliaire à participant, de participant à sociétaire,
puis à associé, ont lieu régulièrement chaque année. Des chiffres, em-
pruntés au tableau dressé par l'usine, nous montrent dans quelle pro-
portion ces mutations s'opèrent. En 1885-86, il y a eu 11 associés
admis; en 1886-87, 3; en 1887-1888, 13; pour les mêmes années, les so-
ciétaires ont compté 37, 16, 67 admissions; les participants, 41, 23, 52.
D'après le tableau dressé par l'association, lors de l'Exposition d'éco-
nomie sociale, le personnel se répartissait de la manière suivante : 102
associés, 250 sociétaires, 464 participants. La proportion du person-
nel appelé à participer aux bénéfices de l'association est donc sensible-
ment plus élevée que dans les autres maisons qui pratiquent le même
système. En face des 816 bénéficiaires, il n'y a que 421 ouvriers non
admis aux mêmes avantages; et encore deux remarques doivent être
ajoutées : de ce dernier chiffre, il faut défalquer le personnel des
services du familistère comprenant 100 individus, 31 hommes et 69
femmes; les 321 ouvriers restants fournissent tous les ans des recrues
à la catégorie supérieure, par suite de l'avancement régulier et annuel
dont nous venons de pai'ler.
g 23.
SUR LA DIRECTION ET l'aDMINISTRATION DE LA SOCIÉTÉ; CONCLUSIONS.
L'association a à sa tête un directeur-gérant, nommé à vie par
l'assemblée générale. Les pouvoirs qui lui sont conférés tiennent à la
fois de ceux de président du conseil d'administration et de ceux de di-
recteur d'une société anonyme. Seul il a la signature sociale et représente
la société vis-à-vis des tiers ; seul il nomme et révoque les fonctionnaires,
dans des limites déterminées, il est vrai, par les statuts; seul il est res-
ponsable devant l'assemblée générale. Celle-ci a même le pouvoir de
le révoquer, sur la proposition du conseil de surveillance, dans certains
cas parmi lesquels nous remarquons les suivants : impossibilité pour
l'association de servir deux années consécutivement aucun intérêt au
capital, perles dépassant 50.000 francs, dans des opérations faites con-
trairementaux avis de l'assemblée générale ou du conseil de gérance. Il
oO N° 73. — AJUSTEUR-SURVEILLANT DE l'uSINE DE GUISE (aISNE).
reçoit un traitement annuel de 15.000 francs ; il touche de plus une
part de i ^ sur les bénéfices et, en outre, sa part conime membre de
l'association.
L'adminislraleur-gérant est assisté d'un conseil de gérance dont il
est le président-né. Ce conseil se compose de trois associés, élus au
scrutin secret par tous les associés, plus des chefs de service du fa-
milistère, c'est-à-dire du directeur commercial, du directeur de la fa-
brication, du directeur du matériel , du directeur des modèles et du
montage, du directeur de la fonderie, du directeur des approvision-
nements, du chef de la comptabilité, de l'économe chef des services
du familistère, du directeur des comptabilités et du contrôle.
Le conseil a un rôle consultatif; il embrasse tous les intérêts de
l'association, et peut évoquer toute affaire à la demande de son pré-
sident ou d'au muins trois de ses membres. En outre, ce conseil a des at-
tributions spéciales, entre autres, celles de décider sur les attributions au
titre de sociétaire ou de participant, sur les subventions destinées
aux. assurances mutuelles. Il se réunit obligatoirement une fois par
mois. Tout avis doit réunir un nombre de voix au moins égal aux
deux tiers du nombre des associés du conseil. Comme nous l'avons dit
plus haut (§ 22), les membres de ce conseil touchent, en dehors de la
part qui leur revient comme faisant partie de l'association, une rétri-
bution supplémentaire de i%.
11 existe en outre trois autres conseils : le conseil de l'industrie, le
conseil du familistère, le conseil de surveillance. Le premier conseil
décide sur toutes les questions d'ordre industriel; il se compose des
mêmes membres que le conseil de gérance et se réunit une fois par
semaine. Les décisions y sont prises à la majorité des voix. Nous avons
déterminé, au v? 18, les attributions du conseil du familistère.
Le conseil de surveillance se compose de trois commissaires rappor-
teurs, nommés par l'assemblée générale des associés; il est chargé des
attributions qui incombent aux conseils de ce genre dans les sociétés
anonymes, telles que la vérification des comptes et des écritures, l'as-
sistance aux inventaires généraux, etc. Les conseillers de surveillance
assistent aux séances du conseil de gérance, à titre de simples audi-
teurs, sans avoir ni voix consultative ni voix délibéralive.
La Société de Guise a un long avenir devant elle; car la comman-
dite a été formée pour une période de quatre-vingt-dix-neuf ans; elle
ne pren<lra lin (pi'en 1Î>7ÎI. Le cas de revision a été prévu dans les sta-
tuts, ainsi ([ue le cas de dissolution; celle-ci, pour être réalisée, doit
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 31
réunir l'unanimilé des contractants; les membres qui ont formé le
premier noyau peuvent disparaître , sans que la commandite prenne
fin. La mort, en effet, n'interrompt pas plus une commandite qu'elle ne
délie les parties ayant contracté un bail ou un prêt hypothécaire.
En résumé, le fondateur du familistère a édifié une œuvre dans la
plupart des dispositions de laquelle se manifestent sa forte volonté,
son génie industriel, et aussi son entente des besoins matériels des fa-
milles ouvrières. Celles-ci y ont trouvé une existence assurée, bien que
leur participation à la propriété du fonds social, par suite de l'unique
direction donnée à leurs épargnes, ait paru à quelques personnes pré-
senter des dangers qui en atténuent les avantages. Mais ces dangers,
la situation prospère de l'usine, la prudence avec laquelle elle est ad-
ministrée, ne les rendent pas encore redoutables. Guise sans doute,
pas plus que toute autre institution humaine, n'est à l'abri d'une ca-
tastrophe. Mais les épargnes, que chaque année le Trésor draine par
millions dans ses caisses, peuvent-elles être considérées comme n'ayant
rien à craindre de l'avenir?
En attendant, les familles ouvrières de Guise ont obtenu de précieux
avantages : un salaire suffisant, des heures de travail modérées, la
pratique du repos dominical, la constitution d'une épargne qui, outre
un intérêt de 5 ^ , donne droit à un dividende comme part de pro-
priété, en un mot la sécurité de l'existence. Aussi, et c'est là le fait qui
nous a le plus frappé, les sentiments des ouvriers ne sont pas ceux
que nous avons observés dans d'autres usines; ils se considèrent
comme étant en quelque sorte chez eux, comme travaillant pour leur
propre compte; ils ne songent pas à entrer en lutte avec les directeurs
de l'association dont ils envisagent les intérêts comme solidaires des
leurs. A Guise enfin, la paix sociale s'est toujours maintenue.
3 24.
SUR LE FAMILISTÈRE DE LAEKEN (BELGIQUE) (1 ).
Le familistère de Laeken, qui est merveilleusement situé au point de vue
industriel et commercial, est un calque absolu du familistère de Guise, et
(I ) Le 4 Juillet dernier, les membres de la Société belge d'Économie sociale, accompagnes
de yi. Claudio Jannet, ont visité, au cours d'une curieuse excursion d'études, à Laeken ,
prés (le Bruxelles, la succursale ((u'a établie dans cette localité la Société du familistère de
Guise. Il était intéressant de recueillir au moins ici les impressions de cette visite
et JL Armand Julin, attaché au ministère de l'agriculture, de l'industrie et des travaux, pu-
blics à Bruxelles, a bien voulu rédiger à celte intention la note (lu'on va lire.
52 N" 73. — AJUSTEL'R-SL'RVEILLANT DE LUSINE DE GUISE (AISNe).
saiiT los proportions, qui a vu l'un a vu l'autre. Un énorme bâtiment rectan-
gulaire, tout en liriques rouges, à trois étages surmontés de mansardes, tel se
présente le familistère de Laeken. Une grande cour vitrée occupe le centre du
l)àtiment; soutenue par des colonnes on fonte, une galerie court le long de
cliaque étage. C'est sur ces galeries, donnant sur la cour intérieure, que s'ou-
vrent les appartements. On a accès à ceux des ('tages par deux larges escaliers
tournants en pierre, |)lact''S en face l'un de l'autre, à deux coins de la cour.
Un ingi'nioux système d'alimentation d'eau met, à chaque étage, à la dispo-
sition des ménagères, l'eau nécessaire aux lavages quotidiens. En même temps,
les eaux sales et les ordures sont précipitées par des conduits spéciaux jus-
qu'au rez-de-chaussée dans un réservoir ad hoc, d'où elles sont enlevées chaque
Jour. Les appartements se composent généralement de deux pièces et d'un
réduit. Quelques-uns ont trois pièces. Les plus vastes sont ceux situés aux an-
gles du bâtiment; ils ont quatre pièces. Les prix de location sont fixés au
mètre carré; ils varient d'après les étages et la situation plus ou moins agréable
de l'appartement. Les prix sont les mêmes pour le rez-de-chaussée et le
deuxième étage; les plus élevés sont ceux payés pour le premier étage, les
plus bas pour le troisième. Les caves se paient en plus. Chaque étage est
jtourvu lie cabinets spacieux, différents pour les sexes. Une sorte de code
domestique régit la communauté; des inspecteurs veillent à l'entretien de
l'immeuble; ils n'imposent point d'amendes, mais les dégradations sont payées
par ceux qui en sont coupables. L'organisation sociale du familistère de Laeken
est copiée avec non moins d'exactitude sur celle du familistère de Guise.
Comme à la maison-mére, on distingue à Laeken les associés, les sociétaires
et les [larticipants, et le mode spécial de participation aux bénéfices si minu-
tieusement déciil par M. Urbain Guérin est le même de part et d'autre.
Essayons maintenant de fixer l'impression qui se dégage de cet ensemble
dinslitutinns. Malgré le bien-être qui règne visiblement parmi les ouvriers
vivant au familistère de Laeken, malgré l'exquise propreté de tous les appar-
tements, malgré le confortable du mobilier et l'arrangement ingénieux (]ui se
remanpie jusque dans les moindres détails, ce que le visiteur emporte d'une
excursion au familistère est une impression de tristesse, d'étouffement.
Le familistère de Laeken e.st une superbe caserne; mais c'est une caserne;
c'est un idéal couvent fouriériste, mais chacun n'a pas la vocation du couvent
ni dn fouriérisme. Une uniformité exaspérante, un manque de vie libre, in-
dépendante, la sensation d'une règle inilexible courbant toute chose sous un
même niveau vous pénètrent peu à peu d'une tristesse infinie. Les murs suin-
tent l'ennui. D'ailleurs, cette uniformité étouffante, ne la voit-on pas s'affir-
mer, et d'une façon saisissante, par la comparaison entre le familistère do (iiiise
et celui de Lael^en? En Erance comme en Belgique l'organisation du familis-
tère est la même, ne tenant aucun compte des multiples différences du climat,
des moMirs. des habitudes bicales, des caractères. Le familistère est le pro-
duit dune formule, le résultat d'une addition des mêmes termes; l'équation
est posée de la même manière en Erance qu'en Belgique, elle donne un l'é-
sultat identique. On établirait demain un familistère en Allemagne, un autre
en Angleterre, la conception resterait la même, selon la fornuib' du maître.
Tout cela semble donc artificiel et dépourvu de vie. Et l'on s'en va sans la
foi, tandis (jue sur le familistère un grand buste en plâtre de Godin fixe son
regard vide et froid de statue.
A. J.
LES OUVRIERS DES DEUX MONDES.
DEUXIÈME SÉRIE. — 29" FASCICULE.
AVERTISSEMENT
DE LA SOCIÉTÉ D'ÉCONOMIE SOCIALE.
L'Académie des sciences, en 185G, a couronné le premier ou-
vrage de science sociale publié par F. Le Play, les Ouvriers eu-
ropéens. Elle a en même temps exprimé le désir qu'une pareille
œuvre fût continuée. La Société d'Économie sociale, fondée aus-
sitôt par l'auteur de ce livre aujourd'hui célèbre , lui a donné
pour suite les Ouvriers des Deux Mondes. De 1857 à 1885, la
Société a publié une première série de cinq volumes contenant
quarante-six monographies de familles ouvrières.
La deuxième série des Ouvriers des Deux Mondes a commencé
en juillet 1885. Le premier tome de cette série a été terminé
en juillet 1887; le deuxième, à la fin de 1889; le troisième, au
commencement de 1892. Ils comprennent les descriptions mé-
thodiques de trente-deux familles d'ouvriers , appartenant à la
Bretagne, la Picardie, le Nivernais, l'Ile-de-France, la Provence,
la Gascogne, le Dauphiné, la Normandie, la Marche, l'Orléanais,
le Limousin, la Corse, la Grande-Russie, la Grande-Kabylie, le
Sahel, le Sahara algérien, la Belgique, la Prusse rhénane, la
Sicile, la campagne de Rome, la Capitanate, l'Angleterre, la
Laponie, l'Alsace, la Hollande. Le présent fascicule, le 29^ de la
deuxième série, est le premier du tome IV. (Voir au verso de la
couverture.)
La publication se poursuit par fascicules trimestriels, avec
le concours de la maison Firmin-Didot. Un tel concours lui as-
sure cette perfection que nos lecteurs ont su apprécier dans une
œuvre typographique particulièrement délicate.
Les prochains fascicules contiendront les monographies de fa-
mille d'un Métayer du Texas, d'un Pêcheur de l'archipel Chusan
(Chine), d'un Armurier de Liège, d'un Ouvrier de la Papeterie
coopérative d'Angoulême, d'un Ardoisier d'.Vngers, etc.
LES OUVRIERS DES DEUX MONDES,
PUBLIÉS PAR LA SOCIETE d'ÉCONOMIE SOCIALE,
RECONNUE d'utilité PUBLIQUE.
Deuxième série. — 29" fascicule.
ÉBÉNISTE PARISIEN DE HAUT LUXE
(SEINE — FRANCE),
OUVRIER-JOURNALIER,
DANS LE SYSTÈME DES ENGAGEMENTS MOMENTANÉS,
d'après
LES UENSEKiXEMEJSTS RECUEILLIS SUR LES LIEUX EN JANVIER ET FÉVRIER IStU,
PAR
M. P. DU MAROUSSEM,
Docteur en droit.
PARIS,
LIBRAIRIE DE FIRMIN-DIDOT ET G'^
IMPRIMEURS DE L'ISSTITUT, RUE JACOB, 56.
1892.
Droits de traduction et de reproduction réservés.
N"^ 74.
ÉBÉNISTE PARISIEN DE HAUT LUXE
(SEINE — FRANCE),
ouvrier- journalier,
dans le système des engagements momentanés,
d'après
les renseignements retteillis sur les lieux, en janvier et février 1891,
PAR •
M. P. DU Maroussem,
Docteur eu Droit.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES
DÉFINISSANT LA CONDITION DES DIVERS MEMBRES DE LA FAMILLE.
DÉFINITIO.N DU LIEU, DE L'ORGANISATION INDUSTRIELLE
ET DE LA FAMILLE.
§ 1.
ÉTAT DU SOL, DE L'iNDUSTRIE ET DE LA POPULATION (I).
La famille habite en plein faubourg Saint-Antoine, à la limite de la
xone excentrique peuplée des ouvriers les plus misérables, là où la rue
de Montreuil est coupée par le boulevard Voltaire.
Le faubourg Saint-Antoine, c'est-à-dire renchevêtrement de rues
étroites qui s'étagent sur les deux rives de la large chaussée reliant la
place de l'ancienne Bastille au donjon de A^incennes, constitue, cha-
cun le sait aussi bien par son expérience personnelle que par ses sou-
venirs historiques, une cité nettement tranchée dans cet amas pro-
(I) Voir La Question ouvrirre : II, KOrnisles du faubourg Saint-Anloinc, par I'. du Ma-
roussem, avec une préface de Tli. Funck-Breiitano. llousseau. 180-2, iii-8.
5
54 N" 74. -- KBKMSTE PARISIEN DE HAUT LUXE.
digieux de cilé.s diverses qui s'appelle Paris. C'est une ville ouvrière,
spécialisée dans un seul métier, la « Ville du meuble ». Elle a grandi
l>rus(|uement, vers le milieu du siècle. Sous l'ancien régime, pour
échapper iiii.x. règlements de la corporation obligatoire et fermée, des
ébénistes libres s'étaient établis là, et payaient assez chèrement leur
indépendance par « l'e-xploitation » (jue leur faisait subir la caste d(V|à
grandissante des marchands : c'est du moins le dire de Roubo, dans
.son Art du menuisier. Le « rang des marchands » désignait, de mé-
moire d'homme, tout l'ensemble des magasins de meubles compris
entre la pointe de la Bastille et la rue Saint-Nicolas. Mais les ateliers
d'ébénisterie n'en restaient pas moins éparpillés, sans agglomération
particulière, çà et là sur tous les quartiers de Paris. Vers le milieu du
règne de Louis-Philippe furent inventées la plupart des machines à
travailler le bois, scie à ruban, machine à moulurer, machine à can-
neler, etc., etc. Elles vinrent persuader aux économistes, et même aux
hommes pratiques que l'ébénisterie-menuiserie, métier classique de
petite industrie, allait suivre la même voie que le tissage ou le filage
de la laine, du coton, de la soie, et s'organiser en vastes ateliers.
Presque aussitôt ce résultat, qui semblait inévitable, fut détourné par
l'installation d'usines de force motrice, où une multitude de petits
ateliers loués par des patrons, mouluriers (toupillcurs), raboteurs,
tourneurs, canneleurs, etc., etc., se tinrent à la disposition de leurs col-
lègues, les petits patrons ébénistes, sauvés ainsi de la concentration
industrielle. Où devaient s'installer ces usines que l'on peut comparer
« aux banalités » de l'ancien régime, four ou moulin communs au
milieu d'une population rurale? Là où les bois se débarquaient depuis
l'origine des temps, là où les ébénistes déjà nombreux réclamaient un
prompt secours et promettaient d'immédiates pratiques? Au faubourg
Saint-Antoine. La fortune du faubourg était assurée. (iCs usines for-
mèrent autant de centres d'attraction ramenant autour d'eux la foule
des petits ateliers disséminés. Tous renuèrent en une seule masse. La
production s'activa prodigieusement, grâce aux machines. La prospé-
rité matérielle de Paris sous le second Empire, le réseau des chemins de
fer qui permettait de déverser sur la province le trop-plein des dépôts,
le prestige même de la politicjue française à l'étranger, et parlant de
l'art français, (pii multipliait les demandes; tout cet ensemble de causes
acheva l'ceuvr*; : la ville du meuble, telle que nous pouvons la visiter
aujourd'hui.
Si l'on considère avec altcution cclli' vilir du nieuhir, qui, sauf le
OBSERVATIONS PRELIMINAIRES. OO
groupe des fabricants de Montparnasse et quelques maisons aux Bati-
gnolles, condense toute l'industrie, avec ses annexes du quartier des
Vosges, de Charonne, Bagnolet et Montreuil, trois catégories d'a-
teliers s'y distinguent aisément, qui forment, non pas trois quartiers,
car elles s'entremêlent avec l'irrégularité la plus complète, mais trois
classes de fabrication correspondant aux différents degrés de richesse
de la clientèle r classification fatale en un siècle d'argent.
Ce sont d'abord les ateliers de haut luxe, d'où sortent les chefs-
d'œuvre des expositions, les armoires sculptées de 70.000 francs, ou les
bureaux à applications de bronze de 25.000 francs : quelques-uns orga-
nisés à la vapeur, usines véritables, comme la maison Krieger (Da-
mon, Millot et Colin), parce qu'ils mènent de front ébénisterie, char-
penterie et menuiserie artistiques; la plupart réduits à un nombre
limité d'ouvriers choisis, sculpteurs et ébéuistes, et recourant aux
mouluriers, découpeurs, tourneurs, etc., du faubourg. Ils sont dirigés
par des patrons appartenante la bourgeoisie, qui reçoivent la commande
directe des clients, font construire les meubles sous leurs yeux ou ceux
de leur contre-maître et livrent sans autre intermédiaire. Un magasin
est annexé à l'atelier, rempli d'ameublements fabriqués d'avance soit
pour servir de modèles aux acheteurs de la haute classe, soit pour at-
tirer les acheteurs des classes moyennes, car il n'existe pas de limite
tranchée entre ces différentes zones du métier. Environ 14o patrons ,
dont 115, comme Lemoine ou Dienst, réunissant la tapisserie à l'ébé-
nisterie, et 40, avec Dasson ou Zwiener, spécialisés dans la marque-
terie et le bronze; 4.000 ouvriers, disaient les déposants de l'enquête
législative de 1884, ce qui est un chiffre trop ancien et inexact d'ail-
leurs, même à cette époque.
A cùté du meuble de haut luxe se place la catégorie beaucoup plus
importante du meuble courant ou bourgeois : cette épithéte en définit
suffisamment la nature. Le premier rôle ici appartient aux intermé-
diaires, aux marchands, et parmi ceux-ci aux plus puissants de tous,
à ces forteresses commerciales hors pair, (( les Grands Magasins ».
Ce sont eux qui disposent de la commande. (Client unique, ils régentent
despotiquement le peuple de leurs tenanciers, c'est-à-dire des petits
patrons misérablement spécialisés, avec leurs quelques ouvriers, dan?
la production toujours identique à elle-même du même meuble, buf-
fet sculpté, porte-parapluies pour antichambre, bibliothèque en bois
noirci, chambre à coucher bambou, etc., etc. Cependant le façonnier,
ouvrier en chambre qui dépend d'un marchand-fabricant, et le petit
56 N° 74. — ÉBÉNISTE l'AHISIE.N DE HAUT LUXE.
patron vendant direclement à la clientèle bourgeoise, y maintiennent
des vestiges de toute l'évolution antérieure. La statistique des mar-
chands n'a pas été tentée : celle des ouvriers, du moins d'après l'en-
quête que nous venons de citer, indique un total de 7.000.
Reste le meuble de trôle, qui n'est pas seulement, ainsi qu'un raison-
nement logique tendrait à le faire croire, le meuble des classes ou-
vrières, puisqu'il comprend le faux luxe et presque tous les modèles
acceptés par la bourgeoisie, mais bien « le meuble fabriqué d'avance
sans savoir ;ï qui on le vendra ». « Commande et trùle « se font ainsi
antithèse. .Même domination des marchands, mais de maisons un peu
inférieures, Crespin, le Bûcheron, Simon, etc., etc., et une tactique dif-
férente pour obtenir les meubles au moindre prix, soit dans les débats
individuels de Coffre, lorsque la petite charrette à bras ou la tapis-
sière du « charabanier » s'arrêtent au seuil de la maison de vente, soit
à la foire en plein vent de l'avenue Ledru-Rollin, le samedi, qui très
inexactement dans les discussions de la presse monopolise à son pro-
fit le nom de trùle; 700 trùleurs, dit l'enquête de 1884; en réalité, un
nombre flottant, incertain, car une communication incessante unit cette
troisième catégorie à la deuxième.
(Jjelleque soit la zone de l'industrie d'où ils relèvent, les ébénistes du
faubourg, les « ébénos », comme ils se désignent en leur argot, pré-
sentent un trait de mœurs curieux. Ce ne sont pas, au moins en prin-
cipe, des Parisiens de vieille race. Ceux qui sont nés à Paris ne sont
pas des fils d'ébénistes, mais de journaliers, d'hommes sans métier.
Ainsi une poussée insensible hausse chaque génération à un degré ré-
puté supérieur par le « bon ton » de ces milieux ouvriers, chez qui cer-
tains n'en soupçonneraient guère : les fils d'ébénistes sont sculpteur^.
Mais la plupart ont grandi en province, menuisiers de village ou de
petites villes : pour eux aussi la loi d'ascension continuelle et générale
à notre époque s'est vérifiée.
La plupart, disons-nous, si l'on fait abstraction des étrangers, car
les étrangers sont légion au faubourg, et c'est un second trait de cette
|iopulation de 16 à 20.000 travailleurs. A chaque pas, dans les cours,
ces ruches travailleuses que le passant découvre avec surprise à un dé-
tour, les enseignes de noms étrangers pullulent; toutes les langues ré-
sonnent : Flamands, Alsaciens, Allemands surtout, Wallons, Piémontais
(dans le meuble sculpté;, ont formé par une infiltration lente et régu-
lière des quartiers étrangers dans ce coin de Paris; quelque peu désin-
téressés de nos luttes politiques, ils ont donne une physionomie plus
OBSERVATIONS l'RELIMINAIRES. O/
calme à ce terrible faubourg , toujours prêt aux émeutes, et prompt
aux barricades, lorsqu'il était aux mains de la seule race gau-
loise.
^ 2.
ÉTAT CIVIL DE LA FAMILLE.
La famille qui fait l'objet de la présente monograpbie se compose de
cinq personnes :
I. Thkopikle h***, père de familk-. ébéniste 42 ans.
•2. Emma L***, mère de famille, tailleuse 10 ans.
:<. EiGÈNE H***, fils aîné , aijprenli sculpteur 18 ans.
i. ADitiENNe H***, OUe ainée, apprentie hrunisseuse 13 ans.
:>. Georges H***, second Gis 8 ans.
Le père de l'ouvrier, Gbampenuis d'origine, était journalier, plus
lard marchand de bois en détail à la Viilette; sa mère, blanchisseuse,
rue de Flandres; cette dernière est morte; le père vit toujours, seul à
soixante-douze ans, gagnant péniblement 10 francs par semaine dans
une fabrique de poupées. Une sœur de l'ouvrier est mariée à Paris.
La femme, qui est née en Champagne, comme le père de son mari,
a conservé ses frères et sœurs dans son village natal, aux environs de
Troyes. Elle a perdu ses parents, petits industriels tuiliers qui avaient
vécu au jour le jour, sans atteindre une réelle aisance. Elle sort
d'une nuance sociale un peu différente de celle de son mari.
Voilà donc une famille de second degré en quelque sorte, au point de
vue de l'origine. Elle n'est pas purement Parisienne, quoique son chef
soit Parisien d'éducation. Elle n'est pas purement Champenoise, bien
que l'ouvrier soit de Champagne. Aussi devions-nous la rencontrer
dans une de ces industries qui tiennent le milieu entre le métier de
journalier, exercé par les ruraux brusquement transplantés dans la
grande agglomération, et les métiers de luxe recherchés par les Pari-
siens de la deuxième génération, sculpture, ciselure, mécanique, etc.
Cette famille, si on l'examine au point de vue de la constitution qu'elle
présente, est évidemment instable. Le régime d'instabilité prévalait
déjà en Champagne avant l'incorporation au royaume de France (1361).
Mais elle a conservé avec sa province des rapports assez fréquents :
elle y possède un mobilier (§ 6) en dépôt chez des parents; certains de
ses enfants y ont été envoyés en gardiennage (§ 12). On ne peut affir-
mer l'esprit de retour : mais peut-être le verrait-on se raviver après un
58 .N" 74, — KBÉMSTE PARISIEN DK HAUT LUXE.
revers, l^'instabililé est ainsi quelque peu compensée par ces relations
de parenté et de voisinage dans iin milieu agricole.
i 3.
RELIGION ET HABITUDES MORALES.
En France, la religion catholique, — religion de la majorité des
cilovens, — est généralement celle de l'unanimité des femmes.
La femme croit où l'homme doute. Mais, dans le chef-lieu de
canton industriel de la Champagne où l'ouvrière a été élevée, l'indif-
férence féminine semble complète. « J'ai assisté aux offices, pour
y montrer des toilettes, nous disait la femme; mes amies faisaient
comme moi. » Cependant cet aveu même ne prouve-t-il pas que le bon
ton exige encore une assfduité relative et qu'un respect mécanique de
la tradition a du moins remplacé l'antique ferveur?
Le père et la mère de l'ouvrier avaient été soumis à ce régime avant
leur départ pour Paris. Leur fils devait naturellement obéir à la fatale
poussée de la marche en avant. Il s'éleva avec la génération ouvrière
de la fin de l'Empire, dans la haine des prêtres et la passion des opi-
nions libérales. Le sergent-major des fédérés de Belleville qui avait
manœuvré à côté des exécuteurs des cléricaux arrêtés comme otages
de Versailles, a senti en lui ce sentiment de méprisante hostilité grandir
avec les années. L'indifférence de sa femme l'a merveilleusement
servi.
Progressivement, toutes leshabitudesdes pratiques «superstitieuses»
ont été déracinées de cet intérieur où l'esprit de négation absolu s'est
introduit, d'abord sous la forme railleuse de nos écrivains du dix-
huitième siècle, plus lard sous la forme didactique et tranchante du
collectivisme allemand. Ce retour à « l'état de nature » primilif se ma-
nifeste par un crescendo assez curieux de la séparation des trois enfants
d'avec l'Église établie. Le fils aîné, élevé en Champagne, fut baptisé et
sentit se réveiller en lui, à l'époque de sa première communion, quel-
(jues germes de mysticisme (jue les conseils paternels et la lecture du
Parti ouvrier eurent bien vite dissipés. La fillette a reçu le sacrement
de baptême, mais il fut décidé ({u'elle ne s'aventurerait pas au delà,
sur le chemin de l'initiation c(»inplèle à la foi chrétienne. Le garçonnet
n'est même pas allé si loin.
Toutefois, le mariage du père et de la mère a reçu une consécration
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIHF.S. o9
religieuse. L'antique culte a servi de prologue à cette vie de famille
dominée par l'extrême « esprit de nouveauté ». Le respect humain
opère de ces miracles. L'opinion publirpie d'un bourg champenois ne
peut être à la hauteur du courant d'idées des quartiers ouvriers de Pa-
ris. (Voyez la monographie du Charpentier indépendant; Ouv. des
deux Mondes, 2* série, tome III, n" 70).
Est-ce l'effet delà vitesse acquise? La religion supprimée, la morale
subsiste en cette famille ouvrière. Sans doute, il ne faudrait pas y
chercher la pleine et calme majesté des mœurs habituelles aux popula-
tions rurales disséminées en certains massifs montagneux derEurope.
Mais le sentiment altruiste qui rapproche l'individu de l'individu et
échafaude ainsi l'un au-dessus de l'autre les divers groupe? sociaux,
famille, voisinage, atelier, etc., n'y fait pas complètement défaut.
Entre membres de la famille, l'entente est étroite : le père, assez vif,
mais sans colères bien soutenues, défend par des impatiences réitérées
une autorité qui n'est pas sérieusement contredite. Le tempérament san-
guin de l'ouvrière la porterait à des manifestations plus bruyantes de
volonté ; mais les enfants, élevés à l'ancienne mode, sous la main parfois
sévèrede leurs supérieurs domestiques, ne selaissent pas entraînera d'ex-
ceptionnelles insoumissions. La vie de famille est, en somme, aimée et
appréciée partons. Voilà pour le point de vue moral. Au point de vue
pécuniaire, le mari est resté le chef de la communauté, ou, comme il le
dit avec un modernisme marqué, de la collectivité familiale. Tous les
revenus sont versés dans la bourse unique , qu'il administre avec des
délégations partielles accordées à la femme, sans prodigalité, sans éco-
nomie.
Vis-à-vis des différentes individualités, ou des différentes familles do
la même classe sociale qui l'entourent, la famille peut se recommander
de son honnêteté. L'ouvrier est secrétaire d'une association politique;
il en a été le trésorier pendant de longues années, à la satisfaction de
tous. Il a passé par cette épreuve décisive du maniement des fonds et
de la continuelle tentation.
Placez au contraire la famille en face des classes sociales supérieures,
du patron qui emploie l'ouvrier, des clientes riches qui ne ménagent
pas les commandes à l'ouvrière, habile tailleuse, l'abime s'ouvre : plus
d'entente; on se sent en face des habitants de l'autre rive que l'on peut
dépouiller impunément. Le patronat est sapé parles arguments scienti-
fiques delà chambre syndicale; il est mis au ban de l'évolution histo-
rique qui lût ou tard le balaiera. Quant aux clientes favorisées par
60 N" 7 4. — ÉBÉNISTE PARISIEN DE HAUT LUXE.
l'organisme social actuel, elles sont soumises, sans aucune idée d'indé-
licatesse, à de légères préemptions dont elles se doutent, qu'on dissi-
mule à peine, et qui sous le nom de « gratte» constituent une source
importante de profits dans tous les ateliers des tailleuses parisiennes,
sorte de maraude sur la terre du riche « à qui il en restera toujours
assez » .
A partir de ce niveau, laltruismc disparait donc. On ne trouverait
plus que séparatisme, indépendance, insubordination, peu importent les
termes, vis-à-vis des pouvoirs publics d'aujourd'hui.
§ 4.
HYGIÈNE ET SERVICE DE SANTÉ.
Les soins physiques vont occuper la place maîtresse que les cou-
tumes des ancêtres avaient réservée aux préoccupations extra-terres-
tres : le prêtre ne disparait que pour laisser le champ libre à l'in-
fluence du médecin.
Rarement, en effet, le culte tout matérialiste de la bonne santé
défendue par les prescriptions minutieuses de la « science moderne »
atteint une semblable intensité : nous respirons ici l'air de ces recueils
populaires qui entremêlent les professions d'athéisme et les prescrip-
tions médicales. La plus profonde et la plus instinctive méfiance ù
l'égard des vices brutaux qui compromettent l'existence ou la sécu-
rité humaine; jeu, débauche ou ivrognerie. Une vie réglée, une nour-
riture copieuse; des promenades hors Paris le dimanche. A la moin-
dre indisposition, le recours à la toule-puissante faculté : un abon-
nement général à une société de secours mutuels, ancienne et solide,
a permis sans trop de dépenses cette ponctualité de rlispositions pré-
ventives.
CependanI, il n'en est pas moins facile de constater la dégénéres-
cence de la race champenoise dans les individus qui composent la fa-
mille ouvrière. (iCt homme de l'",()3, à front haut dénudé, à l'expres-
sion fine et perçante sous les moustaches épaisses qui constituent à
peu près le seul trait révélateur de son origine de Français du Nord,
n'est que le descendant éliolij de ce peuple sanguin et haut de sta-
tun; (pii apparut si formidable aux populations méridionales, lors-
qu'elles se virent envaiiies par lui au siècle de Simon de Monlforl. Une
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. Gi
affection particulière qui exige une surveillance suivie et des opéra-
tions intermittentes, l'a fait exempter du service militaire. Il ne parait
cependant avoir subi les atteintes d'aucune maladie ayant laissé sub-
sister des conséquences incurables. Tout autre est l'ouvrière. Plus
grande que son mari, l^jGT, brune, sanguine, l'œil noir, elle a sup-
porté sans faillir ses maternités successives. Deux choses lui semblent
également inconnues : la mauvaise santé et la mauvaise humeur. Le
type brun a passé au fils aîné, petit de taille, mais assez robuste. L'a-
némie et le blond des cheveux se retrouvent ciiez les deux cadets : la
fillette et le garçonnet, vrai gamin de Paris.
RANG DE LA FAMILLE.
Cette famille ouvrière occupe un rang élevé. Son chef est l'un des
premiers parmi les ouvriers de son métier. La femme s'est haussée au
patronat.
L'ouvrier appartient à la zone de haut luxe dans l'industrie de l'a-
meublement, c'est-à-dire qu'il travaille sur plans et confectionne in-
différemment toute espèce de meubles; il fréquente de préférence les
ateliers célèbres, et actuellement fait partie du « noyau » d'un atelier,
du groupe régulièrement employé. Dans cette zone et dans la nuance de
son industrie, il occupe une place considérée en raison de son habi-
leté professionnelle, de ses connaissances, de sa régularité, de sa
science des écritures : c'est un membre influent de la chambre syndi-
cale; les sociétés politiques lui contient leurs archives; ses relations
politiques l'ont fait nommer par la préfecture de police membre de
la commission locale de surveillance du travail des apprentis dans
son quartier. Il participe donc quelque peu à la puissance publique.
L'ouvrière a su acquérir dans un certain rayon une réputation de
tailleuse adroite; elle augmente chaque jour sa clientèle, et il lui se-
rait aisé, n'était l'étroitesse du logement, de réunir des ouvrières et de
devenir le centre d'une entreprise importante; son indépendance et sa
sécurité semblent complètes; elle bénéficie de tous les avantages de la
petite industrie qui travaille directement pour la clientèle bourgeoise.
Cependant les sentiments de l'ensemble sont révolutionnaires. Que
devient donc l'axiome : »< Ce qui enfante les révolutions, c'est la mi-
0:2 N" 74. — KI5É.MSTE PARISIEN DE IIALT LUXE.
sère. » L'ouvrier y répond par cet autre : « Les révolutionnaires
ne sont pas des misérables : un bon révolutionnaire est celui f/ui a le
ventre plein. »
MOYENS D'EXISTENCE DE LA FAMILLE.
§6.
l'ROl'RIÉTÉS.
( Mobilier et vêtcnicnls imn compris.)
l.M.MELBLES 0^00
La lamille n'a aucune propriété immobilière et ne son^'C même jias a la i>ossibilitc
d'eu actpiérir jamais.
Arge.nt 129f(X)
1 aclioii «le la sociéfé roopéralive de consommaliou • la .Moissonneuse », OO'OO; —
i bon (le l'Exposition universelle de 1889, 25' 00; — argent placé à la caisse .(rei>argno
parles enfants, 4' 00; — fonds de loulemcnt, 40' 00. — Total, 12!)' 00.
Animaux domestiques 0' 00
Un coui)le d'oiseaux (pour mémoire).
Matériel spécial des thavau.v et industries .'{oTMiri
1" Outils il'i'bénistv (rhvf fir fnmilh'). — L'ébéniste est obligé ])ar les coutumes du mé-
tier de fournir tous les outils: en principe, le patron ne lui doit que l'établi, les i)resses
cl les serre-joinls: surtout dans les ateliers de haut luxe où les outils emplo\es doivcnl
être de premier ordre, le capital provenant ainsi du salarié atteint une valeur élevée. —
Scies diverses, 30'00; — \arlopc et rillard, 18' 00; — rabots, 1'»' 00; — guillaume eu acier
fondu et bois, .'{"'00; — insliuments à mesurer et à tracer, comi)as, trusquin, etc.. com-
pas, règle, 10' 00; — instruments à moulurer, bouvets, becdanes. etc., 30'00; — outils di-
vers, marteau, maillet, racloir, ciseaux, vilebre(|uin, mèche, etc., ll'OO. — Total, l'io'oo.
2» Outils de sculpteur {fils aîné). — Ciseaux divers, etc., 38' 00.— Total, M' 00.
H" Otttih de lailleii.ir {mi-ie de famille). — Machine à coudre, 1."K)'00; — ciseaux, des,
aiguilles, mètres, patrons, etc., 10' 00. —Total, 160' 00.
4" Outils de brunissfU.He {/ille ainêe). — Brunissoir, etc., 3'00. — Total, 3'00.
.'i" Mulériel pour le Ijlfinc/iissitr/e et le repns.saye du linge. — 1 baquet, l'OO; — 1 battoir.
0'.'.0:--l bro.sse en « liimdcnl.O' 2.'i; — 4 fers à repasser, 4' 00; — 1 grille, 0'!I0.— Total, (i'U'i.
.Mobilier déposé chez un parent au pays de la femme. . . .'{00' (X)
Valeur totale des propriété^ 780' (i5
OBSERVATIONS PRÉLIMLNAIRES. <»3
•n.
?,
SUBVENTIONS.
L'important paragraphe des subventions qui, pour les populations
primitives, accumule l'interminable description des pâturages, des f(j-
rèts, des étangs, des fleuves, des tourbières où les familles vont cher-
cher des secours proportionnés, non à leur travail, mais à leurs
besoins, se transforme curieusement dans nos cités agglomérées à
outrance de l'Occident. Laissez de côté les menus objets aban-
donnés par le patron, les cadeaux échangés, qu'ils aient un caractère
d'utilité ou d'agrément, qu'il s'agisse de vêtements ou de billets de
théâtre : que reste-t-il? Uniquement ces subventions qui, sous le nom
d'instruction générale ou professionnelle, s'adressent au développe-
ment intellectuel de l'individu. La personnalité humaine peut en efîet
librement se fortifier. L'Etat et la commune viennent à son aide
par leurs somptueuses écoles, dirigées par des maîtres experts, et
régies par le principe de la gratuité la plus absolue; la ville de Paris
surtout y joint ses immenses magasins scolaires du boulevard Morland
qui, moyennant une dépense annuelle de 3^,80 par tête, mettent à la dis-
position de tous les enfants parisiens les fournitures scolaires. Les
chambres syndicales, aidées par les subventions de la Ville, appor-
tent comme couronnement l'éducation industrielle; telle la chambre
syndicale ouvrière du meuble qui réunit trois fois par semaine, au
IG de la rue de Charonne, près de deux cents apprentis. La famille
observée participe à ces larges distributions du savoir. Elles lui parais-
sent la première condition de cette émancipation des travailleurs
qu'elle espère et qu'elle prépare.
§ 8.
TRAVAUX ET INDUSTRIES.
Travaux de Vouvrier. — L'ouvrier appartient au « noyau » d'un
atelier de haut luxe. Chaque matin, après unedemi-heure de marche,
il arrive place Royale. L'heure réglementaire de l'arrivée est 7 heures,
période d'été; 7 h. 1/2, période d'hiver. 11 passe ses habits de travail,
mis en réserve à l'atelier, et commence sa lâche de la journée. S'il
04 N° 74. — ÉBÉNISTE PARISIEN DE HAUT LUXE.
s'agit d'ouvrages ilc liaul liixc, il reçoit le salaire de l'heure-élalon
li.xéc par la chambre syndicale ouvrirre, 0^80. N'y a-t-il au contraire
pour toule commande t|ne des ouvrages ordinaires, partant évalua-
bles, il est payé d'après le tarif particulier de la maison; sur le livre
d'atelier qui reste entre les mains du contre-maître, il signe l'accei)-
tation de ce marché à forfait, dés lors inattaquable, et exécute ainsi, —
c'est le résumé de son livre de paye pour l'année, — une bibliothèque,
un lit, un buffet, une armoire, soit 1.022 francs de salaires pour 152
journées, ou (V723 par jour. A 9 heures, léger déjeuner sur le pouce,
mais sans interruption de travail : c'est une tolérance particulière à
l'atelier. .\ Il heures, jusqu'à midi et demi, pleine liberté : c'est le re-
pas [irincipal. A -4 heures, dix minutes de repos avec sortie, le tra-
ditionnel « coup de quatre heures ». A 7 heures du soir, licenciement
de l'atelier. Dix heures de travail plein; repos complet le dimanche:
travail le lundi. Le salaire est payé régulièrement toutes les cpiin-
zaines.
Joignez à ce travail une occupation très différente, non plus ma-
nuelle, mais bureaucratique : le secrétariat de deux sociétés, l'une
politique, l'autre de secours mutuels, industrie accessoire des repré-
sentants du prolétariat lettré.
Travaux de la femme. — La femme, indépendamment de ces fonctions
domestiques, qui chez toutes les familles françaises forment l'attribut
spécial de la ménagère, exerce le métier de tailleuse, tailleuso en
chambre travaillant directement pour une clientèle aisée, et par con-
séquent hors de l'atteinte de l'épouvantable exploitation sous laquelle
les maisons de confection écrasent la façonnière parisienne. Six à sept
heures par jour sont consacrées à ce travail. Le gain qui en résulte,
0^'{() l'heure, soit 402' 90 pour 154,3 journées de 10 heures, ne doit
pas être considéré isolt'ment. Il faut y joindre les bénéfices réalisés
sur les ventes de fournitures et aussi ces déchets abandonnés à l'ou-
vrière, cpii sans aucune idée de « gratte », — le terme est techni(jue,
— réunit toujours de ce côté un certain profit. Cette industrie,
exercée au foyer, est éminemment favorable au point de vue social.
Travail du fils a/né. — Il est apprenti sculpteur. L'atelier de haut
luxe où il est embauché, comprend deux sections, celle des sculpteurs
et celle des ébénistes. Ses journées sont régli-es par des coutumes iden-
tiques à celle de l'atelier de son père, sauf jiour le « coup de quatre
lifMires ». Tous deux se relr(»uvenl d'ailleurs aux heures des repas.
L'a|q)renti, (pii ('bauciicct Unit, a recuO' ."iO par semaine jusqu'au 2 août
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 65
1890, et 5 francs à partir du :2 août. Il va bientôt toucher la moitié du
gain ordinaire.
Travail de la jeune fille. — Depuis le 6 octobre jusqu'au milieu de
décembre 1800, elle a été apprentie brunisseuse (d'or et d'argent).
Elle gagnait 0*50 par jour. L'atelier était dirigé par une jeune fille et
paraissait manquer de tenue. Il vient de fermer. La fillette cherche
une autre profession plus avantageuse. Elle aide sa mère pour les
soins du ménage.
Travail du second fils. — L'école, quelques commissions.
MODE D'EXISTENCE DE LA FAMILLE.
ALIMENTS ET REPAS.
Il faut distinguer les repas pris par l'ouvrier et son fils en dehors
du ménage et les repas de famille proprement dits, qui se répartis-
sent de la façon suivante :
A 7 heures moins le quart, petit déjeuner avant le départ : du café
noir, de la soupe, si l'on a eu le temps de la faire réchauffer.
A 9 heures, le père mange, en travaillant, un morceau de pain qu'il
a apporté à l'atelier.
A 11 heures, jusqu'à midi et demi, dîner de l'ouvrier et de l'ap-
prenti, qui se sont rejoints dans un débit de vin du quartier. On
achète une chopine de vin, 0*^40, un peu plus d'une livre de pain, 0'2o
(chez le boulanger); le plat de viande cuit la veille par la ménagère
est réchauffé par l'apprenti à son atelier, dans le bain-marie de la
colle (c'est une sorte de subvention, à coup sûr originale . On }' ajoute
un café avec un petit verre d'eau-de-vie pour le père, 0^35.
A 4 heures, le « coup de quatre », le vin traditionnel des ébénistes :
une petite chopine de vin, parfois un peu de pain, 0^25 de dépense.
Le père seul en profite. Le règlement de l'atelier du fils l'interdit.
Après le petit déjeuner de 7 heures moins le quart, l'ouvrière, la
fillette et le petit garçon ont pris en commun le dincr de 11 heures.
Ce sont les restes du souper de la veille. Parfois, au moment de presse,
on va chercher un plat tout préparé dans un restaurant du voisinage,
(■»0 N" 74. — ÉBÉNISTE PARISIKN DE MALT LUXE.
coulume assez fréquente dans les ateliers domestiques de Paris. On
reprend du café.
Knfin réunion de tous au repas du soir, à Th. 1/2 ou H heures. Le
menu ordinaire est celui des ouvriers aisés : la soupe (le pot-au-feu
est mis toutes les semaines), un plat de viande avec légumes, une
salade, un dessert. Nourriture substantielle et convenablement pré-
parée.
A noter, sur tous ces achats , l'influence des sociétés coopératives
do consommation. Celles-ci sont puissantes au faubourg. Lu plus pros-
père est « la Moissonneuse », qui réunit les boulangeries, les bouche-
ries, les dépôts d'étoffe, de chaussures, de quincaillerie, etc., etc., en
17 succursales groupées autour de son siège central, 32, rue des Bou-
lets. Ses bénéfices sont répartis entre les sociétaires. Tout à côté gran-
dit « la Sociale » avec deux comptoirs seulement (11, rue de l'Orillon,
et rue de Cotte, 27) : elle relève directement du parti possibiliste-
broussiste, et verse ses bénéfices dans la caisse du parti. Contre
celte concurrence, les petits détaillants, dont le crédit est le plus
ferme appui , ont créé dans le XX'' arrondissement une ligue , qui a
pour objet de livrer à toute personne payant comptant des « bons
d'escompte ». Ces bons sont escomptés à 3 ^ au siège de l'union,
\ 7, rue Paul-Bert. Toute personneayant touché 8 francs d'escompte reçoit
un billet « participant au tirage d'un quart d'obligation de la Ville de
Paris ». Cet essai est encore trop récent pour ([u'on puisse en appré-
cier l'efTicacité. Il no résulte pas moins de ces faits que, par la dimi-
nution des intermédiaires (qui forment la classe moyenne), la sépa-
ration entre riches et pauvres s'accentue encore au faubourg Saint-
Antoine.
g 10.
IIAIUTATION. MOniLIER ET VETEMENTS.
La famille habile , presque à la liuiitc du faubourg, là où la rue de
Monlreuil coupe le boulevard Voltaire, une maison ouvrière étroite el
haute. Tout au quatrième, au dernior palier, elle occupe un polit lo-
gement de deux pièces, ;i l'aspect |)ropre et décent d'un apparleuicnt
de la très petite bourgeoisie. La pièce d'entrée mesure '2"'Sh\ d'élé-
valion , 10 métros carrés environ do surface. Elle a pour centre le
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. (57
poêle, qui masque la cheminée et sur lequel chaufTent les repas
d'Iiiver; tout autour, un buffet, un lit de fer, une table; la tapisserie
est assez gaie , ornée de cadres où des chromolithographies évoquent
des souvenirs de vie champêtre. Une large fenêtre s'ouvre sur l'en-
tassement de ce quartier ouvrier et sur le Père-Lachaise. La seconde
pièce, à peu près de même surface, est meublée avec encore plus de
soin : un lit d'acajou plaqué, une armoire à glace, un canapé, un lit
d'enfant; une garniture complète de cheminée, pendule, fleurs et
glace. — L'impression première est favorable; l'habitation est saine,
mais manifestement trop petite : c'est là son vice.
Meubles : assez confortables 1284' 50
1° Literie. — 1 lit arajou plaqué. 100' 00: — 1 sommier, îiOfOîJ;— -2 matelas, 120'00,- — 1 lit
lie plume, 60' 00; — I traversin, l'i'OO; — 2 oreillers, 20' 00; — i couverture, 40' 00; — I
étlredon, iO'OO: — 1 lit-canapé, 40'00; — 2 lits de plume, 80'00; — 3 oreillers, iO'OO; —
I couverture, 20' 00: — 1 courte-pointe, 6' 00; — 1 lit de ferpour enfant, 20'00; — 1 sommier,
IO'OO; —2 matelas, 30' 00; —2 oreillers, lo'OO; —1 couverture, IO'OO. — Total, 716' 00.
2" Meubles de la pièce de réception (outre le lit-canapé ). — 1 poêle en fonte , 2o'00; —
I buffet, "O'OO;— 1 table à deux Uroirs, IO'OO; — 1 table à manger, 30'00; — 1 chaise
d'enfant, 3'00; — 4 chaises, 28'00; — garniture de cheminée (vases), 30'00; — tableaux
(chromolithographies), 7' 00 ; — fragments de sculpture sur bois, .'i'OO;— 1 suspension. 3' .">();
— divers, dO' 00. — Total, 221'o0.
3" Meubles de la grande chambre à coucher (outre le grand lit en acajou), — 1 armoire
à glace acajou, 115' 00; — table à ouvrage idem, 20'00: — table de nuit idem, 12'00; —
i chaises, 28'00: — 1 garniture de cheminée avec pendule, lOO'OO; — i couronne de
(leurs d'oranger sous verre, 9' 00: — divers , o'OO; — cartons et ])resse à imprimer prove-
nant d'une association politique, en dépôt (pour mémoire). — Total, 289' 00.
4° Objets de toilette. — Divers, 3' 00.
5"» Livres. — Dictionnaire, Histoire de France, recueils de chansons, pamphlets i)olili-
qucs, 1 iiaroissien, livres scolaires, etc.; papier, encre, plumes. — Total, 23' 00.
6" Armes. — 1 revolver, 1 canne à épée. — Total, 30' 00.
Linge de ménage 305^00
10 paires de draps, 200' 00; — 3 douzaines de serviettes, 36' OO; — C nappes. 4f)'00: —
t douzaines d'essuie-mains et torchons, 24'00; — 2 paires de i)etits rideaux blancs, 5'00.
— Total. 305^00.
Ustensiles 103 00
1" Employés pour la ]/répnr'ttioii des aliments.— Batterie de cuisine, casseroles, poêles,
poêlons, terrines, etc., 20'00; — 1 coquille, IO'OO; — plats, soupières, saladiers, etc..
S'OO; — 3 douzaines d'assiettes, 3' 00; — 1 douzaine de verres, 3'00; — 1 douzaine de cou-
\erts de fer, i'oo: — (i couteaux, 2»'00; — 1 fontaine à filtre, 16'00; — 10 verres, O'OO. —
rotai. 9'é'OO.
2" Employés pour 1rs soins de propreté. — pots à eau, cuvettes, \ases, 4'00. —
Total, 4'00.
3" Employés à usages divers. — Lampes, bougeoirs, pelles, pincettes, etc., 'i'OO. —
lotal.S'OO.
08 N" 74. — KBÉNISTE PARISIEN DE ITALT LUXE.
VÊTEMENTS 997^70
VÊTEMENTS DE L'OlVItlEli, 178' 4o.
i" Vêtemenls drs dimmiclips el îles jours ordinaires. — 1 pardessus, 20^00; — ^complets
en drap, 30' 00; —4 |)aiit;dons en dr:ip. âO'OO; — 1 toslume d'ete eu toile, 7'OU; — 1 tricot,
8' 00; — 1 douzaine de chemises de toile, 30'00; — 3 f;ilels de llanelle, G'OO; — 3 ealeçons
de coton, 4' 40; — 3 paires de chaussettes, l'OO; — 3 cravates en soie, 6'00; — 1 cache-nez,
l'oO;— 3 chapeaux feutre et paille, G'OO; — l paire de souliers. .VOG;— i paire de sabots.
1' 30.— Total, 146' 40.
2° Vêtemenls de travail. — 2 cottes de travail, 3'00; — 2 tabliers de travail, l'IO; —
2 gilets à manebes, 2'20;— 2 casquettes, 0'7ri. —Total, ''O.'j.
3" Bijoux. — Montre en argent, 2.;' (H). — Total. 25' 00.
VÊTEMENTS DC FILS AINE, 127'0.";.
i" Vêlements des dimanches et des jours ordinaires. — 1 pardessus, lO'ftO; — 1 comijlct,
j(jtOO; — 2 pantalons, iO'OO; — 1 tricot, îJ'OO; — 8 chemises de toile. .'lO'OO: — 3 gilets de
ilaiielle, 2' 10; —2 caleçons de colon, 3'SO,- — 8 paires de chaussettes, 2'.";0: — 3 ci-avales ou
foulards de soie, o'40; — 2 chapeaux, feutre et paille, 3'20; — 1 paire de bottines, O'OO : —
1 paire de sabots, l'50; — 1 paire de savates, O'SO. —Total, Oti'lO.
2° Vêtements de travail. —2 blouses blanches de sculpteur, 4'00; — l gilet à manches,
l'75,- — 3 casquettes, l'30. — Total, T25.
3" Bijoux. — i montre en argent, 2j'00. — Total, 2.>'00.
VÊTEMENTS DE LA FEMME, 558' 10.
1» Vêtements des dimanches et des jours ordinaires. — 2 robes de soie noire , CO'OO ; —
2 costumes en cachemire ou étoffe fantaisie noire, 30'00; — 1 jaquette de drap, lO'OO; —
I manteau d'hiver, 30'fiO; —1 visite d'été, 2t'00: — 1 chàle de laine noire, 2'o0;— 2 pei-
gnoirs, 12'00; — 4 matinées, 8' 00; — 15 jupons blancs brodés, iO'OO ; — 12 camisoles bro-
dées; ;tO'O0: — 1 corset. 8'50; —2 douzaines de clieuiises, 27'00; — !» i)aires de bas de
laine, lO'OO; — 4 i)antalons, 5'00; — 2 chapeaux, (i'OO; — 1 foulard, 0'50; — 1 paire de
gants de laine, l'IO; —1 paire de bottines de cuir, 8'00; — 1 paire de souliers de satin,
T50. —Total, 323'10.
2" Bijoux. — 1 montre de femme, en or, sans cliaine, lOO'OO; —3 paires «le boudes d'o
rcilles, CO'OO; — 1 bague en or, .JO'OO; — 1 broche, 25' 00; — 1 parure (boucles d'oreilles et
collier) en corail, 20'00. —Total, 235'00.
VÊTEMENTS DE LA FILLE AINEE. 72' 70.
Vêlements des dimanches et des jours ordinaires. — 2 robes noires, et couleurs, 13'00;
— 2 jupes, 7'00; — 2 casaques, 10' 00; — 1 manteau, «'00; — 1 douzaine de chemises, O'OO,
— 2 pantalons, I'OO; — ;{ i)aires de bas, 4'00; — 1 corset, 2'70; — I chàle de laine bleue;
2' 50; — 3 chapeaux, (i'OO: — I paire de gants de laine, 0'50: — 3 paires de chaussuires,
H'OO. — ToUll, 72'70.
VÊTKMK.NTS DU SElOM) KM. S, 41'.'10.
Vêtements des dimanches cl des jours ordinaires. — 1 pardessus, 3'00; — 2 costumes
complets, O'OO; — I costume d'été, 2'50; — 4 tabliers noirs lustrine, 3'20; — 1 cale<,on tri-
cot, 0' 80; — 2 tricots de laine, 2' 20; — «i chemises, 8'00; — 3 paires de bas, I'OO; —1 cache-
tiez, 0'90; — 3 cravates, o'45; — 1 chapeau, l'23;— 1 casquette, l'IO; — 4 paires de sou-
liers, 7'00. — Total, 41'30.
KFFETS COMMUNS, 19' 25.
5 douzaines de mouchoirs, Kl'OO; — 2 paia|)liiies , 5'00; — 2 ombrelles. 1'25. — To-
tal, liJ'2.5.
VALiait TiiFALi: ilii rnfil>ilier (.'L des Aclemcnls iMV.IQ^^Îo
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. Gi)
l 11.
RÉCRÉATIONS.
C'est au paragraphe Recréations qu'il faut regarder les monogra-
phies d'ouvriers révolutionnaires. On y gagne de dissiper ce préjugé :
« Ouvrier socialiste, ouvrier débauché, c'est seule et même chose. »
La vérité est plus sombre. D'honnêtes gens demandent le bouleverse-
ment de l'état social. Les distractions quotidiennes du père, indépen-
damment de la lecture du Rappel et du Parti ouvrier, et de l'assistance
assidue aux séances des différentes sociétés dont il fait partie, sont
les causeries au débit de vin avec les camarades et les interminables
cigarettes, qu'il ne peut sempêcher d'ajouter les unes aux autres avec
une satisfaction toujours nouvelle. Le fils participe d'ailleurs, mais
plus sobrement, à ce genre de distraction. La femme et la fillette
achètent un journal de modes et entretiennent avec un certain nombre
d'amies et de voisines des rapports fort suivis. Le dimanche est le
jour des fêtes de famille et aussi des excursions : l'hiver, c'est le pati-
nage au bois 'de Vincennes; l'été, les pique-niques dans la banlieue,
à Ivry; on se rend chez des amis, et l'on paie son écot sans façon h
titre de revanche : c'est le divertissement le plus coûteux de la
famille. Joignez-y les journées passées au café, pendant quelques
dimanches hrumeux d'hiver, les parties de billard où l'on joue la
consommation; puis, des matinées et des soirées au café-concert, ou
aux théâtres, Beaumarchais, Ghâtelet, Porte-Saint-Martin, surtout
avec des billets donnés. Est-il nécessaire de mentionner, pour être
scrupuleusement complet, les soins accordés à la cage assez coquette
où l'on est parvenu à élever deux oiseaux?
HISTOIRE DE LA FAMILLE.
l 12.
PHASES l'RINCIl'ALKS DE l'eXISTENCE.
L'ouvrier, qui est né à V... (.\ube), avait deux ans lorsque son père
et sa mèreémigrèrent de leur province natale à Belleville. Nous savons
6
70 -N° 74. — ÉBÉMSTE PAHlSir.N DC HAUT LUXE.
d('-jii que son pùn- t-lait journalier et que sa mère, ancienne femme de
cliambre, s'était établie blanchisseuse. L'enfance de l'ouvrier fut ma-
ladive : la force et la santé ne sont venues qu'assez tard. On l'envoya
à un pensionnat, ce qui fait supposer chez ses parents des vues assez
ambitieuses sur son compte. Mais sa paresse le fit retomber à l'école
communale. A douze ans, apprenti chez un marchand de meubles que
son père avait cru fabricant, il apprend à courir les rues du grand
Paris : cette vie vagabonde dure peu; il est placé chez un véritable ébé-
niste, où il travaille deuxans sans rien gagner; puis parvient à un salaire
de ^2 ïr. oO par jour, sans se spécialiser, ce qui lui a permis plus tard,
malgré les désavantages du début, d'arriver au\ hautes maisons. A
dix-sept ans, l'apprentissage était terminé. La vie d'ouvrier proprement
dit commençait. Tout d'un coup, à dix-huit ans, au moment même où
un heureux projet d'union semblait écarter toute idée de voyage, une
envie folle de voir « le pays », surtout la mer, le saisit. Il part, sans
prévenir personne. C'était en 18G9. Le chemin de fer le débarqur à
Orléans. Il visite ainsi Blois, Tours, Poitiers. Mais ses ressources s'é-
[luisent, et il revient bientôt; à Paris, sans avoir atteint l'Océan, qu'il
verra plus tard, lorsque des travaux l'appelleront à Rennes, Saint-Malo,
Dinan et Dinard.
A la veille de la guerre, il tire au sort et est réformé. Paris est assiégé.
L'ouvrier est enrôlé dans la garde nationale ; il prend part à l'arrière-
garde aux batailles de Champigny et du Bourget. La Commune éclate,
l'élection le nomme sergent- major; il participe aux engagements
contre l'armée de Versailles, mais en rase campagne. Il n'a pas eu
l'occasion de figurer dans la défense des barricades. Au moment de la
déroute des insurgés, il est arrêté pendant 48 heures et doit sa mise
on liberté à un brigadier de police qui habitait la même maison (\uo lui.
Un peu effrayée de ce rôle politique, sa mère l'envoie en Champagne,
dans l'espoir de le faire oublier. Là, l'ouvrier se marie avec la fille
d'un tuilier. Le mariage a lieu à l'église par respect humain. De retour
à Paris, il est cité comme témoin devant les conseils de guerre de
Versailles, et est menacé d'une nouvelle arrestation, menace non suivie
d'effet.
Mors recommence la vie paisible. Les ateliers succèdent aux aleliors,
car l'indépendance de l'ouvrier est telle (pi'il ne soudre ni injustice
ni passe-droit. Mais l'habiletc'' qu'il a su acquérir lui permet de ne |>ar-
courir ainsi que les maisons les plus connues. A un certain moment,
à la mort des parents de sa femme, et de sa mère, possesseur d'un
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 71
capital de 1.000 francs, il a cherché à s'étabhr comme fa«;onnier. Ses
premiers marchés l'ont dégoûté de cette tentative et il est revenu à
l'embrigadement des ateliers. Actuellement, il n'a plus aucun héritage
à attendre. Son père s'est remarié et la seconde femme a absorbé les
économies de la première; un petit commerce de bois et charbons n'a
pas prospéré; la misère est venue; mais « le vieux » ne veut pas être à
charge; il tient à garder sa vie « indépendante » : une place dans un
asile de l'Assistance publique serait son rêve.
Les ambitions de l'ouvrier doivent se reporter sur ses enfants. Il
cherche à les hausser d'un degré social. Le fils est sculpteur, industrie
de premier rang d'après les idées du peuple parisien. La fille était
brunisseuse, industrie également de luxe. La mère projette pour cette
dernière un métier plus lucratif, celui de sage-femme, non à Paris,
mais en province, au village natal. Une de ses amies, ancienne sage-
femme, reeue docteur en médecine, le lui conseille.
C'est un trait de mœurs curieux, au point de vue de leur avenir, que
ce rapprochement des ouvriers de haut luxe avec les professions scien-
tifiques, cette recherche d'une plus large existence s'unissant au cou-
rant d'esprit à tendance matérialiste et athée. Les vices des civilisa-
tions raffinées, la morphinomanie, par exemple, pénètrent par ce cùté
les classes ouvrières. De plus, ces lettrés de second rang, instituteurs
ou professeurs, ces artistes inférieurs, dessinateurs ou sculpteurs, ces
savantis de degré modeste, préparateurs, sages-femmes, médecins même,
développent insensiblement chez les hauts ouvriers et la petite bour-
geoisie de Paris la glorification « des droits de l'individu » qui ne
connaît « ni Dieu ni maître », et préparent ainsi les voies du socialisme
niveleur.
? 13.
MŒURS ET INSTITUTIONS ASSURANT LE BIEN-ETRE PHYSIQUE ET MORAL
DE LA FAMILLE.
La plus puissante garantie de sécurité que cette famille puisse op-
poser aux accidents de la vie, est l'esprit de travail. Il faut y joindre
l'esprit d'ordre. Le père, qui en définitive se réserve l'autorité, lient
ses comptes, comme les registres des associations dont il a été tréso-
rier et secrétaire.
L'esprit d'épargne fait défaut, sauf en ce qui touche les cotisations
72 N" 74. — KnÉMSTE PARISIEN DE HAIT LUXE.
des sociétés d'assurance mutuelle. Nous sommes en présence de mu-
tuellistes convaincus : assurance contre l'incendie, à une société à
prime; assurance contre l'incendie des outils et les difficultés judiciai-
res concernant le travail, à la chambre syndicale des ébénistes; as-
surance contre les maladies pour tous les membres de la famille, à
une société assez peu nombreuse , mais très florissante du faubourg.
Presque touteslesprimesdefilent.il y manque cependant les secours
contre les événements les plus graves, — non pas contre les accidents,
assez rares dans la profession, — mais contre l'invalidité et la vieil-
lesse.
Le rôle du père, cherchant à soi.\ante-dix ans un refuge dans les asiles
de l'Assistance pul)lique, est peu enviable; mais pas d'espoir de l'évi-
ter, car l'accès du patronat est interdit. L'épargne ne sera pas essayée,
le patron ne la favorise qu'à un point de vue assez curieux (l'épargne
du loyer, en retenant io francs par quinzaine). Les enfants, dernier
refuge, réussiront-ils? et s'ils réussissent, garderont-ils ce reste d'ins-
tinct social, la déférence et la pitié pour les « vieux »?
Cependant, en terminant l'examen des institutions prolectrices de la
famille ouvrière, il convient de signaler un essai pratique,, dont les
conséquences actuelles sont presque nulles, mais qui peut-être, au point
de vue de l'assistance, est appelé à diminuer l'insécurité des travailleurs
de l'ébénisterie. A côté et très distincte du syndicat des patrons (11, rue
de la Cerisaie) qui restera toujours un instrument de lutte sociale,
une institution originale et pacifique se dessine : c'est le Patronar/r
des Enfants de V Ébcnisterie , fondé en 1880 par MM. Henry Lemoine,
(irohé, Fourdinctis, (Jodin, etc. A première vue, ce patronage se pré-
sente comme une sorte de société de protection de l'enfance, réduite
aux seuls apprentis ébénistes , menuisiers en sièges, facteurs de
pianos et de billards, tourneurs, sculpteurs sur bois, découpeurs,
marqueteurs et serruriers en meubles. Mais il y a plus : on y constate
lout un enseignement professionnel, des cours du soir (77, avenue
Ledru-llollin), toute une école, où des |)atrons, des contre-maîtres
enseignent aux enfants les éléments théoriques strictement néces-
saires pour conipléler les procédés appris chacjuejour à l'atelier. Il sy
fait en outre, clia(|uc anm-e, des concours, non plus seulement entre les
t-nfants du patronage, mais entre tous les apprentis du métier ; une mise
en loge des concurrents, et une large distribution de prix qui assurent
des places avantageuses dans les maisons on vue : c'est le « chef-
d'cpuvre », sous la forme plus moderne d'une sorte de » baccalauréat
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 7.1
de l'ébénisterie ». Enfin l'institution décerne des médailles, ou de pe-
tites sommes d'argent aux vieux ouvriers recommandés par une
exceptionnelle permanence d'engagements. Et dans les conférences ou
les discours du patronage, on vante le lien corporatif « qui assure le
maintien des connaissances artistiques et soutient l'ouvrier dans les
phases douloureuses de la vie... » (Voir la conférence de M. Fresson,
secrétaire du patronage et de la chambre patronale. )
L'idée de corporation flotte tellement dans l'air, que nous la ren-
controns danslesécritsdu patron- menuisier Mazaroz, rêvant la recons-
titution de la République professionnelle de Saint-Louis par la franc-
maçonnerie. En effet, nous sommes en présence d'une tentative de re-
constitution partielle de la corporation, qui n'aura plus la devise du
groupement ancien : a Exclusion et obligation », mais bien : « Appel à
tous et liberté ». Ce sera probablement, à vrai dire, un S3'ndicat mixte,
qui « permettra aux moyens patrons du métier de praticjuer les insti-
tutions de patronage que le grand patron peut entreprendre avec ses
propres forces». Telle sera, en effet, la portée exacte de cette organi-
sation, que le collectiviste étudié dans la présente monographie consi-
dère comme une manœuvre patronale dirigée contre la constitution
égalitaire du « parti ouvrier ».
. <_ 'tî^-CSl'^^0^_
74
N" 74. — ÉBÉNISTE PARISIEN ItK IIALT LUXE.
M 4. — BUDGET DES RECETTES DE L'ANNEE.
SECTION r«.
PnOPBIÉTÉS POSSÉDÉES PAR LA FAMILLE.
Art. I"'. — PiiopRiÉTÉs immodimf.rf.s.
(I.a famille ne possède aucune propriété de ce ijenre. )
Ai;t. 2. — Valeurs siobilières.
Ai;(;f.nt :
1 aetion de la Socictc coopérative « la Moissonneuse •■
i hon de l'Exposition universelle de 1889
Argent placé à la caisse d'épargne par les enfants
Fonds de roulement C^; 0)
Matéhkl spécial des travaux et industries :
Outils d'éhéniste (chef de famille) (.; C)
Outils (he sctili>teur (fils aine) (.'. (>)
Outils de tailleuse (mère de famille) (S 0)
Outils de hruuisseuse (lill(! ainée) (.', (ii
Ustensiles pour le blanchissage et le repassage du linge 1^; 0)
Mobilier déiiosi- chez un parent dans le pays de la femme ('.', <>)
Art. 3. — Droit aux allocations de sociétés d'assurances mutuelles.
Droit aux allocations d'une société de secours mutuels
— — de la chambre syndicale ouvrière des ébénistes...
— — d'une société d'as'surance contre l'incendie
Valeur totale des propriétés
ÉVALUATtOS
.M'I'ROXTMATm
DRS SOURCRS
DE RECBTTKS,
V.Vl.ECR
PROPniKTK-
|.;(» on
■.iX IKI
un) on
.'{ (Hl
li li.'.
."^On on
:sG •►
SICTION II.
SUBVENTIONS REÇUES E\ tSlFRlIT.
Art. 1". — Propriétés reçues en usufruit.
(I.a famille ne reçoit aucune propriété en usufruit.)
Art. 2. — Droits d'usage sur les propriétés voisines
(La famille ne jouit d'aucun droit de ce genre.)
Art. .'J. — Allocations d'orjets et de services.
AllonfiliKiis conrernant riiabilation
— les vélenienls
— — 1(!S besoins moraux
N" 74. — ÉBÉNISTE PARISIEN DE HAUT LUXE.
§ 14. — BUDGET DES RECETTES DE L'ANNÉE.
75
RECETTES.
SECTION 1".
BEVEIVl'S DES PROPRIÉTÉS.
AuT. 1''. — Revenus des phopriétés immobilières.
(La famille ne jouit d'aucun revenu de ce genre.)
Ar.ï. 2. — Revenus des valeurs mobilières.
àdende de la « Moissonneuse • (en nature )
itle valeur ne porte pas d'intérêt.)
érct servi par la caisse d'épari^ne
itte somme ne porte pas d'intérêt.)
érét (3o/o) de la valeur de ce matériel
îtte valeur ne porte pas d'intérêt.)
Art. 3. — Allocations des sociétés d'assurances mutuelles.
.a société se charge de tous les soins en cas de maladies
lucune allûcaiion n'a été distribuée celle année de ce chef
Totaux des revenus des propriétés
section 11.
PRODLITS DES SlBVE:VTIO\S.
Art. ^"^ — Produits des propriétés reçues en usufruit.
i famille ne jouit d'aucun revenu de ce genre.)
Art. 2. — Produits des droits d'usage.
famille ne jouit d'aucun produit de ce genre.)
Art. 3. — Objets et services alloués.
jets fournis par l'atelier pour la réparation du mobilier
îeaux divers dépassant de 5' 43 les cadeaux remis
ilruction technique donnée par la chambre syndicale au lils aîné
.Iruction primaire gratuite pour le second fils
urnilures de classe accordées gratuitement à ce dernier par la Ville de Paris
grevant le budget de cclle-(;i d'une somme de 3' 80 pour chaque écolier
l'apréi restiination des magasins scolaires.)
lets de théâtre donnés par des amis
Totaux des iiroduits des subventions
MONTANT DES RECETTES.
Valeur dos Kccettes
objeU reçus en
nature.
4' 2.-;
7 30
>
1 90
8 00
0 lo
0 rs
1 tjii
5 45
3 80
8 00
18 90
N° là. — ÉBÉNISTE PARISIEN DE HAUT LL'XE.
§ 44. — BUDGET DES RECETTES DE L'ANNÉE (suite).
SOURCES DES RECETTES [suiie).
SECTION m.
TRAVAUX EXÉCUTÉS PAR LA FAMILLE.
Trnvaux du père de famille, ouvrier ébéniste :
Travail d'ebùnislerie exécuté à l'heure
— — à la tâche
^;ccrét;l^iat d'une société de secours mutuels
— — association politique
Travail de la niorc de famille, ouvrière tailleuse
Travail du fils aiué, apprenti sculpteur sur bois
Travail de la jeune fille, apprentie brunisscuse
Soins du niéna;{e et travaux domestiques : travail spécial
à la mère de famille, aidée de temps en temps par la
plus jeune fille
Racconimodase des chaussures de la famille
Réparation du linge et des vêtements
Blanchissage et repassage du linge de la famille
Totaux des journées de travail de la famille —
SECTION IV.
NOMBRE DES
JOITlNF.F,S DE TRAVAII,
Vi-2
-20
3i-i 1
307 1
INDUSTRIES ENTREPRISES PAR LA FAMILLB
(à son propre comi)te).
tr>i 3
iO 8
3'J
3n<.) I
Travaux de coupe et de couture exécutés par la femme pour diverses clientes
Uaccommodage des soulicMvs
Blanchissage du linge
îi° 74. — ÉBÉNISTE PAKISIEN DE UAUT LUXE.
77
5 14. — BUDGET DES RECETTES DE L'ANNEE {suite).
RECETTES (suite).
JIONTAST DBS (IBCBTTK'»
l'MX
DF.S SALAIUES JOIKTSALIF.R.S.
Père
de
«mille.
Fils .liné.
îtèro
(le
famille.
Jeune
Fillo.
r. c.
fr. c.
fr. e.
fr. c.
8 00
•
•
»
C 7-2;î
5 00
4 00
"
3 00
0 50
8 00
S 00
3 00
»
SECTION III.
SALAIRES.
Salaire total aitiihuo à ce travail
(inlérêt du matériel déduit)
Salaire attribué à ce travail, à raison
de 30 semaines à 0' 50, et de ^-i
semaines à 5'
Salaire (intérêt du matériel déduit).
(Aucun salaire ne peut être attri-
bué à ces travaux . )
Salaire total attribué à ce travail...
(Aucun salaire ne peut être attribue
à ces travaux )
Salaire attribué à ce travail
Totaux des salaires de laraiiiille..
SECTION IV.
BÉNÉFICES DES IIMD USTR lES.
énéfice résultant de cette industrie (§ iti. A)
ucun bénéfice ne peut être attribué à cette industrie (,; 10, 15)
- — - (§ 10, C)
Totaux des bénéfices résultant des industries (j IG, D)
Nota. — Outre les recetles portées ci-dessus en compte, les industries
Dnnent lieu à une recette de-286'45(§ 10, D),qui est appliquée de nou-
jau a ces mêmes industries; cette recelte et les dépenses qui la ba-
nceat (5 13, S°" V) ont été omises dans l'un et l'autre budget.
Totaux des receltes de l'année (balançant les dépenses) , (3.488';iS).
Valevïr
des objets
reçus
en nature.
n'oo
liO '.0
i;i8 00
Recettes
argrent.
]-li't
50
10-2-2
00
100 00
GO 00
40-2
90
t-23
10
-20
00
200 75
78
ÉBÉNISTE PARISIEN DE HAUT LUXE.
io.
BUDGET DES DÉPENSES DE L'ANNEE.
DÉSIGNATION DES DÉPENSES.
l POIDS ET PIUX DES
ALIMENTS.
DÉPENSES COi\CER:VA;«T LA i\OURRITlJRE.
Art. i"'. — Al.lMEXTS CONSOMMÉS DANS LE MÉNAGE.
[Par 5 membres delà famille pendant .3G5 jours, 306 repîis exceptés pris
nu dehors pnr le père de famille et le fils aine, et 43 pris également de-
hors par la jeune fille.]
CÉRÉALES :
Pains de S"» achetés alternativement à la « Moisson-
neuse » et chez un boulanger du voisinage
Farine de froment pour la cuisine
lUz
Vermicelle
Poids total et prix moyen
COKPS CIIAS :
Beurre
I.ard
Huile
Poids total et prix moyen
I.AIIAGES ET OEUFS :
l.ail
Kroma^^'es : gruyère, suisse, blanc, etc., etc
oiCul's, 31-2 pièces
Poids total et prix moyen
Viandes et poissons :
Viande do boeuf ; morceaux divers, culotte, foie,
gras-double, etc., fn^Sù 1' UO
Viande de veau, tripes en conserve, 18" à 1' 80
Viande de mouton. 75" à 1' 80
Viande de porc, 2'»" à l'80
Cliaiciilerie (jambon, saucisson, etc.)
Volailles : 4 i)aircs de pcmlets ?» ti'; 2 oies à 0'
Poissons : harengs saurs, '»" ,i l'tiO: sardines, i^ix 1' (iO;
|)oisbonsrrais,2''à l''«0; h u lires, idouz. à 0'60(2'' 175)
Poids total et prix moyen.
POIDS
consommé.
7.30" 00
6 00
6 00
2 00
8.-; .';o
!)" .M)
1 GOd
1S (H)
1 soo
7:; 00
1 soo
24 00
1 800
2 00
/» 000
18 00
2 0(K)
PRIX
par kilog.
0'387
0 500
0 700
0 800
741 00
0 .3!»2
2-; 00
7 00
12 00
4 ono
1 (500
1 500
4i 00
2 930
52 00
li 00
1!) 50
0 3:.0
2 800
1 7.30
\ ces
1 323
montant des DEPENSES
^— -"^
des objets
Dépenses
en nature.
282' 85
„
3 00
,
/» 20
1 (iO
100 00
11 20
18 00
18 20
30 20
33 73
1.50 00
3-2 40
135 00
43 20
8 00
30 00
13 20
N" 7i. — KBÉNISTE PARISIEN DE HAUT LLXE.
79
5; \:\. — BLDGKT DKS DÉPENSES DE L'ANNEE (suite).
DÉSIGNATION DES DÉPENSES (suite).
SECTION 1"'.
DÉPENSES CO\CER\\:VT LA \OlRRlTlRE.
I,K(;rMF.s ET FRUITS :
Tubercules : pommes de terre, hollande, 28G''' àOflO
Légumes farineux secs, 23 litres à 0' 40
Légumes verts à cuire : haricots verts, pois verts,
1!»'- à t'; chou\-lleurs et choux, 100" à 0' 23; ar-
tichauts, (!'' à Of 70
Léijumes racines: carottes, 5'* àO'7i>; poireaux, na-
vets, etc., 5' à 0' 7-; ; salsiûs, l'' à 0' 80
Légumes-épices : oignons, IC" à 0' 40: ail, 1" à I' aO:
échalote , 0" 230 à 2'
Salades diverses, 18" à 0' 80
Cucurbitacées : citrouilles, 1" 5 à 1' 20
Fruits : cerises, pommes, poires, noix, .t;" à 0' 70
Poids total et prix moyen
Condiments et stimulants :
Sel gris et blanc
Épices : poivre, girofle
Vinaigre
Matières sucrées : sucre
Chocolat
Hoissons aromatiques : café
Poids total et i)rix moyen.
ItOISSONS FEItMENTKES :
Vin rouge, acheté au litre à la « Moissonncnse »...
Eau-de-vie pour les jours de fétc, achetée au détail.
m. 2' à i' (2' 70 en gros)
Poids total et jirix moyen.
POIDS ET PlilX DF.S
ALIMENTS.
PRIX
par kilog
12 00
427 0(1
286" 00
0^100
20 20
0 51!»
125 00
0 38.5
11 00
0 754
17 25
0 .562
18 00
0 801)
1 50
1 200
3."; 00
0 700
.-il.'} 'Xi
0 28.3
12 00
0 500
.36 00
1 200
5 00
3 200
12 50
5 200
77 .50
1 730
;25 00
0 (100
2 00
V 000
AuT. 2. — Aliments piîéparés et consommés en dehors du ménage.
Uepas pris chaque jour de travail (.306 journées) par le pérc et le fils
aillé au débit de vins (sans compter les aliments emportés de la maison)
Sui)plcment à ajouter |)i)ur les '»2 jours où la jeune lille travaillant en
\ille venait rejoindre son ])ér<' ei son frère
Supplément pris au « coup de ([uatrc heures » par le père seul, vin, 76' 50;
pain, 8'
Vin bu avec des camarades |)ar le pérc le samedi soir, 2.5 bouteilles à
0' 30
Nourriture prise parfois au milieu du jour par les enfants
Totaux des dépenses concernant la nourriture.
montant des DEPENSE';
Valeur
des objets
consommés
en nature.
Dépenses
en argent.
2HfG0
10 40
8 30
n 70
r* 40
1 80
2't .50
3 60
1 00
6 00
'.3 20
11 75
65 00
2."i.5 00
8 00
306 00
li
70
8i
.50
7
50
••
00
1.80
2 !U,
80 N° 7-4. — ÉBÉNISTE PARISIEN DE HAUT LUXE.
5< 15. — BUDGET Di:S DÉPENSES DK L'ANNÉE {suite).
DÉSIGNATION DES DÉPENSES {suite).
SECTION II.
DIvPE\SES CO\CER\AXT L'HABITATIOX.
Logement :
Loyer de deux pièces et 1 petit grenier (aux 4- et ?«" étages)
MOBILIF.K ;
Kntreticn des meubles de bois par l'ouvrier Ini-nii-me, a'OO; — aclial
d'ustensiles et de linge, -2'}' ".">
ClUL'KFAGE :
Charbon de terre i)endanl 20 semaines d'hiver, 1.000 kilogr., .'iU'OO;
— charbon de bois pour la cuisine pendant toute l'année, 3!)0 til.
à O'IO (au détail), 39'00
ÉCLAIKAGE :
Essence et pétrole, il lit. à 0T>7.j, -2'>''0: — mèches de coton , O'TO; —
allumettes. .'>'20
TuTAix lies dépenses concernant l'habilalion
SECTION III.
DÉPE:VSES COACERIVAIVT LES vftTEME\TS.
VÊTEMENTS :
Vêtements du père de famille (;;i»j, S""I1I).
— du lils aillé (•.; l'i, S"" 111).
— du second lils (;;i»>,S""lll).
— de la lemme 0.' 16, S"" III).
— de la jeune tille (SI(>,S""III).
Objets communs (§1(>, S""lil).
Ulanciiissage :
Blanchissage et repassage du linge et des vêtements (.; !•;,(;).
Totaux des dépenses concernant les vêtements...
SECTION IV.
DÉPEXSES CONCERÎVAI^T LES BESOI.XS IllORAtJV, LES RÉC.RÉATIO!VS
ET LE SERVICE DE SAi^TÉ.
Culte :
Aucune dépense n'est affectée à ce service, sauf le prix des chaises
aux enterrements
Achats de juiiinaux et de i.iviies :
Achat cha(|Uf malin (lu journal le Rappel, clia(|ue semaine du jour-
nal In Modr, indépciKl.-imincnl des journaux du parti, lus i\ l'as-
sucialion politique ; livres
iNSTiiucTiox des eneants :
Enseignement technique de lu chambre svndicale donné gratuitement
au lils aillé '.
Enseigiiemeiit primaire donné gratuitement au jielit garçon par les
écoles d'Ktat !
Fournitures données gratuitement par la Ville
Secours et aumônes :
A divers
MONTANT UKS DKPESSE8.
Valeur
des objeU
consommés
en niitiirc.
•; (10
Il (II)
■> m
N° l't. — ÉBÉNISTE TARISIEN DE UAL'T LUXE.
§ lo. — BUDGh:T DES DÉPENSES DE L'ANNÉE {suite).
81
SECTION IV.
DKPEIVSES CO\CERA V!Vr LES Bi;SOI\S MORAUX, LES RÉCRÉATIONS
ET LE SERVICE DE SA!\TÉ {suilc).
KÉcnÉATIONS ET SOLENNITÉS :
Tabac pour le père, Si'Tj ; |)our le lils, 10^40. — Consommations au
café; location du l)illar<i, pore, 3^00; lils, l'é'OO. — Pic|ue-ni(|ue,
auquel prenti jiart toute la famille; rendez-vous chez des amis de
la banlieue; repas, 38' 50; faux frais divers, 33^00; — tiiéàtres :
Beaumarciiais. Chàtelet, Porte-S'-Marlin . billets donnés, 8'00; ache-
tés, 5' 00. — Nourriture d'un oiseau, o'OO
Seuvicf, de santé :
Secours fournis j)ar la société de secours mutuels, omis comme égaux:
aux recettes
Totaux des dépenses concernant les besoins moraux, les
récréations et le service de santé
SECTION V.
DÉPEASES COACERAAAT LES lADLSTRIES. LES DETTES, LES IMPÔTS
ET LES ASSURAMES.
DÉPENSES CONCERNANT LES INDUSTRIES :
Nota. — Les dépenses concernant les industries montent
à (S 1G,D) 'JUi'GH
Elles sont remboursées ])ar les recettes provenant de ces
mémos industries, savoir:
Argent et objets employés pour les consommations du
ménage, et portés, à ce titre, dans le présent bud-
get 62!»'i3 \
Argent appliqué de nouveau aux industries Cj -14, /
S"" IV), comme emploi momentané du fonds de > 915 08
roulement et qui ne peut consé([uemmeiit li- \
gurer parmi les dépenses du ménage (§ lt>,D). 280 45 J
Dépenses communes à toutes les industries : achat d'outils
Intérêts des dettes :
La famille n'a pas de dettes, sauf de temps à autre chez le boulanger,
et encore cette dette n'entraîne-t-elle pas paiement d'intérêts
Impôts :
La famille ne paie aucun impôt
Assurances concourant a garantui le rien-étre piivsioue et moral de la
FAMILLE :
Assurance contre l'incendie, 12'00: — chambre syndicale (contre les
patrons et l'incendie des outils), "'20; —société de secours mutuels,
à laquelle sont assurés tous les membres de la famille, 7"'85
Total des dépenses concernant l(;s industries, les dettes, les im-
pôts et les assurances
Épargne de l'année. (La famille ne fait aucune épargne.)
Totaux des dépenses de l'aniH-c (balançant les recettes)... (3,4H8'08)
Dépenses
en argent.
unt-r;
82
N" 7 4. — ÉBÉNISTE PARISIEN DE HAUT LUXE.
§ 16.
COMPTES ANNEXÉS AUX BUDGETS.
SECTION I.
COMPTES DES BÉNÉFICES
IttSLLTANÏ DES INDUSTRIES ENTREPKISES PAR LA KAMILLE
(à son i)r<ii)ie compte).
A. — THAVAUX DE COUPE ET COUTURE DE VETEMENTS
DE FEMME EXÉCUTÉS PAU l'oUVHIÈRE POUR DIVERSES CLIENTES.
r.ECETTES.
Farons de 6 custumcs riches (lohe cl casa(|iie). à i-i'
— 35 i-()Ik'S simples à lo'
Vente des fournitures riches
— — ordinaires
Restes d'étoffes diverses
Totaux ,
DÉPENSES.
Fournitures pour 0 costumes (robe et casaquei
— — 35 robes simples
Tra\ail de la femme : 154 jours 3 lieures à 3' ,
liiti'ict 5 X du matériel de l'induslric (100')
Entrelien de la machine à coudre (huile, aiguilles, canelte)
UÉNKKiCKs rcsultanl di' l'iiiduslrie
Totaux comme ci-dessus
■^
.11
.11
nature.
argent.
108' (Kl
«
.5i5 (Kl
„
107 10
»
1 Ml 00
15' 00
"
15 00
040 10
S!» 10
.
113 75
»
Mfâ !I0
« 00
n
»
i (iO
7 00
-JO!) 75
15 (K(
ll'iO 10
B. — RACCOMMODAGES DE SOULIERS EXÉCUTÉS PAR LES
DIFFERENTS MEMBRES DE LA FAMILLE.
RECETTES.
Prix <|ui aurait été payé au cordonnier pour la réparalinn des mêmes ohjcls
17 («l
l!l 00
DKPENSES.
Fournitures ( cuir, clous, etc.)
17 0(1
10 00
Travail du chel de famille et du lils aine, 2 journées i heures à 8'
IntcEct 5 '^ du matériel (pour mémoire, — les outils de menuisier sulliseiit
ordinairement)
•
llKNÉKii.i: résultant de l'induslrie
Iiilaiiv ciiiiiiiic- li-dcssus
17 (,0
l!l IMI
COMPTES ANNEXÉS ALX BUDGETS.
83
C. — BLANCHISSAGE DU LINGK ET DES VETEMENTS
DE LA FAMILLE.
rix (]ui serait payé pour le blancliissagc des mênic» objetscxécutc au dclKir;
léLribulioii payée au lavoir pour une place dans les cuviers comuuuis
létriMuliou pour une place devant les bassins d'eau Iroide
U'iiat d'eau eliaudc de la lessive
Ilétrihution pour remploi de «l'essoreuse », macliine à presser et birdre le
linge
avon, 10' 'M ; eau de javelle, ;>' ?0; bleu, empois, etc., 8' 00
rravail de la femme, 39 jours a 3' GO
ntérét 5 % de la valeur du matériel
IlÉNKKicE résultant de l'industrie
Ti)iaii\ fiimnie ci-dessus
D. — RÉSUMÉ DES COMPTES DES BÉNÉFICES RÉSULTANT
DES INDUSTRIES (A A C).
RECETTES T0T.4LES.
['roduils emi)loyés pour les vêtements de la famille
Ilccettes en argent appliquées aux dépenses do la famille ou converties
en épargne
Hecettes en argent à employer de nouveau pour les industries elles-
mêmes (:28(i'' i.'i) ".
Totaux
DEPENSES TOTALES.
ntérèts des propriétés possédées par la famille et employées par elle aux
industries '.
;alaires afférents aux travaux exécutés par la famille pour les industries...
)é|)ensesen argent. (|ui devront être remboursées par des recettes provenant
des industries {-iSH' iii]
Totaux des dépenses (Ol'J'tisi
BÉNÉFICES TOTAUX résultant des industries {-lld'l'i)
Totaux comme ci-dessus
I W 73
! W /,0
0 33
8 33
l.'iS 00
Hm 33
7 00
173 33
•JO'OO
10
40
10
iO
7
80
7
SO
-23
(iO
73-2 0.-;
■2Si> v.-;
1.019 10
i(>-2 90
-2S0 i.-;
7 49 3:)
-209 7.';
1.019 II»
84
N" /'l.
ÉBÉNISTE PARISIEN DE UAUT LUXE.
SECTIOX II.
COMPTES RELATIFS AUX SUBVENTIONS.
Nota. — Ces comptes ont été établis tiaus le budget inêine.
SECTION" III.
COMPTES DIVERS.
COMPTE DE LA DÉPENSE RELATIVE A LA NOURRITURE PRISE PAR
l'ouvrier et son fils PENDANT 3ÛB JOURS UORS DU MÉNAGE
A 11 heures 12;
I bouteille de vin
Pain
i café avec eau-de-vie (la meilleure)
Total
A ajouter pcndanl les 42 jours où la jeune lille a travaille :
Pain
Vin
Total
De plus, ■ au coup de (juatre heures », |)our le père seulement :
Vin
Pain (lUfhiuefois, O'O.'i.
argent.
0
iO
0
25
0
3;;
l 00
0
I.'.
0
20
(t 3."i
COMPTE DE LA DÉPENSE ANNUELLE CONCERNANT LES VETEMENT:
AUT. l". — VÊTEMENTS DE L'olVIllEr..
Vêtements du dimanche el des jours ordinaires
(qui ne dillérent (|ue par le plus ou UKdus de
propreté; :
1 pardessus
2 complets (veston et gilel) en drap
4 pantalons en drap
1 costume d'été en toile
1 tricot
1 douzaine chemises toile
■i gilets de flanelle
3 caleçons de coton
3 paires de chaussetles
3 cravates en soie
i cache-nez
3 chai»eau\ feutre et paille
1 paire de soulieis
1 paire de sabots
Kacconnuodage de chaussures
Vêtements de travail.
2 roltes de travail
2 tabliers de lra\all
2 gilets à manches (gilets d'ébénisie)
2 casciuclles
TOTACX
PU IX
(VnL-lmt.
lirUKE.
DÉPEN8B
annuelle
en nature.
en arg<^nt.
.•«)'oo
(i ans
.•i'OO
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42 (K>
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1
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0 .50
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»
4 4(»
1 (K)
1
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1 00
272 .'>.'i
■i 00
170 «(»
AllT. Ù. — VÊTEMENTS DU FILS AIXÉ.
AMemeiità du 'limanrlic et des jours ordinaires
(iiième rcmarqui' que ci-dessus) :
ardossus
3111 pk't
antalons
Iicniises de toile
ilcts de llanelle .-.
ileçons de coton
iires de rliaussettes
•avates, foulards soie...
lapcaux, feutre et i)aille.
aire de bottines
lire de sabots
lire de savates
commodage de souliers.
^"êtcnients de travail
louses blanches de sculpteur.
ilet à nianclics
is(|uettcs
COMPTES ANNEXÉS AUX BUDGETS.
85
ICot .
Totaux.
Ar.T. 3. — VÊTEMENTS DE L'OUVRIÈP.E.
^■("■tenients du dimanche et des jours ordinaires
(même remarque que ci-dessus) :
)bes de soie noire
istuines (hiver et été) en cachemire ou élode
fantaisie noire
quelle de drap
anteau d'hiver
site d'été
âlcde laine noire
lignoirs
atinées
pons blancs brodés
misoles brodées
irsct
uzaines de chemises
ires de bas de laine
ntalons
laiieaux (hiver et été)
ulard
ire de gants de laine
ire de bottines de cuir
ire de souliers de satin
îonmiodage de chaussures
Totaux.
Art. i. — Vêtements'de la fille aînée.
bes noires et couleur
)es
sa<|ues
uiti'au
u/aine de chemises.
ntalons
ires (le bas
rset
PRIX
DKrF.VSK
d'ftchat.
DUIIKK.
annuella
m nature.
c-n argent.
lo'OO
2 ans.
-'.30
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3
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12 00
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»
12 00
12 00
1
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12 00
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497 30
"
7 00
126 43
20 00
1
13 43
6 3.3
10 00
1
,1
10 (H)
13 00
1
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10 00
->
3 00
»
12 00
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2 00
i
B
2 (M)
6 00
1
n
6 IHI
3 93
1
"
3 93
86 N"
Art. '♦. — VÊTEMENTS DE LA HLLE AÎNÉE {SUitt).
i cliàlc de laine bleue
3 chapeaux (liiver et été; celui d'hiver en velours
avec rubans, (forme Uenihraiidt)
i paire gants de laine
3 paires de chaussures
Totaux
AUT.
VÊTEMENTS Dt PETIT GARÇON.
i pardessus
2 costumes complets
i costume d'été
4 tabliers noirs (lustrine)
1 caleçon tricot
5 tricots laine
() chemises
.'< |)a i rcs de bas
i cache-nez
3 cravates
■1 chapeau
i cas(|uette
4 l»aires souliers
Kaccommodage de souliers . . .
Totaux
Art. 6.
Effets communs.
.'» douzaines mouchoirs
i parapluies
2 ombrelles
Totaux
ARISIE.N DE
HAUT LUXE.
paix
DÉPEXSK
d'achat.
BUBÉE.
annuelle
en nature.
en argent.
3' 50
1 an.
.
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10 00
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,
10 00 y
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8) 8.5
2'. 00
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12 00
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4
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2 00
3 00
3
•
1 00
35 00
»
•
15 00
ÉLÉ3IENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE.
FAITS IMPORTANTS D ORGANISATION SOCIALE;
PARTICULARITÉS REMARQUABLES:
APPRÉCIATIONS GÉNÉRALES : CONCLUSIONS.
g 17.
MONOGRAPHIE D'UN ATELIER DE HAUT LUXE.
La maison choisie (celle où l'ouvrier travaille) est une de ces
maisons sérieuses, solides, à l'intérieur desquelles deux catégories
d'ouvriers, tapissiers d'une part, ébénistes de l'autre, travaillent sur
la commande directe du client, en se faisant aider de façonniers,
sculpteurs en ronde-bosse, sculpteurs ordinaires ou en bas-relief, can-
neleurs, découpeurs, monteurs en bronze, ciseleurs, doreurs, petits
patrons ou bien ouvriers seuls, qui prêtent du dehors, de leur atelier
ou de leur mansarde, une indispensable collaboration à l'œuvre; aux
alentours de cet atelier central, se devine la foule des petits patrons
ébénistes qui deviennent les auxiliaires de la maison, quand il s'agit
de remplir le magasin de meubles fabriqués à l'avance, enlevés de
suite par l'acheteur.
I. — Organisation commerciale.
Pour découvrir l'ensemble de l'organisation commerciale, il faut
aller droit au point décisif : les bureaux.
Ici le patron s'occupe en général assez peu des détails de la mai-
son. Actuellement, par suite d'un événement survenu depuis quel-
ques semaines, le chilï're des employés est de deux : un premier com-
mis-vendeur, et un second, jouant le rùle d'auxiliaire et d'aide de
88 N° 74. — ÉBÉXISTE l'ARISIEN DE UAL'T, LUXE.
camp. Chaque semaine un comptable vient transcrire pendant cinq
heures environ sur les livres de comptabilité exigés par le Code, li-
vre-journal, grand-livre, etc., la comptabilité réelle de la maison,
beaucoup plus commode et plus pratique. Ce fait est à noter; il ré-
sume toute l'économie politique : les grands principes légaux d'un
côté, l'usage de l'autre. Cette comptabilité réelle, courante, la seule
où le patron étudie sa situation à un moment donné, se compose de
quatre livres différents que nous allons décrire très rapidement, parce
qu'ils révèlent tout le fonctionnement commercial de la maison : le
livre de commande, le livre d'atelier, le livre de débit et le livre de
caisse.
Sur le premier, le livre de commande, le commis en chef ou le ven-
deur inscrit au jour le jour toutes les commandes faites par le client :
commandes directes le plus souvent, parce que le client, parisien, pro-
vincial ou étranger, visite lui-même la maison de haut luxe; indirectes
aussi, parce qu'il lui semble parfois préférable d'employer, sans se dépla-
cer, l'intermédiaire de ces grandes maisons de commission de la rue de
Paradis, qui se distribuentlesdifférents pays d'Europe, surtout d'Améri-
que, et y transportent les articles les plus divers ; corsets et mobiliers,
articles de Paris et denrées alimentaires. Sur le deuxième, le livre d'ate-
lier, qui est double, livre des tapissiers, livre des ébénistes (nous ne
nous occuperons que de celui-ci), le premier commis ouïe second re-
copie les commandes. Ce livre a une forme rectangulaire allongée;
sur le verso, la commande est inscrite ; le recto d'en face est laissé li-
bre : cette page blanche est réservée au contre-maître qui y inscrit le
prix de revient. C'est sur ce prix de revient que se calculera, en ajoutant
un tant % qui sera indiqué tout à l'heure, le prix de vente. Sur le troi-
sième livre, appelé livre de débit, le premier commis, qui décidément
est la clef de voûte de l'organisation commerciale comme le contre-
maître est la clef de voûte de l'organisation industrielle, note au fur
et à mesure tous les objets livrés : objets exécutés sur commande peu
à peu, en général avec des retards; objets vendus au comptant et
pris au magasin. Enfin sur le quatrième livre, le livre de caisse, est
constaté le mouvement des fonds : l'entrée et la sortie.
C'est avec les deux derniers livres que le comptable reconstruit la
belle ordonnance de la comptabilité en partie double.
Ajoutez à ces livres un petit carnet où le deuxième commis dresse
la liste de tous les échantillons de tapisserie, — parce que le magasin
contient en réserve non les pièces mômes, mais les échantillons dépo-
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 89
ses par des maisons d'étoffes pour meubles (1), — vous posséderez
toute la comptabilité occulte et courante d'une maison d'ameublement
de haut luxe; par suite, une idée absolument exacte de la marche de
ses rouages commerciaux.
Avant de quitter les bureaux, ouvrons ces différents livres, et éta-
blissons approximativement dans ses grandes lignes le budget de la
maison pendant les dernières années.
a) Dépenses.
En tête des dépenses d'une maison de commerce se trouve une
somme fixe, constante, les frais généraux, c'est-à-dire :
Le loyer. — La construction est ancienne et mal distribuée pour
l'industrie 11.000 fr.
Les contributions. — Portes et fenêtres, patente 2.000 fr.
Les assurances. — Payées depuis 1854 sans incendie. . . 2.000 fr.
Le traitement des employés. — Le commis-vendeur peut toucher
o. 000 francs; si on y ajoute, et le cas est fréquent, un intérêt ou partici-
pation de 1/4 ou 1/2, on atteint rapidement 10.000 francs, même
davantage : soit 10,000 francs; le 2" employé est payé environ 200 francs
par mois, ici 2.400 francs; le comptable payé au mois ou à l'heure,
50 francs par mois, 1 fr. 50 l'heure : 600 francs; 4.000 francs pour le
contre-maître des ébénistes; 4.000 francs pour le contre-maître des
tapissiers; l.iOO francs pour la eonire-maîiresse ; total. . 22,000 fr.
Le chauffage 500 fr.
Le(jaz. 1.000 fr.
La voiture, le cheval, les garçons. — Nourriture et salaire,
120 à 150 francs par mois 4.000 fr.
Vinlérét du capital engagé dans l'exploitation (sans parler des com-
missions prélevées par l'escompteur, Crédit lyonnais ou banque Leroy,
par exemple, si la maison n'a pas un fonds de roulement suffisant
pour se passer des vendeurs d'argent). — Le capital s'élève ici à
50.000 francs argent et 100.000 francs nature, savoir : le matériel d'ébé-
nisterie, assez restreint, parce (\ue le patron fournit seulement, en vertu
la coutume, les établis, les serre-joints et les presses, soit 3.500 francs;
1) Ces maisons font exécuter sur dessins leurs articles les plus luvueux à Lyon, les plus
communs à Rouhaix, et les revendent aux tapissiers.
90 N° 74. — ÉBÉNISTE PARISIEN DE HAUT LUXE.
le matériel de tapisserie 3.500 francs; enfin 03.000 francs de vieux meu-
bles, «rossignols, «succès d'exposition qui n'ont pas trouvé d'acheteur;
— total, 150.000 francs à 5 "/o, soit 7.500 fr.
Le total de? frais généraux s'élève donc à la somme de. . 50.000 fr.
Pour compléter la section des dépenses approximatives de l'année,
il reste à indiquer deux catégories non plus fixes, mais variables
suivant la quantité et la nature des objets produits : la matière pre-
mière et la main-d'œuvre.
\jA matière première, s'il s'agit de bois, noyer, ciiène, peuplier, etc.,
est achetée à des marchands en gros, qui se ciiargcntdu « séchage ».
C'est une innovation dans l'industrie : les patrons ne sont plus tenus à
conserver ces énormes réserves, si coûteuses au double point de vue de
la surface occupée et de l'assurance, que l'on rencontrait jadis dans
les ateliers et que l'on a signalées récemment dans la lirjuidation Ma-
zaroz. Le bois est disposé dans les chantiers en tas distincts, corres-
pondant cliacun à une maison cliente. Les achats de la fabrique d'é-
bénisterie que nous éludions, faits par lots de 7.000 à 8.000 francs,
sont payés au comptant ou à 90 jours. — Le bois des iles, acajou,
palissandre, ébène, etc., s'achète, au contraire, par petits lots, dans
des dépôts complètement séparés des autres, comme la maison Rol-
land et SCS voisines de la rue de Charenton. Bois ordinaires et bois des
îles sont, en effet, au faubourg, l'objet de deux commerces très rap-
prochés, mais non confondus.
Quant aux éloiïes, le chiffre total des achats est difficile à évaluer :
le lecteur a vu comment il s'effectuait sur échantillons déposés et
choisis par le client. La différence entre le prix des achats et des ventes
de CCS étoffes est la grosse source de bénéfices des maisons qui,
comme la maison monogrnphiéc, réunissent la tapisserie à l'ébénis-
Icric.
Le total des dépenses concernant les matières premières peut être
évalué à iîo.OOO francs.
La main-d'œuvre s'élève en chiffres ronds à : 50.000 francs pour les
ébénistes , 50.000 francs pour les tapissiers. Ajoutez-y pour les mul-
tiples collaborateurs qui travaillent au dehors, et aussi pour les fabri-
cants-ébénistes d'ordre inférieur dont les produits remplissent le ma-
gasin, une .somme qui monte rapidement à IS5.0()0 francs.
Le total des dépenses de main-d'œuvre est ain-^i île :2S5.000 francs.
Kt vous arrivez au véritable chiffre des dépenses do la maison, frais
généraux et autres, soil (trois cent soixante mille francsi 300.000 fr.
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITCTION' SOCIALE. 91
b) Recettes.
Les recettes ont été pendant l'année observée d'environ iOO.OOO fr.
Elles ont été constituées par une majoration de 30 à iO % sur le
prix de revient des objets de haut luxe fabriqués à l'atelier (cette pro-
portion est authentique), et par les bénéfices, plus ou moins aléatoires,
réalisés sur les meubles achetés et revendus dont il serait facile de
faire ressortir l'influence grandissante.
La maison fait donc 400.000 francs d'affaires. En conséquence, cette
maison de haut luxe qui tend à vendre de plus en plus du confortable
estimable, il est vrai, mais préparé d'avance, réalise quarante mille
francs de bénéfices.
II. — Organisation du travail.
Remarquons l'absence complète d'outillages mécaniques qui , au
contraire, se rencontreraient dans certaines maisons (Krieger, Allard,
Association générale d'ébénisterie, etc.), oh l'on exécute des ou-
vrages de menuiserie et de charpenterie artistique, et étudions : a) la
série des opérations que subit le meuble sculpté de haut luxe (et ce
meuble seulement); b) l'organisation du travail proprement dite.
a) La série des opérations est assez complexe.
l" D'abord il faut avoir le dessin du meuble. La maison ne s'est ja-
mais adjoint un dessinateur en titre. Outre un avantage d'économie,
elle prétend atteindre ainsi un avantage artistique, qui est de varier
ses genres : la « manière » d'un dessinateur, effectivement, finit pres-
que toujours par faire « dater » les meubles d'une maison. Elle
s'adresse aux dessinateurs en vogue du faubourg, les Maincent, les
Langfeld, etc., même Quétin qui tient boutique ouverte de dessins de
luxe et de lithographies pour les trôleurs. Un beau dessin d'une jardi-
nière à forme nouvelle, par exemple, peut être payé GO francs. Après le
dessin, le contrc-maitre rédige Xeplan, c'est-à-dire le tracé à grandeur
d'exécution, ce qui correspond à l'épure exécutée sur le sol par le gâ-
cheur charpentier (Ij. Le plan est constitué par la projection sur une
(I) V. Out tiers des Deux Mondes, 2' soric, t. III; monograiihie du Charpentier in(lcr>cn-
danl (le Paris, § 17.
92 N" 74. — ÉBÉNISTE PARISIEN DE HAUT LUXE.
surface horizontale du meuble étendu à terre : c'est une application de
la géométrie descriptive.
2° Le contre-maître choisit les bois dans le magasin. L'ébéniste
commence à les couper et à les corroyer, autrement dit à les ra-
boter.
3" Ici s'ouvre toute une série de travaux successifs, poursuivis sans
le secours de l'ébéniste, en dehors de l'atelier, et nécessitant pour la
phiparl l'intervention de ces machines-outils que nous aurions ren-
contrées toutes réunies dans ([uelques maisons, telles que la maison
Kricger. De loin en loin, au faubourg, rue Saint-Bernard, passage
Charles Dalery (ancien passage Vaucanson), etc., s'élèvent de vastes
usines, qui distribuent en une multitude de cases exiguës la force mo-
trice à de petits patrons tourneurs et canneleurs. A côté se trouvent
des scieries plus importantes où la scie à découper et les machines à
moulurer, « les toupies », attendent les ébénistes d'alentour. Voilà
qui va remplacer le coûteux outillage à bien peu de frais. Il s'agit,
par exemple, de l'une des colonnettes d'un buffet sculpté : l'ébéniste
a taillé un petit pilier de noyer à section rectangulaire; ce pilier
est porté à l'usine Saint-Bernard; un patron tourneur le transforme
en colonnette en traçant tout autour avec ses outils les anneaux mar-
f[ués sur le i)lan, le tout aux pièces d'après la convention , puis cette
colonnette est remise au canneleurqui avec sa machine d'abord, à la
main ensuite, y imprime les rainures parallèles que nous supposons
rectilignes; — attenant à la colonnette, une arcade était trop longue à
scier avec la main, elle est confiée au découpeur et les moulures sont
rapidement achevées à la toupie. — Ce n'est pas tout, si le rôle des ma-
chines est terminé, voici le moment du sculpteur en bas-relief; on lui
envoie (si la maison n'a pas son atclicr'dc sculpteurs à côté de l'atelier
d'ébénistes, et c'est le cas le plus fréquent), la colonnette di'jà tournée
et cannelée, les parties voisines découpées et moulurées; il trace ou fait
tracer par ses ouvriers, payés à l'heure pour ces ouvrages de haut luxe,
aux pièces pour les ouvrages courants, les arabesques ou les ornements
fantaisistes qui lui sont indiqués. Nous n'avons pas parlé du scul[)tL'ur
en ronde-bosse, de l'imagier qui travaille chez lui, seul, gagnant 25 à
.'{() francs |)ar jour, artiste ouvrier dont les mœurs rappellent celles
dos artistes bourgeois, ipii niudèlc en glaise, puis exécute sur It; l»ois
les tètes, emblèmes, et autres ornements des vantaux ou du faite du
meuble.
i" Maintenant toutes les pièces éparpillées au faubourg rentrent ù
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 93
l'atelier. L'ébéniste, l'ouvrier du début, procède à l'assemblage des
différentes parties, car il a eu le temps de terminer le placage, ou
encore le contreplacage des parties planes, c'est-à-dire qu'il a collé
sur celles-ci une ou plusieurs feuilles de noyer enlevées soit à la scie,
soit au couteau, qui ont pour effet d'empêcher le bois de travailler et
les jointures de se séparer.
5° Puis vient le tour de l'habillage du meuble : l'application des
sculptures simplement collées qui devraient être rares dans un meuble
de haut luxe.
6° Enfin l'opération de la teinture du bois : les portions du meuble
sont plongées dans un bain de brou de noix étendu d'eau : on passe le
papier de verre et aussi l'encaustique (térébenthine où l'on dissout de
la cire et de la terre de Sienne). On réajuste, et le meuble peut être livré,
ou porté chez le bronzier qui y ajoute soit les candélabres, soit les sta-
tues qui doivent le surmonter. C'est un buffet de salle à manger, une
armoire, une bibliothèque, un lit, une jardinière, etc.
b) Jj'organisation du travail proprement dite , second paragraphe
de cette monographie d'atelier, peut se résumer rapidement.
Tous les ouvriers de l'atelier sont des ouvriers de haut luxe ; ils se dis-
tinguent donc par deux caractères généraux. D'abord ils travaillent sur
plan (c'est une classification capitale du faubourg, celle entre ouvriers
qui savent lire les plans et ouvriers qui ne savent pas les lire).
De plus, ils sont capables de construire n importe quel meuble;
ils ne se sont pas spécialisés , comme on se spécialise dans le
meuble courant ou le meuble de trùle. Cependant quelques ouvriers
sont, par suite de dispositions naturelles, plus particulièrement chargés
de certains ouvrages, les tables par exemple. — Les sièges sont l'objet
d'une spécialité, même dans la zone du haut luxe; les menuisiers en
fauteuils ou en sièges constituent une catégorie à part, jadis puissante
à Paris, réduite aujourd'hui par suite de diverses causes à un millier
d'individus, à peu près tous ouvriers du haut luxe ; très souvent les
maisons de premier ordre leur réservent un atelier spécial : ici l'on
s'adresse à un façonnier du dehors.
Mais à un autre point de vue, les ouvriers de cet atelier d'ébéniste-
rie se divisent en deux parties : le noyau et les supplémentaires. Le
noyau, c'est l'élite toujours occupée, dans laquelle se rencontrent des
hommes engagés depuis dix, douze ans. — Dans un atelier voisin, la
maison Lemoine, se trouve même le doyen des ébénistes de Paris, le
Oi N" 7'(. — ÉBÉNISTE PARISIEN DE IIALT LUXE.
père Séguin, âgé de 92 ans et comptant 08 années de présence auprès
du même établi, un établi de forme antique, sur lequel sont rangés les
outilsfamiliers àrébénistedelapremièremoitiédusiècle : il vient encore
gagner de temps à autre ses 50 centimes par heure en construisant les
croix de bois sur lesquelles Barbedienne couche un Christ de bronze.
— Au noyau s'ajoutent les supplémentaires, engagés avec soin et parmi
les ouvriers de choix qui suivent les maisons de haut luxe, Dasson,
HfMix, Zwiener, Janselme, etc. Les engagements se concluent sans bu-
reau de placement; le contre-maître attire ses amis, surtout ses com-
patriotes; souvent les ouvriers l'accompagnent d'atelier en atelier. Le
noyau est ici composé actuellement de 18 ébénistes : sur ces 18 ou-
vriers, 7 ou 8 Alsaciens; on connaît la proportion considérable des
ébénistes de race alsacienne ou étrangère; le contie-maîlre est égale-
ment alsacien.
Le règlement de l'atelier est conçu dn la manière suivante : la
journée est de 10 heures de travail complet. — Kn été on entre à
7 heures du malin; 1 heure 1/2 est laissée pour le déjeuner; 10 mi-
nutes pour le « coup de quatre heures », le vin traditionnel des ébé-
nistes; on sort à 7 heures du soir. — En hiver, l'arrivée est à 7 h. 1/2;
mais le môme ordre est observé. — Chômage complet le dimanche,
travail le lundi.
Reste la question du salaire. Deux modes de salaire dans l'atelier.
Lorsqu'il s'agit d'ouvrages de haut luxe, rarement exécutés, dil'ti-
ciles à évaluer par suite de l'imprévu, les ouvriers sont payés à l'heure,
en règle générale 80 centimes, par exception, 85 centimes.
Lorsqu'il s'agit d'ouvrages évaluables, surtout ordinaires, exécutés
pour le magasin , le travail est fa'û auk pièces , d'après le tarif de la
maison. Ce tarif, particulier à chaque atelier, à cause des pratiques,
des coutumes spéciales, est établi en principe sur la base de l'heure-
étalon fixée pur la cl iainl)rc syndicale ouvrière à 80 centitnos; mais en fait,
il est facile au coiilrc-maitre d'imposer à l'ouvrier un marché dt-savan-
tageux , et de le lui faire signer sur son livre; les pruilhoniuics ne
pourront désormais qu'appliquer les termes d'une convention régu-
lière et parfaitement prouvée. Le chef de la maison étudiée paie d'ail-
leurs immédiatement tout ouvrier qui réclame un supplément de prix,
sauf à le renvoyer après payement.
Le |»ayement du salaire a lieu toutes les quinzaines; des à-C()mi)tes
peuvent être donnés. (Chaque quinzaine, l'ouvrier de haut luxe devrait
louclur pour \1 jours à H francs : 91) francs, l-^n réalité ou lui verse
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 95
seulement 81 francs par suite d'une combinaison originale qui se ré-
pand dans un certain nombre d'ateliers. Les 13 francs ainsi économisés
chaque quinzaine forment un fonds de réserve, remis chaque trimestre
à l'ouvrier, le fonds de l'épargne du loyer.
Aucune institution de patronage d'ailleurs : pas d'assurance contre
les maladies, pas d'assurance contre les accidents, pas de caisse de
retraite pour la vieillesse.
Toutes les garanties contre les infortunes des « phases exception-
nelles de l'existence » sont inconnues dans le métier d'ébénisterie.
Une seule institution est à signaler, celte retenue ou épargne en vue
du payement du terme. C'est déjà quelque chose, fcllle indique une
préoccupation, un instinct au moins vague des devoirs du pa-
tronat (1).
§ 18.
LE MEUBLE COURANT.
Dans cette monographie sur l'ouvrier ébéniste, nous n'avons en-
core eu à signaler ni l'action du grand magasin , ni celle du sweating
System. C'est que notre intention n'a été concentrée jusqu'ici que sur
la première zone du métier, moins importante que les deux autres,
puisque d'après les statisticiens les moins mal informés, elle réunit
seulement 4.000 travailleurs sur IG.OOO à 20.000.
Il faut donc, pour être complet, ouvrir quelques aperçus rapides
sur le monde d'à-cùté, si opposé d'aspect et de constitution.
La première province que l'on rencontre dans ce voyage à vol
d'oiseau, est celle du meuble courant ou bourgeois. Deux traits lui
sont particuliers : 1° l'importance toute-puissante du marchand ; —
2° la spécialisation à outrance de l'ouvrier.
Le marchand, prenant à sa charge tous les risques de l'emmaga-
(1) Le groupement patronal (car ici on voit poindre la lutte), la chambre syndicale des
patrons a son siège, 11 , rue de la Cerisaie (jadis 13) ; elle comprend 160 membres sur
3.0()0 patrons.
Les groupements ouvriers sont au nombre de deux (pour les (•Ix-nistcs). D'abord la
chambre syndicale des ouvriers cbcnistes et du meuble sculpte (nuance ( olli-ctivisle) a
son bureau :Hi, rue de Montreuil; 1.8')6 membres sur Ki.OOO à -20.000 ouvriers; quadruple
but : 1" la défense des intérêts ouvriers par les déposilioiis aux cnf|uètcs, renseignement
professionnel, elc.; -2" la préparation aux élections des prudliommes; .'J> l'assistance judi-
ciaire des ouvriers plaidant contre leur patron; i" les grèves. — Ensuite l'Union syndi-
cale du meuble scnl|>té et de rèbonistcric (nuance anarchiste), aujourd'hui, 70, boule-
vard de Picpus. Voir : Éhrnisles du faubour;/ Sainl-Antoinc . cl, i>our l't'nion syndicale, le
Monde cconomù/ue du 30 mai 1891.
96 N° 74. — ÉBÉNISTE PARISIEN DE HAUT LUXE.
sinage el de l'altenle, maître unique de la commande, devient le
suzerain despotique d'une série de petits ateliers qui, n'ayant qu'un
seul débouciié, sont en réalité esclaves. Grâce à cette situation, le
marchand finit toujours, au moins en principe, par peser sur les
cours; et on aboutit ainsi à ce que les Anglais ont baptisé du nom de
siveating system, ou système de la sueur.
Par suite, bien que quelques petits patrons du meuble courant ven-
dent encore directement à la clientèle des classes moyennes, et qu'il
soit encore facile de découvrir des spécimens du façonnier, de l'ébé-
niste travaillant en chambre et à la tâche pour le compte d'un mar-
chand fabricant, le tableau en raccourci de la catégorie entière est
donné par l'étude d'im « grand magasin » , et d'un « petit atelier » lié
à ce dernier par la coutume de commandes régulières.
Un çjrand magasin. — Deux classes de grands magasins : le grand
magasin de vente au comptant (système Boucicaut), le grand magasin
de vente à crédit (système Grespin). Le premier est bien connu, mais
le second est le plus curieux. Voici une table-toilette anglaise qui est
marquée 18 francs. Si vous la payez comptant, un escompte de 3 %
vous est consenti; soit un rabais à 17 fr. 45. Si vous voulez acheter à
crédit, les plus grandes faveurs vous sont consenties : le quart est
versé, et le reste, divisé en à-comptes de un franc, vous sera réclamé
chaque semaine par « l'abonneur » ou receveur de la maison. Les
combinaisons usuraires sont presque fatalement une conséquence de
ce contrat d'imprévoyance.
Un petit atelier. — Prenons pour exemple nu l'altricant de toilettes
anglaises du faubourg.
a) Monographie d'atelier (le patron, 1 ouvrier, 1 apprenti).— Voici
le compte du bénéfice de la fabrication d'une table-toilette anglaise, en
acajou ou noyer, de 70 centimètres de large.
IIECBTTES.
Une lable-loilcUc anglaise do 70 centinièircs : la'.'JO (liiiiimics de l'es-
compte l--î'«n
l)i;l'KNSES.
Bois : peuplier el clicne 'J'OO
Acajou ou noyer pour placage '> Tii
Marbre 3 :>0
Tournage -2 IHI
(;iille, vernis, clous, ferrures, papier de verre I .'»•'>
TraNail du patrou cl *W luppreiili, (J heures H ij
Ucnclice rcsullanl de l'industrie • ■
Total comme ci-dessus 13 80
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 97
Il faut mulliplier ces chiffres par 600. qui est le nombre de ces ta-
bles-toiieltes fabriquées par année (les toilettes-commodes, tables de
nuit chiffonniers, etc., contenant la même proportion de matière
première et de main-d'œuvre). On a ainsi :
Matière première.. O'-Vi X COO = 5.730' 00
Main-d'œuvre . a'-i.-; x CGC = <.9.*i0'00
Sur CCS 600 toilettes, 300 sont fabriquées par l'ouvrier, à raison de
1 par journée de 3 francs. De ce chef le patron fait donc un gain
supplémentaire de 0^,23 X 300 = 73 fr.
b) Monographie de famille (le père, la mère, cinq enfants). —
Haute moralité, nationalité belge (pays wallon).
Recettes.
Revenus des propricU's (1) 36'70
Allocation des sociétés d'assurance muluello 44 00
Subventions' ... »
Salaire du père (travail d'ébéniste) 1 913 53
— (secrétariat d'une société de secours mutuels) 100 00
Bénéfices des industries 275 00
Total des recettes 2.3G9 25
DÉPENSES.
473 00
15 00
54 60
53 53
214 03
0 20
19 23
13 00
14 00
28 30
52 00
Nourriture 1 .428'30
Logement
Entretien du mobilier, etc
Chauffase
Éclairage
Vêtements et blancliissage
Culte
Achats de journaux
Récréations et solennités
Service de santé
Dépenses concernant les industries
Assurances
' Total des dépenses 2.3G9 25
Le paiement des commandes par le grand bazar ramène le sivea-
ting System. Toujours, à la réception, des difficullés sont soulevées :
des rabais, ou des laissés pour compte. On cède, car immédiatement
la place serait prise par les concurrents et l'on se trouverait sans pain.
Il faut subir des conditions draconiennes: le prélèvement d'un escompte
de 3 % ; la suppression de tous les centimes qui dépassent un mul-
tiple de 5 (99 par exemple réduits à 93); le paiement du timbre de
(1) Ici nous ne tenons compte que des valeurs en argent.
98 N" 74. — ÉBÉNISTE l'ARlSlEN DE IIALT LUXE.
quillance. Un cautionnement de 50 francs est dépose. En outre, si l'ate-
lier avait un cachet artistique exceptionnel , et s'il y avait à craindre
une certaine indépendance, on le lierait par un traité.
Voilà comment le grand magasin arrive à acquérir juste au prix
de revient , parfois même au-dessous.
l 19.
LE MEUBLE DE TROLE.
Tout meuble fabriqué d'avance, saus savoir à qui on le vendra, est
dit meuble de trôle.
Les deux traits signalés pour le meuble courant (§ 18), l'importance
du marchand, et la spécialisation du fabricant, se retrouvent avec une
intensité au moins égale. Mais le marchand a recours à des procé-
dés différents : par des manœuvres habiles, en acculant son adversaire
à la misère, il arrive à acquérir le meuble au prix qu'il lui plaît de
fixer. En effet l'alternative de l'ouvrier est la suivante : céder à n'im-
porte quel prix, ou manquer de l'argent nécessaire pour recommen-
cer le meuble du lendemain.
La trôle, au sens général, est la recherche de l'acheteur qui con-
sentira à accepter le meuble fabriqué d'avance.
Elle prend deux formes. C'est, d'un cdié,- l'offre, ou la promenade
de porte en porte , de magasin en magasin , avec l'armoire à glace,
le buffet en bois blanc, la bibliothèque en bois noirci, etc.; ou encore
l'avis donné au marchand par l'entremise du porteur, le plus souvent
auvergnat. C'est, d'autre part, la trôle proprement dite, la foire du sa-
medi, sur l'avenue Ledru-Rollin, que tous les llàneurs du faubourg
connaissent. Ici les meubles exposés sur les petites charrettes ou les
tapissières des charabaniers attendent le client.
Prenons pour exemple de trôleur un ouvrier piémontais de trente-
neuf ans. H est marié et père de quatre enfants. !>a spécialité est le
buffet sculpté.
a) Monographie d'atelier. — L'ouvrier travaille seul. Voici le compte
des bénéfices d'un bullel Henri IL
llECKTTES.
l bulïcl llemi M, haulitir -J'"..'.0; laryeur l"'.«io no'OO
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 99
DÉPENSES.
Beis noyer, et plaoasc noyer pour tablettes d'intérieur — 70'00
Toupillage 14 00
Découpage S 00
Tournage 10 00
Sculpture 15 00
Ferrures et l'errenieuts t> 00
Clous, colle, papier de verre 4 50
Frais de transport « 00
Travail de l'ouvrier : 13 jours à 12 heures, à 3'10 40 50
Bénéfice résultant de l'industrie » •
Total comme ci-dessus 170 00
En multipliant par 26, nombre annuel des buffets fabriqués, on a,
pour l'année :
Matières premières et transports : ilS' 50 X 26 3.367' 00
Salaires : 40' 50 X 26 1 .053 00
Les recettes sont complétées par des bénéfices exceptionnels pro-
venant de ventes particulièrement avantageuses, soit 18 000.
b) monographie de famille.
Recettes.
Revenus des propriétés ( I ) 5'7o
Subventions • »
Salaire du père 1.047 50
— de la mère 2i>9 75
BénéDces de l'industrie du père 180 00
Total des recettes l .533 00
DÉPE.NSES.
Nourriture 1.013'70
Logement 21-2 00
Entretien du mobilier 10 00
Chauffage 72 80
Éclairage 52 15
Vêtements et blanchissage 337 30
Achat de journaux, livres 0 75
Tabac du père 36 00
Achat d'outils 0 30
Assurances contre l'incendie 12 oo
Total des dépenses l . 753 oo
C'est donc un déficit de 220 francs, savoir : 120 dus aux deux proprié-
taires, 25 au boulanger, 25 aux autres fournisseurs, et 50 au Mont-
de-Piété.
(1) Ici nous ne tenons compte que des valeurs eu argent.
100 N" 74. — ÉBÉNISTE PARISIEN DE HAUT-LUXE.
Ici le sweating System varie de forme. Les agents des Grands Ma-
gasins, les commissionnaires du faubourg, les petits marchands, ont
leurs « porteurs », auvergnats pour la plupart, qui sont à l'affût dos
troleurs endettés. Il est aisé de se tigurer les manœuvres, les abus
de confiance même, du porteur; et la dépréciation de l'idée de va-
leur, qui se produit dans le cerveau du fabricant.
A la foire du samedi, les marchands s'unissent en syndicat, se
distribuent les meubles, et achètent à la tombée de la nuit.
Un nouveau procédé très efficace est le pi^èt sur meubles, pratiqué
en grand par les Magasins Généraux de la place de la République,
et par quelques entreprises privées, notamment les Docks de l'A-
meublement (rue Crozatier et rue de Cîteaux).
Partout les meubles sont achetés au-dessous du prix de revient,
et continuellement les mêmes hommes rapportent des meubles iden-
tiques, au même prix, parce qu'ils n'ont payé ni le marchand de vernis,
ni le propriétaire, ni le boulanger, ni le boucher, parce que l'Assis-
tance publique et la charité privée viennent leur permettre, par d'iné-
puisables aumônes, d'abaisser encore des marchés désavantageux.
C'est ainsi que des meubles sont vendus à l'ilùtel des Ventes, par suite
de la complaisance de certains commissaires-priseurs, aux Magasins
Généraux, chez Crespin, Simon, au Bûcheron, etc., etc.
Nulle part, plus que dans la zone de la trôle, n'apparaissent les
effets des trois crises qui se superposent aujourd'hui dans l'industrie
de l'ameublement : la aise commerciale, c'est-ii-dire la suppression
des débouchés; la cme industrielle, c'est-à-dire le renversement des
rapports entre le magasin et l'atelier ; et la cme «oc/aZe , c'est-à-dire
l'égoïsme de tous manifesté dans la « lutte pour la vie ».
LES OUVRIERS DES DEUX MONDES.
DEUXIÈME SÉRIE. — 30^ FASCICULE.
AVERTISSEMENT
DE LA SOCIÉTÉ D'ÉCOXOMIK SOCIALE.
L'Académie des sciences, en 185G, a coiironué le premier ou-
vrage de science sociale publié par F. Le Play, les Ouvriers eu-
ropéens. Elle a en même temps exprimé le désir qu'une pareille
œuvre fût continuée. La Société d'Économie sociale, fondée aus-
sitôt par l'auteur de ce livre aujourd'hui célèbre , lui a donné
pour suite les Ouvriei's des Deux Mondes. De 1857 à 1885, la
Société a publié une première série de cinq volumes contenant
quarante-six monographies de familles ouvrières.
La deuxième série des Ouvriers des Deux Mondes a commencé
en juillet 1885. Le premier tome de cette série a été terminé
en juillet 1887; le deuxième, à la fin de 1889; le troisième, au
commencement de 1892. Ils comprennent les descriptions mé-
thodiques de trente-deux familles d'ouvriers , appartenant à la
Bretagne, la Picardie, le Nivernais, l'Ile-de-Franco, la Provence,
la Gascogne, le Dauphiné, la Normandie, la Marche, l'Orléanais,
le Limousin, la Corse, la Grande-Russie, la Grande-Kabylie, le
Sahel, le Sahara algérien, la Belgique, la Prusse rhénane, la
Sicile, la campagne de Uome, la Capitîinnte, l'Angleterre, la
Laponie, l'Alsnce^ la Hollande. Le présent fascicule, le îJO" de la
seconde série, est le troisième du tome IV. (Voir au verso de la
couverture.)
La publication se poursuit par fascicules trimestriels, avec
le concours de la maison Firmin-Didot. Un tel concours lui as-
sure cette perfection que nos lecteurs ont su apprécier dans une
œuvre typographique particulièrement délicate.
Les prochains fascicules contiendront les monographies de fa-
mille d'un Savetier de BAle, d'un Pécheur de l'archipel Chusan
(Chine), d'un Armurier de Liège, d'un Ouvrier de la Papeterie
coopérative d'Angoulème, d'un Ai-doisier d'.Xngers, etc.
LES OUVRIERS DES DEUX MONDES,
PUBLIÉS PAR LA SOCIÉTÉ d'ÉCONOMIB SOCIALE,
RF,C()XNl!F, D*IIT1I.ITR PURI.iyUF.
Deuxième série. — 30« fascicule.
MÉTAYER DE L'OUEST
DU TEXAS,
(ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE)
i;UI.TlVATIiUK PHUPHlKïAlliE ET CHEF n'iNDUSTKlE-ÏENANClER,
DANS LE SYSTÈME DES ENGAGEMENTS MOMENTANÉS,
d'après
LES RENSEIGNEMENTS RECUEILLIS SUR LES LIEUX, EN AOUT ET SEPTEMBRE 1891,
P A r.
Claudio Jannet,
professeur à la Faculté libre de droit de Paris
PARIS,
LIBRAIRIE DE FIRMIN-DIDOT ET C
IMPRIMEURS DE L'INSTITUT, RUE JACOB, 5(>.
189:5.
Uruit» iu traïUictiou et, ilu rciiiroductiuii réservés.
N" 73.
MÉTAYER DE L'OUEST
DU TEXAS,
CULTIVATEUR-PROI'KIÉTAIRE ET CHEF d'jNDUSTRIE-TENANCIER,
DANS LE SYSTÈME DES ENGAGEMENTS MOMENTANÉS,
» i'après
LES RENSEIGNEMENTS RECUEILLIS SUR LES LIEUX, EN AOUT ET SEPTEMBRE 1891,
PAR
Claudio Jawet,
Professeur à la faculté libre de droit de Paris.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES
DÉFINISSANT LA CONDITION DES DIVERS MEMBRES DE LA FAMILLE.
DÉFINITION DU LIEU, DE L'ORGANISATION INDUSTRIELLE:
ET DE LA FAMILLE.
§ 1-
ÉTAT DU SOL, DE l'iNDUSTRIE ET DE LA POPULATION.
La famille qui fait l'objet de cette étude habite momentanément le
domaine d'Annadale, dans le comté de Callahan (Texas), à 10 milles (1)
à l'est du petit toivn de Baird (850 habitants) (2), chef-lieu du
comté, et à 193 milles environ de Dallas, dans lamême direction. Dallas
(37.806 habitants) est la plus grande ville du Texas. C'est la métropole
de ce vaste État (688.342 kilomètres carrés), le plus grand de l'Union
américaine. La superficie du Texas est en effet de plus d'un cinquième
supérieure à celle de la France entière. II est traversé de l'Est à l'Ouest
par l'une des grandes lignes transcontinentales, le Texas a?id Pacific
(1) Le mille vaut 1.60f»'",:{l.
{•2) Les cliiffres de poiiulalioii iii(li(|ucs dans celle monographie sont ceux du rcccii-
semcnl de 1890.
8
102 N" 75. — MÉTAYEK DE L OUEST DU TEXAS.
Railroad. En allant à l'Ouest, à environ 18 milles, on trouve la city
(l'.Mjilène (3.194 habitants), chef-lieu du comté de Taylor, qui a été
fondée il y a huit ans et qui est, au point de vue climatérique et éco-
nomique, le centre de la région où se trouve le domaine d'Annadale.
On l'appelle couramment ÏAbilene coujitry, (juoicjue ce nom ne cor-
responde à aucune division administrative.
L'Abilene country occupe une aire d'environ loO milles de long sur
90 milles de large, entre les 31° et 33o 1/2 de latitude Nord et 99° et
100" 1/2 de longitude Ouest du méridien de Greenwich. Son altitude,
qui est en moyenne de 1.800 pieds (1) au-dessus du niveau de la mer,
soit 348 mètres environ, atteint 2.000 pieds (G09'" environ) à Annadale.
Cette région est formée de plaines ondulées, coupées par de petites
dépressions, dans lesquelles serpentent, au milieu des hautes herbes,
de petits cours d'eau, qui se dessèchent pendant l'été, sauf dans quelques
creux de terrain [creeks) où des sources viennent affleurer. Il s'y forme
des étangs, ayant de 101) à 300 pieds de long, soit 30 à 90 mètres,
sur -40 à 30 pieds de large, ou 12 à 13 mètres, avec une profon-
de 3 à 12 pieds (0'",914 à 3"", 637). Certaines espèces de poissons, des
tortues d'eau douce, la grenouille géante [buUf'roy) et aussi un ser-
pent très venimeux, appelé mocassin par les habitants du pays, y
abondent.
Le sol appartient exclusivement à la formation calcaire. Au-dessous
d'une couche épaisse d'humus noir [loatn), variant de 2 à 6 pieds
de profondeur (0'",G09 à 1™,828), se trouve fréquemment une couche
d'argile imperméable, qui assure à la végétation l'humidité néces-
saire pendant les chaleurs de l'été, pourvu que la couche superficielle
soit convenablement cultivée. Les puits qu'on y creuse donnent une
eau excellente, à des profondeurs variables, mais (jui à Annadale ne
dépassent pas 15 pieds. Les roches calcaires qui aftleurent sur les co-
teaux fournissent des matériaux de construction de premier ordre.
Le pays d'Abilène est un steppe ou, comme on dit en Amérique, une
prairie, ainsi que presque tout l'Ouest du Texas. La prairie est coupée
cependant, à l'Est, entre la petite ville Weather-Ford et Baird, par des
collines boisées où dominent plusieurs espèces de chêne et qui courent
du Sud au Nord, sorte de prolongement du plateau mexicain appelé
crossed timber. Le sol sablonneux de ces collines est très favorable à la
végétation arborescente, quoique le peu d'humidité du sol empêche les
(1) l,c pied vaut 3(IV™"',8, et le pouce i'i»"",».
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. i03
arbres d'y prendre un grand développement : de là le nom local de
brush, broussailles, donné à ces forêts. La culture y est très précaire
et les plus pauvres habitants y tentent seuls quelques défrichements
sur lesquels le coton, grâce à sa racine pivotante, peut donner de bonnes
récoltes dans les années favorisées par des pluies suffisantes. La mise en
culture des prairies, où le bois est fort rare, assurera avec le temps
une valeur à ces terrains, comme annexe des exploitations rurales.
Le domaine d'Annadale est à 2 milles environ de ces collines, soit
un peu plus de 3 kilomètres. 11 est en pleine région de prairie. La prairie
est caractérisée par l'abondance et la variété des herbes, des graminées
surtout, au milieu desquelles poussent quelques cactus et des roseaux
sur les bords des creeks. Dans cette partie du pays, cependant, la
prairie est parsemée d'un arbuste appelé le ynesquite {Mimosa 7iilolica),
qui s'élève à 2 ou 4 mètres au plus ; son feuillage très grêle ne nuit
pas à la pousse de l'herbe , et le bétail est avide des cosses où
sa graine est renfermée. Sur les bords des creeks, on trouve l'ormeau,
le pécan, les saules et la vigne sauvage. Çà et là dans la prairie s'élè-
vent quelques vieux chênes appartenant à une espèce dite live oak
{Quercus robur]. Ces essences ne viennent pas facilement dans ce ter-
rain, et, depuis qu'au lieu d'être pâturée par quelques bisons la
prairie l'est par des bœufs et des chevaux nombreux , leurs jeunes
plants sont détruits. Dans quelques années, quand les 31esquites auront
été tous coupés, les habitants manqueront de bois. La grande dou-
ceur du climat fait qu'ils se préoccupent peu de cette éventualité;
mais, dès à présent, le bois de construction est fort cher.
La pression atmosphérique normale est égale à environ 28,2 pouces
de la colonne de mercure ou 741"", 67, soit une pression de
1 kilog. par centimètre carré. Les vents du Sud sont prédominants.
Presque jamais l'atmosphère n'est absolument calme, ce qui em-
pêche la température d'être trop élevée. Les insolations, si fréquentes
dans le Nord des Etats-Unis, sont fort rares. Le pays est d'une salu-
brité parfaite. Les fièvres intermittentes n'atteignent que les individus
qui en ont rapporté le germe de la partie f]st du Texas où elles sont
endémiques.
La température s'abaisse rarement au-dessous de 20 degrés Fahren-
heit ou 6", 67 centigrades, et ne s'élève guère au-dessus de 100°, ou
37",78 centigrades. En hiver, il règne parfois pendant dix à quinze
jours des vents du Nord iNorthers) qui sont le prolongement des BliZ'
zards qui désolent le Nord-Ouest des États-Unis. La température
104 N° To. — MÉTAYER DE l'oLEST DU TEXAS.
descend alors brusquement jusqu'au zéro du thermomètre Fahrenheit;
mais c'est très momentané. Ces vents sont fort pénibles pour les
bestiaux. L'hiver commence à la tin de novembre et finit en mars; il
est caractérisé surtout par des pluies et un ciel nuageux. Il est très
rare que le bord des étangs soit pris par la glace.
D'après les rapports du Signal- Service des Etats-Unis pendant la
période de 1880-1890, la quantité de pluie a été en moyenne de
29,20 pouces ou 741™'°, 68 par an. Elle est suffisante , non seulement
pour les herbages, mais pour les cultures, quand elle se produit régu-
lièrement. En 188G et en 1887, deux grandes sécheresses, pendant le
printemps et l'été, causèrent de véritables désastres agricoles. Heu-
reusement la zone des pluies s'étend constamment de l'iilst à Ouest, au
fur et à mesure que le sol est en partie défriché. Nous constatons
le fait, avec tous les habitants du pays, sans prétendre l'expliquer :
les environs de Dallas, à 200 milles plus à l'Est, qui, il y a vingt ans,
étaient très secs, reçoivent aujourd'hui des pluies plutôt trop abon-
dantes pour la réussite du colon.
Malgré ces chances de sécheresse, le pays d'Abilène est considéré
comme une des plus riches régions agricoles des États-Unis. Le blé-
froment [wheat), de l'espèce dite mediterranean, se sème en octobre-
novembre et se récolte en juin ; il produit de 1.300 à 3.000 litres par
hectare (15 à 3,5 bushels par acrej. L'avoine \oats] se sème en février-
mars et se récolte en juin; elle rend de 3.500 à 5.700 litres par hectare
(40 à 65 bushels à l'acre). Le maïs {corn) se sème en mars et se
récolte en septembre; il rend de 2.700 à 5.400 litres par hectare (30 à
60 bushels à l'acre). Le coton se plante en avril-mai et se recueille
jusqu'à la fin de novembre; il peut rendre jusqu'à une balle et même
une balle et demie, 250 à 300 kilog. par hectare (1/2 ou 2/3 de balle par
acre). Sur la terre f|ui a porté du blé ou de l'avoine, on fait quelquefois
un semis de sorgho que l'on utilise en novembre comme fourrage artifi-
ciel; on peut planter aussi des patates douces qu'on recueille à la
même époque. Les pommes de terre de printemps se conservent ditfici-
lement pendant les chaleurs de l'été. Aussi, quoique originaire de ce
pays où on la trouve dans les champs en abondance à l'état sauvage,
la pomme de terre est loin de tenir dans l'alimentation la place qu'elle
occupe en Europe et dans le Nord des Etats-Unis. Quehjues plan-
tations de vigne témoignent par leur belle réussite de l'avenir de
la vilioullurc dans ce pays.
Les rendements qu'on vient d'indiquer sont obtenus sans fumure.
OBSERVATIONS PRÉLIMIiVAlRES. iOo
C'est à peine si, après dix récoltes ininterrompues de blé, une diminu-
tion de rendement se produit. Les cultivateurs avisés recourent alors
aux fumiers de leurs écuries, négligés jusque-là, ou bien labourent un
peu plus profondément; mais il est encore plus simple pour eux de
planter du coton. Sa racine va chercher une couche d'humus plus
profonde, et les cultures multipliées dont il est l'objet permettent au
sol de reconstituer sa fertilité par les actions atmosphériques.
A l'Ouest d'Abilène la quantité de pluie diminue ; la prairie n'est
jusqu'à présent propre qu'au pâturage : c'est le pays des ranchs, où che-
vaux, bœufs et moutons sont élevés en liberté sur de vastes parcours.
C'est à 100 milles (161 kilomètres environ) à l'Ouest de cette ville
que se trouvent ces grands ranchs de bestiaux et de chevaux dont la
vie, avec ses violences, ses meurtres, ses vols d'animaux, ses vendettas,
ses guerres privées, est devenue légendaire aux États-Unis. L'extrême
Ouest du Texas présente sous ce rapport un contraste avec le Nord-
Ouest, dû à la manière dont s'est formée la population de ce pays
et au voisinage du Mexique. Mais cet état de choses disparaît au fur
et à mesure que les populations agricoles s'établissent, et dans les
environs d'Abilène le plus grand respect de la loi règne parmi les
farmers et les petits ranchmen qui vivent entremêlés.
Il y a douze ans seulement que quelques défricheurs ont pénétré dans
le comté de Callahan. Aujourd'hui il est complètement occupé. Le
gouvernement du Texas vient de vendre les dernières terres publiques
qu'il y possédait (1) et dont le produit est affecté à constituer le
school fund. Celles qu'il avait concédées au Texas and Pacific Jird.,
par sections alternées avec celles de l'Etat, ont été toutes vendues.
Il n'y a donc plus aujourd'hui dans ce comté de terres publiques
sur lesquelles le droit de préemption de l'occupant [aettler) puisse
s'exercer.
L'Etat du Texas a adopté pour ses lerres publiques le système pra-
tiqué aux Etats-Unis. Des opérations cadastrales (survey) partagent
les territoires non occupés en comtés, en townships, en sections de
640 acres (256 hectares), demi-sections de 320 acres (128 hectares) et
quarts de sections de 160 acres (64 hectares).
Des routes de différentes largeurs sont réservées entre les sec-
tions à des distances déterminées, en sorte qu'elles se coupent à
(1) La république du Texas, on s'annexant aux Étals-Unis on 18iT. se réserva la pro-
priété de SCS lerres publiques. Celle-ci appartient au gouvernement léiiéral dans les autres
parties de l'Union.
lOG N° 75. — MÉTAYER DE l'oUEST DU TEXAS.
angle droit. Le voyageur se rend ainsi toujours compte d'une ma-
nière exacte de la distance qu'il a parcourue. Des bornes en pierre
fixent ces limites. Toutes ces sections sont orientées et représentent
des carrés parfaits. Les ventes faites, soit par l'Etat, soit par les chemins
de fer et autres entreprises d'utilité pulilique subventionnées au moyen
de terres domaniales, sont toujours faites en se référant au cadastre.
Les transactions postérieures qui s'opèrent entre les acquéreurs suc-
cessifs, quoique amenant souvent la division d'une section, la prennent
toujours pour base.
La constitution agricole repose donc essentiellement sur le domaine
aggloméré. A la différence des Canadiens, qui établissent habituelle-
ment leur maison sur le bord de leur domaine, les Américains la cons-
truisent de préférence au centre. Néanmoins, cette habitude n'est pas
sans exception ; et la famille, objet de celte monographie, a au contraire
placé son habitation presque sur la ligne de séparation de la propriété
voisine.
Presque toutes les propriétés sont clôturées avec des fils de fer
garnis de piquants qu'on appelle ronces artificielles. Le bois est trop
rare pour qu'on l'emploie à cet usage.
La majeure partie du territoire est encore laissée au pâturage. Le
domaine d'Annadale par exemple, sur une étendue de 1.840 acres (730
hectares) en a seulement 200 (80 hectares) en culture, quoique le reste
soit pour la plus grande partie formé de terres d'excellente qualité.
La proportion des pâtures s'élève encore davantage sur d'autres
domaines. Mais ces pâturages, soigneusement clôturés, sont occupés par
des animaux d'espèce choisie, et surveillés avec grand soin par le
propriétaire qui leur donne du fourrage pendant l'hiver. Il y dresse
des chevaux de demi-sang et engraisse des bœufs qui ont une valeur
bien supérieure aux animaux à demi-sauvages des ranchs proprement
dits. C'est ce qu'on appelle une stock farm. Actuellement, c'est le
mode d'élevage qui paraît le plus rémunérateur. Le temps des grands
ranchs est passé, au moins dans cette partie des P]tats-Unis.
Le CensusAQ 1890 indi(juc, pour le comté de Callahan, une popula-
tion totale de 5.457 habitants. Kn 1880 elle était seulement de 3.453.
Sauf les 850 habitants <le Bainl, cette population est exclusivement
agricole.
A Baird on ne trouve, avec les fonctionnaires résidant au chef-
lieu du comté, que quelques marchands et saloonkcepers. Un com-
merçant qui a un petit elevalor sur la ligne du chemin de fer y achète
OBSERVATIONS rRÉLIMINAlRES. 107
tous les produits agricoles qui lui sont oflerts. Il agit comme commis-
sionnaire pour les grands commerçants de Saint-Louis et de Dallas. Une
autre petite agglomération, Clyde, est beaucoup moins importante : elle
a seulement un bureau de poste et une station de chemin de fer ; elle sert
de centre de réunion aux catholiques dispersés dans le comté. Une
petite colonie d'environ quinze familles portugaises, qui était allée en
Californie et n'y avait pas réussi, s'y est arrêtée en revenant sur ses pas ;
quelques familles irlandaises et une famille canadienne se sont établies
dans levoisinageparaffinité religieuse. Un prêtre résidant à Forthworth,
à loO milles de distance, vient y célébrer la messe et instruire les enfants
une fois par mois (1). Abilène elle-même, malgré ses espérances d'avenir,
malgré la spéculation qui s'est produite sur ses lofs et ses vastes boule-
vards tracés au milieu de champs où s'ébattentdes chiens de prairie, Abi-
lène ne compte qu'une population de 3.194 habitants, composée de petits
commerçants, de saloonkeepers, de real estate agents (courtiers en ter-
rains) et complétée par quelques médecins et lawyers. L'industrie n'y
est représentée que par un moulin à farine qui produit sa vapeur avec
du bois; dans ces conditions, il ne travaille que d'une manière intermit-
tente. Les farmers du comté de Callahan vendent leur blé à des mar-
chands de Baird et leur achètent de la farine que ceux-ci font venir
des grandes minoteries de Saint-Louis, dans le Missouri, à une dislance
de 850 milles.
La population du comté de Callahan se compose de quatre caté
gories d'habitants :
1" Quelques ranchmen ou plutôt propriétaires-éleveurs, selon la mé-
thode indiquée plus haut, qui cherchent à élever autant d'animaux que
possible, au besoin en louant des pâtures attenant à leur propriété.
Les progrès du défrichement tendent peu à peu à les éliminer, d'autant
plus que tous sont prêts à vendre en réalisant la plus-value acquise par
leurs terres.
2° Les farmers ou cultivateurs, qui cherchent à étendre chaque jour
leur culture sur les terres dont ils disposent. Le minimum d'étendue
de ces domaines est un quart de section, 160 acres (64 hectares). C'est
l'étendue qui paraît nécessaire, étant donné le climat, pour entretenir
quelques bestiaux et occuper par la culture l'activité d'un homme. Les
farmers qui ont une demi-section, 320 acres (128 hectares), une sec-
[\) Le C'ensus de 18fH attribue à celte coiiKi'ésalion de (•atli()li(iucs un effectif de (i."> mem-
bres en âge de communier. Sa cliai)elle, (|ui i)out contenir 100 sièges, est évaluée à 1.000
dollars.
108 N" 75. — MÉTAYER DE L'OUEST DU TEXAS.
tion entière, 640 acres (256 hectares), plusieurs sections même, ne
sont pas rares. Des degrés de richesse assez élevés se trouvent dans
cette partie de la population, quoique la manière de vivre soit à peu
près la même pour toutes les familles. Ils forment la partie la plus
nombreuse et en même temps la plus solide de la population. C'est à
elle qu'appartient la famille objet de cette monographie, quoique mo-
mentanément, et pour réaliser un bénéfice supérieur à celui qu'elle
tirerait de sa propriété, elle cultive comme renier (métayer) la farm
d'un propriétaire voisin.
3° Le nom de renier désigne, non pas un fermier à rente fixe, — il
n'en existe pas un seul dans le comté ni dans les comtés voisins, —
mais un colon partiaire. Deux sortes de contrat sont usités. Quand le
propriétaire fournit la semence, le matériel d'exploitation, les chevaux
et l'habitation, les récoltes, blé, avoine, maïs, se partagent par moitié,
le renier fournissant toute la main-d'œuvre; la batteuse est payée par
moitié, les loueurs de batteuse prélevant le douzième de l'avoine ou
du blé battu; mais \q renier doit payer les hommes et le bois nécessaire
pour faire marcher la machine. Le coton exigeant beaucoup plus de
main-d'œuvre, le propriétaire n'a dans cette combinaison qu'un tiers
de la récolte. — Si, au contraire, le renier fournit la semence, le ma-
tériel d'exploitation et les chevaux de labour, le propriétaire n'a droit
qu'à un tiers du maïs ou de l'avoine et à un quart du coton. Cette
combinaison n'est pas usitée pour le blé. Si une quantité de terre assez
grande pour occuper une famille est louée dans ces conditions, le
propriétaire fournit une maison fort simple et sans aucun mobilier.
Des parcelles de quelques acres sont cependant assez souvent louées
sans maison, à colonat partiaire, à de petits propriétaires qui vivent sur
leur domaine, mais qui n'ont pas de terres sulfisantes ou propres à la
culture du coton ou du maïs.
Le partage des récoltes a lieu en nature pour les céréales, après le
battage. Pour le coton, le renier le porte d'abord au moulin {gin) où l'on
sépare la graine d'avec la soie; puis il le porte au marché voisin où il
est classé et acheté, suivant sa qualité, au prix courant déterminé par les
marchés régulateurs de la Nouvelle-Orléans et de Saint-Louis. Le renier
remet au propriétaire le tiers du prix obtenu ainsi, déduction faite
du tiers des frais de transport. Ces contrats, étant réglés par l'usage
l(jcal, ne sont pas habituellement constatés par écrit. Ils n'en sont pas
moins exécutés avec une grande bonne foi. Kn principe, ils ne sont
jamais conclus que pour une année, et il n'y a rien dans les coutumes
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 109
du pays d'analogue à ce qu'on appelle en France la tacite recondmtion.
Le rentage d'une terre peut se prolonger et se prolonge quelquefois;
mais les conditions économiques de ce pays, en voie de formation,
font de la mobilité des personnes et de la brièveté des engagements
de travail une nécessité absolue. L'époque usuelle d'entrée en jouis-
sance des renters est le l*"" janvier, qui correspond à la culture du
colon : c'est en efl'et celle en vue de laquelle les contrats de métayage
sont le plus usuellement pratiqués.
Les renters sont assez nombreux dans le comté de Gallahan. Des
cultivateurs qui n'ont pas de matériel d'exploitation, trouvent dans
ce contrat le moyen de se constituer des capitaux par des profits de
culture dépassant de beaucoup les salaires qu'ils gagneraient comme
journaliers, ou les produits qu'ils retireraient de l'exploitation d'un
petit domaine leur appartenant : on le verra parles comptes annexés à
la présente monographie. Cette classe de renters tend à s'accroître,
non seulement parce qu'il n'y a plus comme autrefois de terre au prix
de 2 S (1) l'acre (10^ 36 les 40 ares), ni à'homestead à prendre dans ce
comté et les comtés voisins; mais aussi parce que des cultivateurs dé-
pourvus de capitaux s'épuiseraient de travail sans résultats, même sur
une terre leur appartenant. La constitution préalable d'un capital
d'exploitation d'environ 1 .000 S (5. 180 francs), et son application à une
étendue d'une demi-section, .'^20 acres (128 hectares), sont les condi-
tions indispensables de succès pour une famille de farmers.YXve renier
pendant un certain temps est le moyen le plus sûr pour les réaliser.
4° Un nombre encore assez considérable d'individus sont des ou-
vriers domestiques loués au mois, ou des journaliers. On les appelle
hired hands. Le supplément de main-d'œuvre nécessité à l'époque des
moissons, de la récolte de coton, des semailles, leur assure des occasions
d'emploi fréquentes. Les A/rec?/tan(^s sont généralement des jeunes gens
non encore mariés, parfois de jeunes ménages qui n'ont pas les moyens
nécessaires pour être renters.
La main-d'œuvre est abondante dans le comté, et les propriétaires
ou les renters en trouvent facilement : une sélection légitime s'opère
parmi les ouvriers ; les paresseux sont éliminés.
Les relations entre les employeurs et les hired hands sont fort bonnes.
Les hommes loués à gages travaillent généralement avec régularité et
conscience. Le contrat de louage d'ouvrage comprend, dans les idées
1) Le dollar vaut ■; fr. 18 c.
110 N" 75. — MÉTAYER DE L'oUEST DU TEXAS.
courantes, l'obligation de prendre au mieux les intérêts de V employeur,
et il est exécuté ainsi; quelquefois même ce sentiment est poussé trop
loin, et l'on voit dans l'extrême Ouest du Texas lescowboys prendre les
intérêts de leur ranchman iu^qua se battre entre eux, parfois même à
commettre des actions délictueuses. Il n'est heureusement pas ques-
tion de cela dans la paisible région où habite F***.
Le prix d'un ouvrier agricole au mois est de 15 à 20 S (77' 70 à
103* GO), plus la nourriture : on peut louer un couple marié pour le
même prix, la femme ne s'occupant que des soins du ménage. Le
prix de la journée est de 1 S (5^ 18) en été, de 50 à 75 cents {^' 59 à
3^89) en hiver. Pour un charpentier ou un maçon, ces prix sont ma-
jorés de 50 %.
Il y a bien peu de servantes, hired girls, dans le pays. Des Irlan-
daises, des Allemandes ou des Scandinaves émigrées acceptent seules
cette condition : ce sont elles qui forment le personnel des dining
girls de certains restaurants et buffets de chemins de fer. Une cui-
sinière, qui ferait en même temps le blanchissage et soignerait les
poules, pourrait être louée pour 10 à 12 S (51 '80 à 62' 70) par mois.
La nourriture est comprise dans ce prix. Elle est toujours prise à
la table de l'employeur. Un propriétaire d'origine anglaise qui a voulu
se soustraire à cet usage, est très mal vu dans le pays; les meilleurs
ouvriers refusent de travailler pour lui. Ils sont au contraire fort peu
exigeants sous le rapport de lanourriture, pourvu que Y employeur n'en
ait pas une meilleure. D'une manière générale, la population rurale du
Texas est très sobre et se contente de peu, comme quantité et comme
qualité.
Les ouvriers domestiques, les journaliers, possèdent tous au moins
un cheval et une selle, qui représentent un capital de 7o S f388'50)
environ. Le propriétaire du domaine d'Annadale a en ce moment à
son service un jeune homme de vingt-cinq ans qui possède 3 chevaux
et paie d'ailleurs leur nourriture, 40 cents (2' 07) par tête et par mois,
sur sa pâture. La possession de ce cheval est pour un journalier la
condition indispensable pour aller chercher de l'ouvrage. C'est en même
temps une garantie morale pour l'employeur. On prendrait dillicilement
un individu ne possédant même pas un cheval. On craindrait d'intro-
duire chez soi un vagabond itranip).
Les tramps, qui voyagent à pied ou se glissent la nuit sur les wagons
des trains de marchandises, et qui sont la plaie de beaucoup de cam-
pagnes américaines, sont heureusement presque inconnus dans les en-
OBSERVATIONS l'HKLlMINAlRES. 111
virons d'Annadale. Ils ne s'éloignent pas autant de la ligne du chemin
de fer.
Les Indiens chasseurs de la tribu des Comanches, qui occupaient
ce pays depuis un temps immémorial, ont complètement disparu. Il
n'y a pas un seul nègre dans les campagnes. Quelques noirs des an-
ciens États du Sud vont à Baird ou à Abilène comme servants d'hùtel,
barbiers ou autres métiers inférieurs, mais ils n'y amènent pas leur
famille. D'après le Census de 1890, il n'y avait que 31 noirs dans le
comté de Callahan et 189 dans celui de Taylor. Cette partie du Texas
était absolument inexplorée à l'époque de l'esclavage, et la race
noire tend plutôt à se concentrer sur son ancien domaine qu'à s'é-
tendre. C'est une condition heureuse pour le pays; car la pré-
sence de noirs est toujours une cause de démoralisation pour les
blancs.
Le pays est assez peuplé pour que les relations de voisinage jouent
un grand rôle dans la vie des farmers. Ils les recherchent et s'établis-
sent de préférence à proximité les uns des autres, en sorte que le dé-
frichement du pays se fait comme par zones. Les cultivateurs voisins
s'entr'aident les uns les autres, à l'époque des moissons ou des cul-
tures du coton, par des échanges de journées.
L'argent est rare : beaucoup de transactions sont conclues sous la
forme de trocs en nature. Les farmers quelque peu riches et les ranchmen
ont tous un compte de dépôts dans la banque nationale de Baird ou
dans les trois banques nationales d' Abilène ; ils règlent leurs transactions
au moyen de chèques à vue ou, en cas de vente à crédit, avec des billets
portant intérêt {notes). On ne garde pas d'argent chez soi. Le service
de caisse rendu par les banques est regardé comme si importan t
qu'elles n'allouent pas d'intérêts aux dépôts à vue qui leur sont faits.
Elles se bornent, pour attirer ces dépôts, à faire gratuitementles recou-
vrements pour le compte de leurs clients et à leur faire plus ou moins
facilement, àl'occasion, des avances à découvert à raison de 12 % l'an,
intérêt en dedans et se capitalisant tous les quatre mois (1).
(1) D'après les loisduTexas en vigueur lors de la rédaction de la inonograpliie , le taux
légal de l'intérêt était de 8 ^, et le taux niaxinuim au-delà dutjuel il y a usure est 1-2 %.
Un amendement constitutionnel voté le 12 août 18!»t a abaissé h & % le taux légal, et à 10
% le taux maximum ; mais il a eu pour tout résultat de resserrei' beaucoup les crédits faits
aux agriculteurs, et les ban(|ues continuent ;i percevoir le taux de H % en faisant signer
à 'emprunteur des notes i)our une somme supérieure à celle qu'il reçoit réellement.
Dans tous les calculs de la présente moiiograpliie, on a calculi^ l'intérêt des capitaux au
taux de 8 %,<\\\\. correspond aux faits tels qu'ils se sont produits pendant la i>ériode où
les éléments du budget ont été recueillis.
112 N° 75. — MÉTAYER DE LOUEST nU TEXAS.
l 2.
ETAT CIVIL DE LA FAMILLE.
La famille comprend sept personnes
\. W. B. F***, chef de famille, né dans le Tennessee 32 ans.
2. L. B***, sa femme , née dans la Géorgie 30 —
3. Laiii\ F***, leur lilk- aînée, née dans le comté d'EUis (Texas) 10 —
i. SuzY F***, leur 2" fille, née dans le comté de Callahan 8 —
5. BoREitT (Bon) F***, leur fils aine, né dans le comté de Callaliaii o —
6. .loiiN F»*', leur 2« fils 3 -
7. Hf.nhy F*'*, leur 3" fils 1."i mois.
Les époux n'ont pas perdu d'enfants.
Leur mariage a eu lieu en 1880 : F*** avait alors vingt et un ans
et sa femme dix-neuf. Ce sont des âges normaux, eu égard aux habi-
tudes du pays et spécialement de la classe des farmers.
La famille se trouve fréquemment complétée par la mère de la femme,
mistressB***, âgée de soixante-deux ans. Restée veuve, elle partage son
temps entre ses filles. Outre celle qui fait l'objet de la monographie,
elle a une autre fille mariée dans le même comté, à 5 milles de dis-
tance, et une troisième fille mariée dans le comté d'Ellis. Pendant ces
séjours, elle prend une grande part aux travaux du ménage et aux
soins des enfants. Elle les prolonge quand quelqu'une de ses filles se
trouve souffrante. Ses gendres voient de bon œil sa présence, en rai-
son des services qu'elle rend à leur ménage et de son caractère émi-
nemment respectable.
^ 3.
RELIGION ET HABITUDES MORALES.
Les deux époux sont protestants et ont des sentiments chrétiens très
prononcés. La femme ainsi que ses parents appartient à l'église baptiste,
(jui est fort populaire parmi les farmers de cette région. Les éleveurs
et les gens plus riches, qui descendent de Sudistes ruinés par la guerre
de la Sécession, appartiennent généralement à l'Eglise épiscopalienne.
C'est grâce à l'inlervcnlion de la femme que les membres de l'Eglise
baptiste ont obtenu du propriétaire d'.Xnnadale l'autorisation, — accor-
dée de très bonne grâce quoiqu'il soit catholique, — de procéder dans
l'un de ses étangs au baptême par immersion des adultes qui se
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. H3
joignent à l'Église. Une cérémonie de ce genre, qui a eu lieu au mois
d'août 1891, avait attiré, indépendamment des membres de l'Église, de
nombreux curieux. L'immersion de deux adultes, un jeune homme
et une jeune femme, acconi/ilie après des chants et des prières^ célébrés
sur le bord de l'étang avec une grande ferveur et beaucoup d'émotion,
parut vivement intéresser les assistants. Même pour un indifférent, la
simplicité de la cérémonie ne laissait pas d'avoir un caractère de
grandeur. A cette occasion, la famille F*** a invité à sa table^ au dîner
et au souper, les principaux voisins présents.
L'Eglise baptiste n'a pas dans ce comté de lieu de culte lui appar-
tenant en propre, où des services réguliers soient célébrés. Elle est au-
torisée seulement à se servir des bâtiments d'école, en se concertant
avec les autres confessions qui en demanderaient l'usage le dimanche.
Une sorte déroulement s'établit alors entre elles pour en user (1).
Le dimanche, la famille se borne à observer le repos suivant un usage
absolument universel en Amérique, et qui au besoin serait sanctionné
par la loi. F*** fait quelquefois une lecture dans la Bible et la femme
chante parfois des cantiques avec les voisines qui sont venues la visiter.
Des ministres itinérants viennent de temps à autre visiter la commu-
nauté baptiste, dont le zèle est en temps ordinaire entretenu par les
elders ou notables.
Des ?/2ee^m^5 ont alors lieu plusieurs jours de suite dans les maisons
d'école. Les chants, la prédication, les prières improvisées, les récits
que les membres de l'Eglise, hommes et femmes, font de leurs
expériences religieuses, alternent et occupent plusieurs heures.
Outre les membres de l'Elglise, beaucoup de farmers du voisinage
accourent à ces réunions qui ont lieu durant les nuits d'été et qui
sont une occasion de se voir. Rien n'est pittoresque, par un beau
clair de lune, comme les chevaux attachés aux barrières voisines
de la maison d'école, les wagons dans lesquels les familles sont venues
de plusieurs milles à la ronde et où dorment sur un matelas les jeunes
enfants qu'elles ont amenés pour ne pas les laisser seuls, les chiens
qui ont accompagné leurs maîtres, les poulains qui ont suivi leur mère.
Les prédications des ministres, surtout les témoignages rendus par les
membres de l'Eglise de leur état d'âme, avec une grande surexci-
tation qui se traduit souvent par des pleurs et des crises nerveuses, dé-
terminent généralement chez quelqu'un des assistants la persuasion
(1) Dans le town de Baird, il y a (rois églises propres à des confessions différentes.
H4 N" 75. — MÉTAYER DE LOUEST DU TEXAS.
que l'Ksprit opère en lui. 11 se déclare louché, affirme qu'il veut se
convertir et va s'asseoir sur le banc d'anxiété. L'Eglise redouble de
prières pour sa conversion; ses amis, ses parents lui adressent les plus
pressantes exhortations, et généralement, au bout d'une ou de plusieurs
séances, le pécheur, touché par l'Esprit-Saint, se proclame converti et se
sent lui-même sanctifié. On le félicite, on l'adjoint à l'Église et on pro-
cède assez promptement à son baptême.
F*** a été précisément, au mois d'août 1891, le héros d'une de ces
scènes. 11 fréquentait depuis longtemps \es meetings de l'Eglise baptiste
et aussi les cawp-meetings qui ont lieu à intervalles irréguliers dans
le voisinage. Les influences du milieu, ses sentiments religieux intimes,
la grande honnêteté de sa vie devaient un jour ou l'autre amener ce
dénouement.
Il mène ses filles aînées à ces meetings^ et elles ont été témoins de
la conversion de leur père. Plus tard elles seront disposées à se
joindre à l'Église baptiste; mais c'est seulement quand elles seront
adultes qu'elles feront cette démarche et recevront le baptême par
immersion. Celte confession ne le donne, en effet, pas aux enfants.
Le rôle que chaque membre de l'Eglise peut jouer dans les meetings,
en prenant la parole, s'il a la faculté d'improvisation, pour prier à
haute voix, ou pour raconter ses impressions intimes, est évidemment
une des causes qui rendent très populaire la confession baptiste dans
la classe des farmers.
Si les protracted meetings que nous venons de décrire et qui sont
tenus dans les locaux scolaires, malgré les crises nerveuses qui s'y
produisent parfois, sont vus d'un œil favorable par toutes les per-
sonnes qui attachent du prix au maintien des sentiments religieux,
il n'en est pas de même des camp-meetings organisés par des
prédicants baptistes ou méthodistes. Gomme l'indique leur nom, ils
ont lieu dans des bois, où les assistants campent pendant plu-
sieurs jours dans une promiscuité très grande. La maiigerie et la
beuverie y tiennent une grande place. Les prédications violentes
des ministres déterminent chez les femmes des crises dhystérie. Des
hypocrites se glissent dans ces réunions auxquelles la curiosité
attire une grande foule, cl, la nuit ainsi que l'épaisseur des bois aidant,
de graves désordres moraux s'y produisent.
La famille F*** est r(.Mn;ir(|ual)lc par sa moralité, par le dévouement
du ni.'iri aux si(,'ns, par les vertus doiuestiques de la femme et par
la bonne éducation donnée aux enfants. Les parents ne craignent pas
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 115
de donner aux plus jeunes quelques légères correclions manuelles
appropriées à leur âge.
Les familles de farmers sont généralement très morales. L'absence
complète de maisons de prostitution (une seule d'un ordre très infime
est tolérée à Baird), et l'économie qu'un jeune homme réalise en
ayant un ménage au lieu de vivre en pension font du mariage la grande
ambition de toutjeune Américain. Recherchées par les jeunes gens avec
une liberté d'entretien et de promenades qui est générale dans toutes
les classes de la société, les jeunes filles font leur choix librement; les
jeunes gens paresseux ou mal doués sont éliminés. Les parents, au
moins dans la classe des farmers, ne se désintéressent pas complète-
ment du mariage de leurs filles. Mais, quand celles-ci ont atteint l'âge
de dix-huit ans, leur consentement n'est pas nécessaire pour l'obten-
tion de la licence ou pièce délivrée par le recorder du comté qui auto-
rise tout ministre d'un culte à procéder à la célébration du mariage. Si
les parents refusent leur consentement, le couple n'en obtient pas
moins sa licence et va se marier. On appelle cela dans le pays : to steal
a (jirl. Les unions de ce genre ne sont pas mal vues par l'opinion.
La séduction est considérée comme un délit, et, dans sa session de
1891, la législature du Texas a voté une loi qui amende la procédure
en pareille matière, de manière à rendre encore plus avantageuse la
position juridique de la filie qui actionne en justice son séducteur.
Une fois mariées, les filles sont presque toujours des femmes très
dévouées. Elles ont pour leur personne des soins de propreté et une
certaine recherche dans leur mise, d'ailleurs simple et de bon goût,
qui les met bien au-dessus des paysannes européennes et contribue
évidemment à l'attachement des Américains pour leur foyer. Cette
recherche contraste avec l'état inculte des hommes, voire avec leur
déguenillage.
Néanmoins, ce tableau n'est pas sans quelques ombres. Les libres
fréquentations des jeunes gens et des jeunes filles à la campagne,
durant les nuits d'été, dans Xes, camp-meetings s\XT\.o\xi, amènent parfois
des désordres que le mariage ne répare pas toujours. Quoique, par
suite de CQv\d\n&s précautions, il ne s'ensuive jamais de naissances na-
turelles, il est plus d'une épouse qui n'apporte pas sa virginité à son
mari, soit que des fraudes aient empêché la génération, soit même que
l'on ait eu recours à des manœuvres abortives. Quelques pères de
famille, plus vigilants que la généralité, s'opposent aux libres prome-
nades de leurs filles; et ils ont leurs raisons pour cela.
H6 N° 75. — MÉTAYER DK LOUEST DU TEXAS.
Il y a aussi un certain nombre de femmes divorcées dans le pays
On les appelle, par courtoisie, des veuves : en fait, leur considération
est quelque peu atteinte.
Les familles de farmers sont très fécondes. Dans le voisinage,
plusieurs farmers ont jusqu'à dix-huit et vingt-quatre enfants, issus,
il est vrai, de mariages successifs. Les veufs, dans cette classe, con-
volent avec une grande rapidité. Dans les familles plus riche-, surtout
parmi les habitants des petites villes de la contrée, les enfants sont au
contraire peu nombreux : la généralité de ce fait ttjmoigne d'une sté-
rilité systématique.
' F***, comme tous lea farmers du pays, attache un grand prix à ce
que dès à présent ses deux filles, et plus tard ses garçons, reçoivent
de l'instruction dans les common schools. Elles fréquentent, pendant
les mois d'hiver, une école construite en bois, distante de :2 milles de
la miiison (3'""218"',62). Quelquefois leur père leur confie une petite
voilure légère avec un vieux cheval très sûr.
En septembre 1891, F***, proritant de l'aisance qu'une belle récolte
a amenée dans son ménage, a suivi un cours de douze leçons d'écriture
qu'un voisin a organisé le soir dans l'école voisine. Sa fille aînée la
suivi en même temps que lui, La dépense qu'il a volontiers faite pour
cela, — le prix du cours était de 2 .S (10^ 36) par élève, — indique
le grand intérêt que F'** atlache à l'instruction. 11 croit que c'est [tar
son défaut d'instruction première qu'il n'occupe pas une position
plus élevée dans la société. D.ms ses projets d'avenir, il se propose de
faire donner le plus d'instruction possible à ses lils et ne craindra
pas de s'imposer des dépenses importantes dans ce but.
L'instruction n'est pas obligatoire dans le Texas; mais le gouver-
nement, soutenu en cela par l'opinion, fait les plus grands efforts
pour la propager. Il alï'ecte à ce service : 1° le produit intégral de la
vente ou de la location des terres publiques (§ 1) ; 2° une taxe scolaire,
Stale scliool lax, de 12 1/2 cents (0' 05) par 100 dollars (518 francs) de
valeur assessée sur toutes les propriétés. Le montant iV'^ appropria-
tions faites sur le school fund esl monté, en 1890-1891, à A S 50
(23' 31) par tète d'enfant fréquentant l'école. Grâce à cette libé-
ralité, beaucoup de comtés, et celui de Gallahan est du nombre, ont
pu se dispenser de recourir à une taxe scolaire spéciale (i). Il serait
(I) Vitifil cilONt'iis pajaiit des laxcs |iiMi\eiil pruvoiiiuT dans le comte une viiiatioii
|K)|iulaii'e sur la (jueslion de savoir si un(! taxe scolaire sera levée; mais eellc taxe ne
pourrait pas dépasser 20 (0^8(1' Oi ) par 100 dollars de la valeur de la proi)ri(.4(i! Icllo
OBSERVATIONS l'RÉLIMl.XAIRES. 117
nécessaire d'y recourir, si, comme le demandent les fonctionnaires
spéciaux de l'instruction publique, répondant en cela aux vœux des
pères de famille peu fortunés, notamment de F***, la législature por-
tait à huit mois le temps pendant lequel l'école serait ouverte, au lieu
de six mois, terme actuel, et attribuait gratuitement à tous les élèves
les livres de classe.
D'après l'organisation actuelle, le territoire des comtés est partagé en
school districts Qi en school comniunities, là où la population est moins
dense. C'est à ce dernier type qu'appartient le comté de Callahan. Les
school communities ào'weni entretenir une école tous les 4 milles carrés.
En 1889-90, il existait dans le comté 33 school communities, qui entre-
tenaient 29 écoles dont une seule, celle de Baïrd, élail graded (1), c'est-
à-dire partagée en plusieurs classes. En moyenne, elles avaient été
ouvertes 4 mois et 14 jours. La population d'âge scolaire était de
1.158 enfants, et, eu y comprenant les enfants au-dessus et au-dessous
de l'âge légal qui avaient voulu suivre l'école, elle montait à 1.309 en-
fants de l'un et de l'autre sexe, sur lesquels 7:28 avaient été présents
chaque jour en moyenne.
Jusqu'à présent, chaque bureau scolaire choisissait les livres de
classe pour ses écoles; mais, dans la session de 1891, la législature du
Texas, cédant à des tendances centralisatrices et bureaucratiques qui
se font jour dans beaucoup d'Élats de l'Union, a voté une loi aux
termes de laquelle le State board of Education de l'État devra arrêter
une liste de livres scolaires obligatoires uniformément dans toutes les
écoles publiques de l'État et passer des marchés avec des éditeurs pour
qu'ils soient vendus à des prix fixes dans chaque comté. Les électeurs
de chaque school community nomment un board of trustées composé de
trois personnes dont les fonctions sont jusqu'à présent gratuites. Ces
trustées choisissent librement le teacher, pourvu qu'il remplisse cer-
taines conditions et produise un certificat d'examen prévu par la loi.
Les enfants des deux sexes sont élevés en commun; ils vont depuis
l'âge de sept ans dans les common schools et peuvent les fréquenter
qu'elle a été Gxée par Yassessmenl du comté. Dans les cités, la ta\e peut s'élever à
■Xi cents (l'30).
(1) Dans les écoles gradées, on apprend, outre l'Iiistoire des États-Unis, l'histoire du
Texas dans un livre fort hien fait et qui est rédigé de manière à dévclo[)per l'amour de
l'État natal et de ses loisj)arli(uliércs. sanspréjudicler en rien à la loyauté pour l'inion el
au sentiment nalional. Le Texas, à cause de son développement historique particulier
et de sa vaste étendue, est un des États de l'Union ou ces sentiments d'autonomie su-
bordonnée et d'attaclienieut à l'État natal sont peut-être le plus heureusement conserves.
9
118 n" 75. — MÉTAYER DE l'OUEST DU TEXAS.
jusqu'à, seize. Tout enseignement confessionnel, sectarian, est exclu
des common schoots, et la constitution du Texas défend à la législa-
ture de subventionner aucune école ayant le caractère confessionnel ;
néanmoins on chante des hymnes religieux et on fait des lectures de
la Bible dans l'école que fréquentent les filles de F***. Le dimanche, des
personnes zélées appartenant aux diverses confessions réunissent les
enfants dans le local de l'école pour leur donner un enseignement re-
ligieux. En ce qui touche les catholiques, toutes les fois que le prêtre
vient (lire la messe à Glyde, il remplit ce devoir avec grand zèle dans
l'après-midi.
Le teacher de l'école publique est un jeune homme du Missouri :
son salaire est de 54 S (23340) par mois pendant les mois où
recelé est effectivement ouverte (1). Il a à se pourvoir d'un logement.
Une fois le temps d'école fini, il se livre à la profession agricole;
il loue une terre pour faire du coton.
Le maître d'école a, au mois de septembre, résigné ses fonctions pour
s'établir définitivement dans le pays comme agriculteur. Il a obtenu
d'être remplacé par sa sœur.
Les livres de classe changent chaque année, les enfants passant d'un
degré à un autre : la plus jeune fille hérite des livres de son aînée. La
dépense des livres et fournitures de classe s'élève pour la famille à en-
viron 3 S (15^54) par an.
Il y a encore au Texas un certain nombre de blancs absolument illet-
trés;maisles grandsefforts faits parlegouvernementderÉlatetles com-
tés, qui en 1888-89 n'ont pas dépensé moins de 3.3o0.000S (17 .353.000 fr.)
pour l'instruction publique, et surtout le courant très vif de l'opinion
publique, feront dans le cours d'une génération cesser cet état de choses
regrettable. F***et sa femme, qui, on l'a vu, sont nés l'un en Tennessee,
l'autre en Géorgie, savent lire et écrire; mais ils usent rarement de
ces talents. F*** ne reçoit pas de journaux et ne lit presque jamais.
La correspondance de la famille ne dépasse pas cinq lettres par an;
mais F*** sait à l'occasion faire un compte comportant les opéra-
tions élémentaires de l'arithmétique.
F*** connaît fort bien le mécanisme du gouvernement local et s'y
intéresse avec sagacité. Le comté est administré sagement et honnê-
(I) A Abilt-ne, le principal des écoles a 12^i S ((î87'S0) de trailemciil annuel cl le terme
cslde dix mois; les <^coles sont gradre.i, c'est-à-dire partagées en classes. I.cs classes sont
faites prcsi|ue e\clusivcnicnt [>ar des jeunes lillcs appartenant;» des familles aisées (|ui y
clierclicnt une ceilainc remuncralion cl surtout l'emploi de leur temps.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. H9
tement. Il avait en 1880 une dette de 9.300 dollars; en 1890, elle était
réduite à 8.000 dollars. F*** s'est engagé dans la Farmer's Alliance.
C'est une organisation qui a pour objet de défendre les soi-disant in-
térêts économiques particuliers des farmers. Elle a pris la forme d'une
société secrète, suivant une habitude fréquente aux États-Unis. Cette
circonstance ajoute à l'intérêt que F*** prend aux réunions de la loge
dont il fait partie (§ 18).
HYGIÈNE ET SERVICE DE SANTÉ.
Le climat est extrêmement salubre ; la seule affection morbide parti-
culière au pays produit des furoncles qui tendent à se répéter d'une ma-
nière pénible. L'eau des puits qu'on creuse dans le domaine d'Annadale
et aux environs est excellente. Depuis que les époux F*** sont établis
dans cette localité, ils jouissent d'une santé parfaite. F*** a environ
1™77; il est maigre et élancé; les ïexiens natifs sont généralement
plus grands. Sa femme a environ l'"6o et est bien proportionnée. Les
deux époux ont des cheveux châtains; les enfants, dans les premières
années, ont les cheveux blond chanvre; ils brunissent ensuite un peu.
Le type blond est très répandu dans cette partie du Texas. F*** a eu au-
trefois les fièvres, quand il habitait, plus à l'Est, le comté d'Ellis; il n'en
a conservé aucune infirmité; mais il paraît âgé de quelques années de
plus qu'il ne l'est réellement.
Sa femme se porte fort bien. Quand elle accouche, elle recourt à l'as-
sistance d'une sage-femme qui habite dans le voisinage.
Tous les membres de la famille ont eu récemment la rougeole ; ils ont
gardé le lit pendant dix jours. Ils n'ont pas fait appeler le médecin, qui
ne serait pas venu les voir à moins de o S (25^90). Les médecins sont
nombreux à Baird et à Abilène; le prix de la consultation chez eux est
de 1 dollar (o'i8); mais les époux n'y recourent jamais.
Les enfants vont nu-pieds, été et hiver, jusqu'à treize ou quatorze ans.
Cette habitude, qui est générale dans les campagnes du Texas et qu'on
retrouve même chez des familles riches, paraît exercer une influence
fortifiante sur la santé des enfants.
F*** ne recourt jamais aux vétérinaires et n'emploie aucune drogue
pour ses animaux, si ce n'est un onguent pour faire périr les vers qui
se développent parfois dans les plaies des vaches ou des chevaux.
120 K° 75. — MÉTAYER DE l'oUEST DU TEXAS.
RANG DE LA FAMILLE.
F*** appartient àlaclasse des petits /ar/wers; il ne possède qu'un quart
de section, 160 acres (64 hectares). Il a trouvé avantage à louer sa terre
en colonat partiaire, pour être lui-même ren/er sur une farm beaucoup
plus vaste et mieux outillée (§ 12). Il a réalisé d'importants bénéfices,
et, à l'expiration de l'année, il a repris la culture de sa propre farm
avec des ressources plus considérables.
Entre temps, il a, disons-nous, loué la majeure partie des terres en
culture de sa. farm pour un an à un nommé G***, son ami, qui ne possède
pas de terre, mais a un assez bon matériel d'exploitation, et qui s'est ins-
tallé dans la maison de F***, Suivant les usages propres à ce genre de
colonat. G*** cultive 40 acres (16 hectares) en colon, moyennant le
quart abandonné à F***, et 10 acres (21 hectares) en maïs, moyennant le
tiers abandonné à F***; il a fourni la semence et y emploie son capital
d'exploitation (§ 1).
Pendant ce temps, F*** garde en réserve son matériel agricole ou l'em-
ploie pour une petite exploitation personnelle de culture de coton sur
sa farm.
D'après le contrat intervenu entre lui et le propriétaire du domaine
d'Annadale, contrat qui, par exception, a été constaté par un écrit sous
seing privé, à cause de quelques clauses particulières, F*** a dû culti-
ver, à la condition de partager la récolte par moitié, 120 acres (48 hec-
tares) en blé froment, 50 acres (20 hectares) en avoine, et 10 acres
(4 hectares) en mais. Le propriétaire a fourni les chevaux, tout le
matériel d'exploitation et la semence, F*** fournissant seulement son
travail. Il a obtenu en outre, en dehors des usages locaux, le droit
de faire pâturer sur les pâturages du propriétaire ses chevaux et sa
vache, ce qui constitue pour lui une subvention importante.
Le genre de vie de la famille F*** est celui de tous les peiils far 7iïe7's.
Elle s'élève au milieu d'eux, seulement par la considération justement
acquise aux époux, en raison de leur honnêteté, de leurs habitudes la-
borieuses, des bons rapports qu'ils entretiennent avec tout liMir voisi-
nage.
L'habileté de F*** comme cullivatour, les talents de sa femme comme
ménagère, leur permettront d'augmenterleurs propriétés ; maisleur ins-
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 121
truction bornée lesempêchera d'être jamais autre chose que des farmers.
La liberté la plus absolue de tester et de disposer de ses biens par
donation entre vifs est reconnue par les lois du Texas au père de fa-
mille. A défaut de testament, les biens meubles et immeubles se parta-
gent par égales parts entre les enfants, sans distinction de sexe. En fait,
les pères de famille qui ont des terres étendues en abandonnent à leurs
fils certaines parties pour les établir. Quant à leurs filles, ils leur font
en les mariant des cadeaux mobiliers, ou leur donnent même une dot
proportionnée à leur fortune, mais généralement inférieure à la part de
leurs fils. Dans les familles pauvres, et c'était le cas de la femme de F***,
elles ne reçoivent à peu près rien.
Les pères de famille n'hésitent pas à démembrer leurs domaines pour
établir leurs enfants autour d'eux, et c'est, avec le flot continu d'immi-
grants venant de l'Est, le moyen par lequel le comté de Callahan se
peuple rapidement. Toutefois, grâce à un intelligent usage du testament,
les domaines ne se morcellent pas au-dessous du point où ils ne four-
niraient plus un emploi suffisant à l'activité d'une famille et où une juste
proportion entre la pâture et la culture, selon les conditions climatéri-
ques du pays, serait rompue. En fait, il n'y a pas dans le comté de farm
inférieure à un quartde section, 160 acres (64 hectares). Dans le Texas,
comme dans tous les Étals voisins qui sont au même degré d'avance-
ment économique, on établit la valeur de la terre en multipliant par
10 le revenu net que l'on en pourrait obtenir, année moyenne , en la
louant à un renier. Dans ces conditions, celui des héritiers qui se
charge d'un domaine moyennant des soultes à payer à ses cohéritiers,
au taux légal de 8 ^ (aujourd'hui de 6 %), peut toujours facilement
s'acquitter de ces charges.
La famille F***, étant très laborieuse et constituant régulièrement des
épargnes, ne se préoccupe pas du bénéfice qu'elle pourrait éventuelle-
ment tirer des fiomestead exemption laivs. Mais cette garantie est très
appréciée par d'autres familles de même condition, moins laborieuses ou
moins favorisées par les circonstances (§ 19).
122 N" 7o. — MÉTAYKR I»E LOUEST DU TEXAS.
MOYENS D'EXISTENCE DE LA FAMILLE.
§ •!•
PROPRIÉTÉS.
(M(il)ilier et vêtoniciils non compris.)
Immeubles : formant un quart de section, soit 16(3 acres (04 hectares),
sis à 2 milles (3.218™) à l'ouest du domaine d'Annadale sur lequel
réside momentanément la famille 2.400 S (I2.'t32'00).
r Habitation. — Maison en hois comproiiant <1eu\ pitMCS, 7.'i S (388' 50); — i-lablcs ot
«renier, 50 s ("2:i!»'00). — Total, 12?i S (G47'50).
Immeubles ruraux, — (iO acres (24 lieclares) de terres défrichées, 1.-250 $ ((i.'é"5'00) ; - 100
acres en pAlure, 800 $ (4.144'00) ; — clôtures en lil de fer avec pointes re|>osant sur des pi-
quets de cliène. -2-2.'i S (1.1G.j'50). — Total, 2.275 $ (11.784'50).
Argent : la famille n'a pas de compte en banque et son fonds de
roulement ne dépasse pas 22 S (113'9G).
Animaux domestiques entretenus toute l'année. . . 345 S (1.787' 10).
1 paire de poulinières, 120 S (6-21'(iO); — 1 poulinière forte, 100 $(518'00); — 1 paire de
jeunes mules de is mois, 100 s (5I8'00); — 1 vache laitière, 15 $ (77'70)-, — 20 poules à î>0
cents (2'.'i!>), 10 $ (51'80). - Total, 345 S (1.787' 10.)
Matériel spéc^ial des travaux et industries î)l S, 55 (474^23).
1" Pour l'exploitation du do)naine propre de la famille (actuellement réserve à des en-
treprises spéciales). — 1 waKon monté sur 4 roues, 30 $ (15,5' 40); — 1 charrue, 30 S
( 55' 40); — harnais, en très mauvais état, 2 S(10'3G); — 1 petite voiture à 2 roues (jardi-
nière), 15 S (77'7o); — 1 houe, 75 cents (3' 8!») ; — 1 hache, 75 cents (.3' 88). — Total, 7« $, 50
(400' 03).
â" Outils de charpentier. — Équerre, marteau, scie, etc.. 3 S (15'54).
3" Pour Vexidoitation de la vache laitière. — 1 seau à traire, en fer-hianc, 40 cents
(2' 07) ; — 1 baratte à faire le beurre, 1 S, 50 (7' 77). — Total, I $, 00 (!»'84).
^" Pour le blanchissage du linge et la confection des vêtements. — 1 machine à coudre,
achetée d'occasion dans la présente année, 7 S (.36'2G);— 1 petit baquet en bois, 00 cents
(2'5!>); — i vase en fer-blanc pour chautTer l'eau sur le poêle, 25 cents (l'30); — 2 fers à re-
passer, 40 cents (2'07). — Total, 8 $, 15 (42' 22).
Valeur totale des propriétés 2.858 S, 55 (14.807 '29).
^ 7.
subventions.
Les conditions économiques, dans lesquelles s'accomplit l'occupation
des territoires nouveaux à l'Ouest, ne comportent pas la constitution
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 123
de biens communaux, forêts et pâturages, réservés pour l'usage col-
lectif des habitants. Le&commons, qui existaient dans quelques colonies
de lEsl, ont, dès la seconde moitié du dix-huitième siècle ou au plus
tard au commencement de celui-ci, été partagés entre les ayants-droit
ou vendus à leur profit (1). L'accès à la propriété foncière a été et reste
encore si largement ouvert à tout homme laborieux; les lois sur les
exemptions de saisie du foyer et de la terre nécessaire à l'entretien de
la famille assurent si bien le maintien des farmers sur le sol, que
toute espèce de bien communal ne serait, dans l'état actuel des choses,
qu'une excitation à la paresse. Étant données les mœurs publiques, il
serait gaspillé. Les Américains apprécient hautement un régime qui
fait que chaque propriétaire est maître absolu sur sa terre, ainsi que
les avantages du domaine aggloméré, et notamment l'absence de toutes
les servitudes déterre à terre, qui constituent dans les campagnes eu-
ropéennes des rapports souvent si compliqués.
Les seules subventions réelles existant dans le pays sont celles ré-
sultant de la gratuité de l'instruction publique. L'État du Texas a dé-
pensé, en 1890-91, 4 S, 50 (23^ 31) par tête d'enfant fréquentant l'école
(§ 3). Cela constitue une subvention considérable pour les familles
pauvres et nombreuses. F*** ne paye en fait que 1 $, 50 {ini) pour la
taxe d'État. Ses deux filles reçoivent une instruction qui coûte à l'État
9 $ (46'G2). A un certain moment, il aura quatre enfants à l'école en
même temps : il recevra alors 18 $ (93*' 24) de l'État, auquel il paiera
seulement 1 S, 50 (7^77), peut-être 2 S (10''3G) de taxe scolaire. On
s'explique donc que les farmers de la catégorie de F*** poussent sys-
tématiquement au développement du système de l'instruction publique
par l'État : extension du terme scolaire, allocations gratuites de livres,
fût-ce au prix de l'établissement d'une taxe spéciale de comté. La
résistance viendrait plutôt des grands propriétaires et de la population
de cowboys, généralement célibataire, qui vit sur les ranchs : elle s'oppose
autant que possible à l'élévation des taxes et à la complication des
rouages du gouvernement local. C'est là le fonds des petites luttes élec-
torales locales, luttes d'ailleurs exemptes de passion dans le comté de
Callahan. Cette opposition de vues chez les divers membres de la
communauté reste à l'état latent et ne se manifeste pas ostensible-
ment.
Il n'y a pas dans le comté de système de public charities. Le poor-
(1) V. notre étude sur VHistoire de la propriété foncière dans les colonies anglaises
d'Amérique, dans la Réforme sociale des 1"' janvier 1887 et !"■ janvier 1888.
124 N" 75. — MÉTAYER DE l'OUEST DU TEXAS.
house qui doit exister au chef-lieu (§ 19) n'a qu'une existence no-
minale. Il n'y a point de pauvres proprement dits. L'aide des voisins en
cas de maladie soulage les calamités exceptionnelles et imméritées.
Une veuve s'étant trouvée sans ressources après la mort de son mari,
ses voisins ont, pendant deux, ans, cultivé sa terre. F*** a pris sa part
de cette charitable assistance.
Les mœurs générales assurent aux membres les moins fortunés de
la communauté des avantages qui peuvent être rapprochés des sub-
ventions; telle est l'hospitalité fort large que les farmers donnent à
leurs voisins : les gens embarrassés et en quête de travail y trouvent
une ressource momentanée; telle est encore la pâture allouée gratui
tement au cheval de l'ouvrier agricole loué. L'usage autorise à
faire pâturer librement sur les terres non encloses, ainsi qu'à couper
du bois sur les terres à bois qui sont dans la môme condition. C'est
le cas des terres détenues par des personnes qui spéculent uniquement
sur la plus-value que les progrès du peuplement doivent nécessaire-
ment leur donner. Toutefois cet état de choses disparaît rapidement,
et déjà, depuis que les faits de cette monographie ont été observés,
tous les bois existant dans le comté ont été clôturés.
Certains avantages attribués à F*** par le propriétaire du domaine
dont il a cultivé les terres cette année, et qui sont portés dans le bud-
get des recettes au chapitre des subventions (droit de pâture et de
pêche, bois de chauffage, semences, laitage, etc.), n'ont pas en réalité
ce caractère : ils sont pour lui le résultat de stipulations avantageuses
dans un contrat, et ncwi le fait d'une libéralité du propriétaire ni de
coutumes locales de patronage.
Le patronage est, non seulement étranger aux mœurs des Améri-
cains, mais il serait absolument antipathique à leurs idées, si quelqu'un
s'avisait de le préconiser.
§ 8.
THAVALX ET INDUSTRIES.
Les travaux et industries de la famille ont pour objet : 1" la culture
des 180 acres (72 hectares) do terre louées en métayage par le pro-
priétaire du domaine d'Annadale, et du jardin qui y est annexé;
2° l'élevage de veaux et poulains fdurnis par 1 vache et 3 poulinières,
et la fabrication du beurre; ."1" et 4" l'exploitation de 20 poules et de
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 123
A porcs; 5° rexploitation, sur la terre du propriétaire, en vertu d'un
contrat spécial, de 3 acres (1 hectare, 20 ares) en millet fourrager;
G" l'exploitation sur son propre domaine de 7 acres (2 hectares, 80 ares)
en coton; 7" la confection des vêtements et le blanchissage du
linge; 8° enfin, la famille F*** s'est chargée à forfait, moyennant
8 S (41^44) par mois, de la nourriture et du blanchissage du proprié-
taire d'Annadale qui est célibataire, ainsi que des hôtes qu'il a reçus
et des journaliers qu'il a employés.
Il n'y a dans le pays aucune industrie domestique de filage, de tis-
sage, ni de fabrication d'instruments. Même dans l'Est des États-
Unis, depuis quarante ans, toutes ces industries domestiques ont dis-
paru. La mère de famille fabrique seulement un savon grossier avec
la graisse des porcs élevés sur l'exploitation.
Travaux du chef de famille. — Ils ont cette année pour principal
objet la culture des terres que lui a louées le propriétaire du domaine
d'Annadale, et l'exploitation du jardin et de la basse-cour. On compte
de ce chef un total de 229 journées. La culture de coton entreprise
à son compte a pris 26 journées; une culture de fourrage entreprise
à moitié fruits sur la terre du propriétaire, en vertu d'un contrat posté-
rieur, a pris 3 journées; la vente des produits de lâchasse a enfin
absorbé 1 journée. Quant à la chasse et à la pêche elles-mêmes, elles
ont eu lieu à temps perdu et doivent être considérées comme des ré-
créations. La recette portée de cechef au budget des recettes n'est vrai-
semblablement pas de nature à se renouveler. Les soins donnés à
l'élevage des poulains figurent dans le compte des salaires pour
18 journées. Mais, en fait, ces soins se répartissent sur un très grand
nombre d'heures prélevées sur d'autres travaux, et tous les éleveurs
savent que ce travail a des charmes qui ne permettent pas de le
comparer aux labeurs de la culture ou des arts mécanicjues. F*** a
trouvé une source de profits en faisant un certain nombre de journées
(15) pour le compte du propriétaire; 3 journées ont été consacrées à
l'acquittement des charges locales (entretien des chemins) , une autre
à l'assistance d'une voisine veuve. On arrive ainsi à un total de
296 journées de travail. Ce chiffre élevé est possible grâce à la beauté
du climat qui permet de travailler toute l'année.
Aux époques des grands travaux, F*** n'a pas pu y suffire seul. Il
a dû se procurer 250 journées de travail supplémentaires, soit en les
payant, soit en rendant des journées en nature. Ces journaliers ont été
nourris à la table de famille.
126 N" 75. — MÉTAYER DE LOUEST DU TEXAS.
Travaux de la femme. — Le soin de ses enfants et de son ménage,
la préparation journalière des repas, qui comprend, deux fois par jour,
la cuisson du pain, absorbent tous ses instants. Elle ne quitte jamais sa
maison. Le blanchissage, eu égard à la petite quantité de linge pos-
sédée par la famille, n'est pas une occupation considérable. L'usage
est de repasser soigneusement tout le linge, surtout les robes de toile
de coton de la femme et de ses filles; cette seconde opération entraîne
plus de travail que la première. Dans ses moments perdus, elle con-
fectionne avec beaucoup d'habileté ses vêtements, ceux de ses enfants
et une partie de ceux de son mari.
Cette industrie n'est exercée que sur une petite échelle; car, en étu-
diant les détails de la monographie, on sera frappé de l'absence pres-
que complète de linge de maison et de la très petite (juantité de linge
de corps.
L'ordre parfait de la femme F***, son application à ses devoirs et sa
bonne entente du ménage, sont la principale cause de l'élévation gra-
duelle de cette famille par l'épargne. La femme F*** ne s'occupe ja-
mais des travaux agricoles, si ce n'est pendant quelques jours pour
aider à ramasser la récolte de coton. Elle soigne cependant la vo-
laille, et son travail est ainsi exclusivement la source d'un des articles
du budget des recettes.
Les femmes ne se louant pas à la journée en Amérique, leur travail
n'est guère susceptible d'une évaluation monétaire. Néanmoins, en
prenant pour base les prix alloués couramment pour le blanchissage
ou la confection des vêtements, quand ces travaux sont exécutés à
l'entreprise, on a pu fixer à 50 cents {±^ 50) la valeur de la journée de
la femme : ce chiffre est la moitié de celui de la journée d'un homme.
Travaux des deux jeunes filles et de l'aîné des garçons. — L'aînée des
filles, Laura, aide sa mère dans les soins du ménage et dans -l'élevage
de la volaille. Elle garde presque constamment son plus jeune frère, le
petit Henry. Les autres enfants sont encore trop jeunes pour se livrer
à aucun travail. Néanmoins, ils ont aidé leurs parents à recueillir la
récolte de colon faite sur leur domaine à leur compte exclusif.
Les gousses de coton se recueillent au fur et à mesure qu'elles mû-
rissent, depuis le commencement de septembre jusqu'à la fin d'octo-
bre. C'est un travail minutieux mais non fatigant, auquel les femmes
et les enfants sont éminemment propres. On le donne à prix fait à rai-
son de 75 cents (.'i'89) les 100 livres, ce qui est une très lourde charge
pour le propriétaire qui ne travaille pas de ses mains. Dans presque
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 127
toute l'Union américaine, le colon est aujourd'hui cultivé par les di-
verses combinaisons du colonat partiaire, de manière à rejeter cette
charge sur le cultivateur qui y emploieses jeunes enfants. Le proprié-
taire n'a que le tiers ou le quart de la récolte.
Ce résultat ressort très bien du compte de l'exploitation de coton
faite par F*** sur les 7 acres (2 hectares) qu'il a cultivés ainsi. Le
ramassage de coton est évalué, conformément au prix courant, à
33 S, 75 (174'' 83). Il y a employé personnellement 10 journées à di-
riger ses jeunes enfants. Il reste donc à l'actif de ceux-ci un gain de
23 8,75 (123^03).
C'est une dépense purement fictive, puisqu'ils n'auraient pu s'occu-
per à rien d'autre : au lieu de porter cette somme au chapitre des re-
cettes provenant du travail des enfants, on eût pu l'ajouter au bé-
néfice résultant de cette culture. Le bénéfice, au lieu d'être de 26 S, 95
(139fG0), serait porté à 50 S, 70 (202^63). Ce serait plus conforme à
la réalité des choses et montrerait comment la culture du coton est,
dans cette région, le moyen par lequel des familles pauvres peuvent
le plus rapidement se constituer une épargne.
MODE D'EXISTENCE DE LA FAMILLE.
§9-
ALIMENTS ET REPAS.
Été comme hiver, la famille fait trois repas par jour : le breakfast
une demi-heure après le lever du soleil, \edinner à midi, lesupper après
le coucher du soleil. La composition de ces trois repas est la même et
leur importance est égale.
Chaque repas se compose : 1 ° de pain , sous la forme de biscuits chauds,
c'est-à-dire de farine pétrie dans de la graisse et cuite légèrement sans
levain ; quelquefois cette préparation est remplacée par une autre
qu'on appelle light bread, pain levé avec du ferment qui se rappro-
che davantage du pain français, ou même par des biscuits sucrés; ces
sortes de pains sont faits avec de la farine de première qualité; — 2" de
lard frit dans sagraisse.il est remplacé, pendant trois ou quatre mois
128 N" 7o, — MÉTAYER DE l'OUEST DU TEXAS.
d'hiver, par de la viande fraîche de porc, de veau ou de bœuf. La fa-
mille élève quatre porcs par an, qui sont abattus successivement pendant
l'hiver et sont consommés comme viande fraîche ou salée. Elle abat
aussi quelques veaux. Pendant les mois d'hiver, la viande se conserve
facilement moyennant des précautions. Néanmoins, on ne pourrait
conserver gelés pendant plusieurs mois des animaux comme on le
fait dans le Canada ou les États du Nord. Quand une personne abat un
bœuf, elle avertit ses voisins et on se le partage par quartiers. Ceux qui
en prennent un ne le payent pas en argent, mais, lorsqu'eux-mémes
tuent un bœuf, ils rendent en nature l'équivalent de ce quartier.
— 3" Au lard frit ou à la viande s'ajoutent, soit du riz bouilli, soit des
pommes de terre ou des légumes, pois, haricots, suivant la saison. —
4" Environ quarante fois par an, quand la famille reçoit des parents, ou
bien le dimanche, elle tue un poulet, — 5° Assez fréquemment la femme
fait un gâteau (pie) avec de la farine et des raisins secs. Il y a géné-
ralement sur la table du beurre légèrement salé et de la mélasse,
quelquefois des confitures, ou des conserves de concombres dans du
vinaigre, préparées par la femme.
Le lait écrémé el le café sucré forment la boisson habituelle; ra-
rement on a recours au thé. La famille ne consomme de boissons spi-
ritueuses ni chez elle, ni au dehors.
Le bas prix du sucre engage la famille à en consommer sous des
formes diverses une assez grande quantité.
Il n'y a jamais de dîners de famille ou de voisins proprement dits;
mais voisins et parents, quand ils se tiouvent à l'heure des repas,
sont toujours engagés à y prendre part, et l'ordinaire est, si le temps
ne fait pas défaut, complété par quelques mets ajoutés. Les repas du
dimanche sont aussi un peu plus succulents.
La nourriture est saine et bien préparée. Chaque membre de la
famille mange largement à son appétit; les ïexiens sont d'ailleurs
fort sobres et ne sont pas de gros mangeurs.
La femme ainsi que les enfants prennent leur repas assis avec les
hommes; mais, comme, la plupart du temps, elle est occupée à les
servir, la mère achève seule.
Aucun alimentn'est consommé en dehors delà famille. Quand F*** va
travailler à une certaine dislance, il emporte sa nourriture préparée à
ravance.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 129
g iO.
HABITATION, MOBILIER ET VETEMENTS.
Les habitations du pays sont presque toutes en bois , et notam-
ment celle que possède F*** sur son domaine. Par exception, la mai-
son d'Annadale est en pierres, ce qui assure plus de fraîcheur en été
et plus de chaleur en hiver; les trois pièces dont la jouissance est
abandonnée à la famille, en vertu de son bail de métayage, sont
vastes, élevées de plafond et largement aérées. L'une est la chambre
à coucher du père et de la mère et des plus jeunes enfants; il s'y
trouve une cheminée, mais l'on a rarement besoin d'y faire du feu.
Dans la seconde, qui sert de salle à manger, se trouvent deux grands
lits et un petit lit d'enfant. C'est là que couchent l'aïeule et les jeunes
filles. La troisième pièce sert exclusivement de cuisine ; le poêle est
alimenté avec du bois fourni par le domaine. Il n'y a qu'un rez-de-
chaussée que des vérandas protègent contre l'ardeur du soleil en été.
La maison est régulièrement orientée, conformément à l'usage du
pays, en sorte que l'ombre indique toujours au moins l'heure de
midi.
Meubles : le mobilier, ainsi que le linge de ménage et les vête-
ments, est extrêmement simple. C'est un trait général du pays : la po-
pulation, par suite des conditions cliniatériques analogues, se rap-
proche, sous ce rapport, de celles du midi de l'Espagne et de l'Italie.
La famille F*** met d'ailleurs sa principale ambition à achever les
versements qu'elle doit opérer sur le prix d'acquisition de sa terre,
à en acheter une seconde et à se constituer un capital d'exploita-
tion 45 S, 05 (23Bf 47)
1" Lils de la famille. — 2 lits montés, bois de lit, matelas et oreillers, 3 $ (15'34); —
1 lit (l'enfant, 1 $ (5' 18); — 1 bols de lit, 1 $(5'18);— 1 berceau de bois, iS (j' 18); — 6 cou-
vertures en colon piqué, faites par la femme, à 1 $, 50 ("'"7), ensemble, 9 $ {W 6'2). — Total,
15 $ (77f70).
2" Mobilier des chambres et de la cuisine. — 2 malles chapeliéres, 8 S (41' 4i); — 1 table
à manger, 50 cents (2^59); —2 petites tables, 50 cents (2^59); — 1 pendule, IG $ (8-2' 88); —
5 chaises, 1 $, 25 (G' 48). —Total, 2G $, 25 (135'98).
3» Livres, gravures et objets de piété. — l bible, 1 $ (5' 18); — livres scolaires des en-
fants, 3 $ (15^54); — 4 images encadrées, 40 cents (2f07). — Total, 4 $.'tO (22^79).
Ustensiles : réduits, comme le mobilier, au strict néces-
saire 1 1 S, 25 (58' 28)
130 n" 75. — MÉTA\ER DE l'OUEST DU TEXAS.
i" Servant à la prrparalion ou à la consommation des alimpnts. — 4 pots en fer blanc
2 S (KKSO) ; — 6 assiettes en faïence, '» verres, <; tasses en faïence, 6 couteaux en fer, G four-
chettes en fer, 5 $ (2?/ 90); — 1 sucrier et 1 pot à lard, 25 cents (l'30).— Total, 7 d, 25(3-'5<i).
2° Employés au chauffage, à l'éclairage et au nettoyage. — i vieux poêle, 2 3 (10' 36); —
2 lampes à pétrole, 1 S (5^18). — i balai, 25 cents (l'aO). — Total, 3 $, -23 (WS't).
3» Objets de toilette. — 2 brosses, 2 peignes et i cuvette pour la femme, 75 cents (3^88).
Armes : pour l'usage personnel du chef de famille. ... 8 $ (4l'44)
i revolver, 8 § (41"t4).
Linge de ménage : peu abondant et composé exclusivement d'objets
en colon 6 S (31^08)
4 paires de draps de coton, 3 S (15' 34); — 2 nappes et 4 serviettes neuves, 2 S (10' 30); —
2 nappes et 4 vieilles serviettes, 1 $ (5'18). — Total, 6 $ (31'08).
VÊTEMENTS : réduils au strict nécessaire 34 S, 93 (284'64)
Vêtements du cuef de famhxe [19 S, 85 (i02'82)].
1" Pour le dimanche. — i veste en drap usée, i S (5'18); — 1 veste d'alpaga, 50 cents
(2'59); — 1 gilet, 1 S (5' 18) : —1 pantalon i|ui dure 2 ans, 3 $(15'54); — 2 chemises de coton-
nade confectionnées |>ar la femme, 1 $ (5' 18); —2 mouchoirs de couleur, 20 cents (1 '03);
— 1 chapeau de feutre, 3 S (15'54); — 1 paire de bottes qui ne dure <|u'un an, 3$ (15'54).
— Total, 12 s, 70 {(J5'78).
2° Pour le travail. — Vieux effets du dimanche, vestes, gilets et pantalons (mémoire); —
2 chemises de cotonnade faites par la femme et usées, 50 cents (2' 59) ; — 4 caleçons, 1 $, 20
(C'21); — C paires de chaussettes, 60 cents (3' 11); — 1 vieux chapeau de feutre, .50 cents
(2'59); — 2 chapeaux de paille, Mi cents (l'82) ; — 1 paire de bottes, 3 S (15' 54); — 1 para-
pluie, 1 S (3' 18). — Total, 7 S, 15 (3T0'.).
VÊTEMENTS DE LA FEMME [23 S, 10 (119^66)].
4 robes d'indienne, à 1 s, 50(7'77) chacune, 6 $ (31' 08) ;— 4 chemises. 1$(5'18);— 4 panta-
lons, 2 s (I0'36); — « paires de bas, 60 cents (3'11) ; — 1 chapeau, 4 $ (20'72) ; — 1 chapeau
défraîchi, 1 S (5'18); — 1 capeline de toile, 50 cents (2' 59); —2 paires de bottines à boutons,
4 $ (20'72) ; — i broche, 3 3 (i:i'54); — 1 bague, 1 S (5'18). — Total, 23 S, 10 (119'6C).
Vêtements de la fille aînée [6 S (31*08)].
1 robe faite par la mère, i S, .W (7'77); — 1 vieille robe, 50 cents (2'î>8); — 2 chemises
faites par la mère, 1 S (5'18) ; — 1 chapeau, 50 cents (2' 59) ; — 1 capeline, 25 cents (l'30); —
1 paire de bottines, 2 $ (10'36); — 1 collier de verroterie, 2îi cents (l'30). — Total, 6 $
(31' 08).
Vêtements de la deuxième fille [6 S (31 '08)].
Ils sont absolument pareils à ceux de la fille aince, 6 s (;il'C8;.
\ ÊTEMiiNTs DES GAR(;oNS (arrangés par la mère dans les vieux vêtements de
la famille; sans valeur).
Valeur totale du mobilier et des vêtements. . 125 S, 83 (r>31'91)
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 131
§ il.
RÉCRÉATIONS.
Les farmers du comté de Callahan n'ont aucune réjouissance pu-
blique, civile ou religieuse. La fête du 4 juillet, anniversaire de l'Indé-
pendance américaine, et le Thanksgiving day, en octobre, ne sont cé-
lébrés que dans les villes. Ces fêtes ne semblent d'ailleurs pas offrir le
même intérêt pour les habitants du Texas que pour ceux des vieux
États de l'Est.
Les exercices du culte ne sont pour la famille qu'une distraction in-
termittente, car il n'y a pas de service régulier le dimanche. Ce jour-là,
le repos le plus absolu est observé ; on reçoit ou l'on fait seulement
quelques visites de voisinage.
La principale distraction de F*** est la fréquentation des religions
meetings et des camp-meetings ainsi que de la loge de la Farmefs Alliance.
Il chique en travaillant, ce qui est pour lui la cause d'une dépense re-
lativement assez forte; mais il ne fume pas. Sans faire partie d'une so-
ciété de tempérance, ni être opposé d'une manière absolue à l'usage
modéré des boissons alcooliques, il n'en use jamais pour son compte.
Pendant son travail, il aime à être entouré de ses jeunes enfants, qui
prennent ainsi peu à peu le goût des travaux agricoles. Le chien que
la famille possède peut aussi être considéré comme une récréation.
Le compte de ses journées de travail ressort à 296 par an. Indépen-
damment des dimanches, il reste 17 jours occupés par la pluie ou
que F*** consacre à des courses dans le voisinage, à l'exercice de ses
droits de citoyen, au soin de ses intérêts, notamment à la préparation
de certains travaux dans sa propriété, dont il recueillera le profit
l'année prochaine (1).
La femme F***, contrairement à l'usage des campagnardes d'origine
(1) Il n'a pas été tenu compte de ces travaux dans le relevé des journées de F***, parce
qu'on s'est, dans cette monographie, attaché exclusivement aux entreprises de l'année agri-
cole 1890-1891, dont le dernier terme est la récolte du coton faite en septembre et octobre
1891
Les jours dont disi><)se librement !•'*** sont en fait jilus nombreux; car le temps attribué
aux soins donnes aux animaux (en tout 18 journées) est en grande partie prélevé sur des
journées consacrées à d'autres travaux. D'autre part, on n'a pas relevé les journées (|u'il a
faites pour rendre à des voisins, à titre d'échange, <|uelques-unes des journées que ceux-
ci avaient faites sur sa ferme à réi)oque des grands travaux.
132 N" 75. — MÉTAYER DE L'OLEST DU TEXAS.
texienne, ne chique pas. Le soin de son ménage etde ses enfants lui per-
met très rarement d'assister à des meetings religieux, malgré le plaisir
qu'elle y éprouverait. Sa seule distraction consiste à recevoir les visites
de sa mère ou de ses parents, très rarement à aller voir sa sœur établie
dans le voisinage. Ainsi qu'on l'a dit, la célébration dans l'étang voisin
des baptêmes baptistes est pour la famille l'occasion d'une sorte de ré-
ception, qui se renouvelle une ou deux fois tout au plus par an.
Les frères et sœurs sont généralement affectionnés les uns aux autres;
les relations de parenté sont entretenues autant que le permettent la
dispersion et la mobilité des familles américaines.
Un plaisir très apprécié par les familles de farmfrs provient des réu-
nions dansantes qui ont lieu dans les soirées d'hiver. Une famille fait
connaître qu'on dansera chez elle tel soir, sans d'ailleurs faire d'invita
lions formelles. Vient qui veut; la réunion est toujours nombreuse et
est composée principalement de jeunes gens et de jeunes filles; les
femmes mariées et les mères de famille n'y vont pas. On danse
des valses dans une chambre, au son de violons loués dans le
pays; on commence à huit heures et l'on se sépare assez tard dans la
nuit. Ces réunions sont, avec les religiom meetings, l'occasion de se ren-
contrer et préparent ainsi la conclusion des mariages; car ce sont les
intéressés eux-mêmes et non leurs parents qui , dans les campagnes du
Texas comme dans le reste des Etats-Unis', ont toute l'initiative en pa-
reille matière. Malheureusement des querelles sérieuses se produisent
quelquefois dans ces réunions sous l'intluence du wisky que les jeunes
gens ont apporté en cachette, à la suite dequelques allusions indiscrètes
à des relations intimes, qui existent, on l'a dit plus haut (§ 3), malgré
le grand soin avec lequel on les cache et la moralité extérieure géné-
rale du pays.
La famille F*** ne prend pas part, en ce moment, ù ces réunions, les
femmes mariées ne s'y rendant jamais, et le mari étant trop occupé
pour y aller comme simple spectateur, ainsi que le font beaucoup de
pères de famille de son âge. Mais, quand la fille aînée aura atteint
quinze ans, ta famille est disposée à avoir chez elle des réunions de ce
genre. Aucun rafraîchissement n'étant offert, ces réunions sont très
peu coûteuses pour la famille qui en prend l'initiative.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 133
HISTOIRE DE LA FAMILLE
§ 12.
PHASES PRINCIPALES DE L'eXISTENCE.
F**' est né dans Je Tennessee d'une famille de petits cultivateurs, de
ceux qu'on appelait autrefois les 'petits blancs. Son père était un émi-
gré écossais. Ses parents sont morts l'un et Tautre. A dix-huit ans, il
alla dans le comté d'Ellis.au sud de Dallas, à 200 milles (325"'", 862j de
lalocaliléoù il est établi actuellement. C'était alors le point extrême at-
teint à l'Ouest par la colonisation. Il travailla comme journalier chez
un de ses oncles qui l'avait précédé dans ce pays. Au bout de deux ans,
il fut à même d'acheier un Iiuilième de seclion <S0 acres, 32 hectares), à
raison de 2 S (10^ 36) l'acre (40 ares), et entreprit de le défricher. 11 s'y
construisit lui-même une maison de bois; car il est habile charpentier
en même temps que cultivateur. 11 se maria l'an d'après avec une jeune
fille de dix-neuf ans, L. B***, dont les parents, originaires de la Géorgie,
étaient venus, eux aussi, s'établir dans le comté d'Ellis. C'est là qu'ha-
bitent encore sa belle-mère, restée veuve, et plusieurs de ses frères et
sœurs. Sa femme ne lui apportait en dot que sa vertu et ses remar-
quables qualités de ménagère.
Les jeunes époux travaillèrent courageusement et seraient arrivés
dès lors dans le comté d'Ellis à une situation semblable à celle qu'ils
ont aujourd'hui ; malheureusement ils furent saisis par des fièvres in- -
termittentes. Les frais de médecin les écrasèrent . ils eurent une fois
à payer une noie de docteur de 100 S (olS*^) ; en même temps ils
étaient obligés de faire cultiver leurs champs de coton par des noirs,
en sorte que leurs ressources s'épuisèrent rapidement.
Ils se résolurent alors à quitter ce pays malsain et à aller plus à l'Ouest
où le climat est beaucoup plus salubre. Le comté d'Ellis s'était rapide-
ment peuplé pendant les cinq ans que F*** y avait passé.-. 11 put reven-
dre sa terre à raison de 5 S (25^90) l'acre, et, avec le bénéfice ainsi
réalisé, payer honnêtement toutes ses dettes.
F*** mit sa femme et sa fille Laura, le seul enfant qu'ils eussent
alors, sur un wagon couvert d'une tente en toile et attelé de deux che-
vaux. Avec quelques ustensiles et quelques dollars, c'était toute sa for-
tune. 11 s'achemina à l'Ouest, voyageant à petites journées, s'arrêtant
10
134 N° 75. — MKTAYKR DE l'oLEST Ht; TEXAS.
pour faire cuire ses repas et pailre ses chevaux sur îes lerres iKin en-
closes, et examinant le pays qu'il traversait. Il s'arrêta dans le comté
de Callahan, qui n'était pas encore desservi par le Texas and Paci/ic
liait lioad, et acheta un quart de section, 160 acres U)i hectares) de terre
de bonne qualité, sans défrichement ni clôture, à raison de 3 S (15^54)
l'acre. L'Étal ou les chemins de fer qui vendent les terres le font moyen-
nant un premier paiement d'un dixième comptant et neuf autres paie-
ments d'un dixième échelonnés en neufannées et portant intérêt à 10 % .
Vue année de retard est tolérée ; après ce délai, l'expropriation a lieu et,
dans ce cas naturellement, le privilège de r//o>/?es7mc? ne s'applique pas.
F"* eut donc à faire, sur une somme totale de 480 S (2.48(5^ 40j, un pre-
mier paiement de 48 S (248^64) porté à 50 S (259') par les frais d'acte;
la seconde année, il eut à payer 48 S (248f()4) de principal, plus 43 S, 20
(223f 78) d'intérêts; la troisième, 48 S (248^64) de principal et 38 S, 40
(198''9i) d'intérêts, et ainsi de suite. L'acquéreur peut toujours payer
par anticipation, mais F*** n'en était pas là. Pour faire face au premier
paiement, il dutvendre ses chevaux, et, commeil n'avait paslesmoyens
de défricher sa terre, il s'engagea comme ouvrier agricole, hired
hand. Il travailla dans ces conditions, à raison de 25 S (129^50) par
mois, chiffre obtenu parce qu'il n'était pas nourri, la femme préférant
le nourrir avec sa famille.
(jràce à son économie, à sa sobriété et à l'aide dévouée de sa femme
dans les soins du ménage, il put, il y a quatre ans, racheter 2 juments
(|ui lui ont depuis lors donné 5 poulains. Il construisit lui-même sur sa
terre une petite maison en bois de deux pièces avec une étable , et la clô-
tura, ce qui représenta une dépense totale de 350 S (1.813^), et il se mit
à défricher peu à peu. Toutes les ressources du ménage ont passé à cette
acquisition et à la consolidation de leur propriété par le paiement
des annuités sur le prix de la terre.
Ainsi s'explique la grande pauvreté du mobilier et des vêtements :
encore faut-il tenir compte de ce que, dans le cours de cette année,
les bénéfices exceptionnels réalisés par la famille lui ont permis de
les améliorer un peu.
Le nuuKjue d'un ca[»ital suffisant d'exploitation a fait trouver à F***
plus avantageux de louer la partie de sa terre défrichée et sa maison
à un voisin pour y faire du coton et du maïs, moyennant une part de
i/4 et de 1/3, et d'aller lui-même s'établir à 2 milles de lu comme
venter sur la farm du domaine d'Annadale. Ayant la disposition d'un
capital d'exploitation très complet et étendant son travail sur une
OBSERVATIONS rRKLIMlNAIRES. 135
surface plu? étendue, il a réalisé dans le cours d'une année des béné-
fices bien supérieurs à ceux qu'il aurait retirés de sa propre farm.
Le matériel d'exploitation dont F*** a eu la jouissance consistait en
6 chevaux de labour valant ensemble 300 S (2.590 f), en 2 char-
rues de 40 S (207^20) chacune, soit 80 S (414^40), en une herse à
disque de 30 S (239'"), en un semoir de 60 S (310^80), en une mois-
sonneuse de 130 S Cî'^f), en un extirpateur de 40 S (207'20), soit au
total un capital de 880 S (4.358'' 40) d'instruments aratoires. Ces
instruments sont trop coûteux pour qu'un petit (armer puisse se les
procurer. La moissonneuse particulièrement dépasse ses moyens. Ceux
qui n'en possèdent pas sont obligés de faire moissonner le blé et l'a-
voine à raison de i S (3^18) l'acre, l'entrepreneur fournissant la ma-
chine, l'huile pour la graisser, les quatre chevaux qui la mettentenmou-
vement, un homme pour la diriger et un conducteur pour les chevaux.
Celui qui la loue nourrit les hommes et les chevaux et fournit la
ficelle pour attacher les gerbes.
Au taux de 12 %^ intérêt usité pour les prêts gagés sur des objets
mobiliers (chatfel mortgage), la jouissance de ce capital aurait coûté
à F*** une somme de 103 S, 60 cents (547^) par an; mais jamais il n'au-
rait pu obtenir, ni d'une banque ni d'un voisin, le prêt d'une somme
aussi considérable relativement.
La récolte de 1891 a été fort bonne, surtout pour le blé et le coton.
Les prix de vente du blé, de l'avoine, du maïs, tels qu'on les trou-
vera dans les comptes annexés, ont été suffisamment rémunérateurs.
Quoique le prix du coton ait été bas, l'abondance de la récolte a laissé
encore un large bénéfice au producteur. Il faut ajouter que le proprié-
taire d'Annadale, récemment établi dans le pays, lui a fait des avan-
tages exceptionnels que l'on verra figurer dans les comptes annexés
comme bénéfices résultant de diverses industries.
A l'expiration de l'année pour laquelle ce contrat a été fait, F*** est
rentré sur sa propre farm, disposant d'une épargne totale de 692 dol-
lars (3.383^), représentée par de l'argent, par la plus-value des ani-
maux domestiques, par un mobilier complété et des approvisionne-
ments abondants (V. Comptes annexés^ L), qui contrastent avec la pé-
nurie dans laquelle il était au début de l'année.
Une faudrait pas croire que toute famille de métayers dans cette partie
du Texas puisse faire chaque année une épargne aussi considérable.
La famille F"*** n'en fera vraisemblablement pas souvent de pareille,
le propriétaire du domaine d'Annadale préférant désormais exploiter
136 N" 7ri. — MÉTAYER DE LOUEST Dl' TEXAS.
lui-même sa lerre; mais c'est un exemple de ce que l'esprit d'entre-
prise permet à une famille de travailleurs laborieux et économes de
réaliser à un moment donné de leur existence, et des circonstances
pareilles se rencontrent dans un pays neuf comme l'Ouest du Texas.
La famille F*** a profilé de celte prospérité pour améliorer son
mobilier dans une certaine mesure (achat d'une machine à coudre, de
2 nappes et de 4 serviettes), pour se donner le luxe de quelques le-
rons d'écriture, pour payer les dettes qu'elle avait dû contracter
comme prix d'achat à crédit de son petit matériel agricole, pour solder
les annuités dues sur sa terre. En outre, F*** vient d'acheter, à raison
de 5 S (25^90) l'acre (40 ares). 50 acres (20 hectares) de terre boisée
dans le voisinage, de manière à obvier à la pénurie de bois dont souf-
frent déjà les propriétaires qui ne disposent pas de grandes étendues.
Il se prépare en outre à agrandir sa maison ainsi que les étables et
les greniers en dépendant, et à creuser un puits sur son domaine.
L'avenir de celte famille est désormais assuré. Son histoire montre
comment, sur un sol neuf, aux productions abondantes, un ménage uni,
laborieux, économe et ayant l'esprit d'entreprise, peut, en parlant de
rien, s'élever sûrement à l'aisance.
MŒURS ET INSTITUTIONS ASSURAXT LE BlE.N-ÈTllE IMIYSIOUE ET MOHAL
DE LA FAMILLE.
La famille F*** a toujours pu envisager l'avenir avec confiance, du.
jour où la santé lui a été rendue.
Cette confiance repose principalement sur l'abondance des richesses
naturelles au milieu desquelles elle vit, sur le prix élevé de la main-
d'œuvre, comparativement aux objets de consommation (alimentation,
mobilier, vêtement) dont une famille frugale peut se contenter; — le
luxe seul est cher aux États-Unis, et, au premier rang du luxe, il faut,
en ce pays, placer les boissons alcooliques, — enfin dans la plus-
value rapide (|ue prennent les terres.
Cette plus-value l'a sauvée de la pénible situation où la maladie-
l'avait jetée lors de son premier établissement dans le comté d'Ellis.
Actuellement, cette ))lus-value sullirait à élever graduellement le
rang de la famille. F*" a refusé celle année de vendre, à raison de
10 S (ol'SO) l'acre (40 ares), les IGO acres (04 hectares) qu'il avait
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 137
achetés à 3 S (lo^oi). Il estime que sa terre vaut, améliorations com-
prises, 15 S (77^70), et il est certain qu'elle atteindra ce prix avant
peu. La plus-value moyenne de la terre est depuis plusieurs années
d'un dollar (548) ou 1 dollar l/;2 (7*77) par acre chaque année.
Quant à ses enfants, quelque nombreux qu'ils puissent être dans la
suite des années, leur établissement n'inspire aucune sollicitude à la
famille. Dès l'âge de dix-sept à dix-huit ans, ses fils pourront, non seu-
lementgagnerleurvie, mais se constituer des épargnes: ils se trouveront
dans des conditions au moins aussi favorables que leurs parents, et,
si la terre est devenue trop chère dans le comté de Callahan, ils iront
plus à l'Ouest, ou plus au Sud, ou plus au Nord, dans les comtés occupés
aujourd'hui seulement par le pâturage et dont Abilène est la capitale.
Aucune obligation de service militaire ne viendra gêner la disposition
des plus fécondes années de leur vie, ni les empêcher de faire des éco-
nomies à l'âge où elles sont le plus faciles.
Quant aux filles, étant donné l'empressement des jeunes gens à
se marier, pourvu qu'elles soient bien douées physiquement et morale-
ment, ce qui est leur cas, elles sont sûres, aux environs de vingt ans,
de pouvoir choisir un bon mari.
Ce sont ces conditions économiques qui avant tout assurent le bien-
être physique et moral de cette famille.
Comme mœurs et institutions, il faut signaler : 1° la moralité remar-
quable du pays, due à la composition homogène de la population et aux
bons éléments qui l'ont formée (§ 17); 2° la sécurité absolue qui règne
dans la campagne : les vols de bestiaux sont à peu près inconnus, et,
comme à l'âge dor, on ne prend pas la peine de fermer les portes des
habitations quand on s'absente momentanément; 3° le développement
de la poste, du télégraphe, des chemins de fer, des banques, qui rend
les affaires faciles et sûres et facilite les relations de famille malgré
les distances.
Les lois du Texas se sont proposé depuis longtemps d'assurer la
stabilité de la classe desformers. C'est cet État qui, en 1839, quand il
était encore une république indépendante, a le premier introduit les
homeslead exemptions. Elles ont été développées depuis et sont inscrites
dans la Constitution, en sorte que les législatures ordinaires ne pour-
raient pas les modifier; il faudrait un vote populaire. En voici le résumé :
Ij/iomestead exemption est un bénéfice attribué, sur la terre ou la
maison où est établie l'habitation , à la femme pendant le mariage et
durant tout son veuvage, ainsi qu'aux enfants mineurs. Vhomestead
138 N" 75. — MKTAVER DE l'OUEST DU TEXAS.
exemption résulte du fait même de la loi; elle n'est subordonnée à
aucune déclaration des époux et ne peut par conséquent être l'objet
d'aucune renonciation comme dans plusieurs autres États de l'Union
américaine. A la campagne, Y homestead exemption embrasse 200 acres
(80 hectares) déterre, sans limitation de valeur, et toutes les construc-
tions, clôtures, améliorations, qui ont pu y être faites. Il peut être d'un
seul tenant ou en plusieurs pièces de terres. Dans les villes et bourgs,
un lot, c'est-à-dire tout un terrain aflecté à l'habitation ou à l'exercice
de l'industrie du propriétaire, est exempt de saisie, jusqu'àconcurrence
d'une valeur de 5.000 S (25.900^;, plus 500 S (2.590') d'exemption
pour les autres biens mobiliers.
En vertu du privilège de V homestead, le bien de famille ne peut être
vendu à l'amiable que du consentement de la femme, et ce consen-
tement doit être donné dans certaines formes déterminées par la loi.
Aucune hypothèque ne peut être opposable à la femme et aux enfants
mineurs, (juand même elle aurait été consentie par la femme. Le bien
de famille ne peut être saisi pour dettes, si ce n'est pour l'acquit des
taxes publiques, du prix d'acquisition ou des matériaux pour l'amélio-
rer; mais, dans ce dernier cas, le contrat d'où résulte la créance doit
avoir été signé par la femme pour lui être opposable.
En cas de mort de l'un des époux, le survivant et les enfants peu-
vent continuer à l'occuper, et il n'est pas partagé pendant tout le
temps de sa vie ou jusqu'à la majorité des enfants. En cas de mort
du mari, la veuve et ses enfants ont droit à être entretenus pendant un
an sur les biens du mari, et, s'il n'existait pas A' homestead spécial, on
peut vendre au comptant les biens laissés par le mari, jusqu'à con-
currence d'une somme de 5.500 S (28.490'j, pour pourvoir à leur
entrelien préférablement aux créanciers.
En outre de ces privilèges de la femme et des enfants mineurs, les
objets suivants sont exempts de saisie : tous les outils agricoles, les
meubles et ustensiles de cuisine, les livres, outils et instruments ser-
vant à l'exercice d'une profession libérale ou d'un métier, 2 jougs de
bœufs, 5 vaches et leurs veaux, 1 wagon, 2 chevaux, 1 voiture [buggy
ou carriage), 20 moutons, 20 porcs, tout le fourrage et les apijrovi-
sionnt' ments destinés à la nourriture de ces animaux, etc.
Les femmes mariées peuvent posséder en leur nom propre, comme
propriété séparée, tous les biens qu'elles avaient avant leur mariage,
ainsi que tous ceux qui i)endant le mariage leur échoient par succes-
sion, legs ou donation. Fja fenune n'est pas tenue sur ses biens au paie-
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 139
ment des dettes de son mari, ni de celles qu'elle pourrait avoir con-
tractées elle-même, à moins (ju'elle ne les ait contractées pour des
dépenses faites sur ses biens, ou pour ses besoins personnels ou ceux
de ses enfants. Elle n'est pas responsable sur son patrimoine de l'en-
dossement qu'elle aurait fait de titres négociables.
En dehors de ces lois, dont du reste F*** n'a jamais eu à invoquer
le bénéfice, on doit signaler, comme institutions assurant le bien-
être de la famille, le faible poids des impôts de l'Etat et du comté.
La taxe totale de l'État ne s'élève pas à plus de 22 cents 1/2 (1' .30) par
100 S (518f) de la valeur assessée des propriétés mobilières et immo-
bilières^ et l'assessement est généralement de la moitié de la valeur
réelle, les assesseurs prenant pour base de leur évaluation ce qu'une
vente forcée produirait (1). Les fai^mers se trouvent, sous ce rapport,
dans une meilleure situation que les habitants des cités incorporées,
dont les common councils électifs se lancent dans des dépenses d'em-
bellissement dont la ville n'a aucun besoin actuel, sous prétexte
d'attirer les étrangers et de donner de la plus-value aux lots bâtis ou
à bâtir. Dans ces cités en formation, la valeur des propriétés passe ré-
gulièrement, sous l'influence delà spéculation, par des alternatives de
hausse et de dépression {boom et krach) également exagérées.
L'absence absolue de droits de mutation proportionnels est parti-
culièrement favorable à la classe des farmers, à qui elle permet de
réaliser facilement les plus-values obtenues sur leurs terres.
Les taxes de l'Etat et du comté portent également sur toutes les
propriétés mobilières et immobilières. La Constitution pose des
maxima à toutes les taxes d'État, de comté, de school district, de
Road district (§ 19); ces maxima jusqu'à présent ne sont pas atteints.
De plus, la Constitution exempte de toute taxe les meubles et usten-
siles de cuisine jusqu'à concurrence de 250 $ (1.29o0-
Ainsi qu'il a été dit plus haut, sur le total de la taxe d'État, 12 cents 1/2
sont attribués aux écoles locales. L'État du Texas avait pourvu lar-
gement jusqu'ici à toutes ses autres dépenses avec une taxe de 10 cents
(0' 52) par 100 S (518') de la valeur assessée (2).
{\) La silualiiin rmiincii're du Texas est excellenio : au l'"' septembre )8itO, sa dette ne
montait qua i.^M.im § (21. «.'il. 441 'M)), sur lesquels 1.2-iO.G30 $ (G.3-2-2.86V 40) seulement
étaient entre les mains des particuliers. Le reste était dans les caisses de l'État, comme
dotation d'un certain nombre d'institutions imbliques, telles que l'Université, les asiles
pour les orphelins, les aveugles, les sourds et muets, les vétérans.
(2) Dans la session de 18!tl, la législature issue du mouvement de la Farmer'.s Aih'ance
(§ 18) a porté la taxe pour les dépenses générales de l'État à 10 cents 2/3 par 100 S de va-
leur de la i)ropricté pour l'annce 18!il, et à 1'» cents pour les anm-cs suivantes.
140
N" 75. — MÉTAYER DE LOUEST DU TEXAS.
^ 14. — BCDGKT DES RECKTTKS DK L'AWKK.
SOUKCES DES RECETTES.
SECTION 1".
PROPRIÉTÉS POSSÉDÉES PAR LA FAMILLE.
Akt. 1'
PltOPItlÉTKS IMMODIMKRF.S.
Domaine, formant un quarl de section, loue à un métayer, sauf 7 acres
(!;■ 10, H ) et comprenant (S •>) :
i maison d'Iiahitation , avec élables et greniers, 125 $ (C4T50);
— KK) acres ((i't liect. ) de terres, dont GO acres défrichés, avec leurs clô-
tures, '2.-275 S ( ll,784':iO).
Akt. 2. — Valeurs morii.ikhes.
Ammai X DOMESTIQUES entretenus toute l'année {'j (i) :
1 vache, 3 juments poulinières et 2 mules ( ■", G el 1", 16,C).
20 poules CJG et '^1G,D).
Mateiuei. spécial des travaux et industries :
Servant à des entreprises spéciales (3 IG, H).
— aux. réparations du mobilier, etc (S •')
— à l'exploitation de la vache laitière ('^ lu, K).
— au blanchissage et à la confection des vête-
ments C' « etS 16, K ).
Argent :
Fonds de roulement employé i>riiicipalement pour l'achat des jeunes
porcs, aux frais de saillie, etc
Art. 3. — Droit aux allocations de sociétés d'assurances mutuelles.
(La famille ne fait partie d'aucune société de ce genre. ).
Valecii totale des propriétés
KVALUATIOX
API'UOXIMATIVE
DES SO DUCES
VK EECEÏTES.
VAI.EUn DES l'UliPKlETE.S.
2.40O''0O
3.V; 00
10 CO
78 m
3 00
1 !K)
22 00
12. 432' 00
l.73.'J 30
.■;t 80
40G G3
» 8t
42 22
113 96
SKCTION II.
SUBVEIVTIOIVS REÇUES PAR LA FAMILLE.
AiiT. 1<"^ — Propriétés reçues en usufruit.
Maison d'habitation avec ses dépendances
Art. 2. — Droits d'usace sur les propriétés voisines.
Droit de pâture accordé par le propiiétaire pour la vache laitière, les juments et les élèves sur
des terres non comprises dans la métairie
Droit de pèche accordé par le propriétaire dans les étangs de son domaine
Art. 3.
Allocations d'orjets et de services.
liois de chauffage existant sur le domaine et fourni par le propriétaire
Semences fournies par le propriétaire en vertu du contrat de métayage et qui n'ont pas été pré-
levées sur la récolte
Lait provenant de 2 vaches appartenant au i)ropiiétaire
l'éches et concombres donnes par le métayer du domaine de la famille
N" 75. — MÉTAYER DE l'OUEST DU TEXAS.
$ li. — BUDCfilT DES RECETTES DE L'ANNÉE.
141
RECETTES.
SECTION r°.
REVEIVUS DES PROPRIÉTÉS.
\iiT. i". — Revenus des propisiétés iMMoniLiÈUES.
Pari (le la recolle faite par le métayer {renier) :
1 quart de la récolle de coton : 50 balles (1.000 kilogr.),
vendues à 30 $ (155' 40)
1 tiers de la récolte de mais : 43 busliels ( 1.515 lit.), ven-
lus à 70 cents {3f62) le bushel
ArtT. 2. — Revenus des valeurs mobilièues.
Intérêt (8X) de la valeur de la vache et des juments [% G).
— des 20 poules ('^ G).
Intérêt (8 %)>!& la valeur de ce matériel (S'>)-
(Cette valeur ne porte aucun Intérêt) (§•))•
Intérêt (8 ^) de la valeur de ce matériel ('.;*>)■
- - - ('.;6).
Intérêt (8 0/0) de la partie du fonds de roulement em-
ployée si)écialemcnt aux industries... ^Ki, C et E).
UT. 3. — Allocations DES SOCIÉTÉS d'assurances mutuelles.
(La famille ne jouit d'aucune allocation de ce genre.)..
Totaux des revenus des propriétés
SKCTION II.
PRODUITS DES SLBVE^TIOAS.
lrt. i"'. — Produits des propuiétés reçues en usufruit.
Valeur du loyer de la maison avec ses dépendances....
Art. i. — Produits des droits d'isaoe.
Valeur de la nourriture des animaux (l'.lCC).
Valeur du poisson : 25 livres (ll'-aoO) à 10 cents «/52) la
livre (§ 15, S"" I).
Ai!T. 3. — Orjets et services alloués.
îois de clianlfage consommé dans l'année... (215,S""II).
île : 1-20 bushels (42 hectol., 28) à i»0cents (4'G<i) le bush.
vnine : 100 busli. (35 hcct., 24) à .55 cents (2'8r.) le busli.
Mais : 2 bushels (0 hectol., 70) à 75 cents (3'S8) le bnsli.
:,ait : 730 ijallons (2!» hectol., 20) à 4 cents (O'ai) legallon.
aleur de ces fruits consommés par la famille. (',',15. S"" I).
Totaux des produits des subventions
MONTANT DES KECETTES.
^alf""^ Recettes Valeur
des objets des objets
reçus reçus
en nature. argent. g,| nature.
2(i"'80
0 80
0 15
0 05
30 08
2!) 40
2 50
M 00
14 11
7 18
0 20
2!l 20
1 00
150'' 00
30 10
186 38
f(.S 8!l
47 82
1 30
l'i3 01
138^82
4 14
0 78
3 37
8 70
155 81
180 48
152 2!»
12 !»5
217 50
73 O'J
37 l<t
1 oa
151 2(i
5 18
775' 00
155 02
!)li5 45
.'i8(i 35
217 7i
r, 73
142 N" lo. — MKTAYER DE l'oUEST DU TEXAS.
§ 14. — BUDGET DES RECETTES DE L'ANNÉE {suite).
SOURCES DES RECETTES [suite].
SECTION III.
TBAVALX EXÉCUTÉS PAR LA FAMILLE.
Exploitation de la métairie
TraiisiKirt <Iu blé rt de l'aNoiiK;
Çiiltuic clu jardin
Klcva,i,'«' (.1 salaison des pores
Soins donnés aux juments
Vente des produits de la chasse
Culture <le eoton sur le domaine de la lamille
Culture de fourrage en dehors de la métairie
Travaux faits à la journée au compte du propriétaire
EntFetien des chemins
Culture <le la terre d'une veuve pauvre
Soins donnés aux poules
Préparation du beurre
Confection des vêtements et du linge
Blanchissage
Soins du ménage et des enfants, absorbant tout le temps laisse libre par
les industries spéciales
TllAVAlX DES JEUNES ENFANTS :
Travail et récolte du coton, réparti sur de nombreuses journ<'es
ToTAix des journées de tous les membres de la famille
Ol ANTITK
t)K
TIÎAVVI
KFKF,
Tii;.
Homme.
y
■mm '
Journées.
J(
urn..
210
,
U
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10
»
48
,
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an
»
a
s
ir.
>
3
a
1
8
î4
"
'JO
32
SECTION IV,
INDUSTRIES Ei^lTREPRISES PAR LA FAMILLE
(à son jiropre compte).
Exploitation des champs de la métairie
— du jardin potager
— de 1 vache et de 3 juments \
— de 20 poules
— de t porcs
Entreprise de la nourriture et du blanchissage du propriétaire
Exploilalion de la chasse
Cullure de coton (entreprise sur le domaine propre dv la famille
Culture <le fourrage sur le domaine du propriétaire
Industries entreprises par la femme
N° 75. — MÉTAYElî DE L OUKST DU TEXAS.
§ 14. — BUDGET DES RECETTES DE L'ANNÉE {suite).
143
RECETTES {suite).
MONTANT DE.S RECETTES
En cloll.irs.
En francs.
Valeur
des objets
Recettes
Valeur
des objets
Recettes
SAI.AIEIES JOLHNALIEKS.
SECTION m.
reçus
en nature.
arsent
en nature.
argent.
Homino.
Femme.
S.\LAIBES.
En ilolliirs.
En dollars.
•"00 (ii'18)
, ,
Salaire attribué à ers travau.x (j Itî, A).
27^43
18-2'i57
142 '09
945' 7)
00 (?; 18)
.
— — (§16, A).
0 78
5 22
4 01
-27 Oi
00 (5 18)
> >
— — (§16, B).
10 00
1)
51 80
»
00 (5 18)
» »
- - (§ 16. E).
3 00
»
15 54
•
00 (5 18)
>
_ — (§lti, C).
18 00
»
93 24
•
00 (5 18)
» >
— - (§16, G).
>
1 00
"
5 18
00 (5 18)
u •
- - (316, H).
«
2(i 00
•
134 68
00 (5 18)
> •
— — (S16, J).
»
3 00
»
13 54
00 (5 18)
00 (518)
00 f5 18)
a »
),
15 00
i>
77 70
»
3 00
1 00
15 54
5 18
*
— — (§15. S"" IV).
> n
o^-wfafso)
Salaire attribné à ce travail C '6. D).
4 00
»
20 72
»
> i>
0 50-2 5!t)
— _ (g i(i, K).
1-2 00
I
62 16
"
» n
0 50-2 -i!)
— — (■;, 16, K).
"25 00
»
1-29 .50
»
.
0 50 (-2 59;
- - (S 16, Kj.
-20 00
■•
13i 68
•
•
.
(Aucun salaire ne peut être attribué
„
„
.
.
•
Valeuraltribuce à ce travail (§10, Hj.
Totaux des salaires de la famille.
»
23 75
123 03
130 -21
2.')6 54
674 49
1.3-28 88
SECTION IV.
BÉNÉFICES DES i;\DUSTRIES.
Bénéfice résullanl de cette industrie (S IG, A)
26 58
176 02
1.37 08
9I() 45
— — Cj !«, B)
21 M
»
111 37
»
— — (S 10, C)
18 82
»
97 49
»
— — ('.; 10, D)
Iti 00
"
82 88
»
- - (S «6, E)
20 70
»
107 -23
"
- — (§ 16, K)
15 00
77 70
— — (S 16, G)
12 .50
6t 75
— — (3 16, H)
20 95
»
139 60
— — (;", 16, î)
1 50
"
7 77
(Aucun bénùDce ne résulte de ces industries.) . (S 16, K)
Totaux des bénéGces résultant des industries
Nota. — Outre les recettes portées ci-dessus en compte,
"
"
"
103 60
232 87
.536 (i.5
1.-200 -27
les industries donnent lieu à une recette de 678'' 7o
(S.MGMS) (§ IG, L),qui est appliquée de nouveau à ces
mêmes industries; cette recette et les dépenses qui la
balancent CJ 15, S"" V) ont été omises dans l'un et l'autre
budget.
Totaux des mecettes de l'année (balançant les dé-
penses) [l.'2'ti''-28 ((i.ii5'38)].
4-:!5 48
818 80
2.203 99
4.2il 39
144
>° 7o. — MÉTAYER DE l'oUEST DU TEXAS.
^ 15. — BUDGET DES DÉPENSES DE L'ANNÉE.
DÉSIGNATION DES DÉPENSES.
SECTION l".
DÉPENSES CONCERNANT
LA NOlJRRiTlJRE.
AUT, 1". —ALIMENTS CONSOMMÉS
DANS I.E MÉNAGE.
[Par lu pire, la mire et les â cnfanU pendant
365 jours ; par la Rrand'mère pendant 12 a jour» ;
par le propriétaire et ses hôtes (§ 16, F) ; et par
le» ouvriers a la journée (§ 16, A).j
CÉBÉALES :
Froment : 1.200 livres de farine à
-2'' tiO (13' 47) les lOO.livri'S {Vi" 350).
lUz : 50 livres à 8 cents la livre. . .
Poids total et priv moyen..
COItPS GRAS :
Beurre : i-îi) livres à 15 cents (0' 78)
la livre (WS'^S)
Graisse de porc : 300 livres (dont
100 liv. achetées) à 8 cents (O'ti)
la livre (i.53'^^5)
l'oids total et prix moyen..
Laitage et ««lfs :
l.ait : 1.0ft5 gallons (41 liectol.,80)
(S 14, S"" II, et .; Iti, C); la partie
(|ui n'est pas transformée en
beurre est consomméeà l'état de
lait écréme
(Hùifs : lOV douzaines à 20 cents
(l'Oi)
Poids total et inix moyen..
Viandes et pois.sons :
Viande Iraiclie de porc : 700 livres
a 12 cents (0'6-2)
Poulets. -40 pièces, à 25 cents (1 '20).
Poisson (f, 14, S"" H), -i.'i liv. à 10
cents (0' 52)
Poids total et prix moyen. .
I.Ér.LMF.S ET FIICITS :
Tnherculcs : Pommes de terre,
;t8i)uslicls,à :iOcenls(2'2.';)lel)us-
liel c: 10, II)
I.ctîumes farineux : Pois et hari-
cots, 10 hushels,à 75 cents (3'8«)
le hushel C.', IG, B)
Salades et melons ('.; IC, B)
Pécliest'l coiicomltresC,; 14, S"" II).
l'oids total et prix moyen..
POIDS ET PRIX DES
ALIMENTS.
POIDS
consommé.
S4i»i
22 (j
103 8
!.'«; 0
23!» 8
'K.'WO 0
77 «
.■(17 V
.30 0
fiOO (i
2'i2 4
2(i(> 0
8 5
PRIX
par kilog.
0f2!»7
0 !H7
1 713
0 01 i
1 2(;0
0 025
1 388
0 Oi!l
1 .17'.
1 727
0 If»)
0 IIH)
0 (idO
MONTANT DES DÉPENSE?. |
En dollars.
Kn francs. j|
Valeur
des objet*
consommés
en nature.
Dépenses
en
argmt.
Valeur
des objets
consommé»
en nature.
Dépenses
en
argent, i
1
'
31 '20
4 00
■
1
l(il'(i2
20 72
1
3i''3:;
.
177M13
it to
!» (iO
74 5!l
1
1
10 .50
2 10
101 01
1
10 88
20 80
•
107 H
"
75 m
8 10
:\>M tll
4.1 51
10 00
51 80
2 .5(1
•
12 !I5
1!» 00
_
!)8 42
.
7 .M)
38 8.5
,
:, 00
.
2.5 !t0
.
1 00
5 18
N° 75. — MÉTAYER DE l'oUEST DU TEXAS.
i lo. — BUDGET DES DÉPENSES DE L'ANNÉE {suite).
145
DÉSIGNATION DES DÉPENSES {suite).
SECTION I •
DÉPE%SES COXCERIVAIMT LA
;N0URRITURË [suite).
AnT. I". — Aliments consommks
DANS LE MÉNAGE (SUite).
ONDISIENTS ET STIMULANTS .*
Sel : 100 livres à i cent (O'Oo)
Poivre : 1 demi-livre à l''50 (6'2-2)
la livre
Vinaigre et épiées diverses
Sncre de canne rafliné. 'tOO li\.
à 0 cents (O',")!)
.Mélasse : 12 gallons à 50 cents
(-2'o9) le gallon
Caré:8-2 liv. à -2-2 cents (l'il) la llv.
Tlié : 4 liv. à 30 cents (-2^59) la liv.
Raisins secs : 20 livres à 10 cents
(0'5-2) la livre
Poids total et prix moyen...
oissoss fermentf.es :
la l'amille ne lait usage d'aucune
boisson fernientée
POIDS ET PRIX DES
ALIMENTS.
POIDS PRIX
consommé. par kilog.
O'Ui
0 2
i 0
1.3 ,'i22
2 .-iitO
181 i
0 mr.
.■iV 0
;{- 2
1 8
0 57.';
2 513
5 -2i
y 1
1 130
33H 0
0 8GIJ
Art. 2. — Aliments prépares et consommés
en dehors du ménage.
(La famille ne fait aucune consommation hors du mé-
nage.)
Totaux des dépenses concernaot la nourriture...
SECTION II.
DÉPENSES COniCERNANT L'HABITATIOIV.
.OGEMENT :
Valeur locative de l'habitation (§ 14, S"" 11)
lIOlïll.lER :
Entrelien et achat du mobilier
— du linge de ménage
^IIAIFFAGE :
Bois de chauffage fourni comme siib\cntion
ECLAIRAGE :
l'etrolc, 10 gallons (M) lit.) à 35 cents (l'81) le gallon
Allumettes
Totaux des dépenses concernant l'habilation
Montant des dépenses.
Kii francs.
Valeur
des objets
consommés
en nature.
209<'e5
36 0
42 0
78 0
l^OO
0 GO
2 00
(I 00
18 Ot
2 00
2 00
110 9i
3 00
2 00
3 50
1 00
Valeur
des objets
consommés
un nature.
1.08.'if98
18« W
Dépenses
argent.
3 11
10 3G
12i 32
31 08
93 45
10 3G
10 3G
15 54
10 30
18 13
5 18
49 21
146 N" To. — MÉTAYER DE l'OLEST DU TEXAS.
Ç 15. — BUDGET DES DÉPENSES DE L'ANNÉE {suite).
DÉSIGNATION DES DÉPENSES {suite).
SECTION m.
DÉPENSES CONCERNANT LES VÊTEMENTS.
vêtements des deux
Vktemems :
Vétenieiitsduclicf de lainille/joeo (49'99); — vêtements
de la femme, 9" 4î> (48' 95);
lilles, '»"40 (22'79)
Confection et entretien du lini,'e et des vêtements :
•Jo journées de la feninic à 50 cents {•2<m), 25''
(l-îît'oO);— achats de filet aiguilles l^Co'lS); —
intérêt de la valeur du matériel employé à ces tra-
vaux, 0'' 05 (3' 37)
Rl.ANt;H1SSAGK :
Travail de la femme : 5-2 journées à m cents (2'59)...
Savon de fabrication domestique 5* (âS'OO); —amidon,
3-'(15'54)
ToTAi X des dépenses concernant les vêtements. . .
s i: c. T 1 G N I V.
DKPFASKS COCERNANT LES RES01\S MORAUX,
LES RI^XRKATIONS ET LE SERVICE DE SANTÉ.
(Ultf. :
(La famille ne fait aucune dêi)ense de ce chef.)
Instruction des enfants :
Li\res et fournitures scolaires pour les enfants
Cours d'écriture en i2 leçons suivi par V* et sa lille
aînée
SECOinS et AIMONES :
Le chef de famille fait, à l'occasion. (|uel(|ues iravauK
pour les voisins malades.
KÉCKtiATIONS ET SOLENNITÉS :
Tabac à chiquer ])our le chef de famille, 48 livres
(2»" 77). a 50 cents (2';i9) la livre
Ports de 5 lettres à 2 cents (O'IO), 10 cents (0'.52); —
voyage en chemin de fer. 40 cents (2'07): — cotisa-
lion à la Farmet's A lliancr, "K) cents (2'.59)
Seiivii;e de santé :
Soins <le la sase-femme. à raison d'un accouchement
tous les 2 ans
ToTALX des dépenses concernant li-s besoins moraux,
les récréations et le ser\icc de santé. . .
N" 75. — MKTAVlill DE L OUEST DU TEXAS.
^ 14. — BUDGET DKS RKCETTKS DE L'.XNXÉK {suite).
147
DÉSIGNATION DES DÉPENSES {suite).
SKCTION V.
DÉPEI\SES CONCERNANT LES INDUSTRIES,
LES DETTES, LES LMPÔTS ET LES ASSURANCES.
RPENSES CONCERNANT LES INDUSTRIES :
Nota. — Les dépenses conceriiaiit
les industries montent à (j IG, L) 1.30,"i'' 73 (<J.7ti3'(i")
Elles sont remboursées par des
recettes provenant de ces mê-
mes industries, savoir :
Argent et objets employés pour
la consommation du" ménage
oufaisant partie des épargnes et
portés à ce titre dans le présent
budget ti-'-" 03 (3.24-f Wt)
Argent et objets appliqués de nou-
veau au\ industries CJ 14, S°" IV),
comme emi)loi momentané du i , „„•• —i /c- ~fir-!\
tonds de roulement et <|ui ne > ^■^^■' '■» (C-''-^^)
l)eMvent [lar consé()uent ligurer
parmi les dépenses du mé-
nage (§ 10,;L) G78'i 70(3.310' 18).
TKi;i:TS DES dettes :
Intérêt (10 ° u) sur deux annuités, SC (497'28), restant
dues sur l'acliat du domaine
Intérêt (12 ".,.) sur 40'' (207' 20), restés dus sur la valeur
d u matériel agricole
IPÔTS :
Taxes de l'État et du comté
3 journéesde travail pour l'entretien des routes, sur
uii maximum de ajournées lixé par la loi
s CI! AN CES :
(I.a famille ne fait aucune dépense de ce clicf. )
Totaux des dépenses concernant les industries,
les dettes, les impots et les assurances.
Ar.G.NE DE l'année :
Destinée au remboursement d'une partie des sommes
dues sur le domaine
Totaux des dépenses de l'année (balançant les re-
cettes) [I.2ii"28 (0.'»4.*'38)] . .
montant des DEI'ENSKS
En francs.
3''00
3 00
425 48
O'iCO
4 80
818 80
Valeur
des objets
consommés
en nature.
402 39
2.203 !t9
Dépen.«C!
argent.
49' 73
24 80
110 03
i.l«0 31
14B
N° 75. — MÉTAVEK DE L OUEST DL' TEXAS.
l 16.
COMPTES ANNEXÉS AUX BUDGETS.
SECTION I.
COMPTES DES BÉNÉFICES
KÉSLLTANT DES INDUSTRIES ENTREPRISES PAR LA FAMILLE
(à son propre compte).
A. — EXPLOITATION DES ClIAMl'S
DE LA MÉTAIRIE.
RECETTES.
Grains réroltés :
Froment : 830 bushels (29-2" 4f>) à 80 cents ( 4' 13)
Avoine : »iOO bushels {-iH" M) à 40 cents (2' OC)
Mais : KiO bushels (3.V' 2i) à 70 cents (3'CO) (§ 10, E)
Déchets de grains divers : -20 bushels ("" 04) à 50 cents
(2'.:jy) (§ Iti, D)
Fumiers (ces produits restent au propriétaire, mais n'ont
pas de valeur, les animaux n'étant jamais mis à l'élable,
et les terres ne recevant aucun engrais)
T(itau\ des receltes
Semences, fournies par le propriétaire (Sli, S""!!)
Main-d'œuvre fournie par le chef de famille :
2!0 journées à 1 S ("i' 18^
G journées pour le transport du blé à Baird
Main-d'a-uvre fournie par des journaliers loués : 2.S0 jour-
nées a i S (■">'18), plus la nourriture comptée dans celle
de la famille (S l.'i, S'" I)
Moitié de la dépense de la batteuse : 1 douzième en nature
du blé et de l'avoine
bois acheté pour le chauffage de la batteuse.
Fourniture de ficelle pour lier les gerbes
Entretien du matériel agriccde (fourni par le propriétaire).
Travail des chevaux pour le transport du bleet de l'avoine
à Haird
i'rix payé à un voisin pour le transport du restant du blé
et di! l'avoine à Baird, à raison de 4 cents le busliel..
BÊNÉKicE résultant de celte industrie
Totaux i.ipiniiie ci-dcssns
5.'i''-20
20 00
70 00
10 00
13:; 20
21 40
27 43
0 78
(;08''80
220 00
828 80
182 o7
5 22
10 00
40 110
1 OK
20 (K)
nii !«
En argent. En nature.
2«.'i'!li
103 (»
3(52 (iO
51 80
803 94
m 32
142 0!»
4 OV
82'< 80
137 (U<
3.i:.:t'M
1.139 «
i:l U
7V0 7!
\.-l\C, 01
803 Oi
.M
81
•iOT
»
.-,
S:
to:t e
IMt
4.
COMPTES AN.NLXKS AUX BUDGETS.
149
B. — EXPLOITATION DU JARDIN l'OTAGEK.
Pommes de terre de printemps :40l)usliels (I4"09) à. "iO cents
le b., dont 38 I). pour la ronsommation du ménage
J'ois et haricots : 10 bushels 2 3 [i^lO) à "3 cents le h., dont
10 I). |)our la consommation du ménage
Salades, melons et concombres
Total des recettes
DÉPENSES.
Semences : pommes de terre, 2 bushels ; — pois, s/s de bushel.
Main-d'œuvre : 10 journées du clicC de famille. .(S 14,8"" III)
BÉNÉFICE résultant de ceitc industrie
Total comme ci-dessus
-iO'",(K)
8 00
:i 00
33 00
1 oO
10 00
21 .'»
En ar^nt.
((«■•go
•2."i !H)
r.l 80
III ,37
En argent.
EXPLOITATION DE LA VACHE, DES 3 JUMENTS
POULINIÈRES ET DES MULES.
IlECETTES.
Lait : 1 gallon {i litr.) par jour, à i cents le gallon
Valeur d'un veau d'un an conservé par V"
A'aleur d'un poulain à la lin de l'année, conserve par F'"
et moitié de la plus-value d'un poulain de l'année pré-
cédente (les -2 juments donnant 3 poulains en 2 ans)
Plus-value des deu\ mules
Travail des juments, 13,. 8 journées à 1 s (.';'18) en dehors
de la métairie [)our les transports et les entreprises de F***
Totaux des receltes
DÉPENSES.
Nourriture : 25 bushels (8'' 81) de graine de coton donnés à
la vache en hiver, à H cents le bushel
Valeur de la nourriture consommée sur le pâturage fourni
par le propriétaire (S li, S"" II)
Saillies de la vache (mémoire) et des juments (1 i/2 cha-
i|ue année, pavable à la naissance du poulain), à 15 $
("'70) ■
Ferrures des juments
Main-d'œuvre : 2 journées de F*** pour les soins donnés
aux juments
Intérêt à 8 "!„ de la valeur de la vache, des 3 juments et
des 2 mules
Intérêt pendanlCmoisà 8''/o du fondsde roulement repré-
senté par le prix des saillies
BÉNÉFICE résultant de cette industrie
Totaux comme ci-dessus
1:2 :m
4 !t2
r,c> 60
id 16
C 72
«16 90
3 00
29 40
18 00
26 80
0 88
18 82
2-1 10
I 08
13 40
3 »4
7 08
22 .-iO
ti 00
2;; 48
29.'? 19
83 71
34 81
I.-i r,i
Vy2 29
93 2V
138 82
10f88
5 60
69 41
19 89
1 16 55
25 90
D. — EXPLOITATION DE 20 POULES.
nECETTES.
fHùifs ; 104 douzaines à 20 cents (l'04)
Poulets : 40 pièces à 25 cents (l'30), consommés dans le
ménage
Total des recettes
20 80
10 00
107
7'é
51
80
15!» 54
11
loO
>;o 75. — MÉTAYER DE L OUEST DU TEXAS.
VALEURS
En dnllnrx.
En francs.
DÉPENSES.
En nnturu.
En argent.
En naturf.
En :ir.,'. lit.
Déchets do grains récoltés sur le domaine : 20 busliels
(-"Oo) à ."iO cents (2' 59) le busliel (33'2'»)
■i 00
0 80
5I'80
20 72
4 14
•
Intérêt à 8 ° „ de la valeur des -20 poules
IG 00
"
82 88
•
Totauv comme ci-dessus
30 80
•
150 54
E. — EXPLOITATION DES l'ORCS.
RECETTES.
Viande fraîche et lard provenant de 4 porcs abattus au
t>out d'nnan: 700 livres (317" 300) àl2 cents (0'(J2) lalivre.
Graisse ■ ''00 livres (90'' 700) à 8 cents (O'ili la livre
7-; 60
li 40
4 r,o
8"40
1 00
0 50
391 (il
74 .59
23 31
4.3' 51
8 *»
2 5M
Valeur du savon fabriqué avec la graisse
Totaux des recettes
9i :iO
10 50
489 51
5V 39
DÉPENSES.
Achat de 4 jeunes porcs de 2 mois, à a*" 30 (12'95) pièce. . .
Nourriture : 100 bushels (35''2i) de maïs à 70 cents (.3' 03)
70 00
3 00
0 80
10 ((0
0 50
3«2 00
15 tii
4 r>
51 H(l
2 59
Achat de sel : 50 livres (-2-2'*G00) à 1 cent (OHjri) la livre
Maiu-d'œuvie : ajournées de F*'" pour aballre et préparer
Intérêtà 8 "/o de la partie du fonds de roulement employée
20 70
•
107 23
■
Totaux comme ci-dessus
9V 'H)
10 50
iS!» 51
5t :i'i
F. — CO.MPTE DE LA NOURRITURE ET DU BLAN-
CUISSAGE DU PROPRIÉTAIRE, DE SES JOURNALIERS
ET DE SES HOTES.
lîECETTES.
Prix convenu pour 12 mois concernant le propriétaire et
3 mois concernant les journaliers et hôtes, ensemble
1". mni« à «'' <41'441
.
120 00
.
021 *iO
DÉPENSES.
Valeur (le la nourriture prise à la table delà famille cal-
mire à raison de 7 s (.l»i'2G) par mois pendant 1"i mois,
soit 10.") •* (,*>'i3'!if()
.'
105 00
15 00
•
543 !tO
77 70
Ulanchissage (compté dans la dépense de la famille)
Bknfeice résultant de cette industrie
Totaux conuiic ci-dessus
»
120 00
■
t;2l (iO
COMPTES ANNEXÉS AUX BUDGETS.
131
G. — EXPLOITATION DE LA CHASSE.
Prime tniu-lice sur le trésor de l'État pour la destruction
de 7 loups de prairie (coyottes)
DKPENSES.
1 journée pour aller toucher la |)rime au chef-lieu du
comté
Achat de poudre
BÉxKKicK résultant de cette industrie
Totaux comme ci-dessus
En .irgunt.
1 00
0 ;;o
1-2 .■;(>
En argent.
72' 52
a 18
■2 5!)
M 7o
I. — CULTURE ENTREPRISE PAR LE META VER SUR
SA PROPRIÉTÉ PARTICULIÈRE (7 ACRES DE TERRE
PLANTÉS EN COTONJ.
RECETTES.
Coton : 3 balles (GOO") à 30 s (ioo'45) la balle
Graine de coton : 100 bushels (35"2i) à 12cents(0'G-2). dont
-25 busbels («"SUconsonimées par la vache pendant llii\er.
le reste vend u
Totaux des recettes
DÉPENSES.
Graine de coton pour semence : 4 bushels (l"41)à 20 cents
(i'Oi) le bushel
Moulinage du coton
Main-d'œuvre de la famille :
4,journéesà 1 S (5'18) pour labourage et façon de la (erre.
10journ(;'es pour piocher le plantde coton, faites par t"
ou obtenues par échange de travail avec les voisins.
10 journées faites par F*'* jiour le ramassage du coton, à
raison de 0 S "j (3' 89) pour 100 livres
Travail des jeunes enfants sous la direction du chef de
famille
•2 journées de F"* pour transporter le coton au moulin
et pour le vendre
Travail des chevaux avec le matériel agricole :
4 journées pour le labourage
2 journées pour le transport au moulin et la vente
Entretien des socs de charrue
Intérêt (8 %) de la valeur de la terre, 7 acres {^""^'"^ 80) à
12'' (G2f 1(J) l'acre (40 ares;
Intérêt (8 ^) de la valeur du matériel agricole
BÉNÉFICE résultant de cette industrie
Tnt.Hix coniiDe ci-dessus
3''00
3 00
2 00
1 00
3 00
90 00
9 00
99 00
0 80
;i 00
4 00
10 00
10 00
23 -,■;
2 00
2 00
i 00
0 :iO
(j 2H
20 9';
9!) 00
15 ôt
10 36
5 18
406 20
46 6-2
il2 82
4 14
25 90
20 72
51 80
51 80
1-23 03
10 36
10 36
5 18
2 59
3'é 81
32 53
139 60
— CULTURE DE 3 ACRES EN MILLET FOURRAGER.
ENTREPRISE PAR F*** AVEC SES CHEVAUX SUR
LA TERRE DU PROPRIÉTAIRE.
Moitié de la récolte, soit l.iOO livres (634''900) de fourrage
à 15'! (77' 70) la tonne de 2.000 livres (907")
39
152
N" to. — METAYKH DE L OUEST DU TEXAS
Aclial de la sraine pour semences
Entretien des socs de charrues
3 journées du chef de famille
3 journées des chevaux
Bk.nkfice résultant de celte industrie..
Tolauv cuiiime ci-dL-ssus. . . .
En nature. En argent.
0 -."i
3 00
3 00
10 50
En nature. En argent
K. — INDLsllUES ENTREPRISES PAR LA MÈHE DE
FAMILLE POUR LA PRÉPARATION DU BEURRE, LA
CONFECTION DES VÈTE.WENTS ET LE BLANCHIS-
SAGE DU LINGE.
IIECETTES.
Beurre consommé par la famille : 22!t livres (103'' 8oO) à
ir, cents (0'70) la livre
Valeur des vêtements conlcctioniiés
Prix qui serait payé au dehors pour les travaux de
blanchissaiîc
Totaux des recettes
Lait emplové à faire le heurrc, œs gallons à i cents
«i'-21 ) ■ (S 14, S"" II)
.Achat d'étotTcs pour les vêtements
Main-d'œuvre :
■24 journées pour la préparation du beurre, à 50 cents
(2'59.)
SO journées pour la confection des vêtements, a 50 cents.
52 jourm-cs pour le lilancliissajîe, à 50 cents (2'5i>)
Sa\on de préparation doinestii|ue
.\midon
Kil. aiguilles, etc
Intérêt de la valeur du matériel servant à la laiterie
Intérêt de la valeur du matériel servant à la confection
des vêtements
BÉNÉFICE résultant de ces industries
34"35
2a (w
30 -M
!t0 50
Totaux comme ci-dessus.
22 20
12 00
'25 00
2(i 00
i ,50
0 I."
0 *■>:
2'» 50
3 50
23 50
0 'iù
;t 00
1 00
177' 93
132 87
28 00
ti2 16
12!» •«)
13'» OS
23 31
0 78
3 37
— RESUME DES COMPTES DES BENEFICES
RÉSULTANT DES INDUSTRIES A A K.)
liF.CETTES lOiAI.ES.
Produits employi's :
Pour la nourriture de la famille
Pour les vêtements
Picreltcs en argent cl produits en naturi- applicpiés aux
(Icpcii^cs de la famille ku convertis en épargne
Produits en Mainte cl icccllcsen argent à employer de nou-
veau pour li'sindusl ries elles-mêmes [078'' 70 (3.51G' 18)]... .
Totaux
l!l!t 15
50 15
77 08
170 '.12
12 10
28 00
.■;!»() ,3-2
."107 88
1.031 .5!»
2! H) 80
102 .38
885 37
2.(ii0 20
COMPTES ANNEXÉS AUX BUDGETS.
15,'{
DEPENSES TOTALES.
Intérêts des propriétés possédées par la famille el
employées par elle aux industries
Produits' des subventions reçues par la famille et appli-
quées par elle aux industries
Salaires afférents aux travaux exécutés par la famille
pour les industries
Produits (les industries employés en nature et dépenses
en argent, qui devront être remboursés par des recettes
provenant des industries [()78''"0 (3.olG'18)]
Totaux des dépenses [1.30o<'73 (6.7C3'C7)].
BÉNÉFICES TOTAUX résultant dcs industries [336'*47(1.742'92)].
Totaux comme ci-contre
30''08
126 21
400 30
103 60
t3''00
143 01
241 .-ii
■i07 88
ItOo 43
232 87
i:;;;'8i
378 (iO
6.>3 77
885 37
2.073 5.';
HSfi 6o
En argent.
67' 34
710 70
1.2.^1 18
5.630 81
4.690 12
1.206 27
5.896 3!)
SECTION II.
COMPTES RELATIFS AUX SUBVENTIONS.
Ces comptes ont été établis dans le budget même.
SECTION III.
COMPTES DIVERS.
M. — COMPTE DE LA DÉPENSE ANNUELLE
CONCERNANT LES VÊTEMENTS DE LA FAMILLE.
VÊTEMENTS DU CHEF DU FAMILLE :
Veste et gilet
Achat d'étoffes pour 2 pantalons de confection domestique
Veste d'alpaga
Achat d'étoffe pour 2 chemises
2 mouchoirs de couleur
6 paires de chaussettes
1 chapeau des dimanches
1 chapeau de paille
2 paires de bottes
Total de la dépense annuelle
VÊTEMENTS DE LA MÉKE DE FAMILLE :
Achat d'étoffes pour robes
— pour 2 chemises
— pour caleçons et pantalons
4 paires de bas
2 paires de bottines
1 chapeau
Total de la dépense annuelle
VkTEMKNTS des DEIX FILLES :
Achat d'étoffe pour 4 chemises
2 i)aires de bottines
Total de la dépense annuelle —
PRIX
DÉPENSE ANNUELLE
DLRKK.
-- — — ^ y^
^ ,1
(l'achat.
En (loU.irs.
En fran(^.
5 00
.;
l^OO
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0 50
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2 .59
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0 10
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1
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20 72
4 40
22 79
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE.
FAITS IMPORTANTS D'ORGANISATION SOCIALE;
PARTICULARITÉS REMARQUABLES;
APPRÉCIATIONS GÉNÉRALES; CONCLUSIONS.
l 17.
SUH LA COLONISATION DE l'oUEST DU TEXAS.
Le Texas a une superficie de i" 4.350 milles carrés, soit 17 5.587.8i0
acres (70 millions d'hectares en chiffres ronds).
Il est de beaucoup le plus étendu des Ëtats de l'Union , et on l'ap-
pelle parfois Y Empire State. Sous la domination espagnole, quelques
points seulement avaient été peuplés. Ce sont les Américains du Sud
des États-Unis qui, à partir de 1800, ont peu à peu colonisé ce pays.
Leur influence amena en 1837 sa séparation d'avec le Mexique et son
érection en répul>liquc indépendante, puis en 1845 son annexion aux
Étals-Unis. I^a population d'origine espagnole est restée cantonnée
dans la partie Est du pays. La guerre de la Sécession, dans laquelle
le Texas s'engagea, retarda la colonisation de l'immense région qui
s'étend à l'Ouest du 97'' degré de longitude. Toutefois le Texas ne
fut pas ruiné à fond par la guerre, parce que les esclaves y étaient peu
nombreux, et, après les quelques années d'agitation et d'oppression
qui suivirent la défaite de la Ccmfédération, il se lança résolument
dans le développement des voies ferrées qui, t-n Amérique, sont la con-
dition préalable de la colonisation. V.u I87;{, le 'lexas and Paci/ic ai-
teignit Dallas, en 1871 le Houston and (jreat IS'urthern fut poussé jus-
qu'à Colombia, et le liio Grande I{. II. jus(|u'à Ikownsville au Sud. \]n
même temps des mesures étaient prises, de concert avec le gouver-
nement des États-Unis, pour refouler sur le territoire indien les tribus
de Gomanches qui chassaient le bison dans les plaines de l'Ouest.
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 155
C'est donc en moins de vingt années que s'est accompli le peuplement
du Nord-Ouest du Texas. Il s'est opéré avec une rapidité dont les
chiffres des différents recensements peuvent seuls donner une idée :
en 1850, la population de l'État était de 212.51)2 âmes; en 1«G0, de
604.215; en 1870, de 848.579; en 1880, de 1.591.749; en 1890, de
2.235.523 âmes. Quoique forcément, plus la population initiale est éle-
vée, moins l'accroissement soit rapide, néanmoins dans la dernière pé-
riode décennale l'accroissement a été encore de 40,44 pour cent.
Le Texas figure actuellement au septième rang parmi les États de
l'Union classés d'après leur population.
Le pays est loin d'être peuplé complètement. La région entre Dallas
et Abilène, par exemple, n'a encore qu'une densité très faible. A l'Ouest
d'Abilène, au Sud et au Nord, le pays est presque exclusivement livré
à la pâture. Des millions de cultivateurs peuvent encore s'établir dans
cette région.
Le gouvernement du Texas, qui a conservé la propriété de ses terres
publiques, a pris diverses mesures pour activer l'occupation de cet
immense territoire.
En 1873, l'État du Texas, voulant imiter ce que le gouvernement des
Étals-Unis faisait depuis 1862, a accordé un homestead de 160 acres
à tout chef de famille qui n'avait pas encore de terres et de 80 acres à
tout individu isolé. Une quantité considérable de terres ont fait
l'objet de donations de ce genre, et, dans les parties les plus éloignées
à l'Ouest, des homesteads sont encore accordés chaque année. De même
les occupants sans titre peuvent toujours acheter par ijréemption les
terres qu'ils ont défrichées, si d'ailleurs elles n'avaient pas fait
l'objet d'une vente antérieure.
Mais c'est surtout parles ventes de terres attribuées au school fund
ou à V University fund ou données à titre de subventions aux chemins
de fer dans les comtés qu'ils traversent que l'occupation du Texas-
Ouest s'est opérée. Le gouvernement a jugé avec raison : 1" que la
construction des chemins de fer devait précéder la colonisation; 2° que
le meilleur moyen de l'activer était de donner aux Compagnies un in-
térêt puissant à peupler le territoire. Les Compagnies multiplient les
notices, les publications, les agences, pour arriver à vendre le plus tôt
possible les terres qui leur sont ainsi attribuées.
En août 1891, la seule Compagnie du Missouri, Kanaas and Texas
R. R. offrait plusieurs millions d'acres à vendre dans quinze comtés
à des prix variant de 1 S à 50 S, selon que ces terres sont situées
lo6 N° 75. — MKTAYEU I)K LOLEST DU TEXAS.
dans des régions déjà plus ou moins peuplées, et payables en dix an-
nuités moyennant un intérêt de 10 7o l'an. Le Texas and Pacific H.
R. en offrait autant à la même date.
La colonisation commence toujours par l'élevage en liberté des
bestiaux et des chevaux. C'est l'industrie des ranchmen. Jadis ils fai-
saient pâturer leurs animaux purement et simplement sur les terres
publiques ; maintenant qu'elles sont toutes cadastrées, l'Ëtal les leur
loue , mais en se réservant toujours le droit de vendre celles qui sont
classées comme propres à l'agriculture. Le locataire, qui a fait des
améliorations jusqu'à concurrence de lOO S, peut toujours en devenir
propriétaire par préférence; 500.000 acres de terres sont actuellement
louées dans ces conditions. Au bout d'un certain temps, les ranchmen
profitent de ces conditions pour devenir propriétaires, au fur et à me-
sure que les défrichements se multiplient, et restreignent leur pâture;
l'évolution du ranch à la stock farm que nous avons indiquée (§ 1),
s'opère ainsi peu à peu. Ce sont les agriculteurs qui donnent véri-
tablement la plus-value aux terres, et, parmi eux, les plus actifs sont
ceux qui achètent seulement un quart ou ime moitié de section, les pe-
tits farmers en un mot.
Le peuplement de l'Ouest du Texas s'est opéré par deux éléments.
Des hommes des anciens Ëtats du Sud, des Anglais, des Écossais,
quelques rares Français, ont formé des ranchs et apporté dans le pays
les premiers capitaux nécessaires à son ouverture à la civilisation.
D'anciens planteurs du Tennessee et du Mississipi, ruinés par la guerre
de la Sécession, ont envoyé leurs fils faire de l'élevage dans ce pays
alors désert, et cette nouvelle génération a réussi, à force de travail per-
sonnel, à se faire une position avantageuse, mais bien plus semblable
à celle des Américains du Nord qu'à la vie que leurs parents avaient
menée autrefois. Quant aux petits farmers, ils viennent tous des anciens
États du Sud, et plus particulièrement de l'Est du Texas. Presque aucun
immigrant irlandais, hollandais, allemand, Scandinave, ne va directe-
ment dansle Sud-Ouest. Ils s'établissent plutôt dans les anciens Étals du
Sud et achètent des terres que leurs propriétaires leur vendent pour aller
eux-mêmes plus à l'Ouest. On rencontre journellement sur les routes de
ces farmers allant plus à l'CJuest avec les wagons sur lesquels ils ont
leur famille et leur mince mobilier. L'exode que F**' a accompli il y a
douze ans et huit ans, quand il quitta le Tennessee pour aller dans l'Ellis
Counly, puis quand il quitta l'i^llis Gounly pour venir dans le (lallahan
County, se répète jcnirnellenieut dans des proportions considéra-
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 157
bles. D'après le Census de 1891, dans le comté de Callahan, sur
5.4o7 habitants, il y en avait seulement 183 nés à l'étranger et 210 nés
de parents étrangers. Dans le comté de Taylor, sur 6.957 habitants,
227 seulement sont d'origine étrangère et 273 sont nés de parents
étrangers. L'homogénéité de la population qui s'établit ainsi dans
l'Ouest du Texas est un irait fort heureux pour l'avenir de cette ré-
gion (i). Elle sera habitée par la meilleure classe des farmers améri-
cains. Comme les immigrants viennent presque tous des Etats du Sud
où le catholicisme compte tort peu dadhérents, cette confession est
très faiblement représentée dans ces nouveaux territoires (2).
La plupart des occupants actuels du Texas-Ouest ont vendu le home
qu'ils avaient autrefois à l'Est; il n'en est pas un seul qui, pour un
bénéfice de quelques dollars par acre au-dessus du prix courant, ne
soit prêt à vendre sa farm pour aller s'établir plus loin. C'est le trait
caractéristique de l'Américain , et c'est par là qu'il pousse sa fortune
toujours en avant. Ces ventes et reventes successives ne sont possi-
bles que parce qu'il n'y a pas de droit proportionnel de mutation
sur les transactions. On peut vendre et acheter pour 100.000 S et
plus d'immeubles en n'ayant d'autres frais à payer que 4 ou 5 dol-
lars pour le lawyer qui rédige l'acte et 2 dollars pour le recorder du
comté qui l'enregistre sur les records publics et le rend par là oppo-
sable aux tiers. Il en est de même pour la conservation du privilège
du vendeur (wewrfors /i'm) ou la concession d'hypothèque [mortgage).
(1) Le Census de 1890 indique par les cliilfres suivants cette homogénéité relative de
la population du Texas : sur o3o.'J42 mâles de 21 ans et au-dessus, 460.691 sont nés aux États-
Unis et seulement 73.248 sont nés à l'étranger, ce qui fait une proportion de 8.^.96 X P«ur
les natifs , et de 14,04 pour les hommes nés :i l'étranger. Pour l'ensemble des États-
Inis, ces chiffres sont respectivement de 74,33 et de 23,67 f. Dans les États où le Ilot de
l'immigration européenne se porte, les proportions sont toutes différentes, .\insi, dans le
North Dakota, sur 100 habitants. 64,89 sont nés à l'étranger et 33,11 dans le pays; dans
le .Minnesota, sur 100 habitants, 38,83 sont nés a l'étranger et 41,13 dans le pays; dans le
Massachusels, sur 100 habitants, 38,66 sont nés à l'étranger et 61,34 dans le pays.
Les trois cinquièmes des étrangers qui viennent au Texas sont des Italiens, des Espagnols,
qui restent dans la partie méridionale du pa>s elle long des cotes. Quehjues Mexicains
s'établissent sur la rive droite du Rio-Grande. Depuis 18^0, la proportion des étrangers a
diminué dans le Texas, quoique leur nombre total ait augmenté. La population tend à se
recruter par elle-même. Ainsi, au lieu de s'attacher seulement aux mâles âgés de 21 ans, si
on prend l'ensemble de la population, on trouve que 2.082.36" sont nés dans le pays et
seulement 132.956 à l'étranger, ce qui fait 7,33 seulement pour l'élément étranger et 92,65
pour l'élément natif. Dans l'ensemble des États-Unis, les proportions sont 17,33 et 82,67.
L'écart entre le nombre des hommes et des femmes s'atténue au Texas d'un recensement à
l'autre. Il est actuellement seulement de9,33pour cent au profit des premiers. En d'autres
ternies, pour 100.000 hommes, il y a !K).0j4 femmes.
(2) Un siège épiscopal acte érigé à Dallas en 18!H ; mais le diocèse a bea ucouj) de difli-
cultés à s'organiser.
158 N° 73. — MÉTAYER DE LOUEST DU TEXAS.
Une facilité très grande est ainsi donnée aux transactions. Même dans
les Etats où la taxation directe est élevée (ce qui n'est pas le cas du
Texas), on n'aurait pas l'idée de gêner les transactions par un impôt
proportionnel à leur importance.
Un certain nombre de spéculateurs, prévoyant la plus-value des
terres par la colonisation, ont, il y a quelques années, acheté soit
de l'État, soit des Compagnies de chemins de fer, des quantités assez
considérables de terres qu'ils détiennent sans les cultiver ni les utili-
ser, même pour le pâturage, en attendant la plus-value que le
peuplement des terres voisines leur donnera. Ainsi, sur la limite
Ouest du comté de Callahan, dans le comté de Taylor, dont Abilène
est le chef-lieu, un syndicat de spéculateurs californiens délient un
espace de six milles carrés (ju'il n'a i)as même fait enclore et sur le-
quel les éleveurs voisins font paître librement leurs bestiaux. Ils paient
les taxes annuelles de l'Ëtat et du comté, et se refusent à vendre jus-
qu'à présent, estimant que la plus-value future de ces terres sera
supérieure à l'intérêt composé de la somme qu'ils retireraient de
leur vente au taux actuel. Dans d'autres parties des États-Unis,
cette spéculation s'est faite sur des proportions plus considé-
rables.
Le développement agricole de l'Ouest du Texas est une aiïaire de
temps. Avec certaines parties de l'Iiidian Territory et de l'Arkansas,
il est appelé à devenir la back country des grands centres industriels
qui se forment dans les Etats du Sud, notamment dans l'Alabama et le
Mississipi. Les filatures et tissages de coton d'une part, de l'autre
les industries sidérurgiques alimentées par le champ immense de
charbon qui existe dans l'Alabama, ont pris un développement
lel que cette section de l'Union est celle dont la richesse, dans la
dernière période décennale, s'est accrue dans la plus forte propor-
tion.
Certains centres commerciaux sont nécessaires pour servir d'inter-
médiaires entre les régions agricoles et les régions manufacturières.
Actuellement, il n'y a pas d'autres centres que Saint-Louis dans le Mis-
souri et la Nouvelle-Orléans dans la Louisiane. Les villes de Dallas
et (le Paris, dans le Texas, semblent par leur [tosilion èlrc appelées à
remplir un rôle sembhii)le.
Sans jamais avoir l'importance du Nord-Ouest, parce que son étendue
est fort inférieure, et qu'il est limité par les régions sans eau qui
occupent une partie considérable du centre du continent améri-
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 159
cain (1), le Sud-Ouest des États-Unis est appelé à être un facteur
économique très important.
l 18.
SLR LE CARACTÈRE ET LES ASPIRATIONS SOCIALES DES FARMERS
DE l'ouest.
Le Texas est un État purement agricole et le sera vraisemblable-
ment pendant un temps très long. D'autre part, sa partie Ouest ayant
été peuplée par des cultivateurs presque tous d'origine américaine,
on peut se rendre compte, là mieux qu'ailleurs, du caractère et de
l'importance de la classe des farmers dans la société américaine con-
temporaine.
La famille décrite dans cette monographie représente bien le ni-
veau élevé de moralité, les bonnes coutumes domestiques, le sen-
timent religieux, qui sont généraux chez les farmers. La propriété
acquise ou l'espérance d'y parvenir promptement, la participation
au gouvernement local leur donnent une dignité et un sentiment de
satisfaction de leur sort qui les élèvent de beaucoup au-dessus des
populations rurales de l'Europe. Les farmers seront toujours la base
la plus solide de la constitution des Etats-Unis.
Quoique estimant beaucoup l'instruction pour leurs enfants , les
farmers du Texas en ont peu eux-mêmes. En eussent-ils davantage
qu'ils n'en ont dans cette partie de l'Union, les lumières qu'ils reti-
reraient de la lecture seraient toujours fort bornées. Dans les com-
tés où les farmers composent presque exclusivement la population,
ils sont peu éclairés sur les choses qui dépassent le cercle de leurs
intérêts immédiats et journaliers. Ils administrent sagement leurs
écoles et leurs routes; ils maintiennent dans d'étroites limites les
dépenses auxquelles les fonctionnaires élus sont tentés d'entraîner le
comté; dans l'Etat, ils font, par leur vote, prévaloir l'économie et la
moralité. Toute mesure qui se recommande d'une pensée d'économie
— à moins qu'il ne s'agisse de dépenses comme celles des common
schools, qui constituent pour eux dos subventions déguisées, — est
très populaire parmi les farmers. On peut donc attribuer à leur in-
(1) V. notre ouvrage les Etals-Unis contemporains ou les institutions, les mœurs et les
idées depuis la (luerre de la Sécession, précédés d'une lettre de Le Play, 4« édit. (librairie
Pion), t. I. pp. 273 et suiv.
160 N° 75. — MÉTAVEK DE l'oUEST DU TEXAS.
fluence la bonne administration et particulièrement l'excellente situa-
tion financière du Texas. Mais, dans les États où la population est ex-
clusivement rurale et où, par conséquent, ils forment la majorité des
votants, leur vote tranche des questions qui dépassent leurs connais-
sances et sur lesquelles ils ont des préjugés qu'exploitent habilement
les politiciens de profession.
Le [armer américain a certaines préventions analogues à celles des
paysans européens et qui tiennent évidemment à ses conditions de
vie. Il se défie des capitalistes et du pouvoir de l'argent, tout en dé-
sirant obtenir largement du crédit ; il croit que l'État peut à sa volonté
satisfaire tous ses besoins et qu'il n'y a pas de limites à la puissance
de la législation. Quoiqu'il proclame bien haut qu'il n'y a point de
classes dans la société américaine, il a une secrète jalousie pour
les riches ranchmen qui sont disséminés dans le pays. Il est exempt
d'antagonisme social, parce que les conditions économiques, et surtout
les circonstances historiques qui ont malheureusement développé ce
sentiment en Europe, n'existent pas en Amérique; mais un observa-
teur attentif peut en apercevoir le germe à l'état d'embryon et encore
inconscient (1).
Un certain nombre de mesures législatives, votées depuis quelques
années dans les Etats où les farmers forment la majorité, en sont la
preuve. Pour nous en tenir seulement à l'État du Texas, les législa-
tures successives ont peu à peu étendu les exemptions de saisie et
le privilège de V homestead au delà des justes bornes. Le principe de
ces lois est très juste : la famille, la veuve, les enfants mineurs sont
les premiers créanciers du débiteur en déconfiture, créanciers du mi-
nimum d'existence. La communauté tout entière est intéressée à
ce que le nombre des familles tombant dans la pauvreté ne se
multiplie pas. Mais les chiiïres élevés cités ci-dessus (!^ i.'i) et aux-
quels arrivent ces exemptions : 200 acres de terre et toutes les
améliorations; 3.500 dollars pour une habitation urbaine, sont exa-
gérés et permettent à des débiteurs de mauvaise foi de frustrer leurs
créanciers. Ils propagent l'habitude de ne pas payer ses dettes.
Les faillites frauduleuses et les incendies volontaires des bâtiments
assurés sont aussi beaucoup trop fréquents dans le pays.
(I) Kii octobre 1891, la Sflclion de la Farmer's-Alliance de Loiis-lsland, aux portes de
Ncw-Vork, a Kraveincnt formulé des rrsolulions llétrissant les héritières américaines qui
épousent des élranfîers titres, et invitant le Congrès à prendre les n>esures nécessaires
pour faire cesser cet ahus.
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 161
Sous l'impulsion des plaintes qu'ont soulevées certains accaparements
de terre par des compagnies de spéculateurs, la législature du Texas
avait voté; au mois d'avril 1891, une loi, Y Alienland lawbill, qui défen-
dait à tout particulier, et à toute corporation (société anonyme) comp-
tant parmi ses membres un étranger, de devenir propriétaire d'une terre
au Texas, même au cas de vente forcée pour la garantie d'une créance
hypothécaire à son profit. Les étrangers, propriétaires actuellement,
avaient cinq ans pour vendre leurs terres ; ceux qui viendraient à hériter
de terres, par succession testamentaire ou ab intestat, devaient vendre
dans les cinq ans. Toute terre acquise ou possédée contrairement aux
prescriptions de cette loi devait être confisquée au profit de l'État.
Cet acte fut proposé à limproviste à la fin de la session et volé
sans discussion, grâce à la suspension des règles ordinaires. Il me-
naçait d'être désastreux pour le pays, qui travaille principalement
avec des capitaux anglais et écossais. Quand ils se seront retirés, le
taux de l'intérêt, déjà si élevé, haussera encore; le prix de la terre,
(juand les étrangers ne pourront plus l'acquérir, baissera, et le farmer
ne verra plus se réaliser la plus-value sur laquelle il compte. C'est
lui qui sera la victime, en dernière analyse, de cette loi; mais il est
impressionné parce qu'il a entendu dire des grands spéculateurs étran-
gers, et il ne réfléchit pas que les spéculateurs étrangers font concur-
rence aux spéculateurs nationaux. Ceux-ci sont bien plus dangereux
pour lui en réalité. L'opération d'accaparement de terres signalée
précédemment (§ 17), quoique faite sur une petite échelle, en est un
exemple.
Dans la même session, la législature a voté un acte (jui institue
une commission des chemins de fer et lui donne le pouvoir de fixer
arbitrairement les tarifs de transport des voyageurs et des mar-
chandises. On a beaucoup discuté sur la validité des lois de ce
genre; car, aux États-Unis, les Compagnies sont des entreprises pri-
vées qui ont un droit acquis à exploiter leur industrie au mieux de
leurs intérêts commerciaux. Indépendamment de cette question de
droit, la commission a immédiatement fixé des tarifs absolument
ruineux pour les Compagnies. Celles-ci, tout en attaquant la cons-
titutionnalité de la loi, ont usé de représailles, en combinant leurs
correspondances et leurs tarifs communs de manière à diriger le
trafic du centre des États-Unis sur la Nouvelle-Orléans au lieu de
Galveston, le principal port du Texas. L'imprudence de la législa-
ture aura en réalité grandement nui aux intérêts du pays.
162 N° 75. — MÉÏAYKR DE LOLEST DU TEXAS.
Les préjugés des farmers ont permis, il y a cinq ans, à d'habiles
politiciens de créer une organisation, la Farmer s-AUiance, destinée
dans leur pensée à introduire de nouveaux facteurs dans la lutte
politique qui atteint son apogée tous les quatre ans pour l'éleclion
présidentielle. La Farmers Alliance est un ordre sur le modèle
de la franc-maçonnerie, composé exclusivement de farmers ou
de leurs femmes. La Farmer's Alliance n'admet que des agricul-
teurs ou des preachers, des médecins, et des maîtres d'école exerçant
à la campagne. Les lawyers sont exclus par-dessus tout. Leurs
membres s'appellent frères et sœurs; ils prêtent sur la Bible le ser-
ment de garder un secret qu'on ne leur révèle d'ailleurs jamais ; ils
ont des signes de reconnaissance et un mot de passe pour pénétrer
dans les loges de l'Ordre. Cette organisation plaît, par son caractère
mystérieux, aux farmers, très amoureux des ordres secrets, comme
tous les Américains, et, de plus, elle répond au préjugé qu'ils ont que
leurs intérêts sont différents de ceux des autres classes. Une Colored
Alliance a été formée pour les nègres qui prennent toujours grand
plaisir à ce genre d'organisation. Les deux Alliances réimies affir-
maient en 1891 avoir de 4 à 5 millions de membres, en comptant les
Grangers du Nord-Ouest qui se sont fédérés avec elles.
La Farmer's Alliance s'est répandue surtout dans les Etats du
Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Elle a une certaine importance au Texas.
La Farmer's Alliance, à l'origine, prétendait, en imitant lu phraséo-
logie de la franc-maçonnerie, être « un foyer sacré d'éducation pour
les farmers et les classes industrielles ». Elle affirmait vouloir se
borner à élever la classe des farmers par l'éducation, la coopération,
les progrès techniques, et vouloir seulement repousser toute légis-
lation de classe qui ne prendrait pas pour base l'intérêt du plus
grand nombre et la volonté du peuple. La Farmer's Alliance affir-
mait ne devoir être hostile à aucune croyance religieuse ni à aucun
parti politique.
V Alliance ne s'est montrée hostile à aucune confession religieuse;
mais il lui a été impossible de ne pas entrer sur le terrain des luttes
politiques, et c'est évidemment en vertu d'un mot d'ordre émané
de la direction que ses loges ont adopté un certain nombre de reven-
dications (pii ont servi de platfonn à un nouveau parti politique as-
pirant à se faire une place entre les démocrates Qi les républicains.
l']n 1S91, la campagne pn-sidenliflle ap|)rochant, les meneurs du
mouvement se sont servis dc^^ loges do la Farmer's Alliance pour
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 163
constituer un tiers parti qu'ils ont appelé le People's party. 11 tieni
des convcnlions dans la plupart des fitats, et sa prétention est d'a-
voir un candidat propre aux élections présidentielles de 1892. Sur
son programme, il inscrit la guerre aux monopoles, la prise de pos-
session par l'Union de tous les chemins de fer, le suffrage des fem-
mes, l'élection directe des sénateurs des Etats-Unis par le peuple, le
monopole de la fabrication et de la vente de l'alcool par l'Union, le
monnayage de l'argent en quantité illimitée, la prohibition absolue
de tous marchés à terme, oti futures, et l'obligation pour le gouver-
nement des Etats-Unis de faire des prêts à long terme, à raison de
2 </o, h tous les propriétaires embarrassés, ou des prêts à court terme
sur les produits agricoles (l). Pour assurer des appuis dans d'autres
organisations du même genre, le People's party réclame la journée
de huit heures, l'instruction obligatoire et la fourniture gratuite des
livres scolaires, la confiscation immédiate de toutes les terres possé-
dées par des particuliers ou des syndicats étrangers.
Les bons farmers votent d'enthousiasme ces billevesées qui flat-
tent leurs aspirations secrètes. Malgré cela, le People's party ne pou-
vait être qu'une manœuvre des politiciens. La Farmer s Alliance est en
voie de perdre de son prestige, et son sort sera sans doute le même
que celui des Chevaliers du travail avec qui elle a noué une alliance
solennelle. Au moment de la récolte du blé, en 1891, ses directeurs
ont imaginé d'adresser une circulaire à tous leurs membres pour qu'ils
ne portassent pas leur blé sur le marché et en fissent, par une coa-
lition générale, hausser le prix à leur protît. On a justement fait
remarquer que la Farmer's Alliance ferait en cela une opération
du genre de celle qu'elle reproche aux trusts. Bien entendu, cette
manœuvre a échoué absolument. Chaque farmer a porté le blé au
marché selon ses convenances et ses besoins d'argent : son obéis-
(1) Ce projet, qu'on nppelle le Suiitreasioybill, consiste en ceci : Le gouvernement de l'U-
nion devrait établir dans chaque comté une agence du Trésor complétée par un magasin
général dont le maïuujer serait élu pour deux ans par le peuple du comté et aurait un
salaire de l.'iOO dollars par an. Les farmers pourraient y porter leur blé, leur tabac, leur
coton, leur mais (le sucre a été oublié par les politiciens, auteurs de ce programme, sans
doute i)arce qu'il est produit presque evclusivemcnt sur de grandes propriétés). Le manager
de chaque Suhtn'asuri/ devrait emmagasiner et soigner toutes ces denrées et prêter aux
déposants, à I X d'intérêt par an, 80 l' de leur valeur, sauf à les vendre aux enchères,
si la somme n'était pas remboursée à l'échéance. Il devrait en outre prêter aux farmers
sur hyjjothéque à-2 ^ d'intérêt, des sommes égales à la valeur de leurs terres. Pour faire
lace à ces demandes, le gouvernement de l'Union émettrait du papier-monnaie j)0ur le
montant des billets souscrits pnr les emprunteurs.
IGi N" To. — MÉTAYER DE l'oUEST DU TEXAS.
sance à {"Alliance va bien jusquà voter les yeux fermés les pro-
grammes qu'on lui présente, mais non jusqu'à sacrifier son intérêt
particulier dans les cas pratiques qui se posent pour lui.
Il y a vingt ans, un mouvement semblable s'était produit à peu
près sous la même forme dans l'Ouest. La Farmers Alliance s'appelait
alors le most holy order of patrons of husbandry et le People's party
était le yranger movement. Les (/rangers réclamaient alors des émis-
sions abondantes de papier-monnaie (soft money) comme les farmers
demandent aujourd'hui le nioiinayage illimité de l'argent, ce qui
reviendrait au même. Dans l'ensemble, le granyer movement a
échoué; mais il est resté cependant, des plaintes des farmers, la
fixation par les États des tarifs maxima pour les chemins de fer et
la surveillance des tarifs différentiels par l'Union, en vertu de
Xlnterslate Commerce Act de 1S87. Quelque chose d'utile sortira-t-il
du mouvement actuel? Trouvera-t-on des moyens pratiques d'em-
pêcher l'accaparement des terres publiques, le gaspillage du domaine
national? L'avenir le montrera; mais les programmes du People's
party et les discours prononcés dans ses réunions indiquent cer-
taines tendances socialistes et centralisatrices dans la classe des far-
mers. Le développement de l'idée démocratique ne semble pas plus
favorable à la liberté en Amérique qu'en Europe. Toutefois, la classe
des farmers, étant propriétaire, est mieux que toute autre à même
de comprendre les le<;ons de l'expérience; et, quand ses erreurs lui
occasionnenjnldes pertes matérielles, elle s'en dégagera sans y mettre
l'entêtement et le fanatisme propres aux Européens [i)-
(\) Depuis que la moiiograpliic ci-dessus a él6 rédigée, deux fails importants sont ve-
nus témoigner de l'heureuse inllucnce qu'exerçaient sur l'opinion la lihre discussion et le
sentiment des intérêts mieux compris.
Les cours de justice de l'État ayant déclaré inconstitutionnelles i)Iusieurs dispositions
AcValien land law, une session spéciale de la législature, convoquée par le gouverneur de
l'État en mars 189:2, l'a modifiée profondément.
D'après le nouveau texte, il est permis de devenir j)ropriétaire de terres dans le Texas,
non seulement aux citoyens des États-Unis, mais encore aux étrangers i|ui sont résidents
bona fuie dans l'État du Texas. Les lots et parcelles de lots urbains peuvent être ac(|uis
librement par des étrani;(Ms. Tuut étranger peut d'ailleurs acquérir dos terres à la suilc
d'une hypotlié(|ue, s'il en reste adjudicataire sur saisie. L'étranger non résident, <iui est de-
venu propriétaire d'une terre par testament, succession ou par tout autre titre, a dix
ans pour la vendre avant que des poursuites puissent être intentées contre lui. Enfin,
tout cITel rétroactif est enlevé à la loi, et, en cas de poursuite, l'étranger peut encore
\endre sa terre pour écliappcr à la confiscation. Ainsi amendée, Vnlien land lato ne fait
guère obstacle qu'aux sociétés élrangeres de spéculation funciére.
l'eu apn-s, l'a-uvre arbitraire tentée par la législature pour ruiner la Tcjvi.s fiml l'aci/ir
lili. Company, en donnant aux liailrond commisxionevs le pouvoir de fixer les tarifs, était
renversée. En août tWB, des porteurs d'obligations de cette Compagnie, résidant dans des
ÉLÉMENTS DIVEKS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 165
Il a élé beaucoup question, dans ces dernières années, de la
détresse de la classe des farmers aux Etats-Unis et de son endette-
ment excessif. On paraît avoir généralisé la situation fâcheuse dans
laquelle quelques États du Nord-Ouest, le Kansas, le Nébraska, les
deux Dakotas, se sont trouvés à la suite des mauvaises récoltes de
1889 et de 1890. On avait escompté trop haut le développement de
ces pays; la plus-value des terres et le recours au crédit avaient
élé poussés trop loin : de là une liquidation pénible. Quoi qu'il en
soit, les farmers du Texas ont été beaucoup moins éprouvés par ces
vicissitudes, grâce à la beauté de leur climat et aux ressources qu'y
offre l'élevage.
Les belles récoltes de l'année 1891 leur ont apporté de larges re-
venus et leur ont donné confiance. Les acquisitions de terre à des prix
croissants se multiplient dans cette région. La crise de tassement,
de contraction du crédit, qui doit de temps à autre s'opérer dans
ces pays où l'on va toujours de l'avant, ne parait pas devoir être
bien dure.
Ce qui a ruiné dans bien des régions les farmers, c'est le luxe
relatif qu'ils ont introduit dans leur intérieur. Il y a cinquante ans,
dans toutes les maisons de farmers, on filait la laine et le chanvre,
les femmes fabriquaient les vêtements de la famille; on tâchait
d'acheter le moins possible ; surtout l'on ne cherchait pas à égaler
les citadins, et les enfants ne visaient pas à quitter les champs sous
l'influence de V over-education donnée à l'école. Cet état de choses est
de riiistoire ancienne. Le progrès des voies de connnunication et l'a-
baissement relatif du prix des produits manufacturés ont partout fait
disparaître les industries domestiques; elles n'existent pas plus dans
l'Ouest que dans la Nouvelle-Angleterre. La conséquence en est que
le farmer, qui ne vend pas toujours bien ses produits, est obligé quand
même d'acheter des objets manufacturés pour satisfaire les besoins
plus ou moins factices des siens. Un journal de l'Ouest décrivait ré
comment celte situation en termes humoristiques :
« 11 faut une charrette de pommes de terre pour acheter une paire
de bottet:. Un beau bœuf gras achète à peine un vêtement complet
ordinaire, et il faut une vache pour acheter un paletot assorti. Pour
Ktats autres (|ue le Texas, ont assif,'nù les RR. commissionners devant la cour de circuit des
États-Unis pour leur faire défense d'imposer à la Conipa^'nie des tarifs qui déirulraieut
leur gage pratiquement. La cour a rendu un jugement conforiiio à leur demande. Vu pré-
cèdent semblable s'était déjà pruduil dans le Minnesota.
12
l(3b .N" "5. — MÉTAVhK Dli l'ûL'EST DU TliXAS.
le chapeau et les mitaines, il faut une charrette de blé ; pour les vête-
ments de dessous, encore une charrette d'avoine. En sorte que le
[armer, pour économe qu'il soit, porte sur son dos la valeur d'un tau-
reau, d'une vache, de trente boisseaux de blé, d'autant d'avoine et
de pommes de terre. Quand il calcule combien de travail cela lui a
coûté et d'autre part que tous ces vêlements représentent seulement
la toison de trois ou quatre moutons, il se prend à regretter le rouet
et le métier à tisser de ses ancêtres. »
Les farviersàw Texas échappent à ces conditions défavorables par
leur grande simplicité d'existence. Le luxe des vêtements est in-
connu chez eux ; leur sobriété est très grande. Le climat évidemment
exerce une action favorable en ce sens. Les objets grossiers dont ils
se contentent ne sont pas renchéris sensiblement par l'effet du système
protecteur, sauf quelques articles tels que les objets en cuir ou les
machines agricoles. Enfin l'organisation encore rudimentaire de l'ins-
truction publique empêche les funestes effets du déclassement de se
produire parmi eux. Les enfants, filles et garçons, suivent volontiers
la carrière agricole, où ils ont vu leurs parents arriver à l'aisance
dans une vie de travail. Au Texas, de longtemps le déclassement social
et l'abandon de la culture par l'effet de l'oyer-ec^Mca^/o» ne se produiront
pas comme dans l'Est, et même déjà dans quelques-uns des Etats de
l'Ouest le plus anciennement peuplés et dotés largement de moyens
d'instruction.
g 19.
SL'H l'administration DES COilTÉS DANS l'ÉTAT DU TEXAS.
Le comté est dans le Texas la base du gouvernement local. 11 n'y a
point au-dessous du comté, comme dans les Etats du Nord, de toivn-
ships, c'est-à-dire de communes formant une unité complète pour tous
les buts du gouvernement local. Le comté est seulement partagé en
circonscriptions judiciaires, en circonscriptions scolaires, en circons-
criptions de routes, répundanl à chacun de ces buts particuliers.
Les agglomérations urbaines peuvent s'ériger en cités ou en towns,
en se conformant aux proscriptions de la lui. I^Ucs peuvent de [jIus,
si elles ont une population supérieure à 10.000 habitants, obtenir
une charte spéciale de la législature. Les comtés et les cités, ou lowns
incorporés, forment des corporations municipales ayant une existence
civile dislincte de la personne des habilanls; par conséciuent, les pru-
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 167
priétés publiques ne peuvent être saisies, si ce n'est par le privilège rlu
vendeur ou des ouvriers constructeurs.
Les comtés se sont organisés dans l'Ouest du Texas, au fur et à me-
sure que l'arpentage [survey) a été achevé et que la population prend
quelque consistance.
D'après la Constitution, un comté ne doit pas avoir moins de 900
milles carrés, autant que possible en forme de carré; cependant, il
peut être réduit à 700 milles carrés, quand on partage en deux un
comté déjà existant.
A chaque session, la législature partage les comtés trop étendus, et
elle en multiplie ainsi le nombre. La division d'anciens comtés doit
toujours être précédée du vote des populations intéressées.
A la fin de 18fl0, il y avait au Texas 224 comtés. Ils se divisent en
comtés organisés et comtés non organisés, selon qu'ils sont divisés en
precincf.s et pourvus d'une administration complète, ou bien qu'ils
ont seulement un shériff, un attorneij et c[y\Q\i\\xe?> justices of Ihe peace.
Le comté de Callahan, quoique sa population soit peu considérable
(o.4o7 habitants\ est déjà un comté organisé.
Les comtés organisés sont partagés, au point de vue judiciaire, en
precincfs, dans chacun desquels doit se trouver au moins un justice of
the peace et un constable.
Le comté de Callahan est partagé en hmi justice precincts.
Dans les comtés où la population n'est pas considérable, chaque
precinct forme une school community dont les électeurs nomment le
maître d'école.
L'organisation en school districts distincts suppose une population
plus dense; elle est établie seulement après un vote des payants taxes
intéressés. On voit par là que le régime administratif n'est pas absolu-
ment le même dans tout le pays. On tient compte du degré d'avan-
cement de chacune de ses parties. Souvent même la législature statue
sur la juridiction des cours de justice inférieures pour un certain
nombre de comtés qui sont énumérés spécialement.
Les cités et les toivns incorporés forment un school district, et, ainsi
qu'il a été dit dans la monographie, les écoles y sont partagées en
classes [graded) ; la durée du terme scolaire est de dix mois. La taxe
scolaire spéciale pour le district school, qui peut alors être votée, doit
être acceptée dans une votation spéciale, à la majorité des deux tiers
des électeurs.
Les comtés doivent ériger une court-house, une prison, des routes.
168 N" 7'. — MÉTAYKR DE l'oLEST DU TliXAS.
highways, et des ponts. Quand ils sont organisés, ils doivent, de plus,
entretenir une poor-house et une farm pour le travail des convUts et
des indigents.
Les autorités du comté sont Iroh counfij commissinners , un shei'i/f,
un marshall,\xn county judge, un assessor des taxes, un county attorney ,
un recorder chargé d'enregistrer tous les actes relatifs aux mutations
de propriété immobilière, et des justices of the peace. Le counfy judge
fait en même temps fonction de superintendant des écoles du comté.
Le shériff est le personnage le plus important de l'administration
locale, et il a, dans la convocation du grand jury, une influence très
grande. Dans le comté de (kiUahan, les émoluments directs ou indi-
rects de sa place ne montent pas à moins de 't. 000 S (^O.fiiO f). Il a
sous ses ordres un marshall qin opère les arrestations. Dans les comtés
qui n'ont pas plus de 10.000 habitants, il fait en outre fonction de col-
leclor des taxes pour l'Ëtat. Tous ces fonctionnaires sont élus pour
deux ans, à l'exception du county judge qui l'est pour six. Le grand
et le petit jury se réunissent au chef-lieu du comté.
Il existe un constable dans chaque precinct ; il est rémunéré, comme
i'attorney et le shériff, par des émoluments, fecs, perçus à l'occasion
des actes de son ministère.
Il est pourvu aux dépenses générales du comté par une taxe spé-
ciale qui ne peut, d'après la Constitution, excéder 25 cents par 100 $
de valeur imposée sur toutes les propriétés mobilières et immobilières.
La construction et l'entretien des routes sont un des objets les plus
importants du gouvernement local. Il y est pourvu d'une manière dif-
férente encore, selon l'état d'avancement des comtés.
Il appartient a.nx counfy commissioners de décider s'il y aura pour
tout le comté un road superin tendent, ou bien s'il y en aura un pour cha-
que precinct. Ces fonctionnaires sont nommés parles county commis-
sioners, mais ils doivent être électeurs du comté ou du precinct. Leur
salaire est ^\\é par les county commissioners, mais le maximum en est
limité par la loi à 1.000 $ pour les counfg road superlntendcnts et à
300 S pour les precinct road super intendents, quand le comté n'a pas
plus de lo.OOO habitants. Il peut être respectivement élevé à 1.400 S et
à 1.200 S dans les comtés ayant plus de 13.000 habitants. La fonction
des road superintendents consiste à pourvoir dans le comté ou dans lepx'-
cinct à l'entretien des roules et pouls existants, et à provoquer la créa-
lion de ceux qui seraient nécessaires. Us doivent veiller à l'entretien du
matériel, appliqueriux roules le travail des prisonniers [convicts),o[ sur-
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 109
tout y employer soit les journées de corvées dues par tous les citoyens,
soit le produit de la taxe spéciale qui peut être levée dans le comte.
Kn effet, la Constitution du Texas établit que tout citoyen , entre dix-
huit et cinquante-cinq ans, doit faire, sur les routes de son district, un
nombre de journées qui ne peut excéder cinq. En fait, dans le comté de
Callahan, le nombre des journées est de trois. Là où les corvées sont en
vigueur, le refus de les accomplir entraîne une amende de 1 dollar
par jour. En réalité, c'est une conversion facultative de la corvée pour
chaque contribuable. Comme ces corvées ne donnent pas de meilleurs
résultats qu'en Europe, la loi cherche à substituer une taxe spéciale de
1.0 cents par 100 S de la valeur imposée sur toutes les propriétés. Cette
conversion des journées des corvée en une taxe spéciale s'opère quand
200 électeurs provoquent dans le comté une votation sur la question ,
non pas de tous les électeurs, mais de tous les tax payers.
La cour des commissaires du comté reste toujours chargée de passer
les contrats nécessaires pour l'exécution des routes, comme d'accepter
les contributions volontaires des propriétaires riverains.
La Constitution du Texas pose aux pouvoirs des comtés, des villes
et tovvns, des limitations analogues à celles qui sont apportées aux
pouvoirs de la législature. Elle leur défend formellement de voter des
subventions sous une forme quelconque en faveur de private corpora-
tions, c'est-à-dire d'entreprises de chemins de fer ou de travaux publics.
L'Etat a seul ce droit. Les comtés et les cités ne peuvent pas davantage
contracter des emprunts; ils peuvent seulement, et doivent, pa3^er les
intérêts des emprunts contractés avant la Constitution de 1876, et les
rembourser. Une exception est faite toutefois pour les comtés bordant le
golfe du Mexique. Ils sont autorisés à contracter des emprunts pour la
création de levées, de ponts, de digues, pourvu : 1" que les électeurs du
comté ou de la ville, à une majorité des deux tiers, volent l'emprunt;
-1° qu'ils établissent en même temps une taxe spéciale pour assurer le
paiement des intérêts de l'emprunt et un fonds d'amortissement d'au
moins 2 % par an.
On remarquera que, sur un très grand nombre de questions : organi-
sation scolaire, substitution d'une taxe spéciale pour les routes aux
corvées et bien d'autres encore (1), les électeurs du comté doivent être
(I) Au mois d'aoùl 18HI, le iiouplc duTexas availà statuer siu- un anicndcnienl coiislilu-
tiuiincl qui aurait doiiurà la majorité des électeurs dccliaciue comté, pi-ecinrl, townou cily,
ledroil d'interdire laventc des boissons alcooli(|ues. Mais rameudemcnt n'a pas étéadopté.
L'opini<n jinhliquc dans l'État n'est pas favorable aux exagérations du Parti delà Tem-
pérance.
470 N" 7o. — MKTAYER DK l'oikST DU TEXAS.
consultés spécialement. Par là, le régime du comté tend à se rapprocher
peu à peu de celui du township, où l'assemblée des électeurs admi-
nistre directement les intérêts locaux (1).
La Constitution du Texas, comme la plupart des Constitutions mo-
dernes des Etats, statuant sur une multitude d'objets de détail (2), les
amendements constitutionnels sont très fréquents. Presque à chacune
de ses sessions, qui heureusement sont seulement biennales, la légis-
lature propose un certain nombre d'amendements à la Constitution, qui
doivent être soumis aux électeurs. Le peuple est donc de plus en plus
fréquemment appelé à légiférer dans le cercle du gouvernement d'État,
à administrer directement dans le cercle du gouvernement local.
§20.
SL'R LES AVANTAGES RESPECTIFS Ou'OFFRENT AUX IMMIGRANTS EUROPÉENS,
PANS l'aMÉRIOUE DU iNORD, LES CLIMATS FROIDS ET LES CLIMATS TEM-
PÉRÉS.
Le climat de la région d'Abilènc est analogue à celui des plaines de
la Provence et du bas Languedoc, ou mieux encore à celui de l'Al-
gérie. Il doit être rangé dans la catégorie des climats tempérés; car
l'hiver y est pendant trois mois assez marqué (i^ 1) pour redonner
au corps la force de réaction et partant la vigueur que la chaleur
continue des tetres chaudes ou des climats tropicaux supprime, ce
qui entraine l'anémie pour les hommes des races supérieures. Le
Texas est donc éminemment propre à attirer les immigrants de l'Espa-
gne, de l'Italie et du midi de la France. Si les Espagnols et les Italiens
ne s'y sont pas déjà portés, c'est qu'ils sontgénéralement trop pauvres
pour pouvoir s'y établir avec avantage comme propriétaires et même
comme métayers. Ils préfèrent s'arrêter comme manouvriers à la Nou-
velle-Orléans etàGalveston, ou s'employer dans les riches plantations
de cette partie du pays. Mais la réussite du groupe de Portugais qui
s'est fixé à Glyde, dans le voisinage du domaine d'Annadale, indique
la convenance de cette réuion pour les agriculteurs du midi de l'Europe.
Les Scandinaves, les Ecossais, les Irlandais, les Allemands sont na-
iurellemcnt attir(''S par un climat plus semblable au leur, par des cul-
(I) Sur le goiivoriirmi'Dl Incnl ;iii\ Kl.-its luis, V. ruinraf,'"' masislrnl '!<" A. CMilier, La
Uipublique Amt'ricriinc (Giiillaumiii, IH!K)), t. Ml, p. ,«i) .n 4V».
,-i) V noire (luvrage. Les litals-Unis contcmiiornins. i. \\, p. 2?>:2-2.S3.
ÉLÉMENTS DIVEKS 1»E LA CONSTITUTION SOCIALE, 171
lures analogues à celle de leur pairie, dans les États du Nord-Ouesl,
dans le Manitoba et le Nord-Ouest canadien. La transplantation d'une
race septentrionale dans un pays relativement chaud lui occasionne-
rait des souffrances, au moins à la première génération.
Le choix entre les deux régions se pose au contraire pour les im-
migrants français habitués à un climat auprès duquel celui du Ne-
braska, du Canada, des deux Dakotas, duKansasmême, paraît bien ri-
goureux; car, aussi chaud pendant l'été que sur les plateaux du Texas,
il comporte en hiver cinq à six mois de neige et l'interruption com-
plète des travaux agricoles.
Laissant de côté les sympathies qui attirent les Français dans le
Nord-Ouest canadien, la satisfaction qu'ils éprouvent à y trouver des
groupes de colons parlant leur langue et un clergé admirable tout
à fait semblable au leur, tandis qu'au Texas ils sont absolument noyés
dans une population parlant exclusivement l'anglais, voici comment
s'établit le bilan respectif des avantages des deux régions.
Dans le Nord-Ouest canadien, dans les Dakotas, dans le Nebraska, la
régularité des neiges hivernales assure aux récoltes, et particulière-
ment aux prairies, l'humidité qui leur est nécessaire, tandis que
l'irrégularité des pluies est souvent un inconvénient pour le Texas,
comme elle l'est pour l'Algérie et la Tunisie. La longueur de
l'hiver facilite les relations sociales : on a du loisir pour visiter ses
voisins, et la neige durcie est pour le voyageur en traîneau la plus
belle des routes. De là, la sociabilité plus grande, l'instruction plus
développée surtout, des peuples du Nord. La viande et les provisions
de toute sorte se conservent facilement pendant l'hiver dans le Nord,
ce qui est un grand avantage pour les populations dispersées où le
commerce de la boucherie ne peut pas exister.
Mais, dans les climats tempérés comme la région d'Abilène, l'éle-
vage du bétail en liberté sous clôture est bien moins coûteux, puis-
qu'on n'a pas besoin dele rentrer pendant l'hiver et d'amasser les pro-
visions considérables de foin qui lui sont nécessaires dans le Nord. Au
point de vue du mouton, la comparaison n'est même pas possible. Les
essais pour l'acclimater dans le Nord aboutissent à des désastres dans
les années de grand froid.
Au Texas, les défrichements, l'ensemencement même, peuvent s'exé-
cuter durant un temps plus long; on n'est pas obligé de tout faire en
quelques semaines comme dans le Nord-Ouesl. Aussi la main-d'œuvre
n'est-elle pas aussi rare et elle est à meilleur marché.
172 N° 75. — MKTAYE1{ DE l'oL'KST DU TEXAS.
La douceur du climal rend la dépense du combustible insignifianle,
elle permet d'avoir des constructions plus légères et moins considé-
rables. Cela constitue une grande supériorité sur les régions de prai-
rie du Nord où le bois est fort rare et le charbon très cher. On peut
dire la même chose de la dépense des vêtements.
Enfin, le climat du Texas comporte une variété de productions qui
lui assurera de plus en plus une supériorité. Le colon, la vigne, l'o-
livier, presque tous les fruits et tous les légumes de l'Europe, y vien-
nent en même temps que le blé, l'orge, l'avoine, le mais. Ces cultures
seront dans un certain temps plus rémunératrices que celle des cé-
réales, parce que l'aire capable de produire celles-ci est presque indéfinie,
tandis que les terrains propres à la vigne et au coton sont beaucoup
plus limités. Les produits accessoires, légumes, fruits, élevage du lapin
et de la volaille, sont une ressource accessoire qui deviendra très pré-
cieuse pour les petits cultivateurs du Texas, quand le développement
des agglomérations leur ouvrira un marché.
Telles sont les raisons qui doivent appeler l'attention des immigrants
européens vers le Sud-Ouest des Etats Unis. La présence de la race
noire n'y étant plus un obstacle à l'immigration, et ces Etats étant ar-
rivés, au point de vue du progrès matériel, au même degré que les États
du Nord, les capitalistes anglais s'y sont déjà portés, comme on ]"a vu
dans le cours de la monographie.
LES OUVRIERS DES DEUX MONDES.
DEUXIÈME SÉRIE. — 3M FASCICULE.
AVERTISSEMENT
DE LA SOCIÉTÉ D'ÉCONOMIE SOCIALE.
L'Académie des sciences, en 1850, a couronné le premier ou-
vrage de science sociale publié par F. Le Play, les Ouvriers eu-
ropéens. Elle a en même temps exprimé le désir qu'une pareille
œuvre fût continuée. La Société d'Économie sociale, fondée aus-
sitôt par l'auteur de ce livre aujourd'hui célèbre , lui a donné
pour suite les Ouvriers des Deux Mondes. De 1857 à 1885, la
Société a publié une première série de cinq volumes contenant
quarante-six monographies de familles ouvrières.
La deuxième série des Ouvriers des Deux Mondes a commencé
en juillet 1885. Le premier tome de cette série a été terminé
en juillet 1887; le deuxième, à la fin de 1889; le troisième, au
commencement de 1892. Ils comprennent les descriptions mé-
thodiques de trente-deux familles d'ouvriers , appartenant à la
Bretagne, la Picardie, le Nivernais, l'Ile-de-France, la Provence,
la Gascogne, le Dauphiné, la Normandie, la Marche, l'Orléanais,
le Limousin, la Corse, la Grande-Russie, la Grande-Kabylie, le
Sahel, le Sahara algérien, la Belgique, la Prusse rhénane, la
Sicile, la campagne de Rome, la Capitanate, l'Angleterre, la
Laponie, l'Alsace, la Hollande. Le présent fascicule, le 31° de la
seconde série, est le quatrième du tome IV. (Voir au verso de la
couverture.)
La publication se poursuit par fascicules trimestriels, avec
le concours de la maison Firmin-Didot. Un tel concours lui as-
sure cette perfection que nos lecteurs ont su apprécier dans une
œuvre typographique particulièrement délicate.
Les prochains fascicules contiendront les monographies de fa-
mille d'un Savetier de lîtVle, d'un Pécheur de rarchipcl Cliusan
(Chine), d'un Armurier de Liège, d'un Ouvrier de la Papeterie
coopérative d'Angoulème, d'un Ardoisier d'Angers, etc.
LES OUVRIERS DES DEUX MONDES,
PUBLIÉS PAR LA SOCIÉTÉ d'ÉCONOMIB SOCIALE,
RECONNUE d'utilité PUBLIQUE.
Deuxième série. — 31 « fascicule.
OUVRIÈRE MOULEUSE EN CARTONNAGE
D'UNE FABRIQUE COLLECTIVE DE JOUETS PARISIENS
(SEINE — FRANCE),
ouvrier chef de métier,
dans le système des engagements momentanés,
d'après
les renseignements recueillis sur les lieux, en janvier 1892,
PAR
M. P. DU Maroussem,
Docteur en droit.
PARIS,
LIBRAIRIE DE FIRMIN-DIDOT ET G^^,
IMPRIMEURS DE L'INSTITCT, RUE JACOB, 5fi.
1893.
Droits de traduction et de reproduction résorréfi.
N° 7G.
OUVRIÈRE MOLLEUSE EN CARTONNAGE
D'UNE FABRIQUE COLLECTIVE DE JOUETS PARISIENS
(SEINE — FRANCE),
ouvrier chef de métier,
dans le système des engagements momentanés.,
d'après
les renseignements recueillis sur les lieux, en janvier 1892,
P A [;
M. P. DU Maroussem,
Docteur en Droit.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES
DÉFINISSANT LA CONDITION DES DIVERS MEMRRES DE LA FAMILLE.
DEFINITION DU LIEU, DE L'ORGANISATION INDUSTRIELLE
ET DE LA FAMILLE.
ÉTAT DU SOL, DE l'iNDUSTHIE ET DE LA POPULATION.
Il est deux cités industrielles qui se font pour ainsi dire pendant
au cœur de la prodigieuse agglomération parisienne : c'est le fau-
bourg Sinat-Antoine, la « Ville du meuble » (Ij, et le Marais « la
Ville de l'article de Paris ».
Dans l'enchevêtrement des vieilles rues qui rayonnent autour de
la place Royale et de l'hôtel de Soubise, — actuellement les Archives,
(I) Voir Ébrnisles 'lu faubourg Saint-Antoine, préf. de Th. Kunrk-Brentano, Paris,
ArUi. Kousseau, iwh». — . Ébéniste parisien de haut luxe », Ouvriers des Deux Mondes,
i"- série,, m, n" 7'».
t3
174 N" 76. — OUVRIÈRE MOULEUSE EX CARTONNAGE DU JOUET PARISIEN.
— sur l'emplacement de la forteresse monastique qui a laissé là de
si profondes empreintes et de si vifs souvenirs. « le Temple [», une
foule d'industries variées et capricieuses, ciselure, bijouterie, éventails,
menus objets de toilette, etc., etc., toutes choses élégantes et recher-
chées, baptisées « articles de Paris », parce que Paris seul pouvait
leur imprimer son cachet d'inimitable distinction, avaient profité des
franchises de l'enclos, au seuil duquel, au point de vue industriel, la
juridiction du roi et des corporations était contrainte de s'arrêter
devant celle du grand prieur : la liberté leur avait imprimé une vi-
gueur qui les répandit de là sur le monde civilisé. Un ordre social et
économique se fonda ainsi peu à peu, qui a subsisté presque intégra-
lement jusqu'à ces trente dernières années : une série de maisons de
commission assez puissantes, un commerce de détail prospère mais
divisé en entreprises modestes et indépendantes, un peuple d'ou-
vriers chefs de métiers, de façonniers surtout, habitant les hautes et
sombres ruelles, oiî les réflecteurs ramènent une lumière parcimo-
nieusement mesurée et où les vitrines accrochées à chaque porte
crient au passant en quelque sorte le talent particulier du spécialiste.
Autonomie, personnalité, tels étaient les traits dominants de cette po-
pulation ouvrière, artistes voués au luxe et imbus de sentiments éga-
litaires : le souvenir sanglant des émeutes de 1832 en témoigne
d'ailleurs assez éloquemment.
Mais un double mouvement commercial et industriel est venu
bouleverser cette cité, qui semblait prédestinée à un statu quo éternel.
Les grands magasins se sont fondés : grands magasins de vente au
comptant, type Boucicaut : le Bon-Marché; grands magasins de vente
à crédit, type Crespin-Dufayel. Par leur étalage permanent, qui pé-
riodiijuement se rehausse de tout léclat d'expositions savamment
combinées, par toutes les facilités prodiguées aux achats conclus à
l'étourdie, par le prix fixe, la faculté de rendre, le système d'envoi,
par une machiavélique entente de la baisse et de l'élévation des
cours, qui fait porter le bénéfice entier sur tel article et abandonne
tel autre au-dessous du prix de revient, ils sont venus développer dans
la foule toujours grossissante de l'acheteur l'irrésistible besoin de cet
article dt; Paris, réservé jadis aux classes riches, et qui a dû se mettre
à la portée des classes moyeimes. Il en résulte un phénomène signalé
avec complaisance par les optimistes : une progression démesurée
de la production. Le Marais d'autrefois s'est agrandi, élargi : sans
doute la fabrication du haut luxe, toujours restreinte, est restée sou-
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. i7o
mise en grande partie au régime antique; sans doute les comptoirs
de vente ont tenu à conserver leur siège dans ces paisibles hôtels où
les acheteurs ont pris coutume de les chercher, où leurs enseignes se
groupent cote à côte en une sorte de foire toujours ouverte : mais les
ateliers ont été plus loin chercher les vastes espaces, les loyers moins
chers et aussi la population ouvrière plus rustique, résignée à un moindre
salaire : Bapst et Amé sont allés à Belleville, Jumeau et Danel à Mon-
treuil, Derolland dans l'Oise, pour ne parler que des « jouets », sujet prin-
cipal de nos observations. C'est que chaque ancien atelier pris isolé-
ment a vu tous ses rouages grossir, s'hypertrophier pour ainsi
dire: là où 3.000 francs de commissions ou commandes arrivaient,
100.000 francs, 200.000 ont aiïlué : il a fallu être de taille à y
répondre, et alors, suivant une distinction empirique, qui four-
nit le critérium de la constitution de l'industrie, bijouterie, fleurs
et plumes, tabletterie, céramique, industrie du caoutchouc, du métal
ou du bois, ont pris tantôt la forme de la grande usine enrégimentée,
lorsque le développement du capital (1) constitue la combinaison la
plus avantageuse, et tantôt celle de la fabrique collective, de cet en-
semble composé d'un puissant intermédiaire et de petits ateliers
asservis le plus souvent par le sweating sijstem ou système de la
sueur (2), lorsque l'exploitation de la main-d'œuvre assure le plus
haut degré de profit. Partout d'ailleurs, sous Fintluence de la pesée
du grand entrepôt de vente au détail sur les prix, le « camelotage »
fatal, la perte de la valeur artistique, et aussi l'état misérable des tra-
vailleurs, qui à la place de la primitive égalité voient se creuser l'a-
bîme entre la richesse démesurée et l'extrême misère.
Examinons, par exemple, un petit quartier de cette ville, celui qui
est le nijtre, le «jouet» : et dans cette industrie qui est partout et ne se
trouve nulle part, puisqu'elle comprend des céramistes, modeleurs,
peintres, lingères, coiffeuses, piqueuses, cartonniers, mécaniciens, dé-
coupeurs, estampeurs, repousseurs. forgerons, ferblantiers, fondeurs,
ébénisteS;, vernisseurs, etc., parmi les quatre grandes catégories qu'il
est possible d'y distinguer en prenant pour base de classification la
matière première :lemétal, le carton etlapâte, lecaoutchouc, et les spé-
cialités diverses, bois, céramique, peau et tissus, fixons notre attention
(1) c'est-à-dire ce que l'on clcsii,'ne sous ce terme vague, d'après les livres mêmes des
industriels, savoir : le loyer, la matière première, l'outillage, le fonds de roulement né-
cessaire.
{■1} V. cï-*\<iss\xs Ebéniste i>arisicn de liaul luxe, 2 18.
176 N" 70. — OUVRIÈRE MOULEUSE EN CARTONNAGE DU JOUET PARISIEN.
sur la seconde, : la fabrication des jouets en carton moulé, d'où sor-
tent des figurines assez étranges et variées, têtes grotesques ou passe-
boules, animaux simplement coloriés, carcasses d'animaux peaucés,
masques, accessoires de cotillon, polichinelles, personnages du
théâtre enfantin, surtout poupées et bébés.
Le carton moulé n'est autre chose que le papier d'emballage,
déchiré en petits morceaux, enduit de colle, puis enfoncé énergique-
ment dans le creux d'un moule en plâtre ou en fonte. C'est le papier-
mâché de Sonnenberg, Cobourg et la Saxe ducale, où 8.000 travail-
leurs, réduits à un salaire infime (1), forment la « Ville allemande »
opposée à cette spécialité française du jouet. Or, comme il est évident
que le matériel (moules et mailloches) est de prix relativement
modéré et en tous cas facilement Iransportable, que la matière
première n'a aucune espèce de valeur, et que la main-d'œuvre
constitue la plus forte partie du prix de revient, il en résulte que le
métier va être organisé en petits ateliers. Il y aura bien çà et là quel-
ques entreprises hors pair, la maison Charpentier à Montsouris, la
maison Lefèvre rue de Chàteaudun, la maison Allez, parce que les
objets produits, surtout en ce qui concerne le premier de ces ateliers,
sont immenses, peu transportables, parce qu'il s'agit de cartonnages
de théâtre, fantasmagorie du Chàtelet ou c^'gne du Lohengrin, qui
exigent parfois l'emploi de mouleurs, substitués aux mouleuses,
partant de larges espaces et la stabilité en un point fixe. Mais la règle,
c'est l'atelier perdu dans les mansardes au Marais, à Montreuil, où
des légions d'ouvrières restent à la merci de « la réception » des
usines Jumeau ou Danel, qui accepte et refuse à la douzaine, les bras,
les jambes et les torses de poupées grossièrement ébauchées. Ce fait
se laisse apercevoir sous la seule statistique du jouet tentée par spé-
cialités en 1878 (Rapport de l'I^xposilion Universelle ; M. UossoUin,
rapporteur) : 19 patrons s'y opposent en effet à 239 ouvriers, le
terme d'ouvriers comprenant sans nul doute les façonniers libres de
l'embrigadement des fabriques.
Aussi est-ce une fauiillc de façonniers que nous avons pris comme
type social : une famille, dcuU le chef est une femme qui a accepté
courageusement la tâche de faire vivre et d'élever seule ses enfants;
c'est en outre une famille 0[)|>artenant à une nuance de la spécialité»
le haut luxe, — car l'ouvrière, (jui dépend surtout des fabricants d'au-
(I) V. Élist'o Reclus, Nouvelle Géot/rajiinc universelle; Allemagne.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 177
tomates ou sujets habillés, passe pour une de celles qui ont conservé
avec le soin le plus jaloux les qualités artistiques des mouleuses de
la génération précédente. Ces deux points, absence complète du chef
naturel de l'association domestique, habileté supérieure de l'artisan et
partant possibilité d'un gain plus élevé, soulèvent contre le choix du
type deux objections assez naturelles. Une famiUe privée de son
chef est désorganisée; une famille à laquelle appartient un sujet hors
pair est assurée de recettes exceptionnelles; donc pour ces deux rai-
sons, elle ne représente pas un type moyen. A cela, on peut répondre
((u'elle n'en est pas moins intéressante à étudier. D'abord, le métier de
mouleur en carton est exercé, sauf exceptions très rares, par des
femmes. Pour se rendre compte de l'état de l'industrie, de l'impor-
tance des recettes, il faut choisir une femme seule, veuve, séparée,
divorcée avec enfants; c'est ainsi qu'on pourra reconnaître si la famille
ouvrière privée de son chef peut vivre des seuls salaires de la mou-
leuse en carton, car autrement on aura constaté qu'elle peut vivre du
salaire du père, charpentier, ébéniste, etc., et rien de plus. En second
lieu, telle est la baisse des salaires provoquée dans la spécialité parle
sîveating sijstem et les grands magasins, qu'elle se fait sentir même
aux ouvrières exceptionnelles, même dans la nuance du haut luxe,
que la nouvelle organisation économique a le moins modifiée ; d'où
cette conséquence que la situation des travailleurs vulgaires en ressort
par une sorte d'à fortiori. Enfin, cette famille ouvrière se recommande
ànous par deux faits particuliers, qui lui marquent une place à part dans
cette galerie de portraits d'ouvriers parisiens réunis dans les Ouvriers
des Deux Mondes depuis 1891 : d'une part elle met en relief, mieux que
nulle autre, les conséquences antisociales du travail industriel de la
femme; elle fait toucher du doigt comment, lorsque la femme prend
le rôle de l'homme, celui-ci est bien près d'abdiquer complètement et
de se laisser aller aux vices de la vie facile; d'autre part, — et ce
point est peut-être le plus saisissant, — elle représente, en lace de
l'ouvrier athée et matérialiste des comités révolutionnaires, les indif-
férents qui forment le nombre, et qu'une propagande habile peut
souvent ramener, franchement et sincèrement, aux croyances de la foi
chrétienne; c'est. un trait curieux qui montre l'un des rapports entre
la question ouvrière et la question religieuse.
178 N" 70. — OUVRIÈRE MOULEUSE EN CARTONNAGE DU JOUET PARISIEN.
§ 2.
ÉTAT aVIL DE LA FAMILLE.
Ici la famille présente deux états contraires : le fait et le droit.
A l'état de fait, elle se compose de trois personnes;
1" Aurélic H***, femme L'", mérc de famille, née à Lille (Noi<l) 40 ans.
•2r Horace-All»ert L*"*, né à Paris 17 —
3" Edouard-Gaston L*", né à Paris 13 —
En droit, il faudrait y ajouter le chef, Victor L***, 18 ans; mais la
séparation de corps, — non suivie de divorce, — a été prononcée
contre lui en 1882 : la garde des enfants a été confiée à la mère.
Victor L***, peintre en bâtiments, un « sublime » (1) arrivé au dernier
degré de l'alcoolisme, sans avoir versé dans les excentricités politi-
ques que l'expression renferme, s'est dépossédé peu à peu de son nMe
de maître de maison, pur une dégradation curieuse de son amour du
travail et de sa moralité. Au début, énergique, habile, il gagne de grosses
journées, vit avec luxe, soufl're à peine le travail de sa femme, dont le-
salaire ne forme qu'un appoint; plus tard, après des revers que nous
exposerons en détail, abandonnant le rùle principal à l'active ouvrière,
dont il admire le savoir et la dextérité, il se fait humble, devient la ména-
gère, balaie le petit appartement, se charge du marché, veille à la cui-
sine : enfin, il se laisse vêtir et nourrir, et oubliant les plus vulgaires
principes d'honnêteté et de décence, il roule jusqu'au fond de la pente
fatale du classique « assommoir ». Actuellement, il vit seul, redouté
de ses fils, qu'il poursuit pour leur mendier de l'argent : l'été, reprenant
son métier primitif; l'hiver, dans la misère noire, aux gages des en-
treprises qui à Paris monopolisent le nettoyage des devantures.
L'ouvrière, d'origine à demi flamande, — descendante d'un Belge
assimilé, — sort de l'une de ces familles que l'on peut qualifier de se-
cond degré, parce qu'elles se sont haussées au second échelon de l'in-
cessante montée des classes ouvrières. On connaît cette ascension,
presque régulière, que nos observations tendent à dégager de plus en
plus : le rural transplanté dans le milieu parisien est journalier (homme
sans métier); son fils s'engage dans les arts manuels proprement dils,
(I) Voir Le Sublime de M. Denis Poiilol, (|iii (l(sif,"ne par cfUe expression l'ouvrier • i)a-
rcsseux, hahlcur el ivrogne ».
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIHES. 179
forgeron, menuisier; le fils de celui-ci n'accepte qu'un métier de luxe
ou réputé tel, sculpteur, mécanicien, peintre (l). Conformément à cette
tendance, l'ouvrière, fille d'un forgeron et d'une marchande des quatre
saisons encore vivante, est devenue mouleuse en cartonnage, et son
frère, premier garçon d'un hùtel du quartier des Halles.
L'ouvrier était fils d'un peintre entrepreneur ruiné par son intempé-
rance. Sa déchéance morale se complique donc d'une déchéance
sociale. C'est h phénomène inverse : au lieu de l'ascension, la chute.
§3-
RELIGION ET IIABITLDES MORALES.
La famille étudiée, au moment de nos premières visites, se recom-
mandait par une haute réputation d'union et d'honnêteté. On devinait
à la coquetterie que la gène actuelle mettait à se dissimuler sous cer-
taines recherches de luxe pauvre, — surtout à trois photographies, où
la mère en riche toilette était entourée des deux enfants vêtus comme
les babys qui jouent aux Champs-Elysées ou aux Tuileries, — que le
bien-être avait habité cet intérieur et qu'une pratique respectueuse
de la loi morale avait été maintenue à mesure que la descente vers la
misère s'opérait, de plus en plus douloureuse et lamentable. D'ailleurs,
nul spectacle plus réconfortant et qui semblât davantage avoir été dé-
taché tout exprès d'un discours académique sur les prix de vertu :
une jeune femme, restée pour ainsi dire veuve à trente-deux ans. en-
treprenant avec audace d'élever seule ses deux fils, les entourant
d'une jalouse surveillance, pour étouffer en eux jusqu'au germe du pen-
chant héréditaire ; se sacrifiant, se dépensant sans compter en des élans
superbes de sacrifices; bien payée de retour, car une confiance sincère
a répondu à sa domination toujours dévouée, mais parfois aigrie : en
somme, un intérieur à bien des points de vue exceptionnel, où l'inter-
vention de la grand'mère, la vieille marchande des Batignolles, qui se
fâche lorsque tout le monde ne se réunit pas chez elle le dimanche,
achevait de donner la note pittoresquement attendrissante. Et tout
autour, en dehors du groupe intime où aflection et confiance sem-
blaient s'être réfugiées, l'indifférence ou le soupçon d'intentions mau-
vaises : les humiliés sont aussi les abandonnés; surtout ils sont les
(I) Bien cnteiuiu, on supposanl (ce <|ui est le ras le moins fréquent) ([ue la famille ou-
vrii'i'c ne se dissolve jias sous les multiples tentations du vice.
180 N" 70. — OLVIUÈHE MOILELSE EN CARTONNAGE DU JOUET PARISIEN.
exploités, et l'ouvrière l'avait dureinenl senti depuis le jour où, ren-
voyée par un fabricant qui s'était emparé de sou invention, à elle, une
iavention remarquable, d'où le plagiaire a su tirer réputation et for-
tune, elle est retombée dans la foule des façonnières, ruinées parleur
concurrence réciproque et les bas prix de l'étranger.
Les questions de pauvreté et de souffrance sont essentiellement rela-
tives. Les plus misérables des misères sont bourgeoises. Et parmi les
soudrances ouvrières, celles des ouvriers de luxe, délicats, rairniés par
trois générations de recherches croissantes, demeurent les plus aigiies.
Le petit patronbelgede toilettes anglaisesaunbudgetunpeu inférieurau
budget de la mouleuse en cartonnage. Le trùleur piémonlais connaît plus
qu elle ne le peut faire la privation physique du pain quotidien (1). Ni
l'un ni l'autre ne nous émeuvent au même degré, parce que ni l'un ni
l'autre ne témoignent de cette organisation nerveusement impression-
nable, qui jeta jadis l'ouvrière dans la lecture passionnée des romans,
et qui en pleine table la faisait éclater en sanglots devant les malheurs
de se? héros imaginaires, à la grande surprise de sa mère, plus atta-
chée au côté pratique de la vie. En vain, vous leur demanderiez à ces
acharnés travailleurs, dont l'un cependant atteint une moyenne intel-
lectuelle élevée, cette imagination éprise d'art qui pousse l'aîné des
enfants à dessiner sans maître, qui lui a fait acheter un violon, qui l'a
même engagé dans des leçons de musique, prises le soir, après les
onze heures de travail, d'un artiste bohème, rejeté par l'intempérance
dans les concerts des rues, professeur à trente sous le cachei. Verrait-
on chezeux ce goût irrésistible des éditions rares et des vieilles reliures,
qui a fait ramasser à cet apprenti, pièce par pièce, une petite biblio-
thèque, ou cette avidité de spectacles, de théâtres, qui chaque après-
midi de dimanche ressaisit les deux frères, et les met à la tête des veil-
leurs obstinés, impassibles, quinze heures avant les représentations
gratuites, sur les marches de l'Opéra, à la Comédie française ou au
Châtcief, — quand on joue Michel Strogo/f? Ceux-ci sont plus près de
nous; leurs renoncements et leurs douleurs sont presque nôtres.
A cela du reste se bornait toute la préoccupation morale de ces pau-
vres gens. Leur culte du bien, du vrai et du beau restait exclusivement
laïque. Aucune idée religieuse ne s'y ajoutait, sauf la tradition conservée
de faire maigre le Vendredi saint. Pas de respect du dimanche : la
morte saison n'accumulait-elle pas assez de congés au même temps?
(i) V. ( i-tk'ssus Èbvnisle jninaien de haut luxe, 8 I« fl !!'•
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. IHI
Nulle préoccupation de réalités extra-terrestres. Le jeune ouvrier de
dix-sept ans, Tapprenti de treize ans n'avaient jamais songé à l'acte
qui ouvre pratiquement la vie catholique : la première communion. La
mère s'excusait sur sa pauvreté, son absence totale de relations. Depuis
quelques mois même un hasard l'avait conduite à une cérémonie calvi-
niste, dont la simplicité et <' le bon marché -> l'avaient frappée. Le plus
jeune de ses fils manifestait hautement sa préférence pour la confession
protestante. La lecture quotidienne de tous était empreinte d'un
matérialisme décidé, puisqu'elle se bornait au Petit Parisien.
Telles étaient, au moment où les éléments de la présente monogra-
phie furent recueillis, les qualités morales indéniables de cette famille.
Elles tentèrent le zèle militant d'un ami qui accompagnait l'auteur de
ces lignes : et c'est ainsi qu'une exploration sociale commencée au
nom de la science pure devint la cause très indirecte d'une conver-
sion (5; 22).
l 4.
HYGIÈNE ET SERVICE DE SANTÉ.
Le siveating system accuse ses effets en deux points très distincts
d'un résumé monographique : le travail, parce qu'il a pour essence le
surmenage; l'hygiène, parce que le surmenage ne se maintient qu'en
consumant les forces et la vie. Les dangers qui en résultent pour l'a-
venird'une race apparaissent surtoutlorsqu'ilspèsentsur les femmes, —
les mères, — et atrophient ainsi une large part des énergies nationales.
Elle est en effet définitivement ruinée la santé de cette femme née
cependant de parents flamands, race réputée résistante entre toutes.
Jadis elle respirait la bonne humeur et l'énergie dans son activité
alerte de blonde bien portante; de taille moyenne (l'",60), mais vigou-
reuse d'aspect, elle paraissait faite pour le travail et la maternité.
Tout cela s'est usé peu à peu. L'estomac délabré, au point qu'elle ne
peut soutenir sa tâche quotidienne que par l'absorption de remèdes vio-
lents, brisée par des migraines continuelles dans l'atmosphère sur-
chauffée des pièces basses, elle s'estime encore heureuse de ne pas être
ressaisie par ces grandes crises de rhumatismes articulaires, qui jadis
lui ont recroquevillé les membres et qui l'ont forcée vers 1881 de mar-
cher six mois avec des béquilles. Et le régime auquel elle est soumise,
les labeurs surhumains, les aliments mal cuits et absorbés à la hâte.
18ÎJ N" 70. — (Il VHIKRE MOILECSE KN l.AHTONNAGE DU JOIET PARISIEN.
les veillées, l'air vicié par l'oxyde de carbone, le sommeil trop parci-
monieusement mesuré, tout semble fait pour ramener de plus terribles
retours.
Et les fils? Il sera difficile de trouver en eux des soldats; du moins
pour l'aîné, mince, élancé, sans largeur de poitrine, dépassant déjà à
dix-sept ans l'",70 : bronchiteux d'ailleurs pendant douze ans, élevé
avec mille précautions inquiètes, retombant de temps à autre sous des
atteintes de pleurésie. La force des grands-parents de la femme
semble plutôt s'être réfugiée chez l'apprenti de treize ans, anémique
toutefois, presque exsangue, mais dont aucune maladie chronique ne
menace l'avenir à bref délai. Tous deux offrent une organisation do-
minée par une sensibilité nerveuse extrême : d'étranges dépravations du
goût, la passion du vinaigre notamment, se manifestent même chez le
plus Agé. C'est une suite fatale de l'alcoolisme héréditaire. Une de
leurs tantes, plus gravement éprouvée, a été internée pour hystérie.
Contre ces attaques incessantes de la maladie, un seul secours :
l'énergie individuelle en cas de petites indispositions; les soins à do-
micile. Contre les accidents plus graves, l'Assistance publique. Le
siveating sijstem présente encore cette conséquence de conduire à l'as-
sistance légale : l'abandon de tout patronage, la concurrence effrénée,
la loi brutale de l'offre et de la demande, l'abus de la liberté entraînent
la misère sans remède, la disparition des appuis naturels, le recours à
l'État, l'abus de la réglementation.
RANG DE LA FAMILLE.
La famille étudiée occupe une haute place dans la hiérarchie ou-
vrière. Elle est parvenue tout d'abord à ce niveau considéré comme
le premier par le bon ton des travailleurs parisiens, le seul qui soit
digne d'une famille vraiment parisienne en dehors du commerce ou
des professions libérales, et qui comprend la plupart des multiples
spécialités de Varticle de Paris. A ce niveau même, elle s'est can-
tonnée dans la catégorie de haut luxe; laissant le moulage des corps,
bras <.'t jambes de i)oupées aux manœuvres de Monlreuil ou de la
banlieue, elle s'est réservé les tètes de personnages aulomati(pies,
les mains surtout, — la grande diilîculté du métier, — les coquets
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 1S.'{
accessoires de cotillon, les animaux artistiques, etc., les jouets rares
et inédits.
Dans cette catégorie, en outre, l'ouvrière doit se placer au premier
rang. Elle passe pour un représentant des bonnes traditions de l'art.
Les fabricants les plus connus s'adressent à elle. Elle est de celles à
qui le travail ne peut manquer, et une des rares qui fassent triom-
pher leur tarif, — tarif, il est vrai, lamentablement abaissé. C'est une
façonnière, c'est-à-dire qu'elle travaille chez elle à ses heures, et
bien que ce soit là la forme qui permette au sweating System de
s'exercer, et que cet isolement, — comme le fait si justement remar-
quer le D'" S. Schwiedland dans une de ses récentes études (1), —
soit parfois moins sûr que l'embrigadement des ateliers, elle y
trouve incontestablement dignité et indépendance.
Quant à l'élévation au degré supérieur, le patronat, elle est irrémé-
diablement fermée. Un jour la porte s'est comme entre-baillée. L'ouvrière
et son mari, associés à un fabricant connu, avaient lancé une affaire
qui a prospéré, plus tard et sans eux. Brusquement ils se sont trouvés
congédiés et ruinés. Le tribunal de commerce n'a pu que confirmer
le succès du plus fort et du plus habile. Les enfants ne reprendront
pas cette marche en avant. Ils resteront ouvriers de luxe, porte-
feuillistes, mécaniciens, et une vie paisible, au jour le jour, sera pour
eux vraisemblablement la réalité la plus heureuse.
MOYENS D'EXISTENCE DE LA FAMILLE.
§ 6.
PROPRIÉTÉS.
(.M(il)ilier et vêlements non compris.)
Immeubles O^OO.
La famille n'a aucune proiiriété ]>arliculière et ne songe pas à la possiliililé d'en ac-
quérir jamais.
Argent ^'OO.
Dans cette entreprise iiuiuslrielle, il n'existe même pas de fonds de roulemenl. Ces
deux francs sont placés par les enfants à la caisse d'épargne postale.
(1) Eine allé Wiener llauninduslriv (les fabricants de bas), Vienne, I8!t:>.
184 N" 7(i. — OLVKIÈHE MOULEUSE EN CAHTO.NNAGE DU JOUET PARISIEN.
Animaux domestiques : un couple de eanaris; une vieille perruche
(pour mémoire) 0^00.
Matériel spécial des travaux et industries GS^'CS.
1° Ot'.lils de mouleuse en cartonnat/e (utilisrs à l'alclier). — Vieille arnioire, dont les
étagères ont été remplacées par des treillis en lil d'arelial et à la hase de laquelle a été
introduit le poêle domestique (autrement dit séchoir), lo'OO; — terrines de deux tailles
pour contenir la colle, l'îK); — 1 pot de cuivre pour la colle forte, 10' 00; — mailloches
(hâtons courts, arrondis à un hout, qui servent à imprimer le papier enduit de colle dans
les sinuosités du moule), r;"n)es de diverses grandeurs, marteau, ciseau, etc., iO'OO. —
Total. 36f!K).
2° Outils de porte feuilliste (du fils aîné). — Outils divers, ciseaux, etc., 2o'()0. — Total,
-20' 00.
3» Matériel pour le racco'mmodatie des vêlements. — Dé, aiguilles, ciseaux, 2'00. — To-
tal, 2'00.
4" Matériel })our le hlancliissar/e et repassage du linr/e. — 1 hattoir, O^GO ; — l hrosse,
0'25; — 2 fers à repasser, 3 francs; — 1 gril, O'.iX). - Total, i'~r,.
Valeur totale des propriétés G5^G5.
g 7.
subventions.
La monographie de l'Ebéniste de haut luxe (ci-dessus, p. 53) a mis
en relief cette subvention que nos civilisations compliquées distri-
buent avec une générosité croissante : l'instruction générale ou pro-
fessionnelle. Ici nous relevons la subvention symétrique en quelque
sorte, puisqu'au li(.'u de développer au départ l'individualité humaine,
elle la recueille dans ses chutes : l'Assistance, ù lacfuelle les ouvriers
de luxe parisiens s'adressent en toute simplicité, comme on exerce
un droit public, et sans aucune des hontes paysannes ù l'égard de
l'hôpital si redouté. Sans doute, le respect de soi-même ferait refuser,
sauf en cas de besoins extrêmes, l'aumône brutale, l'argent remis.
Mais à la moindre maladie, les consultations gratuites du dispen-
saire voisin remplacent la mutualité si chère à d'autres familles de
travailleurs. Toutes les longues épreuves de l'ouvrière n'ont-elles
pas eu pour cadre une des .salles communes de l'hôpital Beaujon?
C'est un chemin connu (|u"il sullirait de re[)rendre. Les assistances
privées, l'assistance Ituel, par exemple, cette étonnante manifesta-
tion charitable des nouvelles fortunes commerciales, ne sont pas
négligées : et les apprentissavcnt en utiliser les distributions de médi-
caments, ainsi que les salles de bains toujours ouvertes. Le cercle
OBSEllV^ATIONS PRÉLIMINAIRES. 185
plus étroit de la famille vient augmenter encore la force de ces
secours assurés aux moments difficiles : la vieille mère, qui ne se
borne pas à ces cadeaux pratiques dont la mention est relatée au
budget des recettes, se fait le banquier obligeant de sa fille, et à
la morte saison avance l'argent que vendrait trop cher l'usure légale
du Mont-de-Piété.
§ 8.
TRAVAUX ET INDUSTRIES.
Ici le premier plan appartient à la description de l'atelier de mou-
lage, c'est-à-dire à un raccourci de monographie d'atelier, sous le
régime du sweating si/stem.
Là aussi, bien que sa puissance s'émousse quelque peu sur la
spécialité des automates ou sujets habillés (la Ballade de Pierrot à la
lune, 360 francs, ou le grand Nègre jouant de la flûte à 1.000 francs),
s'exerce la double action du grand magasin : augmentation des dé-
bouchés, et baisse des prix avec camelota ge. Comptoirs célèbres des
quartiers riches, Enfants Sages ou Nain Bleu, grands magasins vé-
ritables à rayons multiples, Bon-Marché, Louvre, Printemps, Bazar
de l'Hùtel-de-Ville, Tapis-Rouge, Porte-Saint-Denis, Place Glichy,
Petit-Saint-Thomas, Ménagère, bazars innommés des grandes voies et
des faubourgs ouvriers, tous pèsent de tout leur poids sur les acces-
soires de cotillon, les animaux, les têtes et mains de personnages;
tous jouent habilement de l'effrénée concurrence de ces ouvrières, dont
beaucoup considèrent le métier comme un métier d'appoint, et aussi
des importations saxonnes, d'un bon marché invraisemblable (1).
Pour ne pas laisser échapper la place si disputée, force est donc de
secouer dès G heures un sommeil trop raccourci. Dès 7 heures, après le dé-
part du fils aîné, apprenti depuis dix-huit mois chez un façonnier porte-
feuilliste, la mère, une ouvrière et le garçonnet s'installent devant les
deux tables de bois blanc couvertes de zinc qui forment le centre de la
pièce. Tout le travail est fait de dextérité et de goût. La matière première
n'est autre que de vieux papiers d'emballage gris ou blancs, achetés :20 à
(1) Une grosse de têlcs, en effet, livrée à l.'> francs par une mouleuse habile, est offerte
à ! '-2îi par les commissionnaires allemands, grâce au bas prix de la main-d'œuvre, surtout
à la substitution de la pâle au carton. La pâte est un composé de sciure de cèdre, de
son et de dolage ( rognures de gants de peau) pétri à chaud et estampé.
180 N° TC». — OIVRIKKE MOULEUSE EN CARTONNAGE DU JOUET PARISIEN.
(iO francs les 100 kilos du revendeur qui les a ramassés un peu partout,
dans la hotte du chiffonnier ou dans les sous-sols des grands magasins
dont rintluence transparaît de toutes parts en cette industrie. A côté du
papier détrempé, une terrine de colle, faite de farine inférieure et d'alun,
qui coûte 2 francs ou 2^30 par baquet de 40 kilos. L'ouvrière a devant
elle le moule, — en plâtre, s'il suffît de tirer un petit nombre de pièces,
sujets de haut luxe, — en fonte, si l'on vise une production vulgaire,
par suite effectuée en grande masse. (Ces moules, propriété du fabri-
cant, sont l'œuvre du sculpteur, ou du fondeur et de l'ajusteur méca-
nicien.) Elle déchire rapidement de petits morceaux de papier, les en-
duit de colle avec un pinceau et les applique sur le fond du moule, de
façon à en pénétrer tous les creux par la forte pression d'un bâtonnet
à bout arrondi, appelé suivant sa taille ébauchoir ou mailloche. L'é-
bauchage est ainsi terminé. Parfois l'objet a dû être divisé en deux
moitiés, moulées séparément. L'ouvrière, chef de métier, se réserve le
montage ou réunion des diverses parties. Elle colle à la colle forte, par
exemple, les trois morceaux qui constituent le cheval apporté devant
nous, râpe les coutures à la lime, applique sur ces coutures des bandes
de papier, ce qui s'appelle exactement « mettre les raccords ». La c< fi-
nition )> est presque terminée. Reste le séchage d'une heure dans l'ar-
moire précédemment décrite : enfin le ponçage au papier de verre.
L'œuvre est prête pour la livraison brute et la journée se continue :
interrompue à midi, à 7 heures, bientôt reprise à la veillée, avec la
collaboration du portefeuilliste, qui s'improvise mouleur et cela jusqu'à
minuit, I lieure, davantage même, au delà t\c quatorze heures de tra-
vail plein, et sans laisser plus de quatre heures et demie entre la
tâche trop lourde de la veille et la lâche encore plus lourde du len-
demain. Un rythme régulier gouverne la besogne annuelle : d'abord
le coup de feu des étrennes, les jouets proprement dits, de septembre
à janvier; après quelques jours de repos, le cotillon et les œufs, jusqu'à
Pâques; puis, entre avril et septembre, de mortels mois de vacances,
synonyme adouci de chômage, pendant lesquels les favorisés de la
fortuni; travaillent à découvert, pendant lesquels les autres en sont
rt'duits à l'inaction et aux dettes.
P(mr établir le gain de chacun des membres de la famille il faut exa-
miner séparément leur travail.
Travail de la mère. — Dans l'année observée du 1" janvier au 31 dé-
f-embre IHOt, neuf fabricants se sont adressés au petit atelier. Les
commandes ou commissions discutées par la façonnière qui défend
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 187
pied à pied son tarif, varient fort d'importance, puisque l'une s'élève à
1.602' 53 et l'autre s'abaisse à 25 francs. Le total indique 3.953' 70, —
recettes totales de l'atelier, frais non déduits. Le fabricant ne fournit,
en effet, que les moules, plâtre ou fonte, qui encombrent les étroites
picces. L'achat de la matière première, l'entretien du matériel (ter-
rines, mailloches, ébauchoirs, râpes, etc.) imposent à l'ouvrière une
dépense de plus de 300 francs. Ajoutez à ces déboursés le salaire
(730'') de l'auxiliaire permanente, une jeune fille de vingt ans, payée
3 francs par jour (onze heures de travail) pendant 230 jours, le salaire
(375*') d'un jeune homme de dix-huit ans payé également 3 francs
pendant la période de presse (125 jours) ; et les sommes versées (350'J
à quelques femmes travaillant toujours pour le compte de la façon-
nière dans leurs mansardes f§ 10 A). C'est un total que les petits sa-
laires accordés aux deux fils portent environ à 1.850 francs, ce qui laisse
à peu près 2.100 francs pour le salaire de la mère et le bénéfice de de
l'industrie.
Travail du fils aine. — L'apprentissage de portefeuilliste : dix-huit
mois sont écoulés et l'apprenti ne touche que 1' 50 par jour. Le façon-
nier qui l'emploie se sent en face d'une femme seule et ne se hâte pas
d'accorder des conditions meilleures. A l'atelier de sa mère le jeune
ouvrier travaille deux heures par jour pendant trois mois et reçoit un
salaire de 48 francs.
Travail du plus jeune fils. — Il remplace à l'atelier un apprenti
mouleur qui aurait été payé 50 centimes les premiers six mois, 75
centimes les six mois suivants et ainsi de suite; son gain dans l'année
observée a été à cet égard de 26 francs.
Travaux accessoires et industries domestiques. — La petite industrie en
chambre (hausindiistrie) iue les industries domestiques accessoires, qui
constituent l'indépendance et la prospérité des familles paysannes.
Hors de la morte saison, quel intervalle trouverait-on pour l'exercice
de travaux compliqués? Ace moment, la mouleuse s'improvise tailleuse,
modiste même; mais le reste de l'année, le ménage est fort sacrifié,
le raccommodage sommaire, le lavage effectué par une auxiliaire du
dehors. L'apprenti joue le rôle de bonne, et est chargé des achats.
188 N° 76. — orviuÈiii; moilelsk en cartonnage du jouet paiusien.
MODE D'EXISTENCE DE LA FAMILLE.
ALIMENTS ET REPAS.
Une santé ébranlée et un travail opiniâtre ont cette conséquence fa-
tale, — telle est la liaison intime des phénomènes économiques, — d'a-
mener dans le choix des aliments une préférence marquée pour le café,
ralcool, et les excitants, sel, poivre, vinaigre, épices. Nous pourrions
citer des familles ouvrières soumises au surmenage industriel qui se
soutiennent par le rhum, l'eau-de-vie de marc, le sucre et les bois-
sons aromatiques. Ici, la terreur de ralcooHsme a banni les liqueurs
fortes. Tous les autres éléments se retrouvent et la tendance se vérifie.
A six heures, aussitôt après le lever, déjeuner avec du café noir, et
des tartines beurrées.
A midi, repos d'une heure pour le dîner. La soupe est servie, à la
mode flamande : soupe maigre le plus souvent, aux pommes de terre
et haricots; un plat de viande, bœuf bouilli, côtelettes ou beefstcak, ra-
pidement cuit à la poêle; parfois des légumes; du fromage l'hiver,
des fruits ou de la .salade l'été.
Le soir, à 7 heures, halte identique et ordinaire fort semblable.
A la veillée, le sommeil est chassé par l'emploi du vin chaud.
En définitive, une assez grande variété dans le choix des mets,
pour lâcher d'inciter la faim lente à venir, une distinction très nette
entre le régime d'hiver et le régime d'été, où les légumes verts, les
salades et les fruits prédominent. Assez de viande : le pot-au-feu
presque cliaipie semaine. Mais tout cela en quantités modérées. Le
faible poids de pain consommé indique la médiocrité de l'appétit
chez les descendants d'une race habituée à une forte alimentation.
Quelques faits généraux ressortent. D'abord, les jeunes gens ne sont
placés que dans des ateliers rapprochés de la maison familiale : ainsi
sont évitées les dépenses considérables des aliments pris au dehors,
chez le débitant, et en même toiups la fascination du comptoir où
s'absorbent les canons et les petits verres. Ensuite, une forte pro-
portion de la viande consommée par la famille est achetée toute
cuite chez un restaurant voisin; c'est une conséquence du sweating
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 189
System et de la désorganisation des soins domestiques qu'il entraîne.
Enfin aucun recours au crédit, l'économie la plus stricte.
§ 10.
HABITATION, MOBILIER ET VETEMENTS.
L'habitation de la famille est naturellement située au cœur du Ma-
rais, au coin de la rue des Billettes, si célèbre au moyen âge par le
miracle du juif et de l'hostie, et devenue aujourd'hui le prolongement
de la rue des Archives, vers la place Lobau. Là, au sommet de
quatre étages, après avoir dépassé les élégantes plaques de cuivre des
gaîniers, fabricants de manches de cravache, bijoutiers même, qui
s'entassent dans l'immeuble, un modeste appartement distribué à
grand'peine dans un ancien grenier. Cinq petites pièces; en bas, une
cave. Dès l'entrée, un cachet artistique misérable. Notez ce Irait. Dans la
première chambre, — le salon, — une plante rare, un guéridon re-
couvert d'un mauvais tapis, tout autour de ce salon (l'imitation des
classes riches est évidente), posés sur un petit secrétaire, ou accro-
chés aux murs, des modèles de cartonnage artistique, les chefs-d'œu-
vre de l'atelier : un Méphistophélès ébauchant le geste d'attaquer
sa sérénade, des chevaux, des personnages divers, des académies,
une guitare, — • également en cartun, — le tout entremêlé de vieilles
caries de géographie. Au fond, une salle qui sert d'atelier, avec le
séchoir et les tables formant établi. A gauche, une petite cuisine;
une mansarde qui sert de débarras où l'on a dressé un lit de fer ; une
chambre plus grande à vieux meubles en noyer, lit à rideaux, com-
mode-lavabo, garniture de cheminée de style antique, avec le globe
de la coiffure de mariée, si fréquemment rencontré dans les ménages
parisiens. Surface variant de 6 à 12 mq. par pièce. Hauteur générale
l™,9o. Voilà le cadre de notre étude.
Meubles : indiquant, malgré leur pauvreté, une copie du
confort bourgeois 686^25.
I" Literie. — Un lit de fer grand modi-le (servant à la mère et au plus jeune fils), 30' 00;
— l sonuuier, iO'OO; — 3 matelas (deux en laine et un en varech), Go'OO; — 1 traversin,
.S(00; — un oreiller,GfOO; — 2 couvertures et 1 couvre-pied, 14'00; — l édredon, SCOO; —
l petit lit en fer (pour le fils aine), lit-cage avec 1 matelas, l couverture, 1 couvre-|iied,
\ traversin, 1 oreiller, 40' 00. — Total, -230' 00.
û" Mobilier de la pièce d'entrée formant salon. — 1 bureau en noyei', oO'OO; — 1 guéri-
don et t table en noyer, C'OO; — 4 chaises en noyer, "'00; — i tapis feutre, 1 chemin de
14
190 N° 76. — OUVRIÈRE MOULEUSE EN CARTONNAGE DU JOUET PARISIEN.
niolesquine, ^UKi: — 2 jardinières avec dracu'iias, "'(M); — l violon. lO'OO; — échantillons
brevetés, chefs-d'œuvre de l'atelier, mais propriété du fabricant (pour mémoire); — .car-
tes de j,MOt,'rai)liic, menus objets, o'OO. — Total, iiO'OO.
3» Motnlier de la pièce servant d'atelier. — Boite d'outils et séchoir (déjà mentionnés
aux propriétés); — moules en plâtre et en fonte, propriété du fabricant (pour mémoire);
— 2 tables en bois blanc, recouvertes d'une feuille de zinc,!»' 00;— '» escabeaux et chaises
de paille, ."J'OO; — i coucou (horloge) (i'.'iO; — cages d'oiseaux (serins et perruche), lO'OO.
— Total. 30'.jO.
4° Mobilii-r de la c/iamh-e à coucher (outre les -2 lits). — I commode noyer, 80'0<): —
1 commode-toilette en noyer, 8i)'00; — l table de nuit en noyer, lO'OO; — 1 garniture de
cheminée, pendule et deux vases, 40'00; — 1 globe de \erre renfermant une couronne
de Heurs d'oranger, fi'OO; — 1 paire de rideaux de I it, 1 paire de rideaux île fenêtres, en co-
ton rouge, l.'i'OO; — tapis, l'.W; — objets divers, crucifix, .3(1'; — vieilles gravures artisti-
t|ues, 20'; — 1 verre d'eau, I service à café (mentionnes ci-dessous). — Photographies, sta-
tuettes, vase, 5' 2.-;. — Total, 2XG'":;.
S' Mobilier de la cuisine. — 1 budet de cuisine, lO'OO; — I table en bois noir, ."i'OO; —
1 petite table en bois blanc, 2'00. — Total, 17' 00.
6° Mobilier de la chambre du fils aine (outre le lit-cage). — Nombreux moules, i)ro-
priélé du fabricant (pour mémoire); — l étagère i)our les livres, 2'00. — Total 2'00.
7» Livi-es. — Bibliothèque du fils aîné : Espionne (roman), Qualre-vinfjl-treize cl Notre-
Dame de Paris, Napoléon le Petit, de Victor-Hugo; livres scientifiques de Todière; une
vieille édition dépareillée de Voltaire (1734), etc. : — livres de l'apprenti : livres de classe;
papier, plumes, encre, etc. — Total, 30' 00.
LlNGii DE MÉNAGE 84^30.
2 paires de draps en coton (grand modèle), 30' 00; — 2 paires en coton (petit modèle,
14'00; — 6 taies d'oreillers en coton, 7'r;o; — t douzaine de serviettes, 7'80; — 1 douzaine
de serviettes de table (lil), 4'.")0; — 1 nappe en coton, 3'00; — 1 douzaine d'essuie-mains
et de tore lions (forte toile), S'OO; — 2 paires de rideaux et I petit rideau, imitation gui-
pure, s'OO; - divers, l'.'iO. — Total, 84'30.
Ustensiles 72' 85.
1° Dépendant de la cheminée et du fourneau.— t jioéle en fonte. iri'Ofi; — pelle, pin-
cettes et tisonnier, 0,7.'); — 1 seau à charbon, 0,!i,'>. — Total, l(i'70.
2° Employés pour la préparalion des aliments. — t cocotte (fer-blanc émaillc bleu,
<|ui évite le récurage), 3'00; — 1 marmite (occasion), 3',')0; — 1 grande casserole, émail
bleu, i'V>; — 3 petites casseroles émaillées, 2',";0; — 1 passoire, 0,4.'>; — 1 cafetière-filtre,
1^45; — 1 moulin à café. l'2.'); — 1 garde-manger, 0,45; — couteaux, fourchettes, cuillers
(fer-blanc et métal anglais», 4'?>0; — ])lats et récipients divers, 2' 00; — <> assiettes à soupe
en faïence, o'iW; — 12 assiettes ordinaires, faïence bleue, 4' 20; — G verres, 0'!>0; — bou-
teilles, divers, 3' 00; — t service à café en porcelaine, (i'oO; — I verre d'eau, ."i'OO. — Total,
40' 5S.
3° Employés pour h-s soins de propreté et l'éclairai/i'. — I garniture complète de la-
vabo, 3':W; — pot à eau et cuvette, vases, l'.'iO; — 1 broc, o'ii:;; — t seau en fer battu,
3'00; — i bassine à laver la vaisselle (fer-blanc). l'4;i; — l cuvette en fer battu (ordures),
l'!i:i; — I l.impe, 2':iO; - 2 chandeliers, 0'7:;. — Total, l.'i'CO.
VÊTEMENTS 1 Copie cxacte de ceux de la petite bourgeoisie... 'l(>'^^']0.
Vêtements de i/ut vrikue (3i6MO).
1" Vêtements du dimanche. — I jarpielte de drap noir, lO'OO; — 1 costume en cache-
mire noir, 30'00; — 1 chapeau, lO'OO; — i paire de bottines, «'(K); — i paire do gants
de peau, l'2.'i; — I parapluie, 3'00; — 1 ombjcUe, 2'00. — Total, C4'2:;.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 191
2" Vêtements des jours ordinaires, se confondant avec ceux de travail. — i jupons
(vieilles robes). "ifOO; —2 camisoles de colon Idanc, 2'00; — 1 corset, .i^'Vd; —2 pantalons
en colon, l'a';; — 8 chemises en coton, 10' 00;— i gilets de flanelle, i'OO;— 4 |)aires de bas
de laine, 4'.'W. — i paires de bas de colon, l'iiO; — 2 paires de chaussures détresses, 3'o0; —
1 tablier de travail enveloppant tout le corps, 8'00; — l tablier en toile bleue pour soins
domestiques, 2'00; — 1 cliàle de laine noire, ri'OO; — 1 loulard, 0'<J0. — Total, 51'85.
3" Bijoux. — Montre et chaîne d'or (au Mont-de-Piélé, § l.'i, sect. V), liO'OO; — boucles
d'oreilles, 60'00. — Total, 200'00.
Vêtements du fils aîné (94*' 90).
1» Vêtements du dimanche. — t pèlerine à capuchon en drap (dite lorrain), ";'50; —
l costume complet (jaquette, gilet, pantalon) en drap noir bleuté, 20'(W; — i chapeau
de feutre, 2' 40. — Total, 27'<io.
2° Vêtements des jours ordinaires. — 1 veston et 1 pantalon île velours achetés au
• Jcan-Bart », 10' 00; — 1 gilet de laine, CW; — 4 chemises de coton (couleun, "'00; —
4 chemises blanches de coton (col et manchettes en toile), O'Oû; — 3 gilets de flanelle,
k'm; — 5 paires de chaussettes en coton, 3'00; — 2 cravates, O'GO; — 1 cache-nez, 2' 00;
— 1 courroie, O'flO; — l béret de laine, l'50; — 2 paires de souliers, IS'OO. — Total, 60'00.
3» Vêtements d'atelier. — 2 blouses blanches, "'00. — Total, "'00.
YÈTExMENTS DU PLUS JEUNE FILS (o3 ^30).
\" Vêtements du dimanehe. — 1 pèlerine à capuchon en drap (dite lorrain), 4'00; —
1 costume complet, couleur sombre, 12' 00; — 1 chapeau de feutre, 2'40. — Total, t8'40.
2° Vêtements des jours ordinaires. — \ veston et un pantalon velours, 8'00; — 1 gilet de
laine, 3'00; — 4 chemises de coton (couleur), 5' 00; — 4 chemises blanches de coton, 4' 00;
— 3 paires de chaussettes en coton, 2',W; — 2 cravates, O'TO; — 1 cache-ne/. 2'00; —
•1 courroie, 0'80; -.1 béret de laine, 0"J0; — 2 paires de souliers, «i'oo. ~ Total, 32'90.
3° Vêtements d'atelier. — 1 blouse, 2' 00. — Total, 2' 00.
Valeur totale du mobilier et des vêtements 1^307 f 70.
l il.
RÉCRÉATIONS.
C'est en général ce paragraphe des récréations, dont le titre ne
devrait éveiller que des idées paisibles, qui fait apparaître le plus
sombre côté de la question ouvrière. A mesure que les oppositions
de fortunes s'accentuent, à mesure qu'autour de nous, à Paris, il se
crée face à face deux cités, la cité des riches, le parc Monceau, les
Champs-Elysées, avec leur étalage de luxe et de fête, la cité des pau-
vres, faubourg Saint-Antoine, Belleville, place d'Italie ou Marais, avec
les recoins où le swealing system s'allie à la dure réglementalion des
grandes usines, une communication incessante hausse les idées du
prolétaire au niveau de celles du parvenu. I^ui aussi conçoit un pro-
gramme joyeux et satisfait de la vie. Laissons de cùté les plaisirs
brutaux qui désorganisent l'individu à brève échéance, débauche,
192 N° 76. — OUVRIÈRE MOULEUSE EN CARTONNAGE DU JOUET PARISIEN.
jeu OU ivrognerie. Prenons les dislraclions honnêtes, délicates, celles
qui fortifient l'esprit et l'affinent. II les revendique, il s'en empare;
aux théâtres, dans les musées, aux concerts du dimanche, il se mon-
tre connaisseur sensé et sait applaudir aux bons endroits. Ses lec-
tures, la bibliothèque fréquentée, le journal parcouru avidement du
coin de l'œil sur la table du déjeuner, l'ont hissé tant bien que mal
vers les échappées intellectuelles. 11 se prélasse à l'aise au milieu des
doctrines, — et son livre de paye, au lieu de constater l'accroissement
de ses ressources, témoigne d'un aff^aissement chaque jour plus mar-
qué. Tel est l'état d'esprit de l'ouvrière , surtout celui des deux jeunes
gens. Le côté patriarcal de leur vie du dimanche, les après-midi passés
chez la grand'mère, les repas en commun, les longs et calmes retours
du soir ne doivent pas masquer ce que cette montée irrésistible des
besoins ouvriers renferme de sourdes colères et de souffrances.
Ne serait-il pas politique de relever', là aussi, le prestige des jeux
physiques? Le « mail » jadis était l'annexe obligatoire de la plus
petite ville, et les écrivains du dix-huitième siècle nous décrivent à
chaque instant les bals du dimanche des artisans de l'Ancien Régime.
Mais quel moyen d'empêcher l'apprenti, qui s'habille à la bourgeoise,
de copier les passe-temps actuels d'un bourgeois bien élevé?
— ■csa^^ssïNe»-'»-
HISTOIRE DE LA FAMILLE.
l 12.
l'UASES PRINCIPALES DE l'eMSTENCE.
L'ouvrière est iille d'un forgeron lillois. Elle avait quatre ans, lors-
qu'en 1836 elle quitta le faubourg natal et arriva avec tous les siens
dans le grand Paris, à Montmartre. Sa mère, habile cuisinière, fonda
un petit débit; le père rapportait des journées assez, fortes. Mais en
1866 celui-ci mourut. Il y eut alors un moment de pauvreté extrême;
le restaurant, qui avait pour annexe un hûtel meultlé. périclita; la
charge de deux enfants à élever, un fils, une filb;, est lourde pour le
seul travail d'une femme : la charité privée dut intervenir, et l'ouvrière
se souvient avec reconnaissance d'une riche visiteuse, la comtesse
de X***.(iui l'avait prise sous sa protection particulière, et lui on"rituni'
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 193
place de femme de chambre. Mais la domeslicilé, c'est le servage.
Une maîtresse aussi rigoriste ninlerdirait-elle pas les romans, cette
grande passion de la fillette à quatorze ans? n'interdirait-elle pas sur-
tout le théâtre, qu'elle connaissait peu, qu'elle rêvait déjà? La gamine
de Paris voulait le plein air, et avait la terreur de toute cage, si dorée
qu'elle fût. Elle l'a regrettée depuis, cette cage. Donc elle devint ou-
vrière, ouvrière de luxe, passementière. Ce fut assez court. Un atelier
de mouleuse en cartonnage, dirigé par une femme sérieuse, pieuse
même, et qui passait alors pour la plus habile en cet art, oii les ar-
tistes restent si clair-semés, l'attira par le salaire assez élevé de
l'époque. Elle fut bientôt l'élève préférée de sa patronne, qui parait
avoir réalisé un de ces types stables de fabricant parisien d'il y a cin-
quante ans. D'assez longues années s'écoulèrent, dans la régularité
mécanique d'un labeur quotidien, qui avait fait de la jeune fille une
des premières mouleuses de la place.
En 1873, c'est la seconde étape : le mariage et aussi la période de
grandeur, suivie bientôt dedécadence. Victor L*** était ouvrier peintre.
Cette corporation a toujours produit de beaux parleurs. Bavard, plein
d'aplomb, joli homme d'ailleurs, c'était un mari séduisant pour une
jeune fille romanesque : ses terribles vices de <^ Sublime » se déro-
baient sous des apparences dégagées, mais correctes : point d'irréli-
gion trop flagrante — les Wallons sont pétris de catholicisme ; — pas
de fréquentations révolutionnaires, mais plutôt des attaches bona-
partistes; il contait avec complaisance comment son père, peintre
sans travail, l'avait placé, lui gamin de dix ans, sur le passage de
l'empereur au retour triomphal des troupes d'Italie, et avec quelle
émotion il avait jeté dans la voiture impériale une supplique, qui dés
le lendemain fît appeler le père et l'enfant aux Tuileries : malgré ce
contact avec le pouvoir, qui lui faisait parler avec force détails d'en-
treprises de décoration fréquemment renouvelées au Palais, une
insubordination naturelle, impatiente de tout joug, l'avait fait passer
par les compagnies de discipline pour rébellion. — Bien vite Vic-
tor L***, sut apprécier la valeur artistique de sa femme, et il résolut
d'en tirer parti. Brusquement, sans souci des scrupules de l'ouvrière,
il la força de s'établir à son compte; il débaucha pour elle et malgré
elle les pratiques de cette patronne si dévouée qui la traitait quelque
peu en fille adoptive. Un fabricant de jouets du Marais songeait alors à
créer un article nouveau, inédit par sa perfection artistique, et assurant
le premier pas à la France dans la grande exposition de 1878, qui se
194 N" 70. — OUVRIÈRE MOULEUSE EN CARTONNAGE l)V JOUET PARISIEN.
préparait. Un traité fut signé en 187r». Le fabricant et ses collabora-
teurs devaient établir le type du jouet : l'ouvrière serait chargée du
cartonnage, le peintre, de la décoration ; l'habillage et la vente étaient
réservées au fabricant. On choisit comme modèle de la tête du person-
nage les traits de la statue de Henri IV enfant: et l'on se mit à l'œu-
vre. Le succès du nouveau jouet français fut écrasant. Mais le fabri-
cant, en commerçant expert, s'aperçut qu'il fallait se dégager de ce
peintre qui avait fourni l'idée artistique, et de cette mouleuse qui
avait apporté à la création désormais fameuse le soin des détails ,
l'habileté de l'exécution. Aussitôt qu'un personnel jeune, formé par
la direction des associés de la première heure, lui permit d'assurer le
lendemain de l'entreprise, il se débarrassa de ses voisins compromet-
tants par un de ces crocs-en-jambe juridiques, qu'autorisent les traités
subtilement rédigés. Grande colère du « Sublime » , et indignation dé-
solée de la pauvre femme. On plaida, et il fut prouvé par plusieurs
jugements que des salariés peuvent toujours être remerciés, et que le
fait de ne pas intervenir au moment de la prise du brevet d'invention
démontre surabondamment le mal fondé de toute prétention à la dé-
couverte. Ce fut alors que la désorganisation de cette famille fom-
mença. Les joyeuses lippées du peintre toujours viveur se transformè-
rent en ivresses ininterrompues. Le désespoir fut le prétexte. La
débauche suivit bientôt l'alcoolisme. Au retour d'une maladie qui
l'avait retenue une semaine chez sa mère, l'ouvrière trouva la cham-
bre vide , le mobilier avait été vendu ; elle restait seule avec deux
enfants à élever; pour tout avoir, il lui demeurait deux tables de bois
blanc , qui n'avaient pas trouvé preneur.
Courageusement, elle se mit à commencer une nouvelle phase de sa
vie. Tout d'abord, elle fit constater judiciairement la séparation de
fait et obtint la garde de ses fils (1881). Le fabricant, qui la voyant
sans ressources et sans appui espérait l'utiliser à peu de frais et en
toute sécurité, lui offrit 1.800 francs, la table et le logement pour
fonder à Berlin une fabrique du jouet à la mode. Elle ne voulut pas
transporter à l'étranger une branche de l'industrie nationale et refusa.
Néanmoins elle accepta des commandes comme façonnière, ce qui
semblait passer condamnation sur les difl'érends d'autrefois. Peu à peu,
elle épargna et, pièce à pièce, acquit son mobilier, puis ra(Mieta des
bardes. Mais les enfants grandirent et les dépenses également. Malgré
l'appui dévoué de la mère, quia cependant à soutenir son fils, garçon
d'hôtel dans le quartier des halles, il sembla un inoniont (pio la défaite
OBSERVATIONS rHKLIMIXAIRES. 195
de la vie devenait définitive. La maladie terrassa l'ouvrière, la condamna
à six mois de souffrances et d'inaction. Mais la santé est revenue, le
labeur a été repris, et aujourd'hui un seul point la préoccupe : l'avenir
de ses fils. L'un, le portefeuilliste, a son gagne-pain assuré; le plus
jeune a été placé, grâce au patronage officieux que lui ont valu les
enquêtes monographiques (i; 3 et 22). Chaque jour, elle leur met sous
les yeux l'inconduite de leur père, sacrifiant ainsi à la moralité l'au-
torité paternelle, et elle déchire sans les lire les supplications de l'i-
vrogne, qui avec entêtement demande à être repris à ce foyer que
ses vices lui ont fait abandonner.
l 13.
MOEURS ET INSTITUTIONS ASSURANT LE BIEN-ÊTRE PIIYSIQUE ET MORAL
DE LA FAMILLE.
Jamais absence plus complète de l'idée de mutualité ne s'est ren-
contrée dans aucune famille ouvrière. Pas une seule de ces assurances
variées, que l'ingéniosité contemporaine a multipliées contre chacun
des accidents de l'existence.
Et pourtant tous les malheurs sont venus fondre successivement sur
celte famille ouvrière : ruine, inconduite du chef, maladies de la
mère, santé débile des fils; etc. Mais toujours les anciennes défenses
des époques antérieures ont paru suffire : la vaillance à soutenir
les tâches les plus lourdes; l'épargne, également, car on ne peut
refuser l'esprit d'épargne à celte femme, qui a reconquis insen-
siblement ses meubles vendus. A ciMé de l'énergie individuelle
a surgi l'esprit de famille, l'union intime de ce petit groupe, la
grand'mère, sa fille et son fils, qui ont montré vis-à-vis de leurs mi-
sères réciproques un dévouement toujours prêt; des secours en sont
venus sans discontinuité, nourriture des après-midi du dimanche,
prêts d'argent aux époques de crise, et c'est grâce à cet esprit de
famille que tous les bijoux n'ont pas été cédés à vil prix, que la dette
au Mont-de-Piété ne dépasse pas 40 francs, et que les livrets Crespin
n'indiquent pas de plus nombreux achats. Enfin, au-dessus de tout, la
charité est intervenue : celle des particuliers (§ 3, 12, 22); celle de
l'État, à diverses reprises; enfin depuis peu celle de l'Église (§ 22).
Ainsi, travail, famille, patronage, ces trois grandes forces des sociétés
anciennes, restent encore la base des civilisations d'aujourd'hui.
dl)C N" IC). — OrVRIKRE MOULEUSE EN CARTONNAGE DU JOUET PARISIEN.
^ 14. — BUDGET DES RECETTES DE L'ANNÉE.
SOURCES DES RECETTES.
SECTION 1".
PROPRIÉTÉS POSSÉDÉES PAR LA FAMILLE.
Art. i". — l'KOPRIÉTKS IMMODILIKIIES.
(La famille ne possède aucune i)roiiri(t6 de ce genre.) { S C)
AUT. 2. — VaLF.LP.S MOniLIF.RES.
Argent :
Caisse d't'paignc postale
(La famille ne possède aucun fonds de roulement) { j (J)
Matériel spécial des travaux et industries :
Pour le travail de moulage (utilisé à Tatelier) f,", G)
— le métier de portefeuilliste ('.;*»)
— la confection des vêtements ( ',, ti)
— le Llancliissuge et le repassage du linge Cj C)
Art. 3. — Droits aux allocations de sociétés d'assurances mutuelles.
(La famille ne fait partie d'aucune société de ce genre. )
Kraluation
approximative
des sources
de recettes.
Valeur
des
propriétés
.30 90
■20 00
2 00
4 75
Valeur totale des propriétés
SICCTION II.
SUBVi:\TIOi\S REÇUES PAR LA FAMILLE.
Art. d»' — Propriétés iiE(;uEs en usufruit.
(I^ famille no rcioit aucune propriété en usufruit.)
Art. H. — Droits d'usage sur les propriétés v((Isines.
(La famille ne jouit d'aucun droit de ce genre.)
Art. ;j. — Allocations d'orjets kt de services.
Allocations concernant la nourriture {% 7)
— — riial»itati(iii
— — le ser\icc de saute
— — les industries
N" 76. — OUVRIÈRE MOULEUSE EN CARTONNAGE DU JOUET PARISIEN. 197
^ 14. — BUDGET DES RECETTES DE L'ANNÉE.
MontJiiit de
s Recettes.
RECETTES.
Valeur
des objets
Recettes
reçus
en nature.
argent.
SECTION l'^.
REVEIVUS DES PROPRIÉTÉS.
AiiT. i". — Revenus des pisopuiétés immodilières.
(La lamille ne jouit d'aucun revenu de ce genre.)
AuT. ~2. — Revenus des valeuks mobilièuf.s.
O'OO
Intérêt (S l' ) de la valeur de ce matériel ( § 10, A).
O'IO
0 2o
1 80
1 00
- ■ - (S16,B).
— _ _ •....(*: 16, c).
AuT. 3. — Allocations DES sociétés d'assurances mutuelles.
(La famille ne reçoit aucune allocation de ce genre.)
"
■>
Totaux des revenus des propriétés
0 35
2 80
SECTION II.
PRODUITS DES SUBVEINTIO\S.
Art. l"'. — Produits des propriétés en usufruit.
(La lamille ne jouit d'aucun revenu de ce genre.)
Art. û. — Produits des droits d'usage.
(La famille ne jouit d'aucun produit de ce genre.)
Art. 3. — Objets et services alloués.
Repas pris chez la grand'mère le dimanclie
200 00
30 00
2!l 2.'>
2 00
»
Cadeaux de mol)ilier dépassant de 30'00 les cadeaux donnes
Assistance pul)liqnc : visites de médecin, 20' 00; — assistance Ruel : bains,
consultations, «'25
Intérêt [G X ) de 100' prêtés ])ar la grand'mère pendant 4 mois de morte
saison
Totaux des produits des sul)ventions
201 2.';
»
198 N" "iC. — OUVRIÈRE mouu:l-se en cartonnage du jouet parisien.
§ 14. — BUDGET DES RECETTES DE L'ANNÉE {suite).
SOURCES DES RECETTES {snile).
Désignali»»!! des travaux et de leiiiploi du temps.
SECTION III.
TRAVAUX EXÉCUTÉS PAR LA FAMILLE.
TriAVAii. l'itiNcii'AL :
Travail (le mouleuse en cartonnage pour divers fabricants... C', 16, A)
— d'apprenti portelcuilliste (en réalité 280 journées de 11 heu-
re s à r :» )
TitAVArx AiXF.ssoniF.s :
Travau\ de ménage et de préparation des aliments
Ilaccommodages, entretien des vêtements et du linge
Travaux de confe( tion i)ersonnels à la femme
Repassage et hlanchissage de quehiues vêtements
Totaux des journées de tous les membres de la famille
ijrANTITK DK TliAVAII. KFKKCTrK.
37» i. 2
7.{ 0
■20 «
17. <i
."{OS .
SECTION IV.
INDUSTRIES ENTREPRISES PAR LA FAMILLE.
Travaux de moulage à façon entrepris pour divers fabricants de jouets
confetliou de vêlements
— Iilanrhissage et repassage du linge
N" 70. — OUVRIÈRE MOULEUSE EN CARTONNAGE DU JOUET PARISIEN. 199
§ 14. — BUDGET DES RECETTES DE L'ANNÉE {suiié).
RECETTES {suite).
VM\ DKS SALAIUF.S JOURNAI.IF.IiS.
Jlire. Fils niné. 2' Fils.
:; (10
.! 00
1 :u;
0'l-2
SECTION III.
SALAIRES.
Salaire total attribué à ce travail.. Ç Ifi A)
— (déduction faite de l'intérêt
du matériel).. .•
Aucun salaire ne peut être attrllnié à ce trav.
Salaire attribué- à ce travail
Totaux des salaires de la famille
SECTION IV.
BÉNÉFICES DES INDUSTRIES.
Bénéfice résultant de cette industrie.
C Ki, A)
- - - C; 1«, B)
— — — (§16, C)
ToTAL'x des bénéOces résultant des industries ('^ IG, D)
NdiA. — Outre les recettes portées ci-dessus en compte, les industries don-
nent lieu à une recotte de I.TMSMIO (.', IK, D),qui est appliquée de nouveau à ces
mêmes industries; cette recette et les dépenses qui la balancent C.; l.'i, S°" V)
ont été omises dans l'un et l'autre budget.
Totaux DES recettes de l'année (balançant les dépen3es)('2.87!t'3(i).
MONTANT DI'.S DEl'KNSKS.
Valeur
des objets
reçus
en nature.
lO'OO
G 00
l(i 00
Eecettei
en
argent.
i.o:;;;foo
410 00
:2.374 00
200 N" 70. — OUVRIKRE MOULEUSE EN CARTONNAGE DU JOUET PARISIEN.
§ 13. — BUDGET DES DÉPENSES DE L'ANNÉE.
DÉSIGNATION DES DÉPENSES.
MONTANT Dï
Valeor
des objet»
consommés
en nature.
S DÉPENSES.
Dépenser
en
argCTit.
SECTION l".
DËPEIN'SES C0\CERWIA:«T LA NOURRITURE.
AUT. 1''. — ALIMENTS CONSOMMÉS DANS LE MÉNAGE.
(Tftr la mîrc et les deux fils pendnnt 307 jours.)
CÉRÉALES :
Pains (lo ^"8 (première qualité)
laritic de froment pour la maison ((|uaiite inférieure).
POIDS ET
ALIM
POIDS
consommé.
PRIX DES
ENTS.
PBIX
par kilos.
•
144'."iO
7 80
8.3 20
18 00
31 -20
30 00
UiO 40
100 00
83 -20
18 00
10 00
-20 80
14 80
-22 40
7 80
340*0
13 0
of42.-;
0 (iOO
353 0
0 431
Conps GRAS :
Ueiirre, consommé en tartines et comme assaisonnc-
2ti 0
7 .'>
13 0
3 -200
2 400
2 400
I.anl
Huile hlanclie
Poids total et prix movcn
4(i ;i
2 847
Laitage et oeufs :
I.ait (inusité)
18 0
2 000
Fromages de Drie, de Coutommiers. etc
Viandes et poissons :
Viande de ha-iif : i)oitrine (i)ol-au-feu), .'ii'- à l'20; on-
1,'lci, liavette (pour heefsteak), 40i> à ■>'oo
Vianil(! de mouton (côtelettes), 40'' à i'.'iO
Viandes di\(^rses achetées cuites à un restaurant \oi-
sii) : bœuf et veau , â(>'' à 3'20
0-2 0
40 0
-21 i 0
0 0
l.t 0
1 808
2 .'iOO
.3 200
2 (HH)
1 -2.30
I-apins, !»" a -2'
i»oissoris : limandes, harenss. 1-2'' à i'rîO: — morue
pour le Nciidredi saint, f- à l'OO
Poids total et prix nioven
180 0
2 180
I.ÉGLMES et FKllTS :
Tubercules: Pommes déterre achetées cuites au res-
taurant en même temps (|ue les viandes ci-dessus
mentionnées, •2(i'' à 0'-2(i, (i'sO; — 1 hect. de pommes
de terre rouges, ".> a o'ioo, s';— 1 hect. de pommes
de terre hianches, ".i'- à 0' 10. 12'
170 0
-24 4,-;
7.-; 00
13 (Xi
0 i:i2
0 00."i
0 .100
0 OOO
Légumes farineux secs : Haricots, l't litres, à 0' M),
-'00; — lonlilles, 1-2 litres, a 0'»i0, "'-20
Légumes verts à cuire : Haricots veris, '.'•. à O'K», 3'20;
— pois verts, •2-2'' , a 0'-20, i' 40; — cluiux, -20^ à 0' 10,
2'; — choux-lleiirs. 1-2'', .i O'ao, .H'OO; — arlichants,
.•('•, à l'-20, .l'OO; — oseille, 10\ à 0'40, 4'; — tomates,
'iS à o"»o, l'OO
L«'gumes-raciiics : Oanittes, poireaux, navels (pour
le pot-au-feu ), I.'fS a O'OO, 7'80
N° 70. — OUVRIÈRE MOULEUSE EN CARTONNAGE DU JOUET l'ARISIEN. 201
5^- 15. — BUDGET DES DÉPENSES DE L'ANNÉE {suite).
DÉSIGNATION DES DEPENSES {suile).
SECTION r".
DÉPEINSES COKGERIVANT LA i\OURRlTtJRE {.mile).
Akt. 1". — Aliments consommks dans le ménage {suite).
LtclMF.S ET FIUITS {SUtte) l
Légunies-épices : Oignons, ati", à 0'40, 10' 40; — ail,
, 1", à l'a;;; — persil, éclialotes, 1\ 1' 20
Salades : Cresson, romaine, escarole, 30'', à 0^80, -li'.
Cucurhitacées : Potiron, 9". à 0'40, S'CO
Fruits : Cerises, fraises, etc., liO", à 0'80, 48'
Poids total et prix moyen
POIDS ET PRIX DES
ALIMENTS.
Condiments et stimilants :
Sel. -26\ à 0'30, 7'80
Poivre , 1 '', à «'
Épiées divers : Clous de girolle, cornichons, piment,
etc., 4'
Vinaigre pour salades et cuisine, 5" 500, à l', .'i'.'iO
Sucre blanc. 20" 500, à l'20, 30'60
caramel , O'tiO
lioisson aromatique : Café, 13", à 4' 80
Poids total et prix moyen
Boissons fermentf.es :
Vin. 320 litres, à 0'70, 224' 00.
lllium, acheté au détail
Poids total et prix moyen.
POIDS
consommé.
28i'00
30 00
9 00
CO 00
20 00
1 00
5 50
25 5(1
0 50
13 00
n 50
320 00
1 00
321 00
PRIX
par kilog
0' 4G3
0 SOO
0 400
0 800
0 38G
0 .300
G 000
1 000
1 200
1 200
4 800
0 700
3 000
AnT. 2.
Aliments préparés et consommés en dehors du ménage.
Kepas pris chez la mère de l'ouvrière les dimanches et jours de fêtes, 116 re-
pas pour trois personnes, à 1' 60, 185'60; — aliments divers consommés chez
la même en dehors des repas, 14' 40
Totaux des dépenses concernaot la nourriture.
SECTION II.
DÉPEI>ISES COIVCERNAIMT L'HABITATlOiV.
Logement :
Loyer de trois pièces, une cuisine, une soupente et une cave (y comjjris
l'impôt (les portes et fenêtres), 440'; — Étrcnnes allouées au concierge, 5',
Mobilier :
Achat et confection (loinesti(|ue : Ustensiles de ménage, batterie de cui-
sine et verrerie, 10'; — meubles : un édredon, 30'; — linge, 20'
Chauffage :
Coke, 1.000", à 0'125, 125'; — charbon de bois, 65 boisseaux, à 0'40, 26'.,
ÉCLAIRAGE :
Pétrole, (i5 litres, à 0'65, 42'25; — allumettes, 2'60; — mèches, O'OO: —
bougies, O^SOO, à l'80 le kilo, 0",)0
Totaux des dépenses concernant l'habitation
Mt)NTANT DES DEPENSES
Valeur
des objets
consommés
eu nature.
200' 00
200' 00
12' 95
2i 00
3 60
48 00
7 80
<i 00
4 00
5 .50
30 6(J
0 (iO
62 10
22 i 00
3 00
1.208 55
.30 00
.30 00
' •
151 00
»
46 35
30 00
C72 35
202 N° 76. — OUVRIKRE MOULEUSE E.N CARTONNAGE DU JOUFT l'ARISlEN.
^ 15. — BUDGET DES DÉPENSES DE L'ANNÉE {suite).
DÉSIGNATION DES DÉPENSES [suite).
SECTION III.
DI=:PE^SGS COMCERI^iANT LES VÊTEMENTS.
Vktemests :
Vêtements de l'ouvrière ( ;, 10 et 10, E)
— du lils aine ( — )
— du second Dis ( — )
Hacconimodage des vêlements : lourniturcs, fils, aiguilles, cte
Blanchissage :
Blancliissage et reiiassagc du linge au dehors, sauf <|uelques pièces, 13'»';
— savon, eaudejavelle, etc., 3'; — i! journées de l'ouvrière, G'; — intérêt du
matériel, 0'-2^;
ïOTAcx des dépenses concernaul les vêlements
s i: c, T I o N I V.
DÉPE\SKS CONCERNANT LES BESOINS MORAUX, LES RÉCRÉATIONS
ET Li; SERVICE DE SANTÉ.
Cci.TE :
Prix des chaises aux églises à de rares occasions
I.NSTRCCTION DES ENFAMS :
Aurune dé|>ense de ce chef, l'instruction des enfants est lerniinéc
AllIATS I)K I.IVKKS KT JOCIINAIX I
Achats divers du lils aîné : livres, 15'0(»; papier, plumes, encre, timbres,
.■;' 00; le journal' le Petit Parisien. .'/OO
Secolus et ArMi'iNEs :
La famille n'en rerojt pas cl n'en donne pas
Uéchkations et solennités :
Allocation hebdomadaire île \' au lils aine, dont :2o' 00 employés en achats
de livres et journaux ( v. ci-dessus) et le reste, avec les salaires touchés
par les deux Ids pour leur tra\ail de mouleurs, emplové en billets de
théâtre ( Batignolles, l'orle-S'-Marlin, Ambigu), et en dispenses de café;
ensemble 101' 00; — nourriture des oiseaux (canaris et perruche), .'j' 00;
— meiuies dépenses , V W
Seiivk.e de svnté :
Visilcs du médecin de l'Assistance. -Jo'oo; d'un nndccin ordinaire, !>' (M): —
Uains (à l'Ai^sistaiicc lluel), .\'m. - .Médicanieiits : pour la nnre. Ul'(M»:
pour les enfants (Assistance niiel), (i'i'i
ToTAix des dépenses concernant les besoins moraux,
les récréations et le ser\icc de santé
MONTAXT des DEPENSES
Valfinr Dépenses
des objets
consommés'
en nature.
18' 00
29 33
lVl'-20
l.«i (iO
Ht ."iO
(i 00
ll.l W
i° 76. — OUVRIÈRE MOULEUSE EN CARTONNAGE DU JOUET PARISIEN. 203
5< lo. — BUDGET DES DÉPENSES DE L'ANNÉE (suite).
MONTANT DE
s dépenses.
DÉSIGNATION DES DÉPENSES {suite).
Valeur
lies objets
consommés
on nature.
Dépenses
argent.
SECTION V.
DÉPEÎNSES CONCERIVAIMT LES INDUSTRIES, LES DETTES,
LES IMPÔTS ET LES ASSLRA!>1CES.
DÉPENSES CONCERNANT LES INDUSTRIES :
Nota. — Les dépenses concernant les industries montent
à ('jlG,D) 3.T72'03
Elles sont remboursées par les recettes provenant de ces
mêmes industries, savoir :
Argent et oljjets employés pour les consommations du mé-
nage et portés à ce titre au présent budget l.'.riS'io \
Argent appliqué de nouveau aux industries (.; 14, S"" IV), /
comme emploi momentané du fonds de roulement et qui ^ 3.772 05
ne peut conséquemment figurer parmi les dépenses du ^
ménage (§ 10, D) 1.798^90 j
IXTÉnÊTS DES DETTES :
2' 00
•
La dette du Mont-de-Piété, 40' 00 avancés sur une montre de 140' 00 (■,',10),
n'est pas payée, et l'intérêt (4' 80 par an) dévore peu à peu lavaleurdc
Impôts :
La famille ne supporte directement aucun impôt
•
Assurances contkibiant a gakanth! i.e biex-êtue physkjlf. et mop.al
de la famille :
La famille ne participe aux avantages d'aucune assurance de ce genre...
Totaux des dépenses concernant les industries, les dettes,
les impôts et les assurances
•
»
2 00
.
Lparone DE l'année :
La famille n'épargne pas, sauf l'intérêt de la somme de 2' placée à la
caisse d'épargne postale par le second lils (0'06). Elle tendrait à ac-
croître ses dépenses avec une augmentation de revenu
,
O'OO
28."i ••»
2.593 86
204 N° 7G. — OUVRIÈRE MOLLEUSK EN CARTONNAGE DU JOUET PARIi^IEN.
§ 16.
COMPTES ANNEXÉS AUX BUDGETS.
6ECTION I.
COMPTES DES BÉNÉFICES
RÉSULTANT DES INDUSTRIES ENTREPRISES PAR LA KA.MILLi:
(à SOU propre compte).
TRAVAUX DE MOULAGE ENTREPRIS POUR DIVERS
FABRICANTS DE JOUETS.
Sommes versées du l'"' jîunicr au .'U drremhre 18!M (1).
1" par le fabricant A
2^ — H
3" — C
't" — D
S" — E
«" — F
7" — G
8" — H
y — I
Total
Matières i)remières :
l'apier d'emballage ^ris ou blanc {•!»' cl 00' les 100'"^^). —Colle de farine
inférieure et d'alun (à 2' 2?> les •iO''»'). — Colle forte, etc
Main-d'o'uvre :
Salaire <le la façonnière, 3"(j,2 j. de 10"
— d'une ouvrière. 27*; j. de 10" (en fait 250 j. de 11", à 3'00)
— d'un ouvrier. 137,5 j. de 10" (en l'ail 12r; j. de 11", à 3'00)
— de v\w\ (Huriéres en cliambro, payées chacune à raison de 10'
par semaine pendant sept semaines
— du lils aine, ouvrier mouleui- après sa journée normale, 17 j. (J
de 10" (en réalité 88 si'ances de deux heures)
— du lils cadet, 210 j.de 10" (en réalité payé par pourboires à 0'50 le
dimanclK;) ".
Intérêt ti'x du matériel de l'industrie {3«' i)Oj
Entretien des outils (râpes, mailloches, etc.)
liKNKFicF. résultant de l'industrie ( réalisé sur le trasail des
ouvriers employés)
Total comme ci-dessus
VALEURS
Kn nature.
Kn argent. '
i.coâ'ir.
63;; 8:;
537 7.-;
340 v;
MX) 20
205 80
140 îiO
00 00
25 00
•
3.!>.-;3 70
V
300 00
„
1.881 (M)
.
7.S0 00
•
375 00
XK) 00
.
48 00
,
20 (Kl 1
.
1 xo
•
'. !M»
•
217 00
■
3.!),-;3 70
(1; SitlK. — < ' lomptp n tté <r>|iic ti xiiii'lleinciii Kiir k- livre île la favonnitrt. Il iiHre toutes lei iraranticK ircxactituilo. Cependant
il aurait ét<! i>ri'fin>l)lii de j>oi«i<Kli'r ù k« iilaoe !<■ iU;Uil nii'Mue des obj«tn livré», ttte», niainn, itc clc'., auquel anrait correHiiondu le
détail de la matii ri freuiiere enipliiyée. On peut ne faire une idée de ce eonipte & l'nide des reuHelKnenuntN Kuivantx. Le» tûtes se juiient.
nu tarif de l'atelier, 3 fr. (iO la diiu/jilni', ce i|Ui curri'Hpond à II fr. 3U de papier blani- et 3 fr. 3U do niain-<l'<i>nTre. Les mains, au tarif
do l'atelier, nom eiunplées 3 fr. 60 la douinine. «oit U fr. (15 a 0 fr. 10 de papier ftoudrou et 3 fr. .Ml de niain.<l'n'uvre. Mais l'ouvrier,
ne jieut dire (tel oMt l'absi-nccde comptabilité dans un tri!S faraud nf>nibre d*at4dlerH du Marais) la prf>porlinn de chaque surU^ de produit-^
dans le total dos lirraisons. La eumptabilité très réimillère des fabricants pourrait la renseiiruor a cet égard ; un aentiinenl de timi-
dité, la i>eur d'imposer un contndi', ia retient, et sans ce cuntrûle. tout calcul de la part de l'idiservaleur reste incertain.
70.
OrVHIKRE MOULEUSE EN CARTONNAGE Di: .lOUET l'AlilSlKN.
20:i
B. — THAVAUX DE MODISTE ET DE COUTURIÈRE
ENTREPRIS PAR LOUVRIÈRE
(pour son propre compte).
RKCKTTES.
I chapeau de femme
■2 jui)ons (vieilles robes transformées)
•2 tabliers de travail
Totaux
DI.I'F.NSF.S.
Fournitures :
Carcasse du chapeau, plumes et lleurs
vieilles robes { mémoire )
Cotonnade bleue des tabliers
Main-d'œuvre :
-20 heures à O'.jO,
Intérêt du malériel (2'00)
BÉNÉFICE résultant de l'industrie
Totaux comme ci-dessus
C. — BLANCUISSAGE ET REl'ASSAGE DE QUELQUES VETEMENTS,
IIKCETTF.S.
Prix f|ui serait payé à une ouvrière exécutant le même travail
DISPENSES.
Savon potasse
Kxtrait d'eau de javelle
Bleu
Carbonate de potasse , l''2 à 0'20
Amidon, O^UiO à l'20
Travail de la femme, 2.j. à 3'
Intérêt du matériel (4'7o)
BÉNÉFICE résultant de l'industrie
-'00
3 00
8 00
18 00
10
00
0
10
'
90
18 00
En argent.
8' 00
8 00
8 00
8 00
tO 00
G 00
0 25
3 00
2 10
0 2:;
0 20
0 25
0 20
3 00
D. — RÉSUMÉ DES COMPTES DES BÉNÉFICES RÉSULTANT
DES INDUSTRIES (A A C.)
RECETTES.
Produits employés pour les vêtements de la famille
Recettes en argent appliquées aux dépenses de la famille
Recettes en argent à employer de nouveau pour les industries elles-mêmes..
Totaux
DÉPENSES.
intérêts des propriétés possédées par la famille et employées par elles aux
industries
Produits des subventions reçues par la famille et employées par elle auv
industries ".
Salaires afférents aux travaux exécutés par la famille pour les industries..
Dépenses en argent qui devront être remboursées par des recettes prove-
nant des industries
Totaux des dépenses (3"72'0j)
itÉNÉFicEs TOTAUX résultant des industries (224'90)
Totaux comme ci-dessus
0 3.^
m 00
16 35
7 90
2.173 80
1.798 90
1 80
1,95.5 00
1.798 00
3.75.5 70
217 00
3.972 70
206 N" 76. — OUVRIÈRE mouleuse en cartonnage du jouet parisien.
SECTION II.
COMPTES RELATIFS AUX SUBVENTIONS.
Ces comptes se rapportant à des npeiations tns si ii/iiles ont Ole, en eonscquciice, établis dans le
budget lui-même.
SECTION III.
COMPTES DIVERS.
kj. — compte de la DEPENSE ANNUELLE
concernant LES VÊTEMENTS.
AIIT. I<'^ — VKTEMEMS DE L'OLVUIK.IIE.
Vétemenis du dimanelie :
I jaquette en drap noir
i costuincî en caihemire noir (jupe et corsage)
•1 chapeau ferme, |)lunies ou lléurs
1 paire de bottines
i paire de gants de peau
i parapluie (coton)
I ombrelle (alpaga)
Vêtements des jours ordinaires se confondant avec les vê-
tements de travail :
fi j upons (vieilles robes transformées) ( S 16, B)
•2 camisoles de coton blanc
1 corset
i pantalon coton
t chemises coton
•i gilets de llanelle
■2 paires de bas laine
■i paires de bas coton
;{ paires de chaussons de tresses
■2 tabliers de travail en coton, enveloppant tout le corps
-2 tabliers en toile bleue pour soins domestiques
t chàle de laine noire
•2 foulards
Uaccommodage des souliers
Totaux
AliT. -2. — Vl'.TKMENIS DU EU. S AÎNÉ.
Vêtements du dimanche :
t |)élerine a capuchon en drap (dite lorrain)
t costume complet (jaquette, gilet, pantalon) en drap noir
ou bleuté
1 chajicau de feutre
Vêtements des jours ordinaires :
l veston et l pantalon de velours acheté au « Jean Barl o
1 gilet de laine
■2 cliemises de coton (couleur;
2 chemises blanches de coton (col et manchettes en toile). .
■2 gilets de flanelle
■> paires de chaussettes (coton)
H cravates
l cache-ne/
i courroie
I chapeau de laille
I béret de laine
Souliers, .'{ paires
Raccommodage des souliers
Vêlements d'atelier :
■'» blouses blanches
Totaux
Prix
Dépense
Dépense
dni-hat.
en nature.
en urgent.
irifoo
1 an
iri'oii
W (H)
H) 00
l.-i 00
7'00
« (H)
1-2 00
1-2 (Ht
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-2 00
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N° 7().
OUVRTKRE MOULEUSE EN CARTONNAGE DU JOUET PARISIEN.
207
Aliï. 3. — VÊTEMENTS DU PI.I'S JEI'NE VUS.
Vctcmcnls du dimanche :
1 pèlerine à capuchon en drap (dite lorrain)
I costume complet, veston, gilet et pantalon, couleur somtjre.
I chapeau de feutre
Vêtements des jours ordinaires :
I veston et un pantalon de velours
1 gilet de laine
•1 chemises de coton couleur
•î cliemises lilanches de coton
•"» paires de chaussettes coton
;{ cravates
I caclic-nez
1 courroie
1 rhapeau de paille
1 hcret de laine
Souliers, 3 paires
Raccommodage de souliers
Vêtements d'atelier :
Ulouse
Totaux
Prix
d'achat.
6' 00
1
18 00
1
3 <I0
1
1-2 m
1
i .'iO
^
:; 00
1
5 00
1
3 -2.-;
1
1 -20
1
3 00
vj
1 m
;i
l 05
1
1 ic;
1
ir, (K)
1
80 i.-;
Dépense
en nature.
Dépcr.se
en .irgciit.
(il 00
18 00
3 tiO
1-2 00
i -2:i
r> 00
.•; 00
3 •£>
1 -20
1 .'iO
0 30
1 <Xi
1 iVi
15 00
5 00
84 50
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA COXSTITLTION SOCIALE.
FAITS IMPORTANTS D'ORGANISATION SOCIALE;
PARTICULARITÉS REMARQUABLES;
APPRÉCIATIONS GÉNÉRALES; CONCLUSION.
DES CAUSES DERNIÈRES DE L.\ FORME DES INDUSTRIES.
Lorsqu'on s'engage dans ce fouillis d'industries disparates qui s'ap-
pelle le Marais, avec ses entre-croisements de spécialités inconnues
du profane, et toujours prêtes à le tromper sous de fausses ressem-
blances, comment s'orienter et reconnaître à leur simple silhouette
les formes fuyantes qui défilent devant les yeux? Allons-nous trouver
la petite industrie dans la préparation du caoutchouc; et de vastes
usines de manches de cravaches vont-elles ouvrir devant nous leurs
grilles à deux battants? Tout visiter n'est qu'un rêve. Sur quel signe
extérieur deviner au moins les traits généraux, afin de s'élever peu à
peu à la conscience de l'ensemble?
11 est à cet égard un procédé assez simple que déjà nous avons
indiqué ailleurs. 11 suffit de jeter les yeux sur le « dénombrement de
la Ville de Paris » et de feuilleter le relevé spécial des professions : à
chaque article, patrons et ouvriers se font face; et comme la moyenne
de la petite industrie au Marais est de dix ouvriers pour un patron,
partout où cette proportion n'est pas atteinte, vous pouvez pressentir,
sauf exceptions, l'industrie en chambre; partout où cette proportion
est dépassée, vous pouvez alHrmer l'existence des « manufactures »,
des grands ateliers. Malheureusement, ce procédé n'est pas infaillible.
Les groupements de la statisliipie du I)"^ Bertillon sont fort vaslos et
rapprochent des éléments très divers; de plus, en fait de stalisli(|ue, il
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOGALe'. 20'.)
est souvent diffîcile d'aller au delà des grands nombres et de répondre
de l'exactitude des détails.
Le mieux est encore de recourir à l'examen des faits. Dans la spé-
cialité examinée, ce qu'on est convenu d'appeler « capital », c'est-à-
dire loyer, outillage, matière première, prend-il actuellement, étant
donné le milieu, une importance décisive parmi les éléments de la pro-
duction; sommes-nous acculés à la nécessité de vastes halls, de puis-
santes machines, d'achats de bois coûteux, de balles de coton innom-
brables, de substances chères et tirées d'outre-mer; alors la grande
usine est de rigueur. La « main-d'œuvre », au contraire, l'énergie in-
iJividuelle a-t-elle conservé la primauté: a-t-elle toute facilité pour se
I)rocurer quelques mètres carrés dans un immeuble quelconque,
cent francs d'outils, un petit lot, incessamment renouvelé, de matière
première; c'est le règne du petit atelier; en vertu de ce fait perma-
nent que, surtout au degré de notre civilisation, l'homme ne se groupe
que s'il y est contraint, et s'isole de préférence, si rien ne fait obstacle
à sa liberté (1).
Cette simple remarque, qu'il est pourtant facile de vérifier en quel-
ques instants, a été contestée par d'éminents économistes allemands :
« A notre point de vue, écrivent-ils, la dernière cause de la séquence des
différentes formes d'industrie git dans les conditions du débit , de
l'écoulement des marchandises (:2). » Après avoir constaté que les deux
points de vue se contredisent moins qu'on ne le suppose, — fait d'ail-
leurs reconnu par des représentants autorisés de l'opinion allemande,
— examinons ce qu'il y a de juste et d'exagéré dans la théorie des uni-
versités d'outre-Rhin.
Rien ne paraît plus évident que cette explication lorsqu'on s'appuie
principalement sur l'observation historique. Quels sont les débouchés
<l'une ville du moyen âge? Sauf exception, la ville elle-même ; la petite
industrie est la seule pratiquée. Quels sont les débouchés de Man-
chester, du Greusot, de Bochum? Le monde entier; et la grande in-
dustrie seule peut se mesurer avec un client semblable.
Cependant, prenons à l'heure actuelle, en 1892, un produit quel-
conque, très complexe, et nécessitant le concours de plusieurs spé-
cialités : la poupée. La situation économique générale est rigoureu-
sement identique pour toutes ces spéciahtés, puisqu'elle pèse sur le
(I) Voir Hbriiistr.s du faubonni Saint- Antoine, ch. vr, 10.
(-2) Opinion duD' Eugen Sclnviedland; comp. Biiclier, étude sur les formes de l'industrie.
Dictionnaire des Sciences j^olitit/ues, de Conrad.
210 N" 70. orVRIÈRE MOULEUSE EN CARTONNAGE Dr .lOUET PARISIEN.
produit unique que celles-ci ont toutes contribué à créer : grands
magasins, gros commissionnaires de l'intérieur et de l'extérieur,
bazars moyens, humbles boutiques s'approvisionnant sans intermé-
diaire, dépôts, soldeurs, etc., etc., ne peuvent pas ici. puisqu'il s'agit
d'un seul et même objet, offrir des conditions différentes « de débit, d'é-
coulement des marchandises ». Et néanmoins le gros fabricant, qui
traite de la livraison avec les maisons de commerce, a un rùle double :
il est grand industriel pour le moulage et la cuisson du carton-pàte,
qui nécessite une trituration de la matière première sur grande échelle,
force balanciers à estamper, un four coûteux à construire et à entrete-
nir; il est grand entrepositaire vis-à-vis des mouleuses en cartonnage,
qui travaillent, comme l'ouvrière monographiée, avec un moule porta-
tif et quelques francs de papier d'emballage. Dans le premier cas, c'est
la grande usine; dans le second, l'atelier à domicile ou en chambre,
qui se retrouve de même pour les tailleuses et les lingères, tandis
que de même aussi la grande industrie reprend tout son empire pour
les poupées non plus en carton, mais en caoutchouc ou en bois.
Et la cause, quelle est-elle? « Je n'irai jamais me lancer dans une
vaste installation, vous dira le premier contre-maître venu, lorsque
pour un prix à peine supérieur les ouvriers me fourniront chez eux,
sans loyer pour moi , avec transport à leur charge, les produits dont
j'ai besoin. » Est-il possible de mieux indiquer que la « dernière cause
de la séquence » réside dans le rapport réciproque, très mobile, il est
vrai, des éléments techniques de la production : capital, matière pre-
mière, main-d'œuvre?
Mais, pourrait-on dire, votre exemple ne met pas face à face l'usine
et la petite industrie, mais l'usine et ce que l'école de Fr. Le Play dé-
signe sous le nom de « fabrique collective », c'est-à-dire le groupe-
ment d'un intermédiaire puissant et de petits ateliers.
En effet, mais précisément cela détermine avec netteté la part de vé-
rité contenue dans l'explication des professeurs de Vienne et de Mu-
nich. La petite industrie, telle que le moyen âge la concevait, ne peut
se maintenir que là où les conditions commerciales d'abord, techniques
ensuite, restent identiques : supposez une clientèle toujours restreinte;
les traités avec des intermédiaires très nombreux par rapport à la fciible
quantité des produits livrés, cl de plus la prédominance obligatoire de
la main-d'œuvre; vous constatez le statu qiio, invariable à peu de
chose près, tel qu'il existe pour cette spécialité des sujets habillés,
des automates, à laquelle se rattache l'ouvrière monographiée. Mais
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTIOIV SOCIALE. 2H
c'est là un phénomène d'exception. Presque partout les conditions du
débit ont changé : comme jadis même au moyen âge, en divers
centres privilégiés qui ne rencontraient pas de rivaux pour certains
articles de luxe, les « rois actuels des Merciers », les gros intermé-
diaires doivent centraliser les produits : ils le doivent d'autant plus
que la vente moderne est basée sur un jeu de bénéfices, qu'on peut
désigner sous le nom de « compensation » et qui consiste à livrer
certains produits à perte comme amorce ou réclame afin d'accumuler
les profits sur certains autres. Et voilà pourquoi l'industrie se divise
aujourd'hui en deux grandes catégories : manufactures ou usines, et
fabriques collectives ou agglomérations d'ateliers à domicile; elles ont
leur cause de dissemblance, non pas dans le caractère généralement
commun des conditions de débit partout transformées, mais dans le
caractère toujours opposé des conditions techniques du milieu.
l 18.
DU ROLE DES « GRANDS MAGASINS » SUR l'iNDUSTRIE.
Ainsi que nous l'avons longuement développé dans nos Ébénistes
du faubourg Saint- Antoine et ainsi que presque en même temps M. le
professeur Mataja le faisait ressortir avec rigueur dans sa très remar-
quable étude : « Grands magasins et petit commerce (1) », l'action
des grands magasins sur les entreprises commerciales concurrentes
n'offre pas, à beaucoup de choses près, un intérêt aussi émouvant que
leur action sur le groupement producteur, grande, moyenne ou petite
industrie.
Par les procédés bien connus du luxe de l'étalage, de l'amoncelle-
ment des objets les plus divers, du prix-fixe, des échanges, des rendus,
stimulés par une prodigieuse réclame, les grands magasins sont arri-
vés à accaparer une très forte proportion de la vente de « l'article de
Paris » et par suite du « jouet >;. Suivant la variation des conditions
techniques, précisées dans le paragraphe précédent, ils se trouvent en
présence : 1° de vastes usines, qui traitent avec eux librement, en col-
laborateurs soucieux de leur indépendance et convaincus de leur force ;
2" de non moins vastes fabriques collectives, qui ont consenti à diriger
de leur côté le travail de la foule infinie des petits ateliers; S'' d'usines
(1) Traduite dans la Revue d'économie polilifjiic, 1891.
212 N" 7(J. — (»l VRIKKE MOULEUSE EN CAHTO.NNAGE Dl" JOUET l'AKISIEN.
et de fabriques colleclives moins puissantes, plus timides, déjà plus
asservies; V' enfin directement de petits ateliers nombreux, vis-à-
vis desquels ils ont supprimé le rouage intermédiaire, chef de l'an-
cienne fabrique collective, et qu'ils ont fait rentrer purement et sim-
plement dans leur domaine immédiat (1).
Sur toutes ces spécialités de l'article de Paris et du jouet , les consé-
quences paraissent identiques aux hommes du métier.
Les grands magasins ont suscité, — c'est le côté bienfaisant, — une
production inconnue de l'époque antérieure. Les quelques milliers de
francs d'affaires des petits ateliers du Marais de jadis ont été rem-
placés par des commandes brusques de 100.000, 200.000 francs : le
résultat était fatal, puisque par la magie du décor et l'incitation
constante aux achats imprévoyants, ils ont fait pénétrer les besoins de
la haute classe jusque dans les couches les plus humbles du tiers état.
Mais ils ont abaissé les cours, — c'est le côté dangereux au point
de vue industriel, • — multiplié les « escomptes » ou remises sur le prix
fort, acculant le producteur à un camelotage forcé de l'article, et par
toutes sortes de manœuvres savantes où rentre la tactique bien connue
du sweaiing System, ils en sont venus à vendre jusqu'en dessous du
prix de revient.
Dans cette bataille de tous les instants, où le rouage commercial use
le rouage industriel, il se produit un double mouvement assez curieux.
D'une part, le grand magasin tenant à sa merci avec une facilité sans
égale le petit atelier, a intérêt à l'émiettement de l'industrie, dans
toutes les spécialités où les conditions techniques ne suppriment pas
cette forme de groupement producteur : ses plus forts bénéfices se-
raient réalisés dans l'hypothèse théorique où il pourrait transformer
chacun de ses rayons en centre de fabrique collective directe : l'achat
au-dessous de la valeur normale deviendrait presque la règle.
Mais d'autre part, le grand magasin fait retomber sur les fournis-
seurs la charge de l'entrepôt; autrement dit le rayon ne s'approvi-
sionne que pour les deux tiers du mois, et la maison de fabrication
doit, sous peine de perdre une clientèle assiégée parla concurrence,
se tenir prête aux « commissions » les plus imprévues. En outre, par
l'usage du paiement à terme (fin du mois qui suit le mois d'achat) , le
grand magasin se ménage toujours de la part du fabricant un service
(I) Ils jouciil il col rgard le rcMo de lalniciucs colleclives, se réseivanl seulement
la vente, comme ils jouent le rôle de glandes usines pour ccrlains produits (lapisserie,
imprimerie du ItoiiMarclié).
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 213
de prêt gratuit, puisqu'il touche son argent comptant au moyen des
ventes et qu'il ne le rembourse qu'un mois et demi plus tard. Knfin le
jeu de la compensation des bénéfices (cette tactique commerciale qui
dans les plus humbles entreprises pousse à amorcer le client par une
vente à perte afin de se rattraper sur d'autres marchés très avanta-
geux) vient rendre précaire le sort de toute une série de fabricants,
les patrons des spécialités sur lesquelles s'est abattue la spéculation
de la réclame. Il en résulte que pour résister, le producteur doit dis-
poser de vastes entrepôts, d'un fonds de roulement considérable, d'une
puissance suffisante pour grouper la spécialité rémunératrice et la spé-
cialité réclame. Tout cela, c'est, au sens vulgaire du mot, le capital :
grands usiniers, grands chefs de fabriques collectives, voilà par un
autre retour ce que fait surgir le grand magasin.
Dans une lutte d'intérêt, qui dit indépendance dit égalité de forces.
Vis-à-vis du grand magasin , le grand intermédiaire seul peut rester tête
haute : — sauf à peser durement sur ses auxiliaires, ouvriers embri-
gadés, façonniers isolés à domicile. Quand le groupement de produc-
tion sera à la hauteur du groupement commercial, il n'y aura que
peu de chose de changé (au point de vue économique) avec la situa-
lion ancienne , époque de rapports paternels entre la petite boutique
et le petit atelier. Tous les facteurs auront été multipliés : la propor-
tion restera identique.
§ 19.
DE LA SPÉCIALITK MKTAL HAUT LUXE DANS LE JOUET.
Cette spécialité, d'où relève la façonnière mouleuse précédemment
monographiée, est qualifiée par les commissionnaires catégorie des ar-
ticles riches ou sujets habillés. C'est une juxtaposition de petits ateliers
tous fixés au Marais, de cinq à six ouvriers chacun, sans compter les
ouvrières, atteignant 200.000, 130.000, 30.000 francs d'affaires, ceux
des Bontemps, des Yichy, des Boullet, des Phalibois, des Lambert. A
elle appartiennent, malgré sa faible importance numérique, presque tous
les succès des expositions. Le métier d'horloger mécanicien en forme
la base, l'âme même; l'habillage, joint au cartonnage élégant et sans
cesse perfectionné, y fournit l'attrait et le piquant. Le siveatimj Sys-
tem n'y peut atteindre l'intensité signalée en d'autres spécialités.
Au second étage d'une maison de la rue Pas tourelle, à deux pas de la rue
■21A N" 7(5. — OIVHIÈRE MOULEUSE EN CARTONNAGE DU JOUET PARISIEN.
deBeaiice, — véritable décor du seizième siècle, — un magasin et uu
atelier juxtaposés s'annoncent du palier par la large plaque de cuivre
où flamboient, autour du nom du fabricant, les deux mots toujours ac-
couplé> : Commission-Exportation. Dans les vitrines qu'un commis fait
admirer à deux acheteurs, qui ont conservé l'illusion très parisienne
des avantages de l'achat direct en fabrique, la tradition mèmedeVau-
canson; la filiation la plus authentique de la célèbre joueuse de clave-
cin; des oiseaux chanteurs; un personnage qui déjeune en fronçant les
sourcils et appelant le gar<;on du geste; deux pierrots qui s'endorment
comiquement en exécutant les compositions d'un professeur de musique ;
deux bustes de clowns grandeur nature, qui sortent d'un immense
tambour de basque et dont l'un enfonce le chapeau à haute forme de
l'autre par un mouvement lent et saccadé; une joueuse de harpe,
comme dernier modèle. Article le plus bas : 90 francs ; — le plus élevé :
1.200 francs. Ici les plus pures coutumes de la spécialité ont été conser-
vées; c'est le point d'honneur du clief d'atelier, dont les concurrents
sourient un peu comme du représentant le plus parfait de l'antique
routine. Cartonnage et habillage, voilà sa grande affaire. Tel est pour
lui, et son erreur est palpable au point de vue scientifique, le principe
de la spécialité. Que lui importe le moteur? Il a assisté à la naissance
du genre, ce madré Parisien né d'un maçon limousin et d'une journa-
lière champenoise; il se rappelle le temps oij l'officier de cavalerie
Tharin en découvrit le principe dans ce cartonnage découpé, inventé à
Belleville, multiplié par la fabrication allemande, qui, depuis un demi-
siècj,e d'élrennes, écarte les bras et tire son ligneul sous l'action d'un
caoutchouc, unique moteur des articulations. Alors toute une suite de
tableaux champêtres furent créés, d'abord plats, plus tard à plans
superposés comme un décor de théâtre, où une femme passe, une porte
s'ouvre, une horloge marque l'heure, le tout obéissant à un système
d'engrenages, mus non par l'eau, mais par le sablier. Le sablier à
cuire les œufs, imitation de la clepsydre antique, céda la place, comme
son aînée, à un mouvement d'horlogerie; les personnages du tableau
s'isolèrent, devinrent des statuettes. En l'écoutant, vous avez sous les
yeux toute celte évolution, documentée par une galerie d'essais histo-
riques qui meublent râtelier : aussi affirme-t-il bien haut qu'il sort du
cartonnage; un de ses confrères est sculpteur, les autres sonthorlogors,
mécaniciens, mais lui s'obstine à ignorer la mécanique. Il revendique
comme sapartpersonnelle l'idée du modèle nouveau, qui chaque année
vient donner la poussée aux inventions des années précédentes, toujours
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 215
réduites à un très petit nombre d'exemplaires. Lui et sa famille, son fils
qui connaît le dessin et le modelage, — en tout huit personnes, — se
réservent la matérialisation de cette fantaisie inédite qui doit s'exécu-
ter dans l'ombre pour apparaître tout d'un coup. Bien entendu, comme
annexes, des collaborations qui s'ignorent : un sculpteur fabrique les
moules en plâtre et une ouvrière mouleuse les reçoit pour en faire sortir
avec un admirable fini la tête, les mains, le torse et les membres du
sujet. Mais l'atelier familial ne laisse pas à d'autres l'habillage, tou-
jours décisif, et la peinture. Le mouvement d'horlogerie est acheté à
la maison Japy, par exemple, qui a monopolisé ce genre d'industrie;
l'instrument de musique qui chante dans le piédestal vient de la
maison L. de Montbéliard; et un collaborateur discret, dont nul ne
parle, mais qui possède en réalité une importance majeure, horloger
bohème payé aux pièces, ajuste les fils métalliques, qui du mouvement
d'horlogerie aboutissent à travers la jambe gauche du personnage, aux
bras, à la tête, aux paupières, et communiquent le mouvement.
C'est ce petit rouage passé sous silence qui, agrandi, va constituer les
maisons rivales, plus modernes, visant à la répétition du même ar-
ticle, au point que l'une d'elles, sans le mouvement d'horlogerie scru-
puleusement conservé, viendrait se fondre dans la catégorie du jouet
métal mû mécaniquement. Un atelier d'horlogerie, — 2 ouvriers,
1 apprenti, 1 journalier; — un atelier de tailleuses et modistes de haut
luxe, — 6 femmes, — voilà ce que nous rencontrons à quelques pas plus
loin, rue des Archives. Le chef de la maison, intelligent et plein d'au-
dace, fils de ruraux ruinés qui se transplantèrent tout d'un coup sur le
sol de Paris, est horloger, mécanicien de profession, apprenti d'abord
dans une fabrique d'automates de luxe, plus tard contre-maître, pour
finir par un établissement personnel. Lui aussi a ses auxiliaires exté-
rieurs : lui aussi fait modeler ses créations sans les déposer suivant les
formalités légales, par l'excellente raison que son œuvre est un com-
posé de mille détails insaisissables par la formule du dépôt, et que la
seule garantie contre les imitations trop fidèles, c'est la marche inces-
sante vers le nouveau ; lui aussi remet ses matrices, — en fonte d'acier
cette fois, — à la mouleuse en cartonnage, et achète au dehors les
mouvements d'horlogerie aussi bien que les instruments de musique;
mais il considère comme un secret capital la construction du garnissage
métallique, — les ficelles du pantin antique; — et il le fabrique lui-
même avec ses deux ouvriers payés 70 centimes l'heure ; son apprenti,
logé et nourri avec 3fr. o() de pièces par semaine, et l'iiomme de peine.
216 N" TC». — fHVHIKHE MOULEUSE EN CARTONNAGE DU JOUET l'AIUSIKN.
pour manier le tour à percer les rondelles qui maintiendront les têtes.
Donc sur le même plan, la sombre chambre où s'entassent les établis
et les étaux, et l'atelier élégant où, dans la lumière claire, tailleuses,
modistes et peintres donnent la dernière main au chef-d'œuvre : le bébé-
liseur, par exemple, reproduit à un nombre considérable d'exem-
plaires; ou encore les pièces fameuses d'exposition : la mariée qui
salue, le Méphistophélès chantant sa sérénade. Ici, en définitive, avec
une collaboration domestique où la part de la femme est dominante,
la confiance, la sécurité du lendemain. Ce n'est pas le mépris de la
grande concurrente, l'Allemagne, dont les cartonnages admirablement
terminés sont offerts à un bon marché tel que la grosse de têtes livrée
à 1:25 francs en France, s'abaisse brusquement à 00 francs; mais c'est
l'inflifférence à l'égard des dangers immédiats. C'est aussi l'indépen-
dance vis-à-vis des grands magasins, dont les expositions d'échantil-
lons, exigées pour fixer le choix du chef de rayon acheteur, défraîchis-
sent les créations nouvelles; c'est surtout une préférence marquée pour
la vente directe, soit aux négociants de province, qui voient dans l'au-
tomate de luxe une réclame pour leur étalage, soit aux riches fa-
milles d'outre-mer, — débouché principal de la plus parisienne et de la
plus prospère des spécialités du jouet organisées en petites industries.
SIH UNE « KABItlOUE COLLECTIVE » 1»E rOUl'ÉES DE HAUT LUXE (I).
Le bébé de luxe, le bébé national, le bébé Jumeau, dont l'incompa-
rable réclame ne le cède guère qu'à celle de certains produits de la
pharmacie contemporaine, reçoit le jour en deux usines, à Montreuil,
soigneusement séparées pour que la première, laporcelainerie (04, rue
François Arago), ne communique pas l'incendie à la seconde, Tusine
du cartonnage (152, rue de Paris).
C'est à celte première usine, la porcelaincrie, qu'un contre-maître
va nous conduire. Là, dans le cabinet des modèles, le musée des
têtes, dépôt des types de la maison, nous allons rencontrer comme
l'âme même de l'entreprise, les dix-sept masques de plâtre, modelés
jadis par les plus célèbres srulpteurs-arlistes ; les seize numéros qui
se suivent par ordre de grandeur, de I à 1(>, et le dernier, appelé
(1) Voir-, |)()iir la • poupée de caincloU; », l.'liiduntrif tin jouet à l'mi.i, par p. <lii Mn-
rousscm, Arlliiir Koiisscaii, odilciir (sous presse).
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 217
numéro 20, isolé à cause de sa monstrueuse grosseur. Dès ce premier
pas le visiteur constate la recherche irréprochablement conciencieuse
de la bonne exécution, le culte de l'art admiré en lui-même, qui resta
incontestablement la marque distinctive de la maison Jumeau.
Un premier atelier, celui du sculpteur, le sculpteur ouvrier, celui-là.
Ici se fabriquent les moules en plâtre, sur les modèles; le tout dé-
passant, d'un cinquième environ, la grandeur réelle que l'on veut
obtenir, car il faut tenir compte du resserrement qui se produit à la
cuisson. Cette intervention des moules ou « formes » se retrouve déci-
dément à la base de toutes les spécialités du jouet. Elle se rencontre
dans la catégorie « métal », dans la spécialité du cartonnage, étudiée
précédemment. C'est le moule qui lance l'idée artistique sous laquelle
la matière va docilement se plier.
A partir de ce moment, vous allez suivre la filiation banale de toutes
les fabriques de porcelaines. Vous verrez le dépôt du « kaolin », la
fine terre amenée à grands frais de Limoges, pourrissant pendant trois
mois et tamisée à plusieurs reprises dans la soie; plus loin la vaste salle,
couverte d'une étincelante poussière blanche, où le kaolin, passé à
l'état de liquide, est transporté dans de hautes fontaines de fer-blanc à
robinet de cuivre. Les moules sont apportés sous les robinets; puis on
les retire. Au bout de six heures le dépôt sera suffisant pour fournir
une tête. Ensuite ce sera l'œuvre de l'immense four en terre réfractaire,
où les têtes rangées sur des clous resteront pendant vingt-quatre
heures soumises à une température de 1.800 degrés. Et vous aurez
entre les mains une tête terminée en un sens, un pâle visage de porce-
laine dure, une expression de statuette à l'œil agrandi et vide. La vie
manque, et l'on va y remédier, lorsqu'aprês le triage, qui jonchera le
sol de débris, des femmes auront enlevé la prunelle de porcelaine, l'œil
sans regard, et pratiqué le trou ovale où seront fixés les yeux de verre,
les yeux d'enfant.
C'est la seconde usine qui fournit les yeux, et cependant, pour que
le tableau soit complet, il faut en parler ici. L'atelier n'est pas aveu-
glant de lumière, comme celui que nous venons de quitter; c'est dans
l'obscurité que travaillent les ouvrières. Chacune d'elles darde devant
elle la longue flamme du chalumeau à gaz, écrase un bâton d'émail, qui
forme le globe, puis, fixant au milieu un petit bâton d'une compo-
sition particulière, variable suivant la couleur des yeux, bleus ou
noirs, variable aussi suivant les maisons, façonne la prunelle, en rayon-
nant tout autour de la pupille avec une pointe d'acier, afin d'obtenir
218 N° 7G. — OIVR1KIU-: MOlLErSE en CAHTnNNAGE DU JOUET l'AKISlEN.
par un tour (le main particulier, du moins pour les numéros supérieurs
(à partir du numéro 1) l'expression vivante de l'œil humain. Cette
fabrication est une gloire française ; l'industrie allemande ne la connaît
pas. Aussi, pour deviner la véritable nationalité des poupées, sufïit-
il de les regarder bien en face. Comme les traîtres, elles s'accusent
et avouent. Salaire des ouvrières fabriquant des yeux : 4 à 0 francs
par jour. Les yeux sont fixés à la cire vierge après ponçage; un grand
nombre des tètes sont brisées à cette épreuve.
Reste la peinture. - Les couleurs, broyées cinq heures à l'essence
et cinq heures à l'eau, sont posées par toute une série d'ouvrières,
car ici la division du travail apparaît comme infinie. L'une donne le
rouge vif des joues, l'autre l'incarnat des lèvres, la troisième l'éclat
des sourcils, un peu comme les fées des légendes. Cinq opérations
dilférentes : entre lesquelles cinq séchages.
Puis la cuisson finale : au bois (le charbon pourrait lernir la pein-
ture), à 800 degrés pendant six heures.
Les tètes sont terminées. Elles partent pour la seconde usine. Nous
ne décrirons pas ici (notre sujet principal n'est pas une étude de tech-
nologie) le vaste quadrilatère de ces halles que la lithographie a
popularisées. La topographie physique de l'usine de la rue de Paris
serait superilue.
Ici le centre n'est pas l'atelier de sculpture, mais celui de la petite
mécanique, qui va nous montrer comment s'élabore le système ner-
veux et le système musculaire de la poupée. Un ouvrier estampe au
balancier les godets de carton qui doivent recevoir les rondelles de
bois jouant le rùle de rotule, car le bébé est articulé aux épaules,
aux coudes, aux poignets, hanches et chevilles; il roule aussi le res-
sort à boudin indispensable pour établir la tête également articulée,
et retourne les crochets ([ui maintiennent le caoutchouc, principe vé-
ritable du mouvement.
Immédiatement et sur le même pied, la salle de réception du mou-
lage, car l'usine ne fabrique pas elle-même, se contentant de distribuer
les lâches aux ouvrières en chambre spécialisées pour la plupart, (jui
apportent les bras, les jambes, les torses déjà poncés par douzaines;
()uis le petit atelier où fonctionne la machine à tourner les membres
en bois, plus apparente à l'usine rivale, l'usine Danel, qui substitue-
rait, si elle était généralisée, la grande industrie au sweating System
dans cette spécialité; plus loin l'atelier où un ouvrier et un ap-
prenti estampent les mains en pâte, moins résistante que le carton,
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITCTION SOaALE. 210
mais suffisante pour résister aux fardeaux que les poupées doivent
soulever; enfin, en annexe, la scierie minuscule, où l'on tranche à la
vapeur les cervelles de liège qui supportent la chevelure. Tout cela
pour aboutir à un atelier unique : l'atelier de montage, où quatre
femmes et deux hommes appliquent aux membres les cuvettes de
carton et les rondelles.
Tout sera terminé quand la peinture aura apporté ce qui manque
encore : l'apparence de la vie. Bras, jambes et troncs sont trempés
dans un « blanc » légèrement teinté de rose. Puis dans une vaste salle,
à température surchauffée (30 degrés environ), des fillettes, vêtues de
grands tabliers bleus maculés de taches de couleurs, les enduisent
d'une nuance rose chair et les font sécher au bout de bâtons piqués
dans des sortes de planches à bouteilles. De là ils partent pour \e
long sommeil des réserves.
Mais un jour l'atelier d'assemblage les appellera : têtes, bras, jam-
bes, corps seront alors réunis.
Il faudra y ajouter aussi la chevelure , ces ondoyantes boucles
blondes ou brunes, qui leur donnent le charme et l'expression. Trente
femmes sont occupées à l'atelier de coiffure, l'un des plus considé-
rables. Non loin des fours à sécher le thibet (ou la laine), les mon-
teuses et les tresseuses se hâtent fiévreusement, recouvrent le liège
introduit dans le crâne.
Il faudra enfin ne pas oublier le vêtement strictement nécessaire, les
chemisettes, coupées à l'emporte-pièce, cousues mécaniquement, car
la grande industrie s'est substituée aux grands façonniers pour éviter
« la gratte » si habile de la couturière parisienne; et les chaussures
en cuir mordoré de premier choix, taillées au maillet suivant la gra-
dation des formes, collées et brodées! Enfin le bébé nu, c'est-à-dire
chaussé et en chemise, sera mis en boîte dans l'atelier final, celui du
garnissage, et prendra le chemin du dépôt de la rue Pastourelle, d'où
les tailleuses l'emporteront pour le plier aux dernières modes inventées
par les grands maîtres du boulevard.
Cette usine modèle, qui concentre jusqu'à :200 ouvrières et 3U ou-
vriers, et qui semble respirer la bonne santé industrielle, n'en subit
pas moins la terrible influence du milieu. Le temps n'est plus où les
200.000 francs de bénéfices jetés en réclame excitaient la jalousie de
tous les rivaux. La lutte sans trêve a succédé à la primauté incon-
testée. A côté de l'action du commerce, abaissant les prix par la
hausse des escomptes, ia concurrence habile, active, produisant une
220 N" 76. — orvHiKRK moi'Leise en cartonnage Dr joiet parisien.
œuvre presque identique, a surgi. Un contre-mailre, un directeur a
suivi ce chemin que nous avons déjà indiqué comme trop souvent
fréquenté dans l'ébénisterie de haut luxe : partout d'ailleurs et en
toute industrie, le même oubli des antiques scrupules du serviteur loyal
se manifeste par d'identiques efl'ets. Entre l'ancienne maison et la
nouvelle, installées à Montreuil, presque face à face, différence de
grandeur, nullement d'aspect : lune est organisée pour livrer 200.000
bébés par un : l'autre en écoule .'iO.OOO. A peine pourrait-on citer une
nuance : la machine à tourner et à évider les corps de poupées plus
employée à l'usine Danel, et l'articulation métallique Danel substituée
à l'articulation caoutchouc Jumeau. Aspect identique du produit lui-
même, au dire du tribunal de commerce de la Seine, qui, au mois de
décembre 1801, a considéré le Paris-bébé comme une copie exacte, en
style juridique, une «' contrefaçon », un sosie du bébé Jumeau, Et en
raison même de cette conformité d'apparence, une réclame incessante,
chaque bébé apparaissant à côté de son ennemi sur la première page
des catalogues, toujours supérieur comme exécution, toujours infé-
rieur comme prix, et contribuant à abaisser ainsi dans cette lutte du
« capital (1) » la situation si précaire du salariat.
assistance ruel (2).
S'il est une organisation charitable vraiment royale, qui laisse
bien loin derrière elle toutes les ventes, les quêtes, les loteries, les
sermons de charité usités dans l'ancien asile classique de la bienfai-
sance, le faubourg Saint-Germain, c'est incontestablement cette As-
sistance, — le nom décerné par la langue courante en accuse les
dimensions vraiment démesurées, — qu'un simple particulier, enrichi
brusquement par le nouveau système de la vente au détail, a ins-
tallée dans la vieille cité, entre ces deux débris des pouvoirs souve-
rains d'autrefois, le roi et Tévêque, le Palais et Notre-Dame. Au chevet
même de la cathédrale, au seuil des sombres bâtisses des dernières
ruelles, tout un carré de terrain est couvert de constructions en plan-
ches; ce terrain a été acheté à la ville d'un seul coup : 3GO.O0O francs.
(I) Dans le sons on le prcnnenl les iiilliii(lu\es et les c()ll('<Hvistes.
{'2) C'est la conlrc-piirtie rharilahle du yraiid ha/ar de rilùlel-de-Ville. Oligarchie d'un
Cote; paupéi'ismc et assistance de l'autre.
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 221
Au centre, un écriteau qui sera expliqué, avec ces mots en grosses
lettres : Casino; sur la porte d'entrée, une autre enseigne très
différente : Assistance gratuite pour les enfants. C'est, en effet, une
sorte de permanence pour les enfants, — ces faibles toujours as-
surés d'exciter la sensibilité contemporaine. — que ce dispensaire
fondé depuis cinq ou six ans au milieu de ces populations du centre
de Paris, étiolées par les vices du sang et l'anémie, l'intempérance
et le sweating System. Dès le matin, 8 heures, tous les rouages de
cette petite administration de la charité se mettent en branle; car
nombreux est le personnel nécessité par l'économat, le réfectoire, le
cabinet de consultation, la salle d'opérations, la pharmacie, la lin-
gerie, la salle d'habillement, les bains, les douches, la cuisine, sans
parler de ce Casino, qui n'intervient qu'aux grands jours. Sous la
surveillance de la très vigilante directrice, toujours en éveil sur les
misères nouvelles qui sans cesse viennent se faire inscrire au
guichet des admissions, les trois médecins et chirurgiens, le phar-
macien spécial, l'employée comptable, l'infirmière préposée aux
pansements, le baigneur, la baigneuse et la cuisinière se mettent cha-
cun à leur œuvre distincte, pendant que les enquêteurs, fournis par
Je personnel du bazar, fouillent les mansardes et tâchent d'établir
les identités. Les « clients », — ce mot, empreint d'une délicate mo-
destie, semble de rigueur à l'Assistance Ruel, — ce sont tous les enfants
jusqu'à quinze ans; et, pour certaines faveurs, les enfants du IV° ar-
rondissement seul, siège du Bazar de l'Hotel-de-Ville. Le cycle quo-
tidien est immuable : à 8 heures du matin, distribution de lait,
apporté directement d'une ferme de la banlieue; immédiatement
commencent les consultations, elles sont gratuites ainsi que les médi-
caments et les bains; chaque enfant, — l'établissement compte seize
baignoires, — reçoit au sortir du bain un verre de lait et un croissant;
même règlement pour la salle des douches. A midi, soixante enfants
sont nourris gratuitement, et un réfectoire est spécialement affecté à
cet usage : le menu se compose d'une soupe, un plat de viande, un
plat de légumes, du pain à discrétion, une boisson composée de 1/3
de vin. Le dispensaire alors se repose ; la tâche journalière est
finie.
Mais il est des jours d'animation extraordinaire, symétriques en
quelque sorte des expositions du grand magasin. Ce sont d'abord
les fêtes de la charité : les distributions, depuis quelques mois trans-
portées de préférence à la mairie du IV® arrondissement, 10.000 francs
16
22:2 xN" 70. — ouvrière mouleuse en cartonnage du jouet parisien.
de coke distribués en une fois, 120.000 francs de vêlements en une
autre.
Puis aussi les fêtes et réjouissances, les fêtes enfantines. A Pâ-
ques, c'est la grande fête des enfants : dans la vaste salle du Casino,
qui a reçu cette destination principale, un guignol est dressé; après
le spectacle, une distribution d'actualités; chaque garçon emporte un
œuf de Pâques ; chaque fillette une petite poule en carton couvant
des œufs.
Cette pente des distractions prodiguées aux pauvres, des jeux du
cirque, après la sportule, n'a pas de lin. Il y a deux ans, à la fête na-
tionale, une armée de menuisiers couvrit de gradins le parvis Notre-
Dame. Les pauvres s'y entassèrent. Un ballet et une fête de nuit leur
furent offerts aux frais du riche. L'an dernier, — les preuves s'étalent
tout au long dans les journaux de l'épuque, — la fête devint nau-
tique. Des bateaux furent amarrés solidement ; un plancher spacieux
construit sur la Seine; et soixante danseuses du Ghâtelet, sous la di-
rection du maître de ballet et du chef d'orchestre, vinrent recons-
tituer pour le peuple les jeux entrevus jadis sur l'eau du Tibre.
g 22.
SUR l'apostolat religieux parmi les ouvriers de paris.
Ceci est en quelque sorte l'histoire d'une conversion. Nous allons
pouvoir expérimenter directement si la célèbre phrase d'Ernest Re-
nan : « Il serait inutile d'essayer de ramener le peuple aux vieilles
croyances surnaturelles », ne comporte pas au moins de larges ex-
ceptions. Il est incontestable — et cet exemple qui s'est passé sous
nos yeux, grâce à l'initiative de l'un de nos compagnons d'exploration
sociale, le prouve avec une netteté parfaite, — que la prédication
religieuse dans les milieux ouvriers parisiens ne reste pas sans effet.
Nous avons décrit méthodiquement plus haut (^ 3) l'état intellectuel
et moral de la famille avant l'œuvre d'apostolat; il faut insister ici
sur les procédés employés pour faire triompher l'instinct religieux
sur les autres instincts qui luttent contre lui.
Celui qui s'est dévoué à cette tâche partit de cette idée que dans
des esprits simples et point embarrassés de doctrines philosophiques,
une longue suite de souffrances aboutit à ce dilemme : révolte perma-
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 223
nente contre l'idée d'une intelligence directrice , ou bien refuge éploré
vers un éternel consolateur; en outre, deux tendances de la famille
ouvrière, le goût des émotions esthétiques et la fierté ressentie au
contact de la classe supérieure et lettrée, lui parurent indiquer claire-
ment la voie à suivre. Tout d'abord ses relations lui permirent de
placer en quelques jours l'enfant de treize ans dans une branche pros-
père de la mécanique et avec salaire immédiat. C'était dissiper d'un
coup toute prévention à l'égard de ses doctrines personnelles; les opi-
nions d'un bienfaiteur sont volontiers persuasives. On lui concéda,
sans trop de discussion, que la première communion présente son
utilité pratique au point de vue de la moralité, et que certaines asso-
ciations, d'un caraclère neutre, telles que le patronage de l'ébénisterie,
ont raison de l'exiger comme équivalent d'un certificat de bonnes vie
et mœurs. Les seules objections furent l'âge et le retard, la moquerie
des camarades plus jeunes, l'effroi des rouages administratifs delà pa-
roisse, dont l'idée s'associait aisément à celle d'une perception d'impôt.
Ce dernier trait laissait deviner que des femmes , et des femmes du
monde, pourraient mieux que le prêtre tenter l'œuvre de la conversion.
Un soir, la mère et ses deux fils étaient reçus par faveur spéciale
dans le grand parloir de Notre Dame du Cénacle, rue de la Chaise.
Cet ordre, recruté surtout dans la société choisie, et qui a répandu
avec une activité remarquable l'usage des retraites religieuses , aussi
bien dans les milieux ouvriers que dans les milieux mondains, sem-
blait désigné d'avance pour cette évangélisation discrète de retar-
dataires et de timorés. Une grande artiste, devenue sœur de charité,
conquit bien vite l'admiration et l'affection de ces effarouchés à qui
l'égoïsme universel avait masqué l'amour du Christ, et, quelques
mois après, les deux fils et la mère communièrent à la chapelle du
couvent de Montmartre. Le petit apprenti parlait de sa vocation reli-
gieuse. Des projets de conversion se bâtissaient, et l'on assistait à
cette fièvre de prosélytisme, qui agite certaines familles d'ouvriers
anglais, surtout nouvellement convertis, tels que le tanneur de Nottin-
gham, décrit par M. Urb. Guérin {Ouvr. des Deux Mondes, 2" série,
t. III).
L'exemple que nous venons de raconter est d'abord une réponse à la
question posée; il semble en outre autoriser cette conclusion : le troi-
sième élément delà « constitution essentielle », la religion, n'a pas
perdu son efficacité d'action sur les masses ouvrières: mais les pro-
cédés de propagande doivent être renouvelés de fond en comble. Une
224 K" 70. - OUVRIÈRE MOULEUSE EN CARTONNAGE DU JOUET PARISIEN.
Chose ancienne subsiste : la tendance humaine vers les croyances
extra-naturelles. Une chose nouvelle doit naître, surtout dans les
agglomérations ouvrières de Paris, une forme pratique de l'apos-
tolat.
LES OUVRIERS DES DEUX MONDES.
DEUXIÈME SÉRIE. — 32« FASCICULE.
AVERTISSEMENT
DE LA SOCIÉTÉ D'ÉCONOMIE SOCIALE.
L'Académie des sciences, en 1856, a couronné le premier ou-
vrage de science sociale publié par F. Le Play, les Ouvriers eu-
ropéens. Elle a en même temps exprimé le désir qu'une pareille
œuvre fût continuée. La Société d'Économie sociale, fondée aus-
sitôt par l'auteur de ce livre aujourd'hui célèbre , lui a donné
pour suite les Ouvriers des Deux Mondes. De 1857 à 1885, la
Société a publié une première série de cinq volumes contenant
quarante-six monographies de familles ouvrières.
La deuxième série des Ouvriers des Deux Mondes a commencé
en juillet 1885. Le premier tome de cette série a été terminé
en juillet 1887; le deuxième, à la fin de 1889; le troisième, au
commencement de 1892. Ils comprennent les descriptions mé-
thodiques de trente-deux familles d'ouvriers , appartenant à la
Bretagne, la Picardie, le Nivernais, l'Ile-de-France, la Provence,
la Gascogne, le Dauphiné, la Normandie, la Marche, l'Orléanais,
le Limousin, la Corse, la Grande-Russie, la Grande-Kabylie, le
Sahel, le Sahara algérien, la Belg-ique, la Prusse rhénane, la
Sicile, la campag-ne de Rome, la Capitanate, l'Angleterre, la
Laponie, l'Alsace^ la Hollande. Le présent fascicule, le 32® de la
seconde série, est le cinquième du tome IV. (Voir au verso de la
couverture.)
La publication se poursuit par fascicules trimestriels, avec
le concours de la maison Firmin-Didot. Un tel concours lui as-
sure cette perfection que nos lecteurs ont su apprécier dans une
œuvre typographique particulièrement délicate.
Les prochains fascicules contiendront les monographies de fa-
mille d'un Ouvrier de la Papeterie coopérative d'Angouléme,
d'un Pécheur de l'archipel Chiisan (Chine), d'un .\rinurier de
Liège, d'un Fermier du II;iut-Forez, d'un Pécheur de Fort-
Mardyck, d'un Ardoisier d'Angers, etc.
LES OUVRIERS DES DEUX MONDES,
PUBLIÉS PAR LA SOCIETE d'ÉCONOMIB SOCIALE,
RF.CONNIE d'utilité PL'DI.IQUE.
Deuxième série. — 32« fascicule.
SAVETIER DE BALE
(SUISSE),
OL'Vnilîlt-r.HEK DE MKTIEH,
DANS LE SYSTÈME Dl TRAVAIL SAiNS ENT.AGEMENTS
LES RENSEIGNEMENTS 1! KC i: Kl 1,LIS SIIF. LES LIEUX, DU 1^'' AVltlL ] 8S9
AV ]•■'• AVRIL 1890,
CiJ. Laxdolï,
Attaclié à la Statistique folérale Suisse.
PARIS,
LIBRAIRIE DE FIRMIN-DIDUT ET C'^
IMPRIMEDKS DE l'INSTITDT, RDE JACOB, 5tî.
189:5.
Droits de trailuotiuu et ili; reiiroiliii'tion rcservi':!'.
N" 77.
SAVETIER DE BALE
(SUISSE) ,
OUVRIEH-CHEF PE MÉTIElt ,
DANS LE SYSTÈME DU TRAVAIL SANS ENGAGEMENTS
d'après
lks renseignements recueillis sur les lieu:^, du 1 "' avril 1889
AU 1" AVRIL 1890,
PAR
M. Cu. Landolt,
Attaché à la Statistique fédérale suisse.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES (1)
DÉFINISSANT LA CONDITION DES DIVERS MEMBRES DE LA FAMILLE.
^ 1.
ÉTAT nu SOL, DE L'lNDUSTRIE ET DE LA POPULATION.
La famille objet de cette monographie habile une rue étroite du
faubourg de Bâle qui, situé sur la rive droite du Rhin, porte le nom de
Petit-Bâle.
(I) Le Journal de statistique .sidssp (Zeitschrift fiir schweizerische Statislik) a public
en 1891 une en(|uétc monograpliiquo faite par M. Caii Landolt et portant sur dix familles
• l'arlisans de Bàle. L'aut(;ur a choisi l'une d'elles et en a complète la description dans le
<-adre ordinaire des Ouvriers des Deux Mondes; \\\xi?,'\\ a condense dans les paragraphes
«lui suivent le l)U(!get, la plupart des conclusions comparées de sa première étude. (V.
notamment ci-après le § 19.)
En rapi)rochant cette monographie de celles (|ui l'accompagnent dans le [jrcsent re-
cueil, on reconnaîtra aisément (|ue l'auteur concentre plus volontiers son attention sur
les constatations numériques de la statistique que sur l'examen des conditions morales
ou sur l'étude du milieu intellectuel et écononii(jue où vil la famille. Il s'attache à faire
le plus exactement possible le comi)tc ri-el de Tannée courante, en iiroscrivant toute cva-
hialion moyenne des recettes ou des dépenses (|ui ne se reproduisent pas cha(|ue année.
17
220 N" 77. — SAVETIER DE BALE (SUISSE).
La population de la ville est aujourd'hui de 74.000 âmes. Du 10 dé-
cembre 1860 au 1*"" décembre 18S8, elle s'est accrue de 33.050 habitants,
dont 19.212 proviennent d'immigration, et 13.847 des excédents de nais-
sances, ce qui donne en moyenne un excédent annuel de 500 nais-
sances, résultat qui peut être considéré comme très favorable.
Au l*^"" décembre 1888 on comptait àBàle 5.4 i3 couples dûment ma-
riés. A la même époque, on constatait dans celte ville les catégories
suivantes de ménages : 2.644 à 3 personnes, 2.506 à 4; 2.157 à 5; 1.606
à 6; 1.124 à 7 ; 752 à 8; 467 à <); 291 à 10; 144 à H ; 92 à 12; 95 à
13-15; 57 à 16-20 et 20 à 20 personnes et au delà. On peut se faire ainsi
une idée approximative de la force des familles bâloises; mais il con-
vient de remarquer que dans ces chiffres sont compris les domesti-
ques et autres personnes étrangères à la famille proprement dite,
tandis que les membres absents de celle-ci n'ont pas été comptés. En
somme, on doit donc reconnaître que la population de la ville se trouve
en bonne voie d'accroissement.
Le système d'impositions à Bàle est assez rationnel et humanitaire.
Nous empruntons à ce sujet quelques données au remarquable tra-
vail de M. le professeur Biicher.
Bàle perçoit trois sortes de contributions : l'impôt sur le revenu
du travail, celui sur la fortune, et l'impôt communal de ville.
Il est de ceux <iui, pour ce genre de travaux, préconisent avant tout la méthode des li-
vrets de eoniplcs coiiliés aux ménages que l'on veut décrire et tenus jiar eux de semaine
en semaine. Les divers procédés d'en(|uètes monographi<|iics ont été souvent dissoutes,
notainmenl par l'Institut international de stalisti(|ue. (V. Bull, de l'Inst. intcrn. de slalis-
tique, t. II, III, V.) Sans entrer ici dans l'examen appruruniii de cette (picstion, on i>eiit
afiirmer (|ue la part de l'ohservalion i)ersonn('lle demeure considérable iiour interpréter
et compléter tout ce que le livret de comptes ne saurait donner. Ainsi, |>our ne citer
«lu'un exemple, clia(|ue ménagère distinguera dans ses achats (r('|)icerie le vermicelle
de la semoule, mais elle ninscriia que peu ou point les légumes que clia<pie jour elle
tire du potager; même remaniue i)oiir les subventions qui passent si sou\ent inai)er-
çues. D'ailleurs, il est peu de nu-nages qui sachent tenir ces livrets a\ec régularité.
Aussi, bien (|u'il ait i)Oursuivi ses recherches dans les conditions les i)lus fa\orables, sur
des artisans urbains, au milieu de la ville (|u'il hal)ilait, M. Land<ilt n'a-t-il obtenu sur 8(1
livrets remis à des ramilles choisies (|ue 17 documents dont 10 seulement ont été vrai-
ment utilisables. Sans méconnaître par conséquent l'inqiortance que des livrets de comp-
tes bien tenus pourraient avoir, soit alin de <lévelopi>er dans les familles les habiludes
d'ordre et d'économie, soit alin de fournir à l'observateur pour des évaluations toujours
délicates la base solide d'une en(|uete de douze mois, on est autorisé à dire que l'établis-
sement d'un budget domesti(|ue exige avant tout une étude personnelle et minutieuse. On
doit ajouter ménie(|u'il est fort utile de trouver un guide dans un cadre dés longtemps pré-
paré, dont les rubriques sont assez complètes pour mettre en garde contre tout oubli, et
assez uniformes jiour rendre la comparaison facile entre toutes les monographies. C'est ainsi
que pour rédiger, d'aprcs le cadre des Ouvriers des Dcu.r Mondes, et même sans le rem-
plir entiénanent, la monographie du Savetier de Bàle, .M. I.andolta été conduit a compléter
et à préciser sa première étude sur un grand nombre de points. {N. de la Rédaction.)
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 227
Le premier de ces impôts se perçoit sur tout revenu, quelles qu'en
soient la source et la nature; il se base sur les expériences minutieuses
faites durant l'exercice de Tannée précédente au moyen d'une taxation
individuelle qui incombe au contribuable lui-même. Cet impôt est
prélevé en avril lorsque les comptes privés sont censés bouclés; il se
paie en un seul versement.
L'impôt communal de ville vise aussi le revenu. Toutefois, il n'at-
teint pas le revenu réel d'une année déterminée, mais bien la moyenne
de périodes plus ou moins longues. A chaque classe s'applique une
contribution fixe que tout citoyen astreint à l'impôt doit payer indis-
tinctement, quel que soit le taux de son revenu.
L'impôt sur la fortune n'est lui-même, en somme, qu'un impôt sur
le revenu, mais il n'atteint qu'une catégorie déterminée de ce dernier,
les revenus de la fortune, les rentes, tandis qu'il ne touche pas au pro-
duit du travail. Il tire son nom d'impôt sur la fortune du fait qu'il se
base sur celle-ci pour établir son échelle.
Sont exonérés de l'impôt sur le revenu, outre les assistés et les do-
mestiques du sexe féminin :
1° Les célibataires dont le revenu annuel ne dépasse pas 800 francs;
2° Les époux qui ont leur propre ménage et les veufs à la charge
desquels se trouvent des enfants mineurs, lorsque leur revenu annuel
ne dépasse pas 1.200 francs;
3° Les veuves dans des conditions identiques et jusqu'à concurrence
d'un revenu annuel de l.oOO francs.
N'est pas soumis à l'impôt sur la fortune :
1" Tout capital n'atteignant pas le chifi're de 5.000 francs;
2° La fortune des veuves qui ont à leur charge des enfants mineurs,
si son montant ne dépasse pas 20.000 francs; celle de tout orphelin
mineur, jusqu'à concurrence de 60.000 francs.
Le système progressif est appliqué aux trois formes d'impôts directs.
Dans celui du revenu le taux varie entre 1/3 % du dernier exercice
annuel pour le degré inférieur et A % pour la plus haute classe, sans
toutefois jamais atteindre ce maximum. En ce qui concerne l'impôt
communal de ville, il flotte à peu près dans les limites de 1/2 à 1 1/2 ;^
du revenu moyen. L'échelle de l'impôt sur la fortune était jusqu'en
1887 basée sur la proportionnalité et accusait, de 187(! à 1880, 1/2, de
1881 à 1887, 1 pour mille du capital. La loi de 1887 a aussi mis cet
impôt sous le régime progressif, dont le taux va de 1 jusqu'à près de 2
pour mille.
228
SAVKTIEH DE BALE (SUISSE).
En avril 1882, 7. "211 personnes étaient atteintes par l'impôt sur le
revenu. Gela représente 37,7 % des contribuables communaux, soit
de la population, ou 4o,3 % des bourgeois astreints à cette même
classe dimpùt, et des domiciliés proprement dits. Le nombre des exo-
nérés de cet impôt aurait donc compris G2,3 ^ de la population en
général, et ri4,7 % des bourgeois et des domiciliés de cette catégorie.
En 1881, plus de la moitié des bourgeois et domiciliés n'ont pas ac-
cusé le chiffre de revenu imposable de 80O francs pour les célibataires,
de 1.200 francs pour les gens mariés et veufs, et de 1.500 francs pour les
veuves.
Le produit de l'impôt bâlois sur le revenu a été en 1881 de 43 mil-
lions; en 1884 de 40 millions; en 1887 de 48 millions de francs.
La fortune a été imposée comme suit :
Fortune un franc
iO.OOO
de :20 a «0.000
de (iOà 100.000
de 100 à 500.0000
de .'JOO.OOO à 1 million...
\ million
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111
Les impôts sont répartiâ"par tête de population dans la mesure sui-
vante : en 1878, 37,93 : 1879, 39,05; 1880, 42,75; 1881, 43,77; 1882.
43,05; 1883, 40,57; 1884, 37,11 ; 1885, 4G,00; 188G, 03,70; 1887, 50,19.
2.
ETAT CIVIL DE LA FAMILLE.
Au 1" janvier 1890, la famille se composait des époux et de cinq
enfants, savoir :
1" Jacques N***, chef de famille, né à. M*** (canton de nerne), marié en 1883 3!) ans.
2" Marie X***, sa femme, née a B*** (Alsace) 40 —
3° LoLisE N***, leur |iremi( re fille, née à Bàle 9 —
4" Jeanne N***, deuxième lille, n(?c à Bàle 8 —
fi" Mai;ie N***, troisième lille, née à Bàle <i —
0" PiEtiRE N***, leur premier lils, né à Bàle '» —
7" Jn.Es N***, leur deuxième lils, né à Bâle 3 mois.
La famille n'a aucun parent à Bàle et n'a même pas de relation
avec ses proches qui habitent le canton de Berne, non plus qu'avec la
famille de la femme qui réside en Alsace.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 229
§3-
REUGION ET HABITUDES MORALES.
La moralité du mari et de la femme est excellente. En dépit de la
situation matérielle très défectueuse de cette famille, je n'ai jamais
appris qu'une querelle ait sévi entre les deux époux. Le père se dis-
tingue par un goût très développé pour l'exactitude et tient, par exem-
ple, assez correctement, depuis prés de vingt ans, un livre de comp-
tabilité domestique. La femme n'a reçu qu'une instruction insuffisante
et ne sait ni lire ni écrire. Malgré leurs modestes ressources, ces gens
sont abonnés à un journal quotidien.
La famille, au surplus, comme bon nombre des ouvriers de Bâle,
montre pour la religion une profonde indifférence; elle ne connaît
pas la moindre pratique de culte public ni de culte domestique.
N*** fait partie d'un club à tendances politiques dont il fréquente
assidûment les séances; il est moins régulier dans le paiement de
ses cotisations.
Les enfants sont instruits dans les écoles publiques; à Bàle, tous ces
établissements d'instruction publique, à part l'université, sont ouverts
gratuitement à qui veut les fréquenter, et même dans les écoles pri-
maires, secondaires et le gymnase , les fournitures scolaires sont
également données gratuitement aux élèves.
î 4.
HYGIÈNE ET SERVICE DE SANTÉ.
Jusqu'à présent les membres de cette famille, à l'exception toute-
fois d'un enfant, n'ont pas soufiert de maladie grave. Au mois d'avril
1889, Jeanne, fillette de huit ans, était atteinte de carie des os et gar-
dait le lit depuis près d'un an. A cette époque, Tune des articulations
fémuro-tibiales était attaquée. Pendant ses vingt et un mois de ma-
ladie, la petite fut soignée dans un hôpital d'enfants, aux frais d'une
société de bienfaisance : elle en sortit guérie en janvier 189U; mais,
ainsi qu'on l'a constaté depuis, le mal s'est jeté sur l'autre- genou
demeuré jusqu'alors intact.
230 N° 77. — SAVETIER DE BALE (SUISSE).
RANG DE LA FAMILLE.
N*** appartient à une catégorie d'ouvriers extrêmement nombreuse,
celle des savetiers s'occupant pour leur compte des raccommodages;
et, comme la plupart des gens de celte classe, il n'aura jamais la
perspective de jours prospères, car il ne saurait où prendre le capital
indispensable à un exercice vraiment productif de sa profession. Avec
le concours de circonstances extraordinairement favorables, comme
par exemple un travail suivi et lucratif qui ne ferait défaut ni à lui-
même ni à sa femme, notre homme pourrait bien améliorer quelque
peu son sort, une fois que les frais d'entretien et d'éducation des en-
fants se seraient allégés. Quoi qu'il en soit, le bien-être de la famille
dépendra cependant toujours d'un gain régulier et rémunérateur, et le
métier de savetier n'est guère de natureà le lui procurer. Notre homme
est membre de la Société bâloise du Griitli, une section de celle qui
s'est fondée sous le même nom en 1837 et qui étend ses ramifications
dans tout le pays. Au début, cette association visait simplement le dé-
veloppement intellectuel de ses membres, mais les transformations
sociales aidant, elle a pris depuis lors un caractère politique assez
accentué; elle se compose en grande partie d'ouvriers, et les idées
démocratiques y dominent; cependant toutes les nuances s'y rencon-
trent : démocrates, socialistes, indépendants et parfois même conser-
vateurs.
MOYENS D'EXISTENCE DE LA FAMILLE.
PROPRIÉTÉS.
(Mobilier el vétonients non coiiipris.)
Immeubles : La famille ne possède aucune propriété de ce
genre Of 00.
Argent : Somme conservée comme fonds de roulement. . . . 75^00.
OBSERVATIONS rHKLIMINAlRES. 231
Matériel spécial des travaux et industries 84^90.
i° Ustensiles et outils de cordonnier (taxés à leur valeur réelle après déduction de l'a-
mortisscment d'usure). — 32 formes, 15^00; — 1 tabouret, l'OO; — 1 établi et un[faux-plan-
cher, 2'00; — 1 table à ouvrage, O'.'JO; — outils à déformer et à polir, 31 pièces, plus
1 lampe, 25' 00;— 5 alênes, 2'00; —2 pinces, 2' 00; —3 marteaux, 3' 00; —19 poinçons, 3' 00;
4 râpes, o'OO; — 1 pierre à aiguiser, O^iJO; — i râpes ;i chevilles, 2'")0; —2 crochetsà
forme, 0'60; — 3 tabliers, l'OO;- l petit étau, ,V()0; — 1 pince à œillets, 3'; —1 pince
omporte-picce, l'80; — 5 limes, S'OO;]— d planche à couper, l'OO; — divers petits outils, 5' 00;
— 1 paire d'embauchoirs pour bottes, 3' 00. — Total. 84' 90.
2° Matière première et fournitures. — Cuir, environ 3kilogr., 12' 00; — chevilles, envi-
ron 3 kilogr., 2'40; — clous, l'OO. — Total, 15' iO.
Valeur totale des propriétés ^ 139^90.
L'ouvrier avait en outre, au moment oii a été dressé le présent in-
ventaire, des matières et des fournitures, représentant un emploi
momentané du fonds de roulement, savoir environ : 3 kilos de cuir,
12^00; 3 kilos de chevilles, 2^40; clous, 1^00; total, 13^40.
SUBVENTIONS.
Durant la période correspondant à ce rapport, la famille a touché
20 francs à titre de subvention de la bourse des pauvres de la ville de
Bâle. En outre, elle a reçu 14 francs d'une autre société de bienfai-
sance.
Il importe de signaler également comme secours même assez con-
sidérable les soins donnés gratuitement à la fillette pendant la durée
de sa maladie. Il est encore une subvention en nature qui allège
fort heureusement le budget de notre ouvrier : à Bàle, comme d'ailleurs
Vians les autres places d'armes du pays, les soldats abandonnent ce
qu'ils ont de trop sur leur ration journalière aux enfants pauvres qui
se tiennent aux alentours de la caserne à l'heure des repas. C'est
ainsi que notre famille a obtenu pendant l'année pour une valeur
d'environ 8 francs de café, plus 59 1/2 kilos, de pain, qui représen-
tent une valeur marchande de 16^34.
Parfois aussi la famille reçoit des aliments d'un autre ménage ; il
nous a été impossible de leur attribuer une valeur même approxi-
mative; au reste, elle est certainement très minime.
Reste enfin à mentionner l'éducation donnée gratuitement aux en-
fants dans les écoles publiques ; faute de point de comparaison (§ 3),
il est impossible d'attribuer une valeur matérielle à ce service. 11 en
232 N° 77. — SAVETIER DE RALE (SUISSE).
est autrement des objets classiques fournis gratuitement qu'on peut
estimer à 1:2 francs.
§ 8.
TRAVAUX ET INDUSTRIES.
Le mari est savetier raccommodeur, il travaille à domicile et
habituellement pour son propre compte. Ses clients appartiennent
pour la plupart à la classe tout à fait pauvre. De temps à autre,
dans les moments de grande presse , un cordonnier lui apporte des
ressemelages. Il ne fait que fort rarement du neuf et, dans ce
cas, c'est presque toujours pour son propriétaire (jui prend quelque-
fois l'ouvrage en déduction du prix du loyer. C'est là une facilité de
paiement que la famille apprécie.
Les clients paient généralement bien; les comptes en souffrance
varient entre 20 et 30 francs et dépassent rarement iO. On peut
presque dire qu'il est avantageux pour N*** d'avoir des pratiques ré-
duites à de modestes dépenses, car elles paient comptant, ce qui est
d'une grande importance pour notre savetier; en effet, on entend
souvent des cordonniers qui servent une clientèle relativement
aisée se plaindre des rentrées difficiles et dire qu'on relient fréquem-
ment durant deux années le mince salaire qui leur est si nécessaire.
Le travail du mari est assez pénible et fatigue surtout la poitrine.
Quant à la femme, elle travaille comme journalière et contribue
pour une bonne part aux revenus de la famille par ses travaux de
nettoyage et de lessive. Sa clientèle se recrute d'ordinaire dans la
population la plus aisée de Bâie. Son- gain subit bien des fluctuations
ainsi que nous le verrons; cependant, son travail est proportionnel-
lement plus rémunérateur que celui du mari , bien que les salaires
qu'elle en retire soient fort modestes en comparaison de ses peines.
Les journées de travail augmentent de plus en plus, en sorte que
de son côté le gain se régularistj. Son travail aussi est assez pé-
nible; elle est souvent uccupéo en plein air malgré les intempéries,
ou parfois dans des locaux malsains et humides.
Elle fait elle-même le blanchissage du linge de la faniille; les frais
de fournitures nécessaires : savon, soude, bleu, etc., n'atteignent que
S'riO; en sorte que l'économie résultant de ces travaux est réelle-
ment très notable.
OBSEHVATIOMS l'HELIMlNAlRES.
233
MODE D'EXISTENCE DE LA FAMILLE.
§ 9.
ALIMENTS ET REPAS.
La principale nourriture de la famille est le pain, le lait et les
pommes de terre. Comme nous l'avons déjà signalé (§ 7), 59 { kilog.
de pain lui viennent gratuitement de la caserne. Dans les 908 litres de
lait du ménage figurent 28 litres de lait écrémé à 11 centimes. La
viande est habituellement de qualité inférieure, soit de la vache à
1 franc le kilogramme, soit des saucisses que l'on désigne à Bâle sous
le nom de « klôpfer » ou « gendarmes » ; le pain que la famille achète
est blanc, de qualité moyenne ou ordinaire. Quant aux petits pains,
ce sont les « weggli », bien connus, à 5 centimes la pièce. La semoule, le
riz, les macaronis, etc., sont le plus souvent aussi de médiocre qua-
lité. Le tableau suivant nous donne un aperçu de la moyenne des
prix payés par N*** pour les divers aliments et boissons que la famille
consomme.
Viande fr. 1 1 ,.{0 soit 9 1/2 kilogr. à Ir. 1 ,18
Saucisses — ",9:i — 53 pièces — 0,15
Pain — 101,28 — 304 kilogr. — 0,-278
Petits pains - 2,80 — 56 pièces — 0,05
Lait — 1T!),03 — 908 litres — 0,197
Beurre — 13,ir; — 4 1/2 kilogr — 2,92
Graisse - 10,18 — 8 3/i — — 1,10
Fromage — 2i,90 — 12 ~ — 2,08
Riz — 0,30 — 1/2 — — 0,00
Semoule — 5,oo — 12 1/4 — — 0,42
Farine — 3,22 — 7 1/2 — — 0,'t2
Macaronis — 8,20 — 12 — — 0,08
Haricots — l,:;8 _ 5 — — 0,310
Pommes de terre — 12.9:; — H 1/2 mesures — 1,12
œufs — 11,91 — i:i8 pièces — 0,075
Café — 19,7.-; — 8 1/2 kilogr. — 2,32
Sucre — 13,95 — 22 — — 0,04
Vin — 3,75 — 7 1/2 litres — 0,50
Bière — 3,35 _ 8 — — 0,42
Un autre tableau nous indiquera comment la consommation se
répartit entre les douze mois de l'année.
234
N° 77. — SAVETIER DE BALE (sUISSE).
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OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 23o
Il est à remaniuer que vers la fin de celte période les dépenses
en nourriture accusent une augmentation.
î 10.
HABITATION, MOBILIER ET VÊTEMENTS.
La maison où loge cette famille est située dans une des rues
étroites, inhospitalières et imprégnées des odeurs les plus hétéro-
gènes, du Pelit-Bàle. Le logement comprend trois pièces et une cui-
sine. Deux des chambres sont du côté de la rue , la troisième est
plutôt une alcôve faiblement éclairée par la lumière parcimonieuse
qui traverse une fenêtre s'ouvrant sur le corridor. Le prix du loyer
est proportionnellement très élevé, car il représente un débours de
1:20 francs par trimestre. L'appartement, situé au second, comprend
l'étage supérieur complet d'un immeuble assez bien entretenu, mais
il n'a toutefois pas de water-closets , celui du premier étage sert à
toute la maison.
Des trois chambres habitables, le ménage n'en occupe que deux ;
l'autre, la plus petite, qui donne sur la rue, est sous-louée pour dimi-
nuer quelque peu le montant du loyer. Durant la période de cette
étude, non seulement cette sous-location ne rapporta aucun gain à
la famille, mais elle lui occasionna un déficit. Avant d'occuper ce
domicile et jusqu'au 1^'' avril 1889, elle n'avait à sa disposition qu'une
seule chambre dont elle payait 00 francs de loyer trimestriel. Pour
l'année sur laquelle s'établit notre budget la dépense pour le loyer se
répartit donc comme suit : au commencement d'avril il a été payé
pour le premier trimestre de 1889 dans l'ancien logement, 60 francs;
puis successivement en juillet et octobre 89, 120 francs pour le nou-
veau loyer ; quant à l'échéance de janvier 90, elle n'a pas été intégra-
lement payée: N*** redoit encore 20 francs. C'est ce qui explique le
chiffre de 400 francs figurant au budget comme dépense de loyer.
Le nouvel appartement composé de trois pièces ne fut pris que
dans l'intention formelle de sous-louer, sans la meubler, l'une
d'entre elles. Gela ne put cependant avoir lieu que durant la seconde
moitié de la période qui nous occupe, et au prix de 35 francs par
trimestre; au moment où s'arrête notre étude la famille n'a encore
reçu le payement que du premier trimestre.
236 K° 77. — SAVETIEH DE BALE (SUISSE).
Voici quelle est la composition de l'appartement :
Pièce 1. Cfiambre commune et atelier. Six personnes y séjournent
habituellement et une y travaille. Hauteur, 2™ 00. Contenance, 46 mè-
tres cubes d'air, soit 7,7 mètres cubes par tête. La pièce a deux fenê-
tres et contient : 1 fourneau (poêle), 1 table, 1 établi avec faux-
plancher, 3 chaises, 2 armoires, dont une petite.
Pièce 2. Chambre à coucher pour 0 personnes, avec alcôve. Hau-
teur, 2™ 60. Contenance, 30 mètres cubes d'air, soit 5 mètres cubes
par tète. Cette pièce a une fenêtre s'ouvrant sur le corridor et elle
renferme les meubles suivants : 1 lit pour les époux, I lit pour 2 en-
fants, 2 lits d'enfants à une place, et une chaise.
Pièce 3. Sous-louée sans meubles. Hauteur, 2'" (îO. Contenance
26 mètres cubes; 1 fenêtre.
Toutes les chambres habitées ont donc ensemble un volume d'air
de 102 mètres cubes, et, puisque le loyer annuel est de 480 francs,
N*** paye 4^70 par mètre cube. Afin de ne pas être en perte et
en admettant qu'il voulût rentrer simplement dans ses frais, il devrait
au moins retirer 122^20 par an pour la pièce destinée à être sous-
louée. Dans les conditions les plus favorables, c'est-à-dire lorsqu'il
peut la sous-louer toute l'année, elle lui rapporte bien 140 francs:
mais comme il n'a eu de locataire que durant la moitié de la période
étudiée, il n'a retiré que 70 francs, et a dû supporter ainsi un dommage
de 52^50. Le fait que la famille a pu profiter de cette chambre tani
qu'elle s'est trouvée vide ne change rien à l'affaire, d'aulant plus
que sa sous-location était prévue au budget du ménage etcju'on avait
fermement compté sur cet allégement. Il est bon de dire que pour
utiliser cette pièce il faut traverser la chambre qu'occupe la famille.
Ainsi que cela ressort des données concernant les diverses pièces et
leur cubage, la quantité d'air attribuée à chaque individu est bien
au-dessous du minimum exigé par l'hygiène. Pour la chambre à
coucher, l'insalubrité résultant de l'étroitesse du local est encore ag-
gravée par l'impossibilité d'aérer convenablement. En effet, si Ton ou-
vre la fenêtre qui, comme on le sait, donne sur le corridor, il n'y
entre guère que l'air déjà vicié de la maison. En outre, cette chambre-
alcôve est si sombre qu'on a de la peine, même en plein jour, à en
distinguer les meubles. L'aération est un peu meilleure dans la pièce
où se réunit le ménage.
L'immeuble où se trouve le logement appartient à un particulier;
il est assex bien entretenu, car s(tn [)ropriélaire l'habite aussi. Quant à
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 237
l'appartement occupé par N***, on doit reconnaître qu'il est maintenu
en aussi bon ordre que le permet, du reste, la situation de la famille. On
comprend facilement qu'en de telles conditions ces gens ne puissent
vouer des soins tout spéciaux à l'entretien de leur logis. En fait de
moyens de chauffage, un poêle qui se trouve dans l'une des cham-
bres, ainsi que le fourneau-potager, sont dans un état satisfaisant.
Le bois en est le seul combustible. La maison n'a pas de conduite
d'eau;. une pompe située dans la cour est d'usage commun; mais il
lieut arriver qu'en hiver le puits soit hors de service et que l'on doive
chercher l'eau ailleurs.
En tenant compte de toutes les conditions du logement lui-même et
de l'immeuble dont il fait partie, notamment l'insuffisance d'aération,
on doit remarquer que la dépense du ménage N*** pour l'habitation
est relativement considérable; elle le paraît d'autant plus que les dé-
penses de la famille pour son alimentation sont au contraire très res-
treintes (§ 18).
Il nous reste à transcrire ici l'inventaire du mobilier, du linge de
ménage, des ustensiles et des vêtements. Le lecteur attentif qui, non
content de le parcourir, se reportera au même paragraphe dans les
monographies concernant des familles de situation à peu près sem-
blable, trouvera peut-être singulièrement minimes les évaluations qui
vont suivre. Un mot d'explication n'est sans doute pas superflu. Pour
la famille N***, comme pour les autres ménages que nous avons étu-
diés à Bàle (§ 19), la taxation des objets inventoriés a été fixée d'après
le prix qu'en aurait donné un fripier, c'est-à-dire d'après la somme
d'argent qu'on pourrait en cas de besoin recueillir de la vente. 11 ré-
sulte de là une dépréciation très considérable, car certains objets per-
dent presque entièrement leur valeur marchande par le seul fait qu'on
s'en est servi. Ils conservent cependant pour leur possesseur une va-
leur d'usage presque égale au prix d'achat. Tel vêtement, par exemple,
coûtant 10 francs et d'une durée d'usage de cinq ans, sera évalué d'une
façon très exacte pour son possesseur, si on lui attribue une valeur de
8 franc* après un an de service, et pourtant un fripier n'en donne-
rait peut-être déjà plus que 4 ou o francs. Les deux procédés de taxa-
tion conduisent donc à des résultats notablement différents. En pré-
sence des difficultés multiples d'évaluation , en particulier pour estimer
la durée d'usage, nous avons préféré nous en tenir au procédé théo-
riquement le moins parfait, mais pratiquement le plus aisé à appli-
quer sans erreur et arbitraire.
238 N° 77. — SAVETIER DE BALE (sUISSE).
Meubles : réduits au strict nécessaire n2'50.
1° Lils. — 1 lit cil noyer pour les parents, lâ'OO; — l lit en sapin, 8'00; —2 petits lits en
l)Ois, 10' 00; — I lit en sapin, I.VOO. — Total, Vi'OO.
2". — Mruhlcs (Ips deux picces [chambre à coucher et atelier servant de cuisinc\ (en outre
des lits). — I armoire à une porte, 5' 00 ; — i buffet, 2' 00. — l table carrée en sapin, 2' 00; —
I petite armoire de cuisine, 3'00; — -2 chaises et -2 escabeaux, 0'50. — 2 malles, 3'00; —
1 pendule. ;{'0O; — livres et revues, lO'OO; — 10 tableaux, 1 i'OO. — divers petits objets, ^'00.
— Total, '»-'50.
Linge de ménage : insuffisant et en très mauvais état .... 9*^40
i garnitures de lit, .VOO; — 7 draps de lit. l'40; — 3 idem, 0'90; — 8 essuie-mains prove-
nant d'un cadeau, 0'80; — i rideaux, I'OO; « tapis de table (<lonnc), 0'30. — Total, O'U).
Ustensiles : la plupart provenant de cadeaux, mais détériorés par
l'usage et presque sans valeur 43^05.
1» Servant à la cuisine. — 2 poêles en fer battu, i'OO; — i égouttoir, 0"M; — petits usten-
siles de cuisine, i'.W; — objets en étain et en fer-blanc, 2' 00; — ccuelles et cuillers en
bois, 2 '00; — 1-2 assiettes, d'OO; — 20 couteaux, cuillers et fourchettes, 2'00:— 3 seillcs, t'OO;
— d planche à laver, 0'3o; — 1 petit fourneau à pétrole, l'50. — Total, 18' 8.».
2" Servant à divers usages. — 3 paniers, 2'00 ; — 3 lampes, I'OO ; — 1 fer à repasser, i'OO ;
— 1 miroir, 0'20 ; — divers i)etits objets de toilette, 3'00 ; — 3 parapluies et ombrelles, 2'00.
— Total, 0'20.
3" A l'usuf/e des enfants.— t iietite voilure (iioussctte), l'i'OO. —Total, l.'i'OO.
Vêtements : en très mauvais état, insuffisants et de peu de va-
leur (iToO.
1" Vêtements de l'ouvrier. — t jaciuotles, lO'OO;— V pantalons, 2'o0;— l KÏlcts, I'OO; —
1 pardessus, 4' 00; — 4 chemises, 2'00; — 3 caleçons, l'20; — 3 tricots, 0'80 ; — 5 paires de
bas et chaussettes en laine, 0'20; — 2 paires de souliers, l'(«): — 3 chapeaux, 0' "."i. —
Total, 24' 05.
2 Vêtements de la femme. — 2 robes, 3'00; — i caracos, l'oO; — (■ chemises, a'CKi. —
3 caleçons, l'OO; — 'Kamisoles, 2'00; — i paires de bas de laine, 0' 40; — 4 paires de bas de
coton, 0'25; —2 jiaires de souliers et I paire de pantoufles, l'OO; — I cha|>cau, 0'30. —
Total, 12' tri.
3" Vêtements des enfants. —3 robes pour fillettes, i'OO; — 20 chemises. 2'00; — 15 cale-
rons, 2';X); — 18 paires de bas de laine, 2' 70; —20 paires de bas de coton, 2' 00 ; — 10 pai-
res de souliers d'enfant (confectionnés par le père), 4' 00. — Total, 14' 20.
4" Objets d'usage commun. — 3i> mouchoirs de poche. 2'00. — Total, 2' 00.
Vt" Bijoux. — \ montre, 8'00; — I chaîne démontre en métal blanc, 0' 80. — Total , 8'80;
Valklu TdTALi: (lu iiKjbirKM- et (les vêlements :20r>'' io
§ 11.
nÉCHKATlONS.
Habituellement l'ouvrier passe le dimanche chez lui à râtelier, lan-
(hs que sa femme s'occupe de la besogne du ménage dcmourcc en
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 2'i9
retard durant la semaine. N*** est abonné à un journal quotidien, le
National de Bàle, feuille sans direction politique bien déterminée,
cherchant surtout à se conformer aux désirs des masses , et jouissant
par ce fait d'une influence assez grande, mais aussi quelque peu per-
nicieuse.
N*** fait en outre partie de la Société du Griitli dont il a déjà été
parlé (§ 5); il est plus assidu à assister aux réunions qu'à payer ses
cotisations.
En dehors des boissons consommées dans le ménage, N*** n'en prend
que fort peu, et ses dépenses à l'estaminet ne sont pas supérieures à
6 francs.
En somme l'existence de cette famille s'écoule dans une extrême
monotonie, sans autres variations que le défilé des soucis, hélas,
toujours trog fréquents.
HISTOIRE DE LA FAMILLE
§ 12.
PHASES PRINCIPALES DE l'eXISTENCE.
N***, originaire du canton de Berne, a fréquenté jusqu'à seize ans
l'école de son endroit natal, tout en demeurant chez ses parents. Son
père remplissait une modeste fonction communale maigrement rétri-
buée, et entretenait avec son salaire, joint aux quelques bénéfices qu'il
pouvait retirer d'une petite culture, une famille de huit personnes. Dès sa
seizième année, N*** s'engagea comme domestique, mais, arrivé à
l'âge de dix-neuf ans, il renonça à ce genre d'occupation pour entrer
en apprentissage chez un cordonnier, en payant à celui-ci, en échange
de l'entretien et du logement, la somme annuelle de 70 francs. Il apprit
ainsi à faire la chaussure aussi bien qu'à exécuter les différents gen-
res de raccommodages. Après avoir terminé un apprentissage de
deux ans, il fit un tour en Suisse qui dura six ans, et s'arrêta dans di-
verses localités des cantons de Vaud, Neuchâtel, Berne et Saint-Gall.
Il travailla pendant environ trois ans (jusqu'en 1877) au chef-heu
i2i() N° 77. — SAVETIER HE P.ALE (SUISSE).
de ce dernier canton, pour se diriger ensuite sur Bàle, où il fit, en
JSSl, la connaissance de celle qui devint sa femme deux ans plus
tard.
La femme est d'origine alsacienne. Son père exerçait l'état de ton-
nelier et possédait un petit bien rural qui lui permettait de vivre assez
à son aise avec ses six enfants. Cependant Marie X*** dut s'engager
comme domestique chez des paysans alsaciens dès sa jeunesse, et
avant d'avoir acquis une instruction suffisante. Lorsque sa mère mou-
rut et qu'on vendit la propriété de la famille, elle rerut une part d'hé-
ritage assez ronde en argent, mais elle l'eut bientôt dépensée.
Quant au père de Jacques N***, il est mort cette année même, laissant
pour tout patrimoine à son fils une somme de 4o francs.
U'ajirès N***, le salaire qu'il touchait durant son « tour de Suisse »
lui permettait, en sa qualité d'ouvrier célibataire, de nouer convena-
blement les deux bouts; son état de gène actuel aurait pris naissance
lors de son mariage, en variant peu d'intensité, et sans qu'une aggra-
vation de l'état général de ses affaires se soit toutefois produite.
Bien que le père de la femme ainsi que ses frères et sœurs parais-
sent avoir conservé leur aisance, la famille N*** n'a jamais eu recours
à leur aide et n'a pas entretenu de relations avec eux; elle ignore
même aujourd'hui le domicile et la profession des siens.
g 13.
MOEURS ET INSTITUTIONS ASSURANT LE BIEN-ÊTRE DE LA FAMILLE.
Les conditions d'existence de la famille sont f(jrt précaires. Bien
que le travail de la femme prenne de l'extension et que celui du mari
s'améliore, on ne peut pas cependant en conclure que ce ménage sera
bientôt délivré de ses lourdes inquiétudes. Lorsque ses chefs seront
devenus vieux et incapables de travailler, éventualité contre laquelle
ils n'ont jusfju'à ce jour pris aucune précaution, ils tomberont inévita-
blemenl à la charge de l'assistance publique ou seront secourus par
une société privée de bienfaisance. Il existe à Bàle une foule d'institu-
tions semblables, au premier rang desquelles se place une section de
la Société suisse d'utilité publi(|ue. Llle a organisé un bureau de se-
cours et consacre annuellement de grosses sommes à l'assistance des
indigents. D'autre part, l'esprit de charité est assez développé dans la
population de Bàle, et notamment chez les roprésonlanls des an-
OBSERVATIONS PHKLIMINAIHES. 2U
ciennes familles. Le père et la mère ne souffriront donc pas préci-
sément de trop lourdes privations dans leurs vieux jours, mais on ne
pourra toutefois faire assez pour leur procurer un repos qu'ils auraient
cependant bien mérité. A moins de circonstances exceptionnelle-
ment favorables, ils ne peuvent guère compter à cet égard sur
leurs enfants, car il est aisé de prévoir que ceux-ci auront assez de
peine à s'entretenir eux-mêmes, d'autant plus que les filles sont pré-
cisément les aînées.
Pour atténuer du moins quelque peu le désastre que causerait la
maladie ou la mort du père, celui-ci fait partie de la « Caisse de secours
en cas de maladie et de décès », fondée par la Société suisse du Grûtli.
Il lui paie une cotisation mensuelle de 1^40 et a droit, par contre, à
une indemnité de 1'' 80 pour chaque jour de maladie. A son décès, une
somme de 300 francs doit être versée aux mains de sa veuve ou de ses
enfants. Quant a une assurance quelconque proprement dite, il n'en
est pas question.
IG
242
N" 71. — SAVETIEH DE BALE (sUISSE).
ii 14. — BUDGET DES RECETTES DE L'ANNÉE.
SF.CTIO.N l".
PROPRIÉTÉS POSSÉDÉES PAR LA FAUiLLE.
Ain. I'^ — PllOPIlIÉTÉS I.MMOniLIÉIlES.
(La famille ne possède aucune i)rr)iiriélù de ce genre.)
AriT. 2. — Valelus mobilières.
Matëkiel spécial au niclier de sa\etiei'
.\nGi;>T :
l'oiids lie rdulemeiit
Ar.T. 3. — DliOlT AUX ALLOCATIONS DE i SOCIÉTÉS D' ASSURANCES MUTUELLES.
Uniit aux allocations de la caisse de secours en cas de nialn(li(> cl de décès de
la Sociclc suisse de (irùtli
Valeck TOTALE des propriétés.
SECTION II.
SLBVENTlOniS REÇUES PAIt LA l'AMILLi:.
Ar.T. 1". — PUOl'KIÉTÉS IlEÇUES EN USUFRUIT.
(I.a laniillc ne reçoit aucune propriété en usufruit.)
AiiT. 2. — Droit d'usage sur les propriétés voisi.nes.
(La lainille no jouit d'aucun droit de ce genre.)
Art. 3. — Allocation d'objets- et de service.
Allocations en argent
AIlocaii(tns concernant Im iinurrilurc
Allocations concernant rinstruction des enfants.
N" 77. — SAVETIEFl OK UALK (sUISSE)
243
i; l'i. — BUDGET DES RECETTES DE L'ANNEE.
montant DES UEUBTTKS.
RECETTES.
Valeur des
objets reçus en
Recettes
nature.
ari»cnt.
SECTION r".
REVENUS DES PROPRIÉTÉS.
Aur. \". — Revenus des pkopuiétés iMMonrtiÈREs.
(La famille ne jouit d'aucun revenu de ce genre.)
Ar.T. !2. — Revenus des valeliis moiiilièues.
érét (."j o/q) de la valeur de ce matériel
»
4^2.-;
Art. 3. — Allocations des sociétés d'assurances mutuelles.
l.c père n'a pas eu à faire valoir ce droit pendant l'année.
"
»
Total des revenus des proi)iictés
»
1 2.-;
section II.
PRODUITS DES SlIBVE!\TIO\S.
Amt. ^«^ — Produits des propriétés reçues en usufruit.
„
Art. '2. — Produits des droits d'usage.
„
„
Art. 3. — Objets et services alloués.
ime reçue de la- caisse des pauvres do Bâle . • • •
imc reçue d'une société de hienfaisance de Râle
u de la" caserne .'» kilogr. i!-2 de pain àO'2-S, et 3 kilogr. W de café à 2f3'2
. ki[(,"r
-2 't '.-;'♦
1-2 00
20 01)
1 V (•()
ication donnée aux enfants dans les écoles pul)li(|ucs (pour mémoire)...
irnitures de classe données aux enfants dans les mêmes écoles
Totaux des produits des subventions
3(i :>i
•M 01)
244 .N" 77. — SAVETIER I»E BALE (sUISSE).
J5 14. — BUDGET DES RECETTES DE L'ANNÉE {suite).
SOURCES DES RECETTES (suile).
DESIGNATION DES TRAVAUX ET DE l.'EMI'LOI DU TEMPS,
SECTION III.
TRAVAUX EXÉCLTÉS PAR LA FAMILLE
Travaux du chef de famii.i.i: :
Travaux de savetier, 303 journées formant 3.'i(>5 heures (.', IG A, et 17)
TllAVAII. DE l.X FEMME :
Travail de journalière : nourrie chez elle : 78 journées formant 10(i3 heures.
— — nourrie chez le client : !)i 1/2 j. tonnant low h
Travaux de ménage, préparation des aliments, soins de pnii)reté, soins
donnés aux enfants, etc
Totaux des journées des membres de la famille.
yUANTlTE DE TltA\AH,
EFFECTIÉ.
iUrr.
30.'), 5
305, S
400,3
101,8
36S,1
SECTION IV.
INDUSTRIES Ei\TREPRISES PAR LA FAMILLE
(à son propre compte).
Travaux de saveii(^r
Sous-locatiou' d'une ciiambre non meublée pendant 3 mois.
N" 11. — SAVETIER DE BALE (SUISSEJ.
§ li. — BUDGET DES RECETTES DE L'ANNÉE {suite).
245
RECETTES {suite).
l'KIX DKS SALAIRES
JOIRXAI.lF.nS.
i 50
SECTION III.
SALAIRES.
Salaire attribué à ce travail C ^'^.l
Salaire total attribué à ce travail ('} 17, tableau II)
(Aucun salaire ne peut être attribué à ces travaux.
Total des salaires de la famille
SECTIOX IV.
BENEFICES DES IXDLSTRIES.
Bénéfice résultant de cette industrie (S IC A)
Total des bénéfices résultant des industries..
Nota. — Outre les recettes portées ci-dessus en compte, l'industrie de save-
tier donne lieu à une recette de 314 fr. 29 qui est appliquée de nouveau à cette
iiiênie Industrie; cette recette et la dépense «lui la balance (Z 15, sect. V) ont été
omises dans l'un et l'autre budget.
DÉFICIT DE l'année. — La famille possédait au début de l'année 75 francs, elle
a recueilli io francs comme succession du père de .\... Sur ces deux sommes
(1-20 fr.), elle a du prendre 89' 9i, savoir :
Pour payer une dette antérieure
Pour é(iiiilibrer les dépenses de son budget annuel
ToTAix DES RECETTES dc l'année (balançant les dépenses) \iiV''j
MONTANT DES RECETTES
Valeur
des objets
r«VU8
eu nature.
Recettes
on
argent.
290 50
180 85
92 21
3 o 00
8 00
81 9i
246
>•" 77. — SAVETIER DE BALE (SUISSE).
§ 15. — BUDGET DES DÉPENSES DE L'ANNÉE.
DÉSIGNATION DES DÉPENSES.
SECTION I".
DÉPENSES CONCERXAIVT LA XOURRITCRE.
Art. i". — Aliments consommés dans le ménage.
^Par l'otivrier et 3 enfants pomlant 365 jours, par la femme pendant 270
jours 1/2, par un enfant pendant 90 jours et un bébé pendant 90 jours.]
CÉRÉALES :
Pain ailietc et roçii
Petits pains (weggii), ."iii pièces à 0.0.'i
Farine
Semoule
lUz
.Macaronis
Poids total et prix moyen .
Corps gras
I.ar.I....
lîeurrc.
(iraissc.
Poids total cl prix moyen.
Laitages et oel'fs :
I,ait
oi'iifs. l'iS pié(
Poids total et prix moyen.
Viandes et poissons :
Saucisses : (Kliipfer) .'>;i pièces à O'I.'J centimes
poissons (ils n'entrent jamais dans la consommation
de la famille)
Poids filial et prix moyen.
LK(;tMF,s et Kiin
TuIxTcules ; Pommes de terre...
l.cKMiiies verts à cuire
I,(f,'umcs farineux secs, haricots..
Fruits
l'nids total et pri\ moyen.
POIDS et PIIIX DES
ALIMENTS.
POIDS
consommé.
pai.x
par kilo;.
r, 04
7 .'>
l-> r,
0 ")
1-2 0
0'278
0 55
0 4-2
0 i-2
0 G(l
0 (>8
4i;i 01
0 -2! 18
H 75
1 .{(1
2 !I2
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-2s (H)
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•.rxi
Kl :t
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1 1..6
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!):.7 .'t
0 iHo
!t .'i
i 77
1 18
1 i;ii
It -27
n 7iO
-28 7.-.
0 4.-;
0 3!Hi
•
»
MONTANT DES DEPENSES.
Takur
des obji ts
consommés
en nature.
16'5'i
Dépenses
en argent.
101
28
o
80
a
22
.•;
()'.;
0
30
8
20
l!l -20
l.t fi
10 IS
I7!i o:;
Il ;mi
21 ro
12 il.-.
10 o;t
I !>8
i.'i :t.-i
N" 77. — SAVETIER DE BALE (sUISSE).
§ 13. — BUDGET DES DÉPENSES DE .'ANNÉE {suite).
247
DÉSIGNATION DES DÉPENSES {suite).
SECTION I""".
DÉPEXSES C0.\CERXA:«T la IVOURRITURE (suite).
Art. I'"'. — Aliments consommés dans le ménage [suite).
Condiments et stimulants:
Café
Sucre
Chicorée, thé. chocohil.
Sel, poivre, etc
Boissons feumentées :
Vin, 7 litres 4/2 à O'-'iO
Bicre, 8 litres à 0'4-2...
poids et prix des
ali.ments.
PRIX
p.ir kilog
2 '32
0 Ci
Art. 2. — Aliments préparés et consommés en dehors du ménage.
Petits pains cnnsonimés par l'enfant à l'hôpital et payés par la famille
2(ji pièces à 0'05 centimes '. ...
Repas pris à l'auberge
montant des nÉPENSES.
Total des dépenses concernant la nourriture
SECTION II.
DÉPENSES C0I\CER1\A\T L'HABITATIOi\.
Logement :
Loyer d'un appartement
Mobilier :
Frais d'entretien
Achat d'ustensiles et de linge de ménage.
Chauffage :
Bois et charbon
Éclairage :
Pétrole
Total des dépenses concernant l'habitation.
SECTION III.
DÉPENSES CO!VCERIV.\IVT LES VÊTEMEIVTS.
VÈTEMFNTS
.\cli;ils
Kaccommodage cl fouriiilures.
Bunciiissace :
Bleu, savon, soude, ctc
Total des déi)enscs concernant les vêtements.
Valeur
des objets
consommés
en nature.
8' 00
Dépenses
en argent.
Wl",
13
O.T
4
20
4
90
3
7.D
3
36
13 20
7 60
400 00
lu
60
23
23
27
10
17 60
4SS3
55
6i
00
22
2i
-2
50
m
"i
248
N° //. — SAVETIFli DE RALE (SUISSE).
i; 15. — BUDGET DKS DÉPENSES DE L'ANNÉE {suite).
DÉSIGNATION DES DÉPENSES [sitite).
MOST.\ST DE
A'ftleur
des objets
cousommûs
en nature.
DÉPENSKS.
l)vi>enscs
en argent.
SECTION IV.
DÉPE\SES CO.\CER;\Ai\T LES BESOI.\S MORAUX, LES RÉCRi;:ATIO\S
ET LE SERVICE DE SA.^TÉ.
iNSTKIT.TION DRS ENFANTS :
Instruclion donnée gratuilenient dans les écoles publiques (pour nié-
1-2' 00
II
•2' 80
Il 70
-20 2:i
1 70
G 00
4 05
8 75
l(> ItO
M 00
0 70
I-ournitures de classe données aux enfants . ...
— — exceplionnelicmenl payées par les parents : li-
vres, laine et aiguilles pour les lra\au\ enseignés a l'école
KÉCKÉVTIONS :
AI)onneinent à nu journal et menues dépenses du dimanche
Cigares et tahac
louels pour les entants
Coujjons de chemin de 1er cl l'ournitures de hureau
Seiivicf de santé :
Cotisations à la caisse de secours en cas de maladie
ToTACN des dépenses concernant les besoins moraux, les récréa-
tions et le service de santé
i-2 00
87 Vi
SECTION V.
i)i;pi:>SES c;o\(;i:raam i.i:s im>i stries. li:s i)i:tte8, les impots
ET LES ASSI RAX.ES.
DkPK.NSES CONCEItNANT LES INDISTIUIS :
Nota. — Les dépenses concernaiil l'industrie entreprise au
compte de la laniillc montent ù 8!M no
!• 00
Elles sont remboursées par les recettes i)rovenanl de cette
même industrie, savoir :
Argent empio\é aux achats du ménage el porté à ce titi-c
Ar^,'(Mil appli(|ué de nouveau à l'industrie comme emploi ( i^,,. q^^
(piemnietil liguriM' parmi les dépenses du ménage. 344 H'.) )
INTK.IIÈTS DES DETTES :
(l.a famille n'a aucune dette i)orlant intérêt.)
IMPOT :
.\SSI IIANCES CONCOI IIANT A (/MIAMIK I.E IIIEN-ÈTUE l'IlYSIyl E ET MollAI, DE i.A
E\Mil.l.E :
Cotisation à la caisse de secours (mentionnée à la S"" IV)
•
!) 00
i:i'Ml(;XE DE 1,'année :
sur la somme de iéo fr. qu'elle possédait. 8 fr. pour paver une dette
Cl) délicil •» l'i. S" IV)
S 00
;«; :a
1187 -Si
N" 77. — SAVETIKI! 1)K BALE (sUISSE)
249
g 16.
COMPTES ÂiNNEXÉS AUX BUDGETS.
SECTION I.
COMPTE DES BÉNÉFICES
RÉSULTANT DES INDUSTRIES ENTHEI'RISES PAR LA FAMILLE
(à son ])nii)re complc).
A. — Travail de savetier.
IlECETTES.
>rix total ublcnu des travaux
DÉPENSES.
''ouiniture de matières diverses
ntéiTt 5 'g' de la valeur du matériel
alaire qu'ohtiendrait un journalier exécutant le mrmc genre de travail
pendant 303 jours à l fr. 50
BÉNÉFICE résultant de l'entreprise à son (iropre compte
Total comme ci-dessus
VALEURS
en en
nature. argent.
„
3il 2!l
4 -2:i
va 50
!>-2 m
»
895 25
SECTION II.
COMPTES RELATIFS AUX SUBVENTIONS.
5 com|iles ont été établis dans les budgets.
SECTION III.
COMPTES DIVERS.
us les comptes sont établis directement dans les budgets (Voir iiour les détails le S 17, sur le travai
•om|>aré de l'ouvrier et de sa femme).
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE.
FAITS IMPORTANTS D'ORGANISATION SOCIALE;
PARTICULARITÉS REMARQUABLES;
APPRÉCIATIONS GÉNÉRALES : CONCLUSIONS.
^ 1".
SIR LE THAVAIL COMl'AHl': HE L'oUVlilEli ET DE SA EEMME.
Ainsi qu'il est constaté au tableau I, le produit net du travail de
cette famille ne se chiffre que par l()28^81. Le mari y a contribué pour
550', Î)G, la femme pour 477'85, ce qui représente respectivement 53,5
et iG,5 % du total, f^es recettes ne provenant pas du travail propre-
ment dit s'évaluent à 10 %.
TABLEAU I.
lŒf.ETTES DE LA FAMILLE N
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2.82
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE.
251
TABLEAU II. — CLASSIFICATION DES JOUFiNÉES DE TRAVAIL DU MARI
d'après LE NOMBRE d'uEURES.
M 0 I S.
JOl'KNÉES DF, THAVAII, CI.ASSKES PAR IIElItES
DE DL'IiKE.
TOTAL.
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4
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li
20
2
2
3
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Jours
de
travail.
Heures
do
travail.
188!». Avril
Mai
Juin
Juillet
Avilit
Septembre.
Octobre . . .
Novembre.
Décembre .
is!i0 Janvier
Février
Mars
22
29
2."j
2G
28
26
23
25
21
25
28
25
278
353
315
385
334
317
278
308
259
255
251
2G2
12. G
12.2
12. G
13. G
11.9
12.2
12.1
12.3
12.3
10,2
!).0
10.5
Pour 1 an
303
3.5G5
11.8
Alil.EAU III.
GAIN ET TEMPS DE TRAVAIL DE LA FEMME.
188!» Avril
Mai
Juin
Juillet
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Octobre...
Novembre
Décembre
IS'KI Janvier...
Février. . .
Mar.s
Pour i an
NOUI'.IUE A SON DOMICILE.
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NOUKiilE CHEZ LE CLIENT.
Gain
par heure.
Fr.
21.10
42.00
28.00
12.75
19.70
7.40
1i».00
8.15
18.85
180.85
1.50
1!»3
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128
48
112
50
ri 8
Fr.
o.lii
0.22
0.15
0.19
0. 15
0. 15
0.17
O.IG
O.Ki
Moyenne
du gain
Fr.
0.22
0.2i
0.19
0.23
0.2!)
0.27
0.18
0.28
0.17
0.27
0.24
0.20
0.232
252 N° 77. — SAVETIER DE BALE (sUISSe).
Le gain de la femme n'est que très faiblement inférieur à celui du
mari, et il est obtenu cependant en un laps total de temps beaucoup
plus court; la mère doit en effet vaquer aux soins du ménage. Tandis
qu'il lui suffit de 2051 heures de travail pour gagner 477^85, soit 23
centimes par heure (Tableau 111), le mari se fait seulement 550^96
en ."{oGo heures, ce qui donne une moyenne à l'heure de 15 cen-
times (Tableau II).
Le tableau II nous montre que l'homme a le plus fréquemment
travaillé 12 à 13 heures par jour. Durant le premier trimestre de
notre année d'étude, la moyenne du temps de travail demeure assez
égale, pour augmenter ensuite subitement en juillet 1889 et retomber
de même le mois suivant. De là, et jus(ju'à la fin de l'année, cette
moyenne reste à la hauteur ordinaire, pour diminuer de deux heu-
res à peu près dès le premier trimestre de 1890. Quelle est la cause
de ce phénomène? Se produit-il d'une façon générale? C'est ce que
des observations faites sur une grande échelle pourraient seules ex-
pliquer.
Il est possible que cet arrêt de travail survenant après les fêtes de
fin d'année, provienne du fait que les clients de N*** font en général
leurs achats de chaussures et vêtements neufs pour Noël et le jour de
l'an. On ne peut toutefois rien préciser à cet égard; tout ce qu'il est
possible de constater, c'est que pendant les six mois d'été le travail
a dépassé de plus de 300 heures celui de la période d'hiver corres-
pondante. Le contraire a lieu pour le gain qui, malgré le temps de
travail restreint, est plus fort en hiver qu'en été. Des études éten-
dues permettraient aussi de voir si ces remarques peuvent être prises
dans un sens général.
Les ressources proprement dites de la femme N*** sont dignes d'un
intérêt tout spécial, et c'est pourquoi nous avons donné au tableau III
un exposé comparatif de son gain et de ses heures de travail. Lors-
qu'elle prend ses repas chez elle son travail est beaucoup mieux ré-
munéré; nourrie chez le client, elle gagne environ 1' 85 de moins que
dans le premier cas; le désavantage est d'autant plus considérable que
chez elle le surcroît de dépense n'est pas bien considérable, elle pro-
fite du modeste repas de la famille.
L'exposé suivant, qui met en regard les journées respectives des
deux époux, est une preuve de plus en faveur de l'assertion que cette
femme contribue proportionnellement bien davantage que son mari
aux ressources communes.
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 'ào'S
JOUKNÉES DE TRAVAIL.
vv
MAKI.
DE
LA
FEMME.
1889 Avril ,
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nourrie clie/.
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c'Uf.
nourrie cliez le client.
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Tandis qu'il n'a fallu à la femme que 172 1/2 journées de travail
pour fournir sa part dans les ressources du ménage , l'homme en a
employé 303 pour arriver à un chiffre supérieur de 70 francs seule-
ment. Si nous comparons les résultats mentionnés plus haut avec le
nombre des heures de travail des deux époux, nous trouvons pour le
mari une journée moyenne de 11,70 heures, et pour la femme, de
12,86 heures, lorsqu'elle prend ses repas chez elle, de 11,09 quand
elle est nourrie chez le client, soit une moyenne de 11,31 heures de
travail. Le nombre de journées varie pour l'homme de 21 à 29 par
mois avec une moyenne de 25. Il en est autrement du travail mensuel
delà femme; sesjournées ont varié delà 24 et se chiffrent en moyenne
par 14,37. Mais il convient de remarquer que la plupart du temps nous
avons eu à noter des chiffres extrêmes. En septembre notamment, nous
marquons un seul jour de travail. La femme N*** était alors en cou-
ches et la diminution notable du revenu de ce mois-là, diminution
qui équivaut à la moitié, même presque aux deux tiers des gains men-
suels ordinaires, démontre clairement l'importance de la coopération
de cette femme à l'entretien du ménage.
Ajoutons encore que 7 dimanches ont été consacrés par le mari à
son travail journalier durant la période de notre étude.
§ 18.
SUR LA RÉPARTITION DES DÉPENSES.
Une notable fraction de la somme totale des dépenses est attribuée
au logement; elle atteint en effet la proportion de 34,0 %. Ce chiffre
254 N° 77. — SAVETIER DE BALE (sUISSe).
tout à fait anormal est extrêmement préjudiciable au modesle budget
d'une famille ouvrière. De plus, il faut encore remarquer que la pro-
portion s'élèvera sans aucun doute, puisque le loyer d'une année
entière dans le nouvel appartement atteindra 480 francs.
A cùté de chiffres aussi élevés, nous remarquons pour la nourriture
une dépense extrêmement réduite.
g 19.
ÉTUDE COMPARÉE DE DIX FAMILLES OUVRIÈRES BALOISES.
En même temps que la famille dont nous venons de terminer la mo-
nographie, nous avons étudié neuf autres intérieurs ouvriers de Bùle;
nous voudrions, dans un dernier paragraphe, résumer le résultat de
ces observations en les comparant entre elles.
Observations générales.
État civil. — Les dix familles comptent ensemble cinquante-quatre
membres; vingt-trois d'entre eux contribuent plus ou moins parleur
travail aux ressources du ménage, tandis que trente-un ne gagnent
rien. Parmi les premiers, les parents figurent au nombre de dix-
neuf, les enfants au nombre de quatre. Quant au second groupe de
trente-un membres, trois d'entre eux seulement sont adultes. Dans
huit cas, la mère contribue par un travail particulier à l'entretien de
la famille, soit en s'y vouant en première ligne, soit en s'occupant tout
d'abord des soins du ménage. Ces familles se composent en moyenne
de deux adultes et trois enfants qui aident quelque peu les parents.
La nomenclature suivante nous donne un aperçu du genre de tra-
vail des personnes observées.
Adultes. — Sexe masculin : un commis, un maçon, trois tailleurs,
un tisseur de rubans, un aide-tisseur, deux cigariers, un savetier. —
Sexe féminin : cinq couturières, une tisseuse de rubans, une ciga-
rière, une femme de ménage ou journalière.
Enfants. — Lu tisseur de rubans, un commissionnaire, deux aides-
tisseuses.
Ceux de ces ouvriers qui sont occupés hors de chez eux ont pour
la plupart une assez longue route à faire pour se rendre à leur fabri-
que, et tous rentrent chez eux pour les repas. Le temps qu'ils perdent
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. '200
ainsi peut être évalué à une heure par journée de travail. Gomme huit
adultes et quatre enfants se sont trouvés dans ce cas, ils ont donc
annuellement consacré 3000 heures à peu près à ce trajet.
Quant aux locaux où s'exécute le travail, trois d'entre eux ré-
pondaient entièrement aux exigences de l'hygiène, quatre ne remplis-
saient que partiellement les conditions voulues, et trois autres pou-
vaient être considérés comme absolument préjudiciables à la santé de
l'ouvrier.
Habitation. — Presque tous les logements examinés étaient, au
point de vue de l'hygiène, au moins insuffisants.
On pouvait fréquemment se convaincre de la disproportion entre le
volume d'air respirable et le nombre des habitants. Tandis que pour
une chambre à coucher 10 mètres cubes par personne sont nécessai-
res à une respiration normale, nous avons souvent constaté qu'au lieu
d'atteindre ce minimum le volume d'air restait au-dessous, parfois de r>
à 6 mètres. Dans son enquête sur la question des logements, M. le pro-
fesseur Bûcher évalue même à 20 mètres cubes par tête l'air indispen-
sable aux locaux habités jour et nuit, et cependant, en pareil cas, c'est à
peine si dans nos recherches nous avons une seule fois découvert cette
proportion. Une telle lacune est d'autant plus sensible, que nom-
bre de ces chambres-là servent en outre d'atelier. Mais ces conditions
défectueuses de salubrité n'ont pas uniquement fait l'objet de nos re-
marques, car nous avons pu relever bien d'autres inconvénients.
Dans un certain nombre de cuisines, par exemple, on doit user cons-
tamment de l'éclairage, et la plupart des chambres à coucher ou
d'habitation ne reçoivent qu'une lumière insuffisante. En outre, les
émanations des lieux d'aisances, les autres odeurs ou fumées malsaines
empêchent parfois d'aérer convenablement le logis ou l'emplissent
même de miasmes délétères et d'impuretés. Nombre de logements,
parmi ceux qui nous occupent, sont humides. On s'y plaint en géné-
ral de la vermine, qui s'installe de préférence dans les vieux bâtiments
mal entretenus. D'autre part, et cela est particulièrement important,
les prix de ces logements sont très élevés, comparés au confort qu'ils
peuvent offrir. Les démarches que fait le locataire pour en diminuer
la charge échouent habituellement.
Bien qu'en face des progrès réalisés dans le domaine de l'habitation
on puisse exiger d'un immeuble tant soit peu confortable qu'il ait une
concession d'eau, dans deux cas cependant les locataires devaient
s'en approvisionner au dehors pour les besoins du ménage.
2.j6 N" 77. — SAVETIEH l»K BALIC (SL'ISSE).
Il ne faudrait pas en conclure que nous nous sommes trouvés en
présence de cas exceptionnellement défavorables. L'enquête ouverte
à Bàle à ce sujet constate l'existence de ces inconvénients dans la
plupart des logements ouvriers de cette ville, défectuosités que l'on
remarque en tout premier lieu, cela va sans dire, dans ceux des fa-
milles pauvres.
« Nos recherches, dit le rapport relatif à cette enquête, nous ont dé-
montré que, depuis la fin du siècle dernier jusqu'en 1860, l'accroisse-
ment de population s'est presque exclusivement porté sur la ville in-
térieure, c'est-à-dire sur ses parties les plus rapprochées du Rhin.
« La moyenne d'habitants par maison s'y est doublée durant cette
période, tandis (jue dans ces quartiers mêmes de Bàle les locaux
habitables ont été diminués par l'envahissement successif des entrepôts,
magasins, bureaux et ateliers. C'est à cela qu'on est redevable d'une
bonne part de ces inconvénients. En tirant parti de tous les recoins, en
construisant des annexes ou des ailes de bâtiments, en divisant les lo-
caux d'une certaine étendue, en ouvrant des mansardes en plein ga-
letas, en établissant des cuisines supplémentaires au détriment des
paliers et des corridors, on en est arrivé à créer un nombre considé-
rable de petits logements qui, sous le rapport de la situation, de la
hauteur des pièces, de la lumière, del'aérage, des cuisines et des wa-
ters-closets, laissent beaucoup à désirer...
« Comme preuve d'insutfisance, nous mentionnerons la proportion
défectueuse entre le nombre des chambres, leur confort et le chifîre
de leurs habitants; la quantité relativement grande des pièces servant
à plusieurs usages, ainsi que les logements sans cuisine ou n'en pos-
sédant (ju'une commune à plusieurs ménages, et qui forment à eux
seuls environ lo % du chiffre total.
« Plus d'un tiers des appartements n'avaient pas, dans leurs pièces
principales, le minimum de hauteur actuellement exigé, et un certain
nombre d'autres renfermaient des chambres que leur exiguïté rendait
impropres à tout usage. Deux cinquièmes de leurs habitants n'y jouis-
saient pas même de la plus faible moyenne de place attribuée aux lo-
caux de famille; quant aux chambres à coucher, 5,3 % des loge-
ments et 7,3 % de ceux (lui les occupaient se trouvaient dans le
même cas. Les ménages dirigés par le chef de famille accusaient à cet
égard plus de lacunes que ceux à la tête desquels se trouvait une
femme. L'espace disponible et l'utilisation des chambres à coucher
ont fait l'objet d'une étude toute spéciale. 11 se trouva que ces dernières,
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 257
pour un cinquième, ne possédaient pas le minimum d'air exigé par
l'hygiène. Les chambres où dorment les enfants des familles indigentes
et celles où nombre de patrons logent leurs ouvriers offraient des con-
ditions particulièrement défavorables. Ces défectuosités toutefois ne
se constatent pas uniquement au sein des classes les plus pauvres...
« La vingt-septième partie des chambres et le quart des cuisines
examinées ne reçoivent lejour que de l'intérieur de l'immeuble, tandis
que dans nombre de pièces, et surtout de mansardes, la lumière di-
recte est insuffisante. On a remarqué des locaux humides ou négligés
dans un dixième des maisons; ces deux défauts se trouvent souvent
réunis, et cela est surtout le cas de petits appartements dont plus d'un
huitième peuvent être considérés comme insalubres... »
Comme on peut s'en convaincre, les observations de l'enquête bà-
loise sur les logements et les résultats de nos recherches se confirment
mutuellement. En outre, des expertises faites par quelques chimistes
et hygiénistes anglais démontrent assez l'importance qu'ont pour la sa-
lubrité publique les appartements spacieux. Il en ressort avec évidence
que plus les chambres à coucher sont exiguës ou disproportionnelle-
ment habitées, plus l'air y devient impur et nuisible. Cette enquête
montre que, pour les décès survenus dans divers logements, le tableau
de mortalité s'établissait comme suit :
Appartements de 4 chambres (et au-delà) 12,3
— 3 17,2
— 2 — 18,8
— 1 — 33,3
Par la corruption de l'air, cette mortalité s'accroît à tel point que
les logements n'ayant qu'une seule chambre accusent un chiffre de
décès double de ceux qui en ont au moins quatre. Une constatation
analogue se fait pour la moyenne de longévité qui s'améhore en rai-
son du nombre des locaux.
On peut donc affirmer qu'une importante fraction du peuple bàlois
se trouve, sous le rapport du logement, dans des conditions très défa-
vorables. Il nous semble évident que l'initiative privée se montre in-
sufïisante, et que le concours de l'Etat peut seul remédier efficacement
à tous ces inconvénients.
Etat sanitaire. — L'état de santé des personnes étudiées durant la
période qui nous occupe s'est montré très variable pour les enfants et
plus régulier pour les adultes. Dans trois cas il s'est agi d'enfants alités
19
258 N" 77. — SAVETIER DE BALE (SUISSE).
par suite de maladies aigiies : ici l'un souflrait de la carie des os, là
c'étaient deux scrofuleux dans une famille où ce mal avait déjà fait trois
victimes, et plus loin deux étaient atteints de rachitisme. En outre, nous
en découvrîmes un autre incomplètement développé au moral et au
physique. Comme conséquence sans doute de leurs professions insalu-
bres, un adulte soufl'rait de phtisie et une femme d'anémie accentuée.
Les enfants étaient plus ou moins atteints de maladies bénignes inhé-
rentes à leur âge, telles qu'éruptions cutanées, rougeole, etc. Dans
deux cas où la nourriture fut trouvée insullisante, les enfants, fait ca-
ractéristique, étaient plus fréquemment et gravement indisposés qu'ail-
leurs. J'ai, du reste, connu nombre de familles d'ouvriers dont l'un ou
l'autre des enfants, faute de soins et d'alimentation normale, souffrait,
comme nourrisson déjà, de scrofules et autres misères. Souvent même
le mal avait fait de tel progrès que ces pauvres petits êtres étaient vrai-
ment dignes de pitié. Peu de parents sont assez, prévoyants ou assez
fortunés pour faire participer dès le berceau leurs enfants à une caisse
d'assurance et quand survient la maladie ils craignent d'appeler un
homme de l'art et s'en tiennent alors aux recettes et aux soins médi-
dicaux de la mère ou d'une bonne tante quelconque. Les remèdes se-
crets sont du reste peu en usage, car leur prix élevé en rend heureuse-
ment l'acquisition difficile. Parmi les enfants non encore en état de
gagner quelque chose, un seul fait partie d'une caisse d'assurance
contre la maladie, et sa cotisation mensuelle s'élève à 50 centimes, soit
à la moitié de celle d'un adulte.
Il est de fait que ceux dont cette enquête s'occupe, tant adultes
qu'enfants, jouiraient d'un bien meilleur état de santé s'ils se trouvaient
dans des conditions d'existence plus normales. Malheureusement l'in-
suffisance de la nourriture, l'excès de fatigue résultant d'un travail
outré, les logements et ateliers défectueux, ainsi que les chagrins et les
soucis, minent d'une façon profonde leur organisme et condamnent ces
déshérités soit à un lent dépérissement, soit à une mort prématurée.
La société a donc le devoir de combattre toutes ces influences per-
nicieuses en facilitant, par exemple, la diminution de la durée du
travail quotidien, en cherchant à aider l'ouvrier dans la lutte pour
l'existence et en lui procurant un travail qui le fasse vivre, ainsi que
des logements et des ateliers conformes aux règles de l'hygiène.
Institutions assurant le bien-être. — Aucune des familles obser-
vées ne s'est sérieusement préoccupée d'assurer l'avenir de ses
membres. Nous n'avons à signaler ici que (piehpies maigres polices
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 259
d'assurance ou de participation à une caisse de secours dont la sub-
vention, en cas de décès du clief de famille, doit permettre aux sur-
vivants de faire face aux premiers besoins. Toutefois, cette somme
est en général si minime que la famille se trouve promptement à
bout de ressources et livrée, sans appui, aux vicissitudes de l'exis-
tence. Cinq de nos ménages seulement étaient assurés contre l'in-
cendie; les autres, justement les cinq plus pauvres, se trouveraient
dénués de tout si leur avoir venait à brûler. Deux fois nous avons
constaté une assurance sur la vie, et encore ces ménages-là comp-
taient-ils parmi les mieux placés. Des dix chefs de famille, huit seule-
ment participent à des caisses de secours en cas de maladie, et des
vingt-trois membres qui gagnent leur vie, quatorze seuls sont dans
le même cas. Le chef, unique soutien d'un des ménages les plus pau-
vres, n'est pas assuré du tout, et il est superflu de se demander quelle
serait la position de la famille s'il venait à tomber malade. Où pren-
drait-elle en outre le nécessaire pour subvenir aux frais du traite-
ment? Du reste, les subventions de la plupart des caisses d'assurance
sont loin de couvrir les dépenses résultant d'une maladie.
Cette absence de prévoyance dénote, de la part de ce père de famille,
une coupable indifférence dont les siens pâtiront peut-être un jour.
Il faudrait pouvoir fournir à tout ouvrier, comme en général à
chacun, l'occasion de s'armer d'une manière ou d'une autre en pré-
vision des jours mauvais.
Éducation, habitudes, moralité. — Les enfants des familles d'ou-
vriers étudiées sont convenablement élevés, et cette éducation, sauf
dans un seul cas, paraît porter de bons fruits. Les bulletins d'étude
de ceux qui fréquentent déjà l'école sont en général satisfaisants.
Quant à la moralité des parents et de leurs fils et filles adultes, je
ne puis qu'en faire l'éloge.
Les récréations, pour ceux qui peuvent s'en accorder, sont très
modestes et consistent d'habityde en une promenade, le dimanche,
et parfois en une de ces réunions du soir, entre amis, que la manie
des sociétés rend par trop fréquentes à Bàle. La plupart de nos
familles toutefois n'y participent que fort rarement, et plusieurs n'ont,
durant toute l'année, rien à consacrer aux plaisirs et aux récréations.
Elles tirent en général parti des dimanches et jours fériés pour
mettre au clair les travaux domestiques arriérés, et même quelque-
fois pour arrondir leur gain de la semaine.
Presque tous les pères de famille qui figurent dans cette étude
260 N" '7. — SAVETIER DE RALE (SUISSE).
prennent une part active à la vie ouvrière et politique bâloise, sans
que pour cela leurs travaux en souffrent, comme souvent on se plaîl
à le dire. Les ivrognes et les batailleurs se trouvent au contraire parmi
ceux qui, du fait de la misère ou par d'autres circonstances, sont tombés
trop bas pour pouvoir s'occuper encore de la chose publique et faire
partie d'une société de travailleurs. Ces déclassés n'éprouvent plus
d'autres besoins que celui de satisfaire les passions qui les dominent.
Il en est autrement des ouvriers organisés. Lorsqu'ils en ont les
moyens, ils s'abonnent à un journal qui les tient au courant de la vie
sociale. Ces familles-là n'offrent en outre qu'un mauvais débouché aux
publications démoralisatrices si abondamment répandues de nos jours.
On ne peut de même que s'exprimer favorablement sous le rapport
de la propreté corporelle et de la tenue du ménage. Il va sans dire
que les conditions de l'ouvrier ne lui permettent pas toujours de
faire, sous ce rapport, au gré de ses désirs ; mais il ne faut pas l'ac-
cuser de manquer de penchant pour l'ordre et la propreté. Dans les
familles ouvrières, le linge de lits est d'ordinaire changé toutes les
trois ou quatre semaines, celui de corps hebdomadairement. Les cou-
chettes et le trousseau des enfants font, cela va sans dire, exception.
IIistorioIjE. — La plupart des ouvriers étudiés, qui sans exception
viennent de villages, sont fils d'agriculteurs ou de petits artisans.
Tous, sauf un seul, ont été élevés dans la pauvreté, pour ne pas
dire dans la misère. Lors de leurs tournées, les ouvriers se dirigent
généralement en premier lieu vers les villes, et comme l'animation qui
y règne leur plait, et qu'elles offrent plus de ressources à l'artisan
que la campagne ne saurait en procurer au journalier-cultivateur, la
majeure partie d'entre eux se fixent naturellement dans les grands
centres ou dans les localités industrielles. Celte théorie d'immigra-
tion est dès longtemps confirmée par la statistique; nous en avons
du reste journellement des preuves sous les yeux.
Inventahie. — L'état de possession ou inventaire de nos familles
est lié à leurs facultés productrices et donne, en quelque sorte, la
mesure de leur situation.
Nous avons constaté que la valeur réelle des objets mobiliers ne
représentait plus guère, chez les gens très pauvres, (ju'un ciniiuième
de leur prix d'achat, et chez les familles mieux à l'aise, environ le
((uart ou le tiers. Le linge et les vêtements subissent le maximum de
dépréciation, tandis que c'est le contraire des outils et ustensiles. La
présence d une (piantité normale de meubles, de linge, et en général
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE, 261
de tous les objets indispensables au ménage, se trouve en rapports
directs avec les ressources de la famille; dans chaque cas où une
existence convenable était quelque peu possible, nous avons pu cons-
tater un mobilier suffisant et du linge encore utilisable. Six familles
cependant laissaient plus ou moins à désirer à cet égard.
Le budget.
Dans les dix cas la moyenne des recettes se monte à.. . . 1825.71
Au début de l'étude, nos familles disposaient d'une
moj^enne d'argent comptant de 68.71
Ce qui leur donnait à chacune un capital disponible de. 1894.4.2
dont il a été réellement dépensé en moyenne 1777.79
Reste. 116.63
Au cours de cette étude il n'a pas été rare de voir tout le numéraire
descendre de 3 à 1 franc, et l'on sait combien de fois il faut compter
avec les dépenses imprévues; il est donc facile de se figurer la posi-
tion dans laquelle peut se trouver, parfois momentanément, une fa-
mille aux prises avec cette éventualité. Ces soldes modiques de numé-
raire se remarquent surtout peu avant les rentrées de l'ouvrier, et
cela d'une façon d'autant plus prononcée que les jours de paie sont
espacés. Il arrive souvent qu'une famille est forcée d'acheter ses pro-
visions à crédit, tandis que le chiffre des salaires qui lui sont dus atteint
une cinquantaine de francs. Disons en passant que certaines manu-
factures bâloises de broderies retiennent durant trois ou quatre
semaines les salaires de leurs ouvrières, qui pour la plupart sont dans
de pitoyables conditions d'existence. L'époque de la paie dans ces
manufactures est du reste absolument subordonnée au bon plaisir des
patrons, et il est rare que le règlement de compte ait lieu d'une
manière intégrale ; les arriérés en faveur de l'ouvrière atteignent
parfois une quarantaine de francs, et les fabricants n'ont garde de
renseigner les intéressées sur les causes de ce retard. A quoi faut-il
donc attribuer leur silence?
Recettes. — Le tableau suivant donne un exposé assez clair des di-
verses recettes et de leur proportion dans l'ensemble du budget.
Ce tableau nous montre que dans un cas seulemeni, VI, H, le chef de
famille représente l'unique source de recettes (I); au contraire, chez
N. et G., la femme contribue aux gains dans une très large mesure.
(1) Pour les cas VU, Il cl VUI. X, voir la noie 1 au tableau ci-après, ]>. •H\:'>.
26-2
N° T7. — SAVETIER DE BALE fsUISSE).
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264 N" 77. — SAVETIER DE BALE (sL'ISSe).
Pour la moyenne des 10 cas, le produit du travail atteint 32mo par
personne; si nous répartissons la totalité des gains entre les seuls
membres qui y contribuent, nous avons alors une somme de 710^24
par tête. Quant à la recette provenant du travail du chef de famille
seul, elle est en moyenne de 1.347^91, soit 112' 32 par mois. Si le
père, ainsi que la société le veut, doit «nourrir sa famille », le
moins qu'on puisse exiger, c'est qu'il lui soit aussi fourni l'occasion
de gagner un salaire suffisant. Il ne viendra , je suppose, à l'idée de
personne d'affirmer qu'une famille, fùt-elle même de trois personnes
seulement, puisse avec 1.300 ou 1.400 francs par an, satisfaire d'une
façon normale à ses dépenses et se prémunir en vue des jours mauvais.
Tout bien considéré, il serait en outre téméraire de considérer ces
l.3i7^îM comme la moyenne de salaire de nos ouvriers, car quelques-
uns d'entre eux sont relativement dans une assez belle situation,
(^ette moyenne, si nous tenons compte de toutes les branches de reve-
nus, pourrait au contraire être notablement diminuée. Qu'on songe
notamment à tous les terrassiers, balayeurs de rues, manœuvres et
ouvriers de fabriques! Qu'ils soient ou non mariés, cela ne change
rien à l'affaire, car il s'agirait ici de fournir par un travail convena-
blement rétribué les moyens d'existence à ceux qui arrivent à l'âge
de créer une famille. Notre exposé démontre toutefois que, dans les
rares cas où des chifTres favorables peuvent être constatés, la contri-
bution moyenne de l'homme aux ressources ne s'élève qu'aux trois
quarts.
Afin d'obtenir une échelle pour la hauteur relative du revenu, nous
devons calculer le gain de nos ouvriers en prenant l'heure comme
base. Le tableau suivant nous donne un aperçu de leurs salaires :
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J. Iiomme — 2!»80 — o.ti — 1313. «
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I). homme 30«o — o.30 — !K)8.10
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<;. homme — 2«>i»7 — 0.34 — 88«. .
femme — 2200 — 0.20 — (i.31.05
lils — ÎKK) — (1.18 — 182.80
lille - .'«00 — 0.10 — iXiu.w
II. homme («) — 3313 — o.'.i — IWi3.7i
{\j II. (hoiiiine) a Ragnc^ par un travail nunlicc l.'»(i!i'20 et comme sain aecessoire l.'li'2!t.
ce i|ui donne un total de I.(i03"i0. On a déduit de cette Homme ti'îiO payés ponr fourni-
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 265
R. liomme(l)asagnéen3!);i!) lieuros do travail à 0.2"; fr. ii8!t.7o
femme — 2*)18 — 0.2.-; — -2!». 50
A', homme — 3(>.j5 — O.'tSJi — lti(i2.o4
l'emnie — l"M — 0.433 — 81.38
L. homme — 20i!l — o.30 — 1137.30
E. homme — 2400 — 0.72 — 1733.80
Le gain moyen des ouvriers hommes se monte donc (sans tenir
compte de l'adulte E., commis, ni du fils G., considéré comme ap-
prenti), à Of326 par heure de travail, tandis que celui des femmes
serait de 0^246. Ajoutons que la différence entre ces deux moyen-
nes serait beaucoup plus frappante sans Teffet produit par le taux
de salaires des femmes R. et G. Nous voyons donc que N. est dans
ces dix cas l'ouvrier le plus mal rétribué. C. reçoit le plus haut
salaire en gagnant 49 centimes par heure. S'il avait une occupation
régulière et ne devait pas nourrir une famille aussi nombreuse, il
appartiendrait incontestablement, par ses ressources en général,
à la catégorie des ouvriers aisés. X. a un travail plus régulier
et convenable; le meilleur incombe au commis E. En somme, la
plupart de ces ouvriers ne sont pas en état d'entretenir par eux-
mêmes leur famille, et la femme doit participer à combler cette la-
cune.
Quelques données et comparaisons relatives à la durée du travail
des divers ouvriers ne seront pas superflues.
On remarque tout d'abord que l'ouvrier occupé à domicile fournit
une somme d'heures de travail plus considérable en même temps
turcs diverses, dépense qui se répartirait comme suit : 3' 46 pour le travail régulier et l'04
pour les gains accessoires. Le gain net se monterait donc à 1.463'74 provenant pour H. de
3.313 heures de travail. Quant au temps employé pour le gain accessoire, il n'a pas été
possible de le déterminer.
(1) Au cas /{. l'homme et la femme travaillent ensemble à l'ouvrage que reçoit le chef
de famille. En outre, R. a dû engager un ouvrier pour lui donner un coup de main de
30 heures durant une période de travail pressant. 11 serait donc assez difficile d'établir
séparément les salaires des deux époux. Le revenu net du travail de la famille R. est de
1.773'23. Il faudrait donc, pour obtenir une idée aussi exacte que possible du produit de
son travail par heure, défalquer le gain que cette famille a fait sans travailler elle-même
sur l'ouvrier qu'elle a engagé. En admettant que R. ait fait sur le travail de l'ouvrier un
bénéfice de 1 franc, cela nous donne un total de .30 francs, ce qui réduit donc à 1.719' 25 le
revenu net du travail de ce ménage. Pour gagner cette somme, le mari a du travailler
durant 3.939 h., la femme durant 2.918, ce (|ui donne un total de 0.877 heures de travail.
L'heure rapporte donc exactement 0'2:i cenlimes. Le mari a gagné 989' 73, la fcnunc 729'30
Proportionnellement, la plus forte |)art du travail devrait revenir à l'homme, car il a tou-
jours une besogne régulière et pénible, tandis (|ue sa femme n'a guère fait que des tra-
vaux secondaires.
Il en est absolument de même pour le cas A', où les deux époux travaillent aussi en
(ommun. C'est pour cela (|u'on doit, dans les calculs qui s'y rapportent, partager le revenu
du travail dans la proportion des heures employées.
2GG
N° 77. — SAVETIER DE BALE (siISSE;.
qu'il prend moins de jours de repos. Trois de nos ouvriers appar-
tiennent à cette catégorie. Le tableau ci-dessous montre la réparti-
tion de leurs journées ainsi que la durée du travail, qui dépasse parfois
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Juillet
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11.4
11.8
11.9
On ne peut que déplorer Ihabitiide des ouvriers en chambre do
prolonger leur travail au delà des limites permises par l'hygiène .
mais il ne faut pas oublier que souvent c'est pour eux une vraio
nécessité d'agir de la sorte.
DÉi'ENSES. — La plus grande diversité règne dans la répartition des
dépenses relativement aux besoins des ménages; le tableau suivant
en fait preuve.
La répartition des dépenses est avant tout subordonnée aux frais
d'alimentation, et ceux-ci se règlent à leur tour sur la somme de re-
venus disponibles. N'oublions pas non plus que les habitudes contrac-
tées dès la jeunesse influent considérablement sur les goilts et les be-
soins, ainsi que sur la façon de les satisfaire. Les ouvriers faisant l'objet
de cette étude ont été élevés dans des conditions tout à fait modestes,
voire même pour quelques-uns dans la pauvreté et, dès leur enfance,
ils ont été habitués à luodi-rer leurs besoins. C.ela ne veut pas dire
qu'ils puissent se laisser réduire à volonté, car sous le rapport de
l'alimenlalion, tout organisme a sa limite miniina qu'on ne saurait
franchir sans j/orter préjudice à l'existence.
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE,
267
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208 N" 77. — SAVETIER DE BALE (SUISSe).
En général, les sommes dépensées pour les récréations n'ont at-
teint qu'un chiffre assez minime, sauf pour la famille E., où cette
dépense est tout à fait hors de proportion avec l'ensemble du
budget. Toutefois une certaine atténuation de ce chiffre résulte
de ce que la somme de 220 fr. 72 a été consacrée pour la plus
grande part à des aliments consommés hors du ménage, d'où il ré-
sulte naturellement un certain allégement du compte de l'alimen-
tation.
La presque totalité des gains a été dépensée dans les dix cas étu-
diés, et un seul ouvrier {H.) a fait des économies. Si ce dernier a em-
ployé pour lui et sa femme environ 1.350 francs, tandis que, par
exemple, E., dont le ménage se compose seulement aussi des deux
époux, a déboursé 2.100 francs, cela ne veut absolument pas dire
que celui-ci ait en aucune faron fait preuve de prodigalité; l'excédent
de dépenses provient simplement d'une alimentation plus normale
^surtout en ce qui concerne l'abondance et la bonne qualité de la
viande), d'une dépense spéciale de 'tO francs pour boissons, d'une
autre de 215 francs pour vêtements appropriés aux exigences de sa
profession de commis, etc.
11 ne sera pas sans intérêt de jeter un coup d'œil sur les prix des
matières alimentaires consommées par nos dix ménages , ainsi que
sur le rapport de ces prix avec la valeur nutritive des aliments. Le
tableau suivant nous permettra d'y arriver d'une façon assez sa-
tisfaisante.
Pour bien comprendre ce tableau, il est nécessaire de dire quel-
(jues mots du taux des denrées alimentaires à Bàle.
Le marché de la viande y a considérablement varié durant notre
enquête, ce qui fait qu'on ne peut guère établir un prix moyen. Kn
outre , la viande consommée par ces familles d'ouvriers différait
énormément, quant à la qualité, et, du reste, j'ai fait rentrer dans
cette catégorie d'aliments divers articles de boucherie, tels que
coeur, foie, fressure, etc., dont le prix diffère sensiblement de
celui de la viande proprement dite et qui, par conséquent, exercent
une certaine influence sur la moyenne. Il est bon de dire que les
ménages représentés sur ce tableau par I et IV ont habituelle-
ment consommé de la vache et qu'il n'a jamais été question de
viande de cheval. Il ressort des prix payés que les familles pou-
vant s'accorder de la viande de meilleure qualité l'ont fait en gé-
néral.
ÉLÉMENTS DTVEHS DE LA CONSTITUTION SOCIALE.
2G9
DÉSIGNATION
DKS FAMILLES.
VALElIt NUTUmVF, ET PRIX DES SUBSTANCES CONSOMMEES.
1 kilop. d'aliments
contient :
3- M g S
\ Grammes.
Cas l. N. Savetier travaillant à soiJ
tdiiipte. Femme : journalière. m .(jii ioo
.■; enfants. Type : très pauvre. \
Cas II. J. Cigarier. Femme : cou-i
turicre. .'i enfants dont 1 absent.>"2.>iii.«Wi
Type : pauvre. \
Cas III. D. Cisarier. Femme
confectionneuse de maillots.
i enfants et l pensionnaire.
Type : i)auvre.
>2.793.5!>2
Cas IV. C. Potier. Femme et 8i
enfants dont 2 gagnent. y2.ln.83V
Type : très pauvre. \
Cas V. G. Tisseur de rubans.
Femme : tisseuse. 4 enfants dont(,
2 gagnent. I grand'mère.
Type : moyen.
3..'i30.858
Cas VI. H. Ouvrier tailleur.
Femme et 1 enfant.
Type : relativement à l'aise.
>l..WI.8(i;i
Cas VII. II. Ouvrier tailleur.
Femme aidant au métier.
Sans enfants.
Type : relativement à l'aise.
Cas VIII. X. Ouvrier tailleur.
Femme et I enfant.
TyjJC : moyen.
Vi., •!!):$.
Cas IX. L. Ouvrier maçon.
Femme couturière. 4 enfants.
Tyi)e : pauvre.
Cas X. E. Commis. Femme : our-
dlsseusc en fabrique, plus tard^
(•oulurière-lingère. Sans enfants..
Type : moyen.
Moyenne îles dix cas
1.013.39
589.3-2
P ■- o
■^"5 c
■a .
q, a
23;;
30.J
33!»
0.09
0.09
0.09
0.07
0.0!»
4-2 198
293
0.13
0.09
•210 N" 7/. — SAVKTIEK Dli BALE (sUISSE).
Les saucisses que la plupart des ménages d'ouvriers consomment,
sont connues sous la dénomination de « klopfer », « gendarmes »,
« wienerli » , « saucisses fumées. » A l'exception des « \vienerli » et
d'une autre sorte peu estimée qui se paient deux sous, ces divers
produits de charcuterie coûtent 15 centimes la pièce.
Le pain blanc ordinaire généralement consommé à Bàle se vend
28 centimes, et celui qui se fait avec la tleur de froment, de 30 à
.■}(i centimes le kilog. Kn outre, les familles d'ouvriers surtout en
consomment beaucoup de « mi-blanc » à 24 et 27 centimes. Les pe-
tits pains se paient un sou la pièce. Le prix ordinaire du lait est de
20 centimes le litre; on obtient aussi du lait écrémé à 11 centimes,
et parfois le lait condensé s'achète aussi pour les nourrissons. Les ar-
ticles suivants se sont payés :
Dnns les magasins du la Diins
Société générale de consommation, une bonne épicerie.
Graisse (saindoux) 1 kilogr. i.lO à 1.20 2.00
ncurre - 2.S0 — -2.80 2.40
Fromaj,'o — I.CO — l.ilO l.(iO à l.'tO
Orge — 0.50 — 0.7(i 0.";o— 1.20
Gruau (l'avoine — O.ri't— 1.40 1.20
Mais — . — . 0.30 à 0.40
Riz — 0.30 — 0.56 0.30 — 1.10
Semoule — 0.34 — 0.30 O.M) — O.'iO
Karine — 0.34-0.50 0.30 — 0.00
Nouilles — 0.<iO — 1.10 0.00—1.80
.Macaronis — 0.00 — 1. 10 0.«iO — 1.20
Harifots - 0.28—0.32 0,20
Pois — 0.38 — 0.70 O.fiC
Lentilles — 0.80 0.70
Café — 2.40 à 3.30 2.20 à 4.00
Sucre — 0..>'i — 0.08 O.CO
Nous remarijuerons que certains articles atteignent, dans une bonne
épicerie, un prix plus élevé que ceux des magasins de la Société géné-
rale de consommation. La cause en est à un choix plus considérable
dans les denrées do ces épiceries qui débitent spécialement aussi des
produits de première (jualité. Par contre, les prix de la Société
de consommation sont calculés en vue de la classe ouvrière. 11
est vrai que ce rabais est lro[) souvent au détriment de la marchan-
dise.
Le pri.\ des œufs varie beaucou}), suivant l'époque de l'importation.
Il en arrive en particulier un grand nombre d'Italie ainsi que de la
Suisse méridionale, ce qui inilue considérablcmenl sur la vente des
ÉLÉMENTS DIVERS DK LA CONSTITUTION SOCIALE. 271
produits de Bàle et de ses environs. Une douzaine d'œufs peut valoir
de (30 centimes à 1^20, et son prix moyen est de 90 centimes. Les
ménages pauvres, qui ne peuvent en acheter une douzaine ou même
six à la fois, les prennent habituellement par une, deux ou trois
pièces, mais ils leur reviennent alors en général à deux sous l'œuf.
Les cuisines populaires offrent spécialement des vins bon marché au
prix de 4o à CtO et Go centimes le litre {!).
Ces produits, italiens pour la plupart, sont consommés par les fa-
milles ouvrières, qui achètent rarement des vins du pays, cotés d'habi-
tude de 1*^20 à F 40. La bière ouverte se vend à Bàle de 30 à 40 cen-
times le litre; mise en bouteille, elle revient, par litre, de 35 à
50 centimes et se consomme très fréquemment sous cette forme par
les ménages ouvriers.
Conclusion.
Nous venons d'apprendre à connaître des ménages d'ouvriers
dans les conditions les plus diverses. 11 s'agissait de donner une
esquisse de la situation des familles ouvrières bâloises, et nous n'y
avons réussi qu'à un certain degré, car pour avoir un tableau com-
plet, il aurait encore fallu pouvoir faire rentrer dans notre étude
des ouvriers de fabrique et, du reste, augmenter le nombre de nos
cas. Quoi qu'il en soit, le coup d'oeil jeté est suffisant pour nous
convaincre du fait qu'une bonne partie de la classe ouvrière bàloise
vit dans l'indigence et la détresse, et qu'on y souffre même de la
faim.
Les inventaires dressés accusent en bien des cas une pénurie de
meubles et de linge. Les conditions de travail sont presque partout
absolument défavorables, les locaux insuffisants et contraires aux
prescriptions hygiéniques. Quant à la durée du travail, elle est sou-
vent outrée et les appartements laissent beaucoup à désirer. L'état
sanitaire n'est rien moins que satisfaisant, et nous avons vu nombre
d'enfants atteints de maladies chroniques. On ne consacre presque rien
aux mesures de prévoyance, et dans aucun cas nous n'avons constaté
de dispositions vraiment efficaces en vue des jours mauvais. Parfois
(1) Sur les cuisines populaires de la Suisse, voir le remarquable ouvrage de M. le capi-
taine Paul Marin : Coup d'wil sur les œuvres de l'initinlive privée à Genève (Paris, Guil-
laumin, ISO.'i), et aussi La lié/orme sociale dix 10 octobrt 1893.
272 N° 77. — SAVETiEit ni-: bale (suisse).
même la nourriture est insuffisante, et il n'y a rien de téméraire à
affirmer qu'une forte proportion de la classe ouvrière bàloise mène
une existence tout à fait pitoyable. Nous regrettons de devoir recon-
naître que les conditions de notre ville sont sous ce rapport désespé-
rément semblables à celles des grands centres. La seule différence
qu'elles présentent est que, vu le chifi"re restreint de population, ces
lacunes sont moins visibles. Il ne faut pas pour cela se lasser de
dévoiler les abus et de les combattre impitoyablement. Armons-nous
plutôt du courage que l'homme de cœur puise dans le sentiment du
devoir envers ses semblables, et efforçons-nous de soulager les maux
dont souffre actuellement la classe ouvrière.
LES OUVRIERS DES DEUX MONDES.
DEUXIÈNIE SÉRIE. — 33« FASCICULE.
AVERTISSEMENT
DK LA SOCIÉTÉ D'ÉGONOMIK SOCIALK
L'Académie des sciences, en 1856, a couronné le premier oii-
vrapre de science sociale publié par V. Le Play, les Ouvriers eu-
ropéens. Elle a en même temps exprimé le désir qu'une pareille
œuvre fût continuée. La Société d'Économie sociale, fondée aus-
sitôt par l'auteur de ce livre aujourd'hui célèbre, lui a donné
pour suite les Ouvriers des Deux Mondes. De 1857 à 1885, la
Société a publié une première série de cinq volumes contenant
({uarante-six monographies de familles ouvrières.
La deuxième série des Ouvriers des Deux Mondes a commencé
en juillet 1885. Le premier tome de cette série a été terminé
en juillet 1887; le deuxième, à la fin de 1889; le troisième, au
commencement de 1892. Ils comprennent les descriptions mé-
thodiques de trente-deux familles d'ouvriers, appartenant à la
Bretagne, la Picardie, le Nivernais, l'Ile-de-France, la Provence,
la Gascogne, le Dauphiné, la Normandie, la Marche, l'Orléanais,
le Limousin, la Corse, la Grande-Russie, la Grande-Kabylie, le
Sahel, le Sahara algérien, la Belgique, la Prusse rhénane, la
Sicile, la campagne de Rome, la Gapitanate, l'Angleterre, la
Laponie, l'Alsace, la Hollande. Le présent Fascicule, le 33® de la
seconde série, est le sixième du tome IV. (Voir au verso de la
couverture.)
La publication se poursuit par fascicules trimestriels, avec
le concours de la maison Firmin-Didot. Un tel concours lui as-
sure cette perfection que nos lecteurs ont su apprécier dans une
œuvre typographique particulièrement délicate.
Les prochains fascicules contiendront les monographies de fa-
mille d'un Tisseur en soie du ritali(; méridionale, d'un Fermier
montagnard du Ilaut-Forez, d'un Pécheur de l'archipel Chusan
(Chine), d'un Armurier de Liège, d'un Pécheur de Fort-.Mar-
dyck, d'un Ardoisier d'.Vngers, etc.
LES OUVRIERS DES DEUX MONDES,
PUBLIÉS PAR LA SOCIETE d'ÉCONOMIE SOCIALE,
HF.CONSUE D't'TILlTF. PCBI.IVIIF,.
Deuxième série. — SS*" fascicule.
OUVRIER-EMPLOYE
DE LA
FABRIQUE COOPÉRATIVE
DE PAPIERS
D'ANGOULÉME (CHARENTE),
DANS LE SySTlîMF. DKS EXr.AGRMKNTS VOLONTAIHF.S [-KIlMANEiNTS,
n'Ariifes
I.KS RESSEIGNKMENTS RECUEILLIS Sl!l! LKS LIKIX. EX 189(»,
P A i;
M. Urbain Gukrin.
PARIS,
MBRAIFUK DK FIRMlN-DfUOr KT C
IMPRIMEURS DE L'IKSTITCT, RUE JACOB, 56.
18 9:;.
OroiU de tm<luotion et de reprodai'tion rési^rvr*.
N° 78.
OUVRIER-EMPLOYÉ
DE LA
FABRIQUE COOPÉUATIVE DE PAPIERS
D'ANGOULÊME (CHARENTE),
DANS LE SYSTÈME DES ENGAGEMENTS VOLONTAIRES PERMANENTS,
d'après
LES RENSEIGNEMENTS RECUEILLIS SUR LES LIEUX, EN 1890,
PAU
M. Urbain Guérin.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES
DÉFINISSANT LA CONDITION DES DIVERS MEMBRES DE LA FAMILLE.
DÉFINITION DU LIEU, DE L'ORGANISATION INDUSTRIELLE
ET DE LA FAMILLE.
§ 1.
ÉTAT DU SOL, DE l'iNDUSTRIE ET DE LA POPULATION.
La famille habite Angoulême, chef-lieu du département de la Cha-
rente. Cette ville faisait autrefois partie du duché d'Angoumois, donné
en apanage à des princes de la famille royale : elle est située à une dis-
tance de 445 kilomètres de Paris avec laquelle la met en communica-
tion la ligne de chemin de fer allant à Bordeaux ; d'autres lignes la
relient aux départements voisins, du centre comme de l'Ouest.
Angoulême, qui repose sur des terrains appartenant à la formation
crétacée, est située au sommet d'une hauteur élevée de 9b mètres au-
dessus du niveau de la mer et de 72 mètres au-dessus des plaines se
déroulant à ses pieds. Les faubourgs descendent les pentes de la colline
et se déploient dans la plaine ; leur population s'accroît sans cesse. Deux
20
274 N" 78. — OrVH.-EMPLOYÉ DE LA PAPETERIE COOPÉRATIVE d'aNGOULÉME.
rivières entourent la ville de tous côtés : l'Anguienne, et la Charente
qu'Henri IV appelait le plus beau ruisseau de son royaume. I.a ville ren-
ferme de beaux et intéressants monumt'nts, entre autres la cathédrale
romane, restaurée avec beaucoup de goût, et un hôtel de ville moderne
dans lequel ont été heureusement encadrt's les restes de l'ancien châ-
teau des comtes d'Angoulême. Klle est entourée d'une ceinture de bou-
levards qui dominent un vaste et riant paysage. Au nord, c'est la Cha-
rente, au cours sinueux, serpentant au milieu de vertes prairies. Au
midi, ce sont les faubourgs, des champs coupés par do nombreuses
plantations, des bois, des villages, des maisons de campagne.
Le climat marque bien la transition enire le climat de l;i (îi-
ronde et celui moins doux des régions s'éloignant du Midi. Ainsi la
moyenne annuelle d'Angoulême est d'environ 12", 7, soit 2 degrés de
plus que Paris et 1 degré de moins que Bordeaux. La moyenne de la
hauteur barométrique est de 751 millimètres; l'oscillation baromé-
trique, de 35 millimètres (729 à 704 millimètres).
La population d'Angoulême est, d'après le dernier recensement, de
36.407 habitants, qui se divisent ainsi : 18.454 hommes, 17.953 femmes.
Elk' est en augmentation sur celle relevt'c au recensement del88('», qui
indiquait 34.307 habitants, dont 17.88i honnnes et I(i.'i83 femmes.
La statistique a donné les chiffres suivants pour le mouvement de la
population, dans deux années prises comme type :
IsS'J 1H90.
Naissances légitimes (;i)3 î>6«
— naturelles ll!i l'2o
Uéfès wti 83»;
L'augmentation des décès constatée dans l'année 1890 est cerlaiin'-
ment due à l'épidémie d'influenza qui a sévi dans toute la France.
La population renferme un grand nombre d'ouvriers et d'ouvrières
employés dans les fabriques de |)apier, et notamment t\ la fabricpie
coopérative de Laroche-Joubert dont nous retraçons plus loin l'or-
ganisation (si 17j. Quels que puissent être les inconvénients de la
vie industrielle, et surtout au point de vue moral pour les femmes,
celte fabrique n'en attire pas moins les regards de toutes les familles
ouvrières. Une situation quelconque leur y semble un sort très en-
viable, et la participation aux bénéfices, le système qui transfère à un
certain nombre d'entre eux une part dans la |)rupriété de la fabrique,
augmentent encore cet attrait pour eux.
I^a fabri(|ue Laroche-Joubert, qui est dénouimée l*apelerie coopéra-
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 275
tive d'Angoulême, ne comprend pas seulement l'établissement de la
ville; il y a trois autres exploitations : celle de l'Kscalier, qui com-
prend l'usine de ce nom et les annexes de Girac et du Petit-Ilochefort;
celle de Nersac, qui comprend l'usine de ce nom et l'annexe de l'Isle
d'Kspagnac ; celle de Basseau, qui était en construction au moment où
nous recueillions les renseignements relatifs à cette monographie.
Cette dernière a été construite à 4 kilomètres d'Angoulême, avec un
matériel tout à fait perfectionné et dans de très grandes proportions,
de telle sorte qu'elle pourra lancer, dit-on, sur le marché 100.000 ki-
logrammes de papier par mois; ce sera du papier de bois, dont le coût
revient à meilleur marché que le papier de chiffons, mais qui a le
désavantage, tout en ayant bonne apparence, de jaunir plus vite;
cette dernière exploitation est située sur Ja Charente, qui lui fournit
une magnifique force motrice.
Le département renferme, du reste, un grand nombre de fabriques de
papier, et cette industrie est concentrée surtout à lest et au sud d'An-
goulême; l'abondance de la force motrice, la rapidité des communica-
tions, l'ancienneté de la marque d'Angoulême, maintenant très con-
nue, expliquent le développement croissant de cette industrie, qui
contribue à faire vivre une partie importante de la population ouvrière
du pays. Voici quelques-unes des fabriques les plus importantes : celles
de Maumont et de la Veuze, sur la Touvre; celles de Saint-Cybard, sur
la Charente; celles dePuymoyeu, du Petit-Montbron, de l'Escalier et de
Chantoiseau, sur les Eaux-Claires ; celles de Bourrissou, de Poulet, de
Cotier, de Breuty, du Grand-Girac, du Martinet, de Saint-Michel d'En-
traigues, sur la Chanau; celles de la Forge, de la Rochechandry, de
Tudebœuf, de la Courade, des Beauvais, de l'Abbaye, de Colas, de Ba-
rillon, de Nersac, sur la Boëme.
Beaucoup de ces fabriques traversent une période difficile. Elles
n'ont pas tenu leur outillage à la hauteur des progrès réalisés à l'étran-
ger et aussi dans certains établissements français. Un voyage que le
directeur de la Papeterie coopérative fit en Saxe le convainquit de
cette infériorité; il fut frappé de l'étal de perfection qu'avait atteint
l'outillage de nos voisins, comme de l'énormité des capitaux qu'ils n'a-
vaient pas craint d'engager dans cette œuvre de transformation. A son
retour, décidé à se mettre à la hauteur de ses concurrents étrangers,
il décida la construction de la fabrique de Basseau, sur les rives de la
Charente, qui devait fournir, avec une eau abondante , une puissante
force motrice. Cette force motrice manquait aux fabriques situées sur
276 N" 78. — OLVH.-EMPLOYÉ DE LA PAPETERIE COOPÉRATIVE d'aNGOULÉME.
de petits cours d'eau ; celles-ci étaient obligées de recourir à la vapeur.
La nouvelle exploitation a été construite avec des réserves de caisse
non employées, pour une somme de 700.000 francs; le surplus, av'ec
des capitaux empruntés ou souscrits comme parts de commandite. Elle
est destinée à remplacer les fabriques que la maison Laroche-Joubert
avait en location.
Depuis 1870, la garnison d'Angoulême a été augmentée d'une ma-
nière très notable; deux régiments d'artillerie y séjournent, et si la
ville, ou mieux une partie de la ville, y a trouvé de nouvelles sources
de bénéfice, elle n'a pas eu lieu de s'en féliciter au point de vue moral.
La prostitution s'est augmentée, en même temps que les cafés-con-
cert , es bals, les cabarets se multipliaient.
Le conseil municipal de la ville apjjarlient en presque totalité à la
nuance que la langue politique dénomme opportuniste; il se recrute à
peu près exclusivement dans la classe bourgeoise : avocats, médecins,
industriels, ex-pharmacien, négociants, professeur, ex-instituteur; un
ouvrier, un charron, deux petits négociants, y représentent seuls l'é-
lément populaire.
Les deux députés de l'arrondissement d'Angoulême appartiennent
au pays. L'un d'eux est M. Laroche-Joubert, dont le père avait occupé
le même poste pendant un certain nombre d'années, et c'est à la mort
du père que le JSls fut élu.
§ 2.
ÉTAT CIVIL DE LA FAMILLE.
La famille comprend cinq personnes :
i" Célf.stin-François L***, père de famille 4" ans.
2° Maugueiiite-Louise (i***, mère de famille '«I —
3» Edouard L***, leur premier lils 20 —
4» Marcel I.***, leur deuxième fils 18 —
5» CuAitLEs L***, leur troisième fils l" —
Le père a deux frères et une sœur qui tous les trois travaillent
dans des fabriques de papier. 11 est le fils et le petit-fils d'ouvriers pa-
petiers; sa mère seule vitencdre; elle habite la commune de l'Escalier,
voisine d'Angoulême, auprès de sa fille qui y est mariée.
La femme appartient à une famille d'ouvriers de la ville; son père
était camionneur. Sa mère, qui cxen-ait la profession de lingère et n'a
pas eu d'autres enfants que cetto fille, est morte quelques mois avant
notre visite à la famillo.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 277
Les deux premiers fils travaillent à Angoulcme dans la fabrique de
INI. Laruche-Joubert. Le troisième, qui y entrera également, attend une
place qu'il ne tardera pas à obtenir.
g 3.
RELIGION ET UABITUDES MORALES.
La famille présente une physionomie morale peu accentuée. Elle
appartient à la religion catholique, mais n'a qu'une médiocre ferveur
religieuse. Ses membres n'assistent pas régulièrement à la messe, pas
plus qu'ils ne suivent avec fidélité les autres prescriptions de l'Eglise.
Ils n'entretiennent aucun rapport avec les membres du clergé.
Une grande union règne entre tous les membres de la famille. D'un
caractère assez doux, ayant gardé le respect de l'autorité paternelle,
les enfants remettent tout ce qu'ils gagnent à leur mère, sauf dix francs
(ju'elleleur laisse pour leurs menus plaisirs; elle a promis d'augmenter
cette somme de cinq francs, lorsque leurs salaires seraient élevés.
Elle gouverne le ménage avec beaucoup de sagesse; aussi son mari
lui laisse-t-il en toute confiance la gestion des intérêts domestiques.
Celui-ci vit en bonne intelligence avec la direction de la fabrique. Il
apprécie fort le système de coopération et de participation aux béné-
fices qui lui donne une part de propriété de l'établissement. « Nous
travaillons pour nous, dit-il, aussi n'y a-t-il plus à craindre de
grèves. » Il parle avec reconnaissance de M. Laroche-Joubert père, qui
a pris l'initiative de cette organisation, continuée et développée par son
fils, actuellement directeur-gérant (§18). Il manifeste pour celui-ci une
gratitude égale.
Il comprend la nécessité de l'association parmi les ouvriers; aussi
fait-il partie d'une société de secours mutuels, aux séances de laquelle
il assiste fidèlement (§ 13). Il se rend compte également des services
que procure à des ménages modestes la société coopérative de boulan-
gerie qui fonctionne à Angoulême avec un grand succès (§ 20). Il ne
s'y approvisionne cependant pas, trouvant plus commode de se fournir
chez son boulanger qui demeure tout près de chez lui.
Tout en suivant avec intérêt les événements politiques dans les jour-
naux, et notamment dans le Matin charen(ais, feuille d'une nuance
conservatrice dont il est un lecteur fidèle, il ne se mêle en aucune ma-
nière aux luttes électorales. Il se contente d'exercer sans bruit ses
droits d'électeur.
278 N" 78. — OIVR.-EMPLOYÉ DE LA PAPETERIE COOPÉRATIVE d'aNGOULÉME.
Comme beaucoup d'autres familles d'ouvriers papetiers, celle-ci
constitue une famille vraiment professionnelle. Les parents du père
étaient des ouvriers papetiers ; celui-ci ne conçoit pas d'autre avenir pour
ses tils, et ces derniers n'ont jamais songé à embrasser une autre pro-
fession; d'intelligence inégale, ils ont tous reçu une bonne instruction;
l'un d'eux a même suivi au lycée les cours de l'enseignement spécial.
La sécurité de l'existence, une fois qu'on est entré à la fabrique, l'as-
cension certaine des ouvriers de bonne conduite, la fascination exer-
cée sur eux par la perspective d'une part de propriété d'un établisse-
ment aussi prospère, tout cela détermine leur volonté et les engage à
suivre la même voie que leur père et leur grand-père.
g A.
HYGIÈNE ET SERVICE DE SANTÉ.
Les membres de la famille ont rarement besoin d'avoir recours à
l'aide du médecin. L'aîné a éprouvé jadis quelques accidents. Il va bien
maintenant; de temps en temps seulement, il est obligé de prendre
quelques remèdes. Angoulême, du reste, est une ville saine; elle doit
sans doute cet avantage à sa position élevée et particulièrement aérée.
Les rues sont propres, les eaux n'y séjournent pas. Il y a plusieurs
années, des épidémies de fièvre typhoïde ont éclaté aux casernes; elles
ont fait aussi quelques victimes dans la ville. La défectueuse qualité
de l'eau distribuée aux soldats les avait provoquées. Depuis, l'eau
ayant été puriliée, les épidémies n'ont pas reparu.
^ S.
RANG DE LA FAMILLE.
La famille s'est élevée au rang peut-être le plus haut qu'elle peut
atteindre dans la hiérarchie de la fabrique, hiérarchie dont le père a
franchi tous les l'jchelons (;^ 12). KUe est estimée de ses chefs, et no-
tamment du patron. L'éducation donnée aux fils, les bonnes disposi-
tions dont ils font preuve, donnent lieu de croire (|ue dans l'avenir
elle n'est plus exposée à déchoir.
OBSEKVATIO.NS PHKLIMINAIHES. -J7!»
MOYENS D EXISTENCE DE LA FAMILLE.
§ 6.
l'KUI'IîlKTÉS.
( Al<iliilii'r et vclcnieiit non coinpi-is.)
Lmmelbles 0^00
[ja famille ne possède aucune propriété immobilière; elle ne désire
pas du reste en avoir.
Argent et valeurs mobilières 13.835^00
La famille garde, pour faire face à ses dépenses quotidiennes et aux
accidents imprévus, une somme qui varie et est toujours moins élevée
aux fins de mois que dans les premiers jours.
1" Somme gardée tomme fonds de roulement, 35^00.
2^ Part du père dans la fabrique 1-2.000^00; — part du lils aîné, I.IOO^OO; — pari du se-
cond lils, -On^OO. — Total, 1.3.800'00.
AiMMALX DOMESTIQUES 0^00
La famille n'en possède aucun.
Matériel spécial des travaux et industries 18^25
Le père et ses fils n'ont besoin d'aucun outil dans leur travail à la
fabrique.
1" Matériel de blanchissage. — l battoir, 0' :U>; — i baquet, 4' 00; — 1 selle, -2^00. — Total,
6f-2o.
2" Matériel pour le jardin. — 2 bêciies,(i''00; — outils divers, 't'OO; — pots de (leurs, -i'OO.
— Total, l-2f00.
Valeur totale des propriétés 13.853^25
subventions.
Les subventions n ont pas disparu dans l'organisation de la fabrique
d'Angouléme, comme dans tant d'autres établissements industriels, où
le paiement du salaire en argent constitue la seule rémunération du
travail de l'ouvrier. La famille reçoit une précieuse subvention , celle
280 N' 78. — OLVR.-tMI'LOYÉ DK LA l'Al'ETERIE COOI'KKATIVE d"aNG01:LÊME.
de la maison; dix-huit à vingt familles on profilent comme elle. Ce
sont les plus anciennes, et leurs chefs se sont en outre élevés peu à peu
dans la hiérarchie ouvrière jusqu'au rang d'employés. Le jardin est
aussi alloué gratuitement à la famille, comme à celles qui, demeurant
dans la maison, bénéficient de la subvention du loyer, et, en outre ,
il lui est fait don d'une certaine quantité de fumier.
Une autre subvention est donnée à toutes les familles sans excep-
tion : lorsque le coût de la livre de pain dépasse U'30, le surplus est
payé par la fabrique.
La participation aux bénéfices est devenue un droit pour la famille
décrite, qui compte parmi les commanditaires; mais tous les ouvriers
ne se trouvent pas dans le même cas, et, de plus, lorsque M. Laro-
che-Joubert père a introduit ce système et a ajouté au salaire une part
de bénéfices, c'était une pure libéralité de sa part.
8.
travaux et industries.
Travaux du père. — Après avoir passé par les divers emplois que
nécessite la fabrication du papier (§ 12), le père est entré dans les bu-
reaux, c'est-à-dire est devenu employé. Il est d'abord préposé à la vente
de la ville. Il prend les ordres des clients, les leur fait parvenir et en-
suite les facture. De plus, il est chargé du soin de répondre à deux
représentants qui parcourent l'un l'Espagne, l'autre le i*ortugaI; ce
travail consiste à remplir leurs commandes et à les Iransmellre à la
maison.
Il se rend a son travail à 7 h. 1/2 et y reste jusqu'à 11 h. 11 sort pour
aller déjeuner et rentre à la fabrique à midi i/2. Il en sort à 0 h. ou
6 h. Xj'l, quelquefois même un peu plus tard, selon les commandes à
expédier. Le travail fies ouvriers cesse avant celui dos employés, qui
restent jusqu'à (> h. ou G h. I '"l. II est obligé de revenir If dimanche
matin, jusfiu'à 10 h. 1/2 ou 11 h., selon le travail, dont le principal
est le dépouillement (lu courrier. Celte obligation lui cause une vive
contrariété; il aspire à la possession complète du dimanche, de même
que les autres employés soumis à la même contrainte. Mais les efforts
(lu'ils ont tentés auprès de la direction de 1 usine n'ont pas jus(iu'à ce
jour réus>i à faire cesser celte coutume. Elle se retrouve aussi dans
d'autres fabriques framjaises. Mais nul établissement industriel anglais
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES, 281
n'en offre l'exemple; l'activité, l'entente des affaires, le désir de don-
ner prompte satisfaction à la clientèle, ne sont cependant pas moin-
dres de l'autre côté du détroit.
L*** reçoit un traitement de 1.800 francs. En outre, il a une somme
de 12.000 francs placée à la fabrique et qui, constituée par sa partici-
pation aux bénéfices, représente sa part de commandite dans la fabri-
que. Gette somme produit un intérêt de o %. Enfin il a droit à une coo-
pération de salaires, comme nous l'exposons plus loin {§ 17). En 1890,
la coopération de salaires et la participation aux bénéfices se sont
élevées à 464^87 (1).
Travaux de la mère. — La femme se livre aux travaux de ménage
avec beaucoup de soin et d'activité. Elle prépare les aliments, raccom-
mode les vêtements, entretient la maison très proprement. Elle tra-
vaille aussi à la fabrique, qui emploie du reste plus de femmes que
d'hommes. Elle y est attachée à l'atelier où se font les cigarettes. La
journée commence pour elle à 7 h. 1/2 du matin. Elle quitte l'atelier
à 10 h. pour y rentrer à 11 h. 1/2. Elle y reste jusqu'à 2 h. 1/2 et, à
ce moment, le travail s'interrompt pendant une heure. Il reprend à
3 h. 1/2 pour se terminer vers 5 h. 1/2 ou 6 heures, selon qu'il y a
plus ou moins à faire. C'est là la journée de travail régulière; mais,
bien souvent, les femmes de cet atelier sont occupées un nombre
d'heures inférieur, surtout pendant l'été, quelquefois même pas du
tout. La période d'activité la plus grande dure peu de temps, du mois
d'octobre au mois de décembre; car une grande concurrence existe
pour la fabrication du papier à cigarettes. Le travail que la femme doit
accomplir demande de l'attention et une certaine délicatesse de main.
Elle plie la couverture dans laquelle se place le cahier et met le caout-
chouc destiné à le maintenir.
La femme est payée aux pièces, comme du reste tous les ouvriers
(I) Il est à ohserver que les années suivantes oui clé bien moins l'avorisées. En IH!»i,il
a louché, à ce lilre seulement, 2o0':2(i; en l«!(-2, rien.
Celle ahsence de benéGccsen l'année IS!hJ n'esl pas due à un ralenli.sscment de la pros-
périle de la maison. Trois causes l'expliquent : l'anidrlissemenl des immeubles auquel,
avec un grand senlimeul de |)rév()yance, la maison consacre une somme imporlanU-, l'ac-
croissement de la consommation du charbon résultant des froids de l'hiver, la disette
d'eau résultant de l'été déjà très sec de l«!>:2. — Depuis f|u'elle fonctionne, l'exploitation
de Basseau a tenu ses promesses. Elle devait fouiuir 100.000 kil. par mois; elle donne de
90 à Oo.OOO, et la cause de cette faible différence provient du défaut d'eau, surtout cette
année à cause de l'extraordinaire sécheresse. Un fait prouve que le rendement n'a pas
été au dessous des prévisions. Le stock de bois qui constitue la matière première de
Basseau est supérieur de 40 % aux pn'visions des polices d'assurances, et il a fallu augmen-
ter d'autant les risques. La production de Basseau, non seulement s'écoule facilement,
mais ne suflit même pas aux commandes.
282 N° 78. — OLVR. -EMPLOYÉ DE LA PAI'ETERIE COOPÉHATIVE d'aNGOLLÈME.
de la fabrique; les employés seuls reçoivent une rémunération lixe.
Les pièces sont réglées tous les quinze jours. Le gain de la femme est
d'environ GOO francs par an (I).
Travaux du fils aine. — Il est employé aux expéditions; ses heures
de travail sont les mêmes que celles de son père. Sa tâche consiste à
copier la correspondance d'un voyageur et à remettre les commandes
à cha(|ue service. Le voyageur auquel il est attaché fait les environs
d'Angoulème. Le fils aîné touche maintenant une rémunération de
85 francs par mois. Son compte, inscrit à son nom dans la maison,
s'élève à 1.100 francs; il en touche l'intérêt à 5 % . Avant d'avoir celte
position, il avait passé par plusieurs services, où ses appointements
n'avaient pas élé fixés d'une manière définitive.
Travaux du second fils. — 11 aide son père et a les mêmes heures de
travail que lui. Ses appointements sont de 55 francs par mois, et son
compte, inscrit à son nom, est de 700 francs. Un intérêt de 5 % lui
est payé.
Travaux du troisième fils. — Au moment de notre enquête, le troi-
sième fils, qui venait de terminer son instruction, attendait dans la fa-
hrique une place que l'exemple de sa famille lui faisait vivement dé-
sirer.
Industries entrep7nses par la famille. — La famille entreprend deux
industries domestiques : le blanchissage et la culture du terrain
que la direction de la fabrique lui octroie gratuitement (^ 7). Tous les
membres de la famille se font un plaisir de travailler à l'entretien de
ce jardin.
MODE D'EXISTENCE DE LA FAMILLE.
ALIMENTS ET IIEPAS. t
L;i liiuiille se nourrit bien, sans jamais tomber dans aucun excès
sous le rapport de la recherche des aliments. Kllc ne mange toutefois
qu'avec une certaine répugnance des mets ordinaires, tels que le bœuf
bouilli.
(0 Depuis iKilrc Miy.iK*» ;i Viiscuili'iiic, l.i ffininc, ay.ini pi-rdii sa incrc, a voulu se c<in-
saircr exclusivement aux Ua\au\ du uiiiiase cl a <|uillc- la lal>rii|u<'.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 283
Trois repas ont lieu par jour. Le matin, c'est, après le lever, le pre-
mier déjeuner, qui se compose de café au lait, avec du pain. A H heu-
res a lieu le repas principal, dans la composition duquel entre presque
toujoursune soupe, avec un morceau de viande, souvent accompagné
de légumes ou de dessert, maintes fois des deux. Le soir, après la ren-
trée du père de la fabrique, a lieu le souper, dont le menu, moins la
soupe, se compose à peu près des mêmes plats que celui du déjeuner,
et comprend, comme légumes, très fréquemment de la salade. L'un
des fils, le second, revient souvent de la fabrique dans la journée,
pour goûter avec un morceau de pain et du chocolat.
La famille consomme, en quantités presque égales, de la viande de
bœuf, de mouton, de veau, et un peu moins de porc. Assez souvent,
environ trois ou quatre fois par mois, elle mange du poulet. En fait
de poisson, ne paraissent sur sa table, comme poissons de rivière, que
ceux péchés par le mari. Mais la famille achète, une fois par semaine
environ, dupoisson de mer. Elle aime beaucoup le lapin, qu'elle con-
somme seulement au repas du soir.
Comme boisson, elle prend une piquette faite avec du raisin sec.
Elle consomme un litre de rhum par mois, outre les liqueurs de cassis
et de framboise fabriquées à la maison. Le mari ne prend qu'à de
rares intervalles quelques consommations en dehors de chez lui ;
ic'est après une partie de cartes faite avec des amis.
La famille ne s'approvisionne pas à la boulangerie coopérative de
la ville (§ :20). Elle conserve son boulanger, dont l'établissement, situé
à proximité, lui est d'un usage plus commode. En outre, elle préfère
régler à sa guise, tous les quinze jours ou tous les mois, tandis que
la société coopérative exige le paiement au comptant. La famille n'a
aucun crédit chez ses autres fournisseurs.
l 10.
HABITATION, MOBILIER ET VETEMENTS.
La famille habile un appartement situé dans la cité (îabrielle, qui
a été construite par M. Laroche-Joubert, à proximité de la fabrique.
Cette cité donne sur une rue à pente très rapide, comme il s'en ren-
contre beaucoup sur les flancs du coteau abrupt au liant duquel s'é-
lève Angoulême. Au bas de la cité se trouve un terrain assez étendu
divisé en jardins, répartis entre tous les locataires. La famille ne paie
284 >" 78. — OUVR. -EMPLOYÉ DE LA l'APETElUE COOPÉRATIVE D ANGOULÉME.
aucun loyer, ni pour la maison ni pour le jardin (§ '), ainsi que les
autres locataires, tous employés depuis longtemps dans la fabrique
et attachés au service des bureaux.
La maison est située un peu en contre-bas du côté de la rue. Mais,
au contraire, du côté des jardins, elle domine une assez vaste étendue
de paysage au milieu duquel coule la Charente. C'est le nord de la
ville.
L'appartement se compose de cinq pièces; Tune sert à la fois de salle
à manger et de cuisine, les autres de chambres à coucher; une d'entre
elles est très petite. Trois de celles-ci sont situées au premier étage,
les autres pièces sont au re/.-dc-chausée, mais elles ne se trouvent
pas les unes au-dessus des autres. L'appartement comprend en outre
une cave et un grenier.
Meubles : très nombreux, mais ne dénotant aucune recherche de
luxe 2. 139' 00
1" Literie. — 3 lils en hois, I!I5'(M); — I lil en fer, ii'(K); — 4 sommiers, Ilo'fX); — 4 lils de
plume, '240'00; — 3 rhalelas, Itt'OO; — 1 édredon, iîO'OO; — rideaux avec arc et baldaquin,
IO.-i'00; — i couvertures de laine, 32'00;— 4 couvertures en coton et 4 courtes- pointes,
75' 00. — Total, »3-2'0O.
•2r Mobilier de In xalle à manger et cuisine. — ^i chaises, 1"2'00; — 1 buffet, '>0'00; —
I table, 40'00; — I pendule, 100' 00; - 1 slacc, 20'00; — 1 tapis de table, lO'OO; — l ar.
moire, lOO'OO; — 1 machine à coudre, IjO'OO; — 1 petit coffret, lO'OO; — 1 petite table,
2'00; — i fourneau de cuisine, 14'00. — Total, .ï08'00. *
3° Mobilier des autres chambres. — 1 armoire à glace, l.-iO'OO; — 1 fauteuil Voltaire,
40'00; — 1 armoire, 120'00; — 2 glaces, 40'00; —6 chaises, at'OO;— i petite table
ronde, 2'00; — I petit tapis pour recouvrir la table, 2'00; — 4 tables de nuit, .'WOO; —'2 ta-
pis. lO'OO; — 1 grande pendule à boîtier, 15'00; — pots à eau et cuvettes, lO'OO, — Total,
4t>3'00.
i" Livres, r/ravures, objets de piété et de récréation. — 2 boites à violon, lOO'OO; —
1 lliite, 2;i'00; — 21"usils, "O'OO; — photographies de famille, .i'OO; — livres de prix, 6'00;
— méthodes cl morceaux de musique, 20'00; — livres de messe, I2'00. — Total, 2:«i'00.
Ustensiles : répondant à tous les besoins de la famille et entrete-
nus d'une manière suffisante 1 1 'i^-iO
1" Employés pour la cuisson, la préparation cl la consommation des aliments. — î> cas-
seroles de terre, 3'f)0; — 2 marmites en fer, lO'DO; — 1 pot-au-feu, I'OO; — 1 seau, l'2."i;
— 4 douzaines d'assiettes, i'i'80; — 1 douzaine d'assiettes de dessert, l'Wi; — 12 verres,
l'80; — 6 plais blancs, 2' 40; — 2 saladiers, 0'«0; — .'i bols, 0'"."i; — 3 soupières, 2 blan-
ches et 1 de couleur, ït'OO; — 3 douzaines de cuillers, 7'20; — 3 douzaines de fourchet-
tes, T20; — 0 fourchettes en métal anglais, 3'00; — 5 cafetières, 6' 00; — 1 cuiller à i)ol,
0'7.'); — 3 passoires, O'sO; — 0 couteaux, 2'.'i0; — 0 tasses, l'50; — grils. 2'00; — 100 bou-
teilles, lO'OO. — Total, 78' 20.
2" Employés pour l'éclairage et le chauffage. — 1 lampe, .'i'OO; — 1 lampe plus petite,
l'25; - 2 paires de flambeaux, I3'0n;— l bougeoir, 0' 65; — vieux chenèls, 3' 00; — pelles et
pincettes, ii'OO; — 1 soufflet, l'93. — Total, 2!)'85.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 285
3° Employés à divers usages domestiques. — Brosses pour souliers et habits, 3' 00; —
i halai et 1 plumeau, 0'95; — peignes, brosses ot objets de toilette, H'^Q. — Total, (>"*•';.
Linge de ménage : en quantité suffisante 673^90
.30 paires de draps de lit, GOO'OO; — i douzaines de serviettes de table, 48' 00; — 1 nappe,
5'00; — 3 tabliers de cuisine, C'OO; — 4 essuie-mains, ^'40; — i-2 torchons, 2'50; — ri-
deaux de fenêtres, lO'Oo. — Total, r.7:{'i)0.
VÊTEMENTS 2.08of 95
Comme la plupart des familles ouvrières, la famille décrite dans
cette monographie tient à avoir des vêtements qui ne la distinguent
en rien des classes plus aisées; elle en possède une grande quantité.
Depuis bien longtemps, tout costume particulier a disparu à Angou-
lême.
Vêtements des hommes, selon le détail ci-dessous (l.SGl'^Qo).
1" Vêlements du père. — 1 redingote, 70' 00; — t pantalon noir, :25'00; — 1 gilet noir,
lii'OO; — 1 jaquette noire, 60' 00; — 1 pantalon fantaisie, "20' 00; — 1 vêtementcompletcn
coutil; 30'00; — i vêtement complet de tous les jours, iO'OO; — 1 pardessus, oO'OO; —
i chapeau de feutre noir, IO'OO; — l chapeaude paille, 3':i0; —-2 paires de bottines, 36' 00;
— 2 douzaines de chemises, t-20'00; — 3 paires de chaussettes, G'-la; — 1 douzaine de
mouchoirs, 6' 00; — 4 cravates. 3'80; — 1 montre en or avec la chaîne, i4o'00. — Total,
640' 55.
2° Vêtements du fils aîné. — 1 costume complet, 80'00; — 1 autre costume, Co'OO; —
vêtements de travail, 25'00; — 1 blouse, 5' 00; — \ chapeau de feutre noir, IO'OO; —
\ chapeau de paille, 3'00; — J paire de souliers, i^'OO; — 1 paire de bottines, 22' 00;— 1 dou-
zaine de chemises, 60'00; — 3 cravates, 2' 40; — 12 faux-cols, 6' 00; — 12 mouchoirs, venant
du Louvre, 6' 00; — S paires de chaussettes, 6'25 ; — 1 montre en argent avec la chaîne,
60' 00. — Total, 362' 65.
3» Vêtements du deuxième fils. — Même composition et même valeur que ceux du fils
aîné, 362'6o.
4° Vêtements du troisième fils. — Costume habillé, 33' 00; — costume ordinaire, 25'00; —
1 chapeau de feutre, 7'00; — i chapeau de paille, 3' 00; — 2 paires de souliers, 24'00; —
2 cravates, l'60; — 12 chemises, 48'00; —6 paires de chaussettes, 7'50; — 1 pardessus, 20' 00;
— 1 montre en nickel avec la chaîne, 23' 00. — Total, liMî'lO.
Vêtements de la mère, selon le détail ci-dessous (524^00).
3 robes, 50'00; — 1 manteau, 25' 00; — 1 chàle, 20'00; — 1 jaquette noire, tO'OO;
1 chapeau, lo'OO; — 48 chemises, 72'00; — 20 paires de chaussettes, 30'00; — \ paire de
bottines, 15'00; — pantoufles, 5' 00; — galoches, 2' 00; — 1 montre en or avec la chaîne,
170'00; — 1 alliance, 25'oo; — 1 bague en or, 25'00; — 2 paires de boucles d'oreilles, 60' 00.
— Total, .524' 00.
Valeur totale du mobilier et des vêtements 5.013^35
l il.
RÉCRÉATIONS.
La culture du jardin constitue pour la famille une grande distrac-
tion; c'est tin lien «pii la raftacbo à son foyer, et les légumes Pt fruits
28G N" 78. — OUVR. -EMPLOYÉ DE LA PAPETERIE TOOPÉRATIVE d'aNGOULÉME.
qu'elle y recolle semblent avoir pour elle une saveur parliculière. Lors-
que sa journée de travail est terminée, le père se repose en fumant chez lui
quelques cigarettes. II aime aussi la pêche, et surtout la chasse. C'est
pour lui un regret souvent exprimé que l'obligation de venir le di-
manche malin au bureau l'empêche de so livrer à son passe-temps favori
autant qu'il le désirerait. Car les heures du matin sont, dit-il, les plus
fructueuses pour le chasseur, et il ne peut se mettre en roule que trop
tard, vers 1 heure de l'après-midi. De temps en temps, il va au café
avec quelques amis faire une partie de cartes.
Les fils aiment la musique, que leurs parents ont tenu à leur faire
apprendre. Les deux aînés jouent du violon, le troisième, de la Hûte;
mais, au moment où les renseignements relatifs à cette monographie
(Haienl recueillis, ils s'abstenaient d'en jouer, étant en deuil de leur
grand'mère maternelle. Le dimanche, l'assistance au concert donné
|)ar la musique militaire constitue une de leurs distractions préférées,
ainsi, du reste, que pour une grande partie de la population. C'est là
que se rendent les jeunes ouvrières, vêtues de leurs plus pimpants
alours, elle paysage étendu et varié qui se déroule au piedd'Angoulème
ajoute un charme de plus à la musique. Dans toutes les villes de
province, la musique militaire attire une assistance aussi nombreuse;
elle fait entendre au moins une fois par semaine des morceaux d'un
art plus élevé que les ineptes et vulgaires refrains de cafés-concerts
qui, retentissant fréquemment à nos oreilles dans les rues, semblent
constituei- tout le bagage artistique d'un grand nombre de jeunes
gens de la classe ouvrière. F^es enfants goûtent aussi le théâtre, et
surtout le cirque; ils y vont plusieurs fois par an. Une autre de leurs
distractions est l'entretien de pigeons voyageurs qui prennent part
aux courses instituées depuis quelques années. C'est un nouveau
passe-lemps très en vogue dans certaines familles ouvrières.
La famille ne reçoit qu'à de rares occasions des parents ou amis,
trouvant ces réceptions uu peu coûteuses.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 287
HISTOIRE DE LA FAMILLE.
l 12.
PHASES PRINCIPALES DE L EXISTENCE.
Presque toutes les familles ouvrières attachées à la fabrique sont
de véritables familles professionnelles. Leurs parents y étaient em-
ployés; c'est là que leur existence entière s'écoulera, et les ouvriers
qui possèdent une part de commandite apprécient tellement les avan-
tages de cette co-propriété, la sécurité de leur existence, qu'ils se
gardent bien de quitter leur poste. Ils ne voient pour leurs enfants
aucune autre position plus avantageuse. Il en est ainsi de celte fa-
mille. Le père de Célestin L*** a été ouvrier dans la fabrique. Il y a
fait entrer son fils à l'âge de sept ans et demi, de sorte que, avant de
parvenir à sa place actuelle , celui-ci a passé par tous les emplois
que peut occuper un ouvrier dans une fabrique de papier. Il a débuté
comme tireur de feuille : deux personnes sont l'une à cùté de l'autre;
l'une met le papier entre deux feuilles de zinc, l'autre l'enlève; tel
était le travail dont il était chargé. II entrait à la fabrique à 5 heures
du malin et y restait jusqu'à 8 heures. Après une interruption d'une
demi-heure, il se remettait à la tâche et ne la quittait plus qu'après cinq
heures et demie de labeur; à 2 heures, il jouissait alors d'un repos
d'une heure, et, après être rentré à 3 heures, finissait sa rude journée à
7 heures du soir. Son gain s'élevait à 7^80 ou 10 francs par mois.
C'était entre deux factions qu'il pouvait compléter ses premiers rudi-
ments d'instruction élémentaire. Puis il devint tireur de feuille à la
coupeuse; le travail, peu fatigant, consistait à prendre le papier qui
tombait de la machine et à le ranger dans un coin. Il gagnait lo francs
par quinzaine. Il fut ensuite mis à la machine comme graisseur, c'est-
à-dire qu'il entretenait la machine à papier et veillait à ce qu'aucun
accident ne se produisît. Sa journée de douze heures allait de midi à
minuit, ou de minuit à midi. Tous les quinze jours, le travail se pro-
longeait pendant vingt-quatre heures sans interruption. Seulement, le
288 N° 78. — OUVR. -EMPLOYÉ DE LA PAPETERIE COOPÉRATIVE d'aNGOULÉME.
dimanche suivant, il avait un repos complet. Les ouvriers auxquels
revenait celte besogne se couchaient, dans les moments où la ma-
chine n'allait pas, sur des rognures de papier et y dormaient
quelques instants. Notre ouvrier avait douze environ ans; il touchait
un salaire de 30 à SS*"'- par mois. C'était à la fabrique dite de l'Ab-
baye, dans la commune de la Couronne, qu'il travaillait. Il resta un
an dans ce poste.
Sa famille vint alors se fixer à Angoulème. Il devint cartonneur.
Son travail consistait à prendre une feuille de papier qu'on recou-
vrait de /.inc. Un autre ouvrier placé devant lui s'emparait de ces
papiers et les engageait sous l'hélice. Il ne travaillait qu'une demi-
journée et passait le reste à l'école. Pendant ce temps, une famille avec
laquelle il s'était entendu le remplaçait.
De cartonneur, il passa à la manœuvre, c'est-à-dire qu'il faisait de
tout. Il dépotait la pute, chargeait, déchargeait les charrettes, mettait
le chiffon sur une petite table où trois couteaux le tranchaient. Si
simple qu'elle parût, cette dernière opération présentait certains dan-
gers. Il fallait faire grande attention à ne pas se faire couper les
doigts. Maintenant, au lieu des mains, on se sert d'une pelle, ce qui
évite les accidents. Un autre inconvénient, c'était l'introduction de la
poussière de chiflon dans la gorge. Vers l'âge de seize ans, il changea
encore de poste et vint aider son père qui était gouverneur, c'est-à-
dire triturait les chiffons pour les réduire en pâle. La faction était de
douze heures, de midi à minuit ou de minuit à midi. Tous les quinze
jours, elle durait vingt-quatre heures sans interruption, tandis que l'au-
tre dimanche il n'était assujetti à aucun labeur. Il ne resta pas plus
longtemps dans cette nouvelle faction que dans les autres et entra à la
salle d'apprêts; il attachait le papier prêt à être expédié aux clients.
Le travail commençait à 5 heures du matin pour finir à 7 heures du
soir, avec une interruption de 2 heures. Il gagnait alors oO francs par
mois. Lnfin, changeant encore de tâche, il devint chef d'atelier; en
cette qualité, il devait notamment surveiller le personnel, régler la
pression du papier qui était laminé. Le travail se prolongeait pendant
la même période de temps que lorsqu'il se trouvait à la salle d'ap-
prêts. Mais il avait uu salaire plus élevé, gagnant de 00 à 70 francs
|)ar mois.
(ù'est là que le service militaire le prit. Il fut incorporé au 70'" de
ligne et fit successivement les garnisons de Saint-Brieuc, Troyes,Gaen,
le Havre, Ghàlons. Il se maria pendant un congé de semestre. Pen-
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 289
dant la guerre, il assista au siège de Paris dans les rangs du l.'ÎS" de
ligne et, entre autres combats, prit part aux sorties d'Épinay et du
Bourget.
Lorsque la guerre fut terminée et que les affaires reprirent, il
n'eut pas un seul instant la pensée de quitter son pays et revint, tout
joyeux, reprendre sa place à la fabrique. Il entra à ce moment au
bureau d'expéditions qu'il n'a plus quitté depuis.
Gomme tous les ouvriers, il se plaît à raconter la modeste histoire
de sa vie, à revenir sur les incidents de sa jeunesse, sur les traits
de sa carrière militaire. Mais il évoque aussi le souvenir des dures
fatigues qu'il éprouvait lorsque, étant encore enfant, il était con-
damné à travailler du soir au matin, et que tous les quinze jours il
devait, p.endant vingt-quatre heures, rester à l'atelier sans débrider.
Aussi ces souvenirs amers le rendent- ils tout à fait hostile aux longues
journées de travail. Douze heures lui paraissent excessives; toutefois
il refuse de s'associer aux revendications en faveur de la journée de
huit heures, dont il juge la durée infiniment trop courte. Dix heures
sont à ses yeux la journée normale.
Grâce à la bonne situation de leur père dans la manufacture, les
fils ne connaîtront pas des temps aussi durs. Les heures de travail,
du reste, ont été réduites, et l'on ne voit plus aujourd'hui des enfants
de sept ans condamnés à rester pendant douze heures dans un atelier.
Ils n'entreront à la fabrique qu'après avoir reçu une instruction très
complète, puisque les deux aînés ont passé deux ans au lycée, où ils
avaient obtenu une bourse. En seront-ils plus attachés à leur métier?
S'ils ne sortaient pas d'une famille aussi fortement liée à sa profes-
sion, un propos tenu par le père lui-même nous permettrait d'en
douter. « Beaucoup de petits propriétaires ruraux, nous disait-il,
envoient leurs enfants au lycée; mais, une fois qu'ils ont terminé
leurs études, ils ne veulent plus retourner à la campagne. »
La fabrique attire aussi à elle les jeunes filles, puisque les femmes y
forment la majeure partie du personnel. Elle entraîne, au point de vue
moral, les résultats que l'observation a partout relevés, et la promiscuité
des ateliers ne donne pas à celles qui y sont employées une tenue irré-
prochable. Les bâtiments de la fabrique ont été construits les uns après
les autres, au fur et à mesure que le développement des affaires ren-
dait nécessaire l'agrandissement des constructions primitives. Aussi
contiennent-ils beaucoup de petits escaliers, de coins et de recoins,
qui rendent la surveillance moins facile. Les femmes continuent à tra-
21
-290 N" 78.
OLVR.-EMPLOYK UE LA l'AI'ETERlE COul'ÉKATIVE D A.NGOULEME.
vailler à la fabrique, même après leur mariage. Elles trouvent là un
supplément de ressources qu'elles goûtent fort. Elles y restent jusqu'à
ce que leurs forces les abandonnent.
g 13.
MOEURS ET INSTITUTIONS ASSURANT LE BIEN-ETI'.E riIYSIQUE ET MOHAL
DE LA FAMILLE.
Les qualités sérieuses de la famille, son union, son esprit d'ordre,
son application au travail, sa bonne conduite, telle est la première
cause de la sécurité de son existence. Elle est attachée ensuite à un
établissement industriel que les crises commerciales n'affectent pas
d'une manière profonde, et, si un ralentissement notable des affaires
venait à se produire, la famille, employée depuis longtemps à la fabri-
que, serait une des dernières qui auraient à en souffrir. Elle possède de
plus une somme provenant de sa participation aux bénéfices, qui cons-
titue une forte réserve pour les mauvais jours; mais aucune caisse de
retraite ou de secours n'existe à la fabrique. Son fondateur considérait
que de telles institutions constituaient une atteinte à la liberté des
ouvriers; dans sa pensée, il appartenait à ces derniers de se garantir
eux-mêmes, parleur propre initiative, contre les hasards de l'existence,
et toute intervention de sa part <lans ce sens aurait, pensait-il, afl'aibli
leur sentiment de prévoyance (Î5 17). Nous devons constater, du reste,
que la plus grande partie du personnel semble s'être accommodée de
cette absence de caisses de retraites ou de secours. La participation
aux bénéfices et l'accession progressive à la propriété de l'établisse-
ment présentent aux yeux des ouvriers des avantages supérieurs.
C'est donc à l'association que l'ouvrier a demandé le secouis qu'il ne
trouvait pas dans les institutions patronales. Il s'est fait recevoir mem-
bre de la Société de secours mutuels des employés de commerce. La co-
tisation est de 1"50 par mois. \<]n cas de maladie, il prévient un adminis-
trateur; il a droit à une visite du médecin et à certains médicaments du
pharmacien. Au bout de six jours, en cas denon-rétablissement,il rccjoit
une indemnité de 1'' 50 par jour. Les statuts accordent ces secours,
selon les cas, pendant une i>ériodc de trois ou de six mois; mais ils
peuvent être prolongés sur une délibératinu du bureau. Si un des
OBSERVATIONS PRKLIMINAIHES. :29l
membres de la Société meurt, celle-ci paie un service funèbre de
100 francs. La famille en veut-elle un plus coûteux, elle supporte le
surplus des frais. Mais elle ne reçoit aucun secours, ni pour la femme,
ni pour les enfants. Cette Société n'admet pas les femmes, tandis qu'el-
les peuvent faire partie des autres sociétés. La réunion de la Société a
lieu tous les trois mois; elle ne comprend aucun membre honoraire,
contrairement à la plupart des sociétés, qui se soutiennent surtout par
les cotisations de ces derniers, maintes fois plus élevées que celle des
associés. La Société dont fait partie l'ouvrier donne à ses membres un
autre avantage : ils peuvent s'approvisionner à la Société coopérative de
boulangerie, sans être tenus de posséder une action (§ 20).
292 i\" 78. — OLVM.-EMl'LOYK DE LA PAPETERIE COOI'EIÎATIVE d'aNGOULÈME.
§14. — BUDGET DES RECETTES DE L'ANNEE.
SOURCES DES RECETTES.
SECTION 1".
PROPRIÉTÉS PO*»SÉD(t:ES PAR LA FAMII.LK.
A|;T. 1". — l'ROPIUKTKS IM.M()DII.IK.RF.S.
(Lu lamillc ne po-sscdc anciiiic propritjté de ce genre.)
Art. 2. — Valfit.s Mnitii.iKitr.s.
Argent et valeiks MonniKiiEs :
Somme ^ardi-e à la mMison fomme fonds de roulement,
l'art de commandite du père dans la fabrique
— (lu (ils atnc^ —
— du second Dis —
Matékiel spécial des travaux et industries
Outils pour la culture du jardin
Tstcnsiles pour le blancliissasc «lu linge.
Art. 3. — Droits aux allocations de sociéiks d'assurances miiuelies.
Droits aux allocations de la société de secours mutuels
KvaluHtio
approximative
lie recette
VHlciir
«les
pr.iiiriité<.
.'i.'i'IHI
■2
.0(10 00
1
.KKI (Ml
-00 01)
12 ro
Valeir totale des propriétés I 13.853 -i";
srcTioN II.
SUBVEi^TIONS REÇUES PAR LA FAMILLE.
Art. i". — Propriétés récits en usifriit.
Ilahilation avec le jnrdiii y attenant
Art. 2. — Droits d'isace sur les propriétés voisines.
Droits de chasse et de pcclie
Art. 3. — Allocations d'oiuets et de services.
Allocation crmcornant riiahjlation
l'articipation au\ l)énélices <1(! rusiiie
V
I
t
I
N" 78. — OLVH. -EMPLOYÉ DE LA l'APETEHIE COOl'ÉH ATIVE d'aNGOULKME. :2n3
i; 11. — BUDGET DES RECETTES DE 1/ ANNÉE.
RECETTES.
SECTION I '°.
REVENUS DES PROPRIÉTÉS.
Ain. 1"'. — Revenus des propriétés iMMoniLiÈRES.
(I.a famille ne jouit d'aucun revenu de ce genre.)
AuT. '2. — Revenus des propriétés mobilières.
(Cette somme ne produit aucun intérêt).
Intérêt (:> % ) de cette part
Iiilcrêt (','> %) de la valeur de ceç outils ((', itj, a).
— — de ces ustensiles (;; l(j, It).
Art. 3. — Allocations des sociétés d'assurances mutuelles.
Valeur de ces allocations, supposée égale à la cotisation annuelle, 18' no
(Cette recelte, n'étant que la rentrée d'une somme égale payée par la famille,
est omise ici- comme Indépensé ijui la Imlante, 'j 1,t, S"" V)
Totaux des revenus des propriétés.
s E C T I G iN II.
PRODUITS DES SlBVEi^TIOXS.
Art. 1". — Produits des propriétés reçues en usufruit,
\altur du loyer de la maison et du jardin
Art. 2. — Produits des droits d'usac.e.
Produits de la chasse, .li'OO; — de la péi lie, l-2':2.j
Art. ,3. — Objets et services alloués.
Fumier employé pour le jardin
Part accordée à l'ouvrier par le patron, à titre de coopération de salaire et de
participation aux bénélices
Totaux des produits des subventions
MONIAN'] Di:s KKt'KTJK
Recettes
Valeur
des objfits
en nature.
0'(iO
0 ;ji
arifc-ut.
000' 00
.jo 00
3o 00
i«l 2-; iGi 87
20 i N" TH. — OfVH. -EMPLOYÉ DE LA l'APETERIE CnOI'ÉHATIVE D"A^GOL•LÈME.
i; 14. — BUDGET DES RECETTES DE 1/ ANNÉE {suite).
SOURCES DES RECETTES (5WJ^e).
DESIGNATION DES TliAVAl X ET DE L EMPLOI DU TEMPS.
.Il \Miii, nr, Tnvv.Mi
KKKKl.lli:.
st:cTioN m.
TRAVAUX EXÉCUTÉS PAU LA KAMILLK.
Travail ilii ix-ro do famille à la fahriquc
(U- la mrrc —
<lu Dis aino —
— du second lils — ....
Kiitretien cl réparation du mobilier
Soins du ménage et travaux doniesti(|ues
lU'parallon du linge et des vêtements de la famille
Blanchissage du linge et des vêtements de la famille
Culture du jardin : travail du père
— — du 3" lils
ToT.vLX des journées de tous les membres de la famille.
■M)6
.■«H>
SECTION IV.
I!\DUSTRIRS ENTREPRISES PAR LA FAMILLB
(à son propre com|>le).
iNDisTiiiKs entreprises au iumple de la famille
Culliire du jardin
Itlancliissage du linge et des vêlements de la famille.
N" 7f<. — OUVR. -EMPLOYÉ DK LA PAPKTERIE COOI'ÉHAÏIVE h'aNGOULKME. 29o
§ 14. — BUDGET DES RECETTES DE L'ANNÉE {suiié).
RECETTES [suite).
I>l!l\ DKS SAl.AlliKS
.11)1 liNVUKIiS.
I 7.J
1 00
0 50
3 00
^2 00
2 00
SECTION III.
SALAIRES.
Salaire lolal atlribiié à ce travail
Aucun salaire ne peut être attribue à ces travaux.
Salaire total attribué à ce travail (g 15, S"" m)
- - (3 16, B)
— — (S 16, A)
- (S 16, A)
Totaux des salaires de la famille
SIÎCTION IV.
BÉniÉFIGES DES II^DUSTRIES.
Bénéfice résultant de celle industrie.
(15 10, A)
{% m, B)
ToTAi, des bénéfices résultant des industries.
ToTAL'x DES UECEïTEs de l'annéc (balançant les dépenses)(-'i.olli'08).
MONTANT DES liECETlES.
Valent
dea objets
reçus
en nature.
7 '00
M OO
.'iO 00
10 00
7 r,o
lli 'M
Ricrtt'-S
argent.
t. 800' 00
600 00
[.0-20 00
OGO 00
i.080 00
.■i.-23i 87
2ÎH» N" 78. — OLVR.-EMI'LOVÉ DE LA l'Al'ETERIE COOl'ÉRATIVK k'aNGOLIKME.
^ 15. — BUDGKT DES DISPENSES DE L'ANNÉE.
DÉSIGNATION DES DÉPENSES.
SECTION l".
DÉPENSES CONCERNANT LA NOIRRITURE
AllT, 1". — \L1MESTS CONSOMMÉS DANS l.E MÉNAGE
( par l'ouvrier, sa femme et ses trois enfauts, pemiant 305 jours ).
CÉRÉALES :
Pain.
Kariii
l'iiids total el iiri\ mi>>en.
Coups gras
licurre
(Iraisse de [lorc.
Huile do noix —
l'oids total cl prix moyen.
Laitages et oeufs
l.ail
Friiinages d'Olivct, de tlollande vl de Giiivén
dEiil's, Oii pièces à 0'07 ". . .
Poids lolal cl prix inojeii.
Viandes ET poissons
llMllI. . .
\ can —
Mouton.
Poir....
Volailles ; 30 (loulels, .30" à 1' â."», HT 00; — i'2 canards,
li'' à I' .'iO, 18' (K); — 1,'i lapins, 7' .'i à -2', l-i' fH)
(.ihier : '2 lièvres, l-2'no; — » perdrix, lO'Od; — (,'jlilcr.s
ilivcrs, li'iio C; 11, S"' II)
Poissons de rivière : Truites, {{oujfnis, lavarels (", I'»,
S"" II)
Poissons de nier
Poids total et prix moyen.
POIDS ET PRIX DES
ALIMENTS.
PRIX
par kilog.
POIUS
consommé.
1 . il>(|i>0
<i 0
1 . iOG 0
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1-2 0
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1 081
I !KK)
•2 l(K)
-2 ono
•2 000
I 1-2 i
-2 000
I 7.-.0
I KM)
I 717
MONTANT DES DÉPENSES,
Valeur
des objets
conBomuK^
en nature.
Dép«n.soi
en
art'mt.
1.38' 00
3 00
14 40
7."i 00
•2i 00
I '(8 ■ÎO
I.-.7 .•><»
I.SO 00
tili IMI
70 ,";o
N" 7<S. — OLVR.-KMI'LOYÉ DE LA PAPETnHlE COOI'ÉHATIVE d'aNGOULÈ MR. -97
S< lo. — BUDGET DES DÉPENSES DE [/ANNÉE {suite).
DtSIGNATION DES DÉPENSES {suite).
SECTION 1'
DÉPE!\SES CONCERKAIST L\ IMOURRiTURE (suite).
I.Kcr.Mi;-; i:i ii:i n>i :
Tubercules : Pommes de terre. "SO"*, à S'.'iO le sac de C.">'<.
Légumes farineux : Haritots
Légumes verts : Haricots verts, ao"- à 0';J5, 10' oO; —
petits pois, L')'' à 0' 40, (i'OO; — ciioux : du jardin,
iOi- à 0' 13, .j' -20 C 16, A) ; — achetés, 40^ à O'IH, o'-20.
Légumes racines : Carottes : du jardin, 12'' 5 à 0' 20,
"jf oO (§ 16, A) ; — aclietees, 2o'' a 0' 20, o'OO ; — céleri.
raves et navets : du jardin, 10" à 0' 20, 2' 00 (2 KJ, A) :
— achetés, SO"- à 0' 20, 6' sO
Légumes épices : Poireaux, 5" à 0' 30, l'oO (§ Ki, A) ; —
ail. 15" à 0' 30, i'SO (§ 16, A}; — persil, cerfeuil, 'i'- à
0' 2.J, 1' 00 C 16, A) ; — oignons : du jardin, 20" à 0^20,
i' 00 C; 16 A) ; — achetés, 8" à 0' 20, 1' 60
Salades : escarole d'hiver et laitues {§ 16, A)
l-ruits à iiépin et à noyau : Pommes, 40" à 0' 40, 16' 00;
— poires : du jardin, 7" à 0' 30, 2' 10 ('^ 16, A): —
achetées, 4."i" à 0' 30, 13';i0: — cerises, 24" à 0'2;;,
6' (M»;— prunes, IS" à 0'40, T20; —pêches, du jar-
din, 4" à 0' 60, 2' VO (§ Ki. A); — ahricols, 3" à 0'' 40,
1' 20;— groseilles, du. jardin, 6" à 0' 20, l'20(§ 16,A);
— cassis, du jardin, 4" à O'.'iO, 2'00(§ I6, Aj; — rai-
sin, du jardin, 5" à 0' 90, 4' iiO (§ 16, A)
fruits baies : Fraises, 1»" à 0' lii, 3' d.S; — framboises,
y" à 0' iO, 3' 60 (S 16, A)
Poids total et prix moyen.
lioNniMKMS ET STIMCI.ANTS
Sri
Poivre
Vinaigre
Sucre
Café
Chocolat
Poids total et prix moyen.
BOIS.SONS FElîMENTÉES :
vin cl piiiuette
lUium, 12 lit, à 2' 00, 2i'oo; — linucur de framboise,
3 lit. à 1' 7S, 5' 25; — cassis, 4 lit. à 2' 2.";, <J' 00
Poids total et prix niojen
POIDS ET PRIX DES
ALIMENTS.
POIDS Plîl.^
cousommù. par kilog.
7K0"0
.•;2 0
52 0
LiO 0
156 0
IH 0
1.310 S
12 0
I 0
10 0
12 0
î» 0
12 0
:i6 0
i.o^o 0
lit 0
1.09!» 0
0'05i
0 200
0 2 '(2
0 200
0 360
0 375
0 138
0 2."iO
2 .'.(IO
0 6(M)
1 100
6 000
2 600
1 963
0 250
2 013
A HT. J. — Aliments préparés et consommés en dehors du .ménage.
(.\u(un aliment n'est consomme en dehors du ménage.)
Totaux des dépenses concernant la nourrituiv., .
montant des DEPENSES
Valeur
des objets
coDso minés
eu nature.
10 12
9 19
11 22
6 20
Dépenses
en
argent.
'(2' 00
10 40
Il 36
2 is
0 81
4 4 8S
0 55
3 00
2 .50
6 00
13 20
5i on
31 20
270 00
38 25
:i08 ^" 78. — ocvK.-EMrLOYÉ de la papeterie cooi-éhative d angoulkmk.
i; l'^- — BUDGET DES DÉPENSES DE E'ANNÉE {siiite).
DÉSIGNATION DES DÉPENSES {suite).
SECTION II.
OÉPE.^KES ('.0:\r.ERK\l\T L'HABITATION.
Logement :
Loyer de la maison (" 14. S"" 11)
Mditii.iKi'. :
Kiitrolicii (lu mobilier : i journées «le la lemmc et du mari. ,i l'7.i. "'(ki
C; 11. S"" III); — achats divers, 1.V(hi —
CUAIFFAOE :
Cliarhou de bois, 400" à 0'I"2, 'i8'00; — bois, .WOO; — 1-2 faj^ots pour allu-
mer le leu, a 0'2r; chaiiue, 3'00
tCLAlIlAGE :
Pétrole, 40 liti-es àO'(iO, 2i'00: — l)Ougie, 4 |ia(|ueis de (i'',> à ()'<)(), ;i'tio.. .
Totaux des dépenses couccruanl l'Iiabilation
SECTION III.
DI^.PE;\SES COWiCERlMAl^T LES VÊTEMENTS.
Vf.TEHE.NTS DE LA FAMILLE :
VcHcineuts achetés : imur le père
— pour la femme
— pour les enfanls
Uéparaliou du lii)i,'e et des vêtements, de la famille Cj 14 S"" III)
Bi.AM.iiissACE :
Blanchissage du linge et des vélemenls, fait à la maison (;; 10, Bl
ToTAix des dépenses concernant les vêlements
s i: <; T 1 0 N I V.
di:pe\ses concernant les besoins aioraix, les récréations
et le skr\ice de santé.
Cn.TF, :
Chaise à l'église
IXSTULGTION DES ENFANTS :
(La gratuité de l'enseignement est absolue.)
SEGOIRS ET AI'MoNKS :
Dons faits à des niendinnls
KÉGIIÉATIONS ET SOLENNITÉS :
Dépenses au café. .Ki'OO; — dîners donnés à <les amis (compris dans la
nourriture de la famille, S""!); — dépenses diverses à l'occasion des
jours de fêtes, l.'i'dO; - - labac, 4"2'(X); — cadeaux faits aux enfants par les
parents, •2.'j'00; — journaux, .■«i':îO; — théâtres, .'WOO; — cntrclien de
pigeons voyageurs, GO'uu
SEIIVICE DE SANTÉ :
Dépenses jiay«'es par la socii-tc' de secours miiluels (S"" V); — dejienses
supplemelllailes, 4' 00
Total <Ii's dépenses concernant les besoins moraux,
les récréations et le service de santé
MONTANT DES DEPENSES.
Valeur
des objet»
consommés
en nature.
40 00
(iO 31
lOO 31
N" ■^). — OUVR.EMI'LOYt: DE LA l'Al'ETEKIE COOPÉRATIVE d'aNGOULÈME. :2!ty
ij l,j. — BUDGET DES DÉPENSES DE L'ANNÉE {suite).
monta.nt des dépenses.
DÉSIGNATION DES DÉPENSES [suite).
A'aleur
des objet£
con.sommés
en nature.
Dépenses
en
argent.
SECTION V.
Db:PE\SES COIMCERi\IAI>iT LES INDLSTRIES . LES DETTES,
LES LUPOTS et les ASSl]RA.\CES.
DÉPKNSES CONCERNANT LES INDUSTRIES :
Nota. — Les dépenses concernant les industries entre|)rises par la famille
Elles sont remboursées par les receltes |)rovcnaut de ces mê-
mes industries, employées pour les consommations du ménage
et portées, à ce titre, dans le présent budget |.-i-2' 16
iNTÉnÈT DES DETTES :
(Aucune dette n'a été contractée par la famille.'
•
'
Impôts :
Cote personnelle et mobilière
Igf 00
AsSLI'.ANCES COXCOIT.ANT A CAKANTUl LE BIEX-ÊTKE PIIYSIoCE ET MOILVL DE J.A FAMILLE :
Cotisation aniuiclle payée par l'ouvrier à la société de secours mu-
tuels 18' (X). (Celte somme, étant remboursée par les allocations que
reçoit la famille, 8°" IV, est omise ici, comme la recette (|ui la halame,
"It, S"°L)
»
Total des dépenses concernant les industries, les dettes,
les impots et les assurances
.
• ir, 00
ÉPAl;(..NE DE l'année :
La véritable épargne est représentée par la participation aux bénélices
qui grossit chaque année la ])art de l'ouvrier dans le fonds sociaf
Totaux des dépenses de l'année (balançant les recettes) {'i.61!)'08)
i.:j8.'i 09
3S'tf-2!
•i.2;H 87
300 ^'' TS. — OUVH.-KMI'LOYÉ DE LA l'APETERlE COOPÉUATIVE U ANGOLLEME.
g 16.
COMPTES ANNEXÉS AUX BUDGETS.
SECTION I.
COMPTES DES BÉNÉFICES
KÉSLLTANT DES liNDUSTHlES 1£ NTUKI'IUSES CAR LA KAMILLE
(à SOU iiroprc compte).
CULTURE DU JAHDLN.
liECETTES.
Choux, iO kil. à 0' 13
Salades : escarolc d'hiver cl laitues, ."iO kil. ;i O'-JO
Carottes, la'a a O'iO
Céleri, raves et navets, IO"" à O'iO
Poireaux, :;" à O'ao
Ail, l.'i" à ()'30
Persil, cerfeuil, 4" à 0'-Z"i
Oignons, -20" à O'-iO
Fraises, "J" à 0'3o
Framboises, i)" à 0'40
(;roseilles, « " à 0'-20
Cassis, 4" à 0':iO
pèches, 4" à 0' 00
Poires, 7' à 0'30
Ilaisin, Sk à O'IH)
Totaux
DÉPENSE^.
Arliat de graines et de semences pour les lleurs, les Irnils il les légumes
Achat de pots de fleurs
Fumier C.",!*, S"" m
Travail de la famille : du père, 10 journées à l'OO ('.;u,S"" III)
— du3"lils,i;i — à 0':iO (S14,S'>"III)
Lover du jardin C.'i''». ^"" "'
Intérêt (!i%) de la valeur (H' 00) du matériel ('.; 1'». ?" D
llÉ.NEUcE résultant de l'industrie
Tol.TUX coninic ci-dessus
v; «.j
Kn urgent.
0'42
0 81
0 -20
0 Ki
0 Ij
0 36
0 08
0 32
0 as
0 -Ht
0 10
0 16
0 I!)
0 n
0 .îli
4 00
.
■2 -20
1 80
:. 110
10 (N)
7 .W
i:; 00
0 tiO
7 .V>
t 00
B. — BLANCniSSAGE DU LINGE ET DES VÊTEMENTS
DE LA FAMILLE.
Prix qui serait pavé jtitur le blanchissage des mêmes objets exécuté au
dehors '. (S IS, S"" III)
N" 78. — COMPTES ANNEXÉS AUX BUDGETS.
Journées de travail d'ouvrit'res, 1-2 jinirnccs à -2'<X»
Achal de savon, aTk â 0'50
I.ocatioii du cuvicr et de l'étendoir
Itlaiic d'amidon, 31- à l'OO, a'OO; — hieu, o<-2:,\ — cail)oiiate, iii" a 0'-2j, 4' 00;
— reiulres (pour mémoire) ••
Travail de la lemme, i'> j<iurnêes à -2' 00
Intérêr .■; ïj de la valeur (0'-2.";) du matériel (■; \%. S"" I)
Bknkfick rrsultaul de l'industrie
Totaux eomme ei-coiilre
:{ui
oO'
00
0
.{1
10
00
•iï'OO
l« 50
10 00
C. — KKSUMÉ DES COMPTES DES BÉNÉFICES RÉSULTANT
DES INDUSTRIES (A ET B.)
RECETTES.
Produits employés :
Pour la nourriture
Pour les vêtements
Totaux
nÉPESSES.
Intérêts des propriétés possédées par la famille et employées par elle aux
industries
Produits des subventions employés aux industries
Salaires aiférents aux travaux exécutés par la famille pour les industries..
Dépenses en argent qui devront être remboursées par d(!S recettes prove-
nant des industries
Totaux des dépenses (l?i-2'IR)
BÉNÉFICE TOTAL résultant des industries
Totaux comme ci-dessus
GO 31
0 91
-20 00
07 :;o
88 41
17 .■;;,
lor; !Mi
4 00
L» 7^
es
SECTION II.
COMPTES RELATIFS AUX SUBVENTIONS.
Ces comptes ont été établis dans les budgets.
SECTION III.
COMPTES DIVERS.
Tous les comptes sont établis directement dans les butigets.
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE.
FAITS IMPORTANTS DORGANISATION SOCIALE;
PARTICULARITÉS REMARQUABLES.
APPRÉCIATIONS GÉNÉRALES; CONCLUSIONS.
DE l'ûHGA.MSATION COOPÉRATIVE DE LA FABRIQUE LAROCHE-JOUBERT
ET Dl' MODE DE DISTRIBUTION DES BÉNÉFICES.
Règles générales.
Kn léte du règlement de coopération rédige en 1890, au moment où
la nouvelle èociété était constituée, se lisent les lignes suivantes qui
expliquent le mobile auquel le fondateur de la maison a obéi en insti-
tuant une telle organisation, cl aussi les raisons qui l'ont empècbé de
créer des œuvres patronales.
« En admettant ses employés et ouvriers à prendre part ù lu répar-
tition des bénéfices qu'ils l'aidaient à réaliser, le vénéré fondateur de
notre maison, M. Edmond Laroche-Joubert, a obéi au sentiment de
l'ruternilé que Dieu met au cœur des hommes de bien.
« En agissant de la sorte, il a accompli ce qu'il considérait comme un
acte de justice et de prévoyance; il a voulu que chacun de ses collabo-
rateurs, quelque modeste que soit son emploi, puisse amasser, grâce
à la coopération, à la participation, un petit capital destiné à assurer
l'indépendance et la sécurité de sa vieillesse; respectueux de la li-
berté de chacun d'eux, il n'a pas voulu leur imposer la prévoyance,
écartant des règlements qu'il a rédigés toute mesure enlevant aux
ayants-droit la libre disposition de leur part dans ses bénéfices; il a
eu confiance dans leur sagesse. »
'J'rois règles générales sont posées en tète des articles qui règlent la
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 30.'i
ljaiiici|»alion aux bénéfices. Elle ne crée pour les personnes auxquelles
elle est accordée aucun droit direct comme associées. En aucun cas
elle n'a sa contre-partie dans l'obligation de supporter les pertes que
ferait la Société. Enfin, aux termes des statuts, cette répartition des
bénéfices est obligatoire; des règles, que nous rapporterons plus loiu,
déterminent d'une manière précise comment elle s'opère. Mais les gé-
rants, statuant en conseil de gérance, demeurent toujours libres d'ex-
clure de cette répartition, soit personnellement, soit par catégorie,
soit en totalité, soit pour partie , ceux des coopérateurs qui ne leur en
paraîtraient pas dignes, et cela sans qu'ils soient tenus de fournir
les motifs de ces exclusions ou de ces réductions de part. Toutefois, les
sommes ainsi laissées libres ne pourront jamais faire retour à la So-
ciété; elles iront grossir la part des autres coopérateurs de la même
catégorie, si c'est un coopérateur qui a été exclu, ou celle de toutes les
autres catégories, si une catégorie a été l'objet de cette mesure.
De la répartition des bénéfices généraux.
Examinons maintenant comment se répartissent les bénéfices entre
les divers éléments qui participent à leur production : 25 % sont at-
tribués au capital; 75 % au travail et à l'intelligence.
La part du capital se répartit ainsi : 5 % sont portés au crédit du
fonds de réserve ordinaire ou statutaire; 20 % vont au capital social
et à celui des déposants coopérateurs, pour être répartis en entier entre
les ayants-droit, au marc le franc pour le capital social, et au demi-
marc le franc pour le capital des déposants coopérateurs.
Les sommes attribuées au travail et à l'intelligence se partagent de
la manière suivante : 6 % sont donnés à M. Edgard Laroche-Joubert,
dont 1 % comme président du conseil; 5 ^ à M. Ludovic Laroche, gé-
rant de la Papeterie coopérative d'Angouléme. Les trois autres mem-
bres du conseil de gérance se partagent G % par égale portion entre eux.
La plus grosse part enfin est attribuée aux coopérateurs des diffé-
rentes exploitations et entreprises de la maison. Sur ces 58 % sera
également prélevé le crédit « des clients coopérateurs » , tant que le
conseil de gérance croira devoir continuer ù faire jouir la clientèle de
cette faveur. Sinon, la part laissée libre de ce chef reviendra aux
coopérateurs de production. Ceux-ci se partagent en trois catégories :
1° les coopérateurs des services commerciaux, vente et expédition;
2" les coopérateurs des exploitations qui fabriquent le papier; 3° les
.'{Oi n" TS. — orvn.-EMPLOYh; de la PArF.TF.niE coopérative d'angoilkme.
coopéraleurs des entreprises qui fa<;oniient et de celle des emballages.
La somme qui leur est affectée comprend deux parties : l'une affé-
rente au salaire en général, l'autre subdivisée entre les trois catégo-
ries qui viennent d'être définies.
Ainsi, après le prélèvement nécessaire pour donner à la clientèle un
dividende égal à celui procuré au capital par les 20 % des bénéfices
généraux qui lui sont distribués conjointement avec le capital des
déposants, 25 % sont remis au salaire, 35 % aux services commer-
ciaux, vente et expédition, 40 % aux exploitations et aux entreprises
pour être répartis entre elles dans la proportion qu'indicjueronl les
résultats particuliers de leurs inventaires respectifs les uns par rap-
port aux autres.
Coopération des salaires.
C'est le salaire qui naturellement sert de base à la répartition de
la part attribuée à l'élément travail dans les bénéfices de la Société.
Est admis à ce titre comme participant tout ouvrier ou employé
ayant au moins quinze ans et étant au service de la maison depuis un an.
Le salaire de chacun est inscrit, paye par paye, sur son livret , et to-
talisé ù la tin de l'année commerciale, c'est-à-dire le 30 septembre.
Dans cette répartition des bénéfices, la direction de la fabrique, sui-
vant une coutume généralement adoptée dans les établissements in-
dustriels qui manifestent quelque souci du bien-être matériel et moral
de leur personnel, favorise l'ancienneté des services. Nous avons déjà
rencontré cette pratique à Guise (1); c'est le moyen d'assurer la per-
manence des engagements.
Le salaire des travailleurs ayant moins de cinq ans de service et au
moins quinze ans d'âge sera compté pour une fois dans la répartition.
Le salaire des travailleurs ayant cinq ans de service ininterrompu,
et au moins vingt-cinq ans d'âge au moment où commence un exer-
cice, sera compté pour une fois et un quart dans la répartition des
dividendes de salaiie de cet exercice, soit 1:25 francs pour 100 francs.
Le salaire des travailleurs ayant dix ans de service et au moins
trente ans d'âge, sera compté pour une fois et demie, suit 150 francs
pour 100 francs.
Le salaire des travailleurs ayant quinze ans de service, et au moins
(IJ V. ci-dessus la iiniiio^M'apliic de VAjiisIcur-surveilldut ilc l'Usine de Guise, 'j'i-i-
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. .']05
lrenle-cin([ ans d'âge, sera compté pour une fois et trois quarts,
>uit ITo francs pour 100 francs.
Le salaire des travailleurs ayant vingt ans et plus de service, et au
moins quarante ans d'âge, sera compté double, soit 200 francs pour
100 francs. Lorsqu'un travailleur a atteint l'âge de cinquante ans, la
proportion de sa part dans les bénéfices réservés au salaire cesse de
s'élever. Par conséquent, le maximum des avantages fixés par cet
article ne peut être atteint que par les travailleurs entrés au service
de la maison avant l'âge de trente ans.
Il faut ensuite remarquer que les ouvriers et employés, outre ce pre-
mier dividende de salaire, prennent part, proportionnellement à leur
rémunération, à la répartition des bénéfices particuliers du service
auquel ils sont attachés.
Coopération des services commerciaux, ventes et expéditions.
Nous allons examiner par quel mode se répartissent les bénéfices
entre les divers services. Prenons d'abord les services commerciaux,
ventes et expéditions. Cette catégorie comprend tous les employés des
bureaux d'Angoulême, comptabilité, correspondance et expéditions;
oeux du service des magasins généraux d'Angoulême, dont l'entreprise
spéciale est supprimée; les voyageurs et agents de vente assimilés,
et enfin le personnel du dépôt de Paris.
Sur le total des bénéfices qui lui sont attribués, 10 % vont d'abord
au salaire pour être répartis au marc le franc entre le salaire de tous
ceux qui en font partie, conformément ù des règles que nous indi-
querons plus bas. Les employés des expéditions et des magasins d'An-
goulême et de Paris, les chefs de division exceptés, reçoivent 12 % ;
cette somme est répartie entre eux au marc le franc, entier ou partiel,
de leur salaire réel. Ensuite viennent les employés des bureaux d'An-
goulême et de Paris, en exceptant toujours les chefs de division; plus
favorisés que les précédents, ils reçoivent une somme de 15 %, elle est
répartie entre eux comme nous venons de l'indiquer; puis les direc-
tions du dépôt de Paris, celles des magasins d'Angoulême, les chefs
de division des bureaux de la même ville participent dans la propor-
tion de 23 %. La répartition en est faite par le gérant en chef en conseil
de gérance. Enfin le reste, c'est-à-dire 40 %, est attribué aux voya-
geurs placiers de Paris et agents de vente y assimilés; la répartition
en est décidée de même que pour la catégorie précédente.
22
30C N° 78. — OLVR. -EMPLOYÉ DE LA l'Al'ETERlE CÙOI'ÉHATIVE d'ANGOULÊME.
Coopéralion des exploilations qui fabriquent le papier.
Après les services commerciaux, se présentent, lors de la répar-
tition des bénéfices, les exploitations qui fabriquent le papier. Ces
exploitations sont celle de l'Escalier qui, avec l'usine de ce nom, com-
prend les annexes de Girac et du Petit-Rochefort, celle du Nersac à la-
quelle est rattachée l'annexe de l'Isle d'Espagnac, enfin celle de Bas-
seau, qui n'était pas encore en pleine activité au moment où nous
recueillions les éléments relatifs à cette monographie.
Comme le détermine le règlement de coopération, chacune de ces
entreprises est débitée de tout ce que la maison dépense pour elle :
fermes, impôts, assurances, salaires, matière première et pro-
duits divers, matériel, constructions, etc., et enfin de l'intérêt, à 5 ^
l'an, du capital moyen employé par elle dans l'exercice.
Elle supporte les dépenses d'entretien et l'amortissement normal de
son matériel et de ses immeubles, l'amortissement statutaire restant à
la charge de la maison.
Elle est créditée de tout ce qu'elle livre à raison des prix du cours
d'Angoulôme, déduction faite des escomptes suivants:
10 X sur le papier de 130 fr. les 100 kil. et au-dessus.
7 % sur ceux de 110 à 129 fr.
0 % sur ceux de 00 à 109 fr.
5 X sur ceux de moins de !K) fr.
Le 30 septembre de chaque année, les exploitations font un inven-
taire exact de leur situation ; c'est d'après cet inventaire que se détermine
la part de bénéfices qui revient à chacune d'elles. Lors de la réparti-
tion, les bénéfices sont ainsi distribués : les salaires en prennent la plus
grosse part : 40 % qu'ils touchent au marc le franc; la direction,
c'est-à-dire la fabrication, la comptabilité, la mécanique, se voit at-
tribuer une quotité un peu moins élevée : 35 % ; c'est le gérant en chef,
en conseil de gérance, qui la distribue entre les ayants-droit, sur les
propositions du gérant chargé de la fabrication ; enfin, le surplus, 25 % ,
est remis aux chefs ouvriers, proportionnellement à leur salaire.
Coopération des entreprises qui façonnent le papier et des emballages.
C'est le tour maintenant des entreprises qui façonnent le papier
de prendre part à la répartition. Elles sont au nombre de quatre :
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 307
1° l'entreprise des enveloppes, deuils et cartonnages;
:;" rcntreprise des registres et cigarettes;
3" l'entreprise des glaçages , façonnages etréglures;
4'* l'entreprise des emballages.
D'après les statuts de coopération : « Chaque entreprise est débitée
de tout ce que la maison dépense pour elle, fermes, impôts, assurances,
salaire, matières premières et produits divers, papiers, cartons, maté-
riel, constructions, etc., et enfin de l'intérêt, h o% l'an, du capital
moyen employé par elle dans l'exercice.
« Elle supporte les dépenses d'entretien et l'amortissement normal de
son matériel et de ses immeubles, l'amortissement statutaire restant à
la charge de la maison. L'escompte dont elle bénéficie sur les papiers
et cartons reste fixé au maximum de 5 %, sans qu'elle puisse réclamer
le bénéfice des escomptes gradués que les exploitations qui fabriquent
font à la maison.
« Elle supporte toutes les pertes résultant des rabais, pour compte
ou retour, que la maison subit sur les articles qu'elle lui fournit.
« Elle est créditée de tout ce qu'elle livre à raison des prix et tarifs
établis par le gérant en chef en conseil des directeurs; autant que pos-
sible, les prix sont ceux de vente avec une remise déterminée. »
De même que les exploitations qui fabriquent le papier, les entre-
prises qui le façonnent dressent chaque année, au 30 septembre, un
inventaire exact de leur situation. C'est d'après cet inventaire que leur
part de bénéfice est fixée.
La répartition ne s'en fait pas d'une manière uniforme. Ainsi, pour
l'entreprise des enveloppes, deuil et cartonnage, et aussi pour celle des
registres et cigarettes, qui achète à la maison les papiers qu'elle fa-
çonne, les mêmes règles s'appliquent que pour les exploitations. Les
salaires viennent donc en tête avec 40 %; ils touchent leur quote-part
au marc le franc. La direction vient ensuite, réclamant 33^, que ré-
partit entre les ayants-droit le gérant en chef, en conseil de gérance.
Les derniers sont encore les chefs ouvriers, avec 25 % qui se divisent
entre eux au marc le franc, entier ou partiel, de leur salaire réel.
Pour l'entreprise des glaçages, façonnages et réglures, qui est une
entreprise exclusivement de façonnage, les participants viennent dans
le même ordre que celui signalé tout à l'heure, mais la quotité des
parts n'est plus la même. Les salaires sont encore plus favorisés; ils
se présentent toujours les premiers et reçoivent 50 %, répartis au marc
le franc. La direction, qui comprend l'administration de la fabrication
308 N° 78. — OUVR.-EMl'LOYÉ DK LA PAPETERIE COOPÉRATIVE d'aNGOULÉME.
mécanique, a, là aussi, la seconde place, nnais elle ne touche que 30 %
et c'est le gérant en chef, en conseil de gérance, qui en fait la répar-
tition entre les ayants-droit. En troisième et dernière ligne viennent les
chefs ouvriers; leur part n'est plus que de 20 %.
Le règlement des bénéfices qui reviennent à l'entreprise des embal-
lages diffère des deux précédentes catégories; il n'y a plus là que
deux parties en présence, entre lesquelles ces bénéfices se partagent
d'une manière égale : les salaires , et le chef emballeur avec les
principaux ouvriers; les deux parties reçoivent une somme égale de
50 %. Pour les premiers, la répartition a lieu au marc le franc; pour
les seconds, elle est faite par le gérant en chef, en conseil de gérance.
Coopéralion des dépôts.
Los fondateurs de la fabrique d'Angoulème ont voulu étendre, au-
tant qu'ils le pouvaient, la coopération de leur personnel; nous ve-
nons de voir quelle part de bénéfices ils attribuent au salaire; ils ont
voulu en même temps stimuler l'épargne en créant la coopéralion des
dépots. Chaque employé ou ouvrier peut déposer ses économies dans
la caisse de la fabrique jusqu'à concurrence de cinq mille francs,
et cela, bien entendu, sans préjudice de la somme pour laquelle
le déposant peut avoir à participer à la formation du capital social.
Une restriction est faite à cette faveur; elle n'est accordée ou mainte-
nue qu'autant que le total de la somme en participation du capital et
de celle en dépôt ne dépassera pas 30.000 francs
D'après l'article des statuts, les économies réalisées sur les traitements
et salaires payés par la Société, ainsi que sur les parts de bénéfices, ont
seuls droit à cette faveur; la fabrique n'a pas voulu se transformer en
société de crédit; elle n'a été mue que par le désir de donner une
prime à ceux qui pratiquent la diincile vertu de l'épargne; elle a in-
terdit même formellement d'emprunter des fonds à des tiers pour profi-
ter de celte faculté. Tout coopérateur qui serait convaincu d'avoir con-
trevenu à celte défense serait immédiatement remboursé; une peine
plus grave même pourrait l'atteindre : l'exclusion de la maison pro-
noncée contre lui par le gt';rant en chef en conseil de gérance; le pré-
teur qui aurait été complice de la supercherie se verrait frappé des
mêmes peines.
Les dépôts peuvent s'effectuer par versement de n'importe quelle
somme. 20 % des bénéfices généraux de la Société sont attribués
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIÀLE. 309
au capital social et à celui des déposants. Le capital des déposants
prend part à cette répartition au demi-marc le franc, tandis que le
capital social y prend part au marc entier le franc , ce qui signifie
que, lorsque le capital social recevra 1 franc pour 100 francs, le
capital des déposants recevra un demi-franc, ou 0^50, pour
100 francs.
Ce dividende viendra s'ajouter à l'intérêt de o ^ garanti dans tous
les cas aux déposants admis à cette participation par dépôts, qu'il y ail
des bénéfices ou qu'il n'y en ait pas. Mais il est bien nettement stipulé
que cette participation aux bénéfices généraux de la Société ne peut en
aucun cas exposer les déposants à être assujettis aux pertes, s'il en sur-
venait; l'intégralité de leur capital et de son intérêt de o ^ leur est
au contraire assurée, quoi qu'il advienne; mais ils n'auront aucun droit
à prendre part à la répartition ordinaire réservée aux statutaires, lors
de la liquidation, ceux qui concourent à la formation du capital so-
cial devant seuls se la partager. Les petits dépôts sont favorisés au point
de vue des intérêts ; ainsi ceux dont le total n'a pas dépassé oOO francs re-
çoivent invariablement 5 ^;ceux, au contraire, dont le total a dépassé
cette somme voient l'intérêt varier de 3 à 5 ;^, selon le terme de
remboursement choisi.
Si le déposant se réserve la faculté de retirer son dépôt dans les
vingt-quatre heures de sa demande, l'intérêt en est de 3 ^ l'an; si le
remboursement ne peut être exigé que dans les six mois de l'avis, l'in-
térêt est élevé hA % l'an. Si le remboursement ne peut être exigé qu'un
an après la demande, l'intérêt est élevé à 5 ^ l'an.
Une disposition des statuts porte que le taux d'intérêt des comptes
de dépôt dont le total a dépassé 500 francs varie de 3 à 5 % l'an, à la
volonté du déposant, selon le terme de re:nboursement qu'il a choisi.
Ne peuvent être admis à la faveur du dividende de cette coopération
que les dépôts faits dans cette dernière condition de remboursement, à
un an de la demande.
A moins qu'il n'ait exprimé la volonté contraire, le déposant sera
toujoursprésumé avoir fait son dépôt dans les conditions les plus avanta-
geuses pour lui, c'est-à-dire k 6 % d'intérêt, avec possibilité d'admis-
sion à la participation, le remboursement ne pouvant être exigé qu'au
bout d'un an. Il faut encore constater que la faveur de ces associations
aux bénéfices de la maison exige deux années consécutives au moins
passées au service de la Société, et, en outre, une conduite irrépro-
chable, une application au travail constante.
310 iN° 78. — OLVR.. EMPLOYÉ DE LA PAPETERIE COOPÉRATIVE d'aNGOULÉME.
Tout travailleur qui sort de la maison peiulanl le cours d'un exercice,
à quelque moment que ce soit, même si c'est une cessation de travail
forcée pour cause de décès, perd son droit à participer aux bénéfices de
l'année commencée. Un sentiment de bienveillance à l'égard des ou-
vriers a fait décider que si la famille le demande, en cas de décès, le
gérant en chef peut lui continuer la faveur dont jouissait le décédé.
La participation au capital social représente comme le dernier éche-
lon à gravir pour le personnel; celui qui y est admis sera assimilé aux
commanditaires et jouira des mêmes avantages que ceux-ci, c'est-
à-dire qu'il sera l'associé de la maison et le co-proprictaire de l'avoir
de la Société. Mais le capital d'un déposant doit avoir atteint la somme
de 1 .000 francs pour que celui-ci soit admis à devenirparticipant au ca-
pital; il ne l'est pas du reste de droit; les admissions à cette faveur ne
peuvent être consenties par les gérants qu'en conseil de gérance.
Coopération de la clientèle française.
Désireux d'étendre le principe sur lequel repose l'organisation de la
fabrique, la direction avait institué une participation aux bénéfices
pour les clients français; des raisons diverses l'ont déterminée à la
restreindre; la suppression en est même décidée en principe, et, désor-
mais, il ne sera plus reçu aucune adhésion nouvelle; seuls continue-
ront à jouir de cette faculté les clients français qui ont adhéré au
règlement de coopération avant le l*^"" octobre 1 880.
Le dividende attribué aux clients coopérateurs est égal à celui que
l'inventaire attribue au capital social. Chaque client admis prend part
à cette répartition, au marc le franc du chiffre total d'affaires qu'il a
faites avec la maison dans le cours de l'exercice, pourvu toutefois que
ce chiffre ne soit pas inférieur à 500 francs.
Après chaque inventaire, le compte de chaque client admis est cré-
dité de la somme lui revenant pour sa coopération; il doit s'en couvrir
en marchandises, aux prix et conditions du tarif général en vigueur
dans la maison, sans escompte.
Si les résultais d'un iuventaire soûl Irop réduits pour donner aux
clients coopérateurs admissibles un dividende d'au moins 0' TiO pour
100 francs, la somme attribuée à cette catégorie de coopérateurs
ne sera pas distribuée; elle sera portée au crédit du compte de « Clients
coopérateurs », pour être ajoutée à celle produite par l'inventaire
suivant et répartie avec elle entre les clients admis pour cet exercice
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCL\LE. 3H
suivanl,etproporlionnellenienlauchin'rc de leurs affaires pendant ledit
exercice, sans tenir compte des affaires faites durant l'exercice en fin
duquel la répartition n'aura pas été effectuée. Tout client qui a né-
gligé pendant deux ans de toucher la part de coopération lui revenant
est réputé y avoir renoncé et n'a plus le droit de la toucher; c'est le
compte des clients coopérateurs qui bénéficiera de sa négligence.
Une autre règle assez sévère prive de la répartition des bénéfices les
clients qui ont fait un rabais malgré le consentement de la direction,
ou qui ont laissé retourner une traite, même sans frais, sans que la
maison les y ait autorisés. Si l'exclusion pour cette cause se prononce
pendant deux années consécutives, ils sont définitivement rayés de la
liste des bénéficiaires. Les clients admis à la participation des bénéfices
ont le droit de s'intituler associés de la Papeterie coopérative d'Angou-
lême.
Une disposition générale, s'appliquant à toutes les sommes allouées
à litre de coopération, les déclare définitivement acquises à chacun des
coopérateurs et des participants, six mois après l'inventaire, s'ils sont
encore au service actif de la Société à cette date, et s'ils n'ont en rien
démérité, pour des fautes commises dans le travail ou pour défaut
d'application.
§ 18.
DE LA PART DES COOPÉRATEURS A l'aDMINISTRATION DE LA FABRIQUE.
Une question se pose dans tous les établissements industriels qui
pratiquent le système de la participation aux bénéfices dans une mesure
aussi large qu'à Angoulême : puisque les ouvriers, ou une partie du per-
sonnel, par suite des dépôts qu'ils ont faits, des sommes qui leur ont été
attribuées à titre de commandite, sontdevenus quasi-propriétaires de la
maison , la justice commande de leur attribuer un droit quelconque de
surveiUance sur des affaires dans lesquelles leur épargne est intéressée
à un si haut degré. Une maison pratiquant simplement la participation
aux bénéfices, mais réglant la répartition à son gré, laissant aux ouvriers
le libre emploi des sommes qui leur sont allouées, ne se chargeant en
aucune manière de les garder dans ses caisses et n'y voyant pas un
acheminement des bénéficiaires vers une co-propriété, n'est tenue en
aucune manière d'appeler ce personnel ù son administration. Mais, à
Guise comme à Angoulême, et ce sont là, croyons-nous, les deux éta-
312 N" 78. — OUVR.- EMPLOYÉ DE LA PAPETERIE COOPÉRATIVE d'aNGOULÉME.
blissemenls qui, seuls, pratiquent le système que nous venons d'exposer,
les fondateurs de cette organisation ont compris la nécessité de ne pas
conserver d'une manière exclusive la gestion des affaires sociales ; tou-
tefois, ils ont restreint l'action des conseils dont ils se sont entourés.
A Guise, nous l'avons montré dans notre monographie (1), malgré les
divers conseils, l'autorité du directeur est restée puissante, ses droits
sont à la fois ceux du président d'un conseil d'administration et d'un
directeur d'une société anonyme. A Angoulême, un conseil coopératif,
ayant mission de représenter le personnel commanditaire, a été créé,
mais de sévères précautions ont été prises pour qu'il ne puisse porter
atteinte à l'autorité directoriale. Aux termes de l'article 4i du règlement
de coopération, ce conseil est déclaré purement facultatif; ses déci-
sions, en aucun cas, ne seront obligatoires pour les gérants. Le même
règlement a encore bien soin de stipuler, dans son article 43, que nul
ne peut réclamer contre les décisions du gérant en chef et du conseil
de gérance en matière de coopération; qu'il s'agisse d'admission, d'ex-
clusion ou de répartition, leurs décisions prises en ces matières sont
définitives et inattaquables.
Le conseil coopératif est ainsi composé : 1° les gérants; 2" les mem-
bres du conseil de gérance; 3° les membres du conseil des directeurs
institué parles statuts de la Société; 4" neuf membres élus par les coo-
pérateurs majeurs de tout rang et de tout grade, hommes et femmes,
à raison de un par les coopérateurs de chaque exploitation et entre-
prise, de un pour les employés des expéditions et magasins d'Angou-
lème, et de un pour les employés des bureaux d'Angoulème.
A cause de son éloignement, le personnel du dépôt de Paris ne sera
pas représenté dans ce conseil autrement que par son directeur, quand
il croira devoir, ou pourra venir, assister aux séances.
Tous les coopérateurs ne sont pas appelés à prendre part à l'élection
de ce conseil; il faut qu'ils sachent f>ien lire et écrire, qu'ils aient au
moins dix années de service et trente ans d'âge; hommes et femmes
ont un droit électoral égal.
L'élection a lieu au suffrage universel direct, au scrutin secret, le
deuxième dimanche de janvier de chaque année; l'assemblée électorale
est présidée par le directeur pour les entreprises et exploitations, par
le plus âgé des chefs de division pour les employés des expéditions et
pour ceux des bureaux.
il> AjusIvui-aurviUanl de l usine de Guinc, 'j il.
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCLALE. 313
Les deux coopérateurs présents et acceptants sont assesseurs ; le scru-
tin est ouvert de midi à 2 heures. Le dépouillement a lieu immédiate-
ment. L'élection a lieu à la majorité relative; les conseillers élus sont
rééligibles pendant trois années consécutives; ils peuvent l'être ensuite
de nouveau après une interruption de deux années.
En cas de contestation, le conseil de gérance statue sans appel.
En cas de décès ou de démission d'un conseiller, il est pourvu à son
remplacement le deuxième dimanche qui suit la vacance.
Le conseil n'a pas le droit de se réunir par sa seule volonté , le gé-
rant en chef est seul juge de l'époque à laquelle il doit être convoqué,
et, si ce dernier le croit utile, il peut laisser passer plusieurs mois sans
le réunir.
Voici quelles sont ses attributions : il donne son avis sur toutes les
questions qui lui sont soumises, tant au sujet de l'application du règle-
ment de coopération que sur les modifications qui pourraient y être
proposées, soit par les membres, soit par les gérants
II peut être consulté également sur toutes les questions touchant les
règlements intérieurs des ateliers, usines et comptoirs de la maison.
11 reçoit des gérants communication de l'inventaire de la Société,
afin d'en contrôler l'exactitude en ce qui concerne les parties intéres-
sant les coopérateurs, et d'en affirmer au besoin aux coopérateurs la
sincérité et l'exactitude.
Les présidents de droit du conseil coopératif sont les membres du
conseil de gérance, qui sont appelés à la présidence dans l'ordre sui-
vant : le gérant en chef, le gérant de la fabrication, le directeur adjoint
de la fabrication, le directeur général des services commerciaux, le
directeur général des services de façonnages.
Deux règles générales complètent les dispositions relatives au con-
seil coopératif : les membres qui en font partie n'encourent aucune res-
ponsabilité vis-à-vis des tiers, au sujet de la confection des inventaires.
En outre, le titre ne crée, en faveur de ceux qui le portent, aucune ex-
ception, pas plus au titre de coopérateur qu'à celui d'ouvrier ou em-
ployé de la Société; ils ne reçoivent non plus aucun jeton de présence.
Les dispositions que nous venons de rapporter le montrent : le con-
seil coopératif de la papeterie d'Angoulême n'exerce aucune autorité
effective; il ne saurait non plus être assimilé en aucune manière aux
conseils électifs, tels que l'Allemagne et la Belgique en possèdent, car
nous ne croyons pas que jusqu'ici il s'en rencontre en France. Ces
conseils sont en quelque sorte les représentants des ouvriers : c'est à
31 i N" 78. — OLVR.-EMI'LOYÉ DE LA PAPETERIE COni'ÉRATlVE d'a.XGOULÈME.
eux que sont portées les réclamations que ces derniers ont à faire va-
loir; c'est avec eux que le patron statue, et sur ces réclamations, et sur
toutes les difficultés qui s'élèvent. Nous devons l'ajouter, tel qu'il est
constitué, le conseil coopératif donne satisfaction aux ouvriers, etilsne
réclament pas une extension de ses attributions; ils semblent trouver
qu'il les place dans une situation plus favorable que celle des ouvriers
appartenant à des établissements industriels où le patron ne rencontre
devant lui aucune institution de ce genre.
L'autorité de la direction reste, en définitive, entière àAngoulême;
toutefois, l'autorité des contre-maîtres et des chefs de service est li-
mitée, mais seulement lorsqu'il s'agit d'un ouvrier coopéraleur ayant
plus de cinq ans de service ininterrompu et au moins vingt-cinq ans
d'âge. Quel que soit leur grade, ils ne peuvent prononcer contre lui
une exclusion de plus de vingt-quatre heures; sur leur proposition,
leur directeur peut porter l'exclusion jusqu'à huit jours, mais pas plus;
si la faute semble mériter l'exclusion de celui qui s'en est rendu cou-
pable, le cas sera alors soumis au conseil de gérance qui statuera.
Dans le fait, même pour les ouvriers qui ne sont pas appelés à pro-
fiter des dispositions de cet article, aucun employé n'est exclu de la
fabrique sans que le directeur, M. Laroche-Joubert, ne tienne à se pro-
noncer lui-même sur cette mesure si grave. C'est là une des allribu-
lions du patron qu'il a noblement tenu à exercer lui-même; l'expulsion
d'un ouvrier, sauf quand il s'agit d'un fait dont la punition ne saurait
être différée, ne devrait jamais être remise aux autorités subalternes;
aussi, Angoulême donne-t-ii un exemple que nous ne saurions trop
recommander aux chefs d'usine.
l 19.
DES SALAIRES.
L'attention de la direction de la papeterie coopérative d'Angoulcme
s'est portée tout naturellement vers la question des salaires. Deux con-
sidérations l'ont guidée dans la manière dont ils ont été établis : d'a-
bord le moyen de provoquer l'ouvrier à un travail aussi productif et
aussi parfait que possible; en outre, le désir de lui garantir des moyen-s
d'existence égaux aux dépenses qu'une famille est obligée de faire.
Ainsi, les salaires sont fixés de manière à égaler au moins les salaires
courants établis dans les autres usines de la région. Le paiement aux
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 3lo
pièces ou à la tâche est le plus usité dans la fabrique, bien que celte
règle comporte quelques exceptions. Dans les usines où le papier se
fabrique et dans leurs annexes, le salaire des ouvriers se divise en
deux parties : l'une demeure fixe et invariable, quelle que soit la pro-
duction de l'usine; l'autre, au contraire, est basée sur la valeur des
papiers produits dans le mois par l'exploitation. Cette partie variable
du salaire est établie de la manière suivante : le comptable de chaque
exploitation dresse chaque mois une facture, dite de gratification, de
tous les papiers en premier choix qui sont sortis de l'usine dans le
mois ; les statuts stipulent que, afin que les ouvriers aient intérêt à faire
le moins possible de bons et mauvais cassés, ceux-ci, ne méritant
point de gratification, ne sont pas portés sur cette facture.
Les prix cotés sont ceux que la maison mère paie à ses diverses ex-
ploitations; l'escompte uniforme de o ^ en est déduit, et le net sert de
base aux gratifications. Si des rabais ont dû être faits pour l'infériorité
dans la qualité des produits, le montant de la facture de gratifications
est réduit d'une somme correspondante ; et, si le papier est même d'une
trop grande infériorité, le conseil de gérance a le droit de déduire la
valeur entière du papier déclassé; mais ce cas, il faut le dire, ne se
présente jamais, tant la direction a bien su former son personnel.
La base de cette gratification, qui forme une partie du salaire, varie
pour chaque usine avec la qualité de ses papiers. Ainsi, l'exploitation
de l'Escalier fabrique spécialement des qualités supérieures; aussi tout
l'effort du personnel doit-il se porter sur la perfection, beaucoup plus
qu'il ne doit viser à produire beaucoup; alors la gratification est, pour
chaque ouvrier, de 20 centimes pari. 000 francs de la facture de gra-
tification, jusqu'à 45.000 francs; et, au-dessus de 45.000 francs, la gra-
tification est de 1 franc par 1.000 francs. L'exploitation de Nersac a,
au contraire, la spécialité du papier ordinaire; elle doit donc produire
beaucoup, sans, bien entendu, acheter cette quantité au profit de la
qualité; toutefois, le personnel est tenu à un travail moins achevé que
celui de l'exploitation dont nous venons de parler. A Nersac, la gratifi-
cation est, pour chaque ouvrier, de 20 centimes par 1.000 francs de la
facture de gratification, jusqu'à 45.000 francs; au-dessus de 45.000
francs, la gratification est de l franc par l. 000 francs; elle est augmen-
tée de 0' 50 par i.OOO kilogrammes au-dessus de SO.fJOO kilogrammes.
C'est le conseil de gérance qui arrête le chiffre du personnel néces-
saire à ses yeux pour le service de chaque usine, et détermine la quan-
tité de gratifications dont nous avons parlé plus haut; ces gratifications
316 N" 78. — OrVK. -EMPLOYÉ DE LA PAPETERIE COOPÉRATIVE d'a.\\;OLLÈME.
sont fixes et ne peuvent être dépassées. Ainsi, si le personnel a déployé
assez d'activité pour qu'il n'y ait eu besoin d'aucun ouvrier supplé-
mentaire, chaque ouvrier recevra la gratification entière prévue pour
lui.
Une autre disposition indique le soin avec lequel la direction s'est
préoccupée de stimuler le zèle des ouvriers : lorsque des ouvriers ont
été absents, si le personnel a pu suppléer aux vacances, sans qu'il y
ail eu lieu de prendre des ouvriers supplémentaires, le total de toutes
les gratifications prévues sera réparti entre les ouvriers présents, ce
qui augmentera la part de chacun d'eux d'autant plus que leur nombre
sera plus réduit; dans le cas, au contraire, où le service n'aurait pu
être assuré qu'au moyen d'ouvriers, ou de charretiersel rouliers, supplé-
mentaires, ces frais seraient déduits du chifîre des gratifications, et par
conséquent la somme qui aurait dû revenir à chacun subirait une di-
minution sensible.
La direction de la fabrique déclare n'avoir qu'à s'applaudir de ces
dispositions, et de leur cùté, les ouvriers, auxquels elle promet un gain
plus élevé, sont tenus en haleine pur cette perspective; ils n'élèvent au-
cune objection contre ce mode de rémunération, d'autant plus que, en
s'imposanl une application plus suivie, ils croient, suivant l'expression
de notre ouvrier, travailler pour eux-mêmes.
l 20.
DE LA BOULANGERIE COOPÉRATIVE d'aNGOULÉME.
L'institution dite Boulangerie coopérative d'Angoulème a été fondée
le 24 novembre 1867. Ses fondateurs se proposaient de fournir à tous
les membres coopérants du pain de la meilleure qualité et au meilleur
marché possible. Les opérations devaient être et ont été restreintes
aux deux cantons d'Angoulème.
Aux termes des statuts, la Société se compose de deux sortes de
membres : des anciens membres fondateurs honoraires et des membres
coopérants dont le nombre est illimité. Les premiers sont les personnes
qui, mues par une pensée généreuse, ont fourni un capital nécessaire
à la fondation de la Société, capital non productif d'intérêt et qui leur
a été remboursé. Les seconds sont les clients de la Société; toute per-
sonne peut faire partie de la société coopérative, à la condition d'être
agréée parle bureau d'administration; en outre, elle doit verser entre
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. .'U7
les mains du trésorier, au moment de son entrée dans la Société, une
somme de 5 francs.
D'après les mêmes statuts, les sociétaires ne sont pas responsables des
dettes et engagements qui pourraient exister, au delà de la perte
de la mise de fonds ci-dessus de chacun; par contre, pendant toute
la durée de la Société, le crédit personnel de chacun est exclusivement
limité au montant pur et simple de sa mise non productive d'inté-
rêt, de même que son droit de réclamation ou de restitution ne peut
s'exercer que dans cette limite.
Il résulte de cette disposition qu'aucune répartition de bénéfice ou
dividende ne doit avoir lieu pendant le cours de la Société ; les bénéfices
ne peuvent recevoir que les trois affectations suivantes : ou des amé-
liorations matérielles de l'institution, ou l'acquisition d'un local d'instal-
lation, ou la constitution d'un fonds de réserve destiné à parer aux sa-
crifices que viendraient à exiger les moments de cherté.
Un bureau composé de trente membres administre la Société; l'as-
semblée générale le nomme, elle le choisit parmi les membres coo-
pérants ; ce bureau est élu pour trois ans, renouvelable par tiers chaque
année; les membres peuvent être indéfiniment rééligibles; ce sont ces
derniers qui choisissent leur président, deux vice-présidents, deux se-
crétaires et un trésorier; ils sont armés des pouvoirs les plus étendus,
en ce qui concerne l'administration de la Société.
Le cas de dissolution a été prévu par les statuts : elle ne peut être
provoquée par un ou plusieurs membres, que si la Société faisait des
pertes telles que les mises de fonds des sociétaires se trouveraient com-
promises pour une moitié, ou si des abus graves étaient signalés, ou
enfin si, pour une cause quelconque, la Société se trouvait dans l'im-
possibilité de fonctionner régulièrement.
L'assemblée générale est immédiatement convoquée pour constater
les pertes, apprécier la situation, et prononcer, s'il y a lieu, la disso-
lution.
Dans ce cas, la liquidation de la Société se ferait exclusivement au
profit et au nom des sociétaires coopérants existant à. ce moment-là,
et inscrits depuis cinq ans au moins, en prenant pour base de propor-
tionnalité le nombre des années révolues depuis lesquelles chacun
d'eux ferait partie de la Société.
Suivant la règle adoptée par la plupart des sociétés coopératives,, le
pain est vendu au comptant. Le prix en est fixé par le bureau d'ad-
ministration ou le président. 11 est calculé de telle sorte que la Société
.'M8 N" 78. — OUVF{.-EMPL0YK DE LA PAPETERIE COOPÉRATIVE d'aNGOULKME.
se conslilue un fonds de réserve assez fort pour faire face aux éventua-
lités défavorables qui peuvent se présenter, et en même temps pour
qu'il revienne aux sociétaires à un prix très modique; le fonds de ré-
serve représente aujourd'hui une somme de 80.000 francs.
La Société compte acluellemenl 1.500 coopérants; ce chiffre paraîtra
bien modeste, eu égard au chiffre de la population qui dépasse 34.000,
et l'on peut se demander quelle cause a ainsi restreint le chiffre de la
clientèle de cette institution si utile surtout aux petites bourses, d'au-
tant plus que, parmi ces 1.500 sociétaires, il s'en rencontre à peu près
dans toutes les classes de la société.
L'expérience montre que les habitudes les plus persévérantes, les
plus difficiles à modifier, sont peut-être celles qui ont trait au mode
d'approvisionnement, et cela surtout dans les classes populaires. Tan-
dis qu'ailleurs celles-ci saluerontavec enthousiasme les hommes qui leur
proposent des nouveautés sociales, elles resteront au contraire, sur le
terrain de la vie domestique, obstinément attachées à des usages dont
la modification réaliserait cependant pour elles une incontestable amé-
lioration de bien-être. Le contraire se remarque dans les classes plus
aisées; plus soucieusespeut-être des traditions morales, elles accueillent
avec plus de facilité toutes les innovations matérielles desquelles elles
croiront retirer quelque avantage. Nous le voyons par la famille même
que décrit cette monographie; elle a le sentiment de l'ordre, elle évite
les dépenses inutiles, et cependant elle ne s'est pas approvisionnée à
cetteSociété qui lui auraitfourni dupainàmeilleur compte; « c'est parce
qu'elle ne se trouve pas à proximité de son domicile, » nous a dit la
mère de famille. Cependant la Société envoie du pain chez ses clients
qui demeurent trop loin de son dépôt principal, et elle a établi dans la
ville différents lieux où les clients peuvent venir chercher leur fourni-
ture quotidienne.
Le paiement au comptant effraie beaucoup de ménages, il faut le
dire, même parmi ceux qui se trouvent dans une situation assez favo-
rable. Les autres aussi reculent devant le paiement de la cotisation de
5 francs, exigé au moment de leur admission; ils ont peine à croire
que cette Société obéisse à une inspiration philanthropique; l'abaisse-
ment du prix ne leur dit rien qui vaille, et beaucoup d'entre eux se
persuadent qu'il est acheté au détriment de la qualité, ce (jui n'est pas,
hâtons-nous de le dire, car la société d'Angoulôme ne débite (jue du
pain fait avec le plus grand soin.
C'est ainsi que, sur un chiffre de population si considérable, elle ne
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCL\LE. 'A19
conipteque l.oOOsociélaires et ne délivre que i.oOOkilogr. de pain par
jour, cliifl're qui pourrait être bien supérieur, mais qui accuse cependant
la marche ascendante de ses opérations, puisque, dans ses premières
années, le pain fabriqué ne dépassait pas 700.000 kilogr. par an.
Cependant cette Société a exercé une influence indirecte dont a bé-
néficié la ville tout entière; grâce ù elle, les boulangers, craignant de
perdre leur clientèle, ont abaissé le prix du pain, et Angoulême est une
des villes où il est vendu le meilleur marché (1).
Nous avons conservé à la Société d'Angoulême le nom qu'elle se
donne de coopérative; cependant, à proprement parler, elle ne mérite
pas cette qualification, puisqu'elle ne répartit pas les bénéfices entre
les associés, ce qui est le propre des institutions de ce genre; lors-
qu'elle en réalise, elle abaisse le prix du pain. C'est, au fond, une
véritable société philanthropique ; nous la croyons inférieure aux
véritables coopératives, bien qu'elle ait amené des résultats dont la
ville entière n'a eu qu'à s'applaudir.
§ 21.
DE LA PARTICIPATION AUX BÉNÉFICES ET DE LA TRANSMISSION
DE LA PROPRIÉTÉ DE l'uSINE AUX OUVRIERS.
L'organisation de Guise et d'Angoulême a excité un vif enthousiasme
chez beaucoup de personnes, qui la saluent comme l'organisation de
l'avenir. Ce n'est pas là seulement la participation aux bénéfices, par-
ticipation qui, dans la plupart des cas, dépendant uniquement de la
bonne volonté du patron, constitue en réalité une libéralité pure; mais
la propriété de l'établissement industriel est transmise aux ouvriers,
qui entrent ainsi en possession des instruments de travail, puisqu'ils se
substituent peu à peu au patron qui seul en était le maître absolu.
Une telle organisation est-elle applicable dans toutes les indus-
tries? Mais, avant de répondre à cette question, nous devons d'abord
observer que, jusqu'à ce jour, elle a rencontré peu d'imitateurs. Les
compagnies de chemins de fer s'inspirent peut-être d'une pensée sem-
blable, lorsqu'elles emploient les fonds des caisses de retraite, fondées
en faveur de leurs ouvriers, à l'achat de leurs propres obligations; le
(1) L'action heureuse de la Société s'est encore accusée par la création, dans le départe-
ment, de nombreuses sociétés de ce genre. Citons notamment celles de Ruelle, Coynac,
Muntmoreau,Blanzac, Azais, La Rocheroucauld.
:i-20 s" 78. — OrVH. -EMPLOYÉ DE LA PAPETEHII': COOPÉRATIVE d'aNGOLLÈME.
personnel devient ainsi, dans une certaine mesure, co-propriétaire de
la Compagnie. Mais des différences trop profondes séparent des usines
ces grandes entreprises de transports pour qu'il puisse y avoir entre elles
une complète analogie. Nous pourrions citer une puissante maison de
commerce, celle du Bon-Marché, dans l'organisation de laquelle se re-
trouve certainement l'idée adoptée à Guise et ù Angoulême; mais là.
comme dans ces deux établissements que nous avons décrits, ce n'est
pas tout le personnel, comme quelques personnes se le représentent,
qui est appelé à en devenir co-propriétaire; seule une élite d'ouvriers
soigneusement choisis bénéficiera de cet avantage.
Si nous voulons rechercher dans quelle mesure ce système sédui-
sant peut être appliqué à l'industrie, nous avons à nous rendre
compte d'une manière exacte des conditions au milieu desquelles il
est né.
A Guise et à Angoulême, il a été fondé par deux hommes qui jouis-
saient d'une forte autorité aux yeux des ouvriers. Par l'application
d'un procédé nouveau, M. Godin avait été le véritable fondateur d'une
industrie nouvelle, à laquelle son intelligence et ses efforts avaient
donné un puissant essor. En même temps, imbu des théories sociales
qui tenaient pour vicieuse l'organisation actuelle de la société, il n'a-
vait pas hésité à sacrifier, en faveur de leur application, une part con-
sidérable de sa fortune naissante; il dominait donc de haut tout son
personnel, qui voyait en lui et un industriel de premier ordre, et un
homme de l'avenir. A Angoulême, M. Laroche-Joubert, le père du di-
recteur actuel de la papeterie, s'était également élevé par ses seuls
efforts; il s'était concilié la profonde affection de tous ses ouvriers,
par sa bonhomie, par la franchise de son caractère, par le dévouement
qu'il n'avait cessé de manifester pour leurs intérêts. Il avait été nommé
à des fonctions électives, grâce à cette popularité dont il jouissait
parmi les ouvriers; et, jusqu'à la fin de sa vie, il a été réélu sans diffi-
culté député de la ville dans laquelle demeurait une grande partie
de son personnel. Tels sont les fondateurs des deux grandes maisons
industrielles qui associent maintenant les ouvriers à leurs propriétés;
ces deux figures originales et intéressantes ne sont certes pas celles de
tous les patrons.
En outre, l'application du système a exigé une industrie dont la
prospérité n'est pas exposée à être sans cesse compromise; il n'y a
pas eu là, comme dans les mines, des travaux à opérer (jui exigent de
grosses dépenses et diminuent dans ccrlaines années les bénéfices jus-
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. otil
(|u'à les faire quelquefois disparaître. Une telle industrie non plus
n'est pas soumise à l'influence néfaste des spéculations, n'exige pas
avant tout l'habileté du commerçant et du spéculateur, sachant atten-
dre le moment favorable pour lancer sur le marché un stock de mar-
chandises qu'il aurait été obligé de garder pendant longtemps dans ses
magasins. En outre, la fabrique d'Angoulême, ainsi que celle de Guise,
ne sont pas à l'abri de la concurrence; mais, parleur ancienneté et leur
renommée, par l'art avec lequel elles ont su s'assurer des débouchés
certains, par la constitution de puissantes réserves, elles défient la ri-
valité, et certes un long temps s'écoulera avant qu'une maison soit
assez fortement constituée pour venir abattre leur prospérité. Ainsi, à
Augoulême, nous avons relaté la construction d'une nouvelle exploi-
tation qui, sans doute, a coûté une somme importante, mais qui con-
tribuera encore à rendre plus difficile la concurrence des fabriques
moins fortement constituées (§ 1).
Cette situation est-elle celle de tous les établissements industriels?
Certainement non. Il ne s'en rencontre peut-être pas beaucoup qui, au
point de vue matériel, se trouvent placés dans les mêmes conditions.
Combien, avons-nous dit plus haut, ont eu des fondateurs comme
MM. Laroche-Joubert et Godin?
L'organisation que nous venons de décrire a produit incontestable-
ment un puissant effet sur les ouvriers. A Guise comme à Angou-
léme, loin d'avoir aucune méfiance contre la direction, de faire en-
tendre quelques plaintes contre les bénéfices que réalise le patron, ils
se considèrent comme tout à fait solidaires avec lui ; ce que celui-
ci gagne , eux pensent qu'ils en profitent, et cet efTet d'optiqne
suffit pour désarmer le sentiment de jalousie que nous avons eu
lieu d'observer chez d'autres ouvriers, appartenant à des usines prati-
quant simplement le système du salariat. Un mot delà famille résume
ces dispositions : « Pourquoi irions-nous nous mettre en grève? C'est
pour nous-mêmes que nous travaillons. *> Aussi, les familles ouvrières
suivent-elles avec un vif intérêt le développement de l'établissement
auquel elles appartiennent. Ainsi, à Angoulème, au moment où nous
nous y trouvions, l'exploitation de Basseau était en voie de construc-
tion; peu de temps après, elle était achevée. Dans nos entretiens
avec elle, la famille revenait fréquemment sur ce sujet, se demandant ce
qui allait ressortir de cet établissement installé sur un si grand pied.
C'était pour tous les ouvriers de la papeterie un lieu de promenade, le
dimanche. Mus par un sentiment de très vive curiosité , ils voulaient
23
322 N" TH. — OUVRIEH-EMPLOVK DE LA PAPETERIE COOI'ÉRATIVE d'aNGOULÊME.
se rendre compte des perfectionnements delà science qui allaient être
appliqués, dans la nouvelle exploitation, à la fabrication du papier.
De même à Guise , les ouvriers suivent avec un réel intérêt les nom-
breux conseils qui ont été fondés, et dont beaucoup d'entre eux font
partie. Il n"y a pas là cette séparation si nette qui met d'un coté les
ouvriers et de l'autre la direction. Ouvriers et patrons sont liés entre
eux, ils semblent n'avoir, et ils n'ont en effet qu'un seulet unique intérêt.
Aussi, Angoulême comme Guise ont-ils complètement échappé à lagi-
tation ouvrière, et, aux grandes réunions qui se tiennent à certains
jours dans les deux manufactures, se manifestent d'une manière très
saisissante le prestige et l'autorité dont jouissent les deux directeurs.
Toutefois, quels que soient les heureux effets d'une telle organisation,
ils ne sauraient, encore une fois, s'appliquer partout. Ainsi que nous
l'avons montré, la transmission de la propriété industrielle aux ou-
vriers réclame des conditions particulières, telles que celles que nous
avons observées dans les deux établissement décrits. Vouloir en faire
une règle générale serait une chimère.
Depuis que la méthode d'observation a imprimé à la science sociale
une si vive impulsion, elle n'a certes pas découvert de nouveaux prin-
cipes, mais elle a éclairé des points douteux, précisé quelles applications
pouvaient recevoir les vérités éternelles qui guident les sociétés hu-
maines. Elle amis surtout en pleine lumière un principe, en apparence
tout à fait élémentaire, et que cependant nos erreurs nous ont fait
perdre de vue : c'est que chaque organisation sociale réclame un milieu
différent, et qu'il est faux et dangereux de vouloir soumettre à une
règle uniforme des faits qui diffèrent profondément.
LES OUVRIERS DES DEUX MONDES.
DEUXIÈME SÉRIE. - 34' FASCICULE.
AVERTISSEMENT
DE LA SOCIÉTÉ D'ÉCONOMIE SOCIALE.
L'Académie des sciences, en 1856, a couronné le premier on-
vrag-e de science sociale publié par F. Le Play, les Ouvriers eu-
ropéens. Elle a en môme temps exprimé le désir qu'une pareille
œuvre fût continuée. La Société d'Économie sociale, fondée aus-
sitôt par l'auteur de ce livre aujourd'hui célèbre , lui a donné
pour suite les Ouvriers des Deux Mondes. De 1857 à 1885, la
Société a publié une première série de cinq volumes contenant
quarante-six monographies de familles ouvrières.
La deuxième série des Ouvriers des Deux Mondes a commencé
en juillet 1885. Le premier tome de cette série a été terminé
en juillet 1887; le deuxième, à la fin de 1889; le troisième, au
commencement de 1892. Ils comprennent les descriptions mé-
thodiques de nombreuses familles d'ouvriers , appartenant à la
Bretagne, la Picardie, le Nivernais, l'Ile-de-France, la Provence,
la Gascog-ne, le Dauphiné, la Normandie, la Marche, l'Orléanais,
le Limousin, la Gor.se, la Grande-Russie, la Grande-Kabylie, le
Sahel, le Sahara algérien, la Belgique, la Prusse rhénane, la
Sicile, la campagne de Rome, la Capitanate, l'Angleterre, la La-
ponie, l'Alsace, la Hollande, la Suisse, les États-Unis. Le présent
fascicule, le 3'i.^ de la seconde série, est le septième du tome IV.
(Voir au verso de la couverture.)
La publication se poursuit par fascicules trimestriels, avec
le concours de la maison Firmin-Didot. Un tel concours lui as-
sure cette perfection que nos lecteurs ont su apprécier dans une
œuvre typographique particulièrement délicate.
Les prochains fascicules contiendront les monographies de fa-
mille d'un Fermier monlagnaid du llaut-Forez, d'un Allumeur
de réverbères de Nancy, d'un Pécheur de l'archipel Chusan
((ihine), d'un Armurier de Liège, d'un Pécheur de Fort-Mar-
dyck, d'un Ardoisicr d'Angers, etc.
LES OUVRIERS DES DEUX MONDES,
PUBLIÉS PAR LA SOCIETE d'ÉCONOMTE SOCIALE,
RF.CONNl'E d'UTILITF. PI'BMQfR.
Deuxième série. — 34« fascicule.
TISSEUR DE SAN LEUCIO
(PROVINCE DE CASERTE — ITALIE),
ouvbiek-tacheko.n-propriétaike ,
dans le système des engagements volontaihes pehmanents,
d'après
les renseignements recueillis sur les liel'x, en avril 1892,
PAR I. E l' IS O K E S S E L" Il
HiPPOLYTE SaNTANGELO SpOTO ,
Membre rie la Société iiiternatinnale d'Ecouomie sociale,
lie la 1 Sociedad economica Barcelonesa de Amigos del Pais »
Et de la « R. Società Ecouomica agraria del Georgofill » de Florence.
PARIS,
LIBRAIRIK DE FIRMIN-DIDOT ET C'^
IMrilIMKLUR DK L'INSTITUT, RUE JACOB, 50.
1894.
Droits âp traduotion et de reproduction réstrvé.s.
N" 79.
TISSEUR DE SAN LEUCIO
(PROVINCE DE CÂSERTE — ITALIE),
ouvrier-tacuehon-propriétaiiîe,
bans le système des engagements volontaires permanents,
d'après
les renseignements recueillis sur les lieux, en avril 1892,
PAU LE PliOFESSEUR
HiPPOLYTE SaNTANGELO SpOTO,
Membre de la Société internationale d'Économie sociale,
de la « Sociedad economica Barcelonesa Je Ajuigos del Pais »
et de la « E. Società Economica agraria dei Georgofili » de Florence.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES
DÉFINISSANT LA CONDITION DES DIVERS MEMBRES DE LA FAMILLE.
DÉFINITION DU LIEU, DE L'ORGANISATION INDUSTRIELLE
ET DE LA FAMILLE.
ÉTAT DU SOL, DE L'INDUSTRIE ET DE LA POPULATION.
La famitte décrite dans cette monographie habite la commune de
Ban Leucio (via Chiassolo Ferrera) dans la province de Caserte. Cette
province est la plus étendue du royaume d'Italie (5.412 kilomètres
carrés); la population y est de 132 habitants par kilomètre carré.
Elle est bornée à l'Est par les provinces de Bénévent, Avellino et Sa-
lerne ; au Sud , par celle de Naples et par la mer Tyrrhénienne ; à
l'Ouest, par la province de Rome; au Nord, par celles d'A(|uila et de
Campobasso. Administrativement son territoire est divisé en cinq
arrondissements comprenant en tout 186 communes, dont 69 dépen-
34
326 >" "9. — TISSEUR DE SA\ LEUCIO.
dent de l'arrondissement de Caserte. San Leucio est situé à la fois dans
la province et dans l'arrondissement de Caserte. 11 est à 4.359 mètres
de Caserte, avec laquelle il est en rapports continuels de dépendance
et de trafic; Caserte est en effet le siège de la préfecture et des services
administratifs provinciaux, de l'intendance des finances, de la pré-
ture, de la chambre de commerce, des établissements d'instruction
secondaire, du commandement militaire régional et de l'évèché, et le
centre d'un réseau de sept lignes de chemin de fer. San Leucio est à
11 kilomètres par route carrossable de S. Maria Capua Vetere, ville de
19.989 habitants et siège d'un tribunal et d'une cour d'assises ordi-
naire, et à 16 kilomètres de Capoue, place forte militaire.
Le sol est en majeure partie d'origine volcanique, quoique modifié
[)ar l'apport d'une grande quantité de débris calcaires : le sous-sol est
entièrement composé d'une vaste couche de tuf, au-dessus de laquelle
s'étend, dans presque toute la partie en plaine de la province, une
couche de terre labourable assez profonde pour que l'agriculture
puisse prospérer. L'arrondissement de Caserte en particulier se divise
géologiquement en quatre zones.
La première zone , comprenant la partie la plus basse qui touche à
la mer, est caractérisée par la prédominance des terrains alluviaux
récents et du climat maritime et marécageux; l'alpiste des Canaries
(Phalaris canariensis), l'alpiste aquatique {Ph. arundinacea et cœrules-
cens) , la luzerne marine {Medicago marina), le filaria [Phillyrea), le
tamarix d'Afrique [Tamarix africana), y poussent spontanément; on y
cultive les céréales d'hiver, le lin, les plantes des prairies, etc.
C'est la zone de la grande propriété, à culture peu développée , et à
vastes pâturages naturels : le tiavail de l'iiomnie et le capital d'exploi-
tation y jouent un plus grand rôle que l'intelligence ; on y trouve de
grands domaines à culture extensive.
La seconde zone est également située dans la plaine ; elle est com-
posée d'un terrain d'alluvion plus ancien, ou détritique; le climat en
est continental; on y cultive avec succès le chanvre, le lin, le maïs, etc.,
les arbres fruitiers et le lupin. Dans cette zone, la culture est assez in-
tensive : l'intelligence et le travail y jouent un plus grand rôle que le
capital d'exploitation.
La troisième zone, située sur le versant de la montagne, esl, suivant
les endroits, de composition argileuse, formée de tuf ou de calcaire,
et s'élève à quelques centaines de mètres au-dessus du niveau de la
mer; la vigne, l'olivier, le châtaignier, etc., le sumac, le myrle, le
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 327
figuier des Indes y viennent avec succès. L'intelligence et le travail y
dominent : c'est dans cette zone qu'est situé San Leucio. La culture et
les domaines y sont très morcelés : les petits domaines de 10 à 25 ares
sont les plus nombreux.
Dans la quatrième zone, située à une altitude variant entre 700 et
2.000 mètres, le terrain est tantôt argileux, calcaire ou rocheux; les
essences forestières y dominent, depuis lechéne jusqu'au hêtre, depuis
la laiche {Carex flava) jusqu'à la fléole des Alpes {Phleum alpinum).
Dans cette zone, le travail, l'intelligence et le capital diminuent sensi-
blement d'importance, l'art pastoral prédomine sur tous les autres
systèmes agricoles.
San Leucio est situé sur le flanc de la montagne du même nom, re-
gardant vers le Midi : l'altitude est de 90 mètres au-dessus du niveau
de la mer, si l'on prend pour point de repère le seuil de l'hôtel de
ville. La situation est excellente : placé entre deux bois, au milieu de
florissantes prairies , à proximité du parc du palais royal de Caserte,
séparé du bruit de la ville, San Leucio est bien fait pour ceux qui
aiment la méditation et le repos de l'esprit, pour les retraités qui
viennent y charmer leurs loisirs et pour les malades qui viennent
y chercher la santé. Relié par des routes carrossables aux com-
munes limitrophes de Gastelmorrone, de Gasagiove et de Caserte,
San Leucio a un territoire de médiocre étendue : à peine 9 milles
napolitains de circonférence (1 mille napohlain vaut 1,845'°,69),
c'est-à-dire iQy^'^ 611.210°"i de superficie, dont la majeure partie, soit
14 ""'i 765.000™% est boisée : le reste est bâti , ou divisé en très petites
propriété rurales ou urbaines cultivées.
Gomme pays agricole, la commune de San Leucio n'a absolument
aucune importance dans une province comme celle de Gaserte, où la
superficie cultivée est de 440.000 hectares, c'est-à-dire 80 % environ
de la superficie totale : elle n'a qu'une importance historique (§ 17) et
industrielle (§ 19). Le cadastre est très ancien : il remonte au cadastre
napolitain de 1809. La commune est suflisamment approvisionnée
d'eau potable : elle manque complètement d'eau minérale ; cependant
on trouve dans la province des sources très importantes d'eaux sa-
lines sulfureuses et ferrugineuses, iodurées, salines et acidulées, fer-
rugineuses et acidulées : les plus renommées sont celles de Sujo, et
les anciennes sources de Sinuessa près Mondragone ; celles de Fonta-
naliri, de Teano, de Triflisco, et les Suessolanes près Gancello, dans la
forêt Spinelli.
328 N° 79. — TISSEUR DE SAN LEUCIO.
Les montagnes les plus voisines de San Leucio appartiennent au
groupe des Tifati, qui s'étendent depuis les environs de S. Maria Capua
Vetere, jusqu'au mont Longano, à l'Est des ponts de la Valle; les
monts de San Leucio et de San Silveslro ont environ 450 mètres d'al-
titude : la plus grande partie de ces hauteurs est boisée et forme les
bois de San Leucio et de San Silvestro.
Le bois de San Leucio est une piopriété privée : il appartient à la
famille Sagliano d'Aversa : il a (5 milles napolitains de tour (11 "'", 074).
Ce sont des taillis à coupes annuelles. Le bois de San Silvestro est
une propriété domaniale dépendant de la liste civile : il a environ
2 milles napolitains de tour (3''"\ 091). Ces deux forêts fournissent
du bois de construction, du bois à brûler et du charbon de bonne
qualité. Dans l'une et l'autre, les habitants de la commune de San
Leucio avaient autrefois le droit de souche, c'est-à-dire le droit de
ramasser les souches et les branches sèches ou brisées naturelle-
ment : mais ce droit a été aboli par les dispositions de la loi forestière
du 20 juin 1877 et de la loi du l*"" novembre 1875.
Malgré cette situation, San Leucio manquerait cependant d'eau po-
table, si une concession royale n'avait doté son territoire d'une con-
duite prise sur l'aqueduc Carolin. Cet aqueduc fut construit par le roi
Charles de Bourbon pour embellir d'une cascade le parc attenant au
majestueux palais bâti pai l'ingénieur Luigi Yanvitelli : l'eau canalisée
vient du mont Tiburno [)ar un aqueduc de 27 milles (49'"",834)
traversant les monts Tifati et trois larges vallées; elle coule dans des
canaux, tantôt creusés dans le roc, tantôt suspendus sur des ponts
élevés et massifs : le pont de la Vallée de Maddaloni, long de
1.618 pieds (1) (841™, 36), reposant sur des piliers d'une épaisseur
de 32 pieds (16™, 6i) et composé de trois rangées d'arches, s'élève à
une hauteur de 178 pieds (92'°,56).
Les cours d'eau naturels les plus importants de la province sont le Oa-
rigliano et le Vollurne. Le Garigliano a une longueur de 36 kilomètres
dont 8 sont navigables, avec une largeur de 23 ù 125 mètres. Le Vol-
turne a une longueur de 185 kilomètres dont 28 kilomètres au-dessous
de Capoue sont navigables, avec une largeur moyenne de 32 à 70 mè-
tres. Le voisinage du Vollurne est une ressource pour le commerce et
l'approvisionnement de San Leucio : le poisson que donne ce llcuve y
est importé, particulièrement au printemps, en assez grande (nuinlilô.
(1) t |iic'(l iiapolitain vaut 'i:2 ccnliiiirlres.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 329
San Leucio ne prolile aucunement des richesses dont abonde la
province, et particulièrement de la pierre de taille et de construction,
de la chaux, de la pierre meulière, du gravier, de la pouzzolane,
du sable hydraulique : Texiguité de son territoire ne permet pas aux
constructions de se multiplier; mais, si restreint que soit ce territoire,
il donne en quantité suffisante les végétaux nécessaires à la consom-
mation locale (herbes potagères, légumes, bons fruits de toute espèce,
raisin, plantes maraîchères). La richesse animale fait complètement
défaut, parce qu'il n'y a personne dans la commune qui puisse la dé-
velopper et la faire prospérer. On n'a pu trouver dans toute la com-
mune que 7 animaux : 2 vaches, 3 ânes et 2 chevaux. Les farines,
graisses, huiles et spiritueux consommés à San Leucio sont des pro-
duits d'importation.
La propriété est très morcelée. Au mois de mars 1892, il y avait
145 propriétaires de bâtiments et 79 propriétaires de terrains : sur ce
nombre, 69 seulement se trouvaient inscrits sur les listes électorales
comme ayant la culture intellectuelle exigée par la loi communale ou
provinciale pour l'électorat administratif. De ceux-ci
7 paj'aient un impôt inférieur à o francs ;
10 — — de 5 à 10 francs;
20 — — de 10 à 20 francs ;
32 — — supérieur à 20 francs.
Sur les 1-4.J familles propriétaires de bâtiments, 129 possèdent leur
maison d'habitation avec un petit jardin attenant d'une contenance de
4 à 20 ares.
D'après le recensement de 1881, la population de San Leucio était
de 739 individus, sur lesquels 722 y avaient un domicile fixe et habi-
tuel et représentaient 177 familles; (5 n'y avaient qu'une habitation de
passage; 11 étaient absents. D'après un relevé fait le 22 avril 1893 sur
le registre de la population, avec l'aide du secrétaire communal, la po-
pulation, au point de vue de l'âge, était ainsi répartie : hommes, 510;
femmes, 509; total, 1.019 habitants; sur ce nombre, 356 avaient de
1 à 20 ans ; 405, de 21 à 50 ans ; 258, plus de 50 ans. Il y a, en moyenne
par an, 11 mariages, 17 naissances du sexe féminin et 16 du sexe
masculin, 7 décès du sexe féminin et 6 du sexe masculin.
L'émigration est irrégulière et très faible : les émigrants sont ordi-
nairement, ou bien ceux qui sont venus se fixer pour quelque temps
à San Leucio afin d'y trouver du travail, ou bien ceux qui, alléchés par
330 N° 79. — TISSEUR DE SAN LEUCIO.
l'espoir de gains plus considérables, abandonnent la navette et le mé-
tier pour le marteau du portier ou le fouet du cocher.
Les 1.019 habitants étaient groupés en 209 familles, dont le tableau
suivant indique la répartition d'après les professions et le nombre des
membres, en 1S9:2 :
RÉPARTITION DES FAMILLES d'aI'RÈS LES PROFESSIONS.
•
Professions libérales " lamilles.
Emi)loyés communaux 13 —
Employés de l'État -i' —
Clerifé et personnes attachées au culte x —
Paysans •* —
Artisans <> —
Boutiquiers i —
Hôteliers •> —
Ouvriers en soie 136 —
TOT VI 209 —
RÉPARTITION DES FAMILLES d'aPRÈS LE NOMBRE DES MEMBRES.
30 familles composées de 3 personnes.
M — — i —
37 — — 5 —
21 — — t» —
15 — - 7 —
13 — — S —
7 — — !> -
3 - — 10
■2 — Il —
I 13 —
1 — — n —
20 — ne comprenant que le mari et la femme.
13 ménages de célibataires.
Total 200
La commune pourvoit aux besoins généraux au moyen d'un budget
annuel de 20.708^ 01. Cette somme provient en majeure partie des re-
venus des biens communaux : aussi les habitants sont-ils peu grevés
d'impôts municipaux. En fait, la commune ne prélève pas de taxes, et
la part qu'elle perçoit sur les contributions directes du Trésor est mi-
nime, si on la compare à la moyenne de celles que supportent les ha-
bitants des autres communes.
Le tableau suivant montre le taux des impôts et surimpôts spéciaux
qui grèvenlles habitants de San Leucio, la part proportionnelle, (.4//-
quotà) et les centimes additionnels (V. la note additionnelle, p. 39()) :
OBSERVATIONS PRELIMINAIRES.
331
( Impôt perçu par le Trésor. . 3.7in'3l
Terrains... ■. Surimpôt provincial 1.478 07
( — communal -2.C87 07
Pronriptp.! ( '"'1"'^ ^^^^^^ P^"" ^^ Tr'-Sor.. 2.675 00
rroprieies ^ gurimpùl provincial 707 13
nauts. ^ _ communal I. -284 87
Part
Centimes
poitioniiellc.
additionnels
23' 8!l
.■;2' 45
7 27
15 96
14 40
31 59
1(. 2^)
56 -22
4 22
14 82
8 42
29 16
La contribution spéciale mobilière sur l'industrie est calculée sur
une valeur imposable de 4.169^ 53, ce qui donne net, y compris le
décime de guerre , 550*^ 37 ; mais, sur cette somme , 300 francs sont à la
charge de la fabrique OfTritelIi et Pascal où travaille l'ouvrier.
San Leucio est une importante station climatérique. Le climat y est
très tempéré en toute saison. L'observatoire météorologique de Caserte
(situé à 41°3' latitude N., à 1° 53' longitude Est de Rome et à 70'" 20
d'altitude) a fourni les renseignements suivants sur la température
moyenne de San Leucio, l'état hygrométrique de l'air, la nébulosité
du ciel et les perturbations atmosphériques qui s'y produisent :
Printemps.
É u-
TEMPEItATURE
Pression
>>aromvtrique.
Humidité
relative.
Xébulosité
en dixièmes
dn ciel
Pluie.
inoyenni'.
minin,a.
,naxin>a.
14", 1
23',2
16",6
!l".4
8",9
17»
11"
•">",7
l!l'',4
2!»",i
21"
13"
753"""7
755 2
7.';9 3
,J.2cm
69
67
4,8
2,5
5,1
3,9
301 """2
135
535 i
-217 9
Automne..
Ilivrr
U résulte de ces chiffres que San Leucio est un endroit exception-
nellement sain et une excellente station thérapeutique, et, de fait, de
nombreux malades, atteints des fièvres paludéennes qui régnent sur
les côtes, viennent, surtout en été, y chercher la guérison.
San Leucio a son importance historique : fondé, comme nous le ver-
rons plus loin, parle roi de Naples Ferdinand, en 1773 (,§ 17), il acquit
bientôt, en 1776, une importance industrielle (§ 18). Depuis un siècle
et plus, ce n'est plus la « Colonie » fondée par Ferdinand , c'est un
centre industriel, auquel ses fabriques de soie ont donné une grande
réputation.
§ 2.
ETAT CIVIL I»E LA FAMILLE.
La famille de l'ouvrier tisseur-propriétaire se compose des dix per
sonnes suivantes :
332 N° 79. — TISSEUR DE SAN LEUCIO.
1" SiMtON Pasoiiakiei.u), chef de famille .'>o ans.
•2f HÉLÈNE Marotta , sa femme ■»:> —
3" Angèle P'**, leur fille aînée 19 —
4" Fram;.oise p***, leur deuxirme lille is
:>" JE.VNNE P'", leur troisi<Mnc fille 1 i —
fi" A>NE p»»«, leur iiuatrièiDc fille 1-2 —
'" DOMiNryUE P'**, leur linquiéme fille 0 —
H" Alexa.ndra p**' , leur sixième fille (> —
!»• DOSAT P*", leur fils 'i —
10" Gauhiel Mahotta, \utc (l'Hctcnc M"* 70 —
Siméon P*** et Hélène M*** se sont mariés en 1872; ils formèrent un
ménage isolé, et s'établirent d'abord à Sala pour se transporter ensuite
à Portici. Neuf ans environ après leur mariage, le père d'Hélène, Ga-
briel, ayant perdu sa femme qui lui laissait une fille nubile, voulut
associer à son ménage celui de son gendre. En 1887, Gabriel perdit sa
plus jeune fille; resté seul, il entra dans le ménage de son gendre, à
qui il laissa l'autorité entière du chef de famille.
Le ménage d'ouvriers qui fait l'objet de cette étude est un exemple
d'union féconde ayant donné des enfants bien portants; les époux ne
se sont laissé arrêter dans leur désir d'augmenter leur postérité ni par
le fantôme de la misère, ni par la situation résultant pour eux, vis-à-
vis (les familles indigènes, de leur situation d'immigrants, qualité qui,
comme nous le verrons plus loin, ne donne pas un droit absolu à être
conservé dans la fabrique Offritelli et Pascal (§ 21). Siméon est né dans
la commune voisine de Sala, fraction de Caserte, de parents non origi-
naires de San Leucio, et, bien qu'il ait épousé une Leucienne, il est
considéré, de ce fait, comme étranger (§ 18). Pour les ouvriers de la
maison Offritelli et Pascal, c'est un privilège que d'être Leucien de
naissance (>; 20).
Angèle, la fille aînée, est sur le point d'être fiancée à un jeune ou-
vrier en soie de la filature Mingione, de Casagiove, commune située à
3 kilomètres de San Leucio. Ce sera la première fille de la famille qui
se mariera; Siméon se montre préoccupé des cinq filles qui vont
rester; quatre d'entre elles sont une charge réelle pour le budget
domestique.
HKLlGloN ET IIAIUTUDES MURALES.
liCs deux époux sont catholiques et pratiquent leur religion sans
ostentation ni fanatisme. Ce sont des croyants convaincus, comme le
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 333
sont généralement les ouvriers en soie de San Leucio, auxquels la reli-
gion catholique a été imposée par le roi Ferdinand de Bourbon. Nous
reproduisons textuellement les considérations préliminaires de Védit
par lequel ce prince promulgua des lois spéciales pour le « Bon gou-
vernement delà population de San Leucio » :
« Aucun homme, aucune famille, aucune cité, aucun royaume, ne
peut subsister et prospérer sans la crainte sainte de Dieu. La principale
chose que je vous ordonne est donc l'exacte observance de sa très
sainte Loi.
« Les principaux préceptes de cette loi sont au nombre de deux :
1" aimer Dieu par-dessus toute chose; 2" aimer son prochain comme
soi-même.
« Aimer Dieu par-dessus toute chose, c'estl'aimer de tout son cœur,
de tout son esprit, de toute son âme et de toutes ses forces; le préférer
à toutes les créatures et l'aimer plus que tout ce que nous avons de
plus cher.
« Cette obligation naît en nous des grands bienfaits dont il nous a
comblés et dont il nous comble à tout instant Nous sommes donc
tous tenus de l'adorer et de le vénérer comme l'Etre suprême et l'au-
teur de toutes choses; de lui obéir comme à notre souverain seigneur
et maître; de le craindre comme notre juste juge et d'accomplir à son
égard des devoirs de vrai culte et de vraie dévotion. En conséquence,
chaque malin au lever du jour chacun se rendra au temple pour l'adorer;
la prière se récitera en commun et chacun en particulier offrira à Dieu en
holocauste, pendant le saint sacrifice de la messe qui y sera célébré, tous
les mouvements de son cœur et de son esprit. Chacun se rendra ensuite à
la fabrique ou chez soi pour s'adonner, sous la sainte protection du
Seigneur, à ses devoirs particuliers. Le soir, au coucher du soleil, lors-
que les travaux auront cessé, tout le monde ira de nouveau à l'église
visiter le Saint-Sacrement et lui rendre un tribut d'honneur et de
gloire pour tous les bienfaits reçus; on récitera encore en commun
la prière du soir. Que chacun observe les préceptes de l'Église et fré-
quente les sacrements. »
Pendant un siècle, tous les ouvriers de San Leucio ont été élevés
d'après ces principes, et aujourd'hui encore les vieux y restent atta-
chés. Mais l'action dissolvante du temps, en modifiant la situation
politique, s'est aussi exercée sur les coutumes religieuses, et les jours
deviennent plus rares où les jeunes gens de San Leucio en particulier,
ainsi que les immigrés, assistent à la messe et s'approchent du sacre-
334 N" 79. — TISSEUR DE SAN LEL'CIO.
ment de rEucharistie. Siméon respecte les principes religieux de sa
femme, qui les a inculqués à ses filles, mais il se borne à entendre la
messe le dimanche et à remplir le devoir pascal. Pour son propre
compte, ce n'est pas un catholique fervent ; mais il n'empêche pas les
autres de penser à leur façon.
C'est un homme d'un caractère paisible et profondément honnête.
Il n'a de ressources que dans son travail, et toutes ses actions restent
enfermées dans les limites de la plus rigoureuse honnêteté. Sa femme
est, comme lui, illettrée. Ses filles aînées ont fréquenté l'unique
école de la commune, à laquelle Anne et Dominique sont encoie ins-
crites. Alexandra sortira cette année de la salle d'asile que fréquente
aussi, quoique assez irrégulièrement, le petit Donat.
Hélène, quoique illettrée, est cependant intelligente et active. Excel-
lente mère et excellente épouse, elle ne s'occupe que de ses enfants
et de son ménage. Modeste et simple, elle habitue ses filles à une
grande réserve dans les vêtements comme dans le langage; elle est
en bons rapports avec les voisins ; elle leur rend volontiers des ser-
vices quand elle le peut, mais n'en demande que rarement.
Le vieux Gabriel laisse beaucoup à désirer sous le rapport de la mo-
ralité; c'est surlui que retombent les reproches que l'on peut adresser
à la famille.
g 4.
JlYGIÈNE ET SERVICE DE SANTÉ.
Siméon est physiquement bien constitué : dans sa jeunesse il a souf-
fert de la jaunisse, mais depuis son mariage il a toujours joui d'une
excellente santé. Le travail de tisseur auquel il se livre n'a jamais
nui à sa santé; toutefois il commence à se fatiguer des neuf heures de
travail qu'il est obligé de fournir dans la fabrique Offritelli et Pascal.
La santé de la femme ne laisse non plus rien à désirer : ses accouche-
ments ont toujours été heureux, sauf le troisième et le cinquième.
Une des filles, Françoise, a eu une méningite à l'âge de treize ans.
Les plus jeunes enfants ont souvent eu besoin du médecin. Presque
tous ont été malades de l'inlluenza dans l'hiver de l'année dernière,
et par deux ou trois à la fois; c'est Alexandra qui se ressent le plus
encore des suites de cette maladie.
Néanmoins la famille n'a pas été cnl rainée à de grandes dépenses :
. OBSERVAT lOiNS PRÉLIMINAIRES. 33."5
en effet, la commune assure gratuitement à la généralité des habitants
les soins d'un médecin et ceux d'une sage-femme ; le médecin a un trai-
tement de i.300 francs par an , et la sage-femme , de 185 francs. L'un et
l'autre sont tenus de fournir leurs services à la généralité des habitants.
L'hygiène de la famille est assurée par les bonnes conditions clima-
tériques de la localité (§ 1), par une nourriture plus que suffisante
(§ 15, S°" I) et par la position de la maison, toujours exposée au soleil
et où la fraîcheur est entretenue grâce aux soins actifs et industrieux
de la femme.
San Leucio manque de pharmacie : les habitants sont obligés d'al-
ler chercher leurs remèdes à Sala. La loi sanitaire du 22 décembre
1888 permettait au médecin communal, dans les communes où il n'y
avait pas de pharmacie, détenir un dépôt de médicaments moyennant
l'autorisation du conseil sanitaire provincial. Mais cette disposition
n'a pas donné les bons résultats que le législateur en attendait; en fait,
plus de trois mille communes sont toujours privées de pharmacie et
n'ont pas confié de dispensaire au médecin communal.
RANG DE LA FAMILLE.
Siméon doit être rangé parmi les ouvriers-tâcherons propriétaires.
Le travail à la lâche constitue son moyen habituel d'existence, et en
même temps il possède une très petite propriété urbaine (§ 6). Ses en-
gagements sont volontaires et permanents, à un certain point de vue,
dans ses rapports avec son patron (§ 21). Il est payé d'après la lon-
gueur en mètres de la pièce d'étoffe tissée sur l'ordre du patron (§ 21).
Les filles, au contraire, liées vis-à-vis du patron par des engagements
volontaires et permanents, sont payées à la journée. Gabriel est rétri-
bué à l'année.
Au point de vue juridique, la famille de Siméon se place dans la ca-
tégorie de celles qui sont fondées sur les principes de liberté et de res-
ponsabilité, et dont l'organisation repose sur la propriété individuelle
et le mariage légitime.
Au point de vue social, elle se place dans la catégorie des familles-
souches à organisation stable, et parmi celles qui prétendent se suffire
à elles-mêmes par le travail. Siméon y a toujours réussi. Il a d'abord
336 >° 79. — TISSEUR DE SAN LEICIQ.
été ouvrier à Sala, puis à Portici, puis à San Lcnicio, et voici la raison
de ces changements. Ayant toujours eu le sentiment de la responsa-
bilité que sa paternité volontaire, résultant d'un mariage légitimement
contracté, faisait peser sur lui, il a voulu y faire face par le travail :
il a donc changé de demeure en même temps que changeaient les
conditions du travail. Il est allé là où il trouvait momentanément le
travail plus facile, plus rémunérateur et plus sûr. A certains moments,
Siméon a réussi à gagner beaucoup; et, si autrefois ses filles avaient
un salaire moins élevé, il pouvait mettre ce salaire de côté dans leur
intérêt; aujourd'hui il parvient à peine, avec son salaire et avec celui
de ses filles, à satisfaire aux besoins de sa nombreuse famille. Tandis
que son beau-père gaspille au cabaret tout ce qu'il gagne , Siméon se
prive des commodités les plus usuelles pour lui prêter l'assistance
qu'il lui doit. Il n'a jamais voulu s'endetter.
Siméon jouit de l'estime de tous ceux qui le connaissent; il n'a d'ail-
leurs pas d'effort à faire pour être le bi'iive homme que tout le inonde
voit en lui, car il s'est imposé à lui-même, presque depuis l'enfance,
cette règle de conduite : ne demander qu'à son propre travail ses
moyens de subsistance, et renfermer ses besoins dans les limites de son
travail, c'est-à-dire dans les limites du salaire individuel. 11 est
économe, rangé, peu exigeant pour lui-même; il joint l'amour du tra-
vail à la modestie.
MOYENS D EXISTENCE DE LA FAMILLE.
^ 6.
l'Ritl'RIKTÉS
Mol)ili(>r et vrtoments non compris).
Immei BLES .^.SOOr 00
Siméon, depuis le jour où son beau-père (iabriol l'a fait venir de
Portici à San Leucio pour asaocier leui's ménages, a la jouissance de la
maison qui appartient à Gabriel dans la via Chiassolo Ferrera. Depuis
lors il n'a plus songé à quitter San Leucio, d'autant plus qu'à la mort \
de Gnbrif'l il héritera i\r' la maison comme mari d'Mélène, seule fille
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 'Mil
survivante et héritière légitime de Gabriel. Si l'on ne peut pas, à pro-
prement parler, appeler droit de propriété le droit dont jouit ainsi
Siméon, on peut cependant le considérer comme tel, eu égard aussi
bien à sa condition légale qu'aux intentions de son beau-père. Gabriel
possède encore deux autres maisons d'habitation que, pour les mêmes
raisons, on peut considérer comme la propriété de Siméon.
i" Maison d'habitat ion, formée d'un rez-de-chaussée seulement et comprenant i pic-
ces, une cuisine, une cave et un jardin attenant, 3.000^00.
i'- Maisons à loyer. — Une maison à 3 i)iéces dans la lucalite dite la « Trattoria » et
une maison à une pièce au rez-dc-chaussce, :î.800'00.
Argent et fonds de roulement 1.057^ 15
La famille ne possède en fait d'argent qu'un fonds de roulement
d'environ lOOf 00 pour les dépenses mensuelles. Mais elle a écono-
misé et placé une somme de ToO"" 40.
1" Argent placé à la caisse d'épargne, T.W 40.
-2° Fonds de roulement, 100' 00; — provisions : 1-25 litres d'huile, IIS^TS; — 4 met. cul).
de bois à brûler, 88^00. — Total, 306' 7o.
Animaux domestiques entretenus toute l'année 33^ 50
La famille en a peu, mais ceux qu'elle possède sont exclusivement
destinés aux besoins du ménage.
3 couples de pigeons, "''90; — 9 poules et l coq, -2<>' 50. — Total, 33' oO.
Matériel spécial des travaux et industries 20' il)
1" Pour la culture du jardin. — Bêches, râteaux, etc., 3' 99.
s!" Pour le blanchissage et le repassage du linge. — 1 cuvier, iî'OO; — 1 chaudière, "'.'iO:
— i trépied, 0' 65: — 10 mètres de corde pour étendre le linge, 2' 70; — 2 corbeilles, 0*40:
— û fers à repasser, 1' "5. — Total, 15' 00.
3" Pour la confection et le raccommodage des vêtements. — Objets divers, 7' 50.
Valeur TOTALE des propriétés 6.917' li
SUBVENTIONS.
Sous l'empire des lois du « Bon gouvernement de la population de
San Leucio », on pouvait considérer comme des subventions, protitanl
à la famille de l'ouvrier en soie leucien, les présents que le roi faisait
aux filles à l'occasion de leur mariage. Celles qui épousaient un ou-
vrier en soie de la « Colonie » recevaient la maison d'habitation avec
tout ce qui est nécessaire pour la vie et les deux métiers permettant de ya-
338 N° 79. — TISSEUR DE SAN LEUCIO.
gner le salaire quotidien (§ 18); celles qui se mariaient en dehors de
la c( Colonie » recevaient cinquante ducals une fois donnés (212^ 50).
Aujourd'hui il ne reste rien de cet usage (^ 18). Aussi la famille de
l'ouvrier ne jouit d'aucune subvention ni sur lindustrie de la soie, ni
sur les propriétés communales, ni sur les forêts voisines; elle n'en
reçoit aucune de la maison Offrilelli et Pascal.
On peut cependant regarder comme subventions : l'instruction élé-
mentaire gratuite, les soins gratuits du médecin et de la sage-femme,
et l'inhumation gratuite dans le cimetière communal. En outre des
dépenses déjà mentionnées, afférentes au service hygiénique et sani-
taire (^§ 4j, la municipalité de San Leucio dépense pour la fourniture
gratuite des remèdes, tant en secours fixes qu'en secours éventuels,
une somme annuelle de 985*^ 15, c'est-à-dire environ 1 franc par habi-
tant. On peut encore considérer comme subventions les cadeaux que
la famille reçoit, pour les enfants, de leur parrain et de leur marraine,
le jour anniversaire de leur naissance ; à San Leucio, en effet, une gra-
cieuse coutume veut que les parrains et marraines fassent un cadeau
annuel à leurs filleuls pendant les cinq premières années.
§ 8.
THAVMX ET INDUSTRIES.
Tous les travaux auxquels se livrent les membres de la famille sont
faits pour le compte de la maison Offritelli et Pascal, et sont exécu-
tés à heures fixes dans la fabrique même, .\ucun membre de la fa-
mille ne travaille à la maison, avec des matières premières lui appar-
tenant et pour son propre compte, ou moyennant commission. La
famille n'exerce non plus aucune industrie spéciale en dehors des oc-
cupations propres à chacun. La mère dirige et exécute à la fois les
travaux qu'on peut classer parmi les petites industries du ménage.
Trucaux de l'ouvrier. — Siméon est un tisseur travaillant au mé-
tier : on verra plus loin dans quelles conditions il exécute sa tâche. Il
travaille depuis sept ans dans la maison Offritelli et Pascal : la matière
première lui est fournie i)ar ses patrons, et les instruments de travail
appartiennent à la municipalité (?; 2(H. dont la maison Offritelli et Pas-
cal est fermière.
Il tisse des pièces de soie lisse de trois dimensions, «lésignées par
les n"" l, 2 et 3; il est payé à la tâche, à raison d'un prix brut moyen
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 339
de Of9H le mèlre. En calculant les irais qu'il a à supporter pour
chaque mètre de tissu et la quantité produite par jour, on trouve
que lamo3'enne de ses salaires, sur une année de 300 jours de travail,
est de 2^80 par jour. Il travaille neuf heures par jour et est obligé de
se conformer à l'horaire établi par ses patrons (^ 20). Il tisse, en une
journée, 6 mètres de soie lisse de la dimension n" 1, 4 mètres de la di-
mension n" 2, et 2™ 75 de la dimension n" 3.
Nécessairement, il s'occupe de la culture de son jardin; mais il ne
s'y adonne qu'aux moments de liberté qu'il peut avoir au cours de la
semaine, ou bien dans les matinées du dimanche et des jours de fête.
On peut évaluer à 8 journées la somme de travail qu'il y consacre, et
par suite à 11^ 60 l'économie réalisée de ce chef.
Travaux de la femme. — Hélène, aidée de Jeanne, sa troisième fille,
s'occupe du blanchissage du linge, du raccommodage des habits et des
draps et de tous les soins du ménage. On peut évaluer à o2 les jour-
nées de travail utile exécuté par elle et à 34^ 00 l'économie réalisée
de ce chef.
Travaux de la fille aînée . — Angèle travaille comme ouvrière fileuse
dans la même manufacture. Elle doit fournir 11 heures de travail, et
touche un salaire de 0*^ 80 par jour. Elle est payée tous les quinze
jours et travaille en moyenne 24 jours par mois.
Travaux de la deuxième fille. — Françoise travaille comme dévideuse
et fait des journées de 11 heures. Son salaire est de 0^70 par jour.
Elle travaille en moyenne 25 jours par mois. C'est une des meilleures
ouvrières; elle n'a jamais reçu de reproches ni encouru d'amende.
Accessoirement, Angèle et Françoise s'occupent à confectionner les
vêtements neufs dont on a besoin dans la famille, à raccommoder les
bas ou à repasser le linge. On peut évaluer à 14 journées la somme de
travail produite à elles deux pour ces divers objets; l'économie réalisée
est par suite de 11^ 20.
Travaux du père de la femme. — (îabriel est employé depuis cin-
quante-quatre ans dans la manufacture de soie : il y est entré en 1837
en qualité de charretier, et il est resté dans cet emploi jusqu'en 1884.
Aujourd'hui on l'occupe à un travail moins fatigant : il est concierge ;
c'est lui qui balaie et nettoie la fabrique. C'est un des plus vieux employés
de la manufacture. Il est payé à l'année, et à raison de 1^50 par jour.
Il gagne moins que lorsqu'il était charretier; un charretier a un sa-
laire fixe de 2*^50 par journée de travail, mais n'est payé que pour
les jours où il travaille.
3i0 IS° 70. — TISSEIR DE SAN LEUCIO.
Industries entreprises par la famille. — Les quelques industries en-
treprises par la famille comprennent : l'exploitation du jardin-potager,
l'entretien de la basse-cour, les travaux de blanchissage et de repas-
sage du linge, la confection et le raccommodage des vêtements. Ces di-
vers travaux se répartissent, ainsi qu'il a été dit plus haut, entre cha-
cun des membres de la famille.
MODE D'EXISTENCE DE LA FAMILLE.
§ 9.
ALl.ME.NTS ET REPAS.
La famille de Siméon fait en toute saison trois repas par jour : le
premier, le matin à la première heure; le second, entre 11 heures et
midi ; le troisième, vers 6 heures du soir.
A 5 heures ou 5 heures et demie du matin en été et au printemps,
à 0 heures ou 6 heures et demie en automne et en hiver, au coup de
sifflet de la machine qui appelle les ouvriers au travail, les membres
de la famille qui sont employés à la manufacture font un léger déjeu-
ner de lait ou de café au lait, suivant la saison. Ceux qui restent à la
maison, ou qui vont à l'école entre 7 et 8 heures, mangent un peu de
pain avec quelques fruits.
De li heures à midi, les ouvriers quittent en masse la manufacture
pour aller déjeuner chez eux pendant l'heure d'interruption du travail
et de repos. Ce second repas consiste ordinairement en une soupe aux
légumes et en un plat d'œufs, de friture, de morue sèche ou de po-
lenta assaisoimée de graisse de porc ou de saucisses. Un verre de vin
clôt ce second repas.
Le troisième repas se prend environ à 0 heures du soir. C'est tou-
jours le plus fort repas de la journée. Le premier plat est tantôt un
plat de macaroni, tantôt une soupe aux légumes verts, tantôt un plat
de riz, tantôt un plat de pâtes et de légumes, ou de légumes verts
avec des haricots. La viande constitue le second plat du dimanche et
du jeudi : souvent ce second plat est une purée de pommes de terre
en gâteau, ou bien du riz en croquettes, des œufs ou du poisson salé
ou frais. Du mois d'avril au mois de septembre, époque pendant laquelle
OBSERVATIONS l'RÉLlMfNAlRES. 341
abondent successivement les légumes verts, les arlichauls, les polirons,
le piment, les aubergines, les cardons et autres plantes potagères, la
viande et le poisson disparaissent presque complètement de la table et
sont remplacés par les mets appétissants préparés par Hélène. Le re-
pas se termine toujours par des fruits frais ou secs. La consommation
de vin est modérée : elle ne dépasse pas un litre par jour.
D'une manière générale, la famille fait des dépenses modérées pour
sa nourriture. La viande et le poisson entrent en médiocre quantité
dans les repas (14,46 % des dépenses totales d'alimentation) ; par con-
tre, on y trouve en abondance les céréales (47, 11 %), les légumes verts
(H, 6^ %), le lait et les œufs (8,56 ^), les corps gras (7, 83^), les con-
diments et autres stimulants (5,66 %). Il n'y a que (labriel qui abuse du
vin : il a l'habitude d'aller tous les jours au cabaret où il en consomme
environ un litre.
La famille fait des repas exceptionnels à la Noël, pendant le carna-
val et à Pâques. La coutume napolitaine est de manger au dîner de
Noël une dinde, à ceux du carnaval de la viande de porc cuite au four,
à celui de Pâques un agneau ou un chevreau que la femme accommode
de plusieurs manières. Pour Noël et pour Pâques, les sucreries sont
de rigueur : à Noël, on mange des croquets et du nougat; à Pâques,
de la pâtisserie dite cassatiello, et un gâteau dit pasttera. Ce dernier
est une tourte d'une espèce particulière, qui consiste en une croûte de
pâte feuilletée, remplie de froment cuit sans sel et pétri avec du lait
de beurre et des blancs d'œuf battus , le tout assaisonné d'essence de
cédrat, de citron et de cannelle. Le cassatiello est une pâle de froment
qui forme un pain levé avec des œufs; au milieu se trouvent des œufs
durs dans leurs coquilles. A la fête de Saint Joseph, on mange une
friandise spéciale, appelée dans le dialecte du pays zeppole, composée
d'œufs et de fleur de farine [majorca) (1). Dans toutes ces fêtes, la
famille se conforme pleinement aux mœurs locales : elle mange et dé-
pense sans compter.
î 10.
HABITATION, MOBILIER ET VÊTEMENTS.
La maison où habite la famille est de construction ancienne : elle
date de 18i0 environ. Elle se compose d'un rez-de-chaussée élevé de
(I) Majorca, sorte de froment qui donne une farine excellente pour la confection des
pâtisseries.
35
342 >° 79. — TISSEUR DE SAN LEL'CIO.
50 centimètres au-dessus du niveau de la rue : ce rez-de-chaussée est
divisé en quatre chambres, une cuisine et un cabinet. Une chambre
sert de salle commune et de lieu de réunion ; deux autres servent de
chambres à coucher, et la quatrième, la plus spacieuse, est occupée
par le vieux père Gabriel. La maison a deux portes d'entrée : l'une au
levant, sur la rue, tout à fait en face de la porte du jardin et à l^SO
à peine de distance de cette porte; l'autre au couchant, sur la rue
Chiassolo Ferrera. Trois fenêtres sont exposées ali midi. La maison est
dans un médiocre état d'entretien : elle aurait besoin d'être réparée
extérieurement et embellie à l'intérieur. Il n'y a pas de fosse pour
l'usage domestique. La cuisine est très petite et sans issue puur la
fumôe.
Meubles : la famille possède une quantité sulïisanle de meubles
appropriés à sa condition; le luxe et la recherche en sont absents, mais
ils sont propres dans leur simplicité 1.01 4^50
I" Lils. — '2 lits jumeaux en fer verni, pour les opoux, "O'OO; — 2 lits, à une i)la(e et
demie, avec montants en fer peint, WOO; — 3 lits sur rhcvalets, U'IH; — -20 planches île
lit, 22' 00; — 1 berceau, .'i'SO; — 8 matelas de laine, 320' 00; — 8 matelas de feuilles de mais
(dans le dialecte du pays, sbrcglie), 24'00; — 12 oreillers de laine, "«'OO; — i courtepoin-
tes de coton, 80' 00; — 4 couvertures de laine, .'jG'OO; — tj couvertures tricotées, 3(j'00; —
2 jietiles couvertures de berceau, 8' 00. — Total, 722'25.
2° Mobilier des chambres à coucher et de la salle commune. — 1 armoire, G<j'00; —
2 conmiodes en imitation de noyer, 50' 00; — 1 grande armoire peinte en sapin, 46'00; —
1 petite commode, 15'00; — 2 petites tables de nuit, tri' 00: — 1 glace, .VOO: — 2 colfres
servant de divan, avec coussins, li'OO; — \ tabouret, 3'00: — 12 chaises de Madd.doni,
12' 00; — « chaises deChiavari, 15' 00; — 1 grande table, O'OO; — 1 table de toilette, 5'00; —
cadres et autres petits objets, 12' 00. — Total, 2(;<i'O0.
3° Mobilier de la cuisine. — 1 petite table de sapin, a'-^O; — 2 étagères pour vaisselle et
objets de cuisine, 3' 00 ; — \ planche do sapin lixée contre le mur i>oui- sui)inirler les mar-
mites et la vaisselle, 2' 00. -Total, 7':w.
4" Livres. — Images de sainteté et objets de piété, 18'7."i.
UsTE.NSiLES : réduits au strict nécessaire, sans aucun caractère local,
mais tenus avec grand soin i2."{' 55
1" Employés pour la cuisine, la préparation et la consommation des aliments. — 2 mar-
mites de cuivre rouge, 14'"'»; — 1 en étain laminé, l'25; — 1 en fer, 3'50; — 3 cassero-
les en cuivre rouge, II'OO; — 8 tourtières en cuivre, 8' 75; — 4 poêlons en cuivre, 2' 80; —
1 moule à pâte. <!n fer, 2' 00; — 1 pocle, 2'2.'i; — 1 gril à café, i'OO; — 2 fours de campa-
gne, O'OO; — 1 jtassoire pour le bouillon, 0'3.'j; — i grande passoire, t'2.'>; — i couteau de
cuisine, i''H); — 1 cuiller en bois et I fourchette, 0'80; - 1 pelle etjl paire de pin-
celtes en fer, 0'70; — 2 cafetières, 0' GO; — 3 grands plats ronds, 3'7.'>; — 2 douzaines d'as-
fiicttes, 3' 20; — 1 grande soupière et 1 |ietite, l'tiO; — 1 salière et 1 boîte à sel, l'IO; —
3 bouteilles en verre blanc et 8 en verre vert. 2'80; — 1 petite bouteille en verre vert,
l'OO; — 3 bouteilles (en dialecte du pays, perrctte), 0'85; — G tassesà cafc, 2' 80; — 6 cou-
teaux, v'.'iO; — 1 sucrier en bois, O'jO; — 1 seau en zinc, t'2/>; — 1 seau en cuivre, 3'2iJ; —
1 entonnoir, O'I.'i. — Total, 80' 15.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. ;{i3
i" Servant à l'éclairage. —3 lampes à pétrole, 9' 50; — 1 lampe à huile pour la cuisine,
l'25; — 1 veilleuse, 0'7.'i; — 1 lanterne, 0'2o; — 2 bougeoirs, l'OO. — Total, l-2'-5.
3° Servant à divers usages domestiques. — 2 brosses, 3' 2";; —5 boites, 20'(X); — t ré-
chaud, S'iiO; — 1 balai, 0'3o; — peignes, rasoirs, blaireau à barbe et autres petits objets,
3'.v;. — Total, SO'fô.
Linge de ménage : suffisant et de qualité ordinaire; la mère a soin
que le linge soit toujours solide et sacrifie la finesse à la résistance du
tissu 223^00
4 paires de draps en toile pour le lit des époux, oO'OO; — 4 paires de draps en coton
10' 00; — 4 paires de draps en toile et 4 en coton pour lits à une place et demie, o8'00; —
6 paires de draps en toile pour petit lit, 48^00; — 4 paires de draps en coton, i6'00; —
2i torchons de cuisine, 20' 00; — 12 pièces de linge pour toilette de iemme, 9'00; —
2 nappes, ti'OO; — Sserviettcs, fi' 00.
VÊTEMENTS : Ics vêtements n'offrent plus aucun caractère local; ils
conservent toutefois la simplicité qui convient aux familles ouvrières
qui n'ont pas été atteintes par les exemples pernicieux des classes su-
périeures. La famille P*** recherche plutôt la solidité que l'élégance
dans ses vêtements. La plus grande partie des vêtements sont con-
fectionnés à la maison, même ceux des hommes, pour lesquels on n'a
recours au tailleur que pour la coupe. On ne fait jamais d'habits neufs
pour les petits enfants; on a coutume de leur donner les vêtements
qui ne peuvent plus servir aux plus grands :2.0:21'^oO
Vêtements des hommes i ;J24'' 30).
1» Vêtements du dimanche. — 1 vêtement complet en drap pour Simcon, GO'OO; — i vê-
tement complet en tricot de laine pour Gabriel, 40' 00; — 2 vêtements complets en coton,
iO'OO; — Icliapeau de feutre pour Simcon, 5'00: — 1 chapeau de feutre pour Gabriel, 4'00;
— 1 chapeau de paille pour l'été, o'OO,- — 1 bonnet de drap pour Siméon, 2" 00; — 2 paires
de bottes, IS'oO; — 2 manteaux, 90' 00; — 2 chemises de laine, 30' 00. — Total, 294' 50.
2° Vêtements de travail. — 4 pantalons de tricot de laine, 6'o0; — 4 gilets, 4' 80; —
1 mouchoirs de soie, G'OO; — 6 blouses en coton, 2'i'00 ; —2 tabliers, 2'o0; — 2 bonnets,
l'fiO; — 2paires de souliers, 10' 00; — 2chapeaux, 4' 00; — 4 chemises delaine et 4 de futaine,
30' 00: — 8 chemises de toile et de coton, 26' oO; —8 caleçons, 12' 00; — 24 paires de bas,
20' 40; — 2 ceintures de cuir, 3'00; — 12 mouchoirs, 12' 00; — 3 parapluies, 18' 00. — To-
tal, 186'00.
3" Bijou.r. — 2 montres : 1 en argent et 1 en nickel. 43' 00.
Vêtements des femmes (1.437^ 20).
r Vêtements du dimanche. — 3 robes de calicot, 75' 00; — 5 robes de toile et de laine,
1.50' 00; -- 6 petits châles, .'JS'OO; —fi foulards, 48' 00 ; — 5 tabliers, 2.5'70; — 4 ju|>ps, 24'00 ;
— 4 camisoles (campanelle) en calicot très élégantes, 32'_00; — 3 paires de sabots, 28'00; —
12 paires de bas, 18' 00. — Total, 438' 70.
2» Vêtements de travail. — 3 robes de laine, 30' 00; — 8 robes de calicot et de futaine,
50' 00; — 12 camisoles en calicot, 12' 00; — 1 douzaine de fichus, 12' 0); — 1 denii-douzainc
de paires de bas de laine, 9' 00; — 2i jjaires de bas de coton, 18' 00; — 4 chemisettes de
laine, 12' 00;— 12 tabliers, 12' 00; — 5 |)aires de sabots, 5'50; — 24 chemises, 49' 75; — 14 ca-
leçons, 18' 00; —12 mouchoirs, 12'00. — Total, 24G'23.
344 N° 7'.». — TISSEUR DE SAN LEUCIO.
30 Trousseaux pour les filles. — Les divers objets qui les coiu|)oseiU peuvent ("'tre éva-
lués actuellement à iSO'OO, ce qui représente une dépense annuelle de 80' 00 environ.
4" Bijoux. — i chaînette en arj^ent, lo'OO; — 1 l>ague de fiançailles, dite fede, 20'00; —
2 bagues avec rul)is, ;{8'(H»; — i i)etite croix en or (jeannette), y-2'i: — 2 broches en ar-
gent, 16' 00; — "i paires de boucles d'oreilles, 180' OO. — Total, 2"-2'2";.
Vêtements des enfants (60^00).
■2 vêtements reçus en don, 33' 00; — 1 foulard, id., f'OO ; — l chapeau, id.. i'.H): — mail-
lots et autres objets il'cnfant nouveau-né, 13' 00; — lu chcniisetles et effets pour petits en-
fants, 6':i0. — Total, 00' 00.
Valeur tot.vle du mobilier et des vêtement? 3.38:2'^ 55
11.
RECREATIONS.
Les récréations de l'ouvrier et de sa famille sont rares. En semaine,
les jours de travail, l'ouvrier, fatigué, ne sort pas de chez lui après
le troisième repas : il passe les premières heures de la soirée avec
ses enfants et vase coucher de bonne heure. Le dimanche, après avoir
assisté à la messe, il reste jusqu'à environ midi dans la via Belvédère
à se promener ou à causer avec quelque ami. Dans l'après-midi il a
coutume de faire une promenade, seul ou avec une partie de sa fa-
mille, à la localité voisine de Sala, pour y trouver des parents, ou à
Gaserte, ou dans les communes voisines, lorsqu'il s'y célèbre quelque
fête religieuse ou civile. Les divertissements extraordinaires auxquels
prend part la famille entière sont rares. Le jour du mercredi des cen-
dres, après les offices, et le lundi de Pâques, on va dans la montagne
poiir y achever les restes des repas du carnaval et de Pâques. Le
jour de la fête de Sainte-Lucie , de la madone des Grâces et de San
Leucio, la famille entière prend part aux divertissements publics, as-
siste aux courses, aux feux d'artifice, aux concerts musicaux ou à
la représentation des Polichinelles. Tous ces divertissements n'entraî-
nent pas de dépenses importantes et particulières.
Quant aux boissons alcooliques, le vieux (iabriel seul en consomme
avec excès : c'est un buveur impénitent qui gaspille sans compter les
économies qu'il pourrait garder pour ses petits-enfants. Le dimanche
surtout, et tous les jours de chômage, il fréquente les cabarets et se
livre, sans mesure ni raison, à la boisson et au jeu; il abuse égale-
ment du tabac à fumer. Siméon est au contraire très sobre. Les
OBSERVATIONS PRÉLIJUNAIRES. 345
prières de la famille sont absolument impuissantes à détourner du
vice le vieux Gabriel. On peut dire qu'il dépense en vin et en cigares
tout ce que lui rapporte chaque mois le loyer de ses maisons.
Parmi les veillées d'hiver, on ne célèbre que celle de Noël, qui est
d'un caractère tout religieux. Après le dîner, la famille, réunie autour
du foyer domestique, veille en attendant minuit, tout en prenant part
à des jeux et des divertissements divers; on va alors à l'église assister
aux cérémonies religieuses qui rappellent la naissance du Christ.
L'ouvrier veille aussi pendant le carnaval, heureux de procurer quel-
que divertissement à ses filles.
Souvent la piété se mêle aux récréations : pour les ouvriers de la
maison Offritelli et Pascal, ce sont des jours à moitié fériés que les
anniversaires de la catastrophe de Casamicciola (28 juillet 1883),
dont fut victime le directeur de la fabrique, M. César Pascal, et de
l'invasion du choléra en 1837 (l*^"" février); tous les ouvriers assistent
au service funèbre qui leur rappelle les sentiments d'affection qui les
unissaient à leur directeur. Le 1" février, ils vont en procession à la
chapelle de la Vierge des Grâces, dans le bourg de la Vaccheria, pour
la prier d'éloigner tout fléau de San Leucio.
Le dimanche de Pâques est une fête locale caractéristique. On peut
l'appeler la fête des amoureux et du pardon. La loi pour « le bon gou-
vernement de la colonie de San Leucio » disposait : « Lorsqu'un
jeune homme ayant atteint l'âge de raison aura de l'inclination pour
une jeune fille ayant également l'âge voulu, et que l'un et l'autre
auront appris leurs métiers respectifs, le jeune homme devra immé-
diatement en faire part à ses parents, qui en avertiront ceux de la
jeune fille pour leur gouverne, afin que tous, d'un commun accord,
surveillent la conduite de leurs enfants et qu'ainsi tout se passe avec
décence, sans qu'il se produise aucun incident fâcheux, le cas pouvant
se présenter où plusieurs jeunes gens rechercheraient la même jeune
fille. »
« Les parents n'interviendront pas dans le choix de leurs enfants, à
qui liberté entière sera laissée à cet égard; ce choix se confirmera de
la manière suivante (et c'est là précisément la particularité dont nous
voulons parler) : le jour de la Pentecôte, à la messe solennelle, à la-
quelle assisteront tous les habitants de la localité, aussi bien que les
jeunes filles et les jeunes gens étrangers qui travaillent dans les ma-
nufactures, deux enfants de l'un et de l'autre sexe porteront à l'autel,
pour les faire bénir par l'ofliciant, deux corbeilles pleines de bouquets
;{i6 N" 79. — TISSEUR DE SAN LEUCIO.
lie roses, blanches pour les hommes et de couleur naturelle pour les
femmes; après cette cérémonie, on distribuera les bouquets à tous
les assistants, comme cela a lieu pour les palmes. Puis, à la sortie de
l'église, sous le porche où est le baptistère, chaque prétendant pré-
sentera son bouquet à la jeune fille de son choix : si celle-ci l'accepte,
elle donnera le sien en échange; si elle le refuse, elle le rendra poli-
ment et avec bonne grâce; aucune discussion ne sera permise entre
eux. Pour éviter tout désordre, les premiers qui devront sortir de
l'église et se placer sous le porche seront les anciens du peuple f;:^ 18),
qui seront là pour imposer la soumission aux jeunes gens. Ceux qui
auront échangé entre eux leurs bouquets les porteront sur la poitrine
jusqu'au soir; le soir venu, après le salut du Saint Sacrement, ils se
rendront, chacun accompagné de ses parents, chez le curé, qui enre-
gistrera leurs noms et leurs promesses. » Ces prescriptions, poétiques
et charmantes, mais qui renvoyaient à des époques fixes les déclara-
tions d'amour, violentaient la liberté; elles sont tombées en désuétude
et il n'en est resté que le symbole : aujourd'hui encore les déclarations
d'amour se font en échangeant des bouquets de roses.
La fête de Pâques est aussi la fête du pardon. Chacun de ceux qui
assistent à la cérémonie de la bénédiction dans l'église reçoit du prêtre
une palme; on en détache alors de petits rameaux qui s'échangent
entre amis et entre ceux qui, après avoir été longtemps divisés par
ime vieille querelle, se rencontrent en ce jour pour faire la paix.
HISTOIRE DE LA FAMILLE.
l'IlASES l'HINCU'ALES HE l'eNISTENCE.
L'ouvrier est issu d'unr pauvre famille de Sala. Il y est né en 1837.
Son père était un cultivateur journalier qui travaillait à f(»rfait : il
avait peine à faire vivre sa famille avec ses gains, d'autant |)lus qu'il
avait uni,' femme dépensière et peu laborieuse. Dès son enfance,
Sim^on apprit de son parrain le métier rie tisseur; comme il avait
l'intelligence peu vive, il n'arriva que lard à entrer comme tisseur
OBSERVATION'S rRÉLlMl.NAIHES. 347
dans la manufacture de soie de San Leucio : de 1859 à 1871, il avait
travaillé chez lui pour le compte d'un entrepreneur. En 1871, il s'éprit
d'Hélène Marotta, fille de Gabriel, qui alors travaillait comme fileuse
dans la maison Ofîritelli et Pascal. Il l'épousa en 1872; Hélène avait
alors vingt-cinq ans.
Sous l'empire des lois promulguées par Ferdinand pour le gouver-
nement de la colonie (§ 18), lorsqu'un ouvrier en soie venait épouser
une jeune fille de San Leucio, ouvrière elle-même dans la manufacture,
et qu'il se fixait dans la localité après son mariage, la mariée recevait
de la munificence royale une des maisons que le roi avait fait cons-
truire à cette intention, avec tout ce qui est nécessaire aux besoins de la
vie, ainsi que les deux métiers qui devaient permettre aux époux de ga-
gner leur existence quotidienne.
Mais, à partir de 1800 (§ 18), le patrimoine de la maison de Bour-
bon ayant été incorporé avec celui de la maison royale d'Italie, les
privilèges des Leuciens cessèrent : aussi Siméon ne reçut-il rien à son
mariage. Il dut se contenter du trousseau et de la chambre à coucher
complète que Gabriel donna comme cadeau de noces à sa fille. Le
trousseau avait une valeur de 340 francs ; la chambre à coucher valait
270 francs. — Dans les premiers mois de son mariage, Siméon vécut
dans la maison de son beau-père; mais il fut ensuite obligé de louer
une maison d'habitation à Sala. Il vécut modestement de son travail,
jusqu'en 1882, comme ouvrier dans la manufacture de soie de San
Leucio. Au mois de septembre, attiré par l'espoir de gains plus élevée,
il transporta son domicile à Portici , où il trouva du travail dans la
fabrique de M. Pascal Borrelli. Il y gagna effectivement en moyenne
35 centimes de plus par jour; mais, tandis qu'à San Leucio il travail-
lait 23 jours par mois, à Portici il n'en travaillait que 22; et, tandis
qu'à Sala il ne dépensait que 7 francs par mois pour l'habitation, à
Portici il ne put trouver à se loger pour moins de 13 francs. Aussi son
budget annuel se soldait par un déficit.
Cependant Gabriel restait veuf à San Leucio avec une fille en âge
de se marier, et il invitait Siméon à revenir à San Leucio pour asso-
cier les deux ménages. Siméon accepta, cédant aux conseils de sa
femme, bien aise aussi de pouvoir économiser ses loyers mensuels
et de diminuer les dépenses domestiques pour faire quelques épargnes
nécessitées par l'accroissement de sa famille. Au mois de mai 1885,
il revint à San Leucio et rentra dans la manufacture Ofîritelli et Pas-
cal. Depuis lors, il est toujours resté ouvrier assidu à la fabri(|ue, père
.{48 n" 70. — TISSEUR DE SAN LELCIO.
de famille rigidement économe chez lui. Toutefois, sa situation n'est
pas stable, car il court toujours le risque d'être congédié par ses pa-
trons en cas de diminution de travail et de personnel (§ 20).
13.
MCIKIRS ET INSTITUTIONS ASSURANT LE BIEN-ETRE l'IlVSIQUE
ET MORAL DE LA FAMILLE.
On peut dire que le bien-être de la famille repose uniquement sur
les habitudes laborieuses de Siméon et sur l'esprit d'économie dont
sont pénétrées sa femme et ses filles. Nous verrons qu'il y a des fa-
milles ouvrières qui, tout en ayant des recettes à peu près égales et
se trouvant dans une situation analogue quant à l'état civil de leurs
membres, dépensent cependant davantage et s'endettent quelquefois.
Du jour où Siméon a pu se faire aider par ses filles, le bien-être de la
famille s'est accru; et si son beau-père, au lieu de se livrer à la dissi-
pation et au vice, songeait à la responsabilité que le nombre de ses
enfants fait peser sur le pauvre Siméon, la famille pourrait se trouver
aujourd'hui dans une situation matérielle meilleure. Siméon et Hélène
limitent leurs dépenses au strict nécessaire. La mère a inspiré son
esprit d'économie à ses filles, qui grandissent modestes et laborieuses.
Le capital de 750*^40 que Siméon a pu mettre de côté pour ses filles,
il l'a amassé en peu d'années : loin de diminuer, il s'accroît annuelle-
ment. Le linge du trousseau de noces d'une valeur de 480 francs qu'Hé-
lène a préparé pour ses deux filles aînées représente une somme de
privations volontairement supportées, qui, sans rien retrancher sur
le nécessaire de la vie, ont constamment diminué la part des plaisirs,
des récréations et des divertissements.
On voit par ce qui précède que la famille (|ue nous étudions, si elle
n'est pas parmi les plus aisées de la localité, n'est pas non plus parmi
les plus misérables; si elle n'a pas la richesse matérielle, elle est riche
en vertus. Les filles sauront suivre l'exemple de leurs parents. Il est
vrai qu'on ne peut dire si elles resteront ou non à San Leucio; mais
ce qui estcertain, c'est que, obligées après leur mariage de suivre leur
mari, elles y regarderont à deux fois avant de choisir un homme ([ui,
en les forçant à abandonner là maison où elles travaillent et par suite
le seul métier (lui j)Misse leur permettre de contriluicr au soutien de
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 349
la famille, ne saura pas faire preuve en même temps d'une énergie
suffisante pour subvenir par son travail aux charges du ménage. Kn
tout cas, on peut prévoir qu'elles fonderont un jour de nouvelles fa-
milles qui continueront les traditions des parents.
Ne comptant que sur elle-même, ainsi que nous l'avons vu, la fa-
mille de l'ouvrier ne demande, ni aux autres, ni à aucune institution,
de secours d'aucune sorte. D'ailleurs, il n'y a actuellement dans la
commune de San Leucio aucune institution qui assure, ou concoure à
assurer, le bien-être de la famille. Il n'y a ni sociétés de secours mu-
tuels, ni sociétés de patronage, ni hôpitaux, ni fondations pieuses et
charitables. Dans un petit centre comme San Leucio, ces institutions
de prévoyance et de bienfaisance ne peuvent prendre naissance, si l'on
considère la nature des rapports qui relient les ouvriers entre eux ou
avec la municipalité et le chef de l'industrie (§ 21). La municipalité ne
néglige aucun des moyens qui sont en son pouvoir pour venir en aide
aux indigents, soit par des secours fixes, soit par des secours acci-
dentels; elle vient aussi en aide à la généralité des habitants en leur
assurant les soins d'un médecin et d'une sage-femme, qu'ils ne pour-
raient se procurer que difiicilement ou à grands frais dans les com-
munes voisines.
Quant aux institutions assurant le bien-être moral de la famille,
le patron n'en a fondé aucune, et la commune ne pourvoit à ce besoin
que d'une façon très restreinte. L'ouvrier leucien n'a à compter que
sur la force de sa volonté pour pourvoir à tous ses besoins. On peut
dire que c'est le type de l'ouvrier qui ne profite d'aucune des institu-
tions morales et sociales qui sont la caractéristique de ce siècle. Sous
l'empire des lois de Ferdinand sur la Colonie, il en était autrement.
Il y avait une « maison pour les infirmes » , dans laquelle , au prin-
temps et en automne, on inoculait le vaccin aux enfants, et où l'on
transportait toutes les personnes atteintes de maladies contagieuses,
tant aiguës que chroniques. Le roi fournissait médecin et remèdes,
et tout ce qui était nécessaire pour l'entretien de la maison et de ceux
qui y étaient reçus. Cette maison était confiée à l'administration exacte
et scrupuleuse d'un prêtre, choisi par le roi, et d'un des anciens du
peuple à tour de rôle (J^ 18), Il existait également une « caisse de la
charité » qui pourvoyait aux besoins des ouvriers indigents. « S'il se
trouve parmi vous, disait la loi, un ouvrier sans femme ni enfants, ou
en ayant, mais sans être à même de gagner leur pain et celui de son
pauvre père, tombé dans la misère par vieillesse ou infirmité, ou au-
.'{riO s" 79. — TISSEl'R DE SAX LEUCIO.
tre accident, pourvu que ce ne soit pas par paresse et fainéantise,
vous contribuerez tous à le secourir. >> Ce secours était temporaire ou
perpétuel. Cette caisse était alimentée par les contributions des ou-
vriers : celui qui était à même de gagner plus de 2 carlins {0' 85) par
jour versait 1 tari (0^03) par mois; celui qui gagnait moins donnait
15 grana (0^30) par mois. La caisse était administrée par le curé, les
anciens du peuple et les chefs d'industrie, qui faisaient les dons que
leur suggérait leur charité. Lorsqu'il y avait lieu de statuer sur une
proposition de secours à accorder à un indigent, tous les donateurs
étaient appelés à voter. Ceux qui effectuaient des paiements réguliers
avaient droit après leur mort à des obsèques spéciales aux frais de la
caisse. La prospérité de la caisse était due également à ce qu'on y
versait les dons faits à la Colonie par des princes et des rois natio-
naux et étrangers, et notamment les revenus importants d'un domaine
rural appelé le « Fazio », d'ime contenance de 150 moggia napolitains
(5.0i7"'% 287 ou 504.728™'', 7) et situé à Vitulaccio, petite commune du
mandement de Pignataro Maggiore. En 1822, cette caisse devint le
fonds actif de la colonie, érigée en commune autonome; peu à peu,
grâce à ce fonds, la commune augmenta le nombre des maisons,
livra à la culture et fertilisa des terrains incultes, améliora l'industrie
et les vieux bâtiments, et augmenta les capitaux mobiliers productifs.
Sous l'empire de ces lois, il y avait à San Leucio une école normale,
où on enseignait aux enfants des deux sexes, « depuis Tàge de six ans,
la lecture, l'écriture, l'arithmétique, le catéchisme, les devoirs envers
Dieu, envers soi-même, envers le prochain, envers le prince, envers
TËtat; les règles de la civilité, de la décence, de la politesse; les élé-
ments de tous les métiers, l'économie domestique, le bon usage du
temps et tout ce qui est nécessaire pour devenir économe, honnête et
bon citoyen ». Tous les colons dont les enfants avaient atteint l'âge ci-
dessus indiqué étaient tenus de les envoyer à l'école à heures fixes. En
1867, la municipalité de San Leucio ayant recouvré son autonomie,
qu'elle avait perdue en 18()0, résolut de ne déroger en rien dans l'admi-
nistration aux coutumes introduites parmi les colons par les lois de
Ferdinand I"". On institua alors un asile pour les jeunes enfants, dont
la direction fut confiée à des religieuses; ce fut le premier asile fondé
dans la province de Caserte et laTerre de Labour. Cetasileest fréquenté
annuellement par ii enfants des doux sexes en moyenne. Au mois d'a-
vril 1H02, on en comptait W, donl^'J de San Leucio et 0 de Sala. Les
Leuciens paient \ franc par mois, les étrangers 2 francs : tous indis-
OBSERVATIONS PRELIMINAIRES.
351
linctement arrivent à 7 heures du matin en été et à 8 heures en hiver, et
restent jusqu'à i heures de l'après-midi; ils ont droit au repas de midi.
|]n 1868, à côté de l'unique école élémentaire de jour, fréquentée en
moyenne par 32 garçons et 33 filles, on fonda une école du soir qui avait
en moyenne lo élèves du sexe masculin et 33 du sexe féminin. Au bout de
quelques années, l'école du soir fut remplacée par l'école du dimanche
qui réunit moins d'élèves que l'école du soir. En 1877, après la pro-
mulgation de la loi Coppino, qui rendait obligatoire l'instruction élémen-
taire, l'école unique fut divisée en trois sections et confiée à un maître
pour les garçons et à une maîtresse pour les filles. Le tableau suivant
donne la statistique des enfants obligés à suivre l'école élémentaire
unique pour une période de seize années :
ÉLKVES.
37
■27
(i4
oc
47
38
85
X
36
57
113
X
38
43
81
X
X
27
63
X
X
41
29
70
x
X
50
35
85
-r
X
X
40
36
76
X
X
43
38
81
X
_
34
31
<i5
X
X
30
39
69
X
X
X
2!»
32
61
x
X
31
41
72
X
37
43
80
X
3(i
42
78
X
41
42
83
Moyenne
de
16 années.
Garçons
Filles
TOTAIX
39
37
1
70
Le maître reçoit un traitement annuel de 9.j0 francs, et en outre le loge -
ment gratuit, ce qui représente une somme de 30 francs paran. La maî-
tresse reçoit un traitementlégalde 560 fanes paran, mais elleagratuite-
ment un logement meublé, le bois de chauffage, le blanchissage et le
service, ce qui représente une somme de 180 francs par an. Le personnel
de l'asile reçoit en tout une allocation fixe et annuelle de 1.200 francs.
r-.a-'oss^î^ >
352
N° 79.
TISSEUR DE SAN LEUCIO.
§ 14. — BUDGET DES RECETTES DE L'ANNÉE.
SOURCES DES RECETTES.
SECTION I''.
PBOPRIÉTËS POSSÉDÉES PAR LA FAMILLE.
Art. l". — l'noPRiF.TÉs immobilikiies.
1MMF.IBI.ES :
Maison dliabilation. apparlcnanl à la famille, avcr jardin ixitaijer
Maisons louées à des particuliers
ABT. 2. — YaLF.IIIS MOIlM.IKItES.
Argent et fonds de ijiulkmext :
Somme placée à la Caisse d'c-pargne i)ostale
Somme servant de fonds de roulement
Provisions : I2:i lit. d'Iiuilc, 1I8'"5; — 4 mètres cuhes de boisa hriiler, 88' 00.
Anim.mx domestioies entretonus toute l'année :
tj pigeons
!) poules et 1 coii
Matériel spécial des travaux et industries
Pour la culture du jardin
Pour le Idanchissage et le repassagi; du linge
Pour la confection et le raccommodage des vctcments.
Art. 3. — Droits aux allocations de sociétés d'assurances mutuelles.
(La famille ne fait partie d'aucune société de ce genre.)
Valeur totale des propriétés.
section m.
SUBVEiXTIOlVS REÇUES PAR LA FAMILLE.
Art. 1='. — Propiuétés i;eçues en usufruit.
(I.a famille ne reçoit aucune piopriélé en usufruit.)
AnT. 2. — Droits d'usage sur les propriétés voisines.
{I.a famille ne jouit d'aui un droit de ce genre.)
.•\i;t. ;t. — Allocations d'oiuets kt de services.
.M locations concernant les \étenionts
— rinstruction des enfants.
— — les besoins moraux
llvaluaiion
ftl'proxiiimiivc
dc8 sourr<s
de recettes
Viilcm-
.leK
proprittét.
.'{.000' 00
-J.800 00
VU) W
100 00
20«J Vi
7 00
26 :iO
i:, 00
7 :à)
6.917 IV
le service de santé
N" 7î». — TISSEIH DE SAN LEUCIO.
353
§ 14. — BUDGET DES RECETTES DE L'ANNÉE.
RECETTES.
SECTION I".
REVE.^IJS DES PROPRIÉTÉS.
AiiT. i". — Revenus des propriétés immobilières.
intcn-t i'i "/ojde la valeur de la maison. 138'87; — (5 "/o) de la valeur du jar-
din. H'13 (•; 16, A)
Loyer payé par les locataires : li'OO par mois
Art. 2. — Revems des propriétés modilières.
Intérêt (3 "/o) de cette somme
(Cette somme ne procure aucun revenu.)
(Ces objets ne proeurent aucun revenu.)
Intérêt (5 %) de la valeur de ces animaux (S IC, D);
— — - C 16, D).
Intérêt (o "/«) de la valeur de ce matériel (2 16, A)
— — — (':, 1«, B)
- - C 16, C)
Art. 3. — Allocations des sociétés d'assurances mutuelles.
{La famille ue reçoit aucune allocation de ce genre.)
Totaux des revenus des propriétés
SECTION II.
PRODUITS DES SlBVE\TIO\S.
Art. i". — Produits des propriétés reçues en usufruit,
(La famille ne jouit d'aucun jinxluit de ce genre.)
Art. -2. — Produits des droits d'usage.
(La famille ne jouit d'aucun produit de ce genre.)
Art. 3. — Objets et services alloués.
Vêtements donnés aux enfants en cadeau
Instruction donnée gratuitement dans les ('coles do la commune
Gratuité du droit d'enterrement pour les divers membres de la famille (pour
mémoire)
Gratuité du service médical ; (^cttc gratuité étpiivaut, pour le médecin et lu
sage-femme, à une économie annuelle de 20'00
Total des [iroduits des subventions
MIlNTANT DK.S ItKCK ITK?
Valeur Recettes
des objets
reçus
en nature.
1 48' T.i
0 33
1 21!
0 IS
0 7o
0 37
151 0-2
40 .jO
1-20 0(1
20 (KJ
180 'M
V-2-
168 00
0 0->
0 06
0 0-2
X',ï N° 79. — TISSEUR DE SAN LEUCIO.
^ 14. — BUDGET DES RECETTES DE L'ANNÉE {suite).
SOURCES DES RECETTES {suite).
jlVMITK Dl Tli.VVAll-
r.FFFcllK.
SECTION III.
RAVAUX EXÉCUTÉS PAB LA FAMILLE.
Travail de tissage, oxéculc à la tàclie par le chef de famille
Service de concierge, fait par le père de la femme.
Travail de lilage, exécuté à la journée par la lille aînée
— de devidage — par la -i*^ fille
Travaux d(; inciiage : Achat et préparation des aliments, soins donnés aux
enfants, soins <le )>ropreté concernant l'Iiahitation et le mobilier
Kxploilation du jardin potager, annexe à la maison
lilanchissage et repassage du linge
Conleclion et entretien des vêtements et du linge
exploitation de la basse-cour
Totaux des Journées de tous les membres de la fainille.
too
>
te.-;
I
0
-JKS
•
300
SECTION IV.
I^DISTRIES EIMTREPRISES PAR LA FAMILLB
(à son i>ropr(> compte).
iNDisTiiiEs entreprises au compte de la famille :
exploitation du jardin jiotager
lilanchissage et repassage du linge
Confection et entretien des vêtements et du linge
t:Nj)l(iitaticin de la basse-cour
N" 79. — TISSEIR DE SAN LEUCIO. 355
5; 14. — BUDGET DES RECETTES DE L'ANNÉE [suite).
RECETTES [suite).
PlilX DKS SVI.AIIIKS
JOlKN.VI.IKK'i.
•2 s:;
I .iO
.( itiumes.
ir. 0.
0 HO
0 70
1 .-.0
0 80
0 80
SECTION III.
SALAinES.
Salaire total attribué à ce travail
(Aucun salaire ne peut être attrii>uc à ces travaux).
Salaire total attribué à ce travail {'j !<>, A)
- - (■.; 16, B)
- - i§ 16, C)
- — C 1'^, D)
Totaux des salaires de la famille
SECTION IV.
BÉNÉFICeS DES I.^DLSTR iE.S.
aiélice résultant de cette industrie (;^ 10, A)
— — - Ci 1«, B)
— — — c; 16. C)
— — — c Ki, D)
Totaux des bénéfices résultant des industries
NfiTA. — Outre les recettes portées ci-dessus en compte, les industries
dnnncntlieu à une recette de 56'66 ('.;i6, E). (|ui est appliquée de nou-
veau à ces mêmes industries; cette recette et les dépenses (|ui la ba-
lancent ;s 1"', S"" V) ont été omises dans l'un et l'autre budget.
Totaux des kecettes de l'année (balançant les dépenses)(2.7o()'Gii).
MONTANT DES RECETTES.
des objera
en nature.
i0'-2-
3G 00
.33 (iO
1.-; 08
57
91
117
88
7.">
33
-.25
78
■270 93
R.fcttos
êll
.irgeiit.
855' 00
5i7 50
230 iO
210 00
2.045 74
XA\
N" TU. — TISSEUR DE SAN LEUCIO.
.:< 15. — BUDGET DES DEPENSES DE L'ANNÉE.
DÉSIGNATION DES DÉPENSES.
SECTION l".
DÉPENSES CO:\CERN.\iMT LA NOIRRITURE
Art. 1". — ALIMENTS CONSOMMÉS DANS I.E MÉNAGE
(|>ar l'ouvrier, sii femme et ses 7 enfants, et par le père do la
femme, peiiilaut 3()5 jours").
CÉRÉALES :
Pains de rroiiicat
Pains de mais
lariiie, 1"^^ (|iialiti', pour la s()ui)c et la cuisine
— -l" — , pour y:;iteaux et tartes
niz,2ii''5:(0' 46, 11'73; — niacaroni.Sa-i"?.^;! O'oa, HU'aiJ.
Poids total et prix moyen
Corps gras :
Beurre. 3" 550 à -l'W
Saindoux
Lard et iiralsse de i)orc
Huile d'olive, -2f qualité
Poids total et prix moyen
I.AITAGR ET OEUFS :
Lait de vache
tiKufs : do la has.se-cour, :280 pièces; — aciietes, 4;»!»
pièces, à 0'84 la douzaine
Fromage de Lccca, 2'»'' à l'»iO, 3«'40; —des PouiUrs,
U'''2:H)ii 2' 10, I3'12; — dit mozzarella. 11"-., à l'M),
10' 10
Poids total et prix moyen
Viandes ET poissons :
\eau
Viande de liisoii {huffnlo)
Mouton et ai,'iieau
Viande de porc, 38'' à VXi, 5I'30; — Imudin, ^^iix
1' il4, 4'9'i
Volailles : 3 poulets, à 2' 15, e'-iS; — 30 pigeons à Q'Ki,
1«'20 ,S lu, D)
Poissons : poissons frais, lO"- à l'.wi, 20' «0; — poissons
secs, dits nocro/isso, 28'' à o'i."i. I2'(KJ; — morue
salèc, dite Jtaccala, 28'' à (»'W, i2'tio. — poissons
conscrvf's (en hoilcs), .'*" à l'o.'i, 8'2:i
Poids total et pri\ mojeii
POIDS ET PRIX DES
ALIIIENTS.
POIDS
consommé.
PRIX
ar kilog.
1 33«»0
o'3;«»
70 0
0 270
4!» 0
» .{80
22 0
0 300
358 2
0 .-^io
l.8il 2
0 307
3 'i
0 2iO
13 0
\ 700
9 0
1 700
Tt 0
0 !»80
9!t ;;
1 190
42 0
0 .SiO
47 0
1 110
130 7
0 873
Il 0
l 800
2.5 0
\ ;mo
28 0
1 2(>0
il .-;
1 .».■;
22 2
0 8tii
MONTANT DES DÉPK'
Valeur
des objets
consommés
en nature.
N° T'.t. — TISSEUR DE SAN LEUCIO.
35"
^ i:;. — BUDGET DES DÉPENSES DE L'ANNÉE [suite).
DÉSIGNATION DES DÉPENSES {,suUc).
montant DF
Valeur
des objets
consommés
en nature.
S DÉPENSES.
Dépenses
en
argent.
SECTION 1".
DÉPENSES COXCERNANT LA NOUfiRlTflRE (suite).
l.iUiiMEs ET FniiTs :
POIDS ET
ALIM
POIDS
consommé.
PRIX DES
:nts.
PKIX
par kilog.
0'80
7 35
17 50
8 18
38 80
4 80
10
30 85
10 40
10 .57
1 4 .50
3 60
2 70
31 !»0
2 40
9 45
16 O.-i
9 00
32 40
12 80
51 30
99 .50
Io9"0
8 0
286 0
37 0
550 0
2,90 0
30 0
425 0
374 0
14 0
O'IOO
0 100
0 134
0 281
0 051
0 050
0 120
0 02(i
0 im
0 514
I,cgumes racines : Carottes (S 10, A)
Légumes farineux : Fèves, du jarilin, 2(>'^ à O'OG, d'5C; —
aclietees,l-24''à0f0U,7f 44; — petits pois, (lu iardiniSa"
à 0'1'2, ■2f64; — achetés, 58" à 0'12,6'9G; — liaricolS,
(lu jardin, 9" à 0'3r;, S'I'i; — aclietc^s, M^ à 0' 35,
16' 4.5 (% IG, A)
Li'gunies farineux secs : Lentilles, 8" à 0'"22, i'"6: —
ftîves, 3" à 0f28, 0'84; — haricots, ^G" à 0'30, "'80...
Légumes verts à cuire : Choux, choux-fleurs, poivra
long, chicorées, endives et autres herhes vertes, 200"
aciietés, à 0' 052, 10' 57 : — du jardin . 330" à 0' 05 ,
17'50 CVIG, A)
Cucurbitacées : Potirons, 80" à o'Oo, 4^00; — pastè-
ques, 60" à 0^03, 3'00; — melons, 1.50" à 0'05, 7'.50 . .
Légumes épices : Oignons et aulx
Tomates, 200" à 4f09 les 100", 8'18 (§ 16, A); — auber-
gines, 225" à 0'012, -l'-Q. ..:
Fruits à pépin et à novau : Poires, du jardin, 4" à 0'30,
l'20; — achetées, 12" à o' 30, 3'GO: — pommes, du
jardin, 5" à 0' 20, l'OO; —achetées, 20" à Of20. 4^00 ; —
; cerises, du jardin, 20" à 0' 10, 2' 00; — achetées, 110"
à 0fl0,ll'0b; —raisin, du jardin, 80" à 0^30, 24' 00:
— acheté, 5" à 0'30, l'50; — prunes,50" à 0'08, 4' 00;
— oranges, du jardin, 17" à 0' 20, 3' 40: — achetées,
39" à 0' 20, 7^80; — citrons, du jardin, 12 à 0'60,
7'20 (^ 16, AJ
' Fruits l)aies ctaulres : F'raises, 8" à O'GO, 4' 80 (§' 16, A) ;
— noix et noisettes, 6" à 0' 40, 2' 40
Poids total et prix moyen
Condiments et stimulants :
Sel,13" à 0^35, 4'55: — poivre et poivre long, 2" à 2'' 45,
4' 90
2.173 0
0 092
1.5 0
10 2
36 0
12 0
8 0
0 630
1 5(i(>
0 250
2 700
1 600
0 981
Epices : Noix muscade, clous de girolle, cannelle, 0i"250
à 5' 80, l'45; — sauce tomate, 4" à l'25, 5' 00; —
cornichons et pikles, au vinaigre, 6" à l'GO, 9'60.
Vinaigre
Café. 4" à 4'10, 16' 40; — chicorée, 8" à 2' 00, 16' 00
Sucre
Poids total et prix moyeu
Boissons feiimentées :
81 2
342 0
0 l.-iO
Art. 2. — Aliments prépares et consommés en dehoi
vin rouge, consommé au cabaret par le père de la femme
— vin hlanc, 12" à 0'15, l'80; — limonade, 20" .i 0'10,2'0
l'80, 2'70; — café, rhum, etc., 12"5 à 0' 60, 7'50
<S DU MÉNAG
, 570" à 0'
0; — lifiue
E.
5, 85' .50 ;
urs, 1"5 à
1 Totaux des dépenses concern.
int la nom
rilure...
120 10
1.444 59
36
358
N° 79. — TISSEUR DE SAN LEUCIO,
§ lo. — BUDGET DES DÉPENSES DE L'ANNÉE {suite).
DÉSIGNATION DES DÉPENSES {suite).
SECTION II.
DÉPENSES CONCERIVANT L'HABIT \T10:V.
Logement :
Loyer représeiUé |>ar l'intérAt à î» "/o de la \al(>ur île la maison
Dépenses d'entretien
Monn.iEit :
Entretien du mobilier. 3':>0; — achat et entretien d'ustensiles, 2' w
ClIAlFFAGE :
Bois en fagots, l'50; — charbon de bois, "'00; — poussier, 8' 00
ÉCLAIRAGE :
Pétrole, 54 litres à 0'63, 3oM0; — allumettes,»; dou/aincs de boîtes à0'20,
1 ' 20
Totaux des dépenses concernant l'habitation
SECTION III.
UËPEIVSES CONCERNANT LES VÊTEMENTS.
Vf.TEME.NTS DE LA KAMILLE :
Vêtements «les hommes, achetés (.', 16, K)
— des femmes, — (j; 16, F)
Trousseaux des lilles, — (â 16, K)
Vêtementsdes enfants, — ly'iW; -re<.usendon,M)'50(§14, S^IIet^.lU, F)
Vêtements confectionnés, pour tous les membres de la famille... (,; 16, C)
Blanchissage et soins de piiopiieté :
Blanchissage et repassage du linge, exécutés à la maison c' 16, ut
— — — au dehors
Abonnement chez le barbier
TOTALx des dépenses concernant les vêtements
SECTION IV.
DÉPENSES CONCERNANT LES BESOINS lUORALX, LES RÉCRÉATIONS
ET LE SERVICE DE SANTÉ.
Culte :
Souscription à la coiifréiic, 2' H»; — dépenses i)our les (êtes religieuses,
\<:m
iNSinCCTION DES ENEANTS :
Instruction donnée gratuitement par la commune
Achat de livres de lecture et de divers objets d'étude
SECorns ET Al■M(^^F.s :
Dons aux j)auvres de \icux habits et d'objets de nourriture (compris dans
la dépense de la famille [Z 15, S""* let III)
UÉCnÉATIONS ET SOLENNITÉS ;
Dépenses aux fêtes de Noél et ilii carnaval
Cadeanx faits aux enfants, I'2.'i; — dépenses diverses pour les fêles ci-
viles, 2' 2.-;
Cigares
Dépenses au cabaret (portées à la S"" 1 )
MONTANT DES DEPENSES.
Valonr
des objeU
consommés
en nature.
I38'87
40 .•.0
10!) ao
Mi 43
N" 79. — TISSEUR DE SAN LEUCIO.
359
§ 15. _ BUDGET DES DÉPENSES DE L'ANNÉE {suite).
DÉSIGNATION DES DÉPENSES {suite).
SECTION IV.
DÉPEIKSES r.O!\C;ERlVV!\T LES BESOINS MORADX, LES BÉf.RÉATIONS
ET LE SERVICE DE SAIMTÉ (suite).
Service de santé :
Dons faits au médecin de pièces de gibier ;
I rais de visite du médecin et de la sage-femme, payés par la commune.
Herbes médicinales, provenant du jardin '.
Abonnement chez le piiarmacien, i'tiO: — al)onnement au service d'ac-
coucliemeni, t'OO
Totaux des dépenses concernant les besoins moraux,
les récréations et le service de santé
SECTION V.
DÉPE\SES COI\iCER[VAl\T LES INDUSTRIES, LES DETTES,
LES IMPÔTS ET LES ASSURAI^CES.
DÉPENSES CONCERNANT LES INDUSTRIES :
Nota. — Les dépenses concernant les industries montentà.. (316, E). :212':)3
Elles sont remboursées i)ar les recettes provenant de ces mêmes
industries, savoir :
Argent et objets employés pour les consommations du ménage ou
faisant partie de ses épargnes et portés a ce titre dans le présent
budget ir,ti<»-,\
Argent et objets appliqués de nouveau aux industries (j 14, J
S"" IV), comme emploi momentané du fonds déroule- J-212 .S;î
ment, et qui ne peuvent conséquemment figurer parmi V
les dépenses du ménage "iG (i(; ;
Intérêt des dettes :
(La famille n'a pas de dettes.)
IsipôTS :
Impôt foncier sur les immeubles
Assurances CONCOURANT A GARANTIR LE bien-être physique et moral de la famille :
(La famille ne supporte aucune dépense de ce genre.)
Total des dépenses concernant les industries, les dettes,
les impôts et les assuianccs
Épargne de l'année :
Somme destinée à augmenter le capital déposé à la Caisse d'épargne pos-
tale ; _
Totaux des dépenses de l'année (balançant les recettes).... {H.VWG't)
MONTANT DES DEPENSES
Valeur
tics objets
consommés
en UiUiire.
'20' 00
1 50
Dépenses
S'OO
8 50
28 oG
2.0ij 7i
360
N° 79. — TISSEUR DE SAN LEUCI6.
l 16.
COMPTES ANNEXÉS AUX BUDGETS.
KECTION I.
COMPTES DES BÉNÉFICES
RÉSULTANT DES INDUSTRIES ENTREPIIISES KVK L\ FAMILLE
(à son propre compte).
A. — EXPLOITATION DU JAHDLN POTAGER.
RECETTES.
Oranses: consommées parla famille, 17" àO':20, .S'iO; —vendues, 20" ào'20. ■i':20.
Citrons: — — 12" à O'CO, 7'-20: — — as^à OMiO. Iti'SO.
Carottes, 8" à 0' lo
Fèves, 20" à 0'0(;
Petits pois. 22" à 0' 12
Haricots. !i" à 0'3o
Choux, clioux-lleurs, poivre long, chicorées, endives et autres herbes vertes.
3.W" à O'O.-;
Tomates. 200" à 4'09 les 100"
Fraises, 8" à 0'(iO
Raisin. 80" à 0'30
Poires, 4" à 0'30, l'20; — punîmes, 5" à 0'20, l'OO; — cerises, 20" à OMO. 2'0(».
Herbes médicinales : camomille, mauve, altliea, laurier
Grains, consommés par les poules
Semences diverses
Totaux
DÉPENSES.
Semences: bulbes et pclites plantes de pépinière: du jardin, l'OO;— achetées.
2" 55
Main-d'œuvre Iburnie par des ouvriers payés, 5 journ. à 0'7."i
Travail de louvrier, 8 journ. à l'45, ll'oo."
Fumier aciietc
Engrais, provenant de la basse-cour
Cendres lessivées
Intérêt (5"/„) de la valeur (222' 50) du jardin
— — — (:t'!«») du matériel
Matériaux achetés pour l'eiitretien du mobilier agricole
BÉNKncE résultant de l'industrie
Totaux comme ci-dessus
En nature. Kn argent.
3'W)
7 20
0 80
1 -m
2 (ii
.'{ 15
17 50
8 18
4 80
21 00
4 2(»
1 'M
1 32
1 (Kl
1 00
10 27
2 00
0 8t!
0 18
5' 20
16 80
3 8.'.
I 3:1
3 -r,
0 81)
1 'é.'i
7 »,S
B. — BLANCHISSAGE ET HEl'ASSAGE DU LINGE.
IlECETTES.
I'ri\ qu'il laudr.'iil paver pour faire cxécutei' le blaïu-hissage au di'liors.
— — — le repassage —
Totaux
104 48
.50 15
17 15
8 .Vt
N" 79.
COMPTES ANNEXKS AUX BUDGETS.
.{(M
1 1
l'.l
i;i
\i
11
i(
:il
il
111
i)<
'll
II
t.
.11 , -i-i" à 0'35
I rcs de bois de chaulVaiiO
pour chauffer la lessive, à raison de 10" par lessive
hon pour le repassage
Iiiii
ail de la femme : 1"2 journées à l'SO pour le blanchissage.
— 1^ — — pour la lessive
nées d'ouvrières pour le repassage
uses pour renouveler les ustensiles
I et (3 °jo) de la valeur ( t.'i'OO) du matériel
BÉNÉFICE résultant de l'industrie
Totaux comme ci-contrc
IHfOO
18 00
0 "î;
H7 88
En argent.
8'-.^
1 -2:i
4 Vi
a 88
0 g:;
4 .'iO
CONFECTION ET ENTRETIEN DES VETEMENTS
ET DU LINGE.
*rix (ju'il faudrait payer pour les confections faites au dehors —
— — pour les raccommodages faits au dehors ,
Totaux.
DEPENSES.
}onfcction d'objets neufs :
J'our les femmes : 3 vêlements en calicot, 2 jupes, i vêtement pour enfant :
Tiavail de la famille : 10 journ. de la femme, 4 journ. des filles, à 0'80
Achat de doublures, dentelles, boutons
Pour les hommes : 1 vêtement pour la saison d'hiver, -2 vêtements pour la
iaisoM d'été, 1 vêtement pour enfant :
Travail de la famille : 8 journ. de la femme, 4 journ. des filles, à 0'80
Achat de doublures, boutons, etc
Confection des bas :
Journées d'ouvrières pour 18 paires de bas, à O'iii par paire
— pour le reprisage des bas
Achat de coton
onfei-tiun du linge : 2 chemises de coton, 2 de laine, pour les hommes; 5 che-
mises pour les femmes, 1-2 langes, C essuie-mains, 8 caleçons :
Travail de la famille : <i journ. de la femme, 4 journ. des filles, à 0'80
Achat de coton, fil, aiguilles
laccomniodages :
Travail de la famille : 4 journ. de la femme, 2 journ. des filles, à 0'80
Dépenses diverses
ntérêt (5 "/,,) de la valeur (7'50) du matériel employé
BÉNÉFICE résultant de l'industrie
Totaux comme ci-dessus
7ii 40
29 90
îl GO
10!» 30
23 70
(i 70
30 iO
„
4 30
»
2 !»o
"
i 30
8 00
,
'
0 35
i 80
„
>
3 75
0 37
n
73 33
'
30 iO
EXPLOITATION DE LA BASSE-COUR.
RECETTES.
poulets consonniiés par la famille, à 2' 15, G' 43; — 9 poulets vendus, 19'33....
G pigeons — à 0' '(-3
86 œufs de poules, consommés par la famille, à 0'07 la pièce, 20'02; — 1.37 œufs
vendus, I0'!)9
ngrais
Totaux
G 43
IG 20
20 02
2 00
10 33
10 99
30 3i
362
N" 79. — TISSEUR DE SAN LEL'CIO.
DKI'ENSF.S.
Ciibliirc de hic ai'- à 0'15
Mais, s-l" à 0'18, 1 i'7G; — son, W à O'IO, 9'00
Graines du jardin
Travail de la famille : 14 journ. de la femme, 7 journ. des (illes, à 0'«0.
Intérêt (5 ",;.) de la valeur (33'.'>0) des animaux
BÉNKFicK nsullanl de l'industrie
Totaux comme ci-contrc
Kr
nature.
En
Hrîr.nt.
'.' 3.-.
■m 71 ;
Vi !t8
0 82
1 ?i!l
0 OS
-ïi "8
1 Xi
41 (iT
M) ;iv
E. — ■ RÉSUMÉ DES COMPTES DES BÉNÉFICES RÉSULTANT
DES INDUSTRIES (A A D\
IIECETTES TOTALES :
Produits employés pour la nourriture de la famille
— " pour les vêtements
— i)our le service de santé
Produits en nature cl recettes eu argent à employer de nouveau pour les in-
dustries elles-mêmes (5ij'6tj) .'
Totaux
DÉPENSES TOTALES.
Intérêts des propriétés possédées par la famille et employées ])ar elle aux in
dustries
Salaires afîérents aux traxaux exécutés par la famille pour les industries
Produits des industries dépensés en nature et dépenses en argent, qui iloi\(!iii
être remboursés par des recettes provenant des industries {:>û'iHi)
Dé[>enscs en argent
Totaux des déi>enses (Slîî' u.'})
BÉNÉFICES TiiTAix résultant des industries (■285'74)
Totaux comme ci-dessus
i20 10
•
20.1 9.{
5ti
os
1 50
•
4 32
:i-2
;r>
389 8:;
108
4-2
38! I 8.>
42 7.-i
9o 85
t 37
2 i:.
4 32
52 3 4
43 7'.
H2 !r2
!t!» (il
276 03
8 81
SECTION II.
COMPTES RELATIFS AUX SUBVENTIONS.
Ces comptes, doimant Hou à des opcialinns Ires simples, ont clé clahlis dans le budget lui-même
SECTION III.
COMPTES DIVERS.
F. — COMPTE DE LA DÉl'ENSE ANNUELLE CONCERNANT
LES VÊTEMENTS ACHETÉS.
AitT. 1". — Vêtements des hommes.
Vêlements du diinanclie :
1 Nêtonicnt complet en drap pour Simcon
1 — eu tricot de laine pour Gabriel
2 vêtements complets en coton
A reporter
PKIX
des objots
neuf-.
00' 00
40 TNI
40 OtI
IIURÉB.
f< an
10
3
DKPKX.-K
l«r 1111.
-;» ;
4 00
1.1 .33 1
COMPTES ANNEXES AUX BUDGETS.
;}(J3
Vêtements des hoinmes {suite).
Report .
1 chapeau île feutre pour Siméon.
1 — pour Gabriel .
1 chapeau de paille pour l'été
I honnet de drap pour Simcon
•1 i)aires de bottes
i manteaux.
i chemises de laine
Vêlements de travail :
i i)antalons de tricot de laine
i gilets
4. mouchoirs de soie
ti blouses en coton
î! tabliers
•i, bonnets
-2 paires de souliers
•2 chai)eaux
i chemises de laine et de futaine.
s chemises de toile et de coton
S caleçons
•Xi paires de bas
i ceintures de cuir
1:2 mouchoirs
•'î parapluies
Total.
Art. 2. — Vêtements des femmes.
Vêtements du dimanche :
5 robes de calicot
5 robes de toile et de laine
0 petits châles
6 foulards
■'> tabliers
4 j u pes
4 camisoles (campanelle) en calicot très élégantes .
•'> paires de sabots
12 paires de bas
Vêtements de travail :
:{ robes de laine
s robes de calicot et de futaine
12 camisoles en calicot
1 douzaine de liclius
0 [laires de bas de laine
2'» — de coton
4 chemisettes de laine
12 tabliers
5 paires de sabots
2i chemises
14 caleçons
12 mouchoirs
Total.
Akt. 3. — Trousseaux des filles.
Les divers objets qui les composent, d'une valeur aciuelle de
4S0'00, nécessitent une dépense annuelle de 80^00
Ain. 4. — Vêtements des enfants.
Maillots et autres objets d'enfant nouveau-né
10 chemisettes et elfets pour petits-enfants
Total
PUIX
des objets
neufs.
.'i'OO
4 00
.'; 00
2 00
18 .W
90 00
30 00
(i .-iO
4 80
6 00
24 00
2 ?;o
1 m
10 00
4 00
36 00
26 00
12 00
20 40
3 00
12 00
18 00
13 00
C "iO
7.S 00
fj
l.'JO 00
8
38 00
10
48 00
12
25 70
6
24 00
10
32 00
H
28 00
4
18 00
5
30 00
6
îHi 00
8
12 00
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12 00
10
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12 00
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12 00
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4
3
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24' 83
1 67
1 00
1 00
1 00
6 16
!> 00
3 7.^
2 17
1 20
1 'W
6 (XI
1 2.'.
0 80
10 00
4 00
12 00
6 5(1
3 00
4 08
0 60
2 00
3 60
15 00
18 73
3 80
4 00
4 28
2 40
'< 00
7 00
3 60
5 00
7 00
2 40
1 20
0 90
3 60
2 00
12 00
5 .-iO
9 «15
i 50
2 00
80 00
13 00
6 50
19 50
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTIÏLTION S0CL4LE.
FAITS IMPORTANTS D ORGANISATION SOCIALE;
PARTICULARITÉS REMARQUABLES;
APPRÉCIATIONS GÉNÉRALES; CONCLUSIONS.
SUR l'origine et le développement de la commune de SAN LEir.IO.
San Leucio, comme municipalité, est de date récente. C'est une trans-
formation de la « Colonie » fondée par Ferdinand F% roi de Naples,
sur la colline de San Leucio, à peu de distance du majestueux palais
de Caserte, pour introduire dans son royaume la fabrication de la soie.
L'histoire de San Leucio a été racontée par Ferdinand lui-même dans
rintroduction del'édit par lequel il a promulgué les « Lois pour le bon
gouvernement de la population de San Leucio ». Voici ce qu'il écri-
vait :
'< Ce n'était certes pas le moindre de mes désirs que celui de trou-
ver un lieu agréable et éloigné de l'agitation de la Cour, où il me fût
permisd'employer avec profit les quelques heures de loisir que me lais-
saient de temps à autre les sévères soucis du gouvernement. Les déli-
ces de Caserte et la magnifique habitation dont la construction avait été
commencée par mon auguste père et continuée par moi ne me procu-
raient pas lesavantagesque j'avais cherchés en l'uyant la ville, ù savoir
le silence et la solitude nécessaires à la méditation etau repos de l'esprit;
c'était comme une autre ville au milieu de la campagne, avec toutes les
idées de luxe et de magnificence de la capitale. Je pensai donc, au mi-
lieu même de ce château de plaisance, à choisir un autre endroit plus
retiré qui me servît pour ainsi dire de refuge, et la situation de San Leu-
cio me parut la plus avantageuse.
« En conséquence, je fis, en 1773, entourer d'un unir le boisa l'inté-
rieur duquel se trouvaient la vigne et l'ancien château de plaisance des
princes de Caserte, appelé le Belvédère; sur une éminence je fis cons-
truire une très modeste maison dont je devais me servir lorsque j'irais
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. :}6o
à la chasse. Je fis aussi réparer une ancienne petite maison qui tombait
en ruines et en fis construire une neuve. Je plaçai là cinq ou six indi-
vidus pour garder le bois et pour veiller à l'entretien de ma maison,
des vignes, des plantations et des terrains situés dans l'enceinte du
mur. Je logeai ces individus et leurs familles dans les deux petites
maisons dont je viens de parler et dans l'ancien château du Belvédère
que je fis réparer. En 1776,1e salon de cetancien château fut converti en
église; cette église fut érigée en paroisse pour les habitants, auxquels
étaient venues se joindre 17 autres familles; je dus en conséquence
faire agrandir les habitations comme je fis agrandir la mienne propre.
«■ Lorsque ma maison fut agrandie, je commençai à aller y habiter
et y passer l'hiver. Mais ayant eu le malheur de perdre mon fils aîné,
et ne voulant plus habiter à San Leucio après cet événement, je pen-
sai à faire de cette habitation un usage plus utile. Les habitants dont
j'ai parlé plus haut, auxquels étaient venues se joindre 14 autres fa-
milles, avaient atteint le nombre de 134; le développement de cette
population était favorisé par la bonté de l'air et par la tranquillité et
la paix domestique au milieu de laquelle elle vivait; je craignais ce-
pendant que le défaut d'éducation ne fût funeste à tous ces enfants
des deux sexes dont le nombre croissait de jour en jour et n'en fit plus
tard un foyer dangereux de débauche et d'inconduite. Je songeai donc
à établir en cet endroit une maison d'éducation pour les enfants de
l'un et de l'autre sexe, en utilisant à cet effet mon château; je commen-
çai à rédiger un règlement et à rechercher les sujets les plus capables
et les plus propres à remplir les divers emplois que nécessite une insti-
tution de ce genre.
« Après avoir à peu près tout réglementé,... je pensai à donnera
cette population qui augmentait sans cesse une organisation qui fût à
la fois utile à l'Etat, aux familles, et à chaque individu en particu-
lier
« Pour le bien de l'État, je projetai de créer une manufacture de
soie grège et travaillée, selon divers procédés jusqu'alors peu ou mal
connus, en cherchant à donner à la fabrication la plus grande per-
fection possible, afin qu'avec le temps cet établissement pût servir de
modèle à d'autres plus considérables.
« Pour l'utilité des familles, je résolus d'alléger les charges qui jus-
qu'alors pesaient sur elles, et de les mettre en état de subvenir à leurs
besoins facilement et sans crier misère, comme le faisaient jusqu'alors
beaucoup de familles à la fois nombreuses et oisives; de leur enlever
360 y° 79. — tisseur de san leucio.
tout prélexle à rechercher le luxe en établissant l'égalité et la simpli-
cité du costume; enfin de donner à leurs fils, dès l'enfance, le moyen
de gagner, par leur travail, du pain pour eux et pour toute la famille,
et de subvenir à leurs besoins facilement et régulièrement.
« Enfin, pour l'utilité de chaque individu en particulier, je résolus
d'avoir soin que chacun fût bien élevé dès l'enfance par ses parents,
et reçût ensuite l'instruction dans les écoles normales; et que tous,
encouragés au travail par l'exemple de leurs compagnons et de leurs
frères et par l'attrait du gain qu'on en retire, en prissent l'habitude
et le goût, de manière à fuir l'oisiveté, mère de tous les vices, et à éviter
ainsi les désordres dans lesquels tomberait infailliblement toute cette
jeunesse, si on ne prenait soin de l'occuper (désordres que nous som-
mes maintenant sûrs d'éviter) ; afin qu'au fur et à mesure qu'elle arri-
verait à l'âge adulte cette vaillante et belle jeunesse contribuât par le
mariage au développement d'une saine et robuste population. »
Kn réalité, la population de San Leucio, qui, en 1789, avait atteint
le chiffre de ^14 individus, tendait toujours à augmenter : au point
de vue physique, bien logée et bien nourrie; au point de vue éco-
nomique, sûre d'iivoir un travail largement rémunéré; au point de vue
moral, protégée, favorisée et soutenue par le roi, elle ne pouvait
manquer de progresser. Outre les pères et les mères, on faisait travail-
ler dans les manufactures de soie beaucoup d'enfants de l'un et de
l'autre sexe; de sorte que, dans une famille ayant des enfants en âge
d'être de bons ouvriers, le gain journalier variait entre 10 et li! carlins
(1 carlin, en 1789, valait O^ol), c'est-à-dire entre o' \0 et 0^12. Pour
donner un plus grand développement à l'industrie de la soie, le roi
fit agrandir les bâtiments du Belvédère et y réunit tout le matériel et
toutes les fabriques qui étaient épars dans les diverses habitations
(ce fait est très important à remarquer); il fit bâtir de nouvelles mai-
sons pour l'usage des jeunes gens qui avaient atteint l'âge de se ma-
rier, et pour les jeunes gens étrangers qui étaient venus se fixer à
San Leucio ; à tous il donna des règles ou lois, afin que chacun pût sa-
voir (ce sont les propres paroles de Ferdinand l'') sur quels sentiers H
pouvait en sûreté diriger ses pas, et en même temps fût en état d'appré-
cier le bonheur de sa condition et d'en connaître la source. Sous l'égido
de ces règles ou lois, la p()[»ulation se déveloi>pa rapidement; en IH2!>,
elle comptait 833 habitants, et, bion (|ue diminuée de moitié par le
clioléra de 1837, en 18(»0 elle atteignait presque le chilIVc d'un mil-
lier d'habitants. fJrâce à des lois si sages, écrit (iOllctta, l'histo-
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 367
rien du royaume de Naples, la « Colonie » prospéra et s'enrichit.
Pendant les dix années d'occupation française, la colonie avait, il
est vrai, été respectée, mais il n'en avait pas été de même des lois édic-
tées par Ferdinand I'"'' pour son gouvernement '!^ 18). San Leucio
était devenue une commune. Au retour des Bourbons, la colonie reprit
son nom primitif et continua à être régie par la loi de fondation de 1789.
En 1822, elle fut dotée par Ferdinand IV du domaine du « Fazio »
(i; 13). Elle atteignit son apogée sous le règne de Marie-Christine,
qui vivait continuellement au milieu des colons leuciens, leur pro-
diguant sans cesse dons, richesses et protection. Mais, après la
mort de Marie-Christine, l'époque de la décadence commença pour
la colonie, qui se trouva en butte aux vexations et aux tracasseries du
pouvoir, et à celles de son propre curé. L'aurore de 1860, qui avait
éveillé les espérances des Leuciens, fut funeste à la colonie; ce fut pré-
cisément à cette époque qu'elle perdit son autonomie et qu'elle devint,
comme bien de la couronne, l'objet de convoitises et de spéculations,
principalement de la part de la commune voisine de Gaserte. Mais un
décret royal du 26 mai 1866 rendit à la colonie opprimée son autono-
mie; elle fut érigée en commune, et une loi du 26 août 1868 déclara
la commune nue-propriétaire de toutes les maisons d'habitation, réser-
vant le droit d'habitation aux habitants actuels et à leurs héritiers; il
lui fut également attribué la pleine propriété de la manufacture de
soie et de tout son matériel. La commune, pour ne pas charger son
budget des dépenses élevées et incertaines qu'aurait entraînées l'en-
tretien des maisons, en abandonna la pleine propriété aux usufruitiers,
mais elle conserva son droit de propriété sur la manufacture de soie.
Aujourd'hui, la population de San Leucio dépasse un millier d'habi-
tants, et son budo:et atteint 30.000 francs.
l 18.
SUR LES LOIS DE FERDINAND I*"'" DE BOURBON POUR LE « BON GOUVERNE-
MENT DE LA POPULATION DE SAN LEUCIO ».
Semblable à un père qui donne des instructions à ses enfants plutôt
qu'à un législateur qui impose ses volontés à ses sujets, s'inspirantdes
principaux préceptes de la loi divine qui commandent d'aimer Dieu
par-dessus toutechoseetson prochain comme soi-même, Ferdinand P""
lit pour les Leuciens des lois spéciales tirées des doctrines libérales de
368 N" 70. — TISSEUR DE SAN LEUCIO.
Filangîeri et dominées par les principes de régalité absolue, du gou-
vernement civil et même de l'élection populaire. Grâce à ces lois, la
colonie prospéra et s'enrichit, et, en exhumant le texte faussé par Col-
letla pour le faire servir au but servile qu'il se proposait, il serait utilr
d'en faire ressortir l'esprit; d'autant plus que ces lois ont été capricieu-
sement appliquées dans un pays, comme le roj'aume de Naples , où
l'arbitraire et la faveur avaient plus de puissance que la justice et la
loi, et qu'elles ont été faussement interprétées par les historiens et les
économistes, qui ont voulu s'en emparer pour démontrer la possibilité
d'une organisation collectiviste. Ces lois étaient en réalité très libérales,
aussi libérales peut-être que celles que n'importe quel prince cons-
titutionnel serait aujourd'hui capable de donner à ses sujets; si libé-
rales, qu'elles furent comme un signe avant-coureur qui fit espérer
aux Napolitains des réformes prochaines et une organisation nouvelle.
On y trouve d'abord l'exposé des devoirs négatifs que doivent remplir
ceux qui veulent se conformer au précepte divin : « Aime ton prochain
comme toi-même ». Ces devoirs consistent dans l'obligation de ne nuire
à autrui, ni dans sa personne, ni dans ses biens, ni dans son honneur.
« // est interdit de nuire à auti'ui dans sa personne. — Les offenses qui
s'adressent à la personne sont : l'homicide, les blessures, les coups,
le mépris, les railleries, les injures, et tout ce qui tend à violenter et à
inquiéter autrui, de quelque manière que ce soit. Nul de vous n'osera
commettre aucun de ces actes... Les lois veillent attentivement à la
répression de tous ces délits, mais elles se montreront d'autant plus
sévères envers ceux qui pourront se commettre dans cette société,
qu'elle a pour but principal l'amour et la charité et qu'elle doit servir
d'exemple pour l'éducation du peuple en général.
« Il est intrrdit de nuire à avtrui dans ses biens. — On nuit à autrui dans
ses biens toutes les fois que, soit par la violence soit par la ruse, on
usurpe ou on retient injustement le bien d'autrui. Le nom de voleur est
le plus infâme et le plus honteux que puisse porter un homme. Que
chacun se garde donc bien de le mériter en aucune manière. Dans toute
société, les voleurs sont condamnés aux peines les plus sévères. Dans
celle-ci, dont l'honneur et la vertu forment les principaux points d'ap-
pui, ils seront plus rigoureusement punis... Qu'en toute chose, chacun
agisse avec droiture, honnêteté et bonne foi. Que la parole soit le lien
le plus sacré de cette société... Que celui qui a fidèlement servi soit
promptoment payé, et que nul ne refuse ou ne diffère de lui donner le
salaire qui lui est dû, afin de ne pas être cause de sa ruine. Kn un mot,
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 369
que chacun élève dans son cœur un autel à la justice et traite son pro-
chain comme il voudrait en être traité lui-même.
« // est interdit d'offenser autrui danssa réputation. — La réputation est
la chose la plus importante et la plus précieuse que puisse posséder un
homme d'honneur; aussi enlever à quelqu'un sa réputation est un pire
déht que de l'offenser dans ses biens ou dans sa personne... Celui qui
se rendra coupable d'un tel délit sera immédiatement banni de cette
société... »
Arrivant à l'exposé des devoirs positifs, la loi les divise en devoirs gé-
néraux et en devoirs particuliers, suivant qu'ils ont pour objet tous
nos semblables, ou seulement et individuellement le souverain, ses
ministres, les supérieurs, les ecclésiastiques, les époux, les parents,
les enfants, les frères, les bienfaiteurs, les personnes plus âgées, les
jeunes gens et la patrie. L'exposé des devoirs généraux contient les
phrases suivantes : « Chacun doit faire du bien à son semblable alors
même qu'il serait son ennemi ». — «Dans la Colonie il n'y a pas
d'autre distinction que celle du mérite ». Il se termine ainsi : « Chaque
fois donc que se présentera l'occasion de venir en aide àautrui, saisissez-
la, et ne vous laissez pas effrayer par les ennuis que pourra vous cau-
ser cette bonne action, car ils seront toujours largement compensés par
le doux et pur plaisir qui l'accompagne. Le précepte qui commande à
chacun de faire du bien à son semblable esl une conséquence de la par-
faite égalité qu'il a plu à Dieu d'établir entre les hommes. Il les a faits
tous frères par leur nature et a voulu qu'aucun ne commandât aux
autres. Par sa grâce, il m'a donné la lourde charge de gouverner ce
royaume; et, en vous donnant cette loi, je n'ai d'autre intention que de
me conformer à ses desseins éternels...
« Puisque vous êtes tous artisans, la loi que je vous impose est celle
d'une parfaite égalité. Je sais que tout homme est porté à se distinguer
des autres et qu'il semble qu'on ne puisse pas espérer voir régner cette
égalité dans des temps aussi contraires à la simplicité et à la nature.
Mais je sais aussi combien vaine et pernicieuse est la distinction qui
procède du luxe et du faste, et que la véritable distinction est celle que
donne le mérite.
« La pratique de la vertu et l' habileté dans le métier doivent être lesseules
marques d'honneur et de supériorité... Qu'aucun de vous donc ne pré-
tende jamais se distinguer des autres, s'il n'a pas une conduite exem-
plaire et s'il n'excelle dans son métier. Pour éviter la rivalité dans le
luxe et les dépenses de ce genre, aussi dangereuses qu'inutiles, je veux
370 N" "9. — TISSEUR DE SAN LEL'CIO.
que le vêtement soit le même pour tous ; que la propreté et l'ordre soient
extrêmes sur votre personne, afin que votre extérieur ait la décence
qu'exigent les égards et le respect dus aux personnes qui daigneront
venir voir vos travaux; que l'ordre soit aussi exactement observé dans
vos maisons, afin que vous puissiez jouir dune parfaite santé, bien si
nécessaire à ceux qui vivent du travail de leurs bras. »
Arrivant à l'exposé des devoirs particulifrs, la loi ordonne : à l'égard
des souverains, respect, fidélité, vénération; à légard des minisires,
tous les actes de respect et d'obéissance ([u'exige l'autorité publique.
Le mariage est soumis aux règles suivantes : 1° « Làge du jeune
homme ne devra pas être au-dessous de vingt ans, celui de la jeune
lilfe au-dessous de seize. Lorsque ces conditions seront réunies, il ne
leur sera permis de faire leurs fiançailles qu'autant qu'ils auront obtenu,
du directeur des métiers pour le jeune homme, et de la directrice pour
la jeune fille, un certificat constatant qu'ils connaissent assez leur mé-
tier pour pouvoir gagner sûrement leur vie; alors, en récompense de
leur succès, je leur concéderai une des nouvelles maisons que j'ai fait
construire à cette intention, avec tout ce qui est nécessaire pour les
commodités de la vie, ainsi que les deux métiers qui leur permettront
de pourvoir à leur entretien journalier. »
Après avoir ensuite réglé les formalités relatives à la célébration des
fiançailles (>:; 13) et du mariage, le roi Ferdinand, qui, tout envoûtant
développer la population de sa colonie, se sentait le devoir de doter
dans tous les cas les filles de ces colons qu'il avait attirés à San Leucio
par la promesse de leur constituer un patrimoine, édicté les disposi-
tions suivantes : « Le but de cette société étant que tous se fixent en
ce lieu, afin d'engager les jeunes filles à y rester, celles qui, après avoir
appris leur métier, voudront se marier au dehors ne recevront en dot
que .'JO ducats (2l:i'^5(); une fois donnés : dès ce moment elles seront
considérées comme étrangères, sans espoir d'être jamais admises de
nouveau dans la colonie »... « Lorsqu'un jeune homme, habitant ou
travaillant dans la colonie, voudra prendre femme au dehors, il ne
pourra le faire qu'à la condition que la jeune fille qu'il veut épouser
apprenne d'abord le métier dans cette manufacture ou dans une autre;
s'il veut absolument épouser une étrangère qui n'ait pas de métier
en main, il devra aussitôt quitter la colonie, dont il ne sera plus dé-
sormais considéré comme membre et où il n'aura plus d'espoir de
pouvoir jamais rentrer. »
Avec le temps, la colonie, grâce aux subventions accordées par le
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CUNSTITLTION SOCIALE. .'{71
roi à chaque colon à l'occasion de son mariage, deviendra assez peu-
plée et assex riche pour pouvoir se passer des libéralités du souve-
rain. De là la disposition suivante : « L'esprit et l'àme de cette so-
ciété étant l'égalité entre les individus qui la composent, j'abolis parmi
eux l'usage de la dot, et je déclare que les libéralités qu'ils recevront
de moi à l'occasion de leur mariage ne leur seront accordées qu'à titre
de récompense pour leur habileté professionnelle et leur bonne con-
duite : libéralités qu'avec l'aide de Dieu je leur accorderai jusqu'à la
quatrième génération, après quoi la femme apportera seulement en
mariage le trousseau nécessaire, sa part devant être égale aprèsla mort
de ses parents à celle des enfants mâles, ainsi qu'il sera dit ci-après. »
Des époux. — Après avoir reconnu dans le mari le chef de la so-
ciété conjugale et avoir énuméré les devoirs réciproques des époux ,
la loi conclut ainsi : « Je prescris et ordonne aux maris de ne point se
montrer durs ni injustes envers leurs femmes, et de ne point leur en-
lever la récompense due à leur vertu; aux femmes, j'ordonne de se
faire aimer par leurs maris, et d'être leurs fidèles compagnes dans
leurs peines et leurs travaux, afin que leur vertu attire sur le lit con-
jugal les bénédictions du ciel. »
Des pères de famille. — ... « A vous donc, pères de famille, j'ordonne
de bien élever vos enfants. Si vous leur inspirez de bonne heure l'a-
mour du travail, ils se rendront utiles à eux-mêmes, à vous et à leur
pays; s'ils ont appris l'obéissance, ils vous béniront; si vous leur en-
seignez la modestie et la sobriété, ils n'auront pas à rougir d'eux-
mêmes; s'ils exercent la reconnaissance et la charité, ils s'attireront
des bienfaits et se concilieront l'affection de tous; s'ils pratiquent la
tempérance et la sagesse, ils auront à la fois santé et richesse; s'ils
observent la justice et la sincérité, ils seront honorés et n'éprouveront
point de remords. De tous les devoirs, celui-ci est le plus important;
c'est parce que je crois que de son accomplissement dépendentnon seu-
lement la paix et le bien-être des familles, mais encore la prospérité et
la félicité de l'Etat, quejai cru devoir y prendre une part importante. »
Pour la bonne éducation des enfants, le roi Ferdinand institua « l'é-
cole normale (^ 13) » ; il organisa le travail, en réglementa le système,
la durée et le salaire, et créa des récompenses... « Dans toutes les
manufactures les salaires seront fixes; mais les apprentis, garçons ou
tilles, seront augmentés graduellement et arriveront ainsi, à mesure
qu'ils se perfectionneront dans leur art, jusqu'au salaire que gagnent
les meilleurs ouvriers, nationaux ou étrangers. Parvenus à ce résultat.
372 N° 79. — TISSELR DE SAN LEL'CIO.
s'ils sont capables de porter leurs œuvres à un plus haut degré de
perfection et de beauté, ils prendront part à des concours : celui ou
celle dont le travail sera jugé le plus beau, le plus exact et le plus
parfait, recevra comme récompense une médaille d'argent, ou quel-
quefois d'or, qu'il pourra porter sur la poitrine; à l'église, les vain-
queurs du concours auront le privilège de s'asseoir, par rang d'ancien-
neté, sur le Banc du mérite, qui leur sera spécialement réservé au côté
gauche de l'autel... Vos fils pourront un jour hériter légitimement de
ce que vous aurez honorablement amassé par vos sueurs. Et en cela
encore je veux que vous vous distinguiez du reste de mes peuples. »
Arrivant alors à la matière des successions, le roi s'exprime ainsi :
« Je veux et ordonne qu'il n'y ait point parmi vous de testaments, ni
aucune des conséquences légales qui en dérivent. Que la seule justice
et l'équité naturelle soient le flambeau et le guide de toutes vos actions.
Les enfants succéderont aux parents et les parents aux enfants. Les
collatéraux viendront ensuite, mais seulement ceux, du premier degré.
A défaut de collatéraux, la femme succédera, mais en usufruit seule-
ment et pour le temps seulement où elle restera veuve. A défaut d'hé-
ritiers, les biens du défunt seront acquis à la Caisse des orphelins...
Les enfants succéderont par parts égales à leurs ascendants ; les
femmes ne seront point exclues de la succession paternelle, même s'il
y a des enfants mâles. »
Après avoir successivement exposé les devoirs des fils de famille,
des frères, des élèves, de ceux qui ont reçu des bienfaits^ des jeunes
gens, des vieillards, le roi ordonne que lorsqu'une ollense a -été com-
mise, en quelque manière et par qui que ce soit, on en avertisse im-
médiatement les « anciens du peuple », qui en référeront au besoin au
Eoi; celui-ci se réservera le droit de bannir de la colonie ceux qui
sont irrespectueux pour leurs parents, (|ui haïssent leurs frères, qui
se montrent ingrats envers leurs maîtres, ou qui manquent de respect b.
leurs bienfaiteurs ou aux vieillards.
« Les Anciens du peuple, dit la loi, seront choisis chaque année le
jour de San Leucio, au nombre de cinq, parmi les vieillards les plus
sages, les plus justes, les plus réfléchis et les plus prudents. Sans
aucun appareil judiciaire, ces vieillards, sous le nom de Pacificateurs^
ou d'Anciens du peuple, trancheront, de concert avec le curé, tous les
différends d'ordre civil ou prolV-ssionnel, et cela sans appel; ils pour-
voiront à l'approvisionnement, exerceront une surveillance sévère
sur les mœurs des membres de la colonie, sur leur assiduité au tra-
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALt:. .373
vail et sur l'exact accomplissement par chacun de ses devoirs parti-
culiers; ils prendront occasion de la visite qu'ils devront faire chaque
jour aux malades avec le médecin, pour informer le roi de la nature
des maladies prédominantes et des secours extraordinaires dont les
malades pourront avoir besoin; ils veilleront à ce que les maisons
soient tenues avec ordre et propreté, et ils auront soin de rendre un
compte exact des étrangers qui arriveront dans la localité et devront
y passer la nuit, en indiquant pour quel motif ils sont venus, dans
quelle maison ils habitent et pour combien de temps.
« L'élection des susdits Anciens sera faite par l'assemblée de tous
les chefs de famille (premier exemple véritable de suffrage universel),...
dans le salon du Belvédère, au scrutin secret et à la majorité des
voix, toujours sous la présidence du curé. Il me sera rendu immédiate-
ment compte du résultat de l'élection pour en obtenir la confirmation,
et, après cette confirmation, les élus pourront jouir de la distinction
honorifique de siéger à l'Église sur l'autre banc du mérite situé en
face de celui des jeunes gens, du cùté droit de l'autel. »
Après avoir ensuite institué la « Maison des malades », donné les
règles pour l'inoculation du vaccin, fondé la « Caisse de charité »
pour pourvoir aux besoins des ouvriers pauvres, le roi ajoute : « Les
obsèques seront simples, pieuses et sans distinctions ... Il n'y aura
pas de deuil ; à la mort des parents et des époux, pour s'acquitter
envers le défunt d'un dernier devoir, il sera seulement permis à la
tendresse des enfants, des femmes et des maris, de porter un signe
de deuil, qui sera un crêpe au bras pour les hommes et un fichu noir
au cou pour les femmes : ce signe de deuil ne se portera pas plus
(le deux mois. »
De la Patrie. — Après avoir montré comment les colons ouvriers
ont un devoir plus étroit et plus particulier de défendre la patrie, Fer-
dinand P'" s'exprime ainsi : « Au lieu de rester oisifs les jours de fête,
et de vous exposer aux dangers oîi conduit l'oisiveté, vous irez, après
avoir sanctifié la fête et rempli vos devoirs particuliers, et après avoir
en temps voulu livré votre travail pour en recevoir le salaire, vous
irez, dis-je, vous exercer au maniement des armes... Vous devez aussi
honorer votre patrie en temps de paix. De même que les fleurs com-
posent par leur variété une riche parure à la prairie verdoyante, ainsi
vous devez vous efforcer de lui rendre, au moyen de vos ouvrages, le
lustre et la splendeur qui ont excité jadis l'envie de l'Europe entière. »
La disposition qui concerne les emplois est empreinte d'un grand
37
374 N" 79. — TISSKUK DE SAN LELT.IO.
esprit de libéralisme et d'humanité. « Toujours soucieux de vous fa-
voriser, j'assure à tous les habitants de San Leucio qu'ils seront tou-
jours appelés, à l'exclusion des étrangers, pour occuper les emplois
qui deviendront vacants dans la localité, la préférence étant d'ailleurs
toujours donnée au plus habile, au plus capable et à celui dont la
conduite sera la meilleure. Le nouvel employé n'aura que la moitié du
salaire du défunt, lorsque celui-ci laissera une veuve (avec des enfants
n'étant pas encore en âge de gagner leur vie i ; l'autre moitié sera don-
née à la veuve. Si la veuve reste seule, ou avec deux enfants au moins
gagnant chacun deux carlins par jour (C^ 8')), elle naura qu'un tiers
du salaire et le reste sera acquis au nouvel employé, qui aura droit au
salaire entier à la mort de la veuve. »
La série des sanctions contenant le détail des peines portées contre
les transgresseurs de la loi se termine par cette affirmation : « Telle
est la loi (]ue je vous donne pour la bonne conduite de votre vie. Ob-
servez-la et vous serez heureux. »
I! existe dans l'ouvrage de l'historien Colletta, intitulé Histoire du
royaume de Naples (livre II, ch. ii, n" 2.'i), une page dans laquelle
l'auteur, pour plier les faits à sa thèse, résume, article par article,
les dispositions exposées plus haut, mais en présentant sa propre
rédaction de telle manière qu'on a pu croire qu'il reproduisait le texte
même de la loi; induits en erreur par ce passage, et croyant de
honne foi aux affirmations des historiens qui ont copié ou cité Colletta,
les économistes et les sociologues ont parlé de la colonie de San
Leucio comme du type de la société communiste selon les uns, et
collectiviste selon les autres. Sans parler de la confusion que beau-
coup d'auteurs font entre le communisme et le collectivisme, mon-
trant ainsi qu'ils n'ont pas une notion scientiûque exacte de l'un et
de l'autre système (1), nous pourrions dire que les uns et les autres
se sont complètement trompés. La colonie de San Leucio était une
société exclusivement individualiste, rigoureusement basée sur les
principes essenliels de l'individualismo, c'est-à-dire sur le principe
de la liberté et celui de la ipspdnsabilité, fondements de la propriét»'-
individuelle et de la famille monogame. Ces institutions éminemment
civiles se trouvaient harmonisées et maintenues dans de justes limites
par la fraternité, par l'esprit de travail intelligent et d'égalité dont
chacun avait le devoir de donner lexemplc.
(Il \i>ir iif)lri' liii\;iil iliiiis la Itevue d'vcotiomie politique, Vl» aniiôc, n"' -2 et ">.
ÉLÉMENTS DIVERS DR LA CÙNSTITLTION SOCLVLE. .'{75
Les lois particulières qui régissaient la colonie, aussi bien que l'aide
et la protection royales dont elle bénéficiait, lui donnaient une situa-
tion privilégiée au milieu des autres populations du royaume; mais
nulle part aussi le bon plaisir d'un prince, ù la fois législateur et dis-
pensateur des salaires, ne se donna plus librement carrière; c'était
l'application pure et simple de la maxime : sic volo, sic jubeo. Ceci
sulïirait à affirmer que cette société ne pouvait présenter ù aucun de-
gré un caractère communiste.
En 18G0, San Leucio perdit ses privilèges. A partir de 1868, commune
et habitants rentrèrent sous l'application du droit commun, tant pu-
blic que privé, du royaume d'Italie.
g 19.
SIR l'lXDUSTRH-: de la soie a SAN LEL'CIO ET EX ITALIE.
De ce que nous avons exposé précédemment, il résulte clairement
que l'industrie de la soie à San Leucio a plus d'un siècle d'existence
et qu'elle constitue le travail principal des habitants de cette localité,
dont la plus grande partie est groupée en familles exclusivement
adonnées à l'industrie de la soie (§ 1). Les produits des manufactures
de San Leucio, auxquels les tentures des palais de Caserte et de Na-
ples valurent au commencement de ce siècle une grande réputation,
sont toujours appréciées et très recherchées sur tous les marchés
(l'Italie; quelques-uns, comme couvertures de lits, étoffes de tentu-
res, tissus pour ombrelles et parapluies, sont même recherchés sur les
marchés étrangers. Le roi Ferdinand avait appelé à San Leucio les
meilleurs ouvriers toscans, lombards, français et flamands, et il ne
négligea aucun soin pour faire, avec le temps, de tous les colons, des
ouvriers d'une habileté consommée, habileté que les générations suc-
cessives ont su conserver et se transmettre.
San Leucio est actuellement, au point de vue de l'industrie de la
soie, le centre le plus important, non^seulement de la province de Ca-
serte, mais encore de toute l'Italie méridionale. Cette industrie y est
exercée par la maison OfTritelli, Pascal et C'", à laquelle est louée la
grande fabrique de fondation royale, aujourd'hui propriété de la
commune; et par les maisons Leopoido de Negri et Falchi Luigi, qui
font travailler à domicile. Le tableau suivant contient des rensei-
gnements pris, le 22 avril 1892, sur la filature, le moulinage et le
lissage do la soie à San Leucio.
376
.N" 79. — TISSELR DE SAN LEICIO.
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ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 377
Ces chiffres sont inférieurs à ceux qui résultent de la monographie
industrielle de la province de Gaserte. Le nombre des ouvriers est en
diminution sur ce qu'il était en 1888 et en 1890, d'après les mono-
graphies spéciales (1); pour les ateliers OnVitelli, la diminution est
de 131 sur les chiffres de 1888, de 199 sur ceux de 1890. Cette
diminution est due par-dessus tout à la crise économique générale qui
se fait sentir partout en Italie, et en particulier à la crise de l'in-
dustrie de la soie qui s'est accentuée depuis la faillite de la Banque
d'escompte et des soies de Turin ; elle est due aussi aux change-
ments survenus dans la politique douanière.
Le tableau suivant présente un relevé très exact, par âge et par sexe,
des ouvriers employés dans la maison Offritelli et Pascal ; il a été dressé
grâce à un état des individus vaccinés conservé dans les archives de
la commune.
1) Voir Annales de statistique . S. iv, 31; Statistique industrielle, fasc. XVI; Notes sur
la sitiKition industrielle de la province de Caserte, Rome, typ. Eredi Botta, 1889; et fasc.
XXXVII : L'Industrie de la soie en Italie, p. SO, 70 et o:;.
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ÉLÉMENTS DIVERS DE L\ CONSTITUTION SOCIALE. 3"9
Sur ces 517 ouvriers, 31,91 % étaient âgés de moins de 15 ans;
i2,94 % avaient de 10 à 25 ans, et 25,15 % seulement avaient
dépassé 25 ans. Le plus fort contingent ouvrier est donc fourni par
des jeunes gens au-dessous de 25 ans. A partir de 25 ans, le nom-
bre des femmes diminue beaucoup, ce qui signilie qu'entre' 20 et 25 ans
la plus grande partie des ouvrières cesse d'appartenir à la manufac-
ture de soie; de 25 à 35 ans, le nombre des femmes varie entre 10
et 2, et ce dernier chiffre reste presque constant parmi les ouvriers
de 36 à 75 ans. Il semble d'ailleurs naturel qu'il en soit ainsi : la
plus grande partie des femmes restent à la manufacture jusqu'à
leur mariage; quant aux hommes, une fois maîtres d'eux-mêmes
ou revenus du service militaire, ils ressentent la tentation du grand
centre, et, attirés par la séduction de salaires plus élevés, ils émi-
grent. Il ne reste à San Leucio que ceux chez qui le sentiment
de la famille est le plus vif et qui ne veulent pas s'éloigner des
leurs, ou bien les ouvriers d'une habileté renommée. Nous examine-
rons plus loin leur courbe de stabilité dans la manufacture (§ 21), ce
qui a une grande unportance pour apprécier le patronage exercé par
les chefs d'industrie.
Mais l'industrie de la soie à San Leucio n'est qu'une partie de la
grande industrie de la soie en Italie; c'est peut-être la partie la plus
importante pour son ancienneté et pour la qualité des produits, mais
non pour la quantité, ni pour les institutions économiques, commer-
ciales ou de prévoyance, auxquelles elle donne naissance.
Parmi les industries textiles, la fabrication de la soie est celle qui
a pris le plus grand développement en Italie : elle comprend tout,
depuis la production des cocons, jusqu'à la fabrication des tissus les
plus fins, les plus artistiques et les plus recherchés.
En 1H88, le nombre approximatif des éleveurs de vers à soie était
indiqué dans le tableau suivant par la direction générale de la statis-
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ÉLÉMENTS DIVEHS DE LX CONSTITUTION SOCIALE. 381
En 1890. les éleveurs étaient au nombre de .■)8a.350 et l'élevage se
pratifiuait dans o.^iO communes.
La prodiiclion des cocons en 1890 se chiiïrait par 40.774.410 kilo-
grammes, ce qui, au prix de 40' 58 par inyriagramme, représente une
valeur commerciale de 105.46^.555^78. Cette production, comparée à
celle des autres pays du monde, assigne à l'Italie le second rang,
puisqu'elle n'est surpassée que par la Chine qui produit annuellement
120 millions de kilogrammes. Ce qui favorise l'industrie de la soie en
Italie, c'est particulièrement la bonne qualité de la graine indigène,
(pii entre dans une proportion de plus en plus grande dans la pro-
duction des cocons ; elle est aussi favorisée par les perfectionne-
ments nombreux et considérables introduits depuis peu dans les
ateliers de filature et de moulinage. dans le but de simplifier les opé-
rations techniques, de diminuer les frais et d'augmenter la produc-
tion. Dans les filatures, on a adopté des étuves pour rétouflage des
cocons, avec un système de circulation d'air chaud au lieu de va-
peur d'eau ; au feu direct employé autrefois pour chauffer l'eau
des bassines, on a substitué la vapeur; pour le débourrage et le bat-
tage des cocons, on emploie des ouvrières spéciales que l'on a'
même remplacées par des batteuses mécaniques; l'eau dans laquelle
les cocons doivent être filés est d'abord filtrée; on emploie des ap-
pareils spéciaux pour baigner complètement les cocons dans l'eau
bouillante avant le battage ; les volets (guindres, dévidoirs) sont ren-
fermés dans des espaces vitrés oCi circule l'air chaud; on a remplacé
le système de la taveletle à un bout par celui de la chambon à
:2 bouts.
Les flottes (écheveaux) se composent d'un fil non interrompu; on a
diminué le diamètre des volets sur lesquels la soie s'enroule, et
quelquefois le volet est remplacé par un roquet pour recevoir la soie;
enfin tous les locaux ont été adaptés au travail d'hiver et mis dans de
bonnes conditions de ventilation. En ce qui concerne le moulinage,
une chose digne de remarque est l'utilisation meilleure des forces
motrices : un seul moteur sert pour tout l'atelier, tandis qu'aupara-
vant on employait plusieurs moteurs plus faibles; on a apporté plus
de soins à la construction des machines destinées à dévider la soie des
écheveaux, à l'enrouler sur les roquets (dévidoirs), à nettoyer la soie
(purgeoirs), à réunir deux ou plusieurs fils en un seul (doubloirs);
on a remplacé les anciennes machines de forme ronde, servant, soit
à tordre le fil simple sur lui-même (filage), soit à tordre plusieurs
382 N" 79. — TISSEUH DE SAN LELT.IO.
fils ensemble l'organsinagc ou torsj, par de nouvelles macliiues à fu-
seaux, reclilignes (système anglais) ou ovales (système francaisi.
de manière à mieux utiliser l'espace ou la force motrice, et à impri-
mer aux fuseaux un mouvement beaucoup plus rapide (3 à 5.000 tours
à la minute au lieu de 1.000 à l.-'^iOO.)
La filature et le moulinage de la soie sont des industries complète-
ment acclimatées en Italie : elles ne dépendent point de l'étranger,
pas même pour la fourniture des machines. I^e commerce de la soie,
dans les statistiques de l'exportation, figure toujours en première li-
gne. Kn ISÎ)0( l), il a été exporté (2) pour 325.797.21 i francs de soie
sur un chiffre total d'exportation de 1,023.421.58:2 francs. I/indus-
trie de la soie, qui se rattache par un lien nécessaire à l'agricul-
ture, utilise des capitaux considérables et fait vivre un très grand
nombre de travailleurs. M. le commandeur Bodio, directeur général
de la statistique du royaume, a calculé qu'en 1890 on a employé
dans les ateliers de fabrication de la soie environ 175.000 personnes,
sur lesquelles neuf dixièmes étaient des femmes et des jeunes filles.
La prospérité de cette industrie se fait sentir immédiatement dans
le pays, de même que les crises qui l'atteignent ont leur contre-coup
partout.
A la fin de l'année 1890, on comptait pour la filature de la soie
l.i05 ateliers avec i8,950 bassines à vapeur et 5,032 à feu direct; cette
branche de l'industrie occupait 99,391 ouvriers des deux sexes.
Pour le moulinage, il y avait, à la fin de la même année, '«87 ate-
liers avec 1.501.137 fuseaux, occupant 49.28(1 ouvriers des deux
sexes.
La production de la soie grège, de 18()3 à J890, en prenant pour
base du calcul la production nationale et le mouvement commercial
des cocons, s'est élevée de 3.075.810 kilogrammes (production de 1803)
à 3.008.539 kilogrammes (production de 1890). Le commerce des soies
grèges a fait des progrès considérables : on en importait 1.257. 410 ki-
logrammes en 1803 et 8-45.900 kilogrammes en 1890; en 1803, on en a
exp(jrté 2.004.895 kilogrammes, et, en 1890, 4.781.300 kil(»grammes.
La production de soie grège pour l'année 1890, comparée îi celle des
autres pays, donne à l'Italie le socond rang. La Chine arrive en pre-
mière ligne avec 3.903.000 kilogrammes.
Les produits des cascami (déchets de soie) en Italie, en 1881, année
(I) Voir Aiiiialrs île slalistiijxe, 18S!i-!k», p. ',:,l.
(■i) Voir iiirincs Annales, p. (;s7.
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. .'$83
OÙ ils ont commencé à former une branche d'industrie à part, repré-
sentaient une valeur de 30.000.000 de francs. Cette industrie avait fait
son apparition chez nous en 18G8,et la maison Marini et C'% de Venise,
a beaucoup contribué à son succès. Aujourd'hui, le cardage et la fila-
ture des déchets forment une industrie importante qui occupe 17 manu-
factures, avec 339 machines pour le cardage et 33.712 fuseaux pour la
filature; on y emploie 3.465 ouvriers.
L'industrie du tissage n'est pas assez développée; et, bien que dans
ces dernières années on puisse constater un progrès (dû en grande
partie aux écoles fondées pour l'enseignement du tissage et du dessin
appliqué à l'industrie), il est certain que beaucoup de tissus étran-
gers se distinguent par une plus grande richesse et une plus grande
variété de dessin. La manufacture de San Leucio occupe le premier
rang parmi les manufactures italiennes pour la qualité des produits,
et parmi les manufactures européennes pour la sûreté de son crédit.
Le tissage de la soie occupait, en 1890, 14.949 métiers, dont 2.335
mécaniques, 10.823 ordinaires à bras, et 1.591 système Jacquard;
ces métiers étaient actionnés par 20.214 ouvriers des deux sexes.
Le tableau suivant reproduit avec plus de détails les données pré-
cédentes.
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N" 79.
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ÉLÉMKiN'ïS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 385
En 1890, le nombre des ouvriers occupés à San I.eucio représentait,
par rapport au nombre total des ouvriers employés aux mêmes in-
dustries en Italie, I/tt) "/„„ pour la tîlature, o,67 7.,o pour le mouli-
nage, et 18 7„o pour le tissage de la soie.
Pour la teinture de la soie, San Leucio tient également le premier
rang. On sait que l'art de teindre la soie en noir est d'origine italienne.
Les vicissitudes par lesquelles est passée l'industrie de la soie avaient
fait émigrer l'art de la teinture, si bien qu'il y a peu de temps encore
on expédiait nos soies à Lyon pour les faire teindre. Depuis quelques
années, nos industriels ont introduit de grands perfectionnements dans
la teinture en noir de la soie. A San Leucio, la section de la teinture
(en toutes les couleurs) est dirigée par un des frères Pascal, l'un des
industriels les plus habiles dans l'art de teindre. De là la réputation
de la teinturerie OfTritelli et Pascal, qui est annexée à la fabrique de
tissus, et qui surpasse même la « Société anonyme cômoise de teinture
et d'apprêtage » de Cùme.
l 20.
SUR l'gRGANIS.^TION industrielle a SAN LEUCIO ET DANS LA FILATURE
OFFRITELLI ET PASCAL.
Ainsi qu'il a été dit plus haut, l'industrie de la soie est exercée
à San Leucio par les maisons Offritelli, Pascal et G"', de Negri et*
Falchi. Le travail de ces deux dernières maisons consiste dans le
tissage à domicile de soies entièrement filées et, pour la plus grande
partie, moulinées dans la maison OfTritelli et Pascal. L'industrie do-
mestique, indépendante de ces maisons, forme un accessoire de la
grande industrie et se restreint aux opérations spéciales du mouli-
nage, du dévidage ou du bobinage. Elle se pratique d'une façon
irréguhère, suivant les besoins des industriels. Elle occupe surtout
les femmes dans leur ménage et les jeunes filles. Le tissage existe aussi
comme industrie domestique, souvent subventionnée, pratiquée par
des hommes et des femmes; cette industrie occupe 18 familles qui
trouvent du travail pendant presque toute l'année. Ceux qui se livrent
à ce travail gagnent, à peu d'exceptions près, ce qu'ils gagneraient
dans une manufacture. Ils fabriquent surtout des étoffes unies, comme
380 N" 79. — TISSEIR DE SAN LEICIO.
des tissus pour ombrelles, du salin blanc ou de couleur, de la dou-
blure pour les tailleurs, des parements, des foulards, etc. Ils se servent
de métiers à bras.
La seule manufacture organisée est celle qui est dirigée par MM. Of-
fritelli et Pascal. Ce grand établissement industriel occupe tout le
clmteau royal du Belvédère, qui comprend 187 salles, et le bâtiment
annexe, qui en contient 59. Il y a d'autres locaux accessoires dans les
grands bâtiments appelés la '< Trattoria » et la « Vaccheria », autre-
fois destinés à fabriquer de la toile. On y fait toutes les opérations qui
concernent la filature, lemouliuage, la teinture, le dévidage, le retor-
dage, l'ourdissage, le tissage et toutes les opérations accessoires. Le
travail est fait par des hommes et par des femmes, adultes et mineurs ;
les opérations de filature, de moulinage, de dévidage et d'ourdissage
sont exclusivement réservées aux femmes; les salles et les galeries
où travaillent les femmes sont séparées de celles où travaillent les
hommes, et, pendant les heures de travail, l'accès des salles des
femmes est interdit aux hommes, même non ouvriers, à moins d'une
permission du directeur. Sauf les ouvriers tisseurs qui généralement
travaillent neuf heures, avec une heure d'intervalle entre les cinq pre-
mières et les quatre dernières, tous les autres ouvriers et ouvrières
travaillent onze heures, en deux séances de six et de cinq heures, sé-
parées par une heure de repos : ce repos se prend ordinairement entre
onze heures et midi, ou entre midi et une heure, suivant la saison
et l'heure à laquelle on arrive à la fabrique. Chaque section indus-
trielle est placée sous la surveillance de deux contre-maîtres, l'un pour
les ouvriers, l'autre pour les apprentis, et tous sont organisés hiérar-
chiquement et tenus à l'obéissance. Les fautes contre la discipline et
les erreurs de travail sont punies par des amendes, de même qu'il y
a aussi des récompenses pour les plus diligents. Chaque semaine, les
noms des ouvriers punis et des ouvriers récompensés sont publiés dans
les salles où travaillent les intéressés. Sauf les tisseurs, les ouvriers et
ouvrières sont pour la plupart payés à la journée et reçoivent leur sa-
laires tous les quinze jours; les tisseurs, au contraire, travaillent à la
pièce et sont payés au moment où ils remctleul b'ur travail. Mais ils
i»nt h leur charge les frais accessoires (|u'eiitraiiieut le tis>age et
l'apprèl de l'étoHe.
ÉLÉMENTS DIVEHS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 387
S 21
SUR LA CONDITION ECONOMIOIE ET SOCIALE DES OUVRIERS.
Les ouvriers qui travaillent dans la manufacture Ofîritelli et C"^
sont ceux dont la situation ofl're le plus de sécurité et de stabilité,
et dont par suite la condition économique est aussi la plus sûre et
la plus stable.
Dans l'étude de M familles ouvrières au point de vue de leur bud-
get, c'est parmi les ouvriers de la maison OfTrilelli et Pascal que
les chifTres ont été recueillis le plus facilement : presque tous en effet
ont un « livre de comptas ».
Parmi les familles employées dans la maison Offritelli, il y en
avait 3 dont le budget de 1891 se soldait par un bénéfice et 3
par un déficit; le budget des familles travaillant pour le compte
des maisons de Negri et Falchi présentait un déficit ; les 3 familles
dont les chefs exerçaient l'industrie domestique avaient réalisé des
économies. Sur les familles étudiées, 7 sont propriétaires de leur mai-
son d'habitation, et, sur ce nombre, 'i ont un jardinet attenant de 8
à 12 ares; sur ces 7 familles propriétaires, 2 seulement ont clôturé
leur exercice par un déficit; l'une et l'autre étaient occupées parla
maison Offritelli et Pascal, et composées de cinq membres chacune:
dans l'une de ces 2 familles, deux membres seulement faisaient un
travail productif, et dans l'autre trois membres travaillaient à la
fabrique.
Les tableaux suivants donnent les bilans de ces différentes famil-
les; pour chacune d'elles, on a indiqué la qualité du chef de famille,
la maison où il travaille, le nombre des membres de la famille,
en distinguant ceux qui produisent de ceux qui consomment. Dans
le bilan des recettes comme dans celui des dépenses, on a calculé le
pourcentage de chaque catégorie de recettes ou de dépenses par rap-
port au chiffre totol. On a fait ressortir le reliquat ou le déficit par
lequel s'est soldé le bilan et le pourcentage par rapport aux re-
cettes totales de la famille.
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390 N" 79. — TISSEUR DE SAN LEUCIO.
Une courte analyse des cIiifTpes de ce bilan peut conduire aux
considérations suivantes :
1° Généralement, dans le bilan des recettes, les gains du chef de
famille représentent plus des 2/3 des recettes totales.
2" Ils sont plus élevés dans les familles peu nombreuses : ce qui pa-
raît signifier que les membres des familles peu nombreuses vivent
tous sur les gains de leur chef; tandis qu'au contraire les membres
des autres familles contribuent pour leur part à alléger la respon-
sabilité du chef.
3° Les familles qui se livrent à l'industrie domestique (3, 4,9, 10,
11) ont des receltes totales supérieures, proporlionnelleiiient au
nombre de leurs membres, à celles des familles qui travaillent à la
manufacture. Ceci paraît indiquer, pour les familles 9, 10 et 11,
qui sont peu nombreuses, que, plus la responsabilité domestique du
chef de famille est réduite, plus il a tendance à travailler librement,
chez lui, et, si possible, avec des matériaux et des instruments de
travail lui appartenant; et, pour les familles 3 et 4, que, plus sa
responsabilité s'accroît, plus le chef de famille accepte facilement
une rémunération même légère, pourvu qu'elle soit sûre, dût-il en-
chaîner sa liberté à la volonté d'un industriel. Ceci est encore plus
vrai pour les familles 1, 2, 5, 6, 7 et 8.
4° Moins la famille est nombreuse, plus grande est l'activité de
chacun de s^s membres producteurs. Ceci paraît confirmer la loi
économique générale, en vertu de laquelle l'homme a une ten-
dance à se décliarger autant qu'il peut sur les autres de la sensa-
tion pénible produite par le travail et à tirer profit des résultats
utiles provenant de la peine prise par autrui.
5" Kn général, les familles nombreuses dépensent moins que les
familles peu nombreuses pour la nourriture et l'habitation, tan-
dis que toutes font à peu près les mêmes dépenses pour le vête-
ment, les besoins moraux, les intérêts des dettes, les assurances, les
impôts, etc.
G" Les familles dont les membres producteurs sont employés
dans la maison Offrilelli sont de celles qui dépensent le plus pour
la nourriture.
7" Parmi les familles qui dépensent le plus pour la nourriture,
ou remarque encore celles (jui ont la propriété de la maison d'ha-
Ml.ilion cL ihi jardin allenanl.
8° La dépenses de vêtement sont presque les mêmes chez toutes
ÉLÉMENTS DIVEKS UK LA CONSTITUTION SOCIALR. 391
les familles. Ceci tient sans doute à la modestie et à l'uniformité
du vêlement local, ve?lige des anciennes coutumes, qui prescri-
vaient l'égalité pour tous.
1)° Presque toutes les familles dépensent peu pour les besoins
moraux. La cause parait en être l'habilude constante des ouvriers
de prendre peu de divertissements, et la large part prise par la
municipalité dans la satisfaction des besoins intellectuels et sani-
taires de toutes les familles.
10" Les intérêts des dettes, etc., sont plus élevés dans les deux
familles qui travaillent pour le compte de MM. de Negri et Falchi.
La raison en est que les chefs de famille ont contracté il y a quel-
que temps une assurance vie entière, l'un pour 3.000, l'aulre pour
5.000 francs de capital. Dans ces deux familles (10 et 11), qui ont
une proportion de 8,71 et de 8,35 %^ cette catégorie de dépenses
est même très élevée, ce qui tient à ce que l'une et l'autre ont fait
dans le courant de l'année le dernier paiement pour l'acquisition
du métier.
H° Les amendes, généralement légères, peuvent représenter des
faits accidentels, mais non un manque de diligence chez l'ouvrier.
On peut dire, pour conclure, que la condition des familles étudiées
est généralement bonne : toutes ont la nourriture en abondance, de
bonnes maisons d'habitation, et elles usent du vêtement qui convient
à des ouvriers rangés et ordonnés. Ces conclusions pourraient s'ap-
pliquer à toutes les familles d'ouvriers en soie de San Leucio, soit
qu'elles se livrent à l'industrie domestique, soit qu'elles travaillent
dans la maison Offritelli.
Au point de vue juridico-social, on peut dire que depuis 1860 la
condition des ouvriers est devenue moins bonne. Sous l'empire des
lois spéciales faites pour la colonie, les maisons d'habitation avec
tout ce qui était nécessaire aux besoins de la vie, ainsi que les deux
métiers accordés par le roi Ferdinand de Bourbon à chaque colon,
tant à l'occasion des immigrations qu'à l'occasion des mariages,
étaient à l'origine la propriété absolue et exclusive de chacun des
bénéficiaires; lorsque tous les métiers eurent été réunis dans les lo-
caux du Belvédère, chaque colon artisan, en qualité de membre de la
colonie, devint, quant à l'usage, propriétaire par indivis de la manu-
facture de soie, ainsi que des bâtiments et constructions en dépendant
et des terrains adjacents. C'est ce qui a fait dire à quelques auteurs
que, les moyens de production et la propriété étant communs, l'or-
392 N" 79. — TISSEUR DE SAN LELCIO.
ganisation sociale de la colonie était la communauté (§ 20). Rien ne
saurait être plus faux. En réalité, si la propriété avait été commune,
chaque membre de la société aurait dû percevoir, qu'il travaillât
ou non, une partie du produit des instruments de travail égale à la
part idéale due à chaque communiste; tandis qu'au contraire, en droit
(§ 20) et en fait, chaque ouvrier recevait le prix de son travail, à la
livraison, eu égard à l'espèce, ù la quantité et à la qualité; quant
à ceux qui ne travaillaient pas pour cause d'indrmité, ils étaient par
mesure de bienfaisance recueillis dans la « maison des malades », ou
secourus à domicile aux frais de la « caisse de la charité ». Il n'y
a jamais eu là une mise en commun des moyens de production ayant
pour résultat la création d'une société en communauté, mais sim-
plement une réunion dans le même local des moyens individuels
de production, à l'effet de les actionner par une force motrice unique
et de les rendre plus productifs en les plaçant sous une direction sage
et intelligente. Aujourd'hui, les Leuciens ont perdu tout droit de pro-
priété sur les instruments de travail et sur la manufacture; ils jouis-
sent seulement, par la concession gracieuse et la prévoyance de la
commune, du droit de rester, par préférence aux étrangers, ouvriers
de la manufacture de soie. Le contrat intervenu entre la commune et
la maison Offrilelli et Pascal contient, sous les articles 14 et 15, les
dispositions suivantes :
« Art. 14. La Société s'oblige à occuper toujours au moins .']0 mé-
tiers de soie, sauf les cas de force majeure.
(( Art. 13. La Société s'oblige à donner la préférence, pour tous les
travaux, aux ouvriers leuciens, selon leurs aptitudes spéciales, rétri-
buant, pour chaque genre d'ouvrage, selon les prix courants, le travail
qui sera exécuté par eux. Cette préférence ne devra être donnée
qu'autant que les ouvriers ne manqueront pas à leurs devoirs, ne s'en
rendront pas indignes et ne se montreront pas incapables. La présenté
convention ne donne aucun droit aux ouvriers à en réclamer l'exécu-
tion. Ce droit ne pourra être exercé que par la commune, moyennant
le recours à un arbitrage... »
Ces articles, qui obligent le patron d'une part à donner du travail
au moins à 30 métiers, et d'autre part à employer de préférence des
ouvriers leuciens, ont fait naître entre le patron et les ouvriers des
rapports d'hostilité qui ont empêché la fondation elle progrès d'insti-
tutions de prévoyance. Gomme, par suite, aucune espèce d'institution de
prévoyance ne relie les ouvriers au patron, l'auteur a cherché à tracer
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCL\LE.
393
leur courbe de stabilité dans la manufacture, pour en tirer qu(?]ques
conclusions. Après de nombreuses et difliciles recherches individuelles;
il est arrivé à tracer la courbe suivante, ep adoptant la méthode sui'
vie et les instructions données par l'éminent ingénieur M. E, Cheysgon
{\o\T Réforme sociale, '2' série, t, VllI, l^"" juillet 1889, pages 12-14).
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70.
TISSEL'R DE SAN LEICIO.
On peut en déduire que la durée moyenne de séjour des ouvriers
leuciens dans la nianufaclurc OfTritelli est de onze ans. Cette moyenne
est un peu inférieure à celle qu'indique M. Cheysson pour beaucoup
d'usines françaises. Ce résultat peut paraître surprenant si l'on songe
que les ouvriers sur lesquels celle courbe a été tracée sont tous leu-
ciens el que, par suite, on pouvait s'atlendri.' à trouver au contraire
une moyenne de stabilité supérieure. Mais, si l'on réflécbitque dans la
maison Offritelli la plus grande partie du personnel se compose de
jeunes filles (§ 19), on saisira immédiatement la raison de cette diffé-
rence; il faut considérer en outre ([ue l'industriel n'exerce aucun pa-
tronage sur les ouvriers, et Ton s'expliquera la raison de la descente
rapide de la courbe après quinze années de séjour.
Le salaire des ouvriers est calculé de diverses manières : à la jour-
née pour ceux qui appartiennent aux diverses catégories de la filature,
du moulinage, de l'ourdissage, de la teinture, etc. ; à la pièce pour
ceux qui appartiennent à la catégorie des tisseurs. Le tableau
suivant donne les salaires de ceux qui sont payés à la journée :
SALAIHE DES OUVRIERS ERirLOYÉS AUX Ol'ÉRATIONS DE :
Maîtresses de lilature
Fili'uses
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Trieuses
— Attachées aux ouvr. habiles
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396 N" 70. — TISSEUR DK SAN LEUCIO.
Il n'a pas élé possible de faire la stalislique des salaires année
par année depuis I8G0 jusqu'à 1892, afin d'en montrer la progression
ascendante ou descendante : toutefois, d'après des renseignements pris
auprès d'anciens ouvriers de la fabrique, les salaires des hommes au-
raient diminué d'un tiers depuis ISOo, tandis qu'au contraire ceux de
toutes les catégories d'ouvrières auraient augmenté d'un quart envi-
ron; et, comme les femmes sont employées dans la fabrique en plus
grand nombre que les hommes et que chaque famille compte en
moyenne deux ouvrières, on peut affirmer que le déplacement des
salaires n'a causé aucun dommage économique aux familles et qu'il
a été plus apparent que réel.
Noie additionnelle (p. 330-31). — Pour l'impôt sur les propriétés b;Uies, Valiquota (part
proportionnelle) est fixée par la loi à 12 fr. "iO par chaque dOO fr. de revenu net, ce (jui
avec les trois dccimes de guerre donne IG fr. 2.";. Pour l'impùt sur les terrains, un certain
contingent doit être fourni par une circonscription, et Valiquola est alors la proportion
suivant laquelle le revenu imposable est frappé dans cette circonscription : ici, 23,8!» 0/0.
Les provinces et les communes sont autorisées à percevoir un surimpôt sur les terrains
et les proi)riétés hàlies, pourvu «lue Valiquota alTérento au Trésor reste supérieure à la
somme des deux autres. La faculté d'imposer des centimes additionnels sur ces mêmes
contributions a été concédée aux provinces et aux communes, i)our>u que la somn)e
de ces centimes ne dépasse pas 1 franc.
LES OUVRIERS DES DEUX MONDES.
DEUXIÈME SÉRIE. — 35« FASCICULE.
AVERTISSEMENT
DE LA SOCIÉTÉ D'ÉCOiNOMIE SOCIALE.
L'Académie des sciences, en 185G, a couronné le premier ou-
vrage de science sociale publié par F. Le l*lay, les Ouvriers eu-
ropéens. Elle a en môme temps exprimé le désir qu'une pareille
œuvre fût continuée. La Société d'Économie sociale, fondée aus-
sitôt par l'auteur de ce livre aujourd'hui célèbre , lui a donné
pour suite les Ouvriers des Deux Mondes. De 1857 à 1885, la
Société a publié une première série de cinq volumes contenant
quarante-six monographies de familles ouvrières.
La deuxième série des Ouvriers des Deux Mondes a commencé
en juillet 1885. Le premier tome de cette série a été terminé
en juillet 1887; le deuxième, à la fin de 1889; le troisième, au
commencement de 1892. Ils comprennent les descriptions mé-
thodiques de nombreuses familles d'ouvriers , appartenant à la
Bretagne, la Picardie, le Nivernais, l'Ile-de-France, la Provence,
la Gascogne, le Dauphiné, la Normandie, la Marche, l'Orléanais,
le Limousin, la Corse, la Grande-Russie, la Grande-Kabylie, le
Sahel, le Sahara algérien, la Belgique, la Prusse rhénane, la
Sicile, la campagne de Rome, la Capitanate, l'Angleterre, la La-
ponie, l'Alsace, la Hollande, la Suisse, les États-Unis. Le présent
fascicule, le 35° de la seconde série, est le huitième du tome IV
(voir au verso de la couverture).
La publication se poursuit par fascicules trimestriels, avec
le concours de la maison Firmin-Didot. Un tel concours lui as-
sure cette perfection que nos lecteurs ont su apprécier dans une
œuvre typographique particulièrement délicate.
Les prochains fascicules contiendront les monographies de fa-
mille d'un Allumeur de réverbères de Nancy, d'un Pécheur
de l'archipel CImsan (Chine), d'un Armurier de Liège, d'un
Pécheur de Fort-Mardyck, d'un Ardoisier d'Ançers, etc.
LES OUVRIERS DES DEUX MONDES,
PUBLIÉS PAR LA SOCIETE d'ÉCONOMIE SOCIALE,
RECONNUE d'utilité PUBLIQUE.
Deuxième série. — 35" fascicule.
FERMIERS MONTAGNARDS
DU
HAUT-FOREZ
(LOIRE — ER^^NCE),
ouvriers-chefs de métier,
d.ins le système des engagements momentanés,
d'après
les renseignements recueillis sur les lieux, en aout 1802 et aout 189.3,
Par m. Pierre du Maroussem,
DOCTEUR EX DROIT,
Membre de la Société d'Agriculture de Saint-CTeuest-MaMfaux.
PARIS,
LIBRAIRIE DE FIRMIN-DIDOT ET C'^,
IMPRIMEURS DE L'INSTITUT, RUE JACOB, 5fl.
1894.
Droits de traduction et de reproduction réservés.
N° 80.
FERMIERS MONTAGNARDS
DU HAUT-FOREZ (LOIRE — FRANGE),
OUVRIEBS-CHEKS DE MÉTIER,
DANS LE SYSTÈME DES ENGAGEMENTS MOMENTANÉS,
d'après
les renseignements recueillis sur les lieux, en aout 1892 et aout 1893,
PAR
M. Pierre du Maroussem,
Docteur eu droit,
Membre de la Société d'Agriculture de Saiut-Geiiest-Malifaux.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES
DÉFINISSANT LA CONDITION DES DIVERS MEMBRES DE LA FAMILLE.
DÉFINITION DU LIEU, DE L'ORGANISATION INDUSTRIELLE
ET DE LA FAMILLE.
ETAT DU SOL, DE L INDUSTRIE ET DE LA POPULATION.
Il n'esl guère d'antithèse plus heurtée, au point de vue pittoresque,
que celle de la cuvette sombre de Saint-Etienne, — cette reine des
terres noires, — et des verdoyants massifs de montagnes, qui de toute
part en ferment l'horizon. Au Sud surtout, lorsque le touriste a dé-
passé les derniers halls et les dernières cheminées de la cité travail-
leuse, capitale des armes et des rubans, qui semble mettre sa coquet-
terie à rappeler en miniature Sheftîeld ou Manchester, il se trouve,
dès la première rampe de la route d'Annonay, dans une sorte de
paysage boréal, détaché d'un panorama norvégien. Ce sont les sapins
39
398 N° 80. — FEHMIEKS MONÏAGNAHDS UU UAUÏ-KOREZ.
du Nord, les pins, les épicéas, qui tapissent la muraille abrupte de
gauche et qui bientôt revêtent presque exclusivement à droite les pa-
rois du lit profond où se dissimule un petit torrent; c'est la brise
fraîche des hauts plateaux qui souffle au visage du voyageur; ce sont
les brouillards des sommets qui l'enveloppent bien vite, car il s'ache-
mine vers la région des nuées inférieures, et ce sont des paysans à
grands chapeaux, à blouses bleues, profondément distincts de l'ou-
vrier parisianisé des faubourgs stéphanois, qui descendent en face de
lui, derrière leurs vaches laitières, et interrompent un instant, pour
considérer de côté ce nouveau venu, la mélopée familière aux bois
et aux pâlis de la montagne.
Au bout de deux heures et quart d'une pénible montée, néces-
saire pour franchir une quinzaine de kilomètres, le visiteur, que
nous transformons ainsi en alpiniste involontaire, se trouvera au
point précis de la présente élude : la commune de Saint-Genest-Mali-
faux, désignée dans les vieux textes du seizième siècle du nom de Sainl-
Genest en Feugerolles. 45° 20' de latitude Nord et 2° G' de longitude
Est, telle est l'indication du Guide -Joanne, et les hauteurs baromé-
triques, que l'on relève au fur et à mesure des ascensions et des des-
centes rapides, démontrent que l'altitude moyenne oscille autour de
1.000 mètres : l.OSO sur les terrasses du château de Saint-Genest, dont
les tourelles Louis XIII dominent au loin le paysage ; 1)00 environ devant
l'église du village. De là on arrive sans peine à concevoir le système
d'ensemble de celle haute étendue fortement ondulée, tapissant de
prairies tous les creux, revêtant de bois noirs toutes les crêtes, et
laissant deviner, derrière les épaulemenls qui s'y succèdent, d'autres
cimes plus majestueuses encore : au Nord-Est le mont Pilât qui do-
mine, de ses 1.400 mètres d'altitude, la vallée de la Loire et la vallée du
Rhône ; au Sud la longue ligne des Cévennes, le pays des Camisards,
le Mczenc et la pointe recourbée du Gerbier-des-Joncs. Vous vous sen-
tez sur un des points culminants de l'ossature centrale de la France ;
certaines échappées vous ouvrent les vallées de ses plus grands fleuves,
les grandes artères de l'ancien empire et de l'ancien royaume ; les
sources qui llltrent çà et là, animant les roues d'anciennes scieries
transformées le plus souvent en « moulinages », prennent au ha-
sard le chfmin de l'Ardèche ou du Furens, et alimentent les papete-
ries languedocieimes ou le « barrage », le grand réservoir de la
métropole industrielle du Forez. D'autres, indécises, engagées dans
de petits valluns sans issue, s'étalent en mares ou en marécages
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 399
dans ces terrains de bruyère dont le défrichement a été la base de
la prospérité économique du pays.
Le lecteur, s'il tient à matérialiser cette opposition entre la plaine
toute couverte de son peuple d'usines et ces vastes solitudes herbues
ainsi que boisées où les petites fermes isolées s'espacent avec cette ré-
gularité propre aux pays à famille-souche, n'a d'ailleurs qu'à jeter les
yeux sur la carte géologique de France, section de Saint-Étienne,
n" 177 (1). L'accentuation des teintes 'suit toutes les gammes du
rouge, à mesure que l'on s'élève au-dessus du bassin houillier; tout
autour se dessinent les grès et les micaschistes, mais le canton entier de
Saint-Genest repose sur une masse prodigieuse de granité pur, avec
une barre de pliocène marin entre Saint-Genest et Marthezey ; quelques
raies d'alluvions modernes le long des différents ruisseaux, quel-
ques blocs de porphyre, et des îlots de tourbe : il doit en entier
son existence à un soulèvement de roche ignée qui s'arrêta à
1.000 mètres d'altitude.
Plus encore que tous les autres éléments du milieu, en effet, cette al-
titude va déterminer toutes les conditions de la vie physique et même
sociale. Les montagnes vous transportent au milieu du monde des airs,
comme les côtes au milieu du monde des eaux. La météorologie et les
phénomènes de l'atmosphère y prennent une importance décisive que
les Parisiens se figurent avec peine. Là, en effet, les minces filets de
vapeur d'eau qui glissent entre les sapins, les fins rideaux de brouil-
lards qni avancent méthodiquement autour d'une cime, ne sont autres
que les nuages mêmes, au milieu desquels vous vous dérobez aux ha-
bitants de la plaine. Les vents, terribles parfois, au point de transpor-
ter à des dizaines de mètres les charpentes des fermes et de faire
jaillir les grains des épis de seigle, surtout le vent du Midi, le si-
rocco, encore tiède malgré son long voyage au-dessus de la Méditer-
ranée, s'y déchaînent en véritables souverains. Les orages, sous leur
action, s'amoncellent en un instant dans l'éternelle bataille du ciel, et
la foudre ajoute chaque année quelque légende tragique aux his-
toires déjà répétées. Mais la neige surtout, la neige des contrées bo-
réales, épaisse, amoncelée dans les a congères » (2), vient achever la
physionomie des révolutions de l'année : le froid, le vent, la neige,
(I) Les plus rcniarquahles travaux sur la géologie de la l.oirc ont ùlo i)ubliés à di('(V'-
rentesopo(iucs, notamment par M. Gruner, ancien diieclour de l'École des mines de Saint-
Élicnne et plus tard professeui' à l'École impériale des mines où il remplaça M. V. Le Play.
[•2) Congères, amas de neige trompeurs qui comblent les ravins et les fossés.
400 N" 80. — l'ERMIKRS MOXTAGNAKDS Dl IIAL'T-FOHliZ.
voilà de quoi se fait l'hiver, l'hiver terrible de ces hautes régions,
presque sans printemps, mais non sans automne, qui ont été parta-
gées par un hiver de six mois, voire même davantage, et un été-aulomne
de cinq à six mois; l'un âpre, impitoyable, contraignant aux longues
retraites dans les habitations bien closes, devant les gigantesques che-
minées, où se blottissent frileusement les fourneaux de fonte; l'autre,
assez chaud parfois, malgré le rafraîchissement des aurores et des
crépuscules. Cette division fatale domine tout le régime du travail et le
genre de vie même ; elle est révélée aux touristes de l'été par les petits et
grands traîneaux, abandonnés alors au seuil des granges, mais toujours
prêts à reprendre leurs courses matinales vers le grand centre mar-
chand de Saint-Etienne, à travers les pentes disparues sous la blancheur
uiiifurnie.
Seules alors, comme en Litluianie, comme dans un gouvernement
russe quelconque entre Novgorod et Arkhangel, les aiguilles régu-
lières des sapins, disposées en masses serrées, hérissées de larges ra-
meaux qui craquent sous la neige, mettent la note de leur vert
sombre : tout autour, les pins sylvestres, les mélèzes, les épicéas, les
fayards ou hêtres, les frênes, mais en petit nombre, les sorbiers écla-
tants de leurs grappes rouges en automne, esquissent sous l'épais
manteau dont ils sont recouverts lés formes les plus disparates. Çà et
là, de plus en plus, les vides s'observent dans leur armée encore in-
nombrable : certaines montagnes sont dénudées, d'autres multiplient
les clairières; cependant on devine toujours la gloire de la gigantesque
forêt de jadis, dont les larges troncs faussent parfois les versoirsde la
charrue au moment des défrichements de brandcs. Mais le trait le plus
caractéristique de cette flore, c'est l'amoncellement extraordinaire
des arbrisseaux producteurs de baies, que Le Play signalait comme
une source de bien-être inappréciable pour les populations septen-
trionales : groseillers sauvages, framboisiers, grioltiers, ronces cou-
vertes de baies, airelles surtout (myrtiles sauvages) dont les petites
feuilles denses tapissent les rochers, puis les champignons variés, parmi
lesquels le cèpe et l'oronge, les morilles baptisées du nom de « truffes
du pays », le tout emprisonni' par la floraison inlinie des fougères,
bruyères ou genêts, et par-einé de digitales pourprées. Voilà qui oHVe
un champ iininen.se poui- la cueillelte ; voilà aussi qui crée le type social,
primitif à coup sur, du « chercheur d'airelles », ouvrier sans ouvrage,
vagabond déguenillé, (|ui monte des centres miniers, passe la nuit dans
les « bois noirs », autour d'un iV-u de branches mortes, et, les bouquets
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 401
chargés de myrtilcs sur l'épaule . redescend, après quelques jours de
celte existence agreste, vers la vie civilisée.
Trait curieux, cette merveilleuse netteté qu'offre la flore ne se pré-
sente nullement lorsque l'observateur cherche h analyser la faune de
ces lùghlands. La race des vaches laitières n'est pas une : les diverses
variétés qui semblent se donuer rendez-vous en ce point unique, res-
tent disparates, mélangées, abâtardies. La zone paraîtrait devoir
rentrer dans le vaste douiaine de la race salers (petite taille, robe rouge)
qui, aux confins de l'Allier et de la vallée de la Loire forézienne , vient
heurter la blanche robe du Charolais. Mais différentes importations,
dont le but a été surtout de surexciter le rendement et non la qualité de
la production laitière, l'introduction simultanée de taureaux hollandais
et tarentais (les deux écoles comptent des adeptes), ont peuplé les
pâturages de sujets bizarres yi), que l'extraordinaire métissage des
reproducteurs actuels, constaté par l'auteur au comice agricole de
Saint-Genest (28 août 1892 et 27 août 1893), ne peut que rendre plus
désordonnés. Le mouton , accessoire presque insignifiant de ces contrées
rigoureuses, n'a pas été l'objet des mêmes essais de sélection; c'est le
mouton d'Auvergne, petit détaille (0'",iO àO™,60), à fortes cornes con-
tournées en spirale chez le mâle : la plantation des pâtis communaux
en a réduit le nombre, que limitait déjà le coûteux hivernage de six
mois. La chèvre commune, plus agreste, résiste davantage; et, par
petits groupes de deux à trois, dépasse comme total l'ensemble de l'es-
pèce ovine : elle donne lieu à une fabrication assez restreinte de fro-
mages analogues à ceux du Mont-Dore. Le porc, ou plus exactement la
truie, importée du Bourbonnais et engraissée pour la consommation
domestique, constitue moins un mode d'exploitation agricole propre-
ment dit qu'une préface des préparations culinaires. Poules, canards,
dindons, réduits au strict minimum, témoignent de l'impitoyable du-
reté des saisons : là, comme dans les jardins potagers, les espèces
s'éliminent peu à peu et ne conservent leur variété que par des tours
de force de sollicitude ( § 24). Les lapins domestiques retrouveraient
bien vite le sort des lapins sauvages, que la neige, aidée d'ailleurs par
le fusil des montagnards, a détruits malgré des tentatives d'acclimata-
tion répétées. Le froid tue le gibier, sauf quelques lièvres nomades;
le chasseur doit se résoudre à attendre patiemment le retour des
cailles. La vie sauvage elle-même se restreint dans son expansion : la
(1) Les vaches de l'ancien régime agricole étaient assez souvent à robe Ironient paie,
métissées d'ailleurs également.
402 N° 80. — FERMIERS MONTAGNARDS DU HAUT-FOREZ.
mouche des « bois » anime seule, l'été, l'obscurité des couverts; les
oiseaux chanteurs sont clairsemés, sauf les corbeaux, presque aussi
multiples que dans tel paysage d'Ecosse, à Abbotsford par exemple.
L'hiver, les loups ne peuvent eux-mêmes trouver de fourrés dans les
hautes colonnades des troncs lisses sans cesse ébranchés ; et seul
« l'homme des bois », variété de l'espèce des « ducs », fait retentir son
appel régulier, qui semble le cri d'un homme perdu dans la neige et
le brouillard.
Dans ce milieu social, ainsi nettement dessiné, dans ce canton dont
les 15.000 hectares ont désormais leur topographie générale comme
esquissée par les développements précédents, parmi cette popula-
tion estimée par le dernier recensement à 8.342 habitants (1), un
régime du travail uniforme devait s'établir, résultat direct de la nature
des lieux caractérisée par ce double élément : production spontanée
des bois, voisinage des centres industriels.» Lorsque j'entrepris la
transformation agricole de ce pays (début du second Empire), écrit le
baron de Saint-Genest (2), la grande affaire des fermiers était l'ex-
ploitation des forêts et les charrois qui perdaient leurs attelages; les
femmes, et bon nombre d'hommes, cherchaient un supplément de re-
cettes dans l'industrie rubanière. Les bois, les rubans façonnés au
métier, surtout ce métier primitif désigné du nom de « basse-lisse »,
telle était la production locale, fournissant les matériaux de l'industrie
du bâtiment et de l'industrie minière, et alimentant les comptoirs, les
« magasins » des fabriques collectives, centres naturels des 4.000 mé-
tiers. Bien réduite se trouvait ainsi l'agriculture véritable : les petites
fermes produisaient le plus possible de seigle pour la nourriture des
habitants, tâchant d'écarter la famine par des récoltes suffisantes; le
foin se vendait, la paille se vendait aussi, quelques vaches labouraient
et fournissaient des fromages d'un débit difficile; les bœufs souvent
les remplaçaient, par suite de la supériorité de leur force, qui soute-
nait plus facilement les perpétuels transports. »
Actuellement, une révolution presque complète s'est opérée par la
clairvoyance et l'énergie de l'homme émincnt dont nous venons de
citer les paroles. Le voisinage des villes de houillères et de leurs po-
pulations condensées lui inspira cette pensée toute nouvelle, rendue
réalisable par le percement des roules : le canton monlayneux qui do-
mine Saint-Etienne doit être le grand producteur de lait pour cette cité de
(I) SlaUsliiiiie du caiilun (1803).
(•2) Notes iiianuscrilcs.
OBSERVATIONS l'IUtLIMlNAIRES. 403
HT. (MM) cimes. Il organisa le premier convoi malinal en l<S57, et au-
jourd'hui, en trente-cinq ans, la surface entière des sept conmmunes
est couverte de prairies, qui repoussent et anéantissent presque les
cultures; les lourdes voitures chargées des c biches » (seaux de zinc
contenant le lait) drainent le long de tous les sentiers et des grandes
artères la traite de la veille, pour arriver aux laiteries urbaines, régu-
lièrement approvisionnées. Le lait est devenu, avec le bois, l'une des
deux sources de prospérité de la race : l'un et l'autre se font rigou-
reusement équilibre dans le total des revenus annuels.
Donc le régime du travail actuel se décompose ainsi qu'il suit : en in-
dustrie agricole et industrie rubanière.
Industrie agricole.
1° Les bois, qui ont conservé leur mode d'exploitation antique;
maintenus en réserve par les propriétaires : noblesse, bourgeoisie ou
personnes morales (hospices et communes) ; les fermiers du proprié-
taire se chargent de l'abatage et du transport en scierie, moyennant
l'abandon des écorces et branches, et cela pour une zone déterminée,
annexe de leur ferme : ils rémunèrent à leur compte les journaliers
agricoles suivant les saisons (§ 25).
:2° Les fermes ou exploitations rurales : le mot ferme est ainsi
employé dans un sens général, comme synonyme de domaine.
Au centre des organisations agricoles, s'espacent des « terres »
encore fort importantes : la terre de Saint-Genest, autour de laquelle
le bourg s'est aggloméré peu à peu, et qui, en ce siècle peut-être plus
qu'en tout autre, a maintenu son rùle traditionnel par la révolution
agricole dont elle a été le levier, aussi bien que par la tulelle sociale
qui s'y est exercée ; la terre du « Bois » , avec son manoir envahi jadis
par Mandrin, quia passé par alliance des Quanson aux Costa de Beau-
regard et par achat aux Phillibert de Fontanès; la terre de La Faye,
démembrement de l'antique baronnie montagnarde, aux mains d'un
agriculteur distingué, M. Gourbon-Lafaye, etc., etc. Gliacune d'elles,
comme les « terres » de la France entière, comprend château et dé-
pendances, réserve d'expériences, fermes enfin, de 13 à 30 hectares
(maximum réduit de tous les pays laitiers). Çà et là, pullulent les do-
maines, assez nettement agglomérés, d'une infinité de petits proprié-
taires, paysans parfois riches et cultivant eux-mêmes, journaliers-pro-
i04 N" 80. — FEBMIERS MONTAGNARDS DU IIAUT-FOREZ.
priélaires surtout dont le travail de bûcheron forme l'occupation
capitale. Tout cela, grandes terres ou patrimoines modestes, est con-
servé, au moyen de la pratique la plus énergique possible, étant donnée
la loi française, de la trummission intégrale, caractéristique de la
famille-souche ( Stamm-familie ).
En résumé, les deux points extrêmes de l'échelle des exploitations
rurales seraient représentés par les types suivants :
A. — Grandes fermes, comprenant :
Terres 77 mctérées ou 7'' 7
Pàlures 73 id. ou 7 3
Prés 130 i(l. ou 13 0
280 28 0
15 à 17 vaches; cultures très spécialisées : seigle, pommes de terre,
avoine, trèfle;
ou bien :
Terres (il niélérécs ou (;'■ l
Pâtures 140 id. ou li 0
Pn's 72 id. ou 7 2
273 27 3
li à 1() vaches; mêmes cultures.
B. — Petits domaines, analogues aux borderies limousines (1), de
2 à 3 hectares, même au-dessous, avec 3 ou -4 vaches laitières.
Dans tous les cas d'ailleurs, même dans les fermes les plus fortes
et les plus compliquées, un cumul de métiers divers : auberge, en-
treprise de transports, négoce quelconque, vient restreindre encore
« l'agriculteur pur ». Le lecteur sait déjà que le petit propriétaire est
bûcheron.
Industrie rubanière.
L'industrie a profondément pénétré les liabiludcs de cette popu-
lation, chez laquelle les longs hivers multiplient les bras inoccupés.
Elle y a revêtu ses deux formes successives : la « fabrique collective »,
le « grand atelier ».
1° Fa/jrique collective. — Les 'i.U0O métiers de jadis sont réduits à
400. Cependant « le commis en soie », — le représentant fixe du « né-
gociant », qui de Saint-Etienne domine les ateliers en ciiambrc par
(1) Voir la inonoKiapliie dos MOtaycrs du Couloleulais, Ouv. des Deux Momies. 2' sérii-,
t. III.
I
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 405
l'expédilion de la matière première, par l'exécution de certains tra-
vaux, et même souvent par la propriété du matériel, — reste toujours
un personnage fort respecté. Une « maison » surtout a conservé le
monopole de ce vieux mode de fabrication, qui résiste victorieusement,
grâce à l'extraordinaire abaissement des salaires (0^ 75 à 1 franc pour
10 heures de travail). Cette sorte d'ateliers, où figurent presque exclu-
sivement les femmes, présente les trois catégories de métiers : métier
de basse-lisse, réduction du métier à tisser qui déroule une unique
pièce; métier tambour, qui, par le mouvement rythmé de la « barre»,
fait circuler six ou douze navettes dans les six ou douze chaînes pa-
rallèles; métier Jacquart enfin, plus lourd, plus pénible, dont le sys-
tème de cartons compliqué permet de tisser, en même temps que l'é-
troite bande du ruban, les noms et adresses du fabricant, les dessins,
les portraits même. L'article « décoration » spécialement se fabrique
en ces chambres enfumées, à tous les étages des hautes maisons du
bourg; les flots multicolores qui seront plus tard : ordre d'Isabelle,
Saints-Maurice et Lazare, Pie IX, Grégoire le Grand, médaille de sau-
vetage, médaille militaire, Légion d'honneur, s'échappent de là pour
courir à travers le monde, au-devant des actions d'éclat ou des honteux
marchandages (^ 27).
2° Manufactures, — La manufacture gagne du terrain; la manu-
facture, non plus urbaine qui a remplacé au miheu du siècle l'or-
ganisation précédente, traditionnelle par essence, mais la manu-
facture rurale qui remonte le chemin parcouru à la recherche des
salaires inférieurs. Deux manufactures de tissage, toutes deux au chef-
lieu communal, l'une comptant 20 métiers et adonnée à l'article chapel-
lerie; l'autre réunissant 30 métiers marchant à la vapeur, plus particu-
lièrement consacrée à l'article caoutchouc (jarretières). De plus, au
nombre de 4 à 5, isolés en pleins champs, à la place des scieries
abandonnées (l), les « moulinages », filatures de cette branche du tis-
sage des étoffes, voient passer devant leurs dévidoirs la grande ma-
jorité de la population féminine, non sans préjudice pour la race en-
tière.
Dans les cadres ainsi déterminés, contrée d'abord, organisation
du travail ensuite, comment va se répartir la population? Si nou? en
croyons le dernier recensement (1891), les résultats des sept communes
du canton seraient les suivants :
(Il Scieries cl moulins à iilc soal des accessoires ilc ragriculliue, et à ce litre n'ont pas
ilroii à un paragraptie spécial.
406 iV 80. — FERMIERS MONTAGNARDS DL" IIAUT-FOREZ.
IMII'l I.ATION.
SupcrUcie totale. JKH). imn. IKH.
HecUrcs. — — —
Saint-Goncst-Maliraii\ 4.707 ^.tv.n 2. Vit; -2.(i3,'J
Marlhes 3.27.J -LlM 2.143 1.891
Jonzieux d.032 l.OTG 1.200 l.i37
Saint Ucgis (lu Coin 2.03i (voir Marlhes) 848 773
Saint Rninain-Ies-.\lheux. .. l.'»68 1.003 819 752
Planfoy 1.227 (voir S'-Gencst) 900 761
Tarenlai se l .257 51 i Wit 395
14.998 It.dlT S.TTi S.;t4-2
La « circulalion » des habitant-^, pour ainsi diro, — la rapidité de dé-
veloppement des iinilés familiales et le départ des individualités déta-
chées, — semble fort active. Ce massif de montagnes constitue comme
un réservoir d'hommes, un de ces réservoirs qui renouvelle les familles
épuisées des cités et repeuple lentement la France, de concert avec
telle ou telle province, Auvergne et Bretagne. Les naissances sont
élevées, et le total ne s'accroît pas; point d'agitation à la surface, pas
de montée régulière des familles les mieux douées; les classes sem-
blent figées en leur antithèse, noblesse très restreinte, peuple et bour-
geoisie modeste, unies par une assez grande analogie de mœurs. C'est
qu'une émigration constante pousse au dehors les remuants et les ac-
tifs : une continuelle descente s'opère vers les villes industrielles, oîi
le montagnard se transforme en mineur, passementier, verrier, — la
gamme entière du prolétariat révolutionnaire; — çà et là, les indivi-
dualités les plus hautes apparaissent à Paris, à Lyon, dans les grands
centres, à tous les degrés des classes libérales et surtout du clergé.
Ce mouvement est nettement prouvé par trois documents. D'abord,
ce tableau de la population de la commune-tête, le chèf-lieu de canton,
pendant la dernière période décennale, démontre l'accroissement.
1882. 188.Î. 1884. 1885. 188»;. 18X7. 1888. 188!l. ISItO. I8!»l.
Naissances légllinics — — — — — — — — — —
ou illégitimes si s:; 80 'M (m si (i5 (is (M) M
Mariages 7 10 22 20 it Ki 20 i.i lo li
Décès 40 02 .■;.{ ri", 4fi 47 4!» 45 ."iO .»!•
NOMIIKK DES KNtAM'S PAU JIKNACK.
(.ifi7 niûnaifa ; .180 marié»; Cl viiif« ; 136 timitos.)
Knfanls... 0 12 3 4 5 6 7 (el au-dessus)
Ménages.. .30 90 84 74 77 73 53 (!6
Li; stationnement du iliitrn; total cl dii la répartition est établi ainsi
ipi'il suit par !•■ d('iiomhremeiit de I.S!»I rt les dénombrements pré-
cédents.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 407
Rccoiispmcnt. Hab. agKlomOrù.s. É[«iis. Popul. totale. Uabitatioiis. Mùnages.
1872. 587 1.747 2.344 465 546
1886. 697 l.SW 2.274 439 .S83
1891. 76D I.Sn-> 2.633 436 367
(dont 7 inoccupées).
RÉPAr.TITION DE l-\ POPir.ATKlN F.NTIIE LES DIVERSES PROFESSIONS (1891).
1. Agriculture : propriétaires, a:»-!; fermiers, 1.3.">t 1.903
2. Industrie rubanicrc 191
3. Industries (l)àtiment, menuiserie, cliarronnage, ete •')7
4. Transports 10
3. Commerce 159
6. Administrations publiques 3">
7. Force publique 19
8. Professions libérales 41
9 . Rentiers I"»2
10. Établissements d'instruction <J0
2.ft33
La conséquence, l'émigration, se devine entre les lignes du tableau
suivant, qui donne la répartition des habitants au point de vue de l'âge
et de l'état civil :
Ages. Sexe masculin. Sese fûminin.
Au-dessous de 20 ans 638 602
De 20 à 60 ans 343 5i;i
De 61 à 94 ans, 127 l.'iO
Total 1.330 1.2<l7
Total général : 2.633 (2.631 Français, 2 étrangers^.
L'ensemble de ces populations se dislingue par un trait caractéris-
tique qu'il convient de signaler dès le début de l'étude : au point de
vue des croyances et du respect des hautes classes, elles sont restées, à
bien des égards, au point où se trouvaient les populations rurales de
la France au milieu du dix-huitième siècle (§§ 21, 22, 23). Mais le voi-
sinage d'une ville importante, avec laquelle les communications s'éta-
blissent sans discontinuer, a apporté dans les mœurs, notamment au
point de vue du costume, un « exhaussement « dont l'observateur reste
frappé.
Le choix du type permettra de faire défiler devant le lecteur les dif-
férents éléments de la constitution sociale. En effet, au point de vue so-
cial, la famille étudiée représente la moyenne rigoureuse et réalise
bien le type parfait (§ 18). Au point de vue économique, il ne peut en être
de même : l'exploitation, la /"er/ne qu'elle détient, — c'est une famille de
laitier, — ne vient pas au premier rang par l'importance de ses ré-
coltes et le nombre de ses bestiaux; elle ne donne pas à elle seule l'i-
408 N° 80. — FERMIERS MONTAGNARDS DU ilAUT-FOKEZ.
dée la plus haute de l'agriculture locale. Mais elle offre cet avantage
inappréciable de nous placer à la bifurcation, pour ainsi dire, du
« fermier » riche et à peu près spécialisé dans la culture, du bûcheron-
manœuvre, établi dans une borderie et louant ses bras pour l'exploi-
tation des forêts voisines, enfin de l'industrie rubanière, car la fille
aînée rapporte chaque mois un salaire assez élevé, d'abord d'un mou-
linage et plus tard d'une manufacture de tissage du pays. Le lait, le
bois, les rubans : nous sommes à un point stratégique, à l'intersection
des trois éléments de la vie économique du pays.
ÉTAT CIVIL DE LA FAMILLE.
La famille se décompose ainsi qu'il suit :
I" Antoink h***, (lit L*"*, clief de maison 46 ans.
2" CAïiiEniSF. M***, sa femme 40 —
3" Mauie-Antoinkttk h***, leur (ille ainéc, ouvrière d'une fabrique rurale. 44 —
4" Marie-Uosk. h***, leur deuxième liile, hergère 12 —
5" Antoine II***, leur lils aîné, berger chez sa grand'mèrc 10 —
6" .IiisF.iMi 11***, leur deuxième lils, berger chez un voisin 9 —
7" André H***, leur troisième lils 7 —
8" Claide-Makie h***, leur quatrième lils 1 an 4/-2.
Cette famille, fondée depuis dix-sept ans (date du mariage du père et
de la mère), offre les éléments distinctifs de la famille-souche, en
ce sens qu'elle est issue de deux autres familles organisées d'après ce
type social; cependant, c'est au moment de la transmission de la
ferme et du cheptel que se dessinera nettement le caractère dq sa cons-
titution (î; 18;.
Les parents d'Antoine II*** étaient fermiers sur le territoire même
de la commune. Sept enfants naquirent de leur union : deux garçons,
fermiers l'un et l'autre; cinq filles, mariées à des journaliers, à des pro-
priétaires ruraux et à de petits commerçants du chef-lieu. L'émigra-
tion, on le voit, avait été peu utilisée.
11 n'en a pas été de mémo de la famille de la femme. F^e père, fermier
et « scieur », c'esl-à-dirc préposé à la direction d'une de ces petites
scieries de la montagne qui disparaissent devant la concentration in-
dustrielle, fut obligé de recourir à « l'essaimage » vers la plaine elles
centres du tissage ou de la houille, pour nourrir ses treize enfants,
quatre garçons et neuf filles. Un lils est resté avec la mère; mais
OBSERVATIONS l'RÉLLMINAlKES. 409
un second est ouvrier à Sainl-Etienne; deux autres sont morts, dont un
au service; les filles survivantes, car là aussi des pertes assez sensibles
ont frappé coup sur coup cette famille, sont placées comme domes-
tiques à Saint-Chamond; une est mariée dans le Rhône, une dernière
est à Paris, oii elle a épousé un boucher établi. Nous saisissons ici le
trait dominant de ces populations : la descente continue vers la plaine
et les grandes villes, l'exil sans esprit de retour qui conduit parfois
vers des situations meilleures, le plus souvent vers la vie précaire des
ateliers agglomérés de nos jours. Par cette dispersion à la recherche
du pain quotidien, un ou deux enfants seuls restent au foyer : eux
seuls peuvent être utiles jusqu'à la mort des parents et prendre alors
la continuation de leur tâche. Ainsi, par la force des choses, — le ra-
tionnement du sol, l'exode des jeunes, — s'est constituée cette « famille-
souche », dont les vestiges sont semés tout autour de nous.
Gomme particularité sur les noms de baptême, il convient de relever
ce fait, non observé dans la famille étudiée, du très fréquent emploi des
noms de Régis et de Marins pour les garçons. Régis évoque le sou-
venir de saint François de Régis, dont le sanctuaire de la Louvesc, au
cœur des montagnes de l'Ardèche, est le centre, incessamment visité,
de nombreux pèlerinages. Marius est le masculin de Marie! et assure
aux enfants la protection de la sainte Vierge. Voilà un rapprochement
que des lettrés parisiens des plus subtils auraient malaisément décou-
vert.
Les surnoms sont courants : spirituels parfois, empreints souvent
d'une moquerie toute gauloise qui leur assure un succès difficile à
faire oublier.
g 3.
RELIGION ET HABITUDES MORALES.
Lorsque vous pénétrez dans la salle basse, presque souterraine, de
cette petite ferme isolée à la lisière des sapins, deux faits, assurément
fort édifiants pour les observateurs épris des mœurs archaïques,
viennent vous rappeler la distance prodigieuse qui vous sépare des
milieux athées et révoltés des grandes villes. Accroché aux poutres du
plafond, au-dessus de la table où se prennent les repas en commun,
apparaît un autel minuscule, comme ceux que les enfants pieux s'achè-
410 N° HO. — l'EKMIEHS MONTAGNAKDS bU IIAUT-FUHEZ.
tent dans les imageries du quartier Saint-Sulpice; un crucifix domine
le tout, une sainte Vierge en plâtre l'accompagne, puis tout autour
de petits chandeliers de plomb, du papier doré, des brins d'herbes,
simulent rornementaliun des chapelles catholiques. Au fond, cou-
vrant toute la paroi de la muraille, une vingtaine de photographies
dans leurs cadres moirés de brun représentent, non pas des
silhouettes massives de montagnards en habits de fête, mais des profils
délicats d'enfants luxueusement mis : toute une famille de bienfaiteurs
appartenant à une classe dominante, révérée. C'est presque le trône et
V autel : le culte du Dieu traditionnel et du « château » ; deux religions
qui s'ajoutent et s'accroissent l'une l'autre : l'une manifestée par
les prières à haute voix, les chapelets récités aux veillées d'hiver, les
« benedicite » avant la nourriture quotidienne ; l'autre, par le dé-
vouement entier, le « loyalisme », pour ainsi dire, à l'égard d'une race
à qui le commandement héréditaire semble appartenir.
Or, il n'y a là, au moins dans le premier de ces deux sentiments,
qu'un trait général, commun à toutes les familles de ce massif monta-
gneux, formé par l'intersection de la Loire, de la Haute-Loire et de
l'Ardèche (1) : la foi « au catholicisme », foi assez raisonneuse et nul-
lement superstitieuse comme dans les campagnes limousines, épurée
peut-être par les nécessités de la lutte contre les sectes protestantes
des « Gamisards », domine avec un sérieux et une rigueur, qui con-
trastent assez étrangement avec le « cléricalisme » un peu superficiel
des ouvriers des villes [t). Ainsi que le démontre M. l'abbé Ribet, en un
livre philosophique : Honnête avant tout (3), le catholicisme a pénétré
ces masses, dictant dans la plus large mesure les coutumes de la vie
privée et publique : les habitudes intimes de la famille n'en sont pas
seulement dominées, au point que le culte domestique y a conservé
toute sa force primitive, avec son luxe d'images dévotes et de petits re-
liquaires ; mais les pratiques extérieures, accomplies dans l'église pa-
roissiale, la « confession auriculaire » et la « communion des espèces
transformées par la présence réelle », sont considérées comme un de-
voir strict aux principales fêtes de l'année ; le respect humain s'exerce
en un sens inverse des tendances courantes dans ce groupement so-
cial, où « confrérie de l'apostolat », confrérie des enfants de Marie,
confrérie de Saint-Louis de (jonzague, saisissent, au sortir de la pre-
(1) Lo centre csl formé par la commune de Hiolord.
(2) Voir ci-ilcssus, ]>. 2-2i2, la moiingra|iliie de l'Ouvrière mouleuse en cartonnage, '.', 'H.
(3) Dellionime, éditeur, l'aris.
OBSERVATIONS l'RÉLIMlNAlRES. 411
mière communion et du « catéchisme » , enfants, jeunes hommes
et jeunes filles. A peine quatre ou cinq indifférents, — le libre-penseur
serait un phénomène de réprobation universelle, — se tiennent-ils à
distance de l'acte de profession publique exigé dans la période pas-
cale. Bien plus, les manifestations collectives et en masse se tradui-
sent de temps à autre par les missions préchées par des ordres mo-
nastiques; missions qui se terminent par des processions gigantesques,
véritables fêtes locales, précédées de vingt ou trente cavaliers, réunissant
parfois, derrière le clergé et le conseil communal, jusqu'à 3.000 per-
sonnes. Et nous ne parlons ni des pèlerinages inspirés par l'usage,
le pèlerinage de la Louvesc, que chaque fidèle, homme ou femme,
s'empresse d'accomplir, avec une ponctualité attribuée par les scepti-
ques parisiens aux seuls adorateurs de la Kasba; ni des vocations
religieuses incessantes, multiples, détachant de toutes les familles des
individualités d'élite vers les congrégations de femmes, hospitalières
ou enseignantes, vers les congrégations d'hommes, surtout les Maris-
tes, et vers le clergé séculier (§§ 17, 19 et 20).
Ce n'est pas tout : bien que nous soyons sur le terrain même qui a
vu surgir entre nobles et paysans les luttes sociales marquées par les
« grands jours d'Auvergne » (il suffit de descendre jusqu'à la mé-
tropole pour constater la bonne justice que les parlementaires anoblis
de Paris avaient faite du château féodal de Saint-Priest), l'attache-
ment à la famille des anciens chefs locaux, les barons de Saint-
Genest, se manifeste ici, — sur ce point particulier, — avec une force
qui semble réservée aux habitants des highlands d'Ecosse pour
leurs chefs de clans. L'incessant souvenir, répété à chaque ferme, de
cette autorité sociale disparue il y a vingt ans, le baron Louis de
Saint-Genest, le « réformateur de l'agriculture locale », révèle ce
sentiment bien évanoui ailleurs : le respect affectueux à un pouvoir
légitimé par l'exercice héréditaire. Les fêtes du « château » de-
viennent les fêtes de la contrée tout entière. Qu'il s'agisse de la ré-
ception des jeunes mariées, à qui l'on offre le « vin d'honneur », ou
des mariages célébrés dans la basilique paroissiale, les foules s'amas-
sent, dressent les arcs de triomphe, déracinent même les sapins pour
les planter le long des routes , au grand désespoir des agents voyers.
Le « mot d'ordre » politique vient de là : l'opinion du chef naturel
devient l'opinion générale; et, malgré un lent affaissement qui tend
à se produire, elle maintient chez ces montagnards, désireux de
vivre en paix avec les puissances et sans convictions politiques tran-
412 N" 80. — KEKMIERS MONTAGNARDS DU UALT-KOHEZ.
chées, le vole machinal en faveur des candidats de la légitimité
pure(l).
Saisie dans ce grand ensemble puissamment discipliné, la famille
étudiée, qui isolée céderait vraisemblablement aux habitudes am-
biantes après une courte période de résistance, se présente avec tous
les dehors de la cohésion traditionnelle.
Le respect du père, sanctionné par la religion, se manifeste encore,
malgré l'usage de ce tutoiement que l'invasion du français introduit
peu à peu dans le patois local : le placement des petits bergers et
des jeunes ouvrières des moulinages s'opère de par sa volonté
redoutée, sans qu'aucune résistance individuelle ose s'insurger contre
cette autorité un peu rude, mais inclinée décidément vers une ten-
dresse plus consciente d'elle-même. Le groupement familial est un; il
faut un maître : tel est le sentiment de tous; et des observateurs fixés
depuis longtemps dans le « pays noir », nous ont affirmé que le plus
souvent l'opinion générale était défavorable à la femme corrigée
manuellement au nom de la puissance maritale. Il ne reste à celle-ci
que la répercussion sur les bambins de tout âge, et elle en use.
Que formera cette éducation? De robustes montagnards, agglo-
mérés en groupes nombreux, car ils ignorent la stérilité systématique;
aux manières un peu frustes pour ceux qui les entourent; des natures
loyales, franches, sauvages, méfiantes à l'égard de l'étranger ren-
contré par hasard, peu portées à la politesse de certaines races du
Midi et de l'Ouest de la France, mais gaies, heureuses de vivre, recon-
naissantes à qui les sert, d'un dévouement patient, sans éclat; mal
préparées à la lutte héroïque et ouverte, mais capables, en 1793, de
cacher et finalement de sauver u le citoyen Saint-Genest », ci-devant
baron; amies de la paix sociale et du travail, éprises d'un pouvoir
fort, abhorrant procès et chicane, au point que, sans une com-
mune plus batailleuse que les six autres, la petite justice de paix,
continuation du bailliage ancien des seigneurs, chômerait faute de
clients; de mœurs douces et honnêtes, malgré la pratique ancienne de
l'industrie en chambre, malgré l'invasion constante de la concentra-
tion (les usines, grâce à une opinion publique ferme, grâce aussi à
des confréries confessionnelles, qui vont jusqu'à « payer la journée »
des filles pauvres, pour les écarter de tel contact dangereux ou de
ti.'lb- pente mauvaise.
(I) l.iOO élcclcurs contre 100 iluiis lo canton en moyenne.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 413
Mais cette éducation déracinera-t-elle le « vice national », pour ainsi
dire, le vice général, vice des pays pauvres et froids, Russie, Norvège,
Angleterre, Ecosse, V alcoolisme, qui a fait surgir les « maisons de tem-
pérance » d'Edimbourg et des villes anglaises, et qui ne soulève ici qu'un
blâme bien modéré en face de l'infinie variété des restaurants, cafés et
débits, échelonnés en jalons sur chaque route ou condensés au
chef-lieu? Les joyeuses « beuveries « du chef de famille aux jours de
fête ne permettent pas de le supposer. Le moyen de persuader à ces
hommes, souvent mal nourris et bloqués pendant des semaines par
la neige, que l'idéal de la vie ne consiste pas à emmagasiner, sous la
trappe à bascule de leur cave, le vin ou l'eau-de- vie pour se réchauffer
pendant les tempêtes d'hiver? Gomme en Bretagne, des dévotes se
rencontrent, respectées pour leur vie irréprochable, mais qui n'ont
jamais pu rompre les relations trop régulières avec leur bouteille
d'eau-de-vie de marc. Quelques cas de delirium tremens en résultent
çà et là; quelques crimes domestiques, même quelques êtres diffor-
mes, de loin en loin, victimes de l'ivrognerie héréditaire ; toutefois,
la race dans son ensemble n'en a pas encore souffert.
Il est deux palliatifs contre l'alcoolisme : la substitution du vin de
raisin pur aux alcools des usines; et aussi l'instruction, qui, en éle-
vant et compliquant les goûts intellectuels, détourne du plus gros-
sier des vices énumérés par Luther, L'instruction, gênée pendant
de longs siècles par l'idiome montagnard (1), a été largement distri-
buée, et distribuée par le clergé lui-même. Celui-ci n'a pas voulu
laisser détacher de son domaine la supériorité intellectuelle, et
depuis de longues années il a absorbé l'enseignement par ses con-
grégations d'hommes et de femmes; il l'a répandu pour en guider
le courant. Jadis, les Béates, sorte de religieuses isolées çà et là
dans les hameaux, avaient trouvé la véritable formule de l'enseigne-
ment primaire dans ces pays où les communications se trouvent
coupées dans la période hivernale. Depuis que les lois de 1882, qui
ont entraîné dans le reste de la France une vive impulsion scolaire,
ont exigé, par leurs prescriptions un peu trop rigides, la concentra-
tion des établissements d'instruction, les « Béates » ont dû céder la
place aux « écoles », préexistantes d'ailleurs, mais grandies par cela
même : Frères Maristes, pour les garçons; sœurs de Saint-Joseph,
pour les filles. Les premiers, écrasant l'école d'Etat, les secondes
(1) C'est une hranclie de la langue romane; elle a aUeinl sa plus haute expression dans
les œuvres littéraires du dialecte de Saint-Étienne.
40
414 s" 80. — FEKMIERS MONTAGNAHUS DU UAUT-FOREZ.
ayant empêché jusqu'à la création d'une concurrence, ont fait
« monter », pour ainsi dire, l'idée religieuse et morale, à mesure que
les idées, les mœurs, s'élevaient vers une complication plus grande.
Le chef de famille et sa femme savent lire et écrire, ce que ne sauraient
pas forcément les membres d'une famille symétrique dans telle
contrée réputée libérale. Les livres pieux, triés avec soin, sont les
seuls qui tombent entre leurs mains. Les journaux, peu lus d'ail-
leurs, ne sont achetés que lorsqu'ils restent attachés à l'ancien ordre
de choses. La vieille tradition religieuse, morale et politique, a su se
maintenir au niveau du siècle.
Mais, au sortir de ces impressions de l'école, la pratique de la vie
viendra encore consolider la confiance du montagnard dans les vieux
rouages de sa constitution locale. Par qui sera-l-il guidé dans ses
travaux agricoles? Précisément par la famille qui exerra jadis le
pouvoir seigneurial. C'est elle qui, par une initiative hardie, a pris la
direction du mouvement économique; grâce à elle, une idée, com-
battue comme impraticable, a porté à son maximum le bien-être de
tous; à chacjue pas son exemple se retrouve, fixant la tradition du
travail de la terre, qui existait à peine avant elle et qu'elle a en réalité
fondé. L'agronome éminent qui en était le chef a créé renseigne-
ment professionnel du travail rural sans frais, sans déplacement,
sans utopies. Tous sont venus se ranger, riches fermiers ou labou-
reurs modestes, sous l'influence déjà lointaine pourtant de cette
autorité bienfaisante, de ce patronage utilitaire, qui, jugé infaillible
dans les petites choses, est demeuré tout-puissant sur les grandes.
La conclusion de cette page de psychologie sociale semblera un
paradoxe. C'est parce que l'Eglise et la famille dirigeante ont su
changer à temps la justification de leur primauté, que cette pri-
mauté, en cet îlot rural moins immuable qu'un ne le suppose,
a conservé sa force.
g 4.
HYGIÈNE ET SERVICE DE SANTÉ.
Toute la richesse sanguine de cette race brune et musclée, moyenne
de taille, un peu lente d'allures, mais carrée et résistante, se retrouve
dans la famille étudiée. Le chef d'abord, plutôt au-dessous de la
moyenne (V'MIO), ancien garde mobile de l'armée de la Loire et de
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 415
l'armée de l'Est en 1870-71 ; la femme, plus grande, plus forte (l™t)3),
s'épanouissant dans la santé franche et gaie des montagnardes, igno-
rant la préoccupation et la maladie; les enfants, tous superbes, massifs
d'une lourdeur bien portante et faite pour humilier les anémies
des villes.
C'est que ces Arvernes, — descendants plus ou moins transformés
des Celtes qui attaquèrent César avec le plus d'acharnement irrécon-
ciliable, — habitent les régions à l'air vif et riche, le pays des « cures
d'air », des sapins et des larges brises fraîches, que les habitants
des cités de la plaine vont chercher en s'installant dans les chambres
étroites pendant deux mois.
Les « gars », robustes cavaliers et marcheurs intrépides, versés tour
à tour par le recrutement dans le train des équipages, la cavalerie,
les chasseurs alpins, n'ont que rarement à bénéficier de l'exemption
pour infirmités et vices de constitution. Sur 26 jeunes gens présentés
en 1889, 23 ont été déclarés bons pour le service, 26 sur 30 en 1892
(les résultats manquent pour 1890 et 1891); proportion, 87 %. Les
femmes, malgré une légère décadence à cet égard, se font encore
un jeu de leurs nombreuses maternités, élevant sans faiblir des troupes
de six, sept, et dix enfants.
A peine deux ennemis apparaissent-ils contre cette uniformité de
vigueur : la malpropreté, entretenue chez cette race par une foi iné-
branlable dans l'antiseptie naturelle, la malpropreté que l'exemple
des Flandres semble rendre incompatible avec les contrées laitières,
et qui ici, — peut-être par reflet du ton de la terre d'Auvergne, —
jette une couche sombre sur les intérieurs, assombrit même les toi-
lettes, simplifie à outrance [^ les ablutions personnelles, et restreint
même au-dessous des limites permises la confiance dans la mode cou-
rante de l'hydrothérapie. Puis aussi, plus dangereuse pour l'avenir,
car elle paraît être grosse de menaces, la manufacture, l'usine agglo-
mérée, le « moulinage » principalement, oii toutes les fillettes de dix à
dix-huit ans, au moment de la croissance et du développement des
forces, subissent un affaiblissement par le surmenage, capable d'étio-
ler peu à peu la race et de la condamner à une prochaine diminution
de valeur.
D'ailleurs, l'organisation de l'assistance et du service médical, en
avance sur les nouvelles mesures législatives, est venue parer aux cas
les plus pressés. Aux remèdes traditionnels, que les bonnes femmes con-
servent çà et là (les tisanes de « cloportes » contre l'hydropisie, les
416 K" 80. — FEHMIEHS MONTAGNARDS ItU IIALÏ-FOREZ.
pigeons ou poulets vivants appliqués contre les pleurésies fréquentes
de ces régions de transitions brusques), aux rebouteux, ces chirur-
giens empiriques quelque peu doublés de sorciers, les subventions
cantonales versées par les conseils municipaux des 7 communes ont
ajouté la régularité d'un service médical orthodoxe, en assurant à
l'unique praticien un traitement fixe qui atteint -1000 francs. Ici encore
l'initiative était venue des deux autorités unies pour le gouvernement
de cette petite contrée, décidément bien à part. Le « château » avait
longtemps été le centre des secours : accidents ou épidémies le trou-
vaient toujours disposé aux interventions personnelles et aux appels
complaisants des médecins du chef-lieu. I/Eglise avait agi avec non
moins de prudence. Ne pouvant exercer, par elle-même et d'après
ses canons, le soin des corps, qui a toujours servi, depuis les miracles
évangéliques, à la transformation des âmes, elle a créé la seule phar-
macie du pays, comme dépendance de son hôpital; et, dans cet hôpital
même, elle a organisé les secours aux malades atteints d'aiïections
graves ou incurables, aux vieillards, aux enfants abandonnés; en un
mot, protection de l'enfance, de l'invalidité et de la vieillesse.
Seule, — et ce fait prouve la récente formation de la tradition
agricole, — la race des vaches laitières semble un peu abandonnée
des prescriptions de l'hygiène. Les hémorragies provenant de l'ané-
mie de cette variété, transplantée de loin, semblent assez fréquentes.
Des accidents au moment des vêlages sont signalés. Le vétérinaire
est loin, coûteux, et les hommes d'expérience, fréquents en certains
milieux ruraux, restent clairsemés.
RANG DE LA FAMILLE.
Le lecteur sait déjà, la place qu'occupe la famille étudiée entre les
diflorenls types sociaux de la contrée.
Au milieu de fermiers, « ouvriers-tenanciers » suivant l'étiquette
exacte, cumulant parfois quelque autre profession, aubergiste[ou mar-
chand: au milieu de bûcherons, « journaliers-agricoles » isolés dans
leurs petites borderies ; enfin au milieu d' « ouvriers-passementiers »,
chefs de métier en leur atelier dépendant de la fabrique collective ou
simples journaliers d'une usine, elle représente une combinaison
mixte, puisant sa vie à ces trois sources opposées.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 417
L'exploitation qu'elle détient ne permet pas de la mettre au niveau
supérieur des « fermiers »; bien au contraire: ses vaches laitières res-
tent peu nombreuses sur des prairies trop étroites, que l'absentéisme
du propriétaire ne permet pas de développer par le défrichement des
brandes. Mais, par contre, s'il ne faut pas lui demander les pratiques
les plus judicieuses de l'agriculture locale, il faut la placer au-dessus
de la race des bûcherons, des manœuvres, qui n'atteignent ni son in-
dépendance ni son bien-être. Enfin la c vie de l'usine », à laquelle est
soumis l'un de ses membres, la fille aînée, ne constitue qu'un stage,
une préparation à l'existence rurale par l'acquisition de la dot,
absolument comme le « placage en condition » ; la vie rurale ne voit
pas de ce côté diminuer sa primauté.
Ce sont, en effet, des paysans, des paysans-montagnards que nous
avons devant nous, avec toutes les vertus morales de leurs pareils,
et leurs défauts aussi, surtout le penchant aux libations copieuses;
c'est la fécondité de la race, suivie de locations d'enfants, ou expul-
sions temporaires hors du toit; c'est la pauvreté, les dures privations,
l'acheminement par le travail et la ténacité à l'épargne qui permettra
l'établissement de tous.
La montée d'une classe à l'autre ne leur apparaît nullement comme
une nécessité. Vivre, voilà le grand point : l'acquisition d'une ferme
plus vaste qui permettra d'utiliser les bras des enfants devenus plus
forts, tel est le moyen. Comme terme supiême, mais derrière l'inconnu
des années à venir, peut-être l'achat de quelques terres : la pro-
priété de ce sol, qui garantit considération et sécurité.
La tige, la « souche » même de la famille restera stable. Quelques
individualités s'en détacheront peut-être, entreprenant l'exode pro-
gressif vers les cités, à travers la vie ouvrière et ses déboires, le petit
commerce et ses angoisses, filière progressive et insensible qui conduit
à la déchéance dans la misère ou au bien-être des degrés supérieurs.
Pour elle, serrée auprès des « tiges » similaires, elle formera toujours
cette puissante réserve de forces économiques et morales : paysans,
prêtres et soldats.
418 N" 80. — FERMIERS MONTAGNARDS DU UAUT-FOREZ.
MOYENS D'EXISTENCE DE LA FAMILLE.
PROPRIÉTÉS
(Mobilier et vêlements non compris).
Immeubles 0*^ 00
La famille ne possède aucune prupriélé immobilière et ne songe pas
à la possibilité immédiate d'en acquérir.
Argent W 00
Aucun argent placé, au lieu des économies assez importantes de
l'entrée en ménage. Les épizooties et la survenance des enfants ont été
cause de cette disparition. La somme ci-dessus indi(|uée représente le
fonds de roulement de l'entreprise.
Animaux domestiques entretenus toute l'année 584f 70
Le fermier doit être propriétaire de son cheptel : vaches laitières,
chevaux, etc.
1 vache race hollandaise, 200'00; — 2 vaches eH génisse, race salers (robe rouge), métissées
de race hollandaise, 300' 00 ; — 3 brebis, 00' 00 ; — 8 poules et 1 coq, 21' 70 ; — 1 lapine, 3' 00 ;
— i oiseau, 1 chien el i chat (pour mémoire). — Total, 584' 70.
Animaux domestiques entretenus seulement pendant une partie de
l'année lOOf 00
1 truie, engraissée et consommée dans le ménage, valeur moyenne calculée d'après le
temps pendant lequel elle est gardée, tOO' 00.
Matériel spécial des travaux et industries 622f 00
d" Pou7' Vcxploitalion don rhnmpm, des prairies et des arbres cpars. — 1 charrclle (fa-
bricatitm locale), 1M)' 00; — 2 longues planches (jui, disposées à droite el a gauche de la
charrette dans le sens de la longueur, la Iransformciil eu tombereau (1), 10' (tO; — 2 pièces
de charronnage (jui se peuvent placera l'avant cl à l'arriére, en vue du Iranspoit du foin,
(,i 00; — 1 tour, 3' 00; — 1 corde, 10' 00; — 2 jougs en hêtre et en frêne cerclés de fer,
'lO' 00; — courroies, 20' 00; — 1 charrue en fer à un seul versoir, 50' 00; — I petite charrue
(araire en bois), 'l'OO; — 1 herse eu bois, à dents de fer, 40' 00; — 1 brouette, .'i' 00; —
1 |>elit Iraineau, 3'00; — 1 meule à poignée en fer, montée sur une double pièce de bois,
K'OO;— 1 échr'lli', .'.'OO ; ^ I faux neuve, ;;'.";0; — 1 vieille faux, l'(M»; — I cnclumi- el
(I; Un ;isse/ grand numlirc ilr fermes (>ossedenl des tombereaux \(rila|p|cs, de !•((' ;i Kmi'.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. -419
1 niailcau, l'OO; — -2 pierres à aiifuiscr, 2'00; — " râteaux à foin, 5'23; — 1 fourche pour
le foin, à 2 dents, ^J'OO; — 1 fourche, id., à 3 dents, 2'2o; — 1 faux à râteau en fil de fer,
pour moissonner, 8'00; — 2 faucilles, 6'00; — 2 bêches à labourer, 7'00 ; — 3 pelles de ter-
rassier, 5' 10; — 1 pioche (ancien système), autrement dite houe, 7'60; — îi petites pio-
ches, 12'00; — 1 houe à dents, i'OO; — i lléaiix, O'OO; — 1 « bigot », sorte de pioche pour
décharger les fumiers, 2' 00 ; — 1 fourche à 4 dents pour les fumiers, 1 à 3 dents, i à 2 dents, 5'30;
— 1 scie (vieille faux à laquelle des dents ont été prati(|uées), emmanchée au bout d*uae per-
che, ti'OO; — 1 cognée, 8'00; — 2 petites cognées, IV'OO; — 1 pic pour pratiquer des trous
dans la pierre que l'on veut faire sauter par la poudre de mine, o'OO; — 1 mailloche en
bois, 2' 00; — 3 coins en fer, 2'25; — divers : 1 vieux crible, etc., 3'G3. — Total (1), 469' 00.
2° Pour l'exploitalion de retable. — Planches diverses formant stalles pour les moutons
elle porc, lo'OO; — attaches (les crèches dépendent de l'immeuble), (pour mémoire); —
3 grandes • biches » à lait (seaux de fer-blanc avec une plaque indiquant le nom du pro-
piiétairc), 45'00; — 8 petites • biches • de diverses tailles, 40' 00; — 3 « biches » en terre
pour rafraîchir le lait dans le bassin, 4'50; — 1 « seille » (seau à traire) en fer-blanc, 2'00;
— 1 baquet pour les porcs, 3'00; — 1 baquet pour les poules, 0' 30; — divers, 2' 00. —
Total, 112' 00.
3» Pour la fabrication du beurre et du fromage. — 1 baratte, ancien système, dite à
piston, 6'o0; — formes à fromages : 2 grandes en terre, 0'40; — 2 petites, id.,0'20; — for-
mes à fromages en fer-blanc, l'OO; — l • bàcho » (baquet) en bois, 5'00; — l filtre (fer-
blanc), l'OO; — 2 planches en forme de battoir pour • carrer » le beurre, 0'40; — 1 rou-
leau de bois pour imprimer les dessins, O'oO. — Total, IS'OO.
4" Pour la fabrication du pain domestique. — 1 pétrin (patiére), 10' 00; — 1 pelle à en-
fourner le pain, o'SO; — 1 pelle en bois pour nettoyer le four, 0'20; — 3 • paillas » (pane-
tières), 4'30. — Total, 20'00.
h" Pour la confection des vêlements domestiques. — Ciseaux, 2 paires, 2' 50; — 1 petite
boîte à ouvrage, 0'2o; — 3 paires d'aiguilles à tricoter, 0'60; — 1 dévidoir, l'30; — divers,
l'io. —Total, 6'00.
Valeur totale des propriétés. . . . 1.316^ 70
SUBVENTIONS.
Peu de populations en France pourraient justifier de recettes égales
à l'article Subventions. Les formes anciennes et modernes de ces « sa-
tisfactions de besoins » , accordées non pas en proportion du travail
effectué mais des besoins eux-mêmes, y défilent successivement sans
en omettre aucune. La classification complète de Le Play devient in-
dispensable pour les énumérer.
D'abord, ce sont les « droits d'usufruit » : les biens communaux
proprement dits, 70 hectares environ qui couvrent un mamelon baptisé
la Montagne-Verte, — la hauteur de Ghaussître a été vainement dispu-
tée jadis à une commune voisine, la commune de Saint-Régis du Coin.
Ces 70 hectares restèrent longtemps en pâturages à moutons; ils per-
(1) Le moulin à vanner est emprunté à une ferme voisine.
420 N° 80. — FERMIERS MONTAGNARDS DU UAUT-FOREZ.
mettaient aux ménages les plus pauvres de se procurer les quelques
livres de laine nécessaires pour fabriquer les vêtements chauds de
l'hiver. La révolution agricole suscitée par M. le baron de Saint-Ge-
nest, la création des prairies dans les bas-fonds et des plantations sur
les crêtes , entraîna leur transformation partielle : .35 hectares, — la
moitié environ, — furent couverts de sapins, qui aujourd'hui commen-
cent à procurer aux habitants un sérieux « droit d'affouage ». Sans
doute les objections contre le mode de distribution se multiplient. On
insiste volontiers sur les inconvénients du travail collectif des hom-
mes de la commune au mois d'octobre. Sans doute, comme toujours
dans le collectivisme de tous les temps, les plus courageux assument
la totalité de la besogne, tandis que les indolents savent esquiver ha-
bilement les corvées; sans doute la difTiculté d'égaliser des lots tirés
au sort peut attribuer la grosse part à ce paresseux et restreindre celle
du bûcheron intrépide. Il n'en est pas moins vrai qu'en échange de
ses trois jours de travail , la famille étudiée a reçu cette année l'équi-
valent de 300 fagots , sans compter le bois d'œuvre nécessaire pour
la confection d'une réserve de 'M paires de sabots. Ce fait tendrait à
prouver que les plantations communales revêtent une utilité très ana-
logue à celle des pâtis de jadis.
Les « droits d'usage », ou plutôt la « tolérance du droit d'usage »
sur les propriétés voisines, atteignent une importance encore plus
haute. C'est le combustible entièrement ramassé dans les « bois
noirs » des propriétaires voisins; c'est la litière des vaches fauchée
dans les pâtis, que les 'troupeaux ne parviennont pas à dénuder; c'est
la cueillette des « baies », framboises et myrliles sauvages, qui cons-
tituent toute la consommation en fruits de cette contrée d'où l'arbori-
culture est exclue. La comparaison, si souvent répétée, entre ces po-
pulations et les peuples de la zone nord de l'Europe, llussie, Norvège
et Suède, s'en trouve complètement raffermie.
Deux influences, déjà mentionnées, achèvent l'énuméralion de cette
source de recettes. L'Église a monopolisé la subvention de l'instruction,
assurant même les fournitures gratuites à l'école des Frères, les fai-
sant payer à l'école des Sœurs (école communale). Klle a réalisé
aussi l'assistance : hôpital, Dames de la Miséricorde (1). Knfin les
riches propriétaires des environs, reliés à la famille par les liens de
parrainage, complètent la liste de ces allocations d'objets et de ser-
(I) Association do iliariU';.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 4!2f
vices qui établissent une fois de plus l'importance de ces deux, élé-
ments de sécurité dans tous les milieux primitifs : patronage et pro-
ductions spontanées.
TRAVAUX ET INDUSTRIES.
Si l'on excepte le dernier-né, âgé de un an et demi, dont l'inactivité
se justifie d'elle-même, tous les membres de la famille ont leur tâche
rigoureusement déterminée dans l'exploitation de la ferme, l'aba-
tage des forêts environnantes, la passementerie, le « gardage » des
bestiaux ou métier de berger. Une grande distinction, générale dans
le pays, domine le tout : les travaux de la terre, les cultures de toute
espèce, sont réservés aux hommes; jamais, sauf pour la fenaison,
les femmes n'interviennent; leur rôle, avec les soins domestiques, est
la fabrication du beurre et du fromage, fort réduite par l'exportation
du lait, le métier de nourrice, qui n'est qu'une extension de l'industrie
laitière, et celui de passementière. C'est le respect de cet axiome :
« travail extérieur aux hommes ; travaux intérieurs aux femmes. »
Travaux de l'ouvrier, chef de maison. — Ils sont doubles : exploita-
tion de la ferme; travail au dehors comme bûcheron.
l" Travail de la ferme. — Cet atelier de travail, qui n'était pas créé
au moment de la confection du cadastre (§ 1) et dont la surface doit
être recherchée péniblement sur de vastes espaces désignés comme
landes ou brandes, semble se décomposer ainsi qu'il suit :
Terres 10 métérces, soit 1'' 0
Prés 15 — \ fi
Pâtures (landes).. . 45 — 4 5
70 7 0
Valeur : environ 12.000'. — Loyer : 380*^00 payés à un proprié-
taire, plus 20' 00 à un autre pour un supplément de prairies (30 ares).
Cette ferme, domaine rigoureusement aggloméré, sauf les 30 ares pré-
cédents, doit être classée comme inférieure, bien qu'elle possède tous
les rouages d'une exploitation plus vaste. Les prés sont trop restreints
eu égard à la surface totale; les pâtis, trop dévelo[)pés; la terre ara-
ble, défrichée par le fermier lui-même sans aucun secours, est insutFi-
sante pour un assolement judicieux, c'est-à-dire trois années en géné-
ral : 1° blé, plus exactement seigle (le froment ne mûrit pas à cette alti-
4i2 N° 80. — FERMIERS MONTAGNARDS DU HALT-FOREZ.
tude) ; 2° blé ou avoine; 3° plantes sarclées (surtout pommes de terre,
d'une abondance et d'une saveur toutes particulières). Cet assolement, à
notre avis, épuisant pour un sol peu riche, devrait, comme l'usage s'en
est établi dans les exploitations plus importantes, être combiné avec le
déf(jncement périodique des prairies (8 à 10 ans environ); mais le tra-
vail qu'il faudrait imposer à des vaches laitières fait reculer devant
cette pratique assurément avantageuse.
Toute l'économie rurale du père de famille aboutit à exécuter par
lui-même les travaux agricoles, sans débourser la moindre somme
en faveur des journaliers du dehors et surtout des domestiques, loués
à l'année dans le pays d'après un tarif variable suivant l'âge.
L'hectare de terres cultivables, défriché il y a quelques années sur
les pâtis couverts de genêts et de bruye-res, est divisé de la façon sui-
vante : 6/10 ou 0 métérées sont ensemencés en seigle, dés septembre,
après un labour en plates-bandes, suivi d'un hersage qui enterre som-
mairement le grain; 3/10 reçoivent au printemps, en avril, l'avoine;
le reste est planté de choux et de rutabagas (chuux-raves). Les « bi-
nages » sont inusités et la main-d'a:;uvrc est réduite au-dessous du néces-
saire, concentrant tous les travaux en un seul point de l'année, juillet
et août, où fauches et moissons s'entremêlent (1). Il serait inu-
tile par suite de chercher les innovations courantes en certaines con-
trées agricoles; l'usage du « pois-loup » (lupin) comme engrais vert
serait à peu près le seul trait curieux à citer. L'attention du cultivateur
semble repliée sur les deux hectares de prairies naturelles, arrosées
de petites rigoles qui dirigent l'écoulement des eaux de pluie et dont
la bonne tenue entraînera la richesse ou la disette de l'année. Un peu
de pain noir pour lui, de la paille surtout, et enfin les foins et regains
en quantités les plus hautes possibles, tel est pour le paysan le but
d'efforts assez mous en définitive et assez mal combinés.
La «laiterie», en effet, voilà la pièce centrale (§26). Les quatre vaches,
métis de race salers et de race hollandaise, vont créer la grande source
de recettes : trois fois par jour, le lait sera tiré, puis placé dans les vases
en terre, que l'eau du bassin, — ou bacho, — maintiendra à une tempé-
rature constante. Le soir, un « laitier-camionneur » prendra la bi-
che de for-blanc au détour d'un sentier et la déposera sur la grande
route, où un second convoi remmènera vers Saint-Mienne. Il faut
donc alimenter ces véritables nourricières le plus possible avec la
(I) l.'imnii^;r;ili()ii des • rivascoiis • du lUioiicaprcciscniciilsacausc daiisccUc cnïiuidcncc
de toutes les ixtoUcs.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 423
moindre somme de travail. Foins, regains, choux, choux-raves, paille
aussi, à cause de la sécheresse opiniâtre, leur seront prodigués; les
feuilles de frêne viendront tâcher d'arrêter les hémorragies dont
elles sont parfois atteintes. Quand il sera présent à l'étable, où porc
engraissé , brebis et poulets dorment en une série de compartiments
faits de planches grossières, le chef de famille ne laissera à personne
la préparation des rations et de la litière, — réduite cette année à
de la fougère mélangée d'humus.
2" Travail de journalier. — Le chef de famille est en outre périodi-
quement embauché comme journalier dans une exploitation voisine.
Déjà, en tant que fermier, il devait, dans un lot de bois de sapins désigné
par l'usage, abattre et écorcer pour le compte du propriétaire les
arbres désignés par la marque. En équipe de deux ou quatre hom»-
mes armés de longues perches, il guidait la chute du sapin, de l'épi-
céa, du pin, du mélèze, qu'avait ébranlé le fer des haches ou ach^eta;
il enlevait rapidement, avec une seconde hache plus petite, l'écorce et
les branches, pour en former des fagots. A ce travail de bûcheron se
joignent ici le travail du terrassier, la construction des chemins pendant
les journées d'hiver, le défrichement des pâtis à la pique ou à la mine;
puis le gazonnement, les plantations , toute la série des travaux des
terres montagneuses.
Travail de la mère de famille. — Les soins domestiques , la traite
des bestiaux, le binage des mauvaises herbes dans le petit jardin ,
et surtout deux occupations très nettement définies : la fabrication du
beurre tous les quinze jours, produit de la crème de la troisième
traite, et la confection des vêtements; car la paysanne a retenu,
de son service dans une famille de la classe supérieure , une certaine
habileté de tailleuse, dont toutes les paj'sannes des alentours ne pour-
raient pas témoigner au même degré.
Travail de la fille aînée. — Elle a déjà passé à quatorze ans par le
travail de la fabrique. Depuis trois mois, elle a abandonné le « mou-
linage », l'usine où elle dévidait la soie, partant le lundi, revenant le
samedi, sous la garde de surveillantes congréganistes. Aujourd'hui
elle a été placée dans un tissage du bourg; sa fonction consiste à
enlever avec des ciseaux les fils dépassant la surface lisse du ruban.
Journée régulière et assez dure de 6 heures du matin à G heures du
soir, avec trois repos : une dciui-heure à 8 heures du matin, 1 heure
à midi, une demi-heure à i heures; soit dix heures de travail plein.
C'est la limite de la loi du 2 novembre 1892.
424 N° 80. — I-ERMIERS MONTAGNARDS DU IIAlï-FOliKZ.
Travail de la deuxième fillette et des trois garçons. — L'école, l'hiver;
l'été, la garde des bestiaux,, soit à la ferme, soit au dehors, pendant
trois ou six mois, moyennant 20 à 40 francs et la nourriture. C'est l'es-
saimage hâtif des jeunes, caractéristique de la famille-souche.
Un seul inoccupé : le bambin de un an et demi, soustrait à toutes les
tâches astreignantes, école ou surveillance, pour quelques années en-
core.
Industries entreprises par la famille. — Toutes les industries sont
entreprises par la famille à son compte particulier (§ 10).
MODE D EXISTENCE DE LA FAMILLE.
§9.
ALIMENTS ET REPAS.
Très sobre, réduit à l'extrême limite qui satisfait l'appétit ro-
buste de travailleurs soumis à un climat fort rude, le régime alimen-
taire est dominé par la grande division climatologique de l'année :
jours d'été, jours d'hiver; et, chose curieuse, qui prouve bien une
fois de plus combien la race est pétrie par les croyances catholiques,
les points de départ de ces deux périodes sont marqués par les deux
fêtes que l'on pourrait nommer les fêtes de la Croix : l'une, l'exalta-
tion de la Sainte-Croix, le 3 mai; l'autre, l'invocation de la Sainte-
Croix, le 14 septembre. Voilà l'hiver, voilà Tété canoniques, en quel-
que sorte, qui vont régler, sinon l'heure, au moins le nombre des
repas.
Dans la période d'été (mai à septembre), les repas (piotidiens sont
au nombre de quatre.
A 7 heures du matin, se sert la soupe, que l'on a posée sur le
feu d'écorce de sapin dès le lever, à cinq heures : soupe à la base de
légumes, choux principalement, accommodée au lard, et dans laquelle
cuit le saucisson, c'est-à-dire à peu près toute la viande consommée
dans l'année; sur le pain, — un pain de seigle, noir de couleur et de
saveur acide, — on étend le salé, ou bien encorf li' morceau de lard.
OBSERVATIONS PKÉLIMINAIRES. 425
familier à tous les estomacs ruraux de France. Parfois la soupe est
une soupe au lait, aux pâtes ou au riz.
A midi, le diner : la soupe encore, — le régime est plus sain que
varié; — des pommes de terre cuites à l'eau ou [frites; du pain à dis-
crétion.
A quatre heures, le goûter : ici figurent les mâte-faim, sorte de
crêpes de froment épaisses de deux doigts, que l'on mange en tar-
tines; et le fromage, fromage blanc ou de forme, acheté sur la place
du marché.
A 7 heures du soir, souper : la soupe et le fromage.
Le régime d'hiver (septembre à mai) supprime le goûter.
Comme fêtes particulièrement célébrées par un ordinaire plus co-
pieux : la Noël, qui sonne en quelque sorte le retour définitif des
neiges; la « vogue » (comparez la « vote » des Métayers confolentais),
ou fête locale du 24 août. Ce jour-là un plat de viande est servi, viande
de bœuf ou de veau, en général bouillie. Cette tendance à donner à la
gastronomie une place d'honneur dans les réjouissances publiques
ou familiales, atteint le plus haut degré chez les riches fermiers
et les gros propriétaires vivant à la paysanne. Les gros plats se succè-
dent longuement dans des festins interminables. Les franches lippées
sont demeurées là ce qu'elles étaient jadis : besoin physique et étalage
d'orgueil.
Une seule boisson chez le pauvre fermier : l'eau pure; à l'époque
des forts travaux, un hectolitre de vin acheté aux marchands locaux
ou des villes voisines , au prix de 35 à 40 francs rendu : vin noir,
lourd, du Midi ou d'Algérie. L'attente de ces libations longtemps dé-
sirées n'est trompée que par les haltes aux auberges : le verre bu avec
les amis, la « goutte » d'alcool absorbée au moment des marchés.
§ 10.
UABITATION, MOBILIER ET VÊTEMENTS.
La ferme reproduit bien la construction montagnarde, disposée en
vue de l'hivernage et des amoncellements de neige. Bâtie au centre
de l'exploitation, sur le bord d'un petit sentier, avec un jardinet de
3 ares bordé de sorbiers et de griottiers sauvages, elle présente un
corps de bâtiment unique, réunissant grange, étables et habitation,
426 N" 80. — lEHMlERS MONTAG.NAliDS DU IIAUT-FOREZ.
comme dans les landes bretonnes, etune annexe minuscule, le '( bâclio »,
ou baquet rempli de l'eau des sources qu'amène un système de tuyaux,
et oii se rafraîchit, dans les « biches » en terre, le lait des dernières
traites.
Une particularité, qui se retrouverait identique en toutes les fermes
isolées dont les tuiles rouges s'espacent sur les ondulations du haut
plateau, c'est la situation préméditée à mi-côte d'une pente. Il en ré-
sulte que la partie supérieure du quadrilatère, la grange et le fenil,
restent de plain-pied avec le sol : la charrette de foin peut y pénétrer
facilement par le large portail cl s'y remiser sur le plancher même,
qui, pendant les longues journées de janvier ou décembre, se trans-
forme en aire, pour le battage au fléau. Au-dessous, en contre-bas
avec l'inclinaison générale du terrain, mais s'ouvrant directement par
des portes et fenêtres sur une petite esplanade, l'habitation propre-
ment dite et Félable; l'habitation, composée de deux pièces, la
« salle-cuisine-chambre à coucher », et le fournil avec chambre à dé-
barras; l'élable, où les vaches laitières sont rangées devant les crèches,
et où, entourés de balustrades en planches, brebis el porc partici-
pent à certaines distributions communes, tandis que poules et poulets
perchent çà et là.
C'est un vestige des cavernes, où, en certaines paroisses auver-
gnates, paysans et bestiaux hivernent fraternellement entre des parois
resserrées. L'égalité de la température, encore plus sensible dans le
caveau à trappe basculante, a pour compensation une humidité in-
destructible le long de la muraille qui soutient l'écroulement de la
terre : le chef de famille doit à celte humidité une partie des rhuma-
tismes qu'il commence à ressentir, malgré son âge peu avancé.
La hauteur des chambres habitées est de :2'"lo; la grande chambre
et la petite o Aèrent la même profondeur : G'" 30, avec une notable
différence pour la largeur : 4'" 50 dans l'une, dans l'autre S'^GO seu-
lement. L'une cl l'autre sont planchéiées.
Meubles ; leur histoire s'est liée peu à peu à celle de la famille,
et ils permettent de distinguer les trois influences qui ont présidé à
l'établissement du ménage : 1° l'hérédité (queUjues ustensiles assez
rares) ; "2" les cadeaux des bienfaiteurs, plus importants; 3" l'initiative
personnelle, manifestée parles acquisitions successives, soit à Saint-
Étienne, soit au bourg, au fur et à mesure que le cercle des enfants
s'est élargi. Ils ofl'rent ceci de particulier, que la place d'honneur
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIKES. 427
n'y est pas occupée par le lit-armoire, enchâssé dans le mur, que
toute ferme montre avec orgueil. Ce lit-armoire est d'ailleurs un
immeuble par destination, où, dans l'entassement des courtines,
rideaux et couvertures, on entrevoit suspendu, à la partie supérieure
du plafond, le berceau que l'on peut agiter par une cordelette, sans
s'exposer aux refroidissements des nuits d'hiver iSOf^So
1" Lits. — i" m : 1 litdehoison noyer ciré (fahricalidii locale), M'OO; — 1 i)aillasse lemidie
de paille de seigle, avec enveloppe en toile, 8' 00; — 1 matelas en crin végétal, 20' 00; —
1 matelas en laine (14 kilog.), iiO'OO; — 1 traversin en balle d'avoine, 3'00; — 1 oreiller, 8' 00 ;
— i couverture ouatée, 20' 00; — i couvre-pied en cretonne à fleurs, IS'OO; — ^ paire de
rideaux, idem, 12'50; — 1 boule de verre argenté placée entre les rideauv pour éloigner
les mouches, l'30; — 2= lit ; 1 lit de fer, 25'00; — 1 paillasse, 7'50; — 1 matelas en crin
végétal, 18'00; — 1 traversin (balle d'avoine), 2'o0; — I oreiller, C'OO; - 1 couverture oua-
tée, IS'OO; — guenilles diverses sur le tout (pour mémoire); — 1 paire de rideaux à
fleurs, 12' oO;'— 1 lioule de verre argenté, t'50; — 3« lit : 1 lit d'enfant, liteaux de sapins
retenus par de grosses pointes et maintes fois raccommodés, o'OO; — 1 « balluffière »
(paillasse), composée de feuilles de liélre sécliées dans une enveloppe de toile, 2'00; —
1 traversin, l'OO; — \ couverture ouatée, 7'0i); — 4« lit : l lit d'enfant plus petit, même
garniture, IS'OO; — 1 berceau vide, 3' 00. — Total, 309'00.
2" Mobilier de la « salle basse ». — Tous les lits : le lit de noyer pour le père et la mère ,
le lit de fer pour les deux DUettes, le premier lit de bois pour les deux garçons aînés,
le deuxième pour les deux plus jeunes (pour mémoire); — 1 armoire en noyer, forme
bahut, à deux battants, 30'00 ; — 1 haute pendule campagnarde, SO'OO; — ] table en noyer,
ronde, avec deux côtés (lui s'abaissent (exceptionnelle chez les paysans), 30' 00; — 1 banc
près de la table, i'OO;— 6 chaises, incessamment rempaillées par le père, lO'OO; — 1 pe-
tite table d'enfant, 2' 00; — l petite malle en bois noir, 2'00; — 1 miroir, 0'50; — i cage,
d'oiseau, 2'2o; — divers, 5'00. — Total, 13o'73.
3° Mobilier de la salle voisine (où se trouvent le four, le charnier, et une foule d'us-
tensiles divers, qui la font ressembler à un magasin de bric-à-brac, bouteilles, vieux vê-
tements, pain en réserve, etc., etc.). — 1 pétrin (pàtière) (pour mémoire) ; — 1 table en
bois blanc grossière, 6'00; — l charnier (armoire de bois blanc où le lard est enfermé),
"'00; — divers, 3' 00. — Total, tS'OO.
4" Mobilier de la grange à blé. — 1 grenier à blé (coffre à blé), "'00; — 1 vieux pétrin,
S' 00. - Total, 12'00.
3» Objets de piété. — Petite chapelle : 1 sainte Vierge, O'CO; — 1 l)énilier,0'73; — 1 cruciflx
O'oO; — 1 vide-|ioche; reliquaire de saint François Régis; petits tableaux pieux; images de
première communion; 1 Sacré-Cœur de Marie (chromolithographie), etc., 2'00; — pho-
tographies, 4'30; — livres, papier, plumes, encre, o'OO. — Total, 13' 33.
C Objets de toilette. — 1 cuvette en fer-blanc, 0'30; — peignes, 0'73. — Total, l'2.j.
Ustensiles : oCt prédominent la fonte et le fer-blanc, à la place
des poteries usitées en certaines provinces; réduits au strict néces-
saire 97^00
1" Dépendant du foyer de la cuisine. — (La crémaillère dépend de la maison); — 1
paire de chenets en fonte à tête de sphinx (rares dans le pays et remplacés par des pier-
res), 8'00; — 1 pelle en fer, I'OO; — 1 porte-poêle {chervanto de la pèle), 0'75; — 2 balais,
l'33. — Total, 11' 10.
2" Employés pour la cuisson et la préparation des aliments. — l grande marmite en
fonte avec couvercle (servant à la prépaiation des aliments des bestiaux), ô'OO; - 2 mar-
428 N° HO. — FERMIEKS MONTAGNARDS DU IIAIT-KOHEZ.
mites (identiques, mais plus petites), "'00; — l poêle à longue queue pour les tritures,
5' 00; — 1 couvercle pour la poêle, 0';>0; — i longue cuiller en Ter-lilanc, 0'50; —
2 cuillers longues en hois dur, t'OO; — 1 râpe, 0'50 j— d passoire, 0'i20; — 1 petite casse-
role, 0'20; — 1 seau en bois cerclé de fer, iJ'OO; — 1 petite • biche ■ (seau à lait),
servant à puiser l'eau, l'OO; — i salière, 0':20; — l poivrière, 0':w»; — 6 ècuclles en terre
veruie, pour la soupe, O'tiO; — 2 plats en faïence blanche (l'un servant de saladier), l'50;
— 6 • bichous », autre forme d'ccuelle en terre vernie, O'OO; — 1 douzaine d'assiettes, 2'40;
— 1 douzaine de verres à boire, l'20; — 8 couteaux (chacun possède le sien), 3'00; —
1 douzaine de fourchettes et cuillers en fer, 4'80: — i cafetière, 2'00;— 1 pot au lait à
fleurs (en grès), O'iO; — 1 sucrier, 0'"i0; — 1 douzaine de tasses en faïence à fleurs, l'20:
-- 30 bouteilles, 3'00; — 1 tonneau, 3'00; — d balance (romaine), 3'rK); — 2 i)aniers,3'00. —
Total, i;7'10.
3° Servant à l'éclairage. — 1 « chalcye » (lampe en forme de lami)C grecque), 0'"5; —
1 . chaleye » en cuivre, 0'"o; — i lampe à pétrole (avec verre et abat-jour), l'2u; —
1 trotteuse (lampe) en cuivre, l'25; — i lanterne avec lampe, 3'00. — Total, TOO.
•i° Servant au blanchissage du linge. — 1 bacjuet en bois, l'OO; —\ brosse en chien-
dent, O'aO. — Total, l'SO.
5° Servant aux réparations domestiques. — 1 couteau à deux mains, 2'00; — 1 doloire,
2'o0; — 1 varlope avec mèche, 4'(W; — 4 marteaux, O'OO; — 2 tenailles, 3'00;— 1 petite
scie à main, 2'00; — i tarière, l';0; - 3 limes, 0'43; — divers, i'20. — Total, 20'30.
Linge de ménage : en loile solide (strict nécessaire ; ni nappes, ni
serviettes de table) 138^00
0 draps, ai)portcs par la femme (cadeau de la châtelaine), 3C'00; —6 draps, apportés
par le mari, WOO; — (> paires de dra])s pour les enfants, ;JO'00; — i douzaine de torchons
(provenances diverses), o'OO; — 0 serviettes à porter le beurre, O'OO; — divers, l'OO: —
6 sacs en toile de chanvre, G'OO; — 10 autres sacs, 5' 00. — Total, 138'00.
VÊTEMENTS : solidcs, réduits au nécessaire , et très semblables à ceux
des ouvriers de Saint-Etienne; le petit bonnet des paysannes a pres-
que disparu, confiné dans le canton voisin de Riotord; l'habit à la
française des hommes se retrouve sur les épaules des octogénaires
dont le costume de noce n'a pas été renouvelé 538^5
Vêtements du père (131^85).
i" Vêtements des dimanches et jours de féte.~[ costume complet de drap noir, veston,
gilet et jjantalon long, exécuté sur commande par le tailleur du bourg et chez ce dernier,
GO'OO; — 1 chapeau de feutre noir à larges bords, G'OO ;— 1 paire de bottes à haute tige ,
15'00; — 2 cravates en soie noire, 0'50; — 1 paire de mitaines de laine, l'OO; — 1 para-
pluie en coton, 2'00. — Total, Ti'iiO.
2» Vêtements des jours de travail. — 1 gilet-veste (veston ayant la « patte » d'un gilet
ordinaire) en velours côtelé marron, 8'00; — 1 pantalon en velours idem, 3'00; — 2 fou-
lards en coton, 0'C5; — 1 blouse en toile bleue, 2'00; — 1 courroie de cuir, O'",-;; — 1 tricot
de laine, 2'.')0; — 1 gilet de coton (sous la chemise), l'OO; — 12 chemises blanches, à col
et manchettes empesés, 22^00; — 4 chemises do colon de couleur, .'i'OO; — 4 paires de
chaussettes de laine (pour l'hiver; remplacées l'été par de la paille), l'.'JO; — 18 mouchoirs
en coton , avec vignettes de couleur, H'!M; — 3 paires de sabots, l'20; — 1 paire de bri-
des, 0"M; — 1 chapeau de paille, 0'75. — Total, '6VXi.
Vêtements de la mèhe (182^00).
1" Vêtements du dimanche. — 1 chapeau fernu', .'>, 00; — 1 corsage (casaquot) en mé-
rinos ou cachemire noir, 8'00; — I jupe, id., Kt'OO; — 1 lichu de laine noire, 4'50; —
OBSERVATIONS TRÉLIMINAIRES. 429
1 l'oulard, l'OO; — 1 corset, 4'50; — i paire de gants en laine iioiir l'Iiivcr, O'OO; — i paire
de souliers, 8'00; — 1 paire de pantoulles, l'OO; — 1 parapluie en coton, l'oO; — l oni-
hrelle en soie, 2'2j. — Total, 46' Go.
2" Vclcments des jours ordinaires. — 1 « casaquot • de coton, 4' 00; — 1 jupe de coton,
5'.'>0: — 18 chemises en toile ccrue, 36'00; — G camisoles, blanches et de couleur (percale
imprimée), C'OO; —3 pantalons en calicot, G'OO; —G tabliers en cotonnade, 6' ">0;— 10 paires
de bas de laine et de coton, 12'00; — 4 paires de chaussons en laine pour les sabots,
l'25; — 2 foulards de coton, 0'80; — 1 chapeau de paille, O'oO;— 3 paires de sabots, 1^80;
— 2 douzaines de mouchoirs de poche, lo'OO. — Total, r»5'3.";.
3" Bijoux. — i alliance en or, 20'00; — 1 paire de boucles d'oreilles, en or, 20'00. —
Total, 40'00.
Vêtements de la fille aînée (67*'b0).
1" Vêtements du dimanche. — 1 chapeau de paille noire, orné de rubans, 4^50; — l cor-
sage à forme moderne, 8' 00; — 1 jupe en étoffe mérinos noir, G'OO; — 1 fichu de laine
noire ou bleue, 2''50; — l foulard, 0'50; — 1 corset, 3'00; — 1 paire de gants d'hiver en
laine, 0'4o: — l paire de souliers, 5'00. — Total, 29'!)o.
2" Vêtements des jours ordinaires. — i corsage en coton, 3'75; — 4 chemises, 8'00: —
2 camisoles en tricot, 2^50; — 2 camisoles en cotonnade, l'iO; — 2 pantalons, 3'dO; —
3 paires de bas de laine et de coton, o'OO; — l foulard, 0'40; — 2 tabliers en cotonnade
à carreaux, 3'o0; — 1 douzaine de mouchoirs, 5' 00; — 3 paires de sabots et 1 paire
de brides, i'oO. — Total, 37'oo.
Vêtements de la fille cadette (59''2o).
Identiques, sauf le corsage à forme moderne, la jupe en mérinos et le corsage en coton,
remplacés par 1 jupe et 1 corsage se tenant, 'J'oO. — Total, o9'25.
Vêtements de l'un des trois garçons (27*00), soit pour les trois (81 ''00).
i" Vêtements du dimanche. — 1 costume complet, 8' 00; — 1 chapeau en feutre noir à
larges bords, l'50; — 2 cravates en coton, O'GO. — Total, dOflO.
2° Vêtements des jours ordinaires. — 1 pantalon en velours, 3' 00; — 1 paire de bretel-
les,0' 25 ; — 1 blouse noire, l'IO; — 1 tricot marron, O'OO; — 12 chemises, 7'00; — 2 paires
de chaussettes, 2'50; — 1 chapeau de jiaille, O^oO; — 1 béret (calotte fourrée), 0'7o; —
2 paires de sabots, 0'90. — Total, ICMio.
Vêtements de l'enfant le plus .ieune (T^oo).
1 petite robe de coton, l'iJO; — 1 chapeau de paille, 0'73; — 2 paires de bas, l'OO; —
1 petit jupon en laine ou coton, fabriqué avec des restes, 0^73; — 2 chemises en coton,
fabriquées de la même façon, l'';i0; — 1 tricot, 0'7o; — 1 tablier bleu, l'OO; — 1 paire de
sabots, 0'30. — Total, 7'o5.
Vêtements communs (9^00).
Réserve de lo paires de sabots, O'OO.
Valeur totale du mobilier et des vêtements 1.124^00
l 11.
récréations.
La religion a discipliné depuis longtemps les moments de halle
que la fatigue impose aux tâches quotidiennes. Le dimanche ramène
41
430 n" 80. — KEnMiER> montagnards 1>U nAlT-rOREZ.
régulièrement ses offices suivis par des foules en costumes sombres,
qui s'amoncellent en groupes animés, et marchandent les étalages
des forains accourus ce jour-là sur la place de l'église : car l'éloi-
gnement, la difficulté des transports a fait coïncider, contre les
usages religieux mêmes, les cérémonies du culte et les transactions
commerciales. Une fête domine le tout : la vogue, la fête locale,
celle de Saint-Genest, l'acteur converti miraculeusement sur le théâtre,
au moment oiî il jouait le rôle d'un chrétien bravant le martyre;
elle s'est fondue peu à peu avec la fête du Comice , que la « So-
ciété d'agriculture » de Saint-Genest, fondée en IS.'iT, organise chaque
année avec le concours de l'État et du Conseil général. Dévotion et tra-
vaux des champs; messes à grand orchestre et concours de charrues ;
l'union de la vie religieuse et du labeur journalier semble intime. En
revanche, même ce jour-là, la « danse », proscrite parle clergé de
la Restauration, est toujours poursuivie comme plaisir coupable :
le rigorisme ambiant, que les efforts de certains cabaretiers tendraient
volontiers à ébranler, a pour défenseurs les vigilantes congréga-
tions greffées sur la paroisse. Le « prince de la jeunesse » et sa troupe,
— souvenir évident des coutumes de l'ancien régime, — doivent
borner leurs joyeuses folies au lancement de pétards et aux harangues
adressées aux autorités. Gomme sujet de réjouissances plus pro-
fanes : la reboule, le repos après moissons et fauchées faites, célébrée
à chaque foyer par un repas copieux; et la foire, la foire annuelle
du mois d'octobre, qui annonce le retour des froids et pourrait s'ap-
peler la fête de la neige. La neige, en effet, va bientôt effacer che-
mins et grandes routes. Les paisibles parties de boules, de « cochon-
net », qui s'entrevoient à chaque carrefour du village et au loin sur
le seuil de maintes fermes, seront elles-mêmes abandonnées. Il ne
restera que les conversations, les souvenirs de l'hivernage ; point de
distractions artistiques : le chalumeau plaintif des bergers en est
demeuré aux mélopées traînantes de l'antiquité; la peinture et la
sculpture sont des païennes qui s'accommodent mal de l'austérité
religieuse; parfois les cartes , les fortes libations surtout; le vice
local se retrouve sur sa pente, et certains ne peuvent résister à la
satisfaction gourmande des longue? beuveries solitaires ou en troupe,
aux séductions de l'alcool ou du gros vin noir, dont ne se lassent
pas les connaisseurs du pays.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 431
HISTOIRE DE LA FAMILLE.
^ 12.
PHASES PRINCIPALES DE L EXISTENCE.
Le chef de la famille et sa femme ont eu le sort commun de tous
les enfants des montagnards. Pâtres et domestiques, tels ont été leurs
premiers emplois : pâtres, pour économiser à leurs parents le salaire
d'un journalier; domestiques, afin de pouvoir acquérir par leurs
économies, l'un le cheptel nécessaire au fermier, l'autre la dot indis-
pensable aux filles à marier.
Antoine H*** fut de bonne heure loué par un vieux gentilhomme
des environs, malade et bientôt paralysé de tous ses membres. Il se
fit bien vite aimer par sa droiture et son honnêteté; il avait déjà
réuni 600 francs placés de façons diverses, lorsqu'il fit la connaissance
de Catherine M***, femme de chambre, ou, plus exactement, bonne
d'enfants dans un château voisin. Celle-ci joignait à sa bonne humeur
et à sa robuste santé un petit avoir de 250 francs. La part d'héritage du
fiancé s'élevait à 600 francs, outre ses 600 francs d'épargne. Le jeune
ménage pouvait donc compter sur un capital de 1.450 francs, à peine
suffisant pour acheter les vaches laitières, la charrette et les outils in-
dispensables à l'établissement du plus humble fermier. Ainsi, la
position de serviteur dans un château, qui arrache complètement le
paysan russe aux coutumes rurales, au point de constituer une classe
à part (1), n'est ici qu'un état transitoire, où l'on recherche surtout
le gain, la protection, le patronage, sans abandonner l'attachement
au métier traditionnel des ancêtres.
Le mariage eut lieu d'après les coutumes locales; les frères et les
amis du marié vinrent de grand matin donner l'assaut à la maison
de la mariée, un peu avec les mêmes rites que Georges Sand ob-
serva jadis en Berry et qu'elle décrivit dans la « Mare au Diable ».
(1) F. Le Play, Les Ouvriets européens, t. II, Paysans à corvées des steppes d'Orenljourg.
SS 1 et 3.
432 N° 80. — FERMIERS MONTAGNARDS DU HAUT-FOREZ.
La famille de la jeune lille la défendit ; on présenta aux assaillants
une poupée grossièrement fabriquée avec des linges entortillés : la
recherche continua longtemps au milieu des éclats de rire, car la
mariée, suivant l'usage, s'était cachée dans un placard. Entin le cor-
tège partit, à pied; c'était un mariage de pauvre. Les paysans ri-
ches sont précédés de coureurs à cheval qui ajoutent toujours à la
fête un cachet des plus pittoresques. Sur la place de l'église, on
trouva l'époux, qui avait dû disparaître pendant celte cérémonie, et
les formalités légales, puis ecclésiastiques, suivirent leur cours im-
muable. Il en fut de môme des réjouissances, repas de noces et
danse aux violons.
Dès le lendemain du m.ariage, après cette halte de quelques jours,
le montagnard vit recommencer sa dure existence. La ferme avait
été louée d'avance : une petite ferme pouvant nourrir 2 à 3 vaches
laitières, celle où nous rencontrons encore la famille; un frère du
marié avait consenti à l'aider pour les travaux préparatoires; les bes-
tiaux, la charrette avaient été achetés; quelques meubles aussi, —
bien peu de meubles, — car le mobilier d'aujourd'hui, si modeste
qu'il soit, a été le résultat de longues années de labeur. Mais le
fermier avait vingt-neuf ans, la fermière vingt-trois ; l'un et l'autre
étaient soutenus par la passion du travail et jouissaient d'une santé
à toute épreuve. Ils se mirent joyeusement à l'œuvre.
Il est dans l'histoire de ces fermiers foréziens une phase dans la-
quelle succombent souvent les moins bien doués en courage et en
espérance : c'est la période qui suit immédiatement la venue des
premiers enfants. Les naissances sont répétées et rapprochées en ce
pays, où la haute classe donne elle-même l'exemple de la fécondité
d'autrefois, et où, parmi les paysans, des familles de 2:2 enfants,
nés de la même femme, peuvent être citées. Il y eut parfois des
retards pour le paiement de la ferme, et la ménagère raconte sans
fausse sensiblerie que certains soirs d'hiver on fut se coucher sans
souper. Pour comble de malheur, une année, — l'année terrible pour
ces êtres isolés dans leurs landes, où les perturbations politiques ne
pénètrent guère, — une épizootie subite enleva les deux vaches.
Heureusement, le protecteur naturel des paysans, le château, inter-
vint : des dons en nature vinrent permettre de reporter lout l'ar-
gent disponible sur l'achat d'un nouveau clieptel; l'étable fut re-
blanchie à neuf; le propriétaire consentit à une remise assez forte.
Malgré cela, les dettes s'étaient subitement accrues. Il fallait les
OBSERVATIONS TRÉLIMIXAIRES. 433
amortir, et aussi placer au plus vite les enfants, à peine en âge
de se tenir debout.
Ici commence le procédé du placement habituel à la montagne :
à quatorze ans, l'aînée des fillettes est envoyée à une fabrique, à l'une
de ces fabriques rurales, « un moulinage », où Ton dévide la soie des-
tinée à confectionner ces rubans de Saint-Etienne, dont la renommée
s'est étendue sur les marchés des deux Mondes' Nous avons noté au
budget ilï 14) le salaire qu'elle rapporte, et le secours qui en résulte
pour la famille. Le fils aîné est berger au dehors; le second fils, ber-
ger également. Les autres aident leur père et leur mère dans la
mesure de leurs forces encore mal affermies. Pas de domestiques dans
la petite ferme ; en effet, où trouver les 340 francs qu'exigerait un
homme de vingt-six ans et les I.jO francs réclamés par un garçon de
dix-huit? Pas de servante : un gage de 2o francs par mois serait trop
lourd. Il faut se contenter de ses propres forces; sans capital, c'est-
à-dire sans argent, que faire? Tout autour de la ferme, les pâtis
attendent le défrichement; de superbes seigles pourraient y mûrir;
mais il faut attendre. Cette année sera encore mauvaise : le foin est
rare, comme partout, par suite de la sécheresse; et surtout la
concurrence effrénée des fermiers, la mauvaise foi des petits dé-
bitants, épiciers et laitiers de la ville, empêchent de trouver ces
<< bonnes places » qui assurent aux biches de lait, aux grands seaux
de fer-blanc remplis chaque jour, un débouché régulier et rémuné-
rateur. Pourra-t-on payer le fermage? on l'ignore; et cependant on
touchait au complet paiement des dettes : il reste encore, après dix-
huit ans de travail, 300 francs dus au village, que l'on serait bien
heureux de solder bientôt. Voilà le rêve d'avenir, un rêve immé-
diat, la seule préoccupation des soirs de neige, où l'emprisonne-
ment de l'hivernage contraint le paysan à ruminer longuement, un
peu comme les bêtes de son étable, ces idées simples qui compo-
sent la trame de sa vie monotone.
434 N" 80. — FERMIERS MONTAGNARDS DU DAUT-FOREZ.
'i 13.
MŒURS ET INSTITUTIONS ASSURANT LE BIEN-ÊTRE PUYSIQUE ET MORAL
DE LA FAMILLE.
Malgré un léger commencement de désorganisation, visible seu-
lement pour un observateur minutieux, la famille étudiée, non
moins que les familles-souches voisines, offre encore la cohésion
puissante qui est le signe des fortes races. Elle a le sens de sa soli-
darité : l'esprit de travail et d'épargne, le dévouement de l'héritier
institué, — car on prévoit déjà l'établissement dans une ferme [dus im-
portante, — assureront aux membres les plus âgés, au père et à la mère,
une vieillesse relativement heureuse. La transmission intégrale, dont
on a l'idée et le désir (§ 18), fera raffermir aux mains des descen-
dants la propriété du sol, si cette propriété peut être acquise. A l'a-
bri des coups les plus durs de la vie, grâce à la tutelle vigilante de
son « Eglise », dont elle a conservé le respect, grâce aussi au patro-
nage des riches propriétaires de la région, la famille formera un
tout compact avec les dynasties paysannes environnantes. Ensemble
véritablement curieux, en cette terre de France où la destruction des
maisons-souches semble un fait irrémédiablement accompli, toute
cette contrée montagneuse montre ce que peut produire la discipline
morale, cimentée au foyer par l'aulorilé du père, et, en dehors du
foyer, par le respect des autorités traditionnelles : clergé et survi-
vants de la noblesse d'autrefois (§ 21). C'est bien le réservoir d'hom-
mes dont nous parlions au début, la source jamais tarie, d'où
l'émigration incessante des jeunes , dressés à la vie travailleuse et à
l'obéissance instinctive, se déverse sur les cités aux labeurs diversifiés
qui couvrent la plaine.
Mais alors, dans cette antithèse qui revient sans cesse sous la plume
de l'analyste, apparaît une transformation inattendue. Ces indivi-
dualités détachées de la constitution sociale solide, bâtie par les
siècles et pour des siècles, que nous venons d'indiquer, ces étnigrants
sans cesse sollicités un à un par les courants multiples de l'industrie
minière, rubanière, par le travail du fer, de la verrerie, les ateliers
de construction ou les hauts fourneaux, vont devenir en un clin d'aùl
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 133
les représentants les plus parfaits de l'instabilité contemporaine. Ils
ne fonderont plus de « souches » durables. L'imprévoyance aban-
donnera les vieux parents comme un fardeau inutile. Le mépris du
culte catholique s'élèvera à la hauteur des dogmes incontestés; le con-
tre-fanatisme régnera. La révolte soulflera de toute part; et le « dra-
peau rouge ou noir », les revendications implacables des opprimés de
l'ère industrielle nouvelle, se lèveront à la place de la déférence aux
mots d'ordre reçus ou même aux conseils donnés.
N'est-ce pas, au fond, le résumé de toute la question sociale? Un mi-
lieu qui dure depuis des siècles et dont l'organisation a été peu à peu
tracée; un milieu nouveau, surgissant tout d'un coup, sous l'essor de
jtuissantes découvertes, et où l'anarchie subsiste, cherchant encore
les concessions réciproques et la hiérarchie définitive, gardienne de
la « paix sociale ».
436 .N° 80. — FERMIERS MONTAGNARDS DU HAUT-FOREZ.
§ U. — BUDGET DES RECETTES DE L'ANNÉE.
SOURCES DES RECETTES.
SECTION 1'®.
PROPRIÉTÉS POSSÉDÉES PAR LA FAMILLE.
Aux. !•'. — PROPniÉTÉs immodilièuf.s.
(La famille ne possède aucune ))ropriété de ce genre.)
Art. 2. — Valeuks siodilières.
Amm.mk DoMESTinuES entretenus toute l'année :
4 vaches laitières, SOOMjO; — 3 brebis mères, CO' 00; — 8 poules et l coq,
21' 70: — 1 lapine, 3' 00; 1 chien de garde
Ammaix domestiques entretenus seulement une partie de l'année :
1 truie, valeur calculée
Matériel si-écial des travaux et industries :
Pour l'exploitation des tîhamps, des prairies et des arbres èpars
— des bètes à cornes et des bètes à laine
Pour la fabrication du beurre et du fromage
— du pain de ménage
Pour la confection des vêtements
Argent :
Somme gardée dans le ménage comme fonds de roulement
Art. 3. — Droit aux allocations de sociétés d'assurances mutuelles.
Di.oiT éventuel à une indemnité d'une compagnie d'assurance contre l'incendie.
Valeur totale des propriétés
SECTION II.
SUBVENTIONS REÇUES PAR LA FAMILLi:.
Art. l". — Propriétés reçues en usufruit.
(La famille ne reçoit aucune propriété en usufruit.)
Art. 2. — Droit d'usage sur les propriétés voisines.
Droit d'aiïouage sur les forêts communales; cueillette du bois mprt et des herbes.
— sur les baies récoltées
Art. 3. — Allocations d'objets et de services.
Allocations concernant la nourriture
les vêtements
l'inslruclion des enfants .
iVALUATIO:»
APPliOXIMATIVB
DR8 sonic K>
DE UKCBTTKS.
VAI.EUl;
lies
PROPUIÉTÉS.
581' "0
100 00
'k;<i oo
1 12 00
13 00
20 00
6 00
1 .:ii(i "0
N" 80. — FERMIERS MONTAGNARDS DU IIAUT-FOREZ. 43"
§ 14. — BUDGET DES RECETTES DE L'ANNÉE.
RECETTES.
SECTION l'".
REVEi\lJS DES PROPRIÉTÉS.
Akt. l''^ — Revenus des pnopiiiÉTÉs immobilièues.
|î raniille no jouit d'aucun revenu de ce genre.)
Aux. 2. — Revenus des valelus moniLiÈriEs.
:
I iK't (5 o/o ) de la valeur de ces animaux ( j dC, A)
{^10, A)
de la valeur de ce matériel ( ' 10, A)
— (■;!';, A)
— {';ni, c)
— (r.iii, »)
— (^10, F)
.te somme ne produit point d'intérêt.)
Art. 3. — Allocations des sociétés d'assurances mutuelles.
«surance n'a produit cette année aucun revenu.)
■ Totaux des revenus des propriétés
section II.
PRODUITS DES Sl]BVE\TIO\S.
A UT. i". — PuoDuiTS des pkopiîiétés iîeçues en usufruit.
famille ne jouit d'aucun produit de ce genre.)
Art. 2. — Produits des droits d'usage.
ur à attribuer aux produits avant la récolte (',; tC, H)
ar des baies '
Art. 3.
Objets et services alloués.
1 provenant du château : I repas entier : mouton, 2" à l'W), 2'SO: — pain,
" 0'3".-;, 0'75; — vin, 2 lit. à 0'35, O'-O; — légumes : choux, 10" à O'Oi,
0; — carottes, 5" à 0'2(), l'OO; — salades, 10" à o'-iO, û'iM
es reçues en cadeau, 0'7.'>; — dons en argent (du château), transformés
tout en achats de vêtements, 10'. 00
litures scolaires de l'école des Frères
Totaux des i)roduits des subventions
MOXT.VNT DBS ItECETTF.S
Eecettes
A'alcur des
objets reçus en
nature.
30 87
91) .'JO
38 10
0 7.'i
(i 00
en
argiïnt.
17' 73
Il '511
3 03
1 97
14 22
î) 23
3 40
2 20
0 1!»
0 t)0
1 00
„
0 30
<.
10 (»0
438 N° 80. — FERMIERS MONTAGNARDS DU IIALT-FOREZ.
§ 14. — BUDGET DES RECETTES DE L'ANNÉE [suite).
SOURCES DES RECETTES {suite).
\
DÉSIGNATION DES TRAVAUX ET DE I.'EMl'LOI DU TEMP:
SECTION III.
TRAVAUX EXÉCLTÉS PAR LA FAMILLE.
K\|iliiitati()ii (les clianips. des prairies et des arbres épars.
Kxploitalidii des liétes à cornes et à laine, des porc.
lai)ii)s cl poules
Exploitation du jardin potager
Travaux de terrassier et de hùciieron
— (le passementerie, effectués parla lille ainée
— dans une usine du bourg
Emplois de berger des 2 Dis aines dans les exploitations
voisines .'
Fabrication du beurre et du fromage
— du pain de ménage
Exercice accidentel du métier de bouclier
Travail de bùclieron ell'ectué dans les forets commu-
nales et cueillette des bois et des lierbes
Travaux domestiques
Confection des vêtements et du linge
ToTAix des journées de tous les membres de la famille.
uUAXTITi: DE TRAVAIL EFFECTIF..
3
13.'i
-21 G
1
110
il)
•t-o
SECTION IV.
INDUSTRIES ENTREPRISES PAR LA FAMILLE
(à son propre com]ite).
lMnsTi;irs entreprises au compte de la famille :
iA|iliiiiatiim des clinniiis, des prairies et des arbres épars; exploitation de l'étable et des animil
KxpliiilMtion du jardin potager ^Hl
Fabrication du beurre et du fromage
— du pain de iiiciiage
Exerrice accidentel du métier de bouclier
Confection des vêlements et du linge
1
N" 80. — FERMIERS MONTAGNARDS DU UAUT-FOREZ. -439
1^ li. — BUDGET DES RECETTES DE L'ANNÉE [suite).
RECETTES {suite).
PRIX DES SALAIRES JOLUXALIEP.S.
12 50
Il 00
00
(JO
0 ;;o
1 10
2
3
filles.
fils.
Fr. c.
Fr. c.
0 40
0 40
0 -20
0 20
0 84
.
"
0 1-2
1 .-io
•
SECTION III.
SALAIRES.
Salaire total attribué à ce travail (", IG, A).
— — — (8 11!, A).
- - - (S Ki. R).
— — — (S 16. C).
— — — (§1(J,D).
- - — {§ 10, EJ.
- - - (§ 16, H).
(Aucun salaire n'est attribué à ces travaux.)
Salaire total attribué à ce travail (§ 10, F).
ToTAi X des salaires de la famille
SECTION IV.
BÉ>IÉFICES DES lADLSTRIES.
I liénélicc résultant de ces exploitations (S 10. A)
— de cette exploitation (S i(i. R)
— de cette fabrication (§ Ki, C)
— — (S 10. D)
— de cette industrie (S lo. E)
— de cette confection (S Ki, F)
Totaux des bénéfices résultant des industries
INOTA. — Outre les recettes portées ci-dessus en compte, les industries don-
nât lieu à une recette de 2.97ri'37 (§ 16, G), qui est appli(|uée de nouveau à
i mêmes industries; cette recette et les dépenses (jui la balancent ('^ 13, sect. V)
'.été omises dans l'un et l'autre budget.
ToTAix DES RECETTES de l'aniiée (balançant les dépenses) (1.700' 13)...
MONTANT IPKS ItKCETTKS
Valeur
des objets
reçus
en nature.
87f.9i
91 58
17 00
3 21
43 20
0 13
380 3i
91 10
0 87
57 'OG
59 42
-274 00
2.-;2 00
35 00
9 54
088 89
115 08
7 .18
12 13
4^*0 N» HU. — FERMIERS MONTAGNARDS DU IIAUT-FOREZ.
§ 15. — BUDGET DKS DÉPENSES DE L'ANNÉE.
DÉSIGNATION DES DÉPENSES.
SECTION l".
DÉPENSES COi\CEB\A:«T LA NOIRRITURE.
Art. V. — Aliments consommés dans le ménage
(par les S membres de la famille pendant 3Gô jours).
CÉRÉALES :
l'aiu fie froment (§ I4, S"" II)
Pain de seigle pur, en tourtes rondes de "" i> à
10" (J 10, D)
Farine de froment
Riz
Poids total et prix moyen
Corps cras :
Beurre (;; kj, o
Petit l)eurre ('; i<i, o
Lard (;; ji;, A)
Huile de sraines
Poids total et pris moyen.
Laitage et œuFs :
Lait non écrémé (^ tC, A)
Froma^'e blanc en forme de cliévreton (J d(j, Cj
Fromage de forme (lait de vache fermenté)
CtEufs de poules. 20 douzaines à O'ho la douz. (J 16, A)
Poids total et prix moyen.
Viandes et poissons :
Hduf
Veau, acheté les jours de fétes
Veau : abattu et consommé en partie, par suite de la
baisse des bestiaux (exceptionnel) (S le, E)
Viande de mouton (g it. S"" II)
viande de jiorc, salée : saucissons ". . (;', Iti, A)
— — — jambons (;; lii. A)
— fraîche (;; Ki. A)
(Il n'eiilre dans la consommation du ménage ni
volailles, ni poissons.)
Poids total et ]irix moyen
POIDS et piîix des
ALIMENTS.
POIDS
consommé
l.o(!0 0
10 0
2.-; 0
.M» 0
20 0
18(1 (I
7 r>
12 0
l^i 0
21 1 îi
0 .-;
.1 0
2 0
2 0
77 •;
14 0
1 0
PRIX
par kilo?.
0'37:i
0 2.'i0
0 .';oo
1 200
0 2r>;
2 .'JOO
0 2(11)
t .■ioo
0 !K»0
0 200
0 (>00
1 -iWi
\ 067
1 600
0 fiOO
0 .'JOO
1 tOO
t .M 10
1 •;o()
I .'i(l(l
.MONTANT DES DEPENSES
Valeur
des objets
consommés
en nature.
0'-5
220 50
00
00
3(i 00
4 50
1(> 00
Dépensi s
en arp. ut.
18 00
0 so
1 .-.(l
N" 80. — FERMIERS MONTAGNARDS DU nAUT-FOREZ.
§ 15. — BUDGET DES DÉPENSES DE L'ANNÉE {suite).
iil
DÉSIGN.\TION DES DÉPENSES (suite).
SECTION r
DÉPENSES C0XCER\A:^T la iVOLRRITlRE (suite).
LÉCIMES ET FRUITS :
Tubercules : Pommes de terre {" iC, A)
Lc-gumes verts à cuire : choux tourragcrs (feuilles
tendres) C 16, B), -25" à 0'04. l'OO; — Choux pom-
més (; 1 4, S™ II et Z 16, A), 16oK à O'O't, 6'(J0
Légumes racines : Carottes.. (,; 14, S"" II el § IC, B)
Légumes épices : Citjoule Q 16, B), O".-; à O'W, 0'30;
— ail, 1" 3 à 0^50, 0'7o; — oignons (•; 16, B), 10" à
0' 40, 4' 00 ,
Salades : Escarole, elc (ï 14, S™ II et ■; IG, B)
Fruits farineux : Châtaignes
Fruits à pépins et à noyau : Pommes et poires, 3" à
of-20, O'iiO; — griottes' (cerises sauvages) ("16, B),
10" à O'io, l'OO
Fruits baies : Framboises sauvages et airelles (mvr-
tiles) C^ 14, S'"' 'il)
Poids total et prix moyen.
Condiments et stimulants:
Sel commun
Épices : Poivre
Vinaigre
Matières sucrées : Sucre
Chocolat
Boissons aromati(|ues : Café .
Poids total et prix moyen.
Boissons feumentées:
Vin rouge (Algérie, Aude), à 3.5' 00 l'hect. rendu, 3 hecl.
achetés, 105' 00; -2 Ut. donnés — (Z 14, S"" II), 2' 00
Vin d'airelles (myrtiles) (I! 14, S"" II)
Eau-de-vie .'
Poids total et prix moyen
poids et puix des
aliments.
POIDS PRIX
consommé. par kilog.
Laco^o
mo 0
15 0
1-2 0
35 0
50 0
13 0
1-25 0
12 9
0 3
6 0
3 0
0 5
1 0
302 0
(i 0
1 0
0'050
0 040
0 -200
0 421
0 -200
0 140
0 t-23
0 300
0 O"!»
0 140
5 000
0 300
1 -2(K)
3 (JOO
G 000
0 350
0 100
1 550
309 0
AiiT. 2. —Aliments phéparés et consommés en dehors du ménage.
Nourriture fournie (avec le coucher) par l'école de filles pendant les C mois
d'hiver
Totaux des dépenses concernant la nourriture
montant des DEPENSES
Voleur
des objets
consommés
en nature.
(Xi'OO
7 55
-2 90
4 07
0 74
0 95
37 50
0 70
Dépenses
en argent.
O'Oo
0 10
0 98
0 -2(i
7 00
1 80
0 13
1 80
3 (;o
I 80
H 00
105 00
442 N" 80. — FERMIERS MONTAGNARDS DU IIAUT-FOREZ.
^ i:i. — BUDGET DES DÉPENSES DE L'ANNÉE [suite.]
DÉSIGNATION DES DÉPENSES {suite.)
SECTION M.
DÉPEI>iSES CO^'CERXAXT L'HABITATIO.
Logement :
Lnycr de riial)itatioii (ch-tluit par ventilation du fermage total)
MoniLir.r. :
Aciiats d'objets noui's et dépenses diverses relatives à l'entretien,
i.S'OO; — achat de linge. l.'i'OO; — réparations laites avec le hoisd'a'u-
\re ramassé (§ 1(i, H), Wm
Chauffage :
Unis de chauffage provenant des bois communaux, ,700 fagots à O'IO,
30' 00; — fagots etécorces ramassés par les enfants, 700 fagots à 0' 10,
"O'OO (S 10, H).
ÉCLAIUAGE :
Pétrole, 2ti lit. à 0''iO, 13'00; — huile de colza. 2 kil. à O'OO, 4'80; —
mèches, 0'-20, — allumettes (de contrebande), 1 paipiel, 0'50
Totaux des dépenses concernant l'habitation
SECTION in.
DÉPENSES COiVCER!VAI\T LES VÊTEMENTS.
VÊTF.MKNTS DK LA FAMILLE :
Vêtements du pérc (§ dC, .1).
— de la mère (S 10, J).
— des deux fillettes (S 10, .1).
— des trois ganons (§ 10, .)).
— de l'enfant le plus jeune (§ 10. J).
Kcparation de vêtements : achats de fournitures
Blanchissage du linge :
Savon. .3 pains, T50 (il n'y a i)as lieu à des lessives proprement dites,
mais à de simples savonnages hebdomadaires)
Totaux des dépenses concernant les vêtements
SECTION IV.
DÉPENSES COXCEfiNANT LES BESOINS MORALX, LES RÉCRÉATIONS
ET LE SERVICE DE SANTE.
Culte :
Chaises louées à l'église, o'oO: — messes pour les défunts (2 par an).
2' 00
iNsTiii ction des enfants :
Fournitures pour la fille cadette, en pension l'hiver chez les Sœurs,
4'00; — fournitures délivrées gratuitement parles frères Maristes aux
trois garçons (S !'♦, S"" II), C'OO
MOSTAST DKS iiETKNSES.
Valeur
(les objvts
consommés
en nature.
10' 00
100 00
1 80
\:i ir>
28 ■v^
25 90
•; 2:;
G (Kl
N° 80. — FERMIERS MONTAGNARDS Df IIAUT-FOREZ. 443
§ 15. — BUDGET DES DÉPENSES DE L'ANNÉE {suite).
DÉSIGNATION DES DÉPENSES [suite).
SECTION IV.
DÉPE\SES (;0\C;ERM\T les BES0I\S MORAIX, I.ES BÉCRÉATIO^S.
ET LE SERVICE DE SA^TÉ (suite).
SECOLIïS F.T AIMOXF.S ."
Peu d'auinùucs en argent, l'OO: — surtout des dons d'aliments (déjà
évalues dans la nourriture de la famille, S"" 1); — 4 lapins offerts en
cadeau C l(i. A), 8'00
RÉCRÉATIONS ET SOLENNITÉS :
Tabac du père (pour la pipe), iCi'OO; — eau-de-vie consommée par le
père au sortir de la messe du village et quelquefois dans des journées
l)rolongées, dites de « ril)Otles », lO'OO; — dépenses delà famille aux
fêtes du village et lorsqu'elle va chercher largent du lait à Saint-
Etienne, .'i'i")
Service de santé :
Tisanes achetées à la pharmacie de « l'hôpital »
Totaux des dépenses concernant les besoins moraux, les récréa-
tions et le service de santé
s E C T I O N V.
DÉPEASES CO\CER\A.\T LES I\DISTRIES. LES DETTES, LES IMPÔTS
ET LES ASSLRAACES.
Dépenses concernant les industries :
Nota. — Les dépenses concernant les industries entre-
l>rises par la famile montent ;i (S IG, G). 3.o41'3G
Elles sont reml)oursèes par les recettes provenant de ces
mêmes industries, savoir :
Argent et objets employés pour les consommations du mé-
nage ou faisant i)artie de ses épargnes et portés à ce titre
dans le présent budget o(>o'99 \
Argent et objets appliqués de nouveau aux in- /
dustries (;, l'»,S"" IV),comineenii>loi momentanédu > 3.541 36
fonds de roulement, et qui ne peuvent conséquem- \
ment rigurerparmilesdépenscsduménage(§16,G). 2.î)"5 37 J
Intérêt des dettes :
La famille a été obligée, à une époque d'épizootie, d'emprunter 300' 00
dont elle paie l'intérêt à 3'50 p. 100
Impôts :
Impôt personnel et mobilier; portes et fenêtres, prestations (l'impôt
foncier reste à la charge du i)ropriétaiie;
ASSIT.ANCES CONCOURANT A GARANTIR LE BIEN-ÊTRE PUYSIQUE ET MOl'.AL DE LA
FAMILLE :
Assurance contre l'incendie
Total des dépenses concernant les industries, les dettes, les im-
pôts et les assurances
lj\nr,NE DE l'année :
l.a famille ne peut encore penser à l'épargne; les bénéfices réalisés
par elle seraient appliqués au paiement de la dette qui la grève d'un
poids très lourd, malgré sa modicité
TiiTux DES DÉPEN-iKs de l'annéc (balançant les recettes). M. 700' 13
MONTANT DES DEPENSES.
Valeur
des objets
consommés
en nature.
8^00
Dépenses
en argent.
31 25
■2 "iO
'.} 7.j
10 'iO
00
444
N° 80.
FERMIERS MONTAGNARDS DU IIAUT-FOREZ.
î 16.
COMPTES ANNEXÉS AUX BUDGETS.
SECTION 1.
COMPTES DES BÉNÉFICES
HÉSULTANT DES INDUSTRIES ENTREl'RISES PAR LA FAMILLE
(à son propre compte).
A. — ExrLOITATION DES CHAMPS, DES PRAIRIES ET DES ARBRES
ÉPARS ; CUEILLETTE DU BOIS ET DES HERBES SUR LES TERRAINS
vagues; EXPLOITATION DE l'ÉTABLE.
drains récoltés :
Seii^Ie (hlé (l'hiver) (1) 575" à O'IG i>2'00.
Avoine 100 à 0 1!» liMK).
Légumes récoltés :
Pommes de terre
Choux-raves (rutabagas).
Choux pommés
.000"
tiOO
800
à o'o,j 2.';ofoo.
;i 0 Oi 24 00.
;i 0 04 3-2 (K).
(i.400 300 00
Paille (le seigle, l.L'JO" à O'Oi (actuellement 0'08)
— (l'avoine, Ifiû" à 0'04
Foins, 2.500" à 0^08 (aujourd'hui 0' 10)
Regains, 100" à 0' 08
Herbes des pâtures, consommées par les vaches et les moulons (vaches at-
tachées a la ferme ou prises en nourrissage), 13.000" à 0'08
Fougères lauchécs, 100" à 0'04
liois" : fagots et écorces de sai)ins, abandonnés au lermier dans la partie du
bois (le reserve (|ui correspond à son exploitation, (JOO fagots à OMO
Produits des vaches :
Lait (non écrémé, c'est-à-dire écrémé à raison d'un litre de crème par
20 litres), 3.780 lit. à 0'20
Lait écrémé, 180 lit. à OMO
Crème, 200 lit. à O'.w
I veau de <iO" à O'/iO, 24^00; — ])résure, 0'50 (C et E)
Travail des vaches, 20 journées à 4' 00
Nourrissage de 3 vaches (appartenant à un voisin) pendant les 5 mois d'été
sur les pâturages
Produits des brebis :
I bélier, vendu
Laine en suint, 3" à l' w
Nourrissage de 2 brebis et 3 agneaux (appartenant à un voisin) i)endant
les 5 mois d'été sur les pâturages
Produits (le la truie acheK-e :
Lard -iO" (< l'50
Saucissons 77 5 a 1 .'iO
.Jambons 14 à I 50
Viande fraîche. . . 1 à 1 50
Produits (les poules :
10 poulets .cndus (jeunes, l'80 le kil.; vieux, l'2û le kil.)
(H-;ufs, 70 douzaines, à 0'80 la douzaine
Produits do la lapine :
H lapins (4 donnés, 4 vendus), Ki" à l'OO
Fumier, D.OOO" à 0'005
Totaux
(1) On sème nusRi ilu seigle de piintcmp!', dit h\i de mai-H.
Kn
En
natu
re.
argent.
92'00
1)
50
0'.-»
2.';o (10
2i
00
>
.32
00
"
00
00
■•
200
00
»
H
00
1.040
4
00
(K)
)
23
00
37 00
iim
00
500 00
4
53
13 47
2.5
18
74 82
0
12
2t .38
80 00
20 00
„
25 00
4
20
a 00
75
00
.
110
25
»
21
00
>
1
50
18 00 i
10
00
40 00-
8
00
8 00'
4.-.
00
"
2.327
28
8;{0 17
COMPTES ANNEXES AUX BUDGETS.
445
C!ii,'le d'hiver ll."i
voine -l'i
à O'IG 18"*0
à 0 1!) 4 7.-; ,
■23 1.-;
niiinies de terre A'JO" à 0' 05 1-2^ "iO
aiits de choux pommés 800 àd'ao le 100. . 2 40
— raves 400 à0t3olel09.. 140
s (le la vente du lait : abandon d'une <■ biche » de 25 mesures (1/2 litre)
\v semaine, plus une autre par mois, même lors(]u'on est ohlisé de
iiiplcter la « l)ichc » à ses frais, soit 800 litres
|iayé au ■■ laitier » ( pour le transport) : 0^05 par biche au laitier du
ntiêr, et 0'15 au laitier de la grande route
(le la monte : 4 montes à 0'50
jt de la truie
rriture des animaux :
urrages : foins, 2.500" à O'OS (prix de l'année d8!i2, date de la récolte;
actuellement, o' 16)
gains, 100" à 0'08 '.
rbes des pâtures, 13.000" à 0'08
ugéres fauchées, 100" à 0'04
anches de sapins (pour les moutons), 50" à O'Oi
(le frênes (pour les vaches), 25" à U'O't
ille de seigle, 1.150" à O^Oi, 46^00; — achetée, 000" à O'Oi, 24'00
— d'avoine, 150" à O'Oi
tit-lait, 150" à O'Oo
uimes de terre, 3.550" à 0'05
oux fourragers, 775" à O'Oi
oux-raves, 600" à O'O't, 24^00; — choux pommés, 6i5" à O'Oi, 25'80
île, 10" à 0' 16
ine, 25" à 0'19
noir, 5" à 0'25
et farine : provenant de l'exploitation agricole, 15l"8 à O'O'S. ll'iO; —
irovenant de la mouture du seigle acheté, 3B1"350 à 0'075. 27'10; — son
cheté directement, 100" à. 0'07, 7^00
23" 921) à 0' 1 4
•e : 2.500" de fougères (mélangées de terre), à 0'02
d'œuvre de la famille :
ture des champs : père, 25 journées à 2^50, 62f50.
ivi — des prairies : père, 8 journées à 2' 30, 20'00; — mère, 8 journées.
1^50, 12'00.
;olte des fougères : enfants, 20 journées, à 0'40, 8' 00.
iduite des fumiers : père, 2 journées, à 2'50, 5'00.
.)ii(Bjtage des bois : père, 15 journées, à 2'30, 37'.50.
îlaircs totaux : père, 125f00; — mère, 12'00; — enfants, 8^00
donnés aux animaux: père, 85 journées à l'OO, 85^00;— mère,
) journées (y compris la tonte) à O^oO, 45'00; — enfants, 100 journées
;arde des animaux), 40 journées (pour aller chercher les l)ichcs à lait),
0'20, 28' 00.
ilaires totaux : jière, 85'00; — mère, 45'00 : — cnfanls, 28'00
il des animaux : vaches, 18 journées, à 4'00
lis : fumier (terre et fougères ), 4.000" à O'.'JO les 100"
1 sac de cendres du fover (sur les prés)
ige (les terres (déduction faite de la location de l'habitation). 300' 00
roprietaire principal: — 20' 00 à un i)ropriétairc voisin, en échange
le prairie supplémentaire
t (5 p. 100) du matériel agricole (460'00)
— de; la valeur (()8i'70) des animaux
— — (112'00) du mobilier des élables
X d'entretien du matériel : charron , maréchal
BÉNKKICE résultant de l'indusli
1 8' iO
200 000
.s 000
1.0 'tO 00
't 00
2 00
1 0!»
40 00
(i OO
7 50
177 .50
2!» 3!»
49 80
Il 40
50 00
91 .58
72 00
2i) 00
7 00
1 i 22
20 71 i
3 iO
177 3!t
Totaux comme ci-contre.
2' '(()
1 40
73 00
2 00
100 00
2i 00
61
60
2.5
3'é
10
35
320
00
9
23
13
47
-2
20
15
00
115
08
«3(^
17
4'2
446
ti" 80.
FERMIERS MO.NTAGXARDS DU IIAUT-FOHEZ.
B. — ExrLOlTATlON ))U JARDIN l'OTAGER
(SUTERFICIE : 3 ares).
HF.CKTTES.
Cliouv fourragers (servant surtout à l'alimentaliou des animaux, nii)ins les
feuilles tendres réservées pour la nourriture de ta faniilie), 800'' à O'Oi —
Salades, io" à 0'20
Carottes , iO" à 0'-20
Oignons, 10" à 0' Mi
Ail (n'a pas réussi)
Ciboule, 0'' 5 à O'OO
Fruits (0 arbres), griottes (cerises sauvages ), 10" à 0' 10
Totaux
DÉPENSES.
Plants de choux cabus, achetés au marché du bourg, iOO à 0'3j le 100
Semences de salades, 100 à OMO le 100
— de carottes, 100 à OMO —
— d'oignons, 100 à 0' 50 —
— d'ail, 100 à 0' 20 —
Fumier : 5.000" à 0'50 les 100"
Main-d'œuvre de la famille :
Arrachage dos lieibcs : homme, 3 journées à 2'OD, G'OO; — femme, 10 jour-
nées à 1' 10. ll'OO
Intérêt (5 p. 100) de la valeur du matériel (compris dans le compte A), pour
mémoire
BÉNÉFICE résultant de l'industrie
Totaux cimimc ci-dessus
30' 3 't
4 7i
1 90
3 70
0 28
0 03
H 00
25 00
17 00
C. — FABRIt:ATION ï){j BEURRE ET UU FRUMAtJE.
KECETTES.
Beurre, .'>0" (7"5 consommés ; 42" 5 vendus) à 2' 50
Petit beurre, 25" à 0' 20
Petit-lait, 150 litres à 0'05
Fromage, ""5 à O'CO
' Totaux. .
DÉPENSES.
Crème, 20;) litres (prélevés sur la traite du soir) à O'.'iO
Lait écrémé, 180 litres (pour le fromage) à 0' 10
Présure
Main-d'œuvre : travail de la Icnime, 15 journées a 0'85
Intérêt {'i %) de la valeur <lu luateriel (15'0J)
BÉNÉFICE résultant de l'indu strie
Totaux comme ci-dessus
1«
m
5
00
7
50
4
50
'■'
IN
'«
.'.3
0
12
0
1!»
L)
D. — FABRICATIO.N' DU l'AIN DOMESTIQUE.
l-.'itiO" de pain bis (seigle pur) en Iourtes rondes de
(prix actuel)
à 10", à 0' 25 le kil.
220 50
COMPTES ANNEXÉS AUX BUDGETS.
447
çle de la récolte, 400^, réduits par la mouture à SOS^S de farine à 0'-201,
î'20 ,
le acheté, l.Oiia". réduits par la mouture à "33''(w0 de farine à 0''2Q-2,
i8' 10
mie versée au meunier pour la mouture et le blutage, l'OO par 100"
:e à la mouture, â^i" à O'IG
la^-i à O'ii
ots de sapins, !230 à O'IO
d'ceuvre du père. 21^6 à 2'00
rét (5 %) de la valeur ('20'00) du matériel
BÉsÉricE résultant de l'industrie
Totaux comme ci-contre.
ï>-20 50
G-2'-20
.
„
148' 10
D
15 53
I
i 00
D
i 85
■a -20
,
43 20
.
1 00
„
91 10
•
IG!) 50
E. — EXERCICE ACCIDENTEL DU MÉTIER DE BOUCHER
(conséquence de la sécheresse de 1893).
ide de veau, consommée par la famille, 2" à O'aO, l'OO;— vendue au dé-
1, 37" à l'OO, 3T00
1 de l'animal
lets divers (engrais) vendus, 20" à 0'05
Totaux.
DEPENSES.
au de GO" (poids brut) à 0'40
ire (lu boucher : la peau de l'animal
ail du père : temps consacré à la vente, d journée à 2' 00.
BÉNÉFICE résultant de l'industrie
Totaux comme ci-dessus.
00
l 00
37 00
4 00
,
•
1 00
5 00
38 00
24 00
4 00
1)
0 13
1 87
0 87
12 13
38 00
CONFECTION DES VETEMENTS DE LA FAMILLE
ET DU LINGE DE MÉNAGE.
lires de chaussettes de laine pour le père
pe (durant 2 ans) pour la mère
casaquots » de cotonnade —
pe de coton —
émises en toile écrue (dur. 10 ans) —
bliers de cotonnade —
ires de bas de coton —
ire de bas de laine —
lires de chaussons de laine —
pe de mérinos noir (durant 2 ans) pour la fille aînée..
•rsage —
pe et corsage se tenant (durant 2 ans) pour la 2° lille..
émises pour les 2 filles.
nlalons —
Ires de bas de laine —
ires de bas de coton (durant 2 ans) —
jliers de cotonnade —
ires de chaussons de laine —
ntalons de velours pour les 3 garçons
ires de bretelles... —
ouses noires —
émises de coton... —
ires de chaussettes —
tile robe pour l'enfant le plus jeune
'res de bas —
(lier bleu —
Totaux.
1 80
0 45
3 00
0 75
2 70
0 60
4 m
2 25
1 50
0 38
1 50
1 50
4 50
3 0(1
9 00
2 25
1 20
5 00
4 50
1 20
2 2.5
G 75
11 20
1 50
3 00
0 75
77 03
1 00
G 73
3 20
6 .30
3 85
3 GO
2 00
1 30
1 00
.■5 72
2 75
4 75
G 30
3 00
4 00
0 G.5
7 20
9 73
0 (iO
4 35
G 73
1 40
1 80
1 00
1 15
88 15
448
N" 80.
FERMIERS MONTAGNARDS DU IIAl'T-Fi IREZ.
DEPENSES.
Étoffe de laine : mérinos ou cacliemirc noir
Étoiles de colon :
Colonnades diverses
Velours
Étoffe en lin et chanvre : toile
Fils de laine : î^" provenant des trois brebis, i'-Ht; — pave à la lilcusc, o'itd,
et 0'i:o par 1/-2 kil., soit 3'60; — achetés, o''20 "
Fils de coton
Fournitures : fil, aisuilles. boutons, doublures, etc
Travail de la famille : mère. M) journées à l'50, 60'00; — Mlles, "J8à l'.'iO,
1i'7S
Intérêt (3 *") de la valeur (G'OO) du matériel
BÉNÉFICE résultant de l'industrie
TotauM comme ci-dessus
0'7.-;
"I -iH
0 .«)
C. — RÉSUMÉ DES COMPTES DES BÉNÉFICES RÉSULTANT
DES INDUSTRIES (A A F).
RECETTES TOTALES.
Produits employés :
Pour la nourriture de la famille
Pour l'habltalion
Pour les vêtements
Pour les besoins moraux
Uecettes en argent appli(|uées aux dépenses de la famille ou converties en
épargne
Produits en nature et receltes eu argent à employer de nouveau i)our les
industries elles-mêmes (2.'J76'37)
Totaux
DÉPENSES TOTALES.
Intérêts des propriétés possédées par la lamiilo et employées par elle au\
industries
Produits des subventions reçues par la famille et ap|)lifiuées par clic aux
industri(!S
Salaires alïérents aux travaux exécutes par la l\imille pour les industries
Salaires aftêrenls à d'autres travaux exécuiés parla famille pour les indus-
tries
Produits lies in(lustri(;s (;nipl(>\cs en nature et dépenses en argent, i|ui de-
vront élro. remboursés par des leccttcs provenant des industries (-2.!»7:;'37).
Totaux des dépenses (:i.r>'tl':n>)
BÉNÉFICES ToTAi:x résultant des industries (V0:)''>7)
Totaux comme ci-dessui
«)i
.•il
18
77
03
8
00
2
023 Oi
->
707
:.G
32
G!»
314
m
çj;;
2i
2
023 G'»
k)
ix;
G8
271
88
2
707 SG
1.2M)
COMPTES RELATIFS AUX SUBVENTIONS.
H. — CUEILLETTE DES DOIS ET DES ilEliUBS
(Couinis par les bois communaux et les propriétés voisines).
fagots l'oiiiiiis par les l)ois communaux comiiio part dc^s « droits d'af-
uage »
d'u'uvre
ramasse dans les forets voisines, du consentement du pro|)riélaire :
,'r)ls et souches déracinées, équivalent de 700 fagots
:eies et lierhes, coupées pour confectionner la litière des animaux,
>oi)'^ à 0' 02 ;
iclics de sapins (pour les moutons), 50" à o'Oi
de frêne (pour les vaches), 25" à O'Oi
lis des cendres du foyer, 1 sac à TOO
COMPTES .VNNE.X'ES AUX liUD(jiETS.
SECTION 11.
Hd
Total.
DEPEiNSES.
ail des vaches : 2 journées d'attelage à 4^00
(rd'uvre de la famille :
ige du bois dans les bois communaux : père, -i journées à 2^00, l'OO.
assage du bois mort, cassage du bois : père, 30 journées à l'75, 521^50;
enfants (temps compris dans la garde des bestiaux).
liage des herbes : père, tO journées, à l'50, tS'OO.
aire total : ])ére, 71'50
ur à attribuer aux produits avant la cueillette
Total comme ci-dessus.
30' 0(1
10 00
70 00
50 00
2 00
I 00
7 00
170 00
71 50
00 50
SECTION III.
COMPTES DIVERS.
— COMPTE DE LA DEPENSE ANNUELLE
CONCERNANT LES VETEMENTS.
AiiT. !•='■. — Vêlements du pève.
nenis du dimanche :
estoii, 1 gilet et 1 paiitahm de drap noir
lapeaii de feutre noir à larges bords
aire de bottes à haute lige
ravales de soie noire
aire de mitaines de laine
arapluie en coton
ents de travail :
antalon de velours côtelé
ilet-vesle (veston ayant la « patlc » d'un gilet ordi-
ire) de velours marron
lilards de coton
louse en toile bleue
urroie de cuir
A reporter
VAI.
•: L- Rs
Prix
Dune.
--— »^
— -"^ "-
d'acliiit.
natiiri.'.
arg,.3,t.
m' 00
15 ans.
i'Oll
7 00
,f;
1 'iO
20 00
-^
to 00
1 50
1
1 50
1 20
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u
0 30
2 .50
2
»
1 25
0 00
1
0 00
12 00
2
r. 110
1 00
1
1 00
\ 00
1
»
'( 00
1 00
2
»
0 50
110 20
»
.35 !(5
430
80.
FERMIERS MONTAGNARDS DU HAUT-FOREZ.
Prix
d'achat.
AiiT. 1""' — Vêlements du père (swtie).
Report
1 tricot de laine
2 gilets en coton (sous la chemise)
12 clieniises- blanches en toile, à col et manchettes em-
pesés
4 chemises de coton de couleur
2 i)aires de chaussettes de laine (pour l'hiver, remplacées
lété par de la itaille)
is mouchoirs de coton , avec vignettes en couleur
3 paires de sabots
i paire de brides
! cliapeau de paille
llaccommodages de souliers
Totaux
ART. 2. — Vêtements de la mire.
Vêtements du dimanche :
1 chapeau fermé
Uutjans pour la réparation du chapeau
1 corsage {casaquot) en mérinos ou cachemire noir
1 ,iu|je
1 lichu de laine noire
1 foulard
1 corset
1 paire de gants de laine pour l'hiver
I paire de souliers
1 i)aire de pantoulles
1 parapluie en coton
\ ombrelle en soie
Vêtements des jours ordinaires :
2 casaquots de coton
1 jupe de coton
18 chemises en toile écrue
(i camisoles blanches et de couleur en percale imprimée
;{ pantalons en calicot
2 tabliers en cotonnade à carreaux
2 paires de bas de coton
1 paire- de bas de laine
2 (laires de chaussons de laine , pour les sabots
2 foulards de coton
1 chapeau de paille
12 paires de sabots
1 jtaire de brides
2 douzaines de mouchoirs en toile
llaccommodages de souliers
Totaux
AUT. 3. — Vêtements des deux fillettes.
Vêtements de la (ille ainée (pour le dimanche) :
1 corsage à forme moderne
i ju[>e en ctolfc mérinos noir
Vêlements de la lille ainéc (pour les jours ordinaires)
1 corsage en colon
Vêlements de la 2" lille (pour le dimanche) :
1 jui>e et corsage se tenant
A reporter
11G'20
.'i 00
1 an
2 00
1
36 00
10
10 00
2
2 80
1
12 00
10
2 40
1
G 80
1
1 00
1
2 00
1
190 20
En
nature.
1 00
12 00
\'i 35
C 00
1 îiO
7 00
1 23
12 00
1 2,S
2 hO
3 00
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1 .^iO
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1 :i(i
1 50
;? 38
COMPTES AiNNliXES AUX BLDCETS.
431
AiiT. 3. — Vêtements des deux fillettes {suite).
Report
îmenis des deux (illes (pour le dimanchiO :
chapeaux de paille uoire, ornés de rubans
fichus de laine noire ou bleue '.
foulards
corsets
paires de gants d'hiver en laine
paires de souliers
ments des deux filles (pour les jours ordinaires)
chemises
camisoles en tricot
camisoles en cotonnade
pantalons
«'^paires de bas de laine
paires de bas de coton
paires de chaussons de; laine
foulards
tabliers en cotonnade à carreaux
douzaines de mouchoirs
paires de sabots
paires de brides
iccommodages de souliers
Totaux.
Art. 4. — Vêtements des trois garçons.
iments du dimanche :
costumes complels
hapeaux en feutre noir, à larges bords
cravates en coton
ments des jours ordinaires :
pantalons en velours
aaires de bretelles
blouses noires
ricots marron
;hemises de coton
paires de chaussettes
hapeaux de paille
érets (calottes fourrées)
aires de sabots
Totaux
Art. .'j. — yêtcmenls de l'enfant le plus jeune.
petite robe de coton
îhapeau de paille
aires de bas
xicol
;ablier bleu
laire de sabots
Totaux.
WS>
1-2 00
8 00
1 (il)
10 00
-2 00
Ki 00
10 80
-2 50
2 iiO
6 00
13 00
0 80
.■; 00
H 00
8 40
1-2 00
li 'fO
1 60
4 03
172 'il
30 00
0 00
-2 00
111 .'iO
3 30
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4 00
1 00
1 90
0 7.^
3 00
!» 00
00
28 33
4 50
1 20
2 25
(i 75
11 -20
I .50
3 00
0 75
(i 00
4 00
0 80
5 00
2 00
8 00
6 30
2 50
2 50
3 00
4 00
0 C5
2 00
7 -20
2 00
14 40
1 00
4 00
18 00
4 50
2 00
•I 75
0 GO
4 35
3 75
6 75
1 40
3 00
2 25
4 50
I 80
I .50
1 00
I 00
I 45
0 75
7 20
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTHUTION SOCIALE.
FAITS IMPORTANTS D'ORGANISATION SOCIALE
PARTICULARITÉS REMARQUABLES:
APPRÉCIATIONS GÉNÉRALES, CONCLUSIONS.
SLR LE DÉVELOPPEMENT DU DÉCALOGUE PAR l'lVSTRUCTION CURÉTIENNE;
LE « CAMÉRISTAÏ ».
Le Play signalait, chaque fois qu'il les rencontrait, ces « oasis de
vertu » qui cà et là, dans les massifs montagneux de FRurope, main-
tenaient les grandes et pures traditions de la chrétienté de jadis. Si
rattention publique se dirige assez rarement vers les contrées ana-
logues que recèle encore le plateau central do la France, il n'en est
pas de même des ditlerentes congrégations catholiques vouées à l'en-
seignement. Pour elles, les replis supérieurs de la Loire, de la Haute-
Loire, de l'Ardèche par exemple, constituent de fortes citadelles,
d'autant plus précieuses à conserver que, malgré la nouvelle loi mili-
taire, ces populations, simplement et admirablement croyantes, ne
cessent d'assurer leur recrutement. Ces congrégations d'ailleurs sont
propriétaires des immeubles qu'elles occupent; elles ont fondé, elles
aussi, leur pouvoir d'apostolat sur la possession de la terre.
Enseignement des jeunes f/arcons.
Grâce à l'esprit de foi, réellement exceptionnel, et aux générosités
des riches, les écoles libres de garçons tricjuqthcnt dans le duel par-
tout ouvert entre l'cnscigneuient congréganiste et l'enseignement of-
ficiel, — entre ces deux administrations, de taille à lutter sans Iroj)
d'inégalité: rKglise el l'I'ltal.
ÉLÉMENTS DIVEHS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 453
Ici la congrégation dominante n'est pas la célèbre congrégation des
Frères des écoles chrétiennes (Ignorantins) du bienheureux de La
Salle, non plu? que les Frères de Saint-Vincent de Paul, assez ré-
pandus dans quelques cantons voisins, mais bien les Petits Frères de
Sainte-Marie, qui viennent au second rang des congrégations ensei-
gnantes et opposent leurs 7.000 frères aux lîi.OOO des Ignorantins,
répandus surtout dans l'est, au midi , au nord de la France , en
Amérique et jusqu'en Australie.
C'est une congrégation, non seulement lyonnaise, — et l'on sait que
la ville primatiale des Gaules l'a fait surgir avec une merveilleuse
fécondité, — mais locale. La congrégation des Petits Frères de Marie
a été fondée vers 1830 par le Père Champagnat, de Marlhes, commune
du canton de Saint-Genest-Malifaux. En même temps, le Père Colon,
ami du Père Champagnat, fondait les Pères Maristes. On reconnaît la
distinction fondamentale du religieux prêtre et des religieux étran-
gers aux ordres, même mineurs. La volonté formelle du Souverain
Pontife exigea la séparation complète des deux catégories , qui rend
seule possible le maintien dans le niveau inférieur, voué à l'enseigne-
ment, des individualités les plus capables. Tout autre système en-
traîne pour le professorat une sélection à rebours. Les Petits Frères
de Sainte-Marie prêtent les trois vœux : de pauvreté, de chasteté et
d'obéissance; ils peuvent en être relevés par le pape. Leur costume
est en tout semblable à celui des Ignorantins, sauf en d'impercep-
tibles détails : forme du chapeau, du rabat et du manteau. Leur règle
est très analogue, et leurs méthodes d'enseignement sensiblement pa-
reilles. La maison-mère primitive était située àLa Valla, prèsSaint-Cha-
mond (Loire), au lieu dit de l'IIermitage. Aujourd'hui, elle a été
transportée à Saint-Genis-Laval, près de Lyon. L'attraction de la
métropole religieuse se manifeste ainsi plus énergiquement.
La maison des Frères de Saint-Genest, fondée vers 1830, — l'ancien
directeur, Frère Marie-Aimé, en recueille actuellement les archives, —
joue un rôle important, aussi bien dans les intérêts de la congrégation
que dans le mouvement intellectuel de la montagne du Forez. Ce n'est
pas une simple école primaire, mais bien une école primaire supé-
rieure, à tendance professionnelle (naturellement agricole). Ses di-
recteurs l'ont toujours considérée à bon droit comme le préservatif
moral des jeunes gens des montagnes circonvoisines, soustraits ainsi
à l'enseignement toujours dangereux d'une ville industrielle, et aussi,
à un moindre degré, comme lantichambre du « juvcnat », de l'école
454 N° 80. — FERMIERS MONTAGNARDS DU IIAUT-FOHEZ.
préparatoire de la congrégation , située toujours h l'Hermilage.
Deux points sont particulièrement curieux, dans cette école, qui
depuis 1830 s'était superposée à l'école communale, alors également
aux mains des congréganistes, et qui, depuis la laïcisation opérée
il y a une dizaine d'années, s'est annexé une école libre devenue très
prospère (130 enfants contre 23 confiés à l'instituteur officiel).
A. — Ordre des études. — Au niveau inférieur, les classes primai-
res : la sanction de ces études est un certificat d'enseignement primaire,
délivré non par les examinateurs officiels, mais par un jury libre. Une
sorte de grades extra-universitaires tend ainsi à s'établir.
Au-dessus, deux classes, avec le programme ordinaire de l'enseigne-
ment supérieur et la sanction régulière des diplômes de l'État.
Enfin, en troisième lieu, une année d'étude, professionnelle celle-
là : remplie par les détails les plus pratiques possibles sur la botanique
appliquée au pays, la chimie, la physique, l'arpentage, le mesurage
des bois, enfin tout ce qui est nécessaire à un agriculteur pratique.
Signe distinctif : tout l'enseignement est distribué en une collection
de livres anonymes , dus à des professeurs de la congrégation , qui se
sont attachés surtout aux notions pratiques et à la réduction énergi-
que de la théorie. On reconnaît là un usage des Frères des Ecoles
chrétiennes.
Ces livres et fournitures sont fournis gratuitement par le « Comité >>
des Écoles libres pour l'école primaire. Les enfants se les procurent
à leurs frais dans l'école primaire supérieure proprement dite.
^. — Division des élèves au point de vue du régime auquel ils sont sou-
jnis, — Cinq catégories d'élèves se distinguent à première vue :
1° Les externes de l'école primaire, 130 environ; -— 2» les externes
des deux premières classes , 25; — 3° les externes, éloignes du bourg,
à qui le frère-cuisinier « trempe la soupe » moyennant 1 franc par
mois, 20; — 4° les « camérisles », au nombre de fiO; — 5'^ les élèves
du « grand pensionnat », 50.
L'expérience du lecteur lui a déjà fait découvrir la définition pré-
cise de ces diverses expressions ; un seul mot reste en dehors de sa
langue accoutumée : -le camérislat.
C'est un « pensionnat » limité à un minimum très abaissé par ce
fait que chaque enfant apporte et enferme en une armoire (caméra)
la plupart des vivres nécessaires à sa consommation. On a signalé
depuis longtemps la tendance des familles rurales à payer en nature
les frais d'éducation des enfants. La systématisation en a été trouvée
ELEMENTS DIVERS DE LA COiNSTITUTION SOCIALE. 455
par ces rudes populations des montagnes, qui ont créé d'insslinct le
« caméristat ».
Enseignement des jeunes filles.
L'estampille officielle n'a pas été enlevée à l'école congréganiste de
femmes. La guerre a porté sur les « Béates », les isolées des hameaux,
vouées à l'enseignement de l'alphabet et aux soins des malades, que
relient leurs trois maisons du Puy, d'Yssingeaux et de Saint-Étienne.
Elle a respecté la congrégation du « bourg », congrégation dite de
Saint-Joseph, également lyonnaise, fondée par M"^ Tézenas au début
du siècle.
La congrégation, — qui détient également l'hôpital, — se divise en
sœurs voilées et non voilées (religieuses et tourières). L'école compte
6 religieuses pour l'enseignement, 1 tourière pour les gros ouvrages.
Quatre classes acheminent peu à peu les enfants vers le certificat
d'études. Le caméristat réapparaît sous le nom plus général de pen-
sionnat.
§ 18.
SUR l'autorité paternelle, le respect des parents et la transmission
DES biens.
Dans la foule des familles paysannes, perpétuant en ce coin ignoré
de France la constitution de la famille-souche, se détachent de loin en
loin de véritables dynasties, qui se désignent elles-mêmes du nom de
« vieilles familles de Saint-Genest », par opposition au flot d'immi-
grants, ouvriers et commerçants, infiltré peu à peu de l'Auvergne
et de la Haute-Loire. Immuables en leurs domaines héréditaires, pou-
vant témoigner de deux ou trois siècles de généalogie, reliées à des
familles « arrivées » des villes industrielles, — hommes de loi, méde-
cins, chefs d'usine, — par le souvenir d'un essaimage récent, elles
reproduisent assez bien ces « maisons » de Biscaye, oîi les armoiries
de la porte d'entrée annoncent un gentilhomme laboureur, ou mieux
encore une bourgeoisie rurale, fière de ses titres, qui n'a jamais
rompu avec le travail manuel. C'est à leur école qu'il faut chercher
les véritables traditions locales au sujet de l'autorité paternelle et de
la transmission intégrale,
Les générahtés appliquées à l'ensemble de la contrée présente-
450 N" 80. — FERMIERS MONTAGNARDS DU IIAUT-FOREZ.
raient déjà, en effet, une netteté assez concluante. Le « respect des
anciens » apparaît au touriste dès qu'il a franchi le seuil de l'église
paroissiale. Au centre s'élève un autel tendu de noir, où brûle inces-
samment une lampe : c'est Valtare mortuorum, le symbole rituel, qui
a remplacé le cimetière jadis rapproché de l'autel même en une com-
munion perpétuelle et touchante. La vieille religion romaine a déve-
loppé ici plus qu'ailleurs ce vestige du culte des ancêtres, qui s'ap-
pelle la dévotion aux âmes du purgatoire; et un usage, inconnu des
autres parties du diocèse, impose, avant toute cérémonie religieuse,
la psalmodie rapide des vêpres des morts. Une visite aux fermes-laite-
ries espacées à la limite des « bois noirs » démontrerait que cotte
déférence liturgique n'est que l'expression d'un sentiment profondé-
ment enraciné dans la race, et que les « vieux parents » n'ont à crain-
dre, sauf exception rare, ni abandon ni mauvais traitement. L'infirme,
l'octogénaire, peut compter au moins sur sa chambrette séparée, où
les tracasseries de la vie commune lui seront évitées, sans que cette
indépendance soit synonyme de délaissement.
D'autre part, en se plaçant au point de vue des chefs de famille, la
délégation des terres et du pouvoir reçus s'opère suivant un mode
identique à peu de chose près. Un partage testamentaire attribue le
quart disponible à l'un des enfants, ordinairement l'ainé. Les autres
doivent se contenter de leur part virile, qu'ils transforment volontiers
en soulte à recevoir, surtout lorscfu'il s'agit de filles mariées dans la
plaine avec quelque ouvrier qui a émigré ou qui est « descendu ». Le
paiement des soultes a lieu, soit au moyen d'un emprunt, soit par
des libérations successives, soumises à l'intérêt de 4 %, que le trop-
plein du numéraire des villes d'usines a substitué à l'ancien intérêt
normal de 5 ^ (voir obligations de 1837 et années suivantes dans
les archives des notaires). La régularité légale reste parfaite; et l'es-
piil public, d'accord avec les dispositions de dernière volonté, achève
d'établir ces deux coutumes : transmission intégrale aux mains de
l'un des fils; attribution aux autres — surtout aux lilles — d'une lé-
gitime en argent. Si les inconvénients ordinaires de notre loi de par-
tage égal ont été jusqu'ici conjurés, c'est, d'une part, par la force des
mœurs attachées toujours aux usages de transmission intégrale; c'est,
d'autre part, par l'augmentation continue de la valeur des terres ren-
dant possible le paiement des soultes. Mais ce mouvement de hausse
s'est arrêté, et les eflcts destructeurs du Code n'auront plus d'autres
contrepoids que l'attachement aux vieilles ukimm-s.
ÉLÉMENTS DIVEHS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 457
D'ailleurs, que le lecteur suive avec nous Thistoire de Tune de ces fa-
milles dont nous parlions plus haut, véritable modèle d'union do-
mestique, où le chef actuel, d'une exceptionnelle hauteur morale, peut
jurer devant Dieu « que jamais de sa vie entière il n'a désobéi aux
ordres de ses parents ». Depuis trois cents ans, le petit domaine de 7
hectares agglomérés, qui nourrit ses 16 vaches et génisses et envoie
chaque jour vers la ville ses 100 mesures de lait (50 litres pour lOfOO),
a pu passer par les échelons successifs d'une hérédité directe.
Au début, avant même la Révolution française, le souvenir des an-
cêtres a souvent dépeint la communauté des frères et sœurs qui vi-
vait sur les 14 hectares primitifs. Comme dans les pays basques, la
plupart restaient célibataires autour de l'héritier institué.
Les premières années du dix-neuvième siècle trouvent neuf enfants
qui procèdent à un partage. L'ainé reçoit le quart, avec la charge
de soutenir la vieille mère : cette libéralité s'octroyait en général
par contrat de mariage. Mais celui-ci s'acquitte mal de son devoir.
Le cadet, père du chef actuel de la famille, sans avantage d'aucune
sorte, rachète la part d'un frère établi à Saint-Étienne, où il exerçait
une profession libérale. Il se trouve à la tête d'une moitié des terres,
celles qui entourent les bâtiments. L'introduction de la production du
lait, la création de nombreuses prairies, le développement de la race
des vaches laitières, portent rapidement le domaine réduit au niveau
de l'ancien domaine démembré.
Deux enfants seulement représentent la génération suivante : une
fille et un fils. La première entre dans une congrégation religieuse. La
transmission intégrale est une fois de plus assurée.
Quel sera Favenir du domaine? Le « chef » a trois enfants. Il veille
avant tout sur féducation chrétienne qui constitue pour lui l'élément
primordial de la perpétuité des races : « l'union des mœurs et des
idées », ce qu'il appelle « l'union des cœurs ». Ce premier point ac-
quis, il léguera le quart à son fils, — à son aîné, dit la langue du
pays, bien que cet aîné soit seul ; — ce quart lui semble la juste compen-
sation des obligations qu'impose la représentation de la tige familiale,
avec ses réceptions et ses charges. Puis le partage égal divisera le reste
« entre ce fils et ses filles, qui sont également les enfants de sa chair
et de son sang ». 11 compte avant tout, comme ces pères de famille du
seizième siècle, dont les livres de raison ont été retrouvés par M. de
Ribbe et qu'il reproduit avec une dignité austère d'un puissant effet, sur
la protection de Dieu, qui ne peut manquer. Les filles entendront-elles
458 N° 80. — FERMIERS MONTAGNARDS DU UAUT-FOREZ.
cet appel du cùlé de la vie monastique ou de la vie séculière; choisi-
rontelles le couvent ou un mariage lointain, qui leur fera réclamer une
soulte et rien de plus? Le dévouement qu'elles montrent déjà à la
« maison », l'affection qu'elles portent à leur frère, semblent les plus
sûrs garants d'une décision conforme au bien de la communauté.
La « transmission intégrale » laisse transparaître ici les deux con-
ditions qui la rendent pratiquement possible en dehors de l'action lé-
gislative :
1° L'union intime, la solidarité des membres de la famille;
2° L'émigration, le classementen d'autres provinces, dans un métier,
dans la vie religieuse, qui fait considérer l'acceptation d'une soulte,
non comme un acte de renoncement, mais comme un avantage, une
condition évidente de meilleur avenir.
g 19.
SUR LES SECTES DISSIDENTES : LA PETITE ÉGLISE; LE « BÉGUINISME ».
Il ne faudrait pas croire que l'Eglise romaine, — aussi puissante
en ces contrées que l'Eglise orthodoxe dans les plaines neigeuses de la
Russie, — ait conquis sa situation sans lutte, et qu'elle la maintienne
sans contestation. Cette « marche » catholique, frontière des Céven-
nes protestantes, a eu besoin de l'évangélisation de saint François
de Régis, qui prêcha au dix-septième siècle dans l'église de Marlhes,
et dont le tombeau, situé à la Louvesc (prononcez : Louvée),
au cœur des montagnes de l'Ardèclie, domine comme une métropole
les centres religieux extrêmement actifs de ces hautes terres. Elle est
tournée aujourd'hui vers un autre ennemi, qui vient du Sud : l'esprit
d'incrédulité et de révolte, qui, dans les groupes miniers et industriels de
la plaine, a multiplié, avec les professions d'athéisme, les grèves san-
glantes, les collisions incessantes autour des puits, les « massacres »
périodiques de la Ricamarie, ou même les assassinats des représen-
tants du pouvoir, comme celui du préfet, M. del'Espée, en 1871, à Saint-
Etienne.
Mais il est inutile de développer des considérations générales sur la
crise religieuse du territoire français tout entier. Deux faits locaux doi-
vent nous arrêter : l'apparition en ce siècle même de deux sectes dissi-
dentes, une sorte de « raskol », si l'on veut poursuivre l'analogie avec
la confession orientale : la Petite Eglise et le Béguinisme.
ÉLÉMENTS UIVEKS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 459
1" La Petite Église (1). — Celte tentative de scission, avortée définiti-
vement aujourd'hui, prit naissance, on le sait, sur les points les plus
divers de la France, à l'occasion du concordai de 1804 et des rema-
niements de sièges épiscopaux. Certaines familles, en général profon-
dément croyantes, en Vendée dans l'Ouest, dans l'archevêché de Lyon,
refusèrent de reconnaître une manifestation aussi énergique du
pouvoir pontifical. Elles se retirèrent hors de l'Eglise, s'éloignèrent
de ce que saint François de Sales a appelé la vie dévote, voire même
de l'exercice du culte et des sacrements. Cette secte n'est représentée
à Saint-Genest que par de rares individualités. Ses adeptes n'assis-
tent jamais aux offices, à la grande surprise des montagnards ; mais ils
consentent volontiers à soutenir de leur bourse les œuvres dirigées
par le clergé séculier et les congrégations. En résumé, étrangeté,
plutôt que danger , survivance d'une scission qui essaya de recoudre
les restes de l'ancien jansénisme, la doctrine du Christ « aux bras
étroits )).
2" Béguinisme. — Tout autre est le Béguinisme, qui, sous couleur
de développer la doctrine même de l'Eglise , et sans souci de la hié-
rarchie, a tenté de reconstituer, sur les vieilles hérésies africaines et
italiennes, les myst'ères antiques, le culte païen du phallus. — Le Bé-
guinisme, bien que localisé dans la commune de Saint-Jean-Bonnefond,
au pied même des montagnes (2) , a eu pour premier fondateur un
prêtre de Saint-Genesl-Malifaux : la famille de « Digonnet », l'in-
carnation nouvelle méconnue par les tribunaux correctionnels, y est
représentée; et c'est au milieu des bois de la commune même, au ha-
meau s'appelant aujourd'hui la « République », que ces Mormons,
moins fameux que leurs émules des États-Unis, ont essayé de fonder
un État nouveau.
Première phase du Béguinisme : les précurseurs. — En 1791, au mo-
ment des troubles de la Révolution française et de la commotion pro-
fonde qu'avait entraînée la constitution civile du clergé, les vicaires
Jacques Brevet et Lafay, (jui administraient la paroisse de Saint-Jean-
de-Bonnefond, près Saint-Etienne, en pleines terres noires, procla-
mèrent qu'après l'ancienne loi, règne de Dieu le Père, après même
la loi nouvelle, règne de Dieu le Fils, il y avait une étape troisième et
dernière : avènement de l'Esprit-Saint. Le corps était élevé dès lors
(1) V. les publications récentes des l'ères de l'Assomption sur la Petite Eglise.
(1) Le cinielicre des t Béguins ». à Saint-Jean-Bonnefond, touche le mausolée désormais
célèbre où la baronne douairière de Koclietuillèe lut déterrée par l'anarchiste Uavachol.
4(30 N" HU. — FERMIERS MO.NTAG.NARDi DU UALT-FOREZ.
au même rang que l'esprit; l'un et l'autre parfaits n'avaient qu'à dé-
velopper librement leurs inclinations naturelles : la nudité devenait la
première marque de respect pour le chef-d'œuvre de Dieu, et les
fantaisies de l'imagination la suprême règle. Comme conséquence :
des orgies nocturnes, renouvelées du sabbat du moyen âge; les ma-
riages intermittents, etc., etc. On devine la contagion des consé-
quences. L'exode fut même décidé : les femmes en grand nombre
partirent à la suite des hommes-initiés et de leur pasteur pour les so-
litudes saintes de la montagne. La maréchaussée de la République mit
fin à cette folie par l'arrestation des curés Brevet et Lafay, pré-
cisément à ce hameau delà République, qui a gardé le souvenir de la
plus bizarre des tentatives de colonisation. Brevet, défro(iué et ma-
rié avec l'une des converties, finit épicier à Lyon. Le Béguinisme, qui
avait déjà eu le temps de constituer ses manuscrits sacrés, ses marques
extérieures (la torsade sur le bonnet des femmes), se cantonna à Saint-
Jean, dans l'attente d'une incarnation nouvelle, qui devait se produire
bientôt, car les temps étaient proches.
Seconde phase : l'incarnation. — Ici commence le plus extravagant
des romans de mœurs, que le livre assez récent de M. Duplay, « Le Petit
Bon Bieu des Béguins » (1), a retracé avec une exactitude sérieuse,
malgré l'abondance voulue des détails lès plus bouffons. Pendant que
les Béguins de Saint-Jean étaient visités successivement par les Qua-
kers d'Angleterre, les méthodistes suisses, les Évangélistes, qui es-
sayaient de ressouder cette secte isolée au corps principal du protes-
tantisme, un maçon du Cantal, Benis-Jean-Baptiste Bigonnet, né à
Mauregard, canton de Montfaucon, le :22 juillet 1780, et habitant la
commune de Tence, arrondissement d'Yssingeaux (Haute-Loire), s'é-
tait senti touché de l'Esprit-Saint, et, à l'âge de quarante-quatre ans,
s'était mis à courir les grandes routes. Il ne savait ni lire ni écrire ; son
aspect extérieur dénotaitla pauvreté la plus repoussante, et, comme son
unique occupation consistait à répéter quelques idées bizarres gagnées
au contact des « Momiers », protestants des Cévennes, ainsi qu'à affir-
mer son pouvoir divin, il tombait périodiquement sous l'inculpation de
vagabondage aux mains de la gendarmerie. Une nouvelle arrestation, en
1846, au moment de la grève dite du « Monopole », le mit par hasard
en contact avec un jeune mineur affilié au Béguinisme. L'un attendait
le Messie, l'autre croyait l'être ; l'accord fut vite établi, et Bigonnet,
(I) Imp. lialay, Sainl-Ktieiinc, iSfW.
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 461
passé << petit bon dieu », fît son entrée solennelle à Saint-Jean-de-Bon-
nefond.
Nous ne suivrons pas le nouveau dieu à travers toutes les manifes-
tations de sa puissance. L'engouement ries Béguins et Béguines, aussi
bien à Saint-Jean qu'à Paris (car Paris enfermait une petite colonie de
la religion méconnue), atteignit des proportions hautement comiques.
Décrassé et choyé, le brave Auvergnat fut même comblé de bijoux et
put bientôt, dans les cérémonies nocturnes, arborer l'insigne de sa
puissance, le « bouton relique », — une pièce d'orfèvrerie ornée de
diamants et payée six ou huit mille francs parles adeptes, — qui pla-
çait les initiales J. B. D. et le triangle du Jéhovah un peu plus bas
que la ceinture. Les désordres des cérémonies firent intervenir l'auto-
rité publique (1) et, après bien des péripéties, Digonnet, interné à
l'hospice du Montredon, au Puy, le 9 octobre 1852, y mourut de
vieillesse, le 13 février 1857, à l'âge de soixante-dix-sept ans.
Les « Béguins » subsistent toujours à Saint-Jean. Les fermières
béguines, renommées pour la qualité exquise de leur beurre, se recon-
naissent toujours sur la place du Peuple, à Saint-Étienne ; — mais
le ridicule déversé à profusion par la gaieté locale sur cet évangile
assez peu recommandable a circonscrit le foyer, en ne laissant que le
souvenir de l'une des plus amusantes aberrations religieuses que l'his-
toire de ce siècle ait à raconter.
l 20.
SUR LA RELIGION : LES « MANÉCA^'TERIES ».
La « Manécanterie » est une annexe de la paroisse, destinée en ces
pays de foi vive à assurer le recrutement du clergé séculier. Chacun a
remarqué les enfants de chœur, désireux d'aborder les ordres ecclé-
siastiques, que les curés-doyens ou simples desservants initient aux
premiers rudiments du latin, pour les acheminer peu à peu vers l'é-
cole secondaire, le petit séminaire, et l'école supérieure, le séminaire
diocésain. Réunissez plusieurs de ces élèves et soumettez-les à un
jeune prêtre, assimilé aux vicaires, mais distinct de ces derniers, vous
avez la « manécanterie ».
(1) L'ol)SCénitc des pialii|ues des béguins fit poursuivre douze d'enfre eux devant la
cour d'assises de la Seine le 30 janvier 1851.
43
462 N° 80. — FERMIERS MONTAGNARDS DU HAUT-FOREZ.
C'est un pensionnat bon marché, où, moyennant 300 francs par an,
— 1 franc par jour, en tenant compte des deux mois de vacances, —
l'enfant, nourri et logé, est conduit peu à peu, avec ses dix à douze
camarades, des premiers principes à la quatrième et à la troisième.
Les aptitudes y sont jugées, et les incapables écartés avant l'heure
des « sacrifices ». Les « vocations » réelles y sont passées au crible, et
les indignes remerciés.
La « manécanterie » de Saint-Genest, suspendue pendant quelque
temps, paraît en pleine prospérité. C'est le premier rouage de la filière,
qui fait monter les individuahtés les plus éminentes dans le sacerdoce
et maintient l'incontestable prestige du clergé.
SUR LA SOUVERAINETÉ.
Il semble à première vue que l'un des éléments de la constitution
essentielle doive faire défaut ici : le respect de la souveraineté. Ne
sommes-nous pas au centre même de celte France, qui, depuis 1789,
a accumulé onze renversements de pouvoirs difTérents? Et, sur le sol
même de ce canton, n'a-l-on pas vu, depuis 1861, l'opposition légi-
timiste intransigeante battre en brèche jusqu'aux maires dictatoriale-
ment choisis du régime impérial? Religion et souveraineté semblent
divisées entre elles, et la destruction de celle-ci paraît s'opérer au
profit de celle-là.
Cependant, — nous ne risquerons que ces quelques mots sur le ter-
rain politique, — la « souveraineté, » représentée par la forte
hiérarchie des administrations qui maintiennent l'unité nationale,
exerce un prestige tout-puissant sur ces peuples façonnés à l'obéis-
sance et à qui il coûte de ne pas obéir. Par ses chemins vicinaux^
de grande communication et d'intérêt commun, elle a fait pénétrer
la prospérité agricole, puisque telle était la condition première de
l'exportation régulière du lait. Elle a fait miroiter aux yeux le projet
d'un chemin de fer départemental. Elle a savamment utilisé les
divers modes d'assujettissement que, sous le nom de subventions ou
secours, l'État français a toujours la possibilité d'imposer habilement
aux communes. L'idée des « faveurs administratives » a germé peu à
peu dans les cerveaux les plus réfléchis. Un point d'honneur, des af-
fections personnelles retiennent encore : surtout la volonté loulc-puis-
ÉLÉMENTS DIVERS HE LA CONSTITUTION SOCIALE. 463
santé des prêtres. Mais, que le « ralliement » s'accentue : malfaisante
ou bienfaisante, la « souveraineté » des puissances établies, sans égard
pour les iidélités et les souvenirs, s'implantera avec la solidité qu'elle
sait emprunter aux entêtements campagnards. Ce sera la conversion
insensible d'une grande masse qui déposera les armes sans se dislo-
quer ni se rompre, en conservant ce que les politiques espagnols ap-
pellent les « caciques », — ses chefs locaux.
^ 22.
SUR LA COMMUNAUTÉ.
Les coutumes juridiques du pays avaient consacré une juxtaposition
bizarre de propriétés indivises, qui rappelle le droit musulman. La dis-
tinction du fonds et du tréfonds, qui a donné naissance au régime mi-
nier des terres noires, s'appliquait traditionnellement au sol des fo-
rêts et aux arbres eux-mêmes : le pâtis était distinct du bois. La
législation actuelle, favorable à la conservation des richesses fores-
tières, a décrété le rachat forcé au profit du propriétaire des arbres,
supposé propriétaire du sol à l'encontre de l'usager (art. 64 du code
forestier, visé par l'art. 1:20). Cette quasi-indivision disparaît donc un
peu plus chaque jour.
Tout autre est la communauté proprement dite, la copropriété col-
lective des biens communaux. Elle est encore florisssante , et un seul
point reste à en déterminer : le mode d'exercice, qui donne lieu à de
fréquents abus.
La substitution à 3o hectares de pâlis d'une plantation de conifères,
aujourd'hui en plein rapport, avait amené une perturbation de jouis-
sance que les indigents avaient vivement ressentie. Leur misère ex-
cluait la prévoyance; et, encore aujourd'hui, beaucoup d'entre eux,
malgré les distributions de bois d'œuvre et de bois de chauiïage, re-
grettent leurs pâturages à moutons.
La distribution des coupes annuelles reste d'ailleurs l'une des préoc-
cupations les plus graves du Conseil communal. La surface replantée
est trop restreinte pour l'organisation d'un véritable droit d'affouage.
Le principe de la distribution aux pauvres a triomphé. Il en est résulté
que, dans cette commune où l'indigence est l'exception, la pauvreté,
au moins à l'époque de l'abatage, semble être devenue générale. Do
plus, la coupe pratiquée en masse, sous la surveillance du maire et
404 N" 80. — FERMIERS MONTAGNARDS DU HAUT-FOREZ,
du garde champêtre, se fait un peu au hasard, par rimpossibilité de
maintenir l'ordre. La réserve de bois, si un tel régime devait être main-
tenu, serait promptement épuisée.
Jusqu'à sa discipline finale, ce collectivisme rural restera assez
proche de l'anarchie.
î 23.
SUR LE PATRONAGE.
En suivant les diverses branches de l'activité économique du pays
étudié, l'observateur retrouve à chaque pas l'influence du patronage,
du patronage sous ses deux formes opposées, nous allions dire en-
nemies : celui du grand propriétaire de race ancienne, et celui des
chefs d'usine ou de fabriques collectives : la noblesse de l'ancien ré-
gime, et la bourgeoisie du nouveau. La première a présidé à l'évolu-
tion agricole : 1" le reboisement des crêtes, et la restauration de l'art
des forêts; 2° la création de toutes pièces de la grande source de re-
cettes, les fermes-laiteries, organisées en vue de l'exportation quoti-
dienne dans les cités de la plaine. La seconde a importé le « travail »,
un travail qui a diminué sous la forme antique d'industrie en cham-
bre, qui s'est décuplé sous l'aspect d'usines agglomérées, mais avec
les dures conséquences que l'âpreté de la concurrence impose aux in-
tentions le plus fermement bienveillantes.
î 24.
SUR QUELQUES DOCUMENTS CONCERNANT LA COMMUNE DE SAINT-GENEST.
Superficie totale et répartition du sol.
D'après l'enquête de 1892, document administratif, le territoire
agricole de la commune est de 4.707 hectares, dont 4.027 livrés à la cul-
ture, 30 à la productionnaturelle spontanée, landes, pâtis, bruyères, etc. ;
30 sont des terrains non agricoles, routes, mares, etc.
La superficie cultivée comprend : 1" terres labourables, cultures ali-
mentaires, prairies artificielles, etc., 1.230 hectares; — 2° prairies
naturelles, 1.030 hectares; — .T bois et forêts, 1.707 hectares; —
4' jardins, 20 hectares. — Ensemble, 4. 027 hectares.
ELEMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE.
-463
Possession du sol.
1° Biens communaux, 50 hectares de bois ;
2" Établissements hospitaliers (trois), 77 hectares;
3° Particuliers (33:2), 1.223 h. (terres), 1.600 h. (prairies), 18 h. (jar-
dins), 1.657 h. (bois), 50 h. (pâtis). — Total, 4.350 h. (plus 30 h. pour
propriétés bâties) , soit 4.380 h.
Total général, 4.707 hectares.
Exploitation du sol.
Terres l;i-
Nombre.
bourablcs.
Prairie.-.
Janlins.
Bois.
Landes.
Totaux.
Au-dessous de l h.
7!»
2ti
44
2
7
.
79
De 1 à i> h
60
i:io
147
200
200
4
3
96
250
2
450
602
De 5 à 10 h
De 10 à 20 h
m
287
310
3
300
3
903
De 20 à 30 11
30
2'.0
300
3
257
5
805
De 30 à 40 11
12
100
150
2
148
5
405
De 40 à 50 11
8
100
130
1
140
10
410
De liO à 100 h
;>
100
149
1
200
10
400
De 100 à 200 h . . . .
3
100
li7
1
300
15
563
30
337
1.2o0
1 .050
20
1.707
50
4.707
Modes d'exploitation.
1° Propriétaires, 114 (2.638 hectares). (* ^^ » , ..o-^, ,no i *\
.^ ^ ■ ^^.,. ..^r , . } Total, 337 (4. 498 hect.).
2« Fermiers, 223 1.860 hectares. \
Bestiaux.
La statistique des bestiaux de la commune est la suivante :
Espèce chevaline. — 68 têtes : 1° 4 chevaux entiers employés au
travail et à la reproduction; — 2" 20 chevaux hongres; — 3" 35 ju-
ments, de 3 ans et au-dessus, surtout pour le travail.
466
N" 80.
FERMIERS MONTAGNARDS DU HAUT -FOREZ.
Mulets et mules. — 8 têtes (au-dessus de 3 ans).
Espèce asine. — 30 têtes : 1° 44 ânes au-dessus de 3 ans; — 2° 15
ânesses, id. ; — 3'^ 1 ânesse au-dessous de 3 ans.
Espèce bovine. — 1.614 têtes : 1" IG taureaux; — 2" 30 bœufs de
travail ; — 3 " 1.250 vaches laitières (350 kilog. poids brut) ; — 4'' 8 bou-
villons; — 5'^ 200 génisses; — 6" 110 élèves de moins de 12 mois.
Espèce ovine. — 320 tètes : 1" 20 béliers; — 2'^ 140 moutons; —
3» 60 brebis; — A" 60 agneaux de 2 ans; — 5° 40 agneaux de moins
de 2 ans.
Espèce porcine. — 305 têtes : 1" 10 truies; — 2" 2i5 porcs; —
3" 50 porcelets.
Espèce caprine. — 280 têtes : 1" 15 boucs; — 2" 185 chèvres; —
3"^ 80 chevreaux.
Animaux de basse-cour. — 5.420 têtes : 1 " 4.200 poules; — 2' 20
oies; — 3'^ 100 canards; — 4" 700 pigeons ; — 5" 400 lapins.
Mobilisation du sol dans le canton
(D'apri'S le répertoire de l'Admiiiistration de l'Eiiregistrenienl).
1888,
1889.
1890.
1891 .
180-2
^sombre de
(ïîsijositîons
(contrats).
Droits perçus
.i,.iO % + \U
18.062'O.J
9.9-2!l 0-2
lO.OOi IG
9.331 -2G
17.74-2 7-2
Xombrc de
dispositions
(contrats).
perçus.
4 ^ + l'-l
4.133'0-i
3.o39 00
(;.(i93 00
-2.003 00
5.0-23 oO
Xonibre de
dispositions
(contrats).
Droits
iwrçns
0,20 0/0 + 1/4.
o'05
8 00
3 95
.S7 ."iO
§ 2o.
SUR L EXPLOITATION DES DOIS.
Essences. — Les essences les plus communes sont :
l** le sapin {nbies pectinata), en très grande majorité;
2" le pin sylveslrc [pinus sylveslris) ;
3° l'épicéa [picea excelsa), en minorité;
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 467
A" le mélèze {larix europxà] , quelques unités.
Emploi. — Le sapin est vendu pour la construction (les charpentes
du pays, même les plus considérables, sont construites avec cette
essence, par exemple à Saint-Etienne); les plus petits arbres servent
à étayer les carrières; les branches et l'écorce sont réservées pour le
chaufTage; — de même pour l'épicéa.
Le pin est utilisé pour les « buttes » des mines (supports des gale-
ries): par exception, les plus gros sont sciés en plateaux.
Mode d'exploitation. — A cet égard il y a distinction capitale entre
les sapins et les pins.
1° Sapins. — Le mode employé est le « jardinage », qui consiste,
on le sait, à abattre çà et là les arbres les plus vieux, dès qu'ils sont
réclamés par le commerce. Ce jardinage est calculé de façon à assurer
le réensemencement du sol.
Le propriétaire fait sa marque en mai, c'est-à-dire que, suivant
l'usage de tous les pays forestiers, il frappe les arbres condamnés
avec un petit marteau à double fin, fait d'une hachette et d'une
« marque « à initiales. Immédiatement et sans plus attendre, les fer-
miers, qui, moyennant une redevance fixe, louent les terres et le?
pâtis, viennent abattre avec leurs cognées les grands troncs lisses;
ces cognées sont fort grandes et fort lourdes ; le fer, de dimensions dif-
férentes suivant les opérations, varie de 6 à 8 francs. Ces fermiers ont,
d'après leur bail, un droit à être employés comme bûcherons : la cou-
tume a établi que tel nombre de « métérées » (mesure du pays qui
équivaut à dix ares ou -j^ d'hectare) de tel bois correspond à telle ferme.
En échange de leur travail, ces ouvriers obligatoires reçoivent les
branches et l'écorce, à charge de les enlever. De plus, ils sont tenus, si
le marchand l'exige du propriétaire, de conduire les bois à la scierie
ou au dépôt.
La coupe est terminée et le bois est par terre ; le propriétaire établit
son prix de vente : ici intervient l'estimation des bois, toute d'instinct
de la part des hommes pratiques du pays, marchands ou régisseurs,
fondée sur la simple inspection de la hauteur des arbres abattus, —
scientifique au contraire pour les ingénieurs et les agronomes et calcu-
lée d'après les procédés mathématiques (1), en multipliant la longueur
(1) Le barème suivi est le barème de Francon, juré de Lyon.
Le cube marchand est inférieur d'un (juart au cube réel. Le cul)e marchand est l'usage
de la montagne, le cube réel l'usage de la ville; de telle sorte que les marchands achè-
tent et vendent le cube au même i)rix, tout en réalisant des gains énormes.
468 N° 80. — FERMIERS MONTAGNARDS DU IIAUT-FOREZ.
de l'arbre par le quart de la circonférence médiane élevé au carré
(cet usage local suppose Tarbre équivalant à un j)risme ayant même
longueur que lui, et pour base un carré de côté égal au quart de la
susdite circonférence). La convention avec le marchand peut s'opérer
de deux façons : la vente en bloc, variable évidemment d'après l'im-
portance de la coupe; la vente au mètre cube, 20, 25, 28, jusqu'à
.'iO francs et davantage le mètre cube, pour les arbres centenaires
plantés en bon terrain (1).
L'enlèvement a lieu en septembre, au moment où il n'}^ a plus
à craindre, en traînant les troncs toujours embarrassants, de casser
les jeunes pousses et même les jeunes plants. En général, le mar-
chand prend livraison sur place; et des fardiers de forme particulière
viennent transporter les arbres jusqu'aux chantiers de Saint-Étienne.
2° Pins. — Ici l'exploitation a lieu à blanc étoc. Même procédé d'es-
timation d'ailleurs; un arbre de quarante ans peut se vendre 3 francs,
o francs et davantage.
Reboisement. — Le reboisement est dû à deux causes : le repeuple-
ment spontané effectué par les seules forces de la nature ; et aussi les
plantations. Pour éviter les inondations subites, résultat du défriche-
ment, l'administration des forêts, représentée non loin de là par un
garde général, délivre à tout propriétaire qui en fait la demande les
petits sapins de ses pépinières, liés en paquet. Aucune rétribution
n'est réclamée, et une seule obligation en résulte : celle de planter
véritablement, au lieu de revendre. Les agents des forêts se réser-
vent donc sur les plantations une haute surveillance qui n'offre au-
cun caractère tracassier.
§ 26.
SUR LES FERMES-LAITERIES.
Cette forme de l'agriculture, inconnue il y a quarante ans, a été
l'œuvre de feu M. le baron Louis de Saint-Genest.
Les débuts furent humbles et contestés : « L'incrédulité la plus
complète accueillit mon idée (l'exportation du lait à Saint-Etienne),
— écrivait M. de Saint-Genest dans une note manuscrite que nous
(1) La vente se conclut encore i)ar coupes; les marchands tendent à établir la vente au
mètre cuhe, à cause des chances d'erreur; un syndicat cherche à se former (syndicat de
marchands).
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 469
avons pu consulter. — Je parvins cependant à décider un de mes
fermiers à organiser un modeste service quotidien. » Peu à peu la
contagion de l'exemple gagna la montagne tout entière. A mesure
que les chemins vicinaux perçaient la sombre frontière des sapins,
les prairies remplaçaient les pâtis; la race des laitières, hollandaises
et tarentaises, se multipliait; les voitures des « laitiers », les rus-
tiques camionneurs qui descendent chaque nuit, au grand trot de
leurs chevaux, la pente raide de Saint-Étienne, transportaient les « bi-
ches » de fer-blanc de plus de 23 kilomètres, du fond de Marlhes, du
Pilât, et même, en dehors du canton, de Saint-Sauveur et de Riotord.
Deux transformations s'étaient opérées et s'opèrent encore un peu
plus chaque jour : une transformation agricole et une transformation
commerciale, dont nous allons noter l'état actuel.
Transfonnation agricole. — Il s'agissait de posséder une race de
forte production laitière et de la nourrir, c'est-à-dire qu'il fallait im-
porter des vaches laitières et créer des prairies.
Les « vaches laitières » primitives, celles dont le lait servait à fabri-
quer le beurre et le fromage grossier du pays, furent condamnées d'un
commun accord. Cette race était, à proprement parler, un mélange
disparate, où le salers et la variété froment pâle qui se retrouve aux
limites de l'Allier et de la Loire jouaient le principal rôle. Mais deux
écoles se formèrent, qui divisent encore la Société d'Agriculture de
Saint-Genest-Malifaux , fondée en 1837. Le fondateur, l'initiateur,
M. le baron de Saint-Genest, se montrait partisan convaincu des « hol-
landaises » à robe noire. Un autre agriculteur, M. Courbon-Lafaye,
dont l'exploitation organisée scientifiquement a été décrite dans le
compte rendu du Comice agricole du Chambon-Feugerolles (21 et
22 septembre 1867), soutenait la cause des taureaux suisses, autre-
ment dits tarentais. Cette année (1894), le Comice agricole de Saint-
Genest paraît revenir à la première idée, qui a seule donné des
résultats satisfaisants. Il semble toutefois que la race hollandaise
s'affaiblisse dans ces montagnes de climat trop rude; dès lors l'achat
direct de génisses aux pays d'origine deviendrait préférable à l'élevage
et à l'acclimatation des reproducteurs. La moyenne de la production
de cette variété atteint facilement 10 à 15 litres de lait par jour; mais,
en comptant l'époque du vêlage, les arrêts et diminutions, cette pro-
portion doit s'abaisser de près de moitié. Telle exploitation de 10 va-
ches en plein rapport dépasse chaque jour 50 litres, mais sans aller
beaucoup plus haut. Quatre vaches constituent le nombre fatidique
470 N° 80. — FERMIERS MONTAGNARDS DU IIALT-FOREZ.
qui correspond à la « biche » journalière de 25 mesures, ou 12 litres 1/2.
La création des prairies, liée à la question des défrichements, ve-
nait ensuite. Il est inutile de décrire tous les efforts tentés, le défon-
cement de la couche pierreuse au pic et à la mine, le ramassage des
cailloux, si coûteux et si lent ; le chaulage avec la chaux de la Palisse,
à 25 francs le mètre cube; puis les récoltes de pommes de terre, de ru-
tabagas, et enfin de fourrages qui se succédaient. Une brochure de
M. le baron de Saint-Genest : « Culture des montagnes et défrichement
des terrains de bruyère » (1), a raconté, avec la précision du novateur
fier de son œuvre, tous ces détails techniques, que les cultivateurs de
Saint-Genest feraient bien de méditer. La décadence qui a frappé la
race des « laitières » a, en effet, atteint la perfection de l'agriculture.
Les enseignements du maître ne se sont pas conservés intacts. Les
prairies artificielles ont été négligées : le maïs vert, le topinambour,
essayés avec succès, sont presque inconnus. L'antique routine, sans
sacrifier Tidée nouvelle, a ressaisi une partie de ceux qui s'en étaient
dégagés.
Transformation commerciale. — Cette transformation était double :
1" transport; 2" vente au détail dans la ville même.
1° Le transport. — Il s'organisa spontanément. Dans le bourg
même de Saint-Genest, trois laitiers partent chaque nuit, leurs lourdes
carrioles résonnant du bruit des biches en fer-blanc, qu'une série de
compartiments en bois maintiennent aussi fixes que possible (2). Le
laitier exige pour son salaire une redevance fixe de 0' 15 par biche:
0^ 10 pour les plus petites. Il se charge de la remise directe à l'épicier,
au marchand de détail ; il est responsable des pertes.
Mais, à côté de cette ligne de transport, de ce « grand central » en
miniature, viennent se placer d'autres services plus courts, les ser-
vices des villages écartés de la grande route, — le ruisseletqui se jette
dans le grand fleuve, — diminuant encore la recette du pauvre fermier.
2" La vente au détail. — Elle est effectuée par un commerçant libre.
M. le baron de Saint-Genest avait tenté le dépôt direct relevant d'un
syndicat. L'essai réussit assez mal. Les conventions présentes sont fort
simples. Le prix du lait au détail est de 0^ 20 par litre. Le marchand
tient compte au fermier de la totalité du prix. Au début, il exigeait
comme courtage une biche de lait par semaine, aujourd'hui il de-
mande en plus une biche de lait par mois. La sécheresse des deux an-
Ci) Saint-Éticnnc, Imprim. Tliéniier (1807).
(-2) Le fonds de laitier, 4 clicvauv, 2 voitures et traîneaux, est estimé 2.400 francs.
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. -471
nées précédentes a même empêché de nouvelles surenchères en faveur
des 0 places » réputées solvables. A cesremisesle marchand ajoute néces-
sairement ses combinaisons particulières de mouillage. L'écueil, c'est
le refus de paiement et le brusque départ de petits commerçants qui
s'écrasent réciproquement par une concurrence terrible. Le verse-
ment a lieu toutes les semaines, toutes les quinzaines, parfois avec des
délais plus espacés encore.
Comme conclusion, le revenu net d'une vache reste ce qu'il était
au temps de M. le baron de Saint-Genest : 200 francs par an;
— 200.000 francs de revenu annuel pour la commune de Saint-Genest.
A cette recette, il faudrait joindre celle provenant de l'écrémage.
Les fermiers s'en défendent en principe, et cependant un fait matériel
subsiste : la fabrication d'une certaine quantité de beurre, sans qu'un
litre de lait soit sacrifié. Certains d'entre eux, plus audacieux, affir-
ment qu'un écrémage léger empêche la fermentation. Presque seul,
un cultivateur, bien connu par son attachement à la loyauté intran-
sigeante, résiste au courant général. 11 en a été récompensé : sa « mar-
que » est connue; il n'a jamais eu de « places » de second ordre, et a
évité l'abandon du supplément de courtage, la « biche » mensuelle
universellement exigée.
De la part des producteurs les falsifications sont inconnues : surtout
celle de la « margarine ».
Il semble que la production du lait ait une tendance à s'exagérer.
Deux points de vue devront préoccuper les autorités sociales de la
contrée : l" l'établissement de débouchés nouveaux, — peut-être la
fondation de l'industrie du lait concentré, florissante en Suisse, peu
connue en France; — 2° le perfectionnement de la vente, et la
protection du fermier contre le « détaillant » infidèle ou nomade.
§27.
SUR l'industrie des rubans (1).
L'industrie du tissage des rubans dans la montagne comprend en
réalité deux grandes catégories : les moulinages, et le tissage propre-
ment dit.
(1) Sur les monographies de métier, voir La Question ouvrière : t. I, Charpentiers de
Paris; t. Il, Ébénistes du faul)ourg Saint-Antoine; t. IH, Le jouet parisien; rv, Les Halles
centrales; par Pierre du Maroussein; Paris, Arlliur Rousseau. — (V. également du même
auteur : L'Alimentation (publication du Ministère du Commerce, Office du travail).
472 N" 80. — FERMIERS MONTAGNARDS DU IIAUT-FOREZ.
Les moulinages.
Qu'est-ce qu'un moulinage? C'est une manufacture (le travail en
chambre se trouve ici interdit par la force des choses), où la soie
grège ou brute subit les différentes opérations qui précèdent la tein-
ture.
Les moulineurs peuvent être de simples façonniers, ou des mar-
chands de soie qui font subir une première préparation à la matière
première.
Supposons le premier cas (1) et suivons la filière des organisations
commerciales.
Au premier rang apparaît l'importateur de soie, le marchand, qui,
sur le marché de Lyon, comme dans les ports d'extrême Asie, achète
ferme les écheveaux, déjà sortis des filatures.
Mais son acquisition ne peut être écoulée en cet état au tisseur :
fabrique collective ou usine. Il faut mouliner la soie avant la vente. Il
s'adresse à un intermédiaire, simple commerçant-commissionnaire,
qui détient sous sa domination jusqu'à trente petites usines hydrauli-
ques des cantons montagneux. Moyennant un prix débattu, celui-ci fait
approprier tant de kilogrammes de soie, — de plus en plus soie de
Chine, — comme il ferait moudre et bluter par un meunier 100 sacs
de blé, et avec cette ressemblance que les kilogrammes de soie, abso-
lument comme le froment ou le seigle, sont remplacés usuellement
par un nombre égal de kilogrammes identiques comme catégorie. Le
bénéfice de ces commissionnaires est un tant % sur la façon; en gé-
néral, 0^ 50 par 100 kilogrammes.
Au-dessous, le façonnier, petit patron aux allures paysannes, rem-
placé parfois par un contre-maître. Installé dans une vieille scierie,
dont la force motrice a été utilisée pour ce nouveau labeur industriel,
il groupe vingt-cinq à trente fillettes et garçonnets, ou même davan-
tage, qui surveillent les diverses opérations requises; il livre les éche-
veaux parés et tordus, prêts pour la vente.
Le marchand de soie a ressaisi son produit ouvré. Rubaniers et fa-
bricants de lacets procèdent à leurs achats et son rôle se termine. Le
tisseur est désormais seul maître des écheveaux; il les remet après dé-
ballage aux teintureries, entassées aux abords de Saint-Etienne.
(I) Dans le second, les deux rôles de niarciiaiid de soie et de mouliiieur se confon-
deiil.
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 473
Après la teinturerie, une autre usine : le dévidage leur donne la
dernière main.
Et les écheveaux reprennent, à moins qu'ils ne soient tissés surplace,
dans le milieu urbain, le chemin des montagnes, vers les petites ma-
nufactures ou les ouvriers en chambre. C'est la limite du tissage, et
nous ne la franchirons que plus tard.
La conclusion de ces considérations générales est la suivante. Le
« moulinage », préparation de la matière première, domine plusieurs
fabrications : rubans et lacets, par exemple. Pendant la « morte », —
la morte-saison du ruban, — d'il y a dix-huit mois, certains moulinages
n'en semblaient pas moins en pleine activité. Leur champ d'action
économique était plus vaste que l'industrie rubanière stricte.
Description du moulinage. — Une vaste salle installée sommaire-
ment : rangées parallèlement, sous la surveillance du contre-maître et
de sa femme, les machines animées par l'eau ; celle-ci offre le double
avantage d'être moins coûteuse, — le chauffeur et le charbon absorbe-
raient au moins 10 francs par jour, — et plus régulière.
Les écheveaux sont mouillés, puis dévidés mécaniquement; les fils
s'enroulent autour de bobines en supprimant leurs bouchons ou rac-
cords grossiers de fils de soie; plus loin ils se doublent en se mariant
étroitement; et un écheveau net et propre se forme entre les mains de
l'ouvrier, qui pare le produit. Le travail est double : nettoyage, conso-
lidation.
Salaires. — Le minimum de ces enfants de treize ans s'abaisse au
niveau le plus bas : le maximum atteint 1^25, l'^-iO, chez les ouvrières
les plus âgées; salaire à la journée.
Durée du travail. — La nouvelle loi du 2 novembre 1892 limite la
journée à 10 heures pour les filles mineures de moins de dix-huit ans ; et
à M heures pour les majeures au-dessus de cet âge. Cette prescription
entraînerait deux sorties, une discipline double. En pratique, l'atelier
est soumis en entier à la journée de 11 heures. L'inspecteur des manu-
factures relève çà et là quelques contraventions.
Certains moulinages, organisés sur des bases plus larges, avec ma-
chine à vapeur pour remédier à la gelée des pièces d'eau, revêtent un
aspect monacal. Des Sœurs sont chargées de la surveillance. Si la fa-
brique est isolée, lesjeunesfillesypassentla semaine entière, senourris-
sent de vivres apportés, mais on leur doit la soupe chaude et une place
dans le dortoir commun.
474 N° 80. — FERMIERS MONTAGNARDS DU IIAUT-FOREZ.
Le tissage.
Ici nous pénétrons clans Tune des mulliples brandies que com-
mande la préparation de cette matière première unique : la soie.
En fixant notre attention sur le canton de Saint-Genest seul, abs-
traction faite de la puissante cité industrielle, dont il constitue une
banlieue et une annexe, nous rencontrons dans leur opposition éter-
nelle les deux formes de la grande industrie : fabrique collective et ma-
nufacture.
1° Fabrique collective. — La fabrique collective d'abord, comme
avant Colbert.
Le principal rouage est le « magasin » du commerçant, magasin où
« l'intermédiaire », déguisé sous le nom de fabricant, ne se borne pas à
accumuler les soies, laines, cotons, caoutchouc, pour les faire teindre
dans les usines suburbaines, mais où il peut également se réserver un
certain nombre d'opérations complémentaires, quand il n'y installe pas
une véritable « manufacture », de front avec l'organisation de jadis.
Au-dessous de ce magasin, un « chef contre-maître », homme de
confiance, le « commis en soie », fixé dans la montagne même, sur-
veillant l'arrivage des malles de matières premières ([u'apporle la di-
ligence, remettant « trames » et fils de soie enroulés sur les bobines,
payant les salaires, dirigeant les départs.
A la base, les nombreux ateliers en chambre, éparpillés çà et là
dans le bourg ou les hameaux les plus lointains, et assez différents au
point de vue économique, puisque tantôt les ouvrières ou ouvriers
(ceux-ci forment Vinfime exception) sont propriétaires de leur métier,
tantôt le matériel appartient à l'intermédiaire.
Actuellement, deux à trois « fabricants » pour le canton, un surtout,
qui en quatre mois peut verser IG.OOO francs de salaires et davantage :
400 métiers, au lieu des 4.000 de jadis.
'/'■^ forme d'atelier. ■ — La cuisine d'un ouvrier du bâtiment, un ma-
çon. La femme, à ses moments perdus, tisse avec l'antique métier,
le « métier de basse-lisse », qui exige un triple mouvement, mouve-
ment du pied, de la poitrine et de la main. La navette est passée peu
à peu, par la main même de l'ouvrière, entre les fils de la chaîne.
L'objet fabriqué est un large ruban de décoration étrangère.
Salaire : O'oO par jour environ, pour une journée ([ui peut varier do
7 ù, 10 heures. — Travail aux pièces.
KLEMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. \i,)
2" forme d'atelier. — Une chambre haute déjà consacrée à la fabri-
cation. C'est un ateher en raccourci, où travaillent deux jeunes iilles
de dix-huit à vingt ans. Leur père est fermier-agriculteur.
Les métiers dits à « tambour » tissent douze , vingt-quatre pièces
de rubans simultanément. Les navettes sont mues par le mouvement
alternatif de la « barre » , large bâton de bois que soulève péniblement
l'ouvrière. L'objet fabriqué, — ou plutôt les objets fort vai-iés qui sor-
tent de cet atelier pittoresque, — n'est autre que la collection infinie des
rubans français et étrangers, depuis la Médaille militaire jusqu'au Mé-
rite agricole, depuis l'ordre de Saint-Grégoire jusqu'à celui des Saints-
Maurice et Lazare. On voit s'enrouler autour des canettes, qui bientôt
prendront place dans les navettes du métier, toutes les couleurs
étincelantes des vitrines du Palais-Royal.
Salaire : 0^75 à 1 franc par jour, pour une journée de 10 heures. La
réputation des ouvrières est bien établie. Elles sont paj^ées à la lâche :
ofQO, par exemple, les 100 mètres.
5® forine d' atelier. — Ne diffère du précédent que par le métier,
également propriété du fabricant. C'est un « Jacquart », avec son sys-
tème compliqué de cartonnages découpés, qui permettront d'alterner
les fils de différentes couleurs et de dessiner sur la trame même. Ce
Jacquart est d'ailleurs de petite espèce : il n'exige qu'une élévation de
9 pieds, au lieu des 1:2 pieds réglementaires. Le Jacquart est la
cause principale de la surélévation des étages dans les immeubles
du paj's. Ce métier, qui ne fabrique que six pièces à la fois, tisse
dans la toile fine des marques de chemisier. Une femme y trav-aille
seule, soulevant la barre avec une fatigue évidente. Dans une pièce
voisine, un « métier de basse-lisse » manœuvré par une vieille ou-
vrière.
Salaire : 0^ 50 à 0^73 par jour; journée de 10 heures; travail aux
pièces.
En résumé : c'est une sorte de « sweating System », tempéré par la
vie rurale.
2° Manufactures. — Elles sont au nombre de deux dans le bourg
même de Saint-Genest-Malifaux.
Il est inutile d'insister sur leur caractère dislinctif : l'agglomération
des ouvrières en un local unique, loué ou possédé par le patron. Ce-
lui-ci met donc à sa charge : le loyer, l'entretien d'un matériel plus
vaste, et aussi les appointements du contre-maître et surveillant, qui
correspond, avec plus d'exigences, au commis en soie.
476 N" 80. — FERMIERS MONTAGNARDS DU IIAUT-FOREZ.
Le salaire du lissage en manufacture semble plus élevé que le
salaire du tissage en chambre. Augmentation de la production, éco-
nomie de la matière première, secret de la fabrication, telles sont les
raisons d'être du succès.
'/'■'^ forme de manufacture. — C'est une manufacture où les métiers
juxtaposés sont manœuvres par les ouvrières, de toutes jeunes filles
en général. Aucune force naturelle ou artificielle ne vient à leur aide :
ni écluse, ni machine à vapeur. C'est le développement rigoureux
des petits ateliers étudiés en dernier lieu au paragraphe précédent
(30 à 40 ouvrières).
La fabrication a pour objet des rubans de chapeaux et articles va-
riés, sur 20 métiers environ.
L'hygiène présente tous les inconvénients de l'atelier en chambre avec
l'agglomération en plus.
Salaire : 1 à 2 francs par jour ; journée de 10 à 12 heures; travail aux
pièces.
2*^ forme. — L'usine marche à la vapeur. L'hygiène s'en trouve trans-
formée. Le mouvement alternatif de la barre n'existe plus. E]n revan-
che, un vacarme plus assourdissant encore, qui reproduit les surdités
précoces observées dans les « mills » de Manchester (oO ouvriers et
ouvrières).
Fabrication : rubans de velours, caoutchouc, etc.
Hygiène : supérieure à celle de l'organisation précédente.
Salaires : de 25 francs par mois à 50 francs; le salaire est payé
mensuellement. Journée de 10 à 12 heures. Travail aux pièces.
En résumé, c'est l'exploitation de la moyenne industrie avec ses
règlements et ses mortes-saisons. Un canton voisin nous offrirait
le même spectacle de l'usine gigantesque établie en plein milieu rural.
Conclusion. — Le mouvement économique, ici comme dans tous les
centres de tissage, a été le suivant :
1° Fabrique collective rurale; c'était l'càge d'or;
2" Manufacture urbaine;
3" Manufacture rurale, pour lutter contre l'élévation de salaire des
centres urbains; aujourd'hui ces salaires tendent à s'égaliser.
C'est la chasse au plus faible taux de la main-d'œuvre par la com-
binaison du travail humain et du travail-machine sous l'aiguillon de
la concurrence.
LES OUVRIERS DES DEUX MONDES.
DEUXIÈME SÉRIE. — 36e FASCICULE.
AVERTISSEMENT
[»E LA SOCIÉTÉ D'ÉCONOMIE SOCIALE.
L'Académie des sciences, en 1856, a couronné le premier ou-
vrage de science sociale publié par F, Le Play, les Ouvriers eu-
ropéens. Elle a en même temps exprimé le désir qu'une pareille
œuvre fût continuée. La Société d'Économie soci<de, fondée aus-
sitôt par l'auteur de ce livre aujourd'hui célèbre , lui a donné
pour suite les Ouvriers des Deux Mondes. De 1857 à 1885, la
Société a publié une première série de cinq volumes contenant
quarante-six monographies de familles ouvrières.
La deuxième série des Ouvriers des Deux Mondes a commencé
en juillet 1885. Le premier tome de cette série a été terminé
en juillet 1887; le deuxième, à la fin de 1889; le troisième, au
commencement de 1892. Ils comprennent les descriptions mé-
thodiques de nombreuses familles d'ouvriers, appartenant à la
Bretagne, la Picardie, le Nivernais, l'Ile-de-France, la Provence,
la Gascogne, le Dauphiné, la Normandie, la Marche, l'Orléanais,
le Limousin, l'Angoumois, le Forez, la Lorraine, la Corse, la
(irande-Hiissie, la Grandc-Kabylie, le Sahel, le Sahara algérien,
la lîelgique, la Prusse rhénane, la Sicile, la campagne de Rome,
la Capitanate, l'Angleterre, la Laponie, l'Alsace, la Hollande, la
Suisse, les États-l-nis. Le présent fascicule, le 36° de la seconde
série, termine le tome IV (voir au verso de la couverture).
La publication se poursuit par fascicules trimestriels, avec
le concours de la maison Firmin-Didot. Un tel concours lui as-
sure cette perfection que nos lect(Mirs ont su apprécier dans une
œuvre typographique particulièrement délicate.
Les prochains fascicules contiendront les monographies de fa-
mille d'un Armurier de Liège, d'un Pécheur de l'archipel
Chusan (Chine), d'un Ouvrier de l'usine du Val-des-Bois, d'un
Pécheur de Fort-Mardyck, d'un Ardoisier d'Angers, etc.
LES OUVRIERS DES DEUX MONDES,
PUBLIÉS PAR LA SOCIETE d'ÉCONOMIE SOCIALE,
rf.conni;e d'utilité pi'bi.ioi!E.
Deuxième série. — 36° fascicule.
ALLUMEUR DE RÉVERBÈRES
DE NANCY (MEURTHE-ET-MOSELLE),
J0URN.\L1ER,
dans le système des engagements volontaires permanents,
d'après
les renseignements recueillis sur les liel'x, en 1893,
M. Chassignet,
Aneieu élève de TEcole polji;echuique.
PARIS,
LIBRAIRIE DE FIRMIN-DIDOT ET C",
IMPRIMEURS DE L'LNSTITDT, RUE JACOB, 5fi.
1895.
Droits de traduction et de reproducticn réservés.
N° 81.
ALLmiEUR DE RÉVERBÈRES
DE NANCY (MEURTHE-ET-MOSELLE),
JOURNALIER,
DANS LE SYSTÈME DES ENGAGEMENTS VOLONTAIRES PERMANENTS,
d'après
les renseignements recueillis sur les lieux en 1893,
PAR
M. Chassignet,
Ancien élève de l'École polytechnique.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES
DÉFINISSANT LA CONDITION DES DIVERS MEMBRES DE LA FAMILLE.
DÉFINITION DU LIEU, DE L'ORGANISATION INDUSTRIELLE
ET DE LA FAMILLE.
ÉTAT DU SOL, DE l'iNDUSTRIE ET DE LA POPULATION.
Située sous un climat sain quoiqu'un peu rude, à une altitude moyenne
de 210 mètres, par 30"ol'lG" de longitude et 48°41'31" de latitude, dans
une vallée fertile et agréablement accidentée, non loin du confluent de
la Meurthe avec la Moselle, au pied des collines boisées qui séparent
ces deux rivières, Nancy, résidence de la famille décrite dans la pré-
sente monographie, couvre, avec ses longs faubourgs, en majeure
partie de construction récente, un espace d'environ 1.500 hec-
tares. Les jardins, les prés, les vergers, les vignes et les champs, aux
cultures variées, des villages environnants attestent la fécondité de
la contrée, et de nombreuses usines, forges, fonderies, laminoirs,
478 N" 81. — ALLUMEUR DE RÉVERBÈRES DE NANCY.
salines, soudières, etc., révèlent les richesses d'un sous-sol abondan
en minerais ferrugineux et sources salifères. Mais tandis que les ex-
ploitations agricoles remontent la plupart à l'époque gallo-romaine, les
établissements industriels datent à peine d'une cinquantaine d'années
et c'est depuis lors aussi que Nancy a pris plus d'importance. Jusque
vers 1840, l'ancienne capitale de la Lorraine, rattachée à la mère-
patrie, n'était qu'un chef-lieu" départemental de second ordre, aux
rues larges et régulières, aux places spacieuses et élégantes, mais dé-
pourvu de toute animation et paraissant trop vaste pour les 30 à
33.000 habitants résidant dans son enceinte.
La mise en valeur des richesses souterraines, successivement décou-
vertes dans les environs, vint tirer Nancy de la somnolence où elle se
reposait après les agitations des troubles révolutionnaires et des
guerres impériales. Le réveil fut aussi vif qu'imprévu ; en moins de
trente ans, la ville subit une transformation complète, la population
doubla, des quartiers neufs surgirent dans la banlieue, pendant que
grandes cheminées et hauts fourneaux s'élevaient, de tous côtés, aux
alentours. Loin de ralentir ce mouvement, les cruels événements de
1870-71 l'accentuèrent encore. Forcés, par une interprétation léonine
du néfaste traité de Francfort, de quitter leur pays natal afin d'échap-
per à la nationalité allemande, beaucoup de Lorrains ou d'Alsaciens,
chefs de maison, se réfugièrent, suivis de leur personnel, à Nancy,
où s'introduisirent ainsi de nouveaux éléments d'activité et de pros-
périté avec un supplément d'environ 8.000 habitants. Cette crue trop
subite ne fut pas sans causer quelques embarras^ et fut suivie d'une
courte période de stationnement; puis ]^ marche ascendante recom-
mença et, dès 1886,1e recensement constatait une population de 79.071
habitants, chiffre dépassé aujourd'hui de plusieurs milliers.
Une si énorme extension n'a pas été, à la vérité, sans regrettables
compensations. Un instant gravement compromise, par les travaux de
voirie, de canalisation, de constructions ou autres qu'il fallut exécuter
d'urgence après 1871, la salubrité de la ville se releva bientôt, sans
toutefois redevenir aussi grande que par le passé, alors que la popu-
lation était moins dense. En même temps le paupérisme, jadis à peu
près inconnu dans la localité, s'y développait suivant une progression
parallèle à celle de la richesse; la hausse des salaires n'ayant com-
pensé celle de la vie matérielle que pour les célibataires, non pour les
chefs de familles ayant à subvenir, parleur seul travail, à l'entretien de
plusieurs personnes. Enfin, par une malheureuse coïncidence, quand
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 479
il devenait plus que jamais désirable que les femmes pussent, sans
quitter le foyer domestique, apporter leur contingent aux recettes fa-
miliales, une industrie, l'emplissant cet objet mieux qu'aucune autre,
celle de la broderie à la main, longtemps très florissante à Nancy, en-
trait dans une voie de décadence dont elle ne paraît plus devoir sortir.
Si donc la ville est devenue plus brillante, plus animée et plus opulente
qu'elle ne le fut durant la première moitié du siècle, l'existence y est
maintenant plus difficile, surtout pour les ménages vivant du labeur
manuel et chargés d'enfants.
ÉTAT CIVIL DE LA FAMILLE.
La famille T*** comprend huit membres, savoir :
i" Joseph T*", clief «le famille, nt- à GœrsdorlT. canton de Wœrlh (Bas-IUiiii). 3"> ans.
2° SopuiE B"*, sa femme, née à Saint-Martin, canton de Ville (Bas-Rhin).. 31 —
3" Joseph T***, leur fils aine, né à Nancy 12 —
4" ECGÈNE T***, leur second fils, ne à Nancy 11 —
5" Marie T***, leur fille aînée, née à Nancy 7 —
6" Jeanne T***, leur seconde fille, née à Nancy n —
"t" Xavier T***, leur troisième fils, né à Nancy 18 mois
8" Joséphine T***, leur troisième fille, née à Nancy 1 —
Le père et la mère, venus l'un et l'autre d'Alsace, se sont rencontrés
et bientôt mariés à Nancy. Joseph T*** a depuis longtemps perdu ses
parents; il a deux frères, l'aîné, exempté du service militaire, est resté
au village natal, l'autre exerce, à Saint-Dié (Vosges), la profession
de ferblantier; une sœur, mariée à un forgeron, habite Gerbe villers
(Meurlhe-et-Moselle).
Le père de Sophie B*", originaire de Strasbourg, est mort en 1880 à
Saint-Martin; sa veuve y occupe encore, avec une fille aînée célibataire,
la maison patrimoniale. Les époux B*** ont eu aussi deux fils, l'un
émigré en Amérique, dont on a rarement des nouvelles, l'autre marié
à Nancy, où il est établi comme ferblantier.
§ 3.
RELIGION ET HABITUDES MORALES.
Sans s'astreindre à une fidèle observance du culte catholique, la po-
pulation ouvrière de Nancy est loin d'être hostile à la religion; on
480 N" 81. — ALLUMEUR DE RÉVERBÈRES DE NANCY.
s'en aperçoit à l'affluence dans les églises en certaines fêtes solennelles,
au nombre des élèves suivant les écoles chrétiennes malgré la bonne
tenue des écoles municipales, à l'importance attachée dans presque
toutes les familles à la première communion des enfants, enfin à l'ex-
trême rareté des enterrements civils. Mais, à cùté de cette majorité,
plutôt négligente qu'ennemie, existent deux minorités, l'une d'énergu-
mènes impies, l'autre de catholiques fervents. Les époux T*** appartien-
nent tous deux à cette dernière catégorie et s'acquittent régulièrement
de leurs devoirs religieux, sans toutefois être affiliés à aucune confrérie
pieuse. Ils entendent même très largement le précepte du repos do-
minical. Après une messe entendue de bon malin, la femme s'occupe
d'ordinaire des nettoyages ou raccommodages négligés en semaine, et
le mari, outre son service d'allumeur, ne croit pas mal faire en se li-
vrant à des travaux de jardinage qu'il considère comme une distrac-
tion, utile à la santé en même temps que profitable au ménage.
Joseph T*** ne fréquente pas le cabaret; si quelque circonstance l'y
entraîne, il boit sans excès, et quand par aventure il s'est laissé aller à
quelques dépenses exagérées pour sa position, il supporte au retour,
sans colère, les remontrances de sa femme en convenant de ses torts.
En résumé, c'est un homme honnête, intelHgent, un peu indolent, très
attaché à sa femme ainsi qu'à ses enfants et de mœurs douces, à moins
qu'il ne soit ou ne se croie injustement attaqué; car alors, comme il
l'a montré une fois dans sa jeunesse, il deviendrait capable d'une vio-
lence très opposée à son habituelle mansuétude.
De son côté, active, laborieuse, frugale, se contentant de peu et évi-
tant sans affectation les trop fréquentes relations de voisinage qui
finissent souvent par amener des querelles, la femme est toute dévouée
à son mari et à ses enfants. Outre la cuisine, le blanchissage et tous
les soins du ménage, elle aide encore son mari dans la confection des
chaussures; toutefois il faut reconnaître qu'elle apporte à ses multi-
ples besognes de ménagère plus de bon vouloir, de zèle et d'activité
que de soin et d'ordre. La tenue des enfants, de l'appartement et de
sa propre personne laissent fort à désirer.
Les deux époux acceptent les embarras et les privations résultant de
leur situation précaire avec une résignation sans aigreur ni tristesse;
mais peut-être entre-t-il dans cette philosophie, une trop forte dose d'in-
curable imprévoyance.
OBSERVATIONS PRÉLIMIXAIRES . 481
§4.
HYGIÈNE ET SERVICE DE SANTÉ.
Joseph T*** est détaille moyenne {i'^,Qi), maigre et d'apparence peu
robuste ; ses cheveux châtain clair et son teint pâle décèlent des ten-
dances au lymphatisme ; pourtant sa santé générale n'est pas mauvaise
et il supporte les fatigues d'un état qui l'oblige à des courses rapides
chaque jour, quelque temps qu'il fasse, mieux que l'assiduité sédentaire
des cordonniers. Le jardinage est le travail qui convient le mieux à son
tempérament comme à ses goûts.
Petite, brune de teint avec les yeux et les cheveux noirs, la femme
forme, au physique, un contraste complet avec le mari; on la pren-
drait plutôt pour une méridionale que pour une Alsacienne. Malgré
l'exiguité de la taille, elle ne manque ni de vigueur ni d'énergie et s'ac-
quitte, sans plainte, d'une assez lourde besogne. Elle a jusqu'ici bien
supporté ses multiples grossesses et nourri elle-même ses enfants;
mais n'ayant que peu de lait, pour son nourrisson actuel, elle est obli-
gée de recourir au biberon comme auxiliaire; sa dernière-née ne paraît
pas s'en trouver mal.
Sauf la seconde des filles, les enfants sont bien portants et ne sem-
blent pas trop se ressentir jusqu'ici de la nourriture végétarienne en
usage dans le ménage par une raison d'économie, malheureusement
trop bien fondée. Peut-être les inconvénients de cette alimentation dé-
fectueuse sont-ils compensés par les avantages hygiéniques d'une ha-
bitation située pour ainsi dire à la campagne, à l'extrémité d'un fau-
bourg, dans un quartier où il reste de vastes espaces non bâtis, en-
core occupés par des jardins ou des vergers.
Quoique l'état sanitaire de la famille T*** soit d'ordinaire assez
satisfaisant, on y est exposé pourtant comme ailleurs à quelques in-
dispositions, plus ou moins sérieuses. On recourt alors au médecin
délégué par le bureau de bienfaisance, pour le quartier, et cela suffi-
rait amplement si ce docteur était autorisé, dans des limites moins
étroites, à prescrire des remèdes gratuits. Mais on remarque, à cet
égard, une déplorable antinomie, dans l'organisation de l'Assistance
publique, à Nancy. Tandis qu'à l'hôpital les malades sont traités, pour
le régime alimentaire ou pharmaceutique, aussi bien que peuvent l'être
482 N" 81. — ALLUMEUR DE RÉVERBÈRES DE NANCY.
chez eux les gens aisés, on montre, pour les secours à domicile, une re-
grettable et inexplicable parcimonie. Ne conviendrait-il pas, au con-
traire, surtout avec un hôpital trop souvent encombré, d'encourager
les soins donnés au foyer domestique, moins dispendieux, pour l'Assis-
tance publique, que le traitement à l'hôpital et, — ce qui est plus à con-
sidérer encore, — très favorables au resserrement des liens familiaux?
§3.
RANG DE LA FAMILLE.
Comme allumeur de réverbères, Joseph T*** appartient à la catégorie
des ouvriers liés aune société en commandite par un engagement per-
manent et payés au mois; comme cordonnier, état qu'il continuée
exercer accessoirement, c'est un artisan, possesseur de son outillage,
travaillant à ses pièces et ajoutant à son salaire le produit de quelques
industries complémentaires. Parvenant à peine, malgré tout, à équi-
librer ses recettes avec ses lourdes charges, il n'a d'autre chance, pour
s'élever au-dessus de sa condition actuelle, que de devenir brigadier du
gaz, avancement peu probable, au moins à bref délai, et qui d'ailleurs
n'améliorerait pas très sensiblement sa position.
La famille T***, qui habite depuis longtemps la même maison et y
vit paisiblement, en bonnes relations, sans intimité, avec ses voisins, est
bien considérée dans le quartier, mais n'y jouit d'aucune influence.
MOYENS DEXISTENCE DE LA FAMILLE.
§6.
rROPRIÉTÉS
{Mobilier et vêlements non compris).''
Immeubles. — La famille ne possède point d'immeubles, car on ne
peut mentionner, sous cette dénomination, le petit hangar construit sur
le terrain du propriétaire de la maison et qui n'a pour la famille T***
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 483
que la valeur des matériaux employés, puisque c'est là ce qui lui en
resterait enfin de bail.
Argent. — Loin d'avoir la moindre somme en réserve, la famille est
la plupart du temps fortement arriérée, en sorte que tout argent reçu
a d'avance sa destination. On constatera peut-être un léger excédent de
recettes au budget, mais il ne tarde pas à être dépensé pour améliorer
quelque peu la situation 0^00
Animaux domestiques. — Entretenus toute l'année 50'^ 00.
I coq, lit poules et i lapins d'une valeur totale d'environ ."iO'OO.
Matériel spécial des travaux et industries ITFoO.
1» Pou}- le service du gaz. — Il est fourni par la Compagnie.
2» Pour les travaux de cordonnerie. — 1 établi et -2 tabourets, -V 00; — Marteau et pince,
o'iJO; — 2 fers à déformer, l'50; — 5 Iranchels, o'OO; — 3 alênes, .'J'OO; — 3 râpes, 3'00;
— 1 dard, 0'2o;— 1 compas, OfoO; — I pierre à aiguiser. 0' 23. — 2 crochets, 1 '00; — 1 lime,
2f00; — I broche, l'2,'i;; — 1 lampe, 2'lo; — 2 pinceaux, 0'30; — fournitures diverses : fi!,'
soie, etc., 2' 00. — Total , 32"J0.
3" Pour l'exploitation de la basse-cour. — Un hangar (dont il est question plus haut sous
la dénomination : immeuble), lOO'OO.
4" Pour le blanchissage et l'entretien du linge et des vêtements. — 1 lessiveuse, TOO; —
1 baciuet, l'OO; — 1 battoir, 0'60; — aiguilles, dé à coudre, fer à repasser, fil, etc., o'OO. —
Total, 13^60.
3" Pour le jardinage. — Bêches, râteau, plantoirs, arrosoirs, brouette, etc., d'une valeur
totale de 23^00.
Valeur totale des propriétés 221^50.
SUBVENTIONS.
Sans l'aide de quelques subventions, le ménage serait souvent dans
la misère quand arrive une indisposition, lors des accouchements ou
dans la morte-saison de la cordonnerie. Dans de telles circonstances,
il est regrettable d'avoir à constater l'extrême parcimonie des patrons.
La Compagnie du gaz se contente de cédera son personnel le coke avec
une réduction du quart sur le prix commun de vente (1).
Dans la cordonnerie c'est pis encore : les patrons les plusbienveillants
(I) Il est vrai qu'en vertu de dispositions testamentaires prises par MM. Constantin
frères, fondateurs de la Compagnie, tout employé ou ouvrier, après vingt-cinq années de
service, a droit à une pension viagère plus ou moins forte suivant l'emploi et la durée des
services, pourvu que les ressources de la caisse spéciale le permeltcnt.
484 N" 81. — ALLUMEUR DE RÉVERBÈRES DE NANCY.
se bornent à consentir des avances, dans les moments de gêne; mais
aucune des nombreuses maisons de cette industrie ne possède d'insti-
tutions patronales. Aussi les ouvriers, n'ayant de rapports qu'avec
les employés aux réceptions, passent-ils, sous le moindre prétexte,
d'une manufacture à l'autre.
C'est donc au bureau municipal de bienfaisance et aux sociétés cha-
ritables que le ménage T*** doit les subventions qui suppléent à l'insuf-
fisance des salaires professionnels ou des bénéfices tirés d'industries
accessoires. Il reçoit ainsi, durant la saison rigoureuse, par distri-
butions hebdomadaires, du bureau de bienfaisance 14 bons de pain et
de combustible; de la Société Saint- Vincent de Paul, 16 bons de pain,
autant de combustible et de pommes de terre; en outre, le reste de
l'année, 1 kilogramme de pain par mois.
De plus, à des époques indéterminées, la famille touche encore des
secours exceptionnels en principe, mais qui, en fait, se renouvellent
tous les ans. Ils se composent le plus souvent, pour le bureau de bien-
faisance, des médicaments prescrits par le médecin délégué et d'effets
de couchage (paille ou couvertures), demandés par les visiteurs, et,
pour la Société Saint- Vincent de Paul, de bons de viande ou de bons
supplémentaires, — pain, riz ou légumes secs, — de chaussures pour
les enfants, et plus rarement, d'effets d'habillement ou de couchage.
Les Dames de charité donnent aussi quelques vêtements pour les filles,
mais sans périodicité. C'est surtout en cas d'accouchement que se fait
sentir leur intervention; il est alors délivré, soit par elles, soit parles
sœurs de Saint-Charles, établiesdans le quartier, outre quelques aliments
réconfortants pour l'accouchée, une layette et un berceau pour le nou-
veau-né. Enfin, pour mémoire et sansqu'ilsoit possible d'en tenircompte
au budget comme d'une ressource assurée, il faut signaler que, pres-
que tous les ans, la Société Saint-Vincent de Paul et les Dames de charité
réunies décident qu'à l'occasion des fêtes de Noël les enfants des
familles assistées qui n'ont pas encore fait la première communion,
recevront chacun, en cadeau, un effet d'habillement, un jouet et
quelques friandises.
L'évaluation exacte de ces subventions n'est pas possible; les prix
et les allocations elles-mêmes étant trop variables. Cependant, en
considérant les chiffres moyens, on peut estimer les subventions an-
nuelles comme suit : 17' 10 du bureau de bienfaisance (savoir :
14 bons de pain à 0'3o; — 2 bottes de paille à l'OO; — 1 couver-
ture à 0^00; — 14 bons de combustible à 0^■{0); 38^)3 de la Société
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 485
Sainl-Yiiicenl de Paul (savoir : 25 bons de pain à 0^35; — 16 bons
de pommes de terre à 0'' 10; — 5 bons de viande à 0^ 05; — 3 bons
de riz ou légumes secs à 0^55 ; — i bons de paille à 1^ 00, — 4 paires
de chaussures à 3' 50; — 16 bons de combustible à 0"^ 30); en sorte que
le total des subventions, non compris le service médical et l'assis-
tance en cas de maladie ou d'accouchement, s'élèverait à 55^15,
somme à laquelle il faut ajouter 20^00 pour tenir compte de la réduc-
tion consentie en faveur de son personnel, par la Compagnie du gaz,
sur les tarifs communs.
TRAVAUX ET INDUSTRIES.
Allumer et éteindre, chaque jour, au.\ heures déterminées suivant
les saisons, cinquante-quatre réverbères, placés le long des rues, les
entretenir en bon état de propreté, signaler, s'il échet, les réparations
à effectuer, enfin passer, toutes les semaines, une nuit au poste des
veilleurs, tel est le principal travail de Joseph T***. Y compris la garde,
comptée pour 10 heures, cette besogne l'occupe environ 38 heures
par semaine, soit 1.976 heures par an. Il reçoit un salaire mensuel
de 102 ou 105 francs, selon qu'il s'agit d'un mois de 30 ou 31 jours;
de plus il a une gratification de 5^00 payée au l*""^ janvier; cela fait
une rétribution annuelle de 1.250^00. Il y a quelques gratifications
extraordinaires; mais, étant presque toujours réservées aux plus an-
ciens employés, il n'y a pas à en tenir compte ici. A première vue, la
rétribution paraît assez élevée, car le métier est d'apprentissage facile,
ne réclame guère que de l'exactitude avec un peu d'attention et laisse
beaucoup de loisir. Mais quand on réfiéchit que l'allumeur est obligé
à des courses nocturnes toujours fatigantes, quelquefois même dan-
gereuses pour la santé, l'impression change et le salaire semble bien
gagné. Ce qui est incontestablement le plus précieux avantage de la
profession, c'est la fixité de la rétribution et l'absence de tout chô-
mage.
Dans ces conditions, Joseph T*** ne peut guère consacrer plus de
quatre heures, par jour ouvrable, à son ancien état de cordonnier;
mais il y a des périodes où les commandes sont assez réduites pour
ne demander que deux heures de travail. En somme, au dire de l'ou-
vrier, qui ne lient aucune comptabilité mais se rend assez bien compte
486 N" 81. — ALLUMEUR DE RÉVERBÈRES DE NANCY.
de ses affaires, il gagne encore, dans la confection des chaussures, en-
viron 500 francs par an, avec l'aide de sa femme, qui empoisse les fils,
polit les talons et les semelles, va chercher l'ouvrage et le rapporte
au magasin. Détail à noter comme attestant l'union des époux : tandis
que la femme est très fière d'être la collaboratrice de son mari,
ce dernier est porté à exagérer un peu la part revenant à sa femme,
dans le labeur commun, et déclare qu'il ne pourrait faire que la moi-
tié de la besogne, s'il était seul à travailler.
La culture d'un potager, ayant environ huit ares de superficie, atte-
nant à l'habitation et où l'on récolte divers légumes (choux, carottes,
navets, salades, etc.), même aussi quelques fruits (fraises et groseilles),
procure au ménage T***, tant par la vente que par la consommation
directe, des bénéfices estimés par les époux à 150 francs, au moins,
par année moyenne. Mais, en face de cetle recette, il faut mentionner
aux comptes annexés (§ 16, A) les frais de location du terrain, d'a-
chat de semences ainsi que le travail de la famille. Quant à l'engrais,
il est ramassé parles enfants sur la voie publique.
Il reste à mentionner la basse-cour qui, avec fort peu de peines, pro-
cure à la famille une recette très appréciée.
En plus de la part prise à la confection des chaussures et aux soins
de la basse-cour ou du jardin, la femme n'a d'autre occupation que
le ménage; quoique médiocrement tenu, il suffit amplement, avec
le blanchissage et les raccommodages, à absorber tout son temps.
Les enfants aînés rendent déjà quelques menus services; mais,
n'ayant pas encore terminé la période d'écolage, ils ne peuvent rien
gagner ni même commencer l'apprentissage d'un métier. Ils ne sont
donc jusqu'ici qu'une cause de dépense et ce ne sera pas avant deux
ou trois ans, au moins, qu'ils commenceront à contribuer aux re-
cettes.
MODE D'EXISTENCE DE LA FAMILLE.
ALIMENTS ET REPAS.
Le matin, au lever, on prend un premier repas composé exclusive-
ment d'une tasse de café noir et d'un gros morceau de pain. Le lait
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 487
qu'on ajoutait autrefois au café est maintenant réservé aux plus
jeunes enfants.
A midi, dîner : le plus souvent avec un pot-au-feu plus copieux en
légumes et pain qu'en viande, ou un plat de légumes (choux, chou-
croute, carottes, pommes de terre, etc.,1 préparés au lard, ou encore,
mais plus rarement, soit du cheval grillé, soit du lapin ou du poulet
en ragoiit. Aux jours d'abstinence religieuse, on mange tantôt un
potage maigre, très épais, aux pâtes, au riz ou aux légumes, tantôt une
omelette.
Le souper se compose de légumes frais ou secs, suivant la saison ou
bien d'une salade aux œufs durs. On ne mange pour ainsi dire jamais
de poisson. De temps à autre, pendant la saison, on peut ajouter aux
repas quelques fruits, — cerises, fraises, groseilles ou pommes, — ache-
tés à bon marché, reçus en cadeau ou récoltés dans le jardin. Mais,
comme on ne consomme pas de fromage, il n'y a jamais de dessert, en
hiver.
En résumé, dans le régime, le pain est l'aliment fondamental; aussi
la consommation quotidienne n'est-elle pas au-dessous de sept livres,
soit 3"^ 730, tandis que celle de la viande ne s'élève pas au-dessus de
0'',362. L'unique boisson à table est une eau d'excellente qualité,
fournie par une fontaine voisine de l'habitation. L'ouvrier ne prend
de vin, chez lui, qu'en de rares occasions; depuis qu'il est allumeur,
il en boit un peu plus souvent au dehors avec ses compagnons de tra-
vail; la dépense de ce chef ne dépasse pas, tout compris, une cen-
taine de francs par année, ce qui correspond à peu près à un demi-
litre par jour. Il ne boit ni eau-de-vie ni autre spiritueux, et cette
sobriété contribue certainement à maintenir sa santé en 'meilleur état
qu'on ne l'attendrait d'une constitution un peu débile.
§ 10.
HABITATION, MOBILIER ET VETEMENTS.
La familleT***occupe un appartement de deux pièces, au second étage
d'une maison construite jadis pour un seul ménage de maraîchers,
exhaussée plus tard et aménagée pour plusieurs locataires. Derrière
elle s'étend un terrain d'environ un hectare, divisé en plusieurs pota-
gers que séparent de simples palissades et entouré de murs peu élevés
au delà desquels on aperçoit les arbres des bosquets ou jardins dé-
488 N" 81, — ALLUMEUR DE RÉVERBÈRES DE NANCV.
pendant de diverses maisons de campagne; plus loin encore commence
la grande forêt de Haie. Cette situation ne laisserait rien à désirer
comme salubrité si la maison ne contenait un peu trop d'habitants.
Sur le même palier que le ménage T*** résident trois autres familles,
chacune avec plusieurs enfants; a l'étage au-dessous, il y a de même
quatre ménages. Tous ces locataires disposent chacun d'un grenier
sous les tuiles, et d'un cellier au rez-de-chaussée. Ils ont, en commun,
la jouissance d'un local avec pompe pour les lessivages, et d'une cour
où sont les cabinets d'aisances; disposition moins commode, mais
plus saine que celle qui est adoptée dans la plupart des appartements
bourgeois. Les deux pièces de l'appartement T*** prennent jour au
midi, sur les jardins, par des fenêtres de dimensions convenables; la
première, — cuisine, atelier et chambre à coucher des deux ahiés, —
à 2'" 70 de hauteur, 2'" 80 de largeur et 5" 00 de longueur; la seconde,
chambre à coucher des parents et des autres enfants, mesure 2" 60 de
hauteur, 4" de largeur et 5'" 00 de longueur.
La famille paye pour ce logement le prix élevé de IG francs par
mois.
Meubles : assez médiocrement entretenus ; ils ont été acquis d'oc-
casion, à l'exception d'un lit à deux places avec baldaquin, acheté
neuf lors de l'entrée en ménage, à cette époque déjà lointaine des
rêves d'heureux avenir, qui n'ont pas tous été déçus puisque, si trop
souvent la misère a frappé à la porte, la bonne harmonie du ménage
n'a cependant jamais été troublée 332'' 50
1" Lils, literies, etc. — 1 lit double avec matelas, paillasse et rideaux, lOO'oO; — '2 lits
très \ieux, l'un eu bois, l'autre en fer, avec sommier, 2:/00; —2 i)aillasses, 10' 00; — i ber-
ceaux, l-2'OO; — U oreillers avec laies, 20'00; — 4 couvertures en laine, i28'00; —2 odre-
dons, 20' 00 ; — 1 voiture d'enfant, li'OO. — Total, 22n'00.
2" Meubles dirers. — 2 vieilles armoires, 15' 00 et "'00; — 1 table carrée, VOO; — 1 table
ronde. 'i'OO; — .■; chaises, 10' 00; — 2 réveils. 20' 00; — 2 montres, l'une en argent, 20'00,
l'autre en nickel, 12'00; —1 crucifix, d'50. —Total, 94'50.
3" Livres. — (Reçus en cadeaux), 2 paroissiens, 4' 00 ; — i Vie de N.-S. Jésus-Christ, 2'()0 ; —
i almanach (donné par la Société Saint-Vincent de Paul),0'.%0; — catéchisme et livres de
classe, 2':;o. — Total, 9' 00.
Ustensiles 57^00.
i" Employés pour la préparation et la consommation des alinicnts. — 2 fi)urneaux on
fonte trts usés, li'OO; — 4 casseroles, 8' 00; — vaisselle, très ébréchée (2 broches, t cruche,
8 bols, « assiettes, 3 plats, 1 soupière), "'00; — 12 couverts et a couteaux, 'i'OO; — l bibe-
ron, 8 verres, 2o bouteilles ou fioles, 4'00; — l cafetière, I'OO;— 1 ixtêle à frire, O'iiO;
— 1 rouleau à pâtisserie. O'2'i ; — 1 râpe, 0'2."; ; - 1 boite à épices, 0'2.'>; — I panier à sa-
lade, 0':;o; — 1 trépied, 0':i0; — 1 caisse à lésâmes, 0' 2.'i. — Total, 41' ,'iO.
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 489
-2" Employés pour Véclairage. — 2 lampes à pclrole. "'00.
*' Employés aux soins de propreté. — 1 petite glace. ïi'OO; — rasoir et peignes. i'OO;
— 3 brosses (habits et souliers), l'50; — 1 cuvette, 0'50; — 1 balai, 0^25; — 1 caisse à or-
dures, 0'-25. — Total. 8f.-;o.
Linge de ménage 12^^00
5 paires de draps de lit (récemmenl achetés à crédit et trop cher), 90 '00; — 4 paires
de petits draps de lit, 16' 00;— l nappe. 5' 00; — 0 serviettes ou torchons, 8'GO; — t paire
de rideaux de fenêtre, S'OO. — Total, l-22'OO.
Vêtements 273^00
Vêtements de l'ouvrier. — 1 jaquette, lo'OO; — 1 pantalon, lO'OO; — I gilet, 3'00; —
1 cravate l'OO; — 1 chapeau, 3'00;— 1 veston (hiver), o'OO; — l veston (été), 3' 00; — 1 pan-
talon, O'OO; — - 1 gilet l'OO; — 1 cravate, O'SO; — i caban, -iO'OO; — 1 casquette d'uniforme,
2'."j0; —2 paires de chaussures, 20'00; — 8 chemises (très usées), lO'OO; — 2 gilets de
Uanelle, O'OO. — Total, lOG'OO.
Vêtements de la femme. — 1 robe, Sii'OO; — 1 manteau. li'OO; — 1 chapeau. (i'OO —
1 cliàle en laine tricotée, i'OO; — 1 paire de bottines, 10' 00; — 2 robes, 3 jupons, 2 cami-
soles, 1 paire de chaussures; le tout presque sans valeur par l'extrême usure, )2'00; —
7 chemises (en fort mauvais état), 9' 00. — Total, 80'00.
Vêtements des enfants. — Chacun des deux garçons possède un complet à peu prés
neuf, celui de l'aîné acheté en confection (trop cher, mais à crédit), 25'00; — l'autre fait
par la mère, do'OO; — 1 paire de bottines (en assez bon état), i)lus une fort usée pour cha-
cun, 8' 00; — vêtements des autres enfants (de valeur très minime), 12'00; — " chemises
pour garçonnets, 7'00; — ti chemises de lillettes, .':i'00. — Total, 72' 00.
Vêtements divers. — 4 paires de chaussettes, 14 paires de bas, layette (en fort mau-
vais état), l.j'00.
Valeur totale du mobilier et des vêtements 784^50.
î 11-
récréations.
Quand on suffit à peine aux. nécessités de la vie, par un travail
assidu, et qu'on est presque constamment préoccupé d'un déficit à
combler, on n'a guère le loisir ni les moyens de prendre beaucoup de
récréations ; aussi sont-elles rares dans la famille T***. Les goi\ts mêmes
de l'ouvrier se sont modifiés avec sa situation. Quelque peu dissipé
et dépensier, dans sa jeunesse, avant son mariage, il est devenu
sérieux et plus économe depuis qu'il a charge d'enfants. Il ne joue
ni aux cartes, ni aux boules, ni à aucun autre jeu, ne fume presque
jamais, ne va pas au théâtre et on ne peut dire qu'il soit adonné à la
boisson, bien qu'il tienne à ne pas se soustraire aux usages de cama-
raderie.
490 N" 81. — ALLUMEUR DE RÉVERBÈRES DE NAXCY.
Pour se distraire, il lit, dans ses moments de repos, le journal « La
Croix de Lorraine », auquel il s'est abonné, pour 10 francs par an, et
parcourt aussi les feuilles anecdotiques, dites « Petites Lectures », dis-
tribuées gratuitement par la Société Saint-Vincent de Paul. Mais le
jardinage est encore la distraction préférée de Joseph T***, qui s'enor-
gueillit d'obtenir des légumes aussi beaux, au moins, que ceux des
maraîchers. La femme, quoique d'un caractère plus gai que le mari,
prend encore moins de récréations que lui. Elle voisine même fort
peu dans la maison, et ne sort guère que par nécessité, préférant
envoyer ses enfants en commission chez les fournisseurs, quand c'est
possible. Ces goûts de retraite viennent-ils du manque de toilette ou,
au contraire, préfère-t-elle rester au logis afin de ne pas quitter un
négligé, — par trop négligé, — dans lequel elle semble se complaire?
On ne sait; toujours est-il que, sauf pour des courses obligées, les
époux ï***, sans que cette réclusion paraisse leur déplaire, ne sortent
guère de la maison ou du jardin contigu. Ils n'ont, au dehors, qu'une
seule relation amicale, quelque peu intime, c'est leur frère et beau-
frère marié à Nancy; ils rendent, de temps à autre, le dimanche, vi-
site à ce jeune ménage, et alors, comme toutes les fois qu'elle doit
accompagner son mari, la femme T*** apporte plus de soin à sa toi-
lette et s'arrange pour avoir la mise d'une ouvrière aisée.
HISTOIRE DE LA FAMILLE.
l 12.
PHASES TRINCIPALES DE l'e.XISTENCE.
Ayant perdu ses parents avant d'avoir fini son apprentissage de
cordonnier, Joseph ï***, connu comme un jeune ganjon d'excellente
conduite, fut, par suite des relations de sa famille, recueilli dans un
orphelinat où, tout en participant ù la culture des champs, il continua
de travailler à la chaussure. Il passa environ trois années dans l'éta-
blissement. Celle éducation complémentaire servit à affermir en lui
les principes religieux puisés au foyer paternel, en même temps
J
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 491
qu'elle lui inspira le goût des occupations agricoles et probablement
aussi lui donna les habitudes réservées et casanières auxquelles il est
revenu maintenant, après les avoir d'abord quelque peu abandon-
nées. A dix-huit ans, pris du désir de courir le monde ou ne voulant
pas entrer au noviciat, il quitta le couvent et, pendant deux années,
parcourut l'Alsace et la Suisse, s'arrétant plus ou moins longtemps,
dans les diverses localités, selon sa fantaisie ou suivant qu'il trouvait
mieux à gagner sa vie soit comme cordonnier, soit comme aide rural.
Puis, quand il eut vingt ans, le souvenir de la bataille de Frœschviller,
dont il avait été témoin oculaire, ayant plutôt avivé que diminué son
patriotisme d'Alsacien et les penchants militaires si répandus chez ses
compatriotes, il rentra en France, désireux de s'engager dans la
Légion étrangère afin de concourir à la délivrance qu'il croyait plus
prochaine, hélas! qu'elle ne l'était, de sa province natale. Mais la
visite médicale ayant constaté chez lui l'insutfisance du développe-
ment thoracique exigé par les règlements, il dut reprendre, à Nancy,
son état de cordonnier, alors très lucratif, pour les artisans d'une
certaine habileté et, gagnant de bonnes journées, se laissa entraîner
à quelques écarts de conduite. L'influence de son éducation première
et l'honnêteté native de son caractère le préservèrent toutefois de la
débauche crapuleuse; aussi, ayant rencontré, par une circonstance
fortuite, Sophie B***, jeune Alsacienne fort avenante, sans être régu-
lièrement jolie, de bonnes mœurs et d'humeur enjouée, songea-t-il
immédiatement au mariage. Il fut agréé sans grand délai. La future
avait dix-huit ans et ne possédait, en sus de ses bardes, que 30 francs
économisés, — ce qui était la preuve de quelque sagesse, — sur ses gages ;
le futur, moins raisonnable, — quoique gagnant beaucoup plus, — dut
emprunter 1:2 francs pour les frais de la cérémonie, mais il avait,
outre ses effets, son petit outillage de cordonnier. Le nouveau ménage
se lançait ainsi dans la vie, sans souci de l'avenir, avec le plus mince
bagage. Mais quand la jeunesse chante au cœur la douce chanson de
l'amour légitime, est-il plus excusable occasion d'oublier les conseils
d'une froide prudence ?
Il fallut longtemps avant d'éteindre, par des à-comptes successifs,
la dette contractée par l'achat, à crédit, du mobilier indispensable,
dès l'entrée en ménage, et les premiers enfants étaient déjà nés avant
la libération complète. Puis, en même temps que les charges augmen-
taient, après chaque naissance, les ressources, malgré l'obtention de
quelques subventions et l'essai d'industries accessoires, médiocre-
492 N" 81. — ALLUMEUR DE RÉVERBÈRES DE NANCY,
ment rémunératrices, tendaient plutôt à décroître; les périodes de
demi-chômage se multipliaient dans la fabrication, de plus en plus
encombrée, des chaussures. La situation du ménage T***, malgré la
frugalité du régime, la suppression de toute récréation dispendieuse
et même, à certains moments, de véritables privations, resta donc
presque toujours plus ou moins obérée. Elle l'est encore; cependant,
la gêne tend à diminuer, depuis l'entrée de Joseph T*** dans le service
du gaz qui, sans l'obliger à cesser entièrement son travail de cordon-
nier, lui assure une rétribution mensuelle d'une fixité et d'une régu-
larité absolues. Grâce à cet avantage, aussi rare que précieux dans les
professions manuelles, les parents peuvent espérer que si Dieu leur
conserve la santé, la famille atteindra sans encombre l'époque où
les enfants, hors d'apprentissage, apporteront leur contingent aux
recettes, et alors la gêne sera remplacée par une aisance, juste récom-
pense de la conduite et des efforts de tous.
l 13.
MŒURS ET INSTITUTIONS ASSURANT LE BIEN-ÊTRE PUYSIQUE ET MORAL •
DE LA FAMILLE.
Les habitudes laborieuses de Joseph T***, parvenu à cumuler trois
professions lucratives, l'activité de sa femme qui, vaquant aux soins
d'un ménage chargé de six enfants, aide encore son mari dans la
confection des chaussures et le travail du jardinage, la tempérance et
la sobriété des deux époux, la régularité de leur conduite, leur indiffé-
rence pour les distractions coûteuses, enfin l'absence de tout sen-
timent d'envie envers les gens placés dans une situation plus aisée,
sont les éléments qui contribuent le plus efficacement au bien-être
physique et moral de cette honnête famille où l'appoint de fort mo-
destes subventions suffit pour élever les ressources, dues au travail,
à la hauteur des besoins, dans les circonstances normales. Toutefois,
aucune réserve n'étant préparée, l'équilibre financier est rompu au
moindre incident onéreux; il faut s'endetter pour y parer; puis se
soumettre à de longues et pénibles privations afin d'éteindre l'arriéré.
Il existe cependant, à Nancy, plusieurs sociétés de secours mutuels,
ayant précisément pour objet de soustraire les ménages ouvriers aux
tristes conséquences de chômages involontaires, et comme ces asso-
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES. 493
ciations comprennent des membres honoraires, contribuant aux re-
cettes, sans imposer aucune dépense, ces mutualités offrent à leurs
participants de sérieux avantages (§ 18). Mais pour être admis dans une
quelconque de ces sociétés, la première condition est d'effectuer avec
régularité les versements statutaires, et T*** ne le pourrait.
Est-ce effet de l'habitude ou insouciance naturelle, cette situation
précaire préoccupe médiocrement les époux T***. Partisans de la
maxime Carpe diem, ils prennent le temps comme il vient, payant,
dans les jours de prospérité, l'arriéré des périodes de détresse; puis,
le déficit à peine comblé, ils se procurent parfois, même à crédit, afin
d'en jouir immédiatement, les effets ou objets quelconques dont la
privation les faisait souffrir. On s'explique, si on ne l'excuse pas
entièrement, cette imprévoyance en songeant combien serait minime
l'épargne réalisable dans les années les plus favorables. Après tout,
ne peut-on pas dire que les enfants, élevés par eux et qui apporteront
bientôt quelques ressources au foyer domestique, sont une sorte
d'épargne des époux T***? Il est vrai que les enfants, une fois établis
pour leur compte ou pris par le service militaire, ne contribueront
plus guère à l'aisance des parents; mais ceux-ci, s'ils ne sont pas trop
affaiblis, n'ayant plus à suffire qu'à eux-mêmes, pourront plus aisé-
ment que maintenant se tirer d'affaire et peut-être, l'âge arrivant,
T*** obtiendra- 1- il soit un emploi moins fatigant, soit une pension
de retraite payée, après un temps déterminé de service, sur les fonds
légués par le fondateur de la Compagnie du gaz.
45
194
N" 81. — ALLUMEUR DE RÉVERBÈRES DE NANCY.
§14. — BUDGET DES RECETTES DE L'ANNÉE.
SOURCES DES RECETTES.
SECTION F«.
PROPRIÉTÉS POSSÉDÉES PAR LA FAUiLLE.
Art. !•'. — Propriétés immobilières.
(La famille ne possède aucune propriété de cette nature.)
Art. 2. — Valeurs mobilières.
Animaux domestujies entretenus toute l'année :
1 coq, 19 i)Oules, 4 lapins, valeur moyenne —
Matériel spécial des travaux et industries :
Outillage de cordonnerie
Matériel de blanchissage et de raccommodage
Matériel de jardinage
Matériel de la basse-cour
Art. 3. — Droit aux allocations de sociétés d'assurances mutuelles.
(La famille n'est affiliée à aucune société de ce genre.)
Valeur TOTALE des propriétés
étaluattox
appkoximativb
DES SUlUtKS
DE BECBTTKS.
VALEUR
des
PBOPUIÉTKS
3i 'M
13 (K)
2:i (Ml
100 00
SECTION II.
SUBVENTIOmS REÇUES PAR LA FAMILLE.
Art. 1". — Propriétés reçues en usufruit.
(La famille ne reçoit aucune propriété en usufruit.)
Art. 2. — Droit d'usage sur les propriétés voisines.
Droit au fumier laissé sur la voie publiciue
Art. 3. — Allocations d'orjets et de services.
Allocations concernant l'instruction des enfants
— — la nourriture
— — le cliaulfage
— — le courliage
— — les vêlements
N" 81. — ALLUMEUR DE RÉVERBÈRES DE NAXCV.
495
^ 14. — BUDGET DP:S RKCETTES DE L'ANNÉE.
MOSTA5T DES RECETTES.
RECETTES.
Valeur des
Recettes
objeta reçua en
en
nature.
argent.
SECTION l".
REVEMS DES PROPRIÉTÉS.
Art. \". — Revexcs des propriétés immobilières.
1 uiiille ne jouit d'aucun revenu de ce genre.)
■
Art. -2. — Revenus des valeurs mobilières.
■I ' t (."> o^Q ) de la valeur de ces animaux
•2' 50
0 (il
a 00
0 64
— de la valeur de ce matériel, t'05 (pour mémoire, car on n'a pu
- de la valeur de ce matériel 0'G8 (pour nu-moire, on n'a pu
dresser un compte détaillé pour ce travail)
— — C; Iti, B)
Art. 3. — Allocations des sociétés d'assurances mutuelles.
»
Totaux des revenus des propriétés
8 11
0 64
section II.
PRODUIS DES SUBVENTIONS.
Art. ^<^^ — Produits des propriétés reçues en usufruit.
famille ne jouit d'aucun revenu de cette nature.)
Art. 2. — Produits des droits d'usage.
lier ramassé par les enfants sur la voie publique
r, 00
•
Art. 3. — Objets et services alloués.
Tatuilé de l'enseignement étant de droit commun, il n'est guère possible
; lui attribuer une valeur déterminée
-20 15
29 00
12 00
14 00
•
s de pain, viande, pommes de terre, légumes secs, etc., donnés par la
5 de combustible donnés par les mêmes sociétés et profit de la réduction
prix accordée par la Compagnie du gaz à ses ouvriers
i de couvertures et de paille de couchage (même provenance)
ur des chaussures et elfets donnés (par les mêmes sociétés)
Total des produits (les subventions
80 io
496 N" 81. — ALLUMEUR DE RÉVERBÈRES DE NANCY.
§ 14. — BUDGET DES RECETTES DE L'ANNÉE {suite).
SOURCES DES RECETTES {suile).
OIANTITE DE TRAVAll
F.FFF.CTUÉ.
SECTIOX III.
TRAVAUX EXÉCUTÉS PAB LA FAMILLE.
Travail principal exécute pour la Compagnie du gaz: allumer, éteindre et
nettoyer 54 réverbères, une fois par semaine faire la garde de nuit.
Travalx accessoires :
Travaux de cordonnerie exécutés à domicile et à la pièce
Culture du jardin et soins donnés à la basse-cour
Hlanchissage domestique
Entretien du linge et des vêtements
Travaux du ménage : Préparation des aliments, soins de propreté con-
cernant la maison et le mobilier, soins donnés aux enfants
Totaux des journées de travail des membres de la famille (i)
197 lj-2
120
36
353 l/i
120
18
30
SECTION IV.
■ INDUSTRIES ENTREPRISES PAR LA FAMILLB
(à son propre compte).
Culture du jardin
Exploitation de la basse-cour,
(1) L'ouvrier étant occupé clia(|uc jour comme allumeur, mais seulement une |)artie de la
journée, et employant l'autre à des industries accessoires, les ciiiffres iudi(|ULMit, en journées ib'
10 iieures, la répartition du temps, par anuée, entre ces divers travaux. Même observation i)onr
la femme.
N" 81. — ALLUMEUR DE RÉVERBÈRES DE NANCY.
§ 14. — BUDGET DES RECETTES DE L'ANNÉE {suiié).
497
RECETTES [suite).
Pr.lX DES SAI.Air.K;
JOURNALIERS.
0 30
2 50
l ii4
a 50
-2 00
-2 00
SECTION m.
SALAIRES.
Salaire alloiu" par la Compagnie «lu gaz (v ronipris
5 fr . il 'ctrennes) "
Salaire tofal attribué ;i ce tra\ail
(Aucun salaire ne peut être atlril.uc à ces travaux.)
Totaux des salaires de la famille
SECTION IV.
BÉNÉFICES DES INDUSTRIES.
néfice résultant de cette industrie (3 16, A)
— — - (S 1«, B)
Totaux des bénéfices résultant des industries (§ ii;, c)
JfOTA. — Outre les recettes portées ci-dessus en coniiito, les industries
donnent lieu à une recette de 9.$'00 (;; l«, c). (|uiest appliquée de nou-
veau .i ces mêmes industries; cette rci'eltc et les dépenses qui la ba-
lancent (§ 15, S"" V) ont clé omises dans l'un et l'autie budget.
Totaux des recettes de l'année (balançant les dépenses) 1-2.10-2' 15).
JIOMANr DES RECETTES
Valeur
dei objets
reçus
en nature.
Recettes
en
argent.
1250' 00
88'6t
GO 00
40 00
500 00
40 3(;
188 04
l.7!)0 30
0 75
11 50
10 00
1-2 -25
10 on
I.S13 00
N" 81. — ALLUMEUR DE RÉVERBÈRES DE NANCY.
§ 15. — BUDGET DES DÉPENSES DE L'ANNÉE.
DÉSIGNATION DES DÉPENSES.
SECTION l".
DÉPENSES COIMCERNAi^lT LA NOURRITURE
AtlT. l". — ALIMENTS CONSOMMÉS DANS LE MÉNAGE
(par l'ouvrier, la femme et C enfauts pemlaut 365 jours).
CÉRÉALES :
Pain
Farine (pour la cuisine)
Uiz
Poids total et prix moyen
Cor.ps GRAS :
Ueurre
Saindoux
Huile d'œillette
Poids total et prix moyen
Laitage et oeufs :
Lait de vache
OKufs de poule (iOO pièces)
Poids total et prix moyen
Viandes:
liipuf (-2" qualité)
La ni et porc salé
Cheval
poulets et lapins
Poids total et prix moyen
POIDS ET prix des
ALIMENTS.
POIDS
consommé.
1.368" 75
12 00
10 00
PRIX
rar kilog.
O'XM
0 500
0 :à)0
1.3! 10 75
0 35-2
I OU
30 iMt
15 00
-2 500
1 800
I 600
40 00
I 7.-.0
547 00
20 00
0 -250
-2 000
567 00
0 M-2
75 00
30 00
l5! 00
15 00
1 000
1 iS(H»
1 (MK(
1 600
13-2 00
1 .501
MONTANT DES DEPENSES.
Valeur
des objets
consommés
en nature.
13' 65
0 SS
V) 00
N" 81. — ALLUMELR DE REVElîBÈRES DE XANGY.
499
§ i:;. — BUDGET DES DÉPENSES DE L'ANNÉE {suite).
DÉSIGNATION DES DÉPENSES {.suite).
SECTION 1 .
DÉPENSES CONCERNANT LA NOURRITURE {suite).
Art. l<". — Aliments consommks dans le ménage (suite).
LÉGfMES ET FUl'ITS :
Tubercules (pommes de terre)
Légumes secs (pois, haricots, lentilles^ —
Légumes frais :
Carottes, salades, etc
Choux, etc
Fruits (pommes, cerises, groseilles, etc.) .
Poids total et prix moyen.
Condiments et stimulants :
Sel
Vinaigre
Sucre
Boissons aromatiques :
Café
Cliicorce
Poids total et prix moyen.
Boissons fermentées :
Vin
POIDS ET PRIX DES
ALIMENTS.
POIDS PlUX
consommé. par kilog.
730''00
30 00
100 00
30 00
5 00
9lo 00
18 00
6 00
5-2 00
4 00
12 00
92 00
20 00
Art. 2. — Aliments préparés et consommés en dehors du ménage.
Vin consommé à l'estaminet avec des camarades 130' à 0',60
O'IO
0 50
0 40
0 2o
0 50
0 15
0 40
1 15
4 50
0 00
0 979
Totaux des dépenses concernant la nourriture..
montant des DEPENSES.
Valeur
des objets
consommés
en nature.
l'60
1 10
40 00
7 50
2 50
134 15
Dépenses
73' 40
13 90
2 70
2 40
59 80
18 00
7 20
78 00
1.144 25
500
N" 81. — ALLUMEUR DE RÉVERBÈRES DE NANCY.
§ 13. — BUDGET DES DÉPENSES DE L'ANNÉE {suite).
DÉSIGNATION DES DÉPENSES [suile).
SECTION II.
DÉPENSES CONCERNANT L HABITATION.
LOCEMENT :
Loyer de doux pièces avec grenier et cellier (lO'OO par mois)
Mobilier :
Entretien et renouvellement de literie, ustensiles, linge, vaisselle, etc.
Chaiffage :
Charbon et coke
ÉCLAUUGE :
Pétrole ,100 litres à 0' ,30; — allumettes, M boites à 0' 10
Totaux des dépenses concernant l'habitation
SECTION m.
DÉPENSES CONCERNANT LES VÊTEMENTS.
Vêtements de l'ouvrier (î; 16, D)
— de la femme (ï 16, D)
— des enfants (§ 10, D)
lUanchlssage et raccommodage du linge et des vêtements (achats de savon,
lil, aiguifles, etc.)
Totaux des dépenses concernaut les vêtements
SECTION IV.
DÉPENSES CONCERNANT LES BESOINS MORAUX, LES RÉCRÉATIONS
ET LE SERVICE DE SANTÉ.
Culte :
Donne aux quêtes à l'église .'
Instruction des enfants :
Fournitures d'école supplémentaires
Kkckéations :
Abonnement au journal lO'OO, divers O'OO
Service de santé :
Achat <le (|uel(|ues médicaments
Total des dépenses concernant les besoins moraux,
les récréations et le service de santé
montant des DEPENSES
Valeur
des objetB
consommés
en nature.
12' 00
29 00
41 00
14
00
100 00
11'
co
N" 81. — ALLLMKUR DE RÉVERBÈRES DE NANCY.
301
§ 15. — BUDC.ET DES DÉPENSES DE L'ANNÉE (suite).
.montant iiEs dépenses.
DÉSIGNATION DES DÉPENSES {suite).
Valeur
des objets
consommés
en nature.
Dépenses
en
argent.
SECTION V.
DÉPENSES CONCERNANT LES INDUSTRIES, LES DETTES,
LES LWPÔTS ET LES ASSURANCES.
DÉPENSES CONCERNANT LES INDUSTRIES :
1
Nota. — Les dépenses concernant les industries entreprises au compte de
' la famille montent à (jlO, C) -2ii'7.-i.
Elles sont remboursées par les recettes provenant des mêmes
industries, savoir :
Argent et objets employés pour les consommations du ménage et
1 Argent appliqué de nouveau .lux industries {'^ 14, 8"" IV) , /
! comme emploi niomentaué du fonds de roulement, et ]-2i\ '■>
<|ui ne peut conséquenmient ligurer parmi les dépenses V
du ménage (§ 1<>, C) 93 OO;
INTÉIIÈT DES DETTES :
(La famille n'a aucune dette portant intérêt.)
»
■
1 Impôts :
(La famille n'est soumise à aucune imposition.^
"
•
Assurances concourant a garantir le rien-èïre puysivue et moral de la famille :
' (La famille ne jouit d'aucune assurance de ce genre.)
»
Total des dépenses concernant les industries, les dettes,
les impôts et les assurances
»
1 .
1 Epargne de l'année :
Totaux des dépenses de l'année (balançant les recettes) (-:>.lo-2'l.-i)
»
.^0 :;.•;
289^1 -,
i.siafoo
o02
N° 81. — ALLUMEUR DE RÉVERBÈRES DE NANCY.
16.
COMPTES ANNEXES AUX BUDGETS.
SECTION I.
COMPTES DES BÉNÉFICES
RÉSULTANT DES INDUSTRIES ENTREPRISES PAR LA FAMILLE
(à son propre compte).
A. — EXI'LOITATION DU JARDIN.
RECETTES.
L(''sumes et fruits (choux, carottes, navets, salades, pommes, cerises etc.).
en partie vendus, en partie consommés par le ménage
Totaux
nÉl'ENSKS.
Location du terrain
Semences et menus liais
Fumier ramassé sur la voie publique par les entants
Travail de la famille 3(i journées à 2',;>0
Intérêt (5 °/o) de la valeur (i-i'onj du matériel de jardinage
BÉNÉFICE résultant de l'industrie
Totaux comme ci-dessus
B. — Exploitation de la basse-cour.
RECETTES.
Consommation dans le nu-nage de poules. la|)ins et inifs
Vente au dehors de poules, lapins et œufs
Totaux
DÉPENSES.
Nourriture des animaux
Intérêt (."» " „) de la valeur des lapins et poules
Intérêt {■> "lo) du matériel de la basse cour .
Main-d'œuvre 18 journées à 2',50
RÉNÉKiCE résultant de l'industrie
Tiii;ui\ comme ci-dessus
Ka
nature.
oO'OO
H 00
« Ci
0 (il
En
argent.
100' 00
43 (K)
10 00
46 36
0 6i
M 00
6V 00
2
."in
•;
(Ht
4:;
00
11
50
(il
00
N" 81. — ALLUMEUR DE RÉVEKBÈKES DE NANCY.
503
C. — RÉSUMÉ DES COMPTES DES BÉNÉFICES RÉSULTANT
DES INDUSTRIES (A ET B).
RECETTES TOTALES.
ocluits employés pour la nourriture de la famille (3 l'>. S°" I)
écrites en ar^'ent ap|ili(|uées aux (lé[)euses de la lamille
rodiilts on argent à employer de nouveau pour les industries elles-mêmes.
Totaux (les recettes :
DI'.I'ENSES TOTALES.
térèl des propriétés possédées parla famille et employées par elle aux in-
dustries
roduits de subventions reeues par la famille et appliquées par elle aux
industries
alaires afférents aux travaux exécutés par la lamille pour les industries.. .
penses en arj^ent qui devront être remhoursées par des recettes prove-
nant des industries
Totaux des dépenses
BÉNÉEicEs TOTAUX résultant des industries (-28',25)
Totaux comme ci-dessus
VALEIKS
En
En
nature.
argent.
114' 00
(i3'00
9:i 00
lli 00
loti 00
8 11
0 G4
fi 00
88 tii
40 36
93 00
101 -o
140 0:J
12 23
16 00
114 00
136 00
SECTION II.
COMPTES RELATIFS AUX SUBVENTIONS.
Ces comptes, donnant lieu à des opérations très simples, ont été établis dans le budget lui-même.
D.
SECTION III.
COMPTES DIVERS.
Compte de la dépense annuelle concernant
LES vêtements achetés.
ART. l«^ — Vêtements de l'ouvrier.
1 ja((uette noire
1 veston (hiver)..
1 veston (été)
1 i>antalon (été;
1 — (hiver)
2 gilets
2 cravates
1 caban
1 casquette d'uniforme
1 chapeau
2 paires de chaussures
lemises, chaussettes, tlanelles, mouclioirs, etc
Totaux.
ART. 2. — Vêtements de la femme.
1 robe
2 robes de travail
1 manteau
3 jupons
2 camisoles
1 paire de bottines
2 paires de souliers
1 chape;iu
icmises, bas, tabliers, mouchoirs, sabots, etc
Totaux —
Art. 3. — Vêtements des enfants.
Pris
Durée.
Dépense
d'achat.
annuelle.
30^00
2 ans.
lof 00
15 00
3
5 00
G 00
2
3 00
5 00
1
3 00
9 00
1
9 00
6 00
2
3 00
3 00
o
1 30
18 00
2
9 00
2 30
î
2 30
6 00
o
3 00
12 00
1,2
3
24 00
20 00
112 30
100 00
30 00
10 00
30 00
•A
13 00
13 00
.'{
3 00
9 00
3
3 00
4 00
.>
2 00
10 01)
2
.3 00
8 00
1
8 00
8 00
4
2 00
20 00
111 00
70 00
11 n'a pas été possible de donner à ce sujet d'autres renseignements que ceux consignés au § 10. Ces
tements sont de provenance variée (cadeau, travail de la femme, achat).
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE.
FAITS IMPORTANTS D ORGANISATION SOCIALE;
PARTICULARITÉS REMARQUABLES;
APPRÉCIATIONS GÉNÉRALES; CONCLUSIONS.
DE LA FIXITÉ DES SALAIRES ET DE l'aPPOINT DES SUBVENTIONS
DANS LES BUDGETS OUVRIERS.
Sans conclure, plus qu'il ne convient, du particulier au général,
on peut pourtant trouver, dans ce qui précède, certaines indications
dont la portée est loin d'être restreinte à la famille étudiée et qu'il
n'est peut-être pas inutile de faire ressortir comme conclusion de la
présente monographie.
Cordonnier de son état, non sans habileté professionnelle, tra-
vaillant à domicile aidé de sa femme et employé dans une très grande
maison où se font moins sentir qu'ailleurs les alternatives d'activité
ou de ralentissement dans la fabrication, T*** s'est néanmoins fort ap-
plaudi de devenir allumeur au gaz, malgré les obligations assez gê-
nantes du service (courses rapides, ponctualité minutieuse, gardes
nocturnes, etc.), non pas tant pour l'augmentation du salaire que
pour sa fixité. Loin de lui être particulière, cette façon de voir est
commune à la majorité des ouvriers, qui ont, en cela, un plus juste
sentiment de leurs vrais intérêts qu'à beaucoup d'autres égards. Ils
savent bien qu'avec une rétribution variable, ils ne se refuseront
pas, durant les périodes prospères, tout au moins une amélioration
de régime, légitimée par le surcroit de fatigues, ni même quelques
achats utiles, quoique non indispensables, en sorte que, la morte-
saison revenue, n'ayant pas d'épargnes, ils seront réduits à des
privations rendues plus sensibles par le confort dont ils jouissaient
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 505
auparavant. Avec le salaire fixe, au contraire, ils ne sont exposés ni
à ces tentations ni à ces regrets; aussi n'est-ce pas sans raison
qu'on a rangé, parmi les obligations du patronage éclairé et bien-
veillant, le soin d'éviter, autant qu'il se peut, les variations dans la
main-d'œuvre (1).
Mais si, en recherchant un salaire fixe, Joseph T*** n'a fait que
suivre la tendance générale, c'est une initiative entièrement person-
nelle qui l'a conduit à entreprendre l'exploitation d'un jardin et d'une
basse-cour. L'alliance des travaux agricoles et industriels, si recom-
mandée par les maîtres de la science sociale (2), est jusqu'ici peu prati-
quée par les ouvriers, même dans les localités qui s'y prêtent le mieux.
Plus que jamais cependant elle devient utile, alors que les progrès
incessants de la mécanique, raccourcissant de plus en plus, dans pres-
que toutes les industries, le temps nécessaire à l'exécution des pro-
duits, tendent, pour une production égale, à réduire le nombre des
heures employées et à introduire ainsi peu à peu, sans secousse ni
contrainte et en tenant compte des exigences propres à chaque spé-
cialité, une réforme analogue à celle que les sectateurs des trois 8
prétendent imposer violemment à tous, sans transition et avec une
impraticable uniformité. La diminution des heures de travail ne sau-
rait d'ailleurs être un progrès de bon aloique pour les ouvriers qui, au
lieu de donner au cabaret le temps enlevé à l'usine, l'emploieront pour
développer la vie familiale, prendre un exercice salutaire ou se créer
quelques ressources accessoires. Ces trois conditions seraient simulta-
nément remplies par l'exploitation d'un potager avec concours de la
femme et des enfants; rien par conséquent ne serait plus à favoriser
que la propagation de cette coutume que des patrons généreux et
bien inspirés pourraient contribuer à répandre en mettant avec un
(1) En analysant dans l'Organisation du travail C^^Z 19 à 23) » la coutume des ateliers »,
F. Le Play a signale comme la première des pratiques essentielles la permanence des
engagements (V. aussi le rapiwrt du Jury International de 1807 sur le Nouvel Ordre de
récompenses, p. '2G). M. Clieysson, dans un rapport spécial sur ce sujet, présenté à la So-
ciété d'Économie sociale le 27 fév. 1876 [Bulletin, t. V, p. 167), fait voir que la perma-
nence des engagements com|)rend et résume en quelque sorte les autres pratiques : elle
est à la fois la condition nécessaire et le symptôme manifeste de l'iiarmonic entre patrons
et ouvriers. Plus récemment M. Aynard, présidant le Congrès annuel d'Économie sociale,
montrait, avec la haute autorité de l'evpérience, que le plus grand mal de la vie ouvrière
est le chômage et que, par suite, le |)lus impérieux devoir du patronage, c'est de cher-
cher à maintenir coûte que coûte la (ixité du travail, obligation parfois très onéreuse,
mais plus importante que la création des institutions économiques même les mieux
conçues. {Réforme sociale, V' juillet 1894, p. 31.)
(2) Le Play, L'Organisation du travail, § 22. — Rapport du Jury international de
1807, p. 23,26 et 180.
506 >° 81. — ALLUMEUR DE RÉVERBÈRES DE NANCY.
loyer réduit, sinon même gratuit, à la disposition de leur personnel
des terrains cultivables.
La monographie de cette famille laborieuse et frugale qui, malgré
de louables efforts, ne saurait, en raison des charges imposées par les
enfants, équilibrer ses dépenses et ses recettes, avec les seules res-
sources du travail, ne met-elle pas surtout en évidence la nécessité,
maintes fois démontrée par l'Ecole de la Paix sociale, de compléter,
à l'aide de subventions, variables avec les besoins familiaux, le sa-
laire strict, fixé par la loi économique de l'offre et de la demande, et
forcément mesuré, comme élément du prix de revient, sur la quantité
et la qualité des produits industriels? Calculées avec une sage prudence,
de manière à pouvoir être imputées sur les frais généraux, sans les
rendre excessifs, et réparties dans un esprit de bienveillante équité, ces
allocations qui diminueraient, à la vérité, le profit net, ne seraient pas
toutefois un sacrifice dénué de toute compensation pour les patrons,
car, tarissant la source de légitimes griefs, elles contribueraient à
ramener, dans les ateliers, une concorde utile à leur prospérité. Elles
constitueraient d'ailleurs un mode de participation aux bénéfices qui,
plus réellement avantageux que tout autre aux ouvriers, ne suscite-
rait pas les difficultés d'application des autres systèmes et ne sou-
lèverait pas les objections de principe , très fondées , qu'on leur
adresse.
l 18.
COMMENT SONT SUPPLÉÉES LES INSTITUTIONS PATRONALES, DANS LA LOCALITÉ
OU RÉSIDE LA FAMILLE OBSERVÉE.
Ce n'est pas à dire pourtant que les institutions patronales qui jadis,
dans l'ancienne organisation industrielle, naissaient en quelque sorte
spontanément du contact intime entre un patron, protégé par les rè-
glements contre les excès de la concurrence, et des ouvriers, peu
nombreux, engagés à long terme, puissent maintenant s'établir sans
frais ni peines. Elles rencontrent au contraire, actueliement, on doit
en convenir, dans l'étal de l'industrie, d'assez sérieux obstacles pour
expliquer leur absence, notamment à Nancy où elles étaient rendues
moins nécessaires qu'en beaucoup d'autres endroits par l'existence
d'œuvres propres à suppléer aux défaillements du patronat. Ainsi, on
a eu, au cours de la présente monographie, à mentionner les subven-
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITLTION SOGALE. 307
lions diverses accordées à la famille T***, comme à toutes celles qui se
trouvent dans une situation analogue, par le bureau de bienfaisance
et la Société Saint-Vincent de Paul. Mais, le ménage T***n'y recourant
pas, on n'a eu à parler ni des crèches ou des écoles maternelles, pour
enfants au-dessous de sept ans, dont les mères sont occupées au
dehors, durant la journée, ni des nombreux orphelinats, municipaux
ou privés, ouverts, pour l'un ou l'autre sexe. Ace propos, peut-être
convient-il de signaler particulièrement deux établissements donlTobjet
spécial est de réagir contre une des plus funestes tendances de notre
époque, la désertion des campagnes. Ce sont les orphelinats agricoles
de Haroué, pour les filles, fondé depuis quelques années et très pros-
père, et de Lupcourt, pour les garçons, tout récemment créé, sous
le patronage et, en grande partie, par les libéralités d'un évêque très
préoccupé de concourir à la solution chrétienne des questions sociales.
En outre, pour les adolescents qui ne peuvent apprendre un métier
en restant chez leurs parents ou tuteurs, on a, depuis 1846, la Maison
des Apprentis où, soit gratuitement, soit pour une modique pension
ou demi-pension ( iOO fr. ou 200 fr,), des jeunes gens au-dessus
de treize ans sont entretenus, reçoivent l'instruction professionnelle,
suivant l'état choisi par eux, et complètent, dans des cours du soir,
leur instruction théorique. Quoique fondé par un prêtre et n'ayant ja-
mais cessé d'être sous la direction d'un ecclésiastique, assisté de reli-
gieuses, cet établissement n'est pas exclusivement catholique, et si un
élève d'un autre culte venait à être admis, les statuts lui garantissent
les moyens de suivre les observances de la religion paternelle; mais le
fait a peu de chances de se produire.
La ville ayant eu longtemps une étendue très vaste, relativement
au nombre des habitants, la question du logement des ouvriers n'v
présentait pas les difficultés qu'elle rencontre en beaucoup de centres
manufacturiers. iMais la crue soudaine de la population changea subi-
tement la situation, vers la fin de 1871, et provoqua une crise assez
intense pour embarrasser même les ménages aisés. Afin d'atténuer
les conséquences de cette perturbation imprévue, une société anonyme,
V Immobilière nancéienne , fut aussitôt C(jnstituée , en dehors de toute
pensée de spéculation et avec une administration absolument gra-
tuite. Elle fit bâtir, en différents quartiers excentriques, où les ter-
rains étaient à prix moins élevés qu'ailleurs, cinq groupes de maisons
en pierres, de divers modèles, coûtant de quatre à huit mille francs
l'une, qui furent ensuite louées, à o ^ de leur prix de revient ou
508 i\" 81. — ALLUMELH HE RÉVERBÈBES DE NANCY.
vendues sans bénéfices, par à-comptes assez espacés pour rendre l'a-
chat aisément accessible à des conlre-niaîtres, des employés ou des
artisans aisés. Pour les familles ouvrières ayant moins de res-
sources, Y Immobilière éleva plusieurs cités, composées de maisons en
bois, contenant chacune un ou, au plus, deux logements de deux
pièces, d'assez bonnes dimensions, avec cave, grenier, et jardinet ou
cour. Sans empêcher entièrement le renchérissement des loyers, iné-
vitable conséquence de la situation générale ainsi que de la hausse
survenue, tant dans le prix des terrains que dans le coût des cons-
tructions et aménagements, la Société a sensiblement contribué à mo-
dérer une surélévation, qui, d'abord, avait été excessive, et, en même
temps, à améliorer quelque peu la condition commune des habitations
ouvrières (1).
Enfin, parmi les institutions les plus utiles de Nancy, il faut encore
compter les nombreuses sociétés de secours mutuels dont l'objet prin-
cipal est d'assurer aux sociétaires, durant leurs maladies, moyennant
une cotisation mensuelle fixe (d'environ 1 fr. 25), une indemnité jour-
nalière pour le temps de chômage (1 franc d'ordinaire, durant le pre-
mier mois d'indisponibilité) avec le traitement médical et pharma-
ceutique, en des conditions plus larges que celles que fait le bureau
de bienfaisance. Ces Mutualités se chargent aussi des frais funéraires.
Plusieurs d'entre elles promettent même des pensions viagères pour
la vieillesse. Ce dernier engagement surtout ne pourrait guère être
tenu qu'avec une augmentation considérable des cotisations mensuelles,
sans les versements faits à la caisse sociale par des membres hono-
raires qui accroissent les recettes et n'imposent aucune dépense. Le
bon sens lorrain a toujours fait immédiatement justice des objections
haineuses, présentées quelquefois ailleurs, contre l'introduction, dans
les Mutualités ouvrières, de membres n'exerçant aucun métier ma-
nuel. Loin de repousser ce bienveillant concours, les associations
nancéiennes le recherchent avec empressement autant pour son utilité
administrative que pour ses avantages financiers ; les membres hono-
raires apportant, dans la gestion des intérêts sociaux, avec un dévoue-
ment égal à celui des participants, une expérience supérieure des
affaires. Les relations assidues et cordiales qui naissent ainsi, entre
les deux éléments, au sein des sociétés de secours mutuels, fai-
sant disparaître les préjugés, entretenus par l'isolement, servent,
(1) V. pour plus de détails l'Eiiquôte sur la condiUon des petits logcmenls dans la ville
de Nancy, par M. Chassignet (Rrforme sociale, mars et avril 1880).
ÉLÉMENTS DIVERS DE LA CONSTITUTION SOCIALK. 509
avec une incomparable etrieacilé, la grande cause de la paix sociale.
Les deux plus anciennes Mutualités de Nancy sont la Prévoyance,
fondée en 185:2, et la Société des Familles qui date de 1853. Sauf de
menus détails, leur unique difTérence statutaire, c'est que la seconde,
comme rindi(|ue son nom, cherche à se recruter surtout par groupes
familiaux. A cet effet, malgré les charges ainsi assumées, elle admet,
jusqu'à l'âge de dix-huit ans, les enfants des sociétaires pour une
minime cotisation mensuelle de 0 fr. 25, qui même ne dépasse jamais,
en tout, 0 fr. 75 par ménage, quel que soit le nombre des enfants.
Chacune de ces sociétés possède, pour pensions de retraite aux parti-
cipants et pour secours aux veuves ou aux orphelins, un fonds spécial ,
alimenté par les cotisations, dons ou legs des membres honoraires ,
par la subvention annuelle fixe de la ville, par les allocations va-
riables de l'État et enfin par les revenus des fonds en dépôt. De
grandes précautions ont été prises pour éviter les mécomptes, trop
fréquents en cette matière. Le droit n'est ouvert qu'au sociétaire
âgé d'au moins soixante ans, incapable de continuer l'exercice de
son métier et ayant effectué les versements réglementaires pendant
vingt années consécutives. Quant au tarif de la pension, il est réglé
sur les possibilités de la caisse sociale qui, dès qu'une retraite est ad-
mise, remet à la caisse de l'Etat la somme nécessaire pour servir
la pension; le capital réservé devant, au décès du pensionné, faire
retour à la Mutualité. Au 31 décembre 1888, la Prévoyance possédait
un capital de 173.582 francs avec un personnel de 20-4 membres hono-
raires, et 902 participants, dont 316 hommes, 303 femmes mariées,
102 femmes célibataires et 181 enfants. A la même date, la Société
des Familles avait 199 membres honoraires et 707 membres partici-
pants des deux sexes, enfants compris. Son capital, alors de 109.825 fr.,
était monté, au 31 décembre 1893, à 171. 198 francs, dont 113. 652 francs
pour les retraites.
Les circonstances firent surgir, au commencement de 1873, la So-
ciété d'Alsace- Lorraine, dont le premier noyau fut un groupe de
réfugiés appartenant à la Société amicale de Metz, s'unissantà d'anciens
membres d'associations alsaciennes, « leurs frères en infortune », di-
sait le président, lors du premier anniversaire de la Société. Puis
bientôt, dans une pensée de généreuse et touchante solidarité, V Alsace-
Lorraine ouvrit ses rangs au large , sans noviciat, sans conditions
d'âge ou de position, sans visite médicale, sans cotisation complé-
mentaire, à tous les annexés, d'honorabilité reconnue, en résidence
510 ti° 81. — ALLUMEUR DE RÉVERBÈRES DE NANCY.
à Nanc}'. Grande était l'imprudence économique, grand fut le succès.
Commencée avec 287 membres honoraires, 394 participants et un
humble capital de 4.199 francs, l'association possédait, six ans après,
521 honoraires, 871 participants et un capital de 43.603 francs, dans
lequel figuraient, pour 7.806 francs, le fonds des retraites, 5.022 francs
celui du veuvage, et 424 francs celui des secours aux vieillards et infirmes
non pensionnés. Moins de dix^ ans plus tard, en 1888, l'actif social
atteignait déjà 127.268 francs. Le travail du temps rapproche peu à
peu Y Alsace- Lorraine, dont les statuts ont été modifiés, quant aux
admissions, des associations similaires; mais les années peuvent se
succéder, elles ne lui enlèveront ni son caractère originel ni le nom,
signe d'inoubliable souvenir et d'invincible espérance, qui lui a valu
tant de sympathies, attestées par un nombre de membres honoraires
supérieur à celui de la Prévoyance et des Familles réunies.
Des affinités religieuses donnèrent naissance, en 18.54, h\a.Sociélé
Saint- François Xavier, dont les membres, tous catholiques, s'engagent à
observer le repos dominical et à assister, le dimanche, à la messe
dite dans la chapelle de la confrérie. Celte mutualité ne cherche
pas, comme les précédentes, à constituer des pensions de retraite, mais
à provoquer les habitudes d'épargne individuelle, permettant à chacun
d'économiser, pour sa vieillesse, un petit capital. A cet effet, elle a
formé une caisse spéciale, la Caisse d'Economie et de Crédit, recevant
les dépôts des sociétaires, depuis 1 franc jusqu'à 300 francs, et payant
l'intérêt de ces sommes, au taux de o pour cent, grâce aux libéralités
des membres honoraires. C'est à la même source qu'elle puise le
fonds de roulement d'une autre institution spéciale, la Caisse du prêt
d'honneur, qui prête aux sociétaires, sans intérêts et sur la seule ga-
rantie de leur parole, jusqu'à concurrence de 100 francs, les sommes
dont ils ont besoin, en quelque moment de détresse, après toutefois
que le Comité a trouvé valables les motifs de l'emprunt. Dans cette
Société, comme dans celle des Familles, les enfants sont de droit
membres de la Mutualité, de leur naissance à l'âge de dix-huit ans, et
les parents versent, pour chacun d'eux, une cotisation mensuelle de
0 fr. 23. Leur conduite et les progrès de leur éducation religieuse
ainsi que de leur instruction primaire sont attentivement surveillés
par le Comité, qui décerne des récompenses aux plus dignes. A la fin
de 1888, la Société de Saint-François Xavier comptait 882 membres par-
ticipants dont 262 hommes, 206 femmes agrégées, 129 veuves ou
femmes non mariées et 285 enfants. Elle avait par conséquent ,
ÉLÉMENTS DIVEHS DE LA CONSTITUTION SOCIALE. 511
parmi ses membres participants, plus de femmes et d'enfants que
d'ouvriers, situation qui serait financièrement défavorable sans la
présence d'un numbre suffisant de membres honoraires.
Diverses autres mutualités, — la plupart professionnelles, telles que
celles de Saint-Grépin, pour les cordonniers, des ouvriers employés aux
Tabacs, etc., — existent encr»reà Nancy, comme assurance contre les
risques du chc)mage causé par la maladie. Mais il en est une qui, tout
en ayant ce même objet, se distingue de toutes les autres par la com-
position de son personnel et qui, à quelques égards, se rapprocherait
de la Société de Saint-François Xavier : c'est la Persévérance, associa-
lion d'ouvrières non mariées, âgées, lors de l'admission, de 15 à 35 ans,
et ([uittant la Société quand elles se marient. Elle est constituée sous la
direction de dames patronnesses. en vue, disent les statuts. « 1° ... d'aider
les membres à persévérer dans les devoirs de la vie chrétienne; 2° de
les aider, en cas de maladie, en leur procurant des soins médicaux,
des remèdes et une indemnité journalière de VOO ». La caisse qui sub-
vient à ces dépenses, alimentée parles cotisations mensuelles ^1^25)
des participantes et par les dons ou souscriptions des dames patron-
nesses et des membres honoraires, est en état de suffire à ses charges.
Quant aux résultats moraux, ils sont des meilleurs; plusieurs fois
même des associées de la Persévérance ont reçu l'un des prix de vertu,
pour dévouement filial, décernés par l'Académie de Stanislas.
En résumé, en sus du salaire, les familles ouvrières reçoivent de
nombreuses subventions, aussi considérables au moins, selon toute
probabilité, que celles qui leur adviendraient par des institutions pa-
tronales, dotées comme le permettrait la situation, dans presque toutes
les manufactures de la localité, qui sont évidemment loin de pouvoir dis-
poser, à cet égard, de ressources équivalentes à celles des grandes
exploitations industrielles, telles que les mines, par exemple. L'absten-
tion des patrons est néanmoins regrettable, pour plusieurs raisons.
D'abord parce qu'elle amoindrit indirectement la somme des secours
accordés, par la bienfaisance publique ou privée, aux indigents sans ou-
vrage ni patrons, parmi lesquels s'il se trouve bien des fainéants, des va-
gabonds ou pis encore, il se rencontre aussi de pauvres naïfs, sans au-
tre tort que de s'être laissé trop aisément séduire par les dehors bril-
lants des grandes agglomérations urbaines, oîi s'étale l'opulence et où
la misère se cache. Venus en ville pour chercher un travail mieux rétri-
bué qu'au village natal, ils n'ont pu se faire une place et végètent,
dans une misère non moins digne de pitié que d'autres plus bruyants.
512 N° 81. — ALLUMEUR DE RÉVERBÈRES DE NANCY.
Ensuite, s'il n'en coûte rien à la fierté de l'ouvrier d'accepter des
subventions considérées par lui comme le légitime complément d'un
salaire qui, pour être équitable, doit, en compensation d'une tâche
consciencieusement remplie, suffire à l'entretien de lui et des siens, son
amour-propre est, au contraire, presque toujours froissé, malgré tous
les ménagements, de recevoir des dons n'ayant aucun caractère rému-
nératoire. Il n'est pas impossible qu'il soit reconnaissant envers qui
lui apporte cette aide ; mais, dans sa pensée, formulée ou non, la néces-
sité de ces secours extérieurs est la preuve que, dans le partage des
bénéfices industriels , la « main-d'œuvre » est victime d'une criante in-
justice.
Enfin, en attachant l'ouvrier à l'usine et solidarisant plus ostensi-
blement leurs intérêts respectifs, les institutions patronales ne sont-
elles pas un remède plus efficace que les secours étrangers contre les
habitudes d'instabilité dans l'atelier et d'hostilité contre le capital,
maladies aiguës d'une époque où, au milieu d'incontestables progrès
matériels, mais dans le mépris de la loi divine et l'oubli des saines
traditions, le désordre est partout et partout la discorde?
TABLE ALPHABÉTIQUE
ET ANALYTIQUE
DES MATIÈRES CONTENUES DANS LE PRÉSENT TOME,
AVEC
INDEX EXPLICATIF DES MOTS
EMPLOYÉS DANS UN SENS PROPRE A L'ÉCONOMIE SOCIALE.
REMARQUES PRÉLIMINAIRES.
1» Le nombre placé, sans autre indication, à la suite de l'énoncé d'un sujet, désigne
la page à laquelle on renvoie le lecteur.
2° Le nombre précédé de l'indication n" désigne le numéro sous lequel paraît, dans
le présent livre, la Monographie de famille à laquelle le lecteur devra se reporter; si
le nombre est suivi du mot his. il s'agit seulement d'un Précis de Monographie annexé
à une précédente.
30 La lettre m, suivie de l'indication § (entre parenthèses) d'un ou plusieurs para-
graphes, avertit le lecteur que le sujet énoncé dans la table a sa place marquée dans
l'une ou plusieurs des subdivisions du ca ire commun à toutes les Monographies, et
lui apprend à quel paragraphe le sujet est méthodiquement abordé dans chaque Mo-
nographie ou Précis de Monographie.
40 La mention (Déf.) rappelle que le mot a été défini dans l'Index du ïome II de la
2" série.
Absentéisme des puopriétaibes. 'Déf.)
Abus de la puissance. (Déf.) — Incon-
vénients moraux i)Our la ville d'Angou-
lême, de sa forte garnison, 276.
Ap.us de la iucuesse. (Déf.)
Abus des cultuiies intellectuelles.
(Déf.) — Exemple chez les ouvriers pa-
risiens, ."jS, 71.
Accouchements (Sekvice des). — A
l'usine de Guise, société d'assurances, 4.3.
— A Nancy, secours donnés par les
Dames de charité et les Sœurs, 484.
Afi OUAGE (Droits d). — Dans le Haul-
Forez, 420.
Age mur (l) et la vieillesse. (Déf.) —
Exemple des familles-souches du Ilaut-
Forez, 45G.
Agiuculture. (Déf.) —Monographie du
métayer du Texas, 101; des fermiers
montagnards du Ilaul-Forez, 397. — Pro-
duction agricole du Texas, 104; constitu-
tion agricole basée sur le « domaine
aggloméré », 10G; catégories d'habitants,
« ranchmen », |)roi)riétaires éleveurs;
(( farmers »; cultivateurs, « rcnlers »,
colons partiaires; « hired hands », ou-
514
TABLE ALPHABETIQUE ET ANALYTIQUE.
viiers domestiques, 107: valeiirtles terres,
134; le « hoinestead », 137; colonisation
de rOuest du Texas, loi. — Les races
animales à Saint-Genest-Malifaux, 401;
iransformation agricole du pays, 402;
industries agricoles : bois et fermes, 403;
travaux de la ferme, 421; exploitation
des bois, reboisement, 466; fermes-laite-
ries, 4G8; transformation agricole par
l'introduction de races meilleures, et
création de |)rairies, 46ît; transformation
commerciale, 470. — Orphelinats agri-
coles à Nancy, 507.
Alcoolisme. — L'intempérance tend à
décroître chez les ouvriers de Guise, 7. —
Exemple de la ruine d'une famille ou-
vrière de Paris, 178, 193. — Chez le tis-
seur de San-Leucio, l'intempérance du
père de la femme empêche l'amélioration
matérielle de la famille, 3i4, 348. —
Vice répandu dans le Haul-Forez, 413.
Alimems consommés par les familles
d'ouvriers décrites dans le présent volume,
m (Il 9 et t5, S°" 1) : n° 73, 13, '24;
no 74, 65, 78; no 75, 127, 144; n" 76, 188,
200; n» 77, 233, 246; n» 78, 282, 296;
n» 79, 340, 356; w 80, 424, 440; n" 81,
486, 498. — Statistique de leurs prix
et valeur nutritive à Bàle, 269.
ALLL\Nr.li DES TRAVAUX DE l'aTELIEU ET
DES INDUSTRIES DOMESTIOUES. (Déf.) — Le
jardinage chez l'ajusteur de Guise, 12;
l'employé de la Papeterie d'Angoulême,
280, 282; le tisseur de San-Leucio, 339;
l'allumeur de réverbères de Nancy, 486.
— Alliance de l'agriculture et de l'indus-
trie rubanièrc dans le Haut-Forez, 404. —
Utilité de l'alliance des travaux agricoles
et industriels pour les ouvriers; subven-
tion importante, 505.
Allocations d'objets et de services.
— Exemples d'allocations de ce genre
reçues par les ouvriers à titre de subven-
tions, dans les monographies que ren-
ferme ce volume, m (P, 7, 14, S"" lly;
n" 73, 10, 21; n" 74, 63, 75; n" 75, 122,
140; a" 76, 184, 196; n" 77, 231, 242 : n" 78,
279, 292 ; n" 79, 337, 352 ; n" 80, 419, 436 ;
n"81, 483, 494.
Allumeur de réveiïbères. — Monogra-
phie d'un allumeur de Nancy, n"81, 477.
Angoulème ('Charente). — Ville habitée
par la famille d'ouvriers de la Papeterie
coopérative, décrite sous le u" 78 ; popu-
lation, 274; industrie, 275; la Papeterie
coopérative Laroche-Joubert, 302.
Animaux domestioues entretenus par les
ouvriers, m (gg 6, 14, S™ 1) : n" 73, 9,
20; n" 74, 62; n" 75, 122, 140; n" 76, 184;
n'' 79, 337, 352; n" 80, il8, 436: n" 81,
483, 494.
.\nta(;omsme social. (Déf.) — Dans les
milieux ouvriers parisiens, 59. — Premiers
symptômes aux États-Unis, entre les
« farmers » et les « ranchmen », 160.
.apprentissage. (Def.) — Société du
« Patronage des enfants de l'Ébénislerie »
à Paris, 72,
Argent possédé par les familles d'ou-
vriers décrites dans le présent volume,
m 'M 6, 14, S»» 1) : n" 73, 9, 20; n" 74,
62, 74; n» 75, 122, 140; n" 76, 183, 196;
n" 77, 230, 242; n" 78, 279, 292; n" 79,
337, 352; n" 80, 418, 436.
.Aristocratie. (Déf.). — Administration
des « anciens du peuple » établie par Fer-
dinand ]'=■■, à San-Leucio, 372.
Artisans ruraux. (Déf.) — N" 80.
Art des iorêts. (Déf.) — Exploitation
des bois dans le llaul-l'orez, 466.
Arts, métiers ou travaux usuels.
(Déf.).
.\rts ou professions lirék\les. (Déf.)
— (Voir Clergé, Ecoles, Médecins.)
.Assistance contre les accidents, la mala-
die, l'inlirmilé, la vieillesse, le déniiment.
— Organisée complèlement à l'usine de
Guise, 41. — Donnée, au Texas, par les
voisins, 12i. — L'Assistance Kuol,à Paris,
disjionsaire gratuit pour les enfants, iîO;
TAIiLE ALIMIAUETIQUR ET ANALYTIOUE.
5i;
dislril)ittion de secours et fiHcs populaires.
221. — A Bille, nouihrouses sociétés pri-
vées, Société suisse d'utilité publique, 240.
— .\ San-Leucio, soins du médecin, de
la sage-femme et remèdes assurés gra-
tuitement par la commune, ■iM; institu-
tions et maisons créées par Ferdinand ]"■,
abolies aujourd'hui, 3i9, 373. — A
Saint-Genest-Malifaux, assistance organi-
sée par les communes, châtelains, clergé,
médecin subventionné, hôpital, 415. — A
Nancy, bureau de Bienfaisance, Société
Saint-Vincent de Paul, 481, 484-, orpheli-
nats agricoles, 507.
AssLRANCics. — Système complet de
caisses d'assurances à l'usine de Guise, 4 1 ;
contre les accidents, 42, 43. — Contre la
maladie : à Guise, pour tous les ouvriers,
43 ; spéciale aux dames pour les accou-
chements, 43; fonds de pharmacie, 44;
chez l'ébéniste parisien, 72; le savetier
de Bàle, par une société politique, 240;
les ouvriers bâlois, 259 ; l'employé
d'Angoulême, 290. — Contre l'incendie :
chez l'ébéniste parisien, 72; les ouvriers
bâlois, 249; le fermier du Forez, 439. —
Contre l'infirmité etla vieillesse: à Guise,
retraite pour les anciens travailleurs, 42 ; à
la O" du Gaz de Nancy, 492. — Sur la
vie : chez quelques ouvriers de Bàle, 249;
de San-Leucio, 39).
AssLRANCh: .MUTUELLE (Sociétés d'). —
Dépenses qui les concernent, m (g 15,
S™ V) : n" 73, 27, n" 74; 81; n" 77, 248;
n'^ 78, 299 ; n" 80, 443. (V. Sociétés.)
.4.TiaiER DE TRAVAIL. (Déf.) — ÎH (gg 1,
8), n" 73, 2, 10; n" 74, 53, 63; n° 75, 101,
124; n" 76, 173, 185; n" 77, 225, 232; H" 78,
273, 280; n" 79, 325, 338; n" 80, 397, 421 ;
n" 81, 477, 485.
Al.mô>es faites par les familles d'ou-
vriers, m (g 15, S"" IV) : n"73, 27; n"7i,
80; n" 75, 146; n" 76, 202, n" 78, 298;
n- 79, 358; n° «0, 443.
.\i:TourrÉ patek.nklle. (Déf.) — Subsiste
chez l'ébénisle de Paris, 59. — Entière
chez le fermier du Texas, lli. — Con-
servée chez l'employé de la Papeterie
d'.\ngoulême, 277. — Enlière chez les
paysans du Ilaut-Forez, 412; maintenue
par la constitution de la famillc-^ouche,
456; respect des ancêtres, 456.
Autorités socL\LES. (Déf.) — Exemples
à Guise, 30; Angoulême, 302 ; Saint-Ge-
nest-Malifaux, i02, 410.
B
Balr. — Habitée par la familledu Save-
tier, monographie, n" 77. — Population et
impots, 226; les logements ouvriers, 235,
255; étude comparée de dix familles ou-
vrières, 254 : habitations ouvrières insuf-
fisantes et malsaines 255, état sanilaire
défectueux, 257; imprévoyance générale,
258; bonne moralité, 259; recettes, 261;
gain et durée du travail, 262; dépenses
267; taux des denrées alimentaires, 268;
misère et indigence d'une partie de la po-
pulation, 271.
Banques.— Au Texas, reçoivent dépots
sans intérêts; avances au taux de 12 96,
111.
Baptême. — Négligé jmur un de ses en-
fants par l'ébéniste parisien, 58. — Cé-
rémonies de l'Église bapti.->te, 113. — Les
noms de baptême dans le Haut-Forez,
409.
BÉNÉFICE DES INDUSTRIES entreprises à
son propre compte par chaque famille dé-
crite m (§§ 14, S"" IV, 16, S"" I): n° 73,
23, 28, 29 ; n" 74, 77, 82, 83; n" 75, 143,
148 à 153: n" 76, 199, 204, 205; n" 77,
245, 249; n» 78, 295, 300, 301 ;n<' 79,355,
362 ; n° 80, 439, 448; ir 81, 497, 503.
Besoins moraux (dépenses concernant
les), chez les ouvriers décrits dans le
présent volume, m (§ 15, S"" IV) : n" 73,
26; n» 74,80; n° 75, 146; n» 76, 202;
n" 77, 248; n" 78, 298; n» 79, 358; n" 80,
442; n" 81, 500.
Bien (le). (Déf.)— (Voyez Loi morale.)
Bien-être (Mo-urs et institutions assu-
516
TABLE ALrHABETIOLE ET ANALYTIOL'E.
rant le) des familles d'ouvriers décrites
dans le présent volume, m (§ 13) : n° 73,
18; n" 7i, 71; n" 75, 136; n" 76, 195; n» 77,
240; n° 78, 290; n" 79, 348; n» 80, 43i;
no 81, 492.
Bijoux possédés par les familles d'ou-
vriers décrites dans le présent volume,
m (§ 10) : n" 73, 15; n" 7i, 08: n" 76,
191 ; n" 77, 238; n'' 79, 343 ; n" 80, 429.
Blanchissage du linge et des vi^;TE-
ME^TS. — N° 73, 12, 22, 28; n'^ 74. 80,
84; n» 75, 126, 150; n" 76, 187, 205;
n" 77, 233; n" 78, 282, 292,300; n" 79,
339, 354,360; n" 81, 483, 486, 494.
Blé. (Déf.) — (Voir Céréales.)
Bois de c.iiauifage et gombustii;lf.s,
consommés i)ar les familles décrites dans
le présent volume, tn (§ 15, S'" II) :
n" 73, 26; n" 74, 80; n" 75, 144; n" 76,
201; n» 77, 246: n» 78, 298; n" 79, 358;
n" 80, 442; n"81, 500.
Boissons permentées, consommées |)ar
les familles d'ouvriers décrites dans le
présent volume, m (§§ 9, 15, S"" I), n^ 73.
13, 25; n" 7i, 65, 79 ; n" 75, 127, 144;
n" 176, 188, 201; n" 77, 233, 247; n" 78,
283, 297; n" 79, 340, 357; n" 80, 425, 441 ;
n" 81, 487, 499.
Bonnes moeurs. — Chez l'ébéniste pa-
risien, maintenues malgré la perte de la
foi, 59. — Générales chez les » farmers »
du Tt'xas, 115. — Exemple de l'ouvrière
mouleuse de Paris, 179. — Chez le save-
tier de Baie, 229: et les ouvriers bàlois,
2.59. — A San-Leucio, les lois établies par
Ferdinand F'', basées sur la religion et la
morale, en ont assuré le maintien, 333,
368. — Dans le Haut-Forez. maintenues
|iar l'action du clergé, des congrégations
et l'exemple des châtelains, 410.
BoRDiERS. (Déf.j — Dans le Haul-Fo-
rez, 404.
Budgets DES familles d'ouvriers. [Déf.)
— i;Voyez Recettes, Déi'ENSes.)
C
Café. — Chez l'ouvrier de Guise, 13 ;
l'ébéniste de Paris, 65; le métayer du
Texas, 128; la mouleuse en jouets de
Paris, 188; le savetier de Bâie, 233; l'ou-
vrier d'Angoulême, 283 ; le tisseur de
San-Leucio, 357; le fermier du Forez,
441; l'allumeur de réverbères de Nancy,
499.
Catholiques romains, décrits dans le
présent volume. — Famille de l'ajusteur
surveillant de Guise, n" 73, 1; ébénistes
parisiens, n" 74, 53; ouvrière mouleuse
en jouets, de Paris, n» 75, 173; ouvrier
de la fabrique de papier d'Angoulême,
n° 78, 273; tisseur de San-Leucio, n" 79,
325 ; fermier montagnard du HaulForez,
n" 80, 397 ; allumeur de réverbères de
Nancy, n" 81. — Conversion d'une fa-
milled'ouvriersparisiens; eflicacité de la
propagande dans ce milieu, 2'>:>. — Rôle
important de la religion dans les lois
de Ferdinand 1" pour San-Leucio, 333. —
Puissance de la fui chez les paysans du Fo-
rez, 410. 452; sectes dissidentes : la Petite-
Église et le Béguinisme, 458; les mané-
canteries pour le recrutement du clergé.
461..
Céréales, consommées par les familles
d'ouvriers décritesdans le présent volume,
sous forme de farine, pain, pâles et pâtis-
serie, m ($§ 9, 15, S"- I) : n" 73, 13, 24;
n" 74, 65, 78; n" 75, 127, 144; n" 76, 188,
200; n" 77, 2-33, 246; n» 78, 283, 296;
n'^ 79, 340, 356; n° 80, 424, 440; n" 81, 487,
498.
Chasse. — Récréation favorite de l'em-
ployé de la Papeterie d'Angoulême, 286.
Chassignet (M.). — .Auteur de la mono-
graphie, n" 81 : rAlluiiiour de réverbères
de Nancy, 477.
Ciii.F m; métier (Ouvrier). (Déf.) — Ou-
vrière inouleu.se de jouets parisiens, 173.
— Savetier de l$;lle, 225. — Fermier
montagnard du Haut-Forez, 397.
Chômage. (Déf.) — Dans l'industrie
du moulage en carton des jouets, à Paris,
TABLE ALinfABKTlQLE ET A.NALVTIOIE.
:\[
ISfi; dans la cordonuerk- à Nancy, 485,
492. •
Classe imérielri:. (Déf.) — (Voyez
OlVKUCRS.
Clvsse siPÉKiECRE. (Déf.; — Aposlolat
religieux à Paris, •222. — Action charita-
ble à Bàle,2iO. à Nancy, 481. 484. — Son
influence dans le Haut-Forez, 402, 410.
Cler(;é. (Déf., — Prédication du
clergé baptiste au Texas, 113. — In-
Ihienci; illimitée et bienfaisante du clergé
catholique, dans le Haut-Forez. 410; or-
ganise l'instruction, 413; l'assistance, 416;
n n.anécanteries », petits pensionnats lo-
caux, pour assurer son recrulenient, 4fil.
Colonisation. — L'Ouest du Texas :
vente des terres par les chemins de fer.
1.55; commence par l'élevage des bestiaux
et chevaux, 156; les immigrants s'avan-
cent vers l'Ouest en revendant leurs do-
maines à bénéfice, 157; spéculation sur
les terres, 158.
Commerce. ^Déf.) — Baisse des prix
sous l'iniluence des coopératives, à Paris,
66; à Angoulêrae, pour le pain, 316. —
Rôle des grands magasins : dans l'ébénis-
terie écrasent les petits ateliers. 96; ar-
rivent à acheter au-dessous du prix de
revient aux ouvriers troleurs. 98 : dans
l'industrie du jouet, élèvent la produc-
tion, abaissent les cours. 212.
CoMMLNALTÉ RÉ<;iME de). (Déf. — Co-
propriété des biens communaux à Saint -
Genest-Malifaux, florissante, malgré quel-
ques abus, 463.
CoMMiNE. (Déf.; — San-Leucio Italie ,
325 ; historique, 36 i ; possède la manufac-
ture de soie, 367; oblige les patrons à
employer de préférence les ouvriers de la
commune, 392. — Canton deSaint-Genest-
Malifaux : les communes subventionnent
un médecin, 416; biens communaux im-
portants, 419; abus du mode d'exercice
463; statistiques de la répartition, pos-
session, exploitation, mobilisation du sol,
464.
Comptes \n>exés aux budgets des re'
cettes et des dépenses, ui i'i 16, S"" I).
— Comptes des bénéfices résultant des in-
dustries entreprises par les familles à
leur propre compte. — Les recettes, m
(§ 14, S"" Il(, provenant de ces indus-
tries, et les dépenses, m vj 15, S"" V),
sont détaillées. — La .situation générale
est établie dans le résumé de , comptes des
bénélices résultant des industries : n" 73,
28, 29; n» 74, 82, 83; n'^ 75, 148 à 1.53;
n" 76, 204, 205; n» 77, 249; n" 78, 300;
n° 79, 360 à 362 ; n"80, 444 à 448; n"8t,
.502. 503.
Section II, comptes relatifs aux sub-
ventions : n" 80, 449.
Section III, comptes divers : n" 74, 84
à 86; n» 75, 153; n" 76, 206; n» 79, 362 à
363; n" 80, 449 à 451; n"81, 503.
Co.NDIMEMS ET STIMULANTS. — CoUSOm-
més par les familles d'ouvriers décrites
dans le présent volume, m (§§ 9, 15, S""
I) : n'^ 73, 13, 25; n" 74, 65, 78; n» 75,
128, 145; n''76, 188, 201; n" 77, 233, 247;
n" 78, 283, 297; n" 79, 340, 357; n" 80,
454, 441; n"81, 487, 498.
Confréries religieuses. — .\ssurent le
maintien des pratiques religieuses, dans le
Haut-Forez, 408, 410.
Congrégations religieuses. — Dans
le Haut-Forez conservent l'instruction pri-
maire, 413 ; organisation de leur enseigne-
ment, 452; les Petits-Frères de Marie,
4.53: le « caméiistat », pensionnat où les
enfants apportent leurs vivres, 454.
Conjugales 'MoeurS; : n° 73, 6; n» 74,
59; no 75, 114; n" 76, 179; n' 77, 229;
n° 78, 277: n" 79, 333; n" 80, 412; n0 81;
480.
Constitution e.ssextielle de l'huma-
nité. (Déf.) — (Voir Autorité paternelle.
Communauté, Patronage, Propriété in-
dividuelle, Religion, Souveraineté).
Constitution sociale. (Déf.) — (Voir Vie
publique).
518
TABLE ALPnABETIOLE ET ANALYTIQUE.
Contrainte. Déf.) — (V. Autorité pa-
ternelle.)
CoopÉKATioN. — Société de consom-
mation du familistère de Guise, 4i. — In-
lluence de ces société.* à Paris, 60. —
Organisation et bons résultats de la Bou-
langerie coopérative d'Angoulême, 310. —
A l'usine de Guise, participation des ou-
vriers aux bénélices; transmission de la
propriété de l'usine aux participants, 47.
— Papeterie coopérative d'Angoulême,
■273 : y>articipalion des ouvriers aux bé-
néfices; mode de répartition, 302; co-
propriété de l'avoir social accordée aux
ouvriers coopérateurs, leur part à l'admi-
nistration, 311.
CoKi'ORATioss. (Déf. —Tendances cor-
poratives du « Patronage des enfants de
l'ébénisterie » à Paris, 73.
Corps (;i!as consommés par les fa-
milles décrites dans le présent volume,
m. (B 9, 15, S"" 1) : n» 73, 13, 24;
n'>74, 65, 78; n" 75, 127, 144; n» 76, 188,
200; n» 77, 233,246; n» 78, 283, 290;
n» 79, 340,350 ;n° 80, 424,440; n«81,487,
498.
Corvées récréatives. (Déf.)
CosTOMES locaux : disparus à San-Leucio,
343; à peu jirès dans le Haut-Forez, à
cause de la proximité des villes, 407, 428.
COLTLMKS DE LA PAIX SOCIALE. (Déf.)
— Détruites dans les milieux révolution-
naires parisiens, .59. — Assurées à San-
Leucio par les lois de Ferdinand l ', tom-
bées en désuétude, 333, 3i3, 3i9, 365 et
suiv. — A Saint-Genest-Malifaux, mainte-
nues entièrement par la pratique du pa-
tronage cbez les barons de Saint-Genest, et
l'inlluence du clergé, 402, 410, 412.
Coutume des ateliers. 'Déf.; — Main-
tenues en partie à L'usine de Guise, 51. —
A la Papeterie coopérative d'Angoulême,
277, 321.
Croyances religieuses, m S 3 ; n" 73,
7; n" 7i, 58; n" 75, 112; n" 70, 180;
n" 77, 229; n" 78, 277; n» 79, 332; n" 80,
409; n° 81, 480.
Cueillette des productions spontanées,
(Déf.) — Importante dans le Haut-Forez,
400, 420. — ;Voir Chasse, Pècue.)
Culte. — Pratiques et dépenses qu'il
entraine par les familles d'ouvriers, nt
§§ 3, 15, S" IV) : n" 73, 7, 20; n" 74,
58, 80; n« 75, 112, 146; n» 76, 202 ; n° 77,
229; n" 78, 277, 298; n» 99, 333, 3-58;
no 80, 409, 442; n" 81, 487, 500.
Culte des anci^-tres ou des morts. —
Développé dans le Haut-Forez, 456.
Culture. — i" Grande culture, au
Texas, 106, 120, 124, comptes d'un mé-
tayer, 148.
2° Petite culture, à San-Leucio, 329. -
Dans le Haut-Forez, 403, 422. 464, comp-
tes d'un fermier, 444; les fermes- laiteries,
408.
D
Danses. — Très appréciées chez les
« Farmers » du Texas, 132. — Prohibées
par le clergé dans le Haut-Forez, 430.
DÉiiMTioN du lieu, de lorganisation in-
dustrielle et de la famille, m (§§ 1 à 5) :
u' 73, 1 à 8 ; n" 74, 53 à 63 ; n" 75, 101 à
124; n" 70, 173 à 182; n" 77, 225 à 230;
n" 78, 273 à 278; n" 79, 325 à 336 ; n» 80,
397 à 417; n" 81, 477 à 482.
DÉMOCRATIE. (Déf.) — Dans les milieux
ouvriers parisiens, 58, 61, 180. — Au Texas,
institutions, 137, 159; aspirations démo-
cratiques, 160; dangers jour la liberté,
164; gouvernement local, lOO.
DÉPENSES (BuD(^ET des) de l'année, de
chacune des familles d ouvriers décrites
dans le présent volume, m (§ 15) : n» 73,
24; n" 74, 78; n» 75, 144; n" 70, 196; n" 77,
246; n" 78, 206; n» 79, 366 ; n" 80, 440;
110 81, 500.
De dix familles ouvrières bàloises, 2<>7;
de 11 familles ouvrières de San-Leucio ,
3S7.
TABLR ALIMIABETIOLE ET ANALYTIOLE.
oin
Dettes contractées par les ouvriers et
obligations qu'elles leur imposent, m(§ 15,
S"" V) : n" 75, 147; n» 7G, 20:}: n" 80, 443 :
Dimanche (Repos dl;. — Observé par
les familles d'ouvriers de Guise, 11 ; l'ébé-
niste parisien, 64; les ouvriers du
Texas, 113; le tisseur de San-Leucio, 344;
les fermiers du Ilaut-Forez, 4'^9. — In-
complètement observé par l'allumeur de
réverbères de Nancy, 480. — Non observé
par la mouleuse de jouets de Paris, à cause
du travail pressant, 180; par le savetier
de Bàle_, 238 ; par l'ouvrier de la pape-
terie d'Angouléme, à cause des besoins du
service, et contre son gré, 270.
Domestiques Oivriers). 'Déf.) — Au
Texas appelés « hired bands », bonne si-
tuation, 109.
Droit de révolte. (Déf.) — Progrès
de cette idée chez les ouvriers parisiens,
59,61.
Droits d'us\ce accordés aux ouvriers à
titre de subvention, m (g 14, S"" II).
Droits de pâture et de pèche, chez l'em-
ployé d'Angouléme, 286, 292. — Autrefois
à San-Leucio, sur les bois morts, supprimé
par les lois nouvelles, 328. — Très éten-
dus dans le Haut-Forez, sur les forêts
communales et propriétés, 419, 420, 4.36.
Ébémsterie. — Localisée au Faubourg
Saint-Antoine, à Paris, 53: les diverses
parties de l'industrie, 55; caractères des
ouvriers, 56; « Patronage des enfants de
l'Ébénisterie », 72; monographie d'un
atelier de haut luxe : organisation com-
merciale, les bureaux, la comptabilité, 87;
détail des dépenses et recettes, 89 ; opéra-
tions subies par le meuble .sculpté, 91 ;
organisation du travail, 93; le meuble
bourgeois : écrasement du petit patron et
de l'ouvrier par le grand magasin, 95 ;
meuble de trole, fabriqué d'avance, sans
savoir à qui on le vendra : acheté par les
marchands au-dessous du prix de revient;
détresse constante de l'ouvrier trôleur,
98.
«
Éclaira(;e noMESTiQLE. — Dépense qu'il
entraine chez les familles d'ouvriers dé-
crites dans le présent volume, m (g 15,
S»" II;; n° 73, 26; n" 74, 80; u" 75, 145;
n'' 76, 201 ; II» 77, 247; n» 78, 298; n» 79,
358; n» 80, 441; n» 81, 500.
Écoles. Déf.) — Écoles fréquentées
par les enfants d'ouvriers décrites dans
le présent volume, ?h g 3). — !<> Non con-
fessionnelles : à Guise, dépendent de la
Société de l'usine, 6; au Texas (États-
Unis), non obligatoires, gratuites et pro-
pagées par le gouvernement ap[)uyé par
les « farmers »; impôts et organisations,
116; gratuites à Paris, 63, 184: à Bâle,
229. — 2° Confessionnelles; à San-Leucio,
instituées par Ferdinand l '^ asile et école
unique, 350; danslellaut-Foiez, instituées
par le clergé, dirigées par les congréga-
tions, gratuites, 415, 452.
Education. (Déf.) — N» 73, 6, 18;
a-' 75, 59, 71 ; n" 75, 115, 119; n" 76, 180,
195; n° 77, 229; n» 78, 277, 286; n" 79,
334, 350; n» 80, 412; a" 81. 480.
ÉGALITÉ PROVIDENTIELLE. Déf.)
Élévatio.n sociale. — Les ouvriers
parvenant à la co propriété de l'usine, au
familistère de Guise, 8, 45 à 48; à la
Papeterie d'Angouléme, par la participation
aux bénéfices, 287, 290, 310, 319. — As-
cension sociale des enfants dans la classe
des ébénistes parisiens, 56, 71; exemple
de la femme tailleuse, arri\ant au patro-
nat. 61. — Dans 1 industiie du jouet, élé-
vation impossible par l'abus du marchan-
dage. 175. — .\ccession au patronat, empo-
chée, pour la mouleuse en jouets, par la
déloyauté d'un fabricant, 182, 183. —
Impossible pour le savetier de Mâle, faute
de gain régulier, 230. — Diflicile pour le
tisseur de San-Leucio, faute de situation
stable, 3 48. — Impossible ou sans impor-
lance pour l'allumeur de réverbères de
Nancy, 482, 493. — Diflicile pour le fermier
du Forez, à cause des dettes, des lourds
520
TABLE ALrnABETIQUE ET ANALYTIQUE.
fermages, et du reste peu désirée, 417,
433.
Émi(;ratio\. — 1° A l'intérieur : dans le
Haul-Forez (Loire), vers les villes indus-
trielles, 401;; désorganise les éinigrants,
434. — T' .K l'extérieur : colonisation du
Texas par les éniigrants européens, l.'JS;
avantages de cette région et du Nord de
l'Amérique, pour les Européens, 170.
Employé. — Monograpliie de l'Ouvrier
emi)loyé de la Papeterie coopérative d'An-
goulème, n" 78, 273.
Emprunts contractés par les familles
ouvrières décrites dans le présent volume,
m (g 15, secl. V). — (Voir Dettes.)
Enfance (l) et la Jeunesse. (Déf.) —
m (g 3). — A l'usine de Guise, la nourri-
cerie, pour habituer les enfants à vivre en
communauté, 40. — « Patronage des
enfants de l'Kbénisterie » à Paris, société
de protection et d'enseignement profes-
sionnel, à tendances corporatives, 12. —
L'Assistance Ruel. dispensaire gratuit et
fêtes populaires, 220. — Orphelinats agri-
coles à Nancy, 507. — Admission des en-
fants dans les sociétés de secours mutuels
de cette ville, 5oy. — (Voir Écoles.)
Enkants. — Nombre des enfants dans
les familles décrites; leur genre de vie et
de travaux, m (g 2, 3, 8) : n^ 73, 5, G, 12 :
n» 74, 57, 59. 84; n» 75, 112, 115, 126;
no76, 178, 171), 187;no77, 228, 229; n» 78,
276, 277, 282; n» 79, .332, 339; n» 80, 408,
412, 423, 433; n" 81, 479, 480, 480.
Engagements. — (Voir Engagements
FORCÉS, engagements VOLONTAIRES, PER-
MANENTS OU MOM ÉMANÉS.)
Engagements forcés. — Inusités dans
les familles décrites dans le présent vo-
vohniie.
Engagements volontaires permanents :
n» 73, 1, i7 ; n" 78, 273; n' 79, 325; n" 81,
477.
Engagements volontaires momentanés :
n" 74, 53; 11" 75, 101 ; n» 76, 173; n° 80,
397.
Enouktes (Méthode des). (Déf) —
Avertissement, I.
Épargne (Habitudes n). (Déf.) —
Exemples observés : chez le fermier du
Texas, 135; la mouleuse de jouets pari-
sienne, 195; le tisseur de San-Leucio.
336; le fermier du Ilaut-Forez, 417, 434.
— Font défaut chez l'ébéniste parisien, 71 ;
chez l'allumeur de réverbères de Nancy,
493. — Société mutuelle de Saint-Fran-
çois Xavier, à Nancy, pour développer
l'esprit d'épargne, 510.
Épargne annuelle réalisée par certaines
familles d'ouvriers décrites dans le présent
volume, m (g 15, S»" V). Quantité et em-
ploi : n" 73, 22; n» 75, 147 ; n' 78, 299 ;
ir 79, 359; n" 81, 501.
Erreur fondamentale de 1789. (Déf.)
État civil de chaque famille d'ouvriers
décrite dans le présent volume, m (§ 2) :
n" 73, 5; n" 74, 57; w^lh, 112; n" 76,
178; no 77, 228; n° 78, 276; n° 79, 332;
n" 80, 408; n" 81, 479.
État du sol, de l'industrie et de la
population. Ht (g 1) : n" 73, 1 ; n" 74, 53 ;
n'^ 75, 101; n" 76, 173; n» 77, 225; n» 78,
273; n" 79, 332; n" 80, 397; n" 81, 477..
Existence (Phases principvles de l') des
familles décrites dans le présent volume,
m (g 12) : n" 73, 18; n" 74, 69; n"75,
133; n" 76, 192; n" 77, 239; n" 78, 287 ;
n> 79, 3'i6; n" 8o, 431 ; m 81, 490.
F
Fabrioue collective. (Déf.) — Mono-
graphie de l'ouvrière mouleuse en car-
tonnage de jouets parisiens, n" 75, 174,
185: forme une des deux catégories de
l'industrie du jouet, 209 ; monographie de
la fabrique de poupées de haut luxe :
bébé Jumeau, 216; la concurrence abaisse
la condition du salariat, 220. —Fabriques
TABLE ALPHABETIQUE ET ANALYTIQUE.
)21
colleclives de rubans dans le Ilaul-Forez
iOi, 474.
Faits sociaux. (Déf.)
Faits sociaux remarquables, m (§ 17 et
suiv.) : n» 73 (?.g 17 à 24); n» 74 (§g 17 à
19); n"75 m 17 à 20); n» 76 (gg 17 à 22);
n" 77 m 1" à 19) ; n» 78 {B. 17 à 21) ; n» 79
(g? 17 à 21); H" 80 (gg 17 à 27); n" 81 (17
et 18.
Familiales (Moeurs), ?n (g 3) : n" 73, 6;
n" 74, 58; n" 75, 112 ;n" 76, 179; n" 77,
229: n" 78, 277; n" 79, 333; n" 80, 412;
n" 81, 480.
Familistère et usine de Guise. — Appa-
reils de chauffage, ustensiles de cuisine,
quincaillerie : situation et personnel, 2;
écoles, 6; théâtre, fêtes, sociétés attrac-
tives, 16; histoire : fondé par M. Godin
en application des principes de Fourier,
.30 ; développement et prospérité, 32 ; tra-
vaux et production, 35; familistères ou
cités ouvrières, orsjanisalion basée sur
l'hygiène, 36 ; conseil d'administration, 38;
logements petits, uniformes, ne se prêtant
pas aux nombreuses familles, 39 : la nour-
ricerie pour les enfants, 40; système com-
plet d'assurances administrées par des
comités d'associés et d'élus de tous les
ouvriers, 41; société coopérative de con-
sommation, 44; participation des ouvriers
aux bénéfices, transmission delà propriété
de l'usine aux participants, 45; direction
et administration, 49; bons résultats :
1 avenir semble assuré, maintien de la paix
sociale, 51 . — Familistère de Laeken (Bel-
gique), succursale et copie de Guise, 51,
Famille instable. (Déf.) — Exemple
chez l'ébéniste parisien, 57.
Famili£ patriarcale. (Déf.)
FAMiLLE-soLcnE. (Déf.) — Exemple
chez le tisseur de San-Lcucio, 335. — Le
fermier montagnard du Ilaut-Forez, 404.
408; exemple d'une famille modèle, trans-
mission intégrale des biens, 458.
Farmers ou cultivateurs aux États-
Unis. — Monographie du métayer du Texas,
101, partie la plus nombreuse et la plus
solide de la population, 107; moralité, 115;
administration économe. 159; croyance à
la puissance de la législation, et mesures
imprudentes, IGO; « Farmei's Alliance »,
société secrète, agissements politi(|ues
nuisant à son prestige, 102; leur luxe
cause de ruine, sauf au Texas, 105.
FÉCONDITÉ unie à l'émigration, s'il en
est besoin. (Déf.) — Existe chez les
« farmers » du Texas, 116; chez le tisseur
de San-Leucio, 332 ; chez les paysans
du Haut-Forez, 406, 412, 417.
Femme. — Son rôle chez l'ajusteur de
Guise, 12; chez l'ébéniste de Paris, 64;
chez le métayer du Texas, 114; la mou-
leuse en jouets, de Paris, 178,179,192;
chez le savetier de Bàle, 232; contribue
proportionnellement plus ([ue le mari aux
ressources communes, 250 à 253 ; l'ouvrier
d'Angoulême, 277,281; le tisseur de San-
Leucio. 334 : le fermier du Haut-Forez,
412,423; l'allumeur de réverbères de
Nancy, i86.
Femme (Respect de la). (Déf.) — Com-
promis par l'emploi des femmes à la Pa-
peterie d'Angoulême, 289. — Assuré dans
des manufactures de rubans du Haut-
Forez surveillées par des Sœurs, 473.
Fermiers. — Monographie des fermiers
montagnards du Haut-Forez, n*» 80, .397;
travaux de la ferme, 421; fermes-laite-
ries, 468.
FÊTES poi'LL\iuEs. — M (§ II). — Orga-
nisées à Guise par la Société de l'usine;
fêles du Travail et de l'Enfance, 16. —
A Paris, données par l'Assistance Ruel,
221.
FÊTFS relicieuses. — Au Texas les
« meetings » de l'Église baptiste, 113;
désordres qui résultent des « meetings»
tenus dans les bois, 114. — .\ San-Leu-
cio, à Piques, fête locale caractéristique,
des «amoureux »etdu « pardon», 345. —
Dans le Haut-Forez, missions et pèleri-
nages, 415; la « vogue », fête locale, de
Saint-Genest, fondue avec celle du Co-
mice agricole, 430.
:\'9A
TABLE ALPHABETIQUE ET ANALYTIQLE.
FivNr.vii-i.Es. (Déf.) — Couluines insti-
tués par Ferdinani I" à San-Leucio, dont
les vestiges subsistent encore, 3i5.
Foyer (Union indissoluble de la famille
et du . (Déf.) — Ein|)(^cliée à Guise par
l'organisation du familistère, 3'J. — Fa-
vorisée aux États-Unis par 1" homestead
exemption », 137. — Dans les familles-sou-
ches du Haut-Forez, très réi)andue, 404,
417, 455.
FoYEK d:)Mestiqli:. (Déf. — .\u fami-
listère de Guise, instable et ne se prêtant
pas aux familles nombreuses. 39. — Aux
États-Unis stable, grâce au « homestead»,
137.
Fkance (V. Angoulkme, Giise, N\nc\,
Pvius, Saim-Genest-Mvliivix).
Froment. — Seule céréale consommée
chez l'ajusteur mécanicien de Guise, 24;
l'ébéniste parisien, 78; le métayer du
Texas, 144, 148; la mouleuse en jouets de
Paris, 200; le savetier de Bàle, 2.33,246;
l'employé de la Papeterie d'.\ngoulèine,
2%: l'allumeur de réverbères de Nancy,
498. — Céréale principale chez le tisseur
de soie de San-Leucio, 340, 356. — Cé-
réale tout à fait accessoire, chez le fer-
mier du Haut-Forez, 425, 440.
Fruits consommés jtar les familles
d'ouvriers décrites dansle présent volume,
m (§§ 9, 15, S"" 1) : n" 73, 25 ; n ' 74, 65,
79; n" 75, 128, 144; n'' 76, 188, 200; n"
77, 233, 246 ; n" 78, 283, 297 ; n" 79, 340,
357; n" 80, 424, 441 ; n" 81, 487.
GoDiN (Feu M.). — Fondateur de l'u-
sine et du familistère de Guise, applica-
tion des doctrines fouriéristes : histoire,
idées sociales, résultats obtenus, 30.
GoÙTs ARTISTIQUES. — Tivs développés
chez certains ouvriers parisiens, 180,
189, 192 ; chez les enfants de l'ouvrier
d'Angoulême, 286.
GuÉRiN (M. Urbvi.n). — Auteur de la
monographie n" 73 : Ajusteur surveillant
de Guise, r, et de la monographie n" 78 :
Ouvrier de la papeterie d'Angoulême,
273.
Guise (chef-lieu de canton, déj)artement
de l'Aisne), résidence de la famille dé-
crite sous le n" 73. — Situation, 1. — Cli-
mat, population, industrie, usine et fa-
milistère, 2, 30.
H
lIvBiTVTio.N des familles ouvrières dé-
crites dans le présent volume, m (gg 6,
10, 15, S°" II) : n" 73, 13. 26; n" 74,
66, 80; n° 75, 129, 145; n» 76, 189, 201;
n" 77, 2.35, 247; n" 78, 279, 283, 297;
II" 79, 336, 341, 358; n" 80, 418, 425,
442; n" 81, 482, 487, 500.
Habitudes morales, m (§ 3) : n" 73, 7,
n»74, 58; n" 75, 112; n" 76, 179; n» 77,
229; n"78, 277; n" 79, 332; n" 80, 409;
n" 81, 480.
HÉRITIER Institution d'). (Déf.) — Au
Texas, les pères de famille établissent leurs
fils sur une partie des domaines, 121. —
Subsiste chez le fermier du Haut-Forez,
434, et dans les familles-.souches du
pays, 456.
Histoire de la famille, décrite dans
chaque monographie du présent volume,
JH (gg 12 et 13; : n" 73, 18; n" 74, 69;
n" 75, 133, 136; n" 76, 192, 195; n" 77,
239, 240; n" 78, 287 à 291 ; n" 79, 346 à
351; n" 80, 431 à 435; n" 81, 490 à 493.
Homestead exemption. — Aux États-
Unis, droit attribué sur la terre ou
maison d'habitation, à la femme pendant
le mariage et le veuvage, ainsi qu'aux
enfants mineurs, 137.
HvGiÈNE, m (g 4) : n" 73, 8; n" 74, 60;
n" 75, 119; n" 76, 181 ; n" 77, 229; n" 78,
278; n"79, 334; n"80, 4l4 ; n"81, 481.
Idées dominantes. (Déf.
TITUTION ESS^ÏNTIELLE.)
— (V. CoNs-
TABLE ALl'HABKTlQL'Ii: KT ANALYTIQUE.
5:>3
hniicLBLES possédés par les familles
d'ouvriers décrites dans le prissent vo-
lume, m g 0, g li, S'" I.) : n" 75, 122,
liO; n" 7'J, 336, 352.
Impôts payés par quelques familles
d'ouvriers, m (§ 15, S»" V.) : n° 73, 27 ;
n" 75, 147; n» 78, 299; n» 79, 359; n" 80,
'ii3.
Impôts Étude sir les). — Impôts éta-
blis au Texas pour propager 1 instruc-
tion, 116; le faible poids des taxes favo-
rise la classe agricole, 139. — A Bâle,
système buinanitaire : progressifs sur le
revenu du travail, sur la fortune, impôt
communal, 226. — Stastitique des impôts
à San-Leucio, 330.
Imprévoyance. (D,^f.; — Chez les ou-
vriers bàlois, 258; chez l'allumeur de ré-
verbères de Nancy, 493. V. Prévoyance.;
Industrie mvnuvactcrière. (Déf.) —
Ajusteur surveillant de Guise '.\isne;,
D" 7;<, 1. — Ébéniste parisien de haut
luxe, n" 74, 53. — Ouvrière mouleuse en
cartonnagede jouets parisiens, n' 76, 173.
— Savetier de Bàle, n'" 77, 225. — Ou-
vrier de la fabrique de papiers d'Angou-
lème, n" 78, 273. — Tisseur de soie de
San-Leucio, n" 79, 325. — Fermier du
Haut-Forez, n" 80, 397 : alliance de l'agri-
culture et de l'industrie rubanieie, 405,
423, 472.
Industries domestioies. — Entre|irises
à leur propre compte par les familles
d'ouvriers décrites dans le présent vo-
lume, m {Ji 8, 14, S"" IV, 16, l, : n" 73,
10, 22, 28; n" 74, 64, 76, 82; n" 75, 124,
148; n- 76, 187, 198, 205; n" 77,232,
244, 2'»9; H" 78, 282, 29i, 300; n''79,
339, 354, 360; n" 80, 421, 438. 444 ; n" 81 ,
486, 496, 502.
Industrie pastorale. (Déf.) — Acces-
soire au Texas. 106. — Importante dans
le Haut-Forez, iO>, 468, 469.
Inégalité des conditions. (Déf.) — (V.
Loi morale, Pain quotidien.)
Institutions. Déf.) — (V. Vie privée,
Vie publique.)
Instruction des enfants des familles
ouvrières décrites dans le |)résent vo-
lume, m '-^l 3, 15, S"" IV} : n" 73, 6, 26 ;
n" 74, 80 ;n» 75, 116; n" 76, 179,202; n"77,
229, 248; n" 78, 278, 298; n" 79,334,356:
n" 80, 413; n" 81, 500.
Intestat (Coutumes ou lois ab. . Déf.)
— Au Te.xas, partage égal en général, 121.
— Lois de Ferdinand 1"^ j)our San-Leucio,
partage égal, 372.
Italie. — (V. San-Leucio.)
JxNNET (Feu m. Claudio). — Auteur de
la Monographie du Métayer de l'Ouest du
Texas, n"75, p. ici.
Jouets. — Organisation de l'industrie
du jouet à Paris, au Marais, 173; jouets
en carton moulé, 176; descrijjtion de l'a-
telier de moulage, 185; division en 2
grandes catégories : manufactures et fa-
briques collectives, 209; intluence des
grands magasins, 211 ; la spécialité métal
haut luxe, indépendante et prospère, 213 :
la fabrique collective de poupées de haut
luxe : bébé Jumeau, 216.
Journalier. (Déf.) — Monographie de
l'ébéniste parisien, 53. — Du fermier mon-
tagnard du Haut-Forez, 397, 423.
JouRNvux. — Chez l'ouvrier ajusteur
de Guise, 7. 15; l'ébéniste parisien, 69;
la mouleuse de jouets parisiens, 181;
le savetier de Bàle, 229, 238; l'ouvrierde
la papeterie d'Angoulême, 277; le fermier
du Haut-Forez, 'j14; l'allumeur de réver-
bères de Nancy, 490.
Journées de trvvail (Nombre des)
fournies par les divers membres des fa-
milles d'ouvriers décrites dans le présent
TABLE ALPHABETIQUE ET ANALYTIQUE.
volume, m (§ 14, S"" III) : ir 7:}, 22; n"
74, 76 ; n» 75, 142 ; n° 7G, t>J8 ; n» 77, 244 ;
n» 78, 294; n» 79, 354; n» 80, 438; n» 81,
496.
JuLiN (.M. Arm\.nd). — Auteur d'une
note annexée à la Monographie de l' Ajus-
teur-surveillant de Guise, 51.
Laitage et oiiuis consomint's par les
familles d'ouvriers décrites dans le pré-
sent volume, m (§§ 9, 15, S°" 1) : n"
73, 13, 24; n" 74, 65, 78; n" 75, 127, 144;
no 76, 188, 200; n° 77, 233, 246; n^ 78,
283, 296; n» 79, 340, 3.56; n« 80, 424, 440;
n« 81, 487, 498.
Landolt (M. Ch.). — Auteur de la Mo-
nographie du Savetier de Bàle, n" 77,
225.
LAROciiE-JouBEiiT (M.). — Fondateur
de la Papeterie coopérative d'Angoulême,
rem|)lacé à sa mort par son fils, 273,
302, 320.
LÉGUMES consommés par les familles
d'ouvriers décrites dans le présent vo-
lume, m (§§ 9, 15, sect. I) : n" 73, 13, 25 ;
no 74,65, 79;no 75^ i.>7^ 144. no -g^ t88,
200; no 77, 233, 246; no 78, 283, 297; no
79, 340, 357; no 80, 424, 441 ; no 81, 487,
499.
LiBEiîTi: (RÉGIME DE). (Déf.) — (V. Vie
PRIVÉE, Vie publique.)
Liberté systématique. (Déf.) — (V. Vie
privée, Vie publique.)
Liberté testamentaiue. (Déf.) — Ab-
solue au Texas, 121.
Lin(;e de ménage des familles décrites
dans le présent volume, m (§10) : n" 73,
14; no 74, 67; no 75, 130; n» 76, 190;
no 77, 238; n» 78, 284; n" 79, 3i3; n" 80,
428; no 81, 489.
Livres. — No 73, 14; no 74, 67; n" 75,
129 ; no 76, 190 ; no 78, 284; no 79, 342 ;
n" 80, 427; n" 81, 489.
Location (Régime de}. — Ouvriers se pro-
curant leur habitation par ce régime :
ajusteur de Guise, 13; ébéniste de Paris,
G(j ; mouleuse de jouets de Paris, 189; sa-
vetier de Bâle, 235 : allumeur de réver-
bères de .Nancy, 487. — Loyer fourni gra-
tuitement par la papeterie d'Angoulême, à
plusieurs ouvriers, 279, 283.
Logements ouvriers. — A Guise, les fa-
milistères, sains et hygiéniques, 3, 14, 36.
• — Insuffisamment aéré chez le savetier de
Bàle, 235; en général, à Bàle, insuffisants
et insalubres, 255. — Bons résultats de
« l'Immobilière nancéienne », cités ou-
vrières, prix modérés, 5o7.
Loi morale. (Déf.) — (V. Bonnes
MOEURS, Mauvaises moeurs.)
M
Macaroni. — Partie importante de l'ali-
mentation chez le tisseur de San-Leucio,
340, 356.
Maïs. — Céréale accessoire chez le tis-
seur de San-Leucio, 356.
MAL(le).(Déf.) — (V.Mauvaisesmoeurs.)
Mariage. — Règles établies par Ferdi-
nand T' à San-Leucio, présents du roi
aux mariés. 337, 345, 370; coutumes en-
core subsistantes, 376. — Coutumes dans
le Ha ut- Forez, 431.
Maroussem (M. P. du). — Auteur des
Monographies, n" 74 : Ébéniste parisien
de haut luxe, 58; no 76 : Ouvrière mou-
leuse en cartonnage de Paris, 173; n" 80 :
Fermiers montagnards du Ilaut-Forez,
397.
Matériel spécial des travaux et in-
dustries, m (§§ 6, 14, S"" I) : n» 73, 9,
20; no 74, 62, 74;no 75, 122, 140; no 76,
184, 196; n" 77, 231, 242; n» 78, 292; no
79, 337, 352; n" 80,418, i36; n» 81, 484,
494.
Mauvaises moeurs. — Favorisées par-
fois au Texas, par les « meetings » reli-
TABLE ALIMIABKTIQUE ET ANALYTIQUE.
j;icii.v tenus dans les bois, ll.">. — Exem-
ple du mari de l'ouvrière mouleuse de
Paris, 178, 193. — A Angouk^ne, favori-
sées par lemploi des femmes à la Pape-
terie, 275. 289. — Dans le Haut-Forez, ré-
sutlent de l'émigration vers les villes iii-
duslrieiles. i06, i3i.
Médecin. — Leur rôle important au
milieu des ouvriers de Paris, GO. — En
Italie, autorisés à tenir dépôt de médica-
ments dans les communes sans pharma-
cien, 335. — ASaint-Genest (Loire), sub-
ventionné par les communes, 416. — A
Nancy, organisation défectueuse de l'as-
sistance médicale, 481.
Mknage (Tkavaix de) dans les familles
ouvrières décrites au présent volume, m
(§§ 8, 14, S°° III) : no 73, 12, 22; n» 74,
64, 76; n" 75, 125, 142; n" 76, 187, 198;
n" 77, 232, 244; n» 78, 282, 294; n» 79^
339, 354; no 80, 421, 438; n" 81, 486, 496.'
MÉTAYACE. — Monographie du Métayer
de l'Ouest du Texas, n" 75, loi.
MisicRE des ouvriers ébénistes troleurs
à Paris, 98; d'une partie de la population
ouvrière bàloise, 271 ; à Nancy, depuis
le développement de la ville, 478. — Im-
possibilité pour beaucoup d'ouvriers de
subvenir par le travail, aux besoins de la
famille, 504.
MoRiLiER de l'habitation chez les familles
d'ouvriers décrites dans le présent volume,
m (§ 10): no73, 13; n" 74, 67; n» 75, 129;
no 76, 189: no 77 238 ; n» 78, 284; n" 79,
3i2; n" 80, 425; 81, 488.
Mode d'existence de la famille décrite
dans chacune des monographies du présent
volume, m (§§ 5 à 11) : n» 73, 8 à 17 ; n^
74, 61 à 69; no 75, 120 à 131 ; n" 76, 182
à 192 ; no 77, 230 à 239 ; n" 78, 278 à 286 ;
n» 79, 335 à 346; n" 80, 416 à 430 ; n" 81,
481 à 490.
Modèles ^les). (Déf.) — (V. RaN(; de la
I AMILLE.)
MoKURS (les). — (V. Bonnes MoiiURS,
Mauvaises moixks.^
Moyens d'existence de la famille décrite
dans chacune des monographies du pré-
sent volume, m (§§ 6 à 8) : 0073, 9 à 12;
n" 74, 62 à 93 ; n" 75, 122 à 126 ; n» 76, 183
à 187 ; no 77, 230 à 232 ; no 78, 279 à 282 ;
n" 79, 336 à 340 ; n" 80, 418 à 42 4 ; n" 81,
482 à 486.
Mutualité. — Institutions complètes de
l'usine de Guise, 41. — Pratiquée par l'é-
béniste parisien, 72; par l'employé de la
Papeterie d'Angoulême, 277; secours en
cas de maladie, 290. — Sa pratique man-
que absolument chez la mouleuse de
jouets parisiens, 195 ; l'allumeur de ré-
verbères de Nancy, 492. — Sociétés nom-
breuses et florissantes à Nancy, 507; ad-
mettent les enfants, 508; S'' St-François
Xavier, à base religieuse, développe les ha-
bitudes d'épargne, 510; « Persévérance »,
société d'ouvrières, 511. — Utilité des
membres honoraires pour la prospérité
matérielle et la paix sociale, 508.
N
Nancy (Meurthe-et-Moselle). — Ville
habitée par la famille de l'allumeur de ré-
verbères, décrite sous le n° 81, 477; climat,
développement, paupérisme, 478; situa-
tion religieuse et morale de la classe ou-
vrière, 479 ; institutions d'assistance :
orphelinats agricoles; Société Immobilière
pour les logements ouvriers; sociétés de
secours mutuels, 507 et suiv.
Nourriture (dépenses concernant la)
des familles ouvrières décrites dans le pré-
sent volume, m (§ 15, S°° 1) : n" 73, 24;
n" 74, 78; n" 75, 144; no 76, 200; no 77,
246 ; no 78, 296 ; U" 79, 356; n" 80, 440 ;
n'Sl, 498.
Nouveauté. (Déf.) — CV. Vie privée.
Vie PUBLIQUE.)
0
Observations préliminaires définissant
la condition des divers membres de la fa-
mille, dans chacune des monographies du
47
526
TABLE ALPHABETIQUE ET ANALYTIQUE.
présent volume, m \% I à 13) : n" 73,
1 à 19; n» 74, 53 à 73; n" 75, 101 à 139;
n" 76, 173 à 195; n° 77, 225 à 241 ; n» 78,
273 à 291 ; 11° 79, 325 à 351 ; n" 80, 397 à
435; n» 81, 477 à 493.
ŒcFS (Laitages iît). — (Voir Laitage.)
Ouvrier. (Déf.) — (Voir Chef de métier,
DoMESTiouE, Engagements, Journalieu,
Puoi'itiÉTAïuE, Tâcheron, Tenancier,
Travaux.)
Pain, m (§§ 9, 15, S"" I) : n» 73, 13,
24; n» 74, 65, 78; n» 75, 127, 144; n» 76,
188, 200; no77, 233, 246; n" 78," 283, 296;
n° 79, 340, 356; n» 80, 424, 440; n^ 81,
487, 500.
Pain quotidien. (Déf.) — (V. Mode
d'existence de la famille.)
Paix sociale. (Déf.) — (V. Coutumes de
LA PAIX sociale.)
Papeteru;. — Monographie de l'Ouvrier
de la Papeterie coopérai ive d'Angouléme,
n' 78, 273; établissements de la Société,
274; description des travaux, 287; orga-
nisation coopérative créée par M. Laroche-
Joubert, 302; mode de distribution des
bénéfices, .303; part dans la propriété de
l'avoir de la Société, 310; conseil coopé-
ratif, représente les ouvriers, rcMe consul-
tatif, 311 ; autorité du directeur entière,
314; salaires fixes et salaires de gratifica-
tion, 315; bons résultats du système,
maintien de la paix sociale, 319.
Paris. — (Voir Éiiknisterie, Jouets.)
Partage forcé. (Déf.) — Imposé par
Ferdinand !"■ dans la « colonie » de San-
Leucio, 372. — Atténué dans le Haut-
Forez par l'attachement aux usages de
transmission intégrale, 456.
Participvtion aux rénéficf.s. — A l'u-
sine de Guise, suivant des règles fixes,
répartis entre 1 intelligence, le capital et
le travail, 45; bénélices du travail payés
aux ouvriers en parts de propriété, 46. —
A. la Papeterie coopérative d'Angouléme,
281 ; répartisentre le capital, 1 intelligence
et le travail, 303; part donnée aux salaires,
30i ; aux services commerciaux, vente et
expéditions, 305; aux exploitations qui
fabriquent le papier, 306; à celles qui le
façonnent et l'emballent, 307 ; aux dépôts,
308 ; participation au capital social, co-
propriété de l'avoir, 310; part donnée à la
clientèle française, 310.
Patronage. (Déf.) — Société du « Pa-
tronage des enfants de l'Ébénisterie », à
Paris, 72, N'existe pas dans les ateliers
d'ébénisterie de haut luxe de Paris, 95. —
Contraire aux mœurs américaines, 124. —
Exemple du Baron de Saint-Genest, trans-
formant le Haut-Forez, 402; influence
illimitée de sa famille, 410; à la léle du
mouvement économique, 414; prati([ue
l'assistance, 416, 432; création des fer-
mes laiteries, leurs conséquences agri-
coles, 468. — Devoir pour les patrons de
dévelopi>er les subventions, 506. — N'est
pas remplacé par la charité, 511.
Paupérisme. (Déf.) — Résultat de l'a-
bus du marchandage dans l'ébénisterie
parisienne, 96, 98; dans l'industrie du
jouet, 211. — Répandu à Râle, 271. — Crée
à Nancy par la transformation industrielle
trop rapide, 478. — Causé par l'impossi-
bilité pour beaucoup d'ouvriers de sub-
venir par le travail aux besoins de leur
famille, 504.
Paysvn. (Déf.) — Métayer du Texas,
101. — F^ermier du IlaulFoiez, 397.
Pèche fluvule. iDéf.) — Récréation
favorite de l'employé de la Papeterie
d'Angouléme, 286.
PÈCHE MARITIME. (Déf.)
Poissons (Viandes et). — (Voir Viandes.)
Population (Mouvement de l\). — Du
Texas, 155; à Rdle, stalisli(iue des ména-
ges, 226; à Angoulème, 274 ; à .San-Leucio,
professions, etc., 330; canton de Saint-
Gcnesl-Malifaux, ménages et |)rofessions,
406 ; à Nancy, 478.
ÏA15LE ALrilABÉÏIOL'E ET ANALYTIQUE.
527
Pkkvovvnce. (Déf.) — Roniiuc à peu
pri's imililc pour les ouvriers de Guise.
|iar la co]Moiiriélé de l'usine et les ins-
lilutions très complètes, 18, 41;pourceux
de la Papeterie d'Angoulèine par la par-
ticipation aux bénéfices, 290, 310. —
Incomplète chez l'ébéniste parisien, 71. —
Empêchée chez la mouleuse de jouets pa-
risienne, par des charges troj) lourdes,
180, 195; chez les ouvrier sbâlois, par le
manque de ressources, 258. — Développée
chez le tisseur de San-Leucio, mais en-
travée par l'inconduiledu beau-pi're, 336,
348. — Existe chez le fermier du Haut-
Foroz. 434. — Manque absolument chez
lallumeur de réverbères de Nancy, 493.
Produit des subventions. — m (g 14, S"
II) : n''73, 21;n"74, 75; n" 75, 141; n" 76
197 : n" 77, 243 ; n» 78, 293 ; n" 79, 353 ; n"
80,436; n" 81, 495.
Professions. — Population par profes-
sions : à San-Leucio (Italie), 330; à Saint-
Geuest-Malifaux, 406.
Pkopuiétaike (Ouvrier). (Déf.) — Mo-
nographie d'un métayer de l'Ouest du
Texas, n° 75, 101 ; d'un tisseur de San-
Leucio, n" 79, 325.
Propriété. (Déf.) — L'usine de Guise,
propriété des ouvriers par la participation
aux bénéfices payée en parts de propriété,
47. — Papeterie d'Angoulême, co-pro-
priété de l'avoir social, accordée aux ou-
vriers coopérateurs, 280, 310. — A San-
Leucio, propriété des métiers donnée par
Ferdinand l" aux ouvriers, et propriété
par indivis de la manufacture de soie, 391 ;
suppression en 1860, 392. — (Voir Com>iu-
NAUTÉ, Propriété individuelle. Patro-
nage.)
Propriété individuelle. (Déf.) — Sa
répartition à San-Leucio (Ilalie), 329; à
Saint-Genest-Malifaux (Loire), 404, 46'i.
Propriétés immobilh'cres et moriliéres
possédées par les familles d'ouvriers décri-
tes dans le présent volume, m (gg 6, 14,
S"" I) : n" 73, 9, 20; n" 74, 62, 74; n" 75,
122, 140; n"76, 183, 196; IV> 77, 2.30, 242;
n" 78, 279, 292; n" 79, 336, 352; n- 80, 418,
436; n"81, 483, 49i.
R
Rang de la famille décrite dans cha-
cune des monographies du présent vo-
lume. — w (§ 5) : n" 73, 8 ; n" 74, 61 ; n" 75,
120; n" 76, 182; n" 77, 230; n"78, 278; n"
79, 335; n" 80, 416; n"81, 482.
Rapports entre les ouvriers et les pa-
trons. — Hostiles chez les ébénistes pari-
siens, 59. — Très bons à l'usine de Guise
51 ; à la Papeterie coopérative d'Angou-
lême, 277, 321. — Dévouement des pay-
sans de Saint-Genest-Malifaux pour la fa-
mille deschûtelains, 410.
Recettes (Budget des) de l'année de
chacune des familles, décrites dans le
présent volume, m (§ 14) : n" 73, 20; n°74,
74; n" 75, 140; n" 76, 196; n> 77, 242; n"
78, 292; n° 79, 352; n° 80, 436; n» 81, 494.
— De dix familles ouvrières bàloises, 262 ;
de 11 familles ouvrières de San-Leucio,
388.
Récréations des familles décrites dans
le présent volume, m (gg 11, 15, 8"° IVj :
n" 73, 15, 27; n" 74, 69, 81; n" 75, 131,
146; no 76, 191, 202;, n" 77, 238, 248; m
78, 285, 298; n" 79, 34'», 3.58; n" 80, 429,
4i2; n" 81, 489,500.
RÉFORME. (Déf.)
RÉFORMÉS BAPTisTEs décilts daus le
présent volume. Monographie du métayer
du Texas, 101 ; fêtes religieuses, baptêmes,
et « meetings », 113.
Religion. (Déf.) — (Voir Catholiques
ROMMNS, Réformés bai'Tistes, Scepti-
cisme.)
Religion des familles d'ouvriers décri-
tes dans le présent volume, m (§ 3) :
n" 73,7; n''74, 58 ;n'' 75, 112; n" 76, 180;
n" 77, 229; n» 78, 277 ;n° 79, 332; iV 80,
409; n" 81, 480.
528
TABLE ALPHABETIQUE ET ANALYTIQUE.
Repas des lainilles décrites dans le
présent volume, m (§ 9) : n» 73, 13; n" 74,
65; n« 75, 127; n« 76, 188; n» 77, 233;
n» 78, 282; n" 79, 340; n" 80, 424; n"81,
486.
Retraite (Pensions diî). — A l'Usine de
Guise, retraites pour les anciens travail-
leurs, 42 ; à Nancy pour les employés
de la C • du Gaz, W3. — Pensions assu-
rées par ])lusieurs sociétés mutuelles de
Nancy, 508.
Revenus des propriétés possédées par
les familles d'ouvriers décrites dans le
présent volume, m (§ 14 S"». I) : n" 73,
21; n° 74, 75; n» 75, 141; n" 76, 197;
n" 77. 243; n" 78, 293; n" 79, 352; n" 80,
436; n" 81, 495.
Riz. — Céréale accessoire chez le mé-
tayer du Texas, 144; le tisseur de San-
Leucio, 356.
RuiiANS. — L'industrie rubaniére dans
le Haut- Forez, alliance avec les travaux
agricoles : fabriques collectives, 404 ;
manufactures, 405; travail industriel fu-
neste pour la santé des jeunes filles, 415;
moulinages, 'i72; lissages, 474; recherche
du plus faible taux de la main-d'œuvre,
476.
Saint-Gexest-Malifadx (Haut-Forez,
Département de la Loire). — Bourg, chef-
lieu du canton cl de la commune, habitée
j)ar la famille de fermiers montagnards,
décrite sous le n" 80, .397. — État du sol,
398: ])rodiictions sjionlanées, 400; trans-
formation du pays jiar la production du
lail,organisé(' par le baron de Sainl-Gi'nest,
402; régime du travail : industrie agri-
cole, 403; industrie rubaniére, 40 'i ; po-
pulation, 405; ferveur religieuse et dé-
vouement aux châtelains, 409; biens com-
munaux, droits d'affouage et d'usage, 'il9;
instruction donnée par les congrégations,
452; maintien des traditions par la fa-
mille-souche, 455; sectes dissidentes : la
petite Église, le Béguinisme, 458 ; la com-
munauté, 463; documents statistiques,
46i; exploitation des bois, 466; fermes-
laiteries, 468; industrie des rubans, 471.
Salaires. (Déf.) — Attribués aux
membres des familles décrites dans le
présent volume (salaire en argent, salaire
en nature), m (g§ 8, 14, S"" lil) : n" 73,
II, 23; n" 74, 64, 77; n° 75, 125, 143;
n" 76, 187, 199; n" 77, 232, 245; n» 78,
281 , 295 ; n" 79, 365 ; n" 80, 423, 439 ; n" 81,
485, 497.
Salaire (Entente touchant le). (Déf).
— Au familistère de Guise, réglée par le co-
mité des délégués ouvriers et le gérant,
12; le mode de paiement empêchant sa
dis.sipation, 11. — A la Papeterie coopé-
rative d'Angouléme, répartition des béné-
fices suivant les salaires, 304; système de
gratifications augmentant le salaire, sui-
vant la perfection du travail, 31'».
Salaires (Mouvement des). — Ouvriers
agricoles et servantes au Texas, 110. —
Salaires comparés par heure du savetier
de Bàle et de sa femme, 23't; gain moyen
de dix familles ouvrières bâloises, 26i. —
Statistique des salaires de 11 familles ou-
vrières de San-Leucio, 394. — Dans l'in-
dustrie rubaniére, du Haut-Forez, 473.
— Importance de leur fixité dans les bud-
gets ouvriers, 504; .souvent insullisants
pour subvenir aux besoins stricts de la
famille, 506; doivent être augmentés par
des subventions, alliance des travaux agri-
coles, 505.
San-Leicio (Province de Caserte, Ita-
lie). — Commune habitée par la famille
de tisseurs décrite sous le n" 79, 325;
constitution géologique, 326; état de la
population, 329; les écoles, 349: créée par
Ferdinand I'^'', jiour introduire l'industrie
de la soie, 36i; en 1868, devenue com-
mune, propriétaire de la manufacture de
soie, 367; lois pour le « bon gouverne-
ment de la population », basées sur les
préceptes divins, 333, 368; règlements du
mariage et dots, 337, 345, 370 ; écoles, 3.50,
371; successions, 372; « anciens du peu-
TABLE ALI'IIABETIQUE ET ANALYTIQUE.
529
pie » élus par lous, 37'i-, assistance, 3i'.i.
373 ; basées sur la liberté cl la rosponsa-
bililé, appliquées avec le bon plaisir du
roi, 374. — Statistique de l'industrie de la
soie, le centre iirincipal de l'Italie méri-
dionale. 37.">; organisation industrielle
dans la filature Oflritelli et Pascal, 38.").
— Statistique de la condition éconorniciue
et sociale de 11 familles ouvrières, 387.
SA?{TANr.EL0 Spoto (M. le PiiOF.). — Au-
teur de la monographie n" 7ii : Tisseur de
San-Leucio. prov. deCaserte (Italie), 325.
Santé (Service de). — Chez les familles
d'ouvriers décrites dans le présent vo-
lume, m (§ 4, 1.5, S"" IV) : n'^ 73, 8, 27;
n" 74, CO; n"75, 119, 14G; n" 76,181, 202;
n" 77, 229, 248; n" 78, 278, 298; n" 79,
334, 3.V.»; n" 80, 415 443; n" 81, 481, 500.
Savetier. — Monographie du Savetier
de Bàle, n" 77, 225.
Scepticisme. — A peu ]irès général dans
les familles ouvrières du familistère de
Guise, 7. — Hostilité chez l'ébéniste pari-
sien, 58. — Indifférente dans la famille
de la mouleuse de jouets de Paris, 180;
changée en prosélytisme religieux, à la
suite de sa conversion, 222. — Indift'é-
rence absolue chez le savetier de Bàle, et
une partie des ouvriers bàlois, 229. — Di-
minution de la ferveur chez les jeunes
gens à San-Leucio, 333. — Indifférence
sans hostilité parmi la population ouvrière
de Nancy, 480.
Seigle. — Seule céréale consommée
chez le Fermier du Haut-Forez, 440, 444.
Sobriété. — Assez générale chez les
« farmers « du Texas, 128, 166. — Em-
pêchée par le surmenage industriel qui
amène l'abus des excitants, 188. — Existe
chez le tisseur de San-Leucio, 340; chez
les fermiers du Haut-Forez, 424. — Im-
posée par la nécessité à l'allumeur de ré-
verbères de INancy, 487.
Sociétés d'Assurances muti; elles. —
Allocations qu'elles peuvent accorder, m
(§ 14, S"" I) : n" 73, 20: n" 74, 74; n" 77,
242 ; n" 78, 292 ; n" 80 436.
Sociétés de Chant et Musique. — A
Guise, formée par les ouvriers, 17.
Sociétés de Tir et Gymnastique. —
A Guise, 17.
Soie. — Monographie du tisseur de
soie de San-Leucio, n" 79, 325 ; industrie
établie et réglementée par le roi Ferdi-
nand l", 365; .statistiques de l'industrie
à San-Leucio et en Italie, 375 ; tableau des
ouvriers de la maison Offritelli et Pascal,
378; de l'élevage du ver à soie en Italie,
380; filature et moulinage, 381; tableau
du tissage en Italie, 384; organisation in-
dustrielle de la maison Offritelli et Pas-
cal, 385; statistique de 11 familles ou-
vrières; recettes, 388; dépenses, 389; si-
tuation bonne, mais inférieure depuis
1860, 391; perte du droit de propriété
sur la manufacture et les instruments,
•392; Stabilité, 393, tableau des salaires,
394,
Souvervineté. (Déf.) — Respect du
pouvoir chez les paysans du Haut-Forez,
462.
Statistique. — De la population de
Bàle par ménages, 226; de la consomma-
tion par mois de la famille du savetier,
234 ; du travail comparé du savetier et de
sa femme, heures et salaires, 250; des re-
cettes de dix familles ouvrières bàloises,
262 ;gain moyen par heure, 264; durée du
travail, 265; dépenses des familles 269;
valeur nutritive et prix des aliments,
269. — De l'industrie de la soie à San-
Leucio et en Italie, 375 ; des budgets, sta-
bilité et salaires de 11 familles ouvrières
de San-Leucio, 388. — Sur la commune
de Saint-Genest Malifaux, sol et bestiaux,
464.
Stimulants (Comume.nts et). (Déf.) —
[V. Condiments.)
Subventions. (Déf.) — m (§§ 7, 14, S""
II); n" 73, 10, 20; n» 74, 62, 74; n" 75,
123, 140; n" 76, 184, 196; n^ 77, 231, 242 ;
n" 78, 279, 292; n" 79, 337, 352; n" 80,
419, 436; n" 81, 483, 49'i. — Doivent être
530
TABLE ALI'HABETIOLE ET ANALYTIQUE.
développées pour compléter les salaires
insuflisants, 505.
SlCCESSION (RÉGIME DE). (Déf.) — AU
Texas, liberté lestainentaire absolue;
morcellement pratiqué dans de justes
limites, l'21. — Le partage égal oidonné
par Ferdinand 1^", dans la « colonie » de
San-Leucio, proscrivait les testaments,
372. — Transmission intégrale des biens
encore en u^agc dans le Haut-Forez,
40i; ses résultats bienfaisants, 456.
Surnoms, fréquents dans le Haut-Forez,
40y.
Syndicats ouviuers. — A Paris, chez
les ébénistes, organisent l'éducation in-
dustrielle, G;î, l'assurance des outils, 72.
SwEATiNc SYSTEM. — Résultais de l'abus
du marchandage: dans l'ébénisterie, les
grands magasins écrasent le petit patron
du meuble bourgeois, *.tG ; achètent au-
dessous du prix de revient à l'ouvrier
trôleur, 98 ; leur influence dans l'indus-
trie du jouet, 211. — Ruine la santé des
ouvriers par le surmenage, 181, 188. —
Conduit à 1 assistance légale, 182.
Tabac. — Son usage chez l'ouvrier de
Guise, 16; chez le savetier de Bàle, 248 ;
la cigarette chez l'ébéniste parisien, 69;
l'employé de la Papeterie d'Angoulème,
286; la chique chez le métayer du Texas
et fréquemment chez les fenmies, 1-31 ; la
pipe chez le fermier du Forez, 443; le
cigare chez le tisseur de San-Leucio, 358.
Tâcheron. (Déf.) — Monograjibie de
l'ajusteur surveillant de Guise (Aisne),
l. — Monographie du tisseur de San-
Leucio (Italie), 325.
Tenancieu (Oivrier). (Déf.) — Mono-
graphie des métayers de l'Ouest du Texas,
n" 75, loi . — Montagnards du llaut-Forez,
n" 80, 3'J7.
Texvs. — Province des Étals-Unis où
liabite la famille de métayers décrite
sous le n" 75, domaine d'Annadale, comté
de Callahan, 101 ; état du sol, 101 ; cons-
titution agricole, 106; catégories de la
population, 107; religion et moralité,
113; instruction, 116; colonisation, 154;
les « farmers » ; caractère et aspirations,
1.59 ; administration des Comtés, 166.
Théâtre. — Au familistère de Guise,
16; chez l'ébéniste parisien, 69; goût
passionné dans la famille de la mouleuse
parisienne, 180; chez l'employé de la
Papeterie dWngouléme, 286.
Traditions. (Déf.) — Maintenues dans
le Haul-Forez, grâce à la ferveur reli-
gieuse et à la famille-souche, 409, 456.
Travail (Organisation dc). — A l'u-
sine de Guise, 3o à 51 ; dans un atelier
d'ébénisterie de haut luxe de Paris, 91 ;
dans l'industrie du jouet à Paris, 174 ;
à la Papeterie coopérative d'Angoulè-
me, 287, 302. — Statistique du travail
comparé du savetier de Bàle et de sa
femme, 234; de dix familles ouvrières
bàloises, gain par heure et durée moyen-
ne, 264. — Règlements de Ferdinand I",
pour la manufacture de soie de San-Leu-
cio, 368 ; la maison Offritelli et Pascal,
385. — Dans le Haut-Forez, alliance des
travaux agricoles et de l'industrie ruba-
nière, 404; industrie rubanière, 471. —
Allumeur de réverbères de Nancy, 485.
— Chez de nombreux ouvriers, impossibi-
lité de subvenir i)ar le travail aux besoins
stricts de la famille, 506.
Trwaux des divers membres des fa-
milles ouvrières décrites dans le ])résent
volume, m (§§ 8, 14, S™ 111): n» 73,
10, 22; n» 74, 63, 76; n° 75, 124, 142;
n" 76, 185, 198; n" 77, 232, 244; n» 78,
280, 294; n" 79, 338, 354; n» 80, 421, 438;
n" 81, 485,496.
U
Usines. (Déf.) — Usine de Guise, 2. 30
et suiv. — Papeterie coopérative d'.\n-
TABLE ALPUABETIQUE ET ANALYTIQUE.
531
j^oulôiue, 273, 302. — Manufacture de soie
de Sau-Leucio, 325, 338, 375. — Manu-
factures rurales de rubans dans le Haut-
Foi ez, i05, 415, i23, 472.
Ustensiles de méwge des fimiilles ou-
vrières décrites dans le pressent volume,
m (§ tO) : n" 73, 10; n» 74, 67; n» 75,
12ït; n» 76, 189; n» 77, 238 ; n» 78, 284 ;
n« 79, 342; n" 80, 427; n"81, 488.
Usufruit (Propriétés reçies en), par
les familles ouvrières décrites dans le
présent volume, m (§ 14, S'j" II) : n" 75,
140; n" 78, 292.
V
Valeurs morilières possédées par les
familles d'ouvriers décrites dans le pré-
sent volume, m (§6, 14, S»" I): n" 73,
9, 20; n» 74, 62, 74; n" 75, 122, 140;
n» 76, 189, 196; n° 77, 230, 242; n" 78,
279, 292; n» 79, 337, 352; n» 80, 418,
436; n^Sl. 483, 494.
Vêtements des familles ouvrières dé-
crites dans le présent volume, m (§§ 10,
14, S»" III, 15, S"^ I) : n" 73, 13, 22,
26, 28; n» 74, 66, 76, 80, 82; n" 75, 130,
146; n" 76, 190, 202; n 77, 238; n' 78,
285, 294, 298; n" 79, :ii;i. .'?54, 360;
n" 80, 428, 438, 442; n" 81, 189, 496, 50(t.
VivNDES ET Poissons consominés par
les familles d'ouvriers décrites dans le
présent volume, m ( gg 9, 15, S"» 1) :
n" 73, 13, 24; n" 74, 65, 78 ; n" 75, 127,
144; n" 76, 188, 200; n" 77, 233, 246;
n" 78, 283, 296; n" 79, 340,356; n» 80,
424, 440; n" 81, 487, 498.
Vice originel. (Déf.)
^'IE privée. (Déf.) — (Voyez Bonnes
MOEURS, Famille, Mauvaises moeurs.)
Vie publique. (Déf.) — Rôle politique
de l'ébéniste parisien, 61. — Du métayer du
Texas, 118; aspirations et conceptions
politiques des « farmers » du Texas, 1.59 ;
aiment les sociétés secrètes, 162; admi-
nistration des comtés, base du gouver-
nement local; attributions inultiples, le
peuple appelé à administrer directement,
166. — Rôle politique du savetier de
Bàle, 229, 230; des ouvriers bàlois, en
général, 2,59. — Tendances gouvernemen-
tales des paysans du Haut-Forez, 462.
Voisinage. (Déf.) — Avantages qu'en
retirent les » farmers » du Texas, 111.
J. Sarda.
TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES
DANS CE TOME QUATRIÈME.
DEUXIEME SERIE.
Avertissement v
Sommaire «leis monog^rapliies eoiiteuues «laiiis ce tome
quatrième.
N" 73 : AJUSTEUR SURVEILLANT DE L'USINE DE GUISE (Aisne-France), par
M. Urbain Guéiin 1
Observations préliminaires 1
BiDGET des recettes, 20. — Bld(;et des dépenses, 24. — Comptes annexés aux
budget.^, 28.
Éléments divers de l\ constitution sociale. — Sur l'histoire de l'usine, 30.
— Sur le familistère; son organisation; ses avantages et ses inconvénients, 36.
— Sur une institution spéciale à l'enfance : la nourricerie, 40. — Sur les assu-
rances, 41. — Sur la Société coopérative de consommation du familistère, 44.
— Sur la participation aux bénélices et la transmission aux participants de la
propriété de l'usine, 45. — Sur la direction et l'administration de la Société ; con-
clusions, 49.
Note sur le familistère de Laekon 'BeJgiquej, par M. .\rmand Julin^ .jI.
N" 7i : ÉBÉNISTE PARISIEN DE HAUT LUXE (Seine-France), par M. P. du Ma-
ro ussern .53
OnSERVATION.S PRÉLrMINAIllES 53
Budget des recettes, 74. — Budget des dépenses, 78. — Comptes annexés aux
budgets, 82.
Éléments divehs de la constitution sociale. — Monographie d'un atelier de
haut luxe, 87. — Le meuble couranl, 95. — Le iiieui>Iede trùle, 98.
48
534 TABLE DES MATIÈRES.
N» 75 : MÉTAYER DL L'OUEST DU TEXAS (Étals-Unis d'Amérique;, par M. Clau-
dio Jannet loi
Observations pr.KLiMi.wiiu.s 101
BuDr.Eï des recettes, 140. — Budget des dépenses, 1 i'i. — Comptes annexés
aux budgets, 148.
Éléments divers de la constitution sociale. — Sur la colonisalion de l'Ouest
du Texas, 154. — Sur le caractère et les aspirations sociales des farmers de
l'Ouest, 15D. — Sur l'administration des comtés dans l'État du Texas, 166. —
Sur les avantages respectifs ([u'otTrenl aux immigrants européens, dans l'Amé-
rique du Nord, les climats froids et les climats tempérés, 170.
N» 76 : OUVRIÈUE MOULEUSE E.N CAIITO.NNAGE DUNE FABRIQUE COL-
LECTIVE DE .lOUETS PARISIENS (Seine-France;, par M. P. du Maroussein. 173
Observations préliminaires 173
Bldget des recettes, 196. — Bld(;et des dépenses, 200. — Comptes annexés
aux budgets, 204.
Éléments divers de la constitution sociale. — Des causes dernières de la
forme des industries, 208. — Du rôle des « grands magasins » sur l'industrie,
211. — De la spécialité métal haut luxe dan> le jouet, 213. — Sur une « fa-
brique collective » de poupées de haut luxe, 216. — As.sistance Ruel, 220. —
Sur lapostolal religieux parmi les ouvriers de Paris, 222.
N» 77 : SAVETIER DE BALE (Suisse), par M. Ch. Landolt 225
Observations préliminaires 225
Budget des recettes, 242. — Bud ;et des dépenses, 246. — Comptes annexés
aux budgets, 24'.t.
Éléments divers de la constitution sociale. — Sur le travail comparé de l'ou-
vrier et de sa femme, 250. — Sur la répartition des dépenses, 253. — Etude
comparée de dix familles ouvrières b'iloises, 254.
N° 78 : OUVRIER-EMPLOYÉ DE LA FABRIQUE COGPÉR.ATIVE DE PA-
PIERS D'ANOGULÉME (Charente-France), par M. Urbain Guérin 273
Observations prklimin vires 273
Budget des recettes. 292. — Budget des dépenses, 2)6. — Comptes annexés
aux budgets, 300.
Eléments divers.de l\ constiti tion- sociale. — De l'organisation coopérative
de la fabrique Laroche-Joubert et du mode de distribution des bénéfices, 302.
— De la part descoopérateurs à l'administration de la fabrique, 311. — Des
salaires, 314. — Delà boulangerie coopérative d'Angouléme, 316. — De la par-
ticipation aux bénéllces et de la transmission de la propriété de l'usine aux
ouvriers, 310.
TABLE DES MATIÈRES. 535
Pages.
N" 79 : T[SSEUR DE SAX-LEUCIO (Province de Caserle-Italie), par M. Ippolito
Saiitangelo Spolo 325
Obskrvations 1'Ri:i.iminaikes ^25
Bldget des recettes, 35'i. — Bidget des dépenses, 356. — Comptes annexés
aux budgets, 360.
Éléments divers de la constitltion .«o(L\le. — Sur l'origine et le développe-
ment de la commune de San-Leucio. 36i. — Sur les lois de Ferdinand P' de
Bourbon pour le « bon gouvernement de la population de San-Leucio », 367. —
Sur l'industrie de la soie à San-Leucio et en Italie, 375. — Sur l'organisation
industrielle à San-Leucio et dans la filature Offritelli et Pascal, 385. —Sur la
condition économique et sociale des ouvriers. 387.
No 80 : FERMIERS MONTAGNARDS DU HAUT-FOREZ Loire-France;, par
M. P. du Maroussem .- 397
Observations préliminaires 397
Budget des recettes, 436. — Bldget des dépenses, 440. — Comptes annexés
aux budgets, 444.
Éléments divers de la constitution sociale. — Sur le développement du Dé-
calogue par l'instruction chrétienne; le « Caméristat », 452. — Sur l'autorité pa-
ternelle, le respect des parents et la transmission des biens, 455. — Sur les sectes
dissidentes : la Petite Église; le « béguinisme », 458. — Sur la religion : les
« manécanteries », 461 . — Sur la souveraineté, 461. — Sur la communauté, 463.
— Sur le patronage, 464. — Sur que^iues documents concernant la commune
dt> Saint-Genest, 464. — Sur l'exploitation des bois, 466. — Sur les fermes-
laiteries. 468. —Sur l'industrie des rubans, 471.
«■^ 81 : ALLUMEUR DE RÉVERBÈRES DE NANCY (Meurthe-et-Moselle, France),
par M. Chassignet 477
Observations préliminaires 477
Budget des recettes, 494. — Budget des dépenses, 498. — Comptes annexés
aux budgets, 502.
Éléments divers de la constitution sociale. — De la fixité des salaires et de
l'appoint des subventions dans les budgets ouvriers, 504. — Comment sont
supi>léées les institutions patronales dans la localité où réside la famille obser-
vée, 506.
UN DE L\ TARLE DES MATIERES.
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