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1
REVUE
DE
CHAMPAGNE
ET
|)K BRIE
HISTOIRE — BIOGRAPHIE
ARCHÉOLOGIE — DOCUMENTS INÉDITS — BIBLIOGRAPHIE
BEAUX-ARTS
VINGTIÈME ANNÉE - DEUXIEME SÉRIE
TOME SEPTIÈME
H< —
A R Cl s - s U R " A U B E
LÉON FRÉMONT, IMPRIMEUR-ÉDITEUR
PLACE DE LA HALLE
1895
REVUE
DE
CHAMPAGNE & DE BRIE
Ai'cis- sur- Aube. — Imprimerie Léon Frcmont.
REVUE
DE
CHAMPAGNE
ET
DE BRIE
HISTOIRE — BIOGRAPHIE
ARCHÉOLOGIE — DOCUMENTS INÉDITS — BIBLIOGRAPHIE
BEAUX-ARTS
•H«
TOME SEPTIEME
VINGTIÈME ANNÉE — DEUXIÈME SÉRIE
ARGIS-SUR-AUBE
LÉON FRÉMONT, IMPRIMEUR-ÉDITEUR, PLACE DE LA HALLE
18 9 5
REVUE DE CHAMPAGNE ET DE BRIE
LISTE DES ECHEVINS
DE LA VILLE DE TROTES
Le présent travail n'a d'autre valeur et d'autre intérêt que
de présenter la mise en œuvre et la facile juxtaposition de
listes incomplètes ei dispersées, pour en former une liste
unique et complète.
On a l'intention de compléter cette liste par une élude sur
l'institution de l'échevinage, l'éleclion des échevins, leurs
attributions, etc., et en outre, par un travail héraldique sur
les principales familles sorties de l'échevinage (et par consé-
quent du commerce) qui se sont élevées aux grandes charges
de la robe et de l'épée, comme les Mole, Hennequin, de
Mesgrigny, de Mauroy, de Ménisson, le Bey, Guillaume de
Chavaudon, Paillot, Angenoust, Boucherai, Polerat, Girardin,
Le Mairat, Largenlier, Péricard, Nivelle, Le Marguenat, de
Corberon, et autres, devenues par la suite indubitablement
nobles et ayant fourni des branches titrées, des présidents aux
cours souveraines, des officiers généraux, des évêques, etc.
Il est à noter qu'aux environs de 1730, le nombre de quatre
échevins reparait, mais que dans cette liste on ne donnera
généralement aux années postérieures que les noms des deux
membres nouveaux promus à l'échevinage et entrant en
fonction avec les deux élus de l'année précédente.
A. DE M.
LISTE DES ECHKVINS
15
1519.
15' 15. — Pierre Mérille, prêtre.
Jean de la Viezville, id.
Claude de Marisy.
Nicole Clément, prêtre,
au lieu de Jean Henne-
quin.
15 16.— Claude de Marisy.
Edmond le Boucherat.
Jean Percin.
Jean Moslé.
1517.— O.dard Hennequin, cha-
noine.
Jacques Luillier, avocat.
Pierre Pion, marchand.
Christophe Chevalier, id.
Gilles Guillaume^ prêtre,
promoteur.
Philippe de Toul, cha-
noine.
Pierre Bury, marchand.
Nicolas Pinette, id.
François Séguin, cha-
noine.
M"^ Jean Acarie, avocat.
Denis le Vallot, mar-
chand.
Jean Daniel, maître du
collège de la Bouche-
rie.
1520. — Nicolas Prunay, abbé de
Saint-Loup.
Nicole Angeno*:, cha-
noine de Saint- Pierre.
Claude le Tartier, mar-
chand.
Jacques Ménisson, rece-
veur des tailles.
Philippe de Villemort,
prêcre, administrateur
de l'Hôtel- Dieu -le -
Comte.
Etienne de Montsaujon,
avocat.
Nicolas Demeures, s'' de
Nuisement, mort en
15225 puis_, après son
décès, Jacques Dori-
gny, s'" de Fontenay.
Henrion Dorey, mar-
chand.
Charles Vacher, chanoine
de Saint-Pierre.
Etienne Maquart, curé
de Saint-Aventin.
Nicolas Léger^ s"" de Che-
villèles, marchand.
Denis Clérey, marchand.
1521.
1522.
1523. — Pierre Jehanson, prêtre,
curé de. . .
Germain Emery, écuyer,
avocat.
Guillaume Hennequin,
marchand.
Claude Jonchère, mar-
chand.
1524.— François Lesprivier, les-
né, marchand.
Jean Dorigny , marchand .
Jean Largentier, mar-
chand.
Nicolas Bouillerot, tan-
neur.
1525. — Pierre Gombault, avocat.
Jacques de Chatorup,
escuyer.
Jacques de Pleurs, mar-
chand.
Nicolas Coiffard, escuyer.
1526. — Jean Aubry.
Guillaume le Mercier.
Claude de Mesgrigny,
marchand.
Lambert le Jeune.
1527. — Pantaléon le Peltrat, avo-
cat.
Robert de Chantalot, s""
de Baires.
Pierre Corrard , mar-
chand.
Sébastien Mauroy.
1528.— Antoine Maillet^ mar-
chand.
Christophe Ménisson, md.
Charles de Vitel, mar-
chand.
Alain Bouillerot, mar-
chand tanneur.
I5;29. — M« Jean Huyard, s' de
Presles.
Jacques le Marguenat.
Nicolas Boyau.
Guillaume de Pleurs.
I5;30. — Guyot Cornuat, apothi-
caire.
Claude Moslé, le jeune.
Nicolas Dorigny, lesné.
Claude Lejeune, mar-
chand.
1531. — Antoine Guerry_, s"" de
Lirey.
Nicolas Largentier.
Pierre Maillet.
Jean Ménisson^ marché,
et bourgeois.
DE LA VILLE DE TROYES
1532. — Pierre de Pleurs.
Huguenin le Jeune.
Vincent Neveler.
Jean ÎVIuet. marchand, et
Christophe Ménisson ,
après sa mort.
1533. — Me François .Mauroy, ad-
vocat.
François de Villeprouvée,
escuyer.
Nicolas Hennequin.
Edmond Largentier.
1534. — Jean Mérat, lesné.
Claude Michelin.
Jean Gouault.
Lupien le Tartier, mar-
chand bourgeois.
1535'. — Claude (alias Nicole) de
Villemort.
Nicolas Dorigny, le jeune.
Bernard Lesprivier.
François Chapelain.
1536. — Guillaume de Pleurs, au
lieu de Nicolas Dori-
gny, mort le 3 octo-
bre.
Nicolas (alias Bernard)
Lesprivier.
Pierre Daubeterre.
Guyon Piétrequin.
Jacques le Tartier.
1537. — Bernard de Brion.
Me Marc Champy.
Nicolas Mauroy, lesné.
Jean le Bé.
1538. — Nicolas Fay.
Edmon Griveau.
Nicolas Loupvat.
Pierre Belin.
1539. — M« Philippe Belin.
Me Claude de Villeprou-
vée.
Nicolas Riglet.
Jean Paillot.
1540. — Eustache de Pleurs.
Nicolas Mauroy, lejeune,
fils de Pierre.
Pierre Aubry.
Jean Factet, marchand.
1541. — Augustin Liboron.
Jean de Mallerois.
Jullien Pérignon.
Robert Angenost.
1^42. — Jean Dosmey.
Christophe Lefebvre.
Louis Gouault.
Jacques Mauroy.
Jean Dautruy, licencié es
lois.
Jean Duchat, id.
Jacques .Angenost.
Guyon Mérat.
Charles Format (ou Cor-
nuat).
Pierre Belin le jeune.
Nicolas Largentier.
Guillaume le Bey.
Claude le Boucherat.
Christophe Angenoust.
Jean Mauroy.
Jean le Tartier.
Michel de Villemort.
Nicolas de Corberon.
Pierre Boucher.
Je in le Tartier.
Nicolas Drouot.
Iv'icolas Bizet.
Jacques Boyau.
Jean Jossier.
Louis Guérin.
Nicolas Ludot.
Jean Roslequin.
Jean Debargues, marchd,
François Hennequin.
Pierre Gouault.
Pierre Corrard.
Pier'"e Péricard.
Jacques .Aubry.
Nicolas Lamy.
Jean Mauroy, le jeune.
Jacques Vestier.
Jacques Drouot.
Hugues Cofl'ey.
Claude Clérey.
Nicolas Charlemagne.
Guillaume Boursier.
Martin de Saint-.Amour.
Guillaume Dare.
.Anthoine Hennequin.
Jean de Vassan.
Jean Morisc.
Pierre Nevelet.
Jacques Dautruy.
Jean de Marisy, s"' de
Cervel.
François Girardin,
Nicolas Hennequin.
Laurent Daultruy.
Nicolas dAuxerre.
Claude Jossier.
Hugues iVjauroy.
Jean Gombault.
1557,— François PalUot,
1543 —
1544-
i?4^ —
1546.
1547-
1548.
1549.—
1550.—
1551.-
1552.-
I553--
>5)4-
1555- -
1556.-
LISTE DES ECHEVINS
Anthoine Aubin.
Robert le Bey.
François Bouillerot. ^S^9- —
1558. — Claude Guillemet.
Edmon fou Simon) Mar-
guiti.
Biaise de Failly.
Jacques Dorigny.
1559. — Denis le Bey.
Guillaume de Meures. 1570. —
Nicolas de la Ferté.
Simonnet Bouillerot.
1560. — Jacques Péricard.
Claude le Tartier.
Jean Paillot. 1571. —
Jean le Mercier.
1561. — Pierre Mauroy, s'' de
Vaulcharsis.
Aiithoine de Marisy, s"'
de Cervel. 1572. —
Guillaume Desrieux.
Claude le Mercier.
Ces trois derniers, hugue-
nots, remplacés le 18
août 1562, par Jean le
Tartier, mercier, Jean
Gombault et Jacques 1573. —
Aubry, marchands.
1562.: — Estienne Camusat.
Laurent Chantreau (ou
Chauveau).
Jean Lescot. i574' —
Benoist le Gras.
1J63. — Pierre Mauroy, fils de
Nicolas.
François Verdier (ou Ves-
tier).
Laurent Milet. i575' —
Nicolas Soret, marchands
156.4. — Kemy Laurent.
Philippe Factet.
Pierre Morillon. ^$7^' —
Jean de Coussy.
1565. — Pierre Largentier lesné.
Nicolas Godier.
Claude Huez.
Nicolas Ludoc. I577- —
1566. — Anthoine Allen.
Robert Largentier.
Jean Léger.
Pierre Legras.
1567 — Jean Nervost, lesné.
Nicolas I.ebey.
Louis le Mérat.
Edmon Maillet. 1578. —
1568. — Jean Destampes,
Kvrat Pérot.
Claude Desrieux.
Nicolas de Machicourt.
Jean de Marisy, gréne-
tier.
Pierre Bonnot (ou Bru-
not).
Nicolas de Saint-Aubin.
Claude Mosley, s"" de
Villy.
Jean Milot lesné, advo-
cat.
François Dauxerre.
Jacques Camusat.
Vincent Nevelet.
Nicolas Mauroy, conseil-
ler.
Simon Nivelle.
François de Gaspard.
Pierre Daubeterre.
Simon de Vitel, s'' de
Chaussepierre.
Christophe Mauroy.
Nicolas le Marguenat.
Pierre le Mairat. puis,
après son décès, Emon
Maillet.
Nicole Guichard, lieute-
nant.
Jean le Cornuat.
Odard Péricard.
Odard Dorigny.
Odard Mosley (ou Mole),
chanoine.
Claude Jacquot, prévôt.
François de Marisy, s"" de
Machy.
Nicolas Dauxerre.
Pierre le Noble.
Jean Daubeterre.
Jean Daultruy.
Nicolas Largentier.
Jean Foret^ conseiller.
Nicolas de Haie, rece-
veur.
Claude Lardot,
Pantaléon Cornuat.
Anthoine Bruchié, no-
taire royal.
Claude Chevalier, puis,
après son décès, Jean
d'.Aubeterre, s"" de Vil-
lechétif.
Louis Ludot.
Jean le Mairat.
Jean le Boucherai, Esleu,
Jacques Vestier, le jeune.
pierre Daniel,
DE LA. VILLE DE TROYES
9
ï579-
1581.
1582 —
1583.
Edme le Marguenat,
Benoît Tourtat } conseil-
ler au Bailliage.
Michel Drouût.
François le Mercier.
Odard Perrignon.
1^80. — Jean Coiffard, s^ de Ver-
moise.
Pierre Largentier, le )"''.
François Dolet.
Anthoine de Vienne, gref-
fier du Bailliage.
Balthazard Bailiy, cons"""
au Bailliage et Prési-
dial.
Jacquinot, maître des
Eaux et Forêts.
Michel Girerdin, rece-
veur du domaine.
Nicolas Pinette, mar-
chand.
Hierosme Jourdin, es-
leu.
Simon Saigeot.
Adam le Noble,
Jean Hennequin.
Geoffroy Coiffard, con-
seiller au Bailliage et
Siège présidial.
Nicolas Foret.
Denis Angenost(ou Ange-
noust).
Nicolas Péricard.
Simon le Boucherat, gref-
fier en l'Election.
Nicolas Hennequin, fils
de François.
Claude Nortasj s'' de Vir-
loup.
Nicolas Jacquot,
■ Louis de Villeprouvée,
président en l'Election.
Edme le Gas, s'' d'Er-
rey.
Nicolas Dare.
Joseph Gombault, mar-
chand.
1586. — Claude Dautruy.
Jean Fauveau.
Jacques Angenost (ou
.Angenoust), esleu.
Nicolas Hennequin.
Nicolas Gauthier, con-
seiller.
Vincent Dautruy.
Lambert Bouillerot.
Nicolas Dorieux.
1584.
1^85.
1587.-
1588. — Pierre de Villeprouvée,
conseiller.
Philippe Factet, esleu.
Guillaume Bourgeois.
Nicolas Ludot, receveur
des tailles.
1588. — Nicolas Gauthier, con-
seiller au Bailliage et
Présidial.
Vincent Dautruy.
Nicolas Ludot, receveur
des tailles.
Jean Domino.
1588. — Jean Thierry.
Louis Douynet.
Denis Latrecey.
Pierre le Bey.
1589 — Yves le Tartier, doyen
de Saint-Urbain.
Gilles de la Court.
Laurent Daultruy.
Sébastien Mauroy.
1590. — Jean Milot, advocat.
Christophe Lefebvre, s""
de Sompsois.
Gabriel le Feley.
Nicolas Huez.
159T. — Jean Mégnan, doyen de
Saint-Etienne et curé
de Saint-Jean.
Nicolas Rousseau, avo-
cat.
Jean Colinec.
Pierre le Roux.
1592. — Jean Andry.
Jérémie Michelin.
Jean Paillot.
Antoine Collet.
1593. — Jean de Vitel, conseiller.
Nicolas Lejeune.
Jean Barat.
Guillaume Dare.
1594. — Odard Hennequin, do-
yen.
Jean Mauroy, conseiller
au Bailliage et Prési-
dial.
Pierre Ar.dry.
Nicolas Paillot.
1^95. — Jean Bazin, conseiller au
Bailliage et Présidial.
Pierre Nevelet, secrétaire
du Roy, bailly d'Isles.
Jacques Péricard.
François Girardin.
1596. — Thomas Allen, bourgeois.
Hubert Jossier, marché.
10
LISTE DES ECHEVINS
Charles Maillet, tainctu-
rier.
Christophe Angenoust, 1607. —
marchand.
1597. — FrançoisdeGaspard, lieu-
tenant en la Prévôté.
Pierre Corrard, conseil-
ler au grenier à sel.
Jean Nivelle.
Jacques le Bey. j6o8. —
1598. — Nicolas Favier, cons<^''.
Anthoine Pithou, s'' de
Luyères.
Louis Gouault. 1609, —
Jacques Corrard, bour-
geois.
1599. — Denis Gombault, con-
seiller.
Jean de Vienne, con-
seiller en l'Election. 1610. —
Nicolas Breyer,
Jea.-. Vigneron, marché*.
1600. — Anthoine Allen, conseil-
ler. 1611. —
Pierre Dare.
Edme Guillaume.
François Laurent, mar-
chands.
1601. — François le Febvre, advo-
cat du Roy.
Guillaume Doë. 1612. —
François Féloix.
Nicolas Martin.
1602. — Anthoine de Vienne, con-
seiller au Bailliage et
Présidial. 1613. —
Pierre le Jeune.
Louis Morise.
Nicolas Aubry.
1603. — Claude Angenoust, es-
leu.
Jean le Mercier.
Je.ui le Jeune. 1614. —
Jean Vestier.
1604. — Pierre le Courtois, con-
seiller esdits sièges.
Jean Lesprivier.
Nicolas Denise.
Claude Corrard.
1605. — Josias Pailiot, conseiller. 1615. —
Joseph de Vienne, esleu.
Jean Poterat.
Jacques Rouaire.
1606. — Jacques le Boucherat,
esleu. 1616. —
Guillaume Hennequin.
René Chifallot,
Charles Cornuat, bour-
geois.
Sébastien Fauveau, con-
seiller au Bailliage et
Siège présidial.
Maurice le Cornuat, pré-
sident en l'Election.
Edmon Denise.
François Girardin.
Enoc Michelin.
Guillaume Journée.
Claude Merrey.
Jacques Langlois.
Bonaventure Bailly, avo-
cat.
Romaric Lescot.
François Becel.
Jacques de Marisy, bour-
geois.
Pierre Michelin.
Charles Léger.
Pierre Pailiot.
Nicolas le Tartier le j"^.
Nicolas Guichard, con-
seiller au Bailliage et
Présidial.
Nicolas Drouot.
Samuel de Pleurs.
Pierre Gombauld, mar-
chands.
Jean Cheviliard, gréne-
tier.
Jean Léger.
Claude Barat.
Nicolas Clerget, march»!.
Jacques Péricard, advo-
cat.
Jacques Dorigny, rece-
veur du Taillon.
Odard Péricard.
Anthoine Pailiot, bour-
geois.
Joachim Bazin, conseiller
au Bailliage et Siège
présidial.
Isaac Maillet.
Edme Michelin.
Urbain Morise , bour-
geois.
Baptiste Dorigny, s' de
Fouchères.
Nicolas Vestier.
Claude Dare.
Jean Nivelle, le jeune.
Nicolas le Marguenat,
advocat.
Nicolas Dorieux, advocat.
DE LA VILLE DE TROYES
11
Marc Courcier.
Nicolas Lejeuiie, le jn^.
i6i7. — Nicolas Drouot, advocat.
Pierre Chevillard.
François Dieure (Dirut r)
Nicolas Hérault, bour-
geois.
1618. — Moïse Riglet, s"" de
' Moiitgueux.
Pierre Girardiii.
Jacques le Bey.
Daniel de la Huproye^
bourgeois.
1619. — Philippe de Vitel, s"" de
Chaussepierre, advoc'.
Jean Bouillerote.
Henry Camusat.
François Tarder, bour-
geois.
1620. — François Nervost.
Laurent Dautruy, lesné.
Louis Guillaume.
Odard Vestier, bour-
geois,
1621. — Pierre Bel, conseiller et
esleu.
Pierre Tetel, advocat.
Pierre Landreau (Landi-
veau ?)
Claude Cornuat, bour-
geois.
1622. — Pierre Potherat, s"" de
Viélaines (Poterat).
Pierre Fay.
Nicolas Huez.
Joseph Colinet.
1623. — Edouard Dautruy, lieute-
nant en la Prévôté.
Louis de Vienne, s' de
Presles, Bailly d'Isles.
Vincent Dautruy.
Estienne Le Jeune, bour-
geois.
1624. — Odard de la Ferté^ advo-
cat.
Jacques Maillet.
Pierre Dare.
Pierre Barac, le jeune.
1625. — Abraham Quinot, advo-
cat.
Jérémie Rouget.
Jean Desrieux.
Anihoine Charier, bour-
geois.
1626. — Didier Barbette, advocat.
Michel Baubey.
Louis Morise.
Constantin Corrard.
1627.— Louis Vosdey, conseiller
en Prévosté.
Jean Olive.
Jacques Laurent.
Anthoine Blampignon.
1628. — Louis de Vienne, con-
seiller au Bailliage et
Présidial.
Jean Lejeune.
Nicolas Doë.
Etienne Colinet, bour-
geois.
1629. — JosephQuinot, conseiller
èsdits sièges.
Nicolas Coulon, notaire.
Pierre le Roux.
Nicolas Martin.
1630. — Louis Gombault, conseil-
ler èsdits sièges.
Claude Thiénot, apothi-
caire.
François Courcier, mar-
chand.
François Huez, marché.
163 1. — Nicolas de Corberon, na-
guère lieutenant par-
ticulier aux Bailliage et
Présidial.
François Mauroy.
Nicolas Maillet.
Simon Loisson.
1632. — Odard i alias Edouard).
Denis, prévôt de Troyes.
Claude Lejeune.
Thomas Maillet.
Jean Huez, marchands
et bourgeois.
1633. — Louis Legrand, conseiller
au Bailliage et Siège
présidial.
Jacques Martin.
Claude Serqueil.
Jean Maillet, le
marchands et
geois.
1634. — Pierre Denise, lieutenant
en la Prévôté.
Laurent Bertrand.
Jean Béguin.
Louis Lafille, bourgeois.
1635. — Pierre Gossement, gréne-
tier et bailly de Ville-
mort.
Nicolas Bourgeois, apo-
thicaire.
Chude Camusat,
jeune,
bour-
12
LISTE DES EGHEVINS
Nicolas Denise, le jeune, 1645'. —
fils de Nicolas.
1636. — Pierre Ludot, esleu.
Joachim de Nevelet, s'
du Ruisseau.
Hiérosme Petitpied.
Guillaume Doë, 1646. —
Nevelec n'a exercé la
charge ni prêté ser-
ment.
1637. — Nicolas Moreau.
Louis Michelin.
Nicolas Morel. 1647. —
Nicolas Langlois, mar-
chands.
1638. — Nicolas Allen, conseiller
au Bailliage et Siège
présidial,
Pierre Journée. 1648. —
Jean Lombard,
Jean Corrard, bourgeois
et marchands.
1639, — Jean Vigneron. 1649. —
Denis Maillet.
Nicolas Denise (fils d'Ed-
mond).
Jean Michelin (alias Jac-
ques), marchand.
1640. — Claude Régnier, conseil- 1650. —
1er en la Prévosté.
Jean Leroux, advocat.
Nicolas Vaulthier.
Pierre Laurent.
164 1. — Jean de Marisy, s"" de
Cervel, esleu. 16^1. —
Biaise Mégard, médecin.
Jean Le Muet.
Gilles Gouault, marchd^
1642. — Jean Tetel, conseiller au
Bailliage et Siège pré- 1652. —
sidial.
Jean Gauthier, apothi-
caire.
Edme Bonnot, teinturier.
Nicolas Camus, marché.
1643. — Louis de Vienne, con- 1653.—
seiller èsdits sièges.
Etienne Belin (alLis Mi-
chelin).
Claude Lejeune, marchd. 1654. —
Jean Borgne.
1644. — Simon Coppois, conseil-
ler esdits sièges.
Pierre Paillot, marchand,
Louis Bourgeois.
Nicolas Daultruy, mar- 1655. —
chand.
Pierre Gallien, conseiller
es dits sièges.
Jacques Hugot.
Hiérosme Amand.
Anthoine Taffignon, mar-
chands.
Louis Bailly, ;uge-ma-
yeur royal des Portes
et Fauxbourgs.
Nicolas Péricard.
Nicolas Tassin.
Nicolas Laurent, marchd^.
Jacques Nivelle, con-
seiller au Bailliage et
Siège présidial.
Simon Corrard.
Nicolas Baubey.
Claude Boyau, marchd.
Pierre Rémond, esleu.
Charles Béguin.
Claude Dare.
Louis Paillot, marchand.
Jacques Angenoust, ad-
vocat.
Toussaint Camusat.
Jacques de la Huproye.
Jérémie Michelin, mar-
chand.
Louis Huez, conseiller au
Bailliage et Siège pré-
sidial.
Adam Milet.
Pierre Marceau.
Nicolas Gilbert, marchd.
Bonaventure Tartel, ad-
vocat.
François Véron.
Baptiste Mercier.
Louis Morise, marchand.
François Denis, advocat
et greffier du Bailliage
et Présidial.
Pierre Boilletot.
Nicolas Soret.
Nicolas Mauroy.
Nicolas Lorey, advocat.
Nicolas Berthelin, marc".
Gilles Camusat.
Jean Domballe.
Nicolas Vigneron, advo-
cat du Roy en l'Elec-
tion.
Edme Charpy.
Nicolas Courcier,
Edme Lhoste.
Bonaventure Bailly, ad-
vocat.
DR LA VILLE DE TROYES
u
Nicolas de Marisy, mar-
chand.
Henry Camusat.
Nicolas Huez, marchand .
16)6. — Claude Denise, lieutent
en la Prévosté.
Pierre Guillaume, lieute-
nant criminel en l'Elec-
tion.
Barthélémy de la Porte.
Edme Gaulard.
1657. — Nicolas Bareton, prési-
dent en l'Election.
Nicolas Gouault.
Pierre Aubrun, le jeune.
Nicolas Maison.
1658. — Anthoiae Clerget, asses-
seur et premier esleu.
Jean Corps.
Anthoine de la Huproye,
marchands.
Elle Michelin, tanneur.
1659. — Nicolas Doë, lesné^ con-
seiller au Bailliage.
Pierre Jeanson.
Remy Legrin.
Jacques Aubry, lesné,
marchands.
1660. — Joseph Gombault, esleu.
Alexandre Legrand, bour-
geois.
Claude Thénot^ (izlias
Chérot), marchand.
Pierre Langlois, le jeune.
i66r. — Nicolas le Bey, conseiller
au Bailliage.
Louis Michelin.
Jean Gallien.
Jean Chémery, mar-
chands.
1662. — François Desmarets, ad-
vocat.
Etienne le Clerc.
Anthoine Corps.
Edme (ou Etienne) Boil-
letot, marchand, ledit
Boilletot, morten 1662.
1663. — Louis de Villeprouvée^
non entré en charge,
déchargé par le lieute-
nant-général , bénéfi-
cier et chapelain.
Nicolas Largentier.
Nicolas Lombard.
Joseph Michelin, mar-
chands. Ledit Largen-
tier, déchargé, et Jac-
ques Nortas, le plus
haut en voix après lui,
condamné à faire la
charge.
1664. — Jean Gallien (alias Gras-
sin), conseiller.
Nicolas Oudot, impri-
meur et libraire.
Nicolas Jeanson.
Nicolas Lerouge^ mar-
chands.
1665. — Denis Tetel, advocat du
Roy au Bailliage.
Pierre Michelin.
Jacques Blampignon.
Jean Léger, marchands.
1666. — Jean Angenoust, conseil-
ler.
Isaac Maillet.
Louis Denise.
Nicolas Gilbert, fils de
Nicolas, marchands.
1667. — Nicolas le Virlois, con-
seiller.
Henry Langlois.
Nicolas Cercueil.
Antoine Michelin, md».
1668. — Jean -Baptiste le Muet, s""
de Jully, esleu.
Louis Camusat.
Michel Drouot.
Nicolas Morel, mar-
chands.
1669. — Nicolas Belin, médecin.
Nicolas Jourdain.
Claude Vigneron.
François Roslin, mar-
chands.
167J. — Denis Tetel, conseiller.
Laurent Maillet.
Anthoine Taffignon.
Germain Régnier, mar-
chands.
1671. — Nicolas Denise, avocat.
Jean Goujon.
Claude Benoist.
Pierre Morel, marchJ'.
1672. — Georges Rémond, con-
seiller.
Pierre Courcier.
Nicolas Lemuet.
Nicolas Paillot.
1673. — Alexandre Legrand, avo-
cat.
Nicolas Péricard.
Pierre Boilletot.
Nicolas de la Huproye.
14
1674.—
1675.—
1676. —
1677.—
LISTE DES ECHEVINS
1678.—
J679.—
1680. -
1681.—
1682.—
1683.—
1684.—
Louis Quinot, écuyer,
conseiller.
Jean Daultruy.
Michel Taffigi;on.
Jean Vaulthier, march"^'.
Pierre Paillot, conseiller
au grenier à sel.
Nicolas Michelin.
Jacques Jourdain.
Jacques Camusat.
Jacques Corrard, con-
seiller.
Eustache Gouault.
Edmond Michelin.
Hiérémie le Clerc.
Henry- François de Mau-
roy, escuyer^. s"" de
Moulinons, advocat au
Parlement, m"^ des Re-
questes ordin. de la
Reyne.
Louis Véron .
Jean Fénard.
Antoine Taffignon , le
jeune.
Jacques Laurent, con-
seiller.
Claude Maillet.
Louis Paillot.
François Barbette.
Nicolas Paillot, lieute-
nant en lElection.
J.-B. Ménegault.
Pierre Oudinot.
Edme Gaulard.
Claude Courcier, con-
seiller au Bailliage.
Jean Camusat.
Nicolas Camusat.
.AntoineBlampignon,md5.
Claude Gallien, lieute-
nant en la Prévôté.
Jacques Boilletot.
Nicolas Courcier.
Nicolas Berthelin, mar-
chands.
. . Colinet, conseiller.
Jacques Dutour.
J.-H. Legrin.
François Michelin, mar-
chands.
Joseph Vigneron, prévost.
Nicolas Chapelot.
Nicolas Vaulthier.
Kdrne Nortas, march''*.
Louis Huez, conseiller.
Jacques Truelle.
Nicolas Tassin.
François Berthelin, mar-
chands.
1685. — Pierre Gallien, avocat.
Antoine Maillet.
Nicolas Flobert.
Nicolas Baubey, mar-
chands.
1686. — Vincent Olive, conseiller.
Antoine Drouot.
Antoine de la Huproye.
François Tassin, mar-
chands.
1687. — Jacques Jeanson, avocat.
Pierre Boilletot.
Jacques de la Huproye,
marchands.
François de Mauroy.
x688. ^ Jacques Kémond, con-
seiller.
Louis Bonnot, teinturier.
Georges Poupot.
Hiérosme Maillet, mar-
chands.
1689. — Claude Laurent, avocat.
Henry Lejeune.
Nicolas Camusat.
Nicolas Jeanson, mar-
chands.
1690 — Pierre Pictory, conseiller.
Louis Blampignon. mar-
chand de ters.
François Flobert.
Nicolas Sorin, marchd%
1691. — Claude Tetel, avocat.
J.-B. Legrin, le jeune.
Nicolas Maillet.
Joseph Michelin^ mar-
chands.
1692. — Jacques Doë, conseiller.
Edme Charpy, march<^.
Je.in de la Huproye,
marchand épicier.
Nicolas Langlois, march^.
1693. — Nicolas Lyon, procureur
du Roy.
Jean Fénard, conseiller
du Roy, assesseur.
Nicolas Camusat, aussi
assesseur.
Joseph Lombard, mar-
chand et bourgeois.
1694. — Nicolas Dutour, asses-
seur et marchand.
Abraham Uacolle^avocat.
Jean Boilletot, îmarchand
de ters.
DE LA VILLE DE TROYES
tb
Jean Lebé (ou Lebey) , 1705,—
marchand de soies.
1695. — Pierre Camusat^ coiis'^''.
Jacques Jourdain, m'*.
Nicolas Lemaire, id. 1706. —
Henry Langlois, fils de
Pierre.
1696 — Jean Gauthier, médecin.
Louis Gaulard, marchd. 1707.
Toussaint Gouault, id.
Joseph Gallieri, id.^mort
ancien maire. 1708. —
1697. — Edme Baillot, conseiller.
François Camusat, mar-
chand.
Henry Langlois, fils de 1709. —
Louis.
Kdme Jeanson, marchd.
1698. — Pierre Poterat, élu.
Pierre Rolin, marchand, 1710. —
plus tard maire.
Jean Gouault, marchand,
mort en 1731.
François Gallien, marchd.
1699. — Edme Nortas, conseiller
assesseur.
François Régnier.
Remy Bertrand.
Jean Gaulard, m^rchds.
1700. — ... Michelin, conseiller. 171 1. —
Pierre Camusat, marchd.
Jean Matagrin, id.
Gabriel Taffignon, id.
1701. — Gabriel de la Chasse,
avocat du Roy.
Pierre Boilletot, marchd. 1712. —
Jean Jourdain l'aîné, id.
Antoine de la Huproye,
id. 1713- —
1702. — Louis Paillot, conseiller.
Nicolas Lhoste, marchd.
J.-B. Camusat, id.
Claude Mataguin, id.
1703. — Jean Legrin, assesseur. 1714- —
Jacques de la Huproye,
s'' de la Cumine, con-
seiller du Roy^ asses- lyij- —
seur de robe courte.
Jean Jourdain, marchd. 1716. —
Pierre Maillet, id.
1704. — H n'y a pas eu de nomi- I7i7- —
nation, le Roy ayant
créé des charges d'éche-
vins^ et réduit leur 1718. —
nombre à deux, par ar-
rêt du Conseil du 21
juin 1704.
Joseph Lombard, con-
seiller du Roy, asses-
seur.
Claude de Mauroy.
Pierre Gallien, conseiller
au Bailliage.
Nicolas Calabre, mar-
chand.
— Jean de xMontmeau, le
jeune.
Edme Charpy, le jeune.
— Odard Angeiioust de Vil-
letie, conseiller au Bail-
liage.
Louis Roslin, le jeune.
— Gabriel Taffignon, con-
seiller du Roy, asses-
seur.
Louis de Montmeau, md.
— Nicolas Calabre.
J.-B. Jeanson, bourgeois.
(Suivant une de nos listes,
il n'y aurait pas eu d'é-
lections en 1710^ le roi
ayant créé des charges
d'échevins qui ont été
exercées, par commis-
sion, par les s'^^ Parisot
et Hussot.)
Claude-Nicolas Compa-
rot, conseiller au Bail-
liage et Siège pré^idiai^
président en l'Election.
Jean Matagrin, marchd,
capitaine de la milice.
Jean Fénard, conseiller
du Roy.
Antoine Camusat, m'.
Jean Quinot, écuyer, con-
seiller au Bailliage et
Siège présidial.
Toussaint- Nicolas Gou-
ault.
Joseph Porcherat, asses-
seur.
Louis de Mauroy, l'aîné.
Edouard Pictory, Elu.
Augustin Gauthier.
Claude Meallet.
Pierre de Montmeau.
Jean Paillot, procureur
du Roy en l'Election.
Pierre le Miiet, marchd.
Pierre Laurent, marchd.
Louis-Nicolas Berthelin,
marchand, trésorier de
France.
16
I7I9-
1720.
1721.
1722.
1723.
LISTE DES ECHEVINS
1724
1725.-
1726. ■
1727.
1728.
1729.
1730.
1731.
1732.
1733-
1734-
1735-
1736.
Jean Labrun, Elu.
Jacques Camusat, mar-
chand.
Nicolas Truelle, marchd.
Louis Gaulard, id.
— Claude-J .-B . Gallien,
lieutenant en la Pré-
vôté.
J.-B. Legrin, le jeune.
— Pierre Langlois.
Edme Massey, marchds.
— Il n'y a point eu de no-
minations,le Royayant
créé des charges de
maire et d'échevins,
qui ont été réunies à
Ihôtel de ville.
— J.-B. Angenoust, écuyer,
s"" de Villechétif, con-
seiller au Bailliage et
Siège présidial.
Pierre Boilletot, march^.
— Vincent Truelle, marchd.
J.-B. Vaulthier, id.
Nicolas Lefebvre, avocat
et juge-garde de la
Monnaie.
Edouard Berthelin^ mar-
chand.
Nicolas Jeanson.
Eustache Gouault.
Nicolas CoUinet, conseil-
ler au Bailliage et Siège
présidial.
Jean de Mauroy.
Jean Berthelin.
Joseph le Maire.
Nicolas Rémond^ con-
seiller au Bailliage et
Siège présidial.
Joseph de Mauroy.
Nicolas le Maire.
Gabriel Tatfignon.
Louis Gallien, conseiller
au Bailliage et Siège
présidial.
Nicolas Vauthier.
Jean Gaulard.
Benoist de Mauroy.
Louis Gallien, Nicolas
Vauthier, Jean Gau-
lard, Benoist de Mau-
roy sont en charge,
Edme-Nicolas Lefebvre^
avocat.
Joseph Legrin.
Claude Gaulard.
Nicolas Boilletot.
1737. — Pierre-Edouard Pictory,
conseiller au Bailliage
et Siège présidial.
Gilbert de Mauroy.
1738. — Pierre Langlois.
Joseph Gallien.
ly^^. — Jean Comparot, président
en l'Election.
Jean Jeanson.
1740. — Remy Bourrotte.
Nicolas Camusat, le jne.
1741. — Pierre-Jean Paillot, écu-
yer, avocat.
Jacques Camusat.
1742. — Nicolas Gombault,raîné.
Joseph-Pierre Bertrand.
1743. — Nicolas Corps, conseiller
au Bailliage et Siège
présidial.
Toussaint-Nicolas Camu-
sat.
1744. — Nicolas Belin.
Jacques Charpy.
1745. — Claude-Nicolas Comparot
de Bercenay, conseil-
ler au Bailliage et Siège
présidial.
Pierre Camusat.
1746. — Jacques Semillard.
Georges-Gabriel Charpy.
1747. — Louis Tetel, prévôt de
Troyes.
Nicolas Camusat de Mar-
moret.
1748. — François Jourdain.
Charles Lerouge.
1749. — Anthoine Paillot de Mon-
tabert, élu.
Pierre-Louis le Miiet.
1750. — Jacques Truelle-Moreau.
Claude Ledhuys.
1751. — Claude Huez, conseiller
au Bailliage et Siège
présidial.
Gilbert Benoît de Mont-
meau.
1752. — Nicolas Poupot.
Eustache- Nicolas Gou-
ault.
1753. — Jean-Louis Labbé.
Antoine Gombault.
1754. — Jacques Gaulard.
Jacques Gouault.
1755. — Nicolas Huez, avocat.
François Camusat de
Riancey, écuyer.
DE LA VILLE DE TROTES
17
1756.
1757-
1758.
1759-
1760.
1761.
1762. —
1703.
1764.
1765.
1766.
1767.
1768.-
1767.-
1770.—
1771.—
1772.
1773-
1774-
Edme-Jean Berchclin.
François Meallet.
Claude-Louis Huez de
Viilebarot, conseiller
au B.iiliiage et Siège
présidial.
Claude-Jacques de Mau-
roy de Viliemoyenne.
Louis de M .uroy-Godot.
Pierre François Boilletot.
Nicolas Bourote, élu.
Louis de Mauroy-Vaul-
thier.
Nicolas Bajot.
Jacques Sémillard fils.
Edme-Gaspard Calabre,
avocat.
Louis-Nicolas Berthelin.
Pierre-Jean From.igeot,
rapporteur du Point
d'honneur.
Nicolas-Jean Truelle.
Les mêmes.
Les mêmes.
Dereins, lieutenant-'Ti-
minei.
Vaulthier^. m« particulier
des Eaux et Forêts.
Rapault, directeur de la
Monnaie.
Letebvre, juge-garde de-
là Monnaie.
Les mêmes.
Vauthier, m« particulier.
Rapault, lieutenant des
maréchaux de France.
Garnier de Montreuil.
Guénin.
Cocquart, conseiller au
Bailliage e: Présidinl.
Jacquin.
Gouault (Jacques).
Chastel.
Claude Carré, avocat au
Parlement.
Maillet (Edouard-Fran-
çois).
Doé (Louis)j receveur des
Tailles.
Pierre-Jean Fromageot,
rapporteur du Point
d'honneur.
Les mêmes.
Les mêmes.
Louis Doé, receveur des
Tailles.
Eustache-Nicolas Gou-
1775-
1776.
1777-
1778.
1779.—
178). —
1781,—
1782.—
1783.-
1784.—
1785.-
1786.
1787.
ault- Jeanson^ négo-
ciant.
Claude Huez , ancien
conseiller au Bailliage.
Charles Rapault^ ancien
directeur de la Mon-
naie.
IJ.
Id.
Huez.
Rapault.
De Mauroy.
Colinet.
Colinet, avocat.
De Mauroy- Vauthier.
Camusat-Bonnemain .
Chatel.
Camusat-Bonnemain.
Châtel.
Bonnemain.
Le Maire-Le Muet.
Bonnemain,
[ e Maire-Le Muet.
Guérard, président en
l'Election.
Etienne Lerouge.
Guérard, président en
l'Election.
Etienne Lerouge.
Dessaint, procureur du
Roi en la Monnaie.
Jeanson-Lejeune.
Guérard^ président en
l'Election.
Desaint,procurcurdu Roi
en la Monnaie.
Jeanson-Lejeune.
Pasteloc.
Dessaint.
Jeanson-L ejeune.
Dubourg, ancien officier
de mousquetaires.
Fromageot, procureur-
syndic.
— Jeanson-Lejeune.
Dubourg.
Lombard-Petit.
Gauthier.
— Dubourg.
Lombard-Petit.
Gauthier.
Lemuet.
— Les mêmes.
— Lomb.ird-Petit.
Gauthier, conseiller au
Bailliago.
Lemuet. 2
18 LISTE DES éCHEVINS
Deneslee, procureur du Denesles.
Roi eu l'Election. Comparût de Lougsols,
1788. — Gauthier, eau Bailliage. conseiller au Bailliage.
Le Muet. 1790. — Denesles,
Denesles. Fromageot.
Fromageot. Comparot de Longsols.
1789. — Le Muet. Jeanson-Bajot,
LE CARTULAIRE
DU
PRIEURÉ DE LONGUEAU
Les nombreux titres formant le fonds de Longueau', autre-
fois partagés entre Reims et Chàlons- sur-Marne, appar-
tiennent aujourd'hui exclusivement aux archives départemen-
tales de la Marne.
L'histoire de ce prieuré n*a jamais été publiée. Les maté-
riaux, certes, ne manquent pas, et m'adressant aux érudits à
la portée des sources, je ra'étonoe que l'abondance des docu-
ments n'ait pas suscité une œuvre qui eût été pleine d'intérêt.
Mes rares loisirs ne me permettant pas d'aborder un travail
aussi considérable, je me propose uniquement d'étudier le
cartulaire de Longueau, qui est encore inédit. Il en existe
trois textes (série H, boite 1, liasse 1), qui p.iraissent copiés
l'un sur l'autre.
L'une de ces copies forme un cahier de 42 feuillets, écriture
du xviii^ siècle; elle comprend 110 chartes, de l'an 1140
à l'année 1248 inclusivement. La plupart de ces instruments
ont été analysés, et les autres, en raison de leur importance,
seront reproduits in extenso.
J'ai en outre restitué l'ordre chronologique qui fait défaut
dans le manuscrit.
1 . Sources à consulter :
Bibl. nat., Coll. de Champ.
Arch. de la Marne, ionds de Longueau.
Varin. Arch. adm. et législatives.
Dom Marlot. Hit, t. de lieims.
Tarbé. Essai sur lieims.
Duchesne. Hist. de la maison de Chdlilton.
Dom Noël. Les cantons de Chatillon et de Dormans.
Dr Remy. Hist. de Chûtdlon-sur- Marne,
Givelet, Jadart et Demaison. Répert. arch. de l'arr. de Reims.
Abbé Chevallier. Notice sur les églises du canton de Chdlillon.
Matton. Dict. top. Je l'Aisne.
Longnon. Dict. top. de la Marne.
Id. Le livre des vassaux du comté de Champagne.
Poinsiguon. Hist. de la Champagne.
20 LE CARTULAIRE DU PRIEURÉ
Le prieuré de Longueau, de l'ordre de Fonlevrault, situé à
euviron 1 ,oOO mètres au sud-ouest de Baslieux-sous-Ghâlilloii,
sur la rive droite du rù de Belval, fui fondé par Gaucher II
de Châtillon, au commencement du xn'' siècle. C'est du moins
l'opinion du savant dom A. Noël, à la délicate obligeance
duquel je suis redevable de précieux renseignements qui ont
largement aidé la rédaction de mon travail. Grâce aux géné-
reuses aumônes des seigneurs de Châtillon, ses puissants voi-
sins, cette maison aurait pu prétendre à une longue prospé-
rité exemple de toute inquiétude, si les malheureuses guerres
dont la Champagne fut le théâtre au xvi"^ et au xviP siècle
n'eussent porté de graves atteintes à son régulier accroisse-
ment. Aussi voyons-nous, en 1622, les timides religieuses
abandonner leur couvent, tour à tour pillé et incendié, et
se retirera Reims, dans la rue du Jard, où elles possédaient
une maison de refuge.
A partir de cette date, l'histoire de l'antique monastère se
confond avec celle de la nouvelle communauté établie à Reims,
où il faut désormais suivre sa destinée.
Les constructions de l'ancien Longueau existaient encore en
1864 ; le sanctuaire et les deux premières travées de la cha-
pelle ont survécu jusqu'en 1892. Le marteau démolisseur vient
d'en faire disparaître les derniers vestiges'. Lors de la Révolu-
tion et à la suite d'une adjudication publique faite au district
d'Epernay, le 15 octobre 1791, le baron Guyot de Chenizol-
se rendit acquéreur de partie des biens de Lougueau, et le
surplus du domaine, consistant en bâtiments d'habitation et
d'exploitation, partie de la chapelle, cours, enclos fermés de
murs, terres labourables, prés, chenevières, pâtures, vignes et
autres dépendances, fut adjugé à M^ Anne-Etienne-Louis
Gaussarl, avocat au bailliage de Châtillon.
Après le décès de ce dernier, M. Louis-Marie Gaussart, son
fils, alors colonel au 18"^ régiment d'infanterie légère, officier
de la légion d'honneur, et depuis maréchal de camp, commau-
mandant la place de Rayonne, se rendit cessionnaire des
parts et portions de Marie-Jeauue-Frauçoise Guérin, sa mèie,
et de ses deux frères; puis en 1811, il vendit, moyennant la
somme de 3U,0(J0 francs, le domaine de Longueau, à M. et
1. Le portail laléral i ord de la chtpe'ile a été transforté dans la cour
intérieure du prieuré de Binsou.
2. Celle famille l.iit l'objel d'uuc notice qui paraîtra ultéricuremeut daus
la Revue de Chainiiagnc.
DE LONGUEAU 21
Mme Hédoiu-Chopin, de Baslieux-sous-Châtillon, bisaïeuls de
l'auteur de cette notice; ceux-ci le transmirent par succession
à leurs enfants qui, étrangers au pa3-s, vendirent leurs lots en
détail, à divers particuliers.
Actuellement, l'emplacement de l'ancien prieuré, ainsi que
la belle garenne qui Tavoisine. appartiennent à Madame veuve
Beliot, propriétaire du château de Guisles.
Nous allons faire précéder le cartulaire d'un état des reve-
nus du prieuré, dressé le 31 janvier l(io8, et dont le texte
se trouve dans l'inventaire de l'archiviste Lemoine, rédigé en
1780.
Cette pièce mérite d'autant plus d'accueil qu'avec une
notice succincte sur l'origine du couvent, elle nous fournit, au
moment de son apogée, les détails les plus précis sur ses nom-
breuses possessions, ses revenus, ses charges et son person-
nel. En outre, elle occupe ici sa place k propos pour trouver
un contrôle naturel dans le cartulaire qui lui fait suite.
Paul Pellop.
I
Estât et déclaration du revenu temporel, chai;;ïes, réparations et
autres dépenses accoustumés estre faictes chacun an, ensemble le
nombre des religieux que fournissent et mettent r>ar devant vous
Madame Jeanne Baptiste de Bourbon, fille légitiaiée de France,
abbesse chef et généralle de l'ordre de Fontevrault, immédiatement
subjecte au sainct siège apostolique, vos filles^ prieure, et couvent
de Nostre Dame de Longueau, estably dans la ville de Reims,
membre despendanc de vostie dit ordre, pour satisfaire à vostre
ordonnance en datte du septiesme jour de décembre mil six cens
soixante sept ; pour ledict estât estre fourny à Sa Majesté, par vous
madicte dame abbesse^ à la descharge de vostre dict prieuré et cou-
vent, en conséquence des arrests sigiiiffiez le vingt deuxiesnie juin
MVl'^ soixante sept, par Richart, huissier royal audict Reims, et le
susdict estât mis es mains du R. père Jean Virdoux, prestre proffes
de t'ostre dict ordre et vostre vicaire anticque dépputté par vous
mad. dame et commissaire comme il nous est apparu par la lecture
de vostre commission par luy faicte en nostre parloir ordinaire en
datte du septiesme décembre MVI'- soixante sept signée de vostre
main et du scel de la ville^ vostre secrétaire et scellé de vos armes.
Premier représentent vos dictes filles, que ledict couvent a esté
fondé en un lieu scitué en la province de Champagne, proche Chas-
tillons sur Marne, appelle Longueau, où elles ont tousjours
22 LE CARTULAIRE DU PRIEURÉ
demeuré jusques en l'année 1634, qu'il a pieu au feu Roy Louyes
treisiesme lors régnant leurs accorder, par ses lettres patentes du
mois d'octobre en laditte année, et scellée du grand sceau de
cire verte en las de soie verte et rouge, la translation dudict cou-
vent en la ville de Reims où elles sont establie, du consentement
universel de tous les habitant, avec agrément tant de Monseigneur
l'archevesque duc de Reims que de Monseigneur l'évesque de Sois-
sons, au diocèse duquel ledit lieu de Longueau est stitué, ne peu-
vent pieusement cotter le temps de laditte fondation, n'en ayant
aucune cognoissance, d'autant que tous leurs anciens titres,
papiers, bâtiments et meubles les plus précieux ont esté pillées
et bruslées pendant les guerres des Huguenots, au moins la
plus grande partie, toutes la preuve quelles ont desdicts voir,
et incendie est par des lettres monitoires quelles ont obtenue
de nostre sainct Père Paul troisiesme, Pape, lan sept de son Ponti-
ficat ; pour avoir révélation de ceux qui avoient commis plusieurs
vols audit couvent, et encor par un contract de l'an 1572 portant
quelles ont pris cent livres à constitution de rente de Messieurs les
Doïens chanoines et chapitres de Sainct Simphorian, pour aider à
restablir les bastiments de leurs couvent, qui avoit esté pillés
et bruslées quelque temps auparavant par les gens de guerres,
et par un compte qui a esté rendu pour les années 1569 et 1570,
arresté le vingt un juin 1571 par le Révérend Père Visiteur et de
luy signé, par lequel il paroit que vos dittes filles, estant dispersées
et sortie dudict couvent à cause des troubles, sy sont rassemblées
esdictes années et qu'il a esté emprunté pareille somme de cent
livres pour faire leur labourage et acheter des bœufs, au lieu de ceux
qui leur avoient esté pris par les huguenotz, et ledict contract de
rente est passé par devant Villers et Frontigny notaires royaux en
datte du sixiesme novembre.
Et pour preuve de lantiquité dudict couvent, vos dictes filles
représentent comme cy devant quelle n'ont le tiltre de la fonda-
tion, mais elles font apparoir d'une ratitfication de lan mil cent
quatre vingt treize par laquelle Gaucher de Chastillon^ connestable
de France^ confirme, loue, et ace jrde tout le don et aumosne que
Gaucher de Chnstillon son aïeul leur a fait du lieu ou In maison
conventuelle dudict Longueau est fondé, et tout ce qu'il avoit
audict lieu, qu'il explique consister en bois, eaue,prés^ et terre^ avec
le moulin de Nuisement, une charue de terre à Blaigny, et une à
Antuenay ce qui justitlie suffisament que ledict couvent a estéesta-
bly avant ladicte année 1198.
Représentent aussy vos dictes tilles quil leur appartient une métai-
rie seize audict Longueau, qui esc de lancien domaine, et qui leura
esté donné, lors de la fondation, par ledit Gaucher de Cliastillon,
ainsy qu'il appert par les dictes lettres de ratiffication de lan 1198,
dont il est taict mention cy dessus, ladite maiterie consistante
en une maison de fort grande estendue et eu cent soixante un
arpens, tant terre, prés, maraiz, vigne que garenne, le tout donné
DB LONGUBAU 23
à ferme y compris un pressoir sciz a Bailleux, déppendant de la sei-
gneurie dudit Bailleux par baille du septiesme janvier 1666, passé
par devant Leleu et Roland notaire royaux à Reims, duquel elles
font apparoir, moiennant mil livres de pension par chacun an et sy
il y a une église audict lieu de l.ongueau où elles tont célébrer une
messe par chacune semaine, pourquoy elles donnent quarente livres
de rétribution qui se paie par le fermier outre et par dessus la pen-
sion portée par ledict bail, estant à remarquer que tous les héri-
tages quelles possèdent audict lieu sont exemptes de dixmes par-
M 1
tant, cy "" '•
Plus il leur appartient la terre et seigneurie de Bailleux et Melle-
roy les Chastillons, consistante en justice haulte moienne et basse,
deux maisons tenantes ensemble, cent soixante arpens ou environs,
tans terres, prez, maraiz, que vignes et pressoir banal, laquelle sei-
gneurie, avec partie desdictes terres, prez, marais et vigne, leur a
esté donné parMilo d'Anthenay, du consentement de sa femme et
de ses enirans et de M. Gaucher de Nanteuil par donation de l'an
1209 quelles représentent scellées du sceau dudict sieur Gaucher de
Nanteuil, pour n'avoir ledit Milo d'Anthenay point de sceau, les-
quelles terres^ prés, maraiz, et vignes déppendantes dudict
Milo d'Antenay sont exempte de dixmes, et le restant desdictes
terres prés, maraiz, procédant d'acquisitions quelles ont taict
en plusieurs temps, de divers particuliers, les contracts départies
desdictes acquisitions dattées des 14 décembre 1604, dernier féb-
vrier 1606. 22 fébvrier 1607, et 5 novembre 1613, qu'elles repré-
sentent ne pouvant représenter les autres pour les raisons rapportées
au premier article du présent estât, toutces lesquelles maisons,
prez, terres, vignes et maraiz non compris les droits seigneuriaux,
rend de pension, par chacun an, suivant le bail représenté, datte du
onze mars 1662, passé par devant Roland et Le Leu, notaires royaux
à Reims, la quantité de cent trente neuf septiers de grains,
par moitié iroment et avoyne, qui valent par année commune cent
solz le septier froment, et quarente solz chacun septier avoyne,
cy, froment LXIX s. II q.
Avoine LXIX s. II q.
Remonstrent vos dictes filles quelles jouissent par leurs mauis
des droictz seigneuriaux qui leur appartiennent en ladicte seigneurie
de Bailleux Melleroy et deppendances, qui valent communément
trente cinq à quarente livres quelles font recevoir par une personne
préposée de leur part, suivant les registres ceuilleretz quelles repre-
santent, non compris les droictz de ventes quelles reçoivent, qui
peuvent valoir vingt livres par ans, cy ^^ '•
Plus il leur appartient deux petitz clos, contenant sjizante et onze
verges ou environs, sciz audict Bailleux, lieudict Melleroy, dont
elles ne jouissent présentement y ayent procès indécis par devant
M. le Bailly de Vermandois à Reims pour rentier en la jouissance.
Néant,
partant, cy
24 LE CARTULAIRE DU PRIEURE
Plus il leur appartient procédant de la dicte donation de Milo
d'Anthenay une pièce de bois, audict terroir de Bailleux, appelle le
bois Banisson, contenant trente six arpens quarente deux verges, à
laquelle pièce elles ont joint deux arpens quatre vingt quinze verges,
acquis de Jean Guerin escuier seigneur de Brular et consors, par
ccntract du premier octobre 1659, signé Lamblet et Feval, n9taires,
sy représenté, desquelz bois_, aussy bien que dune autre pièce,
appellée anciennement en grosse œuvre, et a présent La Cohette,
qui leur appartient en conséquence de certain eschange quelles ont
faict lan 1300, le jeudy après la Purification, avec M. Gaucher de
Chastillon, connestable de Champagne, par lequel eschange appert
ledict bois n'estre en la grurie et grairie du Roy^ lequel eschange
elles représentes avec une copie d'un extraict tiré de la Chambre
des Compfes de certain dénombrement donné au Roy par dame
Marguerite de Chastillon en l'an 1511^ elles ont jouy paisiblement
et sans trouble, sinon depuis quelques années quelles ont esté
inquiétées et poursuivies, à requeste M. le Procureur gênerai
du Roy, en la Chambre des Comptes, par devant M"'» les commis-
saires députées par le Roy, pour la liquidation du domaine délaissé
a Monsieur le Duc de Bouillon, prétendent que tous lesdits bois sont
de l'ancien domaine de Chastillon, et pouvoient lesdits bois
leur rapporter de revenu par an, lors quelles en estoient en jouis-
sance, la somme de six vingt livres et a présent, cy Néant.
Plus leur appartient audict Bailleux, une petite censé et métairie
consistante en vingt huit arpens, tant jardins, terres, que prez,
quelles ont acquis de divers personnes, par plusieurs tiitres et con-
tracts cy représentées, dattées des troisiesme febvrier 1660, signez
Lamblet, vingtiesme juillet et douziesme décembre audict an, signé
Le Leu et Roland, vingt quatriesme janvier 166 1, vingt quatre
febvrier audict an, signé Feval, sixiesme avril audict an 1661, signé
Petit et Bonne entant, quatorziesme juin audict an, signé Lamblet
et Bonne enfant, et vingt deuxiesme avril 1663, signé Feval et Le
Febvre, et sixiesme avril 1665, aussy signé Feval et Bonnenfant,
laquelle censé et métairie vauld par an vingt un septier de grains,
moitié froment et avoyne, suivant le bail qui en a esté passé
le vingt huitiesme avril 1662, par devant Roland et Le Leu
notaires, sy représenté, qui valent par année commune cent solz le
septier de froment, et quarante solz le septier avoyne, cy
Froment X s. II q.
Avoyne X s. II q.
Il leur appartient aussy plusieurs pièces de terres en savart, qui
estoient cy devant en bois, et faisantes parties de ladicte pièce
eschangée dont il est cy dessus parlé, appelle présentement la
Cohette, qui sont donné a louage, par bail soulz escriture privée du
dix sept febvrier 1664, à Charle Bautray de Bailleux, à charge de
rendre compte par ihacun an, un septier deux quartelz froment, et
un septier deux qunrtelz avoyne, lequel bail elles représentent, cy
DE LONGUEAU 25
Froment I s. II q.
Avoyne I s II q.
Plus il leur appartient six arpens six verges de terres scizesaudict
Bailleux, quelles ont acquis de Jean Bonnenfant et Elisabeth Gos-
sart, sa femme, par contract du vingt deuxiesme aoust 1664, passé
pardevant Roland et Le Leu, notaires royaux a Reims, à la charge
d'entretenir le bail qui avoit esté' faict des dictes terres, par ledict
Bonnenfaut, qui est de six septiers de grains, moitié froment
et moitié avoyne par an, lequel contract elles représentent, cy
Froment III s.
Avoyne II[ s.
Il leur appartient une maison audict Bailleux acquise de Jean
Gaussart et consors par adjudication qui leur en a esté faicte en la
justice de Chastillon le neufviesme avril 1663, signé I.amblet,
de laquelle elles font apparoir, partie de laquelle maison est dor.né
à louage à Claude Clouet demeurant audict Bailleux, moiennant
trente livres par an par bail du troisiesme may 1663, signé Feval
et Bonnenfant, et l'autre partie qui estoit en musure a esté aban-
donnée pour la somme de six livres par an pour trente ans a Louis
Rouelle mareschal audict Bailleux à la charge de taire bastir de neut
sur ladicte masure une maison logeable suivant qu'il est plus
amplement rapporté par le bail qui en a esté passé par devant Roland
et Leleu, notaires, le vingt deuziesme janvier 1664 quelles repré-
sentent, cy XXXVI I.
Et sy elles ont droit de prendre et lever la dixme sur certaines
terres qui estoient cy devant de l'ancien domaine dudict Bailleux, et
qui ont esté vendues il y a fort longtemps dont pourtant elles nont
cognoissance, duquel droict de dixme elles sont en bonne et paisible
possession et l'abandonnent depuis quelques années a l'agent de
leurs affaires audict Bailleux, pour luy tenir en quelque taçon
lieu de recompence et peut valoir ledict droict soixante solz ou
environ par an, cy III 1.
Comme aussy elles possèdent sans aucun trouble une censé seize
à Anthenay consistante en une maison et soizante huict arpens ou
environ tant terres prés quemaraiz, laquelle maison avec cinquante
arpens ou environ tant terres prez que maraiz, faisant partie des-
dictes soizante huict arpens, procédant de la donation faicte par
Gaucher de Chastillon rapportée au second article du présent estât,
et le surplus d'acquisitions et eschanges quelles ont faict ainsy
quelles font apparoir de plusieurs personnes par contractz des vingt
quatriesme febvrier 1659, premier septembre 1660, et sy il leur
appartient audict lieu d'Antenay seuUes et pour le tout les grosses
dixmes d'un triege appelle la petite dixme, en lieu la haye des reli-
gieuses et tiers dans tout le reste du terroir, tant par donations
quelles en ont eu que acquisitions et eschanges quelles ont taict de
plusieurs particuliers suivant les contracts des donations et acquisi-
tions par elles représentées et dattées du mois de juillet 1220, de
26 LE CARTULAIRB DU PRIEURÉ
l'an 1234, 1236 et 1237 et du mois d'avril 1629, ensemble de Tamor-
tissement desdictes dixmes faict au profit dudict couvent par Jean
Conte de Roucy lan 1269, le lendemain de la feste de Nostre D-ime
a mars et scellé, touttes lesquelles choses sont comprise dans un
raesme bail qui en a esté passé pardevant Roland et Le i eu,
notaires royaux a Reims le septiesme janvier 1660 a charge d'en
rendre de pension six vingtz un septier deux quartelz de grains
moictié froment et avoyne par chacun an lequel bail elles repré-
sentent, cy
Froment LX s. III q.
Avoyne LX s. III q.
Plus elles ont droict suivant la transaction du vingt troisiesme
janvier 1630 passé par devant Nivert et Vassier, notaires à Chas-
tillon sur Marne cy représenté de prendre sur la seigneurie d'Ante-
nay trente six septiers deux quartelz avoyne dont elles jouissent par
leurs mains qui peuvent valoir par année commune quarente solz
le septier, cy
Avoyne ' XXXVI s. II q.
11 appartient aussy a vos dictes filles une cernse a Romigny
qui leur provient partie en conséquence d'un traicté et transaction
taicte le dix septiesme avril 1493 entre elles et M Nicolas Raulin.
chevalier chancelier de Bourgogne, et le surplus d'acquisition
taicte de Jacques Lefranc et consors demeurant a Reims par con-
tract du treisiesme avril 1662, lequel traicté et contract elles repré-
sentent avec le bail de hdicte censé qui en a esté passé le ving-
tiesme juin 1663 par devant Roland et Le Leu, notaires, moiennant
vingt deux septiers de grains moictié froment et moictié avoyne, cy
Froment XI s.
Avoyne XI s.
Plus il leur appartient une censé seize a Cuchery consistante en
maison couverte de thuilles, terres, prez, aulnies et vignes conte-
nant soizante dix sept arpens et deray ou environ et ce en conséquence
d'un contract deschange du vingt troisiesme décembre 1614 passé
par devant Clouet, notaire royal demeurant a Chastillon presens
tesmoins entre lesdictes religieuses et Nicolas de Vendière, escuier,
seigneur de Feuille, laquelle censé rend par chacun an la somme de
de deux cent livres suivant le bail quelle représentent du troisiesme
janvier 1662 par devant Roland et Le Leu, notaires, cy II': 1,
Plus une censé appelle la censé de Naple quelles ont acquis de
Henry Mingot et sa femme moiennant la somme de cinq mil trois
cens quarante cinq livres, par contract du vingt quatriesme may 1661
passé par devant Le Leu et Roland, notaires quelles représentent,
de laquelle censé elles sont en bonne et paisible possession et
est affermé par chacun an. trente huict septiers de grains moitié fro-
ment et avoyne par bail du vingt huictiesme janvier 1664 passé par
devant lesdicts Roland et Le Leu, notaires, ly représenté
DE LONGUEAU 27
Froment XIX s.
Avoyne XIX s.
Et sy il leur appartient un surcens de quatorze sol six deniers a
prendre scavoir. dix sol sur une maison seize a Cliaumuzy et quatre
solz six deniers sur une chenevière seize audict lieu, ladite chene-
viere détenue par les héritiers Pierre Landragin et Nicolle Bailletet
ladicte maison par Jacque Breton demeurant audict Chaumuzy qui
se sont reconeuz debteurs dudict surcens par deux contractz passé
pardevant Aubry, notaire royal demeurant a Ville en Tardenoisen
datte des sixiesme juin et huictiesme aoust 1666, cy représentés, cy
XIII s. VI d.
Plus il leur appartient le quart aux grosses et menues dixmes de
Ste Vaulbourg, en conséquence de la donation quelles représentent
et qui leur en a esté taicte au mois de septembre de l'an 1223 par
Gérard, chevalier de Mondioel et Guise sa temme lequel quart de
dixme est affermé par bail du vingt sixiesme mars 1665 passé par-
devant lesdicts notaires pour six ans moiennant six vingt livres par
an outre quoy il est obligé les acquicer de trois septiers froment
quelles sont tenues en conséquence de ladicte donnation de donner
par chacun àti aux Religieux d'Eslan, cy VI^'^ .
Plus le tier des grosses et menues dixmes et des novalles du ter-
roir d'Olizy, Violaine, la Maquerel, et autres deppendance dudict
terroir d'Olizy, ni^ peuvent vos dictes filles représenter les tiltres en
vertu desquelz elles jouissent desdictes dixmes, mais elles en sont
en bonne et paisible possession y ayant esté maintenu par arrest de
nos seigi;eurs de Parlement quelles représentent datte du seiziesme
tebvrier 1528, lesquels dixmes sont affermés la quantité de trente
six septiers par chacun an moitié froment et avoyne par bail soulz
escriture privée du dix huictiesme juillet 1667 quellesrepresentent,cy
Froment XVIII s.
Avoyne XVIII s.
Item il leur appartient le tier des dixmes du terroir de Vendiere
en conséquence de la donation qui leur en a esté faicte au mois de
mars 1213 par Gaucher de Chastillon, conte de Saint Paul quelles
représentent avec le traicté du onziesme tebvrier 1634 passe
par devant Moreau, notaire demeurant a Chastillon, présent tes-
moins, entre Lsdictes religieuses de Longueau d'une part, et
M''" Remy Mignon, prestre curé dudict Vendiere d'autre, ledict
traicté approuvé par vous Madame le treiziesme tebvrier 1635, et
sy il leur appartient cy devant six quartiers de vignes audict Ven-
diere qui ont esté des un long temps reduictes en terres labourables
dont elles ne peuvent représenter les tiltres, mais elles en sont
en plaine et paisible jouissance estantes comprises au bail quelles
ont faict desdictes dixmes le vingt quatricsme tebvrier 1663 par
devant Roland et Le Leu, notaires, moiennant soizante septiers de
grains moitié froment et avoine, duquel bail elles tont apparoir,
par lequel bail le fermier est obligé les acquiter de dix huict livres
28 LE CA.RTULA1RE DU PRIEURÉ
par an dont elles sont redevables vers le sieur curé dudict Vendiere
suivant le traicté dudict jour onziesme febvrier 1634 cy dessus
cotté, cy
Froment . XXXVII s.
Avoyne XXXVII s.
Plus le tier de touttes les dixmes d'Aguisy et Bertenay qui leur
appartient en conséquence des tiltres quelles représentent qui con-
siste en une donation faicte par Thomas de Forzy, escuierau mois
de mars 1215, de tout ce qui luy appartenoit es dictes dixmes,
ladicte donation estant en parchemin scellé du sceau dudit Forzy
et en une acquisition faicte de la part desdictes dixmes que le
nommé Odo, escuier y avoit, le contract de ladicte acquisition
datte du mois d'octobre 1221 scellé du sceau dudict Odo, et sy il
leur appartient audict lieu d^Agnisy une pièce de pré contenant
trois quartiers qui est compris dans le bail de la censé d'Anthenay
dont est parlé cy dessus^ la propriété de laquelle pièce de pré elles
justifient par une sentence rendu par le juge de Chastillon le dou-
ziesme septembre 1601, signé Petit, et au resgars desdictes dixmes
elles sont donné a louage par bail du seiziesme avril i66j moien-
nant quarente quatre septiers de grains moitié froment et avoyne
quelles représentent, passé et signé desdicts Roland Leleu, notaires, cy
Froment XXII s.
Avoyne XXII s.
Comme aussy il leur appartient la moitié de touttes les grossns
et menues dixmes du terroir d'Ogny qui rendent par chacun an la
somme de deux cens trente livres comme il appert par le bail
quelles en represententent passé par lesdits Roland et Le Leu
notaires le douziesme janvier 1662, ne pouvant vos dictes filles
pour les raisons rapportées au premier article du présent estât faire
voir les tiltres en vertu desquelz elles jouissent desdictes dixmes,
mais elles justifient quelles en sont en possession de temps im.né-
morial par plusieurs baux anciens datte l'un du dix septiesme
septembre 16 14, signé Taret et Flavignon, un acte du 28 aoust I532_,
signé Le Dieu et Frontigny, un autre du vingt sept janvier 1550,
signé Le Jeune, et un autre du sixiesme juillet 1658, en la jouissance
desquelles dixmes elles ont esté nouvellement maintenu par arrest
de nos seigneurs du grand conseil contradictoirement rendu contre
le sieur Dogny et les habitants dudict lieu les vingt deuxiesme avril
mil six cent soixante quatre et vingt quatriesme aoust 1666, duquel
elles font apparoir, cy II<^ XXX 1.
Plus il leur appartient le tier aux grosses dixmes de Chambrecy
qui leur a esté donné par Julio lors doïen de l'église de Reims
a charge d'en jouir par son neveu sa vie durant, ainsy qu'il appert
par un vidimus de Monseigneur l'archevesque Duc de Reims estant
en parchemin signé du sceau dudict seigneur archevesque datte du
Dimanche fait l'an de l'Incarnation 1178 et par un autre acte du
mois de septembre 1201 aussy estant en parchemin portant l'aban-
DE LONGUEAU 29
don fait au profit dudict couvent de Longueau par Robert, neveu
dudict Julio du droict qu'il avoit audictes dixmes sa vie durant et
de sa femme moiennant trois septiers froment par an que ledict cou-
vent se seroit obligé de leur donner, depuis lequel temps elles ont
paisiblement et sans trouble jouy dudict tiers de dixmes qui est a
terme trente septiers de grains moitié froment et avoyne comme
appert par le bail du quatriesme may 1666 passé par lesdicts Roland
et Le Leu notùres, quelles représentent, cy
Froment XV s.
Avoyne XV s.
Il appartient aussy a vos dictes filles les deux tiers des dixmes du
terroir de Chastiilon et bas Mallemont et un tiers au hault Maile-
mont sans quelles puissent déclarer dou leur procède ledict droict
de dixme n'en aians trouvé aucun tiltres, papiers, ny recogiioissance,
sinon une sentence du quatriesme aoust 1546 estant en parchemin
signé Legrand rendu par le lieutenant en la justice de Chastiilon
sur Marne entre vos dictes filles de Longueau demandresses
et damoiselle Anthoinette Germaine femme de Gilles de Nizart
escuier sieur de Cuil et consors, deffendeurs^ p.ir laquelle elles ont
esté maintenue en leur possession et les defTendeurs condamnées
les laisser jouir des deux tiers desdictes dixmes, et sy elles ont
recouvert plusieurs baux quelles représentent dattes du vingt un
juillet 1526, sixiesme may 1534, neufviesme may 1549, vingt cin-
quiesme tebvrier 155 1, huictiesme juillet 1564, vingt deuxiesme
juin 1568, quinziesme novembre 1600, et neufviesme juin 1639, qui
justifient suffizament la possession desdictes dixmes qui rendent de
pension par chacun an la somme de quatre vingt seize livres, niusy
qu'il appert par le bail qui en a esté passé par devant lesdicts Roland
et Le Leu notaires, le quatriesme tebvrier 1663, et outre ce est
obligé de les acquicter de trois cacques de vin quelles doivent par
chacun an au curé de Chastiilon, cy IIII^'' XVI 1.
Plus elles ont droict de prendre et recevoir par chacun an sur le
hallage de Chastiilon la quantité de sept septier de grains par tiers
froment, tier seigle et tier avoyne duquel droict elles ont tousjou>'s
paisiblement jouy sinon depuis quelque années que Monsieur le
procureur général en la Chambre des Comptes prétendant que ledict
droict estoit de l'ancien domaine de Chasteau Thiery, elles ont esté
assignées de l'autorité de Messieurs les commissaires depu;é par le
roy pour la liquidation du domaine délaissé en eschange à Mon-
sieur le Duc de Bouillon, par devant lesquelz commissaires il y
a procès indécis ou vos dictes filles ontproduict toutes les pièces
justificatives de leur droict quelles n'ont peu retirer jusques a pré-
sent, portant cy Néant.
Plus il leur appartient le douziesme de touttes les dixmes de
Lagery par donation qui leur en a esté faicte au mois de septembre
1204 par Gaucher escuier de Lagery, de laquelle donation estant en
parchemin et scellé elles font apparoir, aussy bien que du bail qui a
30 LE CARTULAIRE DU PRIEURE
esté passé le deuxiesme juin 1663 par devant lesdicts Le Leu
et Roland notaires dudict douziesme des dixmes moiennant cin-
quante livres par an, cy L 1.
Il leur appartient aussy au mesme lieu une pièce de terre conte-
nant un arpent ou environ dont elles sont en paisible jouissance
nen ayant aucun tiitre par éscrit quoy que ce soit elles nen ont pu
recouvrer, laquelle pièce de terre est loué trente sol par an suivant
le bail du douziesme janvier 1662 passé par devant les mesme
notaire^ cy XX.X s.
Et sy il leur appartient le demy tier de touttes les dixmes du
hault et bas Veriieuil, tant par deux donations qui leurs ont
esté faictes en lannée 1207, par Jeanescuier seigneur de Mareuil et
par la Contesse de Bourgone^ quelle vous représentent estantes en
parchemin scellé des sceaux desdictz seigneurs et dame, que par
l'acquisition quelles en ont faicte de Gérard de Haorgue en l'année
1211, ratifEé en l'année 12 12 par Madame qui estoit pour lors
abbesse de Fontevraux^ desquelles acquisition et ratification estant
en parchemin elles font pareillement apparoir, ensemble le bail
dudict demy tier de dixme en datte du quatcrziesme may 1664
passé par devant les susdicts notaires, a la charge d'en paier cent
cinquante quatre livres par an et de les acquiter enver le curé de
Verneuil de vingt quatre livres trois solz par an pour partie de la
portion congrue, cy CLIIII 1.
Plus il leur appartient le tier de touttes les dixmes tant grosses
que menues du terroir d'Aubilly dont elles sont en bonne et pai-
sible possession, le plus ancien tiitre quelle en représentent est une
transaction de l'année 1295 estant en parchemin et scellé ladicte
transaction passé entre Monsieur l'archevesque Duc de Reims, les
Religieux d'Auvillers et vos dictes filles du couvent de Longueau,
d'une part, et le sieur curé de Mery qui est curé d'Aubilly d'autre,
par laquelle se recognoit quelles ont part auxdictes dixmes, avec
laquelle transaction est attaché un bail en parchemin du vingt
uniesme juillet 1540 qui a esté faict dudict tier de dixme a Marc Le
Bel meusnier demeurant à Aubilly, ensemble un arrest du grand
conseil du vingt sixiesme juin 1663 signé sur le reply Herbin rendu
allencontre de M. Christophe de Conflans conte de Vezilly,
par lequel ledict sieur de Conflans a esté condamné se désister au
profit des demandresses des susdictes dixmes qui sont affermée soi-
xante livres par an, suivant le bail passé par lesdicts Roland et
Le Leu notaires le vingt huictiesme avril 1665 quelles représentent,
par lequel le fermier est obligé de les acquiter de dix septier de
grains par moitié froment et avoyne pour le tier du preciput
du sieur curé dudict lieu, cy LX 1.
Une pièce de pré seize a Saincce Eufraize contenante dix quar-
telz, communément appelle le pré l'Abbé, de laquelle elles sont en
possession en conséquence d'une sentence rendu par le Lieutenant
à Chastillon sur Marne le dixiesme juillet 1560 signé Petit, de
DE LONGUEAU 3j
laquelle elles font apparoir, comme aussy de plusieurs baux datte
des dix neufviesme janvier 1561, quinziesme décembre 1601,
dixiesme novembre 1608, septiesme avril 1616, treiziesme décembre
1632 et treiziesme may 1639, laquelle pièce de pré est présente-
ment affermé par bail du huictiesme juin 1663 passé pardevant les-
dicts notaires la somme de trente livres, cy XXX 1.
Plus vos dictes filles vous remonstrent qu'il leur appartient
le quart de touttes les dixmes tant grosses que menues et novalies
du terroir de Pourcy qui rendent par an la somme de soi-
xante quinze livres comme il appert par bail du vingt troisiesme
may 1665 passé par lesdicts Roland et Le Leu notaires, et ce en con-
séquence de la donation qui leur en a esté faicte par le sieur Guil-
laume de Germaine, de laquelle donation elles ne peuvent faire appa-
roir pour les raisons rapportées au premier article du présent estât,
mais elles justiffient de la ratiffication en parchemin qui a esté
taicte de laditte donation par Madame qui estoit pour lors abbe.sse
a Fontevrauld, ensemble d"un esentence arbitralle du treiziesme
tebvrier 15^41, homologués par Mons"" le prevot de Paris ou son
Lieutenant le dix huictiesme janvier 1^42 quelles vous repré-
sentent, cy LXXV 1.
Il leur appartient aussy une pièce tant terre que pré seize au ter-
roir de Bouilly qui avoit esté donné cy devant a surcens a Arnoult
Charpentier dudict Bouilly moiennant sept solz par an par contract
de Tannée 1279 duquel elles font apparoir, en laquelle elles sont
rentrées depuis ledict surcens expiré, laquelle pièce tant terre que
pré est donné a ferme moiennant cent solz par par an bail du
troisiesme may 1665 passé par devant lesdicts notaires, quelles
représentent, cy C s.
Plus il leur appartient vingt neuf hommées et demy tant vignes
que terre, ensemble deux hommées de terre y compris un petit
bout de bois contenant deux verges cinq pieds, eschangé avec un
petit jardin qui appartenoit audict couvent, desquelles terres vignes
et jardin elles jouissent paisiblement et sans trouble quoy quelles
nen puissent représenter aucun tiltre que les baux anciens datte du
vi-igt septiesme décembre 1532^ vingt septiesme décembre 1558,
vingt septiesme décembre 1 541, vingt huictiesme avril 1633, et troi-
siesme novembre 162T, dont elles tont apparoir, ensemble de l'es-
change dudict jardin avec lesdictes deux hommées de terre datte du
dix septiesme juillet 1663, touttes lesquelles choses sont donné à
terme par baiLdu quinziesme décembre 1661 passé par devant les-
dicts notaires, à la charge d'en rendre huict livres par an, lequel
bail elles vous représentent cy VIII I.
Comme aussy il leur appartient quatre arpent de pré et deux
arpent de terre qui estoient cy devant en vignes scizes au terroir
d'Esparnay ou de Mardeuil proche ledict Esparnay, la propriété
desquelles terres et prez elles justifient par les acquisitions que Ber-
terand de Verzelay a fait de certaines vignes a Mardueil et la doua-
32 LE CARTULAIRE DU PRIEURÉ
tion que leJict Verzelay en a faict au Prieuré de Longueau par
coiitract et vidimus des années 1239 et 1241, et encor par baux des
vingt neufviesme mars 1596, dixiesme avril 1650. et quinziesme
avril \6^6. quelles représentent avec le bail a louage desdictes
terres et prez passé par devant notaires le vingt cinquiesme feb-
vrier 1667 moiennant vingt huicc livres par an, cy XXVIII 1.
Pius trois pièces de prez seize au terroir de Faverolles contenant
ensemble quatre a cinq arpens suivîiis larpentage du sixiesme
novembre 1649, quelles représentent avec des anciens baux dattées
du vingt sixiesmf novembre 1527, dernier décembre 1555, vingt
neufviesme décembre 1564, et troisiesme avril 161 8 nayant trouvé
autres tiltres dans leur cartulaire nonobstant touttes les recherches
quelles en ont taict et sont lesdictz prez présentement affermé
la somme de cent livres par an suivant le bail quelles représentent
du huictiesme mars 1665 passé par devant lesdictz Roland et
I.e Leu notaires à Reims, cy Cl.
Plus il leur appartient par concession et donation du mois d'avril
i30i,a elles faictes par Hugo conte de Rethel, quelles représentent
en parchemin scellé du sceau dudict seigneur conte de Rethel,
la somme de douze livres dix solz, à prendre sur le hallage dudict
Rethel, cy XII 1. X s.
La somme de quatre livres de surcens perpétuel, à prendre
sur une vigne seize au terroir de Cuil, contenant un demy arpent
lieu dict la Galopane, détenu par Gilles de U Moste, vigneron
demeurant audict Cuil, par bail du vingtiesme septembre 1661
passé par devant Bonnentant notaire royal demeurant a Chastillon,
présent tesmoins dont elles font apparoir, cy IIII 1.
La somme de sept livres qui leur est dû par chacun an par Mes-
sieurs du Chapitre de l'Eglise Nostre Dame de Reiras, a prendre sur
une quantité de bois ainsy qu'il appert par une sentence de Mes-
sieurs des Requestes du palais du dixiesme may i 550 quelles repré-
sentent, cy VII 1.
La somme de douze livres dix solz de rente, moiennant deux cent
livres en principal qui leur sont deus par la succession de feu
Mr Luc Petit^ vivant Président en l'Election de Reims, suivant cer-
taine sentence arbitralle du troisiesme mars 1643 quelles repré-
sentent signé Dailler, cy XII 1. X s.
Plus la somme de six livres cinq solz de rente, à prendre par cha-
cun an sur la seigneurie d'Aguisy, suivant le contract du vingt
sixiesme aoust 1621, faict à leur profict par Monsieur François Picot,
baron de Couvay, par devant Nivart notaire royal, présent tes-
moins, duquel contract elles font apparoir^ ey VI l. V s.
La somme de trois livres deux solz six deniers de rentes, à elles
deue par contract de constitution de rente, du vingt huictiesme
avril 1616, faict à leur profit, par Charle Moreau et Louyse Le Gras,
sa femme, demeur.int a Vendière, pardevant Clouet et Frontigny,
DE LONGtJEA.U 33
notaire!!, laquelle rente iMr Charle Moreau prestre, demeurant
a Vendière c'est recognu debteur pour les causes rapportées en
l'acte de recognoissance qui en a esté passé le treiziesme novembre
1658^ pardevant Feval et Lamblet, notaires a Chastillon, repré-
sentent, cy III 1. Ils. VI d.
Plus la somme de cent cinquante livres de rente^ deue par
M'' Lespacgnol, moiennant trois mil livres en principal, parcontract
du vingt huictiesme décembre 1662, passé pardevant Roland et Le
Leu, notaires, quelles représentent, cy CL 1.
Pareille somme de cent cinquante livres de rente, deue par
M'' Coquebert, moiennant trois mil livres en principal, parcontract
quelles représentent, passé pardeva:it lesdicts notaires, le dix huic-
tiesme aoust 1664, cy CL 1.
Deux surcens de vingt cinq solz chacun, à prendre l'un sur une
maison seize a Reims, rue du Terra, appartenant a l'abbaye Sainct
Estienne dudict Reims, et l'autre à prendre sur une autre maison
seize audict Reims, rue de l'Epicerie, appartenant a Ihautel Dieu,
desquelz surcens elles sont en possession suivant plusieur anciens
comptes par elles représentées, cy L s.
Plus deux rentes montantes ensemble a la somme de trois livres
deux solz six deniers par an, constitué à leur profit par Messieurs les
Lieutenant et gens du Conseil de la ville de Reims, par deux con-
tracts séparés passé pardevant Vaurouart et Rogier notaires royaux
audict Reims, le sixiesme avril 1554 quelles représentent, cy
III 1. II s. VI d.
Plus il leur appartient une maison seize audict Reim^ rue de la
Grande Boucherie, quelles ont acquis de Marie Motha veufve
de Rigobert Soyer, moiennant la somme de quatre mil quatre cens
livres, par contract du vingt neutviesme octobre 1664, passé parde-
vant Roland et Leleu notaires, quelles représentent avec le bail a
louage de ladite maison faict ledict jour pardevant les mesmes
notaires, moiennant cent soixante quinze livres par an, cy
CLXXV 1.
Remonstrent vos dictes filles que peu de tciiips après leur transla-
tion et establissement en cette ville, elles achetèrent quantité de
petites maisons et mazures joignantes leur maison, partie des-
quelles maisons et mazures elles ont joinctes et enfermés dans leur
dicte maison, et le surplus montant a cinq tort petites maisons sont
occupés par pauvres personnes de qui elles retirent présentement de
louage la somme de cent quatre livres par an, duquel louage il ny
en a aucun bail par escrit dautant que lesdictes maisons sont iort
caduques et ruineuses^ et quelles sont en volonté de les taire démo-
lir, cy CIIII 1.
Somme totalle de tout le revenu cy dessus monte en argent a la
somme de deux mil huict cent quatre vingt sept livres quatre solz
six deniers tz.
34 LE CARTULA.IRE DU PRIEURE
Et en grains en la quantité Je deux cens soixante sept septiers un
quartel froment qui peuvent valoir par anné commune, a raison de
cent solz le septier, la somme de treize cent trente six livres cinq
solz tz.
Etenavoynela quantité de trois cent trois septiers trois qnartelz
qui peuvent valoir, a raison de quarente solz le septier, la somme de
six cens sept livres dix solz tz.
Outre ce que dessus vos dictes filles jouissent présentement
de plusieurs pensions viagères, sçavoir :
De la somme de cent cinquante livres, pour la pension de sœur
Simonne Cocquebert, a présent prieure, ne peuvent vos dictes filles
représenter le contract ne se treuvent, mais justifient quelles en
jouissent par plusieurs comptes, cy CL 1.
De la somme de quatre vingtz livres, pour la pension de sœur
Catherine Michon, religieuse^ par contract du seiziesme juillet
1618, signé Clouet notaires, présent tesmoins, cy IIII'^^ 1.
De la somme de cent cinquante livres, pour la pension de sœur
Appoline Frizon^ religieuse, par contract du vingt septiesme
octobre 161 8, passé par devant Clouet notaires en la prevosté de
Chastillon, présent tesmoins. duquel elles font apparoir, cy CL 1.
De la somme de cent livres pour la pension de sœur Rennette
Cocquebert religieuse, comme elles justifient par contract signé
Moreau, notaire demeurant à Chastillon, présent tesmoins, quelles
représentent, cy C 1.
De la pension de six vingt livres, pour la pension de sœur Jeanne
Gilbault^ religieuse, comme appert par contract du cinquiesme
novembre 1639, passé pardevnnt Taillet et Roland, notaires royaux
à Reims, dont elles font apparoir, cy CXX 1.
De la somme de deux cent livres, pour la pension de sœur Anne
Parent, religieuse, par contract passé par devant Taillet et Roland^
notaires royaux à Reims, datte du septiesme janvier 1641, quelles
repre.sentent, cy II'- 1.
De la somme de cent cinquante livres, pour la pension de sœur
IMagdelaine Amé, religieuse, par contract du septiesme janvier 165 i,
passé pardevant Roland et Le Leu, notaires, dont elles font appa-
roir, cy CL 1.
De la somme de cent cinquante livres, pour la pension de sœur
Margueritte Oudinet, religieuse, ainsy quelles justifient par contract
du neufviesme juin 165:9, passé pardevant Roland et Le Leu,
notaires, dont elles font apparoir, cy CL I.
De la somme de cent cinquante livres, pour la pension de sœur
.Anne Coquebert, religieuse, comme appert par contract du ciou-
ziesmff septembre 1664, passé par devant Roland et Le Leu,
notaires, quelles représentent, cy CL 1.
De la somme de deux cens livres, ])our la pension de sœur Marie
de Bar, religieuse, par contract du premier octobre 1664 passé par
DE LONGUEAU l-{5
devant Roland et Le Leu, notaires à Reims, quelles représentent, cy
II- 1.
De ia somme de cent cinquante livres^ pour la pension de
sœur Jeanne Hachette, novice, comme appert par contract passé
par devant Le Leu et Augier, notaires à Remis, le vingt neuf-
viesme janvier 1667, cy CL 1.
Total de touttes les dictes pensions seize cent livres 1600 1.
Qui font avec les sommes cy dessus en argent et avoyne, non
compris le froment qui se convertit en pain pour la nouriturc dudict
couvent, la somme de cinq mil quatre vingt quatorze livres qua-
torze solz six deniers 5^94 '• ^4 s. 6 d.
Sur quoy vient a déduire les charges qui ensuivent.
Premier ne taut faire estats des deux cent soixante sept septiers
un quartel froment, dont a esté faict recepte cy dessus, d'autant
quil s'emploie à la nourriture de la maison et qu'il ne s'en
faict aucun profict.
Vos dictes filles vous représentent avec tout respect quelles sont
au nombre de trente sept professes du cœur, une novice et
huict sœurs converses, et que pour leur nouriture et entretient
de tout vestements et linges, ensemble pour les nourriture de
vos vicaires lors quil viennent en visites, de deux touriers, un jar-
dinier quelles ont dordinaires et des fermiers et laboureur qui cha-
rient leurs grains vins et bois, lors qui! font lesdicts charrois, elles
dépensent par année commune suivant quil appert par les deux der-
niers comptes représentées et examinées par les commissaires quil
a pieu a vostre Altesse de députer, la somme de six mil sept
cens livres, cy VI» VU- 1,
Plus elles ont un confesseur ordinaire, qui célèbre tout les jours la
messe en leur chapelle auquel elles ne irouraissent aucune nourriture
et luy donnent pour toutes rétribution par chacun an la somme de
deux cent trente livres, cy II'- XXX 1.
Plus elles ont un chappelain qui, outre la messe dudict con-
fesseur, célèbre touttes les festes et dimanches une messe basse,
et sert de diacre lors quil en est besoing, pourquoy elles luy paient
la somme de soixante livres par an, cy LX 1.
Pour les gages d'un enfant qui sert de clerc, la somme de dix
livres^ cy X 1.
Pour l'entretient des ornements de leur chapelle en cette ville que
de l'église et chapelle de Longueau leur maison, du linge, meubles
et argenterie de l'église et sacristie, ensemble du luminaire, par
année commune, la somme de cinq cens livres, cy V*^ J.
Llles nont aucuns officiers^ procureurs, receveurs, ny sergens
auquel elles donnent gages, mais seulement un agent a Longueau
qui a esgard à leurs bois et agist en leurs affaires, auquelles
elles donnent par an trente livres de gages et quatre septiers de fro-
ment qui sojit compris dans Testât du froment partant, cy XXX 1.
36 LE cartulairE du prieuré
Pour les gages ordinaires des deux tourrieres, soizante huict livres
outre leur nourriture, cy LXVIII l.
Pour les gages dn jardinier, aussy outre ses nourritures, cinquante
six livres, cy LVI 1.
Pour les gages du médecin tant ordinaires que extraordinaires,
cinquante livres L 1.
Le chirurgien, par anné commune, nayant aucun gages ordinaire,
la somme de quarente livres, cy XL 1.
Pour les drogues de l'appoticaire par anné commune, la somme
de cent livres C 1.
Pour les réparations des bastimens tant de leur maison conven-
tuelle que de quatorze maisons en cette ville et en campagne, qui
leur appartiennent, d'un pressoir, et des cœurs etcancelles de douze
églises, pour les partz dont elles sont tenues a proportion de ce quelles
perçoivent de dixmes dans les paroisses desdictes églises, par estima-
tion et année commune, la somme de douze cens livres^ cy XII'~ 1.
Pour plusieurs frais qu'il convient faire a la poursuite des procès
tant en demandant que deffendant, pour la conservation de leur
biens et avoir payement de leurs debtes, tant auxadvocatz procu-
reur, sergens, et autres officiers en justice, par année commune, la
somme de trois cent livres UT 1.
Pour les frais des voiages de ^Monsieur le vicaire qui faict la visite,
il se donne dordinaire la somme de vingt livres non compris les frais
de nouritures qui sont emploiée dans la dépense commune, cy XX l.
Plus pour les subcides quelles doivent par chacun an, a vous
Madame, la somme de six livres, cy VI 1.
Pour le voiage d'un homme qui s'envoye exprès a Fontevraux,
pour avoir vostre confirmation, après lelection qui se taict tous
les trois ans de la prieure, la somme de quarante cinq livres,
qui est par an la somme de quinze livres, cy XV 1.
Pour les décimes tant ordinaires que extraordinaires, frais des
assemblés par année commune la somme de soizante livres, cy LX 1.
Plus elles vous remonstrent que quelque temps après leur esta-
blissement en cette ville, ayent besoin d'un plus grand logement
estendue de place pour y bastir, elles eschangerent une maison
a elles appartenante, appelle communément la maison deLongueau
a quatre maisons seize audict Reims, deux d'icelle rue du Jard, et
les deux autres rue de Venise^, par contract deschange faict entre
elles et Messieurs du Chapitre de l'église Nostre Dame de Reims le
vingt huicticsme septembre 1638, passé par devant Taillet et Le
Leu notaires a Reims, ausquelz sieurs de Chapitre pour soûl dudicc
eschange, elles se sont obligées de paier la somme de deux cens
livres de rente foncière et surcens perpétuel non racheta ble porté
par ledict contract représenté, cy IL I.
Plus elles ont aussy faict eschange par contract du dixhuictiesme
avril 1639, passé pardevant Taillet et CopiUon, notaires, avec Mes-
DE longueau 37
sieurs les chappelains de l'ancienne Congrégation, qui leur ont aban-
donné une maison et jardin a eux appartenante, joiiict à la maison
conventuelles de vos dictes filles, lesquelles en contre eschange se
sont obligé par ledict contract de paier audicts Chappelains la
somme de vingt sept livres de surcens perpétuel non rachetable,
comme il est porté par ledict contract, cy XXVII 1.
Plus a Monseigneur l'archevesque Duc de Reims, la somme de
cinquante huict solz, deux deniers, pour les cens et surcens, qui luy
sont deue sur leur maison conventuelle, et les autres maisons
quelles ont acquises, pour entermer dans leur dicte maison, lors-
quelles ont faict bastir, le tout suivant quelles en estoient chargés
par les contracts d'acquisitions, cy LVIII s. Il d.
A mondict seigneur l'archevesque, la somme de dix livres
de rente, par chacun an, a laquelle il a esté traicté, pour demeurer
quitte de l'indamnité qui luy estoit deue, à cause des maisons par
elles acquises, dans le détroict de la seigneurie de mondict seigneur
l'archevesque, duquel contract elles font apparoir cy X 1.
La somme de vingt sol, pour un surcens deue au sieur Hierome
Moet, a cause des dictes acquisitions, cy XX s.
Et a Messieurs les Religieux de Sainct Denyes, la somme de dix
solz de surcens^ aussy a cause desdictes acquisitions^ cy X s.
Finalement vos dictes filles remonstrent, avec touttes l'humilité
et respect quelles doivent a vostre Altesse, que depuis leur esta-
blissement en cette ville, elles ont travaillé et usé toutte l'économie
possible pour bastir leur maison qui ne l'est encore entièrement et
n'ont que une chapelle et un cœur de fort petite estendue nestant
en pouvoir quand a présent de les agrandir, ainsy que vous Madame
poura recognoistre par le présent estât qui contient vérités en tous
ses poincts.
Et pour bastir une église et achever les bastimens réguliers qui
manquent a leur maison il conviendroit desbourcer jusques a cent
cinquante mil livres au moiiig.
Somme delà dépense ordinaire et extraordinaire est neuf mil six
cens quatre vingtz six livres huict solz deux deniers tz non compris
le froment emploiez comme dict est cy dessus 9686 I. 8.2
Les dictes Religieuses ont droict d'usage en la forest de Vassy dy
prendre du bois mort pour le chaufTige dudict prieuré et du
bois vif pour les réparations et bastiment nécessaires d'icelluy, par la
donation qui leur en a esté faicte par le conte Palatin l'an 1198,
scellé quelles représentent, et dautant quelles nont jouy dudict droict
depuis un long temps, cy Néant.
Disent au surplus vos dictes filles que vostre maison et prieuré
est composée de trente sept Religieuses du cœur, d'une novice, et de
huict sœurs converses dont les noms ensuivent :
Premier Sœur Simonne Cocquebert prieure,
Sœur Jeanne de Boant,
Sœur Catherine Miclion,
38 LE CARTULAIRE DU PRIEURE
.sœur Appoline Frizon,
Sœur Remiette Cocquebert,
Sœur Klizabeth Levesque,
Sœur Jeanne Gilbault,
Sœur Appoline Chantreau,
Sœur Remiette Viscot,
Sœur Anne Parent,
Sœur Margueritte Coquebert,
Sœur Elizabeth de Paris,
Sœur Charlotte de Sugny,
Sœur René Lespagnol,
Sœur Jeanne Coquebert,
Sœur Marie de Paris,
Sœur Anthoinette Lespagnol,
Sœur Jaqueiine Coquebert,
Sœur Marie Boucher,
Sœur Jeanne de Gomont,
Sœur Jeanne Rogier,
Sœur Elizabeth Chalon,
Sœur Charlotte de la Rivière,
Sœur Magdelaine Ame,
Sœur Françoise de Malval,
Sœur Jeanne Evangeliste Coquebert,
Sœur Jeanne Hachette,
Sœur Jeanne Baptiste Rogier,
Sœur Simonne Angélique Coquebert,
Sœur Simonne Séraphique Coquebert^
Sœur Jeanne de Malval,
Sœur Margueritte Oudinet,
Sœur Marie Le Gris,
Sœur Izabelle Lespaignol,
Sœur Anthoinett.' Coquebert,
Sœur Anne Coquebert,
Sœur Marie de Bar,
Et Sœur Jeanne Hachette, novice.
f es Sœurs converses :
Sœur Marie Gntinet,
Sœur Claire Ligner,
Sœur Nicolle Brice,
Sœur Klizabeth Beaupere,
Sœur Simonne Champenois,
Sœur Elizabeth de la Croix.
Faict et arresté le présent estât en vostre dict prieuré, le trente un
et dernier jour du mois de janvier mil six cens soixante huict
Signe : Sœur .'^imonne Cocquebert. Prieure -j-,
Sœur Jeanne DE BOHAN, mère du
cloistre,
Sœur Catherine Michon, discrète,
DE LONGUEAU 39
Sœur A. Frizon, discrette,
Sœur Jeauiie GiLLEBAULT, dépositaire.
Sœur Apoline Chantreau, celeriere,
Sœur Remiette VISCOTTE, Boursière,
Sœur Margueritte COQUEBERT, por-
tière.
Aujourdhuy troisiesme febvrier mil six cens soixante huict, Nous
frère Jean Virdoux, prestre profex de l'ordre de Fontevrault, vicaire
antique et commissaire en cette partie de très illustre et religieuse
princesse dame Jeanne Baptiste de Bourbon, fille légitimée de
France, par sa commission en datte du septiesme décembre mil six
cens soixante sept, signée de sa main^ et de Delaville, son secrétaire,
et scellé de son scel portant entre autres choses pouvoir de
nous transporter au prieuré de Longueau estably a Reims, membre
deppendant dudict ordre^. pour en nostre présence estre dressé lestât
du revenu temporel dudict prieuré et du nombre de relligienses,
charges ordinaires et extraordinaires, et pour iceluy estât estre
à nostre diligence envoyé a madicte dame. Nous sommes trans-
portez audict prieuré de Longueau ou estant arrivé nous avons
demandé la mère prieure, a laquelle ayant faict scavoir la teneure
de nostre commission, nous l'aurions priée et requise de faire assem-
bler la communaulté au parloir ordinaire en la manière accoustu-
mée pour en faire lecture. Et aussy tost la cloche sonnée, lesdictes
Relligieuses, Prieure et couvent sestant trouvées audict parloir, et
lecture faicte de nostre dicte commission, nous auroient touttes
unanimement déclaré estre disposées a y satisfaire et y obéir^
et qu'a cest efFect elles alloient faire apporter tous leurs tiltres et
papiers justifficatifs de lestât cy dessus, et ayant appelle avec
nous pour les certifîîer et veriflîer discrette personne .Vlr* Daniel
Esgand, prestre docteur et professeur en théologie et contesseur des-
dicces relligieuses dudict prieuré, M'"'^ André .Augier et Anthoine
Le Leu notaires royaux audict Reims, ledict estât et lesdictes pièces
estans apportées, nous les avons ensemble veriffiés sur iceluy pen-
dant lespace de deux jours que nous avons pris pour y travailler et
y avons travaillé, ce que nous avons trouvé contorme et véritable.
En foy de quoy nous avons faict et dressé ce présent procès verbal
pour icelluy estre rapporté a madicte Dame avec ledict estât et y
estre pourveu ainsy que de raison. Donné et taict par nous com-
missaire susdict, audict lieu de Longueau^ les jour et an que dessus,
et ont signé avec nous les nommez cy dessus appeliez par nous pour
ladicte veriffication.
Signé : L. Jean ViRDOUx, commissaire,
Daniel Egan,
Augier,
Leleu.
[A suivre.)
m
Dnrj,iD
m
n
ji
Répertoire des fiefs ^ offices^ terres et produits divers,
biens et domaines nationaux du département des Ardennes,
7nis en vente dans les AFFICHES DE REIMS de Havé,
de ill2 à il92.
Olizy. — Vente par M" Louis- Alexandre le Fournier, baron
d'Équaucourt, seigneur d'Holizy, et son fils, de la terre et seigneu-
rie d'Olizy, par contrat passé devant M<'* Gobert et Sauvaige,
notaires à Paris, le 6 janvier 1773, niO)^ennant 9"â,000 livres.
(/;> février 1113.)
Orfeuil. — A vendre bonne auberge sise au village d'Orfeuil',
entre Sompi et Machault, sur la route qui conduit de Verdun à
Reims et en Picardie, consistante en bâtimens jardin, etc.
Celte auberge est la seule qui se trouve dans le lieu, et est
exempte des frais royaux, corvées et milice S'adresser au s^
July, propriétaire et aubergiste. (23 janvier 1186.)
Pargny, moulin à eau, sis à Vaux-Montreuil -, avec les bâti-
mens en dépendans, appart. ci-devant à l'abbaye de Saint-Pierre
de Reims, estimé 4,340 liv., mis au prix de 4,951 liv. 4 s. (4 avril
1191.)
Pargny, ferme sise au terroir de Château-Porcien 3, apparte-
nante ci-devant à l'abbaye de la Piscine, cousist. en bâtimens,
jardins, terres et prés, louée 2,400 l., 10 liv. pour préciput, et 81
septiers i quarlels de froment, mise au prix de 51,024 liv. 12 s.
{25 avril 1191.)
Pargny, ferme divisée en deux parties, sise au terroir de Châ-
teau-Porcien, appartenante ci-dev. à l'abbaye de la Piscine, louée
2,410 liv. et 81 sepi. 2 quartels de froment. La vente s'en fera à
la folle enchère de Jean Collet, bourgeois de Rethel, et Lambert
Jolly*, laboureur à Doux, qui l'ont acquise moyenn. 71,000 liv.
(21 novembre 1191.)
• Voir paf^e 801, tome VI de la Revue de Champagne.
1 . Hameau actuel de ia commune de Semide.
2. Ancienne propriété de la famille Fricolleaux qui en s pris le nom.
3. Ecart de Château- Porcien, près du Canal des Ardeones.
4. La ferme de Pargny est encore la propriété de la famille Joly.
TOPOGRAPHIE ARDENNATSE 41
Pérouzelle. — Vente par le sr Pierre-Joseph Desalliot, sei-
gneur en partie de Coipelle, elc tous demeurants à Charle-
ville, à Messire Antoine-Nicolas-Bernard de Vigneau, chevalier,
seigneur de Barbaize, chevalier de S'-Louis, colonel d'infanterie,
ingénieur en chef et commandant en second de l'Ecole Royale du
Génie à Mézières, et dame Louise-Charlotte-Élisabeth Boiiettrie
de la Boissière son épouse, d'un corps de ferme appelle Pérou-
zelle^^ situé au terroir de Launoy moyennant 16,000 liv.,
selon le contrat passé devant M* Guillaume, notaire à Mézières, le
jer décembre 1772. {i janvier 1113.)
Piscine (La). — A louer les domaines de l'abbaye de Chau-
mont la Piscine -, pour entrer en jouissance en 1790 et 1791,
savoir les fermes de Flay, Trion, Pargny, du Lutteau, les dixmes
de Logny, les censés de la Croix, Brice-Bolle, la Motte aux Cail-
loux, Delvincourt, Liberette, les prés et dixmes de Chaumont, les
fermes d'Adon, Remaucourt, Saint-Fergeux et Avançon, les
dixmes d'Adon, Dommeli, Givron, Pagan, Wadimont, Rubigni,
Vaux, Remaucourt, Begni, les bois de Saint-Fergeux, les moulins
du Lutteau et de Logny, les vignes d'Herpy, et trois maisons sises
à Reims, rue du Cadran-S'^-Pierre. S'adresser a M. Saluer de Ber-
lize, à Châieau-Porcien, à M"^ Laignier, greffier au grenier à sel
de cette ville, ou à 3/» Vigno7i, notaire et procureur à Chau-
mont. (9 juin 1788.)
Piscine (abbaye de La). — Mise en vente des fermes apparte-
nant à la manse abbatiale. Censés de Brice-BroUe ou la. Barique,
Censé Delvincourt, Censé de la Croix, sises à Ghaumont-en-por-
cien. {i8 janvier 1191.)
Piscine (La), l'église et les bâtimens composans les menses
abbatiale et conventuelle de l'abbaye, avec leurs dépendances,
estimés 9,300 liv. compris le terrain sur lequel ils sont situés, et
six arpens de jardins, clos, vergers et terrein, estimés 210 liv. de
loyer, mis au prix de 23,010 liv. 14 s. (i mai 1191.)
Piscine (abbaye de La), vente du jeu d'orgues qui se trouve
dans Téglise des ci-devant Prémontrés ^; l'adjudication s'en fera
1 . Dépendance actuelle de Launois-sur-Vence.
2. Ancienne abbaye de Prémonlrés, fondée à Chaumonl-Porcien en 1147,
transférée à La Piscine, près Remaucourt, en 1623, démolie presque entiè-
rement depuis la Révolution.
3. Les autres objets précieux de La Piscine se trouvent répartis entre
quelques églises des environs : un superbe autel en marbre dans l'église du
Thuel (Aisne), un grand tableau de J. Wilbault représentant la Prédication
de saint Berlhauld dans l'église du Thour (Ardennes), d'autres grands
tableaux dans l'église de Rethel, et une pierre lombale daus l'église de
Remaucourt, Consulter au surplus la Notice sur l'abbaye de Saint- Berthauld
de Chaumonl-Porcien publiée par l'abbé Lannois, curé de Tbugnj, à
Retbel, chez Beauvarlet, 1880, br. in-S" de ^& pp.
42 TOPOGRAPHIE ARDENNAISE
le l^' septembre, à Rethel, dans le réfectoire des Capucins de lad.
ville. (22 août 1791.)
Ponceau (Le) ou La Rozière, corps de ferme sis au terroir
de Roci]iii?ni ', appart. ci-dev. aux Religieux de la Piscine, loué
■180 livres; mis au prix de 3,394 liv. 12 s. (23 avril 1791.)
Pont-des-Aulnes (Le), corps de ferme sis à Chevriere %
appartenant ci-devant aux Religieux de Bonne-Fontaine, consis-
tant en bàtimens et 229 arp. de terre, loué 900 liv. en argent, 300
quartels de froment, etc., outre 720 liv. payées pour pot de vin,
mis au prix de 28,645 liv. 2 s. (28 mars 1791.)
Presle (ancien prieuré de La), corps de ferme sis au terroir de
Juzancourt^, consist. en environ 73 arpens de terre, 2 arpens de
prés, un surcens sur un canton de vignes au terroir d'Aire, et un
autre surcens d'un quartel de seigle par arpent sur plusieurs piè-
ces de terre d'un canton du terroir de Villers-devant-le-Thour,
estimés Ollj liv. l!j s. de loyer, mis au prix de 10,068 livres G s.
{9 mai 1791.)
Puiselet (Le), belle ferme sise au terroir de Baalon près Lau-
nois^, consistant en bàtimens, jardin planté, 500 arp. de terre,
prés, bois le tout loué 700 liv, (28 mai 1792.)
Puiseux. — Vente par D' Jeanne Gueriot, veuve de M^e God.-
François Baron de Chourse, chevalier de S' Louis, capitaine de
cavalerie, seigneur de Puiseux -•, etc de terres par adjudica-
tion devant M" Moreau, notaire au Grand-Montreuil ", le 18 mars
1781. {13 avril 1782.)
Quatre- Champs. — A vendre belle terre et seigneurie de
Qualre-Champs, située dans la vallée de Bourcq, à une lieue de
Vouziers consistante en toute justice, droits de chasse et
pèche, château, deux cours, colombiers, vivier, pressoirs, moulin,
tuilerie, vignes, 804 arpens de bois, 313 de terre, 100 fauchées de
prés. Le seigneur de Quatre-Champs l'est aussi en partie de iNoir-
vai, Ballai et les deux Mesnils. S'adresser à M'' Rivart, notaire à
Reims. {16 juin 1777.)
Quatre-Champs. — Vente par M-^^ Louis-François de Mussan,
chev. seign. de Vigneux et S'-Clérnent, dem. à Quatre-Champs, et
D<^ Charlolte-Louis3 de Belfroy, veuve de Mr^ iNicolas de Bohan,
1. La Rozière, hameau de la commune de Rocquigny.
2. Erreur, le Pout des Aulnes est un écart de Sevigny-Waleppe.
3. Erreur, le prieuré de Lî Presle était situé à proximité de Juzancourt,
mais sur le ler.-oir d'AsfeM. Voir une étude sur ce prieuré et l'analyse de
son cartulaire, publiée par M. l'abbé Carré dans la Reoue de Champagne et
de Bric, années 189i-93-94.
/i. Les Puisilels, écart de la commune de Bâlon.^ canton d'Omont.
îi. Commune du canton de Novion-Porcien.
ti. Probablement pour Vaux-Montreuil.
TOPOGRAPHIE ARDENNAISE 4'-}
chev. seign. de Quatre-Champs, dem. aud. lieu, de maison, etc.,
pardevant M'' Coche, notaire à Vonc, le 9 décembre \1H1. (-i mai
/76'.9.)
Radois (Le), corps de ferme au terroir de Fraillicourt ', appar-
tenant ci-devant au Chapitre de l'église de Reims, consist. en 100
arp. de terre, loué 3")0 iiv., mis au prix de S, 098 iiv. (2S mars
1791.)
Raillicourt, terre seigneuriale près Jandiin, maison de fer-
mier, -loO jours de terre, 40 arpens de prés, 117 arpens de bois.
S'adresser à M. Paie, dem.. à S^-É tienne- ks-Dames, à Reims. (H
février 1791.)
Rethel. — A vendre l'auberge de Fieur-de-Lys, située à
Rethel-Mazarin. fauxbourg de S. Nicolas... appartenante au s"" G.
Deshaie S'adresser à M' Miroy le jeune, avocat à llethel.
(2i février 1772.)
Rethel. — A vendre beaux peupliers d'Italie de la meilleure
espèce, de l'âge de deux ans, ayant 8 à 9 pieds de haut, à 10 Iiv.
le cent pris à Rethel, et 11 Iiv. rendus à Reims. S'adresser chez
le S'" Hibcrt, nv^ de bois à Rethel. {13 avril '1772.)
Rethel. — Il se trouve au chantier de S. Lazare -, proche le
dernier pont de Rethel-Mazarin, de très-beaux peupliers d'Italie à
vendre. S'adresser à M. Hibert. {23 novembre 1772.)
Rethel. — Le s'- Hibert, négociant à Mazarin, fera arriver une
flotte considérable de bois de chauffe, au prix de 16 Iiv. lO s. la
corde rendue à Rethel. On trouvera aussi à son chantier des
tables de cuisine en bois de hêtre de 4 pouces d'épaisseur, etc.
(3 mai 1773.)
Rethel. — M"' Crozat, Bourgeois et Lombard, venant d'établir
à Mazarin un dépôt de bois flotté, offrent de le vendre à raison de
10 Iiv. 10 sols (9 août 1773.)
Rethel. — A vendre charge de Lieutenant de l'Election de
Mazarin, dont était revêtu M. Tiercelet de Métayer, rapportant
3'7 I. de gages S'adresser à M. Solder, président de lad.
Election, son gendre. (23 août 1773.)
Rethel. — A vendre charge de conseiller en i'Klection de
Rethel-Mazarin. S'adresser à M^ Monnot, notaire royal en lad.
ville, (l'^'' novembre 1773.)
Rethel. — A vendre quantité de peupliers d'Hollande, de huit
à dix pouces de tour et de moindre grosseur, à dix livres le cent.
S'adressera .W^ veuve Bruslé-Sarlel, à Rethel. (S octobre 1781.)
\ . Hameau dî la commune de Fraillicourt, situé près de la route de
Rozoy.
2. Emplacement d'une ancienne maladrerie, sur la route de Reims, au
faubourc; des Minimes.
44 TOPOGRAPHIE ARDENNAISE
Rethel. — A vendre l'auberge du Mouton blanc, sise à Relhel
sur la place basse de la ville, la seule en état de recevoir des
équipages. S'adresser à Me Willemel, avocat et notaire à Retliel.
{3 mars I7S3.)
Rethel. — A vendre une grande et belle maison sise à Rethel,
rue du grand Pont', occupée par M""* Zénard, avec un beau jar-
din planté par le célèbre Lenautre-^ conten. euv. 15 arpens
côtoyés par la rivière d'Aine La seigneurie de la Maison-
forte de Trugny ^, consistant eu château, droits ferme
bois, lieudit Triaum.ont^ etc S'adresser à j/« Willcmct,
notaire à Relhel. {13 septembre 178-i.)
Rethel. — A vendre le fond et la superficie d'un magnifique
jardin sis t Relhel-Mazarin, baigné dans toute sa longueur par la
rivière d'Aine, planté de beaux arbres de près de 80 ans, char-
milles et vei'gers, contenant env. 14 arpens, avec une belle basse-
cour, etc.*. S'adresser à AJ' W'illemet, notaire royal, qui en fera
l'adjudication le 27 décembre 17 Si. {13 décembre 17 Si.)
Rethel. — Le s"" Lombart, M= en chirurgie, dem. à Rethel,
tient en dépôt de la farine pectorale du s'' Gongaut, M' en phar-
macie, de la Rochelle, annoncée dans le journal de Ronillon.
{6 juin I7S'6.)
Rethel. — On trouve chez le s'' Migny, libraire à Rethel, des
exemplaires delà Justification de M. Necker, ou réponse au der-
nier mémoire de M. de Calonne. {29 septembre 1788.)
Rethel, vente de l'église et des maison et dépendances appar-
tenans ci-devant aux Capucins, estimés 13,976 livres; — des bâti-
mens appelles le Prieuré el environ 66 verges de potager, appart.
ci-dev. à TArchevêché de Reims, estimés 1,787 livres 10 s. ; —
des moulins à eau, fouleries, magasins à sels, appartenant ci-
devant aux religieux de Novi, estimés 20,000 livres. [26 septembre
1791.)
Roche (censé de), près Attigni % apparten. cidev. à l'abbaye
royale de S. Etienne de Reims, mise au prix de 34,200 livres.
(24 janvier 1791.)
Rocroi. — A vendre une partie de bois, fonds et surpeficie,
1 . Aujourd'tlui rue Colberl.
2. Od attribue à Le Nôtre une infinité de jardins postérieurs à sa vie
(1613-1700).
3. Trugnij, section de Thugny, conserve l'ancienne maison forte trans-
formée en maison de culture.
4. Triaumont, bois en partie défriché entre Rethel et Novion-Porcien.
5. Ces terrains ont été longtemps appelés les Grands Jardins et sont
aujourd'hui occupés par des quartiers neufs jusqu'à la gare.
0. Roche, section actuelle de la commune de Chuffilly, est indiqué sur
la carte de Cassini sous le nom de Hameau el chûleau de la Roche.
TOPOGRAPHIE ARDENNAISE 45
dans laquelle il y a une fosse d'ardoises, siluée au Griplei\ près
de Rocroi, conlenanl environ 80 arpens S'adresser à M. Le
Blanc, à Rocroi. {IS janvier 1779.)
Rocroi. — A vendre la charge de prévôt royal de la ville de
Rocroi. S'adresser au propriélaire, actwilement chez M. Lara-
mée, curé de Sainl-Marcel-les-Clavi, à deux lieu, s de Char lé-
ville. (4 aoûl 1783.)
Rocroi. — Vente par les S""* Jean-Louis Rolland, peintre et
professeur de dessin, et Jean-Hugues-Fr. Lebarbier, peintre du
Roi, et D"° Charlotte Roland, son épouse, dem. à Paris, héritiers
de M" Jean-Louis Rolland, procureur en la prévôté de Rocroi
d'immeubles en la justice de Rocroi, du iO nov. 17S7. (2,ï février
1788.)
Rocroi. — Vente par le Sr Gaspard Mongé (sic), membre de
l'Académie des Science^, demeurant à Paris-, et D'ie Marie-Cathe-
rine Huart, son épouse, créancier de J -8. Rolland, majeur,
dem. à Strasbourg, seul héritier de Jean-Louis Rolland, perru-
quier, dem. à Rocroi, et de Marie-Anne [.edouble, sa femme, de
maisons moyenn. ],3'60 liv. par adjnd. en la prévôté de Rocroi, le
10 oct. dernier. (28 décembre 1789.)
Ronce (La), ferme sise au terroir d'Asfeld-^. appart. ci-dev.
aux Religieux de Saint-Martin-de-Laon, consist. en terres, prés et
bois, louée 700 liv., mise au prix de 11,396 liv. (28 mars 1791.)
Rozière (La), voir Ponceau (Le).
Sablons (la censé des), sise au terroir de S'-Germain-Mont *,
appart. cidev. aux Chanoines de la S'^'^-Chapelle de Paris, consist.
en 160 jours de terre environ, 3 jours env. de prés et un surcens
de 3 livres, louée 1,300 1. et autres clauses, mise au prix de
2l,16i liv. (2 mai 1791.)
Saint- Clément-à- Ames. — A vendre belle ferme située aux
terroirs de Saint-Clément et circonvoisins, sur la rivière d'Arne^
à un lieue de Machaux, consistante en 187 septiers de terres
labourables S'adresser au s'' Galichct, im^ de bois à Reims.
(20 janvier 1772.)
Saint-Germainmont. — A louer les droits et domaines de S.
Germain-mont, en Porcien ; savoir, la recette d'une rente seigneu-
riale de 20 muids de froment et de 12 liv. parisis en argent ; un
1 . 11 n'y a pas acluellemeot d'ardoitière exploitée sur le terroir de Rocroi.
2. 11 s'agit ici du célèbre Mouge, qui s'était marié à Rocroi, à l'époque
où il était professeur à l'Ecole du Géuie de Mézières, le 12 juin 1777.
3. Cette ferme n'a pas de bâtiments, mais un lieudit du terroir d'AsI'eld
en conserve le nom, section de la Maladrie.
i. Censé sans bâtiments, propriété de RL Godart-Souëf, de Goraont,
siluée à proximité de la sucrerie de Saiul-Germaiumont.
4G TOPOGRAPHIE ARDEJNNAISE
moulin à eau seigneurial, 2o arpens de bois, G6 de terres et 1 de
prés. Se retirer vers J/e Hiiet, notaire à Reims. {31 janvier 1785.)
Saint-Lambert. — Vente par M''e Félicité de Contlans, com-
les.se douairière de Maulde, dame de compagnie de Mesdames de
France, marquise de Saint-Lambert, v« de Mre Louis-François,
comte de Maulde, etc., dem. à Paris, de la terre et seigneurie de
Saint-Lambert près d'Attigny moyennant 2i5,000 liv. par contrat
devant M^ Garnier, notaire au Châlelet de l'aris, le 28 mai 1777.
(i août /777.)
Saint-Laurent. — A vendre maison et bien de campagne au
village de S, Laurent de la principauté et à une lieue de Cbarle-
viiie Le village de S. Laurent est en bon air, exempt de cor-
vées et de toutes impositions quelconques, mêmes personnelles ;
les habitans ont part aux bois commuas. S'adresser à M. Coche-
let, avocat y encrai au bailliage, à CharleviUe. (4 décembre 1786.)
Saint-Léger, petite censé sise au terroir d'Houdilcourt ',
apparl. ci-devant aux Religieux de St-iNicaise de Reims, louée
240 liv , mise au prix de 3,907 liv. 4 s, (2 mai 1791.)
Saiut-Loup-Champagne. — Adjudications devant ]\F Des-
moulins, notaire à Saint-Loup [en Champagne], détails
{23 mars 1772.)
Saint-Loup-Terrier. — A vendre la terre et seigneurie de
Saint-Loup-aux-bois, relevante du duché de Mazarin, consistante
en un château, logement de fermier, moulin, 2Û0 arpens de bois,
vignes, terres, prés la terre et seigneurie de Manimont -.. . .
tous ces objets produisent 7,000 liv. de rente. Il y a en outre plus
de 2,000 peupliers d'Italie S'adresser à M. Dubois d'Ècor-
dal, propriétaire, dem. à CharleviUe. {30 octobre 1786.)
Saint-Loup-Terrier. — A vendre la terre, seigneurie . et
baronie de Saint-Loup-aux-Bois, à 4 lieues de Mézières et de
Relhel, consistant ea très beau château, droits seign., moulins,
terres, prés, le tout produisant o.lio liv. 19 s. de revenu. — De
lad. terre relève en plein fief la terre et seigneurie de iManimont,
— Les biens roture consistent en clos, prés, terres, 203 verges de
vignes sises à Maubaterne, produisant d'excellent vin paillet, bois,
le tout loué 1,384 liv., non compris le château estimé 21,094 liv.
— Entre l'avenue et les charmilles du château, coule un ruisseau
dont l'eau est limpide et propre à dilïérentes usines — Moi-
tié de la terre, seigneurie et baronie de Terrier ', décorée pour la
totalité du litre des quatre baronies de France, qui ont le droit
de porter le dais au sacre des Rois, ayant la collation d'une cha-
pelle caslralle ; droits seign., prés, bois, produisant 778 livres de
1. Celle commune u'u pas d'ccarl de ce uom.
2. Magninioiil esl ludique sur la carte tie Cassiui à l'étal de molle au
conilueal do doux ruis.seaux, uou loin el au uord de Saint-Loup.
3. CLàleuu tuUc Saiul-Loup el Cuiucourl, voir l'uiticle suivant.
TOPOGRAPHIE ARDKNNAISE 47
revenu — Ces deux terres appartiennent à la succession de
M'''" Jean-Louis Du Bois, baron dssd. lieux. S'adresser à jyJe [a
baronne Du Bois d'Ecordal. à Charleville, ei a M" Anccaux,
nolnire royal, à Rethcl. (1 janvier I78S.)
Saint-Loup-Terrier. — Vente par les héritiers Du Bois
d'Écurdal {dont la liste est donnée) de la moitié des terres et sei-
gneurie de Terrier ', devant W Mauroy notaire à Tourteron, le
30 janvier 1180. (i mai 1189.)
Saint-Loup-Terrier. — Vente par la famille Dubois d'Ecor-
dal de garennes à Saint-Loup-aux-bois, pardev. HI'= Vuillemet,
notaire à Rethel, le 4 oct. 1188. (/o et 22 mars 1790.)
Saint-Michel, censé sise à Resson-, appartenant ci-devant
à iMM. de la Sainte-Chapelle", consistante en 18 arpens de terre
et (j quartels de prés, louée 150 livres, mise au prix de 2,442 liv.
(31 janvier 1791.)
Saint-Morel. — A vendre moitié de la terre et seigneurie de
Saint-Morel, près Vouziers avec la qualité de premier sei-
gneur, terres, bois, prés, château, vignes S'adresser à M^** de
Sainl-Morel, propriétaire, en son château. (7 avril 1777.)
Saint-Morel. — A vendre jolie maison de campagne sise à
S.-Morel, à une lieue de Vouzières le tout entouré d'un clos
et formant environ six arpens. Plus une portion de la seigneurie,
donnant un banc dans l'église, !es droits honorifiques accoutumés,
celui de chasse sur un terroir de plus de deux lieues de circonfé-
rence, et droit de pêche. S'adresser à M. Lcclerc, à S.-Morel.
{30 avril 1787.)
Saint-Pierre-à-Arnes. — A vendre ou à louer la ferme sei-
gneuriale de S.-Pierre-à-Arne, appart. à M. le chevalier Charles..
de Thuisy S'adresser a M. Coilot, concierge au château de
S'-Souplet '. {26 avril 1790.)
Saint-Pierremont. — Vente du château avec ses dépendan-
ces, par M. Pierre-Louis de Finfe, ancien seigneur du lieu, officier
au régiment de Royal-Marine, et D' Philippine-Claudine-Louise de
Beaumont, son épouse, demeurans à Charleville, moyennant
8,b00 livres, par contrat devant M' IVlansart, notaire à Sommauthe,
le 12 avril 1791. — Le dit château était échu aux vendeurs par
donation de M""^ Claude de Chartogne, leur tante. {A juillet 1791.)
Saint- Quentin-le-Petit. — A vendre ferme située aux ter-
1. Terrier, seclion de Saint-Loup, est indiqué sur la carie de Cassini
sous le nom de Terrier- Cliquet avec un château. t
2. Le château de Ressca, commune de Pargny- Resson, domaine de la
lamille de Chabrillan, avait une chapelle sous le vocable de ^aint-Michel,
dite Saini-Michel (VArson-le-Feiu.
3. La Sainte-Chapelle de Paris possédait, depuis 1642, la meuse abba-
tiale de l'abbaye de Saint- Nicaisc de Reims.
4. Canton de Beine, Marne.
48 TOPOGRAPHIE ARDENNAlSK
roirs de S. Quentin et voisins, contenante 22 arpens. louée au s-"
Lointier, moyennant 8 septiers 1/2 de froment. (2i lévrier 1772.)
Saint-Vincent, corps de ferme au terroir de Novi ', consist.
en ;ii jours de terre et 17 fauchées de prés, appart. ci-dev. aux
Religieux de Novi, loué 200 liv. et 20 septiers de froment, mis au
prix de 6,bl2 liv. (i/ mais 1791.)
Sainte-Vaubourg (prieuré de), censé apparten. au ci-devant
prieuré, consist. en grand corps de logis, écurie, bergerie, cha-
pelle, terrain vague, clos, 115 arp. de terre à la roie, 38 fauchées
de prés 12 arp. de pâturage, louée 3,000 liv., etc., mise au prix
de 75,100 liv. {21 mars 1791.)
Saulces-Monclin. — A vendre beau chantier de bois de char-
pente et de scierie, sis à Saulce aux-bois, sur la route La
vente s'en fera le 7 sept, prochain. (25 aoûl 1788.)
Sault les-Rethel, vente de fermes appart. ci-dev. aux Reli-
gieux et Religieuses de Rethel, Reims et Charleville. {31 janvier
1791.)
Sedan. — A louer une Savonnerie occupée ci-devant par
M. Bechet, Père et Compagnie à Sedan, et appartenante mainte-
nant à M. Lucas, m'' Orlèvre, consistant en une très belle usine...
S'adresser audit s^ Lucas. L'avantage attaché à cette Savonnerie,
est que les savons fabriqués à Sedan, vont partout le Royaume
avec un seul Passavant. {.3 février 1772.)
Sedan. — Lundi 21 décembre 1772, il sera procédé en l'Hôtel
de Ville de Sedan à Taliénation de l'ancien octroi établi par
le conseil souverain du dit Sedan le 13 décembre {6o4 , et le
lendemain Mardi, à l'adjudication des droits dont la perception
a été ordonnée par arrêt du Conseil du 20 octobre 1769
S'adresser à M. Hiisson, maire, ou au greffe (/4 décembre
1772.)
[A suivre.) Henri Jadart.
I. Il n'y a plus de ferme habiléu de ce nom au lenoir de Novy.
NÉCROLOGIE
M. l'abbé Oudry, curé de Lagiiy (Seine-et-Marne), est décédé le
mardi il décembre dernier, à l'âge de 85 ans. Il était né à Fro-
menlières (Marne), le 23 mars 1809.
D'abord vicaire de Fontainebleau, puis doyen de Morot, il avait
été préposé en iSol à l'imporlante cure de Lagny.
Nous avons le regret d'apprendre le décès du D"" Thierrard, un
des doyens de la médecine à Reims; cet excellent bomme était
entouré de la considération de tous et particulièrement des
habitants du troisième canton, qui garderont de lui le meilleur
souvenir. Il était à£ré de 72 ans.
M. le commandant d'artillerie Douradou, qui a résidé longtemps
à Châlons, vient de mourir à Dijon, où il était directeur d'artillerie,
à l'âge de 49 ans.
Nous apprenons !a mort du vénérable M Goulet-Leclercq, décédé
à Reims dans sa 81'^ année.
M. Goulet appartenait à une des plus honorables familles du
vieux Reims. Il a longtemps compté parmi les négociants notables
de la place. Sa situation lui eût permis de prétendre aux fonctions
publiques; mais, tout en s'intéressant aux affaires de la ville, il
déclina toujours l'honneur et le péril de les diriger.
En 1873, la mort prématurée de son tils René, sur lequel il
fondait les plus brillantes et les plus légitimes espérances, fut pour
M. Goulet une cruelle épreuve. Il se retira alors des affaires,
emportant dans sa retraite, avec son deuil, l'estime et la sym-
pathie universelles.
Bienveillant pour tous, il aimait les pauvres; sa main volontiers
s'ouvrait pour donner et sa charité avait ce double mérite d'être
discrète et généreuse.
M. Goulet-Leclercq était un chrétien convaincu, un homme de
foi, et sa fin très pieuse, qui a fait l'édification et la consolation
des siens, n'a été que le digne couronnement de toute une longue
vie de travail, d'honneur et de vertus.
50 NÉCROLOGIE
M'"e la marquise de Ferreux est récemment décédée à Paris, à
l'âge de 69 ans. Elle n'avait plus d'enfants et a légué sa fortune à
l'une de ses cousines, M""^ la comtesse de Saint-Georges.
L'inliumalioii a eu lieu à Ferreux (Aube), dans le caveau de la
famille des marquis de Ferreux.
On annonce de Vitry-le- François la mort de M"^"^ du Mont de
Signéville, née Haudos de Possesse, décédée le 24 décembre dernier,
à Fâgc de 89 ans.
Les obsèques ont eu lieu le 29 décembre, en l'église Notre-
Dame, au milieu d'une nombreuse assistance
Nous adressons l'expression de notre respectueuse sympatbie à
sa tille, M'-"" la vicomtesse Gustave de Ponton-d'Amécourt, veuve
du savant et regretté numismate qui a laissé un nom si estimé
dans notre pays'.
i. ncuue de Cltampayne, 1. XXIV (1888), p. 215.
ËIBLIOGRAPHIE
Napoléon, son caractère, son génie, son rôle historique, par Mabii s Sepet,
Paris, Perrin, 1894, in-S» de 192 p. 3 fr. 50.
Dans un élégant in-octavo de petit format, M. Marins Sepet
donne une étude sur Napoléon l'"'. C'est une œuvre impartiale,
d'un style attachant — l'auteur y a habitué ses lecteurs — dans
laquelle M. Marius Sepet fait connaître sa pensée : on y retrouve
l'historien de Jeanne d'Arc; il y a des pages sévères, d'autres qui
reflètent un véritable enthousiasme. Pour M. Sepet, Napoléon fut
une personnalité d'ordre supérieur au reste des humains, créé
pour rétablir l'ordre en France. Il eût été parfait et l'heureux
génie du pays s'il avait pu mettre un frein à son égoïsme, à son
despotisme, à son mirage de domination universelle. Fatalement
les grandes intelligences sombrent lorsqu'elles dépassent lo but
de leur mission : Jeanne d'Arc fut victime de cette loi. M. Sepet
témoigne une vive reconnaissance à Napoléon à cause du Con-
cordat; je confesse que je considérerais celui-ci comme « un acte
chrétiennement et héroïquement sauveur » si l'Empereur n'y
avait pas vu un moyen de dominer. On trouve dans ce livre des
détails saisissants sur le meurtre du duc d'Enghien, sur le divorce
avec Joséphine qui parait avoir été prononcé contre toutes les lois
civiles et religieuses. L'auteur termine en exposant quelle serait
la forme idéale du Gouvernement de ses vœux. — Cette étude,
remplie d'idées généreuses, chaleureusement exposées, fait passer
au lecteur des heures aussi agréables que proiitables.
A. DE B.
Henri Jadart. — Essai d'une bibliographie relhéloise. Rethel, impiimerie
G. Beauvarlel, in-8° de 88 p.
Il serait à désirer que dans chaque ville ou bourg d'une certaine
importance, l'on pût compter sur un travailleur qui, à l'exemple
de M. Henri Jadart, se consacrât à réunir les éléments d'une
bibliographie locale. M. Jadart vient, pour son compte, de
publier, sous le titre modeste d'Essai d'une bibliographie relhé-
loise, un opuscule de haut intérêt pour ceux qui s'occupent de
l'histoire du coin de terre française que le patient chercheur a eu
pour objectif. Deux cent trente-trois publications, y compris divers
manuscrits, ont été réparties sous onze rubriques. Comme tous les
bibliographes consciencieux, M. Jadart ne se fait pas d'illusion : il
a la conviction de n'être ni parfait ni complet. Une critique d'ordre
typographique, c'est-à-dire secondaire : les notes explicatives qui
b2 BIBLIOGRAPHIE
suivent la plupart des énonciations bibliographiques eussent gagné
à être imprimées en caractères diiîérents et en retrait.
(Polybiblion.)
*
Dans un récent opuscule, Jeanne d'Arc champenoise, dont il a
été parlé ici-même, M. l'abbé Misset, résumant le long débat
relatif à la nationalité de la Pucelle, concluait, on s'en souvient,
en faveur de l'origine française de l'immortelle héroïne. — Dans
le même temps, un érudil de Nancy, M. Léon Mougenot, mettait
la dernière main à un important Essai sur le même sujet.
Son intéressant travail, Jeanne d'Arc, le duc de Lorraine et le
sire de Baudricourt, qui vient de paraître sous la forme d'un
luxueux petit in-4''_, aboutit, sous certaines réserves, aux mêmes
conclusions que celles de son devancier. — S'appuyant sur un
ensemble de preuves historiques, géographiques ou même fis-
cales, l'auteur s'attache à établir que « Jeanne d'Arc est née dans
une chaumière barroise et que sa. paroisse dépendait du diocèse
lorrain de Toul. Toutefois, il est amené à reconnaître, qu'en
raison do « l'entrecours >■ déterminé par le ruisseau qui coule à
Domrémy-de-Greux, Jeanne est, en réalité, née sujette du roi de
France et non du duc de Lorraine ».
Les détails, ou très peu connus ou inédits, que M. Léon Mou-
genot révèle sur Robert de Baudricourt, châtelain de Vaucouleurs,
et sur le duc Charles II, ajoutent à son livre un surcroît d'intérêt.
Enfin, et ce n'est pas la partie la moins curieuse de son travail, il
fait justice de la fable d'après laquelle une femme inconnue aurait
été substituée à Jeanne sur le bîlcher de Rouen. Par suite, il
démontre péremptoirement l'imposture des deux « fausses
Pucelles », Claude, que l'on prétend être devenue femme du sire
des Armoises, et Jeanne, du village de Sermaize, qui finit après
maintes aventures, par épouser le roturier Jean Douillet.
{Journal des Débals.)
Sommaire de la Revue d'Ardenne et dWrgonne. — Janvier-
février 1895 :
Dr. J. Jailliot, Cinq lettres de Dumouricz. — S. Leroy, Notice armo-
riâtes et généalogique sur la maison de Bouillon (suite). — H. Bour-
GuiGNAT et P. CoLLiNET, Excuisiou épigraphiquc : De Mèzicres à
Sigmj-r Abbaye.
Impressions.— G. Deleau, L De Berlrix à Libramont ; IL Benonchamps •
III. Wiltz.
Variétés. — E. Henry, Biographie ardennaise : Un officier ardcnnais à
l'armée vendéenne. — André Donnav, Le chêne des Mouches.
Bibliographie. — Annales de Dom Oanneron. par M, P. Laurent — Excur-
sion dans l'Argonnc, par un Rémois (H. JaJarl).
BIBLIOGRAPHIE o3
Sommaire de la Revue historique, janvier-février ISOii :
H. Sée. Etude sur les classes seiviles en Champagne, du si' au xiv" siècle
{suite et fin), p. 1. — A. Taphanel, Saint-Cyr el la Beaumelle, p. 22.
— H. PiRENNE, l'origine des conslilutions urbaines au Moyen-Age [suite],
p. 57. — G. MoNOD, articles nécrologiques sur James Darmesleler el Victor
Duruy, p. 99.
CHRONIQUE
Sociétl: Af.ADiiMiQUE DE l'Auiie (Séaucc du 21 décembre i89i),
— Présidence de M. de la Boullaye, président.
M. le président fait connaître que M. Félix Fontaine vient d'être
nommé membre du Conseil supérieur du commerce, et il lui
adresse les félicitations de la Société.
Correspondance
M. le docteur Finot est proclamé membre résidant pour la
section des arts.
MM. Renaudat, Defay, Gabut et Gillet, sont proclamés, le pre-
mier, membre associé, et les trois autres membres correspon-
dants.
M. Guiberl, de Balignicourt, fait don à la Société de manuscrits
précieux, notamment un inventaire des titres de la seigneurie de
Longsols et des documents généalogiques relatifs à la famille de
Corberon ; il s'y trouve des autograplies intéressants.
M. Albert Babeau annonce le don à la Société, par M. Truelle
Saint-Evron, membre correspondant, de vingt-quatre ouvrages
pour sa bibliothèque. Tous sont de grande valeur et intéressent
notre pays. Dans le nombre figurent: un exemplaire des Sermons
de saint, Bernard, imprimé en 1493; le premier livre des Mémoires
des Comtes héréditaires de Champagne et de Brie. Ce dernier
devra être remis à la Bibliothèque de la Ville, à qui on en a
soustrait un semblable, si elle ne l'a pas déjà remplacé. D'autres
volumes ont appartenu à Grosley et portent sa signature.
M. Truelle Saint-Evron offre également le Voi/afjc arcliéologique,
d'Arnaud, et le Portefeuille archéoloçjiquc, de Gaussen, en très
bel état.
M. l'abbé Diette communique une Noie sur le Cimetière antique
de Grange-sur- Aube.
M. Le Clert fait connaître que M"" Garnier mère lui a remis de
précieux ouvrages de M. dWrbois de Jubainville et les fiches de
M. l'abbé Garnier sur l'onomastique. M. Vachette ajoute que
M'"' Garnier remettra à la Société tous ceux des papiers de son
fils qui pf-uvent l'intéresser.
Travaux des Socn'rrÉs correspondantes
Journal des Savants : Article de iM. Camille Jullian à propos du
Catalogue des inscriptions du Musée de Lyon, Musée qui renferme
le plus ancien monument épigraphique où soit relaté le nom de
notre ville. MM. Allmer et Dissart. ont fait de ce catalogue une
véritable étude de l'organisation municipale de la Gaule.
CHRONIQUE Si)
« Mémoires de la Société d'agriculture, commerce, sciences et
arts de la Marne » •. Le conventionnel Courtois et les souvenirs de
Marie-Anloinetle, par M. Auguste Nicaise.
Romania : M. Gaston l'aris y publie une étude fort intéres-
sante des mémoires du sire de Joinville. La partie historique a
été rédigée la première et constitue de véritables mémoires; le
récit se rapporte, en effet, constamment à la personne de Join-
ville; ce sont des souvenirs personnels. L'autre partie est un pané-
gyrique écrit beaucoup plus tard, à la demande de la reine Jeanne
de Champagne, pour la glorification de saint Louis. Joinville a fait
de ses mémoires le noyau de son récit, mais il était déjà très âgé
lorsqu'il y a ajouté ce complément qui ne présente plus les mêmes
caractères d'exactitude.
Lectures et Communications des Membres
M. Le Clert donne lecture de son rapport sur le travail de
M. Gabut, qui lui a été renvoyé: Archéologie préhistorique et
gallo-romaine dans la vallée de la Nosle; il conclut à son dépôt
dans les archives de la Société. C'est une étude bien écrite, bien
coordonnée^ mais trop souvent en désaccord avec les faits tels
qu'ils résultent des documents les plus authentiques.
M. Det rend compte du travail de M. Louis Morin : L s Com-
munautés des cordonniers, basanters et savetiers de Troyes. Ces
trois catégories d'artisans ont été, tout d'abord, indépendantes
l'une de l'autre. M. Morin, malgré la pénurie des documents, a
su les faire revivre pour le lecteur, et il raconte, d'une façon plai-
sante, les rivalités des cordonniers et des savetiers.
Elections
M. Paul Rabel et M. le docteur Plicot, sont élus membres cor-
respondants.
Séance du 28 décembre 1894. — Présidence de M. de la Boul-
laye, président.
Sur l'invitation de M. le président, les secrétaires des quatre sec-
tions font connaître lacomposition de leurs bureaux pour 189o, telle
qu'elle résulte des élections auxquelles il vient d'être procédé.
Agriculture. — Président, M. Chadenet; vice-président,
M. Marcel Dupont; secrétaire, M. le comte de Launay.
Sciences. — Président, M. d'Antessanty ; vice-présidenl, M. Briard;
secrétaire, M. le docteur Hervey.
AuTs. — Président, M. Vachette; vice-président, M. Albert
Babeau; secrétaire, M. le docteur Finot,
Belles-lettres. — Président, M. More; vice-président, M. Det;
secrétaire, M. le docteur Lutel.
Election d'un Vice-Président
M. Albert Babeau est élu vico-président pour l'année 18f>o, en
56 CHRONIQUB
remplacement de M. Félix Fontaine, qui passe de droit prési-
dent.
Election des Membres du Bdreau
Sont élus pour cinq ans:
Secrétaire:^. d'Antessanly;
Secrétaire-adjoint : M. Henri Renaud.
Archiviste : M. Le Clert.
Trésorier: M. Savetiez.
Election d'un Membre de la Commission du Ai usée
M. Vachette est élu en remplacement de M. l'abbé Garnier.
M. le président propose de nommer M. Piat, conservateur hono-
raire du Musée des Arts décoratifs fondé par lui. Cette- motion est
adoptée à l'unanimité.
Election des Membres de la Commission de Publication
MM. Det, Marcel Dupont, Forest et Pron, membres sortants,
sont réélus.
Les deux faits les plus importants de Tannée, pour la Société,
ont été l'ouverture du Musée des Arts décoratifs, dû à la générosité
de M. Piat, qui va susciter les vocations artistiques dap.s notre
région, et l'installation de la Société dans le pavillon qu'elle doit
à la munificence de M. et M"" Joseph Auditfred et de la Ville de
Troyes.
* *
La section de Melun de la Société d'archéologie, sciences,
lettres et arts de Seina-et-Marne, a tenu sa séance ordinaire le
dimanche 9 décembre 1894, à l'Hôtel de Ville.
L'ordre du jour était ainsi conçu :
Jacqueline de Bueil, comtesse de Moret (suite), par M. G. Liôret,
Notice sur Vaux-le-Pénil (suite), par M. G. Leroy.
Découverte d'une sépulture de l'époque néolithique, à Saiiit-
Mammès, par M. Eug. ïoulouze.
Le général baron Jacquinol, né à Melun, étude biographique,
par M. Ch. Rabourdin.
Un conte de Noél, en vers, par M. Vavasseur.
Le sauvage du roi, à Firicy, par M. R. de Crèvecœur.
CiiATEAU-TuiERRY. — La Société historique a procédé au renou-
vellement de son bureau.
Voici la composition du bureau pour l'année 1893 :
MM. Vérette, président; de Larivière, vice-président; Moulin,
secrétaire perpétuel; Josse, vice-secrétaire; Renaud, trésorier;
Poinsier, bibliothécaire; Harant, conservateur des collections, etc.
Voioi rallociitiuii prononcée par M. Vérette à la suite du vote :
CHRONIQUE 57
Messieurs et chers collègues,
Je ne veux pas attendre la prochaine entrée en fonction du Bureau, que
vous venez, par un vote unanime, de constituer pour l'année 1895.
Laissez-moi vous dire, dès aujourd'hui, toute ma reconnaissance pour
l'honneur que vous me faites en m'appelant pour la troisième fois depuis
trois ans au fauteuil de la présidence.
Ce n'est pas une distinction vulgaire, mes chers collègues, d'être placé
à la tête d'une Société comme la nôtre; c'est présider une ■ Association
formée d'hommes intelligents et honnêtes qui consacrent au développement,
à l'augmentation de la richesse artistique, littéraire, scientifique de la France,
ce qu'ils peuvent avoir de loisirs, ce qu'ils ont de connaissance acquise,
d'amour de l'art, de bonne volonté, de patriotisme; qui cherchent, au
milieu d'appétits grossiers, souvent criminels dont nous avons fréquem-
ment sous les j'eux le triste et scandaleux spectacle, qui cherchent la pure,
douce, délicieuse et noble jouissance de l'esprit.
Vous me donnez donc bien le droit d'être fier de vos suffrages ; même un
petit, un tout petit grain d'amour-propre satisfait, d'orgueil presque légi-
time me serait pardonné, si, consultant mon esprit et mes forces, je me
sentais consciencieusement nanti de titres réels et solides à votre bienveil-
lance. J'ai beau chercher, je n'en trouve qu'un, qu'un seul, incontestable,
assurément, que personne de vous ne songe à me disputer, c'est mon acte
de naissance avec le millésime de 1810.
C'est quelque chose, sans doute, c'est beaucoup, c'est beaucoup trop, et
ce n'est pas assez; mais votre saint respect pour tout ce qui porte l'em-
preinte du temps, vous a fait fermer les yeux sur l'absence à mon dossier
de pièces plus recommandantes, et vous avez donné l'investiture présiden-
tielle à votre doyen d'âge, instinctivement, avec autant de discrétion du
reste que de délicatesse, vous avez fait acte d'archéologues, je vous en
remercie; d'autant plus que vous avez eu soin d'entourer votre président
d'auxiliaires vigoureux et dévoués dont l'appui rendra sa marche moius
claudicante et plus facile.
Voyez à sa gauche un vice-président, M. de Larivière, un coadjuteur
jeune, actif, ami de l'étude, prouvant par son exemple que la Finance et
l'Histoire ne sont pas sœurs ennemies, et que les graves occupations de
l'une ne sont pas un obstacle aux sérieuses et agréables distractions de
l'autre; à sa droite un infatigable marcheur à travers les ruines du passé
qu'il sait faire revivre et parler avec autant d'art que de succès.
Mais je ne veux dire de notre intrépide secrétaire perpétuel, rien de tout
ce que je pense, rien de tout ce que nous pensons tous ; il est des épreuves
qu'on doit savoir épargner à sa modestie.
Voici maintenant le sévère et fidèle gardien de notre trésor. C'est l'exac-
titude, c'est la régularité, c'est la comptabilité modèle ; un sesterce, un quart
de sesterce ne sort point de notre œrarium sans un exeat bien et dûment
revêtu de toutes les formes réglementaires. Or, nous le savons tous, le
nummus joue un grand rôle aussi bien dans les Sociétés les plus modestes
que dans les Etats les plus puissants ; c'est, on l'a dit, il y a longtemps,
le nervus rerum agendarum; avec de tels auxiliaires, avec un secrétaire
adjoint qui ne demande pas mieux que de suivre son chef de file, avec des
travailleurs comme les Henriel, les Corlieu, et d'autres que l'avenir nous
réserve, avec un conservateur zélé de nos précieuses reliques, avec un
bibliothécaire dont l'érudition n'est pas douteuse, le fauteuil de la pré-
sidence est bien moelleux, la fonction dont il est le symbole est bien douce
et bien facile.
58 CHRONIQUE
Du reste, mes chers collègues, si je ne puis "uère vous être utile à
d'autres litref, du moins par ma bonne volonté, par mon dévouement à tout
ce qui peut toucher aux intérêts moraux, intellectuels et matériels de notre
Société, je ne négligerai rien pour ne pas vous être inutile.
Un dernier mol: c'est celui du cœur. Nous entrons à peine dans une
nouvelle année; puisse- t-elle, mes bien chers collègues, c'est le vœu bien
sincère que forme votre vieux président, puisse-l-elle être pour chacun de
vous une période entière de santé et de tout ce qui procure ce qui s'appelle
le vrai bonhfur ici-bas, bonheur pour vous, bonheur pour vos familles, bon-
heur pour tout ce qui dans vos atTcclions occupe la première place.
Simon Vouet et l'Eglise de Neuilly-Saint-Front. — Lecture
faite par M. Frédéric Henriet à la séance de la Société historique
de Château-Thierry, le 8 janvier 1895.
I
L'église paroissiale de Neuilly-Saint-Front est très intéressante
par ses origines, par son histoire liée étroitement à l'histoire de
l'ancien château dans le périmètre duquel elle s'élève. Elle est
curieuse aussi par les divers styles de son architecture, par les
nervures compliquées de ses voiites, ses chapiteaux, ses deux
gracieux portails renaissance qui déternainent la date extrême de
sa reconstruction, et par sa tour romane de l'époque secondaire,
seul débris des deux chapelles primitives de saint Sébastien et de
saint Front qui furent englobées, vers ioOO, dans l'édilice actuel
et sont devenues les deux chapelles latérales à droite et à gauche
du sanctuaire'.
Mais il ne s'agit pas pour nous présentement de refaire une
monographie que notre regretté collègue Eugène Nusse nous a
donnée aussi complète que possible dans le Bulletin de notre
Société, année 1873, et si nous vous conduisons aujourd'hui dans
la modeste église de Neuilly, .c'est pour appeler votre attention
sur un tableau que l'on s'étonne d'y rencontrer.
Par suite de quelles vicissitudes ce tableau est-il venu s'échouer
dans cet humble coin du Valois? On est malheureusement réduit
à de vagues conjectures, car les archives municipales ou parois-
siales sont absolument muettes à cet égard. Ce tableau, qui mesure
2 m. 30 de haut sur 1 m. 70 de large, est signé : Simon Vouet pinxit
Hi.'iS. Il représente le roi Louis XIII agenouillé au pied de la croix
et faisant hommage, à Jésus crucifié, de son sceptre et de sa cou-
ronne. Dans la partie gauche du tableau, la sainte Vierge, sou-
1. Cartier, dans son Histoire du Valois, tome I, pages 504 et suivantes,
explique très clairement la position de les deux chapelles parallèles que l'on
réunit, eu construisant entre elles deux le chœur et le sanctuaire. On
employa à cette construction les matériaux du château, ruiné par les
Auglais, sis à la place où se trouve aujourd'hui le presbytère.
CHRONIQUE 59
tenue par saint Jean et Madeleine, semble intercéder en faveur
du roi très chrétien. Cette peinture était, il y a quelques mois
encore, dans un état de dégradation lamentable. La toile était
balafrée, déchirée du haut en bas, et la couleur, qui adhérait mal
à la toile élimée, s'écaillait en maints endroits. Heureusement les
avaries avaient épargné les têtes, c'est à-dire les parties essentielles
du tableau. Celui-ci n'en était pas moins voué à une destruction iné-
vitable et prochaine, si M. le doyen Desmier d'Olbreuse, aidé du
concours de ses généreux paroissiens, ne s'était décidé à le confier
à M. Ch. Mercier, restaurateur à l'Ecole des Beaux- Arts, qui a déjà
fait ses preuves dans notre église Saint-Crépin, puisque c'est ce
praticien habile que notre digne archiprêtre et son Conseil de
fabrique ont chargé de remettre en état notre tableau de Joseph
Vivien, Le Baptême du Christ.
L'œuvre de Simon Vouet, que nous avions vue si malade, est
revenue récemment à Neuiily, consolidée, rajeunie, méconnais-
sable. L'église a été tout heureuse de pouvoir s'en parer pour la
fêle de la Toussaint, et les fidèles n'ont pas été moins surpris
qu'enchantés de la résurrection d'une toile que beaucoup d'entre
eux considéraient comme perdue.
Ne vous attendez pas pourtant à un de ces chefs-d'œuvre devant
lesquels il n'y a qu'à admirer. Il s'agit d'une page très intéressante
par le sujet qu'elle représente, par les observations qu'elle suggère
et par le nom de son auteur qui a joui de son vivant d'une répu-
tation considérable. Vouet est le premier en date de la grande
école académique du xvii^ siècle, il compta parmi ses élèves Le
Brun, Mignard, Lesueur, pour ne citer que les plus illustres. Ce
fut lui qui introduisit en France le goût italien, — ce dont ses
contemporains lui firent un mérite et la postérité un reproche; —
car il engageait notre école dans des voies qui lui eussent été
funestes si Poussin et Lesueur ne l'avaient ramenée à ses tradi-
tions véritables. Et ce furent des Italiens déjà décadents qu'il
étudia de préférence à Rome : Le Caravage, Lanfranc, Beretlin',
Le Guide.
Désireux d'utiliser, au profit de la France, un artiste d'un talent
aussi universellement reconnu, le roi le rappela en 1627, le logea
au Louvre et le combla de faveurs. Vouet se vit bientôt surchargé
de commandes, et pour satisfaire à toutes, il abusa de sa prodi-
gieuse facilité, adopta une manière expéditive, brillante, mais
superficielle (le contraire précisément du Poussin qui conçoit for-
tement et qui creuse), avec des rondeurs à la Guide, des draperies
boursoutlées et des partis-pris de clair obscur si uniformément
répétés qu'ils deviennent un de ses procédés habituels.
Toutefois, le tahleau de Neuilly, qui suivit de peu d'années son
retour de Rome, est encore de sa bonne époque. Si l'on y trouve
déjà en germe les défauts qui devaient s'exagérer plus tard, si
l'anatomie du Christ est molle et dépourvue d'accent, il faut
60 CHRONIQUE
reconnaître que la têle du Sauveur est d'un très beau sentimenl.
C'est, à notre avis, le morceau le plus remarquable du tableau.
Le roi, engoncé dans son énorme fraise et insuffisamment cons-
truit sous l'ample manteau du Saint-Esprit qui nous dérobe ses
jambes, n'est pas d'un style très élevé; mais le relief de toute
cette figure est saisissant et marque francbement le contraste
entre la personne réelle et tangible de Louis X!1I et les figures
idéales qu'évoque son ardente prière. En somme, l'aspect général
du tableau est satisfaisant. 11 le serait plus encore, à ce qu'il nous
semble, si le premier plan avait été tenu dans une tonalité un peu
plus blonde, de façon à rendre plus sensibles les différences des
valeurs du ciel et du terrain. Le restaurateur a cru évidemment
suivre les indications du tableau. Nous nous demandons seule-
ment, sans insister autrement, s'il s'en est bien exactement rendu
compte.
II
C'est improprement qu'on a appelé ce tableau Le vœu de
Louis Xni, car le fait historique, connu sous ce nom, est pos-
térieur de cinq ans. Le tableau de Vouet est, comme nous l'avons
dit, daté de 1633, et ce n'est que le 18 février 1638, que le roi
consacra solennellement son royaume à la Sainte-Vierge. Le
Mercure français^ tome XXII, donne le texte de la déclaration
royale, qui est fort belle et mériterait d'être reproduite in extenso,
à titre de leçon pour nos démocraties qui prétendent ne relever
que d'elles-mêmes et ne veulent plus de Dieu parce que, s'il est
un guide et une lumière, il est en même temps pour elles un
frein et une limite. Le roi se tient dans des termes généraux,
priant le Ciel d'exaucer les vœux qu'il lui adresse pour le bien de
l'Etat; mais il ne formule pas d'une manière expresse le vœu qui
était alors dans sa pensée comme dans le cœur de tous ses sujets.
Après vingt-deux ans d'une union stérile, dont plusieurs de
froideur réciproque, qui avait abouti à une séparation de fait
entre les époux, le bruit de la grossesse de la reine commençait à
transpirer et tout le monde souhaitait que le Ciel accordât un
prince à la France. Le Ciel entendit cette prière unanime et
donna à Louis XIII le fils qui devait porter à son apogée la gloire
de son nom.
Si nous en croyons M™« de Motteville ' et le marquis de Mont-
giat-, c'est une certaine nuit de décembre 1637 (que ne précisent-
ils laquelle, puisqu'ils ne demandent pas mieux que de mettre les
points sur les i ?), c'est une nuit de décembre, disons-nous,
qu'aurait eu lieu un rapprochement inattendu, par suite de cir-
constances toutes fortuites où la tendresse n'entrait que pour une
1 . Nouvelle collection des mémoires pour servir à l'hisloire de France,
publiés par Michaud el Poujoulat. Paris, 1838, 2« série, tome X; pages 34
el suivantes.
2. Mvme colleclion, S' série, tome V, page 01.
CHRONIQUE 6)
part infinitésimale. Ecoulons Montglat : c Un soir que le roi était
« venu visiter M"« de La Fayette au couvent des filles de Sainte-
« Marie de la rue Saint-Antoine, il survint une pluie si grande et
« un vent si impétueux que toute la campagne fut inondée et que
« les hommes et les chevaux ne pouvaient aller... Cet accident
« embarrassa fort le roi, à cause que sa chambre et son lit et ses
« officiers de bouche étaient à Saint-Maur. Il attendit longtemps
« pour voir si le temps changerait; mais voyant que le déluge ne
« passait point, l'impatience le prit, et comme il dit qu'il n'avait
« point de chambre au Louvre tendue, ni d'officiers pour lui
« accommoder à souper, Guitaut, capitaine des Gardes, qui était
« fort libre avec lui, répondit qu'il envoyât demander à souper et
« à coucher à la Reine. Le l{oi renvoya bien loin celte proposition
« comme fort contraire à son inclination, et s'opiniâtra dans l'es-
« pérance que le temps changerait; mais voyant que l'orage aug-
« mentait loin de diminuer, Guitaut au hasard d'être encore
(( rebuté, lui fit la même proposition qui fut un peu mieux reçue
« que la première fois. Sa aiajesté se rendant à ses raisons, il
« partit en diligence pour avertir la Reine. Elle reçut celle
« nouvelle avec une joie extrême d'autant plus grande qu'elle ne
« s'y attendait pas, et ayant donné ses ordres pour que le ro
K soupât de bonne heure, ils couchèrent ensemble, et cette
« nuit la reine devint grosse du Dauphin qui fut depuis le roi
« Louis XIV. »
En sorte, dit finement M""» de Motleville, que M"'^ de La Fayette,
tendre objet des attentions platoniques du roi, « fut la cause seconde
de la grossesse de la Reine •>.
A quoi tiennent les destinées de ce monde! Cet orage provi-
dentiel n'est-il pas un nouvel exemple du rôle que jouent souvent
les petites causes dans le gouvernement des choses d'ici-bas!
Par la même déclaration, donnée « à Saint-Germain-eu-Laye, le
dixième jour de février de l'an de grâce 1638 », le roi s'engageait
à consacrer dans le sanctuaire de Notre-Dame de Paris le souvenir
de son vœu solennel ; « afin, disait-il, que la postérité ne puisse
« manquer à suivre nos volontés à ce sujet, pour monument et
« marque incontestable de la consécration présente que nous
« faisons, nous ferons construire de nouveau le grand autel de
« l'église-cathédrale de Paris, avec une image de la Vierge qui
« tienne, entre ses bras, celle de son précieux fils descendu de la
« croix, et où nous serons représenté aux pieds du fils et de la
« mère comme leur olTrant notre couronne et notre sceptre, »
ordonnant de plus que tous les ans, les jour et fête de l'Assomp-
tion on fit une procession, après Vêpres, à Notre-Dame de Paris
et dans toutes les églises du royaume en mémoire de cette consé-
cration.
Louis mourut, en 1643, sans avoir pu mettre la main au monu-
ment qu'il avait projeté.
62 CHRONIQUE
Louis XIV se chargea d'acquitter la dette de son père et dépassa
encore ses intentions par le développement qu'il donna au plan
primitif, et la magnificence qu'il déploya à cette occasion. Les
travaux, commencés en 1699', interrompus durant la période de
nos revers, étaient à peine terminés à la mort de Louis-le-Grand,
Robert de Cotte en donna les dessins et les meilleurs artistes de
répoque y concoururent.
On trouvera dans la Description des curioyilés de l'église de
Paris de C. P. Gueffier, pages 60 et suivantes (1763), un exposé
complet de cette décoration grandiose. Sur des placages de
marbre qui recouvraient les six piliers de pourtour du sanctuaire
et montaient jusqu'à la galerie supérieure, on voyait se détacher
quantité de statues de marbre ou de bronze, ainsi que de nom-
breux bas reliefs de trophées et de métal doré appliqués sur les
pilastres et les tympans des arcades.
Une grande partie des figures qui composaient cet ensemble ont
été détruits en 1793. Quant aux revêtements de marbre qui ne
laissaient pas de dénaturer le caractère architectural du choeur,
ils ne pouvaient trouver grâce devant MM. Lassus et VioUet-le-
Uuc, chargés, à la suite de leur rapport au ministre compétent
(Paris, imp. Lacombe, 1843) de la restauration de la basilique.
Ils les firent disparaître pour rétablir l'édifice dans son unité
gothique, et de celte décoration somptueuse, il ne reste
aujourd'hui, — mais c'est précisément ce qu'il importait de
conserver — que la « Pieta » de l'autel des « feries » due au
ciseau de Nicolas Coustou, la statue de Louis Xill ofïrant sa cou-
ronne à la mère de Dieu, œuvre de Guillaume Coustou, et celle de
Louis XIV qui est de Coysevox. Ces deux statues, après avoir trouvé
un refuge pendant la crise révolutionnaire au Musée des monuments
français, tour à tour au Louvre et au Musée de Versailles, sont venues
reprendre à Notre-Dame leur vraie place, la seule où elles aient
toute leur signification.
III
Tel est, tout au long — trop au long, et je m'en excuse — l'his-
torique du Vœu de Louis XIII. Le tableau de Simon Vouet ne
répond donc pas exactement à ce programme que, plus tard,
Ingres réalisera de point en point dans un tableau fameux. Mais
il n'est pas douteux qu'avant de prendre corps, cette pensée de
foi et d'hommage hanta longtemps le cerveau du roi. Dans toutes
les conjonctures difficiles de son règne — et elles ne lui furent pas
épargnées — ce devait être la première inspiraûon de ce pieux
monarque d'implorer les lumières den haut, demandant à Dieu,
selon la belle parole de la déclaration, « de ne point sortir des
voies de la grâce qui conduisent k celles de la gloire ». Rien
1. Le cardinal de Noailies, archevêque de Paris, en posa la première
pierre, le 7 décembre 1699.
CHRONIQUE 6^
d'étonnant à ce que Simon Vouet ait traduit^ par anticipation en
quelque sorte, les sentiments bien connus du roi, soit qu'il ait
peint son tableau de sa propre initiative, soit — ce qui est plus
probable — qu'il en ait reçu la commande de son protecteur cou-
ronné.
Ce besoin de se tenir en communication avec Dieu, pour solli-
citer son secours ou le remercier de ses faveurs, est si bien entré
dans les habitudes de Louis XIII qu'aussitôt la naissance du
Dauphin (o sept. 1638^ un graveur de talent, Grégoire Huret,
burinait une composition où le roi et la reine — votis primis
solniis — présentaient à la Vierge, en témoignage d'actions de
grâces, l'enfant royal, hxredem.
J'ai parlé du tableau d'Ingres. Le Vœu de Lows X.JII, qui parut
au Salon de 1824 et se trouve dans la cathédrale de Montauban,
patrie du peintre. Il est intéressant de le comparer (il a été gravé
par Calamatta) à celui de Simon Vouet. Il y a entre les deux œuvres
des analogies qui tiennent à la similitude des sujets; car il est peu
probable qu'Ingres ait eu connaissance du tableau de Neuilly.
D'ailleurs, quand Ingres empruntait, c'est à Raphaël qu'il
s'adressait; et de fait, le groupe de la Vierge et de l'enfant Jésus
qui fait la beauté du tableau d'Ingres rappelle beaucoup, avec son
cortège d'anges et de chérubins, la Vierge aux candélabres du
peintre d'Urbin. Quant au roi, les deux peintres l'ont drapé dans
le même manteau fleurdelysé; mais Vouet l'a placé à droite, de
prolil, offrant à Jésus les insignes royaux déposés au pied de la
croix, et Ingres Fa mis à gauche, les bras levés et tendant vers
la Vierge les mêmes insignes. Il est à noter qu'Ingres s'est
imposé une bien singulière difficulté. Réservant, dans sa com-
position, la place d'honneur à la Vierge qui nous apparaît de
face au milieu du tableau, il s'ensuit que Louis XIII, prosterné à ses
pieds, tourne le dos au spectateur. Mais Ingres a pensé que le roi
joue, dans la conception de son œuvre, un rôle trop important pour
qu'il lui fût permis de le réduire, en nous dérobant son visage, à
l'état de figure épisodique, et afin de nous montrer quand même
son profil étriqué, il lui a infligé un torticolis aussi pénible pour
le personnage que pour le spectateur. Les deux tableaux d'Ingres
et Vouet ont donc cela de commun que, ni dans l'un, ni dans
l'autre, la figure du roi n'est à l'abri de tout reproche.
Quant à l'authenticité du tableau de Neuilly, elle est hors de
conteste, bien que cette composition n'ait été reproduite par
aucun des graveurs habituels de Vouet : Pierre Daret, Michel
Dorigny, etc. Si quelqu'un pouvait émettre des doutes à cet
égard, nous le renverrions à un autre tableau de Vouet qui a des
rapports évidents avec le nôtre. Peint à peu près à la même
époque, il représente la Vierge, saint Jean et .Madeleine au pied
de la croix. (Pierre Daret, graveur, pro regc (aciebai, 1638.)
L'anatomie du corps de Jésus, le goût des draperies, l'allure des
64 CHRONIQUE
personnages el jusqu'à l'effet général de la scène offrent des res-
semblances trop sensibles avec notre tableau pour que les deux
œuvres ne soient pas du même artiste. Nous pourrions en dire
autant des autres Christ connus de Simon Vouet, qui ont avec
celui de Neuiliy une parenté indéniable.
Comment expliquer maintenant la présence de Tœuvre de Vouet
dans cette modeste église de campagne? Une tradition locale rap-
porte qu'elle lui vint de la chapelle du château de Passy-en-Valois,
vendu en 1792 comme bien d'émigré. N'oublions pas d'ailleurs que
Meuilly-Saint-Front faisait partie du duché de Valois qui appartint
toujours à des princes de sang royal ; que nos rois avaient une rési-
dence tout près de là, à Villers-Cotterets; que Louis XllI donna le
Valois à son frère Gaston d'Orléans après une de ces soumissions
qui suivaient de près, chez ce frère inquiet et versatile, ses tenta-
tives avortées de révoltes. Entre autres gages d'oubli et de pardon,
Gaston a pu recevoir du roi la toile de Simon Vouet et l'apporter
dans quelque château de son apanage.
Que ce soit, d'ailleurs, comme on le croit, de Passy ou de tout
autre château de la contrée qu'il nous vienne, c'est bien certaine-
ment une épave recueillie pendant la tourmente révolutionnaire,
au même titre sans doute que la copie ancienne de la Belle jar-
dinière de Raphaël accrochée dans la sacristie, et le magnifique
portrait d'une dame de la cour de Louis XIV, représentée avec les
attributs de sainte Catherine, qui se trouve dans le salon du pres-
bytère. Celte dernière peinture, digne du pinceau de Mignard, a
été restaurée il y a quelques années. H serait intéressant de pou-
voir établir l'identité du personnage. Quant à la Belle jardinière,
elle a, elle aussi, un urgent besoin de réparation, et nous souhai-
tons vivement qu'encouragés par le résultat des sacrifices qu'ils
ont faits pour le tableau de Simon Vouet, les paroissiens de
Neuiliy tiennent également à honneur d'orner leur église d'un
tableau qui n'est, à la vérité, qu'une copie, mais une copie qui a
pris à l'original quelque chose de sa grâce ineffable et de son
charme souverain.
(Journal de Chdteau-Tliierry.) Frédéric He.nriet.
MmSO.N BABITÉE PAU LE B. J.-B. DE La SaLLE et BEnCEAU DE
L'iNsrnuT DES Frères. — Il y a cinq ans, nous avons cherché à
désigner la maison qu'occupait le B. J.-B. de La Salle, quand il
jeta les premiers fondements de l'institut des Frères des Ecoles
chrétiennes. (Voir la brochure imprimée en 1889, chez M. Bugg.)
A l'aide d'un document que nous avait communiqué M. Duché-
noy, nous prouvions que le père du Bienheureux, Louis de La
Salle, le 23 mai it)G4, avait acheté « une maison, sise à
« Ueims, rue Sainte-Marguerite, faisant coin, en laquelle lesdits
« vendeurs du denKMirant. tenant à Mathieu Ruvnart et à Jean
CHRONIQUE 65
« Oudin par la rue de la Grue, moyennant 7,600 livres. » (André
Augier, notaire, archives de la Ville.)
Nous avons démontré que le fondateur de l'Institut des Ecoles
chrétiennes avait habité celte maison; qu'il avait loué celle de
Mathieu Ruynart, devenue vacante au moment où, d'après les
mémoires du temps, « fondateur des Frères, il loua une maison
«t voisine de la sienne, pour y mettre les nouveaux instituteurs. »
Ceci se passait à Noël de l'année 1B79. Alors les disciples
venaient manger chez leur fondateur, c'est-à-dire dans la maison
qu'il avait héritée de ses parents. Sa mère étant morte le 19 juillet
1671, ils y logèrent définitivement le 24 juin 1681.
S'il pouvait subsister un doute à cet égard, nous pouvons fournir
une nouvelle preuve de notre assertion, découverte par hasard.
Nous croyons devoir la signaler, car il est d'un intérêt très grand
de pouvoir désigner d'une manière précise l'endroit où J.-B. de
La Salle a donné naissance à l'œuvre qui est si glorieuse pour lui
et pour la cité.
D'après les mémoires du temps, le B. J.-B. de La Salle, à l'âge
de vingt et-un ans, prit la direction de la maison que lui laissaient
ses., parents et se chargea de l'éducation de ses frères qui demeu-
rèrent avec lui (Légende du Bréviaire, propre de Reims). Savoir,
par un titre authentique, où demeurait l'un de ses frères, c'est
savoir où lui-même habitait. C'est ce document qui vient de nous
tomber'sous la main.
Le saint fondateur avait un frère, appelé Louis. Tous ses parents,
tous ses amis le supplièrent de résilier, en sa faveur, la prébende
qu'il avait à la Cathédrale. Son cœur inclinait vers ce choix. Mais,
toute réflexion faite, il fit agréer, pour son successeur, l'abbé Fau-
bert (1683). Louis de La Salle approuva les motifs qui firent agir
son frère. Dieu l'en récompensa, car Mfr Letellier, quelque temps
après, spontanément, le gratifia de la 14e prébende canoniale
(1694), devenue vacante, u Je vous fais ce présent, dit le prélat en
souriant, afin de réparer la folie de M. de La Salle, qui a donné
son bénéfice à un autre qu'à son frère. » Louis de La Salle, en
mourant, légua 2,000 livres à la Cathédrale, pour la confection
de deux croix en argent doré. Déjà il avait fait don de deux
livres, Epitre et Evangile, (fu'il commanda à Paris et qui étaient
enrichis d'ornements en argent.
Quelle demeure Louis de La Salle habitait-il à Reims? Lacourt
nous l'apprend; parlant des pavés en mosaïque que l'on décou-
vrait de temps en temps dans la cité, il dit :
« On en trouva un très bien conservé, en travaillant, en 1711,
<c dans un jardin de la maison de M. de La Salle, chanoine; il
« était à sept pieds de profondeur et s'étendait dans le jardin
« d'une autre maison voisine, dont la porte fait face à la rue de
t la Grue. » (Varin, arch. adm., t. F, p. 723.)
5
66 CHUONIQUE
Cette maison^ c'est la maison paternelle, celle qu'habita J.-B. de
La Salle, où il éleva ses frères, où il réunit ses premiers disciples.
Il la donna ou la céda sans doute à Louis son frère, quand, en
1684, il donna ses biens aux pauvres. Du reste, il ne l'habitait plus
en 1682, puisqu'en cette année il avait loué, rue Neuve, donnant
sur la rue de Contrai, une vaste maison dont il devint propriétaire
en 1700, et où sont maintenant les Frères.
(Courrier de la Champagne.) Ch. Cerf.
L'Architecte Jean Bonhomme et la construction de l'Hôtel de
Ville de Reims (1C2T-1634). — Le nom de Bonhomme vient
d'être donné à une nouvelle rue de Reims, et à cette occasion
nous reproduisons les renseignements récemment communiqués à
l'Académie sur la construction de notre Hôtel de Ville.
Le Conseil de Ville de Reims décida, au commencement de
l'année 1027, qu'il serait fait emploi d'une somme de 22,000 livres,
due à la Ville par le duc de Guise, pour la construction d'un nouvel
Hôtel de Ville. On se mit à l'œuvre immédiatement.
Au mois de mai, des marchés furent passés devant notaires par
les Lieutenant et Gens du Conseil pour des extractions de pierres
à Crugny, à Sarzj, à Unchair, à Hourges et à Lagery. Il fallait les
employer. Dans la séance du 28 du même mois, lu délibération
porta sur « les ouvrages de massonnerie qu'il convient faire pour
la confection d'ung pavillon pour commencer ung Hostel de Ville. »
C'était le pavillon de la rue des Consuls, par où débutait l'en-
treprise. A cet effet, intervint un architecte, nommé Jean Bon-
homme, qui n'était pas l'un des deux maiti-es des ouvrages de la
Ville, Jacques Novice et Oudart Chastelain^ mais un architecte ou
plutôt un maître maçon rémois, dont on retrouve le nom dans les
travaux exécutés à l'abbaye de Saint-Remi en 1639, et dont les
autres architectes du même nom, au xviiie siècle, nommés Jean,
Jean-Baptiste et Nicolas Bonhomme, sont vraisemblablement les
proches descendants. D'après les archives, nous savons que
Jean II Bonhomme construisit le cloître de Saint-Remi en 1707,
et que Nicolas Bonhomme exécuta de grands travaux à la Cathé-
drale en 1737, puis bâtit la Porte-Neuve ou des Promenades en
1740. Mais revenons à l'auteur de cette dynastie d'architectes.
Voici en quels termes Jean Bohomme fut agréé avec ses plans
parle Conseil de Ville, dans la séance du 28 mai 1627: « Il est
ollerl à Jean Bonhomme, maitre-masson, demeurant audit Reims,
la somme de trois mille tournois pour les façons dudit pavillon,
suivant et conformément au desseing par luy faict. » Voilà donc
son projet adopté eu principe. Après qu'il eut accepté verbalement
les oiïres, « conclud a esté qu'il sera contracté avec ledit Bon-
homme pour faire lesdits ouvrages, suivant et conformément à
CHRONIQUE 67
son desseiiig... et pour en passer le marché sont nommés lesdils
sieurs Fremin,Moël, etc.. »
Le marché fut conclu devant notaires, le lendemain 2'J mai^ et
ce marché contient en tèle les détails les plus minutieux sur l'ar-
chilecture du nouvel édifice, selon le projet, en plus ou en retran-
chement du plan de Bonhomme.
Pour l'exécution de la convention, Jean Bonhomme se présen-
tait le premier, ayant été le seul agréé la veille; mais comparais-
saient après lui, comme co-traiLants, « Nicolas Gendre, Jehan Gen-
tillastre et Guillaume Jeunehomme, maitres-massons demeurans à
Reims. »
Ils s'engageaient tous, solidairement et à la fois, comme co-en-
trepreneurs, « de faire et parfaire bien et duement, tous et chacun,
les ouvrages de massonnerie pour la construction du pavillon,
conformément aux desseins et plans quy en sont dressez. »
Le même jour, 29 mai, un traité intervenait entre « Laurent
Regnart, croier à Reims, et les membres du Conseil de Ville, en
présence de Jean Bonhomme, maitre-masson », pour la four-
niture des craies et pierres nécessaires pour les fondations. D'autres
traités pour la chaux et pour des fournitures de pierres se succé-
daient sans relâche.
Le vendredi 18 juin suivant, la première pierre de THôtel de
Ville fut posée par M. Lespagnol, lieutenant des habitants, à six
heures de relevée, en présence de MM. du Conseil. Cette première
pierre fut assise au « pavillon neuf, sur le coin de la rue en retour-
nant aux Escrevées ». Alors furent sonnées « les trompettes qui
estoient au dôme de l'ancienne Hôtel de Ville », et tirés « deux
douzaines de pétards qui furent mis sur la piatte forme de Porte
Mars ».
La construction suivit son cours. Tandis que Jean Bonhomme et
ses associés bâtissaient les murs, le Conseil de Ville passait des
marchés pour la charpente et la couverture du pavillon, qui
étaient en dehors de l'entreprise (6 et 14 juillet 1627j. Les
planchers donnèrent lieu à de nouvelles conventions (31 janvier
et 10 avril 1628). En même temps, des marchés étaient passés,
sous la surveillance de Jean Bonhomme, pour de nouveaux achats
de pierres à Bourges et à Unchair (8 juin 1628), alors que la menui-
serie, les portes et fenêtres du même pavillon étaient directement
confiées par le Conseil de Ville ou ses délégués à Pierre Marol,
menuisier à Reims (9 juin I628j.
11 résulte de cette dernière pièce que la construction du gros
œuvre du pavillon de la rue des Consuls, qui était l'amorce et le
modèle de l'édifice tout entier, fut exécutée par Jean Bonhomme,
de concert avec ses associés, dans l'intervalle d'un an. Il put être
couvert et habité vers la tin de l'été 1628.
On poursuivit sans retard les travaux pour l'achèvement du plan
primitif, et la façade s'éleva jusqucs et y compris la porte d'entrée
68 CHRONIQUE
avec son dôme, quatre à cinq ans au plus tard. La série des
marchés indique toute la suite des travaux qui se prolongèrent
jusqu'en 1634.
Dès le 13 juin 1628, on traitait « pour les fondations de la salle
et entrée principale », pour celles « des larresses et de i'escaillier ».
La maçonnerie, comme pour le pavillon, fut adjugée le lendemain
(14 juin 1628) à Jean Bonhomme et à ses trois premiers associés,
en plus à deux nouveaux : « Jehan Doriot et Pierre Pinart, mai-
tres-massons demeurans à Reims. »
ils s'engageaient d'abord à démolir l'ancien bâtiment de l'Hôtel
de Ville, qui occupait la place de la salle d'attente actuelle, puis à
poser les bases des nouvelles constructions, « jusques à la porte et
principale entrée ». Tous ces ouvrages devaient être rendus « faits et
et parfaits dans le lo^ jour d'octobre prochain )>, c'est-à-dire dans
l'espace de quelques mois. Les marchés pour les fournitures de
pierres se succédèrent à Lagery, à Sarzy, à Unchair (pour les
colonnes), et toujours sous la seule inspection de Jean Bonhomme.
La menuiserie continuait à être adjugée par le Conseil de Ville à
Pierre Marot (i" septembre 1628).
Lorsqu'on arriva à la partie décorative de la façade, le plan de
Bonhomme ne suffit plus, car il s'agissait surtout d'une œuvre de
sculpture, et l'on décida que « l'avancement où sera la porte se
fera sur le dessin qui en a esté faict par Nicolas Jacques,
maître sculpteur » (19 décembre 1628). Les maîtres-maçons édi-
fièrent le gros œuvre de la devanture et des côtés pendant l'année
1629, et tous les détails des figures, des armoiries, des balustrades
et des trophées furent entrepris par Nicolas Jacques. On poursuivit
de concert les travaux de charpente et de couverture (6 février,
28 avril, 15 juin, 27 juin 1629). On bâtissait encore au milieu de
l'année 1629, car de nouvelles pierres furent encore acquises à
Lagery (6 juillet 1629).
Là convention pour la cloche de l'horloge, faite l'année suivante
avec un fondeur de Reims (5 mars 1630), marque probablement la
lin des travaux pour la maçonnerie et la couverture de cette partie
de l'édifice. Les doubleaux. les planchers, la charpente et la
menuiserie du dôme, dont on avait modifié le dessin, s'achevè-
rent dans le courant de 1630 (6 avril, 12 juin et 27 juillet 1630).
L'ensemble était alors terminé, et livré probablement aux ser-
vices publics, ensemble incomplet puisqu'il s'arrêtait au milieu de
la façade, mais il fallut arriver au 19 juillet 1634, pour voir confier
à Nicolas Jacques la sculpture de la statue équestre de Louis XIII
qui couronnait le fronton, et des captifs qui l'accompagnaient sur
les côtés. Ce travail dura deux ans et fut payé à l'artiste au prix
de 1,200 livres tournois, le 3 juin 1636.
L'inscription de dédicace, composée par Nicolas Bergier et
reproduite de nos jours au fronton du milieu, porte la date de
cette dernière année.
CHRONIQUE 69
Les ressources étaient sans doute alors épuisées et l'installation
regardée comme sutfisante, car nulle tentative ne se lit jour pour
finir l'édifice sous l'ancien régime. 1! était réservé aux administra-
teurs modernes de terminer l'œuvre des édiles rémois du xviie siècle,
à mesure que la ville allait s'agrandissant. La façade entière sur la
place se complétait en 182o, mais sa décoration n'était sculptée
qu'en 18o4. L'aile sur la rue de Mars était commencée vers 1834.
La cour intérieure ne fut mise en œuvre que quarante ans plus
tard, car le bâtiment du fond porte la date de \S~'6. Enfin l'aile
sur la rue des Consuls et le grand escalier vinrent terminer l'en-
semble cinq ans après. On lit, en efTet, sur un marbre dans la
cour, entre les belles cariatides de Ghavalliaud, ces deux dates
extrêmes : 1627-1880, qui unissent glorieusement le passé au
présent. (Courrier de la Champagne.)
Musée de Reims, — Voici un état sommaire des dons recueillis,
pendant l'année 1894, parle Musée de Reims :
Musée de peinture et de scîUplure, dessins, gravures.
Par M. Michaud, libraire. — Planche sur cuivre, gravée en 177o,
du Plan de Reims au moment du Sacre de Louis Xll.
Par MM. Varin (Adolphe et Eugène), graveurs, — Lot de vingt-
cinq gravures modernes dont ils sont les auteurs, comprenant
notamment: La Paix, La Guerre, Tobie, d'après Rembrandt, la
Messe sous la Terreur, VOrage, la Veillée de Noël, la Veille des
Noces, le Printemps, les Pigeons de Venise, le Récit du Mission-
naire, le Concert aux avant-postes, d'après Neuville, le Petit
Architecte, les Dragées du Baptême, la Grand' Mère, le Vert-
Galant, la Fvte du Bourgmestre, d'après Moreau, etc.
Par M. Dennery (commandant), au nom du Souvenir français.
— Portrait du général llurault de Sorbée, né à Reims. — Photo-
graphie Braun. — Encadrement doré.
Par M. Menu, employé à la Bibliothèque. — Portraits de Blanc-
Gillet et à-'AugiiSte Fauvel. — Profil de la Cathédrale, plomba-
gine, par Maquart. — Portrait de A. Génicot, par Bézu, 1858.
Par M. Lepage, employé au Bureau d'hygiène. — Crands dessins
encadrés de la reconstitution archéologique de l'église Saint-iNi-
caise.
Par MM. H. Parmentier et H. Michel. — Grands dessins sur
châssis. — Plans et coupes de l'ancienne bibliothèque des Jésuites,
actuellement lingerie de l'Hôpital-Général.
Par M. Dulhoit (Paul), peintre. — Tableau sur toile, encadré,
ayant figuré à l'exposition de la Société des Amis des arts de
Reims, VOrpheline, placé provisoirement dans la chapelle de
l'Hiipital-Général.
7(1 CHRONIQUE
Musée rétrospecLif. — Mèdaillea et Monnaies.
Par M. Brunesseaux-Forget, Reims. — Collection de 2o médailles
obtenues à des concours agricoles et autres, dont une en or, trois
en vermeil, onze eu argent, le reste en bronze.
Par M. Warnier-David, à Reims. — Dix-sept pièces, monnaies ou
jetons de diverses époques, trouvées à Reims, rue Werlé.
Par M. Menu (Henri). — Jeton d'arpenteur, médaille de
Louis XVIII, jeton du lavoir public, jeton de l'Asile de nuit.
Par M. C. Guyot, ingénieur, Reims. —Trois monnaies romaines
en bronze^ l'une fruste, trouvées rue de Venise.
Par un anonyme. — Médaille en bronze, à l'effigie de Jules
Méline. — Association agricole.
Objets divers d'antiquité ou de curiosité.
Par M. Walbaum (Auguste), président honoraire de la Chambre
de commerce de Reims. — Presse spéciale, machine ayant servi à
frapper les bons fiduciaires émis à Reims en 1870-1871, avec quatre
coins en cuivre. Spécimens des bons de la Solidarité Rémoise et
du Syndicat Rémois, avec notice explicative.
Par M. Menu (Henri). — Divers fragments trouvés dans des
sépultures à Reims. Diverses plaques en tôle pour enseignes, etc.
Série de 14 boutons de livrée de la garde nationale de Reims, du
Salon de Lecture, de Courriers de la Poste, de cocardes, tleurs de
lys, décorations diverses, aigle, bouteille en fusion de l'incendie
de Prouilly en 1842; empreintes sur cire de 24 sceaux du moyen-
Age, deux lunettes d'étain, écran-éventail Pommery, cuir gaufré
en couleur du xviii" siècle_, panneau médaillon de Lelevain, curé
de Vitry-le-François, etc.
Par M. Wendel (J.), Reims. — Clef du xvii« siècle, trouvée dans
sa maison, 31, rue des Moulins.
Par M. Soullié-Hubert. Reims. — Peigne de la reine Pomaré.
Par M. Liénard, serrurier, rue du Grand-Cerf. — Grille d'appui
en fer forgé, travail ancien.
Musée lapidaire.
Par M. Morel (Léon). — Sculpture antique trouvée rue des
Tapissiers, en 1892, consistant en une tête et quelques lettres.
Par M. Vuibert, peintre. — Stèle gallo-romaine; figure d'un per-
sonnage avec inscription.
Capucins (Les), de Reims. — Stèle gallo-romaine, avec figure et
inscription, débris de colonnes, pilastres et chapiteaux trouvés dans
leur terrain, à Clairmarais.
Par M. Gozier, arcbitecte. — Trois épitaphes en marbre du
xvin<" siècle, trouvées à Reims, rue de Taileyrand.
CHRONIQUE 7 1
A la séance de l'Académie de Médecine, du 18 décembre dernier,
M. le D'' Eugène Doyen (de Reims) a lu une note sur les résultats
des opérations qu'il a pratiquées pour des affections non cancé-
reuses de l'estomac. L'opération pratiquée est la gastro-enléro-
tomie, c'est-à-dire l'abouchement de l'estomac dans l'intestin
grêle. Vingt-cinq malades ont été opérés; onze avaient du
rétrécissement du pylore et l'opération s'imposait; sur les qua-
torze autres, six avaient de la dyspepsie sans ulcère apparent,
huit présentaient des ulcères de la portion pylorique de l'estomac
ou du duodénum. Tous les malades ont cessé de soulFrir aussitôt
après Topération, et les douleurs n'ont plus reparu; il semble
donc qu'elles étaient dues à la stagnation des aliments dans l'es-
tomac.
*
V ¥
Nous avons également à mentionner, dans l'étal-major châ-
lonnais, au nombre des récentes nominations dans Tordre de la
Légion d'honneur, celle du général Lafouge, à la dignité de
grand-officier; et celles du général Kessler et de l'intendant
général Raizon, au grade de commandeur.
Sont nommés officiers : MM. Coudeviile, colonel de la B"" légion
de gendarmerie, et Mollin, officier principal de l'Intendance.
Parmi les nouvelles promotions au grade d'officier de l'Instruc-
tion publique faites à l'occasion du nouvel an, nous relevons les
noms de MM. le docteur Bourgeois, médecin oculiste à Reims; le
docteur Lécuyer, médecin, maire de Reaurieux (Aisne), président
de la délégation cantonale; Mallat de Bassilan, publiciste à Paris,
sous-bibliothécaire à la Bibliothèque Nationale ; Morez, chef de divi-
sion à la préfecture de l'Aube; Planlié, sous-préfet de Provins;
Vjrally, professeur honoraire, délégué cantonal à Sens.
Au nombre des officiers d'académie figurent également M"*! Cor-
mier, institutrice privée à Meaux; M.M. Dessein, président du Tri-
bunal de commerce de Langres, membre du bureau d'adminis-
tration du Collège; Det, conservateur de la bibliothèque de
Troyes; l'abbé Dodin^ curé de Montsaon (Haute-Marne); François,
adjoint au maire de Vienne-le-Chàteau (Marne), délégué cantonal ;
Henrot, président de la délégation canlonaledu 3'= canton de Reims;
Mii-^ Herment, institutrice libre à Meaux; MM. Houzeau, conseiller
d'arrondissement, conseiller municipal à Reims, délégué can-
tonal; Jolly, conseiller d'arrondissement à Sézanne (Marne),
délégué cantonal; Lallier, maire de la Ferté-sous-Jouarre, délé-
gué cantonal; Lamy, maire de Rocroy (Ardenues), délégué can-
tonal; Lebrun, ancien instituteur, secrétaire de la mairie de
Rozoy-en-Brie (Seine-et-Marne); Lutel, docteur-médecin à Troyes;
Mallet, conservateur de la bibliothèque de Châlons-siir-Marne ;
72 CHRONIQUE
Malot, libraire-imprimeur à Reims; Pelletier, avoué, publiciste
à Provins; Perrin, publiciste à Vassy (Haute-Marne); Ponsinet,
ancien président du Tribunal de Sainte-Menehould), doyen de
l'Académie de Reims; Port, maire de Bourbonne-lesBains (Haute-
Marne); Robert, conseiller municipal, conseiller d'arrondissement,,
délégué cantonal à Nouart (Ardennes); Weber, directeur des pos-
tes et télégraphes de l'Aube à ïroyes.
Le dimanche 4 novembre dernier a été inaugurée à Périgny-la-
Rose (Aube), une cloche de 328 kilogrammes, sortie des ateliers
de M. Robert, fondeur à Nancy. M. l'abbé E. Defer, curé-doyen
de Villenauxe, présidait la bénédiction à laquelle prirent part
MM. les curés de Crancey, de Gélannes, de la Villeneuve et de
Barbuise.
Une trouvaille vient d'être faite à Baye (Marne), dans un champ,
par M. Jeanneaux, propriétaire, de 250 pièces de monnaie, cuivre
et argent, du xiii» siècle.
Au Lyciîe de Reims. — Nous n'en sommes plus à compter les
transformations successives qui ont fait du vieux Lycée d'autrefois,
à l'aspect si triste et si sévère, un séjour aussi agréable que confor-
table où l'on serait presque heureux de recommencer ^ses études.
Les jeunes générations, qui n'ont jamais connu le vieux Lycée que
par les récits de leurs parents, ne s'imaginent pas tout ce qu'on a
fait pour elles.
Nous nous souvenons encore de cette longue galerie froide et
humide qui conduisait à la cour des « moyens ». Les champi-
gnons y poussaient, l'été c'était une véritable glacière, et nous fris-
sonnons encore rien qu'en y pensant.
C'est cette sinistre galerie dont M. le Proviseur vient de changer
fort heureusement l'aspect, au commencement de l'automne der-
nier, en en faisant la galerie d'honneur dans laquelle se trouve
installé un véritable petit Musée. Obéissant à une heureuse ins-
piration, M. Bazin de Bezons a voulu mettre sous les yeux des
élèves, qui ne pourront qu'en profiter, des spécimens de la scul-
pture et de l'architecture de toutes les époques.
Voulant rendre un hommage public à M. l'Inspecteur de l'Aca-
démie et à l'Admnistration municipale qui l'ont aidé dans son
entreprise, à M. Brunette qui a fait tous les travaux d'installation,
M. le Proviseur avait convoqué, le 29 septembre 1894, toutes les
notabilités de la ville h assister à l'inauguration officielle du nou-
veau Musée d'art.
A trois heures, les invités se réunissaient dans le parloir; nou-î
CHRONIQUB 73
citerons parmi eux MM. Diancourt, sénateur; le docteur Langlet,
ancien député; le Sous-Préfet; le docteur Henri Henrot, maire de
Reims; Jolly, adjoint; plusieurs membres de l'Académie de Reims ;
plusieurs conseillers municipaux; M. Courmeaux, bibliothécaire de
la ville; M. PouUot, président de la Chambre de commerce; M. le
général Percin, commandant la place de Reims, et plusieurs ofTi-
ciers supérieurs de la g-arnison.
M, le Proviseur, après avoir remercié en termes chaleureux
M. l'Inspecteur de l'Académie, la Municipalité et M. Brunette qui
l'ont aidé dans son œuvre, fit d'une façon très agréable l'histo-
rique et la description de tous les moulages qui composent le
Musée et qui tous reproduisent des œuvres remarquables de toutes
les époques. C'est ainsi qu'avec l'architecture et la sculpture égyp-
tienne et assyrienne nous remontons à près de cinq mille ans avant
notre ère, pour passer successivement à l'art grec dans toute sa
splendeur, à l'art romain, à l'art roman, à l'art gothique qui lui
a succédé, pour arriver peu à peu jusqu'à nos jours.
L'art contemporain n'est pas encore représenté, mais M. le Pro-
viseur annonce qu'il le sera tout prochainement, grâce à un artiste
de talent dont on ne nous dévoile pas le nom aujourd'hui, mais
dont nous pourrons bientôt admirer l'œuvre.
Par décision ministérielle du 24 décembre 1894, M. Marchand,
de Vitry-le-François, capitaine d'artillerie en 1", professeur
adjoint du cours d'artillerie militaire à l'école d'application de
l'artillerie et du génie, a été désigné pour remplir les fonctions
de professeur titulaire. Le capitaine Marchand est le beau-frère de
M. Gabriel Arbeaumont, le sympathique horticulteur.
M. Tabbé Floquet, aumônier de l'établissement des Sœurs de la
Doctrine chrétienne à Epernay, et possesseur du domaine de Jus-
secourt-Minecourt (Marne), vient d'être élevé à la dignité de cha-
noine honoraire du roi de Grèce.
Les insignes de cette dignité correspondent à ceux d'un abbé
mitre.
Le dernier numéro (janvier-février 1895, n° 260) du Bulletin d'au-
tographes publié par la maison Charavay frères contient quelques
pièces relatives à notre province, que nous nous empressons de
signaler.
— DoMMARTiN (Elzéar-Auguste), général d'artillerie, un des héros
des campagnes d'Italie et d'Egypte, né à Dommartin-le-Franc
(Haute-Marne), tué en 1799, à l'âge de 31 ans. — Lettre auto-
74 . CHRONIQUE
graphe signée à Chanlairc; Alexandrie, 17 fructidor an VI, \ p.
in-folio, lêle imprimée. Rare.
Intéressante lettre où il mande qu'il n'a pas le temps de s'en-
nuyer en Egypte. « Il n'y a plus dans toute rp]gypte d'autre mame-
louks qu'environ cinq cents hommes qui, avec Murât Bey s'enfuient
vers les cataractes. Pour ce qui est des Anglais, vous apprendrez
par leurs papiers puhlics la manière dont ils ont traité notre
escadre, » (Il s'agit du désastre d'Ahoukir.)
— Dubois (Paul), statuaire, membre de l'Institut, né à Nogent-
sur-Seine (Aube). — Lettre autographe signée; Paris, 22 novemlire
1865, 1 p. 1/2 in-8°.
Belle lettre dans laquelle il parle de son fameux Chanteur flo-
rentin.
— Aube (département de 1"). — Lettre autographe signée de
Claude, abbé de Clairvanx, à M. Pillard, orfèvre à Paris; Clair-
vaux, 27 juin 1649, 2 p. in-4", cachet.
Très curieuse épître où il déplore la mort de Pillard père, qui
avait été chargé par l'abbé de faire un tabernacle pour l'abbaye
de Clairvaux, Il rappelle au fils comment ce tabernacle devait
être fait et orné et il lui demande s'il se chargera de l'achever.
La béatification de Jeanne d'Arc. — Le procès de non cuUk,
c'est-à-dire l'information canonique destinée à savoir si un culte
public avait été rendu à Jeanne d'Arc avant que l'Eglise l'ait
déclarée « bienheurease », vient d'être terminé à Orléans et le
" procès de béatification » va commencer.
Dans la séance du 7 janvier. M?'' Touchet, évêque d'Orléans, a
prononcé sa sentence définitive, à savoir que, d'après les témoi-
gnages recueillis, aucun culte ecclésiastique et public n'a été
rendu, dans le diocèse, à Jeanne d'Arc; puis il a publié les actes
du procès.
Cette transcription faite, la copie a été collationnée avec l'ori-
ginal par les deux notaires assermentés, MM. Filiol, chancelier de.
l'évèché, et Billard, secrétaire de l'évêché, en présence du Tribunal
et de l'un des sous-promoteurs. Les actes du procès et ses annexes
comprennent trois cent sept feuillets et la copie deux cent cin-
quante. C'est cette copie qui est destinée à la Congrégation des
Hites.
La Congrégation aura alors à se prononcer prochainement sur
cette question : An senlenlia judicis delefjati... sit C07ifirmanda,
vcl non? Y a-t-il lieu de confirmer ou non la sentence du juge
délégué, es diocèse d'Orléans, pour l'instruction du procès de non
ciiUu?
Enfin, dans sa séance du f4 janvier, la copie des actes a été
placée sous enveloppe scellée et remise officiellement à l'évêque
CHRONIQUE 75
d'Orléans, qui s'est chargé sous serment de la transmettre k la
Congrégation des Rites.
Si. comme il y a lieu de l'espérer, la Congrégation confirme la
sentence des évêques d'Orléans et de Saint-Dié, le procès de béa-
tification suivra son cours conformément aux règles canoniques.
Ajoutons, à ce propos, que Mr Pagis, évêque de Verdun, a e.xposé,
dans son voyage ad limina à Rome, que son état de santé ne lui
permettait pas d'assurer le fonctionnement de l'Œuvre de Jeanne
d'Arc à Vaucouleurs. Le Pape a ratifié le choix, comme directeur
de cette œuvre, de M. l'abbé Le Nordez, chanoine titulaire de la
cathédrale de Verdun. (Temps.)
M. le colonel Philippe, du génie, vient d'être promu général de
brigade et nommé gouverneur de Bayonne.
Il est fils du colonel d'état- major Philippe, qui s'était allié à
l'honorable famille Deullin, et qui fut maire de Chàlons-sur-Marne
de 18GI à 1868.
Le nouveau général a lui-même deux fils, sortis la même année
de Saint-Cyr comme sous-lieutenants.
Dans la nouvelle promotion nous remarquons également M. le
général Jlathis, qui a longtemps appartenu à l'état-major du
6^ corps. M. Mathis^ né en 1840, est originaire de Verdun.
M. le général comte Duhesme vient d'être nommé au comman-
dement de la 6" division de cavalerie, à Reims, en remplacement
du général de Jessé, appelé au commandement de la l""" division
à Paris.
Le général Duhesme est petit-fils du général Duhesme, tué à
Waterloo, et fils du général Duhesme, mort pendant la campagne
de 1870.
Il a épousé la fille du maréchal Niel.
Le colonel Palle. — On a récemment annoncé que le colonel
Palle serait très probablement désigné pour commander l'artillerie
à Madagascar. A cette occasion, la France militaire publie une
biographie de cet officier supérieur: peu de carrières furent aussi
brillantes.
M. Palle est un de nos compatriotes, étant né à Damery, le
3 novembre 1843. Il a pour frère M*^ Palle, avocat bien en vue du
barreau de Reims.
Elève à l'Ecole polytechnique de 1802 à 18G4, dit la France
militaire, à l'Ecole d'application de l'artillerie et du génie de
76 CHRONIQUE
1864 à 1866, il fut nommé lieutenant le !«'■ octobre 1866, et placé
au 8® régiment d'artillerie.
Quand vint la guerre franco-allemande, le lieutenant Palie
appartenait à la 9" batterie dudit régiment, qui fit partie de la
réserve d'artillerie du 4' corps d'armée.
Blessé à Tavant-bras gauche par un éclat d'obus, le 18 août 1870,
M. Palie fut nommé chevalier de la Légion d'honneur, le 14 sep-
tembre suivant.
En 1871, M. Palie fut affecté aux 3« et 22"^ régiments de l'arme.
Le 30 novembre de cette même année, il fut promu capitaine et
attaché à la direction d'artillerie de Constantine.il quitta ce poste
quelques mois après, pour venir remplir les fonctions d'officier
d'ordonnance auprès du gouverneur général civil de l'Algérie
(décision du 20 février 1872).
En 1876, le capitaine Palie fut détaché à Tétat-major de l'Ecole
d'application de l'artillerie et du génie, à Fontainebleau ; puis,
pendant près de quatre ans^ il commanda la 9^ batterie du 8^
d'artillerie, batterie avec laquelle il avait fait la campagne de
1870.
De 1881 à 1884, cet officier servit, comme aide de camp, auprès
du général de brigade de Contamine, commandant l'artillerie à
Versailles; il prit ensuite le commandement de la 11"= batterie du
12' d'artillerie.
Chef d'escadron le 10 juin 1884, M. Palie fut mis à la disposition
du général commandant le corps expéditionnaire du Tonkin, qui
lui confia le commandement du parc d'artillerie.
Le 7 juillet 1885, le commandant Palie reçut, en récompense
de ses services de guerre, la rosette d'officier de la Légion d'hon-
neur.
Rentré en France^ cet officier supérieur fut adjoint à la direction
de Versailles. Mais bientôt il s'embarqua de nouveau pour l'Ex-
trême-Orient, afin de prendre le commandement d'un bataillon
du 4° régiment de tirailleurs tonkinois.
Lieutenant-colonel le llj avril 1890 et laissé à la disposition du
gouverneur général de l'Indo-Chine, M. Palie passa ensuite au 11«
régiment d'artillerie, puis à l'atelier de construction de Vernon.
Le 11 octobre dernier, M. Palie a été promu au grade de colonel
et maintenu à son poste.
Monnaies romaines découvertes a Troyes. — Une importante
découverte a été faite, ces jours derniers, dans une petite com-
mune du département, à Plessis-barbaise, par un cultivateur
occupé à extraire des pierres de son champ. On parlait d'abord
d'un trésor considérable, mais le trésor se réduit à environ deux
cents pièces de monnaie romaines en cuivre.
CHRONIQUE 77
Ces monnaies, dont les plus anciennes remontent à Auguste
et les plus récentes à Constantin le Grand, sont, par leur dia-
mètre et leur épaisseur, à peu près semblables à nos pièces de 1 fr.
Toutes, sans exception, sont d'une conservation surprenante; on
croirait que les effigies, les attributs symbi^liques et les inscrip-
tions datent à peine d'un demi-siècle.
La calse [)U B. de La Salle a Reims. — Nous lisons dans le
Bulletin du diocèse de Reims :
« La cause du B. de La Salle vient de faire un nouveau pas. Des
miracles opérés par l'intercession de cet admirable éducateur des
enfants du peuple ont été officiellement reconnus par la Sacrée-
Congrégation. On sait qu'il faut au moins trois miracles bien cons-
tatés pour procéder à la canonisation. »
*
Le ministre des Beaux-Arts vient de classer, parmi les monu-
ments historiques, une statuette de la Vierge mesurant O'"60 de
hauteur et conservée aujourd'hui dans l'église de Braus-le-Comle
(Aube). Celte statuette représente la Vierge debout, tenant l'en-
fant sur son bras droit; dans ses mains le divin enfant tient une
serviette remplie de raisins. Cet objet en bois peint, du xvi^ siècle,
a été trouvé dans le grenier du presbytère par M. le curé, à son
arrivée à Braux en 1889.
Mariage. — Le 12 décembre 1(S94 a été célébré le mariage de
noire compatriote, M. Amédée Michelet, de Vitry-le-P>an-çois, avec
M"*^ Alice Métairie, d'une honorable famille de la Nièvre, fixée à
Forgeneuve, près Nevers.
MÉLANGES
L'histoire d'un clochkh. — Sous ce titre, M. Lucien Morel, sous-
bibliothécaire départemeulal, à Troyes, a publié récemmeol la page sui-
vante qui intéressera certainement nos lecteurs :
Quand on- traverse en toute saison quelqu'un de nos gais vil-
lages de France, il n'est pas rare d'y saluer au passage quelque
vestige des anciens temps. Ici c'est un pan de mur à demi écroulé,
tout festonné de lierre et d'herbes folles, là un reste de pont ten-
dant son moignon d'arche au-dessus d'un clair ruisseiet, plus loin
une niche lépreuse où achève de pourrir une statue mutilée, une
croix de pierre éhréchée, un pigeonnier ventru, d'allure féodale;
que sais-je?
Le bourg tout entier est constellé des débris d'une autre époque
et le temps, cet autre Petit Poucet fantaisiste, s'est complu à
semer les siècles de ces épaves dont plusieurs ne sont guère plus,
hélas! que d'informes cailloux.
Partout — ou presque — un monument, au moins, défiant les
années, en dépit de leurs morsures, est resté debout : l'église.
Avec son petit cimetière d'herbe. et de fleurs, et ses modestes
lombes, semblables de loin à des oiseaux blancs qui viennent de
s'abattre sur le sol, elle symbolise à elle seule toute la vie passée
du liameau, puisque les ancêtres, aujourd'hui défunts, n'ont
bégayé leurs premiers cris sous ses voûtes que pour venir dormir
plus tard à l'ombre de ses murs.
Donc, toutes ces épaves, éminemment éloquentes, émeuvent et
font rêver. Qui de nous, passant devant elles, ne s'est surpris à se
dire : Avant les habitants actuels, avant la vie ainsi réglée qui
.s'agite autour de ces chaumes, dans les siècles antérieurs, il y a
eu d'aulres habitants, hantés de mêmes désirs, assaillis de mêmes
nécessités, assujettis à de mêmes tribulations, en butte à de mêmes
peiues, favorisés de mêmes bonheurs. Ces gens-là, comme leurs
descendants, travaillaient, se mariaient, plaidaient, traliquaient.
Ils étaient soumis à des chefs, ils payaient leur tribut à l'impôt et
tiraient leurs chapeaux à des seigneurs.
Où donc était alors le château de ces beaux sires? Qui le bâtit,
quand disparut-il? Quelle prison recelait les vagabonds et les mal-
faiteurs? On se réunissaient les braves gens pour discuter entre eux
de leurs intérêts? Qui donc était curé à telle date, maire à telle
autre, échevin au moment de tel événement? Quel généreux
donataire a fait cadeau de celte grosse cloche qu'on entend de si
loin? D'où proviennent donc telle coutume bizarre, tel usage sin-
gulier?. ..
MÉLANGES 79
Mon Dieu, je conçois, dans loule sa sincérité, le plaisir — mêlé,
il e.'^l vrai, des peines et des angoisses du travailleur — le plaisir,
dis-je, qu'a dû éprouver M. l'abbé Pétel, en écrivant sa récente
histoire d'Essoyes, et la joie profonde qu'il a certainement res-
sentie en donnant le « bon à tirer » sur la dernière épreuve.
Pour celui qui y est né, la plus humble bourgade conserve tou-
jours une physionomie captivante de capitale.
La moindre pierre, le plus obscur tournant de route prend pour
les yeux de celui qui les considère depuis sa naissance, les propor-
tions intéressantes d'une personnalité. Tel nom, tel fait même
banal, même d'un relief relatif, deviennent tout un poème pour
l'initié, et il n'est pas un coin de terre, pas un lopin de vignes
ou de pré qui ne semble un personnage, si quelque tradition de
famille, si quelque pièce d'archives authentique affirme que, en
telle année, il appartenait à un gros seigneur des environs, ou
que le manant un tel y a promené sa charrue pour le compte des
bons moines de tel couvent.
Quand celte curiosité, instinctive, se double de l'acharnement du
labeur, c'est véritablement une nouvelle vie qui vient ranimer
tout ce passé défunt. Et ce n'est pas un mince mérite pour
l'crudit consciencieux que de retracer en de copieuses pages aux
yeux de leurs descendants, toute l'histoire des peines, des joies,
des habitudes et des mœurs de ceux qui les ont précédés sur le
sol où ils triment à leur tour.
Je n'ai pas l'intention de faire ici l'analyse de VHisloirc
d'Iissoyi'.s. J'aurais trop peur de m'embrouiller dans les rameaux
toulfus de sou arbre seigneurial et de m'égarer dans les Longvy,
les Guillaume d'Anglure, les Lenoncourt, les Bondoire, etc.
Je n'ai pas non plus à apprécier sa valeur historique; d'autres
le feront avec plus de compétence.
Mais, je ne sais plus quel chroniqueur évoquait récemment en
termes subtils tout le cliarme mystérieux qui réside dans ces
vieilles pierres, dans ces coins de rues ou ces porches délabrés
que soulignent d'un trait les fabricants de « Guides de voyage ».
Même si l'art en est absent, ils plaisent. Car ils ont clé des
témoins, des témoins muets et sourds de faits accompli-,, d'évé-
nements fameux, et à ce titre seul, nous les regardons déjà, en
dépit de leur stupidité de matière, avec les yeux émerveillés dont
nous couvons un voyageur qui arrive de loin et garde dans sa cer-
velle mille impressions grandioses.
C'est ainsi, et c'est pour cela que j'ai lu l'ouvrage de M. l'abbé
Pétel. Comme d'autres l'ont fait pour 'l'royes et pour d'autres
coins du département, son livre met en quelque sorte une idée,
un souvenir, une date, une étiquette sur les mille et une choses
dont se compose l'histoire d'une ville et c'est une intelligente
façon de la faire mieux aimer.
80 MÉLANGES
En le lisant cet hiver, devant la flannbée, les compatriotes de
l'auteur, retrouvant au long des pages les noms de leurs aïeux à
côté des tilres honorifiques et des mentions flatteuses, le remer-
cieront certainement du fond du cœur, au nom de toute cette
dynastie de braves gens, et le féliciteront, comme j'ose le faire,
de son culte pour le passé de son pays natal et du généreux zèle
qui lui a permis de mener à bonne fin une si vaillante et si méri-
toire entreprise.
(Croix de l'Aube.) Lucien Morel.
L'Imprimeur Géraol,
Léon F RÉMONT.
UN BUDGET
DE LA
CHATELLEiME DE MOUZON
[i5i5-i5i6]
Il existe à la Bibliothèque nationale, Fonds français, 11573,
un registre très intéressant, sur la première page duquel a été
tracée l'indication suivante : € Compte de la Terrkkt UEVEtiVE
DE LA Chastellenie DE MousoN, trouvé en la prinse de la
ville Et envoyé par mons'' le Conte de Nassou, en sep^''^
A^'XV'XXI d Tempère'' et après par sa ma'"- envoyé par mons"^
le Trésorier gnal de ses /ïaances en la chambre des Comptes à
Bruxelles pour Illecq y estre gardé. « Le compte est celui de
l'année 1515-lol6, présenté par Guillaume Vaillant, Receveur
pour le Roy de la terre et revenue de la Chastellenie de Mou-
zon, Messire Gralien d'Aguerre étant alors gouverneur. Nous
n'avons pas trouvé comment ce précieux manuscrit, porté de
Mouzon à Paris par Vaillant lui-même, puis rapporté à Mou-
zon, enlevé avec les archives du gouverneur de Montmort et
adressé à Bruxelles, e^t finalement rentré à la Bibliothèque
du roi, à Paris. Quoi qu'il soit de ses pérégrinations, qui sou-
Hgnent et rappellent des faits mémorables de notre histoire
nationale, il nous a semblé qu'il méritait, sinon une reproduc-
tion intégrale, du moins une analyse détaillée des nombreux
renseignements historiques, topograpbiques et économiques
qu'il renferme. En éliminant les longueurs d'expressions, les
détails inutiles de certaines dates, les renvois à des pièces jus-
tificatives sans intérêt, les conversions de monnaies parisis en
tournois, les redites, les tautologies nombreuses, nous avons
pu condenser en quelques pages la substance de ces « six
vingt seize feuillets de parchemyn du compte escript et gros-
soyé » par notre verbeux receveur.
La valeur et le prix des choses et la rémunération du travail
ont surtout attiré notre attention. Malheureusement, très peu
d'objets figurent et sont cotés au compte ; ils y sont, comme
6
82 UN BUDGET DE LA CHATELLENIE
ordinairement ailleurs, trop mal définis pour qu'on puisse les
mesurer, les apprécier et les comparer avec ceux qui leur
correspondent dans la vie actuelle, et enfin poser des conclu-
sions absolument péremploires quant à la valeur relative et k
la puissance de l'argent. Néanmoins, il y a quelques indica-
tions précieuses à tirer du compte sous ce rapport, et voici
comment nous les formulerons.
Le compte lui-même nous apprend : 1'^ que le muid de grain
vaut 12 setiers, le selier 2 mines ou 4 minois ou quartels ;
2» que pour l'évaluation, le blé est estimé, à Mouzon, 12 sols
tournois et, hors Mouzon, 9' 8'^; l'avoine 4 sols et 3^ 4'*. On
sait, d'autre part, que le quartel, qui contenait 10 pots, devait
en blé peser 40 livres. Or, il a été vérifié, ou il était convenu,
pour les opérations du marché, qu'un poids de 220 livres fai-
sait ce que, ily a 30 ou 40 ans encore, on appelait le sac aux six
(lisez 6 mesures dites quarlels), valant 150 litres*. On déduit
aisément de là que le setier de grain contenait 109 Ulres, et le
pot 2^72. Fmalemenl, notre hectolitre de blé vaut, en loi 5-1 51 6,
à Mouzon, il sols, et, hors Mouzon, 8" 10''— L'hectolitre d'a-
voine vaut 3' 8"* et 3^ Nous relevons, sur une cote de mar-
ché aux grains, qu'aujourd'hui, l'hectolitre de blé vaut sensi-
blement 1 4 francs, et un hectolitre d'avoine, à peu près 8 francs.
De là résulterait, en prenant les prix de Mouzon, que, relative-
ment au blé, le sou de 1515 vaut — == 1 fr. 27 et, à l'avoine,
-^ = 2 fr. 18. En réalité, le marc d'or valait, en 1507,
3 2/3 ' '
150' 3» 4'^; le prix était le même en 151t), où le cours de l'escu
d'or à 23 karats, pesant 2 deniers 16 grains, était de 40 sols.
Ce qui met le gramme d'or à 12' 4'^. De présent, le gramme
vaut 3 fr. 44; par suite, le sou de 1515 vaut j^^ = 0 fr. 28.
, 1 27
Donc la puissance de 1 argent, -—]-, était environ 4 Yj fois
plus grande qu'aujourd'hui, si on part du blé ; et '^„^ = 7 %
fois, si on part de l'avoine. Si l'on avait tenu compte que les
payements en grain sont • moietables », c'est-à-dire se font
moitié blé moitié avoine, il y aurait eu lieu de prendre la
moyenne de ces deux puissances, qui est sensiblement 6,
chiffre auquel on parviendrait avec les prix voisins de 20 fr.
1. Â la densité 0,75, qui est celle le plus ordinairemeut doaaée au bulle-
tin des marchés, 150 litres pèsent 112 k. ?î. Et 220 livres valent 107 k. 70,
presque notre quintal métrique.
DE iVJOUZON 83
et 6 fr. l'heclolitre de ble et d'avoine, il y a 30 aus. D'après
cela, le sou peut doue èlre évalué, eu monnaie d'aujourd'hui,
0,28 X 6, à peu près l fr. 05, et la livre, 1,65 X 20 = 33 fr. :
c'est la valeur donnée ordinairement sous Louis XII, et cal-
culée sur le prix du blé (V. Chéruel, Dictionnaire des Insti-
tutions). Cette valeur tombe à 1 fr, 83 sous François P"" : ce
qui prouve : 1° que le prix du grain avait augmenté, 2° que
la puissance de l'argent avait diminué. On sait, en effet, com-
bien capricieuses et réitérées furent les variations de la
valeur attribuée à la livre tournois.
La journée d'un manœuvre était payée 2*^ 4^*. Pour acquérir
un hectolitre de blé, il fallait donc que cet ouvrier travail-
lât-^^ = 4 5/7 jours. Aujourd'hui, le manœuvre gagne
3 francs, et doit travailler 14/3=4 -/s jours pour se procurer
la même quantité de blé. En face de sa nourriture, l'ouvrier
est donc également payé aux deux époques, son salaire n'a pas
changé. jSous tirerions la même conclusion pour le maçou
payé 3' 4^^ et 4 fr. 25. Ici, 2 1/3 sols valent 3 francs, le
sol revient donc à 1 fr. 28, qui est bien la valeur déjà trouvée
en évaluant ledit sou en blé.
Les autres denrées de notre compte, moins facilement
appréciables et comparables, ne peuvent plus rien nous
apprendre d'aussi certain. Ainsi, le prix d'une poule est
de IG-i ; aujourd'hui, il faut au moins porter ce prix à 2 fr. 50,
ce qui met le sou à 3 francs. De sorte que, à ce compte, notre
manœuvre gagnait 2 1/3 fois plus en 1515 qu'eu 1893, et
la puissance de l'argent était plus de 10 fois plus grande. Une
anguille cotée 20 deniers serait-elle payée 3 francs aujour-
d'hui? Si oui, le prix du sol se fait à 1 fr. 80, la puispance de
l'argeut se réduit presque à 6, Un pot de vin de 3'24 étant
compté 22 1/2 deniers, le litre se paie 7 deniers. L'ouvrier de
1513 peut en gagner 4' par jour; celui de 1893, payé au
même tarif, devrait payer le vin à raison de 0,75 le litre :
selon toute apparence, c'est plus que ne vaut aujourd'hui le
vin en question, et si c'est de vin de pays qu'il s'agit, 0 fr. oO
sérail un prix raisonnable. Ce qui met le sou à 0 fr. 85, et la
puissance de l'argent à 3. Nous noterions encore bien que
le demi-feuillet de parchemin, écrit et grossoyé, est compté 2
sols et demi : mais nous ne pouvons rien décider, ne sachant
pour quelle somme compte le travail du scribe : consta-
tons seulement que 145 journées de manœuvre paieront
les deux cahiers de parchemin noircis par Guillaume \ aillant.
84 UN BUDGET DK LA CHATELLENIE
La réfection des âtres de four a coûté 16^ 8^ à Beaumont :
pour combien compte la matière première? Nous ne le voyons
pas, mais uous pouvons dire que la dépense totale équivaut à
5 journées de maçon. On a refait un pont (de quelle impor-
tance?) et placé une chesné (gouttière ou chesueau) pour
108 sols. Le détail manque, tout comme pour le 1er à moulin,
payé 32 sous, dont nous ne savons ni la taille ni le poids. Par-
lerons-nous, avec plus de précision, du dîner de six personnes,
qui a coûté 10 sous, c'est-à-dire, à nos prix actuels, 3 francs
par tête? Que comportait le menu?
Dans la réparation des écluses, la journée d'un domestique,
avec cheval et tombereau, est cotée 5 sols. Mais le cahier
de Vaillant enregistre ici une erreur; car, d'après le total de 63
sous pour 7 journées, il semble que l'on a porté la journée à 9
sous. Nous avons trouvé, dans des comptes de la ville de
Rethel, le même prix de 5 sous pour le même travail, à
la même époque : à 1 fr. 65 le sol, cela fournil 8 fr. 25 pour
une journée que l'on compterait peut-être 10 francs au plus
aujourd'hui. Un peut donc admettre que la rémunération
est encore sensiblement égale aux deux époques.
Un messager à pied a été payé à raison de 5 sols par
jour, qui représentent plus de 8 francs de notre temps. Il
était, en somme, chargé de commissions qui demandaient
intelligence et savoir : peut-être serait-il payé à ce taux
aujourd'hui, pour une besogne équivalente. Quant au rece-
veur, se rendant à Paris pour régler ses comptes, on lui donne
une livre par jour, soit une trentaine de francs pour voyager,
séjourner et vivre à Paris : c'est acceptable ; mais aujourd'hui,
les 24 livres ou environ 800 francs pourraient, grâce à nos
moyens de locomotion et de communication, être abaissés à 50
ou 60 francs, parce qu'il n'y aurait plus lieu à voyage, mais a
expédition.
Relevons encore la paie des sergents à cheval ; elle est
de 12' U'% soit environ 400 francs. Or, ces sergents, qui sont
officiers du roi, sont les employés du prévôt, s'il s'agit de
police ou de justice, du receveur, s'il s'agit de taille ou d'im-
pôts. En somme, ils fout presque l'office de nos gendarmes :
ils sont deux fois moins payés, malgré la petite indemnité
qu'on leur alloue pour recueillir les cens. Le sergent à verge
de Beaumont touche 15 deniers sur les revenus du roi : c'est
(}uelque chose comme le garde-champêtre ou urbain de Beau-
mont ; il est payé par la ville, et nous n'avons ici qu'une faible
part de son traitement. On pourrait en dire autant du garde
DE MOUZON Sri
forestier du Dieulet, qui reçoit 7y sous ou 120 francs : quoique
officier du roi, il est peu payé, mais sa rétribution est très pro-
bablement proportiouuelle à l'élendue des triages qu'il sur-
veille. Le concierge de la prison louche o livres ou 160 francs :
sa fonction mérite-t-elle plus?
Les officiers d'un grade plus élevé reçoivent, le procureur,
36 livres ou près de 1,000 francs, le receveur, 40 livres ou plus
de 1,300 francs, Ces chiffres sont certainement inférieurs à
ceux qui aujourd'hui couviendraiem à des positions à peu près
analogues : le percepteur de Mouzon actuel est payé le triple
au moins du receveur de 1515.
Nous réservons le gouverneur, qui louche 300 livres, pas
loin de 10,000 francs. Si nous nous représentons bien la fonc-
tion, c'est largement, trop grassement payé. Mais il faut
aussi considérer que l'octroi d'un gouvernement est une
récompense, un témoignage de gratitude donné à quelque
serviteur dont il faut reconnaître ou la supériorité ou le dévoue-
ment. Or, Messire Gralien d'Aguerre est un personnage d'im-
portance, homme de guerre valeureux, seigneur puissant
et riche, capitaine de cent lances de la grande ordon-
nance, conseiller amé et féal des rois Louis XI, Charles VIII
et Louis XII : il est propriétaire, et il cumule les emplois et
les pensions. Il a servi jadis les ducs de Lorraine, qui lui
ont donné, en 1477, pour prix de ses signalés services,
les seigneuries de Damvillers, de Chauvency, qu'il restituera
plus tard, contre une reconnaissance de 30,000 livres, valant
plus d'un million daujourdhui, et garantie par les seigneuries,
baronnies, villes, châteaux et châlellenies de Rumigny,
Aubenton, Any, Martigtiy, Ivoy*. Comme conseiller, des
reçus encore existants à la BB. nationale, dossier d'Aguerre ou
fonds Glairambaull, nous attestent qu'il jouissait d'une pen-
sion de 1.2O0 livres eu 14b4, et de 1,800 livres en Uyl.
Il a guerroyé longtemps en Italie ; aussi, Louis XII lui fait-il
le royal cadeau de 2,000 écus, 3,500 livres, près de 120,000 fr.,
pour l'aider « à entretenir son estât à son service, soutenir les
grands frais, mises et dépenses qu'il a faits ci-devant au ser-
vice du roi Charles, pour la conquesle du royaume de Sicile,
où d'Aguerre l'accompagna et demeura longtemps après lui,
pour le récompenser euûu de ses estais et pensions du temps
l. Carignan. En février 1487, Graliea d'Apuerre et Robert de la Marck
attaquèrent Ivoy, occupée par les troupes de Maximilien d'Autriche, époux
de îJarie de Bourgogne, dans Tapana^e de qui se trouvait Ivoy. Un sait
que Koberl trouva la mort dans cette entreprise.
86 UN BUDGET DE LA CHATELLENIE
qu'il est demeuré par delà » . Il touche, comme capitaine, 20 sols
par lance et par mois : sa compagnie est réduite parfois à 45 ou
50 lances, ses reçus portent 54u liv. en 1491, 600 en 1493 et
141^9. Celte compagnie est fournie et, le 24 août 1498. il reçoit
25 haruois complets, 50 brigaudines, 50 salades fournies de 50
bannières, etc. Les nombreuses revues qu'il a passées à Mou-
zon', et dont ou conserve, au même lieu, les états, seraient
très intéressantes à étudier pour le personnel, principalement
navarrais et basque, qu'elles exhibent : qu'il nous suffise de
relever que deux des hommes d'armes ont leurs noms couchés
à notre compte, et ont fourni matière à un article sur le droit
d'aubaine. En résumé, en dehors de ses revenus personnels,
notre gouverneur touchait annuellement plus de 3,000 livres,
qui représentent le joli chiffre de 100,OuO francs, lequel paie-
rait deux ou trois de nos généraux chefs d'armée.
Gela dit, voici le résumé de notre compte.
RECETTES
CH. I. Rentes fixes ou non muables.
I. MOUZON. a. Cens et chevaiges deus au Roy, ensemble les
Bourgeoisies d'Yoncq (7' !« 4^). — b. Bourgeoisies foraines,
2 s. par bourgeois (néant). — c. Censés dites les Ceiisines,
valaient jadis deux muys, reçu seulement 3 setiers (24^). —
d. Maison du roi à la porte Bernard (14' T^)'-
1 . L'une de ces revues est détaillf'e dans les Mémoires de Fleuranjïes.
Les compagnies de Robert de la Marck et de d'Apuerre nous offrem des
noms tiès connus de noire histoire loi;aIe : les Mendy, seigneurs d'Artaise ;
les de Saint- Vincent, qui s'établissent à ce moment dans nos cantons ; les
d'Ambly ; la dynastie des d'Aguerre, bâtards ou légitimes ; les d'Anglure,
les Boutillac, d'Estivaux, de Failly^ de Castres, de Louville, de Mire-
mont, etc.
2 Ces recettes se faisaient sur le pont du marché (ou Saint-Nicolas), en
présence du Procureur du roi (Ponce Gobert), du garde des sceaux de la pré-
voslé (Idcnri Hichier), du tabellion royal (Nicolle Flory) et autres sergeos à
ce comtiiis. — Les cens variaient suivant la manière dont se louai ni les
tourn-'lles et les fermt's, l*our l'année 1515, une partie des lieux, places,
cours ou ja'dius qui les doivent ayant été employés à faire des aisances,
boulevanls et fortiûcutions, il n'a été rien perçu, maljiré l'entière recelte
ancienne de 7' 1* S'* qu'on annulera plus lard aux deniers rendus.
Au manuscrit on lit < ville do donc » : c'est une erreur du copiste, qui
devait mettre « ville d'Onc » pour la ville d'Yoncq actuelle.
DE MOUZON 87
2. Beaumont. Rentes en deniers deus au Roy (4' lo";. — Cens
des prés (50") '.
3. Lesta.vNE. Rentes (i '3 est aux hommes de fief) (8*). — Cens
des prés, payé par le maire (1/3 aux hommes de ûei) (j2s).
4. La Bezace. Rentes et revenues (28s). — Cens des prés (30*).
5. DOUZY. Cens et Rentes (34'). — Cens des prés (8»),
6. Francheval. Rentes (40'). — Cens des prés (12»). — Pillon
(pour l'huile ?) (2* 6d).
7. Villers-SarnaY. Rentes (32s). — Cens des prés (16^).
8. Balant, Rentes (5^). — Cens des prés (j'),
9. Fli.nGneul. Rentes (4'). — Cens des prés (js),
10. FloinG. Sougnies (cens, taille, chevage, capitation (15*)-.
XI. S*-MenGE. Rentes (j«). — Cens des prés (j^).
13. Vignes du Roy à Mouzon, 7 arpents 97 verges (i4').
Le contrôleur inscrit en total ; 451 3s 4<it'.
a. Chevaige, capitatioa ou impôt par tête.
b. Uoe franchise était attachée à ces bourgeoisies.
d. « A présent a Thomas la Mocque. j Tenue jadis par Le moyne Per-
mentier, et antérieurement par Jean Coquibus (34' 8''„). Henry Person a
présenté une lettre du Roy, 4 mars 1381, qui lui donnait, comme héritier de
la sœur de Coquibus, femcae d'un nommé Barlanery (1435), le droit d'être
à l'ancien cens.
1. Reçues par Guillaume Gobert sergent à cheval, muni de la commis-
sion de Gralien d'Aguerre, pour recevoir tous les cens rentes saulvemeats
de toutes les villes, terres et seigneuries de Mouzon. A cause des guerres,
de 16' 10'', on n'a touché que 4' 10't,
2. Nous trouvons la définition de ce droit au Cartulaire de S'-Médard
de Soissous, 1320 : « Tous ceux qui sont possesseurs et détenteurs de cer-
taines maisons et hériiaiges situés et assis à Donchcnj et s^mbldblementtous
les hobitans et manans des villes de Vngne-Meuse^ Villelte et Donc sont
tenus et redevables dudit droit de Sougnies. ... Cest assavoir de labourer,
cultiver et semer chacun an trois pièces de terre arables appartenant audit
prieur (de Donchery) et sont tenus scier et taucher les dépouilles, etc.... «
Cette redevance est ici convertie en argent ; elle est du reste commune en
Champagne, et signifie à peu près la même chose que chevage ou capitation.
3. L'étendue de ces vignes est sensiblement de 3 hectares, et le revenu,
évalué en monnaie actuelle, serait d'environ 3U0 francs. Ce qui met l'hec-
tare à cent francs de cens — On voit, par le détail du compte, que Us vignes
sent fort diminuées depuis cent ans, qu'une gr<jnde partie est restée en « jache
et triocts », quo . les a délaissées parce qu'elles sont t gaslées et en bruyne ».
Le Rôle des tenanciers, certifié de Gobert, Hichier et Flory, porte les noms
suivants : Hussou Vaillant, Oudart Jatîquemart, Jacquemin Dommaige,
Jehan Robert, V= Collet Jacque, Jehan Caquette, Bertrand Thierou, Jehan
de la Bes-tace, Tumas Coisonnel, CoIsoq Hamel, Jehannin Moismot, Colson
de Pouron, J-han (iuillet, Gérard Croch-t, Poucelei Andrieu, Jehan Perro-
tin, Jehau Procevil'.e, Jehan DetFousauU, Jehan Brescheville, François
Lausena, Jehan Brizelon, Guillcmin de German, Henry de Maubourg,
88 UN BUDGET DK LA CHATELLENIB
CH. II. Domaines et Rentes muables.
1. MOUZON. a. Fermage delà pescherie en Meuze. Bail 1513-
15 16 à Petre Beschet (46'). — h. Foires, N. D. en sep-
rembre et S'-Michel, où on percevait un quartel de sel par
chaque nef ou basteau venant par la rivière (néant). —
c. Moulins du Roi. Bail 1^5-1518 à Jehan Pasquis,à raison
de 25 muys 9 setiers grain, moitié blé moitié avoine, suivant
toutes les redevances en grains non autrement indiquées. Les
grains en provenant vendus à Didier-Lourdel (123^ 12s). —
d. Fermage de la FouUerie, taisant partie des Moulins, baillée
aussi à Jehan Pasquis 13^ 10*). — e. 2j anguilles fournies
par le même Fermier, à i6d pièce (41* 8). — /. Debvoir des
Boullengers vendans pain à Mouzon (45*). — g. Rente deue
par les taverniers qui font crier vin à plus haut prix de 18
denieis parisis le pot, affermée à Jacquemin le Pardonnier
(60^)'.
2. Beaumont. a. Terraiges, affermés à Collet Didier; le roy
n'en touche qu'au delà de 52 muys. Les vins entièrement à
lui (néant), b. Vins (35'). — c. Tonlieu de la ville (néant). —
J. Vins (néant). — e. Four. Bail de 1510-1522 à Jupins Maçons,
Le roi ne touche que la moitié, et les francs vins en totalité
(66^ 8). Le duc de Bar a le reste, soit 13 s. 4 d. — /. Moulin.
Bail de ij 15- 15 23 à Richard le Royer, au prix de 24 setiers
de grain moietable ; le roi a les deux tiers, vendus à Jehan
Fagot (66' 8) ; l'autre tiers est au duc de Bar. — g. Vin. Il
est eii entier au Roi et calculé à raison de 2^ s. par muy sur
le bail, ici 25 x 2 = 50 s. -
Didier fils Richard, Jacquemin Alardin, Messire Jehannot, Jehannot Bre-
tancourt, Riquesson Vaillant, Jacquemin Alardin, flenry /?jc/iier, Simonne
fille Jthan le Cordier, Jehan Bryon, vefve Cacquet, Jehan Dardamme,
Geofiroy Michault, vefve Drohier, Jacquemin Rosselet, Jacquemin Mouson
et vefve Jehan Veau.
D'une manière générale, les revenus sont fort amoindris ; le receveur rap-
pelle les anciens revenus, qui auraient fourni au moins 175 livres au lieu de 45.
1. f. Chaque Boullenger payoit par trois fois un pain de 15 deniers.
Ils étaient douze : Colinet Cordier, Jehan Regaault, Jehan Drohier, Jehan
Pierrat, Jehan Gerin, Marion Royard, Husson Jolys, Jehan Jacquet, Poncelet
de Courfaul (Curfoz ?), Jaisson le paticier, Jehan Charlier, Jacquemyn
Drohier.
2. h. Le roy a toujours le droit complet du Vin : le Vin ou les francs
vins sont une sorte de cens perçu sur les baux oa marchés. Ici, on prend
20 à 25 sous par muids de grain. On a dit depuis, et on disait encore
récemment « donner des épingles ». Les Ordonnances de Sedan les défen-
daient pour tout marcné ne montant pas à cent livres. — c. Le loulieu était
ordinairement un droit de place dans les foires et marchés, ou de juridiction
sur les mesures. Oaiis riîtal des revenus de l'Archevêque de Reims, souve-
DE MOUZON 89
•ç. Lestanne, u. Terraiges : sont aux hommes de fief; le roy ne
touche que passé 6 muys. Affermés 4 muys à Remy de
Waime (de la Wame) (néant). — b. Vin (loo'), — c. Ponton-
nage de la Meuse (néant). — d. Vin (néant). — <;. Pièce de
pré à l'abordage du Ponthon. Bail i<fo6-i5i3 à Baudouyn
Charlier {12^}. — /, Fours (néant). — g. Vins (néant). —
h. iMouIin et fbullerie. Bail 1512-1518 à Thomas Hostellar
(100*) compris les francs vins. — ;. Huit faulchées au pré du
Vivier, baillés à Jehan Protin (8') '.
4. La Besace, a. Terraiges. Moitié pour le Roy. Fermier Médard
Dour, 6 muys (23' 8s;. — Vais (6') à 20^ par muy. —
c. Four. Moitié pour le Roy. Bail 1511-1522 à Jehan le
Doulx.
5. VILLERS-s-Meuze. Maierie de la Ville. Bail 1 5 15- 1 518 à
Jacquemin le Pardonner (44'). — b. Four. Moitié au Roy
(32s). Baillé à Jehan Regnauld. — c. Pontonnage. Bail
1514-1517 à Thomas de Rouffy (66s) -.
6. Vignerons les Mallades. Censé de la maison (néant) 3,
7. Moulins. Terraiges (néant)*.
8. DOUZY. a. Terraiges (1/2) Affermés à Henry le Davoudel
(29I IV 6cl). — b. Vins (7' 11^ 8d). — c. Four (1/2) Baillé à
Jehean !e Tourne (9'). — d. Moulin. Bail 1515-1518 à
Hieblot de Douzy (104s) ^.
9. FranchevaL. a.. Terraiges (1/2). Affermés à Jehan le Messin
(22I 2s). — b. Vin (113* 4). — c. Four (1/2). Affermé à
Jacquemin Bichot (64*). — d. Accensissement de la place ou
étoit le moulin (32^ 9**). Baillé à Jehennot Husson".
10. Villers-Sernay . Terraiges (1/2). Affermés à Guillaume
Gobert (11' i^)- — Vin : (56* 8) — Four (1/2). Affermé à
Jehan Depin (53»).
rain de Mouzod, le toolieu à Beaumont figurait pour 10 1. 3 s. 4 d., en
t375. Ici il est nul. — d. Le duc de Bar a le tiers du principal, soit 13 s. 4 d. :
les francs vins comptent donc pour 40 s. •— En 1375, les fours donnaient
16 1. lO s. p. ; les moulins 4 m. 7 setiers.
\. c. Personne n'a voulu prendre la location du pont, depuis longtemps
en ruyne ; on passe à Pouilly. — e. Situé au lourt de la i^ue ; c'est là
que séjournoient gens et bestes attendant le passage. — En 1375, le four
donnait 64 sp. et a la Bezace 4 livres sp.
2. Des lettres patentes de François I" nomment le Pardonner receveur
de Wouzon, en 1522.
3-4. Les terres qui devaient terraiges étaient alors plantées de bois. Para-
vant, valaient demi-muy à Vigneron, 6 setiers à Moulins.
5-6. Les familles Devoudelle et Messin sont encore dans le pays. —
Noter que, pour les villes de la rive droite de la Meuse, le roi n'a ordinaire-
ment que moitié des revenus : le reste est à l'évèque de Liège ou rempla-
90 UN BUDGET DE LA CHA.TELLENIE
11. Ballant. Terraiges (i/6). Affermés à Guillaume Marchant
(117^). — Four (1/2). .A François Didier (12').
12. FlingneuL ec S»-Menge. u. Terraiges (1/3). Fermier Jehan
Jacquemin (loo^ 9^), — b. Four (1/2). En rouyne (néant).
— c. Moulin de S*-Menge (1/4). A Jehan Parisot (15'). —
d. Oyseaulx (1/2). à Guillaume Marchant (4' 12s). — ^. Terres
de Compans et Champeaux. A Raoulin Hubiii (22^ 6d) . —
/. Prés, terres d'.Arson et d'.Andières. Bail 1 505-1609 è Jehan
Servais (75*). — g. Prés des Compains et Champeaux, à
Pruche de Basourt (8' 11^ 6) '.
Ctotal du contrôleur: 468' i" iid.)
CH. III. Saulvements.
Saulvements en avoyne, gelines et argent levés par Guillaume
Gobert sergent à cheval sur les villes suivantes qui sont en la
« sauvegarde et tuicion du roy » :
Bazailles (19 setiers, 19 poulies). — Balant (10, 10). — Sedan
(9,9). — Illy (8,9). — Daigny (10, 10). — Pourru Saint Remy (9,18).
— Pourru dessus (ou aux bois, 8,8). — Munault (8, 16). — Tetaigne
(21,21, 20 deniers). — Euilly (22, 22,22). — Vaulx (22, 22, 22). —
Pouilly (11,22). — Rubecourt (0,0). — Nevant, Quincy, la Mon-
celle, Lamecourt n'ont pas vouUu payer.
En tout 13 muids un septier à 40 sols le muy.
185 poulies à 10 deniers chacune poulie.
Et 7 livres 14. sols a deniers.
CH. IV. Espaves. aubeynes et forfaitures^
I . De Philippe Dandouesse -, chevalier, lieutenant général de la
C" de Messire Gratien Djguerre, gouverneur de Mouzon^ pour une
petite maison plate, advenue au roi par aubenage, par le trespas et
décès de Lopes de Mougne, natif d'hspaigne, de ladite compaignie,
et depuis pir ledit sieur donnée audit Dandouesse (40 s.).
1. b. Les ofliciers do \l. de Liège, « qui a la moictié, n'v veuUent rien
faire ». — d. Droits ou privilèges des iraucs hommes, ou des Oyseaux, ou
dfs Oyseliers de la Prevosté de Mouzon. (V. notre Histoire de Mouzon.}
2. Philippe d'Andueza figure à la revue passée de la Ci)mpagQie Ddguere,
à Mouzon, le 22 mai l5l7l. (BU. nat. F. Fr. 215o7, n» ll'i) Ou le retrouve
sous les ordres de \l. de .\Joulmort, Louis d'IIaugtst, gouverueur de Mou-
ton, au siège de 1S21, où il délendit le pa.'^sage de la Meuse à la lêie de sa
compagnie et de 3UU hommes diutaiiterie (du B liay). — Lopez de \Jiuuue.
homme d'armes de lu même coiupaguie, est é la moutre faite à Mouzon le
3 avril 1493. — Daudouesee n'est encore qu'archer. — Le droit d'aubaine
ou de succesBiou aux biens d'un aubain, c'esl-a-dire d'un étranger non natu-
ralisé : c'est le souverain qui recueille cette succession.
DE MOL'ZON 01
2. Vente des biens de feuejehanne de Bastogne, femme de Loys,
le Meusnier de Beaumont ; laquelle, natifve du Luxembourg, est
allée de vie a trespas sans hoirs de son corps, et estoit partant
espave (55')-
CH. V. Marchés (néant).
CH. VI. Ventes de Bois' et Paisson.
1. Paisson du Bois de Dueillet. Bail 1515-1518 à Henry Sunruyn
(33').
2. Paisson du Boys de Séneval. Baillée à Guillaume Gobert (4').
3. Pai?son du Boys de Fay dessus Villers sur Meuze. A Guil-
laume Marchant (60^).
4. Paisson du Chesnoy. A Guillaume Gobert (40*).
CH. VÎI. Prouffit et émoluement des prez.
1. 18 faulchées au Pasquis du Jardin. Bail l'^o^-i^-^i à damp
Jehan Davell (9' p). ,
2. Huit vingts (160) verges ù la Plate Pierre. Affermé à G™»
Gobert (20^).
■5. 12 faulchées séant à la bouche de Chier, A Jehan Martin (9' 18).
CH. VII. Divers.
1. Exploits de la Prévosté. Bail 1515-1518 à Guillaume Germain
(61').
2. Tabellionnage de la ville de Mouzon. Bail 1513-1515 (22').
3. Amendes au pardessus du droit du prevost (néant).
4. Rachapts, reliefz et quincts deniers, accensissements, engage-
ments et transactions (néant).
5. Rapports de boys (néant). — De rivière (néant).
6. Terres tenues en la main du Roy : a. Cinq faulchées de pré au
ban de Lestanne (non baillées, néant). — b. Cinq faulchées de pré
en vielr Meuse. Bail à Regnault Murgaut (4').
CH. VIII. Autre recepte.
De ce qui pouvait apetir et appartenir à Regnault de Saulx
1. Le Dieulel, au sud de Beaumonl; — Séneval, défriché, maintenant
ferme accolée aux Flaviers ; — Fay, uu autre est en face d'Alma ; — Ches-
nois, au nord de Brouhan et d'Autrecourt.
92 UN BUDGET DE LA GHATELLENIE
escuier, en la terre et seigneurie de Villers advenue au roi nre sgr.
le 2oe jour de mai 145:1. Ces terres, prés ont été en frisches et non
valloir durant les années précédentes et jusques à naguères ; et enfin
mis en la main du roi et réunis à son domaine, on en fait la recepte
suivante du prouffict et revenuz diceux :
1 . Terres à présent appellées « la Censé du Roy » à Villers sur
Meuze. Bail 1515-1524 à CoUesson Berthollet, pour 6 muys 9
setiers (26' 6^ 6<i).
2. Quinze faulchées de pré seans au ban de Mairy et d'Ambli-
mont (néant).
3. Cinq faulchées de pré seans à la Petite Presie aux Sauix
(néant) '.
4. Douze faulchées nommés les Prés de la Rosche. Affermé pour
l'année du compte à Percevens de Urset, à 16 s. 6 d. la faulchée
5. Masure et jardin à Autrecourt, de l'acquisition de Regnault de
Saulx^mais étant de la seigneurie de Villers, se trouvent comprises en
l'art. I. (Néant). Baillée jadis à lehannot Percier, demeurant
à Autrecourt.
6. Saulcis de Villers tenant un pré dit à la Grant Presie (néant)
pour la même cause.
7. Certains bois à Villers-sur- Meuze (néant), même cause.
8. Certaines terres, qui sont plaines de bois et savard (néant),
même cause.
9 . Douze faulchées de pré estants à la CuUée Rasse. Affermées à
Perigault de tocys, à 19 s. 7 d. la faulchée (11' 15 s.).
10. Seize faulchées de pré seaas à la Grant presie, en la main du
roy par faulte de reliefs et quincts, lesquelles turent à Rasse et Bas-
tien de Villers. Affermées à Jehennot Desevrat à 10 s. la faulchée
(8').
11 . Quatre faulchées de pré appellées les Aruttes de Presles et de
Villers, des dits Rasse et Bastien, assis sur le Russel de faise
(Ruisseau de fâche). Affermées à Guillaume Gobert à 22 s. la faul-
chée (4' 8^).
Une autre recepte est indiquée à cause de plusieurs terres bois et
saulsaies qui appartindrent à feu messire Regnault de Saulx, et assis
au territoire de Villers sur Meuse. Ces terres et bois estoient long-
tems a « à ayrans, triocts et savart )> et n'en avoit le Roi aucun
prouffif. Ils ont esté au lieu acoustumé de Mouson et en l'église de
1. Les 20 faulchées ont été seulement mises en la main du roi, qui n'en a
affermé que 12, à Collesson BerlhoUel, qui déjà les avait tenues comme le
montre un bail rappelé à l'art. I et unissant en 1507, à la charge de les
« savarder et mettre en valleur 1. En sorte que le cens de ces prés est en
quelque sorte ad|oint à cellui des terres, — Pour les 8 autres, voir art. 4,
où le receveur dit que « néantmoins on a retrouvé douze faulchées »,
DE MOUZON 93
Villers baillez à la chandelle au plus offrant et dernier enchérisseur
à 20 d. le cent de terre et pré de cens annuel et perpétuel, à dater
de S. J. Baptiste 1505.
1. Mathieu de Neufville, dem' à Villers, 12 cens de terre (ao').
2. Gi.le de la Rouer, à Villers, 4 cents et demy (7' 6d),
3. Jehan Oudart, à Villers, 13 cents et demy (22* 6'^).
4. Jehanne de Neufville, à Villers, 8 cents et ung quarteron
(13* 9d).
5. Hieblot de Neufville, à Villers, 6 cents et ung quarteron
(lo* jd).
6. Pierrart de Gaudines, à Villers, 3 cents et trois quarterons
(4' jd).
7. Colson Barthollet, à Villers, 3 cents et demy (5" lod).
8. Jehan Serva, à Rouffy, 2 cents (3* 4J).
9. Hoirs Argnault Gontier 1, accensissement de i6^
10. Raoulin fils le Bastard de Villers, 2 cens et ung quarteron
(2« 9%
11. Jacques et Jehan Thomas, à Villers, masure (16").
la. Les mêmes, 2 cents et demy de terre (4* a").
13. Jehan d'Offaigne, à Villers, 3 quarterons (15'').
14. Evrard Rollin, a Villers, 3 cents et aemi (5* 10).
15. Henry le Clerc, à iVIouzon, masures, jardins, terres et prés
(19^9^).
16. Jacquemart de Neufville, à Villers, 2 cens et demy (4" 2'').
17. Jehan Blancharc, à Villers, ^20 verges (S** 8").
18. Jehan Arnoult, à Villers, 5 quarterons (2*^ 1*).
19. Jehan Ondoier, à Villers, demy cent (10').
20 . Gobert Huille, à Rouffy-lès-led. Villers, pour le Saulcis dudit
Villers (6^ ii^.
21 . Ysabeau la Besne, à Villers, 3 cens 3 quarterons (6' 3').
32. Jehan Collin, à Villers, demy cent (10').
23. Jehan Bladoret, pour la place ou jadis souUoit estre le mou-
lin (la^) '.
1 . Tenaient plusieurs heritaiges. On a trouve par les surcens que Regnault
avait accensé aicunes teneure, tant maisons prés que terres ; et ces herilaiges
estoient de nulle valleur a l'occasion des guerres qui ont esté par ci devant.
Depuys les héritiers ont requis que raccens-issement leur fut baillé et délivré
pour le même prix. Les dits herilaiges ayant esté criez à Villers et à Mou-
zon, et personne n'ayant mis plus hault prix que celui fait à Arnault Gon-
lier, ils ont été baillez aux dils héritiers,
2. Le contrôleur donne pour total : Summa lotalis Receplœ presenlis
Compatis 819' 16' Ui''. Dans l'Etal dressé en l'31lj, il est du que la prevosté
de Mouson suloit valoir (à l'archevêque Thézard) la somme de 1,200 francs,
et à présent (sous Richard Pique) vaut 800.
94 UN BUDGET DE LA CHAÏELLENIE
DÉPENSES
CH. I. Despense a heritaige.
1. MOUZON '. J. Aux hoirs de feu Pierre de Dj-igny^ qui n'ont pu
fournir les preuves de leurs droits (néant).
b. A Colhrr de FilUers, sgr de Sy, et Loys de Noire-
fontaine à cause de leurs femmes Harman-
galles et Mariete, filles de Henry de Voul^y^
héritiers de feu François lospiralier^prédéces-
seur de feu Pierre le Guinaudel (7I 4^*).
c. Aux hoirs ou aians cause de feu Guiot de Vuitry^
chastellain de Mouzon, et Jekan Compaignon^ à
cause de damoiselle Allemande sa mère, tante
du dit chastellain, 39 setiers. qui ont appar-
tenu à Ambiete, fille de Jean Labbé (6 1/2), à
Claude Tardif (6 1/2), à cause de damoiselle
Meline^ S3 mère, fille de Jehan Labbe\ et encore
a Claude Tardif (26), fils de Simon Tardif,
chastellain à cause d'icelle chastellenie. Sont
à présent à Jehan de Pouilly (3 1/2), Jehan
Robert (15 3/4), Jehan Fagot (9 3/4)... (23' 8^).
d. Aux religieux de S'-Denis de KeimS; quittance
signée Jehan Massiot, religieux et prevost
(16''). Sur les 46 setiers que l'on prend, 40
servent ici, les 7 autres sont portés en fiefs et
aumônes de Beaumont.
e. Au curé de Mouzon (i^'') pour un setier de blé-
froment.
/. Aux religieux et trésoriers de N. D. de Mouzon,
quittance signée de Bertrand Loisel^ trésorier
(54*) pour 4 setiers et demi de froment.
g. A la Maladrerie de Mouson (3') pour un quar-
tel de froment.
2. Beaumont*. û. Aux Eglises de Beaumoiu et Ligney en Bar-
rois (néant).
b. Aux religieux de S'-Denis, 2 muys sur les mou-
lins ; quittance de six setiers, signée Massiot,
compris dans les 46 de l'article /(39s),
1. Le Chapitre 1 ne comporte que des fiefs elaumosnes. Ed ce qui touche
Mouzon, les redevances se prélevaient sur les Moulins du Roy,
2. Le roy ne prend et ne doil rien si les terrages ne dépassent 52 muys.
DE MOUZON 95
3. DOUZY. a. Aux hoirs 7f/tj'2 Vmc/f. 4 setiers sur les terrages,
jion payés fuulte de devoirs non fai^ (néant).
b. A Gober t d'Artai^e, au lieu et place de Jeh^n Bour-
geois dit Prêtre, héritier de feu Jacques d'Q'-geau^
escuier, chastellain de Villers^ pour 2< setiers et
demi sur les terrages (81 5* 9'').
c. A Jehan Grosyeulx^ sgr de Villiers, au lieu de
Jacquemin Lambinec et au lieu de feu François
Languille. pour 8 setiers sur les terrages, à cause
de Catherine, fille de feu Boudain et du Momel
sa mère ()2S).
d. Au curé de Douzy, pour un quartel de blé et un
d'avoine (3* 3^).
e. Aux charités de N.-D. de Mouzon, 5 setiers blé
3 avoine sur les terrages ; quittance de damp.
Jacques Besquel. prieur et religieulx de l'abbaye
4. Francheval. Au curé, 9 setiers blé et 9 avoine, plus 3 setiers
pour le marglier (marguillier), sur les terrages
5 . ViLLERS'Cernay. a messire Robert de la Marche^ sgr de Sedan,
deux muys sur les terrages, part du Roy,
au lieu de messire Gerosme de Braque-
mont (7I 16**).
6. LaBEZACE. a. Au curé, 12 septiers blé, 9 avoine, en ce com-
prins 3 septiers blé pour le marglier, sur les
terrages (7' 6^).
b. D'anciens comptes apprennent que Guillaume
de Braquemont prenait, au lieu de Gilles de
Barbençon^ 8 setiers de vin, 4 du meilleur et 4
de moien tout creu au diocèse de Reims, huit
poulies à 3 sols parisis. De présent la chose
compete et appartient à Messire Robert de la
Marche^ fils et héritier de Jehan de la Marche.
Les terrages ayant été de nulle valeur, il y a
néant pour ce compte.
4. Divers. Au chapitre de la Magdeleine de Verdun, sur la Mairie
de V Hier s sur Meuse (37' 10*).
h. Aux héritiers de feu Guiot de Vuitry, chastellain
de Mouzon, et de sa tante, 50 sols parisis sur la
recette de Beaumont. (Néant), pour ce que les
recettes sont de trop petite valeur.
c. Aux quatre sergents à cheval, sur les mêmes
rentes, 8 sols p. (Néant, pour même motif).
d. Au forestier du boys de Dueillet^ deux sols p, sur
lesdites rentes (2*^ 6*).
