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Full text of "Les ouvriers des deux mondes ... 2. sér. .."

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LES  OUVRIERS  DES  DEUX  MONDES. 


Deuxième  série.  —  Tome  quatrième. 


SOCIÉTÉ    D'ÉCONOMIE    SOCIALE, 

SECHKTAltlAT   :  oi,    lU  K    DK    SEINE.    l'ARlS. 


LES  OUVRIERS  EUROrÉENS,  par  F.  Lk  Play. 
SOXXAIRR  do  la  r   édition  :  T.  I  :  L«  méthode  d'observation.  —  T.  II  :   Les  ouvriers  de  l'Orient.  —  T.  III  :  Les 
ouvriers  du   Nord.  —  T.  IV  :  Les  ouvriers  de  l'Occident  (.yopulatUm»  ttablet).  —  T.  V    :  Les  ouvriers  de  l'Occi- 
dent {populationM  ébranUei).  —  T.  VI  :  Les  ouvriers  de  l'Occident  (populalùnu  détorganùéea). 

Prix  de  chn/iite  vohime,  6  fr.  50. 

LES  OUVRIERS  BES  DEUX  MONDES  (suite  des  Ouvriers  européens  de  F.   Le  Play),  publiés 
piir  la  Société  d'Écosomik  sociale. 

1"  Rhrik,  r"""!""  ÉI)"is<'-e  ;  t.  I  il  V.  Prix  :  «0  fr.  (Lis  t.    II  ;\  V  se  vciulcnt    sr)iiiri'ment  ftu  prix  de  10  fr.l. 


TOME  Itr. 

1.  Chnrpentier  do  Paris. 

I.  Manœuvre-sKrifultiMir    de    In    OinnipuRne. 

3,  Paysans    en    coniniuiiaulé   du    Lavedan    (U'^'-Pyré- 

nt-cs). 

4.  Paysan  du  Laijourd  {B--Pyrén(-os1. 

5.  Métayer  de  la  banlieue  de  Florence. 

6,  Nourrisseur    de    vaches    de   la  banlieue   de    Londres 

(Surrey). 
ï.  Tisseur  on  chftles  de  Paris. 

H.  Manoeuvre-agriculteur  du  comté  de  Nottinpham. 
y.  P*"eheiir  cfttier,  maître  de  barqties  de  Saint-Sébastien. 

TOMIC  II. 

In,   Kerbliiiitier,  convreur  *ti  vitrier  d'Aix-les-Bains. 

II.  <>arrier  des  environs  de  Paris. 

l:'.  Menuisier-ebariwntier  (Nedjar)  de  Tanger. 
13.  Tailleur  d'habits  de  Paris. 
II.  Compositeur  typographe  de  Bruxelles. 
I.'i.  Décapenr  d'untils  en  aeier,   de   la  fabrique   d'IIéri- 
moncourt  lUoubs). 

16.  Monteur  d'outils  en  acier,  id. 

17.  Porteur  d'eau  de  Paris. 

18.  Paysans  en  communaolé   et  en  polygamie, do  Bons- 

rali,  dans  le  Haourân  (Syrie). 

19.  P/harileur  et  piochour  de  craie   du  la  banlieue   de 

Paris. 

TOME  IH. 

20.  Brodeuse  des  Vosges. 

SI.  Paysan  et  savonnier  de  la  basse  Provence. 

K2.  Mineur   des   placers   du    comté   de    Mariposa   (Cali- 

ï.t.  Manœuvre-vigneron  de  l'Annis  (Charent«-Inf). 


2t.  Linpère  do  Lille. 

tu.  Parfumeur  de  Tunis, 

se.  Instituteur  rural  de  l'Eure. 

27.  MancBtivre  à  famille  nombreuse  de  Paris. 

2«.  Fondeur  de  plomb  des  Alpes  apuanes. 


29.  Paysan  d'un    village  à  banlieue  morcelée  du  Loon- 

nais. 

30.  Paysans  en  communauté  de  Ning-Po-Fou  (province 

de  Tché-Kian). 

31.  Mulâtre  aflFranchi  de  l'île  de  la  Réunion. 

32.  Manœuvre-vigneron  de  la  basse  Bourgogne. 

33.  (Compositeur  typographe  de  Paris. 

34.  Auvergnat  brocanteur  en  boutique  à  Paris 
3'),  Mineur  de  la  Maremme  de  Toscane. 

3i;.  Tisserand  des  Vosges. 

37.  Pécheur  côticr,  maitrc  de  barques,  de  Marken  (Hol- 
lande). 


TOME  V. 

38.  Fermiers  à  communauté  taisible  du  Nivernais. 
3B.  P^iysan  de  Saint-Irénée  (Bas-Canada). 

40.  L'ouvrier  éventailliste   de  Sainte-Geneviève  (.Oise). 

41.  Cordonnier  de  Malakoff  (Seine). 

42.  Serrurier-forgeron  de  Paris. 

43.  Brigadier  de  la   garde  républicaine,  de  Paris. 

44.  Paysan  ré-'inier  do    Lévignacq    (Landes). 

4i.  Bftehoron  usager  du  comté  de  Dabo  (Lorraine  alle- 
mande). 

4G.  Paysans  en  communauté  ot  colporteurs  émigrant» 
do  la  Grande-Kabylie  (Algérie). 


urs  ;  ch.  vol,,  I.-p  fr.  (ponr  les  m.iiibns,   12  fr.)  ;  rli,  fuse,  2  fr.  (par  souseriplion,  1  fr.  .V)). 


TOME  1". 

47.  Paysan  paludier    du    Bonrg   de    Batz     (Loire-Inf.) 
4S.  Bordier»   émancipés   en  communauté,  de  la  Grando- 

Kn>sie. 
4S  fci».  Précis  do  l'Armurier  do  Toula   (Grondc-Kussio). 
49.  Charron  do  Montatairo  (Oise). 
40.  Kaîoneiem  de  Nevers. 
61.  Maraîcher  de  I)ouil  iSeine-et-Oise). 
4ï.  Pécheur  cfttior  de  Martiguos  (Bouches-du-Bhûne). 
53.  MétJiyor  du  \tnytt  d'Korto  (Gascogne). 
&4.  Arabes  pasteurs  nomades  du  Sjiliara. 
55.  Oanti«>r  do  Grenoble. 

TOMF.  II. 

511.  Tounionr  mécanicien  de  Sa'raing  (Belgique). 

.•,7.  I;..r.!:.  r  1..  rhf  r.  .le  la  flrnnl.-Kaliylie. 

;      -.1,1.1  (Algérie). 

iretat  (  Seine-Inf.  ). 

Min-  Il  et  Hindou  •migrant  de  la  Marche. 

r,a    ,M  I  hiuisin  houillerde  la  Ruhr. 

«1.  M  r  .  r,.,  ,1..  L..rcttra  (Sirlle). 

f.J.  Tnlll.  i.r  .1.  .il.  >  .1  vigneron  de  l'Orli'nnais. 


«3.  Vigneron  et  métayer  de  Valmontonc  (pr.de  Rome). 
G4.  Paysans  corses  en  communauté,  de  Bostelica. 

TOME  III. 
0.').  Métayers  en  communauté  du  Confolentals  (Cliarenle). 
(">G.  Vignerons  de  Ribeauvillé  (Alsace). 
66  bis.    Précis   du    Pécheur    côtier    du  Finmark    (  Lo- 

ponie). 
66  ter.  Précis  du  Tisserand  d'IIilversnm  (Pays-Bas). 
67,  Tis.serand  de  Oand  (Belgique). 
Ca.  Paysan  de  la  Capitanate  (Italie). 

69.  Tanneur  de  Noitingham  (  Anglctorre). 

70.  ChariHUtior  indépendant  de  Paris. 

71.  Conduct^'ur  typographe  de  llruxoUc». 

72.  Coutelier  de  Gembloui  (Belgique). 

TOME  IV. 

73.  Ajust.ur  surveillant  de  Guise  (Aisne). 
7  I.  Kbéiiisti    parisien  de  haut  luxe. 

75.  Mélayir  de  l'ouest  du  Texas, 

76.  Ouvrière  mouleuse  do  jouets  parisiens, 

77.  Savetier  de  BAle. 

78.  Ouvrier  do  la  papeterie  d'AngouIéme. 

79.  Tisseur  de  Sun  Louelo  (Italie), 

KO.  Vermlors  montagnards  du  Haut-ForcK. 
Kl.  Allumeur  île  réverbères  de  Nancy. 


lt7V.  ^'"^  *'-' 

LES 


OUVRIERS 

DES  DEUX  MONDES. 


ETUDES 


LES  TRAVAUX,  LA  VIE  DOMESTIQUE  ET  LA  CONDITION  MORALE 
DES  POPULATIONS  OUVRIÈRES  DES  DIVERSES  CONTRÉES 

ET    SUR 

LES    RAPPORTS   QUI   LES   UNISSENT   AUX   AUTRES   CLASSES, 

publiées  sous  forme  de  monographies 

PAR   LA  SOCIÉTÉ   INTERNATIONALE 

DES   ÉTUDES   PRATIQUES    d'ÉCONOMIE   SOCIALE. 


S"^    Séi-ie. 

TOME   QUATRIÈME. 


PARIS, 
LIBRAIRIE  DE  FIRMIN-DIDOT   ET  G'% 

IMPRIMEURS    DE   L'iNSTITUT  ,   RUE   JACOB,   56, 

1895. 


SOMMAIRE 


MONOGRAPHIES  DE   FAMILLES 

PUBLIÉES    DANS    LE    l'KÉSENT    VOLLME. 


.V  73.  —  AJUSTELR  SLRVEILLAM  DE  L'LSl.NE  DE  GUISE  (Aisne  — 

France),  par  M.  Ukdain  Guérix 1 

N°  74.  —  ÉBÉNISTE  PARISIEN  DE  HAUT  LUXE  (Seine  —  France,  par 

M.  Pn-iuiE  DU  Maroussem t)3 

iN'°  75.  —  METAYER  DE  L'OUEST  DU  TEXAS  (États-Unis  d'Amérique), 

par  M.  Clal'dio  .Jannet 101 

N°  7G.  —  OUVRIÈRE  MOULEUSE  EN  CARTONNAGE  D'UNE  FABRIQUE 
COLLECTIVE  DE  JOUETS  PARISIENS  (Seine  —  France), 
par  M.  PiEiuΠ DU  Maroussem 17.3 

N"  77.  —  SAVETIER  DE  BÂLE  (Suisse),  par  .M.  Cn.  Lanf^olt -225 

N"  78.  —  OUVRIER  EMPLOYÉ  DE  LA  FABRIQUE  COLLECTIVE  DE 
PAPIERS  D'ANGOULÊME  (Charenle  —  France),  par  M.  Ur- 
bain GuÉiuN. 273 

N«  79.  —  TISSEUR  DE  SAN  LEUl'JO  (Province  de  Caserte  —  Italie), 

par  M.  Ilii'poi.YTE  Sa.ntangelo  Spotc».  ...  .     32.") 

^o  ^0.  —  FERMIERS    MONTAGNARDS    DU    HAUT    FOUEZ    (Loire    — 

France),  par  M.  Pucrhe  du  Maroussem 397 

iN-  «1,  _  ALLUMEUR  DE  RÉVKBBÉRES  DE  NANCY  (.Meurthe-et-Mo- 

scllo  —  France  ,  par  M.  Cil ASPic.NET 477 


AVERTISSEMENT 

SUR  CE  QUATRIEME  TOME  DE  LA  DEUXIÈME  SÉRIE. 

DES    «   OUVRIERS   DES    DEUX  MONDES    ». 


Il  n'est  pas  besoin,  en  présentant  au  public  le  tome  IV  de  la 
2^  série  des  Ouvrions  des  Deux  Mondes  (9*^  volume  de  la  collection), 
de  rappeler  une  fois  de  plus  le  caractère  expérimental  et  la 
portée  scientifique  des  monographies  de  familles.  De  pareilles 
études,  toutes  dressées  suivant  une  ordonnance  uniforme  qui 
permet  les  comparaisons  de  détail,  font  seules  pénétrer  dans  la 
réalité  intime  de  la  vie  domestique,  du  travail  et  de  la  condition 
morale  des  populations  ouvrières.  Les  nombreuses  monogra- 
phies publiées  par  F.  Le  Play  dès  1855  dans  les  Oiivriei^s  euro- 
péens, celles  plus  nombreuses  encore  qui  prennent  place  les 
unes  après  les  autres  dans  les  Ouvriei's  des  Deux  Mondes,  ont 
mis  à  leur  rang  véritable  devant  le  public  savant  ces  documents, 
aussi  intéressants  pour  l'histoire  sociale  que  pour  l'économie 
politique,  qui  embrassent  déjà  plus  d'un  demi-siècle  et  qui  ont 
été  recueillis  dans  les  régions  les  plus  variées.  L'application  de 
ce  procédé  d'étude,  de  jour  en  jour  plus  fréquente  en  Angle- 
terre, en  Allemagne,  en  Italie,  aux  États-Unis,  a  été  mentionnée 
avec  quelques  développements  ici  même  (V.  l'Avertissement  du 
tome  III,  2"  série),  et  prouve  par  un  irrécusable  témoignage  l'u- 
tilité et  la  rigueur  de  la  méthode  fondée  par  Le  Play. 

Ce  n'est  pas  à  dire  qu'on  ne  voie  reparaître  de  temps  à  autre 
des  objections  cent  fois  présentées,  et  toujours  réfutées.  Ceux 
qui  les  relèvent  à  nouveau  leur  donneraient  peut-être  plus  de 
poids,  s'ils  avaient  eux-mêmes  mis  en  pratique  la  méthode 
qu'ils  croient  devoir  critiquer.  La  plupart  se  bornent,  au  con- 
traire, à  la  regarder  en  quelque  sorte  du  dehors,  pour  en  blâmer 
les  proportions,  parfois  même  avec  quelque  naïveté.  Celui-ci 
reproche  aux  divers  travaux  insérés  dans  les  Ouvriers  des  Deux 


VI  AVERTISSEMENT. 


Mondes  d'èlre  inégaux  en  intérêt  et  en  valeur,  selon  le  type  étu- 
dié et  le  talent  de  l'observateur;  inégalité  inévitable,  (mi  effet, 
puisqu'elle  est  dans  la  nature  des  choses,  et  qui  d'ailleurs  n'em- 
pêche point,  ainsi  que  M.  Ad.  Focillon  l'a  montré  dans  l'Aver- 
tissement du  t.  II,  ces  études  si  diverses  de  lieu,  de  date  et  d'au- 
teur, de  présenter  un  caractère  général  d'unité  que  leur  impose 
la  communauté  de  la  méthode.  Cehii-là,  probablement  sans 
avoir  jamais  dressé  de  budget  domestique,  conteste  l'impor- 
tance accordée  à  des  comptes  qui  ne  peuvent  être  d'une  exac- 
titude absolue,  et  croit  avoir  découvert  que  bien  des  faits  ne  s'y 
traduisent  qu'à  peine  et  par  des  chiffres  insignifiants  :  par  exem- 
ple les  coutumes  ou  les  lois  qui  président  à  la  transmission  des 
héritages  ou  les  principes  sur  lesquels  se  règle  l'éducation  des 
enfants.  Objection  puérile,  car  jamais  les  tableaux  des  recettes 
et  des  dépenses  n'ont  été  séparés  des  «  observations  préliminai- 
res »  qui  ont  pour  objet  précisément  de  décrire,  avec  les  détails 
nécessaires  et  dans  un  ordre  régulier,  les  faits  que  les  subdivisions 
multipliées  du  Inidget  ont  tout  au  moins  le  mérite  de  rappeler 
pour  prévenir  une  involontaire  omission. 

Il  en  est  ainsi  notamment  pour  tout  ce  qui  regarde  la  con- 
dition morale  des  populations  étudiées.  Le  titre  môme  de  ce 
recueil  place  l'élément  moral  parmi  les  causes  prépondérantes  du 
bien-être  et  de  la  prospérité  de  la  race;  et  Le  I*lay,  dans  le  ca- 
dre des  monographies  de  familles  ou  des  monographies  de  so- 
ciétés, aussitôt  après  les  définitions  indispensables,  aussi  bien  que 
dans  le  plan  de  chacun  de  ses  ouvrages,  a  toujours  assigné  la 
première  place  à  ce  (pii  touche  les  sentiments  religieux  et  les 
habitudes  morales.  (V.  les  Monographies,  ?i  3,  et  la  Constitution 
de  IWmjleierre,  liv.  IV;  La  Réforme  sociale  en  France,  livre 
I";  LOrfjonisalion  du  Travail,  iji;  l  à  3;  La  Constitution  essen- 
tielle, etc.).  Ce  qui  en  effet  influe  sur  la  prospérité  d'un  peuple, 
bien  plus  que  la  condition  des  lieux  ou  le  mode  de  travail,  c'est 
l'idée  dominante  chez  les  classes  dirigeantes  louchant  la  distinc- 
tion du  bien  et  du  mal  (Ouv.  europ.,  liv.  T"").  C'est  là  une  vérité 
ioiidamentale  de  la  science  sociale,  souvent  méconnue  deceuv  (jui 
en  prétendant  corriger  les  erreurs  de  Le  IMay,  ont  en  fait  substitué 
lesconceptionssystématiquesd'un  matérialisme  empiricpie  aux  dé- 


AVERTISSEMENT.  VU 

nionstrations  expérimentales  de  l'auteur  des  Ouvriers  européens. 

Parfois,  ceux  mêmes  qui  condamnent  volontiers  la  fixité  des  ca- 
dres du  budget  et  des  observations  préliminaires,  signalent  en 
même  temps  comme  un  défaut  de  méthode  l'absence  de  classifi- 
cation régulière  pour  les  notes  consignées  après  le  budget  sous 
le  titre  général  :  ((  Éléments  de  la  constitution  sociale  ».  C'est  seu- 
lement, dit-on,  en  réunissant  ces  observations  un  peu  plus  nom- 
breuses et  moins  isolées,  surtout  en  les  rangeant  méthodiquement, 
qu'on  serait  en  droit  de  tirer  de  l'examen  minutieux  d'une  famille 
une  vue  générale  sur  la  société  dont  elle  fait  partie.  Mais  telle 
n'est  pas  l'utilité  des  monographies  :  ce  serait  donner  à  une  vaste 
étude  une  base  bien  étroite,  ajouter  à  une  analyse  limitée  des 
généralisations  fort  incertaines,  et  s'exposer  à  d'inutiles  redites, 
quand  plusieurs  familles  auraient  été  décrites  dans  un  même 
pays.  Ce  n'est  donc  pas  par  inattention  ou  impuissance  que 
F.  Le  Play  et  les  nombreux  auteurs  qui  sont  venus  après  lui, 
ont  laissé  au  rédacteur  de  chaque  monographie  le  soin  de  choisir, 
pour  les  exposer  à  la  suite  du  budget,  les  faits  spéciaux  ou  les 
conclusions  d'ensemble  que  la  vie  de  la  famille  met  particu- 
lièrement en  évidence.  C'est  ainsi  que  dans  le  présent  volume 
l'Ajusteur  surveillant  de  l'Usine  de  Guise,  ou  l'Ouvrier  employé 
de  la  Papeterie  coopérative  d"Angoulême,permettentd'apprécier, 
sur  deux  exemples  soigneusement  élucidés,  le  système  qui  par  la 
participation  aux  bénéfices,  fait  passer  progressivement  la  pro- 
priété de  l'usine  aux  mains  du  personnel.  En  suivant  dans  les 
épreuves  de  leur  labeur  quotidien  l'Ébéniste  parisien  de  haut 
luxe  ou  l'Ouvrière  en  jouets  parisiens,  on  assiste  à  quelques-unes 
des  péripéties  de  la  lutte  des  fabriques  collectives  et  des  «  grands 
magasins  ».  Qu'on  aille  chez  les  Fermiers  du  Haut  Forez  cons- 
tater la  continuité  vivace  de  leurs  coutumes  traditionnelles  de 
transmission  intégrale  et  d'émigration,  ou  chez  les  Métayers  du 
Texas  saisir  sur  le  vif  les  aspirations  sociales  des  «  Farmers  »  de 
l'Ouest  américain,  toujours  la  vie  des  familles  confine  p;ir  quel- 
que côté  à  des  faits  d'ordre  général,  trop  nombreux  pour  être 
tous  enregistrés  sans  choix  judicieux,  et  trop  variés  pour  ne  point 
échapper  à  une  classification  régulière. 

Les  monographies  de  familles,  il  ne  faut  pas  l'oublier,  ont  un 


AVERTISSEMENT. 


triple  l)ut.  Le  plus  important,  celui  que  visait  surtout  F.  Le  Play, 
c'est  de  mettre  en  évidence,  par  l'observation  directe  de  la  véri- 
table unité  sociale,  la  famille,  quels  sont  les  faits  permanents  qui 
sont  partout  liés  à  la  prospérité  ou  à  la  souffrance  des  races  ; 
c'est,  en  d'autres  termes,  de  dégager  de  la  complexité  des  phéno- 
mènes, sans  acception  de  système  préconçu,  les  conditions  tou- 
jours nécessaires  au  bien-être  et  à  la  paix  sociale.  Le  second  avan- 
tage des  monographies,  c'est  de  fournir  sur  l'état  réel  des  popu- 
lations des  données  vraiment  scientifiques,  des  analyses  précises, 
bien  plus  utiles  que  des  vues  générales  et  synthétiques;  en  vivant 
en  quelque  sorte  au  foyer  de  l'artisan  ou  du  paysan,  on  ressent 
avec  lui  le  contre-coup  de  tout  ce  qui  le  touche  :  le  chômage, 
qui  amène  aussitôt  une  restriction  des  dépenses  ;  le  vrai  rôle  delà 
femme,  dont  rien  ne  peut  suppléer  la  présence  au  logis  et  qui, 
économe  ou  dépensière,  fait  la  fortune  ou  la  ruine  du  ménage; 
la  portée  parfois  surfaite  des  ingénieuses  pratiques  qui  veulent 
ajouter  au  salaire  quelques  «  condiments  »...  Enfin  le  troisième 
caractère  des  monographies,  c'est  d'être  pour  la  science  sociale 
de  vraies  photographies  familiales;  n'auraient-elles,  comme  on 
leur  en  a  fait  quelquefois  le  reproche,  que  la  valeur  d'une  sorte 
de  procès-verbal  de  constat;  ne  seraient-elles  que  la  peinture 
naïve  de  la  réalité  vécue,  elles  constitueraient  néanmoins  pour 
la  statistique  sociale,  l'économie  politique  et  l'histoire  des  mœurs, 
des  documents  dont  l'intérêt,  loin  de  diminuer,  s'accroît  au  con- 
traire à  mesure  (jue  le  tem[)S  transforme  les  conditions  morales 
et  l'état  économique  des  populations. 

Au  milieu  de  cette  évolution  si  rapide  des  hommes  et  des  choses, 
en  face  des  agitations  profondes  qui  émeuvent  nos  sociétés  moder- 
nes, \es  Ouvriers  f/rs  fJeti.r  mo/idrs  ne  cesseront  d'enrichir  leur  i;a- 
lerie  par  des  nortraits  nouveaux,  et  les  monogniphies  de  familles 
ainsicontinuécs  seront  à  la  fois  une  démonstration  toujours  rajeunie 
des  principe  fondamentaux  de  la  science  sociale,  des  contributions 
relevant  n  i  ».  fois  de  la  morale  et  de  la  statistique  pour  la  solution 
des  problèmes  contemporains,  et  des  archives  précieuses  [)our 
l'histoire  des  idées,  des  mœurs  et  des  institutions  à  la  Hn  du 
dix-neuvième  siècle. 


LES  OUVRIERS  DES  DEUX  MONDES. 


DEUXIÈNIE   SÉRIE.   —  28«    FASCICULE. 


AVERTISSEMENT 

DE  LA  SOCIÉTÉ  D'ÉCONOMIE  SOCIALE. 


L'Académie  des  sciences,  en  1856,  a  couronné  le  premier  ou- 
vrage de  science  sociale  publié  par  F.  Le  Play,  les  Ouvriers  eu- 
ropéens. Elle  a  en  même  temps  exprimé  le  désir  qu'une  pareille 
œuvre  fût  continuée.  La  Société  d'Économie  sociale,  fondée  aus- 
sitôt par  l'auteur  de  ce  livre  aujourd'hui  célèbre ,  lui  a  donné 
pour  suite  les  Ouvriers  des  Deux  Mondes.  De  1857  à  1885,  la 
Société  a  publié  une  première  série  de  cinq  volumes  contenant 
quarante-six  monographies  de  familles  ouvrières. 

La  deuxième  série  des  Ouvriers  des  Deux  Mondes  a  commencé 
en  juillet  1885.  Le  premier  tome  de  cette  série  a  été  terminé 
en  juillet  1887;  le  deuxième,  à  la  fin  de  1889;  le  troisième,  au 
commencement  de  1892.  Ils  comprennent  les  descriptions  mé- 
thodiques de  trente-deux  familles  d'ouvriers,  appartenant  à  la 
Bretagne,  la  Picardie,  le  Nivernais,  l'Ile-de-France,  la  Provence, 
la  Gascogne,  le  Dauphiné,  la  Normandie,  la  Marche,  l'Orléanais, 
le  Limousin,  la  Corse,  la  Grande-Russie,  la  Grande-Kabylie,  le 
Sahel,  le  Sahara  algérien,  la  Belgique,  la  Prusse  rhénane,  la 
Sicile,  la  campagne  de  Rome,  la  Capitanate,  l'Angleterre,  la 
Laponie,  l'Alsace,  la  Hollande.  Le  présent  fascicule,  le  29"  de  la 
deuxième  série,  est  le  premier  du  tome  IV.  (Voir  au  verso  de  la 
couverture  du  présent  fascicule.) 

La  publication  se  poursuit  par  fascicules  trimestriels,  avec 
le  concours  de  la  maison  Firmin-Didot.  Un  tel  concours  lui  as- 
sure cette  perfection  que  nos  lecteurs  ont  su  apprécier  dans  une 
œuvre  typographique  particulièrement  délicate. 

Les  prochains  fascicules  contiendront  les  monographies  de  fa- 
mille d'un  Métayer  du  Texas,  d'un  Pécheur  de  l'archipel  Chusan 
(Chine),  d'un  Armurier  de  Liège,  d'un  Ébéniste  de  Paris,  d'un 
Ouvrier  de  la  Papeterie  coopérative  d'Angoulôme,  d'un  Ardoisicr 
d'Angers,  etc. 


LES  OUVRIERS  DES  DEUX  MONDES 

PUBLIÉS    PAR   LA   SOCIETE    d'ÉCONOMLE    SOCIALE, 

RECONNUE  d'utilité  PIBLIQLE. 


Deuxième  série.  —  28«'  fascicule. 


AJUSTEUR-SURVEILLANT 

DE 

L'USINE  DE  GUISE  (OISE), 

TACHEROS-EMPLOTÉ, 
DANS   LE   SVSTÈME   DES    ENGAGEMENTS   VOLONTAIRES   PERMANENTS, 

d'après 

LES   RENSEIGNEMENTS   RECUEILLIS   SUR    LES    LIEUX,   EN   1884   ET    1890, 

PAR 

M.    URBAIN    GUÉRIN. 


PARIS, 


LIBRAIRIE    DE    FIRMIN-DIDOT    ET   G'^ 

IMPRIMEURS    DE    L'l>STITUT,    RUE   JACOB,   50. 

1892. 

Droite  de  traduction  et  de  reproduction  réservfe. 


N"  73. 

AJUSTEUR-SURVEILLANT 

DE 

L'USINE  DE  GUISE  (AISNE) , 

TACIIEHUN-EMPLOYÉ, 

DANS   LE   SYSTÈME   DES   ENGAGEMENTS  VOI.ÛNTAIUES   PERMANENTS  , 
d'après 

LES  RENSEIGNEMENTS   RECUEILLIS   SUR    LES   LIEUX,   EN    188-1   ET   EN    1800, 

PAU 

M.  Urbain  Guérin. 
OBSERVATIONS  PRÉLIMINAIRES 

DÉFINISSANT   LA   CONDITION   DES   DIVERS   MEMBRES   DE   LA    FAMILLE. 


DÉFINITION    DU   LIEU,   DE   L'ORGANISATION   INDUSTRIELLE 
ET    DE    LA    FAMILLE. 

ÉTAT  DU  SOL,  DK  l'iNDUSTRIE   ET  DE  LA  POPULATION. 

La  famille  habite  la  commune  de  Guise,  située  sur  les  rives  de 
l'Oise,  dans  le  département  de  l'Aisne.  C'est  un  chef-lieu  de  canton  de 
l'arrondissement  de  Vervins  qui  conline  à  la  Belgique.  La  ville  faisait 
autrefois  partie  de  la  Thiérache,  pays  dépendant  de  la  province  de 
Picardie.  Elle  est  située  à  une  distance  de  lî)i  kilomètres  de  Paris; 
un  embranchement,  appartenant  aune  compagnie  spéciale,  la  relie 
à  Saint-Quentin,  station  de  la  grande  ligne  du  Nord  qui  met  en  com- 
munication la  capitale  avec  Gharleroi,  Liège,  Cologne  et  l'Allemagne 
septentrionale.  Une  nouvelle  voie  ferrée  (de  Gâteau  à  Laon),  dont  cer- 
taines considérations  stratégiques  ont  déterminé  la  construction,  va 
bientôt  desservir  Guise. 

1 


2         N"   73.    —   A.IISTEUR-SUR VEILLANT    DE   L'uSINE   DE    GUISE    (aISNE\ 

La  ville  a  été  construite  dans  la  vallée  étroite  traversée  par  l'Oise; 
elle  s'étend  sur  les  deux  bras  de  la  rivière  qui  serpente  au  milieu  de 
riantes  prairies.  Sur  le  plateau  s'élevant  au-dessus  de  lu  vallée  s'éten- 
dent d'immenses  plaines,  mornes  et  nues,  qui  enlèvent  au  paysage  tout 
aspect  pittoresque.  Guise  ne  présente  aucun  caractère  tranché.  Dans  la 
principale  rue  se  trouvent  plusieurs  maisons  de  respectable  apparence. 
Une  vieille  tour,  débris  des  anciennes  fortifications,  domine  la  ville; 
d'en  haut  la  vue  s'étend  sur  une  vaste  étendue  de  pays,  et,  dit-on,  jus- 
qu'aux tours  de  la  cathédrale  de  Laon.  Cette  tour  est  maintenant  en- 
clavée dans  la  citadelle  moderne  qui  motive  la  présence  d'une  gar- 
nison composée  en  ce  moment  d'un  bataillon  d'infanterie. 

Le  climat  de  Guise  est  celui  des  vallées  appartenant  à  la  région 
septentrionale  de  la  France,  notamment  froid  et  brumeux  pendant 
l'automne  et  l'hiver;  dans  cette  dernière  saison,  le  thermomètre 
descend  fréquemment  à  plusieurs  degrés  au-dessous  de  zéro. 

La  population  de  la  ville  s'élève  à  7.580  âmes;  le  mouvement  se  dé- 
compose ainsi  dans  une  année  prise  comme  type  :  290  décès,  contre 
210  naissances.  Cette  population  se  compose  de  tous  les  corps  de  mé- 
tiers que  nécessite  une  agglomération  humaine;  elle  comprend  aussi 
des  agriculteurs  qui  se  rendent  tous  les  jours  à  leurs  champs  situés  à 
proximité  de  la  ville,  des  propriétaires,  des  rentiers  et  enfin  une  nom- 
breuse population  ouvrière.  Guise,  en  effet,  possède  deux  fabriques 
d'inégale  importance  :  une  fabrique  de  tissage  et  de  filature  occupant 
six  cents  personnes,  et  l'usine  créée  par  M.  Godin  et  connue  sous  le  nom 
de  familistère,  à  laquelle  ses  maisons  ouvrières  et  son  organisation 
spéciale  ont  assuré  une  vogue  quasi  universelle.  Parmi  les  personnes 
qui  ont  visité  l'usine,  il  s'en  trouve,  en  effet,  appartenant  à  tous  les  pays, 
et,  entre  autres,  beau(;oup  d'Américains  du  Nord  et  du  Sud.  L'exploita- 
tion industrielle  de  la  Société  comprend  la  fabrication  :  1"  d'appareils 
de  chauffage  consistant  en  fourneaux  de  cuisine,  appelés  aussi  cuisi- 
nières, calorifères,  poêles  et  réchauds;  2°  d'ustensiles  de  cuisine; 
.'{"d'articles  d'éclairage  et  d'ameublement;  4°  d  objets  de  quincaillerie 
et  de  bâtiment. 

L'usine  a  été  construite  à  mi-cùle  d'un  petit  coteau  qui  monte  dou- 
cement au-dessus  de  la  ville,  du  côté  opposé  à  celui  où  se  dresse  la 
vieille  tour  dont  nous  avons  parlé  plus  haut.  Klle  se  déploie  sur  une 
siq)erficie  de  treize  hectares  de  terrain.  Le  hall  ipii  sert  de  magasin  aux 
fourneaux  de  diverses  sortes  et  aux  pnèjes  comprend  un  hectare.  Trois 
halls  pareils  sont  affeclés  à    la  fonderie,  un  est  réservé  à  l'ajustage. 


OBSERVATIONS   PRELIMINAIRES.  d 

L'émaillage,  la  décoration  des  émaux,  le  montage,  etc.,  occu- 
pent une  superficie  de  deux  à  trois  hectares.  Les  bureaux,  l'atelier 
de  construction  et  de  réparation  des  machines  ou  outils  employés  dans 
l'usine,  soift  installés  dans  des  locaux  proportionnés  à  ceux  ci-dessus 
désignés.  Les  cours  prennent  le  reste  du  terrain. 

En  sortant  de  l'usine,  on  rencontre,  à  gauche,  au  bout  du  faubourg 
appelé  Faubourg  de  Landrecies,  un  établissement  servant  au  logement 
des  ouvriers,  et  auquel  son  fondateur  a  donné  le  nom  de  familistère. 
C'est  le  premier  qui  ait  été  construit.  Sur  le  bord  de  la  route  perpen- 
diculaire à  l'usine,  et  qui  la  met  en  communication  avec  la  gare,  des 
constructions,  affectées  aux  autres  services  publics  organisés  par  M.  Go- 
din  pour  son  personnel,  ont  été  successivement  édifiées. 

A  droite  se  voit  d'abord  un  jardin  appartenant  à  l'association;  puis 
un  bâtiment  affecté  au  lavoir  et  à  l'établissement  de  bains.  Sur  ce  ter- 
rain a  été  construit  le  gazomètre.  La  route  traverse  alors  un  des  bras 
de  l'Oise  sur  un  pont  qui  a  été  élevé  aux  frais  de  M.  Godin. 

Là  se  déploie  le  plus  grand  des  trois  familistères,  dont  la  façade 
extérieure  n'a  pas  moins  de  180  mètres;  il  se  compose  d'un  vaste  pa- 
villon central,  en  retrait  sur  deux  ailes  et  d'une  hauteur  de  trois  étages. 
Derrière,  et  presque  attenant  au  familistère,  deux  constructions  de 
modeste  dimension  servent  pour  la  nourricerie  et  le  pouponnât;  elles 
prennent  jour  sur  un  parc  appartenant  à  l'établissement,  et  dans  lequel 
se  célèbrent  quelquefois  les  fêtes  de  l'association  (§  11);  ce  parc  et  les 
jardins  qui  en  dépendent  sont  bordés  par  un  des  bras  de  l'Oise.  En 
face,  de  l'autre  côté  de  la  route,  se  trouvent  la  buvette,  une  salle  ser- 
vant autrefois  de  restaurant,  le  magasin  de  vente  de  la  charcuterie  et 
de  la  boucherie,  les  écuries;  et,  auprès,  une  ancienne  basse-cour,  un 
autre  lavoir;  puis  le  bâtiment  renfermant  le  théâtre  et  les  écoles. 

Si  nous  continuons  la  route  que  nous  avons  descendue  depuis  l'u- 
sine, nous  apercevons  à  gauche,  après  avoir  franchi  la  rue  qui  relie 
la  ville  de  Guise  au  familistère  et  à  la  voie  ferrée,  le  troisième  fami- 
listère, qui  n'était  pas  terminé,  lors  de  notre  première  visite.  Il  est 
maintenant  habité.  Du  même  cùté  se  trouvent  ensuite  la  boulangerie 
et  le  billard;  de  l'autre,  des  jardins,  loués  par  l'association  à  des 
ouvriers  et  affectés  à  la  culture  des  légumes. 

Le  personnel  industriel  de  l'usine  comprend,  comme  ouvriers  et 
employés,  1.137  personnes  qui  se  décomposent  de  la  manière  suivante  : 
hommes,  987;  femmes,  54;  jeunes  gens  de  quatorze  à  dix-sept  ans,  96. 
11  y  a  lieu  d'ajouter  le  personnel  employé  aux  services  du  familistère, 


OBSERVATIONS    rRELIMINAlUES.  5 

comprenant  31  hommes  et  09  femmes,  ce  qui  donne  un  total  de  1.237  em- 
ployés et  ouvriers.  La  société  possède  en  Belirique,  à  Lacken,  une  autre 
usine  où  se  fabriquent  les  mêmes  objets,  mais  elle  n'occupe  que  212  per- 
sonnes, dont  207  hommes  et  5  femmes.  Le  personnel  de  l'usine  change 
jicu,  et  les  avantages  assurés  aux  diverses  catégories  d'ouvriers  (§  22\ 
en  leur  procurant  une  participation  aux  bénéfices  et,  à  ceux  parve- 
nus aux  premiers  rangs  de  la  hiérarchie  établie,  une  part  de  co-pro- 
priété,  les  attachent  à  l'établissement. 

Voici  comment  se  décompose  la  stabilité  des  employés  et  ouvriers 
dans  les  services  divers  : 

230  occupes  depuis  une  période  de  5  ans  fit  au-dessous, 

282  —  depuis  '>  .i  10  ans, 

1.';2  —  depuis  10  à  15  ans, 

180  —  depuis  15  à  20  ans, 

142  —  depuis  20  à  2";  ans, 

88  —  depuis  25  à  30  ans, 

45  —  depuis  30  à  35  ans, 

16  —  depuis  35  à  40  ans, 

2  —  depuis  40  à  45  ans. 

Les  services  du  familistère  comprennent  : 

41  personnes  occupées  depuis  une  période  de  5  ans  et  au-dessous, 

31  —  depuis  5  à  10  ans, 

8  —  depuis  10  à  15  ans, 

"  —  depuis  15  à  20  ans, 

10  —  depuis  20  .T  25  ans, 

2  —  depuis  25  à  30  ans, 

—  depuis  30  à  35  ans. 


l    2. 

KTAï  CIVIL  nr:  l\  famille. 

La  famille  comprend  cinq  personnes  : 

1.  VicTOP.-IsiDoiîF,  .!•",  chef  de  famille,  né  à  Neuvillette  (Aisne) 37  ans. 

2.  IIermance-Lûlise,  sa  femme,  née  à  Guise ,30    — 

3   Ai.ice-Hekmvxce  J*'*,  leur  fille  aînée,  âgée  de 11    — 

4.  Georges-Victok  J***,  leur  seul  fils,  Age  de i il    — 

5.  (iEoiiGEiTE-Fi.oriE  .1'**,  leur  2"   fille,  âgée  de 7    — 

Les  enfants  ont  eu  p(nir  parrains  et  marraines  des  membres  de  la 
famille. 

Le  père  de  l'ouvrier  était  tisseur,  sa  mère  faisait  le  ménage.  Ils  ont 
eu  SIX  enfants  dont  trois  fils,  outre  Victor-Isidore.  Tous  travaillent  k 


6         n"   73.    —   AJUSTEUR-SURVEILLANT    DE   L'uSINE   DE   GUISE   (aISNE). 

l'usine  de  (luise  dans  l'atelier  d'ajustage;  deux  d'entre  eux  demeurent 
au  familistère  ;  ils  sont  mariés  :  l'un  a  deux  enfants;  l'autre  a  perdu  les 
siens.  Le  plus  jeune,  non  marié,  est  resté  avec  le  père  et  la  mère;  bien 
qu'fàgé  de  soixante-treize  ans,  le  père  travaille  encore;  il  est  employé 
à  l'usine,  comme  manœuvre,  à  la  machine  à  mouler.  Des  deux  fdles 
qu'il  a  eues,  l'une  est  mariée  à  un  ferblanlier  dont  elle  a  eu  deux  en- 
fants; l'autre,  non  mariée,  est  couturière  à  Guise. 

Le  père  de  la  femme  était  gan-on  brasseur;  la  mère  restait  à  la 
maison  pour  se  livrer  aux  travaux  du  ménage.  La  femme  a  un  frère 
et  une  sœur  :  le  frère  est  ébéniste  à  Guise  et  marié;  il  a  perdu  un  de 
ses  enfants.  La  sœur  est  mariée  à  Nantes  à  un  forgeron;  elle  en  a  eu 
quatre  enfants. 

§3. 

RELIGION    ET   RABITUDES  MORALES. 

Le  mari  et  la  femme  vivent  en  bonne  intelligence;  ils  entretiennent 
d'excellents  rapports  avec  leurs  parents,  en  même  temps  qu'ils  s'atta- 
chent à  donner  de  l'instruction  à  leurs  enfants  qui  vont  aux  écoles  du 
laniilistère.  Créées  parM.  Godin  en  1862,  ces  écoles  sont  entretenues 
exclusivement  aux  frais  de  la  société  industrielle  (|ui  possède  l'usine. 
Aux  termes  des  statuts,  les  frais  qui  s'y  rattachent  ne  peuvent 
être  inférieurs  à  la  somme  de  15.000  francs  pour  la  rémunération 
des  personnes  attachées  au  soin  et  à  l'enseignement  de  l'enfance,  et  à  la 
somme  de  10.000  francs  pour  tous  les  déboursés  divers  nécessités 
comme  frais  généraux  de  l'éducation  et  de  l'instruction.  Les  institu- 
teurs et  institutrices  sortent  des  écoles  gouvernementales;  mais  ils  sont 
placés  là  beaucoup  plus  sous  la  direction  du  familistère  que  sous  celle 
(le  l'administration.  Les  écoles  de  l'usine  ne  suivent  pas  les  prescriptions 
littérales  du  programme  officiel  ;  ainsi  le  même  enseignement  est  donné 
aux  garçons  et  aux  filles,  sauf  pour  quelques  matières  :  la  couture, 
l'économie  domestique,  la  coupe  et  l'assemblage,  exclusivement  ensei- 
gnés aux  filles;  la  mécanique  et  le  dessin  industriel,  aux  garçons.  Bien 
quf  l;i  loi  ne  les  permette  plus  dans  les  coiunuuK^s  aussi  peuplées  (|ue 
Guise,  ce  sont  des  écoles  mixtes.  Du  vivant  même  de  M.  Godin,  les 
enfants  se  pr(jmenaient  ensemble,  un  petit  garçon  à  coté  d'une  petite 
lillc.  Us  se  rendent  à  l'école  en  chantant  des  cantiques  sur  le  travail. 
Les  enfants  restent  à  l'école  |)rimaire  jus(|u'à  l'âge  de  (pialor/.e  ans; 


OBSERVATIONS    PRELIMINAIRES.  7 

l'instruction  qu'ils  y  acquièrent  est  à  peu  près  celle  de  l'enseignement 
public  ;  mais  elle  est  dirigée  en  vue  de  la  profession  qu'ils  embrasseront, 
une  partie  des  enfants  devant  plus  tard  entrer  à  l'usine.  Ainsi  la  géo- 
métrie, le  dessin,  l'algèbre,  les  éléments  de  mécanique,  la  compta- 
bilité ,  de  première  importance  pour  les  futurs  ouvriers  ou  employés 
de  l'usine,  reçoivent  plus  de  développements  que  d'autres  matières 
moins  utiles  pour  eux.  Une  large  place  est  faite  à  l'instruction  morale 
et  civique. 

L'inspection  des  classes  et  la  présidence  des  examens  semestriels  sont 
confiées  à  une  commission  spéciale  composée  de  trois  membres  et  ap- 
pelée «  commission  scolaire  ».  Le  conseil  de  gérance  (§2;î)  la  nomme. 
Un  petit  conseil,  chargé  de  veiller  en  dehors  des  classes  au  maintien 
du  bon  ordre  et  à  l'observation  des  règlements,  se  compose  d'élèves 
nommés  par  leurs  camarades.  Le  vote  de  ce  petit  conseil  est  ainsi 
réglé  :  chaque  mois,  le  directeur  ou  le  professeur  fait  une  causerie  sur 
deux  facultés  à  l'ordre  du  jour  :  une  faculté  intellectuelle,  telle  par 
exemple  que  l'orthographe;  une  faculté  morale,  comme  l'ordre, 
la  propreté  ou  l'exactitude,  etc.  Les  élèves  désignent  ensuite  ceux  qui 
se  sont  fait  le  plus  remarquer  dans  les  deux  facultés.  Une  légère 
amende  est  infligée  aux  enfants  qui  manquent  l'école  sans  motifs  suf- 
fisants. 

La  famille  n'a  conservé  presque  aucune  pratique  religieuse.  Le 
mari  n'assiste  jamais  à  aucun  office,  et  la  femme  ne  va  à  la  messe 
qu'à  de  très  rares  intervalles.  Les  enfants  cependant  feront  leur  pre- 
mière communion.  C'est  du  reste  un  état  d'esprit  à  peu  près  général 
parmi  les  ouvriers  du  familistère  et  qu'expliquent,  entre  autres  causes, 
les  idées  très  hautement  manifestées  de  son  fondateur  (§  17).  Plusieurs 
ouvriers  se  sont  fait  enterrer  civilement.  L'ouvrier  lit  chaque  jour  un 
journal,  le  Petit  Parisien,  appartenant  à  une  nuance  d'opinion  très 
accentuée. 

Le  mari  et  la  femme,  cette  dernière  surtout,  présentent  les  traits 
du  caractère  picard,  c'est-à-dire  une  certaine  rudesse  de  formes  et 
peu  d'aflabilité  à  l'égard  des  étrangers.  Le  premier  n'est  pas  atteint  du 
vice  de  l'intempérance,  très  répandu  chez  les  ouvriers  de  la  région,  ils 
absorbent  en  grande  quantité  du  café  et  de  l'eau-de-vie,  qu'ils  appellent 
du  tiopot,  ou  de  l'eau-de-vio'  et  du  cidre  très  chaud,  mélange  auquel 
ils  donnent  le  nom  de  flip.  C'est  dans  les  cabarets  qu'ils  se  livrent  à 
ce  plaisir  très  vif  pour  eux,  et  les  jours  de  paie  tous  les  débits  de 
boisson  comptent  de  plus  nombreux  clients  que  les  autres  jours.  Heu- 


8         N°    "3.    —   AJUSTEUR-SL'RVEILLA.NT   DE   L  USINE   DE   GLISE    (aISNE). 

reusemenl  rinlempérance  perd  pliitùt  du  terrain  ([u'olle  n'en  gagne.  Un 
ouvrier,  du  re.«te,  (jui  se  présenterait  à  l'usine  eu  état  d'ivresse  serait 
exclu,  et  la  direction  s'attache  à  faire  monter  dans  la  hiérarchie  (§  2â) 
les  ouvriers  les  plus  sobres. 

Une  autre  tendance  des  ouvriers,  c'e.^t  le  luxe  de  l'ameublement.  Ils 
achètent  des  tapis,  des  meubles,  plus  coûteux  que  ne  le  comporterait 
leur  situation  pécuniaire.  Le  luxe  de  la  toilette  les  séduit  non  moins 
vivement.  On  cite,  comme  preuve  de  ces  dispositions,  un  ménage  qui, 
pour  une  somme  assez  élevée,  a  fait  faire  son  portrait.  La  famille 
décrite  dans  la  présente  monographie  se  plaît  à  orner  son  intérieur; 
ses  enfants  sont  très  bien  mis.  mais  il  n'y  a  aucun  excès  à  lui  repro- 
cher. 

§   ^' 

IIYGIKNE    ET   SERVICE    DE   SANTÉ. 

Doués  d'une  bonne  constitution,  le  mari  et  la  femme  se  portent 
bien.  Il  en  est  de  même  des  enfants,  rarement  atteints  de  quelque  in- 
disposition. Le  familistère  de  Landrecies  est,  il  est  vrai,  placé  dans  des 
conditions  particulières  de  salubrité.  Mais  les  autres  ne  sont  pas  plus 
éprouvés  par  la  maladie,  et  la  ville  de  Guise  ne  présente  sous  ce  rap- 
port aucun  trait  caractéristique.  Gomme  partout,  l'épidémie  d'influenza 
qui  a  sévi  ù  la  fin  de  l'année  1889  et  dans  le  mois  de  janvier  18'J0,  a  fait 
de  grands  ravages.  Dans  l'atelier  où  travaillait  l'ouvrier,  18  de  se.s 
compagnons  manquaient  sur  25. 

L'ouvrier  et  sa  femme  sont  assurés  contre  la  maladie  (!:$  20).  Il  a  la 
faculté  de  choisir  son  médecin  et  son  pharmacien  ;  le  bon  pour  le  pliar- 
macien  doit  être  signé  seulement  par  un  délégué  de  la  caisse.  Les  en- 
fants ont  droit  gratuitement  à  la  pharmacie.  Certains  remèdes  sont 
toutefois  à  la  charge  de  l'assuré.  Les  accouchements  sont  faits  par 
une  sage-femme;  elle  prend  une  somme  de  10  francs  dont  le  paiement 
se  fait  à  l'usine. 

8  s. 

RANG    m:    I.'OIVRIER. 

Le  titre  d'associé,  li'  plus  élevé  dans  la  hiérarchie  (§  22),  indique  la 
considération  dont  jouit  l'ouvrier  auprès  de  ses  supérieurs;  ils  lui  on 


OBSERVATIONS    PRELIMINAIRES.  9 

ont  donné  une  nouvelle  preuve  en  le  nommant  surveillant.  S'il  n'a  pas 
de  relief,  ainsi  que  beaucoup  d'ouvriers  de  la  grande  industrie,  pris 
dans  un  engrenage  et  plies  à  une  vie  en  quelque  sorte  mécanique,  lui 
et  sa  femme  passent  pour  des  gens  rangés,  laborieux,  menant  une  vie 
sage  et  réglée,  se  préoccupant  du  sort  de  leurs  enfants,  et  c'est  tout 
ce  qu'on  leur  demande. 


MOYENS  D'EXISTENCE  DE  LA  FAMILLE. 


6. 


PROPRIETES. 

(Mol)ilicr  et  vêtements  non  compris.) 

Immeubles 0^00 

La  famille  ne  possède  aucune  propriété  immobilière  et  n'en  acquerra 
sans  doute  jamais. 

Valeurs  mobilières 5.iOi''00 

L'ouvrier  a  reçu  chaque  année,  depuis  sa  nomination  d'associé,  une 
somme  représentant  la  part  qui  lui  est  allouée  comme  participation 
aux  bénéfices.  Cette  somme,  qui  s'élève  maintenant  à  5.401  francs,  re- 
présente une  part  de  propriété  de  l'usine.  Elle  est  productive  d'intérêts 
à  5  %  et  lui  donne  droit  en  oulre  h  un  dividende  proportionnel  à 
l'état  des  affaires  (§  22). 

Argent .WOO 

La  famille  conserve  l'argent  nécessaire  pour  les  dépenses  quoti- 
diennes et  les  incidents  imprévus  qui  peuvent  se  présenter. 

Animaux  domestiques 0^00 

La  famille  n'entretient  aucun  animal  domestique. 

Matériel  SPÉCIAL  des  travaux  et  industries 21*^70 

Les  outils  dont  l'ouvrier  se  sert  a  l'usine  appartiennent  à  celle-ci. 

i"  Outils  pour  la  cuUurc  du  jardin.  —  i  l)cche.  3'  ;";o;  —  1  ralonu,  .V  00.  —  Total,  0'  r;0. 


10      N"   73.    —   AJUSTEUR-SURVEILLANT    DE   l'uSIXE    DE   GUISE    (aISNE). 

•2"  Mdlcrifl  de  blanchissage.  —  1  cuve  à  3  pieds,  o'25;  —  i  chaiulron,  VOO;  —  1  baquet, 
l'OO;  —  hattoirs,  2'00:  —  3  fers  à  repasser.  3'00.  —  Tolal  15'i'i. 

Valeur  totale  des  propriétés 5. 452' 7 5 


subventions. 

L'ouvrier  reçoit  de  son  père  une  modeste  subvention  sous  la  forme 
de  prêt  de  quelques  instruments  de  jardinage,  et  aussi  des  autres  mem- 
bres de  la  famille  quelques  menus  cadeaux  faits  aux  enfants. 

Avant  que  la  loi  n'eût  établi  la  gratuité  d'une  manière  générale, 
l'enseignement  gratuit  donné  par  l'usine  pouvaitêtre  considéré  comme 
une  subvention.  Aujourd'hui  les  familles  qui  envoient  leurs  enfants 
à  ses  écoles  se  trouvent  placées  dans  la  même  condition  que  les  autres. 

Les  institutions  de  prévoyance  (§  20)  qui  ont  été  établies  ne  sont 
pas  des  subventions  au  sens  strict  du  mot,  puisqu'une  cotisation  des 
ouvriers  alimente  leur  fonctionnement.  Mais  les  avantages  qu'elles 
procurent  et  que,  livrés  à  eux-mêmes,  ils  n'auraient  jamais  été  en  me- 
sure d'acquérir  à  si  bon  compte,  rentrent  dans  cette  catégorie  de  res- 
sources si  précieuses  pour  le  bien-être  des  familles  ouvrières  et  que 
les  errements  de  l'économie  moderne  ont  trop  souvent  fait  dispa- 
raître. On  peut  notamment  faire  figurer  parmi  elles  l'économie  que 
la  famille  réalise  sur  l'achat  de  divers  objets  en  s'adressant  à  la 
société  coopérative  de  consommation  qui  vend  à  un  taux  moins  élevé 
(pie  les  marchands  de  la  ville. 

Une  véritable  subvention  également,  c'est  la  participation  aux  bé- 
néfices qui  a  acheminé  l'ouvrier  vers  la  possessinu  d'une  part  de  l'u- 
sine. Llle  est  sans  doute  devenue  un  droit  pour  une  catégorie  déter- 
minée d'ouvriers,  mais  elle  a  été  libéralement  établie  parle  patron. 

TKAVAU.V    et    INDUSTIUES. 

Travail  de  l'ouvrier.  —  L'ouvrier  travaillait  à  l'alelier  d'ajustage: 
il  montait  des  fourneaux  émaillés,  besogne  qui  ne  lui  imposait  pas  une 
lr(i|i  grande;  fatigue,  mais  qui  réclame  beaucoup  de  soins.  Il  a  été  aussi 
à  remaillage;  toutefois  le  séjour  d'un  ouvrier  dans  ce  dernier  atelier  ne 


OBSERVATIONS   PRÉLIMINAIRES.  11 

s'y  prolonge  pas  au  delà  d'une  quinzaine,  à  cause  de  l'insalubrité  du 
travail,  qui  résulte  d'une  chaleur  excessive  et  de  l'emploi  du  minium. 
Maintenant  il  est  surveillant;  ce  poste  n'est  donné  qu'aux  ouvriers 
qui  se  distinguent  par  leur  bonne  conduite  et  par  leur  habileté  pro- 
fessionnelle. La  durée  du  travail  est  de  dix  heures  :  les  ouvriers  entrent 
à  l'usine  à  six  heures  et  demie;  ils  y  restent  jusqu'à  neuf  heures.  Le 
travail  reprend  ensuite  de  neuf  heures  et  demie  à  une  heure,  puis, 
après  une  interruption  d'une  heure,  de  deux  à  six  heures.  Le  travail 
s'arrête  le  dimanche,  sauf  dans  l'atelier  où  se  fait  la  cuisson  des  bri- 
ques; la  présence  de  quelques  ouvriers  y  est  nécessaire.  Comme  ajus- 
teur, l'ouvrier  gagnait  en  moyenne  6^o0  par  jour;  sa  rétribution 
comme  surveillant  ne  dépasse  pas  ce  chiffre.  A  Guise,  les  salaires  sont 
fixés  à  la  pièce,  à  l'heure,  au  mois  :  à  la  pièce,  pour  tous  les  travaux 
concernant  la  fabrication  proprement  dite  ;  à  l'heure,  pour  les  travaux 
concernant  les  modèles,  l'entretien  et  les  constructions.  Les  directeurs, 
employés  de  bureaux,  et  certains  surveillants  d'atelier  sont  payés  au 
mois.  Le  directeur  d'un  atelier,  d'accord  avec  les  surveillants,  fixe  les 
tarifs  des  travaux  à  la  pièce;  il  en  est  de  même  pour  la  fixation  du 
prix  de  l'heure,  qui  varie  suivant  les  métiers  exercés  et  suivant  l'ha- 
bileté de  l'ouvrier.  Toute  fixation  de  prix  ou  toute  modification  de 
prix  doit  être  approuvée  par  l'administrateur-gérant,  assisté  du 
conseil  de  gérance.  Dans  la  fixation  des  salaires  à  la  pièce,  la  direction 
prend  pour  base  la  production  journalière  de  dix  heures  d'un  ouvrier 
de  force  et  d'habileté  moyennes,  pouvant  atteindre  un  gain  de  5  francs. 
Elle  s'attache  aussi  à  ne  pas  faire  dépendre  le  prix  de  la  valeur  du 
produit  vendu,  mais  seulement  de  la  valeur  du  travail  qu'il  nécessite. 
Pour  le  paiement  du  salaire,  il  est  arrangé  de  telle  sorte  que  tous  les 
ouvriers  d'un  même  atelier  ne  le  reçoivent  pas  en  même  temps.  M.  Go- 
din  avait  été  très  frappé  des  tristes  scènes  auxquelles  il  avait  assisté 
dans  sa  jeunesse,  lorsque  les  ouvriers  d'un  même  atelier,  ayant  reçu 
leur  paie  en  même  temps,  se  faisaient  réciproquement  fête  dans  les 
cabarets  et  rentraient  chez  eux  en  état  d'ivresse,  leur  porte-monnaie 
allégé  d'une  partie  de  son  contenu.  Aussi  la  paie  est-elle  faite  suivant 
l'ordre  alphabétique  des  noms  du  personnel,  sans  égard  ni  aux  profes- 
sions ni  aux  ateliers  dans  lesquels  les  ouvriers  travaillent.  Elle  a  lieu 
tous  les  quinze  jours,  et  les  ouvriers  ont  été  divisés  en  quatre  parties 
égales  :  la  première,  de  A  à  G,  payée  le  mardi;  la  seconde,  de  D  à  G,  le 
vendredi;  la  troisième,  de  11  à  L,  le  mardi  suivant;  la  quatrième,  de 
M  à  Z,  le  vendredi  suivant;  et  ce  mode  de  paiement  a  diminué  dans 


12      N"    ".'{,    —   AJUSTKLH-SLUVEILLANT    DE   L' USINE    DE    GUISE    (aISNE). 

une  forte  proportion  les  absences  le  lendemain  des  jours  de  paie. 
Sur  337.800  journées  qui  auraient  dû  être  faites,  les  statisticjues  de 
l'usine  n'ont  relevé  que  1.826  absences  non  autorisées.  Dans  toutes  les 
([uestions  de  salaire  et  de  travail,  le  comité  des  délégués,  nommés  au 
familistère  et  à  l'usine,  représente  les  intérêts  de  tous  les  ouvriers. 

Aux  termes  du  règlement  de  l'usine,  article  67,  ce  s^-ndical,  par 
l'organe  de  son  président,  soumet  toutes  questions  en  litige  à  l'admi- 
nistrateur-gérant;  celui-ci,  après  examen,  réunit  le  comité  pour  donner 
à  ces  questions  une  solution  conforme  aux  intérêts  communs;  et,  au 
besoin,  si  la  solution  présente  des  difficultés,  l'adminislrateur-gérant 
peut  réunir  le  conseil  de  gérance  et  le  syndicat  pour  trancher  la  dilR- 
culté.  C'est  également  le  conseil  de  gérance,  d'accord  avec  le  syndicat 
du  travail,  qui  fixe,  selon  les  traditions  de  l'établissement,  les  amendes 
))Our  vacances  non  autorisées. 

Travaux  de  la  femme.  —  La  femme  s'occupe  exclusivement  des  tra- 
vaux du  ménage  :  préparation  des  aliments,  soins  aux  enfants,  bonne 
tenue  des  appartements,  réparation  des  vêtements. 

Travaux  des  enfants.  —  Les  enfants  sont  trop  jeunes  pour  se  livrer 
à  aucun  travail;  ils  rendent  quelques  menus  services  dans  le  ménage 
ou  au  jardin. 

Industries  domestiques.  —  De  même  qu'un  très  grand  nombre  d'ou- 
vriers de  Guise,  l'ouvrier  loue  un  jardin.  L'usine  en  possède  autour 
des  familistères;  elle  les  donne  en  location  aux  ouvriers  qui  les  re- 
cherchent fort,  eu  égard  à  la  proximité  de  leurs  habitations.  Comme 
ils  étaient  tous  pris,  l'ouvrier  on  a  loué  un  sur  le  chemin  delà  Bussière, 
à  une  très  faible  distance  de  la  ville.  La  journée  ne  se  prolongeant  pas 
au  delà  de  dix  heures,  il  lui  est  possible,  dans  les  longs  jours  d'(''lé, 
de  travailler  à  son  jardin,  soit  le  matin  dès  l'aube,  avant  de  se  rendre 
à  l'usine,  soit  surtout  le  soir.  La  famille  s'y  rend  tous  les  dimanches, 
lorsque  le  temps  le  permet,  et  c'est  surtout  ce  jour-là  qu'elle  y  exé- 
cute la  plus  grande  partie  des  travaux  nécessaires.  Le  jardin  lui  four- 
nit ainsi  des  légumes  qu'elle  prise  beaucoup  (ij  16).  La  famille  a  aussi 
retenu  comme  industrie  domestique  le  blanchissage. 


OBSERVATIONS    rKELlMINAlRES.  13 


MODE  D'EXISTENCE  DE  LA  FAMILLE. 

ALIMENTS   ET   KEl'AS. 

La  famille  se  nourrit  bien,  sans  excès  ni  recherche.  L'ouvrier  fait 
quatre  repas  par  jour.  Le  matin,  avant  d'aller  à  l'usine,  un  petit  dé- 
jeuner composé  de  café  et  de  pain  sec,  A  9  heures,  second  déjeuner, 
qui  se  compose  de  laitage  et  d'un  reste  de  la  veille.  A  1  heure  a  lieu 
le  dîner  dont  voici  le  menu  le  plus  habituel  :  soupe  grasse,  avec  de  la 
bière  comme  boisson,  et  du  café,  A  6  heures  l/:2  enfin,  le  souper  :  un  petit 
morceau  de  viande,  avec  de  la  salade  ou  des  œufs, 

La  famille  prend  du  vin  le  dimanche,  et  quelquefois  un  autre  jour  de 
la  semaine.  Le  cidre  était  consommé  jadis;  aujourd'hui,  c'est  la  bière 
qui  sert  de  boisson  habituelle  au  ménage  et  à  la  plupart  des  familles 
ouvrières. 

Lorsque  la  famille  invite  quelques  personnes  (§  H),  la  table  se  cou- 
vre de  mets  plus  nombreux  et  plus  variés  :  du  bœuf  ou  une  poule  dont 
le  bouillon  sert  pour  la  soupe,  un  ragoût  de  lapin,  un  rôti,  de  la  pâtis- 
serie. 

L'ouvrier,  demeurant  tout  près  de  l'usine,  ne  se  trouve  jamais  dans 
la  nécessité  de  prendre  des  repas  au  dehors.  Il  ne  consomme  de  boissons 
alcooliques  au  café  qu'avec  une  grande  modération. 

l  10. 

IIAUrrATlON,    MOBILIER    ET    VETEMENTS. 

La  famille  habite,  au  familistère  de  Landrecies,  ainsi  nommé  à  cause 
du  faubourg  dans  lequel  il  a  été  bâti  et  qui  s'appelle  également  petit 
famihstère,  un  appartement  au  rez-de-chaussée  composé  de  cinq  pièces, 
deux  chambres  et  trois  cabinets,  plus  une  cave  et  un  grenier.  La  première 
de  ces  pièces,  celle  par  laquelle  on  pénètre  en  entrant,  sert  à  la  fois  de 
salle  à  manger  et  de  cuisine;  dans  la  seconde  couchent  les  parents.  Les 
lits  des  enfants  sont  dressés  dans  deux  des  cabinets.  L'appartement 


14      iN°    73.    —   AJUSTEUR-SURVEILLANT    DE   l' USINE    DE    GUISE    (AISNEj. 

coûte  18^40  par  mois.  11  est  payé  par  une  retenue  opérée  chaque 
quinzaine;  les  employés  ne  subissent  celte  retenue  qu'une  fois  par 
mois.  Le  familistère  de  Landrecies  est  le  plus  recherché  des  trois;  il 
ne  comprend  pas  de  cour  vitrée;  de  plus,  placé  à  mi-côte,  il  domine  la 
ville,  et  de  la  salle  à  manger  la  vue  s'étend  sur  Guise  couronnée  par  sa 
vieille  tour,  sur  les  prairies  et  jardins  au  milieu  desquels  l'Oise  ser- 
pente, et  sur  les  autres  familistères.  Aussi  la  famille  est-elle  très  atta- 
chée à  son  appartement. 

Autrefois  les  logements  se  donnaient  à  l'adjudication  ;  mais  ce  mode 
de  location  a  été  abandonné,  parce  que,  dans  la  chaleur  des  enchères, 
les  ouvriers  se  laissaient  entraîner  à  des  prix,  trop  élevés;  aujourd'hui 
ils  sont  donnés  suivant  l'ordre  d'inscription.  Les  ouvriers  ayant  une 
bonne  conduite  sont  seuls  admis  au  familistère;  toute  demande  d'ad- 
mission doit  du  reste  être  présentée  au  conseil  de  gérance.  Le  loge- 
ment au  familistère  est  exigé  de  certaines  catégories  d'ouvriers  (§  18). 

Meubles  :  très  suffîsanls  et  soigneusement  entretenus  .  .  .     882^  75 

1»  Literie.  —  l  grand  lit  avec  sommier,  loO'OO;  —  2  lits  en  fer  pour  les  enfants,  rJO'OO; 
—  -2  éclredons,  40'00;  —  2  matelas  de  laine,  '2(»0f00;  —  1  matelas  de  crin,  -^O^OO;  —  -2  cou- 
vertures de  coton,  lO'OO;  —3  oreillers,  27'00;  —  9  taies  d'oreillers,  lO'ij;  —  -2  tra\crsins, 
3'00;  —  3  couvertures  de  laine,  4i)'00;  —  1  couvre-pieds  blanc,  5'00.  —  Total,  'MO'2^. 

2"  Mobilier.  —  C  chaises,  27'00;  —  1  armoire,  13'i'00;  —  1  table  ronde  avec  toile  cirée, 
;i2'00;  —  i  pendule.  80'O3;  —  t  glace,  iO'0(»;  —  2  vases,  gagnes  aux  fêtes,  4'0O;  —  1  table 
de  nuit,  l'-2S;  —  1  vieux  ta])is,  l'OO;  —  2  tableaux ,  O'OO;  —  i)liot()grapliies,  l'OO.  — 
Total,  3n'23. 

3"  Livres.  —  1  livre  de  messe,  2' 25;  —  3  livres  de  prix  des  enfants  (Perdu  sur  la  vicr 
de  corail,  Les  bêles  industrieuses,  La  bibliothèque  laïque),  3' 00.  —  Total,  ti'iti. 

Ustensiles  :  répondant  très  largement  à  tous  les  besoins  de  la  fa- 
mille       179^00 

i"  Employas  pour  la  préparution  et  la  consommation  des  aliments.  —  1  fourneau,  ap- 
pelé aussi  cuisinière,  03' 00;  —  1  marmite  en  fer  cmaillé,  ¥îiO;  —  2  casseroles  en  fer- 
blanc,  2' 00;  —  1  autre  casserole  en  fer  émaillé,  2' 2.'»;  —  12  assiettes  ordinaires,  2' 20;  — 
18  assiettes  plus  belles,  4'iiO;  —  12  cuillers  ordinaires,  2' 40;  —  12  cuillers  en  métal  i)lus 
belles,  10'(K);  —  1  grande  cuiller  à  snupe,  2'00;  —  12  fourchettes  ordinaires,  2' 40;  — 
12  fourchettes  en  métal  plus  belles.  lo'OO  ;  —  12  petites  cuillers  à  café,(>  en  métal  anglais 
et  G  en  ruolz,  4' 50;  —  l  douzaine  de  couteaux,  6' 00;  —  1  cafetière  émaillée,  C'OO;  —  18  ver- 
res à  pied,  3' 60;  —  12  petits  verres,  2^40;  —  18  tasses,  2'70;  —  4  bols,  l'20;  —  2  sala- 
diers, 3'30;  —  1  soupière,  2^25;  —  3  plats.  2' 40;  —  3  plats  de  faïence.  2^00;  —  1  moulin  à 
café,  3^00;  —  1  pot  au  lait  en  fer-blanc,  l'50;  —  2  seaux  pour  l'eau,  3'0();  ~  l  grande 
terrine,  0^75;  —  30  bouteilles,  «'00.  —  Total,  14'»'00. 

2"  l'stcn.silcs  divers.  —  1  lampe  avec  sa  suspension,  13' 00;  —  2  llambeaux,  'i'(K>;  —  1  boite 
à  charbon,  8'00;  —  I  grille  de  cheminée,  10' 00.  —  Total,  35'00. 

Linge  de  ménage  :  en  quantité  siilïi>aiiti^ L2'i^H0 

8  paires  de  drap.  <Mi'(H);  —2  najypes,  IO'(K»;  —  12  serviettes,  k'oo;    -  18  tnrclions.  io'ho. 


OBSERVATIONS    rRÉLIMlNAIRES.  15 

Vktements  :  nombreux  et  assez  recherchés 997'8o 

l"  l'clemenls  de  l'ouvrier.  —  1  habillement  com])let'i)()ur  les  dimanclies  et  jours  de  l'êtc, 
comiiosé  il'iui  pantalon,  gilet  et  paletot,  fait  sur  mesure  à  Saint-Quentin,  au  moment  de 
son  mariage,  100' 00;  —  1  liabillenicnt  complet  composé  des  mêmes  oi)jets,  l'ail  cgalcmcui 
sur  mesure  à  Saint-Quentin,  8">'0O;  —  l  vêtement  de  travail,  velours  et  drap,  4()'00; —  1  par- 
dessus, fô'OO;  —  1  chapeau  haute  forme,  14' 00;  —  1  chapeau  dit  melon,  'J'OO;  —  i  cha- 
peau de  paille,  3'o0;  —  G  chemises  de  couleur,  de  cretonne,  13' 00;  —  G  chemises  blan- 
ches, âT'OO;  —  G  mouchoirs,  ;V00;  —  3  calerons,  C'OO;  —  2  paires  de  souliers  de  tous  les 
jours,  10' 00;  —  1  paire  de  bottines,  IS'OO;  —  1  paire  de  sabots,  3' 30;  —  3  paires  de 
chaussons,  3' 73;  —  3  cravates,  :2' 75;  —  G  paires  de  chaussettes  de  laine,  7'30;  —  G  paires 
de  chaussettes  de  coton,  4'o0.  —  Total,  414'30. 

2°  Vêtements  de  la  femme.  —  1  costume  noir  pour  s'habiller,  iO'OO;  —  1  costume  égale- 
ment pour  s'habiller,  un  peu  défraichi,25'00;  —  1  vêtement  de  maison,  lO'OO;  —  1  veston 
pour  l'hiver,  13'00;  —  1  visite  d'été,  lO'OO;  ~  1  jupe  d'hiver,  7'30;  —  6  jupons  de  laine  et 
de  coton,  2G'00;  —  1  chapeau  d'hiver,  lO'OO;  —  1  chapeau  d'été,  12'00;  —  G  paires  de  bas 
de  laine,  13'30;  —  6  paires  de  bas  de  coton,  7'50;  —  1  paire  de  bottines,  13' 00;  —  1  paire 
de  souliers,  4'o0;  —  1  paire  de  sabots,  4'o0;  —  1  paire  de  pantoufles,  3'o0;  —  G  ta- 
bliers, 9'00;  —  18  chemises,  faites  par  la  femme,  63' 80;  —  mouchoirs, 3' 30.  —  Total,  287' 30. 

3"  Vêtements  de  la  fille  aînée.  —  1  paletot  d'hiver,  12'00;  —  1  robe  pour  s'habiller,  10' 00; 

—  2  robes  pour  tous  les  jours,  5'00;  —  8  jupons,  12'00;  —  3  paires  de  bas  de  laine,  4' 30; 

—  3  paires  de  bas  de  coton,  2'70;  —  1  paire  de  bottines  pour  le  dimanche,  lO'OO;  —  chaus- 
sures de  tous  les  jours  et  sabots,  7'00;  — ■  6  chemises,  13' 23;  —  mouchoirs,  l'30;  —  1  cha- 
peau d'hiver,  G'OO;  —  1  chapeau  d'été,  8'00;  —  tabliers  pour  tous  les  jours,  3'00;  — 
1  manchon,  avec  le  tour  de  cou,  8'00.  —  Total,  102'03. 

4"  Vêlements  de  la  seconde  fille  (les  mêmes  que  ceux  de  la  sœur  ainée,  avec  un  prix 
moins  élevé,  à  cause  de  la  différence  d'âge).  —  Total,  70'00. 

3°  Vêtements  du  petit  garçon.  —  1  habillement  pour  les  dimanches,  12'00;  —  1  habil- 
lement de  tous  les  jours,  9'00;  —  1  pardessus,  12'00;  —  1  chapeau  pour  le  dimanche,  4'30; 

—  1  calotte,  0'G3;  —  2  caleçons,  3"M  ;  —  3  paires  de  bas  de  laine,  4' 05  ;  —  3  paires  de  bas 
de  coton,  2'33;  —  3  chemises,  5' 23;  —  mouchoirs,  l'30;  —  1  paire  de  bottines,  lO'OO;  - 
chaussures  de  tous  les  jours  et  sabots,  3'70.  —  Total,  71' 10. 

G"  Bijoux.  —  1  montre  en  argent  du  mari,  40' 00;  —  1  anneau  d'alliance  de  la  femme,  l"2'00. 

—  Total,  32'  00. 

Valeur  TOTALE  du  mobilier  et  des  vêtements 2.184^40 


g  11- 

RÉCRÉATIONS. 

La  culture  du  jardin  où  la  famille  se  rend  tous  les  dimanches,  dans 
la  belle  saison,  constitue  une  de  ses  plus  grandes  distractions.  Elle 
se  plaît  aussi  à  inviter  quelques  parents,  plus  rarement  des  amis, 
et  notamment  le  jour  de  la  fête  du  Travail  et  de  celle  des  Knfanls.  La 
table,  mieux  garnie,  Ii.'ur  fait  passer  de  joyeux  instants.  C'est  encore 
un  vif  plaisir  pour  le  maii  que  de  lire  tous  les  jours  le  journal  oîi 
il  suit  avec  intérêt  les  péripéties  du  feuilleton  ou  les  détails  passion- 


10      N"    73.    —   AJL'STEUR-SURVEILLANT   DE   LUSINE   DE    GL'ISE   (aISNE). 

nants  pour  lui  des  crimes  célèbres,  aussi  bien  que  de  se  reposer  en 
fumant  ou  de  boire  quelques  petits  verres  avec  ses  camarades. 

Le  familistère  offre  aux  familles  de  ses  ouvriers  des  distractions 
qu'elles  apprécient  beaucoup.  La  société  qui  exploite  l'usine  possède  en 
effet  un  jardin  où  sont  à  la  fois  plantés  des  arbres  à  fruit  et  dos  ar- 
bustes. Situé  à  mi-côte  du  plateau  qui  s'élève  au-dessus  de  la  val- 
lée, ce  jardin  offre  aux  ouvriers  un  agn-able  lieu  de  promenade;  dans 
la  journée,  plusieurs  femmes  d'employés  ou  d'ouvriers  s'y  installent 
et  s'y  livrent  à  des  travaux  de  couture.  Un  cabinet  de  lecture  et  une 
bibliothèque,  appartenant  à  l'association  et  comprenant  près  de 
3.000  volumes,  attirent,  le  dimanche,  la  partie  st\idieuse  de  la  popu- 
lation ouvrière.  La  bibliothèque  prête  des  livres  au  personnel  de  l'u- 
sine; la  moyenne  des  volumes  prèles  est  de  0.000  environ  par  an. 

L'association  possède  aussi  un  théâtre  qui  s'élève  en  face  du  [)rin- 
cipal  familistère.  Pendant  la  saison  d'hiver,  une  troupe  de  Saint- 
Quentin  y  donne  des  représentations  deux  fois  par  mois;  mais  ces  re- 
présentations ne  sont  pas  gratuites.  Les  ouvriers  paient  leur  place, 
ainsi  que  les  habitants  delà  ville,  qui  ont  le  droit  d'y  venir. 

Le  fondateur  de  l'usine,  M.  Godin,  a  enfin  créé  deux  fêtes  annuelles, 
la  fcte  du  Travail  et  la  fètc  de  l'Enfance.  Elles  ont  lieu  :  la  j)remière,  le 
premier  dimanche  de  mai;  la  seconde,  le  premierdimanche  de  septembre. 

Les  deux  fêtes  présentent  beaucoup  d'analogies.  La  fête  du  Travail 
commence  par  la  distribution  solennelle  de  primes  et  de  récompenses 
aux  ouvriers,  La  fête  de  l'Enfance  débute  par  la  distribution  des  prix 
aux  élèves  des  écoles  du  familistère. 

Le  programme  de  ces  fêtes  est  ainsi  composé  :  la  matinée  du  di- 
manche est  consacrée  aux  derniers  apprêts,  tant  dans  la  vaste  cour 
du  pavillon  contrai  qu'au  théâtre. 

A  2  heures,  les  tambours  ot  clairons  des  pompiers  battent  le  rap- 
pel. Le  cortège  se  forme  :  en  tête  la  musique,  composée  d'habitants 
du  familistère,  puis  les  enfants  des  écoles  qui  déploient  leurs  longues 
fdes,  ensuite  les  diverses  sociétés  de  l'usine,  les  conseils  de  l'usine  et 
du  familistère,  enfin  le  directeur  escorté  par  les  pompiers.  La  foule 
suit,  et  c'est  dans  cet  ordre  (piOn  arrive  au  théâtre.  Le  directeur  et  sa 
suite  |)rennont  i)lace  sur  la  scène.  Souvent  la  séance  s'ouvre  pai*  «les 
compliments  que  lui  adressent  dos  enfants,  si  c'est  la  fête  de  l'Enfance, 
des  ouvriers,  si  c'est  la  fête  du  Travail.  Il  y  répond  par  un  discours 
dans  lequel  il  donne  des  conseils  aux  ouvriers  et  aux  enfants,  ou  fait 
ressortir  le  sens  des  institutions  créées  au  familistère;  puis  a  lieu  la 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  17 

dislribulion  dos  primes  et  des  prix,  entremêlée  de  morceaux  de  mu- 
sique. Après  l'audition  de  quelques  morceaux,  le  cortège  se  reforme 
dans  le  même  ordre  qu'à  l'arrivée  et  se  sépare  dans  la  grande  cour 
du  pavillon  central  du  familistère. 

Le  bal  a  lieu  le  soir,  dans  celte  même  cour  brillamment  décorée. 
Les  balcons  sur  lesquels  donnent  les  appartements,  la  charpente  qui 
soutient  la  toiture  vitrée,  sont  enguirlandés  avec  art.  Au  premier  bal- 
con sont  espacés  les  attributs  des  différents  métiers  de  l'usine  et  du 
familistère  et  des  devises  de  morale;  le  tout  entouré  de  feuillages,  de 
fleurs  et  de  guirlandes  en  papier  multicolore. 

La  cour  offre  un  aspect  étincelant,  le  soir,  quand  scintillent  mille 
lumières  et  qu'aux  sons  de  l'orchestre  tourbillonnent  de  nombreux 
couples  de  danseurs  et  de  danseuses.  Le  bal  se  termine  à  minuit. 

Le  lendemain  lundi,  la  fête  reprend  dans  la  matinée  par  des  jeux 
de  toutes  sortes.  L'après-midi  ont  lieu  des  concours  de  tirs  à  l'arc,  à 
la  carabine,  des  assauts  d'adresse  et  de  force;  souvent,  pour  finir,  la 
direction  permet  un  second  bal. 

Des  sociétés  dites  attractives  ont  été  fondées  parmi  les  ouvriers  :  la 
société  de  musique,  la  plus  florissante  de  toutes,  est  parvenue  à  un 
haut  degré  de  perfection,  comme  l'attestent  les  nombreuses  récom- 
penses qu'elle  a  obtenues  dans  les  concours;  elle  organise  chaque 
année  un  concert  au  théâtre,  avec  le  concours  d'artistes  et  d'amateurs; 
elle  joue  dans  la  belle  saison,  tous  les  quinze  jours,  sur  la  place  du  fa- 
milistère, lorsque  le  temps  le  permet,  et  de  plus  donne  trois  bals  par  an, 
en  dehors  des  bals  qui  ont  lieu  lors  des  fêtes  de  l'association.  Une  sub- 
vention de  celle-ci,  qui  se  monte  à  plus  de  3.000  francs  par  an,  et  la  co- 
tisation de  50  centimes  par  mois  des  membres  honoraires  pourvoient 
aux  dépenses  de  la  musique.  Ces  membres  honoraires  sont  au  nombre 
de  GO.  Il  existe  encore  trois  autres  sociétés  :  la  société  des  archers,  la 
société  de  tir  à  la  carabine,  la  société  de  gymnastique.  Les  cotisa- 
tions de  leurs  membres  alimentent  le  budget  de  ces  sociétés.  La  so- 
ciété des  arcliers  est  organisée  militairement;  des  exercices  ont  lieu 
pendant  la  belle  saison  :  chaque  année  un  concours  en  termine  la 
série,  de  même  qu'un  banquet  annuel  a  lieu.  La  société  de  tira  la  ca- 
rabine organise  deux  concours  par  an  entre  ses  membres.  La  société 
de  gymnastique  fait  trois  répétitions  par  semaine  et  une  promenade 
mensuelle.  Il  s'était  également  fondé  une  société  de  spirites,  sous 
l'impulsion  de  M.  (Jodin,  spirite  convaincu,  mais  elle  s'est  dissoute, 
ses  membres  craignant  d'être  traités  de  «  sorciers  ». 


18      iN°    7.'].    —    AJL'STEUR-SURVEILLANT    DE    l'USINE   DE   GUISE    (aISNE). 
HISTOIRE  DE  LA  FAMILLE. 

g   12. 

PHASES  PRINCIPALES    DE   l'eXISTENCE. 

L'histoire  de  la  famille  esl  aussi  brève  à  raconter  que  celle  des 
peuples  heureux.  L'ouvrier  a  été  à  l'école  primaire,  et,  lorsqu'il  a  été 
en  âge  de  travailler,  il  entra  à  l'usine  qu'il  ne  quitta  plus.  X  l'âge  de 
vingt-cinq  ans,  il  se  mariait  et  s'élevait  peu  à  peu  dans  la  hiérarchie; 
en  18S0,  il  était  nommé  associé,  en  même  temps  qu'il  prenait  un  ap- 
partement au  familistère.  Depuis,  il  a  été  promu  surveillant;  ses  ca- 
marades l'ont  nommé  délégué  à  la  caisse  et  aux  réclamations,  et  son 
existence  se  continuera  ainsi,  jusqu'à  ce  que  l'heure  du  repos  ait  sonné 
pour  lui. 

L'existence  de  la  femme  est  aussi  dépourvue  d'incidents  que  celle 
de  son  mari;  après  avoir  reçu  l'instruction  primaire,  elle  resta  dans 
la  maison  de  ses  parents  où  elle  aida  aux  travaux  du  ménage  jusqu'à 
son  mariage  qu'elle  contracta  très  jeune,  à  l'âge  de  dix-huit  ans.  Il  en 
sera  de  même  des  enfants.  Le  fils  entrera  jeune  au  familistère  qu'il  ne 
quittera  sans  doute  plus,  comme  la  plupart  des  ouvriers;  et,  élevées 
dans  ce  milieu,  les  filles  aspireront  probablement  à  se  marier  avec  des 
ouvriers  de  l'usine,  séduites  par  la  stabilité  et  la  sécurité  de  cette 
existence. 

§  13. 

MOEURS     ET    INSTITUTIONS     ASSURANT      LE     RIEN-l^TRE    PHYSIQUE     ET    MORAL 

DE   LA    FAMILLE. 

I^a  famille  est  douée  de  qualités  sérieuses  :  esprit  de  conduite,  ap- 
plication au  travail.  C'est  à  elles  qu'elle  doit  son  élévation,  ce  sont 
elles  qui  l'empôcherdnt  toujours  de  descendre.  Déplus,  elle  n'a  pas  à  re- 
douter les  crises  industrielles  qui  se  traduisent  souvent,  pour  les  ouvriers 
de  la  grande  industrie,  par  un  cruel  resserrement  du  salaire,  sinon 
par  la  perle  de  tout  travail.  La  prospérité  de  l'association  dont  elle 
fait  partie  est  assise  sur  de  fortes  bases;  si  les  affaires  diminuent,  elle 
peut  craindre  un  abaissomenl  de  salaire,  mais  elle  aura  toujours  l'in- 


N"    73.    —   AJUSTEUR-SURVEILLANT   DE    l'uSINE    DE   GUISE    (aISNE).      19 

lérèt  des  sonimes  qui  représentent  sa  part  acquise  dans  les  bénéfices, 
part  qui  la  transforme  en  co-proprictaire  de  l'usine,  et  lui  donne  droit 
en  outre  à  des  dividendes.  Quant  à  la  stabilité,  des  engagements  per- 
manents l'attachent  à  l'usine,  et  de  plus  tout  un  ensemble  d'institu- 
tions la  garantit  contre  les  hasards  de  la  vie  (§  20),  Elle  est  sûre  de 
rester  dans  le  logement  qu'elle  occupe;  les  exigences  d'un  proprié- 
taire peu  facile  ne  l'atteindront  donc  jamais.  En  cas  d'accidents  ou  de 
maladies,  les  caisses  spéciales  lui  fourniront  des  secours.  Une  société 
coopérative  permet  à  la  famille  de  vivre  à  meilleur  compte  que  si  elle 
était  obligée  de  s'adresser  aux  commerçants.  Enfin,  le  plus  triste  sort 
qui  menace  l'ouvrier  devenu  incapable  de  travail,  une  vieillesse  indi- 
gente, la  caisse  des  retraites  le  lui  évitera,  en  lui  servant  une  pension 
En  un  mot,  la  famille  peut  envisager  l'avenir  sans  crainte. 


20  N"    73.    —    AJUSTELR-SrRVEILLA.NT    DE    l'CSINK    DE    GUISE    (aISNE) 

S<  iÂ.  —  BUDGKT  DES  KECETTKS  DE   L'ANNÉE. 


SOURCES  DES  RECETTES. 


propriï:tés  possédi^:es  par  la  famille 


Aux.    I".    —    PltOPlUKTKS   IMMIIIIII.IKIIKS. 


(l.a  famille  ne  possède  aucune  propriété  <lc  ce  genre.) 

Art.  2.  —  VAi.F.cns  mohii.if.res. 
AnCEXT  : 

Somme  gardée  au  logis  cuniinf  fcuuis  de  roulcmcnl 

Part  de  propriété  dans  le  londs  social 


Matkiiif.i.  spkci.m.  des  travaux  et  industries  : 

Outils  pour  la  culture  du  jardin 

l'stcusiles  jtour  le  Idaucliissage  du  linge. 


AftT.    3.   —    DliOlTS   ALX    ALLOCATIONS    DE    SOCIÉTÉS    D'ASSCIUXCES    MITUELLES 

Droit  aux  allocalions  des  diverses  caisses  d'assurances 


Yaleck  totale  des  propriétés 

SKCTION     II. 
SUBVK^TIOi\S  REÇUES  PAR  LA  FAMILLE. 

AitT.   I'"' —  PiiopiiiÉTÉs  iiEçn.s  EN  rsiKiini. 
(I.a  (aniille  ne  reçoit  aucune  propriété  en  usufruit.) 

AiiT.  -2.  —  DiioiTs  d'csac.e  suit  les  piiopisiétés  voisines. 
(I.a  famille  ne  jouit  d  aui  un  droit  de  ce  genre.) 

Ar.T.  ;{.   —  Allocations  d'oujets  et  de  service<. 
Allocalions  conceinant  la  iioiurilure,  l'Iialiilation  et  les  vêlements 


—  les  industries 

—  les  récréations 

—  le  service  de  santé 


l'arlicipalion  aux  hénelices  de  l\isin(! 


KVAI.CATION 
.VI'1'U()XIMAT1\  K 
DKS     SOUIICKS 
DK    UECETTKS. 


VAI.KUU 

dus 

PROpaiKTi^:!:. 


iOI  UO 


fi  ;H) 
V,  2.> 


N"   l'i.    —    A.JLSTEL'K-SURVEILLANT    DK   L  USINE    DE    GLISE    (aISNE), 

^  14.  —  BL'DGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNÉE. 


21 


RECETTES. 


ser. TioN    r% 
REVE\CS  DES  PROPRIÉTÉS. 

Ai;t.  1^'.  —  Kevf.m'S  des  piuipPvIÉtés  immorilièiies. 
(La  famille  ne  jouit  d'aucun  revenu  de  ce  genre.) 

AtiT.  -2.  —  Revenus  des  valeurs  snmiLiÈnEs. 

:ettc  somme  ne  produit  aucun  intérêt.) 

itérét  (.S  X)  ('e  cette  part  (les  dividendes  f|ui  lui  sont  attribués  élantajnutés 
au  capital) 

l(T(H(o  X)  de  la  valeur  de  ces  outils (S  <6, B). 

—  de  CCS  objets (,;iC,A). 

Ar.T.   3.   —  AlLOCATIOSS  DES  SOCtÉTÉS  D'ASSURANCES   MUTUELLES. 

ileur  de  ces  allocations,  supposée  égale  à  la  cotisation  annuelle.  G'  00  (cette 
valeur,  n'étant  que  la  rentrée  d'une  somme  égale  payée  par  la  famille,  est 
omise  ici,  comme  la  dépense  qui  la  balance) 

Totaux  des  revenus  des  propriétés 


SECTION     II. 
PRODUITS  DES  SrBVE\TIO\S. 

Ar.T.    ^'=^    —  Pr.ODUITS   DES  PliOPP.IÉTÉS   P.EniES   EN    USUFHUIT. 

(La  famille  n<!  jouit  d'aucun  produit  de  ce  genre.) 

Ai:t.  -2.  -—  Pr.dDuiTs  DES  DnoiTS  d'usage. 
(La  famille  ne  jouit  d'aucun  |)roduit  de  ce  genre.) 

Ar.T.  .3.  —  Objets  et  services  alloués. 

:onomie  résultant  des  acquisitions  faites  à  la  Société  coopérative  de  l'usine, 
100'  00.  (Cette  recette  est  omise  ici,  ainsi  que  la  dépense  qui  la  balance,  ';  l.">, 

S"">  I.  II  et  m.)  .■;... 

et  d'outils  |)our  la  culture  du  jardin  fait  à  l'ouvrier  par  son  père  (5  16,  B  .).. 

;nus  cadeaux  faits  aux  enfants  par  les  parents 

intrihution  de  la  société  d'assurances  contre  les  maladies,  28'  ,')0;  —alloca- 
tion pour  le  fonds  de  pliarmacie,  12'  00  (ces  sommes,  n'étant  que  la  rentnc 
de  celles  <|ui  sont  [lavecs  par  la  famille,  sont  omises  ici,  comme  les  dépenses 

qui  les  balancent.  '.;  I.'J,  S""  IV.) 

irt  accordi'e  à  l'ouvrier  par  b;  patron  (elle  est  reportée  à  la  Section  I  snu-; 
forme  de  dividendes  (jui  s'ajoutent  au  capital  ipie  ]>osséde  l'ouvrieri 

Total  des  produits  des  subventions 


MONTANT   DKS   UKCKTT» 


Valeur  dei 

ibjrts  reçDS  er 

imturu. 


0  3-2 

0  m 


270'  0.'i 


8  00 


2:2  N"   T;J.    —   A.ILSTELK-SURVEILLANT    UK   LÏSIMi    DE    GUISE   (AISNE). 

Î5  14.  --  BUDGET  DES  HECETTES  DE  L'ANNÉE  (suile). 


SOURCES  DES  RECETTES  (suite). 


SECTION    III. 
TR\VV(\   EXÉCUTÉS   PAR    I.A   FAMILLE. 

Tr;i\;iil  di-  l'uin  riiT  a  l'usine 

Ciilliiri'  (In  ja  1(1  in 

Soins  ihi  nii'iiaLte  et  Iravauv  donK'Sti(|uos 

Uc|taiali(tn  du  linge  cl  des  vctenicnls  de  la  l'aniilie 

Blancliissage  du  linge  et  des  vclcmcnnls  de  la  famille 

ToTAix  des  journées  de  tous  les  membres  de  la  laniilk'. 


.SliCTION     IV. 

l>OISTItiES   E\TREPRISES   PAR    LA    l'AllILLE 

(a  sou  proiire  comple). 


■20 


I.NDU^iiiiEs  entreprises  au  comple  de  la  famille 


Cullurc  du  jardin 

Blanchissage  du  linge  el  des  xileuients 


N"    73.   —   AJUSTEUR-SURVEILLANT    DK   l'uSLNE    DE   GUISE   (aISNE).  23 

^  li.  —  BUDCIET  DKS  KKCETTES  DE  L'ANNÉE  {suite). 


MONT.ANT   DES   KEi:ETTES. 

RECETTES  {suite). 

Valeur 
(les  objet-s 

Eccettcs 

reçus 
en  nature. 

urgent. 

PRIX    DES   SVI.AIItES 

JOU'ItNALlF.ns. 

rire. 

Mère. 

fr.     c. 

fr.      c. 

SECTION     III. 

SAL.\IRRS. 

ti  .-.0 
■2  :.ii 

2  00 

Salaire  total  attribué  à  ce  travail 

37'  ;iO 

31  '2-i 

M  00 

!.'Ji7':.o 

—                ^                 —             ("  l(>  A) 

(.Aucun  salaire  ne  peut  être  attribué  à  ces  travauv.  ).. 
Salaire  total  attribué  à  ce  travail 

—              —               —          {"  1()  B ) 

ToT.ux  des  salaires  de  la  famille 

108  7.-; 

i.!ji7  .•;() 

SECTION     IV. 

BÉ\ÉFICES  DES   l\DLSTRIES. 

Bénéfice  résultant  de  celte  industrie (  "  lti,.\). 

2  23 

»-               -                      -            • C;    l<î-B)- 

.■;  <ji 

• 

ToTALx  des  héuélices  résultant  des  industries 

8   17 

• 

Totaux  des  recettes  de  l'année  (l)alançanl  les  dépenses)  (!î.3i3'5/>). .. 

12U  00 

2.187  .;.•; 

24  N"    T.'i.    —    AILSTEUIl-SUUVKILLANT    I>K    l'USINK    DI-:    GUISE    (aISNE), 

^  15.  —  BUDGlîT  DES  DÉPENSES  DE  L'ANNÉE. 


DÉSIGNATION  DES  DÉPENSES. 


SECTION    l". 
DKPEiVSES  CONCERI^AI^T  L\  iVOUnRITURE. 

Art.    1".    —  ALIMENTS  CONSOMMÉS  DANS    lE  MÉNAGE. 

(l'ur  l'ouvi-iur,  sa  femme  et  ses  trois  enfants  pemlnnt  36S  jours.) 

CÉRÉALES  : 

I>aiii • 

l-'ariiiu  cl  pàlissurio 

l'nids  total  cl  prix  ini>\eii 

Coups  gras  : 

Ilciirn^ 

Ciaisst!  (I(!  porc 

Huile 

Poids  total  cl  prix  moyen  ... . 

Laitages  et  ceufs  : 

l,ail 

I-  ronia^'c  de  Marolics 

niùil's,  va  i)icces  à  O'O" 

Poids  total  et  prix  moyen 

Viandes  et  poissons  : 

Viande  de  lni'ul 

—  de  \cail 

—  dépure 

Cihier  :  <•  lapins 

Vol.iillcs  :  -2  oies,  .•;"  à  -i'i'A),  1-2'. "id;  —  li  poulcls .  (i 

a   I  •  ■!:<.  7  '  oO 

poissons  :  Inoehcts  cl  autres  poissons  de  rivière... 

Poids  total  et  |)rix  moyen 


poids  et  prix  des 
aliments. 


POIDS 
consommé. 


.■i-2  0 


■n  n 


PRI.X 

p.ir  kUog. 


n  'i.'iit 


MO.NTANT  DES  DEPENSE': 

Valeur 
des  objet-s 
consonim«''.i 
en  nritiire. 


■211  (1 

.■t  '2(10 

1   (1 

-2    'il Ml 

li  0 

•2  ."ion 

n  -2(10 

•2  S(KI 
I    1-20 


ifl  0 

1   .Mil) 

70  0 

1  uni 

.1-2  0 

1    !I00 

-2(1  0 

1  '.nm 

Il    0 

1  si.s 

:i  0 

1    2(10 

IS.'>  0 

1  (ilil 

N"    73.    —    A.ILISTEUH'SUKVEILLANT    DK    l'uSI.XK,    DE    GUISE    (aISNE).  ^25 

i  15.  -  BUDGET  DES  DÉPENSAIS  DE  L'ANNÉE  {suite). 


DESIGNAT[ON  DES   DEPENSAS  {suite). 


SECTION      V 


DÉPENSES  COiVCERIMAlXT  L\  iXOCURITURE  (siuït). 


I.ÉIUMES  ET  FIUITS   : 

Tubercules  :  Pommes  de  terre  ,  flu  jardin  ,  iOO"  à  'J'^iO 
les  100  kil.,  lti';;o  Cj  l(i,A);  —  achetées,  d-W  à  ."i'oO 
les  100  kil.,  8' 25 

Légumes  farineux:  Haricots,  du  jardin,  d^"^  àO'iO, 
4^80  (à  16. A);  —  achetés,    4"  à  '0^40,  l'OO 

Légumes  verls  à  cuire  :  Petits  pois,  du  jardin,  ii"  à  i'.jO, 
l'm  (■•  t6,A);  -  aclietés,  3"  à  l'.-iO,  4^50;  —  clinuK, 
du  jardin,  40"  à  O'I.S,  6'00  (3  16,A);  —  aclietés, 
;to >■  à  0' l.-i,  i'.-JO 

Garnîtes,  persil,  poireaux ,  navels {',■  t(>,A) 

Légumes  épiccs  :  Oignons,  du  jardin,  10''  à  CIS,  l'50 
C;  1(),A)";  —achetés,  4"  à  Ofïo,  0' GO 

Salades  diverses (S  d6,A). 

Fruits  à  [lepiii  et  à  novau  :  Pommes,  32"  à  0'30,  OMiO: 
—  poires,  40"  à  0'-2ii,  lO'OO;  —  cerises,  12"  à  0"iO, 
4^80;  —  prunes.  8"  à  O'.'iO,  4'00 

Fruits  baies  :  Fraises C,'  10, A ) . 


Poids  total  et  prix  moyen. 


Condiments  kt  stimulants 


Sel.... 
Poivre. 
Vinaigr 
Sucre  . 
Calé . . . 


Poids  total  et  prix  moyen. 


Boissons  FEnMENTÉES  : 


I 


luérc 

Vin ■ 

Kau-(lc-\ie,  38"  à  1'  40,  .>i'20:  —  rhum,  2"  à  2f."iO,  .VOO. 

Poids  total  et  prix  moyen 


POIDS    KT    PUIX    DliS 
ALIMENTS. 


POIDS 

PRIX 

consommé. 

par 

kilos. 

5;.o"  0 

01^  0.55 

iii 

0 

0 

too 

78 

0 

0 

288 

i(i 

(i 

0 

302 

11 

0 

0 

1.50 

2") 

0 

0 

1.50 

i>2  0 

0 

30!» 

10 

0 

0 

too 

731  (i 

0  115 

17 

0 

0 

200 

0 

1 

.5 

0(H) 

."> 

0 

0 

800 

2(i 

0 

1 

150 

9 

0 

■i 

400 

57   1 

1 

513 

1.015 

0 

0 

100 

(»t) 

0 

0 

liOl 

40 

0 

1 

1,55 

I.I8I 

0 

0 

If  15 

Art.  2.  —  .-Vliments  pukpauks  et  consommes  en  dehors  du  ménage. 

Boisson  consoinmcc  au  cabari'l  par  I'uun  rlcr 

Totaux  dos  dépenses  concernant  la  nourriture. 


montant  des  DEPENSES 


Valeur 
des  objets 
colisomînéa 
eu  natuie. 


3  .5(1 


10  01 
10  38 


1  11 

2  78 


Dépenses 
argent. 


12' 51 
2  81 


12  1!» 

.3  «2 


0  0!) 
0  t)7 


28  40 
1   03 


:t   10 

0  50 

1  00 
2!»  ilO 
48  00 


1 1  1  00 

.5S  00 
.58  20 


26  N°    73.    —   AJUSTELR-SUHVEILLANT    DE    L'uSI.VIi   DE    GUISE    (aIS.NE). 

^'  15.—  BL^DGET  DES  DÉPENSES  DE  L'ANNÉE  {suite). 


DESIGNATION  DES  DÉPENSES  {suite}. 


SECTION     II. 

dépë:vses  coivcer.wkt  liiabitatiom. 

J.OCEMENT  : 

l,(iyef   iIl-  la  maison 

Moisir. lEii  : 

Eiilrelien  du  iiioljilkT  :  «  juurii.  de  la  reiiiiiif  à  l'i"i,  10' (X);—  achats,  Wj'OO. 

ClIAlFFAGE   : 

Chaihoii  dp  IriTc,  't.i»i>^  à  l'J'  .'iO  les  LOOn"-,  87'  't."i;  —  -2  \uitmo.s  de  Ixiis,  pdiir 
alluriicT  le  Ifu,  à  "'  i)ar  voilure,  I4'0(» 

ÉCLAinAGE  : 

Pétrole,  4-2  litres  à  O'.";», -il'  (K);  —  liougie,  3  |ia(iuels  d'une  li\re.  à  O'IiOlc  pa- 
quet, 2'70 

Totaux  des  dépenses  concernant  l'habitation 

SECTION     III. 

DÉPENSES  COniCERniAIMT  LES  VÊTEMENTS. 

VÊTEMENTS  : 

Yctemenls  de  l'ouvrier 

de  la  leniiMc 

—  des  cnraiits 

Enlrelicu  du  linge  cl  des  NÙtenients  :  17  jouriii-es  (h;  la  l'einme  à  V-2'i.... 

Blanchissage  : 

lilancliissage  du  linge  et  des  vêlements,  l'ait  à  la  maison (,;  ic,lî) 

TOTAix  des  dépenses  cimcernaul  les  vclemcnls 

s  i;  c  T  j  o  N     I  V. 

Di:i>E>SES  COM'.ERKANT   LES  BES()I\S  MOIUUX,  LES  RÉOIIKATIUIVS 
ET  LE  SERVICE  DE  SA\TË. 

ClLTE  : 

l,«)catioii  de  chaise,  lailc    e\rlusiAenifiit  pour  la  petite  lille 

iNsrmCTION   DES   EM^AMs  : 

La  gratuité  de  renseignement  est  absolue 


MO.NTANT  DES  DEPENSES 


Valeur 
des  objeta 
consommés 
en  nature. 


Dépense: 

en 
argent. 


10' 00 


■»-J(»'«0 


-:;  (M) 

70  00 

(;•>  00 


^''    7.'{.    —    A.ILSTEUIÎ-SURVEILLANT    DE    l'uSINE    DE    GUISE    (aISNE). 

§  15.  —  BUDGET  DES  DÉPENSES  DE  L'ANNÉE  {suite). 


m 


i                                       - 

MONTANT   des  DÉPENSES. 

DÉSIGNATION  DES  DÉPENSES  {suile). 

Vftlour 
des  objeU 
consommés 
en  nature. 

Dépenses 

en 
urgent. 

SECTION      IV. 

DÉI»EÎ\SBS   COISCERNAI^T  LES  BESOII\S  1IIOR4lI\,  LES  RÉGRÉ\TIO;\S 
ET   LE   SERVICE    DE  SANTÉ  {suite}. 

SECOUnS    ET  AIMÔXES    : 

Aumônes  ildiinées  à  des  niciuliants 

> 

:i<i:, 

Hf.créations  et  solennités  : 

Dépenses  au  cabaret,  dîners  donnés  à  des  amis  (mentionnés  à  la  S""  1);  — 
dépenses  diverses  à  l'oecasioa  des  jours  de  l'été,   lO'OO;  —   tabac,  li'OO; 
—  cadeaux  faits  aux  enfants  par  les  [larcnls,  ."i'OO;  —  journaux,  1'j'7j... 

.von 

4;j  ";; 

Service  de  santé  : 

Cotisation    payée  par  l'ouvrier  pour  l'nssuraiicc  contre  les  maladies,  28';;0: 
pour  le  fonds  de  pharmacie,  i-2'(\n  (ces  dépenses,  clanl  remboursées  par 
les  allociiiloiis  cpie  reçoit  la  laniiile.   sont  omises  ici  comme  les  recettes 
(jui  le  l)alanccnt, 'i.i'i,  S""Ii);  —  menues  dé|tenses,  ïJ'jO 

ToTAcx  des  dépenses  concernant  les   besoins  moraux, 
les  récréations  et  le  service  de  saule 

„ 

■2  .•;') 

5  00 

:,-2  !I0 

SECTION    V  . 

DÉPENSES  CONCERNANT  LES  INDUSTRIES,  LES  DETTES,  LES  HIPÔTS 
ET  LES  ASSURANCES. 

DÉPENSES  CONCERNANT  LES  INDUSTRIES  : 

Nota.  —  Les  dépenses  concernant  les  industries  entreprises  au  com|)- 
te  de  la  laniiile  montent  à Ci  16,(;)       tO'J'88 

Elles  sont  remboursées  parles  recettes  provenant  de  ces  mêmes    in- 
dustries, consistant  en  objets  employés  pous  les  consommations  du 

Intérêt  des  dettes  : 

(Aucune  dette  n'a  été  contractée  par  la  famille.) 

j, 

_^ 

Impôts  : 

Coti-  personnelle,  l'Hii;  —  cote  mobilière,  lO'ftO;  —  preslations,    H'OO 

» 

18  -:; 

Assurances  concourant  a  garantir  le  bien-être  physique  et  moral  de  la  famille  : 

Somme  versée  pour  l'assurance  desdames  du  familistère,  (j'OO  (cette  dé|>ense, 
reml)oursée  |)ar  lesalloc-aiions  reçues  par  la  famille,  est  omise  ici,  comme 

. 

Total  des  dépenses  concernant  les  industries,  les  dettes,  les  impôts 
et  les  assurances 

IS  7.-. 

Épargne  de  l'année  : 

I.'cparHiK?  faite  par  l'ouvrier  lui-même  est  peu  considérable,  l(i!Jf-2(>  (la  véri- 
table éi)arf,'ne  consiste  dans  les  dividendes,  mis  de  côte  par  la  société,  (|ui 
viennent  grossir  la  part  île  propriété  de  l'ouvrier  dans  le  fonds  .social)..  .. 

Totaux  des  dépenses  de  l'année  (balançant  les  recettes) (2.;u:»'5.">j 

» 

10!»  Sîli 

t"2li  IK) 

■2.187  .';;; 

28 


N"    73.    —    AJUSTEUK-SURVlilLLANT    DE    l'uSINE   DE   GL'ISE    (aISNE). 

§  16. 
COMPTES  ANNEXÉS  AUX  BUDGETS. 

SECTION    I. 

COMPTES   DES   BÉNÉFICES 

BÉSULTANT   DES    INDUSTRIES   ENTREPIUSES    l'AK   LA    PAMII.l.E 
(;i  son  propre  coniple). 


A.    —   CULTURE    DU    JARDIN. 


Pommes  de  Icrrc,  consonimccs  par  la  famille,  300''  à  .'i'.'iO  les  100  kil. 

Haricots,  —  1-2"  à  0"iO 

Petits  pois,  —  5"  à  l';iO 

Oignons,  —  10"  à  0'  l."J 

Choux,  —  M)"àO'I.S 

Persil,  poireaux,  carottes,  ctc W  a  ii  0' 3tt-2 

Sa ladcs,  —  -i'i"  à  0'  lo 

Kraiscs,  —  10"  a  0'  iO 


Totaux. 


Location  (lu  Janiiti 

l'rét  d'outils  fait  à  l'ouvrier  par  son  père 

Achat  de   fumier 

—     de  semences 

Intérêt  (ii  p.  X)  ''e  la  valeur  des  outils.. 

Travail  de  l'ouvrier  :  1.">  journées  à  :2'"iO.. 

BÉNÉncK  résultant  de  l'industrie. 


Totaux  comme  ci-dessus. 


(1 

:t-2 

.{7 

ôO 

-2 

i.i 

4,'t  (Ki 


1-2' 24 

4' -21! 

■.i  m 

1  -2V 

«  .Mi 

i  i»i 

1  11 

0  3!) 

4   i.% 

1  .•.:; 

10  :ts 

3  (i2 

•2  78 

0  !t7 

-2  ;i7 

1   03 

».i  or. 

l.-i  (K) 

V  (M) 
.%  00 


1  .'i  00 


B.    —    BLA.NCIllSSAtiK    DU    LINGK    KT    DES    VÊTEMENTS 
1»K    LA    EAMILLi:. 


'rix   (pii    serait    payé  pour   le   idancliissajje    des    mêmes  ohjets  exécute  au 
dehors 


Achat  de  savon ,  -2-2"  à  0"»:; 

ïllaiic  d'amidon.  l"."i(K)  ;i  o'îMi,  \<Xi:       hieu.  0'-2.'; 
Iiiti'rct  (fi  p.   %  )  du   malcrii-l  de  l'indnslrie...  . 

Travail  de   l.i  leiniiic:  20  jouriuîcs  a  2'0(( 

Hknkhii.  ri'siillanl  (le   rindustric 


carlxuiate,  1-2"  àO'l.'i.  l'xo... 


Inliiiix   cdinme  ci-dessus. 


!)  !)0 

» 

3    '<0 

0   "(1 

iO  00 

• 

N"   7,5.    —   COMPTES    ANNEXÉS    AUX    lîUD.JETS. 


9J.) 


C.    —    liÉSUMÉ    DES    COMI'TES   DES    BÉNÉFICES,    RÉSULTANT 
DES    INDUSTRIES  (A    ET    BV 

ItF.CF.TTF.S    TOTALES   : 

ml  11  ils  cniploycs  ])nur  la  nourriluro  de  la  famillfi (ï"  1.'>,  S""  I  ) 

—  pour  les  vêtements (ii  <">.  S""  III) 

Totaux 

DÉPENSES  TOTALES. 

ntérèt  (le  la  valeur  des  propriélés  possédées  par  la  lamllle  et  employées  jiar 

elle  aux  industries (S  l'*?  S°"  ') 

odiiils  des  subventions  reçues  par  la  lamille  cl  emplovées  par  elle  aux 
industries " {§  14,  S""  II) 

salaires  afférents  aux  travaux  exéeutés  par  la  famille  pour  les  indus- 
tries  (S  It,  S""  ni) 

)épcnsos  en  argent  qui  devront  être  remboursées  par  des  recettes  résultant 
des  industries 

Totaux  des  dépenses...  (IO'J'88) 

BÉNÉFICES  TOTAL  x  résultant  des  industries 

•     Totaux  comme  ci-dessus 


w,  "0 


l.-i'OO 


1   08 

» 

3  00 

' 

77  .•>0 

• 

• 

28  30 

81  .'.8 

28  30 

8   17 

• 

SECTION     II, 


COMPTES  RELATIFS  AUX  SUBVENTIONS, 
.es  com]ites,  se  rapportant  à  des  opérations  fort  simples,  ont  été  établis  dans  le  budget  même. 


SECTION     III. 


COMPTES  DIVERS, 
'ous  les  comptes  sont  établis  directement  dans  le  budget  même. 


ÉLÉMENTS  DIVERS  DE  LA  CONSTITUTION  SOCIALE. 


FAITS  IMPORTANTS  D'ORGANISATION  SOCIALE; 

PARTICULARITÉS  REMARQUARLES; 

APPRÉCIATIONS  GÉNÉRALES;  CONCLUSIONS. 


§"■• 

SUR  l'histoire  de  l'usine. 

L'usine  de  Guise  a  eu  pour  fondateur  M.  Godin,  ne  à  Esqueliéries, 
canton  du  Nouvion  (Aisne);  son  père  était  un  simple  maréchal  fer- 
rant. A  peine  eut-il  reçu  les  premiers  rudiments  de  l'instruction  pri- 
maire que  sa  famille  voulut  lui  faire  apprendre  l'état  paternel.  Mais, 
(loué  d'un  caraclrre  résolu  et  entreprenant,  le  jeune  Godin  ne  voulut 
pas  rester  auprès  d'elle.  Aussitôt  son  apprentissage  terminé,  il  quitta 
son  villat^e  pour  parcourir  la  France. 

Dans  le  cours  de  son  excursion,  il  lit  déjà  preuve  de  ces  fortes  qua- 
lités qui  l'ont  conduit  à  la  fortune  :  amour  du  travail,  esprit  d'ordre 
et  d'économie,  volonté  énergique.  Avide  de  savoir,  il  complétait  par 
des  lectures  l'instruction  rudimentaire  qu'il  avait  reçue,  et  consacrait 
à  l'élude  les  heures  que  ses  compagnons  donnaient  à  de  grossiers 
plaisirs.  Certains  faits  l'avaient  vivement  frappé,  appelant  à  ses  yeux 
une  prompte  réforme,  entre  autres  rcnlassemcnt  des  enfants  dans  les 
écoles,  la  routine  des  métiers  manuels,  les  scènes  de  bruyante  ivresse 
qui  suivaient  trop  souvent  la  paie  des  ouvriers. 

C'était  alors  le  temps  où  les  idées  socialistes  se  répandaient  en 
France,  La  Révolution  de  18.10  avait  jeté  un  trouble  universel  dans  les 
esprits;  d'ardents  novateurs  agitaient  toutes  les  questions,  bâtissaient, 
avec  des  systèmes  tout  d'une  [)ièce,  une  société  nouvelle,  dégagée  des 
traditions,  en  même  temps  que  la  |)aix  sociale,  maintenue  jus(ju'alors, 
notamment  dans  les  ateliers  parisiens,  commençait  à  faire  place  à 
l'antagonisme  qui  depuis  est  allé  en  s'accenluanl.  Ces  idées  charmaient 


ÉLÉMENTS   DIVERS   DE   LA    CONSTITUTION   SOCIALE.  31 

les  ouvriers,  aux  yeux  desquels  elles  faisaient  luire  la  séduisante  pers- 
pective d'un  sort  plus  fortuné,  et  M.  Godin,  plus  que  tout  autre,  goûta 
les  tiiéories  de  Cabet  et  de  Fourier. 

Quand  son  tour  de  France  fut  terminé,  il  revint  dans  son  paj's,  s'é- 
tablit d'abord  à  Esquehéries;  mais,  au  bout  de  peu  de  temps,  il  trans- 
porta à  Guise,  dans  l'endroit  où  il  est  demeuré  depuis,  l'établissement 
destiné  à  un  si  prodigieux  accroissement. 

Cependant  il  fut  aux  prises,  dès  les  débuts  de  son  installation 
dans  cette  dernière  ville,  avec  de  grandes  difficultés.  Aucun  centre  in- 
dustriel ne  se  trouvait  dans  les  environs,  et  les  seuls  ouvriers  de  la 
région  étaient  des  tisseurs  qui,  au  travail  des  champs,  joignaient  le 
travail  industriel.  Il  fallut  donc  créer  tout  un  personnel,  et  l'empêcher 
ensuite  de  quitter  l'usine  au  bout  d'un  court  séjour.  Cette  nécessité 
de  fixer  la  population  ouvrière  amena  M.  Godin  à  concevoir  le  pro- 
jet de  construire  des  logements  confortables  dont  les  avantages  re- 
tiendraient ce  personnel  mobile.  Vingt  ans  plus  tard  seulement,  cette 
idée  s'est  réalisée  sous  la  forme  du  familistère. 

Déjà  la  fortune  avait  récompensé  les  énergiques  efforts  de  M.  Go- 
din; il  n'hésita  pas  à  en  sacrifier  une  partie  pour  aider  au  triomphe 
des  idées  qui  lui  étaient  chères,  et,  lors  de  l'expédition  que  Victor 
Considérant  tenta  dans  le  Texas  pour  appliquer  les  idées  de  son 
maître  Fourier,  M.  Godin  sacrifia  généreusement  100.000  francs,  soit  le 
tiers  de  la  fortune  qu'il  avait  déjà  acquise.  L'issue  misérable  de  l'ex- 
pédition ne  le  découragea  pas;  il  comprit  seulement  que  l'application 
du  fouriérisme  devait  être  confiée  à  des  mains  plus  fermes,  plus  pré- 
voyantes, plus  économes. 

Le  développement  progressif  de  son  usine  appelait  de  plus  en  plus 
son  attention  sur  la  nécessité  de  fixer  la  population  ouvrière.  Si  son 
personnel  se  composait  des  ouvriers  tisseurs  qui  habitaient  les  envi- 
rons, il  se  recrutait  aussi  parmi  les  ouvriers  nomades  et  parmi  ceux 
qui  sont  appelés  vulgairement  traînards.  Comme  ils  arrivaient  à  l'u- 
sine sans  aucune  ressource,  M.  Godin  était  obligé  de  leur  fournir  le 
logement  et  la  table.  11  les  engageait  seulement  pour  huit  jours;  au 
bout  de  cette  épreuve,  apercevait-il  chez  eux  de  bonnes  qualités,  il 
les  gardait  définitivement.  En  même  temps,  désireux  de  former  un 
noyau  plus  solide,  il  transforma  en  apprentis  mouleurs  et  ajusteurs 
les  hommes  de  peine  et  les  tisseurs  qui  étaient  venus  lui  demander 
du  travail.  Mais  presque  tous  résidaient  à  3  ou  4  kilomètres  de 
l'usine,  aux  villages  de  La  Bussière  ou  de  Lesquelles-Sainl-Germain. 


;{2      N"    73.    —    A.1L'STEUR-SUR VEILLANT    DE    LÏ'SINE   DE   GUISE    (aISNE). 

Chaque  jour,  par  ronséqucnt,  ils  élaienl  obligés  de  faire  une  longue 
course  qui,  s'ajoiilant  aux  labeurs  de  l'usine,  leur  imposait  un  surcroît 
de  fatigue.  En  outre,  trouvant  presque  tous  dans  les  travaux  agricoles 
un  supplément  de  ressources  au  salaire  industriel,  ils  étaient  plus  in- 
dépendants de  leur  patron.  Aussi  ce  dernier  désirait-il  de  plus  en  plus 
les  tenir  directement  sous  sa  main,  et  la  création  de  logements  ou- 
vriers autour  des  ateliers  ne  cessait  d'être  une  de  ses  constantes  préoc- 
cupations. 

A  ce  moment  s'opérait  une  révolution  économique.  La  vulgarisation 
des  progrès  de  la  science,  l'application  de  la  mécanique  à  tous  les 
moyens  de  production  et  de  transformation,  la  construction  des 
chemins  de  fer,  le  télégraphe,  donnèrent  à  l'industrie  un  essor  qui 
s'accentua  surtout  dans  les  premières  années  de  l'Empire.  Plus  que 
tout  autre  peut-être,  l'établissement  de  Guise  profita  de  ce  mouvement. 
La  substitution  de  la  fonte  à  la  tôle  dans  les  appareils  de  chauffage 
fut  une  innovation  heureuse  et  devint  le  point  de  départ  d'une  vogue 
industrielle  qui  s'est  traduite  pour  M.  Godin  par  une  immense  fortune. 
Il  profita  de  cette  prospérité  pour  réaliser  ses  projets  de  cités  ou- 
vrières, dans  la  construction  desquelles  il  se  proposa  d'appliipier  les 
idées  de  Fourier.  Aux  yeux  de  ce  dernier,  la  vie  en  commun  de- 
vait être  substituée  à  la  vie  familiale  individuelle,  source  pour  la 
société  de  maux  de  toute  sorte.  Ne  pouvant  réaliser  entièrement  ce 
programme,  il  dut  se  contenter  d'abord  de  construire,  pour  loger  ses 
ouvriers,  vm  immense  bâtiment,  au(|uel  il  donna  le  nom  de  familis- 
tère ou  celui  plus  ambitieux  de  palais  social.  Commencé  en  1850,  le 
bâtiment  fut  achevé  et  habité  l'année  suivante;  et  les  autres  familis- 
tères s'élevèrent  successivement. 

Kn  1870,  les  événements  surprirent  M.  Godin  avant  ([u'il  ont  le 
temps  de  retirer  les  fonds  qu'il  avait  déposés  à  Paris.  Pour  suppléer  à 
la  rareté  des  capitaux,  il  créa  des  bons  représentant  une  valeur  mo- 
nétaire, et  les  donna  à  ses  ouvriers.  La  solidité  de  son  crédit  était  toile 
que  ces  bons  furent  partout  reçus  sans  difficulté.  En  même  temps, 
réduisant  une  production  qu'il  était  incapable  d'écouler  immédiate- 
ment, il  abaissa  de  deux  heures  la  journée  de  travail.  Mais,  avec  huit 
heures  de  travail,  les  ouvriers  produisaient  autant  qu'en  travaillant 
dix  heures.  Le  travail  fut  encore  abaissé  d'une  heure.  Même  résul- 
tat. IjCS  magasins  pouvaient  h  peine  contenir  les  objets  fabriqués,  que 
l'étal  de  guerre,  joint  à  rinlerrujition  des  communications,  empêchait 
de  vendre.  Uin'  iliuiiiiuHun  sensible  de  production  fut  seulement  ob- 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE   LA    CONSTITUTION   SOCIALE.  33 

tenue   lorsque  les  ouvriers  ne    travaillèrent    plus    que  six   heures. 

Jusqu'en  1880,  l'organisation  de  l'usine  de  Guise  ne  présentait 
aucun  caractère  particulier,  sauf  le  système  des  cités  ouvrières  adopté 
là,  alors  qu'ailleurs  la  tendance  était  de  l'abandonner.  M.  Godin 
donnait  à  )a  caisse  d'assurances  une  subvention  égale  à  celle  de  ses 
ouvriers;  il  distribuait  chaque  année  des  récompenses  pécuniaires  à 
ses  collaborateurs  les  plus  méritants.  Des  institutions  spéciales  con- 
cernant l'enfance  avaient  encore  été  créées  (§!:^  3  et  19). 

En  1880,  M.  Godin  vit  que,  par  suite  de  certaines  circonstances, 
il  trouverait  difficilement  un  successeur  dans  sa  famille.  En  même 
temps  qu'il  désirait  rendre  moins  lourd  le  fardeau  qu'il  avait  porté, 
il  se  préoccupait  du  jour  où  l'usine  passerait  dans  des  mains  étran- 
gères. Si,  en  effet,  il  s'était  décidé  à  la  mettre  en  vente,  il  n'aurait  pu 
transmettre  qu'à  une  société  anonyme  un  établissement  aussi  considé- 
rable. Or  les  actionnaires  n'auraient  sans  doute  pas  obéi  aux  mêmes 
inspirations  que  lui;  ils  se  seraient  moins  empressés  de  continuer  son 
œuvre  sociale,  et,  entre  leurs  mains,  celle-ci  eût  subi  des  transfor- 
mations qui  en  auraient  altéré  le  caractère.  En  outre,  la  vente  d'un  éta- 
blissement de  ce  genre  n'aurait  pas  été  facile  à  réaliser  dans  des 
conditions  de  sécurité  absolue.  M.  Godin  se  décida  alors  à  former  une 
association,  composée  d'un  certain  nombre  de  ses  ouvriers  et  em- 
ployés, àlaquelle  il  transférerait  lapropriété  de  l'usine  et  du  familistère. 
Nous  exposerons  plus  loin  le  mécanisme  de  cette  association  (§  22). 

La  prospérité  de  l'usine  s'est  développée  d'une  manière  continue  ; 
toutefois  elle  a  subi  le  contre-coup  des  crises  industrielles,  dans  une 
faible  mesure,  il  est  vrai,  quoiqu'elle  rencontrât  des  maisons  rivales, 
fixées  surtout  dans  le  département  des  Ardennes,  et  contre  lesquelles 
elle  n'avait  pas  à  lutter  lors  de  la  première  période  de  son  existence. 

En  188G,  une  crise  industrielle  sévissait  sur  les  fonderies  des  appa- 
reils de  chauffage,  et,  sous  le  coup  de  la  diminution  des  affaires,  plu- 
sieurs maisons  avaient  opéré  des  abaissements  de  salaires,  qui  avaient 
même  provoqué  des  grèves.  M.  Godin  écrivit  alors  à  ses  concurrents 
une  lettre  dans  laquelle  il  leur  proposa  une  entente,  «  à  l'effet  d'étabhr 
un  syndicat  général  des  patrons  et  un  syndicat  général  des  ouvriers 
de  cette  industrie  ». 

Ces  syndicats,  agissant  de  concert,  auraient  pour  principal  objet  : 

1°  D'élever  les  salaires  à  un  même  niveau  dans  toutes  les  usines 
pour  un  même  nombre  d'heures  de  travail; 

2°  D'arrêter  un  tarif  des  salaires  gradué,  correspondant  aux  diverses 

3 


34      n"   7.'{.    —    AJUSTELR-SURVEILLANT   DE   L  USINE   DE   GUISE   (aISNE). 

séries  ou  catégories  d'ouvriers  clans  chaque  usine,  tarif  au-dessous 
duquel  aucun  chef  d'établissement  ne  pourrait  payer  les  ouvriers  de 
chacune  des  séries  ou  catégories;  ou  de  fixer  une  moyenne  de  prix 
des  salaires,  au-dessous  de  laquelle  la  paie  générale  ne  pourrait  des- 
cendre; 

3°  De  fixer  un  nombre  d'heures  uniforme  pour  la  journée  de  travail 
dansions  les  ateliers,  10  heures  par  exemple. 

Le  syndicat  des  patrons  et  le  syndicat  des  ouvriers,  chacun  de  son 
côté,  seraient  chargés  de  signaler  les  infractions  à  la  règle  établie, 
à  un  comité  qui  aurait  pouvoir  de  faire  redresser  ces  infractions  par 
les  moyens  légaux. 

«  Il  y  a,  écrivait  M.  Godin,  la  plus  grande  urgence  à  porter  remède 
à  la  réduction  des  salaires,  car,  la  baisse  une  fois  opérée  dans  un  éta- 
blissement, les  autres  chefs  d'industrie  sont  fatalement  condamnés  à 
faire  de  même.  Ce  n'est  donc  qu'un  avantage  momentané  pour  ceux 
qui  provoquent  la  baisse,  avantage  acquis  au  prix  de  la  gène  et  de 
la  misère  de  la  classe  ouvrière.  » 

Cette  tentative  fut  infructueuse.  Quelques  maisons  seules  répon- 
dirent. D'autres  groupes  industriels  ont  au  contraire  fondé  des  Unions 
qui  ont  mis  fin  à  une  concurrence  meurtrière  pour  eux.  Citons  notam- 
ment les  établissements  métallurgiques  du  bassin  de  Longwy. 

M.  Godin  n'avait  pas  seulement  voulu  appliquer  les  idées  deFourier 
dans  son  usine.  11  les  défendit  dans  plusieurs  ouvrages  ou  brochures, 
en  les  corrigeant  ou  les  complétant  sur  un  grand  nombre  de  points. 
Sesprinci[)aux  ouvrages  sont  :  Solutions  sociales; —  Mutualité  sociale  et 
association  du  capital  et  du  travail,  ou  extinction  du  'paupérisme  par  la 
consécration  du  droit  naturel  des  faibles  au  nécessaire  et  du  droit  des 
travailleurs  à  participer  aux  bénéfices  de  la  production;  —  Le  Gouverne- 
ment] —  La  république  du  travail  et  la  réforme  parlementaire.  —  11  fut 
aussi  élu  membre  de  l'Assemblée  nationale  aux  élections  du  8  fi}- 
vrier  1871,  mais  il  n'y  joua  qu'un  rôle  effacé.  Sa  carrière  politique  du 
reste  fut  courte.  Il  ne  se  représenta  pas  aux  élections  législatives 
et  échoua  même  aux  élections  du  Conseil  général. 

M.  Godin  mourut  le  15  janvier  1888.  Suivant  sa  demande,  ses  obsè- 
ques furent  purement  civiles;  il  avait  rn  effet  toujours  été  éloigné  de 
ri'iglisc  catholi(iue,  mais  il  croyait  à  l'existence  d'un  autre  monde. 
Pour  lui,  la  mort  n'était  qu'un  changement  d'existence.  C'est  égale- 
ment pour  répondre  à  ses  vœux  que  sa  dépouille  fut  déposée  dans  le 
jardin  même  de  l'association,   en  un  point   culminant  d'où  la  vue 


ÉLÉMENTS    DIVERS   DE   LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  35 

domine  toute  la  propriétti  du  familistère.  Depuis,  la  société  de  l'usine 
a  fait  élever  un  mausolée  sur  sa  tombe,  ainsi  que  sa  statue  sur  la 
place  publique  ([ui  s'étend  devant  le  plus  grand  des  familistères. 

La  mort  de  M.  (îodin  n'interrompit  pas  la  prospérité  de  l'usine. 
L'exercice  1887-1888  accusait  un  chiffre  d'affaires  de  4.394.703^  17. 
Depuis,  les  affaires  n'ont  pas  diminué.  M.  Dequenne  a  été  nommé  direc- 
teur de  l'association,  conformément  aux  statuts  (§  23).  Il  avait  fait 
toute  sa  carrière  à  l'usine  et  s'était  peu  à  peu  élevé  par  sa  haute  va- 
leur professionnelle  et  morale.  Aussi  son  autorité  est-elle  unanime- 
ment respectée. 

Aujourd'hui  les  services   sont  divisés  comme  suit  : 

1"  Bureaux; 

2"  Modèle  et  sculpture  ; 

3°  Fonderies,  comprenant  :  a,  moulage  à  la  main;  —  b,  moulage 
à  la  machine,  et  dépendances  ;  —  c  ,  sellerie  ;  —  d,  noyautage  ; 

4°  Ajustage  et  montage  des  meules,  comprenant  :  a,  ébarbage  ;  —  b, 
polissage;  —  c,  emballage;  —  d,  montage; 

5"  Émaillerie,  comprenant  :  a,  préparation  des  émaux,  broyage 
et  cuisson;  —  6,  applications; 

()°  Galvanoplastie; 

7"  Quincaillerie; 

8°  Produits  en  terre  réfractaire  et  céramique  ; 

9°  Magasins  d'expédition; 

10"  Écuries  et  services  des  transports; 

11°  Entretien  du  matériel  et  des  constructions; 

12°  Matières  et  approvisionnements. 

Voici  maintenant  la  moyenne  annuelle  de  la  consommation  des  ma- 
tières premières  par  l'usine  :  fontes  mises  aux  cubilots,  7.500.000  kil.; 
—  tôles  d'acier,  100.000  kil.;  —  fers,  100.000  kil.;  —  coke, 
2.300.000  kil.;  —  houille,  2.200.000  kil.,  —  paille  pour  emballage, 
030.000  kil.;  —  bois  blanc  et  de  diverses  essences,  700  stères. 

Un  trait  donnera  une  idée  de  la  solidité  des  bases  sur  lesquelles 
M.  Godin  a  assis  la  prospérité  de  son  usine.  Quelques  mille  francs 
seulement  chaque  année  restent  impayés  par  les  nombreux  quincail- 
1ers  que  l'association  charge  de  l'écoulement  de  ses  produits,  tant 
son  fondateur  a  su  choisir  ses  correspondants  avec  intelligence. 


36       n"   71} .    —    AJUSTEUR-SURVEILLANT    DE    l'uSINE   DE    GUISE   (aISNE). 


§    18- 
SUR  LE    familistère;    son    organisation;   ses  avantages   et  ses 

INCONVÉNIENTS. 

Le  familistère  a  attire  de  nombreux  visiteurs.  Jusqu'au  moment  où 
a  été  créée  l'organisation  donnant  aux  ouvriers  une  part  de  propriété 
de  l'usine  el  dont  nous  exposerons  plus  loin  les  détails  (§  2i2\  il  cons- 
tituait la  partie  la  plus  originale  de  Guise. 

Chaque  édifice  se  compose  d'un  sous-sol,  d'un  rez-de-chaussée  et 
de  trois  étages,  dominés  par  un  grenier.  Des  galeries  en  forme  de 
balcon  entourent  chaque  étage;  elles  donnent  sur  les  cours  intérieures, 
sauf  dans  celui  où  habile  notre  ouvrier;  étant  de  dimensions  plus 
petites,  il  ne  renferme  pas  de  cour. 

Sur  ces  galeries  se  trouve  l'entrée  des  appartements.  Ceux-ci  sont 
construits  sur  un  modèle  uniforme;  ils  comprennent  tantôt  deux, 
tantôt  trois  chambres  avec  un  petit  cabinet;  ils  sont  aménagés  de  telle 
sorte  qu'un  courant  d'air  puisse  y  circuler.  Les  pièces  qui  donnent 
sur  les  cours  vitrées  sont  en  efl'et  exposées  à  une  forte  chaleur,  quel- 
ques précautions  que  l'on  prenne  pour  atténuer  l'ardeur  des  rayons 
du  soleil  à  travers  le  vitrage.  Ces  cours  sont  arrosées  à  grande  eau 
trois  fois  par  jour,  et  la  ventilation  a  été  organisée  de  manière  à  ame- 
ner l'air  plus  frais  des  caves. 

Le  prix  des  appartements  dépend  de  l'exposition  plus  ou  moins 
avantageuse.  Ainsi  ceux  qui  sont  exposés  à  l'Ouest  et  au  Sud  sont 
loués  moyennant  un  prix  légèrement  plus  élevé  que  ceux  donnant  au 
Nord  et  à  l'Est. 

La  cohabitation  d'un  si  grand  nombre  de  ménages  sous  le  même 
toit  entraine,  au  point  de  vue  hygiénique,  des  inconvénients  qui  ne 
peuvent  être  combattus  que  par  la  propreté  la  plus  minutieuse.  Cette 
question  était  une  de  celles  (jui  s'imposaient  dès  la  construction  du  la- 
milislèn;  à  son  fondateur.  Il  a  su  la  résoudre  de  la  manière  la  plus 
conqtlète.  Sous  le  rapport  de  l'entretien,  le  familistère  est  un  véritable 
modèle. 

Des  water-closcts  sont  disposés  aux  angles  de  chaque  étage. 
Toutes  les  cuvettes  sans  exception  y  sont  à  soupape  avec  efl'et  d'eau. 
A  côté  sont  établies  des  chambres  à  ordures;  il  y  existe  des  trappes 


ELEMENTS   DIVERS   DE   LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  J7 

qu'il  suffit  de  faire  basculer  pour  que  ces  ordures  soient  aussitôt  pré- 
cipitées dans  des  réservoirs  placés  au  sous-sol,  d'où  on  les,  enlève 
chaque  jour. 

A  côté  sont  établis  des  robinets  d'eau  qui  permettent  de  laver  à 
grande  eau  les  locaux,  ci-dessus  désignés.  Des  règlements  appliqués 
avec  rigueur  préviennent  de  la  part  des  habitants  toute  contraven- 
tion aux  mesures  relatives  à  la  propreté,  mesures  très  minutieuses. 
L'entretien  des  cours,  couloirs  et  escaliers,  est  confié  à  une  escouade 
de  20  femmes,  appelées  balayeuses;  elles  reçoivent  une  rétribution 
moyenne  mensuelle  de  20  francs  Le  service  coûte  annuellement  à  la 
Société  une  somme  de  7.530  francs  environ. 

L'eau  est  fournie  par  un  puits  artésien,  jaillissant  d'une  profondeur 
de  266  mètres.  Elle  n'est  pas  distribuée  dans  l'intérieur  des  logements, 
mais  seulement  à  chaque  étage,  où  des  fontaines  pourvues  de  robinets 
ont  été  aménagées.  La  consommation  moyenne  est  de  20  litres  par 
habitant.  En  outre,  dans  la  cour  de  chaque  pavillon  est  installé  un  fort 
robinet,  auquel  s'adapte  un  tuyau  à  lance  pour  l'arrosage  d'été;  suivant 
la  température,  les  cours  sont  arrosées  une,  deux  ou  plusieurs  fois  par 
jour.  Les  fontaines  constituent  de  plus  des  réservoirs  en  cas  d'incen- 
die. Un  veilleur  de  nuit  fait  d'heure  en  heure  une  ronde  générale  dans 
toutes  les  parties  du  familistère.  En  outre,  un  corps  de  pompiers,  qui 
se  recrute  librement  parmi  les  ouvriers  et  employés,  a  été  créé.  Deux 
incendies  de  médiocre  importance  ont  éclaté  dans  l'usine  :  l'un  en  1886, 
l'autre  en  1888. 

L'éclairage  des  cours,  couloirs  et  cabinets  se  fait  au  gaz;  il  est  main- 
tenu pendant  toute  la  nuit. 

Se  familistère  n'a  pas  de  concierge.  De  grands  tableaux  placés  à 
l'entrée  de  chaque  porte  contiennent  les  noms  des  familles  et  les  nu- 
méros des  différents  logements.  Les  entrées  n'ont  même  pas  déportes; 
en  hiver  seulement  l'on  pose  des  vantaux  mobiles  pour  maintenir 
une  douce  température  dans  les  cours  vitrées. 

Le  prix  des  appartements  est  fixé  par  mètre  carré.  Il  dépend,  pour 
le  premier  groupe,  de  l'étage  et  de  l'orientation  plus  ou  moins  avan- 
tageuse. Ainsi  les  appartements  dont  les  fenêtres  donnent  à  l'Ouest 
et  au  Sud  sont  loués  0^33  le  mètre  carré  au  rez-de-chaussée,  0^332 
au  premier,  0'^33  au  second,  0^308  au  troisième.  Du  côté  Nord  et  Est 
le  prix  s'abaisse  :  au  rez-de-chaussée,  il  est  de  0f297  et  de  0^308;  au 
premier,  de  0^319  et  de  0^33;  au  second,  de  Of297  et  de  0^308;  au  troi- 
sième, de  0*293.  Ces  prix  sont  ceux  de  l'aile  gauche  et  du  pavillon  cen- 


38      N°    73.    —   AJUSTEUR-SURVEILLANT   DE   l'USINE   DE   GUISE   (aIS.Ne). 

tral.  A  l'aile  droite,  ils  sont  légèrement  abaissés.  Pour  les  groupes 
des  rues  de  Landrecics  et  de  Cambrai,  le  [)rix  de  base  par  étages  est 
unifié;  il  est,  dans  le  premier,  de  0*^21)8,  0^358,  0^332;  dans  le  second, 
qui  comprend  un  étage  de  plus,  de  0'"315,  0^36,  0*^327,  0^27.  Dans  ces 
prix,  la  location  des  caves  et  greniers  n'est  pas  comprise;  elle  se  paie 
à  part  et  surélève  le  prix  du  loyer  mensuel  d'une  somme  variant  en- 
viron de  0^80  à  1*^40.  Les  familles  qui  ne  veulent  user  que  des  cabinets 
réservés,  avons-nous  déjà  dit,  doivent  pa3^er  une  somme  de  1^00  par 
an.  Le  prix  dos  loyers  est  retenu  sur  le  salaire. 

Jadis,  vu  la  multiplicité  des  demandes,  les  logements  des  fami- 
listères se  donnaient  à  l'adjudication;  mais  dans  l'ardeur  des  encliè- 
res,  les  ouvriers  acceptaient  des  prix  trop  élevés.  Un  tel  système 
fut  abandonné,  et  l'adjudication  dut  se  faire  par  soumission  sous  pli 
caclicté.  I^lle  a  été  aussi  mise  de  côté.  Les  logements  sont  mainte- 
nant (lnnné>  [>ar  ordre  d'inscription.  Toute  demande  est  examinée 
par  le  conseil  du  familistère,  et  ensuite,  en  cas  d'admission,  par  le 
conseil  de  gérance.  Le  premier  de  ces  conseils  s'occupe  de  toutes  les 
questions  relatives  au  palais  social;  il  veille  à  l'entretien  des  bâtiments, 
à  leur  construction. 

Nonloin  des  familistères,  se  trouve  le  groupe  dil<<  la  buanderie  ».  Il 
comprend  :  aurez-de-cbaussée,  une  grande  piscine,  unesalle  de  lavage, 
uncaulre  de  rinçage;  au  [iromier  étage,  un  étendoir.  Un  autre  élondoir 
de  1.200  mètres  carrés  est  établi  à  air  libre  sur  un  terrain  contigu 
à  la  buanderie.  Le  service  de  la  buanderie  est  surveillé  par  une  dame, 
chef  de  service,  et  par  une  adjointe.  La  piscine,  alimentée  par  les 
eaux  de  condensation  des  machines  à  vapeur,  est  mise  à  certains 
jours  à  la  disposition  des  membres  de  l'association  pour  y  prendre  des 
bains.  En  outre,  il  existe  quatre  salles  de  bains. 

!,('  fauiilistère  est  administré  par  un  conseil  composé  de  tous  les 
membres  associés  (i^  ±2)  faisant  i)artie  du  conseil  de  gérance  (!:;  23) 
et  présidé  par  l'administrateur-gérant.  Le  conseil  veille  aux  intérêts 
sociétaires  et  commerciaux  du  familistère;  c'est  lui,  par  exemple,  qui 
prend  les  mesures  concernant  l'entretien  des  bâtiments  et  de  leurs 
dépendances,  la  police,  la  propreté  et  l'hygiène  des  logements.  11  se 
réunit  tme  fois  par  semaine. 

M.iiiiIrM.iMl,  dira-l-ou,  quels  n'-sullals  a  amen(''s  le  familistère,  au 
point  de  vue  matériel  comme  au  point  de  vue  moral?  Sont-ils  de 
telle  nature  iju'une  institution  de  ce  genre  doive  être  recommandée 
dans  les  usines  qui  groupent  autour  d'elles  de  nombreux  ouvriers? 


ÉLÉMENTS    DIVEHS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  '  39 

Le  créateur  du  familistère  doit-il  être  considéré  comme  ayant  ou- 
vert une  voie  nouvelle  dans  laquelle  les  industriels  auraient  intérêt  à 
s'engager?  On  a  calculé  que,  si  tous  les  habitants  des  trois  familistères 
avaient  été  logés  dans  des  maisons  indépendantes,  celles-ci  s'éten- 
draient sur  une  étendue  de  plus  de  deux  kilomètres.  Un  des  buts  que 
M.  Godin  se  proposait  d'atteindre  l'a  donc  été  pleinement  :  tous  les 
services  sont  concentrés  sous  sa  main  et  à  la  portée  des  ouvriers,  sans 
déplacement  ni  perte  de  temps. 

Les  cités  ouvrières  ont  été  maintes  fois  dénoncées  comme  présen- 
tant des  conditions  de  salubrité  très  inférieures  à  celles  des  maisons 
isolées;  les  maladies  contagieuses  y  trouveraient  un  terrain  propice  à 
leur  propagation.  Le  familistère  n'a  pas  échappé  à  ces  reproches;  ils 
lui  ont  été  adressés  notamment  par  une  plume  médicale  dans  une 
revue  célèbre.  Mais  la  direction  conteste  la  véracité  d'une  telle  accu- 
sation qui,  dit-elle,  ne  repose  sur  aucun  fait.  Le  familistère  n'a  été 
éprouvé  par  aucune  épidémie.  Quant  à  la  mortalité,  elle  est,  en  temps 
ordinaire,  moins  élevée  que  dans  la  ville  de  Guise.  D'après  une  statis- 
tique dressée  pour  une  période  de  dix  années,  de  1879  à  1888,  la 
moyenne  des  décès,  calculée  sur  le  chiffre  de  100,  est  à  Guise  :  pour 
les  enfants  de  0  à  1  an,  de  19,68;  pour  ceux  de  1  à  10  ans,  de  3,08; 
calculée  sur  le  chiffre  de  1.000  pour  les  personnes  dépassant  cet  âge, 
elle  est  :  pour  celles  du  sexe  féminin,  de  12,19;  pour  les  autres,  de  14,66. 
Le  familistère  paie  à  la  mort  un  tribut  plus  faible;  sur  les  mêmes 
chiffres  pris  comme  base  du  calcul,  la  statistique  relève  seulement  : 
pour  les  mêmes  catégories  d'enfants,  14,61  et  3,02;  pour  les  personnes 
d'un  âge  supérieur  à  10  ans,  10,99  et  12,08.  Grâce  au  soin  des  amé- 
nagements intérieurs,  à  la  propreté  exigée  de  leurs  nombreux  loca- 
taires, les  trois  grandes  cités  ouvrières  de  l'usine  échappent  donc  aux 
inconvénients  d'un  tel  mode  d'habitation. 

Mais  elles  en  présentent  un  autre  plus  réel  :  si  bien  installés  qu'ils 
soient,  les  appartements  ne  comprennent  et  ne  peuvent  comprendre 
que  deux  ou  trois  pièces;  ils  ne  se  prêtent  pas  au  développement  de 
nombreuses  familles;  et,  alors  que  tant  de  causes  contribuent  déjà  à 
restreindre  le  chiffre  des  enfants  en  France,  leurs  dimensions  res- 
treintes stimulent  encore  leurs  habitants  à  éviter  une  postérité  encom- 
brante. De  plus,  un  appartement  pris  à  location  dans  une  cité  ou- 
vrière ne  constitue  pas  un  foyer  stable,  que  la  famille  tiendrait  à 
honneur  de  transmettre  aux  siens,  avec  lequel  elle  contracterait  des 
liens  durables;  il  ne  lui  donne  pas  autant  de  relief. 


40      N"    73.    —    AJUSTEUR-SLHVEILLANT    DE    l'l'SINE    DE    GUISE    (aISNE). 

§  19. 

SUR    UNE   INSTITUTION   SPÉCIALE   A    LENFANCE    :    LA  NOURRICERIE. 

Le  fondateur  du  familistère  a  accordé  une  attention  particulière  à 
l'éducation  et  à  l'instruction  de  l'enfance  et  de  la  jeunesse. 

Imbu  des  idées  socialistes,  il  a  voulu  habituer  l'enfant  à  vivre  en 
communauté  dès  les  premiers  jours  de  l'existence.  Il  a  donc  organisé 
une  institution  spéciale  qui  porte  le  nom  de  nourricerie  et  où,  dans 
sa  pensée,  l'enfant  doit  trouver  des  soins  supérieurs  à  ceux  que  sa 
famille  est  en  mesure  de  lui  donner.  Les  femmes  des  employés  et  des 
ouvriers  de  l'usine  ont  la  faculté  de  déposer  leurs  enfants  à  la  nourri- 
cerie, sans  qu'elles  aient  besoin  de  justifier  d'une  occupation  urgente 
qui  les  empêche  de  remplir  leur  devoir  maternel.  Jusqu'en  1875,  elles 
pouvaient  même  confier  leurs  enfants  à  la  nourricerie  pendant  toute 
la  semaine  et  n'étaient  tenues  de  les  reprendre  que  le  dimanche.  De- 
puis, cette  faculté  a  été  réduite  à  la  journée;  un  enfant  n'est  admis  à 
la  nourricerie  que  de  sept  heures  du  matin  jusqu'à  sept  heures  du 
soir. 

Les  enfants  sont  déposés  dans  des  berceaux  dont  l'ingénieux  arran- 
gement manifeste  l'esprit  de  prévoyance  du  fondateur  du  familistère, 
son  art  à  organiser  les  plus  petits  détails. 

Tout  est  prévu  dans  l'organisation  de  la  nourricerie.  Au  milieu  de 
la  pièce  où  sont  les  berceaux,  un  système  spécial  a  été  imaginé  pour 
que  les  enfants  puissent  jouer  librement,  sans  courir  aucun  ris(iue.  A 
côté,  dans  une  autre  pièce,  sont  installés  de  petits  sièges  d'aisance  où 
on  habitue  les  nourrissons  à  se  rendre  eux-mêmes.  Un  chemin  en 
pente  douce  mène  de  la  nourricerie  au  jardin  sur  lequel  clic  donne. 
Enfin  des  vaches  sont  spécialement  affectées  à  la  nourricerie,  de 
manière  que  le  lait  des  enfants  soit  à  l'abri  de  toute  falsification. 

Les  enfants  sont  surveillés  par  une  femme  qui,  remplissant  cette 
fonction  depuis  vingt-cinq  ans,  a  acquis  une  grande  habileté  dans 
l'art  de  manier  l'enfance. 

Aucune  redevance  n'est  demandée  aux  familles  pour  les  suins  don- 
nés aux  enfants  dans  la  nourricerie.  Chaque  ménagi;  reçoit  même  un 
berceau  semblable  à  celui  <|ui  y  est  enq)loyé. 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  41 

§  20. 

SUR  LES   ASSURANCES. 

Un  sj'stème  complet  d'assurances,  parant  à  peu  près  à  toutes  les 
éventualités  fâcheuses  qui  peuvent  se  produire  dans  la  vie  d'un  ouvrier, 
existe  au  familistère.  Elles  ont  d'abord  pour  but  de  donner  à  la  fa- 
mille les  sommes  qui  lui  sont  nécessaires  pour  se  procurer  le  pain 
quotidien;  ensuite  elles  lui  accordent  des  secours  en  cas  de  maladie  ou 
lorsqu'un  accident  condamne  le  chef  de  famille  à  l'incapacité  de  tra- 
vail; elles  lui  fournissent  les  médicaments  nécessaires;  enfin,  lorsque 
l'ouvrier  arrive  à  l'heure  du  repos,  elles  lui  servent  une  pension  de 
retraite. 

1"  Assurances   du  nécessaire  à  la  subsistance  et  des  pensions. 

L'assurance  du  nécessaire  fonctionne  de  la  manière  suivante  :  une 
table,  insérée  dans  les  règlements,  indique,  d'après  la  valeur  des  den- 
rées de  première  nécessité,  quel  est  le  prix  minimum  indispensable 
pour  la  subsistance  journalière  des  vieillards,  des  adultes  et  des  en- 
fants, suivant  l'âge.  Lorsqu'une  famille  ne  reçoit  pas  un  total  de  salai- 
res équivalent  au  total  de  cette  somme,  l'association  paie  la  différence. 

Le  taux  du  minimum  journalier  est  fixé  comme  suit  : 

Pour  le  mari  et  la  femme 2' 5 

—  un  veuf  ou  une  veuve,  chef  de  famille 1  50 

—  la  veuve  sans  famille 1  00 

—  un  homme  invalide  dans  une  famille 1  00 

—  une    femme 0  7"> 

—  les  jeunes  gens  de  plus  de  11»  ans  chacun 1  00 

—  —  de  14  à  16  ans 0  75 

—  les  enfants  de  2  à  14  ans 0  50 

—  —        de    moins  de  !2  ans 0  25 

D'après  un  article  du  règlement,  dans  le  compte  à  faire  des  res- 
sources d'une  famille,  en  vue  de  fixer  la  somme  complémentaire  qu'elle 
doit  recevoir,  les  gains  de  ses  membres  ou  les  allocations  des  diverses 
assurances  sont  d'abord  portés  en  ligne  de  compte.  Les  gains  qui  ne 
peuvent  être  fixés  sont  évalués  d'après  un  taux  déterminé  dans  le  rè- 
glement. 

Une  mesure  restreint  en  apparence  la  portée  de  celte  assurance  : 


4:2      N"    73.    —   AJUSTEUR-SURVEILLANT    DE    l'uSINE   DE    GUISE   (aISNE). 

seules  les  familles  habitant  le  familistère  y  ont  droit.  Toutefois  des 
secours  sont  aussi  accordés  aux  autres  familles  ouvrières;  ils  sont  dé- 
termines par  le  comité  des  assurances,  puis  approuvés  par  le  conseil 
de  gérance.  De  1S79  à  1888,  ils  se  sont  élevés  à  la  somme  de 
72.094'  30,  sous  le  nom  d'allocations  temporaires. 

Cette  section  des  assurances  a  encore  pour  objet  de  servir  des  pen- 
sions aux  anciens  travailleurs  de  l'association  devenus  incapables  de 
travailler.  Les  droits  à  la  pension  sont  réglés,  après  quinze  ans  de 
service,  de  la  manière  suivante  : 

Pour  les  associés,  hommes  et  femmes,  la  pension  est  fixée  aux  deux 
cinquièmes  de  leurs  appointements  ou  salaires  annuels,  à  l'exclusion 
de  tout  autre  bénéfice.  Pour  les  sociétaires  (§  22),  hommes  et  femmes, 
elle  est  fixée  au  tiers  de  ces  mêmes  appointements  ou  salaires.  Tou- 
tefois les  pensions  des  associés  ne  peuvent  jamais  descendre,  pour 
les  hommes,  au-dessous  de  75  francs  par  mois,  cl,  pour  les  femmes, 
au-dessous  de  45  francs.  Celles  des  sociétaires  ne  peuvent  descendre, 
pour  les  hommes,  au-dessous  de  60  francs,  et,  pour  les  femmes,  au- 
dessous  de  35  francs. 

Le  taux  delà  pension  des  participants  et  des  auxiliaires  est  fixé,  pour 
les  hommes,  à  1  franc  par  jour,  au  bout  de  quinze  ans  de  service;  elle 
s'augmente,  suivant  leur  ancienneté  à  l'usine,  jusqu'au  chiiïre  de  2  -'"  50 
par  jour  après  trente  ans  de  service.  Les  femmes,  employées  au  même 
titre  dans  les  services  du  familistère  ou  de  l'usine,  ont  également  droit 
à  une  pension  de  0'^75  par  jour,  après  quinze  ans  de  services;  elle  s'é- 
lève, après  trente  ans,  jusqu'au  double  de  cette  somme. 

L<'s  droits  à  la  pension  sont  toutefois  suspendus  pour  tout  pension- 
naire qui  accepte,  sans  autorisation  du  conseil  de  gérance,  des  fonc- 
tions salariées  en  dehors  de  l'association. 

Des  pensions  sont  également  servies  à  des  ouvriers,  hommes  ou 
ft'uimes,  employés  dans  l'association,  même  ne  se  trouvant  pas  dans 
les  (•onditi(»ns  exigées  par  les  règlements,  lorsqu'ils  sont  victimes  d'un 
accident  d'atelier  entraînant  incapacité  de  travail.  L'accident  inter- 
vient-il avant  quinze  années  de  service  dans  l'association,  la  victime 
a  droit  à  la  même  pension  qu'après  vingt  ans  de  services;  l'accident 
survient-il  après  (piinze  ans,  la  pension  est  la  même  qu'après  trente 
ans  de  services.  Les  ressources  de  celte  section  des  assurances  sont  : 
I"  une  subvention  df  2  ^  des  salaires  et  appointements  payt's  par 
l'association  et  (jui  est  porlée  à  ses  frais  générau.x  ;  2"  le  dividende 
représenté  par  le  travail  des  auxiliaires  (§  22). 


ÉLÉMENTS  DIVERS   DE   LA   CONSTITUTION   SOCIALE.  43 

2"  Assurances  contre  la  maladie  et  les  accidents. 

Celle  assurance  a  un  double  but  :  payer  les  frais  de  visites  des  mé- 
decins et  donner  aux  malades  des  allocations  qui  suppléent  au  salaire. 
Ces  allocations  sont  ainsi  fixées  :  deux  fois  le  montant  de  la  cotisation 
mensuelle,  pendant  les  trois  premiers  mois;  une  fois  et  demie,  pen- 
dant le  second  trimestre;  une  fois  pendant  les  six  mois  suivants.  Ces 
allocations  journalières  sont  réduites  de  23  %  environ  pour  les  indi- 
vidus entrés  à  l'association  après  quarante-cinq  ans.  Dès  son  entrée  à 
l'usine,  tout  ouvrier  ou  employé  est  inscrit  d'office  sur  le  livre  d'ordre 
de  l'assurance  contre  la  maladie.  Il  acquitte  en  conséquence  une  coti- 
sation établie  sur  le  taux  de  1  1/2  %  de  son  salaire  ou  de  ses  appointe- 
ments s'il  habile  le  familistère,  de  1  %  s'il  habite  au  dehors;  quand  la 
situation  financière  de  celte  assurance  l'exige  ou  le  permet,  le  taux  des 
cotisations  ou  allocations  peut  être  réduit  ou  élevé;  sont  seules  exem- 
ptées de  cette  inscription  les  dames  habitant  le  familistère,  pour  les- 
quelles une  assurance  spéciale  dont  nous  parlerons  plus  loin  a  été  créée. 
Outre  les  cotisations  des  ouvriers,  les  ressources  de  la  caisse  contre  la 
ladie  se  composent  du  produit  des  amendes  infligées  pour  contraven- 
mations  aux  règlements  intérieurs  des  bureaux  ou  des  ateliers,  ou  pour 
infractions  aux  règlements  de  ladite  caisse,  des  retenues  pour  casse, 
malfaçon,  poids  trop  lourds,  fournitures  de  limes,  etc. 

Un  comité  de  dix-huit  membres  administre  l'assurance  contre  la  ma- 
ladie :  neuf  de  ses  membres  sont  nommés  au  familistère  et  choisis 
exclusivement  parmi  les  associés  et  sociétaires,  neuf  autres  sont  élus 
à  l'usine  par  tous  les  ouvriers  et  employés  sans  exception.  Ce  comité 
se  réunit  deux  fois  par  mois;  ses  membres  ont  droit  à  une  allocation 
mensuelle  de  S  francs,  dont  le  paiement  est  inscrit  au  compte  des  frais 
généraux  de  l'association. 

3"  Assurances  des  dames  du  familistère. 

Comme  son  nom  l'indique,  celte  assurance  concerne  exclusivement 
les  dames  habitant  le  familistère,  mais  seulement  après  l'âge  de  qua- 
torze ans.  Elle  donne  droit  pour  l'assurée  aux  visites  et  aux  soins  du 
médecin  ou  de  la  sage-femme  de  son  choix,  en  outre  à  des  allocations 
journalières  fixées  comme  suit  :  une  fois  et  demie  le  montant  de  la  co- 
tisation mensuelle  pendant  la  période  aiguë  du  mal,  c'est-à-dire  celle 


44       N"    73.    —   AJUSTKUH-SUUVEILLANT    DE   LUSINE   DE   GUISE   (aISNEJ. 

OÙ  la  malade  est  forcée  de  garder  le  lit  ou  dans  rimpossibilité  de  se 
servir  elle-même;  les  trois  quarts  de  la  cotisation  mensuelle  i»endant 
la  période  de  convalescence  ou  pour  toute  indisposition  qui,  sans 
mettre  la  femme  dans  l'incapacité  do  toute  occupation,  ne  lui  permet 
néanmoins,  ni  de  faire  les  gros  travaux  du  ménage,  tels  que  cuisine, 
lavage  du  linge  ou  lavage  des  appartements,  ni  de  se  livrer  à  ses  occu- 
pations professionnelles. 

La  caisse  de  l'assurance  des  dames  du  familistère  est  alimentée  par 
trois  sortes  de  ressources  :  1°  les  cotisations  des  assurées,  fixées  au  mi- 
nimum de  O'oO  par  mois,  ou  à  2  %  des  gains,  lorsque  les  2  % 
sont  supérieurs  à  ce  minimum,  sans  que  toutefois  ces  cotisations  puis- 
sent dépasser  .'J  francs  par  mois;  2"  le  produit  des  amendes  perçues 
dans  le  familistère  et  que  l'association  lui  abandonne;  3"  la  subven- 
tion complémentaire  que  celle-ci  lui  alloue.  Un  comité  de  dames, 
librement  élu,  administre  cette  caisse;  il  fonctionne  comme  le  comité 
de  la  caisse  d'assurances  contre  la  maladie  et  les  accidents. 

4"  Fonds  de  pharmacie. 

Les  médicaments  ne  sont  pas  fournis  par  la  caisse  d'assurance 
contre  la  maladie.  Le  fonds  de  pharmacie  forme  une  division  spéciale 
dont  la  caisse  s'alimente  au  moyen  d'une  cotisation  mensuelle  de 
0^  oO  payée  par  chacjue  personne  âgée  de  plus  de  quatorze  ans,  et  au 
moyen  d'une  allocation  égale  au  montant  des  cotisations  et  versée  par 
l'association. 

Le  fonds  de  pharmacie  procure  gratuitement  les  médicaments  or- 
donnés par  le  médecin  ou  la  sage-femme,  les  bains,  les  ustensiles  et 
linges  nécessaires  au  soin  des  malades.  11  pourvoit  aussi  aux  frais  d'en- 
terrement des  mutualistes,  mais  uni(|uemcnt  aux  frais  civils.  Cette 
disposition,  conservée  dans  le  règlement,  porte  la  trace  des  opinions 
de  M.  Godin,  soucieux  d'éloigner  tout  élément  religieux  de  l'usine. 

Les  neuf  dames  et  les  neuf  hommes,  élus  au  familistère  pour  admi- 
nistrer les  caisses  de  secours  contre  la  maladie  et  les  accidents,  for- 
ment par  leur  réunion  le  comité  d'administration  du  fonds  de  phar- 
macie. 

g  21. 

suit     LA    SOCIÉTÉ   COOl'ÉItATIVl':    DE    CONSOMMATION    DU    FAMILISTÉUE. 

Avant  1^(S(),  un  ('conitmat  existait  à  l'usine  de  (jiuise;  tous  ses  béné- 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE   LA   CONSTITUTION    SOCIALE,  45 

fiées  appartenaient  au  patron.  Soucieux  de  développer  Jes  habitudes 
de  vie  commune  parmi  les  familles  ouvrières,  il  avait  en  outre  créé 
un  restaurant  où  celles-ci  auraient  pu  venir  prendre  leurs  repas;  mais 
elles  préférèrent  faire  leur  cuisine  à  leur  gré. 

Depuis  la  constitution  en  société,  une  société  coopérative  existe; 
elle  se  divise  en  deux  parties  :  les  services  de  vente  et  les  services  de 
production. 

Les  premiers  comprennent  sept  sections  :  l'habillement,  l'épicerie, 
l'alimentation,  les  combustibles,  la  buvette,  les  bains  et  lavoirs,  et  la 
réserve,  service  auxiliaire  pour  les  liquides  alimentant  l'épicerie  et  la 
buvette.  Les  seconds  en  comprennent  deux  :  la  charcuterie  et  la  bou- 
langerie; le  prix  du  pain  est  établi  sur  le  chitTre  minimum  des  bou- 
langers de  Guise. 

Les  ventes  sont  faites  au  comptant;  elles  s'effectuent,  soit  sur  ver- 
sement d'argent  en  prenant  la  marchandise,  soit  sur  carnet,  et,  dans 
ce  cas,  l'acheteur  dépose  à  la  caisse  du  familistère  une  somme  dont  le 
montant  est  facultatif.  Les  bénéfices  se  divisent  en  deux  parts  :  une 
première  est  répartie  en  marchandises  à  tous  les  acheteurs  sur  car- 
net, au  prorata  de  leurs  chiffres  d'achat;  elle  s'est  élevée  jusqu'à 
83  %  du  bénéfice  net  réalisé.  La  seconde  est  répartie  entre  tous  les 
membres  de  l'association,  sur  le  titre  de  chacun  (§  22). 

Le  prix  de  la  boulangerie,  avons-nous  dit,  est  établi  sur  le  chiffre 
minimum  des  boulangers  de  Guise.  Beaucoup  d'ouvriers,  appréciant 
les  bienfaits  de  cette  institution  coopérative,  s'y  fournissent  d'un  grand 
nombre  des  objets  qui  leur  sont  nécessaires;  aussi  le  chiffre  d'afl'aires 
dépasse-t-il  500.000  francs. 

C'est  le  conseil  du  familistère  qui  est  chargé  de  l'administrer. 


22. 


SUR    LA    l'ARTlCIl'ATION    AUX    BENEFICES    ET   LA    TRANSMISSION   AUX 
PARTICII'A.NTS    DE    LA    PROPRIÉTÉ    DE   l'USINE. 

Le  mode  de  partici|)ation  aux  bénéfices,  qui  achemine  les  partici- 
pants vers  la  propriéié  de  l'usine,  constitue  de[)uis  1881  (vj  17)  le  trait 
le  plus  caractéristique  de  l'organisation  de  Guise. 

La  répartition  des  bénéfices  n'est  pas  laissée  ici  à  la  libre  volonté  du 
chef  de  l'usine,  comme  dans  beaucoup  d'établissements  industriels 


k 


46      iN"    73.    —   AJUSÏEUH-SURVEILLANT    DE   L  USINE   DE    GUISE    (aISNE). 

(|ui  |irati(|ucnl  ce  système.  Des  règles  fixes  déterminent  l'emploi  des 
bénéfices  nets.  Sur  les  bénéfices  industriels  et  commerciaux  que  cons- 
tatent lés  inventaires  annuels,  sont  d'abord  opérés  les  prélèvements 
suivants  :  1"  TS  %  de  la  valeur  des  immeubles,  10  %  de  la  valeur  du 
matériel  et  13  %  de  la  valeur  du  uialériel  modèle;  quand  les  immeu- 
bles locatifs  seront  ramenés  à  la  valeur  de  1.200,000  francs,  l'amortisse- 
ment de  o  %  sera  suspendu;  —  2°  une  subvention  égale  à  2  ;^  de  la 
valeur  des  salaires  pour  la  caisse  des  pensions  et  du  nécessaire  à  la 
subsistance  (§  20) ;  —  3°  les  frais  d'éducation  et  d'instruction;  —  4°  les 
intérêts  dus  aux  possesseurs  des  apports  et  des  épargnes.  Tout  ce  qui 
reste  constitue  le  bénéfice  net. 

11  csl  d'abord  opéré  un  prélèvement  de  23  Rappliqué  à  la  réserve;  les 
sommes  (pii  restent  sont  partagées  conformément  à  l'axiome  de  M.  (îo- 
din  :  que  l'ouvrier  doit  recevoir  le  produit  intégral  de  son  labeur 
et  que  le  travail  et  l'intelligence  ont  les  mômes  droits  que  le  capital 
dans  la  distribution  des  bénéfices  provenant  d'un  établissement  in- 
dustriel. Les  bénéfices  de  l'usine  sont  en  conséquence  répartis  à  Guise 
de  la  manière  suivante  :  23  ^  à  l'intelligence,  et  par  ce  mot  il  faut  en- 
tendre :  l'administrateur-gérant,  qui  reçoit  4  %;  le  conseil  de  gérance, 
autant  de  fois  1  %  qu'il  y  a  de  membres  en  exercice;  le  conseil  de 
surveillance,  2  %;  les  employés  et  ouvriers  qui  se  sont  distingués  d'une 
manière  exceptionnelle  et  auxquels  il  est  attribué  des  primes  s'élevant 
à  2  %  de  la  part  réservée  à  l'intelligence  ;  les  jeunes  gens  sortant  des 
écoles  de  la  Société  du  familistère  et  admis  dans  les  écoles  de  IKlat, 
auxquels  1  %  est  réservé. 

75^  sont  ensuite  allcibués  au  capital  et  au  travail;  mais  1  franc  de 
salaire  est  mis  sur  le  même  i)ied  que  1  franc  d'intérêt;  le  travail,  re- 
présenté par  i.lW.'i'.iO^  37  de  salaires,  reroit  donc  une  part  de  bé- 
néfices plus' considérable  ((uc  le  capital,  ([ui  n'entre  en  ligne  qu'avec 
230.000  francs  d'intérêts.  Seulement  les  bénéfices  du  capital  sont  payés 
en  espèces,  tandis  que  les  bénéfices  du  travail  sont  rejjrésentés  par  des 
titres  d'épargne. 

(]es  derniers  titres  sont  productifs  d'intérêts  à  3  %.  De  plus,  ils  re- 
présentent la  |iart  de  propriété  du  participant  dans  l'usine,  en  même 
temps  f|u'ils  remboursent  le  fondateur  du  capital  (]u'il  a  engagé,  (domine 
part  du  fonds  social,  ils  doiuient  droit  à  un  diviilende  variable 
selon  l'état  des  affaires.  Lorsque  le  capital  social  aura  été  remboursé, 
la  Société  remettra  en  argent  les  titres  d'épargne.  Jusque-là,  l'ouvrier 
n'est  pas  le    maître  d'en  dis[)Oscr.  D'après  les  statuts,    toute  acqui- 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE   LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  47 

sition  de  certificats  d'apport  ou  d'épargne,  par  suh.^liluLioiiJiéritage 
ou  toute  autre  voie,  entraîne  de  la  part  du  nouveau  possesseur  l'ac- 
ceptation de  la  représeutation  de  ses  droits  par  l'assemblée  générale 
des  associés  et  parle  conseil  de  surveillance,  dans  toutes  les  opérations 
sociales.  L'association,  de  plus,  se  réserve  expressément  le  droit  de  dé- 
sintéresser, intégralement  ou  partiellement,  tout  possesseur  d'apport 
ou  d'épargne,  en  lui  remboursant  au  pair  toutou  partie  des  titres  dont 
il  est  possesseur. 

Tous  les  ouvriers  ne  se  trouvent  pas  placés  sur  le  même  pied.  Ils 
sont  divisés  en  quatre  classes  ;  les  conditions  exigées  pour  être  admis 
dans  chacune  d'elles  varient. 

La  plus  élevée  est  celle  des  associés.  Vingt-cinq  ans  d'âge  au  mini- 
mum, une  résidence  d'au  moins  cinq  ans  dans  les  locaux  du  familis- 
tère, la  participation  au  moins  depuis  le  même  temps  aux  travaux  et 
opérations  de  l'association,  la  connaissance  des  rudiments  de  l'instruc- 
tion primaire,  la  possession  d'une  part  du  fonds  social,  telles  sont  les 
conditions  exigées.  Il  faut  en  outre  que  l'associé  soit  admis  par  l'as- 
semblée générale.  Seule,  cette  catégorie  d'ouvriers  la  compose.  Elle  se 
réunit  une  fois  par  an,  au  plus  tard  le  premier  dimanche  d'octobre.  Les 
associés  jouissent  d'autres  avantages  :  si  l'âge ,  la  .  maladie  ou  les 
infirmités  les  mettent  dans  l'obligation  de  suspendre  tout  travail,  ils 
conservent  le  droit  d'habiter  dans  le  familistère,  ainsi  que  celui  de  sié- 
ger et  de  voter  aux  assemblées  générales.  Une  décision  de  cette  as- 
semblée, prise  à  la  majorité  des  deux  tiers,  peut  seule  les  exclure. 
En  cas  de  chômage,  ils  seront  occupés  avant  toute  autre  personne. 
Enfin,  dans  la  répartition  des  bénéfices,  l'associé  intervient  à  raison 
de  deux  fois  la  valeur  de  son  salaire,  ou,  en  d'autres  termes,  1  franc  de 
son  salaire  est  compté  comme  2  francs. 

Immédiatemcînt  après  les  associés,  viennent  les  sociétaires,  desquels 
on  exige  les  conditions  suivantes  :  âge  minimum  de  vingt  et  un  ans,  li- 
bération du  service  militaire  dans  l'armée  active,  participation  aux 
travaux  de  l'association  depuis  trois  ans  au  moins.  Comme  les  associés, 
les  sociétaires  doivent  habiter  le  familistère.  Ils  peuvent,  mais  sans 
.  que  cette  condition  soit  obligatoire,  posséder  une  part  du  fonds  social. 
L'administrateur  et  le  conseil  de  gérance  se  prononcent  sur  leur  ad- 
mission. Dans  la  répartition  des  bénéfices,  ils  interviennent  à  raison 
d'une  fois  et  demie  la  valeur  de  leur  salaire. 

hQs  participants ïoYmQXii  latroisiéme  catégorie  des  ouvriers;  ils  doi- 
vent réunir  les  trois  conditions  suivantes  :  âge  minimum  de  vingt  et 


48      N°    73.    —    AJUSTEUR-SURVEILLANT    DE    l'uSINE   DE    GUISE   (aISNE). 

un  ans,  libération  du  service  militaire  dans  l'armée  active,  travail  au 
service  de  l'association  depuis  un  an.  De  même  que  les  sociétaires, 
ils  sont  admis  par  l'adminislrateur-gérant  et  le  conseil  de  gérance. 
Ils  ne  sont  astreints  ni  à  habiter  le  familistère,  ni  h  posséder  une 
part  du  fonds  social.  Dans  la  répartition  des  bénéfices,  le  salaire  des 
participants  n'est  compté  que  pour  sa  valeur  réelle. 

Si  l'état  des  aiïaires  ne  permet  plus  de  donner  du  travail  à  tout  le 
personnel,  les  sociétaires  sont,  après  les  associés,  employés  de  préfé- 
rence au.\  participants,  et  ceux-ci  ont  le  pas  sur  les  auxiliaires. 

Les  trois  premières  classes  ne  sont  pas  formées  d'après  les  salaires 
que  leurs  membres  reçoivent  dans  l'usine;  ainsi  il  peut  se  trouver 
parmi  les  associés  tel  ouvrier  dont  le  salaire  est  égal,  sinon  inférieur 
à  celui  d'un  participant;  mais  sa  bonne  conduite,  son  assiduité  au  tra- 
vail, l'auront  fait  dislini^uer  par  ses  chefs.  Les  associés,  sociétaires  et 
participants,  peuvent  perdre  leur  situation,  avec  tous  les  avantages 
qui  y  sont  attachés,  pour  les  causes  suivantes  :  ivrognerie,  malpropreté 
de  la  famille  et  du  logis,  gênante  pour  le  familistère,  actes  d'improbité, 
inassiduité  au  travail,  indiscipline,  désordre  ou  actes  de  violence,  in- 
fraction à  l'obligation  de  donner  l'instruction  aux  enfants  dont  ils  ont 
la  respr)nsabilité  à  un  titre  quelconque. 

La  dernière  classe  est  celle  des  auxiliaires  ;  elle  comprend  tous 
ceux  qui,  à  un  titre  quelconque,  travaillent  dans  l'association,  en  dehors 
des  catégories  précédentes.  Ils  n'ont  pas  droit  à  la  répartition  des  bé- 
néfices, mais  seulement  aux  secours  des  sociétés  mutuelles.  Les  som- 
mes qui  leur  auraient  été  attribuées,  s'ils  avaient  été  traités  comme  les 
participants,  sont  versées  aux  fonds  d'assurances  des  pensions  et  du 
nécessaire  à  la  subsistance. 

Mentionnons  encore  deux  catégories  :  les  intéressés  elles  jeunes  gens, 
fils  des  membres  de  l'association.  Les  intéressés  possèdent  seule- 
ment par  liérilage,  achat  ou  toute  autre  voie,  des  parts  du  fonds  social; 
ils  reçoivent  l'intérêt  de  leur  argent  ho  %,  plus  le  dividende  du  capital, 
et  sont  remboursés  peu  à  peu. 

Les  jeunes  gens,  fils  des  membres  de  l'association,  sont  traités  d'une 
manière  particulière  ;  la  direction  espère,  par  les  avantages  qu'elle  . 
leur  accorde,  les  attacher  ib^linilivcment  à  (îuise  et  s'assurer  ainsi 
des  travailleurs  sérieux  ayant  le  goût  de  leur  métier,  dis|)osition  trop 
rare  aujourd'hui  dans  la  classe  ouvrière.  Ils  sont  traités  comme  les 
participants,  mais  ils  ne  sont  mis  en  possession  de  b-urs  titres 
d't'p.irgnc  (pic   s'ils  i'i'\  iciMU'ut   liav.iilici-  au    familistère,   après  leur 


ÉLÉMENTS   DIVERS   DE   LA    CONSTITUTION   SOCIALE.  49 

service  dans  l'armée  active.  Sinon,  leurs  titres  rentrent  à  l'assurance. 

Les  diverses  catégories  d'ouvriers  ne  sont  pas  composées  d'un  nom- 
bre de  personnes  fixe,  de  telle  sorte  que  les  ouvriers  ne  puissent  ja- 
mais espérer  un  avancement. 

Les  mutations  d'auxiliaire  à  participant,  de  participant  à  sociétaire, 
puis  à  associé,  ont  lieu  régulièrement  chaque  année.  Des  chiffres,  em- 
pruntés au  tableau  dressé  par  l'usine,  nous  montrent  dans  quelle  pro- 
portion ces  mutations  s'opèrent.  En  1885-86,  il  y  a  eu  11  associés 
admis;  en  1886-87,  3;  en  1887-1888,  13;  pour  les  mêmes  années,  les  so- 
ciétaires ont  compté  37,  16,  67  admissions;  les  participants,  41,  23,  52. 
D'après  le  tableau  dressé  par  l'association,  lors  de  l'Exposition  d'éco- 
nomie sociale,  le  personnel  se  répartissait  de  la  manière  suivante  :  102 
associés,  250  sociétaires,  464  participants.  La  proportion  du  person- 
nel appelé  à  participer  aux  bénéfices  de  l'association  est  donc  sensible- 
ment plus  élevée  que  dans  les  autres  maisons  qui  pratiquent  le  même 
système.  En  face  des  816  bénéficiaires,  il  n'y  a  que  421  ouvriers  non 
admis  aux  mêmes  avantages;  et  encore  deux  remarques  doivent  être 
ajoutées  :  de  ce  dernier  chiffre,  il  faut  défalquer  le  personnel  des 
services  du  familistère  comprenant  100  individus,  31  hommes  et  69 
femmes;  les  321  ouvriers  restants  fournissent  tous  les  ans  des  recrues 
à  la  catégorie  supérieure,  par  suite  de  l'avancement  régulier  et  annuel 
dont  nous  venons  de  pai'ler. 

g  23. 

SUR   LA    DIRECTION   ET    l'aDMINISTRATION    DE   LA   SOCIÉTÉ;  CONCLUSIONS. 

L'association  a  à  sa  tête  un  directeur-gérant,  nommé  à  vie  par 
l'assemblée  générale.  Les  pouvoirs  qui  lui  sont  conférés  tiennent  à  la 
fois  de  ceux  de  président  du  conseil  d'administration  et  de  ceux  de  di- 
recteur d'une  société  anonyme.  Seul  il  a  la  signature  sociale  et  représente 
la  société  vis-à-vis  des  tiers  ;  seul  il  nomme  et  révoque  les  fonctionnaires, 
dans  des  limites  déterminées,  il  est  vrai,  par  les  statuts;  seul  il  est  res- 
ponsable devant  l'assemblée  générale.  Celle-ci  a  même  le  pouvoir  de 
le  révoquer,  sur  la  proposition  du  conseil  de  surveillance,  dans  certains 
cas  parmi  lesquels  nous  remarquons  les  suivants  :  impossibilité  pour 
l'association  de  servir  deux  années  consécutivement  aucun  intérêt  au 
capital,  perles  dépassant  50.000  francs,  dans  des  opérations  faites  con- 
trairementaux  avis  de  l'assemblée  générale  ou  du  conseil  de  gérance.  Il 


oO       N°    73.    —   AJUSTEUR-SURVEILLANT    DE   l'uSINE   DE   GUISE    (aISNE). 

reçoit  un  traitement  annuel  de  15.000  francs  ;  il  touche  de  plus  une 
part  de  i  ^  sur  les  bénéfices  et,  en  outre,  sa  part  conime  membre  de 
l'association. 

L'adminislraleur-gérant  est  assisté  d'un  conseil  de  gérance  dont  il 
est  le  président-né.  Ce  conseil  se  compose  de  trois  associés,  élus  au 
scrutin  secret  par  tous  les  associés,  plus  des  chefs  de  service  du  fa- 
milistère, c'est-à-dire  du  directeur  commercial,  du  directeur  de  la  fa- 
brication, du  directeur  du  matériel ,  du  directeur  des  modèles  et  du 
montage,  du  directeur  de  la  fonderie,  du  directeur  des  approvision- 
nements, du  chef  de  la  comptabilité,  de  l'économe  chef  des  services 
du  familistère,  du  directeur  des  comptabilités  et  du  contrôle. 

Le  conseil  a  un  rôle  consultatif;  il  embrasse  tous  les  intérêts  de 
l'association,  et  peut  évoquer  toute  affaire  à  la  demande  de  son  pré- 
sident ou  d'au  muins  trois  de  ses  membres.  En  outre,  ce  conseil  a  des  at- 
tributions spéciales,  entre  autres,  celles  de  décider  sur  les  attributions  au 
titre  de  sociétaire  ou  de  participant,  sur  les  subventions  destinées 
aux.  assurances  mutuelles.  Il  se  réunit  obligatoirement  une  fois  par 
mois.  Tout  avis  doit  réunir  un  nombre  de  voix  au  moins  égal  aux 
deux  tiers  du  nombre  des  associés  du  conseil.  Comme  nous  l'avons  dit 
plus  haut  (§  22),  les  membres  de  ce  conseil  touchent,  en  dehors  de  la 
part  qui  leur  revient  comme  faisant  partie  de  l'association,  une  rétri- 
bution supplémentaire  de  i%. 

11  existe  en  outre  trois  autres  conseils  :  le  conseil  de  l'industrie,  le 
conseil  du  familistère,  le  conseil  de  surveillance.  Le  premier  conseil 
décide  sur  toutes  les  questions  d'ordre  industriel;  il  se  compose  des 
mêmes  membres  que  le  conseil  de  gérance  et  se  réunit  une  fois  par 
semaine.  Les  décisions  y  sont  prises  à  la  majorité  des  voix.  Nous  avons 
déterminé,  au  v?  18,  les  attributions  du  conseil  du  familistère. 

Le  conseil  de  surveillance  se  compose  de  trois  commissaires  rappor- 
teurs, nommés  par  l'assemblée  générale  des  associés;  il  est  chargé  des 
attributions  qui  incombent  aux  conseils  de  ce  genre  dans  les  sociétés 
anonymes,  telles  que  la  vérification  des  comptes  et  des  écritures,  l'as- 
sistance aux  inventaires  généraux,  etc.  Les  conseillers  de  surveillance 
assistent  aux  séances  du  conseil  de  gérance,  à  titre  de  simples  audi- 
teurs, sans  avoir  ni  voix  consultative  ni  voix  délibéralive. 

La  Société  de  Guise  a  un  long  avenir  devant  elle;  car  la  comman- 
dite a  été  formée  pour  une  période  de  quatre-vingt-dix-neuf  ans;  elle 
ne  pren<lra  lin  (pi'en  1Î>7ÎI.  Le  cas  de  revision  a  été  prévu  dans  les  sta- 
tuts, ainsi  ([ue  le  cas  de  dissolution;  celle-ci,  pour  être  réalisée,  doit 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  31 

réunir  l'unanimilé  des  contractants;  les  membres  qui  ont  formé  le 
premier  noyau  peuvent  disparaître ,  sans  que  la  commandite  prenne 
fin.  La  mort,  en  effet,  n'interrompt  pas  plus  une  commandite  qu'elle  ne 
délie  les  parties  ayant  contracté  un  bail  ou  un  prêt  hypothécaire. 

En  résumé,  le  fondateur  du  familistère  a  édifié  une  œuvre  dans  la 
plupart  des  dispositions  de  laquelle  se  manifestent  sa  forte  volonté, 
son  génie  industriel,  et  aussi  son  entente  des  besoins  matériels  des  fa- 
milles ouvrières.  Celles-ci  y  ont  trouvé  une  existence  assurée,  bien  que 
leur  participation  à  la  propriété  du  fonds  social,  par  suite  de  l'unique 
direction  donnée  à  leurs  épargnes,  ait  paru  à  quelques  personnes  pré- 
senter des  dangers  qui  en  atténuent  les  avantages.  Mais  ces  dangers, 
la  situation  prospère  de  l'usine,  la  prudence  avec  laquelle  elle  est  ad- 
ministrée, ne  les  rendent  pas  encore  redoutables.  Guise  sans  doute, 
pas  plus  que  toute  autre  institution  humaine,  n'est  à  l'abri  d'une  ca- 
tastrophe. Mais  les  épargnes,  que  chaque  année  le  Trésor  draine  par 
millions  dans  ses  caisses,  peuvent-elles  être  considérées  comme  n'ayant 
rien  à  craindre  de  l'avenir? 

En  attendant,  les  familles  ouvrières  de  Guise  ont  obtenu  de  précieux 
avantages  :  un  salaire  suffisant,  des  heures  de  travail  modérées,  la 
pratique  du  repos  dominical,  la  constitution  d'une  épargne  qui,  outre 
un  intérêt  de  5  ^ ,  donne  droit  à  un  dividende  comme  part  de  pro- 
priété, en  un  mot  la  sécurité  de  l'existence.  Aussi,  et  c'est  là  le  fait  qui 
nous  a  le  plus  frappé,  les  sentiments  des  ouvriers  ne  sont  pas  ceux 
que  nous  avons  observés  dans  d'autres  usines;  ils  se  considèrent 
comme  étant  en  quelque  sorte  chez  eux,  comme  travaillant  pour  leur 
propre  compte;  ils  ne  songent  pas  à  entrer  en  lutte  avec  les  directeurs 
de  l'association  dont  ils  envisagent  les  intérêts  comme  solidaires  des 
leurs.  A  Guise  enfin,  la  paix  sociale  s'est  toujours  maintenue. 


3  24. 

SUR   LE   FAMILISTÈRE    DE   LAEKEN    (BELGIQUE)  (1  ). 

Le  familistère  de  Laeken,  qui  est  merveilleusement  situé  au  point  de  vue 
industriel  et  commercial,  est  un  calque  absolu  du  familistère  de  Guise,  et 

(I  )  Le  4  Juillet  dernier,  les  membres  de  la  Société  belge  d'Économie  sociale,  accompagnes 
de  yi.  Claudio  Jannet,  ont  visité,  au  cours  d'une  curieuse  excursion  d'études,  à  Laeken  , 
prés  (le  Bruxelles,  la  succursale  ((u'a  établie  dans  cette  localité  la  Société  du  familistère  de 
Guise.  Il  était  intéressant  de  recueillir  au  moins  ici  les  impressions  de  cette  visite 
et  JL  Armand  Julin, attaché  au  ministère  de  l'agriculture,  de  l'industrie  et  des  travaux,  pu- 
blics à  Bruxelles,  a  bien  voulu  rédiger  à  celte  intention  la  note  (lu'on  va  lire. 


52      N"   73.    —   AJUSTEL'R-SL'RVEILLANT    DE   LUSINE   DE   GUISE    (AISNe). 

saiiT  los  proportions,  qui  a  vu  l'un  a  vu  l'autre.  Un  énorme  bâtiment  rectan- 
gulaire, tout  en  liriques  rouges,  à  trois  étages  surmontés  de  mansardes,  tel  se 
présente  le  familistère  de  Laeken.  Une  grande  cour  vitrée  occupe  le  centre  du 
l)àtiment;  soutenue  par  des  colonnes  on  fonte,  une  galerie  court  le  long  de 
cliaque  étage.  C'est  sur  ces  galeries,  donnant  sur  la  cour  intérieure,  que  s'ou- 
vrent les  appartements.  On  a  accès  à  ceux  des  ('tages  par  deux  larges  escaliers 
tournants  en  pierre,  |)lact''S  en  face  l'un  de  l'autre,  à  deux  coins  de  la  cour. 
Un  ingi'nioux  système  d'alimentation  d'eau  met,  à  chaque  étage,  à  la  dispo- 
sition des  ménagères,  l'eau  nécessaire  aux  lavages  quotidiens.  En  même  temps, 
les  eaux  sales  et  les  ordures  sont  précipitées  par  des  conduits  spéciaux  jus- 
qu'au rez-de-chaussée  dans  un  réservoir  ad  hoc,  d'où  elles  sont  enlevées  chaque 
Jour.  Les  appartements  se  composent  généralement  de  deux  pièces  et  d'un 
réduit.  Quelques-uns  ont  trois  pièces.  Les  plus  vastes  sont  ceux  situés  aux  an- 
gles du  bâtiment;  ils  ont  quatre  pièces.  Les  prix  de  location  sont  fixés  au 
mètre  carré;  ils  varient  d'après  les  étages  et  la  situation  plus  ou  moins  agréable 
de  l'appartement.  Les  prix  sont  les  mêmes  pour  le  rez-de-chaussée  et  le 
deuxième  étage;  les  plus  élevés  sont  ceux  payés  pour  le  premier  étage,  les 
plus  bas  pour  le  troisième.  Les  caves  se  paient  en  plus.  Chaque  étage  est 
jtourvu  lie  cabinets  spacieux,  différents  pour  les  sexes.  Une  sorte  de  code 
domestique  régit  la  communauté;  des  inspecteurs  veillent  à  l'entretien  de 
l'immeuble;  ils  n'imposent  point  d'amendes,  mais  les  dégradations  sont  payées 
par  ceux  qui  en  sont  coupables.  L'organisation  sociale  du  familistère  de  Laeken 
est  copiée  avec  non  moins  d'exactitude  sur  celle  du  familistère  de  Guise. 
Comme  à  la  maison-mére,  on  distingue  à  Laeken  les  associés,  les  sociétaires 
et  les  [larticipants,  et  le  mode  spécial  de  participation  aux  bénéfices  si  minu- 
tieusement déciil  par  M.  Urbain  Guérin  est  le  même  de  part  et  d'autre. 

Essayons  maintenant  de  fixer  l'impression  qui  se  dégage  de  cet  ensemble 
dinslitutinns.  Malgré  le  bien-être  qui  règne  visiblement  parmi  les  ouvriers 
vivant  au  familistère  de  Laeken,  malgré  l'exquise  propreté  de  tous  les  appar- 
tements, malgré  le  confortable  du  mobilier  et  l'arrangement  ingénieux  (]ui  se 
remanpie  jusque  dans  les  moindres  détails,  ce  que  le  visiteur  emporte  d'une 
excursion  au  familistère  est  une  impression  de  tristesse,  d'étouffement. 
Le  familistère  de  Laeken  e.st  une  superbe  caserne;  mais  c'est  une  caserne; 
c'est  un  idéal  couvent  fouriériste,  mais  chacun  n'a  pas  la  vocation  du  couvent 
ni  dn  fouriérisme.  Une  uniformité  exaspérante,  un  manque  de  vie  libre,  in- 
dépendante, la  sensation  d'une  règle  inilexible  courbant  toute  chose  sous  un 
même  niveau  vous  pénètrent  peu  à  peu  d'une  tristesse  infinie.  Les  murs  suin- 
tent l'ennui.  D'ailleurs,  cette  uniformité  étouffante,  ne  la  voit-on  pas  s'affir- 
mer, et  d'une  façon  saisissante,  par  la  comparaison  entre  le  familistère  do  (iiiise 
et  celui  de  Lael^en?  En  Erance  comme  en  Belgique  l'organisation  du  familis- 
tère est  la  même,  ne  tenant  aucun  compte  des  multiples  différences  du  climat, 
des  moMirs.  des  habitudes  bicales,  des  caractères.  Le  familistère  est  le  pro- 
duit dune  formule,  le  résultat  d'une  addition  des  mêmes  termes;  l'équation 
est  posée  de  la  même  manière  en  Erance  qu'en  Belgique,  elle  donne  un  l'é- 
sultat  identique.  On  établirait  demain  un  familistère  en  Allemagne,  un  autre 
en  Angleterre,  la  conception  resterait  la  même,  selon  la  fornuib'  du  maître. 

Tout  cela  semble  donc  artificiel  et  dépourvu  de  vie.  Et  l'on  s'en  va  sans  la 
foi,  tandis  (jue  sur  le  familistère  un  grand  buste  en  plâtre  de  Godin  fixe  son 
regard  vide  et  froid  de  statue. 

A.  J. 


LES  OUVRIERS  DES  DEUX  MONDES. 


DEUXIÈME   SÉRIE.   —  29"    FASCICULE. 


AVERTISSEMENT 

DE  LA  SOCIÉTÉ  D'ÉCONOMIE  SOCIALE. 


L'Académie  des  sciences,  en  185G,  a  couronné  le  premier  ou- 
vrage de  science  sociale  publié  par  F.  Le  Play,  les  Ouvriers  eu- 
ropéens. Elle  a  en  même  temps  exprimé  le  désir  qu'une  pareille 
œuvre  fût  continuée.  La  Société  d'Économie  sociale,  fondée  aus- 
sitôt par  l'auteur  de  ce  livre  aujourd'hui  célèbre ,  lui  a  donné 
pour  suite  les  Ouvriers  des  Deux  Mondes.  De  1857  à  1885,  la 
Société  a  publié  une  première  série  de  cinq  volumes  contenant 
quarante-six  monographies  de  familles  ouvrières. 

La  deuxième  série  des  Ouvriers  des  Deux  Mondes  a  commencé 
en  juillet  1885.  Le  premier  tome  de  cette  série  a  été  terminé 
en  juillet  1887;  le  deuxième,  à  la  fin  de  1889;  le  troisième,  au 
commencement  de  1892.  Ils  comprennent  les  descriptions  mé- 
thodiques de  trente-deux  familles  d'ouvriers ,  appartenant  à  la 
Bretagne,  la  Picardie,  le  Nivernais,  l'Ile-de-France,  la  Provence, 
la  Gascogne,  le  Dauphiné,  la  Normandie,  la  Marche,  l'Orléanais, 
le  Limousin,  la  Corse,  la  Grande-Russie,  la  Grande-Kabylie,  le 
Sahel,  le  Sahara  algérien,  la  Belgique,  la  Prusse  rhénane,  la 
Sicile,  la  campagne  de  Rome,  la  Capitanate,  l'Angleterre,  la 
Laponie,  l'Alsace,  la  Hollande.  Le  présent  fascicule,  le  29^  de  la 
deuxième  série,  est  le  premier  du  tome  IV.  (Voir  au  verso  de  la 
couverture.) 

La  publication  se  poursuit  par  fascicules  trimestriels,  avec 
le  concours  de  la  maison  Firmin-Didot.  Un  tel  concours  lui  as- 
sure cette  perfection  que  nos  lecteurs  ont  su  apprécier  dans  une 
œuvre  typographique  particulièrement  délicate. 

Les  prochains  fascicules  contiendront  les  monographies  de  fa- 
mille d'un  Métayer  du  Texas,  d'un  Pêcheur  de  l'archipel  Chusan 
(Chine),  d'un  Armurier  de  Liège,  d'un  Ouvrier  de  la  Papeterie 
coopérative  d'Angoulême,  d'un  Ardoisier  d'.Vngers,   etc. 


LES  OUVRIERS  DES  DEUX  MONDES, 

PUBLIÉS    PAR   LA   SOCIETE    d'ÉCONOMIE   SOCIALE, 

RECONNUE  d'utilité  PUBLIQUE. 


Deuxième  série.  —  29"  fascicule. 


ÉBÉNISTE  PARISIEN  DE  HAUT  LUXE 

(SEINE  —  FRANCE), 

OUVRIER-JOURNALIER, 

DANS   LE    SYSTÈME   DES   ENGAGEMENTS   MOMENTANÉS, 

d'après 

LES   UENSEKiXEMEJSTS   RECUEILLIS  SUR   LES   LIEUX    EN   JANVIER    ET    FÉVRIER    IStU, 

PAR 

M.  P.  DU  MAROUSSEM, 

Docteur  en  droit. 


PARIS, 


LIBRAIRIE    DE    FIRMIN-DIDOT    ET   G'^ 

IMPRIMEURS    DE   L'ISSTITUT,    RUE   JACOB,   56. 

1892. 

Droits  de  traduction  et  de  reproduction  réservés. 


N"^  74. 

ÉBÉNISTE  PARISIEN  DE  HAUT  LUXE 

(SEINE  —  FRANCE), 

ouvrier- journalier, 
dans  le  système  des  engagements  momentanés, 

d'après 
les  renseignements  retteillis  sur  les  lieux,  en  janvier  et  février  1891, 

PAR  • 

M.  P.  DU  Maroussem, 

Docteur  eu  Droit. 

OBSERVATIONS  PRÉLIMINAIRES 

DÉFINISSANT   LA   CONDITION   DES   DIVERS   MEMBRES    DE   LA    FAMILLE. 


DÉFINITIO.N   DU  LIEU,   DE  L'ORGANISATION   INDUSTRIELLE 
ET  DE   LA  FAMILLE. 

§    1. 

ÉTAT   DU   SOL,    DE   L'iNDUSTRIE    ET    DE   LA   POPULATION  (I). 

La  famille  habite  en  plein  faubourg  Saint-Antoine,  à  la  limite  de  la 
xone  excentrique  peuplée  des  ouvriers  les  plus  misérables,  là  où  la  rue 
de  Montreuil  est  coupée  par  le  boulevard  Voltaire. 

Le  faubourg  Saint-Antoine,  c'est-à-dire  renchevêtrement  de  rues 
étroites  qui  s'étagent  sur  les  deux  rives  de  la  large  chaussée  reliant  la 
place  de  l'ancienne  Bastille  au  donjon  de  A^incennes,  constitue,  cha- 
cun le  sait  aussi  bien  par  son  expérience  personnelle  que  par  ses  sou- 
venirs historiques,  une  cité  nettement  tranchée  dans  cet  amas  pro- 

(I)  Voir  La  Question  ouvrirre  :  II,  KOrnisles  du  faubourg  Saint-Anloinc,  par  I'.  du  Ma- 
roussem, avec  une  préface  de  Tli.  Funck-Breiitano.  llousseau.  180-2,  iii-8. 

5 


54  N"    74.    --    KBKMSTE   PARISIEN   DE   HAUT    LUXE. 

digieux  de  cilé.s  diverses  qui  s'appelle  Paris.  C'est  une  ville  ouvrière, 
spécialisée  dans  un  seul  métier,  la  «  Ville  du  meuble  ».  Elle  a  grandi 
l>rus(|uement,  vers  le  milieu  du  siècle.  Sous  l'ancien  régime,  pour 
échapper  iiii.x.  règlements  de  la  corporation  obligatoire  et  fermée,  des 
ébénistes  libres  s'étaient  établis  là,  et  payaient  assez  chèrement  leur 
indépendance  par  «  l'e-xploitation  »  (jue  leur  faisait  subir  la  caste  d(V|à 
grandissante  des  marchands  :  c'est  du  moins  le  dire  de  Roubo,  dans 
.son  Art  du  menuisier.  Le  «  rang  des  marchands  »  désignait,  de  mé- 
moire d'homme,  tout  l'ensemble  des  magasins  de  meubles  compris 
entre  la  pointe  de  la  Bastille  et  la  rue  Saint-Nicolas.  Mais  les  ateliers 
d'ébénisterie  n'en  restaient  pas  moins  éparpillés,  sans  agglomération 
particulière,  çà  et  là  sur  tous  les  quartiers  de  Paris.  Vers  le  milieu  du 
règne  de  Louis-Philippe  furent  inventées  la  plupart  des  machines  à 
travailler  le  bois,  scie  à  ruban,  machine  à  moulurer,  machine  à  can- 
neler,  etc.,  etc.  Elles  vinrent  persuader  aux  économistes,  et  même  aux 
hommes  pratiques  que  l'ébénisterie-menuiserie,  métier  classique  de 
petite  industrie,  allait  suivre  la  même  voie  que  le  tissage  ou  le  filage 
de  la  laine,  du  coton,  de  la  soie,  et  s'organiser  en  vastes  ateliers. 
Presque  aussitôt  ce  résultat,  qui  semblait  inévitable,  fut  détourné  par 
l'installation  d'usines  de  force  motrice,  où  une  multitude  de  petits 
ateliers  loués  par  des  patrons,  mouluriers  (toupillcurs),  raboteurs, 
tourneurs,  canneleurs,  etc.,  etc.,  se  tinrent  à  la  disposition  de  leurs  col- 
lègues, les  petits  patrons  ébénistes,  sauvés  ainsi  de  la  concentration 
industrielle.  Où  devaient  s'installer  ces  usines  que  l'on  peut  comparer 
«  aux  banalités  »  de  l'ancien  régime,  four  ou  moulin  communs  au 
milieu  d'une  population  rurale?  Là  où  les  bois  se  débarquaient  depuis 
l'origine  des  temps,  là  où  les  ébénistes  déjà  nombreux  réclamaient  un 
prompt  secours  et  promettaient  d'immédiates  pratiques?  Au  faubourg 
Saint-Antoine.  La  fortune  du  faubourg  était  assurée.  (iCs  usines  for- 
mèrent autant  de  centres  d'attraction  ramenant  autour  d'eux  la  foule 
des  petits  ateliers  disséminés.  Tous  renuèrent  en  une  seule  masse.  La 
production  s'activa  prodigieusement,  grâce  aux  machines.  La  prospé- 
rité matérielle  de  Paris  sous  le  second  Empire,  le  réseau  des  chemins  de 
fer  qui  permettait  de  déverser  sur  la  province  le  trop-plein  des  dépôts, 
le  prestige  même  de  la  politicjue  française  à  l'étranger,  et  parlant  de 
l'art  français,  (pii  multipliait  les  demandes;  tout  cet  ensemble  de  causes 
acheva  l'ceuvr*;  :  la  ville  du  meuble,  telle  que  nous  pouvons  la  visiter 
aujourd'hui. 
Si  l'on  considère  avec  altcution  cclli'  vilir  du  nieuhir,  qui,  sauf  le 


OBSERVATIONS    PRELIMINAIRES.  OO 

groupe  des  fabricants  de  Montparnasse  et  quelques  maisons  aux  Bati- 
gnolles,  condense  toute  l'industrie,  avec  ses  annexes  du  quartier  des 
Vosges,  de  Charonne,  Bagnolet  et  Montreuil,  trois  catégories  d'a- 
teliers s'y  distinguent  aisément,  qui  forment,  non  pas  trois  quartiers, 
car  elles  s'entremêlent  avec  l'irrégularité  la  plus  complète,  mais  trois 
classes  de  fabrication  correspondant  aux  différents  degrés  de  richesse 
de  la  clientèle  r  classification  fatale  en  un  siècle  d'argent. 

Ce  sont  d'abord  les  ateliers  de  haut  luxe,  d'où  sortent  les  chefs- 
d'œuvre  des  expositions,  les  armoires  sculptées  de  70.000  francs,  ou  les 
bureaux  à  applications  de  bronze  de  25.000  francs  :  quelques-uns  orga- 
nisés à  la  vapeur,  usines  véritables,  comme  la  maison  Krieger  (Da- 
mon,  Millot  et  Colin),  parce  qu'ils  mènent  de  front  ébénisterie,  char- 
penterie  et  menuiserie  artistiques;  la  plupart  réduits  à  un  nombre 
limité  d'ouvriers  choisis,  sculpteurs  et  ébéuistes,  et  recourant  aux 
mouluriers,  découpeurs,  tourneurs,  etc.,  du  faubourg.  Ils  sont  dirigés 
par  des  patrons  appartenante  la  bourgeoisie,  qui  reçoivent  la  commande 
directe  des  clients,  font  construire  les  meubles  sous  leurs  yeux  ou  ceux 
de  leur  contre-maître  et  livrent  sans  autre  intermédiaire.  Un  magasin 
est  annexé  à  l'atelier,  rempli  d'ameublements  fabriqués  d'avance  soit 
pour  servir  de  modèles  aux  acheteurs  de  la  haute  classe,  soit  pour  at- 
tirer les  acheteurs  des  classes  moyennes,  car  il  n'existe  pas  de  limite 
tranchée  entre  ces  différentes  zones  du  métier.  Environ  14o  patrons  , 
dont  115,  comme  Lemoine  ou  Dienst,  réunissant  la  tapisserie  à  l'ébé- 
nisterie,  et  40,  avec  Dasson  ou  Zwiener,  spécialisés  dans  la  marque- 
terie et  le  bronze;  4.000  ouvriers,  disaient  les  déposants  de  l'enquête 
législative  de  1884,  ce  qui  est  un  chiffre  trop  ancien  et  inexact  d'ail- 
leurs, même  à  cette  époque. 

A  cùté  du  meuble  de  haut  luxe  se  place  la  catégorie  beaucoup  plus 
importante  du  meuble  courant  ou  bourgeois  :  cette  épithéte  en  définit 
suffisamment  la  nature.  Le  premier  rôle  ici  appartient  aux  intermé- 
diaires, aux  marchands,  et  parmi  ceux-ci  aux  plus  puissants  de  tous, 
à  ces  forteresses  commerciales  hors  pair,  ((  les  Grands  Magasins  ». 
Ce  sont  eux  qui  disposent  de  la  commande.  (Client  unique,  ils  régentent 
despotiquement  le  peuple  de  leurs  tenanciers,  c'est-à-dire  des  petits 
patrons  misérablement  spécialisés,  avec  leurs  quelques  ouvriers,  dan? 
la  production  toujours  identique  à  elle-même  du  même  meuble,  buf- 
fet sculpté,  porte-parapluies  pour  antichambre,  bibliothèque  en  bois 
noirci,  chambre  à  coucher  bambou,  etc.,  etc.  Cependant  le  façonnier, 
ouvrier  en  chambre  qui  dépend  d'un  marchand-fabricant,  et  le  petit 


56  N°    74.    —    ÉBÉNISTE   l'AHISIE.N    DE    HAUT    LUXE. 

patron  vendant  direclement  à  la  clientèle  bourgeoise,  y  maintiennent 
des  vestiges  de  toute  l'évolution  antérieure.  La  statistique  des  mar- 
chands n'a  pas  été  tentée  :  celle  des  ouvriers,  du  moins  d'après  l'en- 
quête que  nous  venons  de  citer,  indique  un  total  de  7.000. 

Reste  le  meuble  de  trôle,  qui  n'est  pas  seulement,  ainsi  qu'un  raison- 
nement logique  tendrait  à  le  faire  croire,  le  meuble  des  classes  ou- 
vrières, puisqu'il  comprend  le  faux  luxe  et  presque  tous  les  modèles 
acceptés  par  la  bourgeoisie,  mais  bien  «  le  meuble  fabriqué  d'avance 
sans  savoir  ;ï  qui  on  le  vendra  ».  «  Commande  et  trùle  «  se  font  ainsi 
antithèse.  .Même  domination  des  marchands,  mais  de  maisons  un  peu 
inférieures,  Crespin,  le  Bûcheron,  Simon,  etc.,  etc.,  et  une  tactique  dif- 
férente pour  obtenir  les  meubles  au  moindre  prix,  soit  dans  les  débats 
individuels  de  Coffre,  lorsque  la  petite  charrette  à  bras  ou  la  tapis- 
sière du  «  charabanier  »  s'arrêtent  au  seuil  de  la  maison  de  vente,  soit 
à  la  foire  en  plein  vent  de  l'avenue  Ledru-Rollin,  le  samedi,  qui  très 
inexactement  dans  les  discussions  de  la  presse  monopolise  à  son  pro- 
fit le  nom  de  trùle;  700  trùleurs,  dit  l'enquête  de  1884;  en  réalité,  un 
nombre  flottant,  incertain,  car  une  communication  incessante  unit  cette 
troisième  catégorie  à  la  deuxième. 

(Jjelleque  soit  la  zone  de  l'industrie  d'où  ils  relèvent,  les  ébénistes  du 
faubourg,  les  «  ébénos  »,  comme  ils  se  désignent  en  leur  argot,  pré- 
sentent un  trait  de  mœurs  curieux.  Ce  ne  sont  pas,  au  moins  en  prin- 
cipe, des  Parisiens  de  vieille  race.  Ceux  qui  sont  nés  à  Paris  ne  sont 
pas  des  fils  d'ébénistes,  mais  de  journaliers,  d'hommes  sans  métier. 
Ainsi  une  poussée  insensible  hausse  chaque  génération  à  un  degré  ré- 
puté supérieur  par  le  «  bon  ton  »  de  ces  milieux  ouvriers,  chez  qui  cer- 
tains n'en  soupçonneraient  guère  :  les  fils  d'ébénistes  sont  sculpteur^. 
Mais  la  plupart  ont  grandi  en  province,  menuisiers  de  village  ou  de 
petites  villes  :  pour  eux  aussi  la  loi  d'ascension  continuelle  et  générale 
à  notre  époque  s'est  vérifiée. 

La  plupart,  disons-nous,  si  l'on  fait  abstraction  des  étrangers,  car 
les  étrangers  sont  légion  au  faubourg,  et  c'est  un  second  trait  de  cette 
|iopulation  de  16  à  20.000  travailleurs.  A  chaque  pas,  dans  les  cours, 
ces  ruches  travailleuses  que  le  passant  découvre  avec  surprise  à  un  dé- 
tour, les  enseignes  de  noms  étrangers  pullulent;  toutes  les  langues  ré- 
sonnent :  Flamands,  Alsaciens,  Allemands  surtout,  Wallons,  Piémontais 
(dans  le  meuble  sculpté;,  ont  formé  par  une  infiltration  lente  et  régu- 
lière des  quartiers  étrangers  dans  ce  coin  de  Paris;  quelque  peu  désin- 
téressés de  nos  luttes  politiques,  ils  ont  donne  une  physionomie  plus 


OBSERVATIONS    l'RELIMINAIRES.  O/ 

calme  à  ce  terrible  faubourg ,  toujours  prêt  aux  émeutes,  et  prompt 
aux  barricades,  lorsqu'il  était  aux  mains  de  la  seule  race  gau- 
loise. 

^  2. 

ÉTAT   CIVIL    DE    LA    FAMILLE. 

La  famille  qui  fait  l'objet  de  la  présente  monograpbie  se  compose  de 
cinq  personnes  : 

I.  Thkopikle  h***,  père  de  familk-.  ébéniste 42  ans. 

•2.  Emma  L***,  mère  de  famille,  tailleuse 10  ans. 

:<.  EiGÈNE  H***,  fils   aîné ,  aijprenli  sculpteur 18  ans. 

i.  ADitiENNe  H***,  OUe  ainée,  apprentie  hrunisseuse   13  ans. 

:>.  Georges  H***,  second  Gis 8  ans. 

Le  père  de  l'ouvrier,  Gbampenuis  d'origine,  était  journalier,  plus 
lard  marchand  de  bois  en  détail  à  la  Viilette;  sa  mère,  blanchisseuse, 
rue  de  Flandres;  cette  dernière  est  morte;  le  père  vit  toujours,  seul  à 
soixante-douze  ans,  gagnant  péniblement  10  francs  par  semaine  dans 
une  fabrique  de  poupées.  Une  sœur  de  l'ouvrier  est  mariée  à  Paris. 

La  femme,  qui  est  née  en  Champagne,  comme  le  père  de  son  mari, 
a  conservé  ses  frères  et  sœurs  dans  son  village  natal,  aux  environs  de 
Troyes.  Elle  a  perdu  ses  parents,  petits  industriels  tuiliers  qui  avaient 
vécu  au  jour  le  jour,  sans  atteindre  une  réelle  aisance.  Elle  sort 
d'une  nuance  sociale  un  peu  différente  de  celle  de  son  mari. 

Voilà  donc  une  famille  de  second  degré  en  quelque  sorte,  au  point  de 
vue  de  l'origine.  Elle  n'est  pas  purement  Parisienne,  quoique  son  chef 
soit  Parisien  d'éducation.  Elle  n'est  pas  purement  Champenoise,  bien 
que  l'ouvrier  soit  de  Champagne.  Aussi  devions-nous  la  rencontrer 
dans  une  de  ces  industries  qui  tiennent  le  milieu  entre  le  métier  de 
journalier,  exercé  par  les  ruraux  brusquement  transplantés  dans  la 
grande  agglomération,  et  les  métiers  de  luxe  recherchés  par  les  Pari- 
siens de  la  deuxième  génération,  sculpture,  ciselure,  mécanique,  etc. 

Cette  famille,  si  on  l'examine  au  point  de  vue  de  la  constitution  qu'elle 
présente,  est  évidemment  instable.  Le  régime  d'instabilité  prévalait 
déjà  en  Champagne  avant  l'incorporation  au  royaume  de  France  (1361). 
Mais  elle  a  conservé  avec  sa  province  des  rapports  assez  fréquents  : 
elle  y  possède  un  mobilier  (§  6)  en  dépôt  chez  des  parents;  certains  de 
ses  enfants  y  ont  été  envoyés  en  gardiennage  (§  12).  On  ne  peut  affir- 
mer l'esprit  de  retour  :  mais  peut-être  le  verrait-on  se  raviver  après  un 


58  .N"    74,    —    KBÉMSTE    PARISIEN    DK    HAUT    LUXE. 

revers,  l^'instabililé  est  ainsi  quelque  peu  compensée  par  ces  relations 
de  parenté  et  de  voisinage  dans  iin  milieu  agricole. 


i  3. 

RELIGION    ET    HABITUDES    MORALES. 

En  France,  la  religion  catholique,  —  religion  de  la  majorité  des 
cilovens,  —  est  généralement  celle  de  l'unanimité  des  femmes. 
La  femme  croit  où  l'homme  doute.  Mais,  dans  le  chef-lieu  de 
canton  industriel  de  la  Champagne  où  l'ouvrière  a  été  élevée,  l'indif- 
férence féminine  semble  complète.  «  J'ai  assisté  aux  offices,  pour 
y  montrer  des  toilettes,  nous  disait  la  femme;  mes  amies  faisaient 
comme  moi.  »  Cependant  cet  aveu  même  ne  prouve-t-il  pas  que  le  bon 
ton  exige  encore  une  assfduité  relative  et  qu'un  respect  mécanique  de 
la  tradition  a  du  moins  remplacé  l'antique  ferveur? 

Le  père  et  la  mère  de  l'ouvrier  avaient  été  soumis  à  ce  régime  avant 
leur  départ  pour  Paris.  Leur  fils  devait  naturellement  obéir  à  la  fatale 
poussée  de  la  marche  en  avant.  Il  s'éleva  avec  la  génération  ouvrière 
de  la  fin  de  l'Empire,  dans  la  haine  des  prêtres  et  la  passion  des  opi- 
nions libérales.  Le  sergent-major  des  fédérés  de  Belleville  qui  avait 
manœuvré  à  côté  des  exécuteurs  des  cléricaux  arrêtés  comme  otages 
de  Versailles,  a  senti  en  lui  ce  sentiment  de  méprisante  hostilité  grandir 
avec  les  années.  L'indifférence  de  sa  femme  l'a  merveilleusement 
servi. 

Progressivement,  toutes  leshabitudesdes  pratiques  «superstitieuses» 
ont  été  déracinées  de  cet  intérieur  où  l'esprit  de  négation  absolu  s'est 
introduit,  d'abord  sous  la  forme  railleuse  de  nos  écrivains  du  dix- 
huitième  siècle,  plus  lard  sous  la  forme  didactique  et  tranchante  du 
collectivisme  allemand.  Ce  retour  à  «  l'état  de  nature  »  primilif  se  ma- 
nifeste par  un  crescendo  assez  curieux  de  la  séparation  des  trois  enfants 
d'avec  l'Église  établie.  Le  fils  aîné,  élevé  en  Champagne,  fut  baptisé  et 
sentit  se  réveiller  en  lui,  à  l'époque  de  sa  première  communion,  quel- 
(jues  germes  de  mysticisme  (jue  les  conseils  paternels  et  la  lecture  du 
Parti  ouvrier  eurent  bien  vite  dissipés.  La  fillette  a  reçu  le  sacrement 
de  baptême,  mais  il  fut  décidé  ({u'elle  ne  s'aventurerait  pas  au  delà, 
sur  le  chemin  de  l'initiation  c(»inplèle  à  la  foi  chrétienne.  Le  garçonnet 
n'est  même  pas  allé  si  loin. 

Toutefois,  le  mariage  du  père  et  de  la  mère  a  reçu  une  consécration 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIHF.S.  o9 

religieuse.  L'antique  culte  a  servi  de  prologue  à  cette  vie  de  famille 
dominée  par  l'extrême  «  esprit  de  nouveauté  ».  Le  respect  humain 
opère  de  ces  miracles.  L'opinion  publirpie  d'un  bourg  champenois  ne 
peut  être  à  la  hauteur  du  courant  d'idées  des  quartiers  ouvriers  de  Pa- 
ris. (Voyez  la  monographie  du  Charpentier  indépendant;  Ouv.  des 
deux  Mondes,  2*  série,  tome  III,  n"  70). 

Est-ce  l'effet  delà  vitesse  acquise?  La  religion  supprimée,  la  morale 
subsiste  en  cette  famille  ouvrière.  Sans  doute,  il  ne  faudrait  pas  y 
chercher  la  pleine  et  calme  majesté  des  mœurs  habituelles  aux  popula- 
tions rurales  disséminées  en  certains  massifs  montagneux  derEurope. 
Mais  le  sentiment  altruiste  qui  rapproche  l'individu  de  l'individu  et 
échafaude  ainsi  l'un  au-dessus  de  l'autre  les  divers  groupe?  sociaux, 
famille,  voisinage,  atelier,  etc.,  n'y  fait  pas  complètement  défaut. 

Entre  membres  de  la  famille,  l'entente  est  étroite  :  le  père,  assez  vif, 
mais  sans  colères  bien  soutenues,  défend  par  des  impatiences  réitérées 
une  autorité  qui  n'est  pas  sérieusement  contredite.  Le  tempérament  san- 
guin de  l'ouvrière  la  porterait  à  des  manifestations  plus  bruyantes  de 
volonté  ;  mais  les  enfants,  élevés  à  l'ancienne  mode,  sous  la  main  parfois 
sévèrede  leurs  supérieurs  domestiques,  ne  selaissent  pas  entraînera  d'ex- 
ceptionnelles insoumissions.  La  vie  de  famille  est,  en  somme,  aimée  et 
appréciée  partons.  Voilà  pour  le  point  de  vue  moral.  Au  point  de  vue 
pécuniaire,  le  mari  est  resté  le  chef  de  la  communauté,  ou,  comme  il  le 
dit  avec  un  modernisme  marqué,  de  la  collectivité  familiale.  Tous  les 
revenus  sont  versés  dans  la  bourse  unique ,  qu'il  administre  avec  des 
délégations  partielles  accordées  à  la  femme,  sans  prodigalité,  sans  éco- 
nomie. 

Vis-à-vis  des  différentes  individualités,  ou  des  différentes  familles  do 
la  même  classe  sociale  qui  l'entourent,  la  famille  peut  se  recommander 
de  son  honnêteté.  L'ouvrier  est  secrétaire  d'une  association  politique; 
il  en  a  été  le  trésorier  pendant  de  longues  années,  à  la  satisfaction  de 
tous.  Il  a  passé  par  cette  épreuve  décisive  du  maniement  des  fonds  et 
de  la  continuelle  tentation. 

Placez  au  contraire  la  famille  en  face  des  classes  sociales  supérieures, 
du  patron  qui  emploie  l'ouvrier,  des  clientes  riches  qui  ne  ménagent 
pas  les  commandes  à  l'ouvrière,  habile  tailleuse,  l'abime  s'ouvre  :  plus 
d'entente;  on  se  sent  en  face  des  habitants  de  l'autre  rive  que  l'on  peut 
dépouiller  impunément.  Le  patronat  est  sapé  parles  arguments  scienti- 
fiques delà  chambre  syndicale;  il  est  mis  au  ban  de  l'évolution  histo- 
rique qui  lût  ou  tard  le  balaiera.  Quant  aux  clientes  favorisées  par 


60  N"    7  4.    —    ÉBÉNISTE    PARISIEN    DE    HAUT    LUXE. 

l'organisme  social  actuel,  elles  sont  soumises,  sans  aucune  idée  d'indé- 
licatesse, à  de  légères  préemptions  dont  elles  se  doutent,  qu'on  dissi- 
mule à  peine,  et  qui  sous  le  nom  de  «  gratte»  constituent  une  source 
importante  de  profits  dans  tous  les  ateliers  des  tailleuses  parisiennes, 
sorte  de  maraude  sur  la  terre  du  riche  «  à  qui  il  en  restera  toujours 
assez  » . 

A  partir  de  ce  niveau,  laltruismc  disparait  donc.  On  ne  trouverait 
plus  que  séparatisme,  indépendance,  insubordination,  peu  importent  les 
termes,  vis-à-vis  des  pouvoirs  publics  d'aujourd'hui. 


§  4. 

HYGIÈNE   ET  SERVICE    DE   SANTÉ. 

Les  soins  physiques  vont  occuper  la  place  maîtresse  que  les  cou- 
tumes des  ancêtres  avaient  réservée  aux  préoccupations  extra-terres- 
tres :  le  prêtre  ne  disparait  que  pour  laisser  le  champ  libre  à  l'in- 
fluence du  médecin. 

Rarement,  en  effet,  le  culte  tout  matérialiste  de  la  bonne  santé 
défendue  par  les  prescriptions  minutieuses  de  la  «  science  moderne  » 
atteint  une  semblable  intensité  :  nous  respirons  ici  l'air  de  ces  recueils 
populaires  qui  entremêlent  les  professions  d'athéisme  et  les  prescrip- 
tions médicales.  La  plus  profonde  et  la  plus  instinctive  méfiance  ù 
l'égard  des  vices  brutaux  qui  compromettent  l'existence  ou  la  sécu- 
rité humaine;  jeu,  débauche  ou  ivrognerie.  Une  vie  réglée,  une  nour- 
riture copieuse;  des  promenades  hors  Paris  le  dimanche.  A  la  moin- 
dre indisposition,  le  recours  à  la  toule-puissante  faculté  :  un  abon- 
nement général  à  une  société  de  secours  mutuels,  ancienne  et  solide, 
a  permis  sans  trop  de  dépenses  cette  ponctualité  de  rlispositions  pré- 
ventives. 

CependanI,  il  n'en  est  pas  moins  facile  de  constater  la  dégénéres- 
cence de  la  race  champenoise  dans  les  individus  qui  composent  la  fa- 
mille ouvrière.  (iCt  homme  de  l'",()3,  à  front  haut  dénudé,  à  l'expres- 
sion fine  et  perçante  sous  les  moustaches  épaisses  qui  constituent  à 
peu  près  le  seul  trait  révélateur  de  son  origine  de  Français  du  Nord, 
n'est  que  le  descendant  éliolij  de  ce  peuple  sanguin  et  haut  de  sta- 
tun;  (pii  apparut  si  formidable  aux  populations  méridionales,  lors- 
qu'elles se  virent  envaiiies  par  lui  au  siècle  de  Simon  de  Monlforl.  Une 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  Gi 

affection  particulière  qui  exige  une  surveillance  suivie  et  des  opéra- 
tions intermittentes,  l'a  fait  exempter  du  service  militaire.  Il  ne  parait 
cependant  avoir  subi  les  atteintes  d'aucune  maladie  ayant  laissé  sub- 
sister des  conséquences  incurables.  Tout  autre  est  l'ouvrière.  Plus 
grande  que  son  mari,  l^jGT,  brune,  sanguine,  l'œil  noir,  elle  a  sup- 
porté sans  faillir  ses  maternités  successives.  Deux  choses  lui  semblent 
également  inconnues  :  la  mauvaise  santé  et  la  mauvaise  humeur.  Le 
type  brun  a  passé  au  fils  aîné,  petit  de  taille,  mais  assez  robuste.  L'a- 
némie et  le  blond  des  cheveux  se  retrouvent  ciiez  les  deux  cadets  :  la 
fillette  et  le  garçonnet,  vrai  gamin  de  Paris. 


RANG  DE    LA    FAMILLE. 

Cette  famille  ouvrière  occupe  un  rang  élevé.  Son  chef  est  l'un  des 
premiers  parmi  les  ouvriers  de  son  métier.  La  femme  s'est  haussée  au 
patronat. 

L'ouvrier  appartient  à  la  zone  de  haut  luxe  dans  l'industrie  de  l'a- 
meublement, c'est-à-dire  qu'il  travaille  sur  plans  et  confectionne  in- 
différemment toute  espèce  de  meubles;  il  fréquente  de  préférence  les 
ateliers  célèbres,  et  actuellement  fait  partie  du  «  noyau  »  d'un  atelier, 
du  groupe  régulièrement  employé.  Dans  cette  zone  et  dans  la  nuance  de 
son  industrie,  il  occupe  une  place  considérée  en  raison  de  son  habi- 
leté professionnelle,  de  ses  connaissances,  de  sa  régularité,  de  sa 
science  des  écritures  :  c'est  un  membre  influent  de  la  chambre  syndi- 
cale; les  sociétés  politiques  lui  contient  leurs  archives;  ses  relations 
politiques  l'ont  fait  nommer  par  la  préfecture  de  police  membre  de 
la  commission  locale  de  surveillance  du  travail  des  apprentis  dans 
son  quartier.   Il  participe  donc  quelque  peu  à   la  puissance  publique. 

L'ouvrière  a  su  acquérir  dans  un  certain  rayon  une  réputation  de 
tailleuse  adroite;  elle  augmente  chaque  jour  sa  clientèle,  et  il  lui  se- 
rait aisé,  n'était  l'étroitesse  du  logement,  de  réunir  des  ouvrières  et  de 
devenir  le  centre  d'une  entreprise  importante;  son  indépendance  et  sa 
sécurité  semblent  complètes;  elle  bénéficie  de  tous  les  avantages  de  la 
petite  industrie  qui  travaille  directement  pour  la  clientèle  bourgeoise. 

Cependant  les  sentiments  de  l'ensemble  sont  révolutionnaires.  Que 
devient  donc  l'axiome  :  »<  Ce  qui  enfante  les  révolutions,  c'est  la  mi- 


0:2  N"    74.    —    KI5É.MSTE    PARISIEN    DE    IIALT    LUXE. 

sère.  »  L'ouvrier  y  répond  par  cet  autre  :  «  Les  révolutionnaires 
ne  sont  pas  des  misérables  :  un  bon  révolutionnaire  est  celui  f/ui  a  le 
ventre  plein.  » 


MOYENS  D'EXISTENCE  DE  LA  FAMILLE. 


§6. 

l'ROl'RIÉTÉS. 

( Mobilier  et  vêtcnicnls  imn  compris.) 
l.M.MELBLES 0^00 

La  lamille  n'a  aucune  propriété  immobilière  et  ne  son^'C  même  jias  a  la  i>ossibilitc 
d'eu  actpiérir  jamais. 

Arge.nt 129f(X) 

1  aclioii  «le  la  sociéfé  roopéralive  de  consommaliou  •  la  .Moissonneuse  »,  OO'OO;  — 
i  bon  (le  l'Exposition  universelle  de  1889,  25'  00;  —  argent  placé  à  la  caisse  .(rei>argno 
parles  enfants,  4' 00;  — fonds  de  loulemcnt,  40' 00.  —  Total,  12!)' 00. 

Animaux  domestiques 0'  00 

Un  coui)le  d'oiseaux  (pour  mémoire). 

Matériel  spécial  des  thavau.v  et  industries .'{oTMiri 

1"  Outils  il'i'bénistv  (rhvf  fir  fnmilh').  —  L'ébéniste  est  obligé  ])ar  les  coutumes  du  mé- 
tier de  fournir  tous  les  outils:  en  principe,  le  patron  ne  lui  doit  que  l'établi,  les  i)resses 
cl  les  serre-joinls:  surtout  dans  les  ateliers  de  haut  luxe  où  les  outils  emplo\es  doivcnl 
être  de  premier  ordre,  le  capital  provenant  ainsi  du  salarié  atteint  une  valeur  élevée.  — 
Scies  diverses,  30'00;  —  \arlopc  et  rillard,  18' 00;  —  rabots,  1'»'  00;  —  guillaume  eu  acier 
fondu  et  bois,  .'{"'00;  —  insliuments  à  mesurer  et  à  tracer,  comi)as,  trusquin,  etc..  com- 
pas, règle,  10' 00;  —  instruments  à  moulurer,  bouvets,  becdanes.  etc.,  30'00;  —  outils  di- 
vers, marteau,  maillet,  racloir,  ciseaux,  vilebre(|uin,  mèche,  etc.,  ll'OO.  —  Total,  l'io'oo. 

2»  Outils  de  sculpteur  {fils  aîné).  —  Ciseaux  divers,  etc.,  38'  00.— Total,  M' 00. 

H"  Otttih  de  lailleii.ir  {mi-ie  de  famille).  —  Machine  à  coudre,  1."K)'00;  —  ciseaux,  des, 
aiguilles,  mètres,  patrons,  etc.,  10' 00.  —Total,  160' 00. 

4"  Outils  de  brunissfU.He  {/ille  ainêe).  —  Brunissoir,   etc.,  3'00.  —  Total,  3'00. 

.'i"  Mulériel pour  le  Ijlfinc/iissitr/e  et  le  repns.saye  du  linge.  —  1  baquet,  l'OO;  —  1  battoir. 
0'.'.0:--l  bro.sse  en  «  liimdcnl.O' 2.'i;  —  4  fers  à  repasser,  4' 00;  —  1  grille,  0'!I0.—  Total,  (i'U'i. 

.Mobilier  déposé  chez  un  parent  au  pays  de  la  femme.  .  .     .'{00' (X) 
Valeur  totale  des  propriété^ 780' (i5 


OBSERVATIONS    PRÉLIMLNAIRES.  <»3 


•n. 


?, 
SUBVENTIONS. 

L'important  paragraphe  des  subventions  qui,  pour  les  populations 
primitives,  accumule  l'interminable  description  des  pâturages,  des  f(j- 
rèts,  des  étangs,  des  fleuves,  des  tourbières  où  les  familles  vont  cher- 
cher des  secours  proportionnés,  non  à  leur  travail,  mais  à  leurs 
besoins,  se  transforme  curieusement  dans  nos  cités  agglomérées  à 
outrance  de  l'Occident.  Laissez  de  côté  les  menus  objets  aban- 
donnés par  le  patron,  les  cadeaux  échangés,  qu'ils  aient  un  caractère 
d'utilité  ou  d'agrément,  qu'il  s'agisse  de  vêtements  ou  de  billets  de 
théâtre  :  que  reste-t-il?  Uniquement  ces  subventions  qui,  sous  le  nom 
d'instruction  générale  ou  professionnelle,  s'adressent  au  développe- 
ment intellectuel  de  l'individu.  La  personnalité  humaine  peut  en  efîet 
librement  se  fortifier.  L'Etat  et  la  commune  viennent  à  son  aide 
par  leurs  somptueuses  écoles,  dirigées  par  des  maîtres  experts,  et 
régies  par  le  principe  de  la  gratuité  la  plus  absolue;  la  ville  de  Paris 
surtout  y  joint  ses  immenses  magasins  scolaires  du  boulevard  Morland 
qui,  moyennant  une  dépense  annuelle  de  3^,80  par  tête,  mettent  à  la  dis- 
position de  tous  les  enfants  parisiens  les  fournitures  scolaires.  Les 
chambres  syndicales,  aidées  par  les  subventions  de  la  Ville,  appor- 
tent comme  couronnement  l'éducation  industrielle;  telle  la  chambre 
syndicale  ouvrière  du  meuble  qui  réunit  trois  fois  par  semaine,  au 
IG  de  la  rue  de  Charonne,  près  de  deux  cents  apprentis.  La  famille 
observée  participe  à  ces  larges  distributions  du  savoir.  Elles  lui  parais- 
sent la  première  condition  de  cette  émancipation  des  travailleurs 
qu'elle  espère  et  qu'elle  prépare. 


§  8. 

TRAVAUX    ET    INDUSTRIES. 

Travaux  de  Vouvrier.  —  L'ouvrier  appartient  au  «  noyau  »  d'un 
atelier  de  haut  luxe.  Chaque  matin,  après  unedemi-heure  de  marche, 
il  arrive  place  Royale.  L'heure  réglementaire  de  l'arrivée  est  7  heures, 
période  d'été;  7  h.  1/2,  période  d'hiver.  11  passe  ses  habits  de  travail, 
mis  en  réserve  à  l'atelier,  et  commence  sa  lâche  de  la  journée.  S'il 


04  N°    74.    —   ÉBÉNISTE    PARISIEN   DE   HAUT   LUXE. 

s'agit  d'ouvrages  ilc  liaul  liixc,  il  reçoit  le  salaire  de  l'heure-élalon 
li.xéc  par  la  chambre  syndicale  ouvrirre,  0^80.  N'y  a-t-il  au  contraire 
pour  toule  commande  t|ne  des  ouvrages  ordinaires,  partant  évalua- 
bles, il  est  payé  d'après  le  tarif  particulier  de  la  maison;  sur  le  livre 
d'atelier  qui  reste  entre  les  mains  du  contre-maître,  il  signe  l'accei)- 
tation  de  ce  marché  à  forfait,  dés  lors  inattaquable,  et  exécute  ainsi, — 
c'est  le  résumé  de  son  livre  de  paye  pour  l'année,  —  une  bibliothèque, 
un  lit,  un  buffet,  une  armoire,  soit  1.022  francs  de  salaires  pour  152 
journées,  ou  (V723  par  jour.  A  9  heures,  léger  déjeuner  sur  le  pouce, 
mais  sans  interruption  de  travail  :  c'est  une  tolérance  particulière  à 
l'atelier.  .\  Il  heures,  jusqu'à  midi  et  demi,  pleine  liberté  :  c'est  le  re- 
pas [irincipal.  A  -4  heures,  dix  minutes  de  repos  avec  sortie,  le  tra- 
ditionnel «  coup  de  quatre  heures  ».  A  7  heures  du  soir,  licenciement 
de  l'atelier.  Dix  heures  de  travail  plein;  repos  complet  le  dimanche: 
travail  le  lundi.  Le  salaire  est  payé  régulièrement  toutes  les  cpiin- 
zaines. 

Joignez  à  ce  travail  une  occupation  très  différente,  non  plus  ma- 
nuelle, mais  bureaucratique  :  le  secrétariat  de  deux  sociétés,  l'une 
politique,  l'autre  de  secours  mutuels,  industrie  accessoire  des  repré- 
sentants du  prolétariat  lettré. 

Travaux  de  la  femme.  — La  femme,  indépendamment  de  ces  fonctions 
domestiques,  qui  chez  toutes  les  familles  françaises  forment  l'attribut 
spécial  de  la  ménagère,  exerce  le  métier  de  tailleuse,  tailleuso  en 
chambre  travaillant  directement  pour  une  clientèle  aisée,  et  par  con- 
séquent hors  de  l'atteinte  de  l'épouvantable  exploitation  sous  laquelle 
les  maisons  de  confection  écrasent  la  façonnière  parisienne.  Six  à  sept 
heures  par  jour  sont  consacrées  à  ce  travail.  Le  gain  qui  en  résulte, 
0^'{()  l'heure,  soit  402'  90  pour  154,3  journées  de  10  heures,  ne  doit 
pas  être  considéré  isolt'ment.  Il  faut  y  joindre  les  bénéfices  réalisés 
sur  les  ventes  de  fournitures  et  aussi  ces  déchets  abandonnés  à  l'ou- 
vrière, cpii  sans  aucune  idée  de  «  gratte  »,  —  le  terme  est  techni(jue, 
—  réunit  toujours  de  ce  côté  un  certain  profit.  Cette  industrie, 
exercée  au  foyer,  est  éminemment  favorable  au  point  de  vue  social. 

Travail  du  fils  a/né.  —  Il  est  apprenti  sculpteur.  L'atelier  de  haut 
luxe  où  il  est  embauché,  comprend  deux  sections,  celle  des  sculpteurs 
et  celle  des  ébénistes.  Ses  journées  sont  régli-es  par  des  coutumes  iden- 
tiques à  celle  de  l'atelier  de  son  père,  sauf  jiour  le  «  coup  de  quatre 
lifMires  ».  Tous  deux  se  relr(»uvenl  d'ailleurs  aux  heures  des  repas. 
L'a|q)renti,  (pii  ('bauciicct  Unit,  a  recuO'  ."iO  par  semaine  jusqu'au  2  août 


OBSERVATIONS   PRÉLIMINAIRES.  65 

1890,  et  5  francs  à  partir  du  :2  août.  Il  va  bientôt  toucher  la  moitié  du 
gain  ordinaire. 

Travail  de  la  jeune  fille.  —  Depuis  le  6  octobre  jusqu'au  milieu  de 
décembre  1800,  elle  a  été  apprentie  brunisseuse  (d'or  et  d'argent). 
Elle  gagnait  0*50  par  jour.  L'atelier  était  dirigé  par  une  jeune  fille  et 
paraissait  manquer  de  tenue.  Il  vient  de  fermer.  La  fillette  cherche 
une  autre  profession  plus  avantageuse.  Elle  aide  sa  mère  pour  les 
soins  du  ménage. 

Travail  du  second  fils.  — L'école,  quelques  commissions. 


MODE  D'EXISTENCE  DE  LA  FAMILLE. 
ALIMENTS   ET    REPAS. 

Il  faut  distinguer  les  repas  pris  par  l'ouvrier  et  son  fils  en  dehors 
du  ménage  et  les  repas  de  famille  proprement  dits,  qui  se  répartis- 
sent de  la  façon  suivante  : 

A  7  heures  moins  le  quart,  petit  déjeuner  avant  le  départ  :  du  café 
noir,  de  la  soupe,  si  l'on  a  eu  le  temps  de  la  faire  réchauffer. 

A  9  heures,  le  père  mange,  en  travaillant,  un  morceau  de  pain  qu'il 
a  apporté  à  l'atelier. 

A  11  heures,  jusqu'à  midi  et  demi,  dîner  de  l'ouvrier  et  de  l'ap- 
prenti, qui  se  sont  rejoints  dans  un  débit  de  vin  du  quartier.  On 
achète  une  chopine  de  vin,  0*^40,  un  peu  plus  d'une  livre  de  pain,  0'2o 
(chez  le  boulanger);  le  plat  de  viande  cuit  la  veille  par  la  ménagère 
est  réchauffé  par  l'apprenti  à  son  atelier,  dans  le  bain-marie  de  la 
colle  (c'est  une  sorte  de  subvention,  à  coup  sûr  originale  .  On  }'  ajoute 
un  café  avec  un  petit  verre  d'eau-de-vie  pour  le  père,  0^35. 

A  4  heures,  le  «  coup  de  quatre  »,  le  vin  traditionnel  des  ébénistes  : 
une  petite  chopine  de  vin,  parfois  un  peu  de  pain,  0^25  de  dépense. 
Le  père  seul  en  profite.  Le  règlement  de  l'atelier  du  fils  l'interdit. 

Après  le  petit  déjeuner  de  7  heures  moins  le  quart,  l'ouvrière,  la 
fillette  et  le  petit  garçon  ont  pris  en  commun  le  dincr  de  11  heures. 
Ce  sont  les  restes  du  souper  de  la  veille.  Parfois,  au  moment  de  presse, 
on  va  chercher  un  plat  tout  préparé  dans  un  restaurant  du  voisinage, 


(■»0  N"    74.    —    ÉBÉNISTE    PARISIKN    DE    MALT   LUXE. 

coulume  assez  fréquente  dans  les  ateliers  domestiques  de  Paris.  On 
reprend  du  café. 

Knfin  réunion  de  tous  au  repas  du  soir,  à  Th.  1/2  ou  H  heures.  Le 
menu  ordinaire  est  celui  des  ouvriers  aisés  :  la  soupe  (le  pot-au-feu 
est  mis  toutes  les  semaines),  un  plat  de  viande  avec  légumes,  une 
salade,  un  dessert.  Nourriture  substantielle  et  convenablement  pré- 
parée. 

A  noter,  sur  tous  ces  achats ,  l'influence  des  sociétés  coopératives 
do  consommation.  Celles-ci  sont  puissantes  au  faubourg.  Lu  plus  pros- 
père est  «  la  Moissonneuse  »,  qui  réunit  les  boulangeries,  les  bouche- 
ries, les  dépôts  d'étoffe,  de  chaussures,  de  quincaillerie,  etc.,  etc.,  en 
17  succursales  groupées  autour  de  son  siège  central,  32,  rue  des  Bou- 
lets. Ses  bénéfices  sont  répartis  entre  les  sociétaires.  Tout  à  côté  gran- 
dit «  la  Sociale  »  avec  deux  comptoirs  seulement  (11,  rue  de  l'Orillon, 
et  rue  de  Cotte,  27)  :  elle  relève  directement  du  parti  possibiliste- 
broussiste,  et  verse  ses  bénéfices  dans  la  caisse  du  parti.  Contre 
celte  concurrence,  les  petits  détaillants,  dont  le  crédit  est  le  plus 
ferme  appui ,  ont  créé  dans  le  XX''  arrondissement  une  ligue ,  qui  a 
pour  objet  de  livrer  à  toute  personne  payant  comptant  des  «  bons 
d'escompte  ».  Ces  bons  sont  escomptés  à  3  ^  au  siège  de  l'union, 
\  7,  rue  Paul-Bert.  Toute  personneayant  touché  8  francs  d'escompte  reçoit 
un  billet  «  participant  au  tirage  d'un  quart  d'obligation  de  la  Ville  de 
Paris  ».  Cet  essai  est  encore  trop  récent  pour  ([u'on  puisse  en  appré- 
cier l'efTicacité.  Il  no  résulte  pas  moins  de  ces  faits  que,  par  la  dimi- 
nution des  intermédiaires  (qui  forment  la  classe  moyenne),  la  sépa- 
ration entre  riches  et  pauvres  s'accentue  encore  au  faubourg  Saint- 
Antoine. 


g  10. 

IIAIUTATION.    MOniLIER    ET    VETEMENTS. 

La  famille  habile ,  presque  à  la  liuiitc  du  faubourg,  là  où  la  rue  de 
Monlreuil  coupe  le  boulevard  Voltaire,  une  maison  ouvrière  étroite  el 
haute.  Tout  au  quatrième,  au  dernior  palier,  elle  occupe  un  polit  lo- 
gement de  deux  pièces,  ;i  l'aspect  |)ropre  et  décent  d'un  apparleuicnt 
de  la  très  petite  bourgeoisie.  La  pièce  d'entrée  mesure  '2"'Sh\  d'élé- 
valion ,  10  métros  carrés  environ  do  surface.  Elle  a  pour  centre   le 


OBSERVATIONS   PRÉLIMINAIRES.  (57 

poêle,  qui  masque  la  cheminée  et  sur  lequel  chaufTent  les  repas 
d'Iiiver;  tout  autour,  un  buffet,  un  lit  de  fer,  une  table;  la  tapisserie 
est  assez  gaie ,  ornée  de  cadres  où  des  chromolithographies  évoquent 
des  souvenirs  de  vie  champêtre.  Une  large  fenêtre  s'ouvre  sur  l'en- 
tassement de  ce  quartier  ouvrier  et  sur  le  Père-Lachaise.  La  seconde 
pièce,  à  peu  près  de  même  surface,  est  meublée  avec  encore  plus  de 
soin  :  un  lit  d'acajou  plaqué,  une  armoire  à  glace,  un  canapé,  un  lit 
d'enfant;  une  garniture  complète  de  cheminée,  pendule,  fleurs  et 
glace.  —  L'impression  première  est  favorable;  l'habitation  est  saine, 
mais  manifestement  trop  petite  :  c'est  là  son  vice. 

Meubles  :  assez  confortables 1284' 50 

1°  Literie.  —  1  lit  arajou  plaqué.  100' 00:  —  1  sommier,  îiOfOîJ;— -2 matelas,  120'00,-  —  1  lit 
lie  plume,  60' 00;  —  I  traversin,  l'i'OO;  —  2  oreillers,  20' 00;  —  i  couverture,  40' 00;  —  I 
étlredon,  iO'OO:  —  1  lit-canapé,  40'00;  —  2  lits  de  plume,  80'00;  —  3  oreillers,  iO'OO;  — 
I  couverture, 20' 00:  —  1  courte-pointe, 6' 00;  —  1  lit  de  ferpour  enfant,  20'00;  —  1  sommier, 
IO'OO;  —2  matelas,  30' 00;  —2  oreillers,  lo'OO;  —1  couverture,  IO'OO.  —  Total,  716' 00. 

2"  Meubles  de  la  pièce  de  réception  (outre  le  lit-canapé  ).  —  1  poêle  en  fonte  ,  2o'00;  — 
I  buffet,  "O'OO;—  1  table  à  deux  Uroirs,  IO'OO;  —  1  table  à  manger,  30'00;  —  1  chaise 
d'enfant,  3'00;  —  4  chaises,  28'00;  —  garniture  de  cheminée  (vases),  30'00;  —  tableaux 
(chromolithographies),  7' 00  ;  —  fragments  de  sculpture  sur  bois,  .'i'OO;—  1  suspension.  3' .">(); 

—  divers,  dO'  00.  —  Total,  221'o0. 

3"  Meubles  de  la  grande  chambre  à  coucher  (outre  le  grand  lit  en  acajou),  —  1  armoire 
à  glace  acajou,  115' 00;  —  table  à  ouvrage  idem,  20'00:  —  table  de  nuit  idem,  12'00;  — 
i  chaises,  28'00:  —  1  garniture  de  cheminée  avec  pendule,  lOO'OO;  —  i  couronne  de 
(leurs  d'oranger  sous  verre,  9' 00:  —  divers  ,  o'OO;  —  cartons  et  ])resse  à  imprimer  prove- 
nant d'une  association  politique,  en  dépôt  (pour  mémoire).  —  Total,  289' 00. 

4°  Objets  de  toilette.  —  Divers,  3' 00. 

5"»  Livres.  —  Dictionnaire,  Histoire  de  France,  recueils  de  chansons,  pamphlets  i)olili- 
qucs,  1  iiaroissien,  livres  scolaires,  etc.;  papier,  encre,  plumes.  —  Total,  23' 00. 

6"  Armes.  —  1  revolver,  1  canne  à  épée.  —  Total,  30' 00. 

Linge  de  ménage 305^00 

10  paires  de  draps,  200' 00;  —  3  douzaines  de  serviettes,  36' OO;  —  C  nappes.  4f)'00:  — 
t  douzaines  d'essuie-mains  et  torchons,  24'00;  —  2  paires  de  i)etits  rideaux  blancs,  5'00. 

—  Total.  305^00. 

Ustensiles 103  00 

1"  Employés  pour  la  ]/répnr'ttioii  des  aliments.—  Batterie  de  cuisine,  casseroles,  poêles, 
poêlons,  terrines,  etc.,  20'00;  —  1  coquille,  IO'OO;  —  plats,  soupières,  saladiers,  etc.. 
S'OO; —  3  douzaines  d'assiettes,  3' 00; — 1  douzaine  de  verres,  3'00;  —  1  douzaine  de  cou- 
\erts  de  fer,  i'oo:  —  (i  couteaux,  2»'00;  —  1  fontaine  à  filtre,  16'00;  —  10  verres,  O'OO.  — 
rotai.  9'é'OO. 

2"  Employés  pour  1rs  soins  de  propreté.  —  pots  à  eau,  cuvettes,  \ases,  4'00.  — 
Total,  4'00. 

3"  Employés  à  usages  divers.  —  Lampes,  bougeoirs,  pelles,  pincettes,  etc.,  'i'OO.  — 
lotal.S'OO. 


08  N"   74.    —    KBÉNISTE    PARISIEN   DE    ITALT    LUXE. 

VÊTEMENTS 997^70 

VÊTEMENTS  DE  L'OlVItlEli,   178' 4o. 

i"  Vêtemenls  drs  dimmiclips  el  îles  jours  ordinaires.  —  1  pardessus,  20^00;  —  ^complets 
en  drap, 30' 00;  —4  |)aiit;dons  en  dr:ip.  âO'OO;  —  1  toslume  d'ete  eu  toile,  7'OU;  —  1  tricot, 
8' 00;  —  1  douzaine  de  chemises  de  toile,  30'00;  —  3  f;ilels  de  llanelle,  G'OO;  —  3  ealeçons 
de  coton,  4' 40;  —  3  paires  de  chaussettes,  l'OO;  —  3  cravates  en  soie,  6'00;  —  1  cache-nez, 
l'oO;—  3  chapeaux  feutre  et  paille,  G'OO;  —  l  paire  de  souliers.  .VOG;—  i  paire  de  sabots. 
1' 30.— Total,  146' 40. 

2°  Vêtemenls  de  travail.  —  2  cottes  de  travail,  3'00;  —  2  tabliers  de  travail,  l'IO;  — 
2  gilets  à  manebes,  2'20;—  2  casquettes,  0'7ri.  —Total,  ''O.'j. 

3"  Bijoux.  —  Montre  en  argent,  2.;' (H).  —  Total.  25' 00. 

VÊTEMENTS   DC   FILS  AINE,  127'0.";. 

i"  Vêlements  des  dimanches  et  des  jours  ordinaires.  —  1  pardessus,  lO'ftO;  —  1  comijlct, 
j(jtOO;  —  2  pantalons,  iO'OO;  —  1  tricot,  îJ'OO;  —  8  chemises  de  toile.  .'lO'OO:  —  3  gilets  de 
ilaiielle,  2' 10;  —2  caleçons  de  colon,  3'SO,-  —  8  paires  de  chaussettes,  2'.";0:  —  3  ci-avales  ou 
foulards  de  soie,  o'40;  —  2  chapeaux,  feutre  et  paille,  3'20;  —  1  paire  de  bottines,  O'OO  :  — 

1  paire  de  sabots,  l'50;  —  1  paire  de  savates,  O'SO.  —Total,  Oti'lO. 

2°  Vêtements  de  travail.  —2  blouses  blanches  de  sculpteur,  4'00;  —  l  gilet  à  manches, 
l'75,-  —  3  casquettes,  l'30.  —  Total,  T25. 
3"  Bijoux.  —  i  montre  en  argent,  2j'00.  —  Total,  2.>'00. 

VÊTEMENTS   DE   LA   FEMME,  558' 10. 

1»  Vêtements  des  dimanches  et  des  jours  ordinaires.  —  2  robes  de  soie  noire  ,  CO'OO  ;  — 

2  costumes  en  cachemire  ou  étoffe  fantaisie  noire,  30'00;  —  1  jaquette  de  drap,  lO'OO;  — 
I  manteau  d'hiver,  30'fiO;  —1  visite  d'été,  2t'00:  — 1  chàle  de  laine  noire,  2'o0;—  2  pei- 
gnoirs, 12'00;  —  4  matinées,  8' 00;  —  15  jupons  blancs  brodés,  iO'OO  ;  —  12  camisoles  bro- 
dées; ;tO'O0:  —  1  corset.  8'50;  —2  douzaines  de  clieuiises,  27'00;  —  !»  i)aires  de  bas  de 
laine,  lO'OO;  —  4  i)antalons,  5'00;  —  2  chapeaux,  (i'OO;  —  1  foulard,  0'50;  —  1  paire  de 
gants  de  laine,  l'IO;  —1  paire  de  bottines  de  cuir,  8'00;  —  1  paire  de  souliers  de  satin, 
T50.  —Total,  323'10. 

2"  Bijoux.  —  1  montre  de  femme,  en  or,  sans  cliaine,  lOO'OO;  —3  paires  «le  boudes  d'o 
rcilles,  CO'OO;  —  1  bague  en  or,  .JO'OO;  —  1  broche,  25' 00;  —  1  parure  (boucles  d'oreilles  et 
collier)  en  corail,  20'00.  —Total,  235'00. 

VÊTEMENTS  DE  LA    FILLE  AINEE.  72' 70. 

Vêlements  des  dimanches  et  des  jours  ordinaires.  —  2  robes  noires,  et  couleurs,  13'00; 

—  2  jupes,  7'00;  —  2  casaques,  10' 00;  —  1  manteau,  «'00;  — 1  douzaine  de  chemises,  O'OO, 

—  2  pantalons,  I'OO;  —  ;{  i)aires  de  bas,  4'00;  —  1  corset,  2'70;  —  I  chàle  de  laine  bleue; 
2' 50;  —  3  chapeaux,  (i'OO:  —  I  paire  de  gants  de  laine,  0'50:  —  3  paires  de  chaussuires, 
H'OO.  —  ToUll,  72'70. 

VÊTKMK.NTS   DU    SElOM)   KM. S,    41'.'10. 

Vêtements  des  dimanches  cl  des  jours  ordinaires.  —  1  pardessus,  3'00;  —  2  costumes 
complets,  O'OO;  —  I  costume  d'été,  2'50;  —  4  tabliers  noirs  lustrine,  3'20;  —  1  cale<,on  tri- 
cot, 0' 80;  —  2  tricots  de  laine,  2' 20;  —  «i  chemises,  8'00;  —  3  paires  de  bas,  I'OO;  —1  cache- 
tiez, 0'90;  —  3  cravates,  o'45;  —  1  chapeau,  l'23;—  1  casquette,  l'IO;  —  4  paires  de  sou- 
liers, 7'00.  —  Total,   41'30. 

KFFETS  COMMUNS,    19' 25. 

5  douzaines  de  mouchoirs,  Kl'OO;  —  2  paia|)liiies  ,  5'00;  —  2  ombrelles.  1'25.  —  To- 
tal, liJ'2.5. 

VALiait  TiiFALi:  ilii    rnfil>ilier  (.'L   des  Aclemcnls iMV.IQ^^Îo 


OBSERVATIONS   PRÉLIMINAIRES.  Gi) 

l    11. 
RÉCRÉATIONS. 

C'est  au  paragraphe  Recréations  qu'il  faut  regarder  les  monogra- 
phies d'ouvriers  révolutionnaires.  On  y  gagne  de  dissiper  ce  préjugé  : 
«  Ouvrier  socialiste,  ouvrier  débauché,  c'est   seule  et  même  chose.    » 
La  vérité  est  plus  sombre.  D'honnêtes  gens  demandent  le  bouleverse- 
ment de  l'état  social.  Les  distractions  quotidiennes  du  père,  indépen- 
damment de  la  lecture  du  Rappel  et  du  Parti  ouvrier,  et  de  l'assistance 
assidue  aux  séances  des  différentes  sociétés  dont  il  fait  partie,  sont 
les  causeries  au  débit  de  vin  avec  les  camarades  et  les  interminables 
cigarettes,  qu'il  ne  peut  sempêcher  d'ajouter  les  unes  aux  autres  avec 
une  satisfaction  toujours   nouvelle.  Le  fils  participe  d'ailleurs,  mais 
plus  sobrement,  à  ce  genre  de  distraction.  La  femme  et  la  fillette 
achètent  un  journal  de  modes  et  entretiennent  avec  un  certain  nombre 
d'amies  et  de  voisines  des  rapports  fort  suivis.    Le  dimanche  est  le 
jour  des  fêtes  de  famille  et  aussi  des  excursions  :  l'hiver,  c'est  le  pati- 
nage au  bois 'de  Vincennes;  l'été,  les  pique-niques  dans  la  banlieue, 
à  Ivry;  on  se  rend  chez  des  amis,  et  l'on  paie  son  écot  sans  façon  h 
titre  de  revanche  :  c'est  le  divertissement  le    plus  coûteux    de    la 
famille.  Joignez-y   les  journées  passées  au  café,  pendant  quelques 
dimanches  hrumeux  d'hiver,  les  parties  de  billard  où  l'on  joue  la 
consommation;  puis,  des  matinées  et  des  soirées  au  café-concert,  ou 
aux  théâtres,  Beaumarchais,  Ghâtelet,    Porte-Saint-Martin,    surtout 
avec   des  billets  donnés.  Est-il  nécessaire  de  mentionner,   pour  être 
scrupuleusement  complet,  les  soins  accordés  à  la  cage  assez  coquette 
où  l'on  est  parvenu  à  élever  deux  oiseaux? 


HISTOIRE  DE  LA  FAMILLE. 

l  12. 

PHASES    l'RINCIl'ALKS    DE   l'eXISTENCE. 

L'ouvrier,  qui  est  né  à  V...  (.\ube),  avait  deux  ans  lorsque  son  père 
et  sa  mèreémigrèrent  de  leur  province  natale  à  Belleville.  Nous  savons 

6 


70  -N°    74.    —    ÉBÉMSTE    PAHlSir.N    DC    HAUT   LUXE. 

d('-jii  que  son  pùn-  t-lait  journalier  et  que  sa  mère,  ancienne  femme  de 
cliambre,  s'était  établie  blanchisseuse.  L'enfance  de  l'ouvrier  fut  ma- 
ladive :  la  force  et  la  santé  ne  sont  venues  qu'assez  tard.  On  l'envoya 
à  un  pensionnat,  ce  qui  fait  supposer  chez  ses  parents  des  vues  assez 
ambitieuses  sur  son  compte.  Mais  sa  paresse  le  fit  retomber  à  l'école 
communale.  A  douze  ans,  apprenti  chez  un  marchand  de  meubles  que 
son  père  avait  cru  fabricant,  il  apprend  à  courir  les  rues  du  grand 
Paris  :  cette  vie  vagabonde  dure  peu;  il  est  placé  chez  un  véritable  ébé- 
niste, où  il  travaille  deuxans  sans  rien  gagner;  puis  parvient  à  un  salaire 
de  ^2  ïr.  oO  par  jour,  sans  se  spécialiser,  ce  qui  lui  a  permis  plus  tard, 
malgré  les  désavantages  du  début,  d'arriver  au\  hautes  maisons.  A 
dix-sept  ans,  l'apprentissage  était  terminé.  La  vie  d'ouvrier  proprement 
dit  commençait.  Tout  d'un  coup,  à  dix-huit  ans,  au  moment  même  où 
un  heureux  projet  d'union  semblait  écarter  toute  idée  de  voyage,  une 
envie  folle  de  voir  «  le  pays  »,  surtout  la  mer,  le  saisit.  Il  part,  sans 
prévenir  personne.  C'était  en  18G9.  Le  chemin  de  fer  le  débarqur  à 
Orléans.  Il  visite  ainsi  Blois,  Tours,  Poitiers.  Mais  ses  ressources  s'é- 
[luisent,  et  il  revient  bientôt;  à  Paris,  sans  avoir  atteint  l'Océan,  qu'il 
verra  plus  tard,  lorsque  des  travaux  l'appelleront  à  Rennes,  Saint-Malo, 
Dinan  et  Dinard. 

A  la  veille  de  la  guerre,  il  tire  au  sort  et  est  réformé.  Paris  est  assiégé. 
L'ouvrier  est  enrôlé  dans  la  garde  nationale  ;  il  prend  part  à  l'arrière- 
garde  aux  batailles  de  Champigny  et  du  Bourget.  La  Commune  éclate, 
l'élection  le  nomme  sergent- major;  il  participe  aux  engagements 
contre  l'armée  de  Versailles,  mais  en  rase  campagne.  Il  n'a  pas  eu 
l'occasion  de  figurer  dans  la  défense  des  barricades.  Au  moment  de  la 
déroute  des  insurgés,  il  est  arrêté  pendant  48  heures  et  doit  sa  mise 
on  liberté  à  un  brigadier  de  police  qui  habitait  la  même  maison  (\uo  lui. 
Un  peu  effrayée  de  ce  rôle  politique,  sa  mère  l'envoie  en  Champagne, 
dans  l'espoir  de  le  faire  oublier.  Là,  l'ouvrier  se  marie  avec  la  fille 
d'un  tuilier.  Le  mariage  a  lieu  à  l'église  par  respect  humain.  De  retour 
à  Paris,  il  est  cité  comme  témoin  devant  les  conseils  de  guerre  de 
Versailles,  et  est  menacé  d'une  nouvelle  arrestation,  menace  non  suivie 
d'effet. 

Mors  recommence  la  vie  paisible.  Les  ateliers  succèdent  aux  aleliors, 
car  l'indépendance  de  l'ouvrier  est  telle  (pi'il  ne  soudre  ni  injustice 
ni  passe-droit.  Mais  l'habiletc''  qu'il  a  su  acquérir  lui  permet  de  ne  |>ar- 
courir  ainsi  que  les  maisons  les  plus  connues.  A  un  certain  moment, 
à  la  mort  des  parents  de  sa  femme,  et  de  sa  mère,  possesseur  d'un 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  71 

capital  de  1.000  francs,  il  a  cherché  à  s'étabhr  comme  fa«;onnier.  Ses 
premiers  marchés  l'ont  dégoûté  de  cette  tentative  et  il  est  revenu  à 
l'embrigadement  des  ateliers.  Actuellement,  il  n'a  plus  aucun  héritage 
à  attendre.  Son  père  s'est  remarié  et  la  seconde  femme  a  absorbé  les 
économies  de  la  première;  un  petit  commerce  de  bois  et  charbons  n'a 
pas  prospéré;  la  misère  est  venue;  mais  «  le  vieux  »  ne  veut  pas  être  à 
charge;  il  tient  à  garder  sa  vie  «  indépendante  »  :  une  place  dans  un 
asile  de  l'Assistance  publique  serait  son  rêve. 

Les  ambitions  de  l'ouvrier  doivent  se  reporter  sur  ses  enfants.  Il 
cherche  à  les  hausser  d'un  degré  social.  Le  fils  est  sculpteur,  industrie 
de  premier  rang  d'après  les  idées  du  peuple  parisien.  La  fille  était 
brunisseuse,  industrie  également  de  luxe.  La  mère  projette  pour  cette 
dernière  un  métier  plus  lucratif,  celui  de  sage-femme,  non  à  Paris, 
mais  en  province,  au  village  natal.  Une  de  ses  amies,  ancienne  sage- 
femme,  reeue  docteur  en  médecine,  le  lui  conseille. 

C'est  un  trait  de  mœurs  curieux,  au  point  de  vue  de  leur  avenir,  que 
ce  rapprochement  des  ouvriers  de  haut  luxe  avec  les  professions  scien- 
tifiques, cette  recherche  d'une  plus  large  existence  s'unissant  au  cou- 
rant d'esprit  à  tendance  matérialiste  et  athée.  Les  vices  des  civilisa- 
tions raffinées,  la  morphinomanie,  par  exemple,  pénètrent  par  ce  cùté 
les  classes  ouvrières.  De  plus,  ces  lettrés  de  second  rang,  instituteurs 
ou  professeurs,  ces  artistes  inférieurs,  dessinateurs  ou  sculpteurs,  ces 
savantis  de  degré  modeste,  préparateurs,  sages-femmes,  médecins  même, 
développent  insensiblement  chez  les  hauts  ouvriers  et  la  petite  bour- 
geoisie de  Paris  la  glorification  «  des  droits  de  l'individu  »  qui  ne 
connaît  «  ni  Dieu  ni  maître  »,  et  préparent  ainsi  les  voies  du  socialisme 
niveleur. 

?   13. 

MŒURS   ET    INSTITUTIONS    ASSURANT    LE    BIEN-ETRE    PHYSIQUE    ET    MORAL 

DE   LA    FAMILLE. 

La  plus  puissante  garantie  de  sécurité  que  cette  famille  puisse  op- 
poser aux  accidents  de  la  vie,  est  l'esprit  de  travail.  Il  faut  y  joindre 
l'esprit  d'ordre.  Le  père,  qui  en  définitive  se  réserve  l'autorité,  lient 
ses  comptes,  comme  les  registres  des  associations  dont  il  a  été  tréso- 
rier et  secrétaire. 

L'esprit  d'épargne  fait  défaut,  sauf  en  ce  qui  touche  les  cotisations 


72  N"    74.    —    KnÉMSTE    PARISIEN    DE   HAIT    LUXE. 

des  sociétés  d'assurance  mutuelle.  Nous  sommes  en  présence  de  mu- 
tuellistes  convaincus  :  assurance  contre  l'incendie,  à  une  société  à 
prime;  assurance  contre  l'incendie  des  outils  et  les  difficultés  judiciai- 
res concernant  le  travail,  à  la  chambre  syndicale  des  ébénistes;  as- 
surance contre  les  maladies  pour  tous  les  membres  de  la  famille,  à 
une  société  assez  peu  nombreuse ,  mais  très  florissante  du  faubourg. 

Presque  touteslesprimesdefilent.il  y  manque  cependant  les  secours 
contre  les  événements  les  plus  graves,  — non  pas  contre  les  accidents, 
assez  rares  dans  la  profession,  —  mais  contre  l'invalidité  et  la  vieil- 
lesse. 

Le  rôle  du  père,  cherchant  à  soi.\ante-dix  ans  un  refuge  dans  les  asiles 
de  l'Assistance  pul)lique,  est  peu  enviable;  mais  pas  d'espoir  de  l'évi- 
ter, car  l'accès  du  patronat  est  interdit.  L'épargne  ne  sera  pas  essayée, 
le  patron  ne  la  favorise  qu'à  un  point  de  vue  assez  curieux  (l'épargne 
du  loyer,  en  retenant  io  francs  par  quinzaine).  Les  enfants,  dernier 
refuge,  réussiront-ils?  et  s'ils  réussissent,  garderont-ils  ce  reste  d'ins- 
tinct social,  la  déférence  et  la  pitié  pour  les  «  vieux  »? 

Cependant,  en  terminant  l'examen  des  institutions  prolectrices  de  la 
famille  ouvrière,  il  convient  de  signaler  un  essai  pratique,,  dont  les 
conséquences  actuelles  sont  presque  nulles,  mais  qui  peut-être,  au  point 
de  vue  de  l'assistance,  est  appelé  à  diminuer  l'insécurité  des  travailleurs 
de  l'ébénisterie.  A  côté  et  très  distincte  du  syndicat  des  patrons  (11,  rue 
de  la  Cerisaie)  qui  restera  toujours  un  instrument  de  lutte  sociale, 
une  institution  originale  et  pacifique  se  dessine  :  c'est  le  Patronar/r 
des  Enfants  de  V Ébcnisterie ,  fondé  en  1880  par  MM.  Henry  Lemoine, 
(irohé,  Fourdinctis,  (Jodin,  etc.  A  première  vue,  ce  patronage  se  pré- 
sente comme  une  sorte  de  société  de  protection  de  l'enfance,  réduite 
aux  seuls  apprentis  ébénistes ,  menuisiers  en  sièges,  facteurs  de 
pianos  et  de  billards,  tourneurs,  sculpteurs  sur  bois,  découpeurs, 
marqueteurs  et  serruriers  en  meubles.  Mais  il  y  a  plus  :  on  y  constate 
lout  un  enseignement  professionnel,  des  cours  du  soir  (77,  avenue 
Ledru-llollin),  toute  une  école,  où  des  |)atrons,  des  contre-maîtres 
enseignent  aux  enfants  les  éléments  théoriques  strictement  néces- 
saires pour  conipléler  les  procédés  appris  chacjuejour  à  l'atelier.  Il  sy 
fait  en  outre,  clia(|uc  anm-e,  des  concours,  non  plus  seulement  entre  les 
t-nfants  du  patronage,  mais  entre  tous  les  apprentis  du  métier  ;  une  mise 
en  loge  des  concurrents,  et  une  large  distribution  de  prix  qui  assurent 
des  places  avantageuses  dans  les  maisons  on  vue  :  c'est  le  «  chef- 
d'cpuvre  »,  sous  la  forme  plus  moderne  d'une  sorte  de  »  baccalauréat 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  7.1 

de  l'ébénisterie  ».  Enfin  l'institution  décerne  des  médailles,  ou  de  pe- 
tites sommes  d'argent  aux  vieux  ouvriers  recommandés  par  une 
exceptionnelle  permanence  d'engagements.  Et  dans  les  conférences  ou 
les  discours  du  patronage,  on  vante  le  lien  corporatif  «  qui  assure  le 
maintien  des  connaissances  artistiques  et  soutient  l'ouvrier  dans  les 
phases  douloureuses  de  la  vie...  »  (Voir  la  conférence  de  M.  Fresson, 
secrétaire  du  patronage  et  de  la  chambre  patronale.  ) 

L'idée  de  corporation  flotte  tellement  dans  l'air,  que  nous  la  ren- 
controns danslesécritsdu  patron- menuisier  Mazaroz,  rêvant  la  recons- 
titution de  la  République  professionnelle  de  Saint-Louis  par  la  franc- 
maçonnerie.  En  effet,  nous  sommes  en  présence  d'une  tentative  de  re- 
constitution partielle  de  la  corporation,  qui  n'aura  plus  la  devise  du 
groupement  ancien  :  a  Exclusion  et  obligation  »,  mais  bien  :  «  Appel  à 
tous  et  liberté  ».  Ce  sera  probablement,  à  vrai  dire,  un  S3'ndicat  mixte, 
qui  «  permettra  aux  moyens  patrons  du  métier  de  praticjuer  les  insti- 
tutions de  patronage  que  le  grand  patron  peut  entreprendre  avec  ses 
propres  forces».  Telle  sera,  en  effet,  la  portée  exacte  de  cette  organi- 
sation, que  le  collectiviste  étudié  dans  la  présente  monographie  consi- 
dère comme  une  manœuvre  patronale  dirigée  contre  la  constitution 
égalitaire  du  «  parti  ouvrier  ». 


.  <_ 'tî^-CSl'^^0^_ 


74 


N"    74.    —   ÉBÉNISTE   PARISIEN    ItK    IIALT    LUXE. 


M 4.  —   BUDGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNEE. 


SECTION    r«. 

PnOPBIÉTÉS    POSSÉDÉES    PAR    LA    FAMILLE. 

Art.  I"'.  —  PiiopRiÉTÉs  immodimf.rf.s. 
(I.a  famille  ne  possède  aucune  propriété  de  ce  ijenre.  ) 

Ai;t.  2.  —  Valeurs  siobilières. 

Ai;(;f.nt  : 

1  aetion  de    la  Socictc  coopérative  «  la  Moissonneuse  •■ 

i  hon  de  l'Exposition  universelle  de  1889 

Argent  placé  à  la  caisse  d'épargne  par  les  enfants 

Fonds  de  roulement C^;  0) 

Matéhkl  spécial  des  travaux  et  industries  : 

Outils  d'éhéniste  (chef  de  famille) (.;  C) 

Outils  (he  sctili>teur  (fils  aine) (.'.  (>) 

Outils  de  tailleuse  (mère  de  famille) (S  0) 

Outils  de  hruuisseuse  (lill(!  ainée) (.',  (ii 

Ustensiles  pour  le  blanchissage  et  le  repassage  du  linge 1^;  0) 

Mobilier  déiiosi-  chez  un  parent  dans  le  pays  de  la  femme ('.',  <>) 

Art.  3.  —  Droit  aux  allocations  de  sociétés  d'assurances  mutuelles. 

Droit  aux  allocations  d'une  société  de  secours  mutuels 

—  —  de  la  chambre  syndicale  ouvrière  des  ébénistes... 

—  —  d'une  société  d'as'surance  contre  l'incendie 

Valeur  totale  des  propriétés 


ÉVALUATtOS 

.M'I'ROXTMATm 

DRS  SOURCRS 

DE  RECBTTKS, 


V.Vl.ECR 
PROPniKTK- 


|.;(»  on 

■.iX   IKI 

un)  on 

.'{   (Hl 
li  li.'. 

."^On  on 


:sG  •► 


SICTION    II. 
SUBVENTIONS    REÇUES    E\    tSlFRlIT. 

Art.  1".  —  Propriétés  reçues  en  usufruit. 
(I.a  famille  ne  reçoit  aucune  propriété  en  usufruit.) 

Art.  2.  —  Droits  d'usage  sur  les  propriétés  voisines 

(La  famille  ne  jouit  d'aucun  droit  de  ce  genre.) 

Art.  .'J.  —  Allocations  d'orjets  et  de  services. 

AllonfiliKiis  conrernant  riiabilation 

—  les  vélenienls 

—  —  1(!S  besoins  moraux 


N"    74.    —    ÉBÉNISTE    PARISIEN    DE    HAUT   LUXE. 

§  14.  —  BUDGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNÉE. 


75 


RECETTES. 


SECTION    1". 

BEVEIVl'S  DES  PROPRIÉTÉS. 

AuT.  1''.  —  Revenus  des  phopriétés  immobilières. 
(La  famille  ne  jouit  d'aucun  revenu  de  ce  genre.) 

Ar.ï.  2.  —  Revenus  des  valeurs  mobilières. 

àdende  de  la  «  Moissonneuse  •  (en  nature ) 

itle  valeur  ne  porte  pas  d'intérêt.) 

érct  servi  par  la  caisse  d'épari^ne 

itte  somme  ne  porte  pas  d'intérêt.) 

érét  (3o/o)  de  la  valeur  de  ce  matériel 

îtte  valeur  ne  porte  pas  d'intérêt.) 

Art.  3.  —  Allocations  des  sociétés  d'assurances  mutuelles. 

.a  société  se  charge  de  tous  les  soins  en  cas  de  maladies 

lucune  allûcaiion  n'a  été  distribuée  celle  année  de  ce  chef 

Totaux  des  revenus  des  propriétés 


section     11. 

PRODLITS  DES  SlBVE:VTIO\S. 

Art.  ^"^  —  Produits  des  propriétés  reçues  en  usufruit. 

i  famille  ne  jouit  d'aucun  revenu  de  ce  genre.) 

Art.  2.  —  Produits  des  droits  d'usage. 

famille  ne  jouit  d'aucun  produit  de  ce  genre.) 

Art.  3.  —  Objets  et  services  alloués. 

jets  fournis  par  l'atelier  pour  la  réparation  du  mobilier 

îeaux  divers  dépassant  de  5'  43  les  cadeaux  remis 

ilruction  technique  donnée  par  la  chambre  syndicale  au  lils  aîné 

.Iruction  primaire  gratuite  pour  le  second  fils 

urnilures  de  classe  accordées  gratuitement  à  ce  dernier  par  la  Ville  de  Paris 
grevant  le  budget  de  cclle-(;i  d'une  somme  de  3'  80  pour  chaque  écolier 

l'apréi  restiination  des  magasins  scolaires.) 

lets  de  théâtre  donnés  par  des  amis 

Totaux  des  iiroduits  des  subventions 


MONTANT  DES  RECETTES. 

Valeur  dos  Kccettes 

objeU  reçus  en 
nature. 


4' 2.-; 


7  30 

> 

1  90 

8  00 

0  lo 

0  rs 

1   tjii 
5  45 


3  80 
8  00 

18  90 

N°  là.    —    ÉBÉNISTE    PARISIEN    DE    HAUT    LL'XE. 

§  44.  —  BUDGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNÉE  (suite). 


SOURCES  DES  RECETTES  [suiie). 


SECTION    m. 

TRAVAUX   EXÉCUTÉS   PAR   LA    FAMILLE. 

Trnvaux  du  père  de  famille,  ouvrier  ébéniste  : 

Travail  d'ebùnislerie  exécuté  à  l'heure 

—  —  à  la  tâche 

^;ccrét;l^iat  d'une  société  de  secours  mutuels 

—  —     association  politique 

Travail  de  la  niorc  de  famille,  ouvrière  tailleuse 

Travail  du  fils  aiué,  apprenti  sculpteur  sur  bois 

Travail  de  la  jeune  fille,  apprentie  brunisscuse 

Soins  du  niéna;{e  et  travaux  domestiques  :  travail  spécial 
à  la  mère  de  famille,  aidée  de  temps  en  temps  par  la 
plus  jeune  fille 

Racconimodase  des  chaussures  de  la  famille 

Réparation  du  linge  et  des  vêtements 

Blanchissage  et  repassage  du  linge  de  la  famille 

Totaux  des  journées  de  travail  de  la  famille  — 


SECTION     IV. 


NOMBRE  DES 
JOITlNF.F,S    DE  TRAVAII, 


Vi-2 
-20 


3i-i   1 


307  1 


INDUSTRIES   ENTREPRISES   PAR    LA    FAMILLB 

(à  son  propre  comi)te). 


tr>i  3 


iO  8 
3'J 


3n<.)  I 


Travaux  de  coupe  et  de  couture  exécutés  par  la  femme  pour  diverses  clientes 

Uaccommodage  des  soulicMvs 

Blanchissage  du  linge 


îi°     74. —    ÉBÉNISTE    PAKISIEN    DE    UAUT   LUXE. 


77 


5  14.  —  BUDGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNEE  {suite). 


RECETTES  (suite). 


JIONTAST   DBS    (IBCBTTK'» 


l'MX 

DF.S  SALAIUES  JOIKTSALIF.R.S. 

Père 
de 

«mille. 

Fils  .liné. 

îtèro 

(le 

famille. 

Jeune 
Fillo. 

r.      c. 

fr.       c. 

fr.      e. 

fr.      c. 

8  00 

• 

• 

» 

C  7-2;î 
5  00 
4  00 

" 

3  00 

0  50 

8  00 

S  00 

3  00 

» 

SECTION     III. 


SALAIRES. 


Salaire  total  aitiihuo  à  ce  travail 
(inlérêt  du  matériel  déduit) 

Salaire  attribué  à  ce  travail,  à  raison 
de  30  semaines  à  0'  50,  et  de  ^-i 
semaines  à  5' 

Salaire  (intérêt  du  matériel  déduit). 

(Aucun  salaire  ne  peut  être  attri- 
bué à  ces  travaux .  ) 

Salaire  total  attribué  à  ce  travail... 

(Aucun  salaire  ne  peut  être  attribue 
à  ces  travaux ) 

Salaire  attribué  à  ce  travail 

Totaux  des  salaires  de  laraiiiille.. 


SECTION    IV. 


BÉNÉFICES    DES    IIMD  USTR  lES. 


énéfice  résultant  de  cette  industrie (§  iti.  A) 

ucun  bénéfice  ne  peut  être  attribué  à  cette  industrie (,;  10,  15) 

-                               —                                          -  (§  10,  C) 

Totaux  des  bénéfices  résultant  des  industries (j  IG,  D) 


Nota.  —  Outre  les  recetles  portées  ci-dessus  en  compte,  les  industries 
Dnnent  lieu  à  une  recette  de-286'45(§  10,  D),qui  est  appliquée  de  nou- 
jau  a  ces  mêmes  industries;  cette  recelte  et  les  dépenses  qui  la  ba- 
nceat  (5  13,  S°"  V)  ont  été  omises  dans  l'un  et  l'autre  budget. 

Totaux  des  receltes  de  l'année  (balançant  les  dépenses) ,  (3.488';iS). 


Valevïr 
des  objets 

reçus 
en   nature. 


n'oo 

liO  '.0 


i;i8  00 


Recettes 
argrent. 


]-li't 

50 

10-2-2 

00 

100  00 

GO  00 

40-2 

90 

t-23 

10 

-20 

00 

200  75 


78 


ÉBÉNISTE  PARISIEN    DE    HAUT   LUXE. 


io. 


BUDGET  DES  DÉPENSES  DE  L'ANNEE. 


DÉSIGNATION  DES  DÉPENSES. 


l      POIDS  ET  PIUX  DES 
ALIMENTS. 


DÉPENSES  COi\CER:VA;«T  LA  i\OURRITlJRE. 


Art.     i"'.     —   Al.lMEXTS    CONSOMMÉS    DANS    LE    MÉNAGE. 

[Par  5  membres  delà  famille  pendant  .3G5  jours,  306  repîis  exceptés  pris 
nu  dehors  pnr  le  père  de  famille  et  le  fils  aine,  et  43  pris  également  de- 
hors par  la  jeune  fille.] 

CÉRÉALES   : 

Pains  de  S"»  achetés  alternativement  à  la  «  Moisson- 
neuse »  et  chez  un  boulanger  du  voisinage 

Farine  de  froment  pour  la  cuisine 

lUz 

Vermicelle 

Poids  total  et  prix  moyen 

COKPS  CIIAS  : 

Beurre 

I.ard 

Huile 

Poids  total  et  prix  moyen 

I.AIIAGES    ET   OEUFS   : 

l.ail 

Kroma^^'es  :  gruyère,  suisse,  blanc,  etc.,  etc 

oiCul's,  31-2  pièces 

Poids  total  et  prix  moyen 

Viandes  et  poissons  : 

Viande  do  boeuf  ;  morceaux  divers,  culotte,  foie, 
gras-double,  etc.,  fn^Sù  1'  UO 

Viande  de  veau,  tripes  en  conserve,  18"  à  1'  80 

Viande  de  mouton.  75"  à  1'  80 

Viande  de  porc,  2'»"  à  l'80 

Cliaiciilerie  (jambon,  saucisson,  etc.) 

Volailles  :  4  i)aircs  de  pcmlets  ?»  ti';  2  oies  à  0' 

Poissons  :  harengs  saurs,  '»"  ,i  l'tiO:  sardines,  i^ix  1'  (iO; 
|)oisbonsrrais,2''à  l''«0;  h u lires,  idouz.  à  0'60(2''  175) 


Poids  total  et  prix  moyen. 


POIDS 
consommé. 


7.30"  00 
6  00 
6  00 
2  00 


8.-;  .';o 


!)"  .M) 

1  GOd 

1S  (H) 

1  soo 

7:;  00 

1  soo 

24  00 

1  800 

2  00 

/»  000 

18  00 

2  0(K) 

PRIX 
par  kilog. 


0'387 
0  500 
0  700 
0  800 


741  00 

0  .3!»2 

2-;  00 

7  00 
12  00 

4  ono 

1  (500 
1  500 

4i  00 

2  930 

52  00 
li  00 
1!)  50 

0  3:.0 
2  800 

1  7.30 

\  ces 


1   323 


montant  des  DEPENSES 


^— -"^ 

des  objets 

Dépenses 

en  nature. 

282' 85 

„ 

3  00 

, 

/»  20 

1  (iO 

100  00 

11  20 

18  00 

18  20 

30  20 

33  73 

1.50  00 

3-2  40 

135  00 

43  20 

8  00 

30  00 

13  20 

N"    7i.    —    KBÉNISTE    PARISIEN    DE    HAUT    LLXE. 


79 


5;   \:\.  —  BLDGKT  DKS  DÉPENSES  DE  L'ANNEE  (suite). 


DÉSIGNATION  DES  DÉPENSES  (suite). 


SECTION     1"'. 

DÉPENSES  CO\CER\\:VT  LA  \OlRRlTlRE. 

I,K(;rMF.s  ET  FRUITS  : 

Tubercules  :  pommes  de  terre,  hollande,  28G'''  àOflO 

Légumes  farineux  secs,  23  litres  à  0'  40 

Légumes  verts  à  cuire  :  haricots  verts,  pois  verts, 
1!»'-  à  t';  chou\-lleurs  et  choux,  100"  à  0'  23;  ar- 
tichauts, (!''  à  Of  70 

Léijumes  racines:  carottes,  5'*  àO'7i>;  poireaux,  na- 
vets, etc.,  5'  à  0'  7-;  ;  salsiûs,  l''  à  0'  80 

Légumes-épices  :  oignons, IC"  à  0'  40:  ail,  1"  à  I'  aO: 
échalote ,  0"  230  à  2' 

Salades  diverses,  18"  à  0'  80 

Cucurbitacées  :  citrouilles,  1"  5  à  1'  20 

Fruits  :  cerises,  pommes,  poires,  noix,  .t;"  à  0'  70 

Poids  total  et  prix  moyen 


Condiments  et  stimulants  : 

Sel  gris  et  blanc 

Épices  :  poivre,  girofle 

Vinaigre 

Matières  sucrées  :  sucre 

Chocolat 

Hoissons  aromatiques  :  café 


Poids  total  et  i)rix  moyen. 


ItOISSONS  FEItMENTKES  : 

Vin  rouge,  acheté  au  litre  à  la  «  Moissonncnse  »... 

Eau-de-vie  pour  les  jours  de  fétc,  achetée  au  détail. 

m.         2'  à  i'  (2'  70  en  gros) 


Poids  total  et  jirix  moyen. 


POIDS    ET    PlilX   DF.S 
ALIMENTS. 


PRIX 
par  kilog 


12  00 


427  0(1 


286" 00 

0^100 

20  20 

0  51!» 

125  00 

0  38.5 

11  00 

0  754 

17  25 

0  .562 

18  00 

0  801) 

1  50 

1  200 

3.";  00 

0  700 

.-il.'}  'Xi 

0  28.3 

12  00 

0  500 

.36  00 

1  200 

5  00 

3  200 

12  50 

5  200 

77  .50 

1  730 

;25  00 

0  (100 

2  00 

V  000 

AuT.  2. — Aliments  piîéparés  et  consommés  en  dehors  du  ménage. 

Uepas  pris  chaque  jour  de  travail  (.306  journées)  par  le  pérc  et  le  fils 

aillé  au  débit  de  vins  (sans  compter  les  aliments  emportés  de  la  maison) 
Sui)plcment  à  ajouter  |)i)ur  les  '»2  jours  où  la  jeune   lille  travaillant  en 

\ille  venait  rejoindre  son  ])ér<'  ei  son  frère 

Supplément  pris  au  «  coup  de  ([uatrc  heures  »  par  le  père  seul,  vin,  76'  50; 

pain,  8' 

Vin  bu  avec  des  camarades  |)ar  le  pérc  le   samedi  soir,  2.5  bouteilles  à 

0'  30 

Nourriture  prise  parfois  au  milieu  du  jour  par  les  enfants 


Totaux  des  dépenses  concernant  la  nourriture. 


montant  des  DEPENSE'; 


Valeur 
des   objets 
consommés 
en  nature. 


Dépenses 
en  argent. 


2HfG0 
10  40 


8  30 
n  70 

r*  40 

1  80 
2't  .50 


3  60 
1  00 
6  00 
'.3  20 
11  75 
65  00 


2."i.5  00 
8  00 


306  00 

li 

70 

8i 

.50 

7 

50 

•• 

00 

1.80 

2  !U, 

80  N°    7-4.    —    ÉBÉNISTE   PARISIEN    DE    HAUT    LUXE. 

5<  15.  —  BUDGET  Di:S  DÉPENSES  DK  L'ANNÉE  {suite). 


DÉSIGNATION  DES  DÉPENSES  {suite). 


SECTION      II. 

DIvPE\SES  CO\CER\AXT  L'HABITATIOX. 

Logement  : 

Loyer  de  deux  pièces  et  1  petit  grenier  (aux  4-  et  ?«"  étages) 

MOBILIF.K   ; 

Kntreticn  des  meubles  de  bois  par  l'ouvrier  Ini-nii-me,  a'OO;  —  aclial 
d'ustensiles  et  de  linge,  -2'}'  "."> 

ClUL'KFAGE   : 

Charbon  de  terre  i)endanl  20  semaines  d'hiver,  1.000  kilogr.,  .'iU'OO; 
—  charbon  de  bois  pour  la  cuisine  pendant  toute  l'année,  3!)0  til. 
à  O'IO  (au  détail),  39'00 

ÉCLAIKAGE  : 

Essence  et  pétrole,  il  lit.  à  0T>7.j,  -2'>''0:  —  mèches  de  coton  ,  O'TO;  — 
allumettes.  .'>'20 


TuTAix  lies  dépenses  concernant  l'habilalion 

SECTION     III. 

DÉPE:VSES  COACERIVAIVT  LES  vftTEME\TS. 

VÊTEMENTS  : 

Vêtements  du  père  de  famille (;;i»j, S""I1I). 

—  du  lils  aillé (•.;  l'i,  S""  111). 

—  du  second  lils (;;i»>,S""lll). 

—  de  la  lemme 0.'  16, S"" III). 

—  de  la  jeune  tille (SI(>,S""III). 

Objets  communs (§1(>, S""lil). 

Ulanciiissage  : 

Blanchissage  et  repassage  du  linge  et  des  vêtements (.;  !•;,(;). 

Totaux  des  dépenses  concernant  les  vêtements... 

SECTION     IV. 

DÉPEXSES  CONCERÎVAI^T  LES  BESOI.XS  IllORAtJV,  LES  RÉC.RÉATIO!VS 
ET  LE  SERVICE  DE  SAi^TÉ. 

Culte  : 

Aucune  dépense  n'est  affectée  à  ce  service,  sauf  le  prix  des  chaises 
aux  enterrements 

Achats  de  juiiinaux  et  de  i.iviies  : 

Achat  cha(|Uf  malin  (lu  journal  le  Rappel,  clia(|ue  semaine  du  jour- 
nal In  Modr,  indépciKl.-imincnl  des  journaux  du  parti,  lus  i\  l'as- 
sucialion   politique  ;  livres 

iNSTiiucTiox  des  eneants  : 

Enseignement  technique  de  lu  chambre  svndicale  donné  gratuitement 

au  lils  aillé '. 

Enseigiiemeiit  primaire  donné  gratuitement  au  jielit  garçon    par  les 

écoles  d'Ktat ! 

Fournitures  données  gratuitement  par  la  Ville 

Secours  et  aumônes  : 

A  divers 


MONTANT   UKS    DKPESSE8. 

Valeur 
des  objeU 
consommés 
en  niitiirc. 


•;  (10 
Il  (II) 

■>  m 


N°    l't.    —   ÉBÉNISTE    TARISIEN    DE    UAL'T    LUXE. 

§  lo.  —  BUDGh:T  DES  DÉPENSES  DE  L'ANNÉE  {suite). 


81 


SECTION     IV. 

DKPEIVSES  CO\CERA  V!Vr  LES  Bi;SOI\S  MORAUX,  LES  RÉCRÉATIONS 
ET  LE  SERVICE  DE  SA!\TÉ  {suilc). 

KÉcnÉATIONS  ET  SOLENNITÉS  : 

Tabac  pour  le  père,  Si'Tj  ;  |)our  le  lils,  10^40.  —  Consommations  au 
café;  location  du  l)illar<i,  pore,  3^00;  lils,  l'é'OO.  — Pic|ue-ni(|ue, 
auquel  prenti  jiart  toute  la  famille;  rendez-vous  chez  des  amis  de 
la  banlieue;  repas,  38' 50;  faux  frais  divers,  33^00;  —  tiiéàtres  : 
Beaumarciiais.  Chàtelet,  Porte-S'-Marlin  .  billets  donnés,  8'00;  ache- 
tés, 5' 00.  —  Nourriture  d'un  oiseau,  o'OO 

Seuvicf,  de  santé  : 

Secours  fournis  j)ar  la  société  de  secours  mutuels,  omis  comme  égaux: 
aux  recettes 

Totaux  des  dépenses  concernant  les  besoins  moraux,  les 
récréations  et  le  service  de  santé 


SECTION     V. 

DÉPEASES  COACERAAAT  LES  lADLSTRIES.    LES  DETTES,  LES  IMPÔTS 
ET  LES  ASSURAMES. 

DÉPENSES  CONCERNANT  LES   INDUSTRIES   : 

Nota.  —  Les  dépenses  concernant  les  industries  montent 
à (S  1G,D)  'JUi'GH 

Elles  sont  remboursées  ])ar  les  recettes  provenant  de  ces 
mémos  industries,  savoir: 

Argent  et  objets  employés  pour  les  consommations  du 
ménage,  et  portés,  à  ce  titre,  dans  le  présent  bud- 
get          62!»'i3  \ 

Argent  appliqué  de  nouveau  aux  industries  Cj  -14,  / 

S""  IV),  comme  emploi  momentané  du  fonds  de  >        915  08 

roulement  et  qui  ne  peut  consé([uemmeiit  li-  \ 

gurer  parmi  les  dépenses  du  ménage  (§  lt>,D).        280  45  J 

Dépenses  communes  à  toutes  les  industries  :  achat  d'outils 

Intérêts  des  dettes  : 

La  famille  n'a  pas  de  dettes,  sauf  de  temps  à  autre  chez  le  boulanger, 
et  encore  cette  dette  n'entraîne-t-elle  pas  paiement  d'intérêts 

Impôts  : 

La  famille  ne  paie  aucun  impôt 

Assurances  concourant  a  garantui  le  rien-étre  piivsioue  et  moral  de  la 

FAMILLE  : 

Assurance  contre  l'incendie,  12'00:  — chambre  syndicale  (contre  les 
patrons  et  l'incendie  des  outils),  "'20;  —société  de  secours  mutuels, 
à  laquelle  sont  assurés  tous  les  membres  de  la  famille,  7"'85 

Total  des  dépenses  concernant  l(;s  industries,  les  dettes,  les  im- 
pôts et  les  assurances 

Épargne  de  l'année.  (La  famille  ne  fait  aucune  épargne.) 

Totaux  des  dépenses  de  l'aniH-c  (balançant  les  recettes)...    (3,4H8'08) 


Dépenses 
en  argent. 


unt-r; 


82 


N"    7  4.    —   ÉBÉNISTE   PARISIEN    DE    HAUT   LUXE. 


§  16. 
COMPTES  ANNEXÉS  AUX  BUDGETS. 

SECTION     I. 

COMPTES  DES  BÉNÉFICES 

IttSLLTANÏ    DES   INDUSTRIES    ENTREPKISES    PAR    LA    KAMILLE 
(à  son  i)r<ii)ie  compte). 


A.    —   THAVAUX    DE   COUPE    ET    COUTURE    DE    VETEMENTS 
DE    FEMME   EXÉCUTÉS    PAU   l'oUVHIÈRE    POUR   DIVERSES    CLIENTES. 


r.ECETTES. 

Farons  de  6  custumcs  riches  (lohe  cl  casa(|iie).  à  i-i' 

—  35  i-()Ik'S  simples  à  lo' 

Vente  des  fournitures  riches 

—  —  ordinaires 

Restes  d'étoffes  diverses 

Totaux , 

DÉPENSES. 

Fournitures  pour  0  costumes  (robe  et  casaquei 

—  —    35  robes  simples 

Tra\ail  de  la  femme  :  154  jours  3  lieures  à  3' , 

liiti'ict  5  X  du  matériel  de  l'induslric  (100') 

Entrelien  de  la  machine  à  coudre  (huile,  aiguilles,  canelte) 

UÉNKKiCKs  rcsultanl  di'  l'iiiduslrie 

Totaux  comme  ci-dessus 


■^ 

.11 

.11 

nature. 

argent. 

108' (Kl 

« 

.5i5  (Kl 

„ 

107    10 

» 

1  Ml  00 

15' 00 

" 

15  00 

040   10 

S!»   10 

. 

113  75 

» 

Mfâ  !I0 

«  00 

n 

» 

i  (iO 

7  00 

-JO!)  75 

15  (K( 

ll'iO   10 

B.    —    RACCOMMODAGES    DE    SOULIERS    EXÉCUTÉS    PAR    LES 

DIFFERENTS    MEMBRES    DE    LA    FAMILLE. 

RECETTES. 

Prix  <|ui  aurait  été  payé  au  cordonnier  pour  la  réparalinn  des  mêmes  ohjcls 

17  («l 

l!l  00 

DKPENSES. 

Fournitures  (  cuir,  clous,  etc.) 

17  0(1 

10  00 

Travail  du  chel de  famille  et  du  lils  aine,  2  journées  i  heures  à  8' 

IntcEct  5  '^  du  matériel  (pour  mémoire,  —  les  outils  de  menuisier  sulliseiit 

ordinairement) 

• 

llKNÉKii.i:  résultant  de  l'induslrie 

Iiilaiiv  ciiiiiiiic-  li-dcssus 

17  (,0 

l!l  IMI 

COMPTES  ANNEXÉS  ALX  BUDGETS. 


83 


C.    —    BLANCHISSAGE    DU    LINGK   ET    DES    VETEMENTS 
DE   LA    FAMILLE. 


rix  (]ui  serait  payé  pour  le  blancliissagc  des  mênic»  objetscxécutc  au  dclKir; 


léLribulioii  payée  au  lavoir  pour  une  place  dans  les  cuviers  comuuuis 

létriMuliou  pour  une  place  devant  les  bassins  d'eau  Iroide 

U'iiat  d'eau  eliaudc  de  la  lessive 

Ilétrihution  pour  remploi  de  «l'essoreuse  »,  macliine  à  presser  et    birdre  le 

linge 

avon,  10'  'M  ;  eau  de  javelle,  ;>'  ?0;  bleu,  empois,  etc.,  8'  00 

rravail  de  la  femme,  39  jours  a  3'  GO 

ntérét  5  %  de  la  valeur  du  matériel 

IlÉNKKicE  résultant  de  l'industrie 

Ti)iaii\  fiimnie  ci-dessus 


D.    —   RÉSUMÉ    DES    COMPTES    DES    BÉNÉFICES   RÉSULTANT 
DES    INDUSTRIES    (A    A  C). 


RECETTES   T0T.4LES. 


['roduils  emi)loyés  pour  les  vêtements  de  la  famille 

Ilccettes  en  argent  appliquées  aux  dépenses  do  la  famille  ou  converties 
en  épargne 

Hecettes  en  argent  à  employer  de  nouveau  pour  les  industries  elles- 
mêmes  (:28(i''  i.'i) ". 

Totaux 


DEPENSES   TOTALES. 

ntérèts  des  propriétés  possédées  par  la  famille  et  employées  par  elle  aux 
industries '. 

;alaires  afférents  aux  travaux  exécutés  par  la  famille  pour  les  industries... 

)é|)ensesen  argent.  (|ui  devront  être  remboursées  par  des  recettes  provenant 
des  industries  {-iSH'  iii] 

Totaux  des  dépenses  (Ol'J'tisi 

BÉNÉFICES  TOTAUX  résultant  des  industries  {-lld'l'i) 

Totaux  comme  ci-dessus 


I  W  73 


!  W  /,0 
0  33 


8  33 
l.'iS  00 


Hm  33 
7  00 


173  33 


•JO'OO 


10 

40 

10 

iO 

7 

80 

7 

SO 

-23 

(iO 

73-2  0.-; 
■2Si>  v.-; 


1.019  10 


i(>-2  90 

-2S0  i.-; 


7  49  3:) 
-209  7.'; 


1.019  II» 


84 


N"    /'l. 


ÉBÉNISTE    PARISIEN    DE    UAUT    LUXE. 


SECTIOX    II. 

COMPTES  RELATIFS  AUX  SUBVENTIONS. 

Nota.  —  Ces  comptes  ont  été  établis  tiaus    le    budget  inêine. 


SECTION"    III. 

COMPTES  DIVERS. 

COMPTE    DE   LA    DÉPENSE    RELATIVE    A    LA    NOURRITURE    PRISE     PAR 
l'ouvrier  et  son   fils  PENDANT  3ÛB  JOURS  UORS  DU  MÉNAGE 

A  11  heures  12; 

I  bouteille  de  vin 

Pain 

i  café  avec  eau-de-vie  (la  meilleure) 

Total 

A  ajouter  pcndanl  les  42  jours  où  la  jeune  lille  a  travaille  : 

Pain 

Vin 

Total 

De  plus,  ■  au  coup  de  (juatre  heures  »,  |)our  le  père  seulement  : 

Vin 

Pain  (lUfhiuefois,  O'O.'i. 


argent. 


0 

iO 

0 

25 

0 

3;; 

l  00 

0 

I.'. 

0 

20 

(t  3."i 

COMPTE    DE    LA    DÉPENSE    ANNUELLE    CONCERNANT    LES    VETEMENT: 


AUT.   l".   —   VÊTEMENTS   DE   L'olVIllEr.. 

Vêtements  du  dimanche  el  des  jours  ordinaires 
(qui  ne  dillérent  (|ue  par  le  plus  ou  UKdus  de 
propreté;  : 

1  pardessus 

2  complets  (veston  et  gilel)  en  drap 

4  pantalons  en  drap 

1  costume  d'été  en  toile 

1   tricot 

1  douzaine  chemises  toile 

■i  gilets  de  flanelle 

3  caleçons  de  coton 

3  paires  de  chaussetles 

3  cravates  en  soie 

i  cache-nez 

3  chai»eau\  feutre  et  paille 

1  paire  de  soulieis 

1  paire  de  sabots 

Kacconnuodage  de  chaussures 

Vêtements  de  travail. 

2  roltes  de  travail 

2  tabliers  de  lra\all 

2  gilets  à  manches  (gilets  d'ébénisie) 

2  casciuclles 

TOTACX 


PU  IX 

(VnL-lmt. 

lirUKE. 

DÉPEN8B 
annuelle 

en   nature. 

en  arg<^nt. 

.•«)'oo 

(i  ans 

.•i'OO 

'i2  00 

1 

i> 

42  (K> 

40  00 

1 

» 

40  00 

i:,  00 

1 

» 

l.'i  00 

Il    01» 

•2 

> 

.-;  .-ij 

."iO  00 

\ 

» 

12  50 

H   40 

4 

» 

2  10 

(i  (iO 

V 

» 

1  05 

3  .^0 

I 

> 

.{  .50 

7   '.0 

1 

» 

7  rA\ 

,3  00 

0 

» 

0  .50 

12  00 

1 

» 

12  01» 

8  00 

1 

> 

«  00 

i  'Si 

1 

> 

1   !»5 

' 

• 

o  00 

5  00 

C.  00 

1 

„ 

<•  00 

2  20 

1 

i, 

2  20 

4  10 

1 

» 

4  4(» 

1  (K) 

1 

° 

1   00 

272  .'>.'i 

■i  00 

170  «(» 

AllT.   Ù.   —   VÊTEMENTS   DU  FILS  AIXÉ. 


AMemeiità  du  'limanrlic  et  des  jours  ordinaires 
(iiième  rcmarqui'  que  ci-dessus)  : 

ardossus 

3111  pk't 

antalons 


Iicniises  de  toile 

ilcts  de  llanelle .-. 

ileçons  de  coton 

iires  de  rliaussettes 

•avates,   foulards   soie... 
lapcaux,  feutre  et  i)aille. 

aire  de  bottines 

lire  de  sabots 

lire  de  savates 

commodage  de  souliers. 


^"êtcnients  de  travail 

louses  blanches  de  sculpteur. 

ilet  à  nianclics 

is(|uettcs 


COMPTES    ANNEXÉS    AUX    BUDGETS. 


85 


ICot  . 


Totaux. 


Ar.T.  3.  —  VÊTEMENTS   DE  L'OUVRIÈP.E. 

^■("■tenients  du  dimanche  et  des  jours  ordinaires 
(même  remarque  que  ci-dessus)  : 

)bes  de  soie  noire 

istuines  (hiver  et  été)  en  cachemire  ou  élode 

fantaisie  noire 

quelle  de  drap 

anteau  d'hiver 

site  d'été 

âlcde  laine  noire 

lignoirs 

atinées 

pons  blancs  brodés 

misoles   brodées 

irsct 

uzaines  de  chemises 

ires  de  bas  de  laine 

ntalons 

laiieaux  (hiver  et  été) 

ulard 

ire  de  gants  de  laine 

ire  de  bottines  de  cuir 

ire  de  souliers  de  satin 

îonmiodage  de  chaussures 


Totaux. 


Art.  i.  —  Vêtements'de  la  fille  aînée. 


bes  noires  et  couleur 
)es 


sa<|ues 

uiti'au 

u/aine  de  chemises. 

ntalons 

ires  (le  bas 

rset 


PRIX 

DKrF.VSK 

d'ftchat. 

DUIIKK. 

annuella 

m    nature. 

c-n  argent. 

lo'OO 

2  ans. 

-'.30 

■21  00 

1 

i> 

21  00 

IG  00 

2 

u 

S  00 

8  00 

2 

» 

4  (H) 

40  00 

3 

« 

13  30 

8  iO 

3 

» 

2  80 

4  50 

2 

11 

2  23 

3  50 

1 

u 

3  .'■» 

7  50 

1 

11 

7  30 

4  00 

2 

. 

2  30 

10  00 

1 

11 

10  00 

2  50 

2 

1) 

1  2a 

l  00 

1 

» 

1   00 

" 

" 

3^00 

3  00 

6  00 

., 

„ 

3  00 

3  00 

1 

D 

3  00 

4  33 

\ 

» 

4  33 

155  S'i 

5  00 

9!l  75 

tOO  00 

20 

5  00 

50  00 

6 

, 

8  30 

15  00 

2 

i 

7  30 

30  00 

G 

2  00 

3  00 

30  00 

G 

n 

3  (lO 

3  50 

9 

» 

1   73 

20  00 

1 

11 

20  00 

12  00 

^ 

g 

6  00 

50  00 

20 

> 

2  00 

40  00 

20 

II 

2  00 

13  00 

3 

11 

3  00 

50  00 

G 

» 

8  30 

36  00 

5 

II 

7  20 

9  20 

2 

l> 

4  GO 

10  00 

1 

» 

10  00 

1  00 

1 

> 

1   00 

1  60 

2 

» 

0  80 

12  00 

î 

» 

12  00 

12  00 

1 

S 

12  00 

» 

" 

5  00 

3  00 

497  30 

" 

7  00 

126  43 

20  00 

1 

13  43 

6  3.3 

10  00 

1 

,1 

10  (H) 

13  00 

1 

g 

13  eo 

10  00 

-> 

3  00 

» 

12  00 

-2 

D 

6  OO 

2  00 

i 

B 

2  (M) 

6  00 

1 

n 

6  IHI 

3  93 

1 

" 

3  93 

86  N" 


Art.    '♦.   —   VÊTEMENTS   DE    LA    HLLE   AÎNÉE  {SUitt). 


i  cliàlc  de  laine  bleue 

3  chapeaux  (liiver  et  été;  celui  d'hiver  en  velours 

avec  rubans,  (forme  Uenihraiidt) 

i  paire  gants  de  laine 

3  paires  de  chaussures 

Totaux 


AUT. 


VÊTEMENTS   Dt   PETIT   GARÇON. 


i  pardessus 

2  costumes  complets 

i  costume  d'été 

4  tabliers  noirs  (lustrine) 

1  caleçon  tricot 

5  tricots  laine 

()  chemises 

.'<  |)a i rcs  de  bas 

i  cache-nez 

3  cravates 

■1  chapeau 

i  cas(|uette 

4  l»aires  souliers 

Kaccommodage  de  souliers  . . . 

Totaux 


Art.  6. 


Effets  communs. 


.'»  douzaines  mouchoirs 

i  parapluies 

2  ombrelles 

Totaux 


ARISIE.N    DE 

HAUT   LUXE. 

paix 

DÉPEXSK 

d'achat. 

BUBÉE. 

annuelle 

en  nature. 

en   argent. 

3' 50 

1  an. 

. 

3' 30    1 

10  00 

1 

, 

10  00  y 

1  0(> 

i 

> 

1    00 

18  00 

1 

18  !.. 

111    Vo 

• 

18145 

82  (Ml 

4  00 

4    IMI 

20  (H) 

20  (Hi 

r,  00 

5  00 

(i  00 

(i  00 

1  .';o 

l  .'iO 

3  .'«) 

3  50 

12  00 

(i  00 

3  00 

3  00 

1    -H) 

1  .-.0 

0  !I0 

0  !I0 

2  :io 

2  :a) 

1  il.-; 

1  il.-. 

22  00 

22  00 

4  00 

2  00 

4  00 

87  85 

• 

2  00 

8)  8.5 

2'.  00 

2 

12  00 

S  00 

4 

> 

2  00 

3  00 

3 

• 

1   00 

35  00 

» 

• 

15  00 

ÉLÉ3IENTS  DIVERS  DE  LA  CONSTITUTION  SOCIALE. 


FAITS  IMPORTANTS  D  ORGANISATION  SOCIALE; 
PARTICULARITÉS  REMARQUABLES: 
APPRÉCIATIONS  GÉNÉRALES  :  CONCLUSIONS. 


g  17. 

MONOGRAPHIE  D'UN  ATELIER  DE  HAUT  LUXE. 

La  maison  choisie  (celle  où  l'ouvrier  travaille)  est  une  de  ces 
maisons  sérieuses,  solides,  à  l'intérieur  desquelles  deux  catégories 
d'ouvriers,  tapissiers  d'une  part,  ébénistes  de  l'autre,  travaillent  sur 
la  commande  directe  du  client,  en  se  faisant  aider  de  façonniers, 
sculpteurs  en  ronde-bosse,  sculpteurs  ordinaires  ou  en  bas-relief,  can- 
neleurs,  découpeurs,  monteurs  en  bronze,  ciseleurs,  doreurs,  petits 
patrons  ou  bien  ouvriers  seuls,  qui  prêtent  du  dehors,  de  leur  atelier 
ou  de  leur  mansarde,  une  indispensable  collaboration  à  l'œuvre;  aux 
alentours  de  cet  atelier  central,  se  devine  la  foule  des  petits  patrons 
ébénistes  qui  deviennent  les  auxiliaires  de  la  maison,  quand  il  s'agit 
de  remplir  le  magasin  de  meubles  fabriqués  à  l'avance,  enlevés  de 
suite  par  l'acheteur. 

I.  —  Organisation  commerciale. 

Pour  découvrir  l'ensemble  de  l'organisation  commerciale,  il  faut 
aller  droit  au  point  décisif  :  les  bureaux. 

Ici  le  patron  s'occupe  en  général  assez  peu  des  détails  de  la  mai- 
son. Actuellement,  par  suite  d'un  événement  survenu  depuis  quel- 
ques semaines,  le  chilï're  des  employés  est  de  deux  :  un  premier  com- 
mis-vendeur, et  un  second,  jouant  le  rùle   d'auxiliaire  et  d'aide  de 


88  N°   74.    —    ÉBÉXISTE    l'ARISIEN   DE    UAL'T,  LUXE. 

camp.  Chaque  semaine  un  comptable  vient  transcrire  pendant  cinq 
heures  environ  sur  les  livres  de  comptabilité  exigés  par  le  Code,  li- 
vre-journal, grand-livre,  etc.,  la  comptabilité  réelle  de  la  maison, 
beaucoup  plus  commode  et  plus  pratique.  Ce  fait  est  à  noter;  il  ré- 
sume toute  l'économie  politique  :  les  grands  principes  légaux  d'un 
côté,  l'usage  de  l'autre.  Cette  comptabilité  réelle,  courante,  la  seule 
où  le  patron  étudie  sa  situation  à  un  moment  donné,  se  compose  de 
quatre  livres  différents  que  nous  allons  décrire  très  rapidement,  parce 
qu'ils  révèlent  tout  le  fonctionnement  commercial  de  la  maison  :  le 
livre  de  commande,  le  livre  d'atelier,  le  livre  de  débit  et  le  livre  de 
caisse. 

Sur  le  premier,  le  livre  de  commande,  le  commis  en  chef  ou  le  ven- 
deur inscrit  au  jour  le  jour  toutes  les  commandes  faites  par  le  client  : 
commandes  directes  le  plus  souvent,  parce  que  le  client,  parisien,  pro- 
vincial ou  étranger,  visite  lui-même  la  maison  de  haut  luxe;  indirectes 
aussi,  parce  qu'il  lui  semble  parfois  préférable  d'employer,  sans  se  dépla- 
cer, l'intermédiaire  de  ces  grandes  maisons  de  commission  de  la  rue  de 
Paradis,  qui  se  distribuentlesdifférents  pays  d'Europe,  surtout  d'Améri- 
que, et  y  transportent  les  articles  les  plus  divers  ;  corsets  et  mobiliers, 
articles  de  Paris  et  denrées  alimentaires.  Sur  le  deuxième,  le  livre  d'ate- 
lier, qui  est  double,  livre  des  tapissiers,  livre  des  ébénistes  (nous  ne 
nous  occuperons  que  de  celui-ci),  le  premier  commis  ouïe  second  re- 
copie les  commandes.  Ce  livre  a  une  forme  rectangulaire  allongée; 
sur  le  verso,  la  commande  est  inscrite  ;  le  recto  d'en  face  est  laissé  li- 
bre :  cette  page  blanche  est  réservée  au  contre-maître  qui  y  inscrit  le 
prix  de  revient.  C'est  sur  ce  prix  de  revient  que  se  calculera,  en  ajoutant 
un  tant  %  qui  sera  indiqué  tout  à  l'heure,  le  prix  de  vente.  Sur  le  troi- 
sième livre,  appelé  livre  de  débit,  le  premier  commis,  qui  décidément 
est  la  clef  de  voûte  de  l'organisation  commerciale  comme  le  contre- 
maître est  la  clef  de  voûte  de  l'organisation  industrielle,  note  au  fur 
et  à  mesure  tous  les  objets  livrés  :  objets  exécutés  sur  commande  peu 
à  peu,  en  général  avec  des  retards;  objets  vendus  au  comptant  et 
pris  au  magasin.  Enfin  sur  le  quatrième  livre,  le  livre  de  caisse,  est 
constaté  le  mouvement  des  fonds  :  l'entrée  et  la  sortie. 

C'est  avec  les  deux  derniers  livres  que  le  comptable  reconstruit  la 
belle  ordonnance  de  la  comptabilité  en  partie  double. 

Ajoutez  à  ces  livres  un  petit  carnet  où  le  deuxième  commis  dresse 
la  liste  de  tous  les  échantillons  de  tapisserie,  —  parce  que  le  magasin 
contient  en  réserve  non  les  pièces  mômes,  mais  les  échantillons  dépo- 


ÉLÉMENTS   DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  89 

ses  par  des  maisons  d'étoffes  pour  meubles  (1),  —  vous  posséderez 
toute  la  comptabilité  occulte  et  courante  d'une  maison  d'ameublement 
de  haut  luxe;  par  suite,  une  idée  absolument  exacte  de  la  marche  de 
ses  rouages  commerciaux. 

Avant  de  quitter  les  bureaux,  ouvrons  ces  différents  livres,  et  éta- 
blissons approximativement  dans  ses  grandes  lignes  le  budget  de  la 
maison  pendant  les  dernières  années. 


a)   Dépenses. 

En  tête  des  dépenses  d'une  maison  de  commerce  se  trouve  une 
somme  fixe,  constante,  les  frais  généraux,  c'est-à-dire  : 

Le  loyer.  —  La  construction  est  ancienne  et  mal  distribuée  pour 
l'industrie 11.000  fr. 

Les  contributions.  — Portes  et  fenêtres,  patente 2.000  fr. 

Les  assurances.  —  Payées  depuis  1854  sans  incendie.   .  .     2.000  fr. 

Le  traitement  des  employés.  —  Le  commis-vendeur  peut  toucher 
o.  000  francs;  si  on  y  ajoute,  et  le  cas  est  fréquent,  un  intérêt  ou  partici- 
pation de  1/4  ou  1/2,  on  atteint  rapidement  10.000  francs,  même 
davantage  :  soit  10,000  francs;  le  2"  employé  est  payé  environ  200  francs 
par  mois,  ici  2.400  francs;  le  comptable  payé  au  mois  ou  à  l'heure, 
50  francs  par  mois,  1  fr.  50  l'heure  :  600  francs;  4.000  francs  pour  le 
contre-maître  des  ébénistes;  4.000  francs  pour  le  contre-maître  des 
tapissiers;  l.iOO  francs  pour  la  eonire-maîiresse  ;  total.   .     22,000  fr. 

Le  chauffage 500  fr. 

Le(jaz. 1.000  fr. 

La  voiture,  le  cheval,  les  garçons.  — Nourriture  et  salaire, 

120  à  150  francs  par  mois 4.000  fr. 

Vinlérét  du  capital  engagé  dans  l'exploitation  (sans  parler  des  com- 
missions prélevées  par  l'escompteur,  Crédit  lyonnais  ou  banque  Leroy, 
par  exemple,  si  la  maison  n'a  pas  un  fonds  de  roulement  suffisant 
pour  se  passer  des  vendeurs  d'argent).  —  Le  capital  s'élève  ici  à 
50.000  francs  argent  et  100.000  francs  nature,  savoir  :  le  matériel  d'ébé- 
nisterie,  assez  restreint,  parce  (\ue  le  patron  fournit  seulement,  en  vertu 
la  coutume,  les  établis,  les  serre-joints  et  les  presses,  soit  3.500  francs; 

1)  Ces  maisons  font  exécuter  sur  dessins  leurs  articles  les  plus  luvueux  à  Lyon,  les  plus 
communs  à  Rouhaix,  et  les  revendent  aux  tapissiers. 


90  N°    74.    —    ÉBÉNISTE   PARISIEN    DE    HAUT   LUXE. 

le  matériel  de  tapisserie  3.500 francs;  enfin 03.000  francs  de  vieux  meu- 
bles, «rossignols,  «succès  d'exposition  qui  n'ont  pas  trouvé  d'acheteur; 
—  total,  150.000  francs  à  5  "/o,  soit 7.500  fr. 

Le  total  de?  frais  généraux  s'élève  donc  à  la  somme  de.  .     50.000  fr. 

Pour  compléter  la  section  des  dépenses  approximatives  de  l'année, 
il  reste  à  indiquer  deux  catégories  non  plus  fixes,  mais  variables 
suivant  la  quantité  et  la  nature  des  objets  produits  :  la  matière  pre- 
mière et  la  main-d'œuvre. 

\jA  matière  première,  s'il  s'agit  de  bois,  noyer,  ciiène,  peuplier,  etc., 
est  achetée  à  des  marchands  en  gros,  qui  se  ciiargcntdu  «  séchage  ». 
C'est  une  innovation  dans  l'industrie  :  les  patrons  ne  sont  plus  tenus  à 
conserver  ces  énormes  réserves,  si  coûteuses  au  double  point  de  vue  de 
la  surface  occupée  et  de  l'assurance,  que  l'on  rencontrait  jadis  dans 
les  ateliers  et  que  l'on  a  signalées  récemment  dans  la  lirjuidation  Ma- 
zaroz.  Le  bois  est  disposé  dans  les  chantiers  en  tas  distincts,  corres- 
pondant cliacun  à  une  maison  cliente.  Les  achats  de  la  fabrique  d'é- 
bénisterie  que  nous  éludions,  faits  par  lots  de  7.000  à  8.000  francs, 
sont  payés  au  comptant  ou  à  90  jours.  —  Le  bois  des  iles,  acajou, 
palissandre,  ébène,  etc.,  s'achète,  au  contraire,  par  petits  lots,  dans 
des  dépôts  complètement  séparés  des  autres,  comme  la  maison  Rol- 
land et  SCS  voisines  de  la  rue  de  Charenton.  Bois  ordinaires  et  bois  des 
îles  sont,  en  effet,  au  faubourg,  l'objet  de  deux  commerces  très  rap- 
prochés, mais  non  confondus. 

Quant  aux  éloiïes,  le  chiffre  total  des  achats  est  difficile  à  évaluer  : 
le  lecteur  a  vu  comment  il  s'effectuait  sur  échantillons  déposés  et 
choisis  par  le  client.  La  différence  entre  le  prix  des  achats  et  des  ventes 
de  CCS  étoffes  est  la  grosse  source  de  bénéfices  des  maisons  qui, 
comme  la  maison  monogrnphiéc,  réunissent  la  tapisserie  à  l'ébénis- 
Icric. 

Le  total  des  dépenses  concernant  les  matières  premières  peut  être 
évalué  à  iîo.OOO  francs. 

La  main-d'œuvre  s'élève  en  chiffres  ronds  à  :  50.000  francs  pour  les 
ébénistes ,  50.000  francs  pour  les  tapissiers.  Ajoutez-y  pour  les  mul- 
tiples collaborateurs  qui  travaillent  au  dehors,  et  aussi  pour  les  fabri- 
cants-ébénistes d'ordre  inférieur  dont  les  produits  remplissent  le  ma- 
gasin, une  .somme  qui  monte  rapidement  à  IS5.0()0  francs. 

Le  total  des  dépenses  de  main-d'œuvre  est  ain-^i  île  :2S5.000  francs. 

Kt  vous  arrivez  au  véritable  chiffre  des  dépenses  do  la  maison,  frais 
généraux  et  autres,  soil  (trois  cent  soixante  mille  francsi  300.000  fr. 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE    LA    CONSTITCTION'    SOCIALE.  91 


b)  Recettes. 

Les  recettes  ont  été  pendant  l'année  observée  d'environ  iOO.OOO  fr. 

Elles  ont  été  constituées  par  une  majoration  de  30  à  iO  %  sur  le 
prix  de  revient  des  objets  de  haut  luxe  fabriqués  à  l'atelier  (cette  pro- 
portion est  authentique),  et  par  les  bénéfices,  plus  ou  moins  aléatoires, 
réalisés  sur  les  meubles  achetés  et  revendus  dont  il  serait  facile  de 
faire  ressortir  l'influence  grandissante. 

La  maison  fait  donc  400.000  francs  d'affaires.  En  conséquence,  cette 
maison  de  haut  luxe  qui  tend  à  vendre  de  plus  en  plus  du  confortable 
estimable,  il  est  vrai,  mais  préparé  d'avance,  réalise  quarante  mille 
francs  de  bénéfices. 

II.  —  Organisation  du  travail. 

Remarquons  l'absence  complète  d'outillages  mécaniques  qui ,  au 
contraire,  se  rencontreraient  dans  certaines  maisons  (Krieger,  Allard, 
Association  générale  d'ébénisterie,  etc.),  oh  l'on  exécute  des  ou- 
vrages de  menuiserie  et  de  charpenterie  artistique,  et  étudions  :  a)  la 
série  des  opérations  que  subit  le  meuble  sculpté  de  haut  luxe  (et  ce 
meuble  seulement);  b)  l'organisation  du  travail  proprement  dite. 

a)  La  série  des  opérations  est  assez  complexe. 

l"  D'abord  il  faut  avoir  le  dessin  du  meuble.  La  maison  ne  s'est  ja- 
mais adjoint  un  dessinateur  en  titre.  Outre  un  avantage  d'économie, 
elle  prétend  atteindre  ainsi  un  avantage  artistique,  qui  est  de  varier 
ses  genres  :  la  «  manière  »  d'un  dessinateur,  effectivement,  finit  pres- 
que toujours  par  faire  «  dater  »  les  meubles  d'une  maison.  Elle 
s'adresse  aux  dessinateurs  en  vogue  du  faubourg,  les  Maincent,  les 
Langfeld,  etc.,  même  Quétin  qui  tient  boutique  ouverte  de  dessins  de 
luxe  et  de  lithographies  pour  les  trôleurs.  Un  beau  dessin  d'une  jardi- 
nière à  forme  nouvelle,  par  exemple,  peut  être  payé  GO  francs.  Après  le 
dessin,  le  contrc-maitre  rédige  Xeplan,  c'est-à-dire  le  tracé  à  grandeur 
d'exécution,  ce  qui  correspond  à  l'épure  exécutée  sur  le  sol  par  le  gâ- 
cheur charpentier  (Ij.  Le  plan  est  constitué  par  la  projection  sur  une 

(I)  V.  Out  tiers  des  Deux  Mondes,  2'  soric,  t.  III;  monograiihie  du  Charpentier  in(lcr>cn- 
danl  (le  Paris,  §  17. 


92  N"   74.    —   ÉBÉNISTE   PARISIEN   DE   HAUT    LUXE. 

surface  horizontale  du  meuble  étendu  à  terre  :  c'est  une  application  de 
la  géométrie  descriptive. 

2°  Le  contre-maître  choisit  les  bois  dans  le  magasin.  L'ébéniste 
commence  à  les  couper  et  à  les  corroyer,  autrement  dit  à  les  ra- 
boter. 

3"  Ici  s'ouvre  toute  une  série  de  travaux  successifs,  poursuivis  sans 
le  secours  de  l'ébéniste,  en  dehors  de  l'atelier,  et  nécessitant  pour  la 
phiparl  l'intervention  de  ces  machines-outils  que  nous  aurions  ren- 
contrées toutes  réunies  dans  ([uelques  maisons,  telles  que  la  maison 
Kricger.  De  loin  en  loin,  au  faubourg,  rue  Saint-Bernard,  passage 
Charles  Dalery  (ancien  passage  Vaucanson),  etc.,  s'élèvent  de  vastes 
usines,  qui  distribuent  en  une  multitude  de  cases  exiguës  la  force  mo- 
trice à  de  petits  patrons  tourneurs  et  canneleurs.  A  côté  se  trouvent 
des  scieries  plus  importantes  où  la  scie  à  découper  et  les  machines  à 
moulurer,  «  les  toupies  »,  attendent  les  ébénistes  d'alentour.  Voilà 
qui  va  remplacer  le  coûteux  outillage  à  bien  peu  de  frais.  Il  s'agit, 
par  exemple,  de  l'une  des  colonnettes  d'un  buffet  sculpté  :  l'ébéniste 
a  taillé  un  petit  pilier  de  noyer  à  section  rectangulaire;  ce  pilier 
est  porté  à  l'usine  Saint-Bernard;  un  patron  tourneur  le  transforme 
en  colonnette  en  traçant  tout  autour  avec  ses  outils  les  anneaux  mar- 
f[ués  sur  le  i)lan,  le  tout  aux  pièces  d'après  la  convention ,  puis  cette 
colonnette  est  remise  au  canneleurqui  avec  sa  machine  d'abord,  à  la 
main  ensuite,  y  imprime  les  rainures  parallèles  que  nous  supposons 
rectilignes;  —  attenant  à  la  colonnette,  une  arcade  était  trop  longue  à 
scier  avec  la  main,  elle  est  confiée  au  découpeur  et  les  moulures  sont 
rapidement  achevées  à  la  toupie.  —  Ce  n'est  pas  tout,  si  le  rôle  des  ma- 
chines est  terminé,  voici  le  moment  du  sculpteur  en  bas-relief;  on  lui 
envoie  (si  la  maison  n'a  pas  son  atclicr'dc  sculpteurs  à  côté  de  l'atelier 
d'ébénistes,  et  c'est  le  cas  le  plus  fréquent),  la  colonnette  di'jà  tournée 
et  cannelée,  les  parties  voisines  découpées  et  moulurées;  il  trace  ou  fait 
tracer  par  ses  ouvriers,  payés  à  l'heure  pour  ces  ouvrages  de  haut  luxe, 
aux  pièces  pour  les  ouvrages  courants,  les  arabesques  ou  les  ornements 
fantaisistes  qui  lui  sont  indiqués.  Nous  n'avons  pas  parlé  du  scul[)tL'ur 
en  ronde-bosse,  de  l'imagier  qui  travaille  chez  lui,  seul,  gagnant  25  à 
.'{()  francs  |)ar  jour,  artiste  ouvrier  dont  les  mœurs  rappellent  celles 
dos  artistes  bourgeois,  ipii  niudèlc  en  glaise,  puis  exécute  sur  It;  l»ois 
les  tètes,  emblèmes,  et  autres  ornements  des  vantaux  ou  du  faite  du 
meuble. 

i"  Maintenant  toutes  les  pièces  éparpillées  au  faubourg   rentrent  ù 


ÉLÉMENTS   DIVERS    DE    LA   CONSTITUTION   SOCIALE.  93 

l'atelier.  L'ébéniste,  l'ouvrier  du  début,  procède  à  l'assemblage  des 
différentes  parties,  car  il  a  eu  le  temps  de  terminer  le  placage,  ou 
encore  le  contreplacage  des  parties  planes,  c'est-à-dire  qu'il  a  collé 
sur  celles-ci  une  ou  plusieurs  feuilles  de  noyer  enlevées  soit  à  la  scie, 
soit  au  couteau,  qui  ont  pour  effet  d'empêcher  le  bois  de  travailler  et 
les  jointures  de  se  séparer. 

5°  Puis  vient  le  tour  de  l'habillage  du  meuble  :  l'application  des 
sculptures  simplement  collées  qui  devraient  être  rares  dans  un  meuble 
de  haut  luxe. 

6°  Enfin  l'opération  de  la  teinture  du  bois  :  les  portions  du  meuble 
sont  plongées  dans  un  bain  de  brou  de  noix  étendu  d'eau  :  on  passe  le 
papier  de  verre  et  aussi  l'encaustique  (térébenthine  où  l'on  dissout  de 
la  cire  et  de  la  terre  de  Sienne).  On  réajuste,  et  le  meuble  peut  être  livré, 
ou  porté  chez  le  bronzier  qui  y  ajoute  soit  les  candélabres,  soit  les  sta- 
tues qui  doivent  le  surmonter.  C'est  un  buffet  de  salle  à  manger,  une 
armoire,  une  bibliothèque,  un  lit,  une  jardinière,  etc. 

b)  Jj'organisation  du  travail  proprement  dite ,  second  paragraphe 
de  cette  monographie  d'atelier,  peut  se  résumer  rapidement. 

Tous  les  ouvriers  de  l'atelier  sont  des  ouvriers  de  haut  luxe  ;  ils  se  dis- 
tinguent donc  par  deux  caractères  généraux.  D'abord  ils  travaillent  sur 
plan  (c'est  une  classification  capitale  du  faubourg,  celle  entre  ouvriers 
qui  savent  lire  les  plans  et  ouvriers  qui  ne  savent  pas  les  lire). 
De  plus,  ils  sont  capables  de  construire  n  importe  quel  meuble; 
ils  ne  se  sont  pas  spécialisés ,  comme  on  se  spécialise  dans  le 
meuble  courant  ou  le  meuble  de  trùle.  Cependant  quelques  ouvriers 
sont,  par  suite  de  dispositions  naturelles,  plus  particulièrement  chargés 
de  certains  ouvrages,  les  tables  par  exemple.  —  Les  sièges  sont  l'objet 
d'une  spécialité,  même  dans  la  zone  du  haut  luxe;  les  menuisiers  en 
fauteuils  ou  en  sièges  constituent  une  catégorie  à  part,  jadis  puissante 
à  Paris,  réduite  aujourd'hui  par  suite  de  diverses  causes  à  un  millier 
d'individus,  à  peu  près  tous  ouvriers  du  haut  luxe  ;  très  souvent  les 
maisons  de  premier  ordre  leur  réservent  un  atelier  spécial  :  ici  l'on 
s'adresse  à  un  façonnier  du  dehors. 

Mais  à  un  autre  point  de  vue,  les  ouvriers  de  cet  atelier  d'ébéniste- 
rie  se  divisent  en  deux  parties  :  le  noyau  et  les  supplémentaires.  Le 
noyau,  c'est  l'élite  toujours  occupée,  dans  laquelle  se  rencontrent  des 
hommes  engagés  depuis  dix,  douze  ans.  —  Dans  un  atelier  voisin,  la 
maison  Lemoine,  se  trouve  même  le  doyen  des  ébénistes  de  Paris,  le 


Oi  N"   7'(.   —    ÉBÉNISTE   PARISIEN    DE    IIALT    LUXE. 

père  Séguin,  âgé  de  92  ans  et  comptant  08  années  de  présence  auprès 
du  même  établi,  un  établi  de  forme  antique,  sur  lequel  sont  rangés  les 
outilsfamiliers  àrébénistedelapremièremoitiédusiècle  :  il  vient  encore 
gagner  de  temps  à  autre  ses  50  centimes  par  heure  en  construisant  les 
croix  de  bois  sur  lesquelles  Barbedienne  couche  un  Christ  de  bronze. 
—  Au  noyau  s'ajoutent  les  supplémentaires,  engagés  avec  soin  et  parmi 
les  ouvriers  de  choix  qui  suivent  les  maisons  de  haut  luxe,  Dasson, 
HfMix,  Zwiener,  Janselme,  etc.  Les  engagements  se  concluent  sans  bu- 
reau de  placement;  le  contre-maître  attire  ses  amis,  surtout  ses  com- 
patriotes; souvent  les  ouvriers  l'accompagnent  d'atelier  en  atelier.  Le 
noyau  est  ici  composé  actuellement  de  18  ébénistes  :  sur  ces  18  ou- 
vriers, 7  ou  8  Alsaciens;  on  connaît  la  proportion  considérable  des 
ébénistes  de  race  alsacienne  ou  étrangère;  le  contie-maîlre  est  égale- 
ment alsacien. 

Le  règlement  de  l'atelier  est  conçu  dn  la  manière  suivante  :  la 
journée  est  de  10  heures  de  travail  complet.  —  Kn  été  on  entre  à 
7  heures  du  malin;  1  heure  1/2  est  laissée  pour  le  déjeuner;  10  mi- 
nutes pour  le  «  coup  de  quatre  heures  »,  le  vin  traditionnel  des  ébé- 
nistes; on  sort  à  7  heures  du  soir.  —  En  hiver,  l'arrivée  est  à  7  h.  1/2; 
mais  le  môme  ordre  est  observé.  —  Chômage  complet  le  dimanche, 
travail  le  lundi. 
Reste  la  question  du  salaire.  Deux  modes  de  salaire  dans  l'atelier. 
Lorsqu'il  s'agit  d'ouvrages  de  haut  luxe,  rarement  exécutés,  dil'ti- 
ciles  à  évaluer  par  suite  de  l'imprévu,  les  ouvriers  sont  payés  à  l'heure, 
en  règle  générale  80  centimes,  par  exception,  85  centimes. 

Lorsqu'il  s'agit  d'ouvrages  évaluables,  surtout  ordinaires,  exécutés 
pour  le  magasin  ,  le  travail  est  fa'û  auk  pièces ,  d'après  le  tarif  de  la 
maison.  Ce  tarif,  particulier  à  chaque  atelier,  à  cause  des  pratiques, 
des  coutumes  spéciales,  est  établi  en  principe  sur  la  base  de  l'heure- 
étalon  fixée  pur  la  cl  iainl)rc  syndicale  ouvrière  à  80  centitnos;  mais  en  fait, 
il  est  facile  au  coiilrc-maitre  d'imposer  à  l'ouvrier  un  marché  dt-savan- 
tageux ,  et  de  le  lui  faire  signer  sur  son  livre;  les  pruilhoniuics  ne 
pourront  désormais  qu'appliquer  les  termes  d'une  convention  régu- 
lière et  parfaitement  prouvée.  Le  chef  de  la  maison  étudiée  paie  d'ail- 
leurs immédiatement  tout  ouvrier  qui  réclame  un  supplément  de  prix, 
sauf  à  le  renvoyer  après  payement. 

Le  |»ayement  du  salaire  a  lieu  toutes  les  quinzaines;  des  à-C()mi)tes 
peuvent  être  donnés.  (Chaque  quinzaine,  l'ouvrier  de  haut  luxe  devrait 
louclur  pour  \1  jours  à  H  francs  :  91)  francs,  l-^n  réalité  ou  lui  verse 


ÉLÉMENTS    DIVERS   DE   LA   CONSTITUTION   SOCIALE.  95 

seulement  81  francs  par  suite  d'une  combinaison  originale  qui  se  ré- 
pand dans  un  certain  nombre  d'ateliers.  Les  13  francs  ainsi  économisés 
chaque  quinzaine  forment  un  fonds  de  réserve,  remis  chaque  trimestre 
à  l'ouvrier,  le  fonds  de  l'épargne  du  loyer. 

Aucune  institution  de  patronage  d'ailleurs  :  pas  d'assurance  contre 
les  maladies,  pas  d'assurance  contre  les  accidents,  pas  de  caisse  de 
retraite  pour  la  vieillesse. 

Toutes  les  garanties  contre  les  infortunes  des  «  phases  exception- 
nelles de  l'existence  »  sont  inconnues  dans  le  métier  d'ébénisterie. 
Une  seule  institution  est  à  signaler,  celte  retenue  ou  épargne  en  vue 
du  payement  du  terme.  C'est  déjà  quelque  chose,  fcllle  indique  une 
préoccupation,  un  instinct  au  moins  vague  des  devoirs  du  pa- 
tronat (1). 

§  18. 

LE   MEUBLE   COURANT. 

Dans  cette  monographie  sur  l'ouvrier  ébéniste,  nous  n'avons  en- 
core eu  à  signaler  ni  l'action  du  grand  magasin ,  ni  celle  du  sweating 
System.  C'est  que  notre  intention  n'a  été  concentrée  jusqu'ici  que  sur 
la  première  zone  du  métier,  moins  importante  que  les  deux  autres, 
puisque  d'après  les  statisticiens  les  moins  mal  informés,  elle  réunit 
seulement  4.000  travailleurs  sur  IG.OOO  à  20.000. 

Il  faut  donc,  pour  être  complet,  ouvrir  quelques  aperçus  rapides 
sur  le  monde  d'à-cùté,  si  opposé  d'aspect  et  de  constitution. 

La  première  province  que  l'on  rencontre  dans  ce  voyage  à  vol 
d'oiseau,  est  celle  du  meuble  courant  ou  bourgeois.  Deux  traits  lui 
sont  particuliers  :  1°  l'importance  toute-puissante  du  marchand  ;  — 
2°  la  spécialisation  à  outrance  de  l'ouvrier. 

Le  marchand,  prenant  à  sa  charge  tous  les  risques  de  l'emmaga- 

(1)  Le  groupement  patronal  (car  ici  on  voit  poindre  la  lutte),  la  chambre  syndicale  des 
patrons  a  son  siège,  11 ,  rue  de  la  Cerisaie  (jadis  13)  ;  elle  comprend  160  membres  sur 
3.0()0  patrons. 

Les  groupements  ouvriers  sont  au  nombre  de  deux  (pour  les  (•Ix-nistcs).  D'abord  la 
chambre  syndicale  des  ouvriers  cbcnistes  et  du  meuble  sculpte  (nuance  (  olli-ctivisle)  a 
son  bureau  :Hi,  rue  de  Montreuil;  1.8')6  membres  sur  Ki.OOO  à  -20.000  ouvriers;  quadruple 
but  :  1"  la  défense  des  intérêts  ouvriers  par  les  déposilioiis  aux  cnf|uètcs,  renseignement 
professionnel,  elc.;  -2"  la  préparation  aux  élections  des  prudliommes;  .'J>  l'assistance  judi- 
ciaire des  ouvriers  plaidant  contre  leur  patron;  i"  les  grèves.  —  Ensuite  l'Union  syndi- 
cale du  meuble  scnl|>té  et  de  rèbonistcric  (nuance  anarchiste),  aujourd'hui,  70,  boule- 
vard de  Picpus.  Voir  :  Éhrnisles  du  faubour;/  Sainl-Antoinc  .  cl,  i>our  l't'nion  syndicale,  le 
Monde  cconomù/ue  du  30  mai  1891. 


96  N°   74.    —    ÉBÉNISTE   PARISIEN   DE   HAUT    LUXE. 

sinage  el  de  l'altenle,  maître  unique  de  la  commande,  devient  le 
suzerain  despotique  d'une  série  de  petits  ateliers  qui,  n'ayant  qu'un 
seul  débouciié,  sont  en  réalité  esclaves.  Grâce  à  cette  situation,  le 
marchand  finit  toujours,  au  moins  en  principe,  par  peser  sur  les 
cours;  et  on  aboutit  ainsi  à  ce  que  les  Anglais  ont  baptisé  du  nom  de 
siveating  system,  ou  système  de  la  sueur. 

Par  suite,  bien  que  quelques  petits  patrons  du  meuble  courant  ven- 
dent encore  directement  à  la  clientèle  des  classes  moyennes,  et  qu'il 
soit  encore  facile  de  découvrir  des  spécimens  du  façonnier,  de  l'ébé- 
niste travaillant  en  chambre  et  à  la  tâche  pour  le  compte  d'un  mar- 
chand fabricant,  le  tableau  en  raccourci  de  la  catégorie  entière  est 
donné  par  l'étude  d'im  «  grand  magasin  » ,  et  d'un  «  petit  atelier  »  lié 
à  ce  dernier  par  la  coutume  de  commandes  régulières. 

Un  çjrand  magasin.  —  Deux  classes  de  grands  magasins  :  le  grand 
magasin  de  vente  au  comptant  (système  Boucicaut),  le  grand  magasin 
de  vente  à  crédit  (système  Grespin).  Le  premier  est  bien  connu,  mais 
le  second  est  le  plus  curieux.  Voici  une  table-toilette  anglaise  qui  est 
marquée  18  francs.  Si  vous  la  payez  comptant,  un  escompte  de  3  % 
vous  est  consenti;  soit  un  rabais  à  17  fr.  45.  Si  vous  voulez  acheter  à 
crédit,  les  plus  grandes  faveurs  vous  sont  consenties  :  le  quart  est 
versé,  et  le  reste,  divisé  en  à-comptes  de  un  franc,  vous  sera  réclamé 
chaque  semaine  par  «  l'abonneur  »  ou  receveur  de  la  maison.  Les 
combinaisons  usuraires  sont  presque  fatalement  une  conséquence  de 
ce  contrat  d'imprévoyance. 

Un  petit  atelier.  —  Prenons  pour  exemple  nu  l'altricant  de  toilettes 
anglaises  du  faubourg. 

a)  Monographie  d'atelier  (le  patron,  1  ouvrier,  1  apprenti).—  Voici 
le  compte  du  bénéfice  de  la  fabrication  d'une  table-toilette  anglaise,  en 
acajou  ou  noyer,  de  70  centimètres  de  large. 

IIECBTTES. 

Une   lable-loilcUc  anglaise  do  70  centinièircs  :  la'.'JO  (liiiiimics  de   l'es- 
compte      l--î'«n 

l)i;l'KNSES. 

Bois  :  peuplier  el  clicne 'J'OO 

Acajou  ou  noyer  pour  placage '>  Tii 

Marbre 3  :>0 

Tournage -2  IHI 

(;iille,  vernis,  clous,  ferrures,  papier  de  verre I  .'»•'> 

TraNail  du  patrou  cl  *W  luppreiili,  (J  heures H  ij 

Ucnclice  rcsullanl  de  l'industrie •    ■ 

Total  comme  ci-dessus 13  80 


ÉLÉMENTS   DIVERS   DE   LA    CONSTITUTION   SOCIALE.  97 

Il  faut  mulliplier  ces  chiffres  par  600.  qui  est  le  nombre  de  ces  ta- 
bles-toiieltes  fabriquées  par  année  (les  toilettes-commodes,  tables  de 
nuit  chiffonniers,  etc.,  contenant  la  même  proportion  de  matière 
première  et  de  main-d'œuvre).  On  a  ainsi  : 

Matière  première..   O'-Vi  X  COO  =  5.730' 00 

Main-d'œuvre .    a'-i.-;  x  CGC  =  <.9.*i0'00 

Sur  CCS  600  toilettes,  300  sont  fabriquées  par  l'ouvrier,  à  raison  de 
1  par  journée  de  3  francs.  De  ce  chef  le  patron  fait  donc  un  gain 
supplémentaire  de  0^,23  X  300  =  73  fr. 

b)  Monographie  de  famille  (le  père,  la  mère,  cinq  enfants).  — 
Haute  moralité,  nationalité  belge  (pays  wallon). 

Recettes. 

Revenus  des  propricU's  (1) 36'70 

Allocation  des  sociétés  d'assurance  muluello 44  00 

Subventions' ...  » 

Salaire  du  père  (travail  d'ébéniste) 1  913  53 

—            (secrétariat  d'une  société  de  secours  mutuels) 100  00 

Bénéfices  des  industries 275  00 


Total  des  recettes 2.3G9  25 


DÉPENSES. 


473  00 

15  00 

54  60 

53  53 

214  03 

0  20 

19  23 

13  00 

14  00 

28  30 

52  00 

Nourriture 1 .428'30 

Logement 

Entretien  du  mobilier,  etc 

Chauffase 

Éclairage 

Vêtements  et  blancliissage 

Culte 

Achats  de  journaux 

Récréations  et  solennités 

Service  de  santé 

Dépenses  concernant  les  industries 

Assurances 

'  Total  des  dépenses 2.3G9  25 

Le  paiement  des  commandes  par  le  grand  bazar  ramène  le  sivea- 
ting  System.  Toujours,  à  la  réception,  des  difficullés  sont  soulevées  : 
des  rabais,  ou  des  laissés  pour  compte.  On  cède,  car  immédiatement 
la  place  serait  prise  par  les  concurrents  et  l'on  se  trouverait  sans  pain. 
Il  faut  subir  des  conditions  draconiennes:  le  prélèvement  d'un  escompte 
de  3  %  ;  la  suppression  de  tous  les  centimes  qui  dépassent  un  mul- 
tiple de  5  (99  par  exemple  réduits  à  93);  le  paiement  du  timbre  de 

(1)  Ici  nous  ne  tenons  compte  que  des  valeurs  en  argent. 


98  N"   74.    —    ÉBÉNISTE   l'ARlSlEN    DE    IIALT    LUXE. 

quillance.  Un  cautionnement  de  50  francs  est  dépose.  En  outre,  si  l'ate- 
lier avait  un  cachet  artistique  exceptionnel ,  et  s'il  y  avait  à  craindre 
une  certaine  indépendance,  on  le  lierait  par  un  traité. 

Voilà  comment  le  grand  magasin  arrive  à  acquérir  juste  au  prix 
de  revient ,  parfois  même  au-dessous. 


l  19. 

LE   MEUBLE   DE   TROLE. 

Tout  meuble  fabriqué  d'avance,  saus  savoir  à  qui  on  le  vendra,  est 
dit  meuble  de  trôle. 

Les  deux  traits  signalés  pour  le  meuble  courant  (§  18),  l'importance 
du  marchand,  et  la  spécialisation  du  fabricant,  se  retrouvent  avec  une 
intensité  au  moins  égale.  Mais  le  marchand  a  recours  à  des  procé- 
dés différents  :  par  des  manœuvres  habiles,  en  acculant  son  adversaire 
à  la  misère,  il  arrive  à  acquérir  le  meuble  au  prix  qu'il  lui  plaît  de 
fixer.  En  effet  l'alternative  de  l'ouvrier  est  la  suivante  :  céder  à  n'im- 
porte quel  prix,  ou  manquer  de  l'argent  nécessaire  pour  recommen- 
cer le  meuble  du  lendemain. 

La  trôle,  au  sens  général,  est  la  recherche  de  l'acheteur  qui  con- 
sentira à  accepter  le  meuble  fabriqué  d'avance. 

Elle  prend  deux  formes.  C'est,  d'un  cdié,- l'offre,  ou  la  promenade 
de  porte  en  porte ,  de  magasin  en  magasin ,  avec  l'armoire  à  glace, 
le  buffet  en  bois  blanc,  la  bibliothèque  en  bois  noirci,  etc.;  ou  encore 
l'avis  donné  au  marchand  par  l'entremise  du  porteur,  le  plus  souvent 
auvergnat.  C'est,  d'autre  part,  la  trôle  proprement  dite,  la  foire  du  sa- 
medi, sur  l'avenue  Ledru-Rollin,  que  tous  les  llàneurs  du  faubourg 
connaissent.  Ici  les  meubles  exposés  sur  les  petites  charrettes  ou  les 
tapissières  des  charabaniers  attendent  le  client. 

Prenons  pour  exemple  de  trôleur  un  ouvrier  piémontais  de  trente- 
neuf  ans.  H  est  marié  et  père  de  quatre  enfants.  !>a  spécialité  est  le 
buffet  sculpté. 

a)  Monographie  d'atelier.  —  L'ouvrier  travaille  seul.  Voici  le  compte 
des  bénéfices  d'un  bullel  Henri  IL 

llECKTTES. 

l  bulïcl  llemi  M,  haulitir -J'"..'.0;  laryeur  l"'.«io no'OO 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE    LA   CONSTITUTION    SOCIALE.  99 


DÉPENSES. 

Beis  noyer,  et  plaoasc  noyer  pour  tablettes  d'intérieur —  70'00 

Toupillage 14  00 

Découpage S  00 

Tournage 10  00 

Sculpture 15  00 

Ferrures  et  l'errenieuts t>  00 

Clous,  colle,  papier  de  verre 4  50 

Frais  de  transport «  00 

Travail  de  l'ouvrier  :  13  jours  à  12  heures,  à  3'10 40  50 

Bénéfice  résultant  de  l'industrie »    • 

Total  comme  ci-dessus 170  00 

En  multipliant  par  26,  nombre  annuel  des  buffets  fabriqués,  on  a, 
pour  l'année  : 

Matières  premières  et  transports  :  ilS'  50  X  26 3.367'  00 

Salaires  :  40'  50  X  26 1 .053  00 

Les  recettes  sont  complétées  par  des  bénéfices  exceptionnels  pro- 
venant de  ventes  particulièrement  avantageuses,  soit  18  000. 
b)  monographie  de  famille. 

Recettes. 

Revenus  des  propriétés  (  I  ) 5'7o 

Subventions •    » 

Salaire  du  père 1.047  50 

—       de  la  mère 2i>9  75 

BénéDces  de  l'industrie  du  père 180  00 

Total  des  recettes l  .533  00 

DÉPE.NSES. 

Nourriture 1.013'70 

Logement 21-2  00 

Entretien  du  mobilier 10  00 

Chauffage 72  80 

Éclairage 52  15 

Vêtements  et  blanchissage 337  30 

Achat  de  journaux,  livres 0  75 

Tabac  du  père 36  00 

Achat  d'outils 0  30 

Assurances  contre  l'incendie 12  oo 

Total  des  dépenses l . 753  oo 

C'est  donc  un  déficit  de  220  francs,  savoir  :  120  dus  aux  deux  proprié- 
taires, 25  au  boulanger,  25  aux  autres  fournisseurs,  et  50  au  Mont- 
de-Piété. 

(1)  Ici  nous  ne  tenons  compte  que  des  valeurs  eu  argent. 


100  N"    74.    —    ÉBÉNISTE   PARISIEN    DE    HAUT-LUXE. 

Ici  le  sweating  System  varie  de  forme.  Les  agents  des  Grands  Ma- 
gasins, les  commissionnaires  du  faubourg,  les  petits  marchands,  ont 
leurs  «  porteurs  »,  auvergnats  pour  la  plupart,  qui  sont  à  l'affût  dos 
troleurs  endettés.  Il  est  aisé  de  se  tigurer  les  manœuvres,  les  abus 
de  confiance  même,  du  porteur;  et  la  dépréciation  de  l'idée  de  va- 
leur, qui  se  produit  dans  le  cerveau  du  fabricant. 

A  la  foire  du  samedi,  les  marchands  s'unissent  en  syndicat,  se 
distribuent  les  meubles,  et  achètent  à  la  tombée  de  la  nuit. 

Un  nouveau  procédé  très  efficace  est  le  pi^èt  sur  meubles,  pratiqué 
en  grand  par  les  Magasins  Généraux  de  la  place  de  la  République, 
et  par  quelques  entreprises  privées,  notamment  les  Docks  de  l'A- 
meublement (rue  Crozatier  et  rue  de  Cîteaux). 

Partout  les  meubles  sont  achetés  au-dessous  du  prix  de  revient, 
et  continuellement  les  mêmes  hommes  rapportent  des  meubles  iden- 
tiques, au  même  prix,  parce  qu'ils  n'ont  payé  ni  le  marchand  de  vernis, 
ni  le  propriétaire,  ni  le  boulanger,  ni  le  boucher,  parce  que  l'Assis- 
tance publique  et  la  charité  privée  viennent  leur  permettre,  par  d'iné- 
puisables aumônes,  d'abaisser  encore  des  marchés  désavantageux. 
C'est  ainsi  que  des  meubles  sont  vendus  à  l'ilùtel  des  Ventes,  par  suite 
de  la  complaisance  de  certains  commissaires-priseurs,  aux  Magasins 
Généraux,  chez  Crespin,  Simon,  au  Bûcheron,  etc.,  etc. 

Nulle  part,  plus  que  dans  la  zone  de  la  trôle,  n'apparaissent  les 
effets  des  trois  crises  qui  se  superposent  aujourd'hui  dans  l'industrie 
de  l'ameublement  :  la  aise  commerciale,  c'est-ii-dire  la  suppression 
des  débouchés;  la  cme  industrielle,  c'est-à-dire  le  renversement  des 
rapports  entre  le  magasin  et  l'atelier  ;  et  la  cme  «oc/aZe ,  c'est-à-dire 
l'égoïsme  de  tous  manifesté  dans  la  «  lutte  pour  la  vie  ». 


LES  OUVRIERS  DES  DEUX  MONDES. 


DEUXIÈME   SÉRIE.   —  30^    FASCICULE. 


AVERTISSEMENT 

DE  LA  SOCIÉTÉ  D'ÉCOXOMIK  SOCIALE. 


L'Académie  des  sciences,  en  185G,  a  coiironué  le  premier  ou- 
vrage  de  science  sociale  publié  par  F.  Le  Play,  les  Ouvriers  eu- 
ropéens. Elle  a  en  même  temps  exprimé  le  désir  qu'une  pareille 
œuvre  fût  continuée.  La  Société  d'Économie  sociale,  fondée  aus- 
sitôt par  l'auteur  de  ce  livre  aujourd'hui  célèbre ,  lui  a  donné 
pour  suite  les  Ouvriei's  des  Deux  Mondes.  De  1857  à  1885,  la 
Société  a  publié  une  première  série  de  cinq  volumes  contenant 
quarante-six  monographies  de  familles  ouvrières. 

La  deuxième  série  des  Ouvriers  des  Deux  Mondes  a  commencé 
en  juillet  1885.  Le  premier  tome  de  cette  série  a  été  terminé 
en  juillet  1887;  le  deuxième,  à  la  fin  de  1889;  le  troisième,  au 
commencement  de  1892.  Ils  comprennent  les  descriptions  mé- 
thodiques de  trente-deux  familles  d'ouvriers ,  appartenant  à  la 
Bretagne,  la  Picardie,  le  Nivernais,  l'Ile-de-Franco,  la  Provence, 
la  Gascogne,  le  Dauphiné,  la  Normandie,  la  Marche,  l'Orléanais, 
le  Limousin,  la  Corse,  la  Grande-Russie,  la  Grande-Kabylie,  le 
Sahel,  le  Sahara  algérien,  la  Belgique,  la  Prusse  rhénane,  la 
Sicile,  la  campagne  de  Uome,  la  Capitîinnte,  l'Angleterre,  la 
Laponie,  l'Alsnce^  la  Hollande.  Le  présent  fascicule,  le  îJO"  de  la 
seconde  série,  est  le  troisième  du  tome  IV.  (Voir  au  verso  de  la 
couverture.) 

La  publication  se  poursuit  par  fascicules  trimestriels,  avec 
le  concours  de  la  maison  Firmin-Didot.  Un  tel  concours  lui  as- 
sure cette  perfection  que  nos  lecteurs  ont  su  apprécier  dans  une 
œuvre  typographique  particulièrement  délicate. 

Les  prochains  fascicules  contiendront  les  monographies  de  fa- 
mille d'un  Savetier  de  BAle,  d'un  Pécheur  de  l'archipel  Chusan 
(Chine),  d'un  Armurier  de  Liège,  d'un  Ouvrier  de  la  Papeterie 
coopérative  d'Angoulème,  d'un  Ai-doisier  d'.Xngers,   etc. 


LES  OUVRIERS  DES  DEUX  MONDES, 

PUBLIÉS    PAR    LA    SOCIÉTÉ    d'ÉCONOMIB    SOCIALE, 

RF,C()XNl!F,   D*IIT1I.ITR   PURI.iyUF. 


Deuxième  série.  —  30«  fascicule. 


MÉTAYER  DE  L'OUEST 

DU  TEXAS, 

(ÉTATS-UNIS  D'AMÉRIQUE) 

i;UI.TlVATIiUK    PHUPHlKïAlliE    ET    CHEF   n'iNDUSTKlE-ÏENANClER, 

DANS   LE    SYSTÈME   DES  ENGAGEMENTS  MOMENTANÉS, 

d'après 

LES   RENSEIGNEMENTS    RECUEILLIS   SUR    LES    LIEUX,    EN    AOUT    ET   SEPTEMBRE    1891, 

P  A  r. 

Claudio  Jannet, 

professeur  à  la  Faculté  libre  de  droit  de  Paris 


PARIS, 


LIBRAIRIE    DE    FIRMIN-DIDOT    ET   C 

IMPRIMEURS    DE    L'INSTITUT,    RUE    JACOB,    5(>. 

189:5. 

Uruit»  iu  traïUictiou  et,  ilu  rciiiroductiuii  réservés. 


N"  73. 

MÉTAYER  DE  L'OUEST 

DU  TEXAS, 

CULTIVATEUR-PROI'KIÉTAIRE    ET   CHEF   d'jNDUSTRIE-TENANCIER, 

DANS   LE   SYSTÈME   DES   ENGAGEMENTS  MOMENTANÉS, 
»  i'après 

LES    RENSEIGNEMENTS    RECUEILLIS   SUR    LES    LIEUX,    EN    AOUT    ET   SEPTEMBRE    1891, 

PAR 

Claudio  Jawet, 

Professeur  à  la  faculté  libre  de  droit  de  Paris. 

OBSERVATIONS  PRÉLIMINAIRES 

DÉFINISSANT   LA   CONDITION   DES    DIVERS   MEMBRES   DE   LA    FAMILLE. 


DÉFINITION    DU    LIEU,    DE   L'ORGANISATION   INDUSTRIELLE: 
ET    DE    LA    FAMILLE. 

§  1- 

ÉTAT  DU   SOL,  DE  l'iNDUSTRIE  ET    DE   LA  POPULATION. 

La  famille  qui  fait  l'objet  de  cette  étude  habite  momentanément  le 
domaine  d'Annadale,  dans  le  comté  de  Callahan  (Texas),  à  10  milles  (1) 
à  l'est  du  petit  toivn  de  Baird  (850  habitants)  (2),  chef-lieu  du 
comté,  et  à  193  milles  environ  de  Dallas,  dans  lamême  direction.  Dallas 
(37.806  habitants)  est  la  plus  grande  ville  du  Texas.  C'est  la  métropole 
de  ce  vaste  État  (688.342  kilomètres  carrés),  le  plus  grand  de  l'Union 
américaine.  La  superficie  du  Texas  est  en  effet  de  plus  d'un  cinquième 
supérieure  à  celle  de  la  France  entière.  II  est  traversé  de  l'Est  à  l'Ouest 
par  l'une  des  grandes  lignes  transcontinentales,  le  Texas  a?id  Pacific 

(1)   Le  mille  vaut  1.60f»'",:{l. 

{•2)  Les  cliiffres  de  poiiulalioii  iii(li(|ucs  dans  celle  monographie  sont  ceux  du  rcccii- 
semcnl  de  1890. 

8 


102  N"    75.    —   MÉTAYEK    DE    L  OUEST    DU    TEXAS. 

Railroad.  En  allant  à  l'Ouest,  à  environ  18  milles,  on  trouve  la  city 
(l'.Mjilène  (3.194  habitants),  chef-lieu  du  comté  de  Taylor,  qui  a  été 
fondée  il  y  a  huit  ans  et  qui  est,  au  point  de  vue  climatérique  et  éco- 
nomique, le  centre  de  la  région  où  se  trouve  le  domaine  d'Annadale. 
On  l'appelle  couramment  ÏAbilene  coujitry,  (juoicjue  ce  nom  ne  cor- 
responde à  aucune  division  administrative. 

L'Abilene  country  occupe  une  aire  d'environ  loO  milles  de  long  sur 
90  milles  de  large,  entre  les  31°  et  33o  1/2  de  latitude  Nord  et  99°  et 
100"  1/2  de  longitude  Ouest  du  méridien  de  Greenwich.  Son  altitude, 
qui  est  en  moyenne  de  1.800  pieds  (1)  au-dessus  du  niveau  de  la  mer, 
soit  348  mètres  environ,  atteint  2.000  pieds  (G09'"  environ)  à  Annadale. 
Cette  région  est  formée  de  plaines  ondulées,  coupées  par  de  petites 
dépressions,  dans  lesquelles  serpentent,  au  milieu  des  hautes  herbes, 
de  petits  cours  d'eau,  qui  se  dessèchent  pendant  l'été,  sauf  dans  quelques 
creux  de  terrain  [creeks)  où  des  sources  viennent  affleurer.  Il  s'y  forme 
des  étangs,  ayant  de  101)  à  300  pieds  de  long,  soit  30  à  90  mètres, 
sur  -40  à  30  pieds  de  large,  ou  12  à  13  mètres,  avec  une  profon- 
de 3  à  12  pieds  (0'",914  à  3"", 637).  Certaines  espèces  de  poissons,  des 
tortues  d'eau  douce,  la  grenouille  géante  [buUf'roy)  et  aussi  un  ser- 
pent très  venimeux,  appelé  mocassin  par  les  habitants  du  pays,  y 
abondent. 

Le  sol  appartient  exclusivement  à  la  formation  calcaire.  Au-dessous 
d'une  couche  épaisse  d'humus  noir  [loatn),  variant  de  2  à  6  pieds 
de  profondeur  (0'",G09  à  1™,828),  se  trouve  fréquemment  une  couche 
d'argile  imperméable,  qui  assure  à  la  végétation  l'humidité  néces- 
saire pendant  les  chaleurs  de  l'été,  pourvu  que  la  couche  superficielle 
soit  convenablement  cultivée.  Les  puits  qu'on  y  creuse  donnent  une 
eau  excellente,  à  des  profondeurs  variables,  mais  (jui  à  Annadale  ne 
dépassent  pas  15  pieds.  Les  roches  calcaires  qui  aftleurent  sur  les  co- 
teaux fournissent  des  matériaux  de  construction  de  premier  ordre. 

Le  pays  d'Abilène  est  un  steppe  ou,  comme  on  dit  en  Amérique,  une 
prairie,  ainsi  que  presque  tout  l'Ouest  du  Texas.  La  prairie  est  coupée 
cependant,  à  l'Est,  entre  la  petite  ville  Weather-Ford  et  Baird,  par  des 
collines  boisées  où  dominent  plusieurs  espèces  de  chêne  et  qui  courent 
du  Sud  au  Nord,  sorte  de  prolongement  du  plateau  mexicain  appelé 
crossed  timber.  Le  sol  sablonneux  de  ces  collines  est  très  favorable  à  la 
végétation  arborescente,  quoique  le  peu  d'humidité  du  sol  empêche  les 

(1)  l,c  pied  vaut  3(IV™"',8,  et  le  pouce  i'i»"",». 


OBSERVATIONS   PRÉLIMINAIRES.  i03 

arbres  d'y  prendre  un  grand  développement  :  de  là  le  nom  local  de 
brush,  broussailles,  donné  à  ces  forêts.  La  culture  y  est  très  précaire 
et  les  plus  pauvres  habitants  y  tentent  seuls  quelques  défrichements 
sur  lesquels  le  coton,  grâce  à  sa  racine  pivotante,  peut  donner  de  bonnes 
récoltes  dans  les  années  favorisées  par  des  pluies  suffisantes.  La  mise  en 
culture  des  prairies,  où  le  bois  est  fort  rare,  assurera  avec  le  temps 
une  valeur  à  ces  terrains,  comme  annexe  des  exploitations  rurales. 

Le  domaine  d'Annadale  est  à  2  milles  environ  de  ces  collines,  soit 
un  peu  plus  de  3  kilomètres.  11  est  en  pleine  région  de  prairie.  La  prairie 
est  caractérisée  par  l'abondance  et  la  variété  des  herbes,  des  graminées 
surtout,  au  milieu  desquelles  poussent  quelques  cactus  et  des  roseaux 
sur  les  bords  des  creeks.  Dans  cette  partie  du  pays,  cependant,  la 
prairie  est  parsemée  d'un  arbuste  appelé  le  ynesquite  {Mimosa  7iilolica), 
qui  s'élève  à  2  ou  4  mètres  au  plus  ;  son  feuillage  très  grêle  ne  nuit 
pas  à  la  pousse  de  l'herbe ,  et  le  bétail  est  avide  des  cosses  où 
sa  graine  est  renfermée.  Sur  les  bords  des  creeks,  on  trouve  l'ormeau, 
le  pécan,  les  saules  et  la  vigne  sauvage.  Çà  et  là  dans  la  prairie  s'élè- 
vent quelques  vieux  chênes  appartenant  à  une  espèce  dite  live  oak 
{Quercus  robur].  Ces  essences  ne  viennent  pas  facilement  dans  ce  ter- 
rain, et,  depuis  qu'au  lieu  d'être  pâturée  par  quelques  bisons  la 
prairie  l'est  par  des  bœufs  et  des  chevaux  nombreux ,  leurs  jeunes 
plants  sont  détruits.  Dans  quelques  années,  quand  les  31esquites  auront 
été  tous  coupés,  les  habitants  manqueront  de  bois.  La  grande  dou- 
ceur du  climat  fait  qu'ils  se  préoccupent  peu  de  cette  éventualité; 
mais,  dès  à  présent,  le  bois  de  construction  est  fort  cher. 

La  pression  atmosphérique  normale  est  égale  à  environ  28,2  pouces 
de  la  colonne  de  mercure  ou  741"", 67,  soit  une  pression  de 
1  kilog.  par  centimètre  carré.  Les  vents  du  Sud  sont  prédominants. 
Presque  jamais  l'atmosphère  n'est  absolument  calme,  ce  qui  em- 
pêche la  température  d'être  trop  élevée.  Les  insolations,  si  fréquentes 
dans  le  Nord  des  Etats-Unis,  sont  fort  rares.  Le  pays  est  d'une  salu- 
brité parfaite.  Les  fièvres  intermittentes  n'atteignent  que  les  individus 
qui  en  ont  rapporté  le  germe  de  la  partie  f]st  du  Texas  où  elles  sont 
endémiques. 

La  température  s'abaisse  rarement  au-dessous  de  20  degrés  Fahren- 
heit ou  6", 67  centigrades,  et  ne  s'élève  guère  au-dessus  de  100°,  ou 
37",78  centigrades.  En  hiver,  il  règne  parfois  pendant  dix  à  quinze 
jours  des  vents  du  Nord  iNorthers)  qui  sont  le  prolongement  des  BliZ' 
zards  qui   désolent  le   Nord-Ouest  des   États-Unis.  La  température 


104  N°    To.    —   MÉTAYER    DE   l'oLEST   DU    TEXAS. 

descend  alors  brusquement  jusqu'au  zéro  du  thermomètre  Fahrenheit; 
mais  c'est  très  momentané.  Ces  vents  sont  fort  pénibles  pour  les 
bestiaux.  L'hiver  commence  à  la  tin  de  novembre  et  finit  en  mars;  il 
est  caractérisé  surtout  par  des  pluies  et  un  ciel  nuageux.  Il  est  très 
rare  que  le  bord  des  étangs  soit  pris  par  la  glace. 

D'après  les  rapports  du  Signal- Service  des  Etats-Unis  pendant  la 
période  de  1880-1890,  la  quantité  de  pluie  a  été  en  moyenne  de 
29,20  pouces  ou  741™'°, 68  par  an.  Elle  est  suffisante ,  non  seulement 
pour  les  herbages,  mais  pour  les  cultures,  quand  elle  se  produit  régu- 
lièrement. En  188G  et  en  1887,  deux  grandes  sécheresses,  pendant  le 
printemps  et  l'été,  causèrent  de  véritables  désastres  agricoles.  Heu- 
reusement la  zone  des  pluies  s'étend  constamment  de  l'iilst  à  Ouest,  au 
fur  et  à  mesure  que  le  sol  est  en  partie  défriché.  Nous  constatons 
le  fait,  avec  tous  les  habitants  du  pays,  sans  prétendre  l'expliquer  : 
les  environs  de  Dallas,  à  200  milles  plus  à  l'Est,  qui,  il  y  a  vingt  ans, 
étaient  très  secs,  reçoivent  aujourd'hui  des  pluies  plutôt  trop  abon- 
dantes pour  la  réussite  du  colon. 

Malgré  ces  chances  de  sécheresse,  le  pays  d'Abilène  est  considéré 
comme  une  des  plus  riches  régions  agricoles  des  États-Unis.  Le  blé- 
froment  [wheat),  de  l'espèce  dite  mediterranean,  se  sème  en  octobre- 
novembre  et  se  récolte  en  juin  ;  il  produit  de  1.300  à  3.000  litres  par 
hectare  (15  à  3,5  bushels  par  acrej.  L'avoine  \oats]  se  sème  en  février- 
mars  et  se  récolte  en  juin;  elle  rend  de  3.500  à  5.700  litres  par  hectare 
(40  à  65  bushels  à  l'acre).  Le  maïs  {corn)  se  sème  en  mars  et  se 
récolte  en  septembre;  il  rend  de  2.700  à  5.400  litres  par  hectare  (30  à 
60  bushels  à  l'acre).  Le  coton  se  plante  en  avril-mai  et  se  recueille 
jusqu'à  la  fin  de  novembre;  il  peut  rendre  jusqu'à  une  balle  et  même 
une  balle  et  demie,  250  à  300  kilog.  par  hectare  (1/2  ou  2/3  de  balle  par 
acre).  Sur  la  terre  f|ui  a  porté  du  blé  ou  de  l'avoine,  on  fait  quelquefois 
un  semis  de  sorgho  que  l'on  utilise  en  novembre  comme  fourrage  artifi- 
ciel; on  peut  planter  aussi  des  patates  douces  qu'on  recueille  à  la 
même  époque.  Les  pommes  de  terre  de  printemps  se  conservent  ditfici- 
lement  pendant  les  chaleurs  de  l'été.  Aussi,  quoique  originaire  de  ce 
pays  où  on  la  trouve  dans  les  champs  en  abondance  à  l'état  sauvage, 
la  pomme  de  terre  est  loin  de  tenir  dans  l'alimentation  la  place  qu'elle 
occupe  en  Europe  et  dans  le  Nord  des  Etats-Unis.  Quehjues  plan- 
tations de  vigne  témoignent  par  leur  belle  réussite  de  l'avenir  de 
la   vilioullurc  dans  ce  pays. 

Les  rendements  qu'on  vient  d'indiquer  sont  obtenus  sans  fumure. 


OBSERVATIONS    PRÉLIMIiVAlRES.  iOo 

C'est  à  peine  si,  après  dix  récoltes  ininterrompues  de  blé,  une  diminu- 
tion de  rendement  se  produit.  Les  cultivateurs  avisés  recourent  alors 
aux  fumiers  de  leurs  écuries,  négligés  jusque-là,  ou  bien  labourent  un 
peu  plus  profondément;  mais  il  est  encore  plus  simple  pour  eux  de 
planter  du  coton.  Sa  racine  va  chercher  une  couche  d'humus  plus 
profonde,  et  les  cultures  multipliées  dont  il  est  l'objet  permettent  au 
sol  de  reconstituer  sa  fertilité  par  les  actions  atmosphériques. 

A  l'Ouest  d'Abilène  la  quantité  de  pluie  diminue  ;  la  prairie  n'est 
jusqu'à  présent  propre  qu'au  pâturage  :  c'est  le  pays  des  ranchs,  où  che- 
vaux, bœufs  et  moutons  sont  élevés  en  liberté  sur  de  vastes  parcours. 

C'est  à  100  milles  (161  kilomètres  environ)  à  l'Ouest  de  cette  ville 
que  se  trouvent  ces  grands  ranchs  de  bestiaux  et  de  chevaux  dont  la 
vie,  avec  ses  violences,  ses  meurtres,  ses  vols  d'animaux,  ses  vendettas, 
ses  guerres  privées,  est  devenue  légendaire  aux  États-Unis.  L'extrême 
Ouest  du  Texas  présente  sous  ce  rapport  un  contraste  avec  le  Nord- 
Ouest,  dû  à  la  manière  dont  s'est  formée  la  population  de  ce  pays 
et  au  voisinage  du  Mexique.  Mais  cet  état  de  choses  disparaît  au  fur 
et  à  mesure  que  les  populations  agricoles  s'établissent,  et  dans  les 
environs  d'Abilène  le  plus  grand  respect  de  la  loi  règne  parmi  les 
farmers  et  les  petits  ranchmen  qui  vivent  entremêlés. 

Il  y  a  douze  ans  seulement  que  quelques  défricheurs  ont  pénétré  dans 
le  comté  de  Callahan.  Aujourd'hui  il  est  complètement  occupé.  Le 
gouvernement  du  Texas  vient  de  vendre  les  dernières  terres  publiques 
qu'il  y  possédait  (1)  et  dont  le  produit  est  affecté  à  constituer  le 
school  fund.  Celles  qu'il  avait  concédées  au  Texas  and  Pacific  Jird., 
par  sections  alternées  avec  celles  de  l'Etat,  ont  été  toutes  vendues. 
Il  n'y  a  donc  plus  aujourd'hui  dans  ce  comté  de  terres  publiques 
sur  lesquelles  le  droit  de  préemption  de  l'occupant  [aettler)  puisse 
s'exercer. 

L'Etat  du  Texas  a  adopté  pour  ses  lerres  publiques  le  système  pra- 
tiqué aux  Etats-Unis.  Des  opérations  cadastrales  (survey)  partagent 
les  territoires  non  occupés  en  comtés,  en  townships,  en  sections  de 
640  acres  (256  hectares),  demi-sections  de  320  acres  (128  hectares)  et 
quarts  de  sections  de  160  acres  (64  hectares). 

Des  routes  de  différentes  largeurs  sont  réservées  entre  les  sec- 
tions à  des  distances  déterminées,  en  sorte  qu'elles  se   coupent  à 

(1)  La  république  du  Texas,  on  s'annexant  aux  Étals-Unis  on  18iT.  se  réserva  la  pro- 
priété de  SCS  lerres  publiques.  Celle-ci  appartient  au  gouvernement  léiiéral  dans  les  autres 
parties  de  l'Union. 


lOG  N°    75.    —   MÉTAYER    DE    l'oUEST    DU    TEXAS. 

angle  droit.  Le  voyageur  se  rend  ainsi  toujours  compte  d'une  ma- 
nière exacte  de  la  distance  qu'il  a  parcourue.  Des  bornes  en  pierre 
fixent  ces  limites.  Toutes  ces  sections  sont  orientées  et  représentent 
des  carrés  parfaits.  Les  ventes  faites,  soit  par  l'Etat,  soit  par  les  chemins 
de  fer  et  autres  entreprises  d'utilité  pulilique  subventionnées  au  moyen 
de  terres  domaniales,  sont  toujours  faites  en  se  référant  au  cadastre. 
Les  transactions  postérieures  qui  s'opèrent  entre  les  acquéreurs  suc- 
cessifs, quoique  amenant  souvent  la  division  d'une  section,  la  prennent 
toujours  pour  base. 

La  constitution  agricole  repose  donc  essentiellement  sur  le  domaine 
aggloméré.  A  la  différence  des  Canadiens,  qui  établissent  habituelle- 
ment leur  maison  sur  le  bord  de  leur  domaine,  les  Américains  la  cons- 
truisent de  préférence  au  centre.  Néanmoins,  cette  habitude  n'est  pas 
sans  exception  ;  et  la  famille,  objet  de  celte  monographie,  a  au  contraire 
placé  son  habitation  presque  sur  la  ligne  de  séparation  de  la  propriété 
voisine. 

Presque  toutes  les  propriétés  sont  clôturées  avec  des  fils  de  fer 
garnis  de  piquants  qu'on  appelle  ronces  artificielles.  Le  bois  est  trop 
rare  pour  qu'on  l'emploie  à  cet  usage. 

La  majeure  partie  du  territoire  est  encore  laissée  au  pâturage.  Le 
domaine  d'Annadale  par  exemple,  sur  une  étendue  de  1.840  acres  (730 
hectares)  en  a  seulement  200  (80  hectares)  en  culture,  quoique  le  reste 
soit  pour  la  plus  grande  partie  formé  de  terres  d'excellente  qualité. 
La  proportion  des  pâtures  s'élève  encore  davantage  sur  d'autres 
domaines.  Mais  ces  pâturages,  soigneusement  clôturés,  sont  occupés  par 
des  animaux  d'espèce  choisie,  et  surveillés  avec  grand  soin  par  le 
propriétaire  qui  leur  donne  du  fourrage  pendant  l'hiver.  Il  y  dresse 
des  chevaux  de  demi-sang  et  engraisse  des  bœufs  qui  ont  une  valeur 
bien  supérieure  aux  animaux  à  demi-sauvages  des  ranchs  proprement 
dits.  C'est  ce  qu'on  appelle  une  stock  farm.  Actuellement,  c'est  le 
mode  d'élevage  qui  paraît  le  plus  rémunérateur.  Le  temps  des  grands 
ranchs  est  passé,  au  moins  dans  cette  partie  des  P]tats-Unis. 

Le  CensusAQ  1890  indi(juc,  pour  le  comté  de  Callahan,  une  popula- 
tion totale  de  5.457  habitants.  Kn  1880  elle  était  seulement  de  3.453. 
Sauf  les  850  habitants  <le  Bainl,  cette  population  est  exclusivement 
agricole. 

A  Baird  on  ne  trouve,  avec  les  fonctionnaires  résidant  au  chef- 
lieu  du  comté,  que  quelques  marchands  et  saloonkcepers.  Un  com- 
merçant qui  a  un  petit  elevalor  sur  la  ligne  du  chemin  de  fer  y  achète 


OBSERVATIONS    rRÉLIMINAlRES.  107 

tous  les  produits  agricoles  qui  lui  sont  oflerts.  Il  agit  comme  commis- 
sionnaire pour  les  grands  commerçants  de  Saint-Louis  et  de  Dallas.  Une 
autre  petite  agglomération,  Clyde,  est  beaucoup  moins  importante  :  elle 
a  seulement  un  bureau  de  poste  et  une  station  de  chemin  de  fer  ;  elle  sert 
de  centre  de  réunion  aux  catholiques  dispersés  dans  le  comté.  Une 
petite  colonie  d'environ  quinze  familles  portugaises,  qui  était  allée  en 
Californie  et  n'y  avait  pas  réussi,  s'y  est  arrêtée  en  revenant  sur  ses  pas  ; 
quelques  familles  irlandaises  et  une  famille  canadienne  se  sont  établies 
dans  levoisinageparaffinité  religieuse.  Un  prêtre  résidant  à  Forthworth, 
à  loO  milles  de  distance,  vient  y  célébrer  la  messe  et  instruire  les  enfants 
une  fois  par  mois  (1).  Abilène  elle-même,  malgré  ses  espérances  d'avenir, 
malgré  la  spéculation  qui  s'est  produite  sur  ses  lofs  et  ses  vastes  boule- 
vards tracés  au  milieu  de  champs  où  s'ébattentdes  chiens  de  prairie,  Abi- 
lène ne  compte  qu'une  population  de  3.194  habitants,  composée  de  petits 
commerçants,  de  saloonkeepers,  de  real  estate  agents  (courtiers  en  ter- 
rains) et  complétée  par  quelques  médecins  et  lawyers.  L'industrie  n'y 
est  représentée  que  par  un  moulin  à  farine  qui  produit  sa  vapeur  avec 
du  bois;  dans  ces  conditions,  il  ne  travaille  que  d'une  manière  intermit- 
tente. Les  farmers  du  comté  de  Callahan  vendent  leur  blé  à  des  mar- 
chands de  Baird  et  leur  achètent  de  la  farine  que  ceux-ci  font  venir 
des  grandes  minoteries  de  Saint-Louis,  dans  le  Missouri,  à  une  dislance 
de  850  milles. 

La  population  du  comté  de  Callahan  se  compose   de  quatre  caté 
gories  d'habitants  : 

1"  Quelques  ranchmen  ou  plutôt  propriétaires-éleveurs,  selon  la  mé- 
thode indiquée  plus  haut,  qui  cherchent  à  élever  autant  d'animaux  que 
possible,  au  besoin  en  louant  des  pâtures  attenant  à  leur  propriété. 
Les  progrès  du  défrichement  tendent  peu  à  peu  à  les  éliminer,  d'autant 
plus  que  tous  sont  prêts  à  vendre  en  réalisant  la  plus-value  acquise  par 
leurs  terres. 

2°  Les  farmers  ou  cultivateurs,  qui  cherchent  à  étendre  chaque  jour 
leur  culture  sur  les  terres  dont  ils  disposent.  Le  minimum  d'étendue 
de  ces  domaines  est  un  quart  de  section,  160  acres  (64  hectares).  C'est 
l'étendue  qui  paraît  nécessaire,  étant  donné  le  climat,  pour  entretenir 
quelques  bestiaux  et  occuper  par  la  culture  l'activité  d'un  homme.  Les 
farmers  qui  ont  une  demi-section,  320  acres  (128  hectares),  une  sec- 

[\)  Le  C'ensus  de  18fH  attribue  à  celte  coiiKi'ésalion  de  (•atli()li(iucs  un  effectif  de  (i.">  mem- 
bres en  âge  de  communier.  Sa  cliai)elle,  (|ui  i)out  contenir  100  sièges,  est  évaluée  à  1.000 
dollars. 


108  N"    75.    —    MÉTAYER    DE    L'OUEST    DU    TEXAS. 

tion  entière,  640  acres  (256  hectares),  plusieurs  sections  même,  ne 
sont  pas  rares.  Des  degrés  de  richesse  assez  élevés  se  trouvent  dans 
cette  partie  de  la  population,  quoique  la  manière  de  vivre  soit  à  peu 
près  la  même  pour  toutes  les  familles.  Ils  forment  la  partie  la  plus 
nombreuse  et  en  même  temps  la  plus  solide  de  la  population.  C'est  à 
elle  qu'appartient  la  famille  objet  de  cette  monographie,  quoique  mo- 
mentanément, et  pour  réaliser  un  bénéfice  supérieur  à  celui  qu'elle 
tirerait  de  sa  propriété,  elle  cultive  comme  renier  (métayer)  la  farm 
d'un  propriétaire  voisin. 

3°  Le  nom  de  renier  désigne,  non  pas  un  fermier  à  rente  fixe,  —  il 
n'en  existe  pas  un  seul  dans  le  comté  ni  dans  les  comtés  voisins,  — 
mais  un  colon  partiaire.  Deux  sortes  de  contrat  sont  usités.  Quand  le 
propriétaire  fournit  la  semence,  le  matériel  d'exploitation,  les  chevaux 
et  l'habitation,  les  récoltes,  blé,  avoine,  maïs,  se  partagent  par  moitié, 
le  renier  fournissant  toute  la  main-d'œuvre;  la  batteuse  est  payée  par 
moitié,  les  loueurs  de  batteuse  prélevant  le  douzième  de  l'avoine  ou 
du  blé  battu;  mais  \q  renier  doit  payer  les  hommes  et  le  bois  nécessaire 
pour  faire  marcher  la  machine.  Le  coton  exigeant  beaucoup  plus  de 
main-d'œuvre,  le  propriétaire  n'a  dans  cette  combinaison  qu'un  tiers 
de  la  récolte.  —  Si,  au  contraire,  le  renier  fournit  la  semence,  le  ma- 
tériel d'exploitation  et  les  chevaux  de  labour,  le  propriétaire  n'a  droit 
qu'à  un  tiers  du  maïs  ou  de  l'avoine  et  à  un  quart  du  coton.  Cette 
combinaison  n'est  pas  usitée  pour  le  blé.  Si  une  quantité  de  terre  assez 
grande  pour  occuper  une  famille  est  louée  dans  ces  conditions,  le 
propriétaire  fournit  une  maison  fort  simple  et  sans  aucun  mobilier. 
Des  parcelles  de  quelques  acres  sont  cependant  assez  souvent  louées 
sans  maison,  à  colonat  partiaire,  à  de  petits  propriétaires  qui  vivent  sur 
leur  domaine,  mais  qui  n'ont  pas  de  terres  sulfisantes  ou  propres  à  la 
culture  du  coton  ou  du  maïs. 

Le  partage  des  récoltes  a  lieu  en  nature  pour  les  céréales,  après  le 
battage.  Pour  le  coton,  le  renier  le  porte  d'abord  au  moulin  {gin)  où  l'on 
sépare  la  graine  d'avec  la  soie;  puis  il  le  porte  au  marché  voisin  où  il 
est  classé  et  acheté,  suivant  sa  qualité,  au  prix  courant  déterminé  par  les 
marchés  régulateurs  de  la  Nouvelle-Orléans  et  de  Saint-Louis.  Le  renier 
remet  au  propriétaire  le  tiers  du  prix  obtenu  ainsi,  déduction  faite 
du  tiers  des  frais  de  transport.  Ces  contrats,  étant  réglés  par  l'usage 
l(jcal,  ne  sont  pas  habituellement  constatés  par  écrit.  Ils  n'en  sont  pas 
moins  exécutés  avec  une  grande  bonne  foi.  Kn  principe,  ils  ne  sont 
jamais  conclus  que  pour  une  année,  et  il  n'y  a  rien  dans  les  coutumes 


OBSERVATIONS   PRÉLIMINAIRES.  109 

du  pays  d'analogue  à  ce  qu'on  appelle  en  France  la  tacite  recondmtion. 
Le  rentage  d'une  terre  peut  se  prolonger  et  se  prolonge  quelquefois; 
mais  les  conditions  économiques  de  ce  pays,  en  voie  de  formation, 
font  de  la  mobilité  des  personnes  et  de  la  brièveté  des  engagements 
de  travail  une  nécessité  absolue.  L'époque  usuelle  d'entrée  en  jouis- 
sance des  renters  est  le  l*""  janvier,  qui  correspond  à  la  culture  du 
colon  :  c'est  en  efl'et  celle  en  vue  de  laquelle  les  contrats  de  métayage 
sont  le  plus  usuellement  pratiqués. 

Les  renters  sont  assez  nombreux  dans  le  comté  de  Gallahan.  Des 
cultivateurs  qui  n'ont  pas  de  matériel  d'exploitation,  trouvent  dans 
ce  contrat  le  moyen  de  se  constituer  des  capitaux  par  des  profits  de 
culture  dépassant  de  beaucoup  les  salaires  qu'ils  gagneraient  comme 
journaliers,  ou  les  produits  qu'ils  retireraient  de  l'exploitation  d'un 
petit  domaine  leur  appartenant  :  on  le  verra  parles  comptes  annexés  à 
la  présente  monographie.  Cette  classe  de  renters  tend  à  s'accroître, 
non  seulement  parce  qu'il  n'y  a  plus  comme  autrefois  de  terre  au  prix 
de  2  S  (1)  l'acre  (10^  36  les  40  ares),  ni  à'homestead  à  prendre  dans  ce 
comté  et  les  comtés  voisins;  mais  aussi  parce  que  des  cultivateurs  dé- 
pourvus de  capitaux  s'épuiseraient  de  travail  sans  résultats,  même  sur 
une  terre  leur  appartenant.  La  constitution  préalable  d'un  capital 
d'exploitation  d'environ  1 .000  S  (5. 180  francs),  et  son  application  à  une 
étendue  d'une  demi-section,  .'^20  acres  (128  hectares),  sont  les  condi- 
tions indispensables  de  succès  pour  une  famille  de  farmers.YXve  renier 
pendant  un  certain  temps  est  le  moyen  le  plus  sûr  pour  les  réaliser. 

4°  Un  nombre  encore  assez  considérable  d'individus  sont  des  ou- 
vriers domestiques  loués  au  mois,  ou  des  journaliers.  On  les  appelle 
hired  hands.  Le  supplément  de  main-d'œuvre  nécessité  à  l'époque  des 
moissons,  de  la  récolte  de  coton,  des  semailles,  leur  assure  des  occasions 
d'emploi  fréquentes.  Les  A/rec?/tan(^s  sont  généralement  des  jeunes  gens 
non  encore  mariés,  parfois  de  jeunes  ménages  qui  n'ont  pas  les  moyens 
nécessaires  pour  être  renters. 

La  main-d'œuvre  est  abondante  dans  le  comté,  et  les  propriétaires 
ou  les  renters  en  trouvent  facilement  :  une  sélection  légitime  s'opère 
parmi  les  ouvriers  ;  les  paresseux  sont  éliminés. 

Les  relations  entre  les  employeurs  et  les  hired  hands  sont  fort  bonnes. 
Les  hommes  loués  à  gages  travaillent  généralement  avec  régularité  et 
conscience.  Le  contrat  de  louage  d'ouvrage  comprend,  dans  les  idées 

1)  Le  dollar  vaut  ■;  fr.  18  c. 


110  N"    75.    —   MÉTAYER   DE    L'oUEST   DU   TEXAS. 

courantes,  l'obligation  de  prendre  au  mieux  les  intérêts  de  V employeur, 
et  il  est  exécuté  ainsi;  quelquefois  même  ce  sentiment  est  poussé  trop 
loin,  et  l'on  voit  dans  l'extrême  Ouest  du  Texas  lescowboys  prendre  les 
intérêts  de  leur  ranchman  iu^qua  se  battre  entre  eux,  parfois  même  à 
commettre  des  actions  délictueuses.  Il  n'est  heureusement  pas  ques- 
tion de  cela  dans  la  paisible  région  où  habite  F***. 

Le  prix  d'un  ouvrier  agricole  au  mois  est  de  15  à  20  S  (77'  70  à 
103*  GO),  plus  la  nourriture  :  on  peut  louer  un  couple  marié  pour  le 
même  prix,  la  femme  ne  s'occupant  que  des  soins  du  ménage.  Le 
prix  de  la  journée  est  de  1  S  (5^  18)  en  été,  de  50  à  75  cents  {^'  59  à 
3^89)  en  hiver.  Pour  un  charpentier  ou  un  maçon,  ces  prix  sont  ma- 
jorés de  50  %. 

Il  y  a  bien  peu  de  servantes,  hired  girls,  dans  le  pays.  Des  Irlan- 
daises, des  Allemandes  ou  des  Scandinaves  émigrées  acceptent  seules 
cette  condition  :  ce  sont  elles  qui  forment  le  personnel  des  dining 
girls  de  certains  restaurants  et  buffets  de  chemins  de  fer.  Une  cui- 
sinière, qui  ferait  en  même  temps  le  blanchissage  et  soignerait  les 
poules,  pourrait  être  louée  pour  10  à  12  S  (51 '80  à  62' 70)  par  mois. 

La  nourriture  est  comprise  dans  ce  prix.  Elle  est  toujours  prise  à 
la  table  de  l'employeur.  Un  propriétaire  d'origine  anglaise  qui  a  voulu 
se  soustraire  à  cet  usage,  est  très  mal  vu  dans  le  pays;  les  meilleurs 
ouvriers  refusent  de  travailler  pour  lui.  Ils  sont  au  contraire  fort  peu 
exigeants  sous  le  rapport  de  lanourriture,  pourvu  que  Y  employeur  n'en 
ait  pas  une  meilleure.  D'une  manière  générale,  la  population  rurale  du 
Texas  est  très  sobre  et  se  contente  de  peu,  comme  quantité  et  comme 
qualité. 

Les  ouvriers  domestiques,  les  journaliers,  possèdent  tous  au  moins 
un  cheval  et  une  selle,  qui  représentent  un  capital  de  7o  S  f388'50) 
environ.  Le  propriétaire  du  domaine  d'Annadale  a  en  ce  moment  à 
son  service  un  jeune  homme  de  vingt-cinq  ans  qui  possède  3  chevaux 
et  paie  d'ailleurs  leur  nourriture,  40  cents  (2'  07)  par  tête  et  par  mois, 
sur  sa  pâture.  La  possession  de  ce  cheval  est  pour  un  journalier  la 
condition  indispensable  pour  aller  chercher  de  l'ouvrage.  C'est  en  même 
temps  une  garantie  morale  pour  l'employeur.  On  prendrait  dillicilement 
un  individu  ne  possédant  même  pas  un  cheval.  On  craindrait  d'intro- 
duire chez  soi  un  vagabond  itranip). 

Les  tramps,  qui  voyagent  à  pied  ou  se  glissent  la  nuit  sur  les  wagons 
des  trains  de  marchandises,  et  qui  sont  la  plaie  de  beaucoup  de  cam- 
pagnes américaines,  sont  heureusement  presque  inconnus  dans  les  en- 


OBSERVATIONS    l'HKLlMINAlRES.  111 

virons  d'Annadale.  Ils  ne  s'éloignent  pas  autant  de  la  ligne  du  chemin 
de  fer. 

Les  Indiens  chasseurs  de  la  tribu  des  Comanches,  qui  occupaient 
ce  pays  depuis  un  temps  immémorial,  ont  complètement  disparu.  Il 
n'y  a  pas  un  seul  nègre  dans  les  campagnes.  Quelques  noirs  des  an- 
ciens États  du  Sud  vont  à  Baird  ou  à  Abilène  comme  servants  d'hùtel, 
barbiers  ou  autres  métiers  inférieurs,  mais  ils  n'y  amènent  pas  leur 
famille.  D'après  le  Census  de  1890,  il  n'y  avait  que  31  noirs  dans  le 
comté  de  Callahan  et  189  dans  celui  de  Taylor.  Cette  partie  du  Texas 
était  absolument  inexplorée  à  l'époque  de  l'esclavage,  et  la  race 
noire  tend  plutôt  à  se  concentrer  sur  son  ancien  domaine  qu'à  s'é- 
tendre. C'est  une  condition  heureuse  pour  le  pays;  car  la  pré- 
sence de  noirs  est  toujours  une  cause  de  démoralisation  pour  les 
blancs. 

Le  pays  est  assez  peuplé  pour  que  les  relations  de  voisinage  jouent 
un  grand  rôle  dans  la  vie  des  farmers.  Ils  les  recherchent  et  s'établis- 
sent de  préférence  à  proximité  les  uns  des  autres,  en  sorte  que  le  dé- 
frichement du  pays  se  fait  comme  par  zones.  Les  cultivateurs  voisins 
s'entr'aident  les  uns  les  autres,  à  l'époque  des  moissons  ou  des  cul- 
tures du  coton,  par  des  échanges  de  journées. 

L'argent  est  rare  :  beaucoup  de  transactions  sont  conclues  sous  la 
forme  de  trocs  en  nature.  Les  farmers  quelque  peu  riches  et  les  ranchmen 
ont  tous  un  compte  de  dépôts  dans  la  banque  nationale  de  Baird  ou 
dans  les  trois  banques  nationales  d' Abilène  ;  ils  règlent  leurs  transactions 
au  moyen  de  chèques  à  vue  ou,  en  cas  de  vente  à  crédit,  avec  des  billets 
portant  intérêt  {notes).  On  ne  garde  pas  d'argent  chez  soi.  Le  service 
de  caisse  rendu  par  les  banques  est  regardé  comme  si  importan  t 
qu'elles  n'allouent  pas  d'intérêts  aux  dépôts  à  vue  qui  leur  sont  faits. 
Elles  se  bornent,  pour  attirer  ces  dépôts,  à  faire  gratuitementles  recou- 
vrements pour  le  compte  de  leurs  clients  et  à  leur  faire  plus  ou  moins 
facilement,  àl'occasion,  des  avances  à  découvert  à  raison  de  12  %  l'an, 
intérêt  en  dedans  et  se  capitalisant  tous  les  quatre  mois  (1). 

(1)  D'après  les  loisduTexas  en  vigueur  lors  de  la  rédaction  de  la  inonograpliie  ,  le  taux 
légal  de  l'intérêt  était  de  8  ^,  et  le  taux  niaxinuim  au-delà  dutjuel  il  y  a  usure  est  1-2  %. 
Un  amendement  constitutionnel  voté  le  12  août  18!»t  a  abaissé  h  &  %  le  taux  légal,  et  à  10 
%  le  taux  maximum  ;  mais  il  a  eu  pour  tout  résultat  de  resserrei'  beaucoup  les  crédits  faits 
aux  agriculteurs,  et  les  ban(|ues  continuent  ;i  percevoir  le  taux  de  H  %  en  faisant  signer 
à  'emprunteur  des  notes  i)our  une  somme  supérieure  à  celle  qu'il  reçoit  réellement. 

Dans  tous  les  calculs  de  la  présente  moiiograpliie,  on  a  calculi^  l'intérêt  des  capitaux  au 
taux  de  8  %,<\\\\.  correspond  aux  faits  tels  qu'ils  se  sont  produits  pendant  la  i>ériode  où 
les  éléments  du  budget  ont  été  recueillis. 


112  N°   75.    —   MÉTAYER    DE   LOUEST   nU   TEXAS. 


l  2. 


ETAT    CIVIL    DE    LA    FAMILLE. 


La  famille  comprend  sept  personnes 


\.  W.  B.  F***,  chef  de  famille,  né  dans  le  Tennessee 32  ans. 

2.  L.  B***,  sa  femme ,  née  dans  la  Géorgie 30    — 

3.  Laiii\  F***,  leur  lilk-  aînée,  née  dans  le  comté  d'EUis  (Texas) 10    — 

i.  SuzY  F***,  leur  2"  fille,  née  dans  le  comté  de  Callahan 8    — 

5.  BoREitT  (Bon)  F***,  leur  fils  aine,  né  dans  le  comté  de  Callaliaii o    — 

6.  .loiiN  F»*',  leur  2«  fils 3    - 

7.  Hf.nhy  F*'*,  leur  3"  fils 1."i  mois. 

Les  époux  n'ont  pas  perdu  d'enfants. 

Leur  mariage  a  eu  lieu  en  1880  :  F***  avait  alors  vingt  et  un  ans 
et  sa  femme  dix-neuf.  Ce  sont  des  âges  normaux,  eu  égard  aux  habi- 
tudes du  pays  et  spécialement  de  la  classe  des  farmers. 

La  famille  se  trouve  fréquemment  complétée  par  la  mère  de  la  femme, 
mistressB***,  âgée  de  soixante-deux  ans.  Restée  veuve,  elle  partage  son 
temps  entre  ses  filles.  Outre  celle  qui  fait  l'objet  de  la  monographie, 
elle  a  une  autre  fille  mariée  dans  le  même  comté,  à  5  milles  de  dis- 
tance, et  une  troisième  fille  mariée  dans  le  comté  d'Ellis.  Pendant  ces 
séjours,  elle  prend  une  grande  part  aux  travaux  du  ménage  et  aux 
soins  des  enfants.  Elle  les  prolonge  quand  quelqu'une  de  ses  filles  se 
trouve  souffrante.  Ses  gendres  voient  de  bon  œil  sa  présence,  en  rai- 
son des  services  qu'elle  rend  à  leur  ménage  et  de  son  caractère  émi- 
nemment respectable. 

^  3. 

RELIGION    ET    HABITUDES    MORALES. 

Les  deux  époux  sont  protestants  et  ont  des  sentiments  chrétiens  très 
prononcés.  La  femme  ainsi  que  ses  parents  appartient  à  l'église  baptiste, 
(jui  est  fort  populaire  parmi  les  farmers  de  cette  région.  Les  éleveurs 
et  les  gens  plus  riches,  qui  descendent  de  Sudistes  ruinés  par  la  guerre 
de  la  Sécession,  appartiennent  généralement  à  l'Eglise  épiscopalienne. 

C'est  grâce  à  l'inlervcnlion  de  la  femme  que  les  membres  de  l'Eglise 
baptiste  ont  obtenu  du  propriétaire  d'.Xnnadale  l'autorisation,  —  accor- 
dée de  très  bonne  grâce  quoiqu'il  soit  catholique,  —  de  procéder  dans 
l'un  de   ses  étangs  au    baptême  par  immersion    des  adultes   qui  se 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  H3 

joignent  à  l'Église.  Une  cérémonie  de  ce  genre,  qui  a  eu  lieu  au  mois 
d'août  1891,  avait  attiré,  indépendamment  des  membres  de  l'Église,  de 
nombreux  curieux.  L'immersion  de  deux  adultes,  un  jeune  homme 
et  une  jeune  femme,  acconi/ilie  après  des  chants  et  des  prières^  célébrés 
sur  le  bord  de  l'étang  avec  une  grande  ferveur  et  beaucoup  d'émotion, 
parut  vivement  intéresser  les  assistants.  Même  pour  un  indifférent,  la 
simplicité  de  la  cérémonie  ne  laissait  pas  d'avoir  un  caractère  de 
grandeur.  A  cette  occasion,  la  famille  F***  a  invité  à  sa  table^  au  dîner 
et  au  souper,  les  principaux  voisins  présents. 

L'Eglise  baptiste  n'a  pas  dans  ce  comté  de  lieu  de  culte  lui  appar- 
tenant en  propre,  où  des  services  réguliers  soient  célébrés.  Elle  est  au- 
torisée seulement  à  se  servir  des  bâtiments  d'école,  en  se  concertant 
avec  les  autres  confessions  qui  en  demanderaient  l'usage  le  dimanche. 
Une  sorte  déroulement  s'établit  alors  entre  elles  pour  en  user  (1). 

Le  dimanche,  la  famille  se  borne  à  observer  le  repos  suivant  un  usage 
absolument  universel  en  Amérique,  et  qui  au  besoin  serait  sanctionné 
par  la  loi.  F***  fait  quelquefois  une  lecture  dans  la  Bible  et  la  femme 
chante  parfois  des  cantiques  avec  les  voisines  qui  sont  venues  la  visiter. 
Des  ministres  itinérants  viennent  de  temps  à  autre  visiter  la  commu- 
nauté baptiste,  dont  le  zèle  est  en  temps  ordinaire  entretenu  par  les 
elders  ou  notables. 

Des  ?/2ee^m^5  ont  alors  lieu  plusieurs  jours  de  suite  dans  les  maisons 
d'école.  Les  chants,  la  prédication,  les  prières  improvisées,  les  récits 
que  les  membres  de  l'Eglise,  hommes  et  femmes,  font  de  leurs 
expériences  religieuses,  alternent  et  occupent  plusieurs  heures. 
Outre  les  membres  de  l'Elglise,  beaucoup  de  farmers  du  voisinage 
accourent  à  ces  réunions  qui  ont  lieu  durant  les  nuits  d'été  et  qui 
sont  une  occasion  de  se  voir.  Rien  n'est  pittoresque,  par  un  beau 
clair  de  lune,  comme  les  chevaux  attachés  aux  barrières  voisines 
de  la  maison  d'école,  les  wagons  dans  lesquels  les  familles  sont  venues 
de  plusieurs  milles  à  la  ronde  et  où  dorment  sur  un  matelas  les  jeunes 
enfants  qu'elles  ont  amenés  pour  ne  pas  les  laisser  seuls,  les  chiens 
qui  ont  accompagné  leurs  maîtres,  les  poulains  qui  ont  suivi  leur  mère. 
Les  prédications  des  ministres,  surtout  les  témoignages  rendus  par  les 
membres  de  l'Eglise  de  leur  état  d'âme,  avec  une  grande  surexci- 
tation qui  se  traduit  souvent  par  des  pleurs  et  des  crises  nerveuses, dé- 
terminent généralement  chez  quelqu'un  des  assistants  la  persuasion 

(1)  Dans  le  town  de  Baird,  il  y  a  (rois  églises  propres  à  des  confessions  différentes. 


H4  N"   75.    —    MÉTAYER   DE   LOUEST   DU    TEXAS. 

que  l'Ksprit  opère  en  lui.  11  se  déclare  louché,  affirme  qu'il  veut  se 
convertir  et  va  s'asseoir  sur  le  banc  d'anxiété.  L'Eglise  redouble  de 
prières  pour  sa  conversion;  ses  amis,  ses  parents  lui  adressent  les  plus 
pressantes  exhortations,  et  généralement,  au  bout  d'une  ou  de  plusieurs 
séances,  le  pécheur,  touché  par  l'Esprit-Saint,  se  proclame  converti  et  se 
sent  lui-même  sanctifié.  On  le  félicite,  on  l'adjoint  à  l'Église  et  on  pro- 
cède assez  promptement  à  son  baptême. 

F***  a  été  précisément,  au  mois  d'août  1891,  le  héros  d'une  de  ces 
scènes.  11  fréquentait  depuis  longtemps  \es  meetings  de  l'Eglise  baptiste 
et  aussi  les  cawp-meetings  qui  ont  lieu  à  intervalles  irréguliers  dans 
le  voisinage.  Les  influences  du  milieu,  ses  sentiments  religieux  intimes, 
la  grande  honnêteté  de  sa  vie  devaient  un  jour  ou  l'autre  amener  ce 
dénouement. 

Il  mène  ses  filles  aînées  à  ces  meetings^  et  elles  ont  été  témoins  de 
la  conversion  de  leur  père.  Plus  tard  elles  seront  disposées  à  se 
joindre  à  l'Église  baptiste;  mais  c'est  seulement  quand  elles  seront 
adultes  qu'elles  feront  cette  démarche  et  recevront  le  baptême  par 
immersion.  Celte  confession  ne  le  donne,  en  effet,  pas  aux  enfants. 

Le  rôle  que  chaque  membre  de  l'Eglise  peut  jouer  dans  les  meetings, 
en  prenant  la  parole,  s'il  a  la  faculté  d'improvisation,  pour  prier  à 
haute  voix,  ou  pour  raconter  ses  impressions  intimes,  est  évidemment 
une  des  causes  qui  rendent  très  populaire  la  confession  baptiste  dans 
la  classe  des  farmers. 

Si  les  protracted  meetings  que  nous  venons  de  décrire  et  qui  sont 
tenus  dans  les  locaux  scolaires,  malgré  les  crises  nerveuses  qui  s'y 
produisent  parfois,  sont  vus  d'un  œil  favorable  par  toutes  les  per- 
sonnes qui  attachent  du  prix  au  maintien  des  sentiments  religieux, 
il  n'en  est  pas  de  même  des  camp-meetings  organisés  par  des 
prédicants  baptistes  ou  méthodistes.  Gomme  l'indique  leur  nom,  ils 
ont  lieu  dans  des  bois,  où  les  assistants  campent  pendant  plu- 
sieurs jours  dans  une  promiscuité  très  grande.  La  maiigerie  et  la 
beuverie  y  tiennent  une  grande  place.  Les  prédications  violentes 
des  ministres  déterminent  chez  les  femmes  des  crises  dhystérie.  Des 
hypocrites  se  glissent  dans  ces  réunions  auxquelles  la  curiosité 
attire  une  grande  foule,  cl,  la  nuit  ainsi  que  l'épaisseur  des  bois  aidant, 
de  graves  désordres  moraux  s'y  produisent. 

La  famille  F***  est  r(.Mn;ir(|ual)lc  par  sa  moralité,  par  le  dévouement 
du  ni.'iri  aux  si(,'ns,  par  les  vertus  doiuestiques  de  la  femme  et  par 
la  bonne  éducation  donnée  aux  enfants.  Les  parents  ne  craignent  pas 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  115 

de  donner  aux  plus  jeunes  quelques  légères  correclions  manuelles 
appropriées  à  leur  âge. 

Les  familles  de  farmers  sont  généralement  très  morales.  L'absence 
complète  de  maisons  de  prostitution  (une  seule  d'un  ordre  très  infime 
est  tolérée  à  Baird),  et  l'économie  qu'un  jeune  homme  réalise  en 
ayant  un  ménage  au  lieu  de  vivre  en  pension  font  du  mariage  la  grande 
ambition  de  toutjeune  Américain.  Recherchées  par  les  jeunes  gens  avec 
une  liberté  d'entretien  et  de  promenades  qui  est  générale  dans  toutes 
les  classes  de  la  société,  les  jeunes  filles  font  leur  choix  librement;  les 
jeunes  gens  paresseux  ou  mal  doués  sont  éliminés.  Les  parents,  au 
moins  dans  la  classe  des  farmers,  ne  se  désintéressent  pas  complète- 
ment du  mariage  de  leurs  filles.  Mais,  quand  celles-ci  ont  atteint  l'âge 
de  dix-huit  ans,  leur  consentement  n'est  pas  nécessaire  pour  l'obten- 
tion de  la  licence  ou  pièce  délivrée  par  le  recorder  du  comté  qui  auto- 
rise tout  ministre  d'un  culte  à  procéder  à  la  célébration  du  mariage.  Si 
les  parents  refusent  leur  consentement,  le  couple  n'en  obtient  pas 
moins  sa  licence  et  va  se  marier.  On  appelle  cela  dans  le  pays  :  to  steal 
a  (jirl.  Les  unions  de  ce  genre  ne  sont  pas  mal  vues  par  l'opinion. 

La  séduction  est  considérée  comme  un  délit,  et,  dans  sa  session  de 
1891,  la  législature  du  Texas  a  voté  une  loi  qui  amende  la  procédure 
en  pareille  matière,  de  manière  à  rendre  encore  plus  avantageuse  la 
position  juridique  de  la  filie  qui  actionne  en  justice  son  séducteur. 

Une  fois  mariées,  les  filles  sont  presque  toujours  des  femmes  très 
dévouées.  Elles  ont  pour  leur  personne  des  soins  de  propreté  et  une 
certaine  recherche  dans  leur  mise,  d'ailleurs  simple  et  de  bon  goût, 
qui  les  met  bien  au-dessus  des  paysannes  européennes  et  contribue 
évidemment  à  l'attachement  des  Américains  pour  leur  foyer.  Cette 
recherche  contraste  avec  l'état  inculte  des  hommes,  voire  avec  leur 
déguenillage. 

Néanmoins,  ce  tableau  n'est  pas  sans  quelques  ombres.  Les  libres 
fréquentations  des  jeunes  gens  et  des  jeunes  filles  à  la  campagne, 
durant  les  nuits  d'été,  dans  Xes,  camp-meetings  s\XT\.o\xi,  amènent  parfois 
des  désordres  que  le  mariage  ne  répare  pas  toujours.  Quoique,  par 
suite  de  CQv\d\n&s  précautions,  il  ne  s'ensuive  jamais  de  naissances  na- 
turelles, il  est  plus  d'une  épouse  qui  n'apporte  pas  sa  virginité  à  son 
mari,  soit  que  des  fraudes  aient  empêché  la  génération,  soit  même  que 
l'on  ait  eu  recours  à  des  manœuvres  abortives.  Quelques  pères  de 
famille,  plus  vigilants  que  la  généralité,  s'opposent  aux  libres  prome- 
nades de  leurs  filles;  et  ils  ont  leurs  raisons  pour  cela. 


H6  N°    75.    —    MÉTAYER    DK    LOUEST    DU    TEXAS. 

Il  y  a  aussi  un  certain  nombre  de  femmes  divorcées  dans  le  pays 
On  les  appelle,  par  courtoisie,  des  veuves  :  en  fait,  leur  considération 
est  quelque  peu  atteinte. 

Les  familles  de  farmers  sont  très  fécondes.  Dans  le  voisinage, 
plusieurs  farmers  ont  jusqu'à  dix-huit  et  vingt-quatre  enfants,  issus, 
il  est  vrai,  de  mariages  successifs.  Les  veufs,  dans  cette  classe,  con- 
volent avec  une  grande  rapidité.  Dans  les  familles  plus  riche-,  surtout 
parmi  les  habitants  des  petites  villes  de  la  contrée,  les  enfants  sont  au 
contraire  peu  nombreux  :  la  généralité  de  ce  fait  ttjmoigne  d'une  sté- 
rilité systématique. 

'  F***,  comme  tous  lea  farmers  du  pays,  attache  un  grand  prix  à  ce 
que  dès  à  présent  ses  deux  filles,  et  plus  tard  ses  garçons,  reçoivent 
de  l'instruction  dans  les  common  schools.  Elles  fréquentent,  pendant 
les  mois  d'hiver,  une  école  construite  en  bois,  distante  de  :2  milles  de 
la  miiison  (3'""218"',62).  Quelquefois  leur  père  leur  confie  une  petite 
voilure  légère  avec  un  vieux  cheval  très  sûr. 

En  septembre  1891,  F***,  proritant  de  l'aisance  qu'une  belle  récolte 
a  amenée  dans  son  ménage,  a  suivi  un  cours  de  douze  leçons  d'écriture 
qu'un  voisin  a  organisé  le  soir  dans  l'école  voisine.  Sa  fille  aînée  la 
suivi  en  même  temps  que  lui,  La  dépense  qu'il  a  volontiers  faite  pour 
cela,  —  le  prix  du  cours  était  de  2  .S  (10^  36)  par  élève,  —  indique 
le  grand  intérêt  que  F'**  atlache  à  l'instruction.  11  croit  que  c'est  [tar 
son  défaut  d'instruction  première  qu'il  n'occupe  pas  une  position 
plus  élevée  dans  la  société.  D.ms  ses  projets  d'avenir,  il  se  propose  de 
faire  donner  le  plus  d'instruction  possible  à  ses  lils  et  ne  craindra 
pas  de  s'imposer  des  dépenses  importantes  dans  ce  but. 

L'instruction  n'est  pas  obligatoire  dans  le  Texas;  mais  le  gouver- 
nement, soutenu  en  cela  par  l'opinion,  fait  les  plus  grands  efforts 
pour  la  propager.  Il  alï'ecte  à  ce  service  :  1°  le  produit  intégral  de  la 
vente  ou  de  la  location  des  terres  publiques  (§  1)  ;  2°  une  taxe  scolaire, 
Stale  scliool  lax,  de  12  1/2  cents  (0'  05)  par  100  dollars  (518  francs)  de 
valeur  assessée  sur  toutes  les  propriétés.  Le  montant  iV'^  appropria- 
tions faites  sur  le  school  fund  esl  monté,  en  1890-1891,  à  A  S  50 
(23'  31)  par  tète  d'enfant  fréquentant  l'école.  Grâce  à  cette  libé- 
ralité, beaucoup  de  comtés,  et  celui  de  Gallahan  est  du  nombre,  ont 
pu  se  dispenser  de  recourir  à  une  taxe  scolaire  spéciale  (i).  Il  serait 

(I)  Vitifil  cilONt'iis  pajaiit  des  laxcs  |iiMi\eiil  pruvoiiiuT  dans  le  comte  une  viiiatioii 
|K)|iulaii'e  sur  la  (jueslion  de  savoir  si  un(!  taxe  scolaire  sera  levée;  mais  eellc  taxe  ne 
pourrait  pas  dépasser  20  (0^8(1'  Oi  )  par  100  dollars    de  la  valeur  de  la  proi)ri(.4(i!  Icllo 


OBSERVATIONS    l'RÉLIMl.XAIRES.  117 

nécessaire  d'y  recourir,  si,  comme  le  demandent  les  fonctionnaires 
spéciaux  de  l'instruction  publique,  répondant  en  cela  aux  vœux  des 
pères  de  famille  peu  fortunés,  notamment  de  F***,  la  législature  por- 
tait à  huit  mois  le  temps  pendant  lequel  l'école  serait  ouverte,  au  lieu 
de  six  mois,  terme  actuel,  et  attribuait  gratuitement  à  tous  les  élèves 
les  livres  de  classe. 

D'après  l'organisation  actuelle,  le  territoire  des  comtés  est  partagé  en 
school  districts  Qi  en  school  comniunities,  là  où  la  population  est  moins 
dense.  C'est  à  ce  dernier  type  qu'appartient  le  comté  de  Callahan.  Les 
school communities  ào'weni  entretenir  une  école  tous  les  4  milles  carrés. 

En  1889-90,  il  existait  dans  le  comté  33  school  communities,  qui  entre- 
tenaient 29  écoles  dont  une  seule,  celle  de  Baïrd,  élail  graded  (1),  c'est- 
à-dire  partagée  en  plusieurs  classes.  En  moyenne,  elles  avaient  été 
ouvertes  4  mois  et  14  jours.  La  population  d'âge  scolaire  était  de 
1.158  enfants,  et,  eu  y  comprenant  les  enfants  au-dessus  et  au-dessous 
de  l'âge  légal  qui  avaient  voulu  suivre  l'école,  elle  montait  à  1.309  en- 
fants de  l'un  et  de  l'autre  sexe,  sur  lesquels  7:28  avaient  été  présents 
chaque  jour  en  moyenne. 

Jusqu'à  présent,  chaque  bureau  scolaire  choisissait  les  livres  de 
classe  pour  ses  écoles;  mais,  dans  la  session  de  1891,  la  législature  du 
Texas,  cédant  à  des  tendances  centralisatrices  et  bureaucratiques  qui 
se  font  jour  dans  beaucoup  d'Élats  de  l'Union,  a  voté  une  loi  aux 
termes  de  laquelle  le  State  board  of  Education  de  l'État  devra  arrêter 
une  liste  de  livres  scolaires  obligatoires  uniformément  dans  toutes  les 
écoles  publiques  de  l'État  et  passer  des  marchés  avec  des  éditeurs  pour 
qu'ils  soient  vendus  à  des  prix  fixes  dans  chaque  comté.  Les  électeurs 
de  chaque  school  community  nomment  un  board  of  trustées  composé  de 
trois  personnes  dont  les  fonctions  sont  jusqu'à  présent  gratuites.  Ces 
trustées  choisissent  librement  le  teacher,  pourvu  qu'il  remplisse  cer- 
taines conditions  et  produise  un  certificat  d'examen  prévu  par  la  loi. 
Les  enfants  des  deux  sexes  sont  élevés  en  commun;  ils  vont  depuis 
l'âge  de  sept  ans  dans  les  common  schools  et  peuvent  les  fréquenter 


qu'elle  a  été  Gxée  par  Yassessmenl  du  comté.  Dans  les  cités,  la  ta\e    peut  s'élever  à 
■Xi  cents  (l'30). 

(1)  Dans  les  écoles  gradées,  on  apprend,  outre  l'Iiistoire  des  États-Unis,  l'histoire  du 
Texas  dans  un  livre  fort  hien  fait  et  qui  est  rédigé  de  manière  à  dévclo[)per  l'amour  de 
l'État  natal  et  de  ses  loisj)arli(uliércs.  sanspréjudicler  en  rien  à  la  loyauté  pour  l'inion  el 
au  sentiment  nalional.  Le  Texas,  à  cause  de  son  développement  historique  particulier 
et  de  sa  vaste  étendue,  est  un  des  États  de  l'Union  ou  ces  sentiments  d'autonomie  su- 
bordonnée et  d'attaclienieut  à  l'État  natal  sont  peut-être  le  plus  heureusement  conserves. 

9 


118  n"   75.    —   MÉTAYER   DE   l'OUEST    DU   TEXAS. 

jusqu'à,  seize.  Tout  enseignement  confessionnel,  sectarian,  est  exclu 
des  common  schoots,  et  la  constitution  du  Texas  défend  à  la  législa- 
ture de  subventionner  aucune  école  ayant  le  caractère  confessionnel  ; 
néanmoins  on  chante  des  hymnes  religieux  et  on  fait  des  lectures  de 
la  Bible  dans  l'école  que  fréquentent  les  filles  de  F***.  Le  dimanche,  des 
personnes  zélées  appartenant  aux  diverses  confessions  réunissent  les 
enfants  dans  le  local  de  l'école  pour  leur  donner  un  enseignement  re- 
ligieux. En  ce  qui  touche  les  catholiques,  toutes  les  fois  que  le  prêtre 
vient  (lire  la  messe  à  Glyde,  il  remplit  ce  devoir  avec  grand  zèle  dans 
l'après-midi. 

Le  teacher  de  l'école  publique  est  un  jeune  homme  du  Missouri  : 
son  salaire  est  de  54  S  (23340)  par  mois  pendant  les  mois  où 
recelé  est  effectivement  ouverte  (1).  Il  a  à  se  pourvoir  d'un  logement. 
Une  fois  le  temps  d'école  fini,  il  se  livre  à  la  profession  agricole; 
il  loue  une  terre  pour  faire  du  coton. 

Le  maître  d'école  a,  au  mois  de  septembre,  résigné  ses  fonctions  pour 
s'établir  définitivement  dans  le  pays  comme  agriculteur.  Il  a  obtenu 
d'être  remplacé  par  sa  sœur. 

Les  livres  de  classe  changent  chaque  année,  les  enfants  passant  d'un 
degré  à  un  autre  :  la  plus  jeune  fille  hérite  des  livres  de  son  aînée.  La 
dépense  des  livres  et  fournitures  de  classe  s'élève  pour  la  famille  à  en- 
viron 3  S  (15^54)  par  an. 

Il  y  a  encore  au  Texas  un  certain  nombre  de  blancs  absolument  illet- 
trés;maisles  grandsefforts  faits  parlegouvernementderÉlatetles com- 
tés, qui  en  1888-89  n'ont  pas  dépensé  moins  de  3.3o0.000S  (17 .353.000  fr.) 
pour  l'instruction  publique,  et  surtout  le  courant  très  vif  de  l'opinion 
publique,  feront  dans  le  cours  d'une  génération  cesser  cet  état  de  choses 
regrettable.  F***et  sa  femme,  qui,  on  l'a  vu,  sont  nés  l'un  en  Tennessee, 
l'autre  en  Géorgie,  savent  lire  et  écrire;  mais  ils  usent  rarement  de 
ces  talents.  F***  ne  reçoit  pas  de  journaux  et  ne  lit  presque  jamais. 
La  correspondance  de  la  famille  ne  dépasse  pas  cinq  lettres  par  an; 
mais  F***  sait  à  l'occasion  faire  un  compte  comportant  les  opéra- 
tions élémentaires  de  l'arithmétique. 

F***  connaît  fort  bien  le  mécanisme  du  gouvernement  local  et  s'y 
intéresse  avec  sagacité.  Le  comté  est  administré  sagement  et  honnê- 

(I)  A  Abilt-ne,  le  principal  des  écoles  a  12^i  S  ((î87'S0)  de  trailemciil  annuel  cl  le  terme 
cslde  dix  mois;  les  <^coles sont  gradre.i,  c'est-à-dire  partagées  en  classes.  I.cs  classes  sont 
faites  prcsi|ue  e\clusivcnicnt  [>ar  des  jeunes  lillcs  appartenant;»  des  familles  aisées (|ui  y 
clierclicnt  une  ceilainc  remuncralion  cl  surtout  l'emploi  de  leur  temps. 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  H9 

tement.  Il  avait  en  1880  une  dette  de  9.300  dollars;  en  1890,  elle  était 
réduite  à  8.000  dollars.  F***  s'est  engagé  dans  la  Farmer's  Alliance. 
C'est  une  organisation  qui  a  pour  objet  de  défendre  les  soi-disant  in- 
térêts économiques  particuliers  des  farmers.  Elle  a  pris  la  forme  d'une 
société  secrète,  suivant  une  habitude  fréquente  aux  États-Unis.  Cette 
circonstance  ajoute  à  l'intérêt  que  F***  prend  aux  réunions  de  la  loge 
dont  il  fait  partie  (§  18). 

HYGIÈNE   ET    SERVICE   DE    SANTÉ. 

Le  climat  est  extrêmement  salubre  ;  la  seule  affection  morbide  parti- 
culière au  pays  produit  des  furoncles  qui  tendent  à  se  répéter  d'une  ma- 
nière pénible.  L'eau  des  puits  qu'on  creuse  dans  le  domaine  d'Annadale 
et  aux  environs  est  excellente.  Depuis  que  les  époux  F***  sont  établis 
dans  cette  localité,  ils  jouissent  d'une  santé  parfaite.  F***  a  environ 
1™77;  il  est  maigre  et  élancé;  les  ïexiens  natifs  sont  généralement 
plus  grands.  Sa  femme  a  environ  l'"6o  et  est  bien  proportionnée.  Les 
deux  époux  ont  des  cheveux  châtains;  les  enfants,  dans  les  premières 
années,  ont  les  cheveux  blond  chanvre;  ils  brunissent  ensuite  un  peu. 
Le  type  blond  est  très  répandu  dans  cette  partie  du  Texas.  F***  a  eu  au- 
trefois les  fièvres,  quand  il  habitait,  plus  à  l'Est,  le  comté  d'Ellis;  il  n'en 
a  conservé  aucune  infirmité;  mais  il  paraît  âgé  de  quelques  années  de 
plus  qu'il  ne  l'est  réellement. 

Sa  femme  se  porte  fort  bien.  Quand  elle  accouche,  elle  recourt  à  l'as- 
sistance d'une  sage-femme  qui  habite  dans  le  voisinage. 

Tous  les  membres  de  la  famille  ont  eu  récemment  la  rougeole  ;  ils  ont 
gardé  le  lit  pendant  dix  jours.  Ils  n'ont  pas  fait  appeler  le  médecin,  qui 
ne  serait  pas  venu  les  voir  à  moins  de  o  S  (25^90).  Les  médecins  sont 
nombreux  à  Baird  et  à  Abilène;  le  prix  de  la  consultation  chez  eux  est 
de  1  dollar  (o'i8);  mais  les  époux  n'y  recourent  jamais. 

Les  enfants  vont  nu-pieds,  été  et  hiver,  jusqu'à  treize  ou  quatorze  ans. 
Cette  habitude,  qui  est  générale  dans  les  campagnes  du  Texas  et  qu'on 
retrouve  même  chez  des  familles  riches,  paraît  exercer  une  influence 
fortifiante  sur  la  santé  des  enfants. 

F***  ne  recourt  jamais  aux  vétérinaires  et  n'emploie  aucune  drogue 
pour  ses  animaux,  si  ce  n'est  un  onguent  pour  faire  périr  les  vers  qui 
se  développent  parfois  dans  les  plaies  des  vaches  ou  des  chevaux. 


120  K°    75.    —   MÉTAYER    DE   l'oUEST   DU   TEXAS. 


RANG   DE    LA    FAMILLE. 

F***  appartient  àlaclasse  des  petits /ar/wers;  il  ne  possède  qu'un  quart 
de  section,  160  acres  (64  hectares).  Il  a  trouvé  avantage  à  louer  sa  terre 
en  colonat  partiaire,  pour  être  lui-même  ren/er  sur  une  farm  beaucoup 
plus  vaste  et  mieux  outillée  (§  12).  Il  a  réalisé  d'importants  bénéfices, 
et,  à  l'expiration  de  l'année,  il  a  repris  la  culture  de  sa  propre  farm 
avec  des  ressources  plus  considérables. 

Entre  temps,  il  a,  disons-nous,  loué  la  majeure  partie  des  terres  en 
culture  de  sa.  farm  pour  un  an  à  un  nommé  G***,  son  ami,  qui  ne  possède 
pas  de  terre,  mais  a  un  assez  bon  matériel  d'exploitation,  et  qui  s'est  ins- 
tallé dans  la  maison  de  F***,  Suivant  les  usages  propres  à  ce  genre  de 
colonat.  G***  cultive  40  acres  (16  hectares)  en  colon,  moyennant  le 
quart  abandonné  à  F***,  et  10  acres  (21  hectares)  en  maïs,  moyennant  le 
tiers  abandonné  à  F***;  il  a  fourni  la  semence  et  y  emploie  son  capital 
d'exploitation  (§  1). 

Pendant  ce  temps,  F***  garde  en  réserve  son  matériel  agricole  ou  l'em- 
ploie pour  une  petite  exploitation  personnelle  de  culture  de  coton  sur 
sa  farm. 

D'après  le  contrat  intervenu  entre  lui  et  le  propriétaire  du  domaine 
d'Annadale,  contrat  qui,  par  exception,  a  été  constaté  par  un  écrit  sous 
seing  privé,  à  cause  de  quelques  clauses  particulières,  F***  a  dû  culti- 
ver, à  la  condition  de  partager  la  récolte  par  moitié,  120  acres  (48  hec- 
tares) en  blé  froment,  50  acres  (20  hectares)  en  avoine,  et  10  acres 
(4  hectares)  en  mais.  Le  propriétaire  a  fourni  les  chevaux,  tout  le 
matériel  d'exploitation  et  la  semence,  F***  fournissant  seulement  son 
travail.  Il  a  obtenu  en  outre,  en  dehors  des  usages  locaux,  le  droit 
de  faire  pâturer  sur  les  pâturages  du  propriétaire  ses  chevaux  et  sa 
vache,  ce  qui  constitue  pour  lui  une  subvention  importante. 

Le  genre  de  vie  de  la  famille  F***  est  celui  de  tous  les  peiils  far 7iïe7's. 
Elle  s'élève  au  milieu  d'eux,  seulement  par  la  considération  justement 
acquise  aux  époux,  en  raison  de  leur  honnêteté,  de  leurs  habitudes  la- 
borieuses, des  bons  rapports  qu'ils  entretiennent  avec  tout  liMir  voisi- 
nage. 

L'habileté  de  F***  comme  cullivatour,  les  talents  de  sa  femme  comme 
ménagère,  leur  permettront  d'augmenterleurs  propriétés  ;  maisleur  ins- 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  121 

truction  bornée  lesempêchera  d'être  jamais  autre  chose  que  des  farmers. 

La  liberté  la  plus  absolue  de  tester  et  de  disposer  de  ses  biens  par 
donation  entre  vifs  est  reconnue  par  les  lois  du  Texas  au  père  de  fa- 
mille. A  défaut  de  testament,  les  biens  meubles  et  immeubles  se  parta- 
gent par  égales  parts  entre  les  enfants,  sans  distinction  de  sexe.  En  fait, 
les  pères  de  famille  qui  ont  des  terres  étendues  en  abandonnent  à  leurs 
fils  certaines  parties  pour  les  établir.  Quant  à  leurs  filles,  ils  leur  font 
en  les  mariant  des  cadeaux  mobiliers,  ou  leur  donnent  même  une  dot 
proportionnée  à  leur  fortune,  mais  généralement  inférieure  à  la  part  de 
leurs  fils.  Dans  les  familles  pauvres,  et  c'était  le  cas  de  la  femme  de  F***, 
elles  ne  reçoivent  à  peu  près  rien. 

Les  pères  de  famille  n'hésitent  pas  à  démembrer  leurs  domaines  pour 
établir  leurs  enfants  autour  d'eux,  et  c'est,  avec  le  flot  continu  d'immi- 
grants venant  de  l'Est,  le  moyen  par  lequel  le  comté  de  Callahan  se 
peuple  rapidement.  Toutefois,  grâce  à  un  intelligent  usage  du  testament, 
les  domaines  ne  se  morcellent  pas  au-dessous  du  point  où  ils  ne  four- 
niraient plus  un  emploi  suffisant  à  l'activité  d'une  famille  et  où  une  juste 
proportion  entre  la  pâture  et  la  culture,  selon  les  conditions  climatéri- 
ques  du  pays,  serait  rompue.  En  fait,  il  n'y  a  pas  dans  le  comté  de  farm 
inférieure  à  un  quartde  section,  160  acres  (64  hectares).  Dans  le  Texas, 
comme  dans  tous  les  Étals  voisins  qui  sont  au  même  degré  d'avance- 
ment économique,  on  établit  la  valeur  de  la  terre  en  multipliant  par 
10  le  revenu  net  que  l'on  en  pourrait  obtenir,  année  moyenne ,  en  la 
louant  à  un  renier.  Dans  ces  conditions,  celui  des  héritiers  qui  se 
charge  d'un  domaine  moyennant  des  soultes  à  payer  à  ses  cohéritiers, 
au  taux  légal  de  8  ^  (aujourd'hui  de  6  %),  peut  toujours  facilement 
s'acquitter  de  ces  charges. 

La  famille  F***,  étant  très  laborieuse  et  constituant  régulièrement  des 
épargnes,  ne  se  préoccupe  pas  du  bénéfice  qu'elle  pourrait  éventuelle- 
ment tirer  des  fiomestead  exemption  laivs.  Mais  cette  garantie  est  très 
appréciée  par  d'autres  familles  de  même  condition,  moins  laborieuses  ou 
moins  favorisées  par  les  circonstances  (§  19). 


122  N"    7o.    —    MÉTAYKR    I»E   LOUEST    DU    TEXAS. 


MOYENS  D'EXISTENCE  DE  LA  FAMILLE. 

§   •!• 

PROPRIÉTÉS. 

(M(il)ilier  et  vêtoniciils  non  compris.) 

Immeubles  :  formant  un  quart  de  section,  soit  16(3  acres  (04  hectares), 
sis  à  2  milles  (3.218™)  à  l'ouest  du  domaine  d'Annadale  sur  lequel 
réside  momentanément  la  famille 2.400  S  (I2.'t32'00). 

r  Habitation.  —  Maison  en  hois  comproiiant  <1eu\  pitMCS,  7.'i  S  (388' 50);  —  i-lablcs  ot 
«renier,  50  s  ("2:i!»'00).  —  Total,  12?i  S  (G47'50). 

Immeubles  ruraux,  — (iO  acres  (24  lieclares)  de  terres  défrichées,  1.-250  $  ((i.'é"5'00)  ;  -  100 
acres  en  pAlure,  800  $  (4.144'00)  ;  —  clôtures  en  lil  de  fer  avec  pointes  re|>osant  sur  des  pi- 
quets de  cliène.  -2-2.'i  S  (1.1G.j'50).  —  Total,  2.275  $  (11.784'50). 

Argent  :  la  famille  n'a  pas  de  compte  en  banque  et  son  fonds  de 
roulement  ne  dépasse  pas 22  S  (113'9G). 

Animaux  domestiques  entretenus  toute  l'année. . .     345  S  (1.787'  10). 

1  paire  de  poulinières,  120  S  (6-21'(iO);  —  1  poulinière  forte,  100  $(518'00);  —  1  paire  de 
jeunes  mules  de  is  mois,  100  s  (5I8'00);  —  1  vache  laitière,  15  $  (77'70)-,  —  20  poules  à  î>0 
cents  (2'.'i!>),  10  $  (51'80).  -  Total,  345  S  (1.787' 10.) 

Matériel  spéc^ial  des  travaux  et  industries î)l  S,  55  (474^23). 

1"  Pour  l'exploitation  du  do)naine  propre  de  la  famille  (actuellement  réserve  à  des  en- 
treprises spéciales).  —  1  waKon  monté  sur  4  roues,  30  $  (15,5' 40);  —  1  charrue,  30  S 
( 55' 40);  —  harnais,  en  très  mauvais  état,  2  S(10'3G);  — 1  petite  voiture  à  2  roues  (jardi- 
nière), 15  S  (77'7o);  —  1  houe,  75  cents  (3' 8!»)  ;  —  1  hache,  75  cents  (.3' 88).  —  Total,  7«  $,  50 
(400' 03). 

â"  Outils  de  charpentier.  —  Équerre,   marteau,  scie,  etc..  3  S  (15'54). 

3"  Pour  Vexidoitation  de  la  vache  laitière.  —  1  seau  à  traire,  en  fer-hianc,  40  cents 
(2' 07)  ;  —  1  baratte  à  faire  le  beurre,  1  S,  50  (7' 77).  —  Total,  I  $,  00  (!»'84). 

^"  Pour  le  blanchissage  du  linge  et  la  confection  des  vêtements.  —  1  machine  à  coudre, 
achetée  d'occasion  dans  la  présente  année,  7  S  (.36'2G);—  1  petit  baquet  en  bois,  00  cents 
(2'5!>);  —  i  vase  en  fer-blanc  pour  chautTer  l'eau  sur  le  poêle,  25  cents  (l'30);  —  2  fers  à  re- 
passer, 40  cents  (2'07).  —  Total,  8  $,  15  (42' 22). 

Valeur  totale  des  propriétés 2.858  S,  55  (14.807 '29). 

^  7. 
subventions. 

Les  conditions  économiques,  dans  lesquelles  s'accomplit  l'occupation 
des  territoires  nouveaux  à  l'Ouest,  ne  comportent  pas  la  constitution 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  123 

de  biens  communaux,  forêts  et  pâturages,  réservés  pour  l'usage  col- 
lectif des  habitants.  Le&commons,  qui  existaient  dans  quelques  colonies 
de  lEsl,  ont,  dès  la  seconde  moitié  du  dix-huitième  siècle  ou  au  plus 
tard  au  commencement  de  celui-ci,  été  partagés  entre  les  ayants-droit 
ou  vendus  à  leur  profit  (1).  L'accès  à  la  propriété  foncière  a  été  et  reste 
encore  si  largement  ouvert  à  tout  homme  laborieux;  les  lois  sur  les 
exemptions  de  saisie  du  foyer  et  de  la  terre  nécessaire  à  l'entretien  de 
la  famille  assurent  si  bien  le  maintien  des  farmers  sur  le  sol,  que 
toute  espèce  de  bien  communal  ne  serait,  dans  l'état  actuel  des  choses, 
qu'une  excitation  à  la  paresse.  Étant  données  les  mœurs  publiques,  il 
serait  gaspillé.  Les  Américains  apprécient  hautement  un  régime  qui 
fait  que  chaque  propriétaire  est  maître  absolu  sur  sa  terre,  ainsi  que 
les  avantages  du  domaine  aggloméré,  et  notamment  l'absence  de  toutes 
les  servitudes  déterre  à  terre,  qui  constituent  dans  les  campagnes  eu- 
ropéennes des  rapports  souvent  si  compliqués. 

Les  seules  subventions  réelles  existant  dans  le  pays  sont  celles  ré- 
sultant de  la  gratuité  de  l'instruction  publique.  L'État  du  Texas  a  dé- 
pensé, en  1890-91,  4  S,  50  (23^  31)  par  tête  d'enfant  fréquentant  l'école 
(§  3).  Cela  constitue  une  subvention  considérable  pour  les  familles 
pauvres  et  nombreuses.  F***  ne  paye  en  fait  que  1  $,  50  {ini)  pour  la 
taxe  d'État.  Ses  deux  filles  reçoivent  une  instruction  qui  coûte  à  l'État 
9  $  (46'G2).  A  un  certain  moment,  il  aura  quatre  enfants  à  l'école  en 
même  temps  :  il  recevra  alors  18  $  (93*' 24)  de  l'État,  auquel  il  paiera 
seulement  1  S,  50  (7^77),  peut-être  2  S  (10''3G)  de  taxe  scolaire.  On 
s'explique  donc  que  les  farmers  de  la  catégorie  de  F***  poussent  sys- 
tématiquement au  développement  du  système  de  l'instruction  publique 
par  l'État  :  extension  du  terme  scolaire,  allocations  gratuites  de  livres, 
fût-ce  au  prix  de  l'établissement  d'une  taxe  spéciale  de  comté.  La 
résistance  viendrait  plutôt  des  grands  propriétaires  et  de  la  population 
de  cowboys,  généralement  célibataire,  qui  vit  sur  les  ranchs  :  elle  s'oppose 
autant  que  possible  à  l'élévation  des  taxes  et  à  la  complication  des 
rouages  du  gouvernement  local.  C'est  là  le  fonds  des  petites  luttes  élec- 
torales locales,  luttes  d'ailleurs  exemptes  de  passion  dans  le  comté  de 
Callahan.  Cette  opposition  de  vues  chez  les  divers  membres  de  la 
communauté  reste  à  l'état  latent  et  ne  se  manifeste  pas  ostensible- 
ment. 

Il  n'y  a  pas  dans  le  comté  de  système  de  public  charities.  Le  poor- 

(1)  V.  notre  étude  sur  VHistoire  de  la  propriété  foncière  dans  les  colonies  anglaises 
d'Amérique,  dans  la  Réforme  sociale  des  1"' janvier  1887  et  !"■  janvier  1888. 


124  N"   75.    —   MÉTAYER   DE   l'OUEST    DU    TEXAS. 

house  qui  doit  exister  au  chef-lieu  (§  19)  n'a  qu'une  existence  no- 
minale. Il  n'y  a  point  de  pauvres  proprement  dits.  L'aide  des  voisins  en 
cas  de  maladie  soulage  les  calamités  exceptionnelles  et  imméritées. 
Une  veuve  s'étant  trouvée  sans  ressources  après  la  mort  de  son  mari, 
ses  voisins  ont,  pendant  deux,  ans,  cultivé  sa  terre.  F***  a  pris  sa  part 
de  cette  charitable  assistance. 

Les  mœurs  générales  assurent  aux  membres  les  moins  fortunés  de 
la  communauté  des  avantages  qui  peuvent  être  rapprochés  des  sub- 
ventions; telle  est  l'hospitalité  fort  large  que  les  farmers  donnent  à 
leurs  voisins  :  les  gens  embarrassés  et  en  quête  de  travail  y  trouvent 
une  ressource  momentanée;  telle  est  encore  la  pâture  allouée  gratui 
tement  au  cheval  de  l'ouvrier  agricole  loué.  L'usage  autorise  à 
faire  pâturer  librement  sur  les  terres  non  encloses,  ainsi  qu'à  couper 
du  bois  sur  les  terres  à  bois  qui  sont  dans  la  môme  condition.  C'est 
le  cas  des  terres  détenues  par  des  personnes  qui  spéculent  uniquement 
sur  la  plus-value  que  les  progrès  du  peuplement  doivent  nécessaire- 
ment leur  donner.  Toutefois  cet  état  de  choses  disparaît  rapidement, 
et  déjà,  depuis  que  les  faits  de  cette  monographie  ont  été  observés, 
tous  les  bois  existant  dans  le  comté  ont  été  clôturés. 

Certains  avantages  attribués  à  F***  par  le  propriétaire  du  domaine 
dont  il  a  cultivé  les  terres  cette  année,  et  qui  sont  portés  dans  le  bud- 
get des  recettes  au  chapitre  des  subventions  (droit  de  pâture  et  de 
pêche,  bois  de  chauffage,  semences,  laitage,  etc.),  n'ont  pas  en  réalité 
ce  caractère  :  ils  sont  pour  lui  le  résultat  de  stipulations  avantageuses 
dans  un  contrat,  et  ncwi  le  fait  d'une  libéralité  du  propriétaire  ni  de 
coutumes  locales  de  patronage. 

Le  patronage  est,  non  seulement  étranger  aux  mœurs  des  Améri- 
cains, mais  il  serait  absolument  antipathique  à  leurs  idées,  si  quelqu'un 
s'avisait  de  le  préconiser. 

§  8. 

THAVALX    ET   INDUSTRIES. 

Les  travaux  et  industries  de  la  famille  ont  pour  objet  :  1"  la  culture 
des  180  acres  (72  hectares)  do  terre  louées  en  métayage  par  le  pro- 
priétaire du  domaine  d'Annadale,  et  du  jardin  qui  y  est  annexé; 
2°  l'élevage  de  veaux  et  poulains  fdurnis  par  1  vache  et  3  poulinières, 
et  la  fabrication  du  beurre;  ."1"  et  4"  l'exploitation  de  20  poules  et  de 


OBSERVATIONS   PRÉLIMINAIRES.  123 

A  porcs;  5°  rexploitation,  sur  la  terre  du  propriétaire,  en  vertu  d'un 
contrat  spécial,  de  3  acres  (1  hectare,  20  ares)  en  millet  fourrager; 
G"  l'exploitation  sur  son  propre  domaine  de  7  acres  (2  hectares,  80  ares) 
en  coton;  7"  la  confection  des  vêtements  et  le  blanchissage  du 
linge;  8°  enfin,  la  famille  F***  s'est  chargée  à  forfait,  moyennant 
8  S  (41^44)  par  mois,  de  la  nourriture  et  du  blanchissage  du  proprié- 
taire d'Annadale  qui  est  célibataire,  ainsi  que  des  hôtes  qu'il  a  reçus 
et  des  journaliers  qu'il  a  employés. 

Il  n'y  a  dans  le  pays  aucune  industrie  domestique  de  filage,  de  tis- 
sage, ni  de  fabrication  d'instruments.  Même  dans  l'Est  des  États- 
Unis,  depuis  quarante  ans,  toutes  ces  industries  domestiques  ont  dis- 
paru. La  mère  de  famille  fabrique  seulement  un  savon  grossier  avec 
la  graisse  des  porcs  élevés  sur  l'exploitation. 

Travaux  du  chef  de  famille.  —  Ils  ont  cette  année  pour  principal 
objet  la  culture  des  terres  que  lui  a  louées  le  propriétaire  du  domaine 
d'Annadale,  et  l'exploitation  du  jardin  et  de  la  basse-cour.  On  compte 
de  ce  chef  un  total  de  229  journées.  La  culture  de  coton  entreprise 
à  son  compte  a  pris  26  journées;  une  culture  de  fourrage  entreprise 
à  moitié  fruits  sur  la  terre  du  propriétaire,  en  vertu  d'un  contrat  posté- 
rieur, a  pris  3  journées;  la  vente  des  produits  de  lâchasse  a  enfin 
absorbé  1  journée.  Quant  à  la  chasse  et  à  la  pêche  elles-mêmes,  elles 
ont  eu  lieu  à  temps  perdu  et  doivent  être  considérées  comme  des  ré- 
créations. La  recette  portée  de  cechef  au  budget  des  recettes  n'est  vrai- 
semblablement pas  de  nature  à  se  renouveler.  Les  soins  donnés  à 
l'élevage  des  poulains  figurent  dans  le  compte  des  salaires  pour 
18  journées.  Mais,  en  fait,  ces  soins  se  répartissent  sur  un  très  grand 
nombre  d'heures  prélevées  sur  d'autres  travaux,  et  tous  les  éleveurs 
savent  que  ce  travail  a  des  charmes  qui  ne  permettent  pas  de  le 
comparer  aux  labeurs  de  la  culture  ou  des  arts  mécanicjues.  F***  a 
trouvé  une  source  de  profits  en  faisant  un  certain  nombre  de  journées 
(15)  pour  le  compte  du  propriétaire;  3  journées  ont  été  consacrées  à 
l'acquittement  des  charges  locales  (entretien  des  chemins) ,  une  autre 
à  l'assistance  d'une  voisine  veuve.  On  arrive  ainsi  à  un  total  de 
296  journées  de  travail.  Ce  chiffre  élevé  est  possible  grâce  à  la  beauté 
du  climat  qui  permet  de  travailler  toute  l'année. 

Aux  époques  des  grands  travaux,  F***  n'a  pas  pu  y  suffire  seul.  Il 
a  dû  se  procurer  250  journées  de  travail  supplémentaires,  soit  en  les 
payant,  soit  en  rendant  des  journées  en  nature.  Ces  journaliers  ont  été 
nourris  à  la  table  de  famille. 


126  N"    75.    —   MÉTAYER   DE   LOUEST   DU   TEXAS. 

Travaux  de  la  femme.  —  Le  soin  de  ses  enfants  et  de  son  ménage, 
la  préparation  journalière  des  repas,  qui  comprend,  deux  fois  par  jour, 
la  cuisson  du  pain,  absorbent  tous  ses  instants.  Elle  ne  quitte  jamais  sa 
maison.  Le  blanchissage,  eu  égard  à  la  petite  quantité  de  linge  pos- 
sédée par  la  famille,  n'est  pas  une  occupation  considérable.  L'usage 
est  de  repasser  soigneusement  tout  le  linge,  surtout  les  robes  de  toile 
de  coton  de  la  femme  et  de  ses  filles;  cette  seconde  opération  entraîne 
plus  de  travail  que  la  première.  Dans  ses  moments  perdus,  elle  con- 
fectionne avec  beaucoup  d'habileté  ses  vêtements,  ceux  de  ses  enfants 
et  une  partie  de  ceux  de  son  mari. 

Cette  industrie  n'est  exercée  que  sur  une  petite  échelle;  car,  en  étu- 
diant les  détails  de  la  monographie,  on  sera  frappé  de  l'absence  pres- 
que complète  de  linge  de  maison  et  de  la  très  petite  (juantité  de  linge 
de  corps. 

L'ordre  parfait  de  la  femme  F***,  son  application  à  ses  devoirs  et  sa 
bonne  entente  du  ménage,  sont  la  principale  cause  de  l'élévation  gra- 
duelle de  cette  famille  par  l'épargne.  La  femme  F***  ne  s'occupe  ja- 
mais des  travaux  agricoles,  si  ce  n'est  pendant  quelques  jours  pour 
aider  à  ramasser  la  récolte  de  coton.  Elle  soigne  cependant  la  vo- 
laille, et  son  travail  est  ainsi  exclusivement  la  source  d'un  des  articles 
du  budget  des  recettes. 

Les  femmes  ne  se  louant  pas  à  la  journée  en  Amérique,  leur  travail 
n'est  guère  susceptible  d'une  évaluation  monétaire.  Néanmoins,  en 
prenant  pour  base  les  prix  alloués  couramment  pour  le  blanchissage 
ou  la  confection  des  vêtements,  quand  ces  travaux  sont  exécutés  à 
l'entreprise,  on  a  pu  fixer  à  50  cents  {±^  50)  la  valeur  de  la  journée  de 
la  femme  :  ce  chiffre  est  la  moitié  de  celui  de  la  journée  d'un  homme. 

Travaux  des  deux  jeunes  filles  et  de  l'aîné  des  garçons. —  L'aînée  des 
filles,  Laura,  aide  sa  mère  dans  les  soins  du  ménage  et  dans  -l'élevage 
de  la  volaille.  Elle  garde  presque  constamment  son  plus  jeune  frère,  le 
petit  Henry.  Les  autres  enfants  sont  encore  trop  jeunes  pour  se  livrer 
à  aucun  travail.  Néanmoins,  ils  ont  aidé  leurs  parents  à  recueillir  la 
récolte  de  colon  faite  sur  leur  domaine  à  leur  compte  exclusif. 

Les  gousses  de  coton  se  recueillent  au  fur  et  à  mesure  qu'elles  mû- 
rissent, depuis  le  commencement  de  septembre  jusqu'à  la  fin  d'octo- 
bre. C'est  un  travail  minutieux  mais  non  fatigant,  auquel  les  femmes 
et  les  enfants  sont  éminemment  propres.  On  le  donne  à  prix  fait  à  rai- 
son de  75  cents  (.'i'89)  les  100  livres,  ce  qui  est  une  très  lourde  charge 
pour  le  propriétaire  qui  ne  travaille  pas  de  ses  mains.    Dans  presque 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  127 

toute  l'Union  américaine,  le  colon  est  aujourd'hui  cultivé  par  les  di- 
verses combinaisons  du  colonat  partiaire,  de  manière  à  rejeter  cette 
charge  sur  le  cultivateur  qui  y  emploieses  jeunes  enfants.  Le  proprié- 
taire n'a  que  le  tiers  ou  le  quart  de  la  récolte. 

Ce  résultat  ressort  très  bien  du  compte  de  l'exploitation  de  coton 
faite  par  F***  sur  les  7  acres  (2  hectares)  qu'il  a  cultivés  ainsi.  Le 
ramassage  de  coton  est  évalué,  conformément  au  prix  courant,  à 
33  S,  75  (174''  83).  Il  y  a  employé  personnellement  10  journées  à  di- 
riger ses  jeunes  enfants.  Il  reste  donc  à  l'actif  de  ceux-ci  un  gain  de 
23  8,75  (123^03). 

C'est  une  dépense  purement  fictive,  puisqu'ils  n'auraient  pu  s'occu- 
per à  rien  d'autre  :  au  lieu  de  porter  cette  somme  au  chapitre  des  re- 
cettes provenant  du  travail  des  enfants,  on  eût  pu  l'ajouter  au  bé- 
néfice résultant  de  cette  culture.  Le  bénéfice,  au  lieu  d'être  de  26  S,  95 
(139fG0),  serait  porté  à  50  S,  70  (202^63).  Ce  serait  plus  conforme  à 
la  réalité  des  choses  et  montrerait  comment  la  culture  du  coton  est, 
dans  cette  région,  le  moyen  par  lequel  des  familles  pauvres  peuvent 
le  plus  rapidement  se  constituer  une  épargne. 


MODE  D'EXISTENCE  DE  LA  FAMILLE. 

§9- 

ALIMENTS    ET    REPAS. 

Été  comme  hiver,  la  famille  fait  trois  repas  par  jour  :  le  breakfast 
une  demi-heure  après  le  lever  du  soleil,  \edinner  à  midi,  lesupper  après 
le  coucher  du  soleil.  La  composition  de  ces  trois  repas  est  la  même  et 
leur  importance  est  égale. 

Chaque  repas  se  compose  :  1  °  de  pain ,  sous  la  forme  de  biscuits  chauds, 
c'est-à-dire  de  farine  pétrie  dans  de  la  graisse  et  cuite  légèrement  sans 
levain  ;  quelquefois  cette  préparation  est  remplacée  par  une  autre 
qu'on  appelle  light  bread,  pain  levé  avec  du  ferment  qui  se  rappro- 
che davantage  du  pain  français,  ou  même  par  des  biscuits  sucrés;  ces 
sortes  de  pains  sont  faits  avec  de  la  farine  de  première  qualité;  —  2"  de 
lard  frit  dans  sagraisse.il  est  remplacé,  pendant  trois  ou  quatre  mois 


128  N"    7o,    —   MÉTAYER   DE    l'OUEST    DU    TEXAS. 

d'hiver,  par  de  la  viande  fraîche  de  porc,  de  veau  ou  de  bœuf.  La  fa- 
mille élève  quatre  porcs  par  an,  qui  sont  abattus  successivement  pendant 
l'hiver  et  sont  consommés  comme  viande  fraîche  ou  salée.  Elle  abat 
aussi  quelques  veaux.  Pendant  les  mois  d'hiver,  la  viande  se  conserve 
facilement  moyennant  des  précautions.  Néanmoins,  on  ne  pourrait 
conserver  gelés  pendant  plusieurs  mois  des  animaux  comme  on  le 
fait  dans  le  Canada  ou  les  États  du  Nord.  Quand  une  personne  abat  un 
bœuf,  elle  avertit  ses  voisins  et  on  se  le  partage  par  quartiers.  Ceux  qui 
en  prennent  un  ne  le  payent  pas  en  argent,  mais,  lorsqu'eux-mémes 
tuent  un  bœuf,  ils  rendent  en  nature  l'équivalent  de  ce  quartier. 
—  3"  Au  lard  frit  ou  à  la  viande  s'ajoutent,  soit  du  riz  bouilli,  soit  des 
pommes  de  terre  ou  des  légumes,  pois,  haricots,  suivant  la  saison.  — 
4"  Environ  quarante  fois  par  an,  quand  la  famille  reçoit  des  parents,  ou 
bien  le  dimanche,  elle  tue  un  poulet,  —  5°  Assez  fréquemment  la  femme 
fait  un  gâteau  (pie)  avec  de  la  farine  et  des  raisins  secs.  Il  y  a  géné- 
ralement sur  la  table  du  beurre  légèrement  salé  et  de  la  mélasse, 
quelquefois  des  confitures,  ou  des  conserves  de  concombres  dans  du 
vinaigre,  préparées  par  la  femme. 

Le  lait  écrémé  el  le  café  sucré  forment  la  boisson  habituelle;  ra- 
rement on  a  recours  au  thé.  La  famille  ne  consomme  de  boissons  spi- 
ritueuses  ni  chez  elle,  ni  au  dehors. 

Le  bas  prix  du  sucre  engage  la  famille  à  en  consommer  sous  des 
formes  diverses  une  assez  grande  quantité. 

Il  n'y  a  jamais  de  dîners  de  famille  ou  de  voisins  proprement  dits; 
mais  voisins  et  parents,  quand  ils  se  tiouvent  à  l'heure  des  repas, 
sont  toujours  engagés  à  y  prendre  part,  et  l'ordinaire  est,  si  le  temps 
ne  fait  pas  défaut,  complété  par  quelques  mets  ajoutés.  Les  repas  du 
dimanche  sont  aussi  un  peu  plus  succulents. 

La  nourriture  est  saine  et  bien  préparée.  Chaque  membre  de  la 
famille  mange  largement  à  son  appétit;  les  ïexiens  sont  d'ailleurs 
fort  sobres  et  ne  sont  pas  de  gros  mangeurs. 

La  femme  ainsi  que  les  enfants  prennent  leur  repas  assis  avec  les 
hommes;  mais,  comme,  la  plupart  du  temps,  elle  est  occupée  à  les 
servir,  la  mère  achève  seule. 

Aucun  alimentn'est  consommé  en  dehors  delà  famille.  Quand  F***  va 
travailler  à  une  certaine  dislance,  il  emporte  sa  nourriture  préparée  à 
ravance. 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  129 

g  iO. 

HABITATION,    MOBILIER   ET    VETEMENTS. 

Les  habitations  du  pays  sont  presque  toutes  en  bois ,  et  notam- 
ment celle  que  possède  F***  sur  son  domaine.  Par  exception,  la  mai- 
son d'Annadale  est  en  pierres,  ce  qui  assure  plus  de  fraîcheur  en  été 
et  plus  de  chaleur  en  hiver;  les  trois  pièces  dont  la  jouissance  est 
abandonnée  à  la  famille,  en  vertu  de  son  bail  de  métayage,  sont 
vastes,  élevées  de  plafond  et  largement  aérées.  L'une  est  la  chambre 
à  coucher  du  père  et  de  la  mère  et  des  plus  jeunes  enfants;  il  s'y 
trouve  une  cheminée,  mais  l'on  a  rarement  besoin  d'y  faire  du  feu. 
Dans  la  seconde,  qui  sert  de  salle  à  manger,  se  trouvent  deux  grands 
lits  et  un  petit  lit  d'enfant.  C'est  là  que  couchent  l'aïeule  et  les  jeunes 
filles.  La  troisième  pièce  sert  exclusivement  de  cuisine  ;  le  poêle  est 
alimenté  avec  du  bois  fourni  par  le  domaine.  Il  n'y  a  qu'un  rez-de- 
chaussée  que  des  vérandas  protègent  contre  l'ardeur  du  soleil  en  été. 
La  maison  est  régulièrement  orientée,  conformément  à  l'usage  du 
pays,  en  sorte  que  l'ombre  indique  toujours  au  moins  l'heure  de 
midi. 

Meubles  :  le  mobilier,  ainsi  que  le  linge  de  ménage  et  les  vête- 
ments, est  extrêmement  simple.  C'est  un  trait  général  du  pays  :  la  po- 
pulation, par  suite  des  conditions  cliniatériques  analogues,  se  rap- 
proche, sous  ce  rapport,  de  celles  du  midi  de  l'Espagne  et  de  l'Italie. 
La  famille  F***  met  d'ailleurs  sa  principale  ambition  à  achever  les 
versements  qu'elle  doit  opérer  sur  le  prix  d'acquisition  de  sa  terre, 
à  en  acheter  une  seconde  et  à  se  constituer  un  capital  d'exploita- 
tion      45  S,  05     (23Bf  47) 

1"  Lils  de  la  famille.  —  2  lits  montés,  bois  de  lit,  matelas  et  oreillers,  3  $  (15'34);  — 
1  lit  (l'enfant,  1  $  (5' 18);  —  1  bols  de  lit,  1  $(5'18);—  1  berceau  de  bois,  iS  (j' 18);  — 6  cou- 
vertures en  colon  piqué,  faites  par  la  femme,  à  1  $,  50  ("'"7),  ensemble,  9  $  {W 6'2).  —  Total, 
15  $  (77f70). 

2"  Mobilier  des  chambres  et  de  la  cuisine.  —  2  malles  chapeliéres,  8  S  (41' 4i);  —  1  table 
à  manger,  50  cents  (2^59);  —2  petites  tables,  50  cents  (2^59);  —  1  pendule,  IG  $  (8-2' 88);  — 
5  chaises,  1  $,  25  (G' 48).  —Total,  2G  $,  25  (135'98). 

3»  Livres,  gravures  et  objets  de  piété.  —  l  bible,  1  $  (5' 18);  —  livres  scolaires  des  en- 
fants, 3  $  (15^54);  —  4  images  encadrées,  40  cents  (2f07).  —  Total,  4  $.'tO  (22^79). 

Ustensiles  :  réduits,  comme  le  mobilier,  au  strict  néces- 
saire  1 1  S,  25     (58' 28) 


130  n"   75.    —    MÉTA\ER    DE   l'OUEST   DU   TEXAS. 

i"  Servant  à  la  prrparalion  ou  à  la  consommation  des  alimpnts.  — 4  pots  en  fer  blanc 
2  S  (KKSO)  ;  —  6  assiettes  en  faïence,  '»  verres,  <;  tasses  en  faïence,  6  couteaux  en  fer,  G  four- 
chettes en  fer,  5  $  (2?/ 90);  —  1  sucrier  et  1  pot  à  lard,  25  cents  (l'30).—  Total,  7  d,  25(3-'5<i). 

2°  Employés  au  chauffage,  à  l'éclairage  et  au  nettoyage.  —  i  vieux  poêle,  2  3  (10' 36);  — 
2  lampes  à  pétrole,  1  S  (5^18).  —  i  balai,  25  cents  (l'aO).  —  Total,  3  $,  -23  (WS't). 

3»  Objets  de  toilette.  —  2  brosses,  2  peignes  et  i  cuvette  pour  la  femme,  75  cents  (3^88). 

Armes  :  pour  l'usage  personnel  du  chef  de  famille. ...  8  $     (4l'44) 

i  revolver,  8  §  (41"t4). 

Linge  de  ménage  :  peu  abondant  et  composé  exclusivement  d'objets 
en  colon 6  S     (31^08) 

4  paires  de  draps  de  coton,  3  S  (15' 34);  — 2  nappes  et  4  serviettes  neuves,  2  S  (10' 30);  — 
2  nappes  et  4  vieilles  serviettes,  1  $  (5'18).  —  Total,  6  $  (31'08). 

VÊTEMENTS  :  réduils  au  strict  nécessaire 34  S,  93     (284'64) 

Vêtements   du  cuef  de  famhxe  [19  S,  85     (i02'82)]. 

1"  Pour  le  dimanche.  —  i  veste  en  drap  usée,  i  S  (5'18);  —  1  veste  d'alpaga,  50  cents 
(2'59);  —  1  gilet,  1  S  (5' 18)  :  —1  pantalon  i|ui  dure  2  ans,  3  $(15'54);  — 2  chemises  de  coton- 
nade confectionnées  |>ar  la  femme,  1  $  (5' 18);  —2  mouchoirs  de  couleur,  20  cents  (1 '03); 

—  1  chapeau  de  feutre,  3  S  (15'54);  —  1  paire  de  bottes  qui  ne  dure  <|u'un  an,  3$  (15'54). 

—  Total,  12  s,  70  {(J5'78). 

2°  Pour  le  travail.  —  Vieux  effets  du  dimanche,  vestes,  gilets  et  pantalons  (mémoire);  — 
2  chemises  de  cotonnade  faites  par  la  femme  et  usées,  50  cents  (2' 59)  ;  —  4  caleçons,  1  $,  20 
(C'21);  —  C  paires  de  chaussettes,  60  cents  (3' 11);  —  1  vieux  chapeau  de  feutre,  .50  cents 
(2'59);  —  2  chapeaux  de  paille,  Mi  cents  (l'82)  ;  —  1  paire  de  bottes,  3  S  (15' 54);  —  1  para- 
pluie, 1  S  (3' 18).  —  Total,  7  S,  15  (3T0'.). 

VÊTEMENTS   DE    LA    FEMME   [23    S,   10       (119^66)]. 

4  robes  d'indienne,  à  1  s,  50(7'77)  chacune,  6  $  (31' 08)  ;— 4  chemises.  1$(5'18);—  4 panta- 
lons, 2  s  (I0'36);  —  «  paires  de  bas,  60  cents  (3'11)  ;  —  1  chapeau,  4  $  (20'72)  ;  —  1  chapeau 
défraîchi,  1  S  (5'18);  —  1  capeline  de  toile,  50  cents  (2' 59);  —2  paires  de  bottines  à  boutons, 
4  $  (20'72)  ;  —  i  broche,  3  3  (i:i'54);  —  1  bague,  1  S  (5'18).  —  Total,  23  S,  10  (119'6C). 

Vêtements  de  la   fille  aînée  [6  S  (31*08)]. 

1  robe  faite  par  la  mère,  i  S,  .W  (7'77);  —  1  vieille  robe,  50  cents  (2'î>8);  —  2  chemises 
faites  par  la  mère,  1  S  (5'18)  ;  —  1  chapeau, 50  cents  (2' 59)  ;  —  1  capeline,  25  cents  (l'30);  — 
1  paire  de  bottines,  2  $  (10'36);  —  1  collier  de  verroterie,  2îi  cents  (l'30).  —  Total,  6  $ 
(31' 08). 

Vêtements  de  la  deuxième  fille  [6  S  (31 '08)]. 
Ils  sont  absolument  pareils  à  ceux  de  la  fille  aince,  6  s  (;il'C8;. 
\  ÊTEMiiNTs  DES  GAR(;oNS  (arrangés  par  la  mère  dans  les  vieux  vêtements  de 
la  famille;  sans  valeur). 

Valeur  totale  du  mobilier  et  des  vêtements. .  125  S,  83     (r>31'91) 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  131 

§    il. 
RÉCRÉATIONS. 

Les  farmers  du  comté  de  Callahan  n'ont  aucune  réjouissance  pu- 
blique, civile  ou  religieuse.  La  fête  du  4  juillet,  anniversaire  de  l'Indé- 
pendance américaine,  et  le  Thanksgiving  day,  en  octobre,  ne  sont  cé- 
lébrés que  dans  les  villes.  Ces  fêtes  ne  semblent  d'ailleurs  pas  offrir  le 
même  intérêt  pour  les  habitants  du  Texas  que  pour  ceux  des  vieux 
États  de  l'Est. 

Les  exercices  du  culte  ne  sont  pour  la  famille  qu'une  distraction  in- 
termittente, car  il  n'y  a  pas  de  service  régulier  le  dimanche.  Ce  jour-là, 
le  repos  le  plus  absolu  est  observé  ;  on  reçoit  ou  l'on  fait  seulement 
quelques  visites  de  voisinage. 

La  principale  distraction  de  F***  est  la  fréquentation  des  religions 
meetings  et  des  camp-meetings  ainsi  que  de  la  loge  de  la  Farmefs  Alliance. 
Il  chique  en  travaillant,  ce  qui  est  pour  lui  la  cause  d'une  dépense  re- 
lativement assez  forte;  mais  il  ne  fume  pas.  Sans  faire  partie  d'une  so- 
ciété de  tempérance,  ni  être  opposé  d'une  manière  absolue  à  l'usage 
modéré  des  boissons  alcooliques,  il  n'en  use  jamais  pour  son  compte. 
Pendant  son  travail,  il  aime  à  être  entouré  de  ses  jeunes  enfants,  qui 
prennent  ainsi  peu  à  peu  le  goût  des  travaux  agricoles.  Le  chien  que 
la  famille  possède  peut  aussi  être  considéré  comme  une  récréation. 

Le  compte  de  ses  journées  de  travail  ressort  à  296  par  an.  Indépen- 
damment des  dimanches,  il  reste  17  jours  occupés  par  la  pluie  ou 
que  F***  consacre  à  des  courses  dans  le  voisinage,  à  l'exercice  de  ses 
droits  de  citoyen,  au  soin  de  ses  intérêts,  notamment  à  la  préparation 
de  certains  travaux  dans  sa  propriété,  dont  il  recueillera  le  profit 
l'année  prochaine  (1). 

La  femme  F***,  contrairement  à  l'usage  des  campagnardes  d'origine 


(1)  Il  n'a  pas  été  tenu  compte  de  ces  travaux  dans  le  relevé  des  journées  de  F***,  parce 
qu'on  s'est,  dans  cette  monographie,  attaché  exclusivement  aux  entreprises  de  l'année  agri- 
cole 1890-1891,  dont  le  dernier  terme  est  la  récolte  du  coton  faite  en  septembre  et  octobre 
1891 

Les  jours  dont  disi><)se  librement  !•'***  sont  en  fait  jilus  nombreux;  car  le  temps  attribué 
aux  soins  donnes  aux  animaux  (en  tout  18  journées)  est  en  grande  partie  prélevé  sur  des 
journées  consacrées  à  d'autres  travaux.  D'autre  part,  on  n'a  pas  relevé  les  journées  (|u'il  a 
faites  pour  rendre  à  des  voisins,  à  titre  d'échange,  <|uelques-unes  des  journées  que  ceux- 
ci  avaient  faites  sur  sa  ferme  à  réi)oque  des  grands  travaux. 


132  N"    75.    —    MÉTAYER    DE   L'OLEST    DU    TEXAS. 

texienne,  ne  chique  pas.  Le  soin  de  son  ménage  etde  ses  enfants  lui  per- 
met très  rarement  d'assister  à  des  meetings  religieux,  malgré  le  plaisir 
qu'elle  y  éprouverait.  Sa  seule  distraction  consiste  à  recevoir  les  visites 
de  sa  mère  ou  de  ses  parents,  très  rarement  à  aller  voir  sa  sœur  établie 
dans  le  voisinage.  Ainsi  qu'on  l'a  dit,  la  célébration  dans  l'étang  voisin 
des  baptêmes  baptistes  est  pour  la  famille  l'occasion  d'une  sorte  de  ré- 
ception, qui  se  renouvelle  une  ou  deux  fois  tout  au  plus  par  an. 

Les  frères  et  sœurs  sont  généralement  affectionnés  les  uns  aux  autres; 
les  relations  de  parenté  sont  entretenues  autant  que  le  permettent  la 
dispersion  et  la  mobilité  des  familles  américaines. 

Un  plaisir  très  apprécié  par  les  familles  de  farmfrs  provient  des  réu- 
nions dansantes  qui  ont  lieu  dans  les  soirées  d'hiver.  Une  famille  fait 
connaître  qu'on  dansera  chez  elle  tel  soir,  sans  d'ailleurs  faire  d'invita 
lions  formelles.  Vient  qui  veut;  la  réunion  est  toujours  nombreuse  et 
est  composée  principalement  de  jeunes  gens  et  de  jeunes  filles;  les 
femmes  mariées  et  les  mères  de  famille  n'y  vont  pas.  On  danse 
des  valses  dans  une  chambre,  au  son  de  violons  loués  dans  le 
pays;  on  commence  à  huit  heures  et  l'on  se  sépare  assez  tard  dans  la 
nuit.  Ces  réunions  sont,  avec  les  religiom  meetings,  l'occasion  de  se  ren- 
contrer et  préparent  ainsi  la  conclusion  des  mariages;  car  ce  sont  les 
intéressés  eux-mêmes  et  non  leurs  parents  qui ,  dans  les  campagnes  du 
Texas  comme  dans  le  reste  des  Etats-Unis',  ont  toute  l'initiative  en  pa- 
reille matière.  Malheureusement  des  querelles  sérieuses  se  produisent 
quelquefois  dans  ces  réunions  sous  l'intluence  du  wisky  que  les  jeunes 
gens  ont  apporté  en  cachette,  à  la  suite  dequelques  allusions  indiscrètes 
à  des  relations  intimes,  qui  existent,  on  l'a  dit  plus  haut  (§  3),  malgré 
le  grand  soin  avec  lequel  on  les  cache  et  la  moralité  extérieure  géné- 
rale du  pays. 

La  famille  F***  ne  prend  pas  part,  en  ce  moment,  ù  ces  réunions,  les 
femmes  mariées  ne  s'y  rendant  jamais,  et  le  mari  étant  trop  occupé 
pour  y  aller  comme  simple  spectateur,  ainsi  que  le  font  beaucoup  de 
pères  de  famille  de  son  âge.  Mais,  quand  la  fille  aînée  aura  atteint 
quinze  ans,  ta  famille  est  disposée  à  avoir  chez  elle  des  réunions  de  ce 
genre.  Aucun  rafraîchissement  n'étant  offert,  ces  réunions  sont  très 
peu  coûteuses  pour  la  famille  qui  en  prend  l'initiative. 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  133 


HISTOIRE  DE  LA  FAMILLE 


§   12. 

PHASES    PRINCIPALES    DE    L'eXISTENCE. 

F**'  est  né  dans  Je  Tennessee  d'une  famille  de  petits  cultivateurs,  de 
ceux  qu'on  appelait  autrefois  les  'petits  blancs.  Son  père  était  un  émi- 
gré écossais.  Ses  parents  sont  morts  l'un  et  Tautre.  A  dix-huit  ans,  il 
alla  dans  le  comté  d'Ellis.au  sud  de  Dallas,  à  200  milles  (325"'", 862j  de 
lalocaliléoù  il  est  établi  actuellement.  C'était  alors  le  point  extrême  at- 
teint à  l'Ouest  par  la  colonisation.  Il  travailla  comme  journalier  chez 
un  de  ses  oncles  qui  l'avait  précédé  dans  ce  pays.  Au  bout  de  deux  ans, 
il  fut  à  même  d'acheier  un  Iiuilième  de  seclion  <S0  acres,  32  hectares),  à 
raison  de  2  S  (10^  36)  l'acre  (40  ares),  et  entreprit  de  le  défricher.  11  s'y 
construisit  lui-même  une  maison  de  bois;  car  il  est  habile  charpentier 
en  même  temps  que  cultivateur.  11  se  maria  l'an  d'après  avec  une  jeune 
fille  de  dix-neuf  ans,  L.  B***,  dont  les  parents,  originaires  de  la  Géorgie, 
étaient  venus,  eux  aussi,  s'établir  dans  le  comté  d'Ellis.  C'est  là  qu'ha- 
bitent encore  sa  belle-mère,  restée  veuve,  et  plusieurs  de  ses  frères  et 
sœurs.  Sa  femme  ne  lui  apportait  en  dot  que  sa  vertu  et  ses  remar- 
quables qualités  de  ménagère. 

Les  jeunes  époux  travaillèrent  courageusement  et  seraient  arrivés 
dès  lors  dans  le  comté  d'Ellis  à  une  situation  semblable  à  celle  qu'ils 
ont  aujourd'hui  ;  malheureusement  ils  furent  saisis  par  des  fièvres  in-  - 
termittentes.  Les  frais  de  médecin  les  écrasèrent  .  ils  eurent  une  fois 
à  payer  une  noie  de  docteur  de  100  S  (olS*^)  ;  en  même  temps  ils 
étaient  obligés  de  faire  cultiver  leurs  champs  de  coton  par  des  noirs, 
en  sorte  que  leurs  ressources  s'épuisèrent  rapidement. 

Ils  se  résolurent  alors  à  quitter  ce  pays  malsain  et  à  aller  plus  à  l'Ouest 
où  le  climat  est  beaucoup  plus  salubre.  Le  comté  d'Ellis  s'était  rapide- 
ment peuplé  pendant  les  cinq  ans  que  F***  y  avait  passé.-.  11  put  reven- 
dre sa  terre  à  raison  de  5  S  (25^90)  l'acre,  et,  avec  le  bénéfice  ainsi 
réalisé,  payer  honnêtement  toutes  ses  dettes. 

F***  mit  sa  femme  et  sa  fille  Laura,  le  seul  enfant  qu'ils  eussent 
alors,  sur  un  wagon  couvert  d'une  tente  en  toile  et  attelé  de  deux  che- 
vaux. Avec  quelques  ustensiles  et  quelques  dollars,  c'était  toute  sa  for- 
tune. 11  s'achemina  à  l'Ouest,  voyageant  à  petites  journées,  s'arrêtant 

10 


134  N°    75.    —    MKTAYKR    DE    l'oLEST    Ht;    TEXAS. 

pour  faire  cuire  ses  repas  et  pailre  ses  chevaux  sur  îes  lerres  iKin  en- 
closes, et  examinant  le  pays  qu'il  traversait.  Il  s'arrêta  dans  le  comté 
de  Callahan,  qui  n'était  pas  encore  desservi  par  le  Texas  and  Paci/ic 
liait  lioad,  et  acheta  un  quart  de  section,  160  acres  U)i  hectares)  de  terre 
de  bonne  qualité,  sans  défrichement  ni  clôture,  à  raison  de  3  S  (15^54) 
l'acre.  L'Étal  ou  les  chemins  de  fer  qui  vendent  les  terres  le  font  moyen- 
nant un  premier  paiement  d'un  dixième  comptant  et  neuf  autres  paie- 
ments d'un  dixième  échelonnés  en  neufannées  et  portant  intérêt  à  10  % . 
Vue  année  de  retard  est  tolérée  ;  après  ce  délai,  l'expropriation  a  lieu  et, 
dans  ce  cas  naturellement,  le  privilège  de  r//o>/?es7mc?  ne  s'applique  pas. 
F"*  eut  donc  à  faire,  sur  une  somme  totale  de  480  S  (2.48(5^  40j,  un  pre- 
mier paiement  de  48  S  (248^64)  porté  à  50  S  (259')  par  les  frais  d'acte; 
la  seconde  année,  il  eut  à  payer  48  S  (248f()4)  de  principal,  plus  43  S,  20 
(223f  78)  d'intérêts;  la  troisième,  48  S  (248^64)  de  principal  et  38  S,  40 
(198''9i)  d'intérêts,  et  ainsi  de  suite.  L'acquéreur  peut  toujours  payer 
par  anticipation,  mais  F***  n'en  était  pas  là.  Pour  faire  face  au  premier 
paiement,  il  dutvendre  ses  chevaux,  et,  commeil  n'avait  paslesmoyens 
de  défricher  sa  terre,  il  s'engagea  comme  ouvrier  agricole,  hired 
hand.  Il  travailla  dans  ces  conditions,  à  raison  de  25  S  (129^50)  par 
mois,  chiffre  obtenu  parce  qu'il  n'était  pas  nourri,  la  femme  préférant 
le  nourrir  avec  sa  famille. 

(jràce  à  son  économie,  à  sa  sobriété  et  à  l'aide  dévouée  de  sa  femme 
dans  les  soins  du  ménage,  il  put,  il  y  a  quatre  ans,  racheter  2  juments 
(|ui  lui  ont  depuis  lors  donné  5  poulains.  Il  construisit  lui-même  sur  sa 
terre  une  petite  maison  en  bois  de  deux  pièces  avec  une  étable ,  et  la  clô- 
tura, ce  qui  représenta  une  dépense  totale  de  350  S  (1.813^),  et  il  se  mit 
à  défricher  peu  à  peu.  Toutes  les  ressources  du  ménage  ont  passé  à  cette 
acquisition  et  à  la  consolidation  de  leur  propriété  par  le  paiement 
des  annuités  sur  le  prix  de  la  terre. 

Ainsi  s'explique  la  grande  pauvreté  du  mobilier  et  des  vêtements  : 
encore  faut-il  tenir  compte  de  ce  que,  dans  le  cours  de  cette  année, 
les  bénéfices  exceptionnels  réalisés  par  la  famille  lui  ont  permis  de 
les  améliorer  un  peu. 

Le  nuuKjue  d'un  ca[»ital  suffisant  d'exploitation  a  fait  trouver  à  F*** 
plus  avantageux  de  louer  la  partie  de  sa  terre  défrichée  et  sa  maison 
à  un  voisin  pour  y  faire  du  coton  et  du  maïs,  moyennant  une  part  de 
i/4  et  de  1/3,  et  d'aller  lui-même  s'établir  à  2  milles  de  lu  comme 
venter  sur  la  farm  du  domaine  d'Annadale.  Ayant  la  disposition  d'un 
capital  d'exploitation  très  complet  et  étendant  son  travail  sur  une 


OBSERVATIONS    rRKLIMlNAIRES.  135 

surface  plu?  étendue,  il  a  réalisé  dans  le  cours  d'une  année  des  béné- 
fices bien  supérieurs  à  ceux  qu'il  aurait  retirés  de  sa  propre  farm. 
Le  matériel  d'exploitation  dont  F***  a  eu  la  jouissance  consistait  en 
6  chevaux  de  labour  valant  ensemble  300  S  (2.590 f),  en  2  char- 
rues de  40  S  (207^20)  chacune,  soit  80  S  (414^40),  en  une  herse  à 
disque  de  30  S  (239'"),  en  un  semoir  de  60  S  (310^80),  en  une  mois- 
sonneuse de  130  S  Cî'^f),  en  un  extirpateur  de  40  S  (207'20),  soit  au 
total  un  capital  de  880  S  (4.358'' 40)  d'instruments  aratoires.  Ces 
instruments  sont  trop  coûteux  pour  qu'un  petit  (armer  puisse  se  les 
procurer.  La  moissonneuse  particulièrement  dépasse  ses  moyens.  Ceux 
qui  n'en  possèdent  pas  sont  obligés  de  faire  moissonner  le  blé  et  l'a- 
voine à  raison  de  i  S  (3^18)  l'acre,  l'entrepreneur  fournissant  la  ma- 
chine, l'huile  pour  la  graisser,  les  quatre  chevaux  qui  la  mettentenmou- 
vement,  un  homme  pour  la  diriger  et  un  conducteur  pour  les  chevaux. 
Celui  qui  la  loue  nourrit  les  hommes  et  les  chevaux  et  fournit  la 
ficelle  pour  attacher  les  gerbes. 

Au  taux  de  12  %^  intérêt  usité  pour  les  prêts  gagés  sur  des  objets 
mobiliers  (chatfel  mortgage),  la  jouissance  de  ce  capital  aurait  coûté 
à  F***  une  somme  de  103  S,  60  cents  (547^)  par  an;  mais  jamais  il  n'au- 
rait pu  obtenir,  ni  d'une  banque  ni  d'un  voisin,  le  prêt  d'une  somme 
aussi  considérable  relativement. 

La  récolte  de  1891  a  été  fort  bonne,  surtout  pour  le  blé  et  le  coton. 
Les  prix  de  vente  du  blé,  de  l'avoine,  du  maïs,  tels  qu'on  les  trou- 
vera dans  les  comptes  annexés,  ont  été  suffisamment  rémunérateurs. 
Quoique  le  prix  du  coton  ait  été  bas,  l'abondance  de  la  récolte  a  laissé 
encore  un  large  bénéfice  au  producteur.  Il  faut  ajouter  que  le  proprié- 
taire d'Annadale,  récemment  établi  dans  le  pays,  lui  a  fait  des  avan- 
tages exceptionnels  que  l'on  verra  figurer  dans  les  comptes  annexés 
comme  bénéfices  résultant  de  diverses  industries. 

A  l'expiration  de  l'année  pour  laquelle  ce  contrat  a  été  fait,  F***  est 
rentré  sur  sa  propre  farm,  disposant  d'une  épargne  totale  de  692  dol- 
lars (3.383^),  représentée  par  de  l'argent,  par  la  plus-value  des  ani- 
maux domestiques,  par  un  mobilier  complété  et  des  approvisionne- 
ments abondants  (V.  Comptes  annexés^  L),  qui  contrastent  avec  la  pé- 
nurie dans  laquelle  il  était  au  début  de  l'année. 

Une  faudrait  pas  croire  que  toute  famille  de  métayers  dans  cette  partie 
du  Texas  puisse  faire  chaque  année  une  épargne  aussi  considérable. 
La  famille  F"***  n'en  fera  vraisemblablement  pas  souvent  de  pareille, 
le  propriétaire  du  domaine  d'Annadale  préférant  désormais  exploiter 


136  N"   7ri.    —   MÉTAYER    DE   LOUEST   Dl'    TEXAS. 

lui-même  sa  lerre;  mais  c'est  un  exemple  de  ce  que  l'esprit  d'entre- 
prise permet  à  une  famille  de  travailleurs  laborieux  et  économes  de 
réaliser  à  un  moment  donné  de  leur  existence,  et  des  circonstances 
pareilles  se  rencontrent  dans  un  pays  neuf  comme  l'Ouest  du  Texas. 

La  famille  F***  a  profilé  de  celte  prospérité  pour  améliorer  son 
mobilier  dans  une  certaine  mesure  (achat  d'une  machine  à  coudre,  de 
2  nappes  et  de  4  serviettes),  pour  se  donner  le  luxe  de  quelques  le- 
rons  d'écriture,  pour  payer  les  dettes  qu'elle  avait  dû  contracter 
comme  prix  d'achat  à  crédit  de  son  petit  matériel  agricole,  pour  solder 
les  annuités  dues  sur  sa  terre.  En  outre,  F***  vient  d'acheter,  à  raison 
de  5  S  (25^90)  l'acre  (40  ares).  50  acres  (20  hectares)  de  terre  boisée 
dans  le  voisinage,  de  manière  à  obvier  à  la  pénurie  de  bois  dont  souf- 
frent déjà  les  propriétaires  qui  ne  disposent  pas  de  grandes  étendues. 
Il  se  prépare  en  outre  à  agrandir  sa  maison  ainsi  que  les  étables  et 
les  greniers  en  dépendant,  et  à  creuser  un  puits  sur  son  domaine. 

L'avenir  de  celte  famille  est  désormais  assuré.  Son  histoire  montre 
comment,  sur  un  sol  neuf,  aux  productions  abondantes,  un  ménage  uni, 
laborieux,  économe  et  ayant  l'esprit  d'entreprise,  peut,  en  parlant  de 
rien,  s'élever  sûrement  à  l'aisance. 

MŒURS  ET   INSTITUTIONS  ASSURAXT    LE   BlE.N-ÈTllE    IMIYSIOUE    ET    MOHAL 

DE  LA  FAMILLE. 

La  famille  F***  a  toujours  pu  envisager  l'avenir  avec  confiance,  du. 
jour  où  la  santé  lui  a  été  rendue. 

Cette  confiance  repose  principalement  sur  l'abondance  des  richesses 
naturelles  au  milieu  desquelles  elle  vit,  sur  le  prix  élevé  de  la  main- 
d'œuvre,  comparativement  aux  objets  de  consommation  (alimentation, 
mobilier,  vêtement)  dont  une  famille  frugale  peut  se  contenter;  —  le 
luxe  seul  est  cher  aux  États-Unis,  et,  au  premier  rang  du  luxe,  il  faut, 
en  ce  pays,  placer  les  boissons  alcooliques,  —  enfin  dans  la  plus- 
value  rapide  (|ue  prennent  les  terres. 

Cette  plus-value  l'a  sauvée  de  la  pénible  situation  où  la  maladie- 
l'avait  jetée  lors  de  son  premier  établissement  dans  le  comté  d'Ellis. 
Actuellement,  cette  ))lus-value  sullirait  à  élever  graduellement  le 
rang  de  la  famille.  F*"  a  refusé  celle  année  de  vendre,  à  raison  de 
10  S  (ol'SO)  l'acre  (40  ares),  les  IGO  acres  (04  hectares)  qu'il  avait 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  137 

achetés  à  3  S  (lo^oi).  Il  estime  que  sa  terre  vaut,  améliorations  com- 
prises, 15  S  (77^70),  et  il  est  certain  qu'elle  atteindra  ce  prix  avant 
peu.  La  plus-value  moyenne  de  la  terre  est  depuis  plusieurs  années 
d'un  dollar  (548)  ou  1  dollar  l/;2  (7*77)  par  acre  chaque  année. 

Quant  à  ses  enfants,  quelque  nombreux  qu'ils  puissent  être  dans  la 
suite  des  années,  leur  établissement  n'inspire  aucune  sollicitude  à  la 
famille.  Dès  l'âge  de  dix-sept  à  dix-huit  ans,  ses  fils  pourront,  non  seu- 
lementgagnerleurvie,  mais  se  constituer  des  épargnes:  ils  se  trouveront 
dans  des  conditions  au  moins  aussi  favorables  que  leurs  parents,  et, 
si  la  terre  est  devenue  trop  chère  dans  le  comté  de  Callahan,  ils  iront 
plus  à  l'Ouest,  ou  plus  au  Sud,  ou  plus  au  Nord,  dans  les  comtés  occupés 
aujourd'hui  seulement  par  le  pâturage  et  dont  Abilène  est  la  capitale. 
Aucune  obligation  de  service  militaire  ne  viendra  gêner  la  disposition 
des  plus  fécondes  années  de  leur  vie,  ni  les  empêcher  de  faire  des  éco- 
nomies à  l'âge  où  elles  sont  le  plus  faciles. 

Quant  aux  filles,  étant  donné  l'empressement  des  jeunes  gens  à 
se  marier,  pourvu  qu'elles  soient  bien  douées  physiquement  et  morale- 
ment, ce  qui  est  leur  cas,  elles  sont  sûres,  aux  environs  de  vingt  ans, 
de  pouvoir  choisir  un  bon  mari. 

Ce  sont  ces  conditions  économiques  qui  avant  tout  assurent  le  bien- 
être  physique  et  moral  de  cette  famille. 

Comme  mœurs  et  institutions,  il  faut  signaler  :  1°  la  moralité  remar- 
quable du  pays,  due  à  la  composition  homogène  de  la  population  et  aux 
bons  éléments  qui  l'ont  formée  (§  17);  2°  la  sécurité  absolue  qui  règne 
dans  la  campagne  :  les  vols  de  bestiaux  sont  à  peu  près  inconnus,  et, 
comme  à  l'âge  dor,  on  ne  prend  pas  la  peine  de  fermer  les  portes  des 
habitations  quand  on  s'absente  momentanément;  3°  le  développement 
de  la  poste,  du  télégraphe,  des  chemins  de  fer,  des  banques,  qui  rend 
les  affaires  faciles  et  sûres  et  facilite  les  relations  de  famille  malgré 
les  distances. 

Les  lois  du  Texas  se  sont  proposé  depuis  longtemps  d'assurer  la 
stabilité  de  la  classe  desformers.  C'est  cet  État  qui,  en  1839,  quand  il 
était  encore  une  république  indépendante,  a  le  premier  introduit  les 
homeslead  exemptions.  Elles  ont  été  développées  depuis  et  sont  inscrites 
dans  la  Constitution,  en  sorte  que  les  législatures  ordinaires  ne  pour- 
raient pas  les  modifier;  il  faudrait  un  vote  populaire.  En  voici  le  résumé  : 

Ij/iomestead  exemption  est  un  bénéfice  attribué,  sur  la  terre  ou  la 
maison  où  est  établie  l'habitation  ,  à  la  femme  pendant  le  mariage  et 
durant  tout  son  veuvage,  ainsi  qu'aux  enfants  mineurs.  Vhomestead 


138  N"   75.    —    MKTAVER    DE   l'OUEST    DU    TEXAS. 

exemption  résulte  du  fait  même  de  la  loi;  elle  n'est  subordonnée  à 
aucune  déclaration  des  époux  et  ne  peut  par  conséquent  être  l'objet 
d'aucune  renonciation  comme  dans  plusieurs  autres  États  de  l'Union 
américaine.  A  la  campagne,  Y homestead  exemption  embrasse  200  acres 
(80  hectares)  déterre,  sans  limitation  de  valeur,  et  toutes  les  construc- 
tions, clôtures,  améliorations,  qui  ont  pu  y  être  faites.  Il  peut  être  d'un 
seul  tenant  ou  en  plusieurs  pièces  de  terres.  Dans  les  villes  et  bourgs, 
un  lot,  c'est-à-dire  tout  un  terrain  aflecté  à  l'habitation  ou  à  l'exercice 
de  l'industrie  du  propriétaire,  est  exempt  de  saisie,  jusqu'àconcurrence 
d'une  valeur  de  5.000  S  (25.900^;,  plus  500  S  (2.590')  d'exemption 
pour  les  autres  biens  mobiliers. 

En  vertu  du  privilège  de  V homestead,  le  bien  de  famille  ne  peut  être 
vendu  à  l'amiable  que  du  consentement  de  la  femme,  et  ce  consen- 
tement doit  être  donné  dans  certaines  formes  déterminées  par  la  loi. 
Aucune  hypothèque  ne  peut  être  opposable  à  la  femme  et  aux  enfants 
mineurs,  (juand  même  elle  aurait  été  consentie  par  la  femme.  Le  bien 
de  famille  ne  peut  être  saisi  pour  dettes,  si  ce  n'est  pour  l'acquit  des 
taxes  publiques,  du  prix  d'acquisition  ou  des  matériaux  pour  l'amélio- 
rer; mais,  dans  ce  dernier  cas,  le  contrat  d'où  résulte  la  créance  doit 
avoir  été  signé  par  la  femme  pour  lui  être  opposable. 

En  cas  de  mort  de  l'un  des  époux,  le  survivant  et  les  enfants  peu- 
vent continuer  à  l'occuper,  et  il  n'est  pas  partagé  pendant  tout  le 
temps  de  sa  vie  ou  jusqu'à  la  majorité  des  enfants.  En  cas  de  mort 
du  mari,  la  veuve  et  ses  enfants  ont  droit  à  être  entretenus  pendant  un 
an  sur  les  biens  du  mari,  et,  s'il  n'existait  pas  A' homestead  spécial,  on 
peut  vendre  au  comptant  les  biens  laissés  par  le  mari,  jusqu'à  con- 
currence d'une  somme  de  5.500  S  (28.490'j,  pour  pourvoir  à  leur 
entrelien  préférablement  aux  créanciers. 

En  outre  de  ces  privilèges  de  la  femme  et  des  enfants  mineurs,  les 
objets  suivants  sont  exempts  de  saisie  :  tous  les  outils  agricoles,  les 
meubles  et  ustensiles  de  cuisine,  les  livres,  outils  et  instruments  ser- 
vant à  l'exercice  d'une  profession  libérale  ou  d'un  métier,  2  jougs  de 
bœufs,  5  vaches  et  leurs  veaux,  1  wagon,  2  chevaux,  1  voiture  [buggy 
ou  carriage),  20  moutons,  20  porcs,  tout  le  fourrage  et  les  apijrovi- 
sionnt' ments  destinés  à  la  nourriture  de  ces  animaux,  etc. 

Les  femmes  mariées  peuvent  posséder  en  leur  nom  propre,  comme 
propriété  séparée,  tous  les  biens  qu'elles  avaient  avant  leur  mariage, 
ainsi  que  tous  ceux  qui  i)endant  le  mariage  leur  échoient  par  succes- 
sion, legs  ou  donation.  Fja  fenune  n'est  pas  tenue  sur  ses  biens  au  paie- 


OBSERVATIONS   PRÉLIMINAIRES.  139 

ment  des  dettes  de  son  mari,  ni  de  celles  qu'elle  pourrait  avoir  con- 
tractées elle-même,  à  moins  (ju'elle  ne  les  ait  contractées  pour  des 
dépenses  faites  sur  ses  biens,  ou  pour  ses  besoins  personnels  ou  ceux 
de  ses  enfants.  Elle  n'est  pas  responsable  sur  son  patrimoine  de  l'en- 
dossement qu'elle  aurait  fait  de  titres  négociables. 

En  dehors  de  ces  lois,  dont  du  reste  F***  n'a  jamais  eu  à  invoquer 
le  bénéfice,  on  doit  signaler,  comme  institutions  assurant  le  bien- 
être  de  la  famille,  le  faible  poids  des  impôts  de  l'Etat  et  du  comté. 
La  taxe  totale  de  l'État  ne  s'élève  pas  à  plus  de  22  cents  1/2  (1'  .30)  par 
100  S  (518f)  de  la  valeur  assessée  des  propriétés  mobilières  et  immo- 
bilières^ et  l'assessement  est  généralement  de  la  moitié  de  la  valeur 
réelle,  les  assesseurs  prenant  pour  base  de  leur  évaluation  ce  qu'une 
vente  forcée  produirait  (1).  Les  fai^mers  se  trouvent,  sous  ce  rapport, 
dans  une  meilleure  situation  que  les  habitants  des  cités  incorporées, 
dont  les  common  councils  électifs  se  lancent  dans  des  dépenses  d'em- 
bellissement dont  la  ville  n'a  aucun  besoin  actuel,  sous  prétexte 
d'attirer  les  étrangers  et  de  donner  de  la  plus-value  aux  lots  bâtis  ou 
à  bâtir.  Dans  ces  cités  en  formation,  la  valeur  des  propriétés  passe  ré- 
gulièrement, sous  l'influence  delà  spéculation,  par  des  alternatives  de 
hausse  et  de  dépression  {boom  et  krach)  également  exagérées. 

L'absence  absolue  de  droits  de  mutation  proportionnels  est  parti- 
culièrement favorable  à  la  classe  des  farmers,  à  qui  elle  permet  de 
réaliser  facilement  les  plus-values  obtenues  sur  leurs  terres. 

Les  taxes  de  l'Etat  et  du  comté  portent  également  sur  toutes  les 
propriétés  mobilières  et  immobilières.  La  Constitution  pose  des 
maxima  à  toutes  les  taxes  d'État,  de  comté,  de  school  district,  de 
Road  district  (§  19);  ces  maxima  jusqu'à  présent  ne  sont  pas  atteints. 
De  plus,  la  Constitution  exempte  de  toute  taxe  les  meubles  et  usten- 
siles de  cuisine  jusqu'à  concurrence  de  250  $  (1.29o0- 

Ainsi  qu'il  a  été  dit  plus  haut,  sur  le  total  de  la  taxe  d'État,  12  cents  1/2 
sont  attribués  aux  écoles  locales.  L'État  du  Texas  avait  pourvu  lar- 
gement jusqu'ici  à  toutes  ses  autres  dépenses  avec  une  taxe  de  10  cents 
(0'  52)  par  100  S  (518')  de  la  valeur  assessée  (2). 

{\)  La  silualiiin  rmiincii're  du  Texas  est  excellenio  :  au  l'"' septembre  )8itO,  sa  dette  ne 
montait  qua  i.^M.im  §  (21. «.'il. 441 'M)),  sur  lesquels  1.2-iO.G30  $  (G.3-2-2.86V 40)  seulement 
étaient  entre  les  mains  des  particuliers.  Le  reste  était  dans  les  caisses  de  l'État,  comme 
dotation  d'un  certain  nombre  d'institutions  imbliques,  telles  que  l'Université,  les  asiles 
pour  les  orphelins,  les  aveugles,  les  sourds  et  muets,  les  vétérans. 

(2)  Dans  la  session  de  18!tl,  la  législature  issue  du  mouvement  de  la  Farmer'.s  Aih'ance 
(§  18)  a  porté  la  taxe  pour  les  dépenses  générales  de  l'État  à  10  cents  2/3  par  100  S  de  va- 
leur de  la  i)ropricté  pour  l'annce  18!il,  et  à  1'»  cents  pour  les  anm-cs  suivantes. 


140 


N"    75.    —   MÉTAYER   DE   LOUEST    DU   TEXAS. 

^  14.  —  BCDGKT  DES  RECKTTKS  DK   L'AWKK. 


SOUKCES  DES  RECETTES. 


SECTION     1". 
PROPRIÉTÉS  POSSÉDÉES  PAR  LA  FAMILLE. 


Akt.  1' 


PltOPItlÉTKS  IMMODIMKRF.S. 


Domaine,  formant  un  quarl  de  section,  loue  à  un  métayer,  sauf  7  acres 
(!;■  10,  H  )  et  comprenant  (S  •>)  : 
i    maison  d'Iiahitation ,  avec    élables   et    greniers,    125    $     (C4T50); 
—  KK)  acres  ((i't  liect.  )  de  terres,  dont  GO  acres  défrichés,  avec  leurs  clô- 
tures, '2.-275  S  (  ll,784':iO). 

Akt.  2.  —  Valeurs  morii.ikhes. 

Ammai  X  DOMESTIQUES  entretenus  toute  l'année  {'j  (i)  : 

1  vache,  3  juments  poulinières  et  2  mules (  ■",  G  el  1",  16,C). 

20  poules CJG  et  '^1G,D). 

Mateiuei.  spécial  des  travaux  et  industries  : 

Servant  à  des  entreprises  spéciales (3  IG, H). 

—  aux.  réparations  du  mobilier,  etc (S  •') 

—  à  l'exploitation  de  la  vache  laitière ('^  lu, K). 

—  au  blanchissage   et  à  la  confection    des    vête- 
ments   C'  «  etS  16,  K  ). 

Argent  : 
Fonds  de  roulement  employé  i>riiicipalement   pour  l'achat  des  jeunes 
porcs,  aux  frais  de  saillie,  etc  

Art.  3.  —  Droit  aux  allocations  de  sociétés  d'assurances  mutuelles. 


(La  famille  ne  fait  partie  d'aucune  société  de  ce  genre.  ). 
Valecii  totale  des  propriétés 


KVALUATIOX 

API'UOXIMATIVE 

DES  SO DUCES 

VK    EECEÏTES. 


VAI.EUn  DES  l'UliPKlETE.S. 


2.40O''0O 


3.V;  00 
10  CO 

78  m 

3  00 
1  !K) 


22  00 


12.  432' 00 


l.73.'J  30 
.■;t  80 

40G  G3 

»  8t 

42  22 

113  96 


SKCTION     II. 
SUBVEIVTIOIVS  REÇUES  PAR  LA  FAMILLE. 

AiiT.   1<"^  —  Propriétés  reçues  en  usufruit. 

Maison  d'habitation  avec  ses  dépendances 

Art.  2.  —  Droits  d'usace  sur  les  propriétés  voisines. 

Droit  de  pâture  accordé  par  le  propiiétaire  pour  la  vache  laitière,  les  juments  et  les  élèves  sur 

des  terres  non  comprises  dans  la  métairie 

Droit  de  pèche  accordé  par  le  propriétaire  dans  les  étangs  de  son  domaine 


Art.  3. 


Allocations  d'orjets  et  de  services. 


liois  de  chauffage  existant  sur  le  domaine  et  fourni  par  le  propriétaire 

Semences  fournies  par  le  propriétaire  en  vertu  du  contrat  de  métayage  et  qui  n'ont  pas  été  pré- 
levées sur  la  récolte 


Lait  provenant  de  2  vaches  appartenant  au  i)ropiiétaire 

l'éches  et  concombres  donnes  par  le  métayer  du  domaine  de  la  famille 


N"   75.    —   MÉTAYER   DE   l'OUEST   DU    TEXAS. 

$  li.  —  BUDCfilT  DES  RECETTES  DE  L'ANNÉE. 


141 


RECETTES. 


SECTION     r°. 

REVEIVUS  DES  PROPRIÉTÉS. 

\iiT.  i".  —  Revenus  des  propisiétés  iMMoniLiÈUES. 

Pari  (le  la  recolle  faite  par  le  métayer  {renier)  : 

1  quart  de  la  récolle  de  coton  :  50  balles  (1.000  kilogr.), 

vendues  à  30  $  (155' 40) 

1  tiers  de  la  récolte  de  mais  :  43  busliels  (  1.515  lit.),  ven- 
lus  à  70  cents  {3f62)  le  bushel 

ArtT.  2.  —  Revenus  des  valeurs  mobilièues. 

Intérêt  (8X)  de  la  valeur  de  la  vache  et  des  juments  [%  G). 
—  des  20  poules ('^  G). 

Intérêt  (8  %)>!&  la  valeur  de  ce  matériel (S'>)- 

(Cette  valeur  ne  porte  aucun  Intérêt) (§•))• 

Intérêt  (8  ^)  de  la  valeur  de  ce  matériel ('.;*>)■ 

-  -  -        ('.;6). 

Intérêt  (8  0/0)  de  la  partie  du  fonds  de  roulement  em- 
ployée si)écialemcnt  aux  industries...     ^Ki,  C  et  E). 

UT.  3.  — Allocations  DES  SOCIÉTÉS  d'assurances  mutuelles. 

(La  famille  ne  jouit  d'aucune  allocation  de  ce  genre.).. 

Totaux  des  revenus  des  propriétés 

SKCTION     II. 

PRODUITS  DES  SLBVE^TIOAS. 

lrt.  i"'.  —  Produits  des  propuiétés  reçues  en  usufruit. 
Valeur  du  loyer  de  la  maison  avec  ses  dépendances.... 

Art.  i.  —  Produits  des  droits  d'isaoe. 


Valeur  de  la  nourriture  des  animaux (l'.lCC). 

Valeur  du  poisson  :  25  livres  (ll'-aoO)  à  10  cents  «/52)  la 
livre (§  15,  S""  I). 

Ai!T.  3.  —  Orjets  et  services  alloués. 

îois  de  clianlfage  consommé  dans  l'année...     (215,S""II). 

île  :  1-20  bushels  (42  hectol.,  28)  à  i»0cents  (4'G<i)  le  bush. 

vnine  :  100  busli.  (35  hcct.,  24)  à  .55  cents  (2'8r.)  le  busli. 
Mais  :  2  bushels  (0  hectol.,  70)  à  75  cents  (3'S8)  le  bnsli. 
:,ait  :  730  ijallons  (2!»  hectol.,  20)  à  4  cents  (O'ai)  legallon. 

aleur  de  ces  fruits  consommés  par  la  famille.  (',',15.  S""  I). 

Totaux  des  produits  des  subventions 


MONTANT  DES  KECETTES. 


^alf""^  Recettes  Valeur 

des  objets  des  objets 

reçus  reçus 

en   nature.  argent.  g,|  nature. 


2(i"'80 
0  80 


0  15 
0  05 


30  08 


2!)  40 
2  50 


M   00 

14  11 

7  18 

0  20 
2!l  20 

1  00 


150''  00 
30  10 


186  38 


f(.S  8!l 

47  82 

1  30 


l'i3  01 


138^82 
4  14 


0  78 
3  37 

8  70 


155  81 


180  48 


152  2!» 
12  !»5 


217  50 

73  O'J 
37  l<t 

1  oa 

151  2(i 
5  18 


775'  00 
155  02 


!)li5  45 


.'i8(i  35 
217  7i 

r,  73 


142  N"  lo.    —    MKTAYER    DE    l'oUEST    DU    TEXAS. 

§  14.  —  BUDGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNÉE  {suite). 


SOURCES  DES  RECETTES  [suite]. 


SECTION    III. 


TBAVALX   EXÉCUTÉS   PAR   LA    FAMILLE. 

Exploitation  de  la  métairie 

TraiisiKirt  <Iu  blé  rt  de  l'aNoiiK; 

Çiiltuic  clu  jardin 

Klcva,i,'«'  (.1  salaison  des  pores 

Soins  donnés  aux  juments 

Vente  des  produits  de  la  chasse 

Culture  <le  eoton  sur  le  domaine  de  la  lamille 

Culture  de  fourrage  en  dehors  de  la  métairie 

Travaux  faits  à  la  journée  au  compte  du  propriétaire 

EntFetien  des  chemins 

Culture  <le  la  terre  d'une  veuve  pauvre 

Soins  donnés  aux  poules 

Préparation  du  beurre 

Confection  des  vêtements  et  du  linge 

Blanchissage 

Soins  du  ménage  et  des  enfants,  absorbant  tout  le  temps  laisse  libre  par 
les  industries  spéciales 

TllAVAlX    DES  JEUNES  ENFANTS   : 

Travail  et  récolte  du  coton,  réparti  sur  de  nombreuses  journ<'es 

ToTAix  des  journées  de  tous  les  membres  de  la  famille 


Ol  ANTITK 

t)K 

TIÎAVVI 

KFKF, 

Tii;. 

Homme. 

y 

■mm  ' 

Journées. 

J( 

urn.. 

210 

, 

U 

, 

10 

» 

48 

, 

1 

„ 

an 

» 

a 

s 

ir. 

> 

3 

a 

1 

8 
î4 

" 

'JO 
32 

SECTION    IV, 

INDUSTRIES   Ei^lTREPRISES  PAR   LA  FAMILLE 

(à  son  jiropre  compte). 

Exploitation  des  champs  de  la  métairie 

—  du  jardin  potager 

—  de  1  vache  et  de  3  juments \ 

—  de  20  poules 

—  de  t  porcs 

Entreprise  de  la  nourriture  et  du  blanchissage  du  propriétaire 

Exploilalion  de  la  chasse 

Cullure  de  coton  (entreprise  sur  le  domaine  propre  dv  la  famille 

Culture  <le  fourrage  sur  le  domaine  du  propriétaire 

Industries  entreprises  par  la  femme 


N°   75.    —   MÉTAYElî    DE   L  OUKST    DU    TEXAS. 

§  14.  —  BUDGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNÉE  {suite). 


143 


RECETTES  {suite). 

MONTANT  DE.S  RECETTES 

En  cloll.irs. 

En  francs. 

Valeur 
des  objets 

Recettes 

Valeur 
des  objets 

Recettes 

SAI.AIEIES  JOLHNALIEKS. 

SECTION    m. 

reçus 
en   nature. 

arsent 

en  nature. 

argent. 

Homino. 

Femme. 

S.\LAIBES. 

En  ilolliirs. 

En  dollars. 

•"00  (ii'18) 

,             , 

Salaire  attribué  à  ers  travau.x  (j  Itî,  A). 

27^43 

18-2'i57 

142 '09 

945' 7) 

00  (?;  18) 

. 

—                     —                (§16,  A). 

0  78 

5  22 

4  01 

-27  Oi 

00  (5  18) 

>             > 

—                     —                (§16,  B). 

10  00 

1) 

51   80 

» 

00  (5  18) 

»            » 

-                    -               (§  16.  E). 

3  00 

» 

15  54 

• 

00  (5  18) 

> 

_                    —               (§lti,  C). 

18  00 

» 

93  24 

• 

00  (5  18) 

»            > 

—                    -               (§16,  G). 

> 

1  00 

" 

5  18 

00  (5  18) 

u             • 

-                    -               (316,  H). 

« 

2(i  00 

• 

134  68 

00  (5  18) 

>              • 

—                    —                (S16,  J). 

» 

3  00 

» 

13  54 

00  (5  18) 
00  (518) 
00  f5  18) 

a             » 

), 

15  00 

i> 

77  70 

» 

3  00 
1  00 

15  54 
5  18 

* 

—                     —       (§15.  S""  IV). 

>                    n 

o^-wfafso) 

Salaire  attribné  à  ce  travail  C  '6.  D). 

4  00 

» 

20  72 

» 

>                    i> 

0  50-2  5!t) 

—                 _              (g  i(i,  K). 

1-2  00 

I 

62  16 

" 

»                  n 

0  50-2  -i!) 

—                    —                (■;,  16,  K). 

"25  00 

» 

1-29  .50 

» 

. 

0  50  (-2  59; 

-                   -               (S  16,  Kj. 

-20  00 

■• 

13i  68 

• 

• 

. 

(Aucun  salaire  ne  peut  être  attribué 

„ 

„ 

. 

. 

• 

Valeuraltribuce  à  ce  travail  (§10,  Hj. 
Totaux  des  salaires  de  la  famille. 

» 

23  75 

123  03 

130  -21 

2.')6  54 

674  49 

1.3-28  88 

SECTION    IV. 

BÉNÉFICES   DES   i;\DUSTRIES. 

Bénéfice  résullanl  de  cette  industrie (S  IG,  A) 

26  58 

176  02 

1.37  08 

9I()  45 

—                           —                                        Cj  !«,  B) 

21   M 

» 

111   37 

» 

—                           —                                        (S  10,  C) 

18  82 

» 

97   49 

» 

—                             —                                            ('.;  10,  D) 

Iti  00 

" 

82  88 

» 

-                              -                                            (S  «6,  E) 

20  70 

» 

107  -23 

" 

-                               —                                               (§  16,  K) 

15  00 

77  70 

—                               —                                               (S  16,  G) 

12  .50 

6t  75 

—                               —                                              (3  16,  H) 

20  95 

» 

139  60 

—                                 —                                                 (;",  16,   î) 

1  50 

" 

7  77 

(Aucun  bénùDce  ne  résulte  de  ces  industries.) .     (S  16,  K) 

Totaux  des  bénéGces  résultant  des  industries 

Nota.  —  Outre  les  recettes  portées  ci-dessus  en  compte, 

" 

" 

" 

103  60 

232  87 

.536  (i.5 

1.-200  -27 

les   industries   donnent    lieu  à    une   recette   de  678'' 7o 

(S.MGMS)  (§  IG,  L),qui  est  appliquée  de  nouveau  à  ces 

mêmes  industries;  cette  recette  et   les  dépenses  qui  la 

balancent  CJ  15,  S""  V)  ont  été  omises  dans  l'un  et  l'autre 

budget. 

Totaux  des  mecettes  de  l'année  (balançant  les  dé- 

penses)    [l.'2'ti''-28  ((i.ii5'38)]. 

4-:!5  48 

818  80 

2.203  99 

4.2il  39 

144 


>°   7o.    —   MÉTAYER   DE   l'oUEST   DU   TEXAS. 

^  15.   —  BUDGET  DES  DÉPENSES  DE  L'ANNÉE. 


DÉSIGNATION  DES  DÉPENSES. 


SECTION    l". 

DÉPENSES   CONCERNANT 
LA  NOlJRRiTlJRE. 

AUT,    1".    —ALIMENTS  CONSOMMÉS 
DANS    I.E  MÉNAGE. 

[Par  lu  pire,  la  mire  et  les  â  cnfanU  pendant 
365  jours  ;  par  la  Rrand'mère  pendant  12  a  jour»  ; 
par  le  propriétaire  et  ses  hôtes  (§  16,  F)  ;  et  par 
le»  ouvriers  a  la  journée  (§  16,  A).j 

CÉBÉALES  : 

Froment  :  1.200  livres  de  farine  à 

-2''  tiO  (13'  47)  les  lOO.livri'S  {Vi"  350). 
lUz  :  50  livres  à  8  cents  la  livre. . . 

Poids  total  et  priv  moyen.. 

COItPS  GRAS  : 

Beurre  :  i-îi)  livres  à  15  cents  (0'  78) 
la  livre  (WS'^S) 

Graisse  de  porc  :  300  livres  (dont 
100  liv.  achetées)  à  8  cents  (O'ti) 
la  livre  (i.53'^^5) 

l'oids  total  et  prix  moyen.. 

Laitage  et  ««lfs  : 

l.ait  :  1.0ft5  gallons  (41  liectol.,80) 
(S  14,  S""  II,  et  .;  Iti,  C);  la  partie 
(|ui  n'est  pas  transformée  en 
beurre  est  consomméeà  l'état  de 

lait   écréme 

(Hùifs  :  lOV  douzaines  à  20  cents 
(l'Oi) 

Poids  total  et  inix  moyen.. 

Viandes  et  pois.sons  : 

Viande  Iraiclie  de  porc  :  700  livres 

a  12  cents  (0'6-2) 

Poulets. -40 pièces, à  25 cents  (1 '20). 
Poisson  (f,  14,  S""  H),  -i.'i  liv.  à    10 

cents  (0' 52) 

Poids  total  et  prix  moyen. . 

I.Ér.LMF.S  ET  FIICITS   : 

Tnherculcs  :  Pommes  de  terre, 
;t8i)uslicls,à  :iOcenls(2'2.';)lel)us- 
liel c:  10,  II) 

I.ctîumes  farineux  :  Pois  et  hari- 
cots, 10  hushels,à  75  cents  (3'8«) 
le  hushel C.',  IG,  B) 

Salades  et  melons ('.;  IC,  B) 

Pécliest'l  coiicomltresC,;  14,  S""  II). 

l'oids  total  et  prix  moyen.. 


POIDS  ET   PRIX  DES 
ALIMENTS. 


POIDS 
consommé. 


S4i»i 
22  (j 


103  8 
!.'«;  0 


23!»  8 


'K.'WO  0 
77  « 


.■(17   V 
.30  0 


fiOO  (i 


2'i2  4 

2(i(>  0 

8  5 


PRIX 

par  kilog. 


0f2!»7 
0  !H7 


1   713 
0  01  i 


1   2(;0 


0  025 

1  388 


0  Oi!l 


1   .17'. 
1   727 


0  If») 
0  IIH) 
0  (idO 


MONTANT    DES    DÉPENSE?.                | 

En  dollars. 

Kn  francs.               j| 

Valeur 
des  objet* 
consommés 
en  nature. 

Dépenses 

en 
argmt. 

Valeur 
des    objets 
consommé» 
en  nature. 

Dépenses 

en 

argent,    i 

1 

' 

31 '20 
4  00 

■ 

1 

l(il'(i2 
20  72 

1 

3i''3:; 

. 

177M13 

it  to 

!»  (iO 

74  5!l 

1 

1 

10  .50 

2  10 

101   01 

1 

10  88 

20  80 

• 

107  H 

" 

75  m 

8    10 

:\>M   tll 

4.1  51 

10  00 

51   80 

2  .5(1 

• 

12  !I5 

1!»  00 

_ 

!)8  42 

. 

7  .M) 

38  8.5 

, 

:,  00 

. 

2.5  !t0 

. 

1    00 

5  18 

N°   75.    —   MÉTAYER    DE    l'oUEST   DU   TEXAS. 

i  lo.  —  BUDGET  DES  DÉPENSES  DE  L'ANNÉE  {suite). 


145 


DÉSIGNATION  DES  DÉPENSES  {suite). 


SECTION    I     • 

DÉPE%SES  COXCERIVAIMT  LA 
;N0URRITURË  [suite). 

AnT.  I".  —  Aliments  consommks 

DANS    LE   MÉNAGE    (SUite). 
ONDISIENTS  ET  STIMULANTS   .* 

Sel  :  100  livres  à  i  cent  (O'Oo) 

Poivre  :  1  demi-livre  à  l''50  (6'2-2) 

la  livre 

Vinaigre  et  épiées  diverses 

Sncre   de  canne  rafliné.  'tOO   li\. 

à  0  cents  (O',")!) 

.Mélasse  :    12  gallons    à  50  cents 

(-2'o9)  le  gallon 

Caré:8-2  liv. à -2-2  cents  (l'il)  la  llv. 
Tlié  :  4  liv.  à  30  cents  (-2^59)  la  liv. 
Raisins  secs  :  20  livres  à  10  cents 

(0'5-2)  la  livre 

Poids  total  et  prix  moyen... 

oissoss  fermentf.es  : 

la  l'amille  ne  lait  usage  d'aucune 
boisson  fernientée 


POIDS    ET   PRIX    DES 
ALIMENTS. 


POIDS  PRIX 

consommé.       par  kilog. 


O'Ui 


0  2 

i  0 

1.3  ,'i22 
2  .-iitO 

181   i 

0  mr. 

.■iV  0 

;{-  2 

1  8 

0  57.'; 
2  513 
5  -2i 

y  1 

1   130 

33H  0 

0  8GIJ 

Art.  2.  —   Aliments  prépares  et  consommés 
en  dehors  du  ménage. 

(La  famille  ne  fait  aucune  consommation  hors  du  mé- 
nage.)  

Totaux  des  dépenses  concernaot  la  nourriture... 


SECTION      II. 

DÉPENSES  COniCERNANT  L'HABITATIOIV. 

.OGEMENT  : 

Valeur  locative  de  l'habitation (§  14,  S""  11) 

lIOlïll.lER  : 

Entrelien  et  achat  du  mobilier 

—  du  linge  de  ménage 

^IIAIFFAGE    : 

Bois  de  chauffage  fourni  comme  siib\cntion 

ECLAIRAGE   : 

l'etrolc,  10  gallons  (M)  lit.)  à  35  cents  (l'81)  le  gallon 
Allumettes 

Totaux  des  dépenses  concernant  l'habilation 


Montant    des   dépenses. 

Kii  francs. 


Valeur 
des  objets 
consommés 
en  nature. 


209<'e5 


36  0 


42  0 


78  0 


l^OO 


0  GO 
2  00 


(I  00 

18  Ot 

2  00 

2  00 


110  9i 


3  00 
2  00 


3  50 
1  00 


Valeur 

des  objets 
consommés 
un  nature. 


1.08.'if98 


18«  W 


Dépenses 
argent. 


3  11 
10  3G 

12i  32 

31  08 
93  45 
10  3G 

10  3G 


15  54 
10  30 


18  13 
5  18 


49  21 


146  N"    To.    —    MÉTAYER    DE   l'OLEST    DU    TEXAS. 

Ç  15.  —  BUDGET  DES  DÉPENSES  DE  L'ANNÉE  {suite). 


DÉSIGNATION  DES  DÉPENSES  {suite). 


SECTION     m. 

DÉPENSES  CONCERNANT  LES  VÊTEMENTS. 


vêtements  des  deux 


Vktemems  : 

Vétenieiitsduclicf  de  lainille/joeo  (49'99);  — vêtements 
de  la  femme,  9" 4î>  (48' 95); 
lilles,    '»"40  (22'79) 

Confection  et  entretien  du  lini,'e  et  des  vêtements  : 
•Jo  journées  de  la  feninic  à  50  cents  {•2<m),  25'' 
(l-îît'oO);— achats  de  filet  aiguilles  l^Co'lS);  — 
intérêt  de  la  valeur  du  matériel  employé  à  ces  tra- 
vaux, 0''  05  (3' 37) 

Rl.ANt;H1SSAGK  : 

Travail  de  la  femme  :  5-2  journées  à  m  cents  (2'59)... 

Savon  de  fabrication  domestique  5*  (âS'OO);  —amidon, 

3-'(15'54) 

ToTAi  X  des  dépenses  concernant  les  vêtements. . . 


s  i:  c.  T  1 G  N    I  V. 

DKPFASKS  COCERNANT   LES  RES01\S  MORAUX, 
LES  RI^XRKATIONS  ET  LE  SERVICE  DE  SANTÉ. 

(Ultf.  : 

(La  famille  ne  fait  aucune  dêi)ense  de  ce  chef.) 

Instruction  des  enfants  : 

Li\res  et  fournitures  scolaires  pour  les  enfants 
Cours  d'écriture  en  i2  leçons  suivi  par  V*  et  sa  lille 
aînée 

SECOinS   et  AIMONES  : 

Le  chef  de  famille  fait,  à  l'occasion.  (|uel(|ues  iravauK 


pour  les  voisins  malades. 


KÉCKtiATIONS     ET  SOLENNITÉS   : 

Tabac  à  chiquer  ])our  le  chef  de  famille,  48  livres 
(2»" 77).  a  50  cents  (2';i9)  la  livre 

Ports  de  5  lettres  à  2  cents  (O'IO),  10  cents  (0'.52);  — 
voyage  en  chemin  de  fer.  40  cents  (2'07):  —  cotisa- 
lion  à   la  Farmet's  A  lliancr,  "K)  cents  (2'.59) 

Seiivii;e  de  santé  : 

Soins  <le  la  sase-femme.  à  raison  d'un  accouchement 
tous  les  2  ans 

ToTALX  des  dépenses  concernant  li-s  besoins  moraux, 
les  récréations  et  le  ser\icc  de  santé. . . 


N"    75.   —    MKTAVlill    DE    L  OUEST    DU    TEXAS. 

^   14.  —  BUDGET  DKS  RKCETTKS  DE  L'.XNXÉK  {suite). 


147 


DÉSIGNATION  DES  DÉPENSES  {suite). 


SKCTION    V. 

DÉPEI\SES  CONCERNANT  LES  INDUSTRIES, 
LES  DETTES,   LES  LMPÔTS   ET  LES  ASSURANCES. 

RPENSES  CONCERNANT  LES  INDUSTRIES  : 

Nota.  —  Les  dépenses conceriiaiit 
les  industries  montent  à  (j  IG,  L)     1.30,"i''  73  (<J.7ti3'(i") 

Elles  sont  remboursées  par  des 
recettes  provenant  de  ces  mê- 
mes industries,  savoir  : 

Argent  et  objets  employés  pour 
la  consommation  du"  ménage 
oufaisant  partie  des  épargnes  et 
portés  à  ce  titre  dans  le  présent 
budget ti-'-"  03  (3.24-f  Wt) 

Argent  et  objets  appliqués  de  nou- 
veau au\  industries  CJ  14,  S°"  IV), 
comme  emi)loi  momentané  du  i  ,  „„••  —i  /c-  ~fir-!\ 
tonds  de  roulement  et  <|ui  ne  >  ^■^^■'  '■»  (C-''-^^) 
l)eMvent  [lar  consé()uent  ligurer 
parmi  les  dépenses  du  mé- 
nage (§  10,;L) G78'i  70(3.310' 18). 

TKi;i:TS  DES  dettes  : 

Intérêt  (10  °  u)  sur  deux  annuités,  SC  (497'28),  restant 
dues  sur  l'acliat  du  domaine 

Intérêt  (12  ".,.)  sur  40''  (207' 20),  restés  dus  sur  la  valeur 
d  u  matériel  agricole 

IPÔTS  : 

Taxes  de  l'État  et  du  comté 

3  journéesde  travail  pour  l'entretien  des  routes,  sur 
uii  maximum  de  ajournées  lixé  par  la  loi 

s  CI!  AN  CES    : 

(I.a  famille  ne  fait  aucune  dépense  de  ce  clicf.  ) 

Totaux   des  dépenses  concernant  les  industries, 
les  dettes,  les  impots  et  les  assurances. 

Ar.G.NE  DE  l'année  : 

Destinée  au  remboursement  d'une  partie  des  sommes 
dues  sur  le  domaine 

Totaux    des  dépenses   de  l'année  (balançant    les  re- 
cettes)      [I.2ii"28  (0.'»4.*'38)] . . 


montant    des     DEI'ENSKS 
En  francs. 


3''00 


3  00 


425  48 


O'iCO 
4  80 


818  80 


Valeur 
des  objets 
consommés 
en    nature. 


402  39 


2.203  !t9 


Dépen.«C! 
argent. 


49' 73 
24  80 


110  03 


i.l«0  31 


14B 


N°  75.  —  MÉTAVEK  DE  L  OUEST  DL'  TEXAS. 


l   16. 
COMPTES  ANNEXÉS  AUX  BUDGETS. 

SECTION    I. 

COMPTES  DES  BÉNÉFICES 

KÉSLLTANT    DES    INDUSTRIES    ENTREPRISES    PAR    LA    FAMILLE 
(à  son  propre  compte). 


A.    —    EXPLOITATION    DES    ClIAMl'S 
DE    LA    MÉTAIRIE. 


RECETTES. 

Grains  réroltés  : 

Froment  :  830  bushels  (29-2"  4f>)  à  80  cents  ( 4'  13) 

Avoine  :  »iOO  bushels  {-iH"  M)  à  40  cents  (2' OC) 

Mais  :  KiO  bushels  (3.V' 2i)  à  70  cents  (3'CO) (§  10,  E) 

Déchets   de  grains    divers  : -20  bushels    (""  04)   à  50  cents 

(2'.:jy) (§  Iti,  D) 

Fumiers  (ces  produits  restent  au  propriétaire,  mais  n'ont 
pas  de  valeur,  les  animaux  n'étant  jamais  mis  à  l'élable, 
et  les  terres  ne  recevant  aucun  engrais) 

T(itau\  des  receltes 


Semences,  fournies  par  le    propriétaire (Sli,  S""!!) 

Main-d'œuvre  fournie   par  le  chef  de    famille  : 

2!0  journées  à  1  S  ("i'  18^ 

G  journées  pour  le  transport  du  blé  à  Baird 

Main-d'a-uvre  fournie  par  des  journaliers  loués  :  2.S0  jour- 
nées a  i  S  (■">'18),  plus  la  nourriture  comptée  dans  celle 
de  la  famille  (S  l.'i,  S'"  I) 

Moitié  de  la  dépense  de  la  batteuse  :  1  douzième  en  nature 
du  blé  et  de  l'avoine 

bois  acheté  pour  le  chauffage  de  la  batteuse. 

Fourniture  de  ficelle  pour  lier  les  gerbes 

Entretien  du  matériel  agriccde  (fourni  par  le  propriétaire). 

Travail  des  chevaux  pour  le  transport  du  bleet  de  l'avoine 
à  Haird 

i'rix  payé  à  un  voisin  pour  le  transport  du  restant  du  blé 
et  di!  l'avoine  à  Baird,  à  raison   de  4  cents  le  busliel.. 

BÊNÉKicE  résultant  de  celte  industrie 

Totaux  i.ipiniiie  ci-dcssns 


5.'i''-20 
20  00 
70  00 

10  00 


13:;  20 


21  40 


27  43 
0  78 


(;08''80 
220  00 


828  80 


182  o7 
5  22 


10  00 
40  110 


1   OK 

20  (K) 

nii  !« 


En  argent.     En  nature. 


2«.'i'!li 
103  (» 
3(52  (iO 

51   80 


803  94 


m   32 


142  0!» 
4  OV 


82'<  80 


137  (U< 


3.i:.:t'M 
1.139  « 


i:l  U 


7V0  7! 


\.-l\C,  01 


803  Oi 


.M 

81 

•iOT 

» 

.-, 

S: 

to:t  e 

IMt 

4. 

COMPTES    AN.NLXKS    AUX    BUDGETS. 


149 


B.    —    EXPLOITATION    DU   JARDIN    l'OTAGEK. 


Pommes  de  terre  de  printemps  :40l)usliels  (I4"09)  à. "iO  cents 
le  b.,  dont  38  I).  pour  la  ronsommation  du  ménage 

J'ois  et  haricots  :  10  bushels  2  3  [i^lO)  à  "3  cents  le  h.,  dont 
10  I).  |)our  la  consommation  du  ménage 

Salades,  melons  et  concombres 

Total  des  recettes 

DÉPENSES. 

Semences  :  pommes  de  terre, 2  bushels  ;  —  pois,  s/s  de  bushel. 
Main-d'œuvre  :  10  journées  du  clicC  de  famille.  .(S  14,8""  III) 
BÉNÉFICE  résultant  de  ceitc  industrie 

Total  comme  ci-dessus 


-iO'",(K) 


8  00 

:i  00 

33  00 

1  oO 
10  00 
21  .'» 

En  ar^nt. 


((«■•go 


•2."i  !H) 


r.l   80 
III   ,37 


En  argent. 


EXPLOITATION    DE    LA    VACHE,    DES    3    JUMENTS 
POULINIÈRES    ET    DES    MULES. 


IlECETTES. 

Lait  :  1  gallon  {i  litr.)  par  jour,  à  i  cents  le  gallon 

Valeur  d'un  veau  d'un  an  conservé  par  V" 

A'aleur  d'un  poulain  à  la  lin  de  l'année,  conserve  par  F'" 
et  moitié  de  la  plus-value  d'un  poulain  de  l'année  pré- 
cédente (les  -2  juments  donnant  3  poulains  en  2  ans) 

Plus-value  des  deu\   mules 

Travail  des  juments,  13,. 8  journées  à  1  s  (.';'18)  en  dehors 
de  la  métairie  [)our  les  transports  et  les  entreprises  de  F*** 

Totaux  des  receltes 

DÉPENSES. 

Nourriture  :  25  bushels  (8'' 81)  de  graine  de  coton  donnés  à 
la  vache  en  hiver,  à  H  cents  le  bushel 

Valeur  de  la  nourriture  consommée  sur  le  pâturage  fourni 
par  le  propriétaire (S  li,  S""  II) 

Saillies  de  la  vache  (mémoire)  et  des  juments  (1  i/2  cha- 
i|ue  année,  pavable  à  la  naissance  du  poulain),  à  15  $ 
("'70) ■ 

Ferrures  des  juments 

Main-d'œuvre  :  2  journées  de  F***  pour  les  soins  donnés 
aux  juments 

Intérêt  à  8  "!„  de  la  valeur  de  la  vache,  des  3  juments  et 
des  2  mules 

Intérêt  pendanlCmoisà  8''/o  du  fondsde  roulement  repré- 
senté par  le  prix  des  saillies 

BÉNÉFICE  résultant  de  cette  industrie 

Totaux  comme  ci-dessus 


1:2  :m 

4  !t2 


r,c>  60 
id  16 


C  72 


«16  90 


3  00 
29  40 


18  00 

26  80 


0  88 
18  82 


2-1  10 
I  08 


13  40 
3  »4 


7  08 


22  .-iO 
ti  00 


2;;  48 


29.'?   19 
83  71 


34  81 


I.-i  r,i 
Vy2  29 


93  2V 
138  82 


10f88 
5  60 


69  41 
19  89 


1 16  55 
25  90 


D.    —    EXPLOITATION    DE    20   POULES. 


nECETTES. 

fHùifs  ;  104  douzaines  à  20  cents  (l'04) 

Poulets  :  40  pièces   à  25  cents    (l'30),  consommés  dans  le 
ménage 

Total  des  recettes 


20  80 
10  00 


107 

7'é 

51 

80 

15!»  54 

11 


loO 


>;o  75.  —  MÉTAYER  DE  L  OUEST  DU  TEXAS. 


VALEURS 

En  dnllnrx. 

En  francs. 

DÉPENSES. 

En  nnturu. 

En  argent. 

En  naturf. 

En   :ir.,'.  lit. 

Déchets    do    grains  récoltés  sur  le   domaine  :  20  busliels 
(-"Oo)  à  ."iO  cents  (2' 59)  le  busliel  (33'2'») 

■i  00 
0  80 

5I'80 

20  72 

4  14 

• 

Intérêt  à  8  °  „  de  la  valeur  des  -20  poules 

IG  00 

" 

82  88 

• 

Totauv  comme  ci-dessus 

30  80 

• 

150  54 

E.    —    EXPLOITATION    DES    l'ORCS. 

RECETTES. 

Viande  fraîche  et   lard  provenant    de  4   porcs  abattus   au 

t>out  d'nnan:  700  livres  (317" 300)  àl2  cents  (0'(J2)  lalivre. 

Graisse  ■  ''00  livres  (90'' 700)  à  8  cents  (O'ili  la  livre 

7-;  60 

li   40 

4  r,o 

8"40 
1  00 

0  50 

391  (il 
74  .59 
23  31 

4.3' 51 
8  *» 
2  5M 

Valeur  du  savon  fabriqué  avec  la  graisse 

Totaux  des  recettes 

9i  :iO 

10  50 

489  51 

5V  39 

DÉPENSES. 

Achat  de  4  jeunes  porcs  de  2  mois,  à  a*"  30  (12'95)  pièce. . . 
Nourriture  :  100  bushels  (35''2i)  de  maïs  à  70  cents  (.3' 03) 

70  00 

3  00 
0  80 

10  ((0 
0  50 

3«2  00 

15  tii 
4  r> 

51   H(l 
2  59 

Achat  de  sel  :  50  livres  (-2-2'*G00)  à  1  cent  (OHjri)  la  livre 

Maiu-d'œuvie  :  ajournées  de  F*'"  pour  aballre  et  préparer 

Intérêtà  8  "/o  de  la  partie  du  fonds  de  roulement  employée 

20  70 

• 

107  23 

■ 

Totaux  comme  ci-dessus 

9V  'H) 

10  50 

iS!»  51 

5t  :i'i 

F.    —    CO.MPTE    DE    LA    NOURRITURE    ET    DU    BLAN- 

CUISSAGE  DU  PROPRIÉTAIRE,  DE   SES  JOURNALIERS 

ET   DE    SES    HOTES. 

lîECETTES. 

Prix  convenu  pour  12  mois  concernant  le  propriétaire  et 
3  mois  concernant  les  journaliers  et    hôtes,  ensemble 

1".  mni«  à   «''  <41'441       

. 

120  00 

. 

021   *iO 

DÉPENSES. 

Valeur  (le  la  nourriture   prise  à   la  table  delà  famille  cal- 
mire  à  raison  de  7  s  (.l»i'2G)  par  mois  pendant  1"i  mois, 
soit  10.")  •*  (,*>'i3'!if() 

.' 

105  00 
15  00 

• 

543  !tO 

77  70 

Ulanchissage  (compté  dans  la  dépense  de  la  famille) 

Bknfeice  résultant  de  cette  industrie 

Totaux  conuiic  ci-dessus 

» 

120  00 

■ 

t;2l   (iO 

COMPTES    ANNEXÉS   AUX    BUDGETS. 


131 


G.    —   EXPLOITATION    DE    LA    CHASSE. 


Prime  tniu-lice  sur  le  trésor  de   l'État  pour  la   destruction 
de  7  loups  de  prairie  (coyottes) 

DKPENSES. 

1  journée    pour  aller   toucher  la  |)rime  au  chef-lieu    du 

comté 

Achat  de  poudre 

BÉxKKicK  résultant  de  cette  industrie 

Totaux  comme  ci-dessus 


En  .irgunt. 


1  00 

0  ;;o 
1-2  .■;(> 


En  argent. 


72' 52 


a  18 
■2  5!) 

M  7o 


I.  —  CULTURE  ENTREPRISE  PAR  LE  META  VER  SUR 
SA  PROPRIÉTÉ  PARTICULIÈRE  (7  ACRES  DE  TERRE 
PLANTÉS    EN    COTONJ. 

RECETTES. 

Coton  :  3  balles  (GOO")  à  30  s  (ioo'45)  la  balle 

Graine  de  coton  :  100  bushels  (35"2i)  à  12cents(0'G-2).  dont 

-25  busbels  («"SUconsonimées  par  la  vache  pendant  llii\er. 

le  reste   vend  u 

Totaux  des  recettes 

DÉPENSES. 

Graine  de  coton  pour  semence  :  4  bushels  (l"41)à  20  cents 

(i'Oi)  le  bushel 

Moulinage   du  coton 

Main-d'œuvre  de  la  famille  : 

4,journéesà  1  S  (5'18)  pour   labourage  et  façon  de  la  (erre. 

10journ(;'es  pour  piocher  le  plantde  coton,  faites  par  t" 

ou  obtenues  par  échange  de   travail  avec  les  voisins. 

10  journées  faites  par  F*'*  jiour  le  ramassage  du  coton,  à 

raison  de  0  S  "j  (3'  89)  pour  100  livres 

Travail  des  jeunes  enfants  sous  la  direction  du  chef  de 

famille 

•2  journées  de  F"*  pour  transporter  le  coton  au  moulin 

et  pour  le  vendre 

Travail  des  chevaux  avec  le  matériel  agricole  : 

4  journées   pour  le    labourage 

2  journées  pour  le  transport  au  moulin  et  la  vente 

Entretien  des  socs  de  charrue 

Intérêt   (8  %)  de  la  valeur  de  la  terre,  7  acres  {^""^'"^  80)  à 

12''  (G2f  1(J)  l'acre  (40  ares;  

Intérêt  (8  ^)  de  la  valeur  du  matériel  agricole 

BÉNÉFICE  résultant  de  cette  industrie 

Tnt.Hix  coniiDe  ci-dessus 


3''00 


3  00 


2  00 
1  00 


3  00 


90  00 
9  00 


99  00 


0  80 
;i  00 

4  00 

10  00 

10  00 

23  -,■; 

2  00 

2  00 
i   00 

0  :iO 


(j  2H 
20  9'; 


9!)  00 


15  ôt 


10  36 
5  18 


406  20 
46  6-2 


il2  82 


4  14 
25  90 

20  72 

51  80 

51  80 

1-23  03 

10  36 

10  36 

5  18 
2  59 

3'é  81 

32  53 

139  60 


—  CULTURE  DE  3  ACRES  EN  MILLET  FOURRAGER. 
ENTREPRISE  PAR  F***  AVEC  SES  CHEVAUX  SUR 
LA    TERRE    DU    PROPRIÉTAIRE. 


Moitié  de  la  récolte,   soit  l.iOO  livres  (634''900)  de  fourrage 
à  15'!   (77' 70)   la    tonne  de  2.000  livres  (907") 


39 


152 


N"  to.    —  METAYKH  DE  L  OUEST  DU  TEXAS 


Aclial  de  la  sraine  pour  semences 

Entretien   des  socs  de  charrues 

3  journées  du  chef  de  famille 

3  journées  des  chevaux 

Bk.nkfice  résultant  de  celte  industrie.. 

Tolauv  cuiiime  ci-dL-ssus. . . . 


En  nature.       En  argent. 


0  -."i 
3  00 
3  00 


10  50 


En  nature.       En  argent 


K.  —  INDLsllUES  ENTREPRISES  PAR  LA  MÈHE  DE 
FAMILLE  POUR  LA  PRÉPARATION  DU  BEURRE,  LA 
CONFECTION  DES  VÈTE.WENTS  ET  LE  BLANCHIS- 
SAGE   DU    LINGE. 


IIECETTES. 

Beurre  consommé  par  la  famille  :  22!t  livres  (103''  8oO)  à 
ir,  cents  (0'70)  la  livre 

Valeur  des  vêtements  conlcctioniiés 

Prix    qui   serait    payé   au   dehors    pour    les    travaux    de 

blanchissaiîc 

Totaux    des  recettes 


Lait    emplové    à    faire   le  heurrc,  œs  gallons  à    i  cents 
«i'-21  ) ■ (S  14,  S""  II) 

.Achat  d'étotTcs  pour  les  vêtements 

Main-d'œuvre  : 
■24    journées  pour  la  préparation  du  beurre,    à  50   cents 

(2'59.) 

SO  journées  pour  la  confection  des  vêtements,  a  50  cents. 
52  jourm-cs  pour  le  lilancliissajîe,  à  50  cents  (2'5i>) 

Sa\on  de  préparation  doinestii|ue 

.\midon 

Kil.   aiguilles,    etc 

Intérêt  de  la  valeur  du  matériel  servant  à  la  laiterie 

Intérêt  de  la  valeur  du  matériel  servant  à  la  confection 

des  vêtements 

BÉNÉFICE  résultant  de  ces  industries 


34"35 
2a  (w 


30  -M 

!t0  50 


Totaux  comme  ci-dessus. 


22  20 


12  00 

'25  00 

2(i  00 

i  ,50 


0  I." 

0  *■>: 


2'»  50 
3  50 


23  50 


0  'iù 
;t  00 

1  00 


177' 93 
132  87 


28  00 


ti2  16 
12!»  •«) 
13'»  OS 

23  31 


0  78 
3  37 


—    RESUME    DES    COMPTES    DES    BENEFICES 
RÉSULTANT    DES    INDUSTRIES      A    A    K.) 


liF.CETTES    lOiAI.ES. 

Produits  employi's  : 

Pour  la  nourriture  de  la  famille 

Pour  les  vêtements 

Picreltcs  en    argent  cl  produits  en  naturi-   applicpiés  aux 
(Icpcii^cs  de  la  famille  ku  convertis  en   épargne 

Produits  en  Mainte  cl  icccllcsen  argent  à  employer  de  nou- 
veau pour  li'sindusl ries  elles-mêmes  [078'' 70  (3.51G' 18)]... . 

Totaux 


l!l!t    15 
50  15 


77  08 
170  '.12 


12    10 
28  00 


.■;!»()  ,3-2 
."107  88 


1.031   .5!» 
2!  H)  80 


102  .38 
885  37 


2.(ii0  20 


COMPTES  ANNEXÉS  AUX  BUDGETS. 


15,'{ 


DEPENSES  TOTALES. 

Intérêts  des  propriétés  possédées  par  la  famille  el 
employées  par  elle  aux  industries 

Produits'  des  subventions  reçues  par  la  famille  et  appli- 
quées par  elle   aux   industries 

Salaires  afférents  aux  travaux  exécutés  par  la  famille 
pour   les  industries 

Produits  (les  industries  employés  en  nature  et  dépenses 
en  argent,  qui  devront  être  remboursés  par  des  recettes 
provenant  des  industries  [()78''"0  (3.olG'18)] 

Totaux  des  dépenses   [1.30o<'73  (6.7C3'C7)]. 

BÉNÉFICES  TOTAUX  résultant dcs industries    [336'*47(1.742'92)]. 

Totaux  comme  ci-contre 


30''08 


126  21 


400  30 
103  60 


t3''00 
143  01 
241  .-ii 

■i07  88 


ItOo  43 
232  87 


i:;;;'8i 

378  (iO 
6.>3  77 

885  37 


2.073  5.'; 
HSfi  6o 


En  argent. 


67' 34 

710  70 

1.2.^1   18 

5.630  81 


4.690  12 
1.206  27 


5.896  3!) 


SECTION    II. 

COMPTES  RELATIFS  AUX  SUBVENTIONS. 

Ces  comptes  ont  été  établis  dans  le  budget  même. 

SECTION     III. 
COMPTES  DIVERS. 


M.    —    COMPTE    DE   LA    DÉPENSE    ANNUELLE 
CONCERNANT   LES    VÊTEMENTS    DE    LA    FAMILLE. 

VÊTEMENTS  DU  CHEF   DU   FAMILLE    : 

Veste  et  gilet 

Achat  d'étoffes  pour  2  pantalons  de  confection  domestique 

Veste  d'alpaga 

Achat  d'étoffe  pour  2  chemises 

2  mouchoirs  de  couleur 

6  paires  de  chaussettes 

1  chapeau  des  dimanches 

1  chapeau  de  paille 

2  paires  de  bottes 

Total  de  la  dépense  annuelle 

VÊTEMENTS    DE    LA    MÉKE    DE    FAMILLE    : 

Achat  d'étoffes  pour  robes 

—  pour  2  chemises 

—  pour  caleçons  et  pantalons 

4  paires  de  bas 

2  paires  de  bottines 

1  chapeau 

Total  de  la  dépense  annuelle 

VkTEMKNTS   des    DEIX    FILLES    : 

Achat  d'étoffe  pour  4  chemises 

2  i)aires  de  bottines 

Total  de  la  dépense  annuelle — 


PRIX 

DÉPENSE  ANNUELLE 

DLRKK. 

-- — — ^  y^ 

^   ,1 

(l'achat. 

En  (loU.irs. 

En  fran(^. 

5  00 

.; 

l^OO 

5' 18 

0  50 

1 

0  .'iO 

2  .59 

0  50 

:; 

0  10 

0  52 

0  25 

1 

0  25 

1  29 

0  10 

1 

0  10 

0  .52 

0  60 

1 

0  60 

3  11 

3  00 

3 

1  00 

5  18 

0  10 

1 

0  10 

0  .52 

6  00 

1 

(i  00 

31  08 

!l  65 

%:\  !«> 

2  00 

2  00 

10  36 

0  25 

0  25 

1  2'l 

0  60 

0  m 

3  11 

0  (iO 

0  (iO 

3  11 

4  00 

1  m 

20  72 

4  00 

2  00 

10  36 

!»  '»5 

48  95 

0  40 

1 

0  il) 

2  07 

4  00 

1 

'i   00 

20  72 

4  40 

22  79 

ÉLÉMENTS  DIVERS  DE  LA  CONSTITUTION  SOCIALE. 


FAITS  IMPORTANTS  D'ORGANISATION  SOCIALE; 

PARTICULARITÉS  REMARQUABLES; 

APPRÉCIATIONS  GÉNÉRALES;  CONCLUSIONS. 


l  17. 

SUH    LA   COLONISATION    DE   l'oUEST    DU   TEXAS. 

Le  Texas  a  une  superficie  de  i"  4.350  milles  carrés,  soit  17  5.587.8i0 
acres  (70  millions  d'hectares  en  chiffres  ronds). 

Il  est  de  beaucoup  le  plus  étendu  des  Ëtats  de  l'Union ,  et  on  l'ap- 
pelle parfois  Y  Empire  State.  Sous  la  domination  espagnole,  quelques 
points  seulement  avaient  été  peuplés.  Ce  sont  les  Américains  du  Sud 
des  États-Unis  qui,  à  partir  de  1800,  ont  peu  à  peu  colonisé  ce  pays. 
Leur  influence  amena  en  1837  sa  séparation  d'avec  le  Mexique  et  son 
érection  en  répul>liquc  indépendante,  puis  en  1845  son  annexion  aux 
Étals-Unis.  I^a  population  d'origine  espagnole  est  restée  cantonnée 
dans  la  partie  Est  du  pays.  La  guerre  de  la  Sécession,  dans  laquelle 
le  Texas  s'engagea,  retarda  la  colonisation  de  l'immense  région  qui 
s'étend  à  l'Ouest  du  97''  degré  de  longitude.  Toutefois  le  Texas  ne 
fut  pas  ruiné  à  fond  par  la  guerre,  parce  que  les  esclaves  y  étaient  peu 
nombreux,  et,  après  les  quelques  années  d'agitation  et  d'oppression 
qui  suivirent  la  défaite  de  la  Ccmfédération,  il  se  lança  résolument 
dans  le  développement  des  voies  ferrées  qui,  t-n  Amérique,  sont  la  con- 
dition préalable  de  la  colonisation.  V.u  I87;{,  le  'lexas  and  Paci/ic  ai- 
teignit  Dallas,  en  1871  le  Houston  and  (jreat  IS'urthern  fut  poussé  jus- 
qu'à Colombia,  et  le  liio  Grande  I{.  II.  jus(|u'à  Ikownsville  au  Sud.  \]n 
même  temps  des  mesures  étaient  prises,  de  concert  avec  le  gouver- 
nement des  États-Unis,  pour  refouler  sur  le  territoire  indien  les  tribus 
de  Gomanches  qui  chassaient  le  bison  dans  les  plaines  de  l'Ouest. 


ÉLÉMENTS   DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  155 

C'est  donc  en  moins  de  vingt  années  que  s'est  accompli  le  peuplement 
du  Nord-Ouest  du  Texas.  Il  s'est  opéré  avec  une  rapidité  dont  les 
chiffres  des  différents  recensements  peuvent  seuls  donner  une  idée  : 
en  1850,  la  population  de  l'État  était  de  212.51)2  âmes;  en  1«G0,  de 
604.215;  en  1870,  de  848.579;  en  1880,  de  1.591.749;  en  1890,  de 
2.235.523  âmes.  Quoique  forcément,  plus  la  population  initiale  est  éle- 
vée, moins  l'accroissement  soit  rapide,  néanmoins  dans  la  dernière  pé- 
riode décennale  l'accroissement  a  été  encore  de  40,44  pour  cent. 

Le  Texas  figure  actuellement  au  septième  rang  parmi  les  États  de 
l'Union  classés  d'après  leur  population. 

Le  pays  est  loin  d'être  peuplé  complètement.  La  région  entre  Dallas 
et  Abilène,  par  exemple,  n'a  encore  qu'une  densité  très  faible.  A  l'Ouest 
d'Abilène,  au  Sud  et  au  Nord,  le  pays  est  presque  exclusivement  livré 
à  la  pâture.  Des  millions  de  cultivateurs  peuvent  encore  s'établir  dans 
cette  région. 

Le  gouvernement  du  Texas,  qui  a  conservé  la  propriété  de  ses  terres 
publiques,  a  pris  diverses  mesures  pour  activer  l'occupation  de  cet 
immense  territoire. 

En  1873,  l'État  du  Texas,  voulant  imiter  ce  que  le  gouvernement  des 
Étals-Unis  faisait  depuis  1862,  a  accordé  un  homestead  de  160  acres 
à  tout  chef  de  famille  qui  n'avait  pas  encore  de  terres  et  de  80  acres  à 
tout  individu  isolé.  Une  quantité  considérable  de  terres  ont  fait 
l'objet  de  donations  de  ce  genre,  et,  dans  les  parties  les  plus  éloignées 
à  l'Ouest,  des  homesteads  sont  encore  accordés  chaque  année.  De  même 
les  occupants  sans  titre  peuvent  toujours  acheter  par  ijréemption  les 
terres  qu'ils  ont  défrichées,  si  d'ailleurs  elles  n'avaient  pas  fait 
l'objet  d'une  vente  antérieure. 

Mais  c'est  surtout  parles  ventes  de  terres  attribuées  au  school  fund 
ou  à  V University  fund  ou  données  à  titre  de  subventions  aux  chemins 
de  fer  dans  les  comtés  qu'ils  traversent  que  l'occupation  du  Texas- 
Ouest  s'est  opérée.  Le  gouvernement  a  jugé  avec  raison  :  1"  que  la 
construction  des  chemins  de  fer  devait  précéder  la  colonisation;  2°  que 
le  meilleur  moyen  de  l'activer  était  de  donner  aux  Compagnies  un  in- 
térêt puissant  à  peupler  le  territoire.  Les  Compagnies  multiplient  les 
notices,  les  publications,  les  agences,  pour  arriver  à  vendre  le  plus  tôt 
possible  les  terres  qui  leur  sont  ainsi  attribuées. 

En  août  1891,  la  seule  Compagnie  du  Missouri,  Kanaas  and  Texas 
R.  R.  offrait  plusieurs  millions  d'acres  à  vendre  dans  quinze  comtés 
à  des  prix  variant   de  1  S  à  50  S,  selon  que  ces  terres  sont  situées 


lo6  N°   75.    —    MKTAYEU    I)K    LOLEST    DU    TEXAS. 

dans  des  régions  déjà  plus  ou  moins  peuplées,  et  payables  en  dix  an- 
nuités moyennant  un  intérêt  de  10  7o  l'an.  Le  Texas  and  Pacific  H. 
R.  en  offrait  autant  à  la  même  date. 

La  colonisation  commence  toujours  par  l'élevage  en  liberté  des 
bestiaux  et  des  chevaux.  C'est  l'industrie  des  ranchmen.  Jadis  ils  fai- 
saient pâturer  leurs  animaux  purement  et  simplement  sur  les  terres 
publiques  ;  maintenant  qu'elles  sont  toutes  cadastrées,  l'Ëtal  les  leur 
loue ,  mais  en  se  réservant  toujours  le  droit  de  vendre  celles  qui  sont 
classées  comme  propres  à  l'agriculture.  Le  locataire,  qui  a  fait  des 
améliorations  jusqu'à  concurrence  de  lOO  S,  peut  toujours  en  devenir 
propriétaire  par  préférence;  500.000  acres  de  terres  sont  actuellement 
louées  dans  ces  conditions.  Au  bout  d'un  certain  temps,  les  ranchmen 
profitent  de  ces  conditions  pour  devenir  propriétaires,  au  fur  et  à  me- 
sure que  les  défrichements  se  multiplient,  et  restreignent  leur  pâture; 
l'évolution  du  ranch  à  la  stock  farm  que  nous  avons  indiquée  (§  1), 
s'opère  ainsi  peu  à  peu.  Ce  sont  les  agriculteurs  qui  donnent  véri- 
tablement la  plus-value  aux  terres,  et,  parmi  eux,  les  plus  actifs  sont 
ceux  qui  achètent  seulement  un  quart  ou  ime  moitié  de  section,  les  pe- 
tits farmers  en  un  mot. 

Le  peuplement  de  l'Ouest  du  Texas  s'est  opéré  par  deux  éléments. 
Des  hommes  des  anciens  Ëtats  du  Sud,  des  Anglais,  des  Écossais, 
quelques  rares  Français,  ont  formé  des  ranchs  et  apporté  dans  le  pays 
les  premiers  capitaux  nécessaires  à  son  ouverture  à  la  civilisation. 
D'anciens  planteurs  du  Tennessee  et  du  Mississipi,  ruinés  par  la  guerre 
de  la  Sécession,  ont  envoyé  leurs  fils  faire  de  l'élevage  dans  ce  pays 
alors  désert,  et  cette  nouvelle  génération  a  réussi,  à  force  de  travail  per- 
sonnel, à  se  faire  une  position  avantageuse,  mais  bien  plus  semblable 
à  celle  des  Américains  du  Nord  qu'à  la  vie  que  leurs  parents  avaient 
menée  autrefois.  Quant  aux  petits  farmers,  ils  viennent  tous  des  anciens 
États  du  Sud,  et  plus  particulièrement  de  l'Est  du  Texas.  Presque  aucun 
immigrant  irlandais,  hollandais,  allemand,  Scandinave,  ne  va  directe- 
ment dansle  Sud-Ouest.  Ils  s'établissent  plutôt  dans  les  anciens  Étals  du 
Sud  et  achètent  des  terres  que  leurs  propriétaires  leur  vendent  pour  aller 
eux-mêmes  plus  à  l'Ouest.  On  rencontre  journellement  sur  les  routes  de 
ces  farmers  allant  plus  à  l'CJuest  avec  les  wagons  sur  lesquels  ils  ont 
leur  famille  et  leur  mince  mobilier.  L'exode  que  F**' a  accompli  il  y  a 
douze  ans  et  huit  ans,  quand  il  quitta  le  Tennessee  pour  aller  dans  l'Ellis 
Counly,  puis  quand  il  quitta  l'i^llis  Gounly  pour  venir  dans  le  (lallahan 
County,  se   répète  jcnirnellenieut  dans   des    proportions  considéra- 


ÉLÉMENTS   DIVERS    DE   LA   CONSTITUTION   SOCIALE.  157 

bles.  D'après  le  Census  de  1891,  dans  le  comté  de  Callahan,  sur 
5.4o7  habitants,  il  y  en  avait  seulement  183  nés  à  l'étranger  et  210  nés 
de  parents  étrangers.  Dans  le  comté  de  Taylor,  sur  6.957  habitants, 
227  seulement  sont  d'origine  étrangère  et  273  sont  nés  de  parents 
étrangers.  L'homogénéité  de  la  population  qui  s'établit  ainsi  dans 
l'Ouest  du  Texas  est  un  irait  fort  heureux  pour  l'avenir  de  cette  ré- 
gion (i).  Elle  sera  habitée  par  la  meilleure  classe  des  farmers  améri- 
cains. Comme  les  immigrants  viennent  presque  tous  des  Etats  du  Sud 
où  le  catholicisme  compte  tort  peu  dadhérents,  cette  confession  est 
très  faiblement  représentée  dans  ces  nouveaux  territoires  (2). 

La  plupart  des  occupants  actuels  du  Texas-Ouest  ont  vendu  le  home 
qu'ils  avaient  autrefois  à  l'Est;  il  n'en  est  pas  un  seul  qui,  pour  un 
bénéfice  de  quelques  dollars  par  acre  au-dessus  du  prix  courant,  ne 
soit  prêt  à  vendre  sa  farm  pour  aller  s'établir  plus  loin.  C'est  le  trait 
caractéristique  de  l'Américain ,  et  c'est  par  là  qu'il  pousse  sa  fortune 
toujours  en  avant.  Ces  ventes  et  reventes  successives  ne  sont  possi- 
bles que  parce  qu'il  n'y  a  pas  de  droit  proportionnel  de  mutation 
sur  les  transactions.  On  peut  vendre  et  acheter  pour  100.000  S  et 
plus  d'immeubles  en  n'ayant  d'autres  frais  à  payer  que  4  ou  5  dol- 
lars pour  le  lawyer  qui  rédige  l'acte  et  2  dollars  pour  le  recorder  du 
comté  qui  l'enregistre  sur  les  records  publics  et  le  rend  par  là  oppo- 
sable aux  tiers.  Il  en  est  de  même  pour  la  conservation  du  privilège 
du  vendeur  (wewrfors /i'm)  ou  la  concession  d'hypothèque  [mortgage). 

(1)  Le  Census  de  1890  indique  par  les  cliilfres  suivants  cette  homogénéité  relative  de 
la  population  du  Texas  :  sur  o3o.'J42  mâles  de  21  ans  et  au-dessus,  460.691  sont  nés  aux  États- 
Unis  et  seulement  73.248  sont  nés  à  l'étranger,  ce  qui  fait  une  proportion  de  8.^.96  X  P«ur 
les  natifs ,  et  de  14,04  pour  les  hommes  nés  :i  l'étranger.  Pour  l'ensemble  des  États- 
Inis,  ces  chiffres  sont  respectivement  de  74,33  et  de  23,67  f.  Dans  les  États  où  le  Ilot  de 
l'immigration  européenne  se  porte,  les  proportions  sont  toutes  différentes,  .\insi,  dans  le 
North  Dakota,  sur  100  habitants.  64,89  sont  nés  à  l'étranger  et  33,11  dans  le  pays;  dans 
le  .Minnesota,  sur  100  habitants,  38,83  sont  nés  a  l'étranger  et  41,13  dans  le  pays;  dans  le 
Massachusels,  sur  100  habitants,  38,66  sont  nés  à  l'étranger  et  61,34  dans  le  pays. 

Les  trois  cinquièmes  des  étrangers  qui  viennent  au  Texas  sont  des  Italiens,  des  Espagnols, 
qui  restent  dans  la  partie  méridionale  du  pa>s  elle  long  des  cotes.  Quehjues  Mexicains 
s'établissent  sur  la  rive  droite  du  Rio-Grande.  Depuis  18^0,  la  proportion  des  étrangers  a 
diminué  dans  le  Texas,  quoique  leur  nombre  total  ait  augmenté.  La  population  tend  à  se 
recruter  par  elle-même.  Ainsi,  au  lieu  de  s'attacher  seulement  aux  mâles  âgés  de  21  ans,  si 
on  prend  l'ensemble  de  la  population,  on  trouve  que  2.082.36"  sont  nés  dans  le  pays  et 
seulement  132.956  à  l'étranger,  ce  qui  fait  7,33  seulement  pour  l'élément  étranger  et  92,65 
pour  l'élément  natif.  Dans  l'ensemble  des  États-Unis,  les  proportions  sont  17,33  et  82,67. 
L'écart  entre  le  nombre  des  hommes  et  des  femmes  s'atténue  au  Texas  d'un  recensement  à 
l'autre.  Il  est  actuellement  seulement  de9,33pour  cent  au  profit  des  premiers.  En  d'autres 
ternies,  pour  100.000  hommes,  il  y  a  !K).0j4  femmes. 

(2)  Un  siège  épiscopal  acte  érigé  à  Dallas  en  18!H  ;  mais  le  diocèse  a  bea  ucouj)  de  difli- 
cultés  à  s'organiser. 


158  N°    73.    —   MÉTAYER    DE   LOUEST    DU    TEXAS. 

Une  facilité  très  grande  est  ainsi  donnée  aux  transactions.  Même  dans 
les  Etats  où  la  taxation  directe  est  élevée  (ce  qui  n'est  pas  le  cas  du 
Texas),  on  n'aurait  pas  l'idée  de  gêner  les  transactions  par  un  impôt 
proportionnel  à  leur  importance. 

Un  certain  nombre  de  spéculateurs,  prévoyant  la  plus-value  des 
terres  par  la  colonisation,  ont,  il  y  a  quelques  années,  acheté  soit 
de  l'État,  soit  des  Compagnies  de  chemins  de  fer,  des  quantités  assez 
considérables  de  terres  qu'ils  détiennent  sans  les  cultiver  ni  les  utili- 
ser, même  pour  le  pâturage,  en  attendant  la  plus-value  que  le 
peuplement  des  terres  voisines  leur  donnera.  Ainsi,  sur  la  limite 
Ouest  du  comté  de  Callahan,  dans  le  comté  de  Taylor,  dont  Abilène 
est  le  chef-lieu,  un  syndicat  de  spéculateurs  californiens  délient  un 
espace  de  six  milles  carrés  (ju'il  n'a  i)as  même  fait  enclore  et  sur  le- 
quel les  éleveurs  voisins  font  paître  librement  leurs  bestiaux.  Ils  paient 
les  taxes  annuelles  de  l'Ëtat  et  du  comté,  et  se  refusent  à  vendre  jus- 
qu'à présent,  estimant  que  la  plus-value  future  de  ces  terres  sera 
supérieure  à  l'intérêt  composé  de  la  somme  qu'ils  retireraient  de 
leur  vente  au  taux  actuel.  Dans  d'autres  parties  des  États-Unis, 
cette  spéculation  s'est  faite  sur  des  proportions  plus  considé- 
rables. 

Le  développement  agricole  de  l'Ouest  du  Texas  est  une  aiïaire  de 
temps.  Avec  certaines  parties  de  l'Iiidian  Territory  et  de  l'Arkansas, 
il  est  appelé  à  devenir  la  back  country  des  grands  centres  industriels 
qui  se  forment  dans  les  Etats  du  Sud,  notamment  dans  l'Alabama  et  le 
Mississipi.  Les  filatures  et  tissages  de  coton  d'une  part,  de  l'autre 
les  industries  sidérurgiques  alimentées  par  le  champ  immense  de 
charbon  qui  existe  dans  l'Alabama,  ont  pris  un  développement 
lel  que  cette  section  de  l'Union  est  celle  dont  la  richesse,  dans  la 
dernière  période  décennale,  s'est  accrue  dans  la  plus  forte  propor- 
tion. 

Certains  centres  commerciaux  sont  nécessaires  pour  servir  d'inter- 
médiaires entre  les  régions  agricoles  et  les  régions  manufacturières. 
Actuellement,  il  n'y  a  pas  d'autres  centres  que  Saint-Louis  dans  le  Mis- 
souri et  la  Nouvelle-Orléans  dans  la  Louisiane.  Les  villes  de  Dallas 
et  (le  Paris,  dans  le  Texas,  semblent  par  leur  [tosilion  èlrc  appelées  à 
remplir  un  rôle  sembhii)le. 

Sans  jamais  avoir  l'importance  du  Nord-Ouest,  parce  que  son  étendue 
est  fort  inférieure,  et  qu'il  est  limité  par  les  régions  sans  eau  qui 
occupent    une  partie  considérable   du   centre  du   continent   améri- 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE   LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  159 

cain  (1),  le  Sud-Ouest  des  États-Unis  est  appelé  à    être   un  facteur 
économique  très  important. 


l    18. 

SLR    LE    CARACTÈRE    ET    LES    ASPIRATIONS    SOCIALES    DES   FARMERS 
DE    l'ouest. 

Le  Texas  est  un  État  purement  agricole  et  le  sera  vraisemblable- 
ment pendant  un  temps  très  long.  D'autre  part,  sa  partie  Ouest  ayant 
été  peuplée  par  des  cultivateurs  presque  tous  d'origine  américaine, 
on  peut  se  rendre  compte,  là  mieux  qu'ailleurs,  du  caractère  et  de 
l'importance  de  la  classe  des  farmers  dans  la  société  américaine  con- 
temporaine. 

La  famille  décrite  dans  cette  monographie  représente  bien  le  ni- 
veau élevé  de  moralité,  les  bonnes  coutumes  domestiques,  le  sen- 
timent religieux,  qui  sont  généraux  chez  les  farmers.  La  propriété 
acquise  ou  l'espérance  d'y  parvenir  promptement,  la  participation 
au  gouvernement  local  leur  donnent  une  dignité  et  un  sentiment  de 
satisfaction  de  leur  sort  qui  les  élèvent  de  beaucoup  au-dessus  des 
populations  rurales  de  l'Europe.  Les  farmers  seront  toujours  la  base 
la  plus  solide  de  la  constitution  des  Etats-Unis. 

Quoique  estimant  beaucoup  l'instruction  pour  leurs  enfants ,  les 
farmers  du  Texas  en  ont  peu  eux-mêmes.  En  eussent-ils  davantage 
qu'ils  n'en  ont  dans  cette  partie  de  l'Union,  les  lumières  qu'ils  reti- 
reraient de  la  lecture  seraient  toujours  fort  bornées.  Dans  les  com- 
tés où  les  farmers  composent  presque  exclusivement  la  population, 
ils  sont  peu  éclairés  sur  les  choses  qui  dépassent  le  cercle  de  leurs 
intérêts  immédiats  et  journaliers.  Ils  administrent  sagement  leurs 
écoles  et  leurs  routes;  ils  maintiennent  dans  d'étroites  limites  les 
dépenses  auxquelles  les  fonctionnaires  élus  sont  tentés  d'entraîner  le 
comté;  dans  l'Etat,  ils  font,  par  leur  vote,  prévaloir  l'économie  et  la 
moralité.  Toute  mesure  qui  se  recommande  d'une  pensée  d'économie 
—  à  moins  qu'il  ne  s'agisse  de  dépenses  comme  celles  des  common 
schools,  qui  constituent  pour  eux  dos  subventions  déguisées,  —  est 
très  populaire  parmi  les  farmers.  On  peut  donc  attribuer  à  leur  in- 

(1)  V.  notre  ouvrage  les  Etals-Unis  contemporains  ou  les  institutions,  les  mœurs  et  les 
idées  depuis  la  (luerre  de  la  Sécession,  précédés  d'une  lettre  de  Le  Play,  4«  édit.  (librairie 
Pion),  t.  I.  pp.  273  et  suiv. 


160  N°    75.    —    MÉTAVEK    DE   l'oUEST    DU    TEXAS. 

fluence  la  bonne  administration  et  particulièrement  l'excellente  situa- 
tion financière  du  Texas.  Mais,  dans  les  États  où  la  population  est  ex- 
clusivement rurale  et  où,  par  conséquent,  ils  forment  la  majorité  des 
votants,  leur  vote  tranche  des  questions  qui  dépassent  leurs  connais- 
sances et  sur  lesquelles  ils  ont  des  préjugés  qu'exploitent  habilement 
les  politiciens  de  profession. 

Le  [armer  américain  a  certaines  préventions  analogues  à  celles  des 
paysans  européens  et  qui  tiennent  évidemment  à  ses  conditions  de 
vie.  Il  se  défie  des  capitalistes  et  du  pouvoir  de  l'argent,  tout  en  dé- 
sirant obtenir  largement  du  crédit  ;  il  croit  que  l'État  peut  à  sa  volonté 
satisfaire  tous  ses  besoins  et  qu'il  n'y  a  pas  de  limites  à  la  puissance 
de  la  législation.  Quoiqu'il  proclame  bien  haut  qu'il  n'y  a  point  de 
classes  dans  la  société  américaine,  il  a  une  secrète  jalousie  pour 
les  riches  ranchmen  qui  sont  disséminés  dans  le  pays.  Il  est  exempt 
d'antagonisme  social,  parce  que  les  conditions  économiques,  et  surtout 
les  circonstances  historiques  qui  ont  malheureusement  développé  ce 
sentiment  en  Europe,  n'existent  pas  en  Amérique;  mais  un  observa- 
teur attentif  peut  en  apercevoir  le  germe  à  l'état  d'embryon  et  encore 
inconscient  (1). 

Un  certain  nombre  de  mesures  législatives,  votées  depuis  quelques 
années  dans  les  Etats  où  les  farmers  forment  la  majorité,  en  sont  la 
preuve.  Pour  nous  en  tenir  seulement  à  l'État  du  Texas,  les  législa- 
tures successives  ont  peu  à  peu  étendu  les  exemptions  de  saisie  et 
le  privilège  de  V homestead  au  delà  des  justes  bornes.  Le  principe  de 
ces  lois  est  très  juste  :  la  famille,  la  veuve,  les  enfants  mineurs  sont 
les  premiers  créanciers  du  débiteur  en  déconfiture,  créanciers  du  mi- 
nimum d'existence.  La  communauté  tout  entière  est  intéressée  à 
ce  que  le  nombre  des  familles  tombant  dans  la  pauvreté  ne  se 
multiplie  pas.  Mais  les  chiiïres  élevés  cités  ci-dessus  (!^  i.'i)  et  aux- 
quels arrivent  ces  exemptions  :  200  acres  de  terre  et  toutes  les 
améliorations;  3.500  dollars  pour  une  habitation  urbaine,  sont  exa- 
gérés et  permettent  à  des  débiteurs  de  mauvaise  foi  de  frustrer  leurs 
créanciers.  Ils  propagent  l'habitude  de  ne  pas  payer  ses  dettes. 
Les  faillites  frauduleuses  et  les  incendies  volontaires  des  bâtiments 
assurés  sont  aussi  beaucoup  trop  fréquents  dans  le  pays. 

(I)  Kii  octobre  1891,  la  Sflclion  de  la  Farmer's-Alliance  de  Loiis-lsland,  aux  portes  de 
Ncw-Vork,  a  Kraveincnt  formulé  des  rrsolulions  llétrissant  les  héritières  américaines  qui 
épousent  des  élranfîers  titres,  et  invitant  le  Congrès  à  prendre  les  n>esures  nécessaires 
pour  faire  cesser  cet  ahus. 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  161 

Sous  l'impulsion  des  plaintes  qu'ont  soulevées  certains  accaparements 
de  terre  par  des  compagnies  de  spéculateurs,  la  législature  du  Texas 
avait  voté;  au  mois  d'avril  1891,  une  loi,  Y Alienland  lawbill,  qui  défen- 
dait à  tout  particulier,  et  à  toute  corporation  (société  anonyme)  comp- 
tant parmi  ses  membres  un  étranger,  de  devenir  propriétaire  d'une  terre 
au  Texas,  même  au  cas  de  vente  forcée  pour  la  garantie  d'une  créance 
hypothécaire  à  son  profit.  Les  étrangers,  propriétaires  actuellement, 
avaient  cinq  ans  pour  vendre  leurs  terres  ;  ceux  qui  viendraient  à  hériter 
de  terres,  par  succession  testamentaire  ou  ab  intestat,  devaient  vendre 
dans  les  cinq  ans.  Toute  terre  acquise  ou  possédée  contrairement  aux 
prescriptions  de  cette  loi  devait  être  confisquée  au  profit  de  l'État. 

Cet  acte  fut  proposé  à  limproviste  à  la  fin  de  la  session  et  volé 
sans  discussion,  grâce  à  la  suspension  des  règles  ordinaires.  Il  me- 
naçait d'être  désastreux  pour  le  pays,  qui  travaille  principalement 
avec  des  capitaux  anglais  et  écossais.  Quand  ils  se  seront  retirés,  le 
taux  de  l'intérêt,  déjà  si  élevé,  haussera  encore;  le  prix  de  la  terre, 
(juand  les  étrangers  ne  pourront  plus  l'acquérir,  baissera,  et  le  farmer 
ne  verra  plus  se  réaliser  la  plus-value  sur  laquelle  il  compte.  C'est 
lui  qui  sera  la  victime,  en  dernière  analyse,  de  cette  loi;  mais  il  est 
impressionné  parce  qu'il  a  entendu  dire  des  grands  spéculateurs  étran- 
gers, et  il  ne  réfléchit  pas  que  les  spéculateurs  étrangers  font  concur- 
rence aux  spéculateurs  nationaux.  Ceux-ci  sont  bien  plus  dangereux 
pour  lui  en  réalité.  L'opération  d'accaparement  de  terres  signalée 
précédemment  (§  17),  quoique  faite  sur  une  petite  échelle,  en  est  un 
exemple. 

Dans  la  même  session,  la  législature  a  voté  un  acte  (jui  institue 
une  commission  des  chemins  de  fer  et  lui  donne  le  pouvoir  de  fixer 
arbitrairement  les  tarifs  de  transport  des  voyageurs  et  des  mar- 
chandises. On  a  beaucoup  discuté  sur  la  validité  des  lois  de  ce 
genre;  car,  aux  États-Unis,  les  Compagnies  sont  des  entreprises  pri- 
vées qui  ont  un  droit  acquis  à  exploiter  leur  industrie  au  mieux  de 
leurs  intérêts  commerciaux.  Indépendamment  de  cette  question  de 
droit,  la  commission  a  immédiatement  fixé  des  tarifs  absolument 
ruineux  pour  les  Compagnies.  Celles-ci,  tout  en  attaquant  la  cons- 
titutionnalité  de  la  loi,  ont  usé  de  représailles,  en  combinant  leurs 
correspondances  et  leurs  tarifs  communs  de  manière  à  diriger  le 
trafic  du  centre  des  États-Unis  sur  la  Nouvelle-Orléans  au  lieu  de 
Galveston,  le  principal  port  du  Texas.  L'imprudence  de  la  législa- 
ture aura  en  réalité  grandement  nui  aux  intérêts  du  pays. 


162  N°    75.    —    MÉÏAYKR    DE   LOLEST    DU    TEXAS. 

Les  préjugés  des  farmers  ont  permis,  il  y  a  cinq  ans,  à  d'habiles 
politiciens  de  créer  une  organisation,  la  Farmer  s-AUiance,  destinée 
dans  leur  pensée  à  introduire  de  nouveaux  facteurs  dans  la  lutte 
politique  qui  atteint  son  apogée  tous  les  quatre  ans  pour  l'éleclion 
présidentielle.  La  Farmers  Alliance  est  un  ordre  sur  le  modèle 
de  la  franc-maçonnerie,  composé  exclusivement  de  farmers  ou 
de  leurs  femmes.  La  Farmer's  Alliance  n'admet  que  des  agricul- 
teurs ou  des  preachers,  des  médecins,  et  des  maîtres  d'école  exerçant 
à  la  campagne.  Les  lawyers  sont  exclus  par-dessus  tout.  Leurs 
membres  s'appellent  frères  et  sœurs;  ils  prêtent  sur  la  Bible  le  ser- 
ment de  garder  un  secret  qu'on  ne  leur  révèle  d'ailleurs  jamais  ;  ils 
ont  des  signes  de  reconnaissance  et  un  mot  de  passe  pour  pénétrer 
dans  les  loges  de  l'Ordre.  Cette  organisation  plaît,  par  son  caractère 
mystérieux,  aux  farmers,  très  amoureux  des  ordres  secrets,  comme 
tous  les  Américains,  et,  de  plus,  elle  répond  au  préjugé  qu'ils  ont  que 
leurs  intérêts  sont  différents  de  ceux  des  autres  classes.  Une  Colored 
Alliance  a  été  formée  pour  les  nègres  qui  prennent  toujours  grand 
plaisir  à  ce  genre  d'organisation.  Les  deux  Alliances  réimies  affir- 
maient en  1891  avoir  de  4  à  5  millions  de  membres,  en  comptant  les 
Grangers  du  Nord-Ouest  qui  se  sont  fédérés  avec  elles. 

La  Farmer's  Alliance  s'est  répandue  surtout  dans  les  Etats  du 
Nord-Ouest  et  du  Sud-Ouest.  Elle  a  une  certaine  importance  au  Texas. 
La  Farmer's  Alliance,  à  l'origine,  prétendait,  en  imitant  lu  phraséo- 
logie de  la  franc-maçonnerie,  être  «  un  foyer  sacré  d'éducation  pour 
les  farmers  et  les  classes  industrielles  ».  Elle  affirmait  vouloir  se 
borner  à  élever  la  classe  des  farmers  par  l'éducation,  la  coopération, 
les  progrès  techniques,  et  vouloir  seulement  repousser  toute  légis- 
lation de  classe  qui  ne  prendrait  pas  pour  base  l'intérêt  du  plus 
grand  nombre  et  la  volonté  du  peuple.  La  Farmer's  Alliance  affir- 
mait ne  devoir  être  hostile  à  aucune  croyance  religieuse  ni  à  aucun 
parti  politique. 

V Alliance  ne  s'est  montrée  hostile  à  aucune  confession  religieuse; 
mais  il  lui  a  été  impossible  de  ne  pas  entrer  sur  le  terrain  des  luttes 
politiques,  et  c'est  évidemment  en  vertu  d'un  mot  d'ordre  émané 
de  la  direction  que  ses  loges  ont  adopté  un  certain  nombre  de  reven- 
dications (pii  ont  servi  de  platfonn  à  un  nouveau  parti  politique  as- 
pirant à  se  faire  une  place  entre  les  démocrates  Qi  les  républicains. 

l']n  1S91,  la  campagne  pn-sidenliflle  ap|)rochant,  les  meneurs  du 
mouvement  se    sont   servis    dc^^   loges  do  la   Farmer's  Alliance  pour 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  163 

constituer  un  tiers  parti  qu'ils  ont  appelé  le  People's  party.  11  tieni 
des  convcnlions  dans  la  plupart  des  fitats,  et  sa  prétention  est  d'a- 
voir un  candidat  propre  aux  élections  présidentielles  de  1892.  Sur 
son  programme,  il  inscrit  la  guerre  aux  monopoles,  la  prise  de  pos- 
session par  l'Union  de  tous  les  chemins  de  fer,  le  suffrage  des  fem- 
mes, l'élection  directe  des  sénateurs  des  Etats-Unis  par  le  peuple,  le 
monopole  de  la  fabrication  et  de  la  vente  de  l'alcool  par  l'Union,  le 
monnayage  de  l'argent  en  quantité  illimitée,  la  prohibition  absolue 
de  tous  marchés  à  terme,  oti  futures,  et  l'obligation  pour  le  gouver- 
nement des  Etats-Unis  de  faire  des  prêts  à  long  terme,  à  raison  de 
2  </o,  h  tous  les  propriétaires  embarrassés,  ou  des  prêts  à  court  terme 
sur  les  produits  agricoles  (l).  Pour  assurer  des  appuis  dans  d'autres 
organisations  du  même  genre,  le  People's  party  réclame  la  journée 
de  huit  heures,  l'instruction  obligatoire  et  la  fourniture  gratuite  des 
livres  scolaires,  la  confiscation  immédiate  de  toutes  les  terres  possé- 
dées par  des  particuliers  ou  des  syndicats  étrangers. 

Les  bons  farmers  votent  d'enthousiasme  ces  billevesées  qui  flat- 
tent leurs  aspirations  secrètes.  Malgré  cela,  le  People's  party  ne  pou- 
vait être  qu'une  manœuvre  des  politiciens.  La  Farmer  s  Alliance  est  en 
voie  de  perdre  de  son  prestige,  et  son  sort  sera  sans  doute  le  même 
que  celui  des  Chevaliers  du  travail  avec  qui  elle  a  noué  une  alliance 
solennelle.  Au  moment  de  la  récolte  du  blé,  en  1891,  ses  directeurs 
ont  imaginé  d'adresser  une  circulaire  à  tous  leurs  membres  pour  qu'ils 
ne  portassent  pas  leur  blé  sur  le  marché  et  en  fissent,  par  une  coa- 
lition générale,  hausser  le  prix  à  leur  protît.  On  a  justement  fait 
remarquer  que  la  Farmer's  Alliance  ferait  en  cela  une  opération 
du  genre  de  celle  qu'elle  reproche  aux  trusts.  Bien  entendu,  cette 
manœuvre  a  échoué  absolument.  Chaque  farmer  a  porté  le  blé  au 
marché  selon  ses  convenances  et  ses  besoins  d'argent  :  son  obéis- 


(1)  Ce  projet,  qu'on  nppelle  le  Suiitreasioybill,  consiste  en  ceci  :  Le  gouvernement  de  l'U- 
nion devrait  établir  dans  chaque  comté  une  agence  du  Trésor  complétée  par  un  magasin 
général  dont  le  maïuujer  serait  élu  pour  deux  ans  par  le  peuple  du  comté  et  aurait  un 
salaire  de  l.'iOO  dollars  par  an.  Les  farmers  pourraient  y  porter  leur  blé,  leur  tabac,  leur 
coton,  leur  mais  (le  sucre  a  été  oublié  par  les  politiciens,  auteurs  de  ce  programme,  sans 
doute  i)arce  qu'il  est  produit  presque  evclusivemcnt  sur  de  grandes  propriétés).  Le  manager 
de  chaque  Suhtn'asuri/  devrait  emmagasiner  et  soigner  toutes  ces  denrées  et  prêter  aux 
déposants,  à  I  X  d'intérêt  par  an,  80  l' de  leur  valeur,  sauf  à  les  vendre  aux  enchères, 
si  la  somme  n'était  pas  remboursée  à  l'échéance.  Il  devrait  en  outre  prêter  aux  farmers 
sur  hyjjothéque  à-2  ^  d'intérêt,  des  sommes  égales  à  la  valeur  de  leurs  terres.  Pour  faire 
lace  à  ces  demandes,  le  gouvernement  de  l'Union  émettrait  du  papier-monnaie  j)0ur  le 
montant  des  billets  souscrits  pnr  les  emprunteurs. 


IGi  N"    To.    —    MÉTAYER    DE    l'oUEST   DU    TEXAS. 

sance  à  {"Alliance  va  bien  jusquà  voter  les  yeux  fermés  les  pro- 
grammes qu'on  lui  présente,  mais  non  jusqu'à  sacrifier  son  intérêt 
particulier  dans  les  cas  pratiques  qui  se  posent  pour  lui. 

Il  y  a  vingt  ans,  un  mouvement  semblable  s'était  produit  à  peu 
près  sous  la  même  forme  dans  l'Ouest.  La  Farmers  Alliance  s'appelait 
alors  le  most  holy  order  of  patrons  of  husbandry  et  le  People's  party 
était  le  yranger  movement.  Les  (/rangers  réclamaient  alors  des  émis- 
sions abondantes  de  papier-monnaie  (soft  money)  comme  les  farmers 
demandent  aujourd'hui  le  nioiinayage  illimité  de  l'argent,  ce  qui 
reviendrait  au  même.  Dans  l'ensemble,  le  granyer  movement  a 
échoué;  mais  il  est  resté  cependant,  des  plaintes  des  farmers,  la 
fixation  par  les  États  des  tarifs  maxima  pour  les  chemins  de  fer  et 
la  surveillance  des  tarifs  différentiels  par  l'Union,  en  vertu  de 
Xlnterslate  Commerce  Act  de  1S87.  Quelque  chose  d'utile  sortira-t-il 
du  mouvement  actuel?  Trouvera-t-on  des  moyens  pratiques  d'em- 
pêcher l'accaparement  des  terres  publiques,  le  gaspillage  du  domaine 
national?  L'avenir  le  montrera;  mais  les  programmes  du  People's 
party  et  les  discours  prononcés  dans  ses  réunions  indiquent  cer- 
taines tendances  socialistes  et  centralisatrices  dans  la  classe  des  far- 
mers. Le  développement  de  l'idée  démocratique  ne  semble  pas  plus 
favorable  à  la  liberté  en  Amérique  qu'en  Europe.  Toutefois,  la  classe 
des  farmers,  étant  propriétaire,  est  mieux  que  toute  autre  à  même 
de  comprendre  les  le<;ons  de  l'expérience;  et,  quand  ses  erreurs  lui 
occasionnenjnldes  pertes  matérielles,  elle  s'en  dégagera  sans  y  mettre 
l'entêtement  et  le  fanatisme  propres  aux  Européens  [i)- 

(\)  Depuis  que  la  moiiograpliic  ci-dessus  a  él6  rédigée,  deux  fails  importants  sont  ve- 
nus témoigner  de  l'heureuse  inllucnce  qu'exerçaient  sur  l'opinion  la  lihre  discussion  et  le 
sentiment  des  intérêts  mieux  compris. 

Les  cours  de  justice  de  l'État  ayant  déclaré  inconstitutionnelles  i)Iusieurs  dispositions 
AcValien  land  law,  une  session  spéciale  de  la  législature,  convoquée  par  le  gouverneur  de 
l'État  en  mars  189:2,  l'a  modifiée  profondément. 

D'après  le  nouveau  texte,  il  est  permis  de  devenir  j)ropriétaire  de  terres  dans  le  Texas, 
non  seulement  aux  citoyens  des  États-Unis,  mais  encore  aux  étrangers  i|ui  sont  résidents 
bona  fuie  dans  l'État  du  Texas.  Les  lots  et  parcelles  de  lots  urbains  peuvent  être  ac(|uis 
librement  par  des  étrani;(Ms.  Tuut  étranger  peut  d'ailleurs  acquérir  dos  terres  à  la  suilc 
d'une  hypotlié(|ue,  s'il  en  reste  adjudicataire  sur  saisie.  L'étranger  non  résident,  <iui  est  de- 
venu propriétaire  d'une  terre  par  testament,  succession  ou  par  tout  autre  titre,  a  dix 
ans  pour  la  vendre  avant  que  des  poursuites  puissent  être  intentées  contre  lui.  Enfin, 
tout  cITel  rétroactif  est  enlevé  à  la  loi,  et,  en  cas  de  poursuite,  l'étranger  peut  encore 
\endre  sa  terre  pour  écliappcr  à  la  confiscation.  Ainsi  amendée,  Vnlien  land  lato  ne  fait 
guère  obstacle  qu'aux  sociétés  élrangeres  de  spéculation  funciére. 

l'eu  apn-s,  l'a-uvre  arbitraire  tentée  par  la  législature  pour  ruiner  la  Tcjvi.s  fiml  l'aci/ir 
lili.  Company,  en  donnant  aux  liailrond  commisxionevs  le  pouvoir  de  fixer  les  tarifs,  était 
renversée.  En  août  tWB,  des  porteurs  d'obligations  de  cette  Compagnie,  résidant  dans  des 


ÉLÉMENTS    DIVEKS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  165 

Il  a  élé  beaucoup  question,  dans  ces  dernières  années,  de  la 
détresse  de  la  classe  des  farmers  aux  Etats-Unis  et  de  son  endette- 
ment excessif.  On  paraît  avoir  généralisé  la  situation  fâcheuse  dans 
laquelle  quelques  États  du  Nord-Ouest,  le  Kansas,  le  Nébraska,  les 
deux  Dakotas,  se  sont  trouvés  à  la  suite  des  mauvaises  récoltes  de 
1889  et  de  1890.  On  avait  escompté  trop  haut  le  développement  de 
ces  pays;  la  plus-value  des  terres  et  le  recours  au  crédit  avaient 
élé  poussés  trop  loin  :  de  là  une  liquidation  pénible.  Quoi  qu'il  en 
soit,  les  farmers  du  Texas  ont  été  beaucoup  moins  éprouvés  par  ces 
vicissitudes,  grâce  à  la  beauté  de  leur  climat  et  aux  ressources  qu'y 
offre  l'élevage. 

Les  belles  récoltes  de  l'année  1891  leur  ont  apporté  de  larges  re- 
venus et  leur  ont  donné  confiance.  Les  acquisitions  de  terre  à  des  prix 
croissants  se  multiplient  dans  cette  région.  La  crise  de  tassement, 
de  contraction  du  crédit,  qui  doit  de  temps  à  autre  s'opérer  dans 
ces  pays  où  l'on  va  toujours  de  l'avant,  ne  parait  pas  devoir  être 
bien  dure. 

Ce  qui  a  ruiné  dans  bien  des  régions  les  farmers,  c'est  le  luxe 
relatif  qu'ils  ont  introduit  dans  leur  intérieur.  Il  y  a  cinquante  ans, 
dans  toutes  les  maisons  de  farmers,  on  filait  la  laine  et  le  chanvre, 
les  femmes  fabriquaient  les  vêtements  de  la  famille;  on  tâchait 
d'acheter  le  moins  possible  ;  surtout  l'on  ne  cherchait  pas  à  égaler 
les  citadins,  et  les  enfants  ne  visaient  pas  à  quitter  les  champs  sous 
l'influence  de  V over-education  donnée  à  l'école.  Cet  état  de  choses  est 
de  riiistoire  ancienne.  Le  progrès  des  voies  de  connnunication  et  l'a- 
baissement relatif  du  prix  des  produits  manufacturés  ont  partout  fait 
disparaître  les  industries  domestiques;  elles  n'existent  pas  plus  dans 
l'Ouest  que  dans  la  Nouvelle-Angleterre.  La  conséquence  en  est  que 
le  farmer,  qui  ne  vend  pas  toujours  bien  ses  produits,  est  obligé  quand 
même  d'acheter  des  objets  manufacturés  pour  satisfaire  les  besoins 
plus  ou  moins  factices  des  siens.  Un  journal  de  l'Ouest  décrivait  ré 
comment  celte  situation  en  termes  humoristiques  : 

«  11  faut  une  charrette  de  pommes  de  terre  pour  acheter  une  paire 
de  bottet:.  Un  beau  bœuf  gras  achète  à  peine  un  vêtement  complet 
ordinaire,  et  il   faut  une  vache  pour  acheter  un  paletot  assorti.  Pour 


Ktats  autres  (|ue  le  Texas,  ont  assif,'nù  les  RR.  commissionners  devant  la  cour  de  circuit  des 
États-Unis  pour  leur  faire  défense  d'imposer  à  la  Conipa^'nie  des  tarifs  qui  déirulraieut 
leur  gage  pratiquement.  La  cour  a  rendu  un  jugement  conforiiio  à  leur  demande.  Vu  pré- 
cèdent semblable  s'était  déjà   pruduil  dans  le  Minnesota. 

12 


l(3b  .N"    "5.    —    MÉTAVhK    Dli   l'ûL'EST    DU    TliXAS. 

le  chapeau  et  les  mitaines,  il  faut  une  charrette  de  blé  ;  pour  les  vête- 
ments de  dessous,  encore  une  charrette  d'avoine.  En  sorte  que  le 
[armer,  pour  économe  qu'il  soit,  porte  sur  son  dos  la  valeur  d'un  tau- 
reau, d'une  vache,  de  trente  boisseaux  de  blé,  d'autant  d'avoine  et 
de  pommes  de  terre.  Quand  il  calcule  combien  de  travail  cela  lui  a 
coûté  et  d'autre  part  que  tous  ces  vêlements  représentent  seulement 
la  toison  de  trois  ou  quatre  moutons,  il  se  prend  à  regretter  le  rouet 
et  le  métier  à  tisser  de  ses  ancêtres.  » 

Les  farviersàw  Texas  échappent  à  ces  conditions  défavorables  par 
leur  grande  simplicité  d'existence.  Le  luxe  des  vêtements  est  in- 
connu chez  eux  ;  leur  sobriété  est  très  grande.  Le  climat  évidemment 
exerce  une  action  favorable  en  ce  sens.  Les  objets  grossiers  dont  ils 
se  contentent  ne  sont  pas  renchéris  sensiblement  par  l'effet  du  système 
protecteur,  sauf  quelques  articles  tels  que  les  objets  en  cuir  ou  les 
machines  agricoles.  Enfin  l'organisation  encore  rudimentaire  de  l'ins- 
truction publique  empêche  les  funestes  effets  du  déclassement  de  se 
produire  parmi  eux.  Les  enfants,  filles  et  garçons,  suivent  volontiers 
la  carrière  agricole,  où  ils  ont  vu  leurs  parents  arriver  à  l'aisance 
dans  une  vie  de  travail.  Au  Texas,  de  longtemps  le  déclassement  social 
et  l'abandon  de  la  culture  par  l'effet  de  l'oyer-ec^Mca^/o»  ne  se  produiront 
pas  comme  dans  l'Est,  et  même  déjà  dans  quelques-uns  des  Etats  de 
l'Ouest  le  plus  anciennement  peuplés  et  dotés  largement  de  moyens 
d'instruction. 

g  19. 

SL'H    l'administration    DES    COilTÉS    DANS   l'ÉTAT    DU    TEXAS. 

Le  comté  est  dans  le  Texas  la  base  du  gouvernement  local.  11  n'y  a 
point  au-dessous  du  comté,  comme  dans  les  Etats  du  Nord,  de  toivn- 
ships,  c'est-à-dire  de  communes  formant  une  unité  complète  pour  tous 
les  buts  du  gouvernement  local.  Le  comté  est  seulement  partagé  en 
circonscriptions  judiciaires,  en  circonscriptions  scolaires,  en  circons- 
criptions de  routes,  répundanl  à  chacun  de  ces  buts  particuliers. 

Les  agglomérations  urbaines  peuvent  s'ériger  en  cités  ou  en  towns, 
en  se  conformant  aux  proscriptions  de  la  lui.  I^Ucs  peuvent  de  [jIus, 
si  elles  ont  une  population  supérieure  à  10.000  habitants,  obtenir 
une  charte  spéciale  de  la  législature.  Les  comtés  et  les  cités,  ou  lowns 
incorporés,  forment  des  corporations  municipales  ayant  une  existence 
civile  dislincte  de  la  personne  des  habilanls;  par  conséciuent,  les  pru- 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  167 

priétés  publiques  ne  peuvent  être  saisies,  si  ce  n'est  par  le  privilège  rlu 
vendeur  ou  des  ouvriers  constructeurs. 

Les  comtés  se  sont  organisés  dans  l'Ouest  du  Texas,  au  fur  et  à  me- 
sure que  l'arpentage  [survey)  a  été  achevé  et  que  la  population  prend 
quelque  consistance. 

D'après  la  Constitution,  un  comté  ne  doit  pas  avoir  moins  de  900 
milles  carrés,  autant  que  possible  en  forme  de  carré;  cependant,  il 
peut  être  réduit  à  700  milles  carrés,  quand  on  partage  en  deux  un 
comté  déjà  existant. 

A  chaque  session,  la  législature  partage  les  comtés  trop  étendus,  et 
elle  en  multiplie  ainsi  le  nombre.  La  division  d'anciens  comtés  doit 
toujours  être  précédée  du  vote  des  populations  intéressées. 

A  la  fin  de  18fl0,  il  y  avait  au  Texas  224  comtés.  Ils  se  divisent  en 
comtés  organisés  et  comtés  non  organisés,  selon  qu'ils  sont  divisés  en 
precincf.s  et  pourvus  d'une  administration  complète,  ou  bien  qu'ils 
ont  seulement  un  shériff,  un  attorneij  et  c[y\Q\i\\xe?>  justices  of  Ihe  peace. 

Le  comté  de  Callahan,  quoique  sa  population  soit  peu  considérable 
(o.4o7  habitants\  est  déjà  un  comté  organisé. 

Les  comtés  organisés  sont  partagés,  au  point  de  vue  judiciaire,  en 
precincfs,  dans  chacun  desquels  doit  se  trouver  au  moins  un  justice  of 
the peace  et  un  constable. 

Le  comté  de  Callahan  est  partagé  en  hmi  justice  precincts. 

Dans  les  comtés  où  la  population  n'est  pas  considérable,  chaque 
precinct  forme  une  school  community  dont  les  électeurs  nomment  le 
maître  d'école. 

L'organisation  en  school  districts  distincts  suppose  une  population 
plus  dense;  elle  est  établie  seulement  après  un  vote  des  payants  taxes 
intéressés.  On  voit  par  là  que  le  régime  administratif  n'est  pas  absolu- 
ment le  même  dans  tout  le  pays.  On  tient  compte  du  degré  d'avan- 
cement de  chacune  de  ses  parties.  Souvent  même  la  législature  statue 
sur  la  juridiction  des  cours  de  justice  inférieures  pour  un  certain 
nombre  de  comtés  qui  sont  énumérés  spécialement. 

Les  cités  et  les  toivns  incorporés  forment  un  school  district,  et,  ainsi 
qu'il  a  été  dit  dans  la  monographie,  les  écoles  y  sont  partagées  en 
classes  [graded)  ;  la  durée  du  terme  scolaire  est  de  dix  mois.  La  taxe 
scolaire  spéciale  pour  le  district  school,  qui  peut  alors  être  votée,  doit 
être  acceptée  dans  une  votation  spéciale,  à  la  majorité  des  deux  tiers 
des  électeurs. 

Les  comtés  doivent  ériger  une  court-house,  une  prison,  des  routes. 


168  N"    7'.    —    MÉTAYKR    DE    l'oLEST    DU    TliXAS. 

highways,  et  des  ponts.  Quand  ils  sont  organisés,  ils  doivent,  de  plus, 
entretenir  une  poor-house  et  une  farm  pour  le  travail  des  convUts  et 
des  indigents. 

Les  autorités  du  comté  sont  Iroh  counfij  commissinners ,  un  shei'i/f, 
un  marshall,\xn  county  judge,  un  assessor  des  taxes,  un  county  attorney , 
un  recorder  chargé  d'enregistrer  tous  les  actes  relatifs  aux  mutations 
de  propriété  immobilière,  et  des  justices  of  the  peace.  Le  counfy  judge 
fait  en  même  temps  fonction  de  superintendant  des  écoles  du  comté. 
Le  shériff  est  le  personnage  le  plus  important  de  l'administration 
locale,  et  il  a,  dans  la  convocation  du  grand  jury,  une  influence  très 
grande.  Dans  le  comté  de  (kiUahan,  les  émoluments  directs  ou  indi- 
rects de  sa  place  ne  montent  pas  à  moins  de  't. 000  S  (^O.fiiO  f).  Il  a 
sous  ses  ordres  un  marshall  qin  opère  les  arrestations.  Dans  les  comtés 
qui  n'ont  pas  plus  de  10.000  habitants,  il  fait  en  outre  fonction  de  col- 
leclor  des  taxes  pour  l'Ëtat.  Tous  ces  fonctionnaires  sont  élus  pour 
deux  ans,  à  l'exception  du  county  judge  qui  l'est  pour  six.  Le  grand 
et  le  petit  jury  se  réunissent  au  chef-lieu  du  comté. 

Il  existe  un  constable  dans  chaque  precinct  ;  il  est  rémunéré,  comme 
i'attorney  et  le  shériff,  par  des  émoluments,  fecs,  perçus  à  l'occasion 
des  actes  de  son  ministère. 

Il  est  pourvu  aux  dépenses  générales  du  comté  par  une  taxe  spé- 
ciale qui  ne  peut,  d'après  la  Constitution,  excéder  25  cents  par  100  $ 
de  valeur  imposée  sur  toutes  les  propriétés  mobilières  et  immobilières. 

La  construction  et  l'entretien  des  routes  sont  un  des  objets  les  plus 
importants  du  gouvernement  local.  Il  y  est  pourvu  d'une  manière  dif- 
férente encore,  selon  l'état  d'avancement  des  comtés. 

Il  appartient  a.nx  counfy  commissioners  de  décider  s'il  y  aura  pour 
tout  le  comté  un  road  superin tendent,  ou  bien  s'il  y  en  aura  un  pour  cha- 
que precinct.  Ces  fonctionnaires  sont  nommés  parles  county  commis- 
sioners, mais  ils  doivent  être  électeurs  du  comté  ou  du  precinct.  Leur 
salaire  est  ^\\é  par  les  county  commissioners,  mais  le  maximum  en  est 
limité  par  la  loi  à  1.000  $  pour  les  counfg  road  superlntendcnts  et  à 
300  S  pour  les  precinct  road  super intendents,  quand  le  comté  n'a  pas 
plus  de  lo.OOO  habitants.  Il  peut  être  respectivement  élevé  à  1.400  S  et 
à  1.200  S  dans  les  comtés  ayant  plus  de  13.000  habitants.  La  fonction 
des  road  superintendents  consiste  à  pourvoir  dans  le  comté  ou  dans  lepx'- 
cinct  à  l'entretien  des  roules  et  pouls  existants,  et  à  provoquer  la  créa- 
lion  de  ceux  qui  seraient  nécessaires.  Us  doivent  veiller  à  l'entretien  du 
matériel,  appliqueriux  roules  le  travail  des  prisonniers  [convicts),o[  sur- 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  109 

tout  y  employer  soit  les  journées  de  corvées  dues  par  tous  les  citoyens, 
soit  le  produit  de  la  taxe  spéciale  qui  peut  être  levée  dans  le  comte. 

Kn  effet,  la  Constitution  du  Texas  établit  que  tout  citoyen  ,  entre  dix- 
huit  et  cinquante-cinq  ans,  doit  faire,  sur  les  routes  de  son  district,  un 
nombre  de  journées  qui  ne  peut  excéder  cinq.  En  fait,  dans  le  comté  de 
Callahan,  le  nombre  des  journées  est  de  trois.  Là  où  les  corvées  sont  en 
vigueur,  le  refus  de  les  accomplir  entraîne  une  amende  de  1  dollar 
par  jour.  En  réalité,  c'est  une  conversion  facultative  de  la  corvée  pour 
chaque  contribuable.  Comme  ces  corvées  ne  donnent  pas  de  meilleurs 
résultats  qu'en  Europe,  la  loi  cherche  à  substituer  une  taxe  spéciale  de 
1.0  cents  par  100  S  de  la  valeur  imposée  sur  toutes  les  propriétés.  Cette 
conversion  des  journées  des  corvée  en  une  taxe  spéciale  s'opère  quand 
200  électeurs  provoquent  dans  le  comté  une  votation  sur  la  question  , 
non  pas  de  tous  les  électeurs,  mais  de  tous  les  tax  payers. 

La  cour  des  commissaires  du  comté  reste  toujours  chargée  de  passer 
les  contrats  nécessaires  pour  l'exécution  des  routes,  comme  d'accepter 
les  contributions  volontaires  des  propriétaires  riverains. 

La  Constitution  du  Texas  pose  aux  pouvoirs  des  comtés,  des  villes 
et  tovvns,  des  limitations  analogues  à  celles  qui  sont  apportées  aux 
pouvoirs  de  la  législature.  Elle  leur  défend  formellement  de  voter  des 
subventions  sous  une  forme  quelconque  en  faveur  de  private  corpora- 
tions, c'est-à-dire  d'entreprises  de  chemins  de  fer  ou  de  travaux  publics. 
L'Etat  a  seul  ce  droit.  Les  comtés  et  les  cités  ne  peuvent  pas  davantage 
contracter  des  emprunts;  ils  peuvent  seulement,  et  doivent,  pa3^er  les 
intérêts  des  emprunts  contractés  avant  la  Constitution  de  1876,  et  les 
rembourser.  Une  exception  est  faite  toutefois  pour  les  comtés  bordant  le 
golfe  du  Mexique.  Ils  sont  autorisés  à  contracter  des  emprunts  pour  la 
création  de  levées,  de  ponts,  de  digues,  pourvu  :  1"  que  les  électeurs  du 
comté  ou  de  la  ville,  à  une  majorité  des  deux  tiers,  volent  l'emprunt; 
-1°  qu'ils  établissent  en  même  temps  une  taxe  spéciale  pour  assurer  le 
paiement  des  intérêts  de  l'emprunt  et  un  fonds  d'amortissement  d'au 
moins  2  %  par  an. 

On  remarquera  que,  sur  un  très  grand  nombre  de  questions  :  organi- 
sation scolaire,  substitution  d'une  taxe  spéciale  pour  les  routes  aux 
corvées  et  bien  d'autres  encore  (1),  les  électeurs  du  comté  doivent  être 

(I)  Au  mois  d'aoùl  18HI,  le  iiouplc  duTexas  availà  statuer  siu-  un  anicndcnienl  coiislilu- 
tiuiincl  qui  aurait  doiiurà  la  majorité  des  électeurs  dccliaciue  comté,  pi-ecinrl,  townou  cily, 
ledroil  d'interdire  laventc  des  boissons  alcooli(|ues.  Mais  rameudemcnt n'a  pas  étéadopté. 
L'opini<n  jinhliquc  dans  l'État  n'est  pas  favorable  aux  exagérations  du  Parti  delà  Tem- 
pérance. 


470  N"    7o.    —    MKTAYER    DK    l'oikST    DU    TEXAS. 

consultés  spécialement.  Par  là,  le  régime  du  comté  tend  à  se  rapprocher 
peu  à  peu  de  celui  du  township,  où  l'assemblée  des  électeurs  admi- 
nistre directement  les  intérêts  locaux  (1). 

La  Constitution  du  Texas,  comme  la  plupart  des  Constitutions  mo- 
dernes des  Etats,  statuant  sur  une  multitude  d'objets  de  détail  (2),  les 
amendements  constitutionnels  sont  très  fréquents.  Presque  à  chacune 
de  ses  sessions,  qui  heureusement  sont  seulement  biennales,  la  légis- 
lature propose  un  certain  nombre  d'amendements  à  la  Constitution,  qui 
doivent  être  soumis  aux  électeurs.  Le  peuple  est  donc  de  plus  en  plus 
fréquemment  appelé  à  légiférer  dans  le  cercle  du  gouvernement  d'État, 
à  administrer  directement  dans  le  cercle  du  gouvernement  local. 


§20. 

SL'R  LES  AVANTAGES  RESPECTIFS  Ou'OFFRENT  AUX  IMMIGRANTS  EUROPÉENS, 
PANS  l'aMÉRIOUE  DU  iNORD,  LES  CLIMATS  FROIDS  ET  LES  CLIMATS  TEM- 
PÉRÉS. 

Le  climat  de  la  région  d'Abilènc  est  analogue  à  celui  des  plaines  de 
la  Provence  et  du  bas  Languedoc,  ou  mieux  encore  à  celui  de  l'Al- 
gérie. Il  doit  être  rangé  dans  la  catégorie  des  climats  tempérés;  car 
l'hiver  y  est  pendant  trois  mois  assez  marqué  (i^  1)  pour  redonner 
au  corps  la  force  de  réaction  et  partant  la  vigueur  que  la  chaleur 
continue  des  tetres  chaudes  ou  des  climats  tropicaux  supprime,  ce 
qui  entraine  l'anémie  pour  les  hommes  des  races  supérieures.  Le 
Texas  est  donc  éminemment  propre  à  attirer  les  immigrants  de  l'Espa- 
gne, de  l'Italie  et  du  midi  de  la  France.  Si  les  Espagnols  et  les  Italiens 
ne  s'y  sont  pas  déjà  portés,  c'est  qu'ils sontgénéralement  trop  pauvres 
pour  pouvoir  s'y  établir  avec  avantage  comme  propriétaires  et  même 
comme  métayers.  Ils  préfèrent  s'arrêter  comme  manouvriers  à  la  Nou- 
velle-Orléans etàGalveston,  ou  s'employer  dans  les  riches  plantations 
de  cette  partie  du  pays.  Mais  la  réussite  du  groupe  de  Portugais  qui 
s'est  fixé  à  Glyde,  dans  le  voisinage  du  domaine  d'Annadale,  indique 
la  convenance  de  cette  réuion  pour  les  agriculteurs  du  midi  de  l'Europe. 

Les  Scandinaves,  les  Ecossais,  les  Irlandais,  les  Allemands  sont  na- 
iurellemcnt  attir(''S  par  un  climat  plus  semblable  au  leur,  par  des  cul- 

(I)  Sur  le  goiivoriirmi'Dl  Incnl  ;iii\   Kl.-its  luis,  V.  ruinraf,'"'  masislrnl  '!<"  A.  CMilier,    La 
Uipublique  Amt'ricriinc  (Giiillaumiii,  IH!K)),  t.  Ml,  p.  ,«i)  .n  4V». 
,-i)  V    noire  (luvrage.  Les  litals-Unis  contcmiiornins.  i.  \\,  p.  2?>:2-2.S3. 


ÉLÉMENTS    DIVEKS    1»E    LA    CONSTITUTION    SOCIALE,  171 

lures  analogues  à  celle  de  leur  pairie,  dans  les  États  du  Nord-Ouesl, 
dans  le  Manitoba  et  le  Nord-Ouest  canadien.  La  transplantation  d'une 
race  septentrionale  dans  un  pays  relativement  chaud  lui  occasionne- 
rait des  souffrances,  au  moins  à  la  première  génération. 

Le  choix  entre  les  deux  régions  se  pose  au  contraire  pour  les  im- 
migrants français  habitués  à  un  climat  auprès  duquel  celui  du  Ne- 
braska,  du  Canada,  des  deux  Dakotas,  duKansasmême,  paraît  bien  ri- 
goureux; car,  aussi  chaud  pendant  l'été  que  sur  les  plateaux  du  Texas, 
il  comporte  en  hiver  cinq  à  six  mois  de  neige  et  l'interruption  com- 
plète des  travaux  agricoles. 

Laissant  de  côté  les  sympathies  qui  attirent  les  Français  dans  le 
Nord-Ouest  canadien,  la  satisfaction  qu'ils  éprouvent  à  y  trouver  des 
groupes  de  colons  parlant  leur  langue  et  un  clergé  admirable  tout 
à  fait  semblable  au  leur,  tandis  qu'au  Texas  ils  sont  absolument  noyés 
dans  une  population  parlant  exclusivement  l'anglais,  voici  comment 
s'établit  le  bilan  respectif  des  avantages  des  deux  régions. 

Dans  le  Nord-Ouest  canadien,  dans  les  Dakotas,  dans  le  Nebraska,  la 
régularité  des  neiges  hivernales  assure  aux  récoltes,  et  particulière- 
ment aux  prairies,  l'humidité  qui  leur  est  nécessaire,  tandis  que 
l'irrégularité  des  pluies  est  souvent  un  inconvénient  pour  le  Texas, 
comme  elle  l'est  pour  l'Algérie  et  la  Tunisie.  La  longueur  de 
l'hiver  facilite  les  relations  sociales  :  on  a  du  loisir  pour  visiter  ses 
voisins,  et  la  neige  durcie  est  pour  le  voyageur  en  traîneau  la  plus 
belle  des  routes.  De  là,  la  sociabilité  plus  grande,  l'instruction  plus 
développée  surtout,  des  peuples  du  Nord.  La  viande  et  les  provisions 
de  toute  sorte  se  conservent  facilement  pendant  l'hiver  dans  le  Nord, 
ce  qui  est  un  grand  avantage  pour  les  populations  dispersées  où  le 
commerce  de  la  boucherie  ne  peut  pas  exister. 

Mais,  dans  les  climats  tempérés  comme  la  région  d'Abilène,  l'éle- 
vage du  bétail  en  liberté  sous  clôture  est  bien  moins  coûteux,  puis- 
qu'on n'a  pas  besoin  dele  rentrer  pendant  l'hiver  et  d'amasser  les  pro- 
visions considérables  de  foin  qui  lui  sont  nécessaires  dans  le  Nord.  Au 
point  de  vue  du  mouton,  la  comparaison  n'est  même  pas  possible.  Les 
essais  pour  l'acclimater  dans  le  Nord  aboutissent  à  des  désastres  dans 
les  années  de  grand  froid. 

Au  Texas,  les  défrichements,  l'ensemencement  même,  peuvent  s'exé- 
cuter durant  un  temps  plus  long;  on  n'est  pas  obligé  de  tout  faire  en 
quelques  semaines  comme  dans  le  Nord-Ouesl.  Aussi  la  main-d'œuvre 
n'est-elle  pas  aussi  rare  et  elle  est  à  meilleur  marché. 


172  N°    75.    —    MKTAYE1{    DE    l'oL'KST    DU    TEXAS. 

La  douceur  du  climal  rend  la  dépense  du  combustible  insignifianle, 
elle  permet  d'avoir  des  constructions  plus  légères  et  moins  considé- 
rables. Cela  constitue  une  grande  supériorité  sur  les  régions  de  prai- 
rie du  Nord  où  le  bois  est  fort  rare  et  le  charbon  très  cher.  On  peut 
dire  la  même  chose  de  la  dépense  des  vêtements. 

Enfin,  le  climat  du  Texas  comporte  une  variété  de  productions  qui 
lui  assurera  de  plus  en  plus  une  supériorité.  Le  colon,  la  vigne,  l'o- 
livier, presque  tous  les  fruits  et  tous  les  légumes  de  l'Europe,  y  vien- 
nent en  même  temps  que  le  blé,  l'orge,  l'avoine,  le  mais.  Ces  cultures 
seront  dans  un  certain  temps  plus  rémunératrices  que  celle  des  cé- 
réales, parce  que  l'aire  capable  de  produire  celles-ci  est  presque  indéfinie, 
tandis  que  les  terrains  propres  à  la  vigne  et  au  coton  sont  beaucoup 
plus  limités.  Les  produits  accessoires,  légumes,  fruits,  élevage  du  lapin 
et  de  la  volaille,  sont  une  ressource  accessoire  qui  deviendra  très  pré- 
cieuse pour  les  petits  cultivateurs  du  Texas,  quand  le  développement 
des  agglomérations  leur  ouvrira  un  marché. 

Telles  sont  les  raisons  qui  doivent  appeler  l'attention  des  immigrants 
européens  vers  le  Sud-Ouest  des  Etats  Unis.  La  présence  de  la  race 
noire  n'y  étant  plus  un  obstacle  à  l'immigration,  et  ces  Etats  étant  ar- 
rivés, au  point  de  vue  du  progrès  matériel,  au  même  degré  que  les  États 
du  Nord,  les  capitalistes  anglais  s'y  sont  déjà  portés,  comme  on  ]"a  vu 
dans  le  cours  de  la  monographie. 


LES  OUVRIERS  DES  DEUX  MONDES. 


DEUXIÈME   SÉRIE.   —  3M    FASCICULE. 


AVERTISSEMENT 

DE  LA  SOCIÉTÉ  D'ÉCONOMIE  SOCIALE. 


L'Académie  des  sciences,  en  1850,  a  couronné  le  premier  ou- 
vrage de  science  sociale  publié  par  F.  Le  Play,  les  Ouvriers  eu- 
ropéens. Elle  a  en  même  temps  exprimé  le  désir  qu'une  pareille 
œuvre  fût  continuée.  La  Société  d'Économie  sociale,  fondée  aus- 
sitôt par  l'auteur  de  ce  livre  aujourd'hui  célèbre ,  lui  a  donné 
pour  suite  les  Ouvriers  des  Deux  Mondes.  De  1857  à  1885,  la 
Société  a  publié  une  première  série  de  cinq  volumes  contenant 
quarante-six  monographies  de  familles  ouvrières. 

La  deuxième  série  des  Ouvriers  des  Deux  Mondes  a  commencé 
en  juillet  1885.  Le  premier  tome  de  cette  série  a  été  terminé 
en  juillet  1887;  le  deuxième,  à  la  fin  de  1889;  le  troisième,  au 
commencement  de  1892.  Ils  comprennent  les  descriptions  mé- 
thodiques de  trente-deux  familles  d'ouvriers ,  appartenant  à  la 
Bretagne,  la  Picardie,  le  Nivernais,  l'Ile-de-France,  la  Provence, 
la  Gascogne,  le  Dauphiné,  la  Normandie,  la  Marche,  l'Orléanais, 
le  Limousin,  la  Corse,  la  Grande-Russie,  la  Grande-Kabylie,  le 
Sahel,  le  Sahara  algérien,  la  Belgique,  la  Prusse  rhénane,  la 
Sicile,  la  campagne  de  Rome,  la  Capitanate,  l'Angleterre,  la 
Laponie,  l'Alsace,  la  Hollande.  Le  présent  fascicule,  le  31°  de  la 
seconde  série,  est  le  quatrième  du  tome  IV.  (Voir  au  verso  de  la 
couverture.) 

La  publication  se  poursuit  par  fascicules  trimestriels,  avec 
le  concours  de  la  maison  Firmin-Didot.  Un  tel  concours  lui  as- 
sure cette  perfection  que  nos  lecteurs  ont  su  apprécier  dans  une 
œuvre  typographique  particulièrement  délicate. 

Les  prochains  fascicules  contiendront  les  monographies  de  fa- 
mille d'un  Savetier  de  lîtVle,  d'un  Pécheur  de  rarchipcl  Cliusan 
(Chine),  d'un  Armurier  de  Liège,  d'un  Ouvrier  de  la  Papeterie 
coopérative  d'Angoulème,  d'un  Ardoisier  d'Angers,   etc. 


LES  OUVRIERS  DES  DEUX  MONDES, 

PUBLIÉS   PAR   LA   SOCIÉTÉ    d'ÉCONOMIB   SOCIALE, 

RECONNUE   d'utilité   PUBLIQUE. 


Deuxième  série.  —  31  «  fascicule. 


OUVRIÈRE  MOULEUSE  EN  CARTONNAGE 

D'UNE  FABRIQUE  COLLECTIVE  DE  JOUETS  PARISIENS 

(SEINE  —  FRANCE), 

ouvrier  chef  de  métier, 

dans  le  système  des  engagements  momentanés, 

d'après 

les  renseignements  recueillis  sur  les  lieux,  en  janvier  1892, 

PAR 

M.  P.  DU  Maroussem, 

Docteur  en  droit. 


PARIS, 


LIBRAIRIE    DE    FIRMIN-DIDOT    ET    G^^, 

IMPRIMEURS    DE   L'INSTITCT,    RUE   JACOB,    5fi. 

1893. 

Droits  de  traduction  et  de  reproduction  résorréfi. 


N°  7G. 

OUVRIÈRE  MOLLEUSE  EN  CARTONNAGE 

D'UNE  FABRIQUE   COLLECTIVE  DE  JOUETS  PARISIENS 

(SEINE  —  FRANCE), 

ouvrier  chef  de  métier, 

dans  le  système  des  engagements  momentanés., 

d'après 

les  renseignements  recueillis  sur  les  lieux,  en  janvier  1892, 

P  A  [; 

M.  P.  DU  Maroussem, 

Docteur  en  Droit. 

OBSERVATIONS  PRÉLIMINAIRES 

DÉFINISSANT  LA   CONDITION   DES   DIVERS   MEMRRES   DE   LA   FAMILLE. 


DEFINITION  DU  LIEU,   DE  L'ORGANISATION   INDUSTRIELLE 
ET  DE  LA  FAMILLE. 

ÉTAT    DU    SOL,    DE    l'iNDUSTHIE    ET    DE   LA    POPULATION. 

Il  est  deux  cités  industrielles  qui  se  font  pour  ainsi  dire  pendant 
au  cœur  de  la  prodigieuse  agglomération  parisienne  :  c'est  le  fau- 
bourg Sinat-Antoine,  la  «  Ville  du  meuble  »  (Ij,  et  le  Marais  «  la 
Ville  de  l'article  de  Paris  ». 

Dans  l'enchevêtrement  des  vieilles  rues  qui  rayonnent  autour  de 
la  place  Royale  et  de  l'hôtel  de  Soubise,  —  actuellement  les  Archives, 

(I)  Voir  Ébrnisles  'lu  faubourg  Saint-Antoine,  préf.  de  Th.  Kunrk-Brentano,  Paris, 
ArUi.  Kousseau,  iwh».  —  .  Ébéniste  parisien  de  haut  luxe  »,  Ouvriers  des  Deux  Mondes, 
i"-  série,,  m,  n"  7'». 

t3 


174  N"  76.  —  OUVRIÈRE  MOULEUSE  EX  CARTONNAGE  DU  JOUET  PARISIEN. 

—  sur  l'emplacement  de  la  forteresse  monastique  qui  a  laissé  là  de 
si  profondes  empreintes  et  de  si  vifs  souvenirs.  «  le  Temple  [»,  une 
foule  d'industries  variées  et  capricieuses,  ciselure,  bijouterie,  éventails, 
menus  objets  de  toilette,  etc.,  etc.,  toutes  choses  élégantes  et  recher- 
chées, baptisées  «  articles  de  Paris  »,  parce  que  Paris  seul  pouvait 
leur  imprimer  son  cachet  d'inimitable  distinction,  avaient  profité  des 
franchises  de  l'enclos,  au  seuil  duquel,  au  point  de  vue  industriel,  la 
juridiction  du  roi  et  des  corporations  était  contrainte  de  s'arrêter 
devant  celle  du  grand  prieur  :  la  liberté  leur  avait  imprimé  une  vi- 
gueur qui  les  répandit  de  là  sur  le  monde  civilisé.  Un  ordre  social  et 
économique  se  fonda  ainsi  peu  à  peu,  qui  a  subsisté  presque  intégra- 
lement jusqu'à  ces  trente  dernières  années  :  une  série  de  maisons  de 
commission  assez  puissantes,  un  commerce  de  détail  prospère  mais 
divisé  en  entreprises  modestes  et  indépendantes,  un  peuple  d'ou- 
vriers chefs  de  métiers,  de  façonniers  surtout,  habitant  les  hautes  et 
sombres  ruelles,  oiî  les  réflecteurs  ramènent  une  lumière  parcimo- 
nieusement mesurée  et  où  les  vitrines  accrochées  à  chaque  porte 
crient  au  passant  en  quelque  sorte  le  talent  particulier  du  spécialiste. 
Autonomie,  personnalité,  tels  étaient  les  traits  dominants  de  cette  po- 
pulation ouvrière,  artistes  voués  au  luxe  et  imbus  de  sentiments  éga- 
litaires  :  le  souvenir  sanglant  des  émeutes  de  1832  en  témoigne 
d'ailleurs  assez  éloquemment. 

Mais  un  double  mouvement  commercial  et  industriel  est  venu 
bouleverser  cette  cité,  qui  semblait  prédestinée  à  un  statu  quo  éternel. 
Les  grands  magasins  se  sont  fondés  :  grands  magasins  de  vente  au 
comptant,  type  Boucicaut  :  le  Bon-Marché;  grands  magasins  de  vente 
à  crédit,  type  Crespin-Dufayel.  Par  leur  étalage  permanent,  qui  pé- 
riodiijuement  se  rehausse  de  tout  léclat  d'expositions  savamment 
combinées,  par  toutes  les  facilités  prodiguées  aux  achats  conclus  à 
l'étourdie,  par  le  prix  fixe,  la  faculté  de  rendre,  le  système  d'envoi, 
par  une  machiavélique  entente  de  la  baisse  et  de  l'élévation  des 
cours,  qui  fait  porter  le  bénéfice  entier  sur  tel  article  et  abandonne 
tel  autre  au-dessous  du  prix  de  revient,  ils  sont  venus  développer  dans 
la  foule  toujours  grossissante  de  l'acheteur  l'irrésistible  besoin  de  cet 
article  dt;  Paris,  réservé  jadis  aux  classes  riches,  et  qui  a  dû  se  mettre 
à  la  portée  des  classes  moyeimes.  Il  en  résulte  un  phénomène  signalé 
avec  complaisance  par  les  optimistes  :  une  progression  démesurée 
de  la  production.  Le  Marais  d'autrefois  s'est  agrandi,  élargi  :  sans 
doute  la  fabrication  du  haut  luxe,  toujours  restreinte,  est  restée  sou- 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  i7o 

mise  en  grande  partie  au  régime  antique;  sans  doute  les  comptoirs 
de  vente  ont  tenu  à  conserver  leur  siège  dans  ces  paisibles  hôtels  où 
les  acheteurs  ont  pris  coutume  de  les  chercher,  où  leurs  enseignes  se 
groupent  cote  à  côte  en  une  sorte  de  foire  toujours  ouverte  :  mais  les 
ateliers  ont  été  plus  loin  chercher  les  vastes  espaces,  les  loyers  moins 
chers  et  aussi  la  population  ouvrière  plus  rustique,  résignée  à  un  moindre 
salaire  :  Bapst  et  Amé  sont  allés  à  Belleville,  Jumeau  et  Danel  à  Mon- 
treuil,  Derolland  dans  l'Oise,  pour  ne  parler  que  des  «  jouets  »,  sujet  prin- 
cipal de  nos  observations.  C'est  que  chaque  ancien  atelier  pris  isolé- 
ment a  vu  tous  ses  rouages  grossir,  s'hypertrophier  pour  ainsi 
dire:  là  où  3.000  francs  de  commissions  ou  commandes  arrivaient, 
100.000  francs,  200.000  ont  aiïlué  :  il  a  fallu  être  de  taille  à  y 
répondre,  et  alors,  suivant  une  distinction  empirique,  qui  four- 
nit le  critérium  de  la  constitution  de  l'industrie,  bijouterie,  fleurs 
et  plumes,  tabletterie,  céramique,  industrie  du  caoutchouc,  du  métal 
ou  du  bois,  ont  pris  tantôt  la  forme  de  la  grande  usine  enrégimentée, 
lorsque  le  développement  du  capital  (1)  constitue  la  combinaison  la 
plus  avantageuse,  et  tantôt  celle  de  la  fabrique  collective,  de  cet  en- 
semble composé  d'un  puissant  intermédiaire  et  de  petits  ateliers 
asservis  le  plus  souvent  par  le  sweating  sijstem  ou  système  de  la 
sueur  (2),  lorsque  l'exploitation  de  la  main-d'œuvre  assure  le  plus 
haut  degré  de  profit.  Partout  d'ailleurs,  sous  Fintluence  de  la  pesée 
du  grand  entrepôt  de  vente  au  détail  sur  les  prix,  le  «  camelotage  » 
fatal,  la  perte  de  la  valeur  artistique,  et  aussi  l'état  misérable  des  tra- 
vailleurs, qui  à  la  place  de  la  primitive  égalité  voient  se  creuser  l'a- 
bîme entre  la  richesse  démesurée  et  l'extrême  misère. 

Examinons,  par  exemple,  un  petit  quartier  de  cette  ville,  celui  qui 
est  le  nijtre,  le  «jouet»  :  et  dans  cette  industrie  qui  est  partout  et  ne  se 
trouve  nulle  part,  puisqu'elle  comprend  des  céramistes,  modeleurs, 
peintres,  lingères,  coiffeuses,  piqueuses,  cartonniers,  mécaniciens,  dé- 
coupeurs, estampeurs,  repousseurs.  forgerons,  ferblantiers,  fondeurs, 
ébénisteS;,  vernisseurs,  etc.,  parmi  les  quatre  grandes  catégories  qu'il 
est  possible  d'y  distinguer  en  prenant  pour  base  de  classification  la 
matière  première  :lemétal,  le  carton  etlapâte,  lecaoutchouc,  et  les  spé- 
cialités diverses,  bois,  céramique,  peau  et  tissus,  fixons  notre  attention 


(1)  c'est-à-dire  ce  que  l'on  clcsii,'ne  sous  ce  terme  vague,  d'après  les  livres  mêmes  des 
industriels,  savoir  :  le  loyer,  la  matière  première,  l'outillage,  le  fonds  de  roulement  né- 
cessaire. 

{■1}  V.  cï-*\<iss\xs  Ebéniste  i>arisicn  de  liaul  luxe,  2  18. 


176    N"   70.    —   OUVRIÈRE   MOULEUSE   EN    CARTONNAGE    DU   JOUET    PARISIEN. 

sur  la  seconde,  :  la  fabrication  des  jouets  en  carton  moulé,  d'où  sor- 
tent des  figurines  assez  étranges  et  variées,  têtes  grotesques  ou  passe- 
boules,  animaux  simplement  coloriés,  carcasses  d'animaux  peaucés, 
masques,  accessoires  de  cotillon,  polichinelles,  personnages  du 
théâtre  enfantin,  surtout  poupées  et  bébés. 

Le  carton  moulé  n'est  autre  chose  que  le  papier  d'emballage, 
déchiré  en  petits  morceaux,  enduit  de  colle,  puis  enfoncé  énergique- 
ment  dans  le  creux  d'un  moule  en  plâtre  ou  en  fonte.  C'est  le  papier- 
mâché  de  Sonnenberg,  Cobourg  et  la  Saxe  ducale,  où  8.000  travail- 
leurs, réduits  à  un  salaire  infime  (1),  forment  la  «  Ville  allemande  » 
opposée  à  cette  spécialité  française  du  jouet.  Or,  comme  il  est  évident 
que  le  matériel  (moules  et  mailloches)  est  de  prix  relativement 
modéré  et  en  tous  cas  facilement  Iransportable,  que  la  matière 
première  n'a  aucune  espèce  de  valeur,  et  que  la  main-d'œuvre 
constitue  la  plus  forte  partie  du  prix  de  revient,  il  en  résulte  que  le 
métier  va  être  organisé  en  petits  ateliers.  Il  y  aura  bien  çà  et  là  quel- 
ques entreprises  hors  pair,  la  maison  Charpentier  à  Montsouris,  la 
maison  Lefèvre  rue  de  Chàteaudun,  la  maison  Allez,  parce  que  les 
objets  produits,  surtout  en  ce  qui  concerne  le  premier  de  ces  ateliers, 
sont  immenses,  peu  transportables,  parce  qu'il  s'agit  de  cartonnages 
de  théâtre,  fantasmagorie  du  Chàtelet  ou  c^'gne  du  Lohengrin,  qui 
exigent  parfois  l'emploi  de  mouleurs,  substitués  aux  mouleuses, 
partant  de  larges  espaces  et  la  stabilité  en  un  point  fixe.  Mais  la  règle, 
c'est  l'atelier  perdu  dans  les  mansardes  au  Marais,  à  Montreuil,  où 
des  légions  d'ouvrières  restent  à  la  merci  de  «  la  réception  »  des 
usines  Jumeau  ou  Danel,  qui  accepte  et  refuse  à  la  douzaine,  les  bras, 
les  jambes  et  les  torses  de  poupées  grossièrement  ébauchées.  Ce  fait 
se  laisse  apercevoir  sous  la  seule  statistique  du  jouet  tentée  par  spé- 
cialités en  1878  (Rapport  de  l'I^xposilion  Universelle  ;  M.  UossoUin, 
rapporteur)  :  19  patrons  s'y  opposent  en  effet  à  239  ouvriers,  le 
terme  d'ouvriers  comprenant  sans  nul  doute  les  façonniers  libres  de 
l'embrigadement  des  fabriques. 

Aussi  est-ce  une  fauiillc  de  façonniers  que  nous  avons  pris  comme 
type  social  :  une  famille,  dcuU  le  chef  est  une  femme  qui  a  accepté 
courageusement  la  tâche  de  faire  vivre  et  d'élever  seule  ses  enfants; 
c'est  en  outre  une  famille  0[)|>artenant  à  une  nuance  de  la  spécialité» 
le  haut  luxe,  —  car  l'ouvrière,  (jui  dépend  surtout  des  fabricants  d'au- 

(I)  V.  Élist'o  Reclus,  Nouvelle  Géot/rajiinc  universelle;  Allemagne. 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  177 

tomates  ou  sujets  habillés,  passe  pour  une  de  celles  qui  ont  conservé 
avec  le  soin  le  plus  jaloux  les  qualités  artistiques  des  mouleuses  de 
la  génération  précédente.  Ces  deux  points,  absence  complète  du  chef 
naturel  de  l'association  domestique,  habileté  supérieure  de  l'artisan  et 
partant  possibilité  d'un  gain  plus  élevé,  soulèvent  contre  le  choix  du 
type  deux  objections  assez  naturelles.  Une  famiUe  privée  de  son 
chef  est  désorganisée;  une  famille  à  laquelle  appartient  un  sujet  hors 
pair  est  assurée  de  recettes  exceptionnelles;  donc  pour  ces  deux  rai- 
sons, elle  ne  représente  pas  un  type  moyen.  A  cela,  on  peut  répondre 
((u'elle  n'en  est  pas  moins  intéressante  à  étudier.  D'abord,  le  métier  de 
mouleur  en  carton  est  exercé,  sauf  exceptions  très  rares,  par  des 
femmes.  Pour  se  rendre  compte  de  l'état  de  l'industrie,  de  l'impor- 
tance des  recettes,  il  faut  choisir  une  femme  seule,  veuve,  séparée, 
divorcée  avec  enfants;  c'est  ainsi  qu'on  pourra  reconnaître  si  la  famille 
ouvrière  privée  de  son  chef  peut  vivre  des  seuls  salaires  de  la  mou- 
leuse en  carton,  car  autrement  on  aura  constaté  qu'elle  peut  vivre  du 
salaire  du  père,  charpentier,  ébéniste,  etc.,  et  rien  de  plus.  En  second 
lieu,  telle  est  la  baisse  des  salaires  provoquée  dans  la  spécialité  parle 
sîveating  sijstem  et  les  grands  magasins,  qu'elle  se  fait  sentir  même 
aux  ouvrières  exceptionnelles,  même  dans  la  nuance  du  haut  luxe, 
que  la  nouvelle  organisation  économique  a  le  moins  modifiée  ;  d'où 
cette  conséquence  que  la  situation  des  travailleurs  vulgaires  en  ressort 
par  une  sorte  d'à  fortiori.  Enfin,  cette  famille  ouvrière  se  recommande 
ànous  par  deux  faits  particuliers,  qui  lui  marquent  une  place  à  part  dans 
cette  galerie  de  portraits  d'ouvriers  parisiens  réunis  dans  les  Ouvriers 
des  Deux  Mondes  depuis  1891  :  d'une  part  elle  met  en  relief,  mieux  que 
nulle  autre,  les  conséquences  antisociales  du  travail  industriel  de  la 
femme;  elle  fait  toucher  du  doigt  comment,  lorsque  la  femme  prend 
le  rôle  de  l'homme,  celui-ci  est  bien  près  d'abdiquer  complètement  et 
de  se  laisser  aller  aux  vices  de  la  vie  facile;  d'autre  part,  —  et  ce 
point  est  peut-être  le  plus  saisissant,  —  elle  représente,  en  lace  de 
l'ouvrier  athée  et  matérialiste  des  comités  révolutionnaires,  les  indif- 
férents qui  forment  le  nombre,  et  qu'une  propagande  habile  peut 
souvent  ramener,  franchement  et  sincèrement,  aux  croyances  de  la  foi 
chrétienne;  c'est. un  trait  curieux  qui  montre  l'un  des  rapports  entre 
la  question  ouvrière  et  la  question  religieuse. 


178     N"    70.    —   OUVRIÈRE   MOULEUSE   EN    CARTONNAGE   DU   JOUET    PARISIEN. 

§  2. 

ÉTAT    aVIL   DE    LA    FAMILLE. 

Ici  la  famille  présente  deux  états  contraires  :  le  fait  et  le  droit. 
A  l'état  de  fait,  elle  se  compose  de  trois  personnes; 

1"  Aurélic  H***,  femme  L'",  mérc  de  famille,  née  à  Lille  (Noi<l) 40  ans. 

•2r  Horace-All»ert  L*"*,  né  à  Paris 17    — 

3"  Edouard-Gaston  L*",  né  à  Paris 13    — 

En  droit,  il  faudrait  y  ajouter  le  chef,  Victor  L***,  18  ans;  mais  la 
séparation  de  corps,  —  non  suivie  de  divorce,  —  a  été  prononcée 
contre  lui  en  1882  :  la  garde  des  enfants  a  été  confiée  à  la  mère. 
Victor  L***,  peintre  en  bâtiments,  un  «  sublime  »  (1)  arrivé  au  dernier 
degré  de  l'alcoolisme,  sans  avoir  versé  dans  les  excentricités  politi- 
ques que  l'expression  renferme,  s'est  dépossédé  peu  à  peu  de  son  nMe 
de  maître  de  maison,  pur  une  dégradation  curieuse  de  son  amour  du 
travail  et  de  sa  moralité.  Au  début,  énergique,  habile,  il  gagne  de  grosses 
journées,  vit  avec  luxe,  soufl're  à  peine  le  travail  de  sa  femme,  dont  le- 
salaire  ne  forme  qu'un  appoint;  plus  tard,  après  des  revers  que  nous 
exposerons  en  détail,  abandonnant  le  rùle  principal  à  l'active  ouvrière, 
dont  il  admire  le  savoir  et  la  dextérité,  il  se  fait  humble,  devient  la  ména- 
gère, balaie  le  petit  appartement,  se  charge  du  marché,  veille  à  la  cui- 
sine :  enfin,  il  se  laisse  vêtir  et  nourrir,  et  oubliant  les  plus  vulgaires 
principes  d'honnêteté  et  de  décence,  il  roule  jusqu'au  fond  de  la  pente 
fatale  du  classique  «  assommoir  ».  Actuellement,  il  vit  seul,  redouté 
de  ses  fils,  qu'il  poursuit  pour  leur  mendier  de  l'argent  :  l'été,  reprenant 
son  métier  primitif;  l'hiver,  dans  la  misère  noire,  aux  gages  des  en- 
treprises qui  à  Paris  monopolisent  le  nettoyage  des  devantures. 

L'ouvrière,  d'origine  à  demi  flamande,  —  descendante  d'un  Belge 
assimilé,  —  sort  de  l'une  de  ces  familles  que  l'on  peut  qualifier  de  se- 
cond degré,  parce  qu'elles  se  sont  haussées  au  second  échelon  de  l'in- 
cessante montée  des  classes  ouvrières.  On  connaît  cette  ascension, 
presque  régulière,  que  nos  observations  tendent  à  dégager  de  plus  en 
plus  :  le  rural  transplanté  dans  le  milieu  parisien  est  journalier  (homme 
sans  métier);  son  fils  s'engage  dans  les  arts  manuels  proprement  dils, 

(I)  Voir  Le  Sublime  de  M.  Denis  Poiilol,  (|iii  (l(sif,"ne  par  cfUe  expression  l'ouvrier  •  i)a- 
rcsseux,  hahlcur  el  ivrogne  ». 


OBSERVATIONS   PRÉLIMINAIHES.  179 

forgeron,  menuisier;  le  fils  de  celui-ci  n'accepte  qu'un  métier  de  luxe 
ou  réputé  tel,  sculpteur,  mécanicien,  peintre  (l).  Conformément  à  cette 
tendance,  l'ouvrière,  fille  d'un  forgeron  et  d'une  marchande  des  quatre 
saisons  encore  vivante,  est  devenue  mouleuse  en  cartonnage,  et  son 
frère,  premier  garçon  d'un  hùtel  du  quartier  des  Halles. 

L'ouvrier  était  fils  d'un  peintre  entrepreneur  ruiné  par  son  intempé- 
rance. Sa  déchéance  morale  se  complique  donc  d'une  déchéance 
sociale.  C'est  h  phénomène  inverse  :  au  lieu  de  l'ascension,  la  chute. 

§3- 

RELIGION  ET   IIABITLDES   MORALES. 

La  famille  étudiée,  au  moment  de  nos  premières  visites,  se  recom- 
mandait par  une  haute  réputation  d'union  et  d'honnêteté.  On  devinait 
à  la  coquetterie  que  la  gène  actuelle  mettait  à  se  dissimuler  sous  cer- 
taines recherches  de  luxe  pauvre,  —  surtout  à  trois  photographies,  où 
la  mère  en  riche  toilette  était  entourée  des  deux  enfants  vêtus  comme 
les  babys  qui  jouent  aux  Champs-Elysées  ou  aux  Tuileries,  —  que  le 
bien-être  avait  habité  cet  intérieur  et  qu'une  pratique  respectueuse 
de  la  loi  morale  avait  été  maintenue  à  mesure  que  la  descente  vers  la 
misère  s'opérait,  de  plus  en  plus  douloureuse  et  lamentable.  D'ailleurs, 
nul  spectacle  plus  réconfortant  et  qui  semblât  davantage  avoir  été  dé- 
taché tout  exprès  d'un  discours  académique  sur  les  prix  de  vertu  : 
une  jeune  femme,  restée  pour  ainsi  dire  veuve  à  trente-deux  ans.  en- 
treprenant avec  audace  d'élever  seule  ses  deux  fils,  les  entourant 
d'une  jalouse  surveillance,  pour  étouffer  en  eux  jusqu'au  germe  du  pen- 
chant héréditaire  ;  se  sacrifiant,  se  dépensant  sans  compter  en  des  élans 
superbes  de  sacrifices;  bien  payée  de  retour,  car  une  confiance  sincère 
a  répondu  à  sa  domination  toujours  dévouée,  mais  parfois  aigrie  :  en 
somme,  un  intérieur  à  bien  des  points  de  vue  exceptionnel,  où  l'inter- 
vention de  la  grand'mère,  la  vieille  marchande  des  Batignolles,  qui  se 
fâche  lorsque  tout  le  monde  ne  se  réunit  pas  chez  elle  le  dimanche, 
achevait  de  donner  la  note  pittoresquement  attendrissante.  Et  tout 
autour,  en  dehors  du  groupe  intime  où  aflection  et  confiance  sem- 
blaient s'être  réfugiées,  l'indifférence  ou  le  soupçon  d'intentions  mau- 
vaises :  les  humiliés  sont  aussi  les  abandonnés;  surtout  ils  sont  les 


(I)  Bien  cnteiuiu,  on  supposanl  (ce  <|ui  est  le  ras  le  moins  fréquent)  ([ue  la  famille  ou- 
vrii'i'c  ne  se  dissolve  jias  sous  les  multiples  tentations  du  vice. 


180     N"   70.    —    OLVIUÈHE    MOILELSE    EN    CARTONNAGE    DU   JOUET    PARISIEN. 

exploités,  et  l'ouvrière  l'avait  dureinenl  senti  depuis  le  jour  où,  ren- 
voyée par  un  fabricant  qui  s'était  emparé  de  sou  invention,  à  elle,  une 
iavention  remarquable,  d'où  le  plagiaire  a  su  tirer  réputation  et  for- 
tune, elle  est  retombée  dans  la  foule  des  façonnières,  ruinées  parleur 
concurrence  réciproque  et  les  bas  prix  de  l'étranger. 

Les  questions  de  pauvreté  et  de  souffrance  sont  essentiellement  rela- 
tives. Les  plus  misérables  des  misères  sont  bourgeoises.  Et  parmi  les 
soudrances  ouvrières,  celles  des  ouvriers  de  luxe,  délicats,  rairniés  par 
trois  générations  de  recherches  croissantes,  demeurent  les  plus  aigiies. 
Le  petit patronbelgede toilettes  anglaisesaunbudgetunpeu  inférieurau 
budget  de  la  mouleuse  en  cartonnage.  Le  trùleur  piémonlais  connaît  plus 
qu  elle  ne  le  peut  faire  la  privation  physique  du  pain  quotidien  (1).  Ni 
l'un  ni  l'autre  ne  nous  émeuvent  au  même  degré,  parce  que  ni  l'un  ni 
l'autre  ne  témoignent  de  cette  organisation  nerveusement  impression- 
nable, qui  jeta  jadis  l'ouvrière  dans  la  lecture  passionnée  des  romans, 
et  qui  en  pleine  table  la  faisait  éclater  en  sanglots  devant  les  malheurs 
de  se?  héros  imaginaires,  à  la  grande  surprise  de  sa  mère,  plus  atta- 
chée au  côté  pratique  de  la  vie.  En  vain,  vous  leur  demanderiez  à  ces 
acharnés  travailleurs,  dont  l'un  cependant  atteint  une  moyenne  intel- 
lectuelle élevée,  cette  imagination  éprise  d'art  qui  pousse  l'aîné  des 
enfants  à  dessiner  sans  maître,  qui  lui  a  fait  acheter  un  violon,  qui  l'a 
même  engagé  dans  des  leçons  de  musique,  prises  le  soir,  après  les 
onze  heures  de  travail,  d'un  artiste  bohème,  rejeté  par  l'intempérance 
dans  les  concerts  des  rues,  professeur  à  trente  sous  le  cachei.  Verrait- 
on  chezeux  ce  goût  irrésistible  des  éditions  rares  et  des  vieilles  reliures, 
qui  a  fait  ramasser  à  cet  apprenti,  pièce  par  pièce,  une  petite  biblio- 
thèque, ou  cette  avidité  de  spectacles,  de  théâtres,  qui  chaque  après- 
midi  de  dimanche  ressaisit  les  deux  frères,  et  les  met  à  la  tête  des  veil- 
leurs obstinés,  impassibles,  quinze  heures  avant  les  représentations 
gratuites,  sur  les  marches  de  l'Opéra,  à  la  Comédie  française  ou  au 
Châtcief,  —  quand  on  joue  Michel  Strogo/f?  Ceux-ci  sont  plus  près  de 
nous;  leurs  renoncements  et  leurs  douleurs  sont  presque  nôtres. 

A  cela  du  reste  se  bornait  toute  la  préoccupation  morale  de  ces  pau- 
vres gens.  Leur  culte  du  bien,  du  vrai  et  du  beau  restait  exclusivement 
laïque.  Aucune  idée  religieuse  ne  s'y  ajoutait,  sauf  la  tradition  conservée 
de  faire  maigre  le  Vendredi  saint.  Pas  de  respect  du  dimanche  :  la 
morte  saison  n'accumulait-elle  pas  assez  de  congés  au  même  temps? 

(i)  V.  (  i-tk'ssus  Èbvnisle  jninaien  de  haut  luxe,  8  I«  fl  !!'• 


OBSERVATIONS   PRÉLIMINAIRES.  IHI 

Nulle  préoccupation  de  réalités  extra-terrestres.  Le  jeune  ouvrier  de 
dix-sept  ans,  Tapprenti  de  treize  ans  n'avaient  jamais  songé  à  l'acte 
qui  ouvre  pratiquement  la  vie  catholique  :  la  première  communion.  La 
mère  s'excusait  sur  sa  pauvreté,  son  absence  totale  de  relations.  Depuis 
quelques  mois  même  un  hasard  l'avait  conduite  à  une  cérémonie  calvi- 
niste, dont  la  simplicité  et  <'  le  bon  marché  ->  l'avaient  frappée.  Le  plus 
jeune  de  ses  fils  manifestait  hautement  sa  préférence  pour  la  confession 
protestante.  La  lecture  quotidienne  de  tous  était  empreinte  d'un 
matérialisme  décidé,  puisqu'elle  se  bornait  au  Petit  Parisien. 

Telles  étaient,  au  moment  où  les  éléments  de  la  présente  monogra- 
phie furent  recueillis,  les  qualités  morales  indéniables  de  cette  famille. 
Elles  tentèrent  le  zèle  militant  d'un  ami  qui  accompagnait  l'auteur  de 
ces  lignes  :  et  c'est  ainsi  qu'une  exploration  sociale  commencée  au 
nom  de  la  science  pure  devint  la  cause  très  indirecte  d'une  conver- 
sion (5;  22). 

l  4. 

HYGIÈNE    ET    SERVICE    DE    SANTÉ. 

Le  siveating  system  accuse  ses  effets  en  deux  points  très  distincts 
d'un  résumé  monographique  :  le  travail,  parce  qu'il  a  pour  essence  le 
surmenage;  l'hygiène,  parce  que  le  surmenage  ne  se  maintient  qu'en 
consumant  les  forces  et  la  vie.  Les  dangers  qui  en  résultent  pour  l'a- 
venird'une  race  apparaissent  surtoutlorsqu'ilspèsentsur  les  femmes,  — 
les  mères,  — et  atrophient  ainsi  une  large  part  des  énergies  nationales. 

Elle  est  en  effet  définitivement  ruinée  la  santé  de  cette  femme  née 
cependant  de  parents  flamands,  race  réputée  résistante  entre  toutes. 
Jadis  elle  respirait  la  bonne  humeur  et  l'énergie  dans  son  activité 
alerte  de  blonde  bien  portante;  de  taille  moyenne  (l'",60),  mais  vigou- 
reuse d'aspect,  elle  paraissait  faite  pour  le  travail  et  la  maternité. 
Tout  cela  s'est  usé  peu  à  peu.  L'estomac  délabré,  au  point  qu'elle  ne 
peut  soutenir  sa  tâche  quotidienne  que  par  l'absorption  de  remèdes  vio- 
lents, brisée  par  des  migraines  continuelles  dans  l'atmosphère  sur- 
chauffée des  pièces  basses,  elle  s'estime  encore  heureuse  de  ne  pas  être 
ressaisie  par  ces  grandes  crises  de  rhumatismes  articulaires,  qui  jadis 
lui  ont  recroquevillé  les  membres  et  qui  l'ont  forcée  vers  1881  de  mar- 
cher six  mois  avec  des  béquilles.  Et  le  régime  auquel  elle  est  soumise, 
les  labeurs  surhumains,  les  aliments  mal  cuits  et  absorbés  à  la  hâte. 


18ÎJ    N"    70.     —    (Il  VHIKRE    MOILECSE    KN    l.AHTONNAGE    DU    JOIET    PARISIEN. 

les  veillées,  l'air  vicié  par  l'oxyde  de  carbone,  le  sommeil  trop  parci- 
monieusement mesuré,  tout  semble  fait  pour  ramener  de  plus  terribles 
retours. 

Et  les  fils?  Il  sera  difficile  de  trouver  en  eux  des  soldats;  du  moins 
pour  l'aîné,  mince,  élancé,  sans  largeur  de  poitrine,  dépassant  déjà  à 
dix-sept  ans  l'",70  :  bronchiteux  d'ailleurs  pendant  douze  ans,  élevé 
avec  mille  précautions  inquiètes,  retombant  de  temps  à  autre  sous  des 
atteintes  de  pleurésie.  La  force  des  grands-parents  de  la  femme 
semble  plutôt  s'être  réfugiée  chez  l'apprenti  de  treize  ans,  anémique 
toutefois,  presque  exsangue,  mais  dont  aucune  maladie  chronique  ne 
menace  l'avenir  à  bref  délai.  Tous  deux  offrent  une  organisation  do- 
minée par  une  sensibilité  nerveuse  extrême  :  d'étranges  dépravations  du 
goût,  la  passion  du  vinaigre  notamment,  se  manifestent  même  chez  le 
plus  Agé.  C'est  une  suite  fatale  de  l'alcoolisme  héréditaire.  Une  de 
leurs  tantes,  plus  gravement  éprouvée,  a  été  internée  pour  hystérie. 

Contre  ces  attaques  incessantes  de  la  maladie,  un  seul  secours  : 
l'énergie  individuelle  en  cas  de  petites  indispositions;  les  soins  à  do- 
micile. Contre  les  accidents  plus  graves,  l'Assistance  publique.  Le 
siveating  sijstem  présente  encore  cette  conséquence  de  conduire  à  l'as- 
sistance légale  :  l'abandon  de  tout  patronage,  la  concurrence  effrénée, 
la  loi  brutale  de  l'offre  et  de  la  demande,  l'abus  de  la  liberté  entraînent 
la  misère  sans  remède,  la  disparition  des  appuis  naturels,  le  recours  à 
l'État,  l'abus  de  la  réglementation. 


RANG   DE   LA    FAMILLE. 

La  famille  étudiée  occupe  une  haute  place  dans  la  hiérarchie  ou- 
vrière. Elle  est  parvenue  tout  d'abord  à  ce  niveau  considéré  comme 
le  premier  par  le  bon  ton  des  travailleurs  parisiens,  le  seul  qui  soit 
digne  d'une  famille  vraiment  parisienne  en  dehors  du  commerce  ou 
des  professions  libérales,  et  qui  comprend  la  plupart  des  multiples 
spécialités  de  Varticle  de  Paris.  A  ce  niveau  même,  elle  s'est  can- 
tonnée dans  la  catégorie  de  haut  luxe;  laissant  le  moulage  des  corps, 
bras  <.'t  jambes  de  i)oupées  aux  manœuvres  de  Monlreuil  ou  de  la 
banlieue,  elle  s'est  réservé  les  tètes  de  personnages  aulomati(pies, 
les   mains  surtout,  —  la  grande  diilîculté  du  métier,  —    les  coquets 


OBSERVATIONS   PRÉLIMINAIRES.  1S.'{ 

accessoires  de  cotillon,  les  animaux  artistiques,  etc.,  les  jouets  rares 
et  inédits. 

Dans  cette  catégorie,  en  outre,  l'ouvrière  doit  se  placer  au  premier 
rang.  Elle  passe  pour  un  représentant  des  bonnes  traditions  de  l'art. 
Les  fabricants  les  plus  connus  s'adressent  à  elle.  Elle  est  de  celles  à 
qui  le  travail  ne  peut  manquer,  et  une  des  rares  qui  fassent  triom- 
pher leur  tarif,  —  tarif,  il  est  vrai,  lamentablement  abaissé.  C'est  une 
façonnière,  c'est-à-dire  qu'elle  travaille  chez  elle  à  ses  heures,  et 
bien  que  ce  soit  là  la  forme  qui  permette  au  sweating  System  de 
s'exercer,  et  que  cet  isolement,  — comme  le  fait  si  justement  remar- 
quer le  D'"  S.  Schwiedland  dans  une  de  ses  récentes  études  (1),  — 
soit  parfois  moins  sûr  que  l'embrigadement  des  ateliers,  elle  y 
trouve  incontestablement  dignité  et  indépendance. 

Quant  à  l'élévation  au  degré  supérieur,  le  patronat,  elle  est  irrémé- 
diablement fermée.  Un  jour  la  porte  s'est  comme  entre-baillée.  L'ouvrière 
et  son  mari,  associés  à  un  fabricant  connu,  avaient  lancé  une  affaire 
qui  a  prospéré,  plus  tard  et  sans  eux.  Brusquement  ils  se  sont  trouvés 
congédiés  et  ruinés.  Le  tribunal  de  commerce  n'a  pu  que  confirmer 
le  succès  du  plus  fort  et  du  plus  habile.  Les  enfants  ne  reprendront 
pas  cette  marche  en  avant.  Ils  resteront  ouvriers  de  luxe,  porte- 
feuillistes,  mécaniciens,  et  une  vie  paisible,  au  jour  le  jour,  sera  pour 
eux  vraisemblablement  la  réalité  la  plus  heureuse. 


MOYENS  D'EXISTENCE  DE  LA  FAMILLE. 

§  6. 

PROPRIÉTÉS. 

(.M(il)ilier  et  vêlements  non  compris.) 

Immeubles O^OO. 

La  famille  n'a  aucune  proiiriété  ]>arliculière  et  ne  songe  pas  à  la  possiliililé  d'en  ac- 
quérir jamais. 

Argent ^'OO. 

Dans  cette  entreprise   iiuiuslrielle,  il  n'existe   même  pas  de  fonds  de  roulemenl.  Ces 
deux  francs  sont  placés  par  les  enfants  à  la  caisse  d'épargne  postale. 

(1)  Eine  allé  Wiener  llauninduslriv  (les  fabricants  de  bas),  Vienne,  I8!t:>. 


184     N"    7(i.    —   OLVKIÈHE    MOULEUSE    EN    CAHTO.NNAGE    DU    JOUET    PARISIEN. 

Animaux  domestiques  :  un  couple  de  eanaris;  une  vieille  perruche 
(pour   mémoire) 0^00. 

Matériel  spécial  des  travaux  et  industries GS^'CS. 

1°  Ot'.lils  de  mouleuse  en  cartonnat/e  (utilisrs  à  l'alclier).  —  Vieille  arnioire,  dont  les 
étagères  ont  été  remplacées  par  des  treillis  en  lil  d'arelial  et  à  la  hase  de  laquelle  a  été 
introduit  le  poêle  domestique  (autrement  dit  séchoir),  lo'OO;  —  terrines  de  deux  tailles 
pour  contenir  la  colle,  l'îK);  —  1  pot  de  cuivre  pour  la  colle  forte,  10' 00;  —  mailloches 
(hâtons  courts,  arrondis  à  un  hout,  qui  servent  à  imprimer  le  papier  enduit  de  colle  dans 
les  sinuosités  du  moule),  r;"n)es  de  diverses  grandeurs,  marteau,  ciseau,  etc.,  iO'OO.  — 
Total.  36f!K). 

2°  Outils  de  porte feuilliste  (du  fils  aîné).  —  Outils  divers,  ciseaux,  etc.,  2o'()0.  —  Total, 
-20' 00. 

3»  Matériel  pour  le  racco'mmodatie  des  vêlements.  —  Dé,  aiguilles,  ciseaux,  2'00.  —  To- 
tal, 2'00. 

4"  Matériel  })our  le  hlancliissar/e  et  repassage  du  linr/e.  —  1  hattoir,  O^GO  ;  —  l  hrosse, 
0'25;  —  2  fers  à  repasser,  3  francs;  —  1  gril,  O'.iX).  -  Total,  i'~r,. 

Valeur  totale  des  propriétés G5^G5. 


g  7. 
subventions. 

La  monographie  de  l'Ebéniste  de  haut  luxe  (ci-dessus,  p.  53)  a  mis 
en  relief  cette  subvention  que  nos  civilisations  compliquées  distri- 
buent avec  une  générosité  croissante  :  l'instruction  générale  ou  pro- 
fessionnelle. Ici  nous  relevons  la  subvention  symétrique  en  quelque 
sorte,  puisqu'au  li(.'u  de  développer  au  départ  l'individualité  humaine, 
elle  la  recueille  dans  ses  chutes  :  l'Assistance,  ù  lacfuelle  les  ouvriers 
de  luxe  parisiens  s'adressent  en  toute  simplicité,  comme  on  exerce 
un  droit  public,  et  sans  aucune  des  hontes  paysannes  ù  l'égard  de 
l'hôpital  si  redouté.  Sans  doute,  le  respect  de  soi-même  ferait  refuser, 
sauf  en  cas  de  besoins  extrêmes,  l'aumône  brutale,  l'argent  remis. 
Mais  à  la  moindre  maladie,  les  consultations  gratuites  du  dispen- 
saire voisin  remplacent  la  mutualité  si  chère  à  d'autres  familles  de 
travailleurs.  Toutes  les  longues  épreuves  de  l'ouvrière  n'ont-elles 
pas  eu  pour  cadre  une  des  .salles  communes  de  l'hôpital  Beaujon? 
C'est  un  chemin  connu  (|u"il  sullirait  de  re[)rendre.  Les  assistances 
privées,  l'assistance  Ituel,  par  exemple,  cette  étonnante  manifesta- 
tion charitable  des  nouvelles  fortunes  commerciales,  ne  sont  pas 
négligées  :  et  les  apprentissavcnt  en  utiliser  les  distributions  de  médi- 
caments, ainsi  que  les  salles  de  bains  toujours  ouvertes.  Le  cercle 


OBSEllV^ATIONS   PRÉLIMINAIRES.  185 

plus  étroit  de  la  famille  vient  augmenter  encore  la  force  de  ces 
secours  assurés  aux  moments  difficiles  :  la  vieille  mère,  qui  ne  se 
borne  pas  à  ces  cadeaux  pratiques  dont  la  mention  est  relatée  au 
budget  des  recettes,  se  fait  le  banquier  obligeant  de  sa  fille,  et  à 
la  morte  saison  avance  l'argent  que  vendrait  trop  cher  l'usure  légale 
du  Mont-de-Piété. 

§  8. 

TRAVAUX   ET   INDUSTRIES. 

Ici  le  premier  plan  appartient  à  la  description  de  l'atelier  de  mou- 
lage, c'est-à-dire  à  un  raccourci  de  monographie  d'atelier,  sous  le 
régime  du  sweating  si/stem. 

Là  aussi,  bien  que  sa  puissance  s'émousse  quelque  peu  sur  la 
spécialité  des  automates  ou  sujets  habillés  (la  Ballade  de  Pierrot  à  la 
lune,  360  francs,  ou  le  grand  Nègre  jouant  de  la  flûte  à  1.000  francs), 
s'exerce  la  double  action  du  grand  magasin  :  augmentation  des  dé- 
bouchés, et  baisse  des  prix  avec  camelota ge.  Comptoirs  célèbres  des 
quartiers  riches,  Enfants  Sages  ou  Nain  Bleu,  grands  magasins  vé- 
ritables à  rayons  multiples,  Bon-Marché,  Louvre,  Printemps,  Bazar 
de  l'Hùtel-de-Ville,  Tapis-Rouge,  Porte-Saint-Denis,  Place  Glichy, 
Petit-Saint-Thomas,  Ménagère,  bazars  innommés  des  grandes  voies  et 
des  faubourgs  ouvriers,  tous  pèsent  de  tout  leur  poids  sur  les  acces- 
soires de  cotillon,  les  animaux,  les  têtes  et  mains  de  personnages; 
tous  jouent  habilement  de  l'effrénée  concurrence  de  ces  ouvrières,  dont 
beaucoup  considèrent  le  métier  comme  un  métier  d'appoint,  et  aussi 
des  importations  saxonnes,  d'un  bon  marché  invraisemblable  (1). 

Pour  ne  pas  laisser  échapper  la  place  si  disputée,  force  est  donc  de 
secouer  dès  G  heures  un  sommeil  trop  raccourci.  Dès  7  heures,  après  le  dé- 
part du  fils  aîné,  apprenti  depuis  dix-huit  mois  chez  un  façonnier  porte- 
feuilliste,  la  mère,  une  ouvrière  et  le  garçonnet  s'installent  devant  les 
deux  tables  de  bois  blanc  couvertes  de  zinc  qui  forment  le  centre  de  la 
pièce.  Tout  le  travail  est  fait  de  dextérité  et  de  goût.  La  matière  première 
n'est  autre  que  de  vieux  papiers  d'emballage  gris  ou  blancs,  achetés  :20  à 


(1)  Une  grosse  de  têlcs,  en  effet,  livrée  à  l.'>  francs  par  une  mouleuse  habile,  est  offerte 
à  !  '-2îi  par  les  commissionnaires  allemands,  grâce  au  bas  prix  de  la  main-d'œuvre,  surtout 
à  la  substitution  de  la  pâle  au  carton.  La  pâte  est  un  composé  de  sciure  de  cèdre,  de 
son  et  de  dolage  (  rognures  de  gants  de  peau)  pétri  à  chaud  et  estampé. 


180      N°    TC».    —    OIVRIKKE    MOULEUSE    EN    CARTONNAGE    DU    JOUET    PARISIEN. 

(iO  francs  les  100  kilos  du  revendeur  qui  les  a  ramassés  un  peu  partout, 
dans  la  hotte  du  chiffonnier  ou  dans  les  sous-sols  des  grands  magasins 
dont  rintluence  transparaît  de  toutes  parts  en  cette  industrie.  A  côté  du 
papier  détrempé,  une  terrine  de  colle,  faite  de  farine  inférieure  et  d'alun, 
qui  coûte  2  francs  ou  2^30  par  baquet  de  40  kilos.  L'ouvrière  a  devant 
elle  le  moule,  —  en  plâtre,  s'il  suffît  de  tirer  un  petit  nombre  de  pièces, 
sujets  de  haut  luxe,  —  en  fonte,  si  l'on  vise  une  production  vulgaire, 
par  suite  effectuée  en  grande  masse.  (Ces  moules,  propriété  du  fabri- 
cant, sont  l'œuvre  du  sculpteur,  ou  du  fondeur  et  de  l'ajusteur  méca- 
nicien.) Elle  déchire  rapidement  de  petits  morceaux  de  papier,  les  en- 
duit de  colle  avec  un  pinceau  et  les  applique  sur  le  fond  du  moule,  de 
façon  à  en  pénétrer  tous  les  creux  par  la  forte  pression  d'un  bâtonnet 
à  bout  arrondi,  appelé  suivant  sa  taille  ébauchoir  ou  mailloche.  L'é- 
bauchage  est  ainsi  terminé.  Parfois  l'objet  a  dû  être  divisé  en  deux 
moitiés,  moulées  séparément.  L'ouvrière,  chef  de  métier,  se  réserve  le 
montage  ou  réunion  des  diverses  parties.  Elle  colle  à  la  colle  forte,  par 
exemple,  les  trois  morceaux  qui  constituent  le  cheval  apporté  devant 
nous,  râpe  les  coutures  à  la  lime,  applique  sur  ces  coutures  des  bandes 
de  papier,  ce  qui  s'appelle  exactement  «  mettre  les  raccords  ».  La  c<  fi- 
nition )>  est  presque  terminée.  Reste  le  séchage  d'une  heure  dans  l'ar- 
moire précédemment  décrite  :  enfin  le  ponçage  au  papier  de  verre. 
L'œuvre  est  prête  pour  la  livraison  brute  et  la  journée  se  continue  : 
interrompue  à  midi,  à  7  heures,  bientôt  reprise  à  la  veillée,  avec  la 
collaboration  du  portefeuilliste,  qui  s'improvise  mouleur  et  cela  jusqu'à 
minuit,  I  lieure,  davantage  même,  au  delà  t\c  quatorze  heures  de  tra- 
vail plein,  et  sans  laisser  plus  de  quatre  heures  et  demie  entre  la 
tâche  trop  lourde  de  la  veille  et  la  lâche  encore  plus  lourde  du  len- 
demain. Un  rythme  régulier  gouverne  la  besogne  annuelle  :  d'abord 
le  coup  de  feu  des  étrennes,  les  jouets  proprement  dits,  de  septembre 
à  janvier;  après  quelques  jours  de  repos,  le  cotillon  et  les  œufs,  jusqu'à 
Pâques;  puis,  entre  avril  et  septembre,  de  mortels  mois  de  vacances, 
synonyme  adouci  de  chômage,  pendant  lesquels  les  favorisés  de  la 
fortuni;  travaillent  à  découvert,  pendant  lesquels  les  autres  en  sont 
rt'duits  à  l'inaction  et  aux  dettes. 

P(mr  établir  le  gain  de  chacun  des  membres  de  la  famille  il  faut  exa- 
miner séparément  leur  travail. 

Travail  de  la  mère.  —  Dans  l'année  observée  du  1"  janvier  au  31  dé- 
f-embre  IHOt,  neuf  fabricants  se  sont  adressés  au  petit  atelier.  Les 
commandes  ou  commissions  discutées  par  la  façonnière  qui  défend 


OBSERVATIONS   PRÉLIMINAIRES.  187 

pied  à  pied  son  tarif,  varient  fort  d'importance,  puisque  l'une  s'élève  à 
1.602'  53  et  l'autre  s'abaisse  à  25  francs.  Le  total  indique  3.953'  70,  — 
recettes  totales  de  l'atelier,  frais  non  déduits.  Le  fabricant  ne  fournit, 
en  effet,  que  les  moules,  plâtre  ou  fonte,  qui  encombrent  les  étroites 
picces.  L'achat  de  la  matière  première,  l'entretien  du  matériel  (ter- 
rines, mailloches,  ébauchoirs,  râpes,  etc.)  imposent  à  l'ouvrière  une 
dépense  de  plus  de  300  francs.  Ajoutez  à  ces  déboursés  le  salaire 
(730'')  de  l'auxiliaire  permanente,  une  jeune  fille  de  vingt  ans,  payée 
3  francs  par  jour  (onze  heures  de  travail)  pendant  230  jours,  le  salaire 
(375*')  d'un  jeune  homme  de  dix-huit  ans  payé  également  3  francs 
pendant  la  période  de  presse  (125  jours)  ;  et  les  sommes  versées  (350'J 
à  quelques  femmes  travaillant  toujours  pour  le  compte  de  la  façon- 
nière  dans  leurs  mansardes  f§  10  A).  C'est  un  total  que  les  petits  sa- 
laires accordés  aux  deux  fils  portent  environ  à  1.850  francs,  ce  qui  laisse 
à  peu  près  2.100  francs  pour  le  salaire  de  la  mère  et  le  bénéfice  de  de 
l'industrie. 

Travail  du  fils  aine.  —  L'apprentissage  de  portefeuilliste  :  dix-huit 
mois  sont  écoulés  et  l'apprenti  ne  touche  que  1' 50  par  jour.  Le  façon- 
nier qui  l'emploie  se  sent  en  face  d'une  femme  seule  et  ne  se  hâte  pas 
d'accorder  des  conditions  meilleures.  A  l'atelier  de  sa  mère  le  jeune 
ouvrier  travaille  deux  heures  par  jour  pendant  trois  mois  et  reçoit  un 
salaire  de  48  francs. 

Travail  du  plus  jeune  fils.  —  Il  remplace  à  l'atelier  un  apprenti 
mouleur  qui  aurait  été  payé  50  centimes  les  premiers  six  mois,  75 
centimes  les  six  mois  suivants  et  ainsi  de  suite;  son  gain  dans  l'année 
observée  a  été  à  cet  égard  de  26  francs. 

Travaux  accessoires  et  industries  domestiques.  —  La  petite  industrie  en 
chambre  (hausindiistrie)  iue  les  industries  domestiques  accessoires,  qui 
constituent  l'indépendance  et  la  prospérité  des  familles  paysannes. 
Hors  de  la  morte  saison,  quel  intervalle  trouverait-on  pour  l'exercice 
de  travaux  compliqués?  Ace  moment,  la  mouleuse  s'improvise  tailleuse, 
modiste  même;  mais  le  reste  de  l'année,  le  ménage  est  fort  sacrifié, 
le  raccommodage  sommaire,  le  lavage  effectué  par  une  auxiliaire  du 
dehors.  L'apprenti  joue  le  rôle  de  bonne,  et  est  chargé  des  achats. 


188    N°  76.  —  orviuÈiii;  moilelsk  en  cartonnage  du  jouet  paiusien. 


MODE  D'EXISTENCE  DE  LA  FAMILLE. 


ALIMENTS    ET    REPAS. 

Une  santé  ébranlée  et  un  travail  opiniâtre  ont  cette  conséquence  fa- 
tale, —  telle  est  la  liaison  intime  des  phénomènes  économiques,  —  d'a- 
mener dans  le  choix  des  aliments  une  préférence  marquée  pour  le  café, 
ralcool,  et  les  excitants,  sel,  poivre,  vinaigre,  épices.  Nous  pourrions 
citer  des  familles  ouvrières  soumises  au  surmenage  industriel  qui  se 
soutiennent  par  le  rhum,  l'eau-de-vie  de  marc,  le  sucre  et  les  bois- 
sons aromatiques.  Ici,  la  terreur  de  ralcooHsme  a  banni  les  liqueurs 
fortes.  Tous  les  autres  éléments  se  retrouvent  et  la  tendance  se  vérifie. 

A  six  heures,  aussitôt  après  le  lever,  déjeuner  avec  du  café  noir,  et 
des  tartines  beurrées. 

A  midi,  repos  d'une  heure  pour  le  dîner.  La  soupe  est  servie,  à  la 
mode  flamande  :  soupe  maigre  le  plus  souvent,  aux  pommes  de  terre 
et  haricots;  un  plat  de  viande,  bœuf  bouilli,  côtelettes  ou  beefstcak,  ra- 
pidement cuit  à  la  poêle;  parfois  des  légumes;  du  fromage  l'hiver, 
des  fruits  ou  de  la  .salade  l'été. 

Le  soir,  à  7  heures,  halte  identique  et  ordinaire  fort  semblable. 

A  la  veillée,  le  sommeil  est  chassé  par  l'emploi  du  vin  chaud. 

En  définitive,  une  assez  grande  variété  dans  le  choix  des  mets, 
pour  lâcher  d'inciter  la  faim  lente  à  venir,  une  distinction  très  nette 
entre  le  régime  d'hiver  et  le  régime  d'été,  où  les  légumes  verts,  les 
salades  et  les  fruits  prédominent.  Assez  de  viande  :  le  pot-au-feu 
presque  cliaipie  semaine.  Mais  tout  cela  en  quantités  modérées.  Le 
faible  poids  de  pain  consommé  indique  la  médiocrité  de  l'appétit 
chez  les  descendants  d'une  race  habituée  à  une  forte  alimentation. 
Quelques  faits  généraux  ressortent.  D'abord,  les  jeunes  gens  ne  sont 
placés  que  dans  des  ateliers  rapprochés  de  la  maison  familiale  :  ainsi 
sont  évitées  les  dépenses  considérables  des  aliments  pris  au  dehors, 
chez  le  débitant,  et  en  même  toiups  la  fascination  du  comptoir  où 
s'absorbent  les  canons  et  les  petits  verres.  Ensuite,  une  forte  pro- 
portion de  la  viande  consommée  par  la  famille  est  achetée  toute 
cuite  chez  un  restaurant  voisin;  c'est  une  conséquence  du  sweating 


OBSERVATIONS   PRÉLIMINAIRES.  189 

System  et  de  la  désorganisation  des  soins  domestiques  qu'il  entraîne. 
Enfin  aucun  recours  au  crédit,  l'économie  la  plus  stricte. 


§  10. 

HABITATION,    MOBILIER   ET    VETEMENTS. 

L'habitation  de  la  famille  est  naturellement  située  au  cœur  du  Ma- 
rais, au  coin  de  la  rue  des  Billettes,  si  célèbre  au  moyen  âge  par  le 
miracle  du  juif  et  de  l'hostie,  et  devenue  aujourd'hui  le  prolongement 
de  la  rue  des  Archives,  vers  la  place  Lobau.  Là,  au  sommet  de 
quatre  étages,  après  avoir  dépassé  les  élégantes  plaques  de  cuivre  des 
gaîniers,  fabricants  de  manches  de  cravache,  bijoutiers  même,  qui 
s'entassent  dans  l'immeuble,  un  modeste  appartement  distribué  à 
grand'peine  dans  un  ancien  grenier.  Cinq  petites  pièces;  en  bas,  une 
cave.  Dès  l'entrée,  un  cachet  artistique  misérable.  Notez  ce  Irait.  Dans  la 
première  chambre,  —  le  salon,  —  une  plante  rare,  un  guéridon  re- 
couvert d'un  mauvais  tapis,  tout  autour  de  ce  salon  (l'imitation  des 
classes  riches  est  évidente),  posés  sur  un  petit  secrétaire,  ou  accro- 
chés aux  murs,  des  modèles  de  cartonnage  artistique,  les  chefs-d'œu- 
vre de  l'atelier  :  un  Méphistophélès  ébauchant  le  geste  d'attaquer 
sa  sérénade,  des  chevaux,  des  personnages  divers,  des  académies, 
une  guitare,  — •  également  en  cartun,  —  le  tout  entremêlé  de  vieilles 
caries  de  géographie.  Au  fond,  une  salle  qui  sert  d'atelier,  avec  le 
séchoir  et  les  tables  formant  établi.  A  gauche,  une  petite  cuisine; 
une  mansarde  qui  sert  de  débarras  où  l'on  a  dressé  un  lit  de  fer  ;  une 
chambre  plus  grande  à  vieux  meubles  en  noyer,  lit  à  rideaux,  com- 
mode-lavabo, garniture  de  cheminée  de  style  antique,  avec  le  globe 
de  la  coiffure  de  mariée,  si  fréquemment  rencontré  dans  les  ménages 
parisiens.  Surface  variant  de  6  à  12  mq.  par  pièce.  Hauteur  générale 
l™,9o.  Voilà  le  cadre  de  notre  étude. 

Meubles  :  indiquant,  malgré  leur  pauvreté,  une  copie  du 
confort  bourgeois 686^25. 

I"  Literie.  —  Un  lit  de  fer  grand  modi-le  (servant  à  la  mère  et  au  plus  jeune  fils),  30' 00; 
—  l  sonuuier,  iO'OO;  —  3  matelas  (deux  en  laine  et  un  en  varech),  Go'OO;  —  1  traversin, 
.S(00;  —  un  oreiller,GfOO;  —  2  couvertures  et  1  couvre-pied,  14'00;  —  l  édredon,  SCOO;  — 
l  petit  lit  en  fer  (pour  le  fils  aine),  lit-cage  avec  1  matelas,  l  couverture,  1  couvre-|iied, 
\  traversin,  1  oreiller,  40' 00.  —  Total,  -230' 00. 

û"  Mobilier  de  la  pièce  d'entrée  formant  salon.  —  1  bureau  en  noyei',  oO'OO;  —  1  guéri- 
don et  t  table  en  noyer,  C'OO;  —  4  chaises  en  noyer,  "'00;  —  i  tapis  feutre,  1  chemin  de 

14 


190   N°    76.    —   OUVRIÈRE   MOULEUSE   EN   CARTONNAGE   DU  JOUET   PARISIEN. 

niolesquine,  ^UKi:  —  2  jardinières  avec  dracu'iias,  "'(M);  —  l  violon.  lO'OO;  —  échantillons 
brevetés,  chefs-d'œuvre  de  l'atelier,  mais  propriété  du  fabricant  (pour  mémoire);  — .car- 
tes de  j,MOt,'rai)liic,  menus  objets,  o'OO.  —  Total,  iiO'OO. 

3»  Motnlier  de  la  pièce  servant  d'atelier.  —  Boite  d'outils  et  séchoir  (déjà  mentionnés 
aux  propriétés);  —  moules  en  plâtre  et  en  fonte,  propriété  du  fabricant  (pour  mémoire); 

—  2  tables  en  bois  blanc,  recouvertes  d'une  feuille  de  zinc,!»' 00;—  '»  escabeaux  et  chaises 
de  paille,  ."J'OO;  —  i  coucou  (horloge)  (i'.'iO;  —  cages  d'oiseaux  (serins  et  perruche),  lO'OO. 

—  Total.  30'.jO. 

4°  Mobilii-r  de  la  c/iamh-e  à  coucher  (outre  les  -2  lits).  —  I  commode  noyer,  80'0<):  — 
1  commode-toilette  en  noyer,  8i)'00;  —  l  table  de  nuit  en  noyer,  lO'OO;  —  1  garniture  de 
cheminée,  pendule  et  deux  vases,  40'00;  —  1  globe  de  \erre  renfermant  une  couronne 
de  Heurs  d'oranger,  fi'OO;  —  1  paire  de  rideaux  de  I  it,  1  paire  de  rideaux  île  fenêtres,  en  co- 
ton rouge,  l.'i'OO;  —  tapis,  l'.W;  —  objets  divers,  crucifix,  .3(1';  —  vieilles  gravures  artisti- 
t|ues,  20';  —  1  verre  d'eau,  I  service  à  café  (mentionnes  ci-dessous).  —  Photographies,  sta- 
tuettes, vase,  5' 2.-;.  —  Total,  2XG'":;. 

S'  Mobilier  de  la  cuisine.  —  1  budet  de  cuisine,  lO'OO;  —  I  table  en  bois  noir,  ."i'OO;  — 
1  petite  table  en  bois  blanc,  2'00.  —  Total,  17' 00. 

6°  Mobilier  de  la  chambre  du  fils  aine  (outre  le  lit-cage).  —  Nombreux  moules,  i)ro- 
priélé  du  fabricant  (pour  mémoire);  —  l  étagère  i)our  les  livres,  2'00.  —  Total  2'00. 

7»  Livi-es.  —  Bibliothèque  du  fils  aîné  :  Espionne  (roman),  Qualre-vinfjl-treize  cl  Notre- 
Dame  de  Paris,  Napoléon  le  Petit,  de  Victor-Hugo;  livres  scientifiques  de  Todière;  une 
vieille  édition  dépareillée  de  Voltaire  (1734),  etc.  :  —  livres  de  l'apprenti  :  livres  de  classe; 
papier,  plumes,  encre,  etc.  — Total,  30' 00. 

LlNGii   DE  MÉNAGE 84^30. 

2  paires  de  draps  en  coton  (grand  modèle),  30' 00;  —  2  paires  en  coton  (petit  modèle, 
14'00;  —  6  taies  d'oreillers  en  coton,  7'r;o;  —  t  douzaine  de  serviettes,  7'80;  —  1  douzaine 
de  serviettes  de  table  (lil),  4'.")0;  —  1  nappe  en  coton,  3'00;  —  1  douzaine  d'essuie-mains 
et  de  tore  lions  (forte  toile),  S'OO;  —  2  paires  de  rideaux  et  I  petit  rideau,  imitation  gui- 
pure, s'OO;  -  divers,  l'.'iO.  —  Total,  84'30. 

Ustensiles 72'  85. 

1°  Dépendant  de  la  cheminée  et  du  fourneau.—  t  jioéle  en  fonte.  iri'Ofi;  —  pelle,  pin- 
cettes et  tisonnier,  0,7.');  —  1  seau  à  charbon,  0,!i,'>.  —  Total,  l(i'70. 

2°  Employés  pour  la  préparalion  des  aliments.  —  t  cocotte  (fer-blanc  émaillc  bleu, 
<|ui  évite  le  récurage),  3'00;  —  1  marmite  (occasion),  3',')0;  —  1  grande  casserole,  émail 
bleu,  i'V>;  —  3  petites  casseroles  émaillées,  2',";0;  —  1  passoire,  0,4.'>;  —  1  cafetière-filtre, 
1^45;  —  1  moulin  à  café.  l'2.');  —  1  garde-manger,  0,45;  —  couteaux,  fourchettes,  cuillers 
(fer-blanc  et  métal  anglais»,  4'?>0;  —  ])lats  et  récipients  divers,  2' 00;  —  <>  assiettes  à  soupe 
en  faïence,  o'iW;  —  12  assiettes  ordinaires,  faïence  bleue,  4' 20;  —  G  verres,  0'!>0;  —  bou- 
teilles, divers,  3' 00;  —  t  service  à  café  en  porcelaine,  (i'oO;  —  I  verre  d'eau,  ."i'OO.  —  Total, 
40' 5S. 

3°  Employés  pour  h-s  soins  de  propreté  et  l'éclairai/i'.  —  I  garniture  complète  de  la- 
vabo, 3':W;  —  pot  à  eau  et  cuvette,  vases,  l'.'iO;  —  1  broc,  o'ii:;;  —  t  seau  en  fer  battu, 
3'00;  —  i  bassine  à  laver  la  vaisselle  (fer-blanc).  l'4;i;  —  l  cuvette  en  fer  battu  (ordures), 
l'!i:i;  —  I  l.impe,  2':iO;  -  2  chandeliers,  0'7:;.  —  Total,  l.'i'CO. 

VÊTEMENTS  1  Copie  cxacte  de  ceux  de  la  petite  bourgeoisie...     'l(>'^^']0. 

Vêtements  de  i/ut  vrikue  (3i6MO). 

1"  Vêtements  du  dimanche.  —  I  jarpielte  de  drap  noir,  lO'OO;  —  1  costume  en  cache- 
mire noir,  30'00;  —  1  chapeau,  lO'OO;  —  i  paire  de  bottines,  «'(K);  —  i  paire  do  gants 
de  peau,  l'2.'i;  —  I  parapluie,  3'00;  —  1  ombjcUe,  2'00.  —  Total,  C4'2:;. 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  191 

2"  Vêtements  des  jours  ordinaires,  se  confondant  avec  ceux  de  travail.  —  i  jupons 
(vieilles  robes).  "ifOO;  —2  camisoles  de  colon  Idanc,  2'00;  —  1  corset,  .i^'Vd;  —2  pantalons 
en  colon,  l'a';;  — 8  chemises  en  coton,  10' 00;—  i  gilets  de  flanelle,  i'OO;—  4  |)aires  de  bas 
de  laine,  4'.'W.  —  i  paires  de  bas  de  colon,  l'iiO;  —  2  paires  de  chaussures  détresses, 3'o0;  — 
1  tablier  de  travail  enveloppant  tout  le  corps,  8'00;  —  l  tablier  en  toile  bleue  pour  soins 
domestiques,  2'00;  —  1  cliàle  de  laine  noire,  ri'OO;  —  1  loulard,  0'<J0.  —  Total,  51'85. 

3"  Bijoux.  —  Montre  et  chaîne  d'or  (au  Mont-de-Piélé,  §  l.'i,  sect.  V),  liO'OO;  —  boucles 
d'oreilles,  60'00.  —  Total,  200'00. 

Vêtements  du  fils  aîné  (94*' 90). 

1»  Vêtements  du  dimanche.  —  t  pèlerine  à  capuchon  en  drap  (dite  lorrain),  ";'50;  — 
l  costume  complet  (jaquette,  gilet,  pantalon)  en  drap  noir  bleuté,  20'(W;  —  i  chapeau 
de  feutre,  2' 40.  —  Total,  27'<io. 

2°  Vêtements  des  jours  ordinaires.  —  1  veston  et  1  pantalon  île  velours  achetés  au 
•  Jcan-Bart  »,  10' 00;  —  1  gilet  de  laine,  CW;  —  4  chemises  de  coton  (couleun,  "'00;  — 
4  chemises  blanches  de  coton  (col  et  manchettes  en  toile),  O'Oû;  —  3  gilets  de  flanelle, 
k'm;  —  5  paires  de  chaussettes  en  coton,  3'00;  —  2  cravates,  O'GO;  —  1  cache-nez,  2' 00; 

—  1  courroie,  O'flO;  —  l  béret  de  laine,  l'50;  —  2  paires  de  souliers,  IS'OO.  —  Total,  60'00. 
3»  Vêtements  d'atelier.  —  2  blouses  blanches,  "'00.  —  Total,  "'00. 

YÈTExMENTS   DU   PLUS  JEUNE    FILS    (o3  ^30). 

\"  Vêtements  du  dimanehe.  —  1  pèlerine  à  capuchon  en  drap  (dite  lorrain),  4'00;  — 
1  costume  complet,  couleur  sombre,  12' 00;  —  1  chapeau  de  feutre,  2'40.  —  Total,  t8'40. 

2°  Vêtements  des  jours  ordinaires.  —  \  veston  et  un  pantalon  velours,  8'00;  —  1  gilet  de 
laine,  3'00;  —  4  chemises  de  coton  (couleur),  5' 00;  —  4  chemises  blanches  de  coton,  4' 00; 

—  3  paires  de  chaussettes  en   coton,  2',W;  —  2  cravates,  O'TO;  —  1  cache-ne/.  2'00;    — 
•1  courroie,  0'80;  -.1  béret  de  laine,  0"J0;  —  2  paires  de  souliers,  «i'oo.  ~  Total,  32'90. 

3°  Vêtements  d'atelier.  —  1  blouse,  2' 00.  —  Total,  2' 00. 

Valeur  totale  du  mobilier  et  des  vêtements 1^307 f  70. 


l   il. 

RÉCRÉATIONS. 

C'est  en  général  ce  paragraphe  des  récréations,  dont  le  titre  ne 
devrait  éveiller  que  des  idées  paisibles,  qui  fait  apparaître  le  plus 
sombre  côté  de  la  question  ouvrière.  A  mesure  que  les  oppositions 
de  fortunes  s'accentuent,  à  mesure  qu'autour  de  nous,  à  Paris,  il  se 
crée  face  à  face  deux  cités,  la  cité  des  riches,  le  parc  Monceau,  les 
Champs-Elysées,  avec  leur  étalage  de  luxe  et  de  fête,  la  cité  des  pau- 
vres, faubourg  Saint-Antoine,  Belleville,  place  d'Italie  ou  Marais,  avec 
les  recoins  où  le  swealing  system  s'allie  à  la  dure  réglementalion  des 
grandes  usines,  une  communication  incessante  hausse  les  idées  du 
prolétaire  au  niveau  de  celles  du  parvenu.  I^ui  aussi  conçoit  un  pro- 
gramme joyeux  et  satisfait  de  la  vie.  Laissons  de  cùté  les  plaisirs 
brutaux  qui   désorganisent  l'individu  à  brève  échéance,  débauche, 


192   N°    76.    —   OUVRIÈRE   MOULEUSE   EN   CARTONNAGE    DU   JOUET    PARISIEN. 

jeu  OU  ivrognerie.  Prenons  les  dislraclions  honnêtes,  délicates,  celles 
qui  fortifient  l'esprit  et  l'affinent.  II  les  revendique,  il  s'en  empare; 
aux  théâtres,  dans  les  musées,  aux  concerts  du  dimanche,  il  se  mon- 
tre connaisseur  sensé  et  sait  applaudir  aux  bons  endroits.  Ses  lec- 
tures, la  bibliothèque  fréquentée,  le  journal  parcouru  avidement  du 
coin  de  l'œil  sur  la  table  du  déjeuner,  l'ont  hissé  tant  bien  que  mal 
vers  les  échappées  intellectuelles.  11  se  prélasse  à  l'aise  au  milieu  des 
doctrines,  —  et  son  livre  de  paye,  au  lieu  de  constater  l'accroissement 
de  ses  ressources,  témoigne  d'un  aff^aissement  chaque  jour  plus  mar- 
qué. Tel  est  l'état  d'esprit  de  l'ouvrière ,  surtout  celui  des  deux  jeunes 
gens.  Le  côté  patriarcal  de  leur  vie  du  dimanche,  les  après-midi  passés 
chez  la  grand'mère,  les  repas  en  commun,  les  longs  et  calmes  retours 
du  soir  ne  doivent  pas  masquer  ce  que  cette  montée  irrésistible  des 
besoins  ouvriers  renferme  de  sourdes  colères  et  de  souffrances. 

Ne  serait-il  pas  politique  de  relever',  là  aussi,  le  prestige  des  jeux 
physiques?  Le  «  mail  »  jadis  était  l'annexe  obligatoire  de  la  plus 
petite  ville,  et  les  écrivains  du  dix-huitième  siècle  nous  décrivent  à 
chaque  instant  les  bals  du  dimanche  des  artisans  de  l'Ancien  Régime. 
Mais  quel  moyen  d'empêcher  l'apprenti,  qui  s'habille  à  la  bourgeoise, 
de  copier  les  passe-temps  actuels  d'un  bourgeois  bien  élevé? 


— ■csa^^ssïNe»-'»- 


HISTOIRE  DE  LA  FAMILLE. 

l  12. 

l'UASES    PRINCIPALES    DE    l'eMSTENCE. 

L'ouvrière  est  iille  d'un  forgeron  lillois.  Elle  avait  quatre  ans,  lors- 
qu'en  1836  elle  quitta  le  faubourg  natal  et  arriva  avec  tous  les  siens 
dans  le  grand  Paris,  à  Montmartre.  Sa  mère,  habile  cuisinière,  fonda 
un  petit  débit;  le  père  rapportait  des  journées  assez,  fortes.  Mais  en 
1866  celui-ci  mourut.  Il  y  eut  alors  un  moment  de  pauvreté  extrême; 
le  restaurant,  qui  avait  pour  annexe  un  hûtel  meultlé.  périclita;  la 
charge  de  deux  enfants  à  élever,  un  fils,  une  filb;,  est  lourde  pour  le 
seul  travail  d'une  femme  :  la  charité  privée  dut  intervenir,  et  l'ouvrière 
se  souvient  avec  reconnaissance  d'une  riche  visiteuse,  la  comtesse 
de  X***.(iui  l'avait  prise  sous  sa  protection  particulière,  et  lui  on"rituni' 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  193 

place  de  femme  de  chambre.  Mais  la  domeslicilé,  c'est  le  servage. 
Une  maîtresse  aussi  rigoriste  ninlerdirait-elle  pas  les  romans,  cette 
grande  passion  de  la  fillette  à  quatorze  ans?  n'interdirait-elle  pas  sur- 
tout le  théâtre,  qu'elle  connaissait  peu,  qu'elle  rêvait  déjà?  La  gamine 
de  Paris  voulait  le  plein  air,  et  avait  la  terreur  de  toute  cage,  si  dorée 
qu'elle  fût.  Elle  l'a  regrettée  depuis,  cette  cage.  Donc  elle  devint  ou- 
vrière, ouvrière  de  luxe,  passementière.  Ce  fut  assez  court.  Un  atelier 
de  mouleuse  en  cartonnage,  dirigé  par  une  femme  sérieuse,  pieuse 
même,  et  qui  passait  alors  pour  la  plus  habile  en  cet  art,  oii  les  ar- 
tistes restent  si  clair-semés,  l'attira  par  le  salaire  assez  élevé  de 
l'époque.  Elle  fut  bientôt  l'élève  préférée  de  sa  patronne,  qui  parait 
avoir  réalisé  un  de  ces  types  stables  de  fabricant  parisien  d'il  y  a  cin- 
quante ans.  D'assez  longues  années  s'écoulèrent,  dans  la  régularité 
mécanique  d'un  labeur  quotidien,  qui  avait  fait  de  la  jeune  fille  une 
des  premières  mouleuses  de  la  place. 

En  1873,  c'est  la  seconde  étape  :  le  mariage  et  aussi  la  période  de 
grandeur,  suivie  bientôt  dedécadence.  Victor  L***  était  ouvrier  peintre. 
Cette  corporation  a  toujours  produit  de  beaux  parleurs.  Bavard,  plein 
d'aplomb,  joli  homme  d'ailleurs,  c'était  un  mari  séduisant  pour  une 
jeune  fille  romanesque  :  ses  terribles  vices  de  <^  Sublime  »  se  déro- 
baient sous  des  apparences  dégagées,  mais  correctes  :  point  d'irréli- 
gion trop  flagrante  —  les  Wallons  sont  pétris  de  catholicisme  ;  —  pas 
de  fréquentations  révolutionnaires,  mais  plutôt  des  attaches  bona- 
partistes; il  contait  avec  complaisance  comment  son  père,  peintre 
sans  travail,  l'avait  placé,  lui  gamin  de  dix  ans,  sur  le  passage  de 
l'empereur  au  retour  triomphal  des  troupes  d'Italie,  et  avec  quelle 
émotion  il  avait  jeté  dans  la  voiture  impériale  une  supplique,  qui  dés 
le  lendemain  fît  appeler  le  père  et  l'enfant  aux  Tuileries  :  malgré  ce 
contact  avec  le  pouvoir,  qui  lui  faisait  parler  avec  force  détails  d'en- 
treprises de  décoration  fréquemment  renouvelées  au  Palais,  une 
insubordination  naturelle,  impatiente  de  tout  joug,  l'avait  fait  passer 
par  les  compagnies  de  discipline  pour  rébellion.  —  Bien  vite  Vic- 
tor L***,  sut  apprécier  la  valeur  artistique  de  sa  femme,  et  il  résolut 
d'en  tirer  parti.  Brusquement,  sans  souci  des  scrupules  de  l'ouvrière, 
il  la  força  de  s'établir  à  son  compte;  il  débaucha  pour  elle  et  malgré 
elle  les  pratiques  de  cette  patronne  si  dévouée  qui  la  traitait  quelque 
peu  en  fille  adoptive.  Un  fabricant  de  jouets  du  Marais  songeait  alors  à 
créer  un  article  nouveau,  inédit  par  sa  perfection  artistique,  et  assurant 
le  premier  pas  à  la  France  dans  la  grande  exposition  de  1878,  qui  se 


194     N"    70.    —    OUVRIÈRE    MOULEUSE    EN    CARTONNAGE    l)V    JOUET    PARISIEN. 

préparait.  Un  traité  fut  signé  en  187r».  Le  fabricant  et  ses  collabora- 
teurs devaient  établir  le  type  du  jouet  :  l'ouvrière  serait  chargée  du 
cartonnage,  le  peintre,  de  la  décoration  ;  l'habillage  et  la  vente  étaient 
réservées  au  fabricant.  On  choisit  comme  modèle  de  la  tête  du  person- 
nage les  traits  de  la  statue  de  Henri  IV  enfant:  et  l'on  se  mit  à  l'œu- 
vre. Le  succès  du  nouveau  jouet  français  fut  écrasant.  Mais  le  fabri- 
cant, en  commerçant  expert,  s'aperçut  qu'il  fallait  se  dégager  de  ce 
peintre  qui  avait  fourni  l'idée  artistique,  et  de  cette  mouleuse  qui 
avait  apporté  à  la  création  désormais  fameuse  le  soin  des  détails , 
l'habileté  de  l'exécution.  Aussitôt  qu'un  personnel  jeune,  formé  par 
la  direction  des  associés  de  la  première  heure,  lui  permit  d'assurer  le 
lendemain  de  l'entreprise,  il  se  débarrassa  de  ses  voisins  compromet- 
tants par  un  de  ces  crocs-en-jambe  juridiques,  qu'autorisent  les  traités 
subtilement  rédigés.  Grande  colère  du  «  Sublime  » ,  et  indignation  dé- 
solée de  la  pauvre  femme.  On  plaida,  et  il  fut  prouvé  par  plusieurs 
jugements  que  des  salariés  peuvent  toujours  être  remerciés,  et  que  le 
fait  de  ne  pas  intervenir  au  moment  de  la  prise  du  brevet  d'invention 
démontre  surabondamment  le  mal  fondé  de  toute  prétention  à  la  dé- 
couverte. Ce  fut  alors  que  la  désorganisation  de  cette  famille  fom- 
mença.  Les  joyeuses  lippées  du  peintre  toujours  viveur  se  transformè- 
rent en  ivresses  ininterrompues.  Le  désespoir  fut  le  prétexte.  La 
débauche  suivit  bientôt  l'alcoolisme.  Au  retour  d'une  maladie  qui 
l'avait  retenue  une  semaine  chez  sa  mère,  l'ouvrière  trouva  la  cham- 
bre vide ,  le  mobilier  avait  été  vendu  ;  elle  restait  seule  avec  deux 
enfants  à  élever;  pour  tout  avoir,  il  lui  demeurait  deux  tables  de  bois 
blanc ,  qui  n'avaient  pas  trouvé  preneur. 

Courageusement,  elle  se  mit  à  commencer  une  nouvelle  phase  de  sa 
vie.  Tout  d'abord,  elle  fit  constater  judiciairement  la  séparation  de 
fait  et  obtint  la  garde  de  ses  fils  (1881).  Le  fabricant,  qui  la  voyant 
sans  ressources  et  sans  appui  espérait  l'utiliser  à  peu  de  frais  et  en 
toute  sécurité,  lui  offrit  1.800  francs,  la  table  et  le  logement  pour 
fonder  à  Berlin  une  fabrique  du  jouet  à  la  mode.  Elle  ne  voulut  pas 
transporter  à  l'étranger  une  branche  de  l'industrie  nationale  et  refusa. 
Néanmoins  elle  accepta  des  commandes  comme  façonnière,  ce  qui 
semblait  passer  condamnation  sur  les  difl'érends  d'autrefois.  Peu  à  peu, 
elle  épargna  et,  pièce  à  pièce,  acquit  son  mobilier,  puis  ra(Mieta  des 
bardes.  Mais  les  enfants  grandirent  et  les  dépenses  également.  Malgré 
l'appui  dévoué  de  la  mère,  quia  cependant  à  soutenir  son  fils,  garçon 
d'hôtel  dans  le  quartier  des  halles,  il  sembla  un  inoniont  (pio  la  défaite 


OBSERVATIONS    rHKLIMIXAIRES.  195 

de  la  vie  devenait  définitive.  La  maladie  terrassa  l'ouvrière,  la  condamna 
à  six  mois  de  souffrances  et  d'inaction.  Mais  la  santé  est  revenue,  le 
labeur  a  été  repris,  et  aujourd'hui  un  seul  point  la  préoccupe  :  l'avenir 
de  ses  fils.  L'un,  le  portefeuilliste,  a  son  gagne-pain  assuré;  le  plus 
jeune  a  été  placé,  grâce  au  patronage  officieux  que  lui  ont  valu  les 
enquêtes  monographiques  (i;  3  et  22).  Chaque  jour,  elle  leur  met  sous 
les  yeux  l'inconduite  de  leur  père,  sacrifiant  ainsi  à  la  moralité  l'au- 
torité paternelle,  et  elle  déchire  sans  les  lire  les  supplications  de  l'i- 
vrogne, qui  avec  entêtement  demande  à  être  repris  à  ce  foyer  que 
ses  vices  lui  ont  fait  abandonner. 


l   13. 

MOEURS     ET     INSTITUTIONS     ASSURANT      LE    BIEN-ÊTRE    PIIYSIQUE    ET     MORAL 

DE    LA    FAMILLE. 

Jamais  absence  plus  complète  de  l'idée  de  mutualité  ne  s'est  ren- 
contrée dans  aucune  famille  ouvrière.  Pas  une  seule  de  ces  assurances 
variées,  que  l'ingéniosité  contemporaine  a  multipliées  contre  chacun 
des  accidents  de  l'existence. 

Et  pourtant  tous  les  malheurs  sont  venus  fondre  successivement  sur 
celte  famille  ouvrière  :  ruine,  inconduite  du  chef,  maladies  de  la 
mère,  santé  débile  des  fils;  etc.  Mais  toujours  les  anciennes  défenses 
des  époques  antérieures  ont  paru  suffire  :  la  vaillance  à  soutenir 
les  tâches  les  plus  lourdes;  l'épargne,  également,  car  on  ne  peut 
refuser  l'esprit  d'épargne  à  celte  femme,  qui  a  reconquis  insen- 
siblement ses  meubles  vendus.  A  ciMé  de  l'énergie  individuelle 
a  surgi  l'esprit  de  famille,  l'union  intime  de  ce  petit  groupe,  la 
grand'mère,  sa  fille  et  son  fils,  qui  ont  montré  vis-à-vis  de  leurs  mi- 
sères réciproques  un  dévouement  toujours  prêt;  des  secours  en  sont 
venus  sans  discontinuité,  nourriture  des  après-midi  du  dimanche, 
prêts  d'argent  aux  époques  de  crise,  et  c'est  grâce  à  cet  esprit  de 
famille  que  tous  les  bijoux  n'ont  pas  été  cédés  à  vil  prix,  que  la  dette 
au  Mont-de-Piété  ne  dépasse  pas  40  francs,  et  que  les  livrets  Crespin 
n'indiquent  pas  de  plus  nombreux  achats.  Enfin,  au-dessus  de  tout,  la 
charité  est  intervenue  :  celle  des  particuliers  (§  3,  12,  22);  celle  de 
l'État,  à  diverses  reprises;  enfin  depuis  peu  celle  de  l'Église  (§  22). 
Ainsi,  travail,  famille,  patronage,  ces  trois  grandes  forces  des  sociétés 
anciennes,  restent  encore  la  base  des  civilisations  d'aujourd'hui. 


dl)C  N"    IC).    —   OrVRIKRE   MOULEUSE   EN    CARTONNAGE   DU   JOUET    PARISIEN. 

^  14.  —  BUDGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNÉE. 


SOURCES  DES  RECETTES. 


SECTION     1". 
PROPRIÉTÉS  POSSÉDÉES   PAR   LA   FAMILLE. 

Art.  i".    —    l'KOPRIÉTKS  IMMODILIKIIES. 

(La  famille  ne  possède  aucune  i)roiiri(t6  de  ce  genre.) { S  C) 

AUT.   2.   —  VaLF.LP.S  MOniLIF.RES. 

Argent  : 

Caisse  d't'paignc  postale 

(La  famille  ne  possède  aucun  fonds  de  roulement) { j  (J) 

Matériel  spécial  des  travaux  et  industries  : 

Pour  le  travail  de  moulage  (utilisé  à  Tatelier) f,",  G) 

—  le  métier  de  portefeuilliste ('.;*») 

—  la  confection  des  vêtements ( ',,  ti) 

—  le  Llancliissuge  et  le  repassage  du  linge Cj  C) 

Art.  3.  —  Droits  aux  allocations  de  sociétés  d'assurances  mutuelles. 
(La  famille  ne  fait  partie  d'aucune  société  de  ce  genre.  ) 


Kraluation 
approximative 

des  sources 
de     recettes. 


Valeur 

des 

propriétés 


.30  90 

■20  00 

2  00 

4  75 


Valeur  totale  des  propriétés 

SICCTION     II. 
SUBVi:\TIOi\S  REÇUES  PAR  LA  FAMILLE. 

Art.   d»'  —  Propriétés  iiE(;uEs  en  usufruit. 
(I^  famille  no  rcioit  aucune  propriété  en  usufruit.) 

Art.  H.  —  Droits  d'usage  sur  les  propriétés  v((Isines. 
(La  famille  ne  jouit  d'aucun  droit  de  ce  genre.) 

Art.  ;j.   —  Allocations  d'orjets  kt  de  services. 


Allocations  concernant  la  nourriture {%  7) 

—  —  riial»itati(iii 

—  —  le  ser\icc  de  saute 

—  —  les  industries 


N"   76.    —    OUVRIÈRE   MOULEUSE   EN   CARTONNAGE   DU   JOUET    PARISIEN.  197 


^  14.  —  BUDGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNÉE. 


MontJiiit  de 

s  Recettes. 

RECETTES. 

Valeur 
des  objets 

Recettes 

reçus 
en   nature. 

argent. 

SECTION     l'^. 

REVEIVUS  DES  PROPRIÉTÉS. 

AiiT.  i".  —  Revenus  des  pisopuiétés  immodilières. 

(La  lamille  ne  jouit  d'aucun  revenu  de  ce  genre.) 

AuT.  ~2.  —  Revenus  des  valeuks  mobilièuf.s. 

O'OO 

Intérêt  (S  l' )  de  la  valeur  de  ce  matériel ( §  10,  A). 

O'IO 
0  2o 

1  80 
1  00 

-                             ■        -       (S16,B). 

—                  _                          _     •....(*:  16,  c). 

AuT.  3.  —  Allocations  DES  sociétés  d'assurances  mutuelles. 

(La  famille  ne  reçoit  aucune  allocation  de  ce  genre.) 

" 

■> 

Totaux  des  revenus  des  propriétés 

0  35 

2  80 

SECTION     II. 

PRODUITS  DES  SUBVEINTIO\S. 

Art.  l"'.  —  Produits  des  propriétés  en  usufruit. 

(La  lamille  ne  jouit  d'aucun  revenu  de  ce  genre.) 

Art.  û.  —  Produits  des  droits  d'usage. 

(La  famille  ne  jouit  d'aucun  produit  de  ce  genre.) 

Art.  3.  —  Objets  et  services  alloués. 

Repas  pris  chez  la  grand'mère  le  dimanclie 

200  00 
30  00 

2!l  2.'> 

2  00 

» 

Cadeaux  de  mol)ilier  dépassant  de  30'00  les  cadeaux  donnes 

Assistance  pul)liqnc  :  visites  de  médecin,  20' 00;  —  assistance  Ruel  :  bains, 
consultations,  «'25 

Intérêt  [G  X  )  de  100'  prêtés   ])ar  la  grand'mère  pendant  4  mois  de  morte 
saison 

Totaux  des  produits  des  sul)ventions 

201  2.'; 

» 

198       N"  "iC.  —  OUVRIÈRE  mouu:l-se  en  cartonnage  du  jouet  parisien. 
§  14.  —  BUDGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNÉE  {suite). 


SOURCES  DES  RECETTES  {snile). 


Désignali»»!!  des  travaux  et  de  leiiiploi  du  temps. 


SECTION    III. 
TRAVAUX   EXÉCUTÉS   PAR    LA    FAMILLE. 


TriAVAii.  l'itiNcii'AL  : 

Travail  (le  mouleuse  en  cartonnage  pour  divers  fabricants...  C',  16,  A) 
—  d'apprenti  portelcuilliste  (en  réalité  280  journées  de  11  heu- 
re  s  à  r  :»  ) 

TitAVArx  AiXF.ssoniF.s  : 

Travau\  de  ménage  et  de  préparation  des  aliments 

Ilaccommodages,  entretien  des  vêtements  et  du  linge 

Travaux  de  confe(  tion  i)ersonnels  à  la  femme 

Repassage  et  hlanchissage  de  quehiues  vêtements 

Totaux  des  journées  de  tous  les  membres  de  la  famille 


ijrANTITK    DK   TliAVAII.    KFKKCTrK. 


37»  i.  2 


7.{  0 

■20  « 

17. <i 

."{OS   . 


SECTION    IV. 

INDUSTRIES   ENTREPRISES  PAR   LA   FAMILLE. 

Travaux  de  moulage  à  façon  entrepris  pour  divers  fabricants  de  jouets 

confetliou  de  vêlements 

—  Iilanrhissage  et  repassage  du  linge 


N"   70.    —   OUVRIÈRE   MOULEUSE    EN    CARTONNAGE    DU   JOUET   PARISIEN.  199 

§  14.  —  BUDGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNÉE  {suiié). 


RECETTES  {suite). 


VM\    DKS   SALAIUF.S  JOURNAI.IF.IiS. 


Jlire.  Fils  niné.  2'  Fils. 


:;  (10 
.!  00 


1  :u; 


0'l-2 


SECTION     III. 


SALAIRES. 


Salaire  total  attribué  à  ce  travail..     Ç  Ifi  A) 

—             (déduction  faite  de  l'intérêt 
du  matériel)..  .• 

Aucun  salaire  ne  peut  être  attrllnié  à  ce  trav. 
Salaire  attribué-  à  ce  travail 

Totaux  des  salaires  de  la  famille 


SECTION    IV. 


BÉNÉFICES   DES   INDUSTRIES. 


Bénéfice  résultant  de  cette  industrie. 


C  Ki,  A) 

-  -  -  C;  1«,  B) 

—  —  —  (§16,  C) 

ToTAL'x  des  bénéOces  résultant  des  industries ('^  IG,  D) 

NdiA.  —  Outre  les  recettes  portées  ci-dessus  en  compte,  les  industries  don- 
nent lieu  à  une  recotte  de  I.TMSMIO  (.',  IK,  D),qui  est  appliquée  de  nouveau  à  ces 
mêmes  industries;  cette  recette  et  les  dépenses  qui  la  balancent  C.;  l.'i,  S°"  V) 
ont  été  omises  dans  l'un  et  l'autre  budget. 

Totaux  DES  recettes  de  l'année  (balançant  les  dépen3es)('2.87!t'3(i). 


MONTANT    DI'.S    DEl'KNSKS. 


Valeur 
des  objets 

reçus 
en  nature. 


lO'OO 
G  00 


l(i  00 


Eecettei 

en 
argent. 


i.o:;;;foo 

410  00 


:2.374  00 


200  N"    70.    —    OUVRIKRE   MOULEUSE    EN    CARTONNAGE    DU   JOUET    PARISIEN. 


§  13.  —  BUDGET  DES  DÉPENSES  DE  L'ANNÉE. 


DÉSIGNATION  DES  DÉPENSES. 

MONTANT  Dï 

Valeor 
des  objet» 
consommés 
en  nature. 

S  DÉPENSES. 

Dépenser 

en 
argCTit. 

SECTION   l". 
DËPEIN'SES   C0\CERWIA:«T  LA   NOURRITURE. 

AUT.    1''.  —  ALIMENTS  CONSOMMÉS  DANS   LE  MÉNAGE. 
(Tftr  la  mîrc  et  les  deux  fils  pendnnt  307  jours.) 

CÉRÉALES  : 

Pains  (lo  ^"8  (première  qualité) 

laritic  de  froment  pour  la  maison  ((|uaiite  inférieure). 

POIDS  ET 
ALIM 

POIDS 
consommé. 

PRIX  DES 
ENTS. 

PBIX 
par  kilos. 

• 

144'."iO 
7  80 

8.3  20 
18  00 
31  -20 

30  00 

UiO   40 
100  00 

83  -20 
18  00 

10  00 

-20  80 
14  80 

-22   40 

7  80 

340*0 
13  0 

of42.-; 

0  (iOO 

353  0 

0  431 

Conps  GRAS  : 

Ueiirre,  consommé  en  tartines  et  comme  assaisonnc- 

2ti  0 
7  .'> 
13  0 

3  -200 
2  400 
2  400 

I.anl 

Huile  hlanclie 

Poids  total  et  prix  movcn 

4(i  ;i 

2  847 

Laitage  et  oeufs  : 

I.ait  (inusité) 

18  0 

2  000 

Fromages  de  Drie,  de  Coutommiers.  etc 

Viandes  et  poissons  : 

Viande  de  ha-iif  :  i)oitrine  (i)ol-au-feu),  .'ii'-  à  l'20;  on- 
1,'lci,  liavette  (pour  heefsteak),  40i>  à  ■>'oo 

Vianil(!  de  mouton    (côtelettes),    40''  à  i'.'iO 

Viandes  di\(^rses  achetées  cuites  à  un  restaurant  \oi- 
sii)  :  bœuf  et  veau ,  â(>''  à  3'20 

0-2  0 
40  0 

-21  i  0 
0  0 

l.t  0 

1  808 

2  .'iOO 

.3  200 
2  (HH) 

1  -2.30 

I-apins,  !»"  a  -2' 

i»oissoris  :  limandes,  harenss.    1-2''  à    i'rîO:  —  morue 
pour  le  Nciidredi  saint,  f-  à  l'OO 

Poids  total  et  prix  nioven 

180  0 

2  180 

I.ÉGLMES  et   FKllTS   : 

Tubercules:  Pommes  déterre  achetées  cuites  au  res- 
taurant en  même  temps  (|ue  les  viandes  ci-dessus 
mentionnées,  •2(i''  à  0'-2(i,  (i'sO;  —  1  hect.  de  pommes 
de  terre  rouges,  ".>  a  o'ioo,  s';—  1  hect.  de  pommes 
de  terre  hianches,  ".i'-  à  0'  10.  12' 

170  0 

-24  4,-; 
7.-;  00 

13  (Xi 

0  i:i2 
0  00."i 

0  .100 
0  OOO 

Légumes  farineux  secs  :  Haricots,  l't  litres,  à  0' M), 
-'00;  —  lonlilles,  1-2  litres,  a  0'»i0,  "'-20 

Légumes  verts  à  cuire  :  Haricots  veris,  '.'•.  à  O'K»,  3'20; 
—  pois  verts,  •2-2'' ,  a  0'-20,  i'  40;  —  cluiux,  -20^  à  0'  10, 
2';  —  choux-lleiirs.  1-2'',  .i  O'ao,  .H'OO;  —  arlichants, 
.•('•,  à  l'-20,  .l'OO;  —  oseille,  10\  à  0'40,  4';  —  tomates, 
'iS  à  o"»o,  l'OO 

L«'gumes-raciiics  :  Oanittes,  poireaux,  navels   (pour 
le  pot-au-feu  ),    I.'fS  a  O'OO,  7'80 

N°    70.    —   OUVRIÈRE   MOULEUSE   EN    CARTONNAGE    DU   JOUET    l'ARISIEN.  201 

5^-  15.  —  BUDGET  DES  DÉPENSES  DE  L'ANNÉE  {suite). 


DÉSIGNATION  DES   DEPENSES  {suile). 


SECTION  r". 

DÉPEINSES  COKGERIVANT  LA  i\OURRlTtJRE  {.mile). 

Akt.  1".  —  Aliments  consommks  dans  le  ménage  {suite). 

LtclMF.S   ET   FIUITS  {SUtte)    l 

Légunies-épices  :  Oignons,  ati",  à  0'40,  10' 40;  —  ail, 

,    1",  à  l'a;;;  —  persil,  éclialotes,  1\    1'  20 

Salades  :  Cresson,  romaine,  escarole,   30'',  à  0^80,  -li'. 

Cucurhitacées  :  Potiron,  9".  à  0'40,  S'CO 

Fruits  :  Cerises,  fraises,  etc.,  liO",  à  0'80,  48' 

Poids  total  et  prix  moyen 


POIDS    ET    PRIX    DES 
ALIMENTS. 


Condiments  et  stimilants  : 

Sel.  -26\  à  0'30,  7'80 

Poivre ,  1  '',  à  «' 

Épiées  divers  :  Clous  de  girolle,  cornichons,  piment, 

etc.,  4' 

Vinaigre  pour  salades  et  cuisine,  5" 500,  à  l',  .'i'.'iO 

Sucre  blanc.  20" 500,  à  l'20,  30'60 

caramel ,  O'tiO 

lioisson  aromatique  :  Café,  13",  à  4' 80 

Poids  total  et  prix  moyen 


Boissons  fermentf.es  : 

Vin.  320  litres,  à  0'70,  224' 00. 
lllium,  acheté  au  détail 


Poids  total  et  prix  moyen. 


POIDS 
consommé. 


28i'00 

30  00 

9  00 

CO  00 


20  00 
1  00 


5  50 
25  5(1 

0  50 
13  00 


n  50 


320  00 
1  00 


321  00 


PRIX 

par  kilog 


0'  4G3 
0  SOO 
0  400 
0  800 


0  38G 


0  .300 
G  000 


1  000 
1  200 
1  200 
4  800 


0  700 
3  000 


AnT.  2. 


Aliments  préparés  et  consommés  en  dehors  du  ménage. 


Kepas  pris  chez  la  mère  de  l'ouvrière  les  dimanches  et  jours  de  fêtes,  116  re- 
pas pour  trois  personnes,  à  1'  60, 185'60;  —  aliments  divers  consommés  chez 
la  même  en  dehors  des  repas,  14'  40 


Totaux  des  dépenses  concernaot  la  nourriture. 


SECTION     II. 

DÉPEI>ISES  COIVCERNAIMT   L'HABITATlOiV. 

Logement  : 

Loyer  de  trois  pièces,  une  cuisine,  une  soupente   et  une  cave  (y  comjjris 
l'impôt  (les  portes  et  fenêtres), 440';  —  Étrcnnes  allouées  au  concierge,  5', 
Mobilier  : 

Achat  et  confection  (loinesti(|ue  :  Ustensiles  de  ménage,  batterie  de  cui- 
sine et  verrerie,  10';  —  meubles  :  un  édredon,  30';  —  linge,  20' 

Chauffage  : 

Coke,  1.000",  à  0'125,  125';  —  charbon  de  bois,  65  boisseaux,  à  0'40,  26'., 

ÉCLAIRAGE   : 

Pétrole,  (i5  litres,  à  0'65,  42'25;  —  allumettes,  2'60;  —  mèches,  O'OO:  — 
bougies,  O^SOO,  à  l'80  le  kilo,  0",)0 

Totaux  des  dépenses  concernant  l'habitation 


Mt)NTANT  DES  DEPENSES 


Valeur 
des  objets 
consommés 
eu  nature. 


200' 00 


200' 00 


12' 95 

2i  00 

3  60 

48  00 


7  80 

<i  00 

4  00 

5  .50 

30  6(J 

0  (iO 

62  10 

22  i  00 
3  00 


1.208  55 


.30  00 

.30  00 

'    • 

151  00 

» 

46  35 

30  00 

C72  35 

202  N°   76.    —   OUVRIKRE   MOULEUSE   E.N   CARTONNAGE    DU    JOUFT    l'ARISlEN. 

^  15.  —  BUDGET  DES  DÉPENSES  DE  L'ANNÉE  {suite). 


DÉSIGNATION  DES  DÉPENSES  [suite). 


SECTION     III. 

DI=:PE^SGS  COMCERI^iANT  LES  VÊTEMENTS. 

Vktemests  : 

Vêtements  de  l'ouvrière (  ;,  10  et  10, E) 

—  du  lils  aine (         —  ) 

—  du  second  Dis (  —  ) 

Hacconimodage  des  vêlements  :  lourniturcs,  fils,  aiguilles,  cte 

Blanchissage  : 

Blancliissage  et  reiiassagc  du  linge  au  dehors,  sauf  <|uelques  pièces,  13'»'; 
—  savon, eaudejavelle, etc.,  3';  — i!  journées  de  l'ouvrière, G';  — intérêt  du 
matériel,  0'-2^; 

ïOTAcx  des  dépenses  concernaul  les  vêlements 


s  i:  c,  T  I  o  N    I V. 

DÉPE\SKS  CONCERNANT   LES  BESOINS  MORAUX,  LES  RÉCRÉATIONS 
ET  Li;  SERVICE  DE  SANTÉ. 

Cci.TE  : 

Prix  des  chaises  aux  églises  à  de  rares  occasions 

I.NSTRCCTION    DES  ENFAMS   : 

Aurune  dé|>ense  de  ce  chef,  l'instruction  des  enfants  est  lerniinéc 

AllIATS    I)K    I.IVKKS    KT   JOCIINAIX    I 

Achats  divers  du  lils  aîné  :  livres,  15'0(»;  papier,  plumes,  encre,  timbres, 
.■;'  00;  le  journal'  le  Petit  Parisien.  .'/OO 

Secolus  et  ArMi'iNEs  : 

La  famille  n'en  rerojt  pas  cl  n'en  donne  pas 

Uéchkations    et  solennités  : 

Allocation  hebdomadaire  île  \'  au  lils  aine,  dont  :2o' 00  employés  en  achats 
de  livres  et  journaux  (  v.  ci-dessus)  et  le  reste,  avec  les  salaires  touchés 
par  les  deux  Ids  pour  leur  tra\ail  de  mouleurs,  emplové  en  billets  de 
théâtre  (  Batignolles,  l'orle-S'-Marlin,  Ambigu),  et  en  dispenses  de  café; 
ensemble  101' 00; —  nourriture  des  oiseaux  (canaris  et  perruche),  .'j'  00; 
—  meiuies  dépenses ,  V  W 

Seiivk.e  de  svnté  : 

Visilcs  du  médecin  de  l'Assistance. -Jo'oo;  d'un  nndccin  ordinaire,  !>' (M):  — 
Uains  (à  l'Ai^sistaiicc  lluel),  .\'m.  -  .Médicanieiits  :  pour  la  nnre.  Ul'(M»: 
pour  les  enfants  (Assistance  niiel),  (i'i'i 

ToTAix  des  dépenses  concernant  les  besoins  moraux, 
les  récréations  et  le  ser\icc  de  santé 


MONTAXT  des  DEPENSES 


Valfinr  Dépenses 

des  objets 
consommés' 
en  nature. 


18' 00 


29  33 


lVl'-20 

l.«i  (iO 

Ht  ."iO 

(i  00 


ll.l   W 


i°    76.    —    OUVRIÈRE    MOULEUSE    EN    CARTONNAGE    DU    JOUET    PARISIEN.  203 


5<  lo.  —  BUDGET  DES  DÉPENSES  DE  L'ANNÉE  (suite). 


MONTANT  DE 

s  dépenses. 

DÉSIGNATION  DES  DÉPENSES  {suite). 

Valeur 
lies  objets 
consommés 
on  nature. 

Dépenses 
argent. 

SECTION    V. 

DÉPEÎNSES  CONCERIVAIMT  LES  INDUSTRIES,  LES  DETTES, 

LES  IMPÔTS  ET  LES  ASSLRA!>1CES. 

DÉPENSES  CONCERNANT  LES  INDUSTRIES  : 

Nota.   —   Les  dépenses  concernant  les   industries    montent 

à                     ('jlG,D)         3.T72'03 

Elles  sont  remboursées  par  les   recettes  provenant  de  ces 
mêmes  industries,  savoir  : 

Argent  et  oljjets  employés  pour  les  consommations  du  mé- 
nage et  portés  à  ce  titre  au  présent  budget l.'.riS'io  \ 

Argent  appliqué  de   nouveau  aux   industries  (.;  14,  S""  IV),  / 
comme  emploi  momentané  du  fonds   de  roulement  et  qui  ^    3.772  05 
ne   peut    conséquemment    figurer   parmi   les  dépenses    du  ^ 
ménage  (§  10,  D) 1.798^90  j 

IXTÉnÊTS  DES  DETTES  : 

2' 00 

• 

La  dette  du  Mont-de-Piété,  40' 00  avancés  sur  une  montre  de  140'  00  (■,',10), 
n'est  pas  payée,  et  l'intérêt  (4'  80  par  an)  dévore  peu  à  peu  lavaleurdc 

Impôts  : 

La  famille  ne  supporte  directement  aucun  impôt 

• 

Assurances  contkibiant  a  gakanth!  i.e  biex-êtue  physkjlf.  et  mop.al 
de  la  famille  : 

La  famille  ne  participe  aux  avantages  d'aucune  assurance  de  ce  genre... 

Totaux  des  dépenses  concernant  les  industries,  les  dettes, 
les  impôts  et  les  assurances 

• 

» 

2  00 

. 

Lparone  DE  l'année  : 

La   famille  n'épargne  pas,   sauf  l'intérêt  de  la  somme  de  2'  placée  à  la 
caisse  d'épargne  postale  par  le  second  lils  (0'06).   Elle  tendrait  à  ac- 
croître ses  dépenses  avec  une  augmentation  de  revenu 

, 

O'OO 

28."i  ••» 

2.593  86 

204  N°    7G.    —    OUVRIÈRE   MOLLEUSK   EN   CARTONNAGE   DU   JOUET    PARIi^IEN. 

§  16. 
COMPTES  ANNEXÉS  AUX  BUDGETS. 

6ECTION     I. 

COMPTES  DES  BÉNÉFICES 

RÉSULTANT   DES   INDUSTRIES   ENTREPRISES   PAR   LA    KA.MILLi: 
(à  SOU  propre  compte). 


TRAVAUX   DE   MOULAGE   ENTREPRIS    POUR    DIVERS 
FABRICANTS    DE   JOUETS. 


Sommes  versées  du  l'"'  jîunicr  au  .'U  drremhre  18!M  (1). 

1"  par  le  fabricant  A 

2^  —  H 

3"  —  C 

't"  —  D 

S"  —  E 

«"  —  F 

7"  —  G 

8"  —  H 

y  —  I 

Total 


Matières  i)remières  : 

l'apier  d'emballage  ^ris  ou  blanc  {•!»'  cl  00'  les  100'"^^).  —Colle  de  farine 


inférieure  et  d'alun  (à  2'  2?>  les  •iO''»').  —  Colle  forte,  etc 
Main-d'o'uvre  : 

Salaire  <le  la  façonnière,  3"(j,2  j.  de  10" 

—  d'une  ouvrière.  27*;  j.  de  10"  (en  fait  250  j.  de  11",  à  3'00) 

—  d'un  ouvrier.  137,5  j.  de  10"  (en  l'ail  12r;  j.  de  11",  à  3'00) 

—  de  v\w\  (Huriéres  en  cliambro,  payées  chacune  à  raison  de  10' 

par  semaine  pendant  sept  semaines 

—  du  lils  aine,  ouvrier  mouleui-  après  sa  journée  normale,  17  j.  (J 

de  10"  (en  réalité  88  si'ances  de  deux  heures) 

—  du  lils  cadet, 210  j.de  10"  (en  réalité  payé  par  pourboires  à  0'50  le 

dimanclK;) ". 

Intérêt  ti'x   du  matériel  de  l'industrie  {3«'  i)Oj 

Entretien  des  outils  (râpes,  mailloches,  etc.) 

liKNKFicF.  résultant  de  l'industrie  (  réalisé  sur  le  trasail  des 
ouvriers  employés) 

Total  comme  ci-dessus 


VALEURS 

Kn  nature. 

Kn  argent.     ' 

i.coâ'ir. 

63;;  8:; 

537  7.-; 

340  v; 

MX)  20 

205  80 

140  îiO 

00  00 

25  00 

• 

3.!>.-;3  70 

V 

300  00 

„ 

1.881  (M) 

. 

7.S0  00 

• 

375  00 

XK)  00 

. 

48  00 

, 

20  (Kl     1 

. 

1   xo 

• 

'.  !M» 

• 

217  00 

■ 

3.!),-;3  70 

(1;  SitlK.  —  <  '  lomptp  n  tté  <r>|iic  ti  xiiii'lleinciii  Kiir  k-  livre  île  la  favonnitrt.  Il  iiHre  toutes  lei  iraranticK  ircxactituilo.  Cependant 
il  aurait  ét<!  i>ri'fin>l)lii  de  j>oi«i<Kli'r  ù  k«  iilaoe  !<■  iU;Uil  nii'Mue  des  obj«tn  livré»,  ttte»,  niainn,  itc  clc'.,  auquel  anrait  correHiiondu  le 
détail  de  la  matii  ri  freuiiere  enipliiyée.  On  peut  ne  faire  une  idée  de  ce  eonipte  &  l'nide  des  reuHelKnenuntN  Kuivantx.  Le»  tûtes  se  juiient. 
nu  tarif  de  l'atelier,  3  fr.  (iO  la  diiu/jilni',  ce  i|Ui  curri'Hpond  à  II  fr.  3U  de  papier  blani-  et  3  fr.  3U  do  niain-<l'<i>nTre.  Les  mains,  au  tarif 
do  l'atelier,  nom  eiunplées  3  fr.  60  la  douinine.  «oit  U  fr.  (15  a  0  fr.  10  de  papier  ftoudrou  et  3  fr.  .Ml  de  niain.<l'n'uvre.  Mais  l'ouvrier, 
ne  jieut  dire  (tel  oMt  l'absi-nccde  comptabilité  dans  un  tri!S  faraud  nf>nibre  d*at4dlerH  du  Marais)  la  prf>porlinn  de  chaque  surU^  de  produit-^ 
dans  le  total  dos  lirraisons.  La  eumptabilité  très  réimillère  des  fabricants  pourrait  la  renseiiruor  a  cet  égard  ;  un  aentiinenl  de  timi- 
dité, la  i>eur  d'imposer  un  contndi',  ia  retient,  et  sans  ce  cuntrûle.    tout  calcul  de  la  part  de  l'idiservaleur  reste  incertain. 


70. 


OrVHIKRE   MOULEUSE    EN    CARTONNAGE    Di:    .lOUET    l'AlilSlKN. 


20:i 


B.    —    THAVAUX    DE   MODISTE    ET    DE    COUTURIÈRE 

ENTREPRIS    PAR   LOUVRIÈRE 
(pour  son  propre  compte). 

RKCKTTES. 

I  chapeau  de  femme 

■2  jui)ons  (vieilles  robes  transformées) 

•2  tabliers  de  travail 

Totaux 

DI.I'F.NSF.S. 

Fournitures  : 

Carcasse  du  chapeau,  plumes  et  lleurs 

vieilles  robes  { mémoire  ) 

Cotonnade  bleue  des  tabliers 

Main-d'œuvre  : 

-20  heures  à  O'.jO, 

Intérêt  du  malériel  (2'00) 

BÉNÉFICE  résultant  de  l'industrie 

Totaux  comme  ci-dessus 

C.    —    BLANCUISSAGE    ET    REl'ASSAGE   DE    QUELQUES    VETEMENTS, 

IIKCETTF.S. 

Prix  f|ui  serait  payé  à  une  ouvrière  exécutant  le  même  travail 

DISPENSES. 

Savon  potasse 

Kxtrait  d'eau  de  javelle 

Bleu 

Carbonate  de  potasse ,  l''2  à  0'20 

Amidon,  O^UiO  à  l'20 

Travail  de  la  femme,  2.j.  à  3' 

Intérêt  du  matériel  (4'7o) 

BÉNÉFICE  résultant  de  l'industrie 


-'00 
3  00 
8  00 


18  00 


10 

00 

0 

10 

' 

90 

18  00 


En  argent. 


8' 00 
8  00 


8  00 
8  00 


tO  00 


G  00 
0  25 


3  00 


2  10 

0  2:; 

0  20 
0  25 
0  20 


3  00 


D.  —  RÉSUMÉ  DES  COMPTES  DES  BÉNÉFICES  RÉSULTANT 

DES  INDUSTRIES  (A  A  C.) 

RECETTES. 

Produits  employés  pour  les  vêtements  de  la  famille 

Recettes  en  argent  appliquées  aux  dépenses  de  la  famille 

Recettes  en  argent  à  employer  de  nouveau  pour  les  industries  elles-mêmes.. 

Totaux 

DÉPENSES. 

intérêts  des  propriétés  possédées  par  la  famille  et  employées  par  elles  aux 
industries 

Produits  des  subventions  reçues  par  la  famille  et  employées  par  elle  auv 
industries ". 

Salaires  afférents  aux  travaux  exécutés  par  la  famille  pour  les  industries.. 

Dépenses  en  argent  qui  devront  être  remboursées  par  des  recettes  prove- 
nant des  industries 

Totaux  des  dépenses  (3"72'0j) 

itÉNÉFicEs  TOTAUX  résultant  des  industries  (224'90) 

Totaux  comme  ci-dessus 


0  3.^ 
m  00 


16  35 
7  90 


2.173  80 
1.798  90 


1  80 

1,95.5  00 
1.798  00 


3.75.5  70 
217  00 


3.972  70 


206         N"  76.  —  OUVRIÈRE  mouleuse  en  cartonnage  du  jouet  parisien. 

SECTION    II. 

COMPTES  RELATIFS  AUX  SUBVENTIONS. 

Ces  comptes  se  rapportant  à  des  npeiations   tns   si  ii/iiles  ont   Ole,  en  eonscquciice,  établis  dans   le 
budget  lui-même. 

SECTION     III. 

COMPTES  DIVERS. 


kj.    —    compte    de    la    DEPENSE   ANNUELLE 
concernant    LES   VÊTEMENTS. 

AIIT.    I<'^   —   VKTEMEMS   DE    L'OLVUIK.IIE. 

Vétemenis  du  dimanelie  : 

I  jaquette  en  drap  noir 

i  costuincî  en  caihemire  noir  (jupe  et  corsage) 

•1  chapeau  ferme,  |)lunies  ou  lléurs 

1  paire  de  bottines 

i  paire  de  gants  de  peau 

i  parapluie  (coton) 

I  ombrelle  (alpaga) 

Vêtements  des  jours  ordinaires  se  confondant  avec  les  vê- 
tements de  travail  : 

fi  j  upons  (vieilles  robes  transformées)  (  S 16,  B) 

•2  camisoles  de  coton  blanc 

1  corset 

i  pantalon  coton 

t  chemises  coton 

•i  gilets  de  llanelle 

■2  paires  de  bas  laine 

■i  paires  de  bas  coton 

;{  paires  de  chaussons  de  tresses 

■2  tabliers  de  travail  en  coton,  enveloppant  tout  le  corps 

-2  tabliers  en  toile  bleue  pour  soins  domestiques 

t  chàle  de  laine  noire 

•2  foulards 

Uaccommodage  des  souliers 

Totaux 

AliT.    -2.    —    Vl'.TKMENIS  DU    EU. S   AÎNÉ. 

Vêtements  du  dimanche  : 

t  |)élerine  a  capuchon  en  drap  (dite  lorrain) 

t  costume  complet  (jaquette,  gilet,  pantalon)  en  drap  noir 

ou  bleuté 

1  chajicau  de  feutre 

Vêtements  des  jours  ordinaires  : 
l  veston  et  l  pantalon  de  velours  acheté  au  «  Jean  Barl  o 

1  gilet  de  laine 

■2  cliemises  de  coton  (couleur; 

2  chemises  blanches  de  coton  (col  et  manchettes  en  toile). . 

■2  gilets  de  flanelle 

■>  paires  de  chaussettes  (coton) 

H  cravates 

l  cache-ne/ 

i  courroie 

I  chapeau  de  laille 

I  béret  de  laine 

Souliers,  .'{  paires 

Raccommodage  des  souliers 

Vêlements  d'atelier  : 

■'»  blouses  blanches 

Totaux 


Prix 

Dépense 

Dépense 

dni-hat. 

en  nature. 

en  urgent. 

irifoo 

1    an 

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7'00 

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N°  7(). 


OUVRTKRE   MOULEUSE    EN    CARTONNAGE    DU   JOUET  PARISIEN. 


207 


Aliï.  3.   —   VÊTEMENTS   DU   PI.I'S   JEI'NE   VUS. 


Vctcmcnls  du  dimanche  : 

1  pèlerine  à  capuchon  en  drap  (dite  lorrain) 

I  costume  complet,  veston,  gilet  et  pantalon,  couleur  somtjre. 
I  chapeau  de  feutre 

Vêtements  des  jours  ordinaires  : 

I  veston  et  un  pantalon  de  velours 

1  gilet  de  laine 

•1  chemises  de  coton  couleur 

•î  cliemises  lilanches  de  coton 

•"»  paires  de  chaussettes  coton 

;{  cravates 

I  caclic-nez 

1  courroie 

1  rhapeau  de  paille 

1  hcret  de  laine 

Souliers,  3  paires 

Raccommodage  de  souliers 

Vêtements  d'atelier  : 
Ulouse 

Totaux 


Prix 
d'achat. 


6' 00 

1 

18  00 

1 

3  <I0 

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1-2  m 

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5  00 

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80  i.-; 


Dépense 
en  nature. 


Dépcr.se 
en  .irgciit. 


(il  00 
18  00 
3  tiO 

1-2  00 

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15  00 
5  00 


84  50 


ÉLÉMENTS  DIVERS  DE  LA  COXSTITLTION  SOCIALE. 


FAITS  IMPORTANTS  D'ORGANISATION  SOCIALE; 

PARTICULARITÉS  REMARQUABLES; 

APPRÉCIATIONS  GÉNÉRALES;  CONCLUSION. 


DES   CAUSES   DERNIÈRES    DE   L.\    FORME    DES   INDUSTRIES. 

Lorsqu'on  s'engage  dans  ce  fouillis  d'industries  disparates  qui  s'ap- 
pelle le  Marais,  avec  ses  entre-croisements  de  spécialités  inconnues 
du  profane,  et  toujours  prêtes  à  le  tromper  sous  de  fausses  ressem- 
blances, comment  s'orienter  et  reconnaître  à  leur  simple  silhouette 
les  formes  fuyantes  qui  défilent  devant  les  yeux?  Allons-nous  trouver 
la  petite  industrie  dans  la  préparation  du  caoutchouc;  et  de  vastes 
usines  de  manches  de  cravaches  vont-elles  ouvrir  devant  nous  leurs 
grilles  à  deux  battants?  Tout  visiter  n'est  qu'un  rêve.  Sur  quel  signe 
extérieur  deviner  au  moins  les  traits  généraux,  afin  de  s'élever  peu  à 
peu  à  la  conscience  de  l'ensemble? 

11  est  à  cet  égard  un  procédé  assez  simple  que  déjà  nous  avons 
indiqué  ailleurs.  11  suffit  de  jeter  les  yeux  sur  le  «  dénombrement  de 
la  Ville  de  Paris  »  et  de  feuilleter  le  relevé  spécial  des  professions  :  à 
chaque  article,  patrons  et  ouvriers  se  font  face;  et  comme  la  moyenne 
de  la  petite  industrie  au  Marais  est  de  dix  ouvriers  pour  un  patron, 
partout  où  cette  proportion  n'est  pas  atteinte,  vous  pouvez  pressentir, 
sauf  exceptions,  l'industrie  en  chambre;  partout  où  cette  proportion 
est  dépassée,  vous  pouvez  alHrmer  l'existence  des  «  manufactures  », 
des  grands  ateliers.  Malheureusement,  ce  procédé  n'est  pas  infaillible. 
Les  groupements  de  la  statisliipie  du  I)"^  Bertillon  sont  fort  vaslos  et 
rapprochent  des  éléments  très  divers;  de  plus,  en  fait  de  stalisli(|ue,  il 


ÉLÉMENTS   DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION    SOGALe'.  20'.) 

est  souvent  diffîcile  d'aller  au  delà  des  grands  nombres  et  de  répondre 
de  l'exactitude  des  détails. 

Le  mieux  est  encore  de  recourir  à  l'examen  des  faits.  Dans  la  spé- 
cialité examinée,  ce  qu'on  est  convenu  d'appeler  «  capital  »,  c'est-à- 
dire  loyer,  outillage,  matière  première,  prend-il  actuellement,  étant 
donné  le  milieu,  une  importance  décisive  parmi  les  éléments  de  la  pro- 
duction; sommes-nous  acculés  à  la  nécessité  de  vastes  halls,  de  puis- 
santes machines,  d'achats  de  bois  coûteux,  de  balles  de  coton  innom- 
brables, de  substances  chères  et  tirées  d'outre-mer;  alors  la  grande 
usine  est  de  rigueur.  La  «  main-d'œuvre  »,  au  contraire,  l'énergie  in- 
iJividuelle  a-t-elle  conservé  la  primauté:  a-t-elle  toute  facilité  pour  se 
I)rocurer  quelques  mètres  carrés  dans  un  immeuble  quelconque, 
cent  francs  d'outils,  un  petit  lot,  incessamment  renouvelé,  de  matière 
première;  c'est  le  règne  du  petit  atelier;  en  vertu  de  ce  fait  perma- 
nent que,  surtout  au  degré  de  notre  civilisation,  l'homme  ne  se  groupe 
que  s'il  y  est  contraint,  et  s'isole  de  préférence,  si  rien  ne  fait  obstacle 
à  sa  liberté  (1). 

Cette  simple  remarque,  qu'il  est  pourtant  facile  de  vérifier  en  quel- 
ques instants,  a  été  contestée  par  d'éminents  économistes  allemands  : 
«  A  notre  point  de  vue,  écrivent-ils,  la  dernière  cause  de  la  séquence  des 
différentes  formes  d'industrie  git  dans  les  conditions  du  débit ,  de 
l'écoulement  des  marchandises  (:2).  »  Après  avoir  constaté  que  les  deux 
points  de  vue  se  contredisent  moins  qu'on  ne  le  suppose,  —  fait  d'ail- 
leurs reconnu  par  des  représentants  autorisés  de  l'opinion  allemande, 
—  examinons  ce  qu'il  y  a  de  juste  et  d'exagéré  dans  la  théorie  des  uni- 
versités d'outre-Rhin. 

Rien  ne  paraît  plus  évident  que  cette  explication  lorsqu'on  s'appuie 
principalement  sur  l'observation  historique.  Quels  sont  les  débouchés 
<l'une  ville  du  moyen  âge?  Sauf  exception,  la  ville  elle-même  ;  la  petite 
industrie  est  la  seule  pratiquée.  Quels  sont  les  débouchés  de  Man- 
chester, du  Greusot,  de  Bochum?  Le  monde  entier;  et  la  grande  in- 
dustrie seule  peut  se  mesurer  avec  un  client  semblable. 

Cependant,  prenons  à  l'heure  actuelle,  en  1892,  un  produit  quel- 
conque, très  complexe,  et  nécessitant  le  concours  de  plusieurs  spé- 
cialités :  la  poupée.  La  situation  économique  générale  est  rigoureu- 
sement identique  pour  toutes  ces  spéciahtés,  puisqu'elle  pèse  sur  le 

(I)  Voir  Hbriiistr.s  du  faubonni  Saint- Antoine,  ch.  vr,  10. 

(-2)  Opinion  duD'  Eugen  Sclnviedland;  comp.  Biiclier,  étude  sur  les  formes  de  l'industrie. 
Dictionnaire  des  Sciences  j^olitit/ues,  de  Conrad. 


210     N"    70.    orVRIÈRE    MOULEUSE    EN    CARTONNAGE    Dr    .lOUET    PARISIEN. 

produit  unique  que  celles-ci  ont  toutes  contribué  à  créer  :  grands 
magasins,  gros  commissionnaires  de  l'intérieur  et  de  l'extérieur, 
bazars  moyens,  humbles  boutiques  s'approvisionnant  sans  intermé- 
diaire, dépôts,  soldeurs,  etc.,  etc.,  ne  peuvent  pas  ici.  puisqu'il  s'agit 
d'un  seul  et  même  objet,  offrir  des  conditions  différentes  «  de  débit,  d'é- 
coulement des  marchandises  ».  Et  néanmoins  le  gros  fabricant,  qui 
traite  de  la  livraison  avec  les  maisons  de  commerce,  a  un  rùle  double  : 
il  est  grand  industriel  pour  le  moulage  et  la  cuisson  du  carton-pàte, 
qui  nécessite  une  trituration  de  la  matière  première  sur  grande  échelle, 
force  balanciers  à  estamper,  un  four  coûteux  à  construire  et  à  entrete- 
nir; il  est  grand  entrepositaire  vis-à-vis  des  mouleuses  en  cartonnage, 
qui  travaillent,  comme  l'ouvrière  monographiée,  avec  un  moule  porta- 
tif et  quelques  francs  de  papier  d'emballage.  Dans  le  premier  cas,  c'est 
la  grande  usine;  dans  le  second,  l'atelier  à  domicile  ou  en  chambre, 
qui  se  retrouve  de  même  pour  les  tailleuses  et  les  lingères,  tandis 
que  de  même  aussi  la  grande  industrie  reprend  tout  son  empire  pour 
les  poupées  non  plus  en  carton,  mais  en  caoutchouc  ou  en  bois. 

Et  la  cause,  quelle  est-elle?  «  Je  n'irai  jamais  me  lancer  dans  une 
vaste  installation,  vous  dira  le  premier  contre-maître  venu,  lorsque 
pour  un  prix  à  peine  supérieur  les  ouvriers  me  fourniront  chez  eux, 
sans  loyer  pour  moi ,  avec  transport  à  leur  charge,  les  produits  dont 
j'ai  besoin.  »  Est-il  possible  de  mieux  indiquer  que  la  «  dernière  cause 
de  la  séquence  »  réside  dans  le  rapport  réciproque,  très  mobile,  il  est 
vrai,  des  éléments  techniques  de  la  production  :  capital,  matière  pre- 
mière, main-d'œuvre? 

Mais,  pourrait-on  dire,  votre  exemple  ne  met  pas  face  à  face  l'usine 
et  la  petite  industrie,  mais  l'usine  et  ce  que  l'école  de  Fr.  Le  Play  dé- 
signe sous  le  nom  de  «  fabrique  collective  »,  c'est-à-dire  le  groupe- 
ment d'un  intermédiaire  puissant  et  de  petits  ateliers. 

En  effet,  mais  précisément  cela  détermine  avec  netteté  la  part  de  vé- 
rité contenue  dans  l'explication  des  professeurs  de  Vienne  et  de  Mu- 
nich. La  petite  industrie,  telle  que  le  moyen  âge  la  concevait,  ne  peut 
se  maintenir  que  là  où  les  conditions  commerciales  d'abord,  techniques 
ensuite,  restent  identiques  :  supposez  une  clientèle  toujours  restreinte; 
les  traités  avec  des  intermédiaires  très  nombreux  par  rapport  à  la  fciible 
quantité  des  produits  livrés,  cl  de  plus  la  prédominance  obligatoire  de 
la  main-d'œuvre;  vous  constatez  le  statu  qiio,  invariable  à  peu  de 
chose  près,  tel  qu'il  existe  pour  cette  spécialité  des  sujets  habillés, 
des  automates,  à  laquelle  se  rattache  l'ouvrière  monographiée.  Mais 


ÉLÉMENTS   DIVERS   DE   LA    CONSTITUTIOIV   SOCIALE.  2H 

c'est  là  un  phénomène  d'exception.  Presque  partout  les  conditions  du 
débit  ont  changé  :  comme  jadis  même  au  moyen  âge,  en  divers 
centres  privilégiés  qui  ne  rencontraient  pas  de  rivaux  pour  certains 
articles  de  luxe,  les  «  rois  actuels  des  Merciers  »,  les  gros  intermé- 
diaires doivent  centraliser  les  produits  :  ils  le  doivent  d'autant  plus 
que  la  vente  moderne  est  basée  sur  un  jeu  de  bénéfices,  qu'on  peut 
désigner  sous  le  nom  de  «  compensation  »  et  qui  consiste  à  livrer 
certains  produits  à  perte  comme  amorce  ou  réclame  afin  d'accumuler 
les  profits  sur  certains  autres.  Et  voilà  pourquoi  l'industrie  se  divise 
aujourd'hui  en  deux  grandes  catégories  :  manufactures  ou  usines,  et 
fabriques  collectives  ou  agglomérations  d'ateliers  à  domicile;  elles  ont 
leur  cause  de  dissemblance,  non  pas  dans  le  caractère  généralement 
commun  des  conditions  de  débit  partout  transformées,  mais  dans  le 
caractère  toujours  opposé  des  conditions  techniques  du  milieu. 

l    18. 

DU   ROLE    DES    «    GRANDS   MAGASINS    »    SUR   l'iNDUSTRIE. 

Ainsi  que  nous  l'avons  longuement  développé  dans  nos  Ébénistes 
du  faubourg  Saint- Antoine  et  ainsi  que  presque  en  même  temps  M.  le 
professeur  Mataja  le  faisait  ressortir  avec  rigueur  dans  sa  très  remar- 
quable étude  :  «  Grands  magasins  et  petit  commerce  (1)  »,  l'action 
des  grands  magasins  sur  les  entreprises  commerciales  concurrentes 
n'offre  pas,  à  beaucoup  de  choses  près,  un  intérêt  aussi  émouvant  que 
leur  action  sur  le  groupement  producteur,  grande,  moyenne  ou  petite 
industrie. 

Par  les  procédés  bien  connus  du  luxe  de  l'étalage,  de  l'amoncelle- 
ment des  objets  les  plus  divers,  du  prix-fixe,  des  échanges,  des  rendus, 
stimulés  par  une  prodigieuse  réclame,  les  grands  magasins  sont  arri- 
vés à  accaparer  une  très  forte  proportion  de  la  vente  de  «  l'article  de 
Paris  »  et  par  suite  du  «  jouet  >;.  Suivant  la  variation  des  conditions 
techniques,  précisées  dans  le  paragraphe  précédent,  ils  se  trouvent  en 
présence  :  1°  de  vastes  usines,  qui  traitent  avec  eux  librement,  en  col- 
laborateurs soucieux  de  leur  indépendance  et  convaincus  de  leur  force  ; 
2"  de  non  moins  vastes  fabriques  collectives,  qui  ont  consenti  à  diriger 
de  leur  côté  le  travail  de  la  foule  infinie  des  petits  ateliers;  S''  d'usines 

(1)  Traduite  dans  la  Revue  d'économie polilifjiic,  1891. 


212     N"    7(J.    —    (»l  VRIKKE    MOULEUSE    EN    CAHTO.NNAGE    Dl"    JOUET    l'AKISIEN. 

et  de  fabriques  colleclives  moins  puissantes,  plus  timides,  déjà  plus 
asservies;  V'  enfin  directement  de  petits  ateliers  nombreux,  vis-à- 
vis  desquels  ils  ont  supprimé  le  rouage  intermédiaire,  chef  de  l'an- 
cienne fabrique  collective,  et  qu'ils  ont  fait  rentrer  purement  et  sim- 
plement dans  leur  domaine  immédiat  (1). 

Sur  toutes  ces  spécialités  de  l'article  de  Paris  et  du  jouet ,  les  consé- 
quences paraissent  identiques  aux  hommes  du  métier. 

Les  grands  magasins  ont  suscité,  —  c'est  le  côté  bienfaisant,  —  une 
production  inconnue  de  l'époque  antérieure.  Les  quelques  milliers  de 
francs  d'affaires  des  petits  ateliers  du  Marais  de  jadis  ont  été  rem- 
placés par  des  commandes  brusques  de  100.000,  200.000  francs  :  le 
résultat  était  fatal,  puisque  par  la  magie  du  décor  et  l'incitation 
constante  aux  achats  imprévoyants,  ils  ont  fait  pénétrer  les  besoins  de 
la  haute  classe  jusque  dans  les  couches  les  plus  humbles  du  tiers  état. 

Mais  ils  ont  abaissé  les  cours,  —  c'est  le  côté  dangereux  au  point 
de  vue  industriel,  • —  multiplié  les  «  escomptes  »  ou  remises  sur  le  prix 
fort,  acculant  le  producteur  à  un  camelotage  forcé  de  l'article,  et  par 
toutes  sortes  de  manœuvres  savantes  où  rentre  la  tactique  bien  connue 
du  sweaiing  System,  ils  en  sont  venus  à  vendre  jusqu'en  dessous  du 
prix  de  revient. 

Dans  cette  bataille  de  tous  les  instants,  où  le  rouage  commercial  use 
le  rouage  industriel,  il  se  produit  un  double  mouvement  assez  curieux. 
D'une  part,  le  grand  magasin  tenant  à  sa  merci  avec  une  facilité  sans 
égale  le  petit  atelier,  a  intérêt  à  l'émiettement  de  l'industrie,  dans 
toutes  les  spécialités  où  les  conditions  techniques  ne  suppriment  pas 
cette  forme  de  groupement  producteur  :  ses  plus  forts  bénéfices  se- 
raient réalisés  dans  l'hypothèse  théorique  où  il  pourrait  transformer 
chacun  de  ses  rayons  en  centre  de  fabrique  collective  directe  :  l'achat 
au-dessous  de  la  valeur  normale  deviendrait  presque  la  règle. 

Mais  d'autre  part,  le  grand  magasin  fait  retomber  sur  les  fournis- 
seurs la  charge  de  l'entrepôt;  autrement  dit  le  rayon  ne  s'approvi- 
sionne que  pour  les  deux  tiers  du  mois,  et  la  maison  de  fabrication 
doit,  sous  peine  de  perdre  une  clientèle  assiégée  parla  concurrence, 
se  tenir  prête  aux  «  commissions  »  les  plus  imprévues.  En  outre,  par 
l'usage  du  paiement  à  terme  (fin  du  mois  qui  suit  le  mois  d'achat)  ,  le 
grand  magasin  se  ménage  toujours  de  la  part  du  fabricant  un  service 

(I)  Ils  jouciil  il  col  rgard  le  rcMo  de  lalniciucs  colleclives,  se  réseivanl  seulement 
la  vente,  comme  ils  jouent  le  rôle  de  glandes  usines  pour  ccrlains  produits  (lapisserie, 
imprimerie  du  ItoiiMarclié). 


ÉLÉMENTS   DIVERS   DE   LA    CONSTITUTION   SOCIALE.  213 

de  prêt  gratuit,  puisqu'il  touche  son  argent  comptant  au  moyen  des 
ventes  et  qu'il  ne  le  rembourse  qu'un  mois  et  demi  plus  tard.  Knfin  le 
jeu  de  la  compensation  des  bénéfices  (cette  tactique  commerciale  qui 
dans  les  plus  humbles  entreprises  pousse  à  amorcer  le  client  par  une 
vente  à  perte  afin  de  se  rattraper  sur  d'autres  marchés  très  avanta- 
geux) vient  rendre  précaire  le  sort  de  toute  une  série  de  fabricants, 
les  patrons  des  spécialités  sur  lesquelles  s'est  abattue  la  spéculation 
de  la  réclame.  Il  en  résulte  que  pour  résister,  le  producteur  doit  dis- 
poser de  vastes  entrepôts,  d'un  fonds  de  roulement  considérable,  d'une 
puissance  suffisante  pour  grouper  la  spécialité  rémunératrice  et  la  spé- 
cialité réclame.  Tout  cela,  c'est,  au  sens  vulgaire  du  mot,  le  capital  : 
grands  usiniers,  grands  chefs  de  fabriques  collectives,  voilà  par  un 
autre  retour  ce  que  fait  surgir  le  grand  magasin. 

Dans  une  lutte  d'intérêt,  qui  dit  indépendance  dit  égalité  de  forces. 
Vis-à-vis  du  grand  magasin ,  le  grand  intermédiaire  seul  peut  rester  tête 
haute  :  —  sauf  à  peser  durement  sur  ses  auxiliaires,  ouvriers  embri- 
gadés, façonniers  isolés  à  domicile.  Quand  le  groupement  de  produc- 
tion sera  à  la  hauteur  du  groupement  commercial,  il  n'y  aura  que 
peu  de  chose  de  changé  (au  point  de  vue  économique)  avec  la  situa- 
lion  ancienne ,  époque  de  rapports  paternels  entre  la  petite  boutique 
et  le  petit  atelier.  Tous  les  facteurs  auront  été  multipliés  :  la  propor- 
tion restera  identique. 

§    19. 

DE    LA    SPÉCIALITK    MKTAL    HAUT    LUXE    DANS    LE    JOUET. 

Cette  spécialité,  d'où  relève  la  façonnière  mouleuse  précédemment 
monographiée,  est  qualifiée  par  les  commissionnaires  catégorie  des  ar- 
ticles riches  ou  sujets  habillés.  C'est  une  juxtaposition  de  petits  ateliers 
tous  fixés  au  Marais,  de  cinq  à  six  ouvriers  chacun,  sans  compter  les 
ouvrières,  atteignant  200.000,  130.000,  30.000  francs  d'affaires,  ceux 
des  Bontemps,  des  Yichy,  des  Boullet,  des  Phalibois,  des  Lambert.  A 
elle  appartiennent,  malgré  sa  faible  importance  numérique,  presque  tous 
les  succès  des  expositions.  Le  métier  d'horloger  mécanicien  en  forme 
la  base,  l'âme  même;  l'habillage,  joint  au  cartonnage  élégant  et  sans 
cesse  perfectionné,  y  fournit  l'attrait  et  le  piquant.  Le  siveatimj  Sys- 
tem n'y  peut  atteindre  l'intensité  signalée  en  d'autres  spécialités. 

Au  second  étage  d'une  maison  de  la  rue  Pas  tourelle,  à  deux  pas  de  la  rue 


■21A     N"    7(5.    —    OIVHIÈRE   MOULEUSE    EN    CARTONNAGE   DU   JOUET   PARISIEN. 

deBeaiice,  —  véritable  décor  du  seizième  siècle,  —  un  magasin  et  uu 
atelier  juxtaposés  s'annoncent  du  palier  par  la  large  plaque  de  cuivre 
où  flamboient,  autour  du  nom  du  fabricant,  les  deux  mots  toujours  ac- 
couplé>  :  Commission-Exportation.  Dans  les  vitrines  qu'un  commis  fait 
admirer  à  deux  acheteurs,  qui  ont  conservé  l'illusion  très  parisienne 
des  avantages  de  l'achat  direct  en  fabrique,  la  tradition  mèmedeVau- 
canson;  la  filiation  la  plus  authentique  de  la  célèbre  joueuse  de  clave- 
cin; des  oiseaux  chanteurs;  un  personnage  qui  déjeune  en  fronçant  les 
sourcils  et  appelant  le  gar<;on  du  geste;  deux  pierrots  qui  s'endorment 
comiquement  en  exécutant  les  compositions  d'un  professeur  de  musique  ; 
deux  bustes  de  clowns  grandeur  nature,  qui  sortent  d'un  immense 
tambour  de  basque  et  dont  l'un  enfonce  le  chapeau  à  haute  forme  de 
l'autre  par  un  mouvement  lent  et  saccadé;  une  joueuse  de  harpe, 
comme  dernier  modèle.  Article  le  plus  bas  :  90  francs  ;  —  le  plus  élevé  : 
1.200  francs.  Ici  les  plus  pures  coutumes  de  la  spécialité  ont  été  conser- 
vées; c'est  le  point  d'honneur  du  clief  d'atelier,  dont  les  concurrents 
sourient  un  peu  comme  du  représentant  le  plus  parfait  de  l'antique 
routine.  Cartonnage  et  habillage,  voilà  sa  grande  affaire.  Tel  est  pour 
lui,  et  son  erreur  est  palpable  au  point  de  vue  scientifique,  le  principe 
de  la  spécialité.  Que  lui  importe  le  moteur?  Il  a  assisté  à  la  naissance 
du  genre,  ce  madré  Parisien  né  d'un  maçon  limousin  et  d'une  journa- 
lière champenoise;  il  se  rappelle  le  temps  oij  l'officier  de  cavalerie 
Tharin  en  découvrit  le  principe  dans  ce  cartonnage  découpé,  inventé  à 
Belleville,  multiplié  par  la  fabrication  allemande,  qui,  depuis  un  demi- 
siècj,e  d'élrennes,  écarte  les  bras  et  tire  son  ligneul  sous  l'action  d'un 
caoutchouc,  unique  moteur  des  articulations.  Alors  toute  une  suite  de 
tableaux  champêtres  furent  créés,  d'abord  plats,  plus  tard  à  plans 
superposés  comme  un  décor  de  théâtre,  où  une  femme  passe,  une  porte 
s'ouvre,  une  horloge  marque  l'heure,  le  tout  obéissant  à  un  système 
d'engrenages,  mus  non  par  l'eau,  mais  par  le  sablier.  Le  sablier  à 
cuire  les  œufs,  imitation  de  la  clepsydre  antique,  céda  la  place,  comme 
son  aînée,  à  un  mouvement  d'horlogerie;  les  personnages  du  tableau 
s'isolèrent,  devinrent  des  statuettes.  En  l'écoutant,  vous  avez  sous  les 
yeux  toute  celte  évolution,  documentée  par  une  galerie  d'essais  histo- 
riques qui  meublent  râtelier  :  aussi  affirme-t-il  bien  haut  qu'il  sort  du 
cartonnage;  un  de  ses  confrères  est  sculpteur,  les  autres  sonthorlogors, 
mécaniciens,  mais  lui  s'obstine  à  ignorer  la  mécanique.  Il  revendique 
comme  sapartpersonnelle  l'idée  du  modèle  nouveau,  qui  chaque  année 
vient  donner  la  poussée  aux  inventions  des  années  précédentes,  toujours 


ÉLÉMENTS   DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION   SOCIALE.  215 

réduites  à  un  très  petit  nombre  d'exemplaires.  Lui  et  sa  famille,  son  fils 
qui  connaît  le  dessin  et  le  modelage,  —  en  tout  huit  personnes,  —  se 
réservent  la  matérialisation  de  cette  fantaisie  inédite  qui  doit  s'exécu- 
ter dans  l'ombre  pour  apparaître  tout  d'un  coup.  Bien  entendu,  comme 
annexes,  des  collaborations  qui  s'ignorent  :  un  sculpteur  fabrique  les 
moules  en  plâtre  et  une  ouvrière  mouleuse  les  reçoit  pour  en  faire  sortir 
avec  un  admirable  fini  la  tête,  les  mains,  le  torse  et  les  membres  du 
sujet.  Mais  l'atelier  familial  ne  laisse  pas  à  d'autres  l'habillage,  tou- 
jours décisif,  et  la  peinture.  Le  mouvement  d'horlogerie  est  acheté  à 
la  maison  Japy,  par  exemple,  qui  a  monopolisé  ce  genre  d'industrie; 
l'instrument  de  musique  qui  chante  dans  le  piédestal  vient  de  la 
maison  L.  de  Montbéliard;  et  un  collaborateur  discret,  dont  nul  ne 
parle,  mais  qui  possède  en  réalité  une  importance  majeure,  horloger 
bohème  payé  aux  pièces,  ajuste  les  fils  métalliques,  qui  du  mouvement 
d'horlogerie  aboutissent  à  travers  la  jambe  gauche  du  personnage,  aux 
bras,  à  la  tête,  aux  paupières,  et  communiquent  le  mouvement. 

C'est  ce  petit  rouage  passé  sous  silence  qui,  agrandi,  va  constituer  les 
maisons  rivales,  plus  modernes,  visant  à  la  répétition  du  même  ar- 
ticle, au  point  que  l'une  d'elles,  sans  le  mouvement  d'horlogerie  scru- 
puleusement conservé,  viendrait  se  fondre  dans  la  catégorie  du  jouet 
métal  mû  mécaniquement.  Un  atelier  d'horlogerie,  —  2  ouvriers, 
1  apprenti,  1  journalier;  —  un  atelier  de  tailleuses  et  modistes  de  haut 
luxe,  —  6  femmes,  —  voilà  ce  que  nous  rencontrons  à  quelques  pas  plus 
loin,  rue  des  Archives.  Le  chef  de  la  maison,  intelligent  et  plein  d'au- 
dace, fils  de  ruraux  ruinés  qui  se  transplantèrent  tout  d'un  coup  sur  le 
sol  de  Paris,  est  horloger,  mécanicien  de  profession,  apprenti  d'abord 
dans  une  fabrique  d'automates  de  luxe,  plus  tard  contre-maître,  pour 
finir  par  un  établissement  personnel.  Lui  aussi  a  ses  auxiliaires  exté- 
rieurs :  lui  aussi  fait  modeler  ses  créations  sans  les  déposer  suivant  les 
formalités  légales,  par  l'excellente  raison  que  son  œuvre  est  un  com- 
posé de  mille  détails  insaisissables  par  la  formule  du  dépôt,  et  que  la 
seule  garantie  contre  les  imitations  trop  fidèles,  c'est  la  marche  inces- 
sante vers  le  nouveau  ;  lui  aussi  remet  ses  matrices,  —  en  fonte  d'acier 
cette  fois,  —  à  la  mouleuse  en  cartonnage,  et  achète  au  dehors  les 
mouvements  d'horlogerie  aussi  bien  que  les  instruments  de  musique; 
mais  il  considère  comme  un  secret  capital  la  construction  du  garnissage 
métallique,  —  les  ficelles  du  pantin  antique;  —  et  il  le  fabrique  lui- 
même  avec  ses  deux  ouvriers  payés  70  centimes  l'heure  ;  son  apprenti, 
logé  et  nourri  avec  3fr.  o()  de  pièces  par  semaine,  et  l'iiomme  de  peine. 


216     N"    TC».    —    fHVHIKHE    MOULEUSE    EN    CARTONNAGE   DU    JOUET    l'AIUSIKN. 

pour  manier  le  tour  à  percer  les  rondelles  qui  maintiendront  les  têtes. 
Donc  sur  le  même  plan,  la  sombre  chambre  où  s'entassent  les  établis 
et  les  étaux,  et  l'atelier  élégant  où,  dans  la  lumière  claire,  tailleuses, 
modistes  et  peintres  donnent  la  dernière  main  au  chef-d'œuvre  :  le  bébé- 
liseur,  par  exemple,  reproduit  à  un  nombre  considérable  d'exem- 
plaires; ou  encore  les  pièces  fameuses  d'exposition  :  la  mariée  qui 
salue,  le  Méphistophélès  chantant  sa  sérénade.  Ici,  en  définitive,  avec 
une  collaboration  domestique  où  la  part  de  la  femme  est  dominante, 
la  confiance,  la  sécurité  du  lendemain.  Ce  n'est  pas  le  mépris  de  la 
grande  concurrente,  l'Allemagne,  dont  les  cartonnages  admirablement 
terminés  sont  offerts  à  un  bon  marché  tel  que  la  grosse  de  têtes  livrée 
à  1:25  francs  en  France,  s'abaisse  brusquement  à  00  francs;  mais  c'est 
l'inflifférence  à  l'égard  des  dangers  immédiats.  C'est  aussi  l'indépen- 
dance vis-à-vis  des  grands  magasins,  dont  les  expositions  d'échantil- 
lons, exigées  pour  fixer  le  choix  du  chef  de  rayon  acheteur,  défraîchis- 
sent les  créations  nouvelles;  c'est  surtout  une  préférence  marquée  pour 
la  vente  directe,  soit  aux  négociants  de  province,  qui  voient  dans  l'au- 
tomate de  luxe  une  réclame  pour  leur  étalage,  soit  aux  riches  fa- 
milles d'outre-mer,  —  débouché  principal  de  la  plus  parisienne  et  de  la 
plus  prospère  des  spécialités  du  jouet  organisées  en  petites  industries. 

SIH    UNE     «    KABItlOUE  COLLECTIVE  »    1»E    rOUl'ÉES    DE    HAUT    LUXE    (I). 

Le  bébé  de  luxe,  le  bébé  national,  le  bébé  Jumeau,  dont  l'incompa- 
rable réclame  ne  le  cède  guère  qu'à  celle  de  certains  produits  de  la 
pharmacie  contemporaine,  reçoit  le  jour  en  deux  usines,  à  Montreuil, 
soigneusement  séparées  pour  que  la  première,  laporcelainerie  (04,  rue 
François  Arago),  ne  communique  pas  l'incendie  à  la  seconde,  Tusine 
du  cartonnage  (152,  rue  de  Paris). 

C'est  à  celte  première  usine,  la  porcelaincrie,  qu'un  contre-maître 
va  nous  conduire.  Là,  dans  le  cabinet  des  modèles,  le  musée  des 
têtes,  dépôt  des  types  de  la  maison,  nous  allons  rencontrer  comme 
l'âme  même  de  l'entreprise,  les  dix-sept  masques  de  plâtre,  modelés 
jadis  par  les  plus  célèbres  srulpteurs-arlistes  ;  les  seize  numéros  qui 
se  suivent   par  ordre  de  grandeur,  de   I  à  1(>,  et  le  dernier,  appelé 

(1)  Voir-,  |)()iir  la   •  poupée  de  caincloU;  »,  l.'liiduntrif  tin  jouet  à  l'mi.i,  par  p.   <lii  Mn- 
rousscm,  Arlliiir  Koiisscaii,  odilciir  (sous  presse). 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  217 

numéro  20,  isolé  à  cause  de  sa  monstrueuse  grosseur.  Dès  ce  premier 
pas  le  visiteur  constate  la  recherche  irréprochablement  conciencieuse 
de  la  bonne  exécution,  le  culte  de  l'art  admiré  en  lui-même,  qui  resta 
incontestablement  la  marque  distinctive  de  la  maison  Jumeau. 

Un  premier  atelier,  celui  du  sculpteur,  le  sculpteur  ouvrier,  celui-là. 
Ici  se  fabriquent  les  moules  en  plâtre,  sur  les  modèles;  le  tout  dé- 
passant, d'un  cinquième  environ,  la  grandeur  réelle  que  l'on  veut 
obtenir,  car  il  faut  tenir  compte  du  resserrement  qui  se  produit  à  la 
cuisson.  Cette  intervention  des  moules  ou  «  formes  »  se  retrouve  déci- 
dément à  la  base  de  toutes  les  spécialités  du  jouet.  Elle  se  rencontre 
dans  la  catégorie  «  métal  »,  dans  la  spécialité  du  cartonnage,  étudiée 
précédemment.  C'est  le  moule  qui  lance  l'idée  artistique  sous  laquelle 
la  matière  va  docilement  se  plier. 

A  partir  de  ce  moment,  vous  allez  suivre  la  filiation  banale  de  toutes 
les  fabriques  de  porcelaines.  Vous  verrez  le  dépôt  du  «  kaolin  »,  la 
fine  terre  amenée  à  grands  frais  de  Limoges,  pourrissant  pendant  trois 
mois  et  tamisée  à  plusieurs  reprises  dans  la  soie;  plus  loin  la  vaste  salle, 
couverte  d'une  étincelante  poussière  blanche,  où  le  kaolin,  passé  à 
l'état  de  liquide,  est  transporté  dans  de  hautes  fontaines  de  fer-blanc  à 
robinet  de  cuivre.  Les  moules  sont  apportés  sous  les  robinets;  puis  on 
les  retire.  Au  bout  de  six  heures  le  dépôt  sera  suffisant  pour  fournir 
une  tête.  Ensuite  ce  sera  l'œuvre  de  l'immense  four  en  terre  réfractaire, 
où  les  têtes  rangées  sur  des  clous  resteront  pendant  vingt-quatre 
heures  soumises  à  une  température  de  1.800  degrés.  Et  vous  aurez 
entre  les  mains  une  tête  terminée  en  un  sens,  un  pâle  visage  de  porce- 
laine dure,  une  expression  de  statuette  à  l'œil  agrandi  et  vide.  La  vie 
manque,  et  l'on  va  y  remédier,  lorsqu'aprês  le  triage,  qui  jonchera  le 
sol  de  débris,  des  femmes  auront  enlevé  la  prunelle  de  porcelaine,  l'œil 
sans  regard,  et  pratiqué  le  trou  ovale  où  seront  fixés  les  yeux  de  verre, 
les  yeux  d'enfant. 

C'est  la  seconde  usine  qui  fournit  les  yeux,  et  cependant,  pour  que 
le  tableau  soit  complet,  il  faut  en  parler  ici.  L'atelier  n'est  pas  aveu- 
glant de  lumière,  comme  celui  que  nous  venons  de  quitter;  c'est  dans 
l'obscurité  que  travaillent  les  ouvrières.  Chacune  d'elles  darde  devant 
elle  la  longue  flamme  du  chalumeau  à  gaz,  écrase  un  bâton  d'émail,  qui 
forme  le  globe,  puis,  fixant  au  milieu  un  petit  bâton  d'une  compo- 
sition particulière,  variable  suivant  la  couleur  des  yeux,  bleus  ou 
noirs,  variable  aussi  suivant  les  maisons,  façonne  la  prunelle,  en  rayon- 
nant tout  autour  de  la  pupille  avec  une  pointe  d'acier,  afin  d'obtenir 


218     N°     7G.    —    OIVR1KIU-:    MOlLErSE    en    CAHTnNNAGE    DU    JOUET    l'AKISlEN. 

par  un  tour  (le  main  particulier,  du  moins  pour  les  numéros  supérieurs 
(à  partir  du  numéro  1)  l'expression  vivante  de  l'œil  humain.  Cette 
fabrication  est  une  gloire  française  ;  l'industrie  allemande  ne  la  connaît 
pas.  Aussi,  pour  deviner  la  véritable  nationalité  des  poupées,  sufïit- 
il  de  les  regarder  bien  en  face.  Comme  les  traîtres,  elles  s'accusent 
et  avouent.  Salaire  des  ouvrières  fabriquant  des  yeux  :  4  à  0  francs 
par  jour.  Les  yeux  sont  fixés  à  la  cire  vierge  après  ponçage;  un  grand 
nombre  des  tètes  sont  brisées  à  cette  épreuve. 

Reste  la  peinture.  -  Les  couleurs,  broyées  cinq  heures  à  l'essence 
et  cinq  heures  à  l'eau,  sont  posées  par  toute  une  série  d'ouvrières, 
car  ici  la  division  du  travail  apparaît  comme  infinie.  L'une  donne  le 
rouge  vif  des  joues,  l'autre  l'incarnat  des  lèvres,  la  troisième  l'éclat 
des  sourcils,  un  peu  comme  les  fées  des  légendes.  Cinq  opérations 
dilférentes  :  entre  lesquelles  cinq  séchages. 

Puis  la  cuisson  finale  :  au  bois  (le  charbon  pourrait  lernir  la  pein- 
ture), à  800  degrés  pendant  six  heures. 

Les  tètes  sont  terminées.  Elles  partent  pour  la  seconde  usine.  Nous 
ne  décrirons  pas  ici  (notre  sujet  principal  n'est  pas  une  étude  de  tech- 
nologie) le  vaste  quadrilatère  de  ces  halles  que  la  lithographie  a 
popularisées.  La  topographie  physique  de  l'usine  de  la  rue  de  Paris 
serait  superilue. 

Ici  le  centre  n'est  pas  l'atelier  de  sculpture,  mais  celui  de  la  petite 
mécanique,  qui  va  nous  montrer  comment  s'élabore  le  système  ner- 
veux et  le  système  musculaire  de  la  poupée.  Un  ouvrier  estampe  au 
balancier  les  godets  de  carton  qui  doivent  recevoir  les  rondelles  de 
bois  jouant  le  rùle  de  rotule,  car  le  bébé  est  articulé  aux  épaules, 
aux  coudes,  aux  poignets,  hanches  et  chevilles;  il  roule  aussi  le  res- 
sort à  boudin  indispensable  pour  établir  la  tête  également  articulée, 
et  retourne  les  crochets  ([ui  maintiennent  le  caoutchouc,  principe  vé- 
ritable du  mouvement. 

Immédiatement  et  sur  le  même  pied,  la  salle  de  réception  du  mou- 
lage, car  l'usine  ne  fabrique  pas  elle-même,  se  contentant  de  distribuer 
les  lâches  aux  ouvrières  en  chambre  spécialisées  pour  la  plupart,  (jui 
apportent  les  bras,  les  jambes,  les  torses  déjà  poncés  par  douzaines; 
()uis  le  petit  atelier  où  fonctionne  la  machine  à  tourner  les  membres 
en  bois,  plus  apparente  à  l'usine  rivale,  l'usine  Danel,  qui  substitue- 
rait, si  elle  était  généralisée,  la  grande  industrie  au  sweating  System 
dans  cette  spécialité;  plus  loin  l'atelier  où  un  ouvrier  et  un  ap- 
prenti estampent  les  mains  en  pâte,  moins  résistante  que  le  carton, 


ÉLÉMENTS   DIVERS   DE   LA    CONSTITCTION    SOaALE.  210 

mais  suffisante  pour  résister  aux  fardeaux  que  les  poupées  doivent 
soulever;  enfin,  en  annexe,  la  scierie  minuscule,  où  l'on  tranche  à  la 
vapeur  les  cervelles  de  liège  qui  supportent  la  chevelure.  Tout  cela 
pour  aboutir  à  un  atelier  unique  :  l'atelier  de  montage,  où  quatre 
femmes  et  deux  hommes  appliquent  aux  membres  les  cuvettes  de 
carton  et  les  rondelles. 

Tout  sera  terminé  quand  la  peinture  aura  apporté  ce  qui  manque 
encore  :  l'apparence  de  la  vie.  Bras,  jambes  et  troncs  sont  trempés 
dans  un  «  blanc  »  légèrement  teinté  de  rose.  Puis  dans  une  vaste  salle, 
à  température  surchauffée  (30  degrés  environ),  des  fillettes,  vêtues  de 
grands  tabliers  bleus  maculés  de  taches  de  couleurs,  les  enduisent 
d'une  nuance  rose  chair  et  les  font  sécher  au  bout  de  bâtons  piqués 
dans  des  sortes  de  planches  à  bouteilles.  De  là  ils  partent  pour  \e 
long  sommeil  des  réserves. 

Mais  un  jour  l'atelier  d'assemblage  les  appellera  :  têtes,  bras,  jam- 
bes, corps  seront  alors  réunis. 

Il  faudra  y  ajouter  aussi  la  chevelure ,  ces  ondoyantes  boucles 
blondes  ou  brunes,  qui  leur  donnent  le  charme  et  l'expression.  Trente 
femmes  sont  occupées  à  l'atelier  de  coiffure,  l'un  des  plus  considé- 
rables. Non  loin  des  fours  à  sécher  le  thibet  (ou  la  laine),  les  mon- 
teuses et  les  tresseuses  se  hâtent  fiévreusement,  recouvrent  le  liège 
introduit  dans  le  crâne. 

Il  faudra  enfin  ne  pas  oublier  le  vêtement  strictement  nécessaire,  les 
chemisettes,  coupées  à  l'emporte-pièce,  cousues  mécaniquement,  car 
la  grande  industrie  s'est  substituée  aux  grands  façonniers  pour  éviter 
«  la  gratte  »  si  habile  de  la  couturière  parisienne;  et  les  chaussures 
en  cuir  mordoré  de  premier  choix,  taillées  au  maillet  suivant  la  gra- 
dation des  formes,  collées  et  brodées!  Enfin  le  bébé  nu,  c'est-à-dire 
chaussé  et  en  chemise,  sera  mis  en  boîte  dans  l'atelier  final,  celui  du 
garnissage,  et  prendra  le  chemin  du  dépôt  de  la  rue  Pastourelle,  d'où 
les  tailleuses  l'emporteront  pour  le  plier  aux  dernières  modes  inventées 
par  les  grands  maîtres  du  boulevard. 

Cette  usine  modèle,  qui  concentre  jusqu'à  :200  ouvrières  et  3U  ou- 
vriers, et  qui  semble  respirer  la  bonne  santé  industrielle,  n'en  subit 
pas  moins  la  terrible  influence  du  milieu.  Le  temps  n'est  plus  où  les 
200.000  francs  de  bénéfices  jetés  en  réclame  excitaient  la  jalousie  de 
tous  les  rivaux.  La  lutte  sans  trêve  a  succédé  à  la  primauté  incon- 
testée. A  côté  de  l'action  du  commerce,  abaissant  les  prix  par  la 
hausse  des  escomptes,  ia  concurrence  habile,  active,  produisant  une 


220    N"  76.  —  orvHiKRK  moi'Leise  en  cartonnage  Dr  joiet  parisien. 

œuvre  presque  identique,  a  surgi.  Un  contre-mailre,  un  directeur  a 
suivi  ce  chemin  que  nous  avons  déjà  indiqué  comme  trop  souvent 
fréquenté  dans  l'ébénisterie  de  haut  luxe  :  partout  d'ailleurs  et  en 
toute  industrie,  le  même  oubli  des  antiques  scrupules  du  serviteur  loyal 
se  manifeste  par  d'identiques  efl'ets.  Entre  l'ancienne  maison  et  la 
nouvelle,  installées  à  Montreuil,  presque  face  à  face,  différence  de 
grandeur,  nullement  d'aspect  :  lune  est  organisée  pour  livrer  200.000 
bébés  par  un  :  l'autre  en  écoule  .'iO.OOO.  A  peine  pourrait-on  citer  une 
nuance  :  la  machine  à  tourner  et  à  évider  les  corps  de  poupées  plus 
employée  à  l'usine  Danel,  et  l'articulation  métallique  Danel  substituée 
à  l'articulation  caoutchouc  Jumeau.  Aspect  identique  du  produit  lui- 
même,  au  dire  du  tribunal  de  commerce  de  la  Seine,  qui,  au  mois  de 
décembre  1801,  a  considéré  le  Paris-bébé  comme  une  copie  exacte,  en 
style  juridique,  une  «'  contrefaçon  »,  un  sosie  du  bébé  Jumeau,  Et  en 
raison  même  de  cette  conformité  d'apparence,  une  réclame  incessante, 
chaque  bébé  apparaissant  à  côté  de  son  ennemi  sur  la  première  page 
des  catalogues,  toujours  supérieur  comme  exécution,  toujours  infé- 
rieur comme  prix,  et  contribuant  à  abaisser  ainsi  dans  cette  lutte  du 
«  capital  (1)  »  la  situation  si  précaire  du  salariat. 

assistance  ruel  (2). 

S'il  est  une  organisation  charitable  vraiment  royale,  qui  laisse 
bien  loin  derrière  elle  toutes  les  ventes,  les  quêtes,  les  loteries,  les 
sermons  de  charité  usités  dans  l'ancien  asile  classique  de  la  bienfai- 
sance, le  faubourg  Saint-Germain,  c'est  incontestablement  cette  As- 
sistance, —  le  nom  décerné  par  la  langue  courante  en  accuse  les 
dimensions  vraiment  démesurées,  —  qu'un  simple  particulier,  enrichi 
brusquement  par  le  nouveau  système  de  la  vente  au  détail,  a  ins- 
tallée dans  la  vieille  cité,  entre  ces  deux  débris  des  pouvoirs  souve- 
rains d'autrefois,  le  roi  et  Tévêque,  le  Palais  et  Notre-Dame.  Au  chevet 
même  de  la  cathédrale,  au  seuil  des  sombres  bâtisses  des  dernières 
ruelles,  tout  un  carré  de  terrain  est  couvert  de  constructions  en  plan- 
ches; ce  terrain  a  été  acheté  à  la  ville  d'un  seul  coup  :  3GO.O0O  francs. 

(I)  Dans  le  sons  on  le  prcnnenl  les  iiilliii(lu\es  et  les  c()ll('<Hvistes. 
{'2)  C'est  la  conlrc-piirtie  rharilahle  du  yraiid  ha/ar  de  rilùlel-de-Ville.  Oligarchie  d'un 
Cote;  paupéi'ismc  et  assistance  de  l'autre. 


ÉLÉMENTS   DIVERS    DE   LA    CONSTITUTION   SOCIALE.  221 

Au  centre,  un  écriteau  qui  sera  expliqué,  avec  ces  mots  en  grosses 
lettres  :  Casino;  sur  la  porte  d'entrée,  une  autre  enseigne  très 
différente  :  Assistance  gratuite  pour  les  enfants.  C'est,  en  effet,  une 
sorte  de  permanence  pour  les  enfants,  —  ces  faibles  toujours  as- 
surés d'exciter  la  sensibilité  contemporaine.  —  que  ce  dispensaire 
fondé  depuis  cinq  ou  six  ans  au  milieu  de  ces  populations  du  centre 
de  Paris,  étiolées  par  les  vices  du  sang  et  l'anémie,  l'intempérance 
et  le  sweating  System.  Dès  le  matin,  8  heures,  tous  les  rouages  de 
cette  petite  administration  de  la  charité  se  mettent  en  branle;  car 
nombreux  est  le  personnel  nécessité  par  l'économat,  le  réfectoire,  le 
cabinet  de  consultation,  la  salle  d'opérations,  la  pharmacie,  la  lin- 
gerie, la  salle  d'habillement,  les  bains,  les  douches,  la  cuisine,  sans 
parler  de  ce  Casino,  qui  n'intervient  qu'aux  grands  jours.  Sous  la 
surveillance  de  la  très  vigilante  directrice,  toujours  en  éveil  sur  les 
misères  nouvelles  qui  sans  cesse  viennent  se  faire  inscrire  au 
guichet  des  admissions,  les  trois  médecins  et  chirurgiens,  le  phar- 
macien spécial,  l'employée  comptable,  l'infirmière  préposée  aux 
pansements,  le  baigneur,  la  baigneuse  et  la  cuisinière  se  mettent  cha- 
cun à  leur  œuvre  distincte,  pendant  que  les  enquêteurs,  fournis  par 
Je  personnel  du  bazar,  fouillent  les  mansardes  et  tâchent  d'établir 
les  identités.  Les  «  clients  »,  —  ce  mot,  empreint  d'une  délicate  mo- 
destie, semble  de  rigueur  à  l'Assistance  Ruel,  —  ce  sont  tous  les  enfants 
jusqu'à  quinze  ans;  et,  pour  certaines  faveurs,  les  enfants  du  IV°  ar- 
rondissement seul,  siège  du  Bazar  de  l'Hotel-de-Ville.  Le  cycle  quo- 
tidien est  immuable  :  à  8  heures  du  matin,  distribution  de  lait, 
apporté  directement  d'une  ferme  de  la  banlieue;  immédiatement 
commencent  les  consultations,  elles  sont  gratuites  ainsi  que  les  médi- 
caments et  les  bains;  chaque  enfant,  —  l'établissement  compte  seize 
baignoires,  — reçoit  au  sortir  du  bain  un  verre  de  lait  et  un  croissant; 
même  règlement  pour  la  salle  des  douches.  A  midi,  soixante  enfants 
sont  nourris  gratuitement,  et  un  réfectoire  est  spécialement  affecté  à 
cet  usage  :  le  menu  se  compose  d'une  soupe,  un  plat  de  viande,  un 
plat  de  légumes,  du  pain  à  discrétion,  une  boisson  composée  de  1/3 
de  vin.  Le  dispensaire  alors  se  repose  ;  la  tâche  journalière  est 
finie. 

Mais  il  est  des  jours  d'animation  extraordinaire,  symétriques  en 
quelque  sorte  des  expositions  du  grand  magasin.  Ce  sont  d'abord 
les  fêtes  de  la  charité  :  les  distributions,  depuis  quelques  mois  trans- 
portées de  préférence  à  la  mairie  du  IV®  arrondissement,  10.000  francs 

16 


22:2    xN"  70.  —  ouvrière  mouleuse  en  cartonnage  du  jouet  parisien. 

de  coke  distribués  en  une  fois,  120.000  francs  de  vêlements  en  une 
autre. 

Puis  aussi  les  fêtes  et  réjouissances,  les  fêtes  enfantines.  A  Pâ- 
ques, c'est  la  grande  fête  des  enfants  :  dans  la  vaste  salle  du  Casino, 
qui  a  reçu  cette  destination  principale,  un  guignol  est  dressé;  après 
le  spectacle,  une  distribution  d'actualités;  chaque  garçon  emporte  un 
œuf  de  Pâques  ;  chaque  fillette  une  petite  poule  en  carton  couvant 
des  œufs. 

Cette  pente  des  distractions  prodiguées  aux  pauvres,  des  jeux  du 
cirque,  après  la  sportule,  n'a  pas  de  lin.  Il  y  a  deux  ans,  à  la  fête  na- 
tionale, une  armée  de  menuisiers  couvrit  de  gradins  le  parvis  Notre- 
Dame.  Les  pauvres  s'y  entassèrent.  Un  ballet  et  une  fête  de  nuit  leur 
furent  offerts  aux  frais  du  riche.  L'an  dernier,  —  les  preuves  s'étalent 
tout  au  long  dans  les  journaux  de  l'épuque,  —  la  fête  devint  nau- 
tique. Des  bateaux  furent  amarrés  solidement  ;  un  plancher  spacieux 
construit  sur  la  Seine;  et  soixante  danseuses  du  Ghâtelet,  sous  la  di- 
rection du  maître  de  ballet  et  du  chef  d'orchestre,  vinrent  recons- 
tituer pour  le  peuple  les  jeux  entrevus  jadis  sur  l'eau  du  Tibre. 


g  22. 

SUR  l'apostolat  religieux  parmi  les  ouvriers  de  paris. 

Ceci  est  en  quelque  sorte  l'histoire  d'une  conversion.  Nous  allons 
pouvoir  expérimenter  directement  si  la  célèbre  phrase  d'Ernest  Re- 
nan :  «  Il  serait  inutile  d'essayer  de  ramener  le  peuple  aux  vieilles 
croyances  surnaturelles  »,  ne  comporte  pas  au  moins  de  larges  ex- 
ceptions. Il  est  incontestable  —  et  cet  exemple  qui  s'est  passé  sous 
nos  yeux,  grâce  à  l'initiative  de  l'un  de  nos  compagnons  d'exploration 
sociale,  le  prouve  avec  une  netteté  parfaite,  —  que  la  prédication 
religieuse  dans  les  milieux  ouvriers  parisiens  ne  reste  pas  sans  effet. 
Nous  avons  décrit  méthodiquement  plus  haut  (^  3)  l'état  intellectuel 
et  moral  de  la  famille  avant  l'œuvre  d'apostolat;  il  faut  insister  ici 
sur  les  procédés  employés  pour  faire  triompher  l'instinct  religieux 
sur  les  autres  instincts  qui  luttent  contre  lui. 

Celui  qui  s'est  dévoué  à  cette  tâche  partit  de  cette  idée  que  dans 
des  esprits  simples  et  point  embarrassés  de  doctrines  philosophiques, 
une  longue  suite  de  souffrances  aboutit  à  ce  dilemme  :  révolte  perma- 


ÉLÉMENTS   DIVERS    DE    LA   CONSTITUTION   SOCIALE.  223 

nente  contre  l'idée  d'une  intelligence  directrice ,  ou  bien  refuge  éploré 
vers  un  éternel  consolateur;  en  outre,  deux  tendances  de  la  famille 
ouvrière,  le  goût  des  émotions  esthétiques  et  la  fierté  ressentie  au 
contact  de  la  classe  supérieure  et  lettrée,  lui  parurent  indiquer  claire- 
ment la  voie  à  suivre.  Tout  d'abord  ses  relations  lui  permirent  de 
placer  en  quelques  jours  l'enfant  de  treize  ans  dans  une  branche  pros- 
père de  la  mécanique  et  avec  salaire  immédiat.  C'était  dissiper  d'un 
coup  toute  prévention  à  l'égard  de  ses  doctrines  personnelles;  les  opi- 
nions d'un  bienfaiteur  sont  volontiers  persuasives.  On  lui  concéda, 
sans  trop  de  discussion,  que  la  première  communion  présente  son 
utilité  pratique  au  point  de  vue  de  la  moralité,  et  que  certaines  asso- 
ciations, d'un  caraclère  neutre,  telles  que  le  patronage  de  l'ébénisterie, 
ont  raison  de  l'exiger  comme  équivalent  d'un  certificat  de  bonnes  vie 
et  mœurs.  Les  seules  objections  furent  l'âge  et  le  retard,  la  moquerie 
des  camarades  plus  jeunes,  l'effroi  des  rouages  administratifs  delà  pa- 
roisse, dont  l'idée  s'associait  aisément  à  celle  d'une  perception  d'impôt. 
Ce  dernier  trait  laissait  deviner  que  des  femmes ,  et  des  femmes  du 
monde,  pourraient  mieux  que  le  prêtre  tenter  l'œuvre  de  la  conversion. 
Un  soir,  la  mère  et  ses  deux  fils  étaient  reçus  par  faveur  spéciale 
dans  le  grand  parloir  de  Notre  Dame  du  Cénacle,  rue  de  la  Chaise. 
Cet  ordre,  recruté  surtout  dans  la  société  choisie,  et  qui  a  répandu 
avec  une  activité  remarquable  l'usage  des  retraites  religieuses ,  aussi 
bien  dans  les  milieux  ouvriers  que  dans  les  milieux  mondains,  sem- 
blait désigné  d'avance  pour  cette  évangélisation  discrète  de  retar- 
dataires et  de  timorés.  Une  grande  artiste,  devenue  sœur  de  charité, 
conquit  bien  vite  l'admiration  et  l'affection  de  ces  effarouchés  à  qui 
l'égoïsme  universel  avait  masqué  l'amour  du  Christ,  et,  quelques 
mois  après,  les  deux  fils  et  la  mère  communièrent  à  la  chapelle  du 
couvent  de  Montmartre.  Le  petit  apprenti  parlait  de  sa  vocation  reli- 
gieuse. Des  projets  de  conversion  se  bâtissaient,  et  l'on  assistait  à 
cette  fièvre  de  prosélytisme,  qui  agite  certaines  familles  d'ouvriers 
anglais,  surtout  nouvellement  convertis,  tels  que  le  tanneur  de  Nottin- 
gham,  décrit  par  M.  Urb.  Guérin  {Ouvr.  des  Deux  Mondes,  2"  série, 
t.  III). 

L'exemple  que  nous  venons  de  raconter  est  d'abord  une  réponse  à  la 
question  posée;  il  semble  en  outre  autoriser  cette  conclusion  :  le  troi- 
sième élément  delà  «  constitution  essentielle  »,  la  religion,  n'a  pas 
perdu  son  efficacité  d'action  sur  les  masses  ouvrières:  mais  les  pro- 
cédés de  propagande  doivent  être  renouvelés  de  fond  en  comble.  Une 


224     K"    70.    -    OUVRIÈRE   MOULEUSE   EN   CARTONNAGE   DU    JOUET   PARISIEN. 

Chose  ancienne  subsiste  :  la  tendance  humaine  vers  les  croyances 
extra-naturelles.  Une  chose  nouvelle  doit  naître,  surtout  dans  les 
agglomérations  ouvrières  de  Paris,  une  forme  pratique  de  l'apos- 
tolat. 


LES  OUVRIERS  DES  DEUX  MONDES. 


DEUXIÈME   SÉRIE.   —  32«    FASCICULE. 


AVERTISSEMENT 

DE  LA  SOCIÉTÉ  D'ÉCONOMIE  SOCIALE. 


L'Académie  des  sciences,  en  1856,  a  couronné  le  premier  ou- 
vrage de  science  sociale  publié  par  F.  Le  Play,  les  Ouvriers  eu- 
ropéens. Elle  a  en  même  temps  exprimé  le  désir  qu'une  pareille 
œuvre  fût  continuée.  La  Société  d'Économie  sociale,  fondée  aus- 
sitôt par  l'auteur  de  ce  livre  aujourd'hui  célèbre ,  lui  a  donné 
pour  suite  les  Ouvriers  des  Deux  Mondes.  De  1857  à  1885,  la 
Société  a  publié  une  première  série  de  cinq  volumes  contenant 
quarante-six  monographies  de  familles  ouvrières. 

La  deuxième  série  des  Ouvriers  des  Deux  Mondes  a  commencé 
en  juillet  1885.  Le  premier  tome  de  cette  série  a  été  terminé 
en  juillet  1887;  le  deuxième,  à  la  fin  de  1889;  le  troisième,  au 
commencement  de  1892.  Ils  comprennent  les  descriptions  mé- 
thodiques de  trente-deux  familles  d'ouvriers ,  appartenant  à  la 
Bretagne,  la  Picardie,  le  Nivernais,  l'Ile-de-France,  la  Provence, 
la  Gascogne,  le  Dauphiné,  la  Normandie,  la  Marche,  l'Orléanais, 
le  Limousin,  la  Corse,  la  Grande-Russie,  la  Grande-Kabylie,  le 
Sahel,  le  Sahara  algérien,  la  Belg-ique,  la  Prusse  rhénane,  la 
Sicile,  la  campag-ne  de  Rome,  la  Capitanate,  l'Angleterre,  la 
Laponie,  l'Alsace^  la  Hollande.  Le  présent  fascicule,  le  32®  de  la 
seconde  série,  est  le  cinquième  du  tome  IV.  (Voir  au  verso  de  la 
couverture.) 

La  publication  se  poursuit  par  fascicules  trimestriels,  avec 
le  concours  de  la  maison  Firmin-Didot.  Un  tel  concours  lui  as- 
sure cette  perfection  que  nos  lecteurs  ont  su  apprécier  dans  une 
œuvre  typographique  particulièrement  délicate. 

Les  prochains  fascicules  contiendront  les  monographies  de  fa- 
mille d'un  Ouvrier  de  la  Papeterie  coopérative  d'Angouléme, 
d'un  Pécheur  de  l'archipel  Chiisan  (Chine),  d'un  .\rinurier  de 
Liège,  d'un  Fermier  du  II;iut-Forez,  d'un  Pécheur  de  Fort- 
Mardyck,  d'un  Ardoisier  d'Angers,   etc. 


LES  OUVRIERS  DES  DEUX  MONDES, 

PUBLIÉS    PAR    LA    SOCIETE    d'ÉCONOMIB    SOCIALE, 

RF.CONNIE  d'utilité  PL'DI.IQUE. 


Deuxième  série.  —  32«  fascicule. 


SAVETIER  DE  BALE 

(SUISSE), 

OL'Vnilîlt-r.HEK    DE    MKTIEH, 
DANS    LE    SYSTÈME    Dl     TRAVAIL    SAiNS    ENT.AGEMENTS 


LES    RENSEIGNEMENTS    1!  KC  i:  Kl  1,LIS    SIIF.    LES    LIEUX,    DU    1^''    AVltlL    ]  8S9 
AV    ]•■'•    AVRIL    1890, 


CiJ.   Laxdolï, 

Attaclié  à  la  Statistique  folérale  Suisse. 


PARIS, 


LIBRAIRIE    DE    FIRMIN-DIDUT    ET    C'^ 

IMPRIMEDKS    DE    l'INSTITDT,    RDE   JACOB,   5tî. 

189:5. 

Droits  de  trailuotiuu  et  ili;  reiiroiliii'tion  rcservi':!'. 


N"  77. 

SAVETIER  DE  BALE 

(SUISSE) , 

OUVRIEH-CHEF    PE    MÉTIElt  , 

DANS   LE   SYSTÈME   DU   TRAVAIL   SANS   ENGAGEMENTS 

d'après 
lks  renseignements  recueillis  sur  les  lieu:^,  du  1  "'  avril  1889 

AU   1"    AVRIL   1890, 
PAR 

M.  Cu.  Landolt, 

Attaché  à  la  Statistique  fédérale  suisse. 


OBSERVATIONS  PRÉLIMINAIRES  (1) 

DÉFINISSANT   LA    CONDITION   DES   DIVERS   MEMBRES   DE    LA    FAMILLE. 


^      1. 

ÉTAT    nu    SOL,    DE    L'lNDUSTRIE    ET    DE    LA    POPULATION. 

La  famille  objet  de  cette  monographie  habile  une  rue  étroite  du 
faubourg  de  Bâle  qui,  situé  sur  la  rive  droite  du  Rhin,  porte  le  nom  de 
Petit-Bâle. 

(I)  Le  Journal  de  statistique  .sidssp  (Zeitschrift  fiir  schweizerische  Statislik)  a  public 
en  1891  une  en(|uétc  monograpliiquo  faite  par  M.  Caii  Landolt  et  portant  sur  dix  familles 
•  l'arlisans  de  Bàle.  L'aut(;ur  a  choisi  l'une  d'elles  et  en  a  complète  la  description  dans  le 
<-adre  ordinaire  des  Ouvriers  des  Deux  Mondes;  \\\xi?,'\\  a  condense  dans  les  paragraphes 
«lui  suivent  le  l)U(!get,  la  plupart  des  conclusions  comparées  de  sa  première  étude.  (V. 
notamment  ci-après  le  §  19.) 

En  rapi)rochant  cette  monographie  de  celles  (|ui  l'accompagnent  dans  le  [jrcsent  re- 
cueil, on  reconnaîtra  aisément  (|ue  l'auteur  concentre  plus  volontiers  son  attention  sur 
les  constatations  numériques  de  la  statistique  que  sur  l'examen  des  conditions  morales 
ou  sur  l'étude  du  milieu  intellectuel  et  écononii(jue  où  vil  la  famille.  Il  s'attache  à  faire 
le  plus  exactement  possible  le  comi)tc  ri-el  de  Tannée  courante,  en  iiroscrivant  toute  cva- 
hialion  moyenne  des  recettes  ou  des  dépenses  (|ui  ne  se  reproduisent  pas  cha(|ue  année. 

17 


220  N"    77.    —    SAVETIER    DE   BALE    (SUISSE). 

La  population  de  la  ville  est  aujourd'hui  de  74.000  âmes.  Du  10  dé- 
cembre 1860  au  1*"" décembre  18S8,  elle  s'est  accrue  de  33.050  habitants, 
dont  19.212  proviennent  d'immigration,  et  13.847  des  excédents  de  nais- 
sances, ce  qui  donne  en  moyenne  un  excédent  annuel  de  500  nais- 
sances, résultat  qui  peut  être  considéré  comme  très  favorable. 

Au  l*^""  décembre  1888  on  comptait  àBàle  5.4 i3  couples  dûment  ma- 
riés. A  la  même  époque,  on  constatait  dans  celte  ville  les  catégories 
suivantes  de  ménages  :  2.644  à  3  personnes,  2.506  à  4;  2.157  à  5;  1.606 
à  6;  1.124  à  7  ;  752  à  8;  467  à  <);  291  à  10;  144  à  H  ;  92  à  12;  95  à 
13-15;  57  à  16-20  et  20  à  20  personnes  et  au  delà.  On  peut  se  faire  ainsi 
une  idée  approximative  de  la  force  des  familles  bâloises;  mais  il  con- 
vient de  remarquer  que  dans  ces  chiffres  sont  compris  les  domesti- 
ques et  autres  personnes  étrangères  à  la  famille  proprement  dite, 
tandis  que  les  membres  absents  de  celle-ci  n'ont  pas  été  comptés.  En 
somme,  on  doit  donc  reconnaître  que  la  population  de  la  ville  se  trouve 
en  bonne  voie  d'accroissement. 

Le  système  d'impositions  à  Bàle  est  assez  rationnel  et  humanitaire. 
Nous  empruntons  à  ce  sujet  quelques  données  au  remarquable  tra- 
vail de  M.  le  professeur  Biicher. 

Bàle  perçoit  trois  sortes  de  contributions  :  l'impôt  sur  le  revenu 
du   travail,  celui  sur  la  fortune,  et  l'impôt  communal  de  ville. 

Il  est  de  ceux  <iui,  pour  ce  genre  de  travaux,  préconisent  avant  tout  la  méthode  des  li- 
vrets de  eoniplcs  coiiliés  aux  ménages  que  l'on  veut  décrire  et  tenus  jiar  eux  de  semaine 
en  semaine.  Les  divers  procédés  d'en(|uètes  monographi<|iics  ont  été  souvent  dissoutes, 
notainmenl  par  l'Institut  international  de  stalisti(|ue.  (V.  Bull,  de  l'Inst.  intcrn.  de  slalis- 
tique,  t.  II,  III,  V.)  Sans  entrer  ici  dans  l'examen  appruruniii  de  cette  (picstion,  on  i>eiit 
afiirmer  (|ue  la  part  de  l'ohservalion  i)ersonn('lle  demeure  considérable  iiour  interpréter 
et  compléter  tout  ce  que  le  livret  de  comptes  ne  saurait  donner.  Ainsi,  |>our  ne  citer 
«lu'un  exemple,  clia(|ue  ménagère  distinguera  dans  ses  achats  (r('|)icerie  le  vermicelle 
de  la  semoule,  mais  elle  ninscriia  que  peu  ou  point  les  légumes  que  clia<pie  jour  elle 
tire  du  potager;  même  remaniue  i)oiir  les  subventions  qui  passent  si  sou\ent  inai)er- 
çues.  D'ailleurs,  il  est  peu  de  nu-nages  qui  sachent  tenir  ces  livrets  a\ec  régularité. 
Aussi,  bien  (|u'il  ait  i)Oursuivi  ses  recherches  dans  les  conditions  les  i)lus  fa\orables,  sur 
des  artisans  urbains,  au  milieu  de  la  ville  (|u'il  hal)ilait,  M.  Land<ilt  n'a-t-il  obtenu  sur  8(1 
livrets  remis  à  des  ramilles  choisies  (|ue  17  documents  dont  10  seulement  ont  été  vrai- 
ment utilisables.  Sans  méconnaître  par  conséquent  l'inqiortance  que  des  livrets  de  comp- 
tes bien  tenus  pourraient  avoir,  soit  alin  de  <lévelopi>er  dans  les  familles  les  habiludes 
d'ordre  et  d'économie,  soit  alin  de  fournir  à  l'observateur  pour  des  évaluations  toujours 
délicates  la  base  solide  d'une  en(|uete  de  douze  mois,  on  est  autorisé  à  dire  que  l'établis- 
sement d'un  budget  domesti(|ue  exige  avant  tout  une  étude  personnelle  et  minutieuse.  On 
doit  ajouter  ménie(|u'il  est  fort  utile  de  trouver  un  guide  dans  un  cadre  dés  longtemps  pré- 
paré, dont  les  rubriques  sont  assez  complètes  pour  mettre  en  garde  contre  tout  oubli,  et 
assez  uniformes  jiour  rendre  la  comparaison  facile  entre  toutes  les  monographies.  C'est  ainsi 
que  pour  rédiger,  d'aprcs  le  cadre  des  Ouvriers  des  Dcu.r  Mondes,  et  même  sans  le  rem- 
plir entiénanent,  la  monographie  du  Savetier  de  Bàle,  .M.  I.andolta  été  conduit  a  compléter 
et  à  préciser  sa  première  étude  sur  un  grand  nombre  de  points.  {N.  de  la  Rédaction.) 


OBSERVATIONS  PRÉLIMINAIRES.  227 

Le  premier  de  ces  impôts  se  perçoit  sur  tout  revenu,  quelles  qu'en 
soient  la  source  et  la  nature;  il  se  base  sur  les  expériences  minutieuses 
faites  durant  l'exercice  de  Tannée  précédente  au  moyen  d'une  taxation 
individuelle  qui  incombe  au  contribuable  lui-même.  Cet  impôt  est 
prélevé  en  avril  lorsque  les  comptes  privés  sont  censés  bouclés;  il  se 
paie  en  un  seul  versement. 

L'impôt  communal  de  ville  vise  aussi  le  revenu.  Toutefois,  il  n'at- 
teint pas  le  revenu  réel  d'une  année  déterminée,  mais  bien  la  moyenne 
de  périodes  plus  ou  moins  longues.  A  chaque  classe  s'applique  une 
contribution  fixe  que  tout  citoyen  astreint  à  l'impôt  doit  payer  indis- 
tinctement, quel  que  soit  le  taux  de  son  revenu. 

L'impôt  sur  la  fortune  n'est  lui-même,  en  somme,  qu'un  impôt  sur 
le  revenu,  mais  il  n'atteint  qu'une  catégorie  déterminée  de  ce  dernier, 
les  revenus  de  la  fortune,  les  rentes,  tandis  qu'il  ne  touche  pas  au  pro- 
duit du  travail.  Il  tire  son  nom  d'impôt  sur  la  fortune  du  fait  qu'il  se 
base  sur  celle-ci  pour  établir  son  échelle. 

Sont  exonérés  de  l'impôt  sur  le  revenu,  outre  les  assistés  et  les  do- 
mestiques du  sexe  féminin  : 

1°  Les  célibataires  dont  le  revenu  annuel  ne  dépasse  pas  800  francs; 

2°  Les  époux  qui  ont  leur  propre  ménage  et  les  veufs  à  la  charge 
desquels  se  trouvent  des  enfants  mineurs,  lorsque  leur  revenu  annuel 
ne  dépasse  pas  1.200  francs; 

3°  Les  veuves  dans  des  conditions  identiques  et  jusqu'à  concurrence 
d'un  revenu  annuel  de  l.oOO  francs. 

N'est  pas  soumis  à  l'impôt  sur  la  fortune  : 

1"  Tout  capital  n'atteignant  pas  le  chifi're  de  5.000  francs; 

2°  La  fortune  des  veuves  qui  ont  à  leur  charge  des  enfants  mineurs, 
si  son  montant  ne  dépasse  pas  20.000  francs;  celle  de  tout  orphelin 
mineur,  jusqu'à  concurrence  de  60.000  francs. 

Le  système  progressif  est  appliqué  aux  trois  formes  d'impôts  directs. 
Dans  celui  du  revenu  le  taux  varie  entre  1/3  %  du  dernier  exercice 
annuel  pour  le  degré  inférieur  et  A  %  pour  la  plus  haute  classe,  sans 
toutefois  jamais  atteindre  ce  maximum.  En  ce  qui  concerne  l'impôt 
communal  de  ville,  il  flotte  à  peu  près  dans  les  limites  de  1/2  à  1  1/2  ;^ 
du  revenu  moyen.  L'échelle  de  l'impôt  sur  la  fortune  était  jusqu'en 
1887  basée  sur  la  proportionnalité  et  accusait,  de  187(!  à  1880,  1/2,  de 
1881  à  1887,  1  pour  mille  du  capital.  La  loi  de  1887  a  aussi  mis  cet 
impôt  sous  le  régime  progressif,  dont  le  taux  va  de  1  jusqu'à  près  de  2 
pour  mille. 


228 


SAVKTIEH    DE    BALE    (SUISSE). 


En  avril  1882,  7. "211  personnes  étaient  atteintes  par  l'impôt  sur  le 
revenu.  Gela  représente  37,7  %  des  contribuables  communaux,  soit 
de  la  population,  ou  4o,3  %  des  bourgeois  astreints  à  cette  même 
classe  dimpùt,  et  des  domiciliés  proprement  dits.  Le  nombre  des  exo- 
nérés de  cet  impôt  aurait  donc  compris  G2,3  ^  de  la  population  en 
général,  et  ri4,7  %  des  bourgeois  et  des  domiciliés  de  cette  catégorie. 

En  1881,  plus  de  la  moitié  des  bourgeois  et  domiciliés  n'ont  pas  ac- 
cusé le  chiffre  de  revenu  imposable  de  80O  francs  pour  les  célibataires, 
de  1.200  francs  pour  les  gens  mariés  et  veufs,  et  de  1.500  francs  pour  les 
veuves. 

Le  produit  de  l'impôt  bâlois  sur  le  revenu  a  été  en  1881  de  43  mil- 
lions; en  1884  de  40 millions;  en  1887  de  48  millions  de  francs. 

La  fortune  a  été  imposée  comme  suit  : 


Fortune  un  franc 


iO.OOO 

de  :20  a  «0.000 

de  (iOà  100.000 

de  100  à  500.0000 

de  .'JOO.OOO  à  1  million... 
\  million 


I8CS 


130Î1 
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110 

130 

71 

8-2 

8."; 

8(i 

!Ki 

111 

Les  impôts  sont  répartiâ"par  tête  de  population  dans  la  mesure  sui- 
vante :  en  1878,  37,93  :  1879,  39,05;  1880,  42,75;  1881,  43,77;  1882. 
43,05;  1883,  40,57;  1884,  37,11  ;  1885,  4G,00;  188G,  03,70;  1887,  50,19. 


2. 


ETAT   CIVIL   DE   LA    FAMILLE. 


Au  1"  janvier  1890,  la  famille  se  composait  des  époux  et  de  cinq 
enfants,  savoir  : 

1"  Jacques  N***,  chef  de  famille,  né  à. M***  (canton  de  nerne),  marié  en  1883  3!)  ans. 

2"  Marie  X***,  sa  femme,  née  a  B***  (Alsace) 40    — 

3°  LoLisE  N***,  leur  |iremi(  re  fille,  née  à  Bàle 9    — 

4"  Jeanne  N***,  deuxième  lille,  n(?c  à  Bàle 8    — 

fi"  Mai;ie  N***,  troisième  lille,  née  à  Bàle <i    — 

0"  PiEtiRE  N***,  leur  premier  lils,  né  à  Bàle '»     — 

7"  Jn.Es  N***,  leur  deuxième  lils,  né  à  Bâle 3  mois. 

La  famille  n'a  aucun  parent  à  Bàle  et  n'a  même  pas  de  relation 
avec  ses  proches  qui  habitent  le  canton  de  Berne,  non  plus  qu'avec  la 
famille  de  la  femme  qui  réside  en  Alsace. 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  229 

§3- 

REUGION   ET   HABITUDES   MORALES. 

La  moralité  du  mari  et  de  la  femme  est  excellente.  En  dépit  de  la 
situation  matérielle  très  défectueuse  de  cette  famille,  je  n'ai  jamais 
appris  qu'une  querelle  ait  sévi  entre  les  deux  époux.  Le  père  se  dis- 
tingue par  un  goût  très  développé  pour  l'exactitude  et  tient,  par  exem- 
ple, assez  correctement,  depuis  prés  de  vingt  ans,  un  livre  de  comp- 
tabilité domestique.  La  femme  n'a  reçu  qu'une  instruction  insuffisante 
et  ne  sait  ni  lire  ni  écrire.  Malgré  leurs  modestes  ressources,  ces  gens 
sont  abonnés  à  un  journal  quotidien. 

La  famille,  au  surplus,  comme  bon  nombre  des  ouvriers  de  Bâle, 
montre  pour  la  religion  une  profonde  indifférence;  elle  ne  connaît 
pas  la  moindre  pratique  de  culte  public  ni  de  culte  domestique. 

N***  fait  partie  d'un  club  à  tendances  politiques  dont  il  fréquente 
assidûment  les  séances;  il  est  moins  régulier  dans  le  paiement  de 
ses  cotisations. 

Les  enfants  sont  instruits  dans  les  écoles  publiques;  à  Bàle,  tous  ces 
établissements  d'instruction  publique,  à  part  l'université,  sont  ouverts 
gratuitement  à  qui  veut  les  fréquenter,  et  même  dans  les  écoles  pri- 
maires, secondaires  et  le  gymnase ,  les  fournitures  scolaires  sont 
également  données  gratuitement  aux  élèves. 

î  4. 

HYGIÈNE   ET    SERVICE    DE   SANTÉ. 

Jusqu'à  présent  les  membres  de  cette  famille,  à  l'exception  toute- 
fois d'un  enfant,  n'ont  pas  soufiert  de  maladie  grave.  Au  mois  d'avril 
1889,  Jeanne,  fillette  de  huit  ans,  était  atteinte  de  carie  des  os  et  gar- 
dait le  lit  depuis  près  d'un  an.  A  cette  époque,  Tune  des  articulations 
fémuro-tibiales  était  attaquée.  Pendant  ses  vingt  et  un  mois  de  ma- 
ladie, la  petite  fut  soignée  dans  un  hôpital  d'enfants,  aux  frais  d'une 
société  de  bienfaisance  :  elle  en  sortit  guérie  en  janvier  189U;  mais, 
ainsi  qu'on  l'a  constaté  depuis,  le  mal  s'est  jeté  sur  l'autre- genou 
demeuré  jusqu'alors  intact. 


230  N°    77.    —   SAVETIER   DE   BALE    (SUISSE). 

RANG   DE   LA    FAMILLE. 

N***  appartient  à  une  catégorie  d'ouvriers  extrêmement  nombreuse, 
celle  des  savetiers  s'occupant  pour  leur  compte  des  raccommodages; 
et,  comme  la  plupart  des  gens  de  celte  classe,  il  n'aura  jamais  la 
perspective  de  jours  prospères,  car  il  ne  saurait  où  prendre  le  capital 
indispensable  à  un  exercice  vraiment  productif  de  sa  profession.  Avec 
le  concours  de  circonstances  extraordinairement  favorables,  comme 
par  exemple  un  travail  suivi  et  lucratif  qui  ne  ferait  défaut  ni  à  lui- 
même  ni  à  sa  femme,  notre  homme  pourrait  bien  améliorer  quelque 
peu  son  sort,  une  fois  que  les  frais  d'entretien  et  d'éducation  des  en- 
fants se  seraient  allégés.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  bien-être  de  la  famille 
dépendra  cependant  toujours  d'un  gain  régulier  et  rémunérateur,  et  le 
métier  de  savetier  n'est  guère  de  natureà  le  lui  procurer.  Notre  homme 
est  membre  de  la  Société  bâloise  du  Griitli,  une  section  de  celle  qui 
s'est  fondée  sous  le  même  nom  en  1837  et  qui  étend  ses  ramifications 
dans  tout  le  pays.  Au  début,  cette  association  visait  simplement  le  dé- 
veloppement intellectuel  de  ses  membres,  mais  les  transformations 
sociales  aidant,  elle  a  pris  depuis  lors  un  caractère  politique  assez 
accentué;  elle  se  compose  en  grande  partie  d'ouvriers,  et  les  idées 
démocratiques  y  dominent;  cependant  toutes  les  nuances  s'y  rencon- 
trent :  démocrates,  socialistes,  indépendants  et  parfois  même  conser- 
vateurs. 


MOYENS  D'EXISTENCE  DE  LA  FAMILLE. 

PROPRIÉTÉS. 
(Mobilier  el  vétonients  non  coiiipris.) 

Immeubles  :  La  famille  ne  possède  aucune  propriété  de  ce 

genre Of  00. 

Argent  :  Somme  conservée  comme  fonds  de  roulement. . . .     75^00. 


OBSERVATIONS    rHKLIMINAlRES.  231 

Matériel  spécial  des  travaux  et  industries 84^90. 

i°  Ustensiles  et  outils  de  cordonnier  (taxés  à  leur  valeur  réelle  après  déduction  de  l'a- 
mortisscment  d'usure).  — 32  formes,  15^00;  —  1  tabouret,  l'OO;  —  1  établi  et  un[faux-plan- 
cher,  2'00;  —  1  table  à  ouvrage,  O'.'JO;  —  outils  à  déformer  et  à  polir,  31  pièces,  plus 
1  lampe,  25' 00;— 5  alênes,  2'00; —2  pinces,  2' 00;  —3  marteaux,  3' 00; —19  poinçons,  3' 00; 
4  râpes,  o'OO;  —  1  pierre  à  aiguiser,  O^iJO;  —  i  râpes  ;i  chevilles,  2'")0;  —2  crochetsà 
forme,  0'60;  —  3  tabliers,  l'OO;-  l  petit  étau,  ,V()0;  —  1  pince  à  œillets,  3';  —1  pince 
omporte-picce,  l'80;  —  5  limes,  S'OO;]— d  planche  à  couper,  l'OO;  — divers  petits  outils,  5' 00; 
—  1  paire  d'embauchoirs  pour  bottes,  3' 00.  —  Total.  84'  90. 

2°  Matière  première  et  fournitures.  —  Cuir,  environ  3kilogr.,  12' 00;  —  chevilles,  envi- 
ron 3  kilogr.,  2'40;  —  clous,  l'OO.  —  Total,  15'  iO. 

Valeur  totale  des  propriétés ^ 139^90. 

L'ouvrier  avait  en  outre,  au  moment  oii  a  été  dressé  le  présent  in- 
ventaire, des  matières  et  des  fournitures,  représentant  un  emploi 
momentané  du  fonds  de  roulement,  savoir  environ  :  3  kilos  de  cuir, 
12^00;  3  kilos  de  chevilles,  2^40;  clous,  1^00;  total,  13^40. 


SUBVENTIONS. 

Durant  la  période  correspondant  à  ce  rapport,  la  famille  a  touché 
20  francs  à  titre  de  subvention  de  la  bourse  des  pauvres  de  la  ville  de 
Bâle.  En  outre,  elle  a  reçu  14  francs  d'une  autre  société  de  bienfai- 
sance. 

Il  importe  de  signaler  également  comme  secours  même  assez  con- 
sidérable les  soins  donnés  gratuitement  à  la  fillette  pendant  la  durée 
de  sa  maladie.  Il  est  encore  une  subvention  en  nature  qui  allège 
fort  heureusement  le  budget  de  notre  ouvrier  :  à  Bàle,  comme  d'ailleurs 
Vians  les  autres  places  d'armes  du  pays,  les  soldats  abandonnent  ce 
qu'ils  ont  de  trop  sur  leur  ration  journalière  aux  enfants  pauvres  qui 
se  tiennent  aux  alentours  de  la  caserne  à  l'heure  des  repas.  C'est 
ainsi  que  notre  famille  a  obtenu  pendant  l'année  pour  une  valeur 
d'environ  8  francs  de  café,  plus  59  1/2  kilos,  de  pain,  qui  représen- 
tent une  valeur  marchande  de  16^34. 

Parfois  aussi  la  famille  reçoit  des  aliments  d'un  autre  ménage  ;  il 
nous  a  été  impossible  de  leur  attribuer  une  valeur  même  approxi- 
mative; au  reste,  elle  est  certainement  très  minime. 

Reste  enfin  à  mentionner  l'éducation  donnée  gratuitement  aux  en- 
fants dans  les  écoles  publiques  ;  faute  de  point  de  comparaison  (§  3), 
il  est  impossible  d'attribuer  une  valeur  matérielle  à  ce  service.  11  en 


232  N°    77.    —   SAVETIER    DE    RALE    (SUISSE). 

est  autrement  des  objets  classiques  fournis  gratuitement  qu'on  peut 
estimer  à  1:2  francs. 


§  8. 

TRAVAUX    ET    INDUSTRIES. 

Le  mari  est  savetier  raccommodeur,  il  travaille  à  domicile  et 
habituellement  pour  son  propre  compte.  Ses  clients  appartiennent 
pour  la  plupart  à  la  classe  tout  à  fait  pauvre.  De  temps  à  autre, 
dans  les  moments  de  grande  presse ,  un  cordonnier  lui  apporte  des 
ressemelages.  Il  ne  fait  que  fort  rarement  du  neuf  et,  dans  ce 
cas,  c'est  presque  toujours  pour  son  propriétaire  (jui  prend  quelque- 
fois l'ouvrage  en  déduction  du  prix  du  loyer.  C'est  là  une  facilité  de 
paiement  que  la  famille  apprécie. 

Les  clients  paient  généralement  bien;  les  comptes  en  souffrance 
varient  entre  20  et  30  francs  et  dépassent  rarement  iO.  On  peut 
presque  dire  qu'il  est  avantageux  pour  N***  d'avoir  des  pratiques  ré- 
duites à  de  modestes  dépenses,  car  elles  paient  comptant,  ce  qui  est 
d'une  grande  importance  pour  notre  savetier;  en  effet,  on  entend 
souvent  des  cordonniers  qui  servent  une  clientèle  relativement 
aisée  se  plaindre  des  rentrées  difficiles  et  dire  qu'on  relient  fréquem- 
ment durant  deux  années  le  mince  salaire  qui  leur  est  si  nécessaire. 
Le  travail  du  mari  est  assez  pénible  et  fatigue  surtout  la  poitrine. 

Quant  à  la  femme,  elle  travaille  comme  journalière  et  contribue 
pour  une  bonne  part  aux  revenus  de  la  famille  par  ses  travaux  de 
nettoyage  et  de  lessive.  Sa  clientèle  se  recrute  d'ordinaire  dans  la 
population  la  plus  aisée  de  Bâie.  Son-  gain  subit  bien  des  fluctuations 
ainsi  que  nous  le  verrons;  cependant,  son  travail  est  proportionnel- 
lement plus  rémunérateur  que  celui  du  mari ,  bien  que  les  salaires 
qu'elle  en  retire  soient  fort  modestes  en  comparaison  de  ses  peines. 

Les  journées  de  travail  augmentent  de  plus  en  plus,  en  sorte  que 
de  son  côté  le  gain  se  régularistj.  Son  travail  aussi  est  assez  pé- 
nible; elle  est  souvent  uccupéo  en  plein  air  malgré  les  intempéries, 
ou  parfois  dans  des  locaux  malsains  et  humides. 

Elle  fait  elle-même  le  blanchissage  du  linge  de  la  faniille;  les  frais 
de  fournitures  nécessaires  :  savon,  soude,  bleu,  etc.,  n'atteignent  que 
S'riO;  en  sorte  que  l'économie  résultant  de  ces  travaux  est  réelle- 
ment très  notable. 


OBSEHVATIOMS   l'HELIMlNAlRES. 


233 


MODE  D'EXISTENCE  DE  LA  FAMILLE. 


§  9. 


ALIMENTS    ET    REPAS. 


La  principale  nourriture  de  la  famille  est  le  pain,  le  lait  et  les 
pommes  de  terre.  Comme  nous  l'avons  déjà  signalé  (§  7),  59  {  kilog. 
de  pain  lui  viennent  gratuitement  de  la  caserne.  Dans  les  908  litres  de 
lait  du  ménage  figurent  28  litres  de  lait  écrémé  à  11  centimes.  La 
viande  est  habituellement  de  qualité  inférieure,  soit  de  la  vache  à 
1  franc  le  kilogramme,  soit  des  saucisses  que  l'on  désigne  à  Bâle  sous 
le  nom  de  «  klôpfer  »  ou  «  gendarmes  »  ;  le  pain  que  la  famille  achète 
est  blanc,  de  qualité  moyenne  ou  ordinaire.  Quant  aux  petits  pains, 
ce  sont  les  «  weggli  »,  bien  connus,  à  5  centimes  la  pièce.  La  semoule,  le 
riz,  les  macaronis,  etc.,  sont  le  plus  souvent  aussi  de  médiocre  qua- 
lité. Le  tableau  suivant  nous  donne  un  aperçu  de  la  moyenne  des 
prix  payés  par  N***  pour  les  divers  aliments  et  boissons  que  la  famille 
consomme. 

Viande fr.  1 1  ,.{0  soit  9  1/2  kilogr.          à    Ir.  1 ,18 

Saucisses —  ",9:i  —  53  pièces  —  0,15 

Pain —  101,28  —  304  kilogr.  —  0,-278 

Petits  pains -  2,80  —  56  pièces  —  0,05 

Lait —  1T!),03  —  908  litres  —  0,197 

Beurre —  13,ir;  —  4  1/2  kilogr  —  2,92 

Graisse -  10,18  —  8  3/i      —  —  1,10 

Fromage —  2i,90  —  12           ~  —  2,08 

Riz —  0,30  —  1/2        —  —  0,00 

Semoule —  5,oo  —  12  1/4    —  —  0,42 

Farine —  3,22  —  7  1/2     —  —  0,'t2 

Macaronis —  8,20  —  12           —  —  0,08 

Haricots —  l,:;8  _  5           —  —  0,310 

Pommes  de  terre —  12.9:;  —  H  1/2  mesures  —  1,12 

œufs —  11,91  —  i:i8  pièces  —  0,075 

Café —  19,7.-;  —  8  1/2  kilogr.  —  2,32 

Sucre —  13,95  —  22          —  —  0,04 

Vin —  3,75  —  7  1/2  litres  —  0,50 

Bière —  3,35  _  8           —  —  0,42 

Un  autre  tableau  nous  indiquera  comment  la  consommation  se 
répartit  entre  les  douze  mois  de  l'année. 


234 


N°    77.    —    SAVETIER    DE    BALE    (sUISSE). 


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OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  23o 

Il  est  à  remaniuer  que  vers  la  fin  de  celte  période  les  dépenses 
en  nourriture  accusent  une  augmentation. 


î  10. 

HABITATION,    MOBILIER   ET    VÊTEMENTS. 

La  maison  où  loge  cette  famille  est  située  dans  une  des  rues 
étroites,  inhospitalières  et  imprégnées  des  odeurs  les  plus  hétéro- 
gènes, du  Pelit-Bàle.  Le  logement  comprend  trois  pièces  et  une  cui- 
sine. Deux  des  chambres  sont  du  côté  de  la  rue ,  la  troisième  est 
plutôt  une  alcôve  faiblement  éclairée  par  la  lumière  parcimonieuse 
qui  traverse  une  fenêtre  s'ouvrant  sur  le  corridor.  Le  prix  du  loyer 
est  proportionnellement  très  élevé,  car  il  représente  un  débours  de 
1:20  francs  par  trimestre.  L'appartement,  situé  au  second,  comprend 
l'étage  supérieur  complet  d'un  immeuble  assez  bien  entretenu,  mais 
il  n'a  toutefois  pas  de  water-closets ,  celui  du  premier  étage  sert  à 
toute  la  maison. 

Des  trois  chambres  habitables,  le  ménage  n'en  occupe  que  deux  ; 
l'autre,  la  plus  petite,  qui  donne  sur  la  rue,  est  sous-louée  pour  dimi- 
nuer quelque  peu  le  montant  du  loyer.  Durant  la  période  de  cette 
étude,  non  seulement  cette  sous-location  ne  rapporta  aucun  gain  à 
la  famille,  mais  elle  lui  occasionna  un  déficit.  Avant  d'occuper  ce 
domicile  et  jusqu'au  1^''  avril  1889,  elle  n'avait  à  sa  disposition  qu'une 
seule  chambre  dont  elle  payait  00  francs  de  loyer  trimestriel.  Pour 
l'année  sur  laquelle  s'établit  notre  budget  la  dépense  pour  le  loyer  se 
répartit  donc  comme  suit  :  au  commencement  d'avril  il  a  été  payé 
pour  le  premier  trimestre  de  1889  dans  l'ancien  logement,  60  francs; 
puis  successivement  en  juillet  et  octobre  89,  120  francs  pour  le  nou- 
veau loyer  ;  quant  à  l'échéance  de  janvier  90,  elle  n'a  pas  été  intégra- 
lement payée:  N***  redoit  encore  20  francs.  C'est  ce  qui  explique  le 
chiffre  de  400  francs  figurant  au  budget  comme  dépense  de  loyer. 

Le  nouvel  appartement  composé  de  trois  pièces  ne  fut  pris  que 
dans  l'intention  formelle  de  sous-louer,  sans  la  meubler,  l'une 
d'entre  elles.  Gela  ne  put  cependant  avoir  lieu  que  durant  la  seconde 
moitié  de  la  période  qui  nous  occupe,  et  au  prix  de  35  francs  par 
trimestre;  au  moment  où  s'arrête  notre  étude  la  famille  n'a  encore 
reçu  le  payement  que  du  premier  trimestre. 


236  K°    77.    —   SAVETIEH    DE    BALE    (SUISSE). 

Voici  quelle  est  la  composition  de  l'appartement  : 

Pièce  1.  Cfiambre  commune  et  atelier.  Six  personnes  y  séjournent 
habituellement  et  une  y  travaille.  Hauteur,  2™  00.  Contenance,  46  mè- 
tres cubes  d'air,  soit  7,7  mètres  cubes  par  tête.  La  pièce  a  deux  fenê- 
tres et  contient  :  1  fourneau  (poêle),  1  table,  1  établi  avec  faux- 
plancher,  3  chaises,  2  armoires,  dont  une  petite. 

Pièce  2.  Chambre  à  coucher  pour  0  personnes,  avec  alcôve.  Hau- 
teur, 2™  60.  Contenance,  30  mètres  cubes  d'air,  soit  5  mètres  cubes 
par  tète.  Cette  pièce  a  une  fenêtre  s'ouvrant  sur  le  corridor  et  elle 
renferme  les  meubles  suivants  :  1  lit  pour  les  époux,  I  lit  pour  2  en- 
fants, 2  lits  d'enfants  à  une  place,  et  une  chaise. 

Pièce  3.  Sous-louée  sans  meubles.  Hauteur,  2'"  (îO.  Contenance 
26  mètres  cubes;  1  fenêtre. 

Toutes  les  chambres  habitées  ont  donc  ensemble  un  volume  d'air 
de  102  mètres  cubes,  et,  puisque  le  loyer  annuel  est  de  480  francs, 
N***  paye  4^70  par  mètre  cube.  Afin  de  ne  pas  être  en  perte  et 
en  admettant  qu'il  voulût  rentrer  simplement  dans  ses  frais,  il  devrait 
au  moins  retirer  122^20  par  an  pour  la  pièce  destinée  à  être  sous- 
louée.  Dans  les  conditions  les  plus  favorables,  c'est-à-dire  lorsqu'il 
peut  la  sous-louer  toute  l'année,  elle  lui  rapporte  bien  140  francs: 
mais  comme  il  n'a  eu  de  locataire  que  durant  la  moitié  de  la  période 
étudiée,  il  n'a  retiré  que  70  francs,  et  a  dû  supporter  ainsi  un  dommage 
de  52^50.  Le  fait  que  la  famille  a  pu  profiter  de  cette  chambre  tani 
qu'elle  s'est  trouvée  vide  ne  change  rien  à  l'affaire,  d'aulant  plus 
que  sa  sous-location  était  prévue  au  budget  du  ménage  etcju'on  avait 
fermement  compté  sur  cet  allégement.  Il  est  bon  de  dire  que  pour 
utiliser  cette  pièce  il  faut  traverser  la  chambre  qu'occupe  la  famille. 

Ainsi  que  cela  ressort  des  données  concernant  les  diverses  pièces  et 
leur  cubage,  la  quantité  d'air  attribuée  à  chaque  individu  est  bien 
au-dessous  du  minimum  exigé  par  l'hygiène.  Pour  la  chambre  à 
coucher,  l'insalubrité  résultant  de  l'étroitesse  du  local  est  encore  ag- 
gravée par  l'impossibilité  d'aérer  convenablement.  En  effet,  si  Ton  ou- 
vre la  fenêtre  qui,  comme  on  le  sait,  donne  sur  le  corridor,  il  n'y 
entre  guère  que  l'air  déjà  vicié  de  la  maison.  En  outre,  cette  chambre- 
alcôve  est  si  sombre  qu'on  a  de  la  peine,  même  en  plein  jour,  à  en 
distinguer  les  meubles.  L'aération  est  un  peu  meilleure  dans  la  pièce 
où  se  réunit  le  ménage. 

L'immeuble  où  se  trouve  le  logement  appartient  à  un  particulier; 
il  est  assex  bien  entretenu,  car  s(tn  [)ropriélaire  l'habite  aussi.  Quant  à 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  237 

l'appartement  occupé  par  N***,  on  doit  reconnaître  qu'il  est  maintenu 
en  aussi  bon  ordre  que  le  permet,  du  reste,  la  situation  de  la  famille.  On 
comprend  facilement  qu'en  de  telles  conditions  ces  gens  ne  puissent 
vouer  des  soins  tout  spéciaux  à  l'entretien  de  leur  logis.  En  fait  de 
moyens  de  chauffage,  un  poêle  qui  se  trouve  dans  l'une  des  cham- 
bres, ainsi  que  le  fourneau-potager,  sont  dans  un  état  satisfaisant. 
Le  bois  en  est  le  seul  combustible.  La  maison  n'a  pas  de  conduite 
d'eau;. une  pompe  située  dans  la  cour  est  d'usage  commun;  mais  il 
lieut  arriver  qu'en  hiver  le  puits  soit  hors  de  service  et  que  l'on  doive 
chercher  l'eau  ailleurs. 

En  tenant  compte  de  toutes  les  conditions  du  logement  lui-même  et 
de  l'immeuble  dont  il  fait  partie,  notamment  l'insuffisance  d'aération, 
on  doit  remarquer  que  la  dépense  du  ménage  N***  pour  l'habitation 
est  relativement  considérable;  elle  le  paraît  d'autant  plus  que  les  dé- 
penses de  la  famille  pour  son  alimentation  sont  au  contraire  très  res- 
treintes (§  18). 

Il  nous  reste  à  transcrire  ici  l'inventaire  du  mobilier,  du  linge  de 
ménage,  des  ustensiles  et  des  vêtements.  Le  lecteur  attentif  qui,  non 
content  de  le  parcourir,  se  reportera  au  même  paragraphe  dans  les 
monographies  concernant  des  familles  de  situation  à  peu  près  sem- 
blable, trouvera  peut-être  singulièrement  minimes  les  évaluations  qui 
vont  suivre.  Un  mot  d'explication  n'est  sans  doute  pas  superflu.  Pour 
la  famille  N***,  comme  pour  les  autres  ménages  que  nous  avons  étu- 
diés à  Bàle  (§  19),  la  taxation  des  objets  inventoriés  a  été  fixée  d'après 
le  prix  qu'en  aurait  donné  un  fripier,  c'est-à-dire  d'après  la  somme 
d'argent  qu'on  pourrait  en  cas  de  besoin  recueillir  de  la  vente.  11  ré- 
sulte de  là  une  dépréciation  très  considérable,  car  certains  objets  per- 
dent presque  entièrement  leur  valeur  marchande  par  le  seul  fait  qu'on 
s'en  est  servi.  Ils  conservent  cependant  pour  leur  possesseur  une  va- 
leur d'usage  presque  égale  au  prix  d'achat.  Tel  vêtement,  par  exemple, 
coûtant  10  francs  et  d'une  durée  d'usage  de  cinq  ans,  sera  évalué  d'une 
façon  très  exacte  pour  son  possesseur,  si  on  lui  attribue  une  valeur  de 
8  franc*  après  un  an  de  service,  et  pourtant  un  fripier  n'en  donne- 
rait peut-être  déjà  plus  que  4  ou  o  francs.  Les  deux  procédés  de  taxa- 
tion conduisent  donc  à  des  résultats  notablement  différents.  En  pré- 
sence des  difficultés  multiples  d'évaluation ,  en  particulier  pour  estimer 
la  durée  d'usage,  nous  avons  préféré  nous  en  tenir  au  procédé  théo- 
riquement le  moins  parfait,  mais  pratiquement  le  plus  aisé  à  appli- 
quer sans  erreur  et  arbitraire. 


238  N°   77.    —   SAVETIER    DE    BALE    (sUISSE). 

Meubles  :  réduits  au  strict  nécessaire n2'50. 

1°  Lils.  —  1  lit  cil  noyer  pour  les  parents,  lâ'OO;  —  l  lit  en  sapin,  8'00;  —2  petits  lits  en 
l)Ois,  10' 00;  —  I  lit  en  sapin,  I.VOO.  —  Total,  Vi'OO. 

2".  —  Mruhlcs  (Ips  deux  picces  [chambre  à  coucher  et  atelier  servant  de  cuisinc\  (en  outre 
des  lits).  —  I  armoire  à  une  porte,  5' 00  ;  —  i  buffet,  2' 00.  —  l  table  carrée  en  sapin,  2' 00;  — 
I  petite  armoire  de  cuisine,  3'00;  —  -2  chaises  et  -2  escabeaux,  0'50.  —  2  malles,  3'00;  — 
1  pendule.  ;{'0O;  —  livres  et  revues,  lO'OO;  —  10  tableaux,  1  i'OO.  —  divers  petits  objets,  ^'00. 

—  Total, '»-'50. 

Linge  de  ménage  :  insuffisant  et  en  très  mauvais  état  ....     9*^40 

i  garnitures  de  lit,  .VOO;  —  7  draps  de  lit.  l'40;  —  3  idem,  0'90;  —  8  essuie-mains  prove- 
nant d'un  cadeau,  0'80;  —  i  rideaux,  I'OO;       «  tapis  de  table  (<lonnc),  0'30.  —  Total, O'U). 

Ustensiles  :  la  plupart  provenant  de  cadeaux,  mais  détériorés  par 
l'usage  et  presque  sans  valeur 43^05. 

1»  Servant  à  la  cuisine.  —  2  poêles  en  fer  battu,  i'OO;  —  i  égouttoir,  0"M;  —  petits  usten- 
siles de  cuisine,  i'.W;  —  objets  en  étain  et  en  fer-blanc,  2' 00;  —  ccuelles  et  cuillers  en 
bois,  2 '00;  —  1-2  assiettes,  d'OO;  — 20  couteaux,  cuillers  et  fourchettes,  2'00:— 3  seillcs,  t'OO; 

—  d  planche  à  laver,  0'3o;  —  1  petit  fourneau  à  pétrole,  l'50.  —  Total,  18' 8.». 

2"  Servant  à  divers  usages.  —  3  paniers,  2'00  ;  —  3  lampes,  I'OO  ;  —  1  fer  à  repasser,  i'OO  ; 

—  1  miroir,  0'20  ;  —  divers  i)etits  objets  de  toilette,  3'00  ;  —  3  parapluies  et  ombrelles,  2'00. 

—  Total,  0'20. 

3"  A  l'usuf/e  des  enfants.—   t  iietite  voilure  (iioussctte),  l'i'OO.  —Total,  l.'i'OO. 

Vêtements  :  en  très  mauvais  état,  insuffisants  et  de  peu  de  va- 
leur      (iToO. 

1"  Vêtements  de  l'ouvrier.  —  t  jaciuotles,  lO'OO;—  V  pantalons,  2'o0;—  l  KÏlcts,  I'OO;  — 
1  pardessus,  4' 00;  —  4  chemises,  2'00;  —  3  caleçons,  l'20;  —  3  tricots,  0'80  ;  —  5  paires  de 
bas  et  chaussettes  en  laine,  0'20;  —  2  paires  de  souliers,  l'(«):  —  3  chapeaux,  0' "."i.  — 
Total,  24' 05. 

2  Vêtements  de  la  femme.  —  2  robes,  3'00;  —  i  caracos,  l'oO;  —  (■  chemises,  a'CKi.  — 
3  caleçons,  l'OO;  —  'Kamisoles,  2'00;  —  i  paires  de  bas  de  laine,  0'  40;  —  4  paires  de  bas  de 
coton,  0'25;  —2  jiaires  de  souliers  et  I  paire  de  pantoufles,  l'OO;  —  I  cha|>cau,  0'30. — 
Total,  12' tri. 

3"  Vêtements  des  enfants.  —3  robes  pour  fillettes,  i'OO;  —  20  chemises.  2'00;  —  15  cale- 
rons, 2';X);  —  18  paires  de  bas  de  laine,  2' 70;  —20  paires  de  bas  de  coton,  2' 00  ;  —  10  pai- 
res de  souliers  d'enfant  (confectionnés  par  le  père),  4' 00.  —  Total,  14' 20. 

4"  Objets  d'usage  commun.  —  3i>  mouchoirs  de  poche.  2'00.  —  Total,  2' 00. 

Vt"  Bijoux.  —  \  montre,  8'00;  —  I  chaîne  démontre  en  métal  blanc,  0' 80.  —  Total ,  8'80; 

Valklu  TdTALi:  (lu  iiKjbirKM-  et  (les  vêlements :20r>'' io 

§     11. 

nÉCHKATlONS. 

Habituellement  l'ouvrier  passe  le  dimanche  chez  lui  à  râtelier,  lan- 
(hs  que  sa  femme  s'occupe  de  la  besogne  du   ménage  dcmourcc  en 


OBSERVATIONS   PRÉLIMINAIRES.  2'i9 

retard  durant  la  semaine.  N***  est  abonné  à  un  journal  quotidien,  le 
National  de  Bàle,  feuille  sans  direction  politique  bien  déterminée, 
cherchant  surtout  à  se  conformer  aux  désirs  des  masses  ,  et  jouissant 
par  ce  fait  d'une  influence  assez  grande,  mais  aussi  quelque  peu  per- 
nicieuse. 

N***  fait  en  outre  partie  de  la  Société  du  Griitli  dont  il  a  déjà  été 
parlé  (§  5);  il  est  plus  assidu  à  assister  aux  réunions  qu'à  payer  ses 
cotisations. 

En  dehors  des  boissons  consommées  dans  le  ménage,  N***  n'en  prend 
que  fort  peu,  et  ses  dépenses  à  l'estaminet  ne  sont  pas  supérieures  à 
6  francs. 

En  somme  l'existence  de  cette  famille  s'écoule  dans  une  extrême 
monotonie,  sans  autres  variations  que  le  défilé  des  soucis,  hélas, 
toujours  trog  fréquents. 


HISTOIRE  DE  LA  FAMILLE 


§   12. 

PHASES    PRINCIPALES    DE    l'eXISTENCE. 

N***,  originaire  du  canton  de  Berne,  a  fréquenté  jusqu'à  seize  ans 
l'école  de  son  endroit  natal,  tout  en  demeurant  chez  ses  parents.  Son 
père  remplissait  une  modeste  fonction  communale  maigrement  rétri- 
buée, et  entretenait  avec  son  salaire,  joint  aux  quelques  bénéfices  qu'il 
pouvait  retirer  d'une  petite  culture,  une  famille  de  huit  personnes.  Dès  sa 
seizième  année,  N***  s'engagea  comme  domestique,  mais,  arrivé  à 
l'âge  de  dix-neuf  ans,  il  renonça  à  ce  genre  d'occupation  pour  entrer 
en  apprentissage  chez  un  cordonnier,  en  payant  à  celui-ci,  en  échange 
de  l'entretien  et  du  logement,  la  somme  annuelle  de  70  francs.  Il  apprit 
ainsi  à  faire  la  chaussure  aussi  bien  qu'à  exécuter  les  différents  gen- 
res de  raccommodages.  Après  avoir  terminé  un  apprentissage  de 
deux  ans,  il  fit  un  tour  en  Suisse  qui  dura  six  ans,  et  s'arrêta  dans  di- 
verses localités  des  cantons  de  Vaud,  Neuchâtel,  Berne  et  Saint-Gall. 
Il  travailla  pendant  environ  trois  ans  (jusqu'en  1877)  au  chef-heu 


i2i()  N°    77.    —    SAVETIER    HE    P.ALE    (SUISSE). 

de  ce  dernier  canton,  pour  se  diriger  ensuite  sur  Bàle,  où  il  fit,  en 
JSSl,  la  connaissance  de  celle  qui  devint  sa  femme  deux  ans  plus 
tard. 

La  femme  est  d'origine  alsacienne.  Son  père  exerçait  l'état  de  ton- 
nelier et  possédait  un  petit  bien  rural  qui  lui  permettait  de  vivre  assez 
à  son  aise  avec  ses  six  enfants.  Cependant  Marie  X***  dut  s'engager 
comme  domestique  chez  des  paysans  alsaciens  dès  sa  jeunesse,  et 
avant  d'avoir  acquis  une  instruction  suffisante.  Lorsque  sa  mère  mou- 
rut et  qu'on  vendit  la  propriété  de  la  famille,  elle  rerut  une  part  d'hé- 
ritage assez  ronde  en  argent,  mais  elle  l'eut  bientôt  dépensée. 

Quant  au  père  de  Jacques  N***,  il  est  mort  cette  année  même,  laissant 
pour  tout  patrimoine  à  son  fils  une  somme  de  4o  francs. 

U'ajirès  N***,  le  salaire  qu'il  touchait  durant  son  «  tour  de  Suisse  » 
lui  permettait,  en  sa  qualité  d'ouvrier  célibataire,  de  nouer  convena- 
blement les  deux  bouts;  son  état  de  gène  actuel  aurait  pris  naissance 
lors  de  son  mariage,  en  variant  peu  d'intensité,  et  sans  qu'une  aggra- 
vation de  l'état  général  de  ses  affaires  se  soit  toutefois  produite. 

Bien  que  le  père  de  la  femme  ainsi  que  ses  frères  et  sœurs  parais- 
sent avoir  conservé  leur  aisance,  la  famille  N***  n'a  jamais  eu  recours 
à  leur  aide  et  n'a  pas  entretenu  de  relations  avec  eux;  elle  ignore 
même  aujourd'hui  le  domicile  et  la  profession  des  siens. 

g  13. 

MOEURS     ET     INSTITUTIONS     ASSURANT      LE    BIEN-ÊTRE    DE    LA    FAMILLE. 

Les  conditions  d'existence  de  la  famille  sont  f(jrt  précaires.  Bien 
que  le  travail  de  la  femme  prenne  de  l'extension  et  que  celui  du  mari 
s'améliore,  on  ne  peut  pas  cependant  en  conclure  que  ce  ménage  sera 
bientôt  délivré  de  ses  lourdes  inquiétudes.  Lorsque  ses  chefs  seront 
devenus  vieux  et  incapables  de  travailler,  éventualité  contre  laquelle 
ils  n'ont  jusfju'à  ce  jour  pris  aucune  précaution,  ils  tomberont  inévita- 
blemenl  à  la  charge  de  l'assistance  publique  ou  seront  secourus  par 
une  société  privée  de  bienfaisance.  Il  existe  à  Bàle  une  foule  d'institu- 
tions semblables,  au  premier  rang  desquelles  se  place  une  section  de 
la  Société  suisse  d'utilité  publi(|ue.  Llle  a  organisé  un  bureau  de  se- 
cours et  consacre  annuellement  de  grosses  sommes  à  l'assistance  des 
indigents.  D'autre  part,  l'esprit  de  charité  est  assez  développé  dans  la 
population   de  Bàle,  et  notamment  chez  les  roprésonlanls  des   an- 


OBSERVATIONS    PHKLIMINAIHES.  2U 

ciennes  familles.  Le  père  et  la  mère  ne  souffriront  donc  pas  préci- 
sément de  trop  lourdes  privations  dans  leurs  vieux  jours,  mais  on  ne 
pourra  toutefois  faire  assez  pour  leur  procurer  un  repos  qu'ils  auraient 
cependant  bien  mérité.  A  moins  de  circonstances  exceptionnelle- 
ment favorables,  ils  ne  peuvent  guère  compter  à  cet  égard  sur 
leurs  enfants,  car  il  est  aisé  de  prévoir  que  ceux-ci  auront  assez  de 
peine  à  s'entretenir  eux-mêmes,  d'autant  plus  que  les  filles  sont  pré- 
cisément les  aînées. 

Pour  atténuer  du  moins  quelque  peu  le  désastre  que  causerait  la 
maladie  ou  la  mort  du  père,  celui-ci  fait  partie  de  la  «  Caisse  de  secours 
en  cas  de  maladie  et  de  décès  »,  fondée  par  la  Société  suisse  du  Grûtli. 
Il  lui  paie  une  cotisation  mensuelle  de  1^40  et  a  droit,  par  contre,  à 
une  indemnité  de  1''  80  pour  chaque  jour  de  maladie.  A  son  décès,  une 
somme  de  300  francs  doit  être  versée  aux  mains  de  sa  veuve  ou  de  ses 
enfants.  Quant  a  une  assurance  quelconque  proprement  dite,  il  n'en 
est  pas  question. 


IG 


242 


N"    71.    —    SAVETIEH    DE    BALE    (sUISSE). 

ii  14.  —   BUDGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNÉE. 


SF.CTIO.N     l". 

PROPRIÉTÉS  POSSÉDÉES  PAR  LA  FAUiLLE. 

Ain.    I'^   —  PllOPIlIÉTÉS   I.MMOniLIÉIlES. 

(La  famille  ne  possède  aucune  i)rr)iiriélù  de  ce  genre.) 


AriT.  2.  —  Valelus  mobilières. 

Matëkiel  spécial  au  niclier  de  sa\etiei' 

.\nGi;>T  : 

l'oiids  lie  rdulemeiit 


Ar.T.    3.    —    DliOlT    AUX  ALLOCATIONS   DE  i  SOCIÉTÉS   D' ASSURANCES    MUTUELLES. 

Uniit  aux  allocations  de  la  caisse  de  secours  en  cas  de  nialn(li(>  cl  de  décès  de 
la  Sociclc  suisse  de  (irùtli 


Valeck  TOTALE  des  propriétés. 


SECTION    II. 
SLBVENTlOniS    REÇUES    PAIt    LA   l'AMILLi:. 

Ar.T.    1".   —   PUOl'KIÉTÉS   IlEÇUES   EN   USUFRUIT. 

(I.a  laniillc  ne  reçoit  aucune  propriété  en  usufruit.) 


AiiT.  2.  —  Droit  d'usage  sur  les  propriétés  voisi.nes. 
(La  lainille  no  jouit  d'aucun  droit  de  ce  genre.) 


Art.  3.  —  Allocation  d'objets- et  de  service. 


Allocations  en  argent 

AIlocaii(tns  concernant  Im  iinurrilurc 

Allocations  concernant  rinstruction  des  enfants. 


N"    77.    —    SAVETIEFl    OK    UALK    (sUISSE) 


243 


i;  l'i.  —  BUDGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNEE. 


montant  DES  UEUBTTKS. 

RECETTES. 

Valeur  des 
objets  reçus  en 

Recettes 

nature. 

ari»cnt. 

SECTION  r". 

REVENUS  DES  PROPRIÉTÉS. 

Aur.  \".  —  Revenus  des  pkopuiétés  iMMonrtiÈREs. 

(La  famille  ne  jouit  d'aucun  revenu  de  ce  genre.) 

Ar.T.  !2.  —  Revenus  des  valeliis  moiiilièues. 

érét  (."j  o/q)  de  la  valeur  de  ce  matériel 

» 

4^2.-; 

Art.  3.  —  Allocations  des  sociétés  d'assurances  mutuelles. 

l.c  père  n'a  pas  eu  à  faire  valoir  ce  droit  pendant  l'année. 

" 

» 

Total  des  revenus  des  proi)iictés 

» 

1  2.-; 

section    II. 

PRODUITS  DES  SlIBVE!\TIO\S. 

Amt.  ^«^  —  Produits  des  propriétés  reçues  en  usufruit. 

„ 

Art.  '2.  —  Produits  des  droits  d'usage. 

„ 

„ 

Art.  3.  —  Objets  et  services  alloués. 

ime  reçue  de  la-  caisse  des  pauvres  do  Bâle .  •  •   • 

imc  reçue  d'une  société  de  hienfaisance  de  Râle 

u  de  la" caserne  .'»  kilogr.  i!-2  de  pain  àO'2-S,  et  3  kilogr.  W  de  café  à  2f3'2 
.  ki[(,"r                                                                   

-2 't '.-;'♦ 

1-2  00 

20  01) 
1  V  (•() 

ication  donnée  aux  enfants  dans  les  écoles  pul)li(|ucs  (pour  mémoire)... 
irnitures  de  classe  données  aux  enfants  dans  les  mêmes  écoles 

Totaux  des  produits  des  subventions 

3(i  :>i 

•M  01) 

244  .N"    77.    —    SAVETIER    I»E    BALE   (sUISSE). 

J5  14.  —  BUDGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNÉE  {suite). 
SOURCES  DES  RECETTES  (suile). 


DESIGNATION  DES  TRAVAUX  ET  DE  l.'EMI'LOI  DU  TEMPS, 


SECTION    III. 

TRAVAUX   EXÉCLTÉS   PAR    LA   FAMILLE 

Travaux  du  chef  de  famii.i.i:  : 

Travaux  de  savetier,  303  journées  formant  3.'i(>5  heures (.',  IG  A,  et  17) 

TllAVAII.    DE    l.X   FEMME    : 

Travail  de  journalière  :  nourrie  chez  elle  :  78  journées  formant  10(i3  heures. 
—  —  nourrie  chez  le  client  :  !)i  1/2  j.  tonnant  low  h 

Travaux  de  ménage,  préparation  des  aliments,  soins  de  pnii)reté,  soins 
donnés  aux  enfants,  etc 


Totaux  des  journées  des  membres  de  la  famille. 


yUANTlTE    DE  TltA\AH, 
EFFECTIÉ. 

iUrr. 


30.'),  5 


305, S 


400,3 
101,8 


36S,1 


SECTION    IV. 

INDUSTRIES  Ei\TREPRISES  PAR   LA   FAMILLE 

(à  son  propre  compte). 


Travaux  de  saveii(^r 

Sous-locatiou' d'une  ciiambre  non  meublée  pendant  3  mois. 


N"   11.    —    SAVETIER    DE    BALE    (SUISSEJ. 

§  li.  —  BUDGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNÉE  {suite). 


245 


RECETTES  {suite). 


l'KIX   DKS   SALAIRES 
JOIRXAI.lF.nS. 


i  50 


SECTION    III. 


SALAIRES. 


Salaire  attribué  à  ce  travail C  ^'^.l 

Salaire  total  attribué  à  ce  travail ('}  17,  tableau  II) 


(Aucun  salaire  ne  peut  être  attribué  à  ces  travaux. 
Total  des  salaires  de  la  famille 


SECTIOX    IV. 


BENEFICES  DES   IXDLSTRIES. 


Bénéfice  résultant  de  cette  industrie (S  IC  A) 

Total  des  bénéfices  résultant  des  industries..  

Nota.  —  Outre  les  recettes  portées  ci-dessus  en  compte,  l'industrie  de  save- 
tier donne  lieu  à  une  recette  de  314  fr.  29  qui  est  appliquée  de  nouveau  à  cette 
iiiênie  Industrie;  cette  recette  et  la  dépense  «lui  la  balance  (Z  15,  sect.  V)  ont  été 
omises  dans  l'un  et  l'autre  budget. 

DÉFICIT  DE  l'année.  —  La  famille  possédait  au  début  de  l'année  75  francs,  elle 
a  recueilli  io  francs  comme  succession  du  père  de  .\...  Sur  ces  deux  sommes 
(1-20  fr.),  elle  a  du  prendre  89'  9i,  savoir  : 

Pour  payer  une  dette  antérieure 

Pour  é(iiiilibrer  les  dépenses  de  son  budget  annuel 

ToTAix  DES  RECETTES  dc  l'année  (balançant  les  dépenses)  \iiV''j 


MONTANT  DES  RECETTES 


Valeur 
des  objets 

r«VU8 
eu  nature. 


Recettes 

on 
argent. 


290  50 
180  85 


92  21 
3 o  00 


8  00 
81  9i 


246 


>•"  77.    —   SAVETIER    DE   BALE    (SUISSE). 

§  15.  —  BUDGET  DES  DÉPENSES  DE  L'ANNÉE. 


DÉSIGNATION  DES  DÉPENSES. 


SECTION    I". 

DÉPENSES  CONCERXAIVT  LA  XOURRITCRE. 

Art.   i".  —  Aliments  consommés  dans  le  ménage. 

^Par  l'otivrier  et  3  enfants  pomlant   365  jours,   par  la  femme  pendant  270 
jours  1/2,  par  un  enfant  pendant  90  jours  et  un  bébé  pendant  90  jours.] 

CÉRÉALES  : 

Pain  ailietc  et  roçii 

Petits  pains  (weggii),  ."iii  pièces  à  0.0.'i 

Farine 

Semoule 

lUz 

.Macaronis 


Poids  total  et  prix  moyen . 


Corps  gras 

I.ar.I.... 
lîeurrc. 
(iraissc. 


Poids  total  cl  prix  moyen. 


Laitages  et  oel'fs  : 

I,ait 

oi'iifs.  l'iS  pié( 


Poids  total  et  prix  moyen. 


Viandes  et  poissons  : 


Saucisses  :  (Kliipfer)  .'>;i  pièces  à  O'I.'J  centimes 

poissons  (ils  n'entrent  jamais  dans  la  consommation 
de  la  famille) 


Poids  filial  et  prix  moyen. 


LK(;tMF,s  et  Kiin 


TuIxTcules  ;  Pommes  de  terre... 

l.cKMiiies  verts  à  cuire 

I,(f,'umcs  farineux  secs,  haricots.. 
Fruits 


l'nids  total  et  pri\  moyen. 


POIDS  et   PIIIX  DES 
ALIMENTS. 


POIDS 
consommé. 


pai.x 
par  kilo;. 


r,  04 

7  .'> 

l->  r, 

0   ") 
1-2  0 

0'278 
0  55 
0  4-2 
0  i-2 
0  G(l 
0  (>8 

4i;i  01 

0  -2!  18 

H  75 

1  .{(1 

2  !I2 
î  16 

-2s  (H) 

i  m» 

•.rxi 
Kl  :t 

t->  0 

0  191 

1  1..6 
-2  OS 

!):.7  .'t 

0  iHo 

!t   .'i 

i  77 

1    18 

1  i;ii 

It  -27 

n  7iO 

-28  7.-. 

0  4.-; 

0  3!Hi 

• 

» 

MONTANT  DES  DEPENSES. 


Takur 
des  obji  ts 
consommés 
en  nature. 


16'5'i 


Dépenses 
en  argent. 


101 

28 

o 

80 

a 

22 

.•; 

()'.; 

0 

30 

8 

20 

l!l  -20 
l.t  fi 
10   IS 


I7!i  o:; 
Il  ;mi 
21  ro 


12  il.-. 

10  o;t 

I  !>8 

i.'i  :t.-i 


N"  77.  —  SAVETIER  DE  BALE  (sUISSE). 

§  13.  —  BUDGET  DES  DÉPENSES  DE  .'ANNÉE  {suite). 


247 


DÉSIGNATION  DES  DÉPENSES  {suite). 


SECTION    I""". 

DÉPEXSES  C0.\CERXA:«T  la  IVOURRITURE  (suite). 
Art.  I'"'.  —  Aliments  consommés  dans  le  ménage  [suite). 


Condiments  et  stimulants: 

Café 

Sucre 

Chicorée,  thé.  chocohil. 
Sel,  poivre,  etc 


Boissons  feumentées  : 

Vin,  7  litres  4/2  à  O'-'iO 
Bicre,  8  litres  à  0'4-2... 


poids  et  prix  des 
ali.ments. 


PRIX 

p.ir  kilog 


2 '32 
0  Ci 


Art.  2. — Aliments  préparés  et  consommés  en  dehors  du  ménage. 

Petits  pains  cnnsonimés   par  l'enfant  à  l'hôpital  et  payés  par  la  famille 

2(ji  pièces  à  0'05  centimes '. ... 

Repas  pris  à  l'auberge 


montant  des  nÉPENSES. 


Total  des  dépenses  concernant  la  nourriture 

SECTION      II. 

DÉPENSES  C0I\CER1\A\T  L'HABITATIOi\. 


Logement  : 

Loyer  d'un  appartement 

Mobilier  : 

Frais  d'entretien 

Achat  d'ustensiles  et  de  linge  de  ménage. 

Chauffage  : 

Bois  et  charbon 

Éclairage  : 

Pétrole 


Total  des  dépenses  concernant  l'habitation. 

SECTION     III. 

DÉPENSES  CO!VCERIV.\IVT  LES  VÊTEMEIVTS. 


VÈTEMFNTS 

.\cli;ils 


Kaccommodage  cl  fouriiilures. 

Bunciiissace  : 

Bleu,  savon,  soude,  ctc 


Total  des  déi)enscs  concernant  les  vêtements. 


Valeur 
des    objets 
consommés 
en  nature. 


8' 00 


Dépenses 
en  argent. 


Wl", 

13 

O.T 

4 

20 

4 

90 

3 

7.D 

3 

36 

13  20 
7  60 


400  00 


lu 

60 

23 

23 

27 

10 

17  60 

4SS3 

55 

6i 

00 

22 

2i 

-2 

50 

m 

"i 

248 


N°    //.    —    SAVETIFli    DE    RALE    (SUISSE). 

i;  15.  —  BUDGET  DKS  DÉPENSES  DE  L'ANNÉE  {suite). 


DÉSIGNATION  DES  DÉPENSES  [sitite). 

MOST.\ST    DE 

A'ftleur 
des  objets 
cousommûs 
en  nature. 

DÉPENSKS. 

l)vi>enscs 
en  argent. 

SECTION     IV. 

DÉPE\SES  CO.\CER;\Ai\T  LES  BESOI.\S  MORAUX,  LES  RÉCRi;:ATIO\S 
ET  LE  SERVICE  DE  SA.^TÉ. 

iNSTKIT.TION  DRS   ENFANTS   : 

Instruclion  donnée  gratuilenient  dans  les  écoles  publiques  (pour  nié- 

1-2' 00 
II 

•2' 80 

Il   70 
-20  2:i 
1   70 
G  00 
4  05 
8  75 

l(>  ItO 
M  00 
0  70 

I-ournitures  de  classe  données  aux  enfants .   ... 

—              —         exceplionnelicmenl  payées  par  les  parents  :  li- 
vres, laine  et  aiguilles  pour  les  lra\au\  enseignés  a  l'école 

KÉCKÉVTIONS   : 

AI)onneinent  à  nu  journal  et  menues  dépenses  du  dimanche 

Cigares  et  tahac 

louels  pour  les  entants 

Coujjons  de  chemin  de  1er  cl  l'ournitures  de  hureau 

Seiivicf  de  santé  : 

Cotisations  à  la  caisse  de  secours  en  cas  de  maladie 

ToTACN  des  dépenses  concernant  les  besoins  moraux,  les  récréa- 
tions et  le  service  de  santé 

i-2  00 

87  Vi 

SECTION    V. 

i)i;pi:>SES  c;o\(;i:raam  i.i:s  im>i  stries.  li:s  i)i:tte8,  les  impots 

ET  LES  ASSI  RAX.ES. 

DkPK.NSES  CONCEItNANT   LES   INDISTIUIS    : 

Nota.  —  Les  dépenses  concernaiil  l'industrie  entreprise  au 
compte  de  la  laniillc  montent  ù 8!M  no 

!•  00 

Elles  sont  remboursées  par  les  recettes  i)rovenanl  de  cette 
même  industrie,  savoir  : 
Argent  empio\é  aux  achats  du  ménage  el   porté  à  ce  titi-c 

Ar^,'(Mil   appli(|ué  de   nouveau  à    l'industrie  comme  emploi  (      i^,,.  q^^ 
(piemnietil  liguriM' parmi  les  dépenses  du  ménage.      344  H'.)  ) 

INTK.IIÈTS  DES   DETTES   : 

(l.a  famille  n'a  aucune  dette  i)orlant  intérêt.) 

IMPOT  : 

.\SSI  IIANCES    CONCOI  IIANT    A     (/MIAMIK    I.E    IIIEN-ÈTUE   l'IlYSIyl  E    ET   MollAI,   DE    i.A 
E\Mil.l.E   : 

Cotisation  à  la  caisse  de  secours  (mentionnée  à  la  S""  IV) 

• 

!)  00 

i:i'Ml(;XE  DE  1,'année  : 

sur  la  somme  de  iéo  fr.  qu'elle  possédait.  8  fr.  pour  paver  une  dette 
Cl)  délicil •»   l'i.  S"  IV) 

S  00 

;«;  :a 

1187  -Si 

N"    77.    —   SAVETIKI!    1)K    BALE    (sUISSE) 


249 


g   16. 
COMPTES  ÂiNNEXÉS  AUX  BUDGETS. 

SECTION    I. 

COMPTE  DES  BÉNÉFICES 

RÉSULTANT   DES   INDUSTRIES   ENTHEI'RISES   PAR    LA    FAMILLE 
(à  son  ])nii)re  complc). 


A.  —  Travail  de  savetier. 

IlECETTES. 

>rix  total  ublcnu  des  travaux 

DÉPENSES. 

''ouiniture  de  matières  diverses 

ntéiTt  5  'g'  de  la  valeur  du  matériel 

alaire  qu'ohtiendrait  un  journalier  exécutant  le  mrmc  genre  de  travail 
pendant  303  jours  à  l  fr.  50 

BÉNÉFICE  résultant  de  l'entreprise  à  son  (iropre  compte 

Total  comme  ci-dessus 


VALEURS 

en                         en 
nature.                 argent. 

„ 

3il  2!l 

4  -2:i 

va  50 
!>-2  m 

» 

895  25 

SECTION    II. 

COMPTES  RELATIFS  AUX  SUBVENTIONS. 


5  com|iles  ont  été  établis  dans  les  budgets. 


SECTION    III. 
COMPTES  DIVERS. 

us  les  comptes  sont  établis  directement  dans  les  budgets  (Voir  iiour  les  détails  le  S  17,  sur  le  travai 
•om|>aré  de  l'ouvrier  et  de  sa  femme). 


ÉLÉMENTS  DIVERS  DE   LA  CONSTITUTION  SOCIALE. 


FAITS  IMPORTANTS  D'ORGANISATION  SOCIALE; 
PARTICULARITÉS  REMARQUABLES; 
APPRÉCIATIONS  GÉNÉRALES  :  CONCLUSIONS. 

^    1". 
SIR    LE    THAVAIL    COMl'AHl':    HE    L'oUVlilEli    ET    DE    SA    EEMME. 

Ainsi  qu'il  est  constaté  au  tableau  I,  le  produit  net  du  travail  de 
cette  famille  ne  se  chiffre  que  par  l()28^81.  Le  mari  y  a  contribué  pour 
550', Î)G,  la  femme  pour  477'85,  ce  qui  représente  respectivement  53,5 
et  iG,5  %  du  total,  f^es  recettes  ne  provenant  pas  du  travail  propre- 
ment dit  s'évaluent  à  10  %. 


TABLEAU    I. 


lŒf.ETTES    DE    LA    FAMILLE    N 


IM'.IIDIIT    DU   1 

UAVAll. 
la  fonii 

.vriKF.s 

IIKCK.TTK.S. 

•A 

i 

du  iMfiri. 

lU 

le. 

s5 

M  1  (  1  S. 

's  *-* 

if. 

3   J; 
11 

■:  .a 

A4 

If. 
=  i  ® 

3    A 

11 

a  t. 
21 

i 

S 

a 
p 

£r. 

fr. 

fl-. 

fr. 

fr. 

fr. 

fr. 

fr. 

fr. 

fr. 

1889.   A\ril 

(K.OO 

20., -iO 

'.v.-o 

••.il.  10 

" 

.%!!.  10 

10.J.80 

14.00 

. 

117.80 

Mai 

80.  il) 

(iO.OO 

2^>..-» 

.■i7.iO 

i..-;o 

.Vi.ilO 

81.40 

. 

. 

81.40 

Juin 

122.80 

VI. m 

"il. 81 

W.OO 

" 

48. (Kl 

127.81 

.•;.o(i 

. 

1.J2.81 

.luillel..   .. 

88.20 

2.1. 3'i 

(it.8.-i 

20.7."i 

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8.";.  00 

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Seplciiiliii' 

40.  M) 

\i.\:\ 

27.il.'; 

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31.  i:; 

?;.(H) 

. 

ae.io 

Oclulirc  ... 

!)1.20 

20.2."i 

70.!l.'i 

27.70 

. 

27.70 

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Novciiilire. 

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a.-i.-o 

Iil.(i8 

7il.'»0 

• 

7il.tO 

il!).  08 

. 

i)il.08 

Di'cenilnc. 

S7.(i(i 

20.. Vi 

07.11 

1!).(HI 

- 

iil  (H) 

80.11 

.•;.oo 

. 

91.11 

ls!H).  Janvier — 

(ii.-() 

I2..-Ki 

til.l.-i 

1S.80 

- 

18.80 

07.  il.'; 

. 

80.0(1 

H7.il.-; 

l'ovrlcr 

.■i8.(i0 

is  -;; 

■.v^^c^ 

2i).l."i 

. 

2!).l."; 

Oil.OO 

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Pour  un  an 

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llcci'Ucson  ninycunc  par  iimis. 

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Mnyctiiic  journali 

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2.82 

ÉLÉMENTS    DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE. 


251 


TABLEAU   II.    —  CLASSIFICATION    DES   JOUFiNÉES   DE    TRAVAIL   DU    MARI 
d'après    LE    NOMBRE    d'uEURES. 


M  0  I  S. 

JOl'KNÉES  DF,  THAVAII,   CI.ASSKES   PAR   IIElItES 
DE   DL'IiKE. 

TOTAL. 

'5 

Ki 

^13 

3 

2 

4 

„ 

3 
3 

6 

1 

7 

! 
° 

1 
-2 

8 

1 
I 

3 
2 
12 

9 

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1 

2 
5 

4 

12 

10 

2 

3 
2 
2 
1 
3 
8 
11 
3 

35 

11 

1 

(i 
1 
4 
2 
2 
11 
4 
7 

40 

12 

8 
8 
3 
3 
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0 
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10 
4 
1 

8 
C9 

13 

8 

5 
3 
10 
13 
G 
12 
9 

73 

14 

4 
9 
li 
20 

2 
2 

3 
54 

Jours 

de 
travail. 

Heures 

do 
travail. 

188!».  Avril 

Mai 

Juin 

Juillet 

Avilit 

Septembre. 

Octobre  . . . 

Novembre. 

Décembre  . 
is!i0  Janvier 

Février 

Mars 

22 
29 
2."j 
2G 
28 
26 
23 
25 
21 
25 
28 
25 

278 
353 
315 
385 
334 
317 
278 
308 
259 
255 
251 
2G2 

12. G 
12.2 
12. G 
13.  G 
11.9 
12.2 
12.1 
12.3 
12.3 
10,2 
!).0 
10.5 

Pour  1  an 

303 

3.5G5 

11.8 

Alil.EAU    III. 


GAIN  ET  TEMPS  DE  TRAVAIL  DE  LA  FEMME. 


188!»  Avril 

Mai 

Juin 

Juillet 

Août 

Se[)t('mbr( 

Octobre... 

Novembre 

Décembre 
IS'KI  Janvier... 

Février. . . 

Mar.s 

Pour  i  an 


NOUI'.IUE   A   SON    DOMICILE. 


Gain 

par  heure. 


00 
..50 
.00 
00 
00 
.20 
00 
flO 

80 
00 
(tO 


2<Mi.50 


1(»8 
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288 
12 
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G!) 

72 


1003 


IT. 

0.31 

0.30 

(».27 

0.33 

0.2!» 

0  27 

0..'i5 

0.30 

0.27 
0  2!) 
0.31 


0.2i»5 


NOUKiilE   CHEZ   LE   CLIENT. 


Gain 
par  heure. 


Fr. 
21.10 
42.00 
28.00 
12.75 


19.70 
7.40 
1i».00 

8.15 

18.85 


180.85 


1.50 
1!»3 
182 
"07 


128 

48 

112 

50 

ri  8 


Fr. 
o.lii 
0.22 
0.15 
0.19 


0. 15 
0. 15 
0.17 

O.IG 
O.Ki 


Moyenne 
du  gain 


Fr. 

0.22 

0.2i 

0.19 

0.23 

0.2!) 

0.27 

0.18 

0.28 

0.17 

0.27 

0.24 

0.20 


0.232 


252  N°    77.    —    SAVETIER    DE    BALE    (sUISSe). 

Le  gain  de  la  femme  n'est  que  très  faiblement  inférieur  à  celui  du 
mari,  et  il  est  obtenu  cependant  en  un  laps  total  de  temps  beaucoup 
plus  court;  la  mère  doit  en  effet  vaquer  aux  soins  du  ménage.  Tandis 
qu'il  lui  suffit  de  2051  heures  de  travail  pour  gagner  477^85,  soit  23 
centimes  par  heure  (Tableau  111),  le  mari  se  fait  seulement  550^96 
en  ."{oGo  heures,  ce  qui  donne  une  moyenne  à  l'heure  de  15  cen- 
times (Tableau  II). 

Le  tableau  II  nous  montre  que  l'homme  a  le  plus  fréquemment 
travaillé  12  à  13  heures  par  jour.  Durant  le  premier  trimestre  de 
notre  année  d'étude,  la  moyenne  du  temps  de  travail  demeure  assez 
égale,  pour  augmenter  ensuite  subitement  en  juillet  1889  et  retomber 
de  même  le  mois  suivant.  De  là,  et  jus(ju'à  la  fin  de  l'année,  cette 
moyenne  reste  à  la  hauteur  ordinaire,  pour  diminuer  de  deux  heu- 
res à  peu  près  dès  le  premier  trimestre  de  1890.  Quelle  est  la  cause 
de  ce  phénomène?  Se  produit-il  d'une  façon  générale?  C'est  ce  que 
des  observations  faites  sur  une  grande  échelle  pourraient  seules  ex- 
pliquer. 

Il  est  possible  que  cet  arrêt  de  travail  survenant  après  les  fêtes  de 
fin  d'année,  provienne  du  fait  que  les  clients  de  N***  font  en  général 
leurs  achats  de  chaussures  et  vêtements  neufs  pour  Noël  et  le  jour  de 
l'an.  On  ne  peut  toutefois  rien  préciser  à  cet  égard;  tout  ce  qu'il  est 
possible  de  constater,  c'est  que  pendant  les  six  mois  d'été  le  travail 
a  dépassé  de  plus  de  300  heures  celui  de  la  période  d'hiver  corres- 
pondante. Le  contraire  a  lieu  pour  le  gain  qui,  malgré  le  temps  de 
travail  restreint,  est  plus  fort  en  hiver  qu'en  été.  Des  études  éten- 
dues permettraient  aussi  de  voir  si  ces  remarques  peuvent  être  prises 
dans  un  sens  général. 

Les  ressources  proprement  dites  de  la  femme  N***  sont  dignes  d'un 
intérêt  tout  spécial,  et  c'est  pourquoi  nous  avons  donné  au  tableau  III 
un  exposé  comparatif  de  son  gain  et  de  ses  heures  de  travail.  Lors- 
qu'elle prend  ses  repas  chez  elle  son  travail  est  beaucoup  mieux  ré- 
munéré; nourrie  chez  le  client,  elle  gagne  environ  1'  85  de  moins  que 
dans  le  premier  cas;  le  désavantage  est  d'autant  plus  considérable  que 
chez  elle  le  surcroît  de  dépense  n'est  pas  bien  considérable,  elle  pro- 
fite du  modeste  repas  de  la  famille. 

L'exposé  suivant,  qui  met  en  regard  les  journées  respectives  des 
deux  époux,  est  une  preuve  de  plus  en  faveur  de  l'assertion  que  cette 
femme  contribue  proportionnellement  bien  davantage  que  son  mari 
aux   ressources  communes. 


ÉLÉMENTS   DIVERS    DE   LA   CONSTITUTION    SOCIALE.  'ào'S 

JOUKNÉES   DE  TRAVAIL. 


vv 

MAKI. 

DE 

LA 

FEMME. 

1889  Avril , 

-2-2 

nourrie  clie/. 
9 

c'Uf. 

nourrie  cliez  le  client. 
12 

Mai 

29 

4 

16 

2o 
-2(i 
28 
"2G 
23 

G 

2 

24 

1 

2 

16 

Juillet 

6 

Septem))rc 

Octobre 

7 

Novembre 

2."i 

20 

4 

Décembre 

21 

» 

9 

1890  Janvier 

2.'> 

„ 

10  1/2 

28 
25 

0 

i 

4 

Jlars  

10 

303  "8  9i  ll2 

172^1/2  ^ 

Tandis  qu'il  n'a  fallu  à  la  femme  que  172  1/2  journées  de  travail 
pour  fournir  sa  part  dans  les  ressources  du  ménage ,  l'homme  en  a 
employé  303  pour  arriver  à  un  chiffre  supérieur  de  70  francs  seule- 
ment. Si  nous  comparons  les  résultats  mentionnés  plus  haut  avec  le 
nombre  des  heures  de  travail  des  deux  époux,  nous  trouvons  pour  le 
mari  une  journée  moyenne  de  11,70  heures,  et  pour  la  femme,  de 
12,86  heures,  lorsqu'elle  prend  ses  repas  chez  elle,  de  11,09  quand 
elle  est  nourrie  chez  le  client,  soit  une  moyenne  de  11,31  heures  de 
travail.  Le  nombre  de  journées  varie  pour  l'homme  de  21  à  29  par 
mois  avec  une  moyenne  de  25.  Il  en  est  autrement  du  travail  mensuel 
delà  femme;  sesjournées  ont  varié  delà  24  et  se  chiffrent  en  moyenne 
par  14,37.  Mais  il  convient  de  remarquer  que  la  plupart  du  temps  nous 
avons  eu  à  noter  des  chiffres  extrêmes.  En  septembre  notamment,  nous 
marquons  un  seul  jour  de  travail.  La  femme  N***  était  alors  en  cou- 
ches et  la  diminution  notable  du  revenu  de  ce  mois-là,  diminution 
qui  équivaut  à  la  moitié,  même  presque  aux  deux  tiers  des  gains  men- 
suels ordinaires,  démontre  clairement  l'importance  de  la  coopération 
de  cette  femme  à  l'entretien  du  ménage. 

Ajoutons  encore  que  7  dimanches  ont  été  consacrés  par  le  mari  à 
son  travail  journalier  durant  la  période  de  notre  étude. 

§   18. 

SUR  LA  RÉPARTITION  DES  DÉPENSES. 

Une  notable  fraction  de  la  somme  totale  des  dépenses  est  attribuée 
au  logement;  elle  atteint  en  effet  la  proportion  de  34,0  %.  Ce  chiffre 


254  N°    77.    —    SAVETIER    DE    BALE    (sUISSe). 

tout  à  fait  anormal  est  extrêmement  préjudiciable  au  modesle  budget 
d'une  famille  ouvrière.  De  plus,  il  faut  encore  remarquer  que  la  pro- 
portion s'élèvera  sans  aucun  doute,  puisque  le  loyer  d'une  année 
entière  dans  le  nouvel  appartement  atteindra  480  francs. 

A  cùté  de  chiffres  aussi  élevés,  nous  remarquons  pour  la  nourriture 
une  dépense  extrêmement  réduite. 


g  19. 

ÉTUDE   COMPARÉE    DE    DIX    FAMILLES    OUVRIÈRES    BALOISES. 

En  même  temps  que  la  famille  dont  nous  venons  de  terminer  la  mo- 
nographie, nous  avons  étudié  neuf  autres  intérieurs  ouvriers  de  Bùle; 
nous  voudrions,  dans  un  dernier  paragraphe,  résumer  le  résultat  de 
ces  observations  en  les  comparant  entre  elles. 

Observations  générales. 

État  civil.  —  Les  dix  familles  comptent  ensemble  cinquante-quatre 
membres;  vingt-trois  d'entre  eux  contribuent  plus  ou  moins  parleur 
travail  aux  ressources  du  ménage,  tandis  que  trente-un  ne  gagnent 
rien.  Parmi  les  premiers,  les  parents  figurent  au  nombre  de  dix- 
neuf,  les  enfants  au  nombre  de  quatre.  Quant  au  second  groupe  de 
trente-un  membres,  trois  d'entre  eux  seulement  sont  adultes.  Dans 
huit  cas,  la  mère  contribue  par  un  travail  particulier  à  l'entretien  de 
la  famille,  soit  en  s'y  vouant  en  première  ligne,  soit  en  s'occupant  tout 
d'abord  des  soins  du  ménage.  Ces  familles  se  composent  en  moyenne 
de  deux  adultes  et  trois  enfants  qui  aident  quelque  peu  les  parents. 

La  nomenclature  suivante  nous  donne  un  aperçu  du  genre  de  tra- 
vail des  personnes  observées. 

Adultes.  —  Sexe  masculin  :  un  commis,  un  maçon,  trois  tailleurs, 
un  tisseur  de  rubans,  un  aide-tisseur,  deux  cigariers,  un  savetier.  — 
Sexe  féminin  :  cinq  couturières,  une  tisseuse  de  rubans,  une  ciga- 
rière,  une  femme  de  ménage  ou  journalière. 

Enfants.  —  Lu  tisseur  de  rubans,  un  commissionnaire,  deux  aides- 
tisseuses. 

Ceux  de  ces  ouvriers  qui  sont  occupés  hors  de  chez  eux  ont  pour 
la  plupart  une  assez  longue  route  à  faire  pour  se  rendre  à  leur  fabri- 
que, et  tous  rentrent  chez  eux  pour  les  repas.  Le  temps  qu'ils  perdent 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE   LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  '200 

ainsi  peut  être  évalué  à  une  heure  par  journée  de  travail.  Gomme  huit 
adultes  et  quatre  enfants  se  sont  trouvés  dans  ce  cas,  ils  ont  donc 
annuellement  consacré  3000  heures  à  peu  près  à  ce  trajet. 

Quant  aux  locaux  où  s'exécute  le  travail,  trois  d'entre  eux  ré- 
pondaient entièrement  aux  exigences  de  l'hygiène,  quatre  ne  remplis- 
saient que  partiellement  les  conditions  voulues,  et  trois  autres  pou- 
vaient être  considérés  comme  absolument  préjudiciables  à  la  santé  de 
l'ouvrier. 

Habitation.  —  Presque  tous  les  logements  examinés  étaient,  au 
point  de  vue  de  l'hygiène,  au  moins  insuffisants. 

On  pouvait  fréquemment  se  convaincre  de  la  disproportion  entre  le 
volume  d'air  respirable  et  le  nombre  des  habitants.  Tandis  que  pour 
une  chambre  à  coucher  10  mètres  cubes  par  personne  sont  nécessai- 
res à  une  respiration  normale,  nous  avons  souvent  constaté  qu'au  lieu 
d'atteindre  ce  minimum  le  volume  d'air  restait  au-dessous,  parfois  de  r> 
à  6  mètres.  Dans  son  enquête  sur  la  question  des  logements,  M.  le  pro- 
fesseur Bûcher  évalue  même  à  20  mètres  cubes  par  tête  l'air  indispen- 
sable aux  locaux  habités  jour  et  nuit,  et  cependant,  en  pareil  cas,  c'est  à 
peine  si  dans  nos  recherches  nous  avons  une  seule  fois  découvert  cette 
proportion.  Une  telle  lacune  est  d'autant  plus  sensible,  que  nom- 
bre de  ces  chambres-là  servent  en  outre  d'atelier.  Mais  ces  conditions 
défectueuses  de  salubrité  n'ont  pas  uniquement  fait  l'objet  de  nos  re- 
marques, car  nous  avons  pu  relever  bien  d'autres  inconvénients. 
Dans  un  certain  nombre  de  cuisines,  par  exemple,  on  doit  user  cons- 
tamment de  l'éclairage,  et  la  plupart  des  chambres  à  coucher  ou 
d'habitation  ne  reçoivent  qu'une  lumière  insuffisante.  En  outre,  les 
émanations  des  lieux  d'aisances,  les  autres  odeurs  ou  fumées  malsaines 
empêchent  parfois  d'aérer  convenablement  le  logis  ou  l'emplissent 
même  de  miasmes  délétères  et  d'impuretés.  Nombre  de  logements, 
parmi  ceux  qui  nous  occupent,  sont  humides.  On  s'y  plaint  en  géné- 
ral de  la  vermine,  qui  s'installe  de  préférence  dans  les  vieux  bâtiments 
mal  entretenus.  D'autre  part,  et  cela  est  particulièrement  important, 
les  prix  de  ces  logements  sont  très  élevés,  comparés  au  confort  qu'ils 
peuvent  offrir.  Les  démarches  que  fait  le  locataire  pour  en  diminuer 
la  charge  échouent  habituellement. 

Bien  qu'en  face  des  progrès  réalisés  dans  le  domaine  de  l'habitation 
on  puisse  exiger  d'un  immeuble  tant  soit  peu  confortable  qu'il  ait  une 
concession  d'eau,  dans  deux  cas  cependant  les  locataires  devaient 
s'en  approvisionner  au  dehors  pour  les  besoins  du  ménage. 


2.j6  N"    77.    —    SAVETIEH    l»K    BALIC    (SL'ISSE). 

Il  ne  faudrait  pas  en  conclure  que  nous  nous  sommes  trouvés  en 
présence  de  cas  exceptionnellement  défavorables.  L'enquête  ouverte 
à  Bàle  à  ce  sujet  constate  l'existence  de  ces  inconvénients  dans  la 
plupart  des  logements  ouvriers  de  cette  ville,  défectuosités  que  l'on 
remarque  en  tout  premier  lieu,  cela  va  sans  dire,  dans  ceux  des  fa- 
milles pauvres. 

«  Nos  recherches,  dit  le  rapport  relatif  à  cette  enquête,  nous  ont  dé- 
montré que,  depuis  la  fin  du  siècle  dernier  jusqu'en  1860,  l'accroisse- 
ment de  population  s'est  presque  exclusivement  porté  sur  la  ville  in- 
térieure, c'est-à-dire  sur  ses  parties  les  plus  rapprochées  du  Rhin. 

«  La  moyenne  d'habitants  par  maison  s'y  est  doublée  durant  cette 
période,  tandis  (jue  dans  ces  quartiers  mêmes  de  Bàle  les  locaux 
habitables  ont  été  diminués  par  l'envahissement  successif  des  entrepôts, 
magasins,  bureaux  et  ateliers.  C'est  à  cela  qu'on  est  redevable  d'une 
bonne  part  de  ces  inconvénients.  En  tirant  parti  de  tous  les  recoins,  en 
construisant  des  annexes  ou  des  ailes  de  bâtiments,  en  divisant  les  lo- 
caux d'une  certaine  étendue,  en  ouvrant  des  mansardes  en  plein  ga- 
letas, en  établissant  des  cuisines  supplémentaires  au  détriment  des 
paliers  et  des  corridors,  on  en  est  arrivé  à  créer  un  nombre  considé- 
rable de  petits  logements  qui,  sous  le  rapport  de  la  situation,  de  la 
hauteur  des  pièces,  de  la  lumière,  del'aérage,  des  cuisines  et  des  wa- 
ters-closets,  laissent  beaucoup  à  désirer... 

«  Comme  preuve  d'insutfisance,  nous  mentionnerons  la  proportion 
défectueuse  entre  le  nombre  des  chambres,  leur  confort  et  le  chifîre 
de  leurs  habitants;  la  quantité  relativement  grande  des  pièces  servant 
à  plusieurs  usages,  ainsi  que  les  logements  sans  cuisine  ou  n'en  pos- 
sédant (ju'une  commune  à  plusieurs  ménages,  et  qui  forment  à  eux 
seuls  environ  lo  %  du  chiffre  total. 

«  Plus  d'un  tiers  des  appartements  n'avaient  pas,  dans  leurs  pièces 
principales,  le  minimum  de  hauteur  actuellement  exigé,  et  un  certain 
nombre  d'autres  renfermaient  des  chambres  que  leur  exiguïté  rendait 
impropres  à  tout  usage.  Deux  cinquièmes  de  leurs  habitants  n'y  jouis- 
saient pas  même  de  la  plus  faible  moyenne  de  place  attribuée  aux  lo- 
caux de  famille;  quant  aux  chambres  à  coucher,  5,3  %  des  loge- 
ments et  7,3  %  de  ceux  (lui  les  occupaient  se  trouvaient  dans  le 
même  cas.  Les  ménages  dirigés  par  le  chef  de  famille  accusaient  à  cet 
égard  plus  de  lacunes  que  ceux  à  la  tête  desquels  se  trouvait  une 
femme.  L'espace  disponible  et  l'utilisation  des  chambres  à  coucher 
ont  fait  l'objet  d'une  étude  toute  spéciale.  11  se  trouva  que  ces  dernières, 


ÉLÉMENTS   DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  257 

pour  un  cinquième,  ne  possédaient  pas  le  minimum  d'air  exigé  par 
l'hygiène.  Les  chambres  où  dorment  les  enfants  des  familles  indigentes 
et  celles  où  nombre  de  patrons  logent  leurs  ouvriers  offraient  des  con- 
ditions particulièrement  défavorables.  Ces  défectuosités  toutefois  ne 
se  constatent  pas  uniquement  au  sein  des  classes  les  plus  pauvres... 

«  La  vingt-septième  partie  des  chambres  et  le  quart  des  cuisines 
examinées  ne  reçoivent  lejour  que  de  l'intérieur  de  l'immeuble,  tandis 
que  dans  nombre  de  pièces,  et  surtout  de  mansardes,  la  lumière  di- 
recte est  insuffisante.  On  a  remarqué  des  locaux  humides  ou  négligés 
dans  un  dixième  des  maisons;  ces  deux  défauts  se  trouvent  souvent 
réunis,  et  cela  est  surtout  le  cas  de  petits  appartements  dont  plus  d'un 
huitième  peuvent  être  considérés  comme  insalubres...  » 

Comme  on  peut  s'en  convaincre,  les  observations  de  l'enquête  bà- 
loise  sur  les  logements  et  les  résultats  de  nos  recherches  se  confirment 
mutuellement.  En  outre,  des  expertises  faites  par  quelques  chimistes 
et  hygiénistes  anglais  démontrent  assez  l'importance  qu'ont  pour  la  sa- 
lubrité publique  les  appartements  spacieux.  Il  en  ressort  avec  évidence 
que  plus  les  chambres  à  coucher  sont  exiguës  ou  disproportionnelle- 
ment  habitées,  plus  l'air  y  devient  impur  et  nuisible.  Cette  enquête 
montre  que,  pour  les  décès  survenus  dans  divers  logements,  le  tableau 
de  mortalité  s'établissait  comme  suit  : 

Appartements  de  4  chambres  (et  au-delà) 12,3 

—  3  17,2 

—  2        —  18,8 

—  1         —  33,3 

Par  la  corruption  de  l'air,  cette  mortalité  s'accroît  à  tel  point  que 
les  logements  n'ayant  qu'une  seule  chambre  accusent  un  chiffre  de 
décès  double  de  ceux  qui  en  ont  au  moins  quatre.  Une  constatation 
analogue  se  fait  pour  la  moyenne  de  longévité  qui  s'améhore  en  rai- 
son du  nombre  des  locaux. 

On  peut  donc  affirmer  qu'une  importante  fraction  du  peuple  bàlois 
se  trouve,  sous  le  rapport  du  logement,  dans  des  conditions  très  défa- 
vorables. Il  nous  semble  évident  que  l'initiative  privée  se  montre  in- 
sufïisante,  et  que  le  concours  de  l'Etat  peut  seul  remédier  efficacement 
à  tous  ces  inconvénients. 

Etat  sanitaire.  —  L'état  de  santé  des  personnes  étudiées  durant  la 
période  qui  nous  occupe  s'est  montré  très  variable  pour  les  enfants  et 
plus  régulier  pour  les  adultes.  Dans  trois  cas  il  s'est  agi  d'enfants  alités 

19 


258  N"    77.    —   SAVETIER    DE    BALE    (SUISSE). 

par  suite  de  maladies  aigiies  :  ici  l'un  souflrait  de  la  carie  des  os,  là 
c'étaient  deux  scrofuleux  dans  une  famille  où  ce  mal  avait  déjà  fait  trois 
victimes,  et  plus  loin  deux  étaient  atteints  de  rachitisme.  En  outre,  nous 
en  découvrîmes  un  autre  incomplètement  développé  au  moral  et  au 
physique.  Comme  conséquence  sans  doute  de  leurs  professions  insalu- 
bres, un  adulte  soufl'rait  de  phtisie  et  une  femme  d'anémie  accentuée. 
Les  enfants  étaient  plus  ou  moins  atteints  de  maladies  bénignes  inhé- 
rentes à  leur  âge,  telles  qu'éruptions  cutanées,  rougeole,  etc.  Dans 
deux  cas  où  la  nourriture  fut  trouvée  insullisante,  les  enfants,  fait  ca- 
ractéristique, étaient  plus  fréquemment  et  gravement  indisposés  qu'ail- 
leurs. J'ai,  du  reste,  connu  nombre  de  familles  d'ouvriers  dont  l'un  ou 
l'autre  des  enfants,  faute  de  soins  et  d'alimentation  normale,  souffrait, 
comme  nourrisson  déjà,  de  scrofules  et  autres  misères.  Souvent  même 
le  mal  avait  fait  de  tel  progrès  que  ces  pauvres  petits  êtres  étaient  vrai- 
ment dignes  de  pitié.  Peu  de  parents  sont  assez,  prévoyants  ou  assez 
fortunés  pour  faire  participer  dès  le  berceau  leurs  enfants  à  une  caisse 
d'assurance  et  quand  survient  la  maladie  ils  craignent  d'appeler  un 
homme  de  l'art  et  s'en  tiennent  alors  aux  recettes  et  aux  soins  médi- 
dicaux  de  la  mère  ou  d'une  bonne  tante  quelconque.  Les  remèdes  se- 
crets sont  du  reste  peu  en  usage,  car  leur  prix  élevé  en  rend  heureuse- 
ment l'acquisition  difficile.  Parmi  les  enfants  non  encore  en  état  de 
gagner  quelque  chose,  un  seul  fait  partie  d'une  caisse  d'assurance 
contre  la  maladie,  et  sa  cotisation  mensuelle  s'élève  à  50  centimes,  soit 
à  la  moitié  de  celle  d'un  adulte. 

Il  est  de  fait  que  ceux  dont  cette  enquête  s'occupe,  tant  adultes 
qu'enfants,  jouiraient  d'un  bien  meilleur  état  de  santé  s'ils  se  trouvaient 
dans  des  conditions  d'existence  plus  normales.  Malheureusement  l'in- 
suffisance de  la  nourriture,  l'excès  de  fatigue  résultant  d'un  travail 
outré,  les  logements  et  ateliers  défectueux,  ainsi  que  les  chagrins  et  les 
soucis,  minent  d'une  façon  profonde  leur  organisme  et  condamnent  ces 
déshérités  soit  à  un  lent  dépérissement,  soit  à  une  mort  prématurée. 

La  société  a  donc  le  devoir  de  combattre  toutes  ces  influences  per- 
nicieuses en  facilitant,  par  exemple,  la  diminution  de  la  durée  du 
travail  quotidien,  en  cherchant  à  aider  l'ouvrier  dans  la  lutte  pour 
l'existence  et  en  lui  procurant  un  travail  qui  le  fasse  vivre,  ainsi  que 
des  logements  et  des  ateliers  conformes  aux  règles  de  l'hygiène. 

Institutions  assurant  le  bien-être.  —  Aucune  des  familles  obser- 
vées ne  s'est  sérieusement  préoccupée  d'assurer  l'avenir  de  ses 
membres.  Nous  n'avons  à  signaler  ici  que  (piehpies  maigres  polices 


ÉLÉMENTS   DIVERS   DE    LA    CONSTITUTION   SOCIALE.  259 

d'assurance  ou  de  participation  à  une  caisse  de  secours  dont  la  sub- 
vention, en  cas  de  décès  du  clief  de  famille,  doit  permettre  aux  sur- 
vivants de  faire  face  aux  premiers  besoins.  Toutefois,  cette  somme 
est  en  général  si   minime  que  la  famille  se  trouve  promptement  à 
bout  de  ressources  et  livrée,  sans  appui,  aux  vicissitudes  de  l'exis- 
tence. Cinq  de  nos  ménages  seulement  étaient  assurés  contre  l'in- 
cendie; les  autres,  justement  les  cinq  plus  pauvres,  se  trouveraient 
dénués  de  tout  si  leur  avoir  venait  à  brûler.  Deux  fois  nous  avons 
constaté  une  assurance  sur  la  vie,  et  encore  ces  ménages-là  comp- 
taient-ils parmi  les  mieux  placés.  Des  dix  chefs  de  famille,  huit  seule- 
ment participent  à  des  caisses  de  secours  en  cas  de  maladie,  et  des 
vingt-trois  membres  qui  gagnent  leur  vie,  quatorze  seuls  sont  dans 
le  même  cas.  Le  chef,  unique  soutien  d'un  des  ménages  les  plus  pau- 
vres, n'est  pas  assuré  du  tout,  et  il  est  superflu  de  se  demander  quelle 
serait  la  position  de  la  famille  s'il  venait  à  tomber  malade.  Où  pren- 
drait-elle en  outre  le  nécessaire  pour  subvenir  aux  frais  du  traite- 
ment? Du  reste,  les  subventions  de  la  plupart  des  caisses  d'assurance 
sont  loin  de  couvrir  les  dépenses  résultant  d'une  maladie. 

Cette  absence  de  prévoyance  dénote,  de  la  part  de  ce  père  de  famille, 
une  coupable  indifférence  dont  les  siens  pâtiront  peut-être  un  jour. 
Il  faudrait  pouvoir  fournir  à  tout  ouvrier,  comme  en  général   à 
chacun,  l'occasion  de  s'armer  d'une  manière  ou  d'une  autre  en  pré- 
vision des  jours  mauvais. 

Éducation,  habitudes,  moralité.  —  Les  enfants  des  familles  d'ou- 
vriers étudiées  sont  convenablement  élevés,  et  cette  éducation,  sauf 
dans  un  seul  cas,  paraît  porter  de  bons  fruits.  Les  bulletins  d'étude 
de  ceux  qui  fréquentent  déjà  l'école  sont  en  général  satisfaisants. 

Quant  à  la  moralité  des  parents  et  de  leurs  fils  et  filles  adultes,  je 
ne  puis  qu'en  faire  l'éloge. 

Les  récréations,  pour  ceux  qui  peuvent  s'en  accorder,  sont  très 
modestes  et  consistent  d'habityde  en  une  promenade,  le  dimanche, 
et  parfois  en  une  de  ces  réunions  du  soir,  entre  amis,  que  la  manie 
des  sociétés  rend  par  trop  fréquentes  à  Bàle.  La  plupart  de  nos 
familles  toutefois  n'y  participent  que  fort  rarement,  et  plusieurs  n'ont, 
durant  toute  l'année,  rien  à  consacrer  aux  plaisirs  et  aux  récréations. 
Elles  tirent  en  général  parti  des  dimanches  et  jours  fériés  pour 
mettre  au  clair  les  travaux  domestiques  arriérés,  et  même  quelque- 
fois pour  arrondir  leur  gain  de  la  semaine. 

Presque  tous  les  pères  de  famille  qui  figurent  dans  cette  étude 


260  N"    '7.    —   SAVETIER    DE    RALE    (SUISSE). 

prennent  une  part  active  à  la  vie  ouvrière  et  politique  bâloise,  sans 
que  pour  cela  leurs  travaux  en  souffrent,  comme  souvent  on  se  plaîl 
à  le  dire.  Les  ivrognes  et  les  batailleurs  se  trouvent  au  contraire  parmi 
ceux  qui,  du  fait  de  la  misère  ou  par  d'autres  circonstances,  sont  tombés 
trop  bas  pour  pouvoir  s'occuper  encore  de  la  chose  publique  et  faire 
partie  d'une  société  de  travailleurs.  Ces  déclassés  n'éprouvent  plus 
d'autres  besoins  que  celui  de  satisfaire  les  passions  qui  les  dominent. 

Il  en  est  autrement  des  ouvriers  organisés.  Lorsqu'ils  en  ont  les 
moyens,  ils  s'abonnent  à  un  journal  qui  les  tient  au  courant  de  la  vie 
sociale.  Ces  familles-là  n'offrent  en  outre  qu'un  mauvais  débouché  aux 
publications  démoralisatrices  si  abondamment  répandues  de  nos  jours. 

On  ne  peut  de  même  que  s'exprimer  favorablement  sous  le  rapport 
de  la  propreté  corporelle  et  de  la  tenue  du  ménage.  Il  va  sans  dire 
que  les  conditions  de  l'ouvrier  ne  lui  permettent  pas  toujours  de 
faire,  sous  ce  rapport,  au  gré  de  ses  désirs  ;  mais  il  ne  faut  pas  l'ac- 
cuser de  manquer  de  penchant  pour  l'ordre  et  la  propreté.  Dans  les 
familles  ouvrières,  le  linge  de  lits  est  d'ordinaire  changé  toutes  les 
trois  ou  quatre  semaines,  celui  de  corps  hebdomadairement.  Les  cou- 
chettes et  le  trousseau  des  enfants  font,  cela  va  sans  dire,  exception. 

IIistorioIjE.  —  La  plupart  des  ouvriers  étudiés,  qui  sans  exception 
viennent  de  villages,  sont  fils  d'agriculteurs  ou  de  petits  artisans. 
Tous,  sauf  un  seul,  ont  été  élevés  dans  la  pauvreté,  pour  ne  pas 
dire  dans  la  misère.  Lors  de  leurs  tournées,  les  ouvriers  se  dirigent 
généralement  en  premier  lieu  vers  les  villes,  et  comme  l'animation  qui 
y  règne  leur  plait,  et  qu'elles  offrent  plus  de  ressources  à  l'artisan 
que  la  campagne  ne  saurait  en  procurer  au  journalier-cultivateur,  la 
majeure  partie  d'entre  eux  se  fixent  naturellement  dans  les  grands 
centres  ou  dans  les  localités  industrielles.  Celte  théorie  d'immigra- 
tion est  dès  longtemps  confirmée  par  la  statistique;  nous  en  avons 
du  reste  journellement  des  preuves  sous  les  yeux. 

Inventahie.  —  L'état  de  possession  ou  inventaire  de  nos  familles 
est  lié  à  leurs  facultés  productrices  et  donne,  en  quelque  sorte,  la 
mesure  de  leur  situation. 

Nous  avons  constaté  que  la  valeur  réelle  des  objets  mobiliers  ne 
représentait  plus  guère,  chez  les  gens  très  pauvres,  (ju'un  ciniiuième 
de  leur  prix  d'achat,  et  chez  les  familles  mieux  à  l'aise,  environ  le 
((uart  ou  le  tiers.  Le  linge  et  les  vêtements  subissent  le  maximum  de 
dépréciation,  tandis  que  c'est  le  contraire  des  outils  et  ustensiles.  La 
présence  d  une  (piantité  normale  de  meubles,  de  linge,  et  en  général 


ÉLÉMENTS    DIVERS   DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE,  261 

de  tous  les  objets  indispensables  au  ménage,  se  trouve  en  rapports 
directs  avec  les  ressources  de  la  famille;  dans  chaque  cas  où  une 
existence  convenable  était  quelque  peu  possible,  nous  avons  pu  cons- 
tater un  mobilier  suffisant  et  du  linge  encore  utilisable.  Six  familles 
cependant  laissaient  plus  ou  moins  à  désirer  à  cet  égard. 

Le  budget. 

Dans  les  dix  cas  la  moyenne  des  recettes  se  monte  à.. . .  1825.71 
Au   début   de    l'étude,    nos   familles    disposaient    d'une 

moj^enne  d'argent  comptant  de 68.71 

Ce  qui  leur  donnait  à  chacune  un  capital  disponible  de.  1894.4.2 

dont  il   a  été  réellement   dépensé   en  moyenne 1777.79 

Reste.  116.63 

Au  cours  de  cette  étude  il  n'a  pas  été  rare  de  voir  tout  le  numéraire 
descendre  de  3  à  1  franc,  et  l'on  sait  combien  de  fois  il  faut  compter 
avec  les  dépenses  imprévues;  il  est  donc  facile  de  se  figurer  la  posi- 
tion dans  laquelle  peut  se  trouver,  parfois  momentanément,  une  fa- 
mille aux  prises  avec  cette  éventualité.  Ces  soldes  modiques  de  numé- 
raire se  remarquent  surtout  peu  avant  les  rentrées  de  l'ouvrier,  et 
cela  d'une  façon  d'autant  plus  prononcée  que  les  jours  de  paie  sont 
espacés.  Il  arrive  souvent  qu'une  famille  est  forcée  d'acheter  ses  pro- 
visions à  crédit,  tandis  que  le  chiffre  des  salaires  qui  lui  sont  dus  atteint 
une  cinquantaine  de  francs.  Disons  en  passant  que  certaines  manu- 
factures bâloises  de  broderies  retiennent  durant  trois  ou  quatre 
semaines  les  salaires  de  leurs  ouvrières,  qui  pour  la  plupart  sont  dans 
de  pitoyables  conditions  d'existence.  L'époque  de  la  paie  dans  ces 
manufactures  est  du  reste  absolument  subordonnée  au  bon  plaisir  des 
patrons,  et  il  est  rare  que  le  règlement  de  compte  ait  lieu  d'une 
manière  intégrale  ;  les  arriérés  en  faveur  de  l'ouvrière  atteignent 
parfois  une  quarantaine  de  francs,  et  les  fabricants  n'ont  garde  de 
renseigner  les  intéressées  sur  les  causes  de  ce  retard.  A  quoi  faut-il 
donc  attribuer  leur  silence? 

Recettes.  —  Le  tableau  suivant  donne  un  exposé  assez  clair  des  di- 
verses recettes  et  de  leur  proportion  dans  l'ensemble  du  budget. 

Ce  tableau  nous  montre  que  dans  un  cas  seulemeni,  VI,  H,  le  chef  de 
famille  représente  l'unique  source  de  recettes  (I);  au  contraire,  chez 
N.  et  G.,  la  femme  contribue  aux  gains  dans  une  très  large  mesure. 

(1)  Pour  les  cas  VU,  Il  cl  VUI.  X,  voir  la  noie  1  au  tableau  ci-après,  ]>.  •H\:'>. 


26-2 


N°    T7.    —   SAVETIER    DE   BALE    fsUISSE). 


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ÉLÉMENTS    DIVERS   DE   LA    CONSTITUTION    SOCI.\LE. 


203 


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264  N"    77.    —   SAVETIER    DE    BALE    (sL'ISSe). 

Pour  la  moyenne  des  10  cas,  le  produit  du  travail  atteint  32mo  par 
personne;  si  nous  répartissons  la  totalité  des  gains  entre  les  seuls 
membres  qui  y  contribuent,  nous  avons  alors  une  somme  de  710^24 
par  tête.  Quant  à  la  recette  provenant  du  travail  du  chef  de  famille 
seul,  elle  est  en  moyenne  de  1.347^91,  soit  112'  32  par  mois.  Si  le 
père,  ainsi  que  la  société  le  veut,  doit  «nourrir  sa  famille  »,  le 
moins  qu'on  puisse  exiger,  c'est  qu'il  lui  soit  aussi  fourni  l'occasion 
de  gagner  un  salaire  suffisant.  Il  ne  viendra  ,  je  suppose,  à  l'idée  de 
personne  d'affirmer  qu'une  famille,  fùt-elle  même  de  trois  personnes 
seulement,  puisse  avec  1.300  ou  1.400  francs  par  an,  satisfaire  d'une 
façon  normale  à  ses  dépenses  et  se  prémunir  en  vue  des  jours  mauvais. 
Tout  bien  considéré,  il  serait  en  outre  téméraire  de  considérer  ces 
l.3i7^îM  comme  la  moyenne  de  salaire  de  nos  ouvriers,  car  quelques- 
uns  d'entre  eux  sont  relativement  dans  une  assez  belle  situation, 
(^ette  moyenne,  si  nous  tenons  compte  de  toutes  les  branches  de  reve- 
nus, pourrait  au  contraire  être  notablement  diminuée.  Qu'on  songe 
notamment  à  tous  les  terrassiers,  balayeurs  de  rues,  manœuvres  et 
ouvriers  de  fabriques!  Qu'ils  soient  ou  non  mariés,  cela  ne  change 
rien  à  l'affaire,  car  il  s'agirait  ici  de  fournir  par  un  travail  convena- 
blement rétribué  les  moyens  d'existence  à  ceux  qui  arrivent  à  l'âge 
de  créer  une  famille.  Notre  exposé  démontre  toutefois  que,  dans  les 
rares  cas  où  des  chifTres  favorables  peuvent  être  constatés,  la  contri- 
bution moyenne  de  l'homme  aux  ressources  ne  s'élève  qu'aux  trois 
quarts. 

Afin  d'obtenir  une  échelle  pour  la  hauteur  relative  du  revenu,  nous 
devons  calculer  le  gain  de  nos  ouvriers  en  prenant  l'heure  comme 
base.  Le  tableau  suivant  nous  donne  un  aperçu  de  leurs  salaires  : 

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femme  —  ao'ix  —  o.2.'{ —  477.8."i 

J.    Iiomme  —  2!»80  —  o.ti —  1313. « 

femme  —  1800  —  0.18 321. 7i( 

I).    homme  30«o  —  o.30 —  !K)8.10 

femme  —  lw-2  --  0.12."; —  485.80 

c.    Iiomme  —  2310  o.ift —  1137.;»;; 

<;.    homme  —  2«>i»7  —  0.34 —  88«.  . 

femme  —  2200  —  0.20 —  (i.31.05 

lils  —  ÎKK)  —  (1.18 —  182.80 

lille  -  .'«00  —  0.10 —  iXiu.w 

II.     homme  («)  —  3313  —  o.'.i —  IWi3.7i 

{\j  II.  (hoiiiine)  a  Ragnc^  par  un  travail  nunlicc  l.'»(i!i'20  et  comme  sain  aecessoire  l.'li'2!t. 
ce  i|ui   donne  un  total  de   I.(i03"i0.  On  a  déduit  de  cette  Homme  ti'îiO  payés  ponr  fourni- 


ÉLÉMENTS    DIVERS   DE   LA    CONSTITUTION   SOCIALE.  265 

R.    liomme(l)asagnéen3!);i!)  lieuros  do  travail  à  0.2"; fr.  ii8!t.7o 

femme  —  2*)18  —  0.2.-; —  -2!». 50 

A',    homme  —  3(>.j5  —  O.'tSJi —  lti(i2.o4 

l'emnie  —  l"M  —  0.433 —  81.38 

L.     homme  —  20i!l  —  o.30 —  1137.30 

E.     homme  —  2400  —  0.72 —  1733.80 

Le  gain  moyen  des  ouvriers  hommes  se  monte  donc  (sans  tenir 
compte  de  l'adulte  E.,  commis,  ni  du  fils  G.,  considéré  comme  ap- 
prenti), à  Of326  par  heure  de  travail,  tandis  que  celui  des  femmes 
serait  de  0^246.  Ajoutons  que  la  différence  entre  ces  deux  moyen- 
nes serait  beaucoup  plus  frappante  sans  Teffet  produit  par  le  taux 
de  salaires  des  femmes  R.  et  G.  Nous  voyons  donc  que  N.  est  dans 
ces  dix  cas  l'ouvrier  le  plus  mal  rétribué.  C.  reçoit  le  plus  haut 
salaire  en  gagnant  49  centimes  par  heure.  S'il  avait  une  occupation 
régulière  et  ne  devait  pas  nourrir  une  famille  aussi  nombreuse,  il 
appartiendrait  incontestablement,  par  ses  ressources  en  général, 
à  la  catégorie  des  ouvriers  aisés.  X.  a  un  travail  plus  régulier 
et  convenable;  le  meilleur  incombe  au  commis  E.  En  somme,  la 
plupart  de  ces  ouvriers  ne  sont  pas  en  état  d'entretenir  par  eux- 
mêmes  leur  famille,  et  la  femme  doit  participer  à  combler  cette  la- 
cune. 

Quelques  données  et  comparaisons  relatives  à  la  durée  du  travail 
des  divers  ouvriers  ne  seront  pas  superflues. 

On  remarque  tout  d'abord  que  l'ouvrier  occupé  à  domicile  fournit 
une  somme   d'heures  de   travail   plus  considérable  en  même   temps 

turcs  diverses,  dépense  qui  se  répartirait  comme  suit  :  3' 46  pour  le  travail  régulier  et  l'04 
pour  les  gains  accessoires.  Le  gain  net  se  monterait  donc  à  1.463'74  provenant  pour  H.  de 
3.313  heures  de  travail.  Quant  au  temps  employé  pour  le  gain  accessoire,  il  n'a  pas  été 
possible  de  le  déterminer. 

(1)  Au  cas  /{.  l'homme  et  la  femme  travaillent  ensemble  à  l'ouvrage  que  reçoit  le  chef 
de  famille.  En  outre,  R.  a  dû  engager  un  ouvrier  pour  lui  donner  un  coup  de  main  de 
30  heures  durant  une  période  de  travail  pressant.  11  serait  donc  assez  difficile  d'établir 
séparément  les  salaires  des  deux  époux.  Le  revenu  net  du  travail  de  la  famille  R.  est  de 
1.773'23.  Il  faudrait  donc,  pour  obtenir  une  idée  aussi  exacte  que  possible  du  produit  de 
son  travail  par  heure,  défalquer  le  gain  que  cette  famille  a  fait  sans  travailler  elle-même 
sur  l'ouvrier  qu'elle  a  engagé.  En  admettant  que  R.  ait  fait  sur  le  travail  de  l'ouvrier  un 
bénéfice  de  1  franc,  cela  nous  donne  un  total  de  .30  francs,  ce  qui  réduit  donc  à  1.719' 25  le 
revenu  net  du  travail  de  ce  ménage.  Pour  gagner  cette  somme,  le  mari  a  du  travailler 
durant  3.939  h.,  la  femme  durant  2.918,  ce  (|ui  donne  un  total  de  0.877  heures  de  travail. 
L'heure  rapporte  donc  exactement  0'2:i  cenlimes.  Le  mari  a  gagné  989' 73,  la  fcnunc  729'30 
Proportionnellement,  la  plus  forte  |)art  du  travail  devrait  revenir  à  l'homme,  car  il  a  tou- 
jours une  besogne  régulière  et  pénible,  tandis  (|ue  sa  femme  n'a  guère  fait  que  des  tra- 
vaux secondaires. 

Il  en  est  absolument  de  même  pour  le  cas  A',  où  les  deux  époux  travaillent  aussi  en 
(ommun.  C'est  pour  cela  (|u'on  doit,  dans  les  calculs  qui  s'y  rapportent,  partager  le  revenu 
du  travail  dans  la  proportion  des  heures  employées. 


2GG 


N°    77.    —   SAVETIER    DE    BALE    (siISSE;. 


qu'il  prend  moins  de  jours  de  repos.  Trois  de  nos  ouvriers  appar- 
tiennent à  cette  catégorie.  Le  tableau  ci-dessous  montre  la  réparti- 
tion de  leurs  journées  ainsi  que  la  durée  du  travail,  qui  dépasse  parfois 
li  II.   1/2. 


MOIS. 


1889  Avril 

Mai 

.luin 

Juillet 

Août 

Septembre.. 

Octobre 

Novembre. . 

Décembre... 
18!I0  Janvier 

Février 

iMars 

Movenne  mensuelle 


Jduriiees  et  dune  du  trasail  des  :i  nuxriers  eu  cliauibre. 


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30 

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Heures  dp  travail  par  journO 
N.  X.  II. 


2.(i 


10.9 
14.7 
12.2 
12.2 
II.O 
11.3 
12.0 
12.3 
11.2 
8.0 
11.3 
11.7 


11. (i 


13.7 

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12.0 
11.8 
10.9 
10.8 

12.:; 

12.3 
1 1 .  i 
12.2 
12.8 
13.1 


12.3 


Moyiiinc 

.les 
journées. 


27 

28 


20 
21 


Moyenne 
des    heures 
de  Inivail 

)iar 
journée. 


12.4 
13.C 
12.3 

12.:; 

11.3 
11.4 
12.2 
12.3 
11. G 
10.3 
11.4 
11.8 


11.9 


On  ne  peut  que  déplorer  Ihabitiide  des  ouvriers  en  chambre  do 
prolonger  leur  travail  au  delà  des  limites  permises  par  l'hygiène  . 
mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  souvent  c'est  pour  eux  une  vraio 
nécessité  d'agir  de  la  sorte. 

DÉi'ENSES.  —  La  plus  grande  diversité  règne  dans  la  répartition  des 
dépenses  relativement  aux  besoins  des  ménages;  le  tableau  suivant 
en  fait  preuve. 

La  répartition  des  dépenses  est  avant  tout  subordonnée  aux  frais 
d'alimentation,  et  ceux-ci  se  règlent  à  leur  tour  sur  la  somme  de  re- 
venus disponibles.  N'oublions  pas  non  plus  que  les  habitudes  contrac- 
tées dès  la  jeunesse  influent  considérablement  sur  les  goilts  et  les  be- 
soins, ainsi  que  sur  la  façon  de  les  satisfaire.  Les  ouvriers  faisant  l'objet 
de  cette  étude  ont  été  élevés  dans  des  conditions  tout  à  fait  modestes, 
voire  même  pour  quelques-uns  dans  la  pauvreté  et,  dès  leur  enfance, 
ils  ont  été  habitués  à  luodi-rer  leurs  besoins.  C.ela  ne  veut  pas  dire 
qu'ils  puissent  se  laisser  réduire  à  volonté,  car  sous  le  rapport  de 
l'alimenlalion,  tout  organisme  a  sa  limite  miniina  qu'on  ne  saurait 
franchir  sans  j/orter  préjudice  à  l'existence. 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE   LA    CONSTITUTION   SOCIALE, 


267 


:*§  5 

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208  N"   77.   —   SAVETIER    DE    BALE    (SUISSe). 

En  général,  les  sommes  dépensées  pour  les  récréations  n'ont  at- 
teint qu'un  chiffre  assez  minime,  sauf  pour  la  famille  E.,  où  cette 
dépense  est  tout  à  fait  hors  de  proportion  avec  l'ensemble  du 
budget.  Toutefois  une  certaine  atténuation  de  ce  chiffre  résulte 
de  ce  que  la  somme  de  220  fr.  72  a  été  consacrée  pour  la  plus 
grande  part  à  des  aliments  consommés  hors  du  ménage,  d'où  il  ré- 
sulte naturellement  un  certain  allégement  du  compte  de  l'alimen- 
tation. 

La  presque  totalité  des  gains  a  été  dépensée  dans  les  dix  cas  étu- 
diés, et  un  seul  ouvrier  {H.)  a  fait  des  économies.  Si  ce  dernier  a  em- 
ployé pour  lui  et  sa  femme  environ  1.350  francs,  tandis  que,  par 
exemple,  E.,  dont  le  ménage  se  compose  seulement  aussi  des  deux 
époux,  a  déboursé  2.100  francs,  cela  ne  veut  absolument  pas  dire 
que  celui-ci  ait  en  aucune  faron  fait  preuve  de  prodigalité;  l'excédent 
de  dépenses  provient  simplement  d'une  alimentation  plus  normale 
^surtout  en  ce  qui  concerne  l'abondance  et  la  bonne  qualité  de  la 
viande),  d'une  dépense  spéciale  de  'tO  francs  pour  boissons,  d'une 
autre  de  215  francs  pour  vêtements  appropriés  aux  exigences  de  sa 
profession  de  commis,  etc. 

11  ne  sera  pas  sans  intérêt  de  jeter  un  coup  d'œil  sur  les  prix  des 
matières  alimentaires  consommées  par  nos  dix  ménages ,  ainsi  que 
sur  le  rapport  de  ces  prix  avec  la  valeur  nutritive  des  aliments.  Le 
tableau  suivant  nous  permettra  d'y  arriver  d'une  façon  assez  sa- 
tisfaisante. 

Pour  bien  comprendre  ce  tableau,  il  est  nécessaire  de  dire  quel- 
(jues  mots  du  taux  des  denrées  alimentaires  à  Bàle. 

Le  marché  de  la  viande  y  a  considérablement  varié  durant  notre 
enquête,  ce  qui  fait  qu'on  ne  peut  guère  établir  un  prix  moyen.  Kn 
outre ,  la  viande  consommée  par  ces  familles  d'ouvriers  différait 
énormément,  quant  à  la  qualité,  et,  du  reste,  j'ai  fait  rentrer  dans 
cette  catégorie  d'aliments  divers  articles  de  boucherie,  tels  que 
coeur,  foie,  fressure,  etc.,  dont  le  prix  diffère  sensiblement  de 
celui  de  la  viande  proprement  dite  et  qui,  par  conséquent,  exercent 
une  certaine  influence  sur  la  moyenne.  Il  est  bon  de  dire  que  les 
ménages  représentés  sur  ce  tableau  par  I  et  IV  ont  habituelle- 
ment consommé  de  la  vache  et  qu'il  n'a  jamais  été  question  de 
viande  de  cheval.  Il  ressort  des  prix  payés  que  les  familles  pou- 
vant s'accorder  de  la  viande  de  meilleure  qualité  l'ont  fait  en  gé- 
néral. 


ÉLÉMENTS    DTVEHS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE. 


2G9 


DÉSIGNATION 
DKS    FAMILLES. 


VALElIt    NUTUmVF,  ET  PRIX  DES  SUBSTANCES  CONSOMMEES. 


1  kilop.  d'aliments 
contient  : 


3-  M  g  S 


\  Grammes. 

Cas  l.  N.  Savetier  travaillant  à  soiJ 
tdiiipte.  Femme  :  journalière.       m  .(jii   ioo 
.■;  enfants.  Type  :  très  pauvre.      \ 


Cas  II.  J.  Cigarier.  Femme  :  cou-i 
turicre.  .'i  enfants  dont  1  absent.>"2.>iii.«Wi 
Type  :  pauvre.  \ 


Cas    III.   D.    Cisarier.    Femme 
confectionneuse  de  maillots. 
i  enfants  et  l  pensionnaire. 
Type  :  i)auvre. 


>2.793.5!>2 


Cas   IV.    C.  Potier.  Femme  et  8i 
enfants  dont  2  gagnent.  y2.ln.83V 

Type  :  très  pauvre.  \ 


Cas    V.    G.    Tisseur    de    rubans. 
Femme  :  tisseuse.  4  enfants  dont(, 
2  gagnent.  I  grand'mère. 
Type  :  moyen. 


3..'i30.858 


Cas  VI.  H.  Ouvrier  tailleur. 
Femme  et  1  enfant. 
Type  :  relativement  à  l'aise. 


>l..WI.8(i;i 


Cas  VII.  II.  Ouvrier  tailleur. 
Femme  aidant  au  métier. 
Sans  enfants. 
Type  :  relativement  à  l'aise. 


Cas  VIII.  X.  Ouvrier  tailleur. 
Femme  et  I  enfant. 
TyjJC  :  moyen. 


Vi., •!!):$. 


Cas  IX.  L.  Ouvrier  maçon. 
Femme  couturière.  4  enfants. 
Tyi)e  :  pauvre. 


Cas  X.  E.  Commis.  Femme  :  our- 
dlsseusc  en  fabrique,  plus  tard^ 
(•oulurière-lingère.  Sans  enfants.. 
Type  :  moyen. 


Moyenne  îles  dix   cas 


1.013.39 


589.3-2 


P  ■-  o 
■^"5  c 


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q,  a 


23;; 


30.J 


33!» 


0.09 


0.09 


0.09 


0.07 


0.0!» 


4-2       198 


293 


0.13 


0.09 


•210  N"   7/.    —    SAVKTIEK    Dli    BALE    (sUISSE). 

Les  saucisses  que  la  plupart  des  ménages  d'ouvriers  consomment, 
sont  connues  sous  la  dénomination  de  «  klopfer  »,  «  gendarmes  », 
«  wienerli  » ,  «  saucisses  fumées.  »  A  l'exception  des  «  \vienerli  »  et 
d'une  autre  sorte  peu  estimée  qui  se  paient  deux  sous,  ces  divers 
produits  de  charcuterie  coûtent  15  centimes  la  pièce. 

Le  pain  blanc  ordinaire  généralement  consommé  à  Bàle  se  vend 
28  centimes,  et  celui  qui  se  fait  avec  la  tleur  de  froment,  de  30  à 
.■}(i  centimes  le  kilog.  Kn  outre,  les  familles  d'ouvriers  surtout  en 
consomment  beaucoup  de  «  mi-blanc  »  à  24  et  27  centimes.  Les  pe- 
tits pains  se  paient  un  sou  la  pièce.  Le  prix  ordinaire  du  lait  est  de 
20  centimes  le  litre;  on  obtient  aussi  du  lait  écrémé  à  11  centimes, 
et  parfois  le  lait  condensé  s'achète  aussi  pour  les  nourrissons.  Les  ar- 
ticles suivants  se  sont  payés  : 

Dnns  les  magasins  du  la  Diins 

Société  générale  de  consommation,  une  bonne  épicerie. 

Graisse  (saindoux) 1  kilogr.  i.lO  à  1.20                              2.00 

ncurre -  2.S0  — -2.80                              2.40 

Fromaj,'o —  I.CO  —  l.ilO  l.(iO  à    l.'tO 

Orge —  0.50  —  0.7(i  0.";o—  1.20 

Gruau  (l'avoine —  O.ri't—  1.40                        1.20 

Mais —  .     —    .  0.30  à  0.40 

Riz —  0.30  —  0.56  0.30  —  1.10 

Semoule —  0.34  —  0.30  O.M)  —  O.'iO 

Karine —  0.34-0.50  0.30  —  0.00 

Nouilles —  0.<iO  —  1.10  0.00—1.80 

.Macaronis —  0.00  —  1. 10  0.«iO  —  1.20 

Harifots -  0.28—0.32                        0,20 

Pois —  0.38  —  0.70                            O.fiC 

Lentilles —  0.80                               0.70 

Café —  2.40  à  3.30  2.20   à    4.00 

Sucre —  0..>'i  —  0.08                        O.CO 

Nous  remarijuerons  que  certains  articles  atteignent,  dans  une  bonne 
épicerie,  un  prix  plus  élevé  que  ceux  des  magasins  de  la  Société  géné- 
rale de  consommation.  La  cause  en  est  à  un  choix  plus  considérable 
dans  les  denrées  do  ces  épiceries  qui  débitent  spécialement  aussi  des 
produits  de  première  (jualité.  Par  contre,  les  prix  de  la  Société 
de  consommation  sont  calculés  en  vue  de  la  classe  ouvrière.  11 
est  vrai  que  ce  rabais  est  lro[)  souvent  au  détriment  de  la  marchan- 
dise. 

Le  pri.\  des  œufs  varie  beaucou}),  suivant  l'époque  de  l'importation. 
Il  en  arrive  en  particulier  un  grand  nombre  d'Italie  ainsi  que  de  la 
Suisse  méridionale,  ce  qui  inilue  considérablcmenl  sur  la  vente  des 


ÉLÉMENTS    DIVERS   DK   LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  271 

produits  de  Bàle  et  de  ses  environs.  Une  douzaine  d'œufs  peut  valoir 
de  (30  centimes  à  1^20,  et  son  prix  moyen  est  de  90  centimes.  Les 
ménages  pauvres,  qui  ne  peuvent  en  acheter  une  douzaine  ou  même 
six  à  la  fois,  les  prennent  habituellement  par  une,  deux  ou  trois 
pièces,  mais  ils  leur  reviennent  alors  en  général  à  deux  sous  l'œuf. 

Les  cuisines  populaires  offrent  spécialement  des  vins  bon  marché  au 
prix  de  4o  à  CtO  et  Go  centimes  le  litre  {!). 

Ces  produits,  italiens  pour  la  plupart,  sont  consommés  par  les  fa- 
milles ouvrières,  qui  achètent  rarement  des  vins  du  pays,  cotés  d'habi- 
tude de  1*^20  à  F  40.  La  bière  ouverte  se  vend  à  Bàle  de  30  à  40  cen- 
times le  litre;  mise  en  bouteille,  elle  revient,  par  litre,  de  35  à 
50  centimes  et  se  consomme  très  fréquemment  sous  cette  forme  par 
les  ménages  ouvriers. 


Conclusion. 

Nous  venons  d'apprendre  à  connaître  des  ménages  d'ouvriers 
dans  les  conditions  les  plus  diverses.  11  s'agissait  de  donner  une 
esquisse  de  la  situation  des  familles  ouvrières  bâloises,  et  nous  n'y 
avons  réussi  qu'à  un  certain  degré,  car  pour  avoir  un  tableau  com- 
plet, il  aurait  encore  fallu  pouvoir  faire  rentrer  dans  notre  étude 
des  ouvriers  de  fabrique  et,  du  reste,  augmenter  le  nombre  de  nos 
cas.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  coup  d'oeil  jeté  est  suffisant  pour  nous 
convaincre  du  fait  qu'une  bonne  partie  de  la  classe  ouvrière  bàloise 
vit  dans  l'indigence  et  la  détresse,  et  qu'on  y  souffre  même  de  la 
faim. 

Les  inventaires  dressés  accusent  en  bien  des  cas  une  pénurie  de 
meubles  et  de  linge.  Les  conditions  de  travail  sont  presque  partout 
absolument  défavorables,  les  locaux  insuffisants  et  contraires  aux 
prescriptions  hygiéniques.  Quant  à  la  durée  du  travail,  elle  est  sou- 
vent outrée  et  les  appartements  laissent  beaucoup  à  désirer.  L'état 
sanitaire  n'est  rien  moins  que  satisfaisant,  et  nous  avons  vu  nombre 
d'enfants  atteints  de  maladies  chroniques.  On  ne  consacre  presque  rien 
aux  mesures  de  prévoyance,  et  dans  aucun  cas  nous  n'avons  constaté 
de  dispositions  vraiment  efficaces  en  vue  des  jours  mauvais.  Parfois 

(1)  Sur  les  cuisines  populaires  de  la  Suisse,  voir  le  remarquable  ouvrage  de  M.  le  capi- 
taine Paul  Marin  :  Coup  d'wil  sur  les  œuvres  de  l'initinlive  privée  à  Genève  (Paris,  Guil- 
laumin,  ISO.'i),  et  aussi  La  lié/orme  sociale  dix  10  octobrt  1893. 


272  N°  77.  —  SAVETiEit  ni-:  bale  (suisse). 

même  la  nourriture  est  insuffisante,  et  il  n'y  a  rien  de  téméraire  à 
affirmer  qu'une  forte  proportion  de  la  classe  ouvrière  bàloise  mène 
une  existence  tout  à  fait  pitoyable.  Nous  regrettons  de  devoir  recon- 
naître que  les  conditions  de  notre  ville  sont  sous  ce  rapport  désespé- 
rément semblables  à  celles  des  grands  centres.  La  seule  différence 
qu'elles  présentent  est  que,  vu  le  chifi"re  restreint  de  population,  ces 
lacunes  sont  moins  visibles.  Il  ne  faut  pas  pour  cela  se  lasser  de 
dévoiler  les  abus  et  de  les  combattre  impitoyablement.  Armons-nous 
plutôt  du  courage  que  l'homme  de  cœur  puise  dans  le  sentiment  du 
devoir  envers  ses  semblables,  et  efforçons-nous  de  soulager  les  maux 
dont  souffre  actuellement  la  classe  ouvrière. 


LES  OUVRIERS  DES  DEUX  MONDES. 


DEUXIÈNIE   SÉRIE.    —  33«    FASCICULE. 


AVERTISSEMENT 

DK  LA  SOCIÉTÉ  D'ÉGONOMIK  SOCIALK 


L'Académie  des  sciences,  en  1856,  a  couronné  le  premier  oii- 
vrapre  de  science  sociale  publié  par  V.  Le  Play,  les  Ouvriers  eu- 
ropéens. Elle  a  en  même  temps  exprimé  le  désir  qu'une  pareille 
œuvre  fût  continuée.  La  Société  d'Économie  sociale,  fondée  aus- 
sitôt par  l'auteur  de  ce  livre  aujourd'hui  célèbre,  lui  a  donné 
pour  suite  les  Ouvriers  des  Deux  Mondes.  De  1857  à  1885,  la 
Société  a  publié  une  première  série  de  cinq  volumes  contenant 
({uarante-six  monographies  de  familles  ouvrières. 

La  deuxième  série  des  Ouvriers  des  Deux  Mondes  a  commencé 
en  juillet  1885.  Le  premier  tome  de  cette  série  a  été  terminé 
en  juillet  1887;  le  deuxième,  à  la  fin  de  1889;  le  troisième,  au 
commencement  de  1892.  Ils  comprennent  les  descriptions  mé- 
thodiques de  trente-deux  familles  d'ouvriers,  appartenant  à  la 
Bretagne,  la  Picardie,  le  Nivernais,  l'Ile-de-France,  la  Provence, 
la  Gascogne,  le  Dauphiné,  la  Normandie,  la  Marche,  l'Orléanais, 
le  Limousin,  la  Corse,  la  Grande-Russie,  la  Grande-Kabylie,  le 
Sahel,  le  Sahara  algérien,  la  Belgique,  la  Prusse  rhénane,  la 
Sicile,  la  campagne  de  Rome,  la  Gapitanate,  l'Angleterre,  la 
Laponie,  l'Alsace,  la  Hollande.  Le  présent  Fascicule,  le  33®  de  la 
seconde  série,  est  le  sixième  du  tome  IV.  (Voir  au  verso  de  la 
couverture.) 

La  publication  se  poursuit  par  fascicules  trimestriels,  avec 
le  concours  de  la  maison  Firmin-Didot.  Un  tel  concours  lui  as- 
sure cette  perfection  que  nos  lecteurs  ont  su  apprécier  dans  une 
œuvre  typographique  particulièrement  délicate. 

Les  prochains  fascicules  contiendront  les  monographies  de  fa- 
mille d'un  Tisseur  en  soie  du  ritali(;  méridionale,  d'un  Fermier 
montagnard  du  Ilaut-Forez,  d'un  Pécheur  de  l'archipel  Chusan 
(Chine),  d'un  Armurier  de  Liège,  d'un  Pécheur  de  Fort-.Mar- 
dyck,  d'un  Ardoisier  d'.Vngers,   etc. 


LES  OUVRIERS  DES  DEUX  MONDES, 

PUBLIÉS    PAR    LA    SOCIETE    d'ÉCONOMIE    SOCIALE, 

HF.CONSUE   D't'TILlTF.   PCBI.IVIIF,. 


Deuxième  série.  —  SS*"  fascicule. 


OUVRIER-EMPLOYE 


DE    LA 


FABRIQUE  COOPÉRATIVE 

DE  PAPIERS 

D'ANGOULÉME  (CHARENTE), 

DANS    LE    SySTlîMF.    DKS   EXr.AGRMKNTS    VOLONTAIHF.S    [-KIlMANEiNTS, 

n'Ariifes 

I.KS    RESSEIGNKMENTS    RECUEILLIS   Sl!l!    LKS    LIKIX.    EX    189(», 
P  A  i; 

M.  Urbain  Gukrin. 


PARIS, 


MBRAIFUK    DK    FIRMlN-DfUOr    KT   C 

IMPRIMEURS    DE    L'IKSTITCT,    RUE    JACOB,    56. 

18  9:;. 

OroiU  de  tm<luotion  et  de  reprodai'tion  rési^rvr*. 


N°  78. 

OUVRIER-EMPLOYÉ 

DE    LA 

FABRIQUE  COOPÉUATIVE  DE  PAPIERS 

D'ANGOULÊME  (CHARENTE), 

DANS   LE   SYSTÈME   DES    ENGAGEMENTS  VOLONTAIRES    PERMANENTS, 

d'après 

LES    RENSEIGNEMENTS    RECUEILLIS   SUR    LES   LIEUX,    EN    1890, 

PAU 

M.  Urbain  Guérin. 
OBSERVATIONS  PRÉLIMINAIRES 

DÉFINISSANT   LA    CONDITION   DES   DIVERS   MEMBRES   DE   LA    FAMILLE. 


DÉFINITION    DU    LIEU,    DE   L'ORGANISATION   INDUSTRIELLE 
ET    DE    LA    FAMILLE. 

§    1. 
ÉTAT    DU    SOL,    DE    l'iNDUSTRIE    ET    DE    LA   POPULATION. 

La  famille  habite  Angoulême,  chef-lieu  du  département  de  la  Cha- 
rente. Cette  ville  faisait  autrefois  partie  du  duché  d'Angoumois,  donné 
en  apanage  à  des  princes  de  la  famille  royale  :  elle  est  située  à  une  dis- 
tance de  445  kilomètres  de  Paris  avec  laquelle  la  met  en  communica- 
tion la  ligne  de  chemin  de  fer  allant  à  Bordeaux  ;  d'autres  lignes  la 
relient  aux  départements  voisins,  du  centre  comme  de  l'Ouest. 

Angoulême,  qui  repose  sur  des  terrains  appartenant  à  la  formation 
crétacée,  est  située  au  sommet  d'une  hauteur  élevée  de  9b  mètres  au- 
dessus  du  niveau  de  la  mer  et  de  72  mètres  au-dessus  des  plaines  se 
déroulant  à  ses  pieds.  Les  faubourgs  descendent  les  pentes  de  la  colline 
et  se  déploient  dans  la  plaine  ;  leur  population  s'accroît  sans  cesse.  Deux 

20 


274    N"  78.  —  OrVH.-EMPLOYÉ  DE  LA  PAPETERIE  COOPÉRATIVE  d'aNGOULÉME. 

rivières  entourent  la  ville  de  tous  côtés  :  l'Anguienne,  et  la  Charente 
qu'Henri  IV  appelait  le  plus  beau  ruisseau  de  son  royaume.  I.a  ville  ren- 
ferme de  beaux  et  intéressants  monumt'nts,  entre  autres  la  cathédrale 
romane,  restaurée  avec  beaucoup  de  goût,  et  un  hôtel  de  ville  moderne 
dans  lequel  ont  été  heureusement  encadrt's  les  restes  de  l'ancien  châ- 
teau des  comtes  d'Angoulême.  Klle  est  entourée  d'une  ceinture  de  bou- 
levards qui  dominent  un  vaste  et  riant  paysage.  Au  nord,  c'est  la  Cha- 
rente, au  cours  sinueux,  serpentant  au  milieu  de  vertes  prairies.  Au 
midi,  ce  sont  les  faubourgs,  des  champs  coupés  par  do  nombreuses 
plantations,  des  bois,  des  villages,  des  maisons  de  campagne. 

Le  climat  marque  bien  la  transition  enire  le  climat  de  l;i  (îi- 
ronde  et  celui  moins  doux  des  régions  s'éloignant  du  Midi.  Ainsi  la 
moyenne  annuelle  d'Angoulême  est  d'environ  12", 7,  soit  2  degrés  de 
plus  que  Paris  et  1  degré  de  moins  que  Bordeaux.  La  moyenne  de  la 
hauteur  barométrique  est  de  751  millimètres;  l'oscillation  baromé- 
trique, de  35  millimètres  (729  à  704  millimètres). 

La  population  d'Angoulême  est,  d'après  le  dernier  recensement,  de 
36.407  habitants,  qui  se  divisent  ainsi  :  18.454  hommes,  17.953  femmes. 
Elk'  est  en  augmentation  sur  celle  relevt'c  au  recensement  del88('»,  qui 
indiquait  34.307  habitants,  dont  17.88i  honnnes  et  I(i.'i83  femmes. 

La  statistique  a  donné  les  chiffres  suivants  pour  le  mouvement  de  la 
population,  dans  deux  années  prises  comme  type  : 

IsS'J  1H90. 

Naissances  légitimes (;i)3      î>6« 

—         naturelles ll!i      l'2o 

Uéfès wti      83»; 

L'augmentation  des  décès  constatée  dans  l'année  1890  est  cerlaiin'- 
ment  due  à  l'épidémie  d'influenza  qui  a  sévi  dans  toute  la  France. 

La  population  renferme  un  grand  nombre  d'ouvriers  et  d'ouvrières 
employés  dans  les  fabriques  de  |)apier,  et  notamment  t\  la  fabricpie 
coopérative  de  Laroche-Joubert  dont  nous  retraçons  plus  loin  l'or- 
ganisation (si  17j.  Quels  que  puissent  être  les  inconvénients  de  la 
vie  industrielle,  et  surtout  au  point  de  vue  moral  pour  les  femmes, 
celte  fabrique  n'en  attire  pas  moins  les  regards  de  toutes  les  familles 
ouvrières.  Une  situation  quelconque  leur  y  semble  un  sort  très  en- 
viable, et  la  participation  aux  bénéfices,  le  système  qui  transfère  à  un 
certain  nombre  d'entre  eux  une  part  dans  la  |)rupriété  de  la  fabrique, 
augmentent  encore  cet  attrait  pour  eux. 

I^a  fabri(|ue  Laroche-Joubert,  qui  est  dénouimée  l*apelerie  coopéra- 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  275 

tive  d'Angoulême,  ne  comprend  pas  seulement  l'établissement  de  la 
ville;  il  y  a  trois  autres  exploitations  :  celle  de  l'Kscalier,  qui  com- 
prend l'usine  de  ce  nom  et  les  annexes  de  Girac  et  du  Petit-Ilochefort; 
celle  de  Nersac,  qui  comprend  l'usine  de  ce  nom  et  l'annexe  de  l'Isle 
d'Kspagnac  ;  celle  de  Basseau,  qui  était  en  construction  au  moment  où 
nous  recueillions  les  renseignements  relatifs  à  cette  monographie. 
Cette  dernière  a  été  construite  à  4  kilomètres  d'Angoulême,  avec  un 
matériel  tout  à  fait  perfectionné  et  dans  de  très  grandes  proportions, 
de  telle  sorte  qu'elle  pourra  lancer,  dit-on,  sur  le  marché  100.000  ki- 
logrammes de  papier  par  mois;  ce  sera  du  papier  de  bois,  dont  le  coût 
revient  à  meilleur  marché  que  le  papier  de  chiffons,  mais  qui  a  le 
désavantage,  tout  en  ayant  bonne  apparence,  de  jaunir  plus  vite; 
cette  dernière  exploitation  est  située  sur  Ja  Charente,  qui  lui  fournit 
une  magnifique  force  motrice. 

Le  département  renferme,  du  reste,  un  grand  nombre  de  fabriques  de 
papier,  et  cette  industrie  est  concentrée  surtout  à  lest  et  au  sud  d'An- 
goulême; l'abondance  de  la  force  motrice,  la  rapidité  des  communica- 
tions, l'ancienneté  de  la  marque  d'Angoulême,  maintenant  très  con- 
nue, expliquent  le  développement  croissant  de  cette  industrie,  qui 
contribue  à  faire  vivre  une  partie  importante  de  la  population  ouvrière 
du  pays.  Voici  quelques-unes  des  fabriques  les  plus  importantes  :  celles 
de  Maumont  et  de  la  Veuze,  sur  la  Touvre;  celles  de  Saint-Cybard,  sur 
la  Charente;  celles  dePuymoyeu,  du  Petit-Montbron,  de  l'Escalier  et  de 
Chantoiseau,  sur  les  Eaux-Claires  ;  celles  de  Bourrissou,  de  Poulet,  de 
Cotier,  de  Breuty,  du  Grand-Girac,  du  Martinet,  de  Saint-Michel  d'En- 
traigues,  sur  la  Chanau;  celles  de  la  Forge,  de  la  Rochechandry,  de 
Tudebœuf,  de  la  Courade,  des  Beauvais,  de  l'Abbaye,  de  Colas,  de  Ba- 
rillon,  de  Nersac,  sur  la  Boëme. 

Beaucoup  de  ces  fabriques  traversent  une  période  difficile.  Elles 
n'ont  pas  tenu  leur  outillage  à  la  hauteur  des  progrès  réalisés  à  l'étran- 
ger et  aussi  dans  certains  établissements  français.  Un  voyage  que  le 
directeur  de  la  Papeterie  coopérative  fit  en  Saxe  le  convainquit  de 
cette  infériorité;  il  fut  frappé  de  l'étal  de  perfection  qu'avait  atteint 
l'outillage  de  nos  voisins,  comme  de  l'énormité  des  capitaux  qu'ils  n'a- 
vaient pas  craint  d'engager  dans  cette  œuvre  de  transformation.  A  son 
retour,  décidé  à  se  mettre  à  la  hauteur  de  ses  concurrents  étrangers, 
il  décida  la  construction  de  la  fabrique  de  Basseau,  sur  les  rives  de  la 
Charente,  qui  devait  fournir,  avec  une  eau  abondante ,  une  puissante 
force  motrice.  Cette  force  motrice  manquait  aux  fabriques  situées  sur 


276    N"  78.  —  OLVH.-EMPLOYÉ  DE  LA  PAPETERIE  COOPÉRATIVE  d'aNGOULÉME. 

de  petits  cours  d'eau  ;  celles-ci  étaient  obligées  de  recourir  à  la  vapeur. 
La  nouvelle  exploitation  a  été  construite  avec  des  réserves  de  caisse 
non  employées,  pour  une  somme  de  700.000  francs;  le  surplus,  av'ec 
des  capitaux  empruntés  ou  souscrits  comme  parts  de  commandite.  Elle 
est  destinée  à  remplacer  les  fabriques  que  la  maison  Laroche-Joubert 
avait  en  location. 

Depuis  1870,  la  garnison  d'Angoulême  a  été  augmentée  d'une  ma- 
nière très  notable;  deux  régiments  d'artillerie  y  séjournent,  et  si  la 
ville,  ou  mieux  une  partie  de  la  ville,  y  a  trouvé  de  nouvelles  sources 
de  bénéfice,  elle  n'a  pas  eu  lieu  de  s'en  féliciter  au  point  de  vue  moral. 
La  prostitution  s'est  augmentée,  en  même  temps  que  les  cafés-con- 
cert ,   es  bals,  les  cabarets  se  multipliaient. 

Le  conseil  municipal  de  la  ville  apjjarlient  en  presque  totalité  à  la 
nuance  que  la  langue  politique  dénomme  opportuniste;  il  se  recrute  à 
peu  près  exclusivement  dans  la  classe  bourgeoise  :  avocats,  médecins, 
industriels,  ex-pharmacien,  négociants,  professeur,  ex-instituteur;  un 
ouvrier,  un  charron,  deux  petits  négociants,  y  représentent  seuls  l'é- 
lément populaire. 

Les  deux  députés  de  l'arrondissement  d'Angoulême  appartiennent 
au  pays.  L'un  d'eux  est  M.  Laroche-Joubert,  dont  le  père  avait  occupé 
le  même  poste  pendant  un  certain  nombre  d'années,  et  c'est  à  la  mort 
du  père  que  le  JSls  fut  élu. 

§  2. 

ÉTAT  CIVIL   DE   LA    FAMILLE. 

La  famille  comprend  cinq  personnes  : 

i"  Célf.stin-François  L***,  père  de  famille 4"  ans. 

2°  Maugueiiite-Louise  (i***,  mère  de  famille '«I     — 

3»  Edouard  L***,  leur  premier  lils 20    — 

4»  Marcel  I.***,  leur  deuxième  fils 18    — 

5»  CuAitLEs  L***,  leur  troisième  fils l"    — 

Le  père  a  deux  frères  et  une  sœur  qui  tous  les  trois  travaillent 
dans  des  fabriques  de  papier.  11  est  le  fils  et  le  petit-fils  d'ouvriers  pa- 
petiers; sa  mère  seule  vitencdre;  elle  habite  la  commune  de  l'Escalier, 
voisine  d'Angoulême,  auprès  de  sa  fille  qui  y  est  mariée. 

La  femme  appartient  à  une  famille  d'ouvriers  de  la  ville;  son  père 
était  camionneur.  Sa  mère,  qui  cxen-ait  la  profession  de  lingère  et  n'a 
pas  eu  d'autres  enfants  que  cetto  fille,  est  morte  quelques  mois  avant 
notre  visite  à  la  famillo. 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  277 

Les  deux  premiers  fils  travaillent  à  Angoulcme  dans  la  fabrique  de 
INI.  Laruche-Joubert.  Le  troisième,  qui  y  entrera  également,  attend  une 
place  qu'il  ne  tardera  pas  à  obtenir. 

g  3. 

RELIGION    ET    UABITUDES    MORALES. 

La  famille  présente  une  physionomie  morale  peu  accentuée.  Elle 
appartient  à  la  religion  catholique,  mais  n'a  qu'une  médiocre  ferveur 
religieuse.  Ses  membres  n'assistent  pas  régulièrement  à  la  messe,  pas 
plus  qu'ils  ne  suivent  avec  fidélité  les  autres  prescriptions  de  l'Eglise. 
Ils  n'entretiennent  aucun  rapport  avec  les  membres  du  clergé. 

Une  grande  union  règne  entre  tous  les  membres  de  la  famille.  D'un 
caractère  assez  doux,  ayant  gardé  le  respect  de  l'autorité  paternelle, 
les  enfants  remettent  tout  ce  qu'ils  gagnent  à  leur  mère,  sauf  dix  francs 
(ju'elleleur  laisse  pour  leurs  menus  plaisirs;  elle  a  promis  d'augmenter 
cette  somme  de  cinq  francs,  lorsque  leurs  salaires  seraient  élevés. 
Elle  gouverne  le  ménage  avec  beaucoup  de  sagesse;  aussi  son  mari 
lui  laisse-t-il  en  toute  confiance  la  gestion  des  intérêts  domestiques. 

Celui-ci  vit  en  bonne  intelligence  avec  la  direction  de  la  fabrique.  Il 
apprécie  fort  le  système  de  coopération  et  de  participation  aux  béné- 
fices qui  lui  donne  une  part  de  propriété  de  l'établissement.  «  Nous 
travaillons  pour  nous,  dit-il,  aussi  n'y  a-t-il  plus  à  craindre  de 
grèves.  »  Il  parle  avec  reconnaissance  de  M.  Laroche-Joubert père,  qui 
a  pris  l'initiative  de  cette  organisation,  continuée  et  développée  par  son 
fils,  actuellement  directeur-gérant  (§18).  Il  manifeste  pour  celui-ci  une 
gratitude  égale. 

Il  comprend  la  nécessité  de  l'association  parmi  les  ouvriers;  aussi 
fait-il  partie  d'une  société  de  secours  mutuels,  aux  séances  de  laquelle 
il  assiste  fidèlement  (§  13).  Il  se  rend  compte  également  des  services 
que  procure  à  des  ménages  modestes  la  société  coopérative  de  boulan- 
gerie qui  fonctionne  à  Angoulême  avec  un  grand  succès  (§  20).  Il  ne 
s'y  approvisionne  cependant  pas,  trouvant  plus  commode  de  se  fournir 
chez  son  boulanger  qui  demeure  tout  près  de  chez  lui. 

Tout  en  suivant  avec  intérêt  les  événements  politiques  dans  les  jour- 
naux, et  notamment  dans  le  Matin  charen(ais,  feuille  d'une  nuance 
conservatrice  dont  il  est  un  lecteur  fidèle,  il  ne  se  mêle  en  aucune  ma- 
nière aux  luttes  électorales.  Il  se  contente  d'exercer  sans  bruit  ses 
droits  d'électeur. 


278    N"  78.  —  OIVR.-EMPLOYÉ  DE  LA  PAPETERIE  COOPÉRATIVE  d'aNGOULÉME. 

Comme  beaucoup  d'autres  familles  d'ouvriers  papetiers,  celle-ci 
constitue  une  famille  vraiment  professionnelle.  Les  parents  du  père 
étaient  des  ouvriers  papetiers  ;  celui-ci  ne  conçoit  pas  d'autre  avenir  pour 
ses  tils,  et  ces  derniers  n'ont  jamais  songé  à  embrasser  une  autre  pro- 
fession; d'intelligence  inégale,  ils  ont  tous  reçu  une  bonne  instruction; 
l'un  d'eux  a  même  suivi  au  lycée  les  cours  de  l'enseignement  spécial. 
La  sécurité  de  l'existence,  une  fois  qu'on  est  entré  à  la  fabrique,  l'as- 
cension certaine  des  ouvriers  de  bonne  conduite,  la  fascination  exer- 
cée sur  eux  par  la  perspective  d'une  part  de  propriété  d'un  établisse- 
ment aussi  prospère,  tout  cela  détermine  leur  volonté  et  les  engage  à 
suivre  la  même  voie  que  leur  père  et  leur  grand-père. 

g  A. 

HYGIÈNE   ET    SERVICE    DE    SANTÉ. 

Les  membres  de  la  famille  ont  rarement  besoin  d'avoir  recours  à 
l'aide  du  médecin.  L'aîné  a  éprouvé  jadis  quelques  accidents.  Il  va  bien 
maintenant;  de  temps  en  temps  seulement,  il  est  obligé  de  prendre 
quelques  remèdes.  Angoulême,  du  reste,  est  une  ville  saine;  elle  doit 
sans  doute  cet  avantage  à  sa  position  élevée  et  particulièrement  aérée. 
Les  rues  sont  propres,  les  eaux  n'y  séjournent  pas.  Il  y  a  plusieurs 
années,  des  épidémies  de  fièvre  typhoïde  ont  éclaté  aux  casernes;  elles 
ont  fait  aussi  quelques  victimes  dans  la  ville.  La  défectueuse  qualité 
de  l'eau  distribuée  aux  soldats  les  avait  provoquées.  Depuis,  l'eau 
ayant  été  puriliée,  les  épidémies  n'ont  pas  reparu. 

^  S. 

RANG    DE   LA    FAMILLE. 

La  famille  s'est  élevée  au  rang  peut-être  le  plus  haut  qu'elle  peut 
atteindre  dans  la  hiérarchie  de  la  fabrique,  hiérarchie  dont  le  père  a 
franchi  tous  les  l'jchelons  (;^  12).  KUe  est  estimée  de  ses  chefs,  et  no- 
tamment du  patron.  L'éducation  donnée  aux  fils,  les  bonnes  disposi- 
tions dont  ils  font  preuve,  donnent  lieu  de  croire  (|ue  dans  l'avenir 
elle  n'est  plus  exposée  à  déchoir. 


OBSEKVATIO.NS    PHKLIMINAIHES.  -J7!» 


MOYENS  D  EXISTENCE  DE  LA  FAMILLE. 

§    6. 

l'KUI'IîlKTÉS. 

(  Al<iliilii'r  et  vclcnieiit  non  coinpi-is.) 

Lmmelbles 0^00 

[ja  famille  ne  possède  aucune  propriété  immobilière;  elle  ne  désire 
pas  du  reste  en  avoir. 

Argent  et  valeurs  mobilières 13.835^00 

La  famille  garde,  pour  faire  face  à  ses  dépenses  quotidiennes  et  aux 
accidents  imprévus,  une  somme  qui  varie  et  est  toujours  moins  élevée 
aux  fins  de  mois  que  dans  les  premiers  jours. 

1"  Somme  gardée  tomme  fonds  de  roulement,  35^00. 

2^  Part  du  père  dans  la  fabrique  1-2.000^00;  —  part  du  lils  aîné,  I.IOO^OO;  —  pari  du  se- 
cond lils,  -On^OO.  —  Total,  1.3.800'00. 

AiMMALX  DOMESTIQUES 0^00 

La  famille  n'en  possède  aucun. 

Matériel  spécial  des  travaux  et  industries 18^25 

Le  père  et  ses  fils  n'ont  besoin  d'aucun  outil  dans  leur  travail  à  la 
fabrique. 

1"  Matériel  de  blanchissage.  —  l  battoir,  0' :U>;  —  i  baquet,  4' 00;  —  1  selle,  -2^00.  —  Total, 
6f-2o. 

2"  Matériel  pour  le  jardin.  —  2  bêciies,(i''00;  —  outils  divers,  't'OO;  —  pots  de  (leurs, -i'OO. 
—  Total,  l-2f00. 

Valeur  totale  des  propriétés 13.853^25 

subventions. 

Les  subventions  n  ont  pas  disparu  dans  l'organisation  de  la  fabrique 
d'Angouléme,  comme  dans  tant  d'autres  établissements  industriels,  où 
le  paiement  du  salaire  en  argent  constitue  la  seule  rémunération  du 
travail  de  l'ouvrier.  La  famille  reçoit  une  précieuse  subvention ,  celle 


280    N'  78.  —  OLVR.-tMI'LOYÉ  DK  LA  l'Al'ETERIE  COOI'KKATIVE  d"aNG01:LÊME. 

de  la  maison;  dix-huit  à  vingt  familles  on  profilent  comme  elle.  Ce 
sont  les  plus  anciennes,  et  leurs  chefs  se  sont  en  outre  élevés  peu  à  peu 
dans  la  hiérarchie  ouvrière  jusqu'au  rang  d'employés.  Le  jardin  est 
aussi  alloué  gratuitement  à  la  famille,  comme  à  celles  qui,  demeurant 
dans  la  maison,  bénéficient  de  la  subvention  du  loyer,  et,  en  outre , 
il  lui  est  fait  don  d'une  certaine  quantité  de  fumier. 

Une  autre  subvention  est  donnée  à  toutes  les  familles  sans  excep- 
tion :  lorsque  le  coût  de  la  livre  de  pain  dépasse  U'30,  le  surplus  est 
payé  par  la  fabrique. 

La  participation  aux  bénéfices  est  devenue  un  droit  pour  la  famille 
décrite,  qui  compte  parmi  les  commanditaires;  mais  tous  les  ouvriers 
ne  se  trouvent  pas  dans  le  même  cas,  et,  de  plus,  lorsque  M.  Laro- 
che-Joubert  père  a  introduit  ce  système  et  a  ajouté  au  salaire  une  part 
de  bénéfices,  c'était  une  pure  libéralité  de  sa  part. 


8. 


travaux  et  industries. 


Travaux  du  père.  —  Après  avoir  passé  par  les  divers  emplois  que 
nécessite  la  fabrication  du  papier  (§  12),  le  père  est  entré  dans  les  bu- 
reaux, c'est-à-dire  est  devenu  employé.  Il  est  d'abord  préposé  à  la  vente 
de  la  ville.  Il  prend  les  ordres  des  clients,  les  leur  fait  parvenir  et  en- 
suite les  facture.  De  plus,  il  est  chargé  du  soin  de  répondre  à  deux 
représentants  qui  parcourent  l'un  l'Espagne,  l'autre  le  i*ortugaI;  ce 
travail  consiste  à  remplir  leurs  commandes  et  à  les  Iransmellre  à  la 
maison. 

Il  se  rend  a  son  travail  à  7  h.  1/2  et  y  reste  jusqu'à  11  h.  11  sort  pour 
aller  déjeuner  et  rentre  à  la  fabrique  à  midi  i/2.  Il  en  sort  à  0  h.  ou 
6  h.  Xj'l,  quelquefois  même  un  peu  plus  tard,  selon  les  commandes  à 
expédier.  Le  travail  fies  ouvriers  cesse  avant  celui  dos  employés,  qui 
restent  jusqu'à  (>  h.  ou  G  h.  I  '"l.  II  est  obligé  de  revenir  If  dimanche 
matin,  jusfiu'à  10  h.  1/2  ou  11  h.,  selon  le  travail,  dont  le  principal 
est  le  dépouillement  (lu  courrier.  Celte  obligation  lui  cause  une  vive 
contrariété;  il  aspire  à  la  possession  complète  du  dimanche,  de  même 
que  les  autres  employés  soumis  à  la  même  contrainte.  Mais  les  efforts 
(lu'ils  ont  tentés  auprès  de  la  direction  de  1  usine  n'ont  pas  jus(iu'à  ce 
jour  réus>i  à  faire  cesser  celte  coutume.  Elle  se  retrouve  aussi  dans 
d'autres  fabriques  framjaises.  Mais  nul  établissement  industriel  anglais 


OBSERVATIONS   PRÉLIMINAIRES,  281 

n'en  offre  l'exemple;  l'activité,  l'entente  des  affaires,  le  désir  de  don- 
ner prompte  satisfaction  à  la  clientèle,  ne  sont  cependant  pas  moin- 
dres de  l'autre  côté  du  détroit. 

L***  reçoit  un  traitement  de  1.800  francs.  En  outre,  il  a  une  somme 
de  12.000  francs  placée  à  la  fabrique  et  qui,  constituée  par  sa  partici- 
pation aux  bénéfices,  représente  sa  part  de  commandite  dans  la  fabri- 
que. Gette  somme  produit  un  intérêt  de  o  %.  Enfin  il  a  droit  à  une  coo- 
pération de  salaires,  comme  nous  l'exposons  plus  loin  {§  17).  En  1890, 
la  coopération  de  salaires  et  la  participation  aux  bénéfices  se  sont 
élevées  à  464^87  (1). 

Travaux  de  la  mère.  —  La  femme  se  livre  aux  travaux  de  ménage 
avec  beaucoup  de  soin  et  d'activité.  Elle  prépare  les  aliments,  raccom- 
mode les  vêtements,  entretient  la  maison  très  proprement.  Elle  tra- 
vaille aussi  à  la  fabrique,  qui  emploie  du  reste  plus  de  femmes  que 
d'hommes.  Elle  y  est  attachée  à  l'atelier  où  se  font  les  cigarettes.  La 
journée  commence  pour  elle  à  7  h.  1/2  du  matin.  Elle  quitte  l'atelier 
à  10  h.  pour  y  rentrer  à  11  h.  1/2.  Elle  y  reste  jusqu'à  2  h.  1/2  et,  à 
ce  moment,  le  travail  s'interrompt  pendant  une  heure.  Il  reprend  à 
3  h.  1/2  pour  se  terminer  vers  5  h.  1/2  ou  6  heures,  selon  qu'il  y  a 
plus  ou  moins  à  faire.  C'est  là  la  journée  de  travail  régulière;  mais, 
bien  souvent,  les  femmes  de  cet  atelier  sont  occupées  un  nombre 
d'heures  inférieur,  surtout  pendant  l'été,  quelquefois  même  pas  du 
tout.  La  période  d'activité  la  plus  grande  dure  peu  de  temps,  du  mois 
d'octobre  au  mois  de  décembre;  car  une  grande  concurrence  existe 
pour  la  fabrication  du  papier  à  cigarettes.  Le  travail  que  la  femme  doit 
accomplir  demande  de  l'attention  et  une  certaine  délicatesse  de  main. 
Elle  plie  la  couverture  dans  laquelle  se  place  le  cahier  et  met  le  caout- 
chouc destiné  à  le  maintenir. 

La  femme  est  payée  aux  pièces,  comme  du  reste  tous  les  ouvriers 

(I)  Il  est  à  ohserver  que  les  années  suivantes  oui  clé  bien  moins  l'avorisées.  En  IH!»i,il 
a  louché,  à  ce  lilre  seulement,  2o0':2(i;  en  l«!(-2,  rien. 

Celle  ahsence  de  benéGccsen  l'année  IS!hJ  n'esl  pas  due  à  un  ralenli.sscment  de  la  pros- 
périle  de  la  maison.  Trois  causes  l'expliquent  :  l'anidrlissemenl  des  immeubles  auquel, 
avec  un  grand  senlimeul  de  |)rév()yance,  la  maison  consacre  une  somme  imporlanU-,  l'ac- 
croissement de  la  consommation  du  charbon  résultant  des  froids  de  l'hiver,  la  disette 
d'eau  résultant  de  l'été  déjà  très  sec  de  l«!>:2.  —  Depuis  f|u'elle  fonctionne,  l'exploitation 
de  Basseau  a  tenu  ses  promesses.  Elle  devait  fouiuir  100.000  kil.  par  mois;  elle  donne  de 
90  à  Oo.OOO,  et  la  cause  de  cette  faible  différence  provient  du  défaut  d'eau,  surtout  cette 
année  à  cause  de  l'extraordinaire  sécheresse.  Un  fait  prouve  que  le  rendement  n'a  pas 
été  au  dessous  des  prévisions.  Le  stock  de  bois  qui  constitue  la  matière  première  de 
Basseau  est  supérieur  de  40  %  aux  pn'visions  des  polices  d'assurances,  et  il  a  fallu  augmen- 
ter d'autant  les  risques.  La  production  de  Basseau,  non  seulement  s'écoule  facilement, 
mais  ne  suflit  même  pas  aux  commandes. 


282    N°  78.  —  OLVR. -EMPLOYÉ  DE  LA  PAI'ETERIE  COOPÉHATIVE  d'aNGOLLÈME. 

de  la  fabrique;  les  employés  seuls  reçoivent  une  rémunération  lixe. 
Les  pièces  sont  réglées  tous  les  quinze  jours.  Le  gain  de  la  femme  est 
d'environ  GOO  francs  par  an  (I). 

Travaux  du  fils  aine.  —  Il  est  employé  aux  expéditions;  ses  heures 
de  travail  sont  les  mêmes  que  celles  de  son  père.  Sa  tâche  consiste  à 
copier  la  correspondance  d'un  voyageur  et  à  remettre  les  commandes 
à  cha(|ue  service.  Le  voyageur  auquel  il  est  attaché  fait  les  environs 
d'Angoulème.  Le  fils  aîné  touche  maintenant  une  rémunération  de 
85  francs  par  mois.  Son  compte,  inscrit  à  son  nom  dans  la  maison, 
s'élève  à  1.100  francs;  il  en  touche  l'intérêt  à  5  %  .  Avant  d'avoir  celte 
position,  il  avait  passé  par  plusieurs  services,  où  ses  appointements 
n'avaient  pas  élé  fixés  d'une  manière  définitive. 

Travaux  du  second  fils.  —  11  aide  son  père  et  a  les  mêmes  heures  de 
travail  que  lui.  Ses  appointements  sont  de  55  francs  par  mois,  et  son 
compte,  inscrit  à  son  nom,  est  de  700  francs.  Un  intérêt  de  5  %  lui 
est  payé. 

Travaux  du  troisième  fils.  —  Au  moment  de  notre  enquête,  le  troi- 
sième fils, qui  venait  de  terminer  son  instruction,  attendait  dans  la  fa- 
hrique  une  place  que  l'exemple  de  sa  famille  lui  faisait  vivement  dé- 
sirer. 

Industries  entrep7nses  par  la  famille.  —  La  famille  entreprend  deux 
industries  domestiques  :  le  blanchissage  et  la  culture  du  terrain 
que  la  direction  de  la  fabrique  lui  octroie  gratuitement  (^  7).  Tous  les 
membres  de  la  famille  se  font  un  plaisir  de  travailler  à  l'entretien  de 
ce  jardin. 


MODE  D'EXISTENCE  DE  LA  FAMILLE. 
ALIMENTS   ET    IIEPAS.   t 

L;i  liiuiille  se  nourrit  bien,  sans  jamais  tomber  dans  aucun  excès 
sous  le  rapport  de  la  recherche  des  aliments.  Kllc  ne  mange  toutefois 
qu'avec  une  certaine  répugnance  des  mets  ordinaires,  tels  que  le  bœuf 
bouilli. 

(0  Depuis  iKilrc  Miy.iK*»  ;i   Viiscuili'iiic,  l.i  ffininc,  ay.ini  pi-rdii   sa  incrc,  a  voulu  se  c<in- 
saircr  exclusivement  aux  Ua\au\  du  uiiiiase  cl  a  <|uillc-  la  lal>rii|u<'. 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  283 

Trois  repas  ont  lieu  par  jour.  Le  matin,  c'est,  après  le  lever,  le  pre- 
mier déjeuner,  qui  se  compose  de  café  au  lait,  avec  du  pain.  A  H  heu- 
res a  lieu  le  repas  principal,  dans  la  composition  duquel  entre  presque 
toujoursune  soupe,  avec  un  morceau  de  viande,  souvent  accompagné 
de  légumes  ou  de  dessert,  maintes  fois  des  deux.  Le  soir,  après  la  ren- 
trée du  père  de  la  fabrique,  a  lieu  le  souper,  dont  le  menu,  moins  la 
soupe,  se  compose  à  peu  près  des  mêmes  plats  que  celui  du  déjeuner, 
et  comprend,  comme  légumes,  très  fréquemment  de  la  salade.  L'un 
des  fils,  le  second,  revient  souvent  de  la  fabrique  dans  la  journée, 
pour  goûter  avec  un  morceau  de  pain  et  du  chocolat. 

La  famille  consomme,  en  quantités  presque  égales,  de  la  viande  de 
bœuf,  de  mouton,  de  veau,  et  un  peu  moins  de  porc.  Assez  souvent, 
environ  trois  ou  quatre  fois  par  mois,  elle  mange  du  poulet.  En  fait 
de  poisson,  ne  paraissent  sur  sa  table,  comme  poissons  de  rivière,  que 
ceux  péchés  par  le  mari.  Mais  la  famille  achète,  une  fois  par  semaine 
environ,  dupoisson  de  mer.  Elle  aime  beaucoup  le  lapin,  qu'elle  con- 
somme seulement  au  repas  du  soir. 

Comme  boisson,  elle  prend  une  piquette  faite  avec  du  raisin  sec. 
Elle  consomme  un  litre  de  rhum  par  mois,  outre  les  liqueurs  de  cassis 
et  de  framboise  fabriquées  à  la  maison.  Le  mari  ne  prend  qu'à  de 
rares  intervalles  quelques  consommations  en  dehors  de  chez  lui  ; 
ic'est  après  une  partie  de  cartes  faite  avec  des  amis. 

La  famille  ne  s'approvisionne  pas  à  la  boulangerie  coopérative  de 
la  ville  (§  :20).  Elle  conserve  son  boulanger,  dont  l'établissement,  situé 
à  proximité,  lui  est  d'un  usage  plus  commode.  En  outre,  elle  préfère 
régler  à  sa  guise,  tous  les  quinze  jours  ou  tous  les  mois,  tandis  que 
la  société  coopérative  exige  le  paiement  au  comptant.  La  famille  n'a 
aucun  crédit  chez  ses  autres  fournisseurs. 

l  10. 

HABITATION,    MOBILIER    ET    VETEMENTS. 

La  famille  habile  un  appartement  situé  dans  la  cité  (îabrielle,  qui 
a  été  construite  par  M.  Laroche-Joubert,  à  proximité  de  la  fabrique. 
Cette  cité  donne  sur  une  rue  à  pente  très  rapide,  comme  il  s'en  ren- 
contre beaucoup  sur  les  flancs  du  coteau  abrupt  au  liant  duquel  s'é- 
lève Angoulême.  Au  bas  de  la  cité  se  trouve  un  terrain  assez  étendu 
divisé  en  jardins,  répartis  entre  tous  les  locataires.  La  famille  ne  paie 


284     >"  78.  —  OUVR. -EMPLOYÉ  DE  LA  l'APETElUE  COOPÉRATIVE  D  ANGOULÉME. 

aucun  loyer,  ni  pour  la  maison  ni  pour  le  jardin  (§  '),  ainsi  que  les 
autres  locataires,  tous  employés  depuis  longtemps  dans  la  fabrique 
et  attachés  au  service  des  bureaux. 

La  maison  est  située  un  peu  en  contre-bas  du  côté  de  la  rue.  Mais, 
au  contraire,  du  côté  des  jardins,  elle  domine  une  assez  vaste  étendue 
de  paysage  au  milieu  duquel  coule  la  Charente.  C'est  le  nord  de  la 
ville. 

L'appartement  se  compose  de  cinq  pièces;  Tune  sert  à  la  fois  de  salle 
à  manger  et  de  cuisine,  les  autres  de  chambres  à  coucher;  une  d'entre 
elles  est  très  petite.  Trois  de  celles-ci  sont  situées  au  premier  étage, 
les  autres  pièces  sont  au  re/.-dc-chausée,  mais  elles  ne  se  trouvent 
pas  les  unes  au-dessus  des  autres.  L'appartement  comprend  en  outre 
une  cave  et  un  grenier. 

Meubles  :  très  nombreux,  mais  ne  dénotant  aucune  recherche  de 
luxe 2. 139'  00 

1"  Literie.  —  3  lils  en  hois,  I!I5'(M);  —  I  lil  en  fer,  ii'(K);  —  4  sommiers,  Ilo'fX);  —  4  lils  de 
plume,  '240'00;  —  3  rhalelas,  Itt'OO;  —  1  édredon,  iîO'OO;  —  rideaux  avec  arc  et  baldaquin, 
IO.-i'00;  —  i  couvertures  de  laine,  32'00;—  4  couvertures  en  coton  et  4  courtes- pointes, 
75' 00.  —  Total,  »3-2'0O. 

•2r  Mobilier  de  In  xalle  à  manger  et  cuisine.  —  ^i  chaises,  1"2'00;  —  1  buffet,  '>0'00;  — 
I  table,  40'00;  —  I  pendule,  100' 00;  -  1  slacc,  20'00;  —  1  tapis  de  table,  lO'OO;  —  l  ar. 
moire,  lOO'OO;  —  1  machine  à  coudre,  IjO'OO;  —  1  petit  coffret,  lO'OO;  —  1  petite  table, 
2'00;  —  i  fourneau  de  cuisine,  14'00.  —  Total,  .ï08'00.  * 

3°  Mobilier  des  autres  chambres.  —  1  armoire  à  glace,  l.-iO'OO;  —  1  fauteuil  Voltaire, 
40'00;  —  1  armoire,  120'00;  —  2  glaces,  40'00;  —6  chaises,  at'OO;—  i  petite  table 
ronde,  2'00;  —  I  petit  tapis  pour  recouvrir  la  table,  2'00;  —  4  tables  de  nuit,  .'WOO;  —'2  ta- 
pis. lO'OO;  —  1  grande  pendule  à  boîtier,  15'00;  —  pots  à  eau  et  cuvettes,  lO'OO,  —  Total, 
4t>3'00. 

i"  Livres,  r/ravures,  objets  de  piété  et  de  récréation.  —  2  boites  à  violon,  lOO'OO;  — 
1  lliite,  2;i'00;  —  21"usils,  "O'OO;  —  photographies  de  famille,  .i'OO;  —  livres  de  prix,  6'00; 

—  méthodes  cl  morceaux  de  musique,  20'00;  —  livres  de  messe,  I2'00.  —  Total,  2:«i'00. 

Ustensiles  :  répondant  à  tous  les  besoins  de  la  famille  et  entrete- 
nus d'une  manière  suffisante 1 1 'i^-iO 

1"  Employés  pour  la  cuisson,  la  préparation  cl  la  consommation  des  aliments.  —  î>  cas- 
seroles de  terre,  3'f)0;  —  2  marmites  en  fer,  lO'DO;  —  1  pot-au-feu,  I'OO;  —  1  seau,  l'2."i; 

—  4  douzaines  d'assiettes,  i'i'80;  —  1  douzaine  d'assiettes  de  dessert,  l'Wi;  —  12  verres, 
l'80;  —  6  plais  blancs,  2' 40;  —  2  saladiers,  0'«0;  —  .'i  bols,  0'"."i;  —  3  soupières,  2  blan- 
ches et  1  de  couleur,  ït'OO;  —  3  douzaines  de  cuillers,  7'20;  —  3  douzaines  de  fourchet- 
tes, T20;  —  0  fourchettes  en  métal  anglais,  3'00;  —  5  cafetières,  6' 00;  —  1  cuiller  à  i)ol, 
0'7.');  —  3  passoires,  O'sO;  —  0  couteaux,  2'.'i0;  —  0  tasses,  l'50;  —  grils.  2'00;  —  100  bou- 
teilles, lO'OO.  —  Total,  78' 20. 

2"  Employés  pour  l'éclairage  et  le  chauffage.  —  1  lampe,  .'i'OO;  —  1  lampe  plus  petite, 
l'25;  -  2  paires  de  flambeaux,  I3'0n;—  l  bougeoir,  0' 65;  — vieux  chenèls,  3' 00;  — pelles  et 
pincettes,  ii'OO;  —  1  soufflet,  l'93.  —  Total,  2!)'85. 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  285 

3°  Employés  à  divers  usages  domestiques.  —  Brosses  pour  souliers  et  habits,  3' 00;  — 
i  halai  et  1  plumeau,  0'95;  —  peignes,  brosses  ot  objets  de  toilette,  H'^Q.  —  Total,  (>"*•';. 

Linge  de  ménage  :  en  quantité  suffisante 673^90 

.30  paires  de  draps  de  lit,  GOO'OO;  —  i  douzaines  de  serviettes  de  table,  48' 00;  —  1  nappe, 
5'00;  —  3  tabliers  de  cuisine,  C'OO;  —  4  essuie-mains,  ^'40;  —  i-2  torchons,  2'50;  —  ri- 
deaux de  fenêtres,  lO'Oo.  —  Total,  r.7:{'i)0. 

VÊTEMENTS 2.08of  95 

Comme  la  plupart  des  familles  ouvrières,  la  famille  décrite  dans 
cette  monographie  tient  à  avoir  des  vêtements  qui  ne  la  distinguent 
en  rien  des  classes  plus  aisées;  elle  en  possède  une  grande  quantité. 
Depuis  bien  longtemps,  tout  costume  particulier  a  disparu  à  Angou- 
lême. 

Vêtements  des  hommes,  selon  le  détail  ci-dessous  (l.SGl'^Qo). 

1"  Vêlements  du  père.  —  1  redingote,  70' 00;  —  t  pantalon  noir,  :25'00;  —  1  gilet  noir, 
lii'OO;  —  1  jaquette  noire,  60' 00;  —  1  pantalon  fantaisie,  "20' 00;  —  1  vêtementcompletcn 
coutil;  30'00;  —  i  vêtement  complet  de  tous  les  jours,  iO'OO;  —  1  pardessus,  oO'OO;  — 
i  chapeau  de  feutre  noir,  IO'OO;  —  l  chapeaude  paille,  3':i0;  —-2  paires  de  bottines,  36' 00; 

—  2  douzaines  de  chemises,  t-20'00;  —  3  paires  de  chaussettes,  G'-la;  —  1  douzaine  de 
mouchoirs,  6' 00;  —  4  cravates.  3'80;  —  1  montre  en  or  avec  la  chaîne,  i4o'00.  —  Total, 
640' 55. 

2°  Vêtements  du  fils  aîné.  —  1  costume  complet,  80'00;  —  1  autre  costume,  Co'OO;  — 
vêtements  de  travail,  25'00;  —  1  blouse,  5' 00;  —  \  chapeau  de  feutre  noir,  IO'OO;  — 
\  chapeau  de  paille,  3'00;  —  J  paire  de  souliers,  i^'OO;  —  1  paire  de  bottines,  22' 00;—  1  dou- 
zaine de  chemises,  60'00;  —  3  cravates,  2' 40;  —  12 faux-cols,  6' 00;  —  12  mouchoirs,  venant 
du  Louvre,  6' 00;  —  S  paires  de  chaussettes,  6'25  ;  —  1  montre  en  argent  avec  la  chaîne, 
60' 00.  —  Total,  362' 65. 

3»  Vêtements  du  deuxième  fils.  —  Même  composition  et  même  valeur  que  ceux  du  fils 
aîné,  362'6o. 

4°  Vêtements  du  troisième  fils.  —  Costume  habillé,  33' 00;  —  costume  ordinaire,  25'00;  — 

1  chapeau  de  feutre,  7'00;  —  i  chapeau  de  paille,  3' 00;  —  2  paires  de  souliers,  24'00;  — 

2  cravates,  l'60;  — 12  chemises,  48'00;  —6  paires  de  chaussettes,  7'50;  —  1  pardessus,  20' 00; 

—  1  montre  en  nickel  avec  la  chaîne,  23' 00.  —  Total,  liMî'lO. 

Vêtements  de  la  mère,  selon  le  détail  ci-dessous  (524^00). 

3  robes,  50'00;  —  1  manteau,  25' 00;  —  1  chàle,  20'00;  —  1  jaquette  noire,  tO'OO; 
1  chapeau,  lo'OO;  —  48  chemises,  72'00;  —  20  paires  de  chaussettes,  30'00;  —  \  paire  de 
bottines,  15'00;  —  pantoufles,  5' 00;  —  galoches,  2' 00;  —  1  montre  en  or  avec  la  chaîne, 
170'00;  —  1  alliance,  25'oo;  —  1  bague  en  or,  25'00;  —  2  paires  de  boucles  d'oreilles,  60' 00. 

—  Total,  .524' 00. 

Valeur  totale  du  mobilier  et  des  vêtements 5.013^35 


l   il. 

RÉCRÉATIONS. 

La  culture  du  jardin  constitue  pour  la  famille  une  grande  distrac- 
tion; c'est  tin  lien  «pii  la  raftacbo  à  son  foyer,  et  les  légumes  Pt  fruits 


28G    N"  78.  —  OUVR. -EMPLOYÉ  DE  LA  PAPETERIE  TOOPÉRATIVE  d'aNGOULÉME. 

qu'elle  y  recolle  semblent  avoir  pour  elle  une  saveur  parliculière.  Lors- 
que sa  journée  de  travail  est  terminée,  le  père  se  repose  en  fumant  chez  lui 
quelques  cigarettes.  II  aime  aussi  la  pêche,  et  surtout  la  chasse.  C'est 
pour  lui  un  regret  souvent  exprimé  que  l'obligation  de  venir  le  di- 
manche malin  au  bureau  l'empêche  de  so  livrer  à  son  passe-temps  favori 
autant  qu'il  le  désirerait.  Car  les  heures  du  matin  sont,  dit-il,  les  plus 
fructueuses  pour  le  chasseur,  et  il  ne  peut  se  mettre  en  roule  que  trop 
tard,  vers  1  heure  de  l'après-midi.  De  temps  en  temps,  il  va  au  café 
avec  quelques  amis  faire  une  partie  de  cartes. 

Les  fils  aiment  la  musique,  que  leurs  parents  ont  tenu  à  leur  faire 
apprendre.  Les  deux  aînés  jouent  du  violon,  le  troisième,  de  la  Hûte; 
mais,  au  moment  où  les  renseignements  relatifs  à  cette  monographie 
(Haienl  recueillis,  ils  s'abstenaient  d'en  jouer,  étant  en  deuil  de  leur 
grand'mère  maternelle.  Le  dimanche,  l'assistance  au  concert  donné 
|)ar  la  musique  militaire  constitue  une  de  leurs  distractions  préférées, 
ainsi,  du  reste,  que  pour  une  grande  partie  de  la  population.  C'est  là 
que  se  rendent  les  jeunes  ouvrières,  vêtues  de  leurs  plus  pimpants 
alours,  elle  paysage  étendu  et  varié  qui  se  déroule  au  piedd'Angoulème 
ajoute  un  charme  de  plus  à  la  musique.  Dans  toutes  les  villes  de 
province,  la  musique  militaire  attire  une  assistance  aussi  nombreuse; 
elle  fait  entendre  au  moins  une  fois  par  semaine  des  morceaux  d'un 
art  plus  élevé  que  les  ineptes  et  vulgaires  refrains  de  cafés-concerts 
qui,  retentissant  fréquemment  à  nos  oreilles  dans  les  rues,  semblent 
constituei-  tout  le  bagage  artistique  d'un  grand  nombre  de  jeunes 
gens  de  la  classe  ouvrière.  F^es  enfants  goûtent  aussi  le  théâtre,  et 
surtout  le  cirque;  ils  y  vont  plusieurs  fois  par  an.  Une  autre  de  leurs 
distractions  est  l'entretien  de  pigeons  voyageurs  qui  prennent  part 
aux  courses  instituées  depuis  quelques  années.  C'est  un  nouveau 
passe-lemps  très  en  vogue  dans  certaines  familles  ouvrières. 

La  famille  ne  reçoit  qu'à  de  rares  occasions  des  parents  ou  amis, 
trouvant  ces  réceptions  uu  peu  coûteuses. 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  287 


HISTOIRE  DE  LA  FAMILLE. 


l  12. 


PHASES    PRINCIPALES    DE    L  EXISTENCE. 

Presque  toutes  les  familles  ouvrières  attachées  à  la  fabrique  sont 
de  véritables  familles  professionnelles.  Leurs  parents  y  étaient  em- 
ployés; c'est  là  que  leur  existence  entière  s'écoulera,  et  les  ouvriers 
qui  possèdent  une  part  de  commandite  apprécient  tellement  les  avan- 
tages de  cette  co-propriété,  la  sécurité  de  leur  existence,  qu'ils  se 
gardent  bien  de  quitter  leur  poste.  Ils  ne  voient  pour  leurs  enfants 
aucune  autre  position  plus  avantageuse.  Il  en  est  ainsi  de  celte  fa- 
mille. Le  père  de  Célestin  L***  a  été  ouvrier  dans  la  fabrique.  Il  y  a 
fait  entrer  son  fils  à  l'âge  de  sept  ans  et  demi,  de  sorte  que,  avant  de 
parvenir  à  sa  place  actuelle ,  celui-ci  a  passé  par  tous  les  emplois 
que  peut  occuper  un  ouvrier  dans  une  fabrique  de  papier.  Il  a  débuté 
comme  tireur  de  feuille  :  deux  personnes  sont  l'une  à  cùté  de  l'autre; 
l'une  met  le  papier  entre  deux  feuilles  de  zinc,  l'autre  l'enlève;  tel 
était  le  travail  dont  il  était  chargé.  II  entrait  à  la  fabrique  à  5  heures 
du  malin  et  y  restait  jusqu'à  8  heures.  Après  une  interruption  d'une 
demi-heure,  il  se  remettait  à  la  tâche  et  ne  la  quittait  plus  qu'après  cinq 
heures  et  demie  de  labeur;  à  2  heures,  il  jouissait  alors  d'un  repos 
d'une  heure,  et,  après  être  rentré  à  3  heures,  finissait  sa  rude  journée  à 
7  heures  du  soir.  Son  gain  s'élevait  à  7^80  ou  10  francs  par  mois. 
C'était  entre  deux  factions  qu'il  pouvait  compléter  ses  premiers  rudi- 
ments d'instruction  élémentaire.  Puis  il  devint  tireur  de  feuille  à  la 
coupeuse;  le  travail,  peu  fatigant,  consistait  à  prendre  le  papier  qui 
tombait  de  la  machine  et  à  le  ranger  dans  un  coin.  Il  gagnait  lo  francs 
par  quinzaine.  Il  fut  ensuite  mis  à  la  machine  comme  graisseur,  c'est- 
à-dire  qu'il  entretenait  la  machine  à  papier  et  veillait  à  ce  qu'aucun 
accident  ne  se  produisît.  Sa  journée  de  douze  heures  allait  de  midi  à 
minuit,  ou  de  minuit  à  midi.  Tous  les  quinze  jours,  le  travail  se  pro- 
longeait pendant  vingt-quatre  heures  sans  interruption.  Seulement,  le 


288    N°  78.  —  OUVR. -EMPLOYÉ  DE  LA  PAPETERIE  COOPÉRATIVE  d'aNGOULÉME. 

dimanche  suivant,  il  avait  un  repos  complet.  Les  ouvriers  auxquels 
revenait  celte  besogne  se  couchaient,  dans  les  moments  où  la  ma- 
chine n'allait  pas,  sur  des  rognures  de  papier  et  y  dormaient 
quelques  instants.  Notre  ouvrier  avait  douze  environ  ans;  il  touchait 
un  salaire  de  30  à  SS*"'-  par  mois.  C'était  à  la  fabrique  dite  de  l'Ab- 
baye, dans  la  commune  de  la  Couronne,  qu'il  travaillait.  Il  resta  un 
an  dans  ce  poste. 

Sa  famille  vint  alors  se  fixer  à  Angoulème.  Il  devint  cartonneur. 
Son  travail  consistait  à  prendre  une  feuille  de  papier  qu'on  recou- 
vrait de  /.inc.  Un  autre  ouvrier  placé  devant  lui  s'emparait  de  ces 
papiers  et  les  engageait  sous  l'hélice.  Il  ne  travaillait  qu'une  demi- 
journée  et  passait  le  reste  à  l'école.  Pendant  ce  temps,  une  famille  avec 
laquelle  il  s'était  entendu   le  remplaçait. 

De  cartonneur,  il  passa  à  la  manœuvre,  c'est-à-dire  qu'il  faisait  de 
tout.  Il  dépotait  la  pute,  chargeait,  déchargeait  les  charrettes,  mettait 
le  chiffon  sur  une  petite  table  où  trois  couteaux  le  tranchaient.  Si 
simple  qu'elle  parût,  cette  dernière  opération  présentait  certains  dan- 
gers. Il  fallait  faire  grande  attention  à  ne  pas  se  faire  couper  les 
doigts.  Maintenant,  au  lieu  des  mains,  on  se  sert  d'une  pelle,  ce  qui 
évite  les  accidents.  Un  autre  inconvénient,  c'était  l'introduction  de  la 
poussière  de  chiflon  dans  la  gorge.  Vers  l'âge  de  seize  ans,  il  changea 
encore  de  poste  et  vint  aider  son  père  qui  était  gouverneur,  c'est-à- 
dire  triturait  les  chiffons  pour  les  réduire  en  pâle.  La  faction  était  de 
douze  heures,  de  midi  à  minuit  ou  de  minuit  à  midi.  Tous  les  quinze 
jours,  elle  durait  vingt-quatre  heures  sans  interruption,  tandis  que  l'au- 
tre dimanche  il  n'était  assujetti  à  aucun  labeur.  Il  ne  resta  pas  plus 
longtemps  dans  cette  nouvelle  faction  que  dans  les  autres  et  entra  à  la 
salle  d'apprêts;  il  attachait  le  papier  prêt  à  être  expédié  aux  clients. 
Le  travail  commençait  à  5  heures  du  matin  pour  finir  à  7  heures  du 
soir,  avec  une  interruption  de  2  heures.  Il  gagnait  alors  oO  francs  par 
mois.  Lnfin,  changeant  encore  de  tâche,  il  devint  chef  d'atelier;  en 
cette  qualité,  il  devait  notamment  surveiller  le  personnel,  régler  la 
pression  du  papier  qui  était  laminé.  Le  travail  se  prolongeait  pendant 
la  même  période  de  temps  que  lorsqu'il  se  trouvait  à  la  salle  d'ap- 
prêts. Mais  il  avait  uu  salaire  plus  élevé,  gagnant  de  00  à  70  francs 
|)ar  mois. 

(ù'est  là  que  le  service  militaire  le  prit.  Il  fut  incorporé  au  70'"  de 
ligne  et  fit  successivement  les  garnisons  de  Saint-Brieuc,  Troyes,Gaen, 
le    Havre,  Ghàlons.  Il  se  maria  pendant  un  congé  de  semestre.   Pen- 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  289 

dant  la  guerre,  il  assista  au  siège  de  Paris  dans  les  rangs  du  l.'ÎS"  de 
ligne  et,  entre  autres  combats,  prit  part  aux  sorties  d'Épinay  et  du 
Bourget. 

Lorsque  la  guerre  fut  terminée  et  que  les  affaires  reprirent,  il 
n'eut  pas  un  seul  instant  la  pensée  de  quitter  son  pays  et  revint,  tout 
joyeux,  reprendre  sa  place  à  la  fabrique.  Il  entra  à  ce  moment  au 
bureau  d'expéditions  qu'il  n'a  plus  quitté  depuis. 

Gomme  tous  les  ouvriers,  il  se  plaît  à  raconter  la  modeste  histoire 
de  sa  vie,  à  revenir  sur  les  incidents  de  sa  jeunesse,  sur  les  traits 
de  sa  carrière  militaire.  Mais  il  évoque  aussi  le  souvenir  des  dures 
fatigues  qu'il  éprouvait  lorsque,  étant  encore  enfant,  il  était  con- 
damné à  travailler  du  soir  au  matin,  et  que  tous  les  quinze  jours  il 
devait,  p.endant  vingt-quatre  heures,  rester  à  l'atelier  sans  débrider. 
Aussi  ces  souvenirs  amers  le  rendent- ils  tout  à  fait  hostile  aux  longues 
journées  de  travail.  Douze  heures  lui  paraissent  excessives;  toutefois 
il  refuse  de  s'associer  aux  revendications  en  faveur  de  la  journée  de 
huit  heures,  dont  il  juge  la  durée  infiniment  trop  courte.  Dix  heures 
sont  à  ses  yeux  la  journée  normale. 

Grâce  à  la  bonne  situation  de  leur  père  dans  la  manufacture,  les 
fils  ne  connaîtront  pas  des  temps  aussi  durs.  Les  heures  de  travail, 
du  reste,  ont  été  réduites,  et  l'on  ne  voit  plus  aujourd'hui  des  enfants 
de  sept  ans  condamnés  à  rester  pendant  douze  heures  dans  un  atelier. 
Ils  n'entreront  à  la  fabrique  qu'après  avoir  reçu  une  instruction  très 
complète,  puisque  les  deux  aînés  ont  passé  deux  ans  au  lycée,  où  ils 
avaient  obtenu  une  bourse.  En  seront-ils  plus  attachés  à  leur  métier? 
S'ils  ne  sortaient  pas  d'une  famille  aussi  fortement  liée  à  sa  profes- 
sion, un  propos  tenu  par  le  père  lui-même  nous  permettrait  d'en 
douter.  «  Beaucoup  de  petits  propriétaires  ruraux,  nous  disait-il, 
envoient  leurs  enfants  au  lycée;  mais,  une  fois  qu'ils  ont  terminé 
leurs  études,  ils  ne  veulent  plus  retourner  à  la  campagne.  » 

La  fabrique  attire  aussi  à  elle  les  jeunes  filles,  puisque  les  femmes  y 
forment  la  majeure  partie  du  personnel.  Elle  entraîne,  au  point  de  vue 
moral,  les  résultats  que  l'observation  a  partout  relevés,  et  la  promiscuité 
des  ateliers  ne  donne  pas  à  celles  qui  y  sont  employées  une  tenue  irré- 
prochable. Les  bâtiments  de  la  fabrique  ont  été  construits  les  uns  après 
les  autres,  au  fur  et  à  mesure  que  le  développement  des  affaires  ren- 
dait nécessaire  l'agrandissement  des  constructions  primitives.  Aussi 
contiennent-ils  beaucoup  de  petits  escaliers,  de  coins  et  de  recoins, 
qui  rendent  la  surveillance  moins  facile.  Les  femmes  continuent  à  tra- 

21 


-290  N"  78. 


OLVR.-EMPLOYK  UE  LA  l'AI'ETERlE   COul'ÉKATIVE  D  A.NGOULEME. 


vailler  à  la  fabrique,  même  après  leur  mariage.  Elles  trouvent  là  un 
supplément  de  ressources  qu'elles  goûtent  fort.  Elles  y  restent  jusqu'à 
ce  que  leurs  forces  les  abandonnent. 


g  13. 


MOEURS    ET    INSTITUTIONS    ASSURANT    LE    BIEN-ETI'.E    riIYSIQUE    ET    MOHAL 

DE    LA    FAMILLE. 


Les  qualités  sérieuses  de  la  famille,  son  union,  son  esprit  d'ordre, 
son  application  au  travail,  sa  bonne  conduite,  telle  est  la  première 
cause  de  la  sécurité  de  son  existence.  Elle  est  attachée  ensuite  à  un 
établissement  industriel  que  les  crises  commerciales  n'affectent  pas 
d'une  manière  profonde,  et,  si  un  ralentissement  notable  des  affaires 
venait  à  se  produire,  la  famille,  employée  depuis  longtemps  à  la  fabri- 
que, serait  une  des  dernières  qui  auraient  à  en  souffrir.  Elle  possède  de 
plus  une  somme  provenant  de  sa  participation  aux  bénéfices,  qui  cons- 
titue une  forte  réserve  pour  les  mauvais  jours;  mais  aucune  caisse  de 
retraite  ou  de  secours  n'existe  à  la  fabrique.  Son  fondateur  considérait 
que  de  telles  institutions  constituaient  une  atteinte  à  la  liberté  des 
ouvriers;  dans  sa  pensée,  il  appartenait  à  ces  derniers  de  se  garantir 
eux-mêmes,  parleur  propre  initiative,  contre  les  hasards  de  l'existence, 
et  toute  intervention  de  sa  part  <lans  ce  sens  aurait,  pensait-il,  afl'aibli 
leur  sentiment  de  prévoyance  (Î5  17).  Nous  devons  constater,  du  reste, 
que  la  plus  grande  partie  du  personnel  semble  s'être  accommodée  de 
cette  absence  de  caisses  de  retraites  ou  de  secours.  La  participation 
aux  bénéfices  et  l'accession  progressive  à  la  propriété  de  l'établisse- 
ment présentent  aux  yeux  des  ouvriers  des  avantages  supérieurs. 

C'est  donc  à  l'association  que  l'ouvrier  a  demandé  le  secouis  qu'il  ne 
trouvait  pas  dans  les  institutions  patronales.  Il  s'est  fait  recevoir  mem- 
bre de  la  Société  de  secours  mutuels  des  employés  de  commerce.  La  co- 
tisation est  de  1"50  par  mois.  \<]n  cas  de  maladie,  il  prévient  un  adminis- 
trateur; il  a  droit  à  une  visite  du  médecin  et  à  certains  médicaments  du 
pharmacien.  Au  bout  de  six  jours, en  cas  denon-rétablissement,il  rccjoit 
une  indemnité  de  1'' 50  par  jour.  Les  statuts  accordent  ces  secours, 
selon  les  cas,  pendant  une  i>ériodc  de  trois  ou  de  six  mois;  mais  ils 
peuvent   être  prolongés  sur  une  délibératinu   du  bureau.   Si    un  des 


OBSERVATIONS    PRKLIMINAIHES.  :29l 

membres  de  la  Société  meurt,  celle-ci  paie  un  service  funèbre  de 
100  francs.  La  famille  en  veut-elle  un  plus  coûteux,  elle  supporte  le 
surplus  des  frais.  Mais  elle  ne  reçoit  aucun  secours,  ni  pour  la  femme, 
ni  pour  les  enfants.  Cette  Société  n'admet  pas  les  femmes,  tandis  qu'el- 
les peuvent  faire  partie  des  autres  sociétés.  La  réunion  de  la  Société  a 
lieu  tous  les  trois  mois;  elle  ne  comprend  aucun  membre  honoraire, 
contrairement  à  la  plupart  des  sociétés,  qui  se  soutiennent  surtout  par 
les  cotisations  de  ces  derniers,  maintes  fois  plus  élevées  que  celle  des 
associés.  La  Société  dont  fait  partie  l'ouvrier  donne  à  ses  membres  un 
autre  avantage  :  ils  peuvent  s'approvisionner  à  la  Société  coopérative  de 
boulangerie,  sans  être  tenus  de  posséder  une  action  (§  20). 


292         i\"    78.    —    OLVM.-EMl'LOYK    DE    LA    PAPETERIE    COOI'EIÎATIVE    d'aNGOULÈME. 


§14.  —  BUDGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNEE. 


SOURCES  DES  RECETTES. 


SECTION     1". 
PROPRIÉTÉS  PO*»SÉD(t:ES  PAR   LA   FAMII.LK. 

A|;T.    1".    —    l'ROPIUKTKS  IM.M()DII.IK.RF.S. 

(Lu  lamillc  ne   po-sscdc   anciiiic  propritjté  de  ce  genre.) 


Art.  2.  —  Valfit.s  Mnitii.iKitr.s. 

Argent  et  valeiks  MonniKiiEs  : 

Somme  ^ardi-e  à  la  mMison  fomme  fonds  de  roulement, 
l'art  de  commandite  du  père  dans  la   fabrique 

—  (lu  (ils  atnc^  —  

—  du  second  Dis     —  


Matékiel  spécial  des  travaux  et  industries 


Outils  pour  la  culture  du  jardin 

Tstcnsiles  pour  le  blancliissasc  «lu  linge. 


Art.  3.  —  Droits  aux  allocations  de  sociéiks  d'assurances  miiuelies. 
Droits  aux  allocations  de  la  société  de  secours  mutuels 


KvaluHtio 
approximative 

lie    recette 


VHlciir 

«les 

pr.iiiriité<. 


.'i.'i'IHI 

■2 

.0(10  00 

1 

.KKI  (Ml 

-00  01) 

12  ro 

Valeir  totale  des  propriétés I   13.853  -i"; 


srcTioN    II. 
SUBVEi^TIONS  REÇUES  PAR  LA  FAMILLE. 

Art.   i".  —  Propriétés  récits  en  usifriit. 

Ilahilation  avec  le  jnrdiii  y  attenant 

Art.  2.  —  Droits  d'isace  sur  les  propriétés  voisines. 
Droits  de  chasse  et  de  pcclie 


Art.  3.   —  Allocations  d'oiuets  et  de  services. 


Allocation  crmcornant  riiahjlation 

l'articipation  au\  l)énélices  <1(!  rusiiie 


V 

I 

t 


I 


N"   78.    —    OLVH. -EMPLOYÉ    DE    LA    l'APETEHIE    COOl'ÉH ATIVE    d'aNGOULKME.         :2n3 

i;  11.  —  BUDGET  DES  RECETTES  DE  1/ ANNÉE. 


RECETTES. 


SECTION     I  '°. 

REVENUS  DES  PROPRIÉTÉS. 

Ain.  1"'.   —  Revenus  des  propriétés  iMMoniLiÈRES. 
(I.a  famille  ne  jouit  d'aucun  revenu  de  ce  genre.) 


AuT.  '2.  —  Revenus  des  propriétés  mobilières. 


(Cette  somme  ne  produit  aucun  intérêt). 
Intérêt  (:>  %  )  de  cette   part 


Iiilcrêt  (','>  %)  de  la  valeur  de  ceç  outils ((',  itj,  a). 

—  —  de  ces  ustensiles (;;  l(j,  It). 

Art.  3.  — Allocations  des  sociétés  d'assurances  mutuelles. 

Valeur  de  ces  allocations,  supposée  égale  à  la  cotisation  annuelle,  18' no 
(Cette  recelte,  n'étant  que  la  rentrée  d'une  somme  égale  payée  par  la  famille, 
est  omise  ici-  comme  Indépensé  ijui  la  Imlante,  'j  1,t,  S""  V) 


Totaux  des  revenus  des  propriétés. 


s  E  C  T  I  G  iN      II. 

PRODUITS   DES  SlBVEi^TIOXS. 

Art.  1".  —  Produits  des  propriétés  reçues  en  usufruit, 
\altur  du  loyer  de  la  maison  et  du  jardin 

Art.  2.  —  Produits  des  droits  d'usac.e. 
Produits  de  la  chasse,  .li'OO;  —  de  la  péi  lie,  l-2':2.j 

Art.  ,3.  —  Objets  et  services  alloués. 

Fumier  employé  pour  le  jardin 

Part  accordée  à  l'ouvrier  par  le  patron,  à  titre  de  coopération  de  salaire  et  de 
participation  aux  bénélices 

Totaux  des  produits  des  subventions 


MONIAN']    Di:s  KKt'KTJK 

Recettes 


Valeur 
des  objfits 

en    nature. 


0'(iO 

0  ;ji 


arifc-ut. 


000' 00 
.jo  00 
3o  00 


i«l  2-;  iGi  87 


20  i  N"   TH.    —    OfVH. -EMPLOYÉ    DE    LA    l'APETERIE    CnOI'ÉHATIVE    D"A^GOL•LÈME. 

i;  14.  —   BUDGET  DES  RECETTES  DE  1/ ANNÉE  {suite). 


SOURCES  DES  RECETTES  (5WJ^e). 


DESIGNATION   DES   TliAVAl  X    ET    DE   L  EMPLOI   DU    TEMPS. 


.Il  \Miii,  nr,  Tnvv.Mi 

KKKKl.lli:. 


st:cTioN  m. 


TRAVAUX  EXÉCUTÉS  PAU  LA  KAMILLK. 


Travail  ilii  ix-ro  do  famille  à  la  fahriquc 

(U-  la  mrrc  —  

<lu  Dis  aino  —  

—      du  second  lils  —  ....   

Kiitretien  cl  réparation  du  mobilier 

Soins  du  ménage  et  travaux  doniesti(|ues 

lU'parallon  du  linge  et  des  vêtements  de  la  famille 

Blanchissage  du  linge  et  des  vêtements  de  la  famille 

Culture  du  jardin  :  travail  du  père 

—  —       du  3"  lils 

ToT.vLX  des  journées  de  tous  les  membres  de  la  famille. 


■M)6 
.■«H> 


SECTION    IV. 

I!\DUSTRIRS   ENTREPRISES    PAR   LA   FAMILLB 

(à  son  propre  com|>le). 


iNDisTiiiKs  entreprises  au  iumple  de  la  famille 


Culliire  du  jardin 

Itlancliissage  du  linge  et  des  vêlements  de  la  famille. 


N"    7f<.    —    OUVR. -EMPLOYÉ    DK    LA    PAPKTERIE    COOI'ÉHAÏIVE    h'aNGOULKME.  29o 

§  14.  —  BUDGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNÉE  {suiié). 


RECETTES  [suite). 


I>l!l\    DKS  SAl.AlliKS 
.11)1  liNVUKIiS. 


I   7.J 


1  00 
0  50 


3  00 


^2  00 
2  00 


SECTION     III. 


SALAIRES. 


Salaire  lolal  atlribiié  à  ce  travail 

Aucun  salaire  ne  peut  être  attribue  à  ces  travaux. 
Salaire  total  attribué  à  ce  travail (g  15,  S""  m) 

-  -  (3  16,  B) 

—  —  (S  16,  A) 

-  (S  16,  A) 

Totaux  des  salaires  de  la  famille 


SIÎCTION    IV. 
BÉniÉFIGES   DES   II^DUSTRIES. 


Bénéfice  résultant  de  celle  industrie. 


(15  10,  A) 
{%  m,  B) 


ToTAi,  des  bénéfices  résultant  des  industries. 


ToTAL'x  DES  UECEïTEs  de  l'annéc  (balançant  les  dépenses)(-'i.olli'08). 


MONTANT   DES   liECETlES. 


Valent 
dea  objets 

reçus 
en  nature. 


7 '00 

M  OO 
.'iO  00 
10  00 

7  r,o 


lli  'M 


Ricrtt'-S 

argent. 


t. 800' 00 
600  00 

[.0-20  00 
OGO  00 


i.080  00 


.■i.-23i  87 


2ÎH»  N"    78.    —    OLVR.-EMI'LOVÉ    DE   LA    l'Al'ETERIE   COOl'ÉRATIVK    k'aNGOLIKME. 

^  15.  —  BUDGKT  DES  DISPENSES  DE  L'ANNÉE. 


DÉSIGNATION  DES  DÉPENSES. 


SECTION    l". 

DÉPENSES  CONCERNANT  LA  NOIRRITURE 

AllT,    1".  —    \L1MESTS  CONSOMMÉS  DANS    l.E  MÉNAGE 

(  par  l'ouvrier,  sa  femme  et  ses  trois  enfauts,  pemiant  305  jours  ). 

CÉRÉALES  : 


Pain. 
Kariii 


l'iiids  total  el  iiri\  mi>>en. 


Coups  gras 


licurre 

(Iraisse  de   [lorc. 
Huile  do  noix  — 


l'oids  total  cl  prix  moyen. 


Laitages  et  oeufs 
l.ail 


Friiinages  d'Olivct,  de  tlollande  vl  de  Giiivén 
dEiil's,  Oii  pièces  à  0'07 ". . . 


Poids  lolal  cl  prix  inojeii. 


Viandes  ET  poissons 


llMllI.  . . 

\  can  — 
Mouton. 
Poir.... 


Volailles  ;  30  (loulels,  .30"  à  1'  â."»,  HT  00;  —  i'2  canards, 
li''  à  I'  .'iO,   18'  (K);  —   1,'i  lapins,  7'  .'i  à  -2',  l-i'  fH) 

(.ihier  : '2  lièvres,  l-2'no;  —  »  perdrix,  lO'Od;  —  (,'jlilcr.s 
ilivcrs,  li'iio C;  11,  S"'  II) 

Poissons  de  rivière  :  Truites,  {{oujfnis,  lavarels  (",  I'», 
S""  II) 

Poissons  de  nier 


Poids  total  et  prix  moyen. 


POIDS  ET  PRIX   DES 
ALIMENTS. 


PRIX 
par  kilog. 


POIUS 

consommé. 

1 .  il>(|i>0 
<i  0 

1 . iOG  0 

(J  0 

m  (» 

1-2  0 

-H  0 

■21!»  0 
2'i  0 
W  ', 

•28:t   'i 

7«  0 
"."i  0 

7.';  « 
.et  0 

i!t  .-; 

17  0 

7  0 
lll'l  0 

4.38  fi 

0'  ,J00 

0  .-ioo 


0  301 


-2  'lOO 
■2  (K»0 


0  iiO 

-2  ;fo<i 

1  081 


I  !KK) 

•2  l(K) 

-2  ono 

•2  000 

I  1-2  i 

-2  000 

I  7.-.0 

I  KM) 

I  717 


MONTANT  DES  DÉPENSES, 


Valeur 
des  objets 
conBomuK^ 
en  nature. 


Dép«n.soi 
en 

art'mt. 


1.38' 00 
3  00 


14  40 
7."i  00 
•2i  00 


I  '(8  ■ÎO 

I.-.7  .•><» 

I.SO  00 

tili  IMI 

70  ,";o 


N"    7<S.    —   OLVR.-KMI'LOYÉ    DE   LA    PAPETnHlE   COOI'ÉHATIVE    d'aNGOULÈ  MR.  -97 

S<  lo.  —  BUDGET  DES  DÉPENSES  DE  [/ANNÉE  {suite). 


DtSIGNATION  DES    DÉPENSES  {suite). 


SECTION    1' 


DÉPE!\SES  CONCERKAIST  L\  IMOURRiTURE  (suite). 


I.Kcr.Mi;-;  i:i   ii:i  n>i  : 

Tubercules  :  Pommes  de  terre.  "SO"*,  à  S'.'iO  le  sac  de  C.">'<. 

Légumes  farineux  :  Haritots 

Légumes  verts  :   Haricots  verts,  ao"-  à  0';J5,  10' oO;  — 

petits  pois,  L')''  à  0'  40,  (i'OO;  —  ciioux  :  du  jardin, 

iOi-  à  0'  13,  .j'  -20  C  16,  A)  ;  —  achetés,  40^  à  O'IH,  o'-20. 
Légumes  racines  :  Carottes  :  du  jardin,  12'' 5  à  0'  20, 

"jf  oO  (§  16,  A)  ;  —  aclietees,  2o''  a  0'  20,  o'OO  ;  —  céleri. 

raves  et  navets  :  du  jardin,  10"  à  0'  20,  2' 00  (2  KJ,  A)  : 

—  achetés,  SO"-  à  0'  20,  6'  sO 

Légumes  épices  :  Poireaux,  5"  à  0'  30,  l'oO  (§  Ki,  A)  ;  — 

ail.  15"  à  0'  30,  i'SO  (§  16,  A};  —  persil,  cerfeuil,  'i'-  à 
0'  2.J,  1'  00  C  16,  A)  ;  —  oignons  :  du  jardin,  20"  à  0^20, 

i'  00  C;  16  A)  ;  —  achetés,  8"  à  0'  20,  1'  60 

Salades  :  escarole  d'hiver  et  laitues {§  16,  A) 

l-ruits  à  iiépin  et  à  noyau  :  Pommes,  40"  à  0'  40,  16' 00; 

—  poires  :  du  jardin,  7"  à  0' 30,  2' 10  ('^  16,  A):  — 
achetées,  4."i"  à  0' 30,  13';i0:  —  cerises,  24"  à  0'2;;, 
6' (M»;—  prunes,  IS"  à  0'40,  T20;  —pêches,  du  jar- 
din, 4"  à  0'  60,  2'  VO  (§  Ki.  A);  —  ahricols,  3"  à  0''  40, 
1' 20;— groseilles,  du. jardin,  6"  à  0' 20,  l'20(§  16,A); 

—  cassis,  du  jardin,  4"  à  O'.'iO,  2'00(§  I6,  Aj;  —  rai- 
sin,   du  jardin,  5"  à  0'  90,  4'  iiO  (§  16,  A) 

fruits  baies  :  Fraises,  1»"  à  0'  lii,  3'  d.S;  —  framboises, 
y"  à  0'  iO,  3'  60 (S  16,  A) 


Poids  total  et  prix  moyen. 


lioNniMKMS   ET   STIMCI.ANTS 

Sri 

Poivre 

Vinaigre 

Sucre 

Café 

Chocolat 


Poids  total  et  prix  moyen. 


BOIS.SONS  FElîMENTÉES  : 

vin  cl   piiiuette 

lUium,  12  lit,  à  2' 00,  2i'oo;  —  linucur  de  framboise, 
3  lit.  à  1'  7S,  5'  25;  —  cassis,  4  lit.  à  2'  2.";,  <J'  00 

Poids  total  et  prix  niojen 


POIDS    ET    PRIX    DES 
ALIMENTS. 


POIDS  Plîl.^ 

cousommù.       par  kilog. 


7K0"0 

.•;2  0 


52  0 

LiO    0 


156  0 
IH  0 


1.310  S 


12  0 

I  0 

10  0 

12  0 

î»  0 

12  0 

:i6  0 


i.o^o  0 

lit  0 


1.09!»  0 


0'05i 
0  200 


0  2 '(2 
0  200 


0  360 
0  375 


0  138 


0  2."iO 

2  .'.(IO 

0  6(M) 

1  100 
6  000 

2  600 


1   963 


0  250 
2  013 


A  HT.  J.  —  Aliments  préparés  et  consommés  en  dehors  du  .ménage. 
(.\u(un  aliment  n'est  consomme  en  dehors  du  ménage.) 


Totaux  des  dépenses  concernant  la  nourrituiv., . 


montant  des  DEPENSES 


Valeur 
des  objets 
coDso  minés 
eu  nature. 


10   12 

9  19 


11   22 
6  20 


Dépenses 
en 

argent. 


'(2' 00 
10  40 


Il   36 


2   is 
0  81 


4  4  8S 
0  55 


3  00 
2  .50 
6  00 
13  20 
5i  on 
31  20 


270  00 

38  25 


:i08       ^"  78.  —  ocvK.-EMrLOYÉ  de  la  papeterie  cooi-éhative  d  angoulkmk. 
i;  l'^-  —  BUDGET  DES  DÉPENSES  DE  E'ANNÉE  {siiite). 


DÉSIGNATION  DES  DÉPENSES  {suite). 


SECTION     II. 

OÉPE.^KES   ('.0:\r.ERK\l\T   L'HABITATION. 

Logement  : 

Loyer  de  la  maison  ("  14.  S""  11) 

Mditii.iKi'.  : 

Kiitrolicii  (lu  mobilier  :  i  journées  «le  la  lemmc  et  du  mari.  ,i  l'7.i.  "'(ki 
C;  11.  S""  III);  —  achats  divers,  1.V(hi — 

CUAIFFAOE    : 

Cliarhou  de  bois,  400"  à  0'I"2,  'i8'00;  —  bois,  .WOO;  —  1-2  faj^ots  pour  allu- 
mer le  leu,  a  0'2r;  chaiiue,  3'00 

tCLAlIlAGE   : 

Pétrole,  40  liti-es  àO'(iO,  2i'00:  —  l)Ougie,  4  |ia(|ueis  de  (i'',>  à  ()'<)(),  ;i'tio.. . 
Totaux  des  dépenses  couccruanl  l'Iiabilation 

SECTION     III. 
DI^.PE;\SES  COWiCERlMAl^T  LES   VÊTEMENTS. 

Vf.TEHE.NTS  DE   LA    FAMILLE    : 

VcHcineuts  achetés  :  imur  le  père 

—  pour  la  femme 

—  pour  les  enfanls 

Uéparaliou  du  lii)i,'e  et  des  vêtements,  de  la  famille Cj  14  S""  III) 

Bi.AM.iiissACE  : 

Blanchissage  du  linge  et  des  vélemenls,  fait  à  la  maison (;;  10,  Bl 

ToTAix  des  dépenses  concernant  les  vêlements 

s  i:  <;  T 1 0  N    I V. 

di:pe\ses  concernant  les  besoins  aioraix,  les  récréations 
et  le  skr\ice  de  santé. 

Cn.TF,  : 

Chaise  à  l'église 

IXSTULGTION    DES  ENFANTS   : 

(La  gratuité  de  l'enseignement  est  absolue.) 

SEGOIRS  ET  AI'MoNKS  : 

Dons  faits  à  des  niendinnls 

KÉGIIÉATIONS      ET   SOLENNITÉS    : 

Dépenses  au  café.  .Ki'OO;  —  dîners  donnés  à  <les  amis  (compris  dans  la 
nourriture  de  la  famille,  S""!);  —  dépenses  diverses  à  l'occasion  des 
jours  de  fêtes,  l.'i'dO;  -  -  labac,  4"2'(X);  —  cadeaux  faits  aux  enfants  par  les 
parents,  •2.'j'00;  —  journaux,  .■«i':îO;  —  théâtres,  .'WOO;  —  cntrclien  de 
pigeons  voyageurs,  GO'uu 

SEIIVICE   DE  SANTÉ   : 

Dépenses  jiay«'es  par  la  socii-tc'  de  secours  miiluels  (S""  V);  —  dejienses 
supplemelllailes,   4' 00 

Total  <Ii's   dépenses  concernant  les  besoins  moraux, 
les  récréations  et  le  service  de  santé 


MONTANT  DES  DEPENSES. 


Valeur 
des  objet» 
consommés 
en  nature. 


40  00 
(iO  31 


lOO  31 


N"    ■^).    —    OUVR.EMI'LOYt:    DE    LA    l'Al'ETEKIE    COOPÉRATIVE    d'aNGOULÈME.  :2!ty 

ij  l,j.  —  BUDGET  DES  DÉPENSES  DE  L'ANNÉE  {suite). 


monta.nt  des  dépenses. 

DÉSIGNATION  DES  DÉPENSES  [suite). 

A'aleur 
des  objet£ 
con.sommés 
en  nature. 

Dépenses 

en 
argent. 

SECTION    V. 

Db:PE\SES  COIMCERi\IAI>iT  LES  INDLSTRIES .  LES  DETTES, 

LES  LUPOTS  et  les  ASSl]RA.\CES. 

DÉPKNSES  CONCERNANT  LES  INDUSTRIES  : 

Nota.  —  Les  dépenses  concernant  les  industries  entre|)rises  par  la  famille 

Elles  sont  remboursées  par  les  receltes  |)rovcnaut  de  ces  mê- 
mes industries,  employées  pour  les  consommations  du  ménage 
et  portées,  à  ce  titre,  dans  le  présent  budget |.-i-2'  16 

iNTÉnÈT   DES   DETTES  : 

(Aucune  dette  n'a  été  contractée  par  la  famille.' 

• 

' 

Impôts  : 

Cote  personnelle  et  mobilière 

Igf  00 

AsSLI'.ANCES  COXCOIT.ANT  A  CAKANTUl  LE  BIEX-ÊTKE  PIIYSIoCE   ET  MOILVL   DE   J.A  FAMILLE    : 

Cotisation  aniuiclle  payée   par  l'ouvrier  à   la  société   de    secours  mu- 
tuels 18'  (X).  (Celte  somme,  étant  remboursée  par  les  allocations  que 
reçoit  la  famille,  8°"  IV,  est  omise  ici,  comme  la  recette  (|ui  la  halame, 
"It,  S"°L) 

» 

Total  des  dépenses  concernant  les  industries,  les  dettes, 
les  impots  et  les  assurances 

. 

•     ir,  00 

ÉPAl;(..NE  DE  l'année  : 

La  véritable  épargne  est  représentée  par  la  participation  aux  bénélices 
qui  grossit  chaque  année  la  ])art  de  l'ouvrier  dans  le  fonds  sociaf 

Totaux   des  dépenses   de  l'année  (balançant    les  recettes) {'i.61!)'08) 

i.:j8.'i  09 

3S'tf-2! 

•i.2;H  87 

300        ^''    TS.    —    OUVH.-KMI'LOYÉ    DE    LA    l'APETERlE    COOPÉUATIVE    U  ANGOLLEME. 

g  16. 
COMPTES  ANNEXÉS  AUX  BUDGETS. 

SECTION     I. 

COMPTES  DES  BÉNÉFICES 

KÉSLLTANT    DES    liNDUSTHlES    1£ NTUKI'IUSES    CAR    LA    KAMILLE 
(à  SOU  iiroprc  compte). 


CULTURE    DU    JAHDLN. 


liECETTES. 

Choux,  iO  kil.  à  0'  13 

Salades  :  escarolc  d'hiver  cl  laitues,  ."iO  kil.  ;i  O'-JO 

Carottes,  la'a  a  O'iO 

Céleri,  raves  et  navets,  IO""  à  O'iO 

Poireaux,  :;"  à  O'ao 

Ail,  l.'i"  à  ()'30 

Persil,  cerfeuil,  4"  à  0'-Z"i 

Oignons,  -20"  à  O'-iO 

Fraises,  "J"  à  0'3o 

Framboises,  i)"  à  0'40 

(;roseilles,  «  "  à  0'-20 

Cassis,  4"  à  0':iO 

pèches,  4"  à  0'  00 

Poires,  7'  à  0'30 

Ilaisin,  Sk  à  O'IH) 

Totaux 

DÉPENSE^. 

Arliat  de  graines  et  de  semences  pour  les  lleurs,  les  Irnils  il  les  légumes 

Achat  de  pots  de  fleurs 

Fumier C.",!*,  S""  m 

Travail  de  la  famille  :  du  père,  10  journées  à  l'OO ('.;u,S""  III) 

—  du3"lils,i;i       —        à  0':iO (S14,S'>"III) 

Lover  du  jardin C.'i''».  ^""  "' 

Intérêt  (!i%)  de  la  valeur  (H'  00)  du  matériel ('.;  1'».  ?"  D 

llÉ.NEUcE  résultant  de  l'industrie 

Tol.TUX  coninic  ci-dessus 


v;  «.j 


Kn  urgent. 


0'42 
0  81 
0  -20 
0  Ki 
0  Ij 
0  36 
0  08 
0  32 

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0  10 

0  16 

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4  00 


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t  00 


B.    —    BLANCniSSAGE    DU    LINGE   ET   DES    VÊTEMENTS 
DE    LA    FAMILLE. 


Prix  qui    serait   pavé  jtitur   le  blanchissage  des   mêmes  objets  exécuté    au 
dehors '. (S  IS,  S""  III) 


N"  78.  —  COMPTES  ANNEXÉS  AUX  BUDGETS. 


Journées  de  travail  d'ouvrit'res,  1-2  jinirnccs  à  -2'<X» 

Achal  de  savon,  aTk  â  0'50 

I.ocatioii  du  cuvicr  et  de  l'étendoir 

Itlaiic  d'amidon,  31-  à  l'OO,  a'OO;  —  hieu,  o<-2:,\  —  cail)oiiate,  iii"  a  0'-2j,  4' 00; 

—  reiulres  (pour  mémoire) •• 

Travail  de  la  lemme,  i'>  j<iurnêes  à  -2'  00 

Intérêr    .■;  ïj  de  la  valeur  (0'-2.";)  du   matériel (■;  \%.  S""  I) 

Bknkfick  rrsultaul  de  l'industrie 

Totaux  eomme  ei-coiilre 


:{ui 


oO' 

00 

0 

.{1 

10 

00 

•iï'OO 
l«  50 
10  00 


C.    —    KKSUMÉ    DES    COMPTES    DES    BÉNÉFICES    RÉSULTANT 
DES    INDUSTRIES    (A   ET    B.) 

RECETTES. 

Produits  employés  : 

Pour  la   nourriture 

Pour   les  vêtements 

Totaux 

nÉPESSES. 

Intérêts  des  propriétés  possédées  par  la  famille  et  employées  par  elle  aux 
industries 

Produits  des  subventions  employés  aux  industries 

Salaires  aiférents  aux  travaux  exécutés  par  la  famille  pour  les  industries.. 

Dépenses  en  argent  qui  devront  être  remboursées  par  d(!S  recettes  prove- 
nant des  industries 

Totaux  des  dépenses  (l?i-2'IR) 

BÉNÉFICE  TOTAL  résultant  des  industries 

Totaux   comme  ci-dessus 


GO  31 


0  91 
-20  00 

07  :;o 

88  41 

17  .■;;, 

lor;  !Mi 

4  00 

L»  7^ 


es 


SECTION     II. 

COMPTES  RELATIFS  AUX  SUBVENTIONS. 


Ces  comptes    ont   été   établis  dans   les  budgets. 


SECTION     III. 
COMPTES  DIVERS. 
Tous  les  comptes  sont  établis  directement  dans  les  butigets. 


ÉLÉMENTS  DIVERS  DE  LA  CONSTITUTION  SOCIALE. 


FAITS  IMPORTANTS  DORGANISATION  SOCIALE; 
PARTICULARITÉS  REMARQUABLES. 
APPRÉCIATIONS  GÉNÉRALES;  CONCLUSIONS. 


DE    l'ûHGA.MSATION    COOPÉRATIVE    DE    LA    FABRIQUE    LAROCHE-JOUBERT 
ET    Dl'    MODE    DE    DISTRIBUTION    DES   BÉNÉFICES. 

Règles  générales. 

Kn  léte  du  règlement  de  coopération  rédige  en  1890,  au  moment  où 
la  nouvelle  èociété  était  constituée,  se  lisent  les  lignes  suivantes  qui 
expliquent  le  mobile  auquel  le  fondateur  de  la  maison  a  obéi  en  insti- 
tuant une  telle  organisation,  cl  aussi  les  raisons  qui  l'ont  empècbé  de 
créer  des  œuvres  patronales. 

«  En  admettant  ses  employés  et  ouvriers  à  prendre  part  ù  lu  répar- 
tition des  bénéfices  qu'ils  l'aidaient  à  réaliser,  le  vénéré  fondateur  de 
notre  maison,  M.  Edmond  Laroche-Joubert,  a  obéi  au  sentiment  de 
l'ruternilé  que  Dieu  met  au  cœur  des  hommes  de  bien. 

«  En  agissant  de  la  sorte,  il  a  accompli  ce  qu'il  considérait  comme  un 
acte  de  justice  et  de  prévoyance;  il  a  voulu  que  chacun  de  ses  collabo- 
rateurs, quelque  modeste  que  soit  son  emploi,  puisse  amasser,  grâce 
à  la  coopération,  à  la  participation,  un  petit  capital  destiné  à  assurer 
l'indépendance  et  la  sécurité  de  sa  vieillesse;  respectueux  de  la  li- 
berté de  chacun  d'eux,  il  n'a  pas  voulu  leur  imposer  la  prévoyance, 
écartant  des  règlements  qu'il  a  rédigés  toute  mesure  enlevant  aux 
ayants-droit  la  libre  disposition  de  leur  part  dans  ses  bénéfices;  il  a 
eu  confiance  dans  leur  sagesse.  » 

'J'rois  règles  générales  sont  posées  en  tète  des  articles  qui  règlent  la 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION   SOCIALE.  30.'i 

ljaiiici|»alion  aux  bénéfices.  Elle  ne  crée  pour  les  personnes  auxquelles 
elle  est  accordée  aucun  droit  direct  comme  associées.  En  aucun  cas 
elle  n'a  sa  contre-partie  dans  l'obligation  de  supporter  les  pertes  que 
ferait  la  Société.  Enfin,  aux  termes  des  statuts,  cette  répartition  des 
bénéfices  est  obligatoire;  des  règles,  que  nous  rapporterons  plus  loiu, 
déterminent  d'une  manière  précise  comment  elle  s'opère.  Mais  les  gé- 
rants, statuant  en  conseil  de  gérance,  demeurent  toujours  libres  d'ex- 
clure de  cette  répartition,  soit  personnellement,  soit  par  catégorie, 
soit  en  totalité,  soit  pour  partie ,  ceux  des  coopérateurs  qui  ne  leur  en 
paraîtraient  pas  dignes,  et  cela  sans  qu'ils  soient  tenus  de  fournir 
les  motifs  de  ces  exclusions  ou  de  ces  réductions  de  part.  Toutefois,  les 
sommes  ainsi  laissées  libres  ne  pourront  jamais  faire  retour  à  la  So- 
ciété; elles  iront  grossir  la  part  des  autres  coopérateurs  de  la  même 
catégorie,  si  c'est  un  coopérateur  qui  a  été  exclu,  ou  celle  de  toutes  les 
autres  catégories,  si  une  catégorie  a  été  l'objet  de  cette  mesure. 

De  la  répartition  des  bénéfices  généraux. 

Examinons  maintenant  comment  se  répartissent  les  bénéfices  entre 
les  divers  éléments  qui  participent  à  leur  production  :  25  %  sont  at- 
tribués au  capital;  75  %  au  travail  et  à  l'intelligence. 

La  part  du  capital  se  répartit  ainsi  :  5  %  sont  portés  au  crédit  du 
fonds  de  réserve  ordinaire  ou  statutaire;  20  %  vont  au  capital  social 
et  à  celui  des  déposants  coopérateurs,  pour  être  répartis  en  entier  entre 
les  ayants-droit,  au  marc  le  franc  pour  le  capital  social,  et  au  demi- 
marc  le  franc  pour  le  capital  des  déposants  coopérateurs. 

Les  sommes  attribuées  au  travail  et  à  l'intelligence  se  partagent  de 
la  manière  suivante  :  6  %  sont  donnés  à  M.  Edgard  Laroche-Joubert, 
dont  1  %  comme  président  du  conseil;  5  ^  à  M.  Ludovic  Laroche,  gé- 
rant de  la  Papeterie  coopérative  d'Angouléme.  Les  trois  autres  mem- 
bres du  conseil  de  gérance  se  partagent  G  %  par  égale  portion  entre  eux. 

La  plus  grosse  part  enfin  est  attribuée  aux  coopérateurs  des  diffé- 
rentes exploitations  et  entreprises  de  la  maison.  Sur  ces  58  %  sera 
également  prélevé  le  crédit  «  des  clients  coopérateurs  » ,  tant  que  le 
conseil  de  gérance  croira  devoir  continuer  ù  faire  jouir  la  clientèle  de 
cette  faveur.  Sinon,  la  part  laissée  libre  de  ce  chef  reviendra  aux 
coopérateurs  de  production.  Ceux-ci  se  partagent  en  trois  catégories  : 
1°  les  coopérateurs  des  services  commerciaux,  vente  et  expédition; 
2"  les  coopérateurs  des  exploitations  qui  fabriquent  le  papier;  3°  les 


.'{Oi  n"  TS.  —  orvn.-EMPLOYh;  de  la  PArF.TF.niE  coopérative  d'angoilkme. 

coopéraleurs  des  entreprises  qui  fa<;oniient  et  de  celle  des  emballages. 
La  somme  qui  leur  est  affectée  comprend  deux  parties  :  l'une  affé- 
rente au  salaire  en  général,  l'autre  subdivisée  entre  les  trois  catégo- 
ries qui  viennent  d'être  définies. 

Ainsi,  après  le  prélèvement  nécessaire  pour  donner  à  la  clientèle  un 
dividende  égal  à  celui  procuré  au  capital  par  les  20  %  des  bénéfices 
généraux  qui  lui  sont  distribués  conjointement  avec  le  capital  des 
déposants,  25  %  sont  remis  au  salaire,  35  %  aux  services  commer- 
ciaux, vente  et  expédition,  40  %  aux  exploitations  et  aux  entreprises 
pour  être  répartis  entre  elles  dans  la  proportion  qu'indicjueronl  les 
résultats  particuliers  de  leurs  inventaires  respectifs  les  uns  par  rap- 
port aux  autres. 

Coopération  des  salaires. 

C'est  le  salaire  qui  naturellement  sert  de  base  à  la  répartition  de 
la  part  attribuée  à  l'élément  travail  dans  les  bénéfices  de  la  Société. 
Est  admis  à  ce  titre  comme  participant  tout  ouvrier  ou  employé 
ayant  au  moins  quinze  ans  et  étant  au  service  de  la  maison  depuis  un  an. 
Le  salaire  de  chacun  est  inscrit,  paye  par  paye,  sur  son  livret ,  et  to- 
talisé ù  la  tin  de  l'année  commerciale,  c'est-à-dire  le  30  septembre. 

Dans  cette  répartition  des  bénéfices,  la  direction  de  la  fabrique,  sui- 
vant une  coutume  généralement  adoptée  dans  les  établissements  in- 
dustriels qui  manifestent  quelque  souci  du  bien-être  matériel  et  moral 
de  leur  personnel,  favorise  l'ancienneté  des  services.  Nous  avons  déjà 
rencontré  cette  pratique  à  Guise  (1);  c'est  le  moyen  d'assurer  la  per- 
manence des  engagements. 

Le  salaire  des  travailleurs  ayant  moins  de  cinq  ans  de  service  et  au 
moins  quinze  ans  d'âge  sera  compté  pour  une  fois  dans  la  répartition. 

Le  salaire  des  travailleurs  ayant  cinq  ans  de  service  ininterrompu, 
et  au  moins  vingt-cinq  ans  d'âge  au  moment  où  commence  un  exer- 
cice, sera  compté  pour  une  fois  et  un  quart  dans  la  répartition  des 
dividendes  de  salaiie  de  cet  exercice,  soit  1:25  francs  pour  100  francs. 

Le  salaire  des  travailleurs  ayant  dix  ans  de  service  et  au  moins 
trente  ans  d'âge,  sera  compté  pour  une  fois  et  demie,  suit  150  francs 
pour  100  francs. 

Le  salaire  des  travailleurs  ayant  quinze  ans  de  service,  et  au  moins 

(IJ  V.  ci-dessus  la  iiniiio^M'apliic  de  VAjiisIcur-surveilldut  ilc  l'Usine  de  Guise,  'j'i-i- 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  .']05 

lrenle-cin([  ans  d'âge,  sera  compté  pour  une  fois  et  trois  quarts, 
>uit   ITo  francs  pour  100  francs. 

Le  salaire  des  travailleurs  ayant  vingt  ans  et  plus  de  service,  et  au 
moins  quarante  ans  d'âge,  sera  compté  double,  soit  200  francs  pour 
100  francs.  Lorsqu'un  travailleur  a  atteint  l'âge  de  cinquante  ans,  la 
proportion  de  sa  part  dans  les  bénéfices  réservés  au  salaire  cesse  de 
s'élever.  Par  conséquent,  le  maximum  des  avantages  fixés  par  cet 
article  ne  peut  être  atteint  que  par  les  travailleurs  entrés  au  service 
de  la  maison  avant  l'âge  de  trente  ans. 

Il  faut  ensuite  remarquer  que  les  ouvriers  et  employés,  outre  ce  pre- 
mier dividende  de  salaire,  prennent  part,  proportionnellement  à  leur 
rémunération,  à  la  répartition  des  bénéfices  particuliers  du  service 
auquel  ils  sont  attachés. 

Coopération  des  services  commerciaux,  ventes  et  expéditions. 

Nous  allons  examiner  par  quel  mode  se  répartissent  les  bénéfices 
entre  les  divers  services.  Prenons  d'abord  les  services  commerciaux, 
ventes  et  expéditions.  Cette  catégorie  comprend  tous  les  employés  des 
bureaux  d'Angoulême,  comptabilité,  correspondance  et  expéditions; 
oeux  du  service  des  magasins  généraux  d'Angoulême,  dont  l'entreprise 
spéciale  est  supprimée;  les  voyageurs  et  agents  de  vente  assimilés, 
et  enfin  le  personnel  du  dépôt  de  Paris. 

Sur  le  total  des  bénéfices  qui  lui  sont  attribués,  10  %  vont  d'abord 
au  salaire  pour  être  répartis  au  marc  le  franc  entre  le  salaire  de  tous 
ceux  qui  en  font  partie,  conformément  ù  des  règles  que  nous  indi- 
querons plus  bas.  Les  employés  des  expéditions  et  des  magasins  d'An- 
goulême et  de  Paris,  les  chefs  de  division  exceptés,  reçoivent  12  %  ; 
cette  somme  est  répartie  entre  eux  au  marc  le  franc,  entier  ou  partiel, 
de  leur  salaire  réel.  Ensuite  viennent  les  employés  des  bureaux  d'An- 
goulême et  de  Paris,  en  exceptant  toujours  les  chefs  de  division;  plus 
favorisés  que  les  précédents,  ils  reçoivent  une  somme  de  15  %,  elle  est 
répartie  entre  eux  comme  nous  venons  de  l'indiquer;  puis  les  direc- 
tions du  dépôt  de  Paris,  celles  des  magasins  d'Angoulême,  les  chefs 
de  division  des  bureaux  de  la  même  ville  participent  dans  la  propor- 
tion de  23  %.  La  répartition  en  est  faite  par  le  gérant  en  chef  en  conseil 
de  gérance.  Enfin  le  reste,  c'est-à-dire  40  %,  est  attribué  aux  voya- 
geurs placiers  de  Paris  et  agents  de  vente  y  assimilés;  la  répartition 
en  est  décidée  de  même  que  pour  la  catégorie  précédente. 

22 


30C    N°  78.  —  OLVR. -EMPLOYÉ  DE  LA  l'Al'ETERlE  CÙOI'ÉHATIVE  d'ANGOULÊME. 

Coopéralion  des  exploilations  qui  fabriquent  le  papier. 

Après  les  services  commerciaux,  se  présentent,  lors  de  la  répar- 
tition des  bénéfices,  les  exploitations  qui  fabriquent  le  papier.  Ces 
exploitations  sont  celle  de  l'Escalier  qui,  avec  l'usine  de  ce  nom,  com- 
prend les  annexes  de  Girac  et  du  Petit-Rochefort,  celle  du  Nersac  à  la- 
quelle est  rattachée  l'annexe  de  l'Isle  d'Espagnac,  enfin  celle  de  Bas- 
seau,  qui  n'était  pas  encore  en  pleine  activité  au  moment  où  nous 
recueillions  les  éléments  relatifs  à  cette  monographie. 

Comme  le  détermine  le  règlement  de  coopération,  chacune  de  ces 
entreprises  est  débitée  de  tout  ce  que  la  maison  dépense  pour  elle  : 
fermes,  impôts,  assurances,  salaires,  matière  première  et  pro- 
duits divers,  matériel,  constructions,  etc.,  et  enfin  de  l'intérêt,  à  5  ^ 
l'an,  du  capital  moyen  employé  par  elle  dans  l'exercice. 

Elle  supporte  les  dépenses  d'entretien  et  l'amortissement  normal  de 
son  matériel  et  de  ses  immeubles,  l'amortissement  statutaire  restant  à 
la  charge  de  la  maison. 

Elle  est  créditée  de  tout  ce  qu'elle  livre  à  raison  des  prix  du  cours 
d'Angoulôme,  déduction  faite  des  escomptes  suivants: 

10  X  sur  le  papier  de  130  fr.  les  100  kil.  et  au-dessus. 
7  %  sur  ceux  de  110  à  129  fr. 
0  %  sur  ceux  de  00  à  109  fr. 
5  X  sur  ceux  de  moins  de  !K)  fr. 

Le  30  septembre  de  chaque  année,  les  exploitations  font  un  inven- 
taire exact  de  leur  situation  ;  c'est  d'après  cet  inventaire  que  se  détermine 
la  part  de  bénéfices  qui  revient  à  chacune  d'elles.  Lors  de  la  réparti- 
tion, les  bénéfices  sont  ainsi  distribués  :  les  salaires  en  prennent  la  plus 
grosse  part  :  40  %  qu'ils  touchent  au  marc  le  franc;  la  direction, 
c'est-à-dire  la  fabrication,  la  comptabilité,  la  mécanique,  se  voit  at- 
tribuer une  quotité  un  peu  moins  élevée  :  35  %  ;  c'est  le  gérant  en  chef, 
en  conseil  de  gérance,  qui  la  distribue  entre  les  ayants-droit,  sur  les 
propositions  du  gérant  chargé  de  la  fabrication  ;  enfin,  le  surplus,  25  % , 
est  remis   aux  chefs  ouvriers,  proportionnellement  à  leur  salaire. 

Coopération  des  entreprises  qui  façonnent  le  papier  et  des  emballages. 

C'est  le  tour  maintenant  des  entreprises  qui  façonnent  le  papier 
de  prendre  part  à  la  répartition.  Elles   sont  au  nombre  de  quatre  : 


ÉLÉMENTS   DIVERS   DE   LA   CONSTITUTION   SOCIALE.  307 

1°  l'entreprise  des  enveloppes,  deuils  et  cartonnages; 
:;"  rcntreprise  des  registres  et  cigarettes; 
3"  l'entreprise  des  glaçages ,  façonnages  etréglures; 
4'*  l'entreprise  des  emballages. 

D'après  les  statuts  de  coopération  :  «  Chaque  entreprise  est  débitée 
de  tout  ce  que  la  maison  dépense  pour  elle,  fermes,  impôts,  assurances, 
salaire,  matières  premières  et  produits  divers,  papiers,  cartons,  maté- 
riel, constructions,  etc.,  et  enfin  de  l'intérêt,  h  o%  l'an,  du  capital 
moyen  employé  par  elle  dans  l'exercice. 

«  Elle  supporte  les  dépenses  d'entretien  et  l'amortissement  normal  de 
son  matériel  et  de  ses  immeubles,  l'amortissement  statutaire  restant  à 
la  charge  de  la  maison.  L'escompte  dont  elle  bénéficie  sur  les  papiers 
et  cartons  reste  fixé  au  maximum  de  5  %,  sans  qu'elle  puisse  réclamer 
le  bénéfice  des  escomptes  gradués  que  les  exploitations  qui  fabriquent 
font  à  la  maison. 

«  Elle  supporte  toutes  les  pertes  résultant  des  rabais,  pour  compte 
ou  retour,  que  la  maison  subit  sur  les  articles  qu'elle  lui  fournit. 

«  Elle  est  créditée  de  tout  ce  qu'elle  livre  à  raison  des  prix  et  tarifs 
établis  par  le  gérant  en  chef  en  conseil  des  directeurs;  autant  que  pos- 
sible, les  prix  sont  ceux  de  vente  avec  une  remise  déterminée.  » 

De  même  que  les  exploitations  qui  fabriquent  le  papier,  les  entre- 
prises qui  le  façonnent  dressent  chaque  année,  au  30  septembre,  un 
inventaire  exact  de  leur  situation.  C'est  d'après  cet  inventaire  que  leur 
part  de  bénéfice  est  fixée. 

La  répartition  ne  s'en  fait  pas  d'une  manière  uniforme.  Ainsi,  pour 
l'entreprise  des  enveloppes,  deuil  et  cartonnage,  et  aussi  pour  celle  des 
registres  et  cigarettes,  qui  achète  à  la  maison  les  papiers  qu'elle  fa- 
çonne, les  mêmes  règles  s'appliquent  que  pour  les  exploitations.  Les 
salaires  viennent  donc  en  tête  avec  40  %;  ils  touchent  leur  quote-part 
au  marc  le  franc.  La  direction  vient  ensuite,  réclamant  33^,  que  ré- 
partit entre  les  ayants-droit  le  gérant  en  chef,  en  conseil  de  gérance. 
Les  derniers  sont  encore  les  chefs  ouvriers,  avec  25  %  qui  se  divisent 
entre  eux  au  marc  le  franc,  entier  ou  partiel,  de  leur  salaire  réel. 

Pour  l'entreprise  des  glaçages,  façonnages  et  réglures,  qui  est  une 
entreprise  exclusivement  de  façonnage,  les  participants  viennent  dans 
le  même  ordre  que  celui  signalé  tout  à  l'heure,  mais  la  quotité  des 
parts  n'est  plus  la  même.  Les  salaires  sont  encore  plus  favorisés;  ils 
se  présentent  toujours  les  premiers  et  reçoivent  50  %,  répartis  au  marc 
le  franc.  La  direction,  qui  comprend  l'administration  de  la  fabrication 


308    N°  78.  —  OUVR.-EMl'LOYÉ  DK  LA  PAPETERIE  COOPÉRATIVE  d'aNGOULÉME. 

mécanique,  a,  là  aussi,  la  seconde  place,  nnais  elle  ne  touche  que  30  % 
et  c'est  le  gérant  en  chef,  en  conseil  de  gérance,  qui  en  fait  la  répar- 
tition entre  les  ayants-droit.  En  troisième  et  dernière  ligne  viennent  les 
chefs  ouvriers;  leur  part  n'est  plus  que  de  20  %. 

Le  règlement  des  bénéfices  qui  reviennent  à  l'entreprise  des  embal- 
lages diffère  des  deux  précédentes  catégories;  il  n'y  a  plus  là  que 
deux  parties  en  présence,  entre  lesquelles  ces  bénéfices  se  partagent 
d'une  manière  égale  :  les  salaires  ,  et  le  chef  emballeur  avec  les 
principaux  ouvriers;  les  deux  parties  reçoivent  une  somme  égale  de 
50  %.  Pour  les  premiers,  la  répartition  a  lieu  au  marc  le  franc;  pour 
les  seconds,  elle  est  faite  par  le  gérant  en  chef,  en  conseil  de  gérance. 

Coopéralion  des  dépôts. 

Los  fondateurs  de  la  fabrique  d'Angoulème  ont  voulu  étendre,  au- 
tant qu'ils  le  pouvaient,  la  coopération  de  leur  personnel;  nous  ve- 
nons de  voir  quelle  part  de  bénéfices  ils  attribuent  au  salaire;  ils  ont 
voulu  en  même  temps  stimuler  l'épargne  en  créant  la  coopéralion  des 
dépots.  Chaque  employé  ou  ouvrier  peut  déposer  ses  économies  dans 
la  caisse  de  la  fabrique  jusqu'à  concurrence  de  cinq  mille  francs, 
et  cela,  bien  entendu,  sans  préjudice  de  la  somme  pour  laquelle 
le  déposant  peut  avoir  à  participer  à  la  formation  du  capital  social. 
Une  restriction  est  faite  à  cette  faveur;  elle  n'est  accordée  ou  mainte- 
nue qu'autant  que  le  total  de  la  somme  en  participation  du  capital  et 
de  celle  en  dépôt  ne  dépassera  pas  30.000  francs 

D'après  l'article  des  statuts,  les  économies  réalisées  sur  les  traitements 
et  salaires  payés  par  la  Société,  ainsi  que  sur  les  parts  de  bénéfices,  ont 
seuls  droit  à  cette  faveur;  la  fabrique  n'a  pas  voulu  se  transformer  en 
société  de  crédit;  elle  n'a  été  mue  que  par  le  désir  de  donner  une 
prime  à  ceux  qui  pratiquent  la  diincile  vertu  de  l'épargne;  elle  a  in- 
terdit même  formellement  d'emprunter  des  fonds  à  des  tiers  pour  profi- 
ter de  celte  faculté.  Tout  coopérateur  qui  serait  convaincu  d'avoir  con- 
trevenu à  celte  défense  serait  immédiatement  remboursé;  une  peine 
plus  grave  même  pourrait  l'atteindre  :  l'exclusion  de  la  maison  pro- 
noncée contre  lui  par  le  gt';rant  en  chef  en  conseil  de  gérance;  le  pré- 
teur qui  aurait  été  complice  de  la  supercherie  se  verrait  frappé  des 
mêmes  peines. 

Les  dépôts  peuvent  s'effectuer  par  versement  de  n'importe  quelle 
somme.  20  %   des  bénéfices  généraux  de  la  Société  sont  attribués 


ÉLÉMENTS    DIVERS   DE    LA    CONSTITUTION   SOCIÀLE.  309 

au  capital  social  et  à  celui  des  déposants.  Le  capital  des  déposants 
prend  part  à  cette  répartition  au  demi-marc  le  franc,  tandis  que  le 
capital  social  y  prend  part  au  marc  entier  le  franc ,  ce  qui  signifie 
que,  lorsque  le  capital  social  recevra  1  franc  pour  100  francs,  le 
capital  des  déposants  recevra  un  demi-franc,  ou  0^50,  pour 
100  francs. 

Ce  dividende  viendra  s'ajouter  à  l'intérêt  de  o  ^  garanti  dans  tous 
les  cas  aux  déposants  admis  à  cette  participation  par  dépôts,  qu'il  y  ail 
des  bénéfices  ou  qu'il  n'y  en  ait  pas.  Mais  il  est  bien  nettement  stipulé 
que  cette  participation  aux  bénéfices  généraux  de  la  Société  ne  peut  en 
aucun  cas  exposer  les  déposants  à  être  assujettis  aux  pertes,  s'il  en  sur- 
venait; l'intégralité  de  leur  capital  et  de  son  intérêt  de  o  ^  leur  est 
au  contraire  assurée,  quoi  qu'il  advienne;  mais  ils  n'auront  aucun  droit 
à  prendre  part  à  la  répartition  ordinaire  réservée  aux  statutaires,  lors 
de  la  liquidation,  ceux  qui  concourent  à  la  formation  du  capital  so- 
cial devant  seuls  se  la  partager.  Les  petits  dépôts  sont  favorisés  au  point 
de  vue  des  intérêts  ;  ainsi  ceux  dont  le  total  n'a  pas  dépassé  oOO  francs  re- 
çoivent invariablement  5  ^;ceux,  au  contraire,  dont  le  total  a  dépassé 
cette  somme  voient  l'intérêt  varier  de  3  à  5  ;^,  selon  le  terme  de 
remboursement  choisi. 

Si  le  déposant  se  réserve  la  faculté  de  retirer  son  dépôt  dans  les 
vingt-quatre  heures  de  sa  demande,  l'intérêt  en  est  de  3  ^  l'an;  si  le 
remboursement  ne  peut  être  exigé  que  dans  les  six  mois  de  l'avis,  l'in- 
térêt est  élevé  hA  %  l'an.  Si  le  remboursement  ne  peut  être  exigé  qu'un 
an  après  la  demande,  l'intérêt  est  élevé  à  5  ^  l'an. 

Une  disposition  des  statuts  porte  que  le  taux  d'intérêt  des  comptes 
de  dépôt  dont  le  total  a  dépassé  500  francs  varie  de  3  à  5  %  l'an,  à  la 
volonté  du  déposant,  selon  le  terme  de  re:nboursement  qu'il  a  choisi. 

Ne  peuvent  être  admis  à  la  faveur  du  dividende  de  cette  coopération 
que  les  dépôts  faits  dans  cette  dernière  condition  de  remboursement,  à 
un  an  de  la  demande. 

A  moins  qu'il  n'ait  exprimé  la  volonté  contraire,  le  déposant  sera 
toujoursprésumé  avoir  fait  son  dépôt  dans  les  conditions  les  plus  avanta- 
geuses pour  lui,  c'est-à-dire  k  6  %  d'intérêt,  avec  possibilité  d'admis- 
sion à  la  participation,  le  remboursement  ne  pouvant  être  exigé  qu'au 
bout  d'un  an.  Il  faut  encore  constater  que  la  faveur  de  ces  associations 
aux  bénéfices  de  la  maison  exige  deux  années  consécutives  au  moins 
passées  au  service  de  la  Société,  et,  en  outre,  une  conduite  irrépro- 
chable, une  application  au  travail  constante. 


310    iN°  78.  — OLVR.. EMPLOYÉ  DE  LA  PAPETERIE  COOPÉRATIVE  d'aNGOULÉME. 

Tout  travailleur  qui  sort  de  la  maison  peiulanl  le  cours  d'un  exercice, 
à  quelque  moment  que  ce  soit,  même  si  c'est  une  cessation  de  travail 
forcée  pour  cause  de  décès,  perd  son  droit  à  participer  aux  bénéfices  de 
l'année  commencée.  Un  sentiment  de  bienveillance  à  l'égard  des  ou- 
vriers a  fait  décider  que  si  la  famille  le  demande,  en  cas  de  décès,  le 
gérant  en  chef  peut  lui  continuer  la  faveur  dont  jouissait  le  décédé. 

La  participation  au  capital  social  représente  comme  le  dernier  éche- 
lon à  gravir  pour  le  personnel;  celui  qui  y  est  admis  sera  assimilé  aux 
commanditaires  et  jouira  des  mêmes  avantages  que  ceux-ci,  c'est- 
à-dire  qu'il  sera  l'associé  de  la  maison  et  le  co-proprictaire  de  l'avoir 
de  la  Société.  Mais  le  capital  d'un  déposant  doit  avoir  atteint  la  somme 
de  1 .000  francs  pour  que  celui-ci  soit  admis  à  devenirparticipant  au  ca- 
pital; il  ne  l'est  pas  du  reste  de  droit;  les  admissions  à  cette  faveur  ne 
peuvent  être  consenties  par  les  gérants  qu'en  conseil  de  gérance. 

Coopération  de  la  clientèle  française. 

Désireux  d'étendre  le  principe  sur  lequel  repose  l'organisation  de  la 
fabrique,  la  direction  avait  institué  une  participation  aux  bénéfices 
pour  les  clients  français;  des  raisons  diverses  l'ont  déterminée  à  la 
restreindre;  la  suppression  en  est  même  décidée  en  principe,  et,  désor- 
mais, il  ne  sera  plus  reçu  aucune  adhésion  nouvelle;  seuls  continue- 
ront à  jouir  de  cette  faculté  les  clients  français  qui  ont  adhéré  au 
règlement  de  coopération  avant  le  l*^""  octobre  1 880. 

Le  dividende  attribué  aux  clients  coopérateurs  est  égal  à  celui  que 
l'inventaire  attribue  au  capital  social.  Chaque  client  admis  prend  part 
à  cette  répartition,  au  marc  le  franc  du  chiffre  total  d'affaires  qu'il  a 
faites  avec  la  maison  dans  le  cours  de  l'exercice,  pourvu  toutefois  que 
ce  chiffre  ne  soit  pas  inférieur  à  500  francs. 

Après  chaque  inventaire,  le  compte  de  chaque  client  admis  est  cré- 
dité de  la  somme  lui  revenant  pour  sa  coopération;  il  doit  s'en  couvrir 
en  marchandises,  aux  prix  et  conditions  du  tarif  général  en  vigueur 
dans  la  maison,  sans  escompte. 

Si  les  résultais  d'un  iuventaire  soûl  Irop  réduits  pour  donner  aux 
clients  coopérateurs  admissibles  un  dividende  d'au  moins  0'  TiO  pour 
100  francs,  la  somme  attribuée  à  cette  catégorie  de  coopérateurs 
ne  sera  pas  distribuée;  elle  sera  portée  au  crédit  du  compte  de  «  Clients 
coopérateurs  »,  pour  être  ajoutée  à  celle  produite  par  l'inventaire 
suivant  et  répartie  avec  elle  entre  les  clients  admis  pour  cet  exercice 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCL\LE.  3H 

suivanl,etproporlionnellenienlauchin'rc  de  leurs  affaires  pendant  ledit 
exercice,  sans  tenir  compte  des  affaires  faites  durant  l'exercice  en  fin 
duquel  la  répartition  n'aura  pas  été  effectuée.  Tout  client  qui  a  né- 
gligé pendant  deux  ans  de  toucher  la  part  de  coopération  lui  revenant 
est  réputé  y  avoir  renoncé  et  n'a  plus  le  droit  de  la  toucher;  c'est  le 
compte  des  clients  coopérateurs  qui  bénéficiera  de  sa  négligence. 

Une  autre  règle  assez  sévère  prive  de  la  répartition  des  bénéfices  les 
clients  qui  ont  fait  un  rabais  malgré  le  consentement  de  la  direction, 
ou  qui  ont  laissé  retourner  une  traite,  même  sans  frais,  sans  que  la 
maison  les  y  ait  autorisés.  Si  l'exclusion  pour  cette  cause  se  prononce 
pendant  deux  années  consécutives,  ils  sont  définitivement  rayés  de  la 
liste  des  bénéficiaires.  Les  clients  admis  à  la  participation  des  bénéfices 
ont  le  droit  de  s'intituler  associés  de  la  Papeterie  coopérative  d'Angou- 
lême. 

Une  disposition  générale,  s'appliquant  à  toutes  les  sommes  allouées 
à  litre  de  coopération,  les  déclare  définitivement  acquises  à  chacun  des 
coopérateurs  et  des  participants,  six  mois  après  l'inventaire,  s'ils  sont 
encore  au  service  actif  de  la  Société  à  cette  date,  et  s'ils  n'ont  en  rien 
démérité,  pour  des  fautes  commises  dans  le  travail  ou  pour  défaut 
d'application. 

§  18. 

DE   LA    PART    DES    COOPÉRATEURS  A    l'aDMINISTRATION    DE    LA    FABRIQUE. 

Une  question  se  pose  dans  tous  les  établissements  industriels  qui 
pratiquent  le  système  de  la  participation  aux  bénéfices  dans  une  mesure 
aussi  large  qu'à  Angoulême  :  puisque  les  ouvriers,  ou  une  partie  du  per- 
sonnel, par  suite  des  dépôts  qu'ils  ont  faits,  des  sommes  qui  leur  ont  été 
attribuées  à  titre  de  commandite,  sontdevenus  quasi-propriétaires  de  la 
maison  ,  la  justice  commande  de  leur  attribuer  un  droit  quelconque  de 
surveiUance  sur  des  affaires  dans  lesquelles  leur  épargne  est  intéressée 
à  un  si  haut  degré.  Une  maison  pratiquant  simplement  la  participation 
aux  bénéfices,  mais  réglant  la  répartition  à  son  gré,  laissant  aux  ouvriers 
le  libre  emploi  des  sommes  qui  leur  sont  allouées,  ne  se  chargeant  en 
aucune  manière  de  les  garder  dans  ses  caisses  et  n'y  voyant  pas  un 
acheminement  des  bénéficiaires  vers  une  co-propriété,  n'est  tenue  en 
aucune  manière  d'appeler  ce  personnel  ù  son  administration.  Mais,  à 
Guise  comme  à  Angoulême,  et  ce  sont  là,  croyons-nous,  les  deux  éta- 


312    N"  78.  —  OUVR.- EMPLOYÉ  DE  LA  PAPETERIE  COOPÉRATIVE  d'aNGOULÉME. 

blissemenls  qui,  seuls,  pratiquent  le  système  que  nous  venons  d'exposer, 
les  fondateurs  de  cette  organisation  ont  compris  la  nécessité  de  ne  pas 
conserver  d'une  manière  exclusive  la  gestion  des  affaires  sociales  ;  tou- 
tefois, ils  ont  restreint  l'action  des  conseils  dont  ils  se  sont  entourés. 

A  Guise,  nous  l'avons  montré  dans  notre  monographie  (1),  malgré  les 
divers  conseils,  l'autorité  du  directeur  est  restée  puissante,  ses  droits 
sont  à  la  fois  ceux  du  président  d'un  conseil  d'administration  et  d'un 
directeur  d'une  société  anonyme.  A  Angoulême,  un  conseil  coopératif, 
ayant  mission  de  représenter  le  personnel  commanditaire,  a  été  créé, 
mais  de  sévères  précautions  ont  été  prises  pour  qu'il  ne  puisse  porter 
atteinte  à  l'autorité  directoriale.  Aux  termes  de  l'article  4i  du  règlement 
de  coopération,  ce  conseil  est  déclaré  purement  facultatif;  ses  déci- 
sions, en  aucun  cas,  ne  seront  obligatoires  pour  les  gérants.  Le  même 
règlement  a  encore  bien  soin  de  stipuler,  dans  son  article  43,  que  nul 
ne  peut  réclamer  contre  les  décisions  du  gérant  en  chef  et  du  conseil 
de  gérance  en  matière  de  coopération;  qu'il  s'agisse  d'admission,  d'ex- 
clusion ou  de  répartition,  leurs  décisions  prises  en  ces  matières  sont 
définitives  et  inattaquables. 

Le  conseil  coopératif  est  ainsi  composé  :  1°  les  gérants;  2"  les  mem- 
bres du  conseil  de  gérance;  3°  les  membres  du  conseil  des  directeurs 
institué  parles  statuts  de  la  Société;  4"  neuf  membres  élus  par  les  coo- 
pérateurs  majeurs  de  tout  rang  et  de  tout  grade,  hommes  et  femmes, 
à  raison  de  un  par  les  coopérateurs  de  chaque  exploitation  et  entre- 
prise, de  un  pour  les  employés  des  expéditions  et  magasins  d'Angou- 
lème,  et  de  un  pour  les  employés  des  bureaux  d'Angoulème. 

A  cause  de  son  éloignement,  le  personnel  du  dépôt  de  Paris  ne  sera 
pas  représenté  dans  ce  conseil  autrement  que  par  son  directeur,  quand 
il  croira  devoir,  ou  pourra  venir,  assister  aux  séances. 

Tous  les  coopérateurs  ne  sont  pas  appelés  à  prendre  part  à  l'élection 
de  ce  conseil;  il  faut  qu'ils  sachent  f>ien  lire  et  écrire,  qu'ils  aient  au 
moins  dix  années  de  service  et  trente  ans  d'âge;  hommes  et  femmes 
ont  un  droit  électoral  égal. 

L'élection  a  lieu  au  suffrage  universel  direct,  au  scrutin  secret,  le 
deuxième  dimanche  de  janvier  de  chaque  année;  l'assemblée  électorale 
est  présidée  par  le  directeur  pour  les  entreprises  et  exploitations,  par 
le  plus  âgé  des  chefs  de  division  pour  les  employés  des  expéditions  et 
pour  ceux  des  bureaux. 

il>  AjusIvui-aurviUanl  de  l  usine  de  Guinc,  'j  il. 


ÉLÉMENTS    DIVERS   DE   LA    CONSTITUTION   SOCLALE.  313 

Les  deux  coopérateurs  présents  et  acceptants  sont  assesseurs  ;  le  scru- 
tin est  ouvert  de  midi  à  2  heures.  Le  dépouillement  a  lieu  immédiate- 
ment. L'élection  a  lieu  à  la  majorité  relative;  les  conseillers  élus  sont 
rééligibles  pendant  trois  années  consécutives;  ils  peuvent  l'être  ensuite 
de  nouveau  après  une  interruption  de  deux  années. 

En  cas  de  contestation,  le  conseil  de  gérance  statue  sans  appel. 

En  cas  de  décès  ou  de  démission  d'un  conseiller,  il  est  pourvu  à  son 
remplacement  le  deuxième  dimanche  qui  suit  la  vacance. 

Le  conseil  n'a  pas  le  droit  de  se  réunir  par  sa  seule  volonté ,  le  gé- 
rant en  chef  est  seul  juge  de  l'époque  à  laquelle  il  doit  être  convoqué, 
et,  si  ce  dernier  le  croit  utile,  il  peut  laisser  passer  plusieurs  mois  sans 
le  réunir. 

Voici  quelles  sont  ses  attributions  :  il  donne  son  avis  sur  toutes  les 
questions  qui  lui  sont  soumises,  tant  au  sujet  de  l'application  du  règle- 
ment de  coopération  que  sur  les  modifications  qui  pourraient  y  être 
proposées,  soit  par  les  membres,  soit  par  les  gérants 

II  peut  être  consulté  également  sur  toutes  les  questions  touchant  les 
règlements  intérieurs  des  ateliers,  usines  et  comptoirs  de  la  maison. 

11  reçoit  des  gérants  communication  de  l'inventaire  de  la  Société, 
afin  d'en  contrôler  l'exactitude  en  ce  qui  concerne  les  parties  intéres- 
sant les  coopérateurs,  et  d'en  affirmer  au  besoin  aux  coopérateurs  la 
sincérité  et  l'exactitude. 

Les  présidents  de  droit  du  conseil  coopératif  sont  les  membres  du 
conseil  de  gérance,  qui  sont  appelés  à  la  présidence  dans  l'ordre  sui- 
vant :  le  gérant  en  chef,  le  gérant  de  la  fabrication,  le  directeur  adjoint 
de  la  fabrication,  le  directeur  général  des  services  commerciaux,  le 
directeur  général  des  services  de  façonnages. 

Deux  règles  générales  complètent  les  dispositions  relatives  au  con- 
seil coopératif  :  les  membres  qui  en  font  partie  n'encourent  aucune  res- 
ponsabilité vis-à-vis  des  tiers,  au  sujet  de  la  confection  des  inventaires. 
En  outre,  le  titre  ne  crée,  en  faveur  de  ceux  qui  le  portent,  aucune  ex- 
ception, pas  plus  au  titre  de  coopérateur  qu'à  celui  d'ouvrier  ou  em- 
ployé de  la  Société;  ils  ne  reçoivent  non  plus  aucun  jeton  de  présence. 

Les  dispositions  que  nous  venons  de  rapporter  le  montrent  :  le  con- 
seil coopératif  de  la  papeterie  d'Angoulême  n'exerce  aucune  autorité 
effective;  il  ne  saurait  non  plus  être  assimilé  en  aucune  manière  aux 
conseils  électifs,  tels  que  l'Allemagne  et  la  Belgique  en  possèdent,  car 
nous  ne  croyons  pas  que  jusqu'ici  il  s'en  rencontre  en  France.  Ces 
conseils  sont  en  quelque  sorte  les  représentants  des  ouvriers  :  c'est  à 


31  i    N"  78.   —  OLVR.-EMI'LOYÉ  DE  LA  PAPETERIE  COni'ÉRATlVE  d'a.XGOULÈME. 

eux  que  sont  portées  les  réclamations  que  ces  derniers  ont  à  faire  va- 
loir; c'est  avec  eux  que  le  patron  statue,  et  sur  ces  réclamations,  et  sur 
toutes  les  difficultés  qui  s'élèvent.  Nous  devons  l'ajouter,  tel  qu'il  est 
constitué,  le  conseil  coopératif  donne  satisfaction  aux  ouvriers,  etilsne 
réclament  pas  une  extension  de  ses  attributions;  ils  semblent  trouver 
qu'il  les  place  dans  une  situation  plus  favorable  que  celle  des  ouvriers 
appartenant  à  des  établissements  industriels  où  le  patron  ne  rencontre 
devant  lui  aucune  institution  de  ce  genre. 

L'autorité  de  la  direction  reste,  en  définitive,  entière  àAngoulême; 
toutefois,  l'autorité  des  contre-maîtres  et  des  chefs  de  service  est  li- 
mitée, mais  seulement  lorsqu'il  s'agit  d'un  ouvrier  coopéraleur  ayant 
plus  de  cinq  ans  de  service  ininterrompu  et  au  moins  vingt-cinq  ans 
d'âge.  Quel  que  soit  leur  grade,  ils  ne  peuvent  prononcer  contre  lui 
une  exclusion  de  plus  de  vingt-quatre  heures;  sur  leur  proposition, 
leur  directeur  peut  porter  l'exclusion  jusqu'à  huit  jours,  mais  pas  plus; 
si  la  faute  semble  mériter  l'exclusion  de  celui  qui  s'en  est  rendu  cou- 
pable, le  cas  sera  alors  soumis  au  conseil  de  gérance  qui  statuera. 

Dans  le  fait,  même  pour  les  ouvriers  qui  ne  sont  pas  appelés  à  pro- 
fiter des  dispositions  de  cet  article,  aucun  employé  n'est  exclu  de  la 
fabrique  sans  que  le  directeur,  M.  Laroche-Joubert,  ne  tienne  à  se  pro- 
noncer lui-même  sur  cette  mesure  si  grave.  C'est  là  une  des  allribu- 
lions  du  patron  qu'il  a  noblement  tenu  à  exercer  lui-même;  l'expulsion 
d'un  ouvrier,  sauf  quand  il  s'agit  d'un  fait  dont  la  punition  ne  saurait 
être  différée,  ne  devrait  jamais  être  remise  aux  autorités  subalternes; 
aussi,  Angoulême  donne-t-ii  un  exemple  que  nous  ne  saurions  trop 
recommander  aux  chefs  d'usine. 


l   19. 

DES   SALAIRES. 

L'attention  de  la  direction  de  la  papeterie  coopérative  d'Angoulcme 
s'est  portée  tout  naturellement  vers  la  question  des  salaires.  Deux  con- 
sidérations l'ont  guidée  dans  la  manière  dont  ils  ont  été  établis  :  d'a- 
bord le  moyen  de  provoquer  l'ouvrier  à  un  travail  aussi  productif  et 
aussi  parfait  que  possible;  en  outre,  le  désir  de  lui  garantir  des  moyen-s 
d'existence  égaux  aux  dépenses  qu'une  famille  est  obligée  de  faire. 

Ainsi,  les  salaires  sont  fixés  de  manière  à  égaler  au  moins  les  salaires 
courants  établis  dans  les  autres  usines  de  la  région.  Le  paiement  aux 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE   LA    CONSTITUTION   SOCIALE.  3lo 

pièces  ou  à  la  tâche  est  le  plus  usité  dans  la  fabrique,  bien  que  celte 
règle  comporte  quelques  exceptions.  Dans  les  usines  où  le  papier  se 
fabrique  et  dans  leurs  annexes,  le  salaire  des  ouvriers  se  divise  en 
deux  parties  :  l'une  demeure  fixe  et  invariable,  quelle  que  soit  la  pro- 
duction de  l'usine;  l'autre,  au  contraire,  est  basée  sur  la  valeur  des 
papiers  produits  dans  le  mois  par  l'exploitation.  Cette  partie  variable 
du  salaire  est  établie  de  la  manière  suivante  :  le  comptable  de  chaque 
exploitation  dresse  chaque  mois  une  facture,  dite  de  gratification,  de 
tous  les  papiers  en  premier  choix  qui  sont  sortis  de  l'usine  dans  le 
mois  ;  les  statuts  stipulent  que,  afin  que  les  ouvriers  aient  intérêt  à  faire 
le  moins  possible  de  bons  et  mauvais  cassés,  ceux-ci,  ne  méritant 
point  de  gratification,  ne  sont  pas  portés  sur  cette  facture. 

Les  prix  cotés  sont  ceux  que  la  maison  mère  paie  à  ses  diverses  ex- 
ploitations; l'escompte  uniforme  de  o  ^  en  est  déduit,  et  le  net  sert  de 
base  aux  gratifications.  Si  des  rabais  ont  dû  être  faits  pour  l'infériorité 
dans  la  qualité  des  produits,  le  montant  de  la  facture  de  gratifications 
est  réduit  d'une  somme  correspondante  ;  et,  si  le  papier  est  même  d'une 
trop  grande  infériorité,  le  conseil  de  gérance  a  le  droit  de  déduire  la 
valeur  entière  du  papier  déclassé;  mais  ce  cas,  il  faut  le  dire,  ne  se 
présente  jamais,  tant  la  direction  a  bien  su  former  son  personnel. 

La  base  de  cette  gratification,  qui  forme  une  partie  du  salaire,  varie 
pour  chaque  usine  avec  la  qualité  de  ses  papiers.  Ainsi,  l'exploitation 
de  l'Escalier  fabrique  spécialement  des  qualités  supérieures;  aussi  tout 
l'effort  du  personnel  doit-il  se  porter  sur  la  perfection,  beaucoup  plus 
qu'il  ne  doit  viser  à  produire  beaucoup;  alors  la  gratification  est,  pour 
chaque  ouvrier,  de  20  centimes  pari. 000  francs  de  la  facture  de  gra- 
tification, jusqu'à  45.000  francs;  et,  au-dessus  de  45.000  francs,  la  gra- 
tification est  de  1  franc  par  1.000  francs.  L'exploitation  de  Nersac  a, 
au  contraire,  la  spécialité  du  papier  ordinaire;  elle  doit  donc  produire 
beaucoup,  sans,  bien  entendu,  acheter  cette  quantité  au  profit  de  la 
qualité;  toutefois,  le  personnel  est  tenu  à  un  travail  moins  achevé  que 
celui  de  l'exploitation  dont  nous  venons  de  parler.  A  Nersac,  la  gratifi- 
cation est,  pour  chaque  ouvrier,  de  20  centimes  par  1.000  francs  de  la 
facture  de  gratification,  jusqu'à  45.000  francs;  au-dessus  de  45.000 
francs,  la  gratification  est  de  l  franc  par  l. 000  francs;  elle  est  augmen- 
tée de  0'  50  par  i.OOO  kilogrammes  au-dessus  de  SO.fJOO  kilogrammes. 

C'est  le  conseil  de  gérance  qui  arrête  le  chiffre  du  personnel  néces- 
saire à  ses  yeux  pour  le  service  de  chaque  usine,  et  détermine  la  quan- 
tité de  gratifications  dont  nous  avons  parlé  plus  haut;  ces  gratifications 


316  N"  78.  —  OrVK. -EMPLOYÉ  DE  LA  PAPETERIE  COOPÉRATIVE  d'a.\\;OLLÈME. 

sont  fixes  et  ne  peuvent  être  dépassées.  Ainsi,  si  le  personnel  a  déployé 
assez  d'activité  pour  qu'il  n'y  ait  eu  besoin  d'aucun  ouvrier  supplé- 
mentaire, chaque  ouvrier  recevra  la  gratification  entière  prévue  pour 
lui. 

Une  autre  disposition  indique  le  soin  avec  lequel  la  direction  s'est 
préoccupée  de  stimuler  le  zèle  des  ouvriers  :  lorsque  des  ouvriers  ont 
été  absents,  si  le  personnel  a  pu  suppléer  aux  vacances,  sans  qu'il  y 
ail  eu  lieu  de  prendre  des  ouvriers  supplémentaires,  le  total  de  toutes 
les  gratifications  prévues  sera  réparti  entre  les  ouvriers  présents,  ce 
qui  augmentera  la  part  de  chacun  d'eux  d'autant  plus  que  leur  nombre 
sera  plus  réduit;  dans  le  cas,  au  contraire,  où  le  service  n'aurait  pu 
être  assuré  qu'au  moyen  d'ouvriers,  ou  de  charretiersel  rouliers,  supplé- 
mentaires, ces  frais  seraient  déduits  du  chifîre  des  gratifications,  et  par 
conséquent  la  somme  qui  aurait  dû  revenir  à  chacun  subirait  une  di- 
minution sensible. 

La  direction  de  la  fabrique  déclare  n'avoir  qu'à  s'applaudir  de  ces 
dispositions,  et  de  leur  cùté,  les  ouvriers,  auxquels  elle  promet  un  gain 
plus  élevé,  sont  tenus  en  haleine  pur  cette  perspective;  ils  n'élèvent  au- 
cune objection  contre  ce  mode  de  rémunération,  d'autant  plus  que,  en 
s'imposanl  une  application  plus  suivie,  ils  croient,  suivant  l'expression 
de  notre  ouvrier,  travailler  pour  eux-mêmes. 

l  20. 

DE    LA    BOULANGERIE    COOPÉRATIVE    d'aNGOULÉME. 

L'institution  dite  Boulangerie  coopérative  d'Angoulème  a  été  fondée 
le  24  novembre  1867.  Ses  fondateurs  se  proposaient  de  fournir  à  tous 
les  membres  coopérants  du  pain  de  la  meilleure  qualité  et  au  meilleur 
marché  possible.  Les  opérations  devaient  être  et  ont  été  restreintes 
aux  deux  cantons  d'Angoulème. 

Aux  termes  des  statuts,  la  Société  se  compose  de  deux  sortes  de 
membres  :  des  anciens  membres  fondateurs  honoraires  et  des  membres 
coopérants  dont  le  nombre  est  illimité.  Les  premiers  sont  les  personnes 
qui,  mues  par  une  pensée  généreuse,  ont  fourni  un  capital  nécessaire 
à  la  fondation  de  la  Société,  capital  non  productif  d'intérêt  et  qui  leur 
a  été  remboursé.  Les  seconds  sont  les  clients  de  la  Société;  toute  per- 
sonne peut  faire  partie  de  la  société  coopérative,  à  la  condition  d'être 
agréée  parle  bureau  d'administration;  en  outre,  elle  doit  verser  entre 


ÉLÉMENTS   DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  .'U7 

les  mains  du  trésorier,  au  moment  de  son  entrée  dans  la  Société,  une 
somme  de  5  francs. 

D'après  les  mêmes  statuts,  les  sociétaires  ne  sont  pas  responsables  des 
dettes  et  engagements  qui  pourraient  exister,  au  delà  de  la  perte 
de  la  mise  de  fonds  ci-dessus  de  chacun;  par  contre,  pendant  toute 
la  durée  de  la  Société,  le  crédit  personnel  de  chacun  est  exclusivement 
limité  au  montant  pur  et  simple  de  sa  mise  non  productive  d'inté- 
rêt, de  même  que  son  droit  de  réclamation  ou  de  restitution  ne  peut 
s'exercer  que  dans  cette  limite. 

Il  résulte  de  cette  disposition  qu'aucune  répartition  de  bénéfice  ou 
dividende  ne  doit  avoir  lieu  pendant  le  cours  de  la  Société  ;  les  bénéfices 
ne  peuvent  recevoir  que  les  trois  affectations  suivantes  :  ou  des  amé- 
liorations matérielles  de  l'institution,  ou  l'acquisition  d'un  local  d'instal- 
lation, ou  la  constitution  d'un  fonds  de  réserve  destiné  à  parer  aux  sa- 
crifices que  viendraient  à  exiger  les  moments  de  cherté. 

Un  bureau  composé  de  trente  membres  administre  la  Société;  l'as- 
semblée générale  le  nomme,  elle  le  choisit  parmi  les  membres  coo- 
pérants ;  ce  bureau  est  élu  pour  trois  ans,  renouvelable  par  tiers  chaque 
année;  les  membres  peuvent  être  indéfiniment  rééligibles;  ce  sont  ces 
derniers  qui  choisissent  leur  président,  deux  vice-présidents,  deux  se- 
crétaires et  un  trésorier;  ils  sont  armés  des  pouvoirs  les  plus  étendus, 
en  ce  qui  concerne  l'administration  de  la  Société. 

Le  cas  de  dissolution  a  été  prévu  par  les  statuts  :  elle  ne  peut  être 
provoquée  par  un  ou  plusieurs  membres,  que  si  la  Société  faisait  des 
pertes  telles  que  les  mises  de  fonds  des  sociétaires  se  trouveraient  com- 
promises pour  une  moitié,  ou  si  des  abus  graves  étaient  signalés,  ou 
enfin  si,  pour  une  cause  quelconque,  la  Société  se  trouvait  dans  l'im- 
possibilité de  fonctionner  régulièrement. 

L'assemblée  générale  est  immédiatement  convoquée  pour  constater 
les  pertes,  apprécier  la  situation,  et  prononcer,  s'il  y  a  lieu,  la  disso- 
lution. 

Dans  ce  cas,  la  liquidation  de  la  Société  se  ferait  exclusivement  au 
profit  et  au  nom  des  sociétaires  coopérants  existant  à.  ce  moment-là, 
et  inscrits  depuis  cinq  ans  au  moins,  en  prenant  pour  base  de  propor- 
tionnalité le  nombre  des  années  révolues  depuis  lesquelles  chacun 
d'eux  ferait  partie  de  la  Société. 

Suivant  la  règle  adoptée  par  la  plupart  des  sociétés  coopératives,,  le 
pain  est  vendu  au  comptant.  Le  prix  en  est  fixé  par  le  bureau  d'ad- 
ministration ou  le  président.  11  est  calculé  de  telle  sorte  que  la  Société 


.'M8   N"  78.  —  OUVF{.-EMPL0YK  DE  LA  PAPETERIE  COOPÉRATIVE  d'aNGOULKME. 

se  conslilue  un  fonds  de  réserve  assez  fort  pour  faire  face  aux  éventua- 
lités défavorables  qui  peuvent  se  présenter,  et  en  même  temps  pour 
qu'il  revienne  aux  sociétaires  à  un  prix  très  modique;  le  fonds  de  ré- 
serve représente  aujourd'hui  une  somme  de  80.000  francs. 

La  Société  compte  acluellemenl  1.500  coopérants;  ce  chiffre  paraîtra 
bien  modeste,  eu  égard  au  chiffre  de  la  population  qui  dépasse  34.000, 
et  l'on  peut  se  demander  quelle  cause  a  ainsi  restreint  le  chiffre  de  la 
clientèle  de  cette  institution  si  utile  surtout  aux  petites  bourses,  d'au- 
tant plus  que,  parmi  ces  1.500  sociétaires,  il  s'en  rencontre  à  peu  près 
dans  toutes  les  classes  de  la  société. 

L'expérience  montre  que  les  habitudes  les  plus  persévérantes,  les 
plus  difficiles  à  modifier,  sont  peut-être  celles  qui  ont  trait  au  mode 
d'approvisionnement,  et  cela  surtout  dans  les  classes  populaires.  Tan- 
dis qu'ailleurs  celles-ci  saluerontavec  enthousiasme  les  hommes  qui  leur 
proposent  des  nouveautés  sociales,  elles  resteront  au  contraire,  sur  le 
terrain  de  la  vie  domestique,  obstinément  attachées  à  des  usages  dont 
la  modification  réaliserait  cependant  pour  elles  une  incontestable  amé- 
lioration de  bien-être.  Le  contraire  se  remarque  dans  les  classes  plus 
aisées;  plus  soucieusespeut-être  des  traditions  morales,  elles  accueillent 
avec  plus  de  facilité  toutes  les  innovations  matérielles  desquelles  elles 
croiront  retirer  quelque  avantage.  Nous  le  voyons  par  la  famille  même 
que  décrit  cette  monographie;  elle  a  le  sentiment  de  l'ordre,  elle  évite 
les  dépenses  inutiles,  et  cependant  elle  ne  s'est  pas  approvisionnée  à 
cetteSociété  qui  lui  auraitfourni  dupainàmeilleur  compte;  «  c'est  parce 
qu'elle  ne  se  trouve  pas  à  proximité  de  son  domicile,  »  nous  a  dit  la 
mère  de  famille.  Cependant  la  Société  envoie  du  pain  chez  ses  clients 
qui  demeurent  trop  loin  de  son  dépôt  principal,  et  elle  a  établi  dans  la 
ville  différents  lieux  où  les  clients  peuvent  venir  chercher  leur  fourni- 
ture quotidienne. 

Le  paiement  au  comptant  effraie  beaucoup  de  ménages,  il  faut  le 
dire,  même  parmi  ceux  qui  se  trouvent  dans  une  situation  assez  favo- 
rable. Les  autres  aussi  reculent  devant  le  paiement  de  la  cotisation  de 
5  francs,  exigé  au  moment  de  leur  admission;  ils  ont  peine  à  croire 
que  cette  Société  obéisse  à  une  inspiration  philanthropique;  l'abaisse- 
ment du  prix  ne  leur  dit  rien  qui  vaille,  et  beaucoup  d'entre  eux  se 
persuadent  qu'il  est  acheté  au  détriment  de  la  qualité,  ce  (jui  n'est  pas, 
hâtons-nous  de  le  dire,  car  la  société  d'Angoulôme  ne  débite  (jue  du 
pain  fait  avec  le  plus  grand  soin. 

C'est  ainsi  que,  sur  un  chiffre  de  population  si  considérable,  elle  ne 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE   LA    CONSTITUTION    SOCL\LE.  'A19 

conipteque  l.oOOsociélaires  et  ne  délivre  que  i.oOOkilogr.  de  pain  par 
jour,  cliifl're  qui  pourrait  être  bien  supérieur,  mais  qui  accuse  cependant 
la  marche  ascendante  de  ses  opérations,  puisque,  dans  ses  premières 
années,  le  pain  fabriqué  ne  dépassait  pas  700.000  kilogr.  par  an. 

Cependant  cette  Société  a  exercé  une  influence  indirecte  dont  a  bé- 
néficié la  ville  tout  entière;  grâce  ù  elle,  les  boulangers,  craignant  de 
perdre  leur  clientèle,  ont  abaissé  le  prix  du  pain,  et  Angoulême  est  une 
des  villes  où  il  est  vendu  le  meilleur  marché  (1). 

Nous  avons  conservé  à  la  Société  d'Angoulême  le  nom  qu'elle  se 
donne  de  coopérative;  cependant,  à  proprement  parler,  elle  ne  mérite 
pas  cette  qualification,  puisqu'elle  ne  répartit  pas  les  bénéfices  entre 
les  associés,  ce  qui  est  le  propre  des  institutions  de  ce  genre;  lors- 
qu'elle en  réalise,  elle  abaisse  le  prix  du  pain.  C'est,  au  fond,  une 
véritable  société  philanthropique  ;  nous  la  croyons  inférieure  aux 
véritables  coopératives,  bien  qu'elle  ait  amené  des  résultats  dont  la 
ville  entière  n'a  eu  qu'à  s'applaudir. 

§  21. 

DE    LA    PARTICIPATION    AUX   BÉNÉFICES    ET    DE    LA    TRANSMISSION 
DE   LA    PROPRIÉTÉ    DE   l'uSINE    AUX    OUVRIERS. 

L'organisation  de  Guise  et  d'Angoulême  a  excité  un  vif  enthousiasme 
chez  beaucoup  de  personnes,  qui  la  saluent  comme  l'organisation  de 
l'avenir.  Ce  n'est  pas  là  seulement  la  participation  aux  bénéfices,  par- 
ticipation qui,  dans  la  plupart  des  cas,  dépendant  uniquement  de  la 
bonne  volonté  du  patron,  constitue  en  réalité  une  libéralité  pure;  mais 
la  propriété  de  l'établissement  industriel  est  transmise  aux  ouvriers, 
qui  entrent  ainsi  en  possession  des  instruments  de  travail,  puisqu'ils  se 
substituent  peu  à  peu  au  patron  qui  seul  en  était  le  maître  absolu. 

Une  telle  organisation  est-elle  applicable  dans  toutes  les  indus- 
tries? Mais,  avant  de  répondre  à  cette  question,  nous  devons  d'abord 
observer  que,  jusqu'à  ce  jour,  elle  a  rencontré  peu  d'imitateurs.  Les 
compagnies  de  chemins  de  fer  s'inspirent  peut-être  d'une  pensée  sem- 
blable, lorsqu'elles  emploient  les  fonds  des  caisses  de  retraite,  fondées 
en  faveur  de  leurs  ouvriers,  à  l'achat  de  leurs  propres  obligations;  le 

(1)  L'action  heureuse  de  la  Société  s'est  encore  accusée  par  la  création,  dans  le  départe- 
ment, de  nombreuses  sociétés  de  ce  genre.  Citons  notamment  celles  de  Ruelle,  Coynac, 
Muntmoreau,Blanzac,  Azais,  La  Rocheroucauld. 


:i-20   s"  78.  —  OrVH. -EMPLOYÉ  DE  LA  PAPETEHII':  COOPÉRATIVE  d'aNGOLLÈME. 

personnel  devient  ainsi,  dans  une  certaine  mesure,  co-propriétaire  de 
la  Compagnie.  Mais  des  différences  trop  profondes  séparent  des  usines 
ces  grandes  entreprises  de  transports  pour  qu'il  puisse  y  avoir  entre  elles 
une  complète  analogie.  Nous  pourrions  citer  une  puissante  maison  de 
commerce,  celle  du  Bon-Marché,  dans  l'organisation  de  laquelle  se  re- 
trouve certainement  l'idée  adoptée  à  Guise  et  ù  Angoulême;  mais  là. 
comme  dans  ces  deux  établissements  que  nous  avons  décrits,  ce  n'est 
pas  tout  le  personnel,  comme  quelques  personnes  se  le  représentent, 
qui  est  appelé  à  en  devenir  co-propriétaire;  seule  une  élite  d'ouvriers 
soigneusement  choisis  bénéficiera  de  cet  avantage. 

Si  nous  voulons  rechercher  dans  quelle  mesure  ce  système  sédui- 
sant peut  être  appliqué  à  l'industrie,  nous  avons  à  nous  rendre 
compte  d'une  manière  exacte  des  conditions  au  milieu  desquelles  il 
est  né. 

A  Guise  et  à  Angoulême,  il  a  été  fondé  par  deux  hommes  qui  jouis- 
saient d'une  forte  autorité  aux  yeux  des  ouvriers.  Par  l'application 
d'un  procédé  nouveau,  M.  Godin  avait  été  le  véritable  fondateur  d'une 
industrie  nouvelle,  à  laquelle  son  intelligence  et  ses  efforts  avaient 
donné  un  puissant  essor.  En  même  temps,  imbu  des  théories  sociales 
qui  tenaient  pour  vicieuse  l'organisation  actuelle  de  la  société,  il  n'a- 
vait pas  hésité  à  sacrifier,  en  faveur  de  leur  application,  une  part  con- 
sidérable de  sa  fortune  naissante;  il  dominait  donc  de  haut  tout  son 
personnel,  qui  voyait  en  lui  et  un  industriel  de  premier  ordre,  et  un 
homme  de  l'avenir.  A  Angoulême,  M.  Laroche-Joubert,  le  père  du  di- 
recteur actuel  de  la  papeterie,  s'était  également  élevé  par  ses  seuls 
efforts;  il  s'était  concilié  la  profonde  affection  de  tous  ses  ouvriers, 
par  sa  bonhomie,  par  la  franchise  de  son  caractère,  par  le  dévouement 
qu'il  n'avait  cessé  de  manifester  pour  leurs  intérêts.  Il  avait  été  nommé 
à  des  fonctions  électives,  grâce  à  cette  popularité  dont  il  jouissait 
parmi  les  ouvriers;  et,  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie,  il  a  été  réélu  sans  diffi- 
culté député  de  la  ville  dans  laquelle  demeurait  une  grande  partie 
de  son  personnel.  Tels  sont  les  fondateurs  des  deux  grandes  maisons 
industrielles  qui  associent  maintenant  les  ouvriers  à  leurs  propriétés; 
ces  deux  figures  originales  et  intéressantes  ne  sont  certes  pas  celles  de 
tous  les  patrons. 

En  outre,  l'application  du  système  a  exigé  une  industrie  dont  la 
prospérité  n'est  pas  exposée  à  être  sans  cesse  compromise;  il  n'y  a 
pas  eu  là,  comme  dans  les  mines,  des  travaux  à  opérer  (jui  exigent  de 
grosses  dépenses  et  diminuent  dans  ccrlaines  années  les  bénéfices  jus- 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  otil 

(|u'à  les  faire  quelquefois  disparaître.  Une  telle  industrie  non  plus 
n'est  pas  soumise  à  l'influence  néfaste  des  spéculations,  n'exige  pas 
avant  tout  l'habileté  du  commerçant  et  du  spéculateur,  sachant  atten- 
dre le  moment  favorable  pour  lancer  sur  le  marché  un  stock  de  mar- 
chandises qu'il  aurait  été  obligé  de  garder  pendant  longtemps  dans  ses 
magasins.  En  outre,  la  fabrique  d'Angoulême,  ainsi  que  celle  de  Guise, 
ne  sont  pas  à  l'abri  de  la  concurrence;  mais,  parleur  ancienneté  et  leur 
renommée,  par  l'art  avec  lequel  elles  ont  su  s'assurer  des  débouchés 
certains,  par  la  constitution  de  puissantes  réserves,  elles  défient  la  ri- 
valité, et  certes  un  long  temps  s'écoulera  avant  qu'une  maison  soit 
assez  fortement  constituée  pour  venir  abattre  leur  prospérité.  Ainsi,  à 
Augoulême,  nous  avons  relaté  la  construction  d'une  nouvelle  exploi- 
tation qui,  sans  doute,  a  coûté  une  somme  importante,  mais  qui  con- 
tribuera encore  à  rendre  plus  difficile  la  concurrence  des  fabriques 
moins  fortement  constituées  (§  1). 

Cette  situation  est-elle  celle  de  tous  les  établissements  industriels? 
Certainement  non.  Il  ne  s'en  rencontre  peut-être  pas  beaucoup  qui,  au 
point  de  vue  matériel,  se  trouvent  placés  dans  les  mêmes  conditions. 
Combien,  avons-nous  dit  plus  haut,  ont  eu  des  fondateurs  comme 
MM.  Laroche-Joubert  et  Godin? 

L'organisation  que  nous  venons  de  décrire  a  produit  incontestable- 
ment un  puissant  effet  sur  les  ouvriers.  A  Guise  comme  à  Angou- 
léme,  loin  d'avoir  aucune  méfiance  contre  la  direction,  de  faire  en- 
tendre quelques  plaintes  contre  les  bénéfices  que  réalise  le  patron,  ils 
se  considèrent  comme  tout  à  fait  solidaires  avec  lui  ;  ce  que  celui- 
ci  gagne ,  eux  pensent  qu'ils  en  profitent,  et  cet  efTet  d'optiqne 
suffit  pour  désarmer  le  sentiment  de  jalousie  que  nous  avons  eu 
lieu  d'observer  chez  d'autres  ouvriers,  appartenant  à  des  usines  prati- 
quant simplement  le  système  du  salariat.  Un  mot  delà  famille  résume 
ces  dispositions  :  «  Pourquoi  irions-nous  nous  mettre  en  grève?  C'est 
pour  nous-mêmes  que  nous  travaillons.  *>  Aussi,  les  familles  ouvrières 
suivent-elles  avec  un  vif  intérêt  le  développement  de  l'établissement 
auquel  elles  appartiennent.  Ainsi,  à  Angoulème,  au  moment  où  nous 
nous  y  trouvions,  l'exploitation  de  Basseau  était  en  voie  de  construc- 
tion; peu  de  temps  après,  elle  était  achevée.  Dans  nos  entretiens 
avec  elle,  la  famille  revenait  fréquemment  sur  ce  sujet,  se  demandant  ce 
qui  allait  ressortir  de  cet  établissement  installé  sur  un  si  grand  pied. 
C'était  pour  tous  les  ouvriers  de  la  papeterie  un  lieu  de  promenade,  le 
dimanche.  Mus  par  un  sentiment  de  très  vive  curiosité ,  ils  voulaient 

23 


322  N"  TH.  —  OUVRIEH-EMPLOVK  DE  LA  PAPETERIE  COOI'ÉRATIVE  d'aNGOULÊME. 

se  rendre  compte  des  perfectionnements  delà  science  qui  allaient  être 
appliqués,  dans  la  nouvelle  exploitation,  à  la  fabrication  du  papier. 
De  même  à  Guise ,  les  ouvriers  suivent  avec  un  réel  intérêt  les  nom- 
breux conseils  qui  ont  été  fondés,  et  dont  beaucoup  d'entre  eux  font 
partie.  Il  n"y  a  pas  là  cette  séparation  si  nette  qui  met  d'un  coté  les 
ouvriers  et  de  l'autre  la  direction.  Ouvriers  et  patrons  sont  liés  entre 
eux, ils  semblent  n'avoir,  et  ils  n'ont  en  effet  qu'un  seulet  unique  intérêt. 
Aussi,  Angoulême  comme  Guise  ont-ils  complètement  échappé  à  lagi- 
tation  ouvrière,  et,  aux  grandes  réunions  qui  se  tiennent  à  certains 
jours  dans  les  deux  manufactures,  se  manifestent  d'une  manière  très 
saisissante  le  prestige  et  l'autorité  dont  jouissent  les  deux  directeurs. 

Toutefois,  quels  que  soient  les  heureux  effets  d'une  telle  organisation, 
ils  ne  sauraient,  encore  une  fois,  s'appliquer  partout.  Ainsi  que  nous 
l'avons  montré,  la  transmission  de  la  propriété  industrielle  aux  ou- 
vriers réclame  des  conditions  particulières,  telles  que  celles  que  nous 
avons  observées  dans  les  deux  établissement  décrits.  Vouloir  en  faire 
une  règle  générale  serait  une  chimère. 

Depuis  que  la  méthode  d'observation  a  imprimé  à  la  science  sociale 
une  si  vive  impulsion,  elle  n'a  certes  pas  découvert  de  nouveaux  prin- 
cipes, mais  elle  a  éclairé  des  points  douteux,  précisé  quelles  applications 
pouvaient  recevoir  les  vérités  éternelles  qui  guident  les  sociétés  hu- 
maines. Elle  amis  surtout  en  pleine  lumière  un  principe,  en  apparence 
tout  à  fait  élémentaire,  et  que  cependant  nos  erreurs  nous  ont  fait 
perdre  de  vue  :  c'est  que  chaque  organisation  sociale  réclame  un  milieu 
différent,  et  qu'il  est  faux  et  dangereux  de  vouloir  soumettre  à  une 
règle  uniforme  des  faits  qui  diffèrent  profondément. 


LES  OUVRIERS  DES  DEUX  MONDES. 


DEUXIÈME   SÉRIE.    -  34'     FASCICULE. 


AVERTISSEMENT 

DE  LA  SOCIÉTÉ  D'ÉCONOMIE  SOCIALE. 


L'Académie  des  sciences,  en  1856,  a  couronné  le  premier  on- 
vrag-e  de  science  sociale  publié  par  F.  Le  Play,  les  Ouvriers  eu- 
ropéens. Elle  a  en  môme  temps  exprimé  le  désir  qu'une  pareille 
œuvre  fût  continuée.  La  Société  d'Économie  sociale,  fondée  aus- 
sitôt par  l'auteur  de  ce  livre  aujourd'hui  célèbre ,  lui  a  donné 
pour  suite  les  Ouvriers  des  Deux  Mondes.  De  1857  à  1885,  la 
Société  a  publié  une  première  série  de  cinq  volumes  contenant 
quarante-six  monographies  de  familles  ouvrières. 

La  deuxième  série  des  Ouvriers  des  Deux  Mondes  a  commencé 
en  juillet  1885.  Le  premier  tome  de  cette  série  a  été  terminé 
en  juillet  1887;  le  deuxième,  à  la  fin  de  1889;  le  troisième,  au 
commencement  de  1892.  Ils  comprennent  les  descriptions  mé- 
thodiques de  nombreuses  familles  d'ouvriers ,  appartenant  à  la 
Bretagne,  la  Picardie,  le  Nivernais,  l'Ile-de-France,  la  Provence, 
la  Gascog-ne,  le  Dauphiné,  la  Normandie,  la  Marche,  l'Orléanais, 
le  Limousin,  la  Gor.se,  la  Grande-Russie,  la  Grande-Kabylie,  le 
Sahel,  le  Sahara  algérien,  la  Belgique,  la  Prusse  rhénane,  la 
Sicile,  la  campagne  de  Rome,  la  Capitanate,  l'Angleterre,  la  La- 
ponie,  l'Alsace,  la  Hollande,  la  Suisse,  les  États-Unis.  Le  présent 
fascicule,  le  3'i.^  de  la  seconde  série,  est  le  septième  du  tome  IV. 
(Voir  au  verso  de  la  couverture.) 

La  publication  se  poursuit  par  fascicules  trimestriels,  avec 
le  concours  de  la  maison  Firmin-Didot.  Un  tel  concours  lui  as- 
sure cette  perfection  que  nos  lecteurs  ont  su  apprécier  dans  une 
œuvre  typographique  particulièrement  délicate. 

Les  prochains  fascicules  contiendront  les  monographies  de  fa- 
mille d'un  Fermier  monlagnaid  du  llaut-Forez,  d'un  Allumeur 
de  réverbères  de  Nancy,  d'un  Pécheur  de  l'archipel  Chusan 
((ihine),  d'un  Armurier  de  Liège,  d'un  Pécheur  de  Fort-Mar- 
dyck,  d'un  Ardoisicr  d'Angers,   etc. 


LES  OUVRIERS  DES  DEUX  MONDES, 

PUBLIÉS    PAR    LA    SOCIETE    d'ÉCONOMTE    SOCIALE, 

RF.CONNl'E   d'UTILITF.    PI'BMQfR. 


Deuxième  série.  —  34«  fascicule. 


TISSEUR  DE  SAN  LEUCIO 

(PROVINCE  DE  CASERTE  —  ITALIE), 

ouvbiek-tacheko.n-propriétaike  , 
dans  le  système  des  engagements  volontaihes  pehmanents, 

d'après 
les  renseignements  recueillis  sur  les  liel'x,  en  avril  1892, 

PAR     I.  E     l' IS  O  K  E  S  S  E  L"  Il 

HiPPOLYTE    SaNTANGELO    SpOTO , 

Membre  rie  la  Société  iiiternatinnale  d'Ecouomie  sociale, 

lie  la  1  Sociedad  economica  Barcelonesa  de  Amigos  del  Pais  » 

Et  de  la  «  R.   Società  Ecouomica  agraria  del  Georgofill  »  de  Florence. 


PARIS, 


LIBRAIRIK    DE    FIRMIN-DIDOT    ET    C'^ 

IMrilIMKLUR    DK    L'INSTITUT,    RUE    JACOB,    50. 

1894. 

Droits  âp  traduotion  et  de  reproduction  réstrvé.s. 


N"  79. 

TISSEUR  DE  SAN  LEUCIO 

(PROVINCE  DE  CÂSERTE  —  ITALIE), 

ouvrier-tacuehon-propriétaiiîe, 

bans  le  système  des  engagements  volontaires  permanents, 

d'après 

les  renseignements  recueillis  sur  les  lieux,  en  avril  1892, 

PAU     LE    PliOFESSEUR 

HiPPOLYTE    SaNTANGELO    SpOTO, 

Membre  de  la  Société  internationale  d'Économie  sociale, 

de  la  «  Sociedad  economica  Barcelonesa  Je  Ajuigos  del  Pais  » 

et  de  la  «  E.  Società  Economica  agraria  dei  Georgofili  »  de  Florence. 

OBSERVATIONS  PRÉLIMINAIRES 

DÉFINISSANT   LA    CONDITION    DES   DIVERS   MEMBRES   DE   LA    FAMILLE. 


DÉFINITION    DU    LIEU,   DE   L'ORGANISATION   INDUSTRIELLE 
ET    DE    LA    FAMILLE. 

ÉTAT    DU    SOL,    DE    L'INDUSTRIE   ET    DE    LA    POPULATION. 

La  famitte  décrite  dans  cette  monographie  habite  la  commune  de 
Ban  Leucio  (via  Chiassolo  Ferrera)  dans  la  province  de  Caserte.  Cette 
province  est  la  plus  étendue  du  royaume  d'Italie  (5.412  kilomètres 
carrés);  la  population  y  est  de  132  habitants  par  kilomètre  carré. 
Elle  est  bornée  à  l'Est  par  les  provinces  de  Bénévent,  Avellino  et  Sa- 
lerne  ;  au  Sud ,  par  celle  de  Naples  et  par  la  mer  Tyrrhénienne  ;  à 
l'Ouest,  par  la  province  de  Rome;  au  Nord,  par  celles  d'A(|uila  et  de 
Campobasso.  Administrativement  son  territoire  est  divisé  en  cinq 
arrondissements  comprenant  en  tout  186  communes,  dont  69  dépen- 

34 


326  >"   "9.    —    TISSEUR    DE   SA\   LEUCIO. 

dent  de  l'arrondissement  de  Caserte.  San  Leucio  est  situé  à  la  fois  dans 
la  province  et  dans  l'arrondissement  de  Caserte.  11  est  à  4.359  mètres 
de  Caserte,  avec  laquelle  il  est  en  rapports  continuels  de  dépendance 
et  de  trafic;  Caserte  est  en  effet  le  siège  de  la  préfecture  et  des  services 
administratifs  provinciaux,  de  l'intendance  des  finances,  de  la  pré- 
ture,  de  la  chambre  de  commerce,  des  établissements  d'instruction 
secondaire,  du  commandement  militaire  régional  et  de  l'évèché,  et  le 
centre  d'un  réseau  de  sept  lignes  de  chemin  de  fer.  San  Leucio  est  à 
11  kilomètres  par  route  carrossable  de  S.  Maria  Capua  Vetere,  ville  de 
19.989  habitants  et  siège  d'un  tribunal  et  d'une  cour  d'assises  ordi- 
naire, et  à  16  kilomètres  de  Capoue,  place  forte  militaire. 

Le  sol  est  en  majeure  partie  d'origine  volcanique,  quoique  modifié 
[)ar  l'apport  d'une  grande  quantité  de  débris  calcaires  :  le  sous-sol  est 
entièrement  composé  d'une  vaste  couche  de  tuf,  au-dessus  de  laquelle 
s'étend,  dans  presque  toute  la  partie  en  plaine  de  la  province,  une 
couche  de  terre  labourable  assez  profonde  pour  que  l'agriculture 
puisse  prospérer.  L'arrondissement  de  Caserte  en  particulier  se  divise 
géologiquement  en  quatre  zones. 

La  première  zone ,  comprenant  la  partie  la  plus  basse  qui  touche  à 
la  mer,  est  caractérisée  par  la  prédominance  des  terrains  alluviaux 
récents  et  du  climat  maritime  et  marécageux;  l'alpiste  des  Canaries 
(Phalaris  canariensis),  l'alpiste  aquatique  {Ph.  arundinacea  et  cœrules- 
cens) ,  la  luzerne  marine  {Medicago  marina),  le  filaria  [Phillyrea),  le 
tamarix  d'Afrique  [Tamarix  africana),  y  poussent  spontanément;  on  y 
cultive  les  céréales  d'hiver,  le  lin,  les  plantes  des  prairies,  etc. 
C'est  la  zone  de  la  grande  propriété,  à  culture  peu  développée  ,  et  à 
vastes  pâturages  naturels  :  le  tiavail  de  l'iiomnie  et  le  capital  d'exploi- 
tation y  jouent  un  plus  grand  rôle  que  l'intelligence  ;  on  y  trouve  de 
grands  domaines  à  culture  extensive. 

La  seconde  zone  est  également  située  dans  la  plaine  ;  elle  est  com- 
posée d'un  terrain  d'alluvion  plus  ancien,  ou  détritique;  le  climat  en 
est  continental;  on  y  cultive  avec  succès  le  chanvre,  le  lin,  le  maïs,  etc., 
les  arbres  fruitiers  et  le  lupin.  Dans  cette  zone,  la  culture  est  assez  in- 
tensive :  l'intelligence  et  le  travail  y  jouent  un  plus  grand  rôle  que  le 
capital  d'exploitation. 

La  troisième  zone,  située  sur  le  versant  de  la  montagne,  esl,  suivant 
les  endroits,  de  composition  argileuse,  formée  de  tuf  ou  de  calcaire, 
et  s'élève  à  quelques  centaines  de  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la 
mer;  la  vigne,  l'olivier,  le  châtaignier,  etc.,  le  sumac,  le  myrle,  le 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  327 

figuier  des  Indes  y  viennent  avec  succès.  L'intelligence  et  le  travail  y 
dominent  :  c'est  dans  cette  zone  qu'est  situé  San  Leucio.  La  culture  et 
les  domaines  y  sont  très  morcelés  :  les  petits  domaines  de  10  à  25  ares 
sont  les  plus  nombreux. 

Dans  la  quatrième  zone,  située  à  une  altitude  variant  entre  700  et 
2.000  mètres,  le  terrain  est  tantôt  argileux,  calcaire  ou  rocheux;  les 
essences  forestières  y  dominent,  depuis  lechéne  jusqu'au  hêtre,  depuis 
la  laiche  {Carex  flava)  jusqu'à  la  fléole  des  Alpes  {Phleum  alpinum). 
Dans  cette  zone,  le  travail,  l'intelligence  et  le  capital  diminuent  sensi- 
blement d'importance,  l'art  pastoral  prédomine  sur  tous  les  autres 
systèmes  agricoles. 

San  Leucio  est  situé  sur  le  flanc  de  la  montagne  du  même  nom,  re- 
gardant vers  le  Midi  :  l'altitude  est  de  90  mètres  au-dessus  du  niveau 
de  la  mer,  si  l'on  prend  pour  point  de  repère  le  seuil  de  l'hôtel  de 
ville.  La  situation  est  excellente  :  placé  entre  deux  bois,  au  milieu  de 
florissantes  prairies ,  à  proximité  du  parc  du  palais  royal  de  Caserte, 
séparé  du  bruit  de  la  ville,  San  Leucio  est  bien  fait  pour  ceux  qui 
aiment  la  méditation  et  le  repos  de  l'esprit,  pour  les  retraités  qui 
viennent  y  charmer  leurs  loisirs  et  pour  les  malades  qui  viennent 
y  chercher  la  santé.  Relié  par  des  routes  carrossables  aux  com- 
munes limitrophes  de  Gastelmorrone,  de  Gasagiove  et  de  Caserte, 
San  Leucio  a  un  territoire  de  médiocre  étendue  :  à  peine  9  milles 
napolitains  de  circonférence  (1  mille  napohlain  vaut  1,845'°,69), 
c'est-à-dire  iQy^'^  611.210°"i  de  superficie,  dont  la  majeure  partie,  soit 
14  ""'i  765.000™%  est  boisée  :  le  reste  est  bâti ,  ou  divisé  en  très  petites 
propriété  rurales  ou  urbaines  cultivées. 

Gomme  pays  agricole,  la  commune  de  San  Leucio  n'a  absolument 
aucune  importance  dans  une  province  comme  celle  de  Gaserte,  où  la 
superficie  cultivée  est  de  440.000  hectares,  c'est-à-dire  80  %  environ 
de  la  superficie  totale  :  elle  n'a  qu'une  importance  historique  (§  17)  et 
industrielle  (§  19).  Le  cadastre  est  très  ancien  :  il  remonte  au  cadastre 
napolitain  de  1809.  La  commune  est  suflisamment  approvisionnée 
d'eau  potable  :  elle  manque  complètement  d'eau  minérale  ;  cependant 
on  trouve  dans  la  province  des  sources  très  importantes  d'eaux  sa- 
lines sulfureuses  et  ferrugineuses,  iodurées,  salines  et  acidulées,  fer- 
rugineuses et  acidulées  :  les  plus  renommées  sont  celles  de  Sujo,  et 
les  anciennes  sources  de  Sinuessa  près  Mondragone  ;  celles  de  Fonta- 
naliri,  de  Teano,  de  Triflisco,  et  les  Suessolanes  près  Gancello,  dans  la 
forêt  Spinelli. 


328  N°    79.    —    TISSEUR    DE    SAN    LEUCIO. 

Les  montagnes  les  plus  voisines  de  San  Leucio  appartiennent  au 
groupe  des  Tifati,  qui  s'étendent  depuis  les  environs  de  S.  Maria  Capua 
Vetere,  jusqu'au  mont  Longano,  à  l'Est  des  ponts  de  la  Valle;  les 
monts  de  San  Leucio  et  de  San  Silveslro  ont  environ  450  mètres  d'al- 
titude :  la  plus  grande  partie  de  ces  hauteurs  est  boisée  et  forme  les 
bois  de  San  Leucio  et  de  San  Silvestro. 

Le  bois  de  San  Leucio  est  une  piopriété  privée  :  il  appartient  à  la 
famille  Sagliano  d'Aversa  :  il  a  (5  milles  napolitains  de  tour  (11  "'",  074). 
Ce  sont  des  taillis  à  coupes  annuelles.  Le  bois  de  San  Silvestro  est 
une  propriété  domaniale  dépendant  de  la  liste  civile  :  il  a  environ 
2  milles  napolitains  de  tour  (3''"\  091).  Ces  deux  forêts  fournissent 
du  bois  de  construction,  du  bois  à  brûler  et  du  charbon  de  bonne 
qualité.  Dans  l'une  et  l'autre,  les  habitants  de  la  commune  de  San 
Leucio  avaient  autrefois  le  droit  de  souche,  c'est-à-dire  le  droit  de 
ramasser  les  souches  et  les  branches  sèches  ou  brisées  naturelle- 
ment :  mais  ce  droit  a  été  aboli  par  les  dispositions  de  la  loi  forestière 
du  20  juin  1877  et  de  la  loi  du  l*""  novembre  1875. 

Malgré  cette  situation,  San  Leucio  manquerait  cependant  d'eau  po- 
table, si  une  concession  royale  n'avait  doté  son  territoire  d'une  con- 
duite prise  sur  l'aqueduc  Carolin.  Cet  aqueduc  fut  construit  par  le  roi 
Charles  de  Bourbon  pour  embellir  d'une  cascade  le  parc  attenant  au 
majestueux  palais  bâti  pai  l'ingénieur  Luigi  Yanvitelli  :  l'eau  canalisée 
vient  du  mont  Tiburno  [)ar  un  aqueduc  de  27  milles  (49'"",834) 
traversant  les  monts  Tifati  et  trois  larges  vallées;  elle  coule  dans  des 
canaux,  tantôt  creusés  dans  le  roc,  tantôt  suspendus  sur  des  ponts 
élevés  et  massifs  :  le  pont  de  la  Vallée  de  Maddaloni,  long  de 
1.618  pieds  (1)  (841™, 36),  reposant  sur  des  piliers  d'une  épaisseur 
de  32  pieds  (16™, 6i)  et  composé  de  trois  rangées  d'arches,  s'élève  à 
une  hauteur  de  178  pieds  (92'°,56). 

Les  cours  d'eau  naturels  les  plus  importants  de  la  province  sont  le  Oa- 
rigliano  et  le  Vollurne.  Le  Garigliano  a  une  longueur  de  36  kilomètres 
dont  8  sont  navigables,  avec  une  largeur  de  23  ù  125  mètres.  Le  Vol- 
turne  a  une  longueur  de  185  kilomètres  dont  28  kilomètres  au-dessous 
de  Capoue  sont  navigables,  avec  une  largeur  moyenne  de  32  à  70  mè- 
tres. Le  voisinage  du  Vollurne  est  une  ressource  pour  le  commerce  et 
l'approvisionnement  de  San  Leucio  :  le  poisson  que  donne  ce  llcuve  y 
est  importé,  particulièrement  au  printemps,  en  assez  grande  (nuinlilô. 

(1)  t  |iic'(l  iiapolitain  vaut  'i:2  ccnliiiirlres. 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  329 

San  Leucio  ne  prolile  aucunement  des  richesses  dont  abonde  la 
province,  et  particulièrement  de  la  pierre  de  taille  et  de  construction, 
de  la  chaux,  de  la  pierre  meulière,  du  gravier,  de  la  pouzzolane, 
du  sable  hydraulique  :  Texiguité  de  son  territoire  ne  permet  pas  aux 
constructions  de  se  multiplier;  mais,  si  restreint  que  soit  ce  territoire, 
il  donne  en  quantité  suffisante  les  végétaux  nécessaires  à  la  consom- 
mation locale  (herbes  potagères,  légumes,  bons  fruits  de  toute  espèce, 
raisin,  plantes  maraîchères).  La  richesse  animale  fait  complètement 
défaut,  parce  qu'il  n'y  a  personne  dans  la  commune  qui  puisse  la  dé- 
velopper et  la  faire  prospérer.  On  n'a  pu  trouver  dans  toute  la  com- 
mune que  7  animaux  :  2  vaches,  3  ânes  et  2  chevaux.  Les  farines, 
graisses,  huiles  et  spiritueux  consommés  à  San  Leucio  sont  des  pro- 
duits d'importation. 

La  propriété  est  très  morcelée.  Au  mois  de  mars  1892,  il  y  avait 
145  propriétaires  de  bâtiments  et  79  propriétaires  de  terrains  :  sur  ce 
nombre,  69  seulement  se  trouvaient  inscrits  sur  les  listes  électorales 
comme  ayant  la  culture  intellectuelle  exigée  par  la  loi  communale  ou 
provinciale  pour  l'électorat  administratif.  De  ceux-ci 

7  paj'aient  un  impôt  inférieur  à  o  francs  ; 
10        —  —        de  5  à  10  francs; 

20         —  —         de  10  à  20  francs  ; 

32        —  —         supérieur  à  20  francs. 

Sur  les  1-4.J  familles  propriétaires  de  bâtiments,  129  possèdent  leur 
maison  d'habitation  avec  un  petit  jardin  attenant  d'une  contenance  de 
4  à  20  ares. 

D'après  le  recensement  de  1881,  la  population  de  San  Leucio  était 
de  739  individus,  sur  lesquels  722  y  avaient  un  domicile  fixe  et  habi- 
tuel et  représentaient  177  familles;  (5  n'y  avaient  qu'une  habitation  de 
passage;  11  étaient  absents.  D'après  un  relevé  fait  le  22  avril  1893  sur 
le  registre  de  la  population,  avec  l'aide  du  secrétaire  communal,  la  po- 
pulation, au  point  de  vue  de  l'âge,  était  ainsi  répartie  :  hommes,  510; 
femmes,  509;  total,  1.019  habitants;  sur  ce  nombre,  356  avaient  de 
1  à  20  ans  ;  405,  de  21  à  50  ans  ;  258,  plus  de  50  ans.  Il  y  a,  en  moyenne 
par  an,  11  mariages,  17  naissances  du  sexe  féminin  et  16  du  sexe 
masculin,  7  décès  du  sexe  féminin  et  6  du  sexe  masculin. 

L'émigration  est  irrégulière  et  très  faible  :  les  émigrants  sont  ordi- 
nairement, ou  bien  ceux  qui  sont  venus  se  fixer  pour  quelque  temps 
à  San  Leucio  afin  d'y  trouver  du  travail,  ou  bien  ceux  qui,  alléchés  par 


330  N°    79.    —    TISSEUR    DE    SAN    LEUCIO. 

l'espoir  de  gains  plus  considérables,  abandonnent  la  navette  et  le  mé- 
tier pour  le  marteau  du  portier  ou  le  fouet  du  cocher. 

Les  1.019  habitants  étaient  groupés  en  209  familles,  dont  le  tableau 
suivant  indique  la  répartition  d'après  les  professions  et  le  nombre  des 
membres,  en  1S9:2  : 

RÉPARTITION   DES   FAMILLES   d'aI'RÈS  LES    PROFESSIONS. 

• 

Professions  libérales "  lamilles. 

Emi)loyés  communaux 13  — 

Employés  de  l'État -i'  — 

Clerifé  et  personnes  attachées  au  culte x  — 

Paysans •*  — 

Artisans <>  — 

Boutiquiers i  — 

Hôteliers •>  — 

Ouvriers  en  soie 136  — 

TOT  VI 209       — 

RÉPARTITION    DES    FAMILLES    d'aPRÈS    LE    NOMBRE  DES   MEMBRES. 

30  familles  composées  de 3  personnes. 

M  —  —              i  — 

37  —  —              5  — 

21  —  —                 t»  — 

15  —  -                  7  — 

13  —  —                 S  — 

7  —  —                 !>  - 

3  -  —                 10 

■2  —                 Il  — 

I                                                13  — 

1      —  —  n         — 

20       —  ne  comprenant  que  le  mari  et  la  femme. 

13  ménages  de  célibataires. 

Total  200 

La  commune  pourvoit  aux  besoins  généraux  au  moyen  d'un  budget 
annuel  de  20.708^  01.  Cette  somme  provient  en  majeure  partie  des  re- 
venus des  biens  communaux  :  aussi  les  habitants  sont-ils  peu  grevés 
d'impôts  municipaux.  En  fait,  la  commune  ne  prélève  pas  de  taxes,  et 
la  part  qu'elle  perçoit  sur  les  contributions  directes  du  Trésor  est  mi- 
nime, si  on  la  compare  à  la  moyenne  de  celles  que  supportent  les  ha- 
bitants des  autres  communes. 

Le  tableau  suivant  montre  le  taux  des  impôts  et  surimpôts  spéciaux 
qui  grèvenlles  habitants  de  San  Leucio,  la  part  proportionnelle,  (.4//- 
quotà)  et  les  centimes  additionnels  (V.  la  note  additionnelle,  p.  39())  : 


OBSERVATIONS    PRELIMINAIRES. 


331 


(  Impôt  perçu  par  le  Trésor. .  3.7in'3l 

Terrains...  ■.  Surimpôt    provincial 1.478  07 

(          —         communal -2.C87  07 

Pronriptp.!  (  '"'1"'^  ^^^^^^  P^""  ^^  Tr'-Sor..  2.675  00 

rroprieies  ^  gurimpùl     provincial 707  13 

nauts.      ^          _           communal I. -284  87 


Part 

Centimes 

poitioniiellc. 

additionnels 

23'  8!l 

.■;2'  45 

7  27 

15  96 

14  40 

31  59 

1(.  2^) 

56  -22 

4  22 

14  82 

8  42 

29  16 

La  contribution  spéciale  mobilière  sur  l'industrie  est  calculée  sur 
une  valeur  imposable  de  4.169^  53,  ce  qui  donne  net,  y  compris  le 
décime  de  guerre ,  550*^  37  ;  mais,  sur  cette  somme ,  300  francs  sont  à  la 
charge  de  la  fabrique  OfTritelIi  et  Pascal  où  travaille  l'ouvrier. 

San  Leucio  est  une  importante  station  climatérique.  Le  climat  y  est 
très  tempéré  en  toute  saison.  L'observatoire  météorologique  de  Caserte 
(situé  à  41°3'  latitude  N.,  à  1°  53'  longitude  Est  de  Rome  et  à  70'"  20 
d'altitude)  a  fourni  les  renseignements  suivants  sur  la  température 
moyenne  de  San  Leucio,  l'état  hygrométrique  de  l'air,  la  nébulosité 
du  ciel  et  les  perturbations  atmosphériques  qui  s'y  produisent  : 


Printemps. 
É  u- 

TEMPEItATURE 

Pression 
>>aromvtrique. 

Humidité 
relative. 

Xébulosité 

en  dixièmes 

dn   ciel 

Pluie. 

inoyenni'. 

minin,a. 

,naxin>a. 

14",  1 
23',2 
16",6 
!l".4 

8",9 
17» 
11" 

•">",7 

l!l'',4 

2!»",i 

21" 

13" 

753"""7 
755      2 

7.';9      3 

,J.2cm 

69 
67 

4,8 
2,5 
5,1 
3,9 

301  """2 
135 

535      i 
-217      9 

Automne.. 
Ilivrr 

U  résulte  de  ces  chiffres  que  San  Leucio  est  un  endroit  exception- 
nellement sain  et  une  excellente  station  thérapeutique,  et,  de  fait,  de 
nombreux  malades,  atteints  des  fièvres  paludéennes  qui  régnent  sur 
les  côtes,  viennent,  surtout  en  été,  y  chercher  la  guérison. 

San  Leucio  a  son  importance  historique  :  fondé,  comme  nous  le  ver- 
rons plus  loin,  parle  roi  de  Naples  Ferdinand,  en  1773  (,§  17),  il  acquit 
bientôt,  en  1776,  une  importance  industrielle  (§  18).  Depuis  un  siècle 
et  plus,  ce  n'est  plus  la  «  Colonie  »  fondée  par  Ferdinand ,  c'est  un 
centre  industriel,  auquel  ses  fabriques  de  soie  ont  donné  une  grande 
réputation. 


§  2. 


ETAT    CIVIL   I»E   LA    FAMILLE. 


La  famille  de  l'ouvrier  tisseur-propriétaire  se  compose  des  dix  per 
sonnes  suivantes  : 


332  N°   79.    —    TISSEUR   DE    SAN   LEUCIO. 

1"  SiMtON  Pasoiiakiei.u),  chef  de  famille .'>o  ans. 

•2f  HÉLÈNE  Marotta  ,  sa  femme ■»:>  — 

3"  Angèle  P'**,  leur  fille  aînée 19  — 

4"  Fram;.oise  p***,  leur  deuxirme  lille is 

:>"  JE.VNNE  P'",  leur  troisi<Mnc  fille 1  i  — 

fi"  A>NE  p»»«,  leur  iiuatrièiDc  fille 1-2  — 

'"  DOMiNryUE  P'**,  leur  linquiéme  fille 0  — 

H"  Alexa.ndra  p**'  ,  leur  sixième  fille (>  — 

!»•  DOSAT  P*",  leur  fils 'i  — 

10"  Gauhiel  Mahotta,  \utc  (l'Hctcnc  M"* 70  — 

Siméon  P***  et  Hélène  M***  se  sont  mariés  en  1872;  ils  formèrent  un 
ménage  isolé,  et  s'établirent  d'abord  à  Sala  pour  se  transporter  ensuite 
à  Portici.  Neuf  ans  environ  après  leur  mariage,  le  père  d'Hélène,  Ga- 
briel, ayant  perdu  sa  femme  qui  lui  laissait  une  fille  nubile,  voulut 
associer  à  son  ménage  celui  de  son  gendre.  En  1887,  Gabriel  perdit  sa 
plus  jeune  fille;  resté  seul,  il  entra  dans  le  ménage  de  son  gendre,  à 
qui  il  laissa  l'autorité  entière  du  chef  de  famille. 

Le  ménage  d'ouvriers  qui  fait  l'objet  de  cette  étude  est  un  exemple 
d'union  féconde  ayant  donné  des  enfants  bien  portants;  les  époux  ne 
se  sont  laissé  arrêter  dans  leur  désir  d'augmenter  leur  postérité  ni  par 
le  fantôme  de  la  misère,  ni  par  la  situation  résultant  pour  eux,  vis-à- 
vis  (les  familles  indigènes,  de  leur  situation  d'immigrants,  qualité  qui, 
comme  nous  le  verrons  plus  loin,  ne  donne  pas  un  droit  absolu  à  être 
conservé  dans  la  fabrique  Offritelli  et  Pascal (§  21).  Siméon  est  né  dans 
la  commune  voisine  de  Sala,  fraction  de  Caserte,  de  parents  non  origi- 
naires de  San  Leucio,  et,  bien  qu'il  ait  épousé  une  Leucienne,  il  est 
considéré,  de  ce  fait,  comme  étranger  (§  18).  Pour  les  ouvriers  de  la 
maison  Offritelli  et  Pascal,  c'est  un  privilège  que  d'être  Leucien  de 
naissance  (>;  20). 

Angèle,  la  fille  aînée,  est  sur  le  point  d'être  fiancée  à  un  jeune  ou- 
vrier en  soie  de  la  filature  Mingione,  de  Casagiove,  commune  située  à 
3  kilomètres  de  San  Leucio.  Ce  sera  la  première  fille  de  la  famille  qui 
se  mariera;  Siméon  se  montre  préoccupé  des  cinq  filles  qui  vont 
rester;  quatre  d'entre  elles  sont  une  charge  réelle  pour  le  budget 
domestique. 

HKLlGloN    ET    IIAIUTUDES   MURALES. 

liCs  deux  époux  sont  catholiques  et  pratiquent  leur  religion  sans 
ostentation  ni  fanatisme.  Ce  sont  des  croyants  convaincus,  comme  le 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  333 

sont  généralement  les  ouvriers  en  soie  de  San  Leucio,  auxquels  la  reli- 
gion catholique  a  été  imposée  par  le  roi  Ferdinand  de  Bourbon.  Nous 
reproduisons  textuellement  les  considérations  préliminaires  de  Védit 
par  lequel  ce  prince  promulgua  des  lois  spéciales  pour  le  «  Bon  gou- 
vernement delà  population  de  San  Leucio  »  : 

«  Aucun  homme,  aucune  famille,  aucune  cité,  aucun  royaume,  ne 
peut  subsister  et  prospérer  sans  la  crainte  sainte  de  Dieu.  La  principale 
chose  que  je  vous  ordonne  est  donc  l'exacte  observance  de  sa  très 
sainte  Loi. 

«  Les  principaux  préceptes  de  cette  loi  sont  au  nombre  de  deux  : 
1"  aimer  Dieu  par-dessus  toute  chose;  2"  aimer  son  prochain  comme 
soi-même. 

«  Aimer  Dieu  par-dessus  toute  chose,  c'estl'aimer  de  tout  son  cœur, 
de  tout  son  esprit,  de  toute  son  âme  et  de  toutes  ses  forces;  le  préférer 
à  toutes  les  créatures  et  l'aimer  plus  que  tout  ce  que  nous  avons  de 
plus  cher. 

«  Cette  obligation  naît  en  nous  des  grands  bienfaits  dont  il  nous  a 

comblés  et  dont  il  nous  comble  à  tout  instant Nous  sommes  donc 

tous  tenus  de  l'adorer  et  de  le  vénérer  comme  l'Etre  suprême  et  l'au- 
teur de  toutes  choses;  de  lui  obéir  comme  à  notre  souverain  seigneur 
et  maître;  de  le  craindre  comme  notre  juste  juge  et  d'accomplir  à  son 
égard  des  devoirs  de  vrai  culte  et  de  vraie  dévotion.  En  conséquence, 
chaque  malin  au  lever  du  jour  chacun  se  rendra  au  temple  pour  l'adorer; 
la  prière  se  récitera  en  commun  et  chacun  en  particulier  offrira  à  Dieu  en 
holocauste,  pendant  le  saint  sacrifice  de  la  messe  qui  y  sera  célébré,  tous 
les  mouvements  de  son  cœur  et  de  son  esprit.  Chacun  se  rendra  ensuite  à 
la  fabrique  ou  chez  soi  pour  s'adonner,  sous  la  sainte  protection  du 
Seigneur,  à  ses  devoirs  particuliers.  Le  soir,  au  coucher  du  soleil,  lors- 
que les  travaux  auront  cessé,  tout  le  monde  ira  de  nouveau  à  l'église 
visiter  le  Saint-Sacrement  et  lui  rendre  un  tribut  d'honneur  et  de 
gloire  pour  tous  les  bienfaits  reçus;  on  récitera  encore  en  commun 
la  prière  du  soir.  Que  chacun  observe  les  préceptes  de  l'Église  et  fré- 
quente les  sacrements.  » 

Pendant  un  siècle,  tous  les  ouvriers  de  San  Leucio  ont  été  élevés 
d'après  ces  principes,  et  aujourd'hui  encore  les  vieux  y  restent  atta- 
chés. Mais  l'action  dissolvante  du  temps,  en  modifiant  la  situation 
politique,  s'est  aussi  exercée  sur  les  coutumes  religieuses,  et  les  jours 
deviennent  plus  rares  où  les  jeunes  gens  de  San  Leucio  en  particulier, 
ainsi  que  les  immigrés,  assistent  à  la  messe  et  s'approchent  du  sacre- 


334  N"    79.    —    TISSEUR    DE    SAN    LEL'CIO. 

ment  de  rEucharistie.  Siméon  respecte  les  principes  religieux  de  sa 
femme,  qui  les  a  inculqués  à  ses  filles,  mais  il  se  borne  à  entendre  la 
messe  le  dimanche  et  à  remplir  le  devoir  pascal.  Pour  son  propre 
compte,  ce  n'est  pas  un  catholique  fervent  ;  mais  il  n'empêche  pas  les 
autres  de  penser  à  leur  façon. 

C'est  un  homme  d'un  caractère  paisible  et  profondément  honnête. 
Il  n'a  de  ressources  que  dans  son  travail,  et  toutes  ses  actions  restent 
enfermées  dans  les  limites  de  la  plus  rigoureuse  honnêteté.  Sa  femme 
est,  comme  lui,  illettrée.  Ses  filles  aînées  ont  fréquenté  l'unique 
école  de  la  commune,  à  laquelle  Anne  et  Dominique  sont  encoie  ins- 
crites. Alexandra  sortira  cette  année  de  la  salle  d'asile  que  fréquente 
aussi,  quoique  assez  irrégulièrement,  le  petit  Donat. 

Hélène,  quoique  illettrée,  est  cependant  intelligente  et  active.  Excel- 
lente mère  et  excellente  épouse,  elle  ne  s'occupe  que  de  ses  enfants 
et  de  son  ménage.  Modeste  et  simple,  elle  habitue  ses  filles  à  une 
grande  réserve  dans  les  vêtements  comme  dans  le  langage;  elle  est 
en  bons  rapports  avec  les  voisins  ;  elle  leur  rend  volontiers  des  ser- 
vices quand  elle  le  peut,  mais  n'en  demande  que  rarement. 

Le  vieux  Gabriel  laisse  beaucoup  à  désirer  sous  le  rapport  de  la  mo- 
ralité; c'est  surlui  que  retombent  les  reproches  que  l'on  peut  adresser 
à  la  famille. 


g  4. 

JlYGIÈNE    ET    SERVICE    DE   SANTÉ. 

Siméon  est  physiquement  bien  constitué  :  dans  sa  jeunesse  il  a  souf- 
fert de  la  jaunisse,  mais  depuis  son  mariage  il  a  toujours  joui  d'une 
excellente  santé.  Le  travail  de  tisseur  auquel  il  se  livre  n'a  jamais 
nui  à  sa  santé;  toutefois  il  commence  à  se  fatiguer  des  neuf  heures  de 
travail  qu'il  est  obligé  de  fournir  dans  la  fabrique  Offritelli  et  Pascal. 
La  santé  de  la  femme  ne  laisse  non  plus  rien  à  désirer  :  ses  accouche- 
ments ont  toujours  été  heureux,  sauf  le  troisième  et  le  cinquième. 
Une  des  filles,  Françoise,  a  eu  une  méningite  à  l'âge  de  treize  ans. 

Les  plus  jeunes  enfants  ont  souvent  eu  besoin  du  médecin.  Presque 
tous  ont  été  malades  de  l'inlluenza  dans  l'hiver  de  l'année  dernière, 
et  par  deux  ou  trois  à  la  fois;  c'est  Alexandra  qui  se  ressent  le  plus 
encore  des  suites  de  cette  maladie. 

Néanmoins  la  famille  n'a  pas  été  cnl rainée  à  de  grandes  dépenses  : 


.    OBSERVAT lOiNS    PRÉLIMINAIRES.  33."5 

en  effet,  la  commune  assure  gratuitement  à  la  généralité  des  habitants 
les  soins  d'un  médecin  et  ceux  d'une  sage-femme  ;  le  médecin  a  un  trai- 
tement de  i.300  francs  par  an ,  et  la  sage-femme ,  de  185  francs.  L'un  et 
l'autre  sont  tenus  de  fournir  leurs  services  à  la  généralité  des  habitants. 

L'hygiène  de  la  famille  est  assurée  par  les  bonnes  conditions  clima- 
tériques  de  la  localité  (§  1),  par  une  nourriture  plus  que  suffisante 
(§  15,  S°"  I)  et  par  la  position  de  la  maison,  toujours  exposée  au  soleil 
et  où  la  fraîcheur  est  entretenue  grâce  aux  soins  actifs  et  industrieux 
de  la  femme. 

San  Leucio  manque  de  pharmacie  :  les  habitants  sont  obligés  d'al- 
ler chercher  leurs  remèdes  à  Sala.  La  loi  sanitaire  du  22  décembre 
1888  permettait  au  médecin  communal,  dans  les  communes  où  il  n'y 
avait  pas  de  pharmacie,  détenir  un  dépôt  de  médicaments  moyennant 
l'autorisation  du  conseil  sanitaire  provincial.  Mais  cette  disposition 
n'a  pas  donné  les  bons  résultats  que  le  législateur  en  attendait;  en  fait, 
plus  de  trois  mille  communes  sont  toujours  privées  de  pharmacie  et 
n'ont  pas  confié  de  dispensaire  au  médecin  communal. 


RANG   DE   LA    FAMILLE. 

Siméon  doit  être  rangé  parmi  les  ouvriers-tâcherons  propriétaires. 
Le  travail  à  la  lâche  constitue  son  moyen  habituel  d'existence,  et  en 
même  temps  il  possède  une  très  petite  propriété  urbaine  (§  6).  Ses  en- 
gagements sont  volontaires  et  permanents,  à  un  certain  point  de  vue, 
dans  ses  rapports  avec  son  patron  (§  21).  Il  est  payé  d'après  la  lon- 
gueur en  mètres  de  la  pièce  d'étoffe  tissée  sur  l'ordre  du  patron  (§  21). 
Les  filles,  au  contraire,  liées  vis-à-vis  du  patron  par  des  engagements 
volontaires  et  permanents,  sont  payées  à  la  journée.  Gabriel  est  rétri- 
bué à  l'année. 

Au  point  de  vue  juridique,  la  famille  de  Siméon  se  place  dans  la  ca- 
tégorie de  celles  qui  sont  fondées  sur  les  principes  de  liberté  et  de  res- 
ponsabilité, et  dont  l'organisation  repose  sur  la  propriété  individuelle 
et  le  mariage  légitime. 

Au  point  de  vue  social,  elle  se  place  dans  la  catégorie  des  familles- 
souches  à  organisation  stable,  et  parmi  celles  qui  prétendent  se  suffire 
à  elles-mêmes  par  le  travail.  Siméon  y  a  toujours  réussi.  Il  a  d'abord 


336  >°   79.    —   TISSEUR   DE    SAN    LEICIQ. 

été  ouvrier  à  Sala,  puis  à  Portici,  puis  à  San  Lcnicio,  et  voici  la  raison 
de  ces  changements.  Ayant  toujours  eu  le  sentiment  de  la  responsa- 
bilité que  sa  paternité  volontaire,  résultant  d'un  mariage  légitimement 
contracté,  faisait  peser  sur  lui,  il  a  voulu  y  faire  face  par  le  travail  : 
il  a  donc  changé  de  demeure  en  même  temps  que  changeaient  les 
conditions  du  travail.  Il  est  allé  là  où  il  trouvait  momentanément  le 
travail  plus  facile,  plus  rémunérateur  et  plus  sûr.  A  certains  moments, 
Siméon  a  réussi  à  gagner  beaucoup;  et,  si  autrefois  ses  filles  avaient 
un  salaire  moins  élevé,  il  pouvait  mettre  ce  salaire  de  côté  dans  leur 
intérêt;  aujourd'hui  il  parvient  à  peine,  avec  son  salaire  et  avec  celui 
de  ses  filles,  à  satisfaire  aux  besoins  de  sa  nombreuse  famille.  Tandis 
que  son  beau-père  gaspille  au  cabaret  tout  ce  qu'il  gagne ,  Siméon  se 
prive  des  commodités  les  plus  usuelles  pour  lui  prêter  l'assistance 
qu'il  lui  doit.  Il  n'a  jamais  voulu  s'endetter. 

Siméon  jouit  de  l'estime  de  tous  ceux  qui  le  connaissent;  il  n'a  d'ail- 
leurs pas  d'effort  à  faire  pour  être  le  bi'iive  homme  que  tout  le  inonde 
voit  en  lui,  car  il  s'est  imposé  à  lui-même,  presque  depuis  l'enfance, 
cette  règle  de  conduite  :  ne  demander  qu'à  son  propre  travail  ses 
moyens  de  subsistance,  et  renfermer  ses  besoins  dans  les  limites  de  son 
travail,  c'est-à-dire  dans  les  limites  du  salaire  individuel.  11  est 
économe,  rangé,  peu  exigeant  pour  lui-même;  il  joint  l'amour  du  tra- 
vail à  la  modestie. 


MOYENS  D  EXISTENCE  DE  LA  FAMILLE. 


^    6. 


l'Ritl'RIKTÉS 

Mol)ili(>r  et  vrtoments  non  compris). 

Immei  BLES .^.SOOr  00 

Siméon,  depuis  le  jour  où  son  beau-père  (iabriol  l'a  fait  venir  de 
Portici  à  San  Leucio  pour  asaocier  leui's  ménages,  a  la  jouissance  de  la 
maison  qui  appartient  à  Gabriel  dans  la  via  Chiassolo  Ferrera.  Depuis 
lors  il  n'a  plus  songé  à  quitter  San  Leucio,  d'autant  plus  qu'à  la  mort  \ 

de  Gnbrif'l  il  héritera  i\r'  la  maison  comme  mari  d'Mélène,  seule  fille 


OBSERVATIONS   PRÉLIMINAIRES.  'Mil 

survivante  et  héritière  légitime  de  Gabriel.  Si  l'on  ne  peut  pas,  à  pro- 
prement parler,  appeler  droit  de  propriété  le  droit  dont  jouit  ainsi 
Siméon,  on  peut  cependant  le  considérer  comme  tel,  eu  égard  aussi 
bien  à  sa  condition  légale  qu'aux  intentions  de  son  beau-père.  Gabriel 
possède  encore  deux  autres  maisons  d'habitation  que,  pour  les  mêmes 
raisons,  on  peut  considérer  comme  la  propriété  de  Siméon. 

i"  Maison  d'habitat  ion,  formée  d'un  rez-de-chaussée  seulement  et  comprenant  i  pic- 
ces,  une  cuisine,  une  cave  et  un  jardin  attenant,  3.000^00. 

i'-  Maisons  à  loyer.  —  Une  maison  à  3  i)iéces  dans  la  lucalite  dite  la  «  Trattoria  »  et 
une  maison  à  une  pièce  au  rez-dc-chaussce,  :î.800'00. 

Argent  et  fonds  de  roulement 1.057^  15 

La  famille  ne  possède  en  fait  d'argent  qu'un  fonds  de  roulement 
d'environ  lOOf  00  pour  les  dépenses  mensuelles.  Mais  elle  a  écono- 
misé et  placé  une  somme  de  ToO""  40. 

1"  Argent  placé  à  la  caisse  d'épargne,  T.W  40. 

-2°  Fonds  de  roulement,  100' 00;  —  provisions  :  1-25  litres  d'huile,  IIS^TS;  —  4  met.  cul). 
de  bois  à  brûler,  88^00.  —  Total,  306'  7o. 

Animaux  domestiques  entretenus  toute  l'année 33^  50 

La  famille  en  a  peu,  mais  ceux  qu'elle  possède  sont  exclusivement 
destinés  aux  besoins  du  ménage. 

3  couples  de  pigeons,  "''90;  —  9  poules  et  l  coq,  -2<>'  50.  —  Total,  33' oO. 

Matériel  spécial  des   travaux  et   industries 20'   il) 

1"  Pour  la  culture  du  jardin.  —  Bêches,  râteaux,  etc.,  3' 99. 

s!"  Pour  le  blanchissage  et  le  repassage  du  linge.  —  1  cuvier,  iî'OO;  —  1  chaudière,  "'.'iO: 

—  i  trépied,  0' 65:  — 10  mètres  de  corde  pour  étendre  le  linge,  2' 70;  —  2 corbeilles,  0*40: 

—  û  fers  à  repasser,  1'  "5.  —  Total,  15'  00. 

3"  Pour  la  confection  et  le  raccommodage  des  vêtements.  —  Objets  divers,  7' 50. 

Valeur  TOTALE  des  propriétés 6.917'  li 


SUBVENTIONS. 

Sous  l'empire  des  lois  du  «  Bon  gouvernement  de  la  population  de 
San  Leucio  »,  on  pouvait  considérer  comme  des  subventions,  protitanl 
à  la  famille  de  l'ouvrier  en  soie  leucien,  les  présents  que  le  roi  faisait 
aux  filles  à  l'occasion  de  leur  mariage.  Celles  qui  épousaient  un  ou- 
vrier en  soie  de  la  «  Colonie  »  recevaient  la  maison  d'habitation  avec 
tout  ce  qui  est  nécessaire  pour  la  vie  et  les  deux  métiers  permettant  de  ya- 


338  N°    79.    —   TISSEUR   DE    SAN   LEUCIO. 

gner  le  salaire  quotidien  (§  18);  celles  qui  se  mariaient  en  dehors  de 
la  c(  Colonie  »  recevaient  cinquante  ducals  une  fois  donnés  (212^  50). 

Aujourd'hui  il  ne  reste  rien  de  cet  usage  (^  18).  Aussi  la  famille  de 
l'ouvrier  ne  jouit  d'aucune  subvention  ni  sur  lindustrie  de  la  soie,  ni 
sur  les  propriétés  communales,  ni  sur  les  forêts  voisines;  elle  n'en 
reçoit  aucune  de  la  maison  Offrilelli  et  Pascal. 

On  peut  cependant  regarder  comme  subventions  :  l'instruction  élé- 
mentaire gratuite,  les  soins  gratuits  du  médecin  et  de  la  sage-femme, 
et  l'inhumation  gratuite  dans  le  cimetière  communal.  En  outre  des 
dépenses  déjà  mentionnées,  afférentes  au  service  hygiénique  et  sani- 
taire (^§  4j,  la  municipalité  de  San  Leucio  dépense  pour  la  fourniture 
gratuite  des  remèdes,  tant  en  secours  fixes  qu'en  secours  éventuels, 
une  somme  annuelle  de  985*^  15,  c'est-à-dire  environ  1  franc  par  habi- 
tant. On  peut  encore  considérer  comme  subventions  les  cadeaux  que 
la  famille  reçoit,  pour  les  enfants,  de  leur  parrain  et  de  leur  marraine, 
le  jour  anniversaire  de  leur  naissance  ;  à  San  Leucio,  en  effet,  une  gra- 
cieuse coutume  veut  que  les  parrains  et  marraines  fassent  un  cadeau 
annuel  à  leurs  filleuls  pendant  les  cinq  premières  années. 


§  8. 

THAVMX    ET    INDUSTRIES. 

Tous  les  travaux  auxquels  se  livrent  les  membres  de  la  famille  sont 
faits  pour  le  compte  de  la  maison  Offritelli  et  Pascal,  et  sont  exécu- 
tés à  heures  fixes  dans  la  fabrique  même,  .\ucun  membre  de  la  fa- 
mille ne  travaille  à  la  maison,  avec  des  matières  premières  lui  appar- 
tenant et  pour  son  propre  compte,  ou  moyennant  commission.  La 
famille  n'exerce  non  plus  aucune  industrie  spéciale  en  dehors  des  oc- 
cupations propres  à  chacun.  La  mère  dirige  et  exécute  à  la  fois  les 
travaux  qu'on  peut  classer  parmi  les  petites  industries  du  ménage. 

Trucaux  de  l'ouvrier.  —  Siméon  est  un  tisseur  travaillant  au  mé- 
tier :  on  verra  plus  loin  dans  quelles  conditions  il  exécute  sa  tâche.  Il 
travaille  depuis  sept  ans  dans  la  maison  Offritelli  et  Pascal  :  la  matière 
première  lui  est  fournie  i)ar  ses  patrons,  et  les  instruments  de  travail 
appartiennent  à  la  municipalité  (?;  2(H.  dont  la  maison  Offritelli  et  Pas- 
cal est  fermière. 

Il  tisse  des  pièces  de  soie  lisse  de  trois  dimensions,  «lésignées  par 
les  n""  l,  2  et  3;  il  est  payé  à  la  tâche,  à  raison  d'un  prix  brut  moyen 


OBSERVATIONS   PRÉLIMINAIRES.  339 

de  Of9H  le  mèlre.  En  calculant  les  irais  qu'il  a  à  supporter  pour 
chaque  mètre  de  tissu  et  la  quantité  produite  par  jour,  on  trouve 
que  lamo3'enne  de  ses  salaires,  sur  une  année  de  300  jours  de  travail, 
est  de  2^80  par  jour.  Il  travaille  neuf  heures  par  jour  et  est  obligé  de 
se  conformer  à  l'horaire  établi  par  ses  patrons  (^  20).  Il  tisse,  en  une 
journée,  6  mètres  de  soie  lisse  de  la  dimension  n"  1,  4  mètres  de  la  di- 
mension n"  2,  et  2™  75  de  la  dimension  n"  3. 

Nécessairement,  il  s'occupe  de  la  culture  de  son  jardin;  mais  il  ne 
s'y  adonne  qu'aux  moments  de  liberté  qu'il  peut  avoir  au  cours  de  la 
semaine,  ou  bien  dans  les  matinées  du  dimanche  et  des  jours  de  fête. 
On  peut  évaluer  à  8  journées  la  somme  de  travail  qu'il  y  consacre,  et 
par  suite  à  11^  60  l'économie  réalisée  de  ce  chef. 

Travaux  de  la  femme.  —  Hélène,  aidée  de  Jeanne,  sa  troisième  fille, 
s'occupe  du  blanchissage  du  linge,  du  raccommodage  des  habits  et  des 
draps  et  de  tous  les  soins  du  ménage.  On  peut  évaluer  à  o2  les  jour- 
nées de  travail  utile  exécuté  par  elle  et  à  34^  00  l'économie  réalisée 
de  ce  chef. 

Travaux  de  la  fille  aînée .  —  Angèle  travaille  comme  ouvrière  fileuse 
dans  la  même  manufacture.  Elle  doit  fournir  11  heures  de  travail,  et 
touche  un  salaire  de  0*^  80  par  jour.  Elle  est  payée  tous  les  quinze 
jours  et  travaille  en  moyenne  24  jours  par  mois. 

Travaux  de  la  deuxième  fille.  —  Françoise  travaille  comme  dévideuse 
et  fait  des  journées  de  11  heures.  Son  salaire  est  de  0^70  par  jour. 
Elle  travaille  en  moyenne  25  jours  par  mois.  C'est  une  des  meilleures 
ouvrières;  elle  n'a  jamais  reçu  de  reproches  ni  encouru  d'amende. 

Accessoirement,  Angèle  et  Françoise  s'occupent  à  confectionner  les 
vêtements  neufs  dont  on  a  besoin  dans  la  famille,  à  raccommoder  les 
bas  ou  à  repasser  le  linge.  On  peut  évaluer  à  14  journées  la  somme  de 
travail  produite  à  elles  deux  pour  ces  divers  objets;  l'économie  réalisée 
est  par  suite  de  11^  20. 

Travaux  du  père  de  la  femme.  —  (îabriel  est  employé  depuis  cin- 
quante-quatre ans  dans  la  manufacture  de  soie  :  il  y  est  entré  en  1837 
en  qualité  de  charretier,  et  il  est  resté  dans  cet  emploi  jusqu'en  1884. 
Aujourd'hui  on  l'occupe  à  un  travail  moins  fatigant  :  il  est  concierge  ; 
c'est  lui  qui  balaie  et  nettoie  la  fabrique.  C'est  un  des  plus  vieux  employés 
de  la  manufacture.  Il  est  payé  à  l'année,  et  à  raison  de  1^50  par  jour. 
Il  gagne  moins  que  lorsqu'il  était  charretier;  un  charretier  a  un  sa- 
laire fixe  de  2*^50  par  journée  de  travail,  mais  n'est  payé  que  pour 
les  jours  où  il  travaille. 


3i0  IS°    70.    —    TISSEIR   DE   SAN   LEUCIO. 

Industries  entreprises  par  la  famille.  —  Les  quelques  industries  en- 
treprises par  la  famille  comprennent  :  l'exploitation  du  jardin-potager, 
l'entretien  de  la  basse-cour,  les  travaux  de  blanchissage  et  de  repas- 
sage du  linge,  la  confection  et  le  raccommodage  des  vêtements.  Ces  di- 
vers travaux  se  répartissent,  ainsi  qu'il  a  été  dit  plus  haut,  entre  cha- 
cun des  membres  de  la  famille. 


MODE  D'EXISTENCE  DE  LA  FAMILLE. 

§  9. 

ALl.ME.NTS   ET    REPAS. 

La  famille  de  Siméon  fait  en  toute  saison  trois  repas  par  jour  :  le 
premier,  le  matin  à  la  première  heure;  le  second,  entre  11  heures  et 
midi  ;  le  troisième,  vers  6  heures  du  soir. 

A  5  heures  ou  5  heures  et  demie  du  matin  en  été  et  au  printemps, 
à  0  heures  ou  6  heures  et  demie  en  automne  et  en  hiver,  au  coup  de 
sifflet  de  la  machine  qui  appelle  les  ouvriers  au  travail,  les  membres 
de  la  famille  qui  sont  employés  à  la  manufacture  font  un  léger  déjeu- 
ner de  lait  ou  de  café  au  lait,  suivant  la  saison.  Ceux  qui  restent  à  la 
maison,  ou  qui  vont  à  l'école  entre  7  et  8  heures,  mangent  un  peu  de 
pain  avec  quelques  fruits. 

De  li  heures  à  midi,  les  ouvriers  quittent  en  masse  la  manufacture 
pour  aller  déjeuner  chez  eux  pendant  l'heure  d'interruption  du  travail 
et  de  repos.  Ce  second  repas  consiste  ordinairement  en  une  soupe  aux 
légumes  et  en  un  plat  d'œufs,  de  friture,  de  morue  sèche  ou  de  po- 
lenta assaisoimée  de  graisse  de  porc  ou  de  saucisses.  Un  verre  de  vin 
clôt  ce  second  repas. 

Le  troisième  repas  se  prend  environ  à  0  heures  du  soir.  C'est  tou- 
jours le  plus  fort  repas  de  la  journée.  Le  premier  plat  est  tantôt  un 
plat  de  macaroni,  tantôt  une  soupe  aux  légumes  verts,  tantôt  un  plat 
de  riz,  tantôt  un  plat  de  pâtes  et  de  légumes,  ou  de  légumes  verts 
avec  des  haricots.  La  viande  constitue  le  second  plat  du  dimanche  et 
du  jeudi  :  souvent  ce  second  plat  est  une  purée  de  pommes  de  terre 
en  gâteau,  ou  bien  du  riz  en  croquettes,  des  œufs  ou  du  poisson  salé 
ou  frais.  Du  mois  d'avril  au  mois  de  septembre,  époque  pendant  laquelle 


OBSERVATIONS    l'RÉLlMfNAlRES.  341 

abondent  successivement  les  légumes  verts,  les  arlichauls,  les  polirons, 
le  piment,  les  aubergines,  les  cardons  et  autres  plantes  potagères,  la 
viande  et  le  poisson  disparaissent  presque  complètement  de  la  table  et 
sont  remplacés  par  les  mets  appétissants  préparés  par  Hélène.  Le  re- 
pas se  termine  toujours  par  des  fruits  frais  ou  secs.  La  consommation 
de  vin  est  modérée  :  elle  ne  dépasse  pas  un  litre  par  jour. 

D'une  manière  générale,  la  famille  fait  des  dépenses  modérées  pour 
sa  nourriture.  La  viande  et  le  poisson  entrent  en  médiocre  quantité 
dans  les  repas  (14,46  %  des  dépenses  totales  d'alimentation)  ;  par  con- 
tre, on  y  trouve  en  abondance  les  céréales  (47, 11  %),  les  légumes  verts 
(H, 6^  %),  le  lait  et  les  œufs  (8,56  ^),  les  corps  gras  (7, 83^),  les  con- 
diments et  autres  stimulants  (5,66  %).  Il  n'y  a  que  (labriel  qui  abuse  du 
vin  :  il  a  l'habitude  d'aller  tous  les  jours  au  cabaret  où  il  en  consomme 
environ  un  litre. 

La  famille  fait  des  repas  exceptionnels  à  la  Noël,  pendant  le  carna- 
val et  à  Pâques.  La  coutume  napolitaine  est  de  manger  au  dîner  de 
Noël  une  dinde,  à  ceux  du  carnaval  de  la  viande  de  porc  cuite  au  four, 
à  celui  de  Pâques  un  agneau  ou  un  chevreau  que  la  femme  accommode 
de  plusieurs  manières.  Pour  Noël  et  pour  Pâques,  les  sucreries  sont 
de  rigueur  :  à  Noël,  on  mange  des  croquets  et  du  nougat;  à  Pâques, 
de  la  pâtisserie  dite  cassatiello,  et  un  gâteau  dit  pasttera.  Ce  dernier 
est  une  tourte  d'une  espèce  particulière,  qui  consiste  en  une  croûte  de 
pâte  feuilletée,  remplie  de  froment  cuit  sans  sel  et  pétri  avec  du  lait 
de  beurre  et  des  blancs  d'œuf  battus ,  le  tout  assaisonné  d'essence  de 
cédrat,  de  citron  et  de  cannelle.  Le  cassatiello  est  une  pâle  de  froment 
qui  forme  un  pain  levé  avec  des  œufs;  au  milieu  se  trouvent  des  œufs 
durs  dans  leurs  coquilles.  A  la  fête  de  Saint  Joseph,  on  mange  une 
friandise  spéciale,  appelée  dans  le  dialecte  du  pays  zeppole,  composée 
d'œufs  et  de  fleur  de  farine  [majorca)  (1).  Dans  toutes  ces  fêtes,  la 
famille  se  conforme  pleinement  aux  mœurs  locales  :  elle  mange  et  dé- 
pense sans  compter. 

î  10. 

HABITATION,    MOBILIER    ET    VÊTEMENTS. 

La  maison  où  habite  la  famille  est  de  construction  ancienne  :  elle 
date  de  18i0  environ.  Elle  se  compose  d'un  rez-de-chaussée  élevé  de 

(I)  Majorca,  sorte  de  froment  qui  donne  une  farine  excellente  pour  la  confection  des 
pâtisseries. 

35 


342  >°    79.    —    TISSEUR   DE    SAN   LEL'CIO. 

50  centimètres  au-dessus  du  niveau  de  la  rue  :  ce  rez-de-chaussée  est 
divisé  en  quatre  chambres,  une  cuisine  et  un  cabinet.  Une  chambre 
sert  de  salle  commune  et  de  lieu  de  réunion  ;  deux  autres  servent  de 
chambres  à  coucher,  et  la  quatrième,  la  plus  spacieuse,  est  occupée 
par  le  vieux  père  Gabriel.  La  maison  a  deux  portes  d'entrée  :  l'une  au 
levant,  sur  la  rue,  tout  à  fait  en  face  de  la  porte  du  jardin  et  à  l^SO 
à  peine  de  distance  de  cette  porte;  l'autre  au  couchant,  sur  la  rue 
Chiassolo  Ferrera.  Trois  fenêtres  sont  exposées  ali  midi.  La  maison  est 
dans  un  médiocre  état  d'entretien  :  elle  aurait  besoin  d'être  réparée 
extérieurement  et  embellie  à  l'intérieur.  Il  n'y  a  pas  de  fosse  pour 
l'usage  domestique.  La  cuisine  est  très  petite  et  sans  issue  puur  la 
fumôe. 

Meubles  :  la  famille  possède  une  quantité  sulïisanle  de  meubles 
appropriés  à  sa  condition;  le  luxe  et  la  recherche  en  sont  absents,  mais 
ils  sont  propres  dans  leur  simplicité 1.01 4^50 

I"  Lils.  —  '2  lits  jumeaux  en  fer  verni,  pour  les  opoux,  "O'OO;  —  2  lits,  à  une  i)la(e  et 
demie,  avec  montants  en  fer  peint,  WOO;  — 3  lits  sur  rhcvalets,  U'IH;  —  -20  planches  île 
lit,  22' 00;  —  1  berceau,  .'i'SO;  —  8  matelas  de  laine,  320' 00;  —  8  matelas  de  feuilles  de  mais 
(dans  le  dialecte  du  pays,  sbrcglie),  24'00;  —  12  oreillers  de  laine,  "«'OO;  —  i  courtepoin- 
tes de  coton,  80' 00;  —  4  couvertures  de  laine,  .'jG'OO;  —  tj  couvertures  tricotées,  3(j'00;  — 
2  jietiles  couvertures  de  berceau,  8' 00.  —  Total,  722'25. 

2°  Mobilier  des  chambres  à  coucher  et  de  la  salle  commune.  —  1  armoire,  G<j'00;  — 
2  conmiodes  en  imitation  de  noyer,  50'  00;  —  1  grande  armoire  peinte  en  sapin,  46'00;  — 
1  petite  commode,  15'00;  —  2  petites  tables  de  nuit,  tri' 00:  —  1  glace,  .VOO:  —  2  colfres 
servant  de  divan,  avec  coussins,  li'OO;  —  \  tabouret,  3'00:  —  12  chaises  de  Madd.doni, 
12' 00;  —  «  chaises  deChiavari,  15' 00;  —  1  grande  table,  O'OO;  — 1  table  de  toilette,  5'00;  — 
cadres  et  autres  petits  objets,  12' 00.  —  Total,  2(;<i'O0. 

3°  Mobilier  de  la  cuisine.  —  1  petite  table  de  sapin,  a'-^O;  —  2  étagères  pour  vaisselle  et 
objets  de  cuisine,  3'  00  ;  —  \  planche  do  sapin  lixée  contre  le  mur  i>oui-  sui)inirler  les  mar- 
mites et  la  vaisselle,  2' 00.  -Total,  7':w. 

4"  Livres.  —  Images  de  sainteté  et  objets  de  piété,  18'7."i. 

UsTE.NSiLES  :  réduits  au  strict  nécessaire,  sans  aucun  caractère  local, 
mais  tenus  avec  grand  soin i2."{'  55 

1"  Employés  pour  la  cuisine,  la  préparation  et  la  consommation  des  aliments.  —  2  mar- 
mites de  cuivre  rouge,  14'"'»;  —  1  en  étain  laminé,  l'25;  —  1  en  fer,  3'50;  —  3  cassero- 
les en  cuivre  rouge,  II'OO;  —  8  tourtières  en  cuivre,  8' 75;  — 4  poêlons  en  cuivre,  2' 80;  — 
1  moule  à  pâte.  <!n  fer,  2' 00;  —  1  pocle,  2'2.'i;  —  1  gril  à  café,  i'OO;  —  2  fours  de  campa- 
gne, O'OO;  — 1  jtassoire  pour  le  bouillon,  0'3.'j;  —  i  grande  passoire,  t'2.'>;  —  i  couteau  de 
cuisine,  i''H);  —  1  cuiller  en  bois  et  I  fourchette,  0'80;  -  1  pelle  etjl  paire  de  pin- 
celtes  en  fer,  0'70;  —  2  cafetières,  0' GO;  —  3  grands  plats  ronds,  3'7.'>;  —  2  douzaines  d'as- 
fiicttes,  3' 20;  —  1  grande  soupière  et  1  |ietite,  l'tiO;  —  1  salière  et  1  boîte  à  sel,  l'IO;  — 
3  bouteilles  en  verre  blanc  et  8  en  verre  vert.  2'80;  —  1  petite  bouteille  en  verre  vert, 
l'OO;  —  3  bouteilles  (en  dialecte  du  pays,  perrctte),  0'85;  —  G  tassesà  cafc,  2' 80;  —  6  cou- 
teaux, v'.'iO;  —  1  sucrier  en  bois,  O'jO;  —  1  seau  en  zinc,  t'2/>;  —  1  seau  en  cuivre,  3'2iJ;  — 
1  entonnoir,  O'I.'i.  —  Total,  80' 15. 


OBSERVATIONS   PRÉLIMINAIRES.  ;{i3 

i"  Servant  à  l'éclairage.  —3  lampes  à  pétrole,  9' 50;  —  1  lampe  à  huile  pour  la  cuisine, 
l'25;  —  1  veilleuse,  0'7.'i;  —  1  lanterne,  0'2o;  —  2  bougeoirs,  l'OO.  —  Total,  l-2'-5. 

3°  Servant  à  divers  usages  domestiques.  —  2  brosses,  3' 2";;  —5  boites,  20'(X);  —  t  ré- 
chaud, S'iiO;  —  1  balai,  0'3o;  —  peignes,  rasoirs,  blaireau  à  barbe  et  autres  petits  objets, 
3'.v;.  —  Total,  SO'fô. 

Linge  de  ménage  :  suffisant  et  de  qualité  ordinaire;  la  mère  a  soin 
que  le  linge  soit  toujours  solide  et  sacrifie  la  finesse  à  la  résistance  du 
tissu 223^00 

4  paires  de  draps  en  toile  pour  le  lit  des  époux,  oO'OO;  —  4  paires  de  draps  en  coton 
10' 00;  —  4  paires  de  draps  en  toile  et  4  en  coton  pour  lits  à  une  place  et  demie,  o8'00;  — 
6  paires  de  draps  en  toile  pour  petit  lit,  48^00; —  4  paires  de  draps  en  coton,  i6'00;  — 
2i  torchons  de  cuisine,  20' 00;  —  12  pièces  de  linge  pour  toilette  de  iemme,  9'00;  — 
2  nappes,  ti'OO;  —  Sserviettcs,  fi' 00. 

VÊTEMENTS  :  Ics  vêtements  n'offrent  plus  aucun  caractère  local;  ils 
conservent  toutefois  la  simplicité  qui  convient  aux  familles  ouvrières 
qui  n'ont  pas  été  atteintes  par  les  exemples  pernicieux  des  classes  su- 
périeures. La  famille  P***  recherche  plutôt  la  solidité  que  l'élégance 
dans  ses  vêtements.  La  plus  grande  partie  des  vêtements  sont  con- 
fectionnés à  la  maison,  même  ceux  des  hommes,  pour  lesquels  on  n'a 
recours  au  tailleur  que  pour  la  coupe.  On  ne  fait  jamais  d'habits  neufs 
pour  les  petits  enfants;  on  a  coutume  de  leur  donner  les  vêtements 
qui  ne  peuvent  plus  servir  aux  plus  grands :2.0:21'^oO 

Vêtements  des  hommes  i  ;J24''  30). 

1»  Vêtements  du  dimanche.  —  1  vêtement  complet  en  drap  pour  Simcon,  GO'OO;  —  i  vê- 
tement complet  en  tricot  de  laine  pour  Gabriel,  40' 00;  —  2  vêtements  complets  en  coton, 
iO'OO;  — Icliapeau  de  feutre  pour  Simcon,  5'00:  — 1  chapeau  de  feutre  pour  Gabriel,  4'00; 

—  1  chapeau  de  paille  pour  l'été,  o'OO,-  —  1  bonnet  de  drap  pour  Siméon,  2"  00;  —  2  paires 
de  bottes,  IS'oO;  —  2  manteaux,  90' 00;  —  2  chemises  de  laine,  30' 00.  —  Total,  294' 50. 

2°  Vêtements  de  travail.  —  4  pantalons  de  tricot  de  laine,  6'o0;  —  4  gilets,  4'  80;  — 
1  mouchoirs  de  soie,  G'OO;  —  6  blouses  en  coton,  2'i'00  ;  —2  tabliers,  2'o0;  —  2  bonnets, 
l'fiO;  — 2paires  de  souliers,  10' 00;  —  2chapeaux,  4' 00;  — 4  chemises  delaine  et  4  de  futaine, 
30' 00:  — 8  chemises  de  toile  et  de  coton,  26' oO;  —8  caleçons,  12' 00;  —  24  paires  de  bas, 
20' 40;  —  2  ceintures  de  cuir,  3'00;  —  12  mouchoirs,  12' 00;  —  3  parapluies,  18' 00.  —  To- 
tal, 186'00. 

3"  Bijou.r.  —  2  montres  :  1  en  argent  et  1  en  nickel.  43' 00. 

Vêtements  des  femmes  (1.437^  20). 

r  Vêtements  du  dimanche.  —  3  robes  de  calicot,  75' 00;  —  5  robes  de  toile  et  de  laine, 
1.50' 00;  --  6  petits  châles,  .'JS'OO;  —fi  foulards,  48' 00  ;  — 5  tabliers,  2.5'70;  —  4  ju|>ps,  24'00  ; 

—  4  camisoles  (campanelle)  en  calicot  très  élégantes,  32'_00;  —  3  paires  de  sabots,  28'00;  — 
12  paires  de  bas,  18' 00.  —  Total,  438' 70. 

2»  Vêtements  de  travail.  —  3  robes  de  laine,  30' 00;  —  8  robes  de  calicot  et  de  futaine, 
50' 00;  —  12  camisoles  en  calicot,  12' 00;  —  1  douzaine  de  fichus,  12' 0);  —  1  denii-douzainc 
de  paires  de  bas  de  laine,  9' 00;  —  2i  jjaires  de  bas  de  coton,  18' 00;  —  4  chemisettes  de 
laine,  12' 00;— 12  tabliers,  12' 00;  — 5  |)aires  de  sabots,  5'50;  — 24 chemises,  49' 75;  — 14 ca- 
leçons, 18' 00;  —12  mouchoirs,  12'00.  —  Total,  24G'23. 


344  N°    7'.».    —    TISSEUR    DE   SAN    LEUCIO. 

30  Trousseaux  pour  les  filles.  —  Les  divers  objets  qui  les  coiu|)oseiU  peuvent  ("'tre  éva- 
lués actuellement  à  iSO'OO,  ce  qui  représente  une  dépense  annuelle  de  80' 00  environ. 

4"  Bijoux.  —  i  chaînette  en  arj^ent,  lo'OO;  —  1  l>ague  de  fiançailles,  dite  fede,  20'00;  — 
2  bagues  avec  rul)is,  ;{8'(H»;  —  i  i)etite  croix  en  or  (jeannette),  y-2'i:  —  2  broches  en  ar- 
gent, 16' 00;  —  "i  paires  de  boucles  d'oreilles,  180' OO.  —  Total,  2"-2'2";. 

Vêtements  des  enfants  (60^00). 

■2  vêtements  reçus  en  don,  33' 00;  —  1  foulard,  id.,  f'OO  ;  —  l  chapeau,  id..  i'.H):  —  mail- 
lots et  autres  objets  il'cnfant  nouveau-né,  13' 00;  —  lu  chcniisetles  et  effets  pour  petits  en- 
fants, 6':i0.  —  Total,  00' 00. 

Valeur  tot.vle  du  mobilier  et  des  vêtement? 3.38:2'^  55 


11. 


RECREATIONS. 

Les  récréations  de  l'ouvrier  et  de  sa  famille  sont  rares.  En  semaine, 
les  jours  de  travail,  l'ouvrier,  fatigué,  ne  sort  pas  de  chez  lui  après 
le  troisième  repas  :  il  passe  les  premières  heures  de  la  soirée  avec 
ses  enfants  et  vase  coucher  de  bonne  heure.  Le  dimanche,  après  avoir 
assisté  à  la  messe,  il  reste  jusqu'à  environ  midi  dans  la  via  Belvédère 
à  se  promener  ou  à  causer  avec  quelque  ami.  Dans  l'après-midi  il  a 
coutume  de  faire  une  promenade,  seul  ou  avec  une  partie  de  sa  fa- 
mille, à  la  localité  voisine  de  Sala,  pour  y  trouver  des  parents,  ou  à 
Gaserte,  ou  dans  les  communes  voisines,  lorsqu'il  s'y  célèbre  quelque 
fête  religieuse  ou  civile.  Les  divertissements  extraordinaires  auxquels 
prend  part  la  famille  entière  sont  rares.  Le  jour  du  mercredi  des  cen- 
dres, après  les  offices,  et  le  lundi  de  Pâques,  on  va  dans  la  montagne 
poiir  y  achever  les  restes  des  repas  du  carnaval  et  de  Pâques.  Le 
jour  de  la  fête  de  Sainte-Lucie ,  de  la  madone  des  Grâces  et  de  San 
Leucio,  la  famille  entière  prend  part  aux  divertissements  publics,  as- 
siste aux  courses,  aux  feux  d'artifice,  aux  concerts  musicaux  ou  à 
la  représentation  des  Polichinelles.  Tous  ces  divertissements  n'entraî- 
nent pas  de  dépenses  importantes  et  particulières. 

Quant  aux  boissons  alcooliques,  le  vieux  (iabriel  seul  en  consomme 
avec  excès  :  c'est  un  buveur  impénitent  qui  gaspille  sans  compter  les 
économies  qu'il  pourrait  garder  pour  ses  petits-enfants.  Le  dimanche 
surtout,  et  tous  les  jours  de  chômage,  il  fréquente  les  cabarets  et  se 
livre,  sans  mesure  ni  raison,  à  la  boisson  et  au  jeu;  il  abuse  égale- 
ment  du   tabac  à  fumer.  Siméon   est  au  contraire  très  sobre.  Les 


OBSERVATIONS   PRÉLIJUNAIRES.  345 

prières  de  la  famille  sont  absolument  impuissantes  à  détourner  du 
vice  le  vieux  Gabriel.  On  peut  dire  qu'il  dépense  en  vin  et  en  cigares 
tout  ce  que  lui  rapporte  chaque  mois  le  loyer  de  ses  maisons. 

Parmi  les  veillées  d'hiver,  on  ne  célèbre  que  celle  de  Noël,  qui  est 
d'un  caractère  tout  religieux.  Après  le  dîner,  la  famille,  réunie  autour 
du  foyer  domestique,  veille  en  attendant  minuit,  tout  en  prenant  part 
à  des  jeux  et  des  divertissements  divers;  on  va  alors  à  l'église  assister 
aux  cérémonies  religieuses  qui  rappellent  la  naissance  du  Christ. 
L'ouvrier  veille  aussi  pendant  le  carnaval,  heureux  de  procurer  quel- 
que divertissement  à  ses  filles. 

Souvent  la  piété  se  mêle  aux  récréations  :  pour  les  ouvriers  de  la 
maison  Offritelli  et  Pascal,  ce  sont  des  jours  à  moitié  fériés  que  les 
anniversaires  de  la  catastrophe  de  Casamicciola  (28  juillet  1883), 
dont  fut  victime  le  directeur  de  la  fabrique,  M.  César  Pascal,  et  de 
l'invasion  du  choléra  en  1837  (l*^""  février);  tous  les  ouvriers  assistent 
au  service  funèbre  qui  leur  rappelle  les  sentiments  d'affection  qui  les 
unissaient  à  leur  directeur.  Le  1"  février,  ils  vont  en  procession  à  la 
chapelle  de  la  Vierge  des  Grâces,  dans  le  bourg  de  la  Vaccheria,  pour 
la  prier  d'éloigner  tout  fléau  de  San  Leucio. 

Le  dimanche  de  Pâques  est  une  fête  locale  caractéristique.  On  peut 
l'appeler  la  fête  des  amoureux  et  du  pardon.  La  loi  pour  «  le  bon  gou- 
vernement de  la  colonie  de  San  Leucio  »  disposait  :  «  Lorsqu'un 
jeune  homme  ayant  atteint  l'âge  de  raison  aura  de  l'inclination  pour 
une  jeune  fille  ayant  également  l'âge  voulu,  et  que  l'un  et  l'autre 
auront  appris  leurs  métiers  respectifs,  le  jeune  homme  devra  immé- 
diatement en  faire  part  à  ses  parents,  qui  en  avertiront  ceux  de  la 
jeune  fille  pour  leur  gouverne,  afin  que  tous,  d'un  commun  accord, 
surveillent  la  conduite  de  leurs  enfants  et  qu'ainsi  tout  se  passe  avec 
décence,  sans  qu'il  se  produise  aucun  incident  fâcheux,  le  cas  pouvant 
se  présenter  où  plusieurs  jeunes  gens  rechercheraient  la  même  jeune 
fille.  » 

«  Les  parents  n'interviendront  pas  dans  le  choix  de  leurs  enfants,  à 
qui  liberté  entière  sera  laissée  à  cet  égard;  ce  choix  se  confirmera  de 
la  manière  suivante  (et  c'est  là  précisément  la  particularité  dont  nous 
voulons  parler)  :  le  jour  de  la  Pentecôte,  à  la  messe  solennelle,  à  la- 
quelle assisteront  tous  les  habitants  de  la  localité,  aussi  bien  que  les 
jeunes  filles  et  les  jeunes  gens  étrangers  qui  travaillent  dans  les  ma- 
nufactures, deux  enfants  de  l'un  et  de  l'autre  sexe  porteront  à  l'autel, 
pour  les  faire  bénir  par  l'ofliciant,  deux  corbeilles  pleines  de  bouquets 


;{i6  N"    79.    —    TISSEUR   DE   SAN    LEUCIO. 

lie  roses,  blanches  pour  les  hommes  et  de  couleur  naturelle  pour  les 
femmes;  après  cette  cérémonie,  on  distribuera  les  bouquets  à  tous 
les  assistants,  comme  cela  a  lieu  pour  les  palmes.  Puis,  à  la  sortie  de 
l'église,  sous  le  porche  où  est  le  baptistère,  chaque  prétendant  pré- 
sentera son  bouquet  à  la  jeune  fille  de  son  choix  :  si  celle-ci  l'accepte, 
elle  donnera  le  sien  en  échange;  si  elle  le  refuse,  elle  le  rendra  poli- 
ment et  avec  bonne  grâce;  aucune  discussion  ne  sera  permise  entre 
eux.  Pour  éviter  tout  désordre,  les  premiers  qui  devront  sortir  de 
l'église  et  se  placer  sous  le  porche  seront  les  anciens  du  peuple  f;:^  18), 
qui  seront  là  pour  imposer  la  soumission  aux  jeunes  gens.  Ceux  qui 
auront  échangé  entre  eux  leurs  bouquets  les  porteront  sur  la  poitrine 
jusqu'au  soir;  le  soir  venu,  après  le  salut  du  Saint  Sacrement,  ils  se 
rendront,  chacun  accompagné  de  ses  parents,  chez  le  curé,  qui  enre- 
gistrera leurs  noms  et  leurs  promesses.  »  Ces  prescriptions,  poétiques 
et  charmantes,  mais  qui  renvoyaient  à  des  époques  fixes  les  déclara- 
tions d'amour,  violentaient  la  liberté;  elles  sont  tombées  en  désuétude 
et  il  n'en  est  resté  que  le  symbole  :  aujourd'hui  encore  les  déclarations 
d'amour   se  font  en  échangeant  des  bouquets  de  roses. 

La  fête  de  Pâques  est  aussi  la  fête  du  pardon.  Chacun  de  ceux  qui 
assistent  à  la  cérémonie  de  la  bénédiction  dans  l'église  reçoit  du  prêtre 
une  palme;  on  en  détache  alors  de  petits  rameaux  qui  s'échangent 
entre  amis  et  entre  ceux  qui,  après  avoir  été  longtemps  divisés  par 
ime  vieille  querelle,  se  rencontrent  en  ce  jour  pour  faire  la  paix. 


HISTOIRE  DE  LA  FAMILLE. 
l'IlASES    l'HINCU'ALES    HE    l'eNISTENCE. 

L'ouvrier  est  issu  d'unr  pauvre  famille  de  Sala.  Il  y  est  né  en  1837. 
Son  père  était  un  cultivateur  journalier  qui  travaillait  à  f(»rfait  :  il 
avait  peine  à  faire  vivre  sa  famille  avec  ses  gains,  d'autant  |)lus  qu'il 
avait  uni,'  femme  dépensière  et  peu  laborieuse.  Dès  son  enfance, 
Sim^on  apprit  de  son  parrain  le  métier  rie  tisseur;  comme  il  avait 
l'intelligence  peu  vive,  il  n'arriva  que  lard  à  entrer  comme  tisseur 


OBSERVATION'S   rRÉLlMl.NAIHES.  347 

dans  la  manufacture  de  soie  de  San  Leucio  :  de  1859  à  1871,  il  avait 
travaillé  chez  lui  pour  le  compte  d'un  entrepreneur.  En  1871,  il  s'éprit 
d'Hélène  Marotta,  fille  de  Gabriel,  qui  alors  travaillait  comme  fileuse 
dans  la  maison  Ofîritelli  et  Pascal.  Il  l'épousa  en  1872;  Hélène  avait 
alors  vingt-cinq  ans. 

Sous  l'empire  des  lois  promulguées  par  Ferdinand  pour  le  gouver- 
nement de  la  colonie  (§  18),  lorsqu'un  ouvrier  en  soie  venait  épouser 
une  jeune  fille  de  San  Leucio,  ouvrière  elle-même  dans  la  manufacture, 
et  qu'il  se  fixait  dans  la  localité  après  son  mariage,  la  mariée  recevait 
de  la  munificence  royale  une  des  maisons  que  le  roi  avait  fait  cons- 
truire à  cette  intention,  avec  tout  ce  qui  est  nécessaire  aux  besoins  de  la 
vie,  ainsi  que  les  deux  métiers  qui  devaient  permettre  aux  époux  de  ga- 
gner leur  existence  quotidienne. 

Mais,  à  partir  de  1800  (§  18),  le  patrimoine  de  la  maison  de  Bour- 
bon ayant  été  incorporé  avec  celui  de  la  maison  royale  d'Italie,  les 
privilèges  des  Leuciens  cessèrent  :  aussi  Siméon  ne  reçut-il  rien  à  son 
mariage.  Il  dut  se  contenter  du  trousseau  et  de  la  chambre  à  coucher 
complète  que  Gabriel  donna  comme  cadeau  de  noces  à  sa  fille.  Le 
trousseau  avait  une  valeur  de  340  francs  ;  la  chambre  à  coucher  valait 
270  francs.  —  Dans  les  premiers  mois  de  son  mariage,  Siméon  vécut 
dans  la  maison  de  son  beau-père;  mais  il  fut  ensuite  obligé  de  louer 
une  maison  d'habitation  à  Sala.  Il  vécut  modestement  de  son  travail, 
jusqu'en  1882,  comme  ouvrier  dans  la  manufacture  de  soie  de  San 
Leucio.  Au  mois  de  septembre,  attiré  par  l'espoir  de  gains  plus  élevée, 
il  transporta  son  domicile  à  Portici ,  où  il  trouva  du  travail  dans  la 
fabrique  de  M.  Pascal  Borrelli.  Il  y  gagna  effectivement  en  moyenne 
35  centimes  de  plus  par  jour;  mais,  tandis  qu'à  San  Leucio  il  travail- 
lait 23  jours  par  mois,  à  Portici  il  n'en  travaillait  que  22;  et,  tandis 
qu'à  Sala  il  ne  dépensait  que  7  francs  par  mois  pour  l'habitation,  à 
Portici  il  ne  put  trouver  à  se  loger  pour  moins  de  13  francs.  Aussi  son 
budget  annuel  se  soldait  par  un  déficit. 

Cependant  Gabriel  restait  veuf  à  San  Leucio  avec  une  fille  en  âge 
de  se  marier,  et  il  invitait  Siméon  à  revenir  à  San  Leucio  pour  asso- 
cier les  deux  ménages.  Siméon  accepta,  cédant  aux  conseils  de  sa 
femme,  bien  aise  aussi  de  pouvoir  économiser  ses  loyers  mensuels 
et  de  diminuer  les  dépenses  domestiques  pour  faire  quelques  épargnes 
nécessitées  par  l'accroissement  de  sa  famille.  Au  mois  de  mai  1885, 
il  revint  à  San  Leucio  et  rentra  dans  la  manufacture  Ofîritelli  et  Pas- 
cal. Depuis  lors,  il  est  toujours  resté  ouvrier  assidu  à  la  fabri(|ue,  père 


.{48  n"   70.    —    TISSEUR    DE   SAN   LELCIO. 

de  famille  rigidement  économe  chez  lui.  Toutefois,  sa  situation  n'est 
pas  stable,  car  il  court  toujours  le  risque  d'être  congédié  par  ses  pa- 
trons en  cas  de  diminution  de  travail  et  de  personnel  (§  20). 


13. 


MCIKIRS    ET    INSTITUTIONS    ASSURANT    LE    BIEN-ETRE    l'IlVSIQUE 
ET    MORAL    DE    LA    FAMILLE. 

On  peut  dire  que  le  bien-être  de  la  famille  repose  uniquement  sur 
les  habitudes  laborieuses  de  Siméon  et  sur  l'esprit  d'économie  dont 
sont  pénétrées  sa  femme  et  ses  filles.  Nous  verrons  qu'il  y  a  des  fa- 
milles ouvrières  qui,  tout  en  ayant  des  recettes  à  peu  près  égales  et 
se  trouvant  dans  une  situation  analogue  quant  à  l'état  civil  de  leurs 
membres,  dépensent  cependant  davantage  et  s'endettent  quelquefois. 
Du  jour  où  Siméon  a  pu  se  faire  aider  par  ses  filles,  le  bien-être  de  la 
famille  s'est  accru;  et  si  son  beau-père,  au  lieu  de  se  livrer  à  la  dissi- 
pation et  au  vice,  songeait  à  la  responsabilité  que  le  nombre  de  ses 
enfants  fait  peser  sur  le  pauvre  Siméon,  la  famille  pourrait  se  trouver 
aujourd'hui  dans  une  situation  matérielle  meilleure.  Siméon  et  Hélène 
limitent  leurs  dépenses  au  strict  nécessaire.  La  mère  a  inspiré  son 
esprit  d'économie  à  ses  filles,  qui  grandissent  modestes  et  laborieuses. 
Le  capital  de  750*^40  que  Siméon  a  pu  mettre  de  côté  pour  ses  filles, 
il  l'a  amassé  en  peu  d'années  :  loin  de  diminuer,  il  s'accroît  annuelle- 
ment. Le  linge  du  trousseau  de  noces  d'une  valeur  de  480  francs  qu'Hé- 
lène a  préparé  pour  ses  deux  filles  aînées  représente  une  somme  de 
privations  volontairement  supportées,  qui,  sans  rien  retrancher  sur 
le  nécessaire  de  la  vie,  ont  constamment  diminué  la  part  des  plaisirs, 
des  récréations  et  des  divertissements. 

On  voit  par  ce  qui  précède  que  la  famille  (|ue  nous  étudions,  si  elle 
n'est  pas  parmi  les  plus  aisées  de  la  localité,  n'est  pas  non  plus  parmi 
les  plus  misérables;  si  elle  n'a  pas  la  richesse  matérielle,  elle  est  riche 
en  vertus.  Les  filles  sauront  suivre  l'exemple  de  leurs  parents.  Il  est 
vrai  qu'on  ne  peut  dire  si  elles  resteront  ou  non  à  San  Leucio;  mais 
ce  qui  estcertain,  c'est  que,  obligées  après  leur  mariage  de  suivre  leur 
mari,  elles  y  regarderont  à  deux  fois  avant  de  choisir  un  homme  ([ui, 
en  les  forçant  à  abandonner  là  maison  où  elles  travaillent  et  par  suite 
le  seul  métier  (lui  j)Misse  leur  permettre  de  contriluicr  au  soutien  de 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  349 

la  famille,  ne  saura  pas  faire  preuve  en  même  temps  d'une  énergie 
suffisante  pour  subvenir  par  son  travail  aux  charges  du  ménage.  Kn 
tout  cas,  on  peut  prévoir  qu'elles  fonderont  un  jour  de  nouvelles  fa- 
milles qui  continueront  les  traditions  des  parents. 

Ne  comptant  que  sur  elle-même,  ainsi  que  nous  l'avons  vu,  la  fa- 
mille de  l'ouvrier  ne  demande,  ni  aux  autres,  ni  à  aucune  institution, 
de  secours  d'aucune  sorte.  D'ailleurs,  il  n'y  a  actuellement  dans  la 
commune  de  San  Leucio  aucune  institution  qui  assure,  ou  concoure  à 
assurer,  le  bien-être  de  la  famille.  Il  n'y  a  ni  sociétés  de  secours  mu- 
tuels, ni  sociétés  de  patronage,  ni  hôpitaux,  ni  fondations  pieuses  et 
charitables.  Dans  un  petit  centre  comme  San  Leucio,  ces  institutions 
de  prévoyance  et  de  bienfaisance  ne  peuvent  prendre  naissance,  si  l'on 
considère  la  nature  des  rapports  qui  relient  les  ouvriers  entre  eux  ou 
avec  la  municipalité  et  le  chef  de  l'industrie  (§  21).  La  municipalité  ne 
néglige  aucun  des  moyens  qui  sont  en  son  pouvoir  pour  venir  en  aide 
aux  indigents,  soit  par  des  secours  fixes,  soit  par  des  secours  acci- 
dentels; elle  vient  aussi  en  aide  à  la  généralité  des  habitants  en  leur 
assurant  les  soins  d'un  médecin  et  d'une  sage-femme,  qu'ils  ne  pour- 
raient se  procurer  que  difiicilement  ou  à  grands  frais  dans  les  com- 
munes voisines. 

Quant  aux  institutions  assurant  le  bien-être  moral  de  la  famille, 
le  patron  n'en  a  fondé  aucune,  et  la  commune  ne  pourvoit  à  ce  besoin 
que  d'une  façon  très  restreinte.  L'ouvrier  leucien  n'a  à  compter  que 
sur  la  force  de  sa  volonté  pour  pourvoir  à  tous  ses  besoins.  On  peut 
dire  que  c'est  le  type  de  l'ouvrier  qui  ne  profite  d'aucune  des  institu- 
tions morales  et  sociales  qui  sont  la  caractéristique  de  ce  siècle.  Sous 
l'empire  des  lois  de  Ferdinand  sur  la  Colonie,  il  en  était  autrement. 
Il  y  avait  une  «  maison  pour  les  infirmes  » ,  dans  laquelle ,  au  prin- 
temps et  en  automne,  on  inoculait  le  vaccin  aux  enfants,  et  où  l'on 
transportait  toutes  les  personnes  atteintes  de  maladies  contagieuses, 
tant  aiguës  que  chroniques.  Le  roi  fournissait  médecin  et  remèdes, 
et  tout  ce  qui  était  nécessaire  pour  l'entretien  de  la  maison  et  de  ceux 
qui  y  étaient  reçus.  Cette  maison  était  confiée  à  l'administration  exacte 
et  scrupuleuse  d'un  prêtre,  choisi  par  le  roi,  et  d'un  des  anciens  du 
peuple  à  tour  de  rôle  (J^  18),  Il  existait  également  une  «  caisse  de  la 
charité  »  qui  pourvoyait  aux  besoins  des  ouvriers  indigents.  «  S'il  se 
trouve  parmi  vous,  disait  la  loi,  un  ouvrier  sans  femme  ni  enfants,  ou 
en  ayant,  mais  sans  être  à  même  de  gagner  leur  pain  et  celui  de  son 
pauvre  père,  tombé  dans  la  misère  par  vieillesse  ou  infirmité,  ou  au- 


.'{riO  s"    79.    —    TISSEl'R    DE    SAX   LEUCIO. 

tre  accident,  pourvu  que  ce  ne  soit  pas  par  paresse  et  fainéantise, 
vous  contribuerez  tous  à  le  secourir.  >>  Ce  secours  était  temporaire  ou 
perpétuel.  Cette  caisse  était  alimentée  par  les  contributions  des  ou- 
vriers :  celui  qui  était  à  même  de  gagner  plus  de  2  carlins  {0'  85)  par 
jour  versait  1  tari  (0^03)  par  mois;  celui  qui  gagnait  moins  donnait 
15  grana  (0^30)  par  mois.  La  caisse  était  administrée  par  le  curé,  les 
anciens  du  peuple  et  les  chefs  d'industrie,  qui  faisaient  les  dons  que 
leur  suggérait  leur  charité.  Lorsqu'il  y  avait  lieu  de  statuer  sur  une 
proposition  de  secours  à  accorder  à  un  indigent,  tous  les  donateurs 
étaient  appelés  à  voter.  Ceux  qui  effectuaient  des  paiements  réguliers 
avaient  droit  après  leur  mort  à  des  obsèques  spéciales  aux  frais  de  la 
caisse.  La  prospérité  de  la  caisse  était  due  également  à  ce  qu'on  y 
versait  les  dons  faits  à  la  Colonie  par  des  princes  et  des  rois  natio- 
naux et  étrangers,  et  notamment  les  revenus  importants  d'un  domaine 
rural  appelé  le  «  Fazio  »,  d'ime  contenance  de  150  moggia  napolitains 
(5.0i7"'%  287  ou  504.728™'',  7)  et  situé  à  Vitulaccio,  petite  commune  du 
mandement  de  Pignataro  Maggiore.  En  1822,  cette  caisse  devint  le 
fonds  actif  de  la  colonie,  érigée  en  commune  autonome;  peu  à  peu, 
grâce  à  ce  fonds,  la  commune  augmenta  le  nombre  des  maisons, 
livra  à  la  culture  et  fertilisa  des  terrains  incultes,  améliora  l'industrie 
et  les  vieux  bâtiments,  et  augmenta  les  capitaux  mobiliers  productifs. 
Sous  l'empire  de  ces  lois,  il  y  avait  à  San  Leucio  une  école  normale, 
où  on  enseignait  aux  enfants  des  deux  sexes,  «  depuis  Tàge  de  six  ans, 
la  lecture,  l'écriture,  l'arithmétique,  le  catéchisme,  les  devoirs  envers 
Dieu,  envers  soi-même,  envers  le  prochain,  envers  le  prince,  envers 
TËtat;  les  règles  de  la  civilité,  de  la  décence,  de  la  politesse;  les  élé- 
ments de  tous  les  métiers,  l'économie  domestique,  le  bon  usage  du 
temps  et  tout  ce  qui  est  nécessaire  pour  devenir  économe,  honnête  et 
bon  citoyen  ».  Tous  les  colons  dont  les  enfants  avaient  atteint  l'âge  ci- 
dessus  indiqué  étaient  tenus  de  les  envoyer  à  l'école  à  heures  fixes.  En 
1867,  la  municipalité  de  San  Leucio  ayant  recouvré  son  autonomie, 
qu'elle  avait  perdue  en  18()0,  résolut  de  ne  déroger  en  rien  dans  l'admi- 
nistration aux  coutumes  introduites  parmi  les  colons  par  les  lois  de 
Ferdinand  I"".  On  institua  alors  un  asile  pour  les  jeunes  enfants,  dont 
la  direction  fut  confiée  à  des  religieuses;  ce  fut  le  premier  asile  fondé 
dans  la  province  de  Caserte  et  laTerre  de  Labour.  Cetasileest  fréquenté 
annuellement  par  ii  enfants  des  doux  sexes  en  moyenne.  Au  mois  d'a- 
vril 1H02,  on  en  comptait  W,  donl^'J  de  San  Leucio  et  0  de  Sala.  Les 
Leuciens  paient  \  franc  par  mois,  les  étrangers  2  francs  :   tous  indis- 


OBSERVATIONS  PRELIMINAIRES. 


351 


linctement  arrivent  à  7  heures  du  matin  en  été  et  à  8  heures  en  hiver,  et 
restent  jusqu'à  i  heures  de  l'après-midi;  ils  ont  droit  au  repas  de  midi. 
|]n  1868,  à  côté  de  l'unique  école  élémentaire  de  jour,  fréquentée  en 
moyenne  par  32  garçons  et  33  filles,  on  fonda  une  école  du  soir  qui  avait 
en  moyenne  lo  élèves  du  sexe  masculin  et  33  du  sexe  féminin.  Au  bout  de 
quelques  années,  l'école  du  soir  fut  remplacée  par  l'école  du  dimanche 
qui  réunit  moins  d'élèves  que  l'école  du  soir.  En  1877,  après  la  pro- 
mulgation de  la  loi  Coppino,  qui  rendait  obligatoire  l'instruction  élémen- 
taire, l'école  unique  fut  divisée  en  trois  sections  et  confiée  à  un  maître 
pour  les  garçons  et  à  une  maîtresse  pour  les  filles.  Le  tableau  suivant 
donne  la  statistique  des  enfants  obligés  à  suivre  l'école  élémentaire 
unique  pour  une  période  de  seize  années  : 


ÉLKVES. 

37 
■27 

(i4 

oc 

47 
38 

85 

X 

36 

57 

113 

X 

38 
43 

81 

X 
X 

27 
63 

X 
X 

41 

29 

70 

x 

X 

50 
35 

85 

-r 

X 
X 

40 
36 

76 

X 
X 

43 
38 

81 

X 

_ 
34 
31 

<i5 

X 
X 

30 
39 

69 

X 
X 
X 

2!» 
32 

61 

x 

X 

31 
41 

72 

X 

37 
43 

80 

X 

3(i 
42 

78 

X 

41 
42 

83 

Moyenne 

de 
16  années. 

Garçons 

Filles 

TOTAIX  

39 

37 

1 

70 

Le  maître  reçoit  un  traitement  annuel  de  9.j0  francs,  et  en  outre  le  loge  - 
ment  gratuit,  ce  qui  représente  une  somme  de  30  francs  paran.  La  maî- 
tresse reçoit  un  traitementlégalde  560  fanes  paran,  mais  elleagratuite- 
ment  un  logement  meublé,  le  bois  de  chauffage,  le  blanchissage  et  le 
service,  ce  qui  représente  une  somme  de  180  francs  par  an.  Le  personnel 
de  l'asile  reçoit  en  tout  une  allocation  fixe  et  annuelle  de  1.200  francs. 


r-.a-'oss^î^  > 


352 


N°  79. 


TISSEUR   DE   SAN   LEUCIO. 


§  14.  —  BUDGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNÉE. 


SOURCES  DES  RECETTES. 


SECTION     I''. 

PBOPRIÉTËS  POSSÉDÉES  PAR   LA   FAMILLE. 

Art.  l".  —  l'noPRiF.TÉs  immobilikiies. 


1MMF.IBI.ES  : 

Maison  dliabilation.  apparlcnanl  à  la  famille,  avcr  jardin  ixitaijer 

Maisons  louées  à  des  particuliers 

ABT.   2.   —   YaLF.IIIS  MOIlM.IKItES. 

Argent  et  fonds  de  ijiulkmext  : 

Somme  placée  à  la  Caisse  d'c-pargne  i)ostale 

Somme  servant  de  fonds  de  roulement 

Provisions  :  I2:i  lit.  d'Iiuilc,  1I8'"5;  —  4  mètres  cuhes  de  boisa  hriiler,  88' 00. 

Anim.mx  domestioies  entretonus  toute  l'année  : 

tj  pigeons 

!)  poules  et  1  coii 


Matériel  spécial  des  travaux  et  industries 


Pour  la  culture  du  jardin 

Pour  le  Idanchissage  et  le  repassagi;  du  linge 

Pour  la  confection  et  le  raccommodage  des  vctcments. 


Art.  3.  —  Droits  aux  allocations  de  sociétés  d'assurances  mutuelles. 
(La  famille  ne  fait  partie  d'aucune  société  de  ce  genre.) 


Valeur  totale  des  propriétés. 


section    m. 
SUBVEiXTIOlVS  REÇUES  PAR  LA  FAMILLE. 

Art.   1='.  —  Propiuétés  i;eçues  en  usufruit. 
(I.a  famille  ne  reçoit  aucune  piopriélé  en  usufruit.) 

AnT.  2.  —  Droits  d'usage  sur  les  propriétés  voisines. 

{I.a  famille  ne  jouit  d'aui  un  droit  de  ce  genre.) 

.•\i;t.  ;t.   —   Allocations  d'oiuets  kt  de  services. 


.M locations  concernant  les  \étenionts 

—  rinstruction  des  enfants. 

—  —  les  besoins  moraux 


llvaluaiion 

ftl'proxiiimiivc 

dc8  sourr<s 

de    recettes 


Viilcm- 

.leK 

proprittét. 


.'{.000' 00 
-J.800  00 


VU)  W 
100  00 
20«J  Vi 


7  00 
26  :iO 


i:,  00 
7  :à) 


6.917  IV 


le  service  de  santé 


N"    7î».    —    TISSEIH    DE    SAN    LEUCIO. 


353 


§  14.  —  BUDGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNÉE. 


RECETTES. 


SECTION     I". 

REVE.^IJS  DES  PROPRIÉTÉS. 

AiiT.  i".  —  Revenus  des  propriétés  immobilières. 

intcn-t  i'i  "/ojde  la  valeur  de  la  maison.  138'87;  —  (5  "/o)  de  la  valeur  du  jar- 
din. H'13  (•;  16,  A) 

Loyer  payé  par  les  locataires  :  li'OO  par  mois 

Art.  2.  —  Revems  des  propriétés  modilières. 

Intérêt  (3  "/o)  de  cette  somme 

(Cette  somme  ne  procure  aucun  revenu.) 

(Ces  objets  ne  proeurent  aucun  revenu.) 

Intérêt  (5  %)  de  la  valeur  de  ces  animaux (S  IC,  D); 

—  —  -  C  16,  D). 

Intérêt  (o  "/«)  de  la  valeur  de  ce  matériel (2  16,  A) 

—  —  —  (':,  1«,  B) 

-  -  C  16,  C) 

Art.  3.  —  Allocations  des  sociétés  d'assurances  mutuelles. 
{La  famille  ue  reçoit  aucune  allocation  de  ce  genre.) 

Totaux  des  revenus  des  propriétés 


SECTION      II. 

PRODUITS   DES  SlBVE\TIO\S. 

Art.  i".  —  Produits  des  propriétés  reçues  en  usufruit, 
(La  famille  ne  jouit  d'aucun  jinxluit  de  ce  genre.) 

Art.  -2.  —  Produits  des  droits  d'usage. 

(La  famille  ne  jouit  d'aucun  produit  de  ce  genre.) 

Art.  3.  —  Objets  et  services  alloués. 

Vêtements  donnés  aux  enfants  en  cadeau 

Instruction  donnée  gratuitement  dans  les  ('coles  do  la  commune 

Gratuité  du  droit  d'enterrement  pour  les  divers  membres  de  la  famille  (pour 

mémoire) 

Gratuité  du  service  médical  ;  (^cttc  gratuité  étpiivaut,  pour  le  médecin  et  lu 

sage-femme,  à  une  économie  annuelle  de  20'00 

Total  des  [iroduits  des  subventions 


MIlNTANT   DK.S  ItKCK  ITK? 

Valeur  Recettes 

des  objets 

reçus 
en    nature. 


1 48'  T.i 


0  33 

1  21! 


0  IS 
0  7o 
0  37 


151  0-2 


40  .jO 
1-20  0(1 


20  (KJ 


180  'M 


V-2- 
168  00 


0  0-> 
0  06 


0  0-2 


X',ï  N°   79.    —   TISSEUR    DE   SAN   LEUCIO. 

^  14.  —   BUDGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNÉE  {suite). 


SOURCES  DES  RECETTES  {suite). 


jlVMITK    Dl     Tli.VVAll- 
r.FFFcllK. 


SECTION    III. 
RAVAUX   EXÉCUTÉS  PAB   LA    FAMILLE. 


Travail  de  tissage,  oxéculc  à  la  tàclie  par  le  chef  de  famille 

Service  de  concierge,  fait  par  le  père  de  la  femme. 

Travail  de  lilage,  exécuté  à  la  journée  par  la  lille  aînée 

—      de  devidage  —  par  la -i*^   fille 

Travaux  d(;  inciiage  :  Achat  et  préparation  des  aliments,  soins  donnés  aux 

enfants,  soins  <le  )>ropreté  concernant  l'Iiahitation  et  le  mobilier 

Kxploilation  du  jardin  potager,  annexe  à  la  maison 

lilanchissage  et  repassage  du  linge 

Conleclion  et  entretien  des  vêtements  et  du  linge 

exploitation  de  la  basse-cour 


Totaux  des  Journées  de  tous  les  membres  de  la  fainille. 


too 

> 

te.-; 

I 

0 

-JKS 

• 

300 

SECTION   IV. 

I^DISTRIES    EIMTREPRISES    PAR    LA    FAMILLB 

(à  son  i>ropr(>  compte). 

iNDisTiiiEs  entreprises  au  compte  de  la  famille  : 

exploitation  du  jardin  jiotager 

lilanchissage  et  repassage  du  linge 

Confection  et  entretien  des  vêtements  et  du  linge 

t:Nj)l(iitaticin  de  la  basse-cour 


N"  79.    —    TISSEIR    DE    SAN    LEUCIO.  355 

5;    14.  —  BUDGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNÉE  [suite). 


RECETTES  [suite). 


PlilX    DKS    SVI.AIIIKS 
JOlKN.VI.IKK'i. 


•2  s:; 
I  .iO 


.(    itiumes. 

ir.      0. 

0  HO 

0  70 

1  .-.0 

0  80 

0  80 

SECTION    III. 


SALAinES. 


Salaire  total  attribué  à  ce  travail 

(Aucun  salaire  ne  peut  être  attrii>uc  à  ces  travaux). 
Salaire  total  attribué  à  ce  travail {'j  !<>,  A) 

-  -  (■.;  16,  B) 

-  -  i§  16,  C) 

-  —  C  1'^,  D) 

Totaux  des  salaires  de  la  famille 


SECTION    IV. 
BÉNÉFICeS   DES   I.^DLSTR  iE.S. 


aiélice  résultant  de  cette  industrie (;^  10,  A) 

—  —  -         Ci  1«,  B) 

—  —  —       c;  16.  C) 

—  —  —  c  Ki,  D) 

Totaux  des  bénéfices  résultant  des  industries 

NfiTA.  —  Outre  les  recettes  portées  ci-dessus  en  compte,  les  industries 
dnnncntlieu  à  une  recette  de  56'66  ('.;i6,  E).  (|ui  est  appliquée  de  nou- 
veau à  ces  mêmes  industries;  cette  recette  et  les  dépenses  (|ui  la  ba- 
lancent ;s  1"',  S""  V)  ont  été  omises  dans  l'un  et  l'autre  budget. 

Totaux  des  kecettes  de  l'année  (balançant  les  dépenses)(2.7o()'Gii). 


MONTANT    DES    RECETTES. 


des  objera 


en  nature. 


i0'-2- 
3G  00 
.33  (iO 
1.-;  08 


57 

91 

117 

88 

7."> 

33 

-.25 

78 

■270  93 

R.fcttos 

êll 
.irgeiit. 


855' 00 
5i7  50 
230  iO 
210  00 


2.045  74 


XA\ 


N"    TU.    —    TISSEUR    DE    SAN    LEUCIO. 


.:<   15.  —  BUDGET  DES  DEPENSES  DE   L'ANNÉE. 


DÉSIGNATION  DES  DÉPENSES. 


SECTION    l". 
DÉPENSES  CO:\CERN.\iMT  LA   NOIRRITURE 

Art.    1".  —  ALIMENTS  CONSOMMÉS  DANS    I.E  MÉNAGE 

(|>ar  l'ouvrier,  sii  femme  et  ses  7  enfants,  et  par  le  père  do  la 
femme,  peiiilaut  3()5  jours"). 

CÉRÉALES  : 

Pains  de  rroiiicat 

Pains  de  mais 

lariiie,  1"^^  (|iialiti',  pour  la  s()ui)c  et  la  cuisine 

—      -l"       —    ,  pour  y:;iteaux  et  tartes 

niz,2ii''5:(0'  46, 11'73;  — niacaroni.Sa-i"?.^;!  O'oa,  HU'aiJ. 

Poids  total  et  prix  moyen 

Corps  gras  : 

Beurre.  3"  550  à  -l'W 

Saindoux 

Lard  et  iiralsse  de  i)orc 

Huile  d'olive,  -2f  qualité 

Poids  total  et  prix  moyen 

I.AITAGR   ET  OEUFS    : 

Lait  de  vache 

tiKufs  :  do  la  has.se-cour,  :280  pièces;  —  aciietes,  4;»!» 
pièces,  à  0'84  la  douzaine 

Fromage  de  Lccca,  2'»''  à  l'»iO,  3«'40;  —des  PouiUrs, 
U'''2:H)ii  2' 10,  I3'12;  —  dit  mozzarella.  11"-.,  à  l'M), 
10' 10 

Poids  total  et  prix  moyen 

Viandes  ET  poissons  : 

\eau 

Viande  de  liisoii  {huffnlo) 

Mouton  et  ai,'iieau 

Viande  de  porc,  38'' à  VXi,  5I'30;  —  Imudin,  ^^iix 
1' il4,  4'9'i 

Volailles  :  3  poulets,  à  2'  15,  e'-iS;  —  30  pigeons  à  Q'Ki, 
1«'20 ,S  lu,  D) 

Poissons  :  poissons  frais,  lO"-  à  l'.wi,  20' «0;  —  poissons 
secs,  dits  nocro/isso,  28''  à  o'i."i.  I2'(KJ;  —  morue 
salèc,  dite  Jtaccala,  28''  à  (»'W,  i2'tio.  —  poissons 
conscrvf's  (en  hoilcs),  .'*"  à  l'o.'i,  8'2:i 

Poids  total  et  pri\  mojeii 


POIDS  ET  PRIX  DES 
ALIIIENTS. 


POIDS 
consommé. 


PRIX 

ar  kilog. 


1  33«»0 

o'3;«» 

70    0 

0  270 

4!»     0 

»  .{80 

22     0 

0  300 

358     2 

0  .-^io 

l.8il  2 

0  307 

3  'i 

0  2iO 

13  0 

\   700 

9  0 

1  700 

Tt  0 

0  !»80 

9!t  ;; 

1    190 

42  0 

0  .SiO 

47  0 

1   110 

130  7 

0  873 

Il   0 

l   800 

2.5  0 

\  ;mo 

28  0 

1  2(>0 

il  .-; 

1  .».■; 

22  2 

0  8tii 

MONTANT  DES  DÉPK' 

Valeur 
des  objets 
consommés 
en  nature. 


N°    T'.t.    —   TISSEUR   DE   SAN   LEUCIO. 


35" 


^  i:;.  —  BUDGET  DES  DÉPENSES  DE  L'ANNÉE  [suite). 


DÉSIGNATION  DES   DÉPENSES  {,suUc). 

montant DF 

Valeur 
des  objets 
consommés 
en  nature. 

S  DÉPENSES. 

Dépenses 

en 

argent. 

SECTION    1". 

DÉPENSES  COXCERNANT  LA  NOUfiRlTflRE  (suite). 

l.iUiiMEs  ET  FniiTs  : 

POIDS  ET 
ALIM 

POIDS 

consommé. 

PRIX   DES 

:nts. 

PKIX 

par  kilog. 

0'80 

7  35 

17  50 

8  18 

38  80 
4  80 

10 

30  85 
10  40 

10  .57 

1  4  .50 
3  60 

2  70 

31  !»0 
2  40 

9  45 

16  O.-i 
9  00 

32  40 
12  80 

51  30 

99  .50 

Io9"0 
8  0 

286  0 
37  0 

550  0 

2,90  0 
30  0 

425  0 

374  0 
14  0 

O'IOO 
0  100 

0  134 
0  281 

0  051 

0  050 
0  120 

0  02(i 

0  im 

0  514 

I,cgumes  racines  :  Carottes (S  10,  A) 

Légumes  farineux  :  Fèves,  du  jarilin,  2(>'^  à  O'OG,  d'5C;  — 
aclietees,l-24''à0f0U,7f  44;  — petits  pois,  (lu  iardiniSa" 
à   0'1'2,  ■2f64;  —  achetés,  58"  à  0'12,6'9G;  —  liaricolS, 
(lu  jardin,  9"  à  0'3r;,  S'I'i;  —  aclietc^s,    M^   à  0' 35, 
16' 4.5 (%  IG,  A) 

Li'gunies  farineux  secs  :  Lentilles,  8"  à  0'"22,  i'"6:  — 
ftîves,  3"  à  0f28,  0'84;  —  haricots,  ^G"  à  0'30,  "'80... 

Légumes  verts  à  cuire  :  Choux,  choux-fleurs,  poivra 
long,  chicorées,  endives  et  autres  herhes  vertes,  200" 
aciietés,  à  0'  052,  10'  57  :  —  du  jardin  .  330"  à  0'  05 , 
17'50  CVIG,  A) 

Cucurbitacées  :   Potirons,  80"  à  o'Oo,  4^00;  —  pastè- 
ques, 60"  à  0^03,  3'00;  —  melons,  1.50"  à  0'05,  7'.50  . . 

Légumes  épices  :  Oignons  et  aulx 

Tomates,  200"  à  4f09  les  100",  8'18  (§  16,  A);  —  auber- 
gines, 225"  à  0'012,  -l'-Q. ..: 

Fruits  à  pépin  et  à  novau  :  Poires, du  jardin,  4"  à  0'30, 

l'20;  —  achetées,  12"  à  o' 30,  3'GO:  —  pommes,  du 

jardin,  5"  à  0'  20,  l'OO;  —achetées, 20"  à  Of20.  4^00  ;  — 

;             cerises,  du  jardin,  20"  à  0' 10, 2' 00;  —  achetées,  110" 

à  0fl0,ll'0b;  —raisin,  du  jardin,  80"  à  0^30,  24' 00: 

—  acheté,  5"  à  0'30,  l'50;  —  prunes,50"  à  0'08,  4' 00; 

—  oranges,  du    jardin,  17"  à  0'  20,  3'  40:  —  achetées, 
39"  à   0'   20,  7^80;  —  citrons,  du    jardin,  12  à  0'60, 
7'20 (^  16,  AJ 

'          Fruits  l)aies  ctaulres  :  F'raises,  8"  à  O'GO,  4'  80  (§'  16,  A)  ; 
—  noix  et  noisettes,  6"  à  0'  40,  2'  40 

Poids  total  et  prix  moyen 

Condiments  et  stimulants  : 

Sel,13"  à  0^35,  4'55:  —  poivre  et  poivre  long,  2"  à  2'' 45, 
4' 90 

2.173  0 

0  092 

1.5  0 

10  2 
36  0 
12  0 

8  0 

0  630 

1  5(i(> 

0  250 

2  700 

1  600 

0  981 

Epices  :  Noix  muscade,  clous  de  girolle,  cannelle, 0i"250 
à  5' 80,   l'45;  —  sauce  tomate,  4"  à  l'25,  5' 00;  — 
cornichons  et  pikles,  au  vinaigre,  6"  à   l'GO,  9'60. 

Vinaigre 

Café.  4"  à  4'10,  16' 40;  —  chicorée,  8"  à  2' 00,  16' 00 

Sucre 

Poids  total  et  prix  moyeu 

Boissons  feiimentées  : 

81  2 

342  0 

0  l.-iO 

Art.  2.  —  Aliments  prépares  et  consommés  en  dehoi 

vin  rouge,  consommé  au  cabaret  par  le  père  de  la  femme 
—  vin  hlanc,  12"  à  0'15,  l'80;  —  limonade,  20"  .i  0'10,2'0 
l'80,  2'70;  —  café,  rhum,  etc.,  12"5  à  0' 60,  7'50 

<S  DU  MÉNAG 

,  570"  à  0' 
0;   —  lifiue 

E. 

5,  85'  .50  ; 
urs,  1"5  à 

1                                               Totaux  des  dépenses  concern. 

int  la  nom 



rilure... 

120  10 

1.444  59 

36 


358 


N°   79.    —    TISSEUR    DE   SAN    LEUCIO, 


§  lo.  —  BUDGET  DES  DÉPENSES  DE  L'ANNÉE  {suite). 


DÉSIGNATION  DES  DÉPENSES  {suite). 


SECTION     II. 

DÉPENSES  CONCERIVANT   L'HABIT \T10:V. 

Logement  : 

Loyer  représeiUé  |>ar  l'intérAt  à  î»  "/o  de  la  \al(>ur  île  la  maison 

Dépenses  d'entretien 

Monn.iEit  : 

Entretien  du  mobilier.  3':>0;  —  achat  et  entretien  d'ustensiles,  2'  w 

ClIAlFFAGE    : 

Bois  en  fagots,  l'50;  —  charbon  de  bois,  "'00;  —  poussier,  8' 00 

ÉCLAIRAGE  : 

Pétrole,  54  litres  à  0'63,  3oM0;  —  allumettes,»;  dou/aincs  de  boîtes  à0'20, 
1  '  20 

Totaux  des  dépenses  concernant  l'habitation 

SECTION     III. 

UËPEIVSES  CONCERNANT  LES  VÊTEMENTS. 

Vf.TEME.NTS  DE   LA    KAMILLE   : 

Vêtements  «les  hommes,  achetés (.',  16,  K) 

—         des  femmes,       —     (j;  16,  F) 

Trousseaux  des  lilles,  —     (â  16,  K) 

Vêtementsdes  enfants,        —     ly'iW; -re<.usendon,M)'50(§14, S^IIet^.lU, F) 
Vêtements  confectionnés,  pour  tous  les  membres  de  la  famille...    (,;  16,  C) 

Blanchissage  et  soins  de  piiopiieté  : 

Blanchissage  et  repassage  du  linge,  exécutés  à  la  maison c'  16,  ut 

—  —  —        au  dehors 

Abonnement  chez  le  barbier 

TOTALx  des  dépenses  concernant  les  vêtements 

SECTION     IV. 

DÉPENSES  CONCERNANT  LES  BESOINS  lUORALX,  LES  RÉCRÉATIONS 

ET  LE  SERVICE  DE  SANTÉ. 

Culte  : 

Souscription  à  la  coiifréiic,  2' H»;  —  dépenses  i)our  les   (êtes  religieuses, 
\<:m 

iNSinCCTION   DES  ENEANTS   : 

Instruction  donnée  gratuitement  par  la  commune 

Achat  de  livres  de  lecture  et  de  divers  objets  d'étude 

SECorns  ET  Al■M(^^F.s  : 

Dons  aux  j)auvres  de  \icux  habits  et  d'objets  de  nourriture  (compris  dans 
la  dépense  de  la  famille  [Z  15,  S""*  let  III) 

UÉCnÉATIONS      ET    SOLENNITÉS    ; 

Dépenses  aux  fêtes  de  Noél  et  ilii  carnaval 

Cadeanx  faits  aux  enfants,  I'2.'i;  —  dépenses  diverses  pour  les   fêles  ci- 
viles, 2' 2.-; 

Cigares 

Dépenses  au  cabaret  (portées  à  la  S""  1  ) 


MONTANT  DES  DEPENSES. 


Valonr 
des  objeU 
consommés 
en  nature. 


I38'87 


40  .•.0 

10!)  ao 


Mi   43 


N"    79.    —    TISSEUR    DE    SAN    LEUCIO. 


359 


§   15.  _  BUDGET  DES  DÉPENSES  DE  L'ANNÉE  {suite). 


DÉSIGNATION  DES  DÉPENSES  {suite). 


SECTION     IV. 

DÉPEIKSES  r.O!\C;ERlVV!\T  LES  BESOINS  MORADX,  LES  BÉf.RÉATIONS 
ET  LE  SERVICE  DE  SAIMTÉ  (suite). 

Service  de  santé  : 

Dons  faits  au  médecin  de  pièces  de  gibier ; 

I  rais  de  visite  du  médecin  et  de  la  sage-femme,  payés  par  la  commune. 

Herbes  médicinales,  provenant  du  jardin '. 

Abonnement  chez  le  piiarmacien,  i'tiO:  —  al)onnement  au  service  d'ac- 
coucliemeni,  t'OO 

Totaux  des  dépenses  concernant  les  besoins  moraux, 
les  récréations  et  le  service  de  santé 


SECTION    V. 

DÉPE\SES  COI\iCER[VAl\T  LES  INDUSTRIES,  LES  DETTES, 
LES  IMPÔTS  ET  LES  ASSURAI^CES. 

DÉPENSES  CONCERNANT  LES  INDUSTRIES   : 

Nota.  —  Les  dépenses  concernant  les  industries  montentà..  (316,  E).  :212':)3 

Elles  sont  remboursées  i)ar  les  recettes  provenant  de  ces  mêmes 
industries,  savoir  : 

Argent  et  objets  employés  pour  les  consommations  du  ménage  ou 
faisant  partie  de  ses  épargnes  et  portés  a  ce  titre  dans  le  présent 
budget ir,ti<»-,\ 

Argent  et  objets  appliqués  de  nouveau  aux  industries  (j  14,  J 

S""  IV),  comme  emploi  momentané  du  fonds  déroule-  J-212  .S;î 

ment,  et  qui  ne  peuvent  conséquemment  figurer  parmi  V 

les  dépenses  du  ménage "iG  (i(; ; 

Intérêt  des  dettes  : 

(La  famille  n'a  pas  de  dettes.) 

IsipôTS  : 

Impôt  foncier  sur  les  immeubles 

Assurances  CONCOURANT  A  GARANTIR  LE  bien-être  physique  et  moral  de  la  famille  : 
(La  famille  ne  supporte  aucune  dépense  de  ce  genre.) 

Total  des  dépenses  concernant  les  industries,  les  dettes, 
les  impôts  et  les  assuianccs 

Épargne  de  l'année  : 

Somme  destinée  à  augmenter  le  capital  déposé  à  la  Caisse  d'épargne  pos- 
tale        ; _ 

Totaux  des  dépenses   de  l'année  (balançant    les  recettes)....    {H.VWG't) 


MONTANT  DES  DEPENSES 


Valeur 
tics  objets 
consommés 
en  UiUiire. 


'20' 00 
1  50 


Dépenses 


S'OO 


8  50 


28  oG 


2.0ij  7i 


360 


N°    79.    —    TISSEUR    DE    SAN   LEUCI6. 


l   16. 
COMPTES  ANNEXÉS  AUX  BUDGETS. 

KECTION     I. 

COMPTES  DES  BÉNÉFICES 

RÉSULTANT   DES    INDUSTRIES   ENTREPIIISES    KVK    L\    FAMILLE 
(à  son  propre  compte). 


A.    —   EXPLOITATION    DU   JAHDLN    POTAGER. 

RECETTES. 

Oranses:  consommées  parla  famille,  17"  àO':20,  .S'iO;  —vendues,  20"  ào'20.  ■i':20. 
Citrons:  —  —       12"  à  O'CO,  7'-20:  —        —       as^à  OMiO.  Iti'SO. 

Carottes,  8"  à  0'  lo 

Fèves,  20"  à  0'0(; 

Petits  pois.  22"  à  0'  12 

Haricots.  !i"  à  0'3o 

Choux,  clioux-lleurs,  poivre  long,  chicorées,  endives  et  autres  herbes  vertes. 

3.W"  à  O'O.-; 

Tomates.  200"  à  4'09  les  100" 

Fraises,  8"  à  0'(iO 

Raisin.  80"  à  0'30 

Poires,  4"  à  0'30,  l'20;  —  punîmes,  5"  à  0'20,  l'OO;  —  cerises,  20"  à  OMO.  2'0(». 

Herbes  médicinales  :  camomille,  mauve,  altliea,  laurier 

Grains,  consommés  par  les  poules 

Semences  diverses 

Totaux 

DÉPENSES. 

Semences:  bulbes  et  pclites  plantes  de  pépinière:  du  jardin, l'OO;—  achetées. 

2"  55 

Main-d'œuvre  Iburnie  par  des  ouvriers  payés,  5  journ.  à  0'7."i 

Travail  de  louvrier,  8  journ.  à  l'45,  ll'oo." 

Fumier  aciietc 

Engrais,  provenant  de  la  basse-cour 

Cendres  lessivées 

Intérêt  (5"/„)  de  la  valeur  (222' 50)  du  jardin 

—       —  —  (:t'!«»)  du  matériel 

Matériaux  achetés  pour  l'eiitretien  du  mobilier  agricole 

BÉNKncE  résultant  de  l'industrie 

Totaux  comme  ci-dessus 


En  nature.  Kn  argent. 


3'W) 

7  20 

0  80 

1  -m 

2  (ii 
.'{  15 

17  50 

8  18 
4  80 

21  00 

4  2(» 

1  'M 

1  32 

1  (Kl 


1  00 
10  27 

2  00 

0  8t! 
0  18 


5' 20 
16  80 


3  8.'. 

I  3:1 

3  -r, 

0  81) 

1  'é.'i 

7  »,S 


B.    —    BLANCHISSAGE   ET   HEl'ASSAGE    DU   LINGE. 


IlECETTES. 

I'ri\  qu'il  laudr.'iil  paver  pour  faire  cxécutei'  le  blaïu-hissage  au  di'liors. 
—  —  —  le  repassage  — 

Totaux 


104  48 
.50  15 


17  15 
8  .Vt 


N"  79. 


COMPTES  ANNEXKS  AUX  BUDGETS. 


.{(M 


1  1 
l'.l 
i;i 
\i 
11 

i( 

:il 

il 

111 

i)< 

'll 

II 

t. 

.11 ,  -i-i"  à  0'35 

I  rcs  de  bois  de  chaulVaiiO 

pour  chauffer  la  lessive,  à  raison  de  10"  par  lessive 

hon  pour  le  repassage 

Iiiii 

ail  de  la  femme  :  1"2  journées  à  l'SO  pour  le  blanchissage. 

—  1^       —  —    pour  la  lessive 

nées  d'ouvrières  pour  le  repassage 

uses  pour  renouveler  les  ustensiles 

I  et  (3  °jo)  de  la  valeur  (  t.'i'OO)  du  matériel 

BÉNÉFICE  résultant  de  l'industrie 

Totaux  comme  ci-contrc 


IHfOO 
18  00 


0  "î; 

H7  88 


En  argent. 


8'-.^ 

1  -2:i 

4  Vi 

a  88 
0  g:; 


4  .'iO 


CONFECTION   ET   ENTRETIEN    DES   VETEMENTS 
ET    DU    LINGE. 


*rix  (ju'il  faudrait  payer  pour  les  confections  faites  au  dehors  — 
—  —     pour  les  raccommodages  faits  au  dehors  , 


Totaux. 


DEPENSES. 

}onfcction  d'objets  neufs  : 
J'our  les  femmes  :  3  vêlements  en  calicot,  2  jupes,  i  vêtement  pour  enfant  : 

Tiavail  de  la  famille  :  10  journ.  de  la  femme,  4  journ.  des  filles,  à  0'80 

Achat  de  doublures,  dentelles,  boutons 

Pour  les  hommes  :  1  vêtement  pour  la  saison  d'hiver,  -2  vêtements  pour  la 
iaisoM  d'été,  1  vêtement  pour  enfant  : 

Travail  de  la  famille  :  8  journ.  de  la  femme,  4  journ.  des  filles,  à  0'80 

Achat  de  doublures,  boutons,  etc 

Confection  des  bas  : 

Journées  d'ouvrières  pour  18  paires  de  bas,  à  O'iii  par  paire 

—  pour  le  reprisage  des  bas 

Achat  de  coton 

onfei-tiun  du  linge  :  2  chemises  de  coton,  2  de  laine,  pour  les  hommes;  5  che- 
mises pour  les  femmes,  1-2  langes,  C  essuie-mains,  8  caleçons  : 

Travail  de  la  famille  :  <i  journ.  de  la  femme,  4  journ.  des  filles,  à  0'80 

Achat  de  coton,  fil,  aiguilles 

laccomniodages  : 

Travail  de  la  famille  :  4  journ.  de  la  femme,  2  journ.  des  filles,  à  0'80 

Dépenses  diverses 

ntérêt  (5  "/,,)  de  la  valeur  (7'50)  du  matériel  employé 

BÉNÉFICE  résultant  de  l'industrie 

Totaux  comme  ci-dessus 


7ii  40 
29  90 


îl  GO 


10!»  30 


23  70 
(i  70 


30  iO 


„ 

4  30 

» 

2  !»o 

" 

i  30 

8  00 

, 

' 

0  35 

i  80 

„ 

> 

3  75 

0  37 

n 

73  33 

' 

30  iO 


EXPLOITATION   DE    LA    BASSE-COUR. 


RECETTES. 

poulets  consonniiés  par  la  famille,  à  2' 15,  G' 43;  —  9  poulets  vendus,  19'33.... 

G  pigeons  —  à  0'  '(-3 

86  œufs  de  poules,  consommés  par  la  famille,  à  0'07  la  pièce,  20'02;  —  1.37  œufs 

vendus,  I0'!)9 

ngrais 

Totaux 


G  43 
IG  20 


20  02 
2  00 


10  33 
10  99 


30  3i 


362 


N"   79.    —   TISSEUR    DE   SAN    LEL'CIO. 


DKI'ENSF.S. 

Ciibliirc  de  hic  ai'-  à  0'15 

Mais,  s-l"  à  0'18, 1  i'7G;  —  son,  W  à  O'IO,  9'00 

Graines  du  jardin 

Travail  de  la  famille  :  14  journ.  de  la  femme,  7  journ.  des  (illes,  à  0'«0. 

Intérêt  (5  ",;.)  de  la  valeur  (33'.'>0)  des  animaux 

BÉNKFicK  nsullanl  de  l'industrie 

Totaux  comme  ci-contrc 


Kr 

nature. 

En 

Hrîr.nt. 

'.'  3.-. 

■m  71  ; 

Vi  !t8 

0  82 

1   ?i!l 

0  OS 

-ïi  "8 

1   Xi 

41  (iT 

M)  ;iv 

E.    — ■   RÉSUMÉ   DES    COMPTES   DES    BÉNÉFICES    RÉSULTANT 
DES    INDUSTRIES  (A   A    D\ 

IIECETTES   TOTALES   : 

Produits  employés  pour  la  nourriture  de  la  famille 

—  "         pour  les  vêtements 

—  i)our  le  service  de  santé 

Produits  en  nature  cl  recettes  eu  argent  à  employer  de  nouveau  pour  les  in- 
dustries elles-mêmes  (5ij'6tj) .' 

Totaux 

DÉPENSES  TOTALES. 

Intérêts  des  propriétés  possédées  par  la  famille  et  employées  ])ar  elle  aux  in 
dustries 

Salaires  afîérents  aux  traxaux  exécutés  par  la  famille  pour  les  industries 

Produits  des  industries  dépensés  en  nature  et  dépenses  en  argent,  qui  iloi\(!iii 
être  remboursés  par  des  recettes  provenant  des  industries  {:>û'iHi) 

Dé[>enscs  en  argent 

Totaux  des  déi>enses  (Slîî'  u.'}) 

BÉNÉFICES  TiiTAix  résultant  des  industries  (■285'74) 

Totaux  comme  ci-dessus 


i20  10 

• 

20.1  9.{ 

5ti 

os 

1  50 

• 

4  32 

:i-2 

;r> 

389  8:; 

108 

4-2 

38!  I  8.> 


42  7.-i 
9o  85 

t  37 

2  i:. 

4  32 

52  3  4 
43  7'. 

H2  !r2 

!t!»  (il 

276  03 

8  81 

SECTION    II. 

COMPTES  RELATIFS  AUX  SUBVENTIONS. 

Ces  comptes,  doimant  Hou  à  des  opcialinns  Ires  simples,  ont  clé  clahlis  dans  le  budget  lui-même 


SECTION     III. 

COMPTES    DIVERS. 

F.    —   COMPTE    DE   LA    DÉl'ENSE  ANNUELLE   CONCERNANT 
LES   VÊTEMENTS    ACHETÉS. 

AitT.  1".  —    Vêtements  des  hommes. 

Vêlements  du  diinanclie  : 
1  Nêtonicnt  complet  en  drap  pour  Simcon 

1  —  eu  tricot  de  laine  pour  Gabriel 

2  vêtements  complets  en  coton 

A  reporter 


PKIX 

des  objots 

neuf-. 


00' 00 
40  TNI 
40  OtI 


IIURÉB. 


f<  an 

10 

3 


DKPKX.-K 
l«r  1111. 


-;»  ; 

4  00 
1.1  .33   1 


COMPTES  ANNEXES  AUX  BUDGETS. 


;}(J3 


Vêtements  des  hoinmes  {suite). 


Report . 


1  chapeau  île  feutre  pour  Siméon. 

1  —  pour  Gabriel . 

1  chapeau  de  paille  pour  l'été 

I  honnet  de  drap  pour  Simcon 

•1  i)aires  de  bottes 

i  manteaux. 

i  chemises  de  laine 

Vêlements  de  travail  : 

i  i)antalons  de  tricot  de  laine 

i  gilets 

4.  mouchoirs  de  soie 

ti  blouses  en  coton 

î!  tabliers 

•i,  bonnets 

-2  paires  de  souliers 

•2  chai)eaux 

i  chemises  de  laine  et  de  futaine. 

s  chemises  de  toile  et  de  coton 

S  caleçons 

•Xi  paires  de  bas 

i  ceintures  de  cuir 

1:2  mouchoirs 

•'î  parapluies 


Total. 


Art.  2.  —  Vêtements  des  femmes. 

Vêtements  du  dimanche  : 
5  robes  de  calicot 

5  robes  de  toile  et  de  laine 

0  petits  châles 

6  foulards 

■'>  tabliers 

4  j u pes 

4  camisoles  (campanelle)  en  calicot  très  élégantes . 
•'>  paires  de  sabots 

12  paires  de  bas 

Vêtements  de  travail  : 

:{  robes  de  laine 

s  robes  de  calicot  et  de  futaine 

12  camisoles  en  calicot 

1  douzaine  de  liclius 

0  [laires  de  bas  de  laine 

2'»  —  de  coton 

4  chemisettes  de  laine 

12  tabliers 

5  paires  de  sabots 

2i  chemises 

14  caleçons 

12  mouchoirs 


Total. 


Akt.  3.  —  Trousseaux  des  filles. 

Les  divers  objets  qui  les  composent,  d'une  valeur  aciuelle  de 
4S0'00,  nécessitent  une  dépense  annuelle  de  80^00 

Ain.  4.  —  Vêtements  des  enfants. 

Maillots  et  autres  objets  d'enfant  nouveau-né 

10  chemisettes  et  elfets  pour  petits-enfants 

Total 


PUIX 

des  objets 
neufs. 


.'i'OO 
4  00 

.';  00 

2  00 
18  .W 
90  00 
30  00 

(i  .-iO 

4  80 

6  00 

24  00 

2  ?;o 
1  m 

10  00 
4  00 
36  00 
26  00 
12  00 
20  40 

3  00 
12  00 
18  00 


13  00 
C  "iO 


7.S  00 

fj 

l.'JO  00 

8 

38  00 

10 

48  00 

12 

25  70 

6 

24  00 

10 

32  00 

H 

28  00 

4 

18  00 

5 

30  00 

6 

îHi  00 

8 

12  00 

■i 

12  00 

10 

!t  00 

10 

18  00 

n 

12  00 

a 

12  00 

1 

:i  Jio 

1 

4!»  7.=J 

5 

18  00 

4 

12  00 

6 

3  ans 

4 


3 
10 


24' 83 

1  67 
1  00 
1  00 

1  00 
6  16 
!>  00 

3  7.^ 

2  17 
1  20 
1  'W 
6  (XI 

1  2.'. 
0  80 

10  00 

4  00 
12  00 

6  5(1 

3  00 

4  08 
0  60 

2  00 

3  60 


15  00 
18  73 

3  80 

4  00 

4  28 

2  40 
'<  00 
7  00 

3  60 

5  00 
7  00 

2  40 

1  20 
0  90 

3  60 

2  00 
12  00 

5  .-iO 
9  «15 
i  50 
2  00 


80  00 


13  00 
6  50 


19  50 


ÉLÉMENTS  DIVERS  DE  LA  CONSTIÏLTION  S0CL4LE. 


FAITS  IMPORTANTS  D  ORGANISATION  SOCIALE; 
PARTICULARITÉS  REMARQUABLES; 
APPRÉCIATIONS  GÉNÉRALES;  CONCLUSIONS. 

SUR    l'origine    et    le    développement   de    la    commune    de    SAN   LEir.IO. 

San  Leucio,  comme  municipalité,  est  de  date  récente.  C'est  une  trans- 
formation de  la  «  Colonie  »  fondée  par  Ferdinand  F%  roi  de  Naples, 
sur  la  colline  de  San  Leucio,  à  peu  de  distance  du  majestueux  palais 
de  Caserte,  pour  introduire  dans  son  royaume  la  fabrication  de  la  soie. 
L'histoire  de  San  Leucio  a  été  racontée  par  Ferdinand  lui-même  dans 
rintroduction  del'édit  par  lequel  il  a  promulgué  les  «  Lois  pour  le  bon 
gouvernement  de  la  population  de  San  Leucio  ».  Voici  ce  qu'il  écri- 
vait : 

'<  Ce  n'était  certes  pas  le  moindre  de  mes  désirs  que  celui  de  trou- 
ver un  lieu  agréable  et  éloigné  de  l'agitation  de  la  Cour,  où  il  me  fût 
permisd'employer  avec  profit  les  quelques  heures  de  loisir  que  me  lais- 
saient de  temps  à  autre  les  sévères  soucis  du  gouvernement.  Les  déli- 
ces de  Caserte  et  la  magnifique  habitation  dont  la  construction  avait  été 
commencée  par  mon  auguste  père  et  continuée  par  moi  ne  me  procu- 
raient pas  lesavantagesque  j'avais  cherchés  en  l'uyant  la  ville,  ù savoir 
le  silence  et  la  solitude  nécessaires  à  la  méditation  etau  repos  de  l'esprit; 
c'était  comme  une  autre  ville  au  milieu  de  la  campagne,  avec  toutes  les 
idées  de  luxe  et  de  magnificence  de  la  capitale.  Je  pensai  donc,  au  mi- 
lieu même  de  ce  château  de  plaisance,  à  choisir  un  autre  endroit  plus 
retiré  qui  me  servît  pour  ainsi  dire  de  refuge,  et  la  situation  de  San  Leu- 
cio me  parut  la  plus  avantageuse. 

«  En  conséquence,  je  fis,  en  1773,  entourer  d'un  unir  le  boisa  l'inté- 
rieur duquel  se  trouvaient  la  vigne  et  l'ancien  château  de  plaisance  des 
princes  de  Caserte,  appelé  le  Belvédère;  sur  une  éminence  je  fis  cons- 
truire une  très  modeste  maison  dont  je  devais  me  servir  lorsque  j'irais 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  :}6o 

à  la  chasse.  Je  fis  aussi  réparer  une  ancienne  petite  maison  qui  tombait 
en  ruines  et  en  fis  construire  une  neuve.  Je  plaçai  là  cinq  ou  six  indi- 
vidus pour  garder  le  bois  et  pour  veiller  à  l'entretien  de  ma  maison, 
des  vignes,  des  plantations  et  des  terrains  situés  dans  l'enceinte  du 
mur.  Je  logeai  ces  individus  et  leurs  familles  dans  les  deux  petites 
maisons  dont  je  viens  de  parler  et  dans  l'ancien  château  du  Belvédère 
que  je  fis  réparer.  En  1776,1e  salon  de  cetancien  château  fut  converti  en 
église;  cette  église  fut  érigée  en  paroisse  pour  les  habitants,  auxquels 
étaient  venues  se  joindre  17  autres  familles;  je  dus  en  conséquence 
faire  agrandir  les  habitations  comme  je  fis  agrandir  la  mienne  propre. 

«■  Lorsque  ma  maison  fut  agrandie,  je  commençai  à  aller  y  habiter 
et  y  passer  l'hiver.  Mais  ayant  eu  le  malheur  de  perdre  mon  fils  aîné, 
et  ne  voulant  plus  habiter  à  San  Leucio  après  cet  événement,  je  pen- 
sai à  faire  de  cette  habitation  un  usage  plus  utile.  Les  habitants  dont 
j'ai  parlé  plus  haut,  auxquels  étaient  venues  se  joindre  14  autres  fa- 
milles, avaient  atteint  le  nombre  de  134;  le  développement  de  cette 
population  était  favorisé  par  la  bonté  de  l'air  et  par  la  tranquillité  et 
la  paix  domestique  au  milieu  de  laquelle  elle  vivait;  je  craignais  ce- 
pendant que  le  défaut  d'éducation  ne  fût  funeste  à  tous  ces  enfants 
des  deux  sexes  dont  le  nombre  croissait  de  jour  en  jour  et  n'en  fit  plus 
tard  un  foyer  dangereux  de  débauche  et  d'inconduite.  Je  songeai  donc 
à  établir  en  cet  endroit  une  maison  d'éducation  pour  les  enfants  de 
l'un  et  de  l'autre  sexe,  en  utilisant  à  cet  effet  mon  château;  je  commen- 
çai à  rédiger  un  règlement  et  à  rechercher  les  sujets  les  plus  capables 
et  les  plus  propres  à  remplir  les  divers  emplois  que  nécessite  une  insti- 
tution de  ce  genre. 

«  Après  avoir  à  peu  près  tout  réglementé,...  je  pensai  à  donnera 
cette  population  qui  augmentait  sans  cesse  une  organisation  qui  fût  à 
la  fois  utile  à  l'Etat,  aux  familles,  et  à  chaque  individu  en  particu- 
lier   

«  Pour  le  bien  de  l'État,  je  projetai  de  créer  une  manufacture  de 
soie  grège  et  travaillée,  selon  divers  procédés  jusqu'alors  peu  ou  mal 
connus,  en  cherchant  à  donner  à  la  fabrication  la  plus  grande  per- 
fection possible,  afin  qu'avec  le  temps  cet  établissement  pût  servir  de 
modèle  à  d'autres  plus  considérables. 

«  Pour  l'utilité  des  familles,  je  résolus  d'alléger  les  charges  qui  jus- 
qu'alors pesaient  sur  elles,  et  de  les  mettre  en  état  de  subvenir  à  leurs 
besoins  facilement  et  sans  crier  misère,  comme  le  faisaient  jusqu'alors 
beaucoup  de  familles  à  la  fois  nombreuses  et  oisives;  de  leur  enlever 


360  y°  79.  —  tisseur  de  san  leucio. 

tout  prélexle  à  rechercher  le  luxe  en  établissant  l'égalité  et  la  simpli- 
cité du  costume;  enfin  de  donner  à  leurs  fils,  dès  l'enfance,  le  moyen 
de  gagner,  par  leur  travail,  du  pain  pour  eux  et  pour  toute  la  famille, 
et  de  subvenir  à  leurs  besoins  facilement  et  régulièrement. 

«  Enfin,  pour  l'utilité  de  chaque  individu  en  particulier,  je  résolus 
d'avoir  soin  que  chacun  fût  bien  élevé  dès  l'enfance  par  ses  parents, 
et  reçût  ensuite  l'instruction  dans  les  écoles  normales;  et  que  tous, 
encouragés  au  travail  par  l'exemple  de  leurs  compagnons  et  de  leurs 
frères  et  par  l'attrait  du  gain  qu'on  en  retire,  en  prissent  l'habitude 
et  le  goût,  de  manière  à  fuir  l'oisiveté,  mère  de  tous  les  vices,  et  à  éviter 
ainsi  les  désordres  dans  lesquels  tomberait  infailliblement  toute  cette 
jeunesse,  si  on  ne  prenait  soin  de  l'occuper  (désordres  que  nous  som- 
mes maintenant  sûrs  d'éviter)  ;  afin  qu'au  fur  et  à  mesure  qu'elle  arri- 
verait à  l'âge  adulte  cette  vaillante  et  belle  jeunesse  contribuât  par  le 
mariage  au  développement  d'une  saine  et  robuste  population.  » 

Kn  réalité,  la  population  de  San  Leucio,  qui,  en  1789,  avait  atteint 
le  chiffre  de  ^14  individus,  tendait  toujours  à  augmenter  :  au  point 
de  vue  physique,  bien  logée  et  bien  nourrie;  au  point  de  vue  éco- 
nomique, sûre  d'iivoir  un  travail  largement  rémunéré;  au  point  de  vue 
moral,  protégée,  favorisée  et  soutenue  par  le  roi,  elle  ne  pouvait 
manquer  de  progresser.  Outre  les  pères  et  les  mères,  on  faisait  travail- 
ler dans  les  manufactures  de  soie  beaucoup  d'enfants  de  l'un  et  de 
l'autre  sexe;  de  sorte  que,  dans  une  famille  ayant  des  enfants  en  âge 
d'être  de  bons  ouvriers,  le  gain  journalier  variait  entre  10  et  li!  carlins 
(1  carlin,  en  1789,  valait  O^ol),  c'est-à-dire  entre  o' \0  et  0^12.  Pour 
donner  un  plus  grand  développement  à  l'industrie  de  la  soie,  le  roi 
fit  agrandir  les  bâtiments  du  Belvédère  et  y  réunit  tout  le  matériel  et 
toutes  les  fabriques  qui  étaient  épars  dans  les  diverses  habitations 
(ce  fait  est  très  important  à  remarquer);  il  fit  bâtir  de  nouvelles  mai- 
sons pour  l'usage  des  jeunes  gens  qui  avaient  atteint  l'âge  de  se  ma- 
rier, et  pour  les  jeunes  gens  étrangers  qui  étaient  venus  se  fixer  à 
San  Leucio  ;  à  tous  il  donna  des  règles  ou  lois,  afin  que  chacun  pût  sa- 
voir (ce  sont  les  propres  paroles  de  Ferdinand  l'')  sur  quels  sentiers  H 
pouvait  en  sûreté  diriger  ses  pas,  et  en  même  temps  fût  en  état  d'appré- 
cier le  bonheur  de  sa  condition  et  d'en  connaître  la  source.  Sous  l'égido 
de  ces  règles  ou  lois,  la  p()[»ulation  se  déveloi>pa  rapidement;  en  IH2!>, 
elle  comptait  833  habitants,  et,  bion  (|ue  diminuée  de  moitié  par  le 
clioléra  de  1837,  en  18(»0  elle  atteignait  presque  le  chilIVc  d'un  mil- 
lier d'habitants.  fJrâce    à  des  lois  si   sages,  écrit  (iOllctta,    l'histo- 


ÉLÉMENTS    DIVERS   DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  367 

rien  du  royaume  de  Naples,  la    «  Colonie  »  prospéra  et  s'enrichit. 

Pendant  les  dix  années  d'occupation  française,  la  colonie  avait,  il 
est  vrai,  été  respectée,  mais  il  n'en  avait  pas  été  de  même  des  lois  édic- 
tées par  Ferdinand  I'"''  pour  son  gouvernement  '!^  18).  San  Leucio 
était  devenue  une  commune.  Au  retour  des  Bourbons,  la  colonie  reprit 
son  nom  primitif  et  continua  à  être  régie  par  la  loi  de  fondation  de  1789. 
En  1822,  elle  fut  dotée  par  Ferdinand  IV  du  domaine  du  «  Fazio  » 
(i;  13).  Elle  atteignit  son  apogée  sous  le  règne  de  Marie-Christine, 
qui  vivait  continuellement  au  milieu  des  colons  leuciens,  leur  pro- 
diguant sans  cesse  dons,  richesses  et  protection.  Mais,  après  la 
mort  de  Marie-Christine,  l'époque  de  la  décadence  commença  pour 
la  colonie,  qui  se  trouva  en  butte  aux  vexations  et  aux  tracasseries  du 
pouvoir,  et  à  celles  de  son  propre  curé.  L'aurore  de  1860,  qui  avait 
éveillé  les  espérances  des  Leuciens,  fut  funeste  à  la  colonie;  ce  fut  pré- 
cisément à  cette  époque  qu'elle  perdit  son  autonomie  et  qu'elle  devint, 
comme  bien  de  la  couronne,  l'objet  de  convoitises  et  de  spéculations, 
principalement  de  la  part  de  la  commune  voisine  de  Gaserte.  Mais  un 
décret  royal  du  26  mai  1866  rendit  à  la  colonie  opprimée  son  autono- 
mie; elle  fut  érigée  en  commune,  et  une  loi  du  26  août  1868  déclara 
la  commune  nue-propriétaire  de  toutes  les  maisons  d'habitation,  réser- 
vant le  droit  d'habitation  aux  habitants  actuels  et  à  leurs  héritiers;  il 
lui  fut  également  attribué  la  pleine  propriété  de  la  manufacture  de 
soie  et  de  tout  son  matériel.  La  commune,  pour  ne  pas  charger  son 
budget  des  dépenses  élevées  et  incertaines  qu'aurait  entraînées  l'en- 
tretien des  maisons,  en  abandonna  la  pleine  propriété  aux  usufruitiers, 
mais  elle  conserva  son  droit  de  propriété  sur  la  manufacture  de  soie. 

Aujourd'hui,  la  population  de  San  Leucio  dépasse  un  millier  d'habi- 
tants, et  son  budo:et  atteint  30.000  francs. 


l    18. 

SUR     LES   LOIS   DE    FERDINAND    I*"'"   DE   BOURBON    POUR    LE     «     BON   GOUVERNE- 
MENT   DE    LA    POPULATION    DE   SAN   LEUCIO    ». 

Semblable  à  un  père  qui  donne  des  instructions  à  ses  enfants  plutôt 
qu'à  un  législateur  qui  impose  ses  volontés  à  ses  sujets,  s'inspirantdes 
principaux  préceptes  de  la  loi  divine  qui  commandent  d'aimer  Dieu 
par-dessus  toutechoseetson  prochain  comme  soi-même,  Ferdinand P"" 
lit  pour  les  Leuciens  des  lois  spéciales  tirées  des  doctrines  libérales  de 


368  N"    70.    —   TISSEUR    DE    SAN    LEUCIO. 

Filangîeri  et  dominées  par  les  principes  de  régalité  absolue,  du  gou- 
vernement civil  et  même  de  l'élection  populaire.  Grâce  à  ces  lois,  la 
colonie  prospéra  et  s'enrichit,  et,  en  exhumant  le  texte  faussé  par  Col- 
letla  pour  le  faire  servir  au  but  servile  qu'il  se  proposait,  il  serait  utilr 
d'en  faire  ressortir  l'esprit;  d'autant  plus  que  ces  lois  ont  été  capricieu- 
sement appliquées  dans  un  pays,  comme  le  roj'aume  de  Naples ,  où 
l'arbitraire  et  la  faveur  avaient  plus  de  puissance  que  la  justice  et  la 
loi,  et  qu'elles  ont  été  faussement  interprétées  par  les  historiens  et  les 
économistes,  qui  ont  voulu  s'en  emparer  pour  démontrer  la  possibilité 
d'une  organisation  collectiviste.  Ces  lois  étaient  en  réalité  très  libérales, 
aussi  libérales  peut-être  que  celles  que  n'importe  quel  prince  cons- 
titutionnel serait  aujourd'hui  capable  de  donner  à  ses  sujets;  si  libé- 
rales, qu'elles  furent  comme  un  signe  avant-coureur  qui  fit  espérer 
aux  Napolitains  des  réformes  prochaines  et  une  organisation  nouvelle. 

On  y  trouve  d'abord  l'exposé  des  devoirs  négatifs  que  doivent  remplir 
ceux  qui  veulent  se  conformer  au  précepte  divin  :  «  Aime  ton  prochain 
comme  toi-même  ».  Ces  devoirs  consistent  dans  l'obligation  de  ne  nuire 
à  autrui,  ni  dans  sa  personne,  ni  dans  ses  biens,  ni  dans  son  honneur. 

«  //  est  interdit  de  nuire  à  auti'ui  dans  sa  personne.  —  Les  offenses  qui 
s'adressent  à  la  personne  sont  :  l'homicide,  les  blessures,  les  coups, 
le  mépris,  les  railleries,  les  injures,  et  tout  ce  qui  tend  à  violenter  et  à 
inquiéter  autrui,  de  quelque  manière  que  ce  soit.  Nul  de  vous  n'osera 
commettre  aucun  de  ces  actes...  Les  lois  veillent  attentivement  à  la 
répression  de  tous  ces  délits,  mais  elles  se  montreront  d'autant  plus 
sévères  envers  ceux  qui  pourront  se  commettre  dans  cette  société, 
qu'elle  a  pour  but  principal  l'amour  et  la  charité  et  qu'elle  doit  servir 
d'exemple  pour  l'éducation  du  peuple  en  général. 

«  Il  est  intrrdit  de  nuire  à  avtrui  dans  ses  biens.  —  On  nuit  à  autrui  dans 
ses  biens  toutes  les  fois  que,  soit  par  la  violence  soit  par  la  ruse,  on 
usurpe  ou  on  retient  injustement  le  bien  d'autrui.  Le  nom  de  voleur  est 
le  plus  infâme  et  le  plus  honteux  que  puisse  porter  un  homme.  Que 
chacun  se  garde  donc  bien  de  le  mériter  en  aucune  manière.  Dans  toute 
société,  les  voleurs  sont  condamnés  aux  peines  les  plus  sévères.  Dans 
celle-ci,  dont  l'honneur  et  la  vertu  forment  les  principaux  points  d'ap- 
pui, ils  seront  plus  rigoureusement  punis...  Qu'en  toute  chose,  chacun 
agisse  avec  droiture,  honnêteté  et  bonne  foi.  Que  la  parole  soit  le  lien 
le  plus  sacré  de  cette  société...  Que  celui  qui  a  fidèlement  servi  soit 
promptoment  payé,  et  que  nul  ne  refuse  ou  ne  diffère  de  lui  donner  le 
salaire  qui  lui  est  dû,  afin  de  ne  pas  être  cause  de  sa  ruine.  Kn  un  mot, 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE   LA   CONSTITUTION   SOCIALE.  369 

que  chacun  élève  dans  son  cœur  un  autel  à  la  justice  et  traite  son  pro- 
chain comme  il  voudrait  en  être  traité  lui-même. 

«  //  est  interdit  d'offenser  autrui  danssa  réputation.  —  La  réputation  est 
la  chose  la  plus  importante  et  la  plus  précieuse  que  puisse  posséder  un 
homme  d'honneur;  aussi  enlever  à  quelqu'un  sa  réputation  est  un  pire 
déht  que  de  l'offenser  dans  ses  biens  ou  dans  sa  personne...  Celui  qui 
se  rendra  coupable  d'un  tel  délit  sera  immédiatement  banni  de  cette 
société...    » 

Arrivant  à  l'exposé  des  devoirs  positifs,  la  loi  les  divise  en  devoirs  gé- 
néraux et  en  devoirs  particuliers,  suivant  qu'ils  ont  pour  objet  tous 
nos  semblables,  ou  seulement  et  individuellement  le  souverain,  ses 
ministres,  les  supérieurs,  les  ecclésiastiques,  les  époux,  les  parents, 
les  enfants,  les  frères,  les  bienfaiteurs,  les  personnes  plus  âgées,  les 
jeunes  gens  et  la  patrie.  L'exposé  des  devoirs  généraux  contient  les 
phrases  suivantes  :  «  Chacun  doit  faire  du  bien  à  son  semblable  alors 
même  qu'il  serait  son  ennemi  ».  —  «Dans  la  Colonie  il  n'y  a  pas 
d'autre  distinction  que  celle  du  mérite  ».  Il  se  termine  ainsi  :  «  Chaque 
fois  donc  que  se  présentera  l'occasion  de  venir  en  aide  àautrui,  saisissez- 
la,  et  ne  vous  laissez  pas  effrayer  par  les  ennuis  que  pourra  vous  cau- 
ser cette  bonne  action,  car  ils  seront  toujours  largement  compensés  par 
le  doux  et  pur  plaisir  qui  l'accompagne.  Le  précepte  qui  commande  à 
chacun  de  faire  du  bien  à  son  semblable  esl  une  conséquence  de  la  par- 
faite égalité  qu'il  a  plu  à  Dieu  d'établir  entre  les  hommes.  Il  les  a  faits 
tous  frères  par  leur  nature  et  a  voulu  qu'aucun  ne  commandât  aux 
autres.  Par  sa  grâce,  il  m'a  donné  la  lourde  charge  de  gouverner  ce 
royaume;  et,  en  vous  donnant  cette  loi,  je  n'ai  d'autre  intention  que  de 
me  conformer  à  ses  desseins  éternels... 

«  Puisque  vous  êtes  tous  artisans,  la  loi  que  je  vous  impose  est  celle 
d'une  parfaite  égalité.  Je  sais  que  tout  homme  est  porté  à  se  distinguer 
des  autres  et  qu'il  semble  qu'on  ne  puisse  pas  espérer  voir  régner  cette 
égalité  dans  des  temps  aussi  contraires  à  la  simplicité  et  à  la  nature. 
Mais  je  sais  aussi  combien  vaine  et  pernicieuse  est  la  distinction  qui 
procède  du  luxe  et  du  faste,  et  que  la  véritable  distinction  est  celle  que 
donne  le  mérite. 

«  La  pratique  de  la  vertu  et  l' habileté  dans  le  métier  doivent  être  lesseules 
marques  d'honneur  et  de  supériorité...  Qu'aucun  de  vous  donc  ne  pré- 
tende jamais  se  distinguer  des  autres,  s'il  n'a  pas  une  conduite  exem- 
plaire et  s'il  n'excelle  dans  son  métier.  Pour  éviter  la  rivalité  dans  le 
luxe  et  les  dépenses  de  ce  genre,  aussi  dangereuses  qu'inutiles,  je  veux 


370  N"    "9.    —    TISSEUR   DE    SAN    LEL'CIO. 

que  le  vêtement  soit  le  même  pour  tous  ;  que  la  propreté  et  l'ordre  soient 
extrêmes  sur  votre  personne,  afin  que  votre  extérieur  ait  la  décence 
qu'exigent  les  égards  et  le  respect  dus  aux  personnes  qui  daigneront 
venir  voir  vos  travaux;  que  l'ordre  soit  aussi  exactement  observé  dans 
vos  maisons,  afin  que  vous  puissiez  jouir  dune  parfaite  santé,  bien  si 
nécessaire  à  ceux  qui  vivent  du  travail  de  leurs  bras.   » 

Arrivant  à  l'exposé  des  devoirs  particulifrs,  la  loi  ordonne  :  à  l'égard 
des  souverains,  respect,  fidélité,  vénération;  à  légard  des  minisires, 
tous  les  actes  de  respect  et  d'obéissance  ([u'exige  l'autorité  publique. 

Le  mariage  est  soumis  aux  règles  suivantes  :  1°  «  Làge  du  jeune 
homme  ne  devra  pas  être  au-dessous  de  vingt  ans,  celui  de  la  jeune 
lilfe  au-dessous  de  seize.  Lorsque  ces  conditions  seront  réunies,  il  ne 
leur  sera  permis  de  faire  leurs  fiançailles  qu'autant  qu'ils  auront  obtenu, 
du  directeur  des  métiers  pour  le  jeune  homme,  et  de  la  directrice  pour 
la  jeune  fille,  un  certificat  constatant  qu'ils  connaissent  assez  leur  mé- 
tier pour  pouvoir  gagner  sûrement  leur  vie;  alors,  en  récompense  de 
leur  succès,  je  leur  concéderai  une  des  nouvelles  maisons  que  j'ai  fait 
construire  à  cette  intention,  avec  tout  ce  qui  est  nécessaire  pour  les 
commodités  de  la  vie,  ainsi  que  les  deux  métiers  qui  leur  permettront 
de  pourvoir  à  leur  entretien  journalier.  » 

Après  avoir  ensuite  réglé  les  formalités  relatives  à  la  célébration  des 
fiançailles  (>:;  13)  et  du  mariage,  le  roi  Ferdinand,  qui,  tout  envoûtant 
développer  la  population  de  sa  colonie,  se  sentait  le  devoir  de  doter 
dans  tous  les  cas  les  filles  de  ces  colons  qu'il  avait  attirés  à  San  Leucio 
par  la  promesse  de  leur  constituer  un  patrimoine,  édicté  les  disposi- 
tions suivantes  :  «  Le  but  de  cette  société  étant  que  tous  se  fixent  en 
ce  lieu,  afin  d'engager  les  jeunes  filles  à  y  rester,  celles  qui,  après  avoir 
appris  leur  métier,  voudront  se  marier  au  dehors  ne  recevront  en  dot 
que  .'JO  ducats  (2l:i'^5();  une  fois  donnés  :  dès  ce  moment  elles  seront 
considérées  comme  étrangères,  sans  espoir  d'être  jamais  admises  de 
nouveau  dans  la  colonie  »...  «  Lorsqu'un  jeune  homme,  habitant  ou 
travaillant  dans  la  colonie,  voudra  prendre  femme  au  dehors,  il  ne 
pourra  le  faire  qu'à  la  condition  que  la  jeune  fille  qu'il  veut  épouser 
apprenne  d'abord  le  métier  dans  cette  manufacture  ou  dans  une  autre; 
s'il  veut  absolument  épouser  une  étrangère  qui  n'ait  pas  de  métier 
en  main,  il  devra  aussitôt  quitter  la  colonie,  dont  il  ne  sera  plus  dé- 
sormais considéré  comme  membre  et  où  il  n'aura  plus  d'espoir  de 
pouvoir  jamais  rentrer.  » 

Avec  le  temps,  la  colonie,  grâce  aux  subventions  accordées  par  le 


ÉLÉMENTS   DIVERS    DE    LA    CUNSTITLTION    SOCIALE.  .'{71 

roi  à  chaque  colon  à  l'occasion  de  son  mariage,  deviendra  assez  peu- 
plée et  assex  riche  pour  pouvoir  se  passer  des  libéralités  du  souve- 
rain. De  là  la  disposition  suivante  :  «  L'esprit  et  l'àme  de  cette  so- 
ciété étant  l'égalité  entre  les  individus  qui  la  composent,  j'abolis  parmi 
eux  l'usage  de  la  dot,  et  je  déclare  que  les  libéralités  qu'ils  recevront 
de  moi  à  l'occasion  de  leur  mariage  ne  leur  seront  accordées  qu'à  titre 
de  récompense  pour  leur  habileté  professionnelle  et  leur  bonne  con- 
duite :  libéralités  qu'avec  l'aide  de  Dieu  je  leur  accorderai  jusqu'à  la 
quatrième  génération,  après  quoi  la  femme  apportera  seulement  en 
mariage  le  trousseau  nécessaire,  sa  part  devant  être  égale  aprèsla  mort 
de  ses  parents  à  celle  des  enfants  mâles,  ainsi  qu'il  sera  dit  ci-après.  » 

Des  époux.  —  Après  avoir  reconnu  dans  le  mari  le  chef  de  la  so- 
ciété conjugale  et  avoir  énuméré  les  devoirs  réciproques  des  époux , 
la  loi  conclut  ainsi  :  «  Je  prescris  et  ordonne  aux  maris  de  ne  point  se 
montrer  durs  ni  injustes  envers  leurs  femmes,  et  de  ne  point  leur  en- 
lever la  récompense  due  à  leur  vertu;  aux  femmes,  j'ordonne  de  se 
faire  aimer  par  leurs  maris,  et  d'être  leurs  fidèles  compagnes  dans 
leurs  peines  et  leurs  travaux,  afin  que  leur  vertu  attire  sur  le  lit  con- 
jugal les  bénédictions  du  ciel.  » 

Des  pères  de  famille.  — ...  «  A  vous  donc,  pères  de  famille,  j'ordonne 
de  bien  élever  vos  enfants.  Si  vous  leur  inspirez  de  bonne  heure  l'a- 
mour du  travail,  ils  se  rendront  utiles  à  eux-mêmes,  à  vous  et  à  leur 
pays;  s'ils  ont  appris  l'obéissance,  ils  vous  béniront;  si  vous  leur  en- 
seignez la  modestie  et  la  sobriété,  ils  n'auront  pas  à  rougir  d'eux- 
mêmes;  s'ils  exercent  la  reconnaissance  et  la  charité,  ils  s'attireront 
des  bienfaits  et  se  concilieront  l'affection  de  tous;  s'ils  pratiquent  la 
tempérance  et  la  sagesse,  ils  auront  à  la  fois  santé  et  richesse;  s'ils 
observent  la  justice  et  la  sincérité,  ils  seront  honorés  et  n'éprouveront 
point  de  remords.  De  tous  les  devoirs,  celui-ci  est  le  plus  important; 
c'est  parce  que  je  crois  que  de  son  accomplissement  dépendentnon  seu- 
lement la  paix  et  le  bien-être  des  familles,  mais  encore  la  prospérité  et 
la  félicité  de  l'Etat,  quejai  cru  devoir  y  prendre  une  part  importante.  » 

Pour  la  bonne  éducation  des  enfants,  le  roi  Ferdinand  institua  «  l'é- 
cole normale  (^  13)  »  ;  il  organisa  le  travail,  en  réglementa  le  système, 
la  durée  et  le  salaire,  et  créa  des  récompenses...  «  Dans  toutes  les 
manufactures  les  salaires  seront  fixes;  mais  les  apprentis,  garçons  ou 
tilles,  seront  augmentés  graduellement  et  arriveront  ainsi,  à  mesure 
qu'ils  se  perfectionneront  dans  leur  art,  jusqu'au  salaire  que  gagnent 
les  meilleurs  ouvriers,  nationaux  ou  étrangers.  Parvenus  à  ce  résultat. 


372  N°    79.    —   TISSELR    DE    SAN   LEL'CIO. 

s'ils  sont  capables  de  porter  leurs  œuvres  à  un  plus  haut  degré  de 
perfection  et  de  beauté,  ils  prendront  part  à  des  concours  :  celui  ou 
celle  dont  le  travail  sera  jugé  le  plus  beau,  le  plus  exact  et  le  plus 
parfait,  recevra  comme  récompense  une  médaille  d'argent,  ou  quel- 
quefois d'or,  qu'il  pourra  porter  sur  la  poitrine;  à  l'église,  les  vain- 
queurs du  concours  auront  le  privilège  de  s'asseoir,  par  rang  d'ancien- 
neté, sur  le  Banc  du  mérite,  qui  leur  sera  spécialement  réservé  au  côté 
gauche  de  l'autel...  Vos  fils  pourront  un  jour  hériter  légitimement  de 
ce  que  vous  aurez  honorablement  amassé  par  vos  sueurs.  Et  en  cela 
encore  je  veux  que  vous  vous  distinguiez  du  reste  de  mes  peuples.  » 

Arrivant  alors  à  la  matière  des  successions,  le  roi  s'exprime  ainsi  : 
«  Je  veux  et  ordonne  qu'il  n'y  ait  point  parmi  vous  de  testaments,  ni 
aucune  des  conséquences  légales  qui  en  dérivent.  Que  la  seule  justice 
et  l'équité  naturelle  soient  le  flambeau  et  le  guide  de  toutes  vos  actions. 
Les  enfants  succéderont  aux  parents  et  les  parents  aux  enfants.  Les 
collatéraux  viendront  ensuite,  mais  seulement  ceux,  du  premier  degré. 
A  défaut  de  collatéraux,  la  femme  succédera,  mais  en  usufruit  seule- 
ment et  pour  le  temps  seulement  où  elle  restera  veuve.  A  défaut  d'hé- 
ritiers, les  biens  du  défunt  seront  acquis  à  la  Caisse  des  orphelins... 
Les  enfants  succéderont  par  parts  égales  à  leurs  ascendants  ;  les 
femmes  ne  seront  point  exclues  de  la  succession  paternelle,  même  s'il 
y  a  des  enfants  mâles.  » 

Après  avoir  successivement  exposé  les  devoirs  des  fils  de  famille, 
des  frères,  des  élèves,  de  ceux  qui  ont  reçu  des  bienfaits^  des  jeunes 
gens,  des  vieillards,  le  roi  ordonne  que  lorsqu'une  ollense  a -été  com- 
mise, en  quelque  manière  et  par  qui  que  ce  soit,  on  en  avertisse  im- 
médiatement les  «  anciens  du  peuple  »,  qui  en  référeront  au  besoin  au 
Eoi;  celui-ci  se  réservera  le  droit  de  bannir  de  la  colonie  ceux  qui 
sont  irrespectueux  pour  leurs  parents,  (|ui  haïssent  leurs  frères,  qui 
se  montrent  ingrats  envers  leurs  maîtres,  ou  qui  manquent  de  respect  b. 
leurs  bienfaiteurs  ou  aux  vieillards. 

«  Les  Anciens  du  peuple,  dit  la  loi,  seront  choisis  chaque  année  le 
jour  de  San  Leucio,  au  nombre  de  cinq,  parmi  les  vieillards  les  plus 
sages,  les  plus  justes,  les  plus  réfléchis  et  les  plus  prudents.  Sans 
aucun  appareil  judiciaire,  ces  vieillards,  sous  le  nom  de  Pacificateurs^ 
ou  d'Anciens  du  peuple,  trancheront,  de  concert  avec  le  curé,  tous  les 
différends  d'ordre  civil  ou  prolV-ssionnel,  et  cela  sans  appel;  ils  pour- 
voiront à  l'approvisionnement,  exerceront  une  surveillance  sévère 
sur  les  mœurs  des  membres  de  la  colonie,  sur  leur  assiduité  au  tra- 


ÉLÉMENTS   DIVERS    DE    LA   CONSTITUTION    SOCIALt:.  .373 

vail  et  sur  l'exact  accomplissement  par  chacun  de  ses  devoirs  parti- 
culiers; ils  prendront  occasion  de  la  visite  qu'ils  devront  faire  chaque 
jour  aux  malades  avec  le  médecin,  pour  informer  le  roi  de  la  nature 
des  maladies  prédominantes  et  des  secours  extraordinaires  dont  les 
malades  pourront  avoir  besoin;  ils  veilleront  à  ce  que  les  maisons 
soient  tenues  avec  ordre  et  propreté,  et  ils  auront  soin  de  rendre  un 
compte  exact  des  étrangers  qui  arriveront  dans  la  localité  et  devront 
y  passer  la  nuit,  en  indiquant  pour  quel  motif  ils  sont  venus,  dans 
quelle  maison  ils  habitent  et  pour  combien  de  temps. 

«  L'élection  des  susdits  Anciens  sera  faite  par  l'assemblée  de  tous 
les  chefs  de  famille  (premier  exemple  véritable  de  suffrage  universel),... 
dans  le  salon  du  Belvédère,  au  scrutin  secret  et  à  la  majorité  des 
voix,  toujours  sous  la  présidence  du  curé.  Il  me  sera  rendu  immédiate- 
ment compte  du  résultat  de  l'élection  pour  en  obtenir  la  confirmation, 
et,  après  cette  confirmation,  les  élus  pourront  jouir  de  la  distinction 
honorifique  de  siéger  à  l'Église  sur  l'autre  banc  du  mérite  situé  en 
face  de  celui  des  jeunes  gens,  du  cùté  droit  de  l'autel.  » 

Après  avoir  ensuite  institué  la  «  Maison  des  malades  »,  donné  les 
règles  pour  l'inoculation  du  vaccin,  fondé  la  «  Caisse  de  charité  » 
pour  pourvoir  aux  besoins  des  ouvriers  pauvres,  le  roi  ajoute  :  «  Les 
obsèques  seront  simples,  pieuses  et  sans  distinctions  ...  Il  n'y  aura 
pas  de  deuil  ;  à  la  mort  des  parents  et  des  époux,  pour  s'acquitter 
envers  le  défunt  d'un  dernier  devoir,  il  sera  seulement  permis  à  la 
tendresse  des  enfants,  des  femmes  et  des  maris,  de  porter  un  signe 
de  deuil,  qui  sera  un  crêpe  au  bras  pour  les  hommes  et  un  fichu  noir 
au  cou  pour  les  femmes  :  ce  signe  de  deuil  ne  se  portera  pas  plus 
(le  deux  mois.  » 

De  la  Patrie.  —  Après  avoir  montré  comment  les  colons  ouvriers 
ont  un  devoir  plus  étroit  et  plus  particulier  de  défendre  la  patrie,  Fer- 
dinand P'"  s'exprime  ainsi  :  «  Au  lieu  de  rester  oisifs  les  jours  de  fête, 
et  de  vous  exposer  aux  dangers  oîi  conduit  l'oisiveté,  vous  irez,  après 
avoir  sanctifié  la  fête  et  rempli  vos  devoirs  particuliers,  et  après  avoir 
en  temps  voulu  livré  votre  travail  pour  en  recevoir  le  salaire,  vous 
irez,  dis-je,  vous  exercer  au  maniement  des  armes...  Vous  devez  aussi 
honorer  votre  patrie  en  temps  de  paix.  De  même  que  les  fleurs  com- 
posent par  leur  variété  une  riche  parure  à  la  prairie  verdoyante,  ainsi 
vous  devez  vous  efforcer  de  lui  rendre,  au  moyen  de  vos  ouvrages,  le 
lustre  et  la  splendeur  qui  ont  excité  jadis  l'envie  de  l'Europe  entière.  » 

La  disposition  qui  concerne  les  emplois  est  empreinte  d'un  grand 

37 


374  N"    79.    —    TISSKUK    DE    SAN    LELT.IO. 

esprit  de  libéralisme  et  d'humanité.  «  Toujours  soucieux  de  vous  fa- 
voriser, j'assure  à  tous  les  habitants  de  San  Leucio  qu'ils  seront  tou- 
jours appelés,  à  l'exclusion  des  étrangers,  pour  occuper  les  emplois 
qui  deviendront  vacants  dans  la  localité,  la  préférence  étant  d'ailleurs 
toujours  donnée  au  plus  habile,  au  plus  capable  et  à  celui  dont  la 
conduite  sera  la  meilleure.  Le  nouvel  employé  n'aura  que  la  moitié  du 
salaire  du  défunt,  lorsque  celui-ci  laissera  une  veuve  (avec  des  enfants 
n'étant  pas  encore  en  âge  de  gagner  leur  vie  i  ;  l'autre  moitié  sera  don- 
née à  la  veuve.  Si  la  veuve  reste  seule,  ou  avec  deux  enfants  au  moins 
gagnant  chacun  deux  carlins  par  jour  (C^  8')),  elle  naura  qu'un  tiers 
du  salaire  et  le  reste  sera  acquis  au  nouvel  employé,  qui  aura  droit  au 
salaire  entier  à  la  mort  de  la  veuve.  » 

La  série  des  sanctions  contenant  le  détail  des  peines  portées  contre 
les  transgresseurs  de  la  loi  se  termine  par  cette  affirmation  :  «  Telle 
est  la  loi  (]ue  je  vous  donne  pour  la  bonne  conduite  de  votre  vie.  Ob- 
servez-la et  vous  serez  heureux.  » 

I!  existe  dans  l'ouvrage  de  l'historien  Colletta,  intitulé  Histoire  du 
royaume  de  Naples  (livre  II,  ch.  ii,  n"  2.'i),  une  page  dans  laquelle 
l'auteur,  pour  plier  les  faits  à  sa  thèse,  résume,  article  par  article, 
les  dispositions  exposées  plus  haut,  mais  en  présentant  sa  propre 
rédaction  de  telle  manière  qu'on  a  pu  croire  qu'il  reproduisait  le  texte 
même  de  la  loi;  induits  en  erreur  par  ce  passage,  et  croyant  de 
honne  foi  aux  affirmations  des  historiens  qui  ont  copié  ou  cité  Colletta, 
les  économistes  et  les  sociologues  ont  parlé  de  la  colonie  de  San 
Leucio  comme  du  type  de  la  société  communiste  selon  les  uns,  et 
collectiviste  selon  les  autres.  Sans  parler  de  la  confusion  que  beau- 
coup d'auteurs  font  entre  le  communisme  et  le  collectivisme,  mon- 
trant ainsi  qu'ils  n'ont  pas  une  notion  scientiûque  exacte  de  l'un  et 
de  l'autre  système  (1),  nous  pourrions  dire  que  les  uns  et  les  autres 
se  sont  complètement  trompés.  La  colonie  de  San  Leucio  était  une 
société  exclusivement  individualiste,  rigoureusement  basée  sur  les 
principes  essenliels  de  l'individualismo,  c'est-à-dire  sur  le  principe 
de  la  liberté  et  celui  de  la  ipspdnsabilité,  fondements  de  la  propriét»'- 
individuelle  et  de  la  famille  monogame.  Ces  institutions  éminemment 
civiles  se  trouvaient  harmonisées  et  maintenues  dans  de  justes  limites 
par  la  fraternité,  par  l'esprit  de  travail  intelligent  et  d'égalité  dont 
chacun  avait  le  devoir  de  donner  lexemplc. 

(Il  \i>ir  iif)lri'  liii\;iil  iliiiis  la  Itevue  d'vcotiomie  politique,  Vl»  aniiôc,  n"'  -2  et  ">. 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DR  LA    CÙNSTITLTION    SOCLVLE.  .'{75 

Les  lois  particulières  qui  régissaient  la  colonie,  aussi  bien  que  l'aide 
et  la  protection  royales  dont  elle  bénéficiait,  lui  donnaient  une  situa- 
tion privilégiée  au  milieu  des  autres  populations  du  royaume;  mais 
nulle  part  aussi  le  bon  plaisir  d'un  prince,  ù  la  fois  législateur  et  dis- 
pensateur des  salaires,  ne  se  donna  plus  librement  carrière;  c'était 
l'application  pure  et  simple  de  la  maxime  :  sic  volo,  sic  jubeo.  Ceci 
sulïirait  à  affirmer  que  cette  société  ne  pouvait  présenter  ù  aucun  de- 
gré un  caractère  communiste. 

En  18G0,  San  Leucio  perdit  ses  privilèges.  A  partir  de  1868,  commune 
et  habitants  rentrèrent  sous  l'application  du  droit  commun,  tant  pu- 
blic que  privé,  du  royaume  d'Italie. 

g  19. 

SIR    l'lXDUSTRH-:    de    la    soie    a    SAN    LEL'CIO    ET    EX   ITALIE. 

De  ce  que  nous  avons  exposé  précédemment,  il  résulte  clairement 
que  l'industrie  de  la  soie  à  San  Leucio  a  plus  d'un  siècle  d'existence 
et  qu'elle  constitue  le  travail  principal  des  habitants  de  cette  localité, 
dont  la  plus  grande  partie  est  groupée  en  familles  exclusivement 
adonnées  à  l'industrie  de  la  soie  (§  1).  Les  produits  des  manufactures 
de  San  Leucio,  auxquels  les  tentures  des  palais  de  Caserte  et  de  Na- 
ples  valurent  au  commencement  de  ce  siècle  une  grande  réputation, 
sont  toujours  appréciées  et  très  recherchées  sur  tous  les  marchés 
(l'Italie;  quelques-uns,  comme  couvertures  de  lits,  étoffes  de  tentu- 
res, tissus  pour  ombrelles  et  parapluies,  sont  même  recherchés  sur  les 
marchés  étrangers.  Le  roi  Ferdinand  avait  appelé  à  San  Leucio  les 
meilleurs  ouvriers  toscans,  lombards,  français  et  flamands,  et  il  ne 
négligea  aucun  soin  pour  faire,  avec  le  temps,  de  tous  les  colons,  des 
ouvriers  d'une  habileté  consommée,  habileté  que  les  générations  suc- 
cessives ont  su  conserver  et  se  transmettre. 

San  Leucio  est  actuellement,  au  point  de  vue  de  l'industrie  de  la 
soie,  le  centre  le  plus  important,  non^seulement  de  la  province  de  Ca- 
serte, mais  encore  de  toute  l'Italie  méridionale.  Cette  industrie  y  est 
exercée  par  la  maison  OfTritelli,  Pascal  et  C'",  à  laquelle  est  louée  la 
grande  fabrique  de  fondation  royale,  aujourd'hui  propriété  de  la 
commune;  et  par  les  maisons  Leopoido  de  Negri  et  Falchi  Luigi,  qui 
font  travailler  à  domicile.  Le  tableau  suivant  contient  des  rensei- 
gnements pris,  le  22  avril  1892,  sur  la  filature,  le  moulinage  et  le 
lissage  do  la  soie  à  San  Leucio. 


376 


.N"    79.    —    TISSELR    DE    SAN    LEICIO. 


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ÉLÉMENTS   DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  377 

Ces  chiffres  sont  inférieurs  à  ceux  qui  résultent  de  la  monographie 
industrielle  de  la  province  de  Gaserte.  Le  nombre  des  ouvriers  est  en 
diminution  sur  ce  qu'il  était  en  1888  et  en  1890,  d'après  les  mono- 
graphies spéciales  (1);  pour  les  ateliers  OnVitelli,  la  diminution  est 
de  131  sur  les  chiffres  de  1888,  de  199  sur  ceux  de  1890.  Cette 
diminution  est  due  par-dessus  tout  à  la  crise  économique  générale  qui 
se  fait  sentir  partout  en  Italie,  et  en  particulier  à  la  crise  de  l'in- 
dustrie de  la  soie  qui  s'est  accentuée  depuis  la  faillite  de  la  Banque 
d'escompte  et  des  soies  de  Turin  ;  elle  est  due  aussi  aux  change- 
ments survenus  dans  la  politique  douanière. 

Le  tableau  suivant  présente  un  relevé  très  exact,  par  âge  et  par  sexe, 
des  ouvriers  employés  dans  la  maison  Offritelli  et  Pascal  ;  il  a  été  dressé 
grâce  à  un  état  des  individus  vaccinés  conservé  dans  les  archives  de 
la  commune. 


1)  Voir  Annales  de  statistique .  S.  iv,  31;  Statistique  industrielle,  fasc.  XVI;  Notes  sur 
la  sitiKition  industrielle  de  la  province  de  Caserte,  Rome,  typ.  Eredi  Botta,  1889;  et  fasc. 
XXXVII  :  L'Industrie  de  la  soie  en  Italie,  p.  SO,  70  et  o:;. 


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N"    70.    —    TISSEUR    DK   PAN    LEICIO. 


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ÉLÉMENTS    DIVERS    DE    L\    CONSTITUTION    SOCIALE.  3"9 

Sur  ces  517  ouvriers,  31,91  %  étaient  âgés  de  moins  de  15  ans; 
i2,94  %  avaient  de  10  à  25  ans,  et  25,15  %  seulement  avaient 
dépassé  25  ans.  Le  plus  fort  contingent  ouvrier  est  donc  fourni  par 
des  jeunes  gens  au-dessous  de  25  ans.  A  partir  de  25  ans,  le  nom- 
bre des  femmes  diminue  beaucoup,  ce  qui  signilie  qu'entre' 20  et  25  ans 
la  plus  grande  partie  des  ouvrières  cesse  d'appartenir  à  la  manufac- 
ture de  soie;  de  25  à  35  ans,  le  nombre  des  femmes  varie  entre  10 
et  2,  et  ce  dernier  chiffre  reste  presque  constant  parmi  les  ouvriers 
de  36  à  75  ans.  Il  semble  d'ailleurs  naturel  qu'il  en  soit  ainsi  :  la 
plus  grande  partie  des  femmes  restent  à  la  manufacture  jusqu'à 
leur  mariage;  quant  aux  hommes,  une  fois  maîtres  d'eux-mêmes 
ou  revenus  du  service  militaire,  ils  ressentent  la  tentation  du  grand 
centre,  et,  attirés  par  la  séduction  de  salaires  plus  élevés,  ils  émi- 
grent.  Il  ne  reste  à  San  Leucio  que  ceux  chez  qui  le  sentiment 
de  la  famille  est  le  plus  vif  et  qui  ne  veulent  pas  s'éloigner  des 
leurs,  ou  bien  les  ouvriers  d'une  habileté  renommée.  Nous  examine- 
rons plus  loin  leur  courbe  de  stabilité  dans  la  manufacture  (§  21),  ce 
qui  a  une  grande  unportance  pour  apprécier  le  patronage  exercé  par 
les  chefs  d'industrie. 

Mais  l'industrie  de  la  soie  à  San  Leucio  n'est  qu'une  partie  de  la 
grande  industrie  de  la  soie  en  Italie;  c'est  peut-être  la  partie  la  plus 
importante  pour  son  ancienneté  et  pour  la  qualité  des  produits,  mais 
non  pour  la  quantité,  ni  pour  les  institutions  économiques,  commer- 
ciales ou  de  prévoyance,  auxquelles  elle  donne  naissance. 

Parmi  les  industries  textiles,  la  fabrication  de  la  soie  est  celle  qui 
a  pris  le  plus  grand  développement  en  Italie  :  elle  comprend  tout, 
depuis  la  production  des  cocons,  jusqu'à  la  fabrication  des  tissus  les 
plus  fins,    les  plus  artistiques   et  les  plus  recherchés. 

En  1H88,  le  nombre  approximatif  des  éleveurs  de  vers  à  soie  était 
indiqué  dans  le  tableau  suivant  par  la  direction  générale  de  la  statis- 
tique : 


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ÉLÉMENTS    DIVEHS    DE    LX    CONSTITUTION    SOCIALE.  381 

En  1890.  les  éleveurs  étaient  au  nombre  de  .■)8a.350  et  l'élevage  se 
pratifiuait  dans  o.^iO  communes. 

La  prodiiclion  des  cocons  en  1890  se  chiiïrait  par  40.774.410  kilo- 
grammes, ce  qui,  au  prix  de  40' 58  par  inyriagramme,  représente  une 
valeur  commerciale  de  105.46^.555^78.  Cette  production,  comparée  à 
celle  des  autres  pays  du  monde,  assigne  à  l'Italie  le  second  rang, 
puisqu'elle  n'est  surpassée  que  par  la  Chine  qui  produit  annuellement 
120  millions  de  kilogrammes.  Ce  qui  favorise  l'industrie  de  la  soie  en 
Italie,  c'est  particulièrement  la  bonne  qualité  de  la  graine  indigène, 
(pii  entre  dans  une  proportion  de  plus  en  plus  grande  dans  la  pro- 
duction des  cocons  ;  elle  est  aussi  favorisée  par  les  perfectionne- 
ments nombreux  et  considérables  introduits  depuis  peu  dans  les 
ateliers  de  filature  et  de  moulinage.  dans  le  but  de  simplifier  les  opé- 
rations techniques,  de  diminuer  les  frais  et  d'augmenter  la  produc- 
tion. Dans  les  filatures,  on  a  adopté  des  étuves  pour  rétouflage  des 
cocons,  avec  un  système  de  circulation  d'air  chaud  au  lieu  de  va- 
peur d'eau  ;  au  feu  direct  employé  autrefois  pour  chauffer  l'eau 
des  bassines,  on  a  substitué  la  vapeur;  pour  le  débourrage  et  le  bat- 
tage des  cocons,  on  emploie  des  ouvrières  spéciales  que  l'on  a' 
même  remplacées  par  des  batteuses  mécaniques;  l'eau  dans  laquelle 
les  cocons  doivent  être  filés  est  d'abord  filtrée;  on  emploie  des  ap- 
pareils spéciaux  pour  baigner  complètement  les  cocons  dans  l'eau 
bouillante  avant  le  battage  ;  les  volets  (guindres,  dévidoirs)  sont  ren- 
fermés dans  des  espaces  vitrés  oCi  circule  l'air  chaud;  on  a  remplacé 
le  système  de  la  taveletle  à  un  bout  par  celui  de  la  chambon  à 
:2  bouts. 

Les  flottes  (écheveaux)  se  composent  d'un  fil  non  interrompu;  on  a 
diminué  le  diamètre  des  volets  sur  lesquels  la  soie  s'enroule,  et 
quelquefois  le  volet  est  remplacé  par  un  roquet  pour  recevoir  la  soie; 
enfin  tous  les  locaux  ont  été  adaptés  au  travail  d'hiver  et  mis  dans  de 
bonnes  conditions  de  ventilation.  En  ce  qui  concerne  le  moulinage, 
une  chose  digne  de  remarque  est  l'utilisation  meilleure  des  forces 
motrices  :  un  seul  moteur  sert  pour  tout  l'atelier,  tandis  qu'aupara- 
vant on  employait  plusieurs  moteurs  plus  faibles;  on  a  apporté  plus 
de  soins  à  la  construction  des  machines  destinées  à  dévider  la  soie  des 
écheveaux,  à  l'enrouler  sur  les  roquets  (dévidoirs),  à  nettoyer  la  soie 
(purgeoirs),  à  réunir  deux  ou  plusieurs  fils  en  un  seul  (doubloirs); 
on  a  remplacé  les  anciennes  machines  de  forme  ronde,  servant,  soit 
à  tordre  le  fil  simple  sur  lui-même  (filage),  soit  à   tordre  plusieurs 


382  N"    79.    —    TISSEUH    DE    SAN    LELT.IO. 

fils  ensemble  l'organsinagc  ou  torsj,  par  de  nouvelles  macliiues  à  fu- 
seaux, reclilignes  (système  anglais)  ou  ovales  (système  francaisi. 
de  manière  à  mieux  utiliser  l'espace  ou  la  force  motrice,  et  à  impri- 
mer aux  fuseaux  un  mouvement  beaucoup  plus  rapide  (3  à  5.000  tours 
à  la  minute  au  lieu  de  1.000  à  l.-'^iOO.) 

La  filature  et  le  moulinage  de  la  soie  sont  des  industries  complète- 
ment acclimatées  en  Italie  :  elles  ne  dépendent  point  de  l'étranger, 
pas  même  pour  la  fourniture  des  machines.  I^e  commerce  de  la  soie, 
dans  les  statistiques  de  l'exportation,  figure  toujours  en  première  li- 
gne. Kn  ISÎ)0(  l),  il  a  été  exporté  (2)  pour  325.797.21  i  francs  de  soie 
sur  un  chiffre  total  d'exportation  de  1,023.421.58:2  francs.  I/indus- 
trie  de  la  soie,  qui  se  rattache  par  un  lien  nécessaire  à  l'agricul- 
ture, utilise  des  capitaux  considérables  et  fait  vivre  un  très  grand 
nombre  de  travailleurs.  M.  le  commandeur  Bodio,  directeur  général 
de  la  statistique  du  royaume,  a  calculé  qu'en  1890  on  a  employé 
dans  les  ateliers  de  fabrication  de  la  soie  environ  175.000  personnes, 
sur  lesquelles  neuf  dixièmes  étaient  des  femmes  et  des  jeunes  filles. 
La  prospérité  de  cette  industrie  se  fait  sentir  immédiatement  dans 
le  pays,  de  même  que  les  crises  qui  l'atteignent  ont  leur  contre-coup 
partout. 

A  la  fin  de  l'année  1890,  on  comptait  pour  la  filature  de  la  soie 
l.i05  ateliers  avec  i8,950  bassines  à  vapeur  et  5,032  à  feu  direct;  cette 
branche  de  l'industrie  occupait  99,391  ouvriers  des  deux  sexes. 

Pour  le  moulinage,  il  y  avait,  à  la  fin  de  la  même  année,  '«87  ate- 
liers avec  1.501.137  fuseaux,  occupant  49.28(1  ouvriers  des  deux 
sexes. 

La  production  de  la  soie  grège,  de  18()3  à  J890,  en  prenant  pour 
base  du  calcul  la  production  nationale  et  le  mouvement  commercial 
des  cocons,  s'est  élevée  de  3.075.810  kilogrammes  (production  de  1803) 
à  3.008.539  kilogrammes  (production  de  1890).  Le  commerce  des  soies 
grèges  a  fait  des  progrès  considérables  :  on  en  importait  1.257. 410  ki- 
logrammes en  1803  et  8-45.900  kilogrammes  en  1890;  en  1803,  on  en  a 
exp(jrté  2.004.895  kilogrammes,  et,  en  1890,  4.781.300  kil(»grammes. 
La  production  de  soie  grège  pour  l'année  1890,  comparée  îi  celle  des 
autres  pays,  donne  à  l'Italie  le  socond  rang.  La  Chine  arrive  en  pre- 
mière ligne  avec  3.903.000  kilogrammes. 

Les  produits  des  cascami  (déchets  de  soie)  en  Italie,  en  1881,  année 

(I)  Voir  Aiiiialrs  île  slalistiijxe,  18S!i-!k»,  p.  ',:,l. 
(■i)  Voir  iiirincs  Annales,  p.  (;s7. 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  .'$83 

OÙ  ils  ont  commencé  à  former  une  branche  d'industrie  à  part,  repré- 
sentaient une  valeur  de  30.000.000  de  francs.  Cette  industrie  avait  fait 
son  apparition  chez  nous  en  18G8,et  la  maison  Marini  et  C'%  de  Venise, 
a  beaucoup  contribué  à  son  succès.  Aujourd'hui,  le  cardage  et  la  fila- 
ture des  déchets  forment  une  industrie  importante  qui  occupe  17  manu- 
factures, avec  339  machines  pour  le  cardage  et  33.712  fuseaux  pour  la 
filature;  on  y  emploie  3.465  ouvriers. 

L'industrie  du  tissage  n'est  pas  assez  développée;  et,  bien  que  dans 
ces  dernières  années  on  puisse  constater  un  progrès  (dû  en  grande 
partie  aux  écoles  fondées  pour  l'enseignement  du  tissage  et  du  dessin 
appliqué  à  l'industrie),  il  est  certain  que  beaucoup  de  tissus  étran- 
gers se  distinguent  par  une  plus  grande  richesse  et  une  plus  grande 
variété  de  dessin.  La  manufacture  de  San  Leucio  occupe  le  premier 
rang  parmi  les  manufactures  italiennes  pour  la  qualité  des  produits, 
et  parmi  les  manufactures  européennes  pour  la  sûreté  de   son  crédit. 

Le  tissage  de  la  soie  occupait,  en  1890,  14.949  métiers,  dont  2.335 
mécaniques,  10.823  ordinaires  à  bras,  et  1.591  système  Jacquard; 
ces  métiers  étaient  actionnés  par  20.214  ouvriers  des  deux  sexes. 

Le  tableau  suivant  reproduit  avec  plus  de  détails  les  données  pré- 
cédentes. 


384 


N"  79. 


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ÉLÉMKiN'ïS    DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  385 

En  1890,  le  nombre  des  ouvriers  occupés  à  San  I.eucio  représentait, 
par  rapport  au  nombre  total  des  ouvriers  employés  aux  mêmes  in- 
dustries en  Italie,  I/tt)  "/„„  pour  la  tîlature,  o,67  7.,o  pour  le  mouli- 
nage,  et  18  7„o  pour  le  tissage  de  la  soie. 

Pour  la  teinture  de  la  soie,  San  Leucio  tient  également  le  premier 
rang.  On  sait  que  l'art  de  teindre  la  soie  en  noir  est  d'origine  italienne. 
Les  vicissitudes  par  lesquelles  est  passée  l'industrie  de  la  soie  avaient 
fait  émigrer  l'art  de  la  teinture,  si  bien  qu'il  y  a  peu  de  temps  encore 
on  expédiait  nos  soies  à  Lyon  pour  les  faire  teindre.  Depuis  quelques 
années,  nos  industriels  ont  introduit  de  grands  perfectionnements  dans 
la  teinture  en  noir  de  la  soie.  A  San  Leucio,  la  section  de  la  teinture 
(en  toutes  les  couleurs)  est  dirigée  par  un  des  frères  Pascal,  l'un  des 
industriels  les  plus  habiles  dans  l'art  de  teindre.  De  là  la  réputation 
de  la  teinturerie  OfTritelli  et  Pascal,  qui  est  annexée  à  la  fabrique  de 
tissus,  et  qui  surpasse  même  la  «  Société  anonyme  cômoise  de  teinture 
et  d'apprêtage  »  de  Cùme. 


l  20. 

SUR  l'gRGANIS.^TION   industrielle   a    SAN   LEUCIO    ET    DANS   LA    FILATURE 
OFFRITELLI    ET    PASCAL. 

Ainsi  qu'il  a  été  dit  plus  haut,  l'industrie  de  la  soie  est  exercée 
à  San  Leucio  par  les  maisons  Offritelli,  Pascal  et  G"',  de  Negri  et* 
Falchi.  Le  travail  de  ces  deux  dernières  maisons  consiste  dans  le 
tissage  à  domicile  de  soies  entièrement  filées  et,  pour  la  plus  grande 
partie,  moulinées  dans  la  maison  OfTritelli  et  Pascal.  L'industrie  do- 
mestique, indépendante  de  ces  maisons,  forme  un  accessoire  de  la 
grande  industrie  et  se  restreint  aux  opérations  spéciales  du  mouli- 
nage,  du  dévidage  ou  du  bobinage.  Elle  se  pratique  d'une  façon 
irréguhère,  suivant  les  besoins  des  industriels.  Elle  occupe  surtout 
les  femmes  dans  leur  ménage  et  les  jeunes  filles.  Le  tissage  existe  aussi 
comme  industrie  domestique,  souvent  subventionnée,  pratiquée  par 
des  hommes  et  des  femmes;  cette  industrie  occupe  18  familles  qui 
trouvent  du  travail  pendant  presque  toute  l'année.  Ceux  qui  se  livrent 
à  ce  travail  gagnent,  à  peu  d'exceptions  près,  ce  qu'ils  gagneraient 
dans  une  manufacture.  Ils  fabriquent  surtout  des  étoffes  unies,  comme 


380  N"    79.    —   TISSEIR   DE   SAN    LEICIO. 

des  tissus  pour  ombrelles,  du  salin  blanc  ou  de  couleur,  de  la  dou- 
blure pour  les  tailleurs,  des  parements,  des  foulards,  etc.  Ils  se  servent 
de  métiers  à  bras. 

La  seule  manufacture  organisée  est  celle  qui  est  dirigée  par  MM.  Of- 
fritelli  et  Pascal.  Ce  grand  établissement  industriel  occupe  tout  le 
clmteau  royal  du  Belvédère,  qui  comprend  187  salles,  et  le  bâtiment 
annexe,  qui  en  contient  59.  Il  y  a  d'autres  locaux  accessoires  dans  les 
grands  bâtiments  appelés  la  '<  Trattoria  »  et  la  «  Vaccheria  »,  autre- 
fois destinés  à  fabriquer  de  la  toile.  On  y  fait  toutes  les  opérations  qui 
concernent  la  filature,  lemouliuage,  la  teinture,  le  dévidage,  le  retor- 
dage, l'ourdissage,  le  tissage  et  toutes  les  opérations  accessoires.  Le 
travail  est  fait  par  des  hommes  et  par  des  femmes,  adultes  et  mineurs  ; 
les  opérations  de  filature,  de  moulinage,  de  dévidage  et  d'ourdissage 
sont  exclusivement  réservées  aux  femmes;  les  salles  et  les  galeries 
où  travaillent  les  femmes  sont  séparées  de  celles  où  travaillent  les 
hommes,  et,  pendant  les  heures  de  travail,  l'accès  des  salles  des 
femmes  est  interdit  aux  hommes,  même  non  ouvriers,  à  moins  d'une 
permission  du  directeur.  Sauf  les  ouvriers  tisseurs  qui  généralement 
travaillent  neuf  heures,  avec  une  heure  d'intervalle  entre  les  cinq  pre- 
mières et  les  quatre  dernières,  tous  les  autres  ouvriers  et  ouvrières 
travaillent  onze  heures,  en  deux  séances  de  six  et  de  cinq  heures,  sé- 
parées par  une  heure  de  repos  :  ce  repos  se  prend  ordinairement  entre 
onze  heures  et  midi,  ou  entre  midi  et  une  heure,  suivant  la  saison 
et  l'heure  à  laquelle  on  arrive  à  la  fabrique.  Chaque  section  indus- 
trielle est  placée  sous  la  surveillance  de  deux  contre-maîtres,  l'un  pour 
les  ouvriers,  l'autre  pour  les  apprentis,  et  tous  sont  organisés  hiérar- 
chiquement et  tenus  à  l'obéissance.  Les  fautes  contre  la  discipline  et 
les  erreurs  de  travail  sont  punies  par  des  amendes,  de  même  qu'il  y 
a  aussi  des  récompenses  pour  les  plus  diligents.  Chaque  semaine,  les 
noms  des  ouvriers  punis  et  des  ouvriers  récompensés  sont  publiés  dans 
les  salles  où  travaillent  les  intéressés.  Sauf  les  tisseurs,  les  ouvriers  et 
ouvrières  sont  pour  la  plupart  payés  à  la  journée  et  reçoivent  leur  sa- 
laires tous  les  quinze  jours;  les  tisseurs,  au  contraire,  travaillent  à  la 
pièce  et  sont  payés  au  moment  où  ils  remctleul  b'ur  travail.  Mais  ils 
i»nt  h  leur  charge  les  frais  accessoires  (|u'eiitraiiieut  le  tis>age  et 
l'apprèl  de  l'étoHe. 


ÉLÉMENTS    DIVEHS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  387 


S  21 


SUR   LA    CONDITION    ECONOMIOIE    ET    SOCIALE    DES   OUVRIERS. 

Les  ouvriers  qui  travaillent  dans  la  manufacture  Ofîritelli  et  C"^ 
sont  ceux  dont  la  situation  ofl're  le  plus  de  sécurité  et  de  stabilité, 
et  dont  par  suite  la  condition  économique  est  aussi  la  plus  sûre  et 
la  plus  stable. 

Dans  l'étude  de  M  familles  ouvrières  au  point  de  vue  de  leur  bud- 
get, c'est  parmi  les  ouvriers  de  la  maison  OfTrilelli  et  Pascal  que 
les  chifTres  ont  été  recueillis  le  plus  facilement  :  presque  tous  en  effet 
ont  un  «  livre  de   comptas  ». 

Parmi  les  familles  employées  dans  la  maison  Offritelli,  il  y  en 
avait  3  dont  le  budget  de  1891  se  soldait  par  un  bénéfice  et  3 
par  un  déficit;  le  budget  des  familles  travaillant  pour  le  compte 
des  maisons  de  Negri  et  Falchi  présentait  un  déficit  ;  les  3  familles 
dont  les  chefs  exerçaient  l'industrie  domestique  avaient  réalisé  des 
économies.  Sur  les  familles  étudiées,  7  sont  propriétaires  de  leur  mai- 
son d'habitation,  et,  sur  ce  nombre,  'i  ont  un  jardinet  attenant  de  8 
à  12  ares;  sur  ces  7  familles  propriétaires,  2  seulement  ont  clôturé 
leur  exercice  par  un  déficit;  l'une  et  l'autre  étaient  occupées  parla 
maison  Offritelli  et  Pascal,  et  composées  de  cinq  membres  chacune: 
dans  l'une  de  ces  2  familles,  deux  membres  seulement  faisaient  un 
travail  productif,  et  dans  l'autre  trois  membres  travaillaient  à  la 
fabrique. 

Les  tableaux  suivants  donnent  les  bilans  de  ces  différentes  famil- 
les; pour  chacune  d'elles,  on  a  indiqué  la  qualité  du  chef  de  famille, 
la  maison  où  il  travaille,  le  nombre  des  membres  de  la  famille, 
en  distinguant  ceux  qui  produisent  de  ceux  qui  consomment.  Dans 
le  bilan  des  recettes  comme  dans  celui  des  dépenses,  on  a  calculé  le 
pourcentage  de  chaque  catégorie  de  recettes  ou  de  dépenses  par  rap- 
port au  chiffre  totol.  On  a  fait  ressortir  le  reliquat  ou  le  déficit  par 
lequel  s'est  soldé  le  bilan  et  le  pourcentage  par  rapport  aux  re- 
cettes totales  de  la  famille. 


388 


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389 


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390  N"    79.    —    TISSEUR    DE   SAN   LEUCIO. 

Une  courte  analyse  des  cIiifTpes  de  ce  bilan  peut  conduire  aux 
considérations   suivantes  : 

1°  Généralement,  dans  le  bilan  des  recettes,  les  gains  du  chef  de 
famille  représentent  plus  des  2/3  des  recettes  totales. 

2"  Ils  sont  plus  élevés  dans  les  familles  peu  nombreuses  :  ce  qui  pa- 
raît signifier  que  les  membres  des  familles  peu  nombreuses  vivent 
tous  sur  les  gains  de  leur  chef;  tandis  qu'au  contraire  les  membres 
des  autres  familles  contribuent  pour  leur  part  à  alléger  la  respon- 
sabilité du  chef. 

3°  Les  familles  qui  se  livrent  à  l'industrie  domestique  (3,  4,9,  10, 
11)  ont  des  receltes  totales  supérieures,  proporlionnelleiiient  au 
nombre  de  leurs  membres,  à  celles  des  familles  qui  travaillent  à  la 
manufacture.  Ceci  paraît  indiquer,  pour  les  familles  9,  10  et  11, 
qui  sont  peu  nombreuses,  que,  plus  la  responsabilité  domestique  du 
chef  de  famille  est  réduite,  plus  il  a  tendance  à  travailler  librement, 
chez  lui,  et,  si  possible,  avec  des  matériaux  et  des  instruments  de 
travail  lui  appartenant;  et,  pour  les  familles  3  et  4,  que,  plus  sa 
responsabilité  s'accroît,  plus  le  chef  de  famille  accepte  facilement 
une  rémunération  même  légère,  pourvu  qu'elle  soit  sûre,  dût-il  en- 
chaîner sa  liberté  à  la  volonté  d'un  industriel.  Ceci  est  encore  plus 
vrai  pour  les  familles  1,  2,  5,  6,  7  et  8. 

4°  Moins  la  famille  est  nombreuse,  plus  grande  est  l'activité  de 
chacun  de  s^s  membres  producteurs.  Ceci  paraît  confirmer  la  loi 
économique  générale,  en  vertu  de  laquelle  l'homme  a  une  ten- 
dance à  se  décliarger  autant  qu'il  peut  sur  les  autres  de  la  sensa- 
tion pénible  produite  par  le  travail  et  à  tirer  profit  des  résultats 
utiles   provenant  de  la  peine  prise  par  autrui. 

5"  Kn  général,  les  familles  nombreuses  dépensent  moins  que  les 
familles  peu  nombreuses  pour  la  nourriture  et  l'habitation,  tan- 
dis que  toutes  font  à  peu  près  les  mêmes  dépenses  pour  le  vête- 
ment, les  besoins  moraux,  les  intérêts  des  dettes,  les  assurances,  les 
impôts,  etc. 

G"  Les  familles  dont  les  membres  producteurs  sont  employés 
dans  la  maison  Offrilelli  sont  de  celles  qui  dépensent  le  plus  pour 
la  nourriture. 

7"  Parmi  les  familles  qui  dépensent  le  plus  pour  la  nourriture, 
ou  remarque  encore  celles  (jui  ont  la  propriété  de  la  maison  d'ha- 
Ml.ilion   cL  ihi  jardin   allenanl. 

8°  La  dépenses  de  vêtement  sont  presque  les  mêmes  chez  toutes 


ÉLÉMENTS    DIVEKS    UK    LA    CONSTITUTION    SOCIALR.  391 

les  familles.  Ceci  tient  sans  doute  à  la  modestie  et  à  l'uniformité 
du  vêlement  local,  ve?lige  des  anciennes  coutumes,  qui  prescri- 
vaient l'égalité  pour  tous. 

1)°  Presque  toutes  les  familles  dépensent  peu  pour  les  besoins 
moraux.  La  cause  parait  en  être  l'habilude  constante  des  ouvriers 
de  prendre  peu  de  divertissements,  et  la  large  part  prise  par  la 
municipalité  dans  la  satisfaction  des  besoins  intellectuels  et  sani- 
taires de  toutes  les  familles. 

10"  Les  intérêts  des  dettes,  etc.,  sont  plus  élevés  dans  les  deux 
familles  qui  travaillent  pour  le  compte  de  MM.  de  Negri  et  Falchi. 
La  raison  en  est  que  les  chefs  de  famille  ont  contracté  il  y  a  quel- 
que temps  une  assurance  vie  entière,  l'un  pour  3.000,  l'aulre  pour 
5.000  francs  de  capital.  Dans  ces  deux  familles  (10  et  11),  qui  ont 
une  proportion  de  8,71  et  de  8,35  %^  cette  catégorie  de  dépenses 
est  même  très  élevée,  ce  qui  tient  à  ce  que  l'une  et  l'autre  ont  fait 
dans  le  courant  de  l'année  le  dernier  paiement  pour  l'acquisition 
du  métier. 

H°  Les  amendes,  généralement  légères,  peuvent  représenter  des 
faits  accidentels,  mais  non  un  manque    de  diligence   chez   l'ouvrier. 

On  peut  dire,  pour  conclure,  que  la  condition  des  familles  étudiées 
est  généralement  bonne  :  toutes  ont  la  nourriture  en  abondance,  de 
bonnes  maisons  d'habitation,  et  elles  usent  du  vêtement  qui  convient 
à  des  ouvriers  rangés  et  ordonnés.  Ces  conclusions  pourraient  s'ap- 
pliquer à  toutes  les  familles  d'ouvriers  en  soie  de  San  Leucio,  soit 
qu'elles  se  livrent  à  l'industrie  domestique,  soit  qu'elles  travaillent 
dans  la  maison   Offritelli. 

Au  point  de  vue  juridico-social,  on  peut  dire  que  depuis  1860  la 
condition  des  ouvriers  est  devenue  moins  bonne.  Sous  l'empire  des 
lois  spéciales  faites  pour  la  colonie,  les  maisons  d'habitation  avec 
tout  ce  qui  était  nécessaire  aux  besoins  de  la  vie,  ainsi  que  les  deux 
métiers  accordés  par  le  roi  Ferdinand  de  Bourbon  à  chaque  colon, 
tant  à  l'occasion  des  immigrations  qu'à  l'occasion  des  mariages, 
étaient  à  l'origine  la  propriété  absolue  et  exclusive  de  chacun  des 
bénéficiaires;  lorsque  tous  les  métiers  eurent  été  réunis  dans  les  lo- 
caux du  Belvédère,  chaque  colon  artisan,  en  qualité  de  membre  de  la 
colonie,  devint,  quant  à  l'usage,  propriétaire  par  indivis  de  la  manu- 
facture de  soie,  ainsi  que  des  bâtiments  et  constructions  en  dépendant 
et  des  terrains  adjacents.  C'est  ce  qui  a  fait  dire  à  quelques  auteurs 
que,  les  moyens  de  production  et  la  propriété  étant  communs,  l'or- 


392  N"    79.    —   TISSEUR   DE    SAN    LELCIO. 

ganisation  sociale  de  la  colonie  était  la  communauté  (§  20).  Rien  ne 
saurait  être  plus  faux.  En  réalité,  si  la  propriété  avait  été  commune, 
chaque  membre  de  la  société  aurait  dû  percevoir,  qu'il  travaillât 
ou  non,  une  partie  du  produit  des  instruments  de  travail  égale  à  la 
part  idéale  due  à  chaque  communiste;  tandis  qu'au  contraire,  en  droit 
(§  20)  et  en  fait,  chaque  ouvrier  recevait  le  prix  de  son  travail,  à  la 
livraison,  eu  égard  à  l'espèce,  ù  la  quantité  et  à  la  qualité;  quant 
à  ceux  qui  ne  travaillaient  pas  pour  cause  d'indrmité,  ils  étaient  par 
mesure  de  bienfaisance  recueillis  dans  la  «  maison  des  malades  »,  ou 
secourus  à  domicile  aux  frais  de  la  «  caisse  de  la  charité  ».  Il  n'y 
a  jamais  eu  là  une  mise  en  commun  des  moyens  de  production  ayant 
pour  résultat  la  création  d'une  société  en  communauté,  mais  sim- 
plement une  réunion  dans  le  même  local  des  moyens  individuels 
de  production,  à  l'effet  de  les  actionner  par  une  force  motrice  unique 
et  de  les  rendre  plus  productifs  en  les  plaçant  sous  une  direction  sage 
et  intelligente.  Aujourd'hui,  les  Leuciens  ont  perdu  tout  droit  de  pro- 
priété sur  les  instruments  de  travail  et  sur  la  manufacture;  ils  jouis- 
sent seulement,  par  la  concession  gracieuse  et  la  prévoyance  de  la 
commune,  du  droit  de  rester,  par  préférence  aux  étrangers,  ouvriers 
de  la  manufacture  de  soie.  Le  contrat  intervenu  entre  la  commune  et 
la  maison  Offrilelli  et  Pascal  contient,  sous  les  articles  14  et  15,  les 
dispositions  suivantes  : 

«  Art.  14.  La  Société  s'oblige  à  occuper  toujours  au  moins  .']0  mé- 
tiers de  soie,  sauf  les  cas  de  force  majeure. 

((  Art.  13.  La  Société  s'oblige  à  donner  la  préférence,  pour  tous  les 
travaux,  aux  ouvriers  leuciens,  selon  leurs  aptitudes  spéciales,  rétri- 
buant, pour  chaque  genre  d'ouvrage,  selon  les  prix  courants,  le  travail 
qui  sera  exécuté  par  eux.  Cette  préférence  ne  devra  être  donnée 
qu'autant  que  les  ouvriers  ne  manqueront  pas  à  leurs  devoirs,  ne  s'en 
rendront  pas  indignes  et  ne  se  montreront  pas  incapables.  La  présenté 
convention  ne  donne  aucun  droit  aux  ouvriers  à  en  réclamer  l'exécu- 
tion. Ce  droit  ne  pourra  être  exercé  que  par  la  commune,  moyennant 
le  recours  à  un  arbitrage...   » 

Ces  articles,  qui  obligent  le  patron  d'une  part  à  donner  du  travail 
au  moins  à  30  métiers,  et  d'autre  part  à  employer  de  préférence  des 
ouvriers  leuciens,  ont  fait  naître  entre  le  patron  et  les  ouvriers  des 
rapports  d'hostilité  qui  ont  empêché  la  fondation  elle  progrès  d'insti- 
tutions de  prévoyance.  Gomme,  par  suite,  aucune  espèce  d'institution  de 
prévoyance  ne  relie  les  ouvriers  au  patron,  l'auteur  a  cherché  à  tracer 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE   LA    CONSTITUTION   SOCL\LE. 


393 


leur  courbe  de  stabilité  dans  la  manufacture,  pour  en  tirer  qu(?]ques 
conclusions.  Après  de  nombreuses  et  difliciles  recherches  individuelles; 
il  est  arrivé  à  tracer  la  courbe  suivante,  ep  adoptant  la  méthode  sui' 
vie  et  les  instructions  données  par  l'éminent  ingénieur  M.  E,  Cheysgon 
{\o\T  Réforme  sociale,  '2'  série,  t,  VllI,  l^""  juillet  1889,  pages  12-14). 


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394 


70. 


TISSEL'R    DE    SAN    LEICIO. 


On  peut  en  déduire  que  la  durée  moyenne  de  séjour  des  ouvriers 
leuciens  dans  la  nianufaclurc  OfTritelli  est  de  onze  ans.  Cette  moyenne 
est  un  peu  inférieure  à  celle  qu'indique  M.  Cheysson  pour  beaucoup 
d'usines  françaises.  Ce  résultat  peut  paraître  surprenant  si  l'on  songe 
que  les  ouvriers  sur  lesquels  celle  courbe  a  été  tracée  sont  tous  leu- 
ciens el  que,  par  suite,  on  pouvait  s'atlendri.'  à  trouver  au  contraire 
une  moyenne  de  stabilité  supérieure.  Mais,  si  l'on  réflécbitque  dans  la 
maison  Offritelli  la  plus  grande  partie  du  personnel  se  compose  de 
jeunes  filles  (§  19),  on  saisira  immédiatement  la  raison  de  cette  diffé- 
rence; il  faut  considérer  en  outre  ([ue  l'industriel  n'exerce  aucun  pa- 
tronage sur  les  ouvriers,  et  Ton  s'expliquera  la  raison  de  la  descente 
rapide  de  la  courbe  après  quinze  années  de  séjour. 

Le  salaire  des  ouvriers  est  calculé  de  diverses  manières  :  à  la  jour- 
née pour  ceux  qui  appartiennent  aux  diverses  catégories  de  la  filature, 
du  moulinage,  de  l'ourdissage,  de  la  teinture,  etc.  ;  à  la  pièce  pour 
ceux  qui  appartiennent  à  la  catégorie  des  tisseurs.  Le  tableau 
suivant  donne  les  salaires  de  ceux  qui  sont  payés  à  la  journée  : 

SALAIHE   DES    OUVRIERS    ERirLOYÉS    AUX    Ol'ÉRATIONS    DE    : 


Maîtresses  de  lilature 

Fili'uses 

BaUcuscs 

Trieuses 

—  Attachées  aux  ouvr.  habiles 

Dévideuses , 

—        Petites  lilles 

Enrouleuses , 

—  Petites  filles 

Ouvr.  emjjl.  au  lilase , 

—  au  tordage , 

—  au  niouiinatre , 


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1  00 

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1  3^; 

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—  jeunes 

—  i)etiles  filles 


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Chauiïeurs. 


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Les  salaires  des  tisseurs  sont  indiqués  par  le    tableau  analytique 
suivant  : 


TLÉMENTS    DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE. 


395 


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396  N"    70.   —   TISSEUR    DK   SAN   LEUCIO. 

Il  n'a  pas  élé  possible  de  faire  la  stalislique  des  salaires  année 
par  année  depuis  I8G0  jusqu'à  1892,  afin  d'en  montrer  la  progression 
ascendante  ou  descendante  :  toutefois,  d'après  des  renseignements  pris 
auprès  d'anciens  ouvriers  de  la  fabrique,  les  salaires  des  hommes  au- 
raient diminué  d'un  tiers  depuis  ISOo,  tandis  qu'au  contraire  ceux  de 
toutes  les  catégories  d'ouvrières  auraient  augmenté  d'un  quart  envi- 
ron; et,  comme  les  femmes  sont  employées  dans  la  fabrique  en  plus 
grand  nombre  que  les  hommes  et  que  chaque  famille  compte  en 
moyenne  deux  ouvrières,  on  peut  affirmer  que  le  déplacement  des 
salaires  n'a  causé  aucun  dommage  économique  aux  familles  et  qu'il 
a  été  plus  apparent  que  réel. 

Noie  additionnelle  (p.  330-31).  —  Pour  l'impôt  sur  les  propriétés  b;Uies,  Valiquota  (part 
proportionnelle)  est  fixée  par  la  loi  à  12  fr.  "iO  par  chaque  dOO  fr.  de  revenu  net,  ce  (jui 
avec  les  trois  dccimes  de  guerre  donne  IG  fr.  2.";.  Pour  l'impùt  sur  les  terrains,  un  certain 
contingent  doit  être  fourni  par  une  circonscription,  et  Valiquola  est  alors  la  proportion 
suivant  laquelle  le  revenu  imposable  est  frappé  dans  cette  circonscription  :  ici,  23,8!»  0/0. 
Les  provinces  et  les  communes  sont  autorisées  à  percevoir  un  surimpôt  sur  les  terrains 
et  les  proi)riétés  hàlies,  pourvu  «lue  Valiquota  alTérento  au  Trésor  reste  supérieure  à  la 
somme  des  deux  autres.  La  faculté  d'imposer  des  centimes  additionnels  sur  ces  mêmes 
contributions  a  été  concédée  aux  provinces  et  aux  communes,  i)our>u  que  la  somn)e 
de  ces  centimes  ne  dépasse  pas  1  franc. 


LES  OUVRIERS  DES  DEUX  MONDES. 


DEUXIÈME   SÉRIE.   —  35«    FASCICULE. 


AVERTISSEMENT 

DE  LA  SOCIÉTÉ  D'ÉCOiNOMIE  SOCIALE. 


L'Académie  des  sciences,  en  185G,  a  couronné  le  premier  ou- 
vrage de  science  sociale  publié  par  F.  Le  l*lay,  les  Ouvriers  eu- 
ropéens. Elle  a  en  môme  temps  exprimé  le  désir  qu'une  pareille 
œuvre  fût  continuée.  La  Société  d'Économie  sociale,  fondée  aus- 
sitôt par  l'auteur  de  ce  livre  aujourd'hui  célèbre ,  lui  a  donné 
pour  suite  les  Ouvriers  des  Deux  Mondes.  De  1857  à  1885,  la 
Société  a  publié  une  première  série  de  cinq  volumes  contenant 
quarante-six  monographies  de  familles  ouvrières. 

La  deuxième  série  des  Ouvriers  des  Deux  Mondes  a  commencé 
en  juillet  1885.  Le  premier  tome  de  cette  série  a  été  terminé 
en  juillet  1887;  le  deuxième,  à  la  fin  de  1889;  le  troisième,  au 
commencement  de  1892.  Ils  comprennent  les  descriptions  mé- 
thodiques de  nombreuses  familles  d'ouvriers ,  appartenant  à  la 
Bretagne,  la  Picardie,  le  Nivernais,  l'Ile-de-France,  la  Provence, 
la  Gascogne,  le  Dauphiné,  la  Normandie,  la  Marche,  l'Orléanais, 
le  Limousin,  la  Corse,  la  Grande-Russie,  la  Grande-Kabylie,  le 
Sahel,  le  Sahara  algérien,  la  Belgique,  la  Prusse  rhénane,  la 
Sicile,  la  campagne  de  Rome,  la  Capitanate,  l'Angleterre,  la  La- 
ponie,  l'Alsace,  la  Hollande,  la  Suisse,  les  États-Unis.  Le  présent 
fascicule,  le  35°  de  la  seconde  série,  est  le  huitième  du  tome  IV 
(voir  au  verso  de  la  couverture). 

La  publication  se  poursuit  par  fascicules  trimestriels,  avec 
le  concours  de  la  maison  Firmin-Didot.  Un  tel  concours  lui  as- 
sure cette  perfection  que  nos  lecteurs  ont  su  apprécier  dans  une 
œuvre  typographique  particulièrement  délicate. 

Les  prochains  fascicules  contiendront  les  monographies  de  fa- 
mille d'un  Allumeur  de  réverbères  de  Nancy,  d'un  Pécheur 
de  l'archipel  CImsan  (Chine),  d'un  Armurier  de  Liège,  d'un 
Pécheur  de   Fort-Mardyck,  d'un  Ardoisier  d'Ançers,   etc. 


LES  OUVRIERS  DES  DEUX  MONDES, 

PUBLIÉS    PAR    LA    SOCIETE    d'ÉCONOMIE    SOCIALE, 

RECONNUE   d'utilité    PUBLIQUE. 


Deuxième  série.  —  35"  fascicule. 


FERMIERS  MONTAGNARDS 

DU 

HAUT-FOREZ 

(LOIRE    —    ER^^NCE), 

ouvriers-chefs  de  métier, 

d.ins  le  système  des  engagements  momentanés, 

d'après 

les  renseignements  recueillis  sur  les  lieux,  en  aout  1802  et  aout  189.3, 

Par  m.    Pierre    du   Maroussem, 

DOCTEUR    EX    DROIT, 

Membre  de  la  Société   d'Agriculture  de  Saint-CTeuest-MaMfaux. 


PARIS, 


LIBRAIRIE    DE    FIRMIN-DIDOT    ET    C'^, 

IMPRIMEURS    DE    L'INSTITUT,    RUE   JACOB,    5fl. 

1894. 

Droits  de  traduction  et  de  reproduction  réservés. 


N°  80. 

FERMIERS  MONTAGNARDS 

DU  HAUT-FOREZ  (LOIRE  —  FRANGE), 

OUVRIEBS-CHEKS   DE   MÉTIER, 

DANS   LE   SYSTÈME    DES    ENGAGEMENTS   MOMENTANÉS, 

d'après 

les  renseignements  recueillis  sur  les  lieux,  en  aout  1892  et  aout  1893, 

PAR 

M.  Pierre  du  Maroussem, 

Docteur  eu  droit, 
Membre  de  la  Société  d'Agriculture  de  Saiut-Geiiest-Malifaux. 

OBSERVATIONS  PRÉLIMINAIRES 

DÉFINISSANT   LA    CONDITION    DES   DIVERS   MEMBRES   DE    LA    FAMILLE. 


DÉFINITION    DU    LIEU,   DE   L'ORGANISATION   INDUSTRIELLE 
ET    DE    LA    FAMILLE. 


ETAT   DU    SOL,    DE   L  INDUSTRIE   ET    DE   LA   POPULATION. 

Il  n'esl  guère  d'antithèse  plus  heurtée,  au  point  de  vue  pittoresque, 
que  celle  de  la  cuvette  sombre  de  Saint-Etienne,  —  cette  reine  des 
terres  noires,  —  et  des  verdoyants  massifs  de  montagnes,  qui  de  toute 
part  en  ferment  l'horizon.  Au  Sud  surtout,  lorsque  le  touriste  a  dé- 
passé les  derniers  halls  et  les  dernières  cheminées  de  la  cité  travail- 
leuse, capitale  des  armes  et  des  rubans,  qui  semble  mettre  sa  coquet- 
terie à  rappeler  en  miniature  Sheftîeld  ou  Manchester,  il  se  trouve, 
dès  la  première  rampe  de  la  route  d'Annonay,  dans  une  sorte  de 
paysage  boréal,  détaché  d'un  panorama  norvégien.  Ce  sont  les  sapins 

39 


398  N°   80.    —    FEHMIEKS    MONÏAGNAHDS    UU    UAUÏ-KOREZ. 

du  Nord,  les  pins,  les  épicéas,  qui  tapissent  la  muraille  abrupte  de 
gauche  et  qui  bientôt  revêtent  presque  exclusivement  à  droite  les  pa- 
rois du  lit  profond  où  se  dissimule  un  petit  torrent;  c'est  la  brise 
fraîche  des  hauts  plateaux  qui  souffle  au  visage  du  voyageur;  ce  sont 
les  brouillards  des  sommets  qui  l'enveloppent  bien  vite,  car  il  s'ache- 
mine vers  la  région  des  nuées  inférieures,  et  ce  sont  des  paysans  à 
grands  chapeaux,  à  blouses  bleues,  profondément  distincts  de  l'ou- 
vrier parisianisé  des  faubourgs  stéphanois,  qui  descendent  en  face  de 
lui,  derrière  leurs  vaches  laitières,  et  interrompent  un  instant,  pour 
considérer  de  côté  ce  nouveau  venu,  la  mélopée  familière  aux  bois 
et  aux  pâlis  de  la  montagne. 

Au  bout  de  deux  heures  et  quart  d'une  pénible  montée,  néces- 
saire pour  franchir  une  quinzaine  de  kilomètres,  le  visiteur,  que 
nous  transformons  ainsi  en  alpiniste  involontaire,  se  trouvera  au 
point  précis  de  la  présente  élude  :  la  commune  de  Saint-Genest-Mali- 
faux,  désignée  dans  les  vieux  textes  du  seizième  siècle  du  nom  de  Sainl- 
Genest  en  Feugerolles.  45°  20'  de  latitude  Nord  et  2°  G'  de  longitude 
Est,  telle  est  l'indication  du  Guide -Joanne,  et  les  hauteurs  baromé- 
triques, que  l'on  relève  au  fur  et  à  mesure  des  ascensions  et  des  des- 
centes rapides,  démontrent  que  l'altitude  moyenne  oscille  autour  de 
1.000  mètres  :  l.OSO  sur  les  terrasses  du  château  de  Saint-Genest,  dont 
les  tourelles  Louis  XIII  dominent  au  loin  le  paysage  ;  1)00  environ  devant 
l'église  du  village.  De  là  on  arrive  sans  peine  à  concevoir  le  système 
d'ensemble  de  celle  haute  étendue  fortement  ondulée,  tapissant  de 
prairies  tous  les  creux,  revêtant  de  bois  noirs  toutes  les  crêtes,  et 
laissant  deviner,  derrière  les  épaulemenls  qui  s'y  succèdent,  d'autres 
cimes  plus  majestueuses  encore  :  au  Nord-Est  le  mont  Pilât  qui  do- 
mine, de  ses  1.400  mètres  d'altitude,  la  vallée  de  la  Loire  et  la  vallée  du 
Rhône  ;  au  Sud  la  longue  ligne  des  Cévennes,  le  pays  des  Camisards, 
le  Mczenc  et  la  pointe  recourbée  du  Gerbier-des-Joncs.  Vous  vous  sen- 
tez sur  un  des  points  culminants  de  l'ossature  centrale  de  la  France  ; 
certaines  échappées  vous  ouvrent  les  vallées  de  ses  plus  grands  fleuves, 
les  grandes  artères  de  l'ancien  empire  et  de  l'ancien  royaume  ;  les 
sources  qui  llltrent  çà  et  là,  animant  les  roues  d'anciennes  scieries 
transformées  le  plus  souvent  en  «  moulinages  »,  prennent  au  ha- 
sard le  chfmin  de  l'Ardèche  ou  du  Furens,  et  alimentent  les  papete- 
ries languedocieimes  ou  le  «  barrage  »,  le  grand  réservoir  de  la 
métropole  industrielle  du  Forez.  D'autres,  indécises,  engagées  dans 
de  petits    valluns  sans    issue,   s'étalent  en    mares    ou  en  marécages 


OBSERVATIONS  PRÉLIMINAIRES.  399 

dans  ces  terrains  de  bruyère  dont  le  défrichement  a  été  la  base  de 
la  prospérité  économique  du  pays. 

Le  lecteur,  s'il  tient  à  matérialiser  cette  opposition  entre  la  plaine 
toute  couverte  de  son  peuple  d'usines  et  ces  vastes  solitudes  herbues 
ainsi  que  boisées  où  les  petites  fermes  isolées  s'espacent  avec  cette  ré- 
gularité propre  aux  pays  à  famille-souche,  n'a  d'ailleurs  qu'à  jeter  les 
yeux  sur  la  carte  géologique  de  France,  section  de  Saint-Étienne, 
n"  177  (1).  L'accentuation  des  teintes  'suit  toutes  les  gammes  du 
rouge,  à  mesure  que  l'on  s'élève  au-dessus  du  bassin  houillier;  tout 
autour  se  dessinent  les  grès  et  les  micaschistes,  mais  le  canton  entier  de 
Saint-Genest  repose  sur  une  masse  prodigieuse  de  granité  pur,  avec 
une  barre  de  pliocène  marin  entre  Saint-Genest  et  Marthezey  ;  quelques 
raies  d'alluvions  modernes  le  long  des  différents  ruisseaux,  quel- 
ques blocs  de  porphyre,  et  des  îlots  de  tourbe  :  il  doit  en  entier 
son  existence  à  un  soulèvement  de  roche  ignée  qui  s'arrêta  à 
1.000  mètres  d'altitude. 

Plus  encore  que  tous  les  autres  éléments  du  milieu,  en  effet,  cette  al- 
titude va  déterminer  toutes  les  conditions  de  la  vie  physique  et  même 
sociale.  Les  montagnes  vous  transportent  au  milieu  du  monde  des  airs, 
comme  les  côtes  au  milieu  du  monde  des  eaux.  La  météorologie  et  les 
phénomènes  de  l'atmosphère  y  prennent  une  importance  décisive  que 
les  Parisiens  se  figurent  avec  peine.  Là,  en  effet,  les  minces  filets  de 
vapeur  d'eau  qui  glissent  entre  les  sapins,  les  fins  rideaux  de  brouil- 
lards qni  avancent  méthodiquement  autour  d'une  cime,  ne  sont  autres 
que  les  nuages  mêmes,  au  milieu  desquels  vous  vous  dérobez  aux  ha- 
bitants de  la  plaine.  Les  vents,  terribles  parfois,  au  point  de  transpor- 
ter à  des  dizaines  de  mètres  les  charpentes  des  fermes  et  de  faire 
jaillir  les  grains  des  épis  de  seigle,  surtout  le  vent  du  Midi,  le  si- 
rocco, encore  tiède  malgré  son  long  voyage  au-dessus  de  la  Méditer- 
ranée, s'y  déchaînent  en  véritables  souverains.  Les  orages,  sous  leur 
action,  s'amoncellent  en  un  instant  dans  l'éternelle  bataille  du  ciel,  et 
la  foudre  ajoute  chaque  année  quelque  légende  tragique  aux  his- 
toires déjà  répétées.  Mais  la  neige  surtout,  la  neige  des  contrées  bo- 
réales, épaisse,  amoncelée  dans  les  a  congères  »  (2),  vient  achever  la 
physionomie  des  révolutions  de  l'année  :  le  froid,  le  vent,  la  neige, 


(I)  Les  plus  rcniarquahles  travaux  sur  la  géologie  de  la  l.oirc  ont  ùlo  i)ubliés  à  di('(V'- 
rentesopo(iucs,  notamment  par  M.  Gruner, ancien  diieclour  de  l'École  des  mines  de  Saint- 
Élicnne  et  plus  tard  professeui'  à  l'École  impériale  des  mines  où  il  remplaça  M.  V.  Le  Play. 

[•2)  Congères,  amas  de  neige  trompeurs  qui  comblent  les  ravins  et  les  fossés. 


400  N"    80.    —    l'ERMIKRS   MOXTAGNAKDS    Dl     IIAL'T-FOHliZ. 

voilà  de  quoi  se  fait  l'hiver,  l'hiver  terrible  de  ces  hautes  régions, 
presque  sans  printemps,  mais  non  sans  automne,  qui  ont  été  parta- 
gées par  un  hiver  de  six  mois,  voire  même  davantage,  et  un  été-aulomne 
de  cinq  à  six  mois;  l'un  âpre,  impitoyable,  contraignant  aux  longues 
retraites  dans  les  habitations  bien  closes,  devant  les  gigantesques  che- 
minées, où  se  blottissent  frileusement  les  fourneaux  de  fonte;  l'autre, 
assez  chaud  parfois,  malgré  le  rafraîchissement  des  aurores  et  des 
crépuscules.  Cette  division  fatale  domine  tout  le  régime  du  travail  et  le 
genre  de  vie  même  ;  elle  est  révélée  aux  touristes  de  l'été  par  les  petits  et 
grands  traîneaux,  abandonnés  alors  au  seuil  des  granges,  mais  toujours 
prêts  à  reprendre  leurs  courses  matinales  vers  le  grand  centre  mar- 
chand de  Saint-Etienne,  à  travers  les  pentes  disparues  sous  la  blancheur 
uiiifurnie. 

Seules  alors,  comme  en  Litluianie,  comme  dans  un  gouvernement 
russe  quelconque  entre  Novgorod  et  Arkhangel,  les  aiguilles  régu- 
lières des  sapins,  disposées  en  masses  serrées,  hérissées  de  larges  ra- 
meaux qui  craquent  sous  la  neige,  mettent  la  note  de  leur  vert 
sombre  :  tout  autour,  les  pins  sylvestres,  les  mélèzes,  les  épicéas,  les 
fayards  ou  hêtres,  les  frênes,  mais  en  petit  nombre,  les  sorbiers  écla- 
tants de  leurs  grappes  rouges  en  automne,  esquissent  sous  l'épais 
manteau  dont  ils  sont  recouverts  lés  formes  les  plus  disparates.  Çà  et 
là,  de  plus  en  plus,  les  vides  s'observent  dans  leur  armée  encore  in- 
nombrable :  certaines  montagnes  sont  dénudées,  d'autres  multiplient 
les  clairières;  cependant  on  devine  toujours  la  gloire  de  la  gigantesque 
forêt  de  jadis,  dont  les  larges  troncs  faussent  parfois  les  versoirsde  la 
charrue  au  moment  des  défrichements  de  brandcs.  Mais  le  trait  le  plus 
caractéristique  de  cette  flore,  c'est  l'amoncellement  extraordinaire 
des  arbrisseaux  producteurs  de  baies,  que  Le  Play  signalait  comme 
une  source  de  bien-être  inappréciable  pour  les  populations  septen- 
trionales :  groseillers  sauvages,  framboisiers,  grioltiers,  ronces  cou- 
vertes de  baies,  airelles  surtout  (myrtiles  sauvages)  dont  les  petites 
feuilles  denses  tapissent  les  rochers,  puis  les  champignons  variés,  parmi 
lesquels  le  cèpe  et  l'oronge,  les  morilles  baptisées  du  nom  de  «  truffes 
du  pays  »,  le  tout  emprisonni'  par  la  floraison  inlinie  des  fougères, 
bruyères  ou  genêts,  et  par-einé  de  digitales  pourprées.  Voilà  qui  oHVe 
un  champ  iininen.se  poui-  la  cueillelte  ;  voilà  aussi  qui  crée  le  type  social, 
primitif  à  coup  sur,  du  «  chercheur  d'airelles  »,  ouvrier  sans  ouvrage, 
vagabond  déguenillé,  (|ui  monte  des  centres  miniers,  passe  la  nuit  dans 
les  «  bois  noirs  »,  autour  d'un  iV-u  de  branches  mortes,  et,  les  bouquets 


OBSERVATIONS   PRÉLIMINAIRES.  401 

chargés  de  myrtilcs  sur  l'épaule  .  redescend,  après  quelques  jours  de 
celte  existence  agreste,  vers  la  vie  civilisée. 

Trait  curieux,  cette  merveilleuse  netteté  qu'offre  la  flore  ne  se  pré- 
sente nullement  lorsque  l'observateur  cherche  h  analyser  la  faune  de 
ces  lùghlands.  La  race  des  vaches  laitières  n'est  pas  une  :  les  diverses 
variétés  qui  semblent  se  donuer  rendez-vous  en  ce  point  unique,  res- 
tent disparates,  mélangées,  abâtardies.  La  zone  paraîtrait  devoir 
rentrer  dans  le  vaste  douiaine  de  la  race  salers  (petite  taille,  robe  rouge) 
qui,  aux  confins  de  l'Allier  et  de  la  vallée  de  la  Loire  forézienne ,  vient 
heurter  la  blanche  robe  du  Charolais.  Mais  différentes  importations, 
dont  le  but  a  été  surtout  de  surexciter  le  rendement  et  non  la  qualité  de 
la  production  laitière,  l'introduction  simultanée  de  taureaux  hollandais 
et  tarentais  (les  deux  écoles  comptent  des  adeptes),  ont  peuplé  les 
pâturages  de  sujets  bizarres  yi),  que  l'extraordinaire  métissage  des 
reproducteurs  actuels,  constaté  par  l'auteur  au  comice  agricole  de 
Saint-Genest  (28  août  1892  et  27  août  1893),  ne  peut  que  rendre  plus 
désordonnés.  Le  mouton ,  accessoire  presque  insignifiant  de  ces  contrées 
rigoureuses,  n'a  pas  été  l'objet  des  mêmes  essais  de  sélection;  c'est  le 
mouton  d'Auvergne,  petit  détaille  (0'",iO  àO™,60),  à  fortes  cornes  con- 
tournées en  spirale  chez  le  mâle  :  la  plantation  des  pâtis  communaux 
en  a  réduit  le  nombre,  que  limitait  déjà  le  coûteux  hivernage  de  six 
mois.  La  chèvre  commune,  plus  agreste,  résiste  davantage;  et,  par 
petits  groupes  de  deux  à  trois,  dépasse  comme  total  l'ensemble  de  l'es- 
pèce ovine  :  elle  donne  lieu  à  une  fabrication  assez  restreinte  de  fro- 
mages analogues  à  ceux  du  Mont-Dore.  Le  porc,  ou  plus  exactement  la 
truie,  importée  du  Bourbonnais  et  engraissée  pour  la  consommation 
domestique,  constitue  moins  un  mode  d'exploitation  agricole  propre- 
ment dit  qu'une  préface  des  préparations  culinaires.  Poules,  canards, 
dindons,  réduits  au  strict  minimum,  témoignent  de  l'impitoyable  du- 
reté des  saisons  :  là,  comme  dans  les  jardins  potagers,  les  espèces 
s'éliminent  peu  à  peu  et  ne  conservent  leur  variété  que  par  des  tours 
de  force  de  sollicitude  (  §  24).  Les  lapins  domestiques  retrouveraient 
bien  vite  le  sort  des  lapins  sauvages,  que  la  neige,  aidée  d'ailleurs  par 
le  fusil  des  montagnards,  a  détruits  malgré  des  tentatives  d'acclimata- 
tion répétées.  Le  froid  tue  le  gibier,  sauf  quelques  lièvres  nomades; 
le  chasseur  doit  se  résoudre  à  attendre  patiemment  le  retour  des 
cailles.  La  vie  sauvage  elle-même  se  restreint  dans  son  expansion  :  la 

(1)  Les  vaches  de  l'ancien  régime  agricole  étaient  assez  souvent  à  robe  Ironient  paie, 
métissées  d'ailleurs  également. 


402  N°   80.    —   FERMIERS   MONTAGNARDS    DU    HAUT-FOREZ. 

mouche  des  «  bois  »  anime  seule,  l'été,  l'obscurité  des  couverts;  les 
oiseaux  chanteurs  sont  clairsemés,  sauf  les  corbeaux,  presque  aussi 
multiples  que  dans  tel  paysage  d'Ecosse,  à  Abbotsford  par  exemple. 
L'hiver,  les  loups  ne  peuvent  eux-mêmes  trouver  de  fourrés  dans  les 
hautes  colonnades  des  troncs  lisses  sans  cesse  ébranchés  ;  et  seul 
«  l'homme  des  bois  »,  variété  de  l'espèce  des  «  ducs  »,  fait  retentir  son 
appel  régulier,  qui  semble  le  cri  d'un  homme  perdu  dans  la  neige  et 
le  brouillard. 

Dans  ce  milieu  social,  ainsi  nettement  dessiné,  dans  ce  canton  dont 
les  15.000  hectares  ont  désormais  leur  topographie  générale  comme 
esquissée  par  les  développements  précédents,  parmi  cette  popula- 
tion estimée  par  le  dernier  recensement  à  8.342  habitants  (1),  un 
régime  du  travail  uniforme  devait  s'établir,  résultat  direct  de  la  nature 
des  lieux  caractérisée  par  ce  double  élément  :  production  spontanée 
des  bois,  voisinage  des  centres  industriels.»  Lorsque  j'entrepris  la 
transformation  agricole  de  ce  pays  (début  du  second  Empire),  écrit  le 
baron  de  Saint-Genest  (2),  la  grande  affaire  des  fermiers  était  l'ex- 
ploitation des  forêts  et  les  charrois  qui  perdaient  leurs  attelages;  les 
femmes,  et  bon  nombre  d'hommes,  cherchaient  un  supplément  de  re- 
cettes dans  l'industrie  rubanière.  Les  bois,  les  rubans  façonnés  au 
métier,  surtout  ce  métier  primitif  désigné  du  nom  de  «  basse-lisse  », 
telle  était  la  production  locale,  fournissant  les  matériaux  de  l'industrie 
du  bâtiment  et  de  l'industrie  minière,  et  alimentant  les  comptoirs,  les 
«  magasins  »  des  fabriques  collectives,  centres  naturels  des  4.000  mé- 
tiers. Bien  réduite  se  trouvait  ainsi  l'agriculture  véritable  :  les  petites 
fermes  produisaient  le  plus  possible  de  seigle  pour  la  nourriture  des 
habitants,  tâchant  d'écarter  la  famine  par  des  récoltes  suffisantes;  le 
foin  se  vendait,  la  paille  se  vendait  aussi,  quelques  vaches  labouraient 
et  fournissaient  des  fromages  d'un  débit  difficile;  les  bœufs  souvent 
les  remplaçaient,  par  suite  de  la  supériorité  de  leur  force,  qui  soute- 
nait plus  facilement  les  perpétuels  transports.  » 

Actuellement,  une  révolution  presque  complète  s'est  opérée  par  la 
clairvoyance  et  l'énergie  de  l'homme  émincnt  dont  nous  venons  de 
citer  les  paroles.  Le  voisinage  des  villes  de  houillères  et  de  leurs  po- 
pulations condensées  lui  inspira  cette  pensée  toute  nouvelle,  rendue 
réalisable  par  le  percement  des  roules  :  le  canton  monlayneux  qui  do- 
mine Saint-Etienne  doit  être  le  grand  producteur  de  lait  pour  cette  cité  de 

(I)  SlaUsliiiiie  du  caiilun  (1803). 
(•2)  Notes  iiianuscrilcs. 


OBSERVATIONS    l'IUtLIMlNAIRES.  403 

HT. (MM)  cimes.  Il  organisa  le  premier  convoi  malinal  en  l<S57,  et  au- 
jourd'hui, en  trente-cinq  ans,  la  surface  entière  des  sept  conmmunes 
est  couverte  de  prairies,  qui  repoussent  et  anéantissent  presque  les 
cultures;  les  lourdes  voitures  chargées  des  c  biches  »  (seaux  de  zinc 
contenant  le  lait)  drainent  le  long  de  tous  les  sentiers  et  des  grandes 
artères  la  traite  de  la  veille,  pour  arriver  aux  laiteries  urbaines,  régu- 
lièrement approvisionnées.  Le  lait  est  devenu,  avec  le  bois,  l'une  des 
deux  sources  de  prospérité  de  la  race  :  l'un  et  l'autre  se  font  rigou- 
reusement équilibre  dans  le  total  des  revenus  annuels. 

Donc  le  régime  du  travail  actuel  se  décompose  ainsi  qu'il  suit  :  en  in- 
dustrie agricole  et  industrie  rubanière. 


Industrie  agricole. 

1°  Les  bois,  qui  ont  conservé  leur  mode  d'exploitation  antique; 
maintenus  en  réserve  par  les  propriétaires  :  noblesse,  bourgeoisie  ou 
personnes  morales  (hospices  et  communes)  ;  les  fermiers  du  proprié- 
taire se  chargent  de  l'abatage  et  du  transport  en  scierie,  moyennant 
l'abandon  des  écorces  et  branches,  et  cela  pour  une  zone  déterminée, 
annexe  de  leur  ferme  :  ils  rémunèrent  à  leur  compte  les  journaliers 
agricoles  suivant  les  saisons  (§  25). 

:2°  Les  fermes  ou  exploitations  rurales  :  le  mot  ferme  est  ainsi 
employé  dans  un  sens  général,  comme  synonyme  de  domaine. 

Au  centre  des  organisations  agricoles,  s'espacent  des  «  terres  » 
encore  fort  importantes  :  la  terre  de  Saint-Genest,  autour  de  laquelle 
le  bourg  s'est  aggloméré  peu  à  peu,  et  qui,  en  ce  siècle  peut-être  plus 
qu'en  tout  autre,  a  maintenu  son  rùle  traditionnel  par  la  révolution 
agricole  dont  elle  a  été  le  levier,  aussi  bien  que  par  la  tulelle  sociale 
qui  s'y  est  exercée  ;  la  terre  du  «  Bois  »  ,  avec  son  manoir  envahi  jadis 
par  Mandrin,  quia  passé  par  alliance  des  Quanson  aux  Costa  de  Beau- 
regard  et  par  achat  aux  Phillibert  de  Fontanès;  la  terre  de  La  Faye, 
démembrement  de  l'antique  baronnie  montagnarde,  aux  mains  d'un 
agriculteur  distingué,  M.  Gourbon-Lafaye,  etc.,  etc.  Gliacune  d'elles, 
comme  les  «  terres  »  de  la  France  entière,  comprend  château  et  dé- 
pendances, réserve  d'expériences,  fermes  enfin,  de  13  à  30  hectares 
(maximum  réduit  de  tous  les  pays  laitiers).  Çà  et  là,  pullulent  les  do- 
maines, assez  nettement  agglomérés,  d'une  infinité  de  petits  proprié- 
taires, paysans  parfois  riches  et  cultivant  eux-mêmes,  journaliers-pro- 


i04  N"   80.    —    FEBMIERS   MONTAGNARDS    DU    IIAUT-FOREZ. 

priélaires  surtout  dont  le  travail  de  bûcheron  forme  l'occupation 
capitale.  Tout  cela,  grandes  terres  ou  patrimoines  modestes,  est  con- 
servé, au  moyen  de  la  pratique  la  plus  énergique  possible,  étant  donnée 
la  loi  française,  de  la  trummission  intégrale,  caractéristique  de  la 
famille-souche  (  Stamm-familie  ). 

En  résumé,  les  deux  points  extrêmes  de  l'échelle  des  exploitations 
rurales  seraient  représentés  par  les  types  suivants  : 

A.  —  Grandes  fermes,  comprenant  : 

Terres 77  mctérées  ou         7'' 7 

Pàlures 73      id.         ou  7  3 

Prés 130      i(l.         ou        13  0 

280  28  0 

15  à  17  vaches;  cultures  très  spécialisées  :  seigle,  pommes  de  terre, 
avoine,  trèfle; 
ou  bien  : 

Terres (il  niélérécs  ou         (;'■  l 

Pâtures 140        id.       ou       li  0 

Pn's 72        id.       ou         7  2 

273  27   3 

li  à  1()  vaches;  mêmes    cultures. 

B.  —  Petits  domaines,  analogues  aux  borderies  limousines  (1),  de 
2  à  3  hectares,  même  au-dessous,  avec  3  ou  -4  vaches  laitières. 

Dans  tous  les  cas  d'ailleurs,  même  dans  les  fermes  les  plus  fortes 
et  les  plus  compliquées,  un  cumul  de  métiers  divers  :  auberge,  en- 
treprise de  transports,  négoce  quelconque,  vient  restreindre  encore 
«  l'agriculteur  pur  ».  Le  lecteur  sait  déjà  que  le  petit  propriétaire  est 
bûcheron. 

Industrie  rubanière. 

L'industrie  a  profondément  pénétré  les  liabiludcs  de  cette  popu- 
lation, chez  laquelle  les  longs  hivers  multiplient  les  bras  inoccupés. 
Elle  y  a  revêtu  ses  deux  formes  successives  :  la  «  fabrique  collective  », 
le  «  grand  atelier  ». 

1°  Fa/jrique  collective.  —  Les  'i.U0O  métiers  de  jadis  sont  réduits  à 
400.  Cependant  «  le  commis  en  soie  »,  —  le  représentant  fixe  du  «  né- 
gociant »,  qui  de  Saint-Etienne  domine  les  ateliers  en  ciiambrc  par 

(1)  Voir  la  inonoKiapliie  dos  MOtaycrs  du  Couloleulais,  Ouv.  des  Deux  Momies.  2'  sérii-, 
t.  III. 


I 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  405 

l'expédilion  de  la  matière  première,  par  l'exécution  de  certains  tra- 
vaux, et  même  souvent  par  la  propriété  du  matériel,  —  reste  toujours 
un  personnage  fort  respecté.  Une  «  maison  »  surtout  a  conservé  le 
monopole  de  ce  vieux  mode  de  fabrication,  qui  résiste  victorieusement, 
grâce  à  l'extraordinaire  abaissement  des  salaires  (0^  75  à  1  franc  pour 
10  heures  de  travail).  Cette  sorte  d'ateliers,  où  figurent  presque  exclu- 
sivement les  femmes,  présente  les  trois  catégories  de  métiers  :  métier 
de  basse-lisse,  réduction  du  métier  à  tisser  qui  déroule  une  unique 
pièce;  métier  tambour,  qui,  par  le  mouvement  rythmé  de  la  «  barre», 
fait  circuler  six  ou  douze  navettes  dans  les  six  ou  douze  chaînes  pa- 
rallèles; métier  Jacquart  enfin,  plus  lourd,  plus  pénible,  dont  le  sys- 
tème de  cartons  compliqué  permet  de  tisser,  en  même  temps  que  l'é- 
troite bande  du  ruban,  les  noms  et  adresses  du  fabricant,  les  dessins, 
les  portraits  même.  L'article  «  décoration  »  spécialement  se  fabrique 
en  ces  chambres  enfumées,  à  tous  les  étages  des  hautes  maisons  du 
bourg;  les  flots  multicolores  qui  seront  plus  tard  :  ordre  d'Isabelle, 
Saints-Maurice  et  Lazare,  Pie  IX,  Grégoire  le  Grand,  médaille  de  sau- 
vetage, médaille  militaire,  Légion  d'honneur,  s'échappent  de  là  pour 
courir  à  travers  le  monde,  au-devant  des  actions  d'éclat  ou  des  honteux 
marchandages  (^  27). 

2°  Manufactures,  —  La  manufacture  gagne  du  terrain;  la  manu- 
facture, non  plus  urbaine  qui  a  remplacé  au  miheu  du  siècle  l'or- 
ganisation précédente,  traditionnelle  par  essence,  mais  la  manu- 
facture rurale  qui  remonte  le  chemin  parcouru  à  la  recherche  des 
salaires  inférieurs.  Deux  manufactures  de  tissage,  toutes  deux  au  chef- 
lieu  communal,  l'une  comptant  20  métiers  et  adonnée  à  l'article  chapel- 
lerie; l'autre  réunissant  30  métiers  marchant  à  la  vapeur,  plus  particu- 
lièrement consacrée  à  l'article  caoutchouc  (jarretières).  De  plus,  au 
nombre  de  4  à  5,  isolés  en  pleins  champs,  à  la  place  des  scieries 
abandonnées  (l),  les  «  moulinages  »,  filatures  de  cette  branche  du  tis- 
sage des  étoffes,  voient  passer  devant  leurs  dévidoirs  la  grande  ma- 
jorité de  la  population  féminine,  non  sans  préjudice  pour  la  race  en- 
tière. 

Dans  les  cadres  ainsi  déterminés,  contrée  d'abord,  organisation 
du  travail  ensuite,  comment  va  se  répartir  la  population?  Si  nou?  en 
croyons  le  dernier  recensement  (1891),  les  résultats  des  sept  communes 
du  canton  seraient  les  suivants  : 

(Il  Scieries  cl  moulins  à  iilc  soal  des  accessoires  ilc  ragriculliue,  et  à  ce  litre  n'ont  pas 
ilroii  à  un  paragraptie  spécial. 


406  iV   80.   —    FERMIERS    MONTAGNARDS    DL"    IIAUT-FOREZ. 

IMII'l  I.ATION. 

SupcrUcie  totale.      JKH).  imn.  IKH. 

HecUrcs.  —  —  — 

Saint-Goncst-Maliraii\ 4.707              ^.tv.n  2.  Vit;  -2.(i3,'J 

Marlhes 3.27.J              -LlM  2.143  1.891 

Jonzieux d.032                 l.OTG  1.200  l.i37 

Saint  Ucgis  (lu  Coin 2.03i  (voir  Marlhes)  848  773 

Saint  Rninain-Ies-.\lheux. ..  l.'»68               1.003  819  752 

Planfoy 1.227  (voir  S'-Gencst)  900  761 

Tarenlai  se l  .257                51  i  Wit  395 

14.998  It.dlT  S.TTi  S.;t4-2 

La  «  circulalion  »  des  habitant-^,  pour  ainsi  diro,  —  la  rapidité  de  dé- 
veloppement des  iinilés  familiales  et  le  départ  des  individualités  déta- 
chées, —  semble  fort  active.  Ce  massif  de  montagnes  constitue  comme 
un  réservoir  d'hommes,  un  de  ces  réservoirs  qui  renouvelle  les  familles 
épuisées  des  cités  et  repeuple  lentement  la  France,  de  concert  avec 
telle  ou  telle  province,  Auvergne  et  Bretagne.  Les  naissances  sont 
élevées,  et  le  total  ne  s'accroît  pas;  point  d'agitation  à  la  surface,  pas 
de  montée  régulière  des  familles  les  mieux  douées;  les  classes  sem- 
blent figées  en  leur  antithèse,  noblesse  très  restreinte,  peuple  et  bour- 
geoisie modeste,  unies  par  une  assez  grande  analogie  de  mœurs.  C'est 
qu'une  émigration  constante  pousse  au  dehors  les  remuants  et  les  ac- 
tifs :  une  continuelle  descente  s'opère  vers  les  villes  industrielles,  oîi 
le  montagnard  se  transforme  en  mineur,  passementier,  verrier,  —  la 
gamme  entière  du  prolétariat  révolutionnaire;  —  çà  et  là,  les  indivi- 
dualités les  plus  hautes  apparaissent  à  Paris,  à  Lyon,  dans  les  grands 
centres,  à  tous  les  degrés  des  classes  libérales  et  surtout  du  clergé. 

Ce  mouvement  est  nettement  prouvé  par  trois  documents.  D'abord, 
ce  tableau  de  la  population  de  la  commune-tête,  le  chèf-lieu  de  canton, 
pendant  la  dernière  période  décennale,  démontre  l'accroissement. 

1882.  188.Î.  1884.  1885.  188»;.  18X7.  1888.  188!l.  ISItO.  I8!»l. 

Naissances  légllinics     —         —         —  —  —         —         —         —         —  — 

ou  illégitimes si         s:;         80  'M  (m         si         (i5         (is         (M)  M 

Mariages 7         10         22  20  it         Ki         20         i.i         lo  li 

Décès 40           02           .■;.{  ri",  4fi            47            4!»           45           ."iO  .»!• 

NOMIIKK    DES   KNtAM'S    PAU    JIKNACK. 
(.ifi7  niûnaifa  ;  .180  marié»;  Cl   viiif«  ;  136  timitos.) 

Knfanls...       0  12  3  4  5  6  7  (el  au-dessus) 

Ménages..     .30  90  84  74  77  73  53  (!6 

Li;  stationnement  du  iliitrn;  total  cl  dii  la  répartition  est  établi  ainsi 
ipi'il  suit  par  !•■  d('iiomhremeiit  de  I.S!»I  rt  les  dénombrements  pré- 
cédents. 


OBSERVATIONS   PRÉLIMINAIRES.  407 

Rccoiispmcnt.      Hab.  agKlomOrù.s.    É[«iis.                    Popul.  totale.                     Uabitatioiis.  Mùnages. 

1872.                    587              1.747                     2.344                               465  546 

1886.                     697              l.SW                     2.274                                439  .S83 

1891.                    76D              I.Sn->                      2.633                               436  367 

(dont  7  inoccupées). 

RÉPAr.TITION   DE   l-\  POPir.ATKlN    F.NTIIE    LES   DIVERSES   PROFESSIONS   (1891). 

1.  Agriculture  :  propriétaires,  a:»-!;  fermiers,  1.3.">t 1.903 

2.  Industrie  rubanicrc 191 

3.  Industries  (l)àtiment,  menuiserie,  cliarronnage,  ete •')7 

4.  Transports 10 

3.  Commerce 159 

6.  Administrations  publiques 3"> 

7.  Force  publique 19 

8.  Professions  libérales 41 

9 .  Rentiers I"»2 

10.  Établissements  d'instruction <J0 

2.ft33 

La  conséquence,  l'émigration,  se  devine  entre  les  lignes  du  tableau 
suivant,  qui  donne  la  répartition  des  habitants  au  point  de  vue  de  l'âge 
et  de  l'état  civil  : 

Ages.  Sexe  masculin.  Sese  fûminin. 

Au-dessous  de  20  ans 638  602 

De  20  à  60  ans 343  5i;i 

De  61  à  94  ans, 127  l.'iO 

Total 1.330  1.2<l7 

Total  général  :  2.633    (2.631  Français,  2  étrangers^. 

L'ensemble  de  ces  populations  se  dislingue  par  un  trait  caractéris- 
tique qu'il  convient  de  signaler  dès  le  début  de  l'étude  :  au  point  de 
vue  des  croyances  et  du  respect  des  hautes  classes,  elles  sont  restées,  à 
bien  des  égards,  au  point  où  se  trouvaient  les  populations  rurales  de 
la  France  au  milieu  du  dix-huitième  siècle  (§§  21,  22,  23).  Mais  le  voi- 
sinage d'une  ville  importante,  avec  laquelle  les  communications  s'éta- 
blissent sans  discontinuer,  a  apporté  dans  les  mœurs,  notamment  au 
point  de  vue  du  costume,  un  «  exhaussement  «  dont  l'observateur  reste 
frappé. 

Le  choix  du  type  permettra  de  faire  défiler  devant  le  lecteur  les  dif- 
férents éléments  de  la  constitution  sociale.  En  effet,  au  point  de  vue  so- 
cial, la  famille  étudiée  représente  la  moyenne  rigoureuse  et  réalise 
bien  le  type  parfait  (§  18).  Au  point  de  vue  économique,  il  ne  peut  en  être 
de  même  :  l'exploitation,  la /"er/ne  qu'elle  détient,  —  c'est  une  famille  de 
laitier,  —  ne  vient  pas  au  premier  rang  par  l'importance  de  ses  ré- 
coltes et  le  nombre  de  ses  bestiaux;  elle  ne  donne  pas  à  elle  seule  l'i- 


408  N°   80.    —    FERMIERS    MONTAGNARDS    DU    ilAUT-FOKEZ. 

dée  la  plus  haute  de  l'agriculture  locale.  Mais  elle  offre  cet  avantage 
inappréciable  de  nous  placer  à  la  bifurcation,  pour  ainsi  dire,  du 
«  fermier  »  riche  et  à  peu  près  spécialisé  dans  la  culture,  du  bûcheron- 
manœuvre,  établi  dans  une  borderie  et  louant  ses  bras  pour  l'exploi- 
tation des  forêts  voisines,  enfin  de  l'industrie  rubanière,  car  la  fille 
aînée  rapporte  chaque  mois  un  salaire  assez  élevé,  d'abord  d'un  mou- 
linage  et  plus  tard  d'une  manufacture  de  tissage  du  pays.  Le  lait,  le 
bois,  les  rubans  :  nous  sommes  à  un  point  stratégique,  à  l'intersection 
des  trois  éléments  de  la  vie  économique  du  pays. 


ÉTAT    CIVIL   DE    LA    FAMILLE. 

La  famille  se  décompose  ainsi  qu'il  suit  : 

I"  Antoink  h***,  (lit  L*"*,  clief  de  maison 46  ans. 

2"  CAïiiEniSF.  M***,  sa  femme 40  — 

3"  Mauie-Antoinkttk  h***,  leur  (ille  ainéc,  ouvrière  d'une  fabrique  rurale.  44  — 

4"  Marie-Uosk.  h***,  leur  deuxième  liile,  hergère 12  — 

5"  Antoine  II***,  leur  lils  aîné,  berger  chez  sa  grand'mèrc 10  — 

6"  .IiisF.iMi  11***,  leur  deuxième  lils,  berger  chez  un  voisin 9  — 

7"  André  H***,  leur  troisième  lils 7  — 

8"  Claide-Makie  h***,  leur  quatrième  lils  1  an   4/-2. 

Cette  famille,  fondée  depuis  dix-sept  ans  (date  du  mariage  du  père  et 
de  la  mère),  offre  les  éléments  distinctifs  de  la  famille-souche,  en 
ce  sens  qu'elle  est  issue  de  deux  autres  familles  organisées  d'après  ce 
type  social;  cependant,  c'est  au  moment  de  la  transmission  de  la 
ferme  et  du  cheptel  que  se  dessinera  nettement  le  caractère  dq  sa  cons- 
titution (î;   18;. 

Les  parents  d'Antoine  II***  étaient  fermiers  sur  le  territoire  même 
de  la  commune.  Sept  enfants  naquirent  de  leur  union  :  deux  garçons, 
fermiers  l'un  et  l'autre;  cinq  filles,  mariées  à  des  journaliers,  à  des  pro- 
priétaires ruraux  et  à  de  petits  commerçants  du  chef-lieu.  L'émigra- 
tion, on  le  voit,  avait  été  peu  utilisée. 

11  n'en  a  pas  été  de  mémo  de  la  famille  de  la  femme.  F^e  père,  fermier 
et  «  scieur  »,  c'esl-à-dirc  préposé  à  la  direction  d'une  de  ces  petites 
scieries  de  la  montagne  qui  disparaissent  devant  la  concentration  in- 
dustrielle, fut  obligé  de  recourir  à  «  l'essaimage  »  vers  la  plaine  elles 
centres  du  tissage  ou  de  la  houille,  pour  nourrir  ses  treize  enfants, 
quatre    garçons  et  neuf  filles.  Un  lils    est  resté  avec    la    mère;    mais 


OBSERVATIONS    l'RÉLLMINAlKES.  409 

un  second  est  ouvrier  à  Sainl-Etienne;  deux  autres  sont  morts,  dont  un 
au  service;  les  filles  survivantes,  car  là  aussi  des  pertes  assez  sensibles 
ont  frappé  coup  sur  coup  cette  famille,  sont  placées  comme  domes- 
tiques à  Saint-Chamond;  une  est  mariée  dans  le  Rhône,  une  dernière 
est  à  Paris,  oii  elle  a  épousé  un  boucher  établi.  Nous  saisissons  ici  le 
trait  dominant  de  ces  populations  :  la  descente  continue  vers  la  plaine 
et  les  grandes  villes,  l'exil  sans  esprit  de  retour  qui  conduit  parfois 
vers  des  situations  meilleures,  le  plus  souvent  vers  la  vie  précaire  des 
ateliers  agglomérés  de  nos  jours.  Par  cette  dispersion  à  la  recherche 
du  pain  quotidien,  un  ou  deux  enfants  seuls  restent  au  foyer  :  eux 
seuls  peuvent  être  utiles  jusqu'à  la  mort  des  parents  et  prendre  alors 
la  continuation  de  leur  tâche.  Ainsi,  par  la  force  des  choses,  —  le  ra- 
tionnement du  sol,  l'exode  des  jeunes,  —  s'est  constituée  cette  «  famille- 
souche  »,  dont  les  vestiges  sont  semés  tout  autour  de  nous. 

Gomme  particularité  sur  les  noms  de  baptême,  il  convient  de  relever 
ce  fait,  non  observé  dans  la  famille  étudiée,  du  très  fréquent  emploi  des 
noms  de  Régis  et  de  Marins  pour  les  garçons.  Régis  évoque  le  sou- 
venir de  saint  François  de  Régis,  dont  le  sanctuaire  de  la  Louvesc,  au 
cœur  des  montagnes  de  l'Ardèche,  est  le  centre,  incessamment  visité, 
de  nombreux  pèlerinages.  Marius  est  le  masculin  de  Marie!  et  assure 
aux  enfants  la  protection  de  la  sainte  Vierge.  Voilà  un  rapprochement 
que  des  lettrés  parisiens  des  plus  subtils  auraient  malaisément  décou- 
vert. 

Les  surnoms  sont  courants  :  spirituels  parfois,  empreints  souvent 
d'une  moquerie  toute  gauloise  qui  leur  assure  un  succès  difficile  à 
faire  oublier. 


g  3. 


RELIGION   ET    HABITUDES    MORALES. 

Lorsque  vous  pénétrez  dans  la  salle  basse,  presque  souterraine,  de 
cette  petite  ferme  isolée  à  la  lisière  des  sapins,  deux  faits,  assurément 
fort  édifiants  pour  les  observateurs  épris  des  mœurs  archaïques, 
viennent  vous  rappeler  la  distance  prodigieuse  qui  vous  sépare  des 
milieux  athées  et  révoltés  des  grandes  villes.  Accroché  aux  poutres  du 
plafond,  au-dessus  de  la  table  où  se  prennent  les  repas  en  commun, 
apparaît  un  autel  minuscule,  comme  ceux  que  les  enfants  pieux  s'achè- 


410  N°    HO.    —    l'EKMIEHS    MONTAGNAKDS    bU    IIAUT-FUHEZ. 

tent  dans  les  imageries  du  quartier  Saint-Sulpice;  un  crucifix  domine 
le  tout,  une  sainte  Vierge  en  plâtre  l'accompagne,  puis  tout  autour 
de  petits  chandeliers  de  plomb,  du  papier  doré,  des  brins  d'herbes, 
simulent  rornementaliun  des  chapelles  catholiques.  Au  fond,  cou- 
vrant toute  la  paroi  de  la  muraille,  une  vingtaine  de  photographies 
dans  leurs  cadres  moirés  de  brun  représentent,  non  pas  des 
silhouettes  massives  de  montagnards  en  habits  de  fête,  mais  des  profils 
délicats  d'enfants  luxueusement  mis  :  toute  une  famille  de  bienfaiteurs 
appartenant  à  une  classe  dominante,  révérée.  C'est  presque  le  trône  et 
V autel  :  le  culte  du  Dieu  traditionnel  et  du  «  château  »  ;  deux  religions 
qui  s'ajoutent  et  s'accroissent  l'une  l'autre  :  l'une  manifestée  par 
les  prières  à  haute  voix,  les  chapelets  récités  aux  veillées  d'hiver,  les 
«  benedicite  »  avant  la  nourriture  quotidienne  ;  l'autre,  par  le  dé- 
vouement entier,  le  «  loyalisme  »,  pour  ainsi  dire,  à  l'égard  d'une  race 
à  qui  le  commandement  héréditaire  semble  appartenir. 

Or,  il  n'y  a  là,  au  moins  dans  le  premier  de  ces  deux  sentiments, 
qu'un  trait  général,  commun  à  toutes  les  familles  de  ce  massif  monta- 
gneux, formé  par  l'intersection  de  la  Loire,  de  la  Haute-Loire  et  de 
l'Ardèche  (1)  :  la  foi  «  au  catholicisme  »,  foi  assez  raisonneuse  et  nul- 
lement superstitieuse  comme  dans  les  campagnes  limousines,  épurée 
peut-être  par  les  nécessités  de  la  lutte  contre  les  sectes  protestantes 
des  «  Gamisards  »,  domine  avec  un  sérieux  et  une  rigueur,  qui  con- 
trastent assez  étrangement  avec  le  «  cléricalisme  »  un  peu  superficiel 
des  ouvriers  des  villes  [t).  Ainsi  que  le  démontre  M.  l'abbé  Ribet,  en  un 
livre  philosophique  :  Honnête  avant  tout  (3),  le  catholicisme  a  pénétré 
ces  masses,  dictant  dans  la  plus  large  mesure  les  coutumes  de  la  vie 
privée  et  publique  :  les  habitudes  intimes  de  la  famille  n'en  sont  pas 
seulement  dominées,  au  point  que  le  culte  domestique  y  a  conservé 
toute  sa  force  primitive,  avec  son  luxe  d'images  dévotes  et  de  petits  re- 
liquaires ;  mais  les  pratiques  extérieures,  accomplies  dans  l'église  pa- 
roissiale, la  «  confession  auriculaire  »  et  la  «  communion  des  espèces 
transformées  par  la  présence  réelle  »,  sont  considérées  comme  un  de- 
voir strict  aux  principales  fêtes  de  l'année  ;  le  respect  humain  s'exerce 
en  un  sens  inverse  des  tendances  courantes  dans  ce  groupement  so- 
cial, où  «  confrérie  de  l'apostolat  »,  confrérie  des  enfants  de  Marie, 
confrérie  de  Saint-Louis  de  (jonzague,  saisissent,  au  sortir  de  la  pre- 

(1)  Lo  centre  csl  formé  par  la  commune  de  Hiolord. 

(2)  Voir  ci-ilcssus,  ]>.  2-2i2,  la  moiingra|iliie  de  l'Ouvrière  mouleuse  en  cartonnage,  '.',  'H. 

(3)  Dellionime,  éditeur,  l'aris. 


OBSERVATIONS    l'RÉLIMlNAlRES.  411 

mière  communion  et  du  «  catéchisme  » ,  enfants,  jeunes  hommes 
et  jeunes  filles.  A  peine  quatre  ou  cinq  indifférents,  —  le  libre-penseur 
serait  un  phénomène  de  réprobation  universelle,  —  se  tiennent-ils  à 
distance  de  l'acte  de  profession  publique  exigé  dans  la  période  pas- 
cale. Bien  plus,  les  manifestations  collectives  et  en  masse  se  tradui- 
sent de  temps  à  autre  par  les  missions  préchées  par  des  ordres  mo- 
nastiques; missions  qui  se  terminent  par  des  processions  gigantesques, 
véritables  fêtes  locales,  précédées  de  vingt  ou  trente  cavaliers,  réunissant 
parfois,  derrière  le  clergé  et  le  conseil  communal,  jusqu'à  3.000  per- 
sonnes. Et  nous  ne  parlons  ni  des  pèlerinages  inspirés  par  l'usage, 
le  pèlerinage  de  la  Louvesc,  que  chaque  fidèle,  homme  ou  femme, 
s'empresse  d'accomplir,  avec  une  ponctualité  attribuée  par  les  scepti- 
ques parisiens  aux  seuls  adorateurs  de  la  Kasba;  ni  des  vocations 
religieuses  incessantes,  multiples,  détachant  de  toutes  les  familles  des 
individualités  d'élite  vers  les  congrégations  de  femmes,  hospitalières 
ou  enseignantes,  vers  les  congrégations  d'hommes,  surtout  les  Maris- 
tes,  et  vers  le  clergé  séculier  (§§  17,  19  et  20). 

Ce  n'est  pas  tout  :  bien  que  nous  soyons  sur  le  terrain  même  qui  a 
vu  surgir  entre  nobles  et  paysans  les  luttes  sociales  marquées  par  les 
«  grands  jours  d'Auvergne  »  (il  suffit  de  descendre  jusqu'à  la  mé- 
tropole pour  constater  la  bonne  justice  que  les  parlementaires  anoblis 
de  Paris  avaient  faite  du  château  féodal  de  Saint-Priest),  l'attache- 
ment à  la  famille  des  anciens  chefs  locaux,  les  barons  de  Saint- 
Genest,  se  manifeste  ici,  —  sur  ce  point  particulier,  —  avec  une  force 
qui  semble  réservée  aux  habitants  des  highlands  d'Ecosse  pour 
leurs  chefs  de  clans.  L'incessant  souvenir,  répété  à  chaque  ferme,  de 
cette  autorité  sociale  disparue  il  y  a  vingt  ans,  le  baron  Louis  de 
Saint-Genest,  le  «  réformateur  de  l'agriculture  locale  »,  révèle  ce 
sentiment  bien  évanoui  ailleurs  :  le  respect  affectueux  à  un  pouvoir 
légitimé  par  l'exercice  héréditaire.  Les  fêtes  du  «  château  »  de- 
viennent les  fêtes  de  la  contrée  tout  entière.  Qu'il  s'agisse  de  la  ré- 
ception des  jeunes  mariées,  à  qui  l'on  offre  le  «  vin  d'honneur  »,  ou 
des  mariages  célébrés  dans  la  basilique  paroissiale,  les  foules  s'amas- 
sent, dressent  les  arcs  de  triomphe,  déracinent  même  les  sapins  pour 
les  planter  le  long  des  routes ,  au  grand  désespoir  des  agents  voyers. 
Le  «  mot  d'ordre  »  politique  vient  de  là  :  l'opinion  du  chef  naturel 
devient  l'opinion  générale;  et,  malgré  un  lent  affaissement  qui  tend 
à  se  produire,  elle  maintient  chez  ces  montagnards,  désireux  de 
vivre  en  paix  avec  les  puissances  et  sans  convictions  politiques  tran- 


412  N"   80.    —    KEKMIERS   MONTAGNARDS    DU    UALT-KOHEZ. 

chées,  le  vole  machinal  en  faveur  des  candidats  de  la  légitimité 
pure(l). 

Saisie  dans  ce  grand  ensemble  puissamment  discipliné,  la  famille 
étudiée,  qui  isolée  céderait  vraisemblablement  aux  habitudes  am- 
biantes après  une  courte  période  de  résistance,  se  présente  avec  tous 
les  dehors  de  la  cohésion  traditionnelle. 

Le  respect  du  père,  sanctionné  par  la  religion,  se  manifeste  encore, 
malgré  l'usage  de  ce  tutoiement  que  l'invasion  du  français  introduit 
peu  à  peu  dans  le  patois  local  :  le  placement  des  petits  bergers  et 
des  jeunes  ouvrières  des  moulinages  s'opère  de  par  sa  volonté 
redoutée,  sans  qu'aucune  résistance  individuelle  ose  s'insurger  contre 
cette  autorité  un  peu  rude,  mais  inclinée  décidément  vers  une  ten- 
dresse plus  consciente  d'elle-même.  Le  groupement  familial  est  un;  il 
faut  un  maître  :  tel  est  le  sentiment  de  tous;  et  des  observateurs  fixés 
depuis  longtemps  dans  le  «  pays  noir  »,  nous  ont  affirmé  que  le  plus 
souvent  l'opinion  générale  était  défavorable  à  la  femme  corrigée 
manuellement  au  nom  de  la  puissance  maritale.  Il  ne  reste  à  celle-ci 
que  la  répercussion  sur  les  bambins  de  tout  âge,  et  elle  en  use. 

Que  formera  cette  éducation?  De  robustes  montagnards,  agglo- 
mérés en  groupes  nombreux,  car  ils  ignorent  la  stérilité  systématique; 
aux  manières  un  peu  frustes  pour  ceux  qui  les  entourent;  des  natures 
loyales,  franches,  sauvages,  méfiantes  à  l'égard  de  l'étranger  ren- 
contré par  hasard,  peu  portées  à  la  politesse  de  certaines  races  du 
Midi  et  de  l'Ouest  de  la  France,  mais  gaies,  heureuses  de  vivre,  recon- 
naissantes à  qui  les  sert,  d'un  dévouement  patient,  sans  éclat;  mal 
préparées  à  la  lutte  héroïque  et  ouverte,  mais  capables,  en  1793,  de 
cacher  et  finalement  de  sauver  u  le  citoyen  Saint-Genest  »,  ci-devant 
baron;  amies  de  la  paix  sociale  et  du  travail,  éprises  d'un  pouvoir 
fort,  abhorrant  procès  et  chicane,  au  point  que,  sans  une  com- 
mune plus  batailleuse  que  les  six  autres,  la  petite  justice  de  paix, 
continuation  du  bailliage  ancien  des  seigneurs,  chômerait  faute  de 
clients;  de  mœurs  douces  et  honnêtes,  malgré  la  pratique  ancienne  de 
l'industrie  en  chambre,  malgré  l'invasion  constante  de  la  concentra- 
tion (les  usines,  grâce  à  une  opinion  publique  ferme,  grâce  aussi  à 
des  confréries  confessionnelles,  qui  vont  jusqu'à  «  payer  la  journée  » 
des  filles  pauvres,  pour  les  écarter  de  tel  contact  dangereux  ou  de 
ti.'lb-  pente  mauvaise. 

(I)  l.iOO  élcclcurs  contre  100  iluiis  lo  canton  en  moyenne. 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  413 

Mais  cette  éducation  déracinera-t-elle  le  «  vice  national  »,  pour  ainsi 
dire,  le  vice  général,  vice  des  pays  pauvres  et  froids,  Russie,  Norvège, 
Angleterre,  Ecosse,  V alcoolisme,  qui  a  fait  surgir  les  «  maisons  de  tem- 
pérance »  d'Edimbourg  et  des  villes  anglaises,  et  qui  ne  soulève  ici  qu'un 
blâme  bien  modéré  en  face  de  l'infinie  variété  des  restaurants,  cafés  et 
débits,  échelonnés  en  jalons  sur  chaque  route  ou  condensés  au 
chef-lieu?  Les  joyeuses  «  beuveries  «  du  chef  de  famille  aux  jours  de 
fête  ne  permettent  pas  de  le  supposer.  Le  moyen  de  persuader  à  ces 
hommes,  souvent  mal  nourris  et  bloqués  pendant  des  semaines  par 
la  neige,  que  l'idéal  de  la  vie  ne  consiste  pas  à  emmagasiner,  sous  la 
trappe  à  bascule  de  leur  cave,  le  vin  ou  l'eau-de- vie  pour  se  réchauffer 
pendant  les  tempêtes  d'hiver?  Gomme  en  Bretagne,  des  dévotes  se 
rencontrent,  respectées  pour  leur  vie  irréprochable,  mais  qui  n'ont 
jamais  pu  rompre  les  relations  trop  régulières  avec  leur  bouteille 
d'eau-de-vie  de  marc.  Quelques  cas  de  delirium  tremens  en  résultent 
çà  et  là;  quelques  crimes  domestiques,  même  quelques  êtres  diffor- 
mes, de  loin  en  loin,  victimes  de  l'ivrognerie  héréditaire  ;  toutefois, 
la  race  dans  son  ensemble  n'en  a  pas  encore  souffert. 

Il  est  deux  palliatifs  contre  l'alcoolisme  :  la  substitution  du  vin  de 
raisin  pur  aux  alcools  des  usines;  et  aussi  l'instruction,  qui,  en  éle- 
vant et  compliquant  les  goûts  intellectuels,  détourne  du  plus  gros- 
sier des  vices  énumérés  par  Luther,  L'instruction,  gênée  pendant 
de  longs  siècles  par  l'idiome  montagnard  (1),  a  été  largement  distri- 
buée, et  distribuée  par  le  clergé  lui-même.  Celui-ci  n'a  pas  voulu 
laisser  détacher  de  son  domaine  la  supériorité  intellectuelle,  et 
depuis  de  longues  années  il  a  absorbé  l'enseignement  par  ses  con- 
grégations d'hommes  et  de  femmes;  il  l'a  répandu  pour  en  guider 
le  courant.  Jadis,  les  Béates,  sorte  de  religieuses  isolées  çà  et  là 
dans  les  hameaux,  avaient  trouvé  la  véritable  formule  de  l'enseigne- 
ment primaire  dans  ces  pays  où  les  communications  se  trouvent 
coupées  dans  la  période  hivernale.  Depuis  que  les  lois  de  1882,  qui 
ont  entraîné  dans  le  reste  de  la  France  une  vive  impulsion  scolaire, 
ont  exigé,  par  leurs  prescriptions  un  peu  trop  rigides,  la  concentra- 
tion des  établissements  d'instruction,  les  «  Béates  »  ont  dû  céder  la 
place  aux  «  écoles  »,  préexistantes  d'ailleurs,  mais  grandies  par  cela 
même  :  Frères  Maristes,  pour  les  garçons;  sœurs  de  Saint-Joseph, 
pour  les  filles.  Les  premiers,  écrasant  l'école  d'Etat,   les  secondes 

(1)  C'est  une  hranclie  de  la  langue  romane;  elle  a  aUeinl  sa  plus  haute  expression  dans 
les  œuvres  littéraires  du  dialecte  de  Saint-Étienne. 

40 


414  s"   80.    —    FEKMIERS    MONTAGNAHUS    DU    UAUT-FOREZ. 

ayant  empêché  jusqu'à  la  création  d'une  concurrence,  ont  fait 
«  monter  »,  pour  ainsi  dire,  l'idée  religieuse  et  morale,  à  mesure  que 
les  idées,  les  mœurs,  s'élevaient  vers  une  complication  plus  grande. 
Le  chef  de  famille  et  sa  femme  savent  lire  et  écrire,  ce  que  ne  sauraient 
pas  forcément  les  membres  d'une  famille  symétrique  dans  telle 
contrée  réputée  libérale.  Les  livres  pieux,  triés  avec  soin,  sont  les 
seuls  qui  tombent  entre  leurs  mains.  Les  journaux,  peu  lus  d'ail- 
leurs, ne  sont  achetés  que  lorsqu'ils  restent  attachés  à  l'ancien  ordre 
de  choses.  La  vieille  tradition  religieuse,  morale  et  politique,  a  su  se 
maintenir  au  niveau  du  siècle. 

Mais,  au  sortir  de  ces  impressions  de  l'école,  la  pratique  de  la  vie 
viendra  encore  consolider  la  confiance  du  montagnard  dans  les  vieux 
rouages  de  sa  constitution  locale.  Par  qui  sera-l-il  guidé  dans  ses 
travaux  agricoles?  Précisément  par  la  famille  qui  exerra  jadis  le 
pouvoir  seigneurial.  C'est  elle  qui,  par  une  initiative  hardie,  a  pris  la 
direction  du  mouvement  économique;  grâce  à  elle,  une  idée,  com- 
battue comme  impraticable,  a  porté  à  son  maximum  le  bien-être  de 
tous;  à  chacjue  pas  son  exemple  se  retrouve,  fixant  la  tradition  du 
travail  de  la  terre,  qui  existait  à  peine  avant  elle  et  qu'elle  a  en  réalité 
fondé.  L'agronome  éminent  qui  en  était  le  chef  a  créé  renseigne- 
ment professionnel  du  travail  rural  sans  frais,  sans  déplacement, 
sans  utopies.  Tous  sont  venus  se  ranger,  riches  fermiers  ou  labou- 
reurs modestes,  sous  l'influence  déjà  lointaine  pourtant  de  cette 
autorité  bienfaisante,  de  ce  patronage  utilitaire,  qui,  jugé  infaillible 
dans  les  petites  choses,  est  demeuré  tout-puissant  sur  les  grandes. 

La  conclusion  de  cette  page  de  psychologie  sociale  semblera  un 
paradoxe.  C'est  parce  que  l'Eglise  et  la  famille  dirigeante  ont  su 
changer  à  temps  la  justification  de  leur  primauté,  que  cette  pri- 
mauté, en  cet  îlot  rural  moins  immuable  qu'un  ne  le  suppose, 
a  conservé  sa  force. 


g   4. 

HYGIÈNE    ET    SERVICE   DE   SANTÉ. 

Toute  la  richesse  sanguine  de  cette  race  brune  et  musclée,  moyenne 
de  taille,  un  peu  lente  d'allures,  mais  carrée  et  résistante,  se  retrouve 
dans  la  famille  étudiée.  Le  chef  d'abord,  plutôt  au-dessous  de  la 
moyenne  (V'MIO),  ancien  garde  mobile  de  l'armée  de  la  Loire  et  de 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  415 

l'armée  de  l'Est  en  1870-71  ;  la  femme,  plus  grande,  plus  forte  (l™t)3), 
s'épanouissant  dans  la  santé  franche  et  gaie  des  montagnardes,  igno- 
rant la  préoccupation  et  la  maladie;  les  enfants,  tous  superbes,  massifs 
d'une  lourdeur  bien  portante  et  faite  pour  humilier  les  anémies 
des  villes. 

C'est  que  ces  Arvernes,  —  descendants  plus  ou  moins  transformés 
des  Celtes  qui  attaquèrent  César  avec  le  plus  d'acharnement  irrécon- 
ciliable, —  habitent  les  régions  à  l'air  vif  et  riche,  le  pays  des  «  cures 
d'air  »,  des  sapins  et  des  larges  brises  fraîches,  que  les  habitants 
des  cités  de  la  plaine  vont  chercher  en  s'installant  dans  les  chambres 
étroites  pendant  deux  mois. 

Les  «  gars  »,  robustes  cavaliers  et  marcheurs  intrépides,  versés  tour 
à  tour  par  le  recrutement  dans  le  train  des  équipages,  la  cavalerie, 
les  chasseurs  alpins,  n'ont  que  rarement  à  bénéficier  de  l'exemption 
pour  infirmités  et  vices  de  constitution.  Sur  26  jeunes  gens  présentés 
en  1889,  23  ont  été  déclarés  bons  pour  le  service,  26  sur  30  en  1892 
(les  résultats  manquent  pour  1890  et  1891);  proportion,  87  %.  Les 
femmes,  malgré  une  légère  décadence  à  cet  égard,  se  font  encore 
un  jeu  de  leurs  nombreuses  maternités,  élevant  sans  faiblir  des  troupes 
de  six,  sept,  et  dix  enfants. 

A  peine  deux  ennemis  apparaissent-ils  contre  cette  uniformité  de 
vigueur  :  la  malpropreté,  entretenue  chez  cette  race  par  une  foi  iné- 
branlable dans  l'antiseptie  naturelle,  la  malpropreté  que  l'exemple 
des  Flandres  semble  rendre  incompatible  avec  les  contrées  laitières, 
et  qui  ici,  —  peut-être  par  reflet  du  ton  de  la  terre  d'Auvergne,  — 
jette  une  couche  sombre  sur  les  intérieurs,  assombrit  même  les  toi- 
lettes, simplifie  à  outrance  [^  les  ablutions  personnelles,  et  restreint 
même  au-dessous  des  limites  permises  la  confiance  dans  la  mode  cou- 
rante de  l'hydrothérapie.  Puis  aussi,  plus  dangereuse  pour  l'avenir, 
car  elle  paraît  être  grosse  de  menaces,  la  manufacture,  l'usine  agglo- 
mérée, le  «  moulinage  »  principalement,  oii  toutes  les  fillettes  de  dix  à 
dix-huit  ans,  au  moment  de  la  croissance  et  du  développement  des 
forces,  subissent  un  affaiblissement  par  le  surmenage,  capable  d'étio- 
ler peu  à  peu  la  race  et  de  la  condamner  à  une  prochaine  diminution 
de  valeur. 

D'ailleurs,  l'organisation  de  l'assistance  et  du  service  médical,  en 
avance  sur  les  nouvelles  mesures  législatives,  est  venue  parer  aux  cas 
les  plus  pressés.  Aux  remèdes  traditionnels,  que  les  bonnes  femmes  con- 
servent çà  et  là  (les  tisanes  de  «  cloportes  »  contre  l'hydropisie,  les 


416  K"   80.    —    FEHMIEHS    MONTAGNARDS    ItU    IIALÏ-FOREZ. 

pigeons  ou  poulets  vivants  appliqués  contre  les  pleurésies  fréquentes 
de  ces  régions  de  transitions  brusques),  aux  rebouteux,  ces  chirur- 
giens empiriques  quelque  peu  doublés  de  sorciers,  les  subventions 
cantonales  versées  par  les  conseils  municipaux  des  7  communes  ont 
ajouté  la  régularité  d'un  service  médical  orthodoxe,  en  assurant  à 
l'unique  praticien  un  traitement  fixe  qui  atteint  -1000  francs.  Ici  encore 
l'initiative  était  venue  des  deux  autorités  unies  pour  le  gouvernement 
de  cette  petite  contrée,  décidément  bien  à  part.  Le  «  château  »  avait 
longtemps  été  le  centre  des  secours  :  accidents  ou  épidémies  le  trou- 
vaient toujours  disposé  aux  interventions  personnelles  et  aux  appels 
complaisants  des  médecins  du  chef-lieu.  I/Eglise  avait  agi  avec  non 
moins  de  prudence.  Ne  pouvant  exercer,  par  elle-même  et  d'après 
ses  canons,  le  soin  des  corps,  qui  a  toujours  servi,  depuis  les  miracles 
évangéliques,  à  la  transformation  des  âmes,  elle  a  créé  la  seule  phar- 
macie du  pays,  comme  dépendance  de  son  hôpital;  et,  dans  cet  hôpital 
même,  elle  a  organisé  les  secours  aux  malades  atteints  d'aiïections 
graves  ou  incurables,  aux  vieillards,  aux  enfants  abandonnés;  en  un 
mot,  protection  de  l'enfance,  de  l'invalidité  et  de  la  vieillesse. 

Seule,  —  et  ce  fait  prouve  la  récente  formation  de  la  tradition 
agricole,  —  la  race  des  vaches  laitières  semble  un  peu  abandonnée 
des  prescriptions  de  l'hygiène.  Les  hémorragies  provenant  de  l'ané- 
mie de  cette  variété,  transplantée  de  loin,  semblent  assez  fréquentes. 
Des  accidents  au  moment  des  vêlages  sont  signalés.  Le  vétérinaire 
est  loin,  coûteux,  et  les  hommes  d'expérience,  fréquents  en  certains 
milieux  ruraux,  restent  clairsemés. 


RANG    DE    LA    FAMILLE. 

Le  lecteur  sait  déjà,  la  place  qu'occupe  la  famille  étudiée  entre  les 
diflorenls  types  sociaux  de  la  contrée. 

Au  milieu  de  fermiers,  «  ouvriers-tenanciers  »  suivant  l'étiquette 
exacte,  cumulant  parfois  quelque  autre  profession,  aubergiste[ou  mar- 
chand: au  milieu  de  bûcherons,  «  journaliers-agricoles  »  isolés  dans 
leurs  petites  borderies  ;  enfin  au  milieu  d'  «  ouvriers-passementiers  », 
chefs  de  métier  en  leur  atelier  dépendant  de  la  fabrique  collective  ou 
simples  journaliers  d'une  usine,  elle  représente  une  combinaison 
mixte,  puisant  sa  vie  à  ces  trois  sources  opposées. 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  417 

L'exploitation  qu'elle  détient  ne  permet  pas  de  la  mettre  au  niveau 
supérieur  des  «  fermiers  »;  bien  au  contraire:  ses  vaches  laitières  res- 
tent peu  nombreuses  sur  des  prairies  trop  étroites,  que  l'absentéisme 
du  propriétaire  ne  permet  pas  de  développer  par  le  défrichement  des 
brandes.  Mais,  par  contre,  s'il  ne  faut  pas  lui  demander  les  pratiques 
les  plus  judicieuses  de  l'agriculture  locale,  il  faut  la  placer  au-dessus 
de  la  race  des  bûcherons,  des  manœuvres,  qui  n'atteignent  ni  son  in- 
dépendance ni  son  bien-être.  Enfin  la  c  vie  de  l'usine  »,  à  laquelle  est 
soumis  l'un  de  ses  membres,  la  fille  aînée,  ne  constitue  qu'un  stage, 
une  préparation  à  l'existence  rurale  par  l'acquisition  de  la  dot, 
absolument  comme  le  «  placage  en  condition  »  ;  la  vie  rurale  ne  voit 
pas  de  ce  côté  diminuer  sa  primauté. 

Ce  sont,  en  effet,  des  paysans,  des  paysans-montagnards  que  nous 
avons  devant  nous,  avec  toutes  les  vertus  morales  de  leurs  pareils, 
et  leurs  défauts  aussi,  surtout  le  penchant  aux  libations  copieuses; 
c'est  la  fécondité  de  la  race,  suivie  de  locations  d'enfants,  ou  expul- 
sions temporaires  hors  du  toit;  c'est  la  pauvreté,  les  dures  privations, 
l'acheminement  par  le  travail  et  la  ténacité  à  l'épargne  qui  permettra 
l'établissement  de  tous. 

La  montée  d'une  classe  à  l'autre  ne  leur  apparaît  nullement  comme 
une  nécessité.  Vivre,  voilà  le  grand  point  :  l'acquisition  d'une  ferme 
plus  vaste  qui  permettra  d'utiliser  les  bras  des  enfants  devenus  plus 
forts,  tel  est  le  moyen.  Comme  terme  supiême,  mais  derrière  l'inconnu 
des  années  à  venir,  peut-être  l'achat  de  quelques  terres  :  la  pro- 
priété de  ce  sol,  qui  garantit  considération  et  sécurité. 

La  tige,  la  «  souche  »  même  de  la  famille  restera  stable.  Quelques 
individualités  s'en  détacheront  peut-être,  entreprenant  l'exode  pro- 
gressif vers  les  cités,  à  travers  la  vie  ouvrière  et  ses  déboires,  le  petit 
commerce  et  ses  angoisses,  filière  progressive  et  insensible  qui  conduit 
à  la  déchéance  dans  la  misère  ou  au  bien-être  des  degrés  supérieurs. 
Pour  elle,  serrée  auprès  des  «  tiges  »  similaires,  elle  formera  toujours 
cette  puissante  réserve  de  forces  économiques  et  morales  :  paysans, 
prêtres  et  soldats. 


418  N"   80.    —    FERMIERS   MONTAGNARDS    DU    UAUT-FOREZ. 


MOYENS  D'EXISTENCE  DE  LA  FAMILLE. 

PROPRIÉTÉS 
(Mobilier  et  vêlements  non  compris). 

Immeubles 0*^  00 

La  famille  ne  possède  aucune  prupriélé  immobilière  et  ne  songe  pas 
à  la  possibilité  immédiate  d'en  acquérir. 

Argent W  00 

Aucun  argent  placé,  au  lieu  des  économies  assez  importantes  de 
l'entrée  en  ménage.  Les  épizooties  et  la  survenance  des  enfants  ont  été 
cause  de  cette  disparition.  La  somme  ci-dessus  indi(|uée  représente  le 
fonds  de  roulement  de  l'entreprise. 

Animaux  domestiques  entretenus  toute  l'année 584f  70 

Le  fermier  doit  être  propriétaire  de  son  cheptel  :  vaches  laitières, 
chevaux,  etc. 

1  vache  race  hollandaise,  200'00;  — 2  vaches  eH  génisse,  race  salers  (robe  rouge),  métissées 
de  race  hollandaise,  300'  00  ;  —  3  brebis,  00'  00  ;  —  8  poules  et  1  coq,  21'  70  ;  —  1  lapine,  3'  00  ; 
—  i  oiseau,  1  chien  el  i  chat  (pour  mémoire).  —  Total,  584'  70. 

Animaux  domestiques  entretenus  seulement  pendant  une  partie  de 
l'année lOOf  00 

1  truie,  engraissée  et  consommée  dans  le  ménage,  valeur  moyenne  calculée  d'après  le 
temps  pendant  lequel  elle  est  gardée,  tOO'  00. 

Matériel  spécial  des  travaux  et  industries 622f  00 

d"  Pou7'  Vcxploitalion  don  rhnmpm,  des  prairies  et  des  arbres  cpars.  —  1  charrclle  (fa- 
bricatitm  locale),  1M)'  00;  —  2  longues  planches  (jui,  disposées  à  droite  el  a  gauche  de  la 
charrette  dans  le  sens  de  la  longueur,  la  Iransformciil  eu  tombereau  (1),  10'  (tO;  — 2  pièces 
de  charronnage  (jui  se  peuvent  placera  l'avant  cl  à  l'arriére, en  vue  du  Iranspoit  du  foin, 
(,i  00;  —  1  tour,  3' 00;  —  1  corde,  10'  00;  —  2  jougs  en  hêtre  et  en  frêne  cerclés  de  fer, 
'lO'  00;  —  courroies,  20'  00;  —  1  charrue  en  fer  à  un  seul  versoir,  50'  00;  —  I  petite  charrue 
(araire  en  bois),  'l'OO;  — 1  herse  eu  bois,  à  dents  de  fer,  40'  00;  —  1  brouette,  .'i' 00;  — 
1  |>elit  Iraineau,  3'00;  —  1  meule  à  poignée  en  fer,  montée  sur  une  double  pièce  de  bois, 
K'OO;—  1  échr'lli',  .'.'OO  ;  ^  I   faux    neuve,  ;;'.";0;  —    1    vieille    faux,  l'(M»;  —    I    cnclumi-  el 

(I;  Un  ;isse/ grand  numlirc  ilr  fermes  (>ossedenl  des  tombereaux  \(rila|p|cs,  de  !•((' ;i  Kmi'. 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  -419 

1  niailcau,  l'OO; —  -2  pierres  à  aiifuiscr,  2'00;  —  "  râteaux  à  foin,  5'23;  —  1  fourche  pour 
le  foin,  à  2  dents,  ^J'OO;  —  1  fourche,  id.,  à  3  dents,  2'2o;  —  1  faux  à  râteau  en  fil  de  fer, 
pour  moissonner,  8'00;  —  2  faucilles,  6'00;  —  2  bêches  à  labourer,  7'00  ;  —  3  pelles  de  ter- 
rassier, 5' 10;  —  1  pioche  (ancien  système),  autrement  dite  houe,  7'60;  —  îi  petites  pio- 
ches, 12'00;  —  1  houe  à  dents,  i'OO;  —  i  lléaiix,  O'OO;  —  1  «  bigot  »,  sorte  de  pioche  pour 
décharger  les  fumiers,  2' 00  ;  —  1  fourche  à  4  dents  pour  les  fumiers,  1  à  3  dents,  i  à  2  dents,  5'30; 

—  1  scie  (vieille  faux  à  laquelle  des  dents  ont  été  prati(|uées),  emmanchée  au  bout  d*uae  per- 
che, ti'OO;  —  1  cognée,  8'00;  —  2  petites  cognées,  IV'OO;  —  1  pic  pour  pratiquer  des  trous 
dans  la  pierre  que  l'on  veut  faire  sauter  par  la  poudre  de  mine,  o'OO;  —  1  mailloche  en 
bois,  2' 00;  —  3  coins  en  fer,  2'25;  —  divers  :  1  vieux  crible,  etc.,  3'G3.  —  Total  (1),  469' 00. 

2°  Pour  l'exploitalion  de  retable.  —  Planches  diverses  formant  stalles  pour  les  moutons 
elle  porc,  lo'OO;  —  attaches  (les  crèches  dépendent  de  l'immeuble),  (pour  mémoire);  — 
3  grandes  •  biches  »  à  lait  (seaux  de  fer-blanc  avec  une  plaque  indiquant  le  nom  du  pro- 
piiétairc),  45'00;  — 8  petites  •  biches  •  de  diverses  tailles,  40' 00;  —  3  «  biches  »  en  terre 
pour  rafraîchir  le  lait  dans  le  bassin,  4'50;  —  1  «  seille  »  (seau  à  traire)  en  fer-blanc,  2'00; 

—  1  baquet  pour  les  porcs,  3'00;  —  1  baquet  pour  les  poules,  0' 30;  —  divers,  2' 00.  — 
Total,  112' 00. 

3»  Pour  la  fabrication  du  beurre  et  du  fromage.  —  1  baratte,  ancien  système,  dite  à 
piston,  6'o0;  —  formes  à  fromages  :  2  grandes  en  terre,  0'40;  —  2  petites,  id.,0'20;  —  for- 
mes à  fromages  en  fer-blanc,  l'OO;  —  l  •  bàcho  »  (baquet)  en  bois,  5'00;  —  l  filtre  (fer- 
blanc),  l'OO;  —  2  planches  en  forme  de  battoir  pour  •  carrer  »  le  beurre,  0'40; —  1  rou- 
leau de  bois  pour  imprimer  les  dessins,  O'oO.  —  Total,  IS'OO. 

4"  Pour  la  fabrication  du  pain  domestique.  — 1  pétrin  (patiére),  10' 00;  —  1  pelle  à  en- 
fourner le  pain,  o'SO;  —  1  pelle  en  bois  pour  nettoyer  le  four,  0'20;  —  3  •  paillas  »  (pane- 
tières), 4'30.  —  Total,  20'00. 

h"  Pour  la  confection  des  vêlements  domestiques.  —  Ciseaux,  2  paires,  2' 50;  —  1  petite 
boîte  à  ouvrage,  0'2o;  —  3  paires  d'aiguilles  à  tricoter,  0'60;  —  1  dévidoir,  l'30;  —  divers, 
l'io.  —Total,  6'00. 

Valeur  totale  des  propriétés.  .  .  .     1.316^  70 


SUBVENTIONS. 

Peu  de  populations  en  France  pourraient  justifier  de  recettes  égales 
à  l'article  Subventions.  Les  formes  anciennes  et  modernes  de  ces  «  sa- 
tisfactions de  besoins  » ,  accordées  non  pas  en  proportion  du  travail 
effectué  mais  des  besoins  eux-mêmes,  y  défilent  successivement  sans 
en  omettre  aucune.  La  classification  complète  de  Le  Play  devient  in- 
dispensable pour  les  énumérer. 

D'abord,  ce  sont  les  «  droits  d'usufruit  »  :  les  biens  communaux 
proprement  dits,  70  hectares  environ  qui  couvrent  un  mamelon  baptisé 
la  Montagne-Verte,  —  la  hauteur  de  Ghaussître  a  été  vainement  dispu- 
tée jadis  à  une  commune  voisine,  la  commune  de  Saint-Régis  du  Coin. 
Ces  70  hectares  restèrent  longtemps  en  pâturages  à  moutons;  ils  per- 

(1)  Le  moulin  à  vanner  est  emprunté  à  une  ferme  voisine. 


420  N°   80.    —    FERMIERS   MONTAGNARDS    DU    UAUT-FOREZ. 

mettaient  aux  ménages  les  plus  pauvres  de  se  procurer  les  quelques 
livres  de  laine  nécessaires  pour  fabriquer  les  vêtements  chauds  de 
l'hiver.  La  révolution  agricole  suscitée  par  M.  le  baron  de  Saint-Ge- 
nest,  la  création  des  prairies  dans  les  bas-fonds  et  des  plantations  sur 
les  crêtes ,  entraîna  leur  transformation  partielle  :  .35  hectares,  —  la 
moitié  environ, —  furent  couverts  de  sapins,  qui  aujourd'hui  commen- 
cent à  procurer  aux  habitants  un  sérieux  «  droit  d'affouage  ».  Sans 
doute  les  objections  contre  le  mode  de  distribution  se  multiplient.  On 
insiste  volontiers  sur  les  inconvénients  du  travail  collectif  des  hom- 
mes de  la  commune  au  mois  d'octobre.  Sans  doute,  comme  toujours 
dans  le  collectivisme  de  tous  les  temps,  les  plus  courageux  assument 
la  totalité  de  la  besogne,  tandis  que  les  indolents  savent  esquiver  ha- 
bilement les  corvées;  sans  doute  la  difTiculté  d'égaliser  des  lots  tirés 
au  sort  peut  attribuer  la  grosse  part  à  ce  paresseux  et  restreindre  celle 
du  bûcheron  intrépide.  Il  n'en  est  pas  moins  vrai  qu'en  échange  de 
ses  trois  jours  de  travail ,  la  famille  étudiée  a  reçu  cette  année  l'équi- 
valent de  300  fagots ,  sans  compter  le  bois  d'œuvre  nécessaire  pour 
la  confection  d'une  réserve  de  'M  paires  de  sabots.  Ce  fait  tendrait  à 
prouver  que  les  plantations  communales  revêtent  une  utilité  très  ana- 
logue à  celle  des  pâtis  de  jadis. 

Les  «  droits  d'usage  »,  ou  plutôt  la  «  tolérance  du  droit  d'usage  » 
sur  les  propriétés  voisines,  atteignent  une  importance  encore  plus 
haute.  C'est  le  combustible  entièrement  ramassé  dans  les  «  bois 
noirs  »  des  propriétaires  voisins;  c'est  la  litière  des  vaches  fauchée 
dans  les  pâtis,  que  les 'troupeaux  ne  parviennont  pas  à  dénuder;  c'est 
la  cueillette  des  «  baies  »,  framboises  et  myrliles  sauvages,  qui  cons- 
tituent toute  la  consommation  en  fruits  de  cette  contrée  d'où  l'arbori- 
culture est  exclue.  La  comparaison,  si  souvent  répétée,  entre  ces  po- 
pulations et  les  peuples  de  la  zone  nord  de  l'Europe,  llussie,  Norvège 
et  Suède,  s'en  trouve  complètement  raffermie. 

Deux  influences,  déjà  mentionnées,  achèvent  l'énuméralion  de  cette 
source  de  recettes.  L'Église  a  monopolisé  la  subvention  de  l'instruction, 
assurant  même  les  fournitures  gratuites  à  l'école  des  Frères,  les  fai- 
sant payer  à  l'école  des  Sœurs  (école  communale).  Klle  a  réalisé 
aussi  l'assistance  :  hôpital,  Dames  de  la  Miséricorde  (1).  Knfin  les 
riches  propriétaires  des  environs,  reliés  à  la  famille  par  les  liens  de 
parrainage,  complètent  la  liste  de  ces  allocations  d'objets  et  de  ser- 

(I)  Association  do  iliariU';. 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  4!2f 

vices  qui  établissent  une  fois  de  plus  l'importance  de  ces  deux,  élé- 
ments de  sécurité  dans  tous  les  milieux  primitifs  :  patronage  et  pro- 
ductions spontanées. 


TRAVAUX    ET   INDUSTRIES. 

Si  l'on  excepte  le  dernier-né,  âgé  de  un  an  et  demi,  dont  l'inactivité 
se  justifie  d'elle-même,  tous  les  membres  de  la  famille  ont  leur  tâche 
rigoureusement  déterminée  dans  l'exploitation  de  la  ferme,  l'aba- 
tage  des  forêts  environnantes,  la  passementerie,  le  «  gardage  »  des 
bestiaux  ou  métier  de  berger.  Une  grande  distinction,  générale  dans 
le  pays,  domine  le  tout  :  les  travaux  de  la  terre,  les  cultures  de  toute 
espèce,  sont  réservés  aux  hommes;  jamais,  sauf  pour  la  fenaison, 
les  femmes  n'interviennent;  leur  rôle,  avec  les  soins  domestiques,  est 
la  fabrication  du  beurre  et  du  fromage,  fort  réduite  par  l'exportation 
du  lait,  le  métier  de  nourrice,  qui  n'est  qu'une  extension  de  l'industrie 
laitière,  et  celui  de  passementière.  C'est  le  respect  de  cet  axiome  : 
«  travail  extérieur  aux  hommes  ;  travaux  intérieurs  aux  femmes.  » 

Travaux  de  l'ouvrier,  chef  de  maison.  —  Ils  sont  doubles  :  exploita- 
tion de  la  ferme;  travail  au  dehors  comme  bûcheron. 

l"  Travail  de  la  ferme.  —  Cet  atelier  de  travail,  qui  n'était  pas  créé 
au  moment  de  la  confection  du  cadastre  (§  1)  et  dont  la  surface  doit 
être  recherchée  péniblement  sur  de  vastes  espaces  désignés  comme 
landes  ou  brandes,  semble  se  décomposer  ainsi  qu'il  suit  : 

Terres 10  métérces,  soit  1''  0 

Prés 15  —  \  fi 

Pâtures  (landes).. .    45  —  4  5 


70  7  0 


Valeur  :  environ  12.000'.  —  Loyer  :  380*^00  payés  à  un  proprié- 
taire, plus  20'  00  à  un  autre  pour  un  supplément  de  prairies  (30  ares). 
Cette  ferme,  domaine  rigoureusement  aggloméré,  sauf  les  30  ares  pré- 
cédents, doit  être  classée  comme  inférieure,  bien  qu'elle  possède  tous 
les  rouages  d'une  exploitation  plus  vaste.  Les  prés  sont  trop  restreints 
eu  égard  à  la  surface  totale;  les  pâtis,  trop  dévelo[)pés;  la  terre  ara- 
ble, défrichée  par  le  fermier  lui-même  sans  aucun  secours,  est  insutFi- 
sante  pour  un  assolement  judicieux,  c'est-à-dire  trois  années  en  géné- 
ral :  1°  blé,  plus  exactement  seigle  (le  froment  ne  mûrit  pas  à  cette  alti- 


4i2  N°   80.    —    FERMIERS   MONTAGNARDS    DU    HALT-FOREZ. 

tude)  ;  2°  blé  ou  avoine;  3°  plantes  sarclées  (surtout  pommes  de  terre, 
d'une  abondance  et  d'une  saveur  toutes  particulières).  Cet  assolement,  à 
notre  avis,  épuisant  pour  un  sol  peu  riche,  devrait,  comme  l'usage  s'en 
est  établi  dans  les  exploitations  plus  importantes,  être  combiné  avec  le 
déf(jncement  périodique  des  prairies  (8  à  10  ans  environ);  mais  le  tra- 
vail qu'il  faudrait  imposer  à  des  vaches  laitières  fait  reculer  devant 
cette  pratique  assurément  avantageuse. 

Toute  l'économie  rurale  du  père  de  famille  aboutit  à  exécuter  par 
lui-même  les  travaux  agricoles,  sans  débourser  la  moindre  somme 
en  faveur  des  journaliers  du  dehors  et  surtout  des  domestiques,  loués 
à  l'année  dans  le  pays  d'après  un  tarif  variable  suivant  l'âge. 

L'hectare  de  terres  cultivables,  défriché  il  y  a  quelques  années  sur 
les  pâtis  couverts  de  genêts  et  de  bruye-res,  est  divisé  de  la  façon  sui- 
vante :  6/10  ou  0  métérées  sont  ensemencés  en  seigle,  dés  septembre, 
après  un  labour  en  plates-bandes,  suivi  d'un  hersage  qui  enterre  som- 
mairement le  grain;  3/10  reçoivent  au  printemps,  en  avril,  l'avoine; 
le  reste  est  planté  de  choux  et  de  rutabagas  (chuux-raves).  Les  «  bi- 
nages »  sont  inusités  et  la  main-d'a:;uvrc  est  réduite  au-dessous  du  néces- 
saire, concentrant  tous  les  travaux  en  un  seul  point  de  l'année,  juillet 
et  août,  où  fauches  et  moissons  s'entremêlent  (1).  Il  serait  inu- 
tile par  suite  de  chercher  les  innovations  courantes  en  certaines  con- 
trées agricoles;  l'usage  du  «  pois-loup  »  (lupin)  comme  engrais  vert 
serait  à  peu  près  le  seul  trait  curieux  à  citer.  L'attention  du  cultivateur 
semble  repliée  sur  les  deux  hectares  de  prairies  naturelles,  arrosées 
de  petites  rigoles  qui  dirigent  l'écoulement  des  eaux  de  pluie  et  dont 
la  bonne  tenue  entraînera  la  richesse  ou  la  disette  de  l'année.  Un  peu 
de  pain  noir  pour  lui,  de  la  paille  surtout,  et  enfin  les  foins  et  regains 
en  quantités  les  plus  hautes  possibles,  tel  est  pour  le  paysan  le  but 
d'efforts  assez  mous  en  définitive  et  assez  mal  combinés. 

La  «laiterie»,  en  effet,  voilà  la  pièce  centrale  (§26).  Les  quatre  vaches, 
métis  de  race  salers  et  de  race  hollandaise,  vont  créer  la  grande  source 
de  recettes  :  trois  fois  par  jour,  le  lait  sera  tiré,  puis  placé  dans  les  vases 
en  terre,  que  l'eau  du  bassin,  —  ou  bacho,  —  maintiendra  à  une  tempé- 
rature constante.  Le  soir,  un  «  laitier-camionneur  »  prendra  la  bi- 
che de  for-blanc  au  détour  d'un  sentier  et  la  déposera  sur  la  grande 
route,  où  un  second  convoi  remmènera  vers  Saint-Mienne.  Il  faut 
donc  alimenter  ces  véritables  nourricières  le  plus  possible  avec   la 

(I)  l.'imnii^;r;ili()ii  des  •  rivascoiis  •  du  lUioiicaprcciscniciilsacausc  daiisccUc  cnïiuidcncc 
de  toutes  les  ixtoUcs. 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  423 

moindre  somme  de  travail.  Foins,  regains,  choux,  choux-raves,  paille 
aussi,  à  cause  de  la  sécheresse  opiniâtre,  leur  seront  prodigués;  les 
feuilles  de  frêne  viendront  tâcher  d'arrêter  les  hémorragies  dont 
elles  sont  parfois  atteintes.  Quand  il  sera  présent  à  l'étable,  où  porc 
engraissé ,  brebis  et  poulets  dorment  en  une  série  de  compartiments 
faits  de  planches  grossières,  le  chef  de  famille  ne  laissera  à  personne 
la  préparation  des  rations  et  de  la  litière,  —  réduite  cette  année  à 
de  la  fougère  mélangée  d'humus. 

2"  Travail  de  journalier.  —  Le  chef  de  famille  est  en  outre  périodi- 
quement embauché  comme  journalier  dans  une  exploitation  voisine. 
Déjà,  en  tant  que  fermier,  il  devait,  dans  un  lot  de  bois  de  sapins  désigné 
par  l'usage,  abattre  et  écorcer  pour  le  compte  du  propriétaire  les 
arbres  désignés  par  la  marque.  En  équipe  de  deux  ou  quatre  hom»- 
mes  armés  de  longues  perches,  il  guidait  la  chute  du  sapin,  de  l'épi- 
céa, du  pin,  du  mélèze,  qu'avait  ébranlé  le  fer  des  haches  ou  ach^eta; 
il  enlevait  rapidement,  avec  une  seconde  hache  plus  petite,  l'écorce  et 
les  branches,  pour  en  former  des  fagots.  A  ce  travail  de  bûcheron  se 
joignent  ici  le  travail  du  terrassier,  la  construction  des  chemins  pendant 
les  journées  d'hiver,  le  défrichement  des  pâtis  à  la  pique  ou  à  la  mine; 
puis  le  gazonnement,  les  plantations ,  toute  la  série  des  travaux  des 
terres  montagneuses. 

Travail  de  la  mère  de  famille.  —  Les  soins  domestiques ,  la  traite 
des  bestiaux,  le  binage  des  mauvaises  herbes  dans  le  petit  jardin , 
et  surtout  deux  occupations  très  nettement  définies  :  la  fabrication  du 
beurre  tous  les  quinze  jours,  produit  de  la  crème  de  la  troisième 
traite,  et  la  confection  des  vêtements;  car  la  paysanne  a  retenu, 
de  son  service  dans  une  famille  de  la  classe  supérieure ,  une  certaine 
habileté  de  tailleuse,  dont  toutes  les  paj'sannes  des  alentours  ne  pour- 
raient pas  témoigner  au  même  degré. 

Travail  de  la  fille  aînée.  —  Elle  a  déjà  passé  à  quatorze  ans  par  le 
travail  de  la  fabrique.  Depuis  trois  mois,  elle  a  abandonné  le  «  mou- 
linage  »,  l'usine  où  elle  dévidait  la  soie,  partant  le  lundi,  revenant  le 
samedi,  sous  la  garde  de  surveillantes  congréganistes.  Aujourd'hui 
elle  a  été  placée  dans  un  tissage  du  bourg;  sa  fonction  consiste  à 
enlever  avec  des  ciseaux  les  fils  dépassant  la  surface  lisse  du  ruban. 
Journée  régulière  et  assez  dure  de  6  heures  du  matin  à  G  heures  du 
soir,  avec  trois  repos  :  une  dciui-heure  à  8  heures  du  matin,  1  heure 
à  midi,  une  demi-heure  à  i  heures;  soit  dix  heures  de  travail  plein. 
C'est  la  limite  de  la  loi  du  2  novembre  1892. 


424  N°   80.    —     I-ERMIERS    MONTAGNARDS    DU    IIAlï-FOliKZ. 

Travail  de  la  deuxième  fillette  et  des  trois  garçons.  —  L'école,  l'hiver; 
l'été,  la  garde  des  bestiaux,,  soit  à  la  ferme,  soit  au  dehors,  pendant 
trois  ou  six  mois,  moyennant  20  à  40  francs  et  la  nourriture.  C'est  l'es- 
saimage hâtif  des  jeunes,  caractéristique  de  la  famille-souche. 

Un  seul  inoccupé  :  le  bambin  de  un  an  et  demi,  soustrait  à  toutes  les 
tâches  astreignantes,  école  ou  surveillance,  pour  quelques  années  en- 
core. 

Industries  entreprises  par  la  famille.  —  Toutes  les  industries  sont 
entreprises  par  la  famille  à  son  compte  particulier  (§  10). 


MODE  D  EXISTENCE  DE  LA  FAMILLE. 

§9. 

ALIMENTS   ET    REPAS. 

Très  sobre,  réduit  à  l'extrême  limite  qui  satisfait  l'appétit  ro- 
buste de  travailleurs  soumis  à  un  climat  fort  rude,  le  régime  alimen- 
taire est  dominé  par  la  grande  division  climatologique  de  l'année  : 
jours  d'été,  jours  d'hiver;  et,  chose  curieuse,  qui  prouve  bien  une 
fois  de  plus  combien  la  race  est  pétrie  par  les  croyances  catholiques, 
les  points  de  départ  de  ces  deux  périodes  sont  marqués  par  les  deux 
fêtes  que  l'on  pourrait  nommer  les  fêtes  de  la  Croix  :  l'une,  l'exalta- 
tion de  la  Sainte-Croix,  le  3  mai;  l'autre,  l'invocation  de  la  Sainte- 
Croix,  le  14  septembre.  Voilà  l'hiver,  voilà  Tété  canoniques,  en  quel- 
que sorte,  qui  vont  régler,  sinon  l'heure,  au  moins  le  nombre  des 
repas. 

Dans  la  période  d'été  (mai  à  septembre),  les  repas  (piotidiens  sont 
au  nombre  de  quatre. 

A  7  heures  du  matin,  se  sert  la  soupe,  que  l'on  a  posée  sur  le 
feu  d'écorce  de  sapin  dès  le  lever,  à  cinq  heures  :  soupe  à  la  base  de 
légumes,  choux  principalement,  accommodée  au  lard,  et  dans  laquelle 
cuit  le  saucisson,  c'est-à-dire  à  peu  près  toute  la  viande  consommée 
dans  l'année;  sur  le  pain,  —  un  pain  de  seigle,  noir  de  couleur  et  de 
saveur  acide,  —  on  étend  le  salé,  ou  bien  encorf  li'  morceau  de  lard. 


OBSERVATIONS    PKÉLIMINAIRES.  425 

familier  à  tous  les  estomacs  ruraux  de  France.  Parfois  la  soupe  est 
une  soupe  au  lait,  aux  pâtes  ou  au  riz. 

A  midi,  le  diner  :  la  soupe  encore,  —  le  régime  est  plus  sain  que 
varié;  —  des  pommes  de  terre  cuites  à  l'eau  ou  [frites;  du  pain  à  dis- 
crétion. 

A  quatre  heures,  le  goûter  :  ici  figurent  les  mâte-faim,  sorte  de 
crêpes  de  froment  épaisses  de  deux  doigts,  que  l'on  mange  en  tar- 
tines; et  le  fromage,  fromage  blanc  ou  de  forme,  acheté  sur  la  place 
du  marché. 

A  7  heures  du  soir,  souper  :  la  soupe  et  le  fromage. 

Le  régime  d'hiver  (septembre  à  mai)  supprime  le  goûter. 

Comme  fêtes  particulièrement  célébrées  par  un  ordinaire  plus  co- 
pieux :  la  Noël,  qui  sonne  en  quelque  sorte  le  retour  définitif  des 
neiges;  la  «  vogue  »  (comparez  la  «  vote  »  des  Métayers  confolentais), 
ou  fête  locale  du  24  août.  Ce  jour-là  un  plat  de  viande  est  servi,  viande 
de  bœuf  ou  de  veau,  en  général  bouillie.  Cette  tendance  à  donner  à  la 
gastronomie  une  place  d'honneur  dans  les  réjouissances  publiques 
ou  familiales,  atteint  le  plus  haut  degré  chez  les  riches  fermiers 
et  les  gros  propriétaires  vivant  à  la  paysanne.  Les  gros  plats  se  succè- 
dent longuement  dans  des  festins  interminables.  Les  franches  lippées 
sont  demeurées  là  ce  qu'elles  étaient  jadis  :  besoin  physique  et  étalage 
d'orgueil. 

Une  seule  boisson  chez  le  pauvre  fermier  :  l'eau  pure;  à  l'époque 
des  forts  travaux,  un  hectolitre  de  vin  acheté  aux  marchands  locaux 
ou  des  villes  voisines ,  au  prix  de  35  à  40  francs  rendu  :  vin  noir, 
lourd,  du  Midi  ou  d'Algérie.  L'attente  de  ces  libations  longtemps  dé- 
sirées n'est  trompée  que  par  les  haltes  aux  auberges  :  le  verre  bu  avec 
les  amis,  la  «  goutte  »  d'alcool  absorbée  au  moment  des  marchés. 


§   10. 

UABITATION,    MOBILIER    ET   VÊTEMENTS. 

La  ferme  reproduit  bien  la  construction  montagnarde,  disposée  en 
vue  de  l'hivernage  et  des  amoncellements  de  neige.  Bâtie  au  centre 
de  l'exploitation,  sur  le  bord  d'un  petit  sentier,  avec  un  jardinet  de 
3  ares  bordé  de  sorbiers  et  de  griottiers  sauvages,  elle  présente  un 
corps  de  bâtiment  unique,  réunissant  grange,  étables  et  habitation, 


426  N"  80.    —    lEHMlERS    MONTAG.NAliDS    DU    IIAUT-FOREZ. 

comme  dans  les  landes  bretonnes,  etune  annexe  minuscule,  le  '(  bâclio  », 
ou  baquet  rempli  de  l'eau  des  sources  qu'amène  un  système  de  tuyaux, 
et  oii  se  rafraîchit,  dans  les  «  biches  »  en  terre,  le  lait  des  dernières 
traites. 

Une  particularité,  qui  se  retrouverait  identique  en  toutes  les  fermes 
isolées  dont  les  tuiles  rouges  s'espacent  sur  les  ondulations  du  haut 
plateau,  c'est  la  situation  préméditée  à  mi-côte  d'une  pente.  Il  en  ré- 
sulte que  la  partie  supérieure  du  quadrilatère,  la  grange  et  le  fenil, 
restent  de  plain-pied  avec  le  sol  :  la  charrette  de  foin  peut  y  pénétrer 
facilement  par  le  large  portail  cl  s'y  remiser  sur  le  plancher  même, 
qui,  pendant  les  longues  journées  de  janvier  ou  décembre,  se  trans- 
forme en  aire,  pour  le  battage  au  fléau.  Au-dessous,  en  contre-bas 
avec  l'inclinaison  générale  du  terrain,  mais  s'ouvrant  directement  par 
des  portes  et  fenêtres  sur  une  petite  esplanade,  l'habitation  propre- 
ment dite  et  Félable;  l'habitation,  composée  de  deux  pièces,  la 
«  salle-cuisine-chambre  à  coucher  »,  et  le  fournil  avec  chambre  à  dé- 
barras; l'élable,  où  les  vaches  laitières  sont  rangées  devant  les  crèches, 
et  où,  entourés  de  balustrades  en  planches,  brebis  el  porc  partici- 
pent à  certaines  distributions  communes,  tandis  que  poules  et  poulets 
perchent  çà  et  là. 

C'est  un  vestige  des  cavernes,  où,  en  certaines  paroisses  auver- 
gnates, paysans  et  bestiaux  hivernent  fraternellement  entre  des  parois 
resserrées.  L'égalité  de  la  température,  encore  plus  sensible  dans  le 
caveau  à  trappe  basculante,  a  pour  compensation  une  humidité  in- 
destructible le  long  de  la  muraille  qui  soutient  l'écroulement  de  la 
terre  :  le  chef  de  famille  doit  à  celte  humidité  une  partie  des  rhuma- 
tismes qu'il  commence  à  ressentir,  malgré  son  âge  peu  avancé. 

La  hauteur  des  chambres  habitées  est  de  :2'"lo;  la  grande  chambre 
et  la  petite  o Aèrent  la  même  profondeur  :  G'"  30,  avec  une  notable 
différence  pour  la  largeur  :  4'" 50  dans  l'une,  dans  l'autre  S'^GO  seu- 
lement. L'une  cl  l'autre  sont  planchéiées. 

Meubles  ;  leur  histoire  s'est  liée  peu  à  peu  à  celle  de  la  famille, 
et  ils  permettent  de  distinguer  les  trois  influences  qui  ont  présidé  à 
l'établissement  du  ménage  :  1°  l'hérédité  (queUjues  ustensiles  assez 
rares)  ;  "2"  les  cadeaux  des  bienfaiteurs,  plus  importants;  3"  l'initiative 
personnelle,  manifestée  parles  acquisitions  successives,  soit  à  Saint- 
Étienne,  soit  au  bourg,  au  fur  et  à  mesure  que  le  cercle  des  enfants 
s'est  élargi.   Ils  ofl'rent  ceci  de  particulier,  que  la  place  d'honneur 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIKES.  427 

n'y  est  pas  occupée  par  le  lit-armoire,  enchâssé  dans  le  mur,  que 
toute  ferme  montre  avec  orgueil.  Ce  lit-armoire  est  d'ailleurs  un 
immeuble  par  destination,  où,  dans  l'entassement  des  courtines, 
rideaux  et  couvertures,  on  entrevoit  suspendu,  à  la  partie  supérieure 
du  plafond,  le  berceau  que  l'on  peut  agiter  par  une  cordelette,  sans 
s'exposer  aux  refroidissements  des  nuits  d'hiver iSOf^So 

1"  Lits.  —  i"  m  :  1  litdehoison  noyer  ciré  (fahricalidii  locale), M'OO;  —  1  i)aillasse  lemidie 
de  paille  de  seigle,  avec  enveloppe  en  toile,  8' 00;  —  1  matelas  en  crin  végétal,  20' 00;  — 
1  matelas  en  laine  (14  kilog.),  iiO'OO;  —  1  traversin  en  balle  d'avoine,  3'00;  —  1  oreiller,  8' 00  ; 
—  i  couverture  ouatée,  20' 00;  —  i  couvre-pied  en  cretonne  à  fleurs,  IS'OO;  —  ^  paire  de 
rideaux,  idem,  12'50;  —  1  boule  de  verre  argenté  placée  entre  les  rideauv  pour  éloigner 
les  mouches,  l'30;  —  2=  lit  ;  1  lit  de  fer,  25'00;  —  1  paillasse,  7'50;  —  1  matelas  en  crin 
végétal,  18'00;  —  1  traversin  (balle  d'avoine),  2'o0;  —  I  oreiller,  C'OO;  -  1  couverture  oua- 
tée, IS'OO;  —  guenilles  diverses  sur  le  tout  (pour  mémoire);  —  1  paire  de  rideaux  à 
fleurs,  12' oO;'—  1  lioule  de  verre  argenté,  t'50;  —  3«  lit  :  1  lit  d'enfant,  liteaux  de  sapins 
retenus  par  de  grosses  pointes  et  maintes  fois  raccommodés,  o'OO;  —  1  «  balluffière  » 
(paillasse),  composée  de  feuilles  de  liélre  sécliées  dans  une  enveloppe  de  toile,  2'00;  — 
1  traversin,  l'OO;  —  \  couverture  ouatée,  7'0i);  —  4«  lit  :  l  lit  d'enfant  plus  petit,  même 
garniture,  IS'OO;  —  1  berceau  vide,  3' 00.  —  Total,  309'00. 

2"  Mobilier  de  la  «  salle  basse  ».  —  Tous  les  lits  :  le  lit  de  noyer  pour  le  père  et  la  mère  , 
le  lit  de  fer  pour  les  deux  DUettes,  le  premier  lit  de  bois  pour  les  deux  garçons  aînés, 
le  deuxième  pour  les  deux  plus  jeunes  (pour  mémoire);  —  1  armoire  en  noyer,  forme 
bahut,  à  deux  battants,  30'00  ;  —  1  haute  pendule  campagnarde,  SO'OO;  —  ]  table  en  noyer, 
ronde,  avec  deux  côtés  (lui  s'abaissent  (exceptionnelle  chez  les  paysans),  30'  00;  —  1  banc 
près  de  la  table,  i'OO;—  6  chaises,  incessamment  rempaillées  par  le  père,  lO'OO;  —  1  pe- 
tite table  d'enfant,  2' 00;  —  l  petite  malle  en  bois  noir,  2'00;  —  1  miroir,  0'50;  —  i  cage, 
d'oiseau,  2'2o;  —  divers,  5'00.  —  Total,  13o'73. 

3°  Mobilier  de  la  salle  voisine  (où  se  trouvent  le  four,  le  charnier,  et  une  foule  d'us- 
tensiles divers,  qui  la  font  ressembler  à  un  magasin  de  bric-à-brac,  bouteilles,  vieux  vê- 
tements, pain  en  réserve,  etc.,  etc.).  —  1  pétrin  (pàtière)  (pour  mémoire)  ;  —  1  table  en 
bois  blanc  grossière,  6'00;  —  l  charnier  (armoire  de  bois  blanc  où  le  lard  est  enfermé), 
"'00;  —  divers,  3' 00.  —  Total,  tS'OO. 

4"  Mobilier  de  la  grange  à  blé.  —  1  grenier  à  blé  (coffre  à  blé),  "'00;  —  1  vieux  pétrin, 
S' 00.  -  Total,  12'00. 

3»  Objets  de  piété.  —  Petite  chapelle  :  1  sainte  Vierge,  O'CO;  —  1  l)énilier,0'73; —  1  cruciflx 
O'oO;  —  1  vide-|ioche;  reliquaire  de  saint  François  Régis;  petits  tableaux  pieux;  images  de 
première  communion;  1  Sacré-Cœur  de  Marie  (chromolithographie),  etc.,  2'00;  —  pho- 
tographies, 4'30;  —  livres,  papier,  plumes,  encre,  o'OO.  —  Total,  13' 33. 

C  Objets  de  toilette.  —  1  cuvette  en  fer-blanc,  0'30;  —  peignes,  0'73.  —  Total,  l'2.j. 

Ustensiles  :  oCt  prédominent  la  fonte  et  le  fer-blanc,  à  la  place 
des  poteries  usitées  en  certaines  provinces;  réduits  au  strict  néces- 
saire      97^00 

1"  Dépendant  du  foyer  de  la  cuisine.  —  (La  crémaillère  dépend  de  la  maison);  —  1 
paire  de  chenets  en  fonte  à  tête  de  sphinx  (rares  dans  le  pays  et  remplacés  par  des  pier- 
res), 8'00;  —  1  pelle  en  fer,  I'OO;  —  1  porte-poêle  {chervanto  de  la  pèle),  0'75;  —  2  balais, 
l'33.  —  Total,  11' 10. 

2"  Employés  pour  la  cuisson  et  la  préparation  des  aliments.  —  l  grande  marmite  en 
fonte  avec  couvercle    (servant  à  la  prépaiation  des  aliments  des  bestiaux),  ô'OO;  -  2  mar- 


428  N°    HO.    —    FERMIEKS    MONTAGNARDS    DU    IIAIT-KOHEZ. 

mites  (identiques,  mais  plus  petites),  "'00;  —  l  poêle  à  longue  queue  pour  les  tritures, 
5' 00;  —  1  couvercle  pour  la  poêle,  0';>0;  —  i  longue  cuiller  en  Ter-lilanc,  0'50;  — 
2  cuillers  longues  en  hois  dur,  t'OO;  —  1  râpe,  0'50  j—  d  passoire,  0'i20;  —  1  petite  casse- 
role, 0'20;  —  1  seau  en  bois  cerclé  de  fer,  iJ'OO;  —  1  petite  •  biche  ■  (seau  à  lait), 
servant  à  puiser  l'eau,  l'OO;  —  i  salière,  0':20;  —  l  poivrière,  0':w»;  —  6  ècuclles  en  terre 
veruie,  pour  la  soupe,  O'tiO;  —  2  plats  en  faïence  blanche  (l'un  servant  de  saladier),  l'50; 

—  6  •  bichous  »,  autre  forme  d'ccuelle  en  terre  vernie,  O'OO;  — 1  douzaine  d'assiettes,  2'40; 

—  1  douzaine  de  verres  à  boire,  l'20;  —  8  couteaux  (chacun  possède  le  sien),  3'00;  — 
1  douzaine  de  fourchettes  et  cuillers  en  fer,  4'80:  —  i  cafetière,  2'00;—  1  pot  au  lait  à 
fleurs  (en  grès),  O'iO;  —  1  sucrier,  0'"i0;  —  1  douzaine  de  tasses  en  faïence  à  fleurs,  l'20: 
-- 30  bouteilles,  3'00;  —  1  tonneau,  3'00;  —  d  balance  (romaine),  3'rK);  —  2  i)aniers,3'00.  — 
Total,  i;7'10. 

3°  Servant  à  l'éclairage.  —  1  «  chalcye  »  (lampe  en  forme  de  lami)C  grecque),  0'"5;  — 
1  .  chaleye  »  en  cuivre,  0'"o;  —  i  lampe  à  pétrole  (avec  verre  et  abat-jour),  l'2u;  — 
1  trotteuse  (lampe)  en  cuivre,  l'25;  —  i  lanterne  avec  lampe,  3'00.  —  Total,  TOO. 

•i°  Servant  au  blanchissage  du  linge.  —  1  bacjuet  en  bois,  l'OO;  —\  brosse  en  chien- 
dent, O'aO.  —  Total,  l'SO. 

5°  Servant  aux  réparations  domestiques.  —  1  couteau  à  deux  mains, 2'00;  —  1  doloire, 
2'o0; —  1  varlope  avec  mèche,  4'(W;  —  4  marteaux,  O'OO;  —  2  tenailles,  3'00;—  1  petite 
scie  à  main,  2'00;  —  i  tarière,  l';0;  -  3  limes,  0'43;  —  divers,  i'20.  —  Total,  20'30. 

Linge  de  ménage  :  en  loile  solide  (strict  nécessaire  ;  ni  nappes,  ni 
serviettes  de  table) 138^00 

0  draps,  ai)portcs  par  la  femme  (cadeau  de  la  châtelaine),  3C'00;  —6  draps,  apportés 
par  le  mari,  WOO;  —  (>  paires  de  dra])s  pour  les  enfants,  ;JO'00;  —  i  douzaine  de  torchons 
(provenances  diverses),  o'OO;  —  0  serviettes  à  porter  le  beurre,  O'OO;  —  divers,  l'OO:  — 
6  sacs  en  toile  de  chanvre,  G'OO;  —  10  autres  sacs,  5' 00.  —  Total,  138'00. 

VÊTEMENTS  :  solidcs,  réduits  au  nécessaire ,  et  très  semblables  à  ceux 
des  ouvriers  de  Saint-Etienne;  le  petit  bonnet  des  paysannes  a  pres- 
que disparu,  confiné  dans  le  canton  voisin  de  Riotord;  l'habit  à  la 
française  des  hommes  se  retrouve  sur  les  épaules  des  octogénaires 
dont  le  costume  de  noce  n'a  pas  été  renouvelé 538^5 

Vêtements  du  père  (131^85). 

i"  Vêtements  des  dimanches  et  jours  de  féte.~[  costume  complet  de  drap  noir,  veston, 
gilet  et  jjantalon  long,  exécuté  sur  commande  par  le  tailleur  du  bourg  et  chez  ce  dernier, 
GO'OO;  —  1  chapeau  de  feutre  noir  à  larges  bords,  G'OO  ;—  1  paire  de  bottes  à  haute  tige , 
15'00;  —  2  cravates  en  soie  noire,  0'50;  —  1  paire  de  mitaines  de  laine,  l'OO;  —  1  para- 
pluie en  coton,  2'00.  —  Total,  Ti'iiO. 

2»  Vêtements  des  jours  de  travail.  —  1  gilet-veste  (veston  ayant  la  «  patte  »  d'un  gilet 
ordinaire)  en  velours  côtelé  marron,  8'00;  —  1  pantalon  en  velours  idem,  3'00;  —  2  fou- 
lards en  coton,  0'C5;  —  1  blouse  en  toile  bleue,  2'00;  —  1  courroie  de  cuir,  O'",-;;  —  1  tricot 
de  laine,  2'.')0;  —  1  gilet  de  coton  (sous  la  chemise),  l'OO;  —  12  chemises  blanches,  à  col 
et  manchettes  empesés,  22^00;  —  4  chemises  do  colon  de  couleur,  .'i'OO; —  4  paires  de 
chaussettes  de  laine  (pour  l'hiver;  remplacées  l'été  par  de  la  paille),  l'.'JO;  —  18  mouchoirs 
en  coton  ,  avec  vignettes  de  couleur,  H'!M;  —  3  paires  de  sabots,  l'20;  —  1  paire  de  bri- 
des, 0"M;  —  1  chapeau  de  paille,  0'75.  —  Total,  '6VXi. 

Vêtements  de  la  mèhe  (182^00). 

1"  Vêtements  du  dimanche.  —  1  chapeau  fernu',  .'>,  00;  —  1  corsage  (casaquot)  en  mé- 
rinos ou  cachemire  noir,  8'00;  —   I  jupe,  id.,  Kt'OO;  —  1  lichu  de  laine  noire,   4'50;  — 


OBSERVATIONS    TRÉLIMINAIRES.  429 

1  l'oulard,  l'OO;  —  1  corset,  4'50;  —  i  paire  de  gants  en  laine  iioiir  l'Iiivcr,  O'OO;  —  i  paire 
de  souliers,  8'00;  —  1  paire  de  pantoulles,  l'OO;  —  1  parapluie  en  coton,  l'oO;  —  l  oni- 
hrelle  en  soie,  2'2j.  —  Total,  46' Go. 

2"  Vclcments  des  jours  ordinaires.  —  1  «  casaquot  •  de  coton,  4' 00;  —  1  jupe  de  coton, 
5'.'>0:  —  18  chemises  en  toile  ccrue,  36'00;  —  G  camisoles,  blanches  et  de  couleur  (percale 
imprimée),  C'OO;  —3  pantalons  en  calicot,  G'OO;  —G  tabliers  en  cotonnade,  6' ">0;—  10  paires 
de  bas  de  laine  et  de  coton,  12'00; —  4  paires  de  chaussons  en  laine  pour  les  sabots, 
l'25;  — 2  foulards  de  coton,  0'80;  —  1  chapeau  de  paille,  O'oO;—  3  paires  de  sabots,  1^80; 
—  2  douzaines  de  mouchoirs  de  poche,  lo'OO.  —  Total,  r»5'3.";. 

3"  Bijoux.  —  i  alliance  en  or,  20'00;  —  1  paire  de  boucles  d'oreilles,  en  or,  20'00.  — 
Total,  40'00. 

Vêtements  de  la  fille  aînée  (67*'b0). 

1"  Vêtements  du  dimanche.  —  1  chapeau  de  paille  noire,  orné  de  rubans,  4^50;  —  l  cor- 
sage à  forme  moderne,  8' 00;  —  1  jupe  en  étoffe  mérinos  noir,  G'OO;  —  1  fichu  de  laine 
noire  ou  bleue,  2''50;  —  l  foulard,  0'50;  —  1  corset,  3'00;  —  1  paire  de  gants  d'hiver  en 
laine,  0'4o:  —  l  paire  de  souliers,  5'00.  —  Total,  29'!)o. 

2"  Vêtements  des  jours  ordinaires. —  i  corsage  en  coton,  3'75;  —  4  chemises,  8'00:  — 

2  camisoles  en  tricot,  2^50;  —  2  camisoles  en  cotonnade,  l'iO;  —  2  pantalons,  3'dO;  — 

3  paires  de  bas  de  laine  et  de  coton,  o'OO; —  l  foulard,  0'40;  —  2  tabliers  en  cotonnade 
à  carreaux,  3'o0;  —  1  douzaine  de  mouchoirs,  5' 00;  —  3  paires  de  sabots  et  1  paire 
de  brides,  i'oO.  —  Total,  37'oo. 

Vêtements  de  la  fille  cadette  (59''2o). 

Identiques,  sauf  le  corsage  à  forme  moderne,  la  jupe  en  mérinos  et  le  corsage  en  coton, 
remplacés  par  1  jupe  et  1  corsage  se  tenant,  'J'oO.  —  Total,  o9'25. 

Vêtements  de  l'un  des  trois  garçons  (27*00),  soit  pour  les  trois  (81 ''00). 

i"  Vêtements  du  dimanche.  —  1  costume  complet,  8' 00;  —  1  chapeau  en  feutre  noir  à 
larges  bords,  l'50;  —  2  cravates  en  coton,  O'GO.  —  Total,  dOflO. 

2°  Vêtements  des  jours  ordinaires.  —  1  pantalon  en  velours,  3' 00; —  1  paire  de  bretel- 
les,0' 25  ;  —  1  blouse  noire,  l'IO;  —  1  tricot  marron,  O'OO;  —  12  chemises,  7'00;  —  2  paires 
de  chaussettes,  2'50;  —  1  chapeau  de  jiaille,  O^oO;  —  1  béret  (calotte  fourrée),  0'7o;  — 
2  paires  de  sabots,  0'90.  —  Total,  ICMio. 

Vêtements  de  l'enfant  le  plus  .ieune  (T^oo). 

1  petite  robe  de  coton,  l'iJO;  —  1  chapeau  de  paille,  0'73;  —  2  paires  de  bas,  l'OO;  — 
1  petit  jupon  en  laine  ou  coton,  fabriqué  avec  des  restes,  0^73;  —  2  chemises  en  coton, 
fabriquées  de  la  même  façon,  l'';i0;  —  1  tricot,  0'7o;  —  1  tablier  bleu,  l'OO;  —  1  paire  de 
sabots,  0'30.  —  Total,  7'o5. 

Vêtements  communs  (9^00). 
Réserve  de  lo  paires  de  sabots,  O'OO. 

Valeur  totale  du    mobilier  et  des  vêtements 1.124^00 

l    11. 

récréations. 

La  religion  a  discipliné  depuis  longtemps  les   moments  de  halle 
que  la  fatigue  impose  aux  tâches  quotidiennes.  Le  dimanche  ramène 

41 


430  n"  80.  —  KEnMiER>  montagnards  1>U  nAlT-rOREZ. 

régulièrement  ses  offices  suivis  par  des  foules  en  costumes  sombres, 
qui  s'amoncellent  en  groupes  animés,  et  marchandent  les  étalages 
des  forains  accourus  ce  jour-là  sur  la  place  de  l'église  :  car  l'éloi- 
gnement,  la  difficulté  des  transports  a  fait  coïncider,  contre  les 
usages  religieux  mêmes,  les  cérémonies  du  culte  et  les  transactions 
commerciales.  Une  fête  domine  le  tout  :  la  vogue,  la  fête  locale, 
celle  de  Saint-Genest,  l'acteur  converti  miraculeusement  sur  le  théâtre, 
au  moment  oiî  il  jouait  le  rôle  d'un  chrétien  bravant  le  martyre; 
elle  s'est  fondue  peu  à  peu  avec  la  fête  du  Comice ,  que  la  «  So- 
ciété d'agriculture  »  de  Saint-Genest,  fondée  en  IS.'iT,  organise  chaque 
année  avec  le  concours  de  l'État  et  du  Conseil  général.  Dévotion  et  tra- 
vaux des  champs;  messes  à  grand  orchestre  et  concours  de  charrues  ; 
l'union  de  la  vie  religieuse  et  du  labeur  journalier  semble  intime.  En 
revanche,  même  ce  jour-là,  la  «  danse  »,  proscrite  parle  clergé  de 
la  Restauration,  est  toujours  poursuivie  comme  plaisir  coupable  : 
le  rigorisme  ambiant,  que  les  efforts  de  certains  cabaretiers  tendraient 
volontiers  à  ébranler,  a  pour  défenseurs  les  vigilantes  congréga- 
tions greffées  sur  la  paroisse.  Le  «  prince  de  la  jeunesse  »  et  sa  troupe, 
—  souvenir  évident  des  coutumes  de  l'ancien  régime,  —  doivent 
borner  leurs  joyeuses  folies  au  lancement  de  pétards  et  aux  harangues 
adressées  aux  autorités.  Gomme  sujet  de  réjouissances  plus  pro- 
fanes :  la  reboule,  le  repos  après  moissons  et  fauchées  faites,  célébrée 
à  chaque  foyer  par  un  repas  copieux;  et  la  foire,  la  foire  annuelle 
du  mois  d'octobre,  qui  annonce  le  retour  des  froids  et  pourrait  s'ap- 
peler la  fête  de  la  neige.  La  neige,  en  effet,  va  bientôt  effacer  che- 
mins et  grandes  routes.  Les  paisibles  parties  de  boules,  de  «  cochon- 
net »,  qui  s'entrevoient  à  chaque  carrefour  du  village  et  au  loin  sur 
le  seuil  de  maintes  fermes,  seront  elles-mêmes  abandonnées.  Il  ne 
restera  que  les  conversations,  les  souvenirs  de  l'hivernage  ;  point  de 
distractions  artistiques  :  le  chalumeau  plaintif  des  bergers  en  est 
demeuré  aux  mélopées  traînantes  de  l'antiquité;  la  peinture  et  la 
sculpture  sont  des  païennes  qui  s'accommodent  mal  de  l'austérité 
religieuse;  parfois  les  cartes  ,  les  fortes  libations  surtout;  le  vice 
local  se  retrouve  sur  sa  pente,  et  certains  ne  peuvent  résister  à  la 
satisfaction  gourmande  des  longue?  beuveries  solitaires  ou  en  troupe, 
aux  séductions  de  l'alcool  ou  du  gros  vin  noir,  dont  ne  se  lassent 
pas  les  connaisseurs  du  pays. 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  431 


HISTOIRE    DE  LA  FAMILLE. 


^  12. 


PHASES    PRINCIPALES    DE   L  EXISTENCE. 


Le  chef  de  la  famille  et  sa  femme  ont  eu  le  sort  commun  de  tous 
les  enfants  des  montagnards.  Pâtres  et  domestiques,  tels  ont  été  leurs 
premiers  emplois  :  pâtres,  pour  économiser  à  leurs  parents  le  salaire 
d'un  journalier;  domestiques,  afin  de  pouvoir  acquérir  par  leurs 
économies,  l'un  le  cheptel  nécessaire  au  fermier,  l'autre  la  dot  indis- 
pensable aux  filles  à  marier. 

Antoine  H***  fut  de  bonne  heure  loué  par  un  vieux  gentilhomme 
des  environs,  malade  et  bientôt  paralysé  de  tous  ses  membres.  Il  se 
fit  bien  vite  aimer  par  sa  droiture  et  son  honnêteté;  il  avait  déjà 
réuni  600  francs  placés  de  façons  diverses,  lorsqu'il  fit  la  connaissance 
de  Catherine  M***,  femme  de  chambre,  ou,  plus  exactement,  bonne 
d'enfants  dans  un  château  voisin.  Celle-ci  joignait  à  sa  bonne  humeur 
et  à  sa  robuste  santé  un  petit  avoir  de  250  francs.  La  part  d'héritage  du 
fiancé  s'élevait  à  600  francs,  outre  ses  600  francs  d'épargne.  Le  jeune 
ménage  pouvait  donc  compter  sur  un  capital  de  1.450  francs,  à  peine 
suffisant  pour  acheter  les  vaches  laitières,  la  charrette  et  les  outils  in- 
dispensables à  l'établissement  du  plus  humble  fermier.  Ainsi,  la 
position  de  serviteur  dans  un  château,  qui  arrache  complètement  le 
paysan  russe  aux  coutumes  rurales,  au  point  de  constituer  une  classe 
à  part  (1),  n'est  ici  qu'un  état  transitoire,  où  l'on  recherche  surtout 
le  gain,  la  protection,  le  patronage,  sans  abandonner  l'attachement 
au  métier  traditionnel  des  ancêtres. 

Le  mariage  eut  lieu  d'après  les  coutumes  locales;  les  frères  et  les 
amis  du  marié  vinrent  de  grand  matin  donner  l'assaut  à  la  maison 
de  la  mariée,  un  peu  avec  les  mêmes  rites  que  Georges  Sand  ob- 
serva jadis  en  Berry  et  qu'elle  décrivit  dans  la  «  Mare   au  Diable  ». 

(1)  F.  Le  Play,  Les  Ouvriets  européens,  t.  II,  Paysans  à  corvées  des  steppes  d'Orenljourg. 
SS  1  et  3. 


432  N°   80.    —    FERMIERS    MONTAGNARDS   DU    HAUT-FOREZ. 

La  famille  de  la  jeune  lille  la  défendit  ;  on  présenta  aux  assaillants 
une  poupée  grossièrement  fabriquée  avec  des  linges  entortillés  :  la 
recherche  continua  longtemps  au  milieu  des  éclats  de  rire,  car  la 
mariée,  suivant  l'usage,  s'était  cachée  dans  un  placard.  Entin  le  cor- 
tège partit,  à  pied;  c'était  un  mariage  de  pauvre.  Les  paysans  ri- 
ches sont  précédés  de  coureurs  à  cheval  qui  ajoutent  toujours  à  la 
fête  un  cachet  des  plus  pittoresques.  Sur  la  place  de  l'église,  on 
trouva  l'époux,  qui  avait  dû  disparaître  pendant  celte  cérémonie,  et 
les  formalités  légales,  puis  ecclésiastiques,  suivirent  leur  cours  im- 
muable. Il  en  fut  de  môme  des  réjouissances,  repas  de  noces  et 
danse   aux   violons. 

Dès  le  lendemain  du  m.ariage,  après  cette  halte  de  quelques  jours, 
le  montagnard  vit  recommencer  sa  dure  existence.  La  ferme  avait 
été  louée  d'avance  :  une  petite  ferme  pouvant  nourrir  2  à  3  vaches 
laitières,  celle  où  nous  rencontrons  encore  la  famille;  un  frère  du 
marié  avait  consenti  à  l'aider  pour  les  travaux  préparatoires;  les  bes- 
tiaux, la  charrette  avaient  été  achetés;  quelques  meubles  aussi,  — 
bien  peu  de  meubles,  —  car  le  mobilier  d'aujourd'hui,  si  modeste 
qu'il  soit,  a  été  le  résultat  de  longues  années  de  labeur.  Mais  le 
fermier  avait  vingt-neuf  ans,  la  fermière  vingt-trois  ;  l'un  et  l'autre 
étaient  soutenus  par  la  passion  du  travail  et  jouissaient  d'une  santé 
à  toute  épreuve.  Ils  se  mirent  joyeusement  à  l'œuvre. 

Il  est  dans  l'histoire  de  ces  fermiers  foréziens  une  phase  dans  la- 
quelle succombent  souvent  les  moins  bien  doués  en  courage  et  en 
espérance  :  c'est  la  période  qui  suit  immédiatement  la  venue  des 
premiers  enfants.  Les  naissances  sont  répétées  et  rapprochées  en  ce 
pays,  où  la  haute  classe  donne  elle-même  l'exemple  de  la  fécondité 
d'autrefois,  et  où,  parmi  les  paysans,  des  familles  de  2:2  enfants, 
nés  de  la  même  femme,  peuvent  être  citées.  Il  y  eut  parfois  des 
retards  pour  le  paiement  de  la  ferme,  et  la  ménagère  raconte  sans 
fausse  sensiblerie  que  certains  soirs  d'hiver  on  fut  se  coucher  sans 
souper.  Pour  comble  de  malheur,  une  année,  —  l'année  terrible  pour 
ces  êtres  isolés  dans  leurs  landes,  où  les  perturbations  politiques  ne 
pénètrent  guère,  —  une  épizootie  subite  enleva  les  deux  vaches. 
Heureusement,  le  protecteur  naturel  des  paysans,  le  château,  inter- 
vint :  des  dons  en  nature  vinrent  permettre  de  reporter  lout  l'ar- 
gent disponible  sur  l'achat  d'un  nouveau  clieptel;  l'étable  fut  re- 
blanchie à  neuf;  le  propriétaire  consentit  à  une  remise  assez  forte. 
Malgré   cela,    les   dettes  s'étaient    subitement   accrues.  Il  fallait  les 


OBSERVATIONS    TRÉLIMIXAIRES.  433 

amortir,  et  aussi   placer  au    plus    vite  les  enfants,  à  peine  en  âge 
de  se  tenir  debout. 

Ici  commence  le  procédé  du  placement  habituel  à  la  montagne  : 
à  quatorze  ans,  l'aînée  des  fillettes  est  envoyée  à  une  fabrique,  à  l'une 
de  ces  fabriques  rurales,  «  un  moulinage  »,  où  Ton  dévide  la  soie  des- 
tinée à  confectionner  ces  rubans  de  Saint-Etienne,  dont  la  renommée 
s'est  étendue  sur  les  marchés  des  deux  Mondes'  Nous  avons  noté  au 
budget  ilï  14)  le  salaire  qu'elle  rapporte,  et  le  secours  qui  en  résulte 
pour  la  famille.  Le  fils  aîné  est  berger  au  dehors;  le  second  fils,  ber- 
ger également.  Les  autres  aident  leur  père  et  leur  mère  dans  la 
mesure  de  leurs  forces  encore  mal  affermies.  Pas  de  domestiques  dans 
la  petite  ferme  ;  en  effet,  où  trouver  les  340  francs  qu'exigerait  un 
homme  de  vingt-six  ans  et  les  I.jO  francs  réclamés  par  un  garçon  de 
dix-huit?  Pas  de  servante  :  un  gage  de  2o  francs  par  mois  serait  trop 
lourd.  Il  faut  se  contenter  de  ses  propres  forces;  sans  capital,  c'est- 
à-dire  sans  argent,  que  faire?  Tout  autour  de  la  ferme,  les  pâtis 
attendent  le  défrichement;  de  superbes  seigles  pourraient  y  mûrir; 
mais  il  faut  attendre.  Cette  année  sera  encore  mauvaise  :  le  foin  est 
rare,  comme  partout,  par  suite  de  la  sécheresse;  et  surtout  la 
concurrence  effrénée  des  fermiers,  la  mauvaise  foi  des  petits  dé- 
bitants, épiciers  et  laitiers  de  la  ville,  empêchent  de  trouver  ces 
<<  bonnes  places  »  qui  assurent  aux  biches  de  lait,  aux  grands  seaux 
de  fer-blanc  remplis  chaque  jour,  un  débouché  régulier  et  rémuné- 
rateur. Pourra-t-on  payer  le  fermage?  on  l'ignore;  et  cependant  on 
touchait  au  complet  paiement  des  dettes  :  il  reste  encore,  après  dix- 
huit  ans  de  travail,  300  francs  dus  au  village,  que  l'on  serait  bien 
heureux  de  solder  bientôt.  Voilà  le  rêve  d'avenir,  un  rêve  immé- 
diat, la  seule  préoccupation  des  soirs  de  neige,  où  l'emprisonne- 
ment de  l'hivernage  contraint  le  paysan  à  ruminer  longuement,  un 
peu  comme  les  bêtes  de  son  étable,  ces  idées  simples  qui  compo- 
sent la  trame  de  sa  vie  monotone. 


434       N"  80.  —  FERMIERS  MONTAGNARDS  DU  DAUT-FOREZ. 


'i  13. 

MŒURS   ET    INSTITUTIONS   ASSURANT    LE    BIEN-ÊTRE   PUYSIQUE    ET    MORAL 

DE   LA    FAMILLE. 

Malgré  un  léger  commencement  de  désorganisation,  visible  seu- 
lement pour  un  observateur  minutieux,  la  famille  étudiée,  non 
moins  que  les  familles-souches  voisines,  offre  encore  la  cohésion 
puissante  qui  est  le  signe  des  fortes  races.  Elle  a  le  sens  de  sa  soli- 
darité :  l'esprit  de  travail  et  d'épargne,  le  dévouement  de  l'héritier 
institué,  —  car  on  prévoit  déjà  l'établissement  dans  une  ferme  [dus  im- 
portante, —  assureront  aux  membres  les  plus  âgés,  au  père  et  à  la  mère, 
une  vieillesse  relativement  heureuse.  La  transmission  intégrale,  dont 
on  a  l'idée  et  le  désir  (§  18),  fera  raffermir  aux  mains  des  descen- 
dants la  propriété  du  sol,  si  cette  propriété  peut  être  acquise.  A  l'a- 
bri des  coups  les  plus  durs  de  la  vie,  grâce  à  la  tutelle  vigilante  de 
son  «  Eglise  »,  dont  elle  a  conservé  le  respect,  grâce  aussi  au  patro- 
nage des  riches  propriétaires  de  la  région,  la  famille  formera  un 
tout  compact  avec  les  dynasties  paysannes  environnantes.  Ensemble 
véritablement  curieux,  en  cette  terre  de  France  où  la  destruction  des 
maisons-souches  semble  un  fait  irrémédiablement  accompli,  toute 
cette  contrée  montagneuse  montre  ce  que  peut  produire  la  discipline 
morale,  cimentée  au  foyer  par  l'aulorilé  du  père,  et,  en  dehors  du 
foyer,  par  le  respect  des  autorités  traditionnelles  :  clergé  et  survi- 
vants de  la  noblesse  d'autrefois  (§  21).  C'est  bien  le  réservoir  d'hom- 
mes dont  nous  parlions  au  début,  la  source  jamais  tarie,  d'où 
l'émigration  incessante  des  jeunes ,  dressés  à  la  vie  travailleuse  et  à 
l'obéissance  instinctive,  se  déverse  sur  les  cités  aux  labeurs  diversifiés 
qui  couvrent  la  plaine. 

Mais  alors,  dans  cette  antithèse  qui  revient  sans  cesse  sous  la  plume 
de  l'analyste,  apparaît  une  transformation  inattendue.  Ces  indivi- 
dualités détachées  de  la  constitution  sociale  solide,  bâtie  par  les 
siècles  et  pour  des  siècles,  que  nous  venons  d'indiquer,  ces  étnigrants 
sans  cesse  sollicités  un  à  un  par  les  courants  multiples  de  l'industrie 
minière,  rubanière,  par  le  travail  du  fer,  de  la  verrerie,  les  ateliers 
de  construction  ou  les  hauts  fourneaux,  vont  devenir  en  un  clin  d'aùl 


OBSERVATIONS   PRÉLIMINAIRES.  133 

les  représentants  les  plus  parfaits  de  l'instabilité  contemporaine.  Ils 
ne  fonderont  plus  de  «  souches  »  durables.  L'imprévoyance  aban- 
donnera les  vieux  parents  comme  un  fardeau  inutile.  Le  mépris  du 
culte  catholique  s'élèvera  à  la  hauteur  des  dogmes  incontestés;  le  con- 
tre-fanatisme régnera.  La  révolte  soulflera  de  toute  part;  et  le  «  dra- 
peau rouge  ou  noir  »,  les  revendications  implacables  des  opprimés  de 
l'ère  industrielle  nouvelle,  se  lèveront  à  la  place  de  la  déférence  aux 
mots  d'ordre  reçus  ou  même  aux  conseils  donnés. 

N'est-ce  pas,  au  fond,  le  résumé  de  toute  la  question  sociale?  Un  mi- 
lieu qui  dure  depuis  des  siècles  et  dont  l'organisation  a  été  peu  à  peu 
tracée;  un  milieu  nouveau,  surgissant  tout  d'un  coup,  sous  l'essor  de 
jtuissantes  découvertes,  et  où  l'anarchie  subsiste,  cherchant  encore 
les  concessions  réciproques  et  la  hiérarchie  définitive,  gardienne  de 
la  «  paix  sociale  ». 


436  .N°   80.    —   FERMIERS   MONTAGNARDS    DU    HAUT-FOREZ. 

§  U.  —   BUDGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNÉE. 


SOURCES  DES  RECETTES. 


SECTION    1'®. 

PROPRIÉTÉS    POSSÉDÉES    PAR    LA    FAMILLE. 

Aux.  !•'.  —  PROPniÉTÉs  immodilièuf.s. 
(La  famille  ne  possède  aucune  ))ropriété  de  ce  genre.) 

Art.  2.  —  Valeuks  siodilières. 

Amm.mk  DoMESTinuES  entretenus  toute  l'année  : 

4  vaches  laitières,  SOOMjO;  —  3  brebis  mères,  CO'  00;  —  8  poules  et  l  coq, 
21' 70:  —  1  lapine,  3'  00;       1  chien  de  garde 

Ammaix  domestiques  entretenus  seulement  une  partie  de  l'année  : 

1  truie,  valeur  calculée 

Matériel  si-écial  des  travaux  et  industries  : 

Pour  l'exploitation  des  tîhamps,  des  prairies  et  des  arbres  èpars 

—  des  bètes  à  cornes  et  des  bètes  à  laine 

Pour  la  fabrication  du  beurre  et  du  fromage 

—  du  pain  de  ménage 

Pour  la  confection  des  vêtements 

Argent  : 

Somme  gardée  dans  le  ménage  comme  fonds  de  roulement 


Art.  3.  —  Droit  aux  allocations  de  sociétés  d'assurances  mutuelles. 
Di.oiT  éventuel  à  une  indemnité  d'une  compagnie  d'assurance  contre  l'incendie. 

Valeur  totale  des  propriétés 


SECTION    II. 


SUBVENTIONS    REÇUES    PAR   LA   FAMILLi:. 


Art.  l".  —  Propriétés  reçues  en  usufruit. 
(La  famille  ne  reçoit  aucune  propriété  en  usufruit.) 


Art.  2.  —  Droit  d'usage  sur  les  propriétés  voisines. 

Droit  d'aiïouage  sur  les  forêts  communales;  cueillette  du  bois  mprt  et  des  herbes. 
—    sur  les  baies  récoltées 


Art.  3.  —  Allocations  d'objets  et  de  services. 
Allocations  concernant  la  nourriture 


les  vêtements 

l'inslruclion  des  enfants . 


iVALUATIO:» 

APPliOXIMATIVB 

DR8  sonic  K> 

DE  UKCBTTKS. 


VAI.EUl; 

lies 

PROPUIÉTÉS. 


581' "0 
100  00 

'k;<i  oo 

1 12  00 

13  00 

20  00 

6  00 


1  .:ii(i  "0 


N"   80.    —    FERMIERS    MONTAGNARDS   DU    IIAUT-FOREZ.  43" 

§  14.  —  BUDGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNÉE. 


RECETTES. 


SECTION   l'". 

REVEi\lJS  DES  PROPRIÉTÉS. 

Akt.  l''^  —  Revenus  des  pnopiiiÉTÉs  immobilièues. 
|î  raniille  no  jouit  d'aucun  revenu  de  ce  genre.) 

Aux.  2.  —  Revenus  des  valelus  moniLiÈriEs. 

: 
I  iK't  (5  o/o )  de  la  valeur  de  ces  animaux (  j  dC,  A) 


{^10,  A) 


de  la  valeur  de  ce  matériel (  '  10,  A) 

—                       (■;!';,  A) 

—               {';ni,  c) 

— (r.iii,  ») 

—                          (^10,   F) 


.te  somme  ne  produit  point  d'intérêt.) 

Art.  3.  —  Allocations  des  sociétés  d'assurances  mutuelles. 
«surance  n'a  produit  cette  année  aucun  revenu.) 

■  Totaux  des  revenus  des  propriétés 


section    II. 

PRODUITS  DES  Sl]BVE\TIO\S. 

A  UT.  i".  —  PuoDuiTS  des  pkopiîiétés  iîeçues  en  usufruit. 
famille  ne  jouit  d'aucun  produit  de  ce  genre.) 


Art.  2.  —  Produits  des  droits  d'usage. 

ur  à  attribuer  aux  produits  avant  la  récolte (',;  tC,  H) 

ar  des  baies ' 


Art.  3. 


Objets  et  services  alloués. 


1  provenant  du  château  :  I  repas  entier  :  mouton,  2"  à  l'W),  2'SO:  —  pain, 
"  0'3".-;,  0'75;  —  vin,  2  lit.  à  0'35,  O'-O;  —  légumes  :  choux,  10"  à  O'Oi, 

0;  —  carottes,  5"  à  0'2(),  l'OO;  —  salades,  10"  à  o'-iO,  û'iM 

es  reçues  en  cadeau,  0'7.'>;  —  dons  en  argent  (du  château),  transformés 

tout  en  achats  de  vêtements,  10'.  00 

litures  scolaires  de  l'école  des  Frères 

Totaux  des  i)roduits  des  subventions 


MOXT.VNT  DBS  ItECETTF.S 
Eecettes 


A'alcur  des 

objets  reçus  en 

nature. 


30  87 


91)  .'JO 
38  10 


0  7.'i 
(i  00 


en 


argiïnt. 


17' 73 

Il '511 

3  03 

1  97 

14  22 

î)  23 

3  40 

2  20 

0  1!» 

0  t)0 

1  00 

„ 

0  30 

<. 

10  (»0 


438  N°   80.    —    FERMIERS   MONTAGNARDS    DU    IIALT-FOREZ. 

§  14.  —  BUDGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNÉE  [suite). 


SOURCES  DES  RECETTES  {suite). 


\ 


DÉSIGNATION  DES  TRAVAUX  ET  DE  I.'EMl'LOI  DU  TEMP: 


SECTION  III. 
TRAVAUX  EXÉCLTÉS  PAR  LA  FAMILLE. 

K\|iliiitati()ii  (les  clianips.  des  prairies  et  des  arbres  épars. 
Kxploitalidii   des   liétes   à  cornes  et  à  laine,  des  porc. 

lai)ii)s  cl  poules 

Exploitation  du  jardin  potager 

Travaux  de  terrassier  et  de  hùciieron 

—  (le  passementerie,  effectués  parla  lille  ainée 

—  dans  une  usine  du  bourg 

Emplois  de  berger  des  2  Dis  aines  dans  les  exploitations 

voisines .' 

Fabrication  du  beurre  et  du  fromage 

—  du  pain  de  ménage 

Exercice  accidentel  du  métier  de  bouclier 

Travail  de  bùclieron  ell'ectué  dans  les  forets  commu- 
nales et  cueillette  des  bois  et  des  lierbes 

Travaux  domestiques 

Confection  des  vêtements  et  du  linge 

ToTAix  des  journées  de  tous  les  membres  de  la  famille. 


uUAXTITi:   DE  TRAVAIL   EFFECTIF.. 


3 
13.'i 


-21  G 
1 


110 

il) 


•t-o 


SECTION    IV. 

INDUSTRIES   ENTREPRISES   PAR   LA    FAMILLE 

(à  son  propre  com]ite). 

lMnsTi;irs  entreprises  au  compte  de  la  famille  : 
iA|iliiiiatiim  des  clinniiis,  des  prairies  et  des  arbres  épars;  exploitation  de  l'étable  et  des  animil 

KxpliiilMtion  du  jardin  potager ^Hl 

Fabrication  du  beurre  et  du  fromage 

—  du  pain  de  iiiciiage 

Exerrice  accidentel  du  métier  de  bouclier 

Confection  des  vêlements  et  du  linge 


1 


N"    80.    —    FERMIERS   MONTAGNARDS    DU    UAUT-FOREZ.  -439 

1^  li.  —  BUDGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNÉE  [suite). 


RECETTES  {suite). 


PRIX    DES    SALAIRES   JOLUXALIEP.S. 


12  50 

Il    00 


00 
(JO 


0  ;;o 

1  10 


2 

3 

filles. 

fils. 

Fr.    c. 

Fr.  c. 

0  40 

0  40 

0  -20 

0  20 

0  84 

. 

" 

0  1-2 

1  .-io 

• 

SECTION    III. 


SALAIRES. 


Salaire  total  attribué  à  ce  travail  (",  IG,  A). 

—  —  —      (8  11!,  A). 

-  -  -      (S  Ki.  R). 


—  —  —       (S  16.  C). 

—  —  —       (§1(J,D). 

-  -  —       {§  10,  EJ. 

-  -  -  (§  16,  H). 
(Aucun  salaire  n'est  attribué  à  ces  travaux.) 
Salaire  total  attribué  à  ce  travail  (§  10,  F). 

ToTAi  X  des  salaires  de  la  famille 


SECTION    IV. 
BÉ>IÉFICES   DES   lADLSTRIES. 


I  liénélicc  résultant  de  ces  exploitations (S  10.  A) 

—  de  cette  exploitation (S  i(i.  R) 

—  de  cette  fabrication (§  Ki,  C) 

—  —  (S  10.  D) 

—  de  cette  industrie (S  lo.  E) 

—  de  cette  confection (S  Ki,  F) 

Totaux  des  bénéfices  résultant  des  industries 

INOTA.  —  Outre  les  recettes  portées  ci-dessus  en  compte,  les  industries  don- 
nât lieu  à  une  recette  de  2.97ri'37  (§  16,  G),  qui  est  appli(|uée  de  nouveau  à 

i mêmes  industries;  cette  recette  et  les  dépenses  (jui  la  balancent  ('^  13,  sect.  V) 

'.été  omises  dans  l'un  et  l'autre  budget. 

ToTAix  DES  RECETTES  de  l'aniiée  (balançant  les  dépenses)  (1.700' 13)... 


MONTANT  IPKS  ItKCETTKS 


Valeur 
des  objets 

reçus 
en  nature. 


87f.9i 


91  58 
17  00 


3  21 

43  20 
0  13 


380  3i 


91  10 

0  87 


57 'OG 

59  42 

-274  00 

2.-;2  00 

35  00 
9  54 


088  89 


115  08 
7  .18 
12  13 


4^*0  N»   HU.    —    FERMIERS   MONTAGNARDS    DU    IIAUT-FOREZ. 

§  15.  —  BUDGET  DKS  DÉPENSES  DE  L'ANNÉE. 


DÉSIGNATION  DES  DÉPENSES. 


SECTION    l". 

DÉPENSES  COi\CEB\A:«T  LA  NOIRRITURE. 

Art.   V.  —  Aliments  consommés  dans  le  ménage 

(par  les  S  membres  de  la  famille  pendant    3Gô  jours). 
CÉRÉALES  : 

l'aiu  fie  froment (§  I4,  S""  II) 

Pain   de   seigle  pur,  en  tourtes   rondes  de  ""  i>  à 

10" (J  10,  D) 

Farine  de  froment 

Riz 

Poids  total  et  prix  moyen 


Corps  cras  : 

Beurre (;;  kj,  o 

Petit  l)eurre (';  i<i,  o 

Lard (;;  ji;,  A) 

Huile  de  sraines 


Poids  total  et  pris  moyen. 


Laitage  et  œuFs  : 

Lait  non  écrémé (^  tC,  A) 

Froma^'e  blanc  en  forme  de  cliévreton (J  d(j,  Cj 

Fromage  de  forme  (lait  de  vache  fermenté) 

CtEufs  de  poules.  20  douzaines  à  O'ho  la  douz.  (J  16,  A) 


Poids  total  et  prix  moyen. 


Viandes  et  poissons  : 

Hduf 

Veau,  acheté  les  jours  de  fétes 

Veau  :  abattu  et  consommé  en  partie,  par  suite  de  la 

baisse  des  bestiaux  (exceptionnel) (S  le,  E) 

Viande  de  mouton (g  it.  S""  II) 

viande  de  jiorc,  salée  :  saucissons ". .  (;',  Iti,  A) 

—  —         —     jambons (;;  lii.  A) 

—    fraîche (;;  Ki.  A) 

(Il    n'eiilre   dans   la    consommation    du    ménage    ni 
volailles,  ni  poissons.) 

Poids  total  et  ]irix  moyen 


POIDS  et  piîix  des 

ALIMENTS. 


POIDS 

consommé 


l.o(!0  0 
10  0 


2.-;  0 

.M»  0 
20  0 


18(1  (I 

7  r> 

12  0 
l^i  0 


21 1  îi 


0  .-; 

.1  0 

2  0 
2  0 

77  •; 

14  0 

1  0 


PRIX 

par  kilo?. 


0'37:i 
0  2.'i0 

0  .';oo 

1  200 


0  2r>; 


2  .'JOO 

0  2(11) 

t  .■ioo 

0  !K»0 


0  200 

0  (>00 

1  -iWi 
\  067 


1   600 
0  fiOO 

0  .'JOO 

1  tOO 
t   .M  10 

1  •;o() 
I  .'i(l(l 


.MONTANT  DES  DEPENSES 


Valeur 
des  objets 
consommés 
en  nature. 


0'-5 
220  50 


00 
00 


3(i  00 
4  50 


1(>  00 


Dépensi  s 
en  arp.  ut. 


18  00 


0  so 

1  .-.(l 


N"    80.    —   FERMIERS    MONTAGNARDS    DU    nAUT-FOREZ. 

§  15.  —  BUDGET  DES  DÉPENSES  DE  L'ANNÉE  {suite). 


iil 


DÉSIGN.\TION  DES  DÉPENSES  (suite). 


SECTION    r 


DÉPENSES  C0XCER\A:^T  la  iVOLRRITlRE  (suite). 


LÉCIMES   ET   FRUITS  : 

Tubercules  :  Pommes  de  terre {"  iC,  A) 

Lc-gumes  verts  à  cuire  :  choux  tourragcrs  (feuilles 
tendres)  C  16,  B),  -25"  à  0'04.  l'OO;  —  Choux  pom- 
més   (;  1  4,  S™  II  et  Z  16,  A),  16oK  à  O'O't,  6'(J0 

Légumes  racines  :  Carottes..  (,;  14,  S""  II  el  §  IC,  B) 

Légumes  épices  :  Citjoule  Q  16,  B),  O".-;  à  O'W,  0'30; 

—  ail,  1"  3  à  0^50,  0'7o;  —  oignons  (•;  16,  B),  10"  à 

0'  40,  4'  00 , 

Salades  :  Escarole,  elc (ï  14,  S™  II  et  ■;  IG,  B) 

Fruits  farineux  :  Châtaignes 

Fruits  à  pépins  et  à  noyau  :  Pommes  et  poires,  3"  à 
of-20,  O'iiO;  —  griottes' (cerises  sauvages)  ("16,  B), 

10"  à  O'io,  l'OO 

Fruits  baies  :  Framboises  sauvages  et  airelles  (mvr- 
tiles) C^  14,  S'"' 'il) 


Poids  total  et  prix  moyen. 


Condiments  et  stimulants: 

Sel  commun 

Épices  :  Poivre 

Vinaigre 

Matières  sucrées  :  Sucre 

Chocolat 

Boissons  aromati(|ues  :  Café  . 


Poids  total  et  prix  moyen. 


Boissons  feumentées: 

Vin  rouge  (Algérie,  Aude),  à  3.5' 00  l'hect.  rendu,  3  hecl. 
achetés,  105' 00;  -2  Ut.  donnés  —  (Z  14,  S""  II),  2'  00 

Vin  d'airelles  (myrtiles) (I!  14,  S""  II) 

Eau-de-vie .' 

Poids  total  et  prix  moyen 


poids  et  puix  des 
aliments. 


POIDS  PRIX 

consommé.        par  kilog. 


Laco^o 


mo  0 

15  0 


1-2  0 

35  0 
50  0 


13  0 
1-25  0 


12  9 

0  3 
6  0 
3  0 

0  5 

1  0 


302  0 
(i  0 
1  0 


0'050 


0  040 
0  -200 


0  421 
0  -200 
0  140 


0  t-23 
0  300 


0  O"!» 


0  140 

5  000 

0  300 

1  -2(K) 
3  (JOO 
G  000 


0  350 

0  100 

1  550 


309  0 


AiiT.  2. —Aliments  phéparés  et  consommés  en  dehors  du  ménage. 

Nourriture  fournie  (avec  le  coucher)  par  l'école  de  filles  pendant  les  C  mois 
d'hiver 

Totaux  des  dépenses  concernant  la  nourriture 


montant  des  DEPENSES 


Voleur 
des  objets 
consommés 
en  nature. 


(Xi'OO 


7  55 
-2  90 


4  07 

0  74 


0  95 
37  50 


0  70 


Dépenses 
en  argent. 


O'Oo 
0  10 


0  98 
0  -2(i 
7  00 


1  80 

0  13 

1  80 

3  (;o 

I   80 
H  00 


105  00 


442  N"   80.    —   FERMIERS    MONTAGNARDS    DU    IIAUT-FOREZ. 

^  i:i.  —  BUDGET  DES  DÉPENSES  DE  L'ANNÉE  [suite.] 


DÉSIGNATION  DES  DÉPENSES  {suite.) 


SECTION     M. 

DÉPEI>iSES  CO^'CERXAXT  L'HABITATIO. 

Logement  : 

Lnycr  de  riial)itatioii  (ch-tluit  par  ventilation  du  fermage  total) 

MoniLir.r.  : 

Aciiats  d'objets  noui's  et  dépenses  diverses  relatives  à  l'entretien, 
i.S'OO;  —  achat  de  linge.  l.'i'OO;  —  réparations  laites  avec  le  hoisd'a'u- 
\re  ramassé  (§  1(i,  H),  Wm 

Chauffage  : 

Unis  de  chauffage  provenant  des  bois  communaux,  ,700  fagots  à  O'IO, 
30' 00;  — fagots  etécorces  ramassés  par  les  enfants,  700  fagots  à  0'  10, 
"O'OO (S  10,  H). 

ÉCLAIUAGE   : 

Pétrole,  2ti  lit.  à  0''iO,  13'00;  —  huile  de  colza.  2  kil.  à  O'OO,  4'80;  — 
mèches,  0'-20,  — allumettes  (de  contrebande),  1  paipiel,  0'50 

Totaux  des  dépenses  concernant  l'habitation 

SECTION    in. 
DÉPENSES  COiVCER!VAI\T  LES  VÊTEMENTS. 

VÊTF.MKNTS  DK    LA    FAMILLE    : 

Vêtements  du  pérc (§  dC,  .1). 

—  de  la  mère (S  10,  J). 

—  des  deux  fillettes (S  10,  .1). 

—  des  trois  ganons (§  10,  .)). 

—  de  l'enfant  le  plus  jeune (§  10.  J). 

Kcparation  de  vêtements  :  achats  de  fournitures 

Blanchissage  du  linge  : 

Savon.  .3  pains,  T50  (il  n'y  a  i)as  lieu  à  des  lessives  proprement  dites, 
mais  à  de  simples  savonnages  hebdomadaires) 

Totaux  des  dépenses  concernant  les  vêtements 

SECTION     IV. 

DÉPENSES  COXCEfiNANT  LES  BESOINS  MORALX,  LES  RÉCRÉATIONS 
ET  LE  SERVICE  DE  SANTE. 

Culte  : 

Chaises  louées  à  l'église,  o'oO:  —  messes  pour  les  défunts  (2  par  an). 
2' 00 

iNsTiii  ction  des  enfants  : 

Fournitures  pour  la  fille  cadette,  en  pension  l'hiver  chez  les  Sœurs, 
4'00;  —  fournitures  délivrées  gratuitement  parles  frères  Maristes  aux 
trois  garçons  (S  !'♦,  S""  II),  C'OO 


MOSTAST   DKS  iiETKNSES. 

Valeur 
(les  objvts 
consommés 
en  nature. 


10' 00 


100  00 


1  80 

\:i  ir> 

28  ■v^ 

25  90 

•;  2:; 


G  (Kl 


N°    80.    —    FERMIERS    MONTAGNARDS    Df    IIAUT-FOREZ.  443 

§  15.  —  BUDGET  DES  DÉPENSES  DE  L'ANNÉE  {suite). 


DÉSIGNATION  DES  DÉPENSES  [suite). 


SECTION     IV. 

DÉPE\SES  (;0\C;ERM\T  les  BES0I\S  MORAIX,  I.ES  BÉCRÉATIO^S. 
ET  LE  SERVICE  DE  SA^TÉ  (suite). 

SECOLIïS    F.T   AIMOXF.S  ." 

Peu  d'auinùucs  en  argent,  l'OO:  —  surtout  des  dons  d'aliments  (déjà 
évalues  dans  la  nourriture  de  la  famille,  S""  1);  —  4  lapins  offerts  en 
cadeau  C  l(i.  A),  8'00 

RÉCRÉATIONS  ET  SOLENNITÉS   : 

Tabac  du  père  (pour  la  pipe),  iCi'OO;  —  eau-de-vie  consommée  par  le 
père  au  sortir  de  la  messe  du  village  et  quelquefois  dans  des  journées 
l)rolongées,  dites  de  «  ril)Otles  »,  lO'OO;  —  dépenses  delà  famille  aux 
fêtes  du  village  et  lorsqu'elle  va  chercher  largent  du  lait  à  Saint- 
Etienne,  .'i'i") 

Service  de  santé  : 

Tisanes  achetées  à  la  pharmacie  de  «  l'hôpital  » 

Totaux  des  dépenses  concernant  les  besoins  moraux,  les  récréa- 
tions et  le  service  de  santé 

s  E  C  T  I  O  N    V. 

DÉPEASES  CO\CER\A.\T  LES  I\DISTRIES.  LES  DETTES,  LES  IMPÔTS 
ET  LES  ASSLRAACES. 

Dépenses  concernant  les  industries  : 

Nota.  —  Les  dépenses  concernant  les  industries  entre- 
l>rises  par  la  famile  montent  ;i (S  IG,  G).      3.o41'3G 

Elles  sont  reml)oursèes  par  les  recettes  provenant  de  ces 
mêmes  industries,  savoir  : 

Argent  et  objets  employés  pour  les  consommations  du  mé- 
nage ou  faisant  i)artie  de  ses  épargnes  et  portés  à  ce  titre 
dans  le  présent  budget o(>o'99  \ 

Argent  et   objets    appliqués   de  nouveau    aux  in-  / 

dustries  (;,  l'»,S""  IV),comineenii>loi  momentanédu  >  3.541  36 

fonds  de  roulement,  et  qui  ne  peuvent  conséquem-  \ 

ment rigurerparmilesdépenscsduménage(§16,G).  2.î)"5  37  J 

Intérêt  des  dettes  : 

La  famille  a  été  obligée,  à  une  époque  d'épizootie,  d'emprunter  300' 00 
dont  elle  paie  l'intérêt  à  3'50  p.  100 

Impôts  : 

Impôt  personnel  et  mobilier;  portes  et  fenêtres,  prestations  (l'impôt 
foncier  reste  à  la  charge  du  i)ropriétaiie; 

ASSIT.ANCES    CONCOURANT    A     GARANTIR    LE     BIEN-ÊTRE    PUYSIQUE    ET    MOl'.AL    DE    LA 
FAMILLE    : 

Assurance  contre  l'incendie 

Total  des  dépenses  concernant  les  industries,  les  dettes,  les  im- 
pôts et  les  assurances 

lj\nr,NE  DE  l'année  : 

l.a  famille  ne  peut  encore  penser  à  l'épargne;  les  bénéfices  réalisés 
par  elle  seraient  appliqués  au  paiement  de  la  dette  qui  la  grève  d'un 
poids  très  lourd,  malgré  sa  modicité 

TiiTux  DES  DÉPEN-iKs  de  l'annéc  (balançant  les  recettes).  M. 700' 13 


MONTANT   DES   DEPENSES. 


Valeur 
des  objets 
consommés 
en  nature. 


8^00 


Dépenses 
en  argent. 


31  25 

■2  "iO 


'.}  7.j 


10  'iO 


00 


444 


N°  80. 


FERMIERS   MONTAGNARDS    DU   IIAUT-FOREZ. 


î   16. 
COMPTES  ANNEXÉS  AUX  BUDGETS. 

SECTION    1. 

COMPTES  DES  BÉNÉFICES 

HÉSULTANT   DES   INDUSTRIES   ENTREl'RISES   PAR   LA    FAMILLE 
(à  son  propre  compte). 


A.  —  ExrLOITATION  DES  CHAMPS,  DES  PRAIRIES  ET  DES  ARBRES 
ÉPARS  ;  CUEILLETTE  DU  BOIS  ET  DES  HERBES  SUR  LES  TERRAINS 
vagues;  EXPLOITATION  DE  l'ÉTABLE. 


drains  récoltés  : 

Seii^Ie  (hlé  (l'hiver)  (1)   575"  à  O'IG i>2'00. 

Avoine 100   à  0  1!» liMK). 


Légumes  récoltés  : 

Pommes  de  terre 

Choux-raves  (rutabagas). 
Choux  pommés 


.000" 

tiOO 
800 


à  o'o,j 2.';ofoo. 

;i  0  Oi 24  00. 

;i  0  04 3-2  (K). 


(i.400                                300  00 
Paille  (le  seigle,  l.L'JO"  à  O'Oi  (actuellement  0'08) 

—     (l'avoine,  Ifiû"  à  0'04 

Foins,  2.500"  à  0^08  (aujourd'hui  0'  10) 

Regains,  100"  à  0'  08 

Herbes  des  pâtures,  consommées  par  les  vaches  et  les  moulons  (vaches  at- 
tachées a  la  ferme  ou  prises  en  nourrissage),  13.000"  à  0'08 

Fougères  lauchécs,  100"  à  0'04 

liois"  :  fagots  et  écorces  de  sai)ins,  abandonnés  au  lermier  dans  la  partie  du 

bois  (le  reserve  (|ui  correspond  à  son  exploitation,  (JOO  fagots  à  OMO 

Produits  des  vaches  : 

Lait  (non  écrémé,  c'est-à-dire  écrémé  à  raison  d'un  litre  de  crème  par 
20  litres),  3.780  lit.  à  0'20 

Lait  écrémé,  180  lit.  à  OMO 

Crème,  200  lit.  à  O'.w 

I  veau  de  <iO"  à  O'/iO,  24^00;  —  ])résure,  0'50 (C  et  E) 

Travail  des  vaches,  20  journées  à  4' 00 

Nourrissage  de  3  vaches  (appartenant  à  un  voisin)  pendant  les  5  mois  d'été 

sur  les  pâturages 

Produits  des  brebis  : 

I  bélier,  vendu 

Laine  en  suint,  3"  à  l' w 

Nourrissage  de  2  brebis  et  3  agneaux  (appartenant  à  un  voisin)  i)endant 

les  5  mois  d'été  sur  les  pâturages 

Produits  (le  la  truie  acheK-e  : 

Lard -iO"    (<  l'50 

Saucissons 77  5  a  1  .'iO 

.Jambons 14      à  I  50 

Viande  fraîche. . .       1      à  1  50 

Produits  (les  poules  : 

10  poulets  .cndus  (jeunes,  l'80  le  kil.;  vieux,  l'2û  le  kil.) 

(H-;ufs,  70  douzaines,  à  0'80  la  douzaine 

Produits  do  la  lapine  : 

H  lapins  (4  donnés,  4  vendus),  Ki"  à  l'OO 

Fumier,  D.OOO"  à  0'005 


Totaux 

(1)  On  sème  nusRi  ilu  seigle  de  piintcmp!',  dit  h\i  de  mai-H. 


Kn 

En 

natu 

re. 

argent. 

92'00 

1) 

50 

0'.-» 

2.';o  (10 

2i 

00 

> 

.32 

00 

" 

00 

00 

■• 

200 

00 

» 

H 

00 

1.040 
4 

00 
(K) 

) 

23 

00 

37  00 

iim 

00 

500  00 

4 

53 

13  47 

2.5 

18 

74  82 

0 

12 

2t  .38 

80  00 

20  00 

„ 

25  00 

4 

20 

a  00 

75 

00 

. 

110 

25 

» 

21 

00 

> 

1 

50 

18  00  i 

10 

00 

40  00- 

8 

00 

8  00' 

4.-. 

00 

" 

2.327 

28 

8;{0  17 

COMPTES  ANNEXES  AUX  BUDGETS. 


445 


C!ii,'le  d'hiver ll."i 

voine -l'i 


à  O'IG 18"*0 

à  0  1!) 4  7.-; , 


■23  1.-; 


niiinies  de  terre A'JO"  à  0' 05 1-2^  "iO 

aiits  de  choux  pommés 800    àd'ao  le  100. .      2  40 

—  raves 400    à0t3olel09..       140 

s  (le  la  vente  du  lait  :  abandon  d'une  <■  biche  »  de  25  mesures  (1/2  litre) 
\v  semaine,  plus  une  autre  par  mois,  même  lors(]u'on  est  ohlisé  de 
iiiplcter  la  «  l)ichc  »  à  ses  frais,  soit  800  litres 

|iayé  au  ■■  laitier  »  (  pour  le  transport)  :  0^05  par  biche  au  laitier  du 
ntiêr,  et  0'15  au  laitier  de  la  grande  route 

(le  la  monte  :  4  montes  à  0'50 

jt  de  la  truie 

rriture  des  animaux  : 

urrages  :  foins,  2.500"  à  O'OS  (prix  de  l'année  d8!i2,  date  de  la  récolte; 

actuellement,  o'  16) 

gains,  100"  à  0'08 '. 

rbes  des  pâtures,  13.000"  à  0'08 

ugéres  fauchées,  100"  à  0'04 

anches  de  sapins  (pour  les  moutons),  50"  à  O'Oi 

(le  frênes  (pour  les  vaches),  25"  à  U'O't 

ille  de  seigle,  1.150"  à  O^Oi,  46^00;  —  achetée,  000"  à  O'Oi,  24'00 

—    d'avoine,  150"  à  O'Oi 

tit-lait,  150"  à  O'Oo 

uimes  de  terre,  3.550"  à  0'05 

oux  fourragers,  775"  à  O'Oi 

oux-raves,  600"  à  O'O't,  24^00;  —  choux  pommés,  6i5"  à  O'Oi,  25'80 

île,  10"  à  0'  16 

ine,  25"  à  0'19 

noir,  5"  à  0'25 

et  farine  :  provenant  de  l'exploitation  agricole,  15l"8  à  O'O'S.  ll'iO;  — 
irovenant  de  la  mouture  du  seigle  acheté,  3B1"350  à  0'075.  27'10;  —  son 
cheté  directement,  100"  à.  0'07,  7^00 

23"  921)  à  0'  1 4 

•e  :  2.500"  de  fougères  (mélangées  de  terre),  à  0'02 

d'œuvre  de  la  famille  : 

ture  des  champs  :  père,  25  journées  à  2^50,  62f50. 
ivi  —     des  prairies  :  père,  8  journées  à  2' 30,  20'00;  —  mère,  8  journées. 
1^50,  12'00. 

;olte  des  fougères  :  enfants,  20  journées,  à  0'40,  8' 00. 
iduite  des  fumiers  :  père,  2  journées,  à  2'50, 5'00. 
.)ii(Bjtage  des  bois  :  père,  15  journées,  à  2'30,  37'.50. 

îlaircs  totaux  :  père,  125f00;  —  mère,  12'00;  —  enfants,  8^00 

donnés  aux  animaux:  père,  85  journées  à  l'OO,  85^00;—  mère, 
)  journées  (y  compris  la  tonte)  à  O^oO,  45'00;  —  enfants,  100  journées 
;arde  des  animaux),  40  journées  (pour  aller  chercher  les  l)ichcs  à  lait), 
0'20,  28' 00. 

ilaires  totaux  :  jière,  85'00;  —  mère,  45'00 :  —  cnfanls,  28'00 

il  des  animaux  :  vaches,  18  journées,  à  4'00 

lis  :  fumier  (terre  et  fougères ),  4.000"  à  O'.'JO  les  100" 

1  sac  de  cendres  du  fover  (sur  les  prés) 

ige  (les  terres  (déduction  faite  de  la  location  de  l'habitation).  300' 00 
roprietaire  principal:  —  20' 00  à  un  i)ropriétairc  voisin,  en  échange 

le  prairie  supplémentaire 

t  (5  p.  100)  du  matériel  agricole  (460'00) 

—  de;   la  valeur  (()8i'70)  des  animaux 

—  —  (112'00)  du  mobilier  des  élables 

X  d'entretien  du  matériel  :  charron ,  maréchal 


BÉNKKICE  résultant  de  l'indusli 


1 8'  iO 


200  000 

.s  000 

1.0 'tO  00 

't  00 

2  00 

1  0!» 

40  00 

(i  OO 

7  50 

177  .50 

2!»  3!» 

49  80 


Il   40 

50  00 


91   .58 

72  00 

2i)  00 

7  00 


1  i  22 

20  71  i 

3   iO 


177  3!t 


Totaux  comme  ci-contre. 


2'  '(() 
1   40 


73  00 

2  00 

100  00 


2i  00 


61 

60 

2.5 

3'é 

10 
35 

320 

00 

9 

23 

13 

47 

-2 

20 

15 

00 

115 

08 

«3(^ 

17 

4'2 


446 


ti"  80. 


FERMIERS   MO.NTAGXARDS    DU    IIAUT-FOHEZ. 


B.    —    ExrLOlTATlON    ))U    JARDIN    l'OTAGER 
(SUTERFICIE    :    3   ares). 


HF.CKTTES. 

Cliouv  fourragers  (servant  surtout  à  l'alimentaliou  des  animaux,  nii)ins  les 
feuilles  tendres  réservées  pour  la  nourriture  de  ta  faniilie),  800''  à  O'Oi — 

Salades,  io"  à  0'20 

Carottes ,  iO"  à  0'-20 

Oignons,  10"  à  0'  Mi 

Ail  (n'a  pas  réussi) 

Ciboule,  0'' 5  à  O'OO 

Fruits  (0  arbres),  griottes  (cerises  sauvages  ),  10"  à  0'  10 

Totaux 

DÉPENSES. 

Plants  de  choux  cabus,  achetés  au  marché  du  bourg,  iOO  à  0'3j  le  100 

Semences  de  salades,  100  à  OMO  le  100 

—  de  carottes,  100  à  OMO      —     

—  d'oignons,     100  à  0' 50      —     

—  d'ail,  100  à  0' 20      —     

Fumier  :  5.000"  à  0'50  les  100" 

Main-d'œuvre  de  la  famille  : 
Arrachage  dos  lieibcs  :  homme,  3  journées  à  2'OD,  G'OO;  —  femme,  10  jour- 
nées à  1' 10.  ll'OO  

Intérêt  (5  p.  100)  de  la  valeur  du  matériel  (compris  dans  le  compte  A),  pour 

mémoire 

BÉNÉFICE  résultant  de  l'industrie 

Totaux  cimimc  ci-dessus 


30' 3 't 
4  7i 
1  90 
3  70 

0  28 
0  03 

H   00 

25  00 


17  00 


C.    —    FABRIt:ATION    ï){j    BEURRE    ET    UU    FRUMAtJE. 

KECETTES. 

Beurre,  .'>0"  (7"5  consommés  ;  42"  5  vendus)  à  2' 50 

Petit  beurre,  25"  à  0' 20 

Petit-lait,  150  litres  à  0'05 

Fromage,  ""5  à  O'CO 

'  Totaux. .  

DÉPENSES. 

Crème,  20;)  litres  (prélevés  sur  la  traite  du  soir)  à  O'.'iO 

Lait  écrémé,  180  litres  (pour  le  fromage)  à  0'  10 

Présure 

Main-d'œuvre  :  travail  de  la  Icnime,  15  journées  a  0'85 

Intérêt  {'i %)  de  la  valeur  <lu  luateriel  (15'0J) 

BÉNÉFICE  résultant  de  l'indu  strie 

Totaux  comme  ci-dessus 


1« 

m 

5 

00 

7 

50 

4 

50 

'■' 

IN 

'« 

.'.3 

0 

12 

0 

1!» 

L) 

D.    —    FABRICATIO.N'    DU    l'AIN    DOMESTIQUE. 


l-.'itiO"  de  pain  bis  (seigle  pur)  en  Iourtes  rondes  de 
(prix  actuel) 


à  10",  à  0'  25  le  kil. 


220  50 


COMPTES  ANNEXÉS  AUX  BUDGETS. 


447 


çle  de  la  récolte,  400^,  réduits  par  la  mouture  à  SOS^S  de  farine  à  0'-201, 
î'20 , 

le  acheté,  l.Oiia".  réduits  par  la  mouture  à  "33''(w0  de  farine  à   0''2Q-2, 

i8'  10 

mie  versée  au  meunier  pour  la  mouture  et  le  blutage,  l'OO  par  100" 

:e  à  la  mouture,  â^i"  à  O'IG 

la^-i  à  O'ii 

ots  de  sapins,  !230  à  O'IO 

d'ceuvre  du  père.  21^6  à  2'00 

rét  (5  %)  de  la  valeur  ('20'00)  du  matériel 

BÉsÉricE  résultant  de  l'industrie 


Totaux  comme  ci-contre. 


ï>-20  50 


G-2'-20 

. 

„ 

148' 10 

D 

15  53 

I 

i  00 

D 

i   85 

■a  -20 

, 

43  20 

. 

1  00 

„ 

91  10 

• 

IG!)  50 


E.    —   EXERCICE   ACCIDENTEL   DU   MÉTIER   DE    BOUCHER 
(conséquence  de  la  sécheresse  de  1893). 


ide  de  veau,  consommée  par  la  famille,  2"  à  O'aO,  l'OO;—  vendue  au  dé- 

1,  37"  à  l'OO,  3T00 

1  de  l'animal 

lets  divers  (engrais)  vendus,  20"  à  0'05 


Totaux. 


DEPENSES. 


au  de  GO"  (poids  brut)  à  0'40 

ire  (lu  boucher  :  la  peau  de  l'animal 

ail  du  père  :  temps  consacré  à  la  vente,  d  journée  à  2' 00. 
BÉNÉFICE  résultant  de  l'industrie 


Totaux  comme  ci-dessus. 


00 


l   00 

37  00 

4  00 

, 

• 

1  00 

5  00 

38  00 

24  00 

4  00 

1) 

0  13 

1  87 

0  87 

12  13 

38  00 


CONFECTION   DES    VETEMENTS    DE    LA    FAMILLE 
ET   DU   LINGE    DE   MÉNAGE. 


lires  de  chaussettes  de  laine  pour  le  père 

pe  (durant  2  ans) pour  la  mère 

casaquots  »  de  cotonnade  —  

pe  de  coton —  

émises  en  toile  écrue  (dur.  10  ans)  —  

bliers  de  cotonnade —  

ires  de  bas  de  coton —  

ire  de  bas  de  laine —  

lires  de  chaussons  de  laine —  

pe  de  mérinos  noir  (durant  2  ans)  pour  la  fille  aînée.. 

•rsage — 

pe  et  corsage  se  tenant  (durant  2  ans)  pour  la  2°  lille.. 

émises pour  les  2  filles. 

nlalons — 

Ires  de  bas  de  laine — 

ires  de  bas  de  coton  (durant  2  ans)  — 

jliers  de  cotonnade — 

ires  de  chaussons  de  laine — 

ntalons  de    velours  pour  les  3  garçons 

ires  de  bretelles...  —  

ouses  noires —  

émises  de  coton...  —  

ires  de  chaussettes  —  

tile  robe  pour  l'enfant  le  plus  jeune 

'res  de  bas  —      

(lier  bleu  —      


Totaux. 


1  80 
0  45 

3  00 
0  75 

2  70 

0  60 

4  m 

2  25 

1  50 

0  38 

1  50 

1  50 

4  50 

3  0(1 
9  00 

2  25 
1  20 

5  00 

4  50 

1  20 

2  2.5 
G  75 

11  20 
1  50 

3  00 
0  75 

77  03 


1  00 
G  73 
3  20 

6  .30 
3  85 

3  GO 

2  00 
1  30 

1  00 
.■5  72 

2  75 

4  75 
G  30 

3  00 

4  00 
0  G.5 

7  20 

9  73 

0  (iO 
4  35 
G  73 

1  40 
1  80 
1  00 
1  15 

88  15 


448 


N"  80. 


FERMIERS    MONTAGNARDS    DU    IIAl'T-Fi  IREZ. 


DEPENSES. 

Étoffe  de  laine  :  mérinos  ou  cacliemirc  noir 

Étoiles  de  colon  : 

Colonnades  diverses 

Velours 

Étoffe  en  lin  et  chanvre  :  toile 

Fils  de  laine  :  î^"  provenant  des  trois  brebis,  i'-Ht;  —  pave  à  la  lilcusc,  o'itd, 

et  0'i:o  par  1/-2  kil.,  soit  3'60;  —  achetés,  o''20 " 

Fils  de  coton 

Fournitures  :  fil,  aisuilles.  boutons,  doublures,  etc 

Travail  de  la  famille  :  mère.  M)  journées  à  l'50,  60'00;  —  Mlles,  "J8à  l'.'iO, 

1i'7S 

Intérêt  (3  *")  de  la  valeur  (G'OO)  du  matériel 

BÉNÉFICE  résultant  de  l'industrie 

TotauM  comme  ci-dessus 


0'7.-; 


"I  -iH 

0  .«) 


C.    —    RÉSUMÉ    DES    COMPTES    DES    BÉNÉFICES   RÉSULTANT 
DES    INDUSTRIES    (A    A  F). 


RECETTES   TOTALES. 

Produits  employés  : 

Pour  la  nourriture  de  la  famille 

Pour  l'habltalion 

Pour  les  vêtements 

Pour  les  besoins  moraux 

Uecettes  en  argent  appli(|uées  aux  dépenses  de  la  famille  ou  converties  en 

épargne  

Produits  en  nature  et  receltes  eu  argent  à  employer  de  nouveau  i)our  les 
industries  elles-mêmes  (2.'J76'37) 

Totaux 

DÉPENSES   TOTALES. 

Intérêts  des  propriétés  possédées  par  la  lamiilo  et  employées  par  elle  au\ 
industries 

Produits  des  subventions  reçues  par  la  famille  et  ap|)lifiuées  par  clic  aux 
industri(!S 

Salaires  alïérents  aux  travaux  exécutes  par  la  l\imille  pour  les  industries 

Salaires  aftêrenls  à  d'autres  travaux  exécuiés  parla  famille  pour  les  indus- 
tries  

Produits  lies  in(lustri(;s  (;nipl(>\cs  en  nature  et  dépenses  en  argent,  i|ui  de- 
vront élro.  remboursés  par  des  leccttcs  provenant  des  industries  (-2.!»7:;'37). 

Totaux  des  dépenses  (:i.r>'tl':n>) 

BÉNÉFICES  ToTAi:x   résultant  des  industries  (V0:)''>7) 

Totaux  comme  ci-dessui 


«)i 

.•il 
18 

77 

03 

8 

00 

2 

023  Oi 

-> 

707 

:.G 

32 

G!» 

314 

m 

çj;; 

2i 

2 

023  G'» 

k) 

ix; 

G8 

271 

88 

2 

707  SG 

1.2M) 


COMPTES  RELATIFS  AUX  SUBVENTIONS. 

H.    —   CUEILLETTE    DES    DOIS    ET    DES    ilEliUBS 
(Couinis  par  les  bois  communaux  et  les  propriétés  voisines). 


fagots  l'oiiiiiis  par  les  l)ois  communaux  comiiio  part  dc^s  «  droits  d'af- 
uage  » 

d'u'uvre 

ramasse  dans  les  forets  voisines,  du  consentement   du  pro|)riélaire  : 

,'r)ls  et  souches  déracinées,  équivalent  de  700  fagots 

:eies  et  lierhes,  coupées    pour  confectionner    la  litière   des  animaux, 

>oi)'^  à  0'  02 ; 

iclics  de  sapins  (pour  les  moutons),  50"  à  o'Oi 

de  frêne  (pour  les  vaches),  25"  à  O'Oi 

lis  des  cendres  du  foyer,  1  sac  à  TOO 


COMPTES    .VNNE.X'ES    AUX    liUD(jiETS. 


SECTION     11. 


Hd 


Total. 


DEPEiNSES. 

ail  des  vaches  :  2  journées  d'attelage  à  4^00 

(rd'uvre  de  la  famille  : 

ige  du  bois  dans  les  bois  communaux  :  père,  -i  journées  à  2^00,  l'OO. 

assage  du  bois  mort,  cassage  du  bois  :  père,  30  journées  à  l'75,  521^50; 

enfants  (temps  compris  dans  la  garde  des  bestiaux). 

liage  des   herbes  :  père,  tO  journées,  à  l'50,  tS'OO. 

aire  total  :  ])ére,  71'50 

ur  à  attribuer  aux  produits  avant  la  cueillette 


Total  comme  ci-dessus. 


30' 0(1 

10  00 

70  00 

50  00 

2  00 

I  00 

7  00 

170  00 

71   50 
00  50 


SECTION     III. 


COMPTES  DIVERS. 


—     COMPTE    DE   LA    DEPENSE    ANNUELLE 
CONCERNANT    LES    VETEMENTS. 

AiiT.  !•='■.  —  Vêlements  du  pève. 

nenis  du  dimanche  : 

estoii,  1  gilet  et  1  paiitahm  de  drap  noir 

lapeaii  de  feutre  noir  à  larges  bords 

aire  de  bottes  à  haute  lige 

ravales  de  soie  noire 

aire  de  mitaines  de  laine 

arapluie  en  coton 

ents  de  travail  : 

antalon  de  velours  côtelé 

ilet-vesle  (veston  ayant  la   «   patlc  »   d'un  gilet  ordi- 

ire)  de  velours  marron 

lilards  de  coton 

louse  en  toile  bleue 

urroie  de  cuir 

A  reporter 


VAI. 

•:  L-  Rs 

Prix 

Dune. 

--— »^ 

— -"^       "- 

d'acliiit. 

natiiri.'. 

arg,.3,t. 

m'  00 

15  ans. 

i'Oll 

7  00 

,f; 

1   'iO 

20  00 

-^ 

to  00 

1  50 

1 

1  50 

1   20 

'!• 

u 

0  30 

2  .50 

2 

» 

1  25 

0  00 

1 

0  00 

12  00 

2 

r.  110 

1   00 

1 

1  00 

\  00 

1 

» 

'(  00 

1   00 

2 

» 

0  50 

110  20 

» 

.35  !(5 

430 


80. 


FERMIERS   MONTAGNARDS   DU   HAUT-FOREZ. 


Prix 
d'achat. 


AiiT.  1""'  —  Vêlements  du  père  (swtie). 

Report 

1  tricot  de  laine 

2  gilets  en  coton  (sous  la  chemise)  

12  clieniises- blanches  en  toile,  à  col  et  manchettes  em- 
pesés   

4  chemises  de  coton  de  couleur 

2  i)aires  de  chaussettes  de  laine  (pour  l'hiver,  remplacées 
lété  par  de  la  itaille) 

is  mouchoirs  de  coton  ,  avec  vignettes  en  couleur 

3  paires  de  sabots 

i  paire  de  brides 

!  cliapeau  de  paille 

llaccommodages  de  souliers 

Totaux 


ART.  2.  —  Vêtements  de  la  mire. 

Vêtements  du  dimanche  : 

1  chapeau  fermé 

Uutjans  pour  la  réparation  du  chapeau 

1  corsage  {casaquot)  en  mérinos  ou  cachemire  noir 

1  ,iu|je 

1  lichu  de  laine  noire 

1  foulard 

1  corset 

1  paire  de  gants  de  laine  pour  l'hiver 

I  paire  de  souliers 

1  i)aire  de  pantoulles 

1  parapluie  en  coton 

\  ombrelle  en  soie 

Vêtements  des  jours  ordinaires  : 

2  casaquots  de  coton 

1  jupe  de  coton 

18  chemises  en  toile  écrue 

(i  camisoles  blanches  et  de  couleur  en  percale  imprimée 
;{  pantalons  en  calicot 

2  tabliers  en  cotonnade  à  carreaux 

2  paires  de  bas  de  coton 

1  paire-  de  bas  de  laine 

2  (laires  de  chaussons  de  laine ,  pour  les  sabots 

2  foulards  de  coton 

1  chapeau  de  paille 

12  paires  de  sabots 

1  jtaire  de  brides 

2  douzaines  de  mouchoirs  en  toile 

llaccommodages  de  souliers 

Totaux 


AUT.  3.  —  Vêtements  des  deux  fillettes. 

Vêtements  de  la  (ille  ainée  (pour  le  dimanche)  : 

1  corsage  à  forme  moderne 

i  ju[>e  en  ctolfc  mérinos  noir 

Vêlements  de  la  lille  ainéc  (pour  les  jours  ordinaires) 
1  corsage  en  colon 

Vêlements  de  la  2"  lille  (pour  le  dimanche)  : 
1  jui>e  et  corsage  se  tenant 

A  reporter 


11G'20 


.'i  00 

1  an 

2  00 

1 

36  00 

10 

10  00 

2 

2  80 

1 

12  00 

10 

2  40 

1 

G  80 

1 

1  00 

1 

2  00 

1 

190  20 

En 

nature. 


1  00 

12  00 

\'i   35 

C  00 

1  îiO 

7  00 

1  23 

12  00 

1  2,S 

2  hO 

3  00 

G  20 

-  0."; 

(i^i  .-io 

!)  00 

G  00 

V  20 

6  SO 

3  5.J 

2  fiO 

1  00 

1  .so 

<)  SO 

0  so 

l!l  80 

2  00 

212  Vi 

Kl  00 

8  20 

1-2  :>() 

1  80 


3  00 

0  •:•■; 

2  70 


0  <)0 

i  .•io 


1  .^iO 


0  38 

1  :i(i 

1  50 

;?  38 

COMPTES   AiNNliXES    AUX    BLDCETS. 


431 


AiiT.  3.  —   Vêtements  des  deux  fillettes  {suite). 
Report 


îmenis  des  deux  (illes  (pour  le  dimanchiO  : 

chapeaux  de  paille  uoire,  ornés  de  rubans 

fichus  de  laine  noire  ou  bleue '. 

foulards 

corsets 

paires  de  gants  d'hiver  en  laine 

paires  de  souliers 

ments  des  deux  filles  (pour  les  jours  ordinaires) 

chemises 

camisoles  en  tricot 

camisoles  en  cotonnade 

pantalons 

«'^paires  de  bas  de  laine 

paires  de  bas  de  coton 

paires  de  chaussons  de;  laine 

foulards 

tabliers  en  cotonnade  à  carreaux 

douzaines  de  mouchoirs 

paires  de  sabots 

paires  de  brides 

iccommodages  de  souliers 


Totaux. 


Art.  4.  —  Vêtements  des  trois  garçons. 

iments  du  dimanche  : 

costumes  complels 

hapeaux  en  feutre  noir,  à  larges  bords 

cravates  en  coton 

ments  des  jours  ordinaires  : 

pantalons  en  velours 

aaires  de  bretelles 

blouses  noires 

ricots  marron 

;hemises  de  coton 

paires  de  chaussettes 

hapeaux  de  paille 

érets  (calottes  fourrées) 

aires  de  sabots 

Totaux 


Art.  .'j.  —  yêtcmenls  de  l'enfant  le  plus  jeune. 

petite  robe  de  coton 

îhapeau  de  paille 

aires  de  bas 

xicol 

;ablier  bleu 

laire  de  sabots 

Totaux. 


WS> 


1-2  00 
8  00 

1  (il) 
10  00 

-2  00 
Ki  00 

10  80 

-2  50 

2  iiO 
6  00 

13  00 

0  80 
.■;  00 
H  00 
8  40 

1-2  00 
li  'fO 

1  60 
4  03 


172  'il 


30  00 
0  00 
-2  00 


111  .'iO 


3  30 
I  .^0 

4  00 
1  00 
1  90 
0  7.^ 


3  00 
!»  00 


00 


28  33 


4  50 

1  20 

2  25 

(i  75 
11  -20 


I  .50 
3  00 
0  75 


(i  00 

4  00 
0  80 

5  00 
2  00 
8  00 

6  30 
2  50 

2  50 

3  00 

4  00 

0  C5 

2  00 

7  -20 
2  00 

14  40 

1  00 
4  00 


18  00 
4  50 

2  00 

•I  75 

0  GO 
4  35 

3  75 
6  75 

1  40 

3  00 

2  25 

4  50 


I  80 
I  .50 
1  00 
I  00 
I  45 
0  75 


7  20 


ÉLÉMENTS  DIVERS  DE  LA  CONSTHUTION  SOCIALE. 


FAITS  IMPORTANTS  D'ORGANISATION  SOCIALE 

PARTICULARITÉS  REMARQUABLES: 

APPRÉCIATIONS  GÉNÉRALES,  CONCLUSIONS. 


SLR   LE   DÉVELOPPEMENT   DU    DÉCALOGUE    PAR    l'lVSTRUCTION    CURÉTIENNE; 
LE    «    CAMÉRISTAÏ    ». 

Le  Play  signalait,  chaque  fois  qu'il  les  rencontrait,  ces  «  oasis  de 
vertu  »  qui  cà  et  là,  dans  les  massifs  montagneux  de  FRurope,  main- 
tenaient les  grandes  et  pures  traditions  de  la  chrétienté  de  jadis.  Si 
rattention  publique  se  dirige  assez  rarement  vers  les  contrées  ana- 
logues que  recèle  encore  le  plateau  central  do  la  France,  il  n'en  est 
pas  de  même  des  ditlerentes  congrégations  catholiques  vouées  à  l'en- 
seignement. Pour  elles,  les  replis  supérieurs  de  la  Loire,  de  la  Haute- 
Loire,  de  l'Ardèche  par  exemple,  constituent  de  fortes  citadelles, 
d'autant  plus  précieuses  à  conserver  que,  malgré  la  nouvelle  loi  mili- 
taire, ces  populations,  simplement  et  admirablement  croyantes,  ne 
cessent  d'assurer  leur  recrutement.  Ces  congrégations  d'ailleurs  sont 
propriétaires  des  immeubles  qu'elles  occupent;  elles  ont  fondé,  elles 
aussi,  leur  pouvoir  d'apostolat  sur  la  possession  de  la  terre. 

Enseignement  des  jeunes  f/arcons. 

Grâce  à  l'esprit  de  foi,  réellement  exceptionnel,  et  aux  générosités 
des  riches,  les  écoles  libres  de  garçons  tricjuqthcnt  dans  le  duel  par- 
tout ouvert  entre  l'cnscigneuient  congréganiste  et  l'enseignement  of- 
ficiel, —  entre  ces  deux  administrations,  de  taille  à  lutter  sans  Iroj) 
d'inégalité:  rKglise  el  l'I'ltal. 


ÉLÉMENTS   DIVEHS   DE   LA    CONSTITUTION   SOCIALE.  453 

Ici  la  congrégation  dominante  n'est  pas  la  célèbre  congrégation  des 
Frères  des  écoles  chrétiennes  (Ignorantins)  du  bienheureux  de  La 
Salle,  non  plu?  que  les  Frères  de  Saint-Vincent  de  Paul,  assez  ré- 
pandus dans  quelques  cantons  voisins,  mais  bien  les  Petits  Frères  de 
Sainte-Marie,  qui  viennent  au  second  rang  des  congrégations  ensei- 
gnantes et  opposent  leurs  7.000  frères  aux  lîi.OOO  des  Ignorantins, 
répandus  surtout  dans  l'est,  au  midi ,  au  nord  de  la  France ,  en 
Amérique  et  jusqu'en  Australie. 

C'est  une  congrégation,  non  seulement  lyonnaise,  —  et  l'on  sait  que 
la  ville  primatiale  des  Gaules  l'a  fait  surgir  avec  une  merveilleuse 
fécondité,  —  mais  locale.  La  congrégation  des  Petits  Frères  de  Marie 
a  été  fondée  vers  1830  par  le  Père  Champagnat,  de  Marlhes,  commune 
du  canton  de  Saint-Genest-Malifaux.  En  même  temps,  le  Père  Colon, 
ami  du  Père  Champagnat,  fondait  les  Pères  Maristes.  On  reconnaît  la 
distinction  fondamentale  du  religieux  prêtre  et  des  religieux  étran- 
gers aux  ordres,  même  mineurs.  La  volonté  formelle  du  Souverain 
Pontife  exigea  la  séparation  complète  des  deux  catégories ,  qui  rend 
seule  possible  le  maintien  dans  le  niveau  inférieur,  voué  à  l'enseigne- 
ment, des  individualités  les  plus  capables.  Tout  autre  système  en- 
traîne pour  le  professorat  une  sélection  à  rebours.  Les  Petits  Frères 
de  Sainte-Marie  prêtent  les  trois  vœux  :  de  pauvreté,  de  chasteté  et 
d'obéissance;  ils  peuvent  en  être  relevés  par  le  pape.  Leur  costume 
est  en  tout  semblable  à  celui  des  Ignorantins,  sauf  en  d'impercep- 
tibles détails  :  forme  du  chapeau,  du  rabat  et  du  manteau.  Leur  règle 
est  très  analogue,  et  leurs  méthodes  d'enseignement  sensiblement  pa- 
reilles. La  maison-mère  primitive  était  située  àLa  Valla,  prèsSaint-Cha- 
mond  (Loire),  au  lieu  dit  de  l'IIermitage.  Aujourd'hui,  elle  a  été 
transportée  à  Saint-Genis-Laval,  près  de  Lyon.  L'attraction  de  la 
métropole  religieuse  se  manifeste  ainsi  plus  énergiquement. 

La  maison  des  Frères  de  Saint-Genest,  fondée  vers  1830,  —  l'ancien 
directeur,  Frère  Marie-Aimé,  en  recueille  actuellement  les  archives,  — 
joue  un  rôle  important,  aussi  bien  dans  les  intérêts  de  la  congrégation 
que  dans  le  mouvement  intellectuel  de  la  montagne  du  Forez.  Ce  n'est 
pas  une  simple  école  primaire,  mais  bien  une  école  primaire  supé- 
rieure, à  tendance  professionnelle  (naturellement  agricole).  Ses  di- 
recteurs l'ont  toujours  considérée  à  bon  droit  comme  le  préservatif 
moral  des  jeunes  gens  des  montagnes  circonvoisines,  soustraits  ainsi 
à  l'enseignement  toujours  dangereux  d'une  ville  industrielle,  et  aussi, 
à  un  moindre  degré,  comme  lantichambre  du  «  juvcnat  »,  de  l'école 


454  N°   80.    —    FERMIERS    MONTAGNARDS    DU    IIAUT-FOHEZ. 

préparatoire  de  la  congrégation  ,  située  toujours  h  l'Hermilage. 
Deux  points  sont  particulièrement  curieux,  dans  cette  école,  qui 
depuis  1830  s'était  superposée  à  l'école  communale,  alors  également 
aux  mains  des  congréganistes,  et  qui,  depuis  la  laïcisation  opérée 
il  y  a  une  dizaine  d'années,  s'est  annexé  une  école  libre  devenue  très 
prospère  (130  enfants  contre  23  confiés  à  l'instituteur  officiel). 

A.  —  Ordre  des  études.  —  Au  niveau  inférieur,  les  classes  primai- 
res :  la  sanction  de  ces  études  est  un  certificat  d'enseignement  primaire, 
délivré  non  par  les  examinateurs  officiels,  mais  par  un  jury  libre.  Une 
sorte  de  grades  extra-universitaires  tend  ainsi  à  s'établir. 

Au-dessus,  deux  classes,  avec  le  programme  ordinaire  de  l'enseigne- 
ment supérieur  et  la  sanction  régulière  des  diplômes  de  l'État. 

Enfin,  en  troisième  lieu,  une  année  d'étude,  professionnelle  celle- 
là  :  remplie  par  les  détails  les  plus  pratiques  possibles  sur  la  botanique 
appliquée  au  pays,  la  chimie,  la  physique,  l'arpentage,  le  mesurage 
des  bois,  enfin  tout  ce  qui  est  nécessaire  à  un  agriculteur  pratique. 

Signe  distinctif  :  tout  l'enseignement  est  distribué  en  une  collection 
de  livres  anonymes ,  dus  à  des  professeurs  de  la  congrégation ,  qui  se 
sont  attachés  surtout  aux  notions  pratiques  et  à  la  réduction  énergi- 
que de  la  théorie.  On  reconnaît  là  un  usage  des  Frères  des  Ecoles 
chrétiennes. 

Ces  livres  et  fournitures  sont  fournis  gratuitement  par  le  «  Comité  >> 
des  Écoles  libres  pour  l'école  primaire.  Les  enfants  se  les  procurent 
à  leurs  frais  dans  l'école  primaire  supérieure  proprement  dite. 

^.  —  Division  des  élèves  au  point  de  vue  du  régime  auquel  ils  sont  sou- 
jnis,  —  Cinq  catégories  d'élèves  se  distinguent  à  première  vue  : 

1°  Les  externes  de  l'école  primaire,  130  environ;  -—  2»  les  externes 
des  deux  premières  classes ,  25;  —  3°  les  externes,  éloignes  du  bourg, 
à  qui  le  frère-cuisinier  «  trempe  la  soupe  »  moyennant  1  franc  par 
mois,  20;  —  4°  les  «  camérisles  »,  au  nombre  de  fiO;  — 5'^  les  élèves 
du  «  grand  pensionnat  »,  50. 

L'expérience  du  lecteur  lui  a  déjà  fait  découvrir  la  définition  pré- 
cise de  ces  diverses  expressions  ;  un  seul  mot  reste  en  dehors  de  sa 
langue  accoutumée  :  -le  camérislat. 

C'est  un  «  pensionnat  »  limité  à  un  minimum  très  abaissé  par  ce 
fait  que  chaque  enfant  apporte  et  enferme  en  une  armoire  (caméra) 
la  plupart  des  vivres  nécessaires  à  sa  consommation.  On  a  signalé 
depuis  longtemps  la  tendance  des  familles  rurales  à  payer  en  nature 
les  frais  d'éducation  des  enfants.  La  systématisation  en  a  été  trouvée 


ELEMENTS   DIVERS   DE   LA    COiNSTITUTION   SOCIALE.  455 

par  ces  rudes  populations  des  montagnes,  qui  ont  créé  d'insslinct  le 
«  caméristat  ». 

Enseignement  des  jeunes  filles. 

L'estampille  officielle  n'a  pas  été  enlevée  à  l'école  congréganiste  de 
femmes.  La  guerre  a  porté  sur  les  «  Béates  »,  les  isolées  des  hameaux, 
vouées  à  l'enseignement  de  l'alphabet  et  aux  soins  des  malades,  que 
relient  leurs  trois  maisons  du  Puy,  d'Yssingeaux  et  de  Saint-Étienne. 
Elle  a  respecté  la  congrégation  du  «  bourg  »,  congrégation  dite  de 
Saint-Joseph,  également  lyonnaise,  fondée  par  M"^  Tézenas  au  début 
du  siècle. 

La  congrégation,  —  qui  détient  également  l'hôpital,  —  se  divise  en 
sœurs  voilées  et  non  voilées  (religieuses  et  tourières).  L'école  compte 
6  religieuses  pour  l'enseignement,  1  tourière  pour  les  gros  ouvrages. 
Quatre  classes  acheminent  peu  à  peu  les  enfants  vers  le  certificat 
d'études.  Le  caméristat  réapparaît  sous  le  nom  plus  général  de  pen- 
sionnat. 

§   18. 
SUR  l'autorité  paternelle,  le  respect  des  parents  et  la  transmission 

DES    biens. 

Dans  la  foule  des  familles  paysannes,  perpétuant  en  ce  coin  ignoré 
de  France  la  constitution  de  la  famille-souche,  se  détachent  de  loin  en 
loin  de  véritables  dynasties,  qui  se  désignent  elles-mêmes  du  nom  de 
«  vieilles  familles  de  Saint-Genest  »,  par  opposition  au  flot  d'immi- 
grants, ouvriers  et  commerçants,  infiltré  peu  à  peu  de  l'Auvergne 
et  de  la  Haute-Loire.  Immuables  en  leurs  domaines  héréditaires,  pou- 
vant témoigner  de  deux  ou  trois  siècles  de  généalogie,  reliées  à  des 
familles  «  arrivées  »  des  villes  industrielles,  —  hommes  de  loi,  méde- 
cins, chefs  d'usine,  —  par  le  souvenir  d'un  essaimage  récent,  elles 
reproduisent  assez  bien  ces  «  maisons  »  de  Biscaye,  oîi  les  armoiries 
de  la  porte  d'entrée  annoncent  un  gentilhomme  laboureur,  ou  mieux 
encore  une  bourgeoisie  rurale,  fière  de  ses  titres,  qui  n'a  jamais 
rompu  avec  le  travail  manuel.  C'est  à  leur  école  qu'il  faut  chercher 
les  véritables  traditions  locales  au  sujet  de  l'autorité  paternelle  et  de 
la  transmission  intégrale, 

Les    générahtés  appliquées  à  l'ensemble  de  la   contrée   présente- 


450  N"   80.    —    FERMIERS    MONTAGNARDS    DU    IIAUT-FOREZ. 

raient  déjà,  en  effet,  une  netteté  assez  concluante.  Le  «  respect  des 
anciens  »  apparaît  au  touriste  dès  qu'il  a  franchi  le  seuil  de  l'église 
paroissiale.  Au  centre  s'élève  un  autel  tendu  de  noir,  où  brûle  inces- 
samment une  lampe  :  c'est  Valtare  mortuorum,  le  symbole  rituel,  qui 
a  remplacé  le  cimetière  jadis  rapproché  de  l'autel  même  en  une  com- 
munion perpétuelle  et  touchante.  La  vieille  religion  romaine  a  déve- 
loppé ici  plus  qu'ailleurs  ce  vestige  du  culte  des  ancêtres,  qui  s'ap- 
pelle la  dévotion  aux  âmes  du  purgatoire;  et  un  usage,  inconnu  des 
autres  parties  du  diocèse,  impose,  avant  toute  cérémonie  religieuse, 
la  psalmodie  rapide  des  vêpres  des  morts.  Une  visite  aux  fermes-laite- 
ries espacées  à  la  limite  des  «  bois  noirs  »  démontrerait  que  cotte 
déférence  liturgique  n'est  que  l'expression  d'un  sentiment  profondé- 
ment enraciné  dans  la  race,  et  que  les  «  vieux  parents  »  n'ont  à  crain- 
dre, sauf  exception  rare,  ni  abandon  ni  mauvais  traitement.  L'infirme, 
l'octogénaire,  peut  compter  au  moins  sur  sa  chambrette  séparée,  où 
les  tracasseries  de  la  vie  commune  lui  seront  évitées,  sans  que  cette 
indépendance  soit  synonyme  de  délaissement. 

D'autre  part,  en  se  plaçant  au  point  de  vue  des  chefs  de  famille,  la 
délégation  des  terres  et  du  pouvoir  reçus  s'opère  suivant  un  mode 
identique  à  peu  de  chose  près.  Un  partage  testamentaire  attribue  le 
quart  disponible  à  l'un  des  enfants,  ordinairement  l'ainé.  Les  autres 
doivent  se  contenter  de  leur  part  virile,  qu'ils  transforment  volontiers 
en  soulte  à  recevoir,  surtout  lorscfu'il  s'agit  de  filles  mariées  dans  la 
plaine  avec  quelque  ouvrier  qui  a  émigré  ou  qui  est  «  descendu  ».  Le 
paiement  des  soultes  a  lieu,  soit  au  moyen  d'un  emprunt,  soit  par 
des  libérations  successives,  soumises  à  l'intérêt  de  4  %,  que  le  trop- 
plein  du  numéraire  des  villes  d'usines  a  substitué  à  l'ancien  intérêt 
normal  de  5  ^  (voir  obligations  de  1837  et  années  suivantes  dans 
les  archives  des  notaires).  La  régularité  légale  reste  parfaite;  et  l'es- 
piil  public,  d'accord  avec  les  dispositions  de  dernière  volonté,  achève 
d'établir  ces  deux  coutumes  :  transmission  intégrale  aux  mains  de 
l'un  des  fils;  attribution  aux  autres  —  surtout  aux  lilles  —  d'une  lé- 
gitime en  argent.  Si  les  inconvénients  ordinaires  de  notre  loi  de  par- 
tage égal  ont  été  jusqu'ici  conjurés,  c'est,  d'une  part,  par  la  force  des 
mœurs  attachées  toujours  aux  usages  de  transmission  intégrale;  c'est, 
d'autre  part,  par  l'augmentation  continue  de  la  valeur  des  terres  ren- 
dant possible  le  paiement  des  soultes.  Mais  ce  mouvement  de  hausse 
s'est  arrêté,  et  les  eflcts  destructeurs  du  Code  n'auront  plus  d'autres 
contrepoids  que  l'attachement  aux  vieilles  ukimm-s. 


ÉLÉMENTS    DIVEHS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  457 

D'ailleurs,  que  le  lecteur  suive  avec  nous  Thistoire  de  Tune  de  ces  fa- 
milles dont  nous  parlions  plus  haut,  véritable  modèle  d'union  do- 
mestique, où  le  chef  actuel,  d'une  exceptionnelle  hauteur  morale,  peut 
jurer  devant  Dieu  «  que  jamais  de  sa  vie  entière  il  n'a  désobéi  aux 
ordres  de  ses  parents  ».  Depuis  trois  cents  ans,  le  petit  domaine  de  7 
hectares  agglomérés,  qui  nourrit  ses  16  vaches  et  génisses  et  envoie 
chaque  jour  vers  la  ville  ses  100  mesures  de  lait  (50  litres  pour  lOfOO), 
a  pu  passer  par  les  échelons  successifs  d'une  hérédité  directe. 

Au  début,  avant  même  la  Révolution  française,  le  souvenir  des  an- 
cêtres a  souvent  dépeint  la  communauté  des  frères  et  sœurs  qui  vi- 
vait sur  les  14  hectares  primitifs.  Comme  dans  les  pays  basques,  la 
plupart  restaient  célibataires  autour  de  l'héritier  institué. 

Les  premières  années  du  dix-neuvième  siècle  trouvent  neuf  enfants 
qui  procèdent  à  un  partage.  L'ainé  reçoit  le  quart,  avec  la  charge 
de  soutenir  la  vieille  mère  :  cette  libéralité  s'octroyait  en  général 
par  contrat  de  mariage.  Mais  celui-ci  s'acquitte  mal  de  son  devoir. 
Le  cadet,  père  du  chef  actuel  de  la  famille,  sans  avantage  d'aucune 
sorte,  rachète  la  part  d'un  frère  établi  à  Saint-Étienne,  où  il  exerçait 
une  profession  libérale.  Il  se  trouve  à  la  tête  d'une  moitié  des  terres, 
celles  qui  entourent  les  bâtiments.  L'introduction  de  la  production  du 
lait,  la  création  de  nombreuses  prairies,  le  développement  de  la  race 
des  vaches  laitières,  portent  rapidement  le  domaine  réduit  au  niveau 
de  l'ancien  domaine  démembré. 

Deux  enfants  seulement  représentent  la  génération  suivante  :  une 
fille  et  un  fils.  La  première  entre  dans  une  congrégation  religieuse.  La 
transmission  intégrale  est  une  fois  de  plus  assurée. 

Quel  sera  Favenir  du  domaine?  Le  «  chef  »  a  trois  enfants.  Il  veille 
avant  tout  sur  féducation  chrétienne  qui  constitue  pour  lui  l'élément 
primordial  de  la  perpétuité  des  races  :  «  l'union  des  mœurs  et  des 
idées  »,  ce  qu'il  appelle  «  l'union  des  cœurs  ».  Ce  premier  point  ac- 
quis, il  léguera  le  quart  à  son  fils,  —  à  son  aîné,  dit  la  langue  du 
pays,  bien  que  cet  aîné  soit  seul  ;  —  ce  quart  lui  semble  la  juste  compen- 
sation des  obligations  qu'impose  la  représentation  de  la  tige  familiale, 
avec  ses  réceptions  et  ses  charges.  Puis  le  partage  égal  divisera  le  reste 
«  entre  ce  fils  et  ses  filles,  qui  sont  également  les  enfants  de  sa  chair 
et  de  son  sang  ».  11  compte  avant  tout,  comme  ces  pères  de  famille  du 
seizième  siècle,  dont  les  livres  de  raison  ont  été  retrouvés  par  M.  de 
Ribbe  et  qu'il  reproduit  avec  une  dignité  austère  d'un  puissant  effet,  sur 
la  protection  de  Dieu,  qui  ne  peut  manquer.  Les  filles  entendront-elles 


458  N°   80.    —   FERMIERS   MONTAGNARDS    DU    UAUT-FOREZ. 

cet  appel  du  cùlé  de  la  vie  monastique  ou  de  la  vie  séculière;  choisi- 
rontelles  le  couvent  ou  un  mariage  lointain,  qui  leur  fera  réclamer  une 
soulte  et  rien  de  plus?  Le  dévouement  qu'elles  montrent  déjà  à  la 
«  maison  »,  l'affection  qu'elles  portent  à  leur  frère,  semblent  les  plus 
sûrs  garants  d'une  décision  conforme  au  bien  de  la  communauté. 

La  «  transmission  intégrale  »  laisse  transparaître  ici  les  deux  con- 
ditions qui  la  rendent  pratiquement  possible  en  dehors  de  l'action  lé- 
gislative : 

1°  L'union  intime,  la  solidarité  des  membres  de  la  famille; 

2°  L'émigration,  le  classementen  d'autres  provinces,  dans  un  métier, 
dans  la  vie  religieuse,  qui  fait  considérer  l'acceptation  d'une  soulte, 
non  comme  un  acte  de  renoncement,  mais  comme  un  avantage,  une 
condition  évidente  de  meilleur  avenir. 


g  19. 

SUR   LES   SECTES    DISSIDENTES    :    LA  PETITE    ÉGLISE;  LE    «    BÉGUINISME    ». 

Il  ne  faudrait  pas  croire  que  l'Eglise  romaine,  —  aussi  puissante 
en  ces  contrées  que  l'Eglise  orthodoxe  dans  les  plaines  neigeuses  de  la 
Russie,  —  ait  conquis  sa  situation  sans  lutte,  et  qu'elle  la  maintienne 
sans  contestation.  Cette  «  marche  »  catholique,  frontière  des  Céven- 
nes  protestantes,  a  eu  besoin  de  l'évangélisation  de  saint  François 
de  Régis,  qui  prêcha  au  dix-septième  siècle  dans  l'église  de  Marlhes, 
et  dont  le  tombeau,  situé  à  la  Louvesc  (prononcez  :  Louvée), 
au  cœur  des  montagnes  de  l'Ardèclie,  domine  comme  une  métropole 
les  centres  religieux  extrêmement  actifs  de  ces  hautes  terres.  Elle  est 
tournée  aujourd'hui  vers  un  autre  ennemi,  qui  vient  du  Sud  :  l'esprit 
d'incrédulité  et  de  révolte,  qui,  dans  les  groupes  miniers  et  industriels  de 
la  plaine,  a  multiplié,  avec  les  professions  d'athéisme,  les  grèves  san- 
glantes, les  collisions  incessantes  autour  des  puits,  les  «  massacres  » 
périodiques  de  la  Ricamarie,  ou  même  les  assassinats  des  représen- 
tants du  pouvoir,  comme  celui  du  préfet,  M.  del'Espée,  en  1871,  à  Saint- 
Etienne. 

Mais  il  est  inutile  de  développer  des  considérations  générales  sur  la 
crise  religieuse  du  territoire  français  tout  entier.  Deux  faits  locaux  doi- 
vent nous  arrêter  :  l'apparition  en  ce  siècle  même  de  deux  sectes  dissi- 
dentes, une  sorte  de  «  raskol  »,  si  l'on  veut  poursuivre  l'analogie  avec 
la  confession  orientale  :  la  Petite  Eglise  et  le  Béguinisme. 


ÉLÉMENTS    UIVEKS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  459 

1"  La  Petite  Église  (1).  —  Celte  tentative  de  scission,  avortée  définiti- 
vement aujourd'hui,  prit  naissance,  on  le  sait,  sur  les  points  les  plus 
divers  de  la  France,  à  l'occasion  du  concordai  de  1804  et  des  rema- 
niements de  sièges  épiscopaux.  Certaines  familles,  en  général  profon- 
dément croyantes,  en  Vendée  dans  l'Ouest,  dans  l'archevêché  de  Lyon, 
refusèrent  de  reconnaître  une  manifestation  aussi  énergique  du 
pouvoir  pontifical.  Elles  se  retirèrent  hors  de  l'Eglise,  s'éloignèrent 
de  ce  que  saint  François  de  Sales  a  appelé  la  vie  dévote,  voire  même 
de  l'exercice  du  culte  et  des  sacrements.  Cette  secte  n'est  représentée 
à  Saint-Genest  que  par  de  rares  individualités.  Ses  adeptes  n'assis- 
tent jamais  aux  offices,  à  la  grande  surprise  des  montagnards  ;  mais  ils 
consentent  volontiers  à  soutenir  de  leur  bourse  les  œuvres  dirigées 
par  le  clergé  séculier  et  les  congrégations.  En  résumé,  étrangeté, 
plutôt  que  danger ,  survivance  d'une  scission  qui  essaya  de  recoudre 
les  restes  de  l'ancien  jansénisme,  la  doctrine  du  Christ  «  aux  bras 
étroits  )). 

2"  Béguinisme.  —  Tout  autre  est  le  Béguinisme,  qui,  sous  couleur 
de  développer  la  doctrine  même  de  l'Eglise ,  et  sans  souci  de  la  hié- 
rarchie, a  tenté  de  reconstituer,  sur  les  vieilles  hérésies  africaines  et 
italiennes,  les  myst'ères  antiques,  le  culte  païen  du  phallus.  —  Le  Bé- 
guinisme, bien  que  localisé  dans  la  commune  de  Saint-Jean-Bonnefond, 
au  pied  même  des  montagnes  (2) ,  a  eu  pour  premier  fondateur  un 
prêtre  de  Saint-Genesl-Malifaux  :  la  famille  de  «  Digonnet  »,  l'in- 
carnation  nouvelle  méconnue  par  les  tribunaux  correctionnels,  y  est 
représentée;  et  c'est  au  milieu  des  bois  de  la  commune  même,  au  ha- 
meau s'appelant  aujourd'hui  la  «  République  »,  que  ces  Mormons, 
moins  fameux  que  leurs  émules  des  États-Unis,  ont  essayé  de  fonder 
un  État  nouveau. 

Première  phase  du  Béguinisme  :  les  précurseurs.  —  En  1791,  au  mo- 
ment des  troubles  de  la  Révolution  française  et  de  la  commotion  pro- 
fonde qu'avait  entraînée  la  constitution  civile  du  clergé,  les  vicaires 
Jacques  Brevet  et  Lafay,  (jui administraient  la  paroisse  de  Saint-Jean- 
de-Bonnefond,  près  Saint-Etienne,  en  pleines  terres  noires,  procla- 
mèrent qu'après  l'ancienne  loi,  règne  de  Dieu  le  Père,  après  même 
la  loi  nouvelle,  règne  de  Dieu  le  Fils,  il  y  avait  une  étape  troisième  et 
dernière  :  avènement  de  l'Esprit-Saint.  Le  corps  était  élevé  dès  lors 

(1)  V.  les  publications  récentes  des  l'ères  de  l'Assomption  sur  la  Petite  Eglise. 
(1)  Le  cinielicre  des  t  Béguins  ».  à  Saint-Jean-Bonnefond,  touche  le  mausolée  désormais 
célèbre  où  la  baronne  douairière  de  Koclietuillèe  lut  déterrée  par  l'anarchiste  Uavachol. 


4(30  N"   HU.    —    FERMIERS    MO.NTAG.NARDi    DU    UALT-FOREZ. 

au  même  rang  que  l'esprit;  l'un  et  l'autre  parfaits  n'avaient  qu'à  dé- 
velopper librement  leurs  inclinations  naturelles  :  la  nudité  devenait  la 
première  marque  de  respect  pour  le  chef-d'œuvre  de  Dieu,  et  les 
fantaisies  de  l'imagination  la  suprême  règle.  Comme  conséquence  : 
des  orgies  nocturnes,  renouvelées  du  sabbat  du  moyen  âge;  les  ma- 
riages intermittents,  etc.,  etc.  On  devine  la  contagion  des  consé- 
quences. L'exode  fut  même  décidé  :  les  femmes  en  grand  nombre 
partirent  à  la  suite  des  hommes-initiés  et  de  leur  pasteur  pour  les  so- 
litudes saintes  de  la  montagne.  La  maréchaussée  de  la  République  mit 
fin  à  cette  folie  par  l'arrestation  des  curés  Brevet  et  Lafay,  pré- 
cisément à  ce  hameau  delà  République,  qui  a  gardé  le  souvenir  de  la 
plus  bizarre  des  tentatives  de  colonisation.  Brevet,  défro(iué  et  ma- 
rié avec  l'une  des  converties,  finit  épicier  à  Lyon.  Le  Béguinisme,  qui 
avait  déjà  eu  le  temps  de  constituer  ses  manuscrits  sacrés,  ses  marques 
extérieures  (la  torsade  sur  le  bonnet  des  femmes),  se  cantonna  à  Saint- 
Jean,  dans  l'attente  d'une  incarnation  nouvelle,  qui  devait  se  produire 
bientôt,  car  les  temps  étaient  proches. 

Seconde  phase  :  l'incarnation.  — Ici  commence  le  plus  extravagant 
des  romans  de  mœurs,  que  le  livre  assez  récent  de  M.  Duplay,  «  Le  Petit 
Bon  Bieu  des  Béguins  »  (1),  a  retracé  avec  une  exactitude  sérieuse, 
malgré  l'abondance  voulue  des  détails  lès  plus  bouffons.  Pendant  que 
les  Béguins  de  Saint-Jean  étaient  visités  successivement  par  les  Qua- 
kers d'Angleterre,  les  méthodistes  suisses,  les  Évangélistes,  qui  es- 
sayaient de  ressouder  cette  secte  isolée  au  corps  principal  du  protes- 
tantisme, un  maçon  du  Cantal,  Benis-Jean-Baptiste  Bigonnet,  né  à 
Mauregard,  canton  de  Montfaucon,  le  :22  juillet  1780,  et  habitant  la 
commune  de  Tence,  arrondissement  d'Yssingeaux  (Haute-Loire),  s'é- 
tait senti  touché  de  l'Esprit-Saint,  et,  à  l'âge  de  quarante-quatre  ans, 
s'était  mis  à  courir  les  grandes  routes.  Il  ne  savait  ni  lire  ni  écrire  ;  son 
aspect  extérieur  dénotaitla  pauvreté  la  plus  repoussante,  et,  comme  son 
unique  occupation  consistait  à  répéter  quelques  idées  bizarres  gagnées 
au  contact  des  «  Momiers  »,  protestants  des  Cévennes,  ainsi  qu'à  affir- 
mer son  pouvoir  divin,  il  tombait  périodiquement  sous  l'inculpation  de 
vagabondage  aux  mains  de  la  gendarmerie.  Une  nouvelle  arrestation,  en 
1846,  au  moment  de  la  grève  dite  du  «  Monopole  »,  le  mit  par  hasard 
en  contact  avec  un  jeune  mineur  affilié  au  Béguinisme.  L'un  attendait 
le   Messie,  l'autre  croyait  l'être  ;  l'accord  fut  vite  établi,  et  Bigonnet, 

(I)  Imp.  lialay,  Sainl-Ktieiinc,  iSfW. 


ÉLÉMENTS   DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION   SOCIALE.  461 

passé  <<  petit  bon  dieu  »,  fît  son  entrée  solennelle  à  Saint-Jean-de-Bon- 
nefond. 

Nous  ne  suivrons  pas  le  nouveau  dieu  à  travers  toutes  les  manifes- 
tations de  sa  puissance.  L'engouement  ries  Béguins  et  Béguines,  aussi 
bien  à  Saint-Jean  qu'à  Paris  (car  Paris  enfermait  une  petite  colonie  de 
la  religion  méconnue),  atteignit  des  proportions  hautement  comiques. 
Décrassé  et  choyé,  le  brave  Auvergnat  fut  même  comblé  de  bijoux  et 
put  bientôt,  dans  les  cérémonies  nocturnes,  arborer  l'insigne  de  sa 
puissance,  le  «  bouton  relique  »,  —  une  pièce  d'orfèvrerie  ornée  de 
diamants  et  payée  six  ou  huit  mille  francs  parles  adeptes,  —  qui  pla- 
çait les  initiales  J.  B.  D.  et  le  triangle  du  Jéhovah  un  peu  plus  bas 
que  la  ceinture.  Les  désordres  des  cérémonies  firent  intervenir  l'auto- 
rité publique  (1)  et,  après  bien  des  péripéties,  Digonnet,  interné  à 
l'hospice  du  Montredon,  au  Puy,  le  9  octobre  1852,  y  mourut  de 
vieillesse,  le  13  février  1857,  à  l'âge  de  soixante-dix-sept  ans. 

Les  «  Béguins  »  subsistent  toujours  à  Saint-Jean.  Les  fermières 
béguines,  renommées  pour  la  qualité  exquise  de  leur  beurre,  se  recon- 
naissent toujours  sur  la  place  du  Peuple,  à  Saint-Étienne  ;  — mais 
le  ridicule  déversé  à  profusion  par  la  gaieté  locale  sur  cet  évangile 
assez  peu  recommandable  a  circonscrit  le  foyer,  en  ne  laissant  que  le 
souvenir  de  l'une  des  plus  amusantes  aberrations  religieuses  que  l'his- 
toire de  ce  siècle  ait  à  raconter. 


l  20. 

SUR    LA    RELIGION    :    LES    «    MANÉCA^'TERIES    ». 

La  «  Manécanterie  »  est  une  annexe  de  la  paroisse,  destinée  en  ces 
pays  de  foi  vive  à  assurer  le  recrutement  du  clergé  séculier.  Chacun  a 
remarqué  les  enfants  de  chœur,  désireux  d'aborder  les  ordres  ecclé- 
siastiques, que  les  curés-doyens  ou  simples  desservants  initient  aux 
premiers  rudiments  du  latin,  pour  les  acheminer  peu  à  peu  vers  l'é- 
cole secondaire,  le  petit  séminaire,  et  l'école  supérieure,  le  séminaire 
diocésain.  Réunissez  plusieurs  de  ces  élèves  et  soumettez-les  à  un 
jeune  prêtre,  assimilé  aux  vicaires,  mais  distinct  de  ces  derniers,  vous 
avez  la  «  manécanterie  ». 

(1)  L'ol)SCénitc  des  pialii|ues  des  béguins  fit  poursuivre   douze  d'enfre  eux  devant  la 
cour  d'assises  de  la  Seine  le  30  janvier  1851. 

43 


462  N°   80.    —    FERMIERS   MONTAGNARDS   DU    HAUT-FOREZ. 

C'est  un  pensionnat  bon  marché,  où,  moyennant  300  francs  par  an, 
—  1  franc  par  jour,  en  tenant  compte  des  deux  mois  de  vacances,  — 
l'enfant,  nourri  et  logé,  est  conduit  peu  à  peu,  avec  ses  dix  à  douze 
camarades,  des  premiers  principes  à  la  quatrième  et  à  la  troisième. 
Les  aptitudes  y  sont  jugées,  et  les  incapables  écartés  avant  l'heure 
des  «  sacrifices  ».  Les  «  vocations  »  réelles  y  sont  passées  au  crible,  et 
les  indignes  remerciés. 

La  «  manécanterie  »  de  Saint-Genest,  suspendue  pendant  quelque 
temps,  paraît  en  pleine  prospérité.  C'est  le  premier  rouage  de  la  filière, 
qui  fait  monter  les  individuahtés  les  plus  éminentes  dans  le  sacerdoce 
et  maintient  l'incontestable  prestige  du  clergé. 

SUR    LA    SOUVERAINETÉ. 

Il  semble  à  première  vue  que  l'un  des  éléments  de  la  constitution 
essentielle  doive  faire  défaut  ici  :  le  respect  de  la  souveraineté.  Ne 
sommes-nous  pas  au  centre  même  de  celte  France,  qui,  depuis  1789, 
a  accumulé  onze  renversements  de  pouvoirs  difTérents?  Et,  sur  le  sol 
même  de  ce  canton,  n'a-l-on  pas  vu,  depuis  1861,  l'opposition  légi- 
timiste intransigeante  battre  en  brèche  jusqu'aux  maires  dictatoriale- 
ment  choisis  du  régime  impérial?  Religion  et  souveraineté  semblent 
divisées  entre  elles,  et  la  destruction  de  celle-ci  paraît  s'opérer  au 
profit  de  celle-là. 

Cependant,  —  nous  ne  risquerons  que  ces  quelques  mots  sur  le  ter- 
rain politique,  —  la  «  souveraineté,  »  représentée  par  la  forte 
hiérarchie  des  administrations  qui  maintiennent  l'unité  nationale, 
exerce  un  prestige  tout-puissant  sur  ces  peuples  façonnés  à  l'obéis- 
sance et  à  qui  il  coûte  de  ne  pas  obéir.  Par  ses  chemins  vicinaux^ 
de  grande  communication  et  d'intérêt  commun,  elle  a  fait  pénétrer 
la  prospérité  agricole,  puisque  telle  était  la  condition  première  de 
l'exportation  régulière  du  lait.  Elle  a  fait  miroiter  aux  yeux  le  projet 
d'un  chemin  de  fer  départemental.  Elle  a  savamment  utilisé  les 
divers  modes  d'assujettissement  que,  sous  le  nom  de  subventions  ou 
secours,  l'État  français  a  toujours  la  possibilité  d'imposer  habilement 
aux  communes.  L'idée  des  «  faveurs  administratives  »  a  germé  peu  à 
peu  dans  les  cerveaux  les  plus  réfléchis.  Un  point  d'honneur,  des  af- 
fections personnelles  retiennent  encore  :  surtout  la  volonté  loulc-puis- 


ÉLÉMENTS   DIVERS    HE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  463 

santé  des  prêtres.  Mais,  que  le  «  ralliement  »  s'accentue  :  malfaisante 
ou  bienfaisante,  la  «  souveraineté  »  des  puissances  établies,  sans  égard 
pour  les  iidélités  et  les  souvenirs,  s'implantera  avec  la  solidité  qu'elle 
sait  emprunter  aux  entêtements  campagnards.  Ce  sera  la  conversion 
insensible  d'une  grande  masse  qui  déposera  les  armes  sans  se  dislo- 
quer ni  se  rompre,  en  conservant  ce  que  les  politiques  espagnols  ap- 
pellent les  «  caciques  »,  —  ses  chefs  locaux. 


^  22. 

SUR   LA   COMMUNAUTÉ. 

Les  coutumes  juridiques  du  pays  avaient  consacré  une  juxtaposition 
bizarre  de  propriétés  indivises,  qui  rappelle  le  droit  musulman.  La  dis- 
tinction du  fonds  et  du  tréfonds,  qui  a  donné  naissance  au  régime  mi- 
nier des  terres  noires,  s'appliquait  traditionnellement  au  sol  des  fo- 
rêts et  aux  arbres  eux-mêmes  :  le  pâtis  était  distinct  du  bois.  La 
législation  actuelle,  favorable  à  la  conservation  des  richesses  fores- 
tières, a  décrété  le  rachat  forcé  au  profit  du  propriétaire  des  arbres, 
supposé  propriétaire  du  sol  à  l'encontre  de  l'usager  (art.  64  du  code 
forestier,  visé  par  l'art.  1:20).  Cette  quasi-indivision  disparaît  donc  un 
peu  plus  chaque  jour. 

Tout  autre  est  la  communauté  proprement  dite,  la  copropriété  col- 
lective des  biens  communaux.  Elle  est  encore  florisssante ,  et  un  seul 
point  reste  à  en  déterminer  :  le  mode  d'exercice,  qui  donne  lieu  à  de 
fréquents  abus. 

La  substitution  à  3o  hectares  de  pâlis  d'une  plantation  de  conifères, 
aujourd'hui  en  plein  rapport,  avait  amené  une  perturbation  de  jouis- 
sance que  les  indigents  avaient  vivement  ressentie.  Leur  misère  ex- 
cluait la  prévoyance;  et,  encore  aujourd'hui,  beaucoup  d'entre  eux, 
malgré  les  distributions  de  bois  d'œuvre  et  de  bois  de  chauiïage,  re- 
grettent leurs  pâturages  à  moutons. 

La  distribution  des  coupes  annuelles  reste  d'ailleurs  l'une  des  préoc- 
cupations les  plus  graves  du  Conseil  communal.  La  surface  replantée 
est  trop  restreinte  pour  l'organisation  d'un  véritable  droit  d'affouage. 
Le  principe  de  la  distribution  aux  pauvres  a  triomphé.  Il  en  est  résulté 
que,  dans  cette  commune  où  l'indigence  est  l'exception,  la  pauvreté, 
au  moins  à  l'époque  de  l'abatage,  semble  être  devenue  générale.  Do 
plus,  la  coupe  pratiquée  en  masse,  sous  la  surveillance  du  maire  et 


404  N"  80.    —    FERMIERS   MONTAGNARDS    DU    HAUT-FOREZ, 

du  garde  champêtre,  se  fait  un  peu  au  hasard,  par  rimpossibilité  de 
maintenir  l'ordre.  La  réserve  de  bois,  si  un  tel  régime  devait  être  main- 
tenu, serait  promptement  épuisée. 

Jusqu'à  sa  discipline  finale,  ce  collectivisme  rural  restera  assez 
proche  de  l'anarchie. 

î  23. 

SUR   LE   PATRONAGE. 

En  suivant  les  diverses  branches  de  l'activité  économique  du  pays 
étudié,  l'observateur  retrouve  à  chaque  pas  l'influence  du  patronage, 
du  patronage  sous  ses  deux  formes  opposées,  nous  allions  dire  en- 
nemies :  celui  du  grand  propriétaire  de  race  ancienne,  et  celui  des 
chefs  d'usine  ou  de  fabriques  collectives  :  la  noblesse  de  l'ancien  ré- 
gime, et  la  bourgeoisie  du  nouveau.  La  première  a  présidé  à  l'évolu- 
tion agricole  :  1"  le  reboisement  des  crêtes,  et  la  restauration  de  l'art 
des  forêts;  2°  la  création  de  toutes  pièces  de  la  grande  source  de  re- 
cettes, les  fermes-laiteries,  organisées  en  vue  de  l'exportation  quoti- 
dienne dans  les  cités  de  la  plaine.  La  seconde  a  importé  le  «  travail  », 
un  travail  qui  a  diminué  sous  la  forme  antique  d'industrie  en  cham- 
bre, qui  s'est  décuplé  sous  l'aspect  d'usines  agglomérées,  mais  avec 
les  dures  conséquences  que  l'âpreté  de  la  concurrence  impose  aux  in- 
tentions le  plus    fermement  bienveillantes. 


î  24. 

SUR    QUELQUES    DOCUMENTS    CONCERNANT    LA    COMMUNE    DE   SAINT-GENEST. 

Superficie  totale  et  répartition  du  sol. 

D'après  l'enquête  de  1892,  document  administratif,  le  territoire 
agricole  de  la  commune  est  de  4.707  hectares,  dont  4.027  livrés  à  la  cul- 
ture, 30  à  la  productionnaturelle  spontanée,  landes,  pâtis, bruyères, etc.  ; 
30  sont  des  terrains  non  agricoles,  routes,  mares,  etc. 

La  superficie  cultivée  comprend  :  1"  terres  labourables,  cultures  ali- 
mentaires, prairies  artificielles,  etc.,  1.230  hectares;  —  2°  prairies 
naturelles,  1.030  hectares;  —  .T  bois  et  forêts,  1.707  hectares;  — 
4'  jardins,  20  hectares.  —  Ensemble,  4. 027  hectares. 


ELEMENTS   DIVERS   DE   LA    CONSTITUTION   SOCIALE. 


-463 


Possession  du  sol. 

1°  Biens  communaux,  50  hectares  de  bois  ; 

2"  Établissements  hospitaliers  (trois),  77  hectares; 

3°  Particuliers  (33:2),  1.223 h.  (terres),  1.600  h.  (prairies),  18  h.  (jar- 
dins), 1.657  h.  (bois),  50  h.  (pâtis).  —  Total,  4.350  h.  (plus  30  h.  pour 
propriétés  bâties) ,  soit  4.380  h. 

Total  général,  4.707  hectares. 

Exploitation  du  sol. 


Terres  l;i- 

Nombre. 

bourablcs. 

Prairie.-. 

Janlins. 

Bois. 

Landes. 

Totaux. 

Au-dessous  de  l  h. 

7!» 

2ti 

44 

2 

7 

. 

79 

De  1  à  i>  h 

60 

i:io 

147 

200 
200 

4 
3 

96 
250 

2 

450 
602 

De  5  à  10  h 

De  10  à  20  h 

m 

287 

310 

3 

300 

3 

903 

De  20  à  30  11 

30 

2'.0 

300 

3 

257 

5 

805 

De  30  à  40  11 

12 

100 

150 

2 

148 

5 

405 

De  40  à  50  11 

8 

100 

130 

1 

140 

10 

410 

De  liO  à  100  h 

;> 

100 

149 

1 

200 

10 

400 

De  100  à  200  h  . . . . 

3 

100 

li7 

1 

300 

15 

563 

30 

337 

1.2o0 

1 .050 

20 

1.707 

50 

4.707 

Modes  d'exploitation. 

1°  Propriétaires,  114  (2.638  hectares).    (*  ^^  »  ,   ..o-^,  ,no  i      *\ 
.^    ^       ■        ^^.,.  ..^r  ,  .  }  Total,  337  (4. 498  hect.). 

2«  Fermiers,  223  1.860  hectares.  \ 


Bestiaux. 

La  statistique  des  bestiaux  de  la  commune  est  la  suivante  : 
Espèce  chevaline.  —  68  têtes  :  1°  4  chevaux  entiers  employés  au 
travail  et  à  la  reproduction;  —  2"  20  chevaux  hongres;  —  3"  35  ju- 
ments, de  3  ans  et  au-dessus,  surtout  pour  le  travail. 


466 


N"  80. 


FERMIERS   MONTAGNARDS   DU    HAUT -FOREZ. 


Mulets  et  mules.  —  8  têtes  (au-dessus  de  3  ans). 

Espèce  asine.  —  30  têtes  :  1°  44  ânes  au-dessus  de  3  ans;  —  2°  15 
ânesses,  id.  ;  —  3'^  1  ânesse  au-dessous  de  3  ans. 

Espèce  bovine.  —  1.614  têtes  :  1"  IG  taureaux;  —  2"  30  bœufs  de 
travail  ;  —  3  "  1.250  vaches  laitières  (350  kilog.  poids  brut)  ;  —  4''  8  bou- 
villons;  —  5'^  200  génisses;  —  6"  110  élèves  de  moins  de  12  mois. 

Espèce  ovine.  — 320  tètes  :  1"  20  béliers;  —  2'^  140  moutons;  — 
3»  60  brebis;  —  A"  60  agneaux  de  2  ans;  —  5°  40 agneaux  de  moins 
de  2  ans. 

Espèce  porcine.  —  305  têtes  :  1"  10  truies;  —  2"  2i5  porcs;  — 
3"  50  porcelets. 

Espèce  caprine.  —  280  têtes  :  1"  15  boucs;  —  2"  185  chèvres;  — 
3"^  80  chevreaux. 

Animaux  de  basse-cour.  —  5.420  têtes  :  1  "  4.200  poules;  —  2'  20 
oies;  —  3'^  100  canards;  —  4"  700  pigeons  ;  —  5"  400  lapins. 

Mobilisation  du  sol  dans  le  canton 

(D'apri'S  le  répertoire  de  l'Admiiiistration  de  l'Eiiregistrenienl). 


1888, 
1889. 
1890. 
1891  . 
180-2 


^sombre  de 
(ïîsijositîons 
(contrats). 


Droits    perçus 
.i,.iO  %  +  \U 


18.062'O.J 
9.9-2!l  0-2 

lO.OOi  IG 
9.331  -2G 

17.74-2  7-2 


Xombrc  de 
dispositions 
(contrats). 


perçus. 
4  ^  +  l'-l 


4.133'0-i 
3.o39  00 
(;.(i93  00 
-2.003  00 
5.0-23  oO 


Xonibre  de 
dispositions 
(contrats). 


Droits 

iwrçns 

0,20  0/0  +  1/4. 


o'05 
8  00 


3  95 
.S7  ."iO 


§  2o. 


SUR    L  EXPLOITATION    DES   DOIS. 


Essences.  —  Les  essences  les  plus  communes  sont  : 
l**  le  sapin  {nbies  pectinata),  en  très  grande  majorité; 
2"  le  pin  sylveslrc  [pinus  sylveslris)  ; 
3°  l'épicéa  [picea  excelsa),  en  minorité; 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  467 

A"  le  mélèze  {larix  europxà] ,  quelques  unités. 

Emploi.  —  Le  sapin  est  vendu  pour  la  construction  (les  charpentes 
du  pays,  même  les  plus  considérables,  sont  construites  avec  cette 
essence,  par  exemple  à  Saint-Etienne);  les  plus  petits  arbres  servent 
à  étayer  les  carrières;  les  branches  et  l'écorce  sont  réservées  pour  le 
chaufTage;  —  de  même  pour  l'épicéa. 

Le  pin  est  utilisé  pour  les  «  buttes  »  des  mines  (supports  des  gale- 
ries): par  exception,  les  plus  gros  sont  sciés  en  plateaux. 

Mode  d'exploitation.  —  A  cet  égard  il  y  a  distinction  capitale  entre 
les  sapins  et  les  pins. 

1°  Sapins.  —  Le  mode  employé  est  le  «  jardinage  »,  qui  consiste, 
on  le  sait,  à  abattre  çà  et  là  les  arbres  les  plus  vieux,  dès  qu'ils  sont 
réclamés  par  le  commerce.  Ce  jardinage  est  calculé  de  façon  à  assurer 
le  réensemencement  du  sol. 

Le  propriétaire  fait  sa  marque  en  mai,  c'est-à-dire  que,  suivant 
l'usage  de  tous  les  pays  forestiers,  il  frappe  les  arbres  condamnés 
avec  un  petit  marteau  à  double  fin,  fait  d'une  hachette  et  d'une 
«  marque  «  à  initiales.  Immédiatement  et  sans  plus  attendre,  les  fer- 
miers, qui,  moyennant  une  redevance  fixe,  louent  les  terres  et  le? 
pâtis,  viennent  abattre  avec  leurs  cognées  les  grands  troncs  lisses; 
ces  cognées  sont  fort  grandes  et  fort  lourdes  ;  le  fer,  de  dimensions  dif- 
férentes suivant  les  opérations,  varie  de  6  à  8  francs.  Ces  fermiers  ont, 
d'après  leur  bail,  un  droit  à  être  employés  comme  bûcherons  :  la  cou- 
tume a  établi  que  tel  nombre  de  «  métérées  »  (mesure  du  pays  qui 
équivaut  à  dix  ares  ou -j^  d'hectare)  de  tel  bois  correspond  à  telle  ferme. 
En  échange  de  leur  travail,  ces  ouvriers  obligatoires  reçoivent  les 
branches  et  l'écorce,  à  charge  de  les  enlever.  De  plus,  ils  sont  tenus,  si 
le  marchand  l'exige  du  propriétaire,  de  conduire  les  bois  à  la  scierie 
ou  au  dépôt. 

La  coupe  est  terminée  et  le  bois  est  par  terre  ;  le  propriétaire  établit 
son  prix  de  vente  :  ici  intervient  l'estimation  des  bois,  toute  d'instinct 
de  la  part  des  hommes  pratiques  du  pays,  marchands  ou  régisseurs, 
fondée  sur  la  simple  inspection  de  la  hauteur  des  arbres  abattus,  — 
scientifique  au  contraire  pour  les  ingénieurs  et  les  agronomes  et  calcu- 
lée d'après  les  procédés  mathématiques  (1),  en  multipliant  la  longueur 


(1)  Le  barème  suivi  est  le  barème  de  Francon,  juré  de  Lyon. 

Le  cube  marchand  est  inférieur  d'un  (juart  au  cube  réel.  Le  cul)e  marchand  est  l'usage 
de  la  montagne,  le  cube  réel  l'usage  de  la  ville;  de  telle  sorte  que  les  marchands  achè- 
tent et  vendent  le  cube  au  même  i)rix,  tout  en  réalisant  des  gains  énormes. 


468  N°   80.    —    FERMIERS   MONTAGNARDS   DU    IIAUT-FOREZ. 

de  l'arbre  par  le  quart  de  la  circonférence  médiane  élevé  au  carré 
(cet  usage  local  suppose  Tarbre  équivalant  à  un  j)risme  ayant  même 
longueur  que  lui,  et  pour  base  un  carré  de  côté  égal  au  quart  de  la 
susdite  circonférence).  La  convention  avec  le  marchand  peut  s'opérer 
de  deux  façons  :  la  vente  en  bloc,  variable  évidemment  d'après  l'im- 
portance de  la  coupe;  la  vente  au  mètre  cube,  20,  25,  28,  jusqu'à 
.'iO  francs  et  davantage  le  mètre  cube,  pour  les  arbres  centenaires 
plantés  en  bon  terrain  (1). 

L'enlèvement  a  lieu  en  septembre,  au  moment  où  il  n'}^  a  plus 
à  craindre,  en  traînant  les  troncs  toujours  embarrassants,  de  casser 
les  jeunes  pousses  et  même  les  jeunes  plants.  En  général,  le  mar- 
chand prend  livraison  sur  place;  et  des  fardiers  de  forme  particulière 
viennent  transporter  les  arbres  jusqu'aux  chantiers  de  Saint-Étienne. 

2°  Pins.  —  Ici  l'exploitation  a  lieu  à  blanc  étoc.  Même  procédé  d'es- 
timation d'ailleurs;  un  arbre  de  quarante  ans  peut  se  vendre  3  francs, 
o  francs  et  davantage. 

Reboisement.  —  Le  reboisement  est  dû  à  deux  causes  :  le  repeuple- 
ment spontané  effectué  par  les  seules  forces  de  la  nature  ;  et  aussi  les 
plantations.  Pour  éviter  les  inondations  subites,  résultat  du  défriche- 
ment, l'administration  des  forêts,  représentée  non  loin  de  là  par  un 
garde  général,  délivre  à  tout  propriétaire  qui  en  fait  la  demande  les 
petits  sapins  de  ses  pépinières,  liés  en  paquet.  Aucune  rétribution 
n'est  réclamée,  et  une  seule  obligation  en  résulte  :  celle  de  planter 
véritablement,  au  lieu  de  revendre.  Les  agents  des  forêts  se  réser- 
vent donc  sur  les  plantations  une  haute  surveillance  qui  n'offre  au- 
cun caractère  tracassier. 


§  26. 

SUR    LES    FERMES-LAITERIES. 

Cette  forme  de  l'agriculture,  inconnue  il  y  a  quarante  ans,  a  été 
l'œuvre  de  feu  M.  le  baron  Louis  de  Saint-Genest. 

Les  débuts  furent  humbles  et  contestés  :  «  L'incrédulité  la  plus 
complète  accueillit  mon  idée  (l'exportation  du  lait  à  Saint-Etienne), 
—  écrivait  M.  de  Saint-Genest  dans  une  note  manuscrite  que  nous 

(1)  La  vente  se  conclut  encore  i)ar  coupes;  les  marchands  tendent  à  établir  la  vente  au 
mètre  cuhe,  à  cause  des  chances  d'erreur;  un  syndicat  cherche  à  se  former  (syndicat  de 
marchands). 


ÉLÉMENTS    DIVERS   DE   LA   CONSTITUTION  SOCIALE.  469 

avons  pu  consulter.  —  Je  parvins  cependant  à  décider  un  de  mes 
fermiers  à  organiser  un  modeste  service  quotidien.  »  Peu  à  peu  la 
contagion  de  l'exemple  gagna  la  montagne  tout  entière.  A  mesure 
que  les  chemins  vicinaux  perçaient  la  sombre  frontière  des  sapins, 
les  prairies  remplaçaient  les  pâtis;  la  race  des  laitières,  hollandaises 
et  tarentaises,  se  multipliait;  les  voitures  des  «  laitiers  »,  les  rus- 
tiques camionneurs  qui  descendent  chaque  nuit,  au  grand  trot  de 
leurs  chevaux,  la  pente  raide  de  Saint-Étienne,  transportaient  les  «  bi- 
ches »  de  fer-blanc  de  plus  de  23  kilomètres,  du  fond  de  Marlhes,  du 
Pilât,  et  même,  en  dehors  du  canton,  de  Saint-Sauveur  et  de  Riotord. 

Deux  transformations  s'étaient  opérées  et  s'opèrent  encore  un  peu 
plus  chaque  jour  :  une  transformation  agricole  et  une  transformation 
commerciale,  dont  nous  allons  noter  l'état  actuel. 

Transfonnation  agricole.  —  Il  s'agissait  de  posséder  une  race  de 
forte  production  laitière  et  de  la  nourrir,  c'est-à-dire  qu'il  fallait  im- 
porter des  vaches  laitières  et  créer  des  prairies. 

Les  «  vaches  laitières  »  primitives,  celles  dont  le  lait  servait  à  fabri- 
quer le  beurre  et  le  fromage  grossier  du  pays,  furent  condamnées  d'un 
commun  accord.  Cette  race  était,  à  proprement  parler,  un  mélange 
disparate,  où  le  salers  et  la  variété  froment  pâle  qui  se  retrouve  aux 
limites  de  l'Allier  et  de  la  Loire  jouaient  le  principal  rôle.  Mais  deux 
écoles  se  formèrent,  qui  divisent  encore  la  Société  d'Agriculture  de 
Saint-Genest-Malifaux ,  fondée  en  1837.  Le  fondateur,  l'initiateur, 
M.  le  baron  de  Saint-Genest,  se  montrait  partisan  convaincu  des  «  hol- 
landaises »  à  robe  noire.  Un  autre  agriculteur,  M.  Courbon-Lafaye, 
dont  l'exploitation  organisée  scientifiquement  a  été  décrite  dans  le 
compte  rendu  du  Comice  agricole  du  Chambon-Feugerolles  (21  et 
22  septembre  1867),  soutenait  la  cause  des  taureaux  suisses,  autre- 
ment dits  tarentais.  Cette  année  (1894),  le  Comice  agricole  de  Saint- 
Genest  paraît  revenir  à  la  première  idée,  qui  a  seule  donné  des 
résultats  satisfaisants.  Il  semble  toutefois  que  la  race  hollandaise 
s'affaiblisse  dans  ces  montagnes  de  climat  trop  rude;  dès  lors  l'achat 
direct  de  génisses  aux  pays  d'origine  deviendrait  préférable  à  l'élevage 
et  à  l'acclimatation  des  reproducteurs.  La  moyenne  de  la  production 
de  cette  variété  atteint  facilement  10  à  15  litres  de  lait  par  jour;  mais, 
en  comptant  l'époque  du  vêlage,  les  arrêts  et  diminutions,  cette  pro- 
portion doit  s'abaisser  de  près  de  moitié.  Telle  exploitation  de  10  va- 
ches en  plein  rapport  dépasse  chaque  jour  50  litres,  mais  sans  aller 
beaucoup  plus  haut.  Quatre  vaches  constituent  le  nombre  fatidique 


470  N°    80.    —    FERMIERS    MONTAGNARDS    DU    IIALT-FOREZ. 

qui  correspond  à  la  «  biche  »  journalière  de  25  mesures,  ou  12  litres  1/2. 

La  création  des  prairies,  liée  à  la  question  des  défrichements,  ve- 
nait ensuite.  Il  est  inutile  de  décrire  tous  les  efforts  tentés,  le  défon- 
cement  de  la  couche  pierreuse  au  pic  et  à  la  mine,  le  ramassage  des 
cailloux,  si  coûteux  et  si  lent  ;  le  chaulage  avec  la  chaux  de  la  Palisse, 
à  25  francs  le  mètre  cube;  puis  les  récoltes  de  pommes  de  terre,  de  ru- 
tabagas, et  enfin  de  fourrages  qui  se  succédaient.  Une  brochure  de 
M.  le  baron  de  Saint-Genest  :  «  Culture  des  montagnes  et  défrichement 
des  terrains  de  bruyère  »  (1),  a  raconté,  avec  la  précision  du  novateur 
fier  de  son  œuvre,  tous  ces  détails  techniques,  que  les  cultivateurs  de 
Saint-Genest  feraient  bien  de  méditer.  La  décadence  qui  a  frappé  la 
race  des  «  laitières  »  a,  en  effet,  atteint  la  perfection  de  l'agriculture. 
Les  enseignements  du  maître  ne  se  sont  pas  conservés  intacts.  Les 
prairies  artificielles  ont  été  négligées  :  le  maïs  vert,  le  topinambour, 
essayés  avec  succès,  sont  presque  inconnus.  L'antique  routine,  sans 
sacrifier  Tidée  nouvelle,  a  ressaisi  une  partie  de  ceux  qui  s'en  étaient 
dégagés. 

Transformation  commerciale.  —  Cette  transformation  était  double  : 
1"  transport;  2"  vente  au  détail  dans  la  ville  même. 

1°  Le  transport.  —  Il  s'organisa  spontanément.  Dans  le  bourg 
même  de  Saint-Genest,  trois  laitiers  partent  chaque  nuit,  leurs  lourdes 
carrioles  résonnant  du  bruit  des  biches  en  fer-blanc,  qu'une  série  de 
compartiments  en  bois  maintiennent  aussi  fixes  que  possible  (2).  Le 
laitier  exige  pour  son  salaire  une  redevance  fixe  de  0'  15  par  biche: 
0^  10  pour  les  plus  petites.  Il  se  charge  de  la  remise  directe  à  l'épicier, 
au  marchand  de  détail  ;  il  est  responsable  des  pertes. 

Mais,  à  côté  de  cette  ligne  de  transport,  de  ce  «  grand  central  »  en 
miniature,  viennent  se  placer  d'autres  services  plus  courts,  les  ser- 
vices des  villages  écartés  de  la  grande  route,  —  le  ruisseletqui  se  jette 
dans  le  grand  fleuve,  —  diminuant  encore  la  recette  du  pauvre  fermier. 

2"  La  vente  au  détail.  —  Elle  est  effectuée  par  un  commerçant  libre. 
M.  le  baron  de  Saint-Genest  avait  tenté  le  dépôt  direct  relevant  d'un 
syndicat.  L'essai  réussit  assez  mal.  Les  conventions  présentes  sont  fort 
simples.  Le  prix  du  lait  au  détail  est  de  0^  20  par  litre.  Le  marchand 
tient  compte  au  fermier  de  la  totalité  du  prix.  Au  début,  il  exigeait 
comme  courtage  une  biche  de  lait  par  semaine,  aujourd'hui  il  de- 
mande en  plus  une  biche  de  lait  par  mois.  La  sécheresse  des  deux  an- 
Ci)  Saint-Éticnnc,  Imprim.  Tliéniier  (1807). 

(-2)  Le  fonds  de  laitier,  4  clicvauv,  2  voitures  et  traîneaux,  est  estimé  2.400  francs. 


ÉLÉMENTS   DIVERS    DE   LA    CONSTITUTION   SOCIALE.  -471 

nées  précédentes  a  même  empêché  de  nouvelles  surenchères  en  faveur 
des  0  places  »  réputées  solvables.  A  cesremisesle  marchand  ajoute  néces- 
sairement ses  combinaisons  particulières  de  mouillage.  L'écueil,  c'est 
le  refus  de  paiement  et  le  brusque  départ  de  petits  commerçants  qui 
s'écrasent  réciproquement  par  une  concurrence  terrible.  Le  verse- 
ment a  lieu  toutes  les  semaines,  toutes  les  quinzaines,  parfois  avec  des 
délais  plus  espacés  encore. 

Comme  conclusion,  le  revenu  net  d'une  vache  reste  ce  qu'il  était 
au  temps  de  M.  le  baron  de  Saint-Genest  :  200  francs  par  an; 
—  200.000  francs  de  revenu  annuel  pour  la  commune  de  Saint-Genest. 

A  cette  recette,  il  faudrait  joindre  celle  provenant  de  l'écrémage. 
Les  fermiers  s'en  défendent  en  principe,  et  cependant  un  fait  matériel 
subsiste  :  la  fabrication  d'une  certaine  quantité  de  beurre,  sans  qu'un 
litre  de  lait  soit  sacrifié.  Certains  d'entre  eux,  plus  audacieux,  affir- 
ment qu'un  écrémage  léger  empêche  la  fermentation.  Presque  seul, 
un  cultivateur,  bien  connu  par  son  attachement  à  la  loyauté  intran- 
sigeante, résiste  au  courant  général.  11  en  a  été  récompensé  :  sa  «  mar- 
que »  est  connue;  il  n'a  jamais  eu  de  «  places  »  de  second  ordre,  et  a 
évité  l'abandon  du  supplément  de  courtage,  la  «  biche  »  mensuelle 
universellement  exigée. 

De  la  part  des  producteurs  les  falsifications  sont  inconnues  :  surtout 
celle  de  la  «  margarine  ». 

Il  semble  que  la  production  du  lait  ait  une  tendance  à  s'exagérer. 
Deux  points  de  vue  devront  préoccuper  les  autorités  sociales  de  la 
contrée  :  l"  l'établissement  de  débouchés  nouveaux,  —  peut-être  la 
fondation  de  l'industrie  du  lait  concentré,  florissante  en  Suisse,  peu 
connue  en  France;  —  2°  le  perfectionnement  de  la  vente,  et  la 
protection  du  fermier  contre  le  «  détaillant  »  infidèle  ou  nomade. 


§27. 
SUR  l'industrie  des  rubans  (1). 

L'industrie  du  tissage  des  rubans  dans  la  montagne  comprend  en 
réalité  deux  grandes  catégories  :  les  moulinages,  et  le  tissage  propre- 
ment dit. 

(1)  Sur  les  monographies  de  métier,  voir  La  Question  ouvrière  :  t.  I,  Charpentiers  de 
Paris;  t.  Il,  Ébénistes  du  faul)ourg  Saint-Antoine;  t.  IH,  Le  jouet  parisien;  rv,  Les  Halles 
centrales;  par  Pierre  du  Maroussein;  Paris,  Arlliur  Rousseau.  —  (V.  également  du  même 
auteur  :  L'Alimentation  (publication  du  Ministère  du  Commerce,  Office  du  travail). 


472  N"   80.   —   FERMIERS   MONTAGNARDS    DU    IIAUT-FOREZ. 


Les  moulinages. 

Qu'est-ce  qu'un  moulinage?  C'est  une  manufacture  (le  travail  en 
chambre  se  trouve  ici  interdit  par  la  force  des  choses),  où  la  soie 
grège  ou  brute  subit  les  différentes  opérations  qui  précèdent  la  tein- 
ture. 

Les  moulineurs  peuvent  être  de  simples  façonniers,  ou  des  mar- 
chands de  soie  qui  font  subir  une  première  préparation  à  la  matière 
première. 

Supposons  le  premier  cas  (1)  et  suivons  la  filière  des  organisations 
commerciales. 

Au  premier  rang  apparaît  l'importateur  de  soie,  le  marchand,  qui, 
sur  le  marché  de  Lyon,  comme  dans  les  ports  d'extrême  Asie,  achète 
ferme  les  écheveaux,  déjà  sortis  des  filatures. 

Mais  son  acquisition  ne  peut  être  écoulée  en  cet  état  au  tisseur  : 
fabrique  collective  ou  usine.  Il  faut  mouliner  la  soie  avant  la  vente.  Il 
s'adresse  à  un  intermédiaire,  simple  commerçant-commissionnaire, 
qui  détient  sous  sa  domination  jusqu'à  trente  petites  usines  hydrauli- 
ques des  cantons  montagneux.  Moyennant  un  prix  débattu,  celui-ci  fait 
approprier  tant  de  kilogrammes  de  soie,  —  de  plus  en  plus  soie  de 
Chine,  —  comme  il  ferait  moudre  et  bluter  par  un  meunier  100  sacs 
de  blé,  et  avec  cette  ressemblance  que  les  kilogrammes  de  soie,  abso- 
lument comme  le  froment  ou  le  seigle,  sont  remplacés  usuellement 
par  un  nombre  égal  de  kilogrammes  identiques  comme  catégorie.  Le 
bénéfice  de  ces  commissionnaires  est  un  tant  %  sur  la  façon;  en  gé- 
néral, 0^  50  par  100  kilogrammes. 

Au-dessous,  le  façonnier,  petit  patron  aux  allures  paysannes,  rem- 
placé parfois  par  un  contre-maître.  Installé  dans  une  vieille  scierie, 
dont  la  force  motrice  a  été  utilisée  pour  ce  nouveau  labeur  industriel, 
il  groupe  vingt-cinq  à  trente  fillettes  et  garçonnets,  ou  même  davan- 
tage, qui  surveillent  les  diverses  opérations  requises;  il  livre  les  éche- 
veaux parés  et  tordus,  prêts  pour  la  vente. 

Le  marchand  de  soie  a  ressaisi  son  produit  ouvré.  Rubaniers  et  fa- 
bricants de  lacets  procèdent  à  leurs  achats  et  son  rôle  se  termine.  Le 
tisseur  est  désormais  seul  maître  des  écheveaux;  il  les  remet  après  dé- 
ballage aux  teintureries,  entassées  aux  abords  de  Saint-Etienne. 

(I)  Dans  le  second,  les  deux  rôles  de  niarciiaiid  de  soie  et  de  mouliiieur  se  confon- 
deiil. 


ÉLÉMENTS   DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION   SOCIALE.  473 

Après  la  teinturerie,  une  autre  usine  :  le  dévidage  leur  donne  la 
dernière  main. 

Et  les  écheveaux  reprennent,  à  moins  qu'ils  ne  soient  tissés  surplace, 
dans  le  milieu  urbain,  le  chemin  des  montagnes,  vers  les  petites  ma- 
nufactures ou  les  ouvriers  en  chambre.  C'est  la  limite  du  tissage,  et 
nous  ne  la  franchirons  que  plus  tard. 

La  conclusion  de  ces  considérations  générales  est  la  suivante.  Le 
«  moulinage  »,  préparation  de  la  matière  première,  domine  plusieurs 
fabrications  :  rubans  et  lacets,  par  exemple.  Pendant  la  «  morte  »,  — 
la  morte-saison  du  ruban,  —  d'il  y  a  dix-huit  mois,  certains  moulinages 
n'en  semblaient  pas  moins  en  pleine  activité.  Leur  champ  d'action 
économique  était  plus  vaste  que  l'industrie  rubanière  stricte. 

Description  du  moulinage.  —  Une  vaste  salle  installée  sommaire- 
ment :  rangées  parallèlement,  sous  la  surveillance  du  contre-maître  et 
de  sa  femme,  les  machines  animées  par  l'eau  ;  celle-ci  offre  le  double 
avantage  d'être  moins  coûteuse,  —  le  chauffeur  et  le  charbon  absorbe- 
raient au  moins  10  francs  par  jour,  —  et  plus  régulière. 

Les  écheveaux  sont  mouillés,  puis  dévidés  mécaniquement;  les  fils 
s'enroulent  autour  de  bobines  en  supprimant  leurs  bouchons  ou  rac- 
cords grossiers  de  fils  de  soie;  plus  loin  ils  se  doublent  en  se  mariant 
étroitement;  et  un  écheveau  net  et  propre  se  forme  entre  les  mains  de 
l'ouvrier,  qui  pare  le  produit.  Le  travail  est  double  :  nettoyage,  conso- 
lidation. 

Salaires.  —  Le  minimum  de  ces  enfants  de  treize  ans  s'abaisse  au 
niveau  le  plus  bas  :  le  maximum  atteint  1^25,  l'^-iO,  chez  les  ouvrières 
les  plus  âgées;  salaire  à  la  journée. 

Durée  du  travail.  —  La  nouvelle  loi  du  2  novembre  1892  limite  la 
journée  à  10  heures  pour  les  filles  mineures  de  moins  de  dix-huit  ans  ;  et 
à  M  heures  pour  les  majeures  au-dessus  de  cet  âge.  Cette  prescription 
entraînerait  deux  sorties,  une  discipline  double.  En  pratique,  l'atelier 
est  soumis  en  entier  à  la  journée  de  11  heures.  L'inspecteur  des  manu- 
factures relève  çà  et  là  quelques  contraventions. 

Certains  moulinages,  organisés  sur  des  bases  plus  larges,  avec  ma- 
chine à  vapeur  pour  remédier  à  la  gelée  des  pièces  d'eau,  revêtent  un 
aspect  monacal.  Des  Sœurs  sont  chargées  de  la  surveillance.  Si  la  fa- 
brique est  isolée,  lesjeunesfillesypassentla  semaine  entière,  senourris- 
sent  de  vivres  apportés,  mais  on  leur  doit  la  soupe  chaude  et  une  place 
dans  le  dortoir  commun. 


474  N°    80.    —   FERMIERS   MONTAGNARDS   DU    IIAUT-FOREZ. 


Le  tissage. 

Ici  nous  pénétrons  clans  Tune  des  mulliples  brandies  que  com- 
mande la  préparation  de  cette  matière  première  unique  :  la  soie. 

En  fixant  notre  attention  sur  le  canton  de  Saint-Genest  seul,  abs- 
traction faite  de  la  puissante  cité  industrielle,  dont  il  constitue  une 
banlieue  et  une  annexe,  nous  rencontrons  dans  leur  opposition  éter- 
nelle les  deux  formes  de  la  grande  industrie  :  fabrique  collective  et  ma- 
nufacture. 

1°  Fabrique  collective.  —  La  fabrique  collective  d'abord,  comme 
avant  Colbert. 

Le  principal  rouage  est  le  «  magasin  »  du  commerçant,  magasin  où 
«  l'intermédiaire  »,  déguisé  sous  le  nom  de  fabricant,  ne  se  borne  pas  à 
accumuler  les  soies,  laines,  cotons,  caoutchouc,  pour  les  faire  teindre 
dans  les  usines  suburbaines,  mais  où  il  peut  également  se  réserver  un 
certain  nombre  d'opérations  complémentaires,  quand  il  n'y  installe  pas 
une  véritable  «   manufacture  »,  de  front  avec  l'organisation  de  jadis. 

Au-dessous  de  ce  magasin,  un  «  chef  contre-maître  »,  homme  de 
confiance,  le  «  commis  en  soie  »,  fixé  dans  la  montagne  même,  sur- 
veillant l'arrivage  des  malles  de  matières  premières  ([u'apporle  la  di- 
ligence, remettant  «  trames  »  et  fils  de  soie  enroulés  sur  les  bobines, 
payant  les  salaires,  dirigeant  les  départs. 

A  la  base,  les  nombreux  ateliers  en  chambre,  éparpillés  çà  et  là 
dans  le  bourg  ou  les  hameaux  les  plus  lointains,  et  assez  différents  au 
point  de  vue  économique,  puisque  tantôt  les  ouvrières  ou  ouvriers 
(ceux-ci  forment  Vinfime  exception)  sont  propriétaires  de  leur  métier, 
tantôt  le  matériel  appartient  à  l'intermédiaire. 

Actuellement,  deux  à  trois  «  fabricants  »  pour  le  canton,  un  surtout, 
qui  en  quatre  mois  peut  verser  IG.OOO  francs  de  salaires  et  davantage  : 
400  métiers,  au  lieu  des  4.000  de  jadis. 

'/'■^  forme  d'atelier.  ■ —  La  cuisine  d'un  ouvrier  du  bâtiment,  un  ma- 
çon. La  femme,  à  ses  moments  perdus,  tisse  avec  l'antique  métier, 
le  «  métier  de  basse-lisse  »,  qui  exige  un  triple  mouvement,  mouve- 
ment du  pied,  de  la  poitrine  et  de  la  main.  La  navette  est  passée  peu 
à  peu,  par  la  main  même  de  l'ouvrière,  entre  les  fils  de  la  chaîne. 
L'objet  fabriqué  est  un  large  ruban  de  décoration  étrangère. 

Salaire  :  O'oO  par  jour  environ,  pour  une  journée  ([ui  peut  varier  do 
7  ù,  10  heures.  —  Travail  aux  pièces. 


KLEMENTS    DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  \i,) 

2"  forme  d'atelier.  —  Une  chambre  haute  déjà  consacrée  à  la  fabri- 
cation. C'est  un  ateher  en  raccourci,  où  travaillent  deux  jeunes  iilles 
de  dix-huit  à  vingt  ans.  Leur  père  est  fermier-agriculteur. 

Les  métiers  dits  à  «  tambour  »  tissent  douze  ,  vingt-quatre  pièces 
de  rubans  simultanément.  Les  navettes  sont  mues  par  le  mouvement 
alternatif  de  la  «  barre  »  ,  large  bâton  de  bois  que  soulève  péniblement 
l'ouvrière.  L'objet  fabriqué,  —  ou  plutôt  les  objets  fort  vai-iés  qui  sor- 
tent de  cet  atelier  pittoresque,  —  n'est  autre  que  la  collection  infinie  des 
rubans  français  et  étrangers,  depuis  la  Médaille  militaire  jusqu'au  Mé- 
rite agricole,  depuis  l'ordre  de  Saint-Grégoire  jusqu'à  celui  des  Saints- 
Maurice  et  Lazare.  On  voit  s'enrouler  autour  des  canettes,  qui  bientôt 
prendront  place  dans  les  navettes  du  métier,  toutes  les  couleurs 
étincelantes  des  vitrines  du  Palais-Royal. 

Salaire  :  0^75  à  1  franc  par  jour,  pour  une  journée  de  10  heures.  La 
réputation  des  ouvrières  est  bien  établie.  Elles  sont  paj^ées  à  la  lâche  : 
ofQO,  par  exemple,  les  100  mètres. 

5®  forine  d' atelier.  —  Ne  diffère  du  précédent  que  par  le  métier, 
également  propriété  du  fabricant.  C'est  un  «  Jacquart  »,  avec  son  sys- 
tème compliqué  de  cartonnages  découpés,  qui  permettront  d'alterner 
les  fils  de  différentes  couleurs  et  de  dessiner  sur  la  trame  même.  Ce 
Jacquart  est  d'ailleurs  de  petite  espèce  :  il  n'exige  qu'une  élévation  de 
9  pieds,  au  lieu  des  1:2  pieds  réglementaires.  Le  Jacquart  est  la 
cause  principale  de  la  surélévation  des  étages  dans  les  immeubles 
du  paj's.  Ce  métier,  qui  ne  fabrique  que  six  pièces  à  la  fois,  tisse 
dans  la  toile  fine  des  marques  de  chemisier.  Une  femme  y  trav-aille 
seule,  soulevant  la  barre  avec  une  fatigue  évidente.  Dans  une  pièce 
voisine,  un  «  métier  de  basse-lisse  »  manœuvré  par  une  vieille  ou- 
vrière. 

Salaire  :  0^  50  à  0^73  par  jour;  journée  de  10  heures;  travail  aux 
pièces. 

En  résumé  :  c'est  une  sorte  de  «  sweating  System  »,  tempéré  par  la 
vie  rurale. 

2°  Manufactures.  —  Elles  sont  au  nombre  de  deux  dans  le  bourg 
même  de  Saint-Genest-Malifaux. 

Il  est  inutile  d'insister  sur  leur  caractère  dislinctif  :  l'agglomération 
des  ouvrières  en  un  local  unique,  loué  ou  possédé  par  le  patron.  Ce- 
lui-ci met  donc  à  sa  charge  :  le  loyer,  l'entretien  d'un  matériel  plus 
vaste,  et  aussi  les  appointements  du  contre-maître  et  surveillant,  qui 
correspond,  avec  plus  d'exigences,  au  commis  en  soie. 


476  N"   80.    —    FERMIERS    MONTAGNARDS   DU    IIAUT-FOREZ. 

Le  salaire  du  lissage  en  manufacture  semble  plus  élevé  que  le 
salaire  du  tissage  en  chambre.  Augmentation  de  la  production,  éco- 
nomie de  la  matière  première,  secret  de  la  fabrication,  telles  sont  les 
raisons  d'être  du  succès. 

'/'■'^  forme  de  manufacture.  —  C'est  une  manufacture  où  les  métiers 
juxtaposés  sont  manœuvres  par  les  ouvrières,  de  toutes  jeunes  filles 
en  général.  Aucune  force  naturelle  ou  artificielle  ne  vient  à  leur  aide  : 
ni  écluse,  ni  machine  à  vapeur.  C'est  le  développement  rigoureux 
des  petits  ateliers  étudiés  en  dernier  lieu  au  paragraphe  précédent 
(30  à  40  ouvrières). 

La  fabrication  a  pour  objet  des  rubans  de  chapeaux  et  articles  va- 
riés, sur  20  métiers  environ. 

L'hygiène  présente  tous  les  inconvénients  de  l'atelier  en  chambre  avec 
l'agglomération  en  plus. 

Salaire  :  1  à  2  francs  par  jour  ;  journée  de  10  à  12  heures;  travail  aux 
pièces. 

2*^  forme.  —  L'usine  marche  à  la  vapeur.  L'hygiène  s'en  trouve  trans- 
formée. Le  mouvement  alternatif  de  la  barre  n'existe  plus.  E]n  revan- 
che, un  vacarme  plus  assourdissant  encore,  qui  reproduit  les  surdités 
précoces  observées  dans  les  «  mills  »  de  Manchester  (oO  ouvriers  et 
ouvrières). 

Fabrication  :  rubans  de  velours,  caoutchouc,  etc. 

Hygiène  :  supérieure  à  celle  de  l'organisation  précédente. 

Salaires  :  de  25  francs  par  mois  à  50  francs;  le  salaire  est  payé 
mensuellement.  Journée  de  10  à  12  heures.  Travail  aux  pièces. 

En  résumé,  c'est  l'exploitation  de  la  moyenne  industrie  avec  ses 
règlements  et  ses  mortes-saisons.  Un  canton  voisin  nous  offrirait 
le  même  spectacle  de  l'usine  gigantesque  établie  en  plein  milieu  rural. 

Conclusion.  —  Le  mouvement  économique,  ici  comme  dans  tous  les 
centres  de  tissage,  a  été  le  suivant  : 

1°  Fabrique  collective  rurale;  c'était  l'càge  d'or; 

2"  Manufacture  urbaine; 

3"  Manufacture  rurale,  pour  lutter  contre  l'élévation  de  salaire  des 
centres  urbains;  aujourd'hui  ces  salaires  tendent  à  s'égaliser. 

C'est  la  chasse  au  plus  faible  taux  de  la  main-d'œuvre  par  la  com- 
binaison du  travail  humain  et  du  travail-machine  sous  l'aiguillon  de 
la  concurrence. 


LES  OUVRIERS  DES  DEUX  MONDES. 


DEUXIÈME   SÉRIE.   —  36e    FASCICULE. 


AVERTISSEMENT 

[»E  LA  SOCIÉTÉ  D'ÉCONOMIE  SOCIALE. 


L'Académie  des  sciences,  en  1856,  a  couronné  le  premier  ou- 
vrage de  science  sociale  publié  par  F,  Le  Play,  les  Ouvriers  eu- 
ropéens. Elle  a  en  même  temps  exprimé  le  désir  qu'une  pareille 
œuvre  fût  continuée.  La  Société  d'Économie  soci<de,  fondée  aus- 
sitôt par  l'auteur  de  ce  livre  aujourd'hui  célèbre ,  lui  a  donné 
pour  suite  les  Ouvriers  des  Deux  Mondes.  De  1857  à  1885,  la 
Société  a  publié  une  première  série  de  cinq  volumes  contenant 
quarante-six  monographies  de  familles  ouvrières. 

La  deuxième  série  des  Ouvriers  des  Deux  Mondes  a  commencé 
en  juillet  1885.  Le  premier  tome  de  cette  série  a  été  terminé 
en  juillet  1887;  le  deuxième,  à  la  fin  de  1889;  le  troisième,  au 
commencement  de  1892.  Ils  comprennent  les  descriptions  mé- 
thodiques de  nombreuses  familles  d'ouvriers,  appartenant  à  la 
Bretagne,  la  Picardie,  le  Nivernais,  l'Ile-de-France,  la  Provence, 
la  Gascogne,  le  Dauphiné,  la  Normandie,  la  Marche,  l'Orléanais, 
le  Limousin,  l'Angoumois,  le  Forez,  la  Lorraine,  la  Corse,  la 
(irande-Hiissie,  la  Grandc-Kabylie,  le  Sahel,  le  Sahara  algérien, 
la  lîelgique,  la  Prusse  rhénane,  la  Sicile,  la  campagne  de  Rome, 
la  Capitanate,  l'Angleterre,  la  Laponie,  l'Alsace,  la  Hollande,  la 
Suisse,  les  États-l-nis.  Le  présent  fascicule,  le  36°  de  la  seconde 
série,  termine  le  tome  IV  (voir  au  verso  de  la  couverture). 

La  publication  se  poursuit  par  fascicules  trimestriels,  avec 
le  concours  de  la  maison  Firmin-Didot.  Un  tel  concours  lui  as- 
sure cette  perfection  que  nos  lect(Mirs  ont  su  apprécier  dans  une 
œuvre  typographique  particulièrement  délicate. 

Les  prochains  fascicules  contiendront  les  monographies  de  fa- 
mille d'un  Armurier  de  Liège,  d'un  Pécheur  de  l'archipel 
Chusan  (Chine),  d'un  Ouvrier  de  l'usine  du  Val-des-Bois,  d'un 
Pécheur  de  Fort-Mardyck,  d'un  Ardoisier  d'Angers,  etc. 


LES  OUVRIERS  DES  DEUX  MONDES, 

PUBLIÉS   PAR   LA   SOCIETE    d'ÉCONOMIE   SOCIALE, 


rf.conni;e  d'utilité  pi'bi.ioi!E. 


Deuxième  série.  —  36°  fascicule. 


ALLUMEUR  DE  RÉVERBÈRES 

DE  NANCY  (MEURTHE-ET-MOSELLE), 

J0URN.\L1ER, 

dans  le  système  des  engagements  volontaires  permanents, 

d'après 
les  renseignements  recueillis  sur  les  liel'x,  en  1893, 


M.  Chassignet, 

Aneieu  élève  de  TEcole  polji;echuique. 


PARIS, 


LIBRAIRIE    DE    FIRMIN-DIDOT    ET   C", 

IMPRIMEURS    DE    L'LNSTITDT,    RUE   JACOB,    5fi. 

1895. 

Droits  de  traduction  et  de  reproducticn  réservés. 


N°  81. 

ALLmiEUR   DE   RÉVERBÈRES 

DE  NANCY  (MEURTHE-ET-MOSELLE), 

JOURNALIER, 
DANS  LE   SYSTÈME   DES   ENGAGEMENTS   VOLONTAIRES   PERMANENTS, 

d'après 
les  renseignements  recueillis  sur  les  lieux  en  1893, 

PAR 

M.  Chassignet, 

Ancien  élève  de  l'École  polytechnique. 

OBSERVATIONS  PRÉLIMINAIRES 

DÉFINISSANT   LA   CONDITION   DES   DIVERS   MEMBRES   DE   LA    FAMILLE. 


DÉFINITION    DU   LIEU,  DE  L'ORGANISATION  INDUSTRIELLE 
ET    DE    LA    FAMILLE. 

ÉTAT   DU   SOL,    DE   l'iNDUSTRIE   ET   DE    LA   POPULATION. 

Située  sous  un  climat  sain  quoiqu'un  peu  rude,  à  une  altitude  moyenne 
de  210  mètres,  par  30"ol'lG"  de  longitude  et  48°41'31"  de  latitude,  dans 
une  vallée  fertile  et  agréablement  accidentée,  non  loin  du  confluent  de 
la  Meurthe  avec  la  Moselle,  au  pied  des  collines  boisées  qui  séparent 
ces  deux  rivières,  Nancy,  résidence  de  la  famille  décrite  dans  la  pré- 
sente monographie,  couvre,  avec  ses  longs  faubourgs,  en  majeure 
partie  de  construction  récente,  un  espace  d'environ  1.500  hec- 
tares. Les  jardins,  les  prés,  les  vergers,  les  vignes  et  les  champs,  aux 
cultures  variées,  des  villages  environnants  attestent  la  fécondité  de 
la   contrée,  et  de  nombreuses  usines,  forges,  fonderies,  laminoirs, 


478        N"  81.  —  ALLUMEUR  DE  RÉVERBÈRES  DE  NANCY. 

salines,  soudières,  etc.,  révèlent  les  richesses  d'un  sous-sol  abondan 
en  minerais  ferrugineux  et  sources  salifères.  Mais  tandis  que  les  ex- 
ploitations agricoles  remontent  la  plupart  à  l'époque  gallo-romaine,  les 
établissements  industriels  datent  à  peine  d'une  cinquantaine  d'années 
et  c'est  depuis  lors  aussi  que  Nancy  a  pris  plus  d'importance.  Jusque 
vers  1840,  l'ancienne  capitale  de  la  Lorraine,  rattachée  à  la  mère- 
patrie,  n'était  qu'un  chef-lieu"  départemental  de  second  ordre,  aux 
rues  larges  et  régulières,  aux  places  spacieuses  et  élégantes,  mais  dé- 
pourvu de  toute  animation  et  paraissant  trop  vaste  pour  les  30  à 
33.000  habitants  résidant  dans  son  enceinte. 

La  mise  en  valeur  des  richesses  souterraines,  successivement  décou- 
vertes dans  les  environs,  vint  tirer  Nancy  de  la  somnolence  où  elle  se 
reposait  après  les  agitations  des  troubles  révolutionnaires  et  des 
guerres  impériales.  Le  réveil  fut  aussi  vif  qu'imprévu  ;  en  moins  de 
trente  ans,  la  ville  subit  une  transformation  complète,  la  population 
doubla,  des  quartiers  neufs  surgirent  dans  la  banlieue,  pendant  que 
grandes  cheminées  et  hauts  fourneaux  s'élevaient,  de  tous  côtés,  aux 
alentours.  Loin  de  ralentir  ce  mouvement,  les  cruels  événements  de 
1870-71  l'accentuèrent  encore.  Forcés,  par  une  interprétation  léonine 
du  néfaste  traité  de  Francfort,  de  quitter  leur  pays  natal  afin  d'échap- 
per à  la  nationalité  allemande,  beaucoup  de  Lorrains  ou  d'Alsaciens, 
chefs  de  maison,  se  réfugièrent,  suivis  de  leur  personnel,  à  Nancy, 
où  s'introduisirent  ainsi  de  nouveaux  éléments  d'activité  et  de  pros- 
périté avec  un  supplément  d'environ  8.000  habitants.  Cette  crue  trop 
subite  ne  fut  pas  sans  causer  quelques  embarras^  et  fut  suivie  d'une 
courte  période  de  stationnement;  puis  ]^  marche  ascendante  recom- 
mença et,  dès  1886,1e  recensement  constatait  une  population  de  79.071 
habitants,  chiffre  dépassé  aujourd'hui  de  plusieurs  milliers. 

Une  si  énorme  extension  n'a  pas  été,  à  la  vérité,  sans  regrettables 
compensations.  Un  instant  gravement  compromise,  par  les  travaux  de 
voirie,  de  canalisation,  de  constructions  ou  autres  qu'il  fallut  exécuter 
d'urgence  après  1871,  la  salubrité  de  la  ville  se  releva  bientôt,  sans 
toutefois  redevenir  aussi  grande  que  par  le  passé,  alors  que  la  popu- 
lation était  moins  dense.  En  même  temps  le  paupérisme,  jadis  à  peu 
près  inconnu  dans  la  localité,  s'y  développait  suivant  une  progression 
parallèle  à  celle  de  la  richesse;  la  hausse  des  salaires  n'ayant  com- 
pensé celle  de  la  vie  matérielle  que  pour  les  célibataires,  non  pour  les 
chefs  de  familles  ayant  à  subvenir,  parleur  seul  travail,  à  l'entretien  de 
plusieurs  personnes.  Enfin,  par  une  malheureuse  coïncidence,  quand 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  479 

il  devenait  plus  que  jamais  désirable  que  les  femmes  pussent,  sans 
quitter  le  foyer  domestique,  apporter  leur  contingent  aux  recettes  fa- 
miliales, une  industrie,  l'emplissant  cet  objet  mieux  qu'aucune  autre, 
celle  de  la  broderie  à  la  main,  longtemps  très  florissante  à  Nancy,  en- 
trait dans  une  voie  de  décadence  dont  elle  ne  paraît  plus  devoir  sortir. 
Si  donc  la  ville  est  devenue  plus  brillante,  plus  animée  et  plus  opulente 
qu'elle  ne  le  fut  durant  la  première  moitié  du  siècle,  l'existence  y  est 
maintenant  plus  difficile,  surtout  pour  les  ménages  vivant  du  labeur 
manuel  et  chargés  d'enfants. 

ÉTAT   CIVIL   DE   LA    FAMILLE. 

La  famille  T***  comprend  huit  membres,  savoir  : 

i"  Joseph  T*",  clief  «le  famille,  nt-  à  GœrsdorlT.  canton  de  Wœrlh  (Bas-IUiiii).  3">  ans. 

2°  SopuiE  B"*,  sa  femme,  née  à  Saint-Martin,  canton  de  Ville  (Bas-Rhin)..  31    — 

3"  Joseph  T***,  leur  fils  aine,  né  à  Nancy 12    — 

4"  ECGÈNE  T***,  leur  second  fils,  ne  à  Nancy 11    — 

5"  Marie  T***,  leur  fille  aînée,  née  à  Nancy 7    — 

6"  Jeanne  T***,  leur  seconde  fille,  née  à  Nancy n    — 

"t"  Xavier  T***,  leur  troisième  fils,  né  à  Nancy 18  mois 

8"  Joséphine  T***,  leur  troisième  fille,  née  à  Nancy 1    — 

Le  père  et  la  mère,  venus  l'un  et  l'autre  d'Alsace,  se  sont  rencontrés 
et  bientôt  mariés  à  Nancy.  Joseph  T***  a  depuis  longtemps  perdu  ses 
parents;  il  a  deux  frères,  l'aîné,  exempté  du  service  militaire,  est  resté 
au  village  natal,  l'autre  exerce,  à  Saint-Dié  (Vosges),  la  profession 
de  ferblantier;  une  sœur,  mariée  à  un  forgeron,  habite  Gerbe villers 
(Meurlhe-et-Moselle). 

Le  père  de  Sophie  B*",  originaire  de  Strasbourg,  est  mort  en  1880  à 
Saint-Martin;  sa  veuve  y  occupe  encore,  avec  une  fille  aînée  célibataire, 
la  maison  patrimoniale.  Les  époux  B***  ont  eu  aussi  deux  fils,  l'un 
émigré  en  Amérique,  dont  on  a  rarement  des  nouvelles,  l'autre  marié 
à  Nancy,  où  il  est  établi  comme  ferblantier. 

§  3. 

RELIGION   ET   HABITUDES  MORALES. 

Sans  s'astreindre  à  une  fidèle  observance  du  culte  catholique,  la  po- 
pulation ouvrière  de  Nancy  est  loin  d'être  hostile   à  la  religion;  on 


480        N"  81.  —  ALLUMEUR  DE  RÉVERBÈRES  DE  NANCY. 

s'en  aperçoit  à  l'affluence  dans  les  églises  en  certaines  fêtes  solennelles, 
au  nombre  des  élèves  suivant  les  écoles  chrétiennes  malgré  la  bonne 
tenue  des  écoles  municipales,  à  l'importance  attachée  dans  presque 
toutes  les  familles  à  la  première  communion  des  enfants,  enfin  à  l'ex- 
trême rareté  des  enterrements  civils.  Mais,  à  cùté  de  cette  majorité, 
plutôt  négligente  qu'ennemie,  existent  deux  minorités,  l'une  d'énergu- 
mènes  impies,  l'autre  de  catholiques  fervents.  Les  époux  T***  appartien- 
nent tous  deux  à  cette  dernière  catégorie  et  s'acquittent  régulièrement 
de  leurs  devoirs  religieux,  sans  toutefois  être  affiliés  à  aucune  confrérie 
pieuse.  Ils  entendent  même  très  largement  le  précepte  du  repos  do- 
minical. Après  une  messe  entendue  de  bon  malin,  la  femme  s'occupe 
d'ordinaire  des  nettoyages  ou  raccommodages  négligés  en  semaine,  et 
le  mari,  outre  son  service  d'allumeur,  ne  croit  pas  mal  faire  en  se  li- 
vrant à  des  travaux  de  jardinage  qu'il  considère  comme  une  distrac- 
tion, utile  à  la  santé  en  même  temps  que  profitable  au  ménage. 

Joseph  T***  ne  fréquente  pas  le  cabaret;  si  quelque  circonstance  l'y 
entraîne,  il  boit  sans  excès,  et  quand  par  aventure  il  s'est  laissé  aller  à 
quelques  dépenses  exagérées  pour  sa  position,  il  supporte  au  retour, 
sans  colère,  les  remontrances  de  sa  femme  en  convenant  de  ses  torts. 
En  résumé,  c'est  un  homme  honnête,  intelHgent,  un  peu  indolent,  très 
attaché  à  sa  femme  ainsi  qu'à  ses  enfants  et  de  mœurs  douces,  à  moins 
qu'il  ne  soit  ou  ne  se  croie  injustement  attaqué;  car  alors,  comme  il 
l'a  montré  une  fois  dans  sa  jeunesse,  il  deviendrait  capable  d'une  vio- 
lence très  opposée  à  son  habituelle  mansuétude. 

De  son  côté,  active,  laborieuse,  frugale,  se  contentant  de  peu  et  évi- 
tant sans  affectation  les  trop  fréquentes  relations  de  voisinage  qui 
finissent  souvent  par  amener  des  querelles,  la  femme  est  toute  dévouée 
à  son  mari  et  à  ses  enfants.  Outre  la  cuisine,  le  blanchissage  et  tous 
les  soins  du  ménage,  elle  aide  encore  son  mari  dans  la  confection  des 
chaussures;  toutefois  il  faut  reconnaître  qu'elle  apporte  à  ses  multi- 
ples besognes  de  ménagère  plus  de  bon  vouloir,  de  zèle  et  d'activité 
que  de  soin  et  d'ordre.  La  tenue  des  enfants,  de  l'appartement  et  de 
sa  propre  personne  laissent  fort  à  désirer. 

Les  deux  époux  acceptent  les  embarras  et  les  privations  résultant  de 
leur  situation  précaire  avec  une  résignation  sans  aigreur  ni  tristesse; 
mais  peut-être  entre-t-il  dans  cette  philosophie,  une  trop  forte  dose  d'in- 
curable imprévoyance. 


OBSERVATIONS    PRÉLIMIXAIRES .  481 

§4. 

HYGIÈNE    ET   SERVICE    DE   SANTÉ. 

Joseph  T***  est  détaille  moyenne  {i'^,Qi),  maigre  et  d'apparence  peu 
robuste  ;  ses  cheveux  châtain  clair  et  son  teint  pâle  décèlent  des  ten- 
dances au  lymphatisme  ;  pourtant  sa  santé  générale  n'est  pas  mauvaise 
et  il  supporte  les  fatigues  d'un  état  qui  l'oblige  à  des  courses  rapides 
chaque  jour,  quelque  temps  qu'il  fasse,  mieux  que  l'assiduité  sédentaire 
des  cordonniers.  Le  jardinage  est  le  travail  qui  convient  le  mieux  à  son 
tempérament  comme  à  ses  goûts. 

Petite,  brune  de  teint  avec  les  yeux  et  les  cheveux  noirs,  la  femme 
forme,  au  physique,  un  contraste  complet  avec  le  mari;  on  la  pren- 
drait plutôt  pour  une  méridionale  que  pour  une  Alsacienne.  Malgré 
l'exiguité  de  la  taille,  elle  ne  manque  ni  de  vigueur  ni  d'énergie  et  s'ac- 
quitte, sans  plainte,  d'une  assez  lourde  besogne.  Elle  a  jusqu'ici  bien 
supporté  ses  multiples  grossesses  et  nourri  elle-même  ses  enfants; 
mais  n'ayant  que  peu  de  lait,  pour  son  nourrisson  actuel,  elle  est  obli- 
gée de  recourir  au  biberon  comme  auxiliaire;  sa  dernière-née  ne  paraît 
pas  s'en  trouver  mal. 

Sauf  la  seconde  des  filles,  les  enfants  sont  bien  portants  et  ne  sem- 
blent pas  trop  se  ressentir  jusqu'ici  de  la  nourriture  végétarienne  en 
usage  dans  le  ménage  par  une  raison  d'économie,  malheureusement 
trop  bien  fondée.  Peut-être  les  inconvénients  de  cette  alimentation  dé- 
fectueuse sont-ils  compensés  par  les  avantages  hygiéniques  d'une  ha- 
bitation située  pour  ainsi  dire  à  la  campagne,  à  l'extrémité  d'un  fau- 
bourg, dans  un  quartier  où  il  reste  de  vastes  espaces  non  bâtis,  en- 
core occupés  par  des  jardins  ou  des  vergers. 

Quoique  l'état  sanitaire  de  la  famille  T***  soit  d'ordinaire  assez 
satisfaisant,  on  y  est  exposé  pourtant  comme  ailleurs  à  quelques  in- 
dispositions, plus  ou  moins  sérieuses.  On  recourt  alors  au  médecin 
délégué  par  le  bureau  de  bienfaisance,  pour  le  quartier,  et  cela  suffi- 
rait amplement  si  ce  docteur  était  autorisé,  dans  des  limites  moins 
étroites,  à  prescrire  des  remèdes  gratuits.  Mais  on  remarque,  à  cet 
égard,  une  déplorable  antinomie,  dans  l'organisation  de  l'Assistance 
publique,  à  Nancy.  Tandis  qu'à  l'hôpital  les  malades  sont  traités,  pour 
le  régime  alimentaire  ou  pharmaceutique,  aussi  bien  que  peuvent  l'être 


482  N"   81.   —    ALLUMEUR    DE    RÉVERBÈRES   DE   NANCY. 

chez  eux  les  gens  aisés,  on  montre,  pour  les  secours  à  domicile,  une  re- 
grettable et  inexplicable  parcimonie.  Ne  conviendrait-il  pas,  au  con- 
traire, surtout  avec  un  hôpital  trop  souvent  encombré,  d'encourager 
les  soins  donnés  au  foyer  domestique,  moins  dispendieux,  pour  l'Assis- 
tance publique,  que  le  traitement  à  l'hôpital  et,  —  ce  qui  est  plus  à  con- 
sidérer encore,  —  très  favorables  au  resserrement  des  liens  familiaux? 


§3. 

RANG   DE   LA    FAMILLE. 

Comme  allumeur  de  réverbères,  Joseph  T***  appartient  à  la  catégorie 
des  ouvriers  liés  aune  société  en  commandite  par  un  engagement  per- 
manent et  payés  au  mois;  comme  cordonnier,  état  qu'il  continuée 
exercer  accessoirement,  c'est  un  artisan,  possesseur  de  son  outillage, 
travaillant  à  ses  pièces  et  ajoutant  à  son  salaire  le  produit  de  quelques 
industries  complémentaires.  Parvenant  à  peine,  malgré  tout,  à  équi- 
librer ses  recettes  avec  ses  lourdes  charges,  il  n'a  d'autre  chance,  pour 
s'élever  au-dessus  de  sa  condition  actuelle,  que  de  devenir  brigadier  du 
gaz,  avancement  peu  probable,  au  moins  à  bref  délai,  et  qui  d'ailleurs 
n'améliorerait  pas  très  sensiblement  sa  position. 

La  famille  T***,  qui  habite  depuis  longtemps  la  même  maison  et  y 
vit  paisiblement,  en  bonnes  relations,  sans  intimité,  avec  ses  voisins,  est 
bien  considérée  dans  le  quartier,  mais  n'y  jouit  d'aucune  influence. 


MOYENS  DEXISTENCE   DE  LA  FAMILLE. 

§6. 

rROPRIÉTÉS 
{Mobilier  et  vêlements  non  compris).'' 

Immeubles.  —  La  famille  ne  possède  point  d'immeubles,  car  on  ne 
peut  mentionner,  sous  cette  dénomination,  le  petit  hangar  construit  sur 
le  terrain  du  propriétaire  de  la  maison  et  qui  n'a  pour  la  famille  T*** 


OBSERVATIONS   PRÉLIMINAIRES.  483 

que  la  valeur  des   matériaux  employés,  puisque  c'est  là  ce  qui  lui  en 
resterait  enfin  de  bail. 

Argent.  —  Loin  d'avoir  la  moindre  somme  en  réserve,  la  famille  est 
la  plupart  du  temps  fortement  arriérée,  en  sorte  que  tout  argent  reçu 
a  d'avance  sa  destination.  On  constatera  peut-être  un  léger  excédent  de 
recettes  au  budget,  mais  il  ne  tarde  pas  à  être  dépensé  pour  améliorer 
quelque  peu  la  situation 0^00 

Animaux  domestiques.  —  Entretenus  toute  l'année 50'^ 00. 

I  coq,  lit  poules  et  i  lapins  d'une  valeur  totale  d'environ  ."iO'OO. 

Matériel  spécial  des  travaux  et  industries ITFoO. 

1»  Pou}-  le  service  du  gaz.  —  Il  est  fourni  par  la  Compagnie. 

2»  Pour  les  travaux  de  cordonnerie.  —  1  établi  et  -2  tabourets,  -V 00;  —  Marteau  et  pince, 
o'iJO;  —  2  fers  à  déformer,  l'50;  —  5  Iranchels,  o'OO;  —  3  alênes,  .'J'OO;  —  3  râpes,  3'00; 
—  1  dard,  0'2o;—  1  compas, OfoO;  —  I  pierre  à  aiguiser.  0' 23.  —  2  crochets,  1 '00; —  1  lime, 
2f00;  — I  broche,  l'2,'i;;  —  1  lampe,  2'lo;  —  2  pinceaux,  0'30;  —  fournitures  diverses  :  fi!,' 
soie,  etc.,  2' 00.  —  Total ,  32"J0. 

3"  Pour  l'exploitation  de  la  basse-cour.  —  Un  hangar  (dont  il  est  question  plus  haut  sous 
la  dénomination  :  immeuble),  lOO'OO. 

4"  Pour  le  blanchissage  et  l'entretien  du  linge  et  des  vêtements.  —  1  lessiveuse,  TOO;  — 
1  baciuet,  l'OO;  —  1  battoir,  0'60;  —  aiguilles,  dé  à  coudre,  fer  à  repasser,  fil,  etc.,  o'OO. — 
Total,  13^60. 

3"  Pour  le  jardinage.  —  Bêches,  râteau,  plantoirs,  arrosoirs,  brouette,  etc.,  d'une  valeur 
totale  de  23^00. 

Valeur  totale  des   propriétés 221^50. 


SUBVENTIONS. 

Sans  l'aide  de  quelques  subventions,  le  ménage  serait  souvent  dans 
la  misère  quand  arrive  une  indisposition,  lors  des  accouchements  ou 
dans  la  morte-saison  de  la  cordonnerie.  Dans  de  telles  circonstances, 
il  est  regrettable  d'avoir  à  constater  l'extrême  parcimonie  des  patrons. 
La  Compagnie  du  gaz  se  contente  de  cédera  son  personnel  le  coke  avec 
une  réduction  du  quart  sur  le  prix  commun  de  vente  (1). 

Dans  la  cordonnerie  c'est  pis  encore  :  les  patrons  les  plusbienveillants 

(I)  Il  est  vrai  qu'en  vertu  de  dispositions  testamentaires  prises  par  MM.  Constantin 
frères,  fondateurs  de  la  Compagnie,  tout  employé  ou  ouvrier,  après  vingt-cinq  années  de 
service,  a  droit  à  une  pension  viagère  plus  ou  moins  forte  suivant  l'emploi  et  la  durée  des 
services,  pourvu  que  les  ressources  de  la  caisse  spéciale  le  permeltcnt. 


484  N"   81.    —   ALLUMEUR    DE   RÉVERBÈRES   DE   NANCY. 

se  bornent  à  consentir  des  avances,  dans  les  moments  de  gêne;  mais 
aucune  des  nombreuses  maisons  de  cette  industrie  ne  possède  d'insti- 
tutions patronales.  Aussi  les  ouvriers,  n'ayant  de  rapports  qu'avec 
les  employés  aux  réceptions,  passent-ils,  sous  le  moindre  prétexte, 
d'une  manufacture  à  l'autre. 

C'est  donc  au  bureau  municipal  de  bienfaisance  et  aux  sociétés  cha- 
ritables que  le  ménage  T***  doit  les  subventions  qui  suppléent  à  l'insuf- 
fisance des  salaires  professionnels  ou  des  bénéfices  tirés  d'industries 
accessoires.  Il  reçoit  ainsi,  durant  la  saison  rigoureuse,  par  distri- 
butions hebdomadaires,  du  bureau  de  bienfaisance  14  bons  de  pain  et 
de  combustible;  de  la  Société  Saint- Vincent  de  Paul,  16  bons  de  pain, 
autant  de  combustible  et  de  pommes  de  terre;  en  outre,  le  reste  de 
l'année,  1  kilogramme  de  pain  par  mois. 

De  plus,  à  des  époques  indéterminées,  la  famille  touche  encore  des 
secours  exceptionnels  en  principe,  mais  qui,  en  fait,  se  renouvellent 
tous  les  ans.  Ils  se  composent  le  plus  souvent,  pour  le  bureau  de  bien- 
faisance, des  médicaments  prescrits  par  le  médecin  délégué  et  d'effets 
de  couchage  (paille  ou  couvertures),  demandés  par  les  visiteurs,  et, 
pour  la  Société  Saint- Vincent  de  Paul,  de  bons  de  viande  ou  de  bons 
supplémentaires,  —  pain,  riz  ou  légumes  secs,  —  de  chaussures  pour 
les  enfants,  et  plus  rarement,  d'effets  d'habillement  ou  de  couchage. 
Les  Dames  de  charité  donnent  aussi  quelques  vêtements  pour  les  filles, 
mais  sans  périodicité.  C'est  surtout  en  cas  d'accouchement  que  se  fait 
sentir  leur  intervention;  il  est  alors  délivré,  soit  par  elles,  soit  parles 
sœurs  de  Saint-Charles,  établiesdans  le  quartier,  outre  quelques  aliments 
réconfortants  pour  l'accouchée,  une  layette  et  un  berceau  pour  le  nou- 
veau-né. Enfin,  pour  mémoire  et  sansqu'ilsoit  possible  d'en  tenircompte 
au  budget  comme  d'une  ressource  assurée,  il  faut  signaler  que,  pres- 
que tous  les  ans,  la  Société  Saint-Vincent  de  Paul  et  les  Dames  de  charité 
réunies  décident  qu'à  l'occasion  des  fêtes  de  Noël  les  enfants  des 
familles  assistées  qui  n'ont  pas  encore  fait  la  première  communion, 
recevront  chacun,  en  cadeau,  un  effet  d'habillement,  un  jouet  et 
quelques  friandises. 

L'évaluation  exacte  de  ces  subventions  n'est  pas  possible;  les  prix 
et  les  allocations  elles-mêmes  étant  trop  variables.  Cependant,  en 
considérant  les  chiffres  moyens,  on  peut  estimer  les  subventions  an- 
nuelles comme  suit  :  17' 10  du  bureau  de  bienfaisance  (savoir  : 
14  bons  de  pain  à  0'3o;  —  2  bottes  de  paille  à  l'OO;  —  1  couver- 
ture à  0^00;  —  14  bons  de  combustible  à  0^■{0);  38^)3  de  la  Société 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  485 

Sainl-Yiiicenl  de  Paul  (savoir  :  25  bons  de  pain  à  0^35;  —  16  bons 
de  pommes  de  terre  à  0''  10;  —  5  bons  de  viande  à  0^  05;  —  3  bons 
de  riz  ou  légumes  secs  à  0^55  ;  —  i  bons  de  paille  à  1^  00,  —  4  paires 
de  chaussures  à  3' 50;  —  16  bons  de  combustible  à  0"^  30);  en  sorte  que 
le  total  des  subventions,  non  compris  le  service  médical  et  l'assis- 
tance en  cas  de  maladie  ou  d'accouchement,  s'élèverait  à  55^15, 
somme  à  laquelle  il  faut  ajouter  20^00  pour  tenir  compte  de  la  réduc- 
tion consentie  en  faveur  de  son  personnel,  par  la  Compagnie  du  gaz, 
sur  les  tarifs  communs. 

TRAVAUX    ET    INDUSTRIES. 

Allumer  et  éteindre,  chaque  jour,  au.\  heures  déterminées  suivant 
les  saisons,  cinquante-quatre  réverbères,  placés  le  long  des  rues,  les 
entretenir  en  bon  état  de  propreté,  signaler,  s'il  échet,  les  réparations 
à  effectuer,  enfin  passer,  toutes  les  semaines,  une  nuit  au  poste  des 
veilleurs,  tel  est  le  principal  travail  de  Joseph  T***.  Y  compris  la  garde, 
comptée  pour  10  heures,  cette  besogne  l'occupe  environ  38  heures 
par  semaine,  soit  1.976  heures  par  an.  Il  reçoit  un  salaire  mensuel 
de  102  ou  105  francs,  selon  qu'il  s'agit  d'un  mois  de  30  ou  31  jours; 
de  plus  il  a  une  gratification  de  5^00  payée  au  l*""^  janvier;  cela  fait 
une  rétribution  annuelle  de  1.250^00.  Il  y  a  quelques  gratifications 
extraordinaires;  mais,  étant  presque  toujours  réservées  aux  plus  an- 
ciens employés,  il  n'y  a  pas  à  en  tenir  compte  ici.  A  première  vue,  la 
rétribution  paraît  assez  élevée,  car  le  métier  est  d'apprentissage  facile, 
ne  réclame  guère  que  de  l'exactitude  avec  un  peu  d'attention  et  laisse 
beaucoup  de  loisir.  Mais  quand  on  réfiéchit  que  l'allumeur  est  obligé 
à  des  courses  nocturnes  toujours  fatigantes,  quelquefois  même  dan- 
gereuses pour  la  santé,  l'impression  change  et  le  salaire  semble  bien 
gagné.  Ce  qui  est  incontestablement  le  plus  précieux  avantage  de  la 
profession,  c'est  la  fixité  de  la  rétribution  et  l'absence  de  tout  chô- 
mage. 

Dans  ces  conditions,  Joseph  T***  ne  peut  guère  consacrer  plus  de 
quatre  heures,  par  jour  ouvrable,  à  son  ancien  état  de  cordonnier; 
mais  il  y  a  des  périodes  où  les  commandes  sont  assez  réduites  pour 
ne  demander  que  deux  heures  de  travail.  En  somme,  au  dire  de  l'ou- 
vrier, qui  ne  lient  aucune  comptabilité  mais  se  rend  assez  bien  compte 


486         N"  81.  —  ALLUMEUR  DE  RÉVERBÈRES  DE  NANCY. 

de  ses  affaires,  il  gagne  encore,  dans  la  confection  des  chaussures,  en- 
viron 500  francs  par  an,  avec  l'aide  de  sa  femme,  qui  empoisse  les  fils, 
polit  les  talons  et  les  semelles,  va  chercher  l'ouvrage  et  le  rapporte 
au  magasin.  Détail  à  noter  comme  attestant  l'union  des  époux  :  tandis 
que  la  femme  est  très  fière  d'être  la  collaboratrice  de  son  mari, 
ce  dernier  est  porté  à  exagérer  un  peu  la  part  revenant  à  sa  femme, 
dans  le  labeur  commun,  et  déclare  qu'il  ne  pourrait  faire  que  la  moi- 
tié de  la  besogne,  s'il  était  seul  à  travailler. 

La  culture  d'un  potager,  ayant  environ  huit  ares  de  superficie,  atte- 
nant à  l'habitation  et  où  l'on  récolte  divers  légumes  (choux,  carottes, 
navets,  salades,  etc.),  même  aussi  quelques  fruits  (fraises  et  groseilles), 
procure  au  ménage  T***,  tant  par  la  vente  que  par  la  consommation 
directe,  des  bénéfices  estimés  par  les  époux  à  150  francs,  au  moins, 
par  année  moyenne.  Mais,  en  face  de  cetle  recette,  il  faut  mentionner 
aux  comptes  annexés  (§  16,  A)  les  frais  de  location  du  terrain,  d'a- 
chat de  semences  ainsi  que  le  travail  de  la  famille.  Quant  à  l'engrais, 
il  est  ramassé  parles  enfants  sur  la  voie  publique. 

Il  reste  à  mentionner  la  basse-cour  qui,  avec  fort  peu  de  peines,  pro- 
cure à  la  famille  une  recette  très  appréciée. 

En  plus  de  la  part  prise  à  la  confection  des  chaussures  et  aux  soins 
de  la  basse-cour  ou  du  jardin,  la  femme  n'a  d'autre  occupation  que 
le  ménage;  quoique  médiocrement  tenu,  il  suffit  amplement,  avec 
le  blanchissage  et  les  raccommodages,  à  absorber  tout  son  temps. 

Les  enfants  aînés  rendent  déjà  quelques  menus  services;  mais, 
n'ayant  pas  encore  terminé  la  période  d'écolage,  ils  ne  peuvent  rien 
gagner  ni  même  commencer  l'apprentissage  d'un  métier.  Ils  ne  sont 
donc  jusqu'ici  qu'une  cause  de  dépense  et  ce  ne  sera  pas  avant  deux 
ou  trois  ans,  au  moins,  qu'ils  commenceront  à  contribuer  aux  re- 
cettes. 


MODE  D'EXISTENCE  DE  LA  FAMILLE. 

ALIMENTS    ET    REPAS. 

Le  matin,  au  lever,  on  prend  un  premier  repas  composé  exclusive- 
ment d'une  tasse  de  café  noir  et  d'un  gros  morceau  de  pain.  Le  lait 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  487 

qu'on  ajoutait  autrefois  au  café  est  maintenant  réservé  aux  plus 
jeunes  enfants. 

A  midi,  dîner  :  le  plus  souvent  avec  un  pot-au-feu  plus  copieux  en 
légumes  et  pain  qu'en  viande,  ou  un  plat  de  légumes  (choux,  chou- 
croute, carottes,  pommes  de  terre,  etc.,1  préparés  au  lard,  ou  encore, 
mais  plus  rarement,  soit  du  cheval  grillé,  soit  du  lapin  ou  du  poulet 
en  ragoiit.  Aux  jours  d'abstinence  religieuse,  on  mange  tantôt  un 
potage  maigre,  très  épais,  aux  pâtes,  au  riz  ou  aux  légumes,  tantôt  une 
omelette. 

Le  souper  se  compose  de  légumes  frais  ou  secs,  suivant  la  saison  ou 
bien  d'une  salade  aux  œufs  durs.  On  ne  mange  pour  ainsi  dire  jamais 
de  poisson.  De  temps  à  autre,  pendant  la  saison,  on  peut  ajouter  aux 
repas  quelques  fruits,  —  cerises,  fraises,  groseilles  ou  pommes,  —  ache- 
tés à  bon  marché,  reçus  en  cadeau  ou  récoltés  dans  le  jardin.  Mais, 
comme  on  ne  consomme  pas  de  fromage,  il  n'y  a  jamais  de  dessert,  en 
hiver. 

En  résumé,  dans  le  régime,  le  pain  est  l'aliment  fondamental;  aussi 
la  consommation  quotidienne  n'est-elle  pas  au-dessous  de  sept  livres, 
soit  3"^  730,  tandis  que  celle  de  la  viande  ne  s'élève  pas  au-dessus  de 
0'',362.  L'unique  boisson  à  table  est  une  eau  d'excellente  qualité, 
fournie  par  une  fontaine  voisine  de  l'habitation.  L'ouvrier  ne  prend 
de  vin,  chez  lui,  qu'en  de  rares  occasions;  depuis  qu'il  est  allumeur, 
il  en  boit  un  peu  plus  souvent  au  dehors  avec  ses  compagnons  de  tra- 
vail; la  dépense  de  ce  chef  ne  dépasse  pas,  tout  compris,  une  cen- 
taine de  francs  par  année,  ce  qui  correspond  à  peu  près  à  un  demi- 
litre  par  jour.  Il  ne  boit  ni  eau-de-vie  ni  autre  spiritueux,  et  cette 
sobriété  contribue  certainement  à  maintenir  sa  santé  en  'meilleur  état 
qu'on  ne  l'attendrait  d'une  constitution  un  peu  débile. 

§   10. 

HABITATION,    MOBILIER   ET    VETEMENTS. 

La  familleT***occupe  un  appartement  de  deux  pièces,  au  second  étage 
d'une  maison  construite  jadis  pour  un  seul  ménage  de  maraîchers, 
exhaussée  plus  tard  et  aménagée  pour  plusieurs  locataires.  Derrière 
elle  s'étend  un  terrain  d'environ  un  hectare,  divisé  en  plusieurs  pota- 
gers que  séparent  de  simples  palissades  et  entouré  de  murs  peu  élevés 
au  delà  desquels  on  aperçoit  les  arbres  des  bosquets  ou  jardins  dé- 


488  N"   81,    —    ALLUMEUR    DE    RÉVERBÈRES   DE    NANCV. 

pendant  de  diverses  maisons  de  campagne;  plus  loin  encore  commence 
la  grande  forêt  de  Haie.  Cette  situation  ne  laisserait  rien  à  désirer 
comme  salubrité  si  la  maison  ne  contenait  un  peu  trop  d'habitants. 
Sur  le  même  palier  que  le  ménage  T***  résident  trois  autres  familles, 
chacune  avec  plusieurs  enfants;  a  l'étage  au-dessous,  il  y  a  de  même 
quatre  ménages.  Tous  ces  locataires  disposent  chacun  d'un  grenier 
sous  les  tuiles,  et  d'un  cellier  au  rez-de-chaussée.  Ils  ont,  en  commun, 
la  jouissance  d'un  local  avec  pompe  pour  les  lessivages,  et  d'une  cour 
où  sont  les  cabinets  d'aisances;  disposition  moins  commode,  mais 
plus  saine  que  celle  qui  est  adoptée  dans  la  plupart  des  appartements 
bourgeois.  Les  deux  pièces  de  l'appartement  T***  prennent  jour  au 
midi,  sur  les  jardins,  par  des  fenêtres  de  dimensions  convenables;  la 
première,  —  cuisine,  atelier  et  chambre  à  coucher  des  deux  ahiés,  — 
à  2'"  70  de  hauteur,  2'" 80  de  largeur  et  5"  00  de  longueur;  la  seconde, 
chambre  à  coucher  des  parents  et  des  autres  enfants,  mesure  2"  60  de 
hauteur,  4"  de  largeur  et  5'"  00  de  longueur. 

La  famille  paye  pour  ce  logement  le  prix  élevé  de  IG  francs  par 
mois. 

Meubles  :  assez  médiocrement  entretenus  ;  ils  ont  été  acquis  d'oc- 
casion, à  l'exception  d'un  lit  à  deux  places  avec  baldaquin,  acheté 
neuf  lors  de  l'entrée  en  ménage,  à  cette  époque  déjà  lointaine  des 
rêves  d'heureux  avenir,  qui  n'ont  pas  tous  été  déçus  puisque,  si  trop 
souvent  la  misère  a  frappé  à  la  porte,  la  bonne  harmonie  du  ménage 
n'a  cependant  jamais  été  troublée 332'' 50 

1"  Lils,  literies,  etc.  —  1  lit  double  avec  matelas,  paillasse  et  rideaux,  lOO'oO;  —  '2  lits 
très  \ieux,  l'un  eu  bois,  l'autre  en  fer,  avec  sommier,  2:/00;  —2  i)aillasses,  10' 00;  —  i  ber- 
ceaux, l-2'OO;  —  U  oreillers  avec  laies,  20'00;  —  4  couvertures  en  laine,  i28'00;  —2  odre- 
dons,  20' 00  ;  —  1  voiture  d'enfant,  li'OO.  —  Total,  22n'00. 

2"  Meubles  dirers.  —  2  vieilles  armoires,  15' 00  et  "'00;  —  1  table  carrée,  VOO;  —  1  table 
ronde.  'i'OO;  —  .■;  chaises,  10' 00;  —  2  réveils.  20' 00;  —  2  montres,  l'une  en  argent,  20'00, 
l'autre  en  nickel,  12'00;  —1  crucifix,  d'50.  —Total,  94'50. 

3"  Livres.  —  (Reçus  en  cadeaux), 2  paroissiens,  4' 00  ;  —  i  Vie  de  N.-S.  Jésus-Christ,  2'()0  ;  — 
i  almanach  (donné  par  la  Société  Saint-Vincent  de  Paul),0'.%0;  —  catéchisme  et  livres  de 
classe,  2':;o.  —  Total,  9' 00. 

Ustensiles 57^00. 

i"  Employés  pour  la  préparation  et  la  consommation  des  alinicnts.  — 2  fi)urneaux  on 
fonte  trts  usés,  li'OO;  —  4  casseroles,  8' 00;  —  vaisselle,  très  ébréchée  (2  broches,  t  cruche, 
8  bols,  «  assiettes,  3  plats,  1  soupière),  "'00;  —  12  couverts  et  a  couteaux,  'i'OO;  —  l  bibe- 
ron, 8  verres,  2o  bouteilles  ou  fioles,  4'00;  —  l  cafetière,  I'OO;—  1  ixtêle  à  frire,  O'iiO; 
—  1  rouleau  à  pâtisserie.  O'2'i  ;  —  1  râpe,  0'2.";  ;  -  1  boite  à  épices,  0'2.'>;  —  I  panier  à  sa- 
lade, 0':;o;  —  1  trépied,  0':i0;  —  1  caisse  à  lésâmes,  0' 2.'i.  —  Total,  41'  ,'iO. 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  489 

-2"  Employés  pour  Véclairage.  —  2  lampes  à  pclrole.  "'00. 

*'  Employés  aux  soins  de  propreté.  —  1  petite  glace.  ïi'OO;  —  rasoir  et  peignes.  i'OO; 
—  3  brosses  (habits  et  souliers),  l'50;  —  1  cuvette,  0'50;  —  1  balai,  0^25;  —  1  caisse  à  or- 
dures, 0'-25.  —  Total.  8f.-;o. 

Linge  de  ménage 12^^00 

5  paires  de  draps  de  lit  (récemmenl  achetés  à  crédit  et  trop  cher),  90 '00;  —  4  paires 
de  petits  draps  de  lit,  16' 00;—  l  nappe.  5' 00;  —  0  serviettes  ou  torchons,  8'GO;  —  t  paire 
de  rideaux  de  fenêtre,  S'OO.  —  Total,  l-22'OO. 

Vêtements 273^00 

Vêtements  de  l'ouvrier.  —  1  jaquette,  lo'OO;  —  1  pantalon,  lO'OO;  —  I  gilet,  3'00;  — 
1  cravate  l'OO;  —  1  chapeau,  3'00;—  1  veston  (hiver),  o'OO;  —  l  veston  (été),  3' 00;  —  1  pan- 
talon, O'OO;  — - 1  gilet  l'OO;  —  1  cravate,  O'SO;  —  i  caban,  -iO'OO;  —  1  casquette  d'uniforme, 
2'."j0;  —2  paires  de  chaussures,  20'00;  —  8  chemises  (très  usées),  lO'OO;  —  2  gilets  de 
Uanelle,  O'OO.  —  Total,  lOG'OO. 

Vêtements  de  la  femme.  —  1  robe,  Sii'OO;  —  1  manteau.  li'OO;  —  1  chapeau.  (i'OO  — 
1  cliàle  en  laine  tricotée,  i'OO;  —  1  paire  de  bottines,  10' 00;  —  2  robes,  3  jupons,  2  cami- 
soles, 1  paire  de  chaussures;  le  tout  presque  sans  valeur  par  l'extrême  usure,  )2'00;  — 
7  chemises  (en  fort  mauvais  état),  9' 00.  —  Total,  80'00. 

Vêtements  des  enfants.  —  Chacun  des  deux  garçons  possède  un  complet  à  peu  prés 
neuf,  celui  de  l'aîné  acheté  en  confection  (trop  cher,  mais  à  crédit),  25'00;  —  l'autre  fait 
par  la  mère,  do'OO;  —  1  paire  de  bottines  (en  assez  bon  état),  i)lus  une  fort  usée  pour  cha- 
cun, 8' 00;  —  vêtements  des  autres  enfants  (de  valeur  très  minime),  12'00;  —  "  chemises 
pour  garçonnets,  7'00;  —  ti  chemises  de  lillettes,  .':i'00.  —  Total,  72' 00. 

Vêtements  divers.  —  4  paires  de  chaussettes,  14  paires  de  bas,  layette  (en  fort  mau- 
vais état),  l.j'00. 

Valeur  totale  du  mobilier  et  des  vêtements 784^50. 


î  11- 

récréations. 

Quand  on  suffit  à  peine  aux.  nécessités  de  la  vie,  par  un  travail 
assidu,  et  qu'on  est  presque  constamment  préoccupé  d'un  déficit  à 
combler,  on  n'a  guère  le  loisir  ni  les  moyens  de  prendre  beaucoup  de 
récréations  ;  aussi  sont-elles  rares  dans  la  famille  T***.  Les  goi\ts  mêmes 
de  l'ouvrier  se  sont  modifiés  avec  sa  situation.  Quelque  peu  dissipé 
et  dépensier,  dans  sa  jeunesse,  avant  son  mariage,  il  est  devenu 
sérieux  et  plus  économe  depuis  qu'il  a  charge  d'enfants.  Il  ne  joue 
ni  aux  cartes,  ni  aux  boules,  ni  à  aucun  autre  jeu,  ne  fume  presque 
jamais,  ne  va  pas  au  théâtre  et  on  ne  peut  dire  qu'il  soit  adonné  à  la 
boisson,  bien  qu'il  tienne  à  ne  pas  se  soustraire  aux  usages  de  cama- 
raderie. 


490  N"   81.    —   ALLUMEUR    DE    RÉVERBÈRES   DE   NAXCY. 

Pour  se  distraire,  il  lit,  dans  ses  moments  de  repos,  le  journal  «  La 
Croix  de  Lorraine  »,  auquel  il  s'est  abonné,  pour  10  francs  par  an,  et 
parcourt  aussi  les  feuilles  anecdotiques,  dites  «  Petites  Lectures  »,  dis- 
tribuées gratuitement  par  la  Société  Saint-Vincent  de  Paul.  Mais  le 
jardinage  est  encore  la  distraction  préférée  de  Joseph  T***,  qui  s'enor- 
gueillit d'obtenir  des  légumes  aussi  beaux,  au  moins,  que  ceux  des 
maraîchers.  La  femme,  quoique  d'un  caractère  plus  gai  que  le  mari, 
prend  encore  moins  de  récréations  que  lui.  Elle  voisine  même  fort 
peu  dans  la  maison,  et  ne  sort  guère  que  par  nécessité,  préférant 
envoyer  ses  enfants  en  commission  chez  les  fournisseurs,  quand  c'est 
possible.  Ces  goûts  de  retraite  viennent-ils  du  manque  de  toilette  ou, 
au  contraire,  préfère-t-elle  rester  au  logis  afin  de  ne  pas  quitter  un 
négligé,  —  par  trop  négligé,  —  dans  lequel  elle  semble  se  complaire? 
On  ne  sait;  toujours  est-il  que,  sauf  pour  des  courses  obligées,  les 
époux  ï***,  sans  que  cette  réclusion  paraisse  leur  déplaire,  ne  sortent 
guère  de  la  maison  ou  du  jardin  contigu.  Ils  n'ont,  au  dehors,  qu'une 
seule  relation  amicale,  quelque  peu  intime,  c'est  leur  frère  et  beau- 
frère  marié  à  Nancy;  ils  rendent,  de  temps  à  autre,  le  dimanche,  vi- 
site à  ce  jeune  ménage,  et  alors,  comme  toutes  les  fois  qu'elle  doit 
accompagner  son  mari,  la  femme  T***  apporte  plus  de  soin  à  sa  toi- 
lette et  s'arrange  pour  avoir  la  mise  d'une  ouvrière  aisée. 


HISTOIRE  DE  LA  FAMILLE. 

l  12. 

PHASES    TRINCIPALES    DE   l'e.XISTENCE. 

Ayant  perdu  ses  parents  avant  d'avoir  fini  son  apprentissage  de 
cordonnier,  Joseph  ï***,  connu  comme  un  jeune  ganjon  d'excellente 
conduite,  fut,  par  suite  des  relations  de  sa  famille,  recueilli  dans  un 
orphelinat  où,  tout  en  participant  ù  la  culture  des  champs,  il  continua 
de  travailler  à  la  chaussure.  Il  passa  environ  trois  années  dans  l'éta- 
blissement. Celle  éducation  complémentaire  servit  à  affermir  en  lui 
les   principes  religieux  puisés  au  foyer  paternel,  en  même  temps 


J 


OBSERVATIONS    PRÉLIMINAIRES.  491 

qu'elle  lui  inspira  le  goût  des  occupations  agricoles  et  probablement 
aussi  lui  donna  les  habitudes  réservées  et  casanières  auxquelles  il  est 
revenu  maintenant,  après  les  avoir  d'abord  quelque  peu  abandon- 
nées. A  dix-huit  ans,  pris  du  désir  de  courir  le  monde  ou  ne  voulant 
pas  entrer  au  noviciat,  il  quitta  le  couvent  et,  pendant  deux  années, 
parcourut  l'Alsace  et  la  Suisse,  s'arrétant  plus  ou  moins  longtemps, 
dans  les  diverses  localités,  selon  sa  fantaisie  ou  suivant  qu'il  trouvait 
mieux  à  gagner  sa  vie  soit  comme  cordonnier,  soit  comme  aide  rural. 
Puis,  quand  il  eut  vingt  ans,  le  souvenir  de  la  bataille  de  Frœschviller, 
dont  il  avait  été  témoin  oculaire,  ayant  plutôt  avivé  que  diminué  son 
patriotisme  d'Alsacien  et  les  penchants  militaires  si  répandus  chez  ses 
compatriotes,  il  rentra  en  France,  désireux  de  s'engager  dans  la 
Légion  étrangère  afin  de  concourir  à  la  délivrance  qu'il  croyait  plus 
prochaine,  hélas!  qu'elle  ne  l'était,  de  sa  province  natale.  Mais  la 
visite  médicale  ayant  constaté  chez  lui  l'insutfisance  du  développe- 
ment thoracique  exigé  par  les  règlements,  il  dut  reprendre,  à  Nancy, 
son  état  de  cordonnier,  alors  très  lucratif,  pour  les  artisans  d'une 
certaine  habileté  et,  gagnant  de  bonnes  journées,  se  laissa  entraîner 
à  quelques  écarts  de  conduite.  L'influence  de  son  éducation  première 
et  l'honnêteté  native  de  son  caractère  le  préservèrent  toutefois  de  la 
débauche  crapuleuse;  aussi,  ayant  rencontré,  par  une  circonstance 
fortuite,  Sophie  B***,  jeune  Alsacienne  fort  avenante,  sans  être  régu- 
lièrement jolie,  de  bonnes  mœurs  et  d'humeur  enjouée,  songea-t-il 
immédiatement  au  mariage.  Il  fut  agréé  sans  grand  délai.  La  future 
avait  dix-huit  ans  et  ne  possédait,  en  sus  de  ses  bardes,  que  30  francs 
économisés, — ce  qui  était  la  preuve  de  quelque  sagesse, — sur  ses  gages  ; 
le  futur,  moins  raisonnable,  —  quoique  gagnant  beaucoup  plus,  —  dut 
emprunter  1:2  francs  pour  les  frais  de  la  cérémonie,  mais  il  avait, 
outre  ses  effets,  son  petit  outillage  de  cordonnier.  Le  nouveau  ménage 
se  lançait  ainsi  dans  la  vie,  sans  souci  de  l'avenir,  avec  le  plus  mince 
bagage.  Mais  quand  la  jeunesse  chante  au  cœur  la  douce  chanson  de 
l'amour  légitime,  est-il  plus  excusable  occasion  d'oublier  les  conseils 
d'une  froide  prudence  ? 

Il  fallut  longtemps  avant  d'éteindre,  par  des  à-comptes  successifs, 
la  dette  contractée  par  l'achat,  à  crédit,  du  mobilier  indispensable, 
dès  l'entrée  en  ménage,  et  les  premiers  enfants  étaient  déjà  nés  avant 
la  libération  complète.  Puis,  en  même  temps  que  les  charges  augmen- 
taient, après  chaque  naissance,  les  ressources,  malgré  l'obtention  de 
quelques   subventions  et  l'essai   d'industries   accessoires,  médiocre- 


492  N"    81.    —    ALLUMEUR    DE    RÉVERBÈRES    DE   NANCY, 

ment  rémunératrices,  tendaient  plutôt  à  décroître;  les  périodes  de 
demi-chômage  se  multipliaient  dans  la  fabrication,  de  plus  en  plus 
encombrée,  des  chaussures.  La  situation  du  ménage  T***,  malgré  la 
frugalité  du  régime,  la  suppression  de  toute  récréation  dispendieuse 
et  même,  à  certains  moments,  de  véritables  privations,  resta  donc 
presque  toujours  plus  ou  moins  obérée.  Elle  l'est  encore;  cependant, 
la  gêne  tend  à  diminuer,  depuis  l'entrée  de  Joseph  T***  dans  le  service 
du  gaz  qui,  sans  l'obliger  à  cesser  entièrement  son  travail  de  cordon- 
nier, lui  assure  une  rétribution  mensuelle  d'une  fixité  et  d'une  régu- 
larité absolues.  Grâce  à  cet  avantage,  aussi  rare  que  précieux  dans  les 
professions  manuelles,  les  parents  peuvent  espérer  que  si  Dieu  leur 
conserve  la  santé,  la  famille  atteindra  sans  encombre  l'époque  où 
les  enfants,  hors  d'apprentissage,  apporteront  leur  contingent  aux 
recettes,  et  alors  la  gêne  sera  remplacée  par  une  aisance,  juste  récom- 
pense de  la  conduite  et  des  efforts  de  tous. 


l  13. 

MŒURS   ET    INSTITUTIONS   ASSURANT    LE    BIEN-ÊTRE   PUYSIQUE    ET    MORAL    • 

DE   LA   FAMILLE. 

Les  habitudes  laborieuses  de  Joseph  T***,  parvenu  à  cumuler  trois 
professions  lucratives,  l'activité  de  sa  femme  qui,  vaquant  aux  soins 
d'un  ménage  chargé  de  six  enfants,  aide  encore  son  mari  dans  la 
confection  des  chaussures  et  le  travail  du  jardinage,  la  tempérance  et 
la  sobriété  des  deux  époux,  la  régularité  de  leur  conduite,  leur  indiffé- 
rence pour  les  distractions  coûteuses,  enfin  l'absence  de  tout  sen- 
timent d'envie  envers  les  gens  placés  dans  une  situation  plus  aisée, 
sont  les  éléments  qui  contribuent  le  plus  efficacement  au  bien-être 
physique  et  moral  de  cette  honnête  famille  où  l'appoint  de  fort  mo- 
destes subventions  suffit  pour  élever  les  ressources,  dues  au  travail, 
à  la  hauteur  des  besoins,  dans  les  circonstances  normales.  Toutefois, 
aucune  réserve  n'étant  préparée,  l'équilibre  financier  est  rompu  au 
moindre  incident  onéreux;  il  faut  s'endetter  pour  y  parer;  puis  se 
soumettre  à  de  longues  et  pénibles  privations  afin  d'éteindre  l'arriéré. 
Il  existe  cependant,  à  Nancy,  plusieurs  sociétés  de  secours  mutuels, 
ayant  précisément  pour  objet  de  soustraire  les  ménages  ouvriers  aux 
tristes  conséquences  de  chômages  involontaires,  et  comme  ces  asso- 


OBSERVATIONS  PRÉLIMINAIRES.  493 

ciations  comprennent  des  membres  honoraires,  contribuant  aux  re- 
cettes, sans  imposer  aucune  dépense,  ces  mutualités  offrent  à  leurs 
participants  de  sérieux  avantages  (§  18).  Mais  pour  être  admis  dans  une 
quelconque  de  ces  sociétés,  la  première  condition  est  d'effectuer  avec 
régularité  les  versements  statutaires,  et  T***  ne  le  pourrait. 

Est-ce  effet  de  l'habitude  ou  insouciance  naturelle,  cette  situation 
précaire  préoccupe  médiocrement  les  époux  T***.  Partisans  de  la 
maxime  Carpe  diem,  ils  prennent  le  temps  comme  il  vient,  payant, 
dans  les  jours  de  prospérité,  l'arriéré  des  périodes  de  détresse;  puis, 
le  déficit  à  peine  comblé,  ils  se  procurent  parfois,  même  à  crédit,  afin 
d'en  jouir  immédiatement,  les  effets  ou  objets  quelconques  dont  la 
privation  les  faisait  souffrir.  On  s'explique,  si  on  ne  l'excuse  pas 
entièrement,  cette  imprévoyance  en  songeant  combien  serait  minime 
l'épargne  réalisable  dans  les  années  les  plus  favorables.  Après  tout, 
ne  peut-on  pas  dire  que  les  enfants,  élevés  par  eux  et  qui  apporteront 
bientôt  quelques  ressources  au  foyer  domestique,  sont  une  sorte 
d'épargne  des  époux  T***?  Il  est  vrai  que  les  enfants,  une  fois  établis 
pour  leur  compte  ou  pris  par  le  service  militaire,  ne  contribueront 
plus  guère  à  l'aisance  des  parents;  mais  ceux-ci,  s'ils  ne  sont  pas  trop 
affaiblis,  n'ayant  plus  à  suffire  qu'à  eux-mêmes,  pourront  plus  aisé- 
ment que  maintenant  se  tirer  d'affaire  et  peut-être,  l'âge  arrivant, 
T***  obtiendra- 1- il  soit  un  emploi  moins  fatigant,  soit  une  pension 
de  retraite  payée,  après  un  temps  déterminé  de  service,  sur  les  fonds 
légués  par  le  fondateur  de  la  Compagnie  du  gaz. 


45 


194 


N"  81.  —  ALLUMEUR  DE  RÉVERBÈRES  DE  NANCY. 

§14.  —   BUDGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNÉE. 


SOURCES  DES  RECETTES. 


SECTION    F«. 

PROPRIÉTÉS    POSSÉDÉES   PAR    LA   FAUiLLE. 

Art.  !•'.  —  Propriétés  immobilières. 
(La  famille  ne  possède  aucune  propriété  de  cette  nature.) 

Art.  2.  —  Valeurs  mobilières. 

Animaux  domestujies  entretenus  toute  l'année  : 

1  coq,  19  i)Oules,  4  lapins,  valeur  moyenne — 

Matériel  spécial  des  travaux  et  industries  : 

Outillage  de  cordonnerie 

Matériel  de  blanchissage  et  de  raccommodage 

Matériel  de  jardinage 

Matériel  de  la  basse-cour 

Art.  3.  —  Droit  aux  allocations  de  sociétés  d'assurances  mutuelles. 
(La  famille  n'est  affiliée  à  aucune  société  de  ce  genre.) 

Valeur  TOTALE  des  propriétés 


étaluattox 
appkoximativb 

DES  SUlUtKS 
DE  BECBTTKS. 


VALEUR 

des 

PBOPUIÉTKS 


3i  'M 
13  (K) 


2:i  (Ml 

100  00 


SECTION    II. 

SUBVENTIOmS  REÇUES  PAR  LA  FAMILLE. 

Art.  1".  —  Propriétés  reçues  en  usufruit. 
(La  famille  ne  reçoit  aucune  propriété  en  usufruit.) 

Art.  2.  —  Droit  d'usage  sur  les  propriétés  voisines. 
Droit  au  fumier  laissé  sur  la  voie  publiciue 

Art.  3.  —  Allocations  d'orjets  et  de  services. 
Allocations  concernant  l'instruction  des  enfants 

—  —  la  nourriture 

—  —  le  cliaulfage 

—  —  le  courliage 

—  —  les  vêlements 


N"   81.    —    ALLUMEUR    DE    RÉVERBÈRES   DE    NAXCV. 

495 

^  14.  —  BUDGET  DP:S  RKCETTES  DE  L'ANNÉE. 

MOSTA5T  DES  RECETTES. 

RECETTES. 

Valeur  des 

Recettes 

objeta  reçua  en 

en 

nature. 

argent. 

SECTION   l". 

REVEMS  DES  PROPRIÉTÉS. 

Art.  \".  —  Revexcs  des  propriétés  immobilières. 

1  uiiille  ne  jouit  d'aucun  revenu  de  ce  genre.) 

■ 

Art.  -2.  —  Revenus  des  valeurs  mobilières. 

■I '  t  (.">  o^Q )  de  la  valeur  de  ces  animaux 

•2' 50 
0  (il 

a  00 

0  64 

—           de  la  valeur  de  ce  matériel,  t'05  (pour  mémoire,  car  on  n'a  pu 

-            de  la  valeur  de  ce  matériel  0'G8  (pour  nu-moire,  on  n'a  pu 
dresser  un  compte  détaillé  pour  ce  travail) 

—                                —                       C;  Iti,  B) 

Art.  3.  —  Allocations  des  sociétés  d'assurances  mutuelles. 

» 

Totaux  des  revenus  des  propriétés 

8  11 

0  64 

section    II. 

PRODUIS  DES  SUBVENTIONS. 

Art.  ^<^^  —  Produits  des  propriétés  reçues  en  usufruit. 

famille  ne  jouit  d'aucun  revenu  de  cette  nature.) 

Art.  2.  —  Produits  des  droits  d'usage. 

lier  ramassé  par  les  enfants  sur  la  voie  publique 

r,  00 

• 

Art.  3.  —  Objets  et  services  alloués. 

Tatuilé  de  l'enseignement  étant  de  droit  commun,  il  n'est  guère  possible 
;  lui  attribuer  une  valeur  déterminée 

-20  15 

29  00 
12  00 
14  00 

• 

s  de  pain,  viande,  pommes  de  terre,  légumes  secs,  etc.,  donnés  par  la 

5  de  combustible  donnés  par  les  mêmes  sociétés  et  profit  de  la  réduction 
prix  accordée  par  la  Compagnie  du  gaz  à  ses  ouvriers 

i  de  couvertures  et  de  paille  de  couchage  (même  provenance) 

ur  des  chaussures  et  elfets  donnés  (par  les  mêmes  sociétés) 

Total  des  produits  (les  subventions 

80  io 

496  N"  81.    —   ALLUMEUR   DE   RÉVERBÈRES   DE   NANCY. 

§  14.  —  BUDGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNÉE  {suite). 
SOURCES  DES  RECETTES  {suile). 


OIANTITE    DE   TRAVAll 
F.FFF.CTUÉ. 


SECTIOX    III. 


TRAVAUX  EXÉCUTÉS  PAB  LA  FAMILLE. 


Travail  principal  exécute  pour  la  Compagnie  du  gaz:  allumer,  éteindre  et 
nettoyer  54  réverbères,  une  fois  par  semaine  faire  la  garde  de  nuit. 
Travalx  accessoires  : 

Travaux  de  cordonnerie  exécutés  à  domicile  et  à  la  pièce 

Culture  du  jardin  et  soins  donnés  à  la  basse-cour 

Hlanchissage  domestique 

Entretien  du  linge  et  des  vêtements 

Travaux  du  ménage  :  Préparation  des  aliments,  soins  de  propreté  con- 
cernant la  maison  et  le  mobilier,   soins  donnés  aux  enfants 

Totaux  des  journées  de  travail  des  membres  de  la  famille  (i) 


197  lj-2 

120 
36 


353  l/i 


120 

18 
30 


SECTION   IV. 

■  INDUSTRIES   ENTREPRISES    PAR    LA   FAMILLB 

(à  son  propre  compte). 


Culture  du  jardin 

Exploitation  de  la  basse-cour, 


(1)  L'ouvrier  étant  occupé  clia(|uc  jour  comme  allumeur,  mais  seulement  une  |)artie  de  la 
journée,  et  employant  l'autre  à  des  industries  accessoires,  les  ciiiffres  iudi(|ULMit,  en  journées  ib' 
10  iieures,  la  répartition  du  temps,  par  anuée,  entre  ces  divers  travaux.  Même  observation  i)onr 
la  femme. 


N"    81.    —    ALLUMEUR    DE    RÉVERBÈRES    DE    NANCY. 

§   14.  —  BUDGET  DES  RECETTES  DE  L'ANNÉE  {suiié). 


497 


RECETTES  [suite). 


Pr.lX   DES  SAI.Air.K; 
JOURNALIERS. 


0  30 


2  50 


l  ii4 

a  50 

-2  00 

-2  00 


SECTION  m. 


SALAIRES. 


Salaire  alloiu"  par  la  Compagnie  «lu  gaz  (v  ronipris 
5  fr .  il  'ctrennes) " 

Salaire  tofal  attribué  ;i  ce  tra\ail 

(Aucun  salaire  ne  peut  être  atlril.uc  à  ces  travaux.) 
Totaux  des  salaires  de  la  famille 

SECTION    IV. 

BÉNÉFICES   DES  INDUSTRIES. 


néfice  résultant  de  cette  industrie (3  16,  A) 

—  —  -         (S  1«,  B) 

Totaux  des  bénéfices  résultant  des  industries (§  ii;,  c) 

JfOTA.  —  Outre  les  recettes  portées  ci-dessus  en  coniiito,  les  industries 
donnent  lieu  à  une  recette  de  9.$'00  (;;  l«,  c).  (|uiest  appliquée  de  nou- 
veau .i  ces  mêmes  industries;  cette  rci'eltc  et  les  dépenses  qui  la  ba- 
lancent (§  15,  S""  V)  ont  clé  omises  dans  l'un  et  l'autie  budget. 

Totaux  des  recettes  de  l'année  (balançant  les  dépenses)  1-2.10-2'  15). 


JIOMANr   DES   RECETTES 


Valeur 
dei  objets 

reçus 
en   nature. 


Recettes 

en 
argent. 


1250' 00 


88'6t 
GO  00 
40  00 

500  00 
40  3(; 

188  04 

l.7!)0  30 

0  75 
11  50 

10  00 

1-2  -25 

10  on 

I.S13  00 


N"  81.  —  ALLUMEUR  DE  RÉVERBÈRES  DE  NANCY. 


§  15.  —  BUDGET  DES  DÉPENSES  DE  L'ANNÉE. 


DÉSIGNATION  DES  DÉPENSES. 


SECTION     l". 
DÉPENSES  COIMCERNAi^lT  LA  NOURRITURE 

AtlT.    l".  —  ALIMENTS  CONSOMMÉS   DANS    LE  MÉNAGE 

(par  l'ouvrier,  la  femme  et  C  enfauts  pemlaut  365  jours). 

CÉRÉALES  : 

Pain 

Farine  (pour  la  cuisine) 

Uiz 

Poids  total  et  prix  moyen 

Cor.ps  GRAS  : 

Ueurre 

Saindoux 

Huile  d'œillette 

Poids  total  et  prix  moyen 

Laitage  et  oeufs  : 

Lait  de  vache 

OKufs  de  poule  (iOO  pièces) 

Poids  total  et  prix  moyen 

Viandes: 

liipuf  (-2"  qualité) 

La  ni  et  porc  salé 

Cheval 

poulets  et  lapins 

Poids  total  et  prix  moyen 


POIDS  ET  prix  des 
ALIMENTS. 


POIDS 
consommé. 


1.368" 75 
12  00 
10  00 


PRIX 

rar  kilog. 


O'XM 
0  500 
0  :à)0 


1.3!  10  75 

0  35-2 

I  OU 
30  iMt 
15  00 

-2  500 
1  800 
I  600 

40  00 

I  7.-.0 

547  00 
20  00 

0  -250 
-2   000 

567  00 

0  M-2 

75  00 
30  00 
l5!  00 
15  00 

1  000 
1  iS(H» 
1  (MK( 
1  600 

13-2  00 

1  .501 

MONTANT  DES  DEPENSES. 


Valeur 
des  objets 
consommés 
en  nature. 


13' 65 
0  SS 


V)  00 


N"   81.    —    ALLUMELR    DE    REVElîBÈRES   DE   XANGY. 


499 


§  i:;.  —  BUDGET  DES  DÉPENSES  DE  L'ANNÉE  {suite). 


DÉSIGNATION  DES   DÉPENSES  {.suite). 


SECTION    1     . 

DÉPENSES  CONCERNANT  LA  NOURRITURE  {suite). 

Art.  l<".  —  Aliments  consommks  dans  le  ménage  (suite). 

LÉGfMES  ET   FUl'ITS  : 


Tubercules  (pommes  de  terre) 

Légumes  secs  (pois,  haricots,  lentilles^ — 

Légumes  frais  : 

Carottes,  salades,  etc 

Choux,  etc 

Fruits  (pommes,  cerises,  groseilles,  etc.) . 


Poids  total  et  prix  moyen. 


Condiments  et  stimulants  : 


Sel 

Vinaigre 

Sucre 

Boissons  aromatiques  : 

Café 

Cliicorce 


Poids  total  et  prix  moyen. 


Boissons  fermentées  : 
Vin 


POIDS    ET   PRIX    DES 
ALIMENTS. 


POIDS  PlUX 

consommé.       par  kilog. 


730''00 
30  00 


100  00 

30  00 

5  00 


9lo  00 


18  00 

6  00 

5-2  00 

4  00 
12  00 


92  00 


20  00 


Art.  2.  —  Aliments  préparés  et  consommés  en  dehors  du  ménage. 
Vin  consommé  à  l'estaminet  avec  des  camarades  130'  à  0',60 


O'IO 
0  50 


0  40 
0  2o 
0  50 


0  15 

0  40 

1  15 

4  50 
0  00 


0  979 


Totaux  des  dépenses  concernant  la  nourriture.. 


montant  des  DEPENSES. 


Valeur 
des  objets 
consommés 
en  nature. 


l'60 
1  10 


40  00 
7  50 
2  50 


134  15 


Dépenses 


73' 40 
13  90 


2  70 

2  40 

59  80 

18  00 
7  20 

78  00 


1.144  25 


500 


N"   81.    —    ALLUMEUR   DE    RÉVERBÈRES    DE   NANCY. 


§  13.  —  BUDGET  DES  DÉPENSES  DE  L'ANNÉE  {suite). 


DÉSIGNATION  DES  DÉPENSES  [suile). 


SECTION     II. 

DÉPENSES  CONCERNANT  L  HABITATION. 

LOCEMENT  : 

Loyer  de  doux  pièces  avec  grenier  et  cellier  (lO'OO  par  mois) 

Mobilier  : 

Entretien  et  renouvellement  de  literie,  ustensiles,  linge,  vaisselle,  etc. 
Chaiffage  : 

Charbon  et  coke 

ÉCLAUUGE  : 

Pétrole  ,100  litres  à  0'  ,30;  —  allumettes,  M  boites  à  0'  10 


Totaux  des  dépenses  concernant  l'habitation 

SECTION  m. 
DÉPENSES  CONCERNANT  LES  VÊTEMENTS. 

Vêtements  de  l'ouvrier (î;  16,  D) 

—  de  la  femme (ï  16,  D) 

—  des  enfants (§  10,  D) 

lUanchlssage  et  raccommodage  du  linge  et  des  vêtements  (achats  de  savon, 

lil,  aiguifles,  etc.) 

Totaux  des  dépenses  concernaut  les  vêtements 


SECTION     IV. 

DÉPENSES  CONCERNANT   LES  BESOINS  MORAUX,  LES  RÉCRÉATIONS 
ET  LE  SERVICE  DE  SANTÉ. 

Culte  : 

Donne  aux  quêtes  à  l'église .' 

Instruction  des  enfants  : 

Fournitures  d'école  supplémentaires 

Kkckéations  : 

Abonnement  au  journal  lO'OO,  divers  O'OO 

Service  de  santé  : 

Achat  <le  (|uel(|ues  médicaments  


Total  des  dépenses   concernant  les  besoins  moraux, 
les  récréations  et  le  service  de  santé 


montant  des  DEPENSES 


Valeur 
des  objetB 
consommés 
en  nature. 


12' 00 
29  00 


41  00 


14 

00 

100  00 

11' 

co 

N"  81.  —  ALLLMKUR  DE  RÉVERBÈRES  DE  NANCY. 


301 


§   15.  —  BUDC.ET  DES  DÉPENSES  DE  L'ANNÉE  (suite). 


.montant  iiEs  dépenses. 

DÉSIGNATION  DES  DÉPENSES  {suite). 

Valeur 
des  objets 
consommés 
en  nature. 

Dépenses 

en 
argent. 

SECTION    V. 

DÉPENSES  CONCERNANT  LES  INDUSTRIES,  LES  DETTES, 

LES  LWPÔTS   ET  LES  ASSURANCES. 

DÉPENSES  CONCERNANT  LES  INDUSTRIES   : 

1 

Nota.  —  Les  dépenses  concernant  les  industries  entreprises  au  compte  de 
'                la  famille  montent  à  (jlO,  C) -2ii'7.-i. 

Elles   sont   remboursées  par  les  recettes    provenant  des  mêmes 
industries,  savoir  : 

Argent  et  objets  employés  pour  les  consommations  du    ménage  et 

1           Argent  appliqué  de  nouveau  .lux    industries  {'^  14,  8""  IV) ,              / 
!               comme  emploi   niomentaué  du  fonds   de  roulement,  et              ]-2i\  '■> 
<|ui  ne  peut  conséquenmient  ligurer  parmi  les  dépenses              V 
du  ménage  (§  1<>,  C) 93  OO; 

INTÉIIÈT   DES  DETTES  : 

(La  famille  n'a  aucune  dette  portant  intérêt.) 

» 

■ 

1    Impôts  : 

(La  famille  n'est  soumise  à  aucune  imposition.^ 

" 

• 

Assurances  concourant  a  garantir  le  rien-èïre  puysivue  et  moral  de  la  famille  : 

'          (La  famille  ne  jouit  d'aucune  assurance  de  ce  genre.) 

» 

Total  des  dépenses  concernant  les  industries,  les  dettes, 
les  impôts  et  les  assurances 

» 

1     . 

1    Epargne  de  l'année  : 

Totaux   des  dépenses  de  l'année  (balançant    les  recettes) (-:>.lo-2'l.-i) 

» 

.^0  :;.•; 

289^1 -, 

i.siafoo 

o02 


N°  81.   —    ALLUMEUR   DE    RÉVERBÈRES    DE    NANCY. 


16. 


COMPTES  ANNEXES  AUX  BUDGETS. 

SECTION    I. 

COMPTES  DES  BÉNÉFICES 

RÉSULTANT   DES   INDUSTRIES   ENTREPRISES   PAR    LA    FAMILLE 
(à  son  propre  compte). 


A.    —   EXI'LOITATION   DU   JARDIN. 

RECETTES. 

L(''sumes  et  fruits  (choux,  carottes,  navets,  salades,  pommes,  cerises  etc.). 
en  partie  vendus,  en  partie  consommés  par  le  ménage 

Totaux 

nÉl'ENSKS. 

Location  du  terrain 

Semences  et  menus  liais 

Fumier  ramassé  sur  la  voie  publique  par  les  entants 

Travail  de  la  famille  3(i  journées  à  2',;>0 

Intérêt  (5  °/o)  de  la  valeur  (i-i'onj  du  matériel  de  jardinage 

BÉNÉFICE  résultant  de  l'industrie 

Totaux  comme  ci-dessus 

B.  —  Exploitation  de  la  basse-cour. 

RECETTES. 

Consommation  dans  le  nu-nage  de  poules.  la|)ins  et  inifs 

Vente  au  dehors  de  poules,  lapins  et  œufs 

Totaux 

DÉPENSES. 

Nourriture  des  animaux 

Intérêt  (."»  "  „)  de  la  valeur  des  lapins  et  poules 

Intérêt  {■>  "lo)  du  matériel  de  la  basse  cour . 

Main-d'œuvre  18  journées  à  2',50 

RÉNÉKiCE  résultant  de  l'industrie 

Tiii;ui\  comme  ci-dessus 


Ka 
nature. 


oO'OO 


H  00 
«  Ci 
0  (il 


En 
argent. 


100' 00 


43  (K) 
10  00 


46  36 
0  6i 


M  00 


6V  00 


2 

."in 

•; 

(Ht 

4:; 

00 

11 

50 

(il 

00 

N"   81.    —    ALLUMEUR    DE    RÉVEKBÈKES    DE    NANCY. 


503 


C.  —  RÉSUMÉ  DES  COMPTES  DES  BÉNÉFICES  RÉSULTANT 
DES  INDUSTRIES  (A  ET  B). 

RECETTES  TOTALES. 

ocluits  employés  pour  la  nourriture  de  la  famille  (3  l'>.  S°"  I) 

écrites  en  ar^'ent  ap|ili(|uées  aux  (lé[)euses  de  la  lamille 

rodiilts  on  argent  à  employer  de  nouveau  pour  les  industries  elles-mêmes. 

Totaux  (les  recettes : 

DI'.I'ENSES  TOTALES. 

térèl  des  propriétés  possédées  parla  famille  et  employées  par  elle  aux  in- 
dustries  

roduits  de  subventions  reeues  par  la  famille  et  appliquées  par  elle  aux 

industries 

alaires  afférents  aux  travaux  exécutés  par  la  lamille  pour  les  industries.. . 

penses  en  arj^ent  qui  devront  être  remhoursées  par  des  recettes  prove- 
nant des  industries 

Totaux  des  dépenses 

BÉNÉEicEs  TOTAUX  résultant  des  industries  (-28',25) 

Totaux  comme  ci-dessus 


VALEIKS 

En 

En 

nature. 

argent. 

114' 00 

(i3'00 
9:i  00 

lli  00 

loti  00 

8  11 

0  G4 

fi  00 
88  tii 

40  36 

93  00 

101  -o 

140  0:J 

12  23 

16  00 

114  00 

136  00 

SECTION     II. 

COMPTES  RELATIFS  AUX  SUBVENTIONS. 

Ces  comptes,  donnant  lieu  à  des  opérations  très  simples,  ont  été  établis  dans  le  budget  lui-même. 


D. 


SECTION     III. 

COMPTES  DIVERS. 

Compte  de  la  dépense  annuelle  concernant 

LES   vêtements   achetés. 

ART.  l«^  —  Vêtements  de  l'ouvrier. 

1  ja((uette  noire 

1  veston  (hiver)..   

1  veston  (été) 

1  i>antalon  (été; 

1  —         (hiver) 

2  gilets 

2  cravates 

1  caban 

1  casquette  d'uniforme 

1  chapeau 

2  paires  de  chaussures 

lemises,  chaussettes,  tlanelles,  mouclioirs,  etc 


Totaux. 


ART.  2.  —  Vêtements  de  la  femme. 

1  robe 

2  robes  de  travail 

1  manteau 

3  jupons 

2  camisoles 

1  paire  de  bottines 

2  paires  de  souliers 

1  chape;iu 

icmises,  bas,  tabliers,  mouchoirs,  sabots,  etc 

Totaux — 


Art.  3.  —  Vêtements  des  enfants. 


Pris 

Durée. 

Dépense 

d'achat. 

annuelle. 

30^00 

2  ans. 

lof  00 

15  00 

3 

5  00 

G  00 

2 

3  00 

5  00 

1 

3  00 

9  00 

1 

9  00 

6  00 

2 

3  00 

3  00 

o 

1  30 

18  00 

2 

9  00 

2  30 

î 

2  30 

6  00 

o 

3  00 

12  00 

1,2 

3 

24  00 
20  00 

112  30 

100  00 

30  00 

10  00 

30  00 

•A 

13  00 

13  00 

.'{ 

3  00 

9  00 

3 

3  00 

4  00 

.> 

2  00 

10  01) 

2 

.3  00 

8  00 

1 

8  00 

8  00 

4 

2  00 
20  00 

111  00 

70  00 

11  n'a  pas  été  possible  de  donner  à  ce  sujet  d'autres  renseignements  que  ceux  consignés  au  §  10.  Ces 
tements  sont  de  provenance  variée  (cadeau,  travail  de  la  femme,  achat). 


ÉLÉMENTS  DIVERS  DE  LA  CONSTITUTION  SOCIALE. 


FAITS  IMPORTANTS  D  ORGANISATION  SOCIALE; 

PARTICULARITÉS    REMARQUABLES; 

APPRÉCIATIONS  GÉNÉRALES;  CONCLUSIONS. 


DE    LA    FIXITÉ    DES    SALAIRES   ET    DE   l'aPPOINT   DES   SUBVENTIONS 
DANS    LES    BUDGETS    OUVRIERS. 

Sans  conclure,  plus  qu'il  ne  convient,  du  particulier  au  général, 
on  peut  pourtant  trouver,  dans  ce  qui  précède,  certaines  indications 
dont  la  portée  est  loin  d'être  restreinte  à  la  famille  étudiée  et  qu'il 
n'est  peut-être  pas  inutile  de  faire  ressortir  comme  conclusion  de  la 
présente  monographie. 

Cordonnier  de  son  état,  non  sans  habileté  professionnelle,  tra- 
vaillant à  domicile  aidé  de  sa  femme  et  employé  dans  une  très  grande 
maison  où  se  font  moins  sentir  qu'ailleurs  les  alternatives  d'activité 
ou  de  ralentissement  dans  la  fabrication,  T***  s'est  néanmoins  fort  ap- 
plaudi de  devenir  allumeur  au  gaz,  malgré  les  obligations  assez  gê- 
nantes du  service  (courses  rapides,  ponctualité  minutieuse,  gardes 
nocturnes,  etc.),  non  pas  tant  pour  l'augmentation  du  salaire  que 
pour  sa  fixité.  Loin  de  lui  être  particulière,  cette  façon  de  voir  est 
commune  à  la  majorité  des  ouvriers,  qui  ont,  en  cela,  un  plus  juste 
sentiment  de  leurs  vrais  intérêts  qu'à  beaucoup  d'autres  égards.  Ils 
savent  bien  qu'avec  une  rétribution  variable,  ils  ne  se  refuseront 
pas,  durant  les  périodes  prospères,  tout  au  moins  une  amélioration 
de  régime,  légitimée  par  le  surcroit  de  fatigues,  ni  même  quelques 
achats  utiles,  quoique  non  indispensables,  en  sorte  que,  la  morte- 
saison  revenue,  n'ayant  pas  d'épargnes,  ils  seront  réduits  à  des 
privations  rendues  plus  sensibles  par  le  confort  dont  ils  jouissaient 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  505 

auparavant.  Avec  le  salaire  fixe,  au  contraire,  ils  ne  sont  exposés  ni 
à  ces  tentations  ni  à  ces  regrets;  aussi  n'est-ce  pas  sans  raison 
qu'on  a  rangé,  parmi  les  obligations  du  patronage  éclairé  et  bien- 
veillant, le  soin  d'éviter,  autant  qu'il  se  peut,  les  variations  dans  la 
main-d'œuvre  (1). 

Mais  si,  en  recherchant  un  salaire  fixe,  Joseph  T***  n'a  fait  que 
suivre  la  tendance  générale,  c'est  une  initiative  entièrement  person- 
nelle qui  l'a  conduit  à  entreprendre  l'exploitation  d'un  jardin  et  d'une 
basse-cour.  L'alliance  des  travaux  agricoles  et  industriels,  si  recom- 
mandée par  les  maîtres  de  la  science  sociale  (2),  est  jusqu'ici  peu  prati- 
quée par  les  ouvriers,  même  dans  les  localités  qui  s'y  prêtent  le  mieux. 
Plus  que  jamais  cependant  elle  devient  utile,  alors  que  les  progrès 
incessants  de  la  mécanique,  raccourcissant  de  plus  en  plus,  dans  pres- 
que toutes  les  industries,  le  temps  nécessaire  à  l'exécution  des  pro- 
duits, tendent,  pour  une  production  égale,  à  réduire  le  nombre  des 
heures  employées  et  à  introduire  ainsi  peu  à  peu,  sans  secousse  ni 
contrainte  et  en  tenant  compte  des  exigences  propres  à  chaque  spé- 
cialité, une  réforme  analogue  à  celle  que  les  sectateurs  des  trois  8 
prétendent  imposer  violemment  à  tous,  sans  transition  et  avec  une 
impraticable  uniformité.  La  diminution  des  heures  de  travail  ne  sau- 
rait d'ailleurs  être  un  progrès  de  bon  aloique  pour  les  ouvriers  qui,  au 
lieu  de  donner  au  cabaret  le  temps  enlevé  à  l'usine,  l'emploieront  pour 
développer  la  vie  familiale,  prendre  un  exercice  salutaire  ou  se  créer 
quelques  ressources  accessoires.  Ces  trois  conditions  seraient  simulta- 
nément remplies  par  l'exploitation  d'un  potager  avec  concours  de  la 
femme  et  des  enfants;  rien  par  conséquent  ne  serait  plus  à  favoriser 
que  la  propagation  de  cette  coutume  que  des  patrons  généreux  et 
bien  inspirés  pourraient  contribuer  à  répandre   en  mettant  avec  un 

(1)  En  analysant  dans  l'Organisation  du  travail  C^^Z  19  à  23)  »  la  coutume  des  ateliers  », 
F.  Le  Play  a  signale  comme  la  première  des  pratiques  essentielles  la  permanence  des 
engagements  (V.  aussi  le  rapiwrt  du  Jury  International  de  1807  sur  le  Nouvel  Ordre  de 
récompenses,  p.  '2G).  M.  Clieysson,  dans  un  rapport  spécial  sur  ce  sujet,  présenté  à  la  So- 
ciété d'Économie  sociale  le  27  fév.  1876  [Bulletin,  t.  V,  p.  167),  fait  voir  que  la  perma- 
nence des  engagements  com|)rend  et  résume  en  quelque  sorte  les  autres  pratiques  :  elle 
est  à  la  fois  la  condition  nécessaire  et  le  symptôme  manifeste  de  l'iiarmonic  entre  patrons 
et  ouvriers.  Plus  récemment  M.  Aynard,  présidant  le  Congrès  annuel  d'Économie  sociale, 
montrait,  avec  la  haute  autorité  de  l'evpérience,  que  le  plus  grand  mal  de  la  vie  ouvrière 
est  le  chômage  et  que,  par  suite,  le  |)lus  impérieux  devoir  du  patronage,  c'est  de  cher- 
cher à  maintenir  coûte  que  coûte  la  (ixité  du  travail,  obligation  parfois  très  onéreuse, 
mais  plus  importante  que  la  création  des  institutions  économiques  même  les  mieux 
conçues.  {Réforme  sociale,  V'  juillet  1894,  p.  31.) 

(2)  Le  Play,  L'Organisation  du  travail,  §  22.  —  Rapport  du  Jury  international  de 
1807,  p.  23,26  et  180. 


506  >°   81.    —   ALLUMEUR   DE    RÉVERBÈRES   DE    NANCY. 

loyer  réduit,  sinon  même  gratuit,  à  la  disposition  de  leur  personnel 
des  terrains  cultivables. 

La  monographie  de  cette  famille  laborieuse  et  frugale  qui,  malgré 
de  louables  efforts,  ne  saurait,  en  raison  des  charges  imposées  par  les 
enfants,  équilibrer  ses  dépenses  et  ses  recettes,  avec  les  seules  res- 
sources du  travail,  ne  met-elle  pas  surtout  en  évidence  la  nécessité, 
maintes  fois  démontrée  par  l'Ecole  de  la  Paix  sociale,  de  compléter, 
à  l'aide  de  subventions,  variables  avec  les  besoins  familiaux,  le  sa- 
laire strict,  fixé  par  la  loi  économique  de  l'offre  et  de  la  demande,  et 
forcément  mesuré,  comme  élément  du  prix  de  revient,  sur  la  quantité 
et  la  qualité  des  produits  industriels?  Calculées  avec  une  sage  prudence, 
de  manière  à  pouvoir  être  imputées  sur  les  frais  généraux,  sans  les 
rendre  excessifs,  et  réparties  dans  un  esprit  de  bienveillante  équité,  ces 
allocations  qui  diminueraient,  à  la  vérité,  le  profit  net,  ne  seraient  pas 
toutefois  un  sacrifice  dénué  de  toute  compensation  pour  les  patrons, 
car,  tarissant  la  source  de  légitimes  griefs,  elles  contribueraient  à 
ramener,  dans  les  ateliers,  une  concorde  utile  à  leur  prospérité.  Elles 
constitueraient  d'ailleurs  un  mode  de  participation  aux  bénéfices  qui, 
plus  réellement  avantageux  que  tout  autre  aux  ouvriers,  ne  suscite- 
rait pas  les  difficultés  d'application  des  autres  systèmes  et  ne  sou- 
lèverait pas  les  objections  de  principe ,  très  fondées ,  qu'on  leur 
adresse. 

l  18. 

COMMENT  SONT  SUPPLÉÉES    LES  INSTITUTIONS   PATRONALES,  DANS    LA  LOCALITÉ 
OU    RÉSIDE    LA    FAMILLE    OBSERVÉE. 

Ce  n'est  pas  à  dire  pourtant  que  les  institutions  patronales  qui  jadis, 
dans  l'ancienne  organisation  industrielle,  naissaient  en  quelque  sorte 
spontanément  du  contact  intime  entre  un  patron,  protégé  par  les  rè- 
glements contre  les  excès  de  la  concurrence,  et  des  ouvriers,  peu 
nombreux,  engagés  à  long  terme,  puissent  maintenant  s'établir  sans 
frais  ni  peines.  Elles  rencontrent  au  contraire,  actueliement,  on  doit 
en  convenir,  dans  l'étal  de  l'industrie,  d'assez  sérieux  obstacles  pour 
expliquer  leur  absence,  notamment  à  Nancy  où  elles  étaient  rendues 
moins  nécessaires  qu'en  beaucoup  d'autres  endroits  par  l'existence 
d'œuvres  propres  à  suppléer  aux  défaillements  du  patronat.  Ainsi,  on 
a  eu,  au  cours  de  la  présente  monographie,  à  mentionner  les  subven- 


ÉLÉMENTS    DIVERS    DE    LA    CONSTITLTION    SOGALE.  307 

lions  diverses  accordées  à  la  famille  T***,  comme  à  toutes  celles  qui  se 
trouvent  dans  une  situation  analogue,  par  le  bureau  de  bienfaisance 
et  la  Société  Saint-Vincent  de  Paul.  Mais,  le  ménage  T***n'y  recourant 
pas,  on  n'a  eu  à  parler  ni  des  crèches  ou  des  écoles  maternelles,  pour 
enfants  au-dessous  de  sept  ans,  dont  les  mères  sont  occupées  au 
dehors,  durant  la  journée,  ni  des  nombreux  orphelinats,  municipaux 
ou  privés,  ouverts,  pour  l'un  ou  l'autre  sexe.  Ace  propos,  peut-être 
convient-il  de  signaler  particulièrement  deux  établissements  donlTobjet 
spécial  est  de  réagir  contre  une  des  plus  funestes  tendances  de  notre 
époque,  la  désertion  des  campagnes.  Ce  sont  les  orphelinats  agricoles 
de  Haroué,  pour  les  filles,  fondé  depuis  quelques  années  et  très  pros- 
père, et  de  Lupcourt,  pour  les  garçons,  tout  récemment  créé,  sous 
le  patronage  et,  en  grande  partie,  par  les  libéralités  d'un  évêque  très 
préoccupé  de  concourir  à  la  solution  chrétienne  des  questions  sociales. 
En  outre,  pour  les  adolescents  qui  ne  peuvent  apprendre  un  métier 
en  restant  chez  leurs  parents  ou  tuteurs,  on  a,  depuis  1846,  la  Maison 
des  Apprentis  où,  soit  gratuitement,  soit  pour  une  modique  pension 
ou  demi-pension  (  iOO  fr.  ou  200  fr,),  des  jeunes  gens  au-dessus 
de  treize  ans  sont  entretenus,  reçoivent  l'instruction  professionnelle, 
suivant  l'état  choisi  par  eux,  et  complètent,  dans  des  cours  du  soir, 
leur  instruction  théorique.  Quoique  fondé  par  un  prêtre  et  n'ayant  ja- 
mais cessé  d'être  sous  la  direction  d'un  ecclésiastique,  assisté  de  reli- 
gieuses, cet  établissement  n'est  pas  exclusivement  catholique,  et  si  un 
élève  d'un  autre  culte  venait  à  être  admis,  les  statuts  lui  garantissent 
les  moyens  de  suivre  les  observances  de  la  religion  paternelle;  mais  le 
fait  a  peu  de  chances  de  se  produire. 

La  ville  ayant  eu  longtemps  une  étendue  très  vaste,  relativement 
au  nombre  des  habitants,  la  question  du  logement  des  ouvriers  n'v 
présentait  pas  les  difficultés  qu'elle  rencontre  en  beaucoup  de  centres 
manufacturiers.  iMais  la  crue  soudaine  de  la  population  changea  subi- 
tement la  situation,  vers  la  fin  de  1871,  et  provoqua  une  crise  assez 
intense  pour  embarrasser  même  les  ménages  aisés.  Afin  d'atténuer 
les  conséquences  de  cette  perturbation  imprévue,  une  société  anonyme, 
V Immobilière  nancéienne ,  fut  aussitôt  C(jnstituée  ,  en  dehors  de  toute 
pensée  de  spéculation  et  avec  une  administration  absolument  gra- 
tuite. Elle  fit  bâtir,  en  différents  quartiers  excentriques,  où  les  ter- 
rains étaient  à  prix  moins  élevés  qu'ailleurs,  cinq  groupes  de  maisons 
en  pierres,  de  divers  modèles,  coûtant  de  quatre  à  huit  mille  francs 
l'une,  qui  furent  ensuite  louées,  à  o   ^   de  leur  prix  de  revient  ou 


508  i\"   81.    —    ALLUMELH    HE    RÉVERBÈBES    DE   NANCY. 

vendues  sans  bénéfices,  par  à-comptes  assez  espacés  pour  rendre  l'a- 
chat aisément  accessible  à  des  conlre-niaîtres,  des  employés  ou  des 
artisans  aisés.  Pour  les  familles  ouvrières  ayant  moins  de  res- 
sources, Y  Immobilière  éleva  plusieurs  cités,  composées  de  maisons  en 
bois,  contenant  chacune  un  ou,  au  plus,  deux  logements  de  deux 
pièces,  d'assez  bonnes  dimensions,  avec  cave,  grenier,  et  jardinet  ou 
cour.  Sans  empêcher  entièrement  le  renchérissement  des  loyers,  iné- 
vitable conséquence  de  la  situation  générale  ainsi  que  de  la  hausse 
survenue,  tant  dans  le  prix  des  terrains  que  dans  le  coût  des  cons- 
tructions et  aménagements,  la  Société  a  sensiblement  contribué  à  mo- 
dérer une  surélévation,  qui,  d'abord,  avait  été  excessive,  et,  en  même 
temps,  à  améliorer  quelque  peu  la  condition  commune  des  habitations 
ouvrières  (1). 

Enfin,  parmi  les  institutions  les  plus  utiles  de  Nancy,  il  faut  encore 
compter  les  nombreuses  sociétés  de  secours  mutuels  dont  l'objet  prin- 
cipal est  d'assurer  aux  sociétaires,  durant  leurs  maladies,  moyennant 
une  cotisation  mensuelle  fixe  (d'environ  1  fr.  25),  une  indemnité  jour- 
nalière pour  le  temps  de  chômage  (1  franc  d'ordinaire,  durant  le  pre- 
mier mois  d'indisponibilité)  avec  le  traitement  médical  et  pharma- 
ceutique, en  des  conditions  plus  larges  que  celles  que  fait  le  bureau 
de  bienfaisance.  Ces  Mutualités  se  chargent  aussi  des  frais  funéraires. 
Plusieurs  d'entre  elles  promettent  même  des  pensions  viagères  pour 
la  vieillesse.  Ce  dernier  engagement  surtout  ne  pourrait  guère  être 
tenu  qu'avec  une  augmentation  considérable  des  cotisations  mensuelles, 
sans  les  versements  faits  à  la  caisse  sociale  par  des  membres  hono- 
raires qui  accroissent  les  recettes  et  n'imposent  aucune  dépense.  Le 
bon  sens  lorrain  a  toujours  fait  immédiatement  justice  des  objections 
haineuses,  présentées  quelquefois  ailleurs,  contre  l'introduction,  dans 
les  Mutualités  ouvrières,  de  membres  n'exerçant  aucun  métier  ma- 
nuel. Loin  de  repousser  ce  bienveillant  concours,  les  associations 
nancéiennes  le  recherchent  avec  empressement  autant  pour  son  utilité 
administrative  que  pour  ses  avantages  financiers  ;  les  membres  hono- 
raires apportant,  dans  la  gestion  des  intérêts  sociaux,  avec  un  dévoue- 
ment égal  à  celui  des  participants,  une  expérience  supérieure  des 
affaires.  Les  relations  assidues  et  cordiales  qui  naissent  ainsi,  entre 
les  deux  éléments,  au  sein  des  sociétés  de  secours  mutuels,  fai- 
sant  disparaître   les   préjugés,   entretenus  par  l'isolement,   servent, 

(1)  V.  pour  plus  de  détails  l'Eiiquôte  sur  la  condiUon  des  petits  logcmenls  dans  la  ville 
de  Nancy,  par  M.  Chassignet  (Rrforme  sociale,  mars  et  avril  1880). 


ÉLÉMENTS   DIVERS    DE    LA    CONSTITUTION   SOCIALK.  509 

avec  une  incomparable  etrieacilé,  la  grande  cause  de  la  paix  sociale. 

Les  deux  plus  anciennes  Mutualités  de  Nancy  sont  la  Prévoyance, 
fondée  en  185:2,  et  la  Société  des  Familles  qui  date  de  1853.  Sauf  de 
menus  détails,  leur  unique  difTérence  statutaire,  c'est  que  la  seconde, 
comme  rindi(|ue  son  nom,  cherche  à  se  recruter  surtout  par  groupes 
familiaux.  A  cet  effet,  malgré  les  charges  ainsi  assumées,  elle  admet, 
jusqu'à  l'âge  de  dix-huit  ans,  les  enfants  des  sociétaires  pour  une 
minime  cotisation  mensuelle  de  0  fr.  25,  qui  même  ne  dépasse  jamais, 
en  tout,  0  fr.  75  par  ménage,  quel  que  soit  le  nombre  des  enfants. 
Chacune  de  ces  sociétés  possède,  pour  pensions  de  retraite  aux  parti- 
cipants et  pour  secours  aux  veuves  ou  aux  orphelins,  un  fonds  spécial , 
alimenté  par  les  cotisations,  dons  ou  legs  des  membres  honoraires , 
par  la  subvention  annuelle  fixe  de  la  ville,  par  les  allocations  va- 
riables de  l'État  et  enfin  par  les  revenus  des  fonds  en  dépôt.  De 
grandes  précautions  ont  été  prises  pour  éviter  les  mécomptes,  trop 
fréquents  en  cette  matière.  Le  droit  n'est  ouvert  qu'au  sociétaire 
âgé  d'au  moins  soixante  ans,  incapable  de  continuer  l'exercice  de 
son  métier  et  ayant  effectué  les  versements  réglementaires  pendant 
vingt  années  consécutives.  Quant  au  tarif  de  la  pension,  il  est  réglé 
sur  les  possibilités  de  la  caisse  sociale  qui,  dès  qu'une  retraite  est  ad- 
mise, remet  à  la  caisse  de  l'Etat  la  somme  nécessaire  pour  servir 
la  pension;  le  capital  réservé  devant,  au  décès  du  pensionné,  faire 
retour  à  la  Mutualité.  Au  31  décembre  1888,  la  Prévoyance  possédait 
un  capital  de  173.582  francs  avec  un  personnel  de  20-4  membres  hono- 
raires, et  902  participants,  dont  316  hommes,  303  femmes  mariées, 
102  femmes  célibataires  et  181  enfants.  A  la  même  date,  la  Société 
des  Familles  avait  199  membres  honoraires  et  707  membres  partici- 
pants des  deux  sexes,  enfants  compris.  Son  capital,  alors  de  109.825  fr., 
était  monté,  au  31  décembre  1893,  à  171. 198  francs,  dont  113. 652  francs 
pour  les  retraites. 

Les  circonstances  firent  surgir,  au  commencement  de  1873,  la  So- 
ciété d'Alsace- Lorraine,  dont  le  premier  noyau  fut  un  groupe  de 
réfugiés  appartenant  à  la  Société  amicale  de  Metz,  s'unissantà  d'anciens 
membres  d'associations  alsaciennes,  «  leurs  frères  en  infortune  »,  di- 
sait le  président,  lors  du  premier  anniversaire  de  la  Société.  Puis 
bientôt,  dans  une  pensée  de  généreuse  et  touchante  solidarité,  V Alsace- 
Lorraine  ouvrit  ses  rangs  au  large ,  sans  noviciat,  sans  conditions 
d'âge  ou  de  position,  sans  visite  médicale,  sans  cotisation  complé- 
mentaire, à  tous  les  annexés,  d'honorabilité  reconnue,  en  résidence 


510  ti°   81.    —    ALLUMEUR    DE  RÉVERBÈRES    DE    NANCY. 

à  Nanc}'.  Grande  était  l'imprudence  économique,  grand  fut  le  succès. 
Commencée  avec  287  membres  honoraires,  394  participants  et  un 
humble  capital  de  4.199  francs,  l'association  possédait,  six  ans  après, 
521  honoraires,  871  participants  et  un  capital  de  43.603  francs,  dans 
lequel  figuraient,  pour  7.806  francs,  le  fonds  des  retraites,  5.022 francs 
celui  du  veuvage,  et  424  francs  celui  des  secours  aux  vieillards  et  infirmes 
non  pensionnés.  Moins  de  dix^  ans  plus  tard,  en  1888,  l'actif  social 
atteignait  déjà  127.268  francs.  Le  travail  du  temps  rapproche  peu  à 
peu  Y  Alsace- Lorraine,  dont  les  statuts  ont  été  modifiés,  quant  aux 
admissions,  des  associations  similaires;  mais  les  années  peuvent  se 
succéder,  elles  ne  lui  enlèveront  ni  son  caractère  originel  ni  le  nom, 
signe  d'inoubliable  souvenir  et  d'invincible  espérance,  qui  lui  a  valu 
tant  de  sympathies,  attestées  par  un  nombre  de  membres  honoraires 
supérieur  à  celui  de  la  Prévoyance  et  des  Familles  réunies. 

Des  affinités  religieuses  donnèrent  naissance,  en  18.54,  h\a.Sociélé 
Saint- François  Xavier,  dont  les  membres,  tous  catholiques,  s'engagent  à 
observer  le  repos  dominical  et  à  assister,  le  dimanche,  à  la  messe 
dite  dans  la  chapelle  de  la  confrérie.  Celte  mutualité  ne  cherche 
pas,  comme  les  précédentes,  à  constituer  des  pensions  de  retraite,  mais 
à  provoquer  les  habitudes  d'épargne  individuelle,  permettant  à  chacun 
d'économiser,  pour  sa  vieillesse,  un  petit  capital.  A  cet  effet,  elle  a 
formé  une  caisse  spéciale,  la  Caisse  d'Economie  et  de  Crédit,  recevant 
les  dépôts  des  sociétaires,  depuis  1  franc  jusqu'à  300  francs,  et  payant 
l'intérêt  de  ces  sommes,  au  taux  de  o  pour  cent,  grâce  aux  libéralités 
des  membres  honoraires.  C'est  à  la  même  source  qu'elle  puise  le 
fonds  de  roulement  d'une  autre  institution  spéciale,  la  Caisse  du  prêt 
d'honneur,  qui  prête  aux  sociétaires,  sans  intérêts  et  sur  la  seule  ga- 
rantie de  leur  parole,  jusqu'à  concurrence  de  100  francs,  les  sommes 
dont  ils  ont  besoin,  en  quelque  moment  de  détresse,  après  toutefois 
que  le  Comité  a  trouvé  valables  les  motifs  de  l'emprunt.  Dans  cette 
Société,  comme  dans  celle  des  Familles,  les  enfants  sont  de  droit 
membres  de  la  Mutualité,  de  leur  naissance  à  l'âge  de  dix-huit  ans,  et 
les  parents  versent,  pour  chacun  d'eux,  une  cotisation  mensuelle  de 
0  fr.  23.  Leur  conduite  et  les  progrès  de  leur  éducation  religieuse 
ainsi  que  de  leur  instruction  primaire  sont  attentivement  surveillés 
par  le  Comité,  qui  décerne  des  récompenses  aux  plus  dignes.  A  la  fin 
de  1888,  la  Société  de  Saint-François  Xavier  comptait  882  membres  par- 
ticipants dont  262  hommes,  206  femmes  agrégées,  129  veuves  ou 
femmes   non    mariées    et   285  enfants.  Elle   avait   par   conséquent , 


ÉLÉMENTS    DIVEHS    DE    LA    CONSTITUTION    SOCIALE.  511 

parmi  ses  membres  participants,  plus  de  femmes  et  d'enfants  que 
d'ouvriers,  situation  qui  serait  financièrement  défavorable  sans  la 
présence  d'un  numbre  suffisant  de  membres  honoraires. 

Diverses  autres  mutualités,  —  la  plupart  professionnelles,  telles  que 
celles  de  Saint-Grépin,  pour  les  cordonniers,  des  ouvriers  employés  aux 
Tabacs,  etc.,  —  existent  encr»reà  Nancy,  comme  assurance  contre  les 
risques  du  chc)mage  causé  par  la  maladie.  Mais  il  en  est  une  qui,  tout 
en  ayant  ce  même  objet,  se  distingue  de  toutes  les  autres  par  la  com- 
position de  son  personnel  et  qui,  à  quelques  égards,  se  rapprocherait 
de  la  Société  de  Saint-François  Xavier  :  c'est  la  Persévérance,  associa- 
lion  d'ouvrières  non  mariées,  âgées,  lors  de  l'admission,  de  15  à  35  ans, 
et  ([uittant  la  Société  quand  elles  se  marient.  Elle  est  constituée  sous  la 
direction  de  dames  patronnesses.  en  vue,  disent  les  statuts.  «  1° ...  d'aider 
les  membres  à  persévérer  dans  les  devoirs  de  la  vie  chrétienne;  2°  de 
les  aider,  en  cas  de  maladie,  en  leur  procurant  des  soins  médicaux, 
des  remèdes  et  une  indemnité  journalière  de  VOO  ».  La  caisse  qui  sub- 
vient à  ces  dépenses,  alimentée  parles  cotisations  mensuelles  ^1^25) 
des  participantes  et  par  les  dons  ou  souscriptions  des  dames  patron- 
nesses et  des  membres  honoraires,  est  en  état  de  suffire  à  ses  charges. 
Quant  aux  résultats  moraux,  ils  sont  des  meilleurs;  plusieurs  fois 
même  des  associées  de  la  Persévérance  ont  reçu  l'un  des  prix  de  vertu, 
pour  dévouement  filial,  décernés  par  l'Académie  de  Stanislas. 

En  résumé,  en  sus  du  salaire,  les  familles  ouvrières  reçoivent  de 
nombreuses  subventions,  aussi  considérables  au  moins,  selon  toute 
probabilité,  que  celles  qui  leur  adviendraient  par  des  institutions  pa- 
tronales, dotées  comme  le  permettrait  la  situation,  dans  presque  toutes 
les  manufactures  de  la  localité,  qui  sont  évidemment  loin  de  pouvoir  dis- 
poser, à  cet  égard,  de  ressources  équivalentes  à  celles  des  grandes 
exploitations  industrielles,  telles  que  les  mines,  par  exemple.  L'absten- 
tion des  patrons  est  néanmoins  regrettable,  pour  plusieurs  raisons. 
D'abord  parce  qu'elle  amoindrit  indirectement  la  somme  des  secours 
accordés,  par  la  bienfaisance  publique  ou  privée,  aux  indigents  sans  ou- 
vrage ni  patrons,  parmi  lesquels  s'il  se  trouve  bien  des  fainéants,  des  va- 
gabonds ou  pis  encore,  il  se  rencontre  aussi  de  pauvres  naïfs,  sans  au- 
tre tort  que  de  s'être  laissé  trop  aisément  séduire  par  les  dehors  bril- 
lants des  grandes  agglomérations  urbaines,  oîi  s'étale  l'opulence  et  où 
la  misère  se  cache.  Venus  en  ville  pour  chercher  un  travail  mieux  rétri- 
bué qu'au  village  natal,  ils  n'ont  pu  se  faire  une  place  et  végètent, 
dans  une  misère  non  moins  digne  de  pitié  que  d'autres  plus  bruyants. 


512  N°   81.    —   ALLUMEUR    DE   RÉVERBÈRES   DE   NANCY. 

Ensuite,  s'il  n'en  coûte  rien  à  la  fierté  de  l'ouvrier  d'accepter  des 
subventions  considérées  par  lui  comme  le  légitime  complément  d'un 
salaire  qui,  pour  être  équitable,  doit,  en  compensation  d'une  tâche 
consciencieusement  remplie,  suffire  à  l'entretien  de  lui  et  des  siens,  son 
amour-propre  est,  au  contraire,  presque  toujours  froissé,  malgré  tous 
les  ménagements,  de  recevoir  des  dons  n'ayant  aucun  caractère  rému- 
nératoire.  Il  n'est  pas  impossible  qu'il  soit  reconnaissant  envers  qui 
lui  apporte  cette  aide  ;  mais,  dans  sa  pensée,  formulée  ou  non,  la  néces- 
sité de  ces  secours  extérieurs  est  la  preuve  que,  dans  le  partage  des 
bénéfices  industriels ,  la  «  main-d'œuvre  »  est  victime  d'une  criante  in- 
justice. 

Enfin,  en  attachant  l'ouvrier  à  l'usine  et  solidarisant  plus  ostensi- 
blement leurs  intérêts  respectifs,  les  institutions  patronales  ne  sont- 
elles  pas  un  remède  plus  efficace  que  les  secours  étrangers  contre  les 
habitudes  d'instabilité  dans  l'atelier  et  d'hostilité  contre  le  capital, 
maladies  aiguës  d'une  époque  où,  au  milieu  d'incontestables  progrès 
matériels,  mais  dans  le  mépris  de  la  loi  divine  et  l'oubli  des  saines 
traditions,  le  désordre  est  partout  et  partout  la  discorde? 


TABLE  ALPHABÉTIQUE 
ET  ANALYTIQUE 

DES  MATIÈRES  CONTENUES  DANS  LE  PRÉSENT  TOME, 

AVEC 

INDEX  EXPLICATIF  DES  MOTS 

EMPLOYÉS  DANS  UN  SENS  PROPRE  A  L'ÉCONOMIE  SOCIALE. 


REMARQUES  PRÉLIMINAIRES. 

1»  Le  nombre  placé,  sans  autre  indication,  à  la  suite  de  l'énoncé  d'un  sujet,  désigne 
la  page  à  laquelle  on  renvoie  le  lecteur. 

2°  Le  nombre  précédé  de  l'indication  n"  désigne  le  numéro  sous  lequel  paraît,  dans 
le  présent  livre,  la  Monographie  de  famille  à  laquelle  le  lecteur  devra  se  reporter;  si 
le  nombre  est  suivi  du  mot  his.  il  s'agit  seulement  d'un  Précis  de  Monographie  annexé 
à  une  précédente. 

30  La  lettre  m,  suivie  de  l'indication  §  (entre  parenthèses)  d'un  ou  plusieurs  para- 
graphes, avertit  le  lecteur  que  le  sujet  énoncé  dans  la  table  a  sa  place  marquée  dans 
l'une  ou  plusieurs  des  subdivisions  du  ca  ire  commun  à  toutes  les  Monographies,  et 
lui  apprend  à  quel  paragraphe  le  sujet  est  méthodiquement  abordé  dans  chaque  Mo- 
nographie ou  Précis  de  Monographie. 

40  La  mention  (Déf.)  rappelle  que  le  mot  a  été  défini  dans  l'Index  du  ïome  II  de  la 
2"  série. 


Absentéisme  des  puopriétaibes.  'Déf.) 
Abus  de  la  puissance.  (Déf.)  —  Incon- 
vénients moraux  i)Our  la  ville  d'Angou- 
lême,  de  sa  forte  garnison,  276. 

Ap.us  de  la  iucuesse.  (Déf.) 

Abus  des  cultuiies  intellectuelles. 
(Déf.)  —  Exemple  chez  les  ouvriers  pa- 
risiens, ."jS,  71. 

Accouchements  (Sekvice  des).  —  A 
l'usine  de  Guise,  société  d'assurances,  4.3. 
—  A  Nancy,  secours  donnés  par  les 
Dames  de  charité  et  les  Sœurs,  484. 


Afi  OUAGE  (Droits  d).  —  Dans  le  Haul- 
Forez,  420. 

Age  mur  (l)  et  la  vieillesse.  (Déf.)  — 
Exemple  des  familles-souches  du  Ilaut- 
Forez,  45G. 

Agiuculture.  (Déf.)  —Monographie  du 
métayer  du  Texas,  101;  des  fermiers 
montagnards  du  Ilaul-Forez,  397.  —  Pro- 
duction agricole  du  Texas,  104;  constitu- 
tion agricole  basée  sur  le  «  domaine 
aggloméré  »,  10G;  catégories  d'habitants, 
«  ranchmen  »,  |)roi)riétaires  éleveurs; 
((  farmers  »;  cultivateurs,  «  rcnlers  », 
colons  partiaires;  «   hired  hands  »,  ou- 


514 


TABLE   ALPHABETIQUE    ET    ANALYTIQUE. 


viiers domestiques,  107:  valeiirtles terres, 
134;  le  «  hoinestead  »,  137;  colonisation 
de  rOuest  du  Texas,  loi.  —  Les  races 
animales  à  Saint-Genest-Malifaux,  401; 
iransformation  agricole  du  pays,  402; 
industries  agricoles  :  bois  et  fermes,  403; 
travaux  de  la  ferme,  421;  exploitation 
des  bois,  reboisement,  466;  fermes-laite- 
ries, 4G8;  transformation  agricole  par 
l'introduction  de  races  meilleures,  et 
création  de  |)rairies,  46ît;  transformation 
commerciale,  470.  —  Orphelinats  agri- 
coles à  Nancy,  507. 

Alcoolisme.  —  L'intempérance  tend  à 
décroître  chez  les  ouvriers  de  Guise,  7.  — 
Exemple  de  la  ruine  d'une  famille  ou- 
vrière de  Paris,  178,  193.  —  Chez  le  tis- 
seur de  San-Leucio,  l'intempérance  du 
père  de  la  femme  empêche  l'amélioration 
matérielle  de  la  famille,  3i4,  348.  — 
Vice  répandu  dans  le  Haul-Forez,  413. 

Alimems  consommés  par  les  familles 
d'ouvriers  décrites  dans  le  présent  volume, 
m  (Il  9  et  t5,  S°"  1)  :  n°  73,  13,  '24; 
no  74,  65,  78;  no  75,  127,  144;  n"  76,  188, 
200;  n»  77,  233,  246;  n»  78,  282,  296; 
n»  79,  340,  356;  w  80,  424,  440;  n"  81, 
486,  498.  —  Statistique  de  leurs  prix 
et  valeur  nutritive  à  Bàle,  269. 

ALLL\Nr.li  DES  TRAVAUX  DE  l'aTELIEU  ET 
DES   INDUSTRIES    DOMESTIOUES.    (Déf.)  —  Le 

jardinage  chez  l'ajusteur  de  Guise,  12; 
l'employé  de  la  Papeterie  d'Angoulême, 
280,  282;  le  tisseur  de  San-Leucio,  339; 
l'allumeur  de  réverbères  de  Nancy,  486. 

—  Alliance  de  l'agriculture  et  de  l'indus- 
trie rubanièrc  dans  le  Haut-Forez,  404.  — 
Utilité  de  l'alliance  des  travaux  agricoles 
et  industriels  pour  les  ouvriers;  subven- 
tion importante,  505. 

Allocations  d'objets  et  de  services. 

—  Exemples  d'allocations  de  ce  genre 
reçues  par  les  ouvriers  à  titre  de  subven- 
tions, dans  les  monographies  que  ren- 
ferme ce  volume,  m  (P,  7,  14,  S""  lly; 
n"  73,  10,  21;  n"  74,  63,  75;  n"  75,  122, 
140;  a"  76, 184,  196;  n"  77,  231,  242  :  n"  78, 


279,  292  ;  n"  79,  337,  352  ;  n"  80,  419,  436  ; 
n"81,  483,  494. 

Allumeur  de  réveiïbères.  —  Monogra- 
phie d'un  allumeur  de  Nancy,  n"81,  477. 

Angoulème  ('Charente).  —  Ville  habitée 
par  la  famille  d'ouvriers  de  la  Papeterie 
coopérative,  décrite  sous  le  u"  78  ;  popu- 
lation, 274;  industrie,  275;  la  Papeterie 
coopérative  Laroche-Joubert,  302. 

Animaux  domestioues  entretenus  par  les 
ouvriers,  m  (gg  6,  14,  S™  1)  :  n"  73,  9, 
20;  n"  74,  62;  n"  75,  122,  140;  n"  76,  184; 
n''  79,  337,  352;  n"  80,  il8,  436:  n"  81, 
483,  494. 

.\nta(;omsme  social.  (Déf.)  —  Dans  les 
milieux  ouvriers  parisiens,  59.  —  Premiers 
symptômes  aux  États-Unis,  entre  les 
«  farmers  »  et  les  «  ranchmen  »,  160. 

.apprentissage.  (Def.)  —  Société  du 
«  Patronage  des  enfants  de  l'Ébénislerie  » 
à  Paris,  72, 

Argent  possédé  par  les  familles  d'ou- 
vriers décrites  dans  le  présent  volume, 
m  'M  6,  14,  S»»  1)  :  n"  73,  9,  20;  n"  74, 
62,  74;  n»  75,  122,  140;  n"  76,  183,  196; 
n"  77,  230,  242;  n"  78,  279,  292;  n"  79, 
337,  352;  n"  80,  418,  436. 

.Aristocratie.  (Déf.).  —  Administration 
des  «  anciens  du  peuple  »  établie  par  Fer- 
dinand ]'=■■,  à  San-Leucio,  372. 

Artisans  ruraux.  (Déf.)  — N"  80. 

Art  des  iorêts.  (Déf.)  —  Exploitation 
des  bois  dans  le  llaul-l'orez,  466. 

Arts,  métiers  ou  travaux  usuels. 
(Déf.). 

.\rts  ou  professions  lirék\les.  (Déf.) 

—  (Voir  Clergé,  Ecoles,  Médecins.) 

.Assistance  contre  les  accidents,  la  mala- 
die, l'inlirmilé,  la  vieillesse,  le  déniiment. 

—  Organisée  complèlement  à  l'usine  de 
Guise,  41.  —  Donnée,  au  Texas,  par  les 
voisins,  12i. —  L'Assistance  Kuol,à  Paris, 
disjionsaire  gratuit  pour  les  enfants,  iîO; 


TAIiLE    ALIMIAUETIQUR    ET    ANALYTIOUE. 


5i; 


dislril)ittion  de  secours  et  fiHcs  populaires. 
221.  — A  Bille,  nouihrouses  sociétés  pri- 
vées, Société  suisse  d'utilité  publique,  240. 
—  .\  San-Leucio,  soins  du  médecin,  de 
la  sage-femme  et  remèdes  assurés  gra- 
tuitement par  la  commune,  ■iM;  institu- 
tions et  maisons  créées  par  Ferdinand  ]"■, 
abolies  aujourd'hui,  3i9,  373.  —  A 
Saint-Genest-Malifaux,  assistance  organi- 
sée par  les  communes,  châtelains,  clergé, 
médecin  subventionné,  hôpital,  415.  —  A 
Nancy,  bureau  de  Bienfaisance,  Société 
Saint-Vincent  de  Paul,  481,  484-,  orpheli- 
nats agricoles,  507. 

AssLRANCics.  —  Système  complet  de 
caisses  d'assurances  à  l'usine  de  Guise,  4 1  ; 
contre  les  accidents,  42,  43.  —  Contre  la 
maladie  :  à  Guise,  pour  tous  les  ouvriers, 
43  ;  spéciale  aux  dames  pour  les  accou- 
chements, 43;  fonds  de  pharmacie,  44; 
chez  l'ébéniste  parisien,  72;  le  savetier 
de  Bàle,  par  une  société  politique,  240; 
les  ouvriers  bâlois,  259  ;  l'employé 
d'Angoulême,  290.  —  Contre  l'incendie  : 
chez  l'ébéniste  parisien,  72;  les  ouvriers 
bâlois,  249;  le  fermier  du  Forez,  439.  — 
Contre  l'infirmité  etla  vieillesse:  à  Guise, 
retraite  pour  les  anciens  travailleurs,  42  ;  à 
la  O"  du  Gaz  de  Nancy,  492.  —  Sur  la 
vie  :  chez  quelques  ouvriers  de  Bàle,  249; 
de  San-Leucio,  39). 

AssLRANCh:  .MUTUELLE  (Sociétés  d').  — 
Dépenses  qui  les  concernent,  m  (g  15, 
S™  V)  :  n"  73,  27,  n"  74;  81;  n"  77,  248; 
n'^  78,  299  ;  n"  80,  443.  (V.  Sociétés.) 

.4.TiaiER   DE  TRAVAIL.    (Déf.)  —   ÎH    (gg  1, 

8),  n"  73,  2,  10;  n"  74,  53,  63;  n°  75,  101, 
124;  n"  76,  173,  185;  n"  77,  225,  232;  H"  78, 
273,  280;  n"  79,  325,  338;  n"  80,  397,  421  ; 
n"  81,  477,  485. 

Al.mô>es  faites  par  les  familles  d'ou- 
vriers, m  (g  15,  S""  IV)  :  n"73,  27;  n"7i, 
80;  n"  75,  146;  n"  76,  202,  n"  78,  298; 
n-  79,  358;  n°  «0,  443. 

.\i:TourrÉ  patek.nklle.  (Déf.)  —  Subsiste 
chez  l'ébénisle  de  Paris,  59.  —  Entière 
chez  le  fermier  du  Texas,  lli.  —  Con- 


servée chez  l'employé  de  la  Papeterie 
d'.\ngoulême,  277.  —  Enlière  chez  les 
paysans  du  Ilaut-Forez,  412;  maintenue 
par  la  constitution  de  la  famillc-^ouche, 
456;  respect  des  ancêtres,  456. 

Autorités  socL\LES.  (Déf.)  —  Exemples 
à  Guise,  30;  Angoulême,  302  ;  Saint-Ge- 
nest-Malifaux, i02,  410. 


B 


Balr.  — Habitée  par  la  familledu  Save- 
tier, monographie,  n"  77. — Population  et 
impots,  226;  les  logements  ouvriers,  235, 
255;  étude  comparée  de  dix  familles  ou- 
vrières, 254  :  habitations  ouvrières  insuf- 
fisantes et  malsaines  255,  état  sanilaire 
défectueux,  257;  imprévoyance  générale, 
258;  bonne  moralité,  259;  recettes,  261; 
gain  et  durée  du  travail,  262;  dépenses 
267;  taux  des  denrées  alimentaires,  268; 
misère  et  indigence  d'une  partie  de  la  po- 
pulation, 271. 

Banques.—  Au  Texas,  reçoivent  dépots 
sans  intérêts;  avances  au  taux  de  12  96, 
111. 

Baptême.  —  Négligé  jmur  un  de  ses  en- 
fants par  l'ébéniste  parisien,  58.  —  Cé- 
rémonies de  l'Église  bapti.->te,  113.  —  Les 
noms  de  baptême  dans  le  Haut-Forez, 

409. 

BÉNÉFICE  DES  INDUSTRIES  entreprises  à 
son  propre  compte  par  chaque  famille  dé- 
crite m  (§§  14,  S""  IV,  16,  S""  I):  n°  73, 
23,  28,  29  ;  n"  74,  77,  82,  83;  n"  75,  143, 
148  à  153:  n"  76,  199,  204,  205;  n"  77, 
245,  249;  n»  78,  295,  300,  301  ;n<'  79,355, 
362  ;  n°  80,  439,  448;  ir  81,  497,  503. 

Besoins  moraux  (dépenses  concernant 
les),  chez  les  ouvriers  décrits  dans  le 
présent  volume,  m  (§  15,  S""  IV)  :  n"  73, 
26;  n»  74,80;  n°  75,  146;  n»  76,  202; 
n"  77,  248;  n"  78,  298;  n»  79,  358;  n"  80, 
442;  n"  81,  500. 

Bien  (le).  (Déf.)— (Voyez  Loi  morale.) 
Bien-être  (Mo-urs  et  institutions  assu- 


516 


TABLE   ALrHABETIOLE    ET    ANALYTIOL'E. 


rant  le)  des  familles  d'ouvriers  décrites 
dans  le  présent  volume,  m  (§  13)  :  n°  73, 
18;  n"  7i,  71;  n"  75,  136;  n"  76,  195;  n»  77, 
240;  n°  78,  290;  n"  79,  348;  n»  80,  43i; 
no  81,  492. 

Bijoux  possédés  par  les  familles  d'ou- 
vriers décrites  dans  le  présent  volume, 
m  (§  10)  :  n"  73,  15;  n"  7i,  08:  n"  76, 
191  ;  n"  77,  238;  n''  79,  343  ;  n"  80,  429. 

Blanchissage  du  linge  et  des  vi^;TE- 
ME^TS.  —  N°  73,  12,  22,  28;  n'^  74.  80, 
84;  n»  75,  126,  150;  n"  76,  187,  205; 
n"  77,  233;  n"  78,  282,  292,300;  n"  79, 
339,  354,360;  n"  81,  483,  486,  494. 

Blé.  (Déf.)  —  (Voir  Céréales.) 

Bois  de  c.iiauifage  et  gombustii;lf.s, 
consommés  i)ar  les  familles  décrites  dans 
le  présent  volume,  tn  (§  15,  S'"  II)  : 
n"  73,  26;  n"  74,  80;  n"  75,  144;  n"  76, 
201;  n»  77,  246:  n»  78,  298;  n"  79,  358; 
n"  80,  442;  n"81,  500. 

Boissons  permentées,  consommées  |)ar 
les  familles  d'ouvriers  décrites  dans  le 
présent  volume,  m  (§§  9, 15,  S""  I),  n^  73. 
13,  25;  n"  7i,  65,  79  ;  n"  75,  127,  144; 
n"  176,  188,  201;  n"  77,  233,  247;  n"  78, 
283,  297;  n"  79,  340,  357;  n"  80,  425,  441  ; 
n"  81,  487,  499. 

Bonnes  moeurs.  —  Chez  l'ébéniste  pa- 
risien, maintenues  malgré  la  perte  de  la 
foi,  59.  —  Générales  chez  les  »  farmers  » 
du  Tt'xas,  115.  —  Exemple  de  l'ouvrière 
mouleuse  de  Paris,  179.  —  Chez  le  save- 
tier de  Baie,  229:  et  les  ouvriers  bàlois, 
2.59.  —  A  San-Leucio,  les  lois  établies  par 
Ferdinand  F'',  basées  sur  la  religion  et  la 
morale,  en  ont  assuré  le  maintien,  333, 
368.  —  Dans  le  Haut-Forez.  maintenues 
|iar  l'action  du  clergé,  des  congrégations 
et  l'exemple  des  châtelains,  410. 

BoRDiERS.  (Déf.j  —  Dans  le  Haul-Fo- 
rez,  404. 

Budgets  DES  familles  d'ouvriers.  [Déf.) 
—  i;Voyez  Recettes,  Déi'ENSes.) 


C 


Café.  —  Chez  l'ouvrier  de  Guise,  13  ; 
l'ébéniste  de  Paris,  65;  le  métayer  du 
Texas,  128;  la  mouleuse  en  jouets  de 
Paris,  188;  le  savetier  de  Bâie,  233;  l'ou- 
vrier d'Angoulême,  283  ;  le  tisseur  de 
San-Leucio,  357;  le  fermier  du  Forez, 
441;  l'allumeur  de  réverbères  de  Nancy, 
499. 

Catholiques  romains,  décrits  dans  le 
présent  volume.  —  Famille  de  l'ajusteur 
surveillant  de  Guise,  n"  73,  1;  ébénistes 
parisiens,  n"  74,  53;  ouvrière  mouleuse 
en  jouets,  de  Paris,  n»  75,  173;  ouvrier 
de  la  fabrique  de  papier  d'Angoulême, 
n°  78,  273;  tisseur  de  San-Leucio,  n"  79, 
325 ;  fermier  montagnard  du  HaulForez, 
n"  80,  397  ;  allumeur  de  réverbères  de 
Nancy,  n"  81.  —  Conversion  d'une  fa- 
milled'ouvriersparisiens;  eflicacité  de  la 
propagande  dans  ce  milieu,  2'>:>.  —  Rôle 
important  de  la  religion  dans  les  lois 
de  Ferdinand  1"  pour  San-Leucio,  333.  — 
Puissance  de  la  fui  chez  les  paysans  du  Fo- 
rez, 410.  452;  sectes  dissidentes  :  la  Petite- 
Église  et  le  Béguinisme,  458;  les  mané- 
canteries  pour  le  recrutement  du  clergé. 
461.. 

Céréales,  consommées  par  les  familles 
d'ouvriers  décritesdans  le  présent  volume, 
sous  forme  de  farine,  pain,  pâles  et  pâtis- 
serie, m  ($§  9,  15,  S"-  I)  :  n"  73,  13,  24; 
n"  74,  65,  78;  n"  75,  127,  144;  n"  76,  188, 
200;  n"  77,  2-33,  246;  n»  78,  283,  296; 
n'^  79,  340,  356;  n°  80,  424,  440;  n"  81,  487, 
498. 

Chasse.  —  Récréation  favorite  de  l'em- 
ployé de  la  Papeterie  d'Angoulême,  286. 

Chassignet  (M.).  — .Auteur  de  la  mono- 
graphie, n"  81  :  rAlluiiiour  de  réverbères 
de   Nancy,  477. 

Ciii.F  m;  métier  (Ouvrier).  (Déf.)  —  Ou- 
vrière inouleu.se  de  jouets  parisiens,  173. 
—  Savetier  de  l$;lle,  225.  —  Fermier 
montagnard  du  Haut-Forez,  397. 

Chômage.  (Déf.)  —  Dans  l'industrie 
du  moulage  en  carton  des  jouets,  à  Paris, 


TABLE    ALinfABKTlQLE    ET    A.NALVTIOIE. 


:\[ 


ISfi;  dans  la  cordonuerk-  à  Nancy,    485, 
492.  • 

Classe  imérielri:.    (Déf.)   —    (Voyez 

OlVKUCRS. 

Clvsse  siPÉKiECRE.  (Déf.;  —  Aposlolat 
religieux  à  Paris,  •222.  —  Action  charita- 
ble à  Bàle,2iO.  à  Nancy,  481.  484.  —  Son 
influence  dans  le  Haut-Forez,   402,  410. 

Cler(;é.  (Déf.,  —  Prédication  du 
clergé  baptiste  au  Texas,  113.  —  In- 
Ihienci;  illimitée  et  bienfaisante  du  clergé 
catholique,  dans  le  Haut-Forez.  410;  or- 
ganise l'instruction,  413;  l'assistance,  416; 
n  n.anécanteries  »,  petits  pensionnats  lo- 
caux, pour  assurer  son  recrulenient,  4fil. 

Colonisation.  —  L'Ouest  du  Texas  : 
vente  des  terres  par  les  chemins  de  fer. 
1.55;  commence  par  l'élevage  des  bestiaux 
et  chevaux,  156;  les  immigrants  s'avan- 
cent vers  l'Ouest  en  revendant  leurs  do- 
maines à  bénéfice,  157;  spéculation  sur 
les  terres,  158. 

Commerce.  ^Déf.)  —  Baisse  des  prix 
sous  l'iniluence  des  coopératives,  à  Paris, 
66;  à  Angoulêrae,  pour  le  pain,  316.  — 
Rôle  des  grands  magasins  :  dans  l'ébénis- 
terie  écrasent  les  petits  ateliers.  96;  ar- 
rivent à  acheter  au-dessous  du  prix  de 
revient  aux  ouvriers  troleurs.  98  :  dans 
l'industrie  du  jouet,  élèvent  la  produc- 
tion, abaissent  les  cours.  212. 

CoMMLNALTÉ  RÉ<;iME  de).  (Déf.  —  Co- 
propriété des  biens  communaux  à  Saint - 
Genest-Malifaux,  florissante,  malgré  quel- 
ques abus,  463. 

CoMMiNE.  (Déf.;  — San-Leucio  Italie  , 
325  ;  historique,  36  i  ;  possède  la  manufac- 
ture de  soie,  367;  oblige  les  patrons  à 
employer  de  préférence  les  ouvriers  de  la 
commune,  392.  — Canton  deSaint-Genest- 
Malifaux  :  les  communes  subventionnent 
un  médecin,  416;  biens  communaux  im- 
portants, 419;  abus  du  mode  d'exercice 
463;  statistiques  de  la  répartition,  pos- 
session, exploitation,  mobilisation  du  sol, 
464. 


Comptes  \n>exés  aux  budgets  des  re' 
cettes  et  des  dépenses,  ui  i'i  16,  S""  I). 
—  Comptes  des  bénéfices  résultant  des  in- 
dustries entreprises  par  les  familles  à 
leur  propre  compte.  —  Les  recettes,  m 
(§  14,  S""  Il(,  provenant  de  ces  indus- 
tries, et  les  dépenses,  m  vj  15,  S""  V), 
sont  détaillées.  —  La  .situation  générale 
est  établie  dans  le  résumé  de ,  comptes  des 
bénélices  résultant  des  industries  :  n"  73, 
28,  29;  n»  74,  82,  83;  n'^  75,  148  à  1.53; 
n"  76,  204,  205;  n»  77,  249;  n"  78,  300; 
n°  79,  360  à  362  ;  n"80,  444  à  448;  n"8t, 
.502.  503. 

Section  II,  comptes  relatifs  aux  sub- 
ventions :  n"  80,  449. 

Section  III,  comptes  divers  :  n"  74,  84 
à  86;  n»  75,  153;  n"  76,  206;  n»  79,  362  à 
363;  n"  80,  449  à  451;  n"81,  503. 

Co.NDIMEMS  ET  STIMULANTS.    —  CoUSOm- 

més  par  les  familles  d'ouvriers  décrites 
dans  le  présent  volume,  m  (§§  9,  15,  S"" 
I)  :  n'^  73,  13,  25;  n"  74,  65,  78;  n»  75, 
128,  145;  n''76,  188,  201;  n"  77,  233,  247; 
n"  78,  283,  297;  n"  79,  340,  357;  n"  80, 
454,  441;  n"81,  487,    498. 

Confréries  religieuses.  — .\ssurent  le 
maintien  des  pratiques  religieuses,  dans  le 
Haut-Forez,  408,  410. 

Congrégations  religieuses.  —  Dans 
le  Haut-Forez  conservent  l'instruction  pri- 
maire, 413  ;  organisation  de  leur  enseigne- 
ment, 452;  les  Petits-Frères  de  Marie, 
4.53:  le  «  caméiistat  »,  pensionnat  où  les 
enfants  apportent  leurs  vivres,  454. 

Conjugales  'MoeurS;  :  n°  73,  6;  n»  74, 
59;  no  75,  114;  n"  76,  179;  n'  77,  229; 
n°  78,  277:  n"  79,  333;  n"  80,  412;  n0  81; 

480. 

Constitution  e.ssextielle  de  l'huma- 
nité. (Déf.)  —  (Voir  Autorité  paternelle. 
Communauté,  Patronage,  Propriété  in- 
dividuelle, Religion,  Souveraineté). 

Constitution  sociale.  (Déf.)  —  (Voir  Vie 
publique). 


518 


TABLE    ALPnABETIOLE    ET    ANALYTIQUE. 


Contrainte.  Déf.)  —  (V.  Autorité  pa- 
ternelle.) 

CoopÉKATioN.  —  Société  de  consom- 
mation du  familistère  de  Guise,  4i.  —  In- 
lluence  de  ces  société.*  à  Paris,  60.  — 
Organisation  et  bons  résultats  de  la  Bou- 
langerie coopérative  d'Angoulême,  310.  — 
A  l'usine  de  Guise,  participation  des  ou- 
vriers aux  bénélices;  transmission  de  la 
propriété  de  l'usine  aux  participants,  47. 

—  Papeterie  coopérative  d'Angoulême, 
■273  :  y>articipalion  des  ouvriers  aux  bé- 
néfices; mode  de  répartition,  302;  co- 
propriété de  l'avoir  social  accordée  aux 
ouvriers  coopérateurs,  leur  part  à  l'admi- 
nistration, 311. 

CoKi'ORATioss.  (Déf.  —Tendances  cor- 
poratives du  «  Patronage  des  enfants  de 
l'ébénisterie  »  à  Paris,  73. 

Corps  (;i!as  consommés  par  les  fa- 
milles décrites  dans  le  présent  volume, 
m.  (B  9,  15,  S""  1)  :  n»  73,  13,  24; 
n'>74,  65,  78;  n"  75,  127,  144;  n»  76,  188, 
200;  n»  77,  233,246;  n»  78,  283,  290; 
n»  79,  340,350  ;n°  80,  424,440;  n«81,487, 
498. 

Corvées  récréatives.  (Déf.) 

CosTOMES  locaux  :  disparus  à  San-Leucio, 
343;  à  peu  jirès  dans  le  Haut-Forez,  à 
cause  de  la  proximité  des  villes,  407,  428. 

COLTLMKS      DE      LA     PAIX     SOCIALE.     (Déf.) 

—  Détruites  dans  les  milieux  révolution- 
naires parisiens,  .59.  —  Assurées  à  San- 
Leucio  par  les  lois  de  Ferdinand  l  ',  tom- 
bées en  désuétude,  333,  3i3,  3i9,  365  et 
suiv.  —  A  Saint-Genest-Malifaux,  mainte- 
nues entièrement  par  la  pratique  du  pa- 
tronage cbez  les  barons  de  Saint-Genest,  et 
l'inlluence  du  clergé,  402,  410,  412. 

Coutume  des  ateliers.  'Déf.;  —  Main- 
tenues en  partie  à  L'usine  de  Guise,  51.  — 
A  la  Papeterie  coopérative  d'Angoulême, 
277,  321. 

Croyances  religieuses,  m  S  3  ;  n"  73, 
7;    n"    7i,    58;   n"   75,   112;    n"   70,    180; 


n"  77,  229;  n"  78,  277;  n»  79,  332;  n"  80, 
409;  n°  81,  480. 

Cueillette  des  productions  spontanées, 
(Déf.)  —  Importante  dans  le  Haut-Forez, 
400,  420.  —  ;Voir  Chasse,  Pècue.) 

Culte.  —  Pratiques  et  dépenses  qu'il 
entraine  par  les  familles  d'ouvriers,  nt 
§§  3,  15,  S"  IV)  :  n"  73,  7,  20;  n"  74, 
58,  80;  n«  75,  112,  146;  n»  76,  202  ;  n°  77, 
229;  n"  78,  277,  298;  n»  99,  333,  3-58; 
no  80,  409,  442;  n"  81,  487,  500. 

Culte  des  anci^-tres  ou  des  morts.  — 
Développé  dans  le  Haut-Forez,  456. 

Culture.  —  i"  Grande  culture,  au 
Texas,  106,  120,  124,  comptes  d'un  mé- 
tayer, 148. 

2°  Petite  culture,  à  San-Leucio,  329.  - 
Dans  le  Haut-Forez,  403,  422.  464,  comp- 
tes d'un  fermier,  444;  les  fermes- laiteries, 
408. 


D 


Danses.  —  Très  appréciées  chez  les 
«  Farmers  »  du  Texas,  132.  —  Prohibées 
par  le  clergé  dans  le  Haut-Forez,  430. 

DÉiiMTioN  du  lieu,  de  lorganisation in- 
dustrielle et  de  la  famille,  m  (§§  1  à  5)  : 
u'  73,  1  à  8  ;  n"  74,  53  à  63  ;  n"  75,  101  à 
124;  n"  70,  173  à  182;  n"  77,  225  à  230; 
n"  78,  273  à  278;  n"  79,  325  à  336  ;  n»  80, 
397  à  417;  n"  81,  477  à  482. 

DÉMOCRATIE.  (Déf.)  —  Dans  les  milieux 
ouvriers  parisiens,  58,  61,  180.  — Au  Texas, 
institutions,  137,  159;  aspirations  démo- 
cratiques, 160;  dangers  jour  la  liberté, 
164;  gouvernement  local,  lOO. 

DÉPENSES  (BuD(^ET  des)  de  l'année,  de 
chacune  des  familles  d  ouvriers  décrites 
dans  le  présent  volume,  m  (§  15)  :  n»  73, 
24;  n"  74,  78;  n»  75,  144;  n"  70,  196;  n"  77, 
246;  n"  78,  206;  n»  79,  366  ;  n"  80,  440; 
110  81,  500. 

De  dix  familles  ouvrières bàloises,  2<>7; 
de  11  familles  ouvrières  de  San-Leucio , 
3S7. 


TABLR    ALIMIABETIOLE    ET    ANALYTIOLE. 


oin 


Dettes  contractées  par  les  ouvriers  et 
obligations  qu'elles  leur  imposent,  m(§  15, 

S""  V)  :  n"  75,  147;  n»  7G,  20:}:  n"  80,  443  : 

Dimanche  (Repos  dl;.  —  Observé  par 
les  familles  d'ouvriers  de  Guise,  11  ;  l'ébé- 
niste parisien,  64;  les  ouvriers  du 
Texas,  113;  le  tisseur  de  San-Leucio,  344; 
les  fermiers  du  Ilaut-Forez,  4'^9.  —  In- 
complètement observé  par  l'allumeur  de 
réverbères  de  Nancy,  480.  —  Non  observé 
par  la  mouleuse  de  jouets  de  Paris,  à  cause 
du  travail  pressant,  180;  par  le  savetier 
de  Bàle_,  238  ;  par  l'ouvrier  de  la  pape- 
terie d'Angouléme,  à  cause  des  besoins  du 
service,  et  contre  son  gré,  270. 

Domestiques  Oivriers).  'Déf.)  —  Au 
Texas  appelés  «  hired  bands  »,  bonne  si- 
tuation, 109. 

Droit  de  révolte.  (Déf.)  —  Progrès 
de  cette  idée  chez  les  ouvriers  parisiens, 
59,61. 

Droits  d'us\ce  accordés  aux  ouvriers  à 
titre  de  subvention,  m  (g  14,  S""  II). 
Droits  de  pâture  et  de  pèche,  chez  l'em- 
ployé d'Angouléme,  286,  292.  —  Autrefois 
à  San-Leucio,  sur  les  bois  morts,  supprimé 
par  les  lois  nouvelles,  328.  —  Très  éten- 
dus dans  le  Haut-Forez,  sur  les  forêts 
communales  et  propriétés,  419,  420,  4.36. 


Ébémsterie.  — Localisée  au  Faubourg 
Saint-Antoine,  à  Paris,  53:  les  diverses 
parties  de  l'industrie,  55;  caractères  des 
ouvriers,  56;  «  Patronage  des  enfants  de 
l'Ébénisterie  »,  72;  monographie  d'un 
atelier  de  haut  luxe  :  organisation  com- 
merciale, les  bureaux,  la  comptabilité,  87; 
détail  des  dépenses  et  recettes,  89  ;  opéra- 
tions subies  par  le  meuble  .sculpté,  91  ; 
organisation  du  travail,  93;  le  meuble 
bourgeois  :  écrasement  du  petit  patron  et 
de  l'ouvrier  par  le  grand  magasin,  95  ; 
meuble  de  trole,  fabriqué  d'avance,  sans 
savoir  à  qui  on  le  vendra  :  acheté  par  les 
marchands  au-dessous  du  prix  de  revient; 


détresse  constante   de   l'ouvrier   trôleur, 
98. 

« 
Éclaira(;e  noMESTiQLE.  —  Dépense  qu'il 
entraine  chez  les  familles  d'ouvriers  dé- 
crites dans  le  présent  volume,  m  (g  15, 
S»"  II;;  n°  73,  26;  n"  74,  80;  u"  75,  145; 
n''  76,  201  ;  II»  77,  247;  n»  78,  298;  n»  79, 
358;  n»  80,  441;  n»  81,  500. 

Écoles.  Déf.)  —  Écoles  fréquentées 
par  les  enfants  d'ouvriers  décrites  dans 
le  présent  volume,  ?h  g  3).  —  !<>  Non  con- 
fessionnelles :  à  Guise,  dépendent  de  la 
Société  de  l'usine,  6;  au  Texas  (États- 
Unis),  non  obligatoires,  gratuites  et  pro- 
pagées par  le  gouvernement  ap[)uyé  par 
les  «  farmers  »;  impôts  et  organisations, 
116;  gratuites  à  Paris,  63,  184:  à  Bâle, 
229.  —  2°  Confessionnelles;  à  San-Leucio, 
instituées  par  Ferdinand  l '^  asile  et  école 
unique, 350; danslellaut-Foiez,  instituées 
par  le  clergé,  dirigées  par  les  congréga- 
tions, gratuites,  415,  452. 

Education.  (Déf.)  —  N»  73,  6,  18; 
a-'  75,  59,  71  ;  n"  75,  115,  119;  n"  76,  180, 
195;  n°  77,  229;  n»  78,  277,  286;  n"  79, 
334,  350;  n»  80,  412;  a"  81.  480. 

ÉGALITÉ    PROVIDENTIELLE.     Déf.) 

Élévatio.n  sociale.  —  Les  ouvriers 
parvenant  à  la  co  propriété  de  l'usine,  au 
familistère  de  Guise,  8,  45  à  48;  à  la 
Papeterie  d'Angouléme,  par  la  participation 
aux  bénéfices,  287,  290,  310,  319.  —  As- 
cension sociale  des  enfants  dans  la  classe 
des  ébénistes  parisiens,  56,  71;  exemple 
de  la  femme  tailleuse,  arri\ant  au  patro- 
nat. 61.  —  Dans  1  industiie  du  jouet,  élé- 
vation impossible  par  l'abus  du  marchan- 
dage. 175.  — .\ccession  au  patronat,  empo- 
chée, pour  la  mouleuse  en  jouets,  par  la 
déloyauté  d'un  fabricant,  182,  183.  — 
Impossible  pour  le  savetier  de  Mâle,  faute 
de  gain  régulier,  230.  — Diflicile  pour  le 
tisseur  de  San-Leucio,  faute  de  situation 
stable,  3  48.  —  Impossible  ou  sans  impor- 
lance  pour  l'allumeur  de  réverbères  de 
Nancy,  482, 493.  — Diflicile  pour  le  fermier 
du  Forez,  à  cause  des  dettes,  des  lourds 


520 


TABLE   ALrnABETIQUE    ET    ANALYTIQUE. 


fermages,  et  du  reste  peu  désirée,  417, 
433. 

Émi(;ratio\.  —  1°  A  l'intérieur  :  dans  le 
Haul-Forez  (Loire),  vers  les  villes  indus- 
trielles, 401;;  désorganise  les  éinigrants, 
434.  —  T'  .K  l'extérieur  :  colonisation  du 
Texas  par  les  éniigrants  européens,  l.'JS; 
avantages  de  cette  région  et  du  Nord  de 
l'Amérique,  pour  les  Européens,  170. 

Employé.  — Monograpliie  de  l'Ouvrier 
emi)loyé  de  la  Papeterie  coopérative  d'An- 
goulème,  n"  78,  273. 

Emprunts  contractés  par  les  familles 
ouvrières  décrites  dans  le  présent  volume, 
m  (g  15,  secl.  V).  —  (Voir  Dettes.) 

Enfance  (l)  et  la  Jeunesse.  (Déf.)  — 
m  (g  3).  —  A  l'usine  de  Guise,  la  nourri- 
cerie,  pour  habituer  les  enfants  à  vivre  en 
communauté,  40.  —  «  Patronage  des 
enfants  de  l'Kbénisterie  »  à  Paris,  société 
de  protection  et  d'enseignement  profes- 
sionnel, à  tendances  corporatives,  12.  — 
L'Assistance  Ruel.  dispensaire  gratuit  et 
fêtes  populaires,  220.  — Orphelinats  agri- 
coles à  Nancy,  507.  —  Admission  des  en- 
fants dans  les  sociétés  de  secours  mutuels 
de  cette  ville,  5oy.  —  (Voir  Écoles.) 

Enkants.  —  Nombre  des  enfants  dans 
les  familles  décrites;  leur  genre  de  vie  et 
de  travaux,  m  (g  2,  3,  8)  :  n^  73,  5,  G,  12  : 
n»  74,  57,  59.  84;  n»  75,  112,  115,  126; 
no76,  178,  171),  187;no77,  228,  229;  n»  78, 
276,  277,  282;  n»  79,  .332,  339;  n»  80,  408, 
412,  423,  433;  n"  81,  479,  480,  480. 

Engagements.    —    (Voir    Engagements 

FORCÉS,  engagements  VOLONTAIRES,  PER- 
MANENTS OU  MOM  ÉMANÉS.) 

Engagements  forcés.  —  Inusités  dans 
les  familles  décrites  dans  le  présent  vo- 
vohniie. 

Engagements  volontaires  permanents  : 
n»  73,  1,  i7  ;  n"  78,  273;  n'  79,  325;  n"  81, 
477. 

Engagements  volontaires  momentanés  : 


n"  74,  53;  11"  75,  101  ;  n»  76,  173;  n°  80, 
397. 

Enouktes  (Méthode  des).  (Déf)  — 
Avertissement,  I. 

Épargne  (Habitudes  n).  (Déf.)  — 
Exemples  observés  :  chez  le  fermier  du 
Texas,  135;  la  mouleuse  de  jouets  pari- 
sienne, 195;  le  tisseur  de  San-Leucio. 
336;  le  fermier  du  Ilaut-Forez,  417,  434. 
—  Font  défaut  chez  l'ébéniste  parisien,  71  ; 
chez  l'allumeur  de  réverbères  de  Nancy, 
493.  —  Société  mutuelle  de  Saint-Fran- 
çois Xavier,  à  Nancy,  pour  développer 
l'esprit  d'épargne,  510. 

Épargne  annuelle  réalisée  par  certaines 
familles  d'ouvriers  décrites  dans  le  présent 
volume,  m  (g  15,  S»"  V).  Quantité  et  em- 
ploi :  n"  73,  22;  n»  75,  147  ;  n'  78,  299  ; 
ir  79,  359;  n"  81,  501. 

Erreur   fondamentale  de  1789.  (Déf.) 

État  civil  de  chaque  famille  d'ouvriers 
décrite  dans  le  présent  volume,  m  (§  2)  : 
n"  73,  5;  n"  74,  57;  w^lh,  112;  n"  76, 
178;  no  77,  228;  n°  78,  276;  n°  79,  332; 
n"  80,  408;  n"  81,  479. 

État  du  sol,  de  l'industrie  et  de  la 
population.  Ht  (g  1)  :  n"  73,  1  ;  n"  74,  53  ; 
n'^  75,  101;  n"  76,  173;  n»  77,  225;  n»  78, 
273;  n"  79,  332;  n"  80,  397;  n"  81,  477.. 

Existence  (Phases  principvles  de  l') des 
familles  décrites  dans  le  présent  volume, 
m  (g  12)  :  n"  73,  18;  n"  74,  69;  n"75, 
133;  n"  76,  192;  n"  77,  239;  n"  78,  287  ; 
n>  79,  3'i6;  n"  8o,  431  ;  m  81,  490. 


F 


Fabrioue  collective.  (Déf.)  —  Mono- 
graphie de  l'ouvrière  mouleuse  en  car- 
tonnage de  jouets  parisiens,  n"  75,  174, 
185:  forme  une  des  deux  catégories  de 
l'industrie  du  jouet,  209  ;  monographie  de 
la  fabrique  de  poupées  de  haut  luxe  : 
bébé  Jumeau,  216;  la  concurrence  abaisse 
la  condition  du  salariat,  220.  —Fabriques 


TABLE    ALPHABETIQUE    ET    ANALYTIQUE. 


)21 


colleclives  de  rubans  dans  le  Ilaul-Forez 

iOi,  474. 

Faits  sociaux.  (Déf.) 

Faits  sociaux  remarquables,  m  (§  17  et 
suiv.)  :  n»  73  (?.g  17  à  24);  n»  74  (§g  17  à 
19);  n"75  m  17  à  20);  n»  76  (gg  17  à  22); 
n"  77  m  1"  à  19)  ;  n»  78  {B.  17  à  21)  ;  n»  79 

(g?  17  à  21);  H"  80  (gg  17  à  27);  n"  81  (17 
et  18. 

Familiales  (Moeurs),  ?n  (g  3)  :  n"  73,  6; 
n"  74,  58;  n"  75,  112  ;n"  76,  179;  n"  77, 
229:  n"  78,  277;  n"  79,  333;  n"  80,  412; 
n"  81,  480. 

Familistère  et  usine  de  Guise.  —  Appa- 
reils de  chauffage,  ustensiles  de  cuisine, 
quincaillerie  :  situation  et  personnel,  2; 
écoles,  6;  théâtre,  fêtes,  sociétés  attrac- 
tives, 16;  histoire  :  fondé  par  M.  Godin 
en  application  des  principes  de  Fourier, 
.30  ;  développement  et  prospérité,  32  ;  tra- 
vaux et  production,  35;  familistères  ou 
cités  ouvrières,  orsjanisalion  basée  sur 
l'hygiène,  36  ;  conseil  d'administration,  38; 
logements  petits,  uniformes,  ne  se  prêtant 
pas  aux  nombreuses  familles,  39  :  la  nour- 
ricerie  pour  les  enfants,  40;  système  com- 
plet d'assurances  administrées  par  des 
comités  d'associés  et  d'élus  de  tous  les 
ouvriers,  41;  société  coopérative  de  con- 
sommation, 44;  participation  des  ouvriers 
aux  bénéfices,  transmission  delà  propriété 
de  l'usine  aux  participants,  45;  direction 
et  administration,  49;  bons  résultats  : 
1  avenir  semble  assuré,  maintien  de  la  paix 
sociale,  51 .  —  Familistère  de  Laeken  (Bel- 
gique), succursale  et  copie  de  Guise,  51, 

Famille  instable.  (Déf.)  —  Exemple 
chez  l'ébéniste  parisien,  57. 

Famili£  patriarcale.  (Déf.) 

FAMiLLE-soLcnE.  (Déf.)  —  Exemple 
chez  le  tisseur  de  San-Lcucio,  335. —  Le 
fermier  montagnard  du  Ilaut-Forez,  404. 
408;  exemple  d'une  famille  modèle,  trans- 
mission intégrale  des  biens,  458. 

Farmers  ou  cultivateurs  aux  États- 
Unis.  —  Monographie  du  métayer  du  Texas, 


101,  partie  la  plus  nombreuse  et  la  plus 
solide  de  la  population,  107;  moralité,  115; 
administration  économe.  159;  croyance  à 
la  puissance  de  la  législation,  et  mesures 
imprudentes,  IGO;  «  Farmei's  Alliance  », 
société  secrète,  agissements  politi(|ues 
nuisant  à  son  prestige,  102;  leur  luxe 
cause  de  ruine,  sauf  au  Texas,  105. 

FÉCONDITÉ  unie  à  l'émigration,  s'il  en 
est  besoin.  (Déf.)  —  Existe  chez  les 
«  farmers  »  du  Texas,  116;  chez  le  tisseur 
de  San-Leucio,  332  ;  chez  les  paysans 
du  Haut-Forez,  406,  412,  417. 

Femme.  —  Son  rôle  chez  l'ajusteur  de 
Guise,  12;  chez  l'ébéniste  de  Paris,  64; 
chez  le  métayer  du  Texas,  114;  la  mou- 
leuse en  jouets,  de  Paris,  178,179,192; 
chez  le  savetier  de  Bàle,  232;  contribue 
proportionnellement  plus  ([ue  le  mari  aux 
ressources  communes,  250  à  253  ;  l'ouvrier 
d'Angoulême,  277,281;  le  tisseur  de  San- 
Leucio.  334  :  le  fermier  du  Haut-Forez, 
412,423;  l'allumeur  de  réverbères  de 
Nancy,  i86. 

Femme  (Respect  de  la).  (Déf.)  —  Com- 
promis par  l'emploi  des  femmes  à  la  Pa- 
peterie d'Angoulême,  289.  —  Assuré  dans 
des  manufactures  de  rubans  du  Haut- 
Forez  surveillées  par  des  Sœurs,  473. 

Fermiers.  —  Monographie  des  fermiers 
montagnards  du  Haut-Forez,  n*»  80,  .397; 
travaux  de  la  ferme,  421;  fermes-laite- 
ries, 468. 

FÊTES  poi'LL\iuEs.  —  M  (§  II).  — Orga- 
nisées à  Guise  par  la  Société  de  l'usine; 
fêles  du  Travail  et  de  l'Enfance,  16.  — 
A  Paris,  données  par  l'Assistance  Ruel, 
221. 

FÊTFS  relicieuses.  —  Au  Texas  les 
«  meetings  »  de  l'Église  baptiste,  113; 
désordres  qui  résultent  des  «  meetings» 
tenus  dans  les  bois,  114.  —  .\  San-Leu- 
cio, à  Piques,  fête  locale  caractéristique, 
des  «amoureux  »etdu  «  pardon»,  345. — 
Dans  le  Haut-Forez,  missions  et  pèleri- 
nages, 415;  la  «  vogue  »,  fête  locale,  de 
Saint-Genest,  fondue  avec  celle  du  Co- 
mice agricole,  430. 


:\'9A 


TABLE   ALPHABETIQUE   ET   ANALYTIQLE. 


FivNr.vii-i.Es.  (Déf.)  —  Couluines  insti- 
tués par  Ferdinani  I"  à  San-Leucio,  dont 
les  vestiges  subsistent  encore,  3i5. 

Foyer  (Union  indissoluble  de  la  famille 
et  du  .  (Déf.)  —  Ein|)(^cliée  à  Guise  par 
l'organisation  du  familistère,  3'J.  —  Fa- 
vorisée aux  États-Unis  par  1"  homestead 
exemption  »,  137.  —  Dans  les  familles-sou- 
ches du  Haut-Forez,  très  réi)andue,  404, 
417,  455. 

FoYEK  d:)Mestiqli:.  (Déf.  —  .\u  fami- 
listère de  Guise,  instable  et  ne  se  prêtant 
pas  aux  familles  nombreuses.  39.  —  Aux 
États-Unis  stable,  grâce  au  «  homestead», 
137. 

Fkance  (V.  Angoulkme,  Giise,  N\nc\, 
Pvius,   Saim-Genest-Mvliivix). 

Froment.  —  Seule  céréale  consommée 
chez  l'ajusteur  mécanicien  de  Guise,  24; 
l'ébéniste  parisien,  78;  le  métayer  du 
Texas,  144,  148;  la  mouleuse  en  jouets  de 
Paris,  200;  le  savetier  de  Bàle,  2.33,246; 
l'employé  de  la  Papeterie  d'.\ngoulèine, 
2%:  l'allumeur  de  réverbères  de  Nancy, 
498.  —  Céréale  principale  chez  le  tisseur 
de  soie  de  San-Leucio,  340,  356.  —  Cé- 
réale tout  à  fait  accessoire,  chez  le  fer- 
mier du  Haut-Forez,  425,  440. 

Fruits  consommés  jtar  les  familles 
d'ouvriers  décrites dansle présent  volume, 
m  (§§  9,  15,  S""  1)  :  n"  73,  25  ;  n  '  74,  65, 
79;  n"  75,  128,  144;  n''  76,  188,  200;  n" 
77,  233,  246  ;  n"  78,  283,  297  ;  n"  79,  340, 
357;  n"  80,  424,  441  ;    n"  81,  487. 


GoDiN  (Feu  M.).  —  Fondateur  de  l'u- 
sine et  du  familistère  de  Guise,  applica- 
tion des  doctrines  fouriéristes  :  histoire, 
idées  sociales,  résultats  obtenus,  30. 

GoÙTs  ARTISTIQUES.  —  Tivs  développés 
chez  certains  ouvriers  parisiens,  180, 
189,  192  ;  chez  les  enfants  de  l'ouvrier 
d'Angoulême,  286. 

GuÉRiN  (M.  Urbvi.n).  —  Auteur  de  la 
monographie  n"  73  :  Ajusteur  surveillant 


de  Guise,  r,  et  de  la  monographie  n"  78  : 
Ouvrier  de  la  papeterie  d'Angoulême, 
273. 

Guise  (chef-lieu  de  canton,  déj)artement 
de  l'Aisne),  résidence  de  la  famille  dé- 
crite sous  le  n"  73.  — Situation,  1.  —  Cli- 
mat, population,  industrie,  usine  et  fa- 
milistère, 2,  30. 


H 


lIvBiTVTio.N  des  familles  ouvrières  dé- 
crites dans  le  présent  volume,  m  (gg  6, 
10,  15,  S°"  II)  :  n"  73,  13.  26;  n"  74, 
66,  80;  n°  75,  129,  145;  n»  76,  189,  201; 
n"  77,  2.35,  247;  n"  78,  279,  283,  297; 
II"  79,  336,  341,  358;  n"  80,  418,  425, 
442;  n"  81,  482,  487,  500. 

Habitudes  morales,  m  (§  3)  :  n"  73,  7, 
n»74,  58;  n"  75,  112;  n"  76,  179;  n»  77, 
229;  n"78,  277;  n"  79,  332;  n"  80,  409; 
n"  81,  480. 

HÉRITIER  Institution  d').  (Déf.)  —  Au 
Texas,  les  pères  de  famille  établissent  leurs 
fils  sur  une  partie  des  domaines,  121.  — 
Subsiste  chez  le  fermier  du  Haut-Forez, 
434,  et  dans  les  familles-.souches  du 
pays,  456. 

Histoire  de  la  famille,  décrite  dans 
chaque  monographie  du  présent  volume, 
JH  (gg  12  et  13;  :  n"  73,  18;  n"  74,  69; 
n"  75,  133,  136;  n"  76,  192,  195;  n"  77, 
239,  240;  n"  78,  287  à  291  ;  n"  79,  346  à 
351;  n"  80,  431  à  435;    n"  81,  490  à  493. 

Homestead  exemption.  —  Aux  États- 
Unis,  droit  attribué  sur  la  terre  ou 
maison  d'habitation,  à  la  femme  pendant 
le  mariage  et  le  veuvage,  ainsi  qu'aux 
enfants  mineurs,  137. 

HvGiÈNE,  m  (g  4)  :  n"  73,  8;  n"  74,  60; 
n"  75,  119;  n"  76,  181  ;  n"  77,  229;  n"  78, 
278;  n"79,  334;  n"80,  4l4  ;  n"81,  481. 


Idées  dominantes.  (Déf. 

TITUTION   ESS^ÏNTIELLE.) 


—  (V.  CoNs- 


TABLE   ALl'HABKTlQL'Ii:    KT   ANALYTIQUE. 


5:>3 


hniicLBLES  possédés  par  les  familles 
d'ouvriers  décrites  dans  le  prissent  vo- 
lume, m  g  0,  g  li,  S'"  I.)  :  n"  75,  122, 
liO;  n"  7'J,  336,  352. 

Impôts  payés  par  quelques  familles 
d'ouvriers,  m  (§  15,  S»"  V.)  :  n°  73,  27  ; 
n"  75,  147;  n»  78,  299;  n»  79,  359;  n"  80, 
'ii3. 

Impôts  Étude  sir  les).  —  Impôts  éta- 
blis au  Texas  pour  propager  1  instruc- 
tion, 116;  le  faible  poids  des  taxes  favo- 
rise la  classe  agricole,  139.  —  A  Bâle, 
système  buinanitaire  :  progressifs  sur  le 
revenu  du  travail,  sur  la  fortune,  impôt 
communal,  226.  —  Stastitique  des  impôts 
à  San-Leucio,  330. 

Imprévoyance.  (D,^f.;  —  Chez  les  ou- 
vriers bàlois,  258;  chez  l'allumeur  de  ré- 
verbères de  Nancy,  493.   V.  Prévoyance.; 

Industrie  mvnuvactcrière.  (Déf.)  — 
Ajusteur  surveillant  de  Guise  '.\isne;, 
D"  7;<,  1.  —  Ébéniste  parisien  de  haut 
luxe,  n"  74,  53.  —  Ouvrière  mouleuse  en 
cartonnagede  jouets  parisiens,  n'  76,  173. 
—  Savetier  de  Bàle,  n'"  77,  225.  —  Ou- 
vrier de  la  fabrique  de  papiers  d'Angou- 
lème,  n"  78,  273.  —  Tisseur  de  soie  de 
San-Leucio,  n"  79,  325.  —  Fermier  du 
Haut-Forez,  n"  80,  397  :  alliance  de  l'agri- 
culture et  de  l'industrie  rubanieie,  405, 
423,  472. 

Industries  domestioies.  —  Entre|irises 
à  leur  propre  compte  par  les  familles 
d'ouvriers  décrites  dans  le  présent  vo- 
lume, m  {Ji  8,  14,  S""  IV,  16,  l,  :  n"  73, 
10,  22,  28;  n"  74,  64,  76,  82;  n"  75,  124, 
148;  n-  76,  187,  198,  205;  n"  77,232, 
244,  2'»9;  H"  78,  282,  29i,  300;  n''79, 
339,  354,  360;  n"  80,  421,  438.  444  ;  n"  81 , 
486,  496,  502. 

Industrie  pastorale.  (Déf.)  —  Acces- 
soire au  Texas.  106.  —  Importante  dans 
le  Haut-Forez,  iO>,  468,  469. 


Inégalité  des  conditions.  (Déf.)  —  (V. 
Loi  morale,  Pain  quotidien.) 

Institutions.  Déf.)  —  (V.  Vie  privée, 
Vie  publique.) 

Instruction  des  enfants  des  familles 
ouvrières  décrites  dans  le  |)résent  vo- 
lume, m  '-^l  3,  15,  S""  IV}  :  n"  73,  6,  26  ; 
n"  74, 80  ;n»  75, 116;  n"  76,  179,202;  n"77, 
229,  248;  n"  78,  278,  298;  n" 79,334,356: 
n"  80,  413;  n"  81,  500. 

Intestat  (Coutumes  ou  lois  ab.  .   Déf.) 

—  Au  Te.xas,  partage  égal  en  général,  121. 

—  Lois  de  Ferdinand  1"^  j)our  San-Leucio, 
partage  égal,  372. 

Italie.  —  (V.  San-Leucio.) 


JxNNET  (Feu  m.  Claudio).  — Auteur  de 
la  Monographie  du  Métayer  de  l'Ouest  du 
Texas,  n"75,  p.  ici. 

Jouets.  —  Organisation  de  l'industrie 
du  jouet  à  Paris,  au  Marais,  173;  jouets 
en  carton  moulé,  176;  descrijjtion  de  l'a- 
telier de  moulage,  185;  division  en  2 
grandes  catégories  :  manufactures  et  fa- 
briques collectives,  209;  intluence  des 
grands  magasins,  211  ;  la  spécialité  métal 
haut  luxe,  indépendante  et  prospère,  213  : 
la  fabrique  collective  de  poupées  de  haut 
luxe  :  bébé  Jumeau,  216. 

Journalier.  (Déf.)  —  Monographie  de 
l'ébéniste  parisien,  53.  —  Du  fermier  mon- 
tagnard du  Haut-Forez,  397,  423. 

JouRNvux.  —  Chez  l'ouvrier  ajusteur 
de  Guise,  7.  15;  l'ébéniste  parisien,  69; 
la  mouleuse  de  jouets  parisiens,  181; 
le  savetier  de  Bàle,  229,  238;  l'ouvrierde 
la  papeterie  d'Angoulême,  277;  le  fermier 
du  Haut-Forez,  'j14;  l'allumeur  de  réver- 
bères de  Nancy,  490. 

Journées  de  trvvail  (Nombre  des) 
fournies  par  les  divers  membres  des  fa- 
milles d'ouvriers  décrites  dans  le  présent 


TABLE    ALPHABETIQUE   ET    ANALYTIQUE. 


volume,  m  (§  14,  S""  III)  :  ir  7:},  22;  n" 
74,  76  ;  n»  75,  142  ;  n°  7G,  t>J8  ;  n»  77,  244  ; 
n»  78,  294;  n»  79,  354;  n»  80,  438;  n»  81, 
496. 

JuLiN  (.M.  Arm\.nd).  —  Auteur  d'une 
note  annexée  à  la  Monographie  de  l' Ajus- 
teur-surveillant de  Guise,  51. 


Laitage  et  oiiuis  consomint's  par  les 
familles  d'ouvriers  décrites  dans  le  pré- 
sent volume,  m  (§§  9,  15,  S°"  1)  :  n" 
73,  13,  24;  n"  74,  65,  78;  n"  75,  127,  144; 
no  76,  188,  200;  n°  77,  233,  246;  n^  78, 
283,  296;  n»  79,  340,  3.56;  n«  80,  424,  440; 
n«  81,  487,  498. 

Landolt  (M.  Ch.).  —  Auteur  de  la  Mo- 
nographie du  Savetier  de  Bàle,  n"  77, 
225. 

LAROciiE-JouBEiiT  (M.).  —  Fondateur 
de  la  Papeterie  coopérative  d'Angoulême, 
rem|)lacé  à  sa  mort  par  son  fils,  273, 
302,  320. 

LÉGUMES  consommés  par  les  familles 
d'ouvriers  décrites  dans  le  présent  vo- 
lume, m  (§§  9,  15,  sect.  I)  :  n"  73,  13,  25  ; 
no  74,65,  79;no  75^  i.>7^  144.  no  -g^  t88, 
200;  no  77,  233,  246;  no  78,  283,  297;  no 
79,  340,  357;  no  80,  424,  441  ;  no  81,  487, 
499. 

LiBEiîTi:  (RÉGIME  DE).  (Déf.)  —  (V.  Vie 
PRIVÉE,  Vie  publique.) 

Liberté  systématique.  (Déf.)  —  (V.  Vie 
privée,  Vie  publique.) 

Liberté  testamentaiue.  (Déf.)  —  Ab- 
solue au  Texas,  121. 

Lin(;e  de  ménage  des  familles  décrites 
dans  le  présent  volume,  m  (§10)  :  n"  73, 
14;  no  74,  67;  no  75,  130;  n»  76,  190; 
no  77,  238;  n»  78,  284;  n"  79,  3i3;  n"  80, 
428;  no  81,  489. 

Livres.  —  No  73,  14;  no  74,  67;  n"  75, 
129  ;  no  76,  190  ;  no  78,  284;  no  79,  342  ; 
n"  80,  427;  n"  81,  489. 


Location  (Régime  de}.  —  Ouvriers  se  pro- 
curant leur  habitation  par  ce  régime  : 
ajusteur  de  Guise,  13;  ébéniste  de  Paris, 
G(j  ;  mouleuse  de  jouets  de  Paris,  189;  sa- 
vetier de  Bâle,  235  :  allumeur  de  réver- 
bères de  .Nancy,  487.  — Loyer  fourni  gra- 
tuitement par  la  papeterie  d'Angoulême,  à 
plusieurs  ouvriers,  279,  283. 

Logements  ouvriers.  —  A  Guise,  les  fa- 
milistères, sains  et  hygiéniques,  3,  14,  36. 
• —  Insuffisamment  aéré  chez  le  savetier  de 
Bàle,  235;  en  général,  à  Bàle,  insuffisants 
et  insalubres,  255.  —  Bons  résultats  de 
«  l'Immobilière  nancéienne  »,  cités  ou- 
vrières, prix  modérés,  5o7. 

Loi  morale.  (Déf.)  —  (V.  Bonnes 
MOEURS,  Mauvaises  moeurs.) 


M 


Macaroni.  — Partie  importante  de  l'ali- 
mentation chez  le  tisseur  de  San-Leucio, 
340,  356. 

Maïs.  —  Céréale  accessoire  chez  le  tis- 
seur de  San-Leucio,  356. 

MAL(le).(Déf.)  — (V.Mauvaisesmoeurs.) 

Mariage.  —  Règles  établies  par  Ferdi- 
nand T'  à  San-Leucio,  présents  du  roi 
aux  mariés.  337,  345,  370;  coutumes  en- 
core subsistantes,  376.  —  Coutumes  dans 
le  Ha  ut- Forez,  431. 

Maroussem  (M.  P.  du).  —  Auteur  des 
Monographies,  n"  74  :  Ébéniste  parisien 
de  haut  luxe,  58;  no  76  :  Ouvrière  mou- 
leuse en  cartonnage  de  Paris,  173;  n"  80  : 
Fermiers  montagnards  du  Ilaut-Forez, 
397. 

Matériel  spécial  des  travaux  et  in- 
dustries, m  (§§  6,  14,  S""  I)  :  n»  73,  9, 
20;  no  74,  62,  74;no  75,  122,  140;  no  76, 
184,  196;  n"  77,  231,  242;  n»  78,  292;  no 
79,  337,  352;  n"  80,418,  i36;  n»  81,  484, 
494. 

Mauvaises  moeurs.  —  Favorisées  par- 
fois au  Texas,  par  les  «  meetings  »  reli- 


TABLE   ALIMIABKTIQUE    ET   ANALYTIQUE. 


j;icii.v  tenus  dans  les  bois,  ll.">.  —  Exem- 
ple du  mari  de  l'ouvrière  mouleuse  de 
Paris,  178,  193.  —  A  Angouk^ne,  favori- 
sées par  lemploi  des  femmes  à  la  Pape- 
terie, 275.  289.  —  Dans  le  Haut-Forez,  ré- 
sutlent  de  l'émigration  vers  les  villes  iii- 
duslrieiles.  i06,  i3i. 

Médecin.  —  Leur  rôle  important  au 
milieu  des  ouvriers  de  Paris,  GO.  —  En 
Italie,  autorisés  à  tenir  dépôt  de  médica- 
ments dans  les  communes  sans  pharma- 
cien, 335.  —  ASaint-Genest  (Loire),  sub- 
ventionné par  les  communes,  416.  —  A 
Nancy,  organisation  défectueuse  de  l'as- 
sistance médicale,  481. 

Mknage  (Tkavaix  de)  dans  les  familles 
ouvrières  décrites  au  présent  volume,  m 
(§§  8,  14,  S°°  III)  :  no  73,  12,  22;  n»  74, 
64,  76;  n"  75,  125,  142;  n"  76,  187,  198; 
n"  77,  232,  244;  n»  78,  282,  294;  n»  79^ 
339,  354;  no  80,  421,  438;  n"  81,  486,  496.' 

MÉTAYACE.  —  Monographie  du  Métayer 
de  l'Ouest  du  Texas,  n"  75,  loi. 

MisicRE  des  ouvriers  ébénistes  troleurs 
à  Paris,  98;  d'une  partie  de  la  population 
ouvrière  bàloise,  271  ;  à  Nancy,  depuis 
le  développement  de  la  ville,  478.  —  Im- 
possibilité pour  beaucoup  d'ouvriers  de 
subvenir  par  le  travail,  aux  besoins  de  la 
famille,  504. 

MoRiLiER  de  l'habitation  chez  les  familles 
d'ouvriers  décrites  dans  le  présent  volume, 
m  (§  10):  no73,  13;  n"  74,  67;  n»  75,  129; 
no  76,  189:  no  77  238  ;  n»  78,  284;  n"  79, 
3i2;  n"  80,  425;  81,  488. 

Mode  d'existence  de  la  famille  décrite 
dans  chacune  des  monographies  du  présent 
volume,  m  (§§  5  à  11)  :  n»  73,  8  à  17  ;  n^ 
74,  61  à  69;  no  75,  120  à  131  ;  n"  76,  182 
à  192  ;  no  77,  230  à  239  ;  n"  78,  278  à  286  ; 
n»  79,  335  à  346;  n"  80,  416  à  430  ;  n"  81, 
481  à  490. 

Modèles  ^les).  (Déf.)  —  (V.  RaN(;  de  la 

I  AMILLE.) 

MoKURS  (les).  —  (V.  Bonnes  MoiiURS, 
Mauvaises  moixks.^ 


Moyens  d'existence  de  la  famille  décrite 
dans  chacune  des  monographies  du  pré- 
sent volume,  m  (§§  6  à  8)  :  0073,  9  à  12; 
n"  74,  62  à  93  ;  n"  75,  122  à  126  ;  n»  76,  183 
à  187  ;  no  77,  230  à  232  ;  no  78,  279  à  282  ; 
n"  79,  336  à  340  ;  n"  80,  418  à  42  4  ;  n"  81, 
482  à  486. 

Mutualité.  —  Institutions  complètes  de 
l'usine  de  Guise,  41.  —  Pratiquée  par  l'é- 
béniste parisien,  72;  par  l'employé  de  la 
Papeterie  d'Angoulême,  277;  secours  en 
cas  de  maladie,  290.  —  Sa  pratique  man- 
que absolument  chez  la  mouleuse  de 
jouets  parisiens,  195  ;  l'allumeur  de  ré- 
verbères de  Nancy,  492.  —  Sociétés  nom- 
breuses et  florissantes  à  Nancy,  507;  ad- 
mettent les  enfants,  508;  S''  St-François 
Xavier,  à  base  religieuse,  développe  les  ha- 
bitudes d'épargne,  510;  «  Persévérance  », 
société  d'ouvrières,  511.  —  Utilité  des 
membres  honoraires  pour  la  prospérité 
matérielle  et  la  paix  sociale,  508. 


N 


Nancy  (Meurthe-et-Moselle).  —  Ville 
habitée  par  la  famille  de  l'allumeur  de  ré- 
verbères, décrite  sous  le  n°  81,  477;  climat, 
développement,  paupérisme,  478;  situa- 
tion religieuse  et  morale  de  la  classe  ou- 
vrière, 479  ;  institutions  d'assistance  : 
orphelinats  agricoles;  Société  Immobilière 
pour  les  logements  ouvriers;  sociétés  de 
secours  mutuels,  507  et  suiv. 

Nourriture  (dépenses  concernant  la) 
des  familles  ouvrières  décrites  dans  le  pré- 
sent volume,  m  (§  15,  S°°  1)  :  n"  73,  24; 
n"  74,  78;  n"  75,  144;  no  76,  200;  no  77, 
246  ;  no  78,  296  ;  U"  79,  356;  n"  80,  440  ; 
n'Sl,  498. 

Nouveauté.  (Déf.)  — CV.  Vie  privée. 
Vie  PUBLIQUE.) 


0 


Observations  préliminaires  définissant 
la  condition  des  divers  membres  de  la  fa- 
mille, dans  chacune  des  monographies  du 

47 


526 


TABLE   ALPHABETIQUE    ET    ANALYTIQUE. 


présent  volume,  m  \%  I  à  13)  :  n"  73, 
1  à  19;  n»  74,  53  à  73;  n"  75,  101  à  139; 
n"  76,  173  à  195;  n°  77,  225  à  241  ;  n»  78, 
273  à  291  ;  11°  79,  325  à  351  ;  n"  80,  397  à 
435;  n»  81,  477  à  493. 

ŒcFS  (Laitages  iît).  —  (Voir  Laitage.) 

Ouvrier.  (Déf.) —  (Voir  Chef  de  métier, 
DoMESTiouE,  Engagements,  Journalieu, 
Puoi'itiÉTAïuE,  Tâcheron,  Tenancier, 
Travaux.) 


Pain,  m  (§§  9,  15,  S""  I)  :  n»  73,  13, 
24;  n»  74,  65,  78;  n»  75,  127,  144;  n»  76, 
188,  200;  no77,  233,  246;  n"  78,"  283,  296; 
n°  79,  340,  356;  n»  80,  424,  440;  n^  81, 
487,  500. 

Pain  quotidien.  (Déf.)  —  (V.  Mode 
d'existence  de  la  famille.) 

Paix  sociale.  (Déf.)  —  (V.  Coutumes  de 

LA  PAIX  sociale.) 

Papeteru;.  —  Monographie  de  l'Ouvrier 
de  la  Papeterie  coopérai ive  d'Angouléme, 
n'  78,  273;  établissements  de  la  Société, 
274;  description  des  travaux,  287;  orga- 
nisation coopérative  créée  par  M.  Laroche- 
Joubert,  302;  mode  de  distribution  des 
bénéfices,  .303;  part  dans  la  propriété  de 
l'avoir  de  la  Société,  310;  conseil  coopé- 
ratif, représente  les  ouvriers,  rcMe  consul- 
tatif, 311  ;  autorité  du  directeur  entière, 
314;  salaires  fixes  et  salaires  de  gratifica- 
tion, 315;  bons  résultats  du  système, 
maintien  de  la  paix  sociale,  319. 

Paris.  —  (Voir  Éiiknisterie,  Jouets.) 

Partage  forcé.  (Déf.)  —  Imposé  par 
Ferdinand  !"■  dans  la  «  colonie  »  de  San- 
Leucio,  372.  —  Atténué  dans  le  Haut- 
Forez  par  l'attachement  aux  usages  de 
transmission  intégrale,  456. 

Participvtion  aux  rénéficf.s.  —  A  l'u- 
sine de  Guise,  suivant  des  règles  fixes, 
répartis  entre  1  intelligence,  le  capital  et 
le  travail,  45;  bénélices  du  travail  payés 
aux  ouvriers  en  parts  de  propriété,  46.  — 


A.  la  Papeterie  coopérative  d'Angouléme, 
281  ;  répartisentre  le  capital,  1  intelligence 
et  le  travail,  303;  part  donnée  aux  salaires, 
30i  ;  aux  services  commerciaux,  vente  et 
expéditions,  305;  aux  exploitations  qui 
fabriquent  le  papier,  306;  à  celles  qui  le 
façonnent  et  l'emballent,  307  ;  aux  dépôts, 
308  ;  participation  au  capital  social,  co- 
propriété de  l'avoir,  310;  part  donnée  à  la 
clientèle  française,  310. 

Patronage.  (Déf.)  —  Société  du  «  Pa- 
tronage des  enfants  de  l'Ébénisterie  »,  à 
Paris,  72,  N'existe  pas  dans  les  ateliers 
d'ébénisterie  de  haut  luxe  de  Paris,  95.  — 
Contraire  aux  mœurs  américaines,  124.  — 
Exemple  du  Baron  de  Saint-Genest,  trans- 
formant le  Haut-Forez,  402;  influence 
illimitée  de  sa  famille,  410;  à  la  léle  du 
mouvement  économique,  414;  prati([ue 
l'assistance,  416,  432;  création  des  fer- 
mes laiteries,  leurs  conséquences  agri- 
coles, 468.  —  Devoir  pour  les  patrons  de 
dévelopi>er  les  subventions,  506.  —  N'est 
pas  remplacé  par  la  charité,  511. 

Paupérisme.  (Déf.)  —  Résultat  de  l'a- 
bus du  marchandage  dans  l'ébénisterie 
parisienne,  96,  98;  dans  l'industrie  du 
jouet,  211.  —  Répandu  à  Râle,  271.  —  Crée 
à  Nancy  par  la  transformation  industrielle 
trop  rapide,  478.  —  Causé  par  l'impossi- 
bilité pour  beaucoup  d'ouvriers  de  sub- 
venir par  le  travail  aux  besoins  de  leur 
famille,  504. 

Paysvn.  (Déf.)  —  Métayer  du  Texas, 
101.  —  F^ermier  du  IlaulFoiez,  397. 

Pèche  fluvule.  iDéf.)  —  Récréation 
favorite  de  l'employé  de  la  Papeterie 
d'Angouléme,  286. 

PÈCHE    MARITIME.   (Déf.) 

Poissons  (Viandes et).  —  (Voir  Viandes.) 

Population  (Mouvement  de  l\).  —  Du 
Texas,  155;  à  Rdle,  stalisli(iue  des  ména- 
ges, 226;  à  Angoulème,  274  ;  à  .San-Leucio, 
professions,  etc.,  330;  canton  de  Saint- 
Gcnesl-Malifaux,  ménages  et  |)rofessions, 
406  ;  à  Nancy,  478. 


ÏA15LE    ALrilABÉÏIOL'E   ET    ANALYTIQUE. 


527 


Pkkvovvnce.  (Déf.)  —  Roniiuc  à  peu 
pri's  imililc  pour  les  ouvriers  de  Guise. 
|iar  la  co]Moiiriélé  de  l'usine  et  les  ins- 
lilutions  très  complètes,  18,  41;pourceux 
de  la  Papeterie  d'Angoulèine  par  la  par- 
ticipation aux  bénéfices,  290,  310.  — 
Incomplète  chez  l'ébéniste  parisien,  71.  — 
Empêchée  chez  la  mouleuse  de  jouets  pa- 
risienne, par  des  charges  troj)  lourdes, 
180,  195;  chez  les  ouvrier  sbâlois,  par  le 
manque  de  ressources,  258.  —  Développée 
chez  le  tisseur  de  San-Leucio,  mais  en- 
travée par  l'inconduiledu  beau-pi're,  336, 
348.  —  Existe  chez  le  fermier  du  Haut- 
Foroz.  434.  —  Manque  absolument  chez 
lallumeur  de  réverbères  de  Nancy,  493. 

Produit  des  subventions.  —  m  (g  14,  S" 
II)  :  n''73,  21;n"74,  75;  n"  75,  141;  n"  76 
197  :  n"  77,  243  ;  n»  78,  293  ;  n"  79,  353  ;  n" 
80,436;  n"  81,  495. 

Professions.  —  Population  par  profes- 
sions :  à  San-Leucio  (Italie),  330;  à  Saint- 
Geuest-Malifaux,  406. 

Pkopuiétaike  (Ouvrier).  (Déf.)  —  Mo- 
nographie d'un  métayer  de  l'Ouest  du 
Texas,  n°  75,  101  ;  d'un  tisseur  de  San- 
Leucio,  n"  79,  325. 

Propriété.  (Déf.)  —  L'usine  de  Guise, 
propriété  des  ouvriers  par  la  participation 
aux  bénéfices  payée  en  parts  de  propriété, 
47.  —  Papeterie  d'Angoulême,  co-pro- 
priété  de  l'avoir  social,  accordée  aux  ou- 
vriers coopérateurs,  280,  310.  —  A  San- 
Leucio,  propriété  des  métiers  donnée  par 
Ferdinand  l"  aux  ouvriers,  et  propriété 
par  indivis  de  la  manufacture  de  soie,  391  ; 
suppression  en  1860,  392.  —  (Voir  Com>iu- 
NAUTÉ,  Propriété  individuelle.  Patro- 
nage.) 

Propriété  individuelle.  (Déf.)  —  Sa 
répartition  à  San-Leucio  (Ilalie),  329;  à 
Saint-Genest-Malifaux  (Loire),  404,  46'i. 

Propriétés  immobilh'cres  et  moriliéres 
possédées  par  les  familles  d'ouvriers  décri- 
tes dans  le  présent  volume,  m  (gg  6,  14, 
S""  I)  :  n"  73,  9,  20;  n"  74,  62,  74;  n"  75, 
122,  140;  n"76,  183,  196;  IV>  77,  2.30,  242; 


n"  78,  279,  292;  n" 79,  336,  352;  n-  80,  418, 
436;  n"81,  483,  49i. 


R 


Rang  de  la  famille  décrite  dans  cha- 
cune des  monographies  du  présent  vo- 
lume. —  w  (§  5)  :  n"  73,  8  ;  n"  74,  61  ;  n"  75, 
120;  n"  76,  182;  n"  77,  230;  n"78,  278;  n" 
79,  335;  n"  80,  416;  n"81,  482. 

Rapports  entre  les  ouvriers  et  les  pa- 
trons. —  Hostiles  chez  les  ébénistes  pari- 
siens, 59.  —  Très  bons  à  l'usine  de  Guise 
51  ;  à  la  Papeterie  coopérative  d'Angou- 
lême, 277,  321.  —  Dévouement  des  pay- 
sans de  Saint-Genest-Malifaux  pour  la  fa- 
mille deschûtelains,  410. 

Recettes  (Budget  des)  de  l'année  de 
chacune  des  familles,  décrites  dans  le 
présent  volume,  m  (§  14)  :  n"  73,  20;  n°74, 
74;  n"  75,  140;  n"  76,  196;  n>  77,  242;  n" 
78,  292;  n° 79,  352;  n°  80,  436;  n» 81, 494. 
—  De  dix  familles  ouvrières  bàloises,  262  ; 
de  11  familles  ouvrières  de  San-Leucio, 
388. 

Récréations  des  familles  décrites  dans 
le  présent  volume,  m  (gg  11,  15,  8"°  IVj  : 
n"  73,  15,  27;  n"  74,  69,  81;  n"  75,  131, 
146;  no  76,  191,  202;,  n"  77,  238,  248;  m 
78,  285,  298;  n"  79,  34'»,  3.58;  n"  80,  429, 
4i2;  n"  81,  489,500. 

RÉFORME.    (Déf.) 

RÉFORMÉS  BAPTisTEs  décilts  daus  le 
présent  volume.  Monographie  du  métayer 
du  Texas,  101  ;  fêtes  religieuses,  baptêmes, 
et  «  meetings  »,  113. 

Religion.  (Déf.)  —  (Voir  Catholiques 
ROMMNS,  Réformés  bai'Tistes,  Scepti- 
cisme.) 

Religion  des  familles  d'ouvriers  décri- 
tes dans  le  présent  volume,  m  (§  3)  : 
n"  73,7;  n''74,  58  ;n''  75,  112;  n"  76,  180; 
n"  77,  229;  n»  78,  277  ;n°  79,  332;  iV  80, 
409;  n"  81,  480. 


528 


TABLE   ALPHABETIQUE    ET    ANALYTIQUE. 


Repas  des  lainilles  décrites  dans  le 
présent  volume,  m  (§  9)  :  n»  73,  13;  n"  74, 
65;  n«  75,  127;  n«  76,  188;  n»  77,  233; 
n»  78,  282;  n"  79,  340;  n"  80,  424;  n"81, 
486. 

Retraite  (Pensions  diî).  —  A  l'Usine  de 
Guise,  retraites  pour  les  anciens  travail- 
leurs, 42  ;  à  Nancy  pour  les  employés 
de  la  C  •  du  Gaz,  W3.  —  Pensions  assu- 
rées par  ])lusieurs  sociétés  mutuelles  de 
Nancy,  508. 

Revenus  des  propriétés  possédées  par 
les  familles  d'ouvriers  décrites  dans  le 
présent  volume,  m  (§  14  S"».  I)  :  n"  73, 
21;  n°  74,  75;  n»  75,  141;  n"  76,  197; 
n"  77.  243;  n"  78,  293;  n"  79,  352;  n"  80, 
436;  n"  81,  495. 

Riz.  —  Céréale  accessoire  chez  le  mé- 
tayer du  Texas,  144;  le  tisseur  de  San- 
Leucio,  356. 

RuiiANS.  —  L'industrie  rubaniére  dans 
le  Haut- Forez,  alliance  avec  les  travaux 
agricoles  :  fabriques  collectives,  404  ; 
manufactures,  405;  travail  industriel  fu- 
neste pour  la  santé  des  jeunes  filles,  415; 
moulinages,  'i72;  lissages,  474;  recherche 
du  plus  faible  taux  de  la  main-d'œuvre, 
476. 


Saint-Gexest-Malifadx  (Haut-Forez, 
Département  de  la  Loire).  —  Bourg,  chef- 
lieu  du  canton  cl  de  la  commune,  habitée 
j)ar  la  famille  de  fermiers  montagnards, 
décrite  sous  le  n"  80,  .397.  —  État  du  sol, 
398:  ])rodiictions  sjionlanées,  400;  trans- 
formation du  pays  jiar  la  production  du 
lail,organisé('  par  le  baron  de  Sainl-Gi'nest, 
402;  régime  du  travail  :  industrie  agri- 
cole, 403;  industrie  rubaniére,  40 'i  ;  po- 
pulation, 405;  ferveur  religieuse  et  dé- 
vouement aux  châtelains,  409;  biens  com- 
munaux, droits  d'affouage  et  d'usage,  'il9; 
instruction  donnée  par  les  congrégations, 
452;  maintien  des  traditions  par  la  fa- 
mille-souche, 455;  sectes  dissidentes  :  la 


petite  Église,  le  Béguinisme,  458  ;  la  com- 
munauté, 463;  documents  statistiques, 
46i;  exploitation  des  bois,  466;  fermes- 
laiteries,  468;  industrie  des  rubans,  471. 

Salaires.  (Déf.)  —  Attribués  aux 
membres  des  familles  décrites  dans  le 
présent  volume  (salaire  en  argent,  salaire 
en  nature),  m  (g§  8,  14,  S""  lil)  :  n"  73, 
II,  23;  n"  74,  64,  77;  n°  75,  125,  143; 
n"  76,  187,  199;  n"  77,  232,  245;  n»  78, 
281 ,  295  ;  n"  79,  365  ;  n"  80, 423, 439  ;  n"  81, 
485,  497. 

Salaire  (Entente  touchant  le).  (Déf). 

—  Au  familistère  de  Guise,  réglée  par  le  co- 
mité des  délégués  ouvriers  et  le  gérant, 
12;  le  mode  de  paiement  empêchant  sa 
dis.sipation,  11.  — A  la  Papeterie  coopé- 
rative d'Angouléme,  répartition  des  béné- 
fices suivant  les  salaires,  304;  système  de 
gratifications  augmentant  le  salaire,  sui- 
vant la  perfection  du  travail,  31'». 

Salaires  (Mouvement  des).  —  Ouvriers 
agricoles  et  servantes  au  Texas,  110.  — 
Salaires  comparés  par  heure  du  savetier 
de  Bàle  et  de  sa  femme,  23't;  gain  moyen 
de  dix  familles  ouvrières  bâloises,  26i.  — 
Statistique  des  salaires  de  11  familles  ou- 
vrières de  San-Leucio,  394.  —  Dans  l'in- 
dustrie  rubaniére,  du   Haut-Forez,   473. 

—  Importance  de  leur  fixité  dans  les  bud- 
gets ouvriers,  504;  .souvent  insullisants 
pour  subvenir  aux  besoins  stricts  de  la 
famille,  506;  doivent  être  augmentés  par 
des  subventions,  alliance  des  travaux  agri- 
coles, 505. 

San-Leicio  (Province  de  Caserte,  Ita- 
lie). —  Commune  habitée  par  la  famille 
de  tisseurs  décrite  sous  le  n"  79,  325; 
constitution  géologique,  326;  état  de  la 
population,  329;  les  écoles,  349:  créée  par 
Ferdinand  I'^'',  jiour  introduire  l'industrie 
de  la  soie,  36i;  en  1868,  devenue  com- 
mune, propriétaire  de  la  manufacture  de 
soie,  367;  lois  pour  le  «  bon  gouverne- 
ment de  la  population  »,  basées  sur  les 
préceptes  divins,  333,  368;  règlements  du 
mariage  et  dots,  337,  345,  370  ;  écoles,  3.50, 
371;  successions,  372;  «  anciens  du  peu- 


TABLE    ALI'IIABETIQUE    ET   ANALYTIQUE. 


529 


pie  »  élus  par  lous,  37'i-,  assistance,  3i'.i. 
373  ;  basées  sur  la  liberté  cl  la  rosponsa- 
bililé,  appliquées  avec  le  bon  plaisir  du 
roi,  374.  —  Statistique  de  l'industrie  de  la 
soie,  le  centre  iirincipal  de  l'Italie  méri- 
dionale. 37.">;  organisation  industrielle 
dans  la  filature  Oflritelli  et  Pascal,  38."). 
—  Statistique  de  la  condition  éconorniciue 
et  sociale  de  11  familles  ouvrières,  387. 

SA?{TANr.EL0  Spoto  (M.  le  PiiOF.).  —  Au- 
teur de  la  monographie  n"  7ii  :  Tisseur  de 
San-Leucio.  prov.  deCaserte  (Italie),  325. 

Santé  (Service  de).  —  Chez  les  familles 
d'ouvriers  décrites  dans  le  présent  vo- 
lume, m  (§  4,  1.5,  S""  IV)  :  n'^  73,  8,  27; 
n"  74,  CO;  n"75,  119,  14G;  n"  76,181,  202; 
n"  77,  229,  248;  n"  78,  278,  298;  n"  79, 
334,  3.V.»;  n"  80,  415  443;  n"  81,  481,  500. 

Savetier.  —  Monographie  du  Savetier 
de  Bàle,  n"  77,  225. 

Scepticisme.  —  A  peu  ]irès  général  dans 
les  familles  ouvrières  du  familistère  de 
Guise,  7.  — Hostilité  chez  l'ébéniste  pari- 
sien, 58.  —  Indifférente  dans  la  famille 
de  la  mouleuse  de  jouets  de  Paris,  180; 
changée  en  prosélytisme  religieux,  à  la 
suite  de  sa  conversion,  222.  —  Indift'é- 
rence  absolue  chez  le  savetier  de  Bàle,  et 
une  partie  des  ouvriers  bàlois,  229.  —  Di- 
minution de  la  ferveur  chez  les  jeunes 
gens  à  San-Leucio,  333.  —  Indifférence 
sans  hostilité  parmi  la  population  ouvrière 
de  Nancy,  480. 

Seigle.  —  Seule  céréale  consommée 
chez  le  Fermier  du  Haut-Forez,  440,  444. 

Sobriété.  —  Assez  générale  chez  les 
«  farmers  «  du  Texas,  128,  166.  —  Em- 
pêchée par  le  surmenage  industriel  qui 
amène  l'abus  des  excitants,  188.  —  Existe 
chez  le  tisseur  de  San-Leucio,  340;  chez 
les  fermiers  du  Haut-Forez,  424.  —  Im- 
posée par  la  nécessité  à  l'allumeur  de  ré- 
verbères de  INancy,  487. 

Sociétés  d'Assurances  muti; elles.  — 
Allocations  qu'elles  peuvent  accorder,  m 

(§  14,  S""  I)  :  n"  73,  20:  n"  74,  74;  n"  77, 
242  ;  n"  78,  292  ;  n"  80  436. 


Sociétés  de  Chant  et  Musique.  —  A 
Guise,  formée  par  les  ouvriers,  17. 

Sociétés  de  Tir  et  Gymnastique.  — 
A  Guise,  17. 

Soie.  —  Monographie  du  tisseur  de 
soie  de  San-Leucio,  n"  79,  325  ;  industrie 
établie  et  réglementée  par  le  roi  Ferdi- 
nand l",  365;  .statistiques  de  l'industrie 
à  San-Leucio  et  en  Italie,  375  ;  tableau  des 
ouvriers  de  la  maison  Offritelli  et  Pascal, 
378;  de  l'élevage  du  ver  à  soie  en  Italie, 
380;  filature  et  moulinage,  381;  tableau 
du  tissage  en  Italie,  384;  organisation  in- 
dustrielle de  la  maison  Offritelli  et  Pas- 
cal, 385;  statistique  de  11  familles  ou- 
vrières; recettes,  388;  dépenses,  389;  si- 
tuation bonne,  mais  inférieure  depuis 
1860,  391;  perte  du  droit  de  propriété 
sur  la  manufacture  et  les  instruments, 
•392;  Stabilité,  393,  tableau  des  salaires, 
394, 

Souvervineté.  (Déf.)  —  Respect  du 
pouvoir  chez  les  paysans  du  Haut-Forez, 
462. 

Statistique.  —  De  la  population  de 
Bàle  par  ménages,  226;  de  la  consomma- 
tion par  mois  de  la  famille  du  savetier, 
234  ;  du  travail  comparé  du  savetier  et  de 
sa  femme,  heures  et  salaires,  250;  des  re- 
cettes de  dix  familles  ouvrières  bàloises, 
262  ;gain  moyen  par  heure,  264;  durée  du 
travail,  265;  dépenses  des  familles  269; 
valeur  nutritive  et  prix  des  aliments, 
269.  —  De  l'industrie  de  la  soie  à  San- 
Leucio  et  en  Italie,  375  ;  des  budgets,  sta- 
bilité et  salaires  de  11  familles  ouvrières 
de  San-Leucio,  388.  —  Sur  la  commune 
de  Saint-Genest  Malifaux,  sol  et  bestiaux, 
464. 

Stimulants  (Comume.nts  et).  (Déf.)  — 
[V.  Condiments.) 

Subventions.  (Déf.)  —  m  (§§  7,  14,  S"" 
II);  n"  73,  10,  20;  n»  74,  62,  74;  n"  75, 
123,  140;  n"  76,  184,  196;  n^  77,  231,  242  ; 
n"  78,  279,  292;  n"  79,  337,  352;  n"  80, 
419,  436;  n"  81,  483,  49'i.  —  Doivent  être 


530 


TABLE   ALI'HABETIOLE    ET    ANALYTIQUE. 


développées  pour  compléter  les  salaires 
insuflisants,  505. 

SlCCESSION   (RÉGIME    DE).    (Déf.)    —     AU 

Texas,  liberté  lestainentaire  absolue; 
morcellement  pratiqué  dans  de  justes 
limites,  l'21.  —  Le  partage  égal  oidonné 
par  Ferdinand  1^",  dans  la  «  colonie  »  de 
San-Leucio,  proscrivait  les  testaments, 
372.  —  Transmission  intégrale  des  biens 
encore  en  u^agc  dans  le  Haut-Forez, 
40i;  ses  résultats  bienfaisants,  456. 

Surnoms,  fréquents  dans  le  Haut-Forez, 
40y. 

Syndicats  ouviuers.  —  A  Paris,  chez 
les  ébénistes,  organisent  l'éducation  in- 
dustrielle, G;î,  l'assurance  des  outils,  72. 

SwEATiNc  SYSTEM. —  Résultais  de  l'abus 
du  marchandage:  dans  l'ébénisterie,  les 
grands  magasins  écrasent  le  petit  patron 
du  meuble  bourgeois,  *.tG  ;  achètent  au- 
dessous  du  prix  de  revient  à  l'ouvrier 
trôleur,  98  ;  leur  influence  dans  l'indus- 
trie du  jouet,  211. —  Ruine  la  santé  des 
ouvriers  par  le  surmenage,  181,  188.  — 
Conduit  à  1  assistance  légale,  182. 


Tabac.  —  Son  usage  chez  l'ouvrier  de 
Guise,  16;  chez  le  savetier  de  Bàle,  248  ; 
la  cigarette  chez  l'ébéniste  parisien,  69; 
l'employé  de  la  Papeterie  d'Angoulème, 
286;  la  chique  chez  le  métayer  du  Texas 
et  fréquemment  chez  les  fenmies,  1-31  ;  la 
pipe  chez  le  fermier  du  Forez,  443;  le 
cigare  chez  le  tisseur  de  San-Leucio,  358. 

Tâcheron.  (Déf.)  —  Monograjibie  de 
l'ajusteur  surveillant  de  Guise  (Aisne), 
l.  —  Monographie  du  tisseur  de  San- 
Leucio  (Italie),  325. 

Tenancieu  (Oivrier).  (Déf.)  —  Mono- 
graphie des  métayers  de  l'Ouest  du  Texas, 
n"  75,  loi .  — Montagnards  du  llaut-Forez, 
n"  80,  3'J7. 


Texvs.  —  Province  des  Étals-Unis  où 
liabite  la  famille  de  métayers  décrite 
sous  le  n"  75,  domaine  d'Annadale,  comté 
de  Callahan,  101  ;  état  du  sol,  101  ;  cons- 
titution agricole,  106;  catégories  de  la 
population,  107;  religion  et  moralité, 
113;  instruction,  116;  colonisation,  154; 
les  «  farmers  »  ;  caractère  et  aspirations, 
1.59  ;  administration  des  Comtés,  166. 

Théâtre.  —  Au  familistère  de  Guise, 
16;  chez  l'ébéniste  parisien,  69;  goût 
passionné  dans  la  famille  de  la  mouleuse 
parisienne,  180;  chez  l'employé  de  la 
Papeterie  dWngouléme,  286. 

Traditions.  (Déf.)  —  Maintenues  dans 
le  Haul-Forez,  grâce  à  la  ferveur  reli- 
gieuse et  à  la  famille-souche,  409,  456. 

Travail  (Organisation  dc).  —  A  l'u- 
sine de  Guise,  3o  à  51  ;  dans  un  atelier 
d'ébénisterie  de  haut  luxe  de  Paris,  91  ; 
dans  l'industrie  du  jouet  à  Paris,  174  ; 
à  la  Papeterie  coopérative  d'Angoulè- 
me, 287,  302.  —  Statistique  du  travail 
comparé  du  savetier  de  Bàle  et  de  sa 
femme,  234;  de  dix  familles  ouvrières 
bàloises,  gain  par  heure  et  durée  moyen- 
ne, 264.  —  Règlements  de  Ferdinand  I", 
pour  la  manufacture  de  soie  de  San-Leu- 
cio, 368  ;  la  maison  Offritelli  et  Pascal, 
385.  —  Dans  le  Haut-Forez,  alliance  des 
travaux  agricoles  et  de  l'industrie  ruba- 
nière,  404;  industrie  rubanière,  471.  — 
Allumeur  de  réverbères  de  Nancy,  485. 
—  Chez  de  nombreux  ouvriers,  impossibi- 
lité de  subvenir  i)ar  le  travail  aux  besoins 
stricts  de  la  famille,  506. 

Trwaux  des  divers  membres  des  fa- 
milles ouvrières  décrites  dans  le  ])résent 
volume,  m  (§§  8,  14,  S™  111):  n»  73, 
10,  22;  n»  74,  63,  76;  n°  75,  124,  142; 
n"  76,  185,  198;  n"  77,  232,  244;  n»  78, 
280,  294;  n"  79,  338,  354;  n»  80,  421,  438; 
n"  81,  485,496. 


U 


Usines.  (Déf.)  —  Usine  de  Guise,  2.  30 
et  suiv.  —  Papeterie   coopérative  d'.\n- 


TABLE   ALPUABETIQUE    ET   ANALYTIQUE. 


531 


j^oulôiue,  273,  302.  —  Manufacture  de  soie 
de  Sau-Leucio,  325,  338,  375.  —  Manu- 
factures rurales  de  rubans  dans  le  Haut- 
Foi  ez,  i05,  415,  i23,  472. 

Ustensiles  de  méwge  des  fimiilles  ou- 
vrières décrites  dans  le  pressent  volume, 
m  (§  tO)  :  n"  73,  10;  n»  74,  67;  n»  75, 
12ït;  n»  76,  189;  n»  77,  238  ;  n»  78,  284  ; 
n«  79,  342;  n"  80,  427;  n"81,  488. 

Usufruit  (Propriétés  reçies  en),  par 
les  familles  ouvrières  décrites  dans  le 
présent  volume,  m  (§  14,  S'j"  II)  :  n"  75, 
140;  n"  78,  292. 


V 


Valeurs  morilières  possédées  par  les 
familles  d'ouvriers  décrites  dans  le  pré- 
sent volume,  m  (§6,  14,  S»"  I):  n"  73, 
9,  20;  n»  74,  62,  74;  n"  75,  122,  140; 
n»  76,  189,  196;  n°  77,  230,  242;  n"  78, 
279,  292;  n»  79,  337,  352;  n»  80,  418, 
436;  n^Sl.  483,  494. 

Vêtements  des  familles  ouvrières  dé- 
crites dans  le  présent  volume,  m  (§§  10, 
14,  S»"  III,  15,  S"^  I)  :  n"  73,  13,  22, 
26,  28;  n»  74,  66,  76,  80,  82;  n"  75,  130, 
146;   n"  76,  190,   202;  n  77,  238;  n'  78, 


285,    294,    298;     n"    79,     :ii;i.    .'?54,    360; 
n"  80,  428,  438,  442;  n"  81,  189,  496,  50(t. 

VivNDES  ET  Poissons  consominés  par 
les  familles  d'ouvriers  décrites  dans  le 
présent  volume,  m  (  gg  9,  15,  S"»  1)  : 
n"  73,  13,  24;  n"  74,  65,  78  ;  n"  75,  127, 
144;  n"  76,  188,  200;  n"  77,  233,  246; 
n"  78,  283,  296;  n"  79,  340,356;  n»  80, 
424,  440;  n"  81,    487,  498. 

Vice  originel.  (Déf.) 

^'IE  privée.  (Déf.)  —  (Voyez  Bonnes 
MOEURS,  Famille,  Mauvaises  moeurs.) 

Vie  publique.  (Déf.)  —  Rôle  politique 
de  l'ébéniste  parisien,  61.  — Du  métayer  du 
Texas,  118;  aspirations  et  conceptions 
politiques  des  «  farmers  »  du  Texas,  1.59  ; 
aiment  les  sociétés  secrètes,  162;  admi- 
nistration des  comtés,  base  du  gouver- 
nement local;  attributions  inultiples,  le 
peuple  appelé  à  administrer  directement, 
166.  —  Rôle  politique  du  savetier  de 
Bàle,  229,  230;  des  ouvriers  bàlois,  en 
général,  2,59.  —  Tendances  gouvernemen- 
tales des  paysans  du  Haut-Forez,  462. 

Voisinage.  (Déf.)  —  Avantages  qu'en 
retirent  les  »  farmers  »  du  Texas,  111. 


J.  Sarda. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


CONTENUES 


DANS  CE  TOME  QUATRIÈME. 


DEUXIEME    SERIE. 


Avertissement v 

Sommaire    «leis   monog^rapliies    eoiiteuues   «laiiis   ce    tome 

quatrième. 

N"  73  :  AJUSTEUR  SURVEILLANT  DE  L'USINE  DE  GUISE  (Aisne-France),  par 
M.  Urbain  Guéiin 1 

Observations  préliminaires 1 

BiDGET  des  recettes,  20.  —  Bld(;et  des  dépenses,  24.  —  Comptes  annexés  aux 
budget.^,  28. 

Éléments  divers  de  l\  constitution  sociale.  — Sur  l'histoire  de  l'usine,  30. 

—  Sur  le  familistère;  son  organisation;  ses  avantages  et  ses  inconvénients,  36. 

—  Sur  une  institution  spéciale  à  l'enfance  :  la  nourricerie,  40.  —  Sur  les  assu- 
rances, 41.  —  Sur  la  Société  coopérative  de  consommation  du  familistère,  44. 

—  Sur  la  participation  aux  bénélices  et  la  transmission  aux  participants  de  la 
propriété  de  l'usine,  45.  —  Sur  la  direction  et  l'administration  de  la  Société  ;  con- 
clusions, 49. 

Note  sur  le  familistère  de  Laekon  'BeJgiquej,  par  M.  .\rmand  Julin^  .jI. 

N"  7i  :  ÉBÉNISTE  PARISIEN  DE  HAUT  LUXE  (Seine-France),  par  M.  P.  du  Ma- 

ro  ussern .53 

OnSERVATION.S  PRÉLrMINAIllES 53 

Budget  des  recettes,  74.  —  Budget  des  dépenses,  78.  —  Comptes  annexés  aux 
budgets,  82. 

Éléments  divehs  de  la  constitution  sociale.  —  Monographie  d'un  atelier  de 
haut  luxe,  87.  —  Le  meuble  couranl,  95.  —  Le  iiieui>Iede  trùle,  98. 

48 


534  TABLE    DES    MATIÈRES. 


N»  75  :  MÉTAYER  DL  L'OUEST  DU  TEXAS  (Étals-Unis  d'Amérique;,  par  M.  Clau- 
dio Jannet loi 

Observations  pr.KLiMi.wiiu.s 101 

BuDr.Eï  des  recettes,  140.  —  Budget  des  dépenses,  1  i'i.  —  Comptes  annexés 
aux  budgets,  148. 

Éléments  divers  de  la  constitution  sociale.  —  Sur  la  colonisalion  de  l'Ouest 
du  Texas,  154.  —  Sur  le  caractère  et  les  aspirations  sociales  des  farmers  de 
l'Ouest,  15D.  — Sur  l'administration  des  comtés  dans  l'État  du  Texas,  166.  — 
Sur  les  avantages  respectifs  ([u'otTrenl  aux  immigrants  européens,  dans  l'Amé- 
rique du  Nord,  les  climats  froids  et  les  climats  tempérés,  170. 

N»  76  :  OUVRIÈUE  MOULEUSE  E.N   CAIITO.NNAGE  DUNE  FABRIQUE  COL- 
LECTIVE DE  .lOUETS  PARISIENS  (Seine-France;,  par  M.  P.  du  Maroussein.     173 

Observations  préliminaires 173 

Bldget  des  recettes,  196.  —  Bld(;et  des  dépenses,  200.  —  Comptes  annexés 
aux  budgets,  204. 

Éléments  divers  de  la  constitution  sociale.  —  Des  causes  dernières  de  la 
forme  des  industries,  208.  —  Du  rôle  des  «  grands  magasins  »  sur  l'industrie, 
211.  —  De  la  spécialité  métal  haut  luxe  dan>  le  jouet,  213.  —  Sur  une  «  fa- 
brique collective  »  de  poupées  de  haut  luxe,  216.  —  As.sistance  Ruel,  220.  — 
Sur  lapostolal  religieux  parmi  les  ouvriers  de  Paris,  222. 

N»  77  :  SAVETIER  DE  BALE  (Suisse),  par  M.  Ch.  Landolt 225 

Observations  préliminaires 225 

Budget  des  recettes,  242.  —  Bud  ;et  des  dépenses,  246.  —  Comptes  annexés 
aux  budgets,  24'.t. 

Éléments  divers  de  la  constitution  sociale. —  Sur  le  travail  comparé  de  l'ou- 
vrier et  de  sa  femme,  250.  —  Sur  la  répartition  des  dépenses,  253.  —  Etude 
comparée  de  dix  familles  ouvrières  b'iloises,  254. 

N°  78  :  OUVRIER-EMPLOYÉ   DE    LA   FABRIQUE  COGPÉR.ATIVE  DE   PA- 
PIERS D'ANOGULÉME  (Charente-France),  par  M.  Urbain  Guérin 273 

Observations  prklimin vires 273 

Budget  des  recettes.  292.  —  Budget  des  dépenses,  2)6.  —  Comptes  annexés 
aux  budgets,  300. 

Eléments  divers.de  l\  constiti  tion-  sociale.  —  De  l'organisation  coopérative 
de  la  fabrique  Laroche-Joubert  et  du  mode  de  distribution  des  bénéfices,  302. 
—  De  la  part  descoopérateurs  à  l'administration  de  la  fabrique,  311.  —  Des 
salaires,  314.  —  Delà  boulangerie  coopérative  d'Angouléme,  316.  —  De  la  par- 
ticipation aux  bénéllces  et  de  la  transmission  de  la  propriété  de  l'usine  aux 
ouvriers,  310. 


TABLE    DES   MATIÈRES.  535 

Pages. 

N"  79  :  T[SSEUR  DE  SAX-LEUCIO  (Province  de  Caserle-Italie),  par  M.  Ippolito 
Saiitangelo  Spolo 325 

Obskrvations  1'Ri:i.iminaikes ^25 

Bldget  des  recettes,  35'i.  —  Bidget  des  dépenses,  356.  —  Comptes  annexés 
aux  budgets,  360. 

Éléments  divers  de  la  constitltion  .«o(L\le.  —  Sur  l'origine  et  le  développe- 
ment de  la  commune  de  San-Leucio.  36i.  —  Sur  les  lois  de  Ferdinand  P' de 
Bourbon  pour  le  «  bon  gouvernement  de  la  population  de  San-Leucio  »,  367.  — 
Sur  l'industrie  de  la  soie  à  San-Leucio  et  en  Italie,  375.  —  Sur  l'organisation 
industrielle  à  San-Leucio  et  dans  la  filature  Offritelli  et  Pascal,  385.  —Sur  la 
condition  économique  et  sociale  des  ouvriers.  387. 

No   80   :    FERMIERS   MONTAGNARDS    DU   HAUT-FOREZ     Loire-France;,  par 
M.  P.  du  Maroussem .- 397 

Observations  préliminaires 397 

Budget  des  recettes,  436.  —  Bldget  des  dépenses,  440.  —  Comptes  annexés 
aux  budgets,  444. 

Éléments  divers  de  la  constitution  sociale.  —  Sur  le  développement  du  Dé- 
calogue  par  l'instruction  chrétienne;  le  «  Caméristat  »,  452.  —  Sur  l'autorité  pa- 
ternelle, le  respect  des  parents  et  la  transmission  des  biens,  455.  —  Sur  les  sectes 
dissidentes  :  la  Petite  Église;  le  «  béguinisme  »,  458.  —  Sur  la  religion  :  les 
«  manécanteries  »,  461 .  —  Sur  la  souveraineté,  461.  —  Sur  la  communauté,  463. 
—  Sur  le  patronage,  464.  —  Sur  que^iues  documents  concernant  la  commune 
dt>  Saint-Genest,  464.  —  Sur  l'exploitation  des  bois,  466.  —  Sur  les  fermes- 
laiteries.  468.  —Sur  l'industrie  des  rubans,  471. 

«■^  81  :  ALLUMEUR  DE  RÉVERBÈRES  DE  NANCY  (Meurthe-et-Moselle,  France), 
par  M.  Chassignet 477 

Observations  préliminaires 477 

Budget  des  recettes,  494.  —  Budget  des  dépenses,  498.  —  Comptes  annexés 
aux  budgets,  502. 

Éléments  divers  de  la  constitution  sociale.  —  De  la  fixité  des  salaires  et  de 
l'appoint  des  subventions  dans  les  budgets  ouvriers,  504.  —  Comment  sont 
supi>léées  les  institutions  patronales  dans  la  localité  où  réside  la  famille  obser- 
vée, 506. 


UN    DE    L\    TARLE    DES    MATIERES. 


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