96 UN BUDGET DE LA CHATELLENIE
e. Au sergent à verge de Beaumont^ 12 deniers p. qui
se prennent sur lesd. terraiges et rentes (15').
/. A Monsgr le Duc de Bar, un tiers au demourant
d'icelles rentes, (néant), étant de nulle valeur.
5. FRANCHEVAL. Guillaume de Braquemont au lieu de Gilles de
Barbençon souUoit prendre, en quatre termes,
41 sols parisis sur Francheval. La chose^ de
présent, compecte et appartient à Messire
Robert de la Marche. (Néant) pour ce que le
tonlieu est de nulle valeur*.
CH. II, Gaiges d'officiers.
1. A messire Gratien Daguerre^i chlier sgneur d'Aubenton et de
Rumigny, conseiller du roi et gouverneur de Mouzon, pour ses
gaiges ordinaires (300').
2. A Guillaume Vaillant, receveur ordinaire de Mouzon (40').
3. A maistre Jehan Triquet, procureur du Roy (50').
4. A Guillaume Marchand, Henry le Clerc-, Guillaume Gobert,
Regnault Murgaut, sergents à cheval du Roy (50').
5. A Collet Dubouscheust. courier portier du château (100*).
6. A Robin Bonvallet, commys et forestier du boys de Deuillet,
appartenant au roy (75*) ^
CH. III. Œuvres et Reparacîons fêtes à Mouzon
et ailleurs.
î . Aux fermiers des fours de Beaumont, Douzy, Francheval
et Villiers Sernay (46' 8"). Pour un astre neuf à chacun desdits
tours : Beaumont (16' 8"), Douzy (10"), Francheval 10') et Villiers
Sernay (10').
1. Un aveu et dénombrement de Roberl de la Marck, tourni en 1477
(V. Histoire de Mouzon, Chûlelleuie) , mentionne toutes les redevances pré-
cédentes le concernaat.
Le contrôleur a inscrit à la tin de ce chapitre : Summa feodoium et ele-
mosinarum (total des fiefs et aumosnes) 25' 16' 3". — Les fiefs sont des renies
parfois perpétuelles, quelquefois viagères, et même de durée définie, que le
seigneur paie à des laïques. Les aumônes sont des rentes faites aux com-
munaulés religieuîes. Cps fiels et revenus ne sont pas ordinairement pris
sur le revenu net, mais sur les sources mêmes du revenu, précisées et dési-
gnées par le seigneur, et perçues direclcmenl par le bénéficiaire : « G. a
coutume de prendre. »
2. Fils du dernier maître de la monnaie de Mouzon,
3. En 1375, outre le « prepositurus n, on trouve de même les « guber-
nalor, receplor, servientes preposili (aergculs du prévôt), servieates nemo-
rum archiepiscopalium (forestiers), portarius caslri Mosomensis »,
DE MOUZON 97
2. A Jehj.n Paris ec Therion Feraiges, charpentiers (io8'), pour
avoir retait le pont du Moulin de IMouzoa et avoir mys a la toiture
dicelle une chesné (gouttière).
3 . A Jehannot le Mureschal (32'), pour avoir reffaict et rechaussier
le fer du grant moulin.
4. A Richarc Coinctignon et Jehan Coinciignon^tnaçons demou-
rans à iMouson (10' 13' 4''), pour avoir besongné de leur mestier au
reversis des écluses des moulins, par le temps et espace de chacun
trente deux journées, à trois sols 4 deniers tournois chacune
journée.
5. A Jehan Servay, voicturier demeurant à Mouzon (63';, pour
avoir charié de la pierre pour le reversis des écluses, par le temps ec
espace de 7 journées à cinq sols.
6. A Jehan le Morenne^ Jehan Goàart et Henry Daremy^ manou-
vriers demourans à Mouzon 1^7' 8"), pour avou- servy les m:içons aux
reversis des écluses, et repesché des pierres qui estoient clieues des-
dits reversis. Chacun 20 journées, à 2 s. 4 d. la journée.
7. A Jehan HauberLon, manouvrier demourant à Mouson (42'),
pour avoir servy les maçons aux reversis des esc) uses du Moulin,
18 journées,
CH. IV. Frais de justice.
Néant.
CH. V. Voyaiges et Tauxations.
1. A Guillaume Va'dlanc, receveur (12''), somme taxée et ordon-
née par Messgrs les Trésoriers de France, pour peines. siUaires et
vaccations d'estre venu de Mouson à Paris par devers les dits Tré-
soriers.
2. A Jehan le Chùtnre^ messaigier à pied (4' 5'), somme tauxée
par lesd. Trésoriers pour peines, sallaires et vaccacions. 17 jours de
voyaige et séjour à 6 s. par jour'.
CH, V. Deniers payés au trésor.
I . Au trésor, par descharge diceluy compte (200') escripte le 6
mars 15 16 par maistre Morelet du Museau^ commys à faire le paye-
ment des officiers de l'ostel du Roy.
1. Ce messaiger fut chargé de porter les missives des Irssoiiers et des
receveurs de Mouzoq, Virton, Sle Menehouat, ordonnant que le présent rece-
veur n'eût à payer aucuns gaiges d'olficiers pendant l'année du compte
ensuyvant selon le mandtment de Madame d'Angoulême régente en ['""rancc
(Louise de Savoie, mère de François !•=', régente pendant la campagne
d'Italie) envoyé aux trésoriers.
7
os UN BUDGET DlC LA CH ATEI.I.ENIË
2. Au trésor, par autre descharge escripte le 3 mars i5>6par Vin-
cent Gelée^ clerc payeur des envoies du Roy (150').
CH. VI. Deniers rendus et non reçus.
Ce sont les deniers mis en recettes aux cens et chevaiges de iMou-
zon (59' 2') pour les places qui ont esté pièca prinses, mises
et employées es aisances, boulevars et fortiffications de la vile.
Détail en ung roolle soubz le seel royal, de la seigneurie, celui de
Gratien Daguerre et les seings manuels de (Ponce?) Pierre Gobert,
procureur du roy et Nicolas Hory, tabellion royal.
a. De lehan d'Artaize, aisance à la tour de U Cj-illette' (lo").
b. De lacquemin le Tilleul, jardi 1 sur les esclu^es {j' 6').
c. De Thomas la Mocque, jardin devant la p?rte Benard (lo")-
d. De Bertrand François, aisance de la tour de U Mauclerc (2* 6^).
e. De Jehan Hogine^ aisance de la tour C oulloe {Cow^ÀWotte})
derier S' Mirtin la parroc/ie (20" 10'').
/. De Jehan Daulphin, aisince de la tour de U D.iulp/une^ joi-
gn'ant les Azes ( 15").
g. De Jehan Tonnelier, jarJii à la por.e S' Denis (2' 6')
Total : <r9' 2\
CH. VII. Despence commune.
1 . Disner au prevost, procureur du roy^, sergens à cheval et autres
officiers du roy, le jour des Cendres (100 s. p.). Quittance des pré-
cédents, oultre plus le prevot d'église, le tourier, qui se sont tenus
peur contents (li somme en blanc).
2. Despens de Guillaume Gobert, sergent a cheval (20'), pour
peines, sallaires et vaccacions divoir esté recepvoir les cens reiites
et saulvenens en p'u-ieurs villes.
-5. Soupper de Nicolas B :)nvalle:, garde des sceaux roy.iulx de la
prevosté, Guillaume Gobert. com.nis à recepvoir le- cens re t^s et
chevaiges à Mouson sur le pont du Marché, Henry le Clerc, Guil-
laume Marchant et Rcgneaiilt Murgaut, sergens royaulx, et Nicolas
Flory, tabellion et notaire roy il (ic).
4 Aux sept eschevins, une anguille du prix de 16 d. p. ; 20 s. t.
— Néant, cir le; fermes des moulins doivent payer cecte dépe:ise.
<. .Au curé er clercs de Mouzon (6' 3^), pour chanter messe,
1. Alias Caillolc. Ou voyait aussi la Grosse tour, la tour do la Dau!-
phine. la tour do l'Aliluye, la Tour d'Estn^e?, la tour de l'Eperon, la tour
S'-Jérôrae. — La Caillelle, ou Couaillote, était derr èrj IVglise S'- Martin,
aujourd'hui démolie : l'abréviation de l'Drlicle désigne donc la Caillolte.
DE MOUZON 09
matines et sespres la vigil'e et jours de Saiiict Michel, en la chap-
pelle apparte.iant au Roi.
6. Pour ce présent courte avoir escript et grossoyé en parchemyn
par deux tois, contenant en tout 136 feuillets de parchemin qui au
feur (prix) de 2 s. 6 d. pour chjscun feuillet valent 17 livres.
7. Pour le voiaige et des,-7ense de ce présent recepveur venu de
Mouzon à Paris distant de 51 lieu;s rendre ce pré;cnc compte et les
deux précédens ; en quoy taisant il a vacqué attendant son expédition
comprins son retour par l'espace de 24 jours eatiers tauxé par
messgrs ù 24 1.
8. Vaccation de Loys Deschamps, procureur du receveur pour
avoir assistéà la red Jition et closture du présent c 3:npte et av jir prins
les arrêts (10 Lt.) '.
9. A maisrre Morelet d i Museau, pour les gaiges et droicts de
messieurs les presidens conseillers et autres ofiiciers de la Chimbre
des Comptes (150 livres) '.
Audittis et clausus... . Le co n )te est cIjs le 7 août 1518, en pré-
sence des s" J. Nicolay e: J. B.iconn.'z, milites^ de J. Buiron,
J. Badouillier, Luillier, de Caul.-rs et de ilarl.is, mfi'-rcs des
Comptes.
Les visa et contrôle-, exprimés en latii, sont s'gnés Andr ult.
N. GOFFART.
1 . En marge « Nichil », le co .Irôleur a bilIé la dépense.
2. Le contrôleur réduit c lie somnne à 3u' 11" 1". En additionnant les
dépenfcs du chapitre dans ces condilioris, on trouve bien : s Snaima
espensis communis 80' 12' â"*. », en comprenant toutefois les 100 s. p, do
de l'arlicle 1, cva'ués par cr cur .' 5". au lieu de 6' 5". dai'S l'ariiule même.
w
D
i
PINM
Répertoire des fiefs, offices, terres et produits divers,
biens et domaines nationaux du département des Ardennes,
mis en vente dam les AFFICHES DE REIMS de Havé,
de i712 à 1792.
Serauy. — A vendre bien situé à Semuy, dans la vallée de
Hourcq ', sur la rivière d'Aine, consislanl en une Maison divisée
en appartement de MaiUc et corps de logis pour fermier ; le pre-
mier ayant une belle vue sur la rivière et la prairie
S'adresser du z M. Guérin, avocat à Reims (27 janvier 1772.)
Seinuy. — A vendre belle et agréable maison sise à Semuid,
bâtie en pierre près l'église en belle vue, jardins, verger,
vignes S'adresser à Sedan, à M" Robert, avocat, et à Vonc, à
M. Robert, conlrôkur des domaines. {31 mars et 28 avril 1783.)
Seinuy (prieuré de), ferme appart. ci-devant au prieur de l'ab-
baye de Saint-Pierre d'Hautvillers -, consistante en maison, terres,
prés et vignes, louéo 700 livres, mise au prix de 10,384 livres.
\li février 1791.)
Senicourt, corps de ferme sis au terroir de Renneville ^,
apparten. ci-dev. à l'Évêché de Laon, consist. en terres et prés,
loué ?,300 liv , mis au prix de 37,444 liv. (21 mars 1791.)
Seuuc. — A louer les revenus du prieuré de Senuc, consistans
en dixmcs sur les terroirs d'Autri, Ardeuil, etc les fermes
d'Avrognc \ Domplrien '' et du Prieuré, les prés de Buzanci, les
moulins et pressoirs bannaux de Senuc S'adresser à
• Voir paf^e 40, tome VU de la Revue de Champagne.
1. La vallée de Bourcq est une région qui s'étend d'Alligny jusqu'au
delà du villa;ie de Bourcq.
2. Canton d'Ay, Marne.
3. Entre Renneville et Hannogno, la carte de Gassini indique une croix
qui pourrait être l'emplacemeut de Senicourt, que l'on croit avoir été un
village. On a trouvé en cet endroit des lombes et des vestiges d'habitation
f-ignalés par Jean Hubert dans la Géographie des Ardennes, 1856, p. 'lli.
4. Avrogne, auj. disparu, est indiqué sur la carte de Carsini non loin du
coniluent de l'Aire et de l'Aisne.
5. Donlrien (?), commune du canton de Heine (Marne).
TOPOGUAPHIli AUDENNAISK lUl
M. l'abbé de la Laurencie de Charas, prieur dud. Senne, qni ij esl
préiicntcmenl. (2o octobre 1784.)
Seriaine (ferme de), sise aux terroirs de Vouziers et Biaise ' ;
appartenant ci-devant aux Religieux de S. Rémi de Reims, con-
sislant en terres, prés et bois, à vendre le 12 février 1790, sur la
mise au prix de 20,0-20 livres. (7 février 1791.)
Sery. — A vendre la terre et seigneurie de Seri, distante de 2
lieues de Rethel-Mazarin, consistante en château bien bâti, jardins,
vignes et cbenevière, terres, prés et bois. S'adresser à M"«- Le
Fevre, près la Poste aux lettres, à Relhel ; à M. le Baron de
Saiiit-Loiip, en sa terre à Arnicourt, ou à M. de Bellecoiirt, à
Vilri-le-François. {6 juillet 1778.)
Sery. — A vendre un quart dans la seigneurie de Seri, con-
sistant en un château et dépendances droits seigneuriaux. . .
un quart dans la seigneurie de la Malmaison -, proche Sery, ter-
res, prés et bois. S'adresser à Rethel, chez M. de Biarnois, rece-
veur particulier des finances, ou à M. le baron de Saint-Loup,
en son château à Arnicourt. [7 avril 1783.)
Sery. — A vendre biens provenant de la succession de M. de
Montrouge, consistant en une belle maison avec grande cour,
jardin, vigne, etc 114 arpens de terre, 32 de prés, 26 arpens
de bois. S'adresser à M^*' de Montrouge à Seri. (21 mai 1792.)
Si gny l'Abbaye. — A louer biens dépendant de l'abbaye
royale de Signi, savoir : la ferme du bois de Chappes, la censé
Nivelle, la ferme de Rlancmont, la ferme de la Vigne, les censés
du Viage et de la Cour, les prés, etc S'adresser à Mézières, à
M' Guillaume, avocat, et à Signy, à M. Alexandre, notaire.
{26 janvier 1789.)
Signy-le-Petit. — A vendre partie de la seigneurie de Signy-
!e-Petit, consistante en droits seigneuriaux Seigneurie suze-
raine de la terre de Brognon ^, avec droits de chasse, pêche,
bois S'adresser à M. Baudart, marchand à Relhel-Mazarin-
(19 décembre 177 i.)
Signy-le-Petit. — A vendre la 22* partie de la seigneurie de
Signi-le-Petit en Thiérache, terre suzeraine de celle de Brognon,
avec pareille portion des droits seigneuriaux 190 arpens de
bois, etc. S'adresser à M. Baudart, marchand à Rethel-Mazarin.
(16 mars 1778.)
Signy-le-Petit. — Vente par les s'^ Philippe-Joseph et Pierre-
François Lallouette, maîtres de forges à Signi-le-Petit de terres
1 . Syrienne, écart de la commune de Condé-lez-Vouziers. Voir la notice
publiés sur son histoire par M. le D' Vincent dans la Revue hislorique
ardennaise, 1894, i"> année.
2. Ferme du terroir de Sery.
3. Commune du canton de Signy-le-Pelit.
102 TOPOGRAPHIE ARDKNNAISK
pat- devant M« Cochon, notaire à Runiigny le 10 avril 1786.
(o juin 1786.)
Singly. — A vendre partie de bien-fonds et droits seigneu-
riaux dans la terre et seigneurie de Singli, près Omont, prod. 400
liv. do renie. S'adressa^ à M. Simonnet, chanoine de Braux, el à
M" PoterloL noi. royal à Wasigni. (Il aoûl 1788.)
Son. — A vendre le douzième de la seigneurie de Son, proche
Rethel, consistant en terres, prés, etc. loués 20 septiers de fro-
ment et 200 liv. d'argent S'ad)esse)' à Château- Vorcien, à
M" Laiiinihre, notaire. (/*-'' avril 1776.)
Sorbon. — A vendre un tiers dans la Terre et Seigneurie de
Sorbon, à une lieue de Helhel-iMazarin Il consiste en haute,
moyenne et Ijasse justice indivise avec les co-seigneurs, 73 jours
de terre, 9 arpens 1/2 de prés, plus de 100 arpens de bois Il
n'y a ni bâtiments lY entretenir, ni aulres charges. S'adresser à
M. Viellart, avocat à Reims. (18 janvier 4773.)
Sorcy. — Biens à vendre. Grande et belle terre, située à 2
lieues de Rethel-Mazarin et presque sur le bord du grand chemin.
Elle consiste en un château très solide, bâti à la moderne et
entouré de grands fossés pleins d'eau, avec jardins, parterre
moulin à eau, 800 arpens de bois, 4 étangs, terres labourables,
vignes, prés, beaucoup de fruits à cidre mouvance considéra-
ble et le produit de 12,000 liv. par an. Le château est nouvelle-
ment meublé et près de l'église'. S'adresser à Paris, à M"
Ve7iard, notaire (17 août 1772.)
Sorcy. — Vente de Meubles. Cette vente se fera le 1"^ novem-
bre, fin de la messe paroissiale, et jours suivants, au château de
Sorcy, village à deux lieues de Uethel-Mazarin. Elle consiste en
toutes sortes de meubles et généralement tout ce qui garnit
un château qui faisait la demeure des Seigneurs. {26 octobre 1772.)
Sorcy. — La vente des meubles et effets saisis sur les S"" et D*
de Collorgues, seigneurs de Sorcy, près Rethel-Mazarin, s'ouvrira
le dimanche 7 février 1773, par l'adjudication des gros meubles,
foins, statues, piédestaux, que leur poids n'a pas permis de trans-
porter audit Rethel. Le lundi i3, on procédera sur la place publi-
que de lad. ville à la vente des autres meubles.... cristaux, pen-
dules, tapisseries, commodes, lustres, glaces On vendra aussi
un Phaëton de bon goût, propre pour une seule personne et le
conducteur. (I"' février 1773.)
Sorcy. — A vendre sept parts dont dix forment la totalité des
terres et seigneuries de Sorcy el Bauthémonl*, appartenantes à
M" Antoine-Roch-Dampmarlin Cabot de Collorgues. (/>"■ juillet
1776.)
J. Il s'agit ici du château de Sorcy, dont le mobilier allait être mis en
vdite quelques mois plus tard.
2. Section de la oommuu> de Sorcy.
TOPOGifAPHIK ARDENNAISE 103
Sorcy. — A vendre biens consistants en la perception du
dixième dans les terrés et seigneiiries de Sorci et Bautémonl,
droits, cens, surcens, terres, prés, bois, le tout loué au s''
Mercier, m*' aud. Sorci, moyennant 90U liv. S'adresser à M^ Hcn-
rat, notaire royal à Cliarbogne. (1^" seplcmbre 1777.)
Sugny. — A vendre la terre, seigneurie et vicomte de Sugn',
située à une petite lieue de Vouzieres, et dans le meilleur sol de
la vallée de Bourq, consistante en droits de toute justice, château
nouvellement reconstruit et dans le meilleur goùl, jardins, fossés
très poissonneux, cent arpens de bonnes terres, prés, 4 à a,000
peupliers, ormes moulin le tout relève en plein lief du
duché de Mazarin. Et les 3 cinquièmes dans la terre et seigneurie
de Sain(e-Marie-sous-Bourq. S'adresser à M. le vicomlc de Sugni,
à SugnJ, et à M. Lcfebvre, notaire royal et juge desd. terres, à
Vouzieres. [i août 1788.)
Sy. — A vendre les terres et seigneuries de Sy, les grandes
Armoises et Slonne, consistantes en très beau château et étangs
sis aud. Sy ', bois, terres, prés S'adresser à M. de Broyé,
comte d'Autry, ou au s^ Lcscouel, notaire royal à Sy. {30 mars
1789.)
Tailly. — Vente par D'' Anne-Françoise de Moûy de
Sons, dame de 'failli, y demeurannt, s""^ de Louis Darodes, cheva-
lier, et M" Louis-Nicolas de Gruthus, chevalier, seigneur de Lef-
fincourt, Tailli, elc de fermes, terres et bois à Tailli, par
contrat devant M" Davanne, notaire à Bayonville, le 21 mai 1184
(6 septembre 1784.)
Terrier, baronnie. — Voir Saint-Loup-Terrier.
Tiiorin, ferme sise à Écli ^, appartenante ci-devant à rEvêché
de Laon \ consistante en bâtimens, terres et prés, louée 4,000 liv.
et 62 sept, de froment ; mise au prix de "a, 203 1. 16 s. [21 fcvrier
1791.)
Thour (Le). — Vente par très-haut et très-illustre prince,
Charles-Henri-iNic. Olhon, prince d'Orange et de iNassau-Sieghen,
dem^ à Paris, de la baronnie, terre et seigneurie du Thour et de
Villers-devant-le-Thour, située en Champagne, pour ce qui
appartient aud. seigneur, et des lief, terre, seigneurie et vicomte
de Lasseau*_, aussi situés en Champagne, ainsi que de la ferme,
métairie, terres, prés, bois, pâtures, rentes foncières et consti-
tuées à prix d'argent qui appartiennent aud. seigneur sur le terri-
1 . Le château de Sy est enlièrement détruit. Il était des plus remarquables.
2. Écart de la commune d'Écly, ferme imporlanle au-dessus de la vallée
de la Vaux.
3. Ancien domaine de l'abbaye de Saint-Martin de Laon, dont l'évêque
de celte ville avait uni à perpétuité la mente abbatiale à son évôché en 1701.
4. Las:aux ou La Saulx, ancien cbàleau eul:èrement détruit entre Le
Thour et Lor (Aisne).
104 ïOPOGRAPHIb; AHDENNAISE
loire de Haiiogiic el autres lieux, inoyeiiuanl 112,200 1. par cou-
Irat passé le 27 oclobrc 177:j, déposé an greffe le 2 novembre sui-
vant. (6 décembre 1773.)
Thugny. — On trouvera dans le parc du cbâleau de Tugoy
une pépinière garnie de très-bonne quantité d'arbres
S'adresser à M. Forcst, régisseur au chdleeiu de Tufiny. (28
novembre 177 i.)
Toges (tuilerie de), appartenant ci-devant aux Religieax de
Landève-, consistant en bùtimens, t2 quartels de terre et 4 de
préP,louée 1(34 ]iv.,rencbère sera portée à 2,728 liv. [lAmars 1791.)
Touly\ — Vente par M" Gb. -Louis d'Aguisi, chevalier, sei-
gneur de Crand-Cbamp et de Touli, et D'Agnès-Alex. Décloue de
firandChamp, son épouse, demeurans à Touli près Sedan, du llef
de Touli sur le territoire de Louvergny, moyennant 20,000 livres,
par contrat devant M* Guillaume, notaire ;i Paris, le 20 juillet
1785. (7 novembre 1785.)
Tourteron, terre. — Voir Guincourt.
Traudemont, iief. — Voir Condé-lez-Herpy.
Tremblaux (Les), corps de ferme, sis au terroir de Villers
devant le Tour *, appartenant ci-devant aux Religieux de Saint-
Martin de Laon, consistant en buit corps de bàtimens, envir. 96
verges de jardin et 872 jours de terre en une seule pièce; loué 42
asnées de froment, Oo de seigle, 60 d'avoine et 900 liv. en argent,
et autres clauses, mis au prix de 58,632 liv. 4 s. — L'adjudication
s'en fera au Bureau du district de Retbel le .S! mars 1791. (21
mars 1791.)
Trembloi (terre du), consistante en cbâteau et dépendance*,
vendue par le s'' Jacques-.Maximilien Détobert, chevalier de S.
Louis, dem au Chàtelet, moyenn. 17,000 liv., par contrat passé
dev. M* Mailfait, notaire à S'-Jean-aux-Bois, le 2 août 1791. (/7
octobre 1791.)
Tremblot, ferme. — Voir Tremblaux (Les).
Trion, corps de ferme appartenant ci-devant à l'abbaye de
Chaumont"', loué 3,200 livres, mis en vente au district de Rethel.
(17 janvier 1791.)
1 . Le parc du cbâleau de Thugny a été conservé dans son enEcmble,
comme le château lui-même, domaine de la famille de Chabrillan.
2. Deux luileries se trouvent en avant de Toges sur la carie de Cassini,
et ont disparu sur la carie de l'Elal-major.
3. Aujourd hui chàleau, commune de Louvergny.
4. F/imporlant domaine, d'une contenance de 500 hectares environ,
appelé aujourd'hui Tremblot, écart de Viilers-devant-le-Thour, après
avoir appartenu longlem[)s à la famille d'Héricourt, est depuis vingt-deux
ans la propriété de M. Linard, fabricant de sucre à Saint-Germainmont,
maire de celle commune el député de l'arrondissement de Rethel.
^. Ferme, écart actuel de la commure de Cbaumont-Porcien.
TOPOGRAPHIE Ar.DlCNNA.ISK 105
Trugny, maison forte. — Voir Rethel. {I.i septembre 1784 )
Val-Roi (abbaye de La), corps de fermes sis sur les terroirs de
Saint-Quenlin et de La Val-Roi *, à vendre, savoir: La Croix des
Moines, la Ferme Guérin, la Boucerie, la Censé neuve, etc. ,
mise au prix totale de 172,902 livres ;i4 s. (SI janvier i~i)L)
Val-Roi (La). — A vendre l'église et tous les bàtimens de
l'abbaye avec toutes leurs dépendances, ensemble 15 arp. et demi
de clos et jardin, le tout fermé de murs, estimé, savoir lad. église
et les bàtimens, compris le terrein sur lequel ils sont situés, 2,500
liv. et les clos et jardins S45 liv. de loyer, mis au prix de 3:^,872
liv. 12 s. {imai il9l.)
Vauxboizon (ferme de), sise au terroir d'Asfeld -, consistant
en bàtimens, terres et bois, apparl. ci dev. aux Religieux de la Pis-
cine, loué 300 liv., mise au prix de 4,004 1. (2i janvier 1791.)
Vaux-Champagne. — A vendre les seigneuries de Vaux en
Champagne et Montmarin% situées sur la rivière d'Aine, distante
l'une de l'autre d'environ une lieue La seigneurie de Vaux
consiste en haute, moyenne et basse justice, chasse, pêche, droits
seigneuriaux, château bien situé, entouré de fossés d'eau vive,
corps de logis composé d'un vestibule, antichambre, salle à man-
ger, beau sallon, huit apparlemens de maîtres et autres, jardin....
terres, bois Cette seigneurie a un co-seigneur qui n'est point
bâti, il n'a qu'une ferme qui se nomme Ramisson ^. La seigneurie
de Montmarin consiste en haute, moyenne et basse justice, chasse,
pêche, et redevance de 18 liv. sur le moulin dud. lieu, Ces deux
seigneuries sont situées en coutume de Vitri, et relèvent du duché
de Mazarin, le revenu est au moins de il, 000 liv S'adresser
à M. le chevalier de Courtin, propriétaire desd. terres, dcm. au
château de Vaux... (26 mars 1781 )
(Cette annonce est réitérée dans le n° du 17 février 1783.)
Vaux- Champagne. — A vendre les terres et seigneuries de
Vaux en Champagne et Montmarin,... formant 5,000 liv. de rente
sur une seule tête âgée et intirme. (3 juin 1786.)
Vaux-Champagne. — A vendre les terres et seigneuries de
1. Il n'y a plus de terroir du nom de La Val-Roi, mais le terroir de
Saint-Quentin comprend les écarts de La Valleroy, La Bouverie et La Mai-
son-Neuve. — Il ne reste absolument rien de l'aocienne abbaye que quel-
ques pierres éparses. Voir la Revue de Champagne et de Brie, \'' séiie,
table.
2. Celte ferme est un écart actuel du terroir d'Asfeld, près la route de
Saulx-Saint-Remi. Eu égard à son importance, les chilTres donnés ici pour
sa location et son prix de vente nous paraissent erronés.
3. Village détruit dont il ne subsiste que l'église sur le terroir de Givry,
canton de Rethel.
4. fiam/cAoït est indiqué comme second château près de Vaux, sur la
carte de Caseini,
100 TOrOQlUPHlE ARDKNNAISIS
Vaux en Champagne et de Monl-Mariii, formant 5,000 liv. de
rente, en une propriété, assise sur une seule tête âgée et infirme.
S'adressera M" Gerdré, à Reims. (8 juin 1789.)
Vieil-Saint-Remi, fermes au terroir de ce lieu appelées
Lanzi\ la Préoôté, la maçonnerie, la censé Damé et la petite
censé de la Prévôté, appart. ci-dev. à. rArchevêclié de Reims -,
mises au prix total de 29,094 liv. {18 avril 1791.)
Vignacourt. — A vendre beau bien, composé de 4 fiefs
réunis sous le nom de Vignacourt ^.^ relevant de M"*' la Duchesse
de Mazarin, située à Château Porcien maison seigneuriale
vaste et bien bâtie, jardin, maison de fermier, terres, bois, droits
de chasse S'adresser à AI" Villain, notaire à Reims. {6 77\ars
1775.)
Vigne (censé de La), corps de ferme sis à Chappes^, consist.
en bàtimens, terres et prés, appart. ci-dev. à l'abb. de Signi,loué
2,000 liv., mis au prix de 32,b60 liv. (7 mars 1791.)
Villaine, ferme sise à Cliappes ^, appart. ci-dev, à Tabbaye de
Signi, consist. en bàtimens et dépendances, 238 arpens 9 verges
tant en terre que prés, 4 arpens 3î> verges de prés au terroir de
Justine, louée 2,b00 liv,, mise au prix de 40,700 livres. (18 avril
1791.)
Viile-sur-Vence. — 22 septembre 1788. — Grand bailliage
de Chàlons. Présidial de Rethel. — Nota : Ville-sur- Vanze est du
ressort de Rethel et non de Reims ; c'est une ferme isolée, dépen-
dante du village de Bouizicourt. {Note insérée à propos de la nou-
velle organisation judiciaire, qui ne {ut d'ailleurs qu'éphémère.)
Villers-devant-le-Thour, seigneurie. — Voir Thour (Le).
Vivier-au-Court, — A vendre la 9° partie des droits seigneu-
riaux de Vivier, Tendrecourt et ïumécourt, villages situés près
Sedan et Donchery, appartenant à M. De Régnier, seigneur de
Rocan et Chéhéri ", officier au régim, de royal-Dragons. Droits de
cliasse S'adresser à M. De Régnier, à soji régiment. . . {20
mars 1780.)
Voncq. — A vendre la terre et seigneurie de Vonc, dans la
vallée de Rourq. S'adresser à M" Giiespercau, not"" à Paris. (10
mai 1773.)
1. Lanzy, hameau de Vieil-Saint-Remi.
2. Ce sont d'anciens domaines de l'abbaye de Saint-Remi dont la mense
abbatiale avait été réunie à î'archevêcbé de Reims.
3. Il existe encore à Châleju-Porcieu une maison dite VignacûUrt, près
de l'ancienne porte de Retbel, portant la date de 1550.
4. La Vigne, écart actuel de la commune de Chappes,
5. Vilaine est un écart actuel de la commune de Chappes.
0, Hocan, ferme et château de la commune de Chéhéry^ canton de Sedan.
TOPOGRAPHIK ARDENNAISE 107
Voncq. — Vcnle par les sieurs Jacques Taine ', niarcliaiid,
Nicolas Taine, garçon majeur, dem. à Mazarin, el Marie Taine,
fille majeure dem. à Reims, de vignes au terroir de Voncq,
moyen. 216 liv., devant M' Hubert, notaire royal à Mazarin. (27
mai 1716.)
Voncq. — A vendre la terre cl seigneurie de Vonc, près
Relhel-Mazariî), sur la rivière d'Aîne, consistante en toute justice,
droits de chasse et de pêche,.. .. 342 arpens de bois, 2H de
terre, 62 de prés, 7 de vignes et 4 dozeraye ; celle terre est dans
la plus belle situation, et son soi est excellent. Il y a peu de bûti-
mens, elle est allerniée 9,000 livres S'adresser à Vonc, à
M. Coche, procureur fiscal, à Paris, à M. Foacier, notaire, el à
M. Giiyot, avocat. (9 juin 1777.)
(Voir une nouvelle mise en vente, n" du 21 décembre 1778.)
Voncq. — Vente par M""' Charles-Théophile de Béthizy de
Mézières, chevalier non profès de l'ordre de S. Jean de Jérusalem,
seij^ueur de Vonc, dem. à Paris, de vignes par devant
M' Coche, notaire, le 18 oct. 1777. (27 septembre 1779.)
Vouziers. — A vendre belle tannerie sise au bourg de Vou-
ziers, le tout app.irtenant au s"' Chanzy, tanneur - 11 y
a à Vouziers foire et marchés tous les samedis, dix bouchers qui v
résident, et quinze y viennent étaler. (18 décembre 1780.)
Vouziers. — Le nommé Charles-Louis Thomain, plafonneur,
ayant fait son apprentissage chez M* Lambert à Reims, est établi
depuis quelques années à Vouzieres, sur le quarré de la halle,
proche la Vicomlé ^ ; il prévient le public qu'il a un secret souve-
rain pour détruire les punaises, sans jamais en revoir aucune,
avec peu de dépense. ( 12 janvier 17 8A.)
Vouziers. — A louer biens el revenus de la Commanderie du
Temple de Reims, consi?tans en moulins de Vouzieres et de
Grand-Champ, terres épilées à Elfincourt*, le Chêne, dixmes
à Sugny, Semide, Seez^ Liri, Montois, S. .Morel, Savigny-sur-
Aine S'adresser à M" Huguin, notaire ii lieims. (3 mai
1784.)
Wagnon. — Vente par U« Marie-Claude Carlel de la Rozière ",
1. Il s'agit dans cet acle de membres de la famille du célèbre écrivain
H. Taine, né à Vouziers, mort à Paris en 181)3. Sa famille était originaire
de Rethcl.
'2. Le nom de Chanzy a été de tout temps répandu dans l'arrondisse-
ment de Vouziers, dont la famille du général Chanzy est originaire.
3. La vicomte formait généralement un fief pour les droits de stellage.
4. Leffincourt.
0. Sçay, écart de Semide,
G. Le village de Wagnon prit en 1775 le nom de l.a liozière, qui était
celui du seigneur. Le cliîlteau n'existe plus. (Géographie du département
des Ardennes, par Jean Hubert, 18!i6, p. 290.)
108 TOPOGRAPHIE ARDKNNAISE
veuve de François-Fiacre Polel de Monlbaillard, chevalier de S.
Loui«, lieutenant colonel au corps royal d'artillerie, dem. à
Semur, d'immeubles devant M' Habert, notaire à Charleville, le
7d mars 1780. (22 janvier tlHl )
Warigny. — Vente par M'' J-B. Corvisart, capitaine d'infan-
terie, demeurant à Avenay, d'héritages ?is au terroir de Warigni ',
par contrats devant M* Vallart, notaire à Saint-Flienne-àArne, le
20 juillet 1778. (6 mars 11 Si.)
Warnécourt. — Vente par M"^* Hyacinthe-Hugues-Timoléon
de Cossé-Brissac, et D' Marie- Charl.-Fr.-Const.-Louise-Ant. de
Wignacourt, son épouse, demeurants à Paris, des terres et sei-
gneuries de Warmecourt et partie d'Évigny et Modigny^, moyen-
nant 128,331 liv.. par contrat passé devant M' Lhéritier, not" au
Chàlelet, du 28 juin 1774. (29 août 7774.;
Warniforêt. A vendre la terre et seigneurie de Voirniforesl^,
près Beaumonl en Argonne, relevant de la baronnie de Stonne....
consistant en une ferme louée 305 liv. S'adresser à M" Mansart,
nolaire à Sainnaiite, par Sedan. ( 13 septembre 1779.)
"Wasigny. — Le s"" Poterlot, de Wasigny, va faire conduire
incessamment à son chantier de Rethel une quantité de bûches au
prix de 24 livr. la corde, mesure de Rethel, et 26 livr. à crédit au
terme de la S. Martin 178o. (20 décembre l7Si.)
Wasigny. — A vendre un sixième dans la terre et seigneurie
de Wasigni, à trois lieues de Rethel, consistant en droits de toute
justice, chasse, S'adresser à M^ Failli), notaire à Chdlons.
(17 avril 1786.)
Wasigny. — A vendre la terre et seigneurie de Wasigni en
Champagne, consistante en droits seigneuriaux terres, prés,
bois, moulin bannal, un beau fief avec château, autre château
seigneurial^; le produit est de 12,000 liv. S'adresser à M. Dan-
theny, notaire à Ikthel. {19 mars I7S7.)
Wignicourt, pressoir. — Voir Mairie (La),
1. Warigny ou ]'uarigmj, localité disparue, dont la famille Ganelle avait
pris le nom.
2. Noms estropiés : Warmecourt pour Warnécourt, et Modigny po r
Mondigny.
3. Hameau de La Besace, canton de Raucourt.
4. Le château de Wasigny existe encore, avec son ancienne enceinte,
dans un vallon pittoresque, dominé par une garenne de superbes châtai-
gniers.
TOPOGRAPHIE ARDENNAISË
109
TABLE ALPHABETIQUE
DES FAMILLES ET DES PERSONNES i
Aiiuisfj (d"), voir Mainbressy ,
Toiily.
Anceaux, notaire, w Monte houël.
Faudarl, marchand, \.Si(jny-le-
Petit.
Baudelot (G.-A.j^. v. Mézù'res.
Beaumont (de), v. Cerleau (La).
Béchct. V. Sedan.
Beffroi (de), v. Charleville, Qua-
tre-Champs.
Béthizy de Mézières, v. Vonry.
Biarnois (de), v. Sery.
Bohan (de), v. Quatre -Champs.
Boisgeiln (de), v. Chaumonl-
Porcien.
Broyé (de), v. Sy.
Buirette, v. Murtin.
Cabot de Collorgues, v. Sorcy.
Carlet de la Bozière. v. \Va-
gnon
Cauvin (J.), V. Corbon.
Chanzy (lamille), v. Vouziers
(18 décembre \7S0).
Charas (de), prieur, v, Senuc.
Chartogne (famille de), v. Char-
togne, Saint- Pier remont.
Coche, notaire, v. Voncq.
Cochelet, v. Charleville.
Condé (pnace de), voir Antheny.
Corvisart, v, Condé-lez-Herpy,
Maubert-Fontaine, Warigny.
Cossé-Brissac (de), v. Ecordal,
Waî^nécourt.
Courtin (de), v. Vaux-Champa-
gne.
Covaruvias de Leiva, v. Bogny
et Charleville.
Crozat. V. Rethel.
Dargent (L.-G), v. Cerleau{La).
Darodes, v. Tnilly.
Demeaux (J.), v. Neuville-les-
Wasig)iy ([0 juillet [786).
])erobert, v. Trembloi (Le).
Tfessaulx (chevalier), v. Ballay.
Dez/rasset de Sueves, v. Xou-
vion-sur-Meu.-;e.
Dubois d' Ecordal, v. Guincourt,
Saint-Loup-Terrier.
Duhan. v. Jandun.
iJumesnil de Chamblage,\.Mar-
quigny, Mézières.
Ecquevilly (d'), v. Grandpré.
Erby-Obrieu (F. d'), v. Charle-
ville.
Feret (famille), v, Ecordal.
Finfe (de), v. Bussy, Grangette
(La), Saint-Pierremont.
Fougères (de), v. Antheny ^Aure.
Guérin, v. Semuy.
Gueriot. v, Puiseux.
Hangest (d"), v. Broises-Hautes.
Xeuville-aux-Tourneurs.
Henrat, notaire, v. Ecordal,
Sorcy.
Hibert, marchand, v. Rethel.
Hassan, maire, v, Sedan.
.loi y, V. Pargny.
Joyeuse (famille de), v. Grand-
pré.
La Charrière, v. Monthardré.
Lagrive, v. Donchery.
Laignier (famille), v.Hauteville,
Neu/lize, Son.
]jillo)iette, maître de forges, v.
Signy-lc-Pctit.
1. La lettre v indique qu'il faut voir l'article de la Topographie ardennaise,
auquel on renvoie par le nom de lieu.
110
TOPÔGRAPHrK ARDENNxlSK
Lambert (L.), v. Donchcry.
La Ramée, v. ChampUtt et Ro-
croi.
Lebarbier (Fr.), peintre, v. Ro-
croi.
Le Chanteur (J.-B.)) v. Fves-
71 ois.
Leclerc, v. Saint-Morel.
Le Fournier, v. Olizy.
Le Nôtre (André), v. Rethel [13
septembre 1784).
Lescouet, notaire, v. Sy.
Lesciiyer, \. Haijnicourt, Monti-
Lombart, chirurgien, v. Rethel.
Maillard de Land reville, v, Chà-
tillon-sur-Bar , Forge-Mail-
lard, Laiinois, Malma.iso)j{La),
Neiwizy.
Mardi (de la), v. Xovioii-Por-
cien.
Margiiet, chirurgien_,v. Chdteau-
Porcien.
Maulde (comte de), v. Saint-
Lambert.
Maznrin (duchesse de),v. Viyna-
court.
Migny, libraire, v. Rethel.
Monge (Gaspard), géomètre, v.
Rocroi.
Monnot, v. Rethel.
Monlrorige (de), v. Sery.
Mussan (de), v. Aoirval, (Jiia-
trc-Champs.
Nassau (prince de), v. Thour
(Le).
Piette (famille), v. ^Mothe (La).
Folel de Montbaillard, v, Wa-
gnon.
Poterlot, rnarcliand,v. Wasiguy.
Raulin (Ant.), v. Flize.
Regnault, v. Montgon.
Régnier (dc),v. Vivier-au-Court.
Robert (famille), v. Semuy,
Voncq.
Roche Gude (de), v. Écly.
Rogier (famille), v. Monclin.
Rolland (famille), v. Rocroi.
Roze (J.-Ev.), V. Barby.
Saillans (de)^ v. Herbigny.
Saint-Loup (baron de), v. Sery.
Saint-Morel (M'"'^ de), v. Saint-
Morel.
Salse (de), v. Apremont.
Simonitet, chanoine, v. Singly.
Sohier, v. Château- Porcien, Re-
thel.
Sons (de Mony de), v. Malmai-
son {La)., Tailly.
Sugny (vicotnlc de), v. Sugny.
Tai)ie (famille), v. Voncq {27
mai 1776).
Tavernier de Boullogne, v Bu-
zancy.
Thuisy (de), v, Challerange,
Saint-Pierre-à-Arnes.
Tiercelet, v. Rethel.
Yiellari, avocat, v. Sorbon.
Vigneau (Bernai d de), v. Pé-
rouzelle.
Villiers (de\ v. Corbon, Juzan-
court.
Watellier (famille), v. Neuville-
les- Wasigny, Novion-Porcien.
Wignacourt (Ant. de), v. \Var-
ni'court.
Wilh'inct (famille), v. Neufîize,
Neuville- les- Wasigny, Re-
thel.
Zcnard (1)"'^), v Rethel.
Henri Jadart.
LE MARQUISAT DE PLANCY
Sous la famille de Guénégaud
M. le baron G. de Plancy vent bien nons communiquer les bonnes
feuilles d'un cbapitre tiré dn livre qu'il va faire paraître sur le
Marquisat de Plancij cl ses seigneurs.
Ce beau volume, luxueusement édile chez Frémont. tiré à petit
nombre, et qui ne compte pas moins de 32 planches en gravure
et en phololypie (cartes, plans, vues, portraits et fac-similé),
abonde en documents curieux et pour la plupart inédits .'ur cette
ancienne et importante seigneurie de Champagne, illustrée suc-
cessivement par les maisons de Hangest, de Neufchâtel, de I.a
Croix, de Guénégaud et d'Aucour.
L'extrait qu'on va lire est consacré au passage à Plancy, de iGoi-
à 1714. de Henri I de Guénégaud, qui fut secrétaire d'Etat et
garde des sceaux du roi Louis XIV, et de Henri II de Guénégaud,
son fils.
I
La famille de Guénégaud. — Henri de Guénégaud,
secrétaire d Etat.
Eu 16o4, lorsque la s^eigueurie di; Plancy passa dans les
mains de la famille de Guénégaud, elle se trouvait t ucorc en
la possessioQ de Claude de La Croix. Ce genlilhommc devait
avoir des affaires fort embarrassées, car ses biens fiu-enl saisis
par suite du nou-payement d'une rente qu'il avait, de concert
avec sa femme, daine Marie Largenlier, consentie à un bour-
geois de Paris, nommé Saiulon.
Ce Sainlon étant mort, c'est à la requête de sa veuve, damoi-
selle Julienne Harlol, que la saisie fut opéiée avec la désigna-
tion ci-dessous et que fut adjugée à messire Henri de Guéné-
gaud, comme plus offrant et dernier enchérisseur, « la terre et
« barouuie de Plancy, consistant en maison de château sei-
« gueurial, où il y a plusieurs logemens, comme chambres
« basses, chambres hautes, salles, greniers, granges, colom-
il2 LE MARQUISAT DE PLANCt
« hier; le tout couvert de ihuilles et ardoises, fermé de mu-
a railles, tours, pout-levis et fossés et environs de la rivière
« d'Aube; haute, moyenne et basse juslice, cens, rentes,
« guets et gardes, bois, garenne, prés, vignes, étangs, moulins
« banaux lournans, aires à bois, péages, droits de banvin,
a rivières, grueries, fiefs et arrière-liefs, terres labourables et
« non labourables. »
Le procès-verbal de saisie est fort intéressant en ce qu'il
nous montre l'attachement que les habitants de Plancy por-
taient alors à leur seigneur, attachement également professé
par le personnel de sa maison. Cependant le caractère de Claude
de La Croix, et celui de Nicolas, son prédécesseur, ne devaient
pas être des plus doux, et Ihurneur qu'ils éprouvaient de
l'état de leurs affaires devait être singulièrement aigrie, si
l'on en juge par les lettres du maréchal Fabert qu'on lira plus
loin.
Toujours est -il que la signification de saisie opérée par
ordre du roi échoua devant la résistance locale, comme le
constate le curieux extrait ci-dessous, tiré du procès-verbal :
Il ... A l'égard du fief de la Perte, où il y avait autrefois
« un village et où il n'y a plus rien, ledit sergent auroit mis
« et apposé un panonceau contre le premier et le plus gros
a arbre dudit lieu ; et pour ce qui est de la terre et seigneurie
« de Plancy, n'ayant pu mettre ou apposer de panonceaux à
(I la porte du château et démonstration de la saisie réelle de
« ladite terre et baronnie de Plancy, pour avoir trouvé le pont-
« levis d'icelle levé, auroit été mis et apposé un panonceau
« contre le principal potteau de la halle dudit bour de Plancy,
« elc . . .
« Ladite saisie et établissement de commissaires par ledit
« sergent, ledit joir dix-neuf octobre audit an mil six cent
(( cinquante-et-un, signifiée ou dûment fait assavoir audit
« sieur baron de Plancy, en parlant à un de ses domestiques
« qui sortoit dudit château de Plancy, et après lequel le pont-
et levis d'iceluy auroit été relevé, qui n'auroit voulu dire son
(I nom... Comme ledit sergent donuoit ledit exploit audit
« vallel, auroit été à sa clameur fait plusieurs viollances
'< audict sergent par plusieurs habilans dudict Plancy, caval-
(' liers el gens incogneus, ce qui auroit obligé ledict sergent
« se retirer au plus vitte, qui auroit couru risque de la vye et
« ainsy que plus au long est sur ledit exploit du procès-verbal
a de rébellion . . .
« El attendu que c'étoit impossible de pouvoir faire la
sous LES GUÉNÉGAUD 1 1 lî
Il cryée de ladite terre de Plancy. vu les choses cy-dessus. el
Il qu'il ne se Irouveroit sergens qui les voulussent eutrepreu-
« dre, à cause des viollauces dudit baron de Plancy. . , »
Combien furent différentes, un siècle et demi plus tard, les
dispositions de la population de Plancy à l'égard de ses sei-
gneurs; c'est ce que le cours de cette étude ne nous montrera
que trop.
Claude de La Croix, le dernier de sa famille qui ait possédé
Plancy, avait épousé dame Catherine-Guyonne de Saint-
Biaise, ainsi qu'il résulte d'un extrait des registres du Parle-
ment du 23 mai I606, réglant l'emploi d'une somme d'argent
qui appartenait à ses enfants mineurs. Cet acte porte les
signatures de Claude de Choiselat, lieutenant des eaux et
forêts au bailliage de Sézanne ; de Nicolas de Condé, de Donon
de Saint-Dizier. d'André Lefèvre d'Ormesson, d'Henri de
Guénégaud, seigneur du Plessis ; de La Croix, baron de Plancy ;
de Sainl-Blaise, sa femme ; de Charles Largentier, chevalier,
son oncle ; du baron d'Osquillon, du marquis de Colleux,
d'Olivier Lefèvre d'Ormesson, d'Olivier Lefèvre d'Ambreville,
conseiller du roi, commissaire ordinaire de son hôtel, el de
Simon Lefèvre, conseiller au grand Conseil, cousin du côte
paternel dudit La Croix ; puis de Jacques de Saiot-Blaise,
chevalier, vicomte de Coigny, aïeul maternel desdits enfants;
du baron de Changy, de Barthélémy de Gaulne, du baron
de Congy, de Nicolas d'Auglebelle et de Jean-Jacques du
Pouget, de 'Vilflize, « tous parens maternels d'iceulx enfans »,
et encore de Guénégaud, à cause de la dame de La Croix, sa
femme.
La femme de Claude de La Croix, Catherine de Saint-Biaise,
était veuve en premières noces, sans enfants, de Denis Ber-
ihelémy, de son vivant seigneur de Bucamp, conseiller du roi
en sa chambre des comptes, avec lequel elle avait été mariée
par contrat du 29 janvier 1581.
C'est elle qui apporta aux La Croix les biens importants
qu'ils possédaient à Meudon et qui devinrent la propriété de
Marie de La Croix, fille de Claude de La Croix, mariée à
Gabriel de Guénégaud. Ces domaines, agrandis encore par les
Guénégaud, s'étendaient jusqu'au village de Fleury-sous-
Meudon, ainsi que le constate l'inventaire des titres de Meudon,
conservé aux Archives nationales.
On voit Gabriel de Guénégaud donner, en 1618, une décla-
ration d'une propriété qu'il avait acquise des héritiers de
8
114 LE MARQUISAT DE PLANCY
messire Guillaume Feydeau, qui consistait en un hôtel entouré
de cours, en jardins, bois et prés, le tout d'une contenance de
18 arpens environ.
Un autre hôtel, non moins imporlaot et qui existe encore
aujourd'hui à Meudou avec son ancienne apparence, était échu
à Henri de Guéuégaud, ministre d'Élat, dans la succession de
François de Guéuégaud, son frère, président aux enquêtes,
pour une estimation de 23,000 Uvres. Henri de Guéuégaud
possédait, de plus, à Meudou, un moulin et nombre de terres
labourables, prairies et bois.
Il est donc probable, d'après ces indications, que Meudou
fut le céjour préféré des Guéuégaud, saus doute à cause du
voisinage de Paris et des résidences de la cour. Aussi, le
vicomte de Grouchy, Tinfatigable chercheur de documents
historiques, n'a-t-il pas négligé de consacrer aux La Croix et
aux Guéuégaud une mention dans VHistoire du château de
Meudon, qu'il vient de faire paraître dans les publications de
la Société de VHistoire de Paris et de l'Ile-de-Fra7ice.
Lorsque les Guéuégaud commeucèrent à se ruiner, c'est à
Louvois qu'ils cédèrent leurs biens de Meudon, vers 1680.
Déjà, au commencement de l'année 1647, Claude de Plancy
se trouvait dans l'obligation de songer à vendre sa terre de
Plancy. Le maréchal Fabert, appelé en Champagne par les
événements de guerre, auxquels il prit une part si impor-
tante, et qui d'ailleurs était originaire de Sedan, songea à s'en
rendre acquéreur, mais, eu présence du prix élevé qui lui en
était demandé, il négocia une demi-année cette acquisition
sans la consommer.
Fabert semble, dans cette affaire, avoir été quelque peu
joué par Gabriel de Guéuégaud et par sa femme, déjà proprié-
taire de la seigneurie de Saint-Just, et à qui, par conséquent,
celle de Plancy devait spécialement convenir. M. le colonel
d'état-major Bourely a écrit la vie du maréchal Fabert, en
partie d'après des lettres de cet homme de guerre, conservées
aux Archives nationales. Nous extrayons de ces lettres,
adressées à M. de Chavigny, secrétaire d'État, les passages
suivants relatifs à Plancy :
De Sedan, le 13 janvier 1647.
... Je ne puis aller à Plancy. En cas que vous jugiez que je le
doive pour en faire l'arquisitiou, je crains que l'on puisse aug-
menter la terre, comme l'on l'ait ordinairement de celles dans les-
quelles les maîtres n'ont pas demeuré. Mais si M. le baron de
Plancy se met à la raison pour le prix, je passerai par dessus cette
sous LES GUÉNÉGAUD Î15
considération, la terre estant près de Pons et pas bien loing de
Sedan.
De Sedan, le 16 mars 164'7.
Si je ne suis pas riche et baron de Plancy, ce ne sera pas faute
en vous de boutez pour nioy et de promptitude à trouver les
moyens de me faire voir ce qui m'est nécessaire pour cela. En
vérilé, Monseigneur, j'eusse cru qu'il fallait plus d'un mois pour
faire ce qu'en arrivant à Paris vous avez achevé^ et jene puis vous
dire combien ces extraordinaires obligations me donnent de cou-
fusion quand je considère combien j'en suis indigne ; mais avec
cela je serais désespéré si M. du Plessis Guénégaud avait perdu
l'opinion qu'il a de vous faire plaisir en m'aidant à traiter de
Plancy. J'ay plus de joye en pensant que cela pourra être ma
retraite et que quelquefois vous serez à Pons, que je n'en ay
jamais reçu de quoy que ce soit qui me soit arrivé, et pour par-
venir à cela il n'y a effronterie que je ne sois capable de commettre
envers vous uy somme d'argent que je ne donne volontiers.
De Sedan, le 9 may 1647.
Monseigneur,
J'ai reçu, hier, par M. de Mayenne, celle qu'il vous a plù me
faire l'honneur de m'escrire sur le subject de Plancy. Je ne doupte
point que quatre-vingt-dix mille escus ne soit le prix raisonnable
de la terre. Mais si, comme beaucoup de gens croient, elle peut
être augmentée, je n'aurai point de regret d'en payer davantage.
Ce ne sera pas trop cher, ce me semble, de donner les quatre-
vingt-dix mille escus et les vingt mille livres que le seigneur en
demande. Je ne sais pour combien les deux petits (?j sont engagés,
c'est encore de largent qu'il faudra donner pour les ravoir. Le
logement n'est pas beau, mais aura cet avantage, n'y ayant rien
auprès de Pons de quoy je puisse m'accommoder. Quand bien je
donnerais de Plancy vingt mille livres plus qu'il ne vault certaine-
ment, ce seroit le bien de mes enfans et c'est à quoi je doibs avoir
la principale considération, ce me semble...
De Troyes, le 14 may 1647.
Je suis enfin entré dans le château de Plancy après que le sei-
gneur m'a fait attendre six heures pour cela. Il y a de quoi loger
commodément et pour peu de chose il peut être accommode
passablement.
La basse-cour nest pas de même, car il y faut tout faire. Les. . .
elles sont en si mauvais estât que cela n'est pas convenable.
Il y faut faire de la despense pour les réparations nécessaires.
Il est vrai que cet argent donnera intérêt et qu'il y a apparence
que le revenu augmentera par là. Ainsy, je ne vois pas que j'aye
subject de changer la résolution en laquelle j'ay esté jusqu'à main-
tenant de prendre cette terre mesme au prix que M. du Plessis se
résoult de la mettre.
116 LE MARQUISAT DE PLANCY
Par la suspectalion que j'ay faite, je crois que la terre peut
valoir deux cent quatre-vingt-dix mille livres ; ainsi il n'y auroit
que les droits seigneuriaux qu'il faudroit payer au-delk du seul
prix à quoy je me résous.
CVst à M. d'Angoulesme qu'ils appartiennent, à cause de Sézanne,
et le baron de Plancy dit qu'il me les fera avoir bon marché si je
le laisse faire. Les terres aliénées sont près, qui valent 300 livres
de rente sur lesquels il a pris douze cents escus ; et les deux vil-
lages, dont il demande 20,00U livres, sont loin de la baronnie et
n'en dépendent pas, mais il en jouyt. Votre bonté pour moy me
fait prendre la liberté de vous dire tout ce menu détail et que, si
vous l'avez agréable, je passerai outre au marché commencé à mon
retour de Bourbon, si vous êtes à Paris, ou bien. Monseigneur,
quand il vous plaira. Le baron de Plancy se rendra à Paris quand
l'on luy mandera, à ce qu'il m'a dit,..
Do Paris, le 12 juin 1647.
Pour Plancy, je n'ai nulle impatience, je souhaite seulement de
l'avoir à cause qu'il est près de Pons et que cela me donnera les
moyens, quand vous y serez, de vous y aller adseurer de la fidé-
lité avec laquelle je suis toute ma vie, plus que personne au monde
et avec la recognoissance que je suis obligé, Monseigneur, votre très
humble et très obéissant serviteur.
De Sedan, le 15 septembre 1647.
. .. Vous approuverez, s'il vous plaît, que je rompe le traité de
Plancy, puisqu'on n'a pas voulu le donner à 283 mille livres qui
est prix du denier vingt-cinq. Je suis honteux qu'on vous ait im-
portuné de la venue de mes enfans et encore plus de ce que je ne
puis espérer de pouvoir vous témoigner, etc. . .
C'est ainsi que Gabriel de Guénégaud. devenu prapriétaire
de la seigneurie deSaiut-Just, entra en possession de celle de
Plancy.
Gabriel de Guénégaud, seigneur du Plessis-Belleville, était
trésorier de l'Epaigue. Il avait, ainsi que nous l'avons dit plus
haut, épousé Marie de La Croix, dont il avait eu trois fils et
quatre filles.
1" Henri, seigneur du Plessis, qui épousa Mlle de Choiseul-
Praslin.
2° Claude, d'abord trésorier de l'Epargne, puis conseiller
du roi en ses conseils et secrétaire de Sa Majesté. Il avait
épousé Galherine-Alpbousiue Martel.
3° François, président aux enquêtes du Parlement, seigneur
de Louzat.
4° Madeleine, mariée à Gésar-Pbébus d'Albret, qui devait
être plus lard le célèbre maréchal d'Albret.
sous LES GUÉNÉGAUD 117
5" Jeanne, prieure de l'Hôlel-Dieu de Ponloise.
6" Marie, épouse de Claude Leloup, seigneur de Belle-
neuve.
7° Renée, mariée à Jean de Sève.
Gabriel de Guénégaud mourut en 1G48; sa femme, Marie de
La Croix, lui survécut.
Il eut pour successeur, à Sainl-Just et à Plancy, son fils
aîné Henri de Guénégaud, seigneur du Piessis, comte de Mont-
brison, qui avait épousé Elisabeth de Choiseul, tille de Charles
de Choiseul, seigneur du Plessis-Prasiin, maréchal de France,
mort en 1626, et de Claude de Cazillac.
Claude de Cazillac était normande par sa mère, Claude de
Dinleville.
Elisabeth de Choiseul mourut le 9 août 1677, une année
après sou mari, à qui elle avait donné huit enfants :
1° Gabriel de Guénégaud, comte de Moutbrison, tué en
Candie, et qui était âgé de 2y ans eu décembre 1068.
2° César-Phébus de Guénégaud, mort jeune.
3° Roger de Guénégaud, marquis de Plancy, mestre de camp
de cavalerie, mort au château de P'resnes au retour de l'armée,
le 7 septembre 1672.
4° Henri de Guénégaud de Cazillac. marquis de Plancy,
guidon des gendarmes de Flandre, chevalier de Malle, qui
épousa Marie-Anne-Françoise de Mérode, seconde fille de
Claude-François, baron, puis comte de Mérode, marquis de
Treston, comte de Beaucarmes, baron d'Aigenleau, et de
Dieudounée de Fabert.
H mourut sans enfants le 22 mai 1722, âgé de 81 ans, et sa
veuve le suivit dans la tombe un an après, le 21 janvier 1723,
âgée seulement de 43 ans.
5° César de Guénégaud, vicomte de Semoine, mort à 19 ans,
en 168«.
6° Emmanuel de Guénégaud, chevalier de Malte, capitaine-
lieutenant de chevdu-légers de Bourgogne, maréchal des
camps et armées du roi, mort en avril 17U6,
H était ordinairement appelé le chevalier de Plancy, ainsi
qu'il résulte des notes lais&ées par un curé de celle localité,
dans lesquelles il est fait meuliou de l'enterrement de sou valet
de chambre, à la date du 2U janvier liU5. Il t-xi&ie de lui un
fort beau portrait gravé dont les exemplaires sont rarissimes.
70 Glaire-Bénédicte de Guénégaud, qui épousa Juste-François-
118 LE MARQUISAT DE PLANCY
Joseph d'Ancenuze, duc de Gaderousse eu Gomtat-Venaissin,
et mourut eu décembre 1675.
8" Elisabeth-Angélique de Guénégaud, mariée, le 12 janvier
1671, à François III, comte de Boufflers, lequel avait reçu
150,000 livres de dot; à sa mort, survenue en 1710, il fut
enterré en l'église Saint-Sulpice de Paris.
Henri de Guénégaud, qui nous occupe spécialement comme
seigneur de Plancy et de Saiut-Just, était né en 1609.
En i6^i3, il était secrétaire d'Etat, chargé du département
de la maison du roi, garde des sceaux et surintendant des
deniers. La charge de garde des sceaux avait été désunie de
celle de chancelier le 24 décembre 1656, ce qui fut ratifié par
Louis Fouquet, évoque d'Agde, chancelier des ordres après
Basile, son frère, le 26 juin 16o9. Getle charge fut de nouveau
réunie à celle de chancelier le 29 décembre 1661.
En 1644, les attributions des secrétaires d'Etat étaient ainsi
réparties* :
Le comte de Brienne avait les pays étrangers, la marine du
Levant et du Ponant, les pensions ; Phély peaux de La Vrillière,
les affaires de la religion réformée ; Le Tellier, la guerre tant
au dedans qu'au dehors du royaume; du Plessis de Guénégaud,
la maison du roi.
Dans ces importantes fondions, Guénégaud possédait la
confiance du cardinal Mazarin, à qui il rendit d'immenses ser-
vices, ainsi qu'à la royauté, particulièrement au moment des
guerres de la Fronde.
Henri de Guénégaud passait pour avoir accru considérable-
ment son patrimoine par des spéculations heureuses, ce qui
lui permit de venir en aide au roi pendant les troubles de
la Fronde et assura sa faveur.
Celte malveillante appréciation du motif du crédit dont
jouissait Guénégaud est contredite par le récit détaillé de tous
les actes de Guénégaud , et du rôle joué par ce ministre pendant
la Fronde, récit que nous a laissé sou secrétaire Dubuisson-
Aubenay, dans son très curieux ^journal des Guerres civiles,
Ges mémoires nous montrent la prodigieuse activité de Guéné-
gaud, et le dévouement avec lequel il poursuivit l'œuvre d'a-
paisement des troubles suscités contre l'autorité royale, ainsi
que la consolidation de la monarchie française.
M. Gustave Saige, dans la préface dont il a accompagné
1 . Comte de Luçay, les Secrétaires d'Elai.
sous Les GUÉNÉGAUD 119
cette publication, nous donue d'inléressanls détails sur les
agissements de Guénégaud pendant la Fronde. C'est, en effet,
par ce secrétaire d'Elat que la plupart des actes accomplis à
cette époque, comprise entre les années 1G48 et 1652, durent
passer pour leur exécution, et comme Guénégaud joignait à
son gouvernement de la maison du roi celui de Paris, c'est
lui qui prit la plupart des décisions graves du ministère.
Dubuisson-Aubenay, le secrétaire dévoué de M. de Guéné-
gaud, dut travailler avec ce ministre pour la préparation de la
plupart des actes dont il s'agit ; et, dans le Journal des Guerres
civiles^ M. de Guénégaud est cité à chaque instant. 11 est éga-
lement souvent question de lui dans les Lettres du cardinal
Mazarin, publiées dans la collection des Mémoires relatifs à
r Histoire de France.
Dire comment Dubuisson-Aubenay était entré dans l'inti-
mité de Guénégaud n'est pas s'écarter de notre sujet. C'est par
la famille d'Etampes que Dubuisson pénétra dans celle de
Choiseul, puis enfin chez Guénégaud lorsque celui-ci épousa
Elisabeth de Choiseul en 1642. En effet, la maréchale de
Choiseul-Praslin eut deux enfants dont l'un, le marquis de
Praslin, fut tué à la bataille de la Marfée en 1641 ; l'autre, une
fille aînée, avait épousé Jacques d'Etampes, marquis de La
Ferté-Imbault. Au mois de mai 1646, Dubuisson-Aubenay
était chez la maréchale de Praslin. en Champagne, le maréchal
étant bailli de Troyes. Se rendant aux eaux de Bourbon-
l'Archambault, très fréquentées à cette époque, il s'arrêta à
Troyes, où une fille de la maréchale était abbesse de Notre-
Dame, après avoir profité de la circonstance pour visiter
quelques-unes des propriétés de son maître, la seigneurie de
Saint-Just entre autres, et le « gros château de Tigecourt, à
corps de logis et à pavillon ardoisés », près de Montrairail,
que Guénégaud avait acheté sur décret à son grand-oncle
Maurice de La Croix, frère du vicomte de Semoine.
Dubuisson-Aubenay avait d'ailleurs une sympathie particu-
lière pour la femme de Guénégaud, Elisabeth de Choiseul, dont
il avait été précepteur et à qui il avait enseigné le latin. Elisa-
beth était, comme on le verra par la suite de cette élude, une
femme d'uu rare mérite. En outre, une liaison très étroite s'était
établie entre Dubuisson-Aubenay et la mère de Guénégaud,
Marie de La Croix. Aussi voyons-nous Dubuisson-Aubenay,
installé chez Guénégaud, dans son hôtel de la rue des Francs-
Bourgeois, se transporter avec lui à l'hôlel de Nevers, lorsque
ce secrétaire d'Etat s'y élabht au printemps de 1652. Il suivit
120 LE MARQUISAT DE PLANCY
ëgalemeul Guéûégaud dans quelques-uns des déplacements
que celui-ci fil avec la cour, notamment à Amiens; lorsque
ce ministre se rendit avec elle en Guyenne, Dubuisson-
Aubenay, resté à Paris, servit d'intermédiaire pour donner et
transmettre les nouvelles entre les officiers de Gaston d Orléans,
les employés de Guénégaud, restés à Paris, et ceux qui avaient
suivi le roi, Anne d'Autriche et Mazarin.
C'est de ce voyage qu'il est question dans les Lettres du
cardinal Mazarin, publiées par Chéruel :
« Les députés du Parlement de Paris ont dépesché ici à
« M. de Guénégaud, d'Augoulême où ils étaient encore, pour
(i savoir s'il n'était point arrivé ici de dépesché pour eux de
« leur Compagnie; on a fait" répondre par ledit sieur de Gué-
« négaud qu'il n'y en avait point. »
M. Gustave Saige, à qui j'ai emprunté une grande partie des
renseignements qui précèdent, ajoute que, vers la fin du mois
d'août 1655, bien qu'absent ds Paris, Guéoégaud dirigeait, à
l'aide de sa femme, Elisabeth de Choiseul, qui y était restée,
les agents qui organisaient secrètement la réaction contre les
excès de la Fronde, réaction dont le centre était à l'hôtel de
Nevers, où se groupaient les hommes d'ordre amis de la paix,
et qui travaillaient pour le parti royaUste.
Le carton des Archives nationales où sont renfermées les
lettres du maréchal Fabert contient un parchemin revêtu de
la signature de Guénégaud. C'est un décret enregistrant,
« pour le Roy et la Reine Régente sa mère présente », l'entrée
au conseil accordée par le roi au prince de Condé, avec les
pouvoirs d'en être le chef en l'absence du duc d'Orléans.
A la mort du cardinal Mazarin, survenue le i ! mars 1661,
Henri de Guénégaud était au nombre des quatre secrétaires
d'Etat d'alors qui se présentèrent au roi Louis XIV. pour lui
demander à qui ils devraient s'adresser désormais afin de
prendre les ordres relativement à la conduite des affaires de
l'Etat.
Tout le monde connaît la célèbre réponse du souverain qui
devait mettre en pratique, si brillamment d'ailleurs, les règles
du pouvoir absolu : « L'Etat, c'est moi. C'est à moi que vous
« devez vous adresser. Je me servirai de ceux qui ont des
« charges pour agir sous moi selon leurs fonctions. »
A cette date de 1661 remonte la publication d'un petit livre,
très rare et très curieux, publié à Paris, chez Gabriel Quinet,
et que l'auteur de cette étude possède eu sa bibliothèque. Cet
sous LES GUÉNÉGAUD 121
ouvrage intitulé : « Le cabinet du roi Louis XI », coutienl
un certain nombre de pièces politiques concernant le règne
du monarque : il est dédié à Messire Henri de Guénégaud,
marquis de Plancy, vicomte de Semoine, baron de Saint-
Just, du Plessis et de Fresue, commandeur et garde des
sceaux des ordres du roi, conseiller de Sa Majesté en tous ses
conseils, secrétaire d'Etat et de ses commandements. Il est
orné d'une gravure aux armes de Guénégaud, dans laquelle
l'auteur, Lhermite de Soliers, est représenté, offrant à
genoux son ouvrage à Guénégaud, revêtu d'un riclie costume
de l'époque de Henri III.
Après la mort de Mazario, Guénégaud jouit encore quelque
temps de la faveur du roi Louis XIV, ainsi que le constate une
magnifique gravure, conservée également par l'auteur de cette
étude, et qui reproduit avec une rare netteté les traits du
secrétaire d'Etat. Au-dessous de cette gravure, ou lit : « Henry
« de Guénégaud, marquis de Plancy, vicomte de Semoine,
« baron de Sainl-Just, du Plessis-Belleville et de Fresne, con-
« seiller du Roy en tous ses conseils, secrétaire d'Etat et des
« commandements de Sa Majesté et garde des sceaux de ses
« ordres, fils de Gabriel de Guénégaud, conseiller du Roy en
« ses conseils et trésorier de son épargne, et de Marie de la
« Croix, dame du Plessis-Belleville. Fut premièrement pourvu
« de la charge de trésorier de l'Epargne l'an lti37 en survi-
« vance de son père, lequel étant mort au commencement de
« l'année suivante, qui était celle de son exercice, il en fit la
« fonction et s'en acquitta si dignement qu'il mérita l'estime
a et l'amitié du Roy. Ce monarque qui connaissait parfaite-
« ment bien les talens des hommes, jugea le sien si propre
0 pour les plus grandes aft'aires de son royaume, qu'il agréa
« fort volontiers la démission que Monseigneur le comte
« de Brienne fit l'an 1643 en sa faveur de la charge de secré-
« taire d'Estat : il l'exerça depuis ce temps-là avec une appro-
« ballon si universelle qu'il n'y a personne qi'i ne publie son
(( habileté et sa courtoisie. Il a espousé Isabelle de Choiseul,
a fille de Charles de Choiseul, marquis de Praslin, maréchal
« de France, chevalier des ordres du Roy, gouverneur et
« lieutenant général pour Sa Majesté en Saintonge et pais
« d'Aunis ; et de Claude de Cazillac.
(.( A Paris, chez F. Jollain. »
Une marque de la faveur dont jouissait Guénégaud fut
l'érection delà baronnie de Plancy en marquisat, qui eut lieu
en 1656, en faveur de lui, ses hoirs et ayant cause : celle
122 LE MARQUISAT DE PI.ANCY
mesure, prise à l'occasioû du Irailé des Pyrénées, fut étendue
aux trois autres secrétaires d'Etat.
Ses armes étaient écartelées aux l"' et 4'' d'azur, à une croix
d'or chargée d'un croissant montant de gueules, qui est La
Croix ; au 2" de Courlenay ; au y d'argent à deux pals de
sable, qui est de Ilarlay ; sur le tout de gueules au lion d'or,
qui est de Guénégaud.
Comme Fouquet, son ami, Guénégaud aimait les arts, et il
faisait de sa fortune un noble usage. .Son nom fut donné à une
rue de Paris où il avait fait construire par Mansard un magni-
fique hôtel. Cette rue s'appelle encore aujourd'hui rue Guéné-
gaud et longe l'Hôtel de la Monnaie.
Le comte de Luçay dit que c'est lui qu'il faut reconnaître
dans VAlcandre des samedis de M"« de Scudéry.
Mais, comme Fouquet, Guénégaud devait aussi éprouver
les revers de la fortune. Enveloppé dans la disgrâce du fameux
surintendant, il vit confisquer ses biens et fut jeté en prison.
On l'accusa, pour le perdre, d'avoir, d'entente avec son pre-
mier commis, Nicolas RoUet, falsifié les rôles et les acquits
des années 1654 et 1657.
La publication du Journal d' Olivier dOrmesson^ faite par
M. Chéruel, nous donne le récit très intéressant des épreuves
qu'eut à subir, pendant son long procès, cet homme d'Etat,
qui avait cependant rendu tant de services.
Avec l'honnêteté qui perce dans ses notes, d'Ormesson
laisse entrevoir toute l'iniquité de ce procès, attisé par des
envieux, dont le véritable but était de s'approprier la charge
de Guénégaud.
Il m'a paru particulièrement intéressant de transcrire ici des
passages de ce récit au jour le jour :
« M. de Guénégaud a preste dimanche [22 février 1643] le
« serment entre les mains du Roy de la charge de secrétaire
a d'Estal, qu'il avoit achetée de M. de la Ville-aux-Clercs,
a moyennant sept cent cinquante mille livres. Tout le monde
« l'accuse de faire une faute de quitter la charge de trésorier
« de lespargne pour être secrétaire d'Estat, n'y ayant aucune
« nourriture et perdant une charge lucrative, ayant acheté en
(i un an Fresnts cent mille écus, Juilly et autres terres ; il est
« vrai qu'il en donne la charge à l'un de ses frères, néanmoins
« personne ne croit qu'il puisse subsister longtemps. »
Voici Guénégaud tombé en disgrâce et, le 8 mars 1 664 , d'Or-
messon se rend chez Mme de Guénégaud « pour l'exécution de
sous LES GUÉNÉGAUD 123
« l'arrest et faire Tinventaire de ses papiers. Elle y fui pré-
ci seule, Iravaillanl aa boul de la table, el me parut fort iiilel-
« ligente eu affaires el disant en riant des vérilés à M. de Gha-
« millart. L'on agit avec hayne contre elle dans ces affaires,
« el Foucauli me dit que je ferois plaisir de travailler d'abord
« chez M"'*' de Guéaégaud ; et il se voit en toutes choses
« qu'on a de l'aversion contre elle. »
M. de Ghamillart, procureur générai, paraissait fort moulé
contre M. et Mme de Guénégaud, et il déploya dans tout
ce procès un véritable acharnement. Mme de Guénégaud
devait en éprouver une profonde irritation, étant donnés la
grandeur de la famille à laquelle elle appartenait, son mérite
personnel et son énergie. Tout d'abord, M. de Guénégaud vou-
lut résister aux poursuites auxquelles il était en but, et
refuser tout examen de comptes.
M. de Ghamillart, écrit d'Ormesson, se plaignait « du retar-
« dément de M. de Guénégaud à représenter les minutes des
« rôles de l'année 1654 dont il avoil compté, et il parla de
« sorte que chacun connust qu'il esloit ému ; dit la confé-
a rence qu'il avoit eue avec M. de Guénégaud sur cela, et sa
« responce qu'il avoit bruslé la minute de ses rôles de ltjo4,
« etc.. »
(I M, le chancelier demanda l'r.vis à M. Pussort, qui fut
« d'avis d'ordonner que M. de Guénégaud représenteroit
c( les minutes des rôles de 1657 ; el,à l'esgardde ceux de 1654
« joindre au procès. »
« Le lundi 1'^'' juin 1665, à l'Arsenal; l'on mit le soit mons
« tré sur la requête de M. de Guénégaud pour avoir conseil.
« Le mercredi 3 juin, je fus dès le malin à l'Arsenal, parce
« que Mme de Guénégaud craignoil que l'on entrast par sur-
« prise de bon matin pour faire juger la requeste de M. de
« Guénégaud pour avoir conseil. Néanlmoius, M. le chance-
« lier n'y entra qu'à l'heure ordinaire. M. Ghamillart ayant
« demandé à parler, dit qu'il avoit pris communication d'une
I requeste présentée par M. de Guénégaud, par laquelle il
« demaudoil un conseil libre et à sou choix; qu'il avoit
« cru devoir remoustrer à la chambre l'importance de celte
a demande... Après, il conclut à débouler M. de Guénégaud
« de sa requeste. »
Le vendredi 12, « M, Poocet fil rapport de l'affaire de M. de
fl Guénégaud ; il parla une heure el demye fort bien : mais sur
« la fin il esloit trop languide, et il ne fut pas assez réservé, eu
124 LE MARQUISAT DE PLANCY
« sorte qu'il parut appuyer trop les raisons du procureur
1 général, les établissant comme des vérités certaines.
« Le raercredy l'^'" juillet, le matin, à la chambre de justice,
<i M. Poncet rapporta deux requestes pour M. de Guénégaud.
« Dans Tune il se plaignoit que le procureur général agissoit
« dans cette affaire avec grande aigreur ei contestoit les choses
« les plus justes et les plus triviales. M. Ghamillart ayant
« demandé d'estre entendu, après avoir parlé du fond des reques-
a tes, il s'est plaint de la licence de M. de Guénégaud dans ses
« requestes et a dit qu'il estoit très important de la réprimer
(1 pour l'honneur du Roy, de la justice et de la chambre...
« M. Poncet a été d'avis d'ordonner que M. de Guénégaud
« en useroit avec plus de modération... J'ai esté d'avis de ne
« rien ordonner par arresl; qu'il estoit mieux de le faire dire
(I à M. de Guénégaud... »
« Lelundy 13 juillet, à la chambre de justice, j'appris que l'on
« avoit exclu M . de la Baulme du procès de M. de Guénégaud
« sous prétexte de l'envoyer à Vaux faire le recollement des
« meubles, au lieu que ce travail regardoit M. de Sainle-
« Hélène, rapporteur. »
« Le mardy 14 juillet, M. Poncet rapporta le procès-verbal
« de la capture des feuilles des escritures que M. de Guéné-
« gaud faisoit imprimer ; et, parce que par ces feuilles il parais-
« soit que Delende, domestique de M. de Guénégaud, et
« son dénonciateur, estoient fort mal traités, M. Poncet se
« récria fort...
« L'imprimeur, qui s'estoit retiré dans le Temple et conti-
« nuoit à y travailler, fut pris par le bailiy et conduit au
« Petit Chastelet. »
L'auteur du présent travail possède la requête dont il s'agit,
et sur laquelle figurent les corrections de la main même
de Guénégaud.
Dans cette longue défense, le ministre réfute tous les points
de l'odieuse accusation intentée contre lui. 11 dit entre autres
choses qu'il a représenté ses rôles lorsque l'apurement de ses
comptes a été arrêté au conseil en mai 16ti0, puis à la
Chambre des Comptes en 1660; que dans l'un et l'autre
de ces temps, ils ont élé regardés comme véritables. Or,
depuis ce moment, ils se sont trouvés perdus à la Chambre
des Comptes, où ib étaient demeurés, et comme on sait qu'ils
n'existent plus en nature, ou s'inscrit ainsi en faux contre
eux, et on lui demande d'en faire une troisième représentation.
sous LES GUÉNÉGAUD 125
« Je suis prêt », dil Guénégaud, « à jurer par serment
« devant Dieu et les hommes que je ne les ay point et ne les
« dois point avoir. »
Il explique, en outre, qu'il est impossible que des feuilles
aient été, comme on le lui reproche, ajoutées après coup aux
rôles pour y inscrire de faux articles de voyages et de menus
dons, notamment pour une somme de 70 à 80 mille livres ; car
les quittances de ces voyages et menus dons ont été signées,
reçues et datées par devant notaires.
a Qu'on interroge, dit-il, « tous les sages qui ont l'usage de
« la libre raison. et qu'on leur demande s'il est croyable (îu'un
a trésorier de l'Epargne ait été assez Lâche et assez imprudent
« pour écrire et contrefaire de sa propre main 272 signatures
fl de parties prenantes dans 155 acquits ! Qu'on leur demande
«. s'il est cro3'able que le suppliant, qui écrit très ma! et a la
« vue fort courte, eût été propre à faire un si grand nombre
« de faussetés ? »
Guénégaud avait donc été arrêté sur la dénonciation d'un
domestique, et ou lui refusait tout conseil, toute défense !
« Le jeudy matin, 23 juillet, à la chambre de justice »,
« ajoute d'Ormessou, j'appris que Buré, avocat, qui faisoit les
« escrilures pour M. de Guénégaud, avoit esté mené à la Bas-
« tille, et que le scellé estoit chez luy avec garnison. Ce pro-
€ cédé est fort mal reçu. Je ne sais quelles suites il aura. »
a Le jeudy 13 aoust, le chancelier parla fort contre la lou-
« gueur de la defîense de M. de Guénégaud; dit qu'il ne
« lui falloit pas osier sa defîense, mais qu'il falloit finir
« et trouver des moyens. »
« Depuis le mardy 22 jusques à ce jour vendredy 2o sep-
t lembre, la chambre de justice a travaillé au procès de M. de
« Guénégaud avec un retardement affecté du costé de la cour,
« quoyque M. le chancelier tesmoigne tous les jours que le
« roy veut qu'il finisse. »
a Le jeudy 17 décembre, le matin, au Petit Arsenal où la
a chambre de justice s'assembla chez M. Clapisson..., M. le
« chancelier estant arrivé, l'on discourut de la forme de vérifi-
t cation des abolitions. M. le chancelier demanda à M. Cha-
« millart, qu'on fit entrer pour y estre présent, comme il
t devoit en user... Enfiu, M. de Guénégaud, vestu de noir,
« s'étant avancé au devant du barreau, M. le chancelier luy a
« fait lever la main et prester le serment de dire vérité.
« Ensuite, le greffier luy ayant dit de se mettre à genoux, il
126 LE MARQUISAT DE PLANCY
« S y est mis un genou à l^rre seulement. M. le chancelier
« ayant dit qu'il falloit y mettre les deux genoux, il les y a mis,
« et M. le chancelier lui a demandé s'il avoit obtenu des
« lettres d aboliiiou, a dit que ouy ; si elles conteuoieut vérité,
« a dit que ouy ; s'il vouloit s'en servir, a dit que oui. »
On voit par quelles humiliations les ennemis de Guénégaud
se plurent à le faire passer, après que cependant il eut été
gracié par le roi, moyennant toutefois des confiscations et une
amende. Aussi Guénégaud se hàta-t-il de se démettre de toute
fonction.
D'Ormessou écrit encore : « Le lundy 11 février [1669],
« j'appris que M. Duplessis- Guénégaud avoit donné sa démis-
<i sion au Roy, et que sa charge estoit donnée à M. Golbert,
« moyennant six cent mille livres, et qu'il en devoit prester le
(I serment le lendemain mardy. Personne n'a été surpris de cette
« nouvelle ; car dès que le procès a esté commencé contre
« M. Duplessis, on a cru que c'estoit pour avoir sa charge. »
L'amertume que Guénégaud éprouva de son arrestation fut
extrême. 11 se vit ruiné, un instant il put se croire voué à
la mort. Aussi, désabusé de tout, après tant d'épreuves, il ne
pensa plus qu'à sa fin dernière : il rédigea, en 1672, son tes-
tament, qui a pu être retrouvé dans les archives de la terre de
Plancy, et qu'il nous a paru curieux de reproduire ci-dessous
in extenso. Ce document tout à fait inédit nous montre de quelles
idées de piété Guénégaud était pénétré, quel amour il ressen-
tait pour sa femme, qui l'avait toujours si énergiquement sou-
tenu, quel attachement il avait pour sa famille et pour ses
biens, notamment Plancy et Fresnes. Il se trouve en un mot
tout à fait expUqué par les récits que d'Ormesson nous a con-
servés de la disgrâce imméritée du ministre.
Teslame?U de M. Henry de G-uénégaud, déposé à M^ Simonnet^
notaire, le 28 avril 1676.
« Au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, un seul Dieu
en trois personnes.
« Je, Henri de Guénégaud, misérable pécheur, considérant
que la pensée de la mort est la plus salutaire à un chrétien,
dont l'heure nous est inconnue, ce qui nous oblige à toujours
veiller et à nous préparer à ce dernier moment qui, faisant la
séparation de notre âme avec le corps, doit déterminer notre
élernilé bienheureuse ou malheureuse, suivant nos années
pendant cette vie, et pour être plus dégagé de tous les troubles
que causent ces biens périssables que nous possédons icy bas,
sous LES GUÉNEGA.UD 127
et qui attaquent plus fortement ceux qui ont un nombre d'en-
fants, quand ils oublient et méprisent les ordres nécessaires
pour établir la paix et runiou, j'ai cru ne pouvoir mieux faire
qu'à présent, jouissant d'une sanlé parfaite du corps et de l'es-
prit, que de disposer de mes biens par ce mien testament que
j'ai voulu tout écrire de ma main et signer comme l'ouvrage de
ma pure, libre et déterminée volonté que je veux être suivie
après ma mort.
« Premièrement, je rends grâce à Dieu, tout bon, tout
puissant et tout miséricordieux, de ce qu'il m'a fait naître
dans l'église catholique, apostolique et romaine, de père et de
mère catholiques, qui m'ont élevé dans leur créance dans
laquelle je veux vivre et mourir. J'espère par les mérites de la
très sainte et glorieuse passion de Notre-Seigneur Jésus-
Christ, par l'intercession de la Sainte Vierge Marie, sa mère,
de l'Archange Saint Michel, de mon Ange gardien, de saint
Jean-Baptiste, saint Joseph, saint Roch et saint Henry, mon
patron, saint Victor de Plancy, saint Thomas, sainte Made-
laine, sainte Thérèse, et tous les saints et saintes du Paradis,
j'espère, dis-je, par leur intercession, obtenir la rémission de
mes péchés et la vie éternelle.
« En second lieu, je rends grâce à Dieu de ce qu'il m'a
donné une femme selon mon cœur, dont je ne puis assez
louer les mérites et la vertu ; je commande à mes enfants
de l'honorer, de l'aymer, la respecter, de suivre ses advis
et conseils, en tout ce qu'ils voudroient f ure et entreprendre,
et de ne lui désobéir jamais à peine d'encourir ma malédiction.
« Je désire d'être inhumé dans l'église collégiale de Saint-
Laurent de Plancy, dans la cave qui y sera faite, s'il n'y en a
déjà une, pour les seigneurs de Plancy.
« Pour l'ordre de mes funérailles, j'en laisse le soin à
ma femme et à l'exécuteur de mon testament, lesquelles je les
prie de faire sans aucune pompe, ni cérémonie, mais seule-
ment de faire force prières pour le salut de mon âme.
« Je veux que mes dettes soient entièrement payées et les
torts que je puis avoir faits entièrement réparez.
a Je désire que l'on fasse dire mil messes au jour et dans la
huitaine de mon décès, et pour cela et pour les aumônes
du jour et enterrement, quinze cents livres.
« Je veux que l'on employé deux mille livres, ou plus s'il
les faut, en achapts de fonds d'héritages pour faciUter l'éta-
blissement d'une cure à Longueville, séparée de celle de
Gharny.
128 LK xMAKQUISAT DK PL.^NCY
f Je donne et lègue la somme de dix neuf mille livres à tous
mes domestiques, tant de Paris que de Fresnes et autres, fai-
sant le mémoire cy-joint, remettant à elle pour en faire la dis-
tribution, qui leur sera payée, oulre leurs gages de l'année de
mon décès, et un habit de deuil à chacun.
« Le chapelain, fondé par Madame de Fresues-Forget pour
dire tous les jours une messe dans la chapelle de Saint-Pierre
de l'église paroissiale de Fresnes, ne pouvant pas subsister de
sa fondation qui ne monte en tout qu'à deux cents hvres,
Monsieur l'Evêque de Meaux a réduit le nombre de ces messes
à 4 par semayne, par sou ordonnance limitée pour un tems
que s'il plaît à mon dit seigneur Evèque de les réduire à
4 pour toujours, en ce cas, et non autrement.
« Je fonde à perpétuité, par ce présent teslamenl. deux
messes basses par semaine pour être dites par le même chape-
lain et non par un autre, dans la chapelle de Notre-Dame du
château de Fresnes, aux jours qui seront les plua commodes
aux seigneurs de Fresnes, pour avec les quatre autres de
la fondation de Madame de Fresnes, réduites par Monsieur
l'Evêque de Meaux, en dire (j par semayne au lieu de 7, les-
quelles deux messes, célébrées dans la chapelle du cbasteau
de Fresnes, serout dites pour le salut de mou âme, pour celle
de ma femme et de tous mes enfants vivants et décédés ; pour
laquelle fondation je veux qu'il soit payé de la somme de cent
livres par an, à prendre sur les revenus de ma terre de
Fresnes, pour, avec les deux cents livres fondées par ladite
Dame de Fresnes- Forget que je suis obligé de payer, faire la
somme de trois cents livres en tout pour chacun an payable
également par quartier ; le chapelain sera logé où il est à pré-
sent ou en tel autre lieu du village de Fresnes qui lui soit com-
mode, aux dépens du seigneur de Fresnes.
(1 Les dits seigneurs de Fresnes entretiendront la chapelle
du château d'ornemens, luminaires, de paiu et vin nécessaires
pour y célébrer lesdites messes.
« Au cas qu'au jour de mon décès je ne fusse plus seigneur
de Fresnes, la présente fondation demeurera nulle.
« J'ai toujours eu intention de rétablir les chanoines de
l'église collégiale de Saint-Laurent au château de Plat)cy, dont
je suis fondaieur-collateur layque et doyen, comme ilséloient
lors du concordat fait avec eux et Messire Claude de La Croix,
chevalier, baron de Plaucy, mon ayeul, passé à Plancy, le
sixième jour de ma}^ l'an quinze cent vingt, alin que Dieu
soit adoré et le service divin y soit fait tous les jours aux
sous LKS GUKNKGAUD I^O
heures cauouiales, suivant ledit concordat ; c'est pourquoi je
donne et lègue par ce présent testament la somme de dix-huit
mille livres qui seront employées, savoir : douze mille livres
en achapls de fonds de terre dans l'étendue de mon marquisat
de Plancy ou aux environs, lesquels héritages seront mis à
perpétuité à la manse des chanoines, atiu qu'il y ait assez dj
revenu avec celui dont ils jouissent à présent pour y entretenir
quatre chanoines-prestreset deux peiils clercs qui leur ayde-
rout à faire le service, et les six mille livres restans seront
employées au rétablissement de l'église, à la coustruclion
d'une sacristie, à fair^ la cave pour ma sépulture, pour achever
la maison des chanoines, en achapts d'ornemens et autres
choses nécessaires en ladite église.
(A suivre.) Baron G. de Plancy.
NECROLOGIE
M. Jean Rathier, député de l'Yonne, secrétaire de la Chambre
des députés, est mort subitement, le 6 janvier, dans son domicile
de l'avenue de Tourville, à Paris. Il était âgé de 3o ans.
M. Rathier a été chef-adjoint au cabinet du ministre des Postes
et des Télégraphes, sous les ministères de Freycinet et Goblet. Il
fut chargé à cette époque de missions à Berne et à Berlin pour
l'étude de diverses questions postales, notamment le payement des
mandats-poste à domicile.
Il fut aussi délégué à Bruxelles pour la signature de la première
convention téléphonique internationale entre la France et la Bel-
gique.
Député de Tonnerre, il s'occupait plus spécialement des questions
viticoles et agricoles.
Le corps du défunt a été inhumé à Chablis (Yonne) dans un
caveau de famille.
Le 7 janvier ont eu lieu, à Epernay, les obsèques de M. Buc-
quet, ancien adjoint au maire, membre du Conseil d'arrondisse-
ment, directeur de la Caisse d'épargne et président de la Caisse
des écoles.
MM. Puisard, Fleuricourt, Vallée, Gérard et Chevauchez ont pris
la parole au cimetière, et rendu hommage aux qualités du défunt.
Bibliophile délicat et éclairé, M. Bucquet avait réuni une belle
collection de livres de littérature et d'histoire dont il aimait à faire
les honneurs. A. T.-R.
Nous apprenons avec regret la mort de M. Henri Jolicœur, décédé
à Reims, le 16 janvier, à l'âge de 56 ans.
Cette fin prématurée était malheureusement prévue depuis
longtemps : c'est à force de soins attentifs et incessants que
notre honorable concitoyen a pu prolonger une existence toute
de souffrances, depuis plusieurs années déjà.
M. le D"" Jolicœur s'est fait connaître, non seulement par sa
bienfaisance et son aménité, mais aussi par des travaux scienti-
fiques très appréciés. Nul plus que lui n'a étudié les maladies si
nombreuses qui ont atteint nos vignobles champenois. Il est l'au-
teur d'une magnifique publication de ce genre, éditée par la librai-
rie Michaud : Les Itavarjeurs de la ^igne.
Ses obsèques ont eu lieu le 18, au milieu d'une affluence nom-
NÉCROLOGIB 131
breuse et recueillie. Un piquet du iZi" de ligne rendait les hon-
neurs militaires.
Au cimetière, cinq discours ont été prononcés. Le premier par
M. le docteur Henrot, remplaçant M. Neveux malade, au nom de
l'administration des Hospices; le second par M. le Dr Luton, direc-
teur de l'Ecole de médecine; le troisième par M. le D"" Langlet, au
nom de la Société médicale de Reims; le quatrième par M. Jules
Henrot, au nom de la Société d'horticulture et du Comice agri-
cole, et le cinquième par M. Velpry, au nom des habitants du
4« canton.
iNous avons à signaler la mort de M. Beaujard, officier de cava-
lerie en retraite, chevalier de la Légion d'honneur, commissaire
de surveillance administrative à la gare de Reims.
L'inhumation a eu lieu le 17 janvier à Rambercourt (Meuse).
Un artiste rémois de mérite, M. Gustave Bazin, est décédé le 19
janvier à Paris, dans sa 59^ année.
Gustave Bazin a, depuis quarante ans, tenu une large place dans
la vie active de cette ville. Fils d'un ancien professeur de seconde
au Collège des Bons-Enfants, il embrassa, ses études faites, la car-
rière musicale et devint rapidement un artiste distingué. Il a .eu
pour maîtres François Bazin et Gounod. et pour camarades
d'études Massenet et Léo Delibes, qui étaient restés ses amis.
Gounod l'avait en particulière affection.
Tenté par les chances de réussite qu'offre le commerce, Bazin
essaya d'entrer dans l'industrie; mais il avait de l'artiste les qua-
lités et les défauts. Ses essais furent infructueux.
Bazin reprit la carrière artistique.
Il fonda à Reims la première Société chorale : la Sainte-Cécile.
Bientôt après, il fut nommé chef de la Musique municipale. Per-
sonne n'a déployé plus de science, plus d'habileté, plus de per-
sévérance et de volonté, dans la direction d'une Société de ce
genre. Aussi en fit-il la première musique civile de France, ainsi
que l'a établi le grand Concours international de 1889, à Paris.
Auparavant, il avait organisé à Reims les grands Concours de
1860 et 1878. 11 avait fondé le Cercle des arts, dirigé ['Union Cho-
rale.
Il y a quelques années, il avait donné sa démission de chef de
la Musique municipale; mais bientôt après, il ressentait l'irrésis-
tible besoin de reprendre en main le bâton de chef d'orchestre,
et c'est ainsi qu'il prit la direction de la Fanfare des Tonneliers,
qu'il avait rapidement transformée et dont il rêvait de faire une
Société hors ligne.
Bazin était officier d'Académie.
lo'i NÉCROLOGIE
Le 24 janvier ont été célébrées, en l'église Saint-Jean de Châlons,
les obsèques de M. l'abbé Lecocq, ancien professeur au Petit-Sémi-
naire de Saint-Memmie.
Une centaine de prêtres, accourus de tous les points du diocèse,
avaient tenu à rendre un dernier hommage à celui qui avait passé
plus de la moitié de son existence à former aux vertus sacerdo-
tales et à initier aux dilticultés des sciences ceux qui. plus lard,
devaient devenir ses confrères et quelquefois ses supérieurs.
En effet, l'humilité du saint prêtre n'avait jamais voulu accepter
d'autre poste que celui d'éducateur des petits.
Un délégation très importante des élèves du Petif-Séminaire
suivait le convoi de leur ancien et si cher professeur.
Les jeunes filles de la paroisse Saint-Jean, très nombreuses,
avaient revêtu leurs habits blancs pour escorter le vieu^ prêtre qui
avait consacré son reste de santé et de forces à les instruire des
vérités chrétiennes, à porter partout les paroles de paix et de con-
solation.
Après l'absoute, le cortège s'est dirigé vers le cimetière de Saint-
Memmie où M. l'abbé Lecocq a été inhumé.
Nous avons le regret d'apprendre la mort de M. Challe, sous-
intendant militaire de première classe en retraite, officier de la
Légion d'honneur.
M. Challe, qui avait résidé jusqu'à ces derniers temps à Châlons,
est décédé à Auxerre, le 14 janvier, dans sa 61^ année.
Il laisse une brillante et nombreuse famille : l'un de ses fils est
capitaine breveté d'état-major, un autre élève à l'Ecole militaire
de Saint-Cyr. Il était beau-père de M. d'Amade, capitaine de
cavalerie, et de M. Lorrain, capitaine breveté d'infanterie, attaché
à l'état-major de la 12"^ division, à Reims.
On annonce la mort de la marquise douairière de Colbert,
décédée en son château de Canet, dans le département du Var.
Elle laisse un fils et trois filles mariées, les marquises de Rougé
et de Thézan, et la comtesse Aiban de Villeneuve.
La branche des Colbert établie en Provence, et à laquelle se rat-
tachait la marquise défunte, descend directement de l'illustre
ministre de Louis XIV.
BIBLIOGRAPHIE
Suite de feuillets détachés de l'histoire de Rebâ.is-en-Brie, par
V. Leblond, interne des hôpitaux. Pari?. H. Jouve, 1893, ia-12,
153 p.
Ce travail est la seconde étape d'une œuvre dont nous avons
déjà signalé le début^. Moire collaborateur, M. Leblond, enfant
de Rebais, amasse en etîet les matériaux nécessaires à ia rédac-
tion d'une histoire de cette petite ville, riche en souvenirs qui
méritent d'être mis en lumière. Une partie du Parlement de Paris
fut exilée à Rebais en 1*7 1. Une école royale militaire y fut établie
en 1776 et resta jusqu'à la Révolution Fune des dix maisons de pro-
vince où se recrutait l'élite de nos officiers. Mais la principale
renommée de Rebais se tire de sa vieille abbaye bénédictine,
fondée en 635 par Dagobert, et dont saint Aile fut le premier
abbé. C'est sur l'histoire de celte abbaye, liée pendant longtemps
à celle du bourg même, qu'ont dû se porter surtout les conscien-
cieuses recherches de iM. Leblond.
La brocbure se compose de dissertations, au nombre de dix,
dont plusieurs onl élé déjà publiées par la Revue de Champagne,
mais qu'il est utile de trouver réunies. Elles ont trait à des sujets
différents dont voici l'énumération : Une liste des abbés de Rebais-
en-Brie; la messe du lépreux et la maladrerie de Rebais ; associa-
tion de prières et rouleaux des morts; les verriers de Rebais;
Bossuet, évêque de Meaux, et l'abbaye de Rebais; note sur l'em-
placement du prieuré de Beaulieu; un maître d'école en 1695 :
profils et charges; la bulle Unigenitus et l'exil de Dom Louvard
à Rebais; les débuts de la Révolution, — le maire de Rebais en
1790 , la vente des biens de l'abbaye.
Au cours des siècles, l'abbaye do Rebais subit le sort commun à
beaucoup de monastères. Elle fut tour à tour incendiée et ravagée
par les Normands, par les Anglais et, sous la Ligue, par les Fran-
çais même, aux ordres du maréchal de Biron^ Elle eut encore
une période de prospérité après son union à la Congrégation de
Sainl-Maur en 1661. Elle jouissait depuis longtemps d une sorte
de juridiction épiscopale lorsque ce privilège lui fut enlevé en
1696, par suite d'un procès avec Bossuet, évê(|ue de Meaux. Cette
lutte judiciaire, dont M. Leblond relrace 1res lùen les péripéties,
est l'un des épisodes les plus curieux de l'hisloire de l'abbaye.
Au surplus, par sa clarté, son style sobre et la variété des élé-
1. Revue de Champagne, année 1889, p. 59.
2. D. Du Plessis, Histoire de l'église de Meaux, p. 405.
134 BIBLIOGRAPHIE
ments qu'elle renferme, l'étude de M. Leblond est faite pour
éveiller l'intérêt de toutes les classes de lecteurs. Mais elle n'est
encore que l'avant-goût d'un travail plus vaste que l'auteur entend
consacrer à sa ville natale :
Voilà Rebais, charmant séjour,
Bâti près d'un couvent, au vieux pays de Brie,
C'est mon village et ma patrie :
Je dirai son histoire un jour.
Ce dernier vers d'une poésie composée par M. Leblond en guise
de préface, est une promesse dont nous attendons avec confiance
la réalisation prochaine. E. V.
*
Manuscrits légués à la Bbliothèque Nationale par Armand Durand, notice
par LÉOPOLD Delisle, extrait de la Bibliothèque des Chartes, année
1894, t. LV. In- 8» de 34 pages.
Sous ce titre étranger en apparence à la Champagne, nous
signalons les plus curieux renseignements sur l'abbaye de Signy
et sa fondation par saint Bernard en 1134. Dans la Bibliothèque
de l'Ecole des Chartes, t. 55, 627 et seq., parmi les précieux docu-
ments légués à la Bibliothèque nationale par Armand Durand,
ancien professeur aux lycées Louis-le-Grand et Bonaparte, ligure
une ï Chronique de l'abbaye de. Signy » que Marlot avait connue.
Celte fois, nous sommes en présence d'un texte authentique,
xiiie et xiv siècles, qu'il ne faut pas confondre avec la Chronique
de Signii ou de Mézières dont M. Aug. Longnon a fait justice dans
le XI" fascicule de la Bibliothèque de VEcole des Hautes-Etudes.
Dans le texte publié par M. Delisle on trouve la mention de
démêlés entre Philippe-Auguste et Raoul, seigneur de Château-
Porcien. On n'ignore pas que ce personnage appartenait à une
branche cadette des comtes de Grandpré que André Duchesne
rattachait, par erreur, à la maison de Châlillon. H. J.
Mémoires de Jean-François Thoury, 1789-1830, publiés par Charles Boy.
Paris, Pion, 1895, ia-18 de 321 pages.
L'intérêt de ce volume pour la bibliographie champenoise, c'est
que son auteur, né à Inaumont (Ardeiines) en 1766, habitait Châ-
lons-sur-Marne au début de la Révolution. 11 y avait été le témoin
des événements si tragiques du retour de Varennes et de l'invasion
prussienne, il raconta plus lard ce qu'il avait vu, et le fit à bâtons
rompus, mais en relatant des détails que l'on note avec intérêt
et avec sécurité, car Thoury paraît sincère. Il était le protégé de
l'inlorluné Jean-Evangéliste Roze, qui joua un rôle important dans
le département de la Marne et fut ensuite guillotiné. Comme lui
BIBLIOGRAPHIE 1 3 0
royaliste, et plus que lui téméraire, Thoury avait été emprisonné
et avait dû s'enfuir en Hollande dès 1793. Plus tard, il se réfugia
en Russie, et il en resta Tliote pendant près de quarante ans. Il
mourut en 1833, exerçant la profession de libraire à Millau, en
Courlande. Ses mémoires sont écrits avec une touchante ingénuité.
H. J.
* *
Sommaire de la Revue ardennaise. — ?' année, l" livraison
(janvier-février 1895).
I. Souvenirs archéologiques de l'abbaye de Belval, par Roger Grappin.
II. La maison noble et les anciens châtelains de Mézières, par
C.-G. Roland,
m. Mélanges. — Embarcations en usage sur la Setnoy au XVI II' siiclC)
par Louis Demaison.
Le droit de gite à Amagne en 1218, par Henri Lacaille.
Testament de Catherine de Harange, comtesse de Grandpré (1597), par le
D' H. Vincent.
Devises d'anciens cadrans solaires : à Signy-V Abbaye, Lalobbe, Neuflize,
Château- Porcien et Acy-Romance, par H. Jadart.
Note biographique sur Claude-Joseph Roland, curé de Sorcy (1652-1695),
par Paul Pellot.
IV . Bibliographie. — Jadart, Notice sur Adrien Duchénoy. — Alexandre^
Histoire de Saint-Loup-Terrier. — Cerf, L'Eucharistie dans les arts^
dans l'ancienne province de Champagne.
V. Chronique. — Une copie des Mémoires de Fleur ange. — Les Ardennes
à l'Académie de Reims, en 1894. — Un jeton de Louis de la Trémoiile,
gouverneur du Mont-Olympe.
VI. Planche. — Carreaux émaillés provenant de l'abbaye de Belval
(xiii» et XVI' siècles).
CHRONIQUE
Société académique de l'Aube {Séance du 18 janvier 1895).
— Présidence de M. Albert Babeau, président.
M. Babeau remercie ses collègues de l'avoir de nouveau appelé
à la vice-présidence. Il adresse les félicitations de la Société à
MIM. Det et Lutel, nommés officiers d'Académie; à M. Fréminet,
membre associé, qui vient d'être nommé chevalier de la Légion
d'honneur, et à MM. Natalis Rondot et Paul Nancey, membres cor-
respondants, chevaliers du Mérite agricole.
Correspondance
MM. Rabel et Plicot sont proclamés membres correspondants.
.M. Piat remercie la Société de l'avoir nommé conservateur hono-
raire du Musée des Arts décoratifs fondé par lui.
Ouvrage offert
Par M. Thévenot, membre correspondant : Une affaire mysté-
rieuse à Vinets, en 1783. Il s'agit d'une cause célèbre, vol, la nuit,
avec effraction. Trois accusés, retenus cinq ans dans sept prisons
successives, condamnés par sept tribunaux au supplice de la roue,
ont finalement été reconnus innocents et acquittés, grâce au zèle
persistant d'un défenseur dont le nom ne nous a pas été conservé.
Lectures et Communications des Membres
M. Le Clert fait connaître les dons offerts au Musée de Troyes et
à la Société, dans lesquels figurent :
Par M. Natalis Rondot: Quatre ouvrages différents;
Par M. Julien Gréau : Les bronzes antiques, catalogue de sa col-
lection.
M. Pron, appelé à rendre compte de l'étude de M. Marguillier
sur un maître inconnu du xv* siècle, Michel Pacher, a fait une
dissertation des plus intéressantes sur l'œuvre de ce maître, à la
fois peintre et sculpteur, en décrivant, d'après M. Marguillier, ses
principaux chefs-d'oeuvre. Leur exécution témoigne d'une foi pro-
fonde et d'une sincérité naïve.
M. de la BouUaye expose que la Revue des questions historiques
renferme un article des plus élogieux de M. le comte de Luçay, à
propos d'un ouvrage ae M. Albert Babeau : La province sous l'an-
cien régime. La modestie de notre éminent collègue le lui a fait
passer sous silence. M. de Luçay a suivi l'auteur pas à pas ; il a
montré comment les provinces se sont constituées, comment ce
sont les peuplades qui ont donné leurs noms aux territoires occu-
pés par elles; chaque province avait son autonomie, qui s'est con-
CHRONIQUE ^ 137
servée surtout pour la répartition des impôts. Le rùle des gouver-
neurs et lieutenants-généraux institués par François I*^'' s'est
rapidement réduit à l'autorité militaire. Après avoir étudié les
intendants, l'auteur en arrive à l'unification de l'organisation
française.
M. Babeau signale l'existence à la Bibliothèque nationale, dépar-
tement des manuscrits, Collection de Champagne, de sept à huit
volumes sur Troyes; l'un d'eus contient des notes de Lévesque de
la Ravallière sur les Troyens célèbres, Grosley entre autres. On y
trouve des procès-verbaux intéressant les diverses corporations,
notamment celle des bouchers; M. Babeau cite une enquête pré-
sidée par le lieutenant général Morel, en 1739, à l'efTet de recher-
cher s'il y avait des mouches dans les boucheries de Troyes. Elle
est des plus curieuses; Aufauvre l'a relatée dans son Album pit-
loresque.
Une autre notice a trait aux emplacements réservés pour les
marchés des diverses denrées à Troyes.
Présentations
SIM, Fernand Gervais, fabricant de bronzes à Paris, rue des
Filles-du-Calvaire, et Maurice Pelit-Sénéchal, juge-suppléant au
Tribunal civil de la Seine, sont présentés comme membres corres-
pondants.
Le fauteuil de M. l'abbé Garnier, membre résidant, section des
Arts, est déclaré vacant ; l'élection aura lieu à la séance de février.
Société d'Histoire et d'Archéologie de l'arrondissement de
Provins (Séance du jeudi 29 novembre i894). — Présidence
de M. Berquier, vice-président.
Sont élus:
Président, M. Jules Cousin, conservateur du Musée Carnavalet.
Vice- Présidents, MM. Berquier et Bourquelot^
Secrétaire, M. l'abbé Bonno;
Vice- Secrétaire, M. l'abbé Braichotte;
Trésorier, M. Detousches ;
Archiviste, M. Soleil;
Délégués, MM. Delondre et Maurice Lecomte.
M. Maurice Lecomte lit une « note d'onomastique à propos d'une
très vieille opinion, récemment renouvelée sur le nom de lieu
Alhis, Athie, Athies et à tort appliqué à Atliis, canton de Bray-sur-
Seme ». C'est la critique d'une communication faite à la Société
d'Archéologie de Melun, séance du 14 octobre dernier, par
M. l'abbé Garnier, curé de Lusigny (Aube), qui conclut : « que le
nom d'Athis dérive du gentilice ou nom de famille, Atleius ou
Atcius, un gallo-romain possesseur primitif des cases ou maisons
138 CHRONIQUE
dites Atleias ou Aleias; — que ce petit domaine a dû être cons-
titué vers la fin du iii« siècle ou le commencement du iv«. »
L'existence du gentilice en question est hypothétique et supposée ;
les recueils d'inscriptions et les auteurs latins ne mentionnent pas
ce nom, mais on y trouve celui à'Attius ou Accius.
M. Garnier renouvelle la théorie émise au xvii« siècle par Adrien
de Valois, et, plus récemment, par M. d'Arbois de Jubainville, les-
quels se séparent sur un point.
Valois tire Athis el Alhies d'un composé (?) renfermant un
gentilice AUeius et le suffixe gallo-romain — acus exprimant une
idée de possession : Allei-acus (fundiis), domaine ou fonds de
terre d' AUeius. — Mais Altei-acus aurait logiquement donné
Atty et y h ne s'expliquerait pas. Cette opinion a aussi contre elle
d'acieunes formes avec h que nous citerons plus loin.
M. d'Arbois explique Athies par Atheias pour (??) Atleias,
féminin pluriel accusatif d'un gentilice Atteins.
M. Garnier renouvelle ces opinions peu solides et place l'origine
d' Athis au iii^ ou iv^ siècle. C'est trop de précision. En matière de
noms de lieu, on ne peut fixer aussi précisément la date de nais-
sance, puisque tel mode de formation des vocables topographiques
a été usité pendant plusieurs siècles; surtout lorsqu'un nom de
lieu est un nom commun bas lalin employé au sens topogra-
phique, ce qui est le cas pour Alhis, Athies, Athie.
M. Lecomte, se basant sur d'anciennes orthographes qui sont
absolument contraires au système d'Adrien de Valois et de
MM. d'Arbois de Jubainville et Garnier, reconnaît comme étymo-
logie seule rigoureusement possible et logique, de Athis, Athies,
Athie, le terme bas latin Àttegia, parfois écrit Attigia oaAlhegia
(voir Du Gange, Glossarium), qui, suivant Juvéna! et Pappias le
jurisconsulte, désignait les cabanes des Maures et aussi des huttes
de soldats. Ce mot appartenait au latin populaire., passa en Gaule
avec lui par les militaires et commerçants romains et fut appliqué
parfois aux localités primitivement formées par une agglomération
plus ou moins importante de cabanes de bergers, loges de vigne-
rons, huttes de bûcherons ou abris de pêcheurs, ce qui serait plu-
tôt l'origine historique de Athis-sur -Seine, canton de Bray.
Le mot Atlegia explique : 1° par son accusatif singulier Atte-
giam, Atligiam, Athegiam, Athie; 2" par son accusatif pluriel
Attegias, Athefjias, Athies, Athis.
Athis (S.-et-O.) est appelé : Athcgia dans l'histoire latine des
translations du corps de sainte Geneviève qui ont eu lieu au
IX* siècle au temps des invasions normandes {Gallia Chrisliana,
t. VU, col. 704); et Athegias dans les lettres de Gilduin, premier
abbé de Saint- Victor de l'aris, antérieures à 11»3.
Suivant une règle de phonétique, le g inlervocal de Athegiam
ou Athegias ton)be el donne la forme Atheiam ou Atheias, celle-ci
prise à tort pour l'accusatif féminin pluriel de Atteins.
CHRONIQUE 1 31t
Alliis (S.-et-O.) esl d'ailleurs appelé /l(eifl5 dans la « Viladomni
Burcardi » d'Eudes de Sainl-Maur (xc siècle — manusciil latin
3778 delà Bibliothèque Nationale — Edition Bourelde laRoncière,
chapitre IX).
L'opinion de Valois, renouvelée par MM. d'Arbois de Jubainville
et Garnier, ne paraît certainement pas aussi logiquement soute-
nable au double point de vue historique et philologique.
Après cette lecture, M. Lecomte parle, en quelques mots, de
l'intéressante brochure de notre collègue M. Quesvers, Gastins en
(Idtinais? et insiste particulièrement sur la frontière orientale,
dès le commencement du ixe siècle, du pays de Melun, qu'il faut
distinguer de la limite du doyenné de Montereau. M. Lecomte
signale une thèse allemande dont il a fait récemment la traduc-
tion et qui a pour sujet le patois de Provins au xni"= siècle, et pour
auteur Adolf Gottschalk, de Cassel (1893). — Gottschalk a fait
cette étude d'après des manuscrits de la Bibliothèque de Provins
et de la Bibliothèque Nationale. — M. Lecomte relève quelques
fautes de lecture dans le déchiffrement de certains passages du
Cariulaire de la Ville de Provins. — Il est juste de rappeler
qu'en 1869, l'historien de Provins, F. Bourquelot, a également
étudié le langage de la région de Provins au moyen-âge. — Mais
l'état embryonnaire de la science philologique il y a vingt-cinq ans
n'a pas permis au regretté savant de fournir une étude assez pré-
cise ni des résultats assez décisifs. — La thèse de (Gottschalk
répond en somme au plus récent état de la science philologique,
bien que son auteur semble avoir encore beaucoup à faire pour
devenir un philologue.
Les nouvelles rues de Reims. — Le Conseil municipal de Reims s'est
réuni récemment en comité secret, après la séance publique, pour discuter
le rapport de M. Neveux sur les noms à donner aux nouvelles rues de la
ville.
Voici le résultat de cet examen :
i" A Ja rue qui vient d'être ouverte entre le boulevard Lundy et
la rue Savoye, le nom de rue Â'ellermann, en souvenir du vain-
queur de Valmy, qui ouvrit la brillante série des triomphes que
les armées françaises, dans leur lutte héroïque pour la défense de
l'indépendance nationale, devaient remporter sur les coalisés.
2° A celle ouverte entre la rue Gérés et la rue de Monsieur,
formant presque le prolongement de la rue Notre-Dame-de l'Epine,
le nom de rue Bonhomme, pour perpétuer la mémoire de M. Jean
Bonhomme, qui fut l'architecte de l'Hôtel de Ville de Reims, et
dont le fils construisit le cloître de l'Hôtel-Dieu.
3° A la rue qui vient d'être ouverte parallèlement à la rue de
Fismes et dénommée rue Négrier par ses habitants, le nom de rue
Magneux, pour honorer la mémoire de M'"' Barbe-Martin, veuve
14U CHRONIQUE
de ÏNicolas Colbert. seigneur de Magneux, qui a fondé en J631
THôpital ou Hospice de Sainte-Marthe, dite aussi « des Magneu-
ses M, où se trouve aujourd'hui le Lycée des jeunes filles, et l'a
doté non seulement de cette importante demeure, mais encore
de nombreux héritages sis à Reims, Lucquy, Germigny et Che-
vrières, dont les revenus assuraient son entretien à perpétuité —
Cet Hôpital a été annexé à l'Hôpital Général, le i''"" prairial an VII,
et celte annexion a été confirmée par décret impérial du 3 janvier
1812. — L'œuvre des Magneuses s'est perpétuée à l'Hôpital Général
et douze jeunes filles y sont encore élevées gratuitement pour
former, suivant le vœu de iM"" de Magneux, d'intelligentes et
honnêtes servantes et de bonnes ouvrières.
4° Sur le chemin de Reims à Courcelles :
Première rue ou plutôt impasse : Impasse de Courcelles.
Deuxième rue : rue Hellarl, pour perpétuer le souvenir de
quatre peintres rémois de ce nom, dont notre Musée possède
plusieurs œuvres distinguées. — Le plus célèbre de ces peintres
fut Jean Hellart, qui obtint le titre officiel de peintre de la Ville
et qui organisa à Reims une école ou Académie de peinture et de
sculpture, l'une des premières, en date, de France. — La Fontaine
a placé chez lui la scène du conte intitulé : t Les Rémois ».
Troisième rue : rue Saubinet, en mémoire de M. Etienne Sau-
binet, ancien gérant de la Société des Déchets, qui a donné
20,000 fr. aux Hospices pour la fondation de deux lits au profit
d'ouvriers en laine, dont l'un pour un aveugle et l'autre pour un
paralytique, et qui a laissé à l'Ecole de Médecine un magnifique
herbier, et à la Ville une partie de ses livres et une curieuse col-
lection de tableaux et de gravures intéressant Reims. — Sa famille
était alliée aux Colbert et aux Tronsson.
5» Sur la rue Alexandre-Henrot viennent aboutir quatre rues :
La premièfe, du côté de Courcelles, est dénommée par les habi-
tants, rue de Thil. Elle conservera ce nom, car elle est tracée dans
la direction de ce village.
La deuxième, appelée aujourd'hui rue Antonin-le-Pieux, prendra
le nom de rue de Villers-Franqueux.
La troisième^ qui n'est que la rue de Merfy prolongée, s'appel-
lera rue de Merfy.
La quatrième, qui n'est également que la rue des Trois-Fon-
taines prolongée, et qui commence à la rue Géruzez, et traverse
la rue Alexandre-Henrot pour continuer dans les champs vers
Saint-Thierry, s'appellera rue des T rois-Fontaines.
6" Entre la rue de Saint-Thierry et la rue de Cormicy, des deux
côtés de la cité l'oirot:
Première rue, du côté de Reims, rue des Maretz., du nom de la
propriété des Maretz qui se trouve dans sa direction.
Deuxième rue, du côté de Saint-Thierry, rue de Baslieux, du
CHRONIQUE 141
nom de la ferme des Baslieux, située en face de celle rue et for-
mant le centre des travaux d'irrigation pratiquée avec les eaux
d'égout de la Ville.
7* Cité du Vieux-Coq, deux rues :
La première, formant actuellement la rue de la Cité, s'appellera
rue du Vieux- Coq:
La deuxième, située en avant de la Cité, du côté de Reims,
prendra le nom de la rue de Chenay.
8» La rue ouverte entre la rue de Marziily et la rue dHermon-
ville conservera le nom de la rue du Vieux-Colombier, appellition
sous laquelle elle est actuellement connue et désignée.
9" Entre la rue de Bourgogne et la rue Danton, deux rues :
La première, du côté de l'avenue de Laon, sera dénommée rue
Rivart- Propilé lie, du nom de M"' Rivart-Propliétie, qui est
décédée récemment, instituant pour son légataire universel le
Bureau de bienfaisance de la Ville de Reims, et laissant aux
Hospices une maison sise à Reims, boulevard de la République,
n» 3, et 13,000 fr. à la Maison de Retraite;
La deuxième, du côté du chemin de Courcy et qui n'est actuel-
lement qu'à l'état d'impasse, prendra le nom de rue Jeunehom'ne,
en mémoire: 1" d'un maire de Reims qui a occupé ce poste pen-
dant deux ans; 2° de M, Gabriel Jeunehomme, qui a légué au
Musée de Reims vingt-cinq œuvres dont la majeure partie était
signée des maîtres hollandais et flamands, notamment une fête
de village par David Téniers, plusieurs tableaux de l'école fran-
çaise et quantité de copies anciennes d'oeuvres du xviii* siècle.
10° Entre la rue Gosset et le chemin de Bétheny, des deux côtés
de l'établissement des lits militaires, deux rues :
La première, vers Reims, s'appellera rue Hurlaut, du nom
d'un ancien professeur de droit, qui fut pendant trois ans maire
de Reims;
La deuxième, vers Bétheny, sera dénommée rue l'ronssoii-Le-
conle, en souvenir de M. Tronsson-Leconte, issu d'une vieille
famille de Reims qui a donné plusieurs illustrations à ce pays. Le
choix de ses concitoyens, à une époque où les fonctions du maire
étaient électives, le porta à la tête de TAdministration municipale,
où il resta cinq ans. Il fut appelé en 1808 au Corps législatif, reçut
en 1810 le brevet de chevalier de l'Empire, et en 1814 fut nommé
officier de la Légion d'honneur. Il fit longtemps partie de l'admi-
nistration des Hospices et du Bureau de bienfaisance. C'est sous
son administration, en 180!s, que fut décidée l'installation de la
Bibliothèque publique dans les bâtiments de l'Hôtel de Ville.
H° La rue désignée actuellement sous le nom de rue du Bel-
Air conservera cette dénomination.
12° Entre le cimetière de l'Est et le Tir :
Une rue venant aboutir sur la route de Givet à Orléans sera
U2 CHRONIQUE
désignée sous l'appellatioii de rue du Tir, à raison de son voisi-
nage avec l'Ecole de tir.
13° Le chemin des Courtes-Martin s'appellera rue des Courtes-
Martin, en souvenir du hameau de ce nom, depuis longtemps
disparu.
14" Le chemin conduisant de la route de Givet aux docks, for-
mera la rue Galloteau,, du nom de M. Galloleau-Chapron. qui fut
trois fois et pendant quatre ans maire de Reims, devant cette hono-
rable fonction aux suffrages de ses concitoyens,
15" Devant les cités ouvrières, rue aboutissant à la route de
Cernay :
Elle s'appellera rue Pierrard-Parpaile , du nom de M. Pierrard-
Parpaite, qui fut manufacturier à Reims, membre du Conseil muni-
cipal, chevalier de la Légion d'honneur, fondateur et président de
là Société de secours mutuels dite de Saint-Eloi. Il créa à Reims
la première fonderie de fer du département et aida puissamment
au développement des progrès de l'industrie lainière dans cette
ville. Il se livra avec beaucoup d'intérêt à l'étude des questions
relatives au bien-être de la classe ouvrière et occupa toujours dans
ses ateliei's de nombreux travailleurs.
l6o L'ancien chemin de Beine, par les Ras, longeant l'une des
casernes de la brigade de cavalerie, sera nommé rue du Général
Carré. — Ce général est né à Reims, le 19 février 1770; il mourut
maréchal de camp en 1845. Soldat dans la garde nationale pari-
sienne, il passa en 1791 au 105' de ligne. Il fut blessé plusieurs
fois et eut un cheval tué sous lui à la bataille de Krasnoé, où il
était colonel-major du 6« tirailleurs. Il fut nommé chevalier de la
Légion d'honneur et baron de l'Empire.
17° La rue entre les deux casernes de cavalerie s'appellera rue
Verrier, en souvenir de noire concitoyen Marie-Claude-Bernard
Verrier, maréchal de camp d'artillerie, officier de la Légion
d'honneur, chevalier de Saint-Louis, décédé à Reims le 7 décem-
bre 1837.
19" Le chemin Vert s'appellera rue du Chemin- Vert.
20° Le chemin longeant le groupe de maisons construites à côté
du chemin Vert, s'appellera rue Coulier-Marion, du nom d'un
ancien maire de Reims qui occupa pendant deux ans ce poste
qu'il devait à l'élection.
21° Le chemin de Saint-Nicaise sera désigné sous le nom de rue
Lanson, en souvenir de M. Lanson aîné, ancien adjoint au maire
de Reims et ancien vice-président de la Commission des Hospices.
22' Le chemin de la Terrière, allant de la rue de Mulhouse au
chemin de Bezannes, s'appellera rue Mnrlin. - Marlio fut pen-
dant vingt ans vice-pré-ident de la Commission des Hospices de
Reims, du 12 janvier 1797 au 18 janvier 1817. 11 rendit aux Hos-
pices les plus grands services dans les revendications pour la
CHRONIQUE 143
reconstitution de leur patrimoine, et dans les répétitions pour
obtenir les indemnités auxquelles ils avaient droit pour les soins
donnés pendant les guerres du premier Empire, tant à nos soldats
malades qu'aux nombreux prisonniers de guerre qui furent traités
dans le couvent de Saint-Remi, alors hôpital militaire.
Il remplit avant la Révolution les fonctions de juge, d'abord
comme conseiller au Tribunal de l'élection, et ensuite comme
président du Tribunal des traites foraines jusqu'à sa suppression.
Il fut membre du Collège électoral du département, du Conseil
d'arrondissement et du Conseil général de la commune.
23° Le chemin dit u des Maraîchers », qui va de la rue de Gour-
lancy à la chaussée Saint-Martin, sera dénommé rue des Maraî-
chers.
24° La voie qui du pont de Soissons se dirige vers Saint-Charles,
en longeant le chemin de fer du côté de Muire, recevra le nom de
rue du Bois-d' Amour.
25» La voie qui du pont de Soissons conduit au fossé des égouts
et à Saint-Charles, en longeant le canal, prendra le nom de rue
de Saint-Charles.
26* Enfin le chemin limitrophe du champ de manœuvres, sur
la route de Châlons, se dirigeant de cette route vers le canal, sera
dénommé avenue Hoche, en souvenir de l'illustre général en chef
des armées de la République française, pacificateur de la Vendée.
, Courrier df ht. Chtoiipat/iie.)
On nous écrit :
Unienville, 4 décembre 1891.
« Mon cher Monsieur Frémont,
Je suppose que les lecteurs de la Revue de Champagne et de
Brie ne seront pas fâchés d'avoir quelques détails sur les Mon-
tangon et les d'AUichamp, pour compléter les « Notes historiques
et généalogiques sur Chaumondel et Pisseloup ' ».
1 . Maison ue Montangon
Trois membres de cette famille ont porté le nom de Charles :
1° Charles de Montangon /«r, fils de Jean de Montangon et de
Françoise du Fay, chevalier, seigneur de Crépy, Béard, Rouvray,
etc. Il décéda au château de Rouvray, le 8 septembre 1620. Il avait
épousé, par contrat passé au château de Rouvray, le 31 janvier
1592, Philberte de Bridot, fille de Pierre, seigneur de La Motte et
d'Atlencourt, et de Françoise de Champarl, Il en eut deux fils,
Louis et Charles.
2» Charles II de Montangon, fils de Charles le"-, né vers 1585,
t. (Revue de Champagne, juillel-aoùt 1894, page 563, note 3.) Il y a à
Dienville une contrée appelée Pisseloup.
144 CHRONIQUE
fut élevé page de la grande écurie du duc de Lorraine. 11 épousa
Madeleine de Bretel,^\\\e de Pierre, écuyer, seigneur de Brebant,
et d'Annbroise de Marisy, dame de Valeatigny. Elle décéda le 21
février 16o4. On voit encore son épitaphe dans l'église deCrépy;
elle est ainsi conçue : « Cy gist le corps de deffuncte damoiselle
Magdelaine de Bretel, vivante femme et espouse de Charle de
Montangon, escuyer seigneur de Rouverel et de Crespy en partie,
laquelle dicte damoiselle décoda le vingt uniesme de febvrier 1634.
priez Dieu quil niestre son ame en bon repos ». Au-dessus de cette
inscription, les armoiries des Rlontangon : un écu gironné de 10
pièces.
Louis de Montangon, frère de Charles II, repose aussi dans
l'église de Crépy. Sa tombe est au-dessus de celle de Madeleine
de Bretel. On y lit cette inscription : « Cy gist messire Louis de
Montangon vivant seigneur de ce lieu, Petit-Mesnit. Seru-Cloix.
Guinnicourt, capitaine dune compagnie de chevalierie mestre de
camp dun régiment d'infanterie pour le Roy, lequel deceda le 30
septembre 1643. Requiescat in pace. »
3» Charles III de Montangon, fils de Louis qui précède et d'An-
toinette de Sancierre', était chevalier, seigneur de Crépy, Béard,
Epagne, le Petit-Mesnil et Chaumesnil. 11 naquit au château de
Béard, le 7 décembre 1621 ; son parrain fut Charles, duc de Lor-
raine, et sa marraine, Marguerite de Gonzague, épouse du duc.
Un papier-terrier du château de Dienville nous donne connais-
sance « d'un transport fait par Charles de Montangon à Louis de
Montangon son frère, d'un contrat de constitution de 413 1. de
principal portant rente de 25 1. 18 s. 9 d. Cette rente avait été
établie par demoiselle Nicole le Bégat, femme de l'Evecque,
écuyer, d' à Louvemont, et Charles de Montangon l'avait eue en
contrat de mariage de défunt //onore d'Allichamp, son beau-père
(29 octobre 1629). On trouve aussi dans ce papier-terrier plusieurs
acquisitions et échanges : !<> un arpent et demi acquis de Nicolas
de Creney es étangs du Petit-Mesnil, moyennant 13o livres (3 avril
l6o6). — 2° un arpent et demi es étangs du Petit-Mesnil, achetés
120 livres (7 août 1656). — 3° échange entre Charles de Montangon,
Charles de Bossancourt, Gaspard de Bossancourt, Jeanne de Rom-
mecourt, veuve de François de Bossancourt (tant en son nom que
comme mère et tutrice de ses enfants mineurs), Claude du Gruy (en
fîOn nom et comme ayant la garde noble des dits mineurs), demoi-
selle Claude de Bossancourt, veuve de Charles de Ballidart, demoi-
selles Elisabeth et Claude de Bossancourt, tous seigneurs et dames
du Petit-Mesnil et Chaumesnil. Cet échange consiste en ce que les
dits sieurs et dames de Bossancourt et le dit s^ de Gruy cèdent au
s"" de Montangon sept fauchées et demie de prés au-dessous de
1 . Il eut de ce mariage deux enfants : Charles et Louis, Après la mort
d'Antoinette, il épousa Marguerite de Chastenay, veuve de François de
Bezanne, s' de Guignicourt.
CHRONIQUE 141)
l'étang vieil et en contre-échange le s' de Montangon abandonne
aux s""* de Bossancourt un contrat de constitution de rente qu'il a
retiré des mains des héritiers de défunt François Navarre de Jau-
court à qui les s"* de Bossancourt étaient débiteurs comme héri-
tiers de Jean de Bossancourt, leur père ; le dit contrat montant à la
somme de o80 livres, et passé le 10 janv. 16*22 (fév. 16j7). —
40 Vente par François du Mesnil d'Arrentière à Charles de iMon-
tarfgon et à Charlotte, sa (seconde) femme, d'nn arpent es
étangs du Petit-Mesnil, moyennant 90 livres. Dans cette somme
est comprise la rente du dit arpent d'eau et prés, depuis l'acqui-
sition ci-devant faite par Louis de Montangon, père du s""
Charles, des héritiers de feu Jean de Bossancourt et de Char-
lotte de la Bergère, son épouse (2 décembre 16o9). Charles III de
Montangon avait épousé, en premières noces, Marguerite (TAlli-
champ, fille d'Honoré d'Allichamp et de Jeanne du Mesnil-Cham-
bourg; et en secondes noces, Charlotte-Marguerite Dessalles (ou
de la Salle), v« d'Edme de Fumel, s'' de la Coste. — Marguerite
d'Allichamp est inhumée au milieu du chœur de l'église de Crépy ;
voici son épitaphe : « Cy gist le corps de deffunte dame Margue-
ritle Dalichamp dame de Crespy et de Pachieu et autre lieux
femme et espouse de mon"' Charle de Montangon viv. seigneur
des dit lieu laquelle ditte dame est décédée le 18 de mars 16o4.
Dieu veule mestre son ame en repos. )> [Au bas, les armoiries des
d'Allichamp : un chevron accompagné de trois quintefeuilles, 2 en
tête et 1 en pointe.
II. M.-viso.\ d'Allichamp
Le François d'Allichamp mentionné dans la Revue de Cham-
pagne^ est François-Honoré d'Allichamp, fils d'Honoré d'Alli-
champ et de Jeanne du Mesnil-Chambourg. Il épousa, par contrat
du 5 janv, 1684, A7iiie de Guigne, fille de Nicolas, seigneur de
Humaine et de Frampas, et de Jeanne Legoux. 11 était seigneur
d'Epagne et de Balnot-le-Châtel.
Le papier-terrier de Dienville nous parle d'une donation faite par
Jacques-Anne de Montangon à François-Honoré d'Allichamp, siîi-
gneur d'Epagne, « de tout ce qui lui appartient à Epagne, droits
seigneuriaux, accin (6 arpents), enclos, 1 fauchée de prés, 14 denrées
de vignes, une maison, cour, jardin (2 arpents), un gagnage consis-
tant en "li journaux et 6 fauchées de prés à Morvilliers, 30 livres
de rente — 36 arpents de bois au finage du Petit-Mesnil, au bois
de Niselle, à charge par le dit donateur de payer 200 liv.-es par an
de pension viagère (a mai 1692). »
François d'Allichamp et Anne de (iuigne ont laissé six enfants :
!• François-Honoré d'Allichamp. 2® Jean-Georges d'Allichamp.
30 Charlotte d'Allichamp, mariée à Claude-Martin de Bochebonne,
1 . Ibid., p. 584, par. 1.
10
140 CHRONIQUE
seigneur de Balnot, Epagne et autres lieux. 4° Catherine d'Alli-
champ', mariée à Seiganot, écuyer. o" Anne-Antoinette d'AUi-
çhamp, baptisée le Î4 déeennbre 1700. 6° Jeanne d'Allichamp,
mariée à Claude-Louis du Pons ne Bourneuf, chevalier, seigneur
de Pons et de la Neuville.
Honoré d'Allichamp et Anne de Guigne, son épouse, ont été
inhumés au chœur de l'église d'Epague. l'un, le 30 septembre
1710, et l'autre le 31 juillet 1704. Leurs tombes ont disparu; mais
on voit, au milieu du sanctuaire, au pied de l'autel, la tombe
A' Honoré d'Allichamp, père de François-Honoré; et à droite, la
tombe de leurs enfants, François-Honoré et Jean-Georges. Celle
d'Honoré iVAUicliamp porte cette inscription: « Cy gi Honore
Dalichamp escuyer seigneur d'Epagne, filz de René Dalichamp
escuyer seigneur de Briel Flamer(ecourt) 1667. »
La tombe des enfants porte l'inscription suivante : « Cy gis
François-Honoré Dalichamp âgé de Irois ans et trois mois fil de
feu Honoré Dalichamp vivant escuyer seigneur d'Epagne et autres
lieux et de diimoiselle Jeanne de Guigne son espouse qui deceda
le XV^ jour du mois de février 1663. — Cy gis encore Jean George
Dalichamp fil du dict feu Honore Dalichamp et de la dilte damoi-
selle Irere du dict François Honoré âgé de six ans un mois qui
deceda le 30 avril 1670. Prie Dieu pour eux. )^
On voit dans l'église de la Ville-au-Bois (près d'Amance) les
tombes de Gaspard de Pons, d'Anne de Comble^ son épouse, et
A' Antoine de Mertrus, proches parents de Claude-Louis de Pons
de Bourneuf, dont nous avons parlé ci-dessus-. On y lit ces ins-
criptions : « Cy gis... Gaspard de Pons chevalier seigneur de la
Villaubois qui décéda à Troies 2 de juin 1683. Priez Dieu pour son
âme. »
« Sous cette tombe est inumé dame Anne de Comble espouse de
messire Gaspard de Pons qui desséda le trante may mil six cent
septente. prié Dieu pour son ame ».
« Cy gist messire Antoine de Mertrus chevalier seigneur de la
Villaubois et d'Esclance qui décéda le 25 avril 1700. priez Dieu
pour le repos de son ame s. Au-dessus, les armoiries des Mertrus :
un lion couronne.
Veuillez agréer, etc. P. Cuauvet,
Curé d'Unienville.
INous enregistrons avec plaisir parmi les noms qui ont été l'objet
d'une distinction honorifique, comme officiers d'Académie, celui
de M. Henri Matot, le jeune et sympathique imprimeur-éditeur de
Reims.
M. Matot est à la tète d'une des plus importantes imprimeries du
1. Galherine-Gabrielle, baptisée le 31 mars 1702.
2. Claude-Louis est le frère d'Antoine de Mertrus.
CHRONIQUE 147
Nord-Est. 11 est l'éditeur de nombreuses publications intéressantes
sur la Marne. TAisne et les Ardennes ; pour n'en citer que deux,
nous mentionnerons :
V Annuaire Malot-Braine et son Almanach hislorique. admi-
nistra lif et commercial de la Champ igne.
Cet Almanach-Annuaire a été honoré, en 1800, d'une médaille
d'or par l'Académie Nationale de Reims.
En 1892, M. H. Matot prenait l'initiative d'organiser l'Exposition
historique et militaire du Centenaire de Valmy.
Celte exposition, créée de toutes pièces en vingt-cinq jours, eut
d'abord lieu à l'Hôtel de Ville de Châlons-sur-Marne, et ensuite,
du 9 au 26 octobre, à l'Hôtel de Ville de Reims où elle reçut en
dix-huit jours 73,000 visiteurs.
Un nombre considérable d'exposants avaient répondu aux appels
des organisateurs, secondés par la presse locale.
La réussite de cette Exposition historique a été complète; il
était donc juste que M. le ministre de l'Instruction publique se
souvînt du nom de l'organisateur dévoué qui avait tant contribué
par son initiative intelligente, son zèle infatigable, au vif succès de
la patriotique exposition du Centenaire de Valmy. Nous l'en féli-
citons bien vivement. {La Papeterie.)
Un habitant de Merfy, petite commune de l'arrondissement de
Reiras, canton de Bourgogne, collectionneur de tableaux, vient
de découvrir une toile qu'il attribue à Rembrandt.
La peinture étant recouverte, en certains endroits, d'un vernis
qui en rend l'examen assez difficile, cet amateur la lait dévernir
en ce moment et ne tardera pas à soumettre l'ceuvre à la compé-
tence des experts.
* *
M. Ritt, receveur général, vient d'être nommé gouverneur géné-
ral de Monaco en remplacement de M. de Farincourt.
M. Ritt n'est pas un étranger pour nous: il a exercé pendant
plusieurs années les fonctions de receveur particulier à Epernay,
où il a laissé d'excellents souvenirs.
Par décret en date du 15 janvier 1895, a été promu au grade
de chevalier de la Légion d'honneur, M. Marie-Henri-Viclor
Guerlet, de Reims, consul de première classe, rédacteur à la
direction des affaires commerciales, au ministère des Affaires
étrangères.
La Revue hislorique de l'Ouest ifév. et mars iBdo) contient un
148 CHRONIQUE
article de M. le vicomte Odon du Hautais, consacré à l'illnslration
de la famille Lagier dans l'Eglise catholique La famille Lagier pré-
tend descendre d'Eiiclier de Lageri et d'I>abelle de Châtillon. A elle
se rattachent le cardinal Eudes I.agier (il 00), Bertrand Lagier,
évèque de Glandèves, aussi cardinal (1320-1392), Gilbert-Antoine
Lagier, supérieur des Frères-Prêcheurs (1718-1770^; cette famille
est étninte en 1873 dans la personne de Calherine-Aimée Lagier,
femme du baron Philibert-Victor Travot.
La Bibliothèque de l'Ecole des Charles (nov.-déc. 1894, p. 573-
o98) publie un article de M. H. Lacaille sur la vente de la baronnie
de Coucy, en novembre 1400.
M. Henri Sée vient de faire paraître dans la Revue historique,
livraisons de novembre 1894 à février 189b, une intéressante htude
sur l-'S classes servîtes en Champagne, du XI" au XI V^ siècle, qu'il
nous a paru utile de résumer ici.
Ce travail, fort bien documenté, grâce aux nombreux cartulaires
que nous possédons pour cette période, et strictement limité aux
frontières de notre province, présente cet intérêt particulier que
les comtes de Champagne ayant con«ervé longtemps leur indé-
pendance, enrichirent par là-même cette région en y développant
le commerce et l'industrie, facilitant ainsi aux classes serviles les
moyens de s'élever à une condition supérieure.
L'auteur prend le serf dans le domaine seigneurial, où s'écoule
son existence tout entière, domaine issu de l'antique villa gallo-
romaine, exploitée par une population d'esclaves ou de colons
soumis à l'autorilé absolue de leur maître.
Aux ix« et x^ siècles, la villa s'appelle mansus indominicatus,
les esclaves et colons sont des serfs, toujours assujettis au sol,
ayant reçu chacun un lot de terre, manse ou parcelle de manse.
Ainsi la tenure du serf se distingue désormais de l'ensemble de la
villa, dans laquelle jadis elle se confondait.
Dès la fin du x* siècle, s'établit une nouvelle forme de propriété,
le fief; on distinguera désormais, relativement à une même terre,
les droits domaniaux et les droits féodaux qui pèsent sur elle.
Les droits seigneuriaux du xi^ au xni'^ siècle vont se détaillant,
se morcelant de plus en plus; mais le domaine continue à garder
assez nettement son intégrité préventive; son centre, le manstis
iiidominicalus, siège et résidence du seigneur, est le chateau-fort,
d'oîi s'étend l'autorité dominicale sur toutes les propriétés ou
tenures serviles qui constituent toujours l'ensemble du domaine.
On ne distingue plus, comme au ix<^ siècle, des manses libres
et des manses serviles; la dimension de toutes les manses se
diversifie à l'infini : chacun vit sur le lopin de terre qu'il cultive
CHRONIQUE 149
et pour lequel il doit à sou seigneur des redevances de toute
sorte.
Encore aujourd'hui, dit avec raison M. Sée, le territoire de la
commune ou tout au moins de la paroisse, représente assez exac-
tement la circonscription de l'ancienne villa. J oulefois, au cours
du moyen âge, les domaines seigneuriaux se morcelèrent consi-
dérablement; les héritages, mutations, donations pieuses contri-
buèrent beaucoup à ce démembrement progressif des fiefs sei-
gneuriaux.
Au début du moyen-âge, la grange, le four et le moulin ne sont
que des appendices de la villa; plus tard, leur existence devient
en quelque sorte indépendante, ces exploitations forment avec les
terres qui les entourent des manses nouveaux ou se subdivisent à
leur lour en parcelles de manse.
Au ix« siècle, les esclaves fendent de plus en plus à se confondre
avec les colons, et dès le xi* siècle, il n'y a plus qu'une seule caté-
gorie de cultivateurs, appelés serfs ou hommes de corps, expres-
sions qu'on retrouvera pendant plus de deux siècles, jusque dans
le courant du xiv^ siècle.
La naissance surtout semble déterminer la condition servile. Le
fils du serf naît serf comme le fils du propriétaire naît proprié-
taire; cependant, suivant Li drois et couslumes de Cliampuiyne,
recueil de décisions judiciaires formé par quelque praticien, au
xiv^ siècle, on peut encore devenir sert par mariage ou par rési-
dence sur une terrre servile.
D'autres fois, ce sont des hommes libres qui, par dévotion, s'en-
gagent volontairement dans la servitude^ et se donnent comme
serfs à des abbayes. Aux abords du xiv« siècle, ces sortes d'obla-
lions sont assez fréquentes.
Le serf, en fait^ est un pur objet de propriété; dans l'inventaire
du domaine seigneurial, on le cite à côté des prés, des bois, des
rivièies ou étangs. C'est avant tout une source de revenus; de sa
vente on retire une certaine somme, qui représente sa valeur.
Bien que le serf soit le plus souvent inséparable de la parcelle
de terre sur laquelle il est établi, les droits qui portent sur la terre
et ceux qui portent sur les serfs peuvent être fori bien séparés :
on peut céder un domaine en garJant les hommes qui vivent
dessus, ou céder les hommes en gardant le fonds.
Généralement les cessions de serfs sont faites à des églises ou à
des monastères; on offre à un établissement religieux une famille
entière, ou plusieurs groupes de familles ou même les serfs de
toute une villa. Parfois cependant des dons de cette nature, sont
faits par nos comtes à des laïques, par exemple pour récompenser
les services d'un fonctionnaire dévoué.
Les échanges de serfs déjà communs au xiie siècle, se multiplient
auxiu"; il en de même des ventes, qui comprennent également
1 50 CHRONIQUE
tantôt des individualités isolées, tantôt des familles ou des
groupes de familles, ou la totalité des habitants d'une villa.
Les prix varient suivant la qualité des individus, l'étendue de la
lenure, l'importance des droits auxquels ils sont soumis. Ici un
homme se vendra cinquante livres; là trois hommes seront adjugés
pour quarante sous.
Une famille vaut 160 livres, alors qu'un lot de quarante-six
ménages n'est estimé que 40 livre? tournois.
11 va sans dire que les seigneurs ne témoignent pas toujours
pour leurs serfs les ménagements que réclamerait la simple
humanité. Les serfs ecclésiastiques eux-mêmes ne sont guère à
l'abri des inqualifiables violences dont usent à l'égard des serfs
laïques les seigneurs, au cours de leurs rivalités perpétuelles. Les
scènes de pillage et de massacre ne sont pas rares; les prévôts des
comtes de Champagne eux-mêmes, les avoués des abbayes, chargés
de protéger leurs serfs respectifs, sont la plupart du temps les
premiers à les molester.
Pourtant, malgré ces misères inhérentes à leur humble condi-
tion et aux rudes mœurs du temps, les serfs de Champagne ont
une famille et un patrimoine très nettement constitués.
La famille des serfs existe au même titre que la famille seigneu-
riale : le père a pareille autorité sur sa femme et sur ses enfants.
Dans les ventes ou donations on ne sépare point les membres
d'une même famille.
La tenure servile jouit d'avantages comparables à ceux d'une
véritable propriété : c'est un patrimoine, lieredUas, et la terre ou
mesnic (du latin mansus) est transmissible par le père à ses
enfants. Le mot mesnic. ou mesniée désigne tantôt la tenure de
l'homme de corps, tantôt sa famille.
Fermier héréditaire ou, si l'on peut dire, usufruitier à perpé-
tuité, il ne peut être déplacé par le maître. Il a une maison
léguée par ses ancêtres, et peut même construire sans en
demander l'autorisation du seigneur. Ce seul fait, remarque fort
ju.slenient M. Sée, nous explique déjà les futures revendications
de la classe servile.
De môme que l'esclave antique, disposant librement de son
pécule, l'homme de corps peut posséder en toute propriété des
biens meubles et immeubles, s'enrichir par son travail et son
économie, doter sa fille; son lot de culture peut être plus ou moins
considérable, suivant que les circonstances le favorisent.
Il arrive que des mariages se concluent entre les deux classes :
serfs et hommes libres.
Les Coutumes de Champagne prévoient le cas où une femme
noble épouse un serf; à sa mort les enfants perdent le fief de leur
mère et redeviennent serfs, à moins de renoncer à la lignée
paternelle. Au contraire, la serve qui épouse uu homme libre suit
la coadition de son mari.
CHRONIQUE 151
Les alirancbissemenls, qui se multiplient au xiii" siècle, contri-
luient à la transformation progressive des classes serviles.
La grande caractéristique des serfs proprement dits, c'est qu'ils
sont taillables à merci, c'est-à-dire soumis, en matière de rede-
vances, à l'arbitraire du seigneur; ils sont encore astreints rigou-
reusement au formariage et à la main-morte : pour contracter
mariage hors du domaine, il leur faut payer une taxe onéreuse;
meurent-ils sans enfants, leur patrimoine fait retour au seigneur.
Celui-ci vit des revenus de ses domaines, c'est-à-dire de l'exploi-
tation des serfs, qui se fait par l'intermédiaire d'agents subal-
ternes, sortes d'intendants dont le principal est le maire {major
ou viUicus) dont l'origine paraît remonter au viUicus romain.
On trouve encore le sous-maire (sub majcr), le qrenelier,
commis aux granges, et quelquefois le messier, qui surveille les
moissons et les récoltes.
Ces officiers, presque toujours de race servile, et choisis parmi
les habitants de la viUa, soumis à la justice domaniale comme de
simples serfs, jouissent pourtant de nombreux privilèges, reçoivent
fréquemment l'affranchissement, sont exemptés de maintes rede-
vances, du moins tant qu'ils sont dans l'exercice de leurs fonctions,
sortes de charges vénales dont le seigneur sait toujours tirer bon
protit.
Mais ces mêmes charges, étant fort souvent viagères et môme
héréditaires, arrivent à constituer une véritable classe de fonc-
tionnaires qui s'enrichit, acquiert des domaines et peut-être
même des fiefs, et s'achemine ainsi lentement vers la noblesse.
Dans les grands domaines féodaux, les maires sont subordonnés
au prévôt, personnage déjà important, parfois né serf, mais ten-
dant bien vile à s'élever plus haut : il régit le domaine, centralise
les revenus, rend la justice, lève les contingents militaires fournis
par les hommes de corps.
L'exploitation du domaine comprend les redevances, les bana-
lilés et la justice. Redevances personnelles, portant sur la per-
sonne du serf; redevances réelles, attachées à la terre. Les pre-
mières seules sont constitutives du servage : ce sont principale-
ment la capitalion, la laitle, la mainmorte, le formariage et les
corvées.
La taille, en certains cas, peut être réelle, exigible par exemple
pour des hommes qui ont quitté le domaine, mais y possèdent
encore des terres : le droit qui pesait sur le cultivateur est alors
reporté sur la terre qu'il cultive,
La mainmorte Qi le formariage sont susceptibles d'atténuation;
pour retenir les serfs qui commencent à se déplacer, le seigneur
consent, moyennant une certaine somme, à laisser les héritiers
reprendre la terre sur laquelle ils avaient perdu leurs droits;
deux seigneurs voisins s'entendent pour permettre de façon
générale tout mariage entre leurs serfs respectifs : les enfants
1 52 CHRONIQUE
issus de ces mariages mixtes seront seulement répartis entre les
deux maîtres.
Les corvées, innombrables, contribuent pour une forte part à
l'exploitation domaniale.
En outre, les serfs sont astreints au service militaire, soit au
profit de leur propre seigneur, soit, lorsqu'ils appartiennent à
une terre d'église, au profit du seigneur laïque sous la protection
duquel ils se trouvent.
Le comte de Champagne, par exemple^ lève une grande partie
de son armée sur les domaines ecclésiastiques de son ressort.
Du reste, la plupart des seigneurs s'engagent à ne convoquer
leurs paysans que dans les cas de nécessité grave, et ;\ les tenir
quittes de tout service à l'époque de la moisson. Le serf est tenu
de concourir à la défense du domaine seigneurial, mais il s'en écarte
peu d'ordinaire, et sa participation aux grandes luttes féodales est
généralement assez faible.
Les redevances réelles concernent exclusivement la terre, sans
considération de la condition du possesseur. C'est d'abord le cens,
impôt foncier qui porte principalement sur la terre et les maisons;
il représente comme le prix du fermage, et se paie en argent et à
terme fixe.
Il y a aussi les coutumes, proprement dites, acquittées en
nature : terrages ou champarts (portion d'avoine ou de froment),
]es gélines (nombre déterminé de volailles: oies et poules), les
vinages (mesure de vin), les charruages (impôt sur les bêtes de
trait, qui se paie en nature ou en argent), etc.
Toutes ces redevances, d'abord payées en nature, finissent par
être à peu près uniquement estimées à prix d'argent, et cela dès
le xiiie siècle.
Toute mutation foncière donne encore lieu à une redevance;
c'est ce qui constitue le droit de loch et ventes, de taux variable,
déterminé par la coutume ou lixé par le seigneur.
Les dîmes sont perçues par les abbayes et les chapitres; ce sont
des redevances en nature qui portent sur tous les produits de la
terre: céréales, fourrages, légumes, vins, bestiaux, etc. Ces der-
nières taxes sont évaluées, non à la dixième, mais à la treizième
partie des récoltes.
Les terres des établissements religieux étant placées presque
toujours sous la protection d'un seigneur laïque, notamment sous
celle du comte de (Champagne, les serfs doivent acquitter les frais
de cette luition ei. payant des droits de sauvement et de garde,
redevances en nature qui portent aussi sur le blé et l'avoine.
De là découle également le droit de gUe, pour lequel le seigneur,
les gens de son escorte, ses officiers et agents doivent recevoir
l'hospitalité partout où il; passent. Parfois la redevance pécu-
niaire qui remplace cette obligation donne naissance à une rede-
CHRONIQUE 1S3
vance personnelle dite fouage, perçue en céréales ou en argent, à
tanl par feu; souvent d'ailleurs le gîte et le fouage sont exigibles
simultanément.
L'exploitation seigneuriale s'étend à tout ce qui est d'un usage
commun aux habitants de la villa. Le seigneur laisse générale-
ment à ses serfs, au prix d'une redevance, l'usage des forêts et
des terres en friche : ils y prennent « le mort bois pour ardoir et
le vif pour édifier » ; ils y recueillent !e miel et la cire des abeilles;
ils y mènent paître leurs porcs moyennant une taxe spéciale ou
droit de pasnage, pasnadium.
Le droit de pêche est également l'objet d'une concession parti-
culière.
Le seigneur a de même le monopole de toutes les banalités :
moulins, four, pressoirs, foires, marchés, etc.; les contraventions
sont rigoureusement punies d'amendes.
Dès le xii"* siècle, les foires de Champagne constituèrent pour
les seigneurs, et notamment pour les comtes de Troyes, une
source fort importante de revenus; au xin« siècle, leur vogue
était immense dans toute la chrétienté, et le commerce qui s'y
faisait vraiment considérable.
Dans les bourgs de quelque importance, et même dans de
simples villages, un marché se tenait chaque semaine, dont le
seigneur tirait bon profit, ne fût-ce que par la location des stalles.
Les droits de justice sont aussi partie essentielle du domaine
seigneurial. Cette justice s'exerce à la façon des autres rede-
vances, et constitue un objet de propriété analogue aux terres,
bois, prés et serfs qui forment le domaine. Elle peut se décom-
poser, d'ailleurs, comme la villa; non seulement le mansus indo-
minicatiis et le cloître de l'abbaye, mais encore la grange, le
four, le moulin ont souvent leur justice spéciale. On peut aliéner
tout ou partie de la juridiction d'un même domaine, ou vendre
ce domaine en s'en réservant les droits de justice.
Une distinction assez nette est établie entre les droits de justice
attachés à la possession de la terre, et les droits de justice atta-
chés à la possession des hommes.
La justice domaniale comprend la haute et la basse justice,
presque toujours distinguées l'une de l'autre. Elle est rendue au
moyen d'assises régulières ou plaids; elle est souveraine et
absolue; toutefois, la coutume tend de plus en plus à régler et à
modérer son exploitation dans ce qu'elle pourrait avoir de trop
arbitraire.
Du reste, si aux xe et xi« siècles l'immense majorité des paysans
est soumise au se''vage absolu, au xii» le mouvement d'émancipa-
tion commence, et au xiii« un grand nombre ont déjà bénéficié de
l'affranchissement. A mesure que les cadres territoriaux se relâ-
chent, que le domaine seigneurial se désagrège, que les mutations
s'accroissent, les affranchissements se trouvent favorisés d'autant.
154 CHRONIQUE
C'est pour les seigneurs une occasion de lucre et un moyen de
retenir les hommes sur leurs terres.
L'affranchissement ne porte guère que sur les redevances per-
sonnelles, et encore est-il rarement complet. Lhomme franc paye
une taille réglée, somme déterminée et versée à des dates fixes, en
vertu d'un quasi contrat; mais il demeure souvent astreint à la
main-morte, par exemple^ et au formariage, aussi hien qu'au ter-
rage, au cens, etc.
Franc ou serf, l'habitant ne cesse pas d'appartenir au seigneur;
qui peut à son gré le céder ou le vendre.
Au xii« siècle,^ les affranchissements sont surtout individuels; au
XIII*, ils deviennent fréquemment collectifs, et s'étendent aux serfs
de tout un village, voire de toute une région. Ils résultent souvent
d'un pariage conclu entre deux seignelirs.
L'Eglise dut prendre évidemment une certaine part à ces éman-
cipations collectives, mais il ne semble pas que les évêques et
abbés aient accordé leurs privilèges à un taux moins onéreux que
les seigneurs laïques; ils 5ont avant tout propriétaires, et comme
tels, jaloux de leurs intérêts et de leurs droits.
A côté des francs proprement dits, il est plusieurs catégories de
paysans qui échappent plus ou moins à la servitude. Les sex'fs
domestiques paraissent jouir d'une situation privilégiée : dans les
monastères, ils suivent les exercices spirituels des religieux, ont
droit de sépulture dans leur cimetière, sont exempts des plus
lourdes redevances.
Les hôles possèdent des terres distinctes dans le domaine, qui
portent le nom à'hoslises, bénéficient de certaines exemptions,
ne sont pas attachés à la terre, ont la faculté de faire le com-
merce, etc. Ce sont des sortes de fermiers, tels qu'on en rencontre
d'ailleurs quelques exemples, en Champagne, au moyen-âge.
On y trouve des paysans affranchis qui possèdent une certaine
fortune et régissent des exploitations rurales d'importance parfois
considérable. On voit des tenanciers engager des procès contre le
seigneur pour la défense de leurs droits, et en obtenir ainsi une
diminution de taille.
Dès lors, le mouvement d'émancipation s'accentue et se géné-
ralise. Les paysans' s'accoutument à soutenir en commun leurs
intérêts, se déplacent plus aisément d'un domaine à l'autre, au
moyen de mariages mixtes, d'arrangements amiables convenus
avec les seigneurs. Il y a aussi les désertions qui deviennent de
plus en plus fréquentes, à ce point que les seigneurs sont amenés
à prendre des mesures spéciales pour arrêter cet abus. Les comtes
de Champagne sont les premiers à s'inquiéter de cette tentation
qu'éprouvent les serfs de leurs domaines d'émigrer dans les
grands domaines voisins, et ils signent à cet égard des conven-
tions expresses avec les ducs de Lorraine, les comtes de Luxem-
bourg, les comtes de Bar-le-Duc et les rois de France eux-mêmes.
CHRONIQUE lur»
Pour échapper à leur condition, les serfs cherchent à gagner les
villes neuves et les communes ; car, au bout d'un an et un jour, s'ils
n'ont pas été réclamés, ils deviennent bourgeois.
L'entrée dans les ordres est encore un moyen de sortir de la
classe servile. De même que l'on peut citer des clercs assez élevés
dans la hiérarchie ecclésiastique dont les parents sont des serfs,
de même on voit des serfs entrer dans les monaf.tères, au moins à
litre de frères convers, sans l'autorisation de leur maître.
Des seigneurs eux-mêmes prennent l'initiative d'autoriser de
semblables recrutements, et ces privilèges ne tardent pas à
entraîner avec eux de graves abus, des serfs du comt{' de Cham-
pagne prenant le costume de clercs et se faisant lonsurer pour
échapper au service du comte et vivant ensuite à la manière des
laïques, sauf à se réclamer de l'autorité ecclésiastique dès qu'il
s'agit d'acquitter les droits réclamés par le seigneur.
Il arrive enfin que des serfs affranchis pénètrent dans la classe
noble par l'obtention de fiefs que leur concèdent leurs seigneurs ;
d'autre part, quelques fonctions confèrent la noblesse à leur titu-
laire : tels les sergents et prévôts des comtes de Champagne, la
plupart d'origine servile. Ces cas sont sans doute exceptionnels,
mais ont pour effet de surexciter l'ambition des classes servîtes.
Comme tous les grands seigneurs féodaux, les comtes de
Champagne contribuent aux progrès d'une émancipation contre
laquelle toute lutte serait du reste impuissante. A la fin du
xiii® siècle, presque tous les serfs ont obtenu l'affranchissement ;
ils échappent à la taille arbitraire, aux droits les plus vexatoires ;
ils se groupent entre eux, affluent vers les villes neuves et les
comm.unes, et marchent avec confiance h l'assaut des conditions
supérieures, collaborant ainsi « à la création de cette classe bour-
geoise qui doit un jour absorber les ordres privilégiés ».
A. Ï.-H.
Mariage. — Le 24 janvier a eu lieu à Paris, en l'église Sainte-
Geneviève, le mariage de M. Charles Senart, licencié en droit,
notaire à Châlons-sur-Marne, avec M"^ Jeanne Péchenet, fille de
M. le docteur Péchenet.
La famille Péchenet, propriétaire du château de Brières, près
Vouziers, où elle habite durant l'été, compte beaucoup d'amis
dans les départements de la Marne et des Ardenues.
MÉLANGES
Le Tombeal' de Taine. — C'est presque au bord du lac d'An-
necy, près de Menthon-Sainl-Bernard, où il passait tous ses étés,
que Taine est enseveli. Je suis allé à sa tombe qui se dresse, soli-
taire, dans la campagne et qu'on aperçoit de très loin, un diman-
che de septembre dernier. On y monte par un petit sentier plaqué
contre le Roc de Chère, et tandis qu'on gravit la pente, on a devant
soi la grande muraille nue des rochers de la Tournette et des dents
de Lanfon, tristes d'avoir l'air de vieilles tours en ruines, déta-
chant leurs créneaux sur le bleu clair du ciel.
Comme je m'étais égaré, mes yeux s'attardant à la contemplation
du paysage, je vis venir à moi un vieux paysan, tout voûté et cassé,
descendant péniblement le coteau. Je lui demandai mon chemin :
— Savez-vous où est le tombeau de M. Taine?
— Bien sûr; là tout près, vous obliquerez à gauche.
A tout hasard, je lui posai cette question :
— Vous l'avez connu?
— Oui, me dit-il, on le rencontrait quelquefois sur la route.
Jadis, il arrêtait volontiers les gens pour les faire parler de leurs
affaires; à la fin, il avait toujours l'air occupé ; quand on le saluait,
il répondait poliment, mais il vous voyait à peine.
Rt le paysan conclut, tout en continuant sa route :
— C'était un bien brave homme; j'ai été au Conseil municipal
du Menthon avec lui, autrefois: il connaissait tout...
Quelques instants après, j'arrivai au tombeau. C'est un monu-
ment carré un peu massif, peu élevé, très simple, que surmonte
une petite croix; les pierres en sont très belles, presque blanches,
elles n'ont point la tristesse des choses funéraires. Un petit jardin,
clos d'une grille, entoure le monument, et ses roses blanches, de
pauvres roses de septembre presque détleuries, embaumaient
cette terre de mort. Je franchis la grille pour en cueillir quel-
ques-unes, tant je désirais emporter un souvenir de ma visite à ce
coin de sol où dort à jamais celui qui fut une des plus hautes intel-
ligences du siècle. Puis je m'approchai du tombeau: à travers les
barreaux de la porte de fer qui le scelle, on lit cette inscription :
Hippo'yle Taine, né le 21 avril 1828', décédé le 5 mars 1893. A
côté l'inscription funéraire d'une parente. Au fond, des cou-
ronnes, l'une de branches de lierre, l'autre de fleurs blanches.
Et je me pris à regretter, je ne sais pourquoi, que l'écrivain ne
fût point isolé dans cette demeure dernière : il faut peut-être aux
1 . A V'ouziers (Ardennes).
MELANGES 157
génies des tombes solilaires, afin que leurs fervents puissent y
venir chercher leur pensée et vénérer leur mémoire sans être
troublés par la présence d'un autre mort.
Du tombeau, la vue était magnifique. Il faisait une de ces
radieuses journées d'automne où les contours des choses s'impré-
cisent dans une vapeur rose tljtfant sur tout le paysage, et l'air
était d'une telle douceur, qu'on avait de la joie rien qu'à le res-
pirer. A mes pieds, je voyais la courbe harmonieuse de l'anse de
Menthon, et les maisons perdues parmi les feuillages, et la villa
tout enlierrée où Taine venait se reposer de Paris et travailler
dans le calme et la paix; puis, c'était le château de Menthon, fier
et dominateur au-dessus des masses confuses de la forêt qui le
cerne, et l'ouverture de la vallée de Thônes, limitée par de hautes
montagnes rocheuses. Mais les yeux s'arrêtaient surtout à la con-
templation des eaux bleues et vertes du lac tout frissonnant de
lumière : elles paraissaient vivantes, ce? eaux, en leur frémisse-
ment très doux et prolongé où tremblait la splendeur du ciel. La
nature était en liesse, et la joie de vivre semblait éparse parmi
l'air lumineux; le chœur des choses heureuses chantait l'éternelle
jeunesse du monde dont se renouvelle la vie. Et, comme pour
symboliser la joie des hommes, parmi le silence arrivaient
jusqu'à moi des boutfées de musique, venues des orchestres de la
fête patronale de Menthon. Ainsi l'hymne de bonheur montait dans
le calme de l'heure douce et tiède.
C'était un de ces paysages de fête que le grand mort aurait
aimés. Le charme de la nature caressait et vivifiait sa pensée
amoureuse des belles formes, car Taine fut de ceux « qui n'ont
point perdu leur foi première en étudiant le mécanisme de l'ad-
miration »; il garda le pouvoir de sentir, tout en analysant. Aux
splendeurs sauvages et passionnées des Pyrénées, aux lignes
molles et caressantes des paysages italiens, il reposait son rêve
de connaître les causes et d'ériger les lois du monde. Sans doute,
sa sensibilité, selon l'expression de M. Paul Bourget, était philo-
sophique, et l'art et la nature l'intéressaient surtout comme
signification d'une époque ou d'une contrée; sans doute, il
remontait toujours des choses aux idées générales, et du haut
de ces idées générales, il regardait défiler, pour employer ses
termes mêmes, le cortège des événements. Mais dans toute sa
philosophie se retrouvent cette jouissance de la vie qu'on éprouve
à la contemplation de la nature et de la beauté, et cette félicité
de l'équilibre des facultés humaines en leur emploi normal.
La volupté de vivre — de vivre pour connaître et savoir — qui
se pressent à travers son œuvre, semble donner tort à ceux —
Bourget et Barrés sont du nombre — qui voient le pessimisme
émaner de ses pages. La vie lui paraissait trop curieuse à fouiller
pour en rechercher les mystérieuses origines et les buts mysté-
rieux, il était trop artiste dans sa dissection patiente de l'huma-
198 MÉLANGBS
nité pour que ce désir de connaître ne lui parût pas à la joie de
vivre une raison suftisante.
Et dans la splendeur de ce paysage d'automne où s'attardait la
lune des étés, devant celte vie latente des choses silencieuses, des
feuillages à peine remués par la brise et des vagues du lac fris-
sonnant doucement, en écoutant venir de là-bas, de Menthon en
fête, ces bouffées de mélodies heureuses, à côté de ce tombeau à
peine fermé auprès duquel flottait encore peut-être — du moins
mon souvenir l'évoquait avec respect — la pensée du grand mort,
je repassais en ma mémoire toutes les pages de son œuvre qui
débordent de celte joie de connaître, et qui attestent la croyance
en la bonté de l'existence, où il y a tant de choses à voir et à
savoir, et il nie semblait que sa pensée était en harmonie avec
cette nature aux couleurs trop riches et trop belles, toute baignée
de soleil, cette clarté de vie. , .
Je suis retourné au tombeau de Taine le mois dernier. Décem-
bre avait répandu ses brumes sur le paysage triste, et comme le
soir tombait à l'heure oîi j'arrivais vers la tombe, l'ombre de la
nuit et l'ombre des nuages s'unissaient pour mêler les contours
et les lignes des choses. En bas, le lac agité se brisait contre les
grèves, et sa plainte attristait le recueillement de la nature.
Il n'y avait plus de roses autour du tombeau; les dernières s'en
étaient allées éparpillées au vent d'automne, avec les feuilles
mortes. Il n'y avait plus de joie dans l'air. Et moi qui venais
demander à cette tombe de me redire les paroles .qui font aimer
la vie et qui font croire, j'ai senti le découragement descendre
sur mon cœur^ comme cette obscuiité du soir qui descendait de la
montagne, enténébraic les sapins blancs de neige et s'en allait, de
vallée en vallée, assombrir l'espace.
iN'y eut-il jamais de découragement dans cette vie d'une si
magnifique unité, qui n'eut qu'un but et qu'une idée directrice :
la science et la méthode scientifique dans le domaine de l'huma-
nité? Le philosophe néprouva-l-il jamais l'amertume du doute,
cette amertume qui prend quelquefois l'artiste au cours de son
œuvre, qui prend l'amant à certaines heures d'amour? Quand il
écrivait, sans nul souci de plaire ou de déplaire, avec le seul
scrupule de la vérité qui le hantait, son livre des Origines de la
France contemporaine, qui devait tant soulever de colère dans
tous les clans politiques, songeait-il que sa pensée et son expé-
rience, si longuement mûries par l'étude des hommes et des
sociétés, ne serviraient guère à former la raison des autres
hommes? Il avait montré dans notre régime moderne le trop
grand développement de la puissance publique, ia société orga-
nisée d'après les principes abstraits et non d'après l'expérience, la
suppression de la vie communale et provinciale par suite d'une
centralisation excessive. Ayant affiché ses goûts d'aristocratie, il
avait été mis en suspicion pai notre époque démocratique qui
MÉLANGES 159
faisait fêle à sa gloire Jadis, et qui n'éleiidait point, sans qu'on
puisse en comprendre les motifs, la même réprobation à Henan
plus aristocrate que lui-même. Fondateur du positivisme, enfin
il voyait, dans le domaine de l'art, ses doctrines reprises et
dénaturées par les réalistes qui ne comprenaient point toute sa
pensée.
Oui, il eut ses heures de tristesse, et bien qu'il cherche toujours
dans ses œuvres à être, selon le mot de Flaubert, comme Dieu
dans sa création, présent partout et visible nulle part, cette
tristesse frissonne dans certaines phrases, notamment dans celle-ci
de Thomas Graindorcjc : « Le meilleur fr;:it de notre science est
la résignation froide qui, pacifiant et préparant l'àme, réduit la
souffrance à la douleur du corps. »
C'est donc là toute la félicité que devait apporter la Science!
Elle devait éclairer non seulement le monde, mais l'âme humaine;
malgré la grandeur de ses découvertes, elle a tourné vainement
autour du monde moral qu'elle ne peut supprimer. A l'heure
actuelle, dans les âmes vacillantes il n'est plus de volonté et plus
de but de vivre, et cette anarchie intellectuelle, c'est elle qui l'a
enfantée sans le vouloir et sans le savoir. Les hommes d'aujour-
d'hui, ne sachant sur quelle étoile se guider, se tournent, inquiets,
vers ceux qui, dépositaires de la pensée humaine, peuvent leur
donner le secret de l'existence. Mais ceux-là aussi hésitent au
carrefour des chemins trop nombreux. Zola prêche la religion du
travail : agir sans jamais s'arrtHer pour réfléchir sur la vie, comme
si notre pensée pouvait supprimer en elle les désirs et les rêves qui
l'ennoblissent, et s'arrêter un seul moment de vouloir comprendre
et connaître.
Anatole France se contente d'expliquer l'existence humaine par
la philosophie nihiliste de ce refrain populaire :
Les petites marionnettes
Font, font, font
Trois petits tours
Et puis s'en vont.
Anxieux de sa foi perdue, Pierre Loti s'enfonce « dans l'infini du
désert rose », pour s'en aller jusqu'à la ville sainte, jusqu'à cette
Jérusalem qui peut-être lui rendra une croyance; et Paul Bourget,
déjà chrétien de désir, écoute en Amérique, oîi il contemple sur
place le travail des forces qui fabriquent un monde nouveau, et
peut-être notre société future, les paroles de \\e<^ Ireland lui
disant que la religion est maîtresse des durées. Nul, cependant,
de tous ceux-là et de bien d'autres ne nous donne par son affir-
mation l'illusion de la foi véritable.
Il faut aller vers les tombes demander aux morts qu'ils brisent
notre scepticisme et nous fassent croire.
Là-bas, sur le promontoire où brise la mer de Bretagne, en
face de l'immensité, du ciel et des eaux, dort Chateaubriand.
1,60 MÉLANGES
Celui-là réveilla dans toute une génération la foi qui dormait.
Puis, comme la croyance s'ébranlait chez les hommes oublieux,
un autre homme, celui-là même dont les restes reposent au bord
du lac d'Annecy, celui-là qui, au dire du paj'san de Savoie, con-
naissait tout et qui peut à bon droit incarner à nos yeux la reli-
gion de la science — vint dire que la raison humaine pouvait
livrer les mystères du monde : et les hommes, avides de croire,
acceptèrent celte nouvelle foi.
Et voici que la science s'arrête aujourd'hui devant le monde
invisible de notre pensée et de notre désir. Et, désabusés, les
hommes d'aujourd'hui s'orientent tour à tour, sans élan et sans
enthousiasme, vers ces deux pôles de la Science et de la Foi.
dont l'avenir démontrera peut-être le rapport, et regardent tour
à tour ces deux tombes illustres, dont l'une se dresse mélanco-
lique, en face de la mer infinie, tandis que l'autre est bornée dans
son horizon par les montagnes trop rapprochées. . .
{Fifjnro.) Henry Bordeaux.
L'Imprimeur -Gérant,
Léon FREMONT.
CHARTES
DU
PRIEURE DE LONGUEAU
II
Sans dale (vers 11 iO).
Le chapitre do Tliglise de Reims donne au couvent de
Longueaii sa terre de iMellcray ', à charge de lui payer, chaque
année, à la fête de la Dédicace, 12 sols de monnaie proviuoise.
Témoins : Bosou et Barthélémy-, archidiacres; Diogou*,
* Voir pa^e 19, torae VII de la Revue de Champagne.
1 . llamsau dépendant de Bdslieux-sous Châtillon ; on disait autrefois
Mesleroy-Bailleux. : les dames de Longueau, après leur transfert à Reims,
en étaient seigneurs avec l'abbé d'Hautvillers. Le 2 noverab:e 1771. suivant
acte passé devant Lemaître, notaire à Ctiàlillon-sur-Marue, Marguerite d3
Coindom, veuve de M"^" Thomas, baron de Cuniiif^ham, demeurant au château
de Veroeuil-sur- Marne, agissant en qualité de légataire de M'" Henry
Hyacinthe, comte de Manse, chevalier, seigneur, vicomte des Haut et Bas-
Verneud, tant en son nom personnel, que comme se portant fort po ir les
héritiers dud't comte de Manse, vendit, moyennant le prix principal de
10t) livres, à M^ Louis-François Vol, conseiller du roi, président, lieutenant
général du bailliage de ChàliUou, y demeurant, le fief de Mesleruy relevant
de la terre et vicomte des Haut et Bas-Verneuii, et qui cousislait en
« plusieurs terres, prés, maison et masure, avec 12 arpents de menus bois
(( en grairie, le tout plus amplement déclaré aus aveux et dénombrenicnt-j
« des 2 juillet 1512 et 0 mai 1715. >
Il résulte d'un autre acte dressé le 22 décembre 1775. par Lar.gevin,
notaire à Châtillon, que M. Louis-François Vol de Mesleroy, écuyer,
seigneur de Mesleroy, demeurant à Courdemauge, paroisse de Haslieux, et
M" Claude -François-Armand de Mézières, chevalier, soigne:jr ilu Fresne,
Fleury-la-Rivière et autres lieux, demeurant au château de Beanrepaire,
paroisse de Fleury-la-Uivicre, vendirent à M. Edouard François Mouy,
seigneur de Mœurs, demeurant à Sézanne-en-Brie, tous leurs droits dans les
seigneuries de Connantray et Œuvy, moyennant le prix de -i.OO'i livres, pour
la part du chevalier de Mézières, et celui do -,t)UU livres pour la [lart de
M. Vol de Mesleroy
2. Barthélémy et Boson figurent dans les cartulaires de Sain'.-Remy, de
lionne- P'ontaine, de Saint-Symphorien, de Saint-Thierry et de Saint -
Nicaise, de 114t) à 1162. Barthélémy fut élu cvêque de Beauvais, suivant la
chronique de Robert du Monl.
3. Drogon paraît dans un cartulaire de SaintRemy, de 1l4i à 1178, et
dans l'obiluaire de Saint-Symphorien, le 6 des Ides de novembre 1178.
Il
162 LE CAUTULAIRK DU PRIEURK
prévôt; Léon ', doyen; Gervais', chaulre ; Hcuri et Grégoire,
prêtres; Hugues de Châtillou, Geoffroy, diacres; Ségard et
Roger, sous-diacres; Adam, doyeu de Gliàlillon; Philippe,
chapelain de Longucau; Gaucher, moine de Pontigay ^
11 00.
Henri *, comte palatin de 'J'royes, donne aux nonnes de
Longueau 60 sols, à prendre chaque année, au jour de la fête
de Saint-Remy, sur le lonlieu de Châlillon.
Témoins : Gérard de Ghautemerle, Eudes de Pougy^,
Pierre Bursaud ^ Mathieu le Lorrain, Geoffroy Maréchal,
Gervais de Châtillou ',
Fait à Châlillon par Guillaume, notaire, sous le règne de
Louis, roi des Francs, et sous l'épiscopat d'Ansculphe '.
Sans date (après 1170).
Simon de Moutaigu ' donne à la maison de Longueau trois
1 . Léon, neveu Ju chantre Richer, doyen et écolâtre, est nomuié en la
charte de Renaud II pour les relif^ieus de Saint-Remacle, puis en 1166 et
en 1143 dans la charte de l'archevêque Samson pour l'abbaye de Signy. Il
était aussi chef des écoles, suivant la bulle d'Adrien IV.
2. Gervais est cité aux années 1130-1137-1144 dans le cartulaire de
Saint-Nicaisc. Il fut depuis relig'eux de Saint-Denis. Son nom est marqué
le 1'' des Calendes d'avril en l'obituaire.
3. Pontigny (Yonne;, arrondissement d'Auxerre; abbaye cistercienne
fondée en 1114.
4. Henri I le Libéral, 12' comte de Champagne, fils de Thibault II le
Grand, et de Malhilde, mourut à Troyes le 16 mars 1181. II avait épousé
Marie de France, fille du roi Louis VIL
5. Pougy, Poyerium (Aube), canton de Ramerupl. Eudes de Pougy,
connétable de Champagne jusqu'en 116'J, époque à laquelle il eut pour
successeur Guillaume I, comte de Dampierre. (D'Arbois de Jubainville,
Hist. des Comtes de Champagne, p. 124.)
6. Pierre Bursaud, chambrier du comte Henri avant 1160.
7. Gervais de Châlillon, auteur des seigneurs de Bazoches, laissa de son
mariage avec Hadivide : Nicolas, seigneur de Bazoches et de Vauxéré ;
Guy, chanoine de Soissons ; Milon, abbé de Saint-Médard de Soissons, et
Fauque, épouse de l^enaud de Courlandon.
8. Ansculphe, plus connu sous le nom d'Ancoul, fils de Nivelon de
Pierrefonds et d'Avize de Montmorency, succéda à Joslein de Vierzy. Il
assista au concile des provinces de Reims, Sens, Bourges et Tours, tenu
à Soissons, et fonda l'abbaye de Saint-Jeaa-aux-Bois, près Compiègoe. Il
mourut en 1158 et fut inhumé à Locgpont.
9. MoQtaigu (Marne), château aujourd'hui détruit, commune de Bisseuil,
canton d'Ay ; il est cité dans les Feoda Campaniœ. Simon de Montaigu
figure avec Payen de Monligny en la charte de 1146, par laquelle
Gaucher II de Châtillon fit, avant son départ pour la croisade, de nombreux
dons au prieuré et à l'église de Châtillon,
DE LONGUEAU 163
muids de viu el trois seliers de frotneul a Ad facicndum obia-
iiones quibus Christi corpus conficitur », à preudre auuuelle-
meut sur la ferme de Tincourl i, pour le repos de sou âme, de
celle de sou père, de sa mère, de tous ses amis vivants el
morts, el surtout pour les âmes « piœ recordationis » de Guy el
Gaucher de Châtillou. 11 doune en outre 10 livres de mouuaie
forte. Eu cousidéraliou de ce bienfait, les religieuses lui accor-
dent de participer à perpétuité aux vigiles el à toutes autres
prières qui seraient dites dans leur maison. De plus, un propre
sera récité chaque jour à son intention.
Témoins : Mahaul, prieure de Longueau ; Billiard, épouse
dudil Simon; Payen, son frère-; Nicolaî, Simon, Vaucher,
ses {ils ; Jean de Béron, Guillaume, Ancel, Adam ^, Jacques,
Hugues de Dormans, Guillaume, prieur de Longueau; Jean,
chapelain; Raoul, pécheur de JNeuville^; Roger, prieur de
Neuville ; Arnould et Ingelranne, moines.
Hb8.
Henri, comte palatin de Troyes, à la prière de son iidèle el
amé Gaucher de Ghàtillon, donne à perpétuité, aux pauvres non-
nes de Longueau, tout ce qu'elles possèdent et pourront acqué-
rir dans son fief de Champagne et de lirie, soit par vente, soil
par donation, franc el libre de tous impôts présents et à
venir.
Témoins : Thibault, comte de Blois ^ ; Guillaume de Dam-
1. Tincourl (Marne), hameau dépendant de Venleuil, canlon d'Epernay.
Les anciens seigneurs et les droits seigneuriaux de ce hameau auront une
large part dans la notice que je publierai incessamment sur la famille Guyot
de Chenizol.
2. Payen de Montigny est nommé parmi les témoins de la charte de
1162, en vertu de laquelle Guy II de Ghàtillon donne au prieuré de
Châtillon 7 muids de vin de la montagne de Reims.
3. Guillaume, maréchal de Champagne, Anseau II, bouteillier de Cham-
pagne, seigneur de Traicel, et Adam Bridaine, tous trois témoins de la
charte de fondation du prieuré d'Igny-le-Jard en 1178.
4. Neuville, aujourd'hui château avec ferme, dépendant de la commune
de Sainte-Gemme, canton de Chàlillon-sur-Marne. Le château <lc Neuville
appartient actuellement à la famille d'ilauterive. En 1710, M"' Jacques
Bodelol, prêtre, prieur de Sainte-Gemme, était décimalcur des grosses dimes
de Villers-Agron, conjointement avec les dames du Val-de-Gràce et le
commandeur du Temple de Reims.
0. Thibault, comte de Blois, ftère de Henri le Libéral, épousa Alix, fille
de Louis VII.
164 LE CARTULAIRE DU PRIEURÉ
pierre, Hugues de Plaucy', ThibauU de Mutry^, Pierre
Bursaud, Geoffroy Maréchal.
Fait à Troyes par Guillaume, notaire, le 12 des calendes
d'août ; Louis, roi des Francs; Ausculphe, évèque deSoissons.
1178.
Guillaume 3, archevêque de Beitns, légat du Saint-Siège,
atteste ce qui suit :
« Foulques', d'heureuse mémoire, doyen de l'église de
Reims, a acheté à Gervais de Chaumuzy ^ le tiers de la dime
de Ghambrecy " et l'a donné à l'église de Longueau, sous la
condition que Robert, clerc, sou petit-neveu, en jouirait sa
vie durant, et (ju'après le décès de celui-ci celte libéralité
retournerait au couvent de Longueau, dans lequel sa sœur
Marie est religieuse.
Témoins : Thomas', chantre de l'église de Reims; Milon de
Lagery, Nicolas d'Epernay, Foulques et Léon, ch moines de
l'église de Reims, et autres; Alexandre ', chancelier.
t . Huf^ue-, seigneur de Plancy, au comté de Champagne, laissa pour
fild Miles de l'iaiicy, sénéchtil de Jérusalem et seigneur de Montréal, à
cauye de Eliennelte, sa femme, qui était tille de î^hilippc de Millv, prince
de Naplouse et de Montréal. (Voir 0. de Poli, Inventaire des litres de la
maison de Mdhj. Par-s, 1S88, p. C7-6S.)
Les seifzneurs de Plancy contribuèrent largement à la dotation des Bons-
hommcs de l'abbaye de Machejet. En 1181, Hugues de l^laucy leur aumôiia
le Tour banal ilo ctttc localité, et Hodoalde, veuve de Gilon de Plancy. du
consentement de Philippe et Guy, ses lils, leur donnait, en 1206, une rente
de 3 scliers de grain sur les moulins de Clesles. (E. de Barthéleiny, Charles
de l'abbaye de Madicrcl.)
"2. Mulry (Vlarue), commune de Tauxières-Mutry.
3. Guillaume I de Champagne, dit aux Ulanches-Mains, (ils de ThibauU H
le Grand, 11' comte de Champagne, et de Mathilde, évèque de Chartres,
archevêque de Sens, prit possession du siège de Reims en 1175. 11 assista au
concile de I.alrau en 1179 et sacra, à Reims, Phili[>pe-Auguste, son neveu,
qui le cré.i duc de Reims, premier pair fcclésiastique <le France, et lui
conl'éra le litre de régent avant de. partir poiir la troisième croisade.
Guillaume mourut à Laon eu {"Mi, et (ut inhumé dans la cathédrale de
Reims.
4. l''ouli]UCS souscrivit en la char.e du comte de Roucy qui se trouve au
cartulairc de Siint-Remy. Alexandre III lui adressa plusieurs commissions
en 1 \iyj.
o. Chamuzy (Marne), canlon de \i.le eu-Tardcnois.
6. Charabrecy (Marne), même canton.
7. Thomas .'•igna la cliarle de l'archevêque Henry pour l'accord des
ahbé.s de Signy et do Saint-Nicaisc en 1172; il est cité en IlSo dans le
curtulaire de l'Hôpital.
ci. Alexandre était encore chancelier fu 1182.
DE LONGUEaU ir>:j
ilSH.
Hearii, comle palaliu de Tioyes, confirme l.i donalion failc>
par Gaucher de (>hàlilloD -, avec le conseulemenl de sa femme
el de ses enfauls, à l'église de Longueau, de 10 livres de reule
annuelle, à prendre sur le tonlieu de Chàlillou. pour l'entre-
lieu de deux chapelaios chargés de célébrer à perpétuité le
Saint-Sacrifice pour le repos de son âme; ladite renie payable
moitié à la fête de saint Jean-Baptiste, et l'autre tjioilié à Noël.
1189.
Henri, comte palatin de Troyes, ratifie le don consenti par
son père, le comte Henri, de bonne mémoire, à son filleul
Henri, tils de GeofTroi d'Euilly ", de 20 sols de rente annuelle,
à prélever sur le tonlieu de Chàtillon, el que ledit Henri a
transportés aux moniales de Longueau pour servir de dot à sa
sœur qui y prenait le voile.
Donné à Provins par la main du chancelier Haiciet. Vu
par Guillaume.
1. Henri II le Jeune, 13' comte de Champagne, roi de Jérusalem, (i s
aîné de Henri le Libéral et de Marie de Fiance, marié le 5 mai 1192 à
Isabelle, sœur de Baudoin \^ loi de Jérusalem.
2. Gaucher III de Châlillon, fils de Guy II et de Alix de Dreux, comte
de Saint-Paul, seigneur de Châtillon, Troissy, Crécy, Pierrefcuds, l^ont-
Sainl-Moixent, sénéchal de Bourgogne, bouleiller de Champagne, etc.,
suivit le roi Philippe-Auguste en Terre-Sainte, où il se signala au siège
d'Acre. 11 prit part à la conquête du duché de Normandie en 120,3 el 12Ui,
et suivit le comle de Montfort contre les Albigeois. Le roi lui donna en
Flandre le commandement de son armée, avec laquelle il occupa Touruay
et se distingua à la bataille de Bouvines en 1214. Il se croisa contre les
Albigeois en 1219, et mourut avant le mois d'octobre de la même année. 11
avait épousé Elisabeth, comtesse de Saint-Paul, fille de Hugues, dit
Campdavoine, comle de Saint-Paul, et de Yolande de Hainaut, dont il eut:
1" Guy I, comte de Saint-Paul;
2» Hugues I, comte de Saint-Paul, auteur de la branche des comtes de
Saint-Paul et de Blois ;
3" Eustacbe, mariée à Daniel, seigneur de Bélhuue ;
4" Elisabeth de Châtillon, alliée à Aubert de Hangest, seigneur de Genlis,
morte en 1233.
3. Œuilly (Marne), canton de Dornans. Le 8 janvier 1717, suivant acte
de Lesueur, notaire a Châtillon-sur-Marne, M" Cba'les de Haudoiu,
chevalier, seigneur et vicomte de Passy, agissant comme tuteur des eofanls
nés de son mariage avec défunte dame Charlotte d'Alligret, douua à bail,
pour neuf années, moyennant une redevance de six cent cinquante livies
par an, à Anne Antoine, veuve de Pierre .\lajol, vivant maître des postes à
Port-à-Binson, la moitié appartenant à ses enfants dans les terres et sei-
gneuries dEuilly, Misy et le Mesuil, qui consistaient en maisons seigneu-
riales, bâtiments et lieux en dépendant, terres, prés, bois, aulnaies, peu-
pliers, haies, buissons, vignes, oseraies, cens, surcens, droits seigneuriaux,
lods, ventes, \êtiires, saisines et amendes.
166 LE CARTULAIRE DU PRIEURÉ
Guy de Chàlillon ' et Gaucher son frère, du consealeraent
de Robert, aussi son frère, donnent aux religieuses de Longueau
40 sols, 11 seliers de grains et 8 muids de vin, à prendre sur
Orquigny -, chaque année, à la Saint-Remy. S'ils revieuneni
de la croisade, ils leur concèdent dès à présent la moitié de
leur vivier, et la lotahté après leur mort, quitte et libre de
toute redevance. Ils défendent sévèrement à quiconque de
pêcher dans ce vivier, sauf aux pécheurs des religieuses.
A leur retour, ils pourront reprendre ce vivier comme aupa-
ravant, et déchargent de toute responsabilité leur homme,
Hugues de Biuson.
Témoins: Guy, prieur deBinson ; Milon deSorcy^, Geoffroy^,
clerc de Beauvai.-;; Pierre de Villenauxe ^, Milon de Sorcy et
Hébert son lils, Eudes Leuoir d'Orquigny.
1191, février.
Yidimus du testninoil de B. d'Hnutvillers^.
« L., remensis ecclesiœ decanus, et magister F. ejusdem eccle-
sifp canonicus, omnibus qui présentes literas inspexeriut in
1 . Guy III de Chàlillon, seigneur de Montjay, se croisa avec Philippe-
Auguste, ainsi que ses deux frères.
2. Orquigny (Marne), section de Binson-Orquigny, canton de Châlillon-
sur-Marne. (Sur la prieuré de Binson, consulter Dom Noël et D"' Remy,
op. cil.)
3. Sorcy (Aisne), hameau aujourd'hui disparu de Villers-en-Prayères,
canton de Braisne. Le nom est conservé actuellement par le ruisseau de
Sorcy, aflluenl de l'Aisne.
4. Du Chesne dit que Geoffroy était chanoine de l'église de Beauvais,
5. Villenauxe (Seine-et-Marne), arrondissement de Provins.
6. Je dois à l'extrême courtoisie et aux connaissances héraldiques de
M. le vicomte O. de Poli l'indication de nombreuses sources sur le lignage
d'Hautvilters au sujet duquel je me bornerai à citer les noms suivants. Je
me fais un devoir de lui adresser ici la légitime expression de ma recon-
naissance pour les services et les encouragements qu'il a si largement
prodigués à mon égard.
Vers 1172, Rogier de Ahautviler, Paien de Hautviler et Guilliaumes
d'Auviler, tous trois nommés au Livre des vassaux de Champagne .
1222, août. Etienne de Hautvillers, enquêteur pour le Roi en la baillie
Cépoi. (L. Delisle, Actes de Ph. Auguste, n" 2169.)
1230. « Johannes de Alto Villari. » (B. N. ms latin 11004, Cart. de Vahb.
de Saint-Jean des Vignes de Soissons.)
ISOT. Scel d'Eudes de Mautvilliers pendant au testament de Robert II,
duc (le Bourgogne. (Dom PJanchet, llist. de Bourgogne, tom. I. Preuves,
p. %.)
l2!Kt. (I Fratar Gernrdus de Alto-Villari. servieus iu domo de Nova-Villa »,
DE LONGUEAU 107
Domino salutem '. Noverilis quod nos originale islius Iraascripli
vidimus et perlegimus ; forma siquidem ipsius lulis erat :
Ego G.-, Sparnacensis ecclesiee miuister humilis, el couvenlus
nosler, prœsenlibus el fuluris nolum facimus quod B. miles
de Altovillari ad sepulchrum Domini, Deo volenle, profec-
lurus, leslamentum islud, sicut scriplum hic habetur, in
prœsentia noslra fecil : Garino fratri suo, lerram suam de
Agniaco ^ et Teschœlle de Indrolio ^ et illam parlera viuese
suœ de Disi ^ quam a paire suo habuil, et campum de
Tournoi", el bomines suos de Carapania', et campum de
Moncello Ledewi *, et .^ilvam suam de Pœlli^, in elemosiuam
dédit; sorori sute de Sparnaco, el sorori suce de Turribus '°,
medielalem vineee sute de Campobrunel et campos de Warin-
val ; sorori suse de Portechacre", vineam suam de Sarches •- ;
Helewidi sorori sute, doraum suam; sorori sute de Ogier'^,
prata sua, mobile, et orlum cum vinea; sorori suée de Allo-
ville, lerram de Valle, el campum Villesent '^, el campum de
reçu templier; baillie de Chàlons, (Michelet, Procès des Templiers, tom, I,
p. 407.)
1346, 25 mars. Scel de Jehan d'Auviler, receveur de Vermandois. (Pièces
originales : Doss, de There en Normandie, p. 3 )
1355. Scel de Gile d'Auviler, écuyer de Vermandois. (Clairaœbault,
Tii. scel, reg. 40, p. 2961.)
1. Léon II, successeur de Pierre. (Voir la charte ci-après du mois de
septembre 1201.)
2. Guy, abbé de 1186 à 1198 de l'abbaye de Saint-Martin d'Epernay,
ordre de Saint-Auguslin, fondé en 1032 par Eudes, comte de Champagne.
3. Aigny (Marne), canton de Châlons.
4. Léchelle (Marne), hameau de Reuil, canton de Chiitillon-sur-Marne.
5. Dizy (Marne), canton d'Eperna}'.
G. Tournai (Marne), hameau de Favresse, canton de Thiéblemont.
7. Champagne (Marne), section de Champigneul, canton d'Ecury-sur-
Coole, à moins que ce ne soit Champillon, village voisin d'Hauvillers.
S. Woncel-sur- la -Livre, aujourd'hui le Moncet (Marne), commune
d'Avenay, canton d'Ay.
9. Poilly (Marne), canton de Ville-en-Tardenois.
10. Tours- sur-Marne, canton d'Ay.
11. Oger (Marne), canton d'Avize.
12. Vers la même époque, Roger de Portechacre donne à l'Hùlel-Dieu de
Reims le quart de la dîme de Taissy, et il ordonne qu'à son anniversaire
un repas soit offert au Chapitre et à sis pauvres.
13. Sarcy (Marne;, canton de Ville-en-Tardeuois.
14. Villesaint (Marne), écart de la commune de Boursault, canton de Dor-
mans.
'jG8 le cautulaire du prieuré
L.ivcna ' ; ?ororibus suis de Aveiiiaco-, 11 modios vini,
quandiu vixerinl ; leprosis de Allovillari, campum de Bruin-
val ; malri sua", vinagia sua, (]uandiu vixeril, el posl mor-
lem ejus domiuabus de Lougua Aqua, ad auuiversariuai
suum faciendum, in feslo sancli Nicholai ; Joiranno'' abbali,
suam vaunam. quandiu vixeril, posl morleni ejus ecelesiae
AUovillaris*; ipsa aulem vanna débet canonicis de Sparnaco,
X anguillas. in prima dominica ; X libras, canonicis de
Sparnaco; X libras luron, sauclimouialibus de Aveniaco;
X libras luroneusium, sacerdolibus de AUovilia, ceulum
solidos, priori de AUovilia ; centuin solidos Pbilippo comili ;
XL solidos. Simoni Labole; XL solidos, Theob. medico;
XL solidos, Renardo de Blaine'. Hiec aulem omnia, ul scrip-
lura habelur, singulis in elemosiuam dedil. Quod ne valeal
oblivione deleii pra^seuli scriplo commandalum esl el sigilli
lioslri apposilione firmalum. Aclum anno incarnali Verbi
MCXCL mense lebruarii. »
1198.
Thibault °. comte palatin de Tro;yes, donne en perpétuelle
aumône, à l'église de Longueau. lUO sols de rente annuelle,
à prendre sur le tonlieu de Châtillon, savoir : 40 sols à la fêle
de Sainl-Remy, et GO sols à Pâques, à charge, toutefois, par
les religieuses, de faire célébrer tous les ans l'anniversaire de
sa mère, la comtesse Mathilde.
Fait par Gaucher, chancelier, avec le signe de Pierre.
1198.
Thibault, comte palatin de Troyes, donne aux nonnes de
Longueau un droit d'usage dans sa forêt de Vassy ', pour y
prendre le bois vif dont elles ont besoin pour leurs construc-
tions, et le bois mort nécessaire à leur chauffage.
1. Lavannes (Marne), écart d'Epernay.
'2. Aveuay (Marne), canton d'Ay. Abbaye de l'ordre de Saint-Benoît.
fondi?e vers GOO par sainte Berthe, épouse de saint Gombert.
."î. Joranne, 28» abbé d'ilaulvillers , mourut le 28 décembre 1180.
4. L'abbaye d'Hautvillers, de l'ordre de Saint-Benoît, fut fondée par
saint Nivard, vers tJ6U.
.^). Blij^ny (Marne), canton de Ville-en Tardenois.
C. 'l'iiibault 111, 14' comte de Champagne, frère de Henri 11 le Jeune,
décédé le 2i mai 1201, à l'îlge de vingt-deux ans, avait épousé, le
l" juillet 1199, Blanche, ûUe de Sancbe le Sage, roi de Navarre.
7. la grande forêt de Vassy couvre le territoire d'Igny-le-Jard, à l'angle
sud -est, el le sépare des communes d'Orbais, Suizy-le-Franc, Mareuil-en-
Brie et le Baizil. Le hameau de N'assy, situé sur la route qui conduit de
Doimaus à la forêt, fait partie de cette dernière commune.
DE LONGUEAU 169
1198.
Gaucher de Nanleuil ' conlirme aux religieu.'^es de Lougiieau
lout ce qu'elles oui reçu en sou fief, savoir : de Gaucher-, sou
père, lîi livres de revenu aunuel sur le loulieu de Chàlillou,
moitié à preudre à la Saiul-JeauBaplisle. el moitié à Noël,
pour dotation de deux chapelains chargés de céléhrer la messe
à perpétuité pour le repos de son âme, avec uu demi muid de
blé à preudre sur le four de Lhéry ^, el aulanl que Guy \ sou
oncle, leur a octroyé au même lieu plus 20 sols de Irécens à
FaveroUes^ à recevoir, eu l'octave de l'Epiphanie, d;ms sa
grange d'Esclem '^; 4 setiers de froment à Tramery ', 8 muids
de vin de Milon Gordon, à Tram.ery ; o aulres muids pour la
dotation de sa fille religieuse ; le tiers du moulin de Eaverolles
avec le service dû à ce moulin; 1 muid de blé sur le four de
Bligny"; une prairie el deux pièces de terre pour la dotation
de ses deux nièces qui ont pris le voile. En don de Thomas de
Savigny^, un autre tiers du moulin de FaveroUes, avec un
pré voisin, pour la dotation de sa fille religieuse; en don des
frères Girard el Eudes do Lagery '", 27 setiers et une mine de
blé, dont 7 à preudre sur le moulin de l'endroit, et le reste
sur la dime du village, pour la dotation de deux religieuses ; en
don d'Hugues du Plessier ". 4 setiers de froment à prendre
1. Gaucher II de Nanteuil, fils de Gaucber I de Nanteuil, el d'Helvide,
décédé au mois de mai 1224, eaterré à Iguy, épousa en premières noces
Sophie, comtesse de Chevigny, el ensuite Alix de Courlaudou, dont il eut
Gaucher III de Nanleuil, seigneur de Nanteuil, Suippes, FaveroUes et
Treslon.
2. Gaucber I de Nanteuil était ûls de Gaucher II, seigneur de Chaiil-
lon, Troissy et Montjay, et de Ade de Roucy. Il mourut eu 1187, el Ilel-
vide sa femme eu 1190; tous deux ont été enterrés à l'abbaye d'Igny.
3. Lhéry (Marne), canton de Ville-en-Tardcnois.
4. Guy II de Cbâtillon.
îj. FaveroUes (Marne), canton de ViUe-en-Tardenois.
6. Eclin (Marne), commune de Chaumuzy, situé sur le penchant d'une
colline à l'entrée du bois de Gourion, au sud du territoire du villaj:e.
7. Tramery (Marne), même canton.
8. Bligny (Marne), même canton.
9. Savigny-sur-Ardre (Marne), même canton.
10. Lagery (Marne), même canton.
11. Le Plessier (Marne;, ferme dépendant d'Aougny, nnême canton. Guy
du Plessier, chevalier champenois, se croisa avec le comte 'l'hibault en 1198.
Claude du Plessier, écuyer, seigneur d'Ogny et du Fort Chasteldu Plessier
avait épousé, vers 1551), FerreUe de Bussy, lille de Jehau, écuyer, seifiueur
d'Ogny et Rougnac, et de Jehanneton de .\liremout. (Le baron E. du Pin
de la Guérivière, Ascendanls et alités de la Mai<!on du Pin de la Guért-
viére, Reims, Irap. modfrne. 1894.)
170 LE CARTULAIRE DU PRIEURÉ
sur sa grauge, pour la dot de sa fille; en don d'AUard de
Sarcy ', à Tramer}^, 1 niuid de vin à prendre sur ses vignes.
Sans date (vers 1198).
Gaucher de Nanleuil confirme la donation faite aux nonnes
de Longueau, par Guy son frère, de 28 sols à prendre à per-
pétuité, sur les trécens de Faverolles, dans l'octave de l'Epi-
phanie. Il reconnaît en outre que l'église de Longueau lui a
accordé la possession héréditaire de ce qu'elle avait reçu de la
terre de Milou Chardon de Gourville et Ville-eu-Tardenois, et
qu'en échange il a abandonné à ladite église 0 seliers de
froment à Anlhenay.
1198.
Gaucher de Châtillon - confirme aux religieuses de Longueau
tout ce qu elles tiennent du don et aumône de ses prédéces-
seurs et d'autres, savoir ; de Gaucher'^, sou aïeul, le lieu où
est bâtie la maison conventuelle avec tout ce qu'il possédait en
cet endroit, notamment le bois, l'eau, les prés et les champs,
avec le moulin de Nuisement \ une charrue de terre à Bligny ^,
une autre à Anthenay"; de Guy', son père, deux parts dans
1. Sarcy (Marne), même canton.
2. Gaucher III, comte de Saint-Paul.
3. Gaucher II, seigneur de Châtillon, de Troissy et de Moatjay, fils de
Henri I de Châtillon, et de Ermeugarde de Montjay, accompagna le roi
Louis le Jeune au voypge de la Terre-Sainte ; en passant par les montagnes
de Laodicée, il fut tué par les Sarrazins, le 19 janvier 1147. Il avait épousé
Ade, fille de Hugues, dit Cholet, comte de Roucy et d'Aveline, dont il eut
plusieurs enfants, entre autres :
Guy II de Châtillon,
Et Gaucher I, auteur de la branche de Nanteuil.
4. Nuisement (Marne), canton d'Ecury-sur-Goole.
5. Bligny (Marne), canton de Ville-en-Tardenois.
6. Antheuay, canton de Châtillon-sur-Marne.
1084. M" Jean Beaudier, sieur d'Anthenay, garde du corps du roi,
demeurant à Châtillon. 1765. Pierre-Jean Bocquet, écuyer, sieur d'Anthenay.
7. Guy II, seigneur de Châtillon, Troissy. Montjay et Crécy, fils de
Gaucher II et d'Ade, vivait en 1170 et laissa, d'Alix de Dreux, sa femme,
fille de Robert de France, comte de Dreux, et d'Avoise d'Evreux :
1» Gaucher III, comte de Saint-Paul ;
2* Guy III de Châtillon, seigneur de Montjay, mort au siège d'Acre,
en 1191 ;
3" Robert, évoque de Laon, qui se trouvait ù la bataille de Bouviues, en
1214, et mourut en 1215 ;
4° Marie, alliée à Renaud, comte de Dammartin, et ensuite à Jean III,
comte de Vendôme ;
5" Alix, dame de Clichy- la-Garenne, mariée à Guillaume, seigneur de
Garldude ;
6° Amicie de Chfttillon, qui élail mariée, en 1185, à Baudoiu du Donjon.
DE LONGUEAU 171
les deniers, aux trois solenailés, à Gourville', de noble darne
Ade de ChùlilloQ -, le moulin de la Chaussée", le moulin de
Bligny et 20 sols àBrugny*, de sa tante maternelle, Ermen-
garde, trois sols et un demi muid de blé sur le moulin d'Or-
quigny ; de Pierre Poix, 20 sols de rente sur Brugny, à
prendre à Binson ; de Dodon de Mesleroy, un muid de blé et
un muid de vin, un demi-muid de blé à prendre sur sa grange
de Troissy '■, avec tout ce que les religieuses possèdent de sur-
plus en rente et cens dans l'étendue de son domaine,
1199.
Guillaume, archevêque de Reims, cardinal-prêtre du litre
do Sainte-Sabine, confirme la donation faite aux pauvres
nonnes de Longueau, membre deTabbaye de Fontevrault, par
Maurice de Belrain°, son fidèle et amé chevalier, de dix setiers
de grain, à prendre annuellement sur les moulins de Chau-
muzy, moitié froment, moitié orge.
Fait par Mathieu ', chancelier.
1 . Courville (Marne), canton de Fismes.
"2. Ade de Châtillon, femme de Gaucher II.
3. La Chaussée (Marne), lieudit de Vauciennes, canton d'Epernay.
4. Brugny (Marne), canton d'Epernay.
0. Troissy (Marne), canton de Dormans. 1708. — Anciens seigneurs :
M" Charles-Bernard de Pastour, écuyer, seigneur de Troissy. 1720. M'*
Philippe-Gaspard de Castille, chevalier, marquis de Chenoise, seigneur,
baron de Troissy, vicomte de Nesle-le-Repons, Try et autres lieux, lieute-
nant du Roi an gouvernement de Champagne et Brie, demeurant au châ-
teau de Chenoise. Le 26 février 1721, il donna à bail à Nicolas Coutelet,
marchand à Reuil, et Marguerite Niverd, sa femme, et à Philippe Legendre,
meunier à Cuisles, le revenu des terres et seigneuries de Troissy, Nesla et
Try, consistant en « le château de Troissy et ses dépendances, les terres
labourables, les droits seigneuriaux, la tuilerie, le moulin de Nesle.le mou-
lin de Troissy, 32 arpents de bois taillis, au bois du Crochet, à la forêt de.
Bouquigny, au bois de la Goulenne et à la forêt de Nesle ; le bac de la Mai-
son Rouge, la nacelle passante et tournante à Try ; les terras, prés et ver-
saines, pressoirs de Troissy, Bouquigny ei Nesle ; rentes, haute, moyenne
et basse justice, cens, surcens, défauts, amendes, droit d'afforage, hallage,
mesurage, droit de place aux jours de foire et marché, greffe de la justice
de Troissy, Nesle et Try, et généralement tous droits dépendant des terres
et seigneuries de Troissy, Bouquigny, Try et Nesle, moyennant une rede-
vance annuelle de 3,2o0 livres, et à charge de fournir chaque année aux
dames religieuses de l'Amour- Dieu 8 setiers de blé, mesure de Troissy, et
un poinçon de vin clairet. »
C. Belrain (Meuse), canton de Pierrefitte.
7. Mathieu succéda à Lambert, devenu évêque de Thérouanne; il est indi-
qué au cartulaire de Saint-Nicaise et de Saint-Denis, sous les années llil-i,
1199 et 1200.
172 LE CARTULAIRE DU PRIEURÉ
1200.
Maurice, chevalier rémois, donne, avec le consenlemenl de
Lucie, sa femme, en perpétuelle aumône, douze seliers de fro-
ment, à la mesure de Fismes, sur Unchair', aux dames de
Longueau, qui ont reçu sa fille Marguerite dans leur commu-
nauté, et ce, avec faculté de rachat, en payant trente livres
provinoises, dans le délai de deux ans à compter du jour de
Pâques.
1200.
Gaucher de Nanteuil doime à Helvide, sa mère, la grange
d'Ecliu, avec ses dépendances, tant eu jardins, terres labou-
rables et prés, qu'en cens d'Espilly- et de Chaumuzy, avec
l'avoine, et le petit bois voisin de ladite grange^, à charge de
payer un cens annuel de douze deniers, à la Saint-Remy. Jl
lui donne aussi une part du Moulin Hardy avec les prés en
dépendant, et le droit d'usage et de pâture des Bâtis de Nan-
teuil. Il accorde également à sa mère le droit d'acquérir depuis
la Planchette* jusque vers le haut de Chaumuzy, jusqu'à sept
sols de cens, les terres et prés nécessaires pour l'établissement
d'une grange.
1200.
Confirmation de la charte qui précède, par Gaucher de Châ-
tillon.
1200, novembre.
Confirmation de la même charte par Guillaume, archevêque
de Reims ; fait par Mathieu, chancelier.
120O, décembre.
Troisième confirmation de ladite charte par le comte Thi-
bault de Champagne. Fait à Ghâtillon.
i200.
Gaucher, seigneur de Nanteuil, donne à l'église de Lon-
gueau deux setiers do froment et deux setiers d'orge, mesure
de Reims, livrables chaque année à la fête de Saint- Remj-,
pour l'emplacement d'un moulin situé à Tréloup^, que la
prieuresse et le chapitre de Longueau lui avaient concédé à
1. Unchair (Marnn), canton de Fismes.
2. Espilly (Marne), hameau de Chaumuzy. — 1700. Marc de Cossoq»
écuyer, demeurant à Spilly, près Ciiaumuzy. — (l'aul Pellot. Une prise
de voile, en 1714, à l' Amour- Dieu-les-Troissy. Sainl-Amand, imp. Deste-
nay, 189ÎJ.)
3. La grange du Moyen-Age était ce que nous appelons une métairie.
4. Planchette, petit pont en bois sur un ruisselât.
5. Tiéloup (Aisne), canton de Condé.
DE LONGUEAU 173
perpétuité. La jouissance viagère de cette aumône est laissée à
sa sœur Agnès de Reims, ci- devant prieuresse de Longueau,
pour retourner après son décès à l'église dudil lieu.
1201, septembre.
Léon', doyen, Hémart-, chantre de l'église de Ueims,
et Foulques, chanoine de ladite église, attestent ce qui suit :
Robert d'Aulnay^, clerc, eu présence de Richard, prieur de
Longueau, reconnaît avoir vendu le profit de sa dime de
Chambrecy qui, après son décè3, devait retourner à l'église de
Longueau, moyennant dix livres de monnaie de Provins,
payables aux religieuses du monastère dans le délai de trois
ans. Il a eu outre été convenu que Marie, sa sœur, religieuse
du couvent, prendrait sa vie durant, sur cette dime, trois
setiers de froment chaque année.
1204, septembre.
Baudoin*, prévôt, P. ', doyen. H., chantre, et autres frères
du chapitre cathédral de Reims, font savoir que Gaucher
de Lagery", chevalier, a donné k l'église de Longueau le dou-
zième lui revenant dans la dime de Lagery, sauf dix setiers de
grains que l'église de Saint-Denis avait le droit de prendre
sur cetie dime. Adam île Lagery'', chevalier, confirme cette
aumône. Eu considération de ce bienfait, le couvent de Lon-
gueau reçoit en religion la (iile de Gaucher, et fait remise à ce
dernier des quatorze setiers de grains qu'il devait chaque
année.
I20i, octobre.
Blanche", comtesse palatine de Troyes, confirme la dona-
1. Léon II figure dans le carlulaire de Sainl-Nicaise, et fui depuis reli-
gieux de Saint-Denis de Reims, suivant l'obiluaire, le 8 des ides d'octobre,
•2. Ilémart, évêque de Soissons en i'iOl , d'après Albéric.
3. Aulnay (Marne), ancien village détruit, aujourd'hui simple ferme,
commune de Ville-en-Tardenois.
4. Baudoin fut l'un des trois candidats à l'archevÙLhé, après le décès de
Guillaume de Champagne, mais il y eut opposition. 11 mourut le 2 des ides
de septembre, suirant l'obituairs de Saint-Timothée, et fat enterré au
cloître du monastère d'Jgnj.
5. Billiard, neveu de Boson, archidiacre de Champagne.
6. Gaucher de Lagery, (ils d'Adam, seigneur de Lagery, et d'Ade,
épousa Hersinde dont il eut G'^rard, chevalier, seigneur de Lagery en 1219.
— (Comte E. de Barthélémy. La famille d'Urbain II.)
7. Adam de Lagery était liU d'Eudes et d'Aelis, arrièrc-pelit- neveu du
pape Urbain II. — (E. de Barthélémy, op. cil.)
S. Blanche, fille de Sanche le .Sage, roi de Navarre, avait ép;)usé, le 1"
juillet ll'JO, Thibault III, comte de Champagne ; elle est dé éJée eu VlVi .
174 LE CARTULAlkE DU PRIEURÉ
liou l'aile par Roger de Cramaul ', à la maison de Loûgueau, de
rjuaranle sols de revenus, qu'il tenait d'elle en fief sur le
péage d'Kpernay, à prendre chaque année à la fête de la Nati-
vité.
Fait à Uzy-, par Gaucher, chancelier, avec le signe de Jean.
1205, juin.
Ermengarde-^, abbesse de Saint-Pierre de Reims ^, et le cou-
vent dudit lieu, déclarent que Marguerite, femme de feu Bau-
doin Esloul, a donné aux Sœurs de Longueau vingt sols
de Irécens qu'elle possédait sur la maison de Cauchon de
Moutlaurenl"', située contre la maison de Hugues le Cornier,
et qu'elle avait achetés de ses deniers durant son veuvage, à
prendre annuellement, moitié à la fête de Saint-Remy, et
l'autre moitié à Pâques, à charge d'un anniversaire pour son
mari à la fête des apôtres Simon et Jude, Il est convenu que
Marie, sœur de Marguerite, percevra ce trécens sa vie durant,
et qu'après son décès, il retournera libre aux Sœurs de Lon-
gueau.
1205.
B.6, prévôt, B.', doyen, H., chantre et autres frères de
l'église de Reims, attestent que Ytburge, religieuse de Lon-
gueau, a donné à ce monastère la moitié de sa maison proche
la porte du cloître des Chanoines, tenue par Robert le gantier,
sous un trécens annuel de 30 sols, et vingt et un de cens, sur
un étal au marché. Ytburge réserve la jouissance de cette libé-
ralité pendant sa vie et celle de sa lille Garsie. Lors de leur
décès, ce revenu servira à acheter du charbon pour chauffer la
communauté après les matines, et au réfectoire.
1200, janvier,
B. prévôt, B. doyen, H. chantre et autres frères de l'église
1. Cramant (Marne), canton d'Avize. Koger de Cramant, homme-lige, a
son article sous le n» 2851 du Livre des Vassaux du comte de Champagne.
2. Uzy (Yonne), commune de Domecy, canton de Vézelay.
3. Ermcngardc n'est pas citée par la Gallia Christ,, parmi les abbcsses
de Saint-Pierre de Keims. Elle doit venir après Ludivide, qui mourut en
janvier 1101, et avant Elisabeth II, qui transigea en 1211, avec Raoul, comte
de Porcien.
4. Abbaye de l'ordre de Saint-Benoît, fondée à Reims, au vu« siècle,
par sainte Bove, lille du roi Sigebert.
5. Montlaurent (Ardennes), canton de Rethel.
6. Beaudoin II, prévôt de Reims, de 1192 à 1200.
7. Beaudoin, 16» doyen de Reims, de 1204 à 1210-
DK LONGUEAU 175
de Ueims, déclarent que Hugues dX^uchair», chevalier, et
Pentecôte, sa femme, louches de la pauvreté de la maison de
Lougueau,dans laquelle ils ont deux filles au service de Dieu,
ont donné à l'église de ce couvent, du consentement de Geof-
froy, leur lils, 24 setiers de grains, moitié blé d'hiver, moitié
blé marsois', à la mesure de Fismes, à prendre chaque année,
sur la dime d'Unchair, et en cas de déficit, sur le moulin de
Vandières^, ou sur leur ahauage* d'Unchair.
1207, leiideinaiti de l'Epiphanie.
Hugues ^ comte de Relhel. et Félicité, sa femme, du con-
sentement de Hugues, leur fils, donnent aux dames de Lon-
gueau un muid de froment, à prendre tous les ans, à la fête de
1. Uncbair (Marne), canton de Fismes. Hugues de Lapery, seigneur
d'Unchair, élail fils de Guillaume de Lagery, et eut pour fils Geoffroy, né
de son union avec Pentecôte, et vivant en 1210.
"2. Marciagium, marlium ou trimestre frumentum. En français, mars,
marsis, marsois. marsage. « Ils doivent pour chacun slier de bled un denier
parisis et pour chacun slier de marsage une obole » (Statuts de l'échevinage
de Mézières-sur-Meuse, Ardennes). Marsaige, en la charte communale de
Mézières, octroyée par Hui^ues lil, comte de Rethel, en 1233.
3. Vandières (Marne), canton de Châlillon-sur-Marne. Anciens sei-
gneurs : 1700. Jean Lévêque, écuyer, seigneur dudit lieu et de I*ouilly, con-
seiller du roi, ancien lieutenant des habitauts de Reims. — (Givelel. Armo-
riai des Lieutenants des habilanls de Reims.)
1756. Charles Drouart de Vandières, e'cuyer.
1761. Simon-Eléonore-Hubert, oificier du roi.
J768. Madeleine-Claude de Soisy, veuve de M" Gédéon-Charles de
Conquérant, à laquelle Jean-Martin Robert, écuyer, demeurant à Reims,
rend foi et hommage, le 26 septembre de ladite année, à cause du lief de
Barbonval, relevant de la terre de Vandières.
1776. Marie-Louis-Jacques Goudin de la Bor}', ancien officier au régi-
ment de Champagne, et François-Guillaume de Sauville de la Presle,
écuyer, conseiller du roi honoraire en la Cour des Monnaies.
1789. Charles Magonet, brigadier des gardes du corps du roi.
(Voir Hist. de Vandières, par J.-B. Legras. Reims, Imp. coop., 1877.)
4. Ahenagium, ahanagium, ahenage, a/iawage comprend tous les pro-
duits des champs cultivés. En vieux français : ahan, peine, labeur, partie
qu'on ne cultive pas sans mal. Ahanage et ahenage s'emploient encore pour
désigner non seulement la culture do la terre, mais la terre arable elle-
même. On dit aussi ahennier pour laboureur. [Ducange, verbo ahenagium.)
5. Hugues III, comte de Rethel, seigneur de Mézières, Arches et Châ-
teau-Regnault , décédé en 1228, épousa : 1° en 1191, Félicité de Broyés ;
2" Félicité de Beaufort. Il était fils de Manassès V, et de Mahaut de Lor-
raine.
En 1220, il prit parti pour le comte de Champagne, et fut chargé de gar-
der le pont de Port-à-Binson, mais n'ayant pu résister, il prit la fuite.
176 LE CARTULAlRIi DU PRIEURÉ
Saint-Denis, sur le Chàlelct',à la mesure dudit lieu, à charge
de faire célébrer après leur morl, à perpétuité, uu auniver-
saire pour eux el pour leurs prédécesseurs, le lendemain de
la fêle de Saint-André.
1207.
M. -, comtesse de Bourgogne, veuve de H. de Oisy, donne,
sa vie durant, aux religieuses de Longueau, la moitié de la
dinie (ju'elle possède à Verueuil\
1207.
Jean, seigneur de Montmirail '', donne à l'église de Longueau
tout ce qui lui a[)pnrtienl, de son chel', dans la moitié de la
dime de Verneuil.
1-208, mai.
Hugues, comte de Rcthel, notifie le traité suivant :
llelvide de Mont de Jeux '" doit 80 livres rémois à Guyonue,
du chef d'Henri, son mari. Elle a assigné pour re.xlinclion
de celte dette tous ses revenus de Mont-de-Jeux, excepté le
four banal et la menue dime. Guyonne el Gérard, son mari,
1. Le Cliàtclel-sur-Kelouine (Ardeinies), canton do Janivile.
"2. Mar:;uerite de Blois, décédéc cti 1230, (ut mariée : 1° avec IIupuis
d'Oi^y III* du nom, seifi;ueur de Monlmirail, vicomle de la Ferté et cbâlt-
lain de Camhroy ; 2" à Olhon, comte de la haute Bourgogne, frère de l'empe-
reur Henri VI, et (ils de Frédéric barberousse ; 3° avec Gautier II, seigneur
d'Avesnes, dont elle eut Marie d'Avesnes, comtesse de Blois, seconde femme
de Hugues 1 de Cbàlillon. comte de Saint-Paul. — {P. Anselme, t. II. p- 8ifî.)
3. Verneuil (Marne), canton de Dormans. Seigneurs :
1683. Marie-Angélique Dumesnii de Saint-Simon, veuve de M" Gas-
f.ard de Baradat, chevalier, vicomle de \erneuil.
1720. Pierre-François Le Gorlicr, seigneur de Verneuil, demeurant à
Châlons.
1777. M" Paul le Cordelier, chevalier de l'Ordre de Saint-Louis, maître
de camp de cavalerie, seigneur en partie des haut et bas Verneuil.
Fn 1781), il existait à Verneuil une importante manufacture de faïence et
de porcelaine, ainsi que l'atteste un traité passé devant Ilacquart, notaire à
Cbàtillon sur-Marne, le \" novembre de la même année. Par cet acte, le
sieur Pierre-Antoine Hamon, manufacturier à Verneuil, se rend acquéreur
des parts el portions appartenant, dans cet établissement, à M" Charles-
Louis-Philippe de Salperwick, chevalier, marquis de Grigny, grand bailli
d'épée héréditaire des ville et bailliage royal d'Iiesdin, demeurant à Eser-
val, province d'Artois, el à M"'" Hélène-Jeanne- Louise Mouck d'Erguy,
épouse de M'e Louis-Antoine MouUart, chevalier, Eeigneur du grand Moulin,
demeurant à Montreuil-sur-Mer,
4. Montmirail, chef-lieu de canton, arrondissement d'Epernay.
Jean de Montmirail, fondateur de la MaiscuDieii de Mécringes, en 1208.
;>. Mont-de Jeux (Ardennes), section de Saint-Lambert, canton d'At-
DK I.ONOUEAU 177
ont stipulé 'le ne recevoir des revenus d'Helvide la valeur de
deux sols qui ne soit portée eu compte et déduite de la créance
totale. Deux hommes du village percevront ces revenus qu'ils
remettront à (niyonue, et les feront porter en compte par
Gilon' de Saint Lambert. Le blé sera vendu dans la quinzaine
de la Saint-Remy, ou dans la suivante, à moins que Guyonnc
ne consente à un autre délai.
Témoins cautions et assermentés, chacun pour dix livres :
Hugues de Sorcy ■, Raoul de Cuneilletir, Gervais de Vienne,
N. d'Ârlhalia, Renaud, son frère, Guy d"llai:teville ^ Mathieu
de Suzanne'' et Jehan de Suzanne.
Témoins uon assermentés : Guy de Befforl"', pour dix livres,
lequel, pour être quitte, abandonne ce qu'il possède au ilont
de Jeux ; Geoffroy de Goucy ''' a répondu pour dix livres. Gilon
de Sainl-Lamberl, qui tient le Moulde-Jeux dans sa mouvance
et a confirmé tout ce que dessu?, répondra à quiconque atta-
querait Guyouue.
1209, janvier.
Albéric de Humbert notifie ce qui suit :
Gérard de Mont de Jeux, chevalier, a doté noble dame
Guyouue, sa femme, de la moitié de la terre qu'il a héritée de
ses père et mère, ainsi que de sou château. En outre, comme
ladite Guyonne avait prêté une forte somme d'argont audit
Gérard, celui-ci lui abandonne en retour une vigne et un jarJm
au Mont-de-Jeux, avec les vitiages du lieu, pour en jouir sa
vie durant, et quatre muiJs de griins. moitié froment, moiiic
avoine, à percevoir chaque année, et dont elle pourra disposer,
à son gré, pour le repos de son âme et de celle de son maii.
1209.
Gonfirmation de la charte qui précède par le chapitre de
l'église de Reims.
I . Gilon de Soint- Lambert est cité sous les u" 30^ et 305 du Rue des
Ficfs comme possédant du chef de sa Cemm»'. à Oiry, vinj^t journaux et
quatoizc fauchées de lerie,la justice, trois (|i artels de vigne, six livres partie
pour le four et partie pour le charroi. Tous ces dioits sont de la inouvauie
de Roger d'Oiry, qui tient la justice dudit lieu.
2. Sorcy (Ardennes), canton de Novion-l'orcien.
3. Hautoville (Ardennes), canton de Château-l'orcien.
i. Suzanne (Ardennes), canton de Tourteron.
5. BtlTort (Marne), village aujourd'hui détruit, sur le lerritore de Bazaii-
courl^ canton de Bourgogne.
G. Coucy (.\rdeDncs), caulon de H( ihel.
12
178 I-E CAUTULAlKli DU PBlliUUE
1200, juin.
MiloQ ' d'Aulheuay, chevalier, clouae aux uoiuies de Lou-
gaeau, du coiisenlemeut de la comtesse sa femme, de Gilbeil
el de Renaud, ses eufanls, tous les avantages, produits, terres,
prés, bois, renies, hommes el autres biens qu'il possède à
J3aslieux et à Melleray, après avoir, pour la validité de la
disposition, obtenu le consentement de Gaucher de Naaleuil,
sou suzerain,
1201), juillet.
Sophie-, dame de Nanleuil, renonce à rusufiuU que son
mari lui avait réservé sur des biens donnés à Longuean,
ti EgoSophia, Domina de Nautolio, uotum bicio, priesenlibus
el futuris, quod ego, saluti propriie consulens, religiosorum
bominum consilio, coucessi ecclesiiu de Loogua A.qua, ut
ipsa possideat pacibce, sive vivam, sive moriar, elemosinam
illam qiia' ipsi Ecclcsiie facli fuit marili mei et meo assensu,
quando ipse peregriuacionem adversus Albigenses herelicos^,
Concossi quidem, quantum ad me perlinel, attendens debili-
lalem corporis mei, el maximee eegriludinis eminens pericu-
lum, quoniarn iu primi coucessione, quum dominus meus
viam, sicut prœJiclum est, arripuil, quandiu viverem, ipsa
clemosiua ad ecclesiam deveuire non polerat, uude rogo
Dominum et maritum meum, ut amore Dei et pauperis ec-
clesiiB istud sine molestacioue ecclesiie leneal. Aclum post-
quam Dominus meus recessit pro via Albigensium, anno
Domini MCGIX, mense julio. »
lio'.t, y juillet.
Fauque, dame de ^'ézilly *, alors veuve, donne à l'église de
Longueau, de l'ordre de Fontevraull, diocèse de Soissoos, six
seliers de froment à prendte chaque année à la fête de Saint-
Martin d'hiver, sur sa terre de Vézilly.
1. 'Vers 1172, NJilou d'AuUie :ay, appelé aussi Miles du Plessier, lient
fiels à Anlhenay, au Plessier, à Igliy, à Baslieux et à Villers-AgroQ.
(LoDgnon, Vos^aux de Champagne., n°' 1374-1375.)
2. Sophie, comless'3 de Chevigny, première femme de Gaucher H de
Nanteuil.
3. Il y u uu mol de passé dans le manuscrit.
.'i. Vézilly (Aisue), canton de Fère-en-Tardeuois. Fauque, mariée à
Henuud de Courlandou et ensuite à liaoul de Serv, était fille de Gervois de
Châtirion, seigneur de Bazoches. — Le 24 février 16o9, Jacob de Conflan,«,
chevalier, seigneur et baron de Vézilly, et dame Magdeleine Levesque, sa
femme, donnent une quittance à honorable homme Etienne Dclalain,
licencié ès-lois, avocat au siège présidial de Laon.
DE l.OiNGUEAU 179
I2il.
Giiard de llourges ', avec rassenlimenl de son épouse, de
ses frères el de leurs femmes, donue à l'église de Lougueati, sa
dime de Verneuil, mais pour ce bieufait ladite église lui aban-
donne caritalive quinze livres de monnaie de Provins. Donné
sous le sceau de tîaucher da Nanleuii, en présence dudil.
Gaucher cl de Régnier de Guisles.
1212, oclobre.
Blanche, comlesse palatine de Troyes, compatissant à la
pauvreté de la maison de Longueau, confirme la donation
faite par son fidèle el amé Maurice do B^lrain, au profit de
celte église, de 40 seliers de grain, moitié froment, moite
avoine, à prendre sur Anthenay, el qu'il tenait du don du
comte Henri, mais en tant seulement que celle fiumôue ne
louchait en rien à son fief de Bligny.
1212, oclobre.
A'.béric -, archevêque de Reims, dénonce le traité suivant :
Maurice de Beîrain el Hamaide, sa femme, ont donné aux
rcdigieuses de Longueau, pour en jouir après leur décès, tout
ce qu'ils ont acquis dans la paroisse de Bligny, excepté le pré
Baudoin el une maison qu'ils. ont donnée aux religieuses de
Saint-Pierre de Reims. Ils ont donné en outre, au couvent de
Longueau, un pré situé à Vorcelles ^ el une vigne, sise à
Villers, qui venait du clerc Pierre, frère de Maurice, à charge
de célébrer un anniversaire pour ledit Pierre. Les religieuses
ont rétrocédé aux donateurs, leur vie durant, la grange de
Bligny, qui, après leur décès, retournera au monastère, avec
moitié du mobilier la garnissant; Maurice el sa femme pour-
ront disposer à leur gré de l'autre moitié du mobilier.
Sans date (vers 1200).
;S . . . ', évèque «le Soissous, notifie que Roberl de
1. Hourges (Marne), canton de Fismes.
En 1202, Gérard de Hourges accorde à Julien, abbé d^Igny, pour les
bestiaux de l'abbaye, un droit d'usage dans ses pâtures. {Hid. de l'abbaye
d'igny, par l'abbé l'.L. Péchenard. Reims, Imp. coop. 1883.)
2. Albéric de Humberl ou de Hautvillers, archidiacre de Paris, fut sacré
le 8 juillet 1207 et jeta les fondements de la cathédrale actuelle. Il assista
en 1213 au quatrième concile de Latran, se croisa en 1217 pour la Syrie, et
mourut à Pavie le 24 décembre 1218.
3. Vorcelles, aujourd'hui moulin sur le territoire de Villers sous-
Châlillon.
4. Nivelon de Chérisy assiste au concile de Latran eu llT'J. Il prend part
180 LE CARTULA.IRE DU PRIEURÉ
Cury *, chevalier, du consenlemenl de Aelis, sa mère, et de
Nicolas, sou frère, a dounéen aumône, à l'église Sainte-Marie de
Longueau et aux religieuses y servant, en affection de sa sœur
religieuse en ce couvent, 20 selierô de froment à prendre.
chaque annéd, dans sa grange et sur les lerrages de Dhuizel -.
Témoins : Gaucher de Cury, Alain de Roucy, Baudoin de
Gueux\
\-2\:\, mai.
Raoul Plonquet*. seigneur de Vaudières, reconnaît qu'il
doit aux nonnes de Longueau, pour échange d'une vigne et
d'un savart contre la vigne qu'elles avaient à Vandières, au
milieu du village (le surplus de celte charte est
perdu).
{4 suivre.) Paul Pellot.
à la croifade piêcbée par Foulques de Neuill}', devient archevêque de
Thes^aloniqiie, un des douze pairs qui nomnaenl Baudoin empereur de
(Jonslantinople. Il rapporte à Soissous un grand nombre de reliques dont il
enrichit les églises, et meurt au retour d'une mission en laveur de la croisade,
le 14 septembre 1207, à Barri, en Italie.
1. Cuiry-les- Chaudardes (Aisne), canton de Craonne.
2. Dhu zel (Aisne), canton de Btaisne, à trois lieues au sud ouest ae
Cuiry.
3. Baudoin de Gueux affianchit sa commune per une charte de l'an 1212.
4. Raoul, dit Plonquet, reçut en 1193, du comte de Champagne, le fief
de Vandières, et à ce titre il devait l'hommage lige et la garde du chàlcau
de Châlillon. (Pom Nocl, Le canton do CliûliUon.)
LE MARQUISAT DE PLANCY
Sous la famille de Guénégaud*
a Moyennant la présente fondation, lesdits clianoines seront
obligés de dire à perpétuité pour le salut de mou àme, pour
celle de ma femme et de tous mes enfans, décédez et vivants,
une messe basse chaque jour avec un De Profundis à la fin
d'icelle; et deux services par an, l'an au jour de mou décès, et
l'autre au jour du décès de ma femme. Cette fondation sera
faite après mon décès, au cas que je sois prévenu de la mort,
ayant intention de la faire aussitôt que j'aurai entièrement
payé mes dettes,
« lit d'autant que par mon contrat de mariage, Mme Isa-
belle de Choiseul de Praslein, ma femme, n'a point de commu-
nauté avec moy, et que je croirois manquer de recounoissauce
de ses soins, de sa sage conduite et de sa prudente économie,
à laquelle je dois une partie de mes biens que j'ai acquis
depuis notre mariage, je lui donne et lègue tous les biens-
immeubles que je possède et qui sont en pays de droit escrit,
et que je posséderai au jour de mon décès, savoir : le domaine
et châlellenie de Monbrisou, circonstances et dépendances ou
pays de foresls.
« De plus, je lui donne et lègue vingt-deux mille huit cent
livres de rentes, constituées sur l'Hôtel de Ville de Marseille,
employées dans l'Estat des Gabelles de Provence, pour en
jouir aussitôt par elle en toute propriété. Ce que je faits pour
lui donner des marques de ma recounoissauce et pour lui
témoigner en quelque manière l'extrême amour que je lui
porte et l'estime particulière que j'ay pour elle et aussi pour
lui donner le moyen de vivre selon sa dignité et la grandeur de
sa naissance. Je la conjure de tout mou cœur de l'avoir
agréable et de ne pas la considérer par son peu de valeur,
mais de la recevoir comme uu témoignage de ma bonne
volonté. Et eu cas que je sois dépossédé par le Roy, durant
• Voir pafje 111, tome VU de la Reoue de Champagne.
182 LE MARQUISAT DE PLANCY
ina vie, du domaine de Moubrisou et des rentes de Provence,
je veux et entends que l'argent qui en proviendra soit employé
eu autre fonds, au choix de ma femme, lequel fonds lui appar-
tiendra eu pleine propriété après ma mort.
« Mais s'il arrive que Sa Majesté me dépossède du domaine
de Monbrison et renies de Provence, sans me donner de rem-
boursement, ou qu'elle les prenne en payement pour la taxe
des rentes rachetées, en ce cas je donne à ma femme tout
ce que je puis lui donner en Brelaigne par- la coutume, non
seulement de ce que je possède acluellemenl, mais encore des
acquisitions que je pourrai faire pendant ma vie; sinon, je
veux et entends que ma femme puisse prendre sur tous mes
biens la somme de deux cent mille livres, qui est beaucoup
moins que ledit domaine de Monbrison, lesdiles vingt-deux
mille huit cent livres de renies sur les Gabelles de Provence ou
des acquisitions en Bretaigne, le lout à son choix.
■4 Et au cas que Henry de Guéuégaud, mon fils ayné, que
j'establis pour ce présent testament mon seul et unique héri-
tier, n'y voulût consentir, et voulût disputer à ma femme
la donation que je luy faits, en ce cas je veux et entends que
tous mes biens soyeut distribués entre mes deux garçons
et mes deux filles selon les coutumes des lieux où ils sont
situés, sans ((ue mon dit fils ayné Henry se puisse prévaloir
de l'avantage que je lui donne sur mes autres enfans par ce
mien teslanient, ains je veux que mes deux garçons et mes
deux filles, Bénédicte et Angélique, partagent entre eux
tous mes biens, comme si le testament n'avoit pas élé fait;
lequel teslament sera valable pour le surplus qu'il contient, et
ma femme aura tout ce que je puis lui donner sur mes biens
de Brelaigne el ailleurs, suivant les coutumes.
« Je donne et lègue à mon second fils, Emmanuel, cheva-
lier de rOrdre de Malte, une pension viagère de huit mille
livres sa vie durant, seulement à commencer du jour de mou
décès.
« Puis, je lui donne et lègue la somme de vingt mille livres
pour armer et équiper une gallère ou vaisseau, laquelle somme
sera payée comptant quand il aura fait ses courses ordinaires,
afin qu'il puisse parvenir aux honneurs de l'Ordre.
« Plus je veux et entends que, s'il vient à être pris par les
iulidelles ou d'autres en guerre, que Henry de Guéuégaud,
mou fils ayné et mon unique héritier, paye sa rançon à quoy
qu'elle puisse monter, jus(]u'a la somme de vingt mille livres
uéanlmoins.
sous LES GUENKGAUD 1 8S
« Mais s'il arrivoil que mou dit fils Emmanuel ne veuille
pas demeurer dans la religion de Mallhe, je luy donne cl lègue
pour tout ce qu'il peut prétendre dans ma succession la
somme de deux cent mille livres une fois payée, moyennant
quoi la pension de huit mille livres sera éteinte; et s'il a /oit
reçu quelque chose pour l'armement du vaisseau ou gallère
ou pour sa rançon, ce qu'il aura reçu sera déduit et rabattu
sur les dits cent cinquante mille livres.
« Je veux et entends que ladite pension de huit mille livres
soit afl'ectée sur une de mes terres sans que mon fds le cheva-
lier soit obligé de faire des poursuites pour en être payé.
« Ma fille Bénédicte, duchesse de Caderousse, se contentera
de ce que je lui ny donné par son contrat de mariage et sera
payée comptant de ce qui peut lui être dû de rente sans rien
prétendre de plus, d'autant que je lui ay donné beaucoup plus
([u'elle ne peut espérer dans le partage de ma succession.
« Le Roy me retenant plus d'un million de livres de bien,
il m'a réduit nu point de ne pouvoir donner à mes enfans
puisnés autant que j'ai donné à ma fille la duchesse de Cade-
lousse ; c'est pourquoy ma fille Angélique, comtesse de Bouf-
llers, se contentera de ce que je luy ai donné par son contrat
de mariage, mais je donne à Henry, comte de Boufflers, sou
fils et mon filleul, soixante mille livres et, au cas qu'il meure
sans enfans du vivant de sa mère, je les donne à sa mère, ma
fille Angélique, pour qu'elle en jouisse aussi sa vie durant et
le fonds desdits soixante mille livres retournant à mon fils
ayné.
« Je déclare que le présent testament est le seul que j'a}-
fait jusques à présent. Je déclare Henry de Guénégaud, mon
fils ayné, mon seul et unique héritier, et le faits mon légataire
universel de tous mes biens que je posséderay au jour de mon
décès, tant immeubles que meubles, en quelques lieu^ que le
tout soit situé, à la charge de satisfaire à tout ce qui est donné
et légué dans ce présent testament et, outre, à la charge
de restituer par ledit Henry de Guénégaud, mon héritier
et légataire universel, mes terres de Champagne qui sont
le marquisat de Plancy avec ses circonstances, dépendances et
annexes, les terres de Longueville, Semoyue et Kstrelles, la
baronnie de Saint-Just en l'Angle et ses annexes, les paroisses
de Glesle, Baigneux et Sauvages, au fils aine qui naîtra
de son légitime mariage et aux descendans mâles dudit aine
auxquels je substitue lesdites terres par une ^ubslitution gra-
duelle, perpétuelle et infinie, en gardant iiéanlmoins l'ordre
1S4 LE MARQUISAT DK PLANCT
enlre eux su-'cessivemenl de masle en inasle el d'aiiié en aiiié,
du premier au second, troisième et aulres masles, préférant
toujours les aînés et leurs descendans aux cadets.
« Que si mon dit fils Henry ne laissoit aucuns enfans
masles, je veux que mes dites terres de Champagne cy devant
dénoncées appartiennent à Emmanuel de Guénégaud, mon
second fils, et après lui à son fils aisné et descendans masles
dudit aisné, successivement, ou au défaut de l' aisné dudit
Emmanuel, à son second lils masle, troisième et autres masles
et leurs descendans masles que je substitue à perpétuité, gar-
dant toujours le môme ordre de degré et d'ainesse.
a Et au cas qu'il n'y eût aucuns enfans et descendans ie
mes deux fils Henry et Emmanuel de Guénégaud, je substitue
mes dites terres de Champaigne cy dessus dénoncées au
fils ayué qui proviendra de la fille aynée dudit Henry et ses
descendans masles : au défaut de l'aîné, au second, troisième
et autres masles et leurs descendans masles, et au défaut des
masles de la fille aînée, aux enfans masles de la seconde
et des autres filles dudit Henry, en gardant toujours le même
ordre de substitution graduelle et d'aînesse entre les masles.
« Et aucuns cas qu'il n'y eût point de masles provenant de
toutes les filles de Henry,
« Je substitue mes dites terres de Champaigne cy dénom-
mées au fils aîné de la fille aînée dudit Emmanuel, mon
second fils, et cà ses descendans masles, au detîautde l'ainé au
second, au troisième et autres masles et leurs descendans
masles; et au deffaut des masles de la fille aînée, aux enfans
masles de la seconde et des autres filles dudit Emmanuel, en
gardant toujours le même ordre de substitution graduelle et
d'aînesse entre les masles.
« Que si les filles aisnées ou autres filles de mes deux fils,
Henry et Emmanuel, n'avoyent aucuns enfans masles, je veux
que la substitution cy-dessus de mes dites terres de Cham-
paigne soit partagée entre mes deux iilles, Bénédicte, duchesse
de C-aderousse, et Angélique, comtesse de Boufflers, de telle
sorte que ma fille de Caderousse aura le marquisat de Plancy
et ses annexes, les terres de Longueville et de Semoyne, et
ma fille Bouffi rs, la baronuie de Saint-Just et ses annexes
de ClesU'S, Baigneux et Sauvage et la terre d'Estrelles, pour
chacune d'icelles en jouir durant leur vie, et après leur décès
lesdiles portions de terre dites substituées au fils aîné de cha-
cune d'icelles de masles eu masles, et au defîaut des masles
descendans de l'aîné, au second ou troisième à l'infini, et
I^H'
t'act^ d^ t hujt^l deCarUy
Far'aih" de lliôtrl ilo Coiity dont la porto a (''ti- liâtin par Frai)(;ois Man-;ai-t.
devenu l'hôtel de (iui'iK'Liaud. l'ue Cnénétraiid à l'aris.
CHATK.Al' lir. l'I. \.\CY
Cùtr Su.l.
/f 0
HENRY DE GVRNE
Plane 1/, yt comte de Semoine, Baron cte
Corto'^ du I^oy en toiu ueu ConjiScc
K r.^i^if^Ap^jj MARQjnS DE
'Jujl,du Plcjlij EelUuilU.etdeFrej'
^i'c^itat, et ce^i comanoe
• ua c Ha '
et Garde 9e^i Jeaux. de Jeo ordres FiL de Gohriel de Guen^aud Con'''^du Kotf enjcJ
CoTu'"'. et îJreJorier de ^aiz (T^fparffne Et de^Uarie ae La Croix Dame ou Ptcujlu Belle
ville Put prcniercm' pourueu de la charae de ffre^oricr de l'euparone l'an jo^j. enuur-
uiaance de jon. perc lequel eflant mort au comencem^ de l'année uuiuanie oui éditait Cflle
de uon eJzerctce.Ml enjit LajoncHon et j'en aequitia ui dionem^ qu'il mérita l'euhme el l'amXt
du R^oy, Ce ^Uonnrq qui eonnoDoit parfaitem': bien. Lc^i talcnLi pej hôme^itiaca le Jicn
Si propre p^. leu ■ pluj arandcj ajfatrej de uon. Royaume qu'd aareajortvolontiem
la acm'iBion que^ilonjK le Comte de Briennejit l'an jô^y,. cnjaiaueur de [a charge de Sec'y
d'CJtat^L l'exerce depuui ce icmpj la auce ime approbâon ji runiuerjclle qu'd r.'ua peruSne
qai ne pubLr^on hahilcte ctua caurtoijLe;£l a ejpoujeSliaheUe de Clwuculjilla de Charles
de Choueul^ltnrquu de Prajlin^itar~dejrance CMiir dtuj ordre/ du Roy Gouucrrf.etLieulcn
gnroL po.ja^Ma^^en Xainton^e et paL> dtiwnijj et de Clause de Ccrillac
^ Rrtj- C/ia^ F Jû//atn
D'après Philippe de Ciiaiiipa^uo.
l'
r-xjZEZÊfciJ-^c.^â
^^^~- '^"^'aw -fwir^tTt
CJAue et iPerfpectuw du ( hajhdu tL Jrcftuj iL ccfte J^s Sfjr-Ji
Apiiaitenant à Henri de Guéiiégaud.
If^ts^. '
Appartenant à Henri de Guém'gaud.
sous LES GUÉNÉGAUD 185
au defî.uil des masles descendaus de ma fille Caderousse,
je veux el ordoune que les terres de Plaocy, Longueville
et bemûyue revienneuL au masle qui survivra alors desceo-
danl de ma fille de Boufflers, pour coulinuer la subslilulioQ
à riDfiui de toutes les diles terres rejointes.
« J'ordonne aussi la même substiluliou de la baronnie
de Saint Just et annexes et Eslrelles en faveur des masles de
ma fille de Ca-lerousse, en cas que ma fille de Boufflers viat
à décéder sans enfans masles.
« Toutes Isquelles subslilulions cy dessus, en faveur des
enfans masles descendans des filles de mes deux fils et de mes
deux filles, sont par moy fuites à la charge et condition
expresse, qu'arrivant le fait de la subslilulion, les dits enfans
masles descendans des filles de mes deux fils ou de mes deux
filles seront tenus de porter le nom de Guénégaud et mes
armes conjointement avec le nom cl les armes de leur père, à
peine de déi.héance de la piésenle substitution.
« Je désire que mon fils aisné soit comme le père de
son frère el de ses sœurs, qu'il les assiste en toutes occasions,
et aussi que mes enfans l'honorent et l'aiment comme le chef
de la maison.
« Je veux que s'il survient queljue différend entre eux sur
l'exécution de mou présent testament, qu'ils s'en rapportent à
ma femme ou à quelques-uns de leurs amis (ju'ils choisiront
pour l'avis de ma femme.
« Je nomme pour exécuteur de mon testament M. Issales,
advocat au Parlement ; connaissant comme je faits la vertu,
probité, capacité et l'affection qu'il m'a toujours témoignée,
je le prie d'en prendre la peine el de vouloir accepter pour
marque d'amitié cent marcs de vaisselle d'argent de la valeur
de trois mille livres à son choix.
« Et au cas que mon dit sieur Issales ftlt décédé avant moy
ou bien que par maladie ou autrement il ne pût pas accepter
cette charge, en ce cas je prie ma femme de faire choix
de telle personne qu'il lui plair.i pour êlre exécuteur du pré-
sent testament ; auquel sera donné le même présent de la val-
leur de trois mille livres.
« J'ai, Henry de Guénégaud, tout escrit et signé de ma
main ce présent testament que je veux être suivi et exécuté
après mou décès comme estant ma dernière volonté.
9 Fait à Paris, en mon hùtel du Plessis de Guénégaud,
186 Lli MARQUISAT DE PLANCY
le vingt- septième jour de septembre, l'an mil six cent soi-
xante-douze.
« L'an mil sept cent soixante-sept, le 7 avril, coUaliou du
préseul testament a élé faite par les notaires du Roy au
Châtelel de Paris soussignés sur l'original audit testament
demeuré en la possession de M^ Arnaud, l'un des notaires
soussignés comme successeur aux offices et pratiques de
M'' Hachette cy devant notaire, lequel se trouvoit avoir l'office
dudit M® Simonnet aussi oy devant notaire. »
Le IG mors 1(j76, Guénégaud expirait à l'âge de G7 ans et
était inhumé dans l'église de Saint-Paul de Paris, d'où sou
corps dut être extrait plus lard pour être conduit à sa sépul-
ture définitive, dans l'église Saint-Laurent de Plancy.
Mois ses restes n'y devaient pas reposer eu paix, car
au moment de la Révolution de 1793, les habitants de Plancy,
oublieux de tout ce qu'il avait fait d'utile non seulement pour
l'Etal, mais pour leur piospérité, se ruèrent sur l'église
Saint-Laur.^nl, la saccagèrent et profanèrent le?, tombeaux
qu'elle contenait. Trois cercueils en plomb, dans lesquels
était renfermée la dépouil q mortelle des Guénégaud, furent
fondus pour être convertis en balles de fusil, et les ossements
qu'ils contenaient jetés au vent.
Elisabeth de Choiseul ne survécut pas plus d'une année à
son mari.
II
Plancy sous les Guénégaud. — Routes et Ponts
du marquisat. — Création de la navigation de
l'Aube.
Quelque absorbé qu'il eût été pendant une grande partie de
sa vie par les affaires publiques, Guénégaud sut administrer
ses biens, et en particulier le marquisat de Plancy, avec une
intelligence et une activité égales à celles qu'il avait consa-
crées au service de l'Etal.
'i'out d'abord sa préoccupation se porta sur les communica-
tions par voie de terre, les plus indispensables de toutes.
Une requête qu'il adressa au P»oi, en 1G61, et qu'il nous a
paru intéressant de reproduire en entier, montre à quel point,
lorsqu'il prit possession de son marquisat, il le trouva ruiné
par les guerres qui, depuis des siècles, n'avaient cessé de
fondre sur la province de Champagne.
sous LES GUÉNÉGAUD 18 7
« AU Roy et à Nos Seijneurs de son Conseil.
« Sire,
« Henry de Guénégaud, chevalier, mirquis de Plaiicy.
« baron de Saint-Just, seigneur du Plessis, Fresnes el autres
« lieux, conseiller du Roy, en Vos Conseils, secrélaire d'b^lal
« el des commaudemens de Voire Majeslé,
« Lui soil renrionlré 1res humblement qu'ayanl acquis en
« l'année 1G54 la dile lerre el marquisal de Plancy en Chaui-
« pagne, il auroil trouvé, outre très grandes ruines causées en
« icelle par les fréquens passages des gens de guerre, garni-
« sous continuelles, tous les ponts el la plus grande partie
« d'une chaussée qui y esl de toute ancienneté ruinés, ce qui
« rendant le lieu inaccessible, non seulement les habitaus
« d'icelle terre, mais tous ceux du voisinage el les marchands
. el voituriers lui iiyaut fail leur plainte de l'incommodité
fl qu'en recevoit le public, particulièrement les marchands,
« d'autant que le pont qui étoil au bourg d'Arcy sur la rivière
(. d'Àube qui e.-.t la même qui arrose aussi la terre de Plancy,
« étoil aussi ruiné par la rupture du pont, le dit suppliant lit
« diesser par le bailly dudit marquisal un procès- verbal de
. l'état desdits ponts el chaussées et des ouvrages qu'il y
« convenoil faire pour le rétablissement d'iceux, el ensuite à
« la grande sollicitation el empressement qui lui étoieut faits
« par les dits habitans, marchands el voituriers, présente sa
a requête à Votre Majesté tendant cà ce qu'il lui plût pourvoir
« au rétablissement desdits ponts, sur laquelle faisant droit
. par arrêt de Votre Conseil du 28 juin I608, Elle permît au
« suppliant de les faire rétablir cl d'avancer la dépense qu'il
. conviendroil faire pour cet eftet, sauf après le rélablisse-
« ment d'iceux être pourvu par Votre Majeslé à sou rembour-
« sèment ainsi que par Elle il y seroil avisé ; eu déduction du
« quel arrêt le suppliant ayant avec beaucoup de soui, Irais et
. dépenses, fail rétablir les dits ponts au nombre de cinq,
a savoir deux grands, un sur la rivière d'Aube, joignant
« le bourg de Plancy, l'autre sur la rivière de Barbuise au vil-
« lage du Bachot, distant d'environ de demie heue 1 an
« de l'aulr?, el trois autres plus petits entre iceulx aux
« endroits où pendant l'hiver il y a des débordemens d eaux
« qui y croupissent et les rendent inaccessibles, après ces
. ouvrages ainsi achevés el par ce moyen le commerce ayant
« commencé à se rétablir, ne resloit plus que le rélablisse-
« ment du pavé de ladite chaussée pour la rendre libre en
« toute saison, el icelui suppliant après avoir présente .-a
188 LK MARQUISAT DE PLANCY
« requête à Voire Majesté lendante à ce qu'il lui plût
« ordonner que les dits ponts seroient vus et vérifiés et les
« ouvrages estimés par telles personnes qu'il lui plairoitcom-
« mettre qui en dresseroient leur rapport ensemble de i'élat
« de la chaussée, pour être vu et considéré en Votre Conseil,
« être pourvu à son remboursement et au rétablissement delà
I. dite chaussée. Sur laquelle requête Elle auroit ordonné par
« arrêt rendu en son Conseil le a may 1661 que par l'un des
« trésoriers de France eu la généralité de Chàlons, avec
u des experts qui seroienl par lui nommés d'office, il seroit
« fait descente sur les lieux pour voir et visiter lesdils ponts
(I et estimer la dépense faite pour le rétablissement d'iceux et
« celle qui est cà faire pour le rétablissement de ladite chaus-
« sée, ensemble de l'état d'icelle dont seroit fait procès-verbal
« pour, icelui vu et rapporté en Votre dit Conseil, être pourvu
« par Votre Majesté au remboursement du suppliant et au
((. rétablissement de ladite chaussée. Pour l'exécution duquel
0 arrêt icelui suppliant s'étant pourvu par devant les trésoriers
« de France à Chàlons, ils auroient commis par leur ordoQ-
« nance du 3 octobre au dit Arlhus Guillaume de Saint-Julien,
« premier président au bureau desdits trésoriers de France
(/ établi à Chàlons, U'quel en vertu de ladite commission,
« accompagné du procureur de Votre Majesté audit bureau et
(1 du greffier, seroii le 22 du même mois arrivé audit Plancy ;
Il auquel lieu, après toutes formalités ordinaires et accou-
« tumées observées, il auroit été procédé par experts nommés
« par Votre dit procureur à l'estimation de la dépense faite
« par ledit suppliant pour le rétablissement et la construction
« desdils ponts, dont il auroit dressé procès-verbal, par lequel
« il se voit que l'estimation de la dépense faite pour la cons-
« truction desdils ponls monte à 18.489 livres, et que les
(I ouvrages nécessaires et restant à faire à ladite chaussée ont
a élé estimés devoir monter à la somme de dix-sept mille neuf
« cent livres.
a A ces causes, Sire, et qu'il vous appert de ce que dessus
li par le procès-verbal du bailly dudil Plancy, du 13 novembre
« 1657, du 28 juin 16b8 et aulre arrêt, et commission sur
11 icelui du Li mai 1660, et pour ledit procès-verbal de prisée
« et estimation du 22 octobre audit an, plaise à Votre Majesté
« faisant droit sur icelle ordonner que le dit suppliant sera
a remboursé des deniers de votre Epargne ou sur tels fonds
« (lu il lui plaira lui accorder de la dite somme de ^8,429
a livres par lui déboursée et avancée pour la consiruclion des-
sous LliS GUENÉOAUD 18'.»
« dits poDls au désir du susdit arrèl du 28 juin iGbS, m
(I mieux, Il ne plaisoil à Volro dite Majesté lui perniellre de
« percevoir et lever sur lesdils pouls un péage pareil à celui
n qui s'élève sur le ponl de Méry pour passer la rivière
« de Seine et outre faire fonds pour le rétablissement de la
« chaussée, sans quoi les dits ponts resteroieut inutiles
« et le commerce pour le transport des vins de Bourgogne et
I. des marchandises de la ville de Troyes en celle de... et
« Cbâlous, dans la Lorraine et Allemagne, demeureroicnl
1 entièrement ruinés, l'autre passage qui était cy-devanl au
« Bourg d'Arcy étant comme dit est à pré-ent inaccessible par
« la ruine entière desdils ponts et chaussées qui y étaient,
« et le suppliant continuera ses prières pour la prospéiiié
« et la sauté de Votre Majesté. »
Ce vœu si prévoyant fut entendu et, par ordonnance du Uoi
eu son conseil tenu à Fontainebleau le 5 mai I6tjl, il fut
décidé renvoi d'un des trésoriers de la généralité de Chà'onsà
Plancy, pour faire la reconnaissance dont il s'agit.
L'arrêt cul pour conséquence l'autorisation accordée à M. de
Guénégaud de continuer à percevoir le péage du jionl de
Plancy, comme le faisaient de toute ancienneté les seigneurs
de Plancy, qui avaient la charge de l'entreiien des ponts,
moyennant le péage qu'ils percevaient à cet efTjt sur lesdils
ponts et chaussées.
Le seigneur de Plancy percevait également le péage de
la chaussée, car, dit un arrêt du conseil du Roi de 1705,
« si l'entretien des chemins appelés royaux est à la charge du
» Koy, celui des chemins appelés péagers est à la charge des
« seigneurs qui y lèvent le péage, ce qui est le cas pour
« la chaussée du Bachot, et le seigneur y levoit uu péage
« à raison duquel les aveux et dénombrements de Plancy
« portent qu'il était obligé d'entretenir la chaussée, d
Le pont de Plancy élait en bois et s'élevait sur l'Aube,
à quelques toises au-dessous des moulius banaux du sei-
gneur, à l'endroit même qu'occupe le pont en fer posé der-
nièrement par l'adminislralioii, et en face d'une chaussée
à laquelle il communiquait directement, cette chaussée se ter-
minant à un autre pont sur la rivière du Bachot.
Plus tard, le pont tomba en ruines et devint gênant pour la
navigation : les seigneurs de Plancy en construisirent alors uu
autre au-dessus de leurs moulins, qui fut encore rétabli ix
neuf en 1755, aux frais de l'un de ces seigneurs. Le nouveau
190 LE MARQUISAT DE PLANCY
pout élàil leur propriéié. el l'usage u'eu était laissé au public
que par pure tolérance, eu sorte qu'il u'étail sujet à aucuu
péage.
Mais, comme par suite de la reconslrucliou de celui du
Bachot, une grande circulation se faisait sur le pout des mou-
lins, qui en éprouvait beaucoup de fatigue, uu des successeurs
de Guénégaud, M. d'Aucour, demanda au roi Louis XV que
les habitants de Plancy fissent rétablir leur ancien pont péager
au-dessous des moulins, faute de quoi il se verrait obligé d'in-
terdire le nouveau, à moins toutefois que ces habitants ne
préfèrent demander au roi le rétablissement d'un péage pro-
portionnel aux dépenses de construction et d'entretien, d'au-
tant qu'ils prenaient aussi l'habitude de traverser le chcàleau et
le parc, pour s'en aller à Rhèges, ce qui créait une véritable
servitude et fatiguait les ponts du parc.
Un aveu et dénombrement de lb08, vérifié à Sézanne,
indique l'existence d'un autre pont antérieur à la canalisation
de l'Aube, et par lequel communiquait le château avec le
village, à la hauteur de la place qui se nomme encore place dii
Ghâtel. Il y esl dit : « Il y a un autre bras qui descend du
« bras cy-dessus el se prend dès un pout appelé le pont
Il Boissy, et (ourne iceluy bras cà l'enlour de la rosière du dit
(( château de Plancy, et rentre en la dite rivière d'Aube
<> au grand pont dudit Plancy. » Ce bras y rentrait encore, il
y a peu de temps, par un caniveau qui disparut lors de la rec-
tification de l'entrée du village, en 188;).
(Juanl au pont du Bachot, il ue devait pas au début
être très brillant, si l'on en juge par une réclamation faite un
siècle plus lard, en 1664, par les habitants de Charny et du
Bachot, devant M*" Hugues Huguenot, inlendant des affaires
do M. Henry de Guénégaud. Ces habitants déclarèrent, en
effet, que lôrsqu'en 1644, ils avaient reconnu à Messire Henry
de Guénégaud leur obligation d'entretenir le pont, comme ils
l'avaient fait toujours antérieurement, ce pont, du temps des
prédécesseurs de M. de Guénégaud, n'était que de « trois tra-
« vées et couvert de fascines, d'autant que pour lors il n'y
a passoit que la rivière de Barbuize sur laquelle étoit ledit
« pont, et qu'à présent la rivière dAube ayant été jointe
« à icelle et par ce moyen agrandi son lit, le dit seigneur a été
t obligé de faire un pont de dix travées de chêne qui ne pput
« être que de grand entretien, sur lequel passent quantité de
« harnois, auquel entretien la dite commune ne pourra pas
sous LES GUÉNKGAUU 191
« subvcuir, sup[)lieûl MoQseigueur leur faire droit sur cet
« arlicle. »
De quelque ulililé qu'ail été pour lescommaues la créaliou
de ces pouls, celles-ci ne cessèreul jamais d'essayer de s'atl'rau-
chir de l'obligaliou de les eulrelenir, et les archives du châ-
teau coalienueul, entre autres documeiils sur ce ^ujel, une
assigualiou de l'au lOGl, faite aux habitauls de Plaucy
« d'avoir à réparer et remaltre eu bou étal le poat dit des
« Champs, faute de quoi il sera permis au seigneur de
« faire bailler les dites réparations au rabais, et qu'exécutoire
« sera délivré solidairement du prix de l'adjudicaliou et outre
« les dits habitants condamnés eu tous dommages et inlé-
« rets. »
Lk pont du Bachot devait d'ailleurs èlre, plus lard encore,
entièrement reconstruit, et un extrait des registres du Conseil
d'Etat du siècle dernier nous apprend que celle reconstruction,
ainsi que les réparations nécessaires au pont de Bouiages,
furent faites sur le devis dressé le 12 avril 1768, par le sieur
Demoulrocher, sous-inspecteur des ponts et chaussées à
Troyes. nommé à cet effet par le sieur Rouillé d'Orfeuil, inten-
dant el commissaire départi en la province et frontière de
Champagne, moyennant la somme de 8,000 livres pour le pont
du Bachot, el 2,8o0 livres pour celui de Bouiages, les trois
quarts de la dépense étant payés par les communes de Charny-
le-B.ichot, Plancy el l'Abbaye, et l'autre quart par celles
de Salon, Champtleury el Semoiue, et pour le pont de Bou-
iages, les deux tiers par Faux-Fresnay, el l'autre lieis par
Courceniaiu et Longueville. Le pont était prêt en 1770, et la
reconstruction en avait été faite par un sieur Collot, charpen-
tier ?. Méry, qui, l'ayant rendu eu bon état, fut payé do
son travail par le produit de l'imposition indiquée ci-dessus.
Les péages des ponts et chaussées dont nous venons de
parler conlinuèrent à être perçus jusqu'en 1778, ainsi que le
constate une déclaration des habitants de Plaucy et- des
villages circonvoisins, intéressante en ce qu'elle nous donne
les noms d'un certain nombre de personnes notables de
l'époque :
Thomas le Jeune, lieutenant au bailliage de Plancy ;
Lefebvre, procureur fiscal de Plancy ;
La Balme, notaire et greffier ;
Bouzol, notaire royal el procureur ;
Joly, notaire el procureur ;
Pothier, chapelain de Plancy ;
192 LE MARQUISAT DE PI.ANCY
Clygny, avocat;
L'Abbé de Vauval, vicaire géucral de Saiul-PMour ;
HoDzelot, curé de Plancy ;
Guillon, curé de l'Abbaye-sous-Plancy ;
Patenôlre, juge de Boulages ;
Piobiu. éeuyer, scelleurde la Grande Chancellerie de France ;
Du Bois, ancien recleur d'école de Plancy.
C'est au roi Louis XVI qu'est due l'initiative de la suppres-
sion des péages sur les roules et les ponts. Je ne jjuis résister
au désir de ciler un fragment de l'admirable ordonnance par
laquelle y procéda ce monarque si profondément bon, si arJem-
meol épris de l'amour du peuple, et qui devail payer si cher
cette bouté poussée jusqu'aux dernières limites delà faiblesse.
Un arrêt du Conseil d'Llat du Roi, en date du 13 août 1779,
dit en effet :
« Le Roi, s'occupant avec intérêt des moyens de b'eu-
« faisance envers ses peuples (]ue le relour de la paix pourra
« leur procurer, croit devoir ordoiuier à l'avance les recherches
« et les travaux propres à seconder l'exécution de ses désirs.
« Entre les principaux objels de ce genre qui ont fixé son
« attention, le Roi a fortement à cœur de délivrer la nation de
« ces nombreux péages établis à la fois, et sur les grandes
« routes et sur les rivières navigables. Sa Majesté est instruite
« que cette perception ariêle et fatigue le commerce ; que,
;( n'étant point réglées pir des tarifs uniformes, leur cotnpli-
« cation et leur diversité exigeoienl une véritable étude de la
« part des marchands, voituriers, etc. . ; que tous ces droits
« enfin, nés pour la plupart des malheurs et de la confu-
« siou des anciens temps, formoienl autant d'obstacles à
« la facilité des échanges, ce puissant encouragement de
« l'agriculture et de l'industrie.
« Sa Majesté a été surtout frappée de la partie considérable
« de ces droits dont la navigation des rivières est surchargée,
« qui a souvent contraint le commerce à préférer les roules de
« terre. Cet abus d'administration a paru à Sa Majesté d'au-
'. tant plus important, (jue son excès ne tendroil à rien moins
« qu'à rendre inutiles celte diversité et celle heureuse dispo-
« sition des rivières, si propres à contribuer essenliellemenl à
« la prospérité du Royaunr.e, bienfait précieux de la nature
« dont le gouvernement doit d'aulanl plus faciliter la jouis-
« sancc qu'il présente l'avantage inestimable de ménager les
« grandes routes, de diminuer la nécessité des corvées ou des
« conliibutions qui les remplacent, et d'arrêter les progrès de
sous LES GUÉiNÉGAUb l'J3
« ce nombre excessif d'animaux de transport qui partagent
(I avec l'homme les fruils de la terre.
' Sa Majesté, pour ne pas étendre trop loin les rembourse-
« ments quElle auroit à faire, ne comprend point, dans
« les péages qu'ElIe a dessein de supprimer, ceux établis sur
I les canaux ou les parties de rivières qui ne sont navigables
« que par des écluses ou autres ouvrages d'art, puisque
<■<■ ce sont des navigations pour ainsi dire acquises et couser-
« vées au prix d'une industrie, dont la rétribution, bien loin
« d'être un sacrifice onéreux pour le commerce, est la juste
« récompense d'une entreprise utile à l'Etat, etc.. »
C'est par suite de celte distinction que, si le péage des
chaussées fut supprimé en !780, celui de la rivière d'Aube
fut maintenu.
L'œuvre capitale du passage de Guénégaud à Plancy fut la
création de la navigation de l'Aube.
J'extrai? d'un mémoire présenté « au Roy et à nos sei-
gneurs en son conseil », par M. d'Aucour, vers 1780, l'histo-
rique suivant de cette navigation :
« Ce fut sous l'administralion de Colbeit, le successeur de
« M. de Guénégaud au secrétariat d'Etat. (]ue Louis XIV,
« dont les grandes vues s'élendoient sur tout et particulière-
« meut sur le commerce qui devoit être la source des
« richesses, proposa des encouragements pour forniîr dans ses
« Etals une navigation intérieure, au moyen de laquelle les
« différentes provinces pussent communiquer entre elles et se
« porter leur supeiilu ; on s'empressa de toute part de
« répondre à des vues si sages. Un des effets de cette pensée
« en ce qui concerne la Champagne et jiarliculièrement la
« rivière d'Aube, ce furent les lettres patentes données à
« Saint-Germain-en-Laye, au mois de novembre 1676, et
« enregistrées au Parlement le 6 août 1677, portant permis-
« sion de rendre navigables les parties des rivières de Seine,
« de Marne et autres y dénommées qui ne l'avaient paa été
« jusqu'à présent. »
Nous possédons un exemplaire de ce document ainsi couru :
« Louis, nar la gr.Tce de Dieu roi de France et de Navarre,
« à tous présents et à venir, salut ! Hector Boutheroûe de
« Bourgneuf nous auroit présenté uu placet, tendant à ce
« qu'il plût lui accorder la ])ermissiou de rendre à ses frais et
« dépens, navigables et flottables les rivières de Seine, Marne
13
194 LE MARQUISAT Dli l'LANCY
« et Aube, daus les lieux qui ue l'onl point clé jusqu'à pré-
» seul, etc.. « Signé : Louis.
« De par le Roi :
« COLBERT. »
M. de Guénégaud se lit céder par M, de Boui'gneuf sa con-
cession daus l'élendue de son marquisat, aiusi que le moulre
le Qîémoire de M. d'Aucour, qui poursuit eu ces termes :
« M. de Guénégaud, pénétré du même zèle patriotique que
« le Roi, entreprit à Plancy d'y rendre l'eau navigable à
« toutes sortes de bateaux, en ouvrant au commerce une uou-
« velle route par l'Aube jusqu'à la ville d'Arcis pour l'appro-
a visionnement de la capitale, en quoi il remplit complète-
a ment l'objet des dites lettres patentes de 1676. »
« Pour juger des mérites des ouvrages d'art faits à Plancy à
« l'effet d'ouvrir cette navigation, il est bon de savoir qu'avant
« M. de Guénégaud, le terroir n'étoit qu'étangs et que marais
« comme il eu reste plusieurs encore aujourd'hui, à travers
« une partie desquels l'Aube, se répandant et environnant
« d'un côté et circulairement le Bourg, alloit joindre de l'autre
« côté la Barbuize par des bas-fonds à présent dénommés
(I rivière du Bâtard, de façon que ce qui passoit réellement de
« l'Aube à Plancy n'étoit que par un petit canal particulier
« servant aux moulins banaux du seigneur, sans lit qui
« fût propre, et l'Aube qui, répandue en de vastes marais, ne
« présentoit aux environs de ce bourg que de grandes
c( étendues d'eau qui de temps immémorial avoient été les
« vastes réservoirs de ses moulins, mais le peu de profondeur
« de ces eaux stagnantes ne pouvoit nulle part servir à
« une navigation de quelque importance, ce n'étoit que
(I roseaux », comme le constatait le proverbe: Fort comme
Plancy enloîiré de roseaux.
« Ce ue fut donc qu'après des ouvrages d'art considérables,
« faits à grands frais par M. de Guénégaud pour rassembler
« toutes ces eaux éparses, que l'xlube, resserrée de mains
« d hommes daus le ca'ûal qui lui servit de nouveau lit, et
« soutenue par une grande écluse de plus de 125 pieds de
« longueur, devint navigable à toutes sortes de bateaux et de
Il marchandises jusqu'à Arcis, un des principaux greniers de
« la capitale, sans lesquels ouvrages d'art ladite ville d'Arcis
« n'auroit ni navigation, ni commerce. »
L'écluse dont il s'agit, et qui porte le nom de Bâtard d'Eau,
était eu fort mauvais état en 1757 et il fallut pourvoir à
SOÙS LKS GUKNÉGAUD 19o
sa réparation. A celle occasion, la descriplion ci-dessUS uous
eu a élé laissée :
« L'écluse conslruile aux fias de souleuir l'eau pour le
« canal qui passe audit Plaucy, laquelle écluse est composée
« de deux éperons et un réservoir qui est au milieu d'iceulx,
« icelle écluse faite eu charpente avec enquiètemeuls remplis
« de craye, située sur la rivière d'Aube, distante d'une demi-
i( lieue environ dudil Plaacy, étant entièrement ruinée et usée
« de vétusté, il est indispensable d'en faire la réparation pour
a ainsi dire totale, afin d'éviter une rupture et ruine entière
Il d'icelle que l'état actuel menace, et prévenir cet accident qui
« sans dilficultés inlerromproit et iuterdiroit généralement le
« commerce et navigation sur ladite rivière d'Aube, pour les
« provisions de Paris. »
Le mémoire continue :
« M. de Guénégaud, après avoir desséché des étangs, des
« marais, des bas-fonds et fait à grands frais de mains d'hom-
« mes un canal à l'Aube, tant à travers son paix que sur des
« terrains nouvellement acquis par lui à cet effet, après avoir
Il détruit s ='S moulins de Plaucy (des titres de 11 00 prouvent
« en effet que déjà à cette époque ces moulins existaient) et
« les avoir remplacés par une grande vanne pour le passage
« de toute sorte de bateaux, et supprimé ses autres mouhns à
« Charny, à Longueville, sur la Barbuise, sur le Livon, dont
« il retenait les eaux pour la navigation à Plancy, se trouva
Il avoir dépensé, pour cette navigation, une somme qui monta,
Il avec celle que dépensèrent par la suite les seigneurs de
e Plancy, ses successeurs, à plus de 150,000 livres. »
Les actes de ces acquisitions de M. de Guénégaud sont con-
servés dans les archives de la terre; ils montrent sur quels
terrains furent établis le canal de navigation et le chemin de
halage, dont, par la suite, et à la faveur de tristes circons-
tances, certains riverains du nouveau lit de TAube voulurent
s'emparer, sans songer qu'ils priveraient la commune d'un
chemin aussi utile qu'agréable. Ces titres furent tous fournis à
l'administration, lorsque, le 24 novembre 1811, le gouverne-
ment s'empara définitivement de la navigation, par un traité
passé avec le comte de Plaucy, et à la demande de celui-ci. Le
chemin de halage dont il s'agit était la seule voie par laquelle
les chanoines de l'église Saint-Laurent, qui, depuis des cen-
taines d'années, occupaient la maison Bail^y, pouvaient se
rendre à une saussaie qui leur appartenait, et s'appelait la
Saussaie de la Demoiselle-Nieps.
196 LE MARQUISAT DE I LANCt
Parmi les acles d'acquisilioQ de lerraius sur lesquels coule
l'Aube aujourd'hui, nous n'eu citerons que deux qui nous ont
paru intéressants au point de vue historique. L'un, du 30 no-
vembre 1666, est un « contrat passé devant les notaires du
« marquisat, par lequel le sieur de Guénégaud a échangé avec
« Antoinette Cochery, veuve Guyot, un arpent de terre labou-
(I rable |sis près de la chapelle Saint-Victor, au travers et
« milieu duquel a été fait le canal ou rivière nouvelle, faite de
« la part dudit seigneur, etc. »
L'autre est un contrat passé le 29 novembre 1 66ii, par lequel
« le sieur de Méral, seigneur de la Garde, commissaire ordi-
« naire à Paris, et aide-lieutenant pour le vol du héron de la
(< grande fauconnerie du Roy, demeurant ordinairement
« à Paris, et de préseul en sa maison à Plancy, a vendu à
« M* Henry de Guénégaud, chevalier, marquis de Plancy et
« autres lieux, secrétaire des commandements de Sa Majesté
« et commandeur de ses ordres, certains terrains pour, former
« le nouveau canal de navigation de la rivière d'Aube, dans
« lesquels terrains ledit canal ou rivière nouvellement faite
« par ledit sieur de Guénégaud pour l'utilité et bien, prend
« son embouchure et entre en la rivière d'Aube pour descendre
« à Plancy. »
Profilant des efforts et des sacrifices de M. de Guénégaud,
M. Grassin, le seigneur d'Arcis, put faire remonter la naviga-
tion jusqu'à cette ville, et le seigneur d'ànglure, M. de
Comerfort, à qui elle devait tant profiler, se borna à contribuer
à la réparation du vannage de ses moulins pour la somme de
15.000 livres. Un arrêt du Conseil d'Etat, du l'^'' août 1741,
autorisa néanmoins M. de Comerfort, pour se couvrir de celte
dépense, à percevoir un péage sur les bateaux à Anglure '.
Pour indemniser M. de Guénégaud des dépenses considé-
rables dont il venait d'assumer la charge, le roi l'autorisa à
percevoir sur la navigation un péage à la grande vanne du
pertuis de Plancy, conformément à un tarif inséré dans les
lettres-patentes de 1076 qui règlent cette navigation. Plus
tard, un arrêt du Conseil d'Etal du roi, en date du 8 juin 1781,
portant la signature du ministre Gravier de Vergennes, et
contresigné par Gaspard- Louis dOrfeuil, chevalier, grand'-
1 . H existe encore dans les boiseries du château d'Arcis un joli portrait
ovale de M. de Grassin dont il est question ci-dessus, ainsi qu'un de sa
femme. M. de Grassio fut le bienfaiteur d'Arcis. Son château, après être
devenu la propriété d'un notaire qui le légua au comte de Trévise, appartient
aujourd'hui au comte Annaud.
sous LES GUÉNÉGAUD 197
croix, maître des cérémonies ordinaires de l'ordre royal el
militaire de Saiul-Louis, conseiller du roi eu ses conseils,
maître des requêtes de son hôtel, iutendanl de justice, police
et finances en la province et frontière de Champagne, confirma
a le seigneur Godard d"Aucour dans la propriété, possession et
(1 jouissance de ces droits de péage sur les bateaux, denrées
a et marchandises passant sur la rivière d'Aube. » Ce péage
fut perçu jusqu'en 1793, époque à laquelle le gouvernement
s'empara de tous les droits de péage et autres, et se mit à les
percevoir à son profit.
Il nous a paru intéressant de reproduire le tarif des droits
de péage en question, parce qu'ils nous indiquent le mouve-
ment du commerce sur la rivière d'Aube dans les deux derniers
siècles.
Ce tarif est ainsi conçu :
« 1" Par chacun muids de vin, jauge de Paris, quinze sols
« tournois; sur les autres vaisseaux, à proportion de leur
v( contenue;
«i 2'» Pour chacun septier de blé et autres grains, mesure de
« Paris, un sol;
« 3° Par chacun cent toises de solives de cinq el sept pouces
« et du bois quarré à la même raison à revenir, par supputa-
t tion au compte des marchands de Paris, sept livres;
« 4" Pour chacun cent toises d'ais de moison et autres, de
« largeur de dix à douze pouces et un pouce d'épaisseur, trois
a livres ; et des autres à proportion ;
« 5*^ Pour chacun millier de merrains ou bufferic, à propor-
« lion, six livres;
« G° Pour chacune corde de bois à brûler, trente sols ;
«; 7'' Pour chacun cent de fagots en colterets, six sols ;
(I 8'^ Par chacun millier d'échalas, lattes larges et étroites,
0 au compte des marchands de Paris, vingt sols;
« y» Pour chacun poinçon de marchand de bois, trois sols;
« 10"^ Pour chacun poinçon de charbon de pierre ou de terre,
» trois sols ,
« 11° Pour chacun poinçon de cendre commune, six sols;
« 12'^ Par chacun poinçon de cendres appelées gravelées,
« trois livres;
a 13" Pour chacun cent pesant de chanvre, fil, lamés,
a étoffes, toiles et généralement toute sorte de marchandises
« et de denrées non spécifiées, huit sols ;
198 LE MAEQUISAT DE PLANCY
« 14"^ Pour chacun ceul pesaul de pierres, vingt sols ;
a lî)" Pour chacun cent de carpes, truites, brochets et
« autres poissons, huit hvres;
« A l'ouverture de chaque porte d'écluse, pertuis ou vanne,
« il sera payé un sol par toise de chaque bateau, bascule ou
<i boutique à poisson, échiseau, train ou bresle de boii, les-
<i quels péages et le sol cy-dessus seront payés par les mar-
(( chands à qui les marchandises appartiendront.
« Fait Sa Majesté deffeuces à toutes personnes, sous quelque
« prétexte que ce soit, de débarrer les susdites écluses, pertuis,
a portes ou vannes et de se soustraire au payement desdits
« droits, à peine d'amende.
« Autorise Ba Majesté les fermiers ou receveurs desdits
« droits à refuser l'ouverture desdites vannes, écluses, portes
« ou pertuis à ceux qui ne les acquitteront pas avant ladite
•i ouverture et conformément au tarif.
« Ordonne, en outre, Sa Majesté que ladite navigation de
« l'Aube à Plancy jouira des mêmes prérogatives que celle
(I d'Anglure au sujet des grains et autres marchandises
« chargées pour les hôpitaux, et eu conséquence que l'arrêt
Il rendu contradicloirement entre le seigneur d'Anglure, d'une
« part, et les administrateurs des hôpitaux de Paris, d'autre
« part, le 22 décembre 1761, qui assujettit les grains et toutes
(I autres marchandises indistinctement, destinées pour les
« hôpitaux de ladite ville, au payement des droits de péage
« audit Anglure, sera commun pour le péage de la vanne de
« Plancy.
« Ledit arrêt publié et affiché par ordonnance de Mgr l'In-
« tendant de Champagne, du 13 juillet 1781. »
A l'origine de cette navigation, un bureau fut établi sur les
bords du nouveau canal pour percevoir les droits affectés à son
entretien. Ce bureau était installé dans la maison qui subsiste
encore sous le nom de Maison Bailly. En 1793, on voyait
encore au-devant de cette maison, sur la rive du canal, un
petit enfoncement où les bateaux se trouvaient à l'abri du
courant pendfint la perception des droits. Guénégaud avait
confié la conduite de ses atTaires à un ecclésiastique nommé
Lenfant, qui lui servait en même temps de chapelain et qu'il
avait chargé de la perception du nouveau péage. Mais au bout
de quelques années, Guénégaud afferma le droit de péage avec
le moulin, et, depuis lors, le meunier resta toujours chargé
des deux objets.
sous LES GUÉNÉGAUD 199
L'abbé Lenfaut, resté régisseur de la terre, garda son habi-
tation dans la maison Bailly, et Guénégaud ayant, plus lard,
{Dris un chapelain particulier pour régir sa conscience, le logea
avec son confrère. Ces abbés transformèrent bientôt en potager
les terrains environnant leur demeure, et jusqu'aux levées et
chaussées du canal, dont il n'existait plus aucun vestige en
l'an 1793, bien qu'elles fussent déterminées par les lettres-
patentes de 107G.
Guénégaud s'occupa également de faire reconstruire et
agrandir la halle de Plancy. Cette halle avait une grande im-
portance pour la ville, eu ce que c'est là que la plupart des
contrats étaient passés, que les publications ou criées se
faisaient, que les affiches étaient apposées, que se recouvraient
les droits de halage, de mesurage, de minage, d'étalonnage, de
boucherie ; ces derniers consistant à tuer et à vendre la viande
sous la halle. C'était là aussi qu'était établi l'auditoire de la
justice du seigneur.
Aussi nous a-t-il paru curieux de reproduire l'acte d'acquisi-
tion ci-dessous de douze carreaux de terre attenant à la halle :
« A tous ceux qui ces présentes lettres verront, Pantaléon
« Bruche, écuyer, licencié es loix, avocat en Parlement, bailli
a de Plancy et garde des sceaux au contrat de la baronuie
Il dudit Plancy pour haut et puissant seigneur messire Henry
« de Guénégaud, chevalier, seigneur marquis de Plancy,
« baron de Saint- Just, Plessis-Belleville, Fresne, vicomte de
« Semoine, Longueville, Etrelle et autres lieux, conseiller du
fl Roy eu tous ses conseils, secrétaire d'Etat et des comman-
« déments de Sa Majesté, commandant et garde des sceaux des
« ordres de Saint-Michel et du Saint-Esprit, salut! Scavoir
« faisons que par devant maître Claude Courgeut et maître
(I Pierre Haunier, clercs, notaires jurés, établis en ladite ba-
« ronnie de par mondit seigneur, fut présent en sa personne
« messire Claude Oudiuet, prèlre, curé de Saint-Liés, Panis
« et Pavillon, ses secours étant audit lieu de Plancy, lequel
« a reconnu et confessé que, pour contribuer au dessein que
« Mgr le marquis de Plancy a eu de faire construire une halle
« audit bourg de Plancy, plus grande et plus spacieusejque
« celle qui y étoit lors de l'incendie arrivé audit lieu au mois
« de décembre iGbO, qui fut consommée par le feu, il auroit
« volontairement offert audit seigneur une place qui joiguoit
« ladite halle et qui n'étoit séparée d'icelle que par un pelit
I espace de terre qui servoit à faire écouler les eaux de la
« halle, etc..
2UU LE MARQUISAT DE PLANCY
tt Fait el passé au château dudit Plancy, le 23'' jour du mois
Il de novembre 16.'i8, avaut midy. »
Les occupalious politiques de Guénégaud ne lui permettant
pas, toutefois, de régir directement ses biens et les droits qui
s'y rattachaient, malgré qu'il vint cependant souvent à Plancy,
ainsi que de nombreux baux le montrent, et eu particulier un
bail dans lequel il précise que les fermiers devront entretenir
le jardin et le fournir des herbages nécessaires pour la maison
dudit seigneur et de maiame son épouse et de leurs gens, il se
décida à affermer les terres et les revenus de la terre, qui
depuis restèrent loués sous tous ses successeurs jusqu'à la
révolution de 179o.
Ces baux nous le font voir résidant aussi à Paris, d'abord,
notamment eu 1666, dans son hôtel, sis sur le quai de la Porte
de Nesle, paroisse Saint-André ; puis, à la fin de sa vie, dans
son hôtel du quai Malaquais, paroisse Saint -Sulpice, ([u'il
s'était fait construire par Mansart.
Les uns concernent le loyer des garennes de la Perthe, sous
la condition, entre autres redevances, de fournir à M. de Gué-
négaud quatre douzaines de lapins par au, en son hôtel, à
Paris.
Les autres, concernant le péage et les moulins, montrent
les grands soins que l'on avait de la rivière de l'Aube et la
précaution qu'on prenait d'eu débarrasser le lit de la moindre
herbe. Certains d'entre eui , se rapportant à la location du droit
de halage, qui demeura affermé jusqu'à la Piévolulion, portent
les dates de 1606, 1719, etc..
Un bail de 1658 nous apprend qu'à celte date le fondé de
pouvoirs de M. de Guénégaud, à Plancy, était messire Anthoine
Rivet, prêtre.
Deux autres baux portent que « les preneurs seront tenus
« de faire instruire à leurs frais et dépens les procès criminels
Il et cas civils, jusqu'à sentence définitive du juge du lieu, et
Il nourrir les prisonniers qui seront ès-i)risons dudit Plancy
« pour crimes, e(c... »
Le 9 novembre 1645, dame Elisabeth de Choiseul, épouse
de messire Ilenty de Guénégaud, baron de Saiut-Just, Lou-
gueville, etc., loue au nom et « comme fondée de la procu-
« ration de sou mari, à Robert Rerthier, marchand, demeu-
II rant aux Grèves, paroisse de Bagneux, le revenu de la terre
Cl, (le Longueville, consistant en maison seigneuriale, enclose
« de fossés, et les circonstances el dépendances, terres labou-
sous LES aUÉNÉGAUD 201
« rables, prés, cens, routes, rivières, droits de lods et ventes
« de terie eu roture, frauclies et ceusuelles, deffauts et
« amendes, greffe, tabeliionnage, rouage, péage, coutumes et
« travers, garenne, le moulin à veni, la vigne dite de Pre-
« mierfail, le droit de chasse de canards, alouettes et cailles,
t et autres gibiers non défendus, la coupe des émondes des
« saules et peupliers, avec les bois de la garenne, à la réserve
Il des bordages, si aucun il y a, comme aussi du fief du
« Mesuil-les-Granges sur Aube, de Froide -Paroix et Hacque-
« ville, sis à Boulage, sans eu rien excepter ni réserver, et de
« la vicomte de Semoine, avec moulins à eau et à vent, et
« tous les droits dépendant de la vicomte, pendant cinq
« années. »
Le 20 juillet 1C80, le fils d'Henri de Guénégaud louait à
Jacques Guéret, seigneur du Breuil, le château et maison sei-
gneuriale de Longueville, avec l'enclos, consistant en cinq
arpents d'héritages ou environ, avec le greffe et la ferme des
deffauts et amendes de la seigneurie de Longueville, pour une
année.
L'ancien château de Longueville n'existait plus en 1776,
car à cette époque remonte un bail par lequel M. Godard
d'Aucour louait « l'emplacement du château, non compris,
« toutefois, les pierres dures ou tendres qui peuvent encore
a être sur l'emplacement dudit château ou dans les fonda-
« lions. »
Dans un bail de 1649, Henri de Guénégaud, à ses qualifica-
tions habituelles, ajoute celle de seigneur de Jailly, la Garnache
et Beauvoir-sur-Mer.
Parmi les titres de propriété relatifs à des pièces de prés,
appelées Pâtures-Douces, se trouvent deux actes intérsssants
en raison des personnages avec lesquels ils furent conclus.
Le premier, qui nous apprend les noms des chanoines de
Saint-Laurent à une époque ancienne, est ainsi conçu :
(.( Le 21 mars 1648, avant midj, par devant les notaires au
« baillage de Plancy, ont comparu haut et puissant seigneur
« Claude de la Croix, chevalier, baron de Plancy, d'une part,
(I et messire Charles Ricard, prêtre et chanoine de l'église
« Saint-Laurent, fondée au châlel de Plancy, messire Claude
« Mailler, messire Jean Moret, messire Nicolas Lenfanl, mes-
(1 sire Rémy de Choiselat, bailly de Plancy, soy faisant et
« portant fort pour messire Choiselat, d'autre part, tous cha-
« noiues de ladite église Saint-Laurent, lesquelles parties ont
202 LE MARQUISAT DE PLANCY
Il reconnu avoir fait l'échange qui suit : savoir que ledit sei-
« gneur baron de Plancy a donné à jouir dès à présent et à
« toujours à l'avenir auxdits chanoines, ce acceptant, six
« arpeus de prés, fermés de fossés, sur lesquels fossés il y a
« de petits arbres popelins, assis en la prairie dudil Plancy,
« vulgairement appelée le Pré de la Corvée... et pour contre
« échange lesdils chanoines ont donné k jouir au seigneur
« baron de Plancy, ce acceptant, d'une pièce de pré -appelée le
« Pré de Droupt, assis en la prairie de Saint-Vilre .. »
Le second porte que le « 2^° jour du rnoi.-3 de mars, avant
'( midy, de l'an 1637, sous la halle de Plancy, par devant les
« notaires en la baronnie de Plancy, à l'assemblée tenue
Il par les habilans, furent préseuls messire Antoine Morel,
« lieutenant au bailliage de Plancy, maître Paul Deguerrois,
« procureur fiscal en ladite baronnie, elc...
Il Lesquels habilans ont reconnu avoir vendu dès mainte-
« nant et à toujours à honoré seigneur, Alexandre Scipion
« d'Arnoult, seigneur de Fleury, chevalier, gentilhomme
« ordinaire de monseigneur le duc d'Angoulème, demeurant à
« l'Hermitle, paroisse des Essarts, prèsSézaune, à ce présent,
Il deux tiers de toutes les pâtures, laut de la Pâture-Douce
Il que d'autres, sises en la prairie de Saint-Vitre...; celte
« vente faite franc et quitte, excepté verls et déverts quand il
« échet, et moyennant le prix et somme de neuf mille livres
« en principal, que lesdils vendeurs ont confessé avoir reçu
« dudit seigneur acquéreur, et dont laquelle somme ont dit
« être pour être employée, tant au payement des tailles et
fl contributions ([ui leur sont demandées et envoyées par
« MM. les élus de Troyes, pour subsistance du régiment de
« Navarre, logé en garnison audit Troyes, que pour autres
« tailles et réparations de leurs ponts et murailles du bourg
« dudil Plancy, etc.. »
On ne peut s'empêcher d'être frappé du nombre de personnes
notables qui avaient des biens k Plancy, antérieurement à l'an
1700. Ainsi, en 1650, Guénégaud achetait des prés à honorable
homme Isaac d'Allemaigne, maître chirurgien, demeurant à
Saint-Germain-des-Prés, rue de Seine.
En outre, il résulte des lettres -patentes rendues à la suite
de réclamations de pâtures asagères par la commune de
Plancy, que le comte et la comtesse de Bélhune possédaient
certaines de ces pâtures et cédèrent leurs droits sur ces pro-
priétés à Henri de Guénégaud, avant 1607.
D'aulre part, ainsi qu'il résulte d'une déclaration du S avril
sous LES GUÉNÉGAUD 203
1078, les habilanls de Plancy avaient engagé une partie de
prés proche la jN'oue-Meunière, faisant partie de p;Uures com-
munes à Plancy, Charuy et le Bachot, contenant dix arpens et
appelée Pâture de La Grange, « au nommé François de Mathieu,
« écuyer, sieur de La Grange, lieutenant de cavalerie au régi-
« ment de Grandmont, moyennant une somme de 4Go livres
« empruntée à messire de Larron de Guinereaux, capitaine au
B même régiment, duquel ledit sieur de La Grange avait les
« droits cédés par obligation. »
Ces pâtures ne cessèrent guère de donner lieu, tant du temps
d'Henri de Guénégaud et de sou fils, que de leurs successeurs,
à des réclamations dont nous entretiendrons subséquemment
le lecteur. Lans une requête au roi, Henri de Guéoégaud se
plaignait des difficultés qui lui étaient faites malgré qu'il eût
acquis le marquisat de Plancy par acte solennel fait au Parle-
ment, et le roi lui ordonnait « de mettre l'instance en élat d'être
« jugée par devant M. de Caumarlin, commissaire départy en
Il Champaigne. »
Quant à « Messire Heury de Guénégaud de Cazillac, cheva-
lier, marquis de Plancy, fils aîné et légataire universel de
defîunt M''' Henry de Guénégaud, conseiller du Roy en ses
conseils 9, il adressait une « requête à monseigneur de Miro-
« ménil, maître des requêtes ordinaire de l'hôtel du Roy et
« intendant de justice, police et finances pour Sa Majesté en
« la généralité de Châlons, au sujet de prés aliénés par les
« habitants de Plancy en 1 obîi, et dont les seigneurs de Plancy
« ont toujours rendu leurs aveux au Roy en lb49 et 1G21,
« notamment entre autres un pré de douze arpeus appelé
« Carrons, désigné dans les anciens titres sous l'appellation
« de pra(a vacantia sive prata carentia domino. »
Un acte de lGt)7, passé devant Claude Lefebvre, seigneur
d'Armilly, conseiller du roi-général en sa cour des Monnaies
et garde des sceaux royaux aux contrats des bailliages et châ-
tellenies de Pout-sur-Seine, montre Henri de Guénégaud sti-
pulant en son absence par son receveur, Paul Pajot, seigneur
d'Isles et de la Cour.
Un autre acte de la même année désigne Jean Richomme,
praticien au bailliage de Plancy, comme agent pour monsei-
gneur le marijuis dudit lieu.
(A suivre.) Baron G. de Plancy.
NECROLOGIE
Lks restes de l'explorateur Ernest Millot. — Le 4 février,
une imposante cérémonie, qui était en même temps une louchante
manifestation de sj'mpatliies en faveur d'une honorable famille
du pays, avait lieu à Aix-en-Othe (Aube). Voici k quelle occasion :
On sait que l'explorateur Ernest Millot, chevalier de la Légion
d'honneur, second de Jean Dupuis dans l'expédition du Fleuve-
Rouge en 1873, est mort subitement à Ben-Thuy (Annam}, le
29 mai 1891. il s'agissait de rinhumation de ses restes, qui
viennent d'être ramenés en France par le Chandernagor, trans-
port des Messageries maritimes, et cette cérémonie avait attiré,
malgré les rigueurs de la saison, une très nombreuse assistance.
M"" Hermance Millot, qui survit seule aujourd'hui à sa famille,
suivait le char funèbre, où le cercueil, en bois de fer, disparaissait
sous les Heurs et les couronnes. Les décorations, médailles et
insignes du défunt étaient portés sur un coussin, tandis que
d'autres grandes couronnes étaient portées à la main devant le
char.
Le deuil était conduit par M. Arsène Thévenot, membre de la
Société des gens de lettres, cousin-germain du défunt.
L'explorateur Jean Dupuis, retenu en Algérie par sa santé,
n'avait pu accompagner les restes de son ami.
La musique municipale d'Aix-en-Othe précédait le cortège en
jouant une marche funèbre; elle était accompagnée par l'Orphéon
portant également sa bannière crêpée de deuil.
Devant le caveau de famille où a eu lieu l'inhumation, M. Cou-
drol, juge de paix, s'est fait l'éloquent interprète des sentiments
de toute la population en rendant un juste tribut d'hommages et
de regrets à la mémoire du défunt, dont il a retracé la vie si
active et si utilement remplie, en infatigable pionnier de la civi-
lisation et du progrès.
L'hommage suprême d'estime et de respect qui nous réunit aujourd'hui
autour de la dépouille mortelle de M. Ernest Millot, décédé dans l'Annam,
depuis bientôt quatie ans, a certainement, aux yeux des nombreux amis de
la l'amille, le caractère d'une dette de cœur que, non seulement les compa-
triotes du regretté défunt étaient désireux de payer à sa mémoire^ mais
encore tous ceux qui s'inléressent à l'expansion de notre génie national, en
dehors des limites étroites de la mère-patrie. Cette dette sacrée, nous qui
avons connu Krnest Millot, nous ses amis et ses compatriotes pour qui son
affection ne s'est jamais démentie, nous sommes heureux et fiers de venir
l'acquitter au nom de tous, en adressant un chaleureux, témoignage de
NÉCROLOGIE 205
patriotique sympathie à ce vaillant eofaut de la France qui est tombé
là-bas, sur cette terre mainteoant française oii, l'un des premiers, il a eu
l'honneur d'arborer le drapeau de notre patrie.
Le cadre nécessairement restreint d'un éloge funèbre nous oblige de con-
denser en quelques lignes les détails émouvants de cette existence tout
entière vouée à l'action €t à la lutte. Tempérament d'initiative, prompt
dans ses décisions, doué d'une volonté et d'une énergie à toute épreuve,
et avec cela d'une bonne humeur inépuisable et vraiment française, Ernest
Millot s'est senti nat'irellement porté vers d'audacieuses entreprises qui
auraient etTrayé des hommes moins bien trempés que lui. Commerce,
inlustrie, explorations lointaines, diplomatie, administration, sciences tt
études géographiques, il a tout abordé avec son ardeur native, et, en toute
circonstance, son esprit de suite, sa persévérance, sa profonde connaissance
des hommes, l'ont conduit à des résultats inespérés. Il est de notre devoir.
Messieurs, de prononcer ici un nom, le nom de Jean Dupuis, et de le saluer
avec tout le respect et la sympathie qu'on doit à l'honnêteté, au désintéres-
sement, au labeur noblement accompli.
Tout à l'heure. Messieurs, je m'efforcerai de vous parler, autant qu'il me
sera permis, de l'œuvre dont M. Millot a poursuivi la réalisation, mais avant
tout, il importe à la stricte justice de mettre en relief la physionomie virile
de celui qui a été le véritable initiateur de celte oeuvre dont les conséquences
eussent pu être si fécondes en heureux résultats pour la France. M. Jean
Dupuis, l'explorateur bien connu, cet homme aux vues largement patrio-
tiques, avait sa discerner dans M. Millot les aptitudes particulières qu'exi-
geait l'exécution de ses hardis desseins. Aussi se l'associa-t-il dans cette
entreprise véritablement prodigieuse de la conquête pacifique du Tonkin
qui, selon lui, devait avoir pour conséquence immédiate l'épanouissement
dans ces contrées de notre prospérité commerciale et industrielle et de notre
génie national. Dupuis et Millot, ces noms resteront indissolublement unis.
Ils resteront unis, nous l'espérons, dans le jugement impartial de l'équitable
avenir.
Ernest Millot naquit à Aix-en-Ollie, le 26 juillet 1836; il était le lils
cadet de celle honorable famille si connue dans notre région par la bien-
faisance et le dévouement de ses membres. Après avoir fait ses études au
lycée de Troyes, il embrasse la carrière commerciale et débute à Troyes
dans une maison de bonneterie. Le champ forcément limité où lo confinait
ce genre d'industrie, ne put convenir longtemps aux élans de son esprit
entreprenant et avide d'activité. Dès qu'il eut acquis la pratique des affaires
commerciales, M. Millot forme le projet de se livrer au commerce d'expor ■
talion, et quitte la France eu 1804, pour aller se fixer à Sang-Ha'i, ville
chinoise de la province de Kang-Son ; là, il ouvre, au mois de janvier 1863,
un comptoir pour l'importation de nos produits, et l'exportation des divers
produits chinois. Son installation dans la concession française de Sang-IIa'i
iut féconde en heureuses conséquences pour la colonie ; la maison Millot
et C'' acquiert bientôt, sous l'active impulsion de son fondateur, une
importance considérable; M. Millot se recommande à ses concitoyen,s par
son expérience des affaires, sa grande loyauté, son esprit d'équité, et,
comme gage de leur estime, reçoit b enlôl d'eux le mandat de conseiller
municipal, puis de président du conseil d'administration, ou maire de la
concession française de cette grande ville industrielle. M. Millot occupa
ces fonctions pendant quinze ans, et, psndant ce long laps de temps, il ne
cessa de se consacrer tout entier à la prospérité, à la sage aduiinistralioa
206 MÉCROLOGIE
de la colonie. Ses bervices, à ce point de vue, furent remarqués par le
GouvernemenL de la iMétropole; à la date du 12 juillet 1880, M. Ernest
Millet reçut la croix de la Légion d'honneur « pour services rendus à la
France et à la colonie ».
Ce n'était là, Messieurs, que la première étape, en Exliême-Orient, de
notre infatigable compatriote. Loin de nous la pensée de vouloir grandir, au
vain éclat de louanges posthumes, la proportion des acteurs qui vont entier
en scène. Les faits | arleut ici plus éloquemment que tous les discours, et
nous louchons aux événements les plus extraordinaires de cette vie toute
vibrante d'activité. M. Ernest Millot accompagne "M. Jean Dupuis, en
qualité de second, dans celte merveilleuse expédition, à travers le Tonkin,
par la voie du Song-Koï, ou Fleuve Rouge. Jean Dupuis organise à ses
frais une véritable tlotlille, composée de deux canonnières, montées en
trois mais, et trois autres navires d'un plus faible tirant d'eau; vingt-
cinq Européens et cent vingt-cinq Asiatiques forment les équipages de
ces navires. Tout le monde a encore présentes à la mémoire les phases
mouvementées de celle audacieuse et intéressante entreprise. Que de
péripéties dans celte tentative véritablement héroïque! Il ne faut pas
oublier, pour apprécier à sa juste valeur la courageuse initiative de ces
explorateurs, qu'ils avaient contre eux, à côté de difficultés matérielles
sans nombre, l'hostilité sournoise des mandarins annamites qui, à cette
époque encore, écrasaient de leur tyrannie et de leurs exactions la popula-
tion douce et paisible du Tonkin. En quelques mois ces difficultés sont vail-
lamment surmontées, la cauteleuse résistance des mandarins échoue devant
la décision, servie au besoin par la force, des deux intrépides chefs de
l'expédition. Les places fortes et les citadelles qui bordent le Fleuve
Rouge, tombent en leur pouvoir, les populalions autochtones saluent en
eux des libérateurs et sont prêtes, à leur signal, à secouer le joug dégr..dant
qui les opprime pour reconquérir leur ancienne autonomie. Cela ne vous
rappelle-l-il pas, Messieurs, les exploits de ces anciens capitaines qui
prenaient des terres inconnues au vol capricieux de leurs agiles caravelles?
Voilà, en quelques traits rapides, l'œuvre accomplie par MM. Dupuis et
Millot. Ce qu'il importe de proclamer ici bien haut, c'est que tous deux
n'ont eu jamais au cœur d'autre souci, d'autre pensée que la gloire et la
grandeur de la France. Des avantages considérables leur ont été pro-
posés par des étrangers pour mener à bonne fin leur expédition qui pro-
mettait les plus beaux succès matériels, mais toujours leur patriotisme
opposa un refus indigné à des otTres qui auraient pu compromettre
l'avenir colonial de la France dans cette région de l'Asie. Et, Messieurs,
permettez-moi de terminer ce court récit par ces lignes éloquentes de
M. Millot dans son intéressant ouvrage sur le Tonkin; elles vous feront
saisir, mieux que je ne saurais le faire, la haute et patriotique inspiration
qui a présidé à leurs durs labeurs :
« Chaque fois, dit ^L Millot, que Jean Dupuis et moi, nous remettons
« le pied sur cette terre à laquelle nous attachent tant de souvenirs et qui
« est pour nou.s noire seconde patrie, nous ressentons une émotion profonde,
« excitée par la mémoire ravivée du beau rêve que nous y fîmes jadis, et
« dont nous avions pu croire alors la réalisation si proche pour la gloire et
« la prospérité de la France 1 »
Je m'arrête sur ces lignes, Messieurs, elles fout le plus grand honneur à
celui qui les a écrites; elles donnent aussi la noie précise et caractéristique
des sentiments et des aspirations qui guidaient, avant tout et par-dessus
NlicKOLOtilE 207
toul, M.\J. Dupuis el NJillol dans les enlieprises l'^iulaiiics où ils ont
prodigué sans compter leur énergie et leur fortune !
A la suite de celle périlleuse expédition, M. Millot revint en France un il
eut la faiisfaclion de recueillir de la part des hautes personnalilés, dans les
sciences el dans le gouvernement, l'éloge justement dû à son mérile ; il l'ut
accueilli par de nombreuses Sociélés savantes qui tinrent à honneur de le
compter parmi leurs membres, uotammeul par la Société de géographie où
il fut admis le 7 mai 1880. M. Millot profila de sou séjour en France pour
lépandre, parlout où sa parole put se faire entendre, les renseignements qu'il
avait élé à même de réunir s.r le bassin du Fleuve Rouge, qu'il considérai',
comme une terre prédestinée, par ses produit: de loules sorles el ses richesses
naturelles, à notre colonisation.
M. Millot reparlil pour le Tonkin el l'Aunam eu 188J; il ne devait plus,
hélas! revoir celle terre française qui lui était si chère, ni ceux pour lesquels
son cœur brûlait de la plus tendre alfectiou. Une mort foudroyante le lerrassa
le 29 mai 1891, au milieu des travaux qu'il avait entrepris à Beu-Tliuy,
dans l'Annam, pour la création d'exploitations forestières.
Vous savez tous, Messieurs, quel dévouement à toute épreuve, quel
fraternel amour unissait les membres de la famille Millot. M. Jules
Millot, quoique plus âgé que son frère Ernest, eut lu douleur de lui
survivre, mais vous savez aussi par quelle touchante démarche se traduisit
sou affection pour ce frère bien-aimé. Les restes mortels des trois frères
Millot vont, selon leurs vœux les plus chers, se trouver réunis désormais
dans la même tombe, à côté de leurs père el mère; c'est grâce, mademoiselle,
à votre zèle pieux, pour la mémoire des vôtres, que ce vœu sacré a été réa-
lisé! Si nous ne connaissions votre cœur, et la force de son attachement
pour les disparus, nous pourrions plaindre votre destinée qui vous laisse
seuk, à côté de leur tombe, pour veiller sur leurs cendres vénérées ; mais
non, votre respect, grandi par l'élévation de vos sentiments, doit se
manifester d'une autre façon; nous ne devons considérer que la touchante
mission que vous vous êtes imposée, pour nous incliner respectueusement,
el devant ceux qui reposent ici, et devant la gardienne jalouse de leur
mémoire, la sœur tendre et dévouée qui ne vit plus que par le souvenir du
passé !
Nous apprenons la mort de M. Prosper-Théophile Soullié,
décédé le 8 février 1893, à l'âge de 79 ans. C'était un homme de
bien et un savant modeste dont l'érudition était aussi vaste que
variée. 11 fut longtemps professeur de rhétorique au lycée de
Reims et ses anciens élèves se souviennent encore de la facilité
avec laquelle il leur citait par cœur à tout propos de longues
tirades des poètes grecs et latins.
M. Soullié avait, du reste, un véiùtable culte pour les belles-
lettres et, plus d'une fois, ses amis ont pris un malin plaisir à le
lancer dans des dissertations et des aperçus littéraires auxquels il
se complaisait volontiers.
Lorsqu'il dut quitter l'Université, il se tixa délinitiveinent à
Reims, où le retenaient de nombreuses relations de famille et
d'amitié. Dans sa retraite, il continua à travailler et s'adonna
sans réserve à son goût pour l'étude; il devint l'un des membres
208 NÉCROLOGIE
de l'Académie les plus actifs et les plus écoutés; il fit même
paraître plusieurs ouvrages qui témoignent de sou savoir et de
son goût pour les recherches les plus délicates et les plus minu-
tieuses.
M. Souillé était agrégé de l'Université, docteur ès-lettres, offi-
cier de l'Instruction publique et, comme nous le disons plus haut,
membre de rAcadémie de Reims, qui ressentira vivement sa perle.
Les obsèques de M. Prosper Soullié ont eu lieu le 11 février. Le
service funèbre a été célébré à l'église Saint-Jacques.
Les cordons du poêle étaient tenus par MM. Duchàtaux et
H. Jadart, au nom de l'Académie; par M. le Censeur du Lycée,
représentant l'Université; M. A. Mareschal, ancien notaire.
Dans la nombreuse assistance, on remarquait MM. Albert
Benoist, président de l'Académie de Reims; Jollv, adjoint; Hue,
inspecteur des écoles primaires; Henry Mennesson, etc.
Au cimetière, M. Henri Jadart, secrétaire général de l'Académie,
a prononcé l'allocution suivante :
Les liens qui unissent M. Profper Soullié à l'Académie de Reims sont
les plus forts et les plus doux qui se puissent contracter au sein des Sociétés
savantes : ni l'absence rendue inévitable par sa carrière universiiaire', ni la
vieillesse n'avaient pu les rompre; la mort elle-mêine sera impuissante à les
anéantir, consacrés qu'ils sont par le temps, l'eslime et l'affecticn réci-
proque.
Membre de la Compagnie depuis quaraule-deux ans (18o3-18y5), ancien
secrétaire-archiviste (185^-1860), ancien président (1882-1883), collabora-
teur habituel des séances et des mémoires pendant une longue période,
resté jusqu'à la lin membre de ia Commission ou rapporteur infatigable des
concours de poésie, voilà ses litres inelfaçables à la gratitude de l'Académie
et à ses regrets particulièrement douloureux à celte heure.
L'unité de la vie a été parfaite en notre confrère, sous tous ies aspects.
Parmi nous, il fut le représentant autorisé des belles-lettres, le tenace
défenseur de la probité littéraire, le classique par excellence qui célébrait
ses auteurs sur ses vieux jours avec l'enthousiasme de la jeunesse.
Te venienle die, le decedenie cancbaL
L'âge, par un heureux privilège, n'avait arrêté ni son élan plein d'une
rare et parfois rnde i'-anchise, ni sa verve si expressive en son tour original.
11 nous faudrait les souvenirs et la compétence de M. Loriquel, son lidèle
ami, pour détailler son œuvre en prose et en vers dans toute son étendue,
citer ses comptes-rendus, ses analyses, ses traductions alternant de Théo-
crite à Isaïe, ses éludes variant de Racine à La Fontaine, de Gresset à
Lamartine. Ce dont nous pouvons rendre témoignage, c'est qu'il commu-
1. Nr à Ri'iiiis on l.Hir>, élc\e ilii Collège royal dp i-otto villo ih- ISÎ? a ISoJ. il olilinl
le prix (l'Iionnpur de pliilosopliie, fut rci.-ii le |irciuipr â l'ajîri'ïï.tlioii de sraininaiie. >p lit
recevoir agréso pour les Ipllre?, puis licencié et docleur. Il enseigna successivement dans
les collèges et lycées de Marseille, d'Aucli, d'Angers, de Moulins, de Grenoble, de Reims
(18J6-186U), d'Angoulème, du Saint-Quentin, et jirit sa retraite dans sa Tille natale en l^^OS
avec le titre d'otlicier de l'Inslruclion publique.
NÊCBOLOGIÉ 200
niqua ses deruiers travaux à nos séances avec un égal empressement, et
s'il fil à l'Académie des infidélités, c'était pour porter aux enfants des
écoles et même aux prisonniers le fruit de ses lectures et de ses observa-
tions. 11 ne dérogeait point en cela, il profitait au contraire du savoir qu'd
avait acquis pour remplir le devoir social dans sa plus noble mission, celle
qui s'adresse aux pauvres et aux déshérités.
C'est qu'en elTel M. Soullié ne voyait pas seulement la forme dans le,-;
beaulés littéraires, il en exprimait à merveille la valeur morale, la leçon
pratique pour la science de bien vivre. Chrétien convaincu, il ne renia
aucun des chefs-d'œuvre de l'antiquité, mais il en rapprocha les maximes
les plus pures des préceptes de la Bible, et composa ce recueil des Sentences
et I roverbes qui semble avoir été son livre de prédileclion, bien qu'il l'ait
mis au jour avec sa modestie Inbitiielle, sans appel au public ni le moindre
retour sur lui-même.
Dans ce domaine des hautes pensées et de l'abnégation, d'où son âme
s'élevait de plus en plus vers le bien absolu, il est consolant de lui adresser
l'adieu de la terre, car son talent généreux, son amour patient du travail,
fa charité, y resteront comme des modèles de sagesse et des exemples de
vertu.
( Coiinh'r lit; l/i CliiijiipKiinc.)
M. le docteur Mohen, ancien inspecleiir de l'Assislaiice pu]jli(}ue,
membre honoraire de la Société d'agriculture de la Marne, est
décédé à ChTilons le 14 février 189b, dans sa soixante-dix-huitième
année.
M. Mohen a dirigé pendant trente ans le service des enfants
assistés du département de la Marne,
Excellent dessinateur, il avait formé plusieurs albums des vues
de la plupart des églises de la Marne, au nombre de LioO. Il se
plaisait aussi, dans ses dernières années, à faire des reproduc-
tions, par la sculpture sur bois, des monuments publics et avait fait
don à la Ville de la curieuse collection ainsi constituée.
Ses obsèques ont eu lieu le 16 février, en l'église Notre-Dame.
Le dimanche 17 février, à huit heures du matin, avaient lien, à
l'hôpital de Vilry-leFrançois, les obsèques d'une femme que tout
le pays vitryat, souflVant, malheureux, a estimée et aimée.
C'était Tenlerremcnt de Mi'<^ Rose-Caroline Blava, décédée à
l'âge de 81 ans.
Les malheureux l'appelaient « la tante >•, témoignant ainsi par
celle appellation familière toute la sympathie dont ils entouraient
celle femme modeste cl dévouée qui, pendant 65 ans, avait donné
à plusieurs générations tout son dévouement et tout son cœur.
Elle adorait surtout les enfants, celte généreuse vieille, elle qui
14
210 NÉCROLOGIE
n'en avait jamais eu! Comme elle les doiioUiit, à rhùpilall
Comme elle souriait doucemeut à ceux qu'elle rencontrait dans la
rue!
Brave femme! elle s'en est allée dans la tombe, sans avoir vu
briller sur sa vaillante poitrine la distinction que tant de courage
ignoré, tant de dévouement simple mais sublime, lui avaient mille
fois méritée.
L'administration bospilalière lui a fait de magnifiques funé-
raillles, non par le luxe étalé, — à celle humble, c'eût été de trop,
— mais par la sympathie qui l'a conduite jusqu'à sa dernière
demeure.
En l'absence de M. le Maire, retenu par un autre deuil, M. Lam-
bert, premier adjoint, représenlait l'administration municipale.
M. Lemoine, ancien notaire, vice-président de la Commission
administrative de l'hôpital, entouré de plusieurs membres du
Conseil d'administration, M. le capitaine Adnet, M. Nicaud, etc.,
accompagnaient le modeste cercueil.
M. Justinart, administrateur de VlndépciidaiU i émois, neveu par
alliance de M""= Blava, conduisait le deuil.
Sur la tombe, au cimetière, M. Nicaud, économe, a prononcé des
paroles émues et retracé la vie, toute de sacrifices, de M"e Blava.
(Joaniat de La Maine.)
*
Une quasi-centenaire. — Vers le milieu de février, mourait à
Raillicourl (Ardennes), M™" veuve Garot, âgée de quatre-vingt-
dix-neuf ans. Quelques mois encore, et cette pauvre vieille attei-
gnait sa centième année. Malgré son grand âge, la veuve Garot
avait conservé, jusqu'au dernier moment, toute sa lucidité d'esprit.
Chose rare, elle possédait encore toutes ses dents et n'avait pas un
seul cheveu blanc.
Naguère encore, elle se livrait, sans trop de fatigue, aux travaux
des champs. Elle n'a dû succomber qu'aux dures étreintes de l'hiver
si rigoureux.
Le 20 février, à dix heures^ ont eu lieu, en l'église Notre-Dame
de Chàlons, les obsèques de M. Memmie Varlet, décédé le 18, à
l'âge de qualre-vingt-un ans. il avait succédé comme avoué à
M. Sellier. Longtemps membre du Conseil municipal de Châlons,
il représenta de 1871 à 1876 le canton d'Avize au Conseil général
de la Marne. 11 fut également membre de la Commission adminis-
trative de l'Asile départemental d'aliénés de la Marne.
La fille de M. Varlet a épousé M. Paul DeuUin, négociant en
vins de Champagne à Epernay.
M. Varlet avait ua fils, mort prématurément, juge au Tribunal
de Reims.
NÉCUOLOGIE 21
Le même jour avaient lieu, dans la chapelle de Sainte-Puden-
lienne de Chàlons, les obsèques de iM. Brémont, mort à l'âge de
84 ans.
Une nombreuse assistance conduisait à sa dernière demeure
l'homme de bien universellement connu et estimé de tout le
quartier Sainle-Pudeotienne depuis qu'il s'y était retiré.
M. Brémont, depuis longtemps professeur au Collège de Vitry-
le-François, avait demandé celui de Chàlons pour se rapprocher
de sou fils, l'abbé Brémont, vicaire de Notre-Dame. Ce jeune
prêtre mourut à la tleur de l'âge en 1870. Brisé par celte épreuve,
M. Brémont abandonnait peu après la carrière universitaire. Mais
il ne devait pas cesser de se dévouer à la jeunesse qu'il aimait
toujours. 11 la retrouva dans un autre milieu et la servit sous une
autre forme tout le reste de sa vie.
H y a une quinzaine d'années, des chrétiens généreux, voyant
l'importance toujours croissante du quartier Sainte-Pudenlienne,
entreprirent d'y construire un patronage semblable à celui de la
rue Saint-Nicaise, où la jeunesse trouverait avec d'honnêtes récréa-
lions une sauvegarde contre les entraînements de son âge.
La direction de ce patronage fui contiée à M. l'abbé Thuillier,
depuis peu vicaire de la cathédrale et spécialement attaché à la
chapelle Sainle-Pudentienne. Le vieux professeur fut heureux de
se faire 15«uxiliaire du jeune prêtre et, jusqu'à ces derniers temps,
lui donna un concours précieux.
[Journal tic In Marne.)
*
Le 20 février ont eu lieu, à Orbais-l'Abbaye (Marne), les obsèques
de Mme veuve Blondiol, mère de M. Camille Blondiot, le sympa-
thique directeur des postes du département de la Marne.
De nombreux assistants avaient tenu à rendre les derniers hon-
neurs à cette respectable dame, et à donner par leur présence une
marque d'estime et de condoléance à noire compatriote, M. Blon-
diot, dont chacun a pu depuis longtemps apprécier l'obligeance et
l'affabilité.
*
* *
M. Auguste Philippoteaux, avocat, député de rarrondissement
de Sedan, est mort en cette ville, le jeudi 21 février, dans sa
soixante-quatorzième année.
Docteur en droit, juge suppléant au Tribunal de la Seine, après
avoir occupé pendant de longues années, sous l'Empire, les fonc-
tions de maire de Sedan, sa belle conduite pendant la guerre de
1870 lui valut d'être élu en 1871 membre de l'Assemblée nationale
où il siégea sur les bancs du centre gauche.
En 1870, 10,426 voix le nommèrent député de Sedan. Uéélu en
212 NÉCROLOGIB
1877, après la dissolulion, el devenu vice-présideiil de la Cbambre,
il fut nommé de nouveau en 1881, mais échoua en 188ij el ne se
présenta pas, en 1889.
Les élections de 1893 où il était en concurrence avec le can-
didat ouvrier, M. Lassalle, lui donnèrent 898 voix de majorité.
M. Philippoleaux était officier de la Légion d'honneur.
Les obsèques du regretté député de Sedan ont eu lieu à Sedan,
le dimanche 24 février, au milieu d'une atiluence considérable.
Les cordons du poêle sont tenus par MM. Lardin de Musset,
préfet des Ardennes; Drumel, sénateur; Isaac Villain, maire de
Sedan; Millet, président du Tribunal; Bacot, ancien maire; Ch,
Bertèche, président du Tribunal de commerce.
Le deuil était conduit par M. Auguste Philippoleaux fils, par les
frères du défunt et les autres membres de la famille. Puis venaient
les délégations des Sociétés, el enfin l'immense cortège des assis-
tants.
Le convoi s'arrête à l'église Saint- Charles, ou va se célébrer le
service funèbre.
Ceux qui pénètrent dans l'église se rappellent qu'en 1870, là fut
une ambulance, où moururent maints blessés de Bazeilles, de
Lamoncelle et de Floing. Le maire de 1870, qui y vint si souvent
alors pour secourir les malheureux, y est entré aujourd'hui pour
la dernière fois et c'est avec une profonde émotion que l'on
évoque le passé.
Au cimetière, des discours ont été prononcés par M.M. Lardin de
Musset, au nom du gouvernement; Lamour de Léocourt, au nom
du barreau de Sedan; Urumel, sénateur; de Wignacourt, au nom
de la députation des Ardennes; Isaac Vilain, représentant de la
Municipalité ; Bertèche, président de la Société de secours
mutuels; Adrien Parent, président de la Caisse de retraites; Gairal,
au nom de l'Association de anciens élèves du Collège Turenne.
Voici la liste des dons faits par M. A. Philippoleaux dans son
testament olographe :
Société de secours mutuels , Fr. 4.800 »
Société de retraite des ouvriers 2.400 »
Société de charité maternelle 2.400 »
Caisse de rrtraile des sapeurs-pompiers 2.400 ï
Société des orphelines 1 .200 »
Crèche de la place d'Alsace-Lorraine 1 .200 »
Société de SHint-Vincent-dc-Paul 1 .200 )>
Société de la reconstitution de la famille 1 .000 )>
A l Hospice civil 4.800 »
Au Bureau de bienfaisance 2.400 »
Société amicale des anciens élèves du Collège de Sedan 6.000 »
A la Caisse des insliluleurs de l'arrondissement de Sedan 600 »
A l'église Saint-Charles, de Sedan 6.000 »
Société de Saiut-Blaise l'Union 1 .000 »
NECROLOGIE 213
En outre, il main lient l'oin-e faite de 1U,0U0 fr. pour la démolition de la
halle, à condition que le monument patriotique soit construit sur cet empla-
cement; et celle de 4,000 l'r. pour la construction d'un chalet-kiosque à éta-
hlir sur l'alignement entre le Musée et la rue de Metz.
Ces deux derniers dons, de 10,000 fr. et de 4,000 ir., faits avec la con-
dition restrictive : que les travaux soient effectués dans le délai de deux
années, à dater du jour du décès du donateur.
Parmi les trop nombreuses victimes de ce pénible hiver, nous
avons à enregistrer les noms suivants :
M. l'abbé Dazy, curé-doyen de Juniville (Ardennes), décédé le
17 janvier; ordonné prêtre en 1850, curé de Villedommange pen-
dant sis ans, de Montigny-sur-Vesle pendant onze ans, il adminis-
trait depuis quinze ans la paroisse et le doyenné de Juniville;
M. le D"" Carré, décédé à Margerie (Marne), le l""' février, à l'âge
de 95 ans;
M. l'abbé Bébin, curé d'Avenay (Marne) depuis 1850, décédé le
6 février dans sa soixante-dix-huitième année ;
M. E. Doyen, médecin-vétérinaire à Hermonville (Marne),
décédé le 1 février, dans sa cinquante-deuxième année;
M. le D^ Henri-Alfred Chevalier, décédé à Verzenay (Marne), le
18 février, dans sa cinquante-troisième année;
M. l'abbé Jacqueminet, curé de Muizon et de Courcelles-Sapi-
court (Marne), décédé le 20 février, à l'âge de 46 ans;
I.a vénérable Sœur Julie (née Julie-Catherine Mauclair), fille de
la Charité, décédée le 20 février à l'Hùtel-Dieu de Châlons, dans sa
soixante-quinzième année et la cinquante-cinquième de sa vocation ;
M. Ferdinand Lemaire, l'agronome distingué qui avait réalisé
tant de merveilles de culture au domaine des Maretz, près Reims,
pour l'exploitation des eaux-vanaes;
M. le D'' Hutin, ancien maire de Cernay-en-Dormois (Marne);
M. Fulgence Linard, ancien industriel, frère aine de M. Désiré
Linard, député, décédé à Haybes (Ardennes) ;
M""* Collet, mère de M. Collet, maire de Vitry-le-François ;
M""* Guy, veuve de M. Guy, ancien directeur de l'Ecole nationale
des Arts-et-Métiers de Châlons;
M"* Georges de Saint-Genis, née Stéphanie Ragon, décédée à
Vitry-le-François, dans sa cinquante-troisième année;
M. le comte Alfred de Noailles, père de M'"'= la vicomtesse de
Bruneteau de Sainte-Suzanne, propriétaire du château d'Ecury-
ie-Grand, près Champigneul (Marne) ;
M. l'abbé Hypolile, ancien curé de Saint-Amand (Marne), retraité
depuis 1874 à Levallois-l'erret (Seine), décédé à l'âge de 89 ans.
BIBLIOGRAPHIE
Léonce Lex. Eudes, comte de Blois, de Tours, de Chartres, de Troyes
et de Meaux (995-1037) et Thibaud son frère (995-1004). Troyes,
Dufour-Bouquot, 189-2, in-S" de 200 p.
Ce que l'on pourrait reprocher à ce travail, c'est la dispropor-
tion des différentes parties qui le composent. Après une introduc-
tion bibliographique de dix pages, l'étude historique proprement
dite en comprend trente-cinq seulement. Viennent ensuite,
répartis sur les cent quarante pages qui composent le reste du
volume, une série de notes fort substantielles et documentées,
destinées à éclaircir tel ou tel détail de la thèse, naguère sou-
tenue avec succès à l'Ecole des Chartes; d'appendices consacrés à
la diplomatique et à la numismatique d'Eudes; un catalogue rai-
sonné de ses actes \ des pièces justificatives, des additions et cor-
rections, de précieux index des noms de lieux, de personnes et
d'auteurs cités au cours de l'ouvrage.
Il semble, à première vue, devant cette abondance de documents
annexes, que l'étude qui les a fait réunir et présenter à sa suite dût
comporter elle-même un plus long développement, une exposition
des faits plus riche et plus fournie. Mais les renseignements
complets et précis ne sont pas nombreux sur ces époques du haut
moyen-âge, demeurées encore assez obscures, et l'auteur était trop
soucieux de l'exactitude et de la conscience historiques pour donner
place, dans son livre, à toute autre préoccupation que celle de la
précision et de la netteté. Il a tenu avant tout à nous présenter,
dans cette brièveté rigoureuse et tant soit peu aride, ce que l'on
connaît de ces personnages en l'état actuel de la science, et
d'après les données les plus récentes de la critique historique.
Dans la rédaction de ce travail, M. Lex a procédé avec une
méthode très prudente et 1res sûre, discutant pas à pas chaque
fait et fortifiant chaque assertion par des commentaires érudits et
de minutieuses indications de sources.
Nous n'aurons pas la prétention d'entrer ici dans la discussion
de tant de points où l'on se borne forcément encore à des conjec-
tures; nous nous contenterons de rendre justice aux rares qualités
d'historien dont l'auteur a fait preuve dans l'examen des questions
iélicates qu'il avait à traiter, dans le soin apporté à la critique des
texte?, à l'identification des lieux, entln dans la publication de vingt-
huit cliarles inédites sur les trente-quatre reproduites par lui.
A. T.-R.
BIBLIOGRAPHIE 2111
La vente de la Bat'onnie de Coiicy. — Sous ce litre, M. Henri
Lacaille vient do publier une étude tirée à part de la Bibliothèque
de l'Ecole des Charles (t. LV, ISOi), pleine de renseignements iné-
dits sur le sort de rimportant domaine de Coucy, après la mott
du dernier sire de Coucy, lue à Brousse en 1397. Le partage qui
s'en fit donna lieu à des débats prolongés dont le Parlement
connut en dernier lieu. Le duc Louis d'Orléans, déjà comte de
Porcien, devint, en 1400, acquéreur de la terre de Coucy, que ses
enfants recouvrèrent définitivement et transmirent plus tard au
domaine de la couronne. Les pièces justificatives nous fout
assister aux péripéties du procès et des débats judiciaires remplis
d'interminables incidents. H. J.
*
¥ »
Un avocat-journaliste au XVlIh siècle, Linguet, par Jean Cbuppi.
Paris, Hachette, 189o. 1 vol. in-12 de 398 pages.
La Revue des Deux-Mondes, dans sa livraison du le"" mars 1895,
contenait un article d'un magistrat de la Cour de cassation,
M. Jean Cruppi, sur Linguet et le Procès du chevalier de La Barre.
Cette étude approfondie, fruit de recherches dans les Archives
judiciaires, remet en cause cette affaire trop célèbre et trop mal-
heureuse pour qu'elle devienne jamais hors de propos.
L'article de la revue était l'avant-coureur d'un livre sur Linguet,
auquel M. Cruppi a longtemps et minutieusement travaillé, pièces
en mains, comme l'on dit au Palais. Nous l'avons vu s'asseoir dans
ce but parmi le public des lecteurs de la Bibliothèque de Reims,
scruter ses manuscrits, faire exécuter de nombreuses copies d'une
correspondance inédite. Il en aura agi de même à Paris, et
ailleurs, sans doute, car Linguet a touché par ses actes et ses
œuvres à tant de lieux et à tant de personnes qu'il faut une
longue enquête pour aboutir à juger l'ensemble de sa personna-
lité. El encore M. Cruppi n'éludie-l-il pas l'homme entier dans ce
premier volume, il étudie l'avocat-journaliste jusqu'à sa radiation
du tableau, c'est-à-dire jusqu'à la fin de sa vie judiciaire en 1773.
Il débute en remarquant, ce qui est exact pour beaucoup d'autres
personnages, que l'histoire ne retient souvent que le nom des
hommes célèbres et le titre de leurs livres. Pour Linguet, c'est le
titre de son seul ouvrage sur la Bastille que la postérité a surtout
retenu. On lui doit pourtant bien d'autres productions, fruits de
luîtes mcessantes et d'aventures sans pareilles. M. Cruppi ne
recule pas devant cet examen multiple et approfondi, il en sor-
tira un jugement plus équitable.
Naturellement, les premières pages de l'auteur sont consacrées
à la famille, au berceau du grand homme, à son éducation dans
l'Université de Paris et aux premiers succès du brillaut humaniste.
Une fois entamée, la lecture poursuirra .son cours sous le rharnje
du style et de la netteté du lérit. Nous ne voulons pas distraire le
lecteur. H. J.
210 BIBLIOGRAPHIE
L'Anncaiue Hkmois. — M. Margiiin, imprimeur à Reims, vient
de faire paraître sous (^e titre un volume consacré spécialement à
la ville (le Reims et contenant vingt mille adresses.
Kn tête est un plan complet de la ville, puis viennent les ren-
seignements généraux sur l'administration, la garnison et les
difi'érentes Sociétés de Reims. Ensuite se trouve la liste de tous
les commer(;anls et des principaux habitants, d'abord par rue,
puis par ordre alphabétique, et enfin par profession.
A la tin du volume est une liste de toutes les communes du
département avec tous les renseignements relatifs au service pos-
tal, télégraphique, téléphonique, et à celui des chemins de fer.
('.et Annuaire, que l'auteur se propose de rééditer chaque année
avec, toutes les modifications et améliorations nécessaires, est
appelé à rendre de grands services.
Un de nos collaborateurs a transcrit, dans les archives notariales
et dans les anciens registre? d'état civil des arrondissements de
Rethel et de Reims, in extenso ou par extrait, plus de 2,000
pièces qui intéressent les généalogies de plusieurs familles, telles
que les Villelongue, les Brodart, les Symonnet, les Leseur de
Reyne, les Watelet, etc. Par des circonstances de santé, ce zélé
collectionneur, ne pouvant désormais utiliser ces documents,
désirerait s'en détaire de manière à être indemnisé des dépenses
qu'il a dû faire. Les personnes qui seraient tentées de saisir cette
bonne occasion peuvent s'adresser à M. Frémont, qui s'empressera
de servir d'intermédiaire.
Sommaire de la Revue historique Ardennaise. — Mars-avril 1895:
I. Epigraphie des comtes et des ducs de Rethel-Masarin, par N. A.
II. Mélanges. — La fièvre populaire à Charleville, en l699, par
J.-B. Brincocrt.
Les Vendanges à Château-Porcien, en 1401, par L.-H. M.
Les étaux des bouchers de Mézières sur le pont d'Arches, en 1551, par
Henri Lacaille.
L'ancienne cloche d'IIannogne-Saint-Remi, dédiée au nouveau Josué
français, La Fayette, par Henri Jadakt.
m. Bibliographie. — Pellot, L Héritage de Claude de Moy, comtesse
de Chaligmj. — Histoire des Quatre fils Aymun. — De Gourjault.
Mémoires du maréchal da Saint-Paul [Dom Noël).
IV. Chronique. — Don de la Cfironi(jue de Sigebert de Gemllou.r à la
Bibliothèque Nationale. — Thèse de M. Goubaux sur Robert II de
la Marck, seigneur de Sedan, mort en 1530. — Un Syndical, dans
les Ardennes, pour l'héritage de Jean Thiéry, en 1782.
V. Planche hors texte. — Fac-similé d'une reliure de l'Histoire des
Quatre fils Aijmon,
BIBr.IOGIÎAPHIR 21'
Sommaire de la Revue d' Ardenne et iV Ai^gonne. —Udvsavr'd 1895:
Ch. Houiv, Excursions : Dans PAt'dennc orientale : De Gérolstein li
Clervattx. — H. BoiROuiciNAT, Documents inédits sui- la bataille de la
Marfée (1GH). — S. Leroy, Notice armoriale et généalogique sur ta
Maison de Bouillon (suite).
Variétés. — I. Chronique, — II. P. Collinet, Acte de mariage de
Nicolas-Louis d'Kstagniol, député de la noblesse en 1789.
Bibliograpliie. — Mémoires du viaréclial de Saint-Paul, par le marquis
O. de Gourjault. — Histoire dEcordal, par Désiré Boizet — L'Ardenne,
par Jean d'Ardenne.
CHRONIQUE
Société Historique et Archéologique de Chatead-Thierry
(Séance du 5 février 1803). — Présidence de M. Poinsier.
I. — M. l'abbé Marsaux, membre correspondant, envoie trois
communications intéressantes.
La première est un document émanant de Valentine Visconti,
femme de Louis d'Orléans. Mandement daté du 23 janvier 1397 à
Villers-Cotterêts, à la Chambre des comptes de Blois, de donner
quittance à Pierre Poquet, receveur de ses finances « de 90 liv, t.,
reste de 1,500 liv. t, pour distribuer aux dames, damoiselles et
autres femmes de nos très cbiers et très amez enffans Charles et
Philippe d'Orléans. Ces 90 liv. ont servi à contenter aucunes des
dittes femmes de nostre dit hostel et compaignie et de nos diz
enffans qui petitement avaient esté au temps passé salariées de
leurs dites pensions, selon ce que de servy avaient >',
La seconde est un rôle de paiement, donné par Charles de Lon-
gueval, écuyer, commandant pour le Roi au château de Villers-
Cotterêts, de quatre mois de gages de la garnison de Villers-Cot-
terêts, composée de douze hommes d'armes et d'un sergent sous
les ordres de Ch. de Longueval, 15 janvier 1594.
La troisième concerne la tombe d'un abbé (xni« siècle) dans
l'église d'Essùmes — reproduite par Adolphe Varin. Au-dessous de
la gravure, on lit : Cette statue formait la partie supérieure du
tombeau de l'abbé fondateur de l'abbaye d'Essômes. Deux anges
— en partie brisés — disposent un coussin sous la tête du per-
sonnage. Celui-ci tient dans ses mains un missel où il est repré-
senté aux pieds de la Vierge. L'hérésie qui se voit à ses pieds est
figurée par un formidable dragon dont la tête a disparu.
IL — Le secrétaire rappelle ensuite les derniers travaux dus aux
membres de la Société : la belle publication historique de son
vice-président, M. Ch. de Larivière, Catherine II et la Révolution
françai$e, première partie d'un important travail entrepris sur la
grande tzarine, d'après sa correspondance; les études consacrées
au passage de Jeanne d'Arc à Château-Thierry; la réédition des
mémoires du baron Séruzier, décédé dans cette ville en 1826; la
notice de M. Minouflet sur la commune de Saulchery; la mono-
graphie du Collège de Château-Thierry par M. Gorlieu; la note
de M. de Crouchy sur la maison de Fiacine à Paris; celles de
l'abbé Marsaux, curé doyen de Chambly, sur les anlependia de
l'Hùtel-Dieu et les sculptures du grand-orgue de Saint-Crépio, à
Château-Thierry, etc.
CHRONIQUE 21'.l
SociÉTK DES Sciences et Arts de Vitry-le-Fra.\çois (Séance du
14 février t895). — M. Devèze s'excuse de ne pouvoir donner
lecture du travail qu'il avait annoncé sur la construction de Vitry.
Il n'a pas encore réuni assez de documents aux Archives munici-
pales. Il remplace ce travail par la lecture d'un « Essai de classi-
iication des édifices religieux de la Marne ».
La base de celte classsification scientifique, c'est la voîite, qui a
joué un si grand rùle dans l'architecture du moyen-Tige.
M. Devèze énumère les dilTérents genres de voûte employés par
les architectes champenois et marque les différences qui séparent
les monuments de l'époque romane de ceux de l'époque précé-
dente — mérovingienne et carlovingienne — qui ont disparu
dans notre département.
M. Devèze continuera la lecture de son travail dans une pro-
chaine séance.
Récents travaux d'art exécutés dans les églises de Reims. —
Peinlures de la chapelle Saint-Joseph à la Cathédrale.
Une seule chapelle de la Cathédrale n'avait pas de peintures
murales : on se réservait. La chapelle de Saint-Joseph n'a pas
perdu pour attendre.
Les travaux ont été confiés à M. Lameire, décorateur. La direc-
tion, l'approbation des tons, les essais sur place ont été donnés
par M. Darcy, architecte. L'exécution a été surveillée par M. Thiérot.
Ces trois noms en disent assez.
Deux parts sont à faire dans ces travaux de peinture. Celle de
M. Lameire, qui, on plus du plan, a confié à M.M. Rochet et
Lequien, ses élèves, la décoration des arcatures du bas; les orne-
ments proprement dits : la clef de voûte, une grande lylhe ornée
à hauteur des chapiteaux des petites colonnes, les enroulements
et les brûle- parfums des tympans.
Celle de M. Paul Simon, auquel le grand artiste de Paris n'a pas
craint de confier le reste du travail : préparations, peintures de
fond, ornements de la voûte, des murs; les appareils, les tracés,
les dorures. On est toujours heureux de trouver le nom d'un
Rémois dans l'exécution de travaux d'art de celte importance.
Toutes les peintures sont traitées avec soin, préparées à ladre,
pour obtenir une matité égale partout, en conservant cependant
aux tons leur puissance de reflet, et pour donner plus de solidité.
il sera facile de constater que les tons de cette chapelle sont
fins, doux, moins rudes que ceux des autres chapelles. Ils gagne-
ront encore, quand un généreux bienfaiteur voudra bien inscrire
pour toujours son nom dans cette chapelle, en offrant des ver-
rières qui, parleur présence, exciteront les fidèles à prier pour lui.
Qui sait même si un jour nous ne verrons pas remplacer l'autel
actuel par un autre, qui cadrera mieux avec celui de la chapelle
220 CHRONIQUE
du Sacré-Cœur, et ne sera pas hors de proportion avec la clia-
pelle.
Grâce aux libéralités des iidôles, la Fabrique a fait le plus dif-
ficile.
Vitraux de l'église Sainl-Jean-Baptiste.
Le peintre verrier doit être décorateur à distance et peintre de
près. Ces données sont parfaitement remplies dans les vitraux que
M. Vermonet vient de placer dans le transept (côté de l'épître), de
l'église Saint-Jean-Baptiste,
Ces vitraux sont d'un grand efTet; ils sont vraiment décoratifs :
chaleur de tons, variété de couleurs, richesse sans profusion de
nuances. De plus, ils supportent l'examen de près, car on y
trouve le précieux et rare assemblage d'un dessin pur et correct.
Ce vitrail, en plein soleil durant une grande partie de la journée,
couvrant une surface de plus de quarante mètres, avait besoin,
pour son exposition et ses proportions, d'être traité d'une façon
vigoureuse; ce qui n'empêche pas que les scènes sont encadrées
dans une très riche mosaïque et entourées de bordures très
agréables à l'œil.
Les motifs sont de compositions nouvelles. Dans la baie du
milieu, consacrée à saint Joseph, on voit le saint patriarche dans
son atelier avec l'Enfant et sa mère : admirable exemple offert aux
ouvriers: il expire; il est glorifié. Dans le Ciel autour de lui, on
voit les patrons de la famille du donateur : sainte Barbe, saint
Louis, sainte Mathilde, saint Edouard, saint Alfred, sainte Mar-
celle, sainte Marthe, sainte Eléonore, sainte Emilie. Au-dessous,
le Saint-Père, Léon XIII, et Son Em. M?"" le Cardinal Langénieux,
dont la ressemblance est frappante: derrière eux. des peuples de
races difTérentes, et dans le fond l'église de Saint-Pierre de Rome.
Dans les deux fenêtres de côté se voit la légende de saint Jean-
Baptiste : naissance du précurseur; son père écrit sur une tablette ;
— il prêche dans le désert; il baptise Notre-Seigneur. Elu regard :
saint Jean reproche à Hérode sa conduite; — pour cela, il est déca-
pité; — du haut du ciel, il bénit les ouvriers de la vigne.
Au premier plan, à droite du spectateur, le dégorgeur, le doseur,
le boucheur, le museleur et le rangeur de bouteilles; le tout pris
d'après nature.
Au second plan, des vignes, des vendangeurs et des vendan-
geuses,
11 est facile de voir dans cette dernière scène une allusion au
donateur et aux nombreux ouvriers de la Corporation des Tonne-
liers,
Ils avaient, il est vrai, autrefois pour patron saint Jean l'évan-
géliste devant la Porte-Latine, modèle de celui qui poHc la Une.
Depuis quelques années, ils ont préféré saint Jean- Baptiste, quoi
qu'il ne buvait ni vin ni bière, ni rien de ce qui enivre.
CHRONIQUE 221
Au bas des feuôlres, on trouve une iuscriplioii rappelant qu'elles
ont été ofFertes par M. le comte et M™^ la comtesse Werlé, et les
armoiries des donateurs à gauclie et à droite.
M. le comte et Mme ]a comtesse Werlé doivent être heureux
d'avoir été si bien compris. Ils ont donné certainement une des
plus belles verrières, pour ne pas dire la plus belle, sorti»*, des ate-
liers rémois.
Chapelle provisoire de SaiiU-Bciioit.
On avait demandé à M. Thiérot, pour le quartier de Saint-
Thomas, une chapelle provisoire en attendant la construction
indispensable d'une seconde église; il a l'ail une construction dont
se contenteraient définitivement bien des communes de village.
La chapelle de Saiul-Henoit est vaste, bien comprise. C'est un
grand parallélogramme, terminé à l'intérieur, dans le haut, par un
ensemble de menuiserie, soutenu par des poteaux. L'autel placé
dans le fond est en bois. Au-dessus se trouve un vitrail offert par
M. Haussaire.
Les fenêtres, garnies de belles grisailles, la rose du portail, les
armoiries de Mf' le Cardinal, ont été exécutées par le donateur,
M. Vermonet.
Le devant de la chapelle est sans prétention. Un édicule en
pierre attend la cloche Benoîte, offerte par M. Tabbé Léonardy.
{Courrier de la Champagne.) Ch. Cerf.
Petits PORTRAITS. — Arthur Chuquet^ . — Le maréchal Canrobert
réclamait naguère, pour l'histoire de nos désastres de l'année ter-
rible, un Jérémie, un Bossuet, un Tacite. A défaut de nouvelles
lamentations, à défaut d'un nouvel aigle de Meaux, nous avons du
moins un Tacite : Arthur Chuquet.
Coïncidence étrange, le jour même de la mort du héros de Saint-
Privat paraissait un livre qui, par l'indépendance de son auteur,
eût été pour lui une grande joie : la Guerre de 1870-71.
Arthur Chuquet, bien qu'apprécié à sa valeur par les mandarins
des lettres, est peu connu du grand public. Un universitaire pur
sang. Il fut à l'Ecole normale le condisciple des Burdeau, des
Strehiy, des Chamberland. Docteur es lettres en 1S87. Ses thèses :
De Ewaldi Kleislii vila cl scripds, La campagne de IWrgonne.
Successivement professeur d'allemand à Saint-Louis, à l'Ecole
normale, il occupe, depuis 1893, au Collège de France, la chaire
de langues et littératures d'origine germanique.
Ses œuvres : les Guerres de la Révolution, la Première inva-
sion pru&sienne, Valmy, etc. Cette série qui comprend dix
volumes lui valut deux fois le grand-prix Goberl (Académie fran-
1. Né à Rocroy, le 1" mars 1853.
222 CHRONIQUE
çaisej, et le grand-prix Audiffred (scieuces murales et politiques).
Le Générai Chanzy fut également couronné.
Préparé par ces travaux antérieurs, Chuquel a su résumer, en
trois cents pages, l'tiistoire de la guerre franco-allemande et faire
un monument définitif. Nous avons eu la prétention de le corn-
parer à Tacite. Comme lui, il parle à l'àme, à l'imagination^ à
l'esprit. Son caractère fier d'Ardennais affirme la race; la pensée
est juste et raisonnable, !e style alerte et vigoureux. C'est un véri-
table historien national.
Il n'est pas décoré.
(Journal.) M.
Nous lisons dans un journal parisien les lignes suivantes :
« Il y a à Châlons-sur-Marne une vieille dame quinquagénaire
qui a vendu les 40,000 volumes de la bibliothèque de son mari,
sauf un volume qui appartint à Marie-Antoinette, un livre à la
vérité précieux et que ses larmes mouillèrent : VOffice de la
divine Providence, qu'elle avait dans la prison du Temple. Ce qui
donne à cet ouvrage un inestimable prix, ce sont ces mots écrits
sur la première page, de la main de celle qui allait mourir :
« Ce i6 octobre, à 4 h. 1/2 du matin! Mou Dieu, ayez pitié de moi.
« Mes yeux n'ont plus de larmes pour prier pour vous, mes pauvres
« enfants, adieu, adieu! <£ Marie- Antoinette. »
La dame qui possède ce livre, et vit dans le souvenir de Marie-
Antoinette, n'a pas voulu qu'un tel livre eût des rivaux. Mais en
pouvait-il avoir? i>
» ♦
Une lettrk inédite de Kellerma.nn. — M. Ernest Jovy, profes-
seur de rhétorique au Collège de Vitry-le-François, communique
au Temps une lettre inédite de Kellermann qu'il a trouvée aux
archives de Vitry-le-François.
Voici cette lettre écrite sous l'impression de la victoire de Valmy :
« Du quartier général de Dampierre-
« sur-Auve, le 23 septembre 1792,
« l'an IV de la Liberté, 1" de l'Ega-
« lité.
« J'ai ret.u, monsieur, !a lettre que vous m'avez fait l'bonneur de m'écrira,
par laquelle vous m'annoncez l'arrivée d'un convoi de poudre et de car-
touches dans votre ville. Je vous prie, aussitôt la présente reçue, de le faire
partir pour l'envoyer par Frêne (le Fresue), ici.
« J'^i eu, au lendemain de mon arrivée, une affaire avec les Prussiens.
Malgré leur grande supériorité de forces, je leur ai résisté et je les ai
repoussé (sic) après une canonnade qui a duré douze heures de suite. J'ai
perdu aux environs de 300 hommes, tant de tués que de blessés, et mon
cheval a reçu sous moi une forte blessure d'un bouUet {sic) de canon à la
cuisse, lequel a emporté le pan de mon surtout et de ma housse.
CHRONIQUE 223
(( Si pat hasard ils [sic] se présenlaieul (sic) dans vos enviruus fjuelques
hussards ennemis, il ue faut pas vous en ellrayer el tenir ferme dans votre
ville, que vous pourriez faire renforcer par des volontaires que vous deman-
deriez a Chàlons.
« Le général en chef de l'armée du Cen're,
« Kellebmann,
« A Messieurs le maire el officiers municipaux du dislr.cl, à Vilry. »
(Arch. muuicip. de Vitry-le-François, division II, u" I i, dossier
3.) (La Vérité.)
*
.M. Laurent, archiviste du département des Ardennes, doit
publier prochainement une notice historique sur le général Pierre
Jadart Du Merbion, plus connu sous le nom de Du Merbion, né à
Montmeillanl (canton de Chaumont-Porcien), en 1737. Cette
notice, divisée en trois paragraphes, comprendra : la généalogie
de la famille Jadart; la biographie de neuf membres de cette
famille qui ont fait partie de Tarmée; et enfin la biographie du
général, où il est question de ses rapports avec Bonaparte.
Des documents inédits, conservés dans la famille du général,
seront publiés ou analysés à la fin de cette notice, comme pièces
justificatives; nous signalerons notamment :
I. — Campagne d'Italie : Instructions remises a Du Merbioa, par l^obes-
pierre jeune, comme général eu chef d'Italie; — légende d'un plan du fort
de Saorgio; — note de service de Du Merbion sur 31 généraux de division
et de brigade de l'armée d'Italie.
II. — Comptabilité : appointements du général.
III. — Diplômes de civisme délivrés à Du Merbion par le Club patrio-
tique de Toulon, la Société populaire d'Antibes et la Commission munici-
pale de Nice,
IV. — Retraite de Du Merbion : certificat des médecins de l'arméd
d'Italie; états de services.
V. — Lettres sur la campagne d'Italie adressée à Du Merbion, posté -
neuremeot à sa mise à la retraite, par les généraux Gaultier et Rochon, et
les oldciers Mares, Chabran, Belin et Clausade.
VI. — Fragment d'uu cahier de correspondance de Du Merbion, eu
retraite à Montmeillant.
M. Laurent exprime le vœu, qu'à Toccasion du prochain cen-
tenaire de la mort du général Du Merbion (25 février 1807), on
accorde une sépulture plus convenable à ses ossements relégués,
depuis une trentaine d'années, dans le grenier du presbytère de
Montmeillant.
r.ette notice sera publiée dans la Revue historique ardennaise,
mais il en sera fait un tirage à part; les personnes qui désirent
recevoir celte brochure (franco, 2 fr. 50), sont priées d'en informer
M. Laurent, à Mézières.
(Courrier des Ardennes.)
224 CHRONIQUE
La PREMiÉRE LiTHOGnAPHiE FRANÇAISE. — Il y a enviroii un siècle
que ]a lithographie fui inventée et, à l'occasion de ce centenaire,
on organise pour le mois d'avril, dans un des palais du Champ-dc-
Mars, une exposition où l'on verra chronologiquement classés les
produits de cet art dans lequel s'est illustré Charlet.
On pourra ainsi suivre pas à pas les progrès réalisés par la litho-
graphie depuis le jour où le Bavarois Senefelder en tit la décou-
verte par hasard, en inscrivant le compte de sa blanchisseuse sur
une pierre de Solenhofen, jusqu'à notre époque. Mais en atten-
dant les documents intéressants que nous promettent les organi-
sateurs de l'Exposition du Champ-deMars, VArt français nous en
donne un dans son dernier numéro qui est bien curieux et mérite
d'être signalé. C'est la reproduction de la première lithographie
laite par un artiste français qui ne fut autre que le général
Lejeune, un des meilleurs officiers de Napoléon Ie^
Voici dans quelles circonstances le général Lejeune fut appelé à
dessiner sur la pierre qui devait faire la fortune de Senefelder et
comment, le premier, il fil connaî'.re en France le nouveau pro-
cédé :
Le général, rentrant à Pans après la bataille d'Austerlitz, s'était
arrêté à Munich pour saluer le roi Maximilien-Joseph. Au cours de
la visite qu'il lui fit, ce souverain parla de l'invention de Senefelder
en termes si élogieux que notre compatriote voulut se rendre dans
les ateliers de l'inventeur.
Là, malgré ce qu'on lui montra, lofficier resta incrédule à tel
point que Senefelder lui dit :
— Savez-vous dessiner?
— Oui.
— Eh bien ! faites un dessin quelconque et une heure après
vous en aurez des épreuves.
Le général Lejeune, piqué par la curiosité, mais toujours scep-
tique, consentit, bien qu'il fût sur le point de partir et que sa voi-
ture l'attendit à la porte. 11 fit dételer et se mit aussitôt à l'œuvre.
Au bout d'une demi-heure, il rendait à Senefelder la pierre que
celui-ci lui avait remise, ornée d'un dessin qui représentait un
cosaque à cheval, la lance au poing. Sur ce, le général artiste
s'en fut déjeuner avec la conviction qu'il n'aurait pas de sitôt la
reproduction de son œuvre. Quel ne fut donc pas son étonnement
de voir arriver, avant qu'il eût terniiné son repas, un ouvrier qui
lui remettait cent épreuves de son cosaque!
Le général Lejeune partit eiithousiasmé et son premier soin en
arrivant à Paris fut de parler de l'invention nouvelle à l'empereur
qui l'écouta avec le plus vif intérêt.
C'est le cosaque dessiné en 180)i par le général Lejeune que
VArl français a reproduit d'après une des cent épreuves tirées à
Munich dans les circonstances que nous venons do rapporter.
CHRONIQUE 22o
Celle épreuve^ la seule peul-êlre qui existe encore, appartient
au docteur Jolv, de Sedan, dont le père, le professeur Joly, de
rinslilut, connut beaucoup le gcnéral Lejeune. Celui-ci, après la
Révolalion de Juillet, quitta l'armée et se retira à Toulouse, où il
devint directeur de l'Ecole des Beaux-Arts et de l'Ecole industrielle
de cette ville. [Petit Journal.)
Concours rkgional de Reims. — Exposition rétrospective de
ISOij. — Appel collectif aux amateurs de la région.
Tous ceux qui ont pris part aux belles fêles du Concours régio-
nal, tenu à Reims en 1876, en ont gardé un souvenir plein de
charme et de reconnaissance envers les organisateurs. Aussi, à
l'annonce du nouveau Concours qui se tiendra dans notre ville au
mois de juin prochain, un désir unanime de reproduire les fêles et
les expositions d'il y a près de vingt ans, se fit jour dans la popu-
lation et se manifesta sans relard sous l'action de l'Administration
municipale, gardienne vigilante des bonnes traditions et de la
renommée hospitalière de la cité.
Laissant ici de côté tout ce qui concerne le Concours agricole
proprement dit et ses annexes horticoles et viticoles, si attrayantes
par leurs produits champenois, laissant de même aux associations
compétentes le soin de parler des expositions de l'industrie et du
commerce de Reims, nous venons énoncer simplement ce que l'on
prépare et ce que l'on compte faire voir au public en fait d'anli-
quilés, de curiosités historiques, de spécimens choisis de l'art
ancien et de la première moitié du siècle. Il s'agit, en effet, de
grouper au Palais de l'Archevêché tous ces souvenirs si intéres-
sants du mobilier et de la décoration de nos pères dans un
ensemble très spécial, fourni par les collectionneurs et les ama-
teurs obligeants de la ville et de la région. Les Musées de l'Hôtel
de Ville continueront à ouvrir toutes grandes leurs portes aux
visiteurs qui afflueront vers ses sculptures, ses tableaux, ses col-
lections d'antiquités, ses mosaïques et ses toiles peintes. C'est aux
particuliers qu'il appartient de créer un Musée temporaire non
moins curieux, empruntant sa valeur et son attrait k son carac-
tère de spontanéité, de bon vouloir patriotique cl d'amour-propre
local.
A cet égard, rien de comparable au succès de l'Exposition rélro.-.-
peclive de Heims en 1870. Organisée, sous l'action de l'autorité
municipale, par un Comité que présidait l'honorable M. \dolphe
Dauphinot, elle atteignit, par le concours de tous les amateurs
éclairés, une splendeur et un degré de perfection dont l'image ne
peut s'effacer de nos mémoires. Encadrée dans la belle ordon-
nance de rappartemenl royal et historique du Palais de l'Ar-
chevêché, elle engloba dans ses galeries et ses salons des séries
innombrables et des collections merveilleuses d'objets antiques,
2'2(j CHROMOUE
de chefs-d'œuvre de l'arl les plus brillants et les plus appréciés.
Rappeler le conliiigent qu'y fournirent, avec tant d'empresse-
ment, les niodesles amateurs, comme les plus riches collection-
neurs, ce serait refaire le catalogue si scrupuleusement dressé par
MM. l'abbé Cerf, Daulreville, Ch. Givelel, Th. Peliljean et leurs col-
lègues. Citons seulement ici, parce qu'elles sont devenues depuis
parties intégrantes des richesses de la Ville, les admirables suites
d'objets antiques, de céramiques françaises et de bibelots japonais
exposés par Mn>« Pommery, par M""' Gerbault et par M. Alfred
Gérard. Le reste marchait de pair avec ces merveilles. Pourquoi
ne reconstituerait-on pas un pareil spectacle, si honorable pour
notre ville aux yeux des étrangers, si plein de promesses pour son
avenir artistique?
Aujourd'hui, le même cadre s'offre à nous qu'en 1876, les mêmes
efforts tendent à une aussi pleine réussite. Sur la demande de
l'Administration municipale, qui a obtenu une allocation spé-
ciale du Conseil pour couvrir tous les frais, et de concert avec
l'Académie de Reims, un Comité d'organisation a été constilué.
Le Cardinal Archevêque de Reims lui a accordé les mômes locaux
qui lui avaient été concédés précédemment. Ce Comité, offrant
toutes les garanties, est composé des hommes les plus compétents
et les plus connus par leurs goûts éclairés pour les arts et par la
valeur de leurs propres collections.
Il agit sous les auspices du Cardinal Archevêque, du Général
commandant d'armes, du Préfet de la Marne, du Maire de Reims
et du Président de l'Académie. M. Léon Morel, l'archéologue si
apprécié, a accepté la charge de commissaire général (Reims, ■?,
rue de Sedan).
C'est à l'abri de telles notabilités, et sous leur protection, que
des appels particuliers ont été adressés à ceux de nos concitoyens
connus pour posséder des œuvres d'art ou des curiosités dignes de
fixer l'altentioa du public, ^'ous adressons ici un appel collectif et
général à tous nos compatriotes, afin qu'il n'y ait aucune personne
de bonne volonté qui puisse se dire tenue à l'écart.
Le détenteur du moindre objet d'art peut le faire connaître au
Commissaire général, qui l'accueillera avec la même gratitude
que s'il venait des grands collectionneurs invités personnellement
par le Comité.
La demande qu'ils ont reçue est accompagnée du Règlement de
l'Exposition : il est identiquement celui que l'on adopta en 187(1 et
qui inspira alors tant de sécurité aux possesseurs de trésors artis-
tiques. Les conditions du prêt, sa durée, l'assurance en cas d'in-
(^endie, le retour des objets, tous les détails y sont suffisamment
précis et (lairs, nous l'espérons, pour dicter une réponse favo-
rable aux collectionneurs les plus méticuleux. Nous demandons
aussi que celle réponse soit prompte, afin de permettre un clas-
sement favorable et au gré des amateurs, la confection immédiate
CHRONIQUE 297
du catalogue el l'ouverUire dos salons an jour dit, c'esl-à-dire au
1" juin prochain. En pareil cas, les tergiversations, les hésitations
et les doutes doivent être bannis. I^oint de scrupules, quand il ne
s'agit que d'un déplacement temporaire, dans un local fort bien
clos et facile à surveiller nuit et jour. En retour de ce léger
sacrifice, l'initiative de chacun est appelée à affirmer la vitalité
artistique de la Champagne, but généreux et d'un intérêt pratique
dans un moment où il est partout question de décentralisation.
Que l'on se rende compte, en effet, de la nécessité où sont les
villes, à notre époque, de maintenir leur renommée dans toutes
les circonstances notables, par une manifestation digne de leur
situation actuelle et de leur passé. Faute de ce déploiement
d'efforts dans leur propre sein, c'est la déchéance qui s'ensuivrait
pour elles. L'exemple a été donné autour de nous depuis 181(3 :
Châlons a organisé plusieurs expositions, notamment celle du
Souvenir Français l'an dernier; Epernay a récemment tenu les
visiteurs sous le charme de son exposition horticole, et Charle-
ville a créé tout d'une pièce une exposition d'art et d'industrie.
Dans le même laps de temps, en dehors des remarquables expo-
sitions de la Société des Amis des .\rts, la ville de Heims n'a oll'ert
aux regards des étrangers que deux expositions bien réussies, mais
improvisées et partielles, la première lors de la visite du Président
de la République, et la seconde à l'occasion du Centenaire de
Valmy. 11 est temps d'agrandir le cadre de ces efforts afin de
remonter au niveau d'il y a vingt ans.
Une question capitale, celle de l'enseignement du dessin et de
la vulgarisation des modèles d'art industriel, s'ajoute aux raisons
d'ordre général pour presser l'ouverture et garantir le succès
d'une semblable exposition dans une ville cijmme Reims, centre
manufacturier essentiellement intéressé au développement du
goût public.
Les plus heureuses conceptions se font jour d'ailleurs dans le
sein du Comité, et présagent des attractions d'un caractère neuf,,
original et opportun. On projette l'installation, dans la chapelle
haute de l'Archevêché, d'une série d'art religieux rétrospectif, à
l'aide des trésors des églises et des hospices. Le Musée lapidaire
de la chapelle basse_, 0'"i est le tombeau de Jovin, serait ouvert en
môme temps que l'on réunirait dans les salons contigus les col-
lections préhistoriques, gauloises et gallo-romaines les plus
célèbres de la région. En outre, il est question d'offrir aux yeux
un tableau vivant et pittoresque de l'histoire médicale de Reims,
par le groupement des portraits de ses docteurs les plus célèbres
et de leurs publications les plus saillantes. — On étudie la mise
en scène des souvenirs reconnaissants cousaci'és par les âges suc-
cessifs à Jeanne d'Arc. — On prépare la collection d'œuvres de
peintres de toutes les époques, môme modernes, et spécialement
de l'œuvre des peintres rémois, Lié-Louis et Alphonse Perin, si
228 CHRONIQUE
estimés, l'on comme miniaturiste, et l'autre comme auteur des
fresques de Notre-Dame de Lorette à Paris. — On voudrait,
d'autre part, présenter l'ensemble de l'histoire de la typographie
à Reims, depuis ses origines au xvi^ siècle jusqu'à nos jours. —
Enfin, on parle même, sujet tout dill'érent, mais actuel à tous les
points de vue, d'une exposition historique coloniale, c'est-à-dire
d'une réunion d'objets provenant des colonies françaises, et inté-
ressant le public à ces questions vitales pour l'intluence de notre
patrie dans le monde.
Si ces points du programme aboutissent au gré des organisa-
teurs, ou si du moins leurs vœux principaux sont réalisés, l'Expo-
sition prochaine sera instructive autant que variée. Elle s'adres-
sera à tous les sentiments élevés et patriotiques, dans le domaine
de l'art comme dans celui de l'histoire. Mais il faut joindre pour
cela un élément indispensable à l'action du Comité; cet élément,
c'est le concours entraînant, conliant et dévoué de tous nos com-
patriotes et de tous nos voisins intéressés à nos elTorts. Isolé, le
Comité ne peut que tracer des plans et ouvrir des vitrines; mais
accueilli par la faveur publique, secondé par les apports des ama-
teurs, il pourra exécuter ses divers projets, procurer à tous les plus
nobles jouissances, et ajouter une nouvelle page, ouvrir un essor
nouveau à l'activité artistique et intellectuelle de la région.
H. Jadart,
Secrétaire du Comité.
M. René de Saint-Marceaiix, le distingué statuaire rémois, vient
d'être chargé d'exécuier le buste de M. Félix Faure, le nouveau
président de la République.
L'Etat vient de faire don au Musée de Reims d'un grand tableau
de Palma ayant pour sujet la Conversion de saint Paul.
La MUsini'E A Reims. — La Société philharmonique de Reims,
une des meilleures, assurément, de la province, vient de donner
la première audition d'une œuvre très importante d'un jeune
compositeur alsacien, fixé à Reims, M. J.-A. Wiernsberger. C'est
une légende en trois parties pour soli, chœurs et orchestre, mti-
tulée : le Camp d'.iUila; le poème est dû à M. Fernand Moch.
M. Wiernsberger était déjà avantageusement connu par diverses
compositions dramatiques exécutées en Belgique et dans les
grandes villes du Nord. Son nouvel ouvrage paraît marquer
encore un progrès sur les précédent?, et la presse rémoise a été
unanime à louer les qualités de puissance et d'inspiration qui le
caractérisent. L'exécution, sous la direclioii de l'auteur et avec le
concours de M. et de M""" Auguez, a été très satisfaisante. C'est là
CHRONIQUE 229
une tentative nouvelle de décentralisation artistique dont on ne
saurait trop savoir gré à la Société philharmonique de Reims,
(Débals.)
La Veillée de Jeanne d'Arc, tel est d'autre part le titre d'une
composition nouvelle de M. Ernest Lefèvre, scène lyrique pour
soprano, chœur d'hommes et orchestre, éditée fort élégamment
par M. Emile Mennesson.
Le livret est d'un poète bien connu à Reims, et qui a déjà su se
faire un nom parmi les esthètes parisiens^ M. P.-R. Ghensi.
La Veillée de Jeanne d' Arc sera prochainement exécutée comme
intermède musical au grand théâtre de Reims, par les soins de
M. Viliefranck, et c'est très probablement iM"" Blanc, l'excellente
cantatrice récemment applaudie à la Philharmonique et au
dernier concert de la Musique Municipale, qui tiendra le rôle de
Jeanne d'Arc. Les chœurs seront chantés par l'Union Chorale
sous la direction de l'auteur, et l'orchestre du théâtre accompa-
gnera.
Cette (Huvre est dédiée au Président de l'Union Chorale de
Reims, M. A. Renard.
Dans le courant de l'année 1894, M. Thévenin, cultivateur à la
ferme de Queulx, écart de la commune d'Ambrières (Marne),
occupait un terrassier au nivellement d'un terrain, sis à une petite
distance des bâtiments de la ferme, quand la pioche de l'ouvrier
mit à découvert des armes anciennes, un crâne ainsi que des
ossements. M. Thévenin recueillit le tout et le mit en lieu siir.
Dernièrement, ces objets étaient présentés à M. l'abbé Fourot,
professeur au Collège de Saint-Dizier (Haute-Marne), qui a
reconnu que l'origine de ces armes remontait au v« ou vi* siècle.
Ce sont deux scramasaxes, ou poignards francs : l'un mesure une
longueur de quarante huit centimètres, l'autre une longueur de
quarante-deux; enfin un fer de lance de vingt-six centimètres, à
douille, avec un reste de hampe.
En attendant que l'avenir fasse surgir de nouvelles découvertes,
M. Thévenin-Garnier a abandonné gracieusement les objets dont
nous venons de parler à la Société des Sciences, Arts et Agricul-
ture de Saint-Dizier, et ces armes, appropriées par les soins de
de M. l'abbé Fourot, figureront prochainement dans le Musée de
cette ville.
*
On vient de découvrir, dans le département de la Côte-d'Or,
une sépulture antique, construite en pierres sèches et contenant
une épingle à cheveux en bronze qui ne mesure pas moins de l'>7
centimètres de longueur.
Cette magnifique épingle, parfaitement patinée, dite à enroule-
230 CHRONIQUE
ments, est jusqu'ici, [tarmi celleô qui ont été recueillies sur le sol
de l'ancienne Gaule, la seule qui atteigne ces proportions phéno-
ménales.
La sépulture renfermait en outre, indépendamment d'un ban-
deau d"or vendu immédiatement à un orfèvre, trois bracelets de
bronze ciselés, treize anneaux de même métal et une sorte de
crochet ayant servi d'attache à une ceinture; de plus, des débris
de fibules et de pendeloques.
Les dents verdies par l'oxyde de cuivre semblent indiquer, par
leurs formes et leur fraîche conservation, que la personne inhumée
avait à peine atteint l'âge adulte.
M. Léon Morel, l'archéologue bien connu, s'est rendu acquéreur
du mobilier de cette remarquable sépulture que l'on pourra admi-
rer à l'exposition rétrospective qui aura lieu à Reims, en juillet
prochain, pendant les fêtes du Concours régional agricole.
M. Pol Neveux, sous-bibliothécaire à l'Ecole des Beaux-Arts, pré-
cédemment attaché à la Bibliothèque Mazarine, et qui récemment
encore faisait partie du cabinet de M. Georges Leygues, au minis-
tère de l'Instruction publique, vient d'être nommé sous-chef de
cabinet de M. Poincaré, ministre de l'Instruction publique.
M. Pol Neveux est le fils de M. Neveux, conseiller municipal de
Reims.
L'un de nos compatriotes rémois les plus distingués, M. Henri
Thuillier, vient de remporter un véritable succès, avec ses vins
d'Algérie, au Concours général agricole de Paris. Voici les nom-
breuses et très sérieuses récompenses qui lui ont été décernées :
Vins blancs de coteau. — Diplôme de médaille d'or.
Vins He liqueur de coteau. — Diplôme de médaille d'argent. — Diplôme
de médaille de bronze.
Vins blaucs mousseux. — Médaille d'or.
Eaux-de-vie d'Algérie. — Diplôme de médaille d'or.
C'est là un brillant succès dont il convient de féliciter Tintelli-
gent et persévérant colonisateur.
D'autre part, toute une importante série de récompenses ont été
attribuées à l'Association syndicale des propriétaires récoltants de
Champagne, dont le siège est ii Damery. Cette Association a pré-
sentement pour président M. Yvonnet, et pour secrétaire M. Dela-
ruelle. Le jury a rendu justice aux diverses qualités de nos vins,
et quarante exposants syndiqués ont obtenu quarante-trois récom-
penses. En voici la liste relevée sur le catalogue officiel :
Vins blancs de la Marne.
Médaille <rargent, Association syndicale de Cbampagne, à Damery,
CIIKONIQUE 2;{1
PRr.MlKUK Caïkgorie
MéJailie d'or, M. Aiif^ugle Gilmer, à Oger.
Médaille d'or. NJ. Wif^non-Duval, à Ay.
Médaille d'or, M. Ernest Quenardel, à Verzenav.
Médaille d'or, M. Pierre de Saint-Juan, au Mesnil-siir-Oger.
Médaille d'or, M. Albert Valet, à Mareiiil-sur-Ay,
Mf'daille d'argent, M. Désiré Aimé, à Mailly.
DfCxiÈiis Catkgorie
Médaille d'argent, M. Louis Bourdon, à Mareuil.
Médaille d'argent, M. Bourdon-Mary, à Mareuil.
Médaille d'argent, M. Coutelas- Morel, h Reuil.
Médaille d'argent, M. Delaruetle, à Damery.
Médaille d'argent, M. Grandamy-Bradier, à Reuil.
Médaille d'argent, M. Théophile Hanin, à Damery.
Médaille d'argent, M. David Hubert, à Reuil.
Médaille d'argent, M. Mary-Jobin, à Mardeuil.
Médaille d'argent, M. Hubert Lernoine, à Reuil.
Médaille d'argent, M. Lévêque-BardeauJ.
Médaille d'argent, M. Firmin Mannebarlh, à Damery.
Médaille d'argent, M. Marchai-Marmot, à Damery.
\'édaille d'argent, M. Marlier-Lemanche. à Van lières.
Médaille d'argent, M. Mary-Mothé, à Mf-rdeuil.
Médaille d'argent, M. Paul Mathieu, à Reuil.
Médaille d'argent, M. Bertrand Naïaur. à Damer}'.
Médaille d'argent, NJ. Denis Pcssenet, à Reuil.
Médaille d'argent, M. Poissinet-Morel, à Reuil.
Médaille d'argent, M. Tallot-Cornet, à Reuil.
Médaille d'argent, M. Vignon-Oudard, à Reuil.
Médaille de bronze, M. Hanin-Guyot, à Damer\'.
Médaille de bronze, M. Mihéru-Savoye, à Œuiily.
Médaille de bronze, M. Jules Rém}', à Vandières.
Médaille de bronze, M. Yvonnet, à Damery.
Médaille de bronze, M. Dourdon-Pessenet, à Reuil.
Vins rouges.
Médaille d'or. M. Marchal-Marmol, à Damery.
Médaille d'argent, M. Hanin-Guyot, à Damery.
Médaille d'argent, M. Paroissien-Guillaume, a Damery.
Médaille d'argent, M. Tarlant (Hérault), à Qvjilly.
Médaille d'argent, M. Yvonnet, à Damery.
Médaille de bronze, M. Narcisse Canet, à Monligny.
Médaille de bronze, M. Delaruelle, à Damery.
Médaille de bronze, M. Delorme, à Damery.
Médaille de bronze, M. Théophile Hanin, a Damery.
O grand succès de l'Association .syndicale des vignerons pro-
ducteurs de la Marne doit les encourager à persévérer dans leur
œuvre. lis se sont ouvert des débouchés directs par leurs vins
rouges et blancs non travaillés {nature, puisque c'est le mot
adopté; et leurs vins champagnisés sous la surveillance du Comité
de l'Association. En février seulement, la vente de ces vins s'est
élevée au chiffre considérable de 12,000 barriques cliaitipcnoises.
232 CHRONIQUE
Le Conseil municipal de Mouzon (Ardehnes) a décidé d'élever
un monument à la mémoire des soldais morts_, en 1870, à l'am-
bnlancc de Mouzon.
Le monument sera érigé au cimetière, sur l'emplacement de la
tombe où ont été déposés les corps des soldats.
La Société amicale do la Marne donnait le 22 lévrier au soir,
chez Corazza, son premier banquet de l'année, sous la présidence
de M. le D'' Duguet.
On remarquait dans l'assistance : MM. Diancourt, sénateur ;
Vallé et Bertrand, députés; Th. Dubois, de l'Institut; Clairin,
conseiller municipal; Tantet, maire du .3'' arrondissement;
Aulier, inaire de Sainte-Menehould ; Maurice, conseiller général
de la Marne; Person, Pizard, Haussaire, Dagonet, Pilet, Cordier,
Dallier, etc., etc.
Après une courte et spirituelle allocution, M. le D"^ Duguet a fait
réloge de notre compatriote M. Guârlet, attaché au ministère des
all'aires étrangères, nouvellement promu chevalier de la Légion
d'honneur.
La parole a été ensuite donnée à M. Haussaire, professeur au
lycée Charlemagne, qui, tout en se défendant de vouloir faire
une conférence, a tenu l'auditoire sous le charme de sa parole
avec (( Les vieilles Légendes ».
Le même jour a eu lieu le premier banquet des Haut-Marnais de
Paris, sous la présidence du poète Edmond Haraucourt.
Dans la nombreuse assistance figuraient MM. Emile Richebourg,
le romancier connu; Paillardin, Xavier Borssat, avocat à la Cour;
le marquis de Pimodan, duc de Rarécourt; Hanoteau, adminis-
trateur des forges du Val d'Osne; Albert Arnal, avocat à la Cour;
Maynard, avoué à la Cour; le comte Ducos, propriétaire de l'an-
tique abbaye de Septtontaines; le docteur Rabert, Jamin, le
peintre Gabriel Guérin, Keller, Roger, ingénieur; Dutailly, avocat
à la Cour; Eugène Roussel, Lambert de Posange, etc., etc.
On écrit de Vertus (Marne) au Courrier de la Champagne :
« La ville de Vertus a vendu son diadème! Ainsi en a décidé le
Conseil municipal.
La superbe promenade dite Allée des Soupirs, composée de VM)
beaux ormes deux fois séculaires, est livrée à la hache. Ces beaux
arbres sont très sains et ne demandaient qu'à vivre et à continuer
de servir, pendant les chaleurs, aux promenades des jeunes
CHRONIQUE 233
enfants, aux récréations des garçonnets, de square où la musique
se faisait entendre.
Le produit en sera de ;!,()0N fr., d'ot'i il faudra déduire 1,000 fr.
pour la replantation.
Qui sait si cette belle ceinture de géants ne protégeait pas la
population contre certaines maladies épidémiques?
Les étrangers de passage, grand nombre d'habitants, des natifs
qui se disposaient à revenir au pa)'s, tous regrettent hautement ce
vandalisme. »
Le docteur Henri Jolicœur, de Reims, mort récemment, n'a pas
oublié dans son testament les divers établissements hospitaliers
de cette ville dont il avait étudié les besoins avec une si vive sol-
licitude.
il laisse 20,000 fr. à la Maison de Retraite; lO^UOO fr. à l'Hôtel-
Dieu; 10,000 fr. à rHûpital-(;énéral ; 10,000 fr. à l'Hôpital Saint-
Marcoul; 2,000 fr. au Bureau de bienfaisance; "ù.OOO fr. aus
Petites Sœurs des Pauvres; l,oOO fr. à l'Ecole de Médecine; en tout,
une somme de 58,000 fr. consacrée ainsi à des œuvres philanthro-
piques.
*
* *•
M. Ritt, ancien receveur particulier des tlnances à Epernay,
ancien trésorier-payeur général du département de l'Aude, vient
d'être promu au grade d'oflicier dans l'ordre de la Légion
d'honneur. Chevalier depuis le 14aoiit iHQl, il compte aujourd'hui
trente années de services.
M. Ritt est actuellement gouverneur de la principauté de
Monaco.
* ♦
Le nouveau ministre de la marine, l'amiral Besnard, est par
son mariage allié à une des plus honorables familles rethéloises.
11 a épousé ]V1"'= Laurence, fille de M. Laurence-Duval et petite-
fille de M. Duval-Rousseau, chef de la maison de banque bien
connue et très estimée dans les Ardennes : Duval, Rousseau et C»'.
M""" i'amirale Besnard est la nièce de nos sympathiques compa-
triotes M. et M"' Purnot-Duval, de Rethel.
M"* Laurence était déjà, à Rethel, un peintre très distingué.
Elève de Chaplin, elle a du exposer plusieurs fois au Salon.
Nos COMPATRIOTES A Mada(;ascar. — M. Godin, sous-intendant
militaire de la iZ' division d'infanterie — qui réside depuis sept
ans à Reims, où il s'est très justement acquis de nombreuses
sympathies — vient d'être désigné pour faire partie du corps
expéditionnaire de Madagascar, comme sous-intendant du quartier
général.
234 CHUONIQUE
La disLincLion dont M. (iodin est l'objef. est d'autant plus tlal-
teuse, que cet officier si-périeur n"a pas sollicité son envoi à Mada-
gascar. Il a été choisi et désigné par le chef des services adminis-
tratifs, M. Thouniazou, sous les ordres duquel M. Godin a déjà servi
en Tunisie.
M. Thoumazou a également fait la campagne de Flndo-Chine,
et sa haute compétence nous garantit que le service des ravitaille-
ments, si difficile dans un pays comme Madagascar, ne laissera rien
à désirer.
M. Godin, qui est allié à une famille chàlonnaise, était, avant
d'entrer dans l'intendance, un brillant officier d'infanterie. Il fit
comme oflicier au 74'" de ligne la campagne de 18"0, et se dis-
tingua au combat de Wissembourg.
— Le docteur Lepage, médecin principal en second à l'hôpital
de Bordeau.x, vient d'être désigné pour être médecin en chef d'un
hôpital d'évacuation à Madagascar.
M. Lepage partira prochainement avec 2o infirmiers de l'hôpital
de Bordeaux, qui ont demandé à faire partie du corps expédi-
tionnaire et dont les notns ont été désignés par le sort, tant était
grand le nombre des demandes.
Le docteur Lepage, chevalier de la Légion d'honneur en 18*0,
est officier depuis cinq ans; déjà il compte de très nombreuses
campagnes tant en Algérie qu'en Tunisie.
Le docteur Lepage est de Vitry-le-François. Les meilleurs vœu.x
de ses compatriotes l'accompagnent dans sa nouvelle et lointaine
canjpagne.
Un très beau portrait du regretté Gustave Bazin est e.vposé en
ce moment chez M. L'Hosle, rue de Talleyrand, à Reims.
Il est dû au talent justement apprécié de M. Lamare. C'est un
grand pastel fait d'après une excellente photographie de M. Bor-
deria.
M. Lamare est un artiste habile et consciencieux dont les ceuvres
méritent tout particulièrement d'être recommandées.
Dans les premiers jours de février, M. Elle Durey, cultivateur au
Plessis-Barbuise (.4ube), était occupé à l'extraction de roches situées
près du passage à niveau du chemin de fer desservant cette com-
mune, lorsque son pic heurta des pierres superposées, maçonnées
avec art, — indiquant clairement qu'il se trouvait en présence de
fondations remontant à une époque fort reculée, car la tradition
locale est muette sur leur existence.
Encouragé par la quantité de pierres qu'il rencontrait, il pour-
suivit ses fouilles et mit successivement k découvert des fragments
de poterie d'une confection assez grossière, d'autres, d'un, toucher
CHRONIQUE 23lj
et d'une finesse que ne répudieraient point la plupart de nos
artistes d'aujourd'liui; des tuiles, (jui semblent faites à la méca-
nique et s'adaptent les unes aux autres avec une justesse merveil-
leuse; une lampe en terre, etc.
Mais la partie la plus inléressanle de son travail commence à la
découverte de la cheminée d'une des pièces explorées, munie de
dalles en terre cuite parfaitement conservées.
A cùté de cette cheminée — dans une minuscule construction
mesurant 0 m. 80 de profondeur, 0 m. 40 de largeur, et 0 m. i")
à 0 m. 20 de hauteur, faite en carreaux de terre, — il mit à jour,
empilées les unes sur les autres, plus de deux cents pièces de
monnaies romaines, dont les plus anciennes remontent à Auguste,
et les plus récentes à Constantin le Grand. Toutes sont en cuivre,
et. sans exception, d'une conservation surprenante ; on croirait
que les effigies, les atlribuls symboliques et les inscriptions datent
de cinquante ans.
» *
Mariages. — Le [> février 1895 a eu lieu le mariage du comte
Gérard de Rohan-Chabot, propriétaire du domaine de Vindey
(Marne), avec M'"" Cécile Aubry-Vitet_, tille aînée de M. Eugène
Aubry-Vitel, et nièce de feu M. Vitet, de l'Académie française.
Le même jour a été célébré, en l'église Saint-Honoré-d'EyIau, à
Paris, le mariage de M. Jules Deperthes, architecte, premier second
prix de Rome, avec M"*^ Valentine Jouvin, fille de M H. Jouvin,
membre du Conseil de surveillance du Figaro.
.M. Jules Deperthes est le fils du sympathique rémois, M. Deper-
thes, architecte de l'Hôtel de Ville de Paris.
Le 12 février a été célébré, en l'église d'Ay (.Marne), le mariage
de 1M"« Aubert, fille de M. Auguste Aubert, négociant, avec
M. Henri Velly, d'Epernay, notaire à Château-Thierry.
Le mariage du comte Charles-Henri de Lenzbourg, capitaine
d'état-major dans l'armée suisse, avec M'" Marguerite de Pleurre,
fille de la marquise de Pleurre, a été célébré à Paris, le 20 février,
en l'église Saint-François-.\avier, au milieu d'une brillante assis-
tance.
Les témoins étaient : pour le fiancé, le comte de Nugent, son
oncle, et M. de Mérignac, son beau-frère; pour la fiancée : le comte
de Méré et le comte du Fou, ses oncles.
M. l'abbé Gardey, curé de Sainte-Clolildc, a donné la bénédic-
tion nuptiale, et M. l'abbé de Rréon, oncle de la mariée, a dit la
messe.
230 CHRONIQUE
Le même jour avait lieu en l'église Saint-Pierre de Chaillot, le
mariage de M"" Thérèse Le Conte avec M. Adrien fiéliot, proprié-
taire du château de Saint-Martin-d'Ablois (Marne).
La veille avait eu lieu le mariage civil.
W^"- Thérèse Le Conte esi rarrière-pelite-fille de M"' Purnot, la
petite-fille de I\l"'° Eugène Gallice et la fille de M. Paul Le Conte,
de Châlons, ancien magistrat, propriétaire du château deDonnans.
Ce mariage unit donc de très honorables et très honorées
familles d'Epernay et du département.
M. Céliot, dont on a pu déjà constater à Saint-Martin d'Ablois
l'esprit bienfaisant, trouvera dans sa jeune femme une gracieuse
et active auxiliaire.
D'abondantes distributions ont été faites aux indigents, à l'occa-
sion du mariage.
MÉLANGES
Une relation inédite de l'exécdtion de Louis XVI. — Le p;oùt
actuel est aux mémoires, aux correspondances de la Révolution et de
l'Empire. Avec les écrits venus des grands acteurs de l'épopée napoléo-
nienne, des maréchaux et des généraux, nous avons en les journaux de
marche des simples officiers, sous-officiers et soldats, frappés des formi-
dables événements auxquels ils étaient appelés à prendre part, et soucieux
d'en transmettre le souvenir à leurs descendants.
Il n"esl pas jusqu'aux plus humbles citoyens, artisans des villes ou labou-
reurs des campagnes, que celte préoccupation n'ait inspirés et dont quel-
ques-uns n'aient tenu à écrire les choses qu'ils avaient vues — leurs sou-
venirs de la « grande époque ^>.
L'abondance des documents de cette nature a pu faire naitre dans quelques
esprits le soupçon de supercheries littéraires ; on a alfecté de croire que plu-
sieurs de ces Mémoi es avaient dû être fabriqués après coup, pour satisfaire
à la curiosité toujours croissante du public. La vérité est que ces sortes
d'autobiographies militaires, que ces mémoriaux d'anciens soldats existent
en beaucoup plus grand nombre qu'on ne pourrait le supposer. Voici que,
de tous côtés, sortent de la poussière des archives familiales, sous forme de
pauvres cahiers jaunis, maculés ou déchirés, ces Aclcs modestes qu'on reli-
sait le soir à la veillée, qu'on se léguait pieusement de père en tils, dans
les maisonnettes des faubourgs, sous le toit moussu des chaumières. Pour
peu que l'on regarde attentivement autour de soi, on découvrira bien vite
quelque spécimen encore inédit de ces véritables confessions populaires dont
M. Alfred Darimon vient de nous donner un modèle si caractéristique dans
les Mémoires du sergent François Lavaux,
C'était un Champenois, lui aussi, que ce Pierre-Joseph Joly auquel est
emprunté le' récit qui va suivre. Né à Reims, le 17 juin 1770, dans une
condition fort ordinaire, il vint à Paris chercher fortune, à peine âgé de
vingt ans. La Révolution commençait: il assista aux scènes les plus terii-
fiautes et les plus pathétiques du drame. Puis, gagné à son tour par la
fièvre belliqueuse qui, peu à peu, s'emparait de tous les esprits, il s'en-
gage, le 10 mai l793, comme volontaire, fait campague en Vendée, en
Italie, aux îles du Levant, où il tombe entre les mains des Russes et des
Turcs. Bientôt relâché, il rentre en Italie et, de là, va combattre, après
maintes marches et contremarches, en Autriche, en Allemagne et en
Pologne. Assiégé dans Danlzig, avec le petit corps d'armée de Rapp, par
les troupes de Barclay de ToUy, à la suite d'une longue et héroïque défense,
après avoir subi les misères de la faim et de la maladie, essuyé le feu d'un
effroyable bombardement, Joly est compris dans la capitulation de la place
(29 novembre 1813) et envoyé en Russie dans le gouvernement d'Orel. Là,
il trompe les ennuis de sa captivité en observant les mœurs du pays, notant
soigneusement les monuments, les costumes qu'il rencontre sur son pas-
sage. Un petit carnet de poche, conservé précieusement par sou pelit-fils
renferme une quarantaine de dessins, sépias et aquarelles pris par lui au
cours de ses voyages ; on y voit des (leurs délicatement coloriées, des types
d'Albanais, de Juifs petits Russiens. de Polonais, de Cosaqucsdu Hon, des
238 MÉLAÎSGËS
scènes d'intérieurs en Lilhuanie et en Podolie,- où le geste et l'attitude des
personnages sont souvent croqués avec naturel et bonhomie.
Ici s'arrête la carrière militaire de notre héros. Libéré au coramencement
de l'automne de 1814, il a consigné minutieusement dans un feuillet les cent
dix-sept étapes de son retour. Hentré dans ses loyers, Joly se maria et vécut
encore de longues années d'un petit emploi qu'on lui avait procuré dans
l'administration des hospices de sa ville natale. Ainsi retraité avec !e
grade de capitaine, la croix de la Légion d'honneur et la médaille de
Sainte Hélène, le vieux brave est mort à Heims, It 30 août 1861, dans sa
quatre-vingt-douzième année.
Le récit que nous publions ci-après de l'exécution du Roi, à laquelle Joly
assista, le 21 janvier 1793, se dislingue par quelques menus détails des
versions reproduites par le marquis de Beaucourt, dans son beau livre sur
la Captivilé cl les derniers moments de Louis XVI (Paris, Picard et (ils,
1892, 2 volumes iu-8"). A. Taissehat-Kadel.
... Pendant ces temps, raconte Joly, j'ai vu des choses que je
dois décrire.
La première fut une fête en l'honneur des Suisses. C'était une
fêle républicaine. Il y avait un char sur lequel quarante Suisses
devaient monter, mais ils eurent la modestie de marcher der-
rière. Je ne me rappelle pas trop le motif de celte fêle. Ensuite
je vis la Fédération du 14 juillet 1192 ; elle eut lieu au Champ de
Mars, qui est une place qui va de la rivière de la Seine à l'Ecole
Militaire. Cette place est immense; les côtés avaient des talus pour
les spectateurs, le milieu était occupé par les troupes. II y en avait
une grande armée. Au centre était un monticule ayant plusieurs
marches, sur lequel s'élevait une pyramide chargée de tous les
blasons et armoiries de la France, et entourée de paille à laquelle
le lîoi; suivie d'une partie des seigneurs de sa Cour, fut con-
traint de mettre le feu, indiquant par là la suppression de toute
noblesse.
Il ne put rester jusqu'à la fin de celte cérémonie, qui aurait été
réellement belle sans la triste circonstance qui y avait donné lieu.
Les troupes défilèrent, après diverses évolutions; l'artillerie, qui
était au bord de la rivière, faisait un bacchanal d'enfer; la foule
était innombrable. Enfin, ce fut une fête de premier ordre.
Le 10 aoi'it suivant fut d'un autre genre : ce n'était plus une fête,
mais un massacre. Ce jour fut terrible ; la description en ferait hor-
reur. Le peuple, acharné contre la Cour, assiégea le château des
Tuileries, égorgea Ions les Suisses qui défendaient le Roi. J'ai vu
de mes yeux, et j'en frémis encore, jeter tout vivants, par les fenê-
tres, des malheureux qui s'étaient cachés dans des réduits; des
monstres se tenaient au pied des murs, la pique haute, pour les
recevoir ou les percer : les rues avoisinant le palais étaient jon-
chées de cadavres. Je frémissais de ces choses; la curiosité m'en-
trainait, mais j'avais horreur de ce que je voyais.
Le Roi, dès le commencement de ces épouvantables scènes,
avait été conduit dans le sein de la Convention, assemblée légis-
-MlÎLANaLCS- ■1?)'}
lativc qui s'était etnpuréc du pouvoir. Il y resta, ainsi ijue los
princes et princesses, jusqu'au lendemain qu'on les conduisit,
comme des criminels, au Temple, où ils furent enfermés.
Les journées des 2 et 3 septem])re suivant furent aussi affreuses,
mais d'une autre nature, l'ne foule de forcenés allèrent dans toutes
les prisons de la ville et égorgèrent la presque totalité des prison-
niers. Je vis, en passant sur le pont au Change, qui se trouve en
face du Chàtelet, une montagne de cadavres qui y étaient agglo-
mérés : le sang qui en découlait couvrait les pieds des passants;
on enleva ces morts par voitures pour les jeter plus loin dans la
Seine. La cour du Palais de Justice en avait autant; à la Force, il
on était de même, ainsi qu'à la Salpêtrière. La princesse de I-am-
balle fut une de ces victimes que leur rage poursuivit de la rnanit're
la plus féroce; car, après l'avoir assassinée, on lui coupa la tète
que l'on mit au bout d'une pique. Son corps fut ouvert tel qu'on
ouvre un porc; on lui déchira les entrailles, on la lia par les pieds,
et nue, comme un vil animal qu'on traîne à la voirie, on la traina
sur le pavé par toutes les rues de la ville. Il y avait un de ces
assassins qui tenait son cœur et son foie ainsi que la fressure
d'un veau, et en frappait les curieu.x qui regardaient cet abomi-
nable spectacle. Je travaillais alors rue Thévenot et près de la rue
Montorgueil; attirt- par les cris, je sortis et je vis de mes yeux ce
cortège de canniliales.
Dans ce temps, je quittai le quartier de la Porle-Saint-Martin
pour aller loger chez un maître de dessin, dans l'intention d'ap-
prendre l'architecture, et je vis, au commencement de 1793, le
complément de toutes les horreurs. Le Roi fut jugé et condamné
à mort. Ce fut le 21 janvier qu'eut lieu cette e.xécution. Je l'avoue,
quoique tout frissonnant de ce que je voyais journellement, j'étais
jeune et curieux; je me rendis seul sur la place d'exécution. Elle
était déjà remplie de gardes nationales, tant cavalerie, qu'infan-
terie et artillerie. Toutes les issues étaient défendues par deux
pièces de canon chargées jusqu'à la gueule; cependant je parvins
à passer, quoique sans armes; il n'y avait que les corps armés
qui y pouvaient rester.
Il y avait, à peu de distance de l'échafaud, de vastes bassins qui
servaient aux maçons pour fondre leur chaux. Je me jetai dedans,
où je vis déjà deux ou trois personnes qui s'y étaient réfugiées,
et, dans cette position, j'attendis le moment qui devait couvrir
la France de la plaie la plus sanglante qu'elle eut jamais et qu'il
y a lieu de croire qu'elle aura jamais. 11 faisait un brouillard hor-
rible. Enfin, sur les dix heures et demie du malin, on entendit
une confusion de vois qui criaient: « Le voilà! » Alors je me
perchai sur l'angle de ce bassin dans lequel j'étais enfermé, cl
vis arriver le triste cortège. Le Hoi descendit de la voiture, et fut
dépouillé au pied de l'échafaud : il eut les mains liées derrière le
dos et les cheveux coupés. Il était en vestfc de molleton, el quand
il fut sur l'échafaud, il passa à gauche de la guillotine et pronomja
240 MÉLANGES
quelques paroles d'une voix forlc (que je crois entendre encore),
mais qui fut aussitôt rouverte par les tambours qui étaient au
pied de se triste théâtre, lesquels tirent un roulement, jur le
signal du fameux Sanlerre, commandant alors la garde nationale
de Paris. Ensuite, les exécuteurs prirent ie Roi, le couchèrent sur
la bascule, et en un clin d'œil la tête tomba. Un aide la saisit et
la montra à la foule, qui fit entendre les cris de : « Vive la Répu-
blique ! »
Autant que je puis me rappeler, j'ai entendu au bout des
Champs-Elysées un coup d'arme à feu qui partit de ce côté.
A peine l'exécution finie, je vis une infinité de personnes se
présenter au pied de l'échafaud pour recueillir quelques gouttes
du sang de cette victime. J'ignore dans quel but elles cher-
chaient à en avoir; je n'en fus pas instruit. Les troupes se reti-
rèrent, et je fus moi-même un des premiers à en faire autant. Je
trouvai des connaissances qui m'entraînèrent à la Commune, où
je pus pénétrer; et là, j'entendis lire le testament du Roi par le
nommé Manuel, qui se servit de cette expression ironique et tri-
viale : « Voici le testament de saint Louis le Cadet! »
(Figaro.) Pierre-Joseph Joly.
Dans les Mélanges Jalicn Havcl, publiés récemment par les
amis de cet aimable et regretté savant, il y a un mémoire dû à la
plume de M. Paul Durrieu sur l'Origine du manuscrit célèbre dit
le Psautier d'Vlrecht. Ce maiiuscrit, depuis longtemps déjà,
exerce la sagacité des érudits. On l'a successivement considéré
comme originaire d'Orient, d'Alexandrie, d'Angleterre : l'origine
anglo-saxonne était celle qui ralliait le plus de partisans. M. Dur-
rieu, en appuyant son opinion sur la paléographie et le style des
dessins, propose de donner au Psautier d'Utrecht une origine
rémoise. Il insiste surtout sur ce fait que certaines lettrines
ornées et certaines miniatures du Psautier d'Utrecht, oft'rent une
analogie frappante avec des types d'Evangéliaires d'origine
rémoise, particulièrement de l'Evangé.iaire d'Ebbon, conservé à
la Bibliothèque d'Epernay.
L'Imprimeur- Gérant,
Léon FRÉMONT.
LE MARQUISAT DE PLANGY
Sous la famille de Guénégaud*
III
État du domaine de Plancy sous Henri I
de Guénégaud.
De sou vivant, le secrétaire d'Etat Heuri de Guéuégaud
avait fait au roi l'aveu et dénombrement complet de ses .sei-
gneuries. De ce volumineux document ressorleut clairement
l'étendue de la terre et de ses vassalités, ainsi que la nature
des droits qui y étaient attachés au xvii^ siècle. A ce titre il ne
pouvait être qu'intéressant pour l'histoire de la seigneurie d'en
citer les extraits qui suivent, quelque longueur qu'ils puissent
ajouter à ce travail.
Copie d'un aveu et dénombrement de la. terre de Pla.ncy,
rendu pau m. de guénégaud.
« Henry de Guéuégaud de Cazillac, chevallier, marquis de
Plancy, comte de Rieux. vicomte de Semoine, baron de Saint-
Just, seigneur du Plessis, Fresnes et autres lieux, fils aîné,
légataire universel de défunt messire Henry de Guénégaud,
chevalier, commandeur des ordres du Roy, conseiller en ses
Conseils, secrétaire d'Etat et des commandements de Sa
Majesté, à tous qu'il appartiendra, salut ! Sçavoir faisons que
nous tenons et avouons tenir du R.oy noire Sire, à titre de foi
et hommage, nuement et prochemenl à cause de son comté de
Champagne, notre terre et marquisat de Plancy, et membres
en dépendant ou y annexés situés dans le bailliage de Sézaune,
desquelles choses le dénombrement s'en suit.
« Premièrement : La terre de Plancy éloit cy-devanl baron-
nie, depuis, par lettres du mois de may mil six cent cinquante-
six, érigée en marquisat, qui est composée de fiefs, villes et
* Voir page 181, tome Vil de la lievue de Champagne.
10
242 LK MARQUISAT DE PLANCt
villages de Plaiicy, Longiieville. Cliaruy le Bachol, Saiul-
Vitrc, La Perlhe, Champfleury, Bouuevoisioe, l'Abbaye-sous-
Plancy, Semoine, Yiàpres-le-lirand. Ffoide-Paroix et leurs
dépendances, dont une cy-devanl fief et membres dépendant
dudit lieu de Plancy, les autres y ont été réunies et annexées
par lesdites lettres d'érection à moi accordées par Sa Majesté
audit an mil six cent cini[uante six, pour être tenus de Sa
Majesté de sou comté de Champagne, dans le ressort de Sé-
zanne, à une seule tb}^ et hommage, conformément aux lettres
du Roy Philippe de l'an mil trois cent dix-neuf.
« Duquel marquisat le chef lieu et principal manoir est
l'ancien château de Planry, assis en une isle que fait la
rivière d'Aube, et est ledit chcàteau fermé de murailles, pont-
levis et grosses tours, avec grands et larges fossés doubles
plains d'eau de la rivière, autour desquels il y a un rempart,
boulevard et autres deffences telles qu'à forteresse peut appar-
tenir, comme aussi est ledit château garni de poterne, lanterne
où se doit mettre une cloche pour faire le guet ; auquel sont
sujets tous mes vassaux hommagers tenant fiefs de moy et de
mondil châtel de Plancy, chacun à proportion de ce qu'il en
est pour la tenue de son fief, et pareillement y sont sujets tous
les demeurants es paroisses, villes et lieux qui en suivent,
c'est à sçavoir : Plancy, Charny le Bachot, Longueville.
l'Abbaye-sous-Plancy, la Perlhe, Froide-Paroix, Salon, Cour-
semain, Boulage. Gharaptleury. Bonnevoisine, Viâpres-le-
Petit, Saint- Vitre, Rège et la Ville-Neuve-aux-Ghênes, et
sont tenus de venir en personnes faire guet, garde de porte au
châtel, selon l'ordonnance, toutes les fois que le capitaine les
fait appeler sans qu'ils puissent s'excuser pour quelque raison
que ce soit à peine de defïaut et amende, et y a sentence de se
rendre au bailliage de Sézanne le (juinzième décembre mil six
cent trente t^ix contre les habitants de Plancy et autres, dudit
jour contre les habitants de Champlleury et autres. Au-
devant duqut'l château il y a cour, basse-cour, maison sei-
gneuriale, gros pavillon sur la porte, grandes écuries avec
plusieurs logements au-dessus, grange, colombier, plusieurs
autres bâtiments et une église fondée de huit chanoines et
deux enfants de chœur en l'église de Saint-Laurent avec deux
chapelles de Notre-Dame et Saint-Nicolas, pour y dire et célé-
brer la messe et autres services suivant ladite fondation; des-
quelles huit prébendes, chapelles et enfants de chœur j'ay la
collation et totale disposition à moy appartenant de plein droit
de patronage laïc, et par privilège ex{)rès de ladite fondation
sous LES GUÉNÉGAUD 241^
toutes et quautes fois qu'il y a vaccation desdits manbres,
tous lesquels sont en la correction de moy et de mon bailly,
exempts de toutes autres personnes et juridiction ; et quand
j'assiste en personne au service en ladite chapelle ou aux pro-
cessions, j'ai droit dédouble distribution comme doyen, patron,
fondateur et réformateur de ladite église, et le puis prendre, si
bon me semble ; et ont à présent lesdites prébendes leur loge-
ment dans une maison que j'ai fait bâtir depuis peu dans ma
basse-cour du Belle ou Barle, où sont mes vergers ou jardins,
laquelle basse-cour est vis-à-vis l'entrée de mon château, dont
elle n'est séparée que par mes fossés, qui la fermeut d'un côté,
et la rivière d'Aube de tous les autres côtés.
« Pareillement, j'ai de plein droit, et à moy appartient par
privilège exprès la collation et donation de l'hôpital de Plancy,
celle de la maladrerie dudit lieu, celle de l'hôpital de Charny
et celle de la chapelle t'ainl-Vitre, assis à. Saint-Vitre près
Plancy et dans lesdites églises, de même que dans celle de
Plancy et dans tous les autres églises, paroisses, chapelles et
monastères de moudit marquisat; j'ay et à moi appartient
comme à seigneur patrou, fondateur et souverain, tous droits
honorifiques, prérogatives, prééminences, droit de banc, éle-
vées ou autres, sans que personne autre que moy puisse y
avoir ni prétendre aucun desdits honneurs ny marque d'iceux
sans ma permission.
« Item, j'ai droit de gruerie, ressort et souveraineté audit
Plancy pour refforrnatiou en matière de gruerie, voirie, chemin,
eaux, bois et forêts dans l'étendue de raondit marquisat, pré-
vantivement à tous autres, comme aussy ai droit de haute,
moyenne et basse justice qui s'exerce audit Plancy par bailly,
lieutenant, assesseur, greffier, tabellion, notaires, sergens et
autres officiers à ma nomination, par devant lesquels sont
tenus et sujets y ressortir et répondre es jours ordinaires et
autres par appel ou autrement, en toutes matières civiles et
criminelles, tous et chacun les habitants et demeurant es dites
ville et lieux de Plancy, Gharny-le-Bachot, Froide-Paroix,
Longueville, Abbaye-sous-Plaucy, la Perthe, Champfleury,
Bonnevoisine, à partir de Viâpres-le-Grand; et peuvent aller
les sergents dudit Plancy exploiter sans commissions par tous
lesdits lieux et villages ; et sont tous de mon territoire en ma
garde et de ma terre ressortissant à même dudit lieu de
fAbbaye-sous-Plancy, auquel j'ai tous droits de haute,
moyenne et basse justice, gruerie et souveraineté ; et sont
tenus les officiera du prieur de ladite abbaye de venir et com-
244 LE MARQUISAT tiE PLÀNCY
paroir aux assises, par devant mon bailly ou son lieutenant,
de mesme les autres ofticiers inférieurs des dépendances de
mondit marquisat; et en signe de souveraineté, ressort et
juridiction supérieure, j'ai fourches patibulaires à quatre pi-
liers et autres, telles qu'appartient et peut appartenir et avoir
seigneur marquis.
« Item, j'ai droit de prévôté ou mairie es lieux c}- dessus
nommés et puis y faire exercer, en chacun d'iceux, la haute,
moienne et basse justice, eu première instance civile ou crimi-
nelle, par un maire ou prévosl, lieutenant, greffier et autres
officiers, dont les appellations ne peuvent ressortir ailleurs
que par devant mon bailly de Plancy ou son lieutenant.
« Item, j'ai droits d'amende, tant simple que fol appel et
autres qui se peuvent décerner, tant en mesdits maires qu'en
mondit bailliage et gruerie qui m'appartient, de telle sorte en
toute l'étendue de mondit marquisat, que même en cas d'appel
à Sézanne, s'il est dit bien jugé, lesdiles amendes sont à moy
et non point aux fermiers des amendes de Sézanne,
« lteni,]dL\ des greffes tant du bailliage et gruerie dudit Plancy
que des mairies et prévôtés y ressortissantes, ensemble le
greffe des assises qui sont à moy en pleine propriété.
i< Item, le tabellionnage et sceaux aux contrats dudit mar-
quisat et lieux en dépendant, qui est de quatre deniers par
chacun scel payable au garde de mesdits sceaux et en outre
le droit de signature comme au tabellion.
« Item, j'ai droit de faire et créer des notaires, contrôleurs,
arpenteurs jurés, priseurs et crieurs, sergens et autres officiers
de justice par toutes mesdites leires, voiries et chemins de
mondit marquisat.
« Item, j'ai droit de bourgeoisie, tutelles et curatelles sur
tous les demeurans en l'étendue de mondit marquisat, des-
quelles les officiers de Sézanne ne peuvent avoir connaissance,
non plus que do toutes matières civiles et criminelles, sinon
en cas d'appel de mon baill^^ ou son lieutenant, dont y a eu
arrêt contradictoire à mon protit, sur enquêtes respectives, le
23 août 1644 ; suivant lequel aussi mes ot'Qciers, bailly, lieu-
tenant, maire, prévôt et autres, tant dudit Plancy que des
terres indépendantes, ne sont tenus assister ni eux représenter
auxdiles assises de Sézanne.
« Item, j'ai droit d'épaves, aubaines, bâtardises, confisca-
tions, déshérances et tous autres droits et profits qui à seigneur
marquis et haut justicier peuvent appartenir dans toute l'élen-
sous LES GUKNEGAUD 240
(lue de moudil marquisat de Plaucy, Abbaye-sous-Plancy el
autres terres en dépendantes.
« Item^ j'ai les isles et assablissemens qui se font par crue
d'eau ou autrement es rivières de Plancy, le Bachot, Gharny,
Longueville, Barbuise et autres de moudit marquisat, parce
que toutes lesdites rivières sont à moy, comme aussi tous les
gords et fossés, et n'y a personne qui ayt droit d'en avoir que
moy, comme aussi m'appartiennent les fonds, bords et rives
desdites rivières, gords ou étangs, et puis planter des saules en
iceux et empescher que d'autres n'y en plantent ny puissent
embarrasser lesdites rivières; de quoy la connoissance appar-
tient aux officiers de magruerie prévantivement à tous autres
et des délits commis sur lesdites eaux.
a La rivière de Plancy, en haut, vers le Saige de Viàpres-le-
Grand, à l'endroit où finissent les pâtures dudit Viàpres et 3'
attenant la prairie de Saint- Vitre; et dure jusqu'à l'endroit du
pré de la prairie de l'Abbaye-sous-Plancy, à l'endroit d'une
fosse et cours qu'on appelle les Roches; de ladite rivière y a
un bras qui descend par dessus le batardeau dudit Plancy et a
cours par les prairies dudit Plancy jusqu'au village du Bachot,
d'où elle passe dans une autre rivière qu'on appelle la Noue-
Franche, proche le fossé des Chàtelliers.
« Il y a encore un autre bras qui descend du bras dessus dit
et se prend dès un pont appelé le pont Bailly, et tourne à l'en-
lour de la rosière du château de Plancy et rentre en la grande
rivière qui est celle d'Aube, proche le grand pont dudit
Plancy.
« Plus la rivière de Barbuise, à la prendre vis à vis de Pièges
jusqu'au Bachot, où elle se mêle avec le bras cy-dessus, d'où
se tiroil autrefois une autre rivière, appelée la Rivière-Neuve,
qui passoit par mon étaug de Longueville, jusqu'au fînage
d'Etrelles et servoit à faire tourner mon moulin audit lieu de
Longueville, mais à présent le moulin est une ruine et ladite
rivière assablée.
« Lesdites rivières en plusieurs autres fossés et gords ; et
sont toutes à moy, en propriété fonds, les rives avec droit de
pèche bannale, c'est-à-dire que nul n'oseroit y pêcher, ni rien
mettre ou rien prendre, autre que le seigneur ou ceux ayant
charge de ; laquelle pèche peut par moy être affermée à tous
engins et toutes sortes de personnes.
« hem, ai droit de rouage ou rouissage dans toutes lesdits
rivières et eaux, el tel que nul ne peut y mettre rouir, dé-
246 LE iMARQUISAT DE PLANCY
Irempei' chauvres ou autres denrées sans ma permission ou de
mes fermiers, à peine d'amende ou confiscation desdites
denrées ; et toutes les personnes meltaus rouir ou détiemper
dans lesdites eaux et rivières avec ladite permission, et seule-
ment aux endroits à ce destinés, me doivent par chacun au une
livre de chanvre mâle et une livre de femelle, de quelque
qualité et condition qu'ils soient...
« Item, ai la ferme de l'oiselerie, qui est de pouvoir chasser
et affermer la chasse des alouettes, merles, pluviers, van-
neaux, cailles et autres petits oiseaux à toutes sortes de
personnes.
« Hei)i, ai droit de chasse à tous autres bêtes et gibiers au
poil et à la plume, soies et autres, par toutes mesdiles terres.
« Item^ ai droit de suye et colombier et de garennes par
toutes mesdites terres, avec deffences à toutes persoûnes d'y
en avoir, même au prieur de l'Abbaye-sous-Plancy, contre
lequel mes prédécesseurs ont toujours fait leurs protestations
toutes les fois qu'il a prétendu faire garenne, parce qu'il n'a
aucun droit de chassé, n'ayant que basse justice, et puis faire,
ruiner ses garennes, sy aucunes il avoit, comme n'étant
jurées, et y poursuivre les lapins ci outres besles, parce qu'il
est de ma terre et ressort.
« Item, ai droit de pressoir bannal, tant audit lieu de Plancy
qu'en tous les autres cy-dessus dépendant de mondit mar-
quisat.
« Item, ai droit de four bannal audit Plancy et tous les autres
lieux sus-nommés en dépendant, pour lequel tous les habitans
desdits lieux me doivent et sont tenus payer chacun an quatre
sols parisis, payables au jour de Saint-Kemy.
« Item, ai droit de corvée sur tous les habitans de mondit
marquisat, comme il sera dit cy-après à l'endroit du dénom-
brement particulier de chaque paroisse.
(t Item, ai droit de maîtrise à boulanger et autres métiers,
qui est tel que nul artisan ne peut ouvrir ny tenir boutique
dans ma ville et marquisat de Plancy sans mes lettres et
permission.
« Item, ai droit de chevallerie ou taille es quatre cas accou-
tumés, mariage et autres, pour nous, nos enfans et succes-
seurs, à toujours prendre sur tous les habitans dudit lieu de
Plancy, Abbaye- sous-Plancy et autres villages dudit mar-
quisat, charrois, haruois et chevaux, pour mener en ost ou
chevauchée, prendre aussi bled, vin, bœuf, avennes, bêtes et
sous LKS (iUÉNÉGAUD 247
viiMuailles nécessaires, et avoir pàt et gile annuels Os dils
villages, y mener chiens el chevaux à séjour.
« Item, ai droit de main morte, de formariage, sur plusieurs
hommes et femme?, de condition servile tant audit Plancy
qu'à Longueville, Charny et autres villages de mondil mar-
quisat ; la plupart desquels me doivent ladite siervitude quoi-
qu'ils soient maiumorlables, de meubles, héritages, el de
poursuites, el de formaringe, ol laillables à volonté envers moj'
de toute manière.
« lient, ai droit de lods et ventes sur toutes les maisons el
héritages sois et au dedans de mon marquisat, et membres en
dépendans, ([ui se payent a raison de trois sols quatre deniers
pour livre, parce que tous lesdits héritages, s'ils ne me payent
censives, ne laissent pas de me devoir vesl et devest, t^mpoi-
tanl lods et ventes à toute par vente, échange, dounatiou,
mutation, ou autrement par tout autre moyen, excepté par
succession et directe et de père à tils; et y a amende selon la
coutume du bailliage de Meaux tant sur le vendeur que sui'
l'acquéreur, faute de payer lesdits droits de vesl et devest, qui
sont... Et s'entend lesdits droits de vest el devest de manière
que, par le contrat de ver le, le vendeur est réputé se déveslir
de son bien el le remettre eu mes mains pour en revestir
l'acquéreur qui ne peut être censé véritable propriétaire que
du jour que je l'ai revêtu desdits biens par mon ensaisine-
meut et payement de lods et vente, dont y a sentence contre
Guillaume Bazin, rendue au Chàtelet le vingt-deuxième août
mil cinq cent quarante-quatre, confirmée par arrêt du vingt-
troisième janvier mil- cinq cent quarante-cinq. Et ny a aucune
terre dans mondil marquisat exempte desdits droits.
« Item, ai droit de censives sur plusieurs terres, prés, vignes,
maisons et aires à bois autant audit lieu de Plancy, qu'autres
lieux en dépendans, tant en argent el grains, que poules,
chapons et autres redevances payables à certains jours cy-
après désignés dans ces dénombremens particuliers de chacune
paroisse ; et à défaut d'être payées auxdits jours désignés, elles
portent défauts el amendes de deux sols six deniers, sy elles
ne sont payées au bout de quinze jours, et trois livres sy on
ne les paye dans l'année ; et portent aussy lesdites censives et
redevances le droit de lods et ventes à toute mutation, aux-
quels ne laissent d'être sujets les autres héritages non censuels,
comme est dit cy-dessus avec deffauls el amendes; et sont
tous lesdits héritages censuels el non censuels sujets au droit
de retenue ou de retirait féodal à mon prolil, le cas y échéant.
'248 LE MARQUISAT DE PLANCY
« lum^ ai droit de foires et marchés, de hallage, étalage,
pesage, auhiage et inesuiage, sur toutes les denrées qui se
débitent daus les lieux de mondit marquisat, nul autre que
moy u'y eu peut avoir ny prétendre.
a Ittm, j'ai et à moy appartenant tous les grands et petits che-
mins et voirie de mondit marquisat de Plancy, et membres en
dépendant en fonds et superficie, dans toute leur longueur, lar-
geur et étendue ; et ai droit d'3^ planter noyer et tous autres arbres
que bon me semblera pour en faire mon profit comme de mou
domaine propre, et sy autres y plantaient lesdits arbres, sont à
moy aussi bien que les fruits, esmondes et dépouilles d'iceulx.
* Hem, j'ai dans l'étendue de mondit marquisat dix-huit
cent et deux mil arpens de prés aj)pelés les Usages, en diverses
pièces es quelles les habilans de Plancy, du Bachot, Longue-
ville, La Perthe, Champfleury, Bonnevoisine et Saint-Vitre,
prétendent avoir avec moy leurs usages et pâtures pour leurs
bestiaux en commun, es chacun desdits lieux en particulier^
sur aucunes desdites pièces; et me sont de uulle valeur,
excepté que j'y ai droit d'usage pour moy et mes fermiers et
tous leur.s bestiaux, et que les habitans du Bachot et de
Charny m'en payent par chacun feu une obole tournois tous
les ans, pour avoir liberté d'y pâturer et principalement dans
une pièce appelée la Pâture-aux-Mailles, qui est de mon
domaine propre et de mon usage.
« Et est la prairie 'le Plancy, Saint-Vitre, le Bachot et
Charny, tous en un tenant entre lesdits villages, bornée d'un
coslé par la rivière d'Aube et mes prés, d'autre costé par la
Barbuise et les villages de Charny et du Bachot et finage
d'iceulx, d'un bout par le finage de Viâpres-le-Grand et d'autre
bout par le finage de l'Abbaye-sous-Plancy.
tt Et la prairie et pâturage de Longueville tient d'un bout au
finage de Plancy et à une noue appelée Noue-Franche, d'autre
bout au finage, pâture et prairie d'Etrelles, d'autre part au
finage de Longueville et dudit Etrelles, et d'autre part aux
pâtures de Boulages et aux pâtures et prairies de l'Abbaye-
sous-Plancy.
« Outre lesquels droits généraux de mondit marquisat j'ai
encore, en chacune paroisse et membres en dépendant, autres
droit?, biens et revenus, dont les dénombremens particuliers
s'en suivent, c'est-à-dire :
PLANCY
« J'ai ma ville de Plancy sur la rivière d'Aube, fermée de
sous LES GUÉNÉGAUD '219
profonds fossés, murailles, tours, poal-levis, boulevards el
autres défences. comme à ville appartient, que j'ai droit de
faire édiflier et augmenter quand bon me semblera, comme à
moy appartient de donner congé à entrer l'eau es dits fossés
quand bon me semblera.
« Dans laquelle ville y a église paroissiale où j'ai seul tous
les droits honoriûques et de patronage comme à seigneur fon-
dateur ; il y a aussi en ladite ville un hôpital pour les pauvres
malades de ma dite ville et marquisat, dont j'ai fait depuis peu
réédiffier tout à neuf l'église ou chapelle dédiée à saint Julien
et saint Jean, où à moy seul appartient de nommer un maître
ou économe qui doit me rendre compte des revenus del'Hôtel-
Dieu et de l'emploi d'icelui sur lesquels j'ai tous les ans à
prendre une corvée, les autres droits; et consistent lesdits
revenus en une grande pièce de terre sur laquelle est bâti ledit
Holel-Dieu de ladite ville et un gagaage de... arpens de terres
ou prés dans le finage de Plaucy ; pareillement y avoil cy-
devant une maladrerie dans ladite ville qui étoit à ma collatiou
et disposition, mais n'eu reste plus aucun bâtiment, seulement
y a un petit gagnage et quelques héritages sur lesquels me
sont dûs sept sols demy de censives et une corvée par chacun
an, avec un dîner le Jour et feste de saint... et quand le
maître de la maladrerie meurt, ses immeubles sont à moy.
« Item, sur plusieurs maisons, terres, prés, aires à bois el
autres héritages assis audit Plancy et finage dudit lieu, me
sont dûs plusieurs censives payables chacun an au jour et feste
Saint-Jean-Baptiste, Saint-Remy et Noël : et peuvent monter
environ dix livres environ en argent et quarante-quatre tant
de poules que chapons, portans deffauts et amendes par faute
de payer au jour qu'elles sont dues ; et portent aussi lods et
ventes de trois sols quatre deniers pour livre desdits héritages,
toutes les fois qu'elles changent de détempteurs par chaque
contrat, échange ou autre moyen que ce soit, si ce n'est en
succession ou en donation de père à fils, es quels seuls me
sont dûs lods et ventes, parmy lesquels héritages il y en a
plusieurs pièces de terres baillées à charge de faire vignes et
non autrement.
« Item, ai plusieurs rentes foncières sur plusieurs héritages
assis tant audit Planée' qu'en son territoire, qui peuvent valoir
par chacun an cent sols tournois.
« Item, la rente sur Robert Darnelle, de Plancy, de vingt-
trois sols, plus vingt sols tournois sur Nicolas Lhuillier, trente-
huit sols tournois sur Jean Hénin, dudit Plancy, el dix-sept
250 LE MARQUISAT DE l'LANCY
sols six deniers sur Guillaume Le Moiue, dudil Plaucy, el en
outre plusieurs autres semblables rentes.
« llem, tous les habitans dudil Plancy et fiuage de ladite
paroisse me doivent chacun an deux corvées de bras et de
chevaux à Pasques et à la Saint-Remy.
a llem^ ai droits de trois moulins et un à fouler avec van-
nage sur la rivière d'Aube, mais n'en est présentement que
deux à bled tournans sur ladite rivière, à l'endroit où elle
sépare madite ville d'avec mon cbàtel et basse-cour ; au bout
de laquelle basse-cour sont situés lesdits moulins, avec loge-
ment et pour le meunier et pour ses bestiaux, et tout proche
un petit verger, lesquels moulins sont bannaux el sont tenus
d'y apporter et moudre toutes leurs graines et foulouailles
tous et un chacun des paroisses, tant de Plancy, Saint-Vitre,
l^a Perthe etChampfleury, que de Gharny, le Bachot, l'Abbaye-
sous-Plaucy et Longueville, de quelque qualité et condition
qu'ils soient, à peine d'amende de soixante sols tournois et
confiscation de leurs graines, farines, foulouage, chevaux et
harnois ; et ai coutume d'affermer avec lesdits moulins la
pêcherie du vannage el fosse du devant tout ensemble et par
un même bail, quoique j'en puisse faire différents baux.
« Hem, ai le péage de la rivière et passage de sa vanne, lequel
droit est tel que tous poissons, grains, vins, bois et autres
denrées passant par la vanne desdits moulins ou par la rivière,
tant dessus que dessous, tant en montant qu'en descendant,
je puis et je suis en possession de prendre et lever à raison de
deux pièces de poisson sur chacune botte de l'échantillon qu'il
se trouve et sur les batleaux, boutiques ou bresles qui sonl
composées de plus ou moins grand nombre de bottes à
proportion, et sur chacun seplier de grain deux quarts, sur
chacun coupon de bois deux pièces, et sur les autres denrées
et marchandises à proportion, de quelque nature et qualité
que [soient] lesdits poissons ou autres denrées, et ceux qui les
foni passer; et y a amende de soixante sols et confiscation de
la marctiandise sur les défaillaus de payer le droit soit en
espèce soit en argent, suivant l'évaluation qui en a été faite
autrefois par mes prédécesseurs avec les marchands trafiquant
ordinairement tant sur ladite rivière et pour leur commodité :
dont a été dressé tarif qui s'observe de toute ancienneté et est
apposé par affiche en fer-blanc aux piliers dudil vannage. En
outre doit chacun batteau cinq sols pour l'ouverture de la
vanne tant en montant qu'en descendant ; et s'il y arrivait
rupture par la faute desdits batleaux, sont tenus les marchands
sous LES QUKNÉGAUD 2Î51
el leurs marchandises réparer le dégâl avec lous dépens, dom-
mages et intérêts.
« Item, le péage de la chaussée de Plaucy et travers de la
Perlhe, qui est tel que chacun charriot passant par ladite
chaussée de Plaucy ou travers de la Perlhe me doit quatre
deniers, la charrette deux deniers tournois, la beste de somme
ou bât un denier, le cheval ou le bœuf pour vendre quatre
deniers, la jument ou vache deux deniers, le pourceau et
toutes autres bestes, soit à laine soit à cornes ou autre, une
obole tournois, et y a soixante sols d'amende et contiscatiou
sur les défaillaus de payer ledit péage et travers.
« Ilem, j'ay et à moy appartient la chaussée de Plancy, à
commencer au grand pont dudit lieu jusque? au pont du
Bachot. Et est la largeur de ladite chaussée du costé de la
pâture, deux perches outre l'étendue du pavé ; et de l'autre
costé, ce qu'il y a de terre jusqu'à un fossé par où s'écoule
l'eau de la rivière d'Aube tout le long de ladite chaussée; la
mesure de deux perches doit être au moins de huit pieds et
demy de Chàtelet, le pied portant douze pouces ; et ai droit de
planter saules et tous autres arbres que bon me semblera,
de même que sur lous les autres chemins de mon marquisat.
u Ite^n, ai droit de foires et marchés audit Plancy, soavoir
trois foires par an et jour de Saint-Sébastien, vingt-unième
janvier. Sainle-Madelaine, vingt-deuxième juillet, et Saint-
Laurent, dixième aoust, et deux marchés pour chacune
semaine les jours de mardy et veudredy, et puis lesdites foires
et marchés affermer à mou profit.
Il Itan, ai audit Plancy droit de hallage, étallage, pesage,
aulnage et mesurage sur toutes denrées qui se débitent es
foires et marchés dudit lieu.
« Item, la ferme de la boucherie et étaux à vendre chair
audit Plancy où nul n'en peut luer ny vendre, ny suif, ny
cuirs sans mon congé, soit tous les jours de foires et marchés,
soit autres, à peme d'amende arbitraire et confiscation desdiles
marchandises ; et m'appartient et m'apparlienuent aussi les
langues de lous les bœufs qui se tuent.
« Ilem, j'ai droit de ban vin audit Plaucy qui est tel que,
depuis le jour de Pasques premier coup de messe sonnant
jusqu'au jour de Saint-Remy, nul ne peut et lui est loisible
vendre vin en détail audit Plancy sans congé de moy ou de
mon fermier dudit ban vin, à peine de soixante sols tournois
et confiscation dudit vin, tant et quenles fois que le cas y
échoit.
252 LE MARQUISAT DE PLANCY
« he)n, la pèche de deux gords dudit Plaucy et des fossés
adjacents comme est la fosse aux Nouains, la fosse de la
Chaussée qui est et qui s'étend tout le long de ladite chaussée,
la fosse du Marais, la fosse Dame Isabeau et autres.
« Item, deux petits étangs assis en ladite ville de Plancy,
appelés le Grand et le Petit-Joigne, contenant environ quatre
arpeus assablés et remplis,
« Ifem, un autre étang appelé Marais de Joigne, qui est en
total ruiné, assis entre Saint-Vitre et Planc}^ et souloit être
tenu eu fief par Gaucher Dizoy, avec les fossés et viviers en
dépendans.
« Uetn, audit lieu de Plancy ai une maison appelée de la
Bouverie et un jardin au lieu dit de la rue des Bordes, conte-
nant six denrées; un autre jardin au bout du grand pont, le
long de la chaussée, et le jardin Messire Didier.
« Item, la censé appelée la Maison des Bois dans laquelle y
a plusieurs chambres et logeraens pour le fermier, granges,
écuries, bergeries, laiteries et autres bàtimens tous fermés de
murs ; laquelle censé est au bout de mou parc, et on y va par
une grande allée plantée de peupliers et autres arbres qui
commence proche mon chàtel et dure jusqu'à ladite Maison
des Bois, traversant par le milieu de mondit parc qui contient
plus de cent arpeus enclos de la rivière d'Aube d'un côté,
et de l'autre côté par des fossés et bras qui en dérivent et le
ferment comme une île dont partie est en labour et autre
partie en pré, et le reste est en buisson et plans dont la meil-
leure partie s'afferme dans ladite Maison des Bois, où l'on ne
peut aller de quelque côté que ce soit que par des ponls-levis
qui sont aux trois flancs de ladite isle.
« Item, la censé de Riverelle à un quart de lieue de Plancy,
consistant en un grand corps de logis, granges, étables, four-
nies et colombier, tout en un tenant fermé de fossés dans les-
quelles entre l'eau de Riverelle; et est ladite censé au milieu
d'un enclos de cinquante arpens dans lesquels il y a vergers
et plans d'aunelles et autres arbres; ledit enclos fermé de
marais, étangs et autres eaux dudit Riverelle ; lesquels marais
sont de part et d'autre et contiennent cinq arpens, et ledit
étang de Riverelle proche de ladite censé contient environ
arpens, outre quoi il y a le gagnage appelé de Riverelle qui
dépend de ladite censé et contient environ cent arpens.
« Item, la censé de la Perthe ou de Hondevilliers, aussy à
un quart de lieue de Plancy, consistant en un grand corps de
logis pour le fermier, granges, étables, bergeries et colombier,
sous LES GUÉNÉGAUD 253
tout eu uu leuanL fermé de murs, réparés à neuf, avec plu-
sieurs vergers et plans d'arbres aux environs, et le grand ga-
gnage de la Perthe dépendant de ladite censé qui conlienl
quatre cents arpens.
« Item, la garenne de la Perthe, sise au lieu où était autre-
fois le village de la Perthe sur les maisons duquel village et
sur les terres aux environs je soulois avoir plusieurs droits,
tant de ceusives, coutumes et corvées que de terrages et
autres redevances ; lesquels sont demeurés éteints au moïen
de ce que pour icelles lesdites terres et héritages me sont
donnés après avoir été ruinés par les guerres ; et contient
ladite garenne environ vingt-six arpens, que j'ai gagnés en-
semble avec tout le terroir et reste des terres de la Perthe,
contre le prieur de l'Abbaye-sous-Plancy et habitans dudit lieu,
par arrest du Parlement des neuvième mars 1524 et treizième
décembre 1547, et arrêt du grand Conseil du deuxième avril
1548.
i< Item., un autre gagnage, contenant (rente-deux arpens de
bois ou environ, assis au-dessous de ladite garenne et au milieu
du gagnage du Grand Bois.
(.< Item, une autre garenne, assise au-dessus des vignes de
Plancy, contenant dix arpens,
« Item,, ai plusieurs aires à bois audit terroir, finage et pa-
roisse de Plancy, lesquelles se vendent et coupent de quatre
ans en quatre ans, sçavoir l'aire du gord à présent assablée,
l'aire de Sainl-Oulph et l'aire Boyau, audit lieu, l'aire de la
Rive Didier, plus trois aires faisant partie du grand gagnage
de Plancy ; outre quoi j'ai encore plusieurs autres aires à bois,
tant aux environs de mon bâtard d'eau que de l'enclos de
mon parc, je ne puis autrement donner les tenans et abou-
tissaus.
« Item, j'ai le grand gagnage de Plancy, auquel il y a deux
cent quatre-vingt arpens de terres labourables ou environ,
l'arpent contenant huit denrées et la denrée quatre-vingts
perches, la perche huit pieds et demy de Chàlelet et le pied
douze pouces, qui est l'ancienne mesure de Plancy, à laquelle
le domaine des prés, terres et bois a été mesuré de toute an-
cienneté ; duquel gagnage souloient être trois pièces de pré
de seize, onze et huit arpens. assises au lieu dit Es Grands
Prés.
« Item^ uu autre gagnage appelé le Gagnage du Grand Bois,
contenant trois cent soixante arpens de terres labourables en
une pièce.
254 LE MARQUISAT DE PLANCY
« Item^ le petit gagnage de la Perthe, cy-devanl arrenlé à
plusieurs particuliers, que l'on abandonne pour les redevences,
environ trois cents arpens.
« Item, le gagnage de la iNivoie, consistant en qualre-vingt-
six arpen"^ de terres labourables ou environ et quatre arpens
de prés.
. « Item^ un autre gagnage appelé le Gagnage du Petit Bois,
contenant cent trente arpens de terres labourables en diverses
pièces, et une pièce de pré contenant dix arpens et demy, sise
es prés dessus.
« Item, le gagnage des Nouains , de quatre-vingt-cinq
arpens de terres labourables et quatre arpens et demy de
prés.
« Item, une pièce de pré partie en labour, partie en l'auchai-
son, appelée la Pàlure-Douce, contenant soixante- quatorze
arpens.
« Item, une autre pièce de pré, partie en labour, appelée
le Pré de Droupt, contenant huit arpens.
« Item, une autre pièce de pré en ce même lieu, appelée le
Pré Happé, contenant environ vingt arpens; près lequel est le
pré Piemy Hardy, depuis peu acquis des seigneurs demoiselles
Dangilliers.
« Item, une autre pièce de pré au bout de la susdite pièce,
appelée le Pré des Epiuettes, contenant vingt-quatre arpens
fermés de fossés oîi il y a des saules plantés à Tentour.
« Item, une autre pièce de pré au bout de la susdite pièce,
appelée le Pré Brûlé et Prés des Chanoines et Prés de la Rose ,
contenant sept arpens.
« Item, une autre pièce de pré proche le même lieu et
attenant la susdite, appelée le Pré Lépreux, contenant vingt
arpens.
« Item, une autre pièce de pré, appelée Vagans, contenant
vingt-sept arpens.
« Item, deux pièces appelées le Petit et le Grand Joncherel,
contenant vingt arpens.
« Item, une autre pièce de pré, appelée la Pâture aux Cailles,
contenant sept arpens et demy.
« Item, une autre pièce, appelée le Fief des Noues, contenant
sej)t arpens.
« Item, une autre pièce de pré, appelée les Prés de Grands
et Petits Baillys, contenant vingt-six arpens.
sous LES GUENEGAUD "ibo
'■i Item, uue auLi-e pièce de pré, appelée la Noue Meunière,
coulenaut vingt- six arpens.
« Item, le Pré de la More, de ciiKj arpens, el le Pré Carre',
de cinq arpens.
« Item, le pré de Derrière la Haye, de vingL-qualre arpens,
la pièce de Monty, de quatre arpens, la pièce des Vieux Prés
Neufs, cini] arpens, la pièce de la Vigne, huit arpens, le pré de
la Roye, un arpent, le petit marais de la Planche l'Erraitle,
cinq arpens, le pré de la Rozière, dans l'enclos du parc, dix-
sept arpens, el plusieurs autres pièces qui seront trop long
de nommer, montant tous ensemble à plus de cinq cents
arpens dont à la vérité il y a quelques petites parties eu
labour.
« Item, ay onze arpens de vignes scis au terroir dudit
Plancy qui sont présentement en labour et valeur, outre les
vignes nommées de Côte Pellée, outre plusieurs arpens qui
sont en friche, et quelques autres que mes prédécesseurs ont
donné à rente à la charge d"y entretenir ou faire plants de
vigne.
« Le fmage de PJaucy, du côté devers les champs laboura-
bles, commence devers l'Abbaye-sous-Plancy, à uue borne
de pierre laquelle est nu-dessous de Plancy, faisant sépara-
tion dudit fiuage d'avec celui de l'Abbaye-sous-Plancy, tirans
à travers les champs jusques à un chemin, lequel est proche
de la Justice à piliers et fourches patibulaires dudit Plancy,
qui se nomme le chemin pour aller de Fouges à Viàpres-le-
Grand ; et fait aussi ledit chemin séparation dudit finage de
Plancy et d'un petit finage Bicouart, lequel est de la seigneurie
de Salon; et fait aussi ledit chemin séparation du fin âge de
Champfleury eu tirant à Saint -Vitre où finit ledit chemin qui
commence par les fossés qu'on appelle aux Nonaius, et conduit
à la chapelle dudit Saint-Vitre par les marais dudit Plancy
qui font aussi séparation dudit Saint-Vitre ; et ledit finage de
Plancy tient au long au cours de la rivière d'Aube non com-
prise eu ce bornement et prairie et pâturage dudit Plancy;
laquelle prairie avec gras pâturages s'étend presque à un
tenant entre les villages de Charny, le Bachot, Planc}', Saint-
Vitre, rt lient d'une part à la rivière d'Aube qui passe par
ledit Plancy, d'autre part à la Pâture Douce et aux fiuages de
Charny et du Bachot, au finage de Viâpres-le-Grand, Saint-
Vitre et Règes, et d'autre bout au finage de Longueville et
l'Abbaye-sous-Plancy.
256 LE Marquisat de plancy
SAINT-VITRE
« La ville de Saint-Vitre éloit autrefois assez grande, et y
avoit plusieurs maisons et demeurans à une demy-lieue au-
dessus de Plancy sur la rivière, mais depuis longtemps parle
fait des guerres elle est tombée en totale ruine, et u'y reste
plus aucun édifice que celui de l'église qui étoit autrefois une
paroisse dépendant de moi en patronage de laïc, et présente-
ment est une chapelle à ma nomination au même titre ;
laquelle chapelle j'ai depuis peu fait rétablir et réparer à mes
dépens et à la place de ladite ville ou paroisse n'y a plus que
jardins, bois, broussailles et buissons, qui me sont demeurés
faute d'habitans et de payement des rentes.
« Item, ai un jardin de trois arpens nommé les Courtes
Royes, et un autre jardin d'un arpent, à présent planté eu
bois, audit lieu Fontaine-Chicaut.
« Item^ une aire à bois contenant un arpent assis derrière
Saint- Vitre et plusieurs autres morceaux de terre et aires à
bois audit finage, vers le bâtard d'eau ; et sont les dites aires
bois au nombre de douze contenant environ 10 arpens.
« Item^ la garenne de Saint-Vitre, nommée le Gros Buisson,
qui est garenne jurée et contient. ... arpens avec droit de
chasse.
« Et tous autres droits seigneuriaux partout le dit finage
et iustice, comme à Plancy.
« Item, les censives du finage montant à quatre livres
tournois sur plusieurs jardins, aires à bois et autres héritages
censuels dudit finage, et sur les autres censuels droits de vest
et devest par lods et ventes et droit de retenue, comme
à Plancy.
« Item^ un gagnage appelé Saint-Vitre auquel y a environ
cent arpens de terres labourables en diverses pièces, et des
appartenances duquel y a un petit jardin assis au dit Saint-
Vitre contenant deux arpens et demy et une denrée, et six
petites aires à bois contenant environ trois arpens.
« Iiem, une pièce de pré contenant vingt arpens assis audit
finage, au lieudit les Prés d'Aube.
« Item, une autre pièce contenant quatre fauchées au lieu-
dit les Prés dessous, en laquelle le seigneur de Salon prenoit
autrefois le tiers partie.
« Item, un gord assis sur la rivière d'Aube, appelé le Grand
Gord de Saint-Vitre.
sous LES GUÉNÉGAUD 2o7
« Itemy la prairie et pâture de Saint- Vitre, où j'ay donué
permission à ceux de Viàpres-le- Grand d'avoir pâturage, que
je leur puis ôler quand bon me semblera, parce que la
dite prairie n'est pas usagère, mais m'appartient en propre.
« Hem^ tout le dit fmage est en ma justice qui s'exerce par
mou bailly, et ay droit de taire exercer par un maire ou prévôt
particulier dont les appellations ressortissent par devant mon
dit bailly, et puis affermer la dite mairie qui s'appelle la Ferme
des exploits de Saint- Vitre.
« Ledit linage de Saint-Vitre est borné, sçavoir d'un bout
par le cours de la rivière d'Aube, d'autre bout parle finage
de Gharapfleury ; d'une part tient à une censé faisant sépara-
lion d'entre ledit finage et celui de Viàpres-le-Grand, et d'autre
part au finage et marais dudil Plancy et au finage dudit
Champfleury.
VIAPKES-Ll£-GKANU
« Ilem,]Q, liens dudil seigneur Roy, sous mou marquisat de
Plancy. un gagnage au lieu de Viàpres-le-Grand contenant
cent soixante-dix arpens de terres labourables, avec un jardin
de demy arpenl assis au dit lieu.
u lUm, un autre jardin appelé l'Ucbe du Four, contenant
trois denrées dix-sept carreaux,
(' Hem, une pièce de pré contenant dix-sept arpens, appelée
les Prés vacans.
■ Item, une autre pièce assise au même lieu, contenant deux
arpens, deux denrées ou environ, et une autre de deux arpens
et demy au même lieu.
t( Item, ai plusieurs aires à bois au dii finage, eu plusieurs
morceaux dont je ne puis quant à présent donner le dénom-
brement le plus précis, parce que je n'ai ici mes lilres qui sont
en mes archives de Planc^'.
« Ilem^ ai plusieurs censives audit \ iàpres montanl a envi-
ron sept livres, y compris quatre livres, ciu(j sols, et sept
poules que me doivent les héritiers ou bien tenaus de Bernard
du Verne et Gillette des Bièvres, pour sept arpens et deux
denrées de bois appelés les Grandes aires ou Bois Mordiable,
qu'ils tiennent de moi entre le Grand et le Petit- Viàpres.
a Hem, tous el chacun les habilaus du dit Viâpres-le-
Grand me doivent chacun an le jour et leste de Saint-Remy,
sçavoir ceux ayant charriie entière (jui est de deux chevaux,
17
2h8 LE iMAUQUlSAT DE PLANCY
la quantité de deux boisseaux aveiue à la grande mesure, et si
duivent guet el garde à mon château.
« Et tous les héritages cy di ss'is, tant de mon domaine non
tieffé que du tieffé scis au finage de Vicàpres-le-Graud, soni de
terre et seigneurie 'et justice que je puis aussi faire exercer par
un maire ayant appel particulier, avec appel devant mon b.iilly
de Plancy.
« Item, ai trente un sols »ix deniers de renies sur Noël
Viart, du lirand-Viàpres, et plusieurs autres rentes toncières
el seigneuriales au dit lieu.
CHAMPFLEUHY
K Item, j'ai la terre el paroisse de Champlleury avec tous
droits de souveraineté premièrement l'église, haute moienne
et basse justice que je puis 1 ùre exercer par un maire parti-
culier, avec ressort devant mon bailly de Plancy, qui exerce
actuellement la dite justice, et ai droit de greffe et tous autres
profils de juridiction comme a Plancy, défauts et amendes.
« Uem, ai au dit lieu de Champtleury droit de foire tous les
ans le jour de Saint-Loup premier septembre.
« Jtem, ai au dit lieu de Champtleury un gagnage conleuaut
environ trois cents arpens de terres labourables dont la plu-
pari est présentement eu friche par le malheur des guerres.
« llem, ai une garenne jurée audit Champtleury, contenant
environ trente arpeus.
« Item, tous les habitans de Champtleury me doivent cha-
cun an deux corvées de bals et de chevaux à Pâques et à
la .Saiul-Remy, et eu outre une poule et douze deniers audit
jour de Saint-Reray, à peine de défaut et amende.
(I Item^ j'ai plusieurs au 1res redevances et censives audit
lieu de Champtleury à moy dues en argent, et aucune portant
lods et ventes, défauts et amendes, de pareille nature qui est
cy-devanl déclaré, comme aussi tous les héritages non cen-
suels audit tiaage me doivenl, à toute nuilatiou hors de père à
fils, droit de vest et devest, portant lods et ventes, défauts
el amendes comme dessus.
« Itcm^ j'ai (|uarante-six sols tournois de renies sur Ciui.
gnot-Coguot, et plusieurs autres rentes seigneuriales sur diffé-
rents particuliers et héritages dudit Champtleury.
« Et est borné le iinage dudit Champfleury, d'une pari
tenant au linage de Saint-Viire, Viâpres-le-Grand et Bonne-
Voisine, d'autre pari au iinage de Salon, d'un bout au linage
sous LES GUÉNÉCtAUD 259
de Plancy el l'Abbaye-sous-Plaucy, el d'autre bout au iiuage
dudil Salon.
BON NE VOISINE
« Le tief, terre et seigneurie de Bouuevoi&ine, dans laquelle
j'ai tous droits de seigneurie avec haute, moïenue et basse jus-
lice, et mairie dudit lieu où je puis mettre oilicier pour l'exercer
avec défauts et amendes.
« Le lieu où étoit anciennement le village el paroisse de
Bonnevoisine, qui est entièrement ruiné, et m'est demeuré
faute d'habitans et sans maisons sur lesquelles mes prédéces-
s;eurs avoient plusieurs droits de censives, terrages, rentes,
champarts, lods et ventes et autres qui sont présentement
éteints, faute de tenanciers et payement des dites redevances,
aussi bien que les terres des champs.
« [lem, ai le grand gagi.age du dit lieu, contenant envirou
trois cents arpeus dont la plupart est en friche.
« llem, le petit gagnage, contenant environ deux cents
arpens de terres labourables presque toutes en friche.
« llem, un bois et garenne appelé le Gros Buisson de Bonne-
voisine, qui est aussy garenne jurée, avec tous droits^ de
chasse et autres seigneuriaux sur tout le finage.
« Item-, vingt sols tournois de rente seigneuriale sur Nicolas
Lhuillier, pour l'héritage qu'il lient audit finage de Bonne-
voisine, el quelques autres rentes.
« Lequel finage et territoire de Bonnevoisine tient, d'une
part aux finages de Champileury et de Salon, d'autre part aux
finages de Villablé et Herbisses, d'un bout au finage de
Semoine, et d'autre bout sur les fins de Viàpres-le-Grand
et Saint- Vitre.
SEMOINE
« Hem, le vicomte de Semoine, qui s'étend sur tout le
bourg et finage de Semoine, dont tous les habilans sont sujets
à ma justice sans qu'il n'y en ait aucun exempt ; et s'exerce
ladite justice par un maire, jirocureur fiscal, greffier, sergent
et autres officiers à ma nomination, lesquels ont droit de con-
uoître de tous faits et matière de police civile et criminelle
et des abus qui se commettent dans le débit des denrées,
poids et mesures d ycelui, parce que j y ai seul le droit de hal-
lage, étalage, pesage, aulnage, minage el mesurage, à cau^-ede
ma dite vicomte.
« Hem, j'ai audit lieu droit de foire, qui se tient chacun au
'260 LE AlARgUlSAT DE PLANGY
le jour Saiule-Croix quatorzième septembre, el marché, qui
se tieut tous les lundy de chacune semaine.
« lieniy ai droit de travers et péages audit oemoiue, qui est
tel que chacun charriot doit quatre deniers, charetle trois
deniers, cheval de bât ou autres deux deniers, le bœuf et
vaches deux deniers, le pourceau, mouton et autres, soit
à laine, soit à cornes, un denier.
« Item, ai droit de rouage et rouissage, qui est tel que per-
sonne ne peut mettre rouir ou tremper chanvre ny autre chose
dans le ruisseau de Bucheret, autrement dit le Gourganson,
sans notre congé ou permission, parce que ledit ruisseau nous
appartient en tout sou cours, fonds et rives, depuis son com-
mencement qui est proche de Semoine, et sur nos terres jus-
qu'à Gourganson : et pour ledit droit chacun habitant faisant
chanvre m'en doit deux livres, une de mâle et l'autre de
femelle.
« Item, ai droit de banaUlé pour mou mouliu à Teau trcis
sur ledit ruisseau proche de Semoine, appelé le moulin
Bucheret, auquel tous les habilaus dudit lieu et tinage de
Semoine sont tenus venir moudre tous leurs grains à peine de
l'amende de soixante sols el confiscation, dépens, dommages
el intôrèts ; auprès duquel moulin y a logement couvert de
tuiles pour le meunier et ses bestiaux, et ai le tout fait réparer
à neuf depuis trois ans, après avoir renouvelé ladite banalité
avec lesdits habitans par acte passé avec tous les habitans
dudit lieu, le cinquième février mil six cent soixante-treize,
homologué par arrêt.
« llem, ai aussi un mouliu à veut auprès dudit lieu de
Semoine, aupi'ès duquel y a aussi un logement pour le meu-
nier, un jardin et des prés qui en dépendenl.
« Ue)7i, ai droit de coutume et une corvée de chevaux sur
chacun desdils habilans ayant charrue et sur ceux qui n'en
ont point une de bras seulement.
« llem, ai la motte du château dudit Semoine avec droit de
colombier à pieds, droits honorifiques d'église, et autres sei-
gneuriaux.
« Le iinage de Semoine tient d'une part à celui de Bonne-
voisine, d'autre part à celui de Villiers, d'un bout à celui
de Gourganson, d'autre bout à ceux de Salon, Coursemain et
Boulages.
sous LKS (iUKNEGAUD 2(11
SALON, (lOUliSllMAIX ET BOULAGES
« Ite^n^ j'ai plusieurs renies Ibncières, censives, couluines,
autres droits es lieux et tinages de Salon, lioulages et Course-
main, et es environs, qui se payent en argent et aveine, et la
plupart desdites redevances s'appellent les Ouches portant
lods et ventes, défauts et amendes.
« Item, ai au finage de Boulages un gaguage appelé le
gagnage de Hacqueville, qui s'étend aussy dans le finage
de Longueville, Abbaye-sous-Plancy et finages voisins, conte-
nant quatre-vingt-quinze arpeus et plus, tant terres labou-
rables que prés mazeaux et bois.
L ABBAYE-SOUS-PLAXCY
« La maison du prieuré, le prieur et toutes les personnes y
demeurantes sont en ma garde et de mou territoire et de mou
ressort en toutes causes civiles et criminelles, et ai droii
de réformation sur le prieur de ladite abbaye, lequel est tenu
faire audit prieuré plusieurs services comme de tout tems est
accoutumé pour les seigneurs dudit Plancy, fondateurs de
ladite abbaye, dans laquelle je dois avoir les honneurs à l'église
et ailleurs, ainri qu'il a été jugé par airest du Parlement
des 27 août et 19 novembre 1547 ; et me doit ledit prieur les
devoirs de garde et ressort pour la conservation desquels mes
prédécesseurs se sont de tout temps opposés aux entreprises
desdits prieurs, et notamment par actes faits au greffe de la
Chambre à Paris et au greli'e de .Sézanne le vingt-deuxième
janvier 1546, pour empêcher la réception d'une déclaration
baillée par ledit prieur qui ne disoit pas la vérité.
t llem, tout le iinage de l'Abbaye -sous-Plancy et dépen-
dance est semblablement de ma terre en ma garde souveraine,
et tous les habitans y demeurans de même que le prieur sont
de mon territoire, de mon ressort en toutes causes ; sçavoir,
pour les criminelles matières degruerie ou police, inventaires,
tutelles et curatelles, elles viennent directement en première
instance par devant mon bailly ou son lieutenant et mes
autres officiers, et pour les autres causes elles y viennent
immédiatement par appel, parce que le prieur de ladite abbaye
n'a que basse justice ressortissante nuement à la mienne, et
ses officiers sont tenus comparoir en mes assises à peine
d'amende et deffaut, ainsi qu'il a été jugé par arrêt du
28 juillet 1548, et peuvent mes sergents y faire tous exploits
sans prendre commission desdits officiers de l'abbaye, et
2ùZ LK MAR(JUISAT DE PLANCY
quaud le prieur y meurt, mes officiel'.- seul:^ oiU droit de faire
l'inventaire de ses biens après sou décès.
« Jiem, tous les isahilaus de ladite abbaye nie doivent tous
les ans deux corvées de bras et de chevaux à Pasques et à la
Saint- Reuiy.
« liem, ai droit de .taille es quatre cas accoutumés de che-
vallerie et autres sur tous les liabitaus dudit lieu et fiuage de
l'abbaye et dépendances.
« Ite7)i, ai droit de chasse sur la rivierre de rabba3-e, et ne
peut avoir le prieur ny aucune autre jurée, et si aucune il
avait, je puis la faire ruiner et poursuivre mes lapins et le
gibier dedans icelle.
« Hem, ai droit de j)èche eu toutes les rivierres de ladite
abbaye, tant celles du prieur que des habitans, pour y pécher
et faire pêcher à tous tels engins et filets que bon me semble
et toutes les fois qu'il me plaît sans faire appeler ledit prieur
uy habitant.
« liein, ai droit de banalité à four et à moulin sur tous
habitans de ladite abbaye qui sont tenus venir moudre à mes
moulins de Plan(;y comme tous mes autres sujets, tant qu'il
n'y a point de moulins bâtis dans la rivierre de ladite abbaye,
et quand lesdits moulins sont subsislans et travaiilans lesdits
habitans peuvent y aller moudre, mais aussi j'ai droit de
prendre sur îesdits moulins par chacun an au jour de feste
Saint-Jean-Baplisle ou de Noëi douze grands septiers de blel,
seigle, mesure de Piancy, bon bled loyal et marchand, sans
que je sois tenu d'aucunes réparations ou autrement desdits
moulins ; et est tenu ledit prieur de l'abbaye me les payer
auxdils jours à peine de soixante sols d'amende envers moy
seigneur de Piancy. avec les frais et dépens qui en seroieut
faits tant de moy que de mes gens et charettes qui iront pour
recevoir et prendre lesdits bleds es moulins ; est tenu aussi
ledit prieur livrer et faire livrer, maintenir et entretenir bon et
suffisable passage et vannage auxdils moulins, pour passer
tant à monter qu'à descendre toùttes nacelles et batteaux par
le cours de la rivierre desdils moulins et par autre aussi com-
mode, à ses dépens, sans aucun retard ny pour ce prendre
aucune chose desdits batteaux et nacelles.
« Item, ai une pièce de pré audit finage présentement
en labour, appelée la Pâture de l'Abbaye sous Piancy, conte-
nant vingt-sept arpens fermés de fossés.
« Item, une autre pièce audit Image, appelée la Pièce des
sous LES GUKNÉGAUD -JOli
Vieux Moulins de l'Abbaye proclie les angles, cunlenanl
six arpeus aussi préseuleiiienl eu labour, sois enlre Boulages
el ledit lieu de l'Abbaye.
« Item, la pièce de Salon préseulemeal en labour, coulenaiil
buil arpecs, ou euviron, scis audit fiuage.
« Item, ai plusieurs rentes foncières et seigneuriales audit
lieu de l'Abbaye sous Plaucy, sçavoir, sur Nicolas Camus
vingt-deux sols huit deniers, sur Noël Grifïarl un sol six
deniers, el plusieurs autres.
'i Le Image de ladite Abbaye sous Plaucy tient d"nne part ;i
ceux de Champlleury et de Salon, d'autre par à ceux de
Loûgueville et Charuy, d'un bout à celui de Boulages, et
d'autre bout à ceux de Plancy, Uharuy et le Bachol par
les pâtures.
CHARNY ET LE BACHOï
« Les villes de Charny et le Bachol, assises sur la rivierre
de Barbuise, sont aussy membres et fiefs de mon dit marqui-
sat, el m'appartiennent avec tout leur territoire en tout droit
de justice haute, moyenne et basse, (jue je puis faire exercer
par un maire ou prévôt particulier dont les appellations vont
devant mon bailly qui exerce piésentemeut ladite justice.
« Itenî, y avoit audit Charny un hôpital qui est présente-
ment ruiné, doiùt la maîtrise étoit en ma nomination et ledit
hôpital en ma totale disposition et correction, et ai dans
les autres églises de Charny préémiuances et droits hono-
riiiques tels qu'à patron peuvent appartenir.
' Item, ai droit de foire par chacun au audit Bachol le
lendemain de la Fenlecôte, et puis l'affermer à mon profit.
« Item, ai droit de four banal audit lieu du Bachot et
de Charny, el mon four souloit être audit Bachot en ma place
nommée le Pélôt ; se paye ledit droit comme à Plaucy.
« Item, ai droit de chevallerie ou taille es quatre cas sur tous
les habilans desdits lieux et villages, de quelque qualité
qu'ils soient.
" Item, ai droit de corvées de bras et de chevaux à Pasques
el à la Saint-Rémy sur tous les habilans desdits villages
et de leurs finages.
« Item, ai droit de censives sur plusieurs héritages ceusuels
portant lods et ventes comme dessus, et les héritages non ceu-
suels me doivent aussi lods et ventes à toute mutation, hors
celle de père à fils avec vest et devest partout ledit finage.
2tj4 LK MARQUISAT DE PLANCY
« El pariny lesdiles censives est celle de Jeau Fescaïu à un
deuier de censive, et uu pigeon pour un colombier que je lui
ai donné congé d'avoir, en façon de volière, sur une chambre
près la porte de l'acciu dudit Fescaïa scis à Charny, et à
la charge que ladite volière ne pourra être mise uy édiffiée
ailleurs ny en autre forme et aux autres conditions et devoirs
portés par mes lettres dudit congé.
" It'jni. ai plusieurs renies foncières et seigneuriales auxdils
lieux de Charny et Bachot, sçavoir, sur Pierre Danton, de
(Jharuy, quarante sols tournois de rente à la Saint-Remy
et soixante sols tournois de renie ;ï Noël ; sur Danton, six
livres tournois ; sur Louis Méral, de Charny, trente sols tour-
nois, et bur ijlusieurs autres.
« Jlem. in plusieurs honunes et femmes de main morte es dits
lieux de Charny el du Bachot, de pareille servitude que ceux
de Plancj' ; dont y a procès il y a plus d'un siècle.
Il Jtetii, chacun desdits ha bilans de Charn}- et du Bachot me
doivent chacun jour et fête de Saint-Remy une obole tournois.
« Ilem, chacun habitant demeurant au Bachot faisant feu
et ménage entier, de quelque état el condition qu'il soit,
prêtre ou noble ou autre, me doit huit boisseaux d'aveiue
payable à la grande mesure de Troyes rendu es greniers dudit
Plancy, et le demy ménage quatre boisseaux qui est dem}-
septier aussi livrable es greniers de mon dit châtel, le jour et
fête de Saint-Remy, à peine de cinq sols tournois d'amende
faute de payer audit jour ; et sapelle ledit droit sauvement.
dont ils ont passé condamnation aux Requêtes à Paris, le
vingt-deuxième juin mil cinq cent vingt.
« Iteni^ les demeurans et habitans dudit Bachot sont tenus
faire et entretenir de toutes réparations quelconques, tant
dedans eau que dehors, avec lisses et autres bois, fer et maté-
riaux nécessaires, le pont du Bachot Sans que je sois tenu y
contribuer aucune chose quoi qu'il m'appartienne, et ai le
droit de travers qui se lève dessus ; et doivent chacun les cor-
vées de bras et chevaux pour cet effet ; dont ai eu plusieurs
jugemens, sçavoir aux Requêtes, le deuxième décembre mil
cinq cent viugl-qualre, au bailliage de Sézanne les septième
aoust et pénultième janvier mil cinq cent trente- trois, et au
Parlement, arrêt du quatrième décembre mil cinq cent trente-
quatre.
« Item., droit de chasse, pêche, rouissage sur toutes les
terres el audit tinage.
sous LES GUÉNKGAUD 265
« Hem, un g:ord assis sur la rivierre de Charuy a présent
ruiné el assablé, mais le puis réparer quaud bon me semblera,
et un autre gord assis sur la rivierre du Bachot, que j'ai gagné
aux Requêtes contre les chanoines de Plaucy, le vingt-cin-
quième juin mil cinq cent Irente-ueuf.
(' He>n, tous les autres gords, eaux, fossés et rivierre* des-
dits lieux et finages de Gharny et Bachot et Barbuise, et
de Robert Aubry et autres.
« Item, le marais de Charny. qui ost une pièce de pré
de quatre cents arpens audit finage.
« Kem, le gagnage des Babelons, sois audit finage du
Bachot, contenant cinquante arpens de terres labourables en
trois pièces : et y a sentence des Requêtes rendue à mou profit
contre Madelaiue le Prince, veuve Christophe le Clerc, qui
lavoit usurpé pendant les criées et décret de ma dite terre.
« Et est le finage desdits Charny et Bachot borné, sçavoir,
d'une part à la grande prairie de Plancy et Bachot cy devant
déclarée, d'autre part tient au finage de Règes et Droupt-
Sainte-Marie, d'un bout audit finage de Règes, et d'autre bout
au finage de Longueville.
LONGUEVILLE
« Plus je tiens dudit seigneur Roy en mon dit marquisat
de Plancy, la ville, finage et territoire de Longueville, où j'ai
seul tous droits de haute seigneurie, droits honorifiques, préé-
rainance et patronage d'éghse. haute, moyenne et basse jus-
tice que je puis faire exercer par un prévôt heutenant, procu-
reur fiscal el greffier, notaires, sergens et autres officiers dont
les appellations ressortissent en premier lieu par devant mon
bailly de Plancy directement et indispensablement. Et ai aussi
droit de bourgeois et bourgeoisie jurée audit lieu.
« Item, ai droit de foire audit lieu, le jour de chacun
an, et de marché le jour de mercredy de chacune semaine
avec droit de passage, aulnage, mesurage et étallage.
« Item,, le travers dudit Longueville, autrement dit le
péage, qui se prend et lève sur toutes denrées et marchan-
dises ainsi el selon que le péage dudit Plancy, qui peut vallùir
montant et avallaut soixante sols tournois, et confiscation de
la marchandise sur les défaillans.
« Item, ai droit de garenne, chasse, pèche et autres seigneu-
riaux sur toutes les teires et eaux dudit finage de Longue-
ville,
200 LE MAHQUISAT DE PI,ANCY
(I Item, ai la rivierre de Longueville qui dure dès le lluage de
Charuy jusqu'au finage d'Eslrelles et s'appelle TElang de
LoDgueville ; el rivierre dudil ; et y avait sur la rivierre dudit
Longueville un moulin à Teau que mes prédécesseurs avoient
fait bâtir el l'ont fait démolir dès Tan mil cinq cent quaranle-
sept, parce qu'il ue valloit rien; au milieu duquel j'ai un
moulin à vent bâti sur le finage d'E^lrelles, pour le laisser là
tant qu'il me plaira, et sans préjudice à la banalité à laquelle
lesdits habitans de Longueville sont sujets envers moj" et mes
moulins de Plancy ; et y a proche lesdits moulins une maison
pour loger le meunier, et uii arpent et dem^' de terre labou-
rable.
Item, ai droit de four banal audit Longueville comme
à Plancy, ai droit de deux corvées semblables et plusieurs
autres droits contenus es lettres royaux de l'an mil trois cent
dix-neuf.
« Item, ai droit de lods et ventes, deffauts et amendes,
retenue féodale, vest el devest sur toutes les maisons, héri-
tages el terres dudit finage, censuels ou non censuels, à rai-
son de trois sols qualre deniers par livre du prix de la chose
vendue ; dont y a jugement contre Buellerol aux Requêtes du
Palais du vingt-qualrieme janvier mil cinq cent quarante-six,
confirmé par arrêt du dixième décembre mil cinq cent qua-
rante-sept.
(I Item, ai droit de censives sur plusieurs héritages dudit
Longueville payable à la Saint-Remy, Saint-Jean et autres
jours, sçavoir, en argent quatre livres et plus, en aveine deux
grands septiers, et quatre chapons et autres redevances.
« Itern^ ai plusieurs rentes foncières et seigneuriales, sça-
voir, sur Nicolas Aveline, le jour de Pasqu?.s, sept livres qua-
torze sols huit deniers, et sur Nicolas Bertaut, Claudin "Vinot
et consorts, de Longueville, trois livres six sols huit deniers
tournois et quelques autres moindres.
« Htm, ai la molle du fief de Longueville, laquelle n'est
donnée à ferme.
« Item, ai le châlel et la maison forte d'Elrelles, encloste-
ment et pourpris d'icelui, fermé de grands fossés avec les
dépendances, contenant en prés, terres, bois, deux cents
arpens ou environ tout en un tenant, proche ledit lieu de
Longueville; et est ledit chàtel et fief d'Eucastre avec sa
basse-cour, colombier, garenne el jardins, vergers, terres,
grèves et pâtures mouvantes de mon dit marquisat de Plancy,
sous LES (iUKNKGAUD -JO /
et arrière lief dudil comté de ('hampagne non réuny à ma
table.
« Item, ai audit tlnage un gaguage appelé le Grand (laguage
de Longueville, auquel il y a soixante et dix arpens de terres
labourables ou environ eu plusieurs et diverses pièces, avec
dix-huit arpens de prés eu une pièce, tenant au prieur
de l'Abbaj-e-sous-Plancy d'une pari, et d'autre à plusieurs.
Uem, un autre gaguage appelé le Petit Gagnage de
Longueville, auquel il y a vingt-cinq arpens de terres labou-
rables en plusieurs et diverses pièces, et environ trois arpens
de prés en trois pièces.
« ]lem^ un autre gagnage audit Longueville, appelé le
Gagnage des Terres Vacant, auquel il y a cinquante-huit
arpens de terres labourables eu diverses pièces, avec cinq
arpens et demy de prés.
« Ilem, partie du gaguage de Hacqueville, contenant eu tout
quatre-vingt-quinze arpens.
« Item, un autre gagnage que j'ai depuis peu acquis de
Jacques Regnard et sa femme, lequel contient quarante arpens
un quartier, tant terres que prés en divers pièces, situées
partie au finage de Longueville, partie en celui d'Etrillés, et
n'ay point réuny ledit gaguage ny ne l'entend réunir à la
table de mou domaine, mais icelui posséder, séparément, tant
qu'il me plaira.
« Ikm, j'ai encore audit lieu et finage de Longueville et
Etrelles deux autres gaguages contenant arpens, tant
terres que prés et bois eu différentes pièces, que j'ai aussi
depuis peu acquises du sieur Pveiuet de May et que je n'entend
aussy joindre ou réunir cà la table de mon domaine.
« Item, audit lieu et village de Longueville, trois chenne-
vières en trois différens lieux et pièces.
« Hem^ une autre pièce de pré contenant trente arpens, scis
audit finage, lieudit En la Queue Poussin.
« Uem^ une autre pièce appelée le Grand Pré, lieudit le Pré
des Grandes Ferrures et le Fourdoux.
« ]Um, une autre pièce de pré appelée le Pré des Coquettes.
« Hem, une autre pièce de pré contenant douze arpens une
denrée, scise au lieudit les Prés 'Vaccans.
« iLem, plusieurs pièces scises en la prairie de Longueville
dont une de six arpens et demy appelée le Pré des Pointes,
autre d'un demy arpent appelé le Pré au Sergent, autre de
cinq arpens et demy et une denrée, appelée le Pré de la Noue.
•208 LE MAKOUISAT DE PLANCY
Il Ilem, un demy arpeul de pré au lieudiL la Voye de l'Ab-
baye et un autre de deux arpens au lieudit le Pont des Prés,
scis audit finage de Longueville.
« Lequel finage tient d'un bout aux pâtures et prairie dudii
Longueville, d'autre bout au finage de Méry et Droupt-Sainte-
Marie. d'uue part au finage de Charuy et le Bachot et d'autre
part aux finages d'Elrelles et Saint-Oulph.
FROIDE-PAROIX
« hem, j'ay et à moy appartient la terre et seigneurie de
Froide-Paroix, fief de mondil marquisat; et y avoit autrefois
un village et paroisse audit lieu de Froide-Paroix, lequel est
du tout en ruines depuis plusieurs années, et n'y a plus que
l'église paroissiale, dont je suis palrou et fondateur et y ai
toutes prééminences et droits honorifiques avec tous autres
droits de haute seigneurie et justice haute, moyenne et basse
que je puis faire exercer par un maire, lieutenant, greffier,
procureur fiscal et autres officiers à ma nomination dont les
appellations ressortissent par devant mon bailly de Plancy.
« Hem, j'avois droit de chevallerie et droit de deux corvées
à bras et à chevaux par chacun an sur tous les habitans de -
meurant audit village de Froide-Paroix, avec plusieurs cen-
sives sur lesdittes maisons et héritages dont présentement je
ne retire rien, aUendu qu'il n'y a plus aucuns édifices ny de-
meuraus audit lieu où il y avoit jadis plus de cinquante ména-
ges, et les masures et places me sont de nulle valeur.
• Item, avois audit lieu et village droit de coutume et ban-
nalilé à pressoir, four et moulins, en sorte que lesdits habitans
étaient sujets à venir moudre à mes moulins de Plancy et à me
payer le droit de four bannal de quatre sols par ménage comme
ceux de Plancy et autres vassaux de mondit marquisat, ce qui
m'est à présent de nulle valeur faute d'habitans.
« Ilem, ai un gagnage audit lieu contenant environ trois cent
arpens de terres qui me sont demeurées faute d'habitans et
payement de redevances.
« hem, y avoit audit Froide-Paroix la quantité de six cent
autres arpens de terres de mon domaine qui ont été arrentés
et baillés à cens et renies par mes prédécesseurs à différeus
particuliers, pour huit grands septiers mesure de ïroyes par
moitié seigle et aveiue, et autres charges, droits et devoirs
seigneuriaux par chacun an.
« Hem, j'ai deux arpens ou environ de vignes scises au vil-
lage de Premierfait, proche ledit lieu de Froide-Paroix.
sous LES GUÉNÉGAUD 269
« Le tioage de Froide- Paroix lient d'une part au tinage de
la Chapelle- Valon. d'autre aux terres des Grandes Chapelles
et à la vigne Saint-Martin et autres, d'un hout au iiuage de
'Vaudry et d'autre bout au tinage de Règes.
« Plancy, Champlleury. Saint-Vitre, le Bachot, TAbbaye-
sous-Plancy, Longueville, Froide-Paroix et Semoine et partie
de Viàpres-le-Grand ne font qu'une terre et composent niondil
marquisat, dans l'étendue duquel n'y a aucun qui ait droit de
prendre censives, rentes ni autres droits en deniers ou autres
choses sur les terres dépendantes de mon marquisat, qui n'est
chargé ni redevable de quoi que ce soit sinon de l'hommage
envers le Roy notre Sire, à cause de son dit comté de Cham-
pagne.
« Ilem, j'ai audit Sézanue une vigue contenant plus d'un
arpent, nommée d'ancienneté les Peleux de Plancy.
« Iie7n, j'ai droit à cause de mondit marquisat de prendre
sur les revenus du douiaiue dudit Sézaune deux grands sep-
tiers treize boisseaux de froment et neuf grands septiers
mines d'aveine payable le jour de la Madelaine, qui s'appelle
la rente du gant, et a cessé de in'ètre payée depuis que
ledit domaine a été aliéné par engagement, quoique j'ai été
maintenu en la possession de ladite rente, par différentes
lettres et jugemens, et not imment par arrèis de la Chambre des
Comptes.
" J'ai aussi droit d'usage à toujours pour mon chAlel de
Plancy en la forêt de la Traconne, où j ai droit de prendre les
hois nécessaires pour la réparation de mcndit chàlel sans rien
payer que la façon de couper lesdils bois eu tous tems, et de
même pour mes autres nécessités et user de mondit chàtel,
droit de chauffage en bois mort et mort bois et autres, ce qu'il
m'en convient ; sans rien payer de même, et y en a plusieurs
lettres et jugemens, entre autres deux rendus aux Eaux et
Forêts, les treizième may mil cinq cent trente-six et dix-
huitième décembre mil cinq cent trente-huit.
MESNIL-LES-GRANGES
« Item, j'ai et à moy appartient le fief du Mesnil-les-Granges,
scis en la paroisse de Granges-sur-Aube ; lequel fief est mou •
vaut de Plancy en arrière fief du comté de Champagne, que je
tiens présentement sans l'avoir réuny ny entendre le réunir à
mondit marquisat, ni table de mou domaine non fiefé, mais
pour le posséder séparément et le pouvoir mettre hors de mes
270 LK MAROUISAT DK PLANCY
inaiub quaud bon me temblera ; et consiste eu tout droit de
haute seigneurie et justice haute, moïeune et bas.-^e que je puis
taire exercer par maite, lieutenant, procureur fiscal, greffier,
sergens, notaires et autres officiers à ma nomination dont les
appellations doivent ressortir par devant mon bailly de Planc}".
« Kern, ai la motte dudit fief, scise près la rivière d'Aube,
proche laquelle est un grand bois de haute t'ulaye conte-
nant
« Ilem, ai droit de chasse et garenne jurée par toute madite
terre, à toutes bètes et oiseaux.
Il Item, j'ai la coutume de la charine, qui est que tous ceux
(}ui mettent pâturer en la pâture audit lieu, me doivent deux
deniers tournois au jour de Saint-Remy, tant ceux demeurans
en madite seigneurie que ceux de dehors, à cause dudit pâtu-
rage qui m'appartient en propre et dont les habitaus n'ont
l'usage que par souffrance.
'I llejn, ai et à moy appartient la rivière dudit lieu (jui est
celle d'Aube, à la prendre d'un bout par haut à la rivière des
Quartiers, appartenant au seigneur d'Anglure, et est affermé
avec la chasse aux canards, grues et autres oiseaux de rivière,
avec la fosse Rade et autres qui m'appartiennent toutes dans ma
seigneurie, la somme de douze livres en argent, deux plais de
poissons et dix poulets.
« Item, ai droit de censives sur toutes les terres et héritages
assis au dedans de madite seigneurie, qui me doivent toutes
un denier tournois au moins, payable à la Saint-Remy; et y
en a qui sont chargées de plus grands devoires, sçavoir les
biens tenant de Thomas ïhiery doivent par chacun an à la
>Sainl-Remy quarante-huit livres en argent et un chapon, les
biens lenans de Aupie Bessard, deux sols six deniers et une
poulie sur le jardin au Buisson; et plusieurs autres doivent
d'autres censives, qui monte à vingt-six sols en argent, six
chapons et six poulies, toutes lesquelles censives portent lods
et ventes, delTauls et amendes comme à Plancy, avec droit de
retenue sur tous les héritages vendus pour le prix de leur
vendilion.
« Ilem, ai droit d'aubaines graves, bâtardises, confiscation
el autres seigneuriaux, et nul ne peut avoir colombier ni vol-
lière en madite terre du Mesuil sans ma permission.
Il lte7n, ai le gagnage dudit Mesnil, qui contient vingt-six
arpens de terre ou environ, tenant d'une pari à un chemin
appelé la Haute Voye, d'autre au fief du colombier de Ga-
sous LES GUÉNÉGAUU 271
guage aboulissanl d'un bout d la rue du Mesnil el d'autre boul
à la seigneurie de Marcliaug^-. Et quaud ledit tief du Mesuil-
les-Grauges est possédé par autre que raoy, il doit à mon
chàtel de Plauc}' guet et garde et hommage lige.
■' llei/i., à cause de uioudil marquisat et chàtel de Plancy
sont teuus et mouvaus eu pleins llefs plusieurs autres terres
et seigneuries dont aucunes sont scituées dans l'étendue des
paroisses cy-dessus déclarées, membres de moudil marquisat ;
et les autres sont scituées hors desdites paroisses et même
plusieurs en lieux assés éloignés de mondit chàtel, toutes les-
quelles sont fiefs liges relevant de moy uuemenl et prochement
et me doivent chacun an guet et garde en personne à leurs
dépens, quand bon me semble, ou au capitaine de mou château
en mon absence de, l'orJouuer tant en paix qu'eu guerre; et
en défaut de ce après le commandement fait, je puis saisir et
faire les fruits miens jusqu'à ce qu'ils ayent fait ledit guet et
garde eu personne et non par substitution,
« Et si me doivent lesdils tiefs plusieurs autres droits el
devoirs portés par les lettres de leurs baillys et aveux d'iceux;
des quels fiefs le dénombrement en suit, el premièrement de
ceux situés en dedans de chacune paroisse de mondit mar-
quisat.
Fiefs sis a Plancy
« Le fief appelé Pisse-Loup avec le champ de la Croix, joints
el leuans ensemble proche Plancy, contenant environ dix
arpeus de terre labourable que tiennent lei hoirs de Jean le
Coq Thibaut, Mesmin el autres.
« Hein, le fief de Mondefruit, contenant cinq arpeus de prés
assis audit lieu de Mondefruit, el pour raison duquel me sont
dus quarante jours de guet et garde de mou chàtel de Plancy.
FiEFS SIS EN 6alon kï Boulages
« Les terres et seigneuries de Boulages et celles de Cour-
cemaiu dont sont possesseurs de présent et détempleurs les
sieurs de Torlépée et de Connigis, qui, à cause desdits tiefs,
rae doivent cent dix jours de garde en mon chàtel de Plancy.
« Les fiefs de Torlépé^;, autrement dit rivière de Vare, que
lient ledit sieur Torlépée, avec lequel j'ai aliernativemenl le
droit dé pêcher ladite rivière et autres droits sur icelle.
« La terre el seigueurie de Salon en Champagne, que
tiennent à présent les hoiis ou ayaus cause du sieur de Cusigny,
pour raison de laquelle étaient dus autrefois soixante jours de
272 LE MARQUISAT DE PLANCY
garde audit chàtel de Plaucy, mais en a été remis viûgl audil
seigneur de Salon en récompense de ce qu'il céda à mes pré-
décesseurs la tenue féodale et mouvance de Champlleury, qui
au moyen de ce ne relève plus dudit Salon, mais seulement de
Plancy.
« Item, la terre et seigneurie de , que tient et possède à
présent Jean de Couday, et est tenu faire vingt jours de garde
en mondit châtel.
Fiefs sis a l'Abbaye- sous-Plancy
« Le tief d'Anthenay ou de Pradines, scis au lieu de l'Abbaye-
sous-Plancy en ma haute justice, qu« tiennent les hoirs de
Guillaume Corrard qui à cause de ce me doivent, en mondit
chàtel, quarante jours de garde.
« [tem, le fief appelé de l'Abbaye- sous-Plaucy, scis audil
lieu en ma haute justice que tiennent les hoirs de Pierre
Bureau, pourquoi me sont dûs aussi quarante jours de guet et
garde.
FiKFs SIS A Charny et au Bachot
« Le tief de Marne, assis audil lieu de Charny-le-Bachol,
possédé par les hoirs ou ayans cause de Nicolas Drouot, con-
sistant en maison, accin et plusieurs héritages proche la rivière
en laquelle néanmoins lesdils tenans ne peuvent Avoir droits
de pèche, gords, ponts, justice quelconque ny sur les autres
héritages ny droit de colombier ; et pourtant me doivent quatre
vingt jours de garde chacun an à leurs dépens et en personne
suivant les jugemens que j'en ai des Requêtes du troisième
septembre mil cinq cent trente-neuf, confirmé par arrêt du
quatorzième aoust mil cinq cent quarante, dix-neuvième mars
mil cinq cent quaranle-six et premier décembre mil cinq cent
quarante- sept.
« Item, le llef du grauJ acciu de Charny, contenant environ
deux arpeus, que tiennent les héritiers de Guillaume le Moine.
(I Item, le fief de Verrine, assis audit finage de Charny le
Bachot, y compris un bout de rivière, que tiennent les héritiers
de Chauveau à cause duquel me sont dûs quarante jours de
garde ; et en ai sentence du ... décembre mil cinq cent trente-
huit, confirmée par arrêt du dernier février mil oitui cent
l renie-neuf.
« Item, le fief du pré Souin, consistant en une grande pièce
de pré scise entre Charny et le Bachot, que tiennent de moy les
héritiers Nicolas Chauveau.
sous LES GUÉNÉGAUD 27?.
« Item, une rricaisou sise à Charûy que tiennent les héritiers
Fleury-Millot, tenant d'un bout aux Drouot et d'autre bout à
la rue commune.
a lietn, le fief de Vaubaudry, consistant en deux arpens de
terre assis au tinage de Gharny, que tenoient cy devant les
héritiers de Pierre Pételard.
« lieJH, le fief de Breuil, consistant en deux arpens do pré
assis au finage de Gharny, que tenaient les héritiers Antoine
Féloix.
Fiefs sis a Longueville
« Ilem, le fief de Peugny, consistant en sept arpens de prés
eu une pièce scise en la prairie de Longueville, que tiennent
les hoirs Michel Drouet.
« Item, le fief de Verrine, scis audit finage de Longueville,
lequel a été parti d'avec d'autres nefs du même nom scis à
Gharny et Bachot, que tiennent les hoirs de Jean de Verrine,
pour lequel me sont dûs quarante jours de garde.
n Item, le fief de Fouges, consistant en six fauchées de pré scis
en la prairie de Longueville, que souloit tenir Guillaume de
Fouges ; pour lequel me sont dûs quarante jours de garde.
i Item, le fief du pré de Breuil, consistant en pré scis en la
prairie de Longueville ; pour lequel me sont dûs quarante jours
de garde.
« Item, le fief du pré Martin, consistant en sept denrées de
prés assis audit finage de Longueville, lieudil le Bout des Prés
Vaccans.
« Hem, le fief Ragnier. consistant en onze arpens et demy de
pré scis en la prairie de Longueville; pour lequel m'est dû
aussi le droit de guet et garde, de même que pour tous les
autres cy dessus auxquels je n'ay point spécifié et employé
ledit droit.
« He^n, le fief Greffart, consistant en une fauchée de pré scise
en la prairie de Longueville, que tenoient les héritiers Antoine
Féloix.
« Item, le fief Varies, consistant en plusieurs héritages scis
audit finage de Longueville, pour lequel m'est dû droit de
guet et garde comme cy-dessus.
Autres fiefs situés hors de mon marquisat
a A Rhèges ai le fief Arroste, mouvant de raoy, pour lequel
sont dûs quarante jours de garde»
18
274 LE MARQUISAT DE PLANCY
« A Elrelles j'ai le fief du four baunal dudit lieu qui me doit
quarante jours de garde.
« A Sainl-Martin et Saint-Remy-sur-Barbuise j'ai le fief
des seigneuries desdils lieux et de l'étang que lesdils seigneurs
y tiennent.
c( A Nozay, la totalité de la seigneurie relève de moy, en fief,
pour lequel m'est dû soixante jours de garde.
Il A Viàpres-le-Pelit j'ai et relève de moi le four bannal et
un autre fief appelé le fief de Bièvre, scis audit lieu, et cy-
devant relevait aussy de moy la totalité dudit Viâpres-le-
Petit.
« Aux AUibaudières j'ai en fief qui relève de moy la moitié
de la terre et seigneurie dudit lieu et justice d'Orme, avec
deux étangs et quelques terres scises audit lieu, que tiennent
les héritiers Louis Picot, et me doivent quarante jours de
garde.
« Au Fresnoy, proche Troyes, ai en fief qui relève de moy
la terre et seigneurie dudit Fresnoy scis au bailliage de Troyes,
que tient à présent le seigneur de Marolle, pour lequel m'est
dû quarante jours de garde.
« A Fouchères-sur-Seine, les grandes dixmes du lieu, avec
quelques censives, terres et prés et vines et autres héritages,
que tiennent et possèdent présentement, partie les héritiers
du sieur de Lenincour, partie le sieur Jean de Vienne, et partie
le sieur Le Tanneur, pour lesquelles me sont dûs vingt jours
de garde et autres devoires.
« A Rumilly-les-Vauldes le lief du Moulin Cotlerel, maison,
censives, terre et prés en dépendans, que tiennent à présent,
partie le sieur de Marolle, et partie le sieur de la Rocatelle,
pour lequel m'est dû vingt jours de garde.
« Item, au finage du Fresnay j'ai le fief des étangs du
Fresnay, dont l'un coulicnl vingt arpens et l'autre moins, avec
une carpière derrière la chaussée dudit étang, ensemble la jus-
tice haute, moyenne et basse sur lesdits étangs et carpière, que
tiennent les héritiers Jean Bellavoine, qui me doivent quarante
jours de garde.
« A Montespreux, le iief, terre et seigneurie de Montes -
preux, que lient à présent M. de Laune, qui me doit quarante
jours de garde.
« A Broissise-en-Brie, la terre, fief et seigneurie d'Echauffe-
rie et dépendance, que tient messire Le Fèvre, seigneur de
Ghaumartin.
sous LES GUÉNÉGAUD 275
« A Chaœpigny, le fief du moulin dudit lieu, que tieuuent
présentemeut les héritiers du sieur Varsaud.
« Protestant augmenter ou diminuer le présent aveu, si
besoin est et s'il vient à ma counoissance. »
La lecture attentive du volumineux dénombrement relaté
ci-dessus montre à quel point le pays qui fait l'objet de notre
travail était autrefois boisé et cultivé ; presque partout on y
faisait pousser la vigne; les cinq ou six villages aujourd'hui
disparus qui étaient disséminés sur sa surface, ajoutés à ceux
qui subsistent encore actuellement, devaient apporter à la
contrée un important contingent de travailleurs. Il ne s'y
voyait pour ainsi dire point de friches : celles-ci n'apparurent
qu'à la suite des guerres qui ravagèrent le territoire et nive-
lèrent l'emplacement des villages, justifiant l'appellation de
Pouilleuse appliquée désormais à une partie de la province de
Champagne si cruellement dévastée à maintes reprises.
IV
Henri II de Guénégaud. — Aliénation du marquisat
de Plancy.
Henri P"" de Guénégaud étant mort, comme nous l'avons vu
plus haut, en 1676, eut pour successeur son fils Henri II de
Guénégaud, marié à Anne -Françoise de Mérode, et qui mourut
le 22 mai 1722, âgé de soixante-quinze ans, sans postérité.
Le quatrième fils d'Henri de Guénégaud avait hérité de la
seigneurie de Saint-Just, qui passait en 1714 dans la famille
de M. Moreau et dont M. Moreau faisait l'aveu et le dénom-
brement, le 15 octobre 1714, à François do Bouthillier,
évêque de Troyes, Saint-Just étant, comme nous l'avons vu
au cours de ce récit, dans la vassalité de l'évéché de Troyes.
Le passage d'Henri II de Guénégaud marqua peu à Plancy.
A peine trouvons-nous dans les papiers de la terre quelques
baux passés par lui, notamment l'un de 1672 où il est dé-
nommé Henri de Guénégaud de Cazillac, chevalier, marquis
de Plancy, comte de Rieux, et se rend acquéreur de pièces de
pré appartenant « à messire Antoine d'Argillières, chevalier,
seigneur de Règes, en partie, et à la demoiselle Anne d'Auluay,
par devant Pantaléon Brussie, écuyer, bailly de Plancy et
garde des sceaux aux contrais dudit bailliage pour M. le
marquis de Plancy ■» ; un autre du 23 juin 1698, par lequel il
276 LE MARQUISAT DE PLANCY
loue la ferme de Champfleury et de Boimevoisiue avec les
buissons de Bonnevoisine.
C'est eu l'année 1698 que fut siguée la paix couclue entre la
France, l'Espagne, l'Angleterre, la Hollande, la Savoie, l'Em-
pereur et l'Empire. Des notes laissées par un curé de Plancy
sur les événements marquants qui s'étaient produits dans
celle localité nous apprennent que Plancy célébra la nouvelle
de la paix par un feu de joie que le bailli, le lieutenant, le
procureur fiscal et le maire avaient allumé eux-mêmes.
Comme nous l'avons vu dans un des chapitres précédents,
la fortune d'Henri V'' de Guénégaud, diminuée par les confis-
cations qui accompagnèrent sa disgrâce, par le partage de ses
terres et seigneuries entre ses nombreux enfants, devenait in-
suffisante pour assurer, malgré le vœu ardent de son testa-
ment, la conservation de la seigneurie de Plancy dans la main
de celui de ses fils qui en avait hérité. Sans doute aussi les
dépenses de luxe qu'imposait aux Guénégaud leur haute
situation augmentèrent-elles leur embarras. C'est ce que
montre un bail des revenus du marquisat de Plancy passé en
1713 par « Jean Moreau, écuyer, secrétaire du roy, contrôleur
« généi'al de la grande chancellerie, fondé de procuration de
« MM. les directeurs et créanciers de M. de Guénégaud,
a marquis de Plancy. »
Ainsi Guénégaud n'était plus mailre de sa fortune, et l'an-
née suivaute un de ses fournisseurs devait provoquer la saisie
de Plancy, ainsi qu'en témoigne l'acte ci-dessous :
« Le 2ô octobre 1744, sur la poursuite de Denise Perrier,
u veuve de Nicolas Ruelle, vivant mailre sellier et carrossier
« à Paris, faute de payement d'une somme de 4838 livres
« 18 sols, due par messire Henry de Guénégaud, avoir élé
« adjugé à messire Jean Moreau, écuyer, secrétaire du roi, le
« marquisat de Plancy, sis dans l'élendue du baillage de
u Sézanne en Brie, et ledit ancien château, séparé de la ville de
« Plancy par la rivière d'Aube, fermé de murailles et grosses
« tours entourées de fossés pleins d'eau, ladite rivière avec
« pont-levis en ruine, ayant droit de guet, garde et droits
« honorifiques, etc.; plus la chaussée de Plancy à commen-
« cer au grand pont d'icelui jusqu'au pont du Bachot, avec
« droit de planter saules et autres arbres ; plus deux petits
Il étangs contenant 4 arpens ou environ, presque assablés et
« remplis; plus un autre vieil étang appelé le Marais de
« Joigne, entièrement ruiné ; plus une censé appelée la Maison
« des Bois, étant au bout du parc dudit Plancy, cy devant
sous LES GUÉNÉGAUD 277
« consistant en plusieurs bàtimeus et de présent démolie,
« feriuée de murs, el un parc de la consistance de plus de
« cent arpents, enclos d'un côté de la rivière d'Aube, et d'autre
« c<)té par des fossés et bras qui en dérivent et forment une
« isle, etc.. i-
L'adjudication avait été précédée d'une criée, pour permettre,
suivant l'usage, aux oppositions qui pourraient s'élever contre
la déclaration de l'étendue et de la nature des biens ou droits
du marquisat de se manifester. Dans les archives de la terre
est conservé l'acte de déclaration du procès-verbal des saisies
réelles et décrets volontaires qui furent faits « par affiches
t avec panonceaux royaux tant à Paris qu'aux lieux saisis
« réellement et endroits nécessaires et accoutumés, par quatre
« criées, quatre quatorzaines et subhastations suivant la cou-
a tume du baillage de Meaux, des fonds, trèsfouds, propriété,
« possession et jouissance desdites seigneuries et marquisat
« de Plancy, vicomlé de Semoiue, terres et seigneuries de
4 Longueville, du Mesnil-les- Granges, de Hacqueville et
« droits en dépendant, faites au-devant des principales portes
« et entrées des églises paroissiales de Saint-Julien de Plancy,
« Saint-Etienne de Charny-le-Bachot, Saint-Pierre de Lon-
« gueville, Saint-Leu et Saint-Gilles de Champfleury, Saint-
« Maurice des Granges, Saint-Martin de l'Abbaye-sous-Plancy,
« Saint-Pierre et Saint-Paul de Boulages. Saint-Leu et Saint-
a Gilles du Grand-Viàpres, Saint-Pierre et Saint-Paul de
t Semoine, Saint-Maurice de Gourganson, Saint-Pierre et
« Saint-Paul de Villenauxe, Saint-Séverin de Chantemerle,
f Saint-Barlhélemy du Plessis, Saint-Denis de Sézaune, et en
« la place publique du marché de ladite ville ; les procî's-
« verbaux des trois criées, proclamations, subhastations, de
« trois quinzaines et quarantaines prescrites par U coutume
'i de Sens, des fonds, tréfonds, propriété, superficie, posses-
« sion et jouissance de la baronnie. terre et seigneurie de
'I Sainl-Just, terre et seigneurie d'Étrelles, faites au-devant
« des principales portes et entrées des églises paroissiales de
« Saint-Just du bourg de Sainl-Just, de Saint-Sulpice et
« Saint-Antoine de Glesle, de Sainl-Médard de Bagneux. de
« Noire Dame d'Etrelles, et au-devant de celle de Samt-
" Mesmin de la ville de Sens et encore au pylori des puits de
« la halle de Sens; les procès-verbaux des trois criées, elc...,
« requises par la coutume du baillage de Troyes, des fonds,
« etc., des héritages dépendant de ladite seigneurie d'Etrelles,
a situés sur le linage de Saint-Oulph, régis par la coutume
278 LE MAEQUISAT DE PLANCT
« de Troyes, au-devanl des principales portes et entrées des
c( églises paroissiales de Saint-Pierre des Chapelles-Valon , de
« Saint-Oulph, et de l'église royale et collégiale de Saiut-
« Etienne de Troyes, etc. )>
Des oppositions furent élevées contre le décret de saisie par :
1° messire Jean de Gabanel, écuyer, secrétaire du roi hono-
raire, baron d'Anglure ; '2° François Picot, chevalier, marquis
de Dampierre, pour distraction de moitié de la terre et sei-
gneurie de la Tibaudière, et de deux champs compris en la
saisie réelle comme faisant partie de la terre de Plancy ; 3° de
Edouard Dauchin de Beaurepaire, chevalier, seigneur des
Barres, Champigny, Viâpres-le-Petit, en partie, etc., pour le
moulin de Champigny qu'il prétend être de la mouvance du
roi à cause de son comté de Sézanne ; 4° plus de l'opposition
de dom François Henry, religieux bénédictin de la congréga-
tion de Saint-Maur, prieur titulaire au prieuré de Notre-Dame
de l'Abbaye-sous-Plancy, en qualité de seigneur spirituel et
temporel du village de l'Abbaye, et seigneur du village de
la Perthe, dont ledit seigneur prieur se prétend haut justicier.
Le fils d'Henri de Guénégaud mourut peu de temps après
la vente de ses propriétés de Plancy à M. Moreau, c'est-à-dire
vers 1722. L'auteur de cetouvage possède en effet un mémoire
de l'année 1723 concernant sa succession et dans lequel le
marquis de Gaderousse se prétend son seul héritier bénéfi-
ciaire et demande en conséquence la délivrance de ses papiers.
Baron G. de Plancy.
CHARTES
DU
PRIEURÉ DE LONGUEAU*
1213, mai.
Albéric, archevêque de Reims, déclare que Gilard de Sarcy,
chevalier, a donné en aumône, à l'église des religieuses de
Longueau, vingt setiers, moitié froment, moitié avoine, mesure
d'Aougny '.
Agnès, sa femme, a loué celte aumône, ainsi que Girard de
Milly % chevalier, en qualité de suzerain. Albéric ratifie éga-
lement en retenant la libre disposition de quatre setiers de
froment pour les besoins et la vie durant de la fille de Gilard,
religieuse à Longueau.
1213, août,
Hugues 3, comte de Rethel, à la prière de Mathilde, sa mère,
• Voir page 161, tome VII de la Revue de Champagne.
1. Aougny (Marne), canton de Ville-en-Tardenois.
2. Les Milly de Champagne et de Brie sont issus des Milly de Beau-
voisis, qui occupaient, dès l'année 1019, les emplois les plus distingués à
la cour des comtes de Champagne. En 1074, Sagalon de Milly donne l'église
de Ghamery à l'abbaye de Saint-Martin d'Eperuay. Ce noble lignage, neuf
fois séculaire, est fréquemment cité dans le chartrier d'Igny. En 1219,
Gérard de Milly, que nous venons de nommer, et Mathilde, sa femme, rati-
fient la vente par Robert de Milly, chevalier, du consentement d'Aveline, sa
femme, à l'Abbaye d'ign}', de treize arpents de terre lieudit Savart, jouxte
le bois de Vilerzcl. Le 8 seiitembre 1226, Gérard et Robert de Milly ap-
prouvent et piègent la vente par Thomas de Milly, chevalier, leur frère, au
profit de ladite abbaye, de 21 arpents du bois de Milly, près Villerzel. Au
mois de janvier 1228, Gérard, Régnier, Thomas et Robert de Milly, cheva-
liers, reconnaissent avoir vendu à l'abbaye d'Igoy 14 Journels de terre à
Chézelles, paroisse de Fismes, tenus de Guillaume de Fismes, chevalier;
approuvé par Eustachie, femme de Régnier, Armand Chrestiea et Perettc,
sa femme, Clarembaud, clerc, Marie, femme de Thoma?, Anceline, femme
de Robert, Marguerite et Richilde, filles de Gérard. (Vicomte O. de Poli,
Inventaire des litres de la maison de Millij. Paris, 1888. Consulter égale-
ment l'érudite notice sur celle famille, publiée par le même auteur dans la
Revue de Terre-Sainte.)
3. Hugues IV, iils aîné de Hugues III, et de Félicité, mourut en 1241
sans postérité. Il avait succédé à sou père en 1228. Il épousa, eu premières
noces, Mabille d'Iprès, et, en secondes noces, Jeanne de Dampierre. C'est
lui qui, en 1233, octroya la charte communale de Mézières.
280 LE CARTULAIRE PU PRIEURÉ
du consentement de Félicité, son épouse, et de Hugues, son
lils, donne à l'église des religieuses de Longueau, trois muids
de froment et trois muids de farine à prendre, chaque année,
sur les terrages de Tagnon ', à la mesure dudit lieu.
1213, mars.
Gaucher de Ghâtillon, comte de Saint-Paul, confirme et
garantit, comme piège, la donation faite par Milon de Van-
dières, à la maison de Longueau, de la dîme entière qu'il pos-
sédait à Vandières par héritage, sous la condition que les reli-
gieuses lui laisseront, ainsi qu'à sa femme, en cas de mariage,
la jouissance viagère de sa maison de Baslieux et dépendances,
excepté le bois de la Cohette ^, le Sart ^, la vigne de sa sœur
Marie et la moitié de la récolte des noyers croissant sur
Cuisles*, au delà du ruisseau de Baslieux.
Pierre de Bazoches a approuvé cette aumône qui relevait de
son fief et s'en est porté garant, sous la foi du serment, contre
la remise de vingt livres de Provins.
1214, septembre.
Hugues, comte de Rethel, et Félicité, son épouse, donnent
aux religieuses de Longueau la dixième partie des grains qui
rentrent chaque année dans leurs greniers jusqu'à la Toussaint
sur les chàtellenies de Rethel et du Ghàtelet, à la charge de
célébrer dans l'église de Longueau, à l'intention des donateurs •
1° chaque année, un service à perpétuité; 2° aussi chaque
année, tant que ceux-ci vivront, une messe du Saint-Esprit ;
3° après leur décès, chaque jour, une messe des défunts pour
le repos de leur âme.
1 . Tagnon (Ardennes), canton de Juniville.
2. La Cohette, bois eitué au nord de Baslieux, couvrant la partie sep-
tentrionale de celte commune et la partie méridionale des communes de
Jonquery, Champlat et La Neuville-aux-Larris.
3. Le Sart. C'est probablement la ferme actuelle des Grands-Essarts, sise
sur le territoire de Vandières.
A. Cuisles (Marue), canton de Châtillon-sur-Marne. Anciens seigneurs:
1564, Luc de Saluoue ; 1633, Claude de Salnoue ; 1680, Joseph-Remy de
Livrou, cheTalier, maître de camp de cavalerie ; 17i7, M" Jean Tapin,
écuyer, conseiller du roi, lieutenant criminel de robe courte ; 1762, M'' Claude-
René de Laulne, greffier au Parlement de Paris. Le 'J novembre 1763, il
rendit foi et hommage au duc de Bouillon à cause de la terre et seigneurie
de Cuisles, donnée en mariage à Jeanne Tapin, sa femme, par Jean Tapin,
père de celle-ci, suivant contrat passé devant Marchand, uoltirc à Paris, le
24 juillet 1762.
DE LONGUEAU 281
l^li), mars.
H... ', évèque de Soissoiis, annonce que Thomas de Fère ^
chevalier, a donné à l'église de Longùeau toule la dirae qu'il
possédait à Aiguizy^, avec devêture entre les mains de Guy
de Violaine \ chevalier, en qualité de suzerain, et qu'en suite
de la résignation faite par ce dernier, l'évèque en a investi la
prieure de Longùeau, au nom de sou église.
1213, juillet.
Blanche, comtesse de Troyes, scelle l'accord suivant entre la
prieuresse et les religieuses de Longùeau, d'une part, et son
iidèle Guy de Treslon ', d'autre part. Guy et ses héritiers
devront, pour la part que les religieuses avaient dans les mou-
lins de Hamois^ leur rendre chaque année, dans l'octave de la
Nativité, un muids de grain, à la mesure de Dornians, moitié
froment, moitié trémois, de la provenance de ces moulins ;
mais si leurs produits font défaut, les religieuses devront s'en
tenir à la couture appelée Varennes.
1216, janvier.
Maître Bon. officiai de M« H...', archidiacre de Reims,
notifie le traité suivant : M""^ Jean, chapelain' de l'église de
1. Haymard de Provins, nommé en 1208, acheva la construction de la
cathédrale de Soissons et assista à la consécration de 1 "église abbatiale de
Saint- Yved de Braisne. Il prit l'habit à Saint-Jean-des-Vignes, où il
mourut le 20 mai 1219.
t. Fère-en-Tardenoiô (Aisne), chef-lieu de canton.
3. Aiguizj (Aisne), hameau dépendant de Villers-Agron, canton de Fère-
en-Tardenois. 1716, M'' Charles-Nicolas de Martin, chevalier, seigneur
d'Aiguizy, demeurant au château dudit lieu.
\. Violaine (Marne), section d'Olizy, canton de Chàtillon-sur-Marnc.
Guy de Violaine (de Villanis), à cause de sa maison forte dudit lieu, devait
rhomœage-lige au comte de Champagne,
5. Treslon (Marne), canton de Ville-en-Tardenois. Guy de Chàtillon,
seigneur de Treslon, tils de Gaucher de Chàtillon, seigneur de Nanleuil, et
d'Helvide.
ô. Hugues de Bourgogne, grand archidiacre, nommé en divers carlu-
laires de 1212 à 1243, mourut le 5 des calendes d'avril.
7. Dans les églises cathédrales ou collégiales il y avait des messes
fondées à acquitter; on avait pour ce service désigné un certain nombre «le
prêtres. Ainsi, dans la cathédrale de Reiras, rayonnaient autour de l'abside
une vingtaine de chapelles, à l'autel de chacune desquelles était attaché un
prêtre, dit chapelain, chargé d'acquitter les messes incombant à cet autel.
Son bénéfice ou revenu, variable suivant la fondation, s'appelait Chapellcnie.
Certains chapelains avaient en outre des prières à dire et des psaumes ou
antiennes à réciter. A lieims, les chapelains étaient si nombreux qu'ils
formaient un petit collège, et même, avec le temps, ils s'étaient multipliés
au xiT» siècle de fa(,0Q à former deux cougrégalious distinctes.
282 LE CARTULAIRE DU PRIEURÉ
Reims, a donné à Garsile, religieuse de l'église de Longueau,
et à prendre chaque année sa vie durant, dix sols de cens, sur
une maison située dans la rue de la Tournelle, près la maison
d'Aelis de Soissons ; après le décès de Garsile, cette aumône
reviendra à l'église de Longueau.
1218, janvier.
Maître Bon. officiai de H..., archidiacre de Reims, dénonce
l'accord suivant :
Robert et son fils Jean abandonnent à l'église de Longueau
la paisible propriété d'une vigne située sur le territoire de
Fisraes, lieudit Mont, sur laquelle il y avait contestation, et
qu'ils réclamaient du chef de leur frère, prêtre d'Anthenay.
1218.
Clémence, épouse d'Alain de Roucy ', du consentement de
Baudoin, Maurice et Alain, ses fils, donne à l'église de Lon-
gueau 30 setiers de froment sur ses revenus de Villers-devant-
le-Thour -, mesure de Reims, à prendre tous les ans à la fêle de
Saint-Remy.
1219, mai.
Blanche, comtesse palatine de Troyes, confirme la donation
faite aux dames de Longueau par llier du MesniP, en raison
de l'entrée en religion de sa fille, de vingt setiers de blé à
prendre annuellement sur le moulin du Mesuil, moitié fro-
ment, moitié avoine.
1219, juillet.
M« Bon. officiai de H... de Bourgogne, archidiacre de Reims,
dénonce ce qui suit :
1 . Roucy (Aisne), canloa de Neufchàlel.
Alain de Roucy tenait le village de Boursault en lief du comte de Cham-
pagna, et un grand nombre d'autres domaines dans Télendue de la chàtel-
Icnie de Châtillon.
2. Villers-devant -le-Thour (Ardennes), canton d'Asfeld.
3. Mesnil-Hutier (Marne), écart de la commune de Festigny, canton de
Dormans. Ce hameau est fort ancien. Dans le rôle de la châtellenie de
Châtillon, rédigé vers 1172, ce petit fief appartenait à Eudes Aaron, qui le
tenait du comte de Champagne et lui devait l'hommage-lige, avec trois
mois de garde au château de Châtillon. Il a pris aujourd'hui le nom de son
principal piopriélaire.
Anciens seigneurs : 1600, Jacques d'Averlon, écuyer, seigneur du Mesnil,
épousa Anne Le Carlier, enterrée dans l'église de Mareuil-le-Port, le
30 septembre 1612, dont :
1» Marguerite d'Averton, mariée à Mareuil, le 30 janvier 1617, à Nicolas
de Longueville, écu^-cr ; et 2° Madeleine d'Averlon, qui épousa, le 28 novem-
bre 1626, Louis de Brunetaut, écuyer.
DE LONGUEAU 283
L'église de Longueau ayant assigné devant lui, Ernauld, fils
de Robillard d'Hermonville ', au sujet de vingt sols de cens
qu'elle prétendait lui avoir été légués sur la maison de ce
dernier, située à la porte de Valois, il est convenu avec l'as-
sentiment de Gillette, sa femme, que ledit Ernauld lui don-
nera, pendant deux ans, un cens de vingt sols, monnaie de
Reims, payable à la fête de Saint-Jean-Baptiste, à Reims, ou
dans tout autre lieu de son voisinage. Ernauld pourra, s'il le
préfère, payer, au lieu du cens précité, une somme de vingt
livres en monnaie de Reims.
1219, septembre.
Elisabeth, comtesse de Saint-Paul, Guy- et Hugues 3, ses
enfants, chevaliers, reconnaissent qu'ils sont tenus de fournir
chaque année, à perpétuité, aux religieuses de Longueau, à la
fête de Saint-Remy, vingt livres de monnaie de Provins,
savoir : moitié sur la taille de Troissy, et moitié sur la taille de
Brugny, que leur a données Gaucher de Ghâtillon, comte de
Saint-Paul, pour acheter des chemises.
1. Hcrmonville (Marne), canton de Fismes,
2. Guy I de Châlillon, comte de Saint-Paul, seigneur de Montjay, fils
aîné de Gaucher III de Chàtillon, suivit le roi contre les Albigeois et fut tué
au siège d'Avignon le 15 août 1226. Le roi Louis VIII lit enfermer son
corps dans un cercueil de plomb qui tut déposé dans la chapelle de Lon-
gueau. Il épousa, en 1221, Agnès, dame de Donzy, comtesse de Nevers,
d'Auxerre et de Tonnerre, hllc d'Hervé IV, seigneur de Donzy, et de
Mahaud de Courtenay, comtesse de Nevers, dont il eut : 1» Yolande de
Ghâtillon, mariée à Archambault, IX' sire de Bourbon; 2° Gaucher de
Ghâtillon, seigneur de Montjay et de Donzy, qui suivit saint Louis en
Terre-Sainte en 1248, se signala à Damielte et à Massoure, et fut tué à
Phatanie, le 5 avril 1251, à l'âge de 28 ans, sans laisser d'enfants de son
union avec Jeanne de France, comtesse de Bologne, de Dammartin et
d'Aumale, qu'il avait épousée en 1245.
3. Hugues 1 de Ghâtillon, comte de Saint-Paul et de Blois. seigneur de
Ghâtillon et de Crécy, bouteiller de Champagne aprè? son père, deuxième
fils de Gaucher III de Ghâtillon et d'Elisabeth, comtesse de Saint-Paul,
mourut le 9 avril 1248, alors qu'il se disposait à faire le voyage de Tcrre-
Sainle. Il avait épousé : 1° N... de Bar. tille du comte de Bar, dont il n'eut
pas d'enfants ; 2" Marie d'Avesnes, comtesse de Blois ; 3° Mahaul de
Guvnes, décédée sans postérité. De sa seconde femme, Hugues laissait :
1" Guy, qui a fait la branche des comtes de Blois et de Saint- Paul ;
2" Hugues, seigneur de Châlillon, auteur de la branche des comtes de
l'orcien; 3° Jean de Châlillon, comte de Blois, de Chartres et de Dunois,
seigneur d'Avesnes, marié en 1234 avec Alix de Bretagne, mère de Jeanue
de Châlillon, accordée en 1263 à Pierre de France, comte d'Alençon, lils
puîné de saint Louis.
284 LE CARTULAIRE DU PRIEURÉ
1219, septembre.
Guillaume, archevêque de Reims, à la demande de noble
dame Elisabeth, comtesse de Saint-Paul, et de Guy, son fils,
aine, confirme l'aumône que noble seigneur Gaucher de
Châtillon, comte de Saint-Paul, a faite aux religieuses de
Longueau, selon la teneur de la charte qui précède. Fait à
Epernay, sixième férié avant la fête du bienheureux saint
Michel.
1220, juillet.
Jacques ^ évêque de Soissons, annonce que Raoul de
Méry - a donné sa dîme d'Anthenay à l'église de Longueau, et
que Foulques, prieur du couvent, en a été investi. Gontirma-
lion par Raoul, de Ville-en-Tardenois, comme suzerain.
Témoins : Régnier de Guisles, chevalier, Thibault de Misy ^,
Mcolas de Reuil et le chapelain de Venteuil.
1. Jacques de Bazoclies, de la maison de Châtillon et neveu de Nivelon
de Chérisy, fut nommé eu 1219 et sacré à Reims en 1220. Il assista eu
1223 aux obsèques de Philippe-Auguste à Saint-Denis, et sacra à Reims
saint Louis le 1" décembre 1226. Il consacra l'église abbatiale de Longponl
eu 1227, fonda l'abbaye de femmes de Saint-Etienne-lès-Soissons, admit
à Soissons les religieux de Saint-François-d'Assise et mourut le 8 juillet
1223.
2. Méry-Premecy (Marne), canton de Ville en-Tardenois.
3. Misy (Marne), ferme de Leuvrigny, canton de Dormans. C'était autre-
lois le chef-lieu de la paroisse. Le pouillé soissonnais du chanoine HouUier,
de 1783, cite : Leuvrigny, autrefois Notre-Dame-de-Mizy.
Suivant acte passé devant M" Guiotin, notaire à Porl-à-Binson, lei 12 mai
1674, la seigneurie de Misy fut partagée entre : 1° ivl" Charles d'Alligret,
chevalier, seigneur d'Œuiliy, Misy, Leuvrigny et le Mesnil-Hutier, pour
moitié, fils et principal héritier de M"'* Charles d'Alligret, son père, cheva-
lier et seigneur desdits lieux, ce dernier héritier de M" Pierre d'Alligret,
son père, vivant aussi seigneur des mêmes lieux, et de dam'' Marguerite
d'Argillers; 2" M"' Pierre de Monamy, chevalier, seigneur de Sainlras, y
demeurant, province de Bourbonnois, au nom de dame Catherine de Baudier.
sa femme, veuve de M" Georges de Regnard, chevalier, seigneur des
Bordes, d'Œuiliy, Misy, Leuvrigny et le Mesnil-Hutier, en partie, père et
mère de Georges et Charles-Joseph de Regnard, mineurs, héritiers de
défunt Georges de Regnard, seigneur desdits lieux; 3° Charles de Regnard,
écuyer, seigneur de Puiseaux, des Bordes et des lieux précités, en partie,
demeuraQt aux Bordes, paroisse d'Auxon , 4° M'' Edme-Eléonore de
Coqueborne, écuyer, seigneur de Courcenay-les- VauUerons, baron de
Villeneuve -au-Chemin, demeurant audit Villeneuve, à cause de dame An-
géliquc-Elconore de Regnard, sa femme; lesdits M"» Georges de Regnard,
Charles de Regnard et Angélique- Eléonore de Regnard, entants et héritiers
de défunte Anne d'Alligret, leur mère, femme de M'' Olivier de Regnard,
chevalier, .seigneur de Puiseaux, ladite dame tille et héritière de défunt
M" Pierre d'Alligret et de dame Marguerite d'Argillers.
DE LONGUEAU 285
1220, juillet.
M*^ Bon. officiai de H... de Bourgogne, archidiacre, certifie
qu Odeline et Raoul Bordin, son défunt mari, ont légué aux
nonnes de Longueau, pour faire célébrer chaque année leur
anniversaire, un cens de 40 sols, sur une maison située place
du Marché à Reims, proche la maison de Simon l'orfèvre, à
prendre annuellement après le décès de ladite Odeline, le
dimanche où on cha.nle Invocavit me. Approuvé par Helisende,
Isabelle et Helvide, sœurs de Raoul.
1220, septembre.
Gérard de Mont-de-Jeux ', chevalier, et Guyonne. sa femme,
donnent à l'église de Longueau les dîmes, tant grosses que
menues, qui leur appartiennent à Sainte-Vaubourg', excepté
3 seliers de grains, moitié froment, moitié avoine, auxquels
l'église d'Elan ^ a droit dans cette dime.
1220, septembre.
Confimation de la charte qui précède par Vaucher de Liry *,
chevalier, en qualité de suzerain.
1221, janvier.
M^ Bon. officiai de Messire H... de Bourgogne, archidiacre
de Reims, notifie la convention suivante :
Agnès et Eudes de Marcelot^ son défunt mari, ont décidé
depuis longtemps que si les deux enfants de Gillette, leur fille,
c'est-à-dire Gillot et Poncette, décédaient sans postérité, ils
donneraient aux lépreux de Reims la moitié de la maison par
eux acquise en cette ville, proche la maison de Simon d'Ivoy *,
et aux nonnes de Longueau l'autre moitié, à charge, par les
donataires, de payer aux héritiers de Eudes une somme de
20 livres, chacun par moitié.
1221, juin.
Guillaume', archevêque de Reims, déclare que Clémence,
1. Monl-de-Jeux (Ardennes), commune de Saint-Lambert, canton d'At-
2. Sainte-Vaubourg (Ardennes), canton d'Atligny.
3. Elan (Ardennes). Abbaye de Torde de Citeaux fondée le 1" août 1148
par Witier, comte de Relhel, en expiation de ses fautes.
4. Liry (Ardennes), canton de Monthois.
!j. Marcelot (Ardennes), commune des Alleux, canton du Chesne. Il y a
eu autrefois dans ce hameau une maladrerie très importante dépendant de la
Tille de Reims.
6. Aujourd'hui Carignan (Ardennes), chef-lieu de canton.
7. Guillaume II de Joinville, évêque de Langres, transféré à l'archevSché
286 LE CARTULAIRE DU PRIEURÉ
femme de Alain de Roucy ', a donné, en perpétuelle aumône,
à l'église de Longueau, 30 setiers de froment, à prendre
chaque année, à VilIers-devant-le-Thour, à la mesure dudit
lieu, et payables à la fête de Saint-Remy, ainsi que sa part
dans une maison située à Reims, et provenant de Pierre de
Courville -.
1221, octobre.
Jacques, évêque de Boissons, certifie que Eudes de Grugny ^,
chevalier, a vendu, avec l'acquiescement de Ledève, sa
femme, à l'église de Longueau, sa part dans la dîme de Ber~
thenay* et, en échange des droits dotaux qu'elle avait sur
cette dîme, Eudes lui a cédé une vigne située à Grugny, der-
rière sa maison. Robert de Fismes a approuvé cette vente, qui
relevait de son fief, et Miles, frère de Longueau, a été investi
de la dîme précitée, au nom de son église ^
1222, février.
Baudoin*^ de Reims, seigneur de Gueux, donne, après son
décès, aux nonnes de Longueau, ses prés de Boursault' et sa
vigne de Vaucieunes* : qu(P Clmtsum vocaiur. Il confirme
également le testament qu'il a fait au domicile de son parent
Baudoin*, prévôt de Reims, lequel testament est revêtu du
de Reims en 1219, assembla, en 1223, un concile à Paris, pour préparer
une nouvelle croisade contre les Albigeois. Il sacra, le 6 août 1223,
Louis VIII et Blanche de Castille, sa femme. Il se croisa ensuite contre les
Albigeois, mourut de la peste à Saint-Flour, le 8 novembre 122ri, et fut
inhumé Tannée suivante, à Clairvaux.
\. Roucy (Aisne), canton de Neufchâtel.
2. En 1644, Gabriel de Lizaine, é'-.uyer, sieur de Phorian, était capitaine
du château de Courville ; sa ûlle, Catherine de Lizaine, épousa Louis
d'Aguerre, écuyer, seigneur de Cours et Villette.
3. Grugny (Marne), canton de Fismes.
4. Berthenay (Aisne), ferme dépendant de Villers-Agron, canton de
Fère-en-Tardenois.
5. Vers 1250, Robert de Fismes vend à Pierre, abbé d'Igny, deux par-
celles situées près de Vorsins. — Péchenard, loc. cit.
G. Baudoin de Reims et Aélide, sa femme, raliGèrent comme suzerains, la
charte par laquelle, en 1217, Philippe de Soupir, chevalier, attribuait à Pré-
montré la moitié de la terre qu'il avait sur le Mont de Soupir et lui vendait
le reste, en présence de Henri, Jacques, Bertrand et Elisabeth, ses enfants,
et d'Ade, sa femme, qui la lui avait apportée en dot. — [Bull, de la Soc.
Arch. de Soissons, tome XIX, p. 246.)
7. Boursault (Marne), canton de Dormans.
8. Vauciennes (Marne), canton d'Epernay.
9. Baudoin II souscrivit à plusieurs chartes des années 1219, 1222, 1224.
Le Martyrologe de saint Timothée en lait mention le troisième des calendes
de février. Il fut enterré à Igny, devant le Chapitre.
DB LONGUBAU 287
sceau dudit prévôt et de Martin, chapelain à l'église de Reims.
Fait à Paris.
1222, février.
B. \ abbcsse de Fontevrault, approuve le don consenti au
profit de l'église de Longueau, par noble homme Messire Bau-
doin de Reims, de 15 livres de monnaie, pour la fondation
d'une chapellenie* et h célébration, à perpétuité, d'une
messe pour le repos de son âme et pour les âmes de Gaucher
de Chàtillon, de son père, de sa mère et de ses ancêtres. Elle
confirme également aux chapelains, chargés de célébrer celte
messe quotidienne, cent sols de reute sur Try % à prendre tous
les ans, à la fête de Saint-Remy, pour le vêtement et la nour-
riture.
1222, avril.
Hugues de Chàtillon, fils de leu Gaucher, comte de Saint-
Paul, confirme la donation de Messire Baudoin de Reims, che-
valier, à la maison de Longueau, de sept livres dix sols, à per-
cevoir annuellement sur Try, à la fête de Saint-Remy, pour la
fondation d'une chapellenie.
1222, avril.
Hugues de Chàtillon, fils du feu comte de Saint-Paul, con-
firme la donation faite par Messire Baudoin de Reims, sou
vassal, à la maison de Longueau, de sept livres dix sols sur
Try, payables à la fête de Saint-Remy, pour l'entretien d'une
chapellenie,
1222, avril.
Gaucher, seigneur de Nanteuil, confirme la donation con-
sentie à la maison de Longueau, par Baudoin de Reims,
chevalier, seigneur de Gueux, son vassal, d'un muid de fro-
ment à prendre, chaque année, à Jonquery, à la fête de
Saint-Remy, pour une chapellenie.
1222, mai.
Baudoin de Reims, chevalier, dit seigneur de Gueux, donne
1. Berlhe, prieure en 121", abbesse en 12iu, mourut le i\° jour des
calendes de janvier, ainsi que l'atteste le Martyrologe de Fontevrault :
Migravit felicis memoritc domina Berla, Deo devota, carissima mater noslra,
Fontis-ebraldi venerabilis abbatissa, qua^ guberualionem suam per longum
temporis spatium exteudit priorissa, et in illo oŒcio pro ecclesia sua mira-
biliter laboravit, atque fiJeliter decertavit, postea vero divina gratia provi-
dente, concordiier et in pace facta abbatissa persona fuit vilu) laudabilis,
honestate morum perspicua. — {Gallia Chrisliana, t. II, col. i:i2l.)
2. La chapellenie consistait en un legs pieux sur un lieu dcHerminé, pour
la rémunération de messes à acquitter à un autel spécialement désigné.
3. Try (Marne), hameau dépeadant de Dormans.
288 LE CARTULAIRE DU PRIEURÉ
à l'église de Longueau, pour l'enlrelien d'une ehapellenie
et pour le repos de l'àme de sa mère, Clémence, et de s s
parents : 1"* du consentement de Hugues de Chàtillon, son
suzerain, sept livres et demie, à prendre sur Try,près Troissy,
à la fête de Saint-Remy ; 2" du consentement de Gaucher de
Nanteuil, un muid de froment, à Jouquery ^; 3° du consente-
ment de Thibault, comte de Champagne, vingt muids de vin
sur ses revenus de Gueux.
12'25, septembre.
Maîtres Guillaume et Th., chanoine et officiai de Reims,
annoncent que Vaucher de Liry, chevalier, a confirmé, comme
suzerain, la donation faite aux nonnes de Longueau, de la
dime de Sainte-Vaubourg, par Messire Gérard de Mont-
de-Jeux, chevalier, et Guise, son épouse.
1222, décembre.
Guillaume, archevêque de Reims, légat du Saint-Siège,
déclare ce qui suit :
Gérard de Mont-de-Jeux, chevalier, et Guyonne, sa femme,
ont résigné entre ses mains les grosse et menue dîmes de
Sainte-Vaubourg, près Altigny, et il en a investi la prieure
de Longueau, au nom de son église, à charge de payer à
l'église d'Elan trois setiers de grains, moitié froment, moitié
avoine, que celle-ci percevait habituellement sur cette dîme.
Approuvé par Hugues, comte de Rethel, Hugues, son fils aîné,
et Gaucher de Liry, chevalier.
Fait à Reims par Hugues, chancelier.
I22'2, décembre.
Hugues, comte de Rethel, du consentement de Hugues, sou
fils aîné, confirme la donation en faveur des religieuses de Lon-
gueau, par Gérard de Mont-de-Jeux et Guyonne, pa tante
maternelle, des grosse et menue dîmes de Sainte-Vaubourg.
{A suivre.) Paul Pelt.ot,
1. Jonquei'v (Marne), canton Je Cliâtillou-siir-Marne,
NÉCROLOGIE
Nous apprenons la mort de M. Charles Savetiez, notaire hono-
raire, décédé à Troyes, le 7 mars, à l'âge de 65 ans, des suites de
IMntluenza.
M. Savetiez avait été notaire à Dampierre (Aube), où il a con-
servé une propriété dans laquelle il venait de temps en temps se
reposer.
Il était trésorier de la Société Académique de l'Aube et menibre
de plusieurs autres Sociétés savantes.
M. Savetiez collaborait depuis longtemps à la Revue de Cham-
pagne et de Brie, dans laquelle il a publié difTérents articles,
entre autres un travail important sur son pays, intitulé : Dam-
pierre de l'Aube et ses seigneurs.
La dépouille mortelle de M. Savetiez a été ramenée à Dampierre
pour y être inhumée dans le cimetière de cette commune.
Les obsèques de M, Savetiez ont eu lieu le 9 mars. Sur sa tombe,
M. de La Boullaye a prononcé le discours suivant :
Messieurs,
Le suprême hommage que la Société Académique de l'Aube vient reudre
à ceux de ses membres qui lui sont enlevés est toujours empreint d'un sen-
timent de profonde tristesse. Sa douleur est plus grande encore quand elle
se voit privée d'un de ceux qui lui ont rendu d'importaats services et qui,
comme le collègue regretté que nous venons saluer une dernière fois aujour-
d'hui, lui apportaient chaque jour le dévouement le plus complet et le plus
absolu. En me faisant, au nom de notre président, que sa santé empêche
de s'acquitter de cette douloureuse lâche, voire interprète, mes chers col-
lègues, je dois rappeler ici quelques détails de la vie si honorable de
M. Charles Savetiez.
Né à Dampierre de l'Aube, le 28 juillet 1829, il appartenait à une très
ancienne famille de la bourgeoisie troyenne, dans laquelle l'exercice du
notariat était héréditaire depuis de longues générations. Dès les premières
années du xvi' siècle, Sébastien Savetiez remplissait à Troyes l'oflice de
notaire royal, tandis qu'un de ses proches occupait celui de procureur et
était chargé des intérêts de nos principales abbayes. Une des branches de
celle maison était allée se fixer à Dampierre, et c'est dans la charge de
notaire qu'y avaient occupée son père et son aïeul, que M. Charles Savetiez
continua les traditions de carrière de ses ancêtres.
Cette continuité familiale des mêmes fonctions, devenue trop rare main-
tenant, n'avait pas seulement pour effet le perfectionnement de la science
et de l'expérience professionnelles, elle amenait aussi la réunion et le
développement de toutes les quahtés nécessaires pour remplir dignement
l'emploi que chacun occupait. Ces qualités. Messieurs, Charles Savetiez les
réunissait toutes : la circonspection, la prudence, le calme, la discrétion,
19
290 NÉCROLOGIE
enCn une inébranlable intégrité ainsi nue le profond respect de soi-même et
de son ministère, qui seuls inspirent la confiance et mettent en honneur la
charge aussi bien que celui qui l'exerce.
Mais, eu outre des devoirs de sa profession, notre collègue avait été, de
longue date, attiré par l'étude des lettres, de l'archéologie et des questions
historiques; elles étaient pour lui un précieux délassement à ses occupations
habituelles.
L'amour profond qu'il portait à son pays natil où, suivant son désir, sa
dépouille mortelle ira reposer, avait dirigé de longue date ses recherches
sur cette ancienne commune de notre département. L'histoire de Dampierre
pt de ses seigneurs, dont la plus grande partie a paru, et qu'il nous laisse à
peu près terminée, est une étude savante, précise, consciencieuse, qui res-
tera l'œuvre capitale de notre estimé collègue. Elle lui avait ouvert les portes
de la Société Académique, où il était entré en 1885, comme Membre associé.
Après son relour à Troyes, au berceau de sa famille, il était devenu Membre
résidant en 1890, et avait été appelé presque immédiatement aux fonctions
de trésorier.
Malgré celte occupation, il recopiait toutes les pièces intéressantes des
archives du château de Dampierre, qu'il avait enfin été mis à même de com-
pulser, et continuait ses travaux personnels, nous donnant entre autres une
excellente Table décennale des Annuaires de l'Aube, une notice sur les
valeurs appartenant au prince de Saxe et trouvées à Pont-sur-Seiue à
l'époque de la Révolution, enfin, la correspondance inédite du général de
Dampierre avec son grand-père, qui témoigne des sentiments d'estime et
d'amitié qui unirent toujours ces deux familles.
A côté de cette part active prise à notre mouvement intellectuel, j'ai
aussi à rappeler le zèle et le dévouement infatigables montrés par notre
trésorier pendant le temps qu'il a rempli ces délicates fonctions. 11 a apporté,
dans l'administralioa de uod liuances, l'esprit d'ordre et de méthode qui le
caractérisait, et c'est à lui que revient, dans uue large part, l'honneur d'avoir
amélioré la situation de nuire Société,
Et maintenaut, Messieurs, permettez aussi à l'ami d'ajouter aux paroles
du président un juste éloge des vertus privées, de redire encore une fois la
sûreté des relations, la droiture du caiactère, la rectitude du jugement de celui
qu'accompagnent ses douloureux regrets. D'une modestie trop grande et
d'une timidité excessive, M. Saveticz cachait sous ces dehors îe cœur le
meilleur et le plus délicat. Ses qualités lui avaieut créé des amitiés dévouées
qui connaissaient toi't ce que valait cette nature chez laquelle le sentiment du
devoir tenait toujours la première place. Homme de bien par excellence,
soutenu par des convictions religieuses qu'il ne redoutait pas d'affirmer,
M. Charles Savetiez s'est éteint avec le calme des âmes droites, qui voient
venir sans crainte l'approche de l'éternité. Son souvenir restera parmi nous,
entouré de la plus profonde estime et de la reconnaissance que la Société
Académique lui conservera à jamais.
Le 8 mars oui eu lieu, à .Nogent-sur-Aube (Aube), au milieu
d'uue aftluence recueillie, les obsèques du docteur Emile Ber-
Iraud, président du Conseil d'arrondissement d'Arcis. M. le sous-
préfet et M. le docteur Gauthier, d'Arcis, ont porté la parole sur
sa tombe, et fait l'éloge des vertus du défunt.
NÉCROLOGIE 291
Les obsèques de M. Percebois, président du Tribunal civil de
Sainle-Menehould, ont eu lieu le 13 mars au milieu d'une foule
considérable qui avait voulu honorer jusqu'au dernier moment cet
homme de bien.
La levée du corps a été faite par M. le curé-doyen de Sainte-
Menehould, entouré d'un nombreux clergé.
Le cercueil ne portait comme ornement qu'un simple bouquet
de réséda, selon le modeste désir du défunt.
Les cordons du poêle étaient tenus par M. le général RouUel,
commandant la 5^ brigade de cuirassiers, M. le député Bertrand,
M. le sous-préfet de Sainte-Menebould, .M. le maire de la ville,
iM. Lambert, ancien procureur de la République, actuellement
juge à Reims, et M. le docteur Simon, ami personnel du défunt.
Le Courrier de la Champagne du 16 mars 189;; annonçait le
décès de M. le baron Elizée de Montagnac, chevalier de la Légion
d'honneur, commandeur de Saint-Grégoire-le-(irand;, qui venait
de succomber aux suites d'une longue et cruelle maladie. La
famille de Montagnac tient un haut rang à Sedan et dans les
Ardennes depuis le commencement du siècle. Celui de ses mem-
bres qu'elle vient de perdre est trop connu par ses travaux d'his-
torien pour le faire connaître aux lecteurs de la Revue de Cham-
pagne. Leurs vifs regrets sont acquis à l'auteur de cet ouvrage
monumental, qui restera comme un titre d'honneur pour l'écri-
vain qui l'a réalisé, Les Ardennes illustrées, vaste recueil édité
par Hachette, composé par la plume des Taine, des Théophile
Gautier, des Ch. d'Héricault, et embelli par le crayon des Gustave
Doré, etc. Galeries de portraits, de monuments, de sites pittores-
ques, les quatre volumes dont il se compose constituent une
œuvre d'ensemble des mieux réussies et des plus utiles. — Les
autres publications de M. le baron de Montagnac ont trait à des
recherches sur la chevalerie, les ordres militaires et la noblesse.
H. J.
Une femme de bien vient de mourir à Reims, laissant aux
pauvres une partie de sa fortune. M""' Alavoine-Herbulot, née à
Razancourt (Marne), s'était retirée à Reims il y a environ neuf
ans, après avoir perdu son mari, ancien négociant à Bohain
(Aisne) et ancien conseiller général de ce département.
Ayant habité Reims dans sa jeunesse, M"" Alavoine avait voulu
y finir ses jours. Veuve, sans enfants, elle vivait sans bruit, faisant
le bien et augmentant sa fortune pour pouvoir laisser davantage
aux personnes et aux iostitutions qu'elle préférait.
292 NECROLOGIE
Elle est décédée à Reims, le 22 mars, laissant par testament :
Au Bureau de bienfaisance de Bazancourt Fr. G. 000
Aux écoles de cette même commune, pour être distribué comme
prix aux élèves 4 .000
Au Bureau de bienfaisance de Reims, sa maison, avenue de
Laou, 218 »»
A la Société pioleclrice do l'Enfance 2.000
Aux Hospices civils de Reims 5.000
A rOrphelioal de Saint-Thomas, de Reims 2.000
Aux Petites Sœurs des i'auvres, de Reims, son mobilier »»
A l'Asile de nuit 2.ÛÛ0
A la Ville de Reims 1 .000
Les populations de Reims et de Bazancourt s'uniront dans un
sentiment de regret pour cette honorable femme, qui a eu en
mourant une double pensée : l'une en faveur de son pays natal,
et particulièrement des enfants méritants de l'école, l'autre en
faveur des institutions les plus utiles qui protègent l'enfance et
soulagent la misère.
M. A. Sauvage, artiste peintre, né à Possesse (Marne), ancien
élève de l'Ecole des Beaux-Arts, vient de mourir à Paris à l'âge
de 51 ans. M. Sauvage était un peintre de nature morte.
Sa dépouille mortelle a été inhumée à Possesse.
Ces jours derniers est mort, à Londres, un homme apparenté aux
meilleures familles de France, le comte du Chaflaut.
M. du Chaffaut, d'une famille originaire de la Bourgogne, était
maire de Sens, au moment de la guerre. Il possédait alors une
grosse fortune — plusieurs millions — qu'il a dépensée en inven-
tions.
Il versifiait assez facilement, et avait écrit un poème héroïque
qui n'a pas été publié.
*
M"» veuve Jacob, qui vient de mourir à Flize (Ardennes), a laissé
à cette commune une somme de 20,000 fr. pour la construction
d'une école maternelle, un titre de rente de 600 fr, pour assurer
le traitement de la directrice, 3,000 à convertir en titre de rente
pour distribuer des prix aux élèves de l'école et 12,000 fr. pour le
Bureau de bienfaisance.
M"» Jacob, dit-on, laisse une somme très importante à la ville
de Sedan, où elle doit être inhumée.
On annonce également la mort :
NÉCROLOGIE 293
De M. Henri-Victor Quinquet de Montjour, missionnaire aposto-
lique, novice de la Congrégation du Saint-Esprit, décédé, dans sa
26'' année, le lîi février dernier, à la mission catholique de Mro-
goro, au Zanguebar (Afrique orientale).
Le jeune missionnaire était fils de M. Quinquet de Montjour,
juge au Tribunal civil de Reims.
La famille Quinquet de Montjour est originaire d'Oulchy-le-Chà-
teau (Aisne),
— De M. le capitaine Cohet, rapporteur près le Conseil de
guerre du 6e corps. Fixé depuis plusieurs années à Châlons, il s'y
était acquis de nombreuses sympathies.
— De M. Alexandre Rogiet, sous ingénieur des Ponts-et-Chaus-
sées, chevalier de la Légion d'honneur, décédé à Sézanne (Marne),
le 6 mars 1895, dans sa soixante-deuxième année.
11 était né à Thibie, près Châlons, le 5 mars 1834.
— De M. l'abbé Descôtes, de Servon (Marne), décédé le 10 mars,
à l'âge de 72 ans.
Né à Sainte-Ménehould en 1822, il avait été précédemment curé
de Rouvroy, et desservait Servon depuis 1873. Ses obsèques ont
été célébrées le 14 à Sainte-Ménehould, où trois semaines aupara-
vant, il accompagnait le corps de son frère aîné, membre de la
Compagnie de Jésus, décédé à Reims, à l'âge de 84 ans.
— De M. le commandant de Lavaux, du Mio" de ligne, décédé
à Lérouville (Meuse), à l'âge de 4o ans, et inhumé à Villers-Agroii
(Aisne), son pays natal.
— De la Sœur Marie-Angèie, de l'Immalée-Conception, décédée
à Sarry (Marne), dans la soixante-neuvième année de son âge et la
cinquante-deuxième de sa vocation religieuse.
— De M. Charles-Edouard Gallois, administrateur de la Com-
pagnie des chemins de fer de lEst, officier de la Légion d'hon-
neur, décédé à Paris le H mars, inhumé à Reims le lô mars 1895.
— De M. le capitaine Lapersonne, officier en retraite, chevalier
de la Légion d'honneur, médaillé de Crimée et d'Italie, doyen de
l'Association rémoise de la Légion d'honneur, décédé à Reims le
13 mars 1893.
BIBLIOGRAPHIE
Une famille noble de Champagne. La Maison de Beffroy, par M. le baron
Ch Remy, membre de plusieurs Sociétés littéraires. — Reims, Matot-
Braine, 1895. Gr. ia-8 de 40 pages.
L'histoire des anciennes familles a toujours occupé une très
grande place dans l'histoire régionale. La famille de Beffroy, si
ancienne et si respectable, a compté et compte encore des repré-
sentants ou des alliés dans beaucoup de localités de la Champagne,
notamment dans les Ardennes et à Reims, où l'un de ses membres,
M. Charles-Louis de Beffroy, rend tous les jours tant de services
dans les œuvres de bienfaisance et de charité. Récemment décoré
de la croix de Saint-Grégoire-le-Grand, il continue vaillamment
les traditions de ses ancêtres dont M. le baron Ch. Remy nous
retrace les principales figures avec quelques branches de leur
généalogie. H. J.
Jeanne d'Arc champenoise, élude crilique sur la véritable nationalité de la
Pucelle, d'après les documents officiels de son époque et les plus récentes
publications, par E. Missbt, ancien professeur à l'Ecole des Carmes,
Directeur de l'Ecole Lhomond. — Pans, Champion : Orléans, Jlerluison ,
1895. Grand in-8 de 80 pages,
(Jbluvre d'un lettré et érudit champenois, celte étude a eu et aura
du retentissement. C'est une revendication chaleureuse et savante
à la fois en faveur de la nationalité française de Jeanne d'Arc, ou
si l'on veut, un plaidoyer pour la cause champenoise à l'enconlre
des prétentions lorraines. Aussi, l'étude en elle-même et ses con-
clusions seront l'objet de l'attention générale. Nous n'y insistons
pas. Nous ne voulons signaler ici qu'une seule adhésion donnée à
la thèse de M. l'abbé Missel, parce qu'elle a un poids prépondé-
rant : c'est celle de M. Léopold Delisle qui écarte le moindre
doute, et trouve la question replacée sur son véritable terrain
par notre compatriote. (Voir le journal Le Vosgien du 6 mars
1895.) H. J.
LÉON MouGENOT. — Jeanne d'Arc, le duc de Lorraine et le sire de
Baudricourt, contribution à l'histoire de la Pucelle et de la région
lothai ingique. {Ut vincat veritas.) Nancy, Imprimerie Berger-Levraull,
1895, beau volume petit in-4* de 158 pages.
Voici un ouvrage imprimé avec un soin remarquable et géné-
reusement consacré par l'auteur à dégager de l'obscurité plusieurs
points importants de l'origine de Jeanne d'Arc. Sous une forme
BIBLIOGRAPHIE 295
animée de récits et de dialogues, il s'écarte des légendes et des
textes erronés. II adopte les solutions historiques ou s'en rap-
proche. H. J.
*
Annuaire du i.épartembnt de ia Marne pour l'année 189"). Châlons,
in-12 de plus de 700 pages; se trouve chez l'Editeur, à Vl'nion repu-
blicaine de la Marne, rue d'Orfeuil. 27. — Prix : 2 l'r. 50.
Cet ouvrage important se compose de trois parties :
La première comprend, outre les renseignements généraux sur
l'organisation politique et gouvernementale, les détails les plus
complets sur toutes les administrations du département, des sous-
préfectures, des mairies, sur l'organisation judiciaire, les adminis-
trations financières, les corps constitués et enseignants, les Sociétés
de toutes natures, etc.
La seconde partie comprend : les services départementaux de la
Marne, c'est-à-dire la situation de tous les travaux et opérations
diverses exécutés par l'administration préfectorale pendant
l'année ; — notices historiques et biographiques sur Charles VII
et, la dauphine Marguerite d'Ecosse (4 mai-l8 août 144b), par
Henri Menu; — sur les principales Illustrations militaires
rémoises, par Ch. Remy; — sur les anciens droits seigneuriaux,
etc.; — un bulletin nécrologique, par Ch. Remy; — des Ephémé-
ridcs chdlonnaises et déparlemenlales.
La troisième partie comprend la liste des commerçants des villes
et des principales communes du département; la liste des messa-
gers qui viennent à Châlons, Epernay et Vitry-le-François, et des
hôtels où ils descendent; la nomenclature des foires et marchés
du département et un grand nombre de renseignements géné-
raux.
■^;
CHRONIQUE
Société d'Histoire et d'Archéologie de l'arrondissement de
Provins (Procès-verbal officiel de la séance du jeudi / / janvier
1895). — Présidence de M. Berquier, vice-président.
Après une longue discussion au sujet du Bulletin, M. Maillé lit
une notice très documentée sur les Seigneuries de la Bertauche et
du Ghâtel de Nangis.
La Bertauche ou Bretêche, aujourd'hui ferme, était jadis une
maison fortifiée dépendant du châtel ; des tourelles, des fossés, on
retrouve quelques vestiges assez importants. Le chàtel avait une
église dédiée à saint Eustache et à sainte Madeleine; elle a dis-
paru; le cimetière est actuellement un jardin; la cure du doyenné
de Montereau et du diocèse de Sens, était à la nomination de l'ar-
chevêque. En 1198, le curé du Châtel avait à prendre chaque année
2 boisseaux de grain sur la grange des Frères hospitaliers de Ram-
pillon.
La paroisse du Châtel dépendit longtemps de Montereau pour
l'administration civile : elle en supportait la taille et d'autres
charges en proportion du nombre de ses habitants et ses mili-
ciens y tiraient au sort. On connaît les procès-verbaux des tirages
au sort pour 1748-1759, des miliciens des paroisses réunies de
Saint-Nicolas et Saint-Maurice de Montereau, Saint-Jean de Cour-
beton et du Châtel-lès Nangis.
En 1775, les gens du Châtel se plaignent de contribuer dans une
trop forte proportion au paiement des tailles de Montereau : un
arrêt du Conseil d'Etat les modère à la 18" partie de leur taille.
Au point de vue féodal, le Cliâlel avait comme arrière-fiefs ; ceux
de Vienne (La Croix-en-Brie), du Mesnil-les-Nangis, de Chartrettes
et de Sermaises près Melun et de Changy-Courcelles, près Mon-
tereau.
Parmi les seigneurs du Châtel, M. Maillé signale surtout : Pierre
de Courtry, chevalier qui, en 1234, transige sur les droits seigneu-
riaux avec les moines de Saint-Martin de Tours, barons de Donne-
marie; en 1236, donne aux hospitaliers de La Groix-en-Brie des
bois moyennant une messe quotidienne et perpétuelle pour tous
les défunts de sa famille; en 1253, Jean du Chastel, marié à la
fille de Pierre le Bouteiller, maître d'hôte! ordinaire de saint
Louis et seigneur de Lizines; Symon du Chastel et Jeanne de
Primai, sa femme, sur lesquels M. Maurice Lecomte possède
plusieurs documents inédits et de fort curieux renseignements;
Jean II du Chastel; Henry du Chastel, fils du précédent, marié
CHRONIQUE 297
à une demoiselle de Trainel; en l3o8, Liénore du Chaslel, dame
de Vitry-en-Brie, douairière du château de la Moite de (iurry.
Le fief du Chastel passe au siècle suivant dans la famille de
Charles de Louviers, seigneur de Changy et de Courccllcs, qui en
1544 consent à la clôture de la ville de \angis et en laGO est repré-
senté à la rédaction de la coutume de Melun par les enfants de
Raguier. Le nom de Raguier est mêlé pendant un siècle environ
à l'histoire du Châtel et de iNaugis; puis Louis Fauste de Bri-
chanteau réunit le fief du Châtel à la seigneurie de Nangis. Le
Ghàtel devint une ferme et son moulin banal, dit de la Trappe,
fut brûlé en 1815 par les alliés.
M. Maurice Lecomfe, de Donnemarie, dépose sur le bureau deux
travaux de géographie historique dont il est l'auteur:
1° Idenlification de deux ateliers monétaires mérovingiens de
l'Auvergne : Vaddonnaco et Vaddinnaco, Vatunaco : Gannay et
Gannat (Allier). Etude publiée dans la Revue numismatique,
4« trimestre 1894.
2o L'extension sud-est du pagus Meldensis ou civitas Mel-
dorum au VIl^ siècle, à propos d'un passage de la chronique
mérovingienne de Frédégaire. M. Lecomte développe sous les
yeux de ses collègues une grande carte de la région de Crécy-en-
Rrie (Crideciaco), Coulommiers (Columbario), Angers (Albiodero)
à l'époque mérovingienne et établit indiscutablement à l'aide de
documents du vi» et du vii« siècle et du passage de Frédégaire
qu'il faut considérer comme limite sud- est du Pagus Meldensis
(pays de Meaux) au vii« siècle, l'Aubetin depuis Amillis jusqu'à sa
source.
Ce travail qui réforme les opinions jusqu'alors admises par la
science historique française et allemande a paru dans la Revue du
Moyen-Age Qsin\\er i89o).
M. Maurice Lecomte présente au nom de MM. Bergeron et Gui-
tonneau, membres de la Société, la relation, avec dessins, des
fouilles faites par eux du 8 avril au '2'2 septembre 1894 pour l'ex-
ploration d'un cimetière gaulois sur le terroir de Montigny-Len-
coup. La lecture de cette intéressante relation, en raison de
l'heure avancée, est renvoyée à la séance du 4 avril.
Société Historiqce et Archéologique ije Cu.vteau-Thierrt
(Séance du 5 7nars 1895). — Présidence de M. Ch. de Larivière,
vice-président.
M. Corlieu a adressé un mémoire sur la Corporation des Chirur-
giens de Paris et le château de Marigny-en-Orxois.
François de la Peyronie, chirurgien du roi Louis XV, comblé
d'honneurs, de titres et de fortune, étant célibataire, légua, par
son testament du 18 avril 1747, sa terre de Marigny avec le
298 CHRONIQUE
château, à la communauté des maîtres en chirurgie de Paris. Sa
sœur, Mme issert, peu satisfaite de la générosité de son frère, atta-
qua !e testament, au Ghâtelet de Paris, puis au Parlement. La sen-
tence prononcée ayant été favorable aux maîtres-chirurgiens, la
corporation devint définitivement propriétaire du château de
Marigny. L'administration d'un tel domaine causait de véritables
embarras aux chirurgiens; aussi le vendirent-ils à Louis XV,
moyennant deux cent mille livres, le ±2 septembre 1740.
L'intention du Roi n'était point d'augmenter, par celte acquisi-
tion, les domaines de la Couronne; aussi fit-il insérer dans l'acte
de vente qu'il se réservait d'aliéner la terre et le château de Mari-
gny dans un délai de dix ans; réserve faite t afin d'éviter les
indemnités qui pouvaient être dues aux seigneurs dans la mou-
vance desquels ladite terre se trouve située ». Louis XV usa bientôt
de ce droit; car, au mois de janvier l'oO, il donnait le domaine de
Marigny à François Poisson, père de Jeanne-Antoinette Poisson,
marquise de Pompadour, sa maîtresse depuis cinq ans.
A la mort de François Poisson, en 17o4, Marigny échut à son
fils, Abel Poisson, duc de Vendières, directeur et ordonnateur
général des bâtiments de Sa Majesté, jardins, etc., académies et
manufactures royales; la même année, cette terre fut érigée en
marquisat.
Abel Poisson la vendit en 1780 au marquis de Ménars. Ici s'ar-
rêtent les recherches de .^L Corlieu; espérons que notre collègue,
M. Bigorgne, voudra bien nous faire connaître comment du
marquis de Ménars le domaine de Marigny est devenu la propriété
de sa famille.
Séance du 2 avril 1893 (Exlrait du procès-verbal). — Pré-
sidence de M. Vérette,
I- — Deux notes ont été fournies par M. l'abbé Marsaux; la
l'" relative aux fondations faites par le B. Pierre Fourier à
Soissons, Laon et Château-Thierry ; la 2^ a trait au démêlé et à la
réconciliation de Thibaut de Champagne avec Pierre de Bretagne,
et à l'entrevue des deux seigneurs qui devait avoir lieu à Val-Secret,
à l'ellet d'arrêter les conditions du mariage de Thibaut avec la fille
de Pierre. Cette réunion, d'après l'injonction du roi, n'eut pas lieu,
et, selon Joinville, Thibaut s'en retourna à Château-Thierry.
II. — M. Corlieu était bien jeune lors du passage du roi Louis-
Philippe à Château-Thierry, le 0 juin 183i ; il en a cependant con-
servé un souvenir vivace et se plaît à raconter les fêtes qui se sont
succédé pendant le séjour du monarque. Il rappelle également
les discours prononcés par les autorités : M.M. Poan de Sapincourt,
maire; Néral de Lesguizé, sous-préfef; baron de Sainte-Suzanne,
préfet; et Marprez, curé de la ville. Ce dernier, qui avait servi
comme militaire avant son entrée dans les ordres, sous le maré-
chal Sjult, fut nommé chevalier de la Légion d'honi,eur au mois
CHRONIQUE 299
d'août 1832. MM. de Sapincourt elNcrat avaient reçu cette distinc-
tion le lendemain du départ de Sa Majesté.
III. — M. Minouflet, de Romeny, a recueilli à Grigny — ancien
oppidum situé sur la voie romaine de Château-Thierry à Soissons,
près dOulchy-le-Chàteau, — entre autres objets anciens, des mon-
naies gauloises. Aidé des conseils de M. Anatole de Barthélémy,
membre de l'institut, il a donné de ces pièces, qui forment 18
types diiïérents, une description qui ne laisse rien à désirer.
IV. — Comme complément de la note lue à la dernière séance
sur la fête de la Raison et l'honorabilité de la personne qui remplit,
à contre-cœur, le rôle de déesse à Château-Thierry, M. Moulin
donne lecture d'un passage du livre de M. de Vertus {Histoire de
Coincil, P^e^ ^t)- Trois jeunes filles du bourg appartenant à de
bonnes familles, avaient été désignées par la municipalité pour
remplir le rôle de déesse dans cette « triste comédie »; elles se
résignaient diflicilement à « jouer cette farce», notamment Made-
moiselle X. . .
L'auteur ajoute que, dans les villages voisins de Coincy, les fêtes
de la Raison et de l'Etre suprême ne furent pas célébrées; cinq
jours après le décret du 11 prairial i'i\)o, l'exercice public du culte
catholique eut lieu dans nos campagnes.
Soc.iÉTK ACAUÉMinUK DE l'Auîîe ( Séancc du 15 mars I8'J5). —
Présidence de M. Félix Fontaine, président.
BiiUelin archéologique du Comité des Travaux historiques. —
11 y est fait mention du travail de M. Le Clert sur des torques en
bronze, conservés au Musée de Troyes, dont il vient de faire hom-
mage à la Société.
Revue historique et archéologique du Maine. — Mémoire de
de Martin Berruyer, évêque du Mans, pour la réhabilitation de
Jeanne d'Arc.
Mémoires de la Société académique de l'Oise. — Notice de
M. F'aul Pérot, contenant des détails qui peuvent intéresser la ville
de Troyes. L'auteur y fait une élude sur la noblesse de Jean Juvé-
nal des Ursins, successeur de Cauchon sur le siège de Reauvais. Les
Juvénal des Ursins se targuaient d'appartenir à l'illustre famille des
Orsini. M. Paul Pérot conteste celte origine et prouve, par divers
documents que Jean Juvénal des Ursins serait simplement le lils
d'un marchand-drapier de Troyes, habitant une maison de la rue
Cbampeaux. ('e n'est que vers 14.17 ou I i.iS que la famille Jou-
venel aurait modifié son nom, et l'évêque de Hcauvais ne portail
que le nom roturier de Jean Jouvenel, quand il fui inironisé
évêque de Beauvais, en 1 i3'2.
Lectuues kt Commiunications des Membres
A l'occasion des recherches de M. Paul Pérot sur Juvénal des
300 CHRONIQUE
Ursins, M. Le Clert dit qu'il a fait, lui aussi, des recherches sur la
famille Juvénal des Lrsiiis ; il a trouvé beaucoup de familles portant
le nota de Juvenel, il ne sait à quelle époque les Juvenel ont pos-
sédé l'hôtel des Ursins; il suppose que c'est au commencement du
xve siècle; il pense qu'ils ont pris le nom de leur hôtel après l'avoir
acheté. Cet hôtel venait peut-être des Orsini.
M. de la Boullaye communique, au nom de M. Vallée, sous-pré-
fet de Bar-sur-Aube, une lettre de Claude, abbé de Clairvaux au
xvii« siècle, adressée à M. Piiliard hls, troyen. — Cette lettre parle
d'un objet d'art qui se trouvait à l'abbaye de Clairvaux, le taber-
nacle, et donne sur lui de curieux détails. Cette lettre pourrait
figurer dans VAnnuaire ou dans les Mémoires.
Séance du 19 mai fS95. — Présidence de M. Félix Fontaine,
président.
Ouvrages offe;pts
Par M. Truelle Saint-Evron, membre correspondant : Observa-
tions sur rilalic et, les Italiens, par Crosley, 4 volumes;
Le Bibliophile troyen, exemplaire richement relié, ayant appar-
tenu à Louis Ulbach;
Les livres populaires, No'éls et cantiques, imprimés à Troyes,
par Alexis Socard;
La Satire Ménippèe, elzévir de 1077, en état exceptionnel.
Lectures et Commuisications des Membres
M. Des Guerrois, à qui avait été renvoyé le volume de poésies de
M. Charles Gros, Sous l'étoile, lit une étude complète sur cette
œuvre qui se présente sous un noble pavillon. 11 y constate l'abon-
dance lyrique et les riches images au service des belles idées. La
première partie, Aines d'ancêtres, présente des imitations très
heureuses de Boccace et de Chaucer; la seconde. Vie èparse, a
quelque chose de plus personnel et de plus d'intérêt par consé-
quent; c'est une poésie plutôt souriante que lugubre. Fleur-
d'Epine, le canton de Franche-Comté où le poète a vécu, lui rap-
pelle de doux souvenirs; c'est une des perles du volume. La pièce
qui a pour titre ce seul mot : Hymne, grand dans sa simplicité,
est un magnifique souvenir de Dante. Le nouveau Rhin emporte
le lecteui dans un ordre d'idées, plus austère et de moins de
charme. La troisième partie, Homo, est belle de passion militante
et farouche, mais elle nous met brutalement en face de perspec-
tives attristantes; il faut écarter ces menaces et s'en tenir à ce
dernier vers où se peint mieux le cœur du poète :
La foi des jours meilleurs sera la charité.
.M. Le Clert fait savoir à la Société que son attention est attirée
par les fouilles qui se font actuelletnent dans les rues de la ville
pour l'installation des eaux. Un employé de l'Administration sur-
veille les découvertes que ces louilles pourraient amener. Un a
CHRONIQUE 301
trouvé déjà une vieille mesure en bronze, une clé gothique du
commencement du xiii« siècle et des monnaies; si l'on découvre
d'autres objets, M. Le Clert se propose de les recueillir pour le
Musée.
Elections et Présentations
L'ordre du jour appelle rélectioii d'un membre résidant dans la
section des Lettres, en remplacement de M. Savetiez, décédé. 11 est
donné lecture des propositions faites par la section, on procède
ensuite au scrutin, et M. Tenting, ayant obtenu la majorité
absolue, est élu membre résidant dans la section des Lettres.
M. Paul Audigé est élu membre correspondant.
MM. le docteur Gustave Lorey, Gabriel Cabat, sous-chef de
bureau au Ministère des Finances, et Gaston Barthélémy, sont
proposés comme membres correspondants.
Pendant le scrutin, M. l'abbé Nioré signale, dans un numéro
de la Romania, qui lui a été renvoyé au cours de la séance, un
article de M. Gaston Paris sur l'origine de la Danse macabre. Le
mot macabre est un nom propre ; il serait le même que mackabee;
ce serait le nom d'un français vivant au xiv siècle. Peut-être est-ce
celui du peintre qui a le premier représenté une danse lugubre dans
laquelle la Mort appelle tour à tour les humains de toute condi-
tion.
La séance est levée à cinq heures.
■ » »
Château de Belleaucourt-Coulommes, 6 avril 1895.
< Monsieur,
Je viens de lire, dans la Revue de Champagne de novembre
dernier, l'intéressante Topographie ardennaise, extraite par
M. Jadart des affiches Havé, mine trop peu explorée jusqu'ici.
Je suis à même de fournir quelques renseignements complétifs
sur les deux fiefs de Bro/iville (et non Browville) et du Griffon, sis
au terroir de Terron-sur-Aisne : car ils ont appartenu à quatre ûe
mes ascendants, Nicolas, Philippe et Jean Moët, tous trois succes-
sivement écuyers, seigneurs de Brouillet, puis Jean Moët, écuyer,
seigneur de Louvergny, fils de Jean précité. Grâce à ce fait, je
possède sur ces deux fiefs des chartes originales.
Nicolas Moët est parfois qualifié écuyer, seigneur de liranville
(acte de partage du il décembre 1593 par ex.). Ce titre se trouve
par la suite continué dans la branche issue de son fils Thierry
Moët, marié à Anne le Bel; d'où la branche Moct dite de bronoille
(voir Caumartin).
Philippe Moët, né vers l.'i.oO, décédé en ItilO, fils de Nicolas,
avait une sœur Jeanne, mariée à Jean Cauchon, écuyer, seigneur
de Muison, et du /ief de Griffon (sans doute du chef de sa femme).
Lors de la mort de sa sœur, Philippe hérita de la seigneurie du
3U2 CHRONIQUE
Griffon, et en 1C02 il en donna un dénombrement à Henry de
Mazancourt, chevalier, gentilhomme de la Maison du Roi, seigneur
du Plessié, et des Grandes-Armoises.
Il est bon de remarquer que Jeanne Moët était sœur de Philippe,
mais d'un premier lit. Avant d'épouser Guillemette de l'Hospilal,
Nicolas s'était marié en premières noces à une demoiselle N. Coque-
bert : j'ai relevé dans mes papiers certains indices de cette double
alliance, et elle se trouve confirmée par la présence des écussons
Moët-Goqueberl, accolés au-dessus d'une cheminée en Ihôtel du
vicomte Werlé, rue du Marc, à Reims, ancienne résidence de
Nicolas, comme en l'ait foi notre charlrier.
Pour en revenir au dénombrement en question, il relate l'an-
tique maison forte du Griffon, déjà entièrement démolie à celte
époque, sans doute à la suite de la mise à sac de 1591. Il me
semble qu'on pourrait s'en aider pour retrouver sur les lieux
Ccmplacemenl de la Molle féodale.
Ci-dessous le résumé de cette pièce :
Desnombrement du Griffon pour noble Homme Phle de Mouet (sic),
escuyer, procureur du Roy à Reims.
C'est l'adveu et desnombrement que Phélippe Moet, escuier, sieur de
lîrouillet, Procureur du Roy N. S. aux baillage de Vermandois, siège
Royal et Présidial de Reims, baille à honoré seigneur Henry de Mazan-
court, escuier, sieur du Plessié et des Grandes Armoizes, des liéritaiges que
il tient en fief, f'oy et hommaige, dudict seigneur, à cause de son chastel
desdictes Armoizes : Assavoir : la raoiclié par indivis, parlissant contre
Pierre Lecguisé, petit filz et seul héritier de feu Jean Gauchon, vivant
escuier, sieur de Muison, des héritages du fief de Bronville et du Grifj'on,
assis au terroir de Vendy et Terron sur Ayae, à moy advenu par la suc-
cession de feu damoiselle' Jeanne Moët, ma soeurs, vivant, femme dudict
Jeau Gauchon, sieur de Muison. Premier : une place où soulloit estre
antiennement ung cliasteau fermé de fossés, appelle la forteresse du
Griffon, contenante environ six quarteles. Item ung jardin derrière ladicle
forteresse. Item deux (lacune)... de maison appelle la maison de
'Bronville avec la tenant à icelle maison. Item un jardin appelle le
Courtil Dame Gilles etc
(ici une énumération de terres sans intérêt) Une autre pièce appelle le
Cloux, piès \e jardin du ' rijfon royé le Prévost d'Escharson d'une part et
le ruisseau de Vendy d'aultre part, budant d'un bout au ruisseau du Moulin,
et d'aultre au chemin des Prez, contenante cincq fauchées au jardin du
Griffon etc. . . Pour lesquelz héritaigss cy dessus spécifiez luy
peuvent valloir par commune année la somme de cincquante Livres
En tesmoing de quoy j'ai signé le présant desnombrement de mon nom et
signe manuel et icelluy scellé de mon scel et armoyrie de mes armes à
Rbeims ce 1!j» jour de novembre, mil six cens et deux.
Ainsi signé : Mouet {sic).
H. Gallot.
[illisible.)
Conlrescellé et contresigné par Messire IlENay de Mazancourt.
Les noms des principaux propriétaires riverains mejilionnés dans
l'acte complet sont ceux des danioiselles d'Aultrecourt et du Lorry.
CHRONIQUE 303
Les entants de Jean Moët se partagèrent sa succession par acte
en date du 23 juin 1693 (où Jean Maillefer représente « Messire
Jean-Baptiste de la Salle, prestre^ docteur en théologie, demeu-
rant à Paris »), et, selon la coutume du Verniandois, le Griffon
fut attribué, moitié par préciput à l'aîné, Nicolas Moët de Brouillet,
et moitié à tous les autres co-liériliers.
Mais, par vente du 20 février ltj98, MM. de la Salle et Maillefer
abandonnèrent à MM. Mot-t de Dugny et Jean Moët de Louvergny,
frères cadets du précédent, leurs parts de fief de Brouillet, Terron-
sur-Aisne et Dugny. Depuis lors le nom du Grifton ne se rencontre
plus dans les papiers de la famille .Moët.
Eu me laissant entraîner à une communication d'une pareille
longueur, j'ai été guidé par l'espoir peut-être téméraire d'être
assez heureux pour fournir un renseignement utile aux érudits de
la région; et quoi qu'il en soit, Monsieur, je vous prie de vouloir
bien agréer l'assurance de mes sentiments les plus distingués. »
Baron bu Pin de la Guérivière,
Membre du Conseil Héraldique de France.
Centenaire du Baptême de Clovis a Reims. — De grandes fêtes
seront données l'an prochain sur l'initiative de S. E. le cardinal-
archevêque Langénieux, en mémoire du baptême de Clovis à
Keims. 11 s'agit, dans la pensée de l'archevêque de Reims, de
commémorer le quatorzième centenaire de la conversion de la
France au Christianisme. Le projet de célébrer cet anniversaire a
été accueilli partout avec enthousiasme. Pouvait-il en être autre-
ment dans uu pays comme le nôtre et pour une cause aussi patrio-
tique? Un encouragement est venu de plus haut encore. Sa Sain-
teté Léon XIll a béni le projet et a daigné accorder la faveur d'un
jubilé dont les précieux avantages pourront être recueillis pendant
six mois.
Le programme des fêtes n'est pas encore arrêté, mais des Com-
missions ont été nommées et travaillent à son élaboration.
On peut prévoir dès maintenant que le 16 janvier \X% la célé-
bration habituelle de la fête de saint Rémi sera comme l'annonce
de la prochaine ouverture des solennités du centenaire. Le jubilé
accordé à la France par le Pape commencera à Pâques. A partir
de ce jour, des pèlerinages venus des divers points de la France
se succéderont au baptistère de la cathédrale de Reims et au
tombeau de Saint-Remi. Les divers Congrès de piété et d'œuvres
sociales qui se tiennent chaque année en France seront invités ù
choisir Reims pour théâtre de leurs assises en 1896.
De grandes fêtes auraient lieu le l'"^ octobre, à l'occasion de la
translation des reliques de saint Renii et, le 25 décembre, eu
mémoire du baptême de Clovis et de ses guerriers.
304 CHRONIQUE
Dans un article sur la Cathédrale de Reims, publié par Y Univers^
et reproduit par un journal de Reims, le 23 février nous lisons :
«... Autour du chœur existait encore une clôture en pierre, remarqua-
blement sculptée.
L'art du sculpteur avait épuisé tout son génie pour broder, festonner,
ciseler, découper à jour, denteler cette pierre. »
Jusqu'au xive siècle, le chœur n'avait eu qu'une simple clôture
massive, à hauteur d'appui. La multiplicité des fondations et des
offices obligeant le clergé à rester longtemps dans l'église, donna
naissance à de hautes fermelures.
En 1390, l'archevêque P'erri Cassel, par testament, légua un
coffret en dépôt à Saint-Remi, avec 1,000 livres, pour faire au
chœur une clôture semblable à celle de Notre-Dame de Paris. Le
projet ne fut pas exécuté.
Les nmrs de clôture étaient massifs, avec quelques ouvertures,
en forme d'arcades, soutenues par des piliers.
« A coslé de l'autel de la Magdeleine, dit Cocquault, de part et d'autre
en la clôture sont ouvertures faites par arcades, au nombre de six de
chaque côté, portant un pied de roy et plus, avec petits piliers au milieu
de cet ouvrage, pour voir l'élévation du Saint-Sacrement en la messe.
« Comme de mesme, au grand-autel, où sont ouvertes en la muraille de
la closture du chœur, comme dit est dessus, mais plus grandes, au nombre
de douze d'une part et neuf de l'autre. » (Cocquault, Description de Noire-
Dame.)
Le côté où il n'y avait que neuf ouvertures était vraisemblable-
ment celui où était placé le Sacrarium.
Contre cette muraille, percée d'ouvertures, on suspendait à l'in-
térieur les magnifiques tapisseries offertes par les Archevêques de
Reims.
A l'extérieur, cette clôture en pierre, dit M. L. Paris, était ornée
de peintures historiques. Rien ne prouve l'assertion du savant his-
torien.
Le chœ,ur était fermé par-devant par un admirable jubé de 1417,
d'une très grande richesse. Seul, il était sculpté, « comme une pâte
jetée en moule, » dit Lacourt.
[CouîTier de la, Champagne.) Cli. Cerf.
Le maire de Troyes a présidé, le 31 mars, la distribution des
prix fondés par M. Doublet, en faveur des ouvriers et ouvrières
qui ont dignement élevé leurs familles :
M-" veuves Dernois, Colin, Wenizerger, Nell et Jergelot, MM. Biaise,
Burg, Muller, Tonuelot et Kauifmanu ont obtenu des prix de 000 fr. ;
CHRONIQUK 30;j
\iiin» veuves Banhallazer et Gremout, MM. Suinot, Strassel, Albert
Fabvay, Crevot et Raie, îles prix de 300 (r.
Particularité à signaler : M'"'= Dernois a eu vingt-sept enfants.
Une délicieuse pensée sur Jeanne d'Arc, tirée du Vei'fjev philo-
sophique d'Anatole France, dans VEcho de Paris :
Sur Jeanne d'Arc.
Elle est sortie de la poésie populaire et chrélieune, des litanies de la Vierge
et de la Légende dorée, des merveilleuses histoires de ces épouses de Jésus-
Christ qui mirent sur la robe blanche de la virginité la robe rouge du mar-
tyre. Elle est sortie des sermons fleuris dans lesquels les fds de saint
François exaltaient la pauvreté, la candeur et l'innocence; elle est sortie
de la féerie éternelle des bois et des fontaines, de ces contes naïfs des
aïeules, de ces récits obscurs el frais comme la nature qui les inspire, où
les filles des champs reçoivent des dons surnaturels ; elle est sortie des
chansons de la terre des chênes, où vivaient d'une vie mystérieuse Viviane
et Merlin, Arthur et ses chevaliers; elle est sortie de la grande pensée qui fit
épanouir la rose de l'eu au-dessus des portails des églises ; elle est sortie
des prophéties par lesquelles les pauvres gens du royaume de France pres-
sentaient un avenir meilleur; elle est sortie de l'extase et des larmes de tout
un peuple qui, dans les jours de misère, vit, comme Marie d'Avignon, des
armes dans le ciel et n'espéra plus qu'en sa faiblesse.
Elle est pétrie de poésie, comme le lis de rosée; elle est la poésie vivante
de cette douce France qu'elle aima d'un merveilleux amour.
[/actualité est aux hommes de la Révolution.
Une curieuse polémique s'est élevée, ces jours-ci, entre histo-
riens, à l'effet d'établir une fois pour toutes, si le célèbre conven-
tionnel Danton a fait exhumer, à son retour de Belgique, le cadavre
de sa première femme, la pieuse (Jabrielle Charpentier, morte
pendant son absence.
M. G. Lenôtre, le savant auteur de Paris révolutionnaire, vient
de découvrir, à ce propos, un document précieux qui règle la
question d'une façon définitive.
C'est le catalogue des ouvrages de pemlure et de sculpture
exposés au Salon du Louvre, le 10 aoîit 1793. Le chapitre de la
sculpture porte, en ell'et, au n" 78 : « Un buste-portrait de la
citoyenne Danton, exhumée et moulée sept jours après sa mort,
par le citoyen Deseine, sourd et muet. »
Qu'en pensent les farouches historiens qui, refusant au conven-
tionnel toute ombre de sentimentalité, s'évertuent à démontrer
que Danton professait le matérialisme le plus irréductible?
C'est là une erreur absolue, ainsi que le constate Michelet lui-
même dans son histoire, dont un des chapitres nous montre le
20
306 CHRONIQUE
fameux conventionnel se remariant dans une famille royaiisle
ei devanl un prêtre. (Gaulois.)
* *
M. Charles Rabourdin, d'Héricy-sur-Seine (Seine-et-Marne), s'est
livré, depuis dix ans, à un travail considérable, qu'il vient de ter-
miner et de présenter aux membres du Conseil supérieur de la
Société nationale d'encouragement au bien.
Il s'agit d'un dictionnaire biographique des personnages illustres
du département de Seine-et-Marne.
On comprend de suite les utiles services que peut rendre un tel
ouvrage pour tous ceux qui auront des recherches à faire sur les
événements et les personnages — et ils sont nombreux — qui se
rattachent à la Seine-et-Marne. Peu de départements offrent une
telle réunion d'hommes illustres, grâce à Melun, qui fut le Ver-
sailles des premiers Capéiiens; Fontainebleau, qui devint à son
lour la résidence préférée du plus grand nombre de nos rois;
Provins, où la dynastie des Thibaut, rois de Navarre, comtes de
Champagne et de Brie, tenaient leur cour. Ces trois villes ont vu
s'accomplir une grande partie des événements les plus marquants
de notre histoire et défiler dans leurs murs ou résider dans leur
voisinage, en dehors du cortège habituel de souverains, des illus-
trations de tous genres et de tous pays.
L'œuvre de M. Rabourdin, commencée en 1884 et terminée ces
jours derniers, est des plus désintéressées; l'auteur s'est contenté
de la rédiger et d'en remplir 10 volumes manuscrits qu'il n'a pas
fait imprimer. Il en fera don aux archives du département, où les
chercheurs pourront les consulter et en tirer un utile profit.
M. Rabourdin a droit à la gratitude des chercheurs futurs; nous
nous faisons un plaisir de signaler son dictionnaire biographique
des personnages illustres de Seine-et-Marne, et de le féliciter de
son travail qui devrait, dans les autres départements, être égale-
ment entrepris. (L'Abeille de Fontainebleau.)
*
¥ ♦
Les travaux de la nouvelle église de Neufchâtel-sur-Aisne (Aisne)
touchent à leur fin. Le maitre-autel est posé, les deux sacristies
sont à peu près terminées; il n'y a plus que le carrelage et l'on
s'en occupe activement ; les sculpteurs travaillent aux chapiteaux
du porche, tous les vitraux sont posés. M. le curé bénira l'église
prochainement pour pouvoir dire la première messe le jour de
Pâques.
L'église, de style Renaissance, pourra être classée parmi les plus
belles de noire diocèse, elle fait honneur aux habitants de Neuf-
châtel et surtout à l'insigne bienfaitrice, M"»* Hourlier-Fournaise,
de Reims.
CHRONIQUE 307
*
La maquette au dixième du monument de Carnot, destiiu' à la
place de l'Hôtel-de-Ville de Chàlons, est terminée.
Une modification a été apportée au projet primitif: le soldat
qui montait la garde au pied du groupe principal sera placé au
pied de la colonne de Matignicourt.
Une nouvelle maquette va être faite au tiers de la grandeur
d'exécution, c'est Talfaire de trois ou quatre mois; pour terminer
l'œuvre définitivement, il faudra neuf à dix mois. Le moulage et
la fonte demanderont au minimum un délai de trois ou quatre
mois.
C'est donc au plus tôt à la fin d'août 189C, lors de la réunion du
Conseil général, que le monument pourra être inauguré, s'il ne
survient ni retard, ni obstacle imprévu.
Découverte archéologique a Reims. — Un sarcophage d'origine
gallo-romaine a été découvert récemment à Reims, sur l'emplace-
ment que doit occuper la Maison de convalescence. Cette décou-
verte, appelée à enrichir les collections du Musée de Reims, est
due aux patientes et intelligentes recherches de JVl. Habert, conser-
vateur, et d'un habile ouvrier, M. Jules X. . ., qui le seconde.
M. Léon Harmel, du Val-des-Rois, près Warmériville (Marne),
a fait, le 28 mars, à Rome, une conférence applaudie sur la ques-
tion sociale ouvrière, chez les Pères Augustins de l'Assomption,
en présence des cardinaux Vaughan, Schonborn et Macchi, et de
300 personnes.
M. Harmel a rendu compte des progrès réalisés en France par
l'action sociale catholique et il a constaté l'union entre les œuvres
de la religion de l'Est et celle du Nord.
Le dimanche 24 mars, sur la gracieuse invitation de M. Appert-
Pérardel, de l'Epine, MM. Bosteaux, de Cernay-les-Reims, et
Schmidt, de Chàlons, correspondants de l'Ecole d'anthropologie
de Paris, se sont rendus au plateau du mont Thonié, près l'Epine,
où le propriétaire leur signalait un cimetière gaulois.
Grâce au bienveillant concours de leur hôte, malgré les bour-
rasques chargées de pluie, malgré la fouille antérieure déjà
ancienne d'une partie des sépultures qui furent mises au jour, les
ardents investigateurs s'en retournèrent munis d'intéressants spé-
cimens de l'époque marnienne.
308 CHRONIQUE
On peut voir en ce moment à la vitrine de M. Michaud, libraire
à Reims, rue du Cadran-Saint-Pierre, une fort belle reconstitution
de la grande rosace de la cathédrale. Ce travail archéologique est
l'œuvre de M. Paul Simon, de Reims, qui se propose de l'envoyer
à l'Exposition des Beaux-Arts des Champs-Elysées, ofi il sera cer-
tainement remarqué.
Nous sommes heureux d'apprendre que, par décret du 16 mars,
M. Burlin, colonel du 89'^ de ligne, a été promu général de brigade
et désigné comme adjoint au commandant supérieur de la défense
des places du groupe de Belfort.
M. le général Burlin est originaire de Fumay (Ardennes).
Parmi les sous-officiers d'artillerie admis à suivre l'Ecole mili-
taire d'artillerie et du génie en 1895-1896, il nous faut citer le
nom de M. François Willième, maréchal des logis au 4« bataillon
d'artillerie à pied, qui ligure sur la liste avec le n° 3 sur 80 can-
didats admis.
M. Willième fait partie de la o« batterie qui compte six sous-
officiers ardennais. 11 est originaire de Warcq, oii habite encore
sa famille.
Par arrêté en date du 27 février 1893, M. Piquet, directeur de
l'Ecole normale de Varz» (Nièvre), a été nommé directeur de
l'Ecole normale de Châlons sur-Marne, en remplacement de
M. Mathieu, qui a reçu une autre destination.
Un jeune officier originaire de Vitry le-Fi'ançois, le lieutenant
Henri Moll, frère du lieutenant Xavier Moll, tué au Tonkin, il y a
deux ans, vient de se signaler, au Tonkin également, en désarmant
par un hardi coup de main une bande de partisans. Cinq d'entre
eux ont été faits prisonniers. Le lieutenant a eu son képi troué de
balles et a tué de sa main un de ses adversaires.
*
M. Etienne Krier, élève de l'Ecole régionale des Arts industriels
de Reims, vient d'être admis à l'Ecole nationale des Beaux-Arts
de Paris, section de peinture, au concours de février dernier,
*
CHRONIQUB JO^
Dans sa dernière séance, le Conseil municipal de Châlons a
refusé l'offre de M. le docleur Mohen qui, dans son leslament,
déshéritait ses enfants au prolit de la ville de Châlons; mais il a
accepté les dons faits par les enfants du docteur, M. et M"e Vincent,
d'Avize, et qui comprennent une collection de monuments sculptés,
un christ en ivoire et divers objets d'art.
La musique a Reims. — La Société rémoise de musique clas-
sique et moderne a déjà donné cette année trois séances, d'au-
tant plus assidûment suivies des amateurs que le programme, fort
attrayant et très brillan)ment exécuté, comportait à côté des
œuvres de maîtres tels que Beethoven, Chopin, etc., des compo-
sitions d'artistes rémois, MM. Théodore Dubois, J.-A. Wiernsber-
ger, et Ernest Lefèvre.
— Une de nos charmantes compatriotes rémoises. M"' Marthe
Desmoulin, qui a obtenu l'an dernier le premier prix de piano au
Conservatoire, s'est fait entendre avec succès en divers concerts
donnés, dans ces derniers temps, chez M™e Rosine Laborde, le
célèbre professeur du Conservatoire, à l'amphithéâtre de la Sor-
bonne, et enfin à la salle Pleyel, le 20 mars dernier,
M'l« Desmoulin est la fille de M. Auguste Desmoulin, le sympa-
thique écrivain et amateur d'art, qui est allié à l'une des plus
honorables familles de l'arrondissement de Reims, et s'est établi
depuis quelques années à Paris.
— Le 14 mars a été donnée au théâtre de Reims la première
représentation de deux œuvres rémoises : La Veillée de Jeanne
d'Arc, une scène lyrique de M. Ernest Lefèvre, paroles de
M. J.-B. Gheusi, et une comédie en vers, Le Nid, premier essai
d'un jeune poète de notre ville, M. G. Périn.
Sans avoir l'importance et les développements du Prieur de
Saint-Basle, composition étincelante de jeunesse, de fraîcheur et
de poésie, par laquelle M. Ern. Lefèvre a pris rang parmi les
musiciens de mérite et d'avenir, la Vnllée de Jeanne d'Arc s'en
rapproche par plus d'un trait de ressemblance. La scène se passe
à peu près à la même époque et dans les mêmes lieux. Il s'agit
dans l'une et l'autre composition d'un épisode de la guerre de
Cent Ans, épisode glorieux pour Reims.
Dans le Prieur de Saint-Basle, l'action se déroule à Verzy;
cette fois, c'est à Sept-Saulx, tout près de là, que Jeanne d'Arc
passe ea prières, dans une humble église de village, la veille du
sacre de Charles VIL Dans tous les deux, les personnages se
♦■rouvent la nuit à l'entrée d'une église, au milieu d'un camp.
Le poète et le compositeur nous transportent dans l'église de
Sept-Saulx pendant la nuit du 16 au 17 juillet 1420. Au pied de
l'autel rustique, sous la lueur d'une veilleuse, Jeanne d'Arc prie,
310 CHRONIQUE
drapée de blanc. Les portes ouvertes toutes grandes sur le village
endormi, laissent apercevoir un ciel étincelant d'étoiles et l'im-
mense plaine de Reims, fumeuse des bivouacs du Roi victorieux,
qui sera sacré le lendemain dans la basilique. Une sentinelle veille
à l'entrée de l'église. Des rondes passent, qui s'enfoncent dans la
nuit, le bruit de leur marcbe décroît et se perd dans le lointain.
Jeanne d'Arc, plongée dans la méditation et la prière, est saisie
d'une triste prévision du sort tragique qui l'attend. Voici, dit-elle,
Voici le seuil de mon jardim des Oliviers !
Soudain le camp semble se réveiller. Un va-et-vient de torches
parcourt la plaine. Des fanfares annoncent l'arrivée des Rémois,
qui viennent apporter au Roi les clefs de la ville. Les soldats se
portent à leur rencontre. Gagnée à leur enthousiasme, Jeanne
d'Arc chasse les sinistres visions et salue l'aurore de ce jour glo-
rieux qui doit éclairer le sacre de Charles VII et couronner ainsi sa
mission libératrice.
Arrivent, au bruit des acclamations et des fanfares, les envoyés
de Reims, escortés par les soldats du Roi.
Jeanne d'Arc apparaît sur le porche de l'église. Devant la Vierge,
toute rose de la lueur des torches, les Rémois reculent avec une
crainte respectueuse. La vaillante Lorraine leur dit, avec une
modestie louchante, qu'il ne faut voir en elle
Qu'une tille des champs par le Seigneur élue
Pour rendre le bonheur à la France abattue.
Rémois et soldats l'acclament avec enthousiasme. Jeanne d'Arc
les remercie au nom du Roi, et, en les congédiant, saisit sa ban-
nière, et d'une voix inspirée ;
Haut les cœurs! avec assurance
Dressez les pennons de combat !
En proie à l'étranger, la France se débat :
Volez au secours de la France!
Et le chœur répond avec un chaleureux élan :
Les cœurs sont grands, les bras sont forts!
Et Jeanne d'Arc et les chœurs répèlent à l'unisson :
L'aurore réveillée aujourd'hui par nos chants
Verra surgir des cités et des champs
L'âme sublime de la France!
Voilà le canevas de l'œuvre.
Elle ne met en œuvre qu'un seul personnage, Jeanne d'Arc, et
des chœurs. Mais Jeanne d'Arc avait pour interprète M"« Blanc,
une excellente cantatrice applaudie aux derniers concerts de la
Société philharmonique cl de la Musique municipale, cl leschduirs
n'étaient autres que l'Union Chorale, dirigée par le maître lui-
CHRONIQUE 311
même, avec accompagnement de l'orchestre du théâtre. Le succès
a été très grand.
— M. Edmond Missa, le compositeur rémois bien connu, a
obtenu de M. Marcel Prévost l'autorisation de faire la musique
d'une pièce tirée de son roman les Demi-Vierges: le titre futur :
Maud.
Il écrit en outre une partition pour les Trois Bossus, farce
lyrique en trois actes, de MM. Adenis frères.
— La Société musicale de la Marne a donné^le 23 mars, dans les
salons du Grand-Hôtel, à Paris, un magnifique concert suivi de bal.
Le concert, donné sous la présidence de notre éminenl compa-
triote M. Théodore Dubois, de l'Institut, a permis aux assistants
d'applaudir un bon nombre d'artistes rémois: M, Rothier, élève
du Conservatoire; M""^ Douaillier Joly, femme de l'ancien bary-
ton-solo de Notre-Dame de Paris; M. Douaillier, de l'Opéra;
M"^ Marthe Desmoulin, etc.
Festival Musical a Reims bn 1896. — Cesl dans ua an que se célè-
brent à Reims les grandes fêtes du quatorzième centenaire du baptême de
la France. Toutes les bonnes volontés sont dès maintenant invitées à
prendre part à ces manii'estatious patriotiques. La musique ne peut et ne
doit demeurer étrangère à ce généreux mouvement, et c'est pourquoi l'on a
pensé qu'un Festival musical devait être organisé pour la circonstance.
Dans ce but, le Comité décide de promouvoir la composition «le deux
grandes œuvres musicales qui seraient exécutées — non en plein air —
mais à la Catbédrele et à la basilique de Saint-Remi de Reims.
I
Section instrumentale.
Le premier sujet mis au concours est une grande Fantaisie
pour Fanfares et Harmonies, en l'honneur de Jeanne d'Arc.
Comme genre, on peut choisir une marche triomphale, une
ouverture, etc., avec addition ou insertion de motifs rappelant les
Voix de Jeanne ou autres épisodes de sa vie.
La durée du morceau devra être d'environ 20 minutes. Cette
fantaisie — titre au choix de l'auteur — sera exécutée par toutes
les Sociétés instrumentales réunies.
11
Seclio7i vocale.
Le deuxième concours comporte la composition d'une Cantate
sur Jeanne d'Arc, pour orphéons d'hommes seuls et grand orgue,
d'une durée variant entre .10 et 40 minutes Quelques solos et duos
sont autorisés. Le sujet (imposé) est une Ode couronnée en I8b3
par l'Académie nationale de Reims. 11 est permis au compositeur
de supprimer quelques strophes de la poésie^ pourvu queil'en-
semble ne manque pas de suite et d'unité.
Tous les orphéons réunis devront exécuter cette cantate.
312 CHRONIQUE
m
Dispositions générales
Le concours sera clos le 20 septembre 1895, date à laquelle tous
les manuscrits auront dû être expédiés franco à M. l'abbé Bon-
naire, curé de Witry-lès-Reims, secrétaire général du Comité de
direction. Les manuscrits seront anonymes et porteront une
devise répétée sur un pli cacheté contenant le nom et l'adresse
de l'auteur.
Les œuvres présentées au concours devront être inédites et
n'avoir jamais été exécutées en public.
Le jugement sera rendu par un jury spécial choisi parmi les
notabilités musicales de Paris.
M, Emile Mennesson, éditeur de musique à Reims, s'est otTert
pour éditer les partitions et parties séparées des œuvres primées.
L'auteur dont l'œuvre aura été couronnée sera invité à diriger
lui-même l'exécution à Reims, en 1896.
Pour se procurer le livret de la cantate et les conditions du
concours, s'adresser soit à M. l'abbé Bonnaire, curé de Witry-lès-
Reiras, soit à M. Emile Mennesson, 10^ rue Carnot, à Reims.
Le statuaire Noël qui doit exécuter le buste de M. Faure, pré-
sident de la République, n'est pas un étranger pour le départe-
ment de l'Aube.
Le père de M. Tony Noël est né à Ramerupt. Ses parents étaient
originaires de ce chef-lieu de canton, où leur maison existe encore.
Des membres de la famille habitent les environs.
Le Conseil municipal de Vitry-lès-Reims a, dans sa séance du
30 mars dernier, décidé que le monument commémoratif des
soldats de Vitry, décédés au service militaire depuis la Révolution
de 1792, serait érigé dans le cimetière et non sur la place publique,
contre laquelle les habitants ont élevé une vive protestation una-
nime.
Voici le détail des monnaies et objets qui, à notre connaissance,
ont été trouvés jusqu'à présent dans les terres des fortifications de
Vitry-le-François, actuellement en cours de démolition :
Monnaies d'argent de l'époque de Clémenl VIU (Aldohrandiui) — 1592-
1605.
Monnaies d'argent de l'époque de Charles Conli, légal, évêque d'Aucune
(Italie).
Une pièce d'argent époque Henri IV, du Dauphiné.
Monnaies d'argent du règne de Charles IX.
CHRONIQUE 313
Deux moaaaies d'argent aux armes de Charles X, roi de la Ligue.
Cinq monnaies d'argent à l'effigie d'Henri IV, roi de France et de
Navarre.
Une monnaie d'argent de Henri, duc de Lorraine et de Bar (1608-1626).
Deux écus d'argent du règne de Louis XIV.
Un bout de fourreau d'épée en bronze, dont la belle ciselure représente
une femme aux attributs allégoriques.
Une assez grande quantité de monnaies de bronze, tournois et doubles
tournois du règne de Louis XIII, ont aussi été trouvées dans les remparts.
Mariage. — Le 0 mars, a été célébré i Ajaccio (Corse), ie
mariage de notre distingué compatriote et collaborateur M. Henri
Stein, archiviste aux Archives nationales, avec M"« Lucie Vico, fille
de M. Jean Vico, ancien inspecteur des Forêts.
MÉLANGES
Le Camp de Chalons. — M. Dumazal raconte ainsi dans le Temps la
création du camp :
Le camp de Châlons passa longtemps pour une idée superbe ; il
naquit au lendemain de la guerre de Crimée; on avait alors cons-
taté que les camps de Boulogne et de Saint-Omer (Helfaut) étaient
insuffisants pour permettre la réunion et surtout l'exercice de
grandes masses de troupe. Aussi reprit-on, en 1857, un projet du
duc d'Orléans, tendant à édifier un camp dans la Champagne
pouilleuse, où les terrains sont immenses et à bas prix, il ne
s'agissait au début que d'un camp d'essai pour la garde impériale.
Sa création et son histoire viennent d'être racontées par le com-
mandant Espitallier, hier encore chef du génie au camp. C'est une
page fort intéressante, car elle montre dans l'organisation un
souci réel et constant des besoins de l'arniée.
En 1857, on était loin de posséder des transports aussi faciles
qu'aujourd'hui : les chemins de fer étaient peu nombreux, on ne
pouvait prévoir l'énorme extension du réseau; il fallait chercher
un emplacement où les approvisionnements fussent faciles et la
Champagne pouilleuse n'est pas précisément abondante en toutes
choses : on devait donc améliorer les relations avec les pays voi-
sins : le Vallage, où l'on irait chercher les 100,000 hectolitres de
blé nécessaires chaque année; Reims et Sainte-Menehould, où
l'on devrait acheter les légumes; les vallées de la Marne et de
l'Aisne pour en tirer des fourrages. TArgonne et les Ardennes qui
enverraient les bois. Quant au charbon, il fallait le demander dans
l'Est: la pierre devait venir des Vosges ou de la Meuse, etc.
Un camp de celte nature et en tel pays pouvait s'écarter des
données ordinaires ; les sources ^ont rares, on ne peut se servir
que de puits; pour les chevaux, on devait employer l'eau peu
abondante du ruisseau du Cheneu; l'arlillerie et la cavalerie furent
donc établies à proximité.
Au début, le camp se composait de Lentes, sauf l'installation
particulière de l'Empereur, formée d'un chalet et de quelques
baraques. M. Godillot compléta cet ensemble par un autel assez
élevé qu'il envoya de Paris, pour qu'on pût y célébrer, le diman-
che, le service religieux devant les troupes assemblées. Peu à peu
cet ensemble se moditia; on remplaça les tentes par des baraques.
L'ingéniosité du soldat aidant, des jardinets égayèrent bientôt la
ville de planches; dans ces jardins on plaça des « œuvres d'art »
taillées dans la craie; on n'avait qu';! la recueillir sur place. C'était
une profusion de statues, de colonnes, d'obélisques, de petits
MÉLANGES r!15
temples, ébauches naïve? qui donnaient au camp le plus curieux
aspect. L'Empereur s'engoua de ces tentatives; il donna des prix
aux œuvres les plus remarquables, et tout le monde voulut devenir
sculpteur.
On espérait bien, dit le commandant Espitallier, que le temps consacré à
l'art serait autant de pris sur les séjours à la cantine. Seulement, à force
de vouloir faire mieux que ses voisins, on s'écarta du but : les chefs de
corps présidèrent au travail; on Ct des plans; on mit à part les sculpteurs
de profession ; chaque corps voulut avoir un monument qui écrasât tous les
autres. Les sculpteurs, dispensés de service, se consacrèrent tout entiers à
leur art, travaillant plusieurs semaines. Il y eut ainsi des œuvres remar-
quables, mais malheureusement fugitives comme les beaux jours, car les
premières gelées les ruinaient, et les habitants du pays achevaient de les
démolir pour se procurer des moellons.
Et les sculpteurs novices, désespérant d'atteindre à la hauteur
où parvenaient les artistes, retournèrent à la cantine.
On ne s'en tint pas aux seuls arts plastiques. L'exemple de la
Crimée et des théâtres de la tranchée, qui avaient rendu de si
grands services en maintenant le moral du soldat, était trop
récent pour qu'on ne dotât pas les tristes horizons de la Cham-
pagne pouilleuse de semblables scènes. Presque chaque régiment
avait son petit théâtre, où zouaves et grenadiers se hasardaient à
jouer les jeunes premières. Une scène un peu plus noble était aux
frais de l'Empereur et donnait chaque année quelques représen-
tations. Toutefois, les raffinés trouvaient que ça manquait de'
femmes, parmi les comédiens ordinaires de Sa Majesté: on voulut
combler cette lacune. Un jour, les officiers du génie apprirent
avec effarement qu'ils devaient construire un chalet pour trois
actrices. Or, rien, dans les programmes et les études de l'Ecole
polytechnique ne les avait préparés à édifier des boudoirs, et la
nomenclature, la fameuse nomenclature, en dehors de laquelle
tout n'est qu'abomination de la désolation, ne prévoit aucun
meuble ou objet féminin. Heureusement pour le corps du génie,
les traditions ne furent violées que sur le papier, le chalet ne
s'éleva jamais de terre.
Par contre, le quartier impérial, installé en partie par M. Codillot,
reçut des logements destinés à l'Impératrice, aux dames de sa suite
et aux souverains étrangers invités aux manœuvres ou plutôt aux
parades, les prises d'armes du camp de Châlons ne méritant guère
d'autre nom. (Courrier de La Champagne )
L'œuvre du peintre russe Vasnetsoff, par le baron de liaye. — M. le
baron J. de Baye, a donné le 8 lévrier, dans la graude salle de rArclicvêi.lié
de Heims, siège habituel des séances de l'Académie, une intérestaute Con-
férence sur le peintre russe V'asnetsolf et son œuvre.
La séance était présidée p;ir S. Em. Mif le Cardinal, assisté par
M. Albert Benoist, président annuel.
316 MÉLANGES
M. Albert Benoist présente le conférencier, M. le baron de Baye,
archéologue distingué, membre de la Société des Antiquaires de
France. Délégué naguère au Congrès de Moscou^ il a profilé de
son séjour en Bussie pour étudier sur place l'art national, et nous
avons la bonne fortune d'entendre sur ce sujet intéressant, « les
Beaux-Arts en Bussie », un homme dont la compétence est univer-
sellement reconnue.
M. le baron de Baye prend la parole.
11 donne un aperçu général sur la peinture en Russie et le
caractère des principales écoles qui ont fourni jusqu'alors bon
nombre de toiles remarquables; mais, à son avis, aucun peintre
n'a égalé celui dont il veut nous entretenir. Victor Vasnetsolï est
un zélateur et un apôtre de l'Ecole moderne; il est de son temps
et de son pays; il voit tout, conçoit tout, peint tout, au point de
vue russe. On l'a appelé le Gustave Doré de la Russie; mais le
conférencier — toute nationalité mise à part — semble donner la
préférence à Vasnetsoff.
Cet artiste s'est d'abord appliqué à représenter les scènes de la
vie préhistorique — l'âge de pierre.
Grâce aux projections lumineuses qui accompagnent le récit et
la description du conférencier, nous voyons passer sous nos yeux
la reproduction de tableaux d'un grand effet.
Mais Vasnetsolf est surtout un peintre religieux; c'est dans ce
genre que se manifeste lu toute-puissance de son génie.
On lui doit la décoration des coupoles et des murailles de la
cathédrale de Kiew, dédiée à saint Wladimir; les fresques s'éten-
dent sur une superiicie de 4,627 mètres carrés.
Dans l'abside, à la partie centrale, se détache l'image de la
Madone, qui mesure huit mètres de haut. On trouve dans cette
peinture une expression de douceur et de bonté incomparable. La
Vierge porte dans ses bras l'Enfant-Jésus dont les mains étendues
semblent bénir et protéger le monde; tout autour, des anges à la
physionomie très caractéristique forment un décor ravissant, plein
de charme et de grâce.
Nous admirons ensuite le groupe des Prophètes. Moïse les
domine tous de sa haute taille, et à ses côtés, on voit Isaïe,
Jérémie, Daniel, etc.
Puis, dans un panneau voisin, les Pères de l'Eglise universelle :
saint Basile, saint Grégoire, saint Chrysostome, le pape Clément,
saint Atlianase, etc. A ce panneau fait pendant le panneau repré-
sentant les Pères de l'Eglise russe : saint Antoine, samt Serge, etc.
(lette dernière peinture est absolument remarquable; on sent que
l'artiste y a mis toutes les ardeurs de sa foi chrétienne et de son
amour national.
l-es fresques de la Coupole représentent le Ciel, où l'auteur a
placé les neuf béatitudes.
MELANGES 317
Au premier plan, et au centre, on aperçoit les trois archanges :
saint Gabriel, saint Michel et saint Raphaël, dont l'image mer-
veilleusement belle, se détache sur un fond étincelant d'or et de
lumière.
De chaque côté, convergeant vers le centre, on distingue la
foule des élus qui vont entrer au Paradis.
Ce sont, à gauche, le bon larron portant sa croix, avec sa figure
expressive de criminel repentant; Adam et Eve, guidés par un
ange aux ailes déployées ; Madele'ne l'Egyptienne et Marie-Made-
leine, la pécheresse convertie; enfin sainte Sophie accompagnant
ses trois filles, qui subirent avec leur mère le martyre par le glaive.
A droite, des anges apportent sur leurs bras sainte Barbe et
sainte Catherine, et, derrière ces deux vierges, dont la physio-
nomie se détache sur un fond blanc d'une exquise pureté, on
distingue un grand nombre de saints personnages, dont les noms
sont particulièrement vénérés en Russie.
Sur les murailles latérales du temple^ l'artiste a représenté un
grand nombre de saints, dont chacun garde un caractère spécial
qui établit entre eux des contrastes saisissants. Ce sont saint
Alexandre, sainte Madeleine et sainte Olga, et enfin saint Wla-
dimir, le Clovis de la Russie.
Four terminer, le conférencier fait passer sous nos yeux l'image
d'une autre madone. Elle a laissé tomber le livre où elle vient de
lire les prophéties qui annoncent les douleurs et la Passion de son
Fils, sa tète est inclinée, et il semble qu'une larme va s'échapper
de ses yeux presque fermés; l'Enfant-Jésus indique par son atti-
tude qu'il a ressenti les appréhensions et les craintes de sa mère,
et à la vue de cette délicieuse peinture, on sent qu'il y a dans
l'âme de la mère et de l'enfant une profonde douleur unie à une
invincible résignation.
Nous restons quelque temps en contemplation devant ce chef-
d'œuvre, qui nous donne une si parfaite idée de celle qu'on
appelle Mater admirabilis.
Nous n'avons qu'un regret, c'est que la photographie ne nous
permette pas d'apprécier le coloris, qui doit donner à toutes ces
peintures un attrait incomparable.
(Courrier de la Chainpu(jiii'.)
On a donné, le 19 février, à l'Opéra-Comique, la première repré-
sentation d'un opéra-comique en quatre actes et cinq tableaux,
dont les paroles sont de MM. André Lenéka et Arthur Bernède, la
musique de M. Edmond .Missa-Duval, le jeune compositeur rémois
bien connu. Cette œuvre a pour titre : Xmon de Lenclos, épisode
lyrique.
Le livret comporte trois personnages principaux : Ninon de
318 MÉLANGES
Lenclos, le poète chevalier de Bussière, et une jeune fille du nom
de Chardonneretle. Celle-ci est aimée de Bussière, mais Ninon de
Lenclos jette son dévolu sur le poète et réussit à se l'attaclier. Au
dernier acte, Bussière revient à ses premières amours; mais Char-
donnerelte, blessée au cœur, meurt entre ses bras. Il y a là une
scène qui rappelle la Dame aux Camélias ou la Traviata.
Voici les appréciations fort diverses de la presse parisienne aux-
quelles la partition de M. Edmond Missa a donné lieu :
Du Malin :
« M. Edmond iVJissaestun élève de Massenet. 11 a obtenu, il y a quelques
années, le second prix de Rome.
M. Massenet est, comme l'on sait, l'un des meilleurs professeurs du Con-
servatoire. Il donne un enseignement très large II n'enseigne pas seulement
à ses élèves la fugue et le contrepoint. Il leur fait connaître les maîtres
anciens et les maîtres modernes.
M. Edmond Missa a mis à profit les leçons de M. Massenet et si le leit ■
moliv qui revient dans Ninon de Lenclos n'est pas d'une originalité absolue,
il y a des pages des plus intéressantes. Dans le second acte, la chanson de
la Chardonneretle, dite par M. Leprestre et par M"« Fernande Dubois, a
obtenu un grand succès. Les deux artistes ont dû la bisser, i
De VEsla/elte :
« Il y a dans Ninon de Lenclos un grand nombre de pages charmantes,
d'une clarté remarquable, d'une couleur fraîche et agréable. On sent que !a
partition a été écrite par un musicien qui a .fait des études sérieuses;
M. Missa est maintenant au nombre des compositeurs sur lesquels l'Ecole
française peut compter. »
Du Petil Parisien :
t Partition aimable, claire, mélodique, d'une facture savante toutefois,
mais avec discrétion, bien construite, et c'est par là qu'elle est intéressante. »
De la Peiite République :
« La musique de M. Missa ne manque ni de grâce, ni d'élégance. La
partition est sans doule un peu monotone et manque d'élévation, mais elle
est fort agréable à entendre, »
Du Figaro :
« La partition de M. Edmond Missa est supérieure aux ouvrages pré-
cédents du jeune compositeur et elle a plu dans beaucoup de ses parties;
toutefois, il se rencontre trop de pages négligées, ou paraissant telles.
M. Missa possède, comme ses collaborateurs, un très juste sentiment du
théâtre : toute sa musique de scène, ses chœurs dialogues des seigneurs
sont traités avec une exquise délicatesse; un piquant morceau du troisième
acte : « 11 faisait nuit, très nuit », est spirituellement enlevé. Au dernier
acte, la pénétrante chanson de Chardonnerette : « Comme un oiseau qui
cherche le soleil », est une trouvaille mélodique d'une irrésistible expres-
sion. Une belle scène de Ninon, au premier acte, quand elle voit s'éloigner
bras dessus, bras dessous, Chardonnerette et de Bussière, qu'elle aime déjà;
d'autres pages sont encore à citer. Nous aimons moins la chanson du baiser,
de Ninon, et les airs de ténor du chevalier, qui sont jetés dans un moule
assez banal.
MELANGES 319
La partie la plus belle de la composition de M. Wissa est l'orchestration,
qui est souvent, sinon trop chargée, &u moins trop épaisse, confuse; ce jeune
musicien fait du bruit avec les instruments les plus doux. Il est vrai que
l'exécution des instrumentistes de l'Opéra-Comique n'est pas de nature à
dissimuler les erreurs des compositeurs.
Par une bizarrerie dont ils ont peut-être attendu quelque effet, les auteurs
du livret ont écrit en prose le texte des morceaux de musique. »
Du Rappel, :
<i M. Edmond Missa est depuis longtemps un compositeur de mérite. Il
l'a prouvé hier soir; il l'aurait sans doute prouvé il y a plusieurs années si
nos théâtres lyriques étaient moins accaparés par les compositeurs étrangers.
La partition de Ninon de Lenclos est bien française; la mélodie y coule
de source, peut-être même trop abondamment. Mais trop vaut mieux que
pas assez.
M. Edmond Missa étant à l'âge heureux où l'on ne sait pas se modérer,
a aussi abusé des leitmolivs. Ses phrases qui caractérisent Ninon et Char-
don neretle reviennent jusqu'à l'obsession, développées en force ou en
douceur, selon que grandit la passion de la courtisane ou la tristesse de
l'abandonnée. Mais ce détail ne saurait nuire à l'effet général d'une œuvre
touchante ou gracieuse, et traversée par un beau souffle de jeunesse. »
De ÏEclio de Paris :
f De la musique de M. Missa, l'on sait déjà ce qu'il faut penser. Ce ilôt
gris charrie du Gounod et du Massenet, avec des bagatelles d'archaïsme et
toute sorte de préciosités. L'orchestre, assez soigné de détail, s'encombre de
dessins ordinaires. Aucun relief de symphonie. Tour à tour la sonorité est
neutre ou commune jusqu'à la grossièreté. »
Du Journal :
c Cette chose, en quatre actes et cinq tableaux, modestement baptisée
« épisode lyrique », présente l'originalité d'être laminée en un long ruban
de prose qui supporte fragmentairement la musique de M. Missa.
Ninon risque de ne point s'éterniser à la scène: nous pensons, toutefois,
que mainte jolie page de la partition réserve à l'œuvre une vogue de salon
qu'il ne vient à la pensée de personne de dédaigner.
Nous avons eu l'occasion de parler du talent de M. Missa lors de la repré-
sentation, l'an dernier, de sa comédie lyrique Dinah, sur le théâtre de la
Comédie-Parisienne.
Le style de Ninon, plus précieux, d'une étoffe mélodique plus souple, est
parsemé d'imitations souvent réussies des rythmes et des formes eu usage
au xvu» siècle.
Au début de l'ouvrage, le chœur : Chers oiseaux, chanté sous les ton-
nelles fleuries du jardin de l'hôtel des Tournelles, a obtenu un franc succès.
Le décor est du reste charmant.
Quelques éclats du duo du deuxième acte entre Ninon et Bussière; le
récit de Guérigny au troisième acte: // faisait nuit, à ce même acte, le
trio de Ninon, Bussière et Chardonneretle, construit sur une situation ana-
logue à celle du quatuor de Higolelto ; enlin, au dernier acte, lair de Char-
donneretle : Comme un oiseau qui cherclie le soleil, ont reyu bon accueil.
Pourquoi faut- il que la présence de Ninon nous fasse subir l'obsession
d'un trait en tire-bouchon que l'orchestre ressasse à l'état de rosalie dans
le cours entier de l'ouvrage? >
320 MÉLANGES
Du Temps :
« M. Edmond Missa connaît certainement son métier; mais il l'a appris
avec un maître dont la marque est trop reconnaissable en lui : j'ai nommé
M. Massenet. La musique de M. Massenet est comme ces parfums forts,
très capiteux et très musqués, dont les dames réellement distinguées se
garderaient bien d'arroser, sans précautions, leurs vêtements et leur per-
sonne : ils entêtent, ils durent, et ils désignent. Au fond, nul ne peut pré-
tendre à écrire de la musique de M. Massenet mieux que l'auteur du Roi de
Lahore ; il est donc préférable de se dégager de cette influence, de chercher
autre chose, de se chercher soi-même : M. Missa ne s'est pas encore trouvé.
Il faut, d'ailleurs, tenir compte à M. Missa de ce qu'en écoulant sa iVinon
on était trop tenté de songer à Manon. C'est à peu près à la même source
d'inspiration lyrique que le maître et l'élève sont allés puiser. Comment
s'étonner que le verre de l'élève fût plus petit et fût tenu plus gauchement?
Comment s'étonner si l'élève a recueilli même quelques gouttes restées au
fond du verre de son maître? Il perle a la fin du premier acte de Ninon
quelques mesures — moins que cela : quelques notes — où passe le sou-
"venir de l'aérien menuet de Manon,
Ce qu'il faut le plus reprocher à M. Missa, c'est d'avoir suivi, sans
envolée, la prose rythmée qu'il devait illustrer en musique. N'a pas qui
veut des ailes; mais enfin le compositeur était tenu de nous donner autre
chose que celte fluente mélodie pas assez souvent relevée de quelque inven-
tion notable. L'obsédant leitmotiv de Ninon, cent fois répété, n'est pas très
plaisant : il a pour lui de ressembler — d'assez loin — au thème de Kundry
dans Parsifal. Si M. Missa l'avait fait exprès, l'idée, discutable en soi,
serait assez claire : elle voudrait signifier que Ninon est une des incarnalions
de la Femme, l'être de délices et de perdition que Wagner a personnifié en
Kundry. Mais u'insistons pas sur cdtie hypothèse.
Les connaisseurs ont remarqué que l'harmonie de M. Missa est parfois
adroile et que ce compositeur a le sens des « pages d'album ». M. Missa
marie agréablement les timbres. Il use et il abuse de toutes les ressources
langoureuses de l'orchestre. Flûtes, harpes et clarinettes sont souvent
requises d'étendre sur l'idée musicale le sirop le plus pur de leurs accords.
Mais tous les moments ne sont pas à la douceur , et M. Missa paraît un peu
plus embarrassé quand l'émotion grandit et quand il s'agit d'accentuer le
drame. 11 se tire d'affaire par le bruit. Des cris, des crescendos vertigineux
comme à la fin du second acte d'Esvlarmonde, des fanfares orchestrales qui
dissimulent la maigreur de l'inspiration. Et puis, tout à coup, le Ilot s'apaise,
pour la même raison qu'il avail grossi — pour rien.
Nous devions ces critiques à un homme qui n'est pas le premier écolier
venu et qui peut mieux faire, à condition de ne pas se fier aux habiletés
acquises ou aux procédés trop connus. Il s'agit, api es tout, de l'avertir bien
plus que de le gourmander. 11 y a, dans la partition de M. Missa, quelques
phrases de musique de scène, d'une excellente tenue, et qui nous donnent
le droit d'être difficiles et d'espérer. Il y a aussi un gracieux duo au deuxième
acte ; c'est plus « opéra-comique » qu' « épisode lyrique », mais c'est bien;
il y a surtout au dernier acte l'air de Chardonnerette; il y a d'autres petites
pages intéressantes. »
L'Imprimeur-Gérant,
Léon FRÉMONT.
UNE
ÉGLISE RURALE
Du moyen âge jusqu'à nos jours
ViLLERS-DEVANT-LE-THOUr. ET JUZANCOURT
Son Annexe
Canton d'ASPELD (Arclennesj
PRÉAMBULE
Les campagnes en France ont été conslarameut les réserves
du pays loul entier, autant pour maintenir le développement
de la population en général que pour garantir la base de la
fortune publique. Les villes ont, dans tous les temps, renou-
velé leurs familles au sein des villages, leur empruntant leurs
meilleurs éléments de régénération avec leurs plus sûres
ressources en vue de l'augmentation du crédit et de la
richesse. Ce phénomène, constaté au moyen âge', se reproduit
et s'accentue de nos jours dans nne proportion qui peut
paraître inquiétante'. On constate avec effroi la diminution
progressive du nombre des habitants dans les campagnes et la
baisse non moins sensible en beaucoup d'endroits de la valeur
des biens ruraux sous toutes les formes. Les meilleurs esprits,
les plus clairvoyants économistes, sans pouvoir conjurer le
péril qu'ils proclament les premiers, s'efforcent d'y apporter
des remèdes, de proposer des compensations, soit en déchar-
geant l'impôt, soit en assurant aux populations rurales les bien-
faits de l'épargne, de l'assinance et des secours cà domiciles
1. L'immigration à licims, de 1351 à 1300, par P. Tliirion, dans les Tra-
vaux dt l'Accdémie de lieims, t XCIV, p. 2l 1.
2. La population de l'arrondissement de Iktlicl (Ardei.nes;, communica-
tion au Congcès de l'Association française pour lavancemeul des sciecces,
Reims, 1880, in-S".
3. Loi du 15 juillet 1893 sur l'assistance publique obligatoire dans les
campagnes, son examen par Georges Michel dans L Economi>>te français,
journal hebdomadaire, du samedi '25 mai 1893, p. 663-05.
21
3'i2 Unk église ruralk
La lâche des historiens esl loulo autre : ils ne peuvent
prendre une part efticace à la solution de ces difficiles problè-
mes, fi ce n'est par des études rétrospectives, par des compa-
raisons et des données certaines qui éclairent le passé et
peuvent jusi]u'à un cerlain point fournir des indications sur
Tétai du présent el sur les probabilités de l'avenir. Ils ont
au^si une autre mission, celle-là exclusivement spéculative el
morale, qui consiste à raviver les plus consolantes traditions,
à garantir contre l'oubli le souvenir des ancêtres et des bienfai-
teurs, en un mot à perpétuer Tamour de la patrie, petite ou
grande. Si l'on savait clairement dans chaque village ce que
les générations précédentes ont souffert depuis des siècles,
contre quoi elles ont lutté, comment elles ont triomphé par la
patience et l'endurance des obstacles de la nature, des intem-
péries, et, ce qui est pis encore, des iléaux souvent réunis de
la guérie, de la peste et de la famine, les difficultés de cha-
que jour s'aplaniraient, le courage reviendrait aux moins
résolus, et l'espoir vers un meilleur avenir se trouverait cen-
tuplé. L'attachement au sol natal se réveillerait de son côté, il
stimulerait ce sentiment naguère si énergique et si vivace qui
se traduit par ce mot magique, l'amour du clocher.
C'est le clocher, en effet, qui marque le mieux et qui
caractérise les étapes de la vie rurale dans l'espace des siècles :
autour de lui, on s'est groupé dès les âges lointains du haut
moyen âge, car nous te remonterons pas aux temps primitif» qui
n'ont plus de rapports avec notre civilisation. Mais à l'époque
carolingienne, notre village actuel se forme autour de l'église
rustique établie dans l'ancien domaine gallo-romain'. Il n'en
reste plus de traces matérielles, mais les érudits le recon-tituent
par les textes des chroniqueurs-. Avec l'époque capétienne,
apparaissent nos plus vieux édifices ruraux, ces église^ roma-
nes si simples et si obscures au xi" siècle, el qui s'agrandis-
sent, s'éclairent et s'embellissent, à l'exemple des églises
urbaines, aux xii*^ et xiii° siècles. En scrutant leurs murailles
1. Le Correspondant, u«~ des 10 lévrier et 25 février IS'JÛ, daus l'étude
sur Les Curés avant 1789, par l'abbé Sicaru, cite ce passaj^e : « De même
que le villafçe moderne esl dérivé souvent d'un ancien domaine, de même
l'église paroissiale esl dérivée Irôs souvent de la chapelle privée d'un grand
propriétaire. » Fustel de Coulanges, Hist dfS institutions politiqups de
l'ancienne France : la monarchie f>anque, iS'^S, pp. 518-519. — Cf. du
même auteur, L Alleu et le domaine rural, 1^89, pp. 229-231.
2. De ecclesiis rusticanis œlate carolingica, par P. Imbarl de la Tour.
Bordeaux, 1890, in-8". (Thèse pour le doctorat ès-lettres, très remarquée
el très iûstructiVî.)
UNE ÉGLISE RURALE 323
et en exaininanl les rares documents qui nous renseignent sur
leur fondation, l'enquèle se poursuit et il en résulte une vue
plus nette du sort des populations qui vivaient à leur ombre.
Elles ont été constituées en paroisse avant d'être une portion
d'un domaine fi;odal, avant de devenir une communauté
d'habitants ayant ses droits propres et sa personnalité. Un lien
religieux a suffi pour unir les habitants du moindre village.
On devine le moteur qui y a développé et soutenu la vie morale,
souvent proposé la culture intellectuelle, assuré du moins la
dignité et la vertu dans la famille et daus l'individu'. A la fin
du moyen âge, avec la guerre de Cent Ans, l'ordre est ébranlé
eu tous lieux, on soutire de calamités que n'avaient point
connues les générations précédentes : les registres de visites
mentionnent partout des ruines dans nos églises rurales,
ruines qui durent jusqu'à la lin du xv"^ siècle, et que le com-
îtiencement du xvi*" siècle voit enfin réparer sur tous les points.
De nouvelles luttes surviennent, les guerres de religion, qui
ramènent la désolation et de nouveaux ravages jusqu'au dernier
hameau. Au siècle suivant, les troubles de la Fronde ne sont
pas moins désastreux pour la plupart de nos villages, et il faut
de longues années pour guérir ces plaies et retrouver l'abon-
dance avec la sécurité.
Voilà le tableau en raccourci de l'histoire de nos communes
rurales : elle se Ut sur les murs de leurs éghses, comme sur
les pièces de leurs archives échappées à la destruction. Un
sentiment partir;ulier d'affection et d'attachement nous a poussé
à réunir ces pièces en ce qui concerne l'histoire d'une église
de campagne, comme ou l'a déjà fait pour beaucoup d'autres
aux environs. Nous les reproduisons avec l'espoir d'aider à sa
conservation, d'y intéresser les esprits et d'y ratlacher les
cœurs. Les faits dont elle a été le témoin ne sont point nota-
bles par eux-mêmes, mais de l'ensemble se dégage une
appréciation assez précise des bienfaits et des maux du passé,
des conditions de vie successives des habitants, de leur foi
active, de leur laborieuse persévérance, scène d'un étroit
horizon qui ne manque pourtant ni de poésie, ni de grandeur.
Aux ruines, à la stérilité de certaines périodes a toujours
1 . L'É(jlise el les Carnpa/jnts au moyen âge, par Gi.'3tave-A. Phevost,
Paris, Champion, 18'J2, gr. in-S" de vii-292 pa-es. — Excellent ouvra^-e
puisé sinon aux sources, du moins dans les meilleurs auteurs, écrit avec clarté
et méthode, décrivant en quatorze chapitres tout ce qui concerne la hiérarchie
ecclésiastique, le curé de campagne, l'église rurale, le paysan, la charité,
l'enseignement, la justice, le droit d'asile et la vie privée uu moyen àgc.
324 UNE ÉGLISE RURALE
succédé une époque de résurrection et de paix, uue ère de
progrès qui a duré et s'est maintenue, grâce à la simplicité des
mœurs et au travail ininterrompu. N'est-ce point un enseigne-
ment pour le présent, un réconfortant présage pour l'avenir?
Nous allons essayer du moins de le montrer en déroulant ces
modestes annales dans leur cadre historique, dans l'ordre
chronologique du moyen âge jusqu'à nos jours ; nous les
ferons suivre des documents originaux qui valent encore mieux
dans leur naïf langage que tous nos commentaires et nos
éclaircissements. « Le document, disait-on récemment, con-
tient toute l'histoire, le fond, la forme et la couleur, car il
nous met en contact immédiat avec les personnagt's des épo-
ques les plus lointaines ; grâce à lui, nous devenons les témoins
directs des événements, et nous racontons l'histoire comme si
elle se passait vraiment sous nos yeux : il communique enfin
au style l'énergie et la précision que donne toujours la vision
nette de la réalité '. » On ne pouvait mieux dire, et tout notre
désir est d'implanter de la sorte la vérité dans les âmes par les
plus sûrs témoignages.
Henri Jadart.
Reims, le 12 mars 1895.
1. De l'usage des docuinenls originaux dans les éludes hislorii/ues, par
Raymond Devèze, professeur au collège d-; Vitry-le- l''rançois, 1894, p. 9.
UNE EGLISE RURALE 325
VILLERS-DEVANT-LE-THOUR ET JUZANGOURT
Chapitre I^'
Origines, Monuments et Antiquités diverses, Églises
des deux localités.
Ces deux villages forment actuellement deux communes du
canlou d'Asfeld, la première comptant environ 6b0 habitants
el la seconde yrès de 200, l'une et l'autre essentiellement agri-
coles et pourvues d'éléments de pro-périté parla nature pro-
ductive de leuj- sol parfaitement cultive. Situées à proximité
de la vallée de i'Aisue et d'une importante sucrerie, il ne leur
manque pour faciliter leurs communications que d'être reliées
par une voie ferrée assez prochaine aux villes de Relhel et de
Reims, qui sont depuis des siècles les centres d'approvisionne-
ment de la contrée.
Ce simple coup d'oeil jeté sur la situation et les besoins
actuels de ces localités, nous remontons, sinon à leurs origines
qui nous échappent sur bien des points, du moins aux plus
anciens renseignements qui les concernent. Leurs noms indi-
quent des fondations de l'époijue franq'ie ou germanique, tout
au plus, car le terme Villare désigne une station agricole
comme l'origine de Villers, mais un établissement bien posté-
rieur à l'occupation romaine; le suffixe Curtis ou Cor lis,
accumpagnant le nom encore indéterminé d'un possesseur
primitif, marque également pour Juzancourt une création
mérovingienne ^ La découverte, en 1873, d'un cimetière de
cette période sur le terroir de cette commune, au lieudit Les
Tombes, est un indice des groupements d'habitations qui se
1 . Le nom commun ViHare, désignant une dépendance de la Villa
(vaste domaine rural, formant une sorte de village], était un sjnonyme de
notre mot administratif « écart ». Il est devenu le nom propre d'un grand
nombre de communes. — Sur les sens respectifs des mots Cortis, synonyme
de Villa et Villare, son diminutif, voir le Dictionnaire lopographique du
département de la Marne, par A. Longnon, introduction, pages IX à XI.
— On compte 124 localités du nom de Villers dans le Dictionnaire des
communes de France par Gindre de Mancy, 1890.
3.2G UNE ÉGLISE RURALE
formèrent alors sur les plateaux fertiles qui dominent en cet
endroit les bois et les prairies du bassin de l'Aisne'.
A l'époque féodale, les deux communes furent comprises
dans le ressort de la baronnie du Thour, puissante seigneurie
du moyen âge dont les annales uécessiLeraient une histoire
spéciale -. ViUers fut constamment uni comme seigneurie au
domaine du Thour, c'est-à-dire qu'il appartint successivement
à cet égard aux maisons de Soissons, de Châtillon, Cauchon
de Maupas, de Goligny, de Mailly et de Nassau-Siegen '.
Depuis l'année 164), l'Hôtel-Dieu de Paris avait possédé moi-
tié de la seigneurie par suite de la donation qui lui eu avait
été faite par M"" Régnier du Doré, co-propriélaire par indivis
avec la famille Cauchon'. C'est ce qui explique pourquoi il
n'y eut jamais de château, ni de résidence de noblesse à
Villers, si ce n'est au xyu" siècle celle d'un membre de la
famille Gondaillier, qui s'intitulait sieur de la Fleur, et habitait
l'ancienne maison de la famille Priilieux, vieille demeure assez
caractéristique de cette époque, démolie et reconstruite eu
l873 presqu'entièreraent.
A Juzancourt, plusieurs familles nobles coexistèrent et
même résidèrent à partir du xyi*^ siècle dans les deux châteaux,
1 . La découverte de ce cimelière eut lieu vis-à-vis l'ancienne carrière,
sur la gauche de la route de Juzancourt à Gomont. M. Jacquard père,
propriétaire à Herpy,y mit au jour, dans le cours de fouilles assez complètes,
plusieurs tombes eu pierre dont l'une avec un couvercle décoré de sculp-
ture, des vases en terre cuite de différentes formes, etc. Plusieurs de ces
objets, notamment le sarcophage mérovingien, sont conservés à Herpy par
M. Jacquard fils, mais la sculpture en est malheureusement fruste et
détpriorée par l'humidité.
2. La baronnie du Thour comprenait les communes et dépendances de
Bannogne, Hannogne, Juzancourt, Le Thour, Saint-G-rmainmont et
Villers-devant-le- 1 hour, plus des portions de seigneuries à Grandchamp,
à Amagne et Saint- Fergeux. — Cf. Coutumes du Dailliage de Vilry-en-Per-
Ihois, avec un cninnienlaire... par Maître Estienne Durand, avocat...
Chûlons, Claude Bouchard, Mi"!, in-f», p. 616.
3. Voir sur le dernier baron du Thour un ouvrage tout récent, Un paladin
au XVllh siècle. Le prince Charles de Nassau-Siegen, d'après sa cor-
respondance originale inédite de 1784 à 1789, par le marquis d'Aragon.
Pans, IHon, 18U3, in-8 de 396 pp. — Le prince Charles de Nassau vendit
la baronnie du Thour en 1773 à Jacques Lenoir, conseiller du roi, notaire à
Paris, dont la Hévolution vint bientôt anéantir les droits féodaux. Mais ses
droits de propriétés se transmirent à la petite-nièce du notdire Lenoir, née
de Lo;tauge, vicomtesse de Virieu, dont les enfants vendirent au détailles
possessions vers ISSO.
4. L'Hôlel-Dieu de Paris ht dresser en 180G le plan de ses propriétés et
les vendit quelque temps après.
UNE KGLISE KUKALE 327
maisons d'ailleurs fort «impies qui subsislenl encore, quoique
lransrorn:iées en maisons de culture; cilons les noms des
ramilles de La 1,'ayc, de Hézecques, Dubois d'Ecordal, de
Coucy, de Villiers, etc., dont les noms se retrouvent sur les
registres paroissiaux. Le plus ancien de ces châteaux, appelé
Châteav d' en-haut (propriété actuelle de M. Manteau-Dian-
courl), est probablement celui qui apparaît dans des actes
comme une construction élevée en 1644 aux frais de Messire
^'icolas de La Haye, chevalier, seigneur et vicomte de La
Saulx, La Neuville et Juzancourl '. L'autre château, entouré
de larges fossés, situé au bord de la prairie et désigné pour
cela sous le nom de Château (Ven-bas (propriété de M. Ernest
Thiébeaux), date seulement du xviii'^ siècle. Il ofîre une habi-
tation pourvue d'appartements dans le goût du temps ; une
rampe d'escalier eu fer forgé, des boiseries et une fort belle
console de salon, y rappellent les décorations qui lembellis-
saient autrefois. J^a grande porte de la cour porte au revers de
la façade la date de 17ri4, qui s luble être celle de la création
de ce domaine où résidèrent, en notre siècle, MM. de Burtin
et de Villiers. D'autres seigneurs de Juzancourt, sans résidence
sur les lieux, figurent dans des actes et sur des plans du
xviii" siècle, notamment la famille Bidet, de Reims-.
Ces détails sur les vestiges peu saillants des antiquités, ne
nous font pas perdre de vue la description des édifices de ces
villages, ni les détails historiques qui s'y rattachent et forment
de beaucoup les plus intéressantes pages des annales du pays.
Si haut que l'ou remonte dans le passé, on trouve les églises
de Villers et de Juzancourt unies, cette dernière à litre d'an-
nexé ou de chapelle de secours. Elles apparlenaieut l'une et
l'autre au doyenné de ï^ainl-Germainmonl, démembrement de
1. 8 novembre 1644. — « Pierre Favreau et Nicolas Wibert, maîlres-
massoDS a Reims, conviennent avec Messire Nii-olas de La Haie, chevalier,
seigneur et vicomte de La Saulx, la Neuville, Juzancourt, de faire tous les
ouvrages de raassonnerie en une place où ledit sieur vicomte prétend faire
un chasteau audit lieu de Juzancourt, savoir une porterie de pierre de
taille, etc.. etc. v
3 décembre 1649. — « Jean Héuon, charpentier à Reims, convient avec
'Messire Nicolas de La flaye, vicomte de Lassauix et de Juzancourl, do
faire un escalier de deux eslages de hauteur en la maisou de Juzan-
court, etc.. » Minutes de André An'jitr, notaire à i<e/ms, années 16iï et
1649, copies de \'. A. Ducbénoy.
2. 6 septembre 1717. — Procès- verbal d'arpentage par Pierre Defer,
des biens appartenant à Maître Claude Bidet, conseiller du roi, seigneur de
Juzancourt en partie, en présence de Louis Bidet, conseiller du roi, avo.-at
au Parlement, lieutenant des Eaux et Forêts, son iils, demeurant à Reiras,
328 UNE ÉGLISE RURALE
l'ancien Pagus Porcensis ou comlé de Porcieu à l'époque
carolingienne'. Les comptes des décimes du diocèse de
Picims au xiV^ siècle ne metiliounenl que le lilre de la paroisse
principale, sans faire raenlion de JuzancourL-. Mais les procès-
verbaux de visiles du doyenné, conservés aux Archives de
Reims, mentionnent la paroisse et son secours au milieu du xv*^
siècle, avec quelques détails fort curieux qui en sont, pour
ainsi dire, les premiers documents officiels 3.
11 y a d'ailleurs dans ces deux monuments ruraux, inégaux
comme dimensions et peu importants en eux-mêmes, dignes
toutefois de l'allenlion de l'historien, des simihtudes qui indi-
quent leur communauté d'origine. Malgré les mutilations et
les; ravages du temps, il suffit d'observer l'arcliitecture du
portail de chaque église pour leur attribuer une époque de
construction absolument concordante, la fin duxir sièrle ou le
commencement du xiii'^ siècle : même archivolte, même tym-
pan, même encadrement et mêmes colonneltes. Il n'en reste à
Jui.ancourt qu'une portion bien délabrée, et le surplus de
l'édifice a été rtmanié à plusieurs reprises et enfin entière-
ment modernisé. Néanmoins ce qu'on en voit suffit pour fixer
aux deux. édifices une origine contemporaine, pour ainsi dire
simultanée '.
La similitude dans l'architecture des deux édifices provient
non seulement de h constante union des deux localités sous le
rapport religieux, mais encore de la présence des mêmes
décimateurs principaux chargés de la construction ou de
l'entretien des églises, à savoir le chapitre métropolitain de
Reims, le patron nommé par l'archevêque et le curé. Eu
1. Éludes sur les Vagi de la Gaule, par Auguste Longnon, élève de
l'École des Hautes Eludes. Iieuxième partie, Les Pagi du diocèse de Reims,
avec quatre cartes. Paris, librairie A. Franck, 1872. Gr. ia-8 de 143 pages.
Ce qui concerne le doyenné de Saint-Germaintnont se trouve aux pages 3,
8 et 81.
2. XIV 1. Presb. de Villari anle Turnum, XLV s. — XLV 1. Perrochia
de Villare ante Turnum, l'undata iu honore Beati Remigii. — Patroous
capitulum reraense et quidam alius cui D. remensis conf'ert patronagium.
Archives administratives de la ville de Reims, par P. Varin, t. II, p. 1065
et lOtiG — Les pouillés des siècles suivants donneat les détails relatifs à
Juzancourt comme à Villers, comprenant le chiffie des communiants, des
revenus, de la taxe aux décimes, etc. Ibidem, eu note.
3. Voir ces documents donnés in extenso dans l'appendice I.
4. Statistique monumentale du diocèse de Reims, déparlement des
Ardtnnes, par Jean Hubert, dans les Travaux de l'Académie de '■Reims,
1853, t. XVIII, p. 258-59, description de l'église de Villerâ-devanl-le-
Thoui'.
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I
UNE ÉGLISE RURALE 320
outre, il y avail à Villers une part des dîmes attribuée aux
abbayes de la Valroy et de Vauc'.erc ', aiusi qu'au prieuré de
Neuville-. — A Juzancourt, c'était l'abbaye de Sainl-Nicaise
de Keiais qui partageait avec les autres gros décimateurs. Dans
les deux localités, le cbapitre de Reims dut avoir la part pré-
pondérante pour la construction, devoir dont il s'est acquitté
dans uc très grand nombre de villages de la région avec une
véritable supériorité due au talent de ses architectes et au
taux de ses ressources^.
L'église de Villers, telle qu'elle se présente encore à nous, a
conservé toute sa physionomie de l'époque gothique primitive,
très simple, très rustique, mais bien en rapport avec une
communauté rurale d'une certaine importance : une nef à cinq
travées, dont les arcades en arc brisé reposent sur d'énormes
piles rectangulaires sans autre ornement qu'une moulure
saillante; — autant de fenêtres également en arc brisé s'ou-
vraient des deux côtés (malheureusement bouchées depuis)
et éclairaient la nef*; la fenêtre surmontant le portail à l'ouest
a été démesurément agrandie, probablement à la fin du xvii^
siècle; — cette nef principale était accompagnée de bas-cô es,
sans doute très bas à l'origine pour ne pas gêner l'ouverture
des fenêtres; — un arc triomphal, de même style, mais d'une
architecture plus riche (ses chapiteaux et ses deux colonnes
1. La Valroy et Vauclerc, abbayes cisterciennes, l'une au diocèse de
Reims, aujourd'hui anéantie ; l'autre au diocèse deLaon.dont il subsiste des
ruines et une magnifique grange ou grenier d'abondance en style gothique.
2. ^^euville, canton de Craonnc (Aisns), appelé aussi Xeuville-en-
Laonnois, prè-; Corbeny. Le prieuré de Saint-Julien de Neuville avait été
fondé par l'abbaye de Saint- Vincent de Laou en tio3 dans le château du
lieu. Celui-ci relevait de la chàtellenie de Montaigu. liéperloire archéolo-
gique de l'Aisne, par Maiton, archiviste. — Cf. Archives départementales
de l'Aisne, H. 280-320.
Il83. — Dîmes à Villers-devant-le-Thour, concédées par Simon de Mon-
taigu à l'abbaye de Saint-Vincent.
Juin 1222. — Alain de Roiicy reconnaît avoir injustement troublé les
moines de Neuville dans la possession ae ces dîmes.
3. Citons les églises de Pévy, de Boult-sur-Suippe, de Bétheniville et
d'HfUtrégiville (Marne). — A Villers-devaut-le-Thour le chapitre percevait,
outre les dîmes, une redevance foncière « d'un quartel de seigle pour chaque
jour d'héritage ». Voir la liasse relative à ces droits, contenant des cueille-
rets et des baux, déclarations, sentences, etc., de 1575 à 178U. Archives de
Heims, l''onds du Chapitre.
4. La nef n'a jamais été recouverte de voûtes ; il est probable que les
combles de la charpente étaient visibles et que le plancher qui la surmonte
ne date que des derniers siècles.
330 UNE ÉGLISE RURALE
ont élé eu partie refaits récemment), ouvrani sur le fond de
régli?e ; — un transept à deux croisillons et un chevet carré
votîlédans toute son étendue avec nervures arrondies reposant
sur des faisceaux de colonnettes manies de chapiteaux à
crochets assez bien conseivés.
Dans celte partie de l'édifice, un changement considérable a
élé opéré au début du xvi" siècle : le croisillon sud. formant
chapelle latérale, a été entièrement construit, s'il n'en existait
pas auparavant, ou reconstruit à neuf et percé de deux belles
fenêtres flamboyantes à un meneau. Le croisillon nord est
resté dans l'état primitif, recouvert d'une voûte dont les ner-
vures reposent sur des consoles sans figures (une portion de
la voûle menace ruine actuellement au-dessous du pignon).
Celle chapelle esl éclairée par deux étroites fenêtres en arc
briL^é (l'une d'elles refaite symétriquement de nos jours pour
se trouver au-dessus de l'autel). Quant au carré du transept
et au chevet terminé par un mur plat, ils ont gardé toutes leurg
lignes primitives dans les voûtes et les faisceaux de colonnettes
supportant les nervures, sauf les bases qui ont élé refaites récem-
ment. Le mur du fond esl percé au sommet d'une rosace très
simple à redenls, et les deux fenêtres qui s'ouvraient au-
dessous sont bouchées par le grand retable du maître-autel.
Les fenêtres latérales primitives, étroites et en arc brisé, ont
été l'une et l'aulre agrandies dans un style opposé et à une
époque différente : celle du côté de l'Evangile le fut au xvi**
siècle et dans le goût de la Renaissance, dont elle ofïre un beau
spécimen en plein cintr(\ avec meneau et oculus au sommet,
l'intrados garni de moulures et de sujets variés, têtes d'anges
et têtes d'hommes (probablement les apôtres saint Pierre et
saint Paul), pointes de diamants, feuillages sous différentes
formes, le tout d'un relief accentué ' : — lii fenêtre du côté de
l'Epilre a élé refaite seulement en 1880. dans le genre gotbi-
que, avec un meneau la divisant en deux baies surmontées
d'un oculus au sommet.
Sauf ces modifications, l'édiiice a conservé à l'intérieur son
caractère primitif que les restaurations futures devront lui
ménager. A l'extérieur, il a été davantage remanié et déiïguré
-à cause du mauvais état des murs en blocailles, de la cous-
1 . Nous avons observé des décorations analogues dans les fenêtres de
Téglise de Villedommanpe, qui a élé conïtruiie en lîj'27, en même temps que
la tour centrale de slj'ie gothique. On bâtissait donc et l'on décorait simul-
tanément le même édifice en slyle pothique et en style l^enaisfance.
UNE ÉGLISE RURALE 331
Iruclion des bas-cùlés à la fin du xvn« siècle et des réparations
modernes aux baies et aux pignons des chapelles. Quant au
clocher, dont on trouvera plus loin une description spéciale, il
a été reconslruit en charpente, sans doute au xvr siècle, sur
la première travée de la nef, sans qu'il soit resté de traces du
clocher primitif. Bien n'indique l'existence d'une ancienne
tour centrale élevée sur le carré du transept; et l'on peut
conjecturer que les cloches étaient à l'origine suspendues à une
arcade campanaire surmontant le pignon du transept'. L'en-
cadrement du portail, dont le porche a disparu, est intact
presqu'entièrement avec sa curieuse décoration de figures
bizarres, alternant avec les chapiteaux à crochets des colon-
nelles supportant l'archivolte-.
L'église de Juzancourt. sur de bien moindres proportions,
reproduisait l'église de Villers, ainsi que nous l'avons déjà
remarqué à propos des débris de son portail en arc brisé. La
face de la nef vers le nord offrait encore naguère la trace des
arcades de travées analogues à celles de Viilers, et qui
avaient probablement à l'origine été ouvertes de ce côté sur
une nef latérale^ La chapelle du même côté (transformée
actuellement en sacristie) formait le croisillon nord du tran-
sept qui n'a jamais été complété. Le fond de l'édifice est formé
d'une construction en craie qui date de 1 Sou environ, n'offrant,
pas plus que la muraille du côté sud, le moindre caractère
archéologique. Un petit clocher en charpente surmonte le
pignon du portail, refait lui-même sans aucun style ni caractère
d'époque.
Si nous avons insisté sur l'origine et la description de ces
églises du xiir siècle, c'était surtout pour- noter la persistance
des vieux monuments quand la pioche ne les anéantit pas tout
entiers, et affirmer l'intérêt et le charme qu'il y aura toujours
à constater dans un village l'existence d'un éditice du moyen
âge '. Nous allons maintenant parcourir les procès-verbaux
1 . Il en reste des exemples aux églises de Magneux el de Muizon
(Marne).
2. La pierre du tympan du portail a été enlevée bien à tort, vers 18oi,
pour permettre la pose d'un vitrail.
3. L'ouverture récenie de fenêtres avec encadrements de briques a fait
disparaître presque totalement les arcades de ces anciennes travées du
moyen âge.
4. Trop souvent, de nos jours, l'existence d'une église rurale de celte
époque est mise en cause pour un état partiel de délabremect. On ilécidesa
démolition totale sans songer à la perte qu'elle causera pour l'histoire, et
trop souvent on remplace un vieil édifice aux murs épais et massifs par une
332 UNE ÉGLISE RURALE
de visites qui sigoalenL leurs ruiues partielles aux époques
désastreuses de la guerre de Cent Ans et de la Fronde.
Ch APURE II
Procès-verbaux de visites du XV^ au XVIIIe siècle,
relations sur l'état du pays et des églises.
Par une rare bonne fortune, il subf-isle aux Archives de
Reims (Fonds de l'Archevêché, Visites) tout un ensemble de
procès-verbaux de visites pour le doyenné de Saint-Germain-
mont, allant du milieu du xv'' siècle à la fin du xviii«. On
peut ainsi juger des époques et des successions d'événements
bien divers dans ces documents reproduits en entier eu appen-
dice, et que nous analysons brièvement ici pour la facilité du
lecteur.
La période du xiii'^ sièclç fut favorable aux campagnes ; on
y construit partout beaucoup d'églises, ce qui indique un
accroissement dans le nombre des habitants '. Le xiv« siècle
tut calamileux, et le xv^ désastreux. En 1451 , c'est-à-dire àla
suite des fléaux de la guerre de Cent ans, l'église de Villers
est indiquée comme ruinée ea partie : le chœur est découvert
à moitié ; le pignon surmontant l'autel au levant est ébranlé
jusqu'aux fondations ; les fenêtres manquent de vitres. Les
habitants, ajoute la relation, sont redevenus assez nombreux,
mais il y en a peu qui s'occupent de réparer l'église, à moins
qu'ils n'y soient contraints'. Cependant, on remarque que le
cimetière est bien clos et que le mobilier du culte, le linge, les
ornements, les vases sacrés, les livres anciens sont en bon
ordre. Les revenus des terres de l'église montent à seize sols
parisis et à neuf mesures d'huile. Le service divin est toute-
fois suspendu, sans doute à raison des réparations urgentes.
Quant au presbytère, il u y reste qu'une petite chambre habi-
table, et la grange en bois n'offre aucune solidité. Ce sont des
couslruclioa svelte et éléf^anle, mais sans assises suffisantes ni lourds con-
treforts, incapable par conséquent de durer des siècles comme sa devan-
cière.
1. « Vilers-devaal-le-Thour. — Domini, J. de Verm... et Colardus de
H&rsis. Foci XLII. » Liste des dépendances de la Sergenlerie de l>orcien,
vers 1300, pièce des Archives nationales reproduite dans V Essai sur [iozoïj-
siir-Serre, par G.-A. Martin, 1863, t. I, p. 609-612.
2. « Plures sunt habitantes, sed pauci sunt qui curent de eccletia, nisi
cogautur aat compellantur. » Appendice I.
UNE ÉGLISE RURALE 333
chapelains ou le curé de Lor qui desservent le lieu en l'absence
du curé. L'église de Juzancourl a moins souffert ou a été res-
taurée, son mobilier est convenable ou du moins suffisant.
En 1475, les ruines ont disparu du chœur, mais on signale
le mauvais état de deux piliers de la nef sur !a gauche et des
vitraux des fenêtres de celte nef. Le mobilier, les livres,
les vases sacrés, les fonts ne laissent rien à désirer. Le cime-
tière est clos de toutes parts de murs en pierre reconstruits
depuis qualre ans. Le presbytère, au contraire, est toujours à
l'état de ruine; on couslale qu'il avait élé édifié à l'ori-
gine d'une manière grandiose'. A Juzancourt, il y a à refaire
une muraille entre le chœur et le pignon de la nef; on signale
la présence d'ornemenls assez nombreux pour le service de
trois autels, de deux calices en vermeil et de livres de chants
très décents pour un secours. Le cimetière e^eul est en fâcheux
élat de clôture. La richesse el l'abondance paraissent remplacer
la détresse des années précédentes.
En ir)12, il n'est plus question de ruines à l'église ni
au presbytère de Villers, le cimetière est toujours bien elos, le
mobilier bien tenu. On donne les noms des coùtres ou mar-
guiliers, ce sont ; Jacques Turpin el Jean le Tourneur, aux-
quels on ordonne de se procurer une armoire pour le linge. —
A Juzancourt, pareil bon élat du mobilier. Les coùtres s'ap-
pellent Herbin Favreau et Dominique Fessarl, auxquels on
enjoint de pourvoir l'église de ce qui est nécessaire à la célé-
bration de l'office de la dédicace, sous peine d'une amen le de
vingt el un sols parisis. Il résulte de ces constatations qu'au
début du xvi" siècle, les édifices étaient en bon état de répa-
ration et que, par conséquent, le bon ordre el une prospérité
relative régnaient dans les campagnes.
Partout à celte époque fleurissent les arls du peintre verrier
el du sculpteur, et ce qui prouve, à cet égard, une certaine
aisance dans les revenus, c'est le marché passé en 1541, avec
Jean Beuvry, menuisier à Pteims, pour la confection d'une
clôture du chœur de l'églir.e de Villers. I^a balustrade que
cet arli:^le posa fut embellie et décorée, moyennant cent dix
sols tournois, par un autre menuisier de Reims, Gobin Terre,
qui se chargea de la « parachever selon le devis de moderne et
fasson françoise'. » Ces termes iudi juenl une décoration dans
1 . « Domus presLilerali?, que ab anliquo fuit pole;.ler edilicata, est pro
majori parle tleslrucla. » Appendice 1.
2. Marché du 'J septembre 1541, conservé dans les miaules de M Mau-
drou, notaire à Reims, el donné dans l'appendice II.
334 UNE ÉGLISE RURALE
le goùl de la Renaissance, probablement contemporaine de la
fenêtre du sanctuaire, percée sur la gauche et décorée dans
le même style. Celte clôture, dont il ne reste aucune trace ni
souvenir, devait se trouver en avant du chœur et supportait
sans doute le Crucifix et les deux statues de l'arc triomphal,
dont il ne reste pareillement aucun débris dans l'église ^ Ce
riche ensemble, qui masquait le fond de l'édifice, aura proba-
blement disparu pour ce motif au siècle dernier, à moins que
le piteux état où fut réduite l'église pendant les guerres de la
Fronde, n'ait contribué à sa destruction.
Nous arrivons, en effet, à ces jours calamileux du milieu du
xviie siècle, à ces luttes qui paraissent avoir bien autrement
ravagé la contrée que les guerres de religion. Les villages de
la baronnie du Thour furent pillés, saccagés el pour ainsi
dire anéantis par la soldatesque et les bandes d'étrangers, aussi
bien que par les troupes françaises. La guerre avait alors un
caractère barbare, sans mrrci pour les populations rurales, res-
tées pourtant bien éliaogères aux querelles des princes. Les
documents contemporains sur ces événements sont des pièces
navrantes en elles-mêmes, par les renseignements qu'elles don-
nent sur la réalité des ruines et des désastres, pièces déjà publiées
et suffisamment connues -. Mais nous avons à insister sur le
sort réservé à l'église dans le village de Villers, entièrement
brûlé en 1653, « n'y étant resté que 4 maisons, dit un témoin
oculaire », et les gens du pays, contiuue-t-il, « n'habitant à
présent encore (en 1657), que dans des huttes et dans leurs
forts autour de l'églize^. » Il est donc constant que cet é lifice
devint le refuge de tous les malheureux habiiants et leur lieu
d'asile dans leur détresse inexprimable ; des abris furent cons-
truits par eux, tout autour dans le cimetière, pour loger
pêle-mêle leurs familles entassées dans un étroit espace, avec
ce qu'elles avaient pu sauver de leur mobilier et de leurs
bestiaux. Les objets précieux avaient été serrés dans des
coffres établis sur des planchers, dans l'église même. Ou
1. Ou rencouire, dans le haut du village, sur le mur de la grauge de la
maison de la famille Marby, deux statues mutilées de la Sainte Vierge et
de saint Jean, qui pouiraienl provenir de cet endroit.
2. Les Guerres de la Fronde dans la Baronnie du Thour en Cham-
pagne (1G49-57), relations contemporaines annotées et publiées dans la
lievue de Champagne et de Brie, octobre 1885, brochure de 24- p. in-8",
tirée à part de la Revue, 1885.
8. Registre de M. de Terruel, officier au service du maréchal Fabert, qui
parcourut toule la contrée en 1657, pour dresser un projet de cadastre en vue
du soulagement des impôts. (Voir l'appendice III.)
UNK église ItUliALK ^3b
devine ce que deviiii l'édifice et ce qu'il eut à souffrir d'avoir
été Irausfortné eu l'orleresse peudaul dix aus euviroii.
On lit, dans une autre relation, émanant aussi d'un témoin
oculaire, el dressée par le délégué de Robert de Y, grand
archidiacre de Reims, dans sa vi.'^iie du 22 juin 1G(J3 : « Dans
le cemitier, il y a plusieurs maisons du reste de la guerre.., il
Y a plusieurs réparations à faire en l'église, et [on y voit] des
coffres sur des planchers. Nous avons ordonné dedesmolir les
maisons qui sont dans le cemitier, de faire au plus tôt réparer
l'église, et d'oster les coffres incessamment'. » Ce fut encore
un état de ruines que constatait, eu 167G, l'archevêque de
Reims, le vigilant Maurice Le Tellier, quand il ordonnait aux
décimateurs d'effectuer sans retard les grandes réparations
urgentes dans la nef, el prescrivait aux habitants de refaire la
clôture du cimeiière"-. Ce fut à la suite de ces pressantes
injonctions que les murailles de la nef principale auront été
consolidées, le.' fenêtres hautes bouchées, les bas-c(')tés actuels
construits dans toute leur étendue. Le pavé fut renouvelt^ dans
le même temps, comme nous l'établirons plus loin, et les portes
de l'édifice, avec leurs jolies ferrures fleurounées, sont aussi
contemporaines de ces restaurations de la fin du xyu"^ siècle.
La sollicitude de Maurice Le Tellier no se bornait pas aux
édifices : il fit dresser, en 1G79, un inventaire des biens
meubles et immeubles des églises de Villers et de Juzancourt,
qui nous révèle une foule de particularités sur les mœurs
et l'état général du pays. On y trouve, outre le détail des
terres louées à Jacques Pbelippot, une ii^te des possesseurs
d'héritages, qui devaient un cens annuel, très minime rede-
vance perçue en deniers, en grains de méteil ou de froment,
même en huile et en charbon. Parmi ces propriétaires, se voit
le nom de la famille de La Salle, de Reim^^ qui avait sur le
terroir une ferme assez importante et une maison d'exploita-
tion dans le village, contigut' au cimetière et enclavée aujour-
d'hui dans la vaste cour de culture de M. Fossier. Beaucoup
d'autres noms des principaux habitants du village sont rela-
tés dans le même document, ainsi que les mentions des rues
d'alors, des lieux-dits, des officiers de justice et des notaires '.
1. Pièce donnée dans l'appendice IV.
2. Procès-verbal de visite du 13 juin 1(>76, donné dans l'appendice V,
3. Voir sur la généalogie et les divers merabres de la famille de La Salle,
les notices publiées dans la R vue de Champagne et de Brie, octobre 1888
et septembre 1892.
4. Document donné dans l'appendice V'I.
336 UNE ÉGLISE RURALE
Les procès-veibaux de visites du doyen de Saint-Germaia-
mont abondent pour la fin du xvii° siècle et le commencement
du suivant. On possède d'abord les réponses faites, eu 161^0, à
un questionnaire en iil articles sur l'élal des églises, leurs
revenus, leur entretien, les écoles, les dîmes, le curé, Pierre
Vuilcq, et la chapelle Saint-Marc. Les visites indiquent aussi
une quantité de détails qui se trouvent répétés à peu près les
mêmes, dans les procès-verbaux de 1710, 17 T^, 1716 et 1722.
Leur lecture n'en est pas moins fort instructive '.
Au milieu du xviir siècle, un document spécial se présente,
c'est la visite faite au nom de Son Altesse le prince de Rohan,
archevêque de Reims, par son délégué, Hyacinthe le Pappe
de Kervilly, docteur en Sorbonne et chanoine de Reims. Le
cérémonial de cette visite, du 26 juin 1743, est minutieuse-
ment décrit pour Villers et Juzancourt, offrant toute une térie
de renseignements sur la tenue matérielle des églises, les
comptes des fabriques, etc. Les données recueillies semblent
toutes satisfaisantes et témoignent de l'excellente administra-
tion du curé Marc-Antoine Bidault, et aussi de l'assiduité
à l'église comme de la bienveillance des habitants, dont
les principaux signèrent le procès-verbal".
Nous arrivons au dernier recensement de la paroisse avant
la Révolution, dressé en 1774. par le curé Nicolas Dumont, et
donnant, en réponse à un vaste questionnaire transmis par
l'archevêché de Reims, les plus amples détails que Ton puisse
désirer sur la situation matérielle et morale des deux com-
munes à cette époque. Un tel ensemble ne s'analyse pas, et il
faut y recourir dans le texte original, pour connaître la statis-
tique des habitants, la tenue des écoles, l'état de l'église, son
entrelien satisfaisant en général, les revenus et les dîmes
encore exactement perrus, ainsi que tous les petits rouages de
l'administration locale •\ Cette pièce termine la longue série
des procès- verbaux de visites, entamés au xv^ siècle et pour-
suivis avec une remarquable régularité jusqu'à la fin de l'an-
cien régime.
[A suivre.) Henri Jadart,
1. Questionnaire cl procès-verbaux donnés dans Tappeûdice VI(.
2. DocLimenl donné en entier, appendice VllI.
3. Document déjà commenlé et en partie reproduit à la fin d'une notice
sur Nicolas Dumont, dans la licvue de Champagne et de Brie, janvier
188o, p. 16 à 20, cl publié ici en son ejtier, appendice IX.
CHARTES
DU
PRIEURÉ DE JLONGUE-^U
\-l-2\i, avril.
Hugues de Chàlilloa, fils du feu comie de Sainl-Paul,
donne au couvent de Longueau viugl-cinq livres de Provins,
sur ses tailles de Ghàlillon, payables annuellement à la fête de
fcainl-Remy d'octobre, pour acheter des chemises, des pelisses
et des chaussures.
Fait à Bruguy, en présence de Milon \ évêque de Beauvais.
de Guy, son frère, comte de Saint-Paul, et de Gaucher de
Nanteuil.
I2'23, décembre.
M*^ Godiu,. chanoine, et Jean de Berzy, officiai de Reims,
annoncent qu'il y avait procès entre l'église de Longueau
et Alix, dame de Gueux, au sujet d'un four situé à Gueux, et
légué par Messire Baudoin, sou défunt mari, à ladite église.
La prieuresse du couvent, Alix, et Messire Bertrand, son
second mari, conviennent que l'église de Longueau aura
la moitié du four, et Alix, l'autre moitié sa vie durant, à
charge de payer annuellement au monastère une somme
de deux deniers, pour aveu de concession temporaire.
]-22't. avril
Alain de P>oucy% chevalier, Eustachie, sa femme, et Pierre,
son fils, pour fournir aux religieuses de Longueau les trente
* Voir page 279, tome VII de la llcvue de Champagne.
1 . Peudaal la croisade contre les Albigeois, et pour suppléer à l'absence
d"Albéric de Humberl, le souverain pontife proposa à l'administration du
diocèse de Reiras, Milon de Nanleuil, prévôt de la Métropole, cvêque élude
Beauvais. Ce dernier était (ils de Gaucher I de Nanteuil et d'Helvide.
2. Alain le jeune, écu3'cr, seigneur de Roucy, et Eustachie, sa femme,
accordèrent, vers la même époque, à Nicolas II, abbé d'Ignj-, une charte par
laquelle ils louaient et ratifiaieut les libéralités faites à l'abbaye, par Ver-
mond de CLàlillon, et continnaienl toutes les autres acquisitions à Savigny
et à MoDihazia. — [La Vallée de l'Ardres, par l'abbé Chevallier. Reims.
Mulot- Braine, 1S92.)
338 Le CARTULAiiiii du î'rieukk
setiers de froment, sur ViHers-deva:il-le-Thour, à elles léguées
par Clémence, mère dudil Alaiu, leur cèdent en échange trente
setiers de froment, à prendre tous les ans, à la fêle de Saint-
Denis, à la mesure de Chàlillon, savoir ; dix sur leurs revenus
de Pareuir, dix sur les rentes de Boujacourt-, et les dix
autres sur Chambrecy.
Sans date (vers 1224;.
Jacques de Villers, chevalier, lègue à l'église de Lougueau,
du consentement d'Eustachie, sa mère, Je Guy, de Baudoin et
de Joyeuse, femme do Guy, sept muids de vin, à prendre
chaque année, sur les viuages de Pargnan% à la mesure dudit
lieu et, en cas de déficit, sur le vin des vignes de Pargnan ou
sur tous autres revenus de cette terre.
Témoins : Milon de Loyseio, Jean Milon de Coucy,
1224, mai.
Gaucher II de ^auleuil, avec le consentement d'Aélide, son
épouse, et de Gaucher, sou fils, donne, en perpétuelle aumône,
au couvent des pauvres religieuses de Lougueau, pour acheter
des chemises, des pelisses et des chaussures, trente-cinq
livres proviuoises, sur ses assises de Coulommes% de Méry et
de Prémecy, à prendre chaque année, à la fêle Saint-Remy
d'octobre. S'il y a déficit, le reste sera pris sur les ventes de
ses bois de Nanleuil.
Fait à Lougueau.
1224, mai.
Gaucher, seigneur de Nanteuil, approuve le legs en faveur
de l'église de Lougueau, par Sophie, comtesse de Chevigny ^,
sa femme, de tout ce qu'elle avait acquis en propre, à
Damery".
1. Pareuil, hameau de Passy-Grigny, caatou do Châlillon-sur-Marne.
2. Boujacourt, hameau de Chainplat, même canton.
."}. Pargnan (Aisne), canton de Craonne.
4. Coulommes (Marne), canton de Ville-en-Tardenois.
Ti. Chevigny (Marne), canton de Vertus, à 3 ou 4 lieues au sud-est de
Nanteuil.
6. Damery (Marne), caulon d'Kperuay. Itî4.'5. — M'« François de Bara-
dat. ch'-'valier, seigneur de Damery, Artby. Montor^fueil, Fleury, Curaières
et autres lieux, premier gentilhomme de la Chambre du Roy. et son pre-
mier fcuy»*r, demeurani à Damery. Son fils, Jean de Baradat, était, à la
môme époque, abbé couimendalaire de Siptny.
1720. — M'° Antoine-Alexandre le Vaillant, chevalier d» Saint-Lazare et
deN.-D. du Mont-Carmel, seigneur de Damery, Arihy, Fleury, la Kivière
t Cumières en partie.
DE LONGUEAU 339
1224, mai.
Gaucher de Nauleuil contirme la donation faite par Helvide,
sa mèr«î mourante, aux religieuses de Loogueau, des biens
qu'elle tenait de lui, avec pouvoir d'en disposer librement,
savoir : la grange d'E^cleim, avec ses dépendances, consistant
en jardin, terres labourables et prés, ainsi que la censé d'Es-
pilly et Chaumuzy, avec l'avoine et le petit bois voisins de
ladite grange.
i2'24, mai.
Milon, évèque de Beauvais, approuve également la donation
faite par Helvide, sa mère, au couvent de Longueau, de la
grange d'EscleirrTet de ses dépendances.
l22o, avril.
M' Bon. officiai de M"^ Hugues de Bourgogne, archidiacre
de Reims, atteste ce qui suit : Henri le cuisinier, bourgeois de
Reims, exécuteur testamentaire de feu Vaucher, son frère,
affirme, sous la foi du serment, que celui-ci, par ses dernières
volontés, a légué à Isabelle, sa sœur, religieuse de Longueau,
sa vie durant, un étal de cordonnier sur le marché de Reims.
Juliette et Helvide, sœurs d'Hert)ert, également religieuses de
Longueau, auront ledit étal pendant leur vie et celle de la survi-
vante, chacune pour moitié. Après leur décès, il reviendra de
droit eu totalité à l'église de Longueau, et son revenu ou sa
location sera affecté à la pitance des nonnes.
l22iJ, août.
Guy de Châtillon, fils aîné du comte de Saint-Paul institue
quatrième chapelain, dans l'église de Longueau, pour célébrer un
chaque jour le Sainl-Sacrifice. Il donne, en conséquence, au
couvent, pour celte chapellenie, quinze livres de bons provi-
nois, monnaie léale, sur les ventes de ses bois de Brugny,
à prendre, savoir : huit livres à la fête de Saint-Jean-Baptiste,
et sept livres à la Nativité de Noire-Seigneur, jusqu'à ce qu'il
ait assigné quinze livrées de terre en dîmes ou autres valeurs,
à prendre au lieu et place des susdites i^uinze livres de Provins.
J227, février.
Simon, dit Pied de Loup, chanoine et officiai de l'église de
Reims, notifie l'accord suivant :
Le chevalier Gautier, seigneur de Liry, abandonne toute
revendication relative à la dîme de Sainte- Vaubourg, qui était
dans sa mouvance, et que le chevalier Girard, seigneur de
Mont-de-Jeux, d'accord avec Guyonne, sa femme, ont donné à
l'église de Longueau, pour le repos de leur àme. D'autre part.
340 LK CARTULAIKE DU PRIEURE
Girard du Mout-de-Jeux se con&Utue témoin responsable
de ladite donation, et s'oblige à garantir Téglise de Longaeau
contre Gautier et ses héritiers, s'il y a lieu.
1227, mars, '6'' férié après Isti siinl dies'.
Simon, dit Pied de Loup, chanoine et officiai de Reims,
atteste que Gilles de Villedommange. bourgeois de Reims,, et
Sybille, sa femme, ont donné en aumône, au couvent de Lon-
gneau, pour Tenlrelien de la cuisine commune, tout ce qu'ils
possédaient et pourraient acquérir par la suite, à litre d'échange,
de vente ou autrement, sur le moulin d'Onrézy, retenant toute-
fois l'usufruit viager de ce moulin, sur lequel le couvent pren-
dra chaque année, la vie durant des donateurs, un relier
de froment, à la fête de Saint Remy chef d'octobre. En recon-
naissance de ce bienfait, la prieuresse de Longueau promet
aux donateurs un anniversaire annuel après leur mort, dans
son église.
1229, juin, jour de la fêle de Saint-Jean-Baptisle.
Les abbés d'Hautvillers' et de Toussaints en l'isle de
Ghâlous', notitienl qu'Isabelle, épouse de Pierre de Villers\
chevalier, Pétroniile, sa mère, Gaucher et Thomas, chevaliers,
et Alain, damoiseau, ses frères, ont confirmé la vente, par
ledit Pierre, au monastère de Lougueau, de soixante sols
de Provins, à prendre annuellement sur le tonlieu de Chàlillon,
moyennant le prix de quarante livres provinoises.
1229, juin, vendredi avant la Pen'ecôte.
Thibault ', comte palatin de Champagne et de Brie, confirme
1 . l.e dimauche hli sunl dics est celui de la Passion, ainsi nommé, non
pas de Vlnlroïl, comme c'est l'ordinaire, mais du premier répons des Matines .
Ce dimanche n'avait pas de messe aatrelois, à cause de l'ordiualion du
samedi; la messe actuelle est prise au mercredi suivant, et dans beaucoup
d'églises, on en a fait une nouvelle. De là vient qu'au moyen-âge il se diffé-
renciait des autres dimanches par Tappellalion du premier répons des
Matines : hli surd dtes.
•2. Raoul IV, 33= abbé d'HaulvUlers, de l'214d 1232, donna à Blanche de
Na'varre, comtesse de Champagne, le village d'ArgensoUes, pour y londer
la célèbre maison de cisterciennes qni y a ileuri depuis. 11 mourut vers le
mars.
3. Monaslèie de chanoines réguliers de l'Or Ire de Saint-Augustin, fondé
en 10(53. par l{o-er II, évêque de Chalons Celle maison était située dans
une île lormée par les replis de la .Marne L'abbé dont il est ici queslion^nest
connu que par l'initiale de son nom, meulionuée dans une charte de 1235.
4. Villersaux-Corneillcs (Marne), canton d'Ecury-sur-Coole.
r. Thibault IV, le chunsonnie:-, 15" comte de Champagne, roi de Navarre,
décédé à Farai.elune, le \', juillet 12.53, hU de Thibault III et de Blanche. Il
DE LONGUE AU 341
la vente faite par Pierre de Yillers, aux nounes de Longueau,
de soixante sols de revenu annuel, sur la lonlieu deChâtillon,
avantage que lui et ses héritiers sont tenus de garantir aux
religieuses.
1230, août.
H. de Moth.'. officiai de Messire Hugues, archidiacre de
Reims, certifie que Pierre -, vicomte de Saviguy, a reconnu le
legs, en perpétuelle aumône, par feu Hodierne, son épouse, à
l'église de Longueau, de cinq sols de Provins et deux setieis
d'avoine, un ras et un comble, à prendre sur Berthenay et à
toucher de Martin et consorts.
1230, septembre, jeudi avant la f^'le de Saint-Michel.
Renard^, seigneur de Dampierre\ et Béatrix, sa femme,
lèguent à leurs filles et aux nonnes de Longueau, dix livres
parisis, à prendre annuellement sur le tonlieu de Rethel, pour
célébrer chaque année leur anniversaire.
1231, mars, lendemain de Invocavit me.
Simon Pied de Loup et Maître Raoul de Chartres, chanoine
et officiai de l'église de Reims, notifisnt la convention sui-
vante :
Juliard de Villedommange et Sybille, sa femme, ont donné
à l'église de Longueau un moulin à Ourézy, pour en disposer
après le décès du survivant. Son mari étant mort, Sybille
abandonne purement et simplement ce moulin, à compter de
la prochaine fête de Saint-Jean-Baplisle.
épousa: 1" Agnès de Beaujeu, cousine germaine du roi Louis VIII; 2" Mar-
guerite de Bourbon, décédée le 12 avril 1258, dont il eut : Thibault V, 16«
comte de Champagne, marié à Isabelle, fille du roi saint Louis ; Henri 111 le
Gros, M' comte de Champagne, marié, en 1269, à Blanche d'Artois, dont
la fille, Jeanne, épousa Philippe-le-Bel, et réunit la Champagne au
domaine de la couronne.
1 . Hugues de Motheya déclare, dans une charte du mois de juin 1226,
que Milon d'Amagne a légué, au prieuré de Novy, un demi-muid d'avoine
perç-i sur le grenier du prieur, et 17 setiers de blé à Lucquy et à Faux. —
(E. de Barthélémy, Le Cartulaire du Frieuré de Novy. Paris. Aug. Aubry,
1867.)
2. En 1215, Pierre de Savigny donna en aumône, à l'abbaye d'Igoy, sa
terre de Félancourt, y compris la justice et tous les revenus.
En 1203, Hodierne, sa femme, lègue à l'abbaye d'Igny 3 setiers de grains
à prendre au territoire de FaveroUes. — Péchenard, loc. cit.
3. Renard III, croisé, mort avant 1233, marié à Béatrix de Trichatel ou
Thil-Chatel, était fils de Renard II et de Helvis de Reihel, châtelaine de
Vilry. — (E. de Barth>^lemy, Recueil des Charles de l'abbaye de Cheniinon.
Paris. Champion, 1883.)
4. Dampicrre-le-Chàteau (Marne), canton de Dommartin-sur-Vèvre.
X.42 LE CARTULAIRE DU PKIEURK
1231, avril.
Hugues, comte de Rethel. coufirrae le don de Renard, che-
valier, seigneur de Dampierre, aux nonnes de Longueau, de
dix livres, monnaie de Reims, à prendre aniiuellement sur le
loulieu de Relbel.
1223, avril.
Guy de Châlillon. époux d'Agnès, fils aîné du comte de
Saint- Paul, donne au couvent des pauvres religieuses de
Longueau, pour acheter des chemises, des pelisses et des
chaussures, vingt livres de Provins, à prendre annuellement à
la fêle de Saint-Remy d'octobre, sur ses tailles de Brugny.
t233, juin.
Simon, dit Pied de Loup, chanoine et officiai de Reims,
annonce ce qui suit :
Girard Asgrennos, le jeune, citoyen rémois, reconnaît à
Téglise de Longueau, sur sa maison, située sous le marché de
Reims, et provenaol de Thomas Aygrennos, son feu père, un
surcens aunuel et perpétuel de vingt sols, payable par moitié,
à la fête de Saint-Martin et à Pâques. La prieures-e de Lon-
gueau, sœur de Girard, aura l'usufruit viager de ces vingt sols
qui, après son décès, serviront à acheter du charbon à l'usage
des religieuses. Girard se réserve le droit de reprendre cette
rente en l'asseyant sur un autre fonds d'égale valeur in loco
competenti et siifficienli.
1233, juillet.
Nicolas ', seigneur de Bazoches, du consentement de Robert,
chevalier, sou fils, confirme la donation faite aux nonnes
de Longueau, par Nicolas, son père, pour sou anniversaire,
d'un demi-boisseau de blé d'hiver, à percevoir chaque année,
sur son moulin de Coulouges', à la fête de Saint-Martin et,
par sa mère, de trois .setiers de blé, sur le même moulm. pour
le salut de son àme et celui de noble dame Agnès, son épouse.
1233, décembre.
Simon Pied de Loup, chanoine, et Maître de Blois", officiai
i. Nicolas II (le Cliâtillou, seigneur de Bazoches, Vauxéré et Coulonges,
fils de Nicolas 1 et de Aguès de Chérizy, marié à Aguès de Quierzj, dont
il eut : Nicolas 111, croisé ea M'iï ; Alilon, chanoine et évGque de Soissons ;
Girard, chanoine, évêque de Noyon, et Robert, seigneur de Bazoches.
2. Coulonges (Aisne), caulou de Fère-en-Tardenois.
3. Jean de Blois devint archidiacre de Champagne ; il est nommé au caj-
tulaire de Saiul-Nicaise, en 1250 el 1255, ayant oflicin!; il mourut le 4
juillet, suivant l'obituaire.
DE i.ongueau 34*^
de Reims, dénoucenl Taccord suivant : Malhilde de Sarcy,
veuve d'Eudes de Sarcy. recouL'ail avoir donné : 1<* à l'église
de Lougueau, dix seliers de froment, à la mesure de Reims,
sur les moulins de Sainl-Hemy-sous-Pruuay ', à prendre
dans les vingt setiers qu'elle tenait en fief de l'église de Saint-
Bable^; 2" à celle d.rnière église, les dix autres seliers et
tous ses droits sur les moulins et l'eau. L'abbé de Saint-Basle'
approuve celle auniôue, et il pourra conserver pour son monas-
tère les dix seliers allribués à Lougueau, en payant uq revenu
équivalent.
1234, juin.
Clément, doyen de la chrétienté de Cbâlillon, fait savoir ce
qui suit :
Simon, dit Tbyois, de Guisles, et Laure, sa femme, ont,
reconnu avoir engagé, moyennant dix livres fortes, envers
l'église de Lougueau, sept seliers de blé, dont quatre d'hiver,
et trois de Irémois, dans leur part de dîme sur Anlheuay. Il a
été convenu qu'en cas de remboursement, avant la fête des
apôtres Philippe et Jacques, chef de mai, ladite église ne pour-
rait rien réclamer dans la dîme précitée, mais que, faute
de paiement à cette époque, elle percevrait la dlme l'année
suivante. Confirmé par Simon, Jean, Marie et Lucie, enfants
des débiteurs.
123i, juin.
Jean de RetheH, chevalier, seigneur de Saint-Hilaire", con-
firme la donation autrefois consentie par Hugues, comte de
Relhel, à l'église de Longueau, de la dixième partie des blés
dépendant de sou domaine eu la châtellenie du Cbâlelel.
1. Pruuay (\larue), caulOQ de Beiae.
Les Ttmpliers possédaient à Hrunay ua domaine qui, en 1357, était loué
moy-nnaut une redevance annuelle de 140 seliers de grains. — (Arch. nat.
S.5U38. Su|jpl. n" ?'2.)
2. Saint Bdsle, abbaye de l'Ordre de Saint-Beuoll, l'ondée sur le terri-
toire de 'Verzy (Marne), à la lin du vi" siècle. — (Consulter Saint-Basle et
le Monastère de Vtrzy, par l'abbe Queulelot, prêtre du prieuré de Binson.)
3. Evrard, abbé de Saint-Basle, mort en 1238, d'après dom Marlot,
aurait vécu jusqu'en 1244, suivant la Gallia ChrisUana.
4. Jean I", comte de tîethel, troisième fils de Hugues III et de Félicité,
décédé en l'2ol, sans postérité, épousa : 1" Marie d'Oiidfnarde, qui lui
apporta la terre d'Ooiont et, en secondes noces, Marie de Noyon, tille de
Jfun, cLâteiain de Noyou, Il succéda à son frère Hugues IV, et partit en
Terre- baïute avec le roi saint Louis.
Son Irère Gautj'uer, archiiiacre Je Liège, eut le titra de comte de Rethel
apiès lui, et octroya la charte de Ketbel en 1253.
■j. Saint-Hilaire-le-Grand 'Marnft), eanton de Suippes.
?»4 4 LE CARTULAIUK DU PRIEURÉ
1236, mars.
Maître Jeai),dil Géi-in, chanoine de Sainl-Pierrc el officiai de
Soissons, déclare qu'Hersende. veuve de Pierre de Troissy, a
donné à l'église de Longueau toute la dime qu'elle avait en la
paroisse d'Anthenay, de Nogent' et du Chemin-.
Approuvé pai' Hugues de Vaudières, chevalier, son frère.
1237, mai.
Fr. J.', abbé de la Charmoye^, annonce qu'il a abandonné
à la maison de Longueau tout ce que sa Communauté possé-
doit dans la dime d'Anthtnay du don de feu Henri de Vau-
dières, chevalier, et que, d'autre part, la prieuresse et Simon,
prieur de Longueau, ont cédé, en échange, ce que leur couvent
avait sur la dime de Lucy'"', près le Baizil", du don de feu
Messire Branlard, chevalier.
1237, juin.
Maîtres Jean et Jean de Blois, chanoine et officiai de Reims,
notifient la couventioo qui suit :
Jacques de la Rouelle' reconnaît avoir vendu, pour le prix
de six livres provinoises, payées comptant, à l'église de Lon-
gueau, un revenu annuel de dix quartels de froment, sur
le moulin d'Onrézy% qu'il avait achetés, savoir : Cinq à Jean
de la Rouelle et à Emeline, sa femme, et les cinq autres
à Juliard Le Monteix de Villedommange.
1238. .Samedi avant la Purification de la Bienheureuse
Vierge Marie.
Maître Henri de Louvain, officiai de Messire Hugues de
Sarqueux^, archidiacre de Reims, annonce que Rogelet, dit
Léger, el le prieur de Longueau ont ainsi transigé :
1 . Nogent (Marne), hameau aujourd'hui détruit de la commune d'Anthenay.
2. Chemin (Marne;, hameau dépendant d'Anthenay.
3. Jean II, 7» abbé de la Charmoye, est nommé en 1235, dans la charte
d'ArgeusoUes [Gallia Christiana, t. IX, col. 972).
4. La Charmoye, abbaye de l'Ordre de Cîleaux, annexe de la Celle-sous-
Chantemerle, dont la fondation est attribuée à Henri I". La Charmoye est
aujourd'hui un hameau de la commune de Monlmort (Marne), situé dans le
bois à l'est du village.
5. Lucy (Marne), canton de Montmort.
0. Le Baizil, même canton.
7. La Rouelle (Aisne), hameau de Concevreux, canton de Neufchâtel.
8. Ourézy (Marne), commune de Bouilly, canton de Ville-en-Tardenois.
Le moulin élait situé sur le ruisseau des Vasseurs. affluent de l'Ardre.
9. Hugues de Sarqueux, grand archidiacre, figure, en l'obituaire de l'église
(le Reims, le 12 des calendes de janvier. — (Marlot, op. cit., t. I, p. 041.)
DE LONGUE AU .'{45
L'église de Lougueau aura la moitié de la maison venant de
Jean Lareslc, située près de la rue des Bouchers ; Kogelel
prendra l'autre moitié, provenant de Blanche et, s'il meurt
sans hoirs procréés de son corps, sa moitié reviendra au cou-
vent de Louguear. En outre. Sybille, veuve de Jean Lareste,
acquitte tout ce qui avait été jugé contre elle au profit de
l'église de Longueau.
1239, juillet.
Maître Jean de Blois. chanoine et officiai de Reims, dénonce
le don, par Messire Simon de Guignicourt ', chevalier, à l'église
de Lougueau, pour faire, chaque année, son anniversaire, de
vingt sols, à prendre sur ses cens de Guignicourt, et qui seront
employés au repas des nonnes le jour de son anniversaire,
exceptant toutefois la dot de Fanchetle, sa femme, qui a
approuvé celte convention.
1239, octobre.
Ph. Hérit, prieur de Gbàtillon-sur-Marne, du consentement
de Henry et Guy, moines, ses confrères, ratifie le traité
par lequel Jacquier le tanneur, bourgeois de Ghdlillon, sou
homme, a cédé aux religieuses de Longueau une pièce de terre
située au lieudit FonleniUe-, au milieu de la culture du cou-
vent qui tient au Marlemotit ^, en échange d'une autre parcelle
située au-dessus de ladite culture,
1239, décembre.
J.', doyen de Soissons, et Maître P., prêtre de Braisnes, no-
tifient que, pour assoupir et terminer le procès au sujet des
dîmes que le couvent de Coincy '^ prétendait avoir sur les terres,
prés et vignes de la maison de Longueau, aux territoires de
Châlillon, Cuisles, Melleray et Montigny, les parties, sous peine
1 . Guignicourt (Aisne), canton de Neufchàtel.
2. Foûtenille, lieudit sur le territoire de Châtillon, situé au nord-est,
presque en face de Longueau.
3. Marlemoat (le Grand et le Petit), hameau disparu, situé sur la com-
mune de Cliâtillon.
4. J., I2f>8 et 1239. Peut-être le même que Jean de Vailly, noté le 29 mars
en l'obiiuaire {Gallia Chrisiiana, t. IX, col. 328).
5. Coincy (-Visne), canton de Fère-en-Tardenois. Prieuré de l'Ordre de
Saint-Benoit, membre de l'abbaye de Saint-Médard de Soissons.
Parmi les prieurs de Coincy, vivant au xiu» siècle, M. de V'ertus, dans son
Hist. de Coincy, Fère et Oatchy, cite les noms suivants :
1209. Etienne; 1217. Foulques; 1230. Albert; 1272. GeoH'roy.
34G LE CARTULAIRE DU PRIEURÉ
de quarante livi-es, ont tran'iigé ainsi qu'il suit, eu présence
des prieurs de Coiucy et de Biuson ' :
Le couvent de Longueau paiera chaque année, au prieur de
Binson, à la fêle de Saint- Hemy, huit seliers de blé et autant
d'avoine, ainsi qu'un muid de vin blanc, mesure de Châiillon,
et s'il acquiert ultérieurement d'autres biens, par donation,
vente ou autrement, sur le territoire des villages précités, il
sera tenu d'en pa3^er la dîme au couvent de Goincy, suivant
l'usage.
1239, mai.
Maître Henri de Louvain, olficiai de Messire Hugues de Sar-
queux, archidiacre de Reims, atteste que damoiselle Ade
d'Olizy ' et Oudard, son fils, ont reconnu la donation faite par
Messire Nicolas, père défunt de ce dernier, aux nonnes de
Longueau, de la dime qu'il percevait sur leurs terres d'Olizy,
ce don fait tant en aumône que pour l'abandon des corvées
qu'il devait au village d'Olizy, et dont l'église de Longueau
l'avait déchargé. Ils abandonnent aussi les reportages sur ces
terres aux religieuses, soil qu'elles les cultivent elles-mêmes,
soit qu'elles les cèdent à bail.
1. Le prieuré de Binson possédait des dîmes à Baslieux, Orq'iigoy, Mon-
tigny, Troissy, Œuilly, Cuisles et Anthenay. En 1723, les bâtiments du
prieuré, ainsi que les terres et prés en dépendant sur les territoires de Bin-
son et Châii'ion, étaien' alFermés, moyennant une redevance de 710 livres
en argent, 3 livres des cire, 12 livres de beurre frais ou fondu, 1S quartels
de blé et 15 quartels de méteil.
Un bail dressé par Lesueur, notaire à Châlillon-sur-Marne, le 3 février
1714, constate que le prieur, Pierre Chailes. avocat en Parlement, diacre
du diocèse de Bourges, depuis co'iseiller au bureau ecclésia-^lique de la
prévôté de Bourges et prêtre olûcial de la Pnmalie de celte ville, avait loué
pour neuf années la moitié des dîmes de Baslieux, consistant en grains,
vins, poules, poulets, dindons, oies, porcs et autres animaux, moyennant
200 livres d'argent, 1 livre de cire et 2 chapons.
Les actes de notaire mentionnent encore, parmi les prieurs de Binson ;
M'" Etieîine Barré, prêtre, docteur en théologie de la Sorbonne, arch, diacre
de l'église Sainte-Croix d'Orléans en 1684, et Jean Barré, demeurant à
Bourges en 17U9.
2. Olizy (Marne], canton de Cbâlillon. Anciens seigneurs :
1700. Michel Larcher, chevalier, marquis d'Olizy, seigneur d'Olizy, Bou-
jacourt, Nogenlet le Chemin, bailli de Vermandois.
1710. Michel Larcher, sou neveu, président en Chambre des Comptes,
demeurant à Paris, et Pierre Larcher. son petit-neveu, baïUi de Verman-
dois, cunseiUer du roi au Châtolet de Paris.
17i7. Antoine G àllot, marquis de Sainl-Chamant. marié à Marie-Louise
Lar.her.
1776. Michel-Archange du \'al-du-Manoir.
DE LONGUEAU 347
1243, octobre, 4* férie après la fêle de Sainte-Lucie.
Maître Michel de Saint-Deuis, chanoiue el officiai de Reims,
auuonce que Bertrand de ^'ezelay ', coûlre de l'église de Reims,
a douné à l'église de Loogueau toutes les vigues qu'il avait
achetées à un colon, sur le territoire de Mardeuil-, el situées,
savoir : la première, lieudit Rocherel, au-dessus de Mardeuil,
près de la vigne de Marguerite de Mardeuil ; la seconde, au
même lieu, près de la vigne d'Henri de l'Orme ; la troisième,
en lieudit Rarey ; el la dernière, eu lieudit les Grèves, entre
la vigne de Jean, fils de Marguerite, et le champ d'Agnès.
1243.
M'^ P. de Vicenobns, officiai de Messire Hugues de Sar-
queux, archidiacre de Reims, notifie le Uaité suivant : Mar-
guerite, veuve de Girard Asgrenous, avait un surcens annuel
de vingt so's, payable en quatre termes, savoir : cinq sols à la
Nativité de Saint-Jean-Baptiste, cinq sols à la 6aint-Remy,
chef d'octobre, autant à la iSativilé du iSeigneur, et le reste à
Pâ ]ues, fcur deux maisons coutiguës, sises à Reims, au chevet
de l'église de Sdut Symphorien, dans le quartier Jean de
Vaux, contre la maison Grosse de Juniville^, appartenant à
Haïe Noël, et la maison de Suzanne, veuve de Guérin le
inégis>ier, appartenant à Gerbert le maçon. L'église de Lon-
gueau possède un surcens de vingt sols sur une autre maison
de Marguerite, située à Reims, entre celle de feu Pierre de
Marfaux^ d'une pari, et celle de Gautier Boirou el de Pierre
Btrcelain, d'autre part. Le procureur de ladite église. Messire
Pierre Asgrenous ', chanoiue de Reims, el Howard de Saint-
Pierre, bourgeois de Reims, exécuteurs testamentaires de
Marguerite, conviennent amiablemenl devant Th. de. . . clerc
juré, délégué à cet effet, que le monastère de Longueau pren-
dra le surcens ce vingt sols dont jouissait Marguerite sur les
deux maisons contiguës, mais que l'autre maison sera libre du
surcens dont elle était tenue envers l'église de Longueau.
1243, juillet.
Th. du Mont, chanoine et officiai de Soissons, dénonce
1. Vézelay (Vonnej, arrondissement d'Avallon.
2. Mardeuil (Marne), canton d'Epernay.
3. Juuiville (Ardeuuesj, chel'-lieu de canton.
4. Marfaux (Marne), canton de Ville-eu-Tardenois.
5. Pierre de Grenous uu Asgrenous, concéda aux Templiers, eu décembre
12i7, une gianjre situ(*e à Tours-sur .Marne, qui fut l'ofigine de leur
domaine dans celle localité. — (ûom Noël. L'Ordre de Malte dans le dio-
cèse de Reims.)
348 LE CARTULAIRE DU PRIEURÉ
la reconnaissance, par Guillaume do Cuisles, chevalier, du legs
de Régnier de Cuisles, chevalier, son père, à l'église de Lon-
gueau, d'une renie annuelle de cent sols, à prendre sur la
maison de Guillaume, sise à Cuisles, et à distribuer par
la prieuresse du cloître, pour la pitance des religieuses le jour
de l'anniversaire de Régnier.
1245, septembre.
Marguerite confirme le don, 'par Evrard Chaciaus, son mari,
de vingt sols de rente, povr la pitance du couvent.
Magisler Lucas de Gifo, officialis domiui Gomecii, archidia-
coni remensis, omnibus praesentes literas visuris, in domino
salutem. Noverint universi, quod cum Evrardus Chaciaus,
volens ad partes Iransmarinas profîcisci, dederit et conlulerit,
in perpetuam elemosinara, ecclesiw de Longua Aqua, XX soli-
des annui reddilus, pro pilancia conventui ejusdem ecclesise,
in Pascha facienda, Margarila, relicla ipsitis Evrardi,coram me
conslituta in jure, volens animfp ipsius Evrardi et suœ pro-
videre, dictam donalionem et coUalionem laudavit et appro-
bavit, et diclos XX solidos, super quandam domum quam
habebat, ut dicebat, Remis, silam in vico sancli SymphoridUi,
inter domum quandam Theobaldi Auiieis, ex una parte, et
domum Mairaude, sororis dicise Margarila?, a dicla ecclesia in
perpetuum percipiendos, singulis annis, ad dominicam qua
canletur Lœlare Jérusalem assiguavil. In cujus rei testi-
monium, prsesentes lileras sigillo curige domiui mei feci com-
muuiri. Datum anno domini MCCXLV raeuse seplembri.
lîiô, septembre, 3'= férié après la fêle de Saint Mathieu, apôtre.
Me* Jean de Blois, chanoine, et Gérard de Meuet, officiai de
Reims, dénoncent ce qui suit :
Feu Jean Crassin ', bourgeois de Reims, a légué à l'église de
Longueau huit sols et demi de surceus, sur la maison d'Helvide
Lachaude d'Eperuay, à prendre chaque année, à la fête de
Sainl-Remy, chef d'octobre, ainsi qu'il appert des lettres de
religieuse personne Nicolas-, abbé de l'église Saint-Martin
1. Jean Crassin figure au mois d'avril 1230, avec Hélie et Jean, prieurs
du Mout-Dieu et du Val-Saint- l'ierre, dans le vidimus d'une charte de 12'29,
par laquelle Guillaume, évêque de Comrninges et recteur de Sauve-
Majeure, notifie l'accord intervenu entre l'abbaye d'Elan et le prieuré de
Novy, au sujet de pâturages et de limites, lieudit la Rosière. — (E. de
Barthélémy, Cartulaire de Novij.)
2. Nicolas, 12» abbé des chanoines réguliers de Saint-Martin d'Epernay,
est connu par des chartes de 1239 et do 124;i. (Gai. Christ., t. IX, col. 285.)
DE LONGLEAU 3^9
d'Epernay, el Alix, sa veuve, a reuoucé à toute roclamatiou
sur cette aumône.
1246, décembre. Traasaclion entre le comte de lietkel
et le pi-ieuré de Longueait.
Je Jehans cuens de Reslel fas asavoir à louz ceus qui suut
et ki à venir serunt, ki ces présentes lettres verrunt, ke des-
cors esioit entre moy, d'une part, et la prieuse et le couvent
de Longueaue, d'autre part, de ce keles disoient que li cuens
Hes mes pères et la comtesse Félicitas, ma mère, lor douè-
rent en aumonne perpétuel la disime partie de tous les bleds
qui venoient en lor greuiers de la chastelerie de Restet, ei de
ce elles avoieul lor lettres scellées de lor seaus, et par celé
reson eles me demandoient ce blet devant dit et disoient que je
estoie tenus au rendre. A la par de fin je, d'une part, et
la prieuse et li couvent, d'autre part, par conseil de bones
gens nos acccordasmes et feimes pais de ces choses en tel
manière que pour toutes ces choses je lor ay octroyé trente
selire de froment bon et loyal et un selere desoile à la mesure
de Machou, à penre chacun an perpetuelnient à touz jors,
en la ville de Machou, en la si?e de mes bleds ke on me
doit en celé ville de Machou à la fesie Saint-Remien octombre,
et s'il n'en avoit tant eu celle assise, je serois tenu à astoir la
deffaule en seslelage de celle ville de Machou. El parmi cela
la prieuse et le couvent devant dit ont quitté moi et mes oirs
à louz jors de celle disine partie de ces bleJs de Restai ci
devant dite et de tout ce keles me demandoient el povent
demander par la raison dou don de rnou père et de ma mère
devant diz de tant couiine il appartient a ce disime des bleds de
Reslet devant ditle, et les lettres qu'elles avoient dou don de
ce di&ime ellf.s m'ont vendues. En lesmoignagede celte pais et
par cette pais cy devant dite el en lesmoignage de ces choses,
je et la comtesse Marie, ma femme avons donés ces lettres scellées
de nos seau>: et i avons aloiés nos et nos hoirs à tenir cette pais
fermement à tous jors pei'manablement el voulons et octroyons
et requeruus ke mesire li rois de Navarre, cuens de Champagne
el de Brie palalins confirme cet asenement et celle pais de ces
choses cy devant dites par ses lettres, si corn soverains sires dou
lieu où cib bleds est assis. El en lesmoignage de ces choses, jo
el Marie, ma femme, comtesse de Restet, avons pendus nos
saiaux à ces lettres en l'au de l'Iucarnacion MCC el XL sis au
mois de décembre le jour de h.'st') Saint Thomas devant Xoi'I '.
1 . Cf.l instrumenl est fort détiiruré ; cerluiiis mots trop modernes attebleiil
!d malndresse du scribe qui a lu l'ori-rinal.
350 LE CARTtJLAIRE DU PRIKLRE
1247, février, jeudi avant Eslo mihi'.
Jean de Blois et G. de Menêt, chanoine et officiai de Reims,
anononcenl l'accord suivant : Damoiselle Luigar Je de Balham%
veuve de Baudoin de Son, tutrice d'Oudiueite, Isabelle el
Agnès, ses enfants, a donné à l'église de Longueau un muid
de grain à la mesure de Châleau-Porcien, moitié conseiP légal,
moitié avoine, à prendre annuellement le lendemain de la
Toussaint, dans la grange de ses enfants, à Son *.
Si le grain de ladite grange ne suffit pas pour fournir la
rente dont s'agit, le déGcit sera pris sur Thérilage des enfants.
S'il arrive, d'aulre pari, que les chariots de l'église de Lon-
gueau soient obligés d'attendre plus d'un jour avant de rece-
voir la rente au complet, les enfants supporteront les frais de
séjour, mais ou ne comptera pas le jour de l'arrivée.
Agnès, fille de Luigarde, jouira de celte rente sa vie durant.
En outre, Luigarde promet de faire nolifi,er les présentes par
ses entants, OudineUe et Isabelle, lors de leur majorité.
Approuvé par Oudard. écuyer, oncle paternel des enfants ;
Huard, oncle maternel, en présence de Guillaume de Chau-
mont", clerc juré de la Cour de Reims, à ce délégué, Huard de
Tagnon, écuyer, oncle maternel, s'est constitué piège.
1248, juillet, lundi dans la quinzaine des apôtres Saint Pierre
et Saint Paul.
Mathilde", comtesse de Nevers, donne aux religieuses de
Longueau, pour célébrer chaque année l'anniversaire de sa
fille et de la fille de celle dernière, dix livres de monnaie auxer-
roise, à prendre tous les ans, sur sa censé d'Auxerre, dans
l'Octave de la Purification de la Bienheureuse Vierge Marie,
pour la pitance des religieuses qui assisteront à cette céré-
monie.
Fait à Donzy.
Paul Pellot.
1. Dimanche de la Quinquagéaime.
2. Balham (Ardennes), caat.on d'Asfeld.
3. Consialum ou Consegale est une espèce de blé mêlé de seigle qui, en
Champagne, s'appelle consccle, conseil.
4. Son (Ardennes), canton de Château -Porcien.
3. Chaumont-Porcicn (Ardennes), chef-lieu de canton, arrondissement de
lUlhel.
6. Mahault ou Mathilde de Courtenay, mère de Agnès de Donzv, femme
de Guy de Chàtillon.
Éloje académique d'Hippolyte Taine
Par M. Albert SOREL
M. Albert '"orel, ayant été élu par l'Académie française à la
place vacante par la mort de M. Taine, y est venu prendre
séance le jeudi 7 février et a prononcé le discours suivant que
nous sommes heureux de reproduire ici, avec sa gracieuse
autorisation.
Messieurs,
En me recevant dans votre Compagnie, vous avez comblé toute
mon ambition. S'il était possible d'ajouter quelque chose à cet hon-
neur, vous l'auriez fait en m'appelant à parler devant vous d'un
homme que j'admirais beaucoup, lorsque je ne connaissais encore de
lui que ses écrits, et que j'ai admiré bien davantage lorsque j'ai eu
le rare privilège d'être admis à son amitié.
Hippolyte Taine a été Tun des plus puissants originaux de ce siè-
cle. Aucune carrière n'a été plus directe, aucune œuvre plus homo-
gène, aucun caractère plus constant que le sien. Cepe.idait cette
œuvre et ce caractère semblent pleins de contrastes. Systématique
jusqu'à la symétrie, dans son architecture, il se plaît, dans la déco-
ration, aux saillies éclatantes, aux peintures passionnées. Le plus
réservé et le plus tolérant des hommes dans le commerce de la vie,
il est rude et cassant dans ses expressions : il éblouit, il heurte, il
renverse, il écrase. Il établit le déterminisme absolu dans la con-
ception de l'univers ; il conclut à la justice et à la liberté dans le
gouvernement dir-s choses humaines. Or, tout se tient dans cette
tissure, et les écrits de Taine s'engendrent les uns les autres. Il a
consacré sa vie, — et quelle vie de travail fécond et acharné — à
vérifier et à prouver les idées qu'il avait conçues spontané nent dans
sa jeunesse. Sa méthode fait l'unité et la magnificence intellectuelle
de son œuvre.
Cette méthode, chez lui, c'est l'homme même. Elle opère en lui,
avant qu'il la connaisse, et, lorsqu'il l'expose, il ne fait qu'analyser
l'opération naturelle de son esprit. « Chacun, a-t-il dit, prescrit à
la sciencj les habitudes de sa pensée. . . » « Ma forme d'esprit est
française et latine : chsser les idées en files régulières, avec pro-
gression, à la façon des naturalistes. »
Au service de cette forme d'esprit, une extraordinaire puissance
d'attention et d'adaptation. Il accumule, il triture, il dissout les
352 ÉLOGE ACADÉMIQUE
faits récoltés et les notions acquises. Il laisse la dissolution déposer,
se clarifier, se prendre et s'accroître^ en structures précises et rigi-
des, selon une loi d'affinité, qui est la loi même de son intelligence.
Sa pensée se forme comme se forme le cristal.
Et ce cristal est diaphane : merveilleusement doux, aux surfaces_,
glissant et résistant ù qui veut l'entamer, froid à qui le touche,
perçant en ses pointes, coupant en ses anajles, mais nettement, sans
déchirure ni plaie envenimée ; si la lumière tombe sur ses arêtes,
elle s'y disperse en gerbes irisées ; si elle traverse ses pr.smes, elle
se répand en nappes splendidcs de couleurs. Taine est un savant qui
voit la nature avec les yeux d'un peintre, un dialecticien qui écrit
comme un poète.
Il naquit à Vouziers, dans les Ardennes, le 21 avril 1828. Sa
mère était la tendresse et la raison mêmes ; son père, esprit très
iin et très cultivé, lui donna les rudiments du latin. Taiiie reçut
ainsi, et à mesure que naissait sa pensée, l'empreinte de cette langue
qu'il considérait comme « l'art vivant d'écrire et de penser ». Un
oncle, qui avait beaucoup voyagé, lui enseigna l'anglais. L'âme
anglaise devint, dès l'enfance, sa seconde âme. Shakespeare, plus
tard, lui découvrit la figure mouvante et passionnée du monde. H
lui révéla le génie de la Renaissance. Taine s'en éprit ardemment,
et pour toujours.
La première impression de la nature,! celle que le reste de la vie
achève et ne dissipe plus », lui vint de la torét voisine, humide,
silencieuse, pleine de rêves étranges. La forêt demeura la grande
berceuse de sa vie. De très bonne heure, il y cherchait à leur naissance
et dans leur mystère, sous les mousses et sous les rochers, « les
gr.uides sources dont notre petite existence n'est qu'un flot ». Il y
développa une disposition singulière à découvrir, dais leur genèse,
les mythes primitifs ; à deviner. « derrière la légende humaine, la
majesté des choses naturelles » et le chœur universel des arbres, des
fleuves et des mers. Ce fut là son trait d'union avec Goethe ; c'est
par ce détour qu'il atteignit l'âme antique, et ce n'es: pas sans
intention qu'il a réuni, dans l'une desétuJes où il a le plus livré
de lui-même, la vision de la forêt des Vosges et l'évocation de la
piété pa'ienne : Sainte Odile et Ip/iige'nie.
Enfin, de l'existence laborieuse et honorée, dans un intérieur de
province, il garda le respect du bon sens, l'amour de l'ordre et de ce
qu'il appelait les « choses salutaires ou nécessaires » : la tamille et
le mariage ; le culte de la liberté individuelle, le vœu d'un gou-
veriiement tempéré, aux mains d'hommes compétents et s.iges.
En 1848, il fut reçu à l'Ecole normale, le premier d'une promo-
tion fameuse. Il trouva dans l'école tout le feu de l'intelligence et
toutes les joies de l'amitié. Il lisait tout, mais déjà le » pli primitit
et permanent » de son esprit s'accusait. « L' Histoire de la civilisu-
lioii de M. Guizot, disait-il plus tard, m"a donné la première
grande satisfaction de plaisir littéraire, à cause des classifications
progressives. »
i) HÎPPOLYTE TAINE ÔO.Î
Lue amitié de collège lui procura l'occasion d'être présenté à
l'illustre historien. M. Guizot était indulgent et encourageant à la
jeunesse. Tant de force dans l'essor du génie et tant de candeur
d'àme rattachèrent d Taine. Il lui voua une estime qui, l'Académie
le sait, ne se démentit jamais. J'ai eu le bonheur, au' même âge,
sans mériter le même incérér, d'ootenii' la même bienveillance; j'ai
connu cette hospitalité de la pensée, plus précieu5e et plus libérale
encore que l'hospitalité du foyer ; ec, aujourd'hui, disciple suivant
de loin la trace de ces grands maîtres, il m'est doux de les associer
dans ma reconniissance.
La génération de Taine arrivait à u i t )urnant inquiétant de l'his-
toire. Ces recrues vaillantes co;nmençaient leur campagne au lende-
main d'une déroute. « La démocratie instituée excitait leurs ambi-
tions sans les satisfaire, la philosophie proclamée allumait leur
curiosité sans la contenter. » Puis venait la question, poignante à
cet âge. où l'homme est encore plus impatient de bonheur, qu'il
n'est avide de gl jire : que sera pour nous la vie r S'ils interrogeaient
les poètes, de Chateaubriand à Lamartine, de Byron à Heine, ils
n'entendraient qu'un concert de lamentations : « le bonheur déclaré
impossible, la vérité inaccessible, la société mal faite, l'homme
avorté ». Taine se détourna, l'amertume au cœur, il maudit l'en-
thousiasme, il réprouva l'éloquence, tous les prestiges qui font de
la raison la dupe éternelle des passions. Faute de pouvoir tenter
l'épreuve de la vie, il en demanda le secret au roman, et le roman
lui sem.^ila d'autant plus véridique qu'il était plus desséchant ou
plus, flétrissant pour l'humanité. C'est le moment où Stendhal,
qu'il proclamera « le plus grand psychologue du siècle et des siè-
cles précédents », va s'emparer de l'aine ; c'est le moment où
Balzac lui apparaît comme « le Shakespeare vivant et moderne » et
lui ouvre « le plus grand magasin de documents que nous ayons
sur la nature humaine s. ia notion de l'homme procède de cette
terrible pathologie, de même que sa notion de la politique procède
de l'écroulement d'hommes et d'idées qui se donnait alors en spec-
tacle à Paris. D'où son pessimisme fondame;ital ec ces formules qui
sont la clef de son optique sociale : l'homme est fou, comme le
corps esc malade, par nature ] la perception est une hallucination
vraie ;.la santé de notre esprit, comme la santé de nos organes,
n'est qu'un bel accident ; le bon gouvernement n'est qu'une excep-
tion et qu'un répit dans le cours des choses humaines.
Il descendit alors « au fond du scepticisme » Mais il était toute
volonté e. toute intellig.nce. Le néant ne pouvait le retenir long-
temps et il se releva très tort. Spinoza le rendit à lui-même. Il
s'exalta d'une sorte de piété sombre pour un Dieu qui se confond
avec l'univers et se démontre par raisonnement géométrique. Ii n'y
eut plus de vérité peur lui que dans l'ordre universel : toute sa
tache fut dp le comprendre, tout son devoir de s'y conformer. En
cette persuasion seulement, se dit-il, on trouve « le repos absolu de
23
354 ÉLOliE ACADEMIQUE
l'ârne, qui exclut tout doute et qui enchniiie l'esprit comme avec
des nœuds d'airain ». Il avait vingt et un ans quand il écrivait ces
lignes. Les nœuds d'airain ne s;? desserrèrent p'us.Il s'enferma dan*
sa tour de granit ; il n'y laissa vers le ciel qu'une ouverture étroite
et voilée, et par échappées seulement, durnnt quelque nuit d'été
très pare et très chire, il se Inissi encore aller à soulever le voile
et à contempler, au-d-'là du temps et de l'tspace, la formule créa-
trice, « l'indifTérente, l'immuable, l'éternelle, la tou'e-puissante »,
devant laquelle, lorsqu'il la découvre d.ms sa sérénité sublime,
l'esprit de l'homme se ploie «consterné d'admiiation et d'horreur ».
Spinozi lui commandait l'obéissance ; MarcAurèle lui enseigna la
résignation. « Je lis Musset et iVlarc-Aurèle, écrivait il à un ami.
Je trouve dans l'un tous les e lnui^, dans l'autre le remède univer-
sel .. C est mo 1 catéchisme, c'est nous-mêmes... La lumière de l'es-
prit produit la sérénité du cœur. "
Une telle conception de la vie conduit à consacrer la vie à la
science. Etudier l'ame en elle-même, dans l'œuvre des hommes de
génie, dans l'histoire des sociétés humùnes; voir l'homme tel qu'il
est, ni avorton, ni monstre, qu'on ne vante ni ne diffame ; le
remettre à sa place dans la nature ; montrer que tout en lui et
autour de lui se ramène à un faisceau de lois, et que l'iJéal auquel
se suSr)endent toutes ses aspirations est aussi la fin à laquelle con-
courent toutes les forces de l'univers, telle e.st la tâche que Taiiie se
proposait dès sa sortie de l'école.
Mais il fallait vivre, et paur ceux qui voulaient penser librement,
c'était^ en ces années-là, une chose difficile que de vivre dans l'Uni-
versité. Taine l'éprouva à tou» les degrés : un refus à l'agréga-
tion, qui fit scandale, un envoi en province, qui n'était que l'ap-
prentissage de la disgrâce. Il connut la sottise dans l'injustice, la
perbécution hypocrite, « ces premiers crève-.-œur de la jeunesse »
qui assombrissent à tout januisla vie, et ce qu'il apprit alors à
nommer « la dureté ordinaire du commerce des hommes ». En
miins d'une année, il tomba d'une supp éance de philosophie à
Toulon à une suppléance de sixième à Bc-sançon. Il se révolta et
parât pour Paris, sans autie ressource que sa plume.
Ce Paris studieux de 1853, qui, dans une sorte d'effervescence
sourde de mine et de laboratoire, couvait u le révolution dans la
science et dans les lettres françaises, était fait pour développer,
mais aussi pour pousser aux extrêmes, du côté où il penchât, l'es-
prit d Hippolyte Taine. On y travaillait, on y pensait, sans autre
objet que la vérité, sans souci des conséquences pratiques; que di.<-
je, avec le mépris de ces conséquences.
C'est alois que Taine se lia avec Wœpke. qui compléta ses con-
naissances maihématiquc^s et l'i litia à la philologie ; avec Doré,
qui l'introduisait dans le monde des artistes, tanJis que Marcelin,
San ami d'e.ifance, lui apprenait à démêler l'histoire dans les estim-
pes. Il faisait de la chimie et de la physiologie ; il fréquent lit la
d'hippoltTe taine 3ob
Salpétrière, tachant de découvrir, à travers les grossissements et
les déformations de l'intelligence malade, le passage mystérieux de
la sensation à l'image, et de l'image à la perception. Entre temps,
il commençait d'écrire à la Revue de l'instruction publLjuc^ aux
Débats^ à la Revue des Deux Mondes. Et, partout, entier à son étude
présente, il allaif, interrogeant les hommes spéciaux, les témoins
vivants ; choisissant de préférence ceux auxquels il attribuait à la
tois le sens très aigu et un parti pris très sceptique ; poursuivant,
sous k forme la plus concise, l'opinion la mieux prouvée, « les
impressions personnelles, exactes et crues », les mots caractéristi-
ques de; hommes illustres, les petits détails significatifs des grands
événements. CepenJant il avait hâte de rentrer dans sa retraite de
l'île Saint-Louis. Aux hommes récalcitrants ou importuns il pré-
férait les livres, moins lourds et moins longs à feuilleter. La vie
réelle, la vie brutale même l'attirait à titre d'expérience et de cli-
nique sociale. Mais il n'aimait à l'étudier que dans Saint-Simon ou
dans Bilzac, comme les monstres, les tauves et les oiseaux de
prcie, au Muséum, derrière les grilles, le matin, quand les arbres
sont encore frais de la rosée ei que les allées sont encore vides
d'oisifs. Il redoutait de perdre son temps et d'encombrer sa mémoire.
Enfin, il ne savait pas s'ennuyer. S'il voulait le secret des choses,
il ne se résignait point à le guetter longtemps, aux seuls endroits
peut-être oii ce secret se décèle entre les propos interrompus, les
anecJctes rabâchées, les confidences fallacieuses, le bavardage des
hommes obsédés d'eux-mêmes, qui cherchent à tuer le te nps, à
tromper l'attente, à se tenir en scène les uns devant les autres, se
méfiant des questions, mais laissant parfjis échapper, par surprise
de vanité, ou de passion, le mot révélateur : les antichambres des
hommes d'Etat, les bureaux de rédaction des journaux, les cou-
loirs des assemblées, les foyers de théâtres, toutes les salles de pas-
perdus.
Et comme il compulse, dépouille, regarde, analyse et note à
Paris, il voyage en Angleterre, en Italie, dans les Pays-Bas, en
France. Assidu aux archives, chez les savants et chez les hommes
techniques, commentant les musées par les bibliothèques.
Il s'exerce et s'anime à la science nouvelle Ici, en historien^ à
coups de pioche tt de mines, rudes et durs, dans le sol résistant, la
chaussée ciinentée, les massits monuments de l'histoire romaine :
c'est l'HssjL sur Tite-Live. Ailleirs, en psychologue, s'efTorçant de
dégager les traces de Condiilac, ensevelies sous les programmes
d'ttat : c'est le livre des Philosophes. Ce livre tut sa prise de la Bas-
tille. Taine n'a rien produis, pis même les notes de Thomas Grain'
dorge^ ce La Bruyère positiviste de la Yie parisienne., où il ait
déployé plus de fantaisie avec plus d'abandon : une verve endia-
blée, un mélange d'irrévérence sjrcastique et de flamme à la DiJe^
rot ; un talent encore inconnu dans nos lettres, pour rendre les
abstractions vivantes^ l'analyse colorée, la dialectique pittoresque^.
356 ÉLOGE ACADÉMlQtE
le sophisme ridicule, l'évidence spirituelle; pour glisser des croquis
délicieux de paysage, dans des encadrements noirs de tableaux de
mathématiques ; toute une psychologie qui s'atflrme, toute une
philosopliie de l'histoire qui se déborde, toute une métaphysique
qui s'envole ; par-dessus tout l'exubérance, les ailes de la jeunesse.
Il projette en ses ouvrages, conçus en même temps, publiés coup
sur coup, les idées directrices de ses oeuvres capitales. H les lance à
brûle-pourpoint, assaillant le lecteur par la thèse, l'empoignant pir
la démonstration. Il aimait, il aima toujours, les débuts impérieux
à la Beethoven.
Au cours de ses études sur Racine, Saint-Simon, La Bruyère, I,a
Fontaine, Mme de Lafayette, il se fut une notion du caractère
français, qu'il reprendra sans cesse, l'étendant et la complétant, et
qui exerce sur le rythme de son œuvre autant d'influence que sa
notion primordiale de l'homme infirme par naissance et de la
société malade par nature. C'est l'esprit classique ; il e;i déduira sa
théorie de la Révolution française, et cette idée deviendra l'idée
maîtresse des Origines de la France contemporaine.
On s'explique, dès l'abord, ce qu'il comprendra dans ce livre et
ce qu'il en exclura. On voit venir de la même allure, et se supposer
les uns sur les autres, la tragédie classique et les Droits de riiomme^ la
monarchie absolue et la démocratie. C'est la grande route royale
et nationale de l'histoire à tr-U'ers les plaines et les vignobles de la
France moyenne ; mais cette route s'arrête au pied des montagnes
couvertes de neiges éternelles ; aux grèves où l'Océan, qui se perd
dans l'infini, étale ses nappes mouvantes sur le sable morne ; aux
rochers, où les vagues perpétuellement troublées se brisent en
écume, sous un ciel lourd de tempêtes. La France est le pays des
contrastes. Sa Chanson de geste abonde en merveilles ; et n'est-ce
point découper d'une main trop tranchante en son histoire que d'en
écarter à titre de digressions, tant de glorieuses aventures et d'hé-
ro'iques épreuves, cet appétit de l'impossible et ces longs abatte-
mcius coupés de lièvres, la folie d^ la croix et la folie de la liberté,
la voie épique, qui va de Jérusalem à Fleurus, du cycle de Charle-
magne ù relui de Napoléon .' Ce sont pour Taine de^ rayons diver-
gents. Il s'interdit de les suivre, comme il s'interdit l'clévation vers
ie mystère et l'ascension vers la métaphysique.
Il avait entrepris d'appliquer en grand sa méthode, d'écrire l'his-
toire d'une littérature et d'y chercher la psychologie d'un peuple.
Il avait choisi l'Angleterre, parce qu'il retrouvait, dans la littéra-
ture anglaise, à tous les âges, l'homme passionné, concentré, inté-
rieur, qui est l'Anglais d'aujourd'hui. Taine, dans ce livre, donna
sa mesure. Par «.e coup de maître, il ne se plaça pas seulement au
premier rang de nos écivains, il fit grand honneur, en Europe, à la
littéra.ure française.
La méthode avait fait ses preuves ; Taine en présenta, dans l'in-
troduction de la Littérature anfilaisc. un exposé magistral, tlle se
D HIPPOLYTE TAINE ?>0 ,
ramène, en réalicé, à quelques données simples : touces les choses
humaines, que ce soit le génie d'un artiste ou le génie d'un homme
d'Etat, la lit:ér.iture d'un peuple ou ses institutions, ont leurs cau-
ses, leurs conditions et leurs dépenda.'ices. Pour l'homme et pour le
peuple, il y a une disposition initiale maîtresse et supérieure, qui
dirige toutes les idées et tous les actes, tlle procède de trois fortes
primordiales, la race, le milieu, le moment.
Taine devait beaucoup à Sainte-Beuve et il aimait à le pro-
clamer. Toutefois, pour cette conception fondamentale, il relevait
d'un autre maître. « Mon idée, disait-il, traîne par terre depuis Mon-
tesquieu, je l'ai ramassée, voilà tout. »
Nous reconnaissons les fameux « rapports nécessaires qui dérivent
de la nature des choses »; mais, en les constatant, n'oublions pas
que la nature des choses, ici, c'est la nature humaine. En histoire,
c'est l'homme qu'il faut rechercher partout et partout remettre en
son rang, car partout on le reconnaît. Qu'est-ce, en effet, que la
race, dans le développement de la civilisation, si ce n'est l'ensem-
ble des caractères héréditaires imprimés par la famille aux généra-
tions ? Qu'est-ce que le milieu, si ce n'est l'humanité accumulée
depuis les origines, les traditions, les croyances religieuses, les
chants populaires, les lois, tout ce qui façonne les individus, lie le
passé et l'avenir, supprime la mort dans les nations et tait que
l'homme tient à sa patrie comme la plante tient au sol d'où elle tire
sa sève, sa fleur et sa semence ? La destinée d'un peuple, ainsi con-
sidérée, se réduit aux iaits permanents de son histoire. Les peuples
demeurent, dans les conditions naturelles imposées à la vie
humaine, les artisans de leur destinée. Les formules que nous en
donnons sont de pures créations d; notre esprit, et elles ne mènent
pas plus les affaires du monde que les formules des astronomes ne
mènent le cours des astres. Mais dans le spectacle de l'humanité
errante^ souffrante et travaillant toujours à mieux voir, à mieux
penser, à mieux agir^ à diminuer l'infirmité de l'être humain, à
apaiser l'inquiétude de son cœur, la science découvre une direc-
tion et un progrés : elle ajoute, à l'intérêt émouvant du drame,
ridée d'une harmonie supérieure dont ce drame est l'expression.
Pour expliquer les faits, Taine les lie ; pour les montrer, il les
arrête. Son histoire, ainsi enchaînée et groupée, est immobile; mais
il supplée, par l'animation du style, au mouvement du récit qu'il
supprime. Il n'eut jamais d'hésitation sur la méthode ; il en tut sur
le style, et aussi des retours. Il ten,îit que la faculté de représenter
les choses est la puissance même de penser. Il s'y appli,]ua, mais
sans parti pris ni efforts dans les premiers temps ; plus tard, par
procédé et par tension. Entre sa première manière, les métaphores
tout intellectuelles^ les aquarelles aux teintes claires du Lj. Font^ini:
et des Philosophes et l'imagination véhémente du Voyage en Italie^
il y a plus qu une différence de degré. On passe d'une école à une
autre. Dans Paris, tel que l'a fait la vie moderne, Stendhal est cité
3;)8 K/.OGE ACADÉMIQUE
sans être lu, Condillac n'est ni lu ni cité. Montesquieu est relégué
au cabinet des médailles. Taine se déclire pour les coloristes. Il fixe
sur ses carnets, en notes aiguës et parfois frémi,ssantes jusques à la
douleur, les « taches que font les objets sur sa réiine ». Mais il se
reprocherait de chercher l'impression pour l'impression même. Il
veut que la représentation de l'idée, tout intense qu'elle soit, demeure
une idée éclairée et approfondie ; plus signifiante, plus pénétrante à
l'esprit parce qu'elle frappe plus tor ement les sens ; mais toujours
démonstrative, jamais fantasque, encore moins inexacte. Il fit plus
d'une fois, sur cet article, troublant pour lui, son examen de cons-
cience. « Depuis dix ans, écrivait-il en 1862, mon idée fondamen-
tale a été : Il faut peindre l'homme à la façon des artistes, et, en
même temps, le construire à la façon des raisonneurs : l'idée est
vraie, elle produit des effets puissants, je lui dois mon succès, mais
elle démonte le cerveau. . . Je lutte entre les deux tendances, celle
d'autrefois et celle d'aujourd'hui. « Il se partagea : la traduction
<L littérale et spontanée des sensations », pour les notes de voyage
en Angleterre et sur Paris, la classification colorée pour la philoso-
phie et pour l'histoire. C'est en cette dernière manière qu'il écrit
son Essai sur la. sculpture en Grèce^ d'une verve si légère, d'une
lumière si transparente ; son Traité de l'idéal dans Van, si sain, par
l'élévation perpéiueile vers le vrai et Li belle doctrine de la bienfai-
.sance des caractères ; son Traité de l'intelligence^ où il complète et
mène à ses fins la p-sychologia esquissée dans les Philosophes .
C'est son œuvre la plus méditée ; et peut-être est-ce son œuvre la
plus parfaite.
Ce livre marque l'apogée de son talent et aussi de son influence.
Il est désormais à côte de Renan, son ami. l'un des chefs reconnus
de la génération nouvelle. Taine avait été un précurseur. Son public
était venu. Les jeunes gens, qui avaien"". alors de vingt à trente ans,
très Français en leur évolution même, las des mots creux, de la phi-
losophie de commande et de la philosophie importée, des ballons
captifs et des ballons dégonflés, avides de science à défaut de l'ac-
tion qui leur était interdite, exigeaient, dans la pensée et dans l'art,
la vue positive des choses, la précision nourrie de réalité. Elèves de
Pasteur à l'Ecole normali^, de Quicherat à l'Fcole des chartes, de
Claude Bernard, de Berthelot, de Havet au Collège de France, lec-
teurs de V Ancien Régime de Tocqueville et de la Cité antique de Fus-
tel de Coulanges, Leconte de Lisle leur révélait les âmes barbares
et la poésie des races disparues; ils allaient avec le roman, de Bal-
zac à Flaubert ; au théâtre, ils applaudissaient le Demi-Monde et
les Effrontés ; puis, rentrés au logis, ils sentaient leur cœur battre
et leur àme s'élever avec les Stances de Suliy PruJhomme. Il y
avait Lntretous ces hommes et toutes ces œuvres, des liens et des
rapports que es jeunes gens devinaient et qu'i.s ne s'expliquaient
pas. laine les leur fa comprendre. Il fut leur conscience iii;ellec-
tuelle, leur maître à penser et leur maître à écrire. Il leur apprit à
D HlPPOI.YrK TAINE 350
voir et à vouloir, à fouiller et à construire. Influence austère en ses
horizons fermés, mais virile et tortifiante en se» nobles exhortations au
labeur dési itérasse de la civilisation.
Les professionnels disputaient encore entre eux, s'il convenait de
le classer parmi les pantliéistes ou parmi le^ positivistes, s'il fallait
le rattacher à Comte ou à Spinoza, sous quel nom il était opportun
de le consacrer, ou sur quel chef il convenait de l'excommunier, que
déjà, ne fût-ce même par l'écho ou le cnoc en retour des c avertis-
sements » et des réfutations, sa méthole avait gagné le grand
public. Ses tormules : milieu, race, moment, idée maîtresse_, série
de groupes, états d'àmes, hallucmition vraie, souvent incomprises
et détjrquéeS; cour.iient les éc îles, les revues, les ateliers, les jour-
naux. C'est â cette sorte d'étiage que ?e mesure l'alluvion des grands
penseurs. Psychologie, liis oire, critique d'art et critique littéraire,
études de la nature et paysages écrits ; le roman consulté a titre
de document, et se construisant désormais à coups de documents ;
l'm* esrigation minutieuse de l'homme da.s sa naissance, dans ses
habitudes, dans ses entouis ; la descriptijn, l'inventaire même du
mobilier et des accessoires de la vie humaine, on peut dire que par-
tout, de la chaire des universités à la presse mondaine et anecdoti-
que, l'influence de Taine se fit ressentir : dans aucune branche de
l'activité intellectuelle il n'a laissé les choses au point où il les avait
prises.
Son œuvre, telle qu'il l'avait conçue, comportait encore des étu-
des religieuses et des études politiques. Il était déjà loin du temps
où il n'apercevait, dans la religion, « qu'un beau poème tenu pour
vrai », relevant de la seule littérature. Depuis son voyige en .Angle-
terre, il entrevoyait dans un christianisme très large, tout imprégné
de l'esprit moderne, une conciliation possible entre l'esprit scienti-
iique et une discipline morale qui lui paraissait la meil.eure de tou-
tes pour développer, dans l'homme, par un appel direct à la cons-
cience, « la réforme volontaire et l'empire de soi-même ». Il y
songeait souvent, mais il se trouvait, sur ce chapitre, trop loin de
compte avec la majorité de ses concitoyens. « J'ai bien u i idéal en
po iti lUe et en religion, écri/ait-il en 1862 ; mais je le sais impas-
sible en Fiance, c'est pourquoi je ne puis avoir qu'une vie spécula-
tive, point politique. Si, ajoutait-il, le protestantisme libre, comme
en .Allemagne sous Schleiermacher, ou à peu près comme aujour-
d'hui en Angleterre, si les libertés locales, comme aujourd'hui en
Belgique, en Hollande, en Angleterre, aboutissaient à une représen-
tation cen'rale. . . » Toutefois, il avait crayonné le Projet d un livre
sur lu religion et la société en France. Il voulait l'écrire « à la manière
de .Vlachia\el, sans iac.i.ier dans un sens ou dans un autre, traitant
h ch )se comme un état physiologique ». Il avait ajourné ce dessein.
Quand il le reprit, les te:nps étaient ch'iigés, et ces temps d'épreu-
ves tragiques avaient amené Faine à un état d'esprit bien éloigné de
celui de Machiavel.
:i60 Kr.OGE ACADÉMIQUE
Il vit ce que, saut' quelques Jiommes avertis du s;cretdes affaires
eu Europe, notre génération considëraic comme la chose impossi-
ble. Nous étions nourris de ce qu'on nomme nu dehors la grande
illusion française. Les étrangers la raillent, mais nous n'en parlons,
nous, que les larmes aux yeux, parce que cette illusion-là est la loi
de notre histoire, le lien de notre société, iiotre principe et notre mis-
sion dans le monde. Dans ce siècle des nationalités, la France, qui
avait payé. de son sang la résurrection des peuples, a été frappée
dans sa conscience nationale. Ramenée à ses limites traditionnelles,
elle nous y paraissait doublement sacrée, par le droit et par l'his-
toire :^ car ceux qui vivaient dans cette frontière d'élection, s'étaient
unis en légitime mariage, pir leur consentement libre, pour la
bonne et pour la mauvaise fortune, contre la maladie et contre la
mort ; car la France avait pris pour sa maxime d'Etat cette décla-
ration qui semblait la metfe au-dessus des querelles : « J'aime,
donc je suis ! » faisant ainsi de la nition une àme qui se survit tou-
jours et qui ne se divise pas.
Il ne suffit point à Taine de protester contre les conditions de la
paix et d'opposer à la France selon les Allemands, la France véritable:
il sentit que désormais le savant ne pouvait plus, comme naguère,
répondre au politique, qui lui reprochait d'établir la révolution ou
le désespoir dans l'esprit des Français : « Est-ce qu'il y a des Fran-
çais ? » Il y en avait et ils étaient malheureux, et ils étaient trou -
blés. Chacun se devait à tous. Tout, dans notre démocratie, dépend
du mouvement des masses, et les masses ne sont mues que par les
déplacements sourds des infinimencs petits. C'est dans ces profon-
deurs seulement que peuvent opérer les réformes efficaces, les
actionsélé mentaires. qui, par leur poussée lente et continue, arrivent
à modifier les conditions générales de l'histoire : le milieu socia'
et les dispositions héréditaires de la race. Dans ce dessein, pour
défricher d'abord les avenues et tormer les pionniers, Taine aida
de toute son ardeur son ami M. Boutmy, grand éducateur d'hommes?
à fonder l'Ecole des sciences politiques, e Pour voter, écrivait
Taine en 1849, il me faudrait connaître l'état de la France, ses
idées, ses mœurs, ses opinions, son avenir. » Cette idée reprise
vingt-cinq après, a produit les Origines de la France contemporaine.
Estimant que les périls de la France provenaient d'une grande
aberration : la conception abstraite des droits de Vliomme^ et d'une
constitution funeste : les institutions de l'an VIII ; que l'une et
l'autre provenaient d'un pli héréditaire, imprimé par l'ancien
régime, Taine résolut de les attaquer par la réfutation de leurs
principes et par le spectacle des maux qu'elles avaient causés.
Il pose d'abord et très fortement les bornes de son ouvrage. Il ne
prétend p.is expliquer l'ensemble des affaires françaises pendant ia
Révolution. Il exclut les finances, l'Eglise, les négociations, les
armées, le contre-coup des menaces et des convoitises de l'Europe,
les nécessités et les entraînements de la guerre, qui emportent les
d'hippolyte ïaine 31)1
Français, de la lutte pour l'indépendauce, à la propaganJe et à la
conquête. Il laissait à d'autres le soin d'ea faire Ihistoire.
Je suis de ceux qui se sont hasardés dais une des parties de ce
vaste champ, que Taine s'étnit fermé. Mes recherches m'ont con-
duit, sur des points même que Taine avait traités, à des jugements
très sensiblement ditiérents des siens. Vous le saviez, messieurs,
lorsque Vous avez accordé à mon livre celui de vos prix qu'un his-
torien français est le plus fier de recevoir. Taine était alors des
vôtres, et nul n'entrait avec plus de liberté d'esprit dans votre
large façon d'envisager les choses. Je manquerais étrangement de
mémoire, si je ne le rappelais pas aujourd'hui ; mais, à y insister
davantage, je manquerais assurément de discrétion.
Taine n'a qu'un objet : montrer, à travers l'histoire de l'esprit
public et des pouvoirs publics, comment le Français de l'ancien
régime est devenu le Français d'aujourd'hui. Celui-lii, à ses yeux,
est un malade par dispositions héréditaires, malade aussi de ses
médecins, qui, par le jrs saignées, leur antimoine, leur régime d'hôpi-
tal militaire, l'ont énervé et détraqué. Taine dénonce cette théra-
peutique déplorable ; il cherche l'hygiène future et, selon sa
méthode, il la cherche dans l'étude du malade. Il va au club des
Jacobins, comme il allait autrefois à h Salpétrière. Il ne s'occupe
pas de ce qui a fait vivre les Français durant cette crise; il s'in-
quiète de qui aurait pu les tuer. Il n'écrit pas l'histoire de la Révo-
lution française, il fait la pathologie mentale du Français penda it
la Révolution.
Avec quelle patience et quelle conscience il poursuit son énorme
enquête, ceux-là seuls qui l'ont vu travailler, ceux d'entre vous qui
lui ont ouvert leur trésor, peuvent le dire, et nul ne le saurait dire
sans témoigner de son estime. .Mais plus Taine s'enfonce dans cette
réalité démente et sinistre, plus il s'émeut, s'emporte, se livre. Il
dépouille le détachement superbe du savant; il entre en bataille
pour lui-même, comme au temps de sa lutte contre les éclectiques;
plus sombre toutefois, plus impétueux, muni de tous les projec-
tiles ec de tous les explosifs modernes. Par moments, on se croirait
à la cour d'assises^ que dis-je, au tribunal révolutionnaire, le len-
demain des journées de proscriptions. Toutes les factions se pous-
sent dans te prétoire et s'y étouffent les unes sur les autres. Taine
instruit le procès, interroge les témoins, requiert, juge et condamne
toujours. La splendeur du style décuple l'effet des tableaux : les
métamorphoses surgissent, grossissantes et lumineuses comme les
projections des physiciens, mais en même temps furieuses et
emportées, d L'artiste, disait-il, est une machine électrique chargée
de foudre ; sa grandeur consiste dans la grandeur de sa charge ;
plus ses nerfs peuvent porter, plus il peut faire. »
L'Ancien Régime, où l'explosion couve, est, avec la Littérature
anglaise et l'Intelligence, sa troisième œuvre maîtresse : l'Académie la
salua par une élection, que ratifia toute l'Europe lettrée. Les volumes
362 ÉLOGE ACADÉMIQUE
de la Révolution où la mine éclate, soulevèrent autant d'admira-
tions^ mais beaucoup plus de critiques. Le livre était plei i de pas-
sion, les pnssioH'^ s'en empirèrent. Il se produisit dans le public,
entre chacune des parties de l'ouvrage, une série d'évolutions, ana-
logues à celles du chœur, dans les tragédies grecques. Avec sa
conscience de penseur sincère et d'écrivain lucide, Taine s'étonnait
d'être si méconnu dans ce qu'il avait dit et si fort attaqué pour ce
qu'il ne disait pas.
Lorsqu'on lui reprochait de négliger les grands côtés de l'époque,
il n'aurait eu qu'à ouvrir son livre aux pages où se dépl ne l'essor
de la nation en 1792, sorte de marche héro'ique et sacrée, d'une
magnifique envolée de clochi's, de chants et de clairons II n'aurait
eu encore qu'à reprendre, dans sa Littéruture anglaise^ cette apos-
trophe^ jetée à un détracteur illustre de notre génie national : « Ces
ouvriers, ces Jacques sans pain, sans habits, se battaient à la tron-
tière pour des intérêts humanitaires. Ils sont dévoués à la vérité
abstraite^, comme vos puritains à la vérité divine ; ils ont combattu
le mal dans la société, comme vos puritains dans l'àme ; ils ont
eu, comme eux, un héroïsme, mais sympathique, sociab.e, prompt à
la propagande, et qui a rétormé l'Lurope^. pendant que le vôtre ne
servait qu'a vous. » Il se contentait de dire : « Ce n'est pas mon
sujet. » Quant aux admirateurs nouveaux et parfois un peu trop
zélés, que lui valaient ses coups de bélier contre les Droits de
Vhomme et ses coups de massue aux Jacobins, « je les attends »,
disait-il, avec son sourire fin et résolu, et cette manière qu'il avait
de conclure d'un ton doux et péremptoire, ponctuant la phrase,
scandant les mots : « Je les attends à Napoléon. »
Il n'attendit pas longtemps, et l'effet dépassa son attente. Jus-
que-là, lorsqu'il était aux prises avec un penseur^ un poète, un
artiste, et qu'il arrivait a l'élément irréductible, au passage de la
formule ù la vie, Taine, penseur et poète lui-même, suppléait l'im-
puissance de l'analyse par la divination de son propre génie. Mais,
ici, cette divination lui faisait défaut. Il l'a^-ait dit à piopos de
Guizot et de Cromwell : i Pour écrire l'histoire politi ]U', il faut
avoir manier 'es affaires d'Etat. \jn littérateur, un psychologue, un
artiste se trouve hors de chez lui. » L'Ltat était pour Taine le der-
nier des monstres scolastiques, qu'il avait rés.)lu d'anéantir : il était
absolument réfractaire à la raison d'Etat. C'est pourquoi, comme
naguère le Comité de salut public, Napoléon lui demeura étranger.
Il tut beau remplir le creuset, broyer et chauffer à outrance ; la
flambée eut des éclats surprenants, mais l'affinité manquait et le
bronze ne se forma point.
Avec le Régime moderne, Taine revint à son objet direct. Il a tait
la part de la fatalité héréditaire ; il fait maintenant celle de la jus-
tice. Justice sociale, pour lui, est synonyme de liberté civile et
politique, et il n'y a de liberté féconde que celle qui garantit les
droits de l'individu. 1 iberté. justice, ces mots, ainsi entendus, im-
d'hii'POlyte taine 303
pliquent l'actioa volontaire et l'agent responsable. « L.i persuasion
que riiomme est avant tout une personne maraleet libre, et qu'ayant
conçu seul, dans sa conscience et devant Dieu, la règle de si con-
duite, il doit s'employer tout entier à lappli juer à lui, hors de lui,
absoluiiient, obstinément, inflexiblement, par une résistance perpé-
tuelle opposée aux autres, et par une contrainte perpétuelle exer-
cée sur soi ». voil'i, disait Taine, « la grande idée anglaise ».
Disons : la grande idée de tout peuple qui prétend vivre et qui ne
veut ni se dessécher dins les déserts, ni sombrer dans les bas-
toiids. Sans cette donnée, sans ce que Taine appelle les deux idées
maîtresses de la civilisation moderne, l'honneur^ par où l'homme
s'attribue des Jroifs dont rien ne peut le priver, la conscience, par
où il conçoit la justice absolue, le livre des Org nés ne serait qu'une
apocalypse de notre décaJen_e et le livre du Rt-gime moderne qu'une
stérile lamentation. Ni l'une ni l'autre.
Le plus délicat des hommes sur l'article de l'honneur, le plus
scrupuleux sur l'article de la conscience, Taine a vécu en homme
responsable et libre, il a écrit pour des hommes responsables et
libres, capables de le comprendre et de profiter de ses enseigne-
ments. A ceux qui l'accusent de dissoudre l'ame humaine en une série
plus ou moins flottante d'états d'âme, on peut répondre, et par sa
doctrine de la facu<té maîtresse, qui concentre et gouverne toute
l'àme durant toute sa vie, et par l'exemple de son âme, la plus
identique à soi-même qui ait jamais été. Il a mieux tait que d'écrire
ce traité de la Volonté qui devait former le complément de son
livre sur Vlntellige/ice ; il a montré, par ses actes, ce que valait,
contre les épreuves du dehors et pour la saine activité humaine,
une volonté tenace et réfléchie.
Parmi les soutiens que, dans cette lutte de tous les jours, exige
l'infirmité de l'homme, il inclinait de plus en plus^ dans les der-
nières années de sa vie, à placer la religion chrétienne. L'expérience
et l'iiistoire l'avaient conduit, envers le christianisme, de l'intelli-
gence à la sympathie et au respect. Il ne disait pas, avec les liber-
tins d'Ltat: Il faut une religion pour le peuple. Il n'admettait point
cette nuance de mépris dans une atiaire qui est l'affaire la plus
intime du cœur humain. H savait que tout le monJe est peuple
devant la soutlrance, l'énigme de la destinée, les contrariétés de la
justice, le déchirement de la mort et l'inquiétude de l'espérance.
Toutetois, s il réclama pour les croya.its la liberté de conscience la
plus large avec toutes ses conséquences et toutes ses conditions; s'il
reconnut dans l'Evangile « le meilleur auxiliaire de l'instinct
social »; s'il en vint à admirer la toi, comme un au-delà de l'intelli-
gence et de la raison, nul ne peut dire qu il rompit les nœuds d'ai-
rain qu'il s'était librement forgés. Franchit-il jamais cet abime. que
le croyant franchit d'un coup d'aile, et qui sépare la soumission à
des lois nécessaires et universelles, de la confiance en la bonté infi-
nie d'un Père ? S'il resta, pour son compte, un stoïcien, il le fit de
dessein prémédité, mais aussi par modestie. On doit savoir se bor-
364 ÉLOGE ACADÉMIQUE
lier, disait-il, « être conteur d'avoir pu contempler et penser le
monde, croire que cela vaut la peine de vivre ». Mais, c^ qu'il s'in-
terdisait à lui-même, il ne se défendait point de l'attendre d'au-
trui, « Chaque génération, écrit-il, lira quelques pages du grand
livre qui ne finit pas »... « Si je m'arrête, c'est par sentiment de
mon insuffisance ; je vois les limites de ma pensée^ je ne vois pas
celles de l'esprit humain. »
C'est le moment où un grand artiste, qui sait peindre les hom-
mes comme Taine savait les comprendre, Fa représenté, vieillissant
déjà, mais dans la plénitude de son être moral : imposant, tomme il
apparaissait, à ceux qui l'apercevaient du dehors; vénérable, comme
il l'était à ceux qui l'approchaient^ ce partaicement aimable, comme
il savait l'être pDur tous ceux qu'il recevait à son foyer. Très clair,
sur un fond très sombre, il se détache et semble venir à nous de
son pas mesuré. Le front découvert, bombé, comme trop plein et
pesant sur le corps ; le visage creusé et pâli ; toute l'aspiration, tout
le flux de la vie montant vers ce iront souverain et insatiable ; la
bouche droite, volontiers silencieuse, s'ouvrant aux questions
directes, aux réponses nettes; mais bien plus volontiers encore sou-
riante à l'amitié, bienveillante à la jeunesse, dure seulement au
mensonge et impitoyable à la présomption. Les yeux se tiennent à
demi baissés, sous les verres qui les couvrent. Le regard, quand il
se lève, est perçant comme un éclair qui passe sur une lame aiguë ;
mais, plus habituellement, il se voile. On sent que Taine, malgré
sa passion pour la couleur, préférait encore à la vision éblouissante
du monde, la vie intérieure, celle qu'il avait dirigée une fois pour
toutes_, vers les grandes idées simples, parles grandes lignes pré-
cises et continues.
IL avait restreint sa tâche; il avait encore trop présumé de ses
forces. Il ne passait, dans les dernières années, que quelques mois à
Paris, impatient de retourner à sa maison du lac d'Annecy, près de
laquelle il avait décidé de reposer toujours : il y avait trouvé le seul
bonheur véritable, le bonheur tel qu'il l'avait conçu, tel qu'il le
méritait. Il marcha tant qu'il put marcher : là-bas, sur les rives
incessamment rafraîchies par les grands courants d'air des monta-
gnes ;[à Paris, sur les bords de la Seine, où sa jeunesse avait connu
l'angoisse de vivre et « le ravissement de penser > ; de préférence à
sou cher Jardin des Plantes. Il y ressentait comme une impression
vivifiante de ses matinées d'autrefois, au mois de mai, quand il
avait vingt ans : « Le soleil brillait au travers des herbes, et je
voyais cette vie intérieure, qui circule dans les minces tissus et les
dresse en tiges drues et fortes ; le vent soufflait et agitait toute
cette moisson de brins serrés, d'une transparence merveilleuse ;
j'ai senti mon cœur battre et toute mon âme trembler d'amour,
pour cet être si beau, si calme, si étrange, qu'on appelle nature ; je
l'aimais; je l'aime; je le sentais pirtout, dans le ciel lumineux,
dans l'air pur, dans cette forêt de plante-î vivantes et inanimées, et
surtout dans le souffle vif et inégal de ce vent de printemps. j>
D HIPPOLTTE TAINE 36o
iMais chaque saison la vie devenait plus lourde, la marche plus
pénible ; les étapes étaient plus courtes, les haltes plus prolongées.
Jamais cependant sa pensée n'avait été plus alerte, son imagination
plus féconde. <c Cette pensée, dont tu es si fier, lui disait autre-
fois Prévost-Paradol, que tu la veux d'une nature unique et supé-
rieure à l'univers », cette pensée l'épuisait de si créatioir pro-
digue et incessante. Au lieu de la suivre avec allégresse, il devait
désormais rompre la chaîne des idées et dissiper les Fantômes des
images. Il connut ce supplice, le plus cruel pour un homme de son
génie, réfréner ce génie même et le bâillonner. Mais il ne )e mau-
dit point et ne murmura jamais. Dans cette misère de la condition
humaine, ce grand et douloureux penseur se relevait encore par sa
souffrance : « Toute la dignité de l'homme est dans la pensée. »
Puis vint le jour où il ne sortit plus et ne reçut plus que quel-
ques intimes, pour quelques instants : toujours affable, toujours
intéressé à leurs travaux, soucieux de leurs espérances, ne parlant
que de leurs affaires, jamais des siennes et de la plus poignante de
toutes. On le voyait s'amincir et se courber, mais il semblait que
l'homme intérieur grandissait toujours ; et lorsque la main pieuse
qui veillait sur ses forces défaillantes, indiquait que le temps était
venu de le quitter ; que l'on partait en se demandant si le lende-
main on le retrouverait encore ; que l'on songeait avec désespoir
à cette grande lumière jetée sur le monde et dont la source allait
disparaître, on se réconfortait en considérant que l'on assistait à un
grand spectacle et qu'il n'y avait vraiment plus ni proportions ni
commune mesure, entre cette pensée, qui s'élançait toujours plus
forte, plus sereine, plus dégagée vers l'idéal, et ce corps qui s'en
allait toujours plus débile, s'évanouisiant vers la terre.
11 lisait, il lut jusqu'à la fin : du César ou du Salluste, revenant
au latin, comme l'homme épuisé revient au lait qui a nourri son
enfance, reposant sa pensée indocile, sur les mots nets et pleins,
dans l'avenue des idées alignées. Il se faisait lire Sainte-Beuve, qui
lui donnait l'illusion de la vie dans ce qu'il avait le plus goûté au
monde ; la libre conversation sur les choses de Tintelligence, avec
les gens d'esprit. Enfin il méditait Marc-Aurèle, r-\sté son livre de
chevet. De ses sentences, « cris étouffés d'un enthousiasme con-
tenu... paroles brisée-;, qu'on prononce à voix basse », il s'était fait
une sorte de liturgie. Au commerce de cetta àme. selon lui, « la
plus noble qui ait vécu », il s'exhortait à la résignation : « Conso-
lez-vous donc, jiauvres hommes, à cause de votre faiblesse et à
cause de votre grandeur, par la vue de l'infini d'où vous êtes exclus
et par la vue de l'infini où vous êtes compris. »
Ainsi mourut Hippalyte Taine. Il est un des raies hommes qui
ont contribué à changer la figure et à modifier l'allure intellec-
tuelle de leur siècle. Il a fait avancer, par sa méthode, l'étude, et,
par ses livres, la connaissance des ch'jses humaines ; il a jeté un
éclat i;icomparable sur nos ietires, et, après avoir fondu quelques-
366 ELOGE ACADÉMIQUE
unes des plus belles statues de l'art français, il en laisse à ses suc-
cesseurs le moule profond, solide et délicat ; enfin, il a donné, par
l'ad Tiirable tenue de son existence, un modèle de l'art de vivre à
qui se propose de vivre pour la science et pour la vérité.
Voici maiutenaut la seconde partie de la réponse de M. le
duc de Broglie, dans laquelle l'érninenl hislorieu apprécie à sou
leur l'œuvre critique de Taine,
Votre éminent prédécesseur était déjà arrivé à plus de la moitié
de sa carrière et rien ne paraissait pouvoir être ajouté à l'éclat de
sa réputation, quand il donna au public la première partie de ses
vues sur les Origines de lu France contemporaine. Il avait traité les
sujets les plus divers avec une supériorité égale et marqué partout
son passage par une abondance de vues originales qui, aussi admi-
rées par les uns que contestées par d'autres, donnaient à tout ce
qui était sorti de sa plume un grand retentissement. Mais aucun de
ses écrits n'a jamais causé autant d'émoi ni provoqué à l'échange
d'autant de contradictions passionnées que le livre mémorable dont,
malgré la sévérité de la forme, le succès est devenu si rapidement
populaire. Le seul fait d'être sorti des consi lérations philoso,)hi-
ques ou littéraires pour entretenir la France de son pas^sé récent et
de son avenir incertain a suffi, malgré tout lesjin qu'il .ivait mis
à se tenir à l'écart de la politique c )urante, pour»jeter à l'instant
son nom dans la mêlée de la presse et dans I arène des partis.
A la vérité, ce qui rendit la sensation encore plus profonde, c'est
qu'un peu de surprise y fut méiée. On crut remarquer en're cette
production nouvelle et celles qui avaient déjà illustré son auteur,
sinon une contradiction directe, au moins quelque divergence de
sentiments et de tendances. On l'avait vu attaquer sans ménage-
ment bien des croyances traditionnelles contre la Révolution elle-
même. On crut à un changement survenu dans ses convictions.
Vous nous dites que cette impression de la première heure était
erronée et que rien n'était changé chez M. Taine : il avait procédé
dans cette étude comme dans les précédentes, par la même méthode,
l'application des mêmes principes, le jeu des mêmes formules ; la
matière seule sur laquelle il avait opéré était differene : rien de
plus. Je veux vous croire et j'en crois aussi M. Taine. qui était la
sincérité même, et tjui est resté convaincu qu'il n'avait en rien
altéré sa manière ni de penser ni d'écrire. Et puis, je sais que lors-
qu'on essaie ("ce qui fut, je crois, Terreur de ce noble esprit) d'ap-
pliquer la logi ]ue aux faits qui ne la comportent pas, on est sou-
vent conduit, jiour ne pas trop s'écaiter dà b redite^ d'élargir les
principes d'une manière qt^i éloigne sensiblement le point d'arrivée
d'un raisonnement de son point de départ. Mais le public n'emre
pas dans ces finesses, il juge sans réflexion d'après ce qui frappe ses
regards : il ne vit qu'une chose, c'est que dans le passage de ses
premiers écrits au plus récent, M. Taine avait causé aux disciples
D HlPPOLYTE TAINE 3h7
qui l'avaient suivi jusque li quelque déception et à ses contradic-
teurs une satisfiction sur laquelle ils ne comptaient pas. Il en con-
clut tout simplement qu'à l'exemple de beaucoup de maîtres en
tout genre ^à qui il n'en fait pas un reproche) il s'était éclairé ou
modilié par Tcxpérience ; en un mot qu'il y avait deux Taine
comme il y a eu deux Raphaël. Jetai-; comme le public, monsieur,
et on trouvera naturel que, des deux manières de ce grand artiste,
ce soit la seconde que je préfère à la première.
Il faut que ma préférence vienne de motifs qui me tiennent fort
au cœur, pour que je ne me laisse pas séduire par le récit que
VOU-; avez fait de ce que j'appelle la première phase de la vie de
M. Taine : car rien n'est piquant comme de voir ce jeune écrivain,
inconnu et maltraité la veille, emporter d'assaut pour ses pr mièies
armes un établissement philosophique qui disposait de toutes les
situatiois otûciellcs. De l'enthousiasme que cette brillante campa-
gne causa à la jeune génération à qui le régime impérial ne lais-
sait d'autre champ d'activité que le domaine des idées, vous
avez taie une peinture pleine d'éclat. Me permettez-vous de regret-
ter que, pour la réalité et l'exactitude, vous ne l'ayez pas mêlée
d'un peu d'ombrer C'est un point sur lequel, ni vous ni moi, nous
ne sommes des juges pleinement compétents. Vous étiez trop jeune
pour vous renJre bien compte de ce mouvement, et moi je ne l'étais
déjà plus assez pour y prendre parc. J'userai du privilège de mon
âge en rappelant que l'entraînement ne tut pis si général que vous
le di:es, et sur quel fondement s'appuyèrent les résistances sérieu-
ses qu'il rencontra et qui ne méritent pas d'étie oubliées. Je le
fer?i avec la même liberté que si je m'adressais à M. Taine lui-
même. C'était son mérite d'accepter la contradiction aussi simple-
ment qu'il la bravait. Des hommages qui ne seraient pas re idus
avec une pleine ffanchise offenseraient au lieu d honorer sa mémoire.
L'école philosophique que M. Taine battit en brèche par un feu
si bien nourri avait un grand tort ; elle prév'alait en France depuis
un quirt de siècle. Je ne crois pas qu'aucun système de philosophie
puisse subir impuné;nent cette épreuve. Comme il n'en est aucun
qui n'ait ses points faibles, aucun i]ui puisse résoudre par la voie
ration lelle (la seule dont la philosophie dispose) tous les problènes
qui pèsent sur la destinée de l'homme, — aucun auquel il ne faille
rappeler avec Bossuet que la sagesse humaine est toujours courte
par quelque endroit, — on s'aperçoit aisément, quand on a eu
le temps de faire le tour de la place, que bien des postes sont
sans détense,et c'est par là que l'ennemi, quand il survient, pénètre
toujours assez aisément. Il n'y a pas lieu d'être surpris si la phi-
losophie que M. Taine trouviit au pouvoir, et dont il eut le
droit de se plaindre, n'a pas échappé à cette condition commune.
Elle 'j était même d'au ant plus exposée qu'elle eut plus qu'aucune
autre, je le crains, la prétentiim de paraître suffisante quand elle
ne l'était pas, détournant ainsi les disciples qui la prenaient pour
guide de chercher d'autres lumières et d'autre secours que ceux
368 ÉLOGE ACADÉMIQUE
qu'elle leur promettait sans pouvoir leur tenir parole. C'est le péché
de présomption que M. Taine lui fit durement expier. Mais il ne
la dépouillait pas de ce qui fat son véritable mérite : c'est d'avoir
relevé et rétabli dans leurs droits, après les superficielles négations
dn siècle précédent, les vérités qui ont fait de tout temps l'espoir et
l'honneur de l'humanité : Dieu, sa providence, sa bonté, la sain-
teté du desoir, la distiiiction du bien et du mal, de l'esprit et de
la matière. Je vous assure, monsieur, que ce n'était là ni mots
creux, ni ballons gonflés, ni philosophie de commande, c'était tout
simplement le concert rétabli avec les belles âmes et les grands
génies de tous les âges
Et que nous offrait donc la doctrine nouvelle en échange de ce
qu'elle nous > emandait de quitter ?* Vous l'avez dit : une piété som-
bre envers Dieu si bien confondu avec l'univers qu'il ne se distinguait
pas du néant, et un pessimisme systématique, n'ayant pour conso-
lateur que Marc-Aurèle, qui ne préi.he pas tellement la résigna-
tion qu'il ne conseille au besoin de sortir de la vie, si on la trouve
trop pénible. On était excusable en venté de ne pas renoncer faci-
lement aux bonnes raisons qu'on croyait avoir pour ne pas le suivre
dans des régions sans espoir, conduisant à des abîmes d'ombre et
de silence.
Les générations d'ailleurs passent vite, et dans le cours moyen
dune langue existence on en voit plusieurs se succéder. Une nou-
velle n.ût en ce moment à l'intedigence et au raisonnement pour
qui M. Taine est déjà un ancêtre et qui le juge, lui et son œuvre,
avec la liberté toujours grande dont la jeunesse aime à user avec ses
devanciers. Se montre-t-elle bien reconnaissante envers ceux qui
ont tenté de ne lui laisser d'autre culte qu'une contemplation mé.ée
de terreur devant « l'indifférente, immuable et éternelle nature » ?
Je m'en rapporte aux plaintes et aux aveux que des voix éloquentes
nullement suspectes ni hostiles à M. Taine font entendre cliaque
jour au nom de ces nouveaux venus.
Et quant aux portraits d'une si mordante ironie qu'il fit des chefs
principaux qu'il combattait, j'ai bien peur d en avoir souri comme
d'autres et d'autant plus gaiement que, connaissant plusieurs des
modèles, je n'ignorais pas leurs faiblesses. Et pourtant, réflexion
faite, était-ce bien la peine de railler la gra\ité de Royer-Coliard,
la candeur de Jouffroy, l'éloquence de Cousin, pour aboutir à quoi .-
C'est encore vous qui l'avez dit : à exhumer Condillac. Gagnait-
on beaucoup au change .-
Enfin, vous le savez, il est un pjint pirticulier sur lequel vint se
concentrer, avec une vivacité croissante d'intérêt et d'émotion,
toute la p)lémique suscitée par la doctrine philos )phique de
M. Taine Ce fut l'assimiLition qu'il se plaisait à faire en toutes
choses encre le monde moral et le monde matériel, dont la consé-
quence extrême ét.iit de retirer à la personne humaine toute liberté,
en la déchargeant par là de toute responsabilité. Ce fut le grand
DHIPPOLtTE TAINE 3tj9
ch.imp de bataille de la controverse. C'est là, c'est contre cette
résurrection indirecte da la tatalitë antique que s'élevèrent, des
points les plus divers, mais les plus élevés, des voix très graves,
plus inquiètes encore que sévères. Far leur bouche a'était-ce pas
la mora.e elle-mé.ne qui réclamait, menacée dans ses fondements,
dès qu'en lui ôtant la puiss.ince de se taire obéir on lui était aussi
le droit de se faire entendre? Car, quoiqu'on tasse, morale et
liberté seront toujours sœurs, puisque nul ne peut être coupable,
s'il n"a pas la liberté de ne l'être pas. Où l'urie périssait, l'autre ne
pouvait longtemps survivre. On avait bien quelque sujet de ne pas
se résigner à un système qui pouvait c nduire, par un chemin assez
direct, à priver l'homme de la plus noble de ses prérogatives, en
l'affranchissant du frein de tous les devoirs.
Vous paraissez croire ici encore que ce jugement fut précipité,
cjr vous convenez que M. Taine avait établi le dérerminisme
absolu dans la conception de l'univers, et vous faites ensuite remar-
quer que, par un contraste dont vous ne contestez pas la singula-
rité, il a fini par conclure à la justice et à la liberté dans le gou-
vernement des choses humaines et par donner à ses concitoyens
des conseils qui, pour être suivis, supposent qu'ils sont libœs et
respon ables. Mais vous ne nous avez pas sutfisa nment expliqué par
quelle porte il avait pu fure entrer la liberté dans un monde où
la fatalité règne. L'avez-vous trouvé ce passage? Je le cherche et
ne puis le découvrir. D'ailleurs, M. Taine e:i répondait à ses cen-
seurs ne prit nul soin de l'indiq ier. L'identité des lois de l'ordre
moral et de l'ordre matériel parut, au coMcrsirc, être le but cons-
tant auquel il tendait par la rigueur de son raisonnement aussi bien
que par la hardiesse de ses méaphorcs. Il n'y a pas jusqu'à sa théo-
ne historique, que vous avez si bien exposée, qui ne fût, dans les
termes où il la présentait, incompatible avec toute i iée de liberté.
Car ces trois conditions nécessaires, ces trois forces primordiales,
qui président suivant lui au développement de tjut être humain, —
la race, le milieu et le moment, — il ne les considérait pas seule-,
ment comme de simples influences dont chacun de nous pourrait
s'affranchir par l'exercice de la conscience ou de la raison. Réduite,
à ces termes, la proposition eut été incontestable^ mais elle n'aurait
pas eu le mérite de la découverte : non, il les legarde comme des
tacteursmathématiqu- s concourjiuà constituer la personne humaine,
au même titre et suivant le même procédé que les atomes de diver
ses substances se combinent pour opérer, par la voie de l'affinité chi-
mique, la composition d'un produit. C'est dans ce caractère absolu
que consistât en réalité toute l'originaiité de so;i système.
l'.t puis cependant, vous avez r.nso:i ; bien que .M. Taine n'cit
jamais laissé apercevoir sur ce point le plus vive.nent contesté de
sa doctrine la moindre déviation de ses idées premières, il n'en est
pas moins vrai que, soit inconséquence volontaire^, soit détour logi-
que dont il n'avait pas fiit confidence à ses lecteurs, son grand ce
dernier ouvrage parut écrit sous une inspiration difléreiue. Tout y
est pénétré d'un soufflj de liberté généreuse ec d'un austère sentimêtU
de la responsabilité morale. Venant de sa part, rien p'était moins
attendu que ce désiveu implicite de ses doctrines. Pour la cause du
droit et de la justice, dont celle du libre arbitre est inséparable,
ni rétractation formelle ni réfutation en règle n'aurait produit un
effet égal.
Pour comprendre combien on fut heure ix de trouver ce qu'il
n'était pas naturel de prévoir, il suffit de se représenter ce qu'au-
rait dû être l'œuvre historique qu'il avait entreprise si, conséquent
jusqu'au bout avec lui-même, il eût écarté de son exposé toute
intervention de la liberté humaine.
L'histoire étant régie, à ses yeux, par des lois non seulement
pareilles mais identiques à celles de la nature, d )nt la constance est
le carac'ère, afin de la f.iire ressembler au modèle, il aurait fallu
commencer par l'enfermer dans un cadre d'une fixité rigide. L'en-
semble des causes ainsi déterminé, oi aurait vu les effets en
découler^ tombant en quelque sorte de leur propre poids, avec une
vitesse calculée d'avance comme celle de la chute d'un corps que la
gravitation attire. Tous les acteuis auraient paru se mouvoir sous
l'empire et par le mécanisme d'une faculté dominante. Le récit,
dès lors_, devrait être froid, co.nme tout ce qui procède du raison-
nement sjul et du calcul. Les désordres même que le narrateur
avilit à dépeindre n'auraient pu l'émouvoir parce qu il aurait recher-
ché et aurait cru découvrir la persistance de la règle, sous l'irrégu-
larité apparente. L'orage n'a point de terreur mystérieuse pour le
savant qui connaît de quel dégagement d'électricité la foudre est le
produit Les voiles que l'éclipsé jette sur l'éclat du soleil n'étonnent
pas l'astronome qui a calculé l'heure de son apiarition Mais ce
qu'on devait le moins attendre d'un dét rmmiste obstiié à ne pas
se démentir, c'était, mis en face du crim.', quel qu'en fût l'excès ou
la nature, un jugement sévère et un acce it d'indignation. A quel
titre condamner ce qui n'est pas volontaire.-^ et à quoi bon s'irriter
contre la nécessité ! Il fallait donc se préparer à voir tous les atten-
tats qui ont souillé l'époque révolutionnaire, déjà souvent pallies
par de vains prétextes, justifiés cette tois systématiquement et en
principe, comme la résultante d'un état social et le produit d'une
fatalité héréditaire.
Est-ce donc là le spectacle, auquel^ dans ses Ofigines de la Franci'
contemporaine^ M. Taine nous a fût assister.'' Non, vous l'avez dit
par une expression qji répond complètement à ma pansée, quand
vous avez remar]ué que, dans cette peinture de l'époque révolu-
tionniire, M. Taine avait, bon gré mal gré, dépoui lé le détache-
chement superbe du savant. Effectivement, à la place d'une sorte
de théorème historique, marchant, avec une allure didactique, vers
une démonstration préconçue, nous avons vu apparaître u le sui e
de scènes qui, n'ayant pas la même continuiti d'un récit, nous font
passer par des secousses violentes et qui ne nous donnent pas le
D HIPPOLÎTE TAINE 37 i"
temps de penser ni de respirer. Les personnages qui auraient dû
être jftés dans le même moule, puisqa'i.s sont tous les produits de
Li même rice, venant au jour dans le même milieu, au même
mo nent, sont au coitraire dessinés d'après les types les plus divers,
oJieuv, admirables ou g otesques. Partout l'animation et l'émotion
débordent : nous entenJcns rugir la foule, les victimes gé nir, les
tribuns décla ner, et gronder tous les bouillonnements qui montent
à la surface d'une société remuée dans ses profondeurs. Mais sur-
tout nous avons vu se dresser devant nous toute l'horreur du crime
dépeinte trop au naturel pour ne pas avoir été personnellement res-
sentie. On ne communique en ce genre que ce qu'on éprouve, et
Torateur ne fait passer le frisson dans la toule qui l'écoute que si le
frémissement l'a traversé lui-même. Aussi l'impression fut celle
qu'aurait produite la réalité même. Ce fut la Terreur qui reparut,
dépouillée de tous les voiles qu'avaient essayé de jeter sur son
etlroyable vérité des apologies complaisantes. Les taches de sang,
partout empreintes, dont le temps avait fait pâlir la teinte, repri-
rent leur sombre éclat, comme si elles venaient de dégoutter de
léchafauJ,
Pour expliquer cette tranformation, oserai-je emprunter q'iel-
ques-unes des expressions tavorites de M. Taine et les appliquer à
lui-même, en disant que trois facteurs avaient concouru à cons-
tituer cette nature originale : la faculté d'analyse d'un philosophe,
l'imagination d'un artiste et la conscience d'un homme de bien. Ce
fut l'art et la conscience qui firent taire la philosophie. C'est le don
proDre de l'artiste quand il veut reproduire les faits passés et les
hommes qui ne sont plus, de les évoquer devant ses yeux, tels
qu'ils ont été ou agi, non tels qu'il pourrait les rêver pour com-
plaire à sa fantaisie ou les faire rentrer dans son système. Les
acteurs qu'il met en scène ne sont ni des mannequins qu'il habille,
ni des modèles dont il étudie la structure : ce sont des écres de
chair et d'os qui passent devant ses yeux, portant da.ns leurs
regards l'expression de leur âme ; ils sont là : ils vivent, et la vie
c'est la liberté. Mais c'est le propre aussi d'une conscience honnête
de ne pouvoir supporter le contact ni même le spectacle du mal, sans
un tressaillement de révolte involontaire qu'aucun parti pris ne
peut contenir. Jean-Jacques Rousseau, dans un passage fameux de
la profession du vicaire savoyard, rappelant que l'antiquité avait
dressé des autels à des dieux adultères ou meurtriers, se demande
comment on a pu compter parmi leurs adorateurs tant d'hommes
vertueux et d^ femmes pures. C'est, dit-il avec éloquente, que la
sainte voix de la coiscience, plus forte que celle des dieux, relé-
guiit dans le ciel le crime avec les coupables. Quelque chose de
par.il arrive aux âmes droites qui ont eu le malheur de mettre en
doute la liberté dont elles savent si bien user Devant le crime à
commettre ou seule nent à justifier, elles reculent, et la voix tou-
jours sainte de la conscience relègue les subtilités qui les ont éga-
rées dans le ciel nuageux de la métaphysique.
372 ÉLOGE ACADÉMIQUE
Vous avez, monsieur, non seulement connu personnellement
M. Taine, mais vécu dans son intimité. Il vous appartient donc
d'attester, avec plus d'autorité que je ne puis le taire^ que, si dans
ses derniers écrits il a dérogé à la rigueur de ses théories qui sem-
blaient mettre en question la liberté et la responsabilité morales,
toute sa vie leur a donné un démenti plus complet encore. Jamais
esprit ne fut plus fermement conduit par la volonté au but qu'il se
proposait d'atteindre ; jamais âme ne fut plus maîtresse d'elle-
même. M. Taine ne s'est pas contenté de la part si riche de dons
qu'il tenait de la nature ; il l'a constamment fécondée par une
intensité de travail et un scrupule auxquels on peut attribuer le pro-
grès, si remarquable dans tous ses écrits, de la justesse des idées et
de l'élévation des sentiments. Le progrès en tout genre est la
preuve et la récompense de l'efTort,
Parmi les développements que cette intelligence d'élite a dus au
noble et \iril emploi de ses facultés, je n'hésite pas à compter le
retour a^sez peu attendu que vous avez signalé, et qui le fit passer
de ses préjugés de jeun sse et d'école à la sympathie et au respect
pour la source pure et l'efTet social des vertus et des véri'és chré-
tiennes. Les dernières pages signées de sa main mourante donnent
à ce sentiment si nouveau pour lui une expression touchante. Je
ne veux rien exagérer, je sais que l'adhésion ne fut jamais com-
plète et resta tempérée par la réserve de ses convictions person-
nelles; je n'oublie pas non plus qu'après avoir constaté que rien
n'avait pu jusqu'ici remplacer la foi religieuse non seulement pour
affermir les bases, mais pour élever le niveau moral d'une société,
il n'en a pas moins continué à la croire peu compatible avec les exi-
gences de la science, laissant ainsi le lecteur qui pose son livre dans
une incertitude dont il ne l'a pis aidé à sortir. Mais, si la question
n'était pas tranchée, l'œuvre non plus n'était pas achevée, et la
conclusion qu'il n'a pas donnée, personne n'a le droit de la faire en
son nom. Il reste permis de croire qu'il n'était pas résigné à ter-
miner par un doute suprême une vie de labeur toute consacrée à
la recherche de la v rite. Quand, sur uns tombe prête à s'ouvrir,
l'ombre, au lieu de s'épaissir, s'éclaire d'une lumière encore flot-
tante et indécise, ce n'est pas le crépuscule de la nuit qui tombe,
c'est l'aube du jour qui se lève.
NÉCROLOGIE
Le 4 avril ont eu lieu, à l'église Saint-André, les obsèques de
M Lallement, receveur de l'enregislrement, à Reims, décédé
dans sa 61° année, après une courte maladie.
Le deuil était conduit par ses deux fils. MM. Maurice Lallement,
ingénieur-inspecteur de l'Associa ion des industriels de France,
et André Lalloinent, lieutenant au 120" régiment d'infanterie, et
par son frère, le général Lallement, officier de la Légion d'hon-
neur, commandant la 00= brigade d'infanterie, à Annecy.
M. Prin, avocat à la Cour d'appel de Paris, conseiller général
de la Marne, chevalier de la Légion d'honneur, décédé le 6 avril
à Paris, dans sa 75* année. Son corps a été inhumé à Dormans
dans un caveau de famille.
Les obsèques religieuses ont été célébrées à Dormans en grande
pompe et au milieu d'une aftluence considérable.
Au cimetière, cinq discours ont été prononcés par M. le Préfet
de la Marne, M. Vallé, au nom du Conseil général, M. le maire
de Dormans, M. l'inspecteur primaire, et M. Juget, maire de
Troissy, au nom des municipalités du canton.
Nous apprenons la mort de M. Léon Godart, maire de Juvigny
(Marne), décédé le 22 avril, à l'âge de 68 ans.
M. Godart était fils de M. Godarl, ancien maire et député de
Chàlons.
On nous annonce également la mort, à l'âge de 80 ans, de
M""" Martin, veuve de M. T. Martin, ancien imprimeur et directeur
du Journal de la Marne.
Nous adressons à MM. Martin frères et à leur famille, l'expres-
sion de nos vives condoléances.
M"« Louise Boucquemont, professeur à l'Ecole normale d'Oran,
vient de mourir de la lièvre typhoïde, pendant une excursion en
Tunisie qu'elle faisait avec son frère.
M"« Boucquemont était fille d'un ancien et honorable instituteur
de Châlons.
NECROLOGIE
Le 17 avril, est décédé à Vavray-le-Grand (Marne), après une
courte maladie, M. Théodule Bergeron, propriétaire, âgé de 54 ans,
veuf sans enfants.
Le défunt a fait un don de 100,000 fr. à la Fabrique de l'église
de sa paroisse.
* *
Le 16 avril dernier ont eu lieu, à Avaut-lès-Ramerupt (Aube),
les obsèques de M. Désiré IMorizot, instituteur en retraite, décédé
à l'âge dé 79 ans.
M. Morizot était arrivé à Avant en 1836. Depuis cette époque il
n'avait cessé de remplir jusqu'à sa mort la fonction de choriste. 11
a donc été chantre pendant b9 ans dans la même église. 11 était,
de plus, président du Conseil de fabrique.
Toute la population a vivement regretté la perte de cet excellent
homme qui pendant de longues années avait rendu de grands
services à la coinmune et à la paroisse.
*
* ï
Le mardi 30 avril, à dix heures du matin, avaient lieu, à Mézié-
res, les obsèques du général de division en retraite Alfred Teissier,
décédé à Paris.
La carrière militaire du défunt est des plus brillantes.
Sorti sous-lieutenant dans l'arme du génie de l'Ecole pol3'tech-
nique en 1839, il fut nommé capitaine en 1843, lieutenant-colonel
en 18(J4, colonel en 1867, général de brigade en 1875, et enfin
général de division en 1879. il passait dans le cadre de réserve, le
n août 1883.
Il possédait à son actif les campagnes de Cochinchine et de
"Crimée.
Chevalier de la Légion d'honneur en 18.51, officier en 18.^4, com-
mandeur en 1870, il avait été promu grand-officier, le 9 juin 1883,
à la veille de sa retraite.
*
On annonce également la mort du baron Alexandre-Charles
Davout, tils du général baron Davout, décédé en son château de
Poinson-Iès-Grancey (Haute-Marne), à l'âge de 81 ans. Il avait
repris du service en 1870 pour commander une compagnie de
mobiles de la Haute-Marne.
BIBLIOGRAPHIE
Maurice Roy. Un épisode dt la Fmnde. Rencontre du 9 janvier lôSS
au Chesnoij, près de Sens. Sens. impr. Ducliemin, 1893. In-8° de 46 pp.
Le curieux épisode dont il est question dans cette étude se
réfère à l'époque où Mazarin, rappelé d'exil par l.i cour établie
alors à Poitiers (novembre l6ol), opérait une marche hardie à
travers la Champagne, en dépit de l'effervescence produite à
Paris par la nouvelle de son retour.
Arrivé le 24 décembre à Sedan, le cardinal y fut reçu par
Faberi et rejoint par le maréchal d'Hocquincourl qui prit le com-
mandement de sa petite armée. Le t"-"'' janvier 1652, Mazarin était
à Reims; dès le lendemain, passant la Vesie à Sept-Saulx, il vint
coucher à Kpernav. Le 6, il se trouvait à Arcis-sur-Aube, d'oVi il
gagna le 8 Rléry-sur-Seine.
Le Parlement, acquis en majorité au parti de la Fronde, avait,
dés le 29 décembre 1651, mis à prix la tAle du premier ministre,
et enjoint à toutes les populations de s'opposer de vive force à son
passage.
Deux conseillers connus par leur zèle ardent pour la faction fron-
deuse, François Hitaut et Jacques de Géniers, furent chargés de se
rendre dans la région que Mazarin devait traverser, afin de pro-
clamer partout l'arrêt de proscription et d'animer le peuple contre
le cardinal. Partis de Paris le dimanche 7 janvier, à 7 heures du
matin, accompagnés seulement de quelques domestiques, les deu.x.
mandataires du Parlement arri\èrent à la nuit tombante à Melun,
et logèrent à l'hôtellerie de la Perle. Le lendemain, après avoir
duement instruit le maire, les échevins et le lieutenant général de
ce qu'ils avaient à faire, les dignes magistrats se tendirent à Mon-
lereau-fault-Yonne, où ils tinrent le même langage aux autorités;
puis le lendemain 9, de grand matin, ils faisaient leur entrée à
Punt-sur- Yonne.
Avertis par la petite garnison du lieu quun gros de cavaliers
inconnus avait été aperçu la veille, à deux heures de là, sur la
route de Sens, les commissaires du Parlement jugèrent prudent
de gagner cette ville par une autre voie, de l'autre côté de la
rivière. En elfet, bientôt, dans la plaine, se montrèrent au delà
de l'Yonne, trois escadrons de cavalerie suspecte. C'étaient les
premières troupes de l'avant-garde du maréchal d'Hocquincourt.
Un détachement d'éclaireurs cravates, traversant l'eau aux pre-
miers bateaux qu'ils rencontrèrent sur la rive, se disposèrent
promptement à aller aborder les voyageurs qui, inquiets, accueil-
/i/l) BIBI.lOanAPHIE
litent les premiers soldats par quelques décharges de mousquetons,
et se détournèrent de leur chemin pour se jeter dans un étroit
vallon situé sur leur droite. Rejoints par quatre cavaliers, près de
la ferme de la Cassiiie (commune de Nailly), on parlementa, et
après de vagues explications, les cavaliers se retirèrent en se
confondant en excuses; mais un peu plus loin, près du château
du Chesnoy, les quatre cavaliers, grossis de quatre autres, repa-
rurent derrière eux, gravirent au trot, et le mousquet au poing,
la petite colline que domine le donjon féodal du Chesnoy. De part
et d'autre, une mousqueterie éclate, le cheval de Bilaut est traversé
par une balle, et le con-eiller roule à terre; un de ses domestiques
est tué, les autres prennent la fuite.
Ou côté des assaillants, l'oflicier avait péri. Bitaut, tombé entre
leurs mains, fut ramené prisonnier, en piteux état, à Pont-sur-
Vonne,et présenté le soir mê :!0, à onze heures de nuit, au maré-
chal d'Hocquincourt, qui en informa aussitôt le cardinal. iMazarin
voulait relâcher le malheureux conseiller, mais son entourage lui
persuada de le conserver comme otage'. Il le convoya donc à sa
suite jus(ju'ii Loches {i'.\ janvier), oii il le fit eiifermer dans le
célèbre donjon, tandis que lui-même partait, quatre jours après,
pour aller relrnuver la cour à Poitiers. De là, peu de temps après,
il le faisait mettre en liberté et renvoyer à ses collègues parisiens.
De son côté, Jacques de Géniers, réfugié à Sens, et recueilli,
d'abord à Tbôtellerie du GrifTon, puis dans le propre logis archi-
épiscopal s'échappait déguisé, le 13 janvier, à la faveur des ténè-
bres, pour se soustraire aux recherches dirigées contre lui par
Hocquinconrt, devenu maître de la ville, et trouvait successive-
ment un asile en diverses gentilhommières des environs, à la
Houssaye (commune de Malay-le-Vicomte), à Dilot, à Saint-Mards-
en-Otbe, et enfin à Brienon, où l'archevêque tint à le recevoir
dans sa résidence. Il en partait le 19, pour aller se reposer de son
odyssée à Champigny, dans sa famille; après quoi il rentra le 27 à
Paris, et reprit séance en Parlement, le 7 février, où il relata,
devant le duc d'Orléans, les émouvantes péripéties de sa mission
malencontreuse. L'auteur, M. Maurice Roy, qui habite le même
manoir du Chesnoy, près duquel eut lieu la fameuse escarmouche
avec les royales cravates, a puisé les éléments de son travail dans
une relation du temps dont les Archives des AlFaires Etrangères,
le Cabinet des manuscrits de la Bibliothèque nationale et le Dépôt
de la guerre possèdent également des copies.
!,e récit, bien documenté à l'aide de pièces fournies par nos
grandes collections publiques, et pourvu de notes abondantes
prises aux sources imprimées et notamment aux innombrables
factums du tenips, nous donne un aperçu des plus piquants sur la
1 . Conlié à la garde de Colbeil, qui aceompaf^nait Mazariu en qualité de
secrétaire, lo consniller liilaul prenait ses repas avec lui. {Lettre de Colbert
il Le Tellier.)
BIBLIOGRAPHIE
physionomie de l'époque et raf,filatioii produite autour de Pari^;
par les troubles de la Fronde. A. T.-R.
Hrnbi Stein. Mélanges de Bihlioqraphie {première série). Paris, Téchener.
1893, in- 8° de 49 p.
Parmi ces Mélanges, consacrés aux questions les plus diverses
de l'histoire de l'imprimerie à Paris et dans les provinces, cinq
articles intéressent spécialement la bibliographie de notre région.
Le premier est relatif à la condamnation de Nicolas Trumeau, l'un
des premiers typographes établis à Reims en \'6'6i.
L'opinion de M. Claudin, qui a étudié, à la suite de RI. Henri
Jadart, les origines de l'imprimerie rémoise, tendait à établir
d'après l'unique pièce peu importante sortie de ses presses au
cours de cette même année, que Trumeau avait alors quitté Reims,
au moment de la mort de son père, pour retourner à Troyes diri-
ger l'stelier paternel jusque vers 1560. Or, il semble que ce soit
François Trumeau, son frère^ qui ait continué à diriger la maison
troyenne. au moins jusqu'en 1574, tandis que Nicolas demeurait à
Reims, où la pièce trouvée aux Archives nationales par M. Stein
nous le montre en 1563, poursuivi sans doute pour crime d'hérésie
et de propagation de livres contraires à la doctrine catholique.
— Un autre article est consacré au premier séjour que lit à
Paris, de 1607 à 1610, d'abord chez Robert Estienne, puis ensuite
à son propre compte, Jean Jannon. l'un des plus habiles typo-
graphes protestants du xviie siècle, créateur de la « Petite Seda-
noise », et dont l'œuvre à Sedan avait été précédemment étudié
par M. J.-B. Brincourt. On sait que .Jannon est cité à la fin d'une
anthologie des poésies de Martial, qu'il imprima chez Estienne en
l'année 1607; bientôt, avec l'aide de son ancien patron, l'habile
ouvrier s'établissait à son tour, à l'enseigne de la Rose rouge, rue
de Saint-Jean-de-Latran, à quelques pas de la rue Jean-de Beau-
vais où il venait de faire ses premières armes.
Trois volumes imprimés en 1609 et un quatrième en 1610 sont les
seuls témoins de sa production parisiennej les deux derniers por-
tent l'indication du nouveau domicile et de la nouvelle enseigne
choisis par l'imprimeur, rue du Foin, à l'enseigne du Janus, vis-à-
vis les Mathurins. Dans cette même année 1610, sur l'invitation de
Henri de la Tour, prince de Sedan, Jean Jannon quittait Paris
pour aller msialler ses presses sur les bords de la Meuse.
Il avait alors .'{Q ans, et le premier livre qu'il imprima à Sedan
est daté de 1611 .
— Inversement c'est de Sedan que vint s'établir a Laon, en
1661, le premier typographe connu, Angrand RennessoQ. Le nom
atteste à coup sûr une origine ardennaise. On voit figurer fort tard
des membres de cette famille sur les registres paroissiaux, notam-
ment à Cheveuges en 1781.
378 BIUr.IOGRAPHIK
— Les papeteries établies dans la vallée du Grand -Morin jouis-
sent depuis plusieurs siècles d'une réputation fort méritée. Userait
temps, observe très justement M. Stein, d'étudier de près leurs
origines. Le plus ancien de ces établissements paraît être celui de
]a Ferté- Gaucher, qui doit remonter au xvi« siècle. Dans tous les
cas, des lettres royales, données à Compiègne en mai t624, accor-
dent à l'Université de Paris le droit de prendre dans les villes de
Troyes et de la Ferté- Gaucher les quatre ouvriers papetiers qu'elle
ne trouve plus à Corbeil et à Essonne, et concèdent aux artisans
qu'elle choisira les privilèges accordés aux autres officiers de
l'Université.
Courtalain, établissement situé dans la commune de Pommeuse,
et le Marais, dans la commune de Jouy-sur-Morin, eurent tous deux
grande vogue à la fin du xyiii* siècle. Le Marais est le plus célèbre
aujourd'hui, pour ses papiers de luxe et la matière qu'il fournil à
la fabrication des billets de banque. M. Steiti a retrouvé, aux
Archives de Seine-et-Marne, un état du matériel constituant cet
établissement au mois d'avril 1680, avec les estimations.
Les moulins à papier de la Planche et de la Fontaine, mention-
nés dans cet acte, devinrent plus lard moulins à blé et à huile, et
furent rendus depuis à ce qui avait été leur première destination.
C'est au moulin de la Fontaine, nous apprend M. Stein, que
fonctionna la seconde machine à papier montée en Fiance; la
première avait été établie chez Didot.
— Le cinquième et dernier article se réfère à des descentes de
police qui furent faites en décembre 1764 chez Cazin, libraire à
Reims, rue des Tapissiers, dont les mignonnes et élégantes édi-
tions sont demeurées célèbres, pour recel de livres prohibés, cen-
surés et condamnés, dont plusieurs ballots se trouvèrent saisis en
eifet, tandis que ses registres attestaient les fournitures de nom-
breux ouvrages pareillement suspects, faites à crédit à de nombreux
clients recrutés dans le voisinage. Ces indications curieuses se
retrouvent dans les notes prises par l'inspecteur de police Joseph
Dhémery, conservées aujourd'hui à la Bibliothèque nationale, où
M. Stein les a utilisées à notre profit. Cazin était en relations
suivies avec Luc Trousseau, libraire à Bouillon, Thésin, libraire à
Charleville, et Jacquemart, libraire à Sedan, qui furent comme
lui l'objet de perquisitions semblables.
A. T. -H.
Sommaire de la Revue hislorique ardennaise (mai-juin 189.')):
I. Noies inédites sur le général Du Mcrbion et la famille militaire Jadart,
par Paul Lalbent.
II. Mélanges. — La ligne de défense de la Semoy, à la pn du XVII' siècle,
par N. A.
Tiobert, peintre, né à Sery, en 1686, par Pacl Pellot.
BIBLIOGRAPHIE 379
III. BiBLioGRAi'HiE. — Mémoires de Jean François Tlioury, (l'Inaimonl.
— S^e, Elude sur les dasses servîtes a Champagne.
IV. Chronique. — Impression de Vlnvenlaire sommaire des Archives
historiques de CharleviUe — Transfert de la Bibliothèque municipale de
Sedan au Gollèife Turenne.
CHRONIQUE
Société d'histoire eï d'archkologik de l'arrondissement de
Provins {Séance du 'i avril 1805). — Présidence de M. Berquier,
vice- président.
Ouvrages offerts :
Par M. Maurice Lscomte : Notice sur quelques noms de lieux
des déparlements de l')onne et de Seine-et-Marne, dont le nom
primitif est un souvenir des langues et populations ibère et
ligure;
Par M. l'abbé Lapierre, curé-doyen de Donnemarie : Notice sur
Notre-Dame du Puy à Sig;/.
Sont déposés sur le bureau :
Par M, Buisson : 1» 28 pièces en argent trouvées à Montigny-
Lencoup : pièces d'Etienne, évêque an Meaux, de Thibaut, comte
de Champagne, et de Louis Vlil
Par M. l'abbé Bonno : 1° une hachette-amulette en jadéite, trouvée
à Chenoise par M. Paul Moreau; 2^ une charte de 1381, rapportant
la translation des reliques de saint Thibaut d'Auxerre à Provins
(M. l'abbé Bonno fait remarquer que le saint Thibaut d'Auxerre
n'a rien de commun avec le saint Thibaut de Provins) ; 3" une
autre charte de 1304, se rapportant à la consécration des autels
de l'église Saint-Quiriace de Provins.
M. Bergeron lit un compte-rendu très intéressant de ses fouilles
dans le cimetière gaulois de Montigny-Lencoup.
M. l'abbé Bonno continue son étude sur le déparlement de
Seine-et-Marne au point de vue anthropologique, et lit ce qui
concerne le canton de Provins.
Après avoir donné la géologie et la topographie de la contrée,
M. Bonno signale des traces de l'homme chelléen des plateaux à
Rouilly. de l'homme moustérien au Breuil de Chenoise et à Sainte-
Colombe; quant aux traces des hommes solutréens et magdalé-
néeub, elles manquent dans le canton de Provins.
Les traces de l'homme robenhausien se rencontrent sur la pente
qui regarde les sources de Durteint, sur le plateau de Mortery,
entre les villages de Saint-Loup et du Haut-Courton, à Provins
près IHôpital général, à la ferme du Chanoy près Cucharmoy. Les
environs de la forêt de Chenoise possèdent plusieurs ateliers de
silex : la Brosse-Champigny, le Breuil, Comble, Sennetru.
M. l'abbé Lapierre donne ensuite lecture d'une notice de M. Mau-
rice Lecomte, intitulée : « Attribution de trois monuments funé-
raires des églises de Saint-Loup-de-Naud et de Rampillon. » —
CHRONIQUE 381
Ces notes fournissent, entre autres renseignements, le contenu de
cinq charte? inédites, dont les originaux se trouvent aux Archives
nationales et qui intéressent particulièrement la seigneurie du
Chàlel-lès-N!angis et les relations entre les Hospitaliers de la
Croix en-Brie, Rampillon et cette seigneurie. M. l.ecomte fournit
des arguments sérieux en faveur de Tattribution do deux monu-
ments funéraires de Rampillon à un seigneur du Châtel et à sa
femme.
M. Herquier, vice- président, constate les travaux de restaura-
tion qui ont été exécutés aux remparts de Provins et propose à
la Société de voter des félicitations à M. le maire et à MM; les
membres du Conseil municipal. Les Membres présents s'associent
de tout cœur à la motion de M. le vice-président et encouragent
la ville de Provins à continuer cette œuvre qui, tout en servant la
cause historique et archéologique, sert en même temps et phis
encore les intérêts de la Ville.
La Société décide de faire coïncider son excursion annuelle de
juillet avec l'inauguration de la plaque consacrée à la mémoire du
général Dupré. M. Buisson, de Montigny Lencoup, est nommé
commissaire général pour l'organisation de cette solennité.
M. le vice-président fait en quelques mots émus l'éloge funèbre
de MM. Bessin et Prin, décèles membres de la Société.
AcAUtiMiE uE Heim?. — Pendant le premier semestre de l'année
1894-95, l'Académie a continué la tenue de s'îs séances de quin-
zaine sous la j)résidence de M. Albert Benoist, manufacturier,
ancien élève de l'Ecole polytechnique, son président annuel. Elle
a entendu successivement les communications suivantes : Les
Âspions anglais à licims au XVI' siècle^ — J.es Gaillemiles et
leur jondaicur, — Jeanne d' Arc devant l'opinion et la litléra-
liire anglaise, par M. l'abbé Haudecœur, professeur au Petit-
Séminaire; — Arles gallo-romain, par M. Bazin, proviseur du
Lycée; — Documents inédits sui- Notre-Dame de l'Epine, par
M. L. Uemaison; — La Machine volante d'Hiram Maxim, par
M. A. Benoist; — I.e Testament de Guy de Royc et son codicilc,
par M. Léon Le Grand, archiviste aux Archives nationales; —Les
récents travaux de M. l'abbe Misset sur Jeanne d'Arc, rapport. p^r
M. le président Ponsinet; — La Question monétaire et le bi-mêtal-
lismc, par M. Th. .Maldan; — Nécrologie de M. Prosper Souillé,-
— Chronique rémoise des Affiches de H avé, — et Jean Bonhomme^
architecte de l'Hôtel de Ville de Reims, par M. Jadart, secrétaire^
général.
En outre, l'Académie a tenu deux conférences publiques très
appréciées des auditeurs l'uuo par M. le baron de Baye sur ie
peintre russe Vasnetzof et son. œuvre, avec projections; — ^^ l'autre,
par .M. C. Blondel, agrégé de l'Université, membre de la Société
382 CHRONIQUK
d'Economie sociale, sur les Questions sociales a l'étranger et 1rs
moyens de les résoudre. Chacune dans leur genre, ces deux inté-
ressantes études ont vivement attiré rallenlioii du public rémois,
et nous aurons à revenir sur leur importance dans le compte-rendu
des Travaux de l'année.
Enfin, l'Académie a consacré une large part de ses séances et
des réunions d'une Commission spéciale à la préparation d'une
Exposition rétrospective, qui doit s'ouvrir au 1" juin i<S9o dans les
salles historiques du Palais de l'Archevêché, à l'occasion des fêles
du Concours régional agricole tenu à Reims à la même date. Sou
organisation est coniiée à un Comité dont M. Léon Morel a été élu
d'une voix unanime le commissaire général.
H. J.
L'Ecole dks Arts-et-Métiers dk Chalons. — Au sujet de riucendie
qui a détruit récemment une partie notable des bâiimeiits de l'Ecole des
Arts-el-Méiiers de Châlcins. un journal parisien, VEclair, lait un intéres-
sant historique de cet établissemeut :
Cette catastrophe, dit-il, aura un profond retentissement dans
le monde des Arts industriels. L'Ecole de Châlons comptait comme
une des premières. L'incendie ne suspendra son action que le temps
matériel de relever les ruines; mais qui nous rendra les chefs-
d'œuvre du métier créés patiemment avec la collaboration des
générations et du temps?
Celte Ecole remonte au commencement du siècle. Elle est née
du principe qu'avait mis en pratique au château de Compiègne le
duc de La Rochefoucauld l.iancourt. Vers la fin de 1805, Napoléon,
visitant les camps de Compiègne et de Boulogne, s'arrêta au
château de Compiègne, examina avec intérêt tout le casernement
de TEcole et assista aux exercices des élèves dans les classes et
dans les ateliers. Mais, considéiant que la résidence de Compiè-
gne était appelée à devenir un des plus beaux apanages de sa liste
civile, il eslima que l'Ecole n'était pas à sa place, sous les lambris
d'or d'un palais. Le 5 septembre de l'année suivante, il mit à sa
disposition l'ancien Grand-Séminaire de Châlons,
Il fallut que l'Ecole déménageât tambour battant, au pas de
course, avec celle instantanéité que l'Empereur savait faire
apporter à Texéculion de ses décisions rapides.
pendant que l'Ecole se constituait, la guerre se déchaînait avec
vigueur, le commerce s'étiolait, les manufactures languissaient,
l'industrie ne trouvait qu'une alimentation pénible et un écou-
lement restreint. C'était un triste début pour une Ecole d'Arls-et-
Métiers. Ne pouvant faire des artisans, elle fit des soldats. Tenue,
discipline, instruction, tout était militaire. En pouvait-il être
autrement?
En 1815, quand la ville de Châlons fut attaquée, les élèves de
l'Ecole, organisés en compagnie d'artilleurs, se portèrent sur les
CHRONIQUE 38J$'
remparts et aidèrent la pupulation dans ses etlorts pour la défense.
Au moulin Picot, hors des inurs, une division d'élèves se fitéchar-
per [)ar les envahisseurs.
Ces souvenirs héroïques avaient créé un esprit de gloriole assez
fâcheux qui confinait, la paix venue, à cette indiscipline particu-
lière des armées sans emploi. La Restauration ne devait pas
ramener l'ordre à l'Ecole par une sage application des anciens
règlements. Elle se borna à gratter sur son fronton les armes de
l'Empire. Le duc de La Rochefoucauld, facilement conquis aux
idées nouvelles, pour faire rentrer les élèves dans une discipline
plus en harmonie avec le présent état de choses, s'efTorra de
détruire l'esprit militaire.
En dépit de ses recommandation.'-, l'Ecole ne rentra pas dans
les limites industrielles qu'on voulait lui tracer. Les élèves mur-
murèrent quand on suf>prima les exercices du soldat. Aussi, avec
quel enthousiasme saluèrent-ils, en iS.iO, la révolution. Avec
quelle fièvre ils arrachèrent les boutons tleurdelysés de leur uni-
forme, et au drapeau blanc substituèrent le drapeau tricolore
reconquis! La Révolution de Juillet rendit à l'Ecole ses clairons,
ses tambours, sa musique militaire. L'uniforme belliqueux reparut
avec le shako.
On voyait en ces temps-là des élèves ajusteurs passer six mois,
un an, sur un compas, sur une règle, sur des travaux qu'un habile
ouvrier n'eût pas été embarrassé d'exécuter en quelques heures.
On songea un instant à licencier cette école tapageuse qui don-
nait de si piètres fruits; puis l'on patienta et l'on fit peut-être bien.
L'esprit d'ordre et de discipline régna sous l'empire d'une direc-
tion plus ferme. On élabora un règlement mélhodif{ue qui dura
jusqu'en 1840, époque du remaniement de l'Ecole. L"Elat lui fit
quelques commandes.
Depuis, les ateliers de Châlons, pourvus, comme ceux d'Angers,
d'un moteur à vap<'ur et munis d'outils modernes, ont livré à
l'Etat et au commerce des travaux bien compris.
De nombreuses machines à vapeur, des marteaux à pilons, des
tours et des machines-outils, des roues hydrauliques et des appa-
reils de filature, de papeterie et de meunerie, des modèles-types
pour les collections du Conservatoire, montraient depuis plusieurs
années que l'intelligence et l'habileté pratique des élèves étaient
autrement exercées qu'à l'époque où l'Ecole, délaissant toute
industrie, ne songeait qu'à jouer au soldat.
L'incendie vient de suspendre les progrès véritables que cette
Ecole accomplissait. Les cours ne seront pas repris de sitôt. Les
élèves en congé sont priés de rester chez eux. Il va falloir rebâtir
l'édilice détruit, édifice qui ne laissera que peu de regrets. La
chapelle seule avait quelque caractère artistique.
Quand les nouveaux murs seront édifiés, que l'Ecole sortira de
ses cendres toute neuve, par une coïncidence assez bizarre, elle
384 CHRONIQUE
.sera juste en élal do célébrer son centenaire, c'esl-à-dire Je cen-
tenaire du jour où la Révolution consacra officiellement l'œuvre
de La Rochefoucauld- IJancourt. Nom de gentilhomme resté si
étroitement associé aux progrès industriels qu'à l'une de ses pre-
mières visites au faubourg Saint-Antoine, M. Félix Faure trouvait,
au milieu des ouvriers, un La Rocliefoucauld-Liancourt pour, au
au nom du passé, lui souhaiter la bienvenue.
Nous recevons la coramuiiicalion suivante, louchant le XIV' Centenaire
du Baptême de Clovis et de la France, el les grandes fêles qui seront
données, à Keitns, l'an prochain, à cette occasion :
Le XIV" Centknaire du 13aptème ue Cluvis a Reims. — La
France chrétienne se prépare à célébrer, en 1896, le XIV*^ Cente-
naire de son Baptême.
C'est eti 496, le jour de Noël, que Clovis et ses Francs ont trouvé
la foi au lendemain de la victoire. De ce jour date vraiment la
nation généreuse et magnanime qui traversera les siècles comme
le soldat de l'Eglise et le champion de Dieu.
C'est à Reims qu'a eu lieu cet événement mémorable. C'est ;\ Reims
que saint Rémi baptisa Clovis et son armée. C'est à Reims que la
nation française devint la fille aînée de l'Eglise.
C'est donc à Reims que doivent naturellement se développer,
pendant l'année 1896, les manifestations patriotiques et chrétiennes
<]u'appelle cet anniversaire quatorze fois séculaire.
L'antique cité conserve religieusement le tombeau de saint Rémi,
l'apôtre de la France; son culte y est populaire, et c'est autour de
ce tombeau glorieux et vénéré que viendront, l'an prochain, se
grouper de nombreux pèlerinages nationaux.
Dans une lettre pastorale qui précédait le Mandement de Carême
de lS91, Son Eminence le Cardinal Langénieux s'exprimait en ces
termes : « Il est bien évident que cette manifestation conservera
son caractère essentiellement religieux et patriotique; c'est avec
un désir sincère de concorde et de pacification que Nous en jetons
l'idée dans le cœur de tous ceux qui mettent au-dessus des luttes
des partis un amour désintéressé du pays. »
Et en etl'et, tout Français comme tout chrétien le re,;onnaitra :
c'est au baptistère de Reims que la France naquit et reçut sa
mission providentielle. De son pacte avec Dieu résulte, avec la loi
de son histoire, le secret de sa grandeur et de sa puissance. C'est
à Reims que s'ouvre le livre merveilleux des Gestes de Dieu par les
Francs: Gesla Dei per Fraiiccs.
Tous ceux qui croient en Dieu et aiment leur pays sont don.-
conviés à venir affirmer leur croyance et leur patriotisme au lieu
même oii la France a obtenu, avec la foi, son unité nationale et
le vrai titre de sa supérioritr sur tous les autres peuples.
CHRONIQUE 38b
A tous les pèlerins qui se rendront à Reims dans ces sentiments,
en 1896, le Souverain Pontife Léon XIII a daigné accorder la faveur
d'un Jubilé.
D'autre pari, des Congrès de diverses sortes tiendront à Reims
leurs assises au cours\de celte même année, et des Sociétés lit-
téraires, scientifiques et artistiques ont promis de venir s'associer
à ces Kêtes qui resteront oti'erles à Ions avec leur caractère vrai-
ment patriotique et national.
Près du tombeau de saint Rémi, iui baptislère de la Krancc,
sous les voûtes de l'incomparable calliédrale qui vit prier Jeanne
d'Arc, ce que viendront chercher les foules, c'est un renouvelle-
ment de l'esprit français et chrétien, gage précieux, — nous le
voulons espérer, — d'union et de prospérité pour la Patrie,
Pour organiser et diriger ce mouvement, un ("<omité supérieur
a été instilué sous le patronage de Son Eminence le Cardinal Lan-
génieux, et, diverses Commissions se partagent le travail de propa-
gande et d'action.
A partir du !"■ juillet 1893, un bulletin bi-mensuel, dont le
Xuméro-Spécimen paraîtra prochainement, sera publié jusqu'en
1896. On y trouvera les souvenirs de Reims, son histoire à travers
les siècles, la description de ses monuments, etc.; l'organisation
des pèlerinages, des Congrès, des fètcs religieuses et patriotiques,
avec leur compte-rendu, en un mot tout ce qui peut intéresser le
lecteur au glorieux Centenaire du Raptème de Clovis et de la
France.
Au uom de la Commission de publicité el de propagande :
Le Secrétaire, Le Présidenl,
L. Deliizanne, E. Cauia,
Vicaire g<înéral,
Prolonotaire apostolique,
CoMSlissioN MKiEonoLOGiQUt;. - La Commission départementale
de météorologie de la Marne a tenu, le 22 avril, à quatre heures
et demie du soir, dans un des salons de riiôlel de la Haute-Mère-
nieu, à Chàlons-, sa séance annuelle.
M. Reboul, secrétaire général de la Préfecture, présidait.
M. le D' Giraux, président de la Commission, a passé en revue
les travaux les plus saillants et les phénomènes météorologiques
les plus remarquables qui ont eu lieu dans l'année écoulée. Il a
lo-.:t naturellement parle de l'hiver rigoureux que nous venons de
subir, et s'est etlorcé d'en faire Fliistorique au point de vue de
notre département et d'en rechercher les causes.
Le 28 janvier a été le jour le plus froid de l'hiver. Les observa-
teurs ont relevé :
A Sainle-Menehould, ■21":
'^m CSRONIQtE
A Aulnay-rAitre, 19";
A Courtisols, 19°;
A Fismes et Bassuet, IK». el dans les autres communes, de M" a l^-t".
C'est à Venus que le f roi 1 s'est le moins fait sentir ce jour-la : le baro
mètre n'est pas descendu au-dessous de 1 !°
D'après ces (abipaux, il résulte que si l'on partage le départe-
ment par une ligne qui irait du Nord au Sud en passant par
Cliàlons, on trouverait, en regardant le Nord, qud les stations les
plus froides sont à droite de cette ligne et les moins froides à
gauche, à l'exception de Fismes, toutefois, dont la température
est sensiblement la même que celle de Bassuet el de Givry-en-
Argonne.
Dans un ordre d'idées contraires, Sainte-Menehould aussi fait
exception à la règle formulée depuis longtemps par M. Renon,
directeur de l'Observatoire du Parc Saint-Maur, que la tempéra-
ture des villes e>i plus élevée que celle des campagnes.
Bien qu'il sache que la loi de Gay-Lnssac ne soit pas applicable
dans notre département à cause des accidents de terrain trop peu
accentués, M. le président n'a pas moins eu la curiosité de com-
parer la température de nos stations entie elles au point de vue
de l'altitude.
Il a constaté cette bizarrerie que Vitry-en-Perthois, qui est situé
à 100 mètres au-dessus du niveau de la mer, avait, le t"' février,
23° o', tandis que Sainte-Menehould, qui est à 137 m. bO d'éléva-
lijn, n'a eu que 22° 7b ce jour-là.
L'écart est encore plus sensible entre Vilry-en-Perthois et ^ erzy,
qui est à 160 m. et dont la tempe-rature était le l"" février de 16".
Cette anomalie se remarque également entre Fismes, à 80 m., et
Givry-en-Argonne, à 175 m de hauteur, qui ont eu le même
jour, i"' février, l'un 18" et l'autre 19° 9, c'est-à-dire le même
degré Ihermométrique.
M. le D' Giraux a fait ensuite connaître les récompenses accor-
dées aux observateurs.
M. le Ministre de l'instruction publique a accordé une médaille
d'argent à M. Barguet, instituteur à Fismes.
La Commission a accordé, en outre, comme témoignage de
satisfaction, des ouvrages scientifiques à MM. les observateurs
dont les noms suivent :
MM.
Appert, instituteur à Givry eu-Argoune.
Boiteux, instituteur à Saiute-Menetiould.
Bouy, insli'uieur a Verzy.
Brelon, inslilulrur à Bourgogne.
Buguot, instituteur à Ba-lieiix les-Fismes.
CuviHier, instituteur à Vavray-le- t'élit.
Davesne, instituteur à Vertus.
Démange, instituteur à Pierry.
CHRONiOot 38:
(jallot, iiisliluteur a Courtisols.
Henriot, instiivileur à Sézaime.
Lbfdyette, insliluteur à Sermaize.
Leblanc, insliluteur à Bassuet.
Lejeuu^, instiluleur à l'assy-Griguy.
Maurupt, iustiluleur à Moivre.
Nominé, instituteur à Tbiéblemonl.
l'egnlloul, instituteur à Moiilmirail.
Kemion, instituteur à Vitry-en-Perlhois.
Tbonaas, instituteur à Heims.
Despocq, propriétaire à Vauault-le-Chàtel.
Perot, propriétaire à Vanault-les-Dames,
Perard, propriétaire à Veruancourt.
A Chàlons, la foire dite des Sannea s'est ouverte comme de cou-
tume, le 30 avril, lioisième mardi après Pâques. Nous trouvons
dans rexoelleiite Topographie liislorique du regretté Louis
Grignon, l'élymologie de ce nom et d'ititéressauts détails sur la
fêle :
Depuis 1825, la ioire annuelle, anciennemect dite des Sannes, a lieu
sur le marché au blé. On a beaucoup argumenté sur le nom qui lui a été
douué et qui lui vient de ce qu'elle se leuait peu de jours après le synode
annuel du diocèse; ici, le mot Saunes signifie Synode et pas autre chose.
Bou nombre de contrats du xvi" sièile pour mise à bail de qiiel(]ues cures
par les bénéficiaires eoiil passas pour une période de quelques années, ( à
commencer du Saiiit-Sa7me prochain venant d (1544-1560), c'tst-à-d.re du
synode.
La Ibire des Sannes a occupé divers emplacements que nous résumons
ici. Ou préleud que, jusqu'en 1136, elle eut lieu sur le parvis de l'égli-e
Soint-Alpin, jadis plu? spacieux, l'église étant beaucoup moins grande j
qu à partir de celle époque^ elle l'ut transférée daus la halle aux draps, rue
d'Oifeuil; vers la fia du xvi» siècle, sans que nous puissions préciser la
date, les forains s'iuslailèreut daus la salle basse de l'Hôtel de Ville et aux.
aburJs du monument. Eu 1772, lors de la cou&lruclion de l'Hôtel de Ville
actuel, elle lut transpuriee rue du Collège, puis sur les quais de Noire-
Dame et de la Comédie. Eu 1778, il tut ordouué qu'elle aurait lieu désor-
mais sur la place même de l'Hôlel de Ville. Pendant la Kévoluiion, elle
fut reportée rue du Col ège. En 1793, on décida qu'elle se tiendrait sur les
quais, mais ce changement ne paraît s'être elfectué qu'en 17ii7. En 18U5,
elle revint sur la place de rilôlel de Ville et enfin fut transférée, en 1825,
sur la place du Manhé. Depuis plusieurs années, l'emplacement qui lui est
atleclé est devenu insulfisanl, et un certain nombre de ma^chand^ torains,
tiis, saltimbanques, sont obliges de siu&laller sur la place du Cbâteau-du-
Marcbé et le boulevard du Jord.
M. iMinoutlet, de Romeny, a communiqué une note intéressante,
à la dernière séance de la Société liistorique et archéologique de
f'.li'Ueau- Thierry, sur les découverle.s par lui faites à (irigny,
388 CHRONIQUE
ancien oppidum situé sur la voie romaine de Ciiàteau-Thierrj à
Soissons, près d'Oulchy-le-Cliâleau.
il a recueilli, entre autres objets anciens, des monnaies gau-
loises, dont la plupart sont rares et curieuses ; il a donné de ces
pièces, qui forment dix-huit types différents, une description qui
ne laisse rien à désirer.
Il y a quelques jours, M""' veuve IMiltat-Hesse, coquetière à Plivot
(Marne), en bêchant son jardin, a trouvé une magnifique pièce
en or de 48 fr. , à l'effigie de Louis XV[ et datée de 1786. La pièce
est fort bien conservée, et elle acquiert par cela même une grande
valeur.
Mais la découverte de ce trésor emprunte à son histoire un
cachet de réelle originalité : les gens du pays se souviennent parfai-
tement qu'il y a soixante ans, la pièce en question fut perdue par
un certain Frapart, dit Colas-Malin, qui, à cette époque, était bien
vieux déjà, et qui, obéissant à l'on ne sait quelle manie, avait adapté
le louis d'or à sa veste en guise de bouton.
Perdue un jour où il bêchait la (erre, la fameuse pièce lut avide-
ment recherchée; on raconte même que Colas-Malin cribla, à l'aide
d'un tamis, la terre qu'il avait remuée dans la journée. Il ne
retrouva rien, et le souvenir de l'écu de 48 livres s'était depuis
longtemps elfacé, lorsque M""-' Miltat fit sa découverte, à l'endroit
même où, il y a soixante ans, la lerre avait été fouillée...
Par décret en date du 14 avril I89u, M. Herment, capitaine
adjudant-major au \ 16« régiment d'infanterie, vient d'être nommé
chef de bataillon au 137^.
M. Georges Herment est un enfant de Vitry-le-François. Son père,
lieutenant-colonel aux turcos, s'est bravement fait tuera la bataille
de Solférino et a un monument commémoratif dans le cimetière.
Resté orphelin tout jeune, le nouveau commandant, après avoir
passé quelques années au Collège de Vitry, finit ses études au
Lycée de Reims, et s'engagea de bonne heure au 74*^ de ligne, un
ex-régiment paternel, oiï il conquit ses premiers grades.
La guerre de 1870 le trouva sergent-major; fait prisonnier à
Wissembourg et emmené au fond de rAllemagne, il essaya de
s'échapper, mais tut repris au moment où, avec quelques cama-
rades, il allait Iraiiclùr la frontière autrichienne. Rentré en
France, il fut "bicntùt nommé sous-lieutenant, et depuis quelques
années occupa des garnisons de l'Ouest, Vannes, Auray, Belle-
Ile-en-Mer. Son nouveau régiment siège à Fontenay-le-Comte
(Vendée).
CHRONIQUE 389
Le Ministre de rinlérieiii' vient d'accorder, dans le personnel de
l'enseignement primaire du département de la Marne, les récom-
penses suivantes :
Ua rappel de ni<*daiUe d'or- à M. Vatlpe (Germain), professeur à l'Ecole
normale d'insliluleurs de la Marne, secrétaire de la Sociélé de secours
mutuel des inslituleurs et institutrices de la Marne;
Une mpdaille d'argent à M. Billerey (Charles), instituteur à Saint-Vrain,
administrateur de la même Sociét.j ;
Une médaille de bronze à M. Hue (Ferdinand), inspecteur de l'Enseigne-
ment primaire à Reims, administrateur de la même Sociélé.
A ce moment oit l'on recherche, pour les préserver de toute
destruction, les œuvres d'art civil ou religieuse, nous croyons
devoir signaler comme un travail tout à t'ait remarquable, à notre
humble avis, le buste en bois de sainte Anne, que possède l'église
de Cunijn (Aube). Ce buste était placé, avant la Révolution, dans
la chapelle de Sainte Anne, distante de deux kilomètres du village,
chapelle érigée, croit-on, au xi^ siècle, par le B. Simon de Bar.
Le visage, d'un bel ovale, a une attitude gracieuse; le regard est
très doux, un peu mélancolique : certaines personnes, d'une ima-
gination un peu trop sensible, prétendent que la physionomie de
la sainte change selon les circonstances. La tête est couverte d'un
voile qui descend en plis légèrement ondulés, pour se croiser sur
la poitrine, en formant un revers de chaque côté : au-dessus du
croisement du voile, les larges plisse dessinent d'un vêtement qui
monte jusqu'au col de la sainte. L'ensemble est du meilleur efTet.
A quelle époque remonte cette statue? Aucun document ne nous
permet d'indiquer une date.
* »
Ms' Meignan, archevêque de Tours, a présidé, le 23 avril, les
fêles qui avaient lieu à Saitite-Catherine de Fierbois en l'honneur
de Jeanne d'Arc et pour l'inauguration de la statue de l'héroïne.
On sait que c'est à Sainte-Catherine de Fierbois que fut trouvée
l'épée dont Jeanne devait se servir pour « bouter les Anglais hors
de France ».
Le vénérable cardinal de Tours était assisté de JNN. SS. Renou,
évêque d'Amiens ; Pagis, évêque de Verdun; Delaborde, évêque
de Blois. La messe pontificale a été célébrée à dix heures et demie
par Mg"" l'Lvêque d'Amiens. Le soir, à deux heures et demie, a eu
lieu la réception des autorités civiles et militaires.
Le vaillant évêque de Verdun a prononcé, à trois heures, le
panégyrique de J.;anne d'Arc, qui a été suivi d'un salut solennel
et de la bénédiction de la statue.
MELAiNGES
Jeanne d'Arc Champenoise. — Une discus^sion s'est élevée eolrc
M'' Turinaz, évêque de Nancy, et M. l'abbé Misset, auteur de la brochure
Jeanne d'Arc Champenoise. Elle peut intéresser nos lecteurs: nous en don-
aons les parties principales.
Ceux qui voudraient la suivre avec lo is ses développements la trouveront
dans les deux numéros de VUnivcrs des 19 et 24 déctmbre.
M"' Turinaz consacre la première partie de sa lettre à se défendre d'avoir
rajeuni un argument et a en faire ressortir la Vdleur :
<< 1° Après avoir rappelé qu'un descendant de la famille de la
Pucelîe, M. Pierre Lanéry d'Arc, a imprimé que l'élude de
M. Chapellier (affirmant i'oiigine lorraine) était « magistralement
faite » et « Irancliait à Jamais le débat sur la question », vous
dites que vous êtes obligé de reprendre aujourd'hui celte question,
et vous ajoutez : « D'autant plus que, du plus haut de la chaire de
'< vérité. M?"" Turinaz. qui parlait, il faut bien le dire, à Nancy,
« soutint la thèse de M. Chapellier avec toutes les ressources de
' son éloquence entraînante. Il crut même devoir rajeunir, pour
' la circonstance, un vieil argument sans portée, mais qui produit
'( toujours sur les foule- un certain efiet : « Les voix de Jeanne.
■< s'écria-t-il, lui répétaient • « Fille de Dieu, va en France!... -
« donc elle n'y était pas.
» Vous prétendez que je rajeunis un vieil argument. Pour moi,
qui crois avoir lu la plupart des ouvrages qui traitent de Jeanne
d'Arc, je n'ai jamais rencontré cet argument. Mais celte affirma-
Uon, que vous donnez absolument sans preuves, était utile à votre
•aqse. Ceci a, d'ailleurs, une importance tout à fait secondaire.
» Vos lecteurs croient sans doute que tout mon argument se
borne aux paroles que vous citez. Or, voici quelles ont été mes
paroles : <t Ecoutez les déclarations qu'elle (Jeanne) répèle
plusieurs fois devant ses juges : « Pour ce qui est de ce que j'ai
'< fait depuis que j'ai pris le chemin de la France, je jurerai
« volontiers... Je ne vins en France que sur l'ordre de Dieu...
>' J'aimerais mieux être tirée à quatre chevaux que d être venue
' en France sans la peî'mission de Dieu... Quand j'eus appris
« que je devais venir en France, je me mêlai peu aux jeux et aux
« promenades. -
» Vous l'entend -z, la jeune bergère devait a'Ier en France, elle
n'y était donc pas : elle ne considérait pas comme français le
village de Domrémy où elle était née.
» Et au-dessus de l'autorité de Jeanne, voici celle de l'arcliange
qui l'envoie secourir et sauver la France : « C'est cette voix qui
MKI.ANtifeS 391
(« me dil qu'il élail nécessaire que je vinsse eu France... Ueu.x
" ou Irois lois par semaine, celte voix nie disait : « Pars en
<< France, il le faut » El encore : » La voix me disait : Va en
a France!... Et je ne pouvais plus durer où j'étais. »
» Je demande si le texte que vous avez cité comme étant le
mien a une valeur qui se ra(»proche, même de loin, des alfirma-
tions miilliples de Jeanne d'Arc et de l'archange saint Michel que
j'ai citées. Donc, sur ce point, évidemment pour le besoin de votre
cause, vous avez amoindri, et de beaucoup, l'argument que j'ai
produit.
» 2" Vous poursuivez en ces termes : « Or, est-ce seulement
u lorsqu'elle était à Dumremy que Jeanni- voulait aller en France?
« Elle le voulait quand elle était à Méhunsur-Vèvre, en plein Berrv,
u à la cour de Charles VII; elle le voulait quand les hommes
« d'armes l'entraînaient contre son gré, contre l'ordre de ses
« voix, au siège de la Charité-sur Loire, dans le Nivernais, Elle
« le dit elle-même, en toutes lettres à se- juges : Respondit quod
a ipsa vok'biil venire ùi Franclam. W de .Nancy osera-l-il con-
« dure : Donc en Berry, donc en Nivernais, Jeanne d'Arc n'était
« pas en France, puisqu'elle voulait y aller"? Ignorerait-il qu'au
'< moyen-àge il existait une ville de Paris en douce France, et une
« abbaye de Saint-Denis-en-F'rance ainsi nommées parce qu'elles
« étaient situées en Ile-de-France? »
1) Vous ne citez qu'un texte pour lequel vous renvoyez à Qui-
cherat, 1"='" vol., p. loi». Je reconnais loyalement que ce texte peut
olfrir une difliculté. Mais enlève-t-il leur autorité aux textes nom-
breux que j'ai cités plus haut, je ne le pense pas.
» Votre réponse se résume en ceci : Quand Jeanne d'Arc et les
Voix parlaient à Uomremy de venir en France, il s'agissait » de
» la ville de Patois en douce France et de l'abbaye de Saint-Denis-
« en-France, ainsi nommées parce qu'elles étaient situées en Ile-
i< de-France, n
M Misset répond ;
«... J'avais dit dans mon travail que Votre Grandeur avait
rajeuni « un vieil argument sans portée » lorsqu'on 1890 elle
s'était écriée à Nancy : « La jeune bergère voulait aller en France,
'< elle n'y était donc pas; elle ne considérait pas comme français
« le village de Ooniremy où elle était née. » Vous ne voulez pas
avoir rajeuni un vieil argument, je le comprends. « Pour moi,
« dites-vous, qui crois avoir lu la plupart des ouvrages qui
«' traitent de Jeanne d'Arc, je n'ai jamais rencontré cet argu-
» nient. »
>' Etes-vous aussi sûr, Monseigneur, de la ndélité de votre
mémoire que de i'mimeiisité de vos lectures? Or, ici, remar-
quez-le, je II ai aucun intérêt à ne pas concéder votre posluiolunx.
En ellel. jeune ou vieux, découvert ou simplement rajeuni par vous,
l'argument, en tant qu'argument, reste le même. Par malheur, il
392 MKL.\NGES
y a quelque part, en Lorraine, iiii chevalier du Saint-Sépulcre,
M l'abbé .Mourol. Il se lïiclierait avec raison, et me pourfendrait,
et nie convaincrait d'ignorance, ?i je ne reconnaissais pas que la
paternité de l'argument lui appartient plutôt qu'à vous Dès 1880.
dix ans par conséi|uent avant Votre Grandeur, il avait eu l'idée
que vous deviez avoir et imprimé le raisonnement que vous deviez
croire vôtre. Mais hélas! même alors, l'idée était-elle neuve? Je
ne le pense pas. Car M. Athanase Renard, qui ne manquait ni
d'érudition, ni d'esprit, répondait textuellement: •< M. le curé de
i< MonIhureux-le-Sec croit trouver un argument décisif en faveur
« de sa thèse dans une manière de parler commune aux habitants
u de la contrée, même aux Français qui s'y trouvaient dépaysés et
'i réduits à dire, quand ils la quittaient, qu'ils allaient en France.
« La même manière de parler a longtemps subsisté dans plusieurs
"■ de nos anciennes provinces, même après leur incorporation au
(( royaume. C'est ce que M. l'abbé Barthélémy de Beauregard,
« auteur d'une histoire de Jeanne d'Arc, explique très bien. »
Or, si Votre Crandeur se rappelle avoir lu l'ouvrage de M. Bar-
thélémy de Beauregard, elle sait qu'on y trouve, au tome \, à la
page 49, la phrase qui suit : « La voix disait à Jehanne de partir
« pour la France. » Et en note : « Le nom de France n'était
« donné qu'à la partie du royaume qui avait formé le domaine
u de Hugues Capet : c'étaient la Picardie, l'Ile-de-France, l'Or-
« léanais, le Berry et la Touraine. » Vous le voyez donc, l'argu-
ment n'était pas neuf, la réponse n'était pas neuve, car l'abbé
Barthélémy de Beauregard a composé sa Jeanne d'Arc en 1847!
" Mais si l'argument n'est pas neuf, du moins a-t-il, comme le
bon vin et la bonne amitié, gagné en vieillissant? J'ai peur du
contraire. Vous citez, il est vrai, à quatre reprises, les paroles
de Jehanne d'Arc, disant que, lorsqu'elle était à Domremy, elle
voulait venir en France Vous placez ensuite par trois fois dans
la bouche de saint .Micliel. l'ordre lui même : « Il est nécessaire
d'aller en France, pais en France, va en France! " Et, toute triom-
phante, en présence de celte multitude — une peu factice — de
textes qu'il s'agit précisément d'interpréter, Votre Grandeur me
dit : K Vous ne citez qu'un texte. Enlève-l-il leur autorité aux textes
<( nombreux que, )''ai cités plus haut? » — Je le pense, Monseigneur.
Quand Jeanne d'Arc à Méhun-sur-Yèvre, en Berry, veut aller en
France (et c'est ce que dit le texte que j'ai cité), elle donne au
mot « France » un autre sens que vous. Méhun-sur-Yèvre n'était
pas hors du royaume, Domremy n'était pas hors du royaume! Et
lors même que mon texte de Méhun-sur Yèvre, qui renverse rint(;r-
prétalion que vous faites des textes de Domremy, n'existerait pas,
qui ne sait aujourd'hui ce qu'on désignait par le mot « France »
à l'époque de Jeanne d'Arc? Ce n'était pas seulement l'Ile-de-
France, comme Votre Grandeur voudrait me le faire dire, c'était
aussi, comme je l'ai dit, le Berry où se trouvait Charles Vil,
l'Orléanais où se trouvait Orléans dont Jeanne devait fai^e lever
MÉLANGES 393
le siège. Votre drandeui' n'est donc pas autorisée'à conclure que,
dans ma pensée, « quand Jeanne d'Arc et ses voix parlaient à
(■ Domremy de venir en France, il s'abaissait seulement de la ville
c de Paris en douce France et de l'abbaye de Sainl-Denys en
« France. » Vous aviez dit en 1890 : Les voix ordonnaient k
.leanne d'aller en France, donc elle n'y était pas, donc elle était
en Lorraine, hors du royaume, hors de l'autorité du roi, dans nn
pays soumis à un duc qni était alors l'ennemi du roi.
B Je vous ai répondu : Non, elle était dans un pays qui, adniinis-
trativement, fiscalement, judiciairement, politiquement, géogra-
phiquement était situé au royaume et en Champagne. « Il serait
« inutile de rappeler les textes établissant que non seulement des
« bords de la Meuse, mais de provinces aussi rapprochées de la
« capitale que le Berry, l'on donnait le nom de France à l'Ue-de-
« France, et aux pays limitrophes réputés comme le cœur du
« royaume, parce qu'elle dit être venue en France. » Ce n'est
pas moi, monseigneur, qui vous ai fait cette réponse, c'est le
dernier historien de Jeanne d'Arc, le R. P. Ayrolles, de la Société
de Jésus. Vous l'avez évidemment lue dans sa Vraie Jeanne d' Arc ,
tome II, p. 147. »
La deuxième partie de la difcussiou porte sur l'analyse et le sens d'un
discours prononcé par M-' Turinaz le jour de la lete de l'inauguration, à
Nancy, d'une statue de Jeanne d'Arc. Celte partie est d'un intérêt moins
historique; nous la laissons.
Lu fin de la lettre épiscopale place la question sur le terrain national et
mérite d'être, avec la réponse, intégralement citée :
(( Mais ne pourrions nous pas, ne devrions-nous pas porter ce
débat sur un autre terrain, ou plutôt le restreindre, vous et moi
et tous ceux qui étudient l'origine de Jeanne d'Arc, à celle
question : « La bergère de Domremy est-elle Lorraine, Cham-
penoise ou Barrisieime? » sans paraître contester, même quant au
mot lui-même, dans aucune de ces hypothèses, son titre de Fran-
çaise? Nous prendrions le litre de Française dans un sens plus
large et beaucoup plus exact.
» En eflet, à l'époque de Jeanne d'Arc, les Bourguignons et les
Bretons, pour ne pas citer les habilants d'autres provinces,
quoique gouvernés par leurs ducs comme les Lorrains et les
Normands soumis à l'Angleterre, n"élaient-ils pas Français?
Pourquoi donc les Lorrains ne l'étaient-ils pas? La soumission
au roi de France établissait-elle à elle seule la nationalité fran-
çaise? Je ne le pense pas. La défaite ou la victoire, la séparation
ou l'aonexion d'une province lui enlèvent-elles ou lui donnent-
elles sa nationalité? Français d'aujourd'hui, nous pouvons l'ad-
mettre moins que jamais. Après plus d'un siècle de servitude et
d'épreuves, la Pologne est-elle russe? Faut-il dire que les diverses
provinces ou régions de notre pays n'ont été françaises que du
jour où elles ont été soumises à la couronne de France, et que
'.,9 i ■ MKI. ANGES
demain, au g(é des événements, elles pourront n'êli'e plus fran-
raises? Ce serait amoindrit' à tous égards, dans la plus déplorable
mesure, notre histoire nationale, briser les chaînes des plus anti-
ques et des plus glorieuses Iradilions, et autoriser, contre notre
nationalité, les plus odieux attentats.
» Donc, abaissons et restreignons le débat, afin d'élever et
d'unir tous les cœurs dans l'adfniration pour Jeanne d'Arc, et
dans les aflirmations du patriotisme. Que telles ou telles pro-
vinces revendiquent la gloire d'avoir donné le jour à Jeanne, mais
que toutes reconnaissent que la libératrice de la France est Fran-
çaise. »
Voici la réponse de M. Misset :
« Malheureusement, Monseigneur, on ne porte par un débat où
l'on veut; on est forcé de le prendre où il se trouve. Si la Cham-
pagne et l'Ile de France, si la Champagne et le Berry se dispu-
taient Jeanne d'Arc, la chose serait de médiocre importance : la
nationalité française de la Pucelle ne serait pas en jeu ! Entre la
Champagne et la Lorraine, entre la Champagne et le Barrois,
qu'on le veuille ou non, le terrain du débat est tout dilférent.
PiKjnanl lermini, comme disaient les vieux logiciens.
» Et la concession que Votre Grandeur me demande est préci-
sément le point important du litige.
I) La Lorraine du xv siècle, le Barrois du xv^ siècle, même dans
leur partie mouvante, étaient pays indépendants et par consé-
quent étrangers. Je ne vous en citerai qu'une preu/e, l'article 72
de la coutume champenoise et française de Vitry qui, d'accord
avec Joinville, avec les rois de France, avec les ducs de Bar,
désigtie sous le titre de Nobles e.HraïKjcrs « les Nobles natifs et
demeurans aux pays d'Allemagne, Lorraine, Brabant, B irrois, ou
ailleurs hors du royaume. » Cet assemblage de mots révolte sans
doute aujourd'hui notre patriotisme; il ne froissait personne; il
était l'absolue vérité cent ans encore après la naissance de Jeanne
d'Arc, quand on rédigea la coutume de Vitry en l'an I5U9. Et ne
croyez pas, monseigneur, que lextranéité de la Lorrame et du
Bairois, même dans leur partie mouvante, soit une opinion his-
torique, discutable en droit. Elle a force de chose jugée, sans
appel possible. La cause a été plaidée dans votre ville épiscopale
devant la première Chambre de la Cour royale de Nancy. Elle a
donné lieu à un chef-d'œuvre d'éloquence judiciaire et d irrésis-
tible logique; et celui qui l'a prononcé était un Lorrain, si je ne
me lrom()e, une des gloires, en tous cas, du vieux barreau français,
y\. Troplong, avocat général près la Cour de Nancy. Dans les ques-
tion de nationalité, le sentiment, surtout à certaines époques, ne
peut qu'égarer la raison, et nous aurions tort de nous placer en
face de nos pères, à l'époque où le duc de Lorraine laissait fouler
aux pieds, par ses soldats d'empire, le drapeau de la France dans
sa ville de NeufchAteau, k l'époque où le duc de Bar poursuivait.
MKLANGKS SO'i
Uaqiiail sans inerci les derniers Armagnacs de Champagne, tuait
à Sermaize, dans l'arméo de La Hire, le cousin germain de Jeanne
d'Arc, faisait alliance avec les Anglais contre Charles Vli le jour
même où Jeanne d'Arc donnait l'assaut à Orléans. Là est la vérité.
Votre Grandeur me demande si « les diverses contrées de notre
« pays n'ont été françaises que du jour où elles ont été soumises
(1 à la couronne de France. )> — Je le crains, Monseigneur, La
Savoie n'était pas française avant 1860, le Barrois et la Lorraine
ne l'étaient pas avant leur réunion à la France.
)' Vous me demandez si, « après plus d'un siècle de servitude
M et d'épreuves, la Pologne est devenue russe. >> J'ai grand peur
que la Pologne soit non seulement russe, mais encore autrichienne
et prussienne! J'ai peur qu'il n'y ait plus de Pologne! Seulement,
permetlez-nioi de vous dite que l'assimilation ici n'est pas abso-
lument heureuse. Les Lorrains aujourd'hui entendent être Fran-
çais, si les Polonais n'entendent pas être Russes! Les Lorrains
sont fiers, avec raison, de posséder à Naticj la statue de celle qui
incarne l'idée de la patrie française. Elle est sans doute un contre-
sens si l'on regarde le passé, elle est notre plus chère espérance
si l'on regarde l'avenir. Vous dites : « Abaissons le débat afin
« d'élever tous les cœurs. »
y> Je dis :
« Laissons au débat toute son élévation, et que tous les cœurs
s'élèvent à la hauteur du débat. Vous êtes la preuve vivante, Mon-
seigneur, qu'un Français d hier, ne le cède à personne dans l'amour
de noire vieille France et dans l'admiraiion de nos vieilles gloires.
Laissez à notre vieille France ce qui lui appartient! Laissez-nous
Jeanne d'Arc, car elle est notre : Johanna noslra est! Elle est née
à Uomremy de Greux, en terre de France, en province de Cham-
pagne, d'un père Champenois né à Celfonds, d'une mère Cliam-
peiioise née à Voulhon-le-LJas. Son village relevait (les juges de
Rouen nous le disent) de la prévôté de Montéclair-et-Andelot, au
bailliage de Chaumonl, de Champagne. Au point de vue adminis-
tratif, fiscal, judiciaire, politique, géographique, Jeanne était
Chamj>enoise et non Lorraine. Reconnaissez-le loyalement, Mon-
seigneui, non pas, si vous le voulez, pour la Champagne, mais
pour la France et pour la vérité.
« Daignez agréer, Monseigneur, l'hommase de mon profond
respect.
{Journal de la Marne. i E. Misset. »
Il y a ln SiiicLii. — Arrestation d'-s Terroristes à Reims, le
lîi avril l79.'i. — Sur l'ordre du représentant Albert, la nouvelle
Municipalité décrète l'arres^lation des personnes connues à Reims
comme terroristes.
Dans les huit sections de la ville, il y eut quarante-quatre ar.-es-
lations, parmi lesquelles celle de Couplet, dit Beaucourt. La liste
39fi ' MÉLANGES
(Voir les Annales de la RêvoluUon, imprimerie Bugg, 1883) fut
lue en pleine séance, devant un fort détachement de la garde
nationale et nombre de curieux. Des patrouilles parcourent les
rues, pour empêcher les jacobins de causer quelques soulèvements.
Le même jour, d'après deux pièces manuscrites revêtues de
signatures autographes, et que nous possédons, il y eut à Reims
des perquisitions chez :
Trislant, rue Maurice. (On sait que les saints n'avaient plus alors droit
de cité en France.)
Gérome père, liaison des Minimes.
Pillière Beuge, boulanprer, place Remj'.
Talabot, tisseur, rue Neuve.
Lambert, tisseur, rue Chaniraine.
Génin, tisseur, rue Tournebonneau.
Lebœuf, tisseur, rue des Quatre-Chals.
En exécution de la loi du 21 germinal de l'an III de lu Répu-
blique, qui ordonne le désarmement de ceux qui ont participé aux
horreurs commises sous la tyrannie qui a précédé te neuf ther-
midor :
« De l'arrêté du représentant du peuple Albert, en mission dans
le département de la Marne, en date du 24 germinal, relatif à
la dite loi.
Et de l'arrêté du district de Reims, en date du 20 du même
mois,
Le Conseil général de la commune de Reims a nommé le citoyen
Assy-Villain, olFicier municipal, et Clicquot-Vuatelet, notable,
lesquels sont chargés sous leurs responsabilités d'aller exécuter
la loi et procéder an désarmement des citoyens Tristan, Gérôme,
Pillière-Beuge, Talabot, Lambert, Génin et Lebceuf, ci-dessus
désignés.
Autorisant lesdits commissaires par nous nommés à prendre
tous les moyens que leur prudence leur dictera et même de se
faire accompagner par la force armée, si besoin est.
A Reims, le trente germinal, an .'{" de la République une et
indivisible.
Pinchart, maire; P. Godinot, Benoist, Guélon, Le Grand David,
Gérard, Champagne-Clicquot, Dessain.
Ce jourd'hui trente germinal, l'an trois de la République une et
indivisible, nous Assy-Villain, officier municipal, et r.licquot-Va-
telet, notable, en exécution de la Commission à nous déléguée
par le Conseil général de cette commune, datée de ce jour, afin
du désarmement de ceux qui ont participé aux horreurs commises
sous la tyrannie qui a précédé le 9 thermidor, nous sommes trans-
portés chez les citoyens ci-après nommés et à nous désignés par
ladite commune :
1" Ch«z le citoyeu Jacques Trislaut, rue Maurice, où perquisition iaile
MÉLANGES 397
nous avons Irouvé une pique, un pelil sabre doré déniant et un iusil et
sabre qu'il uous a déclaré provenir de la lorinalion des canotiers.
2» Chez le citoyen Pillière-Beugé, place Remy, où perquisition faite nous
avons trouvé une pique.
3" Chez le citoyen Noël Cénin, tisseur, rue Tourneiiormeau, où perquisi-
tion faite nous avons trouvé une pique et un sabre.
1° Chez le citoyen Lambert, tisseur, rue Cbanlraine, oii perquisition faile
nous avons tiouvé un fusil et une pique.
5" Chez le citoyen I ebœuf, rue Jean, où perquisition faite nous avons
trouvé une pique.
6" Chez le citoyen Thalabo, rue Neuve, à la Barbe d'or, où perquisition
faile uous avons trouvé une pique et un sabre.
( hez le citoyen Gérosme père, maison des Minimes, perquisition laite
nous n'avons trouvé aucune espèce d'armes.
Lesdiles visites ou pei-qui.silions faites, nous avons sommé, au
nom de la loi, les citoyens Tristant, Pillière, Génin, Lamberl,
Lebœuf et Talabo de transporter de suite à la maison commune,
au bureau militaire, les armes désignées d'autre part, à quoi ils
ont promis d'obtempérer sur-Ie- -hamp, et nous étant nous-mêmes
rendus à ce bureau militaire, à la maison commune, nous avons
reconnu :
1" Que le citoyen Tristant a déposé audit bureau une pique, un fusil et
un sabre ;
2° Le citoyen Pillière, une pique;
30 Le citoyen Noël Génin, une pique et un sabre;
4 Le citoyen Lambert, un fusil et une pique;
0" Le citoyen Lebœuf, une pique ;
6" Le citoyen Talabo, une pique et un sabre.
Toutes lesquelles armes ont été étiquetées pour être par le
Conseil général ordonné ce qu'il appartiendra. »
Reims, le 30 f^erminal an 3' susdit.
Cliûjlot-Vl-atelet. AssY-Villain.
(Courrier de hi ChampcKjiic.) <- Ckri-.
Lv,- Mi^:MoiKt.^ m ^omik Bkk.not. - Quelle bonne inspiratioti
M. le comte Albert Beugnot a eue de reéditer les Mémoirn do son
grand-pèi^e. Jacques-Claude Beugnot, ministre sous l'Empire,
minisire d'Etat, député et pair de France sous la Restauration!
La seconde édition, parue en 1866, était depuis longtemps introu-
vable et c'était grand dommage, car notre littérature moderne, si
ricbe en Mémoires, compte peu de livres ausM intérosants, aussi
remplis de fails tragiques ou amusants, que ces souvenirs d un
homme desprit qui savait regarder et qui a toujours été en bonne
place pour voir. Dans un ordre d'idées différent, les Mémoirei^ de
Beugnot sont au moins aussi attrayants que ceu.x de Marbot. C est
tout dire.
.)98 MKLANGES
Nous n'avons pas la prétention d'analyser les Mémoires de
Beugnot; de pareils livres ne s'analysent pas : il faut les lire de la
page à la dernière, et, quand on a fini, on recommence. Nous nous
contenterons donc, simplement, de glaner quelques anecdotes, dont
plusieurs sont connues, mais que l'on a toujours plaisir à retrou-
ver.
Nous passerons rapidement sur l'alTaire du CoUicv de la reine
dans laquelle, — ce n'e^t pas le côté le moins étrange de cette
affaire, — Beugnot, alors simple avocat au barreau de Bar-sur-
Aube, a été mêlé de la façon la plus active et dont seul il a connu
tous les dessous. Il nous suffira de dire que le jeune robin, né
malin, sut admirablement se tirer d'un mauvais pas qui aurait pu
l'arrêter net dans sa carrière. Mais avec de l'esprit on se sauve de
tout, même en restant honnête homme, ce qui est le cas de notre
héros. De cette partie de son récit nous ne retiendrons qu'un
tableau de la société de l'ancien régime Unissant qu'on croirait
peint d'hier: « Celui qui n'a pas vécu pendant les années qui ont
précédé la Révolution ne sait pas ce que c'est que la douceur de
vivre )>, disait Talleyrand. Avocat au Parlement, déjà mis en
lumière par des procès retentissants, amoureux de toutes les
choses de l'esprit et mêlé à la société la plus choisie de son temps,
Beugnot se laisse aller, lui aussi, à cette douceur de vivre. « Un
air de contentement, écrit-il, animait d'un charme nouveau nos
lieux de réunion, nos spectacles, nos sociétés de famille; il sem-
blait qu'on respirât dans ce beau pays de France le parfum de la
félicité publique. . . r^ Mais aussi que d'ombres au tableau ! La cour
et la ville délaissaient les chefs-d'ojuvre de la scène française pour
courir à des spectacles « déjà trop bas pour la populace ». Caglios-
tro règne en souverain L'agiotage prend des proportions inouïes.
Des coupons d'actions de mines d'or et de mille autres Sociétés
fantastiques inondent le marché, les faiseurs ne peuvent sulfire à
contenter les dupes qui se ruenl avec frénésie sur les morceaux
de papier qu'on leur vend à des prix fauuleux. La .spéculation
trouve, dès son berceau, des adeptes qui en eussent remontré à
ceux d'aujourd'hui (Beugnot s'avance peut-être beaucoup) et voilà
le Gouvernement réduit à tren^bler devant ce nouveau Moloch. »
Enfin l'esprit de vertige a gagné jusqu'aux chefs de notre armée.
Ils ne rêvent plus que l'eKcrcice à la prussienne « et entreprennent
de bonne foi de soumettre le soldat français à un régime appro-
prié de longue main à des automates allemands ». En vérité, l'his-
toire n'est qu'un recommencement.
11 va sans dire que, comme tout le monde à son époque, Beugnot
a été piqué de la tarentule politique. Il fut candidat aux électio.îs
de la Constituante et le récit qu'il nous donne de la période élec-
torale est d'un comique achevé. A l'en croire, le droit de suffrage
aurait été, dès sa naissance, aussi incohérent et aussi fécond en
surprises qu'il l'est devenu en vieillissant. Témoin la bonne plai-
santerie faite par les électeurs de Bar-sur-Aube. Un certain nombre
d'enire eux a\aiL eu l'idée, par pur badinage, déposer la candida-
ture d'une espèce de hrule douée d'une force musculaire extraor-
dinaire, surnommé Gomlierl-le-Chevaux parce que le peuple,
trouvant rjue ce n'étail pas assez de lui rendre justice en le dési-
gnant sous le nom de (ioml>ert-le-Clieval. avait appelé le pluriel
au secours de ce singulier qui était visiblement trop faible pour
un homme si fort. Gumberl-le-'Jhevaux vit son nom sortir
triomphant de l'urne électorale. Lui seul ne fut pas étonné de son
succès. A noter aussi un curieux néologisme qui figurait dans les
cahiers de Chàteauvillain : « Donnons pouvoir à nos députés de
solliciter, du seigneur roi, son consentement à nos demandes...
dans le cas où il refuserait, de le déroiter. >-> La Convention s'est
chargée de ce soin.
Dénoncé comme suspect, il resta pendant plusieurs mois à la
Conciergerie et à la Force, attendant chaque jour son arrêt de
mort. La mort de Robespierre le rendit à la liberté. 11 est impos-
sible de rien détacher du tableau qu'il a tracé avec une entente du
pittoresque et un art merveilleux des prisons de Paris sous la Ter-
reur. C'est une des pages les plus saisissantes de notre histoire, et,
il faut le reconnaître, il en est peu qui donnent une si haute idée
du courage moral de l'ancienne société à tous ses degrés, car, à la
Conciergerie, toutes le? classes étaient confondues. Ces gens-là ont
su mourir; mais, ce qui est plus rare, ils ont su supporter les plus
atroces souffrances avec une sérénité et un stoïcisme souriant qui
confond l'imagination. Les femmes surtout ont été subli nés, les
duchesses aussi bien que cette malheureuse fille de carrefour qui,
après avoir dit vertement son fait au pré-ident du Tribunal, <( sauta
sur la charrette avec la légèreté d'un oiseau ». Quel contraste entre
l'ironie hautaine des victimes et la brutalité de leurs bourreaux!
« Eh bien ! citoyens, disait le délégué de la Commune, comment
cela va-t-il? L'appétit est-e//e bonne? — Oui, citoyen municipal,
mais la soupe il est mauvais. — Ah! dame! c'est qu'il ne faut pas
être nachcux, voyez-vous. »
Et ce qui frappe surtout dans ce sombre récit, c'est combien
l'amour de la patrie était enraciné dans le cœur de ces prisonniers
dont la vie et les occupations avaient été, pour la plupart, si fri-
voles. Pour mon compte, je n'avais jamais compris avec quelle
docilité insouciante ces hommes et ces femmes qui auraient pu
facilement se dérober, par la fuite, aux fureurs du Comité de
salut public, restaient exposés au danger. Non seulement on
restait^ mais des émigrés revenaient se faire juger, c'est-à-dire se
faire condamner par le Tribunal révolutionnaire. Beugnot nous
donne la clé de celte énigme. Depuis longtemps, il se savait sous
le coup d'une arrestation : il pouvait fuir et déjà il avait pris ses
dispositions, mais il voulut dire un dernier adieu à Paris. Il dirigea
sa promenade du côlé de Jardin des Plantes, et gravit le labyrinthe.
Un beau soleil couchant éclairait la ville qui paraissait tranquille et
souriante, a Je ne sais alors, écrit-il, ce qui se passa dans mon âme,
400 MÉLANGES
mais une l'oule d'objels que j'avais regardés, avec indifférence,
vinrent se peindre à ma pensée sous une forme louchante. Je les
parcourais, je les détaillais, je ne pouvais plus m'en arracher...
Oui, il y a une patrie. Je ne fuirai pas. » Et, tranquillement, il
rentra chez lui. Le lendemain, il était arrêté par deux commis-
saires ivres comme la bourrique à Robespierre.
(Débats.) Georges Clément.
1. Imprimeur- Géra Dl,
Lkun FREMONT.
PAGES D'HISTOIRE CORPORATIVE
Un cas de pression électorale à Trof es
EN 1728
Eti 1728, les Troyeus avaient à procéder à diverses élec-
lious : celle de deux adjoints le mardi de la deuxième lerie de
Pâques, et, le 1 1 juiu, jour de Saint- Barnabe, celle d'un nou-
veau maire en remplacement de Pierre Rolin — Le décès du
sieur Le Blond, voyer de la ville, nécessitait également son
remplacement.
Les corporations d'arts et métiers concouraient à ces élec-
tions par l'envoi de délégués, leurs maitres-gardes générale-
ment, en nombre variant de deux à seize, selon leur impor-
tance. Ce dernier chiffre était fourni j)ar la corporation des
m.irchauds.
Voici un modèle des billets d'invitation qui leur étaient
envoyés :
De rOrdonuance de Messieurs les Maire et Echevins
de ia Ville de Troyes.
Sont avertis
de s'assembler et choisir de leur Communauté,
pour assister mercredi prochain, onzième du présent mois de juin,
jour de Saint-Rarnabé, à huit heures du matin à l'Hôtel de ladite
Ville, à l'Assemblée générale qui se tiendra pour élire un Maire
dans le nombre de Messieurs les Conteillers de Ville, au lieu et
place de Monsieur I^AiLLOT, Ecuyer, dont l'exercice finit audit jour.
Fait au [jureau de l'Echeviiiage de l'Hôtel de ladite Ville, le neuf
juin mil sept cent trente- deux '.
Deux partis se disputaient alors le pouvoir municipal : les
officiers de police, représentant le roi, qui cherchait souvent à
imposer des candidats de son choix, et les bourgeois ou mar-
1. Archives muiiicipale;^, dans le I^o^. Q. 1". — Billet imprimé, grand
ia-1G.
26
402 UN CAS DE IMiESSION ÉLECTORALE
chauds, qui leuaieuL d'aulaul [)1ijs ci leur droit d'éleclioii quo
la ville avait dû racheter, pour de fortes sommes, l'office de
maire créé par l'Etat dans des moments de gène financière ' .
Tous les moj'ens étaient bons pour empêcher le succès des
concurrents. La Bibliothèque de Troyes a conservé le docu-
ment ci-dessous, curieux échantillon d'une littérature toute
spéciale.
AdvJs salvtaire avx Troyens-.
Us ne sont pas beaux ny bons
l^es doublons.
Les Doublets, iiy leur lignage,
Ce sont des Monopoleurs
Et voleurs,
Qui briguent l'Echevinage
l'our vu de leur parenté,
Eueulé,
Qui se promet de faire rage
Contre le corps des Marchans,
Donc sachaus,
Qu'ils meltroient tout au pillage,
D'vu las de Siciliens,
Tous Troyens,
Euitfz le brigandage,
Ne nommant pour Echeuins
Mascarins,
Ny gens de leur parentage.
Un écho de ces luttes subsiste encore dans un Placet adressé
au Roi par Morel, lieutenant général au bailliage de Troyes,
contre les Maire et Echevins de cette ville, « au nombre de
quatre ou cinq marchands », qui avaient osé, par une ordon-
nance publique, faire des défenses d'exécuter une autre
ordonnance rendue par les officiers de Sa Majesté, «jqui sont
leurs supérieurs en ressort ». Ces ordonnances concernaient
les puits et communs de la ville. Les officiers de police avaient
ordonné que les crochels desdits puits fussent marqués d'une
fleur de lis, et la Municipalité y avait fait substituer les
armes de la Ville. Le lieutenant Morel profite de l'occasion
pour dénoncer « les brigues dans les élections des officiers
municipaux » '.
1. Arcbives de l'Aube, C I84-5. — Des créations de ce genre eurent lieu
en 1692, 1722, 1733 et 1771 ; elles furent successivemeut supprimées en
1714, 17-24 et 1764.
2. Canard contre la famille Doublet. Bibl. de Troyes.
3. Bibliothèque Nationale, F" F 3, 11.679. — La même Bibliothèque
conserve, dans le volume 101 de la Colleclion de Champagne, de nombreux
A TUOYliS 40.^
La lu lie était vive parfois ; les électeurs, dirigés par des
meueurs intéressés, obéissaieut plus souvent à des impulsions
qu'ils ne consultaient leur conscience. A diverses reprises, et
cela dans toutes les villes, on se plaignit que nombre d'arti-
sans se laissaient corrompre par brigues et par argent '. C'est
un fait de ce genre que nous allons raconter.
Dans une assemblée consulaire tenue le vendredi 26 mars
1728, « à la manière accoutumée et suivant l'usage pour la
réconsiliation. . . », avis fut donné qu'il y avait lieu de rem-
placer deux des quatre échevins adjoints au maire. Ceux dont
le mandat finissait étaient les sieurs Le Febvre et Edouard
Bertbelin; les deux autres avaient nom Nicolas Jeansou et
Eustache Gouault.
L'assemblée générale pour procéder à cette élection fut fixée
au mardi 30 mars, deuxième férié de Pâques, date habituelle
de toute ancienneté. Nicolas Collinet, conseiller au bailliage,
et Jean de Mauroy, marchand et bourgeois, furent élus à
l'unanimité.
Le T'" avril, l'assemblée municipale confia à Nicolas Ves-
Ihier, marchand et bourgeois, les fonctions de voyer, vacantes
par la mort du sieur Le Blond ^.
Ces premières élections passèrent sans incident, sinon sans
manœuvres clandestines, comme on le verra plus loin ; il n'eu
fut pas de même de la suivante.
Le 10 juin, le maire Pierre P>olin déclare au Conseil de
Ville qu'ayant appris que quelques-uns des officiers de police
avaient fait venir près d'eux des délégués des corporations
pour leur dire qu'ils leur indiqueraient le personnage qu'ils
devraient nommer pour maire, « il avoit jugé à propos de
documenls relatifs à une querelle entre la municipalité et les officiers du roi
à propos de l'homologation d'articles des statuts des Bouchers. Ces ditfé-
rends sont plus sérieux que ceux racontés par M. Th. Boutiot dans son
étude : Querelles entre le bailliage et l'échevinarje de Troijes à l'occasion
de la préséance {Annuaire de l'Aube pour 1864, p. 47).
1. Albert Babeau, La Ville sous l'ancien régime.
2. Dans une assemblée consulaire du 9 mars, trois candidats avaient été
soumis à un premier vote pour le poste de voyer; Jeux avaient obtenu cha-
cun cinq voix et le troisième une seulement ; les officiers du tioi, on le
verra plus loin, faisaient de la propagande en faveur du sieur Gombault,
Devant cette division, le Conseil remit le choix à une assemblée générale.
Cependant, c'est encore une assemblée restreinte qui nomma Nicolas
Veslhie.'.
404 UN CAS DE PRESSION ÉLECTORALE
constater un fait si opposé au service du Roi et h la liberté
publique ». Il demande à donner lecture de deux actes nota-
riés qu'il a fait dresser à ce sujet. Gailien, lieutenant de police,
s'oppose à celte lecture et requiert acte de sa protestation. Le
maire passe outre *.
Ces deux documents contenaient les dépositions d'une cin-
quantaine de délégués des communautés, que le maire avait
fait appeler par devant notaires pour témoigner de la pression
exercée sur eux par les officiers du roi. Voici le début du
premier :
« L'an mil sept cent vingt-huit, le mardy huitième jour du mois
de juin, environ l'heure de sept du matin, nous Jean Denesles et
Pierre Chastel, notaires gardenottes du Roy en la ville et bailliage
de Troyes soussignés, sur la réquisition de Monsieur Pierre Rolin,
maire de la ville de Troyes, et de Messieurs Nicolas Jeanson et
Eustache Gouault, échevins de ladite ville, nous serions transpor-
tez environ l'heure de sept du matin, en l'hostel commun de
ladite ville, où estant lesdils sieurs Rolin, Jeanson et Gouault
nous auroient dit qu'ayant eu avis qu'ils s'y faisoient et prati-
quoient plusieurs brigues secrettes pour la prochaine élection et
nomination d'un nouveau maire qui sera le jour de Saint-Barnabe
prochain, ainsy qu"il est accoutumé; ils nous auroient dit avoir
mandé une partie des maîtres gardes des communaulez de cette
ville pour recevoir leurs déclarations au faict desdites brigues et
pratiques qui ont ordinairement voyes délibératives dans les
assemblées générales, lesquelles déclarations ils nous ont requis
de recevoir et d'en dresser procès-verbal, ce que leur ayant
octroyé nous aurions procédé audit procès-verbal ainsy qu'il suit,
et ont signé.
« Pierre Robin, N. Jeanson, Gouault; — Chastel, Denesles, »
Viennent ensuite les dépositions, presque toutes signées par
leurs auteurs :
«r Edme Haby et Edme Massey, maîtres gardes de la commu-
nauté des maîtres tixerans de cette ville, ont déclaré qu'il y a
environ quinze jours ils auroient esté mandez par monsieur
Remond, conseiller au bailliage de Troyes et officier de police,
chez lequel s'estanl transportez ledit sieur Remond leurs auroit dit
de se trouver en sa maison deux jours avant l'élection et nomina-
tion d'un nouveau maire, sans leurs avoir dit autre chose, et que
lors de l'élection et nomination des Echevins, le mardy de Pasques
dernier. Monsieur Gailien, conseiller au bailliage de Troyes et offi-
cier de police, les auroit mandés ledit jour de la nomination le
1. Ardi. muû., Reg. des Délibérations municipales.
A TROTES 40ri
matin, où estant il leur auroit dit qu'ils eussent à nommer
Messieurs Colinet et de Mauroy pour Echevins et pour voyer de la
ville, au Heu et place de feu le sieur Le Blond, le sieur Gombaut,
marchand en cette ville »
Les maîtres gardes des bouuetiers avaient été aussi mandés
cliez le sieur Rémoud, « qui leur auroit dit de se trouver chez
lui deux jours avant la nomination et élection d'un nouveau
maire, qu'il croyoit bien que les choses se feroient de bonne
grâce et qu'il leur diroil le suiet qu'il nommeroient pour
maire ». L'un de ces mêmes gardes déclare eu outre que, sur
la lin du carême derniisr, le sieur BouiUerot, l'un des commis-
saires de polict;, l'avait iuvilé à se rendre le jour des Rameaux
chez M, Gallien, lequel, après lui avoir dit de nommer pour
echevins les sieurs Coliuet et de Mauroy, avait ajouté « que
s'il y avoit lieu de rendre service à la cojnmunauté desdits
maîtres bonnetiers pour la taxe du droit de confirmation et
joyeux avènement, il le feroit de tout son cœur «.
Aux pelletiers-fourreurs, envoyés par Le Fevre chez Gallien,
celui-ci promit de leur rendre service, ou M. le lieutenant
parliculier, s'il se passait quelque chose dans hur commu-
nauté; puis il recommanda les trois candidatures, ainsi qu'aux
couvreurs et aux menuisiers.
A certains électeurs, Gallien avait seulement recommandé,
aux environs de Pâques, de ne pas s'engager pour la nomina-
tion des echevins, se réservant de leur dire en temps opportun
« ce qu'il conviendrait faire lors » (chaudronnier, ferblantier,
chapeliers).
Un autre chaudronnier et les chapeliers avaient été priés par
M. Huez, heulenant particulier et officier de poHce, de ne
point engager leurs suffrages pour l'élection du maire, promet-
tant de leur donner ultérieurement son avis. M. Tetel en dit
autant à un maître garde des teinturiers en bon leint, lequel
avait déjà reçu la mêmerecommandalion de M. Corps, conseil-
ler et officier de police.
Au maître garde des couvreurs, Huez avait dit de ne pas
engager son suffrage pour le maire, « qu'il pouvoit luy rendre
service soit dans les iffaires de sa communauté, soit en son
parliculier, et qu'il mauderoit incebsamment les maîtres
gardes de sa communauté ».
Aux brodeurs-chasubliers, le lieutenant criminel avait
seulement promis « qu'il leur feroit sçavoir le jour qu'il cou-
viendroit pour la nomination du nouveau maire » ; aux
406 UN CAS DE PRESSION ÉLECTORALE
menuisiers, il avait dit de ne pas engager leurs voix ; de même
aux drapiers drapans, à propos des échevins.
Les officiers du roi ne ménageaient guère les pas de leurs
protégés. C'est ainsi qu'un garde taillandidr, appelé une pre-
mière fois avec son confrère chez Gallien, qui leur recommanda
les candidatures Coliuet et de Mauroy, se vit de nouveau
invité, par les commissaires de police Fevre et Bouillerot, à
passer chez le sieur Remond. qui lui dit à son tour de se
rendre chez Gallien deux jours avant l'élection du maire.
On commettait aussi des méprises. Nicolas Guyol, à qui
M. Tetel, conseiller et officier de police, avait dit de ne point
s'engager, répondit qu'il n'existait aucune communauté d'ar-
muriers et qu'il n'avait conséquemment aucun suffrage à
donner.
Dieure, président et officier de police, dit à un maître garde
des tondeurs de draps, quelques jours avant Pâques, « que
l'on ne nommoit point de conseillers pour échevins, que l'on y
mettoit que des avocats on procureurs, qu'ils estoient bien
aise d'y entrer et qu'il nommast pour nouveaux échevins les
sieurs Colinet et de Mauroy » ; le déposant ajoute qu'on ne
lui a point parlé de la mairie.
Dieure s'était aussi mêlé d'appuyer les candidatures Colinet
et de Mauroy auprès des cordiers, des menuisiers, des dra-
piers drapans, qu'il fit venir le matin même de l'élection, et celle
de Gombaut aux tailleurs d'habits.
Pictory l'aîné, doyen des conseillers, avait fait venir les deux
gardes des potiers d'étain, par l'intermédiaire du cominissaire
de police Fevre. Il parait s'être contenté, après les avoir fait
revenir deux fois, de leur dire qu'on leur ferait savoir en temps
voulu ce dont il s'agissait. A un tonnelier, mandé chez lui le
31 mai, il avait dit de revenir le 9 juin « et qu'il avoit quelque
chose à lui dire » ; de même aux bourreliers et collerons. A un
garde des teinturiers de fil, soye, laine et colton, ainsi qu'à
ceux des épingliers, il avait recommandé Colinet et de Mauroy.
Telles sont les dépositions de la première journée de l'en-
quête, qui fut reprise le lendemain à sept heures et demie.
Cette fois, il semble que la mesure prise avait fait mettre les
meneurs sur leurs gardes. Presque toutes les réponses de la
deuxième journée sont négatives ; d'autres accusent une
certaine réserve qui prouve que les électeurs avaient été priés,
depuis la veille, de ne pas dévoiler les manœuvres auxquelles
ou les employait.
A TUOYES 407
Les charpentiers déposent que le sieur Tetel, après les avoir
entretenus des affaires de leur communauté, leur avait dit de
ne pas engager leur voix ; aux maréchaux, dans un premier
eulrelieu, il avait dit qu'il les renverrait chercher Irois jours
avant la nomination du maire.
Dieure, après avoir parlé aux mégissiers-parchominiers de
leurs affaires corporatives, avait demandé si on leur avait
parlé de la mairie ; sur leur réponse négative, il les avait pré-
venus qu'on leur en pailerait.
Les gardes boulangers disent qu'ils n'ont été sollicités de
personne au sujet des élections, « mais que ce jourd'huy,
ayant esté mandez par ledit sieur Dieure, président, il leur
auroit dit qu'il falloit laisser les suffrages libres ».
Un chaudronnier, un ferblantier, les épingliers déclarent
n'avoir vu personne qui leur ait demandé leur suffrage pour
la nomination du maire. Les savetiers, les cuisiniers, les pâtis-
siers, les tapissiers, tous (excepté les premiers) convoqués le
second jour, font la même réponse.
Les passementiers et ouvriers eu soie avouent avoir été
mandés par M. Huez, mais seulement au sujet des affaires de
leur communauté.
Un garde des selliers- éperonniers ne se cache pas d'avoir
volé comme on le lui avait indiqué ; il dit « qu'ayant rencon-
tré il y a quelques jours ledit sieur Gallien, il luy auroit dit
qu'il le remercioit de son attention au suiet desdits sieurs
échevins, et que s'il avoii besoin de luy il le manderoit ».
Tous les électeurs n'étaient sans doute pas aussi dociles, et
l'on prenait avec certains d'entre eux plus de ménagements.
Trois gardes des cordonniers disent ne rien savoir, « mais que
s'estant trouvés quelques jours avant Pasques chez Monsieur
Gallien , au suiet des affaires de leur communauté, il
leurs auroit demandé combien ils portoient ordinairement de
voix à l'hôtel de ville, à quoy ils auroient répondu qu'ils en
avoient quatre, et qu'à l'égard des nouveaux échevins ils
nommeroient s'ils jugeaient à propos lesdils sieurs Golinet,
etc. »
Il y eut bien aussi quelques rebuffades, dictées par la crainte
de se compromelire. Un maître garde pâtissier dit avoir été
appelé avec ses confrères, quinze jours auparavant, chez
M. Dieure ; ils n'y allèrent point, mais l'ayant rencontré
depuis, il leur dit qu'il les avait envoyé chercher pour le fait
des statuts de leur communauté et que s'il avait besoin d'eux
408 UN CAS DE PRESSION ELECTORALE
dans la qumzaiae, il les ferait avertir. Les deux coafrères
du déposant déclarent n'avoir été sollicités de personne et tous
trois refusent ensuite de signer leurs déclarations.
Louis Gouaille, maître garde des serruriers, dit n'avoir été
maudé de per.-onne, « mais que son confrère nommé Barthé-
lémy avoil engagé son suffrage pour la nomination d'un
nouveau maii'e et luy demandoil le sien, à quoi il auroit fait
réponse qu'il vouloit là- dessus consulter ses autres con-
frères ».
Un député des cordiers, un des tondeurs de draps, un des
épingliers, un des boulangers déclarent ne pas savoir signer.
Le procès-verbal du second et dernier jour termine ainsi:
« Desquelles déclarations lesdils sieurs Rolin, maire, et lesdits
sieurs Jeanson el Gouaut, échevins, nous ont requis acte à eux
octroj'é pour leur servir et valloir en temps et lieu ce que de
raison et ont signé.
» r^ierre Rolin, N. Jeanson, Gouault; — Cligny, Denesles. »
Un léger incident à signaler : Le premier jour, à huit
heures du malin, le nouvel échevin Colinet, pénétrant dans la
salle où avait lieu l'enquête, se déclare surpris que ses collè-
gues se soient assemblés sans l'en avertir; il interpelle le maire
à ce sujet. Rolin,, après avoir demandé si c'est là tout ce que
Colinet a à lui dire, affirme lavoir convoqué à la réunion et
signe sa déclaration. Colinet, qui avait é^^alement signé la
sienne, refuse de signer de nouveau, « de ce interpellé suivant
l'ordonnance ».
La lecture de ces deux pièces achevée, comme il était midi,
le Conseil s'ajourne à deux heures du tantôt pour prendre une
décision. Il n'y avait pas de temps à perdre, l'élection devant
avoir lieu le lendemain.
Réunis de nouveau à l'heure, fixée les conseillers, vu la
gravité des faits énoncés dans les procès verbaux dont ils ont
eu connaissance, décident d'ajourner la nomination du maire
jusqu'à ce qu'on ait informé le Conseil de la brigue de quelques-
uns des officiers de police. Les maire et échevins reçoivent
mission, par 9 voix contre 6, d'adresser des expéditions des
deux actes à Nos Seigneurs du Conseil.
C'est le 1 0 septembre seulement que l'on put procéder à cette
élection. Il avait été expressément indiqué que le candidat,
choisi parmi les conseillers de ville et nommé pour deux ans,
terminerait son mandat le 11 juin 1730.
A TROYES 409
Les conseillers émeltent im à un leurs votes. Piclory,
doj'^en, qui commence; donne sa voix au sieur Paillot, conseil-
ler de ville. GouauU, écheviu, donne la sienne au sieur
Dufour ; il prolesle coulre le vole de Pictory, disant que les
bourgeois ont la prétention que les officiers de police sont
exclus de la place de maire. Le procureur du roi intervient
pour déclarer qu'un arrêt du Conseil du 15 septembre 1577
aulorise les officiers de robe longue à remplir celle charge et il
ajoute que plusieurs ont déjà été nommés au bénéfice de cette
disposition.
Le vote se termine par l'appel des délégués des corporations,
et, finalement, le sieur Paillot oblient l'unaaimité moins cinq
voix (quatre à Dufour, une à de La Hupproye). Les bourgeois,
vaincjs. peuvent constater que les candidats agréables à
l'aulorilé royale ont eu raison de leurs timides protestations.
Il faut sans doute attribuer l'insuccès du candidat de la
bourgeoisie à la jalousie des communautés de la ville, qui
voyaient avec peine celle des ma chauds, ou plutôt la pre-
mière classe de ceux-ci, composée d'une trentaine d'individus,
accaparer presque toutes les charges municipales.
Les bourgeois s'adressèrent alors à l'autorité provinciale, et
le 22 septembre, M. Fagnier, subdélégué de Champagne, vint
présider une assemblée convoquée dans le but d'arriver à un
accommodement entre Messieurs du Bailliage et le Corps de
Ville. Il fut reconnu que les scissions et les brigues dénon-
cées venaient de ce que la balance n'était pas égale dans la
répartition des charges municipales. Un règlement en sept
articles fut dressé et accepté par les parties. Le nombre des
écbevins, qui était précédemment de huit, réduit à quatre par
arrêt du 22 juin 1704, fut porté à six, dont deux de robe
longue ; celui des conseillers, anciennement de vingt-quatre,
puis réduit à douze, fut porté à quinze, dont cinq de robe
longue, tous quinze admissibles à la place de maire, pour la
nomination duquel il fut dé'jidé de choisir d'abord deux nobles,
bourgeois ou marchands, puis un homme de robe longue, et
ainsi de suite.
Quelques détails restant à préciser, une nouvelle assemblée
du 25 septembre ajouta deux articles à cette réglementation :
1° les conseillers de ville nobles, bourgeois ou marchands
devront être lires du collège des anciens échevins natifs de
Troyes, suivant l'arrêt du 5 mai 159G, et choisis parmi les
plus anciens éligibles d'entre ceux-ci; 2" les huit notables non
échevins, appelés à la nomination des conseillers de ville, seront
410 UN CAS DE PRESSION ÉLECTORALE
natifs de Troyes et choisis parmi les titulaires de charges,
avocats, officiers de milice bourgeoise, directeurs d'hôpitaux,
consuls et autres de même espèce, députés à cet effet \
Avec un tel règlemeut, qui ménageait une place aux offi-
ciers du Roi tout en laissant la plus grande part à l'élément
bourgeois, chacun se déclara satisfait et parut l'être. , . jusqu'à
la prochaine querelle.
Louis MoRiN,
Typographe.
\. Reg. des délibérations municipales.
UNE
ÉGLISE RURALE
Du moyen âge jusqu'à nos jours
VILLERS-DEVANT-LE-THOUR ET JUZANCOURT
Son Annexe
Canton d'ASFELD (Ardennes)
Chapitre III
Registres paroissiaux, événements divers, notables
habitants, curés, chapelains et desservants, officiers
de justice, état-civil.
Avant la tenue régulière des registres actuels de l'état-civil,
c'est aux registres paroissiaux que nous sommes redevables
de toutes les indications précises qui nous restent sur le
mouvement de la population et la statistique locale. Les plus
anciens de ces registres en France datent du xv* siècle',
el leur existence est de même constatée dans la paroisse qui
nous occupe, pour l'année 1473, en ce qui concerne le bap-
tême des enfants séparément, selon les sexes''. Il n'eu subsiste
point de traces matérielles à Villers, car les plus anciens
registres conservés y remontent seulement à l'année lGo7.
Mais les noms des curés et desservants nous sont cependant
connus antérieurement à celte époque, tant par les procès-ver-
baux de visites analysés plus haut, que par le recueil des
prébendes du Chapitre de Reims. On voit, en effet, des
membres de ce Chapitre, qui était le principal décimaleur du
lieu, se succéder comme curés, au x\° siècle, et faire desservir
• Voir page 321, tome Vil de la Revue de Champagne.
1. Voir sur les plus anciens registres paroissiaux connus (I4t1, 1478),
l-'s renseignements donnés pai' M. l'ranklin, La vie privée d'aulrefois,
L'Enfanl, La Naissance, Le Baptême, Paris, Pion, 1895, p. 181-185.
2. « Agenda est nova, in qua Laplisma masculorum et baplisma i'emel-
larum sunl ab invicem divisa seu distincts. » Status decanatus Christiani-
talis de Sancli Germa,ni monte, 1473. Appendice I.
4 I 2 UNE ÉGLISE RURALE
la cure par des chapelains ou des curés voisins. Voici celle
liste à peu près complète, du milieu du xv^ siècle jusqu'au
second liers du xvi'= siècle.
1451. — « Jacobus Parvi, ténor Ecclesiae Remensis ;
Johannes Blondelli, deservieus*. »
1471. — « Johannes Couvent, canonicus Remensis. » —
Ce chanoine, gralitié de la cure de Villers-devanl-le-Thour,
était peu résidant, car on le voit entreprendre successivement
les pèlerinages de Saint-Jacques-en-Galice et de Jérusalem.
Il mourut à Rome en 148o, au retour de ce dernier voyage,
m.ais il avait précédemment résigné son bénéfice rural-.
1475. — « Guillelmus Remigii, curatus ; Bernardus seu
Barnabas Dubois, deservieus. »
1512. — « Johannes Cuuelli, notarius curiae romanee, cano-
nicus remensis ; Joannes Régis, deserviens. » — Résidant en
cour de Rome, ce notaire apostolique jouissait, outre sa pré-
bende au chapitre, des cures de Saint-Etienne de Reims et de
Villers-devant-le-Thour, d'un canonicat de Saint-Pierre de
Mézières, et d'un autre de fc^ainte-Balsamie de Reims, qu'il
obtint en échange de cette dernière cure. Il mourut en 1529,
à Reims, encore en possession de ses bénéfices^.
1. « Robertus Blondelli, alibi Blondel, aulhorilale ordiaaria 15 martii
1475, per demi&sionem seu resignationem causa permutationis cuin Joanne
Juvenali de Ursinis, ad capellam S" Jo. Bap'" in ecclesia parochiali de Vil-
lari ante Turnum. — Eral eliam canonicus S" Symphoriani. — Obiil cano-
nicus Remensis 27 feb. 1495, sepultus in anabitu processionis cum epitaphio
juxta locum dictum La plancheUe. » Dignitates Ecclesiœ melropolitanœ
remensis, ms.de Weyen, praebendd 63, fol. 338, verso
2. Consulter à la Bibliothèque de lîeims le recueil ms. de Jean-Herman
Weyen : « Dignitates Ecclesiœ inetropolilanœ Remensis, Prœbenda 44,
Johannes Convent, in propria aulhorilate ordinaria 13 sept. i471,per dimis-
sionem seu lesignationem causa permulalionis cum Petro de Brebaut ad
Capellam S*' Michaelis in ecclesia S"" Genovelte de Monte parisiensis. Obiit
Romae canonicus Remensis, regressus a ppregrinatione in Jérusalem, 13 feb-
ruarii 1483, ut cenificalum fuit capitulo, sed certius patet pro 12 julii. Jam
de sancto Jacobo in Gallicia Remos redierat, 7 junii 1484. Erat eliam cura-
tus seu pastor de Villari ante turnum, diocesis Remensis. »
3. Même recueil, Prœbenda 21. Johannes Cunelli, notarius juratus, curiœ
roraanae (ut legitur in fundatione Hugonis Cadi, Cott. BB. 1518), et in eadem
curia romana residens,per procuratorem authoritate apostolica29 mart. 1480,
per resignationem Hugonis Jacobi, nuper del'uncti. Legitur canonicus Eccle-
si.T Remensis et pastor S" Stephani Remensis, penullima 1492. Eral deca-
nus et canonicus S" Pelri Maceriensis, ac curatus seu pastor ejusdem eccle-
siae, necnon S" Stephani Remensis ac de Villari ante Turnum, in sua
receplione ad canonicatum et piœbendam Remensem 29 mart. 1486. Duas
prsebendasS'^Natricis possedit : 1"°, 4 feb. 15 11, pro qua dédit capellam suam
UNE ÉGLISE RURALE 413
1529. — « Pelrus Grossaiae, canonicus remensis. » Uains-
lant prévôl du Chapitre, Pierre Gro?saine uous paraît avoir été
le deraier titulaire de la cure uon résidant. Il dut :nème céder
proinpleaient uu béuéfice qui ne lui avait été accordé qu'à
regret, malgré sa prébende'.
Les curés uous apparaisseiil désormais avec mcatiou de
résidence'"; ils sont, pour le reàte du xvi" et le= suivants,
savoir :
1 ;i,3 1 . — Jacques Sallon.
1690. — Jean Lespez.
1595 — Guillaume Rousseau.
1631. — André Béglol.
1G40 environ. — Nicolas Nivaid, mort cuié vers IG 19, dont
l'épilaphe sera donnée plus loin.
1643. — Pierre Boizol.
1657. — Doiirguel, docteur en lliéologi.;, doyen de rfaiut-
Germainmont.
1663. — Philippe Barilly.
1670. — Pierre Vuilcq, mort curé en 1714, dont l'épilaphe,
conservée dans l'église, sera donnée plus loin.
1711. — Marc-Antoine Bidault, doyen de yaint-Germaia-
mont, chanoine de >ainlSyinp'norien de Reims en I"5i.
1754. — Robert Garez, ensuite curé de Sorbon.
17o5. — Jean François Aubriot de Boucourt. démissionnaire
en 1761 . — Rémi Polhier, desservant.
1761. — Nicolas Dumonl, docteur (n théologie, député du
S" Poucii prope Mourras (Macdas?), et 2"', 2'2 febr. 1328. pro qua deJit
curam de ViUari ante Turaum cum succursu de Jusaunourt. Obiil Remis
canonicus Remensis 3 jun. 1329. (Weyen, Dignilates Ecclesiœ melrupo-
litanœ Remeiuis, i" 240 verso, Ms. de la Bibl. de Ijeims.)
1. Capilulum remenfc. l'iœbenda 12 : Pctrus Grossaine, in jure canonico
baccalaureus, subdiacouus, per procuralorem autlioritale ordinaria, 28 maii
1529. I.icel c.inoiiico, collata ei fuit cura de ViUari ante Turnura Obtinue-
rat piœjosiluraiii Ecoles œ Remonsis, 93 sept. 1521, a qua evictus fuit pcr
Oudardum Grant l^aoul. Obiit lierais canonicus Re:nen>is 5 maii 157'2,
Sepullus iQ Capella cœineierii EcclesiîB parochialis S" Hdarii Remensis.
(Recueil ms. de Weyen, f" 224 verso. Bibl. de Reims.)
2. Les noms des curés de Villers, depuis 1531 jusqu'en 1049, nous sont
connus par une enquéle laite à la requête du Ciiapitre au sujet uu droit de
préciput attribué au curé, le 2 janvier l6.9 : .)]ém()i^c desdixmes de Villerx-
devanl .'e Tour, pour Messieurs du Cliapdrc de Reims, pièce de la liasse 1
du fonds du Chapitre aux Archives de Ucims, Dimes cl r(dcvances foncières
dues par Villers-devanl-le-Thour, 2 liasses.
41 i UNE ÉGLISE UURALE
bailliage de Vili-y -'e- François aux Elals-Géuéraux de 17^9,
inorl à Reims en 1806 \
Telle esl la liste des dix-huit curés connus pour les Iroi»
derniers siècles, et en les joignant aux six curés que compte
déjà le nôtre, on obtient un total de vingt-quatre noms pour
quatre siècles environ-.
Ce fut le curé Bourguet qui donna, en 1657, l'ordre au
maître d'école Ghollet de rédiger le plus ancien registre bap-
tislaire qui nous soit conservé. Son successeur, Philippe
Barilly, continua les mêmes ordres pour les mariages en 1669,
et dans la suite (vers 1675), la régularité des registres s'établit
pour les trois grands actes de la vie : le baptême, le mariage et
la sépulture, qui furent constatés, d'une manière aussi authen-
tique que possible, selon les usages de l'époque. En dehors de
ces actes, nous n'avons rencontré, sui les registres, aucune
note historique proprement dite, aucune relation d'événe-
ments contemporains, comme on eu trouve ailleurs de si
curieux exemples. Mais, dans la teneur des actes eux-mêmes,
ULie infinité de curieux détails et de traits de mœurs appa-
raissent, et nous les avons relevés, cités parfois même
textuellement, S3,ns prétendre avoir réussi à tout approfondir
dans un examen trop rapide.
En premier lieu, nous avons mis en relief les professions,
pour les gens de justice 3, les chirurgiens^ et les maîtres
d'école, en même temps clercs paroissiaux^. Les gens de
métier : charrons, laboureurs, hostelains, couvreurs, meu-
1 . Voir sur la Vie de Nicolas Dumont, la notice biographique publiée
dans la Revue de Champagne cl de Brie, années 1884 et 1885.
2. Voici les noms de MM. les curés-desservanls qui se sont succédé
depuis le Concordat : 1802, Louis- Joseph Bucquoy. — 1828, G.-L. Fran-
quet. — 1853, Joseph-Léon Tarpiu. — 1858, Jules Surot, actuellement
aumônier de l'Hôlel-Dieu de Reims. — 1879, N. Roze, actuellement curé
d'Apremont. — 1892, Alfred Chevalier, curé actuel.
3. Lieutenants, procurew) s et sergents en la justice : 1687, Oudart Bour-
daire. — 1G89, François de Chery — 1691, Arnout Roger. — 1717, Joseph
Dejardins. — 1732, Nicolas Frillieux. — 1764-, Paul Le tioy. — 1767, Gilles
Gacoin. — 1773, Bardin.
A. Chirurgiens : 1694, Jacques Bardin. — 1712, François Meuuier. —
1718, J.-B. Féart. — 1721, Gérard Renard. — 1738, Ladoucc. — 1754,
Jacques Bevière. — 1764, Paul-Alexandre Carlier, ancien chirurgien des
armées ilu roi.
5. Maîtres d'école et clercs : 1G57-96, Henri Chollel. — Marlin Deseile.—
1704, Joseph Crinon. — Marache. — 1709, Jean Trousset. — 1743, Mar-
teau. — 1780, Claude Itogier. — 1791, Jacques Michaut — 1793, Pierre
Petit.
UNE ÉGLISK KUUALK 41a
uier^, etc., soûl dou moins iinporlanls à ciler. Peu de noms
nobles soûl à signaler; on' Irouve plutôt trace de bourgeois
notables de Reims, de Châleuu-Porcien et de Rethel. de plusieurs
étrangers de passage, militaires, prêtres, religieux ou simples
voyageurs. Quelques accidents, des morts subites, un crime
d'assassinat, en 1773, viennent rompre la monotonie des for-
mules. A Juzancourl, nous notons, en 1773, la naissance de
trois enfants jumeaux, morts peu a[)rès. En 1733, à Villers,oa
avait pratiqué l'opération césarienne. D'autres faits locaux se
produisirent, dont le souvenir s'e^t pi rdu, et qui revivent dans
notre tableau d'ensemble'.
Plusieurs particularilés légales font éclater le rôle double
joué par le curé sous l'ancien régime, dans la rédaction
des actes : eu outre de sa mission propre de ministre des
sacrements, il agissait comme officier public, soit pour faire
observer les ordonnances royales sur les consentements requis
pour la validité du mariage, soit pour surseoir aux inhuma-
tions ea cas de mort violente ou d'intervention de la justice,
soit même pour recevoir de la mère la déclaration du père de
l'enfant dans les naissances illégitimes. On verra des exemples
de ces différentes attributions dans l'analyse des registres que
nous produisons.
Aussi, lors de la création de l'état-civil moderne, en 1792,
voyons-nous à Villers le curé Nicolas Dumont conserver
ses fonctions et sa qualité de rédacteur officiel des actes civils,
alors même qu'il cesse de les rédiger comme curé. Investi par
les votes des habitants de ce titre « d'officier public », il
adopta les formes légales dans les registres de la commune, et
poursuivit en même temps à l'église son ministère sacré avec
l'accomplissement des règles ecclésiastiques. Néanmoins, par
suite des terribles événements qui se précipitaient et allaient
supprimer momentanément toute pratique du culte, ce dua-
lisme ne pouvait durer longtemps, quelle que fût la bonne
volonté réciproque manifestée de part et d'autre au début de
la Révolution, i-'autorité civile poursuivit seule la tenue
des registres civils, et la célébration publique des sacrements
ne reprit librement son cours qu'avec la paix des consciences,
assurée par le Concordat. Chacun recouvra sou domaine et,
depuis bientôt cent ans. nous jouissons de cette paix reli-
gieuse dont le besoin nous parait plus indispensable que
jamais.
1 . Voir le détail de tous ces laits dans l'appendice X.
416 UNE ÉGLISE RURALE
Comme complément aux procès-verbaux de visites et aux
registres paroissiaux, nous donnons ici quelques renseigne-
ments sommaires extrait? des registres communaux, sur l'état
de l'église de Villers pendant la Révolution, et sur la
façon dont elle fut réparée pour la reprise du culte public eu
1802'.
Le !'''■ janvier 1793. avait lieu ladjudicalion des cloches
pour trois ans, au profit des citoyens Moreau-Piot et Lapie,
moyennant 46 livres 5 sols de location, ce qui indiquait la
continuation des cérémonies religieuses'. Ce n'est que plus
lard, au .8 floréal an II, que les décades rem [ilacenl officielle-
ment le dimanche, d'après la déclaration qui en est fiite
au curé, Nicolas Dumout, qui était déjà parti de sa paroisse et
n'y revint point^. Le 2 veutôs- même an II, la crofx du clo-
cher est descendue sur les ordres du district do Rethel, et nous
voyons, le 30 pluviôse, que le comité de surveillance tient ses
séances « à la maison commune ou à l'église ». Néanmoins, à
la même époque, le 7 pluviôse, le conseil de la commune
déclarait « d'après la loy qui élaLlil la liberté de tous les
cultes, que la commune entendoit conserver celuy qu'elle
a toujours suivi*. » Cette déclaration formelle indique ijuc la
suspension absolue du culte, en 1793-94, fut d-; courte durée
à Villers, mais il est probable que les fonctions relii:ieus(>s n'y
furent point régulièrement exercées de 1795 à 1800, en l'ab-
sence d'un curé résidant^, et au milieu des péripéties qui
affectaient l'église aux séances décadaires, peut-être même à la
fabrication du salpêtre. L'édifice n'était point d'ailleurs cntie-
lenu durant cette période; son mobilier fut pillé et saccagé,
comme on en juge par les restaurations devenues indispen-
sables quelques années plus lard.
Ce fut, en effet, de l'an XI à l'an XIII (1801-1804), une série
1 . Les archives communales de ViUers-ilevaut-le-Tliriur couservenl les
registres des délibérations de la inunicipalilé, depuis le 15 février 1792, et ils
se suivent presque sans lacunes pendant toute la période révolutionnaire.
On y trouve d'utiles œentioiiS sur les réquisitions et les faits de j^uerre de
l'époque.
2. Registre D', folio 31 recto.
3. Registre D'', folio 39 recto, l.e p^esbj'iè.e fut vendu ensuite.
4. Même registre, folio 6 verso.
5. Ou trouve dans le registre municipal, à la date du 8 thermidor an VIII,
le serment du citoyen Gérard-Pierre Petit, exerçant les fonctions de ministre
du culte catholique à Villers. Il était eu même temps instituteur. H gtslrt;
D', folio 1. — Le 12 vendémiaire au IX, li; citoyen IJIou 1, prêtre
à Gomont, a déclaré vouloir exercer le culte à Villers. Ibidem, folio '29.
UNE ÉGLISE RUJIALK 417
de mesures de reslilulious ', de réparations ou de travaux
divers pour rélab'ir l'étal de choses aucieu, dont les habitants
ne s'élaient poiut déshabitués-. La f réfection des vitres par
le citoyen Hussou » est votée an prix de 200 francs^ ; un nou-
vel ameublement et des ornements çont acquis pour 500 fr.,
le tout aux dépens du budjjct communale Enfiu, la succursale
est établie et un presbytère racheié eu lemplacement de celui
qui avait été aliéné^.
Ou juge, par ces détails, du hou vouloir manifesté de toutes
paits in vue du rétablissemeiil du culte, ([ui restait l'un des
besoins essentiels de la population, sous le nouveau régime
comme sous l'ancien.
Chapiti<e IV
Description de l'église de Villers, ses dimensions,
ses réparations modernes et son état actuel.
Nous avons iuditjué dans les précédents chapitres tout ce
qui concerne l'origine de l'édifice et sa description au point de
vue historique. Nous allons y joindre lesdéiails nécessaires à
la connaissance exacte de ses dimensions, de ses diverses
1. Six frimaire an XI. — Reprise, par la fabrique, de la grande armoire
qii vient de la ci -devant fabrique, que les habitants demandaient, vu le
besoin que l'on en a à l'église pour resserrer les ornemens destinés au culte
catholique. — Le Conseil a consenti. — Registre D^, l" 10 ver^o.
2. liéparations à faire à l'église. Délibération du 25 germinal an XI. —
Lettre du Préfet relative aux réparations à faire aux bâtiments destinés au
cu'le catholique, ainsi qu'au logement du ministre du culte. — Les vitres
de l'églises seront réparées, ainsi que les murs du cimetière. — Il est décidé
qu'un presbytère nouveau sera acquis au prix d.; 2.4il0 fr., à la charge des
habitants et à l'égalité en chaque chef de famille. Ibid., f" 13 verso.
3. Même Hegislre, folios 12 et 14.
4. Budget de l'an Xl, f" t.' bis verso. « N jta — le Conseil obseive
qu'il serait urgent d'avoir des ornemens pour le service du culte, vu qu-î ceux
qui y sont n'appartiennent pas à la commune, et qu'il faudrait une somme
de 600 fr. pour avoir les choses les plus nécessaires. » Vote pour l'ameu-
blement. '
5. Le 7 fructidor an XII, f"' 15 et suiv. Rétablissement de la succursale
de Villers et Ji.zancourl. Le prêtre qui la dessert est Louis-Joseph Buquoi.
La commune de Juzanc-uit lui est réunie de tems imnéraorial ; acquisition
à faire d'un presbytère à frais communs'. Projet on attendant pour la location
de l'ancien, moyennant 80 fr. par au. Le Conseil de Juzancourt refuse d'y
participer, Burtin, maire. — Séances des 8 venléiniaire an XIII et 11 fri-
maire an XIII, sur le même sujet.
27
•lus UNK lilULISK KUliAl.li
ré[)ai'aUoiis coulein[)oraiiies cl do >o;i éUiL actuel a'.i pjial ilo
vue de l'archéologie.
Voici d'abord les mesurais principales du rnoiiumeui ' :
Longueur totale à l'intérieur : 28 mètres.
Largeur totale jusqu'au trausept : L2 mètres.
Hauteur sous le plafond et la voùle : S'"oO environ.
Bras sud du transept : 5 mètres sur 4"'o').
Bras nord du trausept : 4 mètres sur 4 mètres.
Carré du transept (chœur) : 5 mètres sur 5 mètres.
Chevet (sanctuaire) : ■'> mètres sur 4'"b0.
Longueur de la net' [)riucipale : l« mètres.
Largeur de la nef principale : i)"'33.
Hauteur des bas-côtés : 4"'7o.
Largeur des bas-côtés : 2"'50 environ.
Si nous parcourons ensuite les différentes parties de l'édi-
fice, un rapide examen nous fera juger de ce qu'elles présen-
tent d'intéressant.
EXTÉRIEUR
Poriail. — La porte, dont nous reproduisons l'aspect, a
gardé toutes ses lignes d'architecture de la fin du xii° siècle
ou du commencement du xiii% sauf le tympan enlevé pour y
placer un vitrail vers 185u. Le porche qui précédait le portail a
disparu, probablement au xviii° siècle, mais la saillie de Tar-
chivoite et des colonnes sur la muraille indique qu'il' faisait
corps avec elles et qu'il protégeait l'entrée de l'église contre
les intempéries. Sa démolition a certainement contribué à
l'état fâcheux de dégradation où se trouve le portail depuis
longtemps déjà. Peu de mesures ont été plus préjudiciables à
la bonne tenue des églises que l'enlèvement presque général
des porches de nos contrées. Ce ne serait pas une raison pour
démolir aujourd'hui le portail, mais il serait nécessaire de le
consolider à l'aide de ciment, de refaire le tympan de la porte
et de recouvrir l'ensemble par un auvent en charpente qui
rappellerait l'ancien porche.
La fenêtre ouverte au-dessus du portail n'est plus l'ancienne
baie : c'est une fenêtre démesurément agrandie, sans doute
Vers lii'jO, pour donner dans l'église un jour plus abondant,
alors qu'on venait de boucher les fenêtres latérales de la nef
1. Elles sout empruiUées à la stalislitiue de la paroisse dressée vers 1854
par M le curé Tarpin, et couservée dans les papiers de la cure.
UNE EGLISE UUUALE i 1 0
par 1 exliaufcbemt'ul de ki loiUire des bas-colés. Il sérail 1res
heui\ux de la ramener à ses proportions primitives'.
Le portail est un bon modèle de style gothique primitif :
l'archivolte qui encadre le tympan forme un arc légèrement
brisé et se compose de six tores reposant sur aulaut de
colonnetles engagées. Du côlé gauche, les trois colouuettes du
fond sont munies de chapiteaux à crochets et la face du devant
ornée d'une figure autour de laquelle s'enroule un monstre
informe (très mutilé)-. — Du côté droit, apparaissent entre les
crochets des chapiteaux plusieurs figures grotesques en plein
relief : serpents ou guivres, tète humaine, et à l'extrémité
homme debout combattant avec un limaçon sortant de sa
coquille, scène bizarre où il ne faut voir qu'un caprice du
sculpteur \ Malheureusement, comme nous l'expliquions plus
haut, ces morceaux curieux sont en partie frustes, la pierre
est effritée, les colonnes sont par endroits démontées et leurs
bases brisées
Les deux vantaux de la porte datent du xvii*" siècle, ils
sont solides et eu bon étal ; ou y remarque la poignée et les
clous en lôle tleuronnés qui décoient le milieu et les angles
des panneaux. Aussi, doit on fouhailer le maintien de celle
porte, si jamais le portail est modifié'.
Deux contreforts à trois ressauts soutiennent les extrémités
de la muraille; le pignon est percé au sommet d'une ouverture
carrée sans caractère qui éclaire les combles, et la toiture
recouvre la maronnerie du pignon sans traces d'architecture.
Une rangée de raodillons en consoles supporte la corniche au-
1 . Oa les retrouverait dans celles de la fenêtre qui surmonte le portail de
leglise de Saint-Gernaainmont, ladite fenêtre restée dans sa fornie prinoitive
du moyen-âge, bien que l'on ait refait le portail lui-même sans style ni
caractère ancien vers 1825.
2. Malgré son état de mutilation, on pourrait conjecturer que ce monstre
est un démon enlevant un personnage ayant une bourse à son cou et ligu-
ranl l'Avarice.
3. On a voulu trouver une image de la lésurrection des corps dans la
Bgure du limaçon sortant de sa coquille, mais il serait difficile dexpliqaer
ensuite le combat de l'homme avec cet animal. 11 y eut à toutes les époques
du réalisme et de la fantaisie dans les décorations d'église, ce qui exclut la
possibilité d'y voir sùremeni des allégories mystiques et pieuses. Cf. le
liéperloire archéologique de l'arrondissement de Heiins, fascicule IX, can-
ton d'Ay, 1892, église de Bisseuil, p. 135-37.
4. On conserve à la mairie uo plan de reconstruction totale du portail
en style gothique, dressé par M. Duchesuoy, architecte à Mézières, en
1878.
420 UNE ÉGLISE RURALE
desfous de la loilure sur les deux faces latérales de la nef
principale. Les fenêtres sont complètement recouvertes par les
toitures en appentis des basses-uefs.
Bas-côtés. — Les anciens bas côtés ont élé refaits, élargis
et exhaussés à la fin du xvii'' siècle, comme l'indiquent la date
de 1696 sur le dernier contrefort au nord, et celle de 1691 sur
une inscription de la muraille du côté oppo-é, à l'angle sud-
ou?sl de l'église, à 3màO de hauteur. On y lit cette mention,
en lettres majuscules bien effacées, sur une pierre de 0,22 de
hauteur sur 0,48 de largeur :
AN LANE 169...
ON MA REFAI ..
LE DEVX A
Les trois ligues sont à leur extrémité mutilées et incom-
plètes.
Presqu'au-dessous de ce texte, l'œil de l'archéologue décou-
vrira aussi dans les moëllous de la muraille, à î"^ de hauteur
au-dessus du sol, un débris assez intéressant de sculpture
romane. On distingue sur ce fragment en pierre dure neuf
petites colonoettes formant une sorte de balustrade. (Hauteur,
0,22 Largeur, l'^lS). On a pensé y voir une portion de linteau
ou de retable ; nous croyons qu'il pourrait provenir d'anciens
fonts baptismaux carrés du xi'^ siècle, dont il formait l'un des
côtés. Cette supposition est d'autant plus admissible que
l'église ne possède plus son ancienne cuve baptismale qui aura
été brisée dans les désastres causés par les guerres de la
Fronde, et que l'on remplaça par des fonts sans aucun carac-
tère. On aurait employé dans la construction des bas côtés un
morceau jugé sans valeur de la cuve primitive'.
Les bas-côtés, sur les deux faces latérales, sont percés de
quatre fenêtres en arc légèrement brisé et d'une porte carrée
surmontée d'une petite niche cintrée. Ces niches sont vides, et
l'auvent en charpenté qui protégeait chaque porte a disparu
en notre siècle. Les vantaux ont survécu, bien qu'ils aient
été modifiés et coupés en deux dans la hauteur; ils sont sem-
blables à ceux du portail prmcipal et encore munis de clous eu
lôle fleuronnés d'un dessin régulier et élégant.
Une toiture en tuile recouvre les bas-côtés, et sous celte
1 . Les fonls actuels, au bas du oollaléra! nord, sont formés d'une cuve
octogone reposant sur un pied de même date, le tout sans moulure ui
sculpture.
y.
UNE ÉGLISE RURALE 421
toiture règne une corniche avec modillons semblables à ceux
de la nef principale.
Bras nord du transept. — Celle partie de l'église est
conlemporaine de la nef et du chevet; malheureusement elle
a été construite en matériaux tendres et peu ré-islanls sous
l'action des intempéries ; le sommet du pignon a été recons-
truit de nos jours sur l'ancienne muraille trop faible pour en
supporter le poids malgré les quatre contreforts d'angle. Aussi
la voûte faiblit à l'intérieur. La face vers le nord est percée
d'une fenêtre assez haute en arc brisé, celle vers l'est l'était
d'une fenêtre semblable qui a été bouchée et la baie fut refaite
récemment, en 1880, au milieu du mur pour donner plus de
régularité à la chapelle. Le manqua de symétrie de celle
fenêtre avait élé occasionné par la présence d'une tourelle à
pans coupés dans l'angle du croisillon et du chevet; il a fallu
rapprocher de très près la fenêtre de celte tourelle dans laquelle
se trouve l'escalier à vis conduisant aux combles.
Bras sud du transept. — De ce côté, la construction offre
une meilleure qualité de pierre et plus d'élégance dans l'archi-
teclure qui est celle de l'époque gothique flamboyante, proba-
blement du début du xvi* siècle. Le sommet du pignon a
cependant dû êh-e refait de nos jours comme celui du croisillon
nord, mais les deux fenêtres à un meneau ont conservé
presque intact leur encadrement ancien . Une sacristie a été
appliquée en 1831 sur le mur vers l'est, et sa toiture obï-truait
de ce côté la fenêtre qui a été rouverte en 1875 lors de la déco-
ration intérieure de la chapelle.
Le croisillon sud, bien que construit au xvi« siècle, est sou-
tenu aux angles par un double contrefort comme au xiii*
siècle .
Chevet. — Le chevet se termine carrément par un mur
plat; ce mur est percé de deux fenêtres accolées en arc
brisé, depuis longtemps murées, et au-dessus dune rosace
à huit lobes d'un bon dessin gothique. Le sommet du pignon,
ruiné à plusieurs reprises, a perdu tous les caractères de son
architecture; il est dominé, depuis 1860, par le campanile de
l'horloge. Un double contrefort soutient le chevet aux angles.
Les murs latéraux étaient percés de part et d'autre d'une
fenêtre étroite à lancette ; ces baies ont été agrandies et trans-
formées en fenêtres d'un style différent ; au sud à l'époque et
dans le style de la Renaissance, et au nord en 1880 dans le
style du xiii° siècle.
422 UNS ÉGLISE RUl'.ALE
INTÉRIEUR
Nef principale. — La nef comprend cinq travées, dont les
arcades en arc brisé sont d'une architecture très simple ; elles
reposent sur d'épais et massifs piliers rectangulaires n'offrant
aucune trace de sculpture et ne portant qu'une large moulure
à l'imposte; en outre, chaque arcade est surmontée d'une
fenêtre assez élancée et ébrasée eu arc brisé.
Les fenêtres hautes ont été toutes bouchées, il y a deux
siècles environ, mais celles de la première travée près du tran-
sept viennent d'être fort intelligemment rouvertes en 1894 ;
elles rendent une lumière fort appréciable dans cette partie de
l'édifice.
Le plancher qui recouvre la nef dans toute son étendue a
été enduit de plâtre, ainsi que plusieurs parties des murailles
disjointes et délabrées. On est parvenu ainsi à rendre à l'en-
semble un aspect régulier et uniforme '.
Les bas-côtés n'ont aucun style ni décoration ; les plafonds
sont également enduits de plâtre ; ils sont éclairés par des
fenêtres symétriquement disposées.
Transept. — Le carré du transept, comme le croisillon
nord, est voûté d'ogive avec doubles nervures arrondies repo-
sant sur des faisceaux de colonnes munies de chapiteaux, la
plupart à crochets-. Entre la nef et le transept s'ouvre une
grande arcade en liers-point, garnie de plusieurs tores reposant
sur des colonnes avec chapiteaux gothiques.
Ces colonnes tronquées à mi-hauteur et reposant sur des
consoles oui été refaites en 1880, lors des travaux de décora-
lion entrepris par la maison Bulteau, de Reims. Un crochet se
voit encore au sommet de l'arc, c'était le point d'attache du
Christ de l'arc triomphal, reposant au bas sur la poutre
[trabes doxalis) fixée à la hauteur des chapiteaux et qui a
depuis longtemps disparu.
lia voûte du croisillon nord est semblable à celle du carré du
transept, saufque les nervures sont simples et retombent, deux
sur des colonnes, deux sur des consoles fort simples. Celte
1. Le tou cru du i)làlre fsl cepeudaiU d'un fâcheux contraste avec
l'architecture, et à notre avis, il vaut toujours mieux voir la pierre des murs
qu'un enduit, de même qu'il vaut mieux laisser un plancher apparent avec
poutres que de le plafonner.
2. L'un de ces chapiteaux à l'auf^le du chœur et du croisillon nord oH're
une figure bizirre du genre de celles du portail, ce qui établit clairemen '
l'unité de conslciclion de l'édilice entier.
KC.I.ISK 1)1': VILI.KlîS-DEVAXT-LE-TIIOUll
J'Iiin jiar terre
f.NK EGLlSlC RTR M.K 'il?,
voùle menace ruiue vers le nord, une fissure s'esl produile
réi-emment à sa reuconlre avec le piLînon surchargé au som-
met et non consolidé à la base, co-mmc nous l'expli.iuionsplus
haut'. Une arcade en tiers-point, repo-.-ml sur des piliers
ma=sifs, faii communiquer le carré du lran>epl avec le croisil-
lon nord.
Le croisillon sud communique avec le carré du transept par
une arcade plus élevée cl moins massive, qui indique le point
de jonction de l'archilecturc du xin° siècle avec celle du xvf .
La voûte est soutenue par des nervures qui retombent dans
les angles des murs et se continuent jusqu'à la base sans
colonuettes ni chapiteaux. Les deux fenêtres flamboyantes,
percées vers Test et le sud, ont gardéleur encadrement et leurs
lobes ou remplages anciens, sauf à la fenêtre qui surmonte
l'autel dont le meneau central est moderne.
La plus jolie décoration de cette chapelle est la piscine qui
se voit au mur latéral, près de l'autel. L'ouverture de la niche
est surmontée d'un arc eu accolade avec sculptures ajourées et
galerie au sommet. Bien que certaines parties soient mutilées,
l'ensemble a gardé son aspect d'élégance et reste un beau
spécimen de la dernière période gothique.
Dans son état actuel, le transept sert à trois divisions : le
carré, ou partie centrale, est occupé par le choeur contigu à la
nef et bordé de stalles sur les côtés ; le croisillon nord forme
une chapelle sous le vocable actuel de iSaint-Remi- ; le croi-
sillon sud forme une autre chapelle sous le vocable de la
Sainle-Vierge\ 11 est peu probable que ces destinations soient
jamais changées, car elles répondent à une bonne distribution
de l'édifice.
1. De tolides tirants en fer sulûraient peut-être à consolider la voùle et à
maintenir l'écartemenl des murs. Il y aurait lieu aussi de faciliter au dehors
récoulemenl des eaux qui depuis longtemps pénètrent dans les fondations,
Celle recomuiandatiDn était di^jà faite en 1850, lors de la visite de TégUïe
par M. Jean Hubert, inspecteur des monuments historiques du déparle-
menl.
2. li'ancien vocable était celui de la Sainte- Vierge, suivant le procès
verbal de 1631 (voir appendice VII). — Le vnaable de Saint-Uemi est tout
moderne, car aulrtfois ou ne donnait jamais le vocable du palro:i à une
chapelle latérale, l'uuiel qui lui était dédii; étant le mailre-autel. Ci;l usa;<e,
assez répandu de nos jours, devrait être réformé jiar une juste reslilulion
des anciens vocables hiîtori()ues.
3. L'ancien vocable était celui de Sainl-P'iacre, dont une statue moderne
se voit encore au bas de la nef, ce qui jusiide la permanence du culte de
ce saint à V'illers; nous o ignorons l'ori^^ino.
424 UNE ÉGLISE RURALE
Chevet. — L'; chevel coatiaue, sur les mêmes proportions
de hauteur et de largeur, le carré du transept que nous venons
de décrire. La voùle est exactement la même, sauf la clef qui
est très simple au transept et se trouve décorée de rosaces et
de fleurs de lis dans l'unique travée du chevet. La muraille du
fond est percée d'une rosace gothique dont les lobes du bas
sont masquées par un haut retable du xvii* siècle que nous
décrirons plus loin, et les murs latéraux sont percés de fenêtres
à un meneau décrites à l'extérieur. Nous devons rappeler
toutefois la gracieuse décoration sculptée en relief sur le cintre
de la fenêti'e Renaissance du côté de l'Epitre : on y voit des
têtes d'apôtres, des pointes de diamant, des qualrefeuilles et
des têtes d'anges dans .lulaut de compai timents formant cais-
sons. L'ne double ligne de filets descend sur les pieds droits.
fjC chevet presque carré forme le sanctuaire, dont l'autel et
f^on retable occupent majestueusement le fond, il est garni sur
les côtés de boiseries de peu d'élévation qui ne cachent aucune
ancienne décoration gothique, comme arcature ou piscine. Les
murs sont absolument nus, comme ou l'a constaté lors des
réparations exécutées en 1880 Les bases des colonnes^ ont été
alors refaites en parfaite conformité avec le style de l'édifice,
et la fenêtre latérale du côté de l'Evangile agrandie comme on
la voit aujourdhui.
Pour mieux juger des modifications peu importantes opérées
de nos jours et comparer l'état de l'édifice à un demi-siècle
d'intervalle, nous donnons ici la description que M. Jean
Hubert écrivit à la suite de sa visite d'inspection en !850. A
cette époque, sous l'influence des idées rénovatrices en
matière d'art et de retour universel à l'architecture gothique,
l'autorité administrative et l'autorité diocésaine s'émurent de
concert en vue de connaître et de sauvegarder tous les monu-
ments dignes de fixer l'attention des archéologues. Les églises
de village furent décrites, et des travaux utiles entrepris sur
plusieurs points en vue de consolider les plus intéressantes.
Ce mouvement si heureux s'est continué jusqu'à nous.
Voici le procès-verbal qui concerne l'église de Villers-
devant-le-Thour, classée dans la deuxième catégorie des
édifices du déparlement des Ardennes :
« Statistique monumentale du département des Arden-
nes. — N° II, Monuments historiques 'proprement dits, par
M. Jean Hubert, professeur au collège de Charleville, mem-
bre correspondant de l'Académie de Reims, inspecteur des
raonumeuls historiques du département.
UNE EGLISE RURALE 425
LVIII°, - Villers-devant-le-Thour.
« Eglise de style ogival du XlIP siècle. La nef, les tran-
septs ', le chœur, le portail et la tourelle doivent être regardés
comme les parties importantes du monument.
« Celte église cousisle en une nef principale à cinq travées
ogivales, reposant sur des piliers carrés sans ornenaents, et en
deux bas- côtés. Les petites fenêtres ogivales quiéclairaientlanef
ont été bouchées. Deux transepts voûtés en ogive avec nervu-
res arrondies. Celui de droite est percé d'une belle fenêtre ogi-
vale à un meneau. Chœur ogival terminé carrément; nervures
semblables à celles des transepts. A droite, une fenêtre ogi-
vale à un meneau ^ Les piliers des transepts ont été mutilés.
Ceux du chœur sont mullicolonnes avec chapiteaux à cro-
chets ^ La façade de cette église contenait une belle fenêtre
ogivale à meneaux et vitraux peint?. Toutes les sculptures en
ont été détruites. On remarque encore çà et là quelques
fragments de vitraux'*. Portail ogival avec voussures à bou-
dins, reposant sur des colonuettes accolées avec chapiteaux à
figures bizarres, tels que guivres. lézards, etc. Contreforts
simples. A gauche dj l'abside, une tourelle à trois pans,
crénelée. Le portidl est en fort mauvais état, ainsi qu'une
partie des murs et des contreforts". »
Depuis le passage de M. Jean Hubert, des travaux d'assai-
nissement ont été exécutés en 1855 à l'angle du transept et du
bas-côté nord, et l'on a remédié, autant que possible, à l'aide
du ciment, aux efTets de l'humidité sur la muraille de l'église
qui est en contre-bas de ce côté. Plus tard, en I80O, le pignon
du chevet et ceux des transepts furent consolidés ou refaits en
partie. Les murs des nefs latérales, les toitures, la façade vers
l'ouest occasionuèreut aussi de fréquentes réparations. Le
clocher nécessita une réfection entière, comme nous le relate-
rons au chapitre qui le concerne. Enfin, en 1875, eu 1880 et
1. M. Jean Hubert qua'ifie ainsi les bras du transept ou croisillons.
L'église de Villers n'a qu'un seul transept.
2. Erreur, c'est une fenêtre de la Renaissance.
3. Ces chapiteaux ont été réparés lors de l'enlèvement des hautes
boiseries en I88O.
4. Nous pensons que les débris de vitraux anciens qu'a vus M. Jean
Hubert provenaient des fenêtres hautes de la nef et avaient été employés à
vitrer la giaude baie du portail. Ces débris ont tous disparus lors de la
pose du vitrage actuel vers 1835.
5. Travaux de V Académie de Reims, 1853, t. XVII. p. 258-59.
420 UNE ÉGLISE BUKAI.E
eu 1894, riiilérieur fui assaini, réparé el embelli à laide de
legs ou de crédits imputés sur les res.'^ources de la Fabrique.
L'avenir réalisera d'autres améliorations, nous eu avons
Tassurance, et elles s'annoucenl avec un caractère d'urgeuce
lanl au portail qu'au croisillon nord. Mais, là comme ailleurs,
il conviendra de ne rien détruire à la légère, de maintenir les
sculptures anciennes qui pourront être sauvées, el de se sou-
venir que les vieux monuments ont la vie dure lorsqu'on sait
les enlreleuir au moment voulu dans leurs parties essentielhs,
les toitures el les fondations. Point n'est besoin alors de beau-
coup d'argent, mais de beaucoup de soius et de précautions.
(Jhapii'ke V
Mobilier et œuvres d'art des églises de Villers
et de Juzancourt.
Si haut que Ton remonte dans le passé, on rencontre des
œuvres d'ail exécutées pour les églises rurales. Le culte, à cel
égard, n'a cessé de provoquer eu tous lieux une émulation
féconde pour le développement du travail artistique el sa pro-
tection. Les procès -verbaux de visile du xv^siècle nous ont
montré la présence, dans nos modestes églises, de vases
et d'ornements qui devaient avoir quelque valeur. Au xvi"
siècle, nous avons trouvé trace de la confection d'une œuvre
de sculpture sur bois, dans le goût de la Renaissance, et les
termes du marché nous renseignent sur ce que devait être celte
clôture du chœur '.
Au xvii*^ el au xviii'^ siècles, bien i|ue l'on dédaigne ou que
l'on détruise trop souvent les plus belles productions de
l'époque gothique, on s'ingénie à produire des œuvres remar-
quables-. Ce sont, eu particulier, des autels avec retables gar-
1 . Le 9 sepleuibre 1541, devaul Jacques Aiifiier :
« Gobia Terre, menuisier ù Reiciis, marchande à Jelian lieuvry, aussi
menuisier à Reims, de faire par icelluy Terre la clausiue du cueur de l'église
de Villers devant le Tour, selon qu'elle ett baslie par ledit Beuvry, et icelle
faire selon le devis de moderne et lasson fiançoiàe dont ledit Terre dit eslre
certain ... à rendre pour le jour de Nol prochain, moyeuu' 110 sols tour-
nois. Et ledit Beuvry sera tenu de la nourriture dudit Terre. » (Minutes de
M" Mandrcn, notaire à 'Reims. Voir l'appendice II.)
2. Le 12 mars 1786 : « La Fabrique de la paroisse de Villers-devant-ie-
Thour a aussi un revenu honnête el plus que sullisant pour le strict néces-
saire, comme il paraît par les -einbélissemens qui se font depuis quelques
UNE EGLISK RUH\[.K /l27
nis de colonnes que l'on iuslalle en tous lieux. Ou embellit
ainsi les chœurs avec une véritable profusion de marbres, et
on les entoure de lambris en meuuiseiie. Ces derniers sont
confectionnés le plus souvent sur place, par d'habiles artisans
dont les noms se transmet lent avec honneur dans le mèrai^
métier, au cours de plusieurs générations '.
I. — Église de Villers.
Autels. — Le maîlrc-aulel est eu marbre, daus le style de
la tlu du xviii^ siècle, avec gradins aussi en marbre- ; il est
surmoulé d'un tabernacle eu bois sculpté, qui peut dater de
la même époque \ Au-de?sus s'élève un vaste retable plus
ancien, construit vers la fiu du xvii* siècle ou au commence-
ment du suivant, et qui existait certainement en 1722, comme
le constate un procès-verbal de visite ^ Les bases sont en
pierre, avec des plaques de marbre noir appliquées sur toute
la devanture ; les quatre colonnes en marbre veiné, de 2
mètres de hauteur, sont munies de chapiteaux corinthiens;
elles supportent un large entablement que dominent deux
vases de Heurs sur les côtés, et au milieu, un socle portant
une statue de la Sainte Vierge. Deux riches consoles avec tètes
de chérubins garnissent les angles latéraux, et le tableau qui
années dans l'église dudil lieu et par ceux qui sont encore en projets. M. 1j
curé de Villers me mande que par le moyen de l'industrie cl de l'économie,
il est parvenu à procurer à la fabrique de son annexe de Juzancourt un
revenu fixe de 100 livres au moins. » Lettre de M. Desoize, curé de Sévi-
guy et doyen, à M. Vabhé de Coucy, vicaire général du diocèse, à Reims.
(Archives de I^eims, Fonds de l'Archevêché, Visites, Doyenné de Sainl-
Germainmont.)
1. » Etat (les travaux de menuiserie à faire dans les chapell< s de la
Vierge et de Saint-Fiacre de l'église de Saint-Remy de V'illers-devant-le-
Thour, fourni par Jean-Bapliste-Joseph Gérard, menuisier audit lieu. »
{Archives des Ardennes, série G. "2(52. Portefeuille de 1625-1787. Cf.
Inventaire-Sommaire, t. IV, p. 98.)
2. Ces marbres sont fort beaux et proviennent d'une église détruite de
Reims, où ils oui été acquis par le curé Nicolas Dumonl, vers 17U2, d'un
marbrier nommé Hermaun, et au prix de 450 livres. Registre dts délibéra-
tions de la Commune de ViiUrs-devanl-le-rhour, séance publique du 21
oivôse au II.
3. Le tabernacle était accompagné, sur les cô.iés, de panneaux en bois
sculptés avec attributs eu relief ; ces panneaux ont été enlevés eu 188'', po' r
rendre visibles les plaques de marbre noir du retable.
■'i . « Le maître-autel est de marbre en colonnes, le tableau représente une
descente de la Croix; il y a, aux deux côtés, deux statues en relief... »
Le tableau a été changé et les statues récemment supprimées, mais l'ordon-
uance principale est restée intacte. Voir l'app'ndice VIF, \'isile de 1722.
428 UNE ÉGLISE RURALE
occupe le centre du retable est entouré d'une frise d'ara-
besques à la partie supérieure, et de guirlandes de fleurs et de
fruits retombantes de part et d'autre. Dégagé, en 1880,
des portes latérales et des statues de saint Rémi et d<]. saint
Pierre qui les surmontaient, restauré du haut en bas et doré
sur les parties saillantes, ce bel ensemble a retrouvé tout son
éclat et ne masque plus désormais en rien l'architecture
gothique dont il se détache.
En même temps que l'on réparait le maître- autel, on abais-
sait les Loi^el■ies qui obstruaient la partie inférieure des
fenêtres latérales, et leurs panneaux conservés étaient reposés
avec un soin minutieux, par un habile menuisier nommé Fré-
déric Gérard, descendant des menuisiers du même nom
qui avaient décoré l'église depuis plus d'un siècle.
Les autels latéraux, eu marbre, de style Louis XVI, avec
gradins aussi en marbi'e, sont identiques ; ils on', été sur-
montés de retables en pierre, lors des récentes restaurations
des chapelles, l'ans la chapelle du sud, le retable offre les
scènes en relief du Mariage de la Vierge et de la Fuite
en Egypte. Auparavant, des retables eu bois, avec deux
pilas^lres et un tableau dans 'c milieu, étaient appliqués à la
muraille au-dessus de chacun d'eux. Cette menuiserie, qui
datait de 1830 environ, a disparu par suite de l'ouverture des
fenêtres, qui a rendu plus de jour aux chapelles, en même
temps qu'elle leur rendait leur aspect primiliL
Décoration murale, titraux. — Une décoration murale,
complète et conforme au style des différentes parties de l'édi-
fice, a été exécutée par la maison Bulteau, d'abord dans le croi-
sillon sud, en 1875, pui*, eu 1880, dans le chœur, le sanc-
tuaire et le croisillon nord. Les lignes de l'appareil, les
nervures, les chapiteaux et les clefs OLt reçu un ton sobre
relevé de quelques dorures ; la voûte du sanctuaire est peinte
en bleu avec un semis d'étoiles. Sauf dans le croisillon nord,
où l'humidité de la paroi vers l'est a nui aux couleurs, toutes
les parties ainsi embellies gardent leur décoratio'. intacte, et
la garderont longtemps encore probablement.
Une ancienne décoration murale, dont les traces ont apparu
lors des restaurations en 1880, existait dans le sanctuaire et la
chapelle du nord, aux voûtes et sur les murs. Nous y avons
distingué çà et là des fragments de litres funèbres et des cor-
dons d'arabesques d'un Ion jaune. Aucune scène avec person-
nage n'a été remise au jour, et aucune portion découverte ne
pouvait être conservée. Il n'y a trace actuellement, nulle part
l'jra.
•■elde
■ m.
UNE ÉGLISE RURALE 429
daus l'église, des aucieus vitraux qui l'ont certaiuemout
embellie jadis.
Les vitraux modernes, qui s'harmonisent si bien avec
les peintures murales, ont successivemsnt de nos jours rem-
placé les verres blancs daus toutes ks fenêtres du chevet et
du transept : daus le sanctuaire, la rosace a reçu des dessins
eu feuillages ; la fenèlre du côte de l'Evangile offre les figurer
eu pied du Christ et de 1 1 Vierge ; la ienètre du côté de l'Epitre,
cellt'S de saint Vincent cl de i-aint Eloi ; — dans la chopelle de
Saint-Hemi, la fenêtre latérale renferme la figure eu pied du
patron', et la fenêtre qui surmonte l'autel, trois médaillons
avec des scènes de la vie du menu saint ; — dans la chapelle
de la Sainte- Vierge, la fenêtre latérale présente la scène
de l'Annonciation, et la fenèlre qui surmonte l'autel, celle du
Couronuement de la Vierge-.
Les fenêtres des nefs latérales n'ont que des encadrements
avec mosaïques eu couleurs ; la fenêtre du fond de la nef n'est
qu'un simple vitrage du plus mauvais goût, et que 1 on désire
voir remplacer par une restitution de l'ancienne fenêtre ; le
lyn)pan du portail devrait être restitué à la place de l'oculus
représentant la Vierge à la chaise. Enfin, les deux fenêtres
hautes de la nef, rouvertes en 1894, ont reçu une grisaille favo-
rable au pas-age de la lumière dans cette partie trop assombrie
de l'édifice.
l^ubleaux. — Le maître- autel est surmonté d'un tableau
représentant la Sainte-Trinité, d'après le célèbre tableau attri-
bué au Guide, qui se trouve actuellement dans l'église Saint-
Jacques de Beims : on y voit le l^ère Eternel au sommet, la
colombe au-dessous, fi.urant le Saint-Esprit, et plus bas, le
Christ en croix adoré par deux Ang^s (Toile H. 2'". L. I'"(i5),
Une bordure de marbre uicadre ce tableau qi^e l'on dit, sans
preuve à l'appui, provenir de l'ancienne abbaye de La Valroy ^ ;
il remplace l'ancien tableau du retable qui représentait la Des-
cente de la Croix, enlevé sans doute à la Révolution. La pein-
1. Œuvre d'uu peintre verrier rémois liés connu, M, Marquant- Vogel.
CeUe viire conlient au bas l'image du donateur, M. Jules Prillieux, avec la
date du 8 mai 1864, qui est ci lie de sa première communion.
2. On lit au bas cette légende en l- tires goihiques : Aliare B. M. T. ex
volo leslameiili D. Anuœ Fr Hub. Ag'ae VwUcincl, auno R S 1873. Elle
rappelle le legs fait à l'église par M'" Vuillomet, détédée en 1873, en vertu
duquel la cliapelle entière fui reslaurée, la fenêtre rouverte cl la toiture do
la saciiâlie relaite en terrasse avec balustrade en pierre,
3. Slaihl.qnc de la paroisse, par M. l'abbé Tarpin.
4oO UAE ÉCil.lSl!; RIRALIC
lure aclutlle a élé rctlaurée en 1850, par M. Beilhier, do
Kelhel, peintre el pholographe à Paris.
Les aulels latéraux étaient également surmoulés de tableaux,
celui de la Saiute-Vierge, par une Annonciation, toile moderne
qui a disparu depuis les restaurations de la chapelle, et celui
do saint Rémi, par une scène du Baptême de Clovis, toile
signée: Rève-l'ersetal pinxit, 1830. copiée sur le même sujet
peint par Abel de Pujol, à la cathédrale de Reims. Cette copie
du peintre rémois sera replacée dans l'église, après une res-
tauration habilement fcUle sur placo, en 1894, par M'"" la
baronne de Gourj uilt, née Gabrielle Prillieux. (H. l'"SO.
L: 1'"45).
La même main vient de restaurer et de rendre leur coloris
aux sept grands tableaux modernes avec cadres dorés, qui
sont suspendus de part et d'autre dans la nef principale : La
Traiisfiguraiion, Jésus parmi les Docteurs, Dation des clefs à
saint Pierre, Le Christ servi par les Anges ^ Le Mariage de la
Sainte Vierge et L'Assomption^. Le septième tableau est un
Clirisi en Croix, suspendu en face de la chaire et signé
au bas : V. C happe à Rethel, 1843 -.
Un tableau ancien, probablement de l'Ecole flamande,
également restauré avec soin, représentant Y Adoration des
Bergers (Toile, H. I"\ L. l'"2Û), se voit au bas de la nef laté-
rale nord, encastré dans le retable en menuiserie moderne qui
décore la chapelle des Fonts baptismaux.
Dans les bas côtés, se trouvent les quatorze Stations du
Chemin de la Croix, qui sont de grandes images en papier
peint, et que l'on se propose de remplacer par autant de
tableaux confiés au pinceau de M. Namur, artiste-peintre,
à Reims.
Statues. - L'église ne possède aucune autre statue ancienne
que celle de la Vierge., qui surmonte le retable du maître autel;
encore a-t-elle été mutilée et refaite en partie. Parmi les sta-
tues modernes, trois seulement sont en pierre, celles de la
chapelle sud, sainte Anne, saint Joachim et la Vierge portant
V Enfant- Jésus, bonne copie d'uu tj'pe du xvi° siècle, conservé
dans l'église de 'J'roispuits (Marne).. Une autre statue de la
1 . Cessix tableaux, copiesd'œu\res originales du Louvre cld'autres musées,
ont été donnés a l'église en 1847, par M"'" Gabrielle-Louise Prillieux, veuve
de M. Jean-Baptisle Prillieux. (H. 2''30 env. L. r'30.)
2. Don de M. et M"" Jadart-Leroy au moment de leur mariage.
(H. 2". L. l" env.)
UM-; KtiLISli KUHALIC /l 'j |
Vierge cl les ^laines de saint Rinii el de sainL Joseph, daus
la chapelle nord, celles de ^ai^i^ Marc ci &q sabU Fiacre, au
bas de la nef principale, el celles de saint R.och el de sainte
Philomèiie, près des Fonl? bapli^m-'iux, sonl loules en phUre
cl sans valeur, ■:; 'x) 'y--
Deux anciennes slalues en bois, provenant de l'église, une
Vierge et un saiat Rémi, œuvres du xvn^ siècle, sont conser-
vées chez M""" la baronne de Gourjaull. Notons enfin les deux
débiis des slalues en bois de l'arc Iriomphal, encastrés dans la
muraille de la grange de la maison Marby, à la sortie du vil-
lage, sur la route du Thour, et une statue de saint Eloi, au
pignon d'un bâtiment de la maison de M. Fossier, près le
cimetière.
Chaire. — La chaire, œuvre moderne de menuiserie, est
due au ciseau d'un sculpteur de Rethel, Chappe, dont le nom
est connu dans les ans '.
Elle offre les figures des quatre Evaugélistes sur les faces de
la cuve, un panneau décoratif au dossier et des têtes d'anges
ailés sur l'abat- voix. On lit, sur une petite plaque de cuivre
fixée ta l'un des pans inférieurs, celle inscription avec la date :
Don fait à l'église par Jean Vuillemet, ancien greffier du Tri-
bunal de Rethe/, et Anne-Françoise-Hnherte-Aglaé VuillemeC,
enmcinoire de Anne- Marie-Nicole- Kuberle-Caroline Vuille-
viet, leur éiiouse et mère, décédée à Villers le 1 0 septembre \^k\ .
— Août 1843.
Pacês. — Le pavé du sanctuaire est en marbre à comparti-
ments de nuances variées, formant des figures géométriques
absolument semblables, comme dessin, aux dalles du sanc-
tuaire de la cathédrale de Reims, provenant de l'ancienne
église Sainl-Nicaise. Il est possible qu'une semblable prove-
nance puisse être attribuée aux dalles du sanctuaire de
Villers, car les marbres du maitre-autel ont été acquis, avec
des marbres de pavés, vers 1792, par le curé Nicolas Dumonl,
1. Des chaires de la même main et du même dessin se voient dans les
églises de Saint-Fergeux el de THôpital général de Relhel. — L'ancienne
chaire daluit de 1786. Ci'. D.dibération du bureau de la Cabiique de Villers-
devant-le-Thour, rclalive à la décoration des chapelles de l'église dudil
lieu, et à certains changements à l'aire dans l'église pour y établir une chaire
ilécenle et commode, le 8 jeuvier 1780. [Archives déparlenierilales des
Ardennes, G. 287. Inventaire sommaire, suppténr.cnt à la séri^^ G. Clergé
séculier, p. 113.)
432
UNE EGLISE RURALE
à un marbrier de Reims liommé Hermann, comme nous
l'avons déjà relaté plus haut '.
Le chœur et les chapelles sont pavés en dalles anciennes,
taillées en losange et allernalivemeut noires ou blanche-.
La nef a reçu un pavé en pierre de Tonnerre, du même
g(nre que celui du chœur, en ISGa-, et les basses nefs ont été
récemment dallées (1880) de pavés en céramiques d'un dessin
analogue.
L'ancien pavé des nefs était semblable à Cfluiqui se liouvc
encore sous les bancs dans toute réleuilut; de i'éi^lise ; il est
formé de l'assemblage de carreaux rouuGrs en lu'ie cuiic. do
0'"19 de côtés. On voit encore, dans la S'-" rangée des banc-, à
gauche en entrant par le portail, un de ci's ptvés sous la tra-
verse d'un bine, lequel porte, en caractères tracés avaul Li
cuisson, la date et le nom du fabricant :
Sous les bancs, du côié opposé, à divers endroits et particu-
lièrement sous la chaire, on trouve des pavés d'un grain plus
blanc, presque de mêmes dimensions, qui uflrcnt des dessins
variés, les uns avec une fleur de lis fleuronnée, d'autres avec
un cœur, d'autres avec un calice, une ou p usieurs clefs, etc.,
elc'. Il était bon de signaler ces vestiges d» la fabrication de
carrelages au xvn" siècle, dan- le genre et comme une s..i:e
des carreaux vernissés du moyen âge.
Sacristie et objets divers. — La sacristie, lambrissée dans
tout son pourtour vers 18G0, ne contient aucun objet d'art, ni
parmi les ornements, ni dans les va-es sacrés, .\otons seule-
1. Le marbrier Hermann est celui qui Iransféra en l"92, à Noire- Damci
les paves de Saint Nicaise. Histoire et descriplion de No<rc-Dam\ de
I cims, par l'abbé Cerf, 1861, t. Il, p. 256.
2. Travail exécuté par le marbrier Godarl-Cba naran le, de Helhtl, aa
prix de 368 i'r. 40, payés par M"" Jadart- Leroy.
3. Ces pavés avec figures ont été dessinés en "8"l, \)iv M. l'abbé
A. Chevallier, membre de la Société française d anli^olugic, cjui a cx'oulé
aussi un plan et différentes vues de l'église.
UNE ÉGLISE RURALE 43!^
ment La présence d'un bas d'aube en ancienne guipure, que
Ton répare eu ce niomenl. Notons aussi le don d'un ciboire et
d'uu calice dorés, par J\I. et M'"'^ Saintive-Bardin, en 1838, et
le legs d'un calice, par M. l'abbé Pbilippot, originaire du lieu,
décédé curé de Louvois (Marne).
■ La grille du sanctuaire est en foute ; les lampes et les gar-
nitures d'autels, croix et chandeliers sonl également modernes ;
il reste cependant quatre paires de chandeliers en cuivre
argenté, dans le style du dernier siècle, qui méritent de ne pas
être négligés. L'église ne possèJe pas de chandelier pascal. —
Un lustre en cristal, suspendu dans le chœur, a été donné par
M""^ Prillieux-Am Stein, en 18Li4. et d'autres lustres, dans
la nef, ont été offerts depuis par plusieurs oersounes.
IL — Église de Juzancourt.
Rien, dans l'architecture de ce petit édifice, ne peut être
utilement indiqué à l'archéologue, si ce n'est le portail du
xiii" siècle qui. bien que mulilé, est intéressant en lui-même
et par sa ressemblance avec celui de Villers, Sur le tympan, on
dislingue nettement une croix pallée peinte dans un cercle,
trace possible de la bénédiction ou de la consécration de
l'église, en tout cas fort curieuse décoration du moyen- âge,
qui doit être préservée de toute altération dans les travaux
d'embellissement qui seraient entrepris dsns l'avenir.
A l'intérieur, tout vestige ancien a disparu. Signalons l'au-
tel en marbre noir, qui date de la Restauration ; la grille en
fer forgé, d'un bon modèle, qui clôt le sanctuaire ; et une sta-
tuette en bois de V Ëcce Homo, œuvre assez fine de sculpture,
qui se voit sur une console au bas de la nef. près des fonts
baptismaux. Tout le reste est moderne, sauf deux tableaux ^
L'église possède un tableau que l'on peut attribuer à Jacques
Wilbault ; il vient d'être replacé au côté droit de la nef et
réparé. (Toile : H. l"'3o. L. 1"'85). La scène, de forme ovale,
représente la Guérison de r Aveugle né, avec de nombreux
personnages : le Cbritt, vêtu d'une robe rouge et d'un manteau
bleu, a la main droite pendanle et la gauche appliquée sur
l'œil de l'aveugle, agenouillé à ses pieds ; on voit un groupe de
trois apôtres debout, assi-iaul à la guérison, sur la gauche:
1 . Un chemin de la Croix en terre cuite polychrome a été installé et
bénit dans l'église de Juzancourt, en i892, par \J. l'abbé lioze, curé de Vil-
1ers, et M. l'abbé Bocquillon, doyen d'Asfeld.
28
434 UNE ÉGLISE KUKAI.E
saint Pierre, la main sur la poiirinc, est placé derrière l'aveugle ;
une femme debout soutient ce dernier, ti^ndis qu'une autre
femme, tenant un enfant, est assise en avant. Le coloris est
assez bon, mais les figures s'altèrent, et l'ensemble aurait
besoin dune prompte et habile restauration.
Un autre tableau, appartenant à la fabrique de Juzancourt,
est déposé au presbytère, dans une chambre du haut.
C'est un panneau en bois (H. 0'"85. L 0"'65), offrant une
peinture de la fin du xvi" ou du xvno siècle, avec son
cadre sculpté de cette époque. Il représente saint Jérôme dans
le costume de cardinal et entouré des attributs et des livres
qui accompagnent ordinairement ce docteur de l'église. La
peinture est écaillée par endroit, mais la tête du personnage
est intacte et fort belle de coloris et d'expression ; le cadre a
souffert aussi, et pour restaurer le tableau, il faudrait une
main d'artiste. Mieux vaut le conserver en cet état, mais le
replacer dans l'église.
Chapitre VI
Le clocher, les cloches et l'horloge.
Nous avons distrait la description du clocher de celle de
l'église parce qu'il forme un hors d'œuvre distinct de l'archi-
tecture de l'édifice'. Les t'ois cloches, acquises en 1828 aux
frais de la commune, ainsi que l'horloge posée en 1860 sur le
chevet par l'autorité municipale, méritaient également une
description spéciale et un court historique intéressant pour la
localité.
Le clocher est une construction en charpente de la base au
sommet, élevée probablement au début du xvi° siècl-) sur la
première travée de la nef contiguë au transept. Nulle trace ne
subsiste dans les combles d'une tour centrale qui aurait sur-
moulé le carré du transept et servi de clocher au moyen âge.
La nef n'a pas supporté davantage de tour à l'une ou à l'autre
de ses exlrémités : on voit, en effet, à l'intérieur de l'étage
campanaire, le pignon ancien qui présente la moulure où la toi-
ture de la nef prenait naissance avant la c. instruction du clocher
actuel. Avant lui, sans doute durant les xiii°, xiv** et xv^ siè-
cles, il y avait une simple arcade en pierre offrant des baies à
1. Il a déjà été question du clocher au point de vue de sa construction
dans le chapitre I, et sa descriptio» entraînera forcément ici à quelques
répétitions.
UNE ÉGLlSli KUIÎALE 435
jouf pouf couleiiii' les cloches, alors beaucoup moius fortes
qu'où ue L'S a faites depuis.
Quoiqu'il eu soit du clocher primitif, celui que nous voyons
a été élevé avec une certaine hardiesse que signale au loin sa
haute flèche accompagnée à l'origine de quatre clochetons
supprimés dès la fin du siècle dernier ^ Il repos 3 à l'intérieur
de l'église sur quatre gigantesques pièces de bois de 8'"o0 de
hauteur -. 11 est carré à sa base jusqu'à une hauteur de S^SO
sur une largeur de o mètres : l'étage campanaire est compris
à cet endroit au milieu de solides poutres enchevêtrées. La
flèche s'élève au-dessus à la hauteur de 19 mètres, et la croix
qui la surmonte avec le coq peut atteindre 4 mètres. Par con-
séquent, du sommet jusqu'au sol, la distance est de 40 mètres
environ.
La base et l'étage campanaire, percé d'ouïes géminées et
trilobées sur chaque face, sont restés à peu p"ès sur leurs
assises et dans leurs formes primitives, mais la flèche, qui
penchait assez fortement déjà vers le sud, dut être refaite
presque en entier, avec les anciens bois et de nouveaux, à la
suite d ' graves dégâts causés parla foudre vers 1872. L'incli-
naison fut corrigée et la masse rétablie sur son axe, mais il
fallut de longues tentatives et s'y prendre à plusieurs reprises
pour asseoir et couronner la flèche entière avec la solidité
qu'elle a maintenaut\ Une nouvelle croix eu fer fut posée
avec un coq doré de fortes dimensions formant girouette, La
commune assuma une lourde dépense par cette suite de tra-
vaux qui ne furent entièrement terminés que vers 1878, mais
l'œuvre était heureusement finie et pourra durer plus d'un
siècle si la foudre n'y éclate de nouveau. On a négligé d'instal-
ler un paratonnerre sur cette flèche si aiguë, comptant sur la
Providence pour en écarter désormais tout fléau et tout
danger *.
1 . Signalons comme types analogues les clochers de Gomonl et d'Aire,
et les anciens clochers de Balham et de Blanzy.
2. CeUe charpente, assez grossièrement équarrie, fut eu 18y4 rendue
moins massive et peinte en rapport avec la décoration du chœur.
3. Ce fut un habile charpentier, nommé Lacaille, qui opéra ce te
reconstruction. Il venait d'élever le clocher d"Evergnicourt (Aisne) sur
d'élégantes proportions. 11 mourut subitement au cours des travaux qu'il
avait entrepris à Villers.
4. On vient d'installer a la cathédrale de Laon, si exposée par sa
hauteur sur la montagne au feu du ciel, un nouveau système de paraton-
nerre sans pointe de fer, mais avec de simples boules en cristal reliées par
des tiges.
436 UNE ÉGLISE RURALE
Le clocher entier est recouvert en ardoises ; il en est de
même aujourd'hui des toitures de la nef, du transept et du
chevet qui l'étaient autrefois en tuiles. Seuls, les bas-côtés ont
conservé l'ancienne couverture.
On accède au clocher en dehors de l'église par l'escalier à
vis en pierre que contient la lour-elle à trois pans contruite au
XIII*' siècle dans l'angle du chevet et du croisillon nord ^ Au-
dessus de la porte de celte tourelle, on voit une^pelile ouver-
ture ronde percéii dans la pierre sur un plan incliné, elle a la
largeur et la dimension indiquant une meurtrière suffisante
pour braquer un canon de fusil au-dessus de l'entrée. Deux
autres meurtrières, percées plus haut, servent de lucarnes
pour éclairer l'escalier. La partie supérieure de la tourelle et
sa toiture n'ont été achevés qu'en l86o.
Les combles n'offrent aucune particularité pour l'architec-
ture du monument ; on y marche pour entrer au clocher sur
les voûtes du chevet dont la maçonnerie en blocailles devrait
être préservée par un plancher. Nous avons relevé de nom-
breuses mentions écrites sur les murailles à toutes les époques
et successivement effacées. Il n'en reste pas d'antérieures au
xviii® siècle. Voici quelques noms, même modernes, avec les
dates qui les accompagnent et pourront parfois servir de point
4e repère :
Ou lit au jambage de la porte du croisillon sud, à
gauche en entrant : Jaonnes Ludoricus Marteau, clerc, 1722.
— Jean Louis Lajoie, Garçon, 1742. — Antoine Lapie, 1809.
On lit sur la droite : Court- Mathieu, sonneur en \%i'^, âgé de
Z2 ans. On lit autour de la lucarne du même croisillon.: Jean
Louis Creteau, 1718. — N. de Soize, 1737. — Jean François
Paillon, 1759.
On lit à gauche de l'entrée du clocher sur le montant de
l'ouverture : lEAN. GOVLIN. A. ETE. SONEVR, 22.
AN. ni?. M... ANNE. Ces lettres sont fort bien gravées
et régulières. Au-dessus on lit : Eugène Alliaume a été cher-
ché le coque le 18 septembre 1848.
Enfin à la lucarne qui surmonte le portail se voit la date de
1793, et plusieurs noms postérieurs, entre autres celui de
Jean-Antoine Court. Ce sont surtout, on le voit, les sonneurs
et les maçons ou charpentiers qui ont laissé la trace de leur
passage. Rien n'indique plus les noms des veilleurs qui firent
1 . Nulle trace d'ancien escalier inoalant au comble n'est visible dans
l'intérieur de l'église.
UNE ÉGLISE RURALE 437'
certainemeolle guet durant les guerres des xvi° et xvi^' siècles,
époque où l'édifice, transformé en forteresse, fut assailli et
criblé de balles dont il reste quelques traces aux pignons vers
l'est et le nord.
En ce qui concerne les anciennes cloche?, nous ne pouvons
remonter plus haut que l'année 1(>92, où le procès-verbal de
visite relate la présence de « trois cloches ». Le queslionnaire
de 1774 mentionne « que le clocher est en bon état, mais que
la plus grosse cloche est cassée, sans que la communauté
surchargée de frais puisse y pourvoir ' ». La Révolution vint
qui ne laissa qu'une cloche des trois qui survivaient alors, et
celle unique cloche fut brisée sous l'Empire et refondue eu
18t)8-. Ce fut un fondeur habile qui fit Topéralion sur place,
dans les terrains de Vaudoux, d'après la tradition. Mais le son
monotone d'une cloche unique déplaisait aux habitants, on
lui adjoignit une petite cloche dont l'accord fut plus désagréa-
ble encore.
Aucun document ne rapporte malheureusement les inscrip-
tions des anciennes cloches, ni de la nouvelle refondue en 1808.
Cette dernière fut remplacée à son tour en 1828, par trois
cloches d'un bel accord rappelant les harmonieuses sonneries
d'autrefois que l'on regrettait toujours ^. Il fallut de longs
pourparlers pour aboutir à celle triple fonte et eu trouver les
ressources sur le budget municipal obéré par les charges de
l'invasion et les autres dépenses de la commune *. Les fon-
deurs avec lesquels on s'aboucha furent MM. Bague et Che-
vresson, associés, qui avaient alors une usine dans l'arrondis-
sement de Vouziers où ils fournirent de nombreuses cloches ',
1 . Voir aux appendices VII et IX,
2. Registre des délibérations municipales, 15 mai 18l37, 1° 20, « Refonte de
la cloche, cassée d'une manière à ne plus pouvoir sonner; on doit la refon- '
dre, c'était le vœu de tous les habitants, et le maire est autorisé à traiter
avec les ouvriers en ce genre
Une somme de 600 fr. est portée au budget de 1808 pour cet etl'et ».
3. Les cloches actuelles donnent l'accord la, sol, fa. Elles pèsent ensem-
ble 2,200 kilogrammes, le poids prévu n'avait été que de 1,670 kilogrammes.
— Le prix prévu était de 2,700 francs et la dépense totale réelle s'éleva à
3,780 fr. 90.
4. Délibération municipale du 11 mai 1826 : « Dépense de 3 cloches à'
faire, la plus forte de 750 kilogrammes et les deux suivantes pour former la
tierce, à porter au budget de 1827 ». — a Les cloches nouvelles, au nombre
de trois, coûtent d'après le marché convenu 2,700 francs, elles doivent peser
ensemble le poids de 1,670 kilogrammes. » (F°" 2 et 3 du registre D 7.)
as. Sur les fondeurs Chevresson et Bague, voir Les Ins'jrip'ions anciennes
438 TINK ÉGLISE UUKALE
Ce fut de là que les trois cloches furent amenées sur des
chariots et aussitôt bénites et montées au clocher \ Voici les
inscriptions qui se lisent sur chacune d'elles et la décoration
qui les accompagne :
I. — Grosse cloche, du poids de 900 kilogr., de 1"'12 de
diamètre et de hauteur avec les anses.
-|- L'an 1828, j'ai été bénite par M"" Massé, prêtre, curé du
CANTON d'Asfeld; j'ai eu pour parrain Mr Jean-Baptiste
PRILLIEUX, maire de la commune de ViLLERS-DEVt-LE-THOUR, ET
POUR MARRAINE DAME NiCOLE-LOUISE PRILLIEUX, SON ÉPOUSE; ON
m'a imposé le nom DE LOUISE EN PRÉSENCE DE M' BARDIN,
ADJOINT, ET DE M''* PHILiPPOT, CeLLIER, LACAILLE, WILMET,
Caurette, Cuissart, Bonnet, Poncelet, Druart et Brodeur,
TOUS MEMBRES DU CONSEIL MUNICIPAL. — CHEVRESSON ET BaGUE,
fondeurs.
Course de feuillages eu guirlande sous l'inscription. Figures
du Christ en croix, de la Sainte Vierge avec l'Enfant Jésus et
de saint Rémi, f^a croix est fleuronnée, deux tètes d'ange sous
les pieds des deux autres figures.
II. — Moyenne cloche, du poids de 750 kilogr., de 1 mètre
de diamètre et de hauteur avec les anses.
-j- L'an 1828, j'ai été bénite par M' Massé, prêtre, curé du
CANTON d'Asfeld; j'ai eu pour parrain Jean-Charles Bardin,
adjoint a la mairie de Villers-dev'-le-Thour^ et pour
MARRAINE D"^ MarIE-NICOLLE BARDIN, SA FILLE AI.NÉE ; ON M'A
IMPOSÉ LE NOM DE MARIE-MCOLLE EN PRÉSENCE DE M"" PRILLIEUX,
MAIRE DE LA COMMUNE, ET DE M''* PhILIPPOT, CELLIER, LaCAILLE,
WiLMET, Caurette, Cuissart, Bonnet, Poncelet, Druart et
Brodeur, tous membres du Conseil municipal — Chevresson
et Bague, fondeurs.
Même décoration et mêmes figures que sur la grosse cloche.
Saint Rémi tient la Sainte-Ampoule.
III. — Petite cloche, du poids de 550 kilogr., de 0'"92 de
diamètre et de hauteur avec les anses.
de l'arrondissem ni de Vouziers, par le D"' Vincent; Reims, 1892,
pp. 33, 113, 447.
\. Elles furent montées de l'iulérieur de l'église dans le clocher à travers
une trappe, ouverture qu'on a recouverte de plâtre en 1894. — La cérémonie
de la bénédiction fut faite, non par ^L Massé, curé doyen d'Asfeld, comme
l'indiquent les inscriptions, mais par M. Vasselier, curé de Saint-Germain-
mont. Le curé de Villers, M. Bucquoy, venait de mourir et son successeur,
M Franqu t, n'était pas encore installé. Nous devons ce renseignement aux
souvenirs très précis du plus ancien chantre de la paroisse, M. Tellier, qui
assistait au baptême des cloches en qualité d'enfant de chœur.
UNE ÉGLISE RUUALE 439
■f L'an 1828, j'ai été bénite pas M> Massé, prêtre, curé du
CANTON D'ASFELD, j'aI EU POUR PARRAIN M"" JEAN-NICOLAS PRIL-
LIEUX, FILS DE M" J.-B^'^ FRILLIEUX, MAIRE DE LA COMMUNE DE
VILLERS-DEV'-LE-THOUR, et POUR MARRAINE DAME MaRIE-JEANNE-
AMARENTE SOUEF, ÉPOUSE DE .VF J.-N" PRILLIEUX, ASSISTÉ DE M'
Nicolas-Theophile Prillieux, leur fils; on ma imposé le nom
d'Amarente, en présence de M-^" J.-B'» Prillieux, maire,
Bardin, adjoint, Fhilippot, Cellier, Lacaille, Wilmet, Cau-
rette, Cuissart, Bonnet, Poncelet, Druart et Brodeur,
tous membres du Conseil municipal. — Chevresson kt Bague,
fondeurs.
Même décoraliou que sur les aulres cloches, figures du
Christ en croix, de la Sainte Vierge et de saint Nicolas.
La chronique des cloches forme l'une des pages les plus
atlrayautes de l'histoire de chaque localité. Nous n'avons pas
relaie ici tous les détails que nous avons recueillis concernant
celles de Villers, les réservant pour une publication d'ensem-
ble sur les cloches de toutes les communes du canton
d'Asfeid.
Tout en servant aux sonneries religieuses et civiles, les
cloches étaient jadis utilisées presque partout comme tim-
bres pour des horloges d'une fabrication assez grossière,
mais très résistante. On voit encore dans les combles le méca-
nisme en fer d'une de ces anciennes pièces construites sur place
et entretenues par les serruriers du pays. Il reste trace dans
les délibérations municipales des réparations qui y furent faites
en 160G par un serrurier de Chàleau-Porcien, Reneuf, très
habile ouvrier qui se distingua par ?es beaux ouvrages en fer
forgé, nolarnmeul la grille de l'église de Thour et plusieurs
croix de chemin \ Un crédit sp .-cial du budget pourvut ensuite
chaque année à la conduite et réparation de l'horloge remise
en mouvement". Le moment vint toutefois où le vieil appareil
refusa le service, et, après une assez longue interruption, la
commune décida en 18G0 Tachai d'une nouvelle horloge en
cuivre, pourvue de tous les appareils d'un outillage perfec-
tionné. Elle fut fournie par M. Auguste Calame, horloger à
1 . 2 novembre 1806, séance du Conseil municipal : « Le Conseil a déli-
béré qu'il était de loute nécetsité de réparer rhorloge le plutôt [lossibl-,
aUeudu le besoin urgent qu'eu ont les habitans, en canséqueace nous auto-
risons M. le Maire de traiter au nom de la commune avec le sieur Heneuf",
de Cbâleau-Porcien, et d'en payer le pris sur les deniers communaux. »
(Registre des délibéralions, ISOtJ, f» 19.)
2. Budget de 1S09. Article pour la conduite tt répaiation de l'borlo^e :
^Q tr. (Registre dts délibérations, f° 21.)
440 UNE ÉGLISE RURALE
Relhel, el installée dans un local aménagé contre le pignon
du chevet.
La dépense fut d'autaut plus élevée que l'on installa dans
un campanile eu fer une sonnerie spéciale, distincte des cloches
de l'église et pourvue de trois timbres pour les quarts et d'une
petite cloche pour l'heure. C'est sur cette dernière que nous
appelons particulièrement l'atlention, car elle est l'ancienne
cloche de l'hôlel de ville de f3onchery (Ardennes) et un beau
spécimen de la tabrication du xvi'^ siècle. Elle fut acquise,
comme l'horloge, de M. Calame, qui la tenait de l'admmistra-
lion municipale de Doncheiy, assez peu soucieuse des souve-
nirs historiques pour laisser dépouiller la ville d'un de ses
litres de noblesse. Heureusement, la cloche d'un échevinage
urbain échut à une municipalité rurale intelligente qui voudra
la conserver à l'abri des risques de nouvelles pérégrinations.
Le son en retentit au loin. Elle mesure à la base 0"'68 de
diamètre et 0'"6r) de hauteur avec les six anses et le massif
central qui la couronne. On trouve à l'intérieur l'attache pour
un battant, ce qui prouve sou emploi primitif de cloche mise
en volée. Le bronze est d'une forte épaisseur el recouvert
d'une belle patine verte ; on lit au sommet, en une seule ligne
et sur une bande de 0"'04, une inscription en lettres gothiques
minuscules fort nettes et bien venues, ainsi conçue :
JE SUIS LA CLOCHE BANNALE
DE LA VILLE DE DONCHERI SUR MEUSE
Au bas de la panse, se trouvent deux rangées de filets,
l'une de trois, l'autre de deux, qui forment avec le texte toute
la décoration de ce petit monument. La date y manqu;î mal-
heureusement, mais il est certain, d'après les caractères,
qu'elle peut être fixée à la première moitié du xvi* siècle, au
plus tard au second tiers. C'est, en tout cas, une cloche gothi-
que, la seule qui existe actuellement dans le canton d'Asfeld \
Pas plus que la vieille horloge en fer, l'horloge moderne ne
fut à l'abri des réparations, et il fallut en 1883 confier à un
horloger de Paris la retouche du mécanisme qu'il opéra avec
un plein succès. Un nouveau cadran fut posé, en même temps
que Ton restaurait toutes les murailles du chevet.
L'église de Juzancourt ne possède pas d'horloge, et son
1 . L'Hôtel de Ville de Rethel conserve sa cloche banale et ses deux
timbres fondus sur place en 1513. Voir la notice publiée sur cette fonte,
d'après les comptes de la ville, par M. Henri LacaïUe, dans la Revue de
Champagne et de Brie, l891.
UNE ÉGLISE BtIRALE iif'
oeffroi ue conlient plus qu'une cloche, bien que la place
vacante d'une seconde y soil conservée. Elle avait été, en
effet, pourvue de deux cloches au début du dernier siècle,
grâce au legs d'un curé de Villers', et nous avons reproduit,
d'après les registres parois^iaux, le procès-verbal de bénédic-
tion du 17 juin 17 15".
La cloche actuelle mesure 0"'72 de diamètre à la base, et
porte cette inscription en une seule hgne au sommet, sans
indication du fondeur :
LAN DE G. 1809 lAI ETE
BENITE PAR M. BUQUuY
D. LA PAROISSE DE lUZANCOURT
A LAQUELLE lAPPARTINES [sicY
ET lE ME NOMME MARIE
La panse est décorée de plusieurs tigures moulées : le
Christ en croix avec la Madeleine au pied et deux lèies d'anges
sur les côtés, la Sainte Vierge portant l'Enfant Jésus, saint
Pierre tenant une croix à double traverse, entin le chiffre IHS
inscrit dans une large croix fleurdelisée.
Chapitre VII
Anciennes inscriptions des églises de Villers et de
Juzancourt, principales épitaphes de leurs cimetières.
Les recueils d'épitaphes sont partout en honneur, et on les
entreprend avec profit pour l'histoire, dans les moindres vil-
lages comme dans les capitales*. Nous allons donc interroger
les moindres fragments que recèlent nos églises, fragments
d'autant plus précieux qu'ils sont moins nombreux, et nous
emprunterons de même aux cimetières quelques renseigne-
ments fort utiles à noter pour l'avenir.
1 . L'épitaphe de Maître Pierre Vuilcq, curé de Villers, mort le 29 sep-
tembre 1714, fait mention du legs de 400 livres qu'il ûl « pour la seconde
cloche de Juzancourt ». {Inscription fixée sur la gauche du chœur de
l'église de Villers-devanl-le-Thour.)
2. Voir l'appendice X, à l'article de Juzancourt, sous la date de 1715.
3. Mot estropié pour j'appartiens.
4. Epitaphier du vieux Paris, par Emile Raunié, dans l'Histoire géné-
rale de Paris, suite de forts vol. in-i» avec illustrations, t. I, Paris, 1890,
Imp. Nationale, et t» II, Paris, 1893, ibidem.
442 UNE ÉGLISE RURALE
I. — Église et Cimetière de Villers.
Au mois d'août 18S0, on découvrit sous les slalles du
chœur, au cours des réparations que l'on exécutait alors, deux
morceaux d'une grande dalle lumulaire du xiv^ siècle, en
pierre calcaire rlauche. (i^'" morceau, H, l'"12. L. l'"30.
— 2« morceau, H. l'^lO. L. O'"9o.) Le milieu apparut sans
figure, avec une simole croix tt, sur la bordure, quelques por-
tions seulement d une légende incomplète courant, tout autour,
en lettres gothiques et onci dus, que nous avons pu lire ainsi :
LI : .... N S : MÂHIS : DAME X :
QVi : TRESPA SA : EN : LAN
DE : GRACE : M : CGC : V :
LE XIVIT : SALNT : BERNABE
Cette dalle se trouvait probablement complète dans le milieu
du chœur, et aura été brisée et sciée pour servir d'assises aux
stalles, lors de la pose du pavage en losanges au siècle dernier.
A la même date, en 1880, dans les débris amoncelés der-
rière le maître-autel et dans les angles du chevet, on mit
au jour cinq fragments d'une pierre tombale du xvii» siècle, en
marbre noir, incomplète auSîi, malheureusement, mais très
lisible et facile à reconstituer dens son ensemble, sauf la date
finale'.
On y trouve l'épi'aphe d'un curé, Nicolas Nivard, originaire
de ViUers, dont le nom même était oublié, parce qu'il avait
exercé son ministère avant la tenue des registres paroissiaux,
dans la première moitié du xvii*' siècle. Nous en reproduisons
le teste ci-contre, comme étant désormais le seul témoignage
d'une épitaphe disparue.
Au bas du texte, on voyait également gravés, d'un côté,
une petite croix, deux os et une tète de mort et, de l'autre
côté, un écusson ovale entouré de deux branches de feuillage,
portant sur le champ de l'écu un cœur enflammé en pointe et
une étoile en chef, séparés par un chevron (le milieu brisé),
avec une devise autour de l'écu, en lettres majuscules incom-
plètes, laissant lire seulement : CO[R] MA LAVDAN6. On
peut conjecturer que celte devise pouvait être, soit Cor œterna
laudans, soit Cor litmina liudans^ par allusion au cœur
enflammé et à l'étoile de ce blason rustique.
1. Ces fragments, rapprochés avec soin, auraient dû être fixés à ud pilier
ou encaBtrés daus le pavé, mais ils turent négligés trop longtemps et sont
aujourd'hui perdus. ^
UNE ÉGLISE RURALE 443
CyGist-Venerable
etDiscrette-Per-
sonnk-Mre Nicolas
NlVARD-EN-SON-VIVAiNT
P^^ GVRE. ET'NaTIFDE
CELIEV- LeQVEL-A-TENV
LA-CHAIRE-DE-CErTTE Egl]
ise-l'espace-de
MOVRVT-LE 18 DV [mOIs]
DE SKPons Priez
POVR SON AmI^e]
16 4...
EPITAPHE DE NICOLAS NIVARD
Marbre noir (H. 0'"ô5 — L. 0"'3i\
Une seconde épilaphe, celle de Pierre Vuilcq, aussi curé du
lieu, était conservée sans place fixe dans l'église, car elle
avait dû faire partie, comme la précédente, du pavage du
sancluaiie et eu avait été extraite pour faire place au riche
dallage actuel. Elle a été appliquée, à deux mètres de hauteur,
au pilastre qui sépare le sauctuaire du croisilloû sud, et pourra
demeurer eu sûreté à cet endroit. Sou texte est assez instruc-
tif parles détails qu'il douue sur diverses fondations et lar-
gesses.
444'
UNE EGLISE RURALE
A LA GLOIRE DE DIEV
CY GIT VENERABLE ET DISCRETTE PERSONNE
MAITRE PIERRE VVILCQ PRÈTRE-CVRE
DE CETTE EGLISE PAROISSIALLE QV'IL A
GOVVERNE LESPACE DE 46 ans AVEC
VN ZELE VRAYEMENT PASTORAL IL EST
DECEDE LE ?0» T'^^e 1714 AGE DE 71
ANS IL A FONDE A PERPETVITE 8 MESSES
BASSES DE REQVIEM SCAVOIR QVATRE
EN CETTE EGLISE LES MERCREDIS DES 4
TEMPS DE LANNEE & QVATRE EN LEGLISE
DE JVZANCOVRT LES VENDREDIS DES
DITS 4 TEMPS SVIVANT LES ACTES QVI
EN ONT ESTE FAITS AYANT LAISSE
POVR CETTE FONDATION LA SOMME DE
200 LL. II A;AVSSY LEGVE POVR BATIR
LA SACRISTIE DE CETTE EGLISE 300 LL.
& 400 LL. POVR LA SECONDE CLOCHE
DE JVZANCOVRT.
PRIEZ POVR LE REPOS
D[E SON AME]
ÉPITAPHE DE PIERRE VUILCQ
Marbre noir (H. 0™6û — L. 0">38).
UNE ÉGLISE RURALE 44 0
Ces trois épitaphes sont les seules inscriplious que nous
ayons rencontrées dans liulérieur de l'église. Au dehors, les
murailles offrent çà et là quelques mentions dont la principale,
relative à la construction des nefs latérales eu IGO'o, a été
reproduite plus haut. G"est au croisillon sud, au dessous de la
fenêtre flamboyante de la chapelle et sur le pourtour des con-
treforts, qu'apparaissent les dates et les noms les plus sail-
lants ; notamment on y lit, eu lettres gothiques du xvi'= siècle :
pries issy pas séant
Dieu pour les trespassés
Puis, eu écritures mélangées et à iGtcrvalles irréguliers :
Fixe le roy Charles, 1572 (?)
Vive le roy Henri.
Vive le roi Louis '.
Nous avons déchiffré aussi ces simples noms : Pierre
Bourge...., lb5o. — Icon Becost. — L. IVDA. — QuenrAn....,
sans parler des noms frustes en très grand nombre, et des
croix de formes diverses marquant des sépultures. Il n'y avait
pas de monuments dans les cimelières, les parents se con-
tentaient de tracer le nom du défunt avec une croix sur
le mur voisin.
Sur le côté droit de la même chapelle flamboyante, on voit
enfin, gravé assez nettement et d'une main habile, un écusson
du xvi" ou du XVII'' siècle, portant un chevron accompagné de
trois meubles indéterminés, fers de lance, oiseaux ou trèfles (?).
Au contrefort, les traces d'un cadran solaire soni encore très
visibles avec chiffres arabes.
Le cimetière entoure l'église sur toutes ses faces et forme
un enclos assez vaste, où les inhumations ont eu lieu de temps
immémorial-. Aucun monumenlancien ne s'y rencontre, et nul
vestige n'est apparu da s les fouilles, à notre connaissance, qui
soit à signaler pour l'étude des sépultures du moyen-âge. On
ne peut y chercher, par couséquenl, que des souvenirs
contemporains dan- les noms et les dates qui se hseut sur les
monuments de plus en plus nombreux élevés par la piété
recouuai.-rsaute des familles. Il serait impossible de les énu-
■I. 11 peut s'agir de Char'es IX, de Hcuri IV et de Louis XIII, d'après les
caraclères.
2. L'église et le cimetière iigurent sous les n" 243 et 214 de la section D
du plan cadastral pour uue superficie de 24 ares; l'église seule pour
5 ares 76.
446 UNE ÉGLISE KURALE
mérer ; uous uous Loruous aux plus sailliuls parmi les
personnes notables et les bienfaiteurs de la commune.
Des deux côtés du portail, se dressent deux croix en
fer, assez remarquables ; celle de droite, signée DAIRE, 1848,
porte répitaphe de Remi-Jacques Caurette, décédé le 8 janvier
1848, àVâgede 'H^ans; celle degauche, signée F. P. PHILIPPE
RENEUF^ET SON FILS, 1817, porte l'épitaphe de Paul-
Alexandre Carlier, propriétaire, ancien maire et chirurgien,
décédé le \^ juillet 1816, âgé de 11 ans^.
En avant du portail, sépulture de la famille Saintive-Bardin,
où se lisent les noms de Jean-Charles Bardin, ancien maire,
décédé le 6 avril 18S8, dans ^a 81" année , — de Ponce- Achille
Saiîitive, licencié en droit, cultivateur, décédé le 29 septem-
bre 1885, et des parents de ce dernier, — Félix-Antoine Sain-
live, ancien maite, chevalier du Mérite agricole, décédé le
28 juin 1894, dans sa 80" année ; — son épouse, Marie-Fran-
çoise Bardin, décédée le 16 août 1892, dans sa 82*^ année.
Sur le côté nord, ou voit la tombe de Pierre-Louis-Vincenl
■ Brimont, curé de Sécheval [Ardennes), décédé le 1 1 avril 1859 ;
près de la porte latérale de l'église, sur une plaque de marbre
blanc et sur un monument en pierre, se lisônt les noms des
membres défunts de la famille Prillieux, notamment : Nicolas
Prillieux, membre du Collège électoral des Ardennes, décédé
le 30 janvier 1819; — Jean-Baptiste Prillieux, l*"" sup-
pléant du Juge de paix d'Asfeld, ancien capitaine, ancien
maire, membre du Collège d'arrondissement, décédé le Vô sep-
tembre 1842, à Vâge de 75 ans; — N. Théophile Prillieux,
décédé le \^ juillet 1839, dans sa 1%" année; — Jean-Nicolas
Prillieux, maire, membre du Conseil général des Ardennes,
décédé le 28 août 18b3, à Vâge de 56 ans; — son épouse,
Léonie Am Stein, décédée le 1 juin 1895, à l'âge de 7n ans.
Dans la portion du cimetière vers Test, se voient les tombes
de Jean-Pierre Boulangé, plus d'un demi-siècle instituteur de la
commune, décédé le 23 août 1864, âgé de lij ans, — et de son
fils, J.-B. F tienne Boulangé, décédé à Aire, le 21 avril 1888,
âgé de 7 1 ans. Deux anciens curés reposent du même côté, l'un
sous une dalle en pierre de Givet, G.-L. Franquet, né à
Rocroi, /e 14 février 1805, curé de la paroisse pendant 24;a7is,
mort le 12 février 1853; — l'autre sous un monument au
chevet de l'église, Joseph-Léon Tarpin, curé de la paroisse le
1, Celle plaque de cuivre, gravée avec soin, le texte surmoùlé d'une
croix, est signée au bas : Sainctelelte à [ieims.
UNE ÉGLISE RURALE 447
10 mars 1853, décédé le 31 décembre 1857 ; — soa épilaphe
relate son dernier vœu : Soutenez -voua, mes frères bien-aimés,
de sancn fier le jour du Seigneur.
La dernière et charitable descendante d'une famille noble,
fixée d'ancienne date à Juzancourl, a sa sépulture sous une
dalle en pierre blanche : M^^f Marie- Joséphine- Louise de
Villiers, dècédée le M septembre 18o5, dans sa 80" année.
Les membres d'une famille de Retbel reposent en face du
chevet, l'un près de l'autre, sous plusieurs monuments : Jean
Vuillemet, né à Rethel, le 3 octobre 1772, ancien greffier du
Tribunal de cette ville, décédé à Villers, le 7 décembre l847;
— son fils, Jean-Nicolas-Marie-Hubert-Aimé VvAllemet, notaire
à Villers, décédé le 1"" jnai 1833; — et sa fille, Anne-Fran-
çoise-Hîiber te- A glaé Vuillemet, fondatrice de T Ecole des Filles
de la commune, décédée le 9 novembre 1873, dans sa 73° année.
— A côlé d'eux, on lit, sur une dalle en pierre de Givet, l'épi-
taphe dL' Etienne- Alexandre Jadart, né à Adon, le 23 avril
1809, ancien greffier du Tribunal de Rethel, ancien maire de
Villers, juge de paix du canton d'Asfeld, décédé le 15 octobre
1863 ; — et de sa veuve, Jeanne- Marie-Virgine Leroy, décédée
le 16 janvier 1895, dans sa 88° année.
IL — Église et Cimetière de Juzancourt.
L'église de Juzancourt n'offre plus aucune pierre tombale,
mais un caveau funèbre y existait sous la chapelle du sud
(aujourd'hui sacristie), et les registres y mentionnent la sépul-
ture de membres des familles de Hezecques, Dubois d'Ecordal,
de Villiers, etc. Dans cette même ancienne chapelle, on a
tracé plusieurs noms, qui peuvent indiquer des sépultures,
dans la niche d'une piscine, où nous avons lu : H. Paloteau,
C. Robert (?) et Breton, curé.
En dehors de l'église, dans deux maisons particulières,
se trouvent d'anciennes dalles tumulaires du moyen âge,
provenant de l'ancien prieuré de La Presle, monastère de reH-
gieuses bénédictines relevant de l'abbaye de Molesmes, fondé
en 121 2, et plusieurs fois ruiné durant les guerres du xv* siècle * .
Dans la maison de M, Borgnet, on voit parmi les dalles une
très grande pierre calcaire (H. 2"'30 — L. i'"01) portant celte
épilaphe en caractères du xiii'^ ou xiv° siècle fort bien con-
servés ;
l. Voir une notice et l'analyse du cartulaire de ce prieuré, par M, l'abbé
Carré, dans la Revue de Champagne cl de Brie, années 1892-93.
r448 jUNE .ÉGLISE RURALE
GIGIT BERTE DECRI'
PRŒS POR L[
Dans une maison appartenant à M. Thiéheaux-Béguin. le
devant du foyer est formé d'une pierre tombale, également du
xiii*^ ou xi\° siècle, eu pierre bleue (H. 2"'27 — L. 1"'0'V), dont
les dessins et l'inscription s'effacent de plus en plus. On
y dislingue encore cependant au milieu la tlgure d'un [terson-
nage debout sous une arcade trilobée, les mains jointe?^, vôlii
d'une robe, coiffé d'un bonnet, les pieds reposant sur deux
chiens ; au sommet se détachent de chaque côlé deux écussons
où l'ou croit distinguer des pals de vair et, sur celui de gauche,
un chef chargé d'un Hon. La légende n'offre que des por-
tions incomplètes comme sens, sur les bords de là dalle :
CI G1T...ERAR ..DEÇRI
TES-COM lE SVI
TES-SERES-VOS
. T...SCOMJE FVi
T.. DE VOS.
Celte dernière phrase, souvent reproduite sur les sépul-
tures, a pour sens vraisemblable : Je fus ce quevoas êtes, vous
serez ce que je suis. Le nom de ce seigneur d'Ecry ne jieul être
lu d'une façon sûre, il s'appelait Erard ou Gérard probable-
ment, mais nulle date ne reste visible pour fixer l'époque de
sa morl.
Le cimetière de Juzanco-irl entoure l'église au sud. De ce
dernier côté, on voit, trace au mur, uu cadran solaire du
xv!!!*^ siècle, dont la tige est enlevée, et qui ne porte aucjne
sentence horaire. Du côté nord, parmi les monuments plus
récents, s'élèvent deux croix en fer d'ancien style, auxquelles
sont fixées des plaques en cuivre offrant les épilaphes des der-
niers descendants des anciens seigneurs du lieu et de familles
nobles de Reims. Leurs noms et leurs qualités peuvent inté-
resser la généalogie de ces familles, et nous douuons pour
cela leur texte en entier.
On lit sur l'une : A la mémoire de Claude de Burlin, che-
valier de Sainl-Louis, colonel d'artillerie, décédé le o féorier
1814, dans sa 70* aimée., de Dame Marie- Louise- Simonne Var-
let de Semenze, son épouse, décédée le 14 mars 1827, dans sa
1. Ecry , ancien nom d'Asfeld, dont les soigneurs enricliirenl ce prieuré
de La Presle dans la prairie de la vallée de l'Aisn -, à proximité de Juzan-
court.
UNE ÉGLISE RURALE 449
78^ année, et de Dame Jeanne-Julie Varlei de Semeîize, reli-
gieuse de la Congre fjatio/i, décédée le 21 Janvier 1817, dans la
73^ an}iée de son âge '. Requiescant in pace.
Ou lit sur Taulre : Ici reposent M'' Ch^^^-N^'^^- Benjamin- Par-
fait de Villiers; ancien colonel d\irliUcrie, chevalier de l'ordre
royal et militaire de Saint- Louis, décédé le i8 mars 1828,
dans la 91° année de son âge, et Dame Marie -Anne-Antoi-
neite- Julie J^etesqne de Conrninnt, ,\oii épouse, décédée le 30
août 1?<35, dans sa 8o® minée. De Profandis.
Il est à remarquer que ces personnes, qui vivaient dans une
grande simplicité, après avoir subi toutes les vicissitudes des
événements sous la Hévoluliou, moururent toutes dans un
âge avancé. Leurs descendants ne se m liutinreut point sur le
sol héréditaire el, depuis 1850, les deux châteaux de Juzau-
court, abandonnés par leurs hôles séculaires, sont devenus le
piège de laborieuses maisons de culture.
Chapitre VIII
Anciennes chapelles détruites, Croix de chemin,
Cadrans solaires et autres curiosités historiques.
Dans les précédents chapitres, l'historique de Téglise a été
étudié dans l'édifice même et dans ses dépendances immé-
diates. Il nous semble agréable et utile à la fois d'agrandir ce
channp d'investigations et de chercher à nous rendre compte
des anciennes traces de fondations qui se sont perpétuées sur
le terroir et y rappellent d'anciens établissements reli-
gieux disparus, ou même un simple symbole de la foi de nos
pères, et le plus respectable de tous, la croi.x. de chemin avec
sa parure agreste d'ormes séculaires. Les légendes horaires,
gravées sur des cadrans solaires, compléteront cette revue de
l'art et de^ la pensée religieuse dins les bornes étroites d'une
localité, espace sulfisant néanmoins pour nous instruire sur
les mœurs rurales d'autrefois :
1. Elle avait pris l'habit le l'J juin 1778, dans le iiouaslère de la Con-
grégaiioii de Reims, sous le nom de Sœur Cécile de Sainle-Agalhe, el avait
quitté cette maison en 179!?, lors de la dispersion des reliuieuscs. Cf. VHiS-
toire de la Congrégation de Noire-Dame de Reims, par l'abbé P.-L. Péche-
nard, 1886, t. H, pp. 161 et 382.
29
4oO UNE KGLI^-Ii; KURAl.K
Humani gcneris mores libl noise i olenli
SnfficU una domus '
Les généralious actuelles comprennent encore ce langage
des choses du passé, et elles y puisent des enseignements
iradiLioniiels, en dépit des modificalioaset des transformations
successives. Le progrès n'est point exclusif du culte des
ancêtres, il doit en être au contraire le développement et
la suite.
L — Anciennes Chapelles nÉTRUiTES.
Chapelle Saivi-Marc, — La plus connue de ces chapelles
dans le souvenir populaire, sans que personne puisse expli-
quer cLiiremeut son origine, était située au lieudit Le Ban ou
La Croix S'iint- Marc, vers l'ouest et à deux ou trois cents
mètres environ des dernières maisons de la grande rue du vil-
lage •.
Le seul document ancien qui nous renseigne sur son exis-
tence est le procès- verbal de visite de la paroisse en 1692 ; on
y lit : c< Il y a sur le territoire de Villers une chapelle dédiée à
saint Marc, ancien patron du lieu, et entretenue aux frais du
s'" curé et des paroissiens ; elle n'est pas fermée ; il seroit
à propos de la faire desmolir, mais on s'i opposeroit. Il y
aune espèce de cimetière. On y entere les pestiférés, on n'y
fait aucune fonction, il y a un reste d'autel ^. » Voilà des ren-
seignements assez précis pour la fin du xvii' siècle, et qui
éveillent notre attention sans la satisfaire. Le vocable indiqué
serait celui de l'évangéliste saint Marc, vocable exceptionnel
dans la contrée, et que nous aurions été amené à prendre pour
une confusion avec celui de saint Médard (abréviativement
saint Mard), l'évêque si connu de Noyon *. Nous ne pouvons
1. JuvÉNAL, Satire XIII, vers 160.
2. Le 13 mai 189o, j'ai examiné l'emplacemenl de celte chapelle el de son
( imelière, entre la route de Lor et celle de La Malmaison, à 50 mètres envi-
ron de celle dernière. C'est une terre cultivée, de forme presque carrée, d'une
contenance d'environ treize ares, formant un petit tertre visible au-dessus
des terres voisines. Elle figure au cadastre sous le n" 1041 de la section A,
lieudit la Croix Sainl-Marc.
3. Voir l'appendice VII, article 51 .
4. Le vocable de Saint- Marc est excessivement rare ; il n'y eu a point
d'exemple dans les pouillés du diocèse de Reims. Au contraire, celui de
Saint- Médard (en langue vulgaire : Sainl-Mard) est usité et très fréquent
dans toute la région, comme lieudit de terroir, comme nom de commune et
comme patronage d'église. Voir le Dictionnaire topographique du dépar-
tement de la Marne, par A. Longnon, 1891, p. 245-246.
UNli ÉGLlSh; KURALE 4ol
qu'ex I limer sur cepoiullos divergences saus trancher laques-
lion, eu ajoulaul qu'une slatue de saint Marc se trouve
encore dans l'église de Villers, en souvenir du culte qui lui
était rendu dans la chapelle.
Un point plus difficile encore à fixer, c'est celui de la date
de fondation de cette chapelle, dont le curé et les paroissiens
devaient payer l'entretien. Est-elle la chapelle d'un ancien
cimetière, cenirj primitif de la paroisse, ou, au contraire, une
chapelle de secours pour l'église paroissiale, un lieu de refuge
et de sépulture réservé aux lépreux, aux pestiférés et aux vic-
times des épidémies? Il est certain que ce dernier emploi fut
sa destination finale, et qu'elle tombait eu ruines, n'avait plus
d'autel et allait è(re démolie il y a deux siècles, c'est-à-dire à
l'époque où la lèpre et les grandes pestes n'exerçaient plus
leurs fléaux sur les populations. Nous croyons donc y voir
plutôt une création du moyen âge, vers le xiir siècle, dans un
but de soulagement et de salubrité, qu'un établissement pri-
mitif des époques antérieures,
La découverte d'une note relatant la démolition de la cha-
pelle en 1755, et fixant sa construction en 124 o, vient de
confirmer notre supposition de la n;anière la plus formelle. Il
en résulte que ce petit édifice resta debout jusqu'au milieu du
XYiii^ siècle, et qu'en le renversant alors on mit au jour sa
pierre de fondation qui portait la date de 1245, la 19® année
du règne de saint Louis, et le nom de Jean Zella (nom pruba-
blement estropié par le copiste), comme étant celui qui avait
posé sa première pierre. Ces indications si précises nous ont
été transmises par une mention inscrite s'.ir un vieux titre,
d'après le registre de Médard Mercier, sorte de compi'ation
historique ou de chronique locale actuellement perdue '.
Au surplus, des fouilles ont eu lieu en cet endroit, vers
1S58, sur l'initiative de M. Lannois, alors notaire à Villers, et
l'on n'exhuma, à notre connaissance, nuls débris antiques. Ou
trouva seulement des tombes en pierre blanche dite de Colli-
gis, quelques débris de marbre et des dalles, mais point
1. Voici le lexLe de ceUe mentioD qui nous a été fort obligeamment com-
muniquée par le propriétaire du litre : « L'an 1755, on a demoly l'Eglise
ou chapelle de Saint More le 25 may, et on a trouvé la première pierre posé
par Jean Zella, à la dalle de 1 '45, du règme de S' Louis, roy de France,
le 19e. _ Tiré du registe (51c) de Médard Mercier, feuillet 32 pour noie. »
Au bas d'un litre de propriété eu date du 10 janvier 1792, passé devant
M' Philippot, notaire au Thour, appartenant à M. Tellier cadet, de Villers-
devant-le-Thour, copie du 5 juin 189o.
452 UNE ÉGLISE RURALE
de vases, d'armures, de tîbules et de bijoux, comme ou
eu trouve en si grand nombre dans les sépultures romaines et
franques, comme ou en a trouvé noiamment à Juzancourt,
lieudit Les Tombes. Pour avoir toutefois sur ce point une
appréciation exacte et à peu près sûre, il faudrait sans doute
recommencer de nouvelles fouilles et y procéder méthodique-
ment, comme l'expéiience a démontré qu'il était possible de le
faire en tant d'autres endroits. Jusque-là, réservons notre juge-
ment et signalons seulement l'emplacement de la Chapelle
Sainl-Marc comme l'un des lieux dits les plus curieux du terroir.
Chapelle de Tremblot. — La Censé des Trembleaux (lieu
planté de trembles à l'origine, probablement), qui s'appelle
aujourd'hui la Ferme de Tremblot, n'est point une fondation
authentique des Templiers, comme on l'a cru et comme on le
répète dans des ouvrages courants.. Les dénombrements que
l'on possède des commanderies voisines de Boucourt et de
Merlan ne font pas mention d'une dépendance de ce nom. 11
est vrai que l'on suppose, sans davantage de preuves, que
« Philippe-le-Bel, d'odieuse mémoire, lors de la confiscation
des biens des chevaliers du Temple, donna le domaine de Trem-
blot, non à l'Ordre de Malte, mais à l'abbaye de Saint-Martin
de Laon*. » Il est certain que ce monastère possédait la censé
dès le xvr siècle, et probablement depuis une plus lointaine
donation, mais aucune pièce ne vient à l'appui d'une prove-
nance de confiscation. Les archives de l'abbaye, sauf un bail
de 1789, ont disparu en entier de nos dépôts publics -, La por-
tion de titres qui fut donnée à l'acquéreur de la ferme de
Tremblot, vendue comme bien national en 1793, concerne
uniquement cette ferme, et ne contient que des baux datés des
années 1530 et suivantes jusqu'à la Révolution 3, Il faut doue
1 . Géographie historique du déparlement des Ardennes, par Jean Hubert,
1856, p. 250. — L'abbaye de Saint-Martin, de l'Ordre de Prémontré, fut
fondée à Laon en 1124, et sa mense abbatiale fut unie à l'archevêché de cette
ville en I7b0. La terre de 1 remblot fit partie delà mense conventuelle. Ses
Lcllimenls sont orcupés par l'Hùtel-Dieu, et son église transformée en paroisse.
2. Archives dépirtemciitnies de l'Aisne. Inventaire, H. 970, liasse, papier,
1 pièce, 1789, 15ail dts fermes du Trembleau à Jpan Fossier, Louis Pré-
vost, Pierre Petit, Jean-Robert Bréarl, Jean-Charles Gobreau, pièce unique
du fonds de l'ancienne abbaye de Suint-Marlm de Laon.
3. On lit dans les Affiches de lîeims, de Havé, celte annonce : ^^ Le Trem-
BLAUX, corps de ferme, situé au terroir de Villers devant le Thour, consis-
tant en huit corps de bûtimcns, envir. 90 verges de jardin et 872 jours de
terre en une seule pièce ; loué 42 asnées de froment, 05 de seigle, 60 d'avoine
et 9n0 liv. en argerjt, et autres clauses, mis au prix de 38.632 liv. 40. —
L'adjudication s'en fera au Bureau du district de Ketbel le 31 mars 1791. »
(N- du 21 mars 1791.)
UNE ÉGLISE RURALE 453
renoncer, jusqu'à la découverle de pièces plus anciennes
remoutaal au moyen-âge tout au moins, à retracer l'historique
complet d'un domaine dont la valeur est aujourd'hui si diffé-
rente de ce qu'elle était sous l'ancien régime. Les progrès de
la science qui ont amené l'emploi judicieux des machines
et des engrais eu ont fait une terre riche et féconde, propre à
tous les genres de cultures intensives, selon l'expression
actuelle K
La série des quatorze anciens baux que nous avons consultés
relate les perles et les misères éprouvées par les fermiers,
autrefois au nombre de huit ou dix, tant à cause de la mau-
vaise et ingrate nature d'un sol sablonneux que par suite des
pillages et des rapines des gens de guerre. D'autres clauses
intéressantes y sont énoncées, notamment celle qui constatait
l'existence, en 1530, d'une chapelle desservie par l'un des reli-
gieux de Saint-Martin en personne ou par commission". La
chapelle subit les vicissitudes des bâtiments agricoles ruinés
par les guerres de la Fronde au milieu du xvn'^ siècle, et les
•fermiers furent astreints à la relever, ainsi que leurs propres
demeures, quelques années plus tard^ Soit que leur détresse
ne leur permît pas de le faire, malgré le don de trois chênes
dans la forêt de Samoussy , soit (|ue les religieux aient renoncé
1. Vente de Tremblot le 31 mai 1793 an district de Rethel, au prix de
164.900 livres, à Quentin Béranger, laboureur à Berry-en-Laonnois, qui
revendit de suite, pour un pot de vin de trois mille livres, le domaine à
M, Jourdain d'Héricourt, demeurant à Paris, paroisse Saint-Sulpice. — Par-
tage postérieur entre ses héritiers, morcelant le domaine en deux fermes. —
En 1873, acquisition, par M. Linard, fabricant de sucre à Saint-Germainmont,
des 2/3, et en 1888, acquisition du reste par le même, qui réunit ainsi un
ensemble de 500 hectares labourables environ. Il en a fait un magnifique et
tlorissanl domaine agricole. Nous avons eu communication des titres de pro-
priété lo s de l'acquisition, en 1873.
2. La chapelle de Tremblot est citée dans un bail du 30 avril 1."j30 : « Les
preneurs sont tenus, est-il dit, d'entretenir la chapelle de ladite censé selon
leur part, .. item, payer par chacun an pour les messes qui se célébreront
chacune sepmaine et les lestes de Noslre Dame dans la chapelle de ladicte
censé dudicl Trflnsbleaux par ung des religieux de ladicte église (Samt-
Marlin de Laon) ou autre qu'il plaira y commettre par lesdils bailleurs, la
somme de douze sols parisis. » [Titres de propriété du domaine.)
3. Bail du 23 décembre 1636 : « Les fermiers sont obligés : 1° à faire
réédifûer la chappelle en dedans un an d'auiourdhuy ; les religieux pour les
aider les autorisent à prendre trcis chênes dans la forêt de Samoussy , 2»
bastir en la ceuse des logements commodes pour les fermiers Ils doivent
entretenir la chapelle et les bâtiments ; si les gens de guerre empêchent de
bastir, ils en seront déchargés .. » [Titres de propriété communiqués par
M- Désiré Linard, acquéreur du domaine, 1873.)
454 UNE ÉGLISE RURALE
d'eux-mème à leur droit, il n'est plus question d'une chapelle
à Tremblot jusqu'à la Révolution. Un procès-verbal de visite
indique le rattachement des cinq fermiers à la paroisse de Vi!-
1ers comme un fait accompli en ltî92, et mentionne le don
annuel au curé par l'abbaye, d'une somme de vingt-quatre
livres pour l'administration des sacrements à leurs tenanciers,
les terres de Tremblot étant exemptes de dîmes '.
Cet état de choses devint déûnilif, mais ne fut pas sans
engendrer, vers 1700, de vifs dissentiments entre les fermiers
et le curé Nicolas Dumont, très ferme sur ses droits fiscaux et
ses prérogatives ouriales. Les fermiers voulurent échapper à
sa juridiction et être rattachés à la paroisse d'Avaux ; ils
arguèrent de refus de sacrements, provoquèrent des enquêtes,
firent pleuvoir les dénonciations, sans parvenir à changer
de paroisse, ni même songer à rétablir l'ancienne chapelle,
qu'ils eussent dû rebâtir et entretenir à leurs frais'.
II. — Anciennes croix de chemin.
Les croix qui marquent autour de chaque village la trace
des événements historiques et y perpétuent la mémoire d'an-
ciens habitants ou simplement les lieux-dits du terroir, sont
des monuments à tous égards dignes de notre sauvegarde et de
nos hommages. Déjà, nous avons noté celles que l'on rencontre
près de Villers-devaut-le-Thour et de Juzancourt, dans une
notice spéciale, avec le dessin d'une croix en fer d'un beau
modèle, dont la vue mérite de figurer ici de nouveau \ Nous
allons récapituler la liste des croix disparues et des croix con-
servées dans ces deux localités.
Croix Saint-Ma'C. — Cette croix se trouvait au bord de la
route de La Malmaison, plus éloignée du village et du côté
1. Appendice VII. Procès-verbal de visite en 1692, article 8.
2. On trouve, dans la liasse de Villers-devanl-le-Thour, toute une corres-
pondance relative aux (ermiers de Trembleau, qui demandaient à être rat-
tachés à la paroisse d'Avaux. — Mémoire autographe du curé Nicolas
Dumont, — procès-veibal d'enquête du 10 mai 1763, — nombreuses lettres
des fermiers, du prieur de Saint-Martin de Laon, des vicaires généraux de
Reims, etc., etc. Celte querelle paraît avoir tourné en longueur et n'avoir
reposé d'ailleurs que sur l'aversion des fermiers pour Nicolas Dumont, leur
curé malgré eux. — Archives de Reims, Fonds de l'Archevêché, Visites,
Doyenné de Sainl-Gerinainmont.
3. Les anciennes croix de cliemins, de carrefours et de cimetières dans
le pays rémois et les Ardenne^, recherches de topographie et d'archéologie,
brochure in 8° de 62 pages Reims, 188S, extrait du t. LXXXI des Travaux
de l'Académie de Reims.
ff
*•"■-■ J cbwr ï
. ; 1(1
■ ii.« m-
UNE EGLISE RURALE i",',]
opposé à remplacemeul de la cha[)clle de ce nom. Son socle
est encore visible sous forme de débris. Longtemps entretenue,
celle vieille croix en bois a disparu vers 185o, sans qu'il en
re^le d'autre souvenir qu'un lieudit du cadastre.
Croix du Paradis. — 11 eu est de même d'une croix qui était
placée près du chemiu parallèle à la grande rue du village au
nord, à la rencontre du chemin moulant aux vignes dites de la
Voie du Bois. Son socle en pierre restait seul pour témoigner
de sa fondation ou de son établissement, car il portait la date
de 1764 ; il vient de disparaître récemment avec le nivellement
de la terre.
Croix PrilUeux. — A la sortie du village au nord, sur la
gauche de la roule allant au Thour et à la croisée du chemin
d"/ Lassaux, une belle croix en fer d'ancien style (celle que
nous reproduisons ici) se trouve ombragée de deux ormes
et masquée sous leur feuillage.
Elle repose sur un socle en pierre dure assez haut, et la lige
monte appuyée sur des consoles et décorée avec une élégance
de bon goût. Elle offre, en effet, un exemple de la persistance
des traditions dans l'art de forger le fer, car elle présente
le caractère des œuvres du xviii* siècle avec la date de 1817,
inscrite sur la tige et accompagnée du nom de l'ouvrier :
FTPARPHILlPPE-RENEUFET-SON-FILS-AN-1817-LE
7-SEPTEMB. Ce nom d'un serrurier de Château- Porcien, qui
s'y est perpétué, se lit aussi sur la grande grille de l'église du
Thour et sur d'autres croix encore debout dans la contrée.
Une plaque en tôle porte les noms des fondateurs : A la
gloire de Dieu et à la mémoire de ii'' Nicolas PrilUeux, pro-
priétaire à Vil 1er s- devant- le- Thour, et de Marie-Barbe Fleu-
rimone Suhier, son épouse. Cette croix a été érigée par leurs
soins en Vannée 1817, dans le mois de septembre. 0 crnx ave.
Croix Carlier. — Sur la route d'Afefell, en face de Villers, à
l'angle d'un chemin et d'une garenne qui bordent le vallon dit
de Vaudoux, une croix datant de 1819, presque semblable à
la dernière, mais non signée, s'élève à lombre d'ormes et
de peupliers. Remise sur sa base en 1890, elle a été scellée de
nouveau sur son socle à la suite d'une mutilation qui lui
fil perdre sa plaque en cuivre gravée avec soiu, sur laquelle ou
lisait : Cette croix a été rétablie par les soins de i)/""^ Carlier
et ceuot, de sa fille, et bénie le jour de l' Assomption de la Sainte
Vierge Van 4819. Sainclelette graveur à Reims.
Le nom de M''""^ Carlier, rappelé par celle croix, est ausi-i
4bG UNE ÉGLISE RURALE
celui d'une bienfaitrice des Hospices de Reims el du Bureau
de bienfaisance de Villers-devaut-le-Thor.r, morte à Reims en
1831. Les détails de sa vie el de ses legs oui été relatés par un
chroniqueur rémois bien couuu, M. Lacatte-Joltrois, géné-
ralement assez bien informé et toujours sincère. Nous lui en
laissons d'ailleurs toute la responsabilité, en recourait surtout
à sa notice pour faire coanaitrc des dispositions charitables dont
les Archives des Hospices de Reims gardent les pièces ori-
ginales \
Croix Bardin. — Dans le fond d'Ecry, sur la gauche de la
roule allant à Asfeld et à la croisée d'un chemin dit de Saint-
Marcoul^ allant de Juzaucourt vers Tremblol, une dernière
croix en fer est à mentionner. Elle était, comme les autres,
accompagnée d'ormes qui l'encadraient en la protégeant, mais
elle a perdu cette parure verdoyante vers 1878, ainsi que la
plaque de tôle qui menlionnait son érection. Heureusement,
l'ouvrier qui la forpea et dont le nom et l'habileté sont encore
en mémoire, avait buriné sa date sur le montant en ces termes :
f Cette croix a élé faite par Jean-Nicolas D aire fils et ses frères
it Villers, 1829. Bien que sa décoration n'ait pas le cachet des
1 . « Mort de M''" Carlier, bienfaitrice des hospices de Reims — .Si"° Marie-
Françoise Carlier, née à Villers-devanl-le-Thour ea 1763, fille d'un riche
médecin qui avait augmenté sa fortune par l'acquisilioa de biens nationaux,
mourut à Heims le 14 lévrier 1851. Mariée pendant la Révolution, entre
1794 et 1800, celte demoiselle el ses parents furent cruellement trompés.
Croyant Jonner pour époux à leur fille le comte de , officier autrichien
de haute extraction, ils ne lui firent épouser qu'un aventurier qui avait pris
le nom de ce noble personnage, el que ses manières aisées firent croire tel.
Cet imposteur craignant d'être découvert, empoisonna sa femms et prit la
fuite. M' Carlier se pourvut en justice contre cet attentat et, par des preuves
sans réplique, il obtint l'annulation du malheureux mariage de sa fille. Atta-
quée, sinon mortellement, mais de manière à ne guérir jamais. M''" Carlier
reçut tant qu'il vécut les soins de son père, et après la mort de l'auteur de
ses jours, espérant trouver à Reims remède à ses souffrances, elle vint s'y
établir momentanément, espérant toutefois retourner dans son pays, mais
n'obtenant rien de ce qu'elle désirait, et se trouvant avoir besoin du secours
journalier d'un médecin, elle s'y fixa pour toujours, passant son temps à
voir quelques personnes estimables, mais peu, à recevoir les visites de son
médecin, et en s'occupant de bonnes œuvres. Par son testament, cette demoi-
selle a laissé aux hospices de l-{eims (ce sont les intentions de ses parents
qu'elle a suivies) trois fermes, une à l'Hôtel-Dieu, une à l'Hôpital général,
et la troisième à l'Hospice de Saint-MarcouU. On les estime de 2 à 300.000 fr.
Parmi d'aulies dispositions particulières, on a remarqué la fondation à per-
pétuité de la messe de onze heures à la cathédrale de Reims, » {Biblio-
thèque de fleims, Cabinet des Manuscrits, Abrégé chronologique de La Gatte-
JoLTROis, t. IV, f" 284, année 1831.}
UNE ÉGLISE RURALE 457
deux autres, il esl à souhaiter que celle croix soit maintenue
sur son socle et préservée de nouvelles atteintes.
Nous ignorons s'il y eut jamais, sur le terroir de Villers,
d'autres croix plus curieuses, nous n'en avons point trouvé de
vestiges. Peut-être en existail-il une à une date reculée, au pied
d'un orme gigautes(|ue, nommé V Arbre Caraffe, qui se trou-
vait sur le grand chemin de Villers à Lor, au point culminant
du plateau d'où Ton découvre à la fois à l'horizon la cathédrale
de Reims et celle de Laon Cet arbre séculaire, qui figurait sur
la carie de Gassini et sur celle de Tétal-major, fut atteint par
la foudre à plusieurs 'reprises et, en dernier lieu, en 1868 ; son
abattage fut alors résolu et accompli l'année suivante, non
sans perle pour un terroir bien dénu^lé dont il était la seule
curiosité nalurelle'.
Le terroir de Juzaucourl n'offre plus que deux croix assez
anciennes, en bois et délabrées. L'une d'elles, à proximité du
village, sur le bord du sentier qui monte aux vignes, porte
encore sa plaque de lôle avec cette légende : A la gloire
de Dieu, cest crois esl poszé à la dévotion de N. Joseph Rif-
flar, fils de feu Rober Rifflard el de May. Le Moine, 1733^
— L'autre croix, dite Croix de Villers, placée sur le sommet
du plateau au-dessus des vignes, esl ombragée de quatre
beaux arbres, mais ses montants se désagrègent el menacent
une ruine prochaine.
Divers autres souvenirs étaient consacrés par des croix,
l'emplacement du prieuré de la Presle notamment, mais ses
dernières traces sont maintenant anéanties. Rien n'indique
davantage aujourd'hui la situation d'un fief, nommé L' Ecuyer,
qui relevait au dernier siècle de la seigneurie de Juzancourt^.
1 . Il y formait un signal à la cote 134, et il dut être, pour ce motif,
remplacé de suite par un autre orme qui atteint déjà une certaine élévation.
On vendit le tronc énorme et les larges branches du vieil orme, moyennant
400 fr., au profit de la commune. — Le nombre des arbres séculaires dimi-
nue chaque jour dans la contrée. Citons, parmi les survivants, le Chêne
Prillieux, dans la prairie de Saint-Germainmont, lequel a résisté à la ter-
rible gelée de l'hiver 1879-80.
2. Voir une étude sur M. Rifflart, curé de Nampcelle-la-Cour (Aisne),
originaire de Juzancourl, par M. l'abbé Berriot, 1888, in-S».
3. Le Journal de Chainpagtte, par Havé, du lundi 26 novembre 1781,
p. 189, contient l'avis suivant : « A vendre une belle ferme sise à Vil-
lers-devant-le-Thoui-, consistante en 79 jours, 43 verges trois quarts d'ex,
cellentes terres, et deux quartels de pré : elle est exploitée par le s"^ Tho-
mas Renaud, à la redevance de 275 livres en argent et 50 setiers de fro-
ment : cette redevance augmentera de plus d'un tiers au 1" bail. De cette
458 UNE ÉGLISE RURALE
III. — Anciennes maisons, taques de foyer et cadhans
SOLAIRES.
Les vieilles maisons disparaissent comme les vieux arbres
dans nos campagnes et, avec elles, leur décoration rustique
du foyer, leurs ménagers avec dressoirs où s'étalaient les
assiettes de faïence et les plats en élain. La mode a presque
tout renouvelé, el nous ne pouvons citer que des curiosités
oubliées ou méconnues, peut-être en voie de disparaître '.
C'est bien de ces vieilles maisons de village que l'on peut
dire :
Je n'aime pas les maisons neuves :
Leur visage est indifférent ;
Les anciennes ont l'air de veuves
Qui se souviennent en pleurant.
Les lézardes de leur vieux plâtre
Semblent les rides d'un vieillard ;
Leurs vitres au reflet verdâlre
Ont comme un triste et bon regard !
Leurs portes sont hospitalières.
Car ces barrières ont vieilli ;
Leurs murailles sont familières
A force d'avoir accueilli -.
Les pignons recouverts de carpes en saillie n'existent plus
nulle part ; deux maisons de la grande rue ont conservé à leur
corniche des modiilons qui leur assignent la date du xvii*
siècle au moins ; ce sont peut-être les seules survivantes
du grand désastre de 1653. — Une maison de culture près du
cimetière (celle de M. Fossier-Fossier) porte dans son pignon
la date de 1774, formée avec des briques au-dessus d'une
ferme dépend le fief de VEcuyer, qui consiste en 23 jours de terre et trois
pièces, et relève de la seigneurie de Juzancourl. L'adjudication s'en fera en
l'étude de M' Huet, notaire à Reims, rue du Marc, le mercredi 5 décembre
1781, à neuf heures. » — Aucun lieudit L'Ecuyer ne se trouve sur le terroir
de Juzancourt. Cependant on nous a indiqué que ce fief pourrait se trouver
entre les Barres et Juzancourt. On fit en cet endroit un camp pour les
Russes en 1815.
1 . Les brocanteurs et les amateurs ont acquis déjà bien des meubles et
des objets divers dans ce village reculé; ii y reste, chez M°" V" Bonnet-
Denaux, un cadre en ébène sculpté d'un riche dessin, olfrant les quatre sai-
sons au milieu des montants, et des ligures en relief aux angles ; les inler-
Talles sont ornés de motifs ciselés. Ce cadre devait contenir une glace
biseautée du xvi» ou du xvir siècle.
2. Lire la pièce entière si pittoresque de Sully Prudhomme, Les vieilles
maisons, publiée dans VAnthologie des Poètes français depuis le XV' siècle
jusqu'à nusjourSf Paris, Lemerre, s. d., in-8», p. 366-68.
UNE ÉGLISE RURALE 459
croix. — Une maison bourgeoise (ancienne maison Carlier),
type d'une habitation du xviii® siècle, est précédée d'une porte
cochèrebieuproporlionûée, dont la clef conserve la date de 1769.
Nous ne connaissons que deux anciennes plaques eu foule,
remontant au xvii" siècle. L'une t^e trouve dans l'ancienne
maison de la famille Poncelet, à l'extrémité de la grande rue,
en sortant du village sur la droite '. Sa forme et sa décoration
fixent sa date vers le règne de Louis XIIL Elle est cintrée à la
partie supérieure et mesure 0"'80 de hauteur sur 0'"67 de lar-
geur; le milieu est occupé par un écusson surmonté d'une
couronne de comte et flanqué de lambrequins ; le champ
de l'écu a pour meuble un arbre avec ses racines, sur le som-
met, se dresse un oiseau placé en chef entre deux étoiles. Ce
blason nous est inconnu. — I^'autre taque (H. 0"'60 — L. Oi^oO)
garnit la cheminée du fournil de la maison de M'"*^ Jadart-
Leroy ; elle est de style Louis XIV, avec les armes de France
ornées d'étendards et d'armes sur les côtés, la couronne est
surmontée d'une banderole avec la légende : SEVL- CONTRE-
TOVS, dont il existe de fréquentes reproductions.
Les cadrans solaires sont plus nombreux que les taques,
mais presque tous gravés sur ardoise à la fin du dernier siècle
ou au commencement du nôtre. Dans la cour de la maison
Fossier, on lit sur l'un d'eux la devise : VNAMTIME. La
même devise se retrouve sur un autre cajran de la maison
Vacbez, avec la date de 1805. Aucune devise ne se voit sur un
troisième cadran, dans la cour des anciens maréchaux Ivernaux,
cadran de forme allongée, très bien gravé avec chiffres arabes,
ornements et fleurs de lis sur une plaque en forme de cœur
portant la date de 1783.
Enfin, nous citerons, sur la façade au midi de l'ancienne
maison de M"^ Vuillemet, un cadran en bois, dessiné vers
1855, par M. Joly, alors instituteur de la commune, portant
celle légende horaire d'un sens accessible à tous et d'utie
morale pratique : N'en perds aucune. II nous plaît de terminer
notre revue rétrospective par celte dernière sentence, que
nous avons appris à lire dès l'enfance, et qui nous rappelle le
souvenir de tant de vertus et de bons exemples.
[A suivre.) Henri Jadaut.
VUlers-devanl-le-Thour, le 3 jum 1895.
1. On appelait, nous ne savons pourquoi, les habitants de celte partie du
village voisine de l'ancienne chapelle de Saint-Marc, \6s'Housards de Saint-
Marc.
NÉCROLOGIE
On annonce la mort de M. Fréminet, ancien député de l'Aube,
président du Conseil général, avocat à la Cour d'appel de Paris.
M. Fréminet était né à Troyes, en 1841. Après la révolution du
4 septembre, il fut nommé secrétaire général de la Préfecture de
l'Aube; puis il prit part, parmi les mobiles de l'Aube, à la campa-
gne de l'Est. Devenu conseiller général de l'Aube, aux élections
de 1876, il fut élu député avec un programme républicain. Il fit
partie des 363 et fut réélu le 14 octobre 1877.
Il ne se représenta pas aux élections de 1881 et se fil inscrire au
barreau de Paris.
Les obsèques de M. Léon Robert, inspecteur général de l'Instruc-
tion publique, officier de la Légion d'Honneur, ont eu lieu à Sens,
le 26 mai, au milieu d'un grand concours de la population de cette
ville. L'inspecteur d'Académie de l'Yonne, le sous-préfet et le maire
de Sens, le proviseur et les professeurs du lycée en robe, toutes les
Sociétés de gymnastique, musique en tête, suivaient le cortège.
M. Liard, directeur de l'Enseiguemerit supérieur, M. Larroumet,
professeur à la Sorbonne, et un grand nombre d'amis étaient
venus de Paris pour se joindre à la famille du défunt. Une com-
pagnie d'infanterie a rendu les honneurs militaires.
Plusieurs discours ont été prononcés. M. Fringnet, inspecteur de
l'Académie de Paris, délégué par le ministre de l'Instruction publi-
que, a parlé au nom de l'Université ; M. D Blanchet, proviseur du
lycée Louis-le-Grand, au nom des amis personnels ; M. Chante-
reau, avocat général à la Cour des comptes, au nom des anciens
élèves du lycée de Sens; enfin, M. René Goblet a rappelé, en
termes émus, les services rendus par son ancien chef de cabinet
aux ministères de l'Instruction publique, de l'Intérieur et des Atfai-
res étrangères.
Nous apprenons la mort de M. Denizot, avocat, ancien avoué
près le Tribunal civil de Châlons.
En dehors de ses travaux professionnels, M. Denizot avait publié
divers écrits, entre autres une étude sur la législation des cours
d'eau, et un essai sur la décentralisation administrative et judi-
ciaire.
Il était âgé de 67 ans.
NÉCROLOGIE 461
M. Edmond Gollnisch est mort à Sedan, le 2 mai, dans sa pro-
priété de la chaussée de Balan, après quelques jours de maladie.
M. Edmond Gollnisch était né à Sedan, le 17 septembre iS22.
Maire de Sedan pendant roccupalion, chevalier de la Légion
d'honneur, membre delà Chambre de Commerce, président d'hon-
neur de l'Ecole de tissage, membre du Conseil de la Banque de
France de Sedan, de la commission administrative de l'Hospice,
ancien fabricant, etc., il laisse le souvenir d'un homme qui a fait
beaucoup pour son pays.
*
Le 18 mai ont eu lieu, en l'église de Villers-en-Argonne (Marne),
les obsèques de M. Louis de Clianiisso, ancien officier au 4® batail-
lon des mobiles de la Marne,
Tout le village, où le défunt était né en 1847, assistait à la céré-
monie.
Au cimetière, M. Eugène Jossc a retracé, en quelques mots aussi
simples qu'émus, la vie de Louis de Chamisso qui s'est éteint dou-
cement, après dix années de cruelles souffrances.
Le 29 mai ont eu lieu à Reims, au milieu d'une nombreuse
assistance, les obsèques de M. Léon Pillon, notaire honoraire,
administrateur de la Caisse d'Epargne, suppléant de la Justice de
paix, membre du Conseil de la Croix-Rouge.
Né à Dizy-le-Gros (Aisne), où son père avait longtemps exercé
lui-même la charge de notaire, il avait repris l'étude de M*" Malo,
notaire à Hautvillers, en I8ij3, ut la garda jusqu'en 1888, date de
sa retraite.
A Hautvillers comme à Reims, M. Léon Pillon s'était fait une
juste réputation d'expérience, de sagesse et de bonté. Il jouissait
de la considération générale. Aussi sa mort a-t-clle été vivement
ressentie parmi ses coiicitoyens.
On nous annonce la mort de M'""= Adeline-Louise de Guibert,
épouse de M. Gaston de Saint-Ferjeux, lieutenant-colonel en
retraite, officier de la Légion d'honneur, décédée au château de
Chatoillenot (Haute-Marne)^ le 12 mai 189o, à l'âgo de '6i ans.
M'^s de Saint-Ferjeux était alliée aux familles de Montangon,
d'Escrienne, d'Esclaihes d'Hulst, de l'iépape, etc.
On annonce également la mort, à Reims, de M. Georgrs
Delius, ancien banquier et négociant eu tissus, décédé le 2'i mai,
dans sa "S« année ;
402 néckologib;
— Du colonel Moriot, officier de la Légion d'honneur, prési-
dent de la Société des médaillés militaires et de sauvetage, com-
mandeur de l'Ordre du Venezuela, décédé dans sa soixante-qua-
trième année, à Châtillon-sur Marne (Marne), où il remplissait,
pour occuper les loisirs de sa retraite, les fonctions de juge de
paix.
Engagé volontaire à l'âge de dix-huit ans, le colonel Moriot
avait conquis tous ses grades à la pointe de son épée. En Afrique,
en Orient, et pendant la dure campagne de 1870 contre l'Alle-
magne, il avait fait preuve des plus belles qualités et de la plus
grande bravoure.
Après avoir séjourné plusieurs années à la Martinique et à la
Réunion, il commanda, à Tours, la 9^ légion de gendarmerie;
— Du T. -G. Frère Nouage, de l'Institut des Frères des Ecoles
Chrétiennes d'Ay (Marne), décédé le J7 juin, à l'âge de 64 ans,
dont 43 de profession religieuse.
M. le général Lamorelle, commandant de la 8« brigade d'infan-
terie, est mort, le 4 juin, à son domicile, 90, rue Antoine- Lecuyer,
à Saint-Quenlin, à la suite d'une cruelle maladie.
Général de brigade du 7 janvier 1888, officier de la Légion
d'honneur du 28 décembre 1888, le général comptait cinq cam-
pagnes; il avait été blessé, le 4 décembre 1870, à Orléans.
Entré au service en 1831, le général Lamorelle était âgé de
61 ans.
Les obsèques ont eu lieu à Saint-Quentin le 7 juin.
Le général Lamorelle avait épousé M""^ Léon Bley, veuve de
l'un des fondateurs de la maison Théophile Rœderer et C'% de
Reims,
Le 15 juin ont eu lieu, à Arcis-Ie-Ponsart (Marne), les obsèques
de M. Moreau-Cullot, maire d'Arcis-le-Ponsart depuis plus de
trente ans. Il avait succédé, en 1864, à son père, qui lui-même
était maire depuis 1831.
Pendant soixante-quatre ans, Arcis-le-Ponsard a donc été admi-
nistré par le père et le fils.
Cette confiance entière et persévérante de la population s'ex-
plique par l'esprit de devoir, de conciliation et de droiture dont
ils ont constamment fait preuve.
La population entière de la commune, beaucoup d'habitants
des villages voisins el de tout le canton, avaient tenu à rendre les
derniers honneurs au doyen des maires de l'arrondissement,
croyons-nous.
Le premier adjoint conduisait le deuil.
NÉCUOLOGIK 463
Les cordons du porMe étaient tonus par deux amis du très
regretté défunt et deux conseillers municipaux, dont l'un était le
Père Dom Augustin, abbé mitre de l'abbaye d'Igny.
Le Révérend Père a donné l'absoute et rendu hommage, en
paroles éloquentes, aux vertus privées et aux qualités administra-
tives de M. Moreau.
Un artiste, dessinateur et archéologue, qui dirigeait depuis
18Ô8 une maison très connue de sculpture et de vitraux peints,
M. Hippolyte Biilteau, vient de mourir à Reims, le 28 juin 189b.
Né à Ottignies (Belgique) en 1828, sa carrière fut active et
féconde. M. Bulteau excellait dans la composition et l'arrange-
ment des œuvres d'art. Ses ateliers ont fourni de statues, d'au-
tels, de vitraux et de dessins en couleur de très nombreuses
églises de la Marne, des Ardennes, de l'Aisne et du Nord. Il avait
recueilli de remarquables collections et quelques antiquités trou-
vées dans les terrains de son établissement du Faubourg de Laon.
Il était le frère de M. l'abbé Bulteau, qui étudia avec succès la
cathédrale de Chartres. H. J.
Notre sympathique compatriote, M. Léon Chavalliaud, le sta-
tuaire bien connu, vient de perdre son père, M. Léonard Chaval-
liaud, décédé à Annens, le 30 juin l89o, à l'âge de 82 ans.
Les obsèques ont eu lieu à Reims, le 2 juillet, en la chapelle du
Cimetière du Nord.
BIBLIOGRAPHIE
Cirey-le-Chûleau. — La Marquise du Chûlelel, sa liaison avec Voltaire,
par M. l'abbé Piol, curé de Chancenay, membre titulaire de la Société
des Lettres de Saint-Dizier. — Saint-Didier, Godard, imprimeur- édiieur,
1894.
(Extrait des Mémoires de la Société des Lettres, Sciences et Arts, Agricul-
ture cl Industrie de Saint-Dizier.)
La décentralisation iniellectuellc et les moiiographies locales
sont partout à l'ordre du jour. A mesure que l'iiistruclion s'est
développée en France, on a vu surgir de toutes parts, en même
temps qu'une armée de laborieux et consciencieux écrivains occu-
pés à extraire les trésors et les secrets de nos archives, une foule
de lecteurs avides de connaître les faits du jour et ceux du passé.
Ce qui n'était autrefois que le privilège d'un petit nombre de
favorisés de la fortune et de l'intelligence est devenu, de nos
jours, le partage de tous ceux qui savent mettre à profit l'instruc-
tion qui leur est si libéralement oiferte dans nos écoles publiques
et privées.
Grâce à ce mouvement et aux légitimes et précieux encourage-
ments qui le favorisent, toutes les coimiiunes de la France et les
divers établissements qui s'y rattachent auront bientôt leur histo-
rien et leur histoire.
L'Histoire de Cire y -le -Château publiée dans les J/é«)o/'ré'.s' de la
Société des Lettres de Saint-Dizier, par M. l'abbé Piot, et tirée à
part en un beau volume in-octavo de plus de 300 pages, peut être
citée comme un modèle du genre^. car elle est la plus méthodique,
la plus complète, la mieux documentée et la mieux écrite de tou-
tes celles — et elles sont nombreuses — que nous connaissons. On
sent que l'auteur était pénétré de son sujet et qu'il l'a traité avec
autant d'amour que de compétence, en fouillant toutes les sources
d'où pouvait jaillir un renseignement utile ou un fait intéressant
sur la topographie, la statistique et les anciennes juridictions civi-
les, religieuses ou féodales.
M. l'abbé Piot juge les hommes, les institutions et les faits du
passé avec une sagesse et une impartialité absolues ; s'il proteste
avec raison contre les erreurs et les préventions répandues dans
les classes populaires au sujet des conditions de la vie rurale d'au-
trefois, il émet, en même temps, des idées très libérales et démo-
cratiques, à propos de la féodalité et de l'ancienne monarchie.
< Sans doute, dit-il, il j a eu dans le système féodal des usages
« qui choquent nos idées égalitaires. Mais ces pages de notre bis-
miîi.iOGuAPHiE 4ti5
« loire naliona'e n'en ont pas moins leur beauté; ces âges ont eu
« leur gloire et leur grandeur; de grâce ne les renions pas, ne les
« déchirons pas. Proclamer et ci.seigner aux enfants de nos écoles
< que la vraie France date de la Révolution, c'est une sottise et
« une injure faite à l'hisloirc. Tous les peuples n'ont-ils pas eu le
« culte de leurs ancêtres, et n'est-ce [)as au foyer de l'histoire
« nationale que s'allume la plus pure flamme du ()ali'iotisme ?
« Le grand défaut de certains écrivains, ajoute-t-il ailleurs, est
<( d'étudier l'histoire par esprit de parli, avec dos idées précon-
« çues et d'écrire en vue d'une conclusion préparée à l'avance. Ils
« cherchent çà et là et recueillent Ions les textes et tous les faits
« qui leur semblent favorables, à la thèse qu'ils veulent établir ; ils
(I les entassent et les présentent ainsi au public. Avec ce système,
« on aboutit à un panégyrique ou à une diatribe, mais non pas à
(( la vérité historique. »
Mais ce qui donne à la monograpiliie de Cirey-lc-Châleau un
intérêt spécial, c'est l'histoire de sa châtellenie et de ses anciens
seigneurs, et tout particulièrement le long séjour que fit Voltaire
dans ce château, chez la célèbre marquise du Châtelet, de 1734
à 1719, époque où mourut la « divine Emilie ».
Pendant le séjour de Voltaire à Cirey, on fit exécuter au château
d'importants travaux de construction et d'appropriation, afin d'en
faire une résidence digne d'un personnage aussi considérable, et
ce fut la marquise, elle-même, qui dirigea les travaux auxquels
Voltaire contribua pour quarante mille francs... à titre de prêt,
car on sait qu'il était d'une ladrerie notoire.
Au-dessus de la porte du grand salon, se lisaient ces vers com-
posés par le poète lui-même :
Asile des beaux arts, solitude où mon cœur
Est toujours demeuré ddns une pais profonde,
C'est vous qui donnez le bonheur
Que proraelluil eu vain le monde.
11 paraît que la chambre de Voltaire, au château de Cirey, tou-
chait à la chapelle, et qu'en ouvrant sa porte il pouvait entendre
la messe.
Le château avait aussi sa salle de spectacle, son théâtre et ses
acteurs pour jouer les pièces de Voltaire, tant tragédies que comé-
dies et opéras, (/est à Cirey que Voltaire (ici\v\[ Alzire, Mahomel,
Zulma, la fin du Discoun sur niomme; c'est aussi là qu'il pré-
para le Siècle de Louis XIV et {'Essai sur les mœurs.
Emilie de Bretcuil, marquise du Châtelet, était douée d'une vive
intelligence qu'elle ap[tliqua d'abord comme en se jouant à l'étude
du latin, de l'italien et de l'anglais. Elle parlait ces langues à
15 ans et commençait à cet âge une traduction de Virgile. Plus
tard, elle s'adonna à la géométrie et à la physique, et elle est la
30
.'jGi') niii.iOGKAi'niii
seule femme qui ait laissé un nom et des onivres marquées au
coin d'tmc scienee véritable.
On sait que Voltaire et Mme du Gliàtelet furent les hôtes du roi
Stanislas qui transportait sa cour de Commercy à Lunéville. Ce
fut pendant leur séjour dans celte dernière ville que la marquise
mourut presque subitement, le 10 septembre 1849, à l'âge de
44 ans, des suites d'un accouchement. Elle fut inhumée dans la
nouvelle église paroissiale de Lunéville.
Peu de jours après cet événement, Voltuire écrivit le quatrain
suivant au bas d'un portrait de la marquise ;
L'univers a perdu la sublime Emilie :
Elle aima les jilaisiis, les arts, la vi^rilé.
Les dieux, en lui donnant leur âme et leur génie,
N'avaient pardé pour eux que l'immortalité.
Ce fut là son De Profundls.
Voltaire quitta Lunéville le 14 septembre pour revenir à Cirey
où il ne resta que le Icmps d'enlever les meubles, tableaux, livres
cl instruments de physique qui garnissaient sa chambre et qu'il fit
expédier à l'aris, où il retourna avec son fidèle valet de chambre
Longchamp.
Le livre de M. l'abbé Piot est enrichi de trois jolies gravures
hors texte représentant des vues du château de Cirey, avant 163:^
et dans son état actuel, oinsi qu'un portrait de Cabrielle-Emilie
de Breteuil, marquise du Châtelet.
Arsène Thévenot.
Rdijer-Collord^, par Eugène SpuUer, un volume in-12 (dans la Clolleclion
des grands écrivains français).
Les origines de Royer-Collard expliquent ses ambitions et ses
déboires, ses passions et ses préjugés, ses vertus et ses erreurs, il
était d'humble naissance, sorti de la roture, presque du peuple.
Mais de quel peuple ! Vraisemblablement, on ne retrouvera plus
de campagnards pareils à ces deux familles champenoises : les
Royer, de Sompuis, et les Collard, du Meis-Tiercelin. Ces deux
maisons étaient jansénistes. On s'y exerçait â pratiquer les vertus
riM'ommandées par les « messieurs de Port-Royal » : la piété, la
frugalité, l'esprit de charité et de sacrifice. On y observait avec
rigueur les commandements de l'Eglise aux jours de jeûne prescrits
et pendant tout le carême. Les servantes portaient toujours avec
elles, dans un petit sac, une Bible qu'elles lisaient dans les veillées
d'hiver. Les garçons de ferme attachaient des livres de morale au
manche de leur charrue et en retournaient les pages sans inter-
lompre le sillon commencé. On vivait dans un état d'exaltation
1. Royer-Collard (Pierre-Paul), l'une de uos illuslralions champenoises,
est n'ï à Sompuis (\Iarne}, en 17C3.
BIBI.lOGKAl'HIE 467
conceiilrée et de myslicisnie rigide. Les Royer avaient à leur ser-
vice une domestique, nommée Marie-Jeanne Gérard, qui possédait
une bibliothèque d'édification achetée sur ses économies et com-
prenant plus de 600 volumes. Cette servante était traitée par ses
maîtres avec le plus grand respect. Elle fut plus tard la gouver-
nante et l'institutrice des lilles de Royer-Collard.
Vers le milieu du xviiie siècle, Antoine Royer, cultivateur à
Sompuis, demanda en mariage M"» Angélique-Perpélue Collard.
On rapporte qu'il dit à la jeune lille, pour la décider : « Vous
gouvernerez l'intérieur de la maison, vous dirigerez l'éducation
de nos enfants et vous ordonnerez de leur destinée. Je ne vous en
demande qu'un seul, pour en faire un cultivateur comme moi. »
De ce mariage naquirent trois tils et une fille. Le tils aine et la
tille moururent en bas âge. Des deux fils, l'un, Antoine-Athanase,
fut professeur à la Faculté de médecine de Paris. L'autre, Pierre-
Paul, devait illustrer par sa belle carrière d'orateur et d'homme
d'Etat le double nom des Royer-Collard.
Sa mère voulut diriger elle-même sa première éducation. C'était
une femme rustique et lettrée, qui ne voulut jamais quitter le cos-
tume des villageoises de son pays et qui, avec cela, pouvait réciter
par cœur des pages entières de « Monsieur Pascal )>. Le soir, on
lisait en famille l'Histoire Sainte de Mésen,5uy, les récits de l'abbé
Fleury, les vies de M. de Saint-Cyran, de M. de Sacy, de la Mère
Angélique Arnaud. Les jours de congé, l'enfant avait la permission
de lire, par manière de divertissement, les Institutions chrétien-
nes, de M. Singlin. A vrai dire, il regimbait un peu contre cette dis-
cipline. Son imagination, qui, malgré les apparences, fut toujours
très vive, s'accommodait mal d'une religion qu'on lui représentait
comme un refuge âpre, désolé, presque inaccessible. Tout en
admirant les doctrines de l'Eglise janséniste, il les trouvait un
peu farouches. Il s'indignait secrètement contre leur doctrine de
la grâce, qu'il se permit, plus tard, de comparer au fatalisme
turc.
Mais il garda de celte familiarité, avec de telles volontés et de
tels courages, une allure qu'il ne quitta jamais, l'habitude de
résister, une façon orgueilleuse de dire, comme les Anglais : Je
maintiendrai.
Son programme de vie fut très simple. Deux ou trois règles
essentielles en constituaient le fond. C'était^ pour ce qui concerne
laconduite individuelle, l'accomplissement pur et simple du devoir,
sans phrases, sans complaisance pour soi-même, sans pitié pour
autrui. Royer-Collard fut aussi sévère pour ses enfants qu'on
l'avait été pour lui-même. Je recommande aux papas et aux
mamans de celte fin de siècle le chapitre intitulé Royer-Collard
dans sa famille. C'est un tableau d'intérieur finement dessiné, et
qui donne froid dans le dos. Il disait à ses filles : « Je ne veux pas
que vous soyez des dames; je saurai bien vous en empêcher. » 11
468 BIBLIOGRAPHIE
aimait à leur relire ce que les sermoiinaires chrétiens ont écrit de
mieux sur l'éducation des femmes. Il les obligea de bonne heure
à tenir une petite école d'enfants pauvres et d'orphelins, à
Sompuis. (( On doit, disait-il, donner aux classes déshéritées de
Ja fortune l'exemple de la plus grande élévation morale en même
temps que de la plus complète simplicité de mœurs. » 11 ne pouvait
souffrir ni l'oisiveté, ni la légèreté, ni l'inattention, ni le désor-
dre. Il avait fait peindre sur les murs de la salle d'éludé cette
inscription : « Une place pour chaque chose, et chaque chose à sa
place. » Il disait à ses écolières, quand il les prenait en flagrant
délit de distraction : « Vous ne pouvez ici prétexter d'ignorance;
c'est donc le défaut d'attention ; mais l'attention dépend de votre
volonté ; employez-la donc, ou, autrement, je n'aurai nulle con-
fiance en vous o Et il ajoutait : « Il faut que la femme, pour sou-
tenir sa faiblesse, s'arme de l'exactitude d'une vie bien réglée. »
L'ancienne servante Marie-Jeanne était chargée d'appliquer, à
toute heure du jour, ces fortes maximes. Elle s'acquittait de ce
soin avec une robuste régularité. Elle imposait à ses élèves d'in-
cessantes privations, leur reprochant, par exemple, d'allumer, et
leur disant qu'elles auraient pu éviter cette dépense en se levant
matin et en achevant de bonne heure les besognes qu'elles diffé-
raient jusqu'au soir. Un jour, voulant leur montrer l'ironie de la
destinée humaine et le peu de fond qu'il faut faire sur l'espérance
du bonheur, elle les mena au chevet d'une jeune fille mourante.
D'ailleurs, elle prêchait d'exemple. Elle se forçait à soigner des
maladies répugnantes, des plaies hideuses. « On suppose peut-
être, disait-elle, que c'est par plaisir que je fais cela et que mes
sens grossiers ne se révoltent pas. Au contraire, mon cœur
bondit, et je veux le réduire tous les jours; je me dompte et je
me jette volontairement sur la pointe de Tépée. )■>
Royer-Collard s'eiforçait, lui aussi, de donner l'exemple du
désintéressement, de l'empire sur soi, du renoncement à l'intérêt
personnel. S'il ne se livrait pas, comme Marie-Jeanne, à des pra-
tiques d'ascétisme, s'il n'abandonnait pas toute ambition tempo-
relle, du moins il montra plus d'une fois des scrupules dont nos
arrivistes ne sont pas coulumiers. Lorsqu'il était député au
Conseil des Cinq-Cents, il prononça un discours qi}i retentit fort
loin dans le public et loucha particulièrement le cœur d'une veuve
très belle et très riche. Celte dame fit comprendre au jeune tribun
qu'elle l'associerait sans déplaisir à sa vie et à sa fortune. Il fit
semblant de ne pas entendre. Quelque temps après, il eut
l'honneur d'être frappé dans son mandai législatif par ce Gou-
vernement vénal, incohérent et violent qui s'appelait le Directoire.
Le coup d'Etat de fructidor le chassa des Assemblées représenta-
tives, en compagnie de Camille Jordan, de Quatremère de Quincj,
de Barbé-Marbois. La sentimentale veuve crut pouvoir obtenir d'un
proscrit ce qu'elle avait allendu vainement d'un homme célèbre et
heureux. Il se déroba encore. « Il trouvait, dit M. Spuller, ce
BIBLIOGRAPHIE 469
mariage trop avantageux^, en disproportion trop maniuée avec sa
propre situation sociale. »
Parfois, il repoussait les tentations du siècle avec une plaisante
brusquerie. L'abbé de Montesquiou, ministre de l'intérieur, eut la
bizarre idée de mettre Royer-Collard sur une liste de personnes
dont l'anoblissement devait être proposé au roi Louis XVllI.
— Voulez-vous être comte?
— Comte vous-même, répondit le rude janséniste.
Et, après un silence :
— J'ai assez de dévouement pour oublier celte impertinence.
De tontes les distinctions qu'on lui ollrit il ne voulut accepter
que la croix de la Légion d'honneur. . . .
Roj'er-Collard mourut roide et &toii[ue, comme il avait vécu. Il
exigea que son gendre, le médecin Andral, lui fit connaître l'heure
approximative de sa mort
(b: Temps.) Gaston Deschaups.
Almonach-Annuai) e historique, administra lif ri commercial de la Marne,
de l'Aisne et des Ardennes. 3"' année. — Reims, 1805. Malot Braine,
in-8° de 456 pages, illustré de nombreuses gravures et porlrails et de trois
caries départementiiles
Nous signalerons dans ce nouveau recueil périodique, outre les
divers et abondants renseignements spéciaux que les lecteurs ont
coutume d'y trouver, d'intéressantes Epliémcrides rémoises et
déparlemenlales, des notes sur VEdiUté rémoise en 1894, quel-
ques pages de mémoires bien vivants et documentés, intitulés :
lieiins pilLoresque : Le café Louis XV, pàv M. Henri Menu ; une notice
sur les anciennes commanderies de l'Ordre de Malle dans le dio-
cèse de Reims et les Ardennes, par le bénédictin Dom Albert iNoël ;
un récit de la Vicloire de Reims en 18 là, par M. Lucien Monce ;
une curieuse note de M Charles Ren)y sur les Anciennes bornes
des propriétés et des chemins publics ; une description artistique
de la nouvelle ligne de chemin de fer. De Reims à Paris par la
Ferlé-Milan, accompagnée de nombreux dessins, par M. Frédéric
Henriet, le délicat paysagiste et l'aimable écrivain que l'on sait ;
une relation détaillée des derniers moments du président Carnot,,
par M. Paul Bluysen ; le compte-rendu de l'Exposition de la
Société des Amis des Arts, eu 1894, par M. Charles Remy ; la
suite de l'étude statistique, historique et archéologique sur la Val-
lée de CArdres^ illustré de plusieurs croquis, par l'abbé Chevallier;
la suite des notices biographiques sur les Illustrations rémoises,
par M. Ch. Remy ; les trop nombreuses Nécrologies de l'année
écoulée, par MM. Henri Matot, Alexis Rivière et Ch. Remy; des
biographies et portraits des sénateurs et députés de la région,
etc., etc. A. T.-R.
470 BIBLIOQRAPHIE
*
4- *
Sommaire de la Revue d' A r demie et d'Arcjonne, — Mai-juin
1893 :
E. LiEBBE, Le cimetière gallo-romain de Seuil. — H. Bourguignat et
P. CoLLiNET, Epigraphie : Inscriptions de cloches ardennaises. — L.-D.,
Un rapport du curé de Mazerny. — S. Leroy, Notice armoriale et
généalogique sur la maison de Bouillon (suiie).
Poésie. — Jules Dépaquit, Les petits tambours.
Chronique. — Bibliographie.
Phototypie hors texte : Objets gallo-romains trouvés à Seuil.
♦ *
Sommaire de la Revue hislorique. — T. LIX, septembre-octo-
bre 1893 :
Comte J. du Hamel de Breuil, Un ministre philosophe : Carvalho, mar-
quis de Pombal. \" art., p 1 à 3ô. — M. Boudet, Thomas de la Marche,
bâtard de France, p. 36 à 70. — J. Loutchitsky, De la petite propriété en
France avant la dévolution et de la vetite des biens nationaux, p. 71 à
107. La Revue a donné des comptes rendus intéressauls d'ouvrages qui
se rattachent de près ou de loin à l'histoire de Champagne; citons V His-
toire de Blanche de Castille de M. Elle Berger, p. 116-119; Jean de
Joi'iville et les seigneurs de Joinville du vicomte Delaborde, p. 120.
CHRONIQUE
Communications au Congrès des Sociétés savantes. — Lo Con-
grès annuel des Sociétés savantes s"est lenii k Paris, du mardi 16
au samedi 20 avril !89o. Parmi les nombreuses communications
présentées aux diflférenles sections, plusieurs intéressaient particu-
lièrement les régions champenoise et briarde.
— M. Louis Demaison, archiviste de la ville de Reims, a décou-
vert de nouveaux et précieux documenls relatifs à la Con$iruclion
de l\'glise Noire-Dame de l'Epine, près de Cliâlons-sur-Marne. 11
établit que le nom du village de l'Epine se rencontre dès le
xiii* siècle et réfute diverses opinions fantaisistes émises jusqu'à
ce jour sur l'architecte de ce bel édifice.
Il prouve que ce fut ni un Anglais ni un Allemand qui tracè-
rent le plan de l'église. L'intérêt que Charles VU portait à la cons-
truction de Noire-Darne de l'Epine est attesté dans une charte
de 1445 qui remettait à la fabrique les droits d'amortissement.
Cette pièce indique que le roi avait fait un pèlerinage à l'église
dont les travaux étaient commencés depuis longtemps.
La façade et les clochers se rattachent aux ouvrages entrepris
vers 1453.
Les chapelles rayonnantes furent élevées par Regny Gouveau,
Antoine Bertaucourt et Antoine Guichard, de 1509 à 1524.
M. Demaison a retrouvé le parchemin où l'un de ces artistes avait
Iracé l'élévation du chevet et de ses chapelles. Ce dessin, conservé
à la bibliothèque de Reims, n'avait pu être identifié jusqu'ici ;
mais la finesse de ses détails, empreints d'un certain archaïsme,
permet d'aflirmer qu'il représente bien l'abside de Notre-Dame de
l'Epine, ainsi qu'on peut s'en assurer en comparant une excellente
reproduction de ce dessin et une photographie du chevet, que
M. Demaison soumet au Congrès.
— M. Henri Bourguiçjnal, de la Société d'études ardennaises,
traite de la Charle de franchise accordée aux habiianls de
Chaijny-lés-Omont {Ardennes), par Pierre, abbé de Saint-Remi
de Reims, en 1218.
A Chagny existait un prieuré dépendant de l'abbaye de Saint-
Remi de Reims, et les habitants étaient hommes de corps du
prieur. La charte de 1218 leur accorde, sans rien changer à leur
état antérieur, un certain nombre de franchises : puissance d'usages
sur les bois et les broussailles qui entouraient le village ; juridic-
tion d'un éclieviiiage ; liberté entière de vendre les immeubles, et
surtout faculté de construire des fours privés. Ce dernier privilège
est assez rare pour les chartes de la région, qui maintiennent toutes
472 CHHONIQI'K
la banalité du four, pour rendre inléressaiile la charte de Cha-
M. de Rozière demande à l'auLeur du mcinoire quelques expli-
cations au sujet de certains droits, notamment du droit de forma-
riage et du droit d'aller s'établir en dehors de la seigneurie, qui
figurent dans un grand nombre de chartes et coutumes et dont
M. Bourguignat n'a point parlé. — M. Bourguignat répond qu'il
n'en a point parlé parce qu'il n'est pas question de ces droits dans
la charte de Chagny, et il reconnaît avec M. de Rozière que cette
absence est la preuve que l'émancipation des habitants de Chagny
était très incomplète.
— M. p. CoUuicl, de la Société d'études ardennaises (Sedan),
présente Quatre chartes de franchises ardennaises. Les docu-
ments communiqués ont été choisis comme types des chartes de
la région ; la première est l'affranchissement du village de Bro-
gnon par son seigneur (mars 1263 v. st.) ; la charte de Faissault
(lîOS) représente les fondations en pariage par deux coseigneurs,
l'un laïc, l'autre ecclésiastique; les trois pièces relatives à Grand-
pré montrent, entre autres privilèges, la constitution et le déve-
loppement de la juridiction municipale dans une ville; enfin la
charte de Warcq (décembre 1233), outre son intérêt diplomatique,
est un excellent type des libertés accordées à un village tant au
point de vue du droit privé que de la procédure civile.
37. de Rozière demande à M. CoUinet quelques renseignements
sur la collection de chartes ardennaises qu'il se propose de publier,
et l'encourage très vivement à poursuivre cette très intéressante
publication. Il appelle particulièrement son attention sur les arti-
cles de la charte de Brognon relatifs à l'ordre des successions^
desquels il résulte que la règle paterna paternis était appliquée
au xiiie siècle dans la région des Ardennes.
— M. Léu7iMaxe W^er/y, membre non résidant du Comité des Tra-
vaux historiques, lit une étude sur VOrnernentalion du foijer depuis
l'époque de la Renaissance. C'est au xii« siècle que les hottes de che-
minée prirent de grandes proportions, mais les plaques de fonte ou
laques, conlre-feu, bretaignes, n'apparurent au fond du foyer que
vers le milieu du xvi<' siècle. On ne trouve aucune trace de cette déco-
ration dans les cheminées du château de Pierrefonds et du mont
Saint-Michel. L'auteur n'a relevé aucune mention de plaque en
fonte dans les comptes du château de Gaillon, mais une plaque du
musée de Nancy qui possède une riche collection d'objets de ce
genre, porte la date de 1543. A la fin du xvi^ siècle et sous le règne
de Louis XIV, les plaques de métal ornant le fond des cheminées
devinrent de véritables œuvres d'art qui valaient un prix très
élevé. Les comptes des bâtiments royaux mentionnent les sculp-
teurs Caffieri et Houyeau comme ayant travaillé aux modèles en
bois qui servaient à faire les moules des plaques de cheminée. Eu
visitant les musées et les colleclions particulières, M. Maxe Werly a
CHRONIQUE 473
constaté que les sujets représentés sur les anciennes plaques de
cheminée étaient soit des scènes religieuses et aiythologiques, soit
des sujets historiques ou allégoriques. Enfin, certains fondeurs
reproduisaient sur les plaques des œuvres de peintres et de gra-
veurs en renom ou des armoiries. La série des plaques héraldi-
ques est parlirulièrement riche et fournit pour l'histoire des
anciennes provinces une source de renseignements du plus haut
intérêt.
— M. Léon Morel, correspondant du Comité à Reims, lit un tra-
vail sur une sépulture antique d'Is-sur-Tille (Côte-d'Or). Un culti-
vateur qui a fouillé cette tombe dans ces dernières années a mis
au jour un bandeau d'or de 15 centimètres, et une belle épingle en
bronze qui mesure 67 centimètres de longueur. Cette épingle res-
semble k plusieurs autres spécimens découverts en Bourgogne et
signalés par M. Flouest. Le jnusée de Saint-Germain possède un
moulage d'une épingle encore plus longue, dont l'original est con-
servé à Berne. La présence de bracelets décrits par M. Morel indi-
que que la sépulture d'is sur-Tille était une tombe féminine. L'au-
teur présente aux metnbres du Congrès les dessins de plusieurs
torques et de trois vases gaulois découverts récemment dans les
cimetières de la Marne. Ces vases, décorés d'une manière origi-
nale, sont l'œuvre de véritables artistes.
— M. Bergeron fait une communication sur un cimetière gau-
lois fouillé, en 1894, à Monligny-Lencoup (Seine et-Marne). Ce
champ de sépulture, déji exploré en 1868 par M. Brunet de Pres-
les, a fourni des torques en bronze, des épées, des anneau.t, des
bracelets, des fibules, des fragments de ceinturon, des fers de
lance. Les tombes orientées du nord au sud ont seules donné des
objets funéraires, et les fosses se dirigeant de l'est à l'ouest ren-
fermaient seulement des squelettes. Ces fouilles, conduites avec
beaucoup de mélhode, ont mis au jour de nombreux objets dont
M. Bergeron montre les principaux spécimens aux membres du
Congrès. L'auteur se propose de continuer ses recherches cette
année, et déclare qu'il n'a jamais rencontré de torques dans les
tombes qui contenaient des armes. Ces observations, qui confir-
ment celles de M. Morel, semblent prouver que les torques étaient
des ornements de la parure féminine.
— M. Moulé^ de la Société des Sciences et Arts de Vitry-le-
François, fait hommage de VAiuiuaire qu'il a composé à l'occa-
sion du cinquantenaire de la Société centrale de médecine vétéri-
naire qu'il représente.
Cet annuaire, de 326 pages, comprend un aperçu historique, la
liste des prix décernés, les décrets, arrêtés, règlements constitu-
tifs, l'état nominatif des présidents, membres titulaires, honorai-
res, associés, correspondants nationaux et étrangers de la Société,
dont la fondation remonte au 11 mai 1844.
La partie la plus importante de ce travail consiste dans la publi-
474 CflRONIQUE
cation de tables 1res détaillées des matériaux accumulés dans les
douze volumes de nién':oires et les cinquante années du bulletin
publiés par la Société centrale de médecine vétérinaire.
— M. l'dbbr Bonno, curé de Chenoise (Seine-et-Marne), corres-
pondant du ministère, secrétaire de la Société d'histoire et d'ar-
chéologie de Provins, lit un mémoire sur les volcans de la mer
Morte et du lac de Tibériade.
— M. le doclntr Lemoine, de l'Académie nationale -de Reims,
expose le résultat de recherches sur les applications de la photo-
graphie à ses éludes paléonîologiques dans les environs de
Reims.
Il met sous les yeux de la section la reproduction de la carte
géologique en relief qu'il a ofTerte au Muséum et de la carte
gravée qui accompagne son travail statigraphique sur le pays
rémois. Il montre les photographies des pièces osseuses et des
tentatives de restauration des n)ammifères, des oiseaux, des rep-
tiles, des batraciens et des poissons les plus anciens des temps ter-
tiaires.
Il en est de même de quelques fragments d'infectes et de crus-
tacés et d'une série assez nombreuse de feuilles, de fruits et de
graines provenant des mêmes localités.
Quelques pièces osseuses spécialement délicates, grossies du
double ou du triple, peuvent être ainsi étudiées avec beaucoup de
facilité. L'emploi de la photographie micrographique met en évi-
dence la structure des dents des mammifères et celle de certaines
parties végétales de cette époque si ancienne.
— Mj l'abbé Parai, curé de Boissy-d'Assy (Yonne), présente
une note sur la géologie appliquée aux recherches préhisloriques
dans les cavernes.
11 s'appuie sur des observations faites dans les grottes de la
Cure (Yonne), où se rencontrent souvent trois couches superpo-
sées, de faune et d'industrie différentes, pour rappeler ce prin-
cipe : que l'ethnologie des races primitives relève de la géologie
presque autant que de la paléontologie.
La classification de ces races ne peut se déduire de la faune ou
de l'industrie qu'autant que l'étude géologique des grottes elles-
mêmes n'a pas fourni d'indication suffisante. Le géologue doit
donc intervenir toujours et reconnaître d'abord les phénomènes
du creusement et du remplissage, étudier les rapports des maté-
riaux entre eux et avec les terrains de la région, distinguer les
remaniements. Pour cela il faut fouiller complètement, svec
méthode, et établir des coupes.
L'application de ces règles à la fouille des grottes de la Cure lui
a fait conclure : 1° que la grotte de Mammouth, avec son dépôt
alluvial, sa faune quaternaire et ses grosses pièces de silex, était
contemporaine des alluvions de Saint-Acheul ; l" que la grotte des
CHRONiQui»; 475
Hommes, sa voisine, avec son mobilier du type de la Madeleine,
lui est postérieure, parce que son remplissage accuse une longue
période de suintement précédant l'éboulis; 3" que le Trou de la
Marmotte, avec son mobilier néolithique trouvé au niveau de la
faune et de l'industrie de 1 âge du renne, offre un exemple d'in-
troduction postérieure reconnue après le déblaiement complet.
— M. Jovyf de la Société des Sciences et Arts de Vitry-le-Fran-
çois, fait une communication sur quelques tentatives de gram-
maire comparée en Allemagne pendant le xvm* siècle.
— M. Libois, de Reims, archiviste du Jura, de la Société d'ému-
lation du Jura, fait une lecture sur l'emprunt forcé progressif de
l'an VII dans le Jura. L'emprunt aurait dû produire, après les
deux révisions des taxes à l'emprunt, la somme de 726,062 fr. ; il
ne produisit guère que 200,000 fr.
— Lecture est donnée, au nom de M. Nicaise, correspondant
du Comité à Châlons-sur-Marne, d'une note sur deux fragments
de vases rouges à reliefs, de l'époque romaine, recueillis à Reims,
dans les fouilles du lieu dit la Fosse-Jean-Fat. Ces fragments
représentent les jeux du cirque. Sur l'un, on voit un lion et deux
gladiateurs; sur l'aulre, une scène de tauromachie.
— M. Moulin ^ membre de la Société archéologique de Château-
Thierry, présente au Congrès des pièces provenant de la collection
de iM. iMinouflet. Ces monnaies, trouvées entre le Grand-Rozoy et
le Plessier-Huleu (Aisne), remontent à l'époque gauloise et sont
ornées de têtes et d'animaux. Elles proviennent des ateliers éta-
blis chez les Silvanectes, les Sénons et les Suessions. Une pièce
fourrée a été découverte au milieu des autres.
— M. Hugues, archiviste de Seine-et-Marne, présente un
mémoire sur le fonctionnement de l'assistance publique dans cette
région durant le xix° siècle. Il fait connaître le régime adopté
pour les aliénés, antérieurement à la loi organique de 1838 ; les
moyens mis en œuvre pour enrayer la progression dn nombre des
entants abandonnés^, parmi lesquels le système du déplacement et
la suppression des tours ; enfin, les tentatives poursuivies jusqu'en
1850 en vue de venir en aide à l'indigence par la création d'ate-
liers de charité ou l'organisation de l'assistance médicale gra-
tuite.
Cette étude, très soignée, porte sur les enfants assistés, les alié-
nés, les vieillards et les mendiants. Elle témoigne des efforts pro-
gressifs qui ont été faits pour tenir compte des besoins existants
sans s'exposer aux abus constatés dans le passé.
— Lecture est donnée de l'élude de M. Alphonse Roserot, cor-
respondant du Comité à Chaumont, sur Edine Bouchardon :
Essai d'un catalogue de son œuvre dessiné et gravr. Le titre de
cette étude est pleinement justifié par l'auteur. Le catalogue
dressé par M. Roserot est très étendu et probablement sans lacu-
nes. Bouchardon a dessiné plus qu'aucun sculpteur de son époque.
^'
476 CHRONIQUE
A Chaiimont, à Rome, à Paris, il ne ce&se de tenir le crayon. Ses
dessins, classés par M. Roserot, se divisent en projels de sculptu-
res, portraits, compositions mythologiques, frontispices, jetons et
médailles, études d'après l'antique, d'après les maîtres, d'après la
nature, sujets religieux, décor?, ornements, allégories, caricatures,
animaux, pierres gravées.
« Antoine Benoisl, écuyer, peintre ordinaire du roy, etsoii uni-
que sculpteur en cire collorée », ce sont les termes du testament
de l'artiste — est l'objet d'une courte notice par M. Henri Slein,
correspondant du Comité à Fontainebleau. 11 rappelle les travaux
d'Eudore Soulié, de Jal, de .MM. de Montaiglon, Guift'rey, Chabouil-
let, Jossier, Vaudin sur Antoine Benoisl. Quelques réserves, dis-
crètement présentées, font honneur à son sens critique, puis l'ar-
chiviste patient et curieux se révèle dans la production de plusieurs
pièces inédites qui ajoutent à ce que nous connaissions déjà sur le
sculpteur en cire de Louis XIV.
— M. le docteur Lcmoiiie, de l'Académie nationale de Heims,
fait connaître le résallal de ses recherches sur les applications de
la photographie aux éludes entomologiques.
— M. H. Herliiison, correspondant du Comité à Orléans, fait
une communication sur le peintre troyen Mignard.
« Il a découvert une liasse de pièces inédiles provenant de la
succession de M'"^ Feuquières, née Catherine Mignard. Au nombre
de ces pièces se trouve une lettre du contrôleur général Desn:îarets,
datée du 11 juin 1697 etconcernant le tombeau monumental érigé
à Mignard dans l'église des Jacobins. On sait que ce tombeau fut
commandé par la comtesse de Feuquières. D'autre part, une quit-
tance donnée par J. Guérin à la fille de Mignard, en 1730, établit
qu'elle a payé, selon son engagement, une somme de 300 livres
après l'impression de la Vte de son père. Il s'agit ici de l*ouvrage
de l'abbé de Monville que Fontenelle avait lu en manuscrit « par
ordre de Mg"" le garde des sceaux » et dont il avait approuvé la
mise sous presse le 25 août 1729. Une autre pièce a trait à l'acqui-
sition, par le sieur Davasse de Saint-Amand, d'un hôtel apparte-
nant à Mme de Feuquières et dans le juei se trouvaient de nom-
breux tableaux. M. Herluison n'hésite pas à admettre que la
majeure partie de ces peintures devaient être de Pierre Mignard.
Le délicat, dans la circonstance, c'est de statuer sur des toiles que
nous ne pouvons ressaisir. L'indication des sujets traités est un
premier jalon. Le culte filial de Catherine Mignard pour son père
ne laisse pas place au doute sur le soin que dut prendre celle
femme de cœur de s'entourer des œuvres du maître dont elle avait
porté le nom. Sa statue par Le Moyne décora le monument de
l'église des Jacobins. Elle est de nos jours à l'église Saint-Roch,
dans une altitude désolée, aux pieds du Christ admirable de
Michel Anguier. »
*
♦ *
CHRONIQUE 477
Le dimanche 17 mars 189.'i, à trois heures de l'après-midi, a été
inaugurée solennellement, au Lycée de Reims, la mag.iiPvjue salle
des fêles et galerie d'honneur, édifiée récemment derrière la cour
des Moyens, contre la chapelle.
La cérémonie élait présidée par M. Evellin, inspecteur de l'Aca-
démie de Paris, assisté de MM Bazin de Bezons, proviseur; Cor-
net, inspecteur d'Académie pour le département de la M^rne ;
PoitTaut, sous-préfet; Heiirot, m lire, Morizet et Jolly, adjoints;
le général Diihem, Warnier et Mennesson-Champagne, anciens
députés; le docleui Luton, directeur de TE'iole de Médecine; des
profes'^curs du Lycée en rol)cs, etc., etc.
Après une allocution de M Evolliii, une intéressante conférence
a été faite sur « les sculptures de la calhédrale de Reims », par
M. Hamel, professeur de rhétorique.
La séance s'est terminée par nu concert donné avec le concours
de la musique municipale et do la chorale du Lycée, au milieu
duquel M Jamnies a fait enlcndre le fameu.'c hymne deiphique à
Apollon, du m" siècle avant l'ère chrétienne, reconstitué par
.M.\L Reinach, Weil et Fauré, d'après les récentes découvertes.
Confkre.ncb; de M. lk b\uo.n de Baye sur l\. ville de Kfew,
ANCiaN.\E CAPITALE DE TOUTKS LES RussiEs. — • Le 29 mars 18'Jo,
M. le baron de Baye a fait une nouvelle conférence, à l'hôtel-de-
ville de Reims, sur la ville de Kiew, la mère des villes russes,
accompagnée d'intéressantes projections pliotographiques.
Dans cette causerie, où l'orateur se proposait simplement de
corr.muniquer au public quelques feuilles détachées de son carnet
de touriste, M. de Baye a tracé d'abord à grands traits l'historique
de cette illustre cilé, depuis le varègue Oleg, successeur de Rurik,
immortalisé par la ballade de Pouschkine, <ias. temps barbares,
jusqu'à saint Wladimir, le Clocis des Busses, à l'avènement des
temps chrélicns.
Héros lui aussi des légendes poétiques ou bylines de la vieille
Russie, Wladimir est l'objet d'un culte fervent do la part des popu-
lations de la Petite Russie. Sa châsse repose dans l'église de la
Dîme; sa statue orne le point le plus pittoresque de la ville de
Kiew. C'est à Chersonèse qu'eut lieu la conversion du guerrier, et
une projection nous fait voir les ruines de l'antique sanctuaire où
le prince de Kiew reçut le baptême. Les ruines de Chersonèse sont
assez justement appelées par le conférencier le Pompéi de la Rus-
sie, et des fouilles y ont déjà été cxéculées avec succès à plusieurs
reprises. Deux fresques du peiiilrc VasnelzoflT, qui déiilenl égale-
ment sous nos yeux, ont perpétué le souvenir du baptême de Wla-
dimir et de son peuple, accompli en 988.
La suprématie de Kiew se maintint jusqu'au xni» siècle. Jaros-
478 CHRONIQUE
law, que .M. de Baye compare à noire Cbarlemagne, marque Tapo-
gée de la dynastie des Varègues. Ce prince donna l'une de ses
filles en mariage, Anne, au roi de Krance Henri V'\ el c'est préci-
sément à Reims que fut célébrée cette union, le 14 mai 1049. De
ce jour date, ajoute spirituellement l'orateur, la première alliance
fraiico russe.
Après avoir brillé pendant [)lusieurs siècles d'un vif éclat, la
suprématie de Kiew reçut de graves atteintes : la Russie de la
steppe fut écrasée par la Russie des forêts, et dut subir le joug de
la Litliuanie ; l'Ukraine fut toutefois affranchie par l'hetman Bog-
dan Chmielnicki, dont une projection nous montre la colossale
statue équestre, élevée sur une des places de Kiew. Enfin, sous
Pierre-le-Grand et Catherine, Kiew redevipnt grande ville russe et
la capitale des Petits Russiens.
Parmi les monuments de Kiew, le plus célèbre est l'église
Sainte-Sophie, que son fondateur, Jaroslaw, voulait faire la rivale
de celle de Constanlinople. Elle porte le titre de métropole.
M. de Baye fait ensuite apparaître successivement à nos yeux,
avec un commentaire explicatif fort intéressant, des vues nom-
breuses de la superbe ville, que traverse le large et majestueux
cours du Dnieper ; de l'église métropolitaine de Sainte-Sophie,
entièrement décorée par les belles fresques de Vasnelzoff ; des
églises Saint-Michel et Saint-André ; du couvent des Catacombes
ou Lavra Pelcbersky, qui ne renferme pas moins de \ ,'600 moines,
de toutes les races de la Russie, et où l'on vient en pèlerinage de
tous les points de ce vaste empire.
Voici la conclusion de cette remarquable causerie, plusieurs fois
interrompue par des applaudissements :
€ On a dit que Reims était la Moscou française ; ce titre est
« trop charmant pour être changé. Cependant, Kiew et Reims ont
« l'une et l'autre été le théâtre l'u baptême des premiers barbares
(( convertis. Unissons donc les noms de ces deux belles cités qui
« toutes deux ont vu l'aurore de la civilisation et de la grandeur
« de deux peuples, dont les drapeaux portent les mêmes couleurs
« et dont les cœurs battent à l'unisson. »
— M. de Baye s'est fait également entendre, dans le cours du
mois d'avril, à la Société de Saint Jean, à Paris, avec un non
moins vif succès. Il a évoqué avec le même bonheur, devant un
auditoire nombreux et choisi, les souvenirs de la vieille Russie,
depuis les âges proto-historiques, célébrés parle magistral pinceau
des peintres Vasnetzolï et Siémiradzki comme par les légendaires
épopées, jusqu'aux temps présents ; el, à chacune de ces confé-
rences fort applaudies, réminent historien delà Russie chrétienne,
le. R. P. l'ierling, se levant du milieu de l'assistance, a, dans une
chaleureuse improvisation, vivement félicité et remercié l'orateur.
Ternrinant par une délicate allusion aux événements de la politi-
flIUONIQUE 479
que couleniporaiiio, le savant jésuite a conclu Irèi liiieineiit par
celle pensée : « Les alliances passent, lamilié demenre. »
A. T.- H.
Thèses socte.nues a l'Kcole des Guautes. — Parmi les thèses
présenlées celte année à l'Ecole des Charles, et soutenues les 28
et 29 janvier !89o, pour l'obtention du diplôme d'archiviste paléo-
graphe, deux intéressenl tout spécialement l'histoire de noire
province.
— La première est celle de M Abel Rigaull, licencié ès-Iellres,
qui a obtenu le n" 1, dans le classement définitif, et se réfère au
curieux Procès de Guichard de Troyes (1308-1313).
M. Abel RigauU, actuellement attaché au Bureau historique des
Archives des Affaires étrangères, est presque un compatriote,
étant né sur les frontières de la Champagne et de ITIe-de-France,
au village des Sablons, près Moret (Seine-et-Marne). Aussi a-l-il
chjisi pour objet de son étude, un épisode fort curieux de l'his-
toire de celle région, qui louche par pUis d'un point à l'histoire
générale du royaume.
Ce Guichard, qui occupa le siège épiscopal de Troyes, de 1299
à 1314, était né à Villemaur (Aube), d'une famille assez humble.
Recueilli de bonne heure par les religieux de l'abbaye voisine de
Monlier-la-Celle, il y fit bientôt profession. En 1273, on le trouve
prieur à Saint-Ayoul de Provins; en 1281, abbé de Montier-la-
Celle, où il se dislingue par une administration ferme et intéres-
sée. Au temps de son séjour à Provins, Guichard était entré natu-
rellement en relations avec la reine douairière de Navarre et sa
fille la reine de France. Il sut habilement tirer parti de cette
situation pour pousser plus avant ses affaires et acquérir une haute
influence à la cour. Devenu « meslre de Champagne » et « sire en
Champagne pour le roi », il est désormais le premier conseiller
cl le favori de la reine.
En 1298, nommé à l'évêché de Troyes par le tout-puissant
crédit de la reine de Navarre, Guichard a un rôle dans le con-
seil du roi et jouit d'une situation considérable en Champagne.
Il a d'ailleurs plus d'un violent démêlé avec le clergé de son dio-
cèse : dès le jour de son entrée, il viole le privilège de l'abbaye
de Nolre-Dame-aux-Nonnains ; à Barbonne, il prend de force son
gîte chez le curé ; à Soigoy, il détruit le presbytère ; il exerce à
Saint-Mesmin diverses usui'pations au préjudice du chapitre de la
cathédrale; enfin, il commet toutes sortes d'abus, de violences et
de simonies.
Au moment de l'affaire de Jean de Calais, trésorier de Cham-
pagne, emprisonné pour ses déprédations et remis à la garde de
l'évêque de Troyes, Guicbard est accusé d'avoir laissé, moyennant
finances, son prisonnier fuir en Italie (1300). Il perd sa situation
480 CHRONIQUE
à la cour, e.st chassé du conseil roj'al, el une enquête rigoureuse
s'ouvre contre lui. Sur ces entrefaites, la reine de Navarre vient à
mourir (2 avril 1302). L'accusation primitive se renforce succes-
sivement de 'deux chefs autrement graves : Guichard est chargé
de deux meurtres et de l'empoisonnement de la reine BUinclie.
L'évêque fait alors diverses tentatives pour rentrer en grâce,
puis pour fournir une contre-preuve. Ses amis à la cour du roi.
Tévêque de Meaux, le cardinal l.emoine, interviennent en sa faveur.
Le procès, finalement, e^t porté devant des auditeurs délégués
par le roi. Entre temp?, Guichard cherche à faire agir Jean de
Calais, qui témoigne par ees lettres an roi et h la reine do
France afin de disculper l'évêque. Cependant Jean de Calais élaut
mort le 20 mai 1304, la question se pose de l'authenticité de ces
lettres. 11 semble, de l'examen des pièces du procès, conservées
aujourd'hui aux Archives nationales et dont un des l'ouleaux de
pai'chemin ne mesui'e pas moins de 53 mètres, que les deu.\ promo-
teurs de ces premières poursuites aient été iSofTo Uei et l'archi-
diacre de Vendôme, et qu'ils aient tous deux intrigué contre Gui-
chard avec la complicité forcée de Jean de Calais.
Toutefois une accalmie se produit à ce moment. Un compro-
mis pécuniaire intervient entre Guichard et la reine. L'évêque se
retire dans son diocèse et enti'eprend le règlement de tous ses
anciens démêlés déjà apaisés en paiiie : avec le chapitre de
Saint-Pieri'e (octobi-e 1302), avec Notre-Dame aux Nonnains
(mars 1303), avec Saint-Etienne de Troyes (mai i30i), avec le
chapitre de Saint-Pierre (août 1304) Son chapitrée, l'ahbaye de
Montier-la-Celle et le prieuré de Sainl-Flavit de Villemaur sont
tous trois l'objet de ses libéralités.
Le 2 avril 1305, meurt !a reine de France. Guichard fait un
nouvel effort pour se réhabiliter : Nolfo Dei se rétracte à Troyes,
au mois d'août de l'année suivante. L'évêque ne se sent pourtant
pas en sûreté dans sa retraite de Champagne où, le 15 août 1308,
il est en effet soudainement arrêté el derechef mis en jugement.
Sur une dénonciation faite au mois de février par l'ermite de
Saint-Flavit, des charges considérables pèsent plus lourdement
que jamais sur sor; compte. L'animosité de ses anciens adver'saires,
mettant à profit les arguments divei's de son inconduite notoii-e,
l'accuse d'avoir envoûté la reine de France, et tenté d'empoison-
ner Charles de Valois et Louis le Hutin. Une enquête prélimiiiaire
est ouverte par le bailli de Sens, qui en présente le rapport au
roi.
C'est l'époque du grand procès des Templier's ; le loi est à Poi-
tiers avec Louis le Hutin ; il adresse une requèie au [lape. Clé-
ment V lance un mandai d'arrêt contre l'évêque, incriminé de
divers faits monstrueux el u énormes ».
(îuillaume de Hangest, bailli de Sens, fournit aux commissaires
ecclésiastiques les propositions de l'accusation réunies en vingt-
CHRONIQUE 481
huit articles : les chefs principaux sonL l'envoûtement diabolique
de la reine et les essais d'empoisonneiiienl du roi de Navarre et
de la famille royale, avec la complicité de l'ermite de Saint-Flavit,
qui l'a dénoncé depuis.
Bientôt de nouveaux articles s'ajoutent aux premiers, résultat
d'une enquête secrète menée sourdement k Troyes par Guillaume
de Nogaret et NofTo Dei (!•'■■ décembre 1 30.S) : Guiiiliard a fait tuer
le curé de Laubressel ; il était usurier, faussaire, parjure, sodo-
niite; il a usurpé les biens du roi en Champagne, volé les Provi-
nois, fait sortir de prison Jacques du Front, marchand tlorentin,
débiteur du roi ; il a laissé mourir de faim trois pauvres diables
dans les cachots de Montierla-Ceile ; c'était un mécréant qui
crachait l'hostie sainte.
Ce second procès, rouvert avec Louis le Hutin comme instiga-
teur officiel des poursuites, parait comme une reprise des
anciennes charges soulevées naguère au cours de l'alfaire de Jean
de Calais.
L'instruction, commencée à Paris dans le jardin du roi en octobre
1308, se continue, à diverses reprises, jusqu'au mois de février l3ll.
Guichard nie obstinément les nombreux cliets d'accusation, inces-
samment transformés, abandonnés ou renouvelés, dont on cher-
che à l'accabler. On lui extor(iue néanmoins quelques aveux sur
les faits de simonie, de faux monnayage, et sur le cas de sa nais-
sance, prétendue diabolique. Près de 300 témoins sont entendus,
et le chiffre de leurs dépositions atteint i,4u0. Les témoins sont
pris parmi les ecclésiastiques, les gens de l'entourage de l'évêque,
les Italiens du commerce et de la finance, les personnages de la
cour. Les preuves se bornent à des alfirmations par ouï-dire ; les
témoignages accablants sont en nombre fort restreint ; certains
ont un caractère tout à fait suspect.
Pendant la durée de ce long procès, Guichard est détenu au
Louvre, sous la garde de Denis de Sens. Il y a main-mise sur le
temporel de son évêché : l'évêque est privé de ses revenus ; il
conserve encore son office spirituel.
L'instruction, tour à tour interrompue et reprise, devait être
remise à la détermination du concile de Vienne (1310). Sur les
instances du pape, on achève l'enquête (lévrier loll), on rédige
les pièces du procès et l'on envoie la procédure au pape. Sur ces
entrefaites, Noffo Dei, condamné au gibet, déclare Guichard inno-
cent (1313)
Dès lors, Guichard, réfugié à Avignon, est transféré, à la
demande d'Eoguerrand de Marigny, du siège épiscopal de Troyes
à celui de Diakovar en Bosnie. Il résigne bienlùt ce nouvel
évêché, sans en avoir pris possession, et meurt le '22 janvier 1317.
On l'enterre dans l'église Saint-Pierre de Troyes, son ancienne
cathédrale.
31
482 CHROMQUK
Après avoir étudié la vie inouvemenlée, eL peu édirianle en tout
cas, du prélat troyeii, M. Rigault a examiné les diverses opinions
émises par les contemporain? au sujet du procès de ce triste per-
sonnage. En somme, les jugements sont plutôt favorables à Gui-
chard : Jean de Saint-Victor, la chronique rimée du Bourgeois de
Paris, riiisloirc de Guichard écrite par un clerc de Troyes dans
une version de « Renard le Contrefait » se montrent plutôt indul-
gents à l'égard de l'évêquc licencieux cl simoniaque. Les histo-
riens modernes, Boissy d'Anglas et Boutiot, voient surtout dans
son cas une affaire politique provoquée par l'ultramontanismede
Guichard.
Mais les accusations contre lui sont antérieures au concile de
Rome et à l'arrestation des agents du pape ; la cause du procès,
suivant M. Rigault, serait donc tout autre et bien plus intime, et
la conséquence, avec des complications successives, d'une intrigue
de cour, TatTaire primordiale de Jean de Calais,
M. Rigault rapproche avec raison ce procès si curieux des autres
grands procès instruits presque simultanément à cette époque ;
celui des Templiers et celui de Boniface VIH. On voit dans tous
trois l'action louche de Guillaume de Nogaret, dans les deux pre-
miers celle non moins perfide de Noffo Dei. C'est dans tous les
cas la même méthode de procédure, les mêmes griefs essentiels ;
hérésie, sorcellerie, sodomie, simonie, usure, etc.; l'intervention
séculière du roi catholique, à défaut de l'Eglise, revendiquant les
droits de ministre de Dieu et de défenseur de la foi ; les fréquen-
tes illégalités apportées au cours de l'enquête, menée également
avec une partialité et une acrimonie révoltantes.
En résumé, ce Guichard, dont M. Rigault a tracé un portrait
physique très intéressant, d'après les documents même du pro-
cès, était avant tout un impulsif et un sanguin Violent à l'excès,
sujet à de fréquents mouvements de colère, le personnage nous
apparaît peu sympathique. Arrivé par la faveur des deux reines,
.sans mérite personnel, le jour où cette protection vient à man-
quer, il tombe aussitôt à plat. Le caractère vindicatif de Jeanne
de Navarre se révèle d'ailleurs ici sous un jour défavorable ; elle
met, de concert avec Louis le Hutin, son fils, un acharnement
féroce à poursuivre le malheureux Guichard : tous les moyens
leur sont bons pour perdre plus sûrement l'évêque ; des témoins
sont subornés, les faits dénaturés et faussés.
Au fond, il y a là une de ces intrigues de cour dont nous ne
pouvons saisir nettement le mobile, mais dont l'affaire de Jean de
Calais a seulement fourni le prétexte. Les motits allégués de sor-
cellerie n'ont été invoqués que pour faciliter les poursuites contre
le prétendu coupable. Les mœurs de l'évêque étaient évidemment
suspectes; il n'y a point, comme l'on dit, de fumée sans feu. Les
lettres qui le chargent peuvent fort bien avoir été fabriquées pour
les besoins de la cause. Les témoins choisis, en grande partie.
CHRONIQUE 483
paiiui 1rs peliles gens, oui pu agir sous l'empire de l'inliiiiida-
lioii, par l'appât du gain ; d'autres ont pu parler sous l'in-
tluence de iiaines personnelles : Guichard avait, à la cour, beau-
coup d'ennemis et d'envieux qui, sa disgrâce venue, se levèrent
contre lui.
M. Rigault nous a donné un récit piquant des diverses appari-
tions du diable à l'évêque, comparables aux descriptions renfer-
mées dans les ouvrages spéciaux tels que Springcr, Deirio, etc.
Dans ce procès, on retrouve le classique procédé inquisitorial,
évitant de laisser connaître à l'accusé certains détails de l'accusa-
lion, certains noms de témoins.
Pour ce qui est des homicides reprochés à Guichard, cela est par-
faitement admissible. Violent, avec le pouvoir en main et la quasi
certitude de l'impunité, il agissait conformément aux habitudes
du temps, demeurées encore cruelles et demi-barbares.
Quant au grief d'avoir suborné des témoins, il se retourne de
même impudemment contre lui. Enln, l'accusation ignorante
d'alchimie doit se réduire à des pratiques de fausse monnaie,
dont Guichard s'est d'ailleurs reconnu coupable.
Tel est l'avis des membres du jury chargés d'examiner la thèse,
MM. JMolinier et de Mcntaiglon. M. Gaston Paris y joint une obser
vation philologique importante, à propos de la prétendue nais-
sance mystérieuse de Guichard. L'évêque, a dit M. Rigault, fut
engendré par un « necon » ; on l'en accuse et il avoue s'en être
vanté lui-même. Il faut lire ici neton, du latin ncplumis (génie
des eaux), qui a donné lieu aux formes populaires neton, nuitOîi
(esprit de la' nuit), iullon (esprit malin qui lutte contre les hom-
mes), d'où enfin lulln.
— La seconde thèse que nous ayons à signaler est un Essai sur
Robert II de la Marché seigneur de Sedan^ mort, en iu36, par
M. Robert Goubaux.
Le sujet est d'autant plus intéressant, pour la région arden-
naise en particulier, que rien n'est plus enchevêtré et compliqué
que cette généalogie des la Marck et des Bouillon, dont M. S.
Leroy donne précisément, dans la Revue d'Ardenne et d'Argonne,
une notice fort détaillée et substantielle.
La question qui nous occupe ici avait été déjà traitée précédem-
ment par M. de Bouteiller, mais seulement d'après un petit nom-
bre d'imprimés. Le travail de M. Goubaux porte sur une plus
grande quantité de soui'ces, françaises et étrangères, imprimées
et manuscrites.
Il sera impossible d'établir exactement la généalogie de la
famille de la Marck, tant que les archives de la famille d'Arem-
berg, à Bruxelles, demeureront obstinément fermées comme elles
l'ont été jusqu'à ce jour. La date précise de la naissance de
Robert II reste inconnue ; elle doit se placer entre les années i-io2
et i-i6o. Brantôme nous a laissé un curieux portrait de lui.
484 CHRONIQUE
A la suite des troubles survenus au pays de Liège, Guillaume
de la Marck, banni en 1480 par Louis de Bourbon, évêque de cette
ville, entre en guerre, assisté de ses frères, Erard et Robert I'=%
et de son neveu Robert II, qui fait alors ses premières armes. Les
événements se précipitent : le meurtre de Louis de Bourbon, la
prise de Liège (30 aoiit 1482), la paix de Tongres (22 mai 1484).
Jean de Horne est reconnu évêque de Liège. En 1485, Guillaume,
pris par trahison, est exécuté à Maëstricht ; c'est le signal d'une
nouvelle guerre. L'année suivante, Robert l'^'' et Robert II obtien-
nent de Charles VIII des lettres de protection ; bientôt ils portent
leurs armes contre le Luxembourg : Robert lef est tué au siège
d'Yvoix (février i487). Robert II, devenu seigneur de Sedan, con-
tinue la lutte. Après la victoire de Zonhoven, remportée par Jean
de Horne, la paix est signée le 10 mai 1490; mais les hostilités ne
tardent pas à reprendre : le 1'^'' novembre, Robert occupe de nou-
veau Liège. En 1492, il ravage la prévôté de Bastogne ; le mar-
quis de Bade, gouverneur de Luxembourg, lui enlève toutefois la
place de P'Ioranges ; le 5 mai 1492, la pais de Doncbery inter-
vient : Robert II a gagné à cette guerre la châtellenie de Bouillon.
La date du mariage de Robert II avec Catherine de Croy doit
se placer antérieurement au 2o décembre 1490; il en eut plusieurs
enfants. Favorisé par Charles VIII, Robert II reçut de lui le com-
mandement d'une compagnie de cinquante lances^ et le rang de
conseiller et de chambellan.
En mars 1493, il entreprend une guerre contre René II, duc de
Lorraine, et après une première escarmouche, enlre en campagne
à l'automne de cette même année. Le molif de cette lutte était la
revendication par Robert des terres de Dun, Renconval et autres
lieux. Les parents de Robert firent cause comnnme avec le duc de
Lorraine ; le roi de France dut s'interposer et convoqua René et
Robert à une journée amiable à Vitry, le 15 septembre 1494 :
Robert fit défaut. Cependant les hostilités cessèrent en 1494 et
1493 : Robert guerroyait ailleurs, à l'expéditidn d'Italie n'a-
bord, puis contre le duché de Luxembourg. En juillet 1496, elles
reprennent avec une nouvelle ardeur. Les Messins tentent en vain
de rétablir la paix, en provoquant des journées amiables, à Metz
(2'6 septembre 1496), à Reims (décembre 1496). René tente de
surprendre Robert dans la place de Floranges. A la prière de
Robert, Charles VIII envoie comme médiateur Jean do Baudri-
court, maréchal de France. Le 25 octobre 1497, la paix est enfin
conclue : les prétentions de Robert sont écartées, il reçoit seule-
ment des compensations pécuniaires. Le 3 avril 1497, il s'était lié
par un traité avec la cité de Metz.
Entre temps, Robert avait joué un rôle assez important dans la
première expédition d'Italie.
Le 31 mars l'i9a, une convention avait été signée entre les
puissances alliées pour l'envahissement de la France. Maximilien
CHRONIQUE 485
fit attaquer les états de Robert par le gouverneur de Luxembourg.
Le 3 juillet, ses troupes entraient en campagne ; le 2j, Bouillon
fut pris, et le siège mis devant les places de Monlfort et de Sedan.
Robert demande la paix ; une trêve, le 26 août, est accordée ; Maxi-
milien essaie vainement d'attirer Robert à son service.
Le 27 mai li98, Robert assistait au sacre de Louis XU. Survint
une nouvelle rupture avec l'Autriche ; Maximilien ayant fait don
de la seigneurie de Floranges à un de ses serviteurs qui s'en
empara facilement, Robert aussitôt d'exercer des représailles sur
le Luxembourg, la prévôté de Bastogne et les autres terres de
l'archiduc. D'ailleurs, en décembre 1498, Maximilien, gêné par les
troubles de Gueidre, rendait Floranges à Robert.
C'est vers cette époque, 1499 ou ioOO, que le tils aîné de
Robert II, Robert de Floranges, fut envoyé par son père à la cour
de France pour y être élevé avec le duc d'Angoulême et Anne de
Montmorency. Au mois de décembre 1501, Robert se rendit lui-
même à Blois ; pendant les années 1501 et 1502, rien de notable
n'étant survenu, il utilisa la paix en fortifiant ses places.
En 1503, Louis XII l'envoie au secours du comte palatin contre
Maximilien, puis le désavoue ; Robert faillit alors abandonner le
service du roi de France, et Louis XU dut céder. Les instances de
l'archiduc cherchèrent alors à gagner Robert à sa cause ; mais en
juillet 1506, Louis XII l'envoyait encore porter assistance à Char-
les d'Egmont, comte de Gueidre.
Le 30 janvier 1506, Erard de la Marck fut élu à l'évêché de
Liège. Louis XII voulut se servir de lui et de son frère Robert
pour se faire attribuer la tutelle des princes de Castille, mais ils
échouèrent dans cette entreprise. En 1507 et 1508, Robert conti-
nua la guerre de Gueidre. Louis XII, en récompense des services
rendus par les deux frères, exigea que Robert et Erard fussent
compris dan.- le traité de Cambrai.
Le 1'^'' avril 1510, le cardinal d'Amboise donnait sa nièce, Guil-
lemette de Sarrebriick, en mariage à Floranges; Robert reçut le
collier de Tordre de Saint-Michel. Trois mois après, il partait pour
l'Italie, et prenait part à la bataille de Bologne.
En 1311, Robert renouvelait par un traité nouveau l'alliance
conclue avec les Messins en 1497 ; il eut toutefois certaines diffi-
cultés avec la ville au sujet de gens de guerre qu'il levait alors
pour le service de la France. Floranges, revenu d'Italie, faisait à
son tour des levées de lansquenets pour Louis XII.
En 1513, le roi fit une seconde expédition en Italie : Robert y
prit part, accompagné de ses deux fils : Floranges et Jameiz. On
lui dut alors l'invention du parc d'artillerie. A la défaite de Novare
(15 juin 1513), il eut le bonheur de sauver ses deux fils restés sur
le champ de bataille.
Les troupes rentrées" on France, Floranges rejoint Louis XII à
Amiens et en reçoit, le 21 aoilt, une compagnie de cent lances;
486 CHRONIQUE
Robert, de retour à Sedan, est chargé de guerroyer contre les
Bourguignons. Il conduit ses troupes sur le Luxembourg et cher-
che inutilement à s'emparer de Thiun ville par trahison. En jan-
vier i5i5, François \" l'invite à assister à son sacre, et lui fait
cesser les hostilités, promettant de lui faire restituer Bastogne et
attribuer une indemnité ; mais jamais Robert ne put obtenir l'exé-
cution de ces engagements.
Une nouvelle expédition est dirigée en Italie : Robert réunit
pour le roi six mille lansquenets et y envoie ses trois lils ; Flo-
ranges est armé chevalier sur le champ de bataille de Marignan
par François I^"" lui-même ; il s'empare de Crémone. En novem-
bre 151 6, il a des difficultés avec les magistrats de Metz, au sujet
de la déclaration de nullité de mariage de Bonne Baudoche. Le
28 août 1516, il est nommé capitaine des cent suisses de la garde
du roi.
François I'^'", qui avait alors (Quelques visées sur la couronne
impériale, songe à employer Erard et Robert de la Marck pour
préparer les voies à son élection. Robert gagne Franz de Sickin-
gen au service du roi (novembre 1516). Grâce à l'entremise
des deux frères, les principaux électeurs sont un instant acquis à
la cause du roi de France, et François P"", au début de 1518,
aurait pu compter sur un succès. L'influence néfaste de Louise de
Savoie lui fit perdre le bénéfice qu'il pouvait attendre de l'appui
des La Marck. Robert perd sa compagnie, on lui paie mal ses
pensions; le chapeau de cardinal, promis à Erard, est donné à un
favori de la reine. Erard mécontent entraîne son frère dans le
parti de l'empereur, par le traité de Saint-Trond, conclu le 27
avril 1518. Les deux fils aînés de Robert restent pourtant fidèles
au roi de France. Robert renvoie h François l*"' le collier de Saint-
Michel avec une lettre justifiant sa conduite (19 septembre 1518).
Tandis qu'Erard et Robert s'emploient activement en faveur de
rélection de Charles d'Espagne, Floranges agit auprès des mêmes
personnages dans l'intérêt du roi de France. Un moment^ la
balance peut pencher du côté de celui-ci ; mais Robert, ayant
engagt' au nom du roi d'Espagne l'armée de Souabe, la conduisit
vers Francfort, entoura la ville de troupes, et, intimidant ainsi les
électeurs, contribua puissamment à l'élection de Charles-Quint
(28 juin 1519). Ainsi la défection des La Marck causa-t-elle dans
une large mesure l'échec de François I"""" dans sa compétition à
l'Empire.
Le nouvel empereur ne se montra point ingrat : Erard eut le
cardinalat tant souhaité, avec l'évêché espagnol de Valence ;
Robert reçut également de riches et nombreux présents. Toutefois
ses réclamations au sujet de la place d'Hierges demeurant sans
résultat, il Unit par abandoniici' le service de Charles-Quint, le
30 décembre 1519, pour rentrer à celui de François l'''', ave-,
lequel il contracta un engagement solennel, le 14 février 1520. Le
criKOMQUK 487
roi de son côté s'élail engagé pareillement, el lui avait rendu le
collier de Saint-Michel.
Cependant Robert tenait à avoir satisfaction en ce qui concer-
nait Hierges. A peine de retour à Sedan, il envoya un déli à .Mai-
guerite d'Autriclie ; puis se mit en campagne. De concert avec
Antoine, abbé de Beaulieu, il lente de s'emparer de Liège ; mais
le projet échoue. Il mène alors ses troupes devant Virton. Fran-
çois 1", croyant que Charles-Quint songe à rendre justice à
Robert, invite ce dernier à suspendre les armes ; mais l'empereur,
qui n'avait cherché qu'à gagner du temps, dès qu'il eut des trou-
pes prêtes, les fit conduire contre les états de Robert par le comte
de iNassau, qui s'empara de Logne (fin avril li)2l), de Florenville
et de Messincourt.
François le-", n'osant prendre ouvertement parti, envoie onc
armée à peu de distance de la frontière, sous les ordres du duc
d'Alençon avec mission d'aider Robert à se défendre, non à atta-
quer. Néanmoins la place de Floranges est prise, le 14 ou 1;) juin
lo2i, et Nassau, profitant de la retraite de l'armée française à
Reims, prend aussi Bouillon le 4 août; bientôt les Impériaux par-
viennent sous les murs de Sedan, et Robert, abandonné par les
Français, est contraint de négocier avec Charles-Quint. Des trêves
de huit jours, puis de six semaines se succèdent, non renouvelées
sans que pour cela les hostilités recommencent. C'est qu'à ce
moment la prise de Mouzon, le siège de Mézières venaient de
marquer à leur tour les débuts d'une guerre entre François I*^'' et
l'Empereur.
Cette année 1521 mit un terme, du reste, à la carrière politique
de Robert. Les documents sont assez rares sur les quinze derniè-
res années de son existence. On sait que le IG juin 1323, il déli-
vra par voie d'échange son fils Guillaume de Saulcy, prisonnier à
Namur. Deux ans plus lard, Floranges, fait prisonnier à la bataille
de Pavie, enfermé au fort de l'Ecluse, trompait les ennuis de ia
captivité en écrivant ses Mémoires. Le traité de Madrid, en lo2(i,
ne comprenait pas les La Marck el les traita même assez dure-
raeiiL Comme compensation, Floranges lut nommé maréchal de
France el reçut en outre diverses faveurs. Le traité de Cambrai,
en 1529, ne. modifia rien des clauses du pacte précédent. En août
et septembre 1336, F'Ioranges se couvrit encore de gloire dans la
défense de Péronne.
Au mois de décembre de celte même année, Robert II mou-
rail ; son fils Robert III le suivit dans la tombe peu de joui's après.
M. Alfred Morel-Fatio, jugeant la thèse de .\1. Goubaux, insiste
sur l'importance des documents italiens à consulter sur cette
époque. L'ouvrage allemand d'Ulmann est également d'un intérêt
capital. Les mémoires de Floranges sont aussi fort précieux à lire
pour établir la biographie du père. Une bibliographie complète
et une étude critique seraient à faire de ce tdxte capital, au point
488 CHRONIQUE
de vue historique et même littéraire, et dont une édition délini-
tive reste à donner.
M. Goubaux a rectifié le nom de Fleuranges en Floranges. Les
deux expressions ont dû simultanément être employées ; mais il
ne saurait y avoir de confusion, le Dictionnaire des Postes ne
mentionnant qu'une seule localité du nom de Fleuranges. Celle
du Gers citée par M. Goubaux se nomme Fieurances.
Le sieur d'Aimeris, indique à piopos de l'afTaire d'Hierges,
appelé Emeris par Ulmann, pourrait bien être identifié avec Jean
de Dinteville, seigneur d'Emeri, mort au siège de Metz eu lo52.
En tout cas, ce doit être quelqu'un de sa famille.
Quant au défi porté à Charles-Quint à la diète de Worms. cela
paraît être une légende basée sur l'unique affirmation de Martin
du Bellay. Ulmann l'a démontré.
Il existe, sur Pierre de Navarre, cité dans les Mémoires de Flo-
ranges, une chronique publiée dans les Documents inédits sur Ihis-
loire d'Espagne (tomes XXV et XXVI), qui donne d'intéressants
détails sur les guerres d'Italie.
En définitive, le travail de .M. Goubaux est une œuvre conscien-
cieuse et qui fait grand honneur à son auteur.
A. T.-R.
Société; Historique et Archéologique de Ghateau-Thierry
(Séance du 7 mai 1895). — Présidence de M. Vérette.
Dans le rapport qu'il présente sur les lectures faites à la Sor-
bonne (section d'archéologie), pendant le Congrès des Sociétés
savantes. M. Moulin met en relief celles qui lui ont paru offrir le
plus d'intérêt pour notre région.
Il mentionne, notamment, les églises de Notre-Dame de l'Epine,
près de Châlons-sur-Marne ; de Saint-Evremond de Greil, dont la
destruction est imminente, à moins que l'Etat, à la sollicitation
de M. l'abbé Mûller, appuyée par le Congrès, n'intervienne pour
classer le monument et accorder une subvention qui en permette
le rétablissement; la restitution d'un antique château élevé à Sens
de l'an 1 à l'an III de J.-C, restitution, toute iconographique, due
aux sagaces investigations de M. Julliot, président de la Société
archéologique de Sens.
M. Morel, de Reims, a donné la description d'une longue tige
de bronze, trouvée dans une sépulture gauloise du Dijonnais, et
qui ne mesure pas moins de 67 centimètres !
Dans une communication faite sur le monument élevé à Guil-
laume de Flavy (le gouverneur de Compiègne qui a livré Jeanne
d'Arc), M. Moulin a cru devoir rappeler que le drame si connu de
la mort de ce triste gouverneur avait eu comme théâtre la tour
de Nesles-en-Tardenois et que, depuis bien longtemps, cette
histoire était connue, publiée non seulement par nos compatriotes,
CHRONIQUE 489
mais aussi par les SocitHés d'Amiens, de Beauvais et de Compiè-
gne.
La note de M. IMinouflet sur les monnaies gauloises est l'objet
d'une mention particulière, ainsi que la remarquable étude de
M. Pilloy, correspondant de la Société, sur l'émaillerie aux n» et
ni<= siècles.
M. Pilloy a été, lors de la séance solennelle du Congrès présidée
par le ministre, promu officier de l'Instruction publique ; cette
distinction était bien due à notre confrère, auquel la Société
adresse ses félicitations.
Eglise Saini'-Pikrrb kt Saint-I'aul d'Epernay. — Nous extrayons
les passages suivants d'un arliole du^ Champenois, d'Epernay :
i\Igr Latty, évêque de Châlons. est venu, le dimanche i2 mai,
poser et bénir la première pierre de lu nouvelle église due à l'i-
népuisable générosité de M. le comte Paul Cbandon de Briailles
et de ses tils.
Destinée k devenir le siège d'une nouvelle paroisse d'Epernay,
cette église, située rue de .Magenta, est placée sous le vocable de
saint Pierre et saint Paul, sur le désir de MM. Chandon, qui ont
voulu honorer ainsi le patron vénéré de M. Paul Chandon.
La cérémonie a eu un caractère tout intime et pour ainsi dire
familial, à cause de l'état de santé de M. Paul Chandon, retenu
par une longue maladie.
.Mgr Ldtty, accompagné de M. l'abbé Mollard, son grand-vicaire,
est arrivé à Epernay à onze heures un quart et s'est rendu immé-
diatement au presbytère, déjà presque achevé, de la nouvelle
église. 11 y a été reçu par MM. Raoul, Gaston et Jean Chandon,
par M. l'Archiprêlre d'Epernay et plusieurs| membres du clergé
de notre ville.
Au nom de M. Paul Chandon, président du Conseil dejfabrique
de la nouvelle église, M. Drouet, ancien capitaine de gendarmerie,
membre du même Conseil, lui a souhaité la bienvenue.
Un déjeuner a eu lieu aussitôt dans l'une des salles du presby-
tère, spécialement décorée pour la circonstance,
A deux heures, le clergé, en procession, va prendre au presby-
tère Mgr Latty, qui apparaît bientôt vêtu de ses ornements sacer-
dotaux, mitre en tète et tenant à la main sa crosse pastorale. Le
cortège se dirige vers une petite tente dressée en face de l'église,
à vingt mètres environ du portail principal, dont les fondations
sortent déjà de terre ; c'est sur le pilier gauche de ce portail
qu'est disposée la pierre que l'évêque bénira tout à l'heure. Deux
cavités sont pratiquées; l'une a déjà reçu une bouteille de Cham-
pagne de la marque Moët et Chandon, l'autre est destinée à rece-
voir les pièces olficielles commémoratives de l'événement. Une
490 CHRONIQUE
énorme pierre, destinée loul à l'heure à recouvrir celle dont
nous parlons, est suspendue au-dessus par une chaîne enroulée
autour d'une poulie.
Après un morceau exécuté par la musique Moët et Chandon,
sous la direction de M. Venant, son sous-chef, les chants religieux
commencent ; puis Mgr Latly, après avoir fait le tour des fon-
dations de l'église qu'il bénit en même temps, monte sur le petit
échafaudage qui accède à la pierre qu'il va bénir et dépose dans
la Cavité disposée au centre un parchemin portant celte mention :
Sous le pontificat du pape Léon XIII ; AI. Félix Faure étant président
de la République ; Mgr Lan^^énieux, archevêque de lîeims, et sous la pré-
sidence de Mgr Lalty, évêque de Châlons :
La première pierre de l'église paroissiale Sainl-Pierre-Saint-I^aul a été
bénie et posée solennellement le dimanche 12 mai 189--, en présence de
M. Raoul Chandon de liriailles ; M. Gaston Chaudon de Briailles et son fils
M. Claude Chandon de Briailles ; M. Jean Chandon de Briailles ; MM. les
membres de la fabrique de l'église Notre-Dame et MM. les membres de la
fabrique de l'église Saiut-Pierre-Saiut-l'aul.
Il place également dans la cavité des pièces de monnaie toutes
neuves, l'une de 20 francs au millésime de 1895 ; les autres de
5 francs, de 2 fr., de \ fr., de HO c. en argent, de 10 el de 5 cen-
times en billon.
Enfin, il recouvre la cavité d'une plaque méiallique portant
rinscription latine suivante :
Sanct. apoBl. Pelrum et Paulum custodes civit Sparnac. ac hujuique lem-
pli inclyl. lilulares solemn. elogerunt ac posuerunt fondatores insignes sui-
que clientes.
XII Mail 1893.
M. Antoine, chef de chantier, présente alors à lévéque une
auge en acajou, dans laquelle se trouve un peu de mortier, une
truelle et un marteau en argent. Mgr Latty répand un peu de
mortier sur la pierre et la bénit, et des ouvriers font descendre
inifnédiateraent l'autre pierre qui va recouvrir à jamais les pièces
constatant la fondation de l'église.
Après le chant des litanies, l'évêtiue fait encore une fois le tour
de l'église, qu'il bénit, puis il monte sur une estrade préparée
à cet effet, et prononce une allocution remarquable à la fin de
laquelle il complimente chaleureusement M. Paul Chandon de
Briailles.
Pour terminer, quelques mots sur la nouvelle église. Elle est
placée, comme nous l'avons dit, au sud de la rue de Magenta.
Son entrée sera séparée de la rue par une petite place ; elle sera
du plus pur style roman.
Nous en avons vu les plans et nous pouvons assurer qu'elle aura
beaucoup de caractère ; le talent de l'éniinent .M. Deperthés t^ous
en était du reste un sûr garant.
CHRONIQUE 491 ,
Elle aura 07 mètres de long et 20 mètres de large, la nef aura
10 mètres de largeur et chacun des bas-côtés un peu plus de 3
mètres.
La flèche qui surmontera le grand portail aura 47 mètres de
hauteur.
Les travaux commencés le 15 mars dernier seront terminés, on
l'espère, pour la fête de l'Assomption de l'an prochain.
Les fondations ont exigé un travail spécial à cause de la nature
marécageuse du terrain. On a dû établir à 5 mètres de profon-
deur, en plein dans l'eau, un massif en béton, sur lequel on a
construit des arcades solides en pierre meulière qui supportent
les fondations.
Le presbytère, séparé de l'église par un très petit espace, a son
entrée sur la rue de Magenta. Très vaste et très confortable, il a
été construit dans les mêmes conditions et on a eu les mêmes
difficultés à vaincre pour en établir les fondations.
Les plans sont de S], Deperthes; l'architecte qui dirige la cons-
truction est M. Piquart, d'Epernay ; enfin, l'entrepreneur chargé
de l'exécution est I\L Paul Thomas, de Reims.
A'ouvEAUx vrTRAUx A LA CATHÉDRALE DE Reims. — Depuis long-
temps on songe à placer des verrières dans les trois grandes baies
du transept faisant face à l'orgue. L'argent seul fait défaut.
M. l'abbé Colligiion, archiprètre de Notre-Dame, a pris l'alFaire
à cœur. Il a parlé de ce projet à un des peintres-verriers les plus
distingués de France, M. Champigneulle, de Bar-le-Duc. Celui-ci
accepte la première ouverture et olfre même de coopérer pour
une grande part à la dépense qui doit être considérable, en rai-
son de la grandeur des fenêtres. Nous avons la confiance que
quelques personnes généreuses viendront en aide à M. le Curé.
Les fêtes en l'honneur d'Urbain H et du R. J.-B. de La Salle
donnèrent l'idée de représenter dans les trois baies le B. Urbain,
saint Bruno et le B. J.-B. de La Salle, tous trois chanoines de
Reims. Le peintre-verrier, de concert avec M. Darcy, l'architecte
du Gouvernement, se mit à l'œuvre. 11 fit un premier projet d'en-
semble : S, E. le cardinal Langénieux l'approuva. 11 exécuta ce
projet en grandeur d'exécution et, croyons-nous, ces dessins sont
également acceptés par l'Architecte. '
Les cartons ont été exposés récemment dans la grande salle de
l'Archevêché. Les fenêtres comportent chacune un personnage eu
pied et quatre médaillons, deux sous les pieds du saint, deux au-
dessus de sa tête.
1" Le B. Urbain 11, en chasuble moyen-âge, la tête couverte
d'une tiare pointue, tient dans ses bras la croix double et dans la
main droite la croix des croisades. Le médaillon du ba* repré-
492 CHRONIQUE
senle Urbain chantant une leçon, à Taigle, dans le chœur de
Notre-Dame ; trois petits clercs le considèrent. Dans le second
médaillon, Urbain, auprès d'une grande construction qu'il touche,
fonde Tabbaye de Binson. Le troisième médaillon est consacré à
la prédication de la croisade. Dans le haut de la fenêtre, Mgr
Langéiiieux, aux pieds du Souverain-Pontife, sollicite le rétablisse-
ment du culte du Bienheureux.
2° Saint Bruno, en costume de chartreux, tient dans ses bras le
livre de ses constitutions et un lystel sur lequel se trouve le plan
du couvent.
Le médaillon du bas est consacré à saint Bruno enseignant dans
les écoles du Chapitre. Le B. Urbain II est assis et l'écoute. Le
médaillon suivant rappelle la fondation de la Chartreuse; dans
un angle apparaissent les douze étoiles symboliques. Dans le troi-
sième médaillon, saint Bruno est aux pieds du Souverain-Pontife,
son ancien élève. Dans le quatrième, il est au ciel.
3° Le B. J.-B. de La Salle, en soulane, ceinture et rabat, parle
à un enfant debout devant lui.
Dans le médaillon du bas, J.-B. de La Salle distribue ses biens
aux pauvres de la ville. Au-dessus, dans une chaire, il fait l'école.
Dans le troisième médaillon, debout, il dépose sur un autel ses
constitutions. Dans le quatrième, il est au ciel.
Ces dessins, tels quels, nous paraissent très beaux.
Tout en admirant l'ensemble du projet qui fait grand honneur
à M. Champigneulle, nous nous permettrons de présenter quel-
ques observations sans portée.
La coulle de saint Bruno est retenue par une agrafe ; nous nous
demandons s'il ne serait pas mieux de la supprimer. Le scapulaire
qui pend sur la robe de saint Bruno ressemble à un rochet ou à
une seconde robe ; ne serait-il pas possible de faire comprendre
que c'est un scapulaire, en accusant le côté fendu, et retenu dans
le bas par une petite bande d'étoile ?
Ces critiques ne formaliseront pas l'artiste, qui sait combien
nous admirons son talent.
(Courrier de la Cliampagne.) Ch. Cerf
Mélanges sur l'Exposition rétrospective de Reims. — l. La
Crosse dile de Saint-Gibrien. — Dans une des vitrines de l'Ex-
position rétrospective, parmi les objets du Trésor de la Cathédrale,
se trouve un des fragments de la prétendue crosse de saint
Gibrien, auquel on a joint les deux fragments appartenant à la
Ville.
Cette crosse étant du xii'' siècle, n'a pas pu appartenir à saint
Gibrien, qui vivait en L»09 ; d'ailleurs, il n'était pas évêque et les
CHRONIQUE 493
crosses ne furent introduites qu'au ix" fiècle, d'autres disent
au xi«.
Il y avait, en réalité, dans le trésor de l'église Saint-Kemi, dit
Marlot, une canne qui avait appartenu à saint Gibrien, on la por-
tait en procession le jour de sa fête ; c'est ce qui, sans doute, a
amené la confusion.
Quoi qu'il en soit, il nous tombe sous la main une note : nous
la donnons pour ce qu'elle vaut; elle doit avoir une certaine vrai-
semblance à raison des détails positifs (ju'elle renferme. Elle est
d'un rémois qui a laissé queUjiies notes, M. Tliibault, cliirurgien,
et datée du 8 septembre IS22.
« Un bénédictin toujours chargé de montrer aux étrangers, qui
« visitaient le tombeau de saint Rcmi, les reliques qui s'y trou-
« valent renfermées, montrait en outre la crosse ou bâton pasto-
« rai (sic) de saint Gibrien.
« Ce bâton, aujourd'hui entre les mains de Mme veuve Langlet,
<( échut à son mari, en échange d'un os du doigt de Saint-Remi ;
« un de ses beaux-pères T.c Temple, tailleur, i\ la Révolution,
« l'avait sauvé du pillage.
« 11 était surmonté d'une poignée en forme de béquille, en cui-
« vrc ou argent doré, revêlu de diamants, toujours enveloppé
<( dans un fourreau.
« La veuve, le 16 juillet I8l9, disait qu'elle ne s'en déferait
« qu'en faveur d'un successeur de Saint-Rcmi.
« Le 4 septembre 1822, elle le remit à M"'' de Couey ; celui-ci,
i< en échange, lui donna une médaille et une gravure de Ms"" de
« Talleyrand-Périgord, et une gravure de la France, les yeux
« baignés de larmes. ï
Voilà bien des détails positifs : il est difficile de les mettre en
doute. On peut donc croire que le fragment que l'on trouva k
l'archevêché, dans un étui de maroquin vert, du temps de
M'f Gousset, y est arrivé par les soins de Mme veuve Langlet.
Ch. Cerf.
II. Un portrait de Culbert. — Parmi les raretés de l'Exposi-
tion, nous devons signaler un portrait de Colbert, qui a tous les
caractères d'un portrait original et mérite ainsi l'attention des
experts en tableaux et des historiens rémois. C'est une peinture
sur toile de forme ovale, le personnage vu à mi- corps et de face,
dans un riclie cadre sculpté du xvii" siècle. Aucune signature,
aucune date n'accompagne le portrait. L'attestation d'authenticité,
outre la similitude parfaite avec plusieurs portraits gravés du
temps, notamment avec ceux dûs au burin de Nanteuil, c'est un
cartouche également exposé et de même provenance, en bois
sculpté et doré, offrant les armes du puissant ministre (la couleuvre,
coiiiber, allusion parlante à son nom) entourées des cordons des
ordres royaux. Colbert est représenté dans Tâge mûr, à l'époque
de sa haute faveur et de ses plus éclatants services.
494 CHRONIQUE
On sait combien sont rares et précieux les l;ibleaux reprodui-
sant les traits de l'illustre rémois Les altributioiis douteuses et
les contrefaçons plus ou moins réussies abondent dans les musées
et les colleclions particulières. Le portrait peint par C. Le Febvre,
gravé par B. Audran et conservé à Versailles, passe pour Tun des
meilleurs originaux. Celui que vient de révéler l'Exposition rétros-
pective de Reims doit être étudié et comparé aux types oi'iginaux.
Il a été prêté par M. Poursin-Longchamp, propriétaire du Maga-
sin des Sœurs de Cliarilr, rue du Cadi-an-Saint-Pierre à Reims, et
se. transmet dans sa famille depuis plusieurs générations. 11 y a
pour pendant un portrait d'évêque, probablement celui de l'arche-
vêque de Rouen, tils du célèbre contrôleur géiiéral, accompagné
aussi d'un cartouche armorié. Ces portraits et ces cartouches pro-
viennent, d'après les traditions de famille^ du château de Seigne-
lay (Yonne), le siège du marquisat érigé en faveur de Colbert et
transmis à sa descendance. Les mutations du domaine à l'époque
de la Révolution, puis les ventes mobilières auront amené ces pré-
cieux souvenirs dans la famille de l'honorable négociant rémois,
au sein de laquelle ils ont été conservés avec un soin parfait.
Tel qu'il nous parvient, grâce à l'Exposition rétrospective, le
jiorlrait de Colbert excite donc un vif intérêt dans la ville natale
du grand ministre, à son lieu d'origine et de première éducation.
Nous devons remercier l'heureux possesseur de s'en être dessaisi
quelque temps en notre faveur, et nous devons former des vœux
pour que cette œuvre d'art soit de mieux en mieux connue et
appréciée des véritables connaisseurs et des futurs biographes de
l'immortel rémois. H. Jadaut.
III. Les candélabres en bronze du Lycée. — Les meubles de
l'abbaye d'Igny, déclarée propriété nationale au moment de la
Révolution, furent mis sous scellés. Le o avril 1791, MM. Clément
et Saguet, administrateurs du district de Reims, assistés de
MM. Boude et Pilloy, notaires à Fismes, levèrent ces scellés.
Les archives et quelques objets d'art furent alors envoyés au
directoire du district de Reims et déposés à la Bibliothèque de
cette ville. Parmi ces objets se trouvaient des candélabres en
bronze.
L'abbaye fut alors mise en vente ; la famille Raison s'en rendit
acquéreur, le 14 avril 1791.
Le 10 octobre de la même année, « le Conseil de fabrique de
» Notre-Dame, réuni à cinq heures, présidé par M. Mopinot, sur
» le rapport fait qu'il y a au directoire du district de Reims des
» chandeliers à branches de cuivre doré venant de l'église d'Igny,
» qui seraient très convenables pour la décoration de l'autel du
» Cardinal, arrête que MM. les marguilliers feront ce qu'ils pour-
» ront pour se les procurer. » (Délibération.)
Il ne fut sans doute pas donné suite à la proposition, car, d'après
CHRONIQUE 495
Je même livre des délibérations, « il fui arrêté que l'on placerait
» sur l'autel du Cardinal les chandeliers de Saint-Nicaise. »
En etl'et, l'inventaire de Fabbé Rergeat, I792-I79i, mentionne
au district : « Deux groupes de petits génies portant des branches
» de lys dorées d'or moulu. » (Livret du Musée.) En avant de cette
mention se trouve un P, qui veut dire prêtés.
Au momeiit de la distribution des objets du Musée, l'an \I et
l'an XII, le lycée de Reims reçut quatre tableaux et des objets
d'art, parmi lesquels, dit Tarbé (Trésors de Reim^), se trouvaient
les deux génies en bronze vert et en or moulu. Cl). Cê.rf.
IV. Le Dais d'il de Louis XVI. — Le dais de Louis XVI qui se
voit à l'Exposition rétrospective n'était pas primitivement un dais,
mais une housse de cheval, en broderies d'argent sur fond d'ar-
gent, convertie en dais, comme l'atteste ce billet, trouvé dans une
des pentes de ce dais, lors de sa restauration.
« Housse de cheval que le roy Louis XVI donna au Révérend
«f Père Dora Pierre-Gabriel de Bar, grand prieur de l'abbaye et
« archimonastère de Saint-Remy do Reims, pour porter la Sainte-
« Ampoule à la Métropole de Reims, pour son sacre, le 11 juin
« 1773, exécutée en pentes de dais par M"" Le Blanc, sur les dés-
ir sins et sous les yeux de M. Bernard, maître brodeur à Reims,
« dom Sutaine el dom Grandpierre étant trésoriers de Saint-
ci Remy ; lesquelles ont été commencées le 24 juin 1775 et finîtes
« le 30 mars 1776, de même que la belle croix du ciel, au milieu
« de laquelle est un Saint Esprit sous la forme d'une colombe,
« portant la Sainte-Ampoule et exécutée par les mêmes per-
« sonnes. »
Après la réouverture des églises, l'église de Saint-Remi rentra
en possession des quatre pentes. Mais, le 18 mars 1806, la fabri-
que de la Cathédrale les racheta à celle de Saint-Remi, pour une
somme de 2,600 l'r., d'après estimation des experts, MM. Coiry,
orfèvre ; Massy, tapissier ; et Vesseront, chasublier-brodeur. Il
servit en cet état jusqu'au 11 avril 1841. Alors, les broderies furent
enlev.ées de l'ancien fond d'argent et réappliquées sur velours de
soie cramoisi. (HisL et descript. de la Calliédraie de Reims^ t. Il,
p. 520.) Gb. Ceuf. ■■
V. La Fontaine de Couslou. — L'attention de nombreux visi-
teurs est attirée, dans le premier salon qui suit la grande salle,
sur le vase en bronze qui surmonte le divan. Ce vase, d'une forme
gracieuse, couronné de serpents enroulés, est un souvenir pré-
cieux du vieux Reims, depuis longtemps dérobé aux regards des
amateurs dans un grenier de l'Usine des Fontaines.
Grâce à l'obligeance de M. Lamandière, directeur des fontaines
de la ville, il vient d'être reconstitué avec ses ornements, tel qu'il
figurait au sommet de l'élégante fontaine de la place des Marchés,
construite sur les dessins de Coustou, en 1753, et transférée de nos
496 CHRONIQUE
jours sur la place Saint-Nicaise. Cet endroit fut fatal au chef-
d'œuvre du XVIII» siècle, qui semble protesler dans son isolement
et sa mutilation contre le vandalisme des enfants du quartier et
des malfaiteurs nocturnes.
11 y a une quinzaine d'années, le vase fut arrache de son piédes-
tal par ces mains de vandales, et il aurait disparu à jamais sans
l'intervention de M. le U' Doyen, alors maire de Reims, qui
ordonna des recherches et fil sauvegarder les débris, heureuse-
ment retrouvés, ainsi que les têtes de griffons également en
bronze.
Aujourd'hui, que l'œuvre d'art reparait aux yeux du public, un
vœu unanime se manifeste parmi les amis de nos monuments,
celui de voir transférer ia fontaine de Coiislou dans la cour de
l'Hôtel de Ville, où elle retrouverait, à la suite d'une intelligento
restauration, toute sa beauté native avec un cadre digne d elle.
H. Jadarï.
VI. Le Verre de Tristan. — II serait bien intéressant de faire la
légende des objets de l'Exposition rétrospective qui ont un souve-
nir historique rémois. Pour ne citer qu'un exemple, M. Simon-
Gardan a déposé dans une vitrine un Verre ayant apparlenu au
célèbre jacobin Tristan. Le verre est ciselé et doré : le nom Tris-
tan se lit entre deux palmes, et par derrière; sur une branche est
perché un oiseau.
Ce vase contient un litre : c'est beaucoup, surtout si l'on en
croit les traditions de famille. Le jacobin devait ménager sa santé ;
son médecin ne lui permettait qu'un verre de vin par repas. Que
lit-il ? Il commanda une coupe plu* qu'ordinaire. . .
Tristan faisait partie de la réunion des jacobins de Reims. Il fut
arrêté comme tel, le 17 juillet 1794, avec soixante terroristes, et
conduit avec seize d'entre eux à la prison Bonne Semaine, sous le
nom de Tristan le Retordeur.
Il fut du nombre des citoyens chez lesquels, le 30 germinal
an III, M. Assy-Villain saisit des armes :
« 1" Chez le citoyen Jacques Trislaot, rue Maurice, cù perquisition fdite.
nous avons trouvé une pique, un petit sabre doré d'enlant et un fu^il et
sabre qu'il nous a déclaré provenir de la (ormaliou des canoriniers. »
Tristan mourut en l'année 1803, lue Timothéc. 11 fut assisté,
dans ses derniers moments, par M. l'abbé Jolinet. Il consentit à
recevoir les Sacrements de l'Eglise, à condition qu'il serait ense-
veli et enterré dans son drapeau de jacobin.
(Extraits du Courrier de la Champagne.) Ch. Ckuk.
Les Fétes de Clermo.nt. — S. E. le cardinal Langénicux, arche-
vêque de Reims, a présidé les fête? qui ont eu lieu à Clcrmont,
CHRONIQUE 407
du 16 au 19 mai, pour le luijlième centenaire des croisades, cl
auxquelles assistaient quarante prélats français et étrangers.
De ce nombre étaient S. E. le cardinal Meignan, archevêque de
Tours, ancien évêque de Cliâlons ; NX. SS. Ardin, archevêque de
Sens, et de Briey, évêque de îMeaiix.
l'ii véritable événement artistique a marqué ces solennités :
l'exécution d'un drame sacré, Pierre l'Ermile, dont les paroles
sont de M. l'abbé Raynaud, et la nuisiquo de M. Claussniani).
. Ce drame, qui a été exécuté à la cathédrale, comp'-cnd trois
parties : la Vocation, la Mission, la l'rcdicnlion de Ut Croisade.
Les trois scènes se passent : la première an Saint-Sépulcre ; la
seconde, au Palais de Latran, à Home; la Iroisième, à (llermont.
Quatre personnages y figurent : le Christ, le pape Urbain I[, l'évè-
quc du Puy, Adhémar de Monteil, légat pontifical auprès des croi-
sés. Autour de ces quatre héros du drame gravitent des chœurs
divers ; anges, musulmans, pèlerins, pères du Concile.
Les soli étaient confiés à deux excellents artistes de [^aris :
'S\}\. Gibert, de l'Opéra, et Tisseyre, de l'Opéra- Comique. l>es
clioîurs comprenaient 200 exéculan's, appartenant à toutes les
classes d'amateurs, et ap'uyés par un orchestre de GO musi-
ciens.
Le dimanche 19 mai, jour de clôture de ces l'êtes mcmoraijles,
a commencé par la célébration d'une grand'messe solennelle sur
l'estrade immense érigée eu plein air. au milieu de la place
Uclille; du haut de cet autel, mcrveilleusenieul encadré par la
verdure des grands platanes, tous les prélats l'cunis ont donné la
bénédiction pontificale à la foule groupée en masse innombrable
et recueillie
Ensuite, la statue de Notre-Dame du Port a été promeni-c pro-
cessionnellemcnt à travers la ville.
Enfin, le soir, à trois heures, une cavalcade historique, organi-
sée, avec un souci minutieux de reconstitution, par M. .-Vmbroise
ïardieu, historiographe de l'Auvergne, et comprenant 3o0 figu-
rants environ, a parcouru les principaux quartiers, évoquant aux
yeux du peuple les grands événements qui se sont' déroulés à
Clcrmont, il y a huit siècles.
En souvenir de cet anniversaire, un monument comméuioralii
sera élevé sur la place des Croisades, au centre et au sommet de
la ville, devant le portail sud de son antique cathédrale.
Le projet a été dressé par deux clei-montois, artistes de talent,
-MM. Jean Teillard, architecte, et Courgouillou. sculpteur.
U comporte une fontaine monumentale, surmontée d'une pyra-
mide quadrangulaire : au sommet s'élève la statue du pape
Urbain IL Un ange, aux ailes éployées, le domine et l'inspire.
Deux groupes de bronze, en haut relief, représentant, d'une part,
4V8 CIIROMOUK
la pr/'ilicalion do hi ci'oisiide par lt> légal du Pape, Ailhoiiiar de
iMouLeil, de l'autre, l'entrée i Clerniout de Pierre l'Ermite^ l'apô-
tre populaire de l'audacieuse entreprise, décoreut les doux façades
principales, sur les faces latérales sont placées deux figures iso-
lées : Godefroy de Bouillon, le chef militaire de la croisade, et
Guillaume VI, comte d'Auvergne.
Le devis des dépenses s'élève à une centaine de mille francs.
MÉLANGKs suii Jeanne d'Arc. — Domrcmy et Vaucouleurs. —
M?'' Foucaud, évèque de Saint-Dié, a donné le 5 mai, à Londres,
une grande confér;nce sur Jeanne d'Arc, à Form-Street, dans
l'église des Jésuites. L'évêque de Saint-Dié s'est fait précéder, en
Angleterre, par une circulaire rédigée en anglais, dans laquelle il
insiste sur les mauvais souvenirs que Vaucouleurs rappelle à nos
voisins d'Outre-Manche, à qui Oomremy seul parle de la bergère
favorisée de célestes visions.
On sait, dit le Figaro, que Vaucouleurs, dans le diocèse de Ver-
dun, et Domremy, dans le diocèse de Saint-Dié, sont les centres
de deux œuvres rivales. Les Anglais eux-mêmes estimeront peut-
être que Msf Foucaud pourrait les solliciter en faveur de l'œuvre
qui lui est chère, sans essayer de nuire à l'œuvre de Vaucouleurs
qui, de son propre aveu, honore en Jeanne d'Arc ce qui a fait
d'elle une de nos plus pures gloires nationales.
jEANiNE d'Arc a Notre-Dame de Paris. -- S. E. le cardinal
Richard, archevêque de Paris, a présidé, le dimanche 12 raai, à
quatre heures, à Notre-Dame, la fête célébrée en l'honneur de
Jeanne d'Arc.
Une foule énorme avait envahi de bonne heure l'immense nef,
chaque pilier était orné d'une oriflamme portant une des dates
qui marquèrent glorieusement ou douloureusement la vie de
Jeanne d'Arc. Entre les piliers, on avait placé les écussons des
villes françaises que traversa l'héro'ine.
La décoration de la cathédrale était complétée par des trophées
de drapeaux tricolores.
Le cardinal Richard était assisté de Ms"" Jourdan de la Passar-
dière, évêque de Roséa et directeur de la Société anti-esclavagiste
de France, et de Ms"" Marchai^ évêque de Sinope.
Le R. P. Gardet, qui devait prononcer le panégyrique de Jeanne
d'Arc, est monté en chaire à quatre heures et quart. Il a com-
mencé par annoncer ofticiellement que, désormais, des fêtes
annuelles seraient régulièrement célébrées à Paris, comme à
Orléans, en l'honneur de l'héroïne.
Ensuite le prédicateur a développé celte idée, que les fêtes ds
cHuoNiQUE 4yy
Jeanne d'Arc devaient avoir un double caractère. Elles sont, en
t'ii'et, une réparation que nous devons, pour le passé, à la sainte
de la patrie. Elles sont aussi un gage d'espérance pour l'avenir de
notre pays.
En terminant, le Père Gardet fait un saisissant parallèle entre
la passion du Christ et la passion de Jeanne d'Arc, la seconde
retraçant, en effet, d'une façon vraiment merveilleuse presque
tous les épisodes de la première, et il conclut : « Jeanne d'Arc est
bien réellement le messie de la France, et le Christ de la patrie. »
Le discours de l'éminent religieux, qui a duré plus d'une heure,
a produit une profonde impression.
Il a été immédiatement suivi de l'exécution de la Bannière de
Jeanne d'Arc^ de M. Adolphe Deslandres, et d'un splendide salut
en musique.
* »
Le 20 mai, au soir, l'Union nationale réunissait en assemblée
générale tous ses Comités de Paris et de la banlieue, pour une
manifestation imposante en l'honneur de Jeanne d'Arc, sa patronne.
On y a acclamé l'idée de faire une souscription populaire à dix
centimes pour élever à Paris un monument à la mémoire de
Jeanne d'Arc, plus digne pour la capitale que les trois statues
dont elle est dotée pour le moment. Un comité a été formé séance
tenante pour organiser la souscription.
Reims et la Statue de Jeanne d'Arc. — Les Rémois, qui témoi-
gnent depuis quelque temps une impatience assez enfantine de
voir se dresser enfin, sur la place du Parvis, la statue équestre de
Jeanne d'Arc, après avoir laissé d'ailleurs, pendant tant d'années,
l'héroïque Pucelle dans un complet oubli, se montrent légitime-
ment fiers du modèle unique destiné à leur ville par l'éminent
statuaire Paul Dubois, alors même qu'ils lui disputent le temps
nécessaire à l'achèvement complet de sa grande œuvre, — délai
dont lui seul, en somme, peut et doit être le seul juge.
C'est ainsi qu'à l'occasion de la belle figure en bronze exposée
par le maître aux Champs-Elysées et acquise par l'Etat, ils ont pu
s'alarmer un instant de la ressemblance offerte par cette statue
avec le modèle exclusif adopté par le Comité. Cette inquiétude a
été promptement dissipée par les affirmations réitérées de l'ar-
tiste, dont l'œuvre, fondue à cire perdue, fera bientôt, nous n'en
doutons pas, le plus magnifique ornement de la cité rémoise.
À. T.-R.
Nouvelles archéologiques. — Un arrêté ministériel, en date du
15 novembre dernier, a classé les verrières de l'église de Davrey
(Aube), parmi les monuments historiques.
500 CHliONIQUE
Aiissilôl celle lionne nouvelle arrivée, dit l'excellent curé de la
paroisse, nous allâmes féliciter nos chers vitraux; il nous sembla
alors les entendre murmurer sous l'ellorl du vent :
Merci, monsieur l'antiquaire,
Vous êtes vraiment bon ;
Mais la moindre mise en plomb
Ferait bien mieux notre alFaire.
Espérons, conclut-il avec bonhomie, que l'un facilitera l'autre.
Les travaux pour l'installation de la halte de Lavannes-CaurcI
(Marne), se poursuivent; on espère qu'elle sera ouverte au public
pour le service d'été. Les terrassements pour l'élargissement de la
voie viennent de nous indiquer probablement l'emplacement de
l'ancienne Villeneuve, communément appelée La Neuville-lcs-
Pomacle.
Cet ancien village, qui e.xistait sur les limites des terroirs de
Pomacle, Caurel et Lavannes, avait été construit dans la première
moitié du xiiie siècle par le chapitre de Notre-Dame de Reims.
Quelques désastres de guerre, sur la fin du règne de Louis XII,
amenèrent sa ruine complète. Les terres prises à loO mètres de la
halte pour le nivellement de celle-ci, ont mis à jour les fondations
d'anciennes constructions, ainsi que quelques fragments de tuiles,
de vases, d'os, etc.
Le 1'^'^ mai, dans l'après-midi, M. Jules 0., employé de M. Th.
Habert, conservateur du Musée archéologique de Reims, a décou-
vert, dans les fouilles pratiquées au même endroit, un sarcophage
en plomb pesant environ 100 kilos et paraissant dater du xiv" ou
w" siècle.
Il y a tout lieu d'espérer que ce ne sera pas la seule découverte
intéressante faite sur l'emplacement de cet ancien village.
Voici le détail des monnaies et objets qui, à noire connaissance,
ont été trouvés dans les terres des fortifications de Vilr^'-le-Fran-
çois, en cours de démolition :
Pièces de monnaie en argent, époque de Clément VIII (Aldobran-
dini) — 1592-1G05.
Deux pièces en argent, époque de Charles (>onli, légat, évoque
d'Ancûne (Italie).
Une pièce en argent,, règne de Henri IV, du Dauphiné.
Une pièce en argent, règne de Charles IX.
Doux pièces en argent, aux armes de Charles X, roi de la Ligue.
Cinq pièces en argent, à l'effigie d'Henri IV, roi de Krance et de
?<avarre.
CHRONIQUE 501
Une pièce en argent de Henri, duc de Nancy et de Bar (1608-
162G).
Deux écus en argent de Louis XIV.
Une assez grande quantité de monnaies en bronze, tournois et
doubles tournois, du règne de Louis XIII, ont aussi été trouvées
dans les remparts.
Un bout de fourreau d'épée en bronze, dont la belle ciselure
représente une femme aux attributs allégoriques.
Une image de la Vierge, en cuivre ciselé.
La liste des trouvailles n'est probablement pas close.
En faisant des fouilles pour établir la route de Moivre au
Fresnoy-sur-Moivre (Marne), les ouvriers ont mis à jour une
sépulture de l'époque gauloise.
Autour de la tête du squelette, il y avait une sorte de coiti'e ou
de casque en fer rouillé, et sous la tête un vase en terre noirâtre ;
des vases de même forme et datant certainement de la môme épo-
que ont été trouvés à quelque distance.
On continue les fouilles qui promettent d'être intéressantes.
Les travaux de la reconstruction de l'église d'Esternay (Marne),
dont M. Lhéritier, de Courgivaux^ s'est rendu adjudicataire, le
21 avril dernier, sont en pleine activité. Une forte équipe d'ou-
vriers jette à bas les murs et les vieilles voûtes qui ont entendu
prier' tant de générations et vu défiler aussi tant de morts et de
vivants. La nouvelle église, dont l'architecture sera tout en pierre
de taille, devra être livrée, d'après le cahier des charges, le
lo octobre prochain.
Nous croyons savoir aussi que, grâce à des libéralités particu-
lières, le sanctuaire sera rajeuni et orné de trois belles verrières.
*
Le dimanche 19 mai 1893, à trois heures de l'après-midi, a eu
lieu la bénédiction solennelle des deux nouvelles cloches de
l'église d'Epoye (Marne), sous la présidence de M. le chanoine
Pévin, de Reims, assisté de MM. les curés de Berru et d'Isles, et de
M. l'abbé Manceaux, curé de la paroisse.
Les deux cloches, fondues par M. Paintandre, de Vitry-le-Fran-
çois, ont été données, l'une par M"<' Zoé Georgin, l'autre par
M. Eugène Debeuf.
Dans la tour du clocher, une ancienne cloche attendait ses jeu-
nes sœurs. Baptisée en 1783, Jean-Baptiste Rogelet, procureur-
502 CHROKIQUE
fiscal, et Marguerite Nouvin, son épouse, lui donnèrent le nom de
Marguerite ; elle avait une compagne, qui fut détruite en 1792.
Le Gaulois, parlant de la décision prise par le Ministre des
Affaires étrangères, concernant le traileiiient des secrétaires d'am-
bassade, selon leurs résidences et non selon leur grade, dit :
« Cette proportionnalilé du traitement à la résidence a été
appliquée pour la première fois par la Restauration au poste de
sous-préfet.
Le sous-préfet de Reims, lors du sacre de Charles X, s'élant
ruiné en fêtes, afin de lutter de faste avec les riches négociants et
marchands de Champagne de la ville, le Roi répara sur sa cassette
la brèche faite à la fortune du sous-préfet, et jusqu'en 1830, le
traitement de ce fonctionnaire bénéficia de crédits supplémen-
taires. »
Maud, — le nom de l'héroïne de la pièce récemment représen-
tée au Gymnase, — est le titre d'un drame lyrique que M. Michel
Carré a tiré du roman de M. Marcel Prévost, les Demi- Vierges, et
dont la musique a été faite par notre compatriote rémois,
M. Edmond Missa.
Le livret est divisé en trois actes et quatre tableaux.
L'œuvre est destinée à la scène de l'Opéra-Comiqne.
Nominations et Distinctions. — Parmi les nominations faites
dans l'Ordre de la Légion d'Honneur, à l'occasion des Expositions
de Lyon et d'Anvers, nous relevons avec satisfaction les noms de
deux artistes, qui comptent parmi les plus distingués de notre
région, le peintre Emile Barau, de Reims, et le statuaire Auguste
Suchetel, de Vendeuvre (Aubo).
Notre compatriote, M. Alphonse Roserot, archiviste de la Haute-
Marne, ancien archivisie-adjoint de l'Aube, vient d'être promu
officier de l'Instruction publique.
M. le docteur Emile Launois, ancien élève de l'Ecole de Méde-
cine de Reims, fils de l'ancien et honorable percepteur de Cor-
niontreuil, vient, après un brillant examen^ d'être reçu, à l'unani-
mité des membres du Jury, médecin des Hôpitaux de Paris.
Au concours d'avril, M. Jean de La Morincrie, élève de l'Ecole
régionale des Arts industriels de Reims, a été admis à l'Ecole
nationale des Beaux-Arts de Paris, section d'architecture.
M. Mittclhauser, commissai';e spécial à la gaie de Reims, récem-
ment promu au grade de chevalier de la Légion d'Honneur, est
nommé au poste de commissaire spécial du Gouvernement à la
gare du Nord, à Paris, et attaché en même temps au service cen-
tral de la Sûreté générale.
CHRONIQUE o03
M"8 Chabrol, iasLilutrice à Mailly (Marne), vient de remporter,
au quatrième concours de l'Académie de Paris-Provinco, qui a
pour président M. de Bornier, et pour vice-présideat Armand Syl-
vestre, un second prix médaille d'argent et un diplôme d'honneur
pour une étude sur Béranger, poète, chansonnier cl écrivain.
M. Henri Moët, de Reims, qui avait occupé déjà des fonctions
dépendant du ministère des affaires étrangères, et qui avait quitté
la carrière avec le titre de vice-consul honoraire, dans le but de
s'occuper du commerce des vins de Champagne, vient de repren-
dre un service aciif. Il est nommé chancelier du Consulat de
Rio-de-Janeiro.
Nous adressons à M. Moët nos sincères félicitations.
Le 4 mai a eu lieu, à Reims, au berceau même de l'Association,
en plein Lycée, et dans la vaste salle des Actes, la réunion
annuelle des anciens élèves du Collège des Bons-Enfants.
La séance s'est ouverte à quatre heures, sous la présidence de
M. le sénateur Diancourt, assisté de M.M. Courmeaus, vice-prési-
dent, Félix Benoist, trésorier, et Charbonneaux, secrétaire.
Dans l'assistance, fort nombreuse, on remarquait MM. Baillet,
J. Benoist, Brissart, Châtelain, Devivaise, Iloulon jeune, Lanson,
Lantiome, Frédéric Leiarge, Henri Malot, Mennesson-Ghampagne,
les docteurs Bienfait, Henrot et Langlet, etc.
Après une allocution du président, M. F. Benoist lit le résumé
de la situation financière, et M. Charbonneaux paie un pieux hom-
mage à la mémoire des morts de l'année : G. Bazin, F. Dulemple,
le docteur Jolicœur, Prosper Soulié, etc.
La séance terminée, on procède à la visite des nouveaux bâti-
ments du Lycée, où les hôtes sont accueillis par un spirituel dis-
cours en vers d'un jeune rhétoricien rémois, M. Maurice Dauphi-
not, et des chœurs exécutés par les élèves du Petit-Lycée, sous la
direction de M. Wiernsberger.
Le soir, un banquet léunissait de nouveau les mômes hôtes à la
salle Besnard, où de nombreux toasts, en prose et en vers, ont été
successivement portos et chaleureusement applaudis.
Napoléon IV sculpteur. — « Je viens de voir, raconte un rédac-
teur du Rappel, dans l'atelier du statuaire ardennais Groisy, un
buste en plâtre, crânement campé, qui sera offert — j'ai cru, du
moins, le comprendre — à l'ex-irapératrice.
« L'histoire en est curieuse, me dit l'auteur de Clianzy et de
V Armée de la Loire. L'oeuvre a été modelée par le Prince impé-
rial, signée par lui, comme vous pouvez vous en convaincre ; elle
504 CHRONIQUE
représente son précepteur, M. Lemonnier. Sans doute, ce travail
dénote, en maints endroits, une main inhabile et inexpérimentée.
Mais la gritfe du professeur s'y révèle aussi par places. Il est facile
de discerner les retouches de Carpeaux. L'élève les a respectées,
l'ébauche a été livrée au moulage aussitôt les corrections faites. »
En eifet, sur le côté droit du socle se lit celte inscription :
Louis-Napoléon, avec la date. La tète s'érige en un mouvement
d'une expression admirable. Le coup de pouce de Carpeaux se
retrouve également dans le dessin ferme des arcades sourcilières,
dans la vivacité du regard qui jure avec le vague de l'ébauche,
dans l'indication si sûre et si nette des cheveux et de la mous-
tache.
Croisy possède une deuxième œuvre de l'ex-prince, qui lui a été
léguée par un familier des Tuileries, une statuette figurant un gre-
nadier de Charlet qui serre un étendard contre sa vaillante poi-
trme.
C'était le temps où le Prince jouait au Petit Caporal, où tout
semblait sourire à ses rêves d'enfant prodige... »
Le dimanche 19 mai a eu lieu, au Collège de Juilly (Seine-et-
Marne), le 66*= banquet de l'Association amicale des anciens élèves,
sous la présidence de M. le colonel comte de Lanet, commandeur
de la Légion d'Honneur.
Malgré l'inclémence du temps, bon nombre de convives avaient
répondu à l'appel si cordial de leurs anciens maîtres.
Dans la grande et magnifique salle des Bustes, établie sous la
nouvelle chapelle, à la table présidentielle étaient groupés les
RR. PP. Lescœur, assistant général de l'Oratoire ; Olivier, supérieur
du Collège; Largent, Bouscaillou, bibliothécaire-, M. Edouard
Barre, M. Gustave Levavasseur, etc.
Une chaleureuse allocution du P. Olivier, un cordial discours du
Président, une spirituelle poésie de M. Le Vavasseur ont été applau-
dis avec vigueur.
*
Mariages. — Le 8 mai a eu lieu, en l'église Saint-André de
Reims, le mariage de M. Jean Esmangard de Bournonville avec
M"® Alice Quinquet de Monjoar, fille de l'honorable M. Quinquet
de MoDJOur, juge au Tribunal civil de Reims.
Les témoins du marié étaient M. de Bréda, son oncle, et
M. Geoff'roy d'Assy^ son cousin ; ceux de la mariée, M. Peschart
d'Ambly, grand-officier de la Légion d'Honneur, inspecteur géné-
ral du génie maritime, son grand-oncle maternel ; et M. Gaudron,
chevalier de Saint-Grégoire-le-Grand, ancien magistrat, son oncle
paternel.
CHRONIQUE 505
Une afllueiice considérable, dans laquelle figuraient beaucoup
de magistrats, d'officiers, de personnes notables, témoignait de
l'estime et de la considération dont jouissent les familles qui vien-
nent de s'allier.
La messe a été célébrée par M. l'abbé Cbampsaur, curé de Saint-
André, et la bénédiction nuptiale donnée par M. l'abbé Le Conte,
vicaire général de Cbâlons, qui a prononcé une touchante et
remarquable allocution.
A la même heure avait lieu, à Saint-Remi, le mariage de
M. Henri Thieux, de la maison Louis Roederer, avec M"« Alice
Leconte^ fille du dévoué président de l'Orphéon des Enfants de
Saint-Remi.
La bénédiction nuptiale a été donnée par M. l'abbé Baye, curé
de Saint-Remi.
Durant l'office, une sélection de TOrphéon des Enfants de Saint-
Remi, M. Ch. Petit et iM'i'= Marie Petit, ont remarquablement exécuté,
sous la direction de M. Ambroise Petit, divers morceaux.
Le 30 mai a été célébré, dans l'église Saint-Thomas d'Aquin, à
Paris, le mariage du vicomte du Doré, fils du comte du Doré et de
la comtesse, née d'Andigné, avec M"" Marguerite Duhamel de
Breuil, ancien commandant des mobiles de la Marne, et de la
vicomtesse, née de La Plagne.
M. l'abbé de Cabanoux, curé de la paroisse, a donné la bénédic-
tion nuptiale.
MÉLANGES
Nous extrayons de VEcho do Paris celte spirituelle et érudile chronique
de M. Anatole France, consacrée à Jeanne d'Arc ;
Avant la fête. — Assis sur un banc du mail, M. l'abbé Lanlai-
gne, directeur du grand séminaire, et M. Bergeret, maître de con-
férences à la Faculté des lettres, conversaient selon leur coutume
d'été. Ils étaient sur toutes choses d'un sentiment contraire ;
jamais deux hommes ne furent plus différents d'esprit et de carac-
tère. Mais seuls dans la vie ils s'intéressaient aux idées générales.
Cette sympathie les réunissait. En philosophant sous les quin-
conces, quand le temps était beau, ils se consolaient, l'un des
■tristesses du célibat, l'autre des tracas de la famille ; tous deux,
de leurs ennuis professionnels et de leur égale impopularité.
Ce jour-là, du banc où ils étaient assis, ils voyaient le monument
de Jeanne d'Arc encore couvert de toiles. La Pucelle ayant couché
une nuit datjs la Ville, au logis d'une honnête dame nommée la
Pau, la municipalité, en 1895, faisait élever^ avec le concours de
l'Etat, un monument commémoratif de ce séjour. Deux artistes,
enfants du pays, l'un sculpteur, l'autre architecte, avaient exécuté
ce monument, où se dressait, sur un haut piédestal, la Vierge
armée et pensive.
La date de l'inauguration était fixée au prochain dimanche. Le
ministre de l'instruction publique était attendu. On comptait sur
une large distribution de croix d'honneur et de palmes académi-
ques. Les bourgeois venaient sur le mail contempler la toile qui
recouvrait la figure de bronze et le socle de pierre. Les forains
s'installaient sur les remparts. Aux baraques montées sous les
quinconces, les limonadiers clouaient des bandes de calicot por-
tant ces inscriptions : V<'rikïble bière Jeanne d'Arc. Café de la
Pucelle.
A cette vue, M. Bergeret, qui était moqueur, dit qu'il fallait
admirer le concours de citoyens réunis pour honorer la libéra-
trice d'Orléans.
— L'archiviste du département, ajoula-t-il, s'est distingué de la
foule. Il a composé un mémoire pour démontrer que la fameuse
tapisserie historique, représentant l'entrevue de Chiuon, ne fut
pas faite vers 1430 en Allemagne, comme on croyait, mois qu'elle
sortit à cette époque de quelque atelier de la France flamande.
Il soumit les conclusions de son mémoire à M. le préfet Worms-
Clavelin, qui les qualifia d'éminemment patriotique et les
approuva, et qui manifesta l'espérance de voir l'auteur de cette
découverte recevant les insignes d'oflioicr d'Académie sous la sta-
MELANGliS SOT
lue de Jeanne. On assure encore que, dans son discours d'inaugu-
ration, M. le préfet dira, les yeux tournés vers les Vosges, que
Jeanne d'Arc est une lille de l'Alsace-Lorraine.
M. l'abbé Lanlaigne, peu sensible à la plaisanterie, ne répondit
rien et garda un visage grave. Ces fêtes de Jeanne d'Arc, il les
tenait pour louables dans leur principe. Il avait lui-même, deu.x.
ans auparavant, prononcé à Saiat-Exupére le panégyrique de la
Pucelle et fait paraître en celte liéroïne la bonne française et la
bonne chrétienne. Il ne trouvait pas sujet à raillerie dans une
solennité qui était la glorification de la patrie et de la foi. 11
regrettait seulement, patriote et chrétien, que l'évêque avec son
clergé n'y occupât point la première place,
— Ce qui fait, dit-il, la continuité de la patrie française, ce ne
sont ni les rois, ni les présidents de la République, ni les gouver-
neurs de province, ni les préfets, ni les officiers de la couronne,
ni les fonctionnaires du régime actuel ; c'est l'épiscopat qui,
depuis les premiers apôtres des Gaules jusqu'à ce jour, a subsisté
sans interruption, sans changement, sans diminution, et forme
pour ain?i dire la trame solide de l'histoire de France. La puis-
sance des évêques est spirituelle et stable. Les pouvoirs des rois,
légitimes mais transitoires, sont caducs dès leur naissance. De
leur durée ne dépend point celle de la patrie. La patrie est esprit,
et toute contenue dans le lien moral et religieux. Mais, absent,
quant au corps, des fêtes qu'on prépare ici, le clergé y sera présent
en âme et en vérité. Jeanne d'Arc est à nous, et c'est en vain que
les incrédules ont essayé de nous la voler.
M. Bergeret. — Il est bien naturel, pourtant, que cette simple
fille, devenue un symbole du patriotisme, soit revendiquée par
tous les patriotes.
M. Lantaigne. — Je ne conçois pas, — je vous l'ai dit — la
patrie sans la religion. Tout devoir vient de Dieu, le devoir du
citoyen comme les autres. Sans Dieu, tous les devoirs tombent. Si
c'est un droit et un devoir de défendre contre l'étranger le sol
natal, ce n'est pas en vertu d'un prétendu droit des gens qui
n'exista jamais, mais en conformité avec la volonté de Dieu. Cette
conformité est manifeste dans les histoires de Jahel et de Judith.
Elle se peut voir dans les exploits de la Pucelle.
M. Bergeret. — Ainsi vous croyez, monsieur l'abbé, que Jeanne
d'Arc avait reçu sa mission de Dieu lui-même ? Cela ne va pas
sans de nombreuses difficultés. Je ne vous en soumettrai qu'une
seule, parce que celle-là subsiste dans l'ordre de vos croyances.
Elle est lelative aux voix et aux apparitions qui se manifestèrent à
la paysanne de Domrémy. Ceux qui admettent que sainte Cathe-
rine s'est véritablement montrée à la fille de Jacquot d'Arc, en
compagnie de saint Michel et de sainte .Marguerite, se trouveront
fort embarrassés, j'imagine, quand on leur aura démontré que
cette sainte Catherine d'Alexandrie n'a jamais existé, et que son
508 MÉLANGES
hisloirc n'est en réalité qu'un assez mauvais roman grec. Or, cette
preuve a été faite, dès le xvu^ siècle, non par les libertins d'alors,
mais par un savant docteur en Sorbonne, Jean de Launoy, homme
pieux et de bonnes mœurs. Le judicieux Tillemont, si soumis à
l'Eglise, a rejeté comme une fable absurde la biographie de sainte
Catherine, Cela n'est-il pas embarrassant, Monsieur l'abbé, pour
ceux qui croient que les voix de Jeanne d'Arc venaient du ciel ?
M. Lanlaif/ne. — Le martyrologe, Monsieur, pour véritable qu'il
est, n'est pas article de foi, et Ton peut, à l'exemple du docteur de
Launoy et de Tillemont, mettre en doute l'existence de sainte
Catherine d'Alexandrie. Pour ma part, je ne me porte pas à cette
extrémité et je tiens pour téméraire une négation si absolue. Je
reconnais que la biographie de cette sainte nous est venue d'Orient
toute surchargée de circonstances fabuleuses, mais je crois que
ces ornements ont été brodés sur un fond solide. Ni Launoy ni
Tillemont ne sont infaillibles. Il n'est pas certain que sainte Cathe-
rine n'a jamais existé, et si^ par impossible, la preuve historique
en était faite, elle tomberait devant la preuve théologique du con-
traire, résultant des apparitions miraculeuses de cette sainte cons-
tatées par l'ordinaire et solennellement reconnues par le pape.
Car enfin il faut, en bonne logique, que les vérités d'ordre scien-
tifique le cèdent aux vérités d'ordre supérieur. Mais nous n'en
sommes pas encore au point de connaître l'opinion de l'Eglise sur
les apparitions de la Pucelle. Jeanne d'Arc n'est pas inscrite au
canon des saints, et les miracles opérés pour elle ou par elle sont
sujets à discussion ; je ne les nie ni ne les affirme, 6t c'est une
vue tout humaine qui me fait discerner dans l'histoire de cette
merveilleuse fille le bras de Dieu étendu sur la France. A la vérité,
cette vue est forte et perçante.
M. Bergcrcl. — Si je vous ai bien compris, Monsieur l'abbé,
vous ne tenez pas pour un miracle avéré l'aventure singulière de
Fierbois, quand Jeanne désigna, dit-on, une épée cachée dans le
mur. Et vous n'êtes pas certain que la Pucelle ait, ainsi qu'elle le
disait elle-même, ressuscité un enfant à Lagny. Pour moi, dont
vous savez les idées, je donne à ces deux faits une signification
naturelle. J'admets que l'épée était scellée au mur de l'église
comme cx-voto, et par conséquent visible. Quant à l'enfant que la
Pucelle ressuscita pour le moment de lui administrer le baptême,
et qui remourut après avoir été tenu sur les fonts, je me borne à
rappeler qu'il y avait près de Domrémy une Notre-Dame-des-
Aviots qui avait la spécialité de ranimer pendant quelques heures
les enfants mort- nés. Je soupçonne que le souvenir de Notre-
Dame-des-Aviots n'est pas étranger aux illusions que se fit Jeanne
d'Arc, quand elle crut, à Lagny, avoir ressuscité un nouveau-né.
M. Lantaigne. — Il y a bien de l'incertitude dans ces explica-
tions, Monsieur. Et, plutôt que de les adopter, je suspends mon
jugement qui penche, je l'avoue, du côté du miracle, du moins en
MKLANGES 0U9
ce qui concei'iie l'ùpée do sainte Callicrine. Car les tcxles sont
formels : l'épée élait dans le mur, et il fallut creuser pour la
trouver. Il n'est pas impossible, non plus, que Dieu, sur les
prières agréables d'une vierge, ait rendu à la vie un infant mort
sans avoir reçu le baptême.
.)/. liergeret. — Vous parlez. Monsieur Tabbé, « des prières agréa-
bles d'une vierge ». Admettez-vous, conformément aux croyances
du moyen âge, qu'il y eût dans la virginité de Jeanne d'Arc une
vertu, une force particulière ?
M. Lanlaigne. — Evidemment, la virginité est agréable à Dieu
et Jésus-Christ se plait au triomphe de se^ vierges. Une jeune iille
détourna de Lutèce Attila et ses Huns, une jeune fille délivra
Orléans et lit sacrer le roi légitime à Reims.
En entendant ces paroles du prêtre, le professeur, qui avait le
tort d'être spirituel, murmura : « C'est cela ! Jeanne d'Arc fut une
mascotte ». Mais M. l'abbé Lantaigne n'entendit pas. Il se leva et
dit :
— La destinée de la France dans la chrétienté n'est pas accom-
plie. Je pressens que bientôt Dieu se servira encore de la nation
qui fut de toutes la plus fidèle et la plus infidèle.
Anatole France.
jK.ANNii; d'Arc champe.\oise. — Les t'êtes de Jeanne d'Arc, qui ont
commencé le 7 mai à Orléans, nous remettent en mémoire une
lettre adressée, l'année dernière, à Al. Joseph Fabre,sous la signa-
ture « Jean de Bar ». L'auteur y soutenait que Jeanne d'Arc
n'était pas Lorraine. 11 avait raison. Mais il affirmait qu'elle était
Harroise. Il avait tort. Le Barrois, en effet, à l'époque de Jeanne
d'Arc — même le Barrois n:ouvant — était, comme l'a si bien
démontré Troplong, « un pays hors du royaume, un pays hors
l'obéissance du Roi, » et si Jeanne d'Arc y était née, elle ne serait
pas née Française.
La vérité est que Jeanne d'Arc ne fut sujette ni du duc de Lor-
raine, ni du duc de Bar. Elle eut pour patrie « le saint royaume
de France », pour sire le seul Roi dont elle parle, « son gentil
Dauphin, » qu'elle devait conduire de Chinon à Reims, et pour
qui elle devait combattre et mourir.
Son état civil ne permet à personne, et en aucun sens, de dire
qu'elle n'était pas Française. 11 a été dressé, avec toute la préci-
sion officielle possible, et ses juges de Rouen, et son roi
Charles VII, et le grand inquisiteur de France, et son père Jacques
d'Arc, et elle-même enfin en sont les témoins irrécusables. Au
point de vue administratif, fiscal, judiciaire, politique, géographi-
que, Jeanne d'Arc est née au royaume. Elle est Française et
Champenoise.
De la preuve administrative découleront logiijuemcnt toutes les
510 MÉLANGES
autres. La voici : l.a naliuualilé s'établit aujourd'liui de ia façuii la
l)ius i-iiiipie et la plus nette par l'ariondisseinent et par le dépar-
lement. Elle s'établissait, au xv siècle, avec la même simplicité et
la même précision par la prévôté et par le bailliage. Le bailliage
était une agglomération de prévôtés, tout comme le département
est une réunion d'arrondissements. Nous savons quels étaient, à
l'époque de Jeanne d'Arc, les bailliages champenois et les baillia-
ges barrois, les prévôtés champenoises et les prévôtés barroises.
Auquel de ces bailliages, à laquelle de ces prévôtés appartenait
Jeanne d'Arc?
Les juges de Rouen, officiellement commis pour juger la
Pucelle, nous répondent textuellement : t C'est une vérité acquise
au procès : Taccusée est originaire du bailliage de Chaumont-en-
Bassigny et de la prévôté de Montéclair-et-Andelot. » Ce n'est pas
tout. Us éprouvent à un moment donné le besoin de faire faire
une enquête au pays de Jeanne d'Arc. Qui en chargent-ils? Le
bailli de Chaumont pour Henri VI, Jean de Torcenay, qui délègue
le prévôt d'Andelot, Gérard Petit, et le tabellion royal d'Andebt,
Nicolas Bailly, lequel dépose de ces faits au procès de réhabilita-
tion. Or, Andelot est une prévôté champenoise, faisant partie d'un
bailliage champenois, et n'ayant rien à voir avec le Barrois mou-
vant.
De la divij^ion administrative découlait, au xv siècle, la division
financière du royaume et des fiefs qui les mouvaient. La prévôté,
en effet, n'était pas seulement une sorte de sous-préfecture ; c'était
encore et surtout une perception. Le grand principe fiscal du
moyen-âge féodal est celui-ci : l'impôt est dû au souverain direct
et non au suzerain. Le roi de France ne pouvait donc pas imposer
une prévôté du Barrois mouvant, il ne pouvait pas la dispenser de
payer l'impôt ; c'était une prérogative du souverain direct, du duc
de Bar, et, par une lettre officielle en bonne et due forme, datée
dé Château-Thierry, 31 juillet 1429, Charles VII — non le duc de
Bar — « en faveur et à la requeste de Jehanne la Pucelle, octroie
par grâce espéciale aux manans et habitans des ville et villaige de
Greux-el-Domremy, audit bailliaige de Chaumont-en-Bassigny,
dont ladite Jehanne est native, qu'ils soient d'ores en avant francs,
quicles et exempts de toutes tailles, aides et subventions mises et
à mettre audit bailliage ».
Lui-même confirme cette exemption, le 6 février I4"d9; tous les
rois, ses successeurs, la confirment jusqu'en l'an 1571, où Dom-
remy, par suite d'une rectification de frontières, devient Lorrain
et perd son privilège. 11 le réclame, d'ailleurs, à la mort du roi
Stanislas, quand il fait retour à la France. N'est-ce pas la preuve
qu'en 1429 il était français et chairipenois ?
Jeanne d'Arc, d'ailleurs, comme tous ses contemporains, rele-
vait d'une double juridiction : une juridiction ecclésiastique et
une juridiction civile. Par Tune comme par l'autre, elle n'était pas
MÉLANGES ;j1 1
BdiToise, mais Cliainpeiiuisc. Sa jui'idicLion Ci'clôsiaslique élait
To.I, qui roiifcrmait i'i la fois des Icrriloires lorrains, harrois et
champenois, le seul qui fût alors situé au royaume et français, que
Jeanne d'Arc est née. Jean Brébal, en effet, alors g-rand inquisi-
teur de France, nous dit que la Pucelle était d'un village nommé
Domremy, « situé au royaume >:.
Et un petit-neveu de Jeanne d'Arc, Charles du Lys, imprime en
1612 : « On ne peut révoquer en doute que ladite Pucelle ne soit
entièrement et véritablement Française de naissance et de dio-
cèse, cl nullement Lorraine, ny en apparence, ny en aucune
façon. » D'ailleurs, le père de Jeanne d'Arc est cité à comparaî-
tre, en l'an 1426, comme fondé de pouvoirs, au nom de tous les
habitants de son village, non pas devant un bailli ou un prévôt
barrois, mais devant le bailli du Roi, devant Robert de Baudri-
court, le fameux capitaine champenois qui tenait le parti de
Charles VII à Vaucouieurs, alors ville de Champagne.
Au point de vue politique, le Barroi*, depuis le (3 mai 1422,
« tenait le parti de très haut et très puissant prince Henri, roi
d'Angleterre. » Il était en guerre ouverte avec les Armagnacs de
Champagne. Le cousin germain de Jeanne d'Arc était tué au siège
de Sermaize, dans l'armée de La Hire_, capitaine de Vitry, par
Jean, comte de Salni^, gouverneur du Barrois.
Le père de Jeanne d'Arc se mettait avec tout son village, six
mois après la mort de son neveu, sous la protection de l'ennemi
acharné du comte de Salm, le terrible Robert de Saarbriick,
damoiseau de Commercy, partisan du Dauphin.
Jeanne d'Arc partait à Vaucouieurs le 1.3 mai 1428, tandis que
René d'Anjou, duc de Bar, faisait capituler Beaumont ^jui tenait
pour Charles VIL Elle quittait Vaucouieurs le li- février 1429, arri-
vait à Chinon le 6 mars, et faisait lever le siège d'Orléans le
8 mai. Or, le 5 mai 1429, le duc de Bar, devenu majeur, faisait
hommage aux Anglais, et le 6 mai, deux jours avant la délivrance
d'Orléans, un traité d'alliance était conclu entre Henri VI, roi
d'Anglelerre, et René d'Anjou, duc de Bar! Franchement, si
Jeanne d'Arc était Barroise, il faut cesser de nous la présenter
comme le modèle vivant du patriotisme. Elle a pris parti contre
son duc, elle a sciemment, obstinément trahi son pays !
Mais Jeanne d'Arc a pris soin de nous éclairer elle-même sur sa
nationalité. Elle a compi'is d'instinct l'importance de cette ques-
tion oii il allait de son honneur en ce monde et de sa véritable
grandeur. Aussi quand l'évêque Cauchon lui demande de quel vil-
lage elle est native, elle ne répond pas seulement : « Je suis de
Domremy, » elle précise, elle accentue, elle enlève à jamais toute
amphibologie : « Je suis, dit-elle, de Domremy-de-Greux, je suis
du Domremy qui ne fait qu'un avec Greux. •» Il y avait, en etfet,
au xve siècle, deux Domremy : l'un, situé au nord, du côté de
Greux, était du domaine direct de la couronne. On y élait
5)2 MÉLANGES
« homme du Roi » ; l'aulro, situé au sud, autour d'une politc for-
teresse nommée l'Ile, appartenait de longue date, terres et gens,
au sire de Domremy. L'affirmation de Jeanne d'Arc, qu'elle est du
Domremy-de-Greux, prouverait à elle seule qu'elle est Française
et Champenoise. Veut-on encore une preuve ? Dans le Domremy
seigneurial, on était serf attaché à la glèbe. La famille d'Arc était-
elle attachée à la glèbe ? II n'y paraît guère en tous cas !
Les d'Arc étaient originaires de la ville champenoise d'Arc-en-
Barrois. Jean d'Arc, le grand-père de Jeanne, habile Ceflonds,
près Montiérender, en Champagne, où l'on montre encore sa mai-
son. Jacques d'Ar^ quitte Celi'onds, où il est né, pour venir à
Domremy-de-Greux, en Champagne. Pour de prétendus serfs atta-
chés à la glèbe, voilà des pérégrinations bien singulières ! La
famille maternelle de Jeanne n'est pas plus sédentaire que sa
famille paternelle. Le frère de sa mère, Jean de Voullion, va s'éta-
blir à Sermaize, en Champagne, avec ses quatre enfants. Sa mère,
Isabelle Romée, vient de Voulhon-le Ras à Domremy-de-Greux, et
Vouthon-le-Bas lui-même élait un village champenois.
Les parents de Jeanne étaient donc deux braves Champenois,
issus de Champenois, et ils allaient et venaient où le cœur leur
disait, d'un bout à l'autre de leur province de Cliampagne, sans se
soucier du sire de Domremy, qui n'était pas leur seigneur, ni du
duc de Bar, qui n'était pas leur suzerain.
Voici encore une autre preuve. Le Domremy seigneurial élait
soumis au four banal, nous le savons par un dénombrement con-
temporain de Jeanne d'Arc, et la maison de Jeanne d'Arc ren-
ferme les restes d'un four ! Elle porte une plaque de 1481, sur
laquelle est écrit, : « Vive le roy Loys ! » Elle fut vendue en 1586
— quinze ans après la cession de Domremy à la Lorraine — à la
dame du Domremy seigneurial, Mme Louise de Stainville. C'est
donc que jusqu'alors elle ne lui appartenait pas.
De plus, elle est aujourd'hui située du côté d'un petit ruisseau
qui la met en terre de Champagne. Les Lorrains prétendent, il est
vrai, que ce ruisseau a changé de cours. Ils s'appuient sur le
témoignage de deux octogénaires, fort respectables, sans doute.
Mais ces deux octogénaires sont contredits par un plan de 1722,
par l'aveu et dénombrement de 1334, antérieur à Jeanne d'Arc de
près d'un siècle. On y lit que la limite entre le Domremy royal et
le Domremy seigneurial est marquée « par une pierre en envers
le moutier, si comme le rus la porte », c'est-ci-dirc par une pierre
placée sur un ruisseau, à côlé 'de l'église. D'après le témoignage
des vieillards, le ruisseau aurait passé jadis à 200 mètres au nord
de la maison de Jeanne et de l'église qui y est contigui"'. Comment
placer à la fois la pierre » en envers le moutier et sur le rus «, si
le rus coule à 200 mètres du moutier ?
Da toutes ces preuves géographiques, polili(}ucs, judiciaires,
fiscales, administratives, il résulte quoi?... Ce qu'un enfant de
MÉLANGES i;i3
l'école primaire, ce qu'un homme du peuple eût dit d'inslincL :
Que Jeanne d'Arc, celle qui a sauvé la France, était Française !
Pour être grande, pour être rayonnante dans l'histoire, digne de
notre patriotique respect comme de notre meilleur amour, il faut
que Jeanne d'Arc soit née dans le royaume qu'elle a sauvé, il est
nécessaire qu'elle soit née Française... et Champenoise! La pre-
mière conclusion, à son époque, entraine l'autre ! Sujette du duc
de Lorraine, elle n'est pas Française ! Sujette du duc de Bar, elle
ne l'est pas davantage. L'erreur historique vient de ce qu'A son
époque on appelait Lorrains tous les Champenois des Marches, et
le château de JJontéclair était précisément, comme l'a très hien
dit M. d'Arbois de Jubainville, le poste avancé des comtes de
Cliampagne sur les frontières de Lorraine. C'est sous la protection
de ce château anti-lorrain, c'est dans la prévôté qu'il dominait et
défendait que « la bonne Lorraine » a vu le jour.
(Gaulois.) L'abbé Misset.
*
La légende du sobcier de Coulommisrs, — Nous empruntons au
Dictionnaire des sciences occvlles^ celle curieuse légende qui offre un
exemple assez frappant des idées supersitieuses du xxi' siècle:
Abkl de la RuE; dit le Casseur, savetier et mauvais drôle qui
fut arrêté, en 1382, à Coulommiers, et brûlé comme voleur,
sorcier, magicien, noueur d'aiguillettes. Voici sa légende :
Le noueur d'aiguilleUcs.
C'était grand deuil à Coulommiers, dans la maison de Jean
Moureau, le lo juin de l'an de grâce io82. Le petit homme s'était
marié la veille, plein de liesse et se promettant heureux ménage
avec Fare Fleuriot, son épousée. Il était vif, homme de tète, per-
sévérant dans ses atrections comme dans ses haines; et il se réjouis-
sait sans ménagement de son succès sur ses rivaux. Fare, qui l'avait
préféré, semblait partager son bonheur et ne se troublait pas plus
que lui des alarmes que les menaces d'un rival dédaigné avaient
fait naître chez leurs convives. Fare Fleuriot, habile ouvrière en
guipure, n'avait pu hésiter dans son choix entre Jean Moureau,
armurier, fort à sou aise, et ce concurrent redouté, nommé Abel
de la Rue, surnommé le Casseur, à cause de sa mauvaise con-
duite, homme réduit au métier de savetier, et qu'on accusait de
relations avec le diable à cause de ses déportemenls; circonstance
mystérieuse qui etfrayait les amis de l'armurier.
Vous avez supplanté Abel, lui disaient-ils; il vous jouera quel-
qu'un de ses mauvais tours.
1. Encyclopédie Ihcologique, publiée par l'abbé Migne, t. XLVIII,
col. 12.
33
0l4 MÉLANGES
Les gens de justice de notre roi, Henri troisième, nous sauront
bien rendre raison du Casseur, répondit Jean Mourcau.
Et qui sait, dit une vieille tante, s'il ne vous jetterait pas un
sort?
Patience : telle avait été la réponse du jeune marié.
Mais Fare était pourtant moins rassurée : la noce toutefois s'était
faite joyeusement.
Or, le lendemain, comme nous avons dit. c'était dans la maison
grand deuil et pleine tristesse. Les deux époux, si heureux la veille,
paraissaient eifarés de trouble; on annonçait timidement ce qui
était survenu : le résultat en paraissait pénible. Le mari et la femme
ensorcelés sentaient l'un pour l'autre autant d'éloignement qu'i's
s'étaient témoigné d'affection le jour précédent. Cette nouvelle
se répandit en peu d'instants dans la petite ville : le second jour,
Téloignement devint de l'antipathie, qui, le jour d'après, eut tout
l'air de l'aversion. Cependant les jeunes mariés ne parlaient pas de
demantier une séparation ; seulement ils annonçaient que quelque
ennemi endiablé ou quelque sorcière maudite leur avait noué Tai-
guillette.
On sait que ce- maléfice, qui a fait tant de bruit aux xvi"^ et xvii«
siècles, rendait les mariés repoussants l'un pour l'autre, et les acca-
blant au physique comme au moral, les conduisait à se fuir avec
une sorte d'horreur.
Il ne fut bruit dans tout Coulommiers que de l'aiguillette nouée
à Jean Moureau. Abel de la Rue, le savetier dédaigné, en avait ri
si méchamment qu'il fut à bon droit soupçonné du délit; il était
assez généralement détesté. La clameur publique prit une telle
consistance que les jeunes époux ensorcelés se crurent autorisés à
déposer leur plainte. Messire Nicolas Quatre-Sols était lieutenant
civil et criminel au bailliage de Coulommiers. Il fit comparaître
Abel devant lui.
Le chenapan, qui était hypocondre et morose, avoua qu'il avait
recherché Fare Fleuriot, mais il nia qu'il eût rien fait contre elle et
contre son mari. Comme il était malheureusement chargé de la
mauvaise réputation qu'on faisait alors à ces vauriens qui cher-
chaient dans la sorcellerie une prétendue puissance et de pré-
tendues richesses toujours insaisissables, on le mit au cachot, en
l'invitant à faire ses rétlexions; et le lendemain, sur son entête-
ment à ne rien avouer, on l'appliqua à la question; il déclara
qu'il allait confesser.
Ayez soin, dit iNicolas Quatre-Suls, que votre confession soit
entière et digne de notre indulgence. Pour ce, vous nous expo-
serez dès le commencement toutes vos affaires avec Satan.
Il fit donner au savetier un verre d'eau relevé d'un peu de vinai-
gre, afin de ranimer ses esprits; et il s'arrangea sur son siège dans
la position d'un homme qui écoute une histoire merveilleuse.
MÉLANGKS 515
Aliel de la Rue, voyant que son juge était prêt, recueillit ses
esprits et se disposa à parler. D'abord il se recommanda à la
pitié et à la compassion de la justice, criant merci et protestant
de sa repentance; puis il dit ce qui suit :
— Je devrais être moins misérable que je ne suis et faire autre
chose que mon pauvre métier. Etant petit enfant, je fus mis par
ma mère au couvent des Cordeliers de Meaux. Là, le frère Caillet
qui était maîlre des novices, m'ayant corrigé, je me fâchai si
furieusement contre lui que ne rêvais plus autre chose sinon la
possibilité de me venger. Gomme j'étais en cette mauvaise volonté,
un chien barbet, maigre et noir, parut tout à coup devant moi; il
me sembla qu'il me parlait, ce qui me troubla fort; qu'il me pro-
mettait de m'aider en toute choses et de ne me faire aucun mal,
si je voulais me donner à lui. . .
— Ce barbet, interrompit le juge, était certainement un démon.
— C'est possible, messire : il me sembla qu'il me conduisait
dans la chambre du couvent qu'on appelle la librairie. Là il dis-
parut, et je ne le revis jamais.
— Et quelle vengeance avez-vous eue du frère Caillet?
— Aucune, messire, ne l'ayant pas pu.
— Que tites-vous alors dans la librairie?
— Je pris un livre, car on m'a enseigné la lecture; mais voyant
que c'était un missel, je le refermai; je sortis et je demeurai
quelques semaines triste et pensif. Un jour je pris un autre livre,
c'était un grimoire. Je l'ouTris au hasard, et à peine avais-je lu
quelques lignes que je ne comprenais point, quand je vis paraître
devant moi un homme long et mince, de moyenne stature, blême
de visage, ayant un elfroyable aspect, le corps sale et l'haleine
puante.
— Sentait-il le soufre?
— Oui, messire; il était vêtu d'une longue robe noire à l'ita-
lienne, ouverte par devant; il avait à l'estomac et aux deux
genoux comme deux visages d'hommes, de pareille couleur que
les autres. Je regardai ses pieds qui étaient des pieds de vache.
Tout l'auditoire frissonnait.
Cet homme blême, poursuivit l'accusé, me demanda ce que je
lui voulais et qui m'avait conseillé de l'appeler. Je lui répondis
avec frayeur que je ne l'avais pas appelé, et que j'avais ouvert le
grimoire sans en prévoir les conséquences. Alors cet homme
blême, qui était le diable, m'enleva et me transporta sur le toit de
la salle de justice de Meaux en me disant de ne rien craindre. Je lui
demandai son nom, et il me répondit : Je m'appelle maîlre Rigoux.
Je lui témoignai ensuite le désir de m'enfuir du couvent; là-dessus
il me reporta au lieu où il m'avait pris; du moins, je m'y retrouvai'
comme sortant d'une sorte d'étourdissement. Le grimoire était à
mes pieds. Je vis devant moi le Père Pierre Berson, docteur en
516 MÉLANGES
llléologie, el le frèce Caillet qui me l'eprireiil d'avoir lu dans le
grimoire et me menacèrent du fouet, si je touchais encore à ce
livre. Tous les religieux se rendirent à la chapelle et chantèrent
un Salve à mon intention. Le lendemain, comme je descendais
pour aller à l'église, maître Rigou.x m'apparut encore : il me
donna rendez-vous sous un arbre près de Vaulxcourtois, entre
Meaux et Coulommiers. Là je fus séduit. Je repris, sans rien dire,
les habits que j'avais à mon entrée dans le couvent, et j'en sortis
secrètement par une petite porte de l'écurie. Rigoux m'attendait
sous la ligure d'un bourgeois; il me mena chez maître Pierre,
berger, de Vaulxcourtois, qui me reçut bien, et j'allais conduire
les troupeaux avec lui. Deux mois après, ce berger, qui était
sorcier, me promet de me présenter à Vassemblée, ayant besoin
de s'y rendre lui-même, parce qu'il n'avait plus de pou ire à
maléfices. L'assemblée devait se tenir dans les trois jours : nous
étions à l'Avent de Noël 1575. Maître Pierre envoya sa femme
coucher dehors, et il me lit mettre au lit à sept heures du soir :
mais je ne dormis guère. Je remarquai qu'il plaçait au coin du feu
un très long balai de genêt sans manche ; à onze heures du soir,
il fit grand bruit et me dit qu'il fallait partir : il prit de la graisse,
s'en frotta les aisselles et me mit sur le balai, en me recomman-
dant de ne pas quitter cette monture. Maître Rigoux parut alors;
il enleva mon maître par la cheminée : moi je le tenais au milieu
du corps, et il me sembla que nous nous envolions. La nuit était
très obscure, mais une lanterne nous précédait. Pendant que je
voyageais en l'air de la sorte, je crus apercevoir l'abbaye de
Rebais : nous descendîmes dans un lieu plein d'herbe où se
trouvaient beaucoup de gens réunis.
— Qui faisaient le sabbat ? interrompit le juge.
— Oui, Messire. J'y reconnus plusieurs personnes vivantes et
quelques morts, notamment une sorcière qui avait été pendue à
Lagny. Le maître du lieu, qui était le diable, ordonna, par la
bouche d'un vieillard, que l'on nettoyât la place. Maître Rigoux
prit incontinent la forme d'un grand bouc noir, se mit à grom-
meler et à tourner; et aussitôt l'assemblée commença les danses
qui se faisaient à revnrs, le visage dehors et le derrière tourné
vers le bouc.
— C'est conforme à l'usage du sabbat, comme il est prouvé par
une masse de dépositions. Mais ne chauta-t-on point? Et quelles
furent ces chansons?
— On ne chanta point, messire. Après la danse, qui avait duré
deux heures, on présenta les hommages au bouc'. Chaque per-
sonne de l'assemblée s'en acquitta. Je m'approchai du bouc à
mon tour, il me demanda ce que je voulais de lui ? Je lui répondis
1. Hisloife de la magie en France, par M. Jules Garioet. V. l'article
Boi;cs.
MÉLANGES 517
que je voulais savoir jeter des sorts sur mes ennemis. Le diable
m'indiqua maître Pierre, comme pouvant mieux qu'un autre
m'enseigner cette science. Je l'appris donc,
— Et vous en avez fait usage contre plusieurs, notamment
contre les époux qui se plaignent? Avez-vous eu d'autres relations
avec le diable?
— Non, raessire, sinon en une circonstance. Je voulais rentrer
dans la voie. Un jour que j'allais en pèlerinage à Saint-Loup, près
de Provins, je fis rencontre du diable, qui chercba à me noyer : je
lui échappai par la fuite.
Tout le monde dans l'assemblée ouvrait de grandes oreilles, à
l'exception d'un jeune homme de vingt ans, le neveu du lieute-
nant civil et criminel. Il faisait les fonctions d'apprenti greffier.
— Mon oncle, dit-il en se penchant à l'oreille de maître Nicolas
Quatre-Sols, ne pensez-vous pas que le patient n'est qu'un drôle
qui a le cerveau malade, qui est sujet peut-être à de mauvais rêves?
Pendant que l'oncle réprimandait le neveu à voix basse, Abel
de la Rue levant la tète :
— De tout ce que j'ai fait de mal, dit-il, je suis repentant et
marri, et je crie m^rci et miséricorde à Dieu, au roi, à monsei-
gneur et à la justice.
— C'est bien, dit Nicolas Quatre-Sols, qu'on le ramène au
cachot.
Le soir de ce même jour, le maléfice de Jean Moureau se trouva
rompu. L'antipathie qui avait surgi entre lui et sa jeune épouse
s'évanouit. Le corps du principal délit avait donc disparu. Néan-
moins, peu de jours après, le 6 juillet, sur les conclusions du pro-
cureur fiscal, la Rue fut condamné à être brûlé vif. Il appela de sa
sentence au Parlement de Paris, et, le *20 juillet 1582^. le Parlement
de Paris, prompt à expédier ces sortes d'alïaires, rendit un arrêt
qui porte qu'Abel de la Rue, appelant, ayant jeté des sorts sur
plusieurs, prêté son concours au diable, communiqué diverses fois
avec lui, assisté aux assemblées nocturnes et illicites, pour répara-
tion de ces crimes la Cour condamne l'appelant à être pendu et
étranglé à une potence qui sera dressée sur le marché de Cou-
lommiers, et le renvoie au bailli chargé de faire exécuter ledit
jugement, et de brûler le corps après sa mort. — Cet arrêt, qui
adoucissait un peu la sentence du premier juge, fut exécuté selon
sa teneur, au marché de Coulommiers, par le maître des hautes-
œuvres de la ville de Meaux, le 23 juillet l;iS2. — c Au reste, dit
un auteur sensé, ces sorciers qu'on brûlait méritaient toujours
châtiment par quelques vilains et odieux crimes. »
Exposition rétrospective dk Reims. — Hisloriqvc de la Méde-
cine rémoise. — La Faculté de Médecine de Reims avait 2i-(J ans
518 MÉLANGES
d'existence et une histoire glorieuse, quand la Convention décida
sa suppression ; de ceci personne ne se plaint, car la Faculté vieil-
lie ne méritait plus guère de vivre. Ce qu"il faut déplorer, c'est
que la Révolution, avant de fermer les portes, ait pillé les archi-
ves : le grand coffre de chêne que Pâté, de Rethel, avait donné
en 1577 pour y déposer les registres de la Compagnie, et qu'on
peut voir à l'Exposition rétrospective, fut vidé brutalement et son
coatenu dispersé. Nous étions donc exposés à ne jamais rien savoir
de la médecine rémoise, si quelques amateurs, médecins naturel-
lement, n'avaient cessé, depuis cent ans, de rechercher avec pas-
sion les documents que le hasard a pu sauver.
Le premier en date de ces collectionneurs est L.-J. Raussin
(1721-1798), qui avait recopié de sa main, avant le désastre de 93,
le registre le plus précieux de la Faculté ; puis vient le docteur
Maldan (1807-1881), chercheur infatigable qui fouilla les boutiques
des bouquinistes jusqu'à son dernier jour; enfin, le docteur Guel-
liot, dont les trouvailles heureuses, jointes à celles de ses devan-
ciers, forment une collection unique qui lui a permis d'écrire,
en 1889, son savant ouvrage : Les Thèmes de la Faculté de Méde-
cine de Reims. C'est lui qui a eu l'idée vraiment neuve de cette
Exposition médicale à laquelle il a envoyé ses plus jolies pièces ;
les amateurs et les simples curieux lui en sont vivement recon-
naissants.
Aux murs sont accrochés des portraits de médecins rémois qui
résument en quelques tableaux l'histoire du costume et des mœurs
pendant trois siècles. Le portrait le plus ancien est celui de P. Le
Comper (1588-1G49), en costume de ville, vêtement noir et fraise
blanche ; il porte la moustache et une petite barbiche. Colin, mort
en 1G68, victime de son dévouement pour les pestiférés, porte
aussi une fine moustache Mais, dès la fin du xvii' siècle, tous les
docteurs sont rasés comme des ecclésiastiques, et sous leurs
immenses perruques ils s'immobilisent dans des poses majestueu-
ses : De Mailly, par exemple (1643-1724), en costume de docteur
régent, longue robe rouge et riche chaperon fourré d'hermine,
rappelle le grand Roi.
Les années passent et le laisser-aller apparaît. François Raussin,
peint par Chappe, est tout souriant : il était contemporain de
Louis XV et célibataire. Sa robe de docteur glisse de ses épaules,
laissant voir un élégant habit rouge brodé d'or et une cravate de
fine dentelle qu'il préférait sûrement à son rabat. Tout au con-
traire, les médecins de la Révolution affectent l'air grave qu'ils
croyaient convenir aux membres du Tiers. Caqué le jeune, la
figure soufllée, les yeux bridés, porte la tète en arrière, dans une
pose à la Mirabeau, a Son amour pour la République était connu
même avant la Révolution, » dit une enquête faite en 1793. Lui
aussi aurait su être insolent avec le marquis de Dreux-Brézé. Pour
terminer sur une aimable figure, il faut regarder le portrait du
MELANGES !jI9
doclcui" Cliabaud, mort cri !839, victime du choléra; jeune encore,
il est beau comme Lamartine, dont il a l'élégance.
La vitrine du milieu renferme mie précieuse collection d'auto-
graphes, de thèses et de diplômes qui permet de revivre la vie
scolaire des étudiants d'autrefois ; ces pièces sont devenues telle-
ment rares qu'il serait impossible aujourd'hui de réunir à nouveau
un pareil ensemble. Le docteur Panis a pnUé un petit registre
in- 18, sauvé on ne sait comment du naufrage de 93, sur lequel
s'inscrivaient les étrangers, Anglais et Irlandais surtout, en arri-
vant à l'Ecole. A côté, sont exposés quelques exemplaires des thè-
ses quodlibélaive et cardinale, qui donnaient le titre de bachelier
et de licencié, thèses le plus souvent in 4", portant en tête les
armoiries de la Faculté gardées par Esculape ; aux pieds du dieu
coule la Vesle sur les bords de laquelle Hercule ramasse des sim-
ples. On remarquera entre autres la très célèbre thèse de Navier,
soutenue en 1777, concluant à l'usage du vin de Champagne
comme antiseptique (le mot y est) dans les fièvres putrides. Le
licencié n'avait plus qu'une thèse à soutenir, la thèse générale^
pour avoir droit au bonnet de docteur. Le bonnet de soie blanche
brodé d'or exposé ici et qui vient du docteur Le Camus, bisaïeul
du docteur Jolicœur, n'est pas un bonnet officiel de docteur ; il
nous semble plutôt être une élégante coiffure d'intérieur.
Les curieux qui liront l'immense diplôme imprimé sur parche-
min, accordé en 1627 à Rassicod de Rouen — c'est le plus ancien
diplôme connu — auront une idée du cérémonial imposant qui
accompagnait la remise du bonnet doctoral : la main étendue sur
la cioix, le candidat prononçait un serment dont la formule trop
longue pour être citée est fort belle, puis il recevait le bonnet
carré, un anneau d'or et une ceinture symboliques, enfin le prési-
dent lui donnait le baiser de paix et d'amour. A cette cérémonie,
le candidat invitait .ses amis et même les éti'angers : adesle virl
remcnses el favele^ dit une de ces invitations grande comme une
affiche, clouée au mur de cette salle ; nous pouvons en conclure
qu'un dîner de thèse suivait.
La Faculté de Reims créa ainsi, au dire de Maldan, 3,3^2 doc-
leurs qui se répandirent sur toute la France ; c'est un peu plus de
dix par an. Quelques-uns des plus célèbres sont ici représentés par
un portrait ou un autographe : Vallot, médecin de Louis XIV ; Gui
Patin ne l'aimait guère : « Vallot, écrivait-il, n'a été qu'un char-
latan en ce monde, je ne sais ce qu'il sera en l'autre ; » — le
fameux La Mettrie, qui mourut d'indigestion ; il faut voir la ligure
réjouie de cet ami de Voltaire contre qui il se mesurait dans la
langue des dieux ; — Cabanis, le médecin de .Mirabeau ; —
Antoine Dubois, qui aida le roi de Rome à venir au monde ; — et
tant d'autres médecins qui mirent l'Ecol î de Reims au premier
rang après Paris.
Les chirurgiens rémois méritent bien la place qu'on leur a lais-
520 , MÉLANGES
sée dans la grande vitrine ; ils sont d'origine moins illustre que
les médecins, puisque trop longtemps ils furent confondus avec les
barbiers : au xviu« siècle, ils mettaient encore à leurs enseignes
des bassins jaunes. C'est Museux le père qui le premier, à Reims,
renonça à la barberie pour n'être que chirurgien ; Louis Paris a
joliment raconté, dans son Remensiana , comment une certaine
nuit Museux fit disparaître les plats à barbe de sa devanture.
Museux est l'inventeur d'une pince dont l'original est exposé à
côté des modèles légèrement modifiés dont on se sert aujourd'hui.
Noël est non moins célèbre; il fit avant de mourir une belle farce
au diable, mais ses titres à la reconnaissance des Rémois sont
autres : il avait planté sur l'emplacement de la rue Noël actuelle
un jardin botanique qui ne manquait pas d'agréments. On voit un
portrait àc lui au crayon, d'après Rêve.
Un peu partout, au milieu de ces pièces, sont semés des billets
de mort de docteurs, billets symboliques qui enterrent ce brillant
passé et dont l'abondante réunion permet de suivre les transfor-
mations qu'ils ont subies pendant un siècle. Les plus anciens sor-
tent des presses de Jeunehomme, imprimeur du Roi et de S. 4..
S. Mgr le duc de Bourbon ; ils sont immenses et surchargés d'or-
nements funèbres qui disparaissent peu à peu aux époques sui-
vantes.
On a fait aux Hôpitaux l'honneur d'une petite vitrine dans
laquelle sont rangés quelques ustensiles de cuivre et d'étain, entre
autres le chauffoir de sœur Chamery, 1700, et une palette pour la
saignée, marqués au chiffre de l'Hôtel-Dieu : la tête du Christ^
entourée de rayons. La même marque se retrouve sur une série
de pastilles, dites pour cela pastilles sigillées, qui datent au moins
du xvni« siècle. De l'Hôtel-Dieu encore viennent la plupart des
pots de pharmacie exposés ; un des plus jolis, avec ses serpents
enroulés formant anses, a contenu de la thériaque qui pendant
longtemps demeura la panacée universelle; à côté est un vase à
sirOp de violettes tout bleu, d'un bleu de Sèvres qui n'est pas com-
mun dans ces faïences.
Une dernière vitrine renferme des objets provenant de tombes
gallo-romaines fouillées dans le pays rémois, biberons en verre et
en terre-cuite, trousses d'oculistes, enfin un tibia qui porte les
traces d'une fracture parfaitement réduite.
11 serait à désirer que d'autres que les médecins fussent au
même degré soucieux de l'origine et de l'histoire de leur profes-
sion. Ces amateurs que je souhaite seraient d'un grand secours à
l'histoire locale ; ils mettraient en œuvre les matériaux que cou-
vre la poussière des bibliothèques ; ils sauveraient de la destruc-
tion des documents qui se perdent partout et tous les jours ; enfin,
ce qui n'est pas à dédaigner, ils pourraient, eux aussi, convier le
public à d'intéressantes exhibitions. A quand une exposition histo-
rique du Champagne et de la laine ?
[Courrier de la Champagne.) P. G.
MÉLANGES 521
La Bataille de Friedland nACONTÉE par un Soldat. — Le
14 juin 1807 fut remportée à Friedland l'une des plus brillantes
victoires de l'Empire, qui précéda la glorieuse paix de Tilsilt, con-
clue entre Alexandre I" de Ru^ie et Napoléon.
Dans les rasgs français se trouvait un brave paysan de Cliam-
pagne, Noël Bagnost, qui, comme le firent par ailleurs quelques-
uns de ses compagnons d'armes, avait le courage de noter, avec
une infatigable persévérance, en dépit des marches forcées, des
hasards des combats et des privations de toute borle, les étapes
de chaque jour. Il put ainsi composer, avec le temps, un volumi-
neux journal de ses campagnes, depuis le 15 octobre 1802, date de
son enrôlement, jusqu'au 20 juillet 1815, moment où il revint s'as-
seoir au foyer natal. Durant cet intervalle de treize années, il avait
pris part, en qualité de simple soldat, puis d'humble sous-oflicier,
aux diverses expéditions d'Allemagne et d'Espagne ; parcouru la
France dans tous les sens, la Belgique, la Hollande, la Westphalie,
la Franconie, la Bavière, l'Autriche, la Moravie, la Saxe, la Prusse,
la Pologne, la Biscaye, la Castille, l'Andalousie, l'Aragon et la
Navarre, combattu à Austerlitz, léna, Friedland, Talavera, Pampe-
lune ; il rapportait, à sa famille et à ses amis, avec une naïve
fierté, le récit circonstancié de ses innombrables marches et de ses
exploits.
Modeste comparse dans la grande épopée guerrière^ le soldat,
tout illettré qu'il fût, avait bien la conscience intime du drame
gigantesque auquel il se trouvait si activement mêlé. Ses notes
forment trois gros cahiers in-4", soigneusement recopiés d'une
bonne écriture écolière, et conservés aujourd'hui par ses descen-
dants qui nous les ont fort obligeamment communiqués. Nous
avons laissé fidèlement notre héros porter la parole, nous bornant
à restituer, au long des lignes, la syntaxe et la grammaire trop
généralement ignorées de l'écrivain, enclin, suivant le défaut
commun à ses pareils, à rechercher les mots rares et inconnus,
les tournures bizarres et les constructions de phrases invraisem-
blables. A respecter trop scrupuleusement cette fâcheuse propen-
sion, qui obscurcit en maint endroit la pensée du narrateur, on
risquait de fatiguer inutilement le lecteur, au cours d'un récit
dont l'incontestable sincérité corrobore, avec plus d'un trait incons-
ciemment pittoresque, les relations des Thiers, des Marbot, des
Paulin, des Macdonald et des Lejeune, .
A. Tausserat-Radel.
... Après être restés trente-cinq jours dans les cantonnements
de Neumark, nous en partîmes le 11 juin pour venir camper près
de la rivière que nous passâmes le lendemain. Au fort de Span-
den,on nous fit une distribution de biscuits, et, traversant ensuite
la petite ville de Mehlzach, nous bivouaquions le 13 dans les plai-
32^ MÉLANGES
nés d'Eylau. La misère était si grande que l'on ne poiivail rien
trouver; les villages ne s'étaient pas encore relevés des derniers
désastres, et les habitants n'y étaient point revenus. Enfin, nous
passâmes la nuit dans cetle position, et le 14, de grand matin,
l'on se mit en marche pour Friediand, en passant par la petite
ville de Preuss-Eylau, située sur une éminence environnée de bou-
quets de bois. Sur les coteaux voisins, je voyais encore les vestiges
des batteries de l'armée russe, dont les soixante bouches à feu
avaient été prises d'assaut, le 8 février. La ville, aussi bien que les
campagnes environnantes, avait un aspect de désordre et d'aban-
don : la population n'avait pas reparu depuis la bataille ; toutes
les maisons étaient ruinées et incendiées en partie, ne laissant
voir que les quatre mu-s. On n'eîit pu rien imaginer de plus
triste.
Cependant, après une assez longue marche à travers ces plai-
nes, on nous fit faire halte dans une vaste prairie, et l'on publia
un ordre défendant à tout homme de demeurer en arrière ; une
distribution générale d'eau-de-vie fut faite aux troupes ; puis notre
commandant nous exhorta par quelques paroles, disant que nous
allions livrer dans peu d'instants une forte bataille dans les plai-
nes de Friediand. Tout le monde garda donc son rang; je pouvais
voir, de tous côtés, des escadrons évoluer à droite et à gauche,
allant à la découverte. Je vis aussi l'Empereur, à la tête de sa
garde et de ses cuirassiers, se diriger sur Friediand, qui était
encore à une distance assez éloignée, car on ne pouvait entendre
le canon, bien que la bataille fût commencée. Mais quand nous
fûmes parvenus à l'extrémité d'un bois, j'entendis tout à coup une
canonnade assez vigoureuse, dont on ne voyait que les fumées
s'élever au-dessus d'un épais massif de sapins qui nous masquait
la vaste plaine. Cela nous lit accélérer le pas, et l'on parvint bien-
tôt au village de. . . (Posthenen), d'où je commençai déjà à décou-
vrir le champ de bataille, qui, dans toute son étendue, retentis-
sait du bruit de la fusillade. Notre engagement était proche : les
boulets et les obus qui ricochaient tout près de nos colonnes nous
inspiraient malgré nous une sorte de terreur.
La division du général Oudinot, dans la matinée, avait attaqué
l'ennemi. Les maréchaux Mortier et Ney, survenus depuis en
seconde colonne avec les VI* et Ville corps d'armée, ne tardèrent
pas à fondre à leur tour sur l'armée ennemie, dont l'artillerie
occupait les abords de la ville de Friediand. On nous fit prendre
nos dispositions pour le combat.
Le général commanda la halte. Nous étions alors sur un grand
plaleau près duquel s'étendait une large pièce de petits pois
magnifiques, d'une verdeur appétissante, et sur lesquels tous nos
soldais, qui soutiraient depuis quatre jours de la faim et de la
soif, se précipitèrent avec ardeur; mais le bruit du canon réveil-
lant bientôt leur attention, ils ne songèrent plus qu'à se battre
avec acharnement lorsque viendrait leur tour d'entrer en ligne.
MÉLANGES B2:5
Après être demeurés l'espace d'une demi-heure dans celte posi-
tion, nous vîmes l'artillerie qui formait le centre des masses enne
mies se porter sur nos colonnes avec assez de rapidité pour quo
leurs projectiles dépassassent déjà de fort loin nos lip^nes. Au
moment de l'attaque, l'Empereur e.n personne vint nous faire
appuyer sur la droite, disant que nous étions sous la direction de
leurs batteries. En effet, nous eûmes à peine exécuté ses ordres,
que je vis en un instant une foudre extraordinaire s'abattre sur
cette première position : les obus éclataient avec force^les boulets
qui tombaient de tous côtés en grand nombre ne causaient pas
moins de fracas là où ils passaient. J'éprouvais une étrange sur-
prise à me voir préservé d'un tel danger, quoique placé au centre
même de la bataille. Notre division eût certainement essuyé des
pertes considérables sans cette heureuse manœuvre. Pour moi_,
me laissant aller insensiblement à observer les mouvements de
l'ennemi à travers la plaine, je voyais notre cavalerie diriger sur
lui, par escadrons, des charges furieuses. L'Empereur, que je dis-
tinguais au centre, accompagné d'un seul aide de camp, donnait
ses ordres. L'ennemi, par la fusillade très nourrie qu'il entretenait
sur tous les points, et par les mouvements de son artillerie, sem-
blait devoir nous contraindre à la retraite ; mais il ne s'apercevait
pas que l'Empereur cherchait à l'attirer dans la plaine pour avoir
ensuite la victoire plus certaine. Les colonnes russes avaient pu
s'avancer librement contre les nôtres, puisque rien ne gênait leurs
opérations que noire cavalerie : nos batteries n'avaient pas encore
pris de position stable ; elles s'exerçaient seulement à une faible
canonnade, dans le but d'exciter l'ennemi à une poursuite pour
laquelle nous efïec'cuâmes un semblant de retraite.
Enfin, tout cet étalage de bravoure ne dura que jusqu'à deux
heures de l'après-midi, moment où quatre corps d'armée débou-
chèrent tout à coup de l'extrémité de la forêt et vinrent se mettre
en ligne pour un engagement qui devint aussitôt vigoureux. Notre
artillerie^ qui jusqu'à présent n'avait pas pris de position avanta-
geuse, cherchait à s'installer sur des hauteurs, de manière à sur-
veiller les manœuvres de l'ennemi; s'étant placée à proximité de
ses colonnes, elle ouvrit bientôt un terrible feu, criblant avec
fureur ces fortes divisions russes qui depuis le matin s'étaient
acharnées audacieusement sur la seule division du général Oudi-
not. En même temps, notre infanterie, secondée par ces foudres,
s'animait de la plus vive ardeur, et attendait de pied ferme l'ins-
tant de foncer à la baïonnette.
J'avais plaisir à constater, dans la plaine, l'affaiblissement des
masses ennemies sous le feu continuel de noire redoutable artil-
lerie. La batterie de gauche, principalement, ne cessait de désu-
nir les rangs, où elle faisait pleuvoir les obus, et décidait promp-
lemeiit une retraite précipitée. Le désordre se mettait peu à peu
dans cette armée ; sa belle artillerie, qui s'était exercée avec tant
de force contre nos troupes, était anéantie : à peine çà et là quel-
524 MÉLANGES
ques pièces de campagne tiraient en se retirant. A ce moment,
l'Empereur, qui continuait à observer tous les mouvements de
l'action, donne l'ordre à toutes les colonnes de charger à Parme
blanche, et lance la cavalerie sur les Russes qui sont culbutés dans
la rivière de l'Allé, qu'ils se disposaient à repasser.
Ainsi, en moins de trois heures de temps, ces forces furent
mises en déroute, éprouvèrent des pertes considérables, tandis que
de nombreux villages et la ville de Friedland étaient incendiés et
en partie détruits Durant cet intervalle, le feu n'avait pas cessé
d'être vif; sur tous les points s'était fait entendre une canonnade
des plus fortes. Cette vaste plaine, ainsi que je le remarquais non
sans intérêt, était bien un lieu propice pour de leJs exploits : aussi
notre Empereur y avait-il infligé à l'ennemi une cruelle défaite.
Les Russes efTectuèrent leur retraite par la rivière d'Aile et la
ville de Friedland, se dirigeant sur Tilsitt. Cette journée leur
coûta plus de 30,000 hommes, un grand nombre de pièces d'artil-
lerie, des drapeaux, des équipages et des officiers qui tombèrent
en notre pouvoir. Les blessés, épars dans la plaine, imploraient du
secours et criaient miséricorde. Cette magnifique garde impériale
russe, que j'avais déjà vue à Austerlitz, avait été complètement
défaite aux portes de Friedland, précisément lors du passage de
l'Aile, par notre redoutable cavalerie, et l'étroit défilé se trouvait
littéralement jonché de morts. La ville elle-même n'avait pas
moins souffert de cette retraite précipitée, dans la confusion des
hommes et des bagages ; pillées et bouleversées, ses maisons
étaient devenues inhabitables.
Nous passâmes la nuit, tant bien que mal, dans cette position,
tourmentés par la faim, car les vivres étaient rares depuis trois
jours, et principalement le pain. Pour nous procurer quelque sub-
sistance qui nous mît en état de supporter une marche précipitée,
il fallait aller explorer les villages environnants, d'où l'on avait
chance de ramener parfois quelque bétail oublié, dont on dévorait
la chair au bivouac.
Le lendemain 15 juin, l'armée se remit en route, à la poursuite
de l'ennemi. En quittant la plaine, nous entrâmes dans une
épaisse forêt où se rencontraient à chaque moment les traces des
troupes qui se retiraient devant nous, des soldats russes harassés
de fatigue, incapables d'aller plus loin. Bientôt, on aperçut leur
arrière-garde, qui se forma en colonne, comme pour résister à
notre approche. On lit avancer quelques pièces d'artillerie, et les
premiers boulets qui furent lancés les décidèrent à continuer leur
mouvement de retraite. Néanmoins, poursuivis à outrance jusqu'au
delà de la petite ville de Wehlau, ils coupèrent le pont jeté sur la
Prégel, ce qui arrêta brusquement les progrès de notre armée.
Nous étions parvenus alors dans une assez jolie vallée, au
milieu de laquelle était située cette ville de Wehlau, dont Tca-
nemi avait brûlé les magasins et tout ce qui pouvait servir à notre
MÉLA.JNGES 525
raviluilleiiieut. et à la réparation du poiil. Force; nous fui. de cam-
per dans cette position en attendant rétablissement d'un nouveau
pont qui nous permît de traverser la rivière. De lautre côté de
l'eau, j'apercevais les divisions russes disposées en colonnes d'atta-
que et, de part et d'autre, on semblait se préparer encore à une
vive action. L'Empereur, assis au pied d'une colline, entouré de
son état-major, observait avec attention tous les mouvements de
l'ennemi. Au sommet du coteau, notre artillerie avait pris place,
afin de repousser toute démarche ofTensive. L'Empereur avait hâte
de voir s'efifectucr le passage de son armée, pour rejeter les Rus-
ses jusque vers le Niémen.
Le pont établi et traversé, nos généraux prirent leurs disposi-
tions en face du beau château de.. . (Tapiau?), situé à une demi-
lieue de la ville, sur la même rivière, environné de magnifiques
avenues d'arbres, entouré de canaux et de murailles, et décoré de
superbes parterres, d'élégantes constructions et de remarquables
sculptures.
Le 16 au soir, je fis une distribution d'eau-de-vie à ma compa-
gnie, et le lendemain, nous partipns pour Tilsitt. Nous franchîmes
successivement plusieurs collines parsemées de jolis villages à tra-
vers lesquels l'ennemi avait effectué sa retraite. En arrivant sur
les hauteurs qui dominent la ville, je vis se dérouler à mes pieds
une immense vallée, formée et arrosée par le cours splendide du
Niémen, sur la rive gauche duquel s'étendaient, parmi de ver-
doyantes prairies, les maisons de Tilsitt, frontière de l'Empire
russien. . .
(Fiijaro.) iNoël Bagnost.
Unk Œuvre inconnue de Meissonier. — Parmi les tableaux expo-
sés dans les salles de l'Archevêché de Reims, il en est un dont
l'histoire est très piquante et tout à fait curieuse ; je veu.t parler
du portrait de iM. Morillot, par Meissonier.
Je visitais un jour le château de Bussemont, où M. Morillot passe
la saison d'été ; M"^ Morillot me faisait avec la plus gracieuse ama-
bilité la présentation des mille objets d'art, tableaux, tapisseries,
porcelaines, dont, avec une rare finesse de tact et un goût sûr,
elle a meublé son habitation ; tout à coup, je me trouve en face
du portrait du maître du logis, signé Meissonier; comme je leur
faisais compliment et les félicitais de posséder une œuvre certai-
nement enviée : « Mais, me dit M. Morillot, c'est un roman ; il
faut que je vous le raconte tout au long.
« C'était en 1889; ma femme avait hérité de son amie et
parente éloignée, la baronne Denain-Penguilly, bon nombre d'ob-
jets d'art, de tableaux et dessins ; les uns étaient l'œuvre du frère
même de la défunte, le colonel Penguilly-Lharidon. directeur du
Musée d'artillerie; d'autres étaient signés de différents noms;
526 MÉLANGES
qUelques-uns mêmes uc l'étaient point. Paimi ces derniers, un
dessin représentait un grand maître de l'artillerie sous Louis XV
la vigueur du trait, la puissance de composition, la perfection des
lignes, tout faisait penser que c'était une œuvre de maître;
comme l'encadrement n'était pas en harmonie avec la valeur du
dessin, nous l'avions confié à M. Dangleterre le doreur- encadreur
de la rue de Seine.
« Quelques jours après, on introduit M. Dangleterre dans mon
cabinet de travail ; il était tout animé, tout ému : « Qu'y a-t-il ?
lui demandai-je. » — c II vient, me répondit-il, de m'arriver au
sujet de votre dessin l'aventure la plus extraordinaire. L'encadre-
ment en était terminé, et je l'avais exposé à ma vitrine. Ce matin,
occupé dans mon atelier, je vois un homme passer, s'arrêter, con-
sidérer le tableau, partir, puis revenir précipitamment sur ses
pas. Il entre chez moi, me demande à qui appartient le dessin ; je
lui donne le nom du propriétaire : « Dites, ajoute-t-il, à ce mon-
sieur, que je le désire, que je le veux à quelque prix que ce soit ;
il est de ma jeunesse, et je voudrais qu'il figurât avec mes autres
œuvres au Champ de Mars. » Et cet homme, c'est,.. Meissonier.
« Vous comprenez bien, continua M. Morillot, quelle fut ma
réponse : Que ma femme auparavant déjà tenait fort à ce dessin,
comme étant un souvenir de famille, et qu'elle allait y tenir beau-
coup plus maintenant, sachant de quel artiste il était l'œuvre. En
tous cas, ajoutai-je, puisque M. Meissonier fait en ce moment une
exposition rétrospective de toutes ses compositions, qu'il expose
celle-là avec les autres : nous la lui prêterons volontiers tout le
temps qu'il voudra. — Parfait, dit M. Dangleterre ) aliez donc lui
rendre cette réponse vous-même, chez lui, demain matin, avant
huit heures. » Le lendemain, ma femme et moi nous frappions à
l'atelier de Meissonier ; il discutait vivement avec un monsieur et
une dame : « Que voulez-vous? nous fit-il assez brusquement. »
Je lui parlai du dessin. Aussitôt, il congédie ses interlocuteurs,
nous fait asseoir^, prend place en face de nous sur un tabouret et
demande à ma femme comment elle possède ce dessin. >.<■ Il me
vient, répond-elle, de ma parente, M"" Denain, qui le tenait de
son frère le colonel Penguilly-Lharidon. — Comment, dit Meisso-
nier, vous connaissiez Penguilly ! mais c'est pour lui-même que
j'avais fait ce dessin ! Les officiers de Vincennes allaient recevoir
le duc de jN'emours ; ils voulaient décorer une salle; Penguilly
avait été chargé de cette besogne ; il m'avaii demandé un sujet,
et je lui avais crayonné cet artilleur ; naturellement, il le garda
pour lui ; vous le voyez bien, c'est de ma jeunesse ! » Là-dessus,
Meissonier nous fait la même offre qu'à M. Dangleterre ; ma
femme lui dit : « Cher maître! c'est alfaire de sentiment ; je ne
puis, vous le comprenez, me défaire d'un souvenir de famille
auquel naturellement je tiens encore davantage maintenant; mais
exposez-le avec vos œuvres au Champ de Mars, — Que vous êtes
MÉLANGES b27
aimable! je suis très coulent^ répond le niaUre. El pour vous le
jjrouvcr, je vais vous signer ce dessin louL de suile. »
iNous prîmes congé de lui ; nous avions à peine fait trente pas
sur le boulevard que nous entendons courir derrière nous; un
bruit de pantoufles glissant sur Tasphalte nous fait retourner ; que
voyons-nous? Meissonier lui-même, en tenue d'atelier, cherchant
à nous rejoindre : « ftladame, fit-il vivement, vous m'avez parlé
tout à l'heure de sentiment, eh bien ! je vais vous en parler aussi ;
consentez-vous à me changer ce dessin contre celui de quelqu'un
de votre famille, de votre mari, par exemple? » — El ma femme,
sans me laisser le temps d'ouvrir la bouche, de répondre : « Mais
oui, mais oui )i. — « Monsieur, dit Meissonier, demain, sans plus
larder, vous viendrez poser. »
« Et je posai le lendemain et huit fois encore ; et ce ne fut pas
un dessin, mais cette peinture à l'huile que fit le maître, parlant
pendant de longues heures pour égayer et distraire le modèle ; le
travail n'avançait pas à son gré ; il effaçait sans cesse, répétant :
€ Comment, comment! le vieux Meissonier ferait une croûte! »
Enfin, le tableau fut terminé. Meissonier voulut un encadrement à
son idée ; il le commanda lui-même, c'est celui que voui avez
devant vous. Et c'est ainsi, cher monsieur, que j'ai mon portrait
par Meissonier. Il a d'ailleurs, à nos yeux, une autre valeur; il est
une des dernières œuvres, sinon même la dernière, du grand
artiste ; Meissonier, en effet, mourait quelques mois après l'achè-
vemenl de ce portrait.
(Imparlial de Vlinj-le François.) Charles Tailliart,
M. Gaston Paris. — Le nouvel administrateur du Collège de
France est né, le 9 août 1839, dans un bourg de la Marne, à Ave-
nay.
C'est le fils et le continuateur de M. Paulin Paris, de ce grand
érudit dont les nombreux travaux attestent l'activité féconde et la
sincérilé scrupuleuse. D'une taille élevée, le front dégarni, la barbe
légère et grisonnante, il porte, enchâssé à demeure dans l'arcade
sourcillière, un double lorgnon aux verres épais. La figure est
intelligente et fine, la bouche souriante, la voix nette, le geste
sobre, et il y a, dans toute sa personne, beaucoup de distinction
unie à beaucoup de délicatesse, de charme et de douceur.
M. Gaston Paris est un savant, mais aimable ; un érudit lettré
qui excelle à parler avec esprit des choses sérieuses, à les relever
parfois d'une pointe d'ironie souriante ou à les égayer d'un mot
très fin et très juste, à résumer une longue controverse dans une
phrase courte et vive. Causeur plein de finesse et rie charme, il
plaît et attire par sa hardiesse à tout dire en gardant toutes les
nuances de l'équité, par la sûreté de son goût et cet art, qu'il
place si haut, de suggérer beaucoup en peu de mots.
528 MÉLANGES
C'est riiuiume du monde le plus cxaclenienl renseigné sur le
Moyen-Age. Il en sait l'hisLoire dans ses plus obscurs recoins et
jusqu'aux anecdotes. Je lui ai enlendu dire qu'il connaissait mieux
les dessous du xi" siècle que les dessus du xixc ; mais ce n'était
qu'une boutade, car, loin de se tenir à l'écart et dans la relraite,
son esprit curieux et aiguisé étudie, fouille les hommes et les
oeuvres.
Sa maison est ouverte chaque dimanche à tout ce qui compte
dans la littérature et dans la science : MM. Melchior de Vogué,
Albert Sorei, Gaston Boissier, de Hérédia. Bourget, Sully-Pru-
dhomme, Perrot, Vandai, Psichari, Gaston Deschamps, René Dou-
mic, Patinot, Cavaignac, Leroy-Beaulieu, de Nolhac, d'Arbois de
Jubainville, marquis de Chasseloup-Laubat et cent autres qu'il
serait trop long d'énumérer s'y donnent rendez-vous. On y ren-
contrait naguère, parmi les plus assidus, M. Darraesteter, mort si
jeune, et M. l'abbé Duchesne, aujourd'hui à Rome. Autrefois,
Taine ne manquait pas une seule de ces réunions et Renan y
venait presque toujours.
De la lilléralure grecque à nos décadents, en passant par la
latine, le moyen âge et les œuvres les plus diverses des écrivains
étrangers, M. Gaston Paris a tout lu, connaît tout et tout l'inté-
resse. Moins passionné pour les personnes que pour les idées il
porte sur tout des jugements nouveaux, profonds et justes où la
sincérité, la finesse, l'admiration émue et une faculté de pénétra-
tion, qui se rencontrent rarement ailleurs au même degré, don-
nent à sa parole la séduction, l'autorité, la force. Il réalise cet
idéal que Pope se traçait d'un esprit supérieur « qui peut donner
un conseil sans autre attrait que le plaisir d'instruire et sans être
orgueilleux de son savoir ; bien élevé quoique savant, et, quoique
poli, sincère ». 11 possède enfin, et pleinement, ce que Sainte-Beuve
regardait comme le signe et la marque du véritable critique ; le
don de juger à première vue, de deviner, de devancer.
« Un des charmes de M. Gaslon Paris, a dit M. Jules Lemaitre,
c'est que le culte absolu du vrai s'allie chez lui avec les plus beaux
et les plus délicats des sentiments humains. Il aime sa patrie autant
que la vérité. Ce prêtre austère de l'érudition a le cœur le plus
sensible du monde. Ce collectionneur de vieux textes a l'esprit
éminemment philosophique. Enfin, c'est par surcroît un artiste,
un poète. »
ISul n'a poussé plus loin ni plus haut, en efiet, le sentiment à la
fois doux, pénétrant, aigu de celle poésie qui se dégage des textes
vénérables, des Iradilions 1res vieilles, et lorsqu'il remue cette
poussière sacrée, on croit en voir surgir les fantômes des héros et
des peuples disparus. Puissant par la grâce, puissant surtout par
le cœur, il nous fait aimer ce qu'il aime et, selon l'heureuse expres-
sion de M. Jules Lemaitre, « son émotion, tout en se contenant,
peint son style d'une couleur charmante. »
MÉLANGES o20
Nul ne connaît mieux que M. Gaston Paris le mécanisme de
notre langue, ne l'a démonté avec plus de curiosité et de soin,
n'en a plus clairement expliqué les ressorts. Ses travaux en ont
fait un savant, un philologue presque sans rival , son goût litté-
raire et son esprit philosophique en t'ont un dilettante étroitement
mêlé aux choses et aux idées du siècle, y prenant un intérêt très
vif, les étudiant parfois avec Tindulgence un peu railleuse de l'iro-
nique résolu à ne s'étonner de rien et à ne pas trop s"indigner
même de ce qui l'attriste. S'il fait revivre nos aïeux, s'il pénètre
leurs âmes, il sait aussi comprendre et partager les sensations de
l'âme contemporaine, il s'associe aux manifestations les plus
diverses de l'esprit moderne. Il admire les robustes (lualités qui
firent la force de notre race et déguste en amateur airiusé ces
complications de raffinements qui annoncent sa décadence et [)ré-
sagent peut-être salin.
La jeunesse salue comme un de ses maîtres préférés ce membre
de l'Institut, ce professeur du Collège de France et de l'Ecole des
Hautes études. Les intelligences les plus élevées le traitent en
égal. En France et à l'étranger, M. Gaston Paris a de l'autorité
dans un monde moins grand par le nombre que par le rayoniie-
ment intellectuel et moral.
Rarement, un historien ou un critique s'est formé une opinion
plus noble du sujet même de ses éludes : « L'histoire de la litté-
rature d'un peuple, a-t-il dit, est l'histoire de sa vie morale, et
particulièrement de sa conscience nationale. » Rarement aussi, le
culte absolu du vrai fut poussé plus loin et l'esprit scientifique se
révéla plus pur.
(Figaro.) Paul Bosq.
Une AuTOBiOGRâPHib". — \'oici le texle de l'allocutiou prononcée le
dimanche 26 tnai, au banquet de ['Union rémoise dts Employés, par le
président d'tionueur, M. Victor Lambert, ancien directeur des caves de le
maison Pommery. C'est une modeste et touchante aulobiograpliie, qui a,
par cela même, une éloquente portée :
« i'ilessieurs, je vous remercie bien de l'honneur que vous
m'avez fait en me nommant président d'honneur de votre jeune
corporation, et vous souhaite bonne réussite dans cette œuvre de
bonté ; vous réussirez, messieurs, vous êtes jeunes, le cœur est
chaud, il couve le bien.
Je suis fier d'être au milieu de vous tous qui n'avez qu'une pen-
sée : Venir en aide, protéger ceux des vôtres qui sont dans le
besoin. C'est bien beau une corporation qui a pour devise :
« Aimons-nous et aidons-nous les uns les autres, » et pour con-
duire cette œuvre à bien, n'ayez qu'une seule pensée : le travail,
la persévérance et l'amour de vos maisons de commerce. C'est par
34
530 MÉI.ANoliS
ce moyen ([iie remployé devieiil p;i!ron, et je vais vous en donner
la preuve, si vous voulez bien irie le permeLlre.
Je vous demande !a permission de vous raconter l'histoire vraie
d'un ancien ouvrier. L'ouvrier en (jueslion est né à la campagne,
en 1831, de parents ayant une petite aisance, mais ne sachant ni
lire ni écrire, et ils ont donné la même instruction à leur fils; mal-
gré cela, il dix ans, le fils était enfant de chœur. Celait une bonne
note.
A ce moment, le père est obligé de vendre son bien pour payer
ses dettes ; le tout payé, il lui reste une somme de f,100 fr. et un
petit mobilier qui prit le chemin de la ville, pour aller meubler un
petit débit de la rue de la Menue-Paille.
Mais le fils est un peu orgueilleux; au lieu de suivre son père, il
prend un chemin de détour pour gagner de suite les champs afin
d'éviter ses petits camarades qu'il avait peine de quitter.
Enfin, il arrive à la ville en même temps que son père; on ins-
talle le café qui marche très bien, les tonneaux se vident leste-
ment, mais l'argent ne rentre pas, et, après onze mois passés dans
ce café, encore nulle fortune faite. Le voilà obligé de vendre, et, cette
fois, il faut se mettre au travail ; le père devient manoiuvre-maçon,
cl le (ils entre dans une maison d'apprêt. Il doit commencer sa
journée à 5 h. i/4 du matin pour finir à 8 h. 1/2 du soir : prix de
la journée, trente centimes par jour. C'est ainsi que cela se passait
en 1S4i. Après six mois passés dans cette maison, on donne au
débutant quarante centimes et la nourriture; mais il faut, après
journée faite, faire les chaussures et relaver la vaisselle des
pati'ons. Les choses marchent comme cela pendant trois ans. De
14 à 18 ans, le fils est aide voiturier do cette maison d'apprêt.
Alors vient à mourir le chef voiturier. le jeune homme prend la
place, au prix de 60 fr. par mois.
Arrivé à Tàge de 20 ans, tirage au sort, il tire le n° 24 : en
voilà pour sept ans! Mais le père, quoique pauvre, fait tout son
possible pour trouver un remplaçant, ce que l'on trouvait assez
facilement près des marchands d'hommes de l'époque, et ceci au
prix de S à 900 fr., payables par traites, à époques fixes. Malheu-
reusement, aux approches de la guerre de Crimée, les remplaçants
deviennent rares et les marchands d'hommes ne peuvent plus
remplir leurs engagements; alors le jeune homme est invité à se
rendre à Chùlons, dans le plus bref délai. Il reçoit son ordre de
départ le jour même de sa fêle de corps d'état, il quitte le bal et
sa pauvre petite danseuse, qu'il connaissait depuis l'âge de 15 ans.
Avant de partir à Châlons, le jeune homme se présente chez son
patron pour le remercier de ses bontés. Le patron était un de ces
hommes rares par leur bonté pour l'ouvrier, il dit au jeune cons-
crit : « Hé bien, tu pars sans rien demander à ton palron, qui
peut-être pourrait faire pour loi ce que ton père ne peut en ce
moment si difficile. A quelle heure dois-tu être à Châlons ? — A
MÉLANGES o31
iiiidi. — IJuclle heure est-il? — Cinq heures du iiiulin. — Ecoule-
moi hieii : prépare de suite ma voiture à deux clievaux et je pars
immédiatement à Châions, et là je le ferai remplacer.
Ne te dérange pas, fais ton petit travail ce malin, rends les tis-
sus pressés chez les fabricants, et voilà 5 fr. pour continuer la fête
cet après-midi.
Le patron a tenu parole, il a trouvé un remplaçant au prix de
900 fr. Le jeune homme est satisfait et il promet à son patron de
le rembourser dans le courant de l'année : il tint parole.
Mais nous voilà en 18o3. A un an jour pour jour, à nouveau
fête des apprêleurs. Le jeune voiturier fait son service le matin,
rentre à midi, et dit à l'employé : « Monsieur^ c'est fêle pour moi
cet après-midi. »
L'employé lui répond qu'il faut rendre des tissus pressés et qu'il
faut revenir à une heure un quart. Le jeune homme revient, pré-
pare sa voilure, prévient l'employé qu'il attend sou chargement. Il
pose pendant une heure, puis, ne voyant rien venir, il remet le
cheval à l'écurie, et vient près de l'employé lui dire : « J'ai fait
mon devoir, je me retire et vous préviens que je vous quitte à la
fin du mois. » Ceci en l'absence du patron. Le jeune homme
trouve un emploi dans une maison de laine, on lui donne 90 fr.
et 10 fr. de gratification par mois, soit -100 fr.
Le jeune homme reste dans celte condition jusqu'au mois de
février 1855. A cette date, le négociant en laines fait part à son
personnel qu'il se relire des affaires. N'ayant qu'un fils, il peut
vivre tranquillement. En effet, homme bon et très modeste, il n'en
demandait pas plus et en se letirant des allaires, il dit à ses
employés : « Je liquide et vous prie de chercher place, libre à
vous de quitter aussitôt que vous aurez trouvé un emploi ; je vous
donne à tous six mois de voire traitement.
Tous les employés réussissent à se caser. Seul, le jeune homme
en question à qui le patron a dit : « Jeune homme, ne vous enga-
gez pas avant de me dire chez qui vous allez », n'avait rien trouvé
encore lorsque son patron vint lui dire : « Je croyais me retirer
des affaires, et je vois que cela n'est plus possible, je vais avoir un
deuxième enfant et je vous préviens que je reprends une petite
marque de Champagne, et, si vous le voulez, vous pouvez rester
avec moi, je vous donnerai au vin le même prix que vous aviez
aux laines. »
Le jeune homme est resté avec son bon patron. Mais, hélas !
pas longtemps, car l'année suivante, ce brave homme était enlevé
à l'affection des siens ; à peine a-t-il connu son deuxième enfant.
Mais heureusement sa veuve, femme aussi énergique que bonne,
a continué les atfaires, et à force de travail, a fondé une maison
de vins de tout premier ordre. C'est dans cette maison que le
jeune homme d'autrefois est arrivé au grade de directeur des
caves, intéressé de la maison. Retiré du travail, après quarante
532 MÉLANGES
années passées dans ladite maison, il vil tranquillement, ayant
toujours le meilleur souvenir de sa bien regrettée patronne.
Voilà, Messieurs, comme l'ouvrier arrive. .Mais, encore, lui faut-il
rencontrer de bons patrons. »
*
Les Vins de CHàMPAGNE. — Le Figaro consacrait, le 12 février dernier,
un grand supplément de douze pages aux « Vins de Champagne ».
Ce sufiplémenl illustré traitait de la manutention, faisait l'historique du
vin de Champagne, publiait quelques données sur notre commerce e', enfin,
présentait aux lecteurs quelques-unes de nos grandes marques
La plupart de ces renseignements sont connus ici par le menu. Néan-
moins, nous trouvons dans ce travail un article d'ensemble qui sera lu
avec intérêt — même par ceux qui connaissent le mieux notre riche
vignoble et ses inimitables produits.
De la mannleniion et des opérations diverses des vins
de Cliantpagnc.
On se fait généialement dans le public une fausse idée de la
préparation du vin mousseux de Champagne. Bien des légendes
erronées et grossières ont cours à ce sujet, aussi convient-il de
les réduire à leur juste valeur. Nous allons donc passer en revue
les diverses opérations qui constituent la manutention du vin de
Cliampagne.
Les Raisins. — Le vin de Champagne n'est point un vin de
raisins blancs, comme on pourrait le penser au premier abord ;
une faible partie du vignoble champenois, un quart environ, est
plantée en raisins blancs; les trois autres quarts le sont en raisins
noirs.
Les raisins ne sont jamais foulés aux pieds, mais écrasés méca-
niquement au moyen d'excellents pressoirs. On sépare immédia-
tement le moût de la grappe et de la peau, qui contient les
matières colorantes et l'on obtient un liquide à peine teinté, qui
devient parfaitement blanc, après la première fermentation.
La Vendange. — Il est difficile de se faire une idée exacte du
soin avec lequel se fait la vendange en Champagne; les grappes
sont détachées une à une, sans froissement, choisies d'après leur
maturation, épluchées même dans beaucoup de localités et chaque
jour écrasées sans délai sur le pressoir.
Le produit du pressurage, opération renouvelée à trois reprises
différentes, constitue le vin de cuvée; c'est ce vin qui présente les
qualités requises pour être employé en vins mousseux. Les vins
que l'on obtient par les pressurages subséquents forment ce qu'on
appelle les vins dcvsuite, mais leur qualité, de beaucoup inférieure,
ne permet pas de leur donner la même destination.
La FcrmenUUion. — A peine le vin s'est-il écoulé du pressoir,
(ju'il est mis dans des futailles expédiées par les acheteurs et véri-
MÉLANGES 5'.->3
fiées avec un soin méliculeus; quelques jours après, la fermenta-
tion s'établit et transforme le liquide sucré ou « moût » obtenu
par le pressurage en liquide alcoolique et acidulé qui dès lors
prend le nom de « vin ». Un soutirage sépare alors la lie qui s'est
formée au fond des pièces, du vin qui devient parfaitement lim-
pide dès l'apparition des premiers froids.
Les Recoupages ou Assemblages. — Pendant les mois de janvier
et de février, le négociant mélange entre eux, dans des foudres
d'une certaine capacité, les différents crus de la Champagne
achetés aux vendanges. L'expérience a démontre que, pour
obtenir un vin parfait, il faut mélanger les vins de diverses pro-
venances dans certaines proportions. On se guide pour ces recou-
pages d'après les qualités de la récolte qui vient d'avoir lieu et les
caractères particuliers des crus désignés plus haut.
Les Réserves. — On peut mélanger, en vue du tirage qui va
suivre, les vins d'une seule année. Habituellement, on ajoute à
ces derniers des vins de réserve datant des récoltes antérieures;
grâce à eux, on améliore souvent les vins de Tannée et on main-
tient ainsi les types des cuvées précédentes, ce qui rend pour le
consommateur les transitions imperceptibles.
La Cuvée. — Quand on a composé un tout homogène et har-
monique, que les bouquets ont été combinés, se sont améliorés et
complétés les uns par les autres, et que le chef de la maison lui-
même après la dégustation a arrêté les bases de l'opération, la
cuvée est formée.
Le Tirage on la Mise en bouteille et la Prise de mousse. —
Dès que le printemps met la sève en mouvement, on procède à la
mise en bouteilles. Les bouteilles sont rincées avec un soin méti-
culeux, remplies, bouchées hermétiquement au moyen d'un outil-
lage spécial. On les emmagasine ensuite dans de vastes caves dans
la position horizontale. Ici, une explication est nécessaire.
Il faut remonter à l'an 1746 pour trouver les premiers essais
industriels du tirage (mise en bouteilles du vin de Champagne
mousseux) qui ne furent pas heureux. Une casse eifroyable se
déclarait généralement à la prise de mousse. On n'avait aucune
donnée sur la production de la mousse et l'on s'en rapportait à la
dégustation pour savoir si le vin contenait assez ou trop de sucre
au moment du tirage. Enfin en 1836, un chimiste distingué de
Châlons-sur-Marne, M. François, après de nombreuses expériences,
parvint au moyen du gluco-œnomètre (flotteur de verre imaginé
par Cadet Devaux), et en faisant évaporer la partie alcoolique d'un
volume donné de vin, à déterminer exactement la quantité de
sucre que doit contenir le vin de Champagne lors de la mise en
bouteilles pour produire une belle mousse.
Nous avons donc, au moyen du gluco-œnomètre, évalué exacte-
ment la quantité de sucre naturel existant dans le vin avant la
mise en bouteilles; si cette proportion n'était pas assez forte.
5!^i MÉLANGES
nous avons ajouté une quantité calculée de sucre candi pure canue ;
notre vin est en bouteilles. L'élévation de la température d'une
part, de l'autre, l'évolution naturelle des ferments, qui se produit
au moment où la végétation prend son essor dans la vigne, font
naître une fermentation active par laquelle les sucres originaires
ou ajoutés se transforment en alcool et en gaz acide carbonique.
Ce gaz, par suite du bouchasse hermétique, ne peut s'échapper, il
reste en dissolution dans le liquide et forme la mousse.
En cet état, le vin est dit brut; il serait presque imbuvable;
l'âge seul, en faisant disparaître une partie de son acidité, lui
rendrait ses qualités premières; il importe de remplacer ce sucre
disparu, et voici comment on y procède.
La Mise sur pointe. — La fermentation qui a développé la
mousse a donné naissance à un dépôt qu'il faudra extraire. A cet
effet, dès que le séjour en cave aura été suffisant pour que le
vin soit presque arrivé à maturité, on procède de la manière sui-
vante : les bouteilles sont mises sur pointe, c'est-à-dire placées la
tête en bas sur des tables-pupitres percées de trous et inclinées à
60 degrés; chaque jour, pendant six semaines ou deux mois, elles
sont remuées légèrement en leur imprimant un déplacement cir-
culaire par un mouvement sec et précipité. Peu à peu le dépôt
finit par tomber sur le bouchon.
Le Dégorgement. — Le dépôt qui se forme dans le vin se
trouvant accumulé sur le bouchon, le liquide est devenu d'une
limpidité absolue. L'ouvrier prend alors la bouteille et la tient de
la main gauche, toujours dans la position renversée, tandis que
de la main droite, avec un crochet, il fait sauter l'agrafe qui
retient le bouchon. Celui-ci, étant aussitôt attiré à l'aide d'une
pince et poussé par la mousse, soit de la bouteille avec explosion,
entraînant le dépôt au moment précis où l'ouvrier relève légère-
ment la bouteille.
Le Dosage. — Nous arrivons au dosage, opération la plus
importante après la composition de la cuvée. Par suite de la fer-
mentation dans la bouteille, le vin a presque complètement perdu
son sucre naturel et est devenu à peu près imbuvable. On intro-
duit donc, dans chaque bouteille, une certaine quantité de liqueur
faite uniquement avec du sucre de canne le plus pur, de toute pre-
mière qualité, dissous dans du vin de Champagne vieux, de qua-
lité hors ligne, provenant des premiers crus.
Telle est la liqueur qui sert à donner au vin mousseux de Cham-
pagne le degré de douceur qui lui convient, suivant les pays aux-
quels on le destine et où l'on peut préférer des vins plus ou moins
doux ou des vins plus ou moins secs. Ce n'est donc pas une sauce
dans laquelle entrent des mixtures sophistiquées, comme ont bien
voulu l'inventer certains concurrents de la Champagne, dans le
but de jeter la déconsidération sur les vins de la contrée cham-
penoise.
MÉLANGES ^35
La dose de sucre la plus considérable est destinée à la Russie;
elle est un peu moindre pour l'Allemagne, la France et la Bel-
gique; elle est réduite encore pour les Etals-Unis; eniui en Angle-
terre, on envoie un vin à peine sucré, sec et très sec^ dry et extra
dnj ; on y consomme aussi beaucoup de vin brut, c'est-à-dire sans
aucune liqueur.
Le Bouchage et le Ficelage. — La bouteille est ensuite rebouchée
avec un bouchon neuf, de qualité supérieure, pour éviter la déper-
dition du gaz. Le bouchon préalablement marqué à feu au nom
de la maison est fixé tantôt avec ficelle et fil de fer, tantôt avec
des systèmes différents, suivant le choix des expéditeurs.
L'Habillage, l'Emballage et l'Expédition. — Dès que la bou-
teille est revêtue de son étiquette, de sa feuille d'étain, de sa cap-
sule brillante ou de sa cire, elle a parcouru les étapes qu'elle avait
à franchir. Suivant les habitudes et les obligations imposées par
les destinations diverses, la bouteille est enveloppée de papier et
de paille et enfermée dans des caisses ou des paniers de dimen-
sions variables.
Voilà donc la bouteille de vin de Champagne dans sa resplen-
dissante toilette; mais, depuis le moment o\x elle est sortie de la
verrerie jusqu'à celui où elle est placée dans une caisse ou un
panier à votre adresse, elle a passé successivement, on ne le
croirait pas, lecteurs, cependant c'est la vérité, par les mains de
quarante-cinq ouvriers. Et maintenant, bouteille enchantée, va
répandre la gaieté et l'esprit dans le monde entier!
La Verrerie et les Doiiclions. — Le commerce des vins mous-
seux de Champagne n'emploie que des bouteilles spécialement
fabriquées pour ses besoins par un certain nombre de verreries
établies dans les déparlements de la .Marne, de l'Aisne et du Nord.
— Les bouchons, d'essence particulière et payés un haut prix, sont
de provenance espagnole. La Catalogne trouve eu Champagne un
important débouché pour ses meilleurs choix de liège.
Les Ouvriers. — Le travail des vins mousseux de Champagne
occupe dans le département de la Marne un nombre important
d'ouvriers. Les qualités de moralité et de sobriété de ces ouvriers,
leur amour pour leur métier, leur attachement à leurs patrons sont
connus de tous. Des Sociétés de secours mutuels, dont les chefs de
maison tiennent à honneur de faire partie, les unissent entre eux
et se développent chaque jour. Silva et du Moulin.
La genèse du vin de Champagne. — Les falsifications.
Le Champagne, ce délicieux vin qui pétille sur nos tables, pour
la plus grande satisfaction de l'œil et le régal de l'estomac, est un
produit français par excellence, unique et ininutable, dont le.s qua-
lités sont dues, non à des artifices, mais à la nature particulière
du sol, à ses fins cépages et à la situation géographique de l'an-
cienne province de Champagne. Exporté dans toutes les parties
;j;^t) MÉLANGES
du monde, il est des plus appréciés et des plus aimés. La Cham-
pagne lui doit sa richesse et sa renommée universelle; chanté en
prose et en vers par tous les poètes et écrivains, il a fait le tour
du monde.
Le vin de Champagne est un vin aristocratique, aimable et gai,
c'est le vin des bonnes compagnies; c'est le via des dames, c'est le
vin de l'espérance, de l'amour et de l'amitié...
La plantation des premières vignes de la Champagne remonte à
une très haute antiquité. D'après les historiens locaux, l'empereur
romain Probus occupait, en temps de paix, ses troupes à replanter,
aux environs de Reims et de Châlons, les vignes qui avaient été
détruites par ordre de Domitien. 11 y en avait certainement du
temps de saint Remy, archevêque de Reims, car, dans son testa-
ment daté de l'an 530, il lègue au clergé de son diocèse quelques
arpents de vignes. Dans une lettre adressée au ixe siècle par Pardule,
évoque de Laon, à Hincmar, archevêque de Reims, il fait mention
des qualités parliculières du vin provenant des vignes champe-
noises.
Au xi^ siècle, le pape Urbain II, qui était d'ailleurs champenois,
se faisait expédier du vin d'Ay; i! le mettait au-dessus de tous les
vins du monde.
Au XII* siècle, nous voyons le poète d'Andely faire l'éloge des
vins de Champagne, et le préférer au vin d'Argenteuil, alors très
apprécié. Le vin de Champagne, à cette époque, était encore peu
abondant. Cependant, en 1328, au sacre de Philippe VI, de Valois,
la cour et les habitants de Reims consommèrent, paraît-il, environ
trois cents pièces de vin des coteaux champenois.
Ce n'est guère qu'au xiv'' siècle que la plantation des vignes se
fit en Champagne sur une grande échelle, les vins champenois
« rouges et gris « étant jugés dignes de figurer sur la table des
rois. Ces excellents « vins paillés » ou « vins gris » furent bien
vite appréciés de tous les gourmets et jouirent d'une vogue incon-
testable.
L'empereur Sigismond, en 1410, s'arrêta à Ay pour goiiter sur
place le vin célèbre de ce cru.
La réputation des vins de Champagne devint telle que les plus
puissants souverains de l'Europe : Charles-Quint, Henri VIII, roi
d'Angleterre, François le'' et le pape Léon X lui-même, avaient
acquis des vignes à Ay. Henri IV prenait le titre de sire d'Ay, et
l'on montre encore aujourd'hui l'emplacement qu'occupait son
pressoir dans cette capitale du vignoble.
Plus tard, apparaît parmi les fervents des vins champenois, un
autre personnage illustre, le roi de Bohême Wenceslas VI, qui
rendait royalement justice à la supériorité des vins de la Cham-
pagne, au point même, disent les chroniqueurs du Moyen-Age, de
perdre quelquefois la notion des lois de l'équilibre.
Le vin de Reims, au xvi« siècle, tient la corde avec le vin de
MÉLANGES 537
Beaune. On le vend 7o livres la queue, mesure équivalente à deux
pièces d'aujourd'hui, un joli prix pour l'époque.
Plus nous avançons, plus nous voyons s'accroître son succès;
c'est encore lui qui est offert aux sacres des rois François II,
Charles IX, Henri lll, Louis XIII.
Mais, à cette époque, c'était encore un vin non mousseux et ce
n'est que vers la fin du xvii« siècle qu'apparaît la « mousse » qui
devait transformer le Champagne, et moins de deux siècles après,
lui donner ses grandes entrées dans toutes les parties du monde.
En effet, vers 1G70, une révolution s'opéra dans la production
de la Champagne à la suite de la découverte de Doni Pérignon,
moine cellérier de l'ahbaye d"Hautvillers près Epernay, qui trouva
le moyen de rendre le Champagne mousseux et substitua le bou-
chon de liège aux tampons de chanvre imbibés d'huile dont on se
servait jusqu'alors.
Sa découverte était basée sur la remarque que les vins du pays,
au printemps qui suivait la vendange, accomplissaient une nou-
velle fermentation. Cette disposition spéciale était alors considérée
comme inhérente aux vins des coteaux champenois, mais elle
n'était que la conséquence de la position climatologique d'un
vignoble où les froids suivent de trop près la récolte pour que la
fermentation, le bouillage des moûts soit complète.
Dom Pérignon possédait, dit-on, des connaissances vinicoles de
premier ordre; nous savons qu'il possédait un palais au goût
infaillible : en dégustant une grappe de raisin, il savait à quel cru
appartenait le cep qui l'avait portée. . . Son nom, qui fut même
pris pour un cru champenois, est resté populaire. Un autre moine,
Dom Oudart, cellérier de la maison que l'abbaye de Saint-Pierre
de Châlons possédait à Pierry, fit faire également de nombreux
progrès à la fabrication des vins mousseux de la Champagne.
En résumé, le vin de Champagne mousseux vit pour la première
fois la lumière du jour vers les dernières années du règne de
Louis XIV; ce grand roi, qui se connaissait en bonnes choses,
avouait sa préférence pour le vin d'Ay.
A partir de cette époque, le Champagne acquiert une grande
vogue. Une réunion de joyeux viveurs, fort connus à la cour de
Louis XIV, l'adopta et surtout le consomma avec une ferveur sans
exemple. L'ordre des Coteaux n'admettait à ses fêtes que les vins
d'Ay, d'Hautvillers, d'Avenay, de Verzenay, de Sillery, de Taissy.
« Il n'y a pas, écrivait Saint-Evremond, l'un des profès, de pro-
vinces qui fournissent de plus excellents vins pour toutes les
saisons que la Champagne. »
Le vin de Champagne eut pour parrain le duc de Vendôme, que
le marquis de Sillery, gentilhomme du cru, avait conquis dans un
souper resté célèbre, et pour protecteur le Régent; il semble être
né tout exprès au seuil du xviu' siècle. Il était bien fait pour sa
légèreté insouciante et rieuse, pour sa gaieté spirituelle; ses explo-
538 MÉLANGES
sions accompagnèrent les derniers éclals de rire de la plus belle
cour du monde : ce fut la musique au son de laquelle elle dis-
parut.
La renommée universelle des vins de Champagne devait fatale-
ment leur susciter des contrefacteurs : c'est ce qui s'est produit en
Anjou, où, pour donner le change aux consommateurs, on n'a pas
craint d'appeler Champagne de simples vins de Saumur.
Le commerce régulier des vins de Champagne, groupé presque
entièrement en une Association syndicale, dont le siège est à
Reims, a protesté contre cet abus, et par plusieurs arrêts, rendus
par les Cours d'Angers, de Paris et la Cour de cassation, a fait
consacrer souverainement ce principe, désormais incontestable,
que « seuls les vins mousseux récoltés et manutenlionnés en
Champagne peuvent éii e désignes soiis le nom de celte province. »
Donc, aujourd'hui, la jurisprudence est détinitivement fixée, et
tous ces concurrents déloyaux devront à l'avenir se contenter,
pour leurs prétentieux liquides, de la dénomination, plus modeste,
de vins « mousseux ».
Voilà la genèse du vin de Champagne. Ses qualités inhérentes
en font un vin unique, un vin que nul subterfuge, qu'il vienne de
l'Etranger ou même d'autres provinces de la France, ne saurait
à aucun titre surpasser ou égaler.
Nous pouvons dire en toute sincérité à nos nombreux lecteurs,
que si la Faculté déclarait solennellement, d'accord avec les con-
naisseurs les plus distingués du grand siècle dernier, que les vins
de Champagne étaient non seulement les meilleurs, mais encore
les plus salutaires de tous les vins du monde, c'est aujourd'hui
l'univers entier qui proclame sa grande supériorité et ses qualités
inimitables. C'est le produit naturel de l'important vignoble de
l'ancienne province de Champagne, qui est le plus éclatant fleuron
de la couronne que l'agriculture ceint au front de la France du
Nord-Est. Que les gourmets, que les amateurs, que tous les
buveurs de véritable Champagne soient rassurés : nos vins de
Champagne sont aujourd'hui ce qu'ils étaient hier; ils sont toujours
la propriété exclusive de la Champagne et. tant qu'il plaira à Dieu,
tant que le monde sera monde et que le soleil dorera de ses rayons
les vignobles champenois, la Champagne restera toujours digne
de sa vieille renommée. Oui, quoi qu'on dise, quoi, qu'on fasse,
soyez persuadés, lecteurs, que ce n'est pas encore demain qu'on
verra pâlir sa fière et radieuse devise :
« Passe avant li mcillor ! »
Malheureusement, les contrefaçons et imitations pourchassées
d'un côté ont trouvé une issue d'un autre : elles ont pris la route
de la Champagne même. Quelques manipulateurs, qui se sont ins-
allés dans les centres du commerce champenois, font mousser
artilicieusemenl certains vins blancs de qualités inférieures, pro-
venant de départements vinicoles étrangers à la Champagne. Ces
MÉLANGES 0^9
honnêtes industriels ne se font aucun scrupule de livrera la con-
sommation ces « champagnes illusoires » (saute-bouchons) sous le
nom usurpé de « Champagne » ou « Vins de Champagne ». Grâce
à cet habile stratagème, ils évitent toute poursuite.
Mais ce genre de trafic, bien que très blâmable, est trop insi-
gnifiant pour qu'il puisse compromettre la dignité et la loyauté
du commerce des véritables vins de Champagne, qui a toujours
eu à cœur de maintenir haut et ferme sa vieille réputation.
Nous croyons rendre service à nos nombreux lecteurs en les
mettant en garde contre ces fraudes, et en empêchant le goût des
consommateurs de se pervertir.
Si vous voulez du vin de Champagne bon et authentique, — celui
qui fait la gloire de notre industrie nationale, — et à un prix rai-
sonnable, adressez-vous toujours au commerce régulier de la
Cbampagne, mais choisissez les vieilles et honorables maisons, et
nous n'en exceptons aucune, qui se recommandent par une longue
expérience et un passé irréfutable.
Le vignoble de la Champagne. — Les concurrents.
Le phylloxéra.
Nous avons dit que le vin de Champagne authentique est le
produit naturel de l'important vignoble du département de la
Marne : une surface de 16,000 hectares, valant 124 millions de
francs, est consacrée dans ce département à la culture de la
vigne.
L'arrondissement de Reims compte à lui seul près de 7,000 hec-
tares, celui d'Epernay, o,000 ; ceux de Châlons, de Vitry-le-Fran-
çois et de Sainte-Menehould se partagent le reste. La population
viticole de la Champagne est de 2o,000 vignerons. La culture de
la vigne dans le département de la Marne, et surtout dans cer-
taines localités à crus renommés, »;omporte des procédés d'un
raffinement excessif, qui compliquent singulièrement la main-
d'œuvre et la rendent fort coûteuse; le prix de celte main-d'œuvre
s'élève annuellement à 1,300, 2, 000 et jusqu'à 2,500 fr. par hectare.
Le vignoble de la Champagne peut se diviser en trois parties :
la montagne de Reims où l'on trouve les crus célèbres de : Yeny,
Verzenay, Sillery, Mailly, Rilly, etc., dont les qualités dislinclives
sont la vinosité et la fraîcheur; Bouzy, Amboanay, etc., avec le
corps moelleux et le parfum pénétrant; la côte d'Avize, spéciale
par ses vins blancs, où sont situés les fameux coteaux de Cramant,
Avize, le Mesnil-sur-Oger, Grauves, Cuis, etc., au sud d'Lpernay,
auxquels on reconnaît une grande finesse et une exquise délica-
tesse ; et enfin la vallée de la Marne avec Ay, Mareuil, Cham-
pillon, Hautvillers, Pierry, Dizy, Epernay et Cumières, tous crus
de raisins noirs à l'incomparable bouquet.
11 est à remarquer que cette grande finesse des crus, dont nous
venons de citer les noms, dépend absolument de la nature spé-
540 MÉLANGES
ciale de la terre, du sol crayeux et des soins minutieux apportés à
la culture de la vigne qui, conabinés avec les espèces spéciales de
cépages employés par les viticulteurs champenois, donnent aux
vins de la Champagne leur cachet particulier de finesse, de fraî-
cheur et d'élégance qui ne saurait se rencontrer dans les vins
mousseux produits par d'autres contrées.
Les seuls vins utilisés par le commerce de la Champagne sont
ceux que fournissent les arrondissements de Reims, Epernay et
Châlons. Leur production annuelle s'élève en moyenne à 400,000
hectolitres, dont la plus grande partie est convertie en vins mous-
seux de Champagne. Le surplus fournit du vin rouge qui se con-
somme presque entièrement dans la contrée champenoise même.
Mais la production des vignes de la Champagne est-elle bien au
niveau des besoins du commerce? Pour les besoins de leur cause
et dans un intérêt de concurrence, certains producteurs de vins
mousseux d'autres contrées ont jeté le doute sur ce point. Des
bruits malveillants ont été répandus sur l'abaissement de la
qualité des vins de la Champagne, sur la diminution du vignoble
champenois et sur les ravages du phylloxéra. Le vin de Cham-
pagne authentique, n'en déplaise à ses concurrents peu scru-
puleux, n'a point cessé d'être digne de la faveur générale. Un
simple rapprochement de chitfres^ absolument indiscutables, suffît
pour faire justice de ces hardis mensonges; il résulte, en etTet, des
relevés olficiels fournis par la régie et recueillis par la préfecture
de la Marne, que, sur une moyenne de 400, OUO hectolitres récoltés
annuellement en Champagne, le commerce de cette contrée n'en
a jamais livré à la consommation une quantité supérieure à
25,776,194 bouteilles, soit 206,209 hectolitres, et c'est là le chiffre
le plus élevé qui ait jamais été atteint.
Malgré des inégalités de récoltes très grandes, explicables par
des événements climatériques qu'il zi'est au pouvoir de personne
d'éviter complètement, le vignoble champenois a produit pendant
les deux dernières années, 1893 et 1894, la quantité énorme de
1,133,993 hectolitres. Au surplus, ce qui prouve surabondamment
l'excédent de la production du vignoble champenois, par rapport
aux besoins auxquels il est appelé à pourvoir, c'est le chiffre con-
sidérable des réserves dont la Régie constate l'existence dans les
caves de la Champagne.
Or. les expéditions, tant en France qu'à l'étranger, sont de 24 à
25 millions de bouteilles. On peut donc conclure^ d'après cette
statistique officielle, que la production des vignes de la Cham-
pagne est trois ou quatre fois supérieure aux besoins de la con-
sommation.
Elle phylloxéra? Certains concurrents intéressés cherchent mali-
gnement à établir dans l'opinion que le magnifique vignoble de la
Champagne est complètement envahi par le terrible fléau. Ici
encore, la statistique seule suffit à faire la lumière et à rassurer la
consommation :
MÉLANGES 541
Il a été arraché eu 1892 rOT'SO
— 1893.... a-U'e-z
— 1894 r90*
Soit au total ... 6"02"2l de vignes détruites
sur une contenance de 16,000 hectares que compte le département
de la Marne, et que des plantations nouvelles, évaluées à plus de
oOO hectares, augmentent encore d'année en année.
Supposons même que les ravages du phylloxéra s'aggravent
subitement, et qu'au lieu de quelques parcelles, nous voyions des
centaines d'hectares compromis, les approvisionnements des négo-
ciants de la Champagne, qui représentent, comme nous l'avons
déjà dit plus haut, trois à quatre années d'avance, permettraient
de parer au désastre, de répondre quand même aux demandes de
la consommation, et d'attendre que les vignes détruites soient
reconstituées.
En ce qui concerne la qualité des vins de Champagne, tous les
connaisseurs sont là pour dire qu'elle n'a pas changé; car, quelles
que soient à cet égard les illusions intéressées de ses concurrents,
ils ne sauraient les l'aire partager par le public qui saura toujours
distinguer les vrais vins de Champagne, des vins mousseux des
autres contrées.
Le commerce des inns mousseux de Champagne. — Les contre-
façons. — Des droits de douane sur les viJis de Cliamparine.
— Une richesse nationale. — Appréciation d'un de nos maitrcs
vilicutleurs sur le vin mousseux de Cliampagne.
Si nous mettons en regard de cette production, les chiffres offi-
ciels des expéditions de bouteilles de Champagne, dont les relevés
sont fournis par la Régie et publiés annuellement, d'avril à avril,
par la Chambre de commerce de Reims, nous voyons qu'elles se
sont élevées :
FRANGE ÉTRANGER TOTAUX
Bouteille?. Bouteille?. Bouteilles.
En 1844-45 2.2o5.43S 4.380.214 6.633.652
En 1890 91 4.. 077. 083 21.699.111 25.77ti.l94
En 1891-92 4.558.881 19.685. Il5 24.243.996
Eu 1892-93 4.4.87.53'. 16.000.678 21. 08??. 213
Eu 1893-94 4.876.518 17.:!59.349 22.233.867
On le voit, malgré les nombreuses et scandaleuses contrefaçons
et imitations contre lesquelles le commerce régulier des vins de
Champagne a à lutter sans cesse, notamment en Californie, en
All(?inagne, en Autriche-Hongrie, en Russie, en Italie, en Suisse,
etc., et en France même, sa supériorité se maintient et se déve-
loppe d'année en année, et le vin de la contrée champenoise reste
toujours placé au premier rang des produits vinicoles de la France.
Le vin de Champagne mousseux s'exporte dans tous les pays du
monde; mais les contrées qui en consomment le plus sont l'An-
542 MÉLANGES
gleterre, les EtaLs-Unis d'Amérique, l'Alieaiagiie, la Russie, la
Belgique, les Indes, el.c. Toutefois, l'imporLance des exporlalions
se ressent assez sérieusement des tarifs de douane excessifs
auxquels ils sont soumis aux Etats-Unis, en Russie, en Allema-
gne, etc.
C'est aux Etals-Unis, et particulièrement en Russie que les vins
de Champagne sont frappés du droit de douane le plus élevé que
nous connaissions : 4 fr. 76 par bouteille, et aux Etats-Unis 3 fr. 50
par bouteille. Ces pays prétendent ainsi proléger leur fabrication
indigène de vins de Champagne, — nous voulons dire leurs « vul-
gaires mousseux » — ainsi que l'œuvre des contrefacteurs auxquels
ils permettent d'usurpeu', sous le couvert de lois complaisantes, le
nom de la Champagne et jusqu'à celui de plus grands crus, qui en
font la gloire et la juste renommée.
Comme s'il était possible de faire du Champagne authentique
avec d'autre vin que celui que produisent les vignobles de la
Champagne!
Notons encore que l'exportation annuelle des produits de la
Champagne représente en moyenne une valeur de 100 millions
de francs environ, dont elle rend l'étranger tributaire de la
France, sans que, sur cette somme, elle ait autre chose à lui res-
tituer que le liège fourni par l'Espagne.
Et maintenant, lecteurs, si vous voulez l'explication de la faveur
dont jouit le vin de Champagne, écoutez i'émineut docteur Jules
Guyol, parlant à la page 383 de son intéressant ouvrage sur les
vignobles de la France, édité il y a plus de vingt ans, c'est-à-dire
à une époque où l'absence de concurrence déloyale donnait à ses
observations une portée scientifique plutôt que le sens d'une
réclame qu'on lui prêterait aujourd'hui :
« Le département de la Marne est le seul en France qui pro-
« diiise cette merveilleuse boisson avec tontes ses perfections sen-
« suelU'S et surtout hygiéniques. Tout le monde sait quels etïorts
« ont été vainement tentés dans tous les vignobles, et même dans
« tous les laboratoires de chimie pour la reproduire avec tout ou
(( partie de ses qualités. On peut tromper et être trompé facile-
« ment sur la nature et l'origine d'un vin blanc riiousseux ; mais
« personne n'imitera le vin de Champagne., s'il n'emprunte les
« fi7is cépages, le climat et le sol de la Marne, et personne n'en
« ressentira tous les bienfaits, si ce vin n'est pas le produit de
« ces trois conditions.
« Assurément, l'industrie des propriétaires et des négociants
« champenois a su le rendre plus ou moins agréable, le ntettre
a plus ou moins au goût de chaque peuple: mais elle n'a pu lui
« donner aucune autre qualité hygiénique que celle qu'il possède
« naturellement en lui-même, et indépendamment du sucre et des
« eaux-de-vie qu'on peut y joindre pour en corriger la verdeur ou
« la faiblesse; la seule amélioration fondamentale qui soit due à
MELANGES b43
« riiiduilric est celle du recoupaijc, c'est-à-dire iaddiUoii de
« vins naiiivcls des grandes années aux vins naturels des pUites
« années du même déparlcment.
« Je n'entends pas diminuer ici la part qui revient à l'industrie
« et au commerce champenois dans le grand succès el la légitime
« réputation de ce vin précieux; je me hâte, au contraire, de pro-
oc clamer que, mettant k profit ses belles qualités, ils ont su cor-
« riger les défauts qui l'auraient fait repousser. Ce que je tiens à
« bicji faire comprendre, c'est que ce vin pur porte en lui-
« même toutes ses propriétés spéciales et qu'aucun autre vin,
« ni de Bourgogne, ni de Bordeaux, ni de Touraine, ni d'aucune
« autre province, n'a pu et ne pourra le remplacer. »
C'est la vérité même! Notre beau via de Champagne est inimi-
table, et certes, devant une telle appréciation l'honnêteté doit
s'incliner. N.-E. Legraînd.
Les grandes maisons de Vins de Champagne.
Moèt el Chandon, maison fondée en 1743; Chandon et Cie,
successeurs, Epernay.
'Dès sa fondation, nous pourrions dire avant le chitîre officiel de
1743, date relevée des anciens livres de la maison Moët et Chandon,
Claude Moët (1683-17C0) envoyait au loin les produits de ses vignes
de Champagne dont la réputation à Varsovie, Berlin. Bruxelles,
Amsterdam, était déjà en 1710 bien établie. En 1790, M. Jeanson,
un des agents de la maison en Angleterre, écrivait: « Comme le
goût de ce pays (Angleterre) a changé depuis dix ans. . . On nous
demande presque partout du vin sec, mais en même temps si
vineux et si fort que je ne vois guère que le vin de Sillery qui
puisse donner satisfaction. »
On croirait lire une lettre de 189o. — Comme autrefois, MM. Moët
et Chandon — Chandon et C'^, successeurs — sont à même de
répondre aux demandes les plus exigeantes. Les vignes de leurs
ancêtres ont été soigneusement entretenues, améliorées et consi-
dérablement augmentées.
Comme jadis, MM. Moët et Chandon sont restés les proprié-
taires de vignes les plus importants de la Champagne, notamment
dans les crus si renommés d'Ay, Cramant, Bouzy, Verzcuay, Haut-
villers, Cumières, Le Mesnil, Epernay, Sillery, etc. . . Quatorze ven-
dangeoirs ou établissements spéciaux pour la cueillette et le pres-
surage des raisins, situés dans ces différents crus, fonctionnent
annuellement pour emplir les 12 millions de bouteilles et les
20,000 hectolitres de vins de réserve nécessaires à l'alimentation
de leurs énormes caves taillées dans la craie. La longueur de ces
souterrains est de plus de quinze kilomètres — ils représentent
une superficie de 70,000 mètres. Le commerce de vins de Cham-
pagne si frappé à l'heure actuelle de droits écrasants par tous
les Etats, y compris ceux de la mère Patrie, voit son existence
h44 MÉLANGES
en péril; ce commerce, dit de luxe, fait pourtant vivre une
foule de gens, auparavant se suffisant à peine. La maison Moët et
Chandon, pour ne citer qu'un exemple, emploie pour ses vendan-
ges plus de 4,000 personnes. Des villages entiers, conduits par
leurs maires, émigrent des confins de la Lorraine pour venir
cueillir les raisins en Cliampagne. Les chariots traînés par les
mulets, qui serviront à transporter les paniers de raisins aux
pressoirs, amènent ces villageois vendangeurs dans les localités
que MM. Cliandoii leur ont désignées à l'avance. Là, de grands
dortoirs les abritent pendant loul le temps de la vendange. Une
fois la cueillette terminée, les mômes voitures reconduisent ces
braves gens chez eux, nantis d'un gain qui les entretiendra jusqu'à
l'année suivante.
Faut-il citer les 1,200 vignerons et les milliers d'ouvriers
employés par la maison iMoét et Chandon à la mise en bouteilles
et au travail des vins?
On a peine à se figurei" le nombi'e de [)ersonnes qu'il faut pour
confectionner la ficelle, les bouchons, les bouteilles, les étiquettes,
les caisses, les paniers d'emballage, nécessaires aux deux millions
et demi ou trois millions de bouteilles sortant tons les ans des
établissements de M.M. Chandon et C». Le commerce des vins de
Champagne fait appel aux inventions les plus modernes 11 était
difficile et même dangereux d'éclairer au gaz les caves de Cham-
pagne ; aussi était-on réduit à se servir de lampes à pétrole et
surtout de l'antique et vénérable chandelle. . .
Dès que réleclricilé put être pratiquement appliquée, la maison
Moél et Chandon n'a pas hésité à en faire usage. Non seulement
ses caves sont brillamment éclairées, mais encore de puissantes
machines dynamos actionnent des pompes, des monte-charges,
réfrigérateurs, etc..
Le progrès dans la maison Moèl et Chandon n'est pas confiné à
l'outillage seul. Nous avons relevé sur ses tableaux statistiques que
la moyenne de service dans l'établissement est de quatorze années,
que trente-deux familles s'y succèdent de père en fils. En 1839, la
moyenne des salaires était de 1 fr. 87 pour la journée de dix
heures; en i889, elle est de 4 fr. 10. Les retraites sont accordées
sans retenues, les malades reçoivent gratuitement les soins de
deux médecins et les médicaments prescrits. Des secours en
argent et en nature sont annuellement distribués; en un mot,
MM. Chandon ne cessent de veiller au bien-être de leurs ouvriers.
Une compagnie de sapeurs-pompiers et une harmonie de
soixante musiciens complètent cette admirable organisation. Ces
deux Sociétés ont à différentes reprises remporté d'éclatants
succès, notamment à l'Exposition de Paris en 18S9, et tout der-
nièrement encore à l'Exposition de Lyon, où la maison Moët et
Chandon s'est vu d'autre part décerner le Grand-Prix dans la
section de l'Economie Sociale.
MELANGES 0 J .)
Les nombreux visiteurs qui ont admiré les merveilles du vieil
Anvers se rappelleront la coquette installation établie par
MM. Moët et Chandon, dans l'une des maisons les plus pittoresques
de celte curieuse reconstitution archéologique.
On a coutume, lorsqu'on a obtenu la permission de visiter les
Etablissements de MM. Moët et Chandon, d'apposer sa signature
sur un registre spécial. Il nous a paru intéressant de relever ici
quelques-uns des noms les plus marquants.
Souverains et personnages iUuslrcs qui ont honoré de leur visite
les Caves de MM. Moét et Cliandon:
Napoléon I^^'', deux fois, en 1807 et 1814;
Jérôme, Roi de Westphalie, en 1811 ;
Le Roi de Bavière, en 1811 ;
Le Roi de Saxe, en 181 1 ;
Alexandre 1"", Empereur de toutes les Rnssics, en 1814;
François il. Empereur d'Autriche, en 1814;
Le Roi de Prusse, en 1814;
Le Prince Royal de Prusse, eu 1814 (depuis Empereur allemand);
Le Prince d'Orange, en 1814;
Nicolas et Michel, Grands-Ducs de Russie, en 1814;
Le Prince Royal de Wurtemberg, en 1814;
Le Prince de Bade, en 1814 ;
Le Duc de Wellington, en 1814;
Bliicher, en 1814;
Le Prince de Schwarzenherg, en 1814;
Le Prince de Metternich, en 1814;
Le Prince de Souvarow, en 1814;
Le Prince Linar, en 1814;
Le Duc d'Hamilton;
La Princesse Stéphanie de Bade;
Le Prince de Sayn-Wiltgenslein;
Charles X, en l82o;
La Duchesse d'Angoulême, en 1825;
Le Duc d'Angoulême, en 182o;
La Duchesse d'Orléans, en 1837;
Le Duc d'Orléans, en 1837;
Le Duc de Nemours, en 1837 ;
Louis-Philippe I*"', en 1840;
Le Prince Louis Napoléon, Président de la République, en I8i9;
M. Carnot, Président de la République, en 1801.
Est-il besoin d'ajouter que les vins de Champagne de MM. Moët
et Chandon ont toujours iiguré sur la table des principaux souve-
rains et chefs d'Etat"? Un coup d'œil sur la collection des brevets
accordés à la maison Moët depuis sa fondation en donne la preuve,
moins convaincante toutefois que l'affluence de demandes récom-
pensant MM. Moët et Chandon des elforts qu'ils n'ont cessé et ne
3û
;)40 MEr,ANGES
cessent lie faire pour roiiscrvor l.i |M!rc!é, la iiiiesse cL l'exquise
([iialilé de ce gai vin de France: le vin de Cliampag-ne.
Cil. Arnould cl Cie, successeurs de Sainl-Marceaux et Cic,
Reims.
La nuiisoii de Saiiii-Marccaux a élé fondée en 1838. C'est à
Reims, uiéti'opole du commerce des vins de Cliampagne, qu'elle a
installé, 8 et 10, rue de Siller}', son pratique et vaste établisse-
ment, qui peut c(;nlenir plus de deux millions de bouteilles.
La légitime réputation acquise par les vins de Champagne Saiift-
Marceaux est due aux soins particuliers qui sont apportés dans le
choix des cru?, servant à la composition des cuvées; tous provien-
nent de^ meilleurs coteaux de la Champagne.
Le Roijal Sainl-Marccaux est un vin d'une exquise finesse, le
typp, par excellence, du Champagne au goût français, russe,
belge, etc. . .
Le Saint-Marceaux Venj drij et le Saint-Marceaux brut des célè-
bres années l8Si et 1889 se placent au premier rang des grands
vins secs si renommés et si recherchés et on les trouve sur les
cartes de tous les leadinf/ hôtels, restaurants et clubs de Paris,
Londres, Bruxelles, New- York, Chicago, San-Francisco, Melbourne,
Sydney, etc. . . Ce sont les vins préférés de la clientèle du liigh life
international.
On peut dire, du reste, que le Champsigne Saint-Marceaux a
l'ait le tour du monde, car vous le rencontrerez aux Etats-Unis,
en Australie, au Chili, à .Maurice, au Japon aussi bien que sur le
Boulevard, aux Champs-Elysées, à Nice ou à Monaco.
C'est la conquête essentiellement pacifique, mais non moins glo-
rieuse, de tous les continents par un des meilleurs vins de France.
E. Bourgeois, successeur de Morizet, Reims.
Bien qu'un certificat indique seulement la date de 1802, la maison
Morizet a une origine plus ancienne.
En effet, un document officiel, portant la date du 2;) prairial
an II et conservé dans les archives de la Maison E. Bourgeois,
prouve que la maison Morizet existait déjà depuis un certain
nombre d'années, à la fin du xviii« siècle.
Elle avait alors pour chef le citoyen Jean-Baptiste Morizet, ori-
ginaire du Mesnil-sur-Oger, arrondissement d"Epernay, en plein
cœur de la Champagne.
Jean- Baptiste Morizet mourut en 1841, sans laisser de descen-
dants directs. Ce fut son neveu et héritier, Jean-Claude Morizet,
qui lui succéda. Doué de grandes capacités commerciales, il
apporta tous ses soins à la manutention et à la préparation du vin
de Champagne et ses efforts furent bientôt couronnés de succès,
car sa marque fit de rapides progrès tant en France qu'à l'étran-
ger.
MELANGES 6^/
En 1867, Jean-Ciaiide Morizel pril pour associé son (ils Arthur
iMorizet. En 1808, lorsque mourut son père, M. Arthur Morizet
conserva seul la direction de la maison jusqu'en 1888, époque
à laquelle il céda ses marques J.-G. Morizet et Morizet et C'^ à
M. E. Bourgeois qui est actuellement le seul chef de cette maison.
Sous celte dernière direction, les marques Morizet ont encore été
en progressant. Les principaux débouchés de cette maison sont :
la Russie, l'Angleterre, les Etats-Unis, le Canada, la Belgique,
etc., etc.
Veuve Clicquoi-Ponsardin, Reims; Werlé et Cie, successeurs.
La maison Veuve Glicquot-Ponsardin, connue dans tout l'univers
depuis le commencement du siècle sous les simples dénomina-
tions : Veuve Clicquot, et même Clicqiiot, se distingue entre les
maisons les plus importantes et les plus anciennes de la Cham-
pagne, par les services qu'elle à rendus à tout le département de
Marne, par la part qu'elle a prise à l'extension du commerce et
par la situation exceptionnelle qu'elle s'est créée et qu'elle a su
maintenir.
Elle existait déjà en 1783, ainsi que le prouvent ses livres; son
chef, ?iL Clicquot, épousa pendant la tourmente révolutionnaire la
fîlle du baron Ponsardin et dirigea son importante maison jusqu'en
1805, époque de sa mort.
La jeune veuve, M'"'= Clicquot, prit alors la direction de toutes
les atfaires, quelque lourdes ou difficiles qu'elles fussent.
Bien qu'à cette époque le vin de Champagne ne fût pour
M™" veuve Clicquot qu'une des branches de la grande maison où
s'exerçait son activité, il devint, dès le début, l'objet de toute son
attention.
Avec son grand esprit pratique. M""' Clicquot trouva les principes
du travail des vins tels qu'ils sont restés, malgré les perfectionne-
ments, et elle créa le remuage, ce travail si délicat et si difflcile,
M"" Clicquot mourut en 186(3, âgée de 89 ans, au château de
Boursault; depuis 1821, elle avait comme collaborateur M. Werlé
qui devint bientôt son associé et le co-propriétaire de la marque,
après lui avoir donné un concours éclairé et énergique dans des
circonstances difficiles qui firent honneur autant à l'une qu'à
l'autre.
Après avoir liquidé toutes les autres aiïaires, M. Werlé, devenu
désormais l'âme de la maison, se consacra tout entier au dévelop-
pement du commerce de vin de Champagne.
A la mort de M.^" veuve Clicquot la marque devint sans chan-
gement la propriété de M. Werlé dont le nom, depuis 183i déjà,
se trouvait sur le bouchon à côté de celui de la Veuve Clicquot, et
qui continua à l'exploiter, comme auparavant, sous la raison
sociale Werlé et C'"^, successeurs de M"i'= Veuve Clicquot-Ponsardin,
conformément à la loi.
o48 MÉLANGES
M. Werlé mourut en 1884, après avoir dirigé la maison pendant
plus d'un demi-siècle.
Cet homme de grand bien et d'une rare intelligence a laissé dans
toute la Champagne un souvenir encore très vivant. Président du
Tribunal de commerce, membre de la Chambre de commerce,
maire de la ville de Reims et député au Corps Législatif, il s'oc-
cupa activement du développement des chemins de fer, et entre
autres de la construction de la ligne des Ardennes et de celle de
la Suippe et fut administrateur de la Compagnie de l'Est.
Il reçut la croix de commandeur de la Légion d'honneur pour
les immenses services qu'il avait rendus à son pays.
La maison et la marque Veuve Clicquot-Ponsardin sont aujour-
d'hui la propriété exclusive de M. le comte Werlé, entré depuis 1856
dans les ati'aires et, dès 1865, l'associé de son [.ère.
Nous n'avons pas ici à faire l'éloge de la marque Veuve Clicquot.
Elle est connue dans le monde entier et, dans bien des pays, le
nom de Clicquot est depuis longtemps et reste encore le synonyme
de Champagne.
Ce qui fait la constante supériorité de ses produits, c'est que la
maison Clicquot a toujours tenu à ne s'approvisionner que dans
tous les premiers crus de la Champagne, tels que Verzenay, Bouzy,
Le Mesnil-Oger, Cramant, dans lesquels elle s'est appliquée à
acquérir de magnifiques lots de vignes et où elle possède de
vastes vendangeoirs.
N'employant que les vins provenant des crus les plus célèbres
du vignoble champenois, à l'exclusion de tout cru secondaire,
MM. Werlé et C'" ne fournissent qu'une seule et unique qualité,
que le vin soit doux ou sec.
Us obtiennent, grâce à ce principe invariable, ce produit d'élite,
ce vin élégant, délicat, par sa pureté, possédant une finesse et un
bouquet incomparables, le Clicquot en un mol, dont, hélas! la
renommée a excité et excite journellement de si frauduleuses
convoitises.
Heidsicck et de, Reims, maison fondée en 1873; Walbaum,
Liillnfj, (louldcn et Cie, successeurs, propriétaires des mar-
ques Monopole, dry Monopole et Monopole sec.
Le Siège social se trouve encore 7, rue de Sedan, au berceau de
l'ancienne maison fondée en 1785.
Jules Mumm et Cie, Reims, maison /ondée en 1827.
(chaque fois qu'il est question des produits de la Champagne, il
est certains noms qui viennent de suite aux lèvres; Moët, Clicquot,
Rdiderer, Mumm, Pommery, j'en passe et des meilleurs, ne sont-ce
pas là des vocables familiers? Existe-t-il dans le monde civilisé,
.sous n'importe quelle latitude, un seul homme qui, en entendant
ces magiques syllabes, n'ait la physionomie égayée d'un sourire,
MÉLANGES 540
plus de douceur dans le regard, plus de mollesse dans la voix?
Que de circonstances joyeuses, que d'événements heureux dont le
souvenir est lié à la flûte de Champagne provenant de l'une ou
l'autre de ces marques! Moët rappellera le dîner des flançailles.
Clicquot le baptême du premier-né, Mumm la première conquête
amoureuse; Pommery, Rœderer el tutti quanti rediront les succès
d'école, les adieux à la vie de garçon, les folles parties, la conclu-
sion d'une affaire heureuse; toutes les fois que nous aurons à célé-
brer une circonstance exceptionnelle, c'est à Van ou à l'autre de
ces noms fatidiques que nous irons demander la consécration du
souvenir.
C'est que le temps a frappé ces noms d'une empreinte indélé-
bile et lui^ qui ne respecte rien, a dû cependant s'incliner devant
la réputation acquise à ces produits par des générations de com-
merçants pleins de conscience et d'industrie.
Parmi les maisons qui ont largement contribué à maintenir dans
le monde entier ce renom sans tache, se trouve :
La maison Jules Mumm et C'% fondée à Reims en 1827, il y
aura demain 70 ans, maison dont nous allons en quelques lignes
retracer les origines.
Dans la dernière moitié du siècle dernier vivait, à Cologne,
Pierre-Arnaud Mumm, négociant en vins des plus importants.
Originaire de cette ville, il s'était établi en l7Gi, et quelques
années après avait fondé une succursale à P'rancfort. Au début de
ce siècle, trois de ses fils étaient à la tète de ces deux maisons
sous la même raison sociale. Commerçants de haute valeur, en
rapports fréquents avec la Champagne, ils se rendirent rapide-
ment compte de l'extension que le vin mousseux devait prendre
dans l'avenir; ils n'hésitèrent pas, et en 1827, en compagnie d'un
nommé Giessler, ils fondèrent à Reims, dans les locaux où sont
encore actuellement les bureaux de leurs successeurs, une maison
spéciale pour la préparation des vins de Champagne, sous la rai-
son P. -A. Mumm, Giessler et C'e. Grâce aux capitaux dont ils dis-
posaient, grâce aussi à leurs relations d'affaires déjà étendues, ils
prospérèrent rapidement.
Dix ans après, en 1838, Giessler se séparait d'eux pour faire le
commerce sous son nom, et il fondait à Avize (Marne) une maison
qui existe encore aujourd'hui et qui compte parmi les plus hono-
rables de la contrée.
La Société, devenue P. -A. Mumm et C'"", continua ayant à sa
tête Théophile Mumm, le dernier survivant des fils de Pierre-
Arnaud, et comme associés Jules et Edouard Mumm, les fils de ses
anciens partenaires.
En 1843, Georges-Hermann Mumm, lils de Théophile, entrait en
compagnie de son beau-frère dans une association nouvelle à coté
de ses cousins germains, sans modifier pour cela le style de la
Société qui restait toujours P. -A. Mumm et C'^
RoO MÉLANGES
En 1853, à l'expiration de celte Société, Jules et Edouard Munim
succédaient à P. -A. Munini et C'^ à Reims, sous la raison Jules
Mumm et 0'=, con.servaienL le siège social et la maison mère de
Colopjne; tandis que Georges-Hermann Mumm et son beau-frère
se séparaient de leurs cousins et fondaient à Reims la maison
G. -H. Mumm et C''^, en reprenant de leur côté la succursale de
Francfort.
Depuis cette épo<|ue déjà reculée, chacune des maisons Mumm
a marché parallèlement, mais toujours dans la voie tracée par la
vieille maison P. -A. Mumm et C'^, et le nom de Mumm a eu la
singulière bonne fortune d'être recommandé au public par deux
maisons rivales, mais non ennemies, également jalouses de leur
réputation, également soucieuses de justifier la notoriété acquise
par de longs et laborieux efforts.
A la suite de cette séparation, la maison Jules Mumm et Ci'',
dont le chef se fixait à Londres en 1857 et y dirigeait une succur-
sale du même nom, s'appliqua plus spécialement à satisfaire le
goût anglais : elle y réussit amplement, et c'est dans ce pays et les
colonies qui en dépendent, qu'elle trouva ses principaux débou-
chés. Particulièrement connaisseurs en matière de vins mousseux,
les Anglais ont des préférences difficiles à comprendre, et ce n'est
qu'en suivant de très près le marché, qu'une maison de vins de
Champagne peut espérer y garder la vogue. Aujourd'hui encore,
la maison a sa succursale à Londres, à laquelle se trouvent deux
des {ils de Jules Mumm, qui, Anglais eux-mêmes, ont l'expérience
journalière pour décider ce qui peut convenir à leurs compa-
triotes.
Mais le temps a marché, et si autrefois la vente dans un seul
pays pouvait suffire, la maison qui maintenant limiterait ainsi son
champ d'opérations, se verrait distancée par d'autres plus hardies.
L'Améri(jue du Nord et du Sud, les grands pays d'Europe, tout a
dû être abordé, et peu à peu la marque Jules Mumm a conquis
aux différents coins de l'univers la place à laquelle elle avait droit
de par son passé.
Depuis longtemps déjà, il a fallu pour cela que ses approvision-
nements fussent faits en prévision de ces besoins variés; à côté des
vins anglais, elle a dans ses vastes caves de quoi répondre à toutes
les exigences. A Paris où elle est particulièrement connue dans le
monde littéraire et artistique, en province, où depuis quelque
temps elle fait de sérieux etî'orts pour développer ses relations,
elle livre sous les dénominations de: « Grand Sec », « Carte
Blanche » et « Dry Verzenay » des vins en tous points parfaits et
en rapport avec les goûts multiples des consommateurs.
La maison de Reims, aujourd'hui séparée de celle de Cologne
qui est passée aux mains d'un collatéral, est dirigée par .M. Alexan-
dre Henriot, membre d'une famille ancienne et considérée, inté-
ressée depuis plusieurs générations, soit dans la production viti-
cole, soit dans le commerce des vins de Champagne.
MÉLANGES iiiil
George Goulet, Reims.
La maison George Goulet sut, une des prenuères, dès 1860,
utiliser comme caves à vin^) de Champagne d'immenses carrières
de la ville; elles avaient été creusées par les Romains qui en
employèrent la craie à la construcliori du vieux Reims.
Ces « crayères » ont un aspect grandiose; elles forment un
ensemble de cinquante-deux caves, toutes éclairées à la lumièi'e
électrique, dont l'eJïet frappe et saisit ceux qui les visilent pour
la première fois.
Mais le grand et précieux avantage de ces « crayères », c'est de
posséder la même température pendant tout le cours de l'année,
avantage essentiel et indispensable pour conserver les vins de
Champagne et les amener au degré de maturité qui permet de
les expédier.
La manutention est l'objet des soins les plus minutieux : elle ne
se fait qu'avec les appareils les ,plus perfectionnés, et toutes les
les machines sont actionnées par l'électricité.
La maison George Goulet, quoique relativement jeune, s'est
créé par la supériorité de ses vins une place importante dans le
monde, et notamment en Angleterre, aux Etats-Unis, dans les
colonies anglaises, en France, en Suède, etc., etc.
L'excellence de ses produits est d'ailleurs prouvée par les brevets
de fournifseurs que lui ont conférés depuis plusieurs années S. M. la
Reine d'Angleterre, S. A. R. le prince de Galles et la Cour de Hol-
lande.
Disons en terminant que la maison George Goulet fut une de
celles qui prirent l'initiative d'expéd'er à l'étranger des Vins secs
et bruis; cette heureuse innovation n'a pas peu contribué à donner
une grande importance à ses débouchés et à faire apprécier sa
marque par tous les amateurs de grands vins de Champagne.
Maison Alfred de Monlebello et Cie^ Chûleau de Mareuil-sur-Ay,
arrondissement de Reims.
Mareuil-sur-Ay, à deux kilomètres d'Ay, est situé au cœur de la
Champagne vilicole. C'ei-t l'un do ses meilleurs crus. Aussi la
marque de Montebello est-elle une des plus appréciées. Le château
de Mareuil, siège de la Société A. de Montebello et C'«, est un
ancien vignoble ayant appartenu aux Ducs d'Orléans. En 1702,
Louis-Philippe d'Orléans vendit lu château de Mareuil au marquis
de Pange qui le céda, le 28 floréal an XllI, à M. le baron d'Hunol-
slein, qui en 1830 le vendit à son tour au duc de Montebello.
Le maréchal Lannes, duc de Montebello, une des gloires mili-
taires, et dont les cendres reposent au Panthéon, laissa en mou-
rant quatre fils. L'ainé qui tut diplomate et successivement pair
de France, ambassadeur, ministre des alTaires étrangères, ministre
de la marine, député de la Marne en 1849, sénateur en \HM, est
le fondateur de la maison de commerce de Mareuil et le père du
552 MÉLANGES
gérant actuel de la Société, M. le comte Fernand-Alfred de Mon-
tebeilo,
G.-H. Mumm et Cie, Heims.
Parmi les grandes et honorables maisons de vins de Champagne,
nous devons citer la marque G.-H. Mumm et C'", de Reims, qui
fait d'importantes affaires dans toutes les parties du monde, et
principalement aux Etats-Unis d'Amérique, où son exportation a
atteint, pour 1894, le chiffre respectable de 80,778 caisses, soit
969.336 bouteilles, ce qui représente le tiers environ de l'impor-
tation totale des vins mousseux de Champagne dans ce pays.
Maison Pommcry et Greno, Reims.
L'un des pins beaux et des plus importants établissements qui
sont la gloire de la Champagne, est sans contredit celui qu'on
nomme à Reims « les Gaves Veuve Pommery ». il fait l'admira-
tion de tous les étrangers qui visitent la belle cité rémoise.
Cette maison a été fondée en 1836 par M. Greno qui, vingt ans
plus tard, vendait sa marque à M. Pommery. Celui-ci mourut en
ISÎiS; M"° veuve Pommery prit courageusement la direction des
affaires, aidée en cela par M. Henry Vasnier, intéressé depuis
deux ans par M. Pommery, qui l'avait fait venir de Londres où il
occupait une situation importante.
Sous l'impulsion que lui donna la nouvelle direction, la maison
Veuve Pommery prit une extension qui en quelques années devint
considérable.
La marque très recherchée en France, en Belgique et en Hol-
lande, se propagea rapidement, et l'Angleterre d'abord, la Russie,
l'Allemagne et l'Autriche ensuite, la Suède, la Norvège et le Dane-
mark, puis les Etats-Unis, appréciant les mérites de ses produits,
lui donnèrent la préférence.
D'ailleurs, l'éloquence des chiffres est frappante et prouve l'im-
portance du développement de cette maison.
En 18o6, les expéditions atteignaient 45,000 bouteilles; aujour-
d'hui, elles varient de deux millions à deux millions et demi de
bouteilles par an.
H ne faudrait pas croire que ce succès est le résultat du hasard,
d'une chance exceptionnelle; il repose sur des bases sérieuses, il est
dû au soin que prend la maison Pommery de ne s'approvisionner
que dans les bonnes années et dans les meilleurs crus de la
Champagne, où elle possède un lot de vignes important; à la per-
fection qu'elle apporte dans le travail des vins; en un mot, à la
supériorité et à la distinction de ses produits.
C'est à la maison Veuve Pommery que revient l'initiative d'avoir
introduit dans la consommation le goût des vins extra-secs et même
bruts, c'est-à-dire sans liqueur, alors qu'on ne buvait que des
Champagnes très sucrés. Dès le début, ces vins furent l'objet d'une
grande faveur de la part de l'aristocratie anglaise. Le goût s'en est
MELANGES 553
ensuite répandu aux Etats Unis et sur le continent. Cet exemple
a été suivi, depuis, par tous ses concurrents.
La maison Veuve Pommery ne fait absolument qu'une seule
qualité supérieure de vin, mais dosée de façons différentes,
suivant le goût de sa clientèle, c'est à-dire demi-sec, sec, extra-sec
ou nature sans liqueur aucune.
Quand on visite l'établissement Pommery, on est frappé par son
architecture originale. La construction est partie en pierres et
partie en craie et briques, son aspect général est à la fois impo-
sant et gai. Des tours élégantes aux tons rosés s'élancent vers le
ciel, avec une hardiesse qui fait penser aux caslels d'autrefois.
Les vastes celliers où sont rangées les pièces de vin sont éclairés
à la lumière électrique; on y admire six: énormes foudres aux
douves curieusement sculptées. L'un d'eux ne contient pas moins
de 400 hectolitres, environ oO,000 bouteilles.
La superficie de l'établissement est de la hectares.
L'étendue des caves est d'environ 10 kilomètres. Ce sont d'an-
ciennes carrières de craies, excavations quadrangulaires profondes
de 30 mètres, véritables pyramides ayant à leur base 3o mètres de
côté, éclairées par le haut. Dans ces crayères, on remarque de très
beaux bas-reliefs sculptés dans la craie, et représentant: la fête de
Bacchus, le Champagne au xv[ii« siècle, Silène et l'Enfance de
Bacchus.
Une machine à vapeur de la force de 150 chevaux fait marcher
électriquement tous les monte-charges, ascenseurs, outils à fabri-
quer les capsules, etc.^ etc., ainsi que 250 lampes électriques
brûlant constamment pour éclairer ces immenses caves et tunnels
qui contiennent en permanence un stock de 10,000,000 de bou-
teilles de Champagne mousseux; sans compter les vins de réserve
de grandes années en futailles. Le soir, les cours et jardins éclairés
par des lampes à arc donnent à rétablissement un aspect féerique.
C'est au moment où M'"" veuve Pommery avait réussi à porter
l'entreprise à son apogée, que la mort vint l'atteindre le 18 mars
1890.
Cette mort fut considérée par la ville de Reims comme un deuil
public. Sa bienfaisance était proverbiale, l'Etat lui-même a éprouvé
sa générosité; c'est à elle que le Musée du Louvre doit de posséder
l'admirable tableau de Millet, Les Glaneuses, qu'elle avait acheté
300,000 fr.
Depuis la mort de M"»" veuve Pommery, la maison continue ses
opérations, sous la même raison sociale Veuve Pommery, Fils et C'*,
avec M. Louis Pommery, son fils, la comtesse de Polignac, sa fille,
et M. Henry Vasnier.
Le 18 septembre 1891, la maison Pommery eut l'honneur de
recevoir la visite de M. Carnot, le regretté Président de la Répu-
blique. Cette visite intéressa vivement le chef de l'Etat qui décora
[)^}i MÉLANGKS
4 cette oçcasicin M. H. Vasnier. Le chef de caves reçut une
médaille d'or et plusieurs autres serviteurs de la maison reçurent
des médailles d'honneur. Cette visite fut la consécration et la
récompense d'un demi-siècle de travail et d'efTorts pour faire pro-
gresser à l'étranger l'industrie champenoise.
Pour faire bien, il faut être dans des conditions spéciales, savoir
s'imposer des sacrifices, s'astreindre à des soins continus; c'est là
ce que fait la maison Veuve Pommery, et c'est à cela qu'elle doit
la faveur dont jouit partout sa marque.
; Maison Louis Hoederer^ Reims.
Nous ne pourrions passer sous silence cette si célèbre marque.
Ce nom dit tout. — Près de cent millions de bouteilles sorties
depuis un siècle de ses caves ont servi à établir la réputation du
vin de Ciiampagne, et ce cbitfre colossal prouve quelle place la
maison Louis Roederer occupe dans le commerce de la France.
Nous avons été admis à visiter ses caves, trop fermées malheu-
reusement aux visiteurs, et nous avons été émerveillé de leur pra-
tique agencement et de la minutie qui préside à tous les travaux.
— La quantité de bouteilles que nous avons vue est phénoménale;
son vignoble est aussi remarquablement tenu.
La renommée du Champagne Louis Roederer ne pouvait ne pas
éveiller de coupables convoitises; aussi cette maison a été l'objet
de nombreuses contrefaçons et concurrences déloyales qui se sont
réalisées avec la plus cynique mauvaise foi, trompant les consom-
mateurs français et étrangers grâce à des similitudes de nom.
Quoi qu'il en soit, la maison Louis Roederer fait dans le monde
entier d'énormes affaires, principalement en Russie ofi sa marque
est des plus appréciées.
Les chefs actuels sont les petits-fils du fondateur de la maison.
Grands sportsnien, leur équipage qui chasse en lorêt de Com-
piègne est un des plus beaux et des meilleurs qui existent.
Ils ont également des gofits artistiques et délicats que leur situa-
tion les met à même de satisfaire.
Nous avons admiré chez eux une superbe galerie de tableaux
signés des plus grands maîtres, ainsi qu'une bibliothèque considé-
rable créée par leur oncle et comprenant une collection d'ouvrages
du xviiie siècle avec dessins originaux. Nous n'en dirons qu'un
mot : c'est, après celle de Chantilly, la plus importante et la plus
riche de France.
Pas plus (jue l'héritage commercial, l'héritage arfisticiue ne péri-
clite entre leurs mains.
■ La Fermb d'Arcy- en-Brie. — Une des. plus intéressantes exploita-
tions agricoles dos environs de Paris, c'est as.^uréinent le domaine
d'Arcy-en-Brie, appartenant à M. Nicolas.
MELANOKS 5ii5
Fj'histoire de cette terre, si, comme les hommes, les propriétés
immobilières se targuaient d'avoir u:ie histoire, serait sans doute
singulièrement suggestive. Le fait est que d'une espèce de désert,
d'une lande improductive, le propriétaire actuel a su dégager une
ferme modèle —je dis modèle dans le sens le plus exigeant du
mot — une manufacture agricole admirable.
En 1872, il y avait déjà soixante dis ans que les pierres et les
ronces, les bruyères et les tessons de bouteilles avaient élu, en ce lioq
peu enchanteur, leur domicile favori. Sur un sol ingrat, une végé-
tation malingre et rabougrie disputait sans espoir sa niisérable
existence à une terre dont la réputation était faite au petit village
de Chaumes et certes, dans le pays on eût considéré comme un
fou l'audacieux qui aurait manifesté le désir de consacrer son
avoir à faire pousser du blé dans cette crau. M. Nicolas osa cepen-
dant tenter l'aventure. 11 commença par acheter un lot de 272 hec-
tares que, petit à petit, il arrondit, en passant successivement qua-
tre-vingt-quatre contrats d'acquisition portant ainsi Arcy à sa
surface actuelle : 334 hectares de terres labourables et loO hectares
de bois.
Le futur agronome s'était procuré le violon^, mais il lui manquait
l'archet.
Il avait la terre; il lui restait à la mettre en valeur.
M. Nicolas avait une inappréciable qualité: il savait trouver de.«
collaborateurs, et donner. Il s'entoura donc de gens expérimentés,
nous devons citer, au premier plan, ^\. Joulie, l'éminent chimiste-
agronome, provoqua — et suivit — les judicieux et savants conseils
de ce maître et institua secundum avion la culture intensive des
céréales et des fourrages. C'est ainsi que, sur un défi'ichement de
luzerne il fait successivement sept récoltes d'avoine on de blé,
tandis que, sur des betteraves fortement fumées, il en obtient six.
Cela fait bien treize récoltes de grains, blé et avoine, en quinze
années de culture! M. Nicolas n'en tire pas vanité; il proclame
volontiers que ces superbes résultats, il les doit à la collaboration
active et éclairée de son aimable voisin, M. Emile Rémond, le
grand cultivateur de Mainpincien, un oseur, auquel aujourd'hui
seulement on commence à accorder la haute considération qui
lui est due, après l'avoir au début cloué au pilori. Nul n'est pro-
phète en son pays!
Ce n'est pas cependant à ce point de vue que je me propose
d'étudier l'œuvre de M. Nicolas. C'est la révolution qu'il a pro-
voquée dans l'industrie laitière que je voudrais essayer de faire
connaître à mes lecteurs.
On peut justement appliquer au lait ce qu'on a si justement dit
du sang : c'est de » la chair coulante ».
C'est aussi un médicament précieux et l'on ne compte plus les
malades, les anémiques, les gaslralgiques, etc., sauvés par son
usage.
5F)6 MKLANGES
Malheureusement, de tous les alimenls, c'est peut-être le plus
irritable et le plus délicat. Il est de toutes les marchandises,
jusques et y compris même le vin et l'alcool, celle sur laquelle la
fraude s'exerce avec le plus de frénésie.
Le lait pur et sain que buvaient nos pères n'est plus guère qu'un
mythe, au moins dans les grandes villes. Cependant, ainsi qu'on
le verra plus loin, Paris est peut-être la cité où Ton boit le lait le
moins mauvais, et ce, grâce an propriétaire-agriculteur d'Arcy,
dont l'exemple a eu une influence salutaire sur l'industrie laitière
de la capitale.
La valeur du lait varie énormément^ en efl'et, avec l'animal qui
l'a fourni et avec le soin apporté dans Fa manipulation. Or, quel
lait peut on obtenir avec des bêtes captives, enfermées dans des
étables sans air et sans lumière, mal nourries, mal soignées, proie
désignée de toutes les affections contagieuses nées du confinement,
de la promiscuité, du défaut d'exercice et de la malpropreté? Ce
n'est pas apparem.Tient l'eau suspecte et les autres ingrédients
qu'y ajoutent si volontiers larpa manu des trafiquants sans scru-
pule, pour en masquer le mauvais goût et grossir leurs profits, qui
pourraient lui rendre ses vertus!
En changeant tont cela, comme on va le voir, M. Nicolas a
mérité la reconnaissance des mamans grâce à une innovation,
pourtant bien simple, dont tout l'honneur lui revient : il imagina
de livrer à la consommation le lait en petites bouteilles, en
mignonnes carafes de cristal opaque d'un litre, d'un demi-litre
même, ficelées, cachetées et plombées à la ferme d'Arcy, donnant
ainsi à la clientèle, rare d'abord, puis nombreuse à ne plus pou-
voir la servir, une première garantie de sécurité grâce à la sup-
pression des manipulations suspectes. Cet excellent exemple fut
bientôt imité dans toute la France, en Belgique, en Allemagne,
eu Suisse, en Autriche, en Espagne, en Portugal, en Italie, en
Angleterre, etc., etc. Ce qui prouve apparemment que l'idée était
aussi pratique que bonne.
A Paris, l'industrie laitière ne fut pas la dernière à l'imiter: de
tous côtés surgirent petites bouteilles et carafes de formes et de
fermetures plus ou moins bizarres. En tous cas, un phénomène
curieux se produisit : le lait que l'on vendait difficilement àO fr. 30
vit son prix s'élever à 0 fr. 40, 0 fr. 50 et même 0 fr. 60, dès qu'on
le débita en fioles. Pour de telles sommes, la qualité s'améliora et
arriva à être extraordinairement choisie, prise dans toute sa
moyenne. C'est au propriétaire d'Arcy-en-Brie que l'on doit ce
résultat assurément imprévu de la concurrence.
Au demeurant, là ne gît pas la question; que les laitiers vendent
ou gardent leurs produits, il n'importe guère, en fin de compte,
puisque l'agriculteur d'Arcy n'est pas marchand, et se contente
d'écouler le lait de sa ferme. Tant mieux pour les Parisiens qui
se sont fait inscrire à temps! La production est limitée, M. Nicolas
MÉLANGES 557
s'étant inlerdil de la façon la |)Ius sLricle tout achat de lait étran-
ger; vous pouvez vous présenter 22, rue de Paradis, vous n'aurez
pas une seule fiole, à moins qu'un décès, un départ ou un sevrage
n'ouvrent, sur les registres, une vacance à remplir.
Les arrivages de lait d'Arcy ont lieu à Paris deux fois par jour;
la première distribution se fait le matin de o à 10 heure^;, et la
deuxième le soir de 3 à 6. Un wagon réfrigérant, appartenant au
domaine, sert exclusivement au transport des carafes, qui, je le
répète, ont été soigneusement cachetées, ticelées et plombées
avant leur départ d'Arcy, L'été, la température du véhicule est
maintenue à o degrés au-dessus de zéro; l'hiver, toutes les pré-
cautions sont prises pour empêcher la congélation.
J'ai dit plus haut que l'installation laitière de la ferme d'Arcy
était hors de pair.
La formule n'a rien d'excessif.
Dans ses vastes locaux, l'air et la lumière pénètrent à tlols,
éclairant d'une clarté vive et crue les longues théories de bêtes à
cornes, aux mamelles rebondies, jetant sur leurs croupes étrillées
et brossées comme celles de chevaux de maître, un lustre d'élé-
gance, de santé et de coquetterie qu'on ne voit d'ordinaire que
dans les écuries de grandes maisons.
Les vaches sont de races normande, suisse, jersiaise, toutes d'un
aspect robuste d'animaux de choix. Dès leur arrivée du marché,
le jour de leur acquisition, elles sont conduites à une ferme d'ob-
servation, appelée le '< Lazaret », distante d'environ un kilomètre
de la grande exploitation. Elles doivent y séjourner cinq semaines
avant d'être admises à l'honneur de reposer leurs membres gras
et bien nourris sur l'épaisse litière qui s'élève à plus d'un pied
au-dessus du sol, dans leurs boxes spacieux. Aussitôt après la
prise en charge et l'immatriculation, chaque animal est soumis,
par le vétérinaire du domaine, à l'inoculation d'une quantité
scientifiquement dosée de tuberculine fournie par l'Institut Pasteur.
S'il réagit le moins du monde, il est sans pitié rendu à son ven-
deur, lequel reçoit vingt francs d'indemnité pour la reprise.
Aucune vache tuberculeuse ne peut ainsi séjourner dans les
étables.
Tous les jeudis, à dix heures, sans exception, le praticien passe
une sévère inspection des vacheries, s'atlardant à chaque animal,
qu'il ausculte savamment. Dès qu'un sujet semble se trouver dans
un état anormal, il est sur-lechamp conduit à une infirmerie
spéciale, soigné avec sollicitude, tandis que son lait est jeté aux
porcs.
A l'état ordinaire et étant donné l'entretien minutieux des ani-
maux, le lait produit e?t savoureux, gras et riche surtout en phos-
phate de chaux, cet élément si nécessaire à la formation de la
charpente osseuse des jeunes enfants. Que de peines, d'expériences
sans nombre, toutes plus coûteuses les unes que les autres, repré-
0L8 MÉLANGES
seale co lésullal! A Liti'e do ciiriosilé, il vaut peiil-êlre qu'on y
insiste !
Là-dessus, l'opinion des nnédecins est faite : les phosphates en
poudre ou administrés sous forme de gélatine ne s'assimilent pas.
Toutes les préparations pharmaceutiques tambourinées à grand
orchestre ne produisent rien ou presque rien. Le problème était-il
donc insoluble? Non ! mais c'était à la condition de commencer par
Je coijnmencement, c'est-à-dire d'introduire directement le phos-
phate dans le lait où l'organisme sait bien le retrouver et en faire
son profit.
C'est alors que M. Nicolas entreprit de nouveaux travaux, pour
lesquels il s'était assuré le précieux concours de M. Weber.
membre de l'Académie de médecine. Longtemps ces recherches
demeurèrent infructueuses. 11 fallut presque un hasard pour
découvrir qu'en nourrissant les vaches avec de la luzerne dont on
a activé la croissance à laide de superphosphates minéraux, la
quantité de ce sel bienfaisant accusée par l'analyse chirnique
augmentait dans des proportions sensibles.
M. Nicolas établit alors des étables de comparaison et des calculs
graphiques, tant et si bien, qu'après de longs tâtonnements, il
réussit enfin à faire passer jusqu'à un gramme et demi de phos-
phate par litre de lait, c'est-à-dire une dose qui pourrait être
malaisément dépassée.
Je disais tout à l'heure que, de tous les liquides, le lait est le
plus délicat et le p^us irritable; cela ne serait rien encore si,
parmi les ferments de sa propre désorganisation, il ne se glissait
trop souvent d'infâmes germes pathogènes, tels que les redou-
tables bacilles de la phtisie, de la fièvre typhoïde, de la diarrhée
verte ou du choléra.
, Aussi la stérilisation du lait, c'est-à-dire un mode de traitement
qui, tout en respectant la nature même du précieux liquide et en
conservant intactes toutes ses qualités nutritives et médicamen-
teuses, détruise sans merci tous les germes nocifs, aussi, dis-je, la
stérilisation du lait, préconisée par le corps médical tout entier,
est-elle à l'ordre du jour.
Il en est né toute une industrie, dont M. Nicolas aura été l'un
des initiateurs les plus heureux.
Il s'avisa tout d'abord d'aller étudier sur place, dans les diffé-
rents pays où l'hygiène est le grand souci social, les meilleures
traditions et les meilleures méthodes. Dès son retour, il fit appro-
prier des locaux spéciaux, tout à côté ries vacheries, où, à grands
frais, il installa les appareils les plus nouveaux et les plus perfec-
tionnés.
Là, le marbre blanc, en plaques colossales, sert à revêtir les
murailles, à moins que des faïences de Longwy, du plus pimpant
effet, n'aient été préférées pour la commodité des lavages dans
méLangks 5'59
ces salles do préparation cl de Iraifeiiiciit où la proprclé la plus
sévère est de rigueur.
La traite de? vaches a lieu trois fois par jour; l'expérience a
prouvé, en effet, qu'une bête soulagée quotidiennement de son
lait trois fois au lieu de deux, produisait un liquide considérable-
ment plus copieux et plus riche que celui de sa voisine qu'on ne
soumettait que matin et soir à cette opération.
Les étahles sont lavées quotidiennement avec de l'eau étendue
d'acide sulfurique; les litières sont désinfectées chaque jour par
le même procédé; on complète cette toilette en brossant méticu-
leusement les bêtes, de façon à ne pas laisser sur leur poil la
moindre trace de ces ordures dont la présence communiquerait
au lait le fumet siii gencris qu'on nomme « goût d'étable ». Les
Valets d'écurie n'approchent des vaches qu'après s'être nettoyé les
mains dans une solution antiseptique au sublimé, et l'on ne pro-
cède à la traite qu'après avoir larj^ement lavé les pis et les
mamelles de chaque vache ù l'eau boriquée. Iles que le lait a
été recueilli, on le porte, séance tenante, "dans de grands bacs à
eau courante et l'on met en llacons de 850, 350 et 200 grammes
ou en biberons de 150 et 125 grammes, celui qui doit être sté-
rilisé.
Ces récipients ont un bouchon de porcelaine, renforcé par une
rondelle de caoutchouc, de manière à obtenir une fermeture
absolument étanche. On les place dans des autoclaves avec le
bouchon reposant seulement sur l'oritice du goulot, de façon à
laisser libre l'ouverture de la carafe pendant réchauffement du
lait. Chaque compartiment de ces « autoclaves », dont les parois
sont tapissées aussi bien en dedans qu'en dehors d'une grosse étoffe
feutrée, ayant été hermétiquement clos, une machine spéciale
envoie sur un coup de manette du mécanicien un flot de vapeur
brûlante et sèche dans les appareils stérilisateurs.
La difficulté était de s'arrêter au moment précis. Si, en effet,
il faut soumettre le liquide, dans un vase parfaitement clos, à une
température suffisamment élevée pour tuer les infiniment petits
parasites, il ne faut pas, en revanche, pousser le chauffage trop
loin, de peur qu'il ne s'en suive ce commencement de caraméli-
sation qui est le grand vice de la plupart des appareils stérilisa-
teurs actuels.
L'écueil a été habilement évité. La température monte à 102°
centigrades, et elle est maintenue ainsi pendant 30 minutes. Les
llacons une fois refroidis, on les bouche au moyen d'une ferme-
ture de tùreté, puis, après les avoir replacés dans les autoclaves
une seconde fois, ils sont de nouveau soumis pendant une autre
demi-heure à un chauffage de 102°.
Voilà enfin l'opération terminée. Dès que le contact a pu être
supporté, les ouvriers se sont mis à ranger les bouteilles sur de
longues tables en attendant remballage et le départ.
s 60 MÉLANGES
Tous les microbes palhogènes oui forcément disparu, et le goût
du liquide ainsi traité n'est pas désagréable, même après un
séjour prolongé dans le tlacon. J'ai pu le constater sur du lait
vieux de six mois, qui avait subi le voyage au Tonkin, aller et
retour, sans que l'aspect extérieur, la consistance, ni la composi-
tion, me parussent avoir subi de modification appréciable, à part
un léger dépôt caséeux du coté du goulot.
On peut, si on le désire, et dans le c.ii où le lait est destiné à
une consommation immédiate, ne lui faire subir une cbaulfc que
d'environ GO degrés; c'est ce qu'on appelle la pasleurisalion. Cctlc
opération est surtout eli'ectuée par les temps de cbaleur excessive
ou d'orage ; elle a pour but d'empêcber le liquide de se coaguler.
11 importe que la stérilisation soit accomplie aussitôt après la
traite. C'est la condition essentielle d'une bonne opération. Aussi
a-t-on placé, à Arcy, le laboratoire à côté des vacheries, atin que
le lait n'ait aucun contact avec l'air, et soit stérilisé au sortir même
du pis de la vache.
En examinant attentivement le moteur à vapeur, on aperçoit à
gauche une des machines à nettoyer les bouteilles à lait. On
emplit celles-ci d'eau (liaude et l'on introduit dans l'intérieur une
brosse calibrée. En une seconde, n-i, ni, c'est fini : la brosse a fait
une centaine de tours et les moindres vestiges de crasse ont
disparu!
Voilà comment se prépare le lait stérilisé dont on parle tant.
Voilà ce qu'est exactement cette admirable ferme d'Arcy où l'in-
térêt public trouve aussi bien son compte que l'intérêt industriel.
(Figaro.)
l.'IiDprimeur-'jéraol,
lkon e Rémont.
Les Arquebusiers de Rethel
(1615-1790)
LF:UR REGLEMENT SUIVI DE NOTES DIVERSES Et
DE DOCUMENTS ORIGINAUX TIRÉS DES ARCHIVES
DE RETHEL ET DE MONACO.
Nos muderues Sociélés de lir oui des aucèlres 1res respec-
tables daus les Compaguies d'archers et d'arbalétriers qui
remonleut au moyen âge, et surtout dans les Compagnies
d'art]uebusier.--, qui ont jeté tant d'éclat sur la vie provinciale
eu Cham])agiie dans les deux derniers siècles. Des ouvrages
reniarijuables ont déjà retracé leurs annales, et permettent
d'embrasser dun coup d'oeil les services qu'elles ont rendus
pour la foi'maliou de la jeunesse au métier des armes et pour
la défense du pays'.
Si l'on examine la vie intérieure de ces Compagnies dans la
petite cité ou dans la grande ville dont elles élaieni l'orgueil,
bie\i des détails cuiieux se font jour pour l'étude des mœurs
du temps, des sentiments d'honneur et des rivalités qui entrete-
naient l'émulation dans toute la province-. Les Sociétés se
groupaient, à certains jours de lèics annuelles, dans un concours
brillant et animé que l'on nommait un prix généial. L'essor
était universel, la couitoisie très grande et les passions non
moins ardentes en vue du liiomphe et de la récompense.
1 . Elude sur les (incicnues Couipaynies d archers, d'arquebuiiiers vl
d'arbalétriers, par L.^A. Deiau.n'ay; fans, Champion. 1879, lu-i". — Ou
trouve, à la page 270, La Marche des chevaliers des lilles -venues au tir
de lieiws, te l'o juin 1687, d'après une ancienne gravure de Colin, u-.i
ligurenl M" de IteHiel sous le n" Ij.
1. Ililoire des Archers, Arbalétriers el Ar(i".ebusiers de ta ville de
Heims, par Edouard de Ijarthélumy . — Chd'Ons, hiipr. de Martin;
lieiws, l'. Girel, édil., 1873. Iq-1'2 de 272 pp. — Gel ouvrage est le trait
du concours ouvert sur ce sujet par ["Académie de Reims, ea 1868. Unuulie
mémoire, également récompciué tuais resté iuédil, celui de NJ. Henri Menu,
se trouve couservé aux Archives de cette Société.
562 LES ARQUICIUJSIERS DE UETHliL
Reims, Mézièi-es, Troyes^ Meaux, Sainl-Di/.ier, Sézauue,
Fismos, Sainte- Menehould, Chùloos, Verlus, etc., sans sortir
de la Champagne, virent de semblables luttes auxquelles s'as-
sociait la population entière en pleine joie et allégresse.
Pour sortir des généralités à cet égard et ne point répéter
des détails bien connus sur le rôle des arquebusiers en Cham-
pagne, uous avons interrogé les archives communales de l'une
des villes de la province non encore consultées à fond, ni sur-
tout reproduites dans leurs pièces essentielles. 11 s'agit de la
ville de Rethel, dont les historiens, MM. Ch. Pauffm et Emile
Jolibois, n'ont pu tout éclaircir, ni même tout citer en ce qui
concerne ses institutions et leur orgc.nisation si variable dans
le cours des âges. Ils ont naturellement parlé l'un et l'autre
des arquebusiers, qui succédèrent aux archers' et portèrent
leur part de fatigue dans les sièges trop fréquents qui épui-
sèrent la ville-. Ils signalèrent leurs conflits avec la milice
bourgeoise^, et Tincendie qui obligea à reconstruire leur hôtel
à la veille de la Révolution^. Mais aucun document original,
aucun recours aux sources inédites n'accompagnent ces men-
tions, par cela même incomplètes et sans caractère décisif. A
notre époque éprise du sens critique, en histoire comme en
toutes choses, il faut des textes plutôt que des phrases, des
noms et des dates plutôt que des appréciations reflétar.t des
données vagues, en un mot, il faut le langage et le coloris de
l'époque dont on prétend parler. Mieux vaut ne fixer que cer-
1. « Ce ne lut qu'en \h~6 qu'une Compagnie d'arquebusiers rtmplbÇd
cells des archer» et arbalétriers. Le tir fut d'abord élabli au jeu de l'arc, dans
le ibssé derrière le prieuré, puis aux îles, et enfin au faubourg des Minimes,
sur la roule de Reims (184'^). » Ilislotre de la ville de Rethel, par Emile
Jolibois, in-8", 1817, p. SI.
2. « Pressentant peut-êlre les aUaques multipliées qui devaient fondre sur
la ville, les échevins, en 1647, achetaient an terrain dans l'inlenliou d'élever
un bâtiment qui servît d'hôtel ou de lieu de réunion à une ancienne Copjpa-
gnle de l'arc et de l'arbalète qui avait pris le nom de Compagnie de l'arque-
buse, et qui rendit de grands services dans les momeuls dilliciles. » lictliel
ciGerson, par Ch. Pauffin, 18i5, p. 133.
3. Sur les conllils entre la milice bourgeoise et la Compagnie de l'arque-
buse au xviii" siècle, et sur la suppression de celle-ci en 1790, voir VHis-
toire do liclhel, par Jolibois, p. 181-82, et lielhel et Gerson, par Ch. l'auf-
lin, p. 192.
4. « Au mois de janvier 1785, une partie des bàiimenls de l'Arquebuse
fut brûlée. » Rethel et Gérsnn, p-.r Ch. Faufliu, p. 190. — Cf. du mCMne
auteur, la notice manuscrite qu'il a donnée sur les arquebusiers dans son
vaste recueil Les Ardeniics illustrées, 12' volume, à IHôtel de \illc de
Helhel. Une notice analogue, signée Mercier, se trouve dans le Guide rcthé*
lois, publié par G. Beauvarlet, 2' année, 1884, p 68 à 72.
LES ARQUEBUSIERS DE RETHEL ^03
tciius poiuls eL les aflirmer avec le souci du délai), que d'em-
brasser uu eusemble trop vasle el pour cela le mal élreiudre.
Ainsi, les pièces que nous produisons après les avoir
empruntées au dépôt municipal de Relhel elaux archives des
anciens comies conservées à Monaco, soûl loin de retracer
riiisloire complète ('e la Compagnie des arquebusiers relhélois.
Il n'est si mince sujet qui n'échappe aux investigations sur
plusieurs points principaux. Bornons-nous donc à planter
quelques ja'ons,ils serviront à délimiter le champ d'action des
ar()uebusiers dans une petite ville frontière, oui les échevins et
les seigneurs Cavorisèreul à Tenvi les jeux d'adresse el les
exercices belliqueux. Voici la série des documents que nos
commentaires cherchent simplement à expliquer, sans vouloir
le moins du monde dispenser de les lire.
I. — Lettre des Archers pour ia création
d'un jardin.
la leLlre des archers aux échevins de Rethel est une i)ièce
malheureusement sans date, nuis que son texte permet de
lixer au début du xvii^ siècle, probablement sous le lègne
de Henri IV et après la mort de Louis de Gonzague. dont il est
question en tète de la suppli.jue '. Ce prince ayant promis aux
archers d'obtenir pour eux, des échevins, un jardin eu rem-
placement de celui qu'il avait converti en chemin pour le châ-
teau, lesdits archers sollicitaient dans ce but une portion du
boulevard Saint-Paul, comme un terrain favorable à leurs
réunions. Il leur fut accordé el on le nomma de suitt le Jardin
des Archers. Cet espace fut converti on cimetière pour la
paroisse Sunl-îsicolas en 178U, et depuis la créalion d'un nou-
veau cimetière en 1840, il est redevenu un jardin particulier"'.
Depuis longtemps, la Compagnie de l'arc avait cessé d'exister
quand le jardin fut transformé en cimetière, mais auparavant,
elle coexista avec la Compagnie de l'arquebuse, qui finit par
l'absorber '. I^a lettre est conçue en ces termes :
1 . Louis lie Gonzague, époux de Ilenrielle île Clèvcs, Cal comte de Hclhel
de lô6-i à loi)").
"1. Propriété de la l'umille l''romenl, toa cutréc .-e t:ou\'e sur lu rus Sainl-
Nicolab.
3. Il est certaiu que les arquehjusiers avaient reçu des privilèges du duc
de Ixelhélois par letlres paleolcs du 3 mars 1505. Les archers eureut donc
avec eux une survivance d'au moins vingt ans.' Voir pièce IV, t.
564 LES ARQOEBUblERS DE RETHEL
Lettre des Archers.
A Messieurs les eschevins gouverneurs de la ville de Rethel.
Supplient et vous remonstrent les archers du Jeu de l'arc a main
residans audict Rethel, que, sont environ vingt deux ans, feu d'heu-
reuse mémoire monseigneur Ludovito de Gonzague, duc de Nyver-
nois et de Rethellois,que Dieu absolve, auroit, pour la commodité de
son chasteau dudict Rethel, taict faire ung chemain par dedans le jar-
din qui appartenoit ausdictz archers^, scis aux petittes places devant
ledict chasteau, de manière qu'il n'en seroit resté aucune chose a
iceulx archers. Et pour et au lieu d'icelluy jardin, mondict seigneur
auroit promis de leur en iaire accommoder un aultre par messieurs
les eschevins dudict Rethel dans la ville neusve ou en aultre lieu le
plus commode que taire ce pouroit. Et pour a ce parvenir en escri-
vit a messieurs les eschevins qui estoient en charge quelque deux
ou trois ans après que son intention estoit qu'ilz rendissent un
aultre jardin ausdicts archiers en ladicte ville neusve ou ailleurs
tomme dict est. Depuis ce temps, a l'occasion des guerres civilles et
maladie contagieuse survenues audict Rethel, lesdictz sieurs esche-
vins n'ont satisfaict a l'intention et volonté de mondict seigneur,
joinct que lesdictz archiers n'ont faict que bien peu d'exercice
dudict jeu pour les causes susdictes ; mais depuis qu'il a pieu a Dieu
et au Roy nostre Sire, nous donner la paix, iceulx archiers recon-
gnoissant que leur devoir estoit de ne laisser tomber en décadence
ledict jeu, ains de le sousrenir et maintenir tant qu'ilz pourront
comme les anciens ont faict suyvant le serment qu'ils en ont pres-
tez, ont remis le jeu dessus et aJvisé qu'il n'y auroit lieu plus
propre et commode pour ung jar Jin que dans une portion du boul-
verc Sainct Paul derier la maison de Jehan Fondeur, vers le chas-
teau, qui est un lieu a l'escart ou peu de gens frequantent.
C'est pourquoy ilz vous requièrent humblement, mesdicCs sieurs,
que satisfaisant a l'inrention de mondict seigneur, il vous plaise leur
voloir occroier et accorder leJict lieu pour dans iceilui dresser leur
jardin et jeu de l'arc, et lequel jardin ilz pouront fermer de haie
vifve ou mort comme il vous sera plus agréable, et dans iceilui plan-
ter des arbres fruictiers et autres affin de donner occasion a leurs
postérieurs, desquelz peult estre aulcunsdes vcstres pouront estre,
d entretenir Kdict jardin et jeu qui est le premier de tous les jeux
des traictz ; et que deflences seront faictes a toutres personnes de
}es troubler ou empescher directement ou indirectement en la jouys-
sance et possession dudict jardin.
Et lesdictz supplians et leurs successeurs seront obligez tant plus
a vous rendre l'obéissance tel que tous les habitans sont tenuz
envers leurs magisirats, et prier Dieu pour vous.
{Suivent les signatures.)
(Lettre originale sjir pupier.)
{Archives communales de Rethel. EL, 1.)
LES ARQUKBrSIERS DE RETIlEr, oTiTt
IL— Extraits des comptes de ia ville, 1615-1700,
C'est eu \G[') que nous avons trouvé menlion pour k pre-
mière fois, dans les comptes communaux, d'une somme accor-
dée à un chevalier de l'arquebuse pour avoir aballu l'oiseau.
Uoberl Tieicelet reçut cent sols en récompense de son adresse.
On voit offrir une somme du vingt livres, en 1037, au capi-
taine de la même Compagnie, Antoine Camart, vraisemblable-
ment pour le développement de lassociation.
En iG70. un secours de deux cents livres est donné aux
arquebu:^iers pour leur permettre de se rendre au concours de
Moutdidier en Picardie, et en 1()73, c'est à Rethel même que
le concours général eut lieu et que la ville hébergea et honora
les compagnies du dehors : alors les victuailles abondèrent, le
vin coula, un feu de joie fut allumé, les violons elles tambours
témoignèrent de l'allégresse générale.
Dix ans plus tard, en 102, la Compagnie de Rethel se ren-
dit à Epernay pour une semblable solennité, et reçut un sub-
side de cent cinijuante livres.
Eu ltj8G, les exercices et les récompenses locales se multi-
plièrent pour pouvoir aborder avec succès, l'année suivante, le
concours général, de Reims, en faveur duquel la ville accorda
cent livres. De 161)2 à 1700, la ville vota annuellement des
médailles, des lasses en argent, de la vaisselle d'étain ou bien
une caque de vin, cadeaux distribués aux meilleurs tireurs à
leur rentrée au jardin. Un subside de trois cents livres fut
réservé au concours de Laon en 1700, et là s'arrêtent nos
recherches dans les registres des dépenses communales.
Hnr.i^TnE- AxNft--
Extraits des comptes de la ville de Rethel.
A Robert Tiercelet le jeune, chevalier du jardin des harquebu- cr; i i,s ifiij
ziers de la ville de Rethel, la somme de cent solz pour avoir abattu
l'oiseau dudic jardin.
A honnorable homme Me Antoine Camart, esleu conseiller du Roy, '"<""■ '"- l'^'-i
procureur gênerai de Rethellois, capitaine de la Campagnie des
Harquebuziers de la ville de Retel, la somme de vingt livres a luy
accordé par résultat du conseil du XXI'^' de mai M VI' XXXII.
Idem. ce 170 iti:i:
A M'"' les ofliciers, roy et chevaliers de la Compagnie des bar- t'.C 210 ir.Tu
quebuziers de la ville de Mazarin, h somme de deux cents livres
pour se transporter eu la ville de Montdidier au prix général.
Audit Tibé, la somme de vingt sept livres pour tourtes eschau- CC 213 lôTS
iiCG LES ATîQUEBrSIERS DR RETHEI.
dés et autres denrées qu'il n fouruy pour la collation présentée devant
l'hostel de la ville aux Compagnies des Arquebuziers au prix gêne-
rai rendu en ceste ville.
-^''''"' A Philippe Le Chastelain 48 livres pour un poinsson de
vin (mi'me hue).
/''''"' A Antoine Michel, quincaillier 45 livres pour le teu de joye
(même but).
Idfm A Jaquet Villain, sergent de la ville 40 livres 17 sols, six
deniers, pour somrrjes déboursées par lui aux violons, tambours,
trompettes et autres pendant le prix général.
Idem A Jaques Michel, cuisinier, 22 livros pour avoir tis;ité
MM'^ les officiers généraux et les officiers de l'Arquebuse pendant
le prix général,
Idi'm A la veuve Jean Mouron, hostelière, sept livres 3 sols pour un
jambon de Mayance, présenté à lad. collation.
ce 222 10S2 Aux sieurs officiers et chevaliers de la Compagnie des Arquebu-
ziers de cette ville, la somme de ijo livres a eux accordé pour
ayde à leurs dépenses a taire au prix d'Epernay.
ce 22G 1680 Au sieur Jean Durand, capitaine de la Compagnie de l'Arquebuze
de cette ville, 12 livres pour un prix accordé a lad; Compagnie a la
rentrée du jardin.
Ith-m Aud. Michel Robin, la somme de 21 liv. 2 sols pour les frais et
dépens Laits en collation et rubans le lendemain de Fenthecosce que
M'' Paul Alexandre Titeux, sindic, a abattu l'oiseau de la Compagnie
de l'Arquebuze,
Idem Au sieur Durand, cap'"' de la Compagnie de l'Arquebuze, la
somme de 20 liv. que l'on a accoustumé payer aud. cap»*' le jour de
l'oiseau.
Idem Au roy de l'Arquebuze, 100 sois pour le joyau qu'il est accous-
tumé luy donner par cette communaulté.
ce 227 1GS7 Aux cor.iiestables de la Compagnie des chevaliers de l'.Arquebuze,
13 liv. pour un prix accordé a lad. Compagnie pour exercer les che-
valiers.
Idem Aux s''^ cap'if, lieutenant, roy et chevaliers de la Compagnie de
l'Arquebuze 200 liv. qui leur a esté payée pour ayder a leurs
frais et dépens au prix gênerai qui s'est rendu en la ville de Reims
le 15" juin 1687
ce 2r>2 1602 -^ Regnault Bruslé, hotelain, 7 liv. 14 sols pour vin fourny a la
rentrée du jardin de l'Arquebuze.
idi'Di Audit Michel Robin, orphèvre, 30 liv. 5 sols, savoir 12 liv.
15 sols pour une tasse d'argent donnée pour un prix a la Comp'*" de
l'Arquebuze, et 17 liv. 10 sols pour une médaille donnée au roy de
l'Arquebuze.
ce sr, 160?. Licm.
ce 234 1G94 A François Foulon, potier d'estain,. . . . . 15" liv. pour le prix de
LES ARQUERUSIRRS DE RKTHKL i'iDT
vaisselle d'eîtaiii qu'il a vendu a la Comp''' de l'Arquebuze pour un
prix accordé à la rentrée du jardin.
A Jacques Philippes des Camps, mil orphèvre, 36 iiv. pour ce. -r.r. im^
une tasse d'argent et une médaille pour le roy de l'Arqucbuze de
l'année.
A J. Baptiste Audry, marchand, 24 Iiv. pour le prix d'une cc îSS loas
cacq de vin présenté à la Comp"' de l'Arquebuze le jour de la f.ste
de S' Laurent.
Aux officiers et chevaliers de l'Arquebuse 300 Iiv. pour aider ce. -.'^.g I7i"t
a la dépense à taire pour le prix gênerai qui se rend l'année de cc
compte dans la ville de Laon, payé au s' Pauffîn cap°'' ' .
{Archives commun,:les de Retlicl^ Registres des Coriirtes.)
Ml. — Correspondance des arquebusiers avec
les échevins, 1660-1671.
Lorsque la Compagnie de larquebuse lullail pour l'houueur
de la ville à un piix général au dehors, une curieuse corres-
pondance s'établissait entre elle et les échevins. Le greilier.
pour tous les chevaliers, écrivait aux magistrats municipaux
l'accueil qui leur avait été fait dans la cilé voisine, la bonne
impression produite par l'allure martiale de la troupe, l'ouver-
ture du tir et les chances qu'ils avaient d'y remporter la vic-
toire. On continuait à donner des nouvelles pendant la durée
du séjour assez long que nécessitaient les opérations succes-
sives elles réjouissances publiques. Ou supputait les coups
heureux et les prix à gagner d'après la réussito de tant d'ad-
versaires et de rivaux. Enfin, l'on avisait du retour et du céré-
monial à observer d'une manière conforme aux traditions.
Toutes ces parlicularilés se retrouvent dans les qualre
lettres conservées aux archives de Relhel, écrites pendant le
prix général de Reims en IGfiU'-, et pendant celui de Charle-
ville en 1 G" 1 . A Reims, une lueur d'espoir d'un éclatant succès
avait encouragé au début les arquebusiers reihélois, que la for-
tune ne parait pas avoir favorisés jusqu'au bout. Ils furent
néanmoins comblés par leurs émules d'attentions et de
1 . D'après les diverses menlious relevées dans les comple?, on voit que,
chaque année, le chevalier qui abîUail l'oiseau recevait 100 sols. J'ai fait le
relevé pour une quinzaine d'annéei Le traitement du capitaine était de
20 Iiv. ; plus lard, on donna en bloc 80 Iiv, par au pour les capitaine, lieute-
nant, roy, eic H. L.
2. 'Voir les détails d'orgaaisalion du prix général de I^eims en 1000, dans
les Mi'moires d'Oudard Coquault, publias par Ch. Loriquel, Reims, IST.";,
p. 'ii:3-1i.
5G8 LES ARQUEBUSIERS DR P.KTHEL
marques d'esliaie, ce qui leur lil souhaiter l'houDeur du canuu
el l'envoi d'une compagnie de la jeunesse à leur rencontre.
Mais à Charleville, ils furent mieux partagés qu'à Reims el
remportèrent sept prix, plus le bouquet à eux adjugé en con-
currence avec les chevaliers de Sézanne qui, disaient-ils. « ont
fait le diable » pour l'obtenir.
Ou lira avec intéiêt ces courtes missives, qui retracent les
impressions et les émotions d'une jeunesse généreuse, ardente
à la lutte et très sensible à l'honneur.
Lettres des Arquebusiers aux Echevins de Rethel.
A Reims, ce 21 juin 1600.
Messieurs,
Nous sommes autant portez par inclination que par debvoir a
rendre les respectz deubz. a vos mérites et au rang que vous tenez,
lis nous obligent a vous informer de ce qui s'est icy passé jusques a
présent a commencer par le bon acceuil que nous y avons receu par
un des capitaines de la Compagnie de ceste vile a la teste de qua-
rante chevaux, qui nous vint au devant jusques hors le fauxbourg
ou il mit pied a terre, nous fist un jolv compliment accompagné de
civilités et de protestations d'estre très satisfait de noscre arrivée et
si bonne Compagnie, d'où nous fusmes conduits au logis destiné. Le
lendemain dimanche, la montre s'est faite, où le sort nous donna
le neufviesme rang, \ostre Compagnie s'y trouva de vingt six
hommes e.i assez, bonne posture pour estre estimée .sans vanité la
troiziesme de touttes celles qui sont icy ; aussi est-il vrai qu'elle v
a receu tous les applaudissemens que nous pouvions attendre.
Ensuitte de la montre, l'ouverture du prix se fist par le coup du
Roi* que tira Mons' de Tiernu, capitaine de h ville-, au bruit de
cinquante cannonades accompagné de mousqueterie tirée par la
Compagnie. Aujourd'huy l'on doit commencer a combattre ; nous
tascherons de faire en sorte que la suitte puisse estre conirorme a un
si beau commancement. Nous vous supplions, mes.sicurs, d'estre
persuadez que le seul motif de l'honneur d'une ville qui vous est
soubmise, nous anime a bien taire ; c'est la seule recompense que
peuvent désirer ceux qui ont le cœur bien placé, comme
messieurs
1. Le roii|i (hi roi étail le premier coup lire par le plus haut personnage
au nom du roi. Il se tirait aussilôt la Montre nu revue générale des Compa-
guies.
2. Charles Cauclion, capitaine de Heims, était l'un des memhres de la
l'amille de ce nom, qui possédait la si-igueuiip de ThiTnu (canton de Marie,
Aisne\
LES ARQUEBUSTF.RS DE RETHEL ofiO
Vos très humbles et très obéissants serviteurs les capi"^ roi,
enseigne et clievaliers du Jeu de l'Arquebuse de la ville de Retel.
Le Lièvre
greffier de lad. Compagnie.
A Reims, ce 23" juin lOGC.
Messieurs,
Ce ne seroit pas correspondre a celles que nous avons eu l'hon-
neur de vous escrire ny au succez que vous attendez de nos armes,
sy nous ne vous faisions scavoir que notre premier coup tiré par
M"" Clepoint est a cinq lignes de la broche et jusqu'icy le disputte
au second meilleur de la. première allé, laquelle estant advancee de
trois quartz et demy il faudroit bien du malheur si ce coup n'em-
porte un prix considérable. Le Ciel, nous en ayant favorisé, achèvera
le reste, et de iiostre part nous avons soin de luv en rendre grâces
et de mériter le tiltre
messieurs,
de
Vos très humbles et très obéissants servite.irs les officiers
et chev.Tlliers du Jardin de l'Arquebuze de Retel.
3-
'A Reims, les onze heures du soir
30 juin 1660.
Messieurs,
F-Xcusez sv la cavalcade que nous avons faite cet après diné ne nous
a donnée la liberté de vous donner plustost advis de nostrc départ
de ceste ville, d'où nous croyons sortir demain sur les huit heures
du marin pour nous rendre a Rethel a trois ou quatre après mydy.
Nous nous persuadons facilement qu'après tan de preuves de vos
zèles pour la gloire dune ville qui est a vostre direction, vous nous
accorderez la grâce de ne nous pas fjire des moindres lionneurs que
ceux qui sont préparez a messieurs de Maizieres, ausiuels les
canons de boite ne doivent pas manquer. Si nostre bonheur n'égale
pas le leur vous aurez, messieurs, assez de bonté pour supporter
nostre peu d'adresse et suppléer a ce defiault. Si vous jugez a pro-
pos de disposer quelque jeunesse ou bourgeois a nous venir au devan,
ce sera un surcroit d'obligations. Apres tout, nous nous en remet-
tons a tout le qu'il vous pLiira d'ordonner et faire
messieurs,
de
Xoa très humbles et très obeissans serviteurs les oi-ticicrs et
chevalliers de l'Arquebuze de Rethe!.
4-
A Charleville, ce 14 juin 1(17!.
Messieurs,
Depuis que je me suis donne l'honneiir Je vous escrire vous
scauré s'il vous phir que sur la dernière jtlanche nous avons
ÎÎTO I.RS ABQURPUSTETÎS DE KF.THEL
le second prix gaigné par le s"' Alardon et.le sixiesme gaigiié par le
s' Clepoint. Il y a encore-deux autres petits. prix gaignés.par les s''-
Dubus, advccar^ et Piedefer, de manière que nous avons sept prix'
et un ayde de pantoii-. Mais pour le comble de no?tte gloire c'est
que le boucquet^ nous vient d'estre adjugé nonobstant les soUicita-
tioiis ou plustost importunités de messieurs de Sezaniie qui ont fait
les diables. Ainsy nous pouvons dire que nous retournons autant
plains de gloire et d'honneur que nous en pouvions .souhaitter. Je
suis persuadé que vous auré la bonté de donner les ordres nécessaires
pour bien recevoir nostre troupe et nostre bouccjuet ;. nous pourons
ariver demain entre cinq et six du soir pour vous embrasser et vous
témoigner moi particulièrement que je serai toute ma vie
messieurs,
Vostre très humble et très obéissant serviteur
ViENOT.
(Lettres orii^inales adressées aux éthevins de Kethel ).
(Archives communales de Rethel. EE. 2.)
IV. — Le duc de lYlazarin et les arquebusiers
de Rethei, 1664-1671.
Le duc de Mazaria, fils du maréchal de La Meilleraye, ei=l
suiioul connu pour La siu^jularité de son caractère el ses mésa-
ventures conjugales avec la belle Horlense Mancini, la plus
chérie des nièces du cardinal Mazariu. Il mérite cependant une
meilleure place dans Thisloire, et il l'oblient sans peine aux
yeux de ceux qui étudient son rôle d'administrateur de ses
vastes domaines el apprécient les bienfaits qu'il répandit en
beaucoup de lieux, avec autant de charité que de sagesse rela-
tive. Sans doute, beaucoup do ses actes, même des meilleurs,
sont empreints de bizarrerie el dénotent ou trop de conliance,
ou trop peu de discernement ; de même, c-a piété dégénéra par-
fois en pratiques minutieuses ou excessives, mais au fond, on
retrouve, dans ce grand seigneur original, bien des veitus de
race, bien Jes qualités qui contribueront tôt ou lard à réhabiliter
sa mémoire obscurcie par ses trop fameux procès contre
sa femme.
1 . Les p:ix élaicnliJes obje ts divers en a igeul: bassins, lia m beau s, pois, etc.
2. Le pantOD est la fip;ure décorée d'une cible, avec l'inscription el la da'e
du prix. On eu conserve un en bois doré au Musée rétrospectif de Reims.
C'était un souvenir commémoralil' du prix gagné, el que l'on suspendait dans
les hôtels des arquebusiers comme un trophée.
3. Le bouquet était un objet d'art allribué à la Compagnie victorieuse de
toutes les autres. A Reims, en 16S7, !e bouquel consistait eu une ligure de
Mars lenai'.t en main des Oliviers el des lis, tivec un iiouclier d'argent.. .
I.RS ATiOUEBUSIKRS DE RETITRI. i'tT f
Successeur des comtes el ducs de Rethélois, il apnorla uii
soiu jaloux à connaître les besoins sociaux, relig^ieux el
moraux de la contrée : pa'tout il so plail à satisfaire aux
demandes bien fondées. S'il ne fut pas indifférent aux misères
des pauvres, des hospices et des écoles, il ne négligea pas ses
devoirs envers les institutions militaires el sauvegarda les élé-
ments indispensables au bon ordre et à la défense du pays. Le>
guerres de la Fronde avaient brisé bien des ressorts dans la
noblesse el la bourgeoisie des vdles ; trop de ruines avaient
jonché le sol et trop de forteresses avaient été démantelées. S'il
fallait anéantir à jamais la rébellion et l'arrogance des grands
seigneurs, il convenait de rendre aux classes moyennes la
conscience de leurs forces en groupant leurs meilleures
réserves dans un service public.
C'est ainsi que les Compagnies de milice bourgeoise, et par-
ticulièrement celles des arquebusiers, reçurent les fuveurs du
duc de Mazarin. Nous le voyons approuver, après examen
réfléchi, le règlement des chevaliers de Tarquebusede Bethel,
le 15 juillet loG4, pendant un séjour qu'il faisait en celte
ville. Non seulement il affectait un prix annuel à la fête
de Saint Laurent et agréait leur association dans les plus
minces et les plus ponctuels détails de son organisation, mais
il conflrmait ses privilèges et ses prérogatives qui dataient d'une
concession remontant aux Gonzague, en lLi05. Le nouveau
règlement, adopté d'un commun accord, devint comme la
charte de la Compagnie jusqu'à sa suppression en 17U0 : celle
pièce, jusqu'ici inconnue, avait élé heureusement recueillie
dans les archives des princes de Monaco, derniers descendants
du duc de Mazarin. On y remarque surtout les articles qui en
font comme la loi d'une Société de tempérance et de savoir-
vivre. Nous la donnons in extenso, en la faisant suivre de deux
aulres documents tirés des archives de Helhel : l'un esi l'aban-
don, en 1G60, par le duc de Mazarin, de trente chênes de ses
forêts pour le rélablissement de Thôtel des Arquebusiers ; l'autre
est une lettre des échevins écrite au duc en 16/1, pour lui
annoncer le succès des chevaliers au prix de Gharleville, glo-
rieuse prouesse que nous avons dé)à relatée plus haut. Là se
bornent nos renseignements sur les relalions du duc avec les
arquebusiers, renseignements a^sez curieux que d'autres
recherches complèleront un jour.
572 lES ARQUEBUSIERS DE BETHEI,
I.
1."! juillet 1064.
Règlement de la Compagnie des Arquebusiers de la ville
de Rethel.
Les capitaines et chevaliers du jardin des arquebusier? de la ville
de Mazarin recognoissans combien il est necessa'res d'y vivre avec
quelques loix et police pour contenir chacun dans les bornes d'une
honneste modestie, respect et bienséance, o!:t d'un commun con-
sentement arresté et approuvé pour loix, statuts et règles inviolables
du'.lit jardin les ordonnance? qui ensuivent :
Des capitaines, leur eslection, privilèges et pouvoir.
Les capitaine, lieutenant et enseigne, chets dudit jardin seront
pourveuz auxdites charge? par monseigneur le duc de .Mazarini et
ses successeurs.
Leur principalle application sera de fai^-e vivre en paix et union
tous les chevaliers, et les empeschemens en quelque cas se soit de
boire a cette occasion, ny mesme de fréquenter les cabarets^ et au
surplus d'observer tous les statuts suivant les reglemens, emploi.ins
leurs talents et casuels a l'accroissement et embellissement du
jardin.
Jouiront lesd. capitaines, lieutenant et enseigne de l'exemption
de guet et garde en laditte ville, tint en temps de guerre que de
paix suivant la concession de monseigneur par les lettres patentes
du troisième mars i'J95, en attendan.t qu'eux, le roy et chevaliers
puissent obtenir privilèges semblables aux compagnies des villes cir-
tonvoisines et pour y parvenir, ilz prieront monseigneur le duc de
-Mazaiini des les ayder a l'obtention des lettres en forme pour l'es-
tablissement de ces privilèges, a quoy tous les principaux de la ville,
et surtout messieurs les eschevins et conseil seront invitez de leur
tournir leur bon conseil et crédit pour y réussir.
Tous les chevaliers de lad. Compagnie recognoistront pour leurs
chefs lesd. capitaine, lieutenant et enseigne, et en leur absence le
roy, daufin, connestables et sergent ; a chacun desquels, comman-
dant en son ordre, ils porteront honneur et révérence, leur obeirout
en ce qui dependera de présentes et soutiendront les droits et privi-
lèges a eux accordez et octroyez, sans toutes fois que le roy, dau-
iin, connestables ou sergent puissent prétendre aucun commande-
ment sinon de degré en degré et en l'absence desd. chefs.
Conétront iceux chefs de tous les difTerens meus et a mouvoir
entre lesd. chevaliers pour led. fait des présentes et deppendantes
d'icelles, par devant lesquelz ils subiront jurisdiction a ce regard,
respondront et acquieseront aux jugemens que lesd. chefs ou l'un
d'eux, et en leur absence le roy ou cTaufîn, avec l'advis de six che-
valiers, en rendront, et y satisferont sans appellation ny opposition
en peine de bannissement de la Compagnie, et de paier tous les
droits de sortie, et ce soubz !e bon plaisir de mond,, seigneur.
LES ARQUEBUSIERS DE RETHEL 573
Toiues les affaires duJ. cardia seront traitëer et termiiice^- pat
l'advis desd chets, y appelle/ le roy, daufin, coiinestablcs avec six
antres choisis entre les plus judicieux de laditte compagnie, qui
seront esleus tous les ans le dimanche d'anrcs la Pentecostc, et un
des ofliciers en sera le chef.
A laquelle eslection sera ain.-y proceddé : les chevaliers asseiii •
blez led. jour aud. jardin les chefs ou chevaliers, lesquels trois
teront reslection des six du conseil, où routestois aucuns dud. conseil
ne s"y pourront trouver soit pour maladie ou autres causes légi-
times, les prcsens estans huit en nombre pourront pr.sser outre et
valideront leurs resolutions comme sy tous v eussent esté presens,
siut où il surviendrait une affaire d'importance et de trop grande
conséquence, la remettre en l'assemblée desd. chefs et chevaliers
pour en estre décidé par leurs jugemens et pluralité des voix.
L'on choisira pour le service de chacque semaine six chevaliers
soubz la conduitte d'un des chefs pour fairo en sorte qu'il n'y
arrive point de desordres ny scandai, soit le jour ou la nuit, et toute
la Compagnie des chevaliers se fera un point d'honneur de contri-
buer au bien publique et sûreté de toutes les familles, lesquels y
trouveront leurs advantages et satisiractions particulières^ et not-
temmcnt pour empescher le teux et les esmotions populaires.
Du ROY, DE SES DROITS ET PRIVILEGES.
Le roy qui est celuy qui par sa dextérité abbat l'oiseau, jouu'a
pendant l'année de pareille exemption de guet et garde a luy accordé
par les lettres susd., outre cent sols quy luy seront diminuez sur
ses tailles, sy tant il en porte, sinon le pardessus luy sera délivré par
les receveurs des deniers communs de cette ville, suivant l'octroy
qu'en ont fait messieurs du conseil d'icelle du 4 tevrier 1602,
en attendant l'obtention espérée d'autres privilèges tels et sem-
blables dont jouissent les roys circonvoisins.
Les trois sols que chacun des chevaliers est obligé bailler pour sa
baguette appartendront au roy.
En faveur et recognoissance de quoy,il devera par l'honneur une
escharpe de la valleur de cent sols, une paire de gands et une dou-
zaine d'esguillïttes de soye tressées, pour estre lesdits joiaux, tirez
le dimanche d'après la seconde feste de Pentecostes ', et délivrez a
ceux qui tjreront les merveilleux coups en une ou trois allées ainsy
qu'il sera advisé.
Fera aussy présent d une eguillette de soye a chacun des chets et
chevaliers le jour qu'il abbatu l'oyseau.
Et s'il est obligé de fournir un autre oyseau pour l'année suivante
et le faire dresser a acs despens, sera led. oyseau égal a celuy qui
dernier aura esté tiré ; a cette fin sera représenté au procureur sin-
I , La secouile tête de !a Peutecùle esl le luudi de la l'cutt-côlc, le dimanulie
suivaut esl la fêle de la yaiulc Triiiilé.
OÏA ■ ma AR',!U1ÎI5US1ERS DE.UETIiEL
die, et ou il b'y crouvcroit du Lhaiigement ou inégalité ou fera sou
rapport eu la compagnie, en la présence des chefs, pour en estre
ordonné.
Du DAUPHIN ET DE SES DROITS.
Le dauphin sera réputé estre celuy qui aura fait le plus beau coup
de la première allée en l'assemblée desd. chevaliers aud. j.>rdiii, led.
jour de dimanche après la Pentecoste.
Quy emportera l'escharpe que le roy présente, sera daufîn pour
pour toute Tannée, et comme tel respecté pour commander en l'ab-
sence des chefs et du roy.
Sera tenu bailler un joyau vallant trois livres au moins, pour
estre tiré entre les chevaliers le dimanche suivant '.
Advenant le deced du roy, le dauphin jouira de ses exemptions et
privilèges pour le temps qui restera de l'année, ce que messieurs
les eschevins seront supliez d'agréer ; en ce cas le dauphin fournira
l'oyseau ainsy et tel que le roy estait tenu, les héritiers duquel
représenteront la couronne et l'oiseau dernier abattu le dernier jour
de feste de Pentecoste du matin, pour a 1 instant led. oyseau estre
veu estre rendu; jouiront neaiirmoins les veuve et héritiers dud.
wy deffunct desd. cent sols et de plus s'il est obtenu.
Des connestables et de leur devoir.
Seront esleus pour connestables deux chevaliers dud. jardin qui
feront cette charge pendant une année seulement, laquelle com-
mencera le dimanche précèdent led. jour de Pentecoste et finira a
pareil temp^, sans pouvoir en espérer aucuns gaiges ny autres pri-
vilèges que de l'exemption du disner du jour de S'-Laurc;it - et du
soupper du jour de l'oiseau'.
Se (fva lad. eslection led. jour par trois chevaliers qui seront à
cet efTect choisis et nommez, par les chefs pour ce assemblez aud.
jardin et la Compngnie y conviée le jour précèdent.
le devoir desquels connestables est d'avoir l'œil a ce que les
réparations qui seront a faire es bastimens dud. jardin soient faits
en temps et lieu, renouveller les baux d'iceux, prendre bonne et suf-
iisaïue caution et en lespondre, recevoir les louages et en bailler
quittance, faire faire les poursuittes necessiiires pour quelque
matière et affaire que ce soit, a la requeste du procureur siiidic.
Bailler ordre aux luminaires, torches et services de l'église et eon-
1 . Le Joiau étail l'objet d'arl acquis pour être remis ou vuiiujueur. C'é'.ail
géuéralemeiit une pièce d'arp;enleiie.
2. La lôle de Saint Laureul se célèbre le 10 uuùl ; tUe e'iait encore cbô-
uiée dans le diocèse de R'ïims au xviiic siècle. Ou vtna plus bnn qu'elle était
la lète palroualc des arquebusiers de Keihel.
'•i. Le jour de l'oiseau clail le Dimanche dans TiKtave de l'Ascension.
Le lir avait lieu ce jour-là sur un oiseau vivant li.'ié au-dessus de la porte
'Sainl-Nicolas.
LES ARQUEBUSIURS DE UKTHKL 575
taiiter le prostré de ^a rétribution ordinaire pour les messes qu'il
dira au nom desd. chevaliers.
Recevront les droits d'entrée et sorties, amandes et autres emo-
lumens qui surviendront pendant l'année de leur administration et
autre pouvoir, pojr quelque prétexte que ce soit, recevoir ce qui
seroit deub du temps de leurs devanciers ou successeurs.
Et comme le jour de la S'-Laurent est une feste de patron très
sDlennelle pour la Compagnie des chevaliers, on sera soigneux de se
trouver tous a la grande messe, laissant leurs armes a la porte de
l'église. Et ensuicte ils iront au jardin ou l'on tirera un prix
extraordinaire quy sera achepté, tant de quinze livres de soixante
(sic) que monseigneur le duc de Mazarin leur veut bien donner,
tant que la Compagnie subsistera et qu'elle accomplira ses statuts, e:
a quoy il oblige pjreillement ses successeurs a tousiours, et de
quinze sols que chaque officier et chevalier contribuera libe-
rallement ' ; lesquelles sommes seront emploiées a Fachap de trois
prix qui tomberont dans le partage de ceux qui auront tirer le plus
près de la broche, après quoy chacun ira disncr chez soy sans s'as-
sembler janiais a cette fin et pour une telle occasion, et ceux qui
auroiTt fait leur dévotion ne tireront point, mais contribueront au
prix sur la proportion susd. ; et tous ceux qui auront tirez (sic) en
estât d'assister a la messe la matin, iront Taprès disner a vespres
sans y manquer -,
N'entreprendront aucun nouvel œuve sans l'advis et conclusion
du conseil ou de la Compagnie sy l'affaire le requiert.
Quinze jours au plus tard après leur sortie rendront compte bon
et fidel des deniers qu'ils auront reccus pendant l'année de leur
administration par devant les chets et gens du cons:il.
.Mettront le bon, sy aucun y a es mains, de leurs successeurs,
sinon paier ou il leur sera deub, ou sera ad visé par le c.nseil de les
emploier.
Touttes assemblées et convocation se teront a la diligence des
connestables, maistres dud. jardin, quy ordonneront au vallet de
lad. Compagnie d'advertir les chefs et clievaliers d'icellede s'y trou-
ver a tel jour et heure qu'il sera ad visé pour délibérer des affaires
qui s'offriront.
Tiendront les locataires des maisons dud. jardin en deffence, par
les baux qu'ils leur en passeront, de permettre l'entrée d'iceluy
a autres qu'aux chevaliers pour y jouer aux quilles, bouUes ou autres
1. Il iaut, peiisons-nou>, ealendre ainsi cntle phrase : le prix sera pa\-é
tant par 15 livres du duc que par l'apport de 15 sels par chaque ollicier et
chevalier. Le duc avait allocté 60 livres à la l'ête de Saint Laurent, sur les-
quels quinze étaient prélevées pour le prix.
2. Ou dispensait de tirer ceux qi)i s'éiaienl approchés des sacrements, le
malin, mais ils devaient participer aux Irais du iirix. Tous les chevaliers
devaient assister à la ûiesfe cl aux vôpres.
576 LES ARQUEBUSIERS DE RhTHEL
jeux a quelque ;our et heure que ce soit, n'estant led. lardiii destiné
que pour 1 exercice des armes.
Payeront a chascun des tambours et titres qu.arente sols, et quatre
livres pour led. vallet par chacun an par torme de gaiges et sans
tirer ea conséquence.
Mettront fin de leur année é^ mains du sindic les baux a louage
desd. maisons pour en ayder leurs successeurs quant ils en auront
besoin.
Du PROCUREUR SINDIC.
le procureur sindic de la Compagnie desdits chevaliers sera eleu
par le conseil d'icelle.
Se trouvera en toutes assemblées dudit jardin pour y proposer ce
dont il aura cliarge selon l'occurrence.
Baillera advis aux chets de ce qu'il apprendra a l'avantage ou
desavantage de la Compagnie affin d'y estre pourveu.
Fera toutes poursuittes nécessaires tant dehors que dedans ledit
jardin pour le bien et avancement d'iceluy, punitions des contra-
ventions aux présentes, et generallement tout ce qui est attribuez a
telles charges, après toutes fois en avoir pris advis de l'un des chets
et, en leur absence, de deux dud. conseil.
Et ou il conviendroit tirer quelques deniers pour les poursuittes
nécessaires, il luy en sera toiirny par lesd. conneuables sur le
mandement qui leur en sera pour ce expédié.
Sera faite élection ou continuation dud. sindic de trois ans e;i
trois ans, led, jour de dimanche, par lesd. chets e: gens du conseil,
ainsy qu'il sera trouvé a propos.
Mettra es mains de son successeur a l'instant de son élection les
papiers de la Compagnie dont luy sera donné descharge par sond.
successeur.
Du GREFFIER ET DE SON DEVOIR,
Sera pareillement estably un greffier et continué de trois ans e;i
trois ans, sy ainsy est advisé.
Se trouvera en toutes assemblées du conseil pour escrire et tenir
registre de toutes les resolutions qui y seront prises poiir le bien
dud. jardin dont il fera soigneuse garde.
Aura soin avec ied. procureur sindic d'escrire et taire registrer les
noms de tous les anciens chevaliers, des nouveaux qui se présente-
ront et seront reccuz auxquels il fera signer l'acte de leur réception,
et de ceux qui decedderont ou se retireront.
Lequel registre sera représenté d'année en aniicj le jour du
dimanche d'après la Pentecoste, pour par ce moien reconoistre au
vray le nombre desd. chevaliers.
Eu SERGUNT.
La Compagnie sera aussy composée d'un sergent lequel sera pour-
veu a cette charge par es'ection en la m.Tnicre que dessus e^t dit.
LES AHOt'fiBUSIERS DE RETHEL 577
Se trouvera ei; toutes assemblées desd. chevaliers pour y exercer les
fonctions de sa charge ainsy qu'il sera dit cy après article (un. hUnc).
Luy sera baillé un desd. chevaliers pour ayJer, sy besoin est, et
est ainsi advisc par les chets et conseil, et jouira de pareil rang et
exemption que ledit sergent excepté qu'il n'aura aucun commande-
ment et ne s'attribuera la qualité de sergent qu'en l'absence dud.
sergent.
Du PREVOST DES a:mandes.
A esté auisy arresté d'establir un prevost pour recevoir les
amandes des contraventions aux présentes ; lesquelles amandes se
publieront tous les ans, et s'adjugeront led. j 3ur de dimanche
d'après la Pentecoste en l'assemblée des chevaliers aux plus offrant
et dernier enchérisseur.
Les connestables assisteront led. prevost en la perception et
recherche des amandes^, et le prevost absent aura le soin de laisser
une boefe es mains desd. connestables pour recevoir lesd. amandes
et luy estre rendue fîdelleraent.
RÈGLEMENT POUR LA IlECEPTION DES CHEVALIERS.
Nul ne sera receu au nombre desd. chevaliers s'i' n'est de la reli-
gion catolique, apostolique et romaine, de bonne vie et conversa-
tion, tel certiffié par deux desd. chets ou par dix ou douze cheva-
liers pour ce assemble/, aud. jardin.
Celuy qui se présentera pour estre receu s'adressera au capitaine
en chef, s'il est a la ville, sinon de degré en degré, au lieutenant,
enseigne, au roy, dauphin, connestable ou sergent, luy fera
entendre son intention, et prendra jour de luy pour se trouver au
jardin ou ailleurs, la Compagnie y estant assemblée, et non autre-
ment, et la y prester le serment avec les solcmnitées requises.
S'il est arresté de le recevoir, il irera le serment et promesse sur
le tust d'une arquebuze, en la présence desd. chevaliers^ de i.e
prendre les armes pour en mal user, mais pour la conservation
et deffences de cette ville de Mazarin, s^ubz l'autorité du roy et de
monseigneur le duc de iMazarini, respecter les chets et chevaliers
dndit jardin, obéir auxd. chefs et exécuter leur commandemenr,
tant pour le service du roy que de mond. seigneur, garde et tuition
de cette ville, manutention de la police et de Texcrcice dud. jardin,
et observation des ordres d'iceluy ; a cette fin se trouver prompte-
mcnt ou lieux et places qui luy seront ordonne sur les peines cy
après déclarées.
Paiera comptant pour son droit d'entrée es mains desd. connes-
tables, la somme de cent sols pour l'entretenement des bastimens
dud. jardin, outre deux sols a chacun desd. tambours, phitre
et valet, et cinq sols a eux mesme la première fois qu'il rompera le
noir, et cent sols pour la sortie.
Celuy d'entre les cnp.taincs et chevaliers qui se mariera, ou
:j7
b78 LES ARQUEBUSIERS DE RETHEL
ses enfans dedans ou hors la ville, paiera, scavoir : le capitaine ou
chef, quinze livres, le lieutenant, douze et l'enseigne, dix livres es
mains desd. connestables pour estre emploiez en resjouissances
entre lesd. chevaliers le jour des espousaiiles, sy mieux lesd. chefs
n'aiment envoier honnestement vin et viandes de la nopces au lieu
ou ils auront advis que la Compagnie sera assemblée pour se resjouir
led. jour. Et affin que lesd. chefs ne soient frustrez de l'honneur
que la Compagnie ^'eut leur rendre en cette occasion, lesd. chevaliers
conduits par Tun des chefs soubz leur enseigne, accompagneront
avec armes les mariez tant en allant qu'au retour de l'église
en habits honnestes.
Règlement pour tirer a la butte
Chacun chevalier aura arquebuse a luy appartenant et n'en pourra
emprunter d'autre pour en tirer, sur peine de nullité du coup et des
deux sols six deniers damande.
Ou toutes fois il se reconetra qu'en tirant le rouet aura esté
rompu, ou qu'il y ait quelque desordre a l'arquebuze de nouveau
survenu qui empeschast s'en pouvoir servir^ en ce cas et estant
l'empeschement jugé légitime en affirmant par celuy a quy l'arque-
buze appartient qu'elle estoit en bonne estât pour tirer lorsqu'il est
entré au jardin, luy sera permis d'en prendre une de ses com-
pagnons et s'en servir pour cette fois.
Ceux qui voudront tirer a la butte soie au dauphin, joiau,
planches ou partie, ne pourront s'aider d'arquebuze marmottée
vicié (?) ou rayée, seront receu a tirer avec harquebuze de guerre
a rouet ou a mesche^ de la qualité de celles qui sont receues et
approuvées au jeu de prix^ et non autre, sur peine de nullité
du coup.
Touttes parties faites a jet de verges ou autrement tiendront
ainsy qu'elles escherront, et le refusant sera tenus pour tout ce qu'il
jouera, tant pour luy que ses comjfagnons, tout ainsy que s'il avoic
perdu la partie.
Est defTendu à tout chevalier de tirer acco.idez, ny de s'appuyer
aucunement, ains a bras estendu et ouvert, en peine de nullité du
coup.
Est pareillenîeiit defTendu a tous chevalier de tirer avec deux
balles ramées ', sur peine de trente sols d'amende pour la première
tois, de soixante quatre sols pour la seconde, de bannissement dud.
jardin pour la troisième fois qu'ils y auront contrevenu, avec con-
fiscation des armes comme indignes et incap.Tbles d'un sy honneste
exercice.
Et les coups ainsy tirez seront nuls.
Nul ne sera receu a tirer a l'oyseau, pour le daufin ny joiau, qu'il
1. Ou appelle balles ramées, deux ou trois balles cnlilées daus uue
aiguille de 1er. Diclionnaire de Trévoux, slu mot Ramé.
LES ARQUEBUSIERS DE JRETHEL 570
n'ait au préalable preste le seimeiic et paie les droits d'cutrée tels
que dessus art 56, ou que les connestables ayant déclarez s'en con-
tenter et dont ils respondroiit en leurs noms a lad. compagnie.
Sy deux coups se rencontrent aussy près de la broche l'un que
l'autre, celuy qui sera dessus emportera le dessous, ec celuy du
costé dextre emportera le senestre.
Sy deux coups se rencontrent en un, le joiau se panira égallc-
ment.
Et sy c'est en partie, et qu'il soit tiré de deux contraire, le coup
demeurera nul et sera recommencé entre les deux qui les auront
tirez seulement.
Ceux qui auront arquebiize a rouet les banderont au lieu accous-
tumé, et ceux qui auront harquebuzs a mesche laisseront leur
mesche sur la table sans la porter par la salle du jardin pour éviter
accident, sur peine, en cas de contravention, de douze deniers
d'amande '.
'^uy tirera a la butte sera tenu avant qu'abattre le cocq et cou-
cher en jolie, adviser s'il n'y a personne, et crier hautement par
trois fois « Allez hors i ou « Gard )> et attendre que le vallet ay
tait le signal, en peine de deux so!s d'amande.
Quy couchera en joue droit a la butte sans avoir bandé ou abattu
le cocq de son arquebuze, doit pour l'amande douze deniers.
Sy l'arquebuze d'aucun taille trois tois continuellement, son coup
sera perdu, le coup ne sera réputé perdu sy l'arquebuze vient
a tirer avant qu'avoir couché en joiie^. ou après que le chevalier se
retirant est hors de couche ; partant pourra recommencer^ neant-
moins tel coup sera tenu pour une faute.
Lors que l'on tirera un joiau ou partie, il ne sera permis a aucun
de tirer pour néant entre les coups de ceux des parties sans leur
permission, en peine de douze deniers d'amande.
Deflences sont faite? a tous chevaliers d'aller voir a la butte, soit
pour mesurer coup ou autrement, sans la permission du capitaine,
ou en son absence de celuy qui aura commandement, sur peine de
douze deniers d'amande ; a cette fin les portes de la gallerie seront
tenues fermées.
Et s'il arrive quelque ditficulté entre ceux qui auront tiré, pour
l'égalité des coups, celuy qui commandera députera deux chevalieis
pour aller visiter lesd. coups, les mesurer, rapporter, et juger ; ."lU
rapport desquels l'on sera tenu s'arrester, sans estrc licite a ceux qui
auront interest d'aller visiter la butte pour y contredire; pourront
ueantmoins commettre pour empescher qu'il leur [soit, tait aucun
tort.
Pareilles defTences sont faites de tirer aud. jardin, soit pour
I . Il y avait encore, en 1G64, emploi simultaué drs deux sortes d'dr(|ae-
Luscs, ce qui est à noter pour l'histoire des armes à feu.
580 LES ARQUEBUSIERS DE RETHEL
esventer l'arquebuse ou autrement^ pendant que Ton tirera au joiau
ou a partie, sur peine de douze deniers d'amande.
Quiconque tirera a la butte ou planche lorsqu'elle sera préparé
pour le joiau, auparavant qu'il soit gagné, est amandable de deux
sols six deniers.
Sont aussy fait defTences a tous chevaliers, de ;ou;r dans la galle-
ne dud. jardii, ny derrier le tambour, a quelconque jeu que ce soit
sur peine de douze deniers d'amande.
Et affin que les chevaliers soient incitez davantage de se trouver
au jardin et s'exercer a tirer, est ordonné aux connestables de bailler
un joiau de trente sols pour estre tiré tous les seconds dimanches
des mois, a commencer du premier dimanche d'après Pasques et
finir le dimanche précédant la Toussaint inclusivement, sauf s'il y
escheoit une feste solennelle led. jour de dimanche, de remettre la
partie a la huitaine suivante, et on aJjoutera a cette coutume une
pièce de trois sols six deniers chaque fois, et ce, pendant deux
dimanches du mois, a quoy les chevaliers contribueront gayement
ce qui sera emploie ou en vaisselle, ou en arme, ou en parure, a
la pluralité des voix.
Sera commencé a tirer pour tels joiaux, à une heure précisément
sans plus attendre, sauf sy avant le joiui délivré, il arrivoit quelque
chevalier qui voulut tirer, de s'y admettre.
Sy quelque joiau de mérite est présenté pendant l'année, il sera
tiré sur une planche qui aura un pied de roy en carré, dans laquelle
sera tiré un rond a piendre au milieu jusques a l'extrémité de la
largeur, la ligne duquel doit estre entièrement franche pour estre
le coup valable ; et sera dressé le plus justement que faire se pourra
au droit du noir de la butte.
Sera a ceUiy qui baillera le joiau de le faire tirer par l'advis
neantmoins des chefs en une, deux ou trois allées; etceluy qui fera
le meilleur coup pendant icelles, aura la planche avec le joiau tel
qu'il se présentera, soit de la première, seconde ou troisième allée.
S'il y a trois joiaux pour tirer a la planche, celuy qui fera le plus
beau coup de la première allée aura le premier joiau a son choix, le
meilleur de la seconde allée le second joiau, et le plus près de la
troisième allée l'autre joiau ; et le plus beau des trois coups aura la
planche outre son joiau.
Sy en la première allée il n y avoit aucun coup dans la planche,
il y aura deux joiaux pour la seconde, sy en lad. seconde il n'y a
qu'un coup, celuy qui l'aura tiré aura le premier joiau ; s'il n'y en
a point, tous les joiaux seront remis a la troisième allée.
Sy en toutes les allées il n'y a qu'un coup dans la planche, il n'y a
qu'un joiau de gagné, sy deux, deux, sy trois, tout sera enlevé.
Mais quand bien il n'y auroit qu''un coup dans lad. planche, elle
sera délivré a celuy qui l'aura tiré, et aura le premier joiau.
I es deux autres demeureront au proffit du jardin, sy (autrement
LES ARQUEBUSIERS DE RETHEL 581
celuy qui l'aura présenté n'ait requis les chefs d'en estre disposé
avant que tirer,
Celuy qui aura gagné la planche sera tenu d'en faire une autre a
ses despens, et la tenir prest pour la première occasion.
REGLEMENT POUR LE JOUR DE L'oYSEAU.
Le dimanche d'après l'Ascension de chacune année, sera tiré l'oi-
seau, et paie cinq solz a celuy qui le montera et descendera.
Le jour précèdent sera fait semonce générale a cette fin, et le
lendemain lesd. chevaliers se trouveront en armes et habits descenz
et honnestes ou lieux cy après déclarez, sur peine contre les des-
faillans de cinq sols d'amande, s'il n'y a excuse légitime qui sera
jugée telle sur le champ.
Et pour y observer l'ordre de la bienséance, lesd. chevaliers s'as-
sembleront du matin soubz la halle haute dudit Mazarin. le ser-
gent prendra les connestables, et avec ce qu'ils trouveront de che-
valiers s'achemineront au logis du lieutenant, puis a celuy de
l'enseigne qui se tiendra prest au premier coup de tambour affin de
n'apporter aucun retardement, de la a celuy du roy, pour, toute
compagnie ainsy assemblée avec l'espéa au costé, marcher eu bon
ordre et venir prendre le capitaine en chef en son logis pour aller
a l'église ou'ir la messe, et de là, retourner au logis dud. capitaine
ou au jardin, ainsy qu'il sera advisé.
Tous les chevaliers seront tenus porter led. jour l'arquebuze, et
accompagner leur chef en allant et retournant de tirer l'oiseau.
De laquelle neantmoins seront exempt les sexagénaires, malades,
et les absents d'une absence non affectée.
Chacun chevalier soit qu'il tire l'oiseau, ou non, sera tenu le jour
que l'on le tirera, porter et délivrer es mains desd. connestables le
soldent est fait mention en l'article ', dont iceux connes-
tables demeureront responsables au roy. Et nul ne sera receu a tirer
aud. oyseau ny au joiau que le roy présente le dimanche subsé-
quent, qu'il n'ait paie led. sol ledit jour de l'oiseau.
Comme en pareil (sic'^^ nul ne sera receu a tirer ny pour joiaux
quels qu'ils soient, qu'il n'ayt preste le serment et acquitté les droits
d'entrée cy devant déclaré art. (ari blanc .
Pour esviter la contusion qui pourroit arriver a tirer l'oiseau,
seront les baguettes des arquebuzes desd. chevaliers jettées par !e
vallet dud. jardin, et ne pourront estre levées qu'avec le marq du
nombre et ordre qu'elles auront esté trouvées, lequel nombre sera,
escrit sur le chapeau ou autre lieu eminent de l'habit de chacun
chevalier affin d'estre appelle, suivant iceluy.
Chacun s'apprestera de bonne heure pour tirer a son tour, avant
lequel sont faites deflenses de tirer sur peine de deux sols six
deniers d'amande et de nullité du coup ; sy toutesfois pour certaines
1 . Ici un blanc, les articles n'étant pas numérotés.
L)82 LES ARQUEBUSIERS DE RETHEL
raisons il ne luy est permis d'avancer son ordre par le chef qui
commandera.
L'oyseau estant dressé sur la porte S'-Nicolas', lieu ordonné a ce
destiné^ sera faite publication a son de tambour et deffenses a haute
voix, que nul ne tire que du lieu préparé pour se (sic) faire avec une
seule balle non ramée, et sans estre accoudé sur peine de nullité du
coup.
Sy aucun est convaincu d'avoir tiré de deux balles ou de balles
ramées sur led. oyseau^ sera exclu dudit jardin comme indigne dud.
exercice, payera en outre trois livres d'amande avec confiscation de
ses armes.
Les arquebuziers, pour tirer a T'oiseau, seront de la qualité de
celle dont est faite mention en l'article (un blanc)^ sur les peines y
contenues. Qui fera abaisser l'oyseau, et ne se trouvera avoir esté
frappé, sera amandable de cini sols qu'il paiera comptant.
Quy frappera l'oiseau d'un coup mortel sera tenu et réputé pour
le roy sans qu'il soit besoin d'abbatre tout le corps dud. oyseau.
Le roy recevra pour marque d'honneur une médaille vallant
douze livres, où le portrait du Roy, nostre maistre, sera représenté,
dont le procureur sindic aura soin de faire provision tous les ans*, et
le chef de la compagnie l'attachera avec un ruban bleu au justau-
corps du roy de l'oyseau.
Sera conduit ledit jour en son logis avec toute la compagnie,
tambour battant et l'enseigne desployée, le saluant laditte compa-
gnie avec les armes, dont on panchera la bouche contre terre
eu passant devant luy.
Les chefs seront exclus de tirer a l'oyseau comme aussy aux
joyaux, lesquels ils laisseront franchement ausd. chevaliers. Pour-
ront neantmoins tirer par honneur pour gagner la planche, et l'em-
porter sur lesd, chevaliers s'ils Iront le meilleur coup.
Règlement pour le jour de la S^- Laurent.
Deux fois l'année, se fera assemblée generalle au son du tambour
soubz le bon plaisir de monseigneur, scavoir, la première teste de
Pentecoste, pour assister a la messe qui se célébrera sur les
sept heures du matin au grand autel de l'église paroissialle, au nom
desd. chevaliers; et l'autre le jour de la teste de S*- Laurent, patron
de lad. compagnie, et encores tous autres jours d'assemblée en
peine de douze sols parisis d'amande contre les contrevenans.
La veille duquel jour, les chevaliers s'assembleront comme des-
sus art. (un blanc} pour aller a vespres, et icelles achevées, retourner
au jardin, sy ainsy est advisé par le chef qui conduira la compagnie,
sinon reconduire les chefs ainsy qu'ils auront esté pris, sur peine
contre les destaillans de pareille peine de douze sols parisis.
1. La porte Sainl-Nicolas se trouvait au nord de la ville, près du cime-
tière actuel, et par conséquent uon loin de l'ancien jardiu des archers.
LES ARQUEBUSIERS DE RETHEL hS'^
Le jour de lad. feste tous les chevaliers feront leur devoir de se
trouver de mesme en habits descents et honnestes avec leurs espces
et armes pour assister a la messe, et de là, retourner au jardin pour
y tirer un prix extraordinaire, seulement et sans aucune boisson ; et
y sera emploie six livres du fond de la compagnie sans compter la
contribution volontaire des chevaliers.
. Tous les clievaiiers, les jours de l'oiseau et de S"-Laurent, iront
en ordre selon leur réception, sans que, soubz quelque prétexte que
ce soit, il soit licite au dernier receu de devancer son plus ancien,
sy autrement pour une bienséance et selon les occurcnces il n'est
advisé par les chefs.
Les malades et sexagénaires seront dispensez de h peine susd.,et
ceux qui auront congé par escrit de leurs ofliciers.
Sont lesd. chevaliers admonestez de paier librement et a la pre-
mière demande que les connestables leur en feront leur part person-
nelle de toutes les amandes cy dessus speciffiées, et a faute d'y satis-
faire dans la huitaine, ils payeront le double suivant la délibération
du conseil ; et pour trois désobéissances l'on sera exclus de la com-
pagnie.
Règlement pour les amandes outre celles cy dessus.
Quiconques jurera le saint nom de Dieu, ou commettra autres
blasphèmes et juremens illicittes, proferra propos villains et deshon-
nestes, injuriera aucuns, ou fera de son corps quelque geste villain
dans led. jardin ou autres lieux où lesd. chevaliers seront assemblez
pour les alT-iires d'iceluy, sera tenu paier sur le champ cinq sols
d'amande pour chacune fois.
Quy prendra disputte en la compagnie desd. chevaliers aud. jar-
din contre l'un d"iceux ou contre ses armes, est amandab'e de deux
sols six deniers.
Nul estranger n'entrera aud. jarJin pour y commettre insolence,
juremens ou blasphèmes, ou contrevenir aux présentes ordon-
nances sur les peines d'icelles; et s'ils y viennent en la compagnie
de l'un desd. chevaliers qui les y conduise, il respondra de l'amande
que led. estranger pourroit encourir pour la contravention.
Quiconque blasphémera ou reniera en disant : « Je renie Dieu »,
sera puny d'amande et de bannissement de la compagnie, ainsy
qu'il sera advisé par le conseil.
Desfences sont faites à tous chevaliers de tirer a partie ny autre-
ment pendant la prédication ou célébration du service divin es jours
de feste ou dimanche, en peine de cinq sols d'amande.
Sont faites aussy desfences a tous de jouer aux quilles, boulles ou
defs dans la salle dud. jardin, ou autre jeu quelqu'il soit, et
en quelque temps que ce puisse estre^ sur peine de cinq sols
d'amande contre les contrevenans, s'il est chevalier, du double
d'icelle pour la seconde fois, et pour la troisième, d'estre blasmé
par les chefs et puny suivant qu'il sera advisé par eux et le conseil ;
îjS'i LES ARQUEBUSIERS DE REÏHEL
et s'il n'est chevalier, de quinze sols pour li première fois, du
double, triple et quadruple pour autant de fois qu'il y aura con-
trevenu \ au payement de laquelle il sera contraint par saisie de son
chapeau ou manteau qui se vendra sur le champ a faute de
payement.
Et ou les locataires des maisons y auront introduit l'estranger,
sur lequel n'aura pu estre proceddé par saisie, il demeurera respon-
sable de Tamande, ce qui luy sera notiffié soit au renouvellement
du bail ou autrement, deuement, en ce qu'il n'en puisse prétendre
causL- d'ignorance.
Pareilles desfe:ices de tenir par led, locataire aucun jeu ouvert et
publiq dans led. jardin soit es allées d'iceluy, ou en la place de der-
rière le tambour, et y recevoir estrangers sur les peines susd.
Pourra neantmoins avoir boulles et quilles pour jouer lesd, che-
valiers, hors les heures que l'on tirera et non autrement.
Sy lesd. chevaliers scavent quelques noises ou disputces entre
aucun d'eux, ils s'esforceront a leur pouvoir de les accorder, et ou
ils ne les pourront faire, en advertiront leurs capitaines pour
en ordonner ce qu'ils trouveront estre raisonable.
Et après les commandemens faits par leurs chefs ou l'un d'eux df^
faire silence et cesser les débats. l'amande doublera s'ils continuent.
Et pour ce, desfences sont faites a tous chevaliers de prendre
noises, querelles et débats dans led. jardin, s'injurier ny s'outrager
l'un l'autre de parolles, ny d'etTecr, en peine d'amande arbitraire qui
sera jugée par le conseil.
Seront les présents tenus et obligez de mettre la paix et coupper
chemin aux disputtes et difficultés qui pourroient survenir, et adver-
tlr les chefs des contraventions.
Les chefs entrans dans led. jardin seront obligez de tirer le cha-
peau et saluer la compagnie, coname en pareil sont lesd. chevaliers
obligez de ce faire, en peine de six deniers pour chaque contra-
vention.
Quiconque nommera le diable ou telle paroUe indescente dans
l'enclos dud. jardin, Tamandera de six deniers.
En dernier lieu on ne tera jamais de repas ny beuvettes dans le
jardin, ny on n'en projettera aucune, puisque la fin que l'on propose
dans le nouvel establissement, c'est de bannir non seulement
l'ivrognerie en efiect, mais mesme en apparence, et sy les otficiers
et conseil ne faisoient un chastiment sévère de ceux qui contre-
viendront aux présents statuts. Monseigneur le duc de Mazarin
déclare qu'il revocque la donation de soixante livres qu'il a faite
tant a la compagnie qu'aux chevaliers en particulier, pour contri-
buer par les marque,* de son estime a ce noble exercice, qui ne
pourra plus passer pour tel si tost que la desbauche ou les voyesqui
y conduisent l'auront entièrement desfiguré. Et il a convié ses snc-
Lesseurs a faire la mesme chose.
LES ARQUEBUSIERS DE RETHEf. iiSTi
REGLEMENT POUR LES ENTERREMENTS OBSEQUES l:T FUNERAILLES
DES DESFUNCTS.
Advenant le deced de l'un des cheirs ou chevalier, le^ connestables
feront assembler la compagnie pour assister a son enterrement en
armes avec renseigne, pour luy rendre le dernier honneur et prier
Dieu pour son âme, sur peine contre chacun desfaillant de deux
sols tournois d'amande.
L'arquebuze dont le deceddé avoit accoutumé de tirer au jardin
sera délaissée au protfit d'iceluy ; et sera par l'un de? contiestables
demandé a sa v^*' ou héritiers affîn d'estre portée a son enterrement,
laquelle puis après, sera vendue au proffit du jardin, sy mieux
n'ayme lad v^^ et héritiers rachepter laditte arquebuze de trois
cscus.
Et quant aux chefs, leur bâton sera racheptable de douze livres
que lesd. veuve et héritiers fourniront pour subvenir aux frais de
leur services et funérailles.
Et le service desd. defiuncts se fera le plus tos'c après le deceds
que faire se pourra, ce qui est délaissé a la religion et honneur desd.
connesrables, auquel service lesd. chevaliers sont conviez par
charité.
Il sera permis a un chacun de se démettre de lad. compagnie en
paiant la somme de cent sols pout sa sortie comme pour l'entrée ;
et jusques a ce que elTectualleraent lad. somme soit paiée auxd.
connestables le chevalier sera tousiours tenu pour tel et obligé a la
contribution des frais de l'église et autres dont est fait mention ;
mais lors que l'on sera vétéran dans l'ordre de réception, de laquelle
le greffier tiendra registre, l'on en sera quitte pour trente sols.
Et atfin qu'aucun n'en prétende cause d'ignorance, et que
les amandes puissent estre mieux perceues et levées avec plus de
facilitées, sera fait extraict des articles portans amandes qui sera
mis et attaché en un lieu eminent dans la salle dud. jardin dans
un plaquart, a cadre imprimé ou peint.
Et pour l'exécution des ordres desd. s'"- chefs de lad. compngnie
lorsqu'il la voudront faire assembler, faire le pourront librement
avec permission de faire battre le tambour par les rues de lad. ville,
et autant de fois que besoin sera.
(Sine rapprobaCLon du duc de Md^arin.)
Armand Ch:îrles,duc de Mazarini^de la Meilleraye et de Mayenne,
comte de Ferette, Tannes, Belfort. Maries et la Fere, baron d'Al-
kirk, grand bailli d'Haguenault, gouverneur et lieutenant général
pour le Roy en la haute et basse Alsace, gouverneur particulier des
villes et forteresses de Brisac, Philisbourg, Nantes, B avet, Chauny.
la Fere et Vincennes a tous ceux quy ces présentes lettres ver-
ront salut. Désirant gratiffîer et favorablement traiter la compagnie
des arquebuziers de nostre ViUe de Mazarini et pour les encou-
rager a l'exercice des armes affîn de se rendre capable de servir le
Roy et nous au fait des armes, nous avons agrée, confirmé et
;)86 LES ARQUEBUSIERS DE RETHEL
approuvé, comme par ces présentes sigaées de nostre main, nous
agréons, confirmons, et, autant que besoin est ou seroit, avons
accordé et accordons aux capitaines, officiers et chevaliers de lad.
compagnie les privilèges, prérogatives, franchises et immunitez dont
ils ont accoutumez de jouir jusques a presont, tels et semblables
que leur ont conceddez cy devant nos prédécesseurs ducs de Retel-
lois selon qu'ilz sont plus particulièrement exprimez et mentionnez
aux cahiers cy dessus que nous avons fait parapher par nostre
secrétaire, a la charge d'observer ponctuellement les cbuses et con-
ditions y contenues, ensemble tous lesd. statuts, et leur promettons
de leur en donner Texemple. Fait a Mazarin le quinzième jour de
juillet M VI''- soixante quatre. Signé : le DUC DE Mazarini ; et plus
bas : par Monseigneur, Lourvelière.
{Signe :) ViENNOT. DuRAND, DUBUS. DUBUS, roy. ROZE, duiip/iin.
LepOINT, s'indicij.
{Original, ■p.if'ur.)
(Archives du palais de Alonaco, T. 30.)
Abandon de chênes pour le rétablissement de l'hôtel
des arquebusiers par le duc de Mazarin, 1669.
Le duc de Mazariny, de la Meilleraye et de Mayenne, gouverneur
et lieutenant gênerai pour le Roy en la haute et basse Alsace, gou-
verneur particullier des villes et forteresse de Brisach, Philipsbourg.
Le Port Louis, La Fère et Vinrennes, pair de France,
L'inclination particulliere que nous avons de contribuer et au res-
tablissement et accroissement de la compagnie des Arquebusiers de
nostre ville de Mazarin nous engageant a rechercher les moyens
pour en donner des marques dans les occasions qui s'offrent despen-
dantes de nostre authorité, nous avons estimé n'en pouvoir donner
de plus véritables qu'en accordant et faisant don a ia compagnie
desdicts Arquebusiers de nostrcd. ville de Mazarin, de tous et cha-
cun les bois qui sont provenus des trente chesnes que nous avons
faict dellivrer l'année passée aux eschevins de nostred. ville, a des-
seing de s'en servir aux bastimens des maisons de santé, sy Dieu les
eust atfligé de la maladie contagieuse', pour estre led. bois
employez au restablissement de la maison et jardin destinez pour
l'assemblée et exercice de lad. compagnie. Et pour que nostre
intention soit suivie en l'exécution de la présente, nous ordonnons
aux eschevins de nostred. ville de Mazarin et a toutes personnes
e*tans chargéez desd, bois, d'en faire la dellivrance au s'' Lombard.
1. Il s'agit de la peste que l'on avait à Reims p.t que l'on redoutait à
Relhel en 1608. Dans celle prévision, on avait projeté de construire des loges
ou baraques isolées pour les habitant? htteints par l'épidémie.
LES ARQUEBUSIKRS DE RETHEI. Hg?
iiostrei. rece/eur gênerai, et capitaine de lad. compagnie, sans dif-
ficulté '.
En tesmoing de qiioy nous avons signé tes présentes de nostre
main et a icelies tait apposer le cachet de nos armes et soubzsigné
a nostre"secretaire ordinaire.
A Paris, le XIII" sepce.nbre M VI' soixante neuf.
Le duc MazarinY (sic) (Sii^/uture au'ogruphe.)
par monseigneur
Pricquk.
(Original, papier.)
[Archives communales de Rethet. AA. 64.)
3-
Lettre des échevins de Rethel au duc de Mazarin, à
l'occasion du prix remporté par les Arquebusiers à
Charleville, 1671.
A monseigneur le duc de Maz^rin
du 19 juin lf)7I.
Monseigneur,
La joye que vostre ville de Mazarin a receue au retour des offi-
ciers et chevaliers du jardin de l'ArqueHuze, du prix de Charleville,
a esté sy grande et sy generalle que nous croirions avoir manqué a
nostre devoir sy nous n'en donnions a Vostre Excellence la part qui
luy en est deue avec beaucoup de justice puisqu'elle est le principal
motif de tout l'honneur que ceste ville vient de recevoir, par le res-
tablissement qu'elle a eu la bonté de faire de ce jardin. Ces mes-
sieurs les chevaliers de vostre jardin de Mazarin, aiantz pritz reso-
lution de paroitre au prix de Charleville, soubz votre auchorité avec
le plus d'éclat qui leur a esté possible^, y ont sy bien reussy qu'ilz
n'ont pas seulement esté estmié les plus - de toutes les
bandes, mais davantage que par leur adresse ilz en ont remporté
une blanche avec sept prix considérables; et pour comble de leur
gloire ilz ont obtenu le boucquet qui est le seul honneur qui fait le
souhait de toutes les villes, et qui leur estoit contesté avec une opi-
niâtreté incroiable. Mais, monseigneur, nous n'avons jamais douté
qu'ilz ne puisse tout oser et tout entreprendre soubz vostre nom,
la réussite leur estant infaillible puisqu'ilz destinoient, suivant les
vœux de tout le peuple, ce boucquet a Vostre Excellence pour com-
mancer a lui donner des marques de leur reconnoissance. Nous
avons fait nos efforts pour les bien recevoir a leur retour, et avor.s
mis en dépôt ce boucquet dans notre chambre de ville, en atten-
1. La maison de M. Lombard, ou de sa famille, était l'ancien hôtel de
la rue du Grand-Pont (auj. rue Colberl,', où la ville recevait les visiteurs
d'élite.
2. Mol ill'sible, probablement adroits.
!iS8 LES ARQUEBUSIERS DE RETHEI.
danc que nous ayons l'honneur de vous le présenter avec eux. C'est
cet honneur que nous attendons avec impitience en ceste ville,
puisqu'il nous donnera l'occasion tant souhaittée de vous rendre nos
très humbles respects en qualité de (sic).
{Brouillon de lettre des éclievins de Retliel au duc de Ma-^arin.)
(Archives communales de Ret/iel, EE. 2.)
V. — Les arquebusiers de Rethel aux prix généraux
de Reims, Laon et lYleaux, 1687-1778.
11 nous reste a reproduire quelques listes d'arquebusiers
relhélois d'après les imprimés de la Bibliothèque de Reiras. On
y trouvera des noms historiques locaux, tels que les Durand,
les Vuilquiu, les Landragin, les Dubus et les Paulfiu, Nous
pourrions étendre cette énuméralion, mais, dans ces limites,
elle suffit à prouver que la compagnie de rarcjuebuse se recru-
lait dans la meilleure bourgeoisie et pouvait se targuer de tidé-
lilé à ses traditions d'honneur et de tempérance.
C'est en cet état qu'elle parut à Reims en 1687, à Laon en
1700 et à Meaux en 'J778'. Elle remporta des prix valeu-
reusement conquis dans les deux premières villes, et s'honora
dans la troisième par le choix de son diclon et de sa devise qui
étaient : Les Volunlaires, — Vincere et Mori. Aussi, quand
sonna l'heure de la dispersion légale, les arquebusiers purent
suspendre, aux applaudissements de tous, leur drapeau sans
tache à la voûte de l'église, comme un trophée digne de
mémoire.
1. Prix général de Reims en 1687.
lA Marche observé a la Montre de M «s lks Chevaliers de
toutes les villes venu au t rix generale faict a reims le 15
Juin 1687, le tout par alphabet.
Ije Jardin
Le Bouquet et les Prix.
■y. M. de Rethel
Ces Braves dont la troupe en superbe ordonnance
D'une démarche fière au Champ d'honneur s'avance
D'un Noble Espoir sont tous épris.
1 . Elle parut en outre à Reims en 1060, à Montdiriier en 1G7Û, à Char-
leviile en 1tJ7I, à iîelhel en 1673 et à Epernay eu 1CS2. Nous soni'iies loin
d'avoir les reuspigneraeiils complets pour ses autres soilies.
LES AnQUEBUSlEUS DE RETHKL o89
Vous les voye^ le y courir après lu Gloire
Et seurs de remporter le prix
Triompher avant la Victoire.
(Bibliothèque de Reims, gravure signée du graveur rémois Colin,
se trouvant reproduiceà la page 270 de l'Elude sur les anciennes Com-
pagnies d'archers^ d'arbalétriers et d'ar^^uebusiers, par L.-.A. Delaunav,
Paris^ 1879, in-4".)
Liste des noms de Messieurs les Officiers^ Députe^ et Chevaliers du
Jardin de l'Ârijucbu^e de la Compagnie de la Ville de Reims ; et des
autres Villes arrivées, suivant l'ordre qui. sera tenu pour tirer au PRIX
GÉNÉRAL rendu par lesdits Sieurs di. Jardin de Reims, le quinzième
Juin mil six cens quatre-vingt-sept.
Premiers
Rethel
Première Brigade.
Monsieur Durant, Capitaine en chel.
Monsieur Vuilquin, Roy.
Messeurs Durant de Blanmont, Syndic ei dé jutë.
Gilles Peudefer, député.
Durant, ancien chevalier.
Perin,
Roze,
Vinet,
Et Dupuis.
Rhetel.
Seconde Brig ade.
Monsieur Landragin, Capitaine Lieutenant.
Monsieur Dubus, Capitaine Enseigne.
Messieurs Peudeter, Dauphin.
Villard, Major.
Durand de Beaulicu, Connétable.
Durand le jeune.
Et Tripier de Saint Germain.
[Bibliothèque de Reims, pièce de 15 pp. in- 4", sans lieu ni date,
Dossier des .Arquebusiers, FF. 5199 et 3400.)
Liste des noms de Mesueur<i les Officiers et Chevaliers des Compa-
gnies des Arquebusiers des l'illcs venus pour LE PRIX GÉNÉRAL, rendu
590 LES ARQUEBUSIERS DE RE-THEL
pur la Compagnie de Reims le quinzième juin 1687, el qui ont fait des
coups de Noir et gagné des Prix.
Premier Panton.
Deuxième Panton.
Le quinzième p.ir le sieur Peudefer, de la Compagnie de Rethel,
(Bibliothèque de Reims^ ibidem.)
2. Prix général de Laon en 1700.
Liste des Noms de Messieurs les Officiers^ députe-^ et Chevaliers du
Jardin de l'Arquebuse de la Ville de Laon, et des autres Villes arricées,
suivant l'ordre qui sera tenu pour tirer le Prix General rendu par les-
dits Sieurs du Jardin de Laon, le 20 Juin 1700.
Kethel
Vingt huitième B'igade.
M. PautTin, Capitaine.
M. Mouron, Enseigne.
M. ISaudin, Roy.
M. Thibé, Dautin.
M. Mouron, Syndic, député.
M. Payot, député.
M. Durand.
M. Lefebvre.
M. Philippe.
M. Maron.
Liste des prix.
Second Panton tire au Champ Saint Martin.
Le vingtième prix gagné par M. Naudin, Chevalier et Roy de la
Compagnie de Rethel.
(Quatrième Panton.
Le septième prix gagné par M. Thibé, Chevalier de la Comp.ignie
de Rethel.
(Bibliothèque de Reims., ibidem.)
3. Prix général de Meaux en 1778.
Les Dictons de Champagne et de Brie, au prix de l'Arquebuse de
Meaux en 1778.
Rethel (Champagne). — Dicton : les Volontaires. — Devise :
Vincere et Mori ' .
1 . Les habilanls de Rethel passaient pour être plus propres à la guerre
qu'au travail. (Baugier, t. II, p. 3ûl). — Maintes fois assiégée par l'élraa-
gcr, la vile de Kethel avait l'habitude de voir le péril en face. — En 1570,
rancieuDC Compagnie des aibalétriers de Kethel avait fait plate à celle des
a'ijucbusiers. (Note de l'ouvrage cité.)
LES ARQUEBUSIERS DE KETHEL .'iOI
En vous traçant ici la bonne volonté^
Nous y ^'oignons le cxur et la fidélité.
Nous ajoutons encore l'amour pour notre roi.
Notre dicton.^ amis., est-il de bon aloi ?
{.Romancero de Champagne.^ par l-ROSPER Tarbk, Reims, 1864,
t. V, iu-8°, p. 60.)
4. Témoignage rendu aux arquebusiers de Rethel
en 1790, dans un Mémoire publié à Paris.
Rethel-Mazarin.
(' Des bulletins incendiaires, des menaces d'insurrection inquiètent
la ville de Rethel-Mazarin ', dès le mois de mars 1789 : les officiers
municipaux commandent la Compagnie ies arquebusiers de cette
ville, et le 6 mars, elle prend les armes, établit un poste actif, se
porte à tout, veille à tout, et dissipe les craintes par son service
assidu. Il lui mérite des éloges et le vœu de sa conservation de la
part de la municipalité.
« De concert avec un détachement du régiment d'Esterhasy, cette
Compagnie a mis en fuite des contrebandiers à cheval, qu'elle
a dépouillés de sel et de tabac, et dont elle a Irait deux prisonniers.
« Elle s'est singulièrement attachée à protéger I.t perception des
droits du roi et de la ville. »
(Bibliothèque de Reims. Mémoire pour les arquebusiers, traits his-
toriques, p. «jo-ji. — ln-4° de 56 pp. Paris, de l'fmpr, de Momoro,
rue de ta Harpe, 160 )
CONCLUSION
Ici prenueuL fin les noies que nous avons recueillies sur
rexislence loyale, les fails el gesles dignes de mémoire des
arquebusiers de Rethel. Celui qui voudra plus lard en écrire
l'histoire consultera leur règlement défiûilif et les diverses
pièces que nous avons données en vue d'éclaircir la vie intime
des Compagnies de l'arquebuse dans la province de Champagne.
Notre conclusion serait qu'on doit en tous lieux réveiller les
traditions de ces Comp;ignies, et étudier leurs règlements
qui seraient des modèles d'urbanité et de savoir-vivre pour
nos Sociétés actuelles de tir et de gym.naslique.
En quelques lieux favorisés, à Troyes et à Soissons par
exemple, on conserve des souvenirs des arquebusiers, des
1 . Celle Couipaj^nie a élé cotiverlie d'arbalétriers eu arquebusiers, par
lellrea- paleules de \\\'il . (Xole du Mémoire cilé.)
592 LES ARQUEBUSIERS DE RETHEL
reliques de leurs hôtels, nolamraeut des vitraux peints offrant
des scènes historiques et légendaires. A Reims et à Relhel, il
ne subsiste plus rien des bâtiments ni des locaux oii les che-
valiers vécurent si longtemps. A Keims,le château de l'Arque-
buse fut vendu dans les premières années de la Révolution et
se trouva de suite remplacé par des maisons particulières. A
Relhel, leur hôtel survécut Jusqu'à ces dernières années, et
leur jardin conserva même ses grands arbres plantés non loin
de l'Aisne, dans le voisinage d'autres jardins. On y avait éta-
bli, dès 1791, un théâtre et ua lieu de plaisance. Mais une
bienfaisante transformation vient de renouveler ce terrain his-
torique par la construction et la fondation d'une crèche due à
la munificence de M. et de M™^ Noiret. Un bâtiment, par-
faitement approprié à sa destination charitable, s'est élevé eu
1893 à la place de l'ancien hôtel, et les ombrages du jardin des
chevaliers abritent désormais les jeunes enfants confiés à la
maternelle sollicitude des Sœurs de Saint- Vincent- de-Paul,
il. L. 11. J.
UNE
ÉGLISE RURALE
Du moyen âge jusqu'à nos jours
VILLERS-DEVAM-LE-THOUR ET JUZANCOUKT
Son Annexe
Canton ci'ASFELD (Arcltnnes)
APPENDICE
I
Status decanatus christianitatis de Sancti Germani
monte, annis 1451, 1475 et 1512.
liol
ViLLEllS DJ;\.\NT 1,1-: ToLli.
Palronus ecclesie pai-ochialis de Villari anto Turnuiii usl Joniiniis
Archiopiscopus Remensis et dominus Johannes d'^ Codiimo qui obti-
nel patroaagium. Curains est, dominus Jacobus l'arvi, ténor ecclc?ie
Ileinensis', qui percipit ti't'ciam partem deciniarum. Ecciosia Vallis
Hegis", Vallis Ciare'^ et prior Nove Ville i/uidunensis diocesis ^, resi-
(luiitTi diclarum decimaruni. Deservilum luit à sinodo usque l'estuni
Ijeati Remfgii in capile Octobris, di' licentia cuiii', per dominuu)
Juiiannem I5'.onde!li, et; à festo pro Ijclo usqu'"" ad siuoduui presentcm
* \'oir page 411, lomi' Vil de la Hovne de Champagne.
1. Ténor, chantre de la Calhédrdle de Reims. \'oir Du CAMiii, Glos-
saire, au mot Ténor.
2. La Vnlroij, abbaye cistercienne, co.nainne de Saiul-Oueiitiu lc-'"elit
(Ardeiiiies'.
iî. Vau'.lcrc, abbnye cistercienne, commune du canton de Craouuc
(Aisnel. — i Vente par Milon de Saint-Lambert à l'abbaye de Vauclair de
la grosse et de la petite dime de Villfirs-devant-le-Ttiour. Mai 1227, »
A/s. iQ-8. {Recherches bibliographiques sur le département de l'Aisne,
Catalogue et table... par C. l'crin, iaS, Soissons, 18S3, p. 511, n" C,13U.)
1. \cuvi!le-en-Uionnoi^. prieuré bénédictin, commune du canton do
Craonnc (^isnc^.
;;8
o04 UNE ÉGLISE RURALE
jier dominum Michaelem GKt'!)crli^ curalum de Lauro. Dicta ecclesia
est-mullum ruinosa, chorus Ipsius est discoopertus pro medra parte.
Pinnaculum existens prope altaro erga Orienlcm (|uasi fundilus
corruif, vitrine eciam indigent reparacionibus. Plures sunl habitantes,
sod paiici sunt qui cun^nt de ecclesia nisi coganlur aut compellantur.
Clmiterium est l)ene barratum. Vas ubi corpus Xrisii et sanclum
crisnia reponuntur conipetenter se habent. Mobiiia seii ornamenla
ipsius ecclesie sunt novem mappe sunîcietites, Iria manutergia, due
easule quarum una est salis lionesta, '.res albe cum amict., due cappe,
tunica una, et dabnalica et quator fuperlicia. Missale, gradale et
alii iiljri, licet sint anliqui, sunt lamen compelenter retenti. Redditus
ecclesie ascendant ad XVI s. paris, vel circit(!r et consistunt in terri.
arabiUbus et cum hoc ad novem pinias olei. Dicla ecclesia suspendet'.
In loco presbirerali non est nisi una jiarva camniera, et grangia facta
ex lignis et slipitibus in terram lixis que non polerit durare. Curalus
fuit in sinodo, sed non capellanus.
.Ilzaincour Slxcoup.s.
In succursu de Villari, vidclicid in Juzaincuric, Curalus ])ircipit
terciam parlem dccimarum. Capitulum Remense, Abbas sancti Niciia-
sii Remensis et palronus ])ercipiunt resi(]uum decimarum, qui ob
hoc debent retinnre tectum tam navis qu.im cliori. Deservilum Fuit il>i
]ier capellanos de licentia curie sicut in cura. Dicla ecclesia est satis
bene retenta. Fontes et vas ad reponendum corpus Xrisli et sanc-
lum crisma bene sunt. Cimiterium est Ijarralum. In dicta ecclesia
sunt duo calices argeniei parvi ponderis, due easule, due albe, stole
et ainicli, due mappe et unus pannus ad ornandum allare. Missale et
alii libri non sunt magni valoris. Redditus dicte ecclesie ascendere
possunt ad XVI solid, paris, vel circiter et consistunt in terris arabili-
bus et uno parvo bosco.
\ 'i 7 5
VlLLEUS DEVANT LE Toil!.
Capilulum insignis ecclesie béate Marie Remensis et palronus de
Villari ante Turnum sunt patron! de dicto Villari. Curatus est domi-
nus Guillelmus Remigii qui non residet. Cura deservitur per dominum
Birnardum seu l^arnabam du bois de licencia curie. Diclu5 curatus
percipit tcrc'am jjartem decimarum lam vini quam granorum cum
uno modio frumonli pro locagio grangie. Supradicii patroni, Abbas
Valiis Clare, Abbas Vallis régis et prier Novc Ville I.andunensis dio-
cesis percipiunt reliquas porciones. Dicta ecclesia de Villari indiget
reparationihus in duobus pilaribus navis a parte sinistra existenlibua
et eciiim in quibusdam vitrinis dicto navis. In dicta ecclesia sunt duo
calices de argento, due easule bene retente, très albe, novem luappi'
et alla ornamenta suriicientia pro tribus altaribus demptis casidis.
1 . Celte expression nous paraît signilier (|ue l'église est eu suspens, cjue
l'ou n'y célèbre plus ù canse de l'étal de ruine sif^nalé plus haut.
UNE ia LISE RURALE O^D
Libri, scilicel uiiura missale, unum brcviarium ciuii liiniidio^ Juu gra-
il.jlia, unum anlliiphonarium el duo psallcriâ sunt salis bcnc rcloirli.
Agenda est nov.i in qua baplisma raasculorum et haptrsnia lemella-
rum sunt ab invicem divisa seu dislincta. Corpus Xristi et sancttim
Crisma bene servaniur. Fontes niundi sunt. (limilerium est b'^ne
ciausum seu circumdatum mûris lapideis à quatuor annis Constructis.
Donius presbiteralis, que ab anliquo luit poteuler etiificata, est pro
majori |iarte destrucla. Succursus r-sl
JlSAINGOClIT.
Juzdincourt est succursus iiarochialis ecclesie de Villari anlc Tur-
num, in quo succursu curatus de Villari percipere solef terciam par-
tem decimarum tam vini quam granoruni. Capiluium Remensis eccle-
sie, Abbas s:incli Nicbasii et patronus de ^ illari percipiunt ri'siduum
diclarum decimarum. Pauca sunt reparanda in eccîesia dicti loci nisi
lan'iummodo in quadam parte unius mûri, qui est in navi inter cho-
rum et pignaculum anterius à pai'le sinislra. Dicta eccîesia est sui-
ficienter ornala ornamentis honesli pro tribus aliaribus. In ipsa. eccîe-
sia sunt duo calices de argento deaurali per inlVa et in summitate
per extra. LiJjri dicli succursus scilicet duo niissalia, unum novuiu
gradaie, unum parvum psalterium et liliellus ad baplizandum pueros
qui est ([uasi novus, sunt sufficicntes pro uno succursu- et beiic
retenti. Vasa ad reponemlum corpus Xristi et sanclum crisma bene
sunt. Fontes se hal)ent similiter. <'.imiterium pro majori parto est
maie clausnm.
Vll.LHlS DEVANT Llù ToiR.
In eccîesia parrocliiali de Villari ante Turnum desorviL in divinis
dominus Johannes Régis, capellanus approbatus. Curatus est niagis-
ler Johannes Cunellf, insigriis ecclesie Remensis canonicus. Eccîesia,
cimbolum*, fonies, sacre uncliones, Iibri, ceteraque ornamcnta decen-
ler retinenlur. Cimiterium est bene ciausum. Capitulum ecclesie
Remensis est palronus dicle ecclesie et obtinet alternatis vicibus
palronagium. l'refatus curalus tertiam partem decimarum percii^it
lam vini quam granorum. Capitulum Remense patronus loci hujuè,
el eccîesia seu monasierium Vallis Régis et Valle Clare el prior Novc
ville Laudun. dyocesis- residuum . diçtarum decimarum jjercijjiunt,
liiis dempiis quas curatus priniitus (?)'solet super hiis recipere, unum
niodium trumenli et hoc pro localione grangio. Custodes dicte eccle-
sie sunt Jacobus Turpin et Johannes le Tou'rneux, quibus injunc-
lum est ut habeant unam custodiam ad reponendum ooriioralia, ■
JrS.VNCOI RT. - ■ .
lu eccîesia parrocliiali do Jusannacurte, succursus de Viliari aulc
1. Sijmbulum,niQas\r3itxe, vase où s€ place le Saint- Sac. cmeul,
596 UNE ÉGLISE RURALE
Turnum, cimbùluin, fontes, sacre unctiones ceteraque ornamenta
rlecenter se habent. Dicta ecclesia est bene retenta. Custodes ecclesie
sunl Herbinnus Favreau et Dominicus (!) Fesf.art, quibus injunctum
►^.st ut habeant servicium quod pertinet ad sorvicium dedicaiionis
ecclesie infra festuni î^"ativitat;s béate Mario Virginis, sub pena
XXt' solidor. paris.
(Archives de Rfims, Fonds de V Archevêché, série G. Visites,
Doyenné de S*-Germainmont, liasse générale, trois cahiers pet. in-i").
II
Marché pour la clôture du chœur de l'église de Villers,
fait à Reims le 9 septembre 1541.
'J Septembre lo4i. — Comparut en sa personne Gobia Terre,
menusier demeurant à Reims, et recongnut avoir traicté, convenu et
marchandé à Jehan Beuvry, aussi menusier demeurant audit Reims,
à ce présent, de faire et parfaire par icelluy Terre la clausure du
cueur de l'égiise de Villers devant ie Tour, selon quelle est basLie par
ledit Beuvry, et icelle l'aire et parachever selon le devis de moderne
el fasson françoise dont ledit Terre dit estre certain. En quoy laisaiit
icelluy Beuvry a promis y faire besongner et continuer Claude Tri-
quet, son frère ; et iceile rendre faicle et parfaicte bien et souifisam-
raent dedans le jour de Noël prochain venant. Et doit icelluy Terre
commencer à ce faire dedans d'huy en (juinze jours prochain venant.
Et pour ce taire sera payé par ledit Beuvry audit Terre la somme do
cent dix sols tournois, selon et à fait que ledit Terre besongnera audit
ouvraige. Et pendant ledit temps leilit Beuvry sera tenu de la nouri-
lure dudit Terre, promettant lesditi's parties chacune endroyt soy par
leurs foys, et soubz l'obligation de tous leurs biens, à tenir, entrete-
nir, rendre, iiayer, faire, fournir, sur peine renonciaiion. Kail le
neul"'"f jour de St^ptembre l'an mil V cent quarente et uug, par devant
nous notaires royaux.
Signé] : De Ikv. AN'ati;,
(Elude de M"" Aîandron, notaire à [ieiins. Texte sur une feuille de
papier in-S, Iranscritpar M. Dnchénoij, employé à la Biblwlhècjue de
Reims, \'> mai 1885.)
111
Notices de Terruel sur l'état de Villers, Juzancourt
et Saint-Germainmont en 1657.
Registre contenant les [iaroisses de 1 Election de Rheims, situées
entre Aisne el Meuse, par lequel se voit l'étendue du terroir de cha-
cune d'icellos et lelat ou Terruel' les a trouvées en sa visite aux
mois de Janvier et Février 1057.
1. Jean-Ernesl de Terruel, écnyer, seigneur d'Etrf^pigu} , maréchal de
camp. Cet oCticier, d'origine ardennaise, attaché su service du niaréchal
Fabert, fut chargé par lui d'établir un projet de cadastre en Charapagoe.
Travaux de l'Académie de Reims, l. LXXII et LXXIV.
UNE ÉGLISE RURALE 597
EXTRATTS.
ViLLiEns DEVANT Le TwrR, à l'hospital de Paris partie, autrefois
200 habitans et 50 chariies.
Terroir labourable médiocre, 890 arpens à chaque roye, dont le
e*" aux habitans.
Vignoble, G6 arpens, le tiers en friclic.
Usances, 66 arpens, le tiers vendu pour payer au Rov 5Û0 livres.
Charûes 24, compris les Trembleaux où 4 chariies.
Pleins mesnages 69, et 9 du Trembleaux, outre 28 demy. soiit
taillez 1520 livres.
Payent au Haynaut ensemble 92 livres, à Rocroy 275 livres.
Le village a. esté entièrement bruslé il y a quatre ans, n'estant
resté que 4 maisons, n'habitent à présent encore que dans (des)
huttes et dans leurs fors autour de l'églize.
Le Trembleaux, à présent désert et sans basiimenf.
Terroir, 200 arpens environ.
Chariies compris avec Villiors devant le tour, 4 et 9 pleins mes-
nages.
Les haliitans ré.'^ident audit ViUers et payent leur cotte par des
tailles et subsistances, sont taillez 84 livres.
.IrzAXCoURT, au seigneur de Saint Pierremont, et la Censé des
J^arres abolies depuis 'M ans, autrefois 64 habitans et 2'» chariies, 4
pour la censi* susdite.
Terroir, 420 arjiens bous et médiocres, dont 100 aux seigneurs et
10 aux haliitans.
Prés, usages, 31 arpens vendus au seigneur pour iiaver aux gens
de guerre.
Vignoble, 08 ar|iens, la moitié en friche, le tiers aux habitans.
Charriies î-, lai) (i, et i au:; Seigneurs qu'ils tiennent par leurs
mains.
Pleins mesnages IG et 6 demy, la moitié mandient, sont taillez de
137 livres. Payent au.Haynaut 143 livres, à Rocroy 176. Comptent 30
maisons bruslées ou démolies, n'en restant à présent que 12.
La Censé des Rarres, 2 Censiers réfugiés à Si Germainmonf, labour
de 2 chariies.
Saint Ger.main.mont, au seigneur de Berrieux, autrefois bourg à
marché, com[iris le moulin des Barres, cy devant 230 habiians et 35
chariies.
Terroir laljourable médiocre, parlie bon, 700 arpens à chaque roye,
le. quart aux habitans.
Vignobles, 220 arpens. Plus de moitié désort, dont 39 au.x habitans
travaillé.
Prez, 69 arpens dont le quart aux habitans.
;]98 UNE ÉGLISE RirRAr.E
Aisances, pâturages, en commun.
Chartres, \û 1/2. ■ :
Pleins mosnages, 39 et 6 'lemy, sont tailir^ de I19S livres, payent
à Rocroy i-5.4 livres..
Le baurg est brusié entièiemenl, ne restant que 12 maisons à pré-
sent, les habitans so retirent dans un fort.
{Bibliothèque Sainte-Çrenet'ièoe , à Paris. Cahier ms., pet, in-fo de
20 IT., document original en partie reproduit par M. le C.qmle de
Barthélémy, dans les Travaux de l' Académie de Reims, tomes LXXII
et LXXIV, 1885.)
IV
Procès-verbaux de visite dressés par M. Robert de Y,
chanoine et grand archidiacre de Reims, en 1663 et
en 1671.
(' 91. Vilors devant le tour. St Remy. le wu juin 1003. M" Tall-
let, xl s. *.
a L'église de gt Remy de Vilers devant le Tour. M» Pliilip])e
Rarilly, curé ; Henry Cliolet, m** d'eschole ; Pierre Chery, Henry
Gobreag, coustres ; Nicole Ilonetier, belle mère ; les déciinateurs : le
chapitre de Reims, une gerbe de neul ; le patron, une ; l'nbbé de
Vauclé, une ; Tabbé de La Valleroy, une ; le prieur de Neufville,
deux, et le s'' curé, trois ; l'abhé de St Vincent de Lcon et la prieuré,
de La Presle prennent sur un triage séparé -, le patron de la cure, le
chapitre de Reims et le patron alternativement ; le St Sacrement est
en une boete d'argent, en un ciboire de cuivre, en un tabernacle
posé sur l'autel ; les st""* huiles et les fonts en estât.
« Dans le cemitier, il y a plusieurs maisons du rest de la guerre-,
« L'église a de revenu deux à trois cent livres pour le louage des
terres ; il y a un calice d'argent, peu d'ornemens ; les comptes se
rendent e.xactement.
« 11 y a plusieurs réparations à faire en l'église, et des coffres sur
des planchers.
« "Nous avons ordonné de desmolir les maisons qui sont dans le
cemilier, de faire au plustot réparer i'église, et d'ester les colTres
incessamment ».
« Le 3 Juillet 1671,
« M* Pierre Vuileq, curé. Il y a ciboire, soleil et boette d'argent,
^.lO communians. Les enfans instruits. Les dixmes sont saisies pour
les réparacions, particulièrement pour l'église de Jusancourt ».
{Archices de Reims, Fonds de V Archevêché, 0. 2.ï2, ji. 91.)
1 . .Taxe perçue annuellement pour ks décimes.
2. 'La guerre de la Fronde, qui causa d'ail'reûx ravaf,'ps eu lOTiS aux
villaf!;es de Villers et SaiiU-Geriiiaiumont.
UNE KGI.TPE TtURALE 599
Y
Notes de Charles-Maurice Le Tellier, archevêque de
Reims, sur li paroisse de Villers-devant-le-I hour
(1676-1707).
1G76
« St Remy de Villers devant li; Tour ol St Pierro de Jiizancoiirt,
son secours, à la jirésentaliun d(> inon cliapitr.; et du patron allernali-
vement.
« Venu à St Germain Mont le 13 Juin 1G76.
. « M" Pierre Vidlcq, prêtre du diocèse de Laon, âgé de 33 ans; il
-Line. C'est un homme fort raisonnable et qui a de l'esprit, a été cha-
pelain de M'' de Si Etienne', fait très bien son devoir e'. est fort capa-
ble, a souvent un religieux près de lui. C'est le seul propre à en (aire
un doyen.
« La nef a bescin de grandes réparations, à la cliarge de plusieurs
décimateurs. Voir le procès-verbal, art. 12.
« J'ai parlé, à M. de la Valleroy pour le prier de faire travailler à
réparer cette nef, à laquelle il manque une portion du pavé et du
lambrys. C'est à sa charge pour un quarl, deux quaris au prieur de
Neuville, et le dernier quart à i'abbé de Vau^lé, ordre de St Bernard.
« Manque des portes au cimetierre.
« Un patronage de 40 écus. à ma collation, possédé par M^* Rolle
Grandvarlet, prêire habitué à l'église de St Michel sous la chapelle du
Palais.
« 17 hérétiques qui s'assemblent les dimanches pendant la grande
messe dans une de leurs maisons. (Ajouté plus tard :) N'y a plus que
deux mesnages, vont au presche à Chery près (un blanc';, diocèse de
Laon-. Sont sages et ne font pas de jjruii.
(' 312 communiants.
« L'église de Juzancourt est dans la dernière désolation, à la charge
de mon chapilre et des religieux de St Nicaise. Le cimelierre tout
ouvert. 400 communiants à la paroisse et au secours.
« J'ai parlé aux religieux de St Nicaise pour les obliger à réparer
le lambris du cœur (pii est tout rompu.
1 . Probablement de l'abbesse de Saint-Elienne-les-Dames de Reims,
Louise-Isabelle d'Angennes de Rambouillet, 1637-1707. — Sinon, peut-
ôlre d'une dame de la famille des seigneurs de Saint-Etieune-f ur-Suippe.
2. Il y a deux communes du nom de Chéiy dans l'arrondissement de
Laon, Chéry-les-liosoy, canton de Kozoy, et Cliénjles-I'oui'.'y, canton de
Crécy-sur-Serre. 11 s'agit certainement ici de Chéry-les-Rozoy qui est le
plus rapproché de Villcrs-devant-le-Thour. En effet, il est relaté dans un
document du temps « que le seigneur de Chéry rassemblait en 1664 jus-
iiu'd 61)0 personnes pour le piècbe, arrivant toutes de la Tliiérache, des
Ardennes et de la Champagne par un sentier qui a conservé le nom de
Voyelle des Huçjuenols >■-. Es^ai histurir/iie .sur Rozoy sur-Serre, par
G. A. Martin, t. H, p. 279.
600 UNE KGLISR RURALE
" La chapelle N""f Uame à côIl- du cœur, ;V la charge du chnpiire
et du patron. J'ai ordonné à mon promoteur de poursuivre auprès
d'oux cette réparation.
«. 90 communiants.
« Qu'on mette un couvercle nu bassin des fonis.
' ■< Un nommé Disy ne fait point ses Pâques depuis 'i ans. J'ai
ordonné a mon promoteur, pour f;iire un exemple de cette impiété,
de le citer à l'oflicialilé.
'( On va recouvrir actuellement la nef et achever la oouvt:rlure du
clocher qui manque d'un côté. Qu'on remette un plancher à la net.
Les paysans m'on dit qu'ils le feront avec leurs usag'es nù ils abat-
tront du bois pour] qu'on répare la nef.
'. Qu'on f>'rme le cimelierre de haies vives.
" Qu'on remette des portes à celui de la paroisse. »
1684-1707
'< St Remy de Villers di Le To'.ir a p'" secours Sr. Pierre de .luzan-
court, à la présentation de mon chapitre et de mon séminaire alterna-
tivement. Revenu de la cure, 1?00 livres. — 320 communiants à la
paroisse, 120 au secours.
" M. Pierre Wilcq, prêtre du diocèse de Laon, 40 ans, c'est un
homme fort raisonnable^ qui a do l'esprit, est très capable et lait bien
son devoir. C'est le seul propre à faire un doyen. Il a un vicaire
nommé M** Pierre Mauvais, prêtre de mon diocèse, 42 ans, est. sujet
à boire, a de l'esprit et prêche très facilement. Ce prêtre est à l'hôpi-
tal général. En 1694, 12 déc, on m'a fait de grandes plaintes de lui.
En juillet 170.3, a proJité do mes avis, fait bien présentement. i>e
9 novembre 1706, n'instruit pas. 14 oct. 1707, n'instruit pas ".
(Papicrf! lie Le Tellicr, au Cabinet des manuscrits de la Bihlin-
thè'jue nationale. Fonds français, 60'2.j, 6026, Visites, p. 117 et :îi;i.)
M
Inventaire des biens des églises de Villers-devant-lo-
Thour et de Juzancourt en 1679.
19 juillet 1679. — Invenlair(! des biens meultles et immeubles apjiar-
tenants et dépendant à l'Eglise et fabricq de Villers-devant-Ie-Tliour,
conlormément au désir de Monseigneur l'Illustrissime et Révérendis-
sime Archevesque duc de Reims, pour lui estre présentée, et une
contre partie demeuré dans le coffre fort de l'Eglise, auquel Inventaire
ont signez Monsieur le curé et Messieurs les olficiers de la Justice et
de la plus coenne (sic) partie des habitans'. Et rentes aiïecié sur cer-
taines maisons, terres et vigne sciiuée audict Villiers et iinage du ter-
roir.
1. Il s"agit évidemment ici de la plus ^ainc partie da habitaiis, expres-
sion très usitée autrefois,
UNF, ÉGLISE RURAI.B: (iHI
PnE.Mlt'RFMES'T
L'Eglize est pourvueu rl"ornemens de peux do valeur comme des olia-
subles, chapes, devant d'autel pour servir suivant Itis temps et lestes
de l'année, et (juant au linge il y en a suftizammen*^^ pour l'usage de
ludicte Eglize comme d'aube, surplis, nipes, serviettes. 11 y a mesme
une armoire pour reserver lesdicls ornements, dans laquelle il y a un
colfre fort, le tout au désir de l'ordonnance de mondit seigneur arche -
vesque; 11 y a mesmes calice, ciboire, soleille d'argent. Il y a deux
obils à l'église, Xondé par Pierre Roger et Claudine Gallet pour eslre
célébré six ann.ées consécutives, auquel sont affeclé deux pièces de
terre à perpétuité à l'eglize, comine il se voira par la déclaration des
biens immeubles. Ensuitle la déclaration des biens immeubles comme
des terres appaite'nant à ladicte Eglize :
PfiEMiEu. Terre a mvrs
(Suit ia désignation de neuf parcelles.)
A'ersaine
{Suit la désignalinn de neuf autres parcelles.]
Blez
(Suit la désignation de onze parcelles.)
Tout lesquels terres faisant la iiuar.iité de vingt trois jours et dix
verges adjugez à Jacques Phelippot, laboureur, comme dernier enché-
risseur à la quaniitf'; de quarente huit septiers île grains par tiers,
seigle, froment et avoinne, et acquitter les charges deubs aux seigneurs,
s'il y en a, les(iuels grains ont esté adjugé à ia porte deféglizeau plus
olfrant et dernier enciiérisseur là la somme de cent cincquente oinci]
livres douze sols iroi^ deniers, qui est la première année de son susdit
liaiM.
Ensuitte le registre de la petite nmte alFectée sur certaines maisons,
terres et vignes, seilué audit Villiers et linage du terroir, eommi>
ensuitte premier :
Robert Rreart le jeusne, pour sa maison lieudict la grande rue,
tenant au levant au Fricq, de Reims, et d'aulre, au couchant Claude
Fossiez, budant au midi la sente de Vauldor, au septentrion laditle
grand rue, doibt par an deux quarlels de meslaiUe. . . ii q'' mestaille
{Suicent les noms de» déhileurs, les désignations des biens el les
cens annuels.)
1 . u Procès-verbal d'arpentage d'un corps de ferme apparleaanl à l'église
paroissiale, sis au terroir de Villers-devanl-le-Thour, ledit arpentage lait à
'a mesure dudil lieu, composf'e de 11 pouces pour pied, 19 pieds 12 pour
verge, 10 verges pour pugnet, 40 verges pour quarlior (ou quartel), 8u verges
pour demi-jour et IfiO verges pour le ,oiir. » Arcliives deii Ardeif.es. Séiie
G, 262 fl62D-i7S7). — ]r)verit sommaire, t I\', p. 98.
G02 UNE KGI.TSE RURALE
Nicolas le Fricqui;', de Reims. . . ' ii blan parizi
-M eflart Monoeaux iii cscuel de meslail
Michel Rogier, veufve rtelTiint Gérard-llouss.irt. . . ii blan parizi
Jacques Notlrez doibt pour dix verges lie vigne à la voye do
Brimont ii l)lan p.irizi
Pierre Dormecq - . . ii escuel de meslail
Les hoirs Nicolas f.e Jeusne, de Reims. . . ii pscuel de meslail
Guillaume Bidaux V cscuel m.
Louis Caurelle, pour terre au Mont de Hugny. . . V escuel m.
.lean Mouras el Remiette Hourlier iii escuel m.
Denis Dechery iii escuel m .
La veuve el héritier.-* d'Antoine Rogier. un van de charbon payable
la veille de Noël
RegnauM BrilToteaux ii blan parizi
Oudart et Margueritte les Bourdaire XllII deniers
Oudart Bourdaire l'aisnt.'l XIIII deniers
Louis Caurelle , . . . . XIIII deniers
Les Religieuse Carmelilte do Reims doivent pour cincq pugnet de terre
dans le fond d'Escry V escuel fromtnt
Pierre Lambert VH blan paiizi
Jacques Phelippot XXI deniers
Mons' Louis de La Salle, de Reims, doit pour sa maison el lieu, lieu-
dit la grand rue, tenant au levant le cimetier et la veuve .'\rnouit
Rogier, budant au midi la sente de Vauldor, au couchant Jacques
Phelippot '....., par an XXI deniers
Plus il se voit que ie jardin labourable derrière le lieu dud. La Salle
doibt par an deux pintes d'huile
Plus led. S' de La S&lle jiour cincq [lugnet de terre en lieudil dans
le fond d'Escry , par an V escuel froment
Mathieux Phelippot pour une pièce de vigne. . . XX deniers
La veuve Jean Couslin pour sa maison. . . . IlII deniers parizi
Jean Mussier, demeurant au l'ienois-, doit pour sa maisoi; lieudit la
rue du Chesne III deniers
Nicolas Lapie II deniers
François Couvez I denier
Estienne Souphi<^ II blan parizi
La veufve Jean Laigret. XX deniers
La mazure Pierre Mallard demeurée vacquante. II sols VI deniers
1 . Probablement l'héritage de Louis de La Salle, conseiller au présidial
de Reims, père du bienheureux Jean-Baptisle de La Salle, fondateur des
Frères des Ecoles chrétiennes. La maison désignée dans cet article formait
sans doute la maison d'exploitation de la ferme que celle illustre iamille
rémoise possédait alors sur le lerioir de Villers. Celle maison était compriie
dans la propriété actuelle de la famille Fossier, près l'église.
2. Plenois, commune de Proviseux (Aisne).
UNE KOr.TSK RURALE (j(l3
Geraud Hourlier doit pour sa maison lioudil la Mailienni^' . . .
par an IV sois VI den.
Jean Goulin, thaiilieur, pour sa maison lien dit la Malhenne.
le tiiier d'uni; pinte d'huile'
La veuve ,\ndrez Grandin, pour sa maison iieudit la rue des Telliers
1 iliier d'une pinte d'huille
Antoinne Frère idem
Arnoult Gobreaux I1I[ sols VI deniers
Les hoirs Jean Dechery LI escuel froment
Pierre l*rot III escuel froment
Medart Rogier VI escuel froment
I,a veufve Arnoult Rogier II pintes d'huile
La veufve Eslienne Grandin IIII deniers
Tous lesquels rentes peuvent rap]iorter bonnanl malant* au profilât
de ia fubricque la somme de quatre livres dix sols, suivant le cours des
grains^ comme il apertpar les comptes précèdent, à l'exception pour-
tant de l'huilie ei charbon qui se consomme à l'eglize.
De plus les cloches sont louée au prolfict de l'Eglise tous les ans, le
premier Janvier, au plus olïrant et dernier enchérisseur à la somme
de cincquante sept livres dix sols. . . et soixante livres, suivant comme
elles sont adjugez, aux charges que l'Eglise doiht entretenir les clocdijs.
Plus il y a une constitution de renie donné à l'Egliz) par Guillaume
Hourlier de la somme lie cincquante livres en principal...... .. pour
flire faire une sacristie, comme il a]iert par son testament et la ces-
sion qu'il en a faiite au greffe dudit lieu, à la charge de six messe
haulte qu'il a fait acquitté en son vivant.
Ensuivent les biens meubles et immeubles apparlenent à la cure,
jjreniièreinent quant aux meubles, il y a deux obit fondé en i'eglize
dud. Villiers pour six année, à ce qu'il regarde l'Eglise faisant pour les
deux trois livres de rente.
Plus il y a la somme de soixante douzo livres donnés par Messieurs
les religieux, prieur et couvent de l'abbaye de Saint Martin de Laon,
par forme de rétribution annuelle cscheanl au jour de Saint Martin
d'hiver, pour l'administration des sacremens aux fermiers de la censé
du Trembleaux'^ comme il apert par un traicté faict et passez parde-
vant (Jallion et Carlier, nottaires royauix à Laon, entre les dits relli-
gieux et IW* Pierre Vui'cq, curé en ce temps, en datte du seize
novembre mil six cens soixante seize.
Biens immeibles
Ledict sieur curé prend sur la grosse disme un muict de froment de
preciput et un thier au reste.
1 . Ce nom de La Malène désigne encore une rue du villape, du chemiu
dç Saiot-Germainraonl à ia roule de Gomont, au levant.
2. Bon an, mal an, eipression encore usitée de nos Jours.
3. La ferme de Tremblot avait été complètement détruite par les guerres
de ta Eronde; elle fut rétablie peu apiè^.
60 4 UNE ÉGLISE RURALE
Plus il prend sur certain triege dlct saincl Vincent un Ihier i la
^iisnl^^, les deux autres thiei's appartenant à Messieurs Jes Religieux de
Saint Vincent de Laon.
P us ledict sieur curé prend sur les terres des seigneurs un thler à
la disme, les deux autres thiers à Madame la prieure de la Presle.. ..
Plus ledict sieur curé prendious les menues dismes novaux, jardi-
nage, petiis grains, disme et autre.
Ce jourd'hui 19^ jour du mois de Juillet i769. par de\ ant nuus Ville
Bary, lieuienanl juge et garde en la Jiislice de Tilliers devant le Thour.
assisté de Arnould Soupîiye, n'osli^e greffier ordinaire, sont comjiarus
M' Pierre Vuicque, presire curé dud. Villiers, assisté de Esliene .ludas,
Jean Paquit, custode et marguilliers de l'eglize dud. Villiers, et
yi Oudard Bourdaire, procureur fiscal et notaire, M'= Mathieu Phlipot,
aussi notaire, .M^ Ponce Notre, aussi notaire, M*" Jean Noiret, procu-
reur aud. Viilier, et Denis Bourdaire, sergent aud. Villier, représen-
iani la plus saine partie des abitlans dud. lieu, lesquels nous ont
requis acte de ce qui certiffye que le présent inventaire contient vérité
tant pour les biens meubles et immeubles, contenant V feillet, aux-
quels requérants nous leur avons donné act pour leur servir et valloire
il ce qui sera de raison. En foy de quoy nous avons signé et nostre
greffier et les sus nommés led. jour et an susd.
(Signé) P. Vcilcq, curé.
BouiioniiD.viRK,
Phlipot.
Demaiso.x.
C.HOLLET.
NOÏREZ .
.lean Paqi-'it.
Noiret.
BoriiDAIRE,
BorHOURDAIRE.
(kiillaume Bkgi.e.
Bary.
a. soui'hye.
Jean Rogier, 0. Boi holruaire.
Ko(UER, Arnoui.t, Gobrealx,
Arnoiu.t Prot, Pierre Prot.
(Déclaration annexée en ce qui concerne Juzancoiirt.)
Inventaire des biens meubles et immeubies appartenants et dépen-
dant de TEglise et labricquc de Juzancourt, annexe à la cure de V'I-
liers devant le Thour, conformément au désir de Monseigneur l'illus-
trissime et reverendissime Archevesque duc de Reims, pour luy esire
présentée et contre partie demeuié dans le coffre fort de l'eglise dudit
Villiers di.'vant le Thour, d'auliant qu'il n'y a qu'une petite armoire à
l'église dudict Juzancourt, auquel inventaire ont signez Monsieur le
UNE ÉGLISE RURALE 605
cure, et Messieurs les officiers de la Justice et de la plus ':oenne (sic)
partie des habitans.
F'remieremem
L'Eglise de Juzincourl est pourvneu d'ornemms de peu de vai-
leur, comme des chasubles, devant d'autels pour servir suivant les
temps et festes de l'année, et quant au linge il y en a sufûzamment
Il y a mfisme calicu, ciboire et soleil d'argent. Il y a un obit à l'église
à perpétuité", fondé par Ji^an Langlet, pour estre célébré par chacun
an messe et vigilles, auquel est alî'ecté trois quartels et demi de terre
eu deux pièces à perpétuité à l'église, comme il se voira par la décla-
ration des biens immeubles comme des terres apparienent à ladicte
église.
PnEMŒli
iSuil la déiiçjiialiun de six parcelles de terre.)
Toutes lesquelles terres faisant la qiienlilé de trois jours trois quar-
lels, adjugé à -lean Moisne, laboureur, comme dernier enchérisseur à
la quantité de neuf sejitiers treize escuels de grains, par tiers seigle,
fromant et avoyne...
Ensuivent les biens mi'ubl''S.
PiSEMllJHtMENr
Quant au lueuljii.'S, il y a un obit... faisant trente s jIs de r.nte.
HlENS ^M.MEUIil,ES
Ledici. sieur curé prend à la grosse disaie.... plus toutes les
menues dismes, novaux, jardinage. . .
Ce jouriiiiuy dix neulicsme jour du mois liiî juillet mil six cent sep-
tante neuf, par devant nous .îenn Barye, bailly en la justice, terre et
seigneurie de Juzancourt, assisté de Nicolas Honrlier^ greflier ordi-
naire, sont comparus : Messire Pierre Vuilcq, curé dudit iuzancourt,
et Nicolas Ilourlier, Miciid Huguenot, custode et niargiiillier en l'egliz^
dudict .fuzancourt, et maître Jean GiUotiu, procureur liscalle, Nicolas
.Mouret, laboureur. Jean I.e Moisne, pannetier, Nicolas Pallotar.x,
laboureur, représentant la plupart des liabitans dudit lieu. . . Hn
'oy lie quoy, nous avons signez et nostredit greflier
{Signél Nicolas Coi sin.
Nicolas Pai.oteai x.
J». Paha,nt.
M. PlJSTA.
N. IIOI ULIEH.
HAItV.
Vi;ii.cn, curé.
{el cinq auttes iiiiJiatures illisibles.)
^Archives de Reims ^ Fonds de l'Arclievcclid, G, Visites, Doyenné
de Saint-tiermainmont, liasse de Villers-devant-L'-Thour.;
606 lI^E ÉGLISE RURALR
VII
Procès-verbaux de visites du Doyenné de Saint-Ger-
mainmont, Villers devant Le Tour et Jusancourt
(1692-1722).
1092
Procès verbal de la VisiUe des Eglises île Villers devant Le Tuur et
de JusancourI, son secours, du i^'^ Janvier lG(t"2.
1
L'église de Villers a été balie sous l'invocalion de saint Reiuy, el
celte de JusancourI sous l'invocalion de saint Pierre, apôtre.
2
Un ne croit pas les deux églises consacrées.
3
Le chapitre de Nro Dame lI le tloUôge de Keinis nomment alterna-
tivement à la cure.
4
Le gros du bénélice est de 500 livres, il consiste en un lliier des
grosses dixmes de grain et de vin, tant à Viller qu'à Jusancourt, et à
la totalité des menues dixmes des deux lieux.
Le curé n'est pas cliargé de pension.
(i
La dixme de Villers se partage en nmif pai Is, le cure en |)rend trois,
le chapitre fie Nre Dame une, le séminaire une, le prieur de Neufville
deux', l'abbé de Vaucler une, l'abbé de la Valleroy une.
Celle de Jusancourt se divise pareiUenient en neuf, le s'' curé en
prend trois, le cliiipitre une, le séminaire une. M"" de Saint Nicaise de
Reims quatre.
-l^e curé prend sa poriion, comme il est expliiiué cy dessus.
S
Il y a un secour dit Juzancourt. distant de la paroisse d'une demie
1 . On voit figurer, parmi les gros déciœaleurs de ViUers-devaul-ie-
Thour, le prieur de Nevfville pour 2 parts sur 'J des dîmes de la paroisse.
Ce prieur était celui du prieuré de Sainl-JuHen de Neuville, l'oudé vers 1153
el appartoniii.t à l'abbaye bénédictine de Saiot-Viocent de Laon. Il état
situé dans la commune de Neuvillc-en-Laonnois, diocèse de Laon, auj. can-
ton de Craonne (Aisne). Ce vill.ige s'élail l'orme au x" siècle, autour d'une
métairie que les religieux de Saint- Vincent avaient en cft endroit. Le prieuré
aurait été ibndé par les seigneurs du Jieu, dans l'intérieur de leur château.
Dictionnaire hi!<lorifiue de l'Aisne, par Melleville, IHCi, t. 11, p. 161 el 23i.
Cf. Notice histovKitte sur Neuville en- Laonnois , par Melleville.
UNE EGLISE RUKÂLE tyQJ
Il y 0 sans lo secour doux ameaux, l'un dit I.e Trembleiiu ', dépen-
dant de Viller, distant di3 la paroisse d'un cart de lieue, où il y a cincf(
ménages, appartenant à M''- de Saint Martin de Laon_, qui donnent au
S'' curé la somme de 24 csciis annuelemont par accommodementde Son
Excellence pour l'adminisfralion des sacrements, les héritages qu'ils y
jiossèdont étant cxemj)ts de toutles charges.
I/autredit La Conso des Harres, de|ipndant de .lusaiicourt, dislatil
d'un cart de lieue, où il y a une seule maison-,
!)
L'église de Villers est en croix, régulière, elle consiste en un chœur,
deux chapelles, une nef, deux collatereaux et un clocher placé entre l.i
ne!" et le chœur, garni de trois bonnes cloches, tout y est bien entre-
tenu, les réparations se font aux fraix des décimateurs, celle du chœur
par le cliapilre et le séminaire de Reims, et celles de la nel' par
M'* les abbés de Vaucler et de la Valleroy et le prieur de NeutVille ,
cette pratique est un usage de tout temps immémorial ; neminc rccUi'
mante ; on y doit faire des portes plus solides.
10
L'église de Jusancourt est irréguliére et assez chétive, elle consi?tn
en un petit chœur, une chapelle du costé de septentrion, une nef et
une pelitte nonette-^ au bas, la nef est à la charge des paroissiens et
mal entretenue, il n'y a ni lambris ni plat fond, il îaut une vitre au
bas de ladilîe nef; le chœur et la cluipel!e sont à la charge du chapitre
et du séminaire de Reims et en état.
11
Il y a des fonds et un cimelière à Jusancourt comme à Viller,
12
L'église succursale est distante de la paroissiale d'une grande demie
lieu, mais beau chemin.
13
Le nombre des communiants est de 450 aux deux lieux.
14
11 n'i a point d'hereiiquos à présenta
1. Acluelleraenl Trcmblol, (erme très considérable de 50(J hectare;-, située
à l'ouest du village.
On voit qu'a celte époipie il u est pas question, sur le terroir, du moulin
à eau de la Malaise, établi sans doute au début du xviu" siècle.
2. Les Darres u'ont encore qu'une seule maison sur le terroir de Juzan-
court, le moulin dépendant de Saint Germainmonl.
3. Terme actuellement hors d'usage, qui signifiait probablement un petit
porche ou abri, en avant du portail. A moins qu'il ne s'agisse d'une clochette,
4. Celle mention indique que les familles protestantes dont parlait l'ar-
chcvêque en 1676, avaient depuis abjuré l'hérésie ou s'étaient expatriées.
608 LNE ÉGLISE RURALE
1b et 16
fi n'y a point de reliqu^'S aux deux églises.
16
Les Tabernacles des deux églises sont assez jiropres, fermants à
clef, mais pauvres, cehiy de Viller est garni en dedans et l'autre peint.
17
Il y a des ornements, des Livres de chant, du linge et autres choses
nécessaires au service divin, à Villers surtour.
18
Il y a un calice d'aigent avec la patène aux deux églises, celuy de
Villers est doré en dedans, comme la patène ; un ciboire aussi d'ar-
gent à chaque église, comme aussi un Rayon qui se monte sur le pied
du ciboire'. Il y a aussi une boette d'argent assez grande à Villers
pour porter le Saint Viatique avec une i)Ourse, et à Jusancourt une
petite qui ne peut contenir que deux ou trois hosties; les vaisseaux
des s'»-'- huiles ne sont que d'estain et séparés.
1!.t
Los Livres dont on se sort dans les deux églises sont à l'usage du
diocèse et des derniers imprimés-.
20
Le s'' curé a soin de ronouvoler les hoslies.
■n
i)aiis l'église de ViUei's, il y a, sous le m"' aulul, deux autres autels,
l'un dans la chapelle du cùlé de l'Evangile, dédié à la Sainte Vierge ■',
cl l'autre dans la chapelle du costé de l'Epilre, dédié à saint l'i^cre '',
oit il niamiue un tableau, les autels sont ornés de linge, ils ne sont
point consacrés.
Dans l'église de Juzancourl, il y a, avec le grand aut<'l, une auire
autel dédié à la Sainte Vierge du cùté de l'I-lvangile qui est orné et non
consacré.
'2'1
Il y a lieux pierres bénites a l'église de Villers et une à l'église de
«Jusancourt.
•23
Il y a un conl'essional à Villers assés mal prujiri' dans la chapelle
de saint Fiacre, bien exposé; il n'y en a {luint à Jusanciiur, le s'' cun^
confesse dans le chieur à sa place,
1 . Ostensoir en forme de soleil, qui se fixait sur le pied du ciboire,
"2. Maurice Le Tellier fil rééditer, de 1G77 à UiS8, les livres li'urgiques
du diocèse de Reims.
M. Autel placé aciuclicmeul sous le vocable de Suinl-Hcmi.
4. Aulel délié uiainUnanl a la Suinte \ ior^e.
UNE ÉGLISE RURALE 609
24
Il y a ui. truii en fjruii de Piscine à chaque égli6t', proche \e grand
autel.
25
I! y a une lampe à l'église de Villers qui bruslc pendant les ser-
vices, les lestes et dimanclies, aux frais de la fabrique -, quelques par-
ticuliers y contribuent ; il n'y en a pdnt à Jusancourt.
■2tj
Les eaux boniliors des deux églises sont suflisamnient exposés et
bien placés.
•21
il y a des statues à Villers, dans la chapelle de saint Fiacre, indé-
cenlps, que le s'' curé fera ùter. et une dans la nef. A Jusancourl,
plusieui's aussi à la nef, qu'il doit oter pareillement.
L'heure du service est réglé le matin à Jusancourl, et sur les dix
heures à Villers.
■10
Les paroissiens sont assés assidus ; tout le monde s'est actiuitté de
son devoir pascal ; il n'y a point de scandais, d'usures, d'inimitiés,
de superstitions connues, point de mariés séparés, ny de mariages
invalides.
30 ■
Le cnré fait les prosnes du Rituel et les Catéchismes en Adveut et
Carême, et fait instruire souvent par des slationnaires ou d'autres,
aiant presque icujour un prestrc chez luy pour sa commodité et le bien
de sa paroisse.
31
Il y a un m"""-' d'escole à chaque paroisse, dont on est assés contant ;
ils sont de bonne mœurs, de saine doctrine, mariés, du diocèse, et
n'ont point de lettres.
;i2
Les lilles vont à l'école avec les garçons et sont séparés dan^ la
classe.
33
Les m'''-'' d'école se plaignent do ce que les parents négligent d'eii-
vùier leurs enfans ]iour les instruire; on les a excités' do le faire,
comme de les envoi'.'r aussi aux catéchismes.
0 1
11 y a lies tons baplisiuaux aux deux églises, ternianl a clef; ceux de
Jusancourt sont trop peu eslevés; il y manque un couvercle à ceux de
Villers.
I. 11 u'}' a plus traces de ces anciennes sta'ues, que le doyen jujzeail indé-
tentes, probaDlemenl parce qu'elles étaient gothiques.
'J9
6 lu UNE ÉGLISE llUKALE
35
Il y a iIl's Registres Ijaplisières exac'.s «Junl les m""^-'- d'escole sonl
gardiens.
36
Les pères et ineres envoient leurs enfants à l'église pour les bap-
tiser ; on ne sépare pas les cérémonies du sacrement, et on n'assure
pas les enlans à la maison sans nécessité.
37
11 y a une sage femme à Villers, instruite, lie bonne vie, qui a prèle
le serment ; il n'y en a point à Jusancourt.
38
On ne seait pas si les pères et mères couchent avec leurs enfants, le
sr curé leur donnera ses advis.
39
Il n'y a point do sacristie aux deux églises. A Villers, le prestre se
revêt derrière l'autel, on enferme les ornements dans une grande
armoire placée dans la chapelle du côié de l'épistre'. A Juzancourt,
on se revel; derrière faulel do la clnppjle cîi les ornements sont enfer-
més dans une armoire.
10
i^e cimelière de Villers est en étal, fermé de murailles et les portes
sont règlement fermées ; celuy do .luzancourt est entouré de hayes et
piroit assés négligé. On n'y liiMit jioint de foires, ni d'assemblées.
■U
Le revenu de la fabrique do Villers est de 250 livres environ, consis-
tant en grains et oblations-, celui de Jusancourt peut esire de 10 livres,
tant en oblalions que grains et autres rentes.
42
Les comptes se rendent en présence du s'' curé, des anciens mar-
guilliers et des princijjaux de la paroisse qui en sont adverti au
prosne. Il y en a deux à terminer à Villers et un à Jusancourt.
43
Il y a plusieurs marguilliers reliquataires, on lesaadvertil desalis-
faire et ils s'y disposent.
4 4
Tous les propriétaires payent dixmes à l'exception d'une censé appar-
tenante à M"* de Saint Nicaise do Reims, et d'une autre appartenante
à M- La Presie "■', qui ne paie que demie dixme, comme les terres des
1 . L'ancienua sacristie ne fut construite que vers 171S, à l'angle d'un bas-
côté et du croisillon sud. La sacristie actuelle fut bâtie seulement en LS31.
2. Il &'ag;it de la prieure commen(lat)ire de La Presie, près JuzaDcourt,
petit monaslèrc de femmes (jui a cessé probablement dès le xvb siècle toute
régularité. Une ferme eu avait pri-^ la place et ses revenus étaient donnés à
titre de bénéfice bimple.
UNE ÉGLISE RURALE Gll
particuliers qui luy doivent des cens, et d'autres terres. aux. particu-
iics, qui doivent pareillement des cens à M'^ du Chapitre et au sémi-
naire de Reims, ne paient rien.
45 et 4G"
Il n'y a point de cunfrairies érigées.
i-7
Il y a doux obits fondés à Jusancourt et trois aulres que M"" de
llezeques acquite ; on n'en a pas accusé à Villors.
48
Il y a un presbilère à Villers, mal commode, défectueux. Le s'' curé
qui y réside s'en ])laini, il oilVe de donner 300 livres pour le rétablir
comme il le souliaille, eu il leur demande la mesme somme et il le faira
accommoder.
49
Le S'' curé a de temps en temps un ])rcslre pour le soulager; il a à.
jiresent un religieux cordelier approuvé, qui sert aussi de slationaire
dans le voisinage et il en est fort content.
50
Le sr curé se nomme M''" Pierre Vuilcq,du diocèse de Laon,aagé de
48 [ans!, il a obtenu les provisions delà cure le '20 septembre en 1G(JD
de M"" le cardinal Anthoine '; il a élé mis en possession par M"" Cho-
pin, curé de Lor. par commission particulière la mesme année le 5
novembre ; il a été tonsuré en 1G64, fait acolitlie par M' de Soissons ;
sous diacre en 1G65, en may, par le mesme ; diacre en 1667, en juin;
prestre par M'' le cardinal Anthoine en 1608. Il n'a pas les cas réservés.
Il a étudié dei.x ans en ihéologie à Reims. Il a une pelitte biblio-
thèqup.
■ 11 a chez hiy Mlle sa sœure, veufe, avec une servante assés aagéu-.
51
li y a sur le terriloir de Villers une chapelle dédiée à saint Marc,
ancien patron du lieu, et entretenue aux fraix du s' curé et des
paroissiens; elle n'est pas fermée ; il seroit à propos de la faire démo-
lir, mais on s'i opposeroit. Il y a une espèce de cimetière. On y entere
les pesliterés, on n'y l'ail aucunne fonction, il y a un reste d'autel^.
■ 1. Le cardinal Antoine Ijarberini, archevêque de Reims. ICOT-KJTl.
'.. Pierre Vuilcq était originaire probablement de Goudelancourt-les-Ber-
rieux (Aisne), ancien diocèse de Ljiod. L'acte consliliitif de la Ligue fut
signé par la noblesse de Vermandois, et celte pièce fut collationnée par le
notaire Biseleur, à une date postérieure non indiquée. Voir VEssai histo-
rique sur liozoy-sur-Serre, par G. -A. Martin, t. II, p. Ho, qui cite parmi
les témoins de cette collaiion « Pierre Wuilq, prestre curé de Villers-devant-
le-Thour, et Desjardiu, marchand à Goudeluncourt >■, d'après les manuscrits
de Claude Leleu sur l'histoire du Laonnois, t. II. p. 3'.i6.
'■). Sur cette chapelle qui fut démcdie seulement en i/oi», voir le' Cha-
pitre VIII de la présente notice.
612 UNE ÉGLISE RURALE
Il y a un patronage qui est uni au séminaire de Reims, de 100
livres de rente.
Le reste néant.
DoYENÉ DE Saint Geh.mainmunt.
nio
Viller devant Le Tliour et Juzancourt sou secour.
Le sr curé M""" Pierre Vuiiq, aagé de G5 ans environ, honete homme;
et souhaittant qu'on IVisse le bien dans sa paroisse, mais qui n'a aucun
talent pour parler en public, fort charitable aux pauvres. Il a un
vicaire un peu timide pour instruire, de bonne conduite.
Le revenu est de 1000 livres et plus.
Le chapitre et le séminaire de Reims nomment à la cure alterna-
tivement.
Les décimateurs sont lo chapitre, le séminaire de Reims, le prieur de
Neuville, l'abbé de Vaucler, l'abbé de La Valleroy, l'abbé de Sainf.
Nicaise de Reims et le s'' curé.
Les églises sont en état.
ï,e nombre des communians est de .iOO.
Le patron de Viller est saint Remy, le patron de Juzancourt saint
Pierre.
Doyenné oe Saint Gehhain Mont.
1712
Viller devant le Thour et Juzancourt son secours.
jyji-e Pierre Vuilcq, aagé de 69 ans, en possession depuis le 20 si^re
1669, honnête homme hors d'état de profiter à celte paroisse, a un
vicaire du diocèse de Trêves, de bonne conduite, mais qui n'instruit
pas non plus (jue son m''^.
Le revenu de la cure est de 900 à lOUO livres, celui de l'eglisf. de
Villers est de 250 livres, la despense peut aller à 150 livres.
Le revenu de la fabrique de Juzancourt est de 50 à 60 livres, et les
charges équivalent la recette, mais les deniers sont mal administrés,
et il y a une confusion extrême dans les comptes de ces deu.^ églises.
(Il convient y remédier).
PRociiS veubal di^ la Visrn; entière du Doyené de S^ îtERMAiN-MoM
DE l'année 1716.
Viller devant Le Thour et Juzancourt le 2b' juin 1716.
Eglise. — L'église de Viller est en état. On y a (ait depuis peu un
autel de marbre' et une sacristie-. Il n'y manque que i>eu de linge.
1 . Le maître-autel actuel, du moins son retable très décoratif, date de
celte époque ; le tombeau de l'autel est plus récent et provient d'une des
églises de Reims détruites à la Révolution.
2k La sacri>tie alors coustruite se trouvait à l'angle du transept et du bas-
côté sud. Elle aura disparu à la Révolulion ; une autre fut reconstruite a
l'endroit actuel, vers 1831.
UNE tSglise rurale 613
Patron. — Saint ftemy, archevêque de Reims.
Collateur. — Le chapilrs et le séminaire alternativement.
Curé. — y\'* Marc Anlhoine Bidault, aagé de 29 [ans]. Il est en
procez pour le bénéfice avec le s"" Savart, prêtre du diocèse-, l'instance
est au parlement.
Revenu. — Il est de i ,000 livres.
Fabrique. — Les deniers sont bien administrés.
Comptes. — Us se rendent e.xactement, on a vuidé les anciens
comptes qui restoient à régler du temps du s"" Vuilq, dernier curé.
Cimetière. — Il est bien fermé, à l'e-xception des portes.
Presbitère. — Il n'est pas en état ; quand le s^ curé sera paisible,
il sera plus hardi à parler aux habitans à ce sujet.
Seigneurs. — M"" le Marquis de Nesle et l'hôtel Dieu de Paris.
Le s"^ curé est fort replé, zélé pour le salut des âmes, ses paroissiens
en sont contents et édifiés.
JUZANCOURT, SEtOUR DE ViLLERS.
Eglise. — Elle est en état et décorée depuis peu, fournie de linges
et d'ornements.
Fabrique. — Elle a peu de revenu, mais il est fidèlement admi-
nistré.
Comptes. — Le s'' curé a trouvé plusieurs comptes à rendre, il a
achevé de les régler et y donne tous ses soins.
Cimetière. — Il est fermé de hayes.
.Seigneur. — [.Ps Enfants de M'' Dezeques.
Mémoires pour sehvir aux i-ROCts verbaux (Vers 1722).
ViLLERS DEVANT LE ÏOUR.
L'Eglise est sous l'invocation de saint Remy. Le maître autel est de
marbre en colonnes, le tableau représente une descente de la croix, il
y a aux 2 cotés deux statues en relief, l'une de saint Remy. l'autre de
saint Marc, patrons ; il faut aud. m*" autel un crucifix do metail en
rehef '. Il y a de plus deux autels, l'un de la Vierge, l'autre de .saint
Fiacre, dans chacune de cas chapelles, il y a un confessional en bon
estât, mais il faut deux pierres à ces autels. Il faut dorer en dedans la
coupe du ciboire, la petitte boette et le croissant du soleil, et étamer
la cuvette des fonds. Il y a une grande sacristie toute neuve ot en bon
estât.
Le sieur curé s'appelle xMarc Antoine Bidaut, natif de Reims,
cy devant chanoine de Saint Timothé ; son revenu consiste en un tiers
des grosses dixmes de grain ot de vin, tant à Villors qu'à Jusancour,
1. 11 s'agit bien du grand retable actuel, fort bien conservé, mais le
tableau et le tombeau de l'autel ont été chaa<réâ vers 1790, et les statues
latérales supprimées en 1880,
ÙH UNE ÉGLISE RURALE
et il la totalité des menù'3s dixmes, mais à ViUers il n'en perçoit plus
parcp, disent les habitans, que son devancier n'en demandoil pas. Il
a depuis quelques années un vicaire qu'il paye seul, ce vicaire s'ap-
pelle Nive), est de Saint Germainmont et prostré depuis 3 ans. Mon-
seigneur, comme supérieur du séminaire, et le chapitre de Reims y
nomment alternativement. Le s'' Bidault, qui en a la recréance à j»i'é-
sent, est de la nomination de Mgr. Le pétitoire n'est pas encore com-
mencé avec le sr Savart qui a la nomination «la chapitre, et qui, pour
empocher la prescription, fait une signification tous les .3 ans.
La fabrique a environ 20') livres, sur quoy 9 livres 10 s. pour les
rétributions du curé, et '6 livres 10 s. pour le m" d'école.
Il y a dans la paroisse 510 conimunians. Les comptes sont rendu
jusqu'à 1720 inclusivement. Les registres depuis 1670 jusqu'à ce jour.
Le maître d'école, Jean-Louis Marteau, pour les garçons et pour les
iflles.
L'église est bien en ornemens, ainsy qu'il appert par le procès ver-
bal cy joint, affirmé par le s"" curé or oii en trouve un détail bien cir-
constancié de son bénéfice'.
Il y a un secours à une demie lieu, nommé Jusancour, un hameau
dit Trembleau, à un cart de lieu, où il y a G ménages, et une censé
ditte les Barres à une demie lieue.
VIII
Procès verbal de visite de la paroisse de Villers-
devant-le-Thour par Hyacinthe Le Pappe de Kervilly
en 1743.
VlLLEIlS DEVANT Le THOUfi ET JuZA.NC0URT,
Ce vingt sixième juin mil sept cens quarante trois, Nous, Hyacinthe
L(! Pappe de Kervilly, prêtre, docteur de Sorbonne, chanoine de
l'Eglise Métropolitaine de Reims -, commis par Son Altesse iVIonsei-
gneur r.A.rchevêque Uuc de Reims, premier Pair de France, Légat-né
du Saint Siège, pour faire la visite des Eglises de son Diocèse, par
commission à nous délivrée le vingt neufième jour du mois de Ma}^ de
l'année présente, signée Armand Jules de Rohan, .'archevêque Duc de
Reims, et plus bas Boitel, insinuée et controllée le trentième du même
mois de la même année, signée Jourdain, Nous sommes transporté sur
les trois heures de relevée à la Paroisse de Villers devant Le Thour,
])0ur procéder à la visite de cette Eglise, et nous étant di'iement assuré
1 . Ce procès-verbal n'existe plus dans la liasse.
2, « Prœbenda 29, de dextro choro, llyacîcthus Le Pappe de Kervilly,
pbr diocfisis Corisopilensis (Quimper-Corenlin), per dimissionem Simonis
Charuel, 7 ans, 19 decembris 1732. — Prcebenda 07, de sinislro choro, Hya-
cinihus Le Pappe de Kervilly, pbr. Corisopilensis, per obitum Joannis Mor-
lol, 25 ans, 25 novembris 1739. Hemplacé le l.'i octobre 1704, » {\omina
canonicoruni Kccl. /{emen.s/s, f"' 05 et lOi verso, recueil Murtin, ms. de la
Bibliothèque de Reims.)
UNE ÉGLISE RURALE ù\l'>
que les paroissiens tîtoieiit avrrlis ilii jour et, de l'iieiire ritie nous
(levions faire notre visite, nous serions sortis de la maison preshyte-
ralle revêtu de surplis et en Elole. accompagné de M. Marc Antoine
Bidot*, curé de ladite i)aroisse, de Messieurs Sta, curé de Sévigny et
doyen de Saint-Germainmont, Jacques Digoine, vicaire de ladite
paroisse, Pierre Gaillol, vicaire de Château-Porcien, et suivis de plu-
sieurs paroissiens assemblés au son de la cloche, qui nous ont con-
duits jusques à la porte de l'Eglise où le sieur curé nous auroit pré-
senté de l'eau Bénite, puis étant allé au grand Autel, nous aurions
d'abord visité le tabernacle que nous avons trouvé en bon état. Nous
aurions ensuite tiré le Saint Sacrement ?t le clireur ayant clianté l'an-
tienne 0 salutaris, nous aurions dit la collecte nt donné la bénédiction,
après quoy, nous aurions remis le Saint Ciboire que nous avons trouvé
dans la décence convenable, ainsy que la custode destinée à porter le bon
Dieu aux malades, le calice et le soleil. Outre ce, nous nous sommes
fait représenter les vaisseaux des saintes huiles qui sont d'argent et
très propres. Puis nous aurions été aux fonds Baptismaux que nous
avons trouvé en bon état. De là nous aurions lait la visite du Maître
Autel et des Chapelles, et nous avons remarqué que la pierre bénite
de l'autel de la chapelle de la Sainte "Vierge n'est pas suffisamment
enchâssée. Après quoi nous aurions visité les confessionnaux que nous
avons trouvé dans un état convenable et prescrit par le Rituel. Nous
sommes aussi allé au Cimetière et nous avons remarqué qu'il est bien
fermé. Tout de suitle nous avons visité le corps de l'Eglise tant en
dedans qu'au dehors, que nous avons trouvé en bon état. Nous avons
ensuitle demandé aux Paroissiens s'ils n'avoient point de plaintes à
nous faire, et il nous ont répondus qu'ils n'en avoient aucune. — Puis
étant entré dans la sacristie, nous nous sommes fait représenter les
livres de chant, les ornemens et les linges destinés à la célébration
des Saints Mystères, et nous avons reconnu que tout est très propre,
en nombre suflisant et dans la décence convenable. Nous avons encore
demandé à voir les comptes de la fabrique, et il nous a paru qu'ils ont
été rendus jusques à mil sept cens quarante et un inclusivement. Nous
avons au<^si remarqué que les comptes de ladite fabrique, ainsi que les
titres concernans les biens de cette Paroisse, sont enlérmés dans une
armoire à deux clefs, comme il est porté ('ar le Rituel. Nous avons
ensuite demandé compte tant du spirituel que du temporel de ladite
Eglise, le sieur curé sur la demande que nous lui avons faite, nous a
répondu qu'il s'appelle Marc Antoine Bidot, qu'il est âgé de cinquante
quatre ans, qu'il est curé de celte paroisse depuis mil sept cent qua-
torze, qu'il y a été nommé par le Séminaire de Reims, patron alterna-
tif avec le Chapitre de l'Eglise de Reims, que le revend est de mil
livres années communes, et celui de la fabrique de cent vingt livres,
sur quoy il faut acquitter les charges, que les dixmes se partagent en
neuf parts, dont trois appa: tiennent au sieur curé de Villers, une au
chapitre de l'Eglise de Reims, une au Séminaire, une à Mons'' l'abbé
-1 . Mauvaise orthographe, pour Pidaitlt.
616 UNE lf;GLlSK RUR\LE
de Vauclerc, une aux religieux de l'abbaye de la Vallerùy, et deux au
prieur de Neuville, sans préjudice aux dixmcs inféodées qui appar-
tienneal à Madame l'abbesse de ia Presle et aux Religieux bénédictins
de Saint Vincent de Laon, ou le sieur curé dixme pour son tiers, que
l'église est dédiée à Dieu sous l'invocation de Siint Remy et de Sain'
Marc, que le nombre des communians est d'environ quatre cens. Nous
avons aussi examiné les Regîtres des Baptêmes, Sépultures et Mariages
que nous avons trouvé en règle. 11 y a dans la paroisse Monsieur Tabé
de Digoine, pri-tre, âgé de vingt six ans, qui y fait les fonctions de
vicaire depuis le septième février de la présente année, en vertu des
pouvoirs à lui accordés par Monsieur de Mailly. Vicaire général de son
Altesse, ainsi qu'il paroii par sa lettre écrite au sieur abbé de même
datte et de même année. Le sieur curé nous a rendu un excellent
témoignage de M'' l'abé de Digoine, tant pour la régularité de ses
mœurs que pour son zèle dans le ministère dont il s'acquitte à l'édifi-
caiion de toute la paroisse*. Il y a encore dans ladite paroisse un
ecclésiastique nommé Jean Bréart, diacre sortant du séminaire, qui
assiste assidiiement aux ofiices et qui y fait les fonctions de son ordre.
Nous avons aussi fait venir le Maître d'Ecole, d(int on nous a rendu
bon témoignage. De tout ce que dessus, que nous avons vu et exa-
miné par nous même, nous avons dressé le i)résent procez verbal pour
être ordonné ce que de raison, et après en avoir fait lecture à haute et
intelligible voix en présence du sieur curé, des témoins susnommés et
de plusieurs notables paroissiens, nomméiuent Louis Bréart, Marguil-
lier en charge, Jacques Mouret, ancien Marguillier, Maître Gilles
Gacoin, Procureur fiscal, ih ont signe/, avec nous les mêmes jour,
mois et an que dessus.
{Signé) Keuvii.i.v.
.M. A. Biu.\i!LT, i)>" et curé.
Sta, curé de Sévigny.
De Digoine, prestre
Gaillot, vicaire.
Louis Brkaki.
J. M or R ET.
G. Gacoin.
Tout de suite, nous serions transporté à Juzancourt, secour de Vil-
1ers, qui en est distant de trois quarts de lieiïe, où après avoir observé
les mêmes cérémonies que dessus, nous avons reconnu que l'Eglise est
dédiée à Dieu sous l'invocation de Saint Pierre, que le revenu de la
fabrique est de soixante livres environ, sur quoy il faut acquitter les
charges, que les dixmes se partagent en neuf parts, dont trois appar-
tiennent au sieur curé de Villers, une au Chapitre de l'Eglise de
Reims, une au séminaire des chaiioines réguliers de Reims, et les
1. 11 s'agit probablement ici d'un parent, sans doute neveu de Jacques-
Joseph de Digoine du Palay, mort curé d'Asfeld le 11 avril l'ofi, à l'âge de
87 ans, et dont l'épitaphe >e trouve conservée sous le porche de l'égUsé
d'Asfei'J.
UNE ÉGLISE RURALE 617
quatre aulres à Messieurs de la Sainti^ chapelle de Paris ; Quo le
nombre des corr.munians est de cent quarante, que les Livres de
chant, les ornemens et les linges destinés à la ciMébraiion des Saints
Mystères sont en nombre sufTisant et dans la décence convenable; Que
le calice, le ciboire, le soleil, !a custode et les vaisseaux des saintes
huiles, qui sont d'argent, sont |)ropres et dans un état convenable, quo
le Maître Autel, les Fonds baptismaux et le Confessionnal sont en règle ;
Que le corps de l'église tant ea dedans que dehors est en bon état, qm-
les Riîgîires de Baptêmes, Sépultures et Mariages sont en règle ; Que les
comptes ont été rendus juscpi'à mil sept cent trente neuf inclusive-
ment et ({u'on a fait rentrer les deniers appartenans à la fabrique, les
derniers comptes n'ont pas encore été rendus à cause de la mort de
l'avant-dernier Marguillier, attendu que le Marguillier aciuellement en
charge s'est opposé .à la rendition qu'on en vouloit faire jusqu'à ce que
les héritiers du deffunt aient tenu compte des deniers dont il étoit rede-
vable. Qu'il y a un Maître d'Ecole chargé de l'instruction des enfans
en vertu de l'institution à lui accordée par Mons'' l'Ecolùtre de Reims
et dont on est très content. De tout ce que dessus, (jue nous avons vu
et examiné pas nous même, nous avons dressé le présent procez ver-
bal pour esire ordonné ce que de raison, et après en avoir fait la Lec-
ture en présence du sieur curé, de Monsieur Sta, curé de Sévigny et
doyen de Saint Germainmont, du sieur Gaiilot, vicaire de Château por-
cien, de Pierre Cholet, habitant de Juzancourt, ils ont signez avec nous
les mêmes jour, mois et an que dessus.
(Signé) IvEnviuv.
M. A. BiBAULT, p'e et curé.
Sta, curé de Sévigny.
Gaillot, vicaire.
Chollet.
(Àrchices de Iteims, t-'uiids de l' Ar chevêche , Visilea, Doyenné de
Saint-Gerniainrnont, liasS'' de Villers-dcrant-li: -Ttiour .)
[A suivre.) Heiiri Jadart.
NÉCROLOGIE
M. le comte Paul Chaiidon de Briailles est mort, le 9 juin 1895,
à Epernay. Cette nouvelle a causé une émotion profonde, non
seulement dans cette ville, mais dans toute la région ; car le nom
de Cliandon de Briailles est une des illustrations de la Champagne,
et l'homme qui vient de mourir en a dignement soutenu Téclat.
Descendant d'une ancienne t'amille fixée à Epernay en 1816,
M. Paul (]handon de Briailles était petit-fils de M. J.-R. Mot-t,
fondateur, en 1743, de la maison universellement connue depuis
plus d'un siècle.
Né en 1821, M. Paul Chandon fut associé, puis directeur de
cette grande maison qui a si puissamment contribué à la prospé-
rité de la ville d'Epernay et du département de la Marne.
li s'allia, en 1850, à une famille châlonnaise par son mariage
avec Mlle de Massiac, fille du marquis de Massiac, qu'il a eu la
douleur de perdre, il y a deux ans. 11 eut plusieurs enfants, qui
gardent précieusement ses traditions : trois fils, MM. Raoul,
Gaston et Jean Chandon de Criailles, et trois filles, Mmes les com-
tesses Amédée et Gaston de Maigret et Mme la comtesse Geolfroy
d'Andigné.
Le comte Paul Chandon de Briailles laisse d'unanimes regrets
dans le département de la Marne, Après avoir occupé plusieurs
fonctions publiques, il se consacra aux œuvres charitables. Pen-
dant la guerre de 1870 il entretint, à ses frais, une ambulance de
six cents lits et sauvegarda ses concitoyens contre les vainqueurs
en donnant la garantie de sa signature à une maison de banque de
Berlin pour le payement de la rançon de guerre imposée à la
ville d'Epernay.
Le comte Chandon de Briailles était chevalier de l'ordre de
Malte.
Epernay a fait, le 12 juin, au comte Paul Chandon de Briailles,
des funérailles dignes de lui.
La veille, toute la ville et les environs avaient défilé, dans l'im-
mense chapelle ardente installée dans un des magasins de la mai-
son de commerce, devant le cercueil de celui qui disait souvent
qu'il faut savoir se faire pardonner sa fortune et qui sut la faire
bénir par les malheureux.
Le jour des obsèques, tous les magasins d'Epernay, sans excep-
tion, étaient fermés sur le parcours de l'interminable cortège,
formé surtout des délégués des nombreuses Sociétés charitables
dont le défunt était le bienfaiteur inlalis-able.
NECROLOGIE Cl',»
Pour ménager les ressources des pauvres, le romle Paul Chari-
doti avait interdit qu'on déposât la moindre couronne sur le oliar
l'irnébre ; par un sentiment d'extrême modestie, il avait défendu
les discours : néanmoins, dans l'église Notre-Dame d'Epernay,
Mgr I.atty, évoque de Cliàlons-sur-Marne, avant l'uljsouto, a pro-
noncé son panégyrique.
11 a pris pour texte : le Juste, et jamais le terme ne s'appliqua
mieux qu'à celui que la ville pleurait.
Le deuil était conduit par MM. le vicomte Raoul Cliandon de
Briailles, le baron (iaston Cliandon de Briailles, Jean-Rt'-my Clian-
don de Briailles, fils du comte Paul Cliandon, ses gendres et leurs
proches parents.
A l'occasion du décès de M. Paul Cliandon de Briailles, la famille
du regretté défunt a adressé à la municipalité d'Epernay une
somme de .'i.OOO fr., pour une distribution de secours aux indi-
gents. D'abondantes distributions de bons de pain et de viande ont
été faites, le 12 juin, aux indigents par les soins des Dames de
Charité.
BIBLIOGRAPHIE
Département des Arden»es. — Inventaire-Sommaire des Archives histo-
riques de CharleviUe (Ville et Hospice), rédigé par Paul Laurent,
Archiviste des Ardennes. — CharleviHe, Imprimerie du Courrier des
Ardennes, 18J5. — Iu-4" de vui- 22 pages. Prix : "i fr.
Le titre seul d'un Inventaire de ce genre en indique le mérite,
l'intérêt et la variété. — CharleviUe n'a été fondé qu'au début du
xvii" siècle par Charles de Gonzague, mais dans le cours des deux
premiers siècles de son existence, que de menus événements, que
de faits locaux curieux en eux-mêmes et instructifs pour l'histoire
générale! Lisez par exemple (p. 46 à 54) les réceptions des bour-
geois avec les motifs plus ou moins avouables de leurs requestes,
et vous jugerez de quelle manière se fondaient les villes neuves.
Trop d'autres sujets se présentent à l'attention du chercheur pour
avoir à insister sur la valeur et l'utilité de la nouvelle publication
de M. Paul Laurent. H. J.
Le D' H. JoLicŒUR, sa vie, ses œuvres, par Ad. Bellevoye, bijoutier,
membre de la Société Entomologique de France. — (Extrait du Bulle-
tin de la Socii'lt- d'Eludc des Sciences naturelles de Reims.) — heims,
Imp. de l'Indépendant rémois, 1893, in-8 de Ifi pages avec portrait.
Cette notice offre un aperçu consciencieux et précis des travaux,
des recherches et des publications du regretté Dr Jolicœur. La vie
du savant, ses goiits, ses tendances, sa manière d'étudier et d'entre-
tenir l'amour de TiHude autour de lui, sont tracés à grands traits.
Professeur à l'Ecole de Médecine de Reims, président de la Société
des Sciences naturelles, membre de l'Académie, conseiller général,
chevalier de la Légion d'honneur, le D'' Jolicœur a rempli utilement
sa trop courte carrière; il laisse des ouvrages, illustrés par Mlle
Anna Bauler, qui rendront de grands services pour la culture et la
préservation du vignoble champenois. H. J.
IV" G. DE Plancy. Le Marquisat de Plancij et ses seigneurs. An;is-sur-
Aube, 1895. In-H" avec pi., fac-similés et caries.
C'est un très bon exemple qu'a donné le baron C. de Plancy en
consacrant un fort volume, joliment imprimé et illustré, à retra-
cer par quelles péripéties a passé au cours des siècles le Marqui-
sat de Plancy et ses seigneurs. Si Ton considère que cette sei-
gneurie champenoise a été successivement possédée par les Mont-
BIBLIOGRAfHTE 62 1
Ihéry, les NeurcluUel, les de la Ci'oix, les Guéuégaud, les Moreau
et les Godard d'Aucour, on peut juger de l'intérôl que piéseute
pour l'histoire locale, et même pour l'histoire générale, le volume
dont nous parlons. Il est bourré de pièces et de documents, eu
parlie inédits. On serait plutôt tenté de se plaindre de leur abon-
dance que de regretter leur absence. On sent aussi que l'auteur
n'est pas i'amilier avec les méthodes rigoureuses de la crili jue,
que son livre est plutôt la distraction intelligente et studieuse
d'un amateur que IVnuvre approfondie et sûre d'un homme du
métier. Il croit encore aux terreurs de l'an mille (p. -2!); il cite
(p. 31) des couplets d'Agnès de Plancy qui sont évidemment de
fabrication moderne ; enfin il aurait pu laisser à l'iguorance de
certains politiciens le soin de s'en référer à Larousse (p. Ijl) et
337), mais son volume n'en sera pas moins lu avec plaisir et profit
et, je le répète, c'est d'un bon exemple que de l'avoir fait.
L. V.
J. Uaveub. La trouée des Ardennes. Charleville. 1 syS. Imprimerie
(lu Petit Ardennais, in- 12.
Dans son volume sur La Irouée des Ardennes, histoire militaire
d'un département français, œuvre très consciencieusement écrite
et documentée, SI. Rayeur trace, avec beaucoup de précision, de
netteté et d'agrément, le récit mouvementé des faits militaires
accomplis sur ce perpétuel champ de bataille, depuis l'ère des
châteaux forts et des brigandages seigneuriaux, à travers les luttes
dynastiques des xiv^, xv« et xvi« siècles contre les maisons d'Au-
.î^leterre et d'Autriche, les guerres religieuses et civiles do la
Réforme et de la Ligue, les troubles de la Fronde, jusqu'aux
suprêmes invasions de 17Vt2, 1814, l8lo et 1870. Quelques consi-
dérations sur le système de défense actuel de notre frontière du
nord-est, un excellent chapitre consacré aux hommes de guerre
de la région, un choix fort judicieux de pièces justificatives, enlin
une bibliographie et de bonnes tables complètent l'ensemble de
ce livre que l'on peut vraiment recommander comme un modèle
du genre. L. F.
Dictionnaire biographique du département do Seine-el- Marne, avec pho-
lugraphies des notabililés de ce déparlemenl, Paris, Henri Jouve, 1893,
un vol. in-S".
Un éditeur bien connu, M. Jouve, a eu l'ingénieuse idée d'entre-
prendre la publication d'un dictionnaire biographique par dépar-
tement. On voit quelle mine inépuisable de renseignements four*
nira pour l'avenir cet utile recueil qui se recommande à l'attention
des chercheurs. Il est d'ailleurs en excellente voie d'exécution,
comme le prouve le succès marqué qui a accueilli dès leur appa-
62^ BIBLIOGRAPHIE
lilioii les 19 vuluiues déjà publiés : Marne', Seiiie-liifélicurc,
Seine-el-Oise, Oise, Somme, Nord, Calvados, Manche, Lot-el-
Garonne, Maine-el-Loire, Eure, Aisne, Meuse, Indre-el-Loire^
Côte-d'Or, Haute-Garonne, lile- et- Vilaine, Loire-Inférieure et
Seine-et-Marne.
Le Dictionnaire de Seine-et-Marne ne le cède en rien à ceux
qui Font précédé. Ce volume ne contient pas seulement des noti-
ces sur les personnages connus dont la place est surtout dans les
Liographies nationales. Ses pages sont largement ouvertes à tous
les hommes de bonne volonté qui se distinguent par le dévoue-
ment, l'intelligence et les services rendus. Aujourd'hui la grande
loi du travail est plus impérieuse que jamais et chacun a pour
devoir de tracer son sillon dans la vie. Cependant, malgré leur
mérite, combien de nos compatriotes sont encore inconnus ! L'ou-
vrage de M. Jouve va faire cesser cet injuste oubli. Agriculteurs,
industriels, artistes, gens de lettres, etc., tous ceux qui à des titres
divers font la vraie gloire et la fortune du pays jouiront désor-
mais du grand jour de la publicité. En Seine-et-Marne les nota-
bilités locales ne manquent pas, et ce département est assez riche
en hommes de valeur pour ligurer avec honneur dans la vaste
collection que prépare M. Jouve.
H n'était pas aisé de réunir tous les éléments d'un pareil recueil,
de les coordonner et de régler l'étendue de chaque notice. Sans
craindre les difficultés, M. Jouve a rempli sa lâche avec beaucoup
de tact et un véritable esprit d'impartialité. Le livre est soigneuse-
ment édité. Un certain nombre de photographies des mieux
réussies rehaussent encore l'attrait du volume.
Nous faisons les vœux les plus sincères pour le succès de ce
dictionnaire qui est digne de la sympathie générale. Ne sommes-
nous pas heureux en effet, en feuilletant ses pages, de retrouver
le nom de nos amis placés au l'ang qu'ils méritent? C'est que
chacun, toute modestie mise à part, doit avoir la légitime ambi-
tion de ligurer dans l'album de la grande famille départementale.
Devenu le livre indispensable de chaque bibliolhcque, le Diction-
naire de Seine-et-Marne se trouvera bientôt^ nous l'espérons, sur
la table de tous les gens instruits, dans les cercles, dans les écoles,
au foyer des grands comme à celui des humbles. Nous conserve-
rons pieusement ce tableau d'honneur de nos contemporains où
sera perpétué le souvenir de ceux qui composent l'armée du tra-
vail et du bien. E. V.
Sommaire de la Revue liisloriquc ardcnnaisc (juillet-août
189;;) :
]. La charte communale de Iklhel, de 1253, par Henki Lacailli:.
i. Hciue de Chamyaijnc, 1S'.I4, p. .598.
fllBLIOGKAl'HlE 023
]I. MÉLiNGiis. - Jean-li'ipliste Drouarl, sciUplcur, né à Liarl (17.3'J). par
Henri Jadaut,
L'n agonolhèic au Cjllége de Sedmi, en l'b.'i, par N. A.
Les timbres do l'église de lYo -y (1708), par Al. Bauuon.
Xomination d'élèves à l'Ecole normale supérieure, lors de sa fondation
{octobre 1794% par les districts de Relhcl, Sedan et Vouziers.
Jaque aux armes de .han-Marc de Baradat, abbé de Signy.
III, Bibliographie. — Delebayo, Saint Walfroij. — Auvray, Un obituaire
de l'église de Heims. — Roland, La maison de Walcourt. — Laoaille et,
Jadart, Le duc de Mazarin et l'instruction dans ses terres du Rclhéloii.
— Gaston Paris, Souvenirs sur Alexandre Bida. — Demaisou, Les
architectes de la cathédrale de Reims. — .A. de Barthélémy, Pèlerins
champenois en Palestine. — II. Jadart, La maison natale Je Boucher
de Perthes, à Reihel.
Sommaii-e de la ReVLic d'Ardennc el d'Ayijoutic (juillel-aoïH
1895) :
P. CoLLiNET, Excursions : La Semoy, entre Florenville et Herbeumonl. —
H. BouRGuiGNAT, Documents inédits sur la bataille de Sedan, (.1641)
(fin). — Folk-lore ardennais. — S. Leroy, Notice arniorialc et généa-
logique sur la Maison de Bouillon (suite).
Variétés. — 1. Chronique. — II. E. Henry, Biographies ardennaiscs : Le
vice-amira'. Salaberry : le général Dupont.
Bibliographie : Bévues et -Joutnaux.
Sommaire de la Reçue hhloriquc. T. LVHI. Mai-juin 18'Jo :
Richard Waddingtox, Le renversevient des alliances en 1Tô6, 1" art.,
p. 1 a 43. — Jean Guirald, Jean-Baptiste de Rossi, sa personne et son
œuvre, p. 44 à 69. — P. Hunfalvy. Quelques réjlexions sur l'origine
des Daco-Boumatns, p. (59 à 84. — Xénopol, réponse à l'article précé-
dent, p. 84 à 8(j. — Ernest Daudet, Récits de la Chouannerie; l'aijence
anglaise de Bordeaux, p. 86 à 100.
T. LVIH. .Juillel-aoïU ISu;; :
Richard Waddixgton, Le renversement des alliances en 1"56, suite et hn,
p. 241 à 27o. — A. Waddington, Une intrigue secrète sous Louis XIV,
Visées de Richelieu sur la principauté d'Orange (1625-1630), p. 276 à
291. — G. Depping, Nouvelles lettres de la princesse Palatine, suite,
p. 292 à 3u7. — U. DE Kerallain, Les Français au Canada, la jeunesse
de Bougainville et la guerre de Sept ans. p. 308 à 333.
CHRONIQUE
Société alademiul'i-: hk l'Aubk Séance du :2I juin 1805). —
Présidence de M. A. de la Boullaye, président.
M. Tenting est proclamé membre résidant dans la section des
Lettres; M. le docteur Paul Audigné est proclamé membre corres-
pondant.
M. le Préfet, au nom de i\l. le ministre de l'Agriculture, annonce
une subvention de 300 francs, qui doit être employée dans le
courant de Tannée et distribuée en récompenses décernées au
nom du Gouvernement de la République.
M. le Préfet fait savoir que, par un codicille du 12 juillet 1893,
M. Savetiez a légué à la Société, pour le Musée, deux tapisseries
encadrées, représentant le Jug3ment de Salomon et la Reine de
Saba (1578), pour en jouir après la mort de Mme Savetiez.
De plus, Mme Savetiez, pour répondre aux intentions de son
jnari et perpétuer sa mémoire, a fait à la Société une donation
entre vifs d'une rente annuelle de 35 fr., 3 0/0 sur l'Etal français,
pour fournir tous les trois ans un prix de 100 francs attribué à
l'auteur d'un travail historique, archéologique ou littéraire. Ce
pri.v ne pourra être partagé ; il sera décerné, pour la première
fois, dans trois ans. S'il n'y a pas lieu de le décerner, la somme do
100 francs sera acquise à la Société Académique.
M. l'abbé Nioré est élu membre de la Commission de publica-
tion, en remplacement de M. Det qui, devenu trésorier, en fait
partie de droit.
MM. le docteur Lorey, médecin du ministère des Affaires étran-
gères ; Gabriel Cabat, sous-chef de bureau au ministère des Finan-
ces, et Gaston Barthélémy, sont élus membres correspondants.
Sont présentés, comme membres associés : M. Jean Vernier,
propriétaire au château de Souleau.x, et M. Gaston Vallée, sous
préfet de Bar-sur-Aube ; et, comme membres correspondants;
MM. Charles Coullon et Sosthène Depontaillcr, propriétaires à
Paris.
*
Liste des do.\s faits ac MfsEt de Thoyes (Pendant le deuxième
trimestre de l'année 1895);
I'eintlre
L'Etat : — Combat naval dans la Manche, peinture à l'huile, par
Gudin.
CHRONIQUE 625
AncnÉOLOfiiE
Berllieley, ù Boulages (Aube), par l'intermédiaire de M. l'abbé
Dielte, membre associé : — Une pointe de flèche, en bronze,
trouvée à Boulages, dans une tourbière, lieu dit « Le Grand-
Marais » ; — Une clef en fer datant du moyen-Age, découverte
sur le même finage, au lieu dit « Les Preux ».
Maclin, propriétaire à l'Abbaye-sous-Plancy : -- Une pendelo-
que en bronze, trouvée sur le territoire de la commune de l'Ab-
baye-sous-Plancy.
Girardin, propriétaire à Troyes : — La partie supérieure d'un
vase. en verre de teinte bleuâtre, ayant une anse très large, cou-
verte de stries, et un goulot terminé par un bourrelet ; — Un
petit vase en terre cuite, de nuance jaune clair. Ces deux objets
ont été trouvés au mois de mai l89o, en même temps que des
ossements humains, à la profondeur de deux mètres environ, par
des terrassiers qui pratiquaient une fouille dans la propriété de
M. Bécard, cafetier, route de Sens, n° 20, à Sainte-Savine.
Le Maire et le Conseil municipal de Troyes : — Une ancienne
mesure de longueur, en bronze; — Une petite pendeloque eh cui-
vre jaune, portant le monogramme du Christ ; — Six clefs, dont
une en bronze : — Deux petits poids en cuivre. Le tout a été
trouvé dans les déblais provenant des fouilles effectuées dans l'in-
térieur de la ville, pour la pose des nouvelles conduites d'eau.
Paul Lécorché-Cortcyn, professeur de musique à Troyes : —
Lne margelle de puits, en pierre, provenant de sa maison, sise
rue du Palais-de-.luslice, n^ 1, à Troyes. Elle porte deux écus sculp-
tés en relief: l'un aux armes de M. Edouard Denis, seigneur de
Pouilly, le Cios-le-Roi, etc., président en la prévôté de Troyes,
mort le G septembre 16*1 ; l'autre, aux armes de sa femme, Dlle
Nicole Le Tartier, morte cinq mois avant son mari.
Jourdan, membre résidant : — Une clef en fer, trouvée dans le
jardin qui dépend de sa maison, rue du Cloilre-Saint-Etienne,
n" 13, à Troyes.
Thévenot, marécbal-ferrant à Troyes : — Deux plaques de che-
minée, en fonte : l'une représentant un motif de décor à lambre-
quin ; l'autre ofirant une reproduction de la statue de .Napoléon I"^'
érigée, en 1833, au sommet delà colonne de la place Vendôme,
d'après le modèle exécuté par M. Seurre.
Anonyme : — Une ancienne enseigne, en bois sculpté et peint
à l'huile, provenant, selon toute apparence, d'une maison de com-
merce de Troyes. C'est un buste de femme en costume de la fin
du siècle dernier. De la main droite, elle fait un geste gracieux ;
l'autre main, qui devait tenir un attribut caractéristique, n'existe
plus.
40
626 CHRONIQUE
NUMISMATKJUI!:
Le Maire et le Conseil municipal de Troyes : — Un lot de mon-
naies anciennes et de jetons (138 pièces), en métaux divers, pro-
venant des fouilles pratiquées dans la ville pour la mise en place
des nouvelles conduites d'eau.
L'abbé Dielte, membre associé: — Vingt-six monnaies et jetons
on bronze et en cuivre, plus une monnaie d'argent. Cette dernière,
trouvée sur le Inage de Boulages, au lieu dit « Les Preu.^ », porte
la légende : trecas.
Mme Dadier, propriétaire, rue du Temple, à Troyes: — Une
médaille en argent, commémorative du mariage du Dauphin, fils
de Louis XV, avec Marie-Josèphe de Saxe, lille de Frédéric-Auguste,
roi de Pologne, célébré en 174*.
L'abbé Nioré, membre résidant : — Deux exemplaires, en bronze,
de la médaille de Saint-Benoit, dite médaille des Sorclé7's, pro-
venant du Mont-Cassin. Elles présentent le même type, mais son t
de modules différents.
Géologie
Bardet, membre associé : — Un échantillon du gault trouvé a
S7 mètres de profondeur, dans les travaux de forage du puits que
M. de Damas fait creuser dans sa propriété de la (iarenne, près
Rosnay-rHùpital.
Musée des Arts décoratifs
L'Elat : — Un lot de quarante-el-une pièces de porcelaine, pro-
venant de la manufacture nationale de Sèvres et comprenant seize
vases de grand prix, décorés par Bienville, Brunel, Célos, Doat,
Gobert, Guillemin, Ficquenet, Kalt, etc. ; — La Ours mendianl,
ligure par Gardet ; — La Pèche, groupe en biscuit; — L'Amour,
iigure par Falconet, biscuit; — La leçon de tlûte, groupe en
biscuit ; — et vingt-et-un vases de formes différentes, à fond
flambé.
Frédéric-Eugène Piat, conservateur honoraire du Musée des Arts
décoratifs : Une crédence ou buffet en noyer, style Henri II,
école bourguignonne ; — Une commode, décor marqueterie et
bronzes, époque de la Régence; — Une glace avec cadre sculpté
et doré, époque Louis XlV ; — Une garniture de foyer, en fer et
tôle découpée et repoussée, portant la date de 1624 ; — Un vase
en marbre ileur de pêcher, avec pied et couronnement en
bronze doré : le tout exécuté d'après un modèle créé par M. Piat ;
— Le 507?7)?!fî/, statuette en terre cuite, ouvrage de M. Eugène
Robert, oU'ert par l'auteur à son ami M. Piat, pour le Musée des
Arts décoratifs ; — Un vase en bronze, avec sujets en relief, signé
Joseph Chéret ; — Une cuvette en faïence de Rouen, décor au
perroquet; — Une soupière en faïence, de même provenance,
décor à la corne d'abondance ; — Une aiguière en étain, avec
poignée en ivoire, style persan, et deux gobelets, également en
étain_, ornés de bas-reliefs et d'inscriptions.
CHRONIQUE C27
BlBLlOTHÈgUE UU MuSÉE
F.-E. Piat : — Objets les plus remarquables ayant jiguré à
l'Exposition de Londres en 1802. — Trois gros volumes in-f",
ornés de très nombreuses chromolithographies, dont quelques-
unes représentent des objets créés par M. Piat.
h'Eiaii: Les Celles dans les oallées du Pô et du DanubS; par
M. Alexandre Bertrand.
Julien Gréau : — Les catalogues de ses collections déterre cuites
grecques et asiatiques, trois volumes illustrés ; — Les catalogues
de ses collections de monnaies grecques, romaines et françaises,
trois volumes ; — et trois brochures dont il est l'auteur.
Cinquantenaire du Pensionnat des Frères de Reims. — Le
Pensionnat des Frères de Reims a célébré solennellement, le diman-
che 23 juin, le cinquantième anniversaire de sa seconde fondation.
Les anciens élèves de la maison de la rue de Venise, et notam-
ment les membres de l'Association amicale, étaient venus en
grand nombre apporter le témoignage de leur sympathie à leurs
anciens maîtres, fils dévoués du B. J.-B. de la Salle.
La matinée fut remplie par les ofiices religieux, la réception du
cardinal Langénieux et de Mgr Pagis, évèque de Verdun, qui
devaient présider cette fête de famille ; enfin l'assemblée générale
des anciens élèves etla lecture du rapport de M. Henry Mennesson,
qui nous donne l'intéressant historique du Pensionnat :
« Le i" octobre 1831, un demi-pensionnat s'ouvrait rue du
Barbàtre, 90. En novembre 1831 et février 1832, les instituteurs
privés en demandèrent la fermeture. Us obtinrent gain de cause.
En 1838, on le remplaça par une école dite de perfectionnement.
Elle fut supprimée, encore sur la demande des instituteurs.
M. Godfrin et M. Tuniot, architectes, en suivirent les cours.
En 1841, on essaya d'instituer une autre école dite la Principale,
qui tomba sous les mêmes attaques.
Dès 1844, MM. Ruinart de Brimont, Villain, Maille-Leblanc et
Eugène Henriot, qui patronnèrent la candidature de M. ChaLv
d'Est-Ange à la députation, lui imposèrent de demander la réou-
verture du demi-pensionnat des Frères et, le 7 octobre l8io, on
l'installait rue de Venise;, dans l'ancienne filature de M. Henriot,
que l'on avait louée l,bOO francs. Le Frère Almyre faisait la
3° classe et le Frère Arateur la quatrième. Nous avons le bonheur
de les posséder aujourd'hui parmi nous. Il y avait alors l'o élèves.
En 1847, on en comptait 118, pour retomber à 79 en 1848.
H parait que l'éducation des Frères d'alors était déjà large et
libérale, car, en septembre 1848, un vénérable personnage vint,
à la fin de leur retraite, leur reprocher amèrement que* leurs
élèves ne valaient pas mieux que les autres et qu'ils s'étaient
montrés les plus ardents dans l'insurrection ».
628 CHRONIQUE
Ce repror.lie était peut-être un peu exagéré, mais cependant les
faits visés par réminent personnage prouvent au moins que ces
jeunes gens avaient au cœur l'ardent amour de la liberté, et que
si plus lard nos édiles se sont débarrassés des Frères, qu'ils ont
congédiés de leurs écoles communales, après des élections répu-
blicaines faites par leurs élèves^, c'est exclusivement à cause de
l'éducation clirétienne qu'ils donnaient aux enfants du peuple.
L'achat de notre magnifique propriété de Thillois remonte au
2 septembre ÎSriO. A cette date, nous étions 100 élèves, dont 15
pensionnaires ..
C'est seulement le !2 août ISj3 que le Pensionnat a été légale-
ment autorisé. Le cher Frère Araleur en devint le Directeur en
i«:3;i.
A la rentrée d'octobre iSb't, nous étions 137 élèves, dont 32
pensionnaires.
En octobre i8()0, le nombre des élèves était de 232, avec 84
pensionnaires.
Pendant les années suivantes se réalisèrent les grands achats de
terrains nécessaires à l'agrandissement de la propriété, et on com-
mençait les constructions.
Le 12 novembre 1864, le cher Frère Henaux venait remplacer le
cher Frère Arateur, nommé visiteur.
En 1865, nous arrivaitle Frère Arillc, toujours ici, aussi aimable
que modeste et habile décorateur.
En 1869, le Pensionnat reçut deux médailles pour ses méthodes
d'enseignement. Cette même année, le bon Frère Bajulien fut
nommé dirfotrur en remplacement du Frère Rénaux. Il y avait
alors 422 élèves, dont 222 pensionnaires.
En 1870, nous sommes en pleine guerre. Les Frères organisè-
rent une ambulance à la rue de Venise. Les 80 premiers blessés y
arrivèrent le 20 août. Le drapeau français Hotte à la porte d'entrée
et y reste, le seul dans Reims, pendant toute l'occupation alle-
mande.
Comme pour panser les blessures de nos cœurs de Français et
de patriotes, le très honoré Supérieur général nous envoyait alors,
comme professeur, notre bien-aimé Directeur actuel, le cher
Frèie Victor.
En octobre 1872, le Pensionnat adoptait le programme de l'en-
seignement secondaire spécial et, en août 1873, il présentait pour
la première fois des élèves aux examens pour le baccalauréat
spécial.
La construction de la chapelle fut commencée en 1874. Elle fut
bénite le 10 juillet 1876. Enhn, le 17 septembre delà même année
avait lieu la première réunion de notre Association amicale.
C'est en mars 1893 que le cher Frère Victor fut nommé direc-
teur du Pensionnat. Il est maintenant visiteur du district.
CHRONIQUE 629
Aujourd'hui le Pensionnat, de plus en plus prospère, coniplo
environ six cents élèves.
L'Association, de son côté, compte 37 membres d'iionneur et
plus de 800 membres actifs. »
A midi, un banquet réunissait tous les hôtes dans les quatre
réfectoires du Pensionnat, qui n'en formaient plus qu'un seul
immense. Sur une longue estrade, établie sur toute la longueur,
s'étendait la table d'honneur ; d'autres tables, en grand nombre,
groupaient fort heureusement les anciens élèves d'une même
année.
S. E. le cardinal Langénieux présidait, entouré du Frère Victor,
visiteur, directeur du Pensionnat, dont on célébrait en même
temps les noces d'argent, vingt-cinquième année de son séjour
à l'établissement ; de M. Henry Mennesson, président de l'Asso-
ciation des anciens élèves ; de Mgr Pagis, évêque de Verdun ; des
vicaires généraux et des notabilités du clergé et de la ville. Les
discours, les toasts se succèdent les uns aux autres. Une spirituelle
allocution d'un ancien élève, M. Chemin-Jacqueminet, est parti-
culièrement applaudie. A une éloquente improvisation de Mgr Pagis
répond le Cardinal, qui propose d'adresser au Pape, en ce jour de
gloi'ieux anniversaire, une requête en faveur de la consécration
suprême qu'attend encore le fondateur des Frères, le rémois Jean-
Baptiste de la Salle.
La proposition est accueillie par des acclamations, et les invités
se répandent alors à travers les vastes et belles cours, les magni-
fiques jardins, où, le soir, des illuminations, un concert donné par
la Fanfare et la Chorale des élèves, une l'etraite aux flambeaux
terminaient cette fête qui laissera un vif souvenir au cœur de tous
ceux qui y assistaient.
La Société historique (Cercle Saint-Simon) offrait le 20 juin au
soir, à l'hôtel des Sociétés savantes, un banquet à l'un de ses
membres, M. Gaston Paris, pour fêter sa nomination à la fonction
d'administrateur du Collège de France.
Citons, parmi les convives : MM. Hanotaux, ministre des affaires
étrangères; André Lebon, ministre du commerce; Gabriel .Monod,
président d'honneur; Sorel, président, et Louis Léger, vice-prési-
dent du Cercle ; Sully-Prudhomme, Chantavoine, Girard, Tiersot,
André Michel, Funk-Brentano, Charavay, Charles Normand, de
Maulde, Gariel, E. Lamy, Lintilhac, le général russe Vanukoff,
Bréal, le prince Roland Bonaparte, Appert, etc.
A la lin du banquet, M. Sorel a prononcé une courte allocution,
dans laquelle, après avoir rappelé la vieille amitié qui l'unissait à
M. Gaston Paris, il a fait l'éloge des services rendus par le nouvel
administrateur du Collège de France à la science et à la patrie
française. Il a montré, en M. Gaston Paris, non seulement le
030 CHRONIQUE
savant, mais rhomme aimable qui a su rréer dans sa maison un
véritable foyer d'amis.
M. Gaston Paris, très visiblement et très sincèrement ému, a
évoqué le souvenir des années où il allait, comme étudiant, au
Collège de France, sans se douter qu'il dût un jour en devenir
l'administrateur.
Notre collaborateur, M. Henri Chantavoine, a été ensuite très
applaudi quand il a dit une chanson composée par lui pour la
circonstance et dans laquelle, avec un spirituel à-propos^ il a fait
allusion aux quatre maisons habitées simultanément par M. Gaston
Paris : l'Institut, l'Ecole des Hautes-Etudes, le Collège de France
et l'Ecole des Chartes.
Après quelques paroles de M. Gabriel Monod, M. Hanotaux,
ministre des affaires étrangères, s'est félicité de la vieille et solide
amitié qu'il porte à M. Gaston Paris ; il a dit combien était pro-
fonde sa gratitude envers son maître, et à quel point il avait le
souci d'apporter dans les affaires cet esprit de science et cette
conscience qui sont la caractéristique de M. Paris.
M. André Lebon, ministre du commerce, a ensuite remercié,
avec beaucoup de bonne grâce, les membres du Cercle Saint-
Simon de leur charmant accueil, qui constitue pour lui une halte
et un délassement au milieu des soucis de la politique.
Et, comme la gaité française ne perd jamais ses droits, même
chez les savants, la soirée s'est terminée par des chansons.
M. Tiersot, qui a chanté le Pauvre laboureur, et M. Lintilhac,
qui a, avec beaucoup de sentiment, interprété des chansons d'Au-
vergne et la Coupe sainie de Mistral, ont été chaleureusement
applaudis. (Drbais.)
*
Le four banal de Villemaur (Aube). — Le four banal de Ville-
maur était situé dans la grande rue Notre-Dame, sur la route de
Troj'es à Sens. La maison de M. Cury-Champenois est construite
sur son emplacement. En 1789, ce four appartenait au duc d'Es-
tissac qui l'atfermait à un « fournier », ordinairement un habitant
de Villemaur.
Tout le monde était obligé de cuire au four banal, mais à l'épo-
que de la Révolution le hameau des Bordes était exempt. Ce
privilège remontait très haut, car déjà, en 1394, ceux de Ville-
maur ne pouvaient faire cuire au four banal que 14 pains par
personne, tandis que ceux des Bordes avaient droit à 24 pains par
tète. Le temps, on le voit, avait de plus en plus consacré leur
privilège jusqu'à les atl'ranchir entièrement.
Voici d'ailleurs, d'après le manuscrit d'un témoin oculaire,
comment se passaient les choses au four banal de Villemaur :
« La veille du jour où l'on devait cuire au four banal, il fallait
aller che^ le fournier déclarer combien on aurait de miches. Le
CHRONIQUE 031
lendemain matin, le fournier faisait annoncer à son de caisse le
moment de faire le pain. Un peu plus tard le tambour donnait un
second signal pour porter le pain au four.
« Aussitôt toutes les femmes quittaient précipitamment leurs
maisons, emportant leurs pains sur trois planches réunies en
manière de petites portes. Oh ! il fallait voir tout le bruit que cela
faisait ! Toutes auraient voulu choisir leur place dans le four.
Enfin quelquefois elles s'y battaient (!). Je me souviens d'y r-lre
allé plusieurs fois ave(; ma mère et j'ai vu tout ce train-ifi.
« On payait le fournier avec de la pâte.
« Les seigneurs une fois partis en émigration, on démolit le four
banal et chacun en fit construire chez soi. »
Nous avons dans cette coutume l'étymologie du mot «banal ».
Un ban, c'est un roulement de tambour. Un four banal c'est un
four tellement commun à tout le monde que tout ce qui le con-
cerne s'annonce par un roulement de tambour, un « ban ». Un
compliment « banal » c'est un compliment si vulgaire, qui con-
vient si également à tout le monde, qu'on pourrait le faire signi-
fier par le tambour à tout un pays. A. T.
Lks reliques de Saint-Alpin a Chalons. — En 188ij, une suppli-
que était adressée parM. Lemaur, curéde Saint-Alpin, ctM Appert,
administrateur de la paroisse, à l'ellet d'obtenir de l'église Cathé-
drale, en faveur de l'église paroissiale de Saint-Alpin, une relique
de son glorieux Patron.
Le motif de la supplique était le passé même de la relique de
Saint-Alpin, conservée à la Cathédrale.
Saint-Alpin mourut à Baye, sa terre natale, en 480, et y reçut
la sépulture.
Erchenrad, trente- troisième évoque de Châlons, fit ramener
dans la ville épiscopale les restes précieux de ce grand pontife, en
l'an 8(30.
L'église ou cliapelle de Saint-André eut l'honneur de recevoir le
corps saiat.
Le culte de notre thaumaturge devint tellement célèbre que
l'église perdit insensiblement le nom de Saint-André pour prendre
o(t\u] de Saint-Alpin, qu'elle a toujours conservé depuis.
Erchenrad .s'empressa d'établir une fête en l'honneur de notre
saint Pontife, de recueillir avec soin les extraits qui restaient de
sa vie et d'en composer des légendes qui se li-saient à la fête du
2 mai, jour de la translation .de ses reliques, et le 7 septembre,
jour de sa mort.
C'est au concours de nombreux pèlei'iiis visitant le toiiibe;m di^
^aint .Mpin, que l'on doit l'installation, proche l'église, rie l.i
grande foire châlnnnaise, dite des Sannos.
0o'2 CHRONIQUE
Vers l'an 1136, dit Barbât dans son Histoire de Chdlons,
(leoffroy I*"", évoque de Châlons, s'empara, pour agrandir l'église
où l'on vénérait les reliques de saint Alpin, de la place même dite
foire des Sannes, ce qui rejeta au milieu de l'église le caveau du
saint.
Cependant l'église cathédrale de Cliàluns souffrait d'être privée
des restes précieux de son saint Pontife.
Ce fut pour satisfaire à son pieux désir qu'en 1326 on releva le
corps de saint Alpin de son tombeau.
Une partie des reliques fut donnée à la cathédrale qui les fit
renfermer dans une grande et magnifique châsse d'argent.
Une autre partie fut enfermée dans une châsse de bois fort bien
travaillée qui devait être placée derrière le maître-autel de saint
Alpin.
Enfin quelques parcelles du corps du saint avaient été déposées
dans un petit coffret de plomb et scellées dans le caveau, La statue
du saint en occupait le fond.
En 17S6 eut lieu une précieuse découverte qui vint confirmer les
faits plus haut relatés.
M. de Chevigny, curé de l'église Saint-Alpin, en faisant travailler
au caveau, découvrit le petit coffret de plomb dont il a été parlé.
Dans ce coffret étaient de petits os et des cendres enveloppées
dans un morceau de soie : le tout exhalait une odeur de parfum
très suave.
Monseigneur de Choiseul enveloppa ces reliques dans un tatïetas
neuf, les renferma dans un nouveau coffret, le fit sceller et pres-
crivit à Messire Joachim-Jacques de Noël de Chevigny, curé de
Saint-Alpin, de les remettre dans la tombe, au même endroit. Ce
qui fut exécuté avec une grande pompe le premier dimanche
de carême, le 7 mars 1756, à l'issue des vêpres, comme l'attestent
les registres de la fabrique.
Nous voici, poursuit le mémoire, à plus de cent ans de distance,
bien dépourvus et bien appauvris.
Plus de châsse, plus de relique au caveau, La statue seule du
saint, sauvée pendant la Révolution, existe encore. Le caveau lui-
même fut profané, le petit coffret de 1756 a disparu. Vaines ont été
les recherches faites à ce sujet par MM. les curés Hurault et
Lemaur,
Notre église cathédrale fut plus heureuse puisqu'elle a gardé la
relique précieuse empruntée au caveau de Saint-Alpin.
« A notre tour, Monseigneur, disait la requête, nous deuiande-
rons à l'église cathédrale de vouloir bien nous accorder quelques
fragments de ces reliques de notre saint patron qui furent autre-
fois les nôtres. Ce sera un petit adoucissement à la perte irrépa-
rable due aux malheurs des temps. «
l Monseigneur |Sourrieu] daigna accueillir) favorablement cette
CHRONIQUE 633
demande et donna ordre à son grand-vicaire de procéder, selon les
formes prescrites, à l'extraction d'une relique de la châsse saint
Alpin.
Comme en ITutî, on déposa quelques parcelles de la relique
obtenue de la cathédrale dans un petit cofifret en plomb, scellé
dans le mur du caveau.
Le cofïret porte gravé: Relique de Saint-Alpin — année iSS."}.
La pierre de scellement porte : — Saint-Alpin, priez pour nous.
— 21 mai 1885.
La portion majeure de la relique a été renfermée dans un reli-
quaire en cuivre doré.
Donc, aujourd'hui, tout seml)lait en être à l'état d'autrefois,
mais un litre authentique avait disparu.
Edme Baugier, conseiller au présidial, avait gravé, sur marbre
noir, en 1700, une inscription latine, véritable historique du tom-
beau de Saint-Alpin. Nous ne la connaissions que par l'opuscule
de M, L. Grignon.
Or, voici que, ces jours derniers, une fouille, pratiquée sous
l'autel de ta Sainte-Vierge, a fait découvrir deux fragments de
cette plaque commémorative, nous fournissant dix-sept tètes de
lignes sur vingt-sept.
Le premier fragment avait trait à l'historique de l'église et du
tombeau de saint Alpin.
Nous le relatons ici et le complétons. Ainsi réapparaîtra-t-il,
sous peu, sur une de nos murailles.
Templum hoc/ medià urbe extructum
Olim Andreœ Apostolo sacrum
Nunc tu/ lelari Alpiuo dicatum,
Quisquis/ viator ingrederis,
Agnosce/ tumuli locum,
Et venerare/ limina.
Superest/ depositi corporis in tumulo locus.
C/orpus ipsum
Anno Ch/risli 860, translatum ex parte,
Er/ chanraudus Episcopus
Cathe/drali ecclesise pignus dédit,
Sed/ ne tanto careres palrocinio
Cineres in articula reliquit.
Rien ne subsiste, parmi nos débris, de la deuxième partie de
l'historique, la mort du saint Évoque ; elle était ainsi consignée :
Pastorem olim subditi immortalem cùm optarent
Bayas natalem locum
Valetudinis coufirmandcs causa deporlarunt
Sed heu ! diem ibi extremum clausit
Anno 480
Ubi primam lucem hauserat, •
034 CHRONIQUE
De la troisit'n^c partie, invocation au saint, le second fragment
ne nons fournit que quinze lettres auxquelles nous suppléons ;
Abi, Viator,
Et tali/ Pastore prœeunte
Ne si/eut ovis aberrcs
Id/ unum pete
Ut vo/cem ejus audias.
L'auteur de l'inscription se désigne par la phrase suivante dont
nous n'avons que le premier mot :
yElernum/ hoc monuraeulum posuit
Edmuudus Baugier, in curiâ presidiali
Consiliarius, Urbis senalor et primus
Judex scabinus, anno Dni 1706.
Un autel nouveau^ tout en pierre, va être érigé à Saint-Alpin,
en l'honneur de la Saiute-Vierge. La fouille nécessitée par les
assises de cet autel a amené, avec beaucoup de surveillance, les
fragments révélateurs d'une inscription qui remonte à cent
quatre-vingt-neuf ans.
Ainsi s'éditie l'histoire, avec une pioche, un œil et un burin.
[Journal de la Marne.) L. A.
Don au Musée de Chalons. — M. Souillé, ancien juge de paix,
vient d'offrir au Musée des portraits des généraux de la Marne,
établi à ChAlons, celui du général Georges, né à Epernay, mort
commandant le département du Morbihan, à Vannes, en l83o.
Le Très-Honoré Frère Joseph, supérieur général de l'Institut
des Frères des Ecoles chrétiennes, vient d'olïrir à l'église Saint-
Jean-Baptiste de Reims, la statue du Bienheureux Jean-Baptiste
de la Salle.
Cette statue en marbre de Carrare, due au statuaire romain
Auréli, a été bénite solennellement le dimanche 28 juillet, à dix
heures du matin, par son Eminence le cardinal-archevêque de
Reims.
La bénédiction a été suivie d'une messe basse pendant laquelle
s'est fait entendre la maîtrise du Pensionnat des Frères.
Un discours a été prononcé par .M, l'abbé Landrieux, chanoine et
ancien élève du Pensionnat.
(îrâce à l'initiative de son zélé doyen, la paroisse de Mérv (Aube)
a vu, depuis bientôt quatre ans, des améliorations successives
dans le mobilier de son église.
CHRONIQUE 63i>
Tout récemment encore, a eu lieu une belle cérémonie à l'occa-
sion de nouveaux fonts baptismaux très gracieux, sortis des ateliers
de iM. Haussaire, de Reims, qui sait si bien faire servir la pureté
de l'art, avec ses magnificences, aux inspirations de la foi.
Mgr Robin, vicaire général, présidait. M. l'abbé Jossier, vicaire
de Saint-UrJtain, à Troyes, dans un langage très élevé et très
éloquent, a montré dans le Daptème la régénération morale,
surnaturelle et sociale de l'bomme.
Ensuite Mgr Robin a procède à la bénédiction de deux groupes
magnifiques représentant: l'un une Mater dolorosa^V àulre sainte
Anne et la Vierge enfant. Ces statues, qui ont une grai.de valeur
artistique, étaient depuis longtemps laissées de cùté. M. le doyen
a eu le bon goût de les faire réparer par M. Haussaire, qui a réussi
à merveille, et les a replacées, à la satisfaction générale, à l'en-
droit qu'elles occupaient autrefois, dans l'église paroissiale.
On annonce trois œuvres nouvelles et fort différentes, dues à la
plume féconde de M. Armand Bourgeois, le publiciste champenois
bien connu : La prophétesse des Cévennes, drame en un acte ; La
consigne n'est pas de ronfler, vaudeville en un acte, avec couplets
mis en musique par M. Octave Rigot ; La mariée du siège d'Eper-
nay [1592), opéra-comique en un acte, musique d'Octave Rigot.
Académie de Reims. — Par suite de l'ouverture de l'Exposition
rétrospective, cette Société vient de décider que sa séance publi-
que, où sont lus les rapports sur les concours de l'année, seraient
reportés au mois d'octobre prochain. L'exposition, en effet, qui
est installée dans la grande galerie et les salons du Palais ne per-
met pas d'organiser une réunion de ce genre avant les grandes
vacances.
Malgré les préparatifs et la durée de l'Exposition, les séances
ordinaires de quinzaine n'ont pas cessé d'être tenues, et les lec-
tures s'y sont succédé comme d'habitude. Citons parmi les princi-
pales les travaux de M. Thirion sur les débuts de l'Eclicvinarje de
Reims ; les recherches de M. le chanoine Cerf'sur les œuvres d'art,
tableaux^ etc., des Hospices de Reims, un rapport de M. le doc-
teur Bagneris sur les Remèdes des Champs à l'Ecole primaire, et
divers comptes-rendus d'ouvrages.
il. J.
Au nombre des acquisitions faites par l'Etat au dernier Salon
du Champ-de-Mars, figurent la jolie l'nerfe Taiif/er, due à M. Louis-
Auguste Girardot, ancien élève pensionnaire de la ville do Troyes;
636 CHRONIQUE
et, parmi celles faites au Salon des Chanfips-Éylsées,la magiiif](iue
statue équestre de Jeanne d'Arc, en bronze, de M. Paul Dubois,
de Nogent-sur-Seine (Aube).
On vient de fondera Epernay un nouveau Carmel.
La supérieure, originaire de la ville même, est la sœur du
R. P. Doussot, dominicain et normalien, qui assistait il y a quel-
ques semaines Mgr Perraud, évêque d'Aulun, au service célébré à
l'église parisienne de Saint-Jacques-du-Haut-Pas, à l'occasion du
centenaire de l'Ecole normale.
La pose de la première pierre des travaux d'acbèvenienl de
l'église Notre-Dame à Vitry-le- François, a eu lieu, le dimanche
26 mai, après la grand'messe.
Le chantier, décoré de mais tricolores, portant des écussons aux
armes de la ville et des drapeaux aux couleurs nationales, a été
envahi de bonne heure par une nombreuse assistance. Ceux qui
n'avaient pu y prendre place ont assisté à cette imposante céré-
monie des fenêtres des maisons voisines.
On remarquait au premier rang des assistants : M. le Maire,
M. l'adjoint Lambert et plusieurs conseillers municipaux, le com-
mandant d'Armes, la plupart des ofticiers de la garnison, les mem-
bres du conseil de fabrique, de nombreux fonctionnaires civils.
L'Archiprêtre, entouré de son clergé, a prononcé une éloquente
allocution, dans laquelle il exprimait son regret que Mgr rÉvêque
de Châlons, en tournée pastorale, n'ait pu venir lui-même poser
et bénir la première pierre.
L'orateur se demande quel nom portera notre siècle, le siècle
des ruines ouïe siècle des restaurations? Si l'on considère ce qui
a été fait pour les monuments religieux, c'est ce dernier nom qui
triomphera. Montmartre, Domremy, Lourdes, voilà sur notre sol
une merveilleuse floraison de sanctuaires.
M. l'abbé Nollin rend hommage à la mémoire des généreux
bienfaiteurs, dont les libéralités ont permis l'exécution des travaux
de l'église ; aux membres du conseil de fabrique, dont le dévoue-
ment a facilité la réalisation du projet d'achèvement ; à la Muni-
cipalité qui est entrée dans les vues des donateurs ; à l'architecte
diocésain, à l'entrepreneur et à ses ouvriers.
La pierre qu'il va bénir, ajoute M. l'Archiprêtre, a une signifi-
cation symbolique. Elle représente la pierre fondamentale sur
laquelle repose l'Eglise, c'est la pierre « éprouvée », à l'épreuve
de toutes les attaques.
Les temples matériels les plus solides tombent en ruines: cette
église elle-même, si solidement qu'elle soit construite, s'écroulera
CHRONIQUE 637
un jour ; mais l'édiRce de l'Eglise catholique est indestructible.
Elle a résisté aux Juifs et aux Païens, aux hérésies, à Tapostasic
d'une partie de l'iîurope, aux révolutions modernes, à l'assaut
général des sociétés secrètes. Quelle leçon ! Tandis que tout ce qui
se détache de l'Eglise périt, toutes les âmes droites se tournent
vers l'Église, toujours jeune, toujours forte, toujours féconde.
M. FArchiprètre appelle, en terminant, les bénédictions de Dieu
sur tous ceux qui ont contribué à l'achèvement de l'église Notre-
Dame.
M. l'Archiprêlre bénit ensuite la première pierre dans laquelle
est placée une boite contenant le procès-verbal de la cérémonie et
une pièce d'or au millésime de l89o. Après la récitation des priè-
res liturgiques, le clergé rentre processionnellement à l'église.
I.NAL'GUKATioN d'i'xk statuk DE .Ii'U.NXE u'Aiu; — Le 28 juin a été
inaugurée par Mgr Turinaz, évoque de Nancy, la statue de Jeanne
d'Arc récemment érigée à Pont à-Mousson (Meurthe el-Moselle).
Cette statue, qui est l'o'uvre de la duchesse d'Uzès, a quatre
mètres de haut. Elle se dresse au sommet de la tour de l'église de
Mousson, d'où l'on découvre au loin la ville de Metz.
Jeanne d'Arc est représentée debout, un pied sur le léopard
anglais; elle brandit une épée et lient son étendard serré contre
son armure.
L'inauguration a eu lieu dans l'après-midi, en présence d'une
foule considérable. Après une courte réception à l'Hôtel-de-Ville
de Pont-à-Mousson, le cortège, presque exclusivement religieux,
s'est formé et a gravi la côte de Mousson.
La duchesse d'Uzès assistait à la cérémonie. 1/évèque, Mgr Turi-
naz, a prononcé un discours entlamnié qu'il a terminé i)ar les cris
de : « Vive Jeanne d'Arc! Vive la Lorraine! Vive la France ! »
répétés par la foule.
*
» *
I.NAUGCR.vno.x DE l'Asile des vieillauds, a Cualo.ns. — Le 31
juillet 1895 a eu lieu, à l'Asile municipal de Ghâlons-sur-Marne,
l'inauguration du bâtiment nouveau réservé aux hommes pension-
naires, sous la présidence de xMgr Latty, évoque de Chàlons,
assisté de M. l'abbé .Molard, vicaire général, qui ont été reçus au
seuil de l'établissement par le Maire, entouré des membres de
l'administration et du iiureau de Bienfaisance.
Après la célébration de la messe basse, dite dans la chapelle
par M. l'abbé Molard, l'évèquc a visité les salles du nouvel asile,
atelier, réfectoire, dortoirs, ayant pour chaque vieillard un mot
aimable et réconfortant.
Un banquet a terminé celle fête de famille, à la suite duquel
638 CHRONIQUE
Sa Grandeur, en prenant congé de ses hùles, a béni les Sœurs du
Divin Sauveur, qui dirigent l'Asile, en donnant rendez-vous à
tous pour Fan prochain.
Travaux a la catukdralk ije Reims. — Le Comité archéologique
de l'arrondissement a porté toute sa sollicitude sur l'état de la
cathédrale de Reims. 11 a signalé avec force des dégradations
considérables, et que chaque hiver vient accroître d'une manière
inquiétante pour le monument. Il a démontré l'insuffisance des
travaux partiels exécutés chaque année, et la nécessité comme
l'urgence d'une complète restauration. Il réclame pour la conser-
vation de cette magnifique basilique plusieurs millions, une somme
au moins égale h celle qui vient d'être votée pour Notre-Dame de
Paris.
— Le portail nord de la cathédrale a trois voussures formant
portiques, l^n de ces portiques, composé de deux étages, était
muré sur la rue. Depuis longtemps, les architectes du Gouverne-
ment songaient à rouvrir cette baie. Le projet vient d'être mis à
exécution, La partie supérieure est dégagée et permet de voir une
fenêtre à gorge^ ornée de crochets, qui était noyée dans la maçon-
nerie.
Ces jours derniers, les ouvriers ont attaqué le mur de la partie
inférieure, élevé après la Révolution loisqu'on démolit le Cloître
pour ouvrir la rue Robert-de-Coucy.
Les pierres de cette clôture sont presque toutes des fragments
sculptés de l'ancien Cloître. Les uns sont du xu' siècle, les autres
du xv^ On retrouve des chapiteaux très bien travaillés, des bases
de colonnes, des colonnettes jumelées^ des sculptures sciées par le
milieu, pour former parement de mur.
Cette restauration donnera une physionomie nouvelle au por-
tail. On pourra bientôt, du dehors, admirer la porte romane,
encoi'e polychromée, qui n'était visible qu'en pénétrant dans la
sacristie dite Pretiosa. G.-C.
Dons au Muske de Cualù.ns-sur-Marne. — Les bustes du doc-
teur Dorin, de MM. Jules Garinet et Charles Picot, commandés par
le Conseil municipal et exécutés par M. Trouillot, viennent d'être
placés dans les galeries du premier étage du Musée^ à Chàlons.
Les deux groupes de M. Trouillot, exposés au Salon des Champs-
Elysées, cette année : les Joueurs de billes et la Marseillaise^
donnés récemment au Musée de Chûlons par un de nos conci-
toyens, sont également exposés dans la galerie de sculpture, au
rez-de-chaussée.
*
ExposrriON de la Société des Amis des Arts, a Reims. — La
Société des Amis des Arts a ouvert au public, au Palais de Justice,
CHRONlnUE 639
son exposiliou de peinture. La curiosité des amateurs est éveillée
par un choix de tableaux variés et nombreux.
On doit louer le zèle de MM les membres de IfT Société des Amis
des Arts. Les artistes de Reims ont contribué pour une bonne
part à cette exposition non moins remarquable que celle des
années précédentes.
11 existe sur le territoire de la commune de Faissault (Ardennesj,
au lieu la Baronne, un atbre qui mérite d'être cité, car il est peut-
être le doyen des arbres fruitiers de nos Ardennes. Il semble avoir
vu plus de trois siècles, bien qu'il soit encore très vert, et rien ne
fait prévoir sa disparition prochaine.
Le fût est d'une longueur de deux mètres sans branches ; sa
circonférence est de cinq mètres, presque égale partout; ses bran-
ches couvrent le sol sur une circonférence de 70 mètres.
Les fruits de ce poirier, quoique très petits, donnent eu récolte
ordinaire 15 à 20 quintaux et font d'excellent poiré.
Nominations et distinctions. — Parmi les artistes récompensés
cette année au Salon des Champs-Elysées, nous sommes heureux
de signaler, à la section de peinture, M. Prévôt- Valeri, de Ville-
neuve-sur-Yonne, qui a obtenu une médaille de 3" classe, et
M. Henri Thiérot, de Reims, qui a obtenu une mention honorable.
Dans la section d'architecture, un autre rémois, M. Paul Simon, a
obtenu une mention honorable pour sa belle et patiente reconsti-
tution de la grande rose de la Cathédrale de Reims, endommagée
par la grêle de 1886. Dans la section de sculpture, nous relevons
également avec plaisir le nom de M. Ernest Dagonet, de Châlons,
qui a obtenu une médaille de seconde classe.
Le. Président de la République, lors de sa visite à l'HùtelDieu de
Paris, le il juillet 1800, a remis la croix d'officier de la Légion
d'honneur à M. le docteur Nicaise, professeur à la Faculté de
Médecine, chirurgien en chef de l'hôpital Laëanec.
M. Xicaise est, on le sait, un ancien élève de l'Ecole de Méde-
cine de Reims. Il est né à Port-à-Rinson (Marne), et est un des
médecins les plus distingués de la Capitale.
La décoration du Mérite agricole vient d'être accordée à M. le
docteur Giraux, de Châlons.
Cette distinction était légitimement due aux services rendus par
M. le docteur Giraux comme président de la Société météorologi-
que de la Marne.
Depuis quinze ans qu'il est à la tête de cette Société, il n'a épar-
640 CHRONIQUE
gné ni ses travaux ni ses eli'orls, el l'exposilion organisée par lui
à Reims témoigne des progrès accomplis.
Ce qui est non moins précieux pour lui que la récompense reçue,
ce sont les éloges que lui a décernés M. Mascart, membre de l'Ins-
titut, direcleur de l'Observatoire central météorologique.
Un jeune rémois d'avenir, M. Fernand Lemaire, vient d'obtenir,
au concours du Conservatoire, le premier prix de piano.
Mariage. — Le mariage du comle de Lesseville, fils du mar-
quis de Lesseville, avec Mlle Eliiabetli de Poincy, tille du marquis
de Poincy, a été célébré, le 31 juillet 189o, à Saint-Sulpice, au
milieu d'une nombreuse assistance.
Le R. P. Momus a donné la bénédiction nuptiale.
Les témoins du fiancé étaient : MM. Margorie et le baron de
Joybert^ et ceux de la fiancée : MM. Pierre Veuiliot et d'Aquiii.
La famille Le Clerc de Lesseville est établie en Champagne depuis
le siècle dernier, et possède le château d'Aulnay, près la Chaussée
(Marne).
L'Imprimeur- Gérant,
Léon FRÉMONT.
Glossaire du Mouzonnais
INTRODUCTION
L'élude de noire vieux langage national el de ses dialectes
esl à coup sûr une des plus ialéressaules que ron puisse faire.
L'Iiisloire a certaiGement des atlraits non moins grands ; mais
il nous semble que la connaissance des moyens dont nos pères
ont disposé pour exprimer leurs idées, formuler leurs pensées,
traduire les faits de la vie quotidienne, constitue précisément
la branche principale de la science historique et fournit lius-
trument inévitable qui sert à son édification. Or, de nos dia-
lectes, il est sorti une langue unique et une multitude de patois.
Dans ceux-ci se retrouvent nécessairement les restes plus ou
moins nombreux et riches des anciennes formes dont on fil
usage aux temps reculés où chaque province, ou du moins
chaque région, avait un langage qui lui était propre, et dont les
divers membres s'étaient formés du latin surtout, par des altéra-
tions, mutations ou transformations, différentes avec le génie et
les dispositions particulières de chaque peuple. Sans insister
autrement sur l'importance qui doit s'attacher à l'étude de la
formation de notre belle langue française, nous pouvons, pour
justifier la haute opinion que nous avons de ce genre d'études,
signaler la multitude des travaux faits ou publiés à son sujet
depuis plus d'un demi-siècle ; et parmi ces travaux, ceux qui
ont eu pour objet la conservation des débris des patois locaux.
Nous ne voyons pas, malheureusement, que rien de réellement
important ait été fait sur notre région ardennaise, si l'on
excepte pourtant un recueil de mots patois insérés par M. P.
Tarbé, dans un vocabulaire destiné surtout à la lecture des
œuvres des trouvères champenois, dont il avait entrepris
la publication. C'est précisément au cours de recherches ana-
logues sur un trouvère du Mouzonnais, le poète Perrin d'Ange-
court, que l'idée nous vint de relever l'ensemble des termes
dont le patois use encore aujourd'hui dans ces pays riverains
de la Meuse, depuis Mouzon jusqu'à Sedan, de constater l'an-
tiquilé de la plupart d'entre eux, c'est-à-dire leur existence au
41
642 GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS
moyen âge, el d'établir ainsi leur droit de légitimité au milieu
de la langue nationale.
La lecture d'œuvres les plus variées des xii'', xiii* et xiV
siècles, écrites dans les différents dialectes de la langue d'oïl,
bourguignon- champenois, lorrain - wallon, picard -llamaad,
français et même normand, nous a apporté une multitude de
preuves el comme d'extraits de uaissauce de la grande majo-
rité de nos mots qualifiés dédaigneusement de patois. Nous
avons pu, grâce à cela, faire de nombreuses citations, puisées
dans les poètes, chroniqueurs, écrivains de ces temps lointains,
qui, grâce à rindicalioa de l'auleur, fixent rauthenlicité de
l'expression èl son âge approximatif, et nous permettent en
outre de restituer une orthographe pour nos mots, appartenant
désormais à un langage non écrit. C'est ainsi que nous pou-
vons montrer que le parler de nos campagnes n'est pas un
jargon résultant uniquement de la corruption du français, un
vulgaire patois digne tout a fait du mépris dont h? grand
nombre, qui se compose des ignorants, l'accable. Voyez la
forme de beaucoup de ces mots : elle est élémentaire,
et comme au voisinage de la source d'où le peuple les a tirés ;
elle est telle qu'il n'y a pas de doute possible sur l'éiymologie,
la provenance et la transformation. Les termes sont, à part les
désinences, calqués sur le mol latin qu'on a voulu s'appro-
prier, et leur comparaison avec la langue actuelle fournil sou-
vent un moyeu d'instruction que l'on a tort de ne pas utiliser :
ces mots, dans leur état simple, ne se retrouvent parfois plus
qu'en composition ; ou bien sont la forme initiale de termes
qui depuis s'eu sont écartés et sont à présent défigurés;
ou encore, ils restituent le sens primitif d'expressions que
nous employons aujourd'hui avec une signification qui n'a
plus que des rapports lointains sinon inconnus avec celle qu'ils
ont eue jadis.
Pour donner à nos vocables une forme orthographique qui
fit bien saisir la prononciation, nous avons dû parfois nous
écarter de l'exemple présenté par la citation. Les explications
que nous donnons suffiront à parer à cet inconvénient. Au
surplus, et à cause de cette difficulté même, nous avons cru
ulile de résumer quelques règles de phonétique et de gram-
maire. Elles risquent peut-être d'être répétées, au moins à
litre d'application ou d'explication, dans les divers articles du
glossaire ; ou nous excusera de n'avoir pas fait mieux, ni plus
complètement, et l'on n'oubliera pas que nous n'avons visé
que le « parler mouzonnais », et non pas même les dialectes
GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS 643
.champenois ou wallon qui, à la rigueur, seraient digues de
posséder une grammaire régulière.
Prononciation des voyelles.
A. se prononce ordinairement comme en français ; mais aussi
se transforme souvent en fl^= è, conformément aux habitudes
du dialecte bourguignon-lorrain-champenois. Ou dit : chair,
chair gier, clair (é, gairder au lieu de char, charger, clarté,
garder Le français a conservé quelques-unes de ces trans-
formalious et dit à torl orfèvrerie pour orfaverie. Les a
des futurs deviennent régulièrement ai : Tirais, i dirai, tu
porrais, il prouverait. Et il en est de même pour tu as, il a,
qui deviennent Vais, il aï; ainsi que pour tu vas, il va, qui
deviennent quelquefois lu vais, il vuit.
Demain iVait (ira) l'emperere cliascier.
(Gerars de Viane.)
Chaucon, por moi retenir,
Li dirkis (tu lui diras) sens délaier
Et bien li porAis (lu lui pourras) gehir.
(Perrin d"Angecourt.)
Quar Dex par sa grant miséricorde poroerM (^pourvoira) à ma
povreté.
(Amis et Ainile.)
La fin et l'ancomancement
Tôt li ait (lui a) dit outréement.
[Dolopathos.)
Et tu, t'en vai (va-t'en) en ma maison.
{Amis et Amile.)
Et se il vait la messe oïr
(Rutebeuf.)
E. Le é final (é, ée, er) se prononce presque eille. : i/' liv'
est corné (corneille) — J' n'aros osé (oseille) — L'autel n'est
mi Un paré (pareille). Celle prononciation allonge le son à la
façon d'une cloche, et ce phénomène se reproduit pour les
nasales : on, un, in, an. Tous les participes en é présentent
cette particularité : nos vieux rimeurs en fournissent de nom-
breux exemples, qu'on trouvera plus loin, à l'article du verbe
et participe passé. On voit qu'ils écriveiit eie, ce qui ne laisse
pas de doute sur la manière dont ils entendaient qu'on pro-
nonçât. Enfin ue se mouille en u-'ie". tu-'ier.
La tendance à nasaliser les sons eu é ou ai et à les trans-
644 GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS
former ea ain se remarque dans les mots où e, é, ai, oi, sont
suivis de n : lain-ne, mitain-ne, capitain-ne, fontain-ne,
plain-ne halevi-ne, pein-ne main-fier, je main-nerai,
f m'ai promain- né moin-ne
Lou samedi a soir fat la semaiiine
Gaieté et Oriour serors germamne
Maint et maint vont bagnier à la fontamne.
[Gerars de \alenciennes.)
dame de tous biens platnne,
Voslre be.Tuté qui est la souvert/inne.
(Froissart.)
J'en voeil deux àoMzainnes tuer.
(Id.)
Dieu leur envoise mal egtratnne.
Jai nous tesmoing^ne i'Escripture
C'un chascun jour de la sepmainne
Puet on et doit lairons destrure.
Abattus l'ont po-ir la ferrure,
Il n'y laissent crochet ne chainne.
Certes ce fut trop grant laidure.
{Guerre de Metz.)
La dame ot bien en Engleterre
La tierce part en son denirtinrje.
Ses gens mènent, et on amainne
Ses mangounials et ses perieres.
[Mess ire Gauvain.)
Quant .1. avugle l'autre meiîine
Moult se conduent à grant peinne.
(Dolopathos.)
I se nasalise assez régulièrement ea in, dans le dialecte
bourguignon-lorrain, où l'on dit amin pour ami. 11 nous reste
dans notre patois prins pour pris, et ses composés aprins,
comprins, entreprins, surprins
A Raucourl, i final se prononce et : met, tet, m'namet pour
mi, ti, m nami.
N'ont pas degeté te[, mais mei.
[Les Rois.)
0 reste tel ou se change en ou : ramouner, bonne, to?miau
pour ramoner, bonne, tonneau Celle lettre s'élide souvent
dans la prononciation des adjectifs mo7i, ton, son, qui deviennent
m'n, fn s'?i devant une voyelle : m'nami, fnouvrage, sni-
dée ; et m', t' , s, plus rarement mil, tU,sil, devant une con-
sonne : m' pain, t'coutiau, s' fusi. Ce sont là des vestiges des
vieilles formes men, (en, sen.
GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS 64!)
Ne dites pas men nom.
{Godefroy de Bouillon.)
Le signe gracieux de ten estracion.
As pies de sen lit se maintient.
(Jean de Condé.)
U est un son que notre bouche émet difficilement et auquel
on substitue un son très approchant de ou. Ou dit ouiie, con-
douU, fouir pour huit, conduit, fuir. Par contre, il n'est
pas rare de voir oui rendu par ui : Vinrais-tu devant ouite
heures ? — Ui.
Ou trouvera au vocabulaire un certain nombre de mots,
comme tnmer pour tomber, où u prend la place de o.
E muet est très fréquemment aussi, dans la prononciation,
remplacé par w, que nous surmontons d'un tréma pour indi-
quer qu'il est bref. Ceci se présente surtout pour les monosyl-
labes le, je, me, te, ce, se^ que, de, que nous écrirons lii, jil,
mu, til, cil, sil, guil, die. On a déjà dit que inon, ton, son, qui
deviennent ni , l', s\ peuvent passer jusqu'à mil, tii, sil. — On
emploie la forme muette ou sonore suivant que la syllabe pré-
cédente est sonore ou muette.
l faut quu y porte ou qu^jn porte
y rjiii lins droit ou jn jn'lins droit.
Si tu importes miùs ou si Ctn portes miùs.
Attends qu'jù Cdounes ou guiï qujlù. dounes.
Pa[r)cequvi v'courez trop vite.
J'serai au coin du c'rue-là ou d'çù passage-là.
Çù chin-la est moût malin.
J'ai tuié la fùmelle.
E par la raison de chu bail.
(Beaumanoir.)
Et esliesent ludil capitle j)rincipament.
(Patron délie temporaliteit.)
Ju ne parole mies de ceu assi cum ju endroit de mi
{Serm. Saint Bernard.)
Quant qu'en l'an li renovelot
Lu vin, lu froment, les bacons.
[Vie de Saint Grégoire.)
Le masle n'a la l'innelle en mespris.
(Marot.)
La diphthongue eï mérite une mention spéciale ; elle a été
déjà étudiée à propos de la lettre é. Voici quelques vers tirés
de la Guerre de Metz, qui indiquent bien son usage.
646 GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS
Pour ce vous ait, de ly parlej/
Diax vengier sont esvertuei.
Car ses hommes furent tuci.
Tuit li nostre se sont penei.
Défendent soi com fource/iet.
Parmi les noms d'aucuns saureîs.
Le son 01 se nasalise s'il est suivi de n : avoi?i-ne, moin-ne,
aigrimoin-ne. Mais on dit Antoine.
La diphlhougue UI se change rarement en u ou u-'ie : la
pîu-ie.
Le son simple AU se substitue parfois à o, et spécialement
dans les mots en able, qui se disent aule, à la frontière : taule,
étaule, éraule, diaule pour table, étable, érable, diable. —
Il remplace plus ordinairement al : i7i cketati, in marichau.
C'est un reste de rancienue déclinaison k deux cas, où l'on
peut aussi trouver ai - è remplaçant au ou eau : chapai et
chapiaus, dérivent du régime chapeh et du sujet chapiaus,
chapeau.
OU remplace fréquemment oir dans les noms d'outils.,:
lavoue, ara'ioue, traioue pour lavoir, eurayoir, trayoir. La
liuale oir s'est écrite ouer : mirouer.
La nasale AN, EN, se prononce le plus souvent a, c'est-à-
dire revient au son simple, particulièrement dans la termi-
naison 7nent des adverbes : granniKÙ, hraumkt, grandement,
bravement. On dit inafani (enfant), cownacu[r) (commencer),
tas (temps), a (en), ahracie{r) (embrasser), atad[r)e (attendre)
atadu (entendu). En général, le préfixe en devient a.
IN, on l'a déjà vu, se substitue fréquemment à è, ai. Dans
le canton de Carignan, à la frontière, cette nasale, comme les
autres du reste, se prononce en laissant sentir légèrement, mais
nettement le son gne : iti-gne. Ce n'est plus le son prolongé de
la cloche, comme à Bulson ou aux environs de Raucourt. Il y
a là un souvenir du dialecte qui plaçait un ^ ou un c à la suite
de la syllabe nasale : témoin g ^ ung ^ juing
Povre lioume trop endetté
Suppris de poverlé.
Qui ii emple le poingn
Ne li chault de sa vie.
Cil où plus se affie,
Li faut al graunt besoing .
{Proverbes del Vilain, Lincy.)
GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS G 47
OX esl --ouvent remplacé par ou : tnoulrer, cov macie[r] ,
dovne montrer, commencer, doDue.
Dans la conjugaison des verbes français qui oui ons et ont
comme finales à la 1'" et la S*" personnes du pluriel dans
les présents, on remplace on par an : fportxys (nous portons),
il i?'ANT (ils iront). — Dans les passés, ions, d'abord remplacé
par ieus, devient dans notre patois eins : Je p07(Ai:iS (nous
portions), J'irAiss (nous irions).
Enfin on s'adoucit en un :j'irvNS pour j 'irons ; J'ai tLsibé
pour je suis tombé.
Répétons une fois de plus que la prononciation de toutes ces
nasales comporte une prolongation que nous avons comparée
au Gon de cloche. Et il est curieux de constater (|u'à Cherbourg
et à Nancy, existe celte particularité très nettement marquée.
Dans les verbes, la finale 1ER (ou lEZ) se prononce ie; nous
l'écrirons ie{r) j our marquer ce mutisme de l'r. Les verbes en
question se terminent eu général en français par er : mais il
convient de remarquer qu'ils ont conservé leur ancienne forme
dialectale. C'est ordinairement à la suite des consonnes c, ss,
g, yn, iil, ch, y qu'on écrit cette finale : lancie[r)^ ahaisi>it(r),
rangie[r), gangnu[i) , ivavaillie{T),couc/iit{r),avo-ge{r), aidie{r)
On rencontre certavnenieul des exceptions à celte règle, mais
elles sont rares ; en tous cas consignons au passage que tous
les participes passés de ces verbes sont tous terminés eu ie au
lieu de é : lacie, laissie, ckangie, rougnie, chevillie, rafachic,
ploy-ie, ouidie.
Les substantifs noms de métiers, instruments, arbres, ler^
minés eu ier, se prononcent ie, sauf exceptions. — Un
dit bo%ickii'[i), boulangie{r), métie{r), cordonnie{r),saveHe{7)....,
mais épicier, serrurier. — Panie[r], soumie{r), deva?itie[r),
mais soulier (et soU'i). — Cerisie{r), pouplie[r), pommie[r],
poiriei^r), 7)iélie[r], guerzellie[r], rosie[r]...., mais pêcher.
Les secondes personnes des verbes en iez donnent ie[z) :
»' rendie{z).
EUR se prononce eu{>), en élidaul l'r. La règle n'e&t pas
sans exceptions. Un dit : buveu[r), coureu{r), bai(eu{r), Wleu[r),
porteu[r), leu[r) mais parfois voleur.
Je ne suis de ces vieux bawux,
Csàchtux, tousseux, chagrins, morveux...
(Ikïf.)
Des inesLireus de ijlé
(Lio. des métiers.)
648 GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS
C'est une habitude que nous avons conservée de l'ancien
langage qui faisait tomber la consonne devant l's ou l'x carac-
téristique du sujet singulier et du régime pluriel.
Dans OIR, on supprime souvent Vr. On dit aoi(r) pour
avoir, ^OMoe'(r) pour pouvoir, miroi{r) pour miroir, démêloi[r)
pour démêloir,
La syllabe lEN devient assez régulièrement in. On dit : bin,
chin, riu, au lieu de bien, chien, rien. Pourtant le mien, tien,
sien conservent leur prononciation. Les anciennes formes des
verbes, à l'imparfait et au condilionnel, ont suivi cette règle :
nous porliens, nous iriens sont devenus]' portains, ]'irains.
N'en mengerant ne lu, ne por, ne chen
Respunt Rollant : « Sire, mnlt dites ben.
[Chans. de Roland.)
On a déjà vu que la syllabe EA.U est souvent remplacée par
iau et quelquefoi ai.
Quant sa grant bi\vlé remir.
(Perrin d'Angecourt.)
Parmi les consonnes, l'R terminal tombe en général. On a
déjà constaté le fait pour la finale ter, pour eur, oir. Il en est
ainsi pour les infinitifs en ir : mori(r), sali(t), béni(r), teni(r),
veni(r), gari(r), dormi(r).
Voici quelques rimes qui indi |uent bien que, dans le lan-
gage parlé, l'r était à peu près toujours muette dans les termi-
naisons en ir.
Sire Jhesu qu'es mon désir
Qui me faiez le torment sentir
Ores receois mon esperil ,
Car ie vueille a toi parvenir.
(Epistre Mgr Saint Estienne.)
A la terminaison evoir de la troisième conjugaison, on a
substitué oir, où l'r se fait sentir : dcir, percoir, conçoir,
reçoir... ; mais il faut noter que oi{v)re est la véritable forme
de la finale, qui devient oire. par la chute du v. Ainsi, boi[v)re,
de beveir, conçoi{t)re, déçoi{v)re, sont en réalité des verbes de
la 4* conjugaison.
L'R des finales bre., cre, dre, fre, pre, ire, tombe aussi :
abatt{r)e, fend[r)e., enque (encre).
Le V disparaît souvent dans la prononciation, et joue dans
ce cas le rôle de la voyelle u. On dit oir, oiture, nide, aoi{r)...
GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS 649
pour [v)oi'r, {v)oiture, [v)uide, a[v)oir, c'est-à-dire noir, uoi-
ture, uuide, auoir Aiusi, ]arai est une coojugaisoa régu-
lière : a{ue)rai, j'aurai.
Oq supprime VL après b, p, /" : capab'[l)e, trip{ï]e, terrib{l)e,
gino/'{l)e, p{l)us.
Faisons observer, en dernier lieu, qu'en général on ne fait
pas de liaisons entre deux mois. On dit : cest à moi, comme
si on prononçait les mots séparément ; — ok ! l'maiivai[s) afant.
Cependant, on lie Vs des mots les, mes, tes, ses : mé-zhommes ;
et on dit même on-zai vu (voyez o?«).
Nature de mots.
L'article est, comme en français, le, la, les. Mais le mas-
culin se prononce ordinairement /' ou lli : donne mil l'pai/i —
apport' m pain.
On forme la contraction de la préposition de avec l'article
masculin en usant de dou, ou plus ordinairement de don :
donne mil don pain.
Le ou les se contracte aussi avec la préposition par : pan,
paux. Prends lil pau cou — paux bras.
Il n'est peut être pas inutile de signale)- que li représen-
tait jadis le cas sujet, et nous a peut-être laissé lil. On a aussi
rencontré lo à l'origine des dialectes, qu'on a adouci en loïc et
sans doute en lil.
Le vocabulaire donnera, quant au substantif et à l'adjec-
tif, les particularités qui trahissent l'existence de l'ancienne
déclinaison, par la double forme que prend un même mot. On
verra que l'on emploie encore, sans souci du cas évidemment :
chapiaus et capai (chapel) — ckaliaus et chétai (chatel) —
Uaus et bai (bel) — pourciaus et pouchai (porcel) — coniiau et
coulai (coustel).
L'adjectif démonstratif cet se prononce et : et homme là.
Le féminin est çule : çute femme là ; à moins que le masculin
ne serve pour le féminin : Jù n mettrai mi çrobe là. En
outre, ce masculin se prononce c' ou çû : çil cher là est à mi.
L'adjectif possessif devient ?;i', t' , s', ou 7nil, lil, sil, devant
une consonne, et îw'w, t'n, s'n, ou 7nil'n, tiln, sil'n devant une
voyelle : Rends mû m'couliau ; prends t' panie[r) ; laisse li
650 GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS
s'honlon. — Tvas perde mû coiiliau ; Enlève tu panie{r), il
/"aurai qxCon H retire su bouton, J' connais m'n a/faire ; ais-tu
d'île t'n argent"! elle ai rendit s'n ouvrage. — f abandonne
mû'n affaire; laûche tu n argent ; qaant on quitte sû'n 021-
vrage.
Il faut remarquer que la forme muelle s'emploie après une
syllabe sonore ; et la forme eu il ou sonore après une syllabe
muetle. L'n peut être considérée comme une lettre de liaison ;
on peut y voir aussi, comme ou l'a dit, un reste de l'ancienne
forme dialectale men, ten, sen, et aussi de celte autre, bour-
guignonne, mnn, tun, sun, qui n'a pas totalement disparu de
notre patois, non plus que la précédente. Le dialecte wallon
disùt couramment aussi, au féminin, vie, te, se.
Et pour çou finerai men conte.
(Jean de Condé.)
Hé ! fait Nicolete, l'âme de te\ père et de te mère.
(Aucassin et Nicolette.)
As jiies de sex lit se maintient.
(Jean de Condé.)
Et regarder aussi devons que chascuns ne porte avec soi
SE malvaisté et se maladie.
{Li ars d'iimoui'.)
Thomas, met tex doi en liu de mes clofichures.
(Sermons de Maurice de Sulhj.)
En l'aiguë vit l'umbre dou fourmaige
Pourpensa sei en sux coraige.
(M-irie de France.)
Parçonniers es de svx deslei.
{Chr. des ducs de Norin.)
Et si facent si cum il soient
MuN comandemenl senz desdire.
(/(/.)
Et sui enmi ïu.x pople ki tu as eslit.
(Les Ruii.)
Enfin, dans nombre de villages de la contrée, par la vallée
de la Bar, on use souvent de ma, ta, sa pour mou, ton, sou :
Tin in pau ma pain ^ ma sac et ma couilau, qu'à f
0 tu, une sole espérance de ma salut.
(Amis et Amile.)
Au pluriel, mes, les, ses se prononcent 7net, tel. sel. Puis ou
a not{r\e, vot{r)e, leu[r). Parfois ou dit no, vo au singulier :
Ez V fini vo jardin? Uuant à leur, il devrait s'écrire, pour le
GLOSSAIUK DU MOUZONNAIS 651
besoin de la liaisou à la voyelle (jui suit, leus : Qui reprenant
LEUS argeyil. — Pour le pluriel, nos, vos, leu[r)s.
L'adjectif numéral un, une se pronouce suivaul la ualure
des syllabes qui suivent c-u précèdent : in, ine, — ieivi, ieune :
IN chat, INE po7iie — ine homme. — N'i an avo[t) iun ; ni a'n
ai co IEUNE. La liaison fait dire in z-iu (un œil) : permis d'y
reconnaître l'ancien sujet uns. On emploie aussi eune dans le
corps des phrases et même '?« par élision : // a'n ai resté eune ;
— c'est'^ moût belle gent.
Pour l'élude des pronoms personnels, il y a lieu de dislin-
guer les trois personnes.
V Je sert de sujet singulier ou pluriel et se prononce y ou
jii : 3 porte, jû v^ dirai, /'erai-jn bin ra^. — ïvenans, jû
vdirains bin qu'à ; irans-3ù'f
Comme régimes, me, moi deviennent m' ma, rai (raihi) :
Doiine-yi\\ ça — C'est pour mi — On vint dit Sidère qu'il
Si tu trespasses i)armei lo fu, Jt' me tenrai à ti, ne me dolterai mies
les mais, car tu es avec mi.
{Sermon de S. Bernard.)
Dsous est le régime pluriel.
2'"* l^u et t' servent de sujet singulier et aussi de régime sin-
gulier ; ti est spécialement datif (tibi). Faut-i quj'ù t donne
ou qtiil f'ïv donne. — C'est à ti — garde-lu pour ti.
Nés mies venuz ])or ti a ocire, mais por ti à salver, por ii à déli-
vrer, ne mies i)or ti à laier.
{Serin, de S. Bernard.)
Au pluriel on emploie vous ou. plutôt v\ V'parterez deviain.
— ■ J'\'a'n upporlerai. — Puiez v' ça. — C'est pour vous.
3""' Le pronom sujet est il pour le singulier et le pluiieL
// se prononce i devant une cobsoune. 1 parte tout au matin.
— I vinrant tounous. — il arrivant à deux heures. — Le
féminin est elle, elles ou i, et lie s'il est attribut : c'est lie
qui Vimant-i, ces femmes là?
Comme régime : l\ lil. h, lou au masculin, la, lie, if lie au
féminin, — Jil Lverrans bin; — Donne lu, t'coutiau! —
Doune-hi ça, c'est pour lou. — Prends-L\, ta bourse ; Doune-
LiE ça, c'est pour ielle.
Au pluriel : leu{r), zeux : On leu(r) dounerai cqui leu(r)
revint. - Agète-L¥.xi[d.) ça, c'est bon assez pour zeux ; cest à
ZEUX. — Et quelquefois : c'est à leu(r) deux (c'est à eux ou
elles deux).
652 GLOSSAIRE DU MOUZOXNAIS
Il est à remarquer que le prouotn le, les se coulracle avec à
ou de. ab?ïolumeDl cooinie l'ariicle. — J'mai dépêchie don
rend[r)e. Cette coutracliou .'e fait même avec la négatiou ne :
/'non prenrai mi. (Voir don et non au voc.)
Elles me ilemandoient ce blet devant dii et disoient que je estoie
tenu AU rendre.
(Cariul. de Longueau, 1246.)
Notons enfiD que les pronoms moi, loi, lui, nous, vous, eux,
ordinairement régimes, deviennent sujets d'un intinilif [et
(Witent le subjonctif).
J^ai don café pour ui déjuner
Tarais des ues pour ti dt7ier
J^li ai donné n' chanson pour lou chanler
I faut des sous pour :^ovs parti[r)
V'ez besoin d' forces pour vous lravaiUie[r)
I pr étirant des cartes pour zevx Jouer.
Et si sont quites li talernc.liers du tonlieu de tout le blé qu'il achètent
pour LEUR cuire.
(Liv. des métiers.)
Les PRONOMS POSSESSIFS mien, tien, sien servent pour
les deux genres : Je gai de iea vaches, garde les miens ; ma
mont\r)e marque quatre heures^ la tien n'va mi bin, et la sien
avance.
Les PRONOMS DÉMONSTRATIFS ce/i, cctel, qu'on prononce sti,
stel, sont toujours joints à ci ou la : ceti-ci, ceti-la ; celel-ci,
cetel-la. C'est l'ancien cist, cesiui, cettui. Au pluriel, pour les
deux genres, on dit : ceux-là, céceux-lô, céieus-là. Et à pro-
pos de cette dernière forme, il faut ajouter qu'on dit aussi :
le teus, la teus, les teus, pour celui, celle, ceux ou celles •, Le
TEus qua veut, qui s'avance! — N'i ai co iauques dil bon,
mais c est pov{r) les teus qui serant bin gentts.
Verbe.
Ou trouvera au vocabulaire la conjugaison des verbes Avoir
et Flre, ainsi que celle d'autres verbes. Pour le moment,
nous ferons remarquer que notre conjugaison est fort incom-
plète, et ne comprend point le passé déliui, non plus que
le subjonctif, ni les temps composés que ces deux derniers
fout dis[)araîlre. Le verbe être seul possède le subjouctif. Il
faut remplacer le passé défini par le passé indéfini, et le sub-
jonctif par l'indicatif.
OLOSSAIKE DU MOUZONNAIS 653
L'infinitif préseiite les terminaisons suivantes : er et ier
pour la première conjuc^aisou ; ir pour la seconde ; oir ou re
pour la troisième. Dans la première, les finales des divers
temps sont les mêmes pour les verbes en er ou ier ; le parti-
cipe passé seul finit tn é (prononcez éïe) pour la première
forme, en ie pour la seconde : Porter, je porte, porté — ckan-
gie{r), je change, c'iangie.
Au PRÉSENT DE l'indicatif, fious devous seulement signaler
les terminaison.- ans et ant des l"^*^ et 3'"" personnes du pluriel.
Elles appartiennent également au futur, et viennent tout droit
des finales latines amus et ant, qui appartiennent à la pre-
mière conjugai-on. Voici le passage le plus caractéristique qui
consacre ces terminaisons : il n'appartient point à la langue
d'oïl, il est vrai, et e^t tiré d'une Ordonnance de 1382, en
langage saintongeais :
Sapchiin toz qui atjuesUis presens iiUei'as veyrxs in ozirxs, que
coin Php so ihuiuIam et comandxM en pena deiz marchs d'argent
à nos apiicaiJuira, et donxM planier poder que la dicha talha
/e<;AN, e fasses lt;var et que eligistxy e pttes/A.\ eiigir.
[Ordèiie de chevalerie, p. 33.)
Mais si home ne pevent, car trop sa\t afamé,
{Chanson d'Anlioche.)
A quelque dislance de Raucourt, on dit : f arômes, mettômes,
pour noiis avons, mettons. On reconaîl là les anciennes termi-
naisons eu um, unt. restées aussi du latin, telles que celles de
sumus, sunt, et de leurs composés. L'affaiblissement de on en
un, et puis en an est un fait constaté qui peut expliquer
les finales de nos verbes. Vohmtatem a donné volenté et volen-
tiers : trancher vient de truncare.
Pur kei nus laissLM damagier?
MeUuM nus for de lor dangier.
Nus suM hom cum il sunt.
Tex meml^res avuM com il uni
> Et ollresi grant cors avuit
Et altretant sofrir poihi.
Nos aveir et nus defenduM
Et tiiil bien ensemble nus tenu.M.
[Rom. de Brut.)
Si nos i pou.M ceo achever
Par lut le mund porruN aler.
{Chron. ducs de A'onn.)
G54 GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS
Si m'aïst Dieu, mauves garde
En AVÔMES pris, ce me semlile.
{[iom. de Renart.)
Couslalous encore aue nombre de personnes disent : i por-
/ONT. Celte finale semble empruntée comme les précédentes à
la S*" conjugaison laliue : i dormotii (dormiuut), il o7ont
(audiunl).
Et le semedy après les Liégeois deloghoNï et s'en allont vers
Al:)ygny (Aubigny-les-Pothées) et dutont ens le feu, car il n'y
ïROvoNï nulkiy qui le delTendist.
[Chronique de Stavelot.)
Quant aux trois personnes singulières du même présent de
riudicatif, signalons quelques verbes en ir qui se conjuguent
comme s'ils étaient de la 1'"" conjugaison. Dormir, partir dou-
nent : ']dorme^ lu dormes^ i dorme\ ] parie, tu parles, i parte.
D'autre part, venir, tenir, suivant la règle de prononciation
des ien, font : }'vi?is, lu vins, ï vint ; je tins, etc.
, Je ne dorm que le premier somme.
(Ru*el3euf.)
Les terminaisons de Timparfait de l'indicatif sont : os,
os, ot, ains, ie{z), aint. On les retrouve en dialecte bourgui-
gnon et aussi normand, où se rencontrent également les
formes oue et oe.
Bergier de ville champestre
I^eslre
Ses aigriax menot '
El n'ot .
Fors un sien chienet en destre
Estre
Yousist par semblant
En emblant
Là où Robins flajolof.
[Robert de Pains.)
Et l'alo^ voir sovent
Et confortouT mut bonement ;
Mes les autres treis regretof
Et grant dolur por eus menât.
Un jur d'esté, après manger
Partof la dame al chevaler.
De son grant doel li remembroi :'
Son chief ça jus bien en baisse^.
(Marie de France.)
GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS 65:"
As riches donot rices dons...
Pues redonof as onlenez.
(Vie de S. Grégoire.)
MfS son père qui mont l'amof
Tôt autrement de lui pensof.
(Vie de S. Alexis.)
Sur Dieu et sur l'ame de moy... je ne sçaroe que dire sur mon
maislres fors que tout bien.
(Chron. de Valcnciennes.)
Car li airs forment espesso^.
(Messire Gauvnin.)
Une chievre y venot bien iij. ans alaitier.
(Chevalier au Cygne.)
La se baigno? les sers, ])ur sa char refreider.
(Thomas le martyr.)
Et le peult faire la dicte femme.., ou ses héritiers pour elle s'elie
morot devant (son mari).
[Coust. de Vermandois, 1448.)
El si je et mi hoirs demorrï'ens homme au comte.
(Cart. de Rethel, 12o2.)
Et si ces quatre ou aucun de la communauté [alseint aucune
besogne qui appartenist à ceste communauté.
[Assoc. des ducs de Bourg., Bretagne^ etc., 1247.)
Lors les bestes qui esteint près.
(Marie de France.)
Li mostiers alumcinl
(Roman de Rou.)
Mais deismes au départir que nous sai-iens bien que nous ayiens à
faire.
(Arch. adm. de Reims., I30S.)
Car je ni mi chevalier, n'dviens ne haubers, ne escus, pour ce que
nous e?,tiens tuit blecié de la bataille...
Et puis juiens aux papelottes
Et ou ru'ssot làxiens nos cottes.
Et puis }uiens a ua aultre jeu
Qu'on dist a la keue leuleu.
(Joinville.)
(Froissart.)
Que se nous pecheor savjens
El les dolors sentu nviens.
(Voie de Paradis.)
Seurement en reveniens
Et grant avoir en raportj'ens.
(Dolopalhos.)
6îi0 GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS
Les compagnons nous Vnvoint presché
D'aller jouer à Saini Germain.
(Marlial de Paris.)
Les 2" et 3" personnes du futur eu as, a se prononcent
ais, ai.
Tantôt serait balizies vostre fis.
(Gérars île Viane.)
Je m'oscirai, s'atres que Garin m'ait
Ou je ferai quanqu' amors m'aprendrai7
Se n'ai Garin, l'uns ou l'atre avendra*/.
(Hues de la Ferlé.)
Bone famé, tu dis anfance,
Fait li rois; cil te vengerait
Qui de mon règne rois serait.
(Dolopathos.)
J'ai iDone espérance en nostre Seigneur qu'il me aiderai.
{Amis et A mile.)
Les lernainaisons du conditionnel sont les mêmes que celles
de l'imparfait : J diras, tu diras, i dirai ; fdirains, v'dirie{z)
i diraient.
Si nous armerie/is, se vous m'en créez.
(Chron. de Rains.)
Il averoienf ferme et estable ce que nous diriens de ce descort. Et
s'il se descordoient nous i meteriENS le tiers.
{Cart. de Rethel, 12i6.)
Nous et nostre lignage seriens mors et honiz.
(lîomaîi des Vif Sages.)
Parmins ce que nous rendervE.Ns et debveriens rendre à nos bour-
geois d'Aubie.
(Charte d'Auby, 1246.)
... Tel ayde comme ces quatre devant dit esgardereiut qu'à homme
luy dust faire, nous lui ferions.
(Ass. du:s de Bourg., etc., d247.)
A chestui dist qu'il fait desroi
Quant maine le vilain od soi,
Qui set la fosse appareillier
La il il purreint trabuskier.
(Marie de France.)
Pur ce qu'il devereynt défendre la marche de le prince.
(Fitz-Warin.)
Nous avons dit que le subjonctif n'existe pas. Ou dit : /
faurot qiCvous venez ; i n'semàle mi qtii li faut co iaupces ;
GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS 657
i nH ai Un des raisons pou[r] quïï fnous ainmans, etc....
Avec le verbe être cependant, on a ce mode : faut quii J'sois
arrivé devant Ion ; i faurot lin qu fi fus arrivé devant lou.
Avec avoir : J'ai binpeu{r) qu'i 7ii an ure pus.
Je vous mant et voel que vous faites féauté.
(Car t. Rethel, 1250.)
Gardés que vous ne pekdés par soffraite d'enseignement la voie qui
vait à Dieu.
{Sermons de Maurice de Sulh/.)
Je veuU que vous me rendes rnes besans.
(Ass. de Jérusalem.)
Il convient que nous atihons avant.
(Henri de Valenciennes.)
Le commandement Mahomet, qui nous commande que nous gardons
le nostre Seigneur aussi comme la prunelle de nostre œil.
(Joinville.)
Après affiert que nous i-aulons d'atemprance.
{Li ars d'amour.)
M'amie, je vous prye que vous y venez.
(XV joyes de mariage.)
Or volum ke del tut quite le vus clamez.
(S. Thomas le martyr.)
Douce dame, je vous prie et demand
Que vos PENSEZ de moi guerredoner.
(Châtelain de Coucy.)
Jourdain, il faut que la prenons
Nous deus, et que nous I'emmenons
En celle place.
(Miracle N.-D.)
Et vueil d'un cuer naïf
Que vous I'aimez de par Saint Georges.
(L'oultré d'amour.)
Affin que mieulx ceste paix advoez
Et que de cueurs loyaulx et vertueux
Nous maintenez tous jours ces points liez.
(G. CoquiUart.)
L'impératif se tire de l'indicatif : Parie, alla7is, venez!
Pour ÊTRE, on le tire du subjonctif : sois, soya7is, soyez.
Nombre de verbes n'ont pas ce temps ; comme savoir, vou-
loir, etc.
42
658 GLOSSAIRE DU HJOUZONNAIS
A I'imparfait du subjonctif, on substitue le conditionnel :
i faurot gu'i vinraint ; fainmeros mius qura serot vous. On
dit avec avoir : Il arut mius valu <jii ça soit lou qui I'urk
quli s' frère.
Le participe passé de la première conjugaison finit en é (qui
sonne é'ié) pour la catégorie des verbes en er, et ie pour ceux
en ier. Dans la deuxième, nombre de verbes ont leur participe
en u : senti{r), dormi[r), donnent seniu, dormu
Remembrance qui m'est au cuer entiiEiE
De Jésu-Crist qui pour nous vout mourir
Mi fait laixier et guerpir lai contREiE.
(Âubertin d'Avesnes.)
Il ont les vignes atrapEiES
Trestout a fait et tout par onie
De paicelz ont les grant moiees
Toutes arses, sen rien estonJe.
(Guerre de Metz.)
Quant les neis sont bien atoi'NEiES
Si entrent ens gens de bernaige ;
Tout droit vers l'ost les ont meNEiES
Cil qui bien scevent le rivaige.
(M.)
L'erbe Que cil avoient aporiEiE
Delivrement l'ait acheiEiE.
(Dolopalhos.)
Quant cest le jors que la fesle est nomEÏE
Se nus y vient qui ait s'amor fausEÏE,
Jà del mostier n'en auera l'entrEÏE.
{Romancero françois.)
Cele que i'aim et aor
A tel seignorie
Que tost m'aura ma dolor
En ioie chanoiE.
(Perrin d'Angecourt.)
Si en ert si venc.iE
Qu'à tous fins cuers devra estre anémie.
Et coment les genz l'ont jugie.
{Dolopalhos .)
Et fust la cité netoiiE.
{Chronique de Rains.)
GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS 6S9
Argenté s'est on pié, vousist ou non, dreciE ;
En plorant prent congié, dolente et courrouciE,
De ses enfans aidier, tous les barons en prie
Puis les baise en plorant et il l'on embraciE.
Quant partir l'en couvient, a pou n'est enraciE.
(Audefroy le Bastars.)
A la froulière, nos participes eu ie sont en iet : c'est l'or-
thographe la plus ordinaire de la Chronique de Rains, qui
écrit (et prononce) càangiet, mangiel, congiet, nagiet^ logiet,
gaheigniet
Adont esloient coureciET pour Damiette qu'il avoient perdue.
(Ckron. de Rains.)
Et tous fusent, noiiet se li Soudans vosist.
(Ici.)
Mieus vuus le don avanchier, ke ce c'on soit i'R[iet.
(Li ars (l'amour.)
Et dist ke moult avoit grant pièce
Que n'avoit mangiet de si bone.
(Dolopathos.)
Mort sont ly doi baron moult fort marlrvET
Li soudans de Persie ot le cuer courouciEx
De cou que ly baron ne se soni reNovEr.
Pieres en a de cuer ploret et larmvET
« Et toi, dist li soudans, qui a fait l'esraGiiiT
De venir assalir, Lien as le corps taiLLiEr
De faire le vassal ; qui t'y a envovEx? »
Dist Pieres ly Hermites : « G'y alai sans cougiet. »
— Par Mahoin, dist li roys, s'ara mauvais marciEx.
— Je ne say, dist l'Iermites ; se m'avies méhaicNiET,
N'y demoroit païen n'euist le «ef trenciEX. »
Lors commande ly soudans c'on l'eust bien loyet,
Et a dit à se gent : « Soions bien conseiLLiEx.
Crestieu n'isteront, ains seront asséciEx.
Il n'isteront point hors ; il sont trop esmavEx,
Il les faut assalir, a ceval et a piet
Ou aultrement jamais ne seront exciLLiEx,
(Godefroy de Bouillon.)
Pour ce qui concerne les autres parties du discours, le glos-
saire fera lui-même les remarques nécessaires. C'est à ce qui
précède qu'il convient de borner les règles et observations
grammaticales qu'il paraît indispensable de connaître.
Qui raison tient et s'en demainne
De legier ne puet mesaler,
A tant en lairai le parler ;
660 GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS
Non pourquant asses matere ai,
Mais tant c'a ore m'en tairai ;
Si pri c'as enlendans souffle
Cou qu'en ait dit à ceste fie.
(Jean de Condé, H ilis dou frain.)
[A suivre.) N. Goffart.
UNE
ÉGLISE RURALE'
Du moyen âge jusqu'à nos jours
VILLERS-DEVANT-LE-THOUR ET JUZANCOUUT
Son Annexe
Ca. 1:1 ton d'ASFELD (Ardennes)
>Ofr-
IX
Questionnaire de 1774.
Demandes concernant l'éiat de l'Eglise et de la paroisse de Villers-
devant-Le-Thour, auxcjuelles M. le Curé de Villers est prié de donner
à la suite de chaque Article, sa réponse par écrit, qu'il envolera au
Secrétariat de rArchevêché de Reims, quinze jours après avoir reçu le
présent Etat.
Curé ? — Nicolas Dumont, prèire, docteur en théologie, diocésain,
âgé de quarante et un an^ prêtre depuis le 12 juin 1756, employé dans
le ministère dès le mois de 9'""<' de la même année, a exercé ses pou-
voirs à Saint Pierre et à Saint Jacques, paroisses de Reims ; est curé
depuis près de treize ans, a l'extension des pouvoirs, et n'a plus les
cas réservés depuis la mort de Monsieur de Rolian.
Patron ? — Le chapitre et le séminaire de Reims à l'alternative.
Seigneur? — {A Villers), Monsieur Lenoir, écuyer, conseilli r du
roi, à Paris, et l'hotel-Dieu de laditte ville, chacun pour moitié, aucuns
droits honorifiques '.
• Voir page 593, tome Vil de la Revue de Champagne.
1. L'Hôlel-Dieu de Paris possédait moitié de la baronnie du Thour, par
suite de la donation de M'" de Régnier du Doré, en 1041. — L'ilôtel-Dieu
de Reims possédait, de sou côté, une ferme a Villers, sans droits seigneu-
riaux, ainsi que l'abbaye de Sainte-Claire et le couvent des Carmélites de
Reims. Le prieuré de Loogueau, près Châlillon-sur-Marne, y jouit aussi
d'une rente : « L'an 1221, juin, Guillaume, archevêque de Reims, déclare
que Ciémeuce, femme de Alain de Roucy, a donné en perpétuelle aumôue,
à l'église de Longueau, 3lJ setiers de froment à prendre cbaque année à
Villers- devant-le-Thour, à la mesure dudit lieu, et payables à la Idte de
Saint-Remy, ainsi que sa part dans une maison située à Reims et provenant
de Pierre de Courville. » {Cartulaire du Priairé de Lonrjueau, par 1'. Pel-
lot et D. Noël, 1893, p. 52. — Extr. de la lievue de Champagne et de
Brie, 1895.)
662 UNE ÉGLISE RURALE
(A Juzancourt), Monsieur de Viliiers, lieutenant colonel dans l'ar-
tillerie, résident à Juzancourt, (qui) jouit de la nominalion au prône
et de l'eau bénite par présentation ; il y a aux environs dix huit ans
qu'on lui a accordé l'eau bénite par présentation, je ne sçais quand a
commencé l'usage pour la nomination au prône; la seigneurie est par-
tagée entre plusieurs, Madame de Semeuze, de Reims, en possède une
partie, mais le principal seigneur est ledit sieur de Viliiers.
Ressort? — Du baillage de Sainte Menehould, du Conseil supé-
rieur de Ghùlonis, de l'intendance de Champagne, de la subdélégation
de Ghàteau-Porcien, élection de Reims et maîtrise de Sainte Mene-
hould •.
Adresses ? — On n'a point d'autres messagers que les coquetiers,
qui vont à Reims ordinairement une fois la semaine; on peut adresser
les lettres chez M. Duinont, fabriquant, rtie Harbùlre, à Heims'^.
Dîmes'? — Les dîmes (à Villera) sont divisées en neuf porlions,
dont une pour le séminaire, une pour le chapitre de Reims, une pour
l'abbaye de Veauclerc, une pour celle de Lavalleroy, deux poui le
prieur de Neuville, et trois pour le curé; il n'y a point de dîmes
inféodées; le curé reçoit sur la dîme de Villers un préciput de huit,
septiers de froment, mesure au bled de Reims.
Les dîmes (à Juzancourt) sont divisées en neuf parts, liont une au
séminaire, une au chapitre de Reims, quatre à la Sainte (chapelle et
trois au curé; point de dîmes inféodées, '.e curé n'a aucun préciput sur
les dîmes de Juzancourt.
Etendue? — Il y a une ft;rme dite Trembleau, composée de neut
ménages, à un grand tpjarl <le liej, plus un moulin â eau, situé à
même distance •'; lt s cliemins sont aisés; il n'y a ni rivières ni ruis-
seaux ; le diamètre de lelendue de la paroisse (île Villers) est de plus
d'un demie quart de lii-iie.
Il y a une ferme dtîte les Barres, à un quart de lieiie de la paroisse
(de Juzancourt) et à une <4emie lieii de Villers ; les chemins sont en
rase campagne, il n'y a ni rivières ni ruisseaux ; le diamètre de
la paroisse est de jikis d'un demie quart île lieiie.
Secours? — Il y a un secour appelle Juzincourt, on bine dans
ledit secour de tems immémorial ; on l'u permis sans doute à cause du
nombre des iiabitans, et de l'éloignemenl de toute autre église.
Il y a des fonts baptismaux et un cimetière séparé de celui de la
paroisse de "Villers ; la chose est de tems immémorial, on ne scait qui
l'a permise.
1. Les ressorts Judielaires veuaienl d'être modiliés et subirent plusieurs
remaniements tuccesteifs sous les deux derniers règnes.
2. J.-B. Dûment, le père du curé, appartenait à une honorable famille
rémoise, alliée a celle du peintre Lié-Louis Férin, si ebliœé comme minia-
turiste. Voir les Travaux da IWcadémie de Reims, t. XVll, p. 110, et
t. LXXXIX, p. 283,
3. Le moulin de la Malaise, aujourd'hui détruit.
UNE ÉGLISE RURALE 663
Juzancourt est à une demie lielie de Villers, il n'y a point de rivière
à passer, la plus grande difficulté des chemins, c'est la longueur.
Communiants? — Il y a 350 communiants à Villers, et 140 à
Juzancour.
Paroissiens ? — Le caractère des habitans de Villers est à peu près
celui des autres hommes. Ils s'exercent à cultiver la terre, les vignes
et à maneuvrer.
Vicaires, etc. ? — Il n'y a point de \icaire. Il n'y a point d'ecclé-
siastiques résidans sur les lieux, autre que le curé.
Il y a un choriste et deux sous-chantres que la fabrique paye
annuellement, leur honoraire est de dix livres ; ils sont laïques, ainsi
que le maître d'école.
A Juzancourt, il n'y a point d'autres personnes attachés au service
de la paroisse que le maître d'école.
Station. — La station n'est point fondée, elle est d'usage ; mrs les
supérieurs envoyent le stationnaire qui a pour honoraire le produit
d'une quête, qui se monte aux environs de 36 livres pour l'Avent et
autant pour le Carême ; il prêche dans cinq églises, sçavoir à Saint
Germain-Mont, à Gomont, au Thour, à Villers et à Juzancour ; il y a
deux serm.ons par semaine dans ces églises, excepté Juzancour qui
n'en a qu'un ; les abus à réformer seroient, s'il étoit possible, la trop
grande facilité des stationnaires et le peu de rapport qui se trouve
entre leurs instructions et le besoin des paroisses.
A Juzancourt, l'honoraire du prédicateur se monte seulement à près
de neuf livres.
Heure du service ? — On suit l'usage pour l'heure du service
divin ; la messe se dit en éié à huit heures, et en hiver à neuf et
demie ; on dit la l'^''^ messe en hiver à Villers et la 2<= en été ; il n'y a
point d'autre règlement à ce sujet que l'usage, Le catéchisme se fait à
une heure et demie et les vêpres ensuite.
A Juzancourt, la messe se dit la 1ère q^ été vers huit heures, et la 2*
en hiver à neuf heures et demie ; le catéchisme se fait à l'issue de la
messe paroissiale ; les vêpres se chantent à deux heures.
Maître d'Ecole'^ — Il y a un maître d'école que les paroissiens
choisissent et paient moyennant un demie quartel de bled par ménage
chaque année et cinq sols par mois d'école de chaque enfant; son
casuel vient de l'assistance au service de l'église quand on le requière.
Le maître reçoit les garçons et les filles ; l'école se tient chez lui, il
y a aux environs de GO enfans à Villers, et aux environs de 25 enfans
à Juzancourt.
Registres ? — Les registres sont en bon ordre, les mortuaires sont
séparés, les baptêmes et mariages sont ensemble, ils remontent jus-
qu'à 1(J70. A Juzancourt, les batêmes, mariages et sépultures sont
ensemble.
Eylises? — L'église est suffisamment grande ; le sanctuaire a 13
pieds de longueur et 16 de largeur ; le chœur a 14 pieds de long et 14
664 UNE ÉGLISE RURALE
en large; la nef a So pieds sur 16 de largeur; le sanctuaire et les
deux chapelles sont voûtés ; la nef est seulement lambrissée, ainsi que
les bas côtés.
Pour Juzancourt, l'église a la morne largeur depuis l'entrée jusqu'à
l'autel ; le sanctuaire ne fait point une partie séparée do la nef; la
longueur totale de l'église est de 52 pieds ; elle est un peu trop petite
pour le nombre des paroissiens ; elle est lambrissée dans son entier.
Autels? — Il y a trois autels consacrés, le grand sous le titre de
Saint Renii, le 2' de la Sainte Vierge, le 3° de Saint Fiacre ; ils ont
chacun une pierre sacrée.
A Juzancourt, il y a deux autels consacrés, le 1'"" sous le titre de
Saint Pierre, le 2' sous celui de la Sainte Vierge ; ils ont une pierre
sacrée.
Lampe? — Il n'y a point de lampe allumée devant le très Saint
Sacrement.
Sacristie? — La sacristie est distinguée du corps de l'église, la
fadrique est chargée de l'entretenir.
A Juzancourt, la sacristie n'est pas distinguée du corps de l'église,
elle est entretenue par les gros décimateurs.
Cimetière ? — Il y a un cimetière bien fermé ; on n'y tient ni
foires ni marchés.
Réparations? — H y a peu ou point de réparations à faire à pré-
sent au chœur de l'église ; le pavé est en bon état. Il n'y a point de
réparations à faire à la nef, ni à la sacristie; les toits, murailles et
pavé sont en bon état; les fenêtres sont grandes et bien vitrées.
Clocher? — Le clocher est en bon état et les cloches, excepté la
plus grosse qui est cassée et ne peut être réparée, vu que la commu-
nauté est surchargée de frais.
A Juzancourt, le clocher et les cloches sont en bon état.
Chapelles ? — H y a deux chapelles dans un état décent, pourvues
du nécessaire, elles appartiennent aux gros décimateurs par l'usage.
A Juzancour, il y a une chapelle pourvue du nécessaire; elle appar-
tient aux gros décimateurs par l'usage.
Sages-Femmes ? — Il n'y a point de sage-femme, le chirurgien du
lieu fait la besogne, il est juré et doit savoir administrer le baptême en
cas de nécessité.
Fabrique? — Le revenu fixe est de 200 livres, établi sur des titres
en partie et sur la possession ; le casuel est à peu près de 50 livres J
il se prend sur le loyer des cloches et la vente des places; les chargea
ordinaires sont de fournir le luminaire pour le service de l'égliso, d'en-
tretenir les bans, les ornemens, de fournir le pain et le vin pour les
messes, de payer les honoraires pour les fondations et autres petits
objets.
Pour Juzancourt, le revenu fixe est de G5 livres, établi sur des titres
et en partie sur la possession ; le casuel est aux environs de 18 livres;
UNE ÉGLISE RURALE 665
il se prend sur le loyer des cloches, la venle di^s bans; les charges
sont les mêmes qu'à Villers.
On tient des bureaux de fabrique seulement au besoin ; il n'y a pas
de registre de conclusion ; l'on n'écrit que quand il le faut absolu-
ment ; le curé ne se charge nullement de la recette, il ne détermine la
dépense qu'avec les principaux fabriciens.
Le bureau est composé du curé, du marguillier en charge et des
autres paroissiens qui veulent bien s'y trouver ; on choisit le marguil-
lier en assemblée dans les fêtes de Noël, il reste un an en charge.
Les 'jomptes se rendent exactement ; ils sont suspendus depuis six
ans pour raison de refus de la place de marguillier fait par un fermier
du Trembleau, dépendance de Villers ; l'affaire est devant les juges
royaux.
La fabrique ne connoit ni dettes actives ni passives. On paye exac-
tement sans poursuite.
Fondations ? — H y a des fondations dans la paroisse qui con-
sistent en messes basses, messes hautes et vigiles et saints ; on ne
sçait pas précisément ce qui est assigné pour acquitter ces fondaiions,
elles sont exécutées. Il y a un tableau exact des fondations'.
Aisance ? — H y a des biens communs, je ne sçais en quoi ils con-
sistent, ni quelles sont les charge?.
Confrairies ? Il n'y a point de confrairies. Il n'y a point de pèleri-
nage.
Inventaire'! — Il y a un inventaire des titres, papiers et meubles.
Il n'y a point de coffre à deux clefs, les titres de l'église sont déposés
au presbilère, le curé seul en a la clef, l'argent reste entre les mains
du marguillier comptable. On ne distrait aucuns deniers delà fabrique
pour acquitter les charge? de la communauté, ile sont tous employés
pour la décoralioa de l'église et autres objets qui sont de droit et
d'usage.
Presbytère? — 11 y a un presbitère mis en bon état par le curé
actuel; il est à portée de l'église; il consiste en un corps de logis à
trois pièces, et un étage; en cour, jardin, fournil et écurie-.
1. 7 juin 1786. — Pièce autographe du cuié Dumont, avec sa signature
et celles de MM. Carlier, procureur fiscal. Prillieux. Meunier, Petitfds,
Druart, J. Poncelet, Bouré, Nicolas Prillieux, Dormèque et Legrand. —
Lettre adressée à l'archevêque de Reims relativement à la fondation d'un
salut le 8 décembre et d'une messe de Requiem le lendemain, par dame Eli-
sabeth Breart, veuve de Claude Fossier, laboureur à la ferme de Trembleau.
(Archives de Reims. Fonds de l'Arclievêché, Visites, Doyenné de Saint-Ger-
mainmont, Liasse de Villers-deoanl-le-Thour.)
2. Le presbytère ainsi désigné fut aliéné à la Révolution, et forme aujour-
d'hui une portion de la maison de M"" la baronne de Gourjault. La com-
mune acheta, après le Concordat, un nouveau presbytère qui se trouvait
compris, avec son jarf^in, à l'endroit de la place publique actuelle. Il fut
démoli en 1882, lors de l'achat du presbytère actuel, ancienne maison bour-
geoise avec ECS dépendances.
666 UNE ÉGLISE RURALE
Hôpitaux, etc. ? — Il n'y a poiiil d'iiupital. ni de chapelle castrale,
ni d'hermitages.
Rapport de fer? — Le droit du rapport de fer a lieu de tems
immémorial, il consiste à la moitié de la dîme sur les terres cullivées
par mes paroissiens sur les teiroirs limitrophes.
Nicolas DuMONT,
Curé de Villers devant le Thour.
(Archives de ReiniSj Fonds de l' Archevêché, ]isites.)
X
Institution du Maître d'Ecole de Villers-devant-le-Tliour
par l'Ecolâtre de Reims, en 1786.
Nous Nicolas- François- Bonaventure Pommyer de Rougemont,
Prêtre, [licencié es Loix, Ecolàire du Diocèse et (llunoine de l'Eglise
Métropolitaine de Reims : Faisons savoir à lous qui ces présentes
Lettres verront, qu'étant informé île la Foi, Probité et Capacité de
Jacijues Michaut, natif d'Asfeld, et en vertu de notre dignité d'Eco-
làtre, dont le droit d'instituer et de destituer nous ajiparlient, nous
avons établi et établissons Préfet et Maître d'Ecole de la paroisse Je
Villers-dt^vanl-le-Tliour, Doyenné de Germainmont (sic), jiour instruire
et enseigner la Jeunesse selon la Doctrine Catholique, Apostoli(|ue et
Romaine, Nous réservant à cet effet tous Droits de Visite, toutes et
quantes fois Nous le jugerons à propos ; et ces présentes Lettres d'ins-
titution ne vaudront seulement que pour une année, lesquelles seront
renouvellées en nous i ej)résenlant un Certificat de bonne conduite et
assiduité aux Ecoles, de M. le Curé de ladite Paroisse.
Donné à Reims, l'an du S'iigneur mil se])t cent quatre vingt six, le
dix huitième jour du mois de janvier, sous notre Seing, le Sceau de
nos Armes, et le Contre-Seing de notre Secrétaire.
(Signe -.) Pommveu de Rougemont,
Ecolàlre de Reims.
(Archives de /fetm«, Fonds du Chapitre, Registre d'institutions
de l'Ecolâtre, 1777-1790, in -4°, p. 250. — Les renseignements de cette
liasse concernent les institutions de maîtres d'école depuis le com-
mencement liu xvue siècle ; nous n'en avons point rencontré d'autre
concernant Villi'fs-ilevaut-le-Tliour, mais nous y avons vu des insti-
lutions très anciennes concernant Saint-Germainmont et Gomont.)
XI
Registres paroissiaux de Villers-devant-le-Tlaour (1657-
1794). — Analyse, mentions et extraits divers.
1057
« Registre baptistaire, Villiers devant le thour, faict et commencé
l)ar Clioilet^ m"'« d'escoile, suivant l'oidre (|ui luy en a estez donné
par Monsieur nostre maistre Hourguet, ji'"'*', docteur en théologie, curé
UNE ÉGLISE RURALE 667
de Villt^rs et doj.-n de sainct Germainmont, de l'an 1G57. » 1^'' bap-
tême, 25 juillet 1G57. — Cahier in-8, papier.
16G9
« Mémoire des Espoiizailles faits en la paroisse dud. Vil. ers en l'an
16C9. » — Barillv, curé.
1670
« Registre des baptèiues et é|)Ousailles en 1070. » — P. Vuilcq,
curé; son premier acte est du i<"' février.
1671
Même t'tre. — Galiier in-! 2, recouvert d'une feuille imprimée
en caractères goiliiques.
1674
La régularité des registres commence; les actes de Villers et de
Juzancourt y sont confondus'.
1685
28 janvier, baptême d'une lille que l'on nomme Claudine, le parain
s'appelle Jean Mouras ; » On a donné le nom de Claudme, à cause
qu'il y a desja Jeanne, une des filles dudit Mouras-. »
1G8G
il février, Jean Juda, hostelin.
1687 é
« I/an 1G87, le 9»^ scjitembre a estez deceddé Oudarl Bourdaire, pro-
cureur d'office. »
1688
« Dixiesme jour d'avril, jour de bon Pasques. »
1,G89
G janvier, François Decliery, sergent en la jusiice.
1690
14 juin, acte de baptême d'un eniant de Regnault Briiïoteaux,
tonnelier, suivi de cet erratum : « Quoy que l'act sy dessoubs escrite
de l'enfant Regnault BrifTolteaux, qu'il est dit que c'est nn fils, c'est
pourtant une fille : c'est que la belle mère c'est mesprise. [Signe) Vuilcq. »
1691
13 Janvier, M'^e Arnout Roger, procureur d'office.'
1692
a L'an 1G92, le 4 aoust, fut deceddé Jean Lojqiiu, de la parroisse
1. Les maîtrfs d'école rédigeaient les actes pour chaque localité, à en
juger par cette mention mise par le ciré à un acte du mois d août 1680 :
« L'yvrongiierie du M''= d'escoUe de Juzancourt a causé l'article exprès
brouilliée... » Registre de 1680.
2. Cette mention prouve que l'usage habituel et invétéré était de donner
à l'enfant le prénom du parrain.
668 . UNE ÉGLISE RURALE
de Rainneville', lequel revenoit de Champagne loyé^, le troisiesme
dudit moy tout malade, 11 y alloit huit jour, donc n'a pu aller plus loing
que ledint lieu de Villers, lequel est muny de tous ses sacrements avecq
assez de précipitation a cause de la grande nialady qu'il avoit en pleu-
rezy, présence de Jean Carré et de Pierre Dormecq, demeurans audit
Villers, tesmoings, et de Henry Chollet, m'' d'escolle. (Signé) Chollet.
Vuilcq »
Il octobre, f, Alexis de Saint Jean, religieux carme^ signe en l'ab-
sence du curé.
1693
A partir de la date du 3 janvier 1G93, le registre devient spécial à
c< Villers devant le tour et les Trembleaux », et les actes de Juzan-
court en sont distraits. Le registre est coté et paraphé par Louis-
Charles Béguin, écuyer, seigneur de Coëgny et de Châlons-sur-Vesle,
en sa qualité de lieutenant général au bailliage de Vermaadois à
Reims.
0 L'an 1693, le 23e septembre, fut deceddé Jean Chapelet, trouvé
mort dans son lit, fut inhumé le même jour au soir. [Signé) Vuilcq. »
1694
a Lan mil six cent quatre vingts quatorze, le sixiesme avril, audit
Villers, fut deceddé (le nom en blanc), qui mandoit l'aumosne, a dit
q' estoit le fils d'un garde du s"" de Vesly (?) (Signé) Vuilcq. »
Le 26 décembre, mariage de Jacques Bardin, mtf" chirurgien.
/ 1095
En tète du registre, Avertissement imprimé constatant le dépôt du
registre et du double, moyennant la somme de huit livres, « à laquelle
ladite paroisse est taxée suivant le tarif arrêté au conseil le 2^ octobre
1691, et à cause que ladite paroisse est composée de 156 feux, ainsi
que l'ont déclaré les habitans d'icelle. »
Le 30 août, mariage « entre Mt^e Denys Gravois, contrôleur aux
aides de Château, et Marie Anne Canelle, lille de IVH''*' Jacques Flamin
Ganelle, Bailli de Porcien, en présence de M^ Anthoine Vuilcq, cha-
noine de Sainte lialsamie de Reims, et M'""» Jean François de Mont-
fort, vicaire dudit heu. »
1696
Au cours du registre, mention de la visite d'un vicaire général de
l'archevêque de Reims : Visa pcr tios in cursu risitalionis noslrœ,
die XI t augusti anni XVI. XCVf. J. B. Dey de SEiiAccounT, vie.
gnl. — A la suite, on remarque une meilleure écriture des actes et
quelques changements dans les formules. Oa indique la réception dts
sacrements par les mourants; les signatures ou les marques des com-
parants sont plus nombreuses.
1. Canton de Chaumont-Porcien, Anlennes.
2. Ancien usage des habitants de la Thiérache d'aller faire moisson en
Champagne.
UNE ÉGLISE RURALE 669
Le 7 septembre, décès de « Henry Chollet, mailre d't5colIe,clercq'. »
1699
F. Franchonime, vicaire.
1700
A la fin du registre, se trouve la liste des personnes qui ont été con-
firmées de la paroisse de Villers devant le Tour par Monseigneur
l'Evêque de Bethléem, le 22 Juin 1700. On y compte 241 hommes,
femmes et enfants.
1706
Le 13 juillet, mariage « de Joseph Taté, veuf de defTuncte Jeanne
Maillet, de la paroi?se de Château portien, avec Jeanne Cambert, fille
de Pierre Cambert, de Villers. »
1711
Le 8 juin, mariage « de la veuve de Nicolas Mouton, décétié dans les
armées, dans la compagnie de Monsieur Canelle ledit Mouton
estoit en qualité de milicien auréginient d'infanterie de Grandpré. »
1712
Le IC janvier, « François Meunier, m* chirurgien. »
1714
« L'an mil sept cens et quatorze, le vingt neufième septembre, est
decedée M" Pierre Vuicq, ayant été munie des sacrements de l'Eglise,
cy devant Prbre Curé de cette paroisse, l'espace de quarante cinq ans
il a tenu la chaire de cette Eglise, il estoit âgé de soixante et onze ans
environ. Le lendemain Dimanche trentième septembre, veille de Saint
Remy, son sorps fut inhumé dans l'Eglise de cette paroisse par nioy
prbre Curé soubsignez. (Sans signature.)
L'an de grâce mil sept cens et quatorze^ le septième du mois de
Décembre, est décédé en cette paroisse Monsieur Valérien Bidault,
Bourgeois de Reims, vefve deDeffunte Margueritte Oudinet, sa femme,
estant âgé de soixante douze ans, ayant été munie des sacrements de
l'Eglise, le lendemain son corps fut inhumé dans l'Eglise de cette
paroisse, et ce en la basse nef du cotté droit, où nous l'avons porté
avec les cérémonies accoutumée le huitième dudit mois et en foy de
quoy jay signez.
(Signé) Feart, M. A. Bidault,
Curé du Thour. Curé de Villers. »
1717
Le 11 juillet, « Joseph Dejardins, lieutenant de Saint Germainmont
et de Villers devant le Tour, demeurant audit Saint Germainmont. »
1718
Le 19 mai, Marguerite Vacquelin, sage-femme.
1. Martin Deselle est indiqué plus loin comme son successeur, et, en
1704, figurent successivement en cette qualité Joseph Crinon et Marache,
puis, eu 1709, Jean Trousset.
670 UNE ÉGLISE RURALE
Le 9 novembre, J,-B. Féart, m* chirurgien.
Jean Coutlier, couvreur de paille.
1721
Le 4 août, Gérard Renard, mtre chirurgien.
Le 21 décembre, Louis Fossier, charron et laboureur, âgé de 55 ans
ou environ, inhumé dans l'église paroissiale.
Le 29 décembre, J.-B. Féart, m''' chirurgien.
1723
Le 12' octobre, « mort subite de Pierre Grandin, cependant ayant
fait ses pacques dans l'année. )»
1725
Le 2ô Janvier, NicoUe Prillieu.x:, âgée de 18 ans, inhumée dans
l'église de cette paroisse*.
Le 10 Juillet, « mariage de Messire Alexandre de Mailly, escuyer,
fils de messire Lou's de Mailly et de deffunte damoiselle Marguerite de
Grutus. de la paroisse d'Olizy-, avec Margueritte Jeanne Anceaux,
fille de leu Antoine Anceaux et de Jacqueline de P'-essigny, de cette
paroisse. »
1727
L'an de grâce mil sept cent vingt sept, le sixième Janvier, la jus-
tice de ce lieu a retiré le cadavre d'un homme noyé dans la petite
rivière proche le moulin de Chatillon déj)endant de cette paroisse; plu-
sieurs personnes ont reconnu que c'étoit le corps de Monsieur Ponce
Huyet, receveur de Serincouit'', et veuf de feue Damoiselle Magdeleine
Fouquet, lequel étoit péri par les eaux depuis quelques jours comme il
paroit par le procest verbal qu'on en a dressé : le susdit corps ayant été
conduit en cette paroisse, je soussigné Pre et Curé du même Ueu, à la
prière des parents et par Tordre de la justice, l'ay inhumé dans
le cimetière de cette paroisse sue le soir du même jour avec les céré-
monies accoutumées, après avoir cependant fait recherche de la catholi-
cité et probité du susdit sieur Ponce Huyet, comme de l'accident funeste
et imprévu de sa mort, dont on m'a rendu bon et suffisant témoignage.
Le lendemain jay chanté le service pour le repos de son âme. En foy
de quoy ay signé le présent acte conjointement avec M"^ Antoine
1. 7 novembre 1711. — « Pardevanl Guérin, notaire en Vermandois,
résidence de Sévigny, demeurant à l'abbaje de la Valleroy, vente au sieur
Perillieux, laboureur demeurant à la censé de Bétancourt, par D° Marie
Dumangiu, veuve de M" Louis Allain, et de D" veuve Hainssant, d'un
corps de cftnse seize et scituez au terroir de Villers devant le Thour et cir-
convoisins, venant aux dames vendresses par le décès de feu M" Jean
Dumangin, vivant conseiller du roi, receveur du grenier à sel de Cormicy,
consistant en maison, grange avec bergerie, bâtiments, jardin, etc, royé le
presbytère, moyennant 4,000 livres. » [Papiers de la famille Prillieux.)
2. Olizy, commune du canton do Grandpré, Ardennes.
3. Seraincourt, canton de Cbàteau-Porcien, Ardennes.
UNE ÉGLISE RURALE 671
Aubert^ do Reco\jvranci% Jean Baptiste Vuilry, île Vieux, .lean Thierry,
des Barres, et Nicolas Laplej de Serincourt, soussigné?..
(Signé) AuBEnr. Nicolas Lapie.
J. B. VuiTRY. THIEnUY.
A. iM. BiDAiLT, pre et cuni de Villi-ra. »
17-28
Le 28 mai, <■ Pierrs Dubuisson, meunier du moulin de la Mai-
laize '. »
« L'an de grâce 1720, le 30" du mois de Mars, est decedé en
cette paroisse le sieur Jean iïrnnçois Léj)onsé. surnommé Languedoc,
cavallier de la compagnie de Monsieur de Villiers, Régiment de Condé
cavallerie, actuellement en quartier d'hyver ici, le susdit Languedoc,
après avoir été muni des sacrements de l'Eglise, est decedé le jour et
an susdit à 3 heures après midy, âgé de 57 ans ou environ, en son
vivant mary de Catherine Le Page, il a été inhumé le landemain en
présence de la compagnie dans le cimetière de cette paroisse, oii nous
l'avons porté avec les cérémonies accoutumées. En foy de quoy ay
signé le présent acte conjointement avec Monsieur de Saint Jean,
mareschal des logis^ et Monsieur de Vaucouleur, brigadier de la même
compagnie.
[Signé) de Vaccoulecr, brigadier.
Saint Jean, maréchal de logis. Bidault. »
Le 24 décembre, Matliieu Savart, meunier du moulin de la Mallaise.
1730
Le 23 octobre, mariage d'un futur dont le père est absent depuis
plus dé vingt ans, la mère consent el « décharge le curé de tous les
événements du susdit mariage. »
1731
« L'an de giàce 1731,1e 28" jour du mois de May, est décédé subite-
ment et par un malheur inopiné, Jean 3Iarcoin, en son vivant mary
de Jeanne Dessoize, habitant de cette paroisse. Comme on le descen-
dcit dans le puit de Nicolas Garnbert pour en retirer un sceau, le tou-
ret ou trulon du puit s'est échappé des mains de ceux qui le tenoient
et est tombé sur la teste dudil Jean Marcoiu qui, ayant reçu le coup
mortel en entrant dans l'eau, n'a pu s'ayder de luy même pour en sor-
tir et personne n'a pu y entrer assez tost pour l'en tirer, cet accident
est arrivé sur les 10 h. du matin, en présence de Henry Marcoin, son
père, de Nicolas Cambert et de Gabriel de Laime; au cris desquels
toute la paroisse est accourue avec moy, et en notre présince on a
retiré mort ainsi malheureusement le susdit Jean Marcoin, âgé de 30
1 . Ce moulin était situé sur le ruisseau allant du Thour à Saint-Ger-
mainmont ; il a été incendié le 11 mai 1870 el sa destruction l'ut totale. L'em-
placement el les bois adjacents ont été acquis par M. le baron de Gour-
jault, en 1872.
672 UNE ÉGLISE RURALE
ans ou environ, le lendemain 29^ du même mnis, son corps a été
inhumé dans le cimetière de cette paroisse, où nous l'avons porté avec
les cérémonies accoutumées, en présence de sa veuve et des trois
témoins susdits et autres, lesquels ont signez et marquez le présent
acte avec nioy le même jour et an que dessus.
(Signé) N. Cambeht — Bidault, p'''^ et curé de Villers. »
Le 4 décembre, mort « «l'un enfant de sept mois, fils de gens de
Reims, étant en nourrice en ce lien, chez Pierre Foigny. »
1732
Le 28 décembre, baptême de Louise-Françoise, fille de M"" Nicolas
Prillieux, lieutenant de la baronnie du Tour, et de Nicolle Gilbert,
parain Louis Le Comte, marraine^, Gabrielle Prillieux.
1733
Le 12 décembre, « mort de Jeanne Lacaille, âgée de six jours, cette
enfant a été tirée du sein de sa mère par l'opération césarienne un
moment après la mort de sa mère et a vescu six jours. »
1734
Le 27 janvier, « baptême de Jeanne, fille de M'' Nicolas Prillieux et
de M"" Nicolle Gilbert; le parin a été M"" Jean Baptiste Gilbert, très
digne prêtre et curé de Magny', et la mareinne Gabrielle Prilleux,
soubz la conduilte de M* Magdelaine Regnault qui a répondu pour elle
et a signé le présent acte avec moy. Bidault. »
1738
A partir de cette date^ les registres sont cotés et paraphés par le
lieutenant général au bailliage de Sainte Menehou'.d (Signé Boileau).
Depuis l'année 1718, ils avaient cessé d'être délivras à Reims. Ils
étaient sur feuilles de timbre, sans intitulé officiel, ni cotes, ni paraphes.
1738, La Douce, m^fs chirurgien.
Le 27 juillet, « décès de d^"» Elizabeth Bidault, fille de M"" Valérien
Bidault et de dam^i'e Marguerite Oudinet, Bourgeois de Reims, âgée de
57 ans, a été inhumée dans l'église, en la chapelle de Saint Fiacre^ au
pied de l'autel, proche le confessionnal, »
1741
t Lan 1741, le 9e jour du mois de septembre, est decedé en cette
paroisse subittement et sans témoins dans sa maison, un homme âgé
de cinquante cinq ans environ, lequel quoique résidant en cette
paroisse depuis quelqu'année, n'étoit connu de personne, a fond, il
s'étoit donné le nom de Pierre Picard, quelque fois sous celuy de
Pierre Amory, de pierre Coureu, et ce cependant après sa mort une
personne de ses amis nous a dit qu'il s'appelloit en son vray nom
Charles Coutu, qu'il éloil cy devant de la paroisse de Tricou (?) près
1. Probablement Magny-la-Fosse, canton du Calelet, Aisne.
UNE ÉGLISE liURALE fi73
de MonUliiiier ', le lendemain son corj'S a été .'nhumé dans le cimet-
tiere de celle paroisse, où nous l'avons porté avf c les cérémonies accou-
tumées en prr^sence de M. Marteau et de Nicolas D.essoize soussignés.
[Signé) Bidault, Makteau. »
p. el c.
1745
Pechot, prêtre habitué; Marteau, clerc et maître d'école.
I7i7
En cette année^ on commence à séparer dans le même registre les
naissances et mariages des actes de sépulture.
1748
Il V a, dès cette année, un registre spécial pour les sé|)ukures, ledit
registre envoyé de Sainte Menehould, coté et paraphé par le lieutenant
général au bailliage (signé Hoileau},en vertu de la déclaration du Roi
du 9 avril 1736.
1753
On constate encore dans presque tous les actes de mariage i qu'il
a lieu après la cérémonie des fiançailles et les trois bans. . . »
Le 13 mars, « sépulture d'Elizabeth Bidault, sœur du curé, dans la
chapelle Saint Fiacre, au pied de l'autel, du côté de l'Evangile. »
Le 29 mars, « décès de Claude Monseignat, dit Carmagnol, lieute-
nant de grenadiers au régiment de Poitoux, croix Saint Louis, fils de
feu Nicolas Monseignat, âgé de 69 ans ; son corps conduit en la pré-
sence de la paroisse jusqu'au bout du village pour être mené en voi-
ture à la paroisse de la Selve ^, diocèse de Laon, où on doit l'enterrer
près de ses père et mère. » Son t'rère, Nicolas Monseignat, était maître
d'école de la Selve.
Le 29 mai, « décès de François Denault, âgé de 30 ans, marchand
forain de la jiaroisse de Grez, proche la Ferté Macé^, et Falaise en
Basse Normandie^, mort à sept heures du matin, il a été inhumé sur
les huit heures du soir. »
Le 16 novembre, « décès de Joseph Bajolet, garçon majeur, fondeur
d'étain de ?a profession, originaire de Settenais (?), jjaroisse et village
de Savoye. a
1754
En cette année, M. Carez signe comme curé, et Remy Polhier
comme vicaire.
Le 27 novembre, Jacques Bévière, chirurgien-juré de celte j)aroisse.
1 • Montdidier, Somme.
2. La Selve, commuue du canton de Sissonne, Aisne.
3. La Ferté-Macé, Orne.
4. Falaise, Calvados.
43
674 UNE ÉGLISE RURALK
17o5
En cette ann^e, signe M. de iJoncourl connue curé. Sun ilernier acle
est (iu 24 mai 1757,'.
17dG
Jean Fossier, maréchal de la censé de Trembleau.
Le 21 juin, « naissance de Marie Nicolle, fille de Glaire Marby, non
mariée. » Cette fille avoit « déclaré en jnstice (l'enfinl) provenir des
œuvres d'Arnould Bonjour, ladite déclaration en date du IG juin der-
nier, déposée au greffe et dûment controllée à Asfeld et appuyée du
certificat du chirurgien du lieu, par lequel il paroil que ladite Claire
Marby a persisté dans f-n susdite déclaration môme pendant les dou-
leurs de l'enfantement, ce certificat a été aussy controllé à Asfeld le 21
juin suivant. » (Signé) de Boncouut, curé.
Le 9 novembre, ,. après la cérémonie des fiançailles, mariage de
Claire Marby avec Arnouit Bonjour, Milicien (de cette paroisse), en
vertu d'une permission bien signé et scellé du sceau du sieur Dero-
bert, commandant d'un battaillon des milice <Ie Rethel Mazarin. à pré-
sent en garnison à Ivonwy (Longvuy) "■', en date du 4* octobre, ladite
permission confirmée et légalisée par une autre lettre missive dudit sieur
Desrobert, aussy daltée de Longwy du 27 Sl^^e dernier, le tout en
bonne forme pour constater le défaut d'engagement de la pari dudi;
Arnouit Bonjour avec toute autre que ladite Claire Marby. »
1759
Le 20 septembre, mention de Pierre Antoine Desoize'', acolite,
demeurant à Reims, originaire de Yillers. Il com|iarait ensuite le 7
Septembre 1763, comme iirètre, bachelier en théologie, sous-iirincipal
du collège de l'Université de Reims, encore avec les mêmes qualités le
n octobre 1764 et en novembre 1766. puis comme licencié en théolo-
gie en 1767, enfin comme curé de Sévigny le 10 octobre 1769, et doyen
de Saint-Germainmont tn 1782.
1761
Remy Pothier, desservant, signe son dernier acte le 7 Septembre
1761. Il apparaît en 1764 comme curé d'Heutrégiville ^.
1 . A cette date, Jean-François Aubriot de Boncourt lut arrêté en vertu
d'une lettre de cachet, probablement pour cause de Jansénisme, et détenu
à Rouen dans la maison de Saint- Yon, où il donna, en 1761, ta démission
de la cure de Villers, en faveur de Nicolas Dumont.
2. Longivy, Meurthe-et-Moselle.
3. Curé de Sévigny en 1768, l'abbé Desoize ne prêta pas serment à la
constilulion civile du clergé et émigra.
4. Né à Reims en 1727, mort dans la même ville en 1812, Remy Pothier
devint chanoine de Laou et émigra à la Révolution. Il composa plusieurs
ouvrages, un entre autres en 1776, sur l'Apocalypse, qui fut brillé par ordre
du Parlement. Voir la France littéraire de Quérard, t. VII, p. 247 et 294,
la Biographie universelle, Micliaud, et la Biographie générale, Didot. Cf.
Catalogue du Cabinet de Reims, t. I, n»» 531 et 606.
UNE ÉGLISE RURALE 675
Le premi(?r acte signé fiar M. Nicolas Dumont, pr(*'tre, docteur en
théologie, comme curé de Villers, est un mariage du 3 novembre 17(51,
et il tient sans interruption les registres jusqu'en décemijre 1792
comme registres paroissiaux, et jusqu'en 1794 comme registres de
l'étai-civil.
1763
Le 23 octobre, baptême célébré par Alexandre Demailly, prêtre,
religieux cordelier. Il signe encore en juillet 1766, comme religieux de
la maison de Péronne et natif de ce lieu de Villers, où il mourut en
1776. (Voir plus loin.)
1764
1764, Rémi Bernard, meunier de la Malaise.
Le 4 mai, Jean Baptiste Riflart, prêtre habitué de Juzancourt,
annexe de cette paroisse ',
Le 3 juillet^ « mariage de Paul-Alexandre Garlier, ancien chirur-
gien des armées du Roi, fils d'Alexandre Carlier, maître en chirurgie
et procureur syndic de la viile de Marie, avec Marie Magdeleine Bevière,
fille de Jacques Hevière, maître en chirurgie et receveur de la terre et
seigneurie de Villers devant le 'l'hour, »
Le 7 août, « naissance d'un enfant de Jeanne Angard, ledit enfant;
provenant de Jean Cholet, garçon majeur, demeurant audit lieu, sui-
vant la déclaration que ladilte Jeanne Angard a faite et affirmée par
devant Maître Paul Le Roy, juge en garde dudit lieu, assisté de
Jacques Bevière, son greffier ordinaire, dont acte a été dressé lesdits
jour, mois et an que dessus. »
1766
Le 11 février, « promesse et consentement de mariage en présence
de Jean Fossier, laboureur à Trembleau, oncle et curateur de l'époux,
par acte judiciaire homologué en la justice de Juzancourt, insi-
nué, etc. »
1767
François Mourel-^ prêtre habitué de la paroisse de Juzancourt.
Le 2 novembre, a décès de Gilles Gacoin, procureur fiscal de ce lieu,
âgé de 87 ans. »
1773
Le 24 décembre, « vers huit heures et demie du matin, ont été
trouvés morts et égorgés dans leur maison Michel Brimonf, auber-
giste, âgé d'environ 68 ans, et Jeanne Françoise Paillion, son épouse,
âgée environ de 60 ans, lesquels après la visite juridique faite de leur
cadavre le dit jour, ont éié inhumés le lendemain, du consentement
des officiers de la justice du lieu_, au cimetière, etc''. . . »
1. Sur J.-B. Rifiart, voir l'analyse des registres de Juzancourt, sous l'an-
née 1764.
2. Sur François Mouret, voir plus loin l'analyse des registres de Juzan-
court sous l'année 1767.
3. Les auteurs de cet assassinat étaient J.-B. Thoury et J.-B. Carré,
676 UNE ÉGLISE RURALE
(Signé) Bardix, procureur fiscal.
Beviere.
ReMY BniMONT.
DuMONT, curé.
1776
Le 15 février, « mort de Nicolas Alexandre Domailly, religieux cor-
delier de la maison de Soissons, inhumé dans l'église de ce lieu. » —
Ce religieux était venu à Villers a voir dame Marguerite Jeanne
Anceau, sa mère, veuve de Messire Alexandre de Mailiy, habitant de
cette paroisse et il y mourut, témoin de sa sépulture, Maître ,T.-B. Marc
Antoine Anceau, notaire royal à Mazarin, son cousin germain. »
1780
1780, J.-B. Drubigny, meunier à la Malaise.
Le 18 février, Jean Godfrin, prêtre, vicaire de cette paroisse.
Le 6 juin^ Claude Rogier, maître d'école ; Thomas Lacaiile, clerc
tonsuré.
1781
Henri Goffarr, prêtre, bachelier en théologie, vicaire de cette
paroisse.
1786
Jacques André Froment, prêtre, vicaire du Thour.
Le 23 octobre, baptême par Pierre-Nicolas Legros, prêtre, licencié
en théologie, professeur au collège de l'Université de Reims'.
1788
Pierre-Nicolas Anot, prêtre, sous principal du collège de Reims^
bachelier en théologie*.
Liste des confirmants de l'année, comprenant 69 personnes de 6 à
12 ans^ une de 25.
1789
Le 15 mars^ dernier acte de décès signé par M* Nicolas Dumont,
élu député du clergé du bailliage de Vitry-le-François, avant son
départ aux Etats généraux assemblés à Versailles^. Pendant son
domestiques de charrue à Villers. Sur le crime et rexéciition des assassins
à Roucy (Aisne), en 1774, voir les Affiches de Reims, par Havé (a' du 15
août 1774). et la Revue de Champagne et de Brie, novembre-décembre 1894,
pp. 808-809.
1. L'abbé Legros, né à Saint-Germainmonl (Ardennes), en 1753, devint,
sous le premier Empire, proviseur du Lycée de Reims, et conserva dans
cette ville la plus haute influence sur réducation de la jeunesse. Il mourut,
étant vicaire général, le 20 janvier 1832.
2. Voir sur l'abbé Anot, né aussi à Saint- Germainmont, une notice fort
intéressante de M. le chanoine Cerf dans les Travaux de l'Académie de
Reims, t. XCII, p. 364 à 386.
3. Pendant son séjour à Versailles, l'abbé Dumont habitait rue de Mont-
boron, n" 11.
UNE ÉGLISK RURALK 677
absence, les actes sont signés par Louis-Joseph Buquoy, son
vicaire '.
17 '.10
Le registre est signé en tête par Gilson, lieutenant particulier au
bailliage de Sainte MenehouM, pour l'absence du lieutenant général
Lesure, député aux Etats généraux.
Le supplément du registre est signé par Jean Nicolas Philippot,
notaire royal et juge de paix du tribunal de la Justice du canton de
Saint-Germainmont, le 23 novembre 1790.
17'.)l
Le registre est coté par Jean-Pierre Camus, juge du tribunal du Dis-
trict de Rethel.
Jacques Michauf, maître d'école.
Le 21 octobre, Nicolas Dumont apparaît de retour et signe tous les
actes de l'année 1792.
1792
Les registres^ paraphés par Robert-François-Stanislas "Vuibert, juge
du Tribunal de Rethel, sont tonus par le curé et son vicaire, dans la
forme ordinaire, énonçant les dispenses accordées par M' Philliert,
évêque du département des Ardennes^, enregistrées à Sedan (Janvier
1792). Les derniers actes signés par Nicolas Dumont comme curé
portent la date des 25 novembre et 8 décembre 1792, et sont immé-
diatement suivis de la mention qui constate la création de l'état-civil
actuel : « Le présent registre a été clos et arrêtté par nous officier
municipal soussigné, ce 19 décembre 1792, (signé) Druart. »
Suit un acte de mariage, daté du 20 décembre 1792, l'an premier
de la République, dressé et signé par Nicolas Dumont, officier public
et curé de Villers. Toute formule religieuse en est bannie, l'officier
public constate le mariage des futurs en ces termes : « Nous avons
prononcé au nom de la loi qu'ils étaient unis par le mariage », sans
mention de la cérémonie religieuse qu'il accomplissait ensuite.
1793
Trois registres, paraphés par Remacle Watellier, membre du direc-
toire du district de Rethel, sont alTectés désormais à l'état-civil; ils sont
remplisd'actessignéspar Nicolas Dumont, en sa qualité d'officier public
de la commune, nommé en exécution de la loi du 20 septembre 1792.
Il s'intitule encore « membre du conseil général de la commune, élu
1. L'abbé Buquoy continua, autant qa'il le put, son ministère pendant la
Révolution, et devint curé-desservant de Villers à partir du 7 fructidor
sa XII jusqu'à son décès, en 1828.
2. Nicolas Philbert, curé de Sedan, élu évêque constitutionnel des
Ardennes. — Nicolas Dumont suivit, tant qu'il resta à Villers, la juridictioa
de cet évêque intrus, mais à Reims, il tenta, le 24 novembre 1"96, une récon-
ciliation avec son ancien archevêque, M. de Talleyrand, et écrivit même le
texte du projet de réunion des prêtres assermentés, qui ne paraît pas avoir
abouti. {Bibliothèque de Reims, autographes.)
678 UNE ÉGLISE RURALE
le 9 décembre 1702 pour dresser les actes destinés à constater les
naissances, mariages et décès des citoyens*. »
Le 26 avril, « mort de Jaques Michaiit, maître d'école du lieu, âgé
de trente ans et demi, lils de Philhert Michaut, ancien maîlre d'école
à Asfeld. »
Pierre Petit le remplace comme instituteur-.
Le dernier acte de naisFance, signé par Nicolas Dumont comme ofD-
cier public, est daté du 26 prairial an II, et le dernier acte de décès
du 24 messidor an II. L'acte suivant est signé « pour l'absence de
N. Dumont » i)ar N. Prillieux, le 11 tliermidor, même an.
Il n'y eut que deux actes de mariage dans le courant de l'année
1794, le premier du 25 fructidor an II, est signé par N. Prillieux
« pour l'absence du citoyen N. Dumont, officier public de la com-
mune. » Le 19 vendémiaire an III, apparaît Clauda Remy Prot, agis-
sant comme officier public de la commune, et le rôle de Nicolas
Dumont est terminé après trente-trois ans d'exercice-'.
1. La loi du 20 septembie 1192, qui créa l'éiat-civil, prescrivait Téleclioa
dans chaque commune d'un olficier public chargé de recevoir les déclara-
tions et de tenir les registres. Ce fut la loi du 28 pluviôse an VIII qui con-
fia celte mission aux maires et adjoints.
2. Pendant la Révolution, l'instilutenr Pierre Petit, âgé de vingt- sept
ans, fut désigné par le district de Rethel, le 1" nivôse an III, pour être
envoyé à Paris, comme élève de TEcole normale que la Convention venait
de fonder. {Hevue historique ardcHnaise, juillet-août 1895, mélanges, p. iOI).
— Les instituteurs de Villers furent successivement, depuis le commence-
ment du siècle : MM. P. Boulangé, Joly, D. Censier, olficier d'Académie,
et Paruilte, actuellement en Ibnclions.
3. Nicolas Dumont se retira djns sa iamille à Reims, et ne fut pas
inquiété sous la Révolution. Il prêta tous les serments requis, et mourut pen-
sionnaire de l'Etat, le 21 juillet 1806, à l'âge de 75 ans. Aussitôt sa mort,
on mit en vente ses propriétés, dont voici le détail : — « Biens immeubles
dépendant de la succession de M. Dumont, ancien curé de Villers-devant-
le-Thour, consistant : 1" en une terme contenant plusieurs pièces de terre
sises au terroir de Villers-devant-le-Thour et terroirs eirconvoisins, faisant
ensemble 17 hectares, 5 ares, 10 centiares (28 jours et dem^ environ) ; 2" en
4 pièces de bois sises au terroir dudit lieu, contenant ensemble 5 hectares,
70 ares, 39 centiares (10 arpens 81 verges); 3° en une autre ferme consis-
tant en plusieurs pièces de terre et une pièce de pré aux terroirs de Crugny
et eirconvoisins, contenant ensemble 14 hectares, 33 ares, 46 centiares (29
arpens 37 verges) ; A° Et en une maison sise à Rheims, rue des Auguslius»
n" l5, consistant en 4 places basses, 4 chambres au premier, greniers, caves,
remises et beau jardin. — L'adjudication des dits biens se fera, savoir, de
la ferme de la ferme de Villers devant le Thour, eu gros, et des bois sis au
terroir dudil lien, en détail, en la maison de Rémi Chollel. fermier audit
Vilters devant le Tliour, le dimanche 14 décembre 1806, onze heures pré-
cises du matin ; de la ferme de Cruijny et de la maison de Rheims, en l'élude
de M' Doijen, notaire impérial audit Jtheims, le mercredi 17 du même mois
de décembre, deux heures ne relevée. 11 y n toute sûreté pour acquérir. On
accordera des facilités pour le payement. » {Journal, affiches, annonces et
avis divers du département de la Marne, a° 94, 15 yl^ie 1806, p. 374.)
UNE ÉGLISE UURALK 679
(Archives de V Etal-Civil^ a la Mairie de Villers-decant-le-
Thour.)
XII
Registres paroissiaux de Juzancourt (1693-1793).
Analyse, mentions et extraits divers.
1693
A panir de cette année, un registre spécial doit être tenu pour la
succursale lie Juzancourt, les actes anléri'Mirs sont inscrits sur les
registres de la paroisse de Villers. Jlais la suite des registres ne
devient néanmoins régulière que plus tard pour la succursale.
1715
Le 17 juin, bénédiction par M' Marc Antoine Bidault, prêtre curé
de Villers devant Le Thour et de Juzancourt, d'une cloche dans la
paroisse de Saint-Pierre de Juzancouri, laquelle cloche fut nommée
Morie Suzanne par Messire Jean Dubois, chevalier, seigneur d'Escor-
dal et de Juzancourt, vicomte de Savigny, Et présentée par dame Mario
de Hézècques, V^»' de Mbssire Jacques de Villiers, en son vivant, che-
valier, seigneur d'Escordal, de Baillia et de Juzancourt. lesquels ont
fait leur oliVande à ladite église et ont apposé leurs armes eu monument
éternel, à cause qu'elles n'ont point été gravées sur ladite cloche.
(Signé) -. d'Escoudal et Maiuk de IIezecques,
avec deux sceaux en cire rouge armoriés.
1741
Jacques Briois, maître d'école.
1762
Le premier acte signé à Juzancourt par Nicolas Dumont est du 20
février 1762, tous les actes précédents sont signés de Remy Polhier,
desservant. — Le 23 avril 1762, ce dernier est indiqué comme
« vicaire de Norois'. »
1764
Le 5 janvier, acte de baptême signé par J.-H. Rillart, « prêtre habi-
tué de C(3tte par-oisse. » Autres actes du iiièm'% des 7 et 17 janvier, 5
mars de la même année, signés conjointement avec le curé Nicolas
Dumont par J.-B. Riflarl-.
17g:;
Les registres oITrent un certain nombre d'actes concernant les
1. Naii7'0ii, canton de Beiue, Marne.
2. Consulter sur la vie de ce prêtre, né à Jiizancourl en 1733, une inlé-
ressanle biographie iuliliilée : Un Confesseur de la f>i, ou \'ie de Mon-
sieur J.-B. liifflarl, vicaire de Sau ces el de Marquignij-aux-Bois
[Ardenncs),curé de Nainpcelle el Bancigny (Aisne), et missionnaire pen-
dant la Révolution, 173J-179J, par l'abbé (i. REtmiOT, curé de Nampcelle-
la-Cour. — lieims, F. Michaad; Vervins, Anterl-Camus, l»81l, un volume
in-8° de XI-27U pages.
680 UNE liaLISE RURALE
familles nobl-rS Dubois d'Econlal, d'Aguisy, de Hezecqiies, de Villiers,
De'.igny, etc. Ea voici un exlrait relatif à ces derniers :
Le 18 juin 1765, J.-B. Rifïlart, prêtre du diocèse de Reims, célèbre
à Juzancourt, en présence du curé Nicolas Dumont, de Messire Pierre
Ignace Deligny, chevalier, seigneur de Juzancourt, et de Jean Louis
Dubois d'Ecordal, autre seigneur, le mariage de Jean Bouré. do Villers,
avec Marie Françoise Rifïlart, fille de défunt Pierre RifKlart, laboureur,
et de Louise Cellier. Tous les comparants ont signé.
1767
François Mouret signe jjlusieurs actes en qualité de « prêtre habi-
tué de la paroisse de Juzancourt '. »
1773
« Lan mil sept cent soixante treize, le douze février, sont nés trois
enfans mâles à Thomas Dubois, jardinier de M'l« de Semeuze, dame de
ce lieu, et à Marguerite Du poivre, son épouse, et sont décédés après
avoir été ondoyés à la maison par M'"« Carlier chirurgien juré à Villers
devant le ihour, à cause de la nécessité urgente au moment de leur
naissance, et ont été inhumés le lendemain au cimetière de cette
paroisse avec les cérémonies accoutumées en j)résence de leur père et
autres témoins soussignés.
{Signé) Diimont, curé.
Thomas Dubois.
Piere Sogvaut. »
1789
Les actes sont signés par Nicolas Dumont jusqu'au 5 avril. Le 15
mars, acte signé par i Louis-Joseph Ruquoy, prêtre, vicaire d'Asfeld-
la-Ville, pour l'absence de M. le curé de Villers devant le Thour et
Juzancourt. » La suite des actes est signée par L. J. Buquoy, en qua-
lité de vicaire de la paroisse de Juzancourt, jusqu'au 26 février 1792.
A cete date, Nicolas Dumont signe un acte de sépulture, \n\is les
autres actes jusqu'au 27 octobre 1792, où il signe son dernier acte.
Le 2 novembre 1792, les officiers municipaux ont clos et arrêté le
registre, (signé) Briois, secrétaire. Jacques Briois signe ensuite tous
les actes en qualité d'oflicier public, notamment le 9 novembre 1792,
1. Le 16 décembre 1787, — lettre de M Mouret, chanoine de Saint-Pierre
de Mézières, proposant l'érection de Juzaacourt, son village natal, en cure,
et la construction d'un presbytère près de l'église, il ajoute : « M. Dumont,
curé, ne verroil probablement pas volontiers cette érection, a laquelle il
pouiroit se prêter facileiuenl, à raison du bien assez honnête qu'd a acquis
et qui le met dans un état d'opulence. Son bénéfice de Villers seat vaudroit
peut être encore bien 2,oOJ livres. J'ai toujours bien vécu avec lui, je vous
prie de ne lui donner aucune connoissance de ces réflexions qui nous brouil-
leroient infailliblement. » Archives de Reims, Fonds de l'Archevêché, Visites,
Doyenné de Saint Germainmonl.
UNE ÉGLISE RURALE 081
la déclaration de naissance d'un fils du « citoyen Nicolas Gobron,
maître d'école de Juzancourt. »
{Archives de l'Etat-Cioil de la Commune de Jusancourt, à la
mairie de celte commune.)
Henri Jadart.
LES
CHANSONS DE PERRIN D'ANGECOURT
Ou ne possède aucuu document historique relatif à l'exis-
tence de ce poëte qui, suivant une tradition établie dès la fin
du xiii° siècle, porte le nom de Perrin d'Angecourt. Tout ce
que l'on peut savoir de sa vie, et c'est par ses chansons qu'on
l'apprend, c'est qu'il la passa à chanter l'amour, du nord
au midi de la France ; qu'il séjourna à Paris et résida en Pro-
vence; qu'il fit partie de la confrérie poétique dite Puy d\Ar-
ras, où il eut l'honneur et le plaisir de voir couronner une de
ses chansons ; qu'il collabora à un jeu-parti avec Charles,
comte d'Anjou, qui fut cerlaiuement un de ses plus fidèles
protecteurs, et avec qui il entretint des rapports annonçant
jusqu'à un certain point une amicale familiarité ; qu'il adressa
des chansons à Guy de Dampierre, comte de Flandre, au duc
de Brabant Henri III. au sire de Gressou-Essari, à un certain
Mignot, à Philippe Chauçon demeurant à Paris ; enfin à une
dame de Metz.
Nous avons recueilli trente-huit compositions, parmi les-
quelles six prononcent son nom et ne laissent pas de doute
qu'il en est l'auteur ; les autres lui ont été attribuées par les
copistes du xiv^ siècle, qui ont écrit et complété les recueils
conservés dans nos dépôts publics. A la seule Bibliothèque
nationale, nous avons pu puiser daus dix de ces recueils,
numérotés 845, 84(5, 847 (ancien fonds Caugé) ; lo91 (ancien
fonds français) ; 12.581 (Supplément français-) ; '20.(150 (F. S.
Germain); 24.400 (La Vallière) ; 1G87, l(:)88, 1689 du fonds
Moreau, où est fondue l'ancienne collection Mouchel, conte-
nant les copies faites par Lacurue de Sainte-Palaye, du
célèbre manuscrit Bougars, de la Bibliothèque de Berne. A
l'Arsenal, outre le Recueil de Paulmy, catalogué sous le
n° 5198, nous avons consulté les volumes 3101 et 3102, copies
faites par le même Sainte-Palaye, sur les manuscrits 1490
et 1522 de la Bibliothèque Vaticaue, donnés par la Reine
Christine, qui les avait elle même acquis du président Fau-
chet. Nous avons comparé également les quelques pièces
qu'ont éditées MM. Keller, Tarbé et Louis Passy, et spéciale-
LES CHANSONS DE PKURIN d'aNGECOURT 083
ment les analyses que ce deruier a faites d'uu manuscrit de la
bibliothèque de Sienue, où l'ou rencontre onze chansons
de Perrin. Tous les jeux-partis paraissent avoir été exclus des
copies détenues à Pari.-i : le recueil La Vallière seul a enre-
gistré un jeu-parti par Perrin au comte d'Anjou • les autres se
soQt trouvés à Berne et à Rome, Voici l'énuméraiiou que nous
pouvons faire des diverses chansons de Perrin d'Angecourt :
nous les indiquons par le premier vers de cha(^ue pièce,
en conservant à peu près l'ordre du manuscrit 845 ; il repro-
duit sensiblement l'ordre donné par Fauchet, qui le premier
fit une analyse des productions des trouvères du xiii° siècle, en
sou Recueil de l'Origine de la langue et poésie françoise (1610).
i. Jamais ne cuidai avoir [84a-6-7, 1591, 24,406, Ar].
Chanson envoyée par Perrin à sa dame, pour qui il séjourne
à Paris. Chaque couplet répète les deux derniers vers :
« Chanterai joliement — En esi)oir d'alé^ement. »
2. Il ferait trop bon mourir [845-6-7, 24, 406-Be-Ar].
Envoyée encore à sa danip, qui le fait trop languir. Li'S rimes
sont répétées vers à vers d'un couplet à l'autre. Il y a huit
couplels.
3. Quant ti ciiicejus i'escrie [8 i-5-7, 24, 4('G-Be-Ar-2O.O50].
4. Meneur et boue aventure [8'io-6-7, 2i.406-Ar-Tarbé].
Fournie pour sa dame, cette chanson réjjète le dernii-r vers
de chaque strophe : Perrin s'y nomme au premier couplet, qu'il
termine ainsi : « Perrins ne lera son ioiif usage. »
D. Bone aviour, conseillés -moi ! [84;i-7, 24.406-Tdrijé, Ar].
Perrin est encore nommé ici, et deux fois. Non seulement
les rimes sont copiées d'un couplet à l'autre, mais les deux der-
niers Vers se répèlent en refrain
6. Chancon veuil [ère de moi [846-7, Va-Be].
Perrin met celte déclaration dans la bouche de son amie, qui
avoue n'avoir jamais aimé et se vante de ne vouloir jamais se
marier.
7. Oncques ne sui sans amour [845-1591-24. 406-Ar-TarbéJ.
Rimes identiques dans tous les couplets, qui finissent par le
refrain « Pour mal souli'rir. » Celle chanson, suivant Lony-
chamjjs, accuse le dévergondage de Perrin.
8. Au tens nouvel [84.V24.406-La Borde, Tarbé^ Dinaux, Michel, Arj.
Pastourelle légèrement troussée et un peu gaillarde, où le der-
nier vers, irrégulier et mal ajusté à l'ensemble, consiste en un
refrain populaire, ditlerent pour chaque coujilet. Résu[ne le Jeu
de Robin et Marion.
9. Contre la froidor [845-7-24. 40G-Ars.]
Rimes répétées vers à vers dans chaque couplet.
684 LES CHANSONS DE PERRIN d'aNGECOURT
iO. Hélas ! or ai-ge trop duré [845-24.400].
A'iressée à sa « dame au cors gent. ». Slrophes homorimes,
comme au n» 9.
11. Quant H biax estez repère [84o-6. 24.406-Ar].
Strophes homorimes. La chanson envoyée d'abord à la dame
pour qui sont tous ses chants, et ensuite au Conte d'Anjou.
12. Quant voi le félon tens fine [84o-6. 1 591-24. 406-Ar].
Couplets homorimes. Envoi au duc de Breban.
13. Quant te voi Verbe amatir [84o-G, 14.406-Ar-Dinaux].
Le dernier mot d'une slance commence le couplet suivant.
14. Très haute amor qui tant s''est aftt'ssie [845-6, 24. 406-Ar-Tarbé].
Ilomorime. Le manuscrit de Paulin j est le seul qui donne
cette chanson à Perrin : quelques autres la supposent du roi de
de Navarre, Thibaut de Champagne.
15. Amors dont sens et courtoisie [845-6, 24.406-Ar].
Cinq couplets liomorimes, adressés à Philippe Chauçons, à
Paris.
16. Quant voi, en la fin d'esté [845-6, 24.406-Ar].
Cinq cou|)lets homorimes à refrain : « Quand ma dame plera
— Joie aurai. »
17. Onques pour esloignement [845-6, 24 406].
Envoi à Mignot, qui est chargé de prier instamment « Hone
amour ».
18. rai un iolif souvenir [845-6, 24. 406-20. 050-1591-Va-Be-Ar-
Tarbé].
C'est la pièce couronnée à Arras.
19. Li iolis mais ne la fieur qui blanchoie [845-6^ 24. 406-20. OoO-
1591-Ar-Va-Be].
Cinq couplets homorimes.
20. // nerne chaut d'esté ne de rousée [845-G, 24 406-1591-12.581-
Ar-Va-BeJ.
Cinq couplets homorimes.
21. Je ne chante pas pour verdor 18i5-24.406-l2.581-l59l-ArJ.
22. Quant partis sui de Prouoence [845-1591-24. 40G-Ar-Tarbé].
Perrin, qui envoie sa chanson « à la flor des dames a droit
iugier, » exprime son vif désir d'aller en France.
23. On voit souvent en chantant amenrir [845-6. 1591-24. 406-Va].
Cinq couplets homorimes.
24. Lors quant ie voi le buisson en verdure [845-1591-24. Î06-Va-Ar].
Cinq strophes homorimes, avec un envoi à Gui, le conte de
Flandre.
25. Biau m'est du tens de gain qui verdoie [845-159 1-24. 406-Ar].
Cinq couplets homorimes.
26. Haute espérance garnie [845-24 406-Ar].
Chaque couplet, homorime, répèle le vers : « où riens ne
faut de bien ne de biauté. »
LES CHANSONS DK PERKIN d'aNGECOL'RÏ 68j>
27. Quant li binx est' z revient [845-Ar].
Le dernier vers <le ch.ique strophe riino aveo le premier du
couplet suivant.
"28. Quant li Jtouviaus tens dé fine [I5'.)l '.
Pcrrin se nomme dans c-lte chanson, qu'il envoie à Cresson
Essart.
29. Je nai loiiir d'assez penser |^l59l-Be\
« Chanson, à ma dame l'envoi. »
30. Je ne suis pas esbahis [l59l-Be].
Sept couplets humorimes.
31. On jues à faire chanson [Sienne, Passy].
Cinq couplets homorimes.
32. Au reiiairii-r ljuc te fis de Prouveme [ 1591-TarbéJ.
Cinq couDleîs. Avec la chanson i\° 22, celle-ci fournit la
pieuve que Perrin suivit Charles d'Anjou dans son comté
<le Provence, qu'il avait acquis par son mariage avec Béatrix.
33. Mais ne avris ne printemps [lie].
Envoyée a tout droit à Mes, à la belle »
34. // convient k'en la candeille [Va].
Si.x couplets écrits dans le dialecte picard.
35. Quant voi Itglaie mure [Ije, Keller-Romvarf-AnguisJ.
Si.x couplets : « .Ma cançonnette, ie l'envoie à ma dame. »
3G. Quens d'anio. jurent z de ce iea partie [24.408].
Ce jeu-parii est proposé au comie d'Anjou, par Perrin, qui
se déclare vaincu, sans que, comme à l'ordinaire, interviennent
des arbitres.
37. Prince del Puij, vous avez [Va-l490j.
Jeu-parti par Perrin à Jehan Bretel, le prince du Puy d'Ar-
ras, qui répond en l'apostrophant : o Perrin d'Auchicourt. »
Les juges sont : Bertrand, prié par Perrin, et Dragon, demandé
par Bretel.
38. Ptrrin d'Angicourt, respondezl [Va-1490].
Le Prince du Puy, Bretel, propose ce jeu à Perrin. Lesjuges
sont : le Comte d'Anjou, sollicité par Bretel, el Audifroi, appelé
par Perrin.
h' Histoire littéraire de la France a donné, par la plume de
M. Paulin Paris, une analyse savante, habile et vraiment ins-
tructive des manuscrits des trouvères, conservés à la Biblio-
thèque nationale. Ce serait commettre une imprudence peut-
être, et sûrement une inutilité, que de chercher a refaire après
ce maître dans la littérature médiévale, un commentaire
des compositions si diverses et pourtant si ressemblantes de
nos chansonniers. Empruntons-lui donc simplemeot ses con-
clusions pour ce qui regarde Perrin d'Angecourt. « Il fut un
langoureux trouvère. La monotonie des sentiments ne doit
C86 LES CHANSONS DE PEHRIN d'aNGECOURT
pas nous empêcher d'y rendre justice à la douceur des vers et
à l'heureux choix des mesures. Peirin d'Angecourl aime les
refrains : lantôl c'est le deruier mot d'un couplet qu'il ramène
au début du couplet suivant ; tantôt les deux derniers vers de
la première stauce reparaissent à la fin de toutes les autres;
parfois encore, il emprunte à des chants connus, une ritour-
nelle qui rappelle nos modernes flonflon?. Quant à la pensée,
elle ne manque pas toujours chez lui de finesse et de variété. »
Comme tous les chanteurs ses confrères, Perrin célèbre
la beauté, la noblesse, les vertus de sa dame ; il gémit, sinon
sur son inconstance ou son infidélité, du moins sur sa cruauté,
et la voit toujours « engraut » de le faire mourir ; très heu-
reux si elle daigne prendre « en gré » les sentiments qu'il lui
témoigne, et manifester d'un geste ou d'un sourire qu'elle
condescend à sa pressante prière ! Les traîtres, médisants,
envieux et Jaloux qui pourraient approcher sa maîtresse
reçoivent invariablement sa malédiction et l'expression de sa
haine : Tel est le progr'amnie : toutes les chansons de Perrin
ou de ses confrères le remplissent ponctuellement.
En général, Perrin d'Angecourt s'exprime de façon courtoise
et décente. Il ne s'abandonne jamais à la manière facile mais
grossière dont Bretel lui donne l'exemple dans le jeu-parti
auquel il convie Perrin d'Angicourt. A peine peut- on relever
le jeu un peu égrillard de la pastourelle, jolie et bien enlevée
du reste, iqu'il chante à Margot. Les sentiments qu'il exprime
honorent d'ordinaire son caractère : si l'on excepte la chanson
où il fait dire à la dame de ses pensées qu'elle n'aima jamais
d'amour vrai et ne se veut point marier, on ne trouvé guère
qu'à louer la bienveillance dont il use, les beaux sentiments
dont il fait montre, la réserve et le respect dont il témoigne
vis-à-vis de tous. La vie libertine que l'abbé de Longchamps
lui reproche et, après lui, le biographe ardennais Bouillot, et
aussi M. Dinaux, n'est qu'une invention gratuite et absurde,
sans plus de fondement que celle qui le présente comme ayant
fait des chansons pour autrui et ayant tenu boutique d'esprit.
Il a suffi de ces simples mots, écrits par Fauchet : « Il faisait
des chansons pour autruy, » car en la sixième, il iuti'oduit
une dame qui dit • ne vouloir se marier, ains aimer toute sa
vie. — Par la dixième, il montre qu'il n'estoit guères loial à
s'amie », pour que Longchamps ait décidé que Perrin avait
longtemps vécu à Paris sans autres ressources que ses chan-
sons, qu'il vendait à quiconque voulait s'en faille honneur;
qu'il fut inconstant dans ses amours et se livra Jusqu'à l'excès
LES CHANSONS DK PERRIN d'aNGECOURT 687
à loules les voluptés doul Paris élail dès lors le rendez-vous.
Amplifîcatiou de rhétori(|ue bien fâcheuse! L'abbé de Long-
champs ne savait, de la silualiou de fortune de Perriu, rien de
plus que ce que nous savons et que nous disent ses chan-
sons : qu'il ait battu monnaie avec celles-ci. cela n'a rien d'im-
possible ni d'invraisemblable, voire même de déshonorant;
toutefois, rien ne le prouve. Et l'on ne peut vraiment déduire
de ce que nous raconte le poète, à savoir que « onque ne fui
sans amor », qu'il vécut surtout dans li galanterie parisienne.
Laissons donc la toutes ce^ conjectures sans la moindre assise,
et faisons seulement la reniarijue que Perriu a composé bien
d'autres chansons (jue celles qu'il nous est permis de citer.
Evidemment, tout ce qu'il a produit ne nous est point par-
venu, et certaine- de ses pièces n'ont pas été reconnues ou dis-
cernées parmi les très nombreux morceaux anonymes con-
servés dans les manuscrits. Voici, pour exemple, un jeu-parti
entre Rollant et Perrins : il en est question dans un recueil de
la Bibliothèque d'Oxford; c'est M. Pa>sy qui en a fait l'ob-
servation.
Il est utile de constater que les indications des copistes sont
en général formulées ainsi : Perriti d'Angecourt, Angecort ou.
Angecors; et exceptionnellement, au manuscrit de Berne,
l'erins, Perrins, Pieres d'Angincourt, d'Agincourt. La men-
tion « ce sont les cancons perin daucicourt » du manuscrit du
Vatican, peut tout aussi bien se lire dancicourt et même dan-
gicourt ; et il demeure évident que la forme normale se
réduit à Angecowt ou Angicourt, qui traduit le latin Angi-
curtis.
11 convient peut-être ici de parler de quelques jeux-partis où
Perrin est entré comme arbitre^ : nous en connaissons sept,
1. 1» Bretel propose à Kerri le choix entre les deux amants d'une dame,
qui, au surplus, ne mérite pas leurs hommages : l'un continue à faire sa
cour avec soin; l'autre a des regrets et cherche à se retirer. (Juges Gaidifer
et Perrin) [Va-1490].
Perrin cil qui saintement
Sert bien Dieu oulréement
Se puis le veut eslougier.
Il est t'aus au droit jugier. ,
Gadifer loi errement
Fait bon laissier autrement ;
Na onques dius nului chier,
Sil ne laisse le péchier.
2" Bretel, le prince du Puy, fait le parti suivant à Lambert Perriu, quia
688 LES CHANSONS DE PERRIN DANGECOURT
savoir : trois entre Ferri et Bretel, trois entre Bretel et Grie-
viler, un autre entre Bretel et Audefroi ; dans tous, notre
trouvère est sollicité par son nom de Perrin, sauf dans l'un des
trois premiers, où le prince du Puy le demande sous le nom
de Hacecourt.
Nous admettons que cette appellation désigne effectivement
Perrin : mais nous croyons à la nécessité de conclure qu'il y
une amie à Abbeville : Votre maîtresse vous trahit ; préférez-vous la trou-
ver morte mais fidèle, ou bien vivante et repentante ? — Vivante ! répond
Ferii, qui prend Perrin à témoin, — Morte ! dit Bretel, qui appelle Vuil-
lart. [Va-1490|.
Vuiltart, Ferii li desvés
Soustient droite desverie.
Mieux vaut bone amour faillie
Par mort qavoir maintenant
Amie mal coutetant.
Hacecourt vous jugeres
Pour Ferri qui vous en pria.
Et soustenez se partie.
Mieus aime avoir un besant
Que riens trouver ea un want.
3° Bretel demande à Grieviler si le débutant, qui ne sait encore rien de
l'amour, en goùle mieux le plaisir que le vieux malin qui sait toutes les
ruses. Notez que Grieviler, qui préfère le ruEé, invoque Gaidifer d'après 1490
et Cunelier d'après 1522. [Va-1490-1522].
Perrin nos officiaus
Soies. Si nous iugerés.
Je dis c'uns homs eswares
Est trop liés s'on li preste un manoir
Que ne soit cil qui bien sel ou manoir
Gaidifer, un musardiaus
Qant biens li est destinés
N'est point si liés c'uns ainsnes
Car il ne sait ne ioir ne doloir.
Li sages fait sa ioie en bien paroir.
4° Bretel demande à Grieviler : « Aimeriez-vous mieux aller vers vostre
dame pour la baiser, ou bien qu'elle vînt à vous et que vous ne pussiez
l'embrasser? » Ferri reçoit l'opinion de Bretel. [1522].
Ferri, se vous me rendies
Vostre espée ia ni fu cops férus
Miex me pleroit et miex séries vaincus.
Perrin, par amours jugies.
N'est celui bien chetis et dur fus
Qui ne baise sa mie comme drus ?
.•)"> Bretel propose à Grieviler de choisir outre l'amant hardi et entrepre-
LES CHANSONS DE PERRIN DANGECOURT 689
a ici une falsification, ou, si vous aimez mieux, uue transfor-
mation picarde de son nom, absolument analogue aux deux
autres que nous avons déjà données : « aucicourt, auchicourt. »
Pour nous, respectueux de la tradition, le trouvère Perrin
est champenois et s'appelle (VAngecourt. Au surplus, nous
croyons tenir l'énigme ; après M. Tarbé, nous avons découvert
l'Amérique, en reconnaissant dans le mariage de Marguerite
de Conslantinople ', la Noire, avec Guillaume de Darapierre, un
uaut, el l'aniant timide et réservé. Grieriler donne à Gadifer son avis : il
choisit le premier.
Péri in trop vet blastengant
Dame qui sus leur a mis '
Ce que les vueleot envis.
Moult seront leur blasmes crier
Se les auroient gieus tiex.
Gadifer Irai à garant
Que je n'ai de rien mespris
Ains di que cil est chetis
Qui aime s'il n'est hastiex
De ioir et volentiex.
6» Audefroi pose la question : « j'aime et je suis aimé : mais c'est tout ce
qu'il en est, mes amours n'ont pas d'autres suites. Que ferai-je Bretel ? »
— Le prince répond qu'il faut attendre. — Attendre ! ce n'est pas l'affaire
d'Audefroi, [1522-1490].
Sire daniou qui ce qu'il vait querant
Trouve apreste sil ne le prent envanl.
Mal oseroit un grant fais entreprendre
Com recreans est bien dignes de prendre.
Perrin li fol bastieu sont maint durant
Et valent mains que li sage soulfrant
Onques ne fu nul bon clerc sans aprendre
Et plus envis doit on rompre que tendre.
7° Bretel demande : « Ferri, aimeriez-vous avoir belle amielte à votre
gré, qui fût sage et suffisante et vous aimât constamment — tellement que
si jamais aviez désir d'en aimer une autre, vous en dussiez mourir ?
Grieviler nus n'es si frans
Ki lues ne fust désirans
D'une autre amer tant se fus bien logier
Et k'a la mort ne le menast péchier.
Perrins ciex est pau poissans
Ki en amour n'est pas tenans
Tout aussi ferme ke sil y fust loiies
Jamais mes cuers n'en seroit desvoiies.
t. Jean d'Ouitremeuse l'appelle Marguerite la Cloche (la boiteuse).
44
690 LES CHANSONS DE PERRIN d'aNGECOURT
champenois, la source et l'origiue de toutes les relatious de
Perria, qui nous sont révélées uniquement par ses chansons.
Qu'il nous soit permis d'espérer que, giâce aux détails tout
personnels et absolument locaux que nous allons fournir, il
nous sera fait une part d'inventeur du trésor mis au jour avec
tant de clairvoyance et de dextérité par l'historien des poêles
et chansonniers de Champagne !
Angbcourt, seul de ce nom, est un village des Ardennes
champenoises, <à deux lieues de Sedan, jadis de la châtellenie
de Raucourt. Celle-ci était, au commencement du xiii° siècle,
tenue souverainement par Mabile, fille du châtelain dYpres,
qui devint la femme du comte de Relhel Hugues 111, el mourut
vers 1238. On voit le comte Hugues réglant, en 1241 , les droits
de la seigneurie de Raucourt : il a, depuis novembre 1239,
épousé Jeanne de Dampierre, sœur du comte de Flandre, Guil-
laume de Dampierre, marié dès 1218 à Marguerite, veuve (?) de
Baudouin d'Avesnes. Hugues n'eut pas d'enfants de ce mariage;
mais il laissa pour lui succéder, en 1243, une fille, la com-
tesse Marie, son fils Henri étant décédé avant lui. Marie tint
le comté deux ans environ ; après sa mort, il fut partagé entre
les frères de son père. D'autre part, Guillaume el Marguerite
avaient eu cinq enfants, dont trois fils : Guillaume, Gui et
Jean de Dampierre. Guillaume laissa Marguerite veuve dès
1241 : à celte époque, celle-ci n'était point encore comtesse
régnante, et ne le devint qu'à la mort de sa sœur Jeanne, sur-
venue en 1244. Des difficultés ne tardèrent pas à s'élever
entre Marguerite et les enfants du premier lit, dont elle-même
contesta la légitimité. Saint Louis intervint, donna le Hainaut
aux d'Avesnes, la Flandre étant réservée aux enfants de Dam-
pierre (1247) '.
Guillaume, l'aîné, se croisa et mourut à son retour de Pales-
tine en 1251. Peut-être déjà Gui. qui avait été fait bailli par sa
mère, avait-il pris le titre de comte de Flandre, que lui donne
Perria dans un de ses envois : « Le style de cet envoi est
familier, remarque M. Tarbé ; avec ce jeune prince son com-
patriote, Penin se sent à l'aise : il lui parle d'amour et paraît
connaître ses pensées intimes. » A noire tour, ferons-nous
remarquer, cette familiarité accuse, entre les enfants de Guil-
laume et Penin, des relations amicales nées très apparem-
ment de ce fait que Perrin, entraîné ou conduit à Relhel par
i. Lire les détails dans la Chronique de Hains el dans Jean d'Outre-
meuse (t. V).
LES CHANSONS DK l'ERUIN D ANGKCOURT 691
des devoirs de vassalilé. serviteur et familier peul-ètre du
comte Hugues et de ses enfants Henri et Marie, de la
comtesse Jeanne, eut sa part des rapports fréquents de ses
maîtres avec la cour de Flandre, ou du moins la maison
de Dampierre, à laquelle ils étaient si étroitement apparentés ;
il y trouva les iils de Guillaume, du même âge que lui, et
y forma des liaisons que la poésie nouait aisément. Si l'on
veut bien considérer que les querelles entre les enfants
d'Avesues et de Dampierre donnèrent lieu à l'intervention du
duc de Brabant et du comte d'Anjou, à qui Marguerite fit pré-
sent même du Haiuaut, on aura de suite la clef des occasions
qui mirent Perrin en présence de princes qui allaient devenir
ses protecteurs. La venue de Charles d'Anjou à la cour de
Flandre est, très heureusement pour nous, attestée par la
chanson qu'il connpo.-a sur l'insensibilité de la « belle comtesse
de Rethest ». Est-ce Marie de Rethel ou bien Marie de
Thorote, femme de Jean, devenu comte de Rethel en 1245?
H importe peu, du reste; mais retenons pour le moment que
Gui, par suite de la mort de son frère aîné, arrivée en 12ul,
fut associé dès lors au gouvernement du comté, porta le titre
de comte de Flandre, et avait à cette époque 26 ans. Plu-
sieurs alliances restent les témoins indéniables de ces ren-
contres, dans lesquelles Perriu n'a pas manqué de jouer un
certain rôle. Et d abord, c'est le mariage de Guillaume, l'ainé
des fils de Guillaume de i/ampierre, avec Béatrix, fille de
Henri H, duc de brahant. Plus tard, son frère Gui marie son
fils, Robert de Béthune, à la fille de Charles d' Avjon, morte
dès 1271. Le fils de Robert, Louis, comte de Flandre et de
Nevers est, eu 1277, fiancé à la fille de Hugues IV, héritière
du comté de Rethel, Jeanne, qu'il n'épousa effectivement qu'en
1290. Quant à la présence de Perrin à Paris, elle s'explique
aisément, et par les relations précédentes qu'il avait dû engager
avec Charles d'Anjou et tous les membres de la famille de
Dampierre, souvent attirés vers le roi saint Louis, dont ils
eurent à solliciter l'appui, aussi bien que les bons offices
de sou frère ; et par les voyages que fit Marguerite elle-même
qui, dès son avènement, se hâta d'aller faire hommage de
la Flandre au roi. Enfin, Perrin accompagna fort probablement
Charles d'Anjou loisqu'en 1246, il alla épouser Béatrix de
Provence.
Le Carlulaire du comté de Rethel, aujourd'hui dans les
archives des derniers ducs, à Monaco, et dont il a été dressé
un précieux inventaire, qui nous sert ici, par M. Léopold
092 LES OHANSONS DE PERRIN u'aNGECOURT
Delisle, renferme plusieurs actes des seigneurs d'Angecourl
aux xiii« et XIV* siècles. Le plus ancien en date que nous
y trouvions concerne 1' « oinmage que doit mes sires Nicole
ù'Ayng^tcourt », concédé avec d'autres, par Gaucher à Manas-
sès, sou frère, en 1256. A la mort de la comtesse Marie, ses
trois oncles firent un partage : Raucourt fut assigné à Gau-
cher, archidiacre de Liège, pour un revenu de 50l> liv. (fév.
1244) C'est ce revenu qui passa au comte de Rethel. En 1294,
« Henns, qui fu fis Briet de Engicourt, escuiers, fait hom-
mage à Louis, fils aiué du comte de Nevers, comte de Rethel,
pour ce qu'il possédait à Angecourt, et qu'il avait eu la pré-
tention de tenir eu franc-alleu ; « en la présence dou haillu de
Relhesl et des hommes féaulx à Mous, le Conte, c'est assavoir
Wyet, seigneur de la Morte Eauwe, Baudouin de Engicourt,
escuier, et Provostin de Terron, hommes féaus à Monsein-
gneur. « Le sceau d'Henri :f S'.HENRL...DANC....uVRT
est encore pendant à la charte. En 1299, « Balduins d'Engi-
court, escuiers, fils mons. Symon Oison, jadis de Marville, »
reprend eu fief de Louis, comte de Rethel, ce qu'il possédait à
Angecourt, Raucourt et Haraucourl. Eu 1322, on lit encore
des « aveus de Baudouins de Ayngecourt eu la Chastelleuie de
Raucourt, une maison h. Ayngecourt, les fossés, cent
jours de terre ahennable en ban de Haraucourt et de Aynge-
court Ce que Oudines, Renaudins, Jehennete, mi freires
tiennent de rai en la dite chastelenie. » On a également
un aveu de « Jehannos de Ayngecourt en la chastelleuie
de Omout. pour cause de damoiselle Marguerite sa femme. »
Jacques de Nueville avoue 20 cens et demy de bois ou terroir
à'Aingecourt, item eu sa maison d'Aingecourt. Nous relèverions
encore les noms de Regnauldius Coignars, Jeau Autroussé,
Champonnois, iou.s d'Aingecourt, dans leurs aveux à Madame
de Relest, mais avec le regret de ne pas rencontrer celui
de Perrin : toutefois, l'absence de ce prénom dans nos actes ne
peut causer le moindre embarras, et ne nous empêchera pas
de conclure que Perrin fut un des enfants de l'une des
familles que nous avons nommées, par conséquent un vassal
du comté de Rethel, non peut-être un grand seigneur ; et nous
terminerons notre énuméralion en citant le nom de Richard
d'Angetort, qui figure dans un acte du Cartulaire d'Orval,
année 1241, au sujet d'un héritage des environs. Ajoutons
pourtant qu'une pièce de 142(5 écrit Angecort, et une autre de
1620, Anchecourt, et la carte de Jubrien, Aucàecourt.
Voilà, outre une liste de personnages sur laquelle pourrait
LES CHANSONS DE PEURIN d'aNGECOURT 091^
figurer noire chansonnier, une suite inslruclive des formes
qu'a prises le vocable actuel d'Angecourt : elle deviendra com-
plète si nous i-ignalons que le Fouillé du diocèse de Reims
pour 13U6 porte y^ngincourl, et le compte de décimes de i:i26,
Angicoiirt. Quant à l'appellàtiou latine, nous n'eu avons pas
trouvé d'autres i\\x Angiciirtis.
Il existe, dans le département de l'Oise, un lieu du nom
à'Angicourt, et, dans le voisinage, un village appelé Cresson-
sacq, jadis probablement Cressousart. Or, une chanson de
Perrin est envoyée à un seigneur de Cresson-Essart. On pour-
rait arguer de cela que Perrin, dit parfois d'Angicouri, ait pris
son nom de celte localité. M. Tarbé n'a pas manqué de
soulever cette objeclion, et de faire valoir, pour l'appuyer, les
mérites et la puissance des seigneurs de Cresson-Essart. Ne
peut-on d'abord opposer que Perriu s'est rarement appelé
d'Angicouri? que, de plus, celte dénomination apparlienl tout
à fait, comme on vient de le voir, à notre village relhelois ?
qu'elle est même la forme primitive de son nom? D'autre part,
à Cresson-Essart, nous sommes . n PVance, et Perrin n'aurait
pu devenir un Irouvèie artésien qu'en vertu des mêmes cir-
constances qui transformèrent le poète champenois, lesquelles
ne se sont pas encore trouvées. Il est, au contraire, dans
l'ordre des choses que, dans les nombreux voyages (]u'il fit de
Paris eu Flandre ou inversement, Perrin ail séjourné ou résidé
chez les sires de Cresson-Essart : le haut rang que tenaient ces
seigneurs, leur faste, comportaient leur couuaissauce des trou-
vères. La roule qui conduit de P'iandre à Paris passe par Arras
et Clermont : les trouvères l'ont parcourue de compagnie avec
les grands seigneurs, aux menus-plaisirs desquels ils fournis-
saient, dont ils étaient souvent les protégés et parfois les amis.
Les sires de Cresson-Essart et le puissant seigneur « qui lient
Hacecourt et Vimy », comme parle Baude Fastoul eu sou
congié, ont reçu les hommages auxquels leur donnait droit
l'hospitalilé qu'ils avaient su offrir aux trouvères en même
temps qu'à leurs maîtres. Angicourt et Achicourt ont donc vu
passer Penin ; ce n'est pas chez eux qu'il a vu le jour. Il est
né aux environs de 1220, au village d'Angecourt ; il avait, dès
avant 1240, fréquenté Rethel ; et c'est de 1250 à 1260 qu'où
peut placer l'époque où son lalenl de poète eut tout son épa-
nouissement. Quant à la date de sa mort, elle est absolument
inconnue : pour le lieu, ceux qui affirment qu'il mourut à lu
cour de Charles d'Anjou, àNaples, fout encore une hypothèse
non justifiée, quoique très acceptable.
G94 LES CHANSONS DE PBIÎRIN d'aNGECOURT
Le texte que nous donnons dans ce recueil est emprunté à
l'un des manuscrits que nous avons indiqués ; nous avons
reproduit un certain nombre de variantes tirées des manuscrits
dont on n'a pas pris le texle. Elles n'ont pas toutes la même
imporlance, et nous avons souvent négligé celles qui ne pré-
sentaient que des différences d'orthographe : tout l'intérêt
qu'elles offrent, dans ce cas, consiste uniquement à accuser
le dialecte dans lequel a écrit le scribe qui a fait la copie,
et aussi ses habitudes personnelles d'orthographe. D'aulrrs
variantes, que nous avons transcrites avec soin, ont permis
de rétablir un sens altéré ou peu compréhensible; d'inter-
préter tel vocable ou de rétablir une mesure imparfaite.
Enfin, nous avons écrit pour chaque pièce une sorte de glos-
saire destiné à expliquer des termes ou des expressions tombés
en désuétude ou détournés de leur sens actuel. Il nous a paru
que ce système de notes était le seul qu'on pût judicieusement
employer. Nous avons renoncé à une pure traduction, sur
l'exemple que nous a donné La Borde dans son « Essai sur la
musique », où il a reproduit et interpiété la Pastourelle « Au
teus nouvel. » Le style du chanteur perd complètement sa
saveur et sa couleur; la musi(|ue disparait du vers. Et en réa-
lité, le fonds de chaque pièce, qui n'est ni historique, ni dra-
matique, à peine philosophique, n'appelle pas une interprétation
de sens : il est plus intéressant et plus artistique sous la forme
où ont été exprimées les idées.
JN. GOFFAUT.
Jamais ne cuiilni avoir
Talent ilechanii-r
Mè) amours qui a j)()Voir
L'e moi conforter
Dit, que lie désespérer,
Ne m'i doit chaloir.
Pour ce s'ai rejtris vouloir
De chanter joliement
En espoir d'ulégement.
J'ai servi en l)on espoir
Lonc lens sans fausser
Celé qui me l'et doloir
Sans merci trouver.
LES CHANSONS DE PERRIN d'anGECOURT 095
N'onc pour ce n'en voil oster
Mon cueur ne mouvoir
Ains m'entreinet main e.t soir
De chanter ioliement
En espoir d'alégement.
Chascuns me devroit blasmer,
Quant oncques pensai
A cele que nos' nonmer,
Pour qui je mourrai.
Car Jà ne ii oserai
Dire mon penser.
Mes pour mon mal oublier
Chanterai ioliement
Kn espoir d'alégement.
Dame, je suis sans guiler
Vostres et serai.
Bon vi le ior aiorner
Que vos esgardai
Car gen vail melz et vaudrai
Bien m'en os' vanter.
J'apris en vos esgarder
A chanter joliement
En espoir d'alégement.
A ma dame qui iaor
Va chancon tout droit,
Pour qui a Paris seior.
Se tant m'adaignoit^
Geter les -ij- eux voiroil,
Maugré traïtor.
Mes pour croistre leur douleur,
Chanterai joliement
En espoir d'alégement.
Variantes. — Le texte est tiré du n" 843. — Vers 3 : Muis cele qui a
pooir (847). — 8. Joliveraeut (847) — 14. Ne voil fauser (84-7) ; Nou vos oster
(LV); Ne pour ce n'en veul (1591) — 16. Ains me semonl (LV). — 28. Ce
couplet manque dans LV. — 34. laprins en vous rej^ariif-r. — 40. Mi daignoit
(847); justaignoit (Dinaux). — 41. Geter les -ij- eus tout droit (846) :
Geler les -ij- eus tel ne vi (847) ; Gent cors, les iex vers tout droit (LV). —
la tex -ij- ia voiroit (1591). — 42. Qui sont traitor (847). traitour (1591). —
43. Ma dolour. — Le manuscrit 1591 écrit ou pour o , 847 met plutôt o pour
ou, por au lieu de pour, dolor au li:u de dolour ou doleur, etc.
Glossaire. — Guider, croire, penser (cogitare). — Talent, désir, envie
(talentum, balance, penchant), — C/ia/oi'r, impoiter, préoccuper. — S ai, pour
si ai, j'ai ou ai-je. — Douloir, doloir, souflrir, affliger. — N'otic, non jamais
(nunquam). — Vuil, veul, je veux (volo). — Liatremet, je me propose ;
696 LES CHANSONS DU PIERRE d'aNGECOURT
semotU, (le semondre, avertir, solliciter, proposer. — Ains, mais (anle). —
Main, matin (manè). — Oncques, jamais (unquam). — Guilcr, Guilltr,
tromper, ruser, feindre. — Bon vi te ior aiorner, j'ai va avec bonheur se
lever le jour où je vous regardai. — Aiorner, se lever, paraître, poindre. —
Esgarder, regarder. — Vail. je vaux. — Melz, micx, mieux (melius). —
laor, j'adore. — Seior, je séjourne, je demeure, je reste. — Adaingnier,
adaigner, estimer, juger digne. — Jj eus, deux yeux. — Voirait, vorroil,
elle voudrait. — Maugré, malgré. — Traitor, traitour, traître, trahistre
(traditor).
II
Il feroit trop bon morir
Pour oissir hors de dangior.
Bien doi ma vie haïr,
Quant celé point ne m'a chier,
Que je tant aim et désir
Si me convendra attendre
Sa volenté et souffrir
Tant qu'il li viengne a plesir.
Tos sui siens sans repentir,
Ce ne quier ie ia noier.
Dex qui la fist à loisir
Li doint voloir d'alégier
Les maus que me fait sentir
Et qu'ele vueille en gré prendre
Mon chant et moi retenir
Por li loiaument servir.
Nus ne se doit asenlir
A bone amour esioingnior.
Ains la doit on maintenir
Honorer et essaucier.
Et tous les félons fouir,
Car ils font trop à reprendre.
Qui les amans font traïr
Et toute ioie amenrir.
Vers aus se fait bon couvrir
On n'i puet neies gaingnier.
Amor se fait bon porsuir
L'en n'en puet rien empirier.
Ne se doit enorgueillir
Nus qui veut amors emprendre ;
Ains doit en gré recoillir
Les max pour plustost mérir.
LES CHANSONS DE PERRIN d'aNGSCOURT 6D7
Quant sa grant biauté r^îmir,
Tôt m'i fet resleccier.
Si très durement souspir,
Qu'il m'esluet color changier,
Et quand me convient partir.
Moût en est ma ioie mendre.
Si ne sai que devenir.
Ne cuit iaines revenir.
Envot.
Chancon, va t'en sans mesprendre
A ma dame. Fé t'oïr :
Di ii trop me fet languir
[Le ms. de Berne donne à partir du 3" couplet :]
Encore poroie guérir,
Se me voloit otroier
S'amor, qui ie tant désir.
Mi se seux en son dangier,
A tous iors, sans repentir.
Engaigier me puet et vendre :
A H me veui oiîéir,
Et por ii vivre et morir.
Nuis^ à mais ne doit lenir,
Si ie l'aim de cuer entier.
Lou ior quant ie la remir.
Nuls ne me puet correcier.
I)eus ! qui porroit à loisir
Regairdeir sa faice tendre,
Mais ne Ii poroit venir.
Deus la fisl por embelir !
Chancon, por moi relenir,
Li dirais sans délaier
Et bien li porais iehir
Ke ie de riens ue sorqier
For ma vie guerantir.
Faice en li pilieit descendre,
Deus! veuilles li conseniir
*"a ces biens me laist partir !
Varuntks. — Texte du 84»».— Vers 6. — Qu'il me (Berne). — 9. suens-
(847). — 10. Ce ne porroie noier (847), Ne la porroie laixier (li). — 13. Les
max que ie sent por li (B). — 15. Moi et mon chant relenir (B). — 17. Qu'on
doie amers esloignier (845) ; C'on doie(159l). — 19. Ains les (LV). — Hon-
nerer et essauchier (159l). — 21. Haïr (1591 et LV). — 22. Ce vers est du
1591 el LV. 846 dit : Qui mainte amor l'ont remaindre. — 23. Qui maint
698 LES CHANSONS DK PKRRIN DANGECOURT
amant (1591). — 2o. Vers aus se fait bon courir. — 26. Riens (8i6, etneies
1591. — 28. On n'em paul nul empirier (1591 "l, point au lieu de riens (LV).
— 29. Ne se doit pas otgueillir (8^5). — 30. Ce vers est du 1391 ; 846 dit :
Qui vuet a amors ateindre ; fUo : Nus qui veut amers servir. — 24. Ralees-
cier(845). — 35. Doucement (LV). — 38. Maindre par 846, et mendre par
845. — 40. Aven'r (LV). — 41. 2. 3. Ces vers passés au 846 sont du
845.
Glossaire. — Oisair, [ssir, sortir (exire). — Dangier, dongier, puis-
sance, domination. — Chier, cher, ne me chérit point (carus). — Si me con-
vendra, il me faudra. — Tos, tous, au cas sujet, tout. — Quier, cherche. —
Noier, nier. Je suis tout à elle, je ne cherche point à le nier. — Dex, Dieu
au cas sujet. — Doinl, donne. — Nus asentir, nul consentir
— Ains, mais (ante). — Essaucier, élever, exhausser, porter aux nues. —
Félons, traître, de mauvaise foi. — Fouir, fuir. — Âmenrir, amoindrir, dimi-
nuer. — Aus, eux. — Neies, rien. — Porsuir, poursuivre. — L'en, l'on. —
Enpirier, commander, ordonner (imperare). — Fmprendre, entreprendre,
prendre. — RecoilUr en gré, prendre en grri, opposé à coiUir en hé, prendre
en haine. — Mérir, mériter, obteidr récompense. — Max, maux. — heniir, ]&
regarde, contemple, admire. — Releccier, réjouir (liesse, leece, lœlitia, la
joie) — // m'esluet, il me faut. Du ve-be esloouir, opus est. — Convient,
laul. — Muul, moult, muU, beaucoup (multum). — ilendre, maindre,
moindre. — Fe Cuir, Fetoir, fais-toi ouïr, écouter. — Cuil. cuide, je pense,
je crois (cogitare). — Seux, suis. — Obéir, soumettre (obedire). — Lou ior,
le jour, — Correcier, corroder, courroucer, irriter, — Embelir, plaire. —
Delaier, tarder. — lehir, gehir, avouer, confesser. — Sorqter, ne me
demande plus (sur, quérir). -- Me laisl partir, me laisse prendre part de
ses bontés, quaUlés.
IH
Quiinl li L'inceius sVscriw,
Que février vi't ilnfinaiit,
Et l'aloele iolio
Va contremont lair moniani,
Lors est resons (jue le chant,
Quant celé qui i'aim m'en prie.
Va puis q'ai si douce aïe,
Je chaulerai de cuer gai :
Auioreusement me lient li inax que iai.
J'ai servi lou le ma vie :
Oncques n'oi un i)iau senhianc.
Fors un seul cop d"escremie
Quil me fisl, en reiraiani,
De ses vers eu.\. Maintenant
L'ont amors de moi sesie ;
Lors cuidai avoir amie.
Mais cest noient, iai failli :
Li œil ma dame et li mien munt truï.
LES CHANSONS DE PERRIN DANGECOURT 699
Je comperrai ma folie :
Si morrai en attendant
Merci, que trop mi détrie.
Las ! tous iors me met devant,
Amers son dous vis jilesant.
Ce quele est si bien taillie,
Puiscjuamors sest aalie
De moi grever, gen morriii :
Jamerai ce qui mocist, car bien le sai.
Dame en qui s'est herbegie
Biaulé jilus qu'en autre cen*,
Je met en vostre baiilie
Guer et corps tout ligement.
Et puis quatuors mi consiint
A fere lele eslou'ie,
Drois est (|ue ie le vous du».
En chantant le vous dirai :
Biau très dous cuer sans faimlre vous S(;rvirai.
Mult est fox qui, pour liascliie^
De bien amer se repenl.
Car amors noublie mie
Cens qui aiment loiaument.
A cent double leur eu renl
Joie, quant l'ont déservie.
Je sui cil qui pas n'oublie
I>a bêle ou iai mou cuer mis.
Dex ! verre ie ià le iorquc soie auiis.
Variantes. — Texte du 845, — Vers 1. Chiacepuer (24.406) ; Cincenis
(3591) ; rosignors (20.9oO et Be). — 2. Ke mairs se vat delinant (20.050).,
— 3. Criaut (24.406). — 4. Lors est bien drois ke ie (20.050). — 7. De
cui ia ci douce aide (20.ii5U). — 8. S'an chantera de cuer vrai. — 10. Jaim
et sers toute ma vie (24-.4U6). — 1:2. Qnuu tout seul cop (Va). — 13. Ke
me Cst au regardant (iO.tiSU) — 14-. De ses biaz eus en riant (20.050). —
n. Mais certes gi ai fadli (20.050/ ; mes bien voi gi ai failli (24.406) ; uien'
gi ai failli (Va;. — 19. Je compara (20.030). — 20. Se raorra (id.). — 21.
El ceu ke (20.05(1) ; car celé qui iai amie (24.406). — 2'2. Chacun ior mi
vient davaut (20.0oO) ; Me mouslre mauvais samblanl (24. 4U6). — 23. Ameir
son cors lavenaut (20.050) ; Damer son corps avenant (24.406). — 24. Sa
belle goi-ge polie (20.050) . — 26. lam morra (20.050). —27. Amoreusement
me lient b mal que iai (846j. — 28. En ki est herbergies ( Va). — 29. Biatees
plus can être cent (20.050j. — 31. Moi et mon cuer ligement (Va). — 33.
Envaïe (Va). — 34. Bien est diois ke itl vos die (20.050) ; Bien est drois qu9
iou 11 die (Va). — 35. En chantant ne alrement (20.050); en cantanl non
autrement (Va). — 36. De vos vieul li mais ke ie sant (20.050); De vous
vient li maus qui iou sent (Va). — 37, Ce couple', manque dans 20.050, et
précède celui d'avant dans Va.
7 ou LES CHANSONS DE PERRIN d'aNGECOURT
Vocabulaire. — Cinceius, peut-èlre licinceius est-il pour lusciniolus, le
rossignol. Dans la messe des Oiseaux de Jean de Coudé, il y a un chinche-
vent. — Vet definant, touche à sa fin (Vait, de vadil). — Conlremonl, en
amout, en haut. — Aïe, aide (adjuva). — Li max, le mal, cas sujet. —
Onques, jamais. — A'oj, n'eus. — Fors, excepté, hormis. — Escremie,
escrime, coup d'escrime : botte, coup ei dessous. — llett'aianl. en retirant,
de mauvaise grâce. — Regardant, visage. — Vers eus, yeux vairs, bleu-
azur. — Maintenant, sans désemparer. — Cuider, croire, penser. — Noient,
nient, néant, rien. - Compnrrai, futur de comperer (payer). — Dp<ner, dif-
férer, reculer, refuser. — Vis, visage. — Aalir, provoquer, quereller, se
hâter, se disposer à. — Ocit, tue. — Herbegie, herbergie, logé. — Baillie,
pouvoir, puissance, garde, tutelle (bajulare). — Ligement, loyalement, com-
plètement. — Esloulie, folie, témérité (stullitia). — Envoie, attaque, assaut.
— Fox, fou au cas sujet. — Haschie, souHrance, tourment, supplice. — Cent
double, centuple. — Deservie, méritée. — Dex, Dieu au cas sujet. — là,
jamais.
IV
Heneur et boue aventure
Ait cela qui mon cuer a !
En li ai mise ma cure
Et bien i pert et parra !
Car mes chans si en sera
Plains d'envoiseùre.
Ne ia por froidure
Pcrrins ne lera
Son iolif usage.
D'amors est tel la droiture
Et fu et tosiors sera !
Cuer qui en li maint et dure,
S'il est bons melz en vaudra
Li mauves en deviendra
Vaillans par nature.
Bien est sans mesure
Qui ne maintiendra
Cest iolif usage.
J'ai amé toute ma vie,
I»e fin cuer, sans fausseté,
Celé qui ne m'aime mie ;
Mes g"i ai tant -conquesté,
Que ie me sent amendé
De grant cortoisie.
Por ce, sans boisdie,
Ai ie tant ^ardé
Cest iolif usage.
LES CHANSONS DE lERltlN d'aNGECOURT 701
Mesdisans ! Dex vous maudie !
Mainte fois m'avez grevé.
Par vostre iosengerie,
M'a celé coilli en hé
En qui i'ai, tôt mon aé,
M'entente emploie.
Maugre vostre envie
Ai tos iors gardé
Cest iolif usage.
Dame ! pour vos est fornie
Ma chancon. Pernez l'en gré :
S'ert bien ma poine mérie.
Et cil en seront crevé
Qui envers vos m'ont mellé
Par leur flaterie.
Mes ie les desfie
Par cuer con fermé
En iolif usage.
Variantes. — Texte du 845. — 4. Encore i pert (24.406). — 19. Tout
mon vivant (847). — 23. Qui ie me sui (847). — 30. Lédeugerie (24.406).
— 3,5-36. Ai losiors esté En iolif usage (847). — 40. Grevé (24.406). —
44. En forme (24.406).
Glossaire. — Meneur, honneur. — 'Bone aventure, sort favorable,
bonne réussite, — Pert et parra paraît et paraîtra. — Lerra, lera, laissera,
abandonnera. — Maint, réside, demeure (manere). — Melz, meilleur. — De
fin cuer, de cœur vrai. — Corloisie, civilité, générosité. — Boisdie, fraude,
imposture, trahison, tromperie. — Losengerie, médisance, llatterie, adula-
tion (laus). — Lédangerie, mauvais traitement, injure. — Coilli en hé, pris
en haine, en grippe. — Ae, âge, vie (aetas). — Entente, intelligence, capa-
cité. — Pernez l'en gré, prenez-la en gré, ayez-la pour agréable. — S'ert
bien ma peine mérie, ainsi sera bien ma peine récompensée. — Mellé, mis
en querelle, brouillé. — Confermé, ferme, affermi.
Bone amour, conseilles-moi ;
Par reson le vos reqier.
Vostre hom sui en bone foi
Loiaument a iusticier,
Tout a héritage.
J'ai un mal qui m'a sorpris par mon l'olage,
Qui me point et me deslraint, sans cspargnier,
Et me fait la nuit penser,
Et plorer et souspirer et veiliier.
'702 LES CHANSONS DE VERRIN d'aNGECOURT
Pcrriv, foi que ie te doi,
la celer ne le te qier.
Si siii sorpris quant la voi.
Que ne me sat conseiiiier.
Di donc n'est-ce rage?
Issi niuir, issi Innguis d'itel malage !
Ne ne m'en sai liestorner, ne esloingnier.
Ains me fait la nuit peoser
Et plorer et souspirer et veillier.
Je sai bien que ie folui !
Mes ie ne le puis lessier.
Car bien voi que ie n'ai loi
D'aler ne de reperier,
En son dous munag"^.
Mes ie la sai lant vaillant et si très sage,
Quele mi rendra un mull riche loier.
Qu'il m'estupt por li penser
Et plorer et souspirer el veillier.
Douce dame ie m'otroie
A vous, sans ia irere ariier.
Deboncîrenient vos proi
Que vos daignies essaier,
Se i"ai vrai corage.
Loiaumenl en bone foi tout mon aage
Vos servirai. Car onques ne soi boisier.
Et bien vueil ])or vos penser
Et plorer et souspirer el veillier.
Las ! lant m'ont mis en esmui
Cil mesdisant losengier,
Qu'apertement n'en requoi,
Ni os' aler n'onvoier.
Si ai tel damage
Qu'il n'est nus, tant ait d'avoir ne dheritage,
Qui le me peûst ne soudre ne paier.
Et bien vueil por 11 penser
Kt plorer et souspirer et veillier.
Perrin, mon outrage
Comperrai. Mes or me fet tel avantage
Que te veuilles en mon chant esbanoier.
Hélas ! et g'iral penser
Et plorer et souspirer et veillier.
Variantes. — Texte du 845. — Vers 3. Vostres sui (24.406). — Taat ai
héritage (id.). — 11. Ne le te qier (847). — 15. Ainsi muir, ainsi languis
LES CHANSONS DK PERKIN d'aNGECOUKT 703
(24.406). — 16. (En double) esveillier (24.406). — 25. (Jiiele m'en rendra
moût chier loier (i4.4()6). — 26. Qu'il m'esteiil pour li plaindre (id ). —29.
A vous sans retrere avoec (id.). — 32. ;<.3. 3i. Se ie vos aim loiaumenl,
sans Iricier servirai vous. Onqiies ne seul boisier (2'«.406). — 'M. Etrroi
(8i7). — 41. Ne voi que dama^'e (24.4<6 . — 43. Poist (847). — Quel me
pens ne soudre ne souhaidier (•.;4.406). — 46 et suivants passés dans
24.406.
Glosp.\irk. — Quier, demande. — /l ji/s/Zf/er. jusqu'à mourir. — A Héri-
tage, tout à votre service, à jamais, comme par héritage. — Folage, l'oiie,
extravagance. — Point, pique, aiguillonne. — Deslraint, presse, oppresse,
sbat, blesse. — Celer, cacher. — Miiir. je meurs. — Itel, tel, pareil, sem-
blable — Malage. mal, soutlrance. — Foloi, je dis des folies, des extrava-
gances. — Lessier, laisser, quitter, abandonner. — Je n'ai loi, loisir, per-
mission (licel). — r{eperier, rester, demeurer, habiter, revenir (repalriare).
— Manage, maison, manoir, ménage, société. — Loier, prix, récompense,
salaire (locarium). — // m'eiluet. il me faut, verbe estovoir. — Otroier, don-
ner, concéder (auclorare). — Trere arière; sans rien retenir. — Prui, je
prie. — Aage, âge, vie, durée de la vie. — t'a»' otiques ne su boisier, car
jamais je ne sus tromper. — Veuil je veux. — Cil losengier, ces flatteurs,
cas sujet pluriel. — Aperlement, ouvertement, complètement (apertum). —
Heqoi, repose (quietus). — S( j'ai, aussi ai- je. — y us, nul au cas sujet
siug. — Peiist, poist, puisse. — Soudre, payer (solvere). — Outrage, excès
(ullra). — Comperrai, je paierai. — Or, à présent, à celte heure [hora).^
Esbanoier, réjouir, amuser, divertir.
VI
Chanson veuil fere de moi
Et de ma manière
Car tout aperlement voi
Q'ai esté trop fière
Envers mon loial ami,
Qui j'ai de moi départi
Sans nule acheson trouver.
Je ne m'en puis conforter :
Por baler ne por ioer
Ce me font ii mal d'amer !
D'amer ! he lasse ! porqoi
Sdi si noveliere ?
Quant onques amer ne poi
Celui qui ir.'ot chiere.
Or aime il autre que mi,
S'ai a tele amour failli
Par mon orgueil orendroit
Je sui famé adroit.
Car ie n'amai onques
Celui qui m'amoit.
704 LES CHANSONS DE PERRIN d'aNGECOURT
Il m'amoil en bone foi
Lasse ! porqoi n'iere
Loiax de c;uer enver soi?
Co m'a mis arrière
De s'amour : gel sai de fi
Car tous iors 11 al menti.
S'a droit s'il s'en clalme !
J'ai plus menti que voir dit
A celui qui m'aime.
.l'aime et aimerai tous dis.
Celui qui m'agrée,
la por nul de mes amis.
N'iere mariée.
Se le n'ai prochainement
Celui qui i'alm loiaument
Ançois s'amor atendrai.
là ne mi marierai.
Mes par amour ameral.
Je l'aime, si corn le doi
Selon no couslume :
Nos amons du plil du doi.
Qu'onc famé nesune
N'ama onques de i-uer vrai.
Ne or ne forsliguerai.
Car bien voi que le ne puis.
Ne venez plus ça
Talent de bien faire
L'en vos clorrolt l'uls.
Variantes. — Texte du 843, Ce texte, qui se retrouve sensiblement le
même dans tous les manuscrits, est fort irrégulier. Les couplets n'ont pas
tous le même nombre de vers ; et leur coupe n'est pas la même. Malgré
cette irrégularité et l'absence de rime à deux couplets, la chanson paraît
pourtant complète, comme semble le démontrer la répétition du dernier mot
d'une strophe au commencement de la suivante. — Vers 7. Sans nule merci
(847). — 15. De mi (847), de moi (Vat.). — 16. A son amour (Be). — 29.
Qui iaime (847). — 36. Sa mort (847), la mort (Be). — 40. Couvine (Vat.).
46. Or ni venez plus (Vat.),
Glossaire. — Veuil, je veux. — Aperlement, ouvertement, franche-
ment. — Départi, éloigné, séparé. — Acheson. Achoison, occasion, cause,
motif. — Baler, danser. — Li mal, les maux, cas sujet pluriel. — Lasse,
malheureuse. — Nouveliere, changeante, aimant le nouveau. — Oncques,
jamais. — Ne poi, je ne puis. — ni'ol chiere, me chérit, m'aime. — Or,
ore, maintenant, à cette heure (hora). — Orendroit, tout de suite, à Tins-
tant, en vérité. — N'iere, ne fus-je. — Arrière de s'amour, m'a t'ait perdre,
retirer son amour. — Défi, de foi, sans nul doute, certainement. — Voir dit,
dit vrai. — Tous dis, toujours (dies). — Ançois, auparavant (anle). — Aimer
LES CHANSONS DE l'ERRIN d'aNGECOURT 705
du plit du doit, expresson, nous aimons du bout des doigts, à peine v tou-
chons-nous. — Foysligueiai, ie ne manquerai pas à la coutume (foris). —
Talent, envie, désir, penchant. — Clore, fermer. — L'uis, /'/iiti.<, la porte.
— IS'ësunG, aucune.
VII
Oncques ne sui sans amor
En luui.e ma vie.
Ne ia ne serai nul ior.
Car cil ne vit mio
Qui son lens n'i a torné.
Fine amour m'a assené
Par son plesir
Là (l'ont ja ne quier partir
Pour mal souffrir.
Celé que i'aim et aor
A tel seignorip,
Que tost m'aura ma dolor
En ioie chan^'ie,
Quant ele en aura pité.
Car a nule riens ne bé
Qu'à li servir
Et si ne m'en quier partir
Pour mal souffrir.
Souvent souspir et ie plor
Souvent pens et crie
De m'outrageuse folor,
Dont que ne m'ocie.
Qu'en si haut lieu ai pensé
Que i'ai mon cuer oublié,
Quant la remir.
El si ie n'en qier partir
Pour mal souffrir
Mors sui ; n'i voi autre tor,
S'ele ne m'aie.
Mes pour ce, me resvigor,
Qu'ele est si garnie
De très-fine loiauté
Qu'ele n'aura ia volenté
De moi traïr
Car je n'en qier partir
Pour mal souffrir,
45
70G LES CHANSONS DE PKRTîIN d'aNGECOUKT
E! gentil cu«rs pleins d'enor
Unis (ie vilanie!
Je sui vostres sans rrtor
Liges sans partie,
•J'ai tous iors por vos chanté.
Et !e bé tout mon aé
A maintenir.
Si nt^ m'en qier ia partir
Pour mal souffrir.
Variantes. — Texte du 845. — Ver,«: 1'2-I3. Que bien in'aroil ma dolor
jusqu'à poi changie (1591-24.406). — 19. Souvent plor (24.406). — 20. De
moi très si fçrief doiour. — 32. De très grant iolieté (iri91). — 33. Que tôt
m'aura respassé (IS'l). — 34 Par son plesir (1591). — A gentil cuer
plains d'aneur (24.406). — 3S. Plus vous aim que ie ne die (id.). — 42. Et
ie le vœil tout mon ae.
Glossaire. — Oncques, jamais. — Cil, celui-là. — 7" ('rnt', dirigé, appli-
qué, employé. — Assené, asMgné, placé. — Qier, cherche, veux. — Pour,
à cause de. — laim et aor, j'aime et j'adore. — Seigneurie, puissance,
pouvoir, autorité, magnificence. — Pité, pitié. — Riens, chose (rem). —
Bc, de Béer, aspirer, espérer, demander. — Li, elle, régime. — Folor,
folie, extravagance, perte du sens. — Qulragcuse, excessive, démesurée
(ultra). — Ocie, tue, fait mourir. — hcmir, rpgarde, contemple, admire.
— M'aie, m'aide (adjuvo). — Resvigor, reprends vigueur, ranime, regail-
lardis. — Fine, vraie. — Eneur, atieur, honneur. — Unis, sans mélange,
libre, débarrassé. — Liges, tout entier (sujet). — Aé, âge, vie (aetalem).
(A sv.irre.) N. Goffart.
NÉCROLOGIE
On annonce la mort :
De M. Octave Doyen, docteur en médecine, ancien maire de
Reims, chevalier de la Légion d'honneur, conseiller municipal,
décédé en cette ville le 10 juillet, à l'âge de 64 ans.
M. Octave Doyen était le père du docteur Eugène Doyen, l'ha-
bile chirurgien qui a fondé à Reims une clinique modèle.
— De M. Gillet, ancien conservateur du Musée et de la Biblio-
thèque de Cliâlons, décédé subitement.
— De M. l'abbé Padoy, curé de Condé-sur-Suippe (Marne),
décédé le 3 août 1895, à l'âge de 64 ans.
— De M. Charles Âubry, oncle de MM. Karl et Gabriel Hano-
taux, décédé à Reims, le 3 aoiit 1895, à l'âge de 67 ans.
— De M. BouUier, ancien maire de Troyes, ancien bâtonnier de
l'ordre des avocats, décédé dans sa propriété de Chaource (.\ube).
— De M. Xavier Lamairesse, agent général d'assurances à
Châlons, décédé à Matougues, le 1"'' septembre 1895.
M. Xavier Lamairesse, issu d'une vieille famille châlonnaise,
était le cousin de M. E. Lamairesse, l'explorateur et l'écrivain qui
a enrichi le Musée de Châlons de collections archéologiques et
ethnographiques rapportées de l'Inde.
— De M. E. Bisson, conseiller honoraire à la Cour de Paris,
chevalier de la Légion d'honneur, décédé le 9 septembre, dans sa
propriété de Ciry-Salsogne 'Aisne).
— De M. Arsène Quénardel-de Warcy, maire de Ver^enay
(Marne), président du Conseil d'arrondissement, décédé à Paris,
le 10 septembre 1895, à l'âge de 56 ans.
— De M. René Bigorgne, maire de Marigny-en-Orxois (Aisne),
décédé au cbâteau de Marigny, à l'âge de 42 ans. Neveu, par sa
mère, du docteur Gustave Lagneau, de l'Académie de Médecine, il
avait épousé M'"^ Flahaut, fille du peintre bien connu.
— De M. Debieuvre, ancien professeur, conseiller d'arrondisse-
ment, trésorier de la Société de Secours mutuels de Fumay
(Ardennes), et maire de la ville, décédé le 13 septembre 1895.
— Du docteur Mie, chevalier de la Légion d'honneur, officier de
l'instruction publique, décédé le 23 septembre, à l'âge de 73 ans.
Il avait été, pendant dix-sept années, maire de la ville de Cou-
lommiers, où il laisse d'unanimes regrets.
— De M. Arvizet, ancien maire d'Arrigny (Marne), décédé le 26
septembre, dans sa 80« année.
708 NÉCROLOGIE
M. Arvizet appartenait à une ancienne et très honorable famille
originaire de Bourgogne, dont plusieurs membres ont siégé au
Parlement de Dijon, et qui fut maintenue au Catalogue des gen-
tilshommes de la Chambre par deux arrêts rendus dans les der-
nières années du xvii* siècle.
BIBLIOGRAPHIE
Elude historique sur Pontfaverger et les communes envirorinantes, par
Charles Nicol, instituteur. — Ouvrage couronné par la Société acadé-
mique de la Marne. — Keims, imprimerie de VIndépendant rémois, 1895.
Gr. in-S" de xi-373 pages, avec nombreuses planches en phololypie, Prir :
12 fr.
Il y a un peu plus d'un demi-siècle, le cardinal Gousset prescri-
vait aux curés de son diocèse de dresser la statistique archéolo-
gique de leurs églises^ avec un aperçu historique des communes
qu'ils desservaient. Ceux-ci généralenient se tirent aider dans
leurs recherches par leurs instituteurs, et il en résulta un certain
nombre de monographies, en général fort rudimentaires, dont
les plus sérieuses doivent être conservées dans les archives de
l'Archevêché.
Un autre résultat de cette prescription du savant et vénéré pré-
lat, ce fut de répandre le goût de ces recherches historiques, goi'it
favorisé et récompensé par l'Académie de Reims, qui, dans pres-
que toutes ses séances annuelles, accorde des médailles à des tra-
vaux de ce genre, dont les auteurs sont généralement des curés
ou des inslituteurs de campagne.
Le plus important de ces travaux, comme aussi le plus remar-
quable à plus d'un titre, est sans contredit la belle Monographie
de Pontfaverger, que nous avons sous les yeux, et dont l'auteur
est M. Charles .Nicol, instituteur de cette commune, et depuis un
an pronm au chef-iieu du département.
Ce travail, édité avec un grand luxe typographique, et illustré
de 16 photographies et de 26 plans, a été entrepris en 1892 par
M, Nicol, sur l'initiative de M. Auguste Nouvion, maire de Pontfa-
verger. Il a été honoré d'une médaille d'or par la Société acadé-
mique de la Marne, comme premier prix de concours d'histoire
et d'archéologie, conformément aux conclusions d'un rapport de
M. Pélicier, archiviste départemental.
Bn voici le dernier paragraphe :
a En résumé, exposé net et précis, style correct, recherches
« étendues, documentation abondante et empruntée aux sources
« les plus sûres, tels sont les mérites qui recommandent cette
« monographie, assurément l'une des meilleures, sinon la meil-
« leure de celles que la Société a couronnées jusqu'ici. »
L'ouvrage est dédié par l'auteur à .M. Auguste Nouvion, qui,
non seulement comme maire, lui a donné le concours moral le
plus étendu, mais qui, de plus, a généreusement fait presque tous
les frais de cette belle édition.
7 ] 0 BIBLIOGRAPHIE
L'auteur a divisé son travail en trois parties :
Ponlfaverger avant la Révolution ;
Ponlfaverger, de 1789 à 1848;
Ponlfaverger, de 1848 k 1894.
La première partie comprend quinze chapitres^ où sont passées
en revue les époques celtique, romaine, gallo-romaine, féodale et
royale. L'auteur, qui a fouillé les archives de Reims et de Châ-
lons, ainsi que celles du Chapitre de l'Eglise de Reims, seigneur
de Pontfaverger, qui a déchitfré les vieux cartulaires, les minutes
des notaires du pays, a pu recueillir ainsi une abondante provi-
sion de pièces originales, qui lui ont servi à fortement documenter
chacun de ses chapitres. Il s'y attache surtout à retracer et à carac-
tériser à grands traits les diverses administrations auxquelles
était subordonnée la commune : l'administration seigneuriale,
judiciaire, religieuse, civile, financière. Il expose ce qu'était alors
l'agriculture, comment a pri^ naissance et s'est développée l'in-
dustrie des matières textiles, les écoles, la population, les anciens
poids et mesures, les fêtes, usages et croyances populaires.
La seconde partie nous montre Pontfaverger pendant la période
révolutionnaire :
Cahier des doléances;
Administration civile ;
Réformes financières ;
Religion — clergé ;
Service militaire.
Ensuite, pendant le Consulat et l'Empire.
Les invasions de 18l4-181o.
Elle se termine par un exposé succinct de l'administration des
deux derniers maires de cette période : MM. P.-J. Biseau (l8lo-
1824) et J.-P. Robert (1824-1848).
Enfin dans la troisième partie, qui va de 1848 à 1894, M. >«icol,
pour éviter tout froissement de personnalités, se borne à un
résumé chronologique des administrations qui se sont succédé
dans la commune. Nous y trouvons néanmoins des détails intéres-
sants sur la création du chemin de fer de la Suippe, et l'occupa-
tion prussienne de 1870-1871.
L'ouvrage se termine par quelques notices biographiques, et par
des pièces justificatives assez curieuses.
Ce beau livre, dicté par un noble sentiment de patriotisme, est
merveilleusement propre à inspirer aux habitants de Pontfaverger
Tamour du soi natal. Ce sera, comme le dit très bien M. JNouvion
dans Tépilogue, une relique de famille que l'on se transmettra de
génération en génération, comme un précieux souvenir des choses
aimées et des êtres chers. A. 0.
BiBLiLGRAPHIK 7tl
JaCqubs Bouché, Versailles. — Versailles, E. Aubert, 1895. Iu-8',
avec tig. et plan.
Avons-nous besoin de présenler à nos lecteurs M. Jacques Bou-
ché ? Qui ne connaît cette physionomie originale, un des hauts
barons du Champagne, doublé d'un (in lettré, aux goûts aristocra-
tiques, aux tendances radicales, sceptique surtout et libre penseur,
regrettant l'ancien régime toi.L en affirmant des opinions républi-
caines, entin le paradoxe l'ait homme : au demeurant, joyeux
compagnon, beau viveur, traitant par le Champagne sa goutte —
visiteuse importune et fréquente — et s'en trouvant bien?
Qui croirait qu'avec ces heureuses dispositions pour devenir un
fervent de l'abbaye de Thélème, ii se transforme parfois en érudit
bénédictin, fouillant les bibliothèques, interrogeant les monu-
ments et leur demandant les secrets du passé ?
Tout homme a dans sa vie une passion prédominante. Celle de
M. Jacques Bouché est la recherche et l'étude des dessous de l'his-
toire au xvii"^ et au xviii" siècles. Il en a collectionné avec soin
tous les mémoires ou histoires anecdoliques, toutes les chroniques
plus ou moins scandaleuses; il s'en est formé à grands frais une
bibliothèque toute spéciale aussi curieuse que complète. 11 s'est
imprégné de cette littérature, il s'en est assimilé le style en y
associant la verdeur de son esprit champenois ; et, doué d'une
excellente mémoire, il possède à fond tous les faits et gestes, tous
les personnages de cette intéressante époque de notre histoire lit-
téraire.
Déjà, il y a une douzaine d'années, il a publié sous ce titre :
GaUel et le Caveau, un livre « consacré aux buveurs du xviir siècle
et aux chansons de nos pères >, étude littéraire somptueusement
éditée, avec une préface de Tony Révillon, et très favorablement
accueillie dans le monde des lettres.
A force de parcourir les historiettes et aventures piquantes dont
les personnages sont d'ordinaire les grands seigneurs, les nobles
dames de cette époque, et dont le théâtre est généralement la
cour, c'est-à-dire Versailles, insensiblement ce palais et ces jar-
dins féeriques s'imposaient sans cesse à son t!sprit,et c'est de cette
sorte d'obsession que lui est venu le projet d'écrire à sa façon
l'histoire de cette merveille du grand siècle, que Michelel a qua-
lifiée : « le symbole de cette grandeur de la France unifiée pour la
première fois au dix- septième siècle x.
Louis XIII, un chasseur passionné, all'ectionnait surtout de
grands bois sauvages et giboyeux à quelques lieues de Saint-(]er-
main ; s'étant fort mal trouvé d'y coucher dans la [uiscrable
auberge d'un hameau en ruines, nommé Versailles, — à cause de
la fréquente verse des blés sur ce mauvais terrain (?) — fit cons-
truire à la place un pavillon de chasse assez mesqum d'aspect et
de proportions.
712 BIBLIOGRAPHIE
C'est là, raconte M. J. Bouché, que Louis XIV, cruellement
blessé par la fastueuse réception de Vaux, et voulant faire plus
grand que Fouquet, résolut de construire un palais qui fût sa
création personnelle, et dont les splendeurs remporteraient sur
tous les palais du monde.
Aussitôt il se met k l'œuvre. Tous les grands artistes connus
sont mis en réquisition. On réunit jusqu'à 36,000 ouvriers, qu'il
dirige et surveille lui-même. Une courte citation à ce propos don-
nera en même temps une idée du style nerveux, chaud et coloré
de l'auteur :
e Et pendant que les architectes façonnent la pierre à leur fan-
taisie, les artisans de Lyon tissent les soies les plus fines, les sculp-
teurs fouillent les plus purs marbres des Pyrénées, de la Grèce et
de l'Italie, les serruriers et les ébénistes cisèlent les portes et les
ferrures, et Le Brun raconte, sur l'immensité des plafonds, la
gloire du Roi-Soleil, tour à tour Mars, Hercule ou Apollon.
c Puis, tout autour du château, une ville sort des fondrières et
des marais; dix mille maisons s'élèvent, séparées par des avenues,
dont la hardiesse et la grandeur frappent les plus audacieux, et
qui viennent toutes mourir aux pieds du colosse de marbre; sur
les étangs on bâtit des boulevards; l'eau inonte à mille pieds de
haut et court trois lieues à travers terre avant de tomber en jets
fantastiques dans les bassins du parc, pour le plaisir du Roi.
(I C'est sur cette scène merveilleuse que va se jouer la grande
comédie de la royauté pendant plus d'un siècle... »
Une fois la scène construite, voici venir les personnages des
comédies et drames qui s'y joueront successivement.
C'est d'abord le (jrand Dauphin, fils de roiypère de roi, jamais
roi ;
Puis son fils, \e duc de Bourgogne, l'élève de Fénelon, qui, sous
un tel maître, se corrigea de tous ses défauts^ sauf l'amour du vin
— ce qui ne saurait offenser personne, ajoute judicieusement
le chroniqueur champenois ;
Ensuite la duchesse de Bourgogne.
Chacun de ces personnages a son portrait finement tracé, sou-
vent avec quelque croustillante anecdote, comme pièce justificative
ou documentaire.
Le drame tourne au tragique, et nous assistons aux morts mys-
térieuses de la duchesse d'Orléans, du duc de Berry, d'une grande
partie de la famille royale.
Bientôt Versailles ne suffit plus à Louis XIV. 11 lui faut un retrait
où il puisse jouer avec ses familiers et les tricher à son aise. Cet
ermitage, c'est Marly, dont l'auteur décrit la création et les magni-
licences. Les courtisans à l'envi ambitionnent l'honneur d'être
admis à y accompagner le souverain. C'est là que le vieux
monarque, hesoigneux d'argent, fit taire son orgueil pour y
BIBLIOGRAPHIE 713
accueillir le juif Samuel Bernard, qui ne lui ouvrit sa caisse qu'à
celle condition.
Pendant la minorité de Louis XV et la régence de FMiilippe
d'Orléans, la résidence de Versailles fut souvent négligée, le jeune
roi étant retenu à Vincennes par son tuteur. Mais après sa majo-
rité, Versailles reprit ses droits et privilèges.
Dans une pittoresque description du sacre — description par à
peu près — M. J. Bouché raconte que les ambassadeurs d'Autriche
étant descendus quelques jours auparavant à l'auberge de ÏJne
rayé, l'hôtelier leur faisait visiter les curiosités de la ville, et le
soir, leur faisait passer en revue les vignobles fameux des r.oleaux
de Reims — ce à quoi ils prenaient grand goût.
« La veille du sacre, il parla de deu.T crus nouveaux, Ay ei
Mareuil, de l'autre côté de la montagne, sur les bords de la
Marne, et vanta leurs vins. Les jeunes gens se laissèrent aller com-
plètement à celle nouvelle étude; mais quand ils se réveillèrent le
lendemain, le sacre était lini.Ils retournèrent à Vienne sans avoir
rien vu. »
Comme on le voit, ce n'est pas une histoire méthodiquement
racontée dans l'ordre chronologique. Quelques propos échangés
dans les galeries, quelques cancans d'antichambre suffisent à Tau-
leur pour instantané iser un caractère, une physionomie. C'est ainsi
qu'il nous fait assister aux fiançailles du jeune roi avec l'infante
d'Espagne, au renvoi de cette fiancée à sa famille, aux justes
noces de Louis XV avec la fille du roi détrôné de F'ologne, Maria
Leckzinska.
Dans un chapitre intitulé : La Ville sous Louis XV., il nous
décrit ce qu'était Versailles au commencement du nouveau règne,
et il nous indique les agrandissements et embellissements succes-
sifs que reçut cette ville pendant toute la durée de ce règne.
Le chapitre suivant : Promenade du Roi, lui fournit l'occasion
de donner une minutieuse description du jardin, avec ses colon-
nades, ses terrasses, ses entassements de verdure, ses statues, ses
méandres ses jets d'eau, son grand canal, descriplion dont la lec-
ture est merveilleusement facilitée par la reproduction du plan
général de \'i20, fort habilement dressé par M. Paul Favier.
Celui qui a pour titre : Les Enfanls du Roi, nous initie aux
détails d'intérieur de la vie domestique du souverain, un père do
famille soucieux de soustraire ses filles aux exemples contagieux
que donne la cour.
Régis ad exeniplar...
Le chapitre des viaitresses ne pouvait manquer de donner
matière à des détails assez scabreux, fournis surtout par des cita-
tions de mémoires contemporains, où l'on ne s'in(iuiélail guère de
gazer les mots ni les choses.
L'ouvrage finit — qui s'en serait jamais douté — par une quasi
714 BIBLIOORAPHIB
réhabilitation de Louis XV, et par la démolition radicale de la
légende du Parc-aiix-Cerfs, légende qui ne date guère que de
1830, et dont M. Jacques Bouché démontre la fausseté par d'irré-
futables arguments et les pièces à Tappui.
Voici, au reste, le dernier paragraphe du livre :
« Ses mœurs n'étaient pas plus déréglées que celles des sei-
gneurs ou des bourgeois de son temps : s'il eût été autrement
marié, il est probable qu'il tût resté un mari aussi tranquille qu'il
a été un irréprochable père de famille.
(( Il prit des mains de Louis XIV la France appauvrie et épuisée ;
c'est un miracle que, pendant près de soixante ans que dura son
règne, il ait pu côtoyer d'aussi près la banqueroute sans sombrer;
mais ce ne sont point ses dépenses qui ont creusé l'abîme. Il a
rendu les tinaiices comme il les avait reçues, dans le même état
déplorable, et il ne faut pas lui attribuer le déficit. 11 n'y a eu
d'autre artisan du désastre (jue Louis XIV, qui avait gaspillé le tré-
sor de ses pères et engagé criminellement l'avenir ; et quinze
années de parcimonieuse administration et d'ell'orts inouïs n'em-
pêchèrent pas, en i789, les Etats-Généraux de trouver les colTres
absolument vides et le pays ruiné, sans pain et satis ressources. »
Pour mener à bonne fin cette tâche importante de la reconsti-
tution ou mieux de la création de Versailles, M. Jacques Bouché
n'a point hésité à quitter ses celliers champenois et à aller se
claustrer pendant quelques années dans cette nécropole qui s'inti-
tule encore le Palais des Gloires de la France, et dont une puis-
sante amitié lui avait ouvert toutes les portes, à évoquer tous les
souvenirs du dernier siècle, à interroger des traditions encore
vivaces, à contrôler et à vérifier sur place les récits et anecdotes
des chroniqueurs, à s'assimiler enfin tous les éléments et maté-
riaux de l'œuvre qu'il vient de publier avec un grand luxe de
typographie et de jolies gravures de Prodhomme. Si le négociant
envoie aux extrémités du monde son vin pétillant de Mareuil-sur-
Ay, le littérateur est loin de rechercher une aussi grande publicité
pour son livre, un bijou de bibliophile, tiré seulement à un nom-
très restreint d'exemplaires, exclusivement réservés au petit
nombre des confrères et amis. A. 0.
Dans la nouvelle édition de l'Histoire de la Jacquerie, par
Siméon Luce^, le quatrième chapitre est consacré à rappeler les
épisodes du soulèvement des Jacques dans le Perthois et dans la
prévôté de Vitry, soulèvement qui n'entraina pas de cruelles
représailles, grâce à la prudence du seigneur de Saint Uizier. Les
insuigés étaient concentrés à Saint-Vrain ; le seigneur de Saint-
Dizier, après une conférence avec les chefs des Jacques, qui avaient
1. Paris, IL Champiou, 1895.
BIBLIOGRAPHIE 715
à leur tèle Jean Flageollel, de Favresse, parvint à les calmer. A la
siiile du texte, on trouve une liste des localités qui figurèrent dans
ces scènes de pillages. Parmi celles qui intéressent l'histoire de la
Brie et de la Champagne, on remarque les noms de : Acy, .Arcy-
Sainte-Restitue, Avenay, Bailly-aux-Ormes, Bayarne, Bazoches,
Belleau, Bettancourt, Bignicourl sur-Saulx, Blacy, Bailly-leChà-
tel, Bordeaux, Boucliy-le-Hepos, Chaciise, Chalette, Chalons-
sur-Vesle, Cliareiiligny, Cliarny, Château-Thierry, Chavanges, Lhe-
uay, Couches, Contlans, Courtry, Couvrot, Cruguy, Dhuizy, Dor-
mans, Doué, Drouilly, Ecury, Epernay, Etrépy, Favresse, Fère-
en-Tardenois, Gandelu, (irandes-Côtes, lleiltz-le-Hutier, Heiltz-ie-
Maurupt, La Celle-en-Brie, La Chapelle-sur-Calle, La Ferté-sous-
Jouarre, Lagny, Lissy, Liore, Lucy, Maison, Marcilly, Meaux,
Merly, Monligny-Lencoupe, Montry, Neuilly-Saint-Front, Pom-
ponne, Pouillon, Prasiin, Provins, Sant-Amand,Saint-Dizier, Saint-
Aude, Sainte Livière, Saint-Luniier, Saiut-Thiébaul, Saint-Thierry,
Saint-Vrain, Sompuis, Songy, Thiéblemont, Thil, Torcy, Viliers-
Franqueux, Vitry-la- Ville, Vroil. — Ajoutons (jue, parmi les pièces
justificatives, on trouve plusieurs lettres de rémission qui con-
cernent des Champenois du pays de Vitry.
Dans les Notices eu extraits de manuscrits de la Bibliothè'iue
nalionalr et autres bibliothèques (Tome 30, l'o partie), M. Paul
Meyer fait connaître deux matmscrits, du xiv siècle, contenant
une Vie rimée de saint Rémi. Ces textes, qui faisaient partie de la
bibliothèque des rois Charles V et Charles VI, passèrent dans celle
des ducs de Bourgogne, et font partie aujourd'hui de la Biblio-
thèque royale de Belgique.
Ces deux manuscrits, copiés sur un original qui n'a pas encore
été signalé, avec chacun des vaiiantes, sont l'œuvre d'un poète
nommé Hichier, qui les rédigea à la demande des moines de
Saint-Remi. Us contiennent 8 250 vers, et l'auteur a pris comme
bafe la Vie compoïée par Hincmar. Cependant Richier parait
avoir, a la (in du poème, intercalé le récit d'un miracle passé sous
silence par Flodoard, qui a trait à la punition de pillards qui
avaient volé du vin dans l'église de Boulhgnereux, probablement
pendant les démêlés que la maison de Vermandois eut avec l'ar-
chevêque de Reims à la lin du x*-" siècle.
Sommaire de la Revue historiqur. T. LL\. Septembre-octobre
1893
lomle uL Hamel de Bhecjil, Un ministre phdosophe : Carvalho, mar
quis de Pombul (\" arl.), p. I a 35. — Bouui;t (M.). Thomas d& l
Marche, bâtard de Franrc, p. 3() à 70. — LouTcunsKY J.),De la pelii
propriété en France avant la Kéooluliou, p. 71 a 107.
716 BIBLIOGRAl'HIE
*
Sommaire de la Revue historique ardennaise (septembre-
octobre 189o) :
I. Jean II d' Apmnoiit, prince d'Amblise, seigneur de Buzancy el de
Lûmes, par N. Hubignon.
II. Mélanges. — La poterie d'étain, à Sedan, au AT//' siècle, par Ernest
Hknhy.
Cloches de Vépoque révolutionnaire, à Saint- Gennainmont, Darly, Thu-
gny et Coucy, par Henri Jadart.
Les la Mothe-IIoudaincourt, seigneurs de Cltâteau-Porcien, par Paul
I'ellot.
Les vendangts à Mouzon, en 1769 el en 1772.
III. Bibliographie. — Lahaye et de Hadiguès de Chennevière, Inventaire
analytique des pièces et dossiers contenus dans la correspondance du
Conseil provincial el du Procureur général de Xamur. — Gazier,
Labbé de Pontchûteau et l'abbé d'Asfeld. — Ch. Cerf, Notice sur l'abbé
Anot. — GotFart, Un denier d'Olhon frappé à Mouzon. — Lacaille et
Jadart, Extraits des Comptes communaux de Relhel. — Jadart, Excur-
sion dans l'Argonne.
IV. Chronique. — Les Ardennes à l'Exposition rotrospective de Reims,
en 1895, par Henri Jadart. — Le monument de Uubois-Crancé, à
Kethel.
V. Planche. — Armoiries de l'abbaye de Signy, aux xvi% xvii» et xviii»
siècles.
Sommaire de la Revue d' A r demie el d'Argonne (septembre-
octobre 1893) :
D' J. Jailliot, Recherches sur l'abbaye de Chéhéry. — A. Donnay.
Excursions : Stonne et le Mont-Dieu. — S. Leroy, Xotice armoriale
et généalogque sur la Maison de Bouillon (suite).
Chronique.
Bibliographie. — L'Ardenne, par Jean d'Ardenne. — Souvenirs d'Ardenne,
par M. H. Dacremont.
Table des matières. — Corrections.
CHRONIQUE
SOCIÉTK HlSTORIQCE KT ArCHKOLOGIQUE DE CiIATEAU-ThIEHHY
(Séance du 6 août tS'J')).— Présidence de M. Vérelle.
I. — M. lAIoiiIiii signale l'ouvrage intitulé : « Fables inédiles des
xii% xiii" et xiV siècles et Fables de La Fontaine, rapprochée- .de
celles de tous les auteurs qui avaient, avant lui, traité les mêmes
sujets, précédées d'une notice sur les fabulistes, par A.-C -M.
Robert, conservateur de la bibliothèque Saiiite-(;eneviéve, ornées
d'un portrait de l,a Fontaine, de '.)Q gravures en taille-douce, et
de fac-siinile, 182.'J », et cile quelques-uns de nos voisins ou de
nos compatriotes (jui n'ont point été inutiles à l'œuvre du poète :
ainsi plusieurs chants ou branches du roman du Benard, par un
piètre de la Croix -en-Brie. C'est surtout dans les récils de Gauthier
de Coincy, prieur de Saint-Médard, auteur de la vie des anciens
Pères, des Miracles de la Sainte-Vierge, un trouvère du xine siècle,
que La Fontaine a pu faire d'heureux emprunts :
Tant va le pot au puis qu'il brise.,.
Cils qui le leu veult resembler
La piau du leu doit atfubler...
Un commentateur, M. Méon, a rapproché un conte de Cauthier
de la fable de La Fontaine : La Mori, el le Bûcheron. L'action est
ditférente, mais la peinture du désespoir du malheureux qui
invoque la mort se rapproche singulièrement du texte de la fable.
On pourrait également mettre en regard la « Parole de Socrate )>,
avec un extrait du Casloiemenl :
Un bon ami, à dire voir (vrai)
Vault mieux que grand plant d'avoir (argent)...
René Gobin, maître es arts de la chrétienté de Lagny-sur-Marne,
auteur qui avait plus d'érudition que de goût, a fourni à La
Fontaine des citations qui ne manquent pas d'à-propos.
Que ne pourrait-on dire si l'on rappelait Charles d'Orléans,
Marie de France, etc. ?
II. — On vient de retrouver, assure M. Albert Tournaire, un
manuscrit du xiv« siècle où se trouve l'origine de onze fables de
La Fontaine;, et non des moindres; dans le nombre figurent : les
Animaux malades de la pesle, le Meunier, son fils cl l'âne. On
attribue ce manuscrit à un moine de l'abbaye de Citeaux.
« L'inimitable fabuliste disposait d'un art d'imitation véritable-
ment prodigieux... il a fait oublier ses modèles à tel point qu'aux
yeux des lecteurs ses prédécesseurs n'ont guère que le mérite de
lui avoir fourni la matière de tant de pages charmantes... »
718 CHRONIQUK
Celle élude de M. Tonrnaire a paru dans un journal politique ;
en se l'appropriant, comme tout ce qui louche à notre La Fontaine,
la Société croit avoir répondu à un désir de l'auteur qu'elle félicite
sincèrement.
III. — Un récent \isiteur a constaté avec regret le délabrement
de la charmante église de Mézy ; si des subsides ne sont pas promp-
tement votés pour permettre les réparations urgentes que nécessite
cet édifice, il est bien à craindre qu'il ne tarde point à disparaître,
comme l'antique église de Montron, et nombre d'autres qui tom-
bent, pour ainsi dire, en ruines. Quand M. Barbey donna, en 1867,
la description de la croix du cimetière de Mézy, en fort mauvais
état aujourd'hui, il appelait déjà l'attention de l'administration
sur celle église, type remarquable des ])remières constructions
gothiques de noire région.
IV. — M. l'abbé Marsaux, de Chambly, communique la note
suivante :
e A Wissou*, canton de Longjumeau (Seine-el-Oisel, en io96,
pour la fonte des cloches de l'église, marché conclu par les mar-
guilliers et receveurs de l'œuvre et fabrique monsieur Saint-Denis
de Huicl-Solz (sic) avec Nicolas Le Moyne, maître fondeur, demeu-
rant au Chernoij ['!) près Cliàteau-Thierry », lequel s'engage à
fondre bien et deument, comme il appartient, les quatre cloches
de la dicte église et paroisse de Huictc-Solz de l'accord des
quatre tons fa, mi, ré, ut, bien sonnante et accordante au dire de
gens à ce congnaissans ».
Pièces relatives à cette opération, parmi lesquelles des reçus
avec la marque de Nicolas Le Moyne, 1596 (.\rchives de Seine-el-
Oise).
V. — A la suite du déplacement du bulTet de l'orgue de l'église
Saint-Crépin, en juillet 189o, on a retrouvé deux notes inscrites
sur des planchettes de chêne et qui nous semblent devoir être
publiées à titre de documents sur la provenance de l'ancie:] ins-
trument qui va être prochainement remplacé. M. l'abbé Marsaux
avait mentionné, en février 1894, ce fait curieux que, pour se
tenir au courant de tous les; perfectionnements, les chanoines de
Beauvais donnèrent missioji, en juillet 1538, à leur organiste, de
visiter les orgues neuves de Château-Thierry.
Voici maintenant le texte exact de la première note ; elle émane
sans doute de l'ouvrier qui a placé l'instrument destiné, sans aucun
doute, à remplacer celui de 1538, devenu hors d'usage. Nous en
respectons l'orthographe :
« Je suis étez fait à l'abbays des Dames du Charme et remonté à
la parroisse Saint-Crespin part le citoyen Chevalier, facteur
d'orgues, le 30 mars, l'an deuxième de la République fran-
çaise, 1793 ».
Deuxième note : « Cet orgue a été réparé en 1843 par M. Hubert
Pierre, facteur à l'Épine, près Châlons-sur-Marne ; avec les dons
CHRONIQUE 7 1 9
de Mme la marquise do Vidranges, décédée en 1842; de M. le
marquis de Mézy-Monlferrand, son neveu ; de MM. les membres
du Conseil de fabrique: M. Vol, maire, président: M. Caby, rnré-
archidiacre ; M. de Houssois, trésorier ; M. Demimuid ; M. de
Gerbrois ; M. Houiier; M. Dugied «.
\'I. — Le secrétaire rend sommairement compte de la visite
qu'il a reçue de M. Anlony Valabrègue, critique d'art.
Ce dernier a entrepris, sans caractère officiel, la visite des
musées de la contrée de l'Est; il connaissait déjà les quelques
toiles qui décoraient, ces années dernières, le musée La Fontaine
et qui, maintenant, sont placées à l'Hôtel de Ville, toiles qui, pour
la plupart, provenaient de dons faits par M. Jules Maciet.
Les belles gravures qui ornent la salle des séances de la Société,
et qui viennent aussi de M. Maciet, ont attiré également l'atten-
tion du critique.
M. Valabrègue se fait l'apôtre convaincu de la décentralisation
artistique; il désirerait qu'à l'imitation de l'Allemagne les villes
qui ont une certaine importance, et qui ont vu naître dans leurs
murs un savant, un artiste, n'iiésitassent point à grouper tout ce
qui se rapporte à cet illustre enfant, afin de constituer une collec-
tion qui aurait sa valeur propre. Ainsi La Fontaine devrait avoir à
ChiÂteau-Thierry, outre sa statue, un musée des cbefs-d'œuvre qui
rappellent son souvenir: éditions remarquables, tableau.x, statues,
tapisseries, etc.
M. Jadart, secrétaire général de l'Académie nationale de Reims,
au nom de cette Société savante et du Comité de l'Exposition
rétrospective, adi'esse des félicitations et des remerciements à
propos du remarquable article de M. Fr. Henriet sur l'Exposition
de Reims.
Le secrétaire annonce la mort de M. Bellanger fils, membre
correspondant, enlevé le mois dernier à la suite d'une courte
maladie.
MM. Jehan, homme de lettres, et Velly, notaire, sont proposés
comme correspondants.
Séance du 3 septembre 1S95. — Présidence de M. de Larivière,
vice-président.
1. — Si l'on réunissait les diverses notes qui ont été publiées
dans les Annales sur l'Hôtel-Dieu de Château-Thierry: charte de
fondation, vicissitudes soulevées par les événements politiques,
dévouement des religieuses, richesses artistiques, on aurait, à vrai
dire, toute l'histoire de cet antique établissement.
Son Trésor, toutefois, n'avait été jusqu'à présent l'objet que
d'indications sommaires; M. Fr. Henriet en entreprend aujourd'hui
l'histoire et nous donne la première partie : la Pharmacie. Tous
ceux qui connaissent l'Hôtel-Dieu ont admiré, rangées avec ordre
par la Mère Saint-Bernard, les belles faïences pour lesquelles une
720 CHRONIQUK
adminislralion intelligente a trouvé une place favorable dans un
meuble qui est lui-même un chef-d'œuvre de menuiserie.
II, — Quelques assertions de VEssai sur la géogrnpliie écono-
mique de l'arrondissement de Clidteau-Thicrry, par AI. Minoutlet,
ont pu être contestées, au moins quanta l'époque actuelle, par un
auditeur compétent et documenté ; on y trouve néanmoins beau-
coup de choses intéressantes : l'histoire ancieime, pourrait-on
dire, y trouve aussi son compte. On y voit, en elfet, que INeuilly-
Saint-Front a possédé non seulement des fabriques de bas, mais,
il y a deux siècles, des fabriques de serges assez renommées ; la
concurrence de Reims et de Beauvais produisant des serges moins
fortes et, partant, moins chères, a ruiné l'industrie de celte petite
ville.
IIL — M. l'abbé Marsaux communique quatorze fiches relatives
à Château-Thierry, qu'il a eu l'obligeance de faire relever au,x
Archives nationales, à notre intention.
IV. — M. Joseph Berthelé lit une importante élude sur le très
remarquable ouvrage de M. Eugène Lefèvre-Pontalis, sur l'Archi-
tecture religieuse de l'ancien diocèse de Soissons et les églises du
Soissonnais ; plusieurs de cescurieu.x monuments appartiennent à
la circonscription de Château-Thierry.
M. Josse a bien voulu communiquer au secrétaire le terrier
illustré de l'abbaye du Charme. Nous aurons l'occasion de revenir
sur ce recueil si curieu.x, en rendant compte d'un travail en prépa-
ration sur cette abbaye dont il reste peu ,de vestiges.
MM. Veily, notaire, et Jehan, homme de lettres, sont élus mem-
bies correspondants.
* »
M. G. Julliot, président de la Société archéologique de Sens et
conservateur du Musée gallo-romain de cette ville, a donné, dans la
séance de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres du 27 sep-
tembre ^895, lecture d'un travail accompagné de plusieurs dessins
à l'aide desquels il a essayé de restituer la façade d'un établisse-
ment de thermes qui aurait été élevé par les Romains, dans le cou-
rant du premier siècle de l'ère chrétienne, sur le sol de la capitale
des Senones.
Pour arriver à ce résultat, M. Julliot s'est servi des dessins, à
une même échelle, de trente et une pierres du musée, à l'aide
desquelles il a pu reconstruire une façade d'environ 20 mètres de
longueur sur 12 mètres de hauteur, comprenant quatre immenses
fenêtres séparées les unes des autres par des colonnes engagées
dans les murs tout couverts de riches sculptures d'ornement.
M. Babelon, notre érudil compatriote, conservateur du cabinet
des médailles à la Bibliothèque nationale, fait une communication
sur la gravure en pierres fines à l'époque carolingienne dont il
signale la renaissance brillante à cette époque de notre histoire.
CHRONIQUE 721
Cette renaissance est signalée par divers monuments, entre
autres : un grand disque de cristal représentant l'histoire de
Suzanne, gravé par l'ordre de Lothaire II, roi de Lolluiringie, et
conservé au Musée britannique ; une intaille du musée de Houen,
représentant le Baptême du Christ ; entin un grand nombre de
crucifixions.
Après le milieu du dixième siècle, la gravure en pierres fines
retomba dans la barbarie, d'où elle ne sortira de nouveau qu'au
temps de Suger.
*
Séanck publique de la Société d'Agriculture, Commerce, Sciences
ET Arts du département de la Marne. — La Société académique de
la Marne a tenu sa séance publique annuelle le 22 août, dans le
grand salon de l'Hùtel-de-Ville de Châlons.
Une assistance nombreuse et brillante bravait l'accablante chaleur
de cette journée, et, disons-le à l'éloge des orateurs, elle leur a
prêté jusqu'à la fin une attention soutenue.
M. Pélicier occupait le fauteuil delà présidence. Au moment où
il venait de commencer son discours, M. Léon Bourgeois, député
de la Marne, et de nombreux membres du Conseil général sont
venus prendre place sur l'estrade où l'on remarquait, à côté des
membres de la Société, M. le docteur Vast, président de la Société
des arts de Vitr3--le-François, M. Morel, l'archéologue rémois,
M. le commandant Simon, de Fismes, M. Lucotte, d'Avize, etc.
Le discours de M. Pélicier était intitulé : « Chàlons au bon vieux
temps ». Ce bon vieux temps, M. le Président le place vers 1780,
sous le règne de Louis XVI. Ce fut une belle époque pour la ville
de Chàlons et nous admirons encore les œuvres qu'elle a laissées.
Notre ville venait d'avoir son Haussmann dans la personne de l'in-
tendant Rouillé d'Orfeuil, secondé par l'ingénieur Colluel. Qu'on
songe qu'en une vingtaine d'années, on vit s'élever l'Hôtel de Ville,
le Palais de l'Intendance (aujourd'hui la Préfecture), la Porte
Sainte-Croix, se créer le Cours d'Ormesson, le Jard, etc. Si toutes
les époques qui ont suivi avaient été aussi fécondes, notre ville ne
le céderait à aucune autre en élégance.
M. Pélicier a retracé la vie et les mœurs de nos pères, encore
empreintes de la simplicité du moyen-âge.
Ce discours a valu à son auteur les applaudissements unanimes
de la salle et les félicitations de M. Bourgeois, qui a pris de nou-
veau la parole quelques minutes après, à l'occasion de l'œuvre
musicale intitulée « Hymne à Apollon », chant grec du m* siècle
avant J.-C, découvert à Delphes, en mai 189:!. Il était heureux de
rappeler que, ministre de l'instruction publique, il demanda et
obtint des Chambres des crédits pour les fouilles entreprises à
Delphes. C'est là qu'on trouva, entre autres productions du génie
.722 CHRONIQUE
grec, le chant qui exprime si bien, dans l'allégresse de \a pre-
mière partie, le souvenir de la Grèce libre, et dans les accents
mélancoliques de la seconde, la douleur de son asservissement.
Cette page musicale, si bien exécutée sous la direction de M. Huet,
par M. Chenu et par un chœur de jeunes filles, devenait donc en
même temps, grâce au commentaire de M. Léon Bourgeois, une
page d'histoire faite pour inspirer les plus graves méditations.
Le compte-rendu des travaux annuels a été lu par M. Emile
Lemaire, au nom de M. ("abbé Puiseux, secrétaire.
M. Horguelin a lu le rapport sur le concours d'histoire et d'ar-
chéologie. L'un des travaux soumis à la Société était l'histoire du
monument commémoratif de la bataille de Champaubert. Ce fut,
pour le rapporteur, l'occasion de tracer en quelques pages bril-
lantes le récit de cette partie si glorieuse de la campagne de 1814.
Le second mémoiie, sous un titre modeste, « Une meule antique
trouvée dans les marais de Saiut-Gond », était une étude intéres-
sante sur la mouture du blé dans les sociétés primkives.
Après ces lectures, est venu le rapport de M. Bédouin sur le
concours de poésie, peu abondant cette année.
Enfin, M, l'abbé Appert, au nom de la Société^ a payé le tribut
d'éloges et de regrets qui était dû à la mémoire de Mme Anais
Ségalas.
Nous avons déjà dit un mot de la partie musicale : elle se com-
plétait par l'exécution de la Déploralion de Jean Okeghem, com-
plainte du XVI" siècle, avec solo de hautbois fort bien rendu par
M. Larchet, un de nos meilleurs artistes chàlonnais ; et d'une
Romance pour violon, de Kreutzer, exécutée par Mlle Cécile Huet
avec accompagnement de piano par Mlle Thérèse Huet.
M. Duckett a donné lecture du rapport sur le prix fondé par
Mlle Javey, de Tours-sur-Marne, et fait applaudir une intéressante
biographie de cette bienfaitrice.
M. le président de la Société a terminé la séance par la procla-
mation des noms des lauréats.
CONCOURS DE 1805
!•■'■ Concours. — Histoire
Médaille de bronze : M. Schmitt, instituteur public à Cham-
paubert, pour sa notice sur le monument de Champaubert-la-
Bataille.
AnCHÉOLOdIE
Médaille d'argent : M. Edgar Grosjean, médecin à Montmirail,
pour sa notice sur un moule de grès préhistorique.
4" Concours. — Poésik
Médaille d'argent : !\L Turpin, rédacteur au Messager de la
Marne à Vilrv-le-François, pour sa poésie intitulée : Fantoum,
S'pera.
CHRONIQUE 723
Médaille d'argent : M. Camille Schwiiigrouber, pour sa poésie
intitulée : Mahi-Bala.
Rappel de médaille de bronze: M. Léon Migne, de Dormans,
pour sa poésie intitulée : Les Quatre Saisons.
Rappel de médaille de bronze : M. Auguste Lagrange, répétiteur
au Collège de Libourne, pour sa poésie intitulée : Trait d'hé-
roïsme.
Mention très honorable : M. Ely Nevil, à Laigle (Orne), pour sa
poésie intitulée : Poèmes divins.
'6'^ Concours. — Agriculture
Médaille d"or : M. Jean Baptiste Hurlin, fermier à la ferme des
Forges (Épernay), pour l'ensemble de ses cultures.
Médaille d'or : M. E. Deliège, instituteur public à Suippes, pour
son enseignement agricole et ses cbamps d'expériences.
Médaille de vermeil : M. Désiré Coûté, gérant de la ferme Notre-
Dame, pour l'ensemble de ses cultures.
Médaille d'argent; .M. Jules Benoit, à Sarry, pour ses cultures
mises en métayage.
SliRVlTEUHS RURAUX
Médaille de vermeil : M. Michel André, 43 ans de services, à la
ferme des Forges (Epernay).
Médaille de vermeil : M. Emile Lépine, à Damery, 41 ans de
services.
Médaille de vermeil : M. Xavier Gobert, à Oiry, 31 ans de
services.
Médaille de vermeil : M. Ernest Favret, à Pierry, 31 ans de
services.
Médaille d'argent : M. Pierre Schmilt, à Orconte, 31 ans de
services.
Médaille d'argent : M. Sosthène Jacquier, 21 ans de services.
8" Concours. — Chemins rukaux. — Diplômes d'honneur
1. Commune de Nuisement-sur-Coole : M. Boucquemonf, maire,
pour le bon entretien de ses chemins ruraux.
2. Commune du Baizil (arrondissement d'Épernay) : M. Lefort
étant maire.
3. Commune de Rilly-la-Montagne (arrondissement de Reims) :
M. Ducanoy étant maire.
4. Commune de La Neuville-aux-Bois (arrondissement de Sainte-
Menebould) : M. Maucourant étant maire.
5. Commune d'Aulnay-l'Aître (arrondissement de Vitry-le-
François) : M. Benoist étant maire.
11« Concours. — Prix Charles Picot
Diplôme d'honneur et 200 fr. : M. Lumereaux, architecte à
Vllry-le-François, membre de la Société des Ingénieurs civils,
724 CHRONIQUE
Et M. Maginol, mécanicien et fondeur à Serniaize, pour leur
moteur aérien.
12" Concours. — Prix Savey
Diplôme d'honneur et un objet d'art de 7b fr. : Mlle Simonnet,
Louise-Charlotte, à Fraacheville (prix fondé par Mlle Adeline
Savey).
"Voici le discours prononcé par M. Pélicier, président, sur « Chàlons
au bon vieux temps » :
Messieurs,
L'année deruière, à pareil jour, mon cher el honorable prédécesseur retra-
çait devant vous l'une des paf^es les plus émouvanies de notre histoire
locale, l'entrée à Chàlons du roi Charles VII et de Jeanne d'Arc le 13 juillet
1429. Le sujet que j'ai choisi n'est pas aussi palpitant, mais il est encore
emprunté h notre histoire, et à ce litre j'espère qu'il trouvera grâce auprès
(le vous. Je voudrais dire en quelques pages, en quelques lignes, ce que
(ut Chàlons au dernier siècle, au bon vieux temps, si vous le voulez, puis-
que, suivant une tradition qui remonte au-delà du vieux Nesior, le bon
temps, c'est toujours le passé.
A l'époque dont je parle, le voyageur arrivant de Paris, en descendant la
pente qui mène de Thibie aux rives de la Marne, apercevait de loin la ville
aux 13 églises el les Jeux clochers qui faisijieut alors la gloire de nutre
cathédrale et dont elle porte aujourd'hui le deuil.
De loin aussi pouvait-il reconnaître les lorlifications ou du moins les
nombreux vestiges encore debout de l'ancienne enceinte de terre et de
craie, derniers témoins d'une époque où la Lorraine étant encore pays
étranger et la Blesine servant de limite entre la France et l'Empire,
ChâloDS était à proprement parler une ville frontière, l'une des clefs de la
maison française, quelque chose comme fut Melz avant 1870, comme sont
aujourd'hui Verdun et Toul. Aussi les ordonnances royales des xv" et xvi»
siècles qui auloriseut les habiiants à s'imposer pour l'entretien de leurs
murs ne manquent-elles jamais d'insister « sur l'importance d''icelle ville
qui est sur la Irontière et une des principales villes et ciels de Champa-
gne ' ».
Mais, franchissons la Marne sur le beau pont qu'achevait au début du
règne de Louis XVI l'ingénieur Colluel et entrons en ville. Alors comme
aujourd'hui, le point vilal de la cité, le centre où confluait toute la vie
active était l'antique Marché au Blé, emplacement probable du vieux forum
romain. Là se dressaient le pilori et le gibet, emblème de la justice roj'ale
qui avait fini par absorber les justices des quatre anciens seigneurs tempo-
rels de la cité. Tout autour de la place des arcades dont un débris subsiste
encore ; de nombreuses hôtelleries, plusieurs fois séculaires, la Vache ou le
Pot d'Étain, VOslel du Regiiard, la Haute-Mère-Dieu.
Qui sait si leurs enseignes, je parle de celles que l'on voyait au temps
de Louis XVI, n'avaient pas été les témoins des événements qui s'accom-
plirent sur le Marché au xv» siècle, par exemple l'assemblée générale du
17 août 14l7 où les habitants de Chàlons déclarèrent embrasser la cause du
duc de Bourgogne, Jean-sans-Peur, ou bien encore les fameuses joutes de
1445 où assistait le roi Charles VII accompagné du dauphin qui devait
être Louis XI, de la reine Marie d'Anjou et de ce roi de Sicile que la voix
1. Ord. de Henri II, 8 août loo4. — Arch. munie, de Chàlons, CC. 12.
CHRONIQUE 725
commune devait saluer un jour d'un nom resté populjire, celui du bon roi
René.
J'ai dit que certaines enseignes du xviii" siècle pouvaient avoir été con-
temporaines des dernières années du moyen-âge : c'est qu'eu ell'et l'aspect
des lieux et des choses changeait moius vile autrefois qu'il ne change de
nos jours, et je ne serais pas éloigné de croire que le Châlons de 1780
ressemblât davantage n celui du xvia siècle que la ville d'aujourd'hui ne
ressemble à celle d'il y a cent ans. Sans doute on voj'ait déj i s'élever de
Douvelles et splendides constructions, l'Hôtel de l'Intendance et notre Hôlel-
de- Ville, mais dans l'ensemble, c'étaient encore les mêmes rues étroites,
mal pavées, à peine éclairées pendant la nuit ; sur le milieu de la chaussée
un unique ruisseau, transformé eu torrent par les pluies d'orage et alimenté
par les gargouilles qui déversaient l'ondée sur la tête du malheureux pas-
sant. Pour vous promener à travers ce dédale de rues, d'impasses, de
ruelles, que n'ai-je l'érudition si précise, si abondante et si sûre de notre
cher et regretté Grignon ? Voici, vous dirais-je, la maison qui abrita le
Parlement transféré de Paris à Châlons durant les troubles de la Ligue ;
voici la Loge, siège de la justice é[)iscopale, le Vidatnéoù résidait le repré-
senlanl la'ique du seigneur évèque ; plus luin la rue Chanteraine, dernier
écho d'un temps oix la rame, c'est-à-dire la grenouille, chantait sur l'Abreu-
voir du Marché ; partout entin ces mille enseignes llotlantes au vent et
cherchant par des vocables plus ou moins bizarres à fixer sur elle le regard
du voyar:eur en quête d'un logis.
Voilà quelle était, il y a cent ou cent cinquante ans, la physionomie
extérieure de notre ville. Mais derrière ces portes, au fond de ces cours de
maisons bourgeoises, de masures ou d'auberges, que se passait-il? quelle
était la vie intime, familière, quotidienne de l'époque? Notre grand philo-
sophe, je puis bien dire notre, car il est né à quelques lieues d'ici, à Vou-
ziers, Taine va vous \e dire en quelques lignes inoubliables : tt Ou ne s'in-
quiétait ni d'élégance, ni de confortable ; on était dur aux intempéries, on
n'avait point de curiosités ; on ne songeait pas à voyager ; le corps, moius
délicat, ne redoutait pas le malaise ; l'esprit, moins exigeant, n'éprouvait pas
l'ennui. Une famille entière vivait avec cent louis par an, quelquefois avec
cinquante. On se contentait d'une servante unique, payée trois francs par
mois, en sabots, qui ne parlait que patois, mais qui épousait les intérêts de
ses maîtres et restait sous leur toit jusqu'à sa mort... * »
Pour être moins éloigné de Paris que ne l'est Saint-Yrieix, car il s'agit
de Saint-Yrieix dans le passage que je viens de citer, le Châlons du dernier
siècle pouvait peut-être s'appliquer certains traits du tableau tracé par
l'illustre at-adémicien. Oui, on n'avait pas de curiosités : la presse locale
naissait à peine, et les gazettes irauçaises ou étrangères n'étaient l'aliment
que d'un petit nombre de privilégiés. On ne connaissait que l'almanach :
le premier almanach publié à Châlons pa'ut eu 1756 et il ne vécut que
deux ans -. Notre salle de théâtre date de 1771, et jusque dans les premières
années de ce siècle les habitués du parterre S;e contentaient d'y rester deûout.
Les voyages étaient rares ; la capitale était plus loin de Châlons qu'elle ne
l'est aujourd'hui de Milan ou de Bayonne. Pour toute distraction, des repas
plantureux aux réunions de famille, car nos ancêtres étaient grands man-
geurs et l'on serait etfrayé aujourd'hui de la quantii,é de mets qu'engloutissait
1. Taine. Discours de réception prononcé à l'Académie française le 15
janvier 1880.
2. Poinsiguou. Hist. de Champagne, t. III, p. 437.
726 CHRONIQUE
en ces occasions solennoUes un estomac du xvii' ou du xviu' siècle. De loin
en loin une entrée royale ou princière, puis les processions, source de querelles
interminables pour la préséance, les Te Deuni pour célébrer les victoires du
Roi ou quelque autre événement considérable. Mais alors malheurà l'impru-
dent qui oubliait de poser une cban lelle sur sa fenêtre pour lèter l'heureuse
délivrance de S. M. la Reine ou la convalescence de Mme la Dauphine :
l'arrêté des officiers municipaux est formel : « Enjoint à tous les locataires,
propriijtaires et autres d'éclairer et d'illuminer les façades de leurs maisons
pendant la soirée du dimanche, jour indiqué pour le Te Deum, et ce a
peine d'amende, même de plus firande peine si le cas y écheoit. »
A ce tableau déjà trop char^çé je piurrais ajouter bien d'autres traits non
moins curieux. Voyez-vous par exemple sur le marché du sameli circuler
au milieu des groupes un personnage mystérieux à l'approche duquel chacun
s'écarte : c'est l'exécuteur de la haute justice. Ce redoutable fonctionnaire
vient percevoir le droit que la coutume lui assigne sur toute marchandise à
vendre, droits multiples que Grignoii énumère en détail dans son curirux
opuscule intitulé: Le Bourreau à Chûlons. Ce tarif il le perçut jusqu'en
1768, époque où la ville le remplaça par une pension annuelle de oOQ,
puis de 8U0 fr. Ne trjuvez-vous pas qu'à C:'lle époque M. de Chàlous était
généreusement traité, si vous songez qu'à la fin du siècle l'un des premiers
fonctionnaires du département ne touchait que 1 20L) Ir. d'appoinlements
annuels.
Tels étaient, pour emprunter une citation à l'un de nos vieux poètes du
Moyen-Age, tels étaient
de no? ances^eurs
Les dits et les faits et les moeurs.
Et maintenant, dira-l-on, étaient-ils plus ou moins heureux que nous ?
Je ne voudrais pas a ce sujet entrer dans des considérations inofjportunes,
ni philosopher a perle de vue sur ce rêve insaisissable qu'où appelle le
bonheur, i^e bonheur est chose toute reliiive. Si nous, Châlonuais tin de
siècle, pour emplo^-er l'expression a la mode, nous étions replacés tout a
coup dans les conditions d existence d'il y a cent aus, nous serions assuré-
ment fort malheureux. Mais les hommes d'il y a cent ans ne connaissaient,
ne soupçonnaient même pas les conditions de la vie moderne , étrangers à
ce faftiuement d'habitudes, à ce luxe de bien-être que nous devons aux
merveilles de l'industrie, ils ne soutiraient point d'être privés de jouissances
dont ils n'avaient pas la plus légère idée. Ils étaient donc heuieux au milieu
d'un étal de choses qui nous frrait singulièrement soutlrir. Mais étaient ils
meilleurs ?
Ah 1 Messieurs, permettez-moi de placer ici un grand point d'interroga-
tion, ou plutôt permettez-moi de ne pas répondre du tout à celte question
indiscrète, car je craindrais, en y répondant, de souiller avec irrévérence
sur de pieuses illusions. Qu'il me tulûse de dire que ce passé, béni par
les uns, maudit par les autres, ne reviendra plus et qu'il faut nous résoudre
à ne plus le revoir. Oui, résignons-nous à ne plus rencontrer au coin de la
rue la figure peu aveLante du maître de la haute justice ; résignons-nous à
prendre l'express qui nous emporte a Paris, a Calais, à Bàle au lieu de la
lourde voiture qui roulait péniblement sur des chaussées à ornières ; rési-
gnons-nous à marcher le soir d'un pas tûr, a travers des rues brillamment
éclairées, au lieu de nous hasarder limidemeul à la lueur douteuse d'un
réverbère pâlissant. Résignons-nous, c'est la loi, et si la science moderne
n'a pas rempli à certains égards toutes ses promesses, ce que j'ignore,
CHRONIQUE 727
du moins remercions-la d'avoir fait de nos villes un séjour plus habitable,
plus sain et moins maussade qu'elles ne l'étaient dans le passé.
AcADKMŒ NATIONALE DK Reims. — Vojci le programme des
concours ouverts pour les années 1896 et 1897 :
Prix A décerner en 18S6. — Histoire
Histoire du Collège de Reims, fondé par Guy de Hoye en l'Uni-
versité de Paris; son existence jusqu'au xviii' siècle.
Les documents pour cette étude se trouvent aux .archives natio-
nales et aux Archives de Reims.
Le prix consiste en une médaille d'or de 100 francs.
Histoire de l'Hôpital de Saint-Marcoul, fondé à Reims au xvn«
siècle.
Les documents se trouvent aux Archives communales et aux
Archives hospitalières de Reims.
Le prix consiste en une médaille d'or de lOO francs.
LlTTÉRATLlRK
Étude sur la vie et les ouvrages d'Eugène Géruzez, né à Reims
en 1799, professeur d'éloquence française à la Sorbonne, mort à
Paris en 186:j.
Le pris consiste en une médaille d'or de 100 francs.
Économie, politique
Étude d'une question d'économie politique ou d'économie sociale,
intéressant particulièrement l'industrie, le commerce ou la région
de Reims.
Le prix consiste en une médaille d'or de 100 francs.
Sciences
Étude de physique, de chimie ou d'histoire naturelle intéressant
particulièrement l'industrie^ le commerce ou la région de
Reims.
Le prix consiste en une médaille d'or de lOO francs.
Poésie
Une médaille d'or de 100 fr. sera décernée à la meilleure pièce
de vers sur le 14' Centenaire du Baptême de Clovis et des
Francs.
Ce sujet pourra être traité à l'occasion de la célébration à Reims,
en 1896, du quatorzième centenaire du Baptême de Clovis.
Des médailles pourront être, en outre, accordées aux auteurs de
pièces de poésie sur des sujets de leur choix.
Vrix à décerner en 1807. — Histoire
Histoire de la Maitri-e de Reims, depuis ses origines jusqu'à nos
728 CHRONIQUE
jours ; recherches sur ses maîtres et ses élèves, l'enseignement de
la musique et du chant à Reims.
Les documents se trouvent à la Bibliothèque et aux Archives de
Reims, ainsi qu'aux Archives de la Fabrique de Notre-Dame.
Le prix consiste en une médaille d'or de 100 francs.
Prix à décerner chaque année
\° Monographie d'une commune importante du diocèse de
Reims, soit ancien, soit nouveau (Ardenues et Marne).
A l'histoire des principaux événements dont la commune fut le
théâtre depuis son origine jusqu'à nos jours, les auteurs joindront
l'étude des institutions qui y furent en vigueur, la seigneurie, la
justice, l'impôt, le régime municipal, l'instruction, l'assistance
publique, etc., sans négliger les principales industries du pays, les
moyens de transport, les usages, les traditions, les changements
survenus dans les mœurs, etc.
Ils éviteront, sur ces divers points, de s'engager dans des consi-
dérations générales.
Ils compléteront l'étude du pays par un aperçu géologique du
sol, par l'indication des produits qu'on en tire et des diverses cul-
tures qui y sont distribuées, par celle des chemins et des cours
d'eau qui le traversent, des lieuxdits et des points dignes de remar-
que, par la description des monuments existants ou détruits.
Les Archives de la Ville de Reims, section ecclésiastique, celles
du département à Chillons et celles des Ardennes h Mézières^
offrent des documents sur la plupart des communes du diocèse.
2° Notice historique et descriptive des monuments civils et reli-
gieux de l'un des cantons de l'arrondissement de Reims ou du
département des Ardennes.
Les auteurs feront connaître les églises, maisons religieuses,
châteaux, camps ou enceintes fortifiés, tumulus, ruines, inscriptions,
meubles précieux qui existent dans chaque commune du canton;
les villages, églises, châteaux, aujourd'hui détruits, qui se trou-
vaient sur son territoire ; les noms qu'ont portés ces localités aux
différentes époques de leur histoire ; le tracé des anciennes voies
qui les mettaient en communication ; enfin, les découvertes d'an-
tiquités qui y ont été faites.
Us devront se borner, pour les détails historiques, légendaires
ou autres, à un exposé substantiel et sommaire; et, en ce qui
concerne les monuments, aux détails rigoureusement nécessaires
pour en faire connaître l'époque, le plan et les points véritable-
ment curieux. Ils joindront à leurs notices des dessins ou des pho-
tographies des plus remarquables édifices.
Us indiqueront en note les sources consultées pour la partie
historique du travail, de façon que le lecteur puisse s'y reporter.
Le prix, pour chacune de ces questions, consiste en une médaille
d'or de 200 francs.
CHRONIQUE 729'
L'Académie distribuera aussi chaque année des médailles d'en-
couragement aux auteurs de travaux qui lui seront soumis en
dehors des questions indiquées, et auteurs d'ifiuvres d'art ou d'in-
dustrie.
Les prix et médailles seront décernés en séance publique.
Les mémoires devront être inédits et n'avoir été envoyés à
aucun concours antérieur. Ils seront adressés (franco) à M. le
Secrétaire général avant le 31 mars 1896, terme de rigueur.
Les auteurs ne doivent pas se faire connaître ; ils inscriront leur
nom et leur adresse dans un pli cacheté, sur lequel sera répétée
l'épigrapbe de leur manuscrit.
Les manuscrits envoyés ne sont pas rendus.
Les ouvrages couronnés appartiennent à l'Académie ; les auteurs
ne doivent pas en disposer sans son autorisation.
Reims, le 2G juillet i89o.
Le Secrétaire (jé aérai, Le Président annuel,
H. Jadart, a, Benoist.
15, rue du Couchant.
Un intéressant écho du dernier concours régional tenu à Reims
au mois de juin dernier.
Aux termes du programme du concours régional, la Société des
Agriculteurs de France doit décerner un prix, consistant en un
objet d'art d'une valeur de mille francs environ, à la meilleure et
à la plus ancienne famille agricole du département de la Marne.
M. Lliotelain, qui s'était préalablement mis hors concours, aurait
pu faire valoir des litres à cette récompense, un acte authentique
établissant qu'en 174-6 un de ses ancêtres, quittant Rétheny, était
venu s'établir au faubourg Cérès.
Tous les suffrages ont désigné M. Remy Dégodet, qui exploite le
domaine de Rranscourt, canton de Ville-en-Tardenois, tenu par
ses ancêtres depuis 227 ans, pendant huit générations. Cette
exploitation de 140 hectares a toujours été prospère. M. Remy
Dégodet a quatre tils, âgés de 20, 18, 17 et 16 ans, qui l'aident
dans les travaux de la ferme et lui permettent de se passer de
domestiques. Il est depuis vingt-et-un ans maire de la commune
de l'ranscourt.
Excursion de l'École D'AN'TunopoLotiie de Pasis a Reims. — Le
7 juillet dernier, l'École d'anthropologie de Paris a fait à Reims
une excursion fort intéressante sous la direction de MM. Gabriel et
Adrien de MorLillet, professeurs, assistés de M.M. G. d'Ault du
Mesnil, Kourdrignier, Capilan, etc.
M. L. Morel, président de la Commission de l'Exposition rétros-
pective, attendait ses hôtes à Ja gare et se dirigea immédiatement
avec eux vers l'arc-de-triomphe romain des Promenades.
7^0 CHRONIQUE
Après le déjeuner, les archéologues visilèrenl iiiinulieusemenl
les belles collections exposées dans les salles du palais archiépis-
copal, et s'arrêtèrent surtout dans la chapelle, où les objets nom-
breux recueillis depuis une cinquantaine d'années dans le sol
rémois et champenois par MM. Ducjuénelle, J. de Baye, Frédéric
Moreau, Auguste iNicaise, Léon More! et Bosteaux, reconstituaient
toute l'histoire de l'honmie aux premiers âges de son existence.
A cinq heures, une conl'érence du docteur Capitan sur l'Anthro-
pologie, d'après Jes collections exposées à Reims, réunissait à
l'Hôtel-de-Ville un auditoire Tort nombreux, malgré les têtes offi-
cielles qui attiraient i'alftuence du public sur d'autres points de la
ville.
Exposition uKTUosPKCïivii ue Reims. — M. Morel, président du
Comité d'organisation de l'Exposition rélrospec.ive, a reçu, le
15 juillet dernier, du Ministère de l'Instruction publique, des
Beaux-Arts et des Cultes, la lettre suivante :
l'alais-Hoyal, 14 juillet.
Monsieur ie Commissaire général,
E> quiUaul la ville de Reims, après avoir rempli la miss-iuii que mavaii
donnée le AJinislre do riuslrufliou publique et des Jieaux-Arts, de visiter
ÏExpusUion réli'oapeclivd et de lui en signaler le caractère, l'importance et
les réoultals, ji uens à vous exprimer, comme au représeulaut du comhé
d'organisation, tout l'intérêi, que j'ai pris a celte raauitestatiou.
A l'ombre de votre prodigieuse Cathédrale, les salles du l'alais archiépis-
copal éiaieijt, grâce a vous et à vos collaborateurs, transformées eu un véri-
table mufée où tout était disposé avec goiàt, et dénonçait une préoccupation
des choses de l'esprit, le respect du [Oisé, le soin de ce qui le rappelle à nos
yeux, et, par-dessus lout, la passion des souvenirs du pays, de son proj.rès
et de sa gloire.
J'ai visité vos Musées, votre B.bliothèque, si rlrhe en manuscrits et en
incunables, vos galeries privées, auxquelles nos grands Mu=ees nationaux
pourraient envier bien des œuvres de nos peintres Irauçais modernes ; et
partout j'ai pu constater que le souci du developpemem des grandes indus-
tries q 11 lout H la ville de l-{eims et au pays rémois une silualiou excep-
lionuelle, et rendent le monde entier sou Iributaiie, s'allie au goût pour
les choses de l'art, de la science et de l illustration intelieciuelle.
Je vous remercie de votre accueil personnel, de Id courtoisie de vos coUa-
boraleuis et garderai un vil souvenir de cette rapide euquêie où jai pu
Constater le succès de vutre Kxpoaitiou, due aux suius de votre Académie
nationale, de concert avec l'Administration municipale.
Agréez l'assurance de mes seulimenls les plus sympathiques.
Çuailes ^HiAnTii,
Iiispecleui' yciifral de* Beaux-Arls.
Dei'x discours de DisïRiBUTiu.N UE l'uix A Reims. — A la distribu-
tion des prix aux élèves de l'Ecole régionale des Arts industriels de
CHRONIQv
Reims, qui a eu lieu le ÎH juillet, sous la pré».
Silvestie, inspecteur des Heaux-Arls, ce dernier, l.
sait allier à la plus pure poésie l'esprit gaulois le plus i.
nonce un discours dont nous nous plaisons à extraire les p..
suivants :
Le besoin auquel répond cette bcole et doul sou succès allume si nelle-
ment la réalité, a son orij^ine et sa place dans le laisceau d'aspirations
artistiques qui caractérisent la fin de ce siècle. Car il faudrait être aveugle
pour ne pas s'afiercevoir que nous assisioiis à une pacifique révolution, dont
vous êtes parmi les plus actifs el les plus salutaires ouvriers : une révolu-
tion dans le sens de l'épuration du goQt et de l'ennoblissement, par une
impression d'art, des choses, même les plus, humbles, en apparence, de la
■vie ambianie mfclérielle.
Ce mouvement dans les esprits est partout, et peut-être ne serait-il pas
inutile de vous faire remarquer la firau leur et la logique de la loi à
laquelle vous obéissez.
Pendant une trop longue période de tempe, l'objet d'art s'était pour ainsi
dire isolé dans quelques formes consacrées intolérantes, dont les plus nobles
étaient le tableau et la statue. Il en est résulié, j"tu conviens, un très glo-
rieux développement de nos écoles de peinture et de sculpture. Mais aussi,
pour l'éducation artistique populaire, laquellt: ne se fait pas dans les musées,
une sorte de dépression et d'indiirérence coulre lesquelles il était temps de
réagir.
On avait fait des choses de la vie deux parts, une pour Vuttle, l'autre pour
le beou. La première obéissait aux caprices les plus saugrenus de la mode,
sans contrôle et sans la moindre préoccupation csihétique. La seconde dédai-
gnait de s'abaisser jusqu'à conseiller l'autre quelquefois.
C'était une profonde erreur, Messieurs, el contre laquelle, mieux que
personne, vous les fondateurs de celte école, vous avez victorieusement
prolesté. Ce qui a toujours distingué les races civilisées, c'est l'invasion
latente et constante du beau dans le domaine de l'utile, c'est la recherche
des lunes et du caractère dans les moindres objets que l'usage nous rend
familiers.
Deux racfS nous sont, à ce point de vue, d'un admirable exemple : la
Grecque autrefois et la Japonaise de nos jours. Que fallait-il à ces ouvriers
merveilleux de Tanagra, pour faire d'impérissab'es chefs-d'œuvre"? Un peu
d'argile. Qu'a- t-d fallu aux ouvriers, merveilleux ausai,de 1 Extrême-Orient,
pour que des riens sortis de leurs mains el du plus vil prix marchand, aient
pour NOUS un charme? Un amour inj<énieux de la Nature, mère de toutes
les formes, oiiginaiie de tous les plaisirs de nos yeux. Ahl comme la
■valeur intrinsèque et toujours conventionnelle de la matière disparaît, bien
vaincue, sous cette victoire de l'espril ! Et comme cette iransformatiou de
ce qui n'est rien, de ce qui est tout, est bien une victoire de l'âme !
Cette grande tradition fui d'ailleurs longtemps aussi celle de notre
race.
Qui en pourrait douter dans celte ville admirable dont les églises ancien-
nes portent, immortellemenl sculptée dans la pierre, l'œuvre innombrable
el paiicnle d'ouvriers doul chacun était un grand artiste et doul nous ne
connaîtrons jamais les noms, œuvre anonyme el superbe, œuvre de loi dans
d'autres Uesiinées, peut-être, mais œuvre de foi aussi dans l'art qui, seul,
donne aux choie^ comme une empreinte inelfaçable, la durée? Dans celle
7'V2 CHRONIQUE
ville où tous les arts dont l'artisan s'immole dans l'inslinct de soi-même et
de sa propre renommée, pour concourir héroïquement à la lieauté d'un ensem-
ble qui ne gardera même pas sa mémoire, ont trouvé, pour ain^i parler,
leur expression détinitive dans le vitrail, dans la tapisserie, dans le travail
du bois dont votre Cathédrale enferme, jalousement, les chefs-d'œuvre
comme un trésor ? Dans cette ville qui, à côté de sa glorieuse légende de
cité revendicatrice des libertés publiques, toujours fidèle à celui qui était
vraiment le roi de France, recourait contre l'Allemagne au xii» siècle, contre
l'Angleterre au xiv" siècle, contre l'Espagne au xvii», a sa belle et pacifique
légende, et plus solide encore, de tailleurs de pierres, d'ouvriers de la laine,
de verriers en couleurs poursuivant leur lâche à travers ces furies de la
guerre dont la trace, Dieu merci, disparaissait vite sous cette continuelle
lloraison de l'espril, comme sous l'or des moissons s'aplanit un champ de
bataille.
Oui, c'est un retour à celte belle tradition de la recherche du beau, dans
un ordre d'idées plus intime, plus démocratique, au sens vraiment noble du
mot, du beau condescendant aux exigences de la vie moderne, lesquelles
n'ont pas, j'en conviens, la splendeur des envolées a'autrefois vers un idéal
disparu, mais dont un autre idéal prendra peut-être un jour la place. C'est
un retour à cette nécessité psychique d'eanoblir sans cesse la matière par
une impression d'art et d'harmonie dans les lignes qui, de tous côtés,
envahit les meilleurs esprits et qui est, la vraie raison d'être de cette Ecole
dont je salue, tout ensemble, ses aspirations saines et ses travaux bien
réglés.
Le 30 juillet, la distribution des prix du Petit Lycée de Reims
était présidée à son tour par un ancien élève, ayant quitté les
bancs depuis une quinzaine d'années à peine, M Pol iNeveux,
sous-chef du Cabinet du Ministre de rinslruction publique et délé-
gué par lui à cet eli'et.
M. Pol Neveux, enfant de Reims, est un délicat et un lettré, qui
a gardé à son pays d'origine un culte ardent et sincère; aussi n'a-
t-il pas manqué de profiter de cette circonstance pour faire, en
une langue élégante et claire, le panégyrique de sa province
natale et de ses auteurs préférés, offerts en exemple et en ensei-
gnement à la jeunesse studieuse. Aussi avons-nous tenu à repro-
duire ici toute cette jolie page de littérature locale :
Mes chers amis,
M. le Ministre de l'Instruction publique a bien voulu, et je ne saurais
trop l'en remercier, me renvoyer pour quelques heures au lycée. Je n'ai
point résisté, et c'est à mon obéissance que je dois l'émotion éprouvée tout
à l'heure, lorsque la porte s'étaut comme naguère reiermée sur moi, j'ai revu
le campanile, d'oii se sont échappées tant d'heures heureuses, celle Jolie
grille en fer lorge coiti'ée de sa courouuo murale, et ces vieux ormeaux, où
nous nous adossions dans nos rêves lointains, peudant q >e s'enfuyaient les
nuages, ces merveilleux nuages dont ou vous parlait tout à l'heure.
Dans un discours pénétrant et si avisé dans les choses locales que je veux
saluer en lui un compatriote, votre très disliagué professeur, M. Maquet,
vous incitait à les contempler aussi, ces mystérieux nuages. En eux, vous
disait-il, se manifeste un peu de celte vie universelle, qui partout éparse et
CHRONIQUE 733
certaine, fait palpiter toutes choses. Mes amis, M. Maquet avait raisou; il
faut regarder les nuages, mais il ne faut pas se laisser entraîner à leur suite,
car ils vont loin, trop loin, et les jeunes intelligences qui les suivraient
arriveraient vile au pays fugitif de la chimère. Croyez-moi, au moins pen-
dant quelques années encore, sachez réfréner
Le ili'-ir (le voir et l'iiumeur inquiète.
Avant d'entreprendre les voyages en lointains pays, restez au logis sans
autre aventure lâcheuse. Vous ne vous y ennuierez pas, car si notre Cham-
pagne est peu celéhrée par les voyageurs, ses enfants n'échappent point au
charme étrange de sa mélancolie. Aimez donc passionnément cette province,
cette Champagne, où la plupart d'entre vous passeront leurs vacances, et
pour la bien aimer ne vivez pas un jour sans la contempler longuement.
Suivez les conseils de La Fontaine, dont on vous rappelait tout à l'heure les
leçons, il vous dira que, d'esprit ou de corps, on ne s'éloigna jamais sans
dommage du terroir natal. Songez à ce qu'il advint du rat qui
Lais.-a là le cliamp, le i^rain et la javelle ;
de la tortue à la tète légère
•Jui, lasse (le son trou, voulut voir du pays ;
du pigeon qui s'ennuyait au logis, partit et revint
Trainaut l'aile et tirant le pied.
Méditez ces aventures et soyez persuadés, comme je veux l'être moi-
même aujourd'hui, qu'elles ont été contées pour les enlauls qui furent
ingrats à leur province.
Regardez, vous a dit M. Maquet, pressez-vous de regarder avant qu'en-
tre vous et les choses ne vienne s'interposer la littérature. Je me permets
d'ajouter : 'Vous êtes à 1 âge bienheureu.x où l'on n'aime encore le monde
extérieur que sous ses hor zons restreints, où l'on a la notion fervente du
menu et de l'intime. C'est plus tard seulement que vos âmes éprouveront
l'acre jouissance des orgueils humiliés par l'étourdissement des spectacles
infinis, l'rofitez de cette heure qui périra bientôt et de tous vos yeux grands
ouverts, de tous vos yeux intelligents et curieux, regardez votre terre,
regardez la Champagne. Évertuez les esprits caustiques et nets que vous
tentz de vos aieux, à comprendre ses paysages. Travaillez à en saisir le
charme fugitif et discret, tout de nuances et de pâles accents, et pour la
deviner toute, contemplez-la et aimez-la dans ses moindres détails.
Aimez le déroulement de ses plaines grises ; aimez ses rivières discrètes,
et si simples et si bleues, dans leurs lits de verdure ; aimez ses blancs
villages de carreaux de terre ; aimez ses arbres, ses bouleaux argentés et
ses ormes têtus ; aimez ses Heurs, ses fragiles fleurs du vieux temps, qui
fleurissent les légendes et les chansons populaires. Ne méprisez pas non
plus son langage : le poète de saint Louis, Thibault de Champagne, y a
laisié de ses mots où les philologues de maintenant ne voient plus de patois.
Et ne tournez pas en ridicule les derniers vestiges de la vie ancienne et ue
riez jamais des coutumes provinciales et traditionnelles qui furent celles de
vos ancêtres : vous leur devez le respect, et, un jour, l'idée de les précipiter
à tout jamais dans le passé vous semblera sacrilège. Elles ne s'évanouiront
que trop vite, hélas, au décours des années.
Lorsque vous aurez vécu dans r.es champs, contemplé ses ciels, vous
comprendrez mieux son histoire, à celte vieille province. Vous venez comme
'y 34 CHRONIQUE
de son sol, source infinie, a ja lli la plus magique Ooraison de l'art national,
comment elle a donné naissance aux ;jius clairs génies, qui sont la gloire
de la langue et des lettres françiises.
Souveni, l'étranger s'est ilatlé de traverser sans encombre ses plaines
dénuées de remparts naturels : Valmy l'a vu iuir, et si plus tard il en a
dépassé les confins, ce n'est pas sans avoir éprouvé ce que vaut le soulè-
vement d'un peuple qui aiine ,-on sol. se^ rivières, ses vignes, ses arbres et
ses souvenirs. A votre tour de les aimer !
Oui, mes chers amis, la preuve que notre terre de Champagne est, plus
que toute autre, digne d'être chérie, c'est que jamais on ne la quitta sans
remords et que toujours ceux qui s't-n éloignèrent, fidèlement lui revinrent.
Joinville s'en va pour la Croisade el ne veut oncques retourner ses yeux
vers son village, pour ce que le cœur ne lui attendrit du beau pays qu'il
laisse. C'est vers cette Champagne que vont les regrets et les vœux du
poète Euslacbe Deschamps ; c'est elle encore qui hante le cœur de
La Fontaine, exilé à Paris. Taine, qui était de Vouziers, parcourt les
Pyrénées, mais sous les verdures noires des chàiaigneraics, au fracas des
gaves, il songe, nostalgique, a nos guérels, n qui s'étendent comme une
mer jusqu'au bout de l'horizon, à la campagne qui semble couverte d'un
vieux manteau mouillé ». Il revoit « les ligaes d'arbres bossus, les maigres
carrés de sapins et la chaumière de craie avec sa mare blanche n.
Champenois d'origine, Gustave Flaubert s'en va à Tunis, pour y ressus-
citer Salammbô. Mais bientôt, oublieux d'elle, il revient et évoque dans un
nouveau chef-d'œuvre les souvenirs de la Champagne, les lignes de peu-
pliers qui divisent les prairie?, les Ibssés remplis de feuilles jaunes, les
brumes d'octobre et « le gros bruit doux que font les ondes dans les ténè-
bres ».
Et, dans chacun de vos villages, vous trouverez facilement un voyageur
plus humble. Celui-là, pareil à ceux que je viens de nommer, eut aussi
l'esprit d aventure, mais il eut aussi l'esprit de retour : il a quitté sa plaine
silencieuse, il a marché longtemps devant lui, il a vu des pays étrangers et
quelquefois il a beaucoup souffert. Un soir il est rentré, laligué et meurtri au
village endormi, ne conservant de ses voyages qu'un surnom : le Polonais,
le Turc, l'Américain.
Tant est pénétrant, mes chers amis, le charme mystérieux de ce pays qui
ne déplaît qu'a ceux qui le connaisseni mal. Je vous le répète une fois
encore : Aimez bien votre Champagne, pour vous élever mieux à l'amour
de la patrie même.
Cet amour de la patrie, il vous viendra en regardant autour de vous, eu
courant les bois, en visitant les fontaines. Ainsi vous travaillerez au bon-
heur de votre vie, car vous augmenterez vos souvenirs d'enfance.
Plus lard, bientôt, arrivés à la maturité, vous aurez à lutter à votre tour
et vous connaîtrez, comme les autres, les heures mauvaises. Mais vous serez
alors consolés par les impressions vives et claires de votre jeunesse, et leur
évocation atténuera vos maux à la façon des vieux remèdes maternels. Elles
seront pour vous un asile, une retraite d'intelligence pacifique et lleurie,
une sorte de Champagne intérieure, où s'oublieront un instant vos
peines.
Ces souvenirs, peut-être ne les écrirez-vous pas, mais les plus belles
histoires ne sont-elles pas inédites? Il n'est pas donné à tout le monde de
conter son enfance comme l'auteur des Mémoires d'Outre-Tombe, l'auteur
de Ma Jeunesse, l'auteur du Broyeur de Lin ou celui du Ilunian d'un
CHKONIQUE 735
Eiifnid. \;ais s-i lous vous devez f^ire une am.ile moisson de souvenirs, tous
vous devez aussi laire uue vaste provision île Ipclures.
Ayez donc le culte des livres, non pas seul-^mont '6 ceux qui couvrent
ces labiés et qui sont surtout des livres de commémoraiion, mois de vos
livres de lous 1. s jours, de vo.-s livres de classe. Ceux-là sont aussi des
pr'x, des prix qui vous sont décernés à tous, sans' distinction, par l'esprit
des siècles passés. En vous les donnant, la France remet son génie entre
vos nains et vous en Crfit les dépo-itair s. Soyez donc les gardiens de la
Beauté, de la Vérité et de la Justicp ; soj'ez eu aussi les propupaieurs, car
les couuaissances plus profondes que vous devez aux faveurs de la tortunf,
vous n'avez pas le droit de les garder pour vous seuls. Elles font partie du
patrimoine commun et vous devrez les pai lajj;er demain avec les jeunes gens,
et après demain avec les hommes qui. eux, n'ont pu comme vous étudier
dans les lycées. Un jour, la Nation aura le droit de vous demander compte
du dépôt qu'elle vous a confié. Vous tiendrez à honneur, mes chers amis,
de lui prouver que vous avez justifié sa coofiauce.
Lisez, lisez encore. El quand, plus tard, 1res tard, vous serez as,-is au
soir de la vie, dans une clairière heureuse et tiède, et qu'apparaîtra, sor-
tant du calme religieux des grands bois, celle qui doit venir, celle qui
viendra, plus heureux que le Bûcheron de La Font^iiue, vous n'aurez pas
besoin de son aide pour porter votre fardeau; comme les coureurs antiques,
vous aurez dé|à remis à des mains nouvelles le llambeau que d'aulres vous
laissent aujourd'hui. Adressez-lui seulement, pour l'apitoyer, la seule prière
digne de vous et de vos iulelligeuces : Laissez-moi encore le temps de lire
un beau livre !
Pardonnez-moi, j'oubliais votre âge, celui des longs espoirs et des vastes
pensées, celui qui ouvre devant vous l'infini radieux. Votre ancien condis-
ciple a déjà le droit d'être morose. Mais il sait bien, au fond, que toutes ses
paroles ne valent pas un de vos éclats de rire. Rassurez-vous, il n'abusera
pas plus longtemps de votre patience. Partez donc, alertes et joyeux, vers les
moissons et les vendanges, en faisant à la grâce de vos mères et de vos
sœurs un cortège d'impérieuse gaîlé !
Le 29 juillet a eu lieu l'inauguration du monument élevé, à
Chùlillon-sur-Seine, à la mémoire de Désiré JNisard, membre de
l'Académie française; de Charles Nisard, de l'Institut, et d'Auguste
Nisard, recleur de l'Académie de Grenoble.
Malgré le caractère intime de la cérémonie, l'assistance était
nombreuse.
Le monument, placé dans le jardin publie, comporte le buste
en bronze de D. Msard ; à droite et à gauche, encastrés dans le
piédestal, sont les médaillons de ses deux frères. Il est dfi à la
collaboration des sculpteurs Pech et Di'ouet et de l'architecte
Marchegay, petit-fils et neveu des ÎNisard.
La remise du monument a été faite à la Ville, au nom de la
famille, par MM. iNisai-d, directeur politique au ministère des
affaires étrangères, ministre plénipotentiaire, et Homberg-Msard,
ancien directeur des beaux-arts de Belgique. Puis, après les paroles
de remerciements du maire, M. le vicomte Melchior de Vogué, de
736 CHRONIQUE
l'Académie française, a prononcé un discours sur l'œuvre de
D. Nisard. Après avoir loué avec éloquence sou livre sur la litté-
rature, il l'a montré, moulant une garde lidèle devant les grands
aïeux de la pensée française.
Vers le milieu du pjècle vivait non loin d'ici, aux environs de Dijon, un
certain capitaine Noisot, ancien grenadier de la vieille garde, qui conser-
vait pour Napoléon un culte d'idolâtrie. 11 commanda au sculpteur Rude
une statue de l'emperfur couché sur le roc de Sainte-Hélène et s'éveillant
pour l'immortalité. Puis il ordonna que son propre tombeau fùf placé aux
pieds du héros et qu'on l'ensevelît debout ; il voulait continuer de monter !a
garde auprès de son empereur, jusqu'au jour du réveil espéré.
Si Nisard eût été moins modeste, s'il avait pu prévoir qu'il disposerait des
talents d'un architecte et de deux statuaires, j'imagine qu'il eût caressé
parlois ce rêve : un large monument symbolique de la littérature française,
avec les effigies de tous ses dieux, devant lequel son buste continuerait de
monter la garde, lui aussi. Ce monument absent, nos imaginations l'évo-
quent naturellement derrière Nisard. La force et le mérite de cet homme,
Messieurs, c'est qu'aucun de nous ne peut regarder ses traits sans revoir
aussitôt la glorieuse assemblée où il fut notre introducteur.
Après la cérémonie, nn déjeuner intime a réuni les autorités et
les invités. M. Leroy, député, a pris ta parole et retracé quelrjues
souvenirs de la vie des trois écrivains. (Débals.)
Le dimanche 19 juillet, Valenciennes, en fêlant le glorieux sou-
venir de sa défense pendant la Révolution, a rendu hommage au
vaillant général de Dampierre, qui fut tué sous ses murs.
Ce général, frappé par les balles prussiennes, était le grand-
père de l'héroïque comte André de Dampierre, notre compatriote,
tué également par les balles prussiennes, sous les murs de Paris,
pendant le siège. {Revue de Champagne, t. VII (1879), p. 456.)
On peut dire que le fils du général, père du comte André, a été
victime également des Prussiens.
Il était, en etïet, arrivé à un grand âge, lorsqu'en 1870, appre-
nant l'invasion allemande, il en éprouva une douleur patriotique
qui troubla sa raison. Des Prussiens étant venus loger dans son
château, il les prit pour des Français et alla leur montrer dans le
parc des cachettes où il avait fait enfouir des objets précieux.
Inutile de dire que ces trésors prirent, dès le lendemain, le che-
min de la Prusse.
Cette perte de la raison eut au moins chez le comte de Dampierre
un bon effet. Il n'eut pas conscience de la mort de son lils et suivit
un service dit à sa mémoire sans savoir de qui il s'agissait. Il
s'éleie:nit l'année suivante.
Le MoisiiMiîNT DE Carnot a Cualons-sur-Marne. — On sait que
le département de la Marne et la ville de Chàlons-sur-Marne ont
CHRONIQUK 737
décidé d'ériger, par souscription, à Cliâlons-sur-Mariie, un monu-
ment à Id mémoire du regretté président Carnot.
L'exécution en a été confiée à deux sculpteurs originaires du
département de là Marne, MM. Massoulie et Dagonet, et à un
architecte de Cliâions, M. Giliet.
Le comité du monument vient de se réunir à l'atelier de
M. Massoulie, rue Notre-Dame-des-Champs, pour y examiner le
modèle, à demi-grandeur, de l'œuvre conçue par les deux sculp-
teurs et l'architecte. Elle leur fait, disons-le tout de suite, le plus
grand honneur. Elle est en parfaite harmonie avec le caractère de
l'homme qu'elle célèbre et qui n'eut qu'une pensée en occupant le
pouvoir suprême: consacrer toutes ses forces à son pays.
Le monumetit se compose d'une stèle surmontée du buste de
Carnot. A la base, la France, représentée par une femme aux
traits fiers, est assise, ceinte de la cuirasse, la main gauche appuyée
sur une épée entourée d'un rameau d'olivier, double symbole de
la force dans la paix. De l'autre main, avec un geste maternel,
elle lient un adolescent debout, au visage pensif, symbole du sou-
venir et dont l'attitude ferme, sans arrogance, exprime qu'il est
aussi l'avenir et qu'il saura en remplir les lourds devoirs. L'enfant
s'appuie d'un côté sur la France, de l'autre sur un grand cartou-
che décoratif où seront gravées les dates et les devises. Sa main
est pleine de myosotis et de lierres.
A l'autre angle de la base, une jeune femme d'un mouvement
à la fois gracieux et énei'gique, un genou posé sur la stèle, dépose
une palme auprès du buste du regretté président. Elle personnifie
la « Marne ». Toute cette partie, la principale du monument, e^t
l'œuvre de M. Massoulie, dont le noble et beau talent s'est, là
encore, magnifiquement exprimé.
La façade antérieure est due à M. Dagonet, qui a eu l'idée,
vraiment ingénieuse et é.mouvante, de symboliser le relèvement
de l'armée par une jeune femme qu'un souffle semble soulever du
sol et qui, debout, adossée contre la stèle, les bras levés, tient un
drapeau qu'elle fait flotter derrière le président. Sous ses pieds,
dans un cartouche, est sculpté un bas-relief représentant la revue
de Matignicourt , près de Vitry-le-François, à laquelle Carnot, on
s'en souvient, assista et où l'armée française apparut régénérée et
forte.
Le comité a accepté l'œuvre de MM. Massoulie, Dagonet et Giliet.
Il faut maintenant l'exécuter en grandeur double de celle qu'elle
a actuellement^ et procéder ensuite au coulage en bronze des
figures. C'est un travail considérable.
Néanmoins, les auteurs du monument espèrent qu'elle pourra
être inaugurée dans le courant de l'année prochaine sur la place
de l'Hôtel-de-Yille de ChAlons- sur-Marne. {Temps.)
47
738 CHRONIQUE
Monnaies et médailles trouvées dans les remparts de Vituy-le-
FuANçois. — Voici la liste des nouvelles découvertes de monnaies
et de médailles faites au cours de la démolition des anciens rem-
parts de Vitry-le- François.
Trois monnaies en argent du règne d'Henri III.
Une monnaie en argent du règne d'Henri IV.
Un jeton en cuivre de la comtesse d'Artois, au millésime
de 1703.
Des tournois et doubles tournois de François de Bourbon, prince
de Conti et Château-Regnault (1605-1629).
Des tournois et doubles tournois de Jean-Tliierry, comte de
Loiwensteiii, seigneur de Cugnon, millésime de 1027.
Des tournois et doubles tournois de Charles 11 de Gonzague, duc
de Nevers. de Mantoue, deClèves, de IMontferrat, comte de Rethel.
prince d'Arches (Charleville) et Château-Hegiiault.
Une monnaie en argent portant sur l'une des faces l'effigie du
pape Clément VIII (Hippolyte Aldubrandini, lb92-1605), et sur
l'autre face celled'Octaved'Aquaviva, cardinal légat de Clément VllI.
— Cette pièce a été frappée à Avignon.
Une monnaie en bronze de Frédéric-Maurice de La Tour, prince
de Sedan, duc de Bouillon, vicomte de Turenne (1623-1641). —
Celte pièce a été frappée à Sedan.
Un jeton du règne d'Henri IV (1589).
Une monnaie en billon de la république de Soleure (Suisse,
1793).
Un jeton de Nuremberg, du xvi^ siècle.
Cinq monnaies en billon, de 20 et 30 deniers, du règne de
Louis XIV.
Une monnaie en billon de Joachin Murât, grand duc de Berg et
de Clèves (1806).
*
* *
Inauguration de l'Hotel-de-Ville et des Écoles de Nouzon, —
Le dimanche 25 août 1895 a eu lieu, à Nouzon (Ardenries), l'inau-
guration du nouvel Hôtel-de-Ville et du groupe scolaire.
Le matin, dès 6 heures et demie, les fêtes commençaient par
d'intéressants concours de gymnastique, d'instruction militaire et
de tir auxquels prirent part une vingtaine de sociétés dont quel-
ques-unes étaient venues des départements voisins et même de
Paris.
Les autorités départementales sont arrivées en gare à 9 h. 40 ;
elles ont été reçues sur le quai par la municipalité.
Les souhaits de bienvenue terminés, le cortège s'est dirigé vers
la place GambetCa où se trouvent les nouveaux édifices qui sont
CHRONIQUE 73:9
très vastes, d'une belle mais sévère architecture, et parfaitement
aménagés.
La cérémonie d'inauguration s'est faite dans la grande salie du
premier étage. Trois discours ont été prononcés, le premier par
M. Malicet, premier adjoint, qui a remercié les autorités et a
rappelé la part que le gouvernement de la République a prise à
l'édification des nouveaux bâtiments; le deuxième par M. Lardin
de Musset, préfet des Ardennes, qui s'est montré fort satisfait de
l'accueil sympathique qui venait de lui être fait par la population ;
le troisième par M. Bertrand, inspecteur primaire, qui a fait res-
sortir l'utilité de l'instruction.
Deux chœurs spécialement composés pour la circonstance ont
été exécutés d'une façon fort remarquable par la chorale et la
fanfare de Nouzon, puis le préfet a félicité et médaillé plusieurs
ouvriers et des soldats ayant fait les campagnes du Tonkin.
Après cette cérémonie a eu lieu le défilé fort correct des sociétés
prenant part au festival.
BÉNÉDICTIo^ DE CLOCHE, A Heiltz-l'Évêque. — H y a quelques
mois, une pauvre vieille fille, originaire d'Heiitz-I'Évêque (Marne),
mourait, laissant à la fabrique de son village natal, les épargnes
qu'elle avait amassées depuis sa jeunesse, au service d'une hono-
rable famille de Vitry. Sa petite fortune devait servir à l'achat
d'ornements sacrés et d'une seconde cloche, et ses dernières
volontés furent scrupuleusement exécutées.
Le dimanche 25 août avait lieu, dans l'église d'HeiUz-l'Évèque,
la bénédiction de la nouvelle cloche, sous la présidence de M. l'abbé
Fiorion, vicaire général, assisté de M. l'abbé Mauclert, curé de la
paroisse, et de douze prêtres venus des cantons d"Heillz-le-
Maurupt et de Sermaize.
Cette cérémonie a donné l'occasion au vicaire général de rap-
peler, dans une touchante allocution, le texte évangélique où
Jésus, devant le Temple, proclame l'obole oiTerte par la pauvre
veuve, plus fructueuse et plus agréable à Dieu que les magnifi-
ques présents des riches. Il a évoqué en termes émus la belle
mission de la cloche dans l'église catholique : c'est la grande voix
de Dieu appelant les fidèles à la prière publique le dimanche, à
la piété trois fois le jour, à la charité dans les malheurs et les
périls publics ; c'est [a douce voix du cœur, amie fidèle jusqu'à la
mort, qui nous suit du berceau jusqu'à la tombe, annonciatrice
de nos joies et de nos peines, qu'elle semble partager à toutes les
époques marquantes de notre vie; c'est enfin la puissante voix de
l'harmonie, qui inspire la concorde, la paix, et chasse les discor-
des et les haines...
740 CHRONIQUE
Dons a la ville de Brienne-le Château. — M. Joseph Gaucher,
rentier à Brienne-Ie-Château (Aube), a laissé, par testament, un
titre de rente de 300 francs, qui doit être converti en 12 livrets
de caisse d'épargne de 25 francs attribués, chaque année, aux six
élèves les plus méritants des deux écoles communales de Brienne.
L'achat de ce titre de rente a nécessité l'aliénation d'un capital do
12.000 francs.
M. Bonvalot, receveur des contributions indirectes en retraite,
vient de faire don à la bibliothèque de l'école des garçons des
deux volumes intitulés : De Moscou en Baclrinne et Du Kurdistan à
la Caspienne, dans lesquels l'auteur, M. G. Bonvalot, fait le récit
de ses premiers voyages en Asie.
Mme veuve Perrinot a fait don au musée scolaire de Brienne,
son pays natal, de la plupart des collections qui constituaient le
musée de son mari, décédé instituteur à Barroville (Aube).
Charpentes de la halle de Vitry-le-François. — En travaillant
à la réfection de la halle de Vilry, on a trouvé, sous les combles,
la date de HoO taillée dans une enlretoise.
En sciant par la base un des poteaux de ladite halle, on a vu
que ce poteau était pourri à l'intérieur et qu'il renfermait une
sorte de poudre ressemblant à du tabac à priser.
De par l'expérience des experts, il est établi que les chênes des
poteaux sciés étaient âgés d'environ liiO ans au moment où ils ont
été coupés sur tronc.
Aujourd'hui, quand on emploie le bois de chêne, il n'a guère
que 60 à 70 ans d'existence vivace.
En notre époque électrique, il faut aller vite et employer tout
ce qui est jeune, malgré les déceptions à encourir en ce qui con-
cerne l'usure à brève échéance.
*
Le général Godart. — Dans l'état-major des troupes du 6" corps
qui vont prendre part aux grandes manœuvres de l'Est, nous ren-
controns le nom du général Godart, commandant la 39® division
d'infanterie, ayant son quartier général à Commercy.
Le général Godart est né le 17 août 1837 à Mareuil-le-Port
(Marne). Entré à Saint-Cyr en 1857, il en est sorti en 1839 comme
sous-lieutenant. Lieutenant en 1863, il fut nommé capitaine au
cours de la guerre contre l'Allemagne, le 2 octobre 1870. Chef
d'escadron en 1880, lieutenant-colonel en 1884, il fut promu au
grade de colonel en 1 887 et placé à la têle du 1 i 3^. Il a été nommé
général de brigade le 29 décembre 1S91. Il est officier de la Légion
d'honneur.
Le général Godart, qui a pris part aux campagnes de Ron>e, de
CHRONIQUE 7 i 1
Tunisie et du Tonkiii, a reçu trois blessures ou contusions. Il a
été cité deux fois à Tordre de l'armée et une fois au Journal
officiel.
Anniversaire du massacre de Passavant. — Août ramenait, cette
année, le vingt-cinquième anniversaire des cruels événements qui
ont marqué lAiinée terrible. La commémoration du massacre des
mobiles à Passavant (Marne) a été célébrée, le 27 août, dans cette
commune, au milieu d'un concours de peuple ému et recueilli.
Les arrondissements de Sainte-Menehould, de Chàlonset de Vitry
étaient représentés par de nombreuses délégations.
Le commandant Duval, ancien clief du 4« bataillon des mobiles
de la Marne, présidait la cérémonie, assisté de plusieurs de ses offi-
ciers, également originaires de la région.
Au pied du monument expiatoire, divers discours ont été pro-
noncés par le commandant Duval; par M. Emile Schmitt, secré-
taire de l'Union châlonnaise des volontaires et combattants de
1870; et par M, L. Bourlier, de Saint-Amand, frère d'une des
malheureuses victimes.
Au retour de ce triste pèlerinage, le cortège officiel s'est rendu
à l'église, tendue de noir et décorée de drapeaux, où a été célébré
un service funèbre, au milieu duquelune allocution touchante fut
prononcée par M. l'archiprêtre de Sainte-Menehould ; enfin, de là
au cimetière, où, sur la tombe des mobiles, le commandant Duval
lit entendre encore quelques paroles d'adieu.
Anniversaire du combat de Buzancy. — Le vingt-cinquième anni-
versaire du combat de Buzancy (Ardennes) a été célébré cette
année en grande pompe.
La municipalité, les fonctionnaires, le clergé entier du canton,
la population et les familles Chanzy et de Civry y assistaient.
Après un patriotique discours d'un missionnaire apostolique,
l'assistance a visité la sépulture des soldats français et alle-
mands.
Le colonel Kirgener de Planta. — Notre honorable compatriote
chàlonnais, M. le colonel Kirgener de Planta, vient d'être désigné
pour représenter l'armée française aux manœuvres de l'armée
suisse qui doivent avoir lieu prochainement.
Le baron dk Baye en Russie. — On écrit de Syzrane, le b/lT
septembre (gouvernement de Simbirsk) :
742 CHRONIQUE
Le 4/16 septembre, le baron de Baye, à son retour d'un voyage
archéologique en Sibérie, est arrivé dans la ville de Syzrane.
M. Polivanow, président de la commission des archives du gou-
vernement de Simbirsk, le maire de la ville, le directeur de l'école
réale, l'administration de la Banque, le maréchal de la noblesse
du district, M. de Tolstoy, un des doyens parmi les archéologues
russes, etc., etc., ont reçu à la gare le nouvel arrivant au-devant
duquel une foule considérable s'était portée.
La musique militaire jouait la Marseillaise. La police avait
grand'peine à contenir les curieux qui avaient envahi l«;s quais de
la gare. Le lendemain les notabilités de Syzrane ont offert au club
un banquet présidé par le maréchal de la noblesse et par le
maire. Les murs disparaissaient sous des guirlandes de chênes et
les drapeaux russes et français réunis par des écussons, parmi
lesquels on distinguait celui de la ville de Châlons. Le premier
toast a été porté par le baron de Baye à la santé de S. M. l'Empe-
reur de toutes les Russies, et l'hymne russe a été écouté debout
par les assistants. Ensuite le maréchal de la noblesse a porté la
santé du Président de la République. Ce toast a été immédiate-
ment transmis à S. E. le comte de Montebello par dépêche, pen-
dant que la musique jouait la Marseillaise.
Ensuite le baron de Baye a exprimé ses sentiments de gratitude
pour l'accueil qui lui a été fait et a levé son vene à la ville de
Syzrane. Des cri^ de : « Vive la France » ont retenti.
Le lendemain matin le baron de Baye est parti pour le village
de Mouranka où des fouilles ont été pratiquées. Dans nne vaste
nécropole, plus de cinquante tombeaux ont été ouverts..
Actuellement, l'archéologue franco-russe est l'hôte de M. Poli-
vanow, président de la commission des archives du gouvernement
de Simbirsk, qui possède dans son domaine d'Akchonat un musée
contenant une importante collection d'antiquités recueillies dans
la région qu'il habite. (Débals.)
LnAUGORATION de la- STATL't; DE HeNRI l" LE LlBliRAL, COMTE DE
Champagne, a Igny-le-Jard. — La statue en bronze de Henri Pr le
Libéral, douzième comte de Champagne, de 1132 à 1181, bienfai-
teur d'Igny-le-Jard (Marne), a été solennellement inaugurée sur la
place publique de cette commune, le dimanche 29 septem-
bre 1895.
Les habitants de ce modeste village, — situé dans le canton de
Dormans, au milieu d'une plaine entourée de grands bois et de
plusieurs étangs, — ont prouvé, dans cette circonstance, que les
dettes de reconnaissance ne se prescrivent pas.
On sait que ce comte de Champagne et de Troyes, au cours
d'une administration prospère de près de trente années, justifia
l'appellation de Libéral qui lui a été donnée, en prodiguant
CHRONIQUE 743
d'inépuisables bienfaits au clergé, aux établissements religieux et
hospitaliers comme aux populations urbaines et rurales de ses
vastes domaines.
Ami des lettres, des sciences et des arts, il encouragea le com-
merce et l'industrie, concourant au développement des célèbres
foires de Champagne, où tout le tralic de l'Europe se donnait
alors rendez-vous. On a attribué à Henri la fondation de treize
églises collégiales et d'autant d'hôpitaux.
Le premier des comtes de Champagne, il se préoccupa de la
condition des serfs qui formaient au xii' siècle la presque totalité
des habitants de ses domaines, et délivra [)lusieurs chartes d'atl'ran-
chissement, créa des villeneuves, étendit aux juifs même sa
tolérance et sa mansuétude.
Né à Trojes vers 1127, il mourut dans cette ville le 16 mars
1181.
Igny-le-Jard eut sa part dans les libéralités du sage comte. Il
y avait fondé en 1178 un prieuré desservi par cinq religieux augus-
tins tirés de l'abbaye de Saint-Martin d'Épernay. Les habitants
bénéficièrent des généreuses dispositions du prince à leur égard.
Ils héritèrent, eux et leurs descendants, à perpétjité, de la
propriété des bois d'usage et pâtis, eource de revenus considéra-
bles pour cette petite commune.
Igny fut le siège d'une importante chatellenie sous les comtes
successeurs de Henri 1"^'. Thibaut V, notamment, qui régna de
I2b3 à 1270, y résida à diverses reprises et reconstruisit, de 1238
à 1260, dans des conditions uouvellej de richesse et d'élégance, la
chapelle du prieuré. Des peintures, exécutées par un certain maî-
tre Bernard, dit un compte de ce temps, ornaient l'intérieur de
l'édiiice, à la garde duquel huit chanoines réguliers, au lieu de
cinq, furent désormais atîeclés.
Il ne reste aujourd'hui du prieuré qu'une fontaine, conservée dans
l'ancien enclos monastique.
Depuis la consécration de la nouvelle église en 1830, et la béné-
diction des cloches paroissiales, qui avait eu lieu en l866 sous la
présidence de l'évèque de Châlons, Mgr Meignan, aujourd'liui
cardinal archevêque de Tours, Igny-le-Jard n'avait pas vu de
semblable fête.
Dès longtemps déjà, les municipalités successives avaient songé
à rendre cet hommage de gratitude au bienfaiteur de leurs ancê-
tres. Un comité se constitua en I89't, une souscription fut ouverte.
Au mois d'avril 1895, une convention était passée avec .MM. Denon-
villiers et Cie, fondeurs à Sermaize, et, dans les premiers jours de
juillet, arrivait en gare de Dormans, puis à igny même, la statue,
digne d'être comparée au Colbertde Reims, au Royer-Collard de
Vitry.
Restait à construire le soubassement en pierre de taille ; un
~ii CHRONIQUE
architecte de Cliâtilloii-sur-Marne, M. Jules Marié-Neveux, fut
choisi k cet ctret, et le projet exécuté par M. Lasserre-Rochette,
de Port-à-Binson.
La cérémonie d'inauguration, favorisée par un clair soleil, a eu
lieu à 2 heures de l'après-midi, en présence du député de la
Marne, M. Vallé, du conseiller général Lourdeaux, du conseiller
d'arrondissement Leclère, assistés de la municipalité d'Igny et des
membres du Comité de souscription, auxquels s'était jointe une
foule considérable, accourue de tous les environs.
A. T.-R.
Anniversaires DE Sedan et du Bazeilles. — Le l'"' septembre a
été célébré à Sedan et à Bazeilles le douloureux anniversaire des
batailles sanglantes de 1870.
A Sedan, un service funèbre a été célébré dans l'église, à neuf
heures.
Les pompiers formaient la haie dans l'église ; sur la place qui la
précède, un bataillon du 120e d'infanterie et un escadron du 23"
dragons, la lance au poing, rendaient les honneurs ; la musique
du 120<', qui n'avait pu trouver place dans l'église, du reste assez
exiguë, était massée devant l'église et a joué des morceaux funè-
bres pendant le service.
Dans le chœur avaient pris place M. Villain, député et maire de
Sedan, avec un certain nombre de conseillers municipaux, le
général Uapp, commandant la 4* division de cavalerie, comman-
dant d'arfnes, le général Maillard, commandant la 5* brigade
d'infanterie, les colonels et lieutenants-colonels des 22* et 23"
régiments de dragons, le sous préfet en uniforme, et la plupart
des notabilités de la ville.
Des services ont été dits également en grande pompe au Temple
protestant et au Temple Israélite.
Pendant ce temps, la Société des anciens militaires d'infanterie
de marine de Sedan se rendait au devant des Sociétés attendues
à la gare à neuf heures un quart après une visite à la presqu'île
d'Iges, où l'armée française prisonnière a passé deux ou trois
épouvantables journées en 1870.
A dix heures, un autre cortège se forme sur la place Turenue,
et bientôt, précédé de l'Harmonie municipale, se rend au cime-
tière. Ce sont les ambulanciers et les brancardiers de la Société de
secours aux blessés, qui vont porter une couronne à l'ossuaire du
cimetière Saint-Charles, car, si l'on connaît surtout l'ossuaire de
Bazeilles, il ne faut pas oublier que, tout autour de Sedan, chaque
village a également le sien.
Un grand nombre de maisons sont ornées de drapeaux en
berne et cravatés de crêpe : par ordre de la municipalité, tous les
édifices publics ont également des drapeaux en deuil.
CHRONIQUK 745
Au cimetière, après avoir béni le monument en présence des
assistants. M. l'abbé Delasalle, aumônier militaire, a prononcé un
discours émouvant et patriotique, qui a produit le plus grand
effet.
A onze heures, à la Halle, un vin d'honneur a été oilert par la
municipalité à toutes les délégations et Sociétés venues pour la
cérémonie.
Le général Lambert qui, avec M. Villain, maire de Sedan, allait
assister au service de Bazeilles, n'a fait qu'une courte apparition ;
il a été salué par d'unanimes acclamations.
A onze heures, dans la chapelle provisoire de Bazeilles, un ser-
vice anniversaire a été célébré, et rien n'était plus saisissant que
ce pieux témoignage donné sans éclat, sans apparat, aux glorieux
morts de 1870. C'est là, sur le champ de bataille que tant de
Français arrosèrent de leur sang, c'est là que le général Lambert
a voulu s'associer aux prières dont ils étaient l'objet, lui, l'un des
héros de ces tristes journées.
Après le service de Bazeilles, auquel assistait une foule énorme,
ou s'est rendu au cimetière, où plusieurs discours ont été pronon-
cés. M. le curé de Bazeilles a donné un pieux souvenir aux morts ;
le général Lambert a rappelé que ceux qui combattent pour la
Patrie font leur devoir et que ceux qui meurent pour elle ont
droit à nos regrets et à nos prières.
Voilà le vrai côté, réellement édifiant et fortifiant, de la céré-
monie anniversaire de 1870. '
L'après-midi, la cérémonie officielle avec ses drapeaux, ses ban-
nières, ses fanfares et ses musiques, ressemble plus à une fête
quelconque qu'à la simple et émouvante manifestation qui devrait
seule se produire.
Le cortège, formé à Sedan, et qui comprend plus de vingt-cinq
Sociétés et délégations, dont quelques-unes sont venues de fort
loin pour apporter une couronne aux morts de Bazeilles, arrive à
trois heures devant la mairie où sont réunis le maire de Bazeilles,
M. Villain, député et maire de Sedan, le général Lambert, les
conseillers municipaux, etc. Lespompiers de Bazeilles sont rangés
devant la mairie, ainsi que la fanfare du 23« dragons.
Immédiatement le cortège se reforme et se complète, après les
présentations faites par le maire, et l'on se rend au monument
élevé sur la place de l'infanterie de Marine : c'est là que vont être
prononcés les nombreux discours, parmi lesquels nous citerons
celui du général Lambert, qui rappelle les tristes événements aux-
quels il a pris part il y a vingt-cinq ans; et celui de M. Dugras,
président de l'Union amicale des anciens sous-officiers et soldats
de la Marine, de Reims.
Eufin, vei'S quatre heures, les dernières paroles sont prononcées,
et le cortège se dirige vers l'ossuaire, tandis que les musiques,
74t> CHRONIQUE
échelonnées, jouent des marches funèbres. En passant devant la
maison des Dernières Cartouches, tout le monde se découvre et
les drapeaux saluent,
A l'ossuaire, tandis qu'on dépose les couronnes, nouveaux dis-
cours, puis retour à la mairie, où un vin d'honneur est offert : il
est presque six heures quand la cérémonie prend fin, et rien n'est
plus curieux que le retour à Sedan des visiteurs et des Sociétés.
On évalue à plus de dix mille le nombre de ceux qui ont fait
pendant la journée du !«■■ septembre le pèlerinage de Bazeilles.
Sous la réserve indiquée plus haut, la cérémonie était superbe et
imposante ; tous ceux qui y ont assisté en conserveront le sou-
venir. V. M.
La Maison des Dernières Cartouches et le sergent Poittevin.
— Les Ardennes publient la relation suivante concernant la célè-
bre défense de la maison des Dei'iiiércs Cartouches, dont on avait
contesté l'authenticité glorieuse:
« Le te"" septembre, vers sept heures du matin, le 2' régiment
d'infanterie de marine parvint à repousser l'ennemi ; mais celui-ci
renvoyait constamment des troupes fraîches et le colonel du régi-
ment de maj'souins commanda au capitaine Bourgey, de la 13»
compagnie, d'occuper la maison Bourgerie et de s'y maintenir
coûte que coûte.
« 120 marsouins accompagnèrent le capitaine Bourgey avec
deux sous lieutenants : M\L Escourbet, de la 13", et Saint-Félix, de
la 5'.
(i Bientôt, poursuivis par l'ennemi, arrivaient les capitaines
Aubert et Picard, puis le commandant Lambert (aujourd'hui géné-
ral) blessé à la cheville et soutenu par deux soldats.
« C'est alors, vers huit heures du matin, que commença une
fusillade qui décima littéralement les Bavarois.
« Vers dix heures, les inlrépi les marsouins (officiers, sous-offi-
ciers et soldats) tenaient toujours quand le générai allemand Von
der Thann envoya une batterie d'artillerie.
« Les servants par deux fois tombèrent sous les balles des der-
nières cartouches ; mais la batterie fut abritée, et des obus cre-
vèrent le toit de la maison.
« Le commandant Lambert, dit un témoin, couché et soutlVant
d'une horrible blessure, excitait les marsouinsà la lutte àoutrance,
tandis que les capitaines Bourgey (aujourd'hui général) et Aubert
tenaient leurs honmies en éveil.
« A dix heures et demie, le capitaine Bourgey était contusionné
à la tête par une pierre détachée de la muraille.
« A ce moment il restait une vingtaine de cartouches. Elles
furent tirées par les officiers. C'est alors que les Bavarois enfon-
CHRONIQUK 1 il
cèrent la porte de la maison Bourgerie, d'où ils furent repoussés
à l'arme blanche.
« La position n'était plus tenable et les héroïques défenseurs
eussent été massacrés jusqu'au dernier sans l'intervention cheva-
leresque du capitaine d'état-major bavarois Lissignola.
« Devant la belle défense de cette poignée d'hommes, legénéral
Von der Thann ne fil pas désarmer les officiers, qui purent porter
leurs armes jusqu'en captivité. »
— Un incident, qui a vivement ému tous les assistants, s'est pro-
duit le dimanche 1*^' septembre à la mairie de Bazeiiies. Au
moment des présentations, le général Lambert (commandant en
1870) reconnut parmi les assistants I\L Alphonse Poittevin, de
Cumières (Marne), qui, en 18*0, était sergent d'infanterie de
marine.
Poittevin était de ceux qui défendirent la maison Bourgerie ; il
était de ceux qui sortirent de là, avec le commandant Lambert,
les cartouchières vides.
Fait prisonnier avec le commandant, Poittevin lui olîrit, le
soir, la moitié de l'unique morceau de lard qu'il avait pour se
nourrir; ce fut avec lui encore qu'il partit en captivité.
Ces souvenirs sont de ceux qui ne s'oublient pas; aussi, après
vingt-cinq ans, les deux compagnons de gloire et d'infortune se
sonl-ils serré la main avec une efTusion facile à comprendre. Le
général Lambert n'a pas embrassé Poittevin, c'est au fils du
sergent qu'il réservait cette accolade qui voulait dire : « Fais
comme ton brave père. »
Bien des yeux, qui depuis longtemps n'avaient pas pleuré, se
sont alor:> mouilles de larmes. {Courrurdc La Clumipiujiie.)
M. Antoine Héron de Villefossu et liî Musée africain du Locvue.
— Le président de la République a inauguré, le S juillet, au
Musée du Louvre, la nouvelle salle des antiquités africaines.
iM. Raymond Puincaré, ministre de l'Instruction publique, accom-
pagné de son chef de cabinet, M. Georges Bernard ; MAL Henry
Houjon, directeur des beaux-arts, Kaempfen, et tous les conserva-
teurs du Louvre attendaient M. Félix Faure sur le perron du
pavillon Denou^ qui fait face aux jardins du Carrousel.
Après avoir traversé la galerie Denon, M. Félix Faure est entré
dans la nouvelle salle des antiquités africaines. M. Antoine Héron
de Villefosse, conservateur des antiques au Musée, notre collabo-
rateur, lui en a fait les honneurs.
Le président a écouté avec un vif intérêt les explications qui lui
ont été fournies sur les pièces les plus importantes de la collection.
Puis M. R. Poincaré a ra[)pelé en quelijuos mois, très vivement
748 CHRONIQUE
applaudis, les travaux de M. de Villefosse, à qui le Président a
remis la croix d'olticier de la Légion d'honneur.
Peintures diî la porte nouvel:.emknt ouvertiî au portail nord dk
LA Cathédrale Dii Reims. — Un de nos concitoyens, parlant de la
porte du portail nord, récenin\ent ouverte, et « de l'informe bar-
« bouillement ocreux du fond (que, entre parenthèses, on ferait
« bien de gratter au plus vite) », nous paraît sévère, il n'a sans
doute pas été à même de voir à son aise les peintures dont il
apprécie si mal la valeur. De loin, à travers la forêt de bois de
l'échafaudage, il est difficile, en elTet, de les juger convenablement.
Ces peintures sont très anciennes ; elles seraient, dit-on, de la
lin du xir siècle, par conséquent dignes d'être conservées. Le
Gouvernement, plusieurs fois^ en a fait prendre le dessin et les
teintes, ce qui explique pourquoi les couleurs sont aujourd'hui
très pâlies. M. Gailhabaud, dans son riche ouvrage, donne une vue
polychromée de ce portail roman, ce qui prouve la valeur que l'on
a donnée à ces peintures, qui ont perdu, nous l'avouons, beau-
coup de leur éclat depuis quelques années.
Pour faciliter l'inspection du travail, nous donnons, en quelques
mots, l'analyse de la description de la porte, faite par M. l'abbé
Cerf (Jlisl. de N.-D.) :
Dans le sommet de l'ogive se trouve le Christ assis, tenant un seplre ;
deux anges avec des flambeaux sont à ses côtés et à genoux.
Sous une fris^ se dessine une arcade à plein cintre, au sommet de
laquelle sont <teux anges qui emportent au Ciel, dans un lange, une petite
figure nue, Ta ne sans doute de la sainte Vierge, conduite au Ciel. Le tout
est encadré dans un cordon d'anges, qui suivent les contours de l'arcade et
semblent rendre hommage à la petite figure, en l'honneur de laquelle ils
tiennent des lyslels, des flambeaux, des encensoirs.
Le groupe qui remplit tout le tym[)an de l'arcade a pour sujet la Très-
Sainle-Vierge tenant l'Enfant Jésus. La mère de Dieu, couronnée, est revê-
tue d'une robe d'or et d'un manteau bleu à fleuis dor, doublé de blanc.
L'enfant est velu d'une robj d'o;- et d'un mauteau pourpre.
Au-dessous de l'arcade sont suspendus des rideaux blancs, frangés d'or,
relevés et noués autour d'une colonne.
Le tympan a son fond rouge et bleu, chargé d'étoiles d'or, au milieu des-
quelles sont des anges.
Toute la sculpture de cette porte est d'une finesse bien grande -,
les icônes, les frises, les rinceaux, les chapiteaux rappellent le
commencement du xii* siècle... Si le gouvernement avait quelques
sommes disponibles, il serait d'un grand intérêt, non pas de
gratter au plus vite, mais de refaire ce spécimen de peintures
anciennes si rares de nos jours.
Un lecteur du « Couj-fùr. »
CHKONIQUE 74^
Tout en nous élevant contre le vandalisme d'une mesure sem-
blable à celle que réclamait le rémois cité au début de cet article,
nous ne saurions d'autre part protester assez contre la mesure
non moins barbare proposée par le correspondant du Courrier.
Les teintes, toutes pâlies soient-elles, du coloris ancien doivent
être conservées dans leur état actuel : les intempéries de l'air
auront assez vite fait d'altérer encore et d'etl'acer leurs nuances
délicates. Et si, d'une part, nous devons nous réjouir, pour la
beauté de l'ensemble, de la réouverture de celta baie, qui nous
restitue cet admirable portail nord de la cathédrale dans son itité-
grité, qu'il nous soit permis d'émettre un regret pour l'inévitable
altération que va subir cette charmante décoration polvchrome
qui fit tant de fois l'émerveillenient de notre enfance, dans la claire
et paisible sacristie qui abritait ses élégantes voussures et son
harmonieux tympan. A. T. -H.
Les Tapisseries ue l'Éolise Sai.nt-Remi de Reims. — Nous lisons
dans le Journal des Débats :
« I\L Marcou, inspecteur des monuments historiques, signalait,
il y a six mois, à l'attention de l'administration des beaux-arts,
une importante collection de tapisseries du seizième siècle,
ornant l'église Saint-Remi, à Reims, en émettant le voni qu'elles
fussent soumises à une réparation à laquelle leur considérable
valeur artistique donnait droit.
Le travail de réparation fut confié à la manufacture nationale
des fiobelins, et aux soins éclairés de son savant administrateur,
M. J.-J. Guitfrey.
II s'agissait, après avoir fait disparaître, par de nombreux
lavages successifs, la couche de poussière qui recouvrait les brode-
ries, de reprendre, maille à maille, les parties de \i trame que I&
temps, l'humidité et une autre cause mystérieuse avaient
détruites.
Cette autre cause est purement chimique. Elle réside dans la
composition des couleurs foncées, le noir et le brun, «jui sont
formées de substances minérales, tandis que les autres couleurs
sont obtenues au moyen de substances végétales. Or, les substances
minérales rongent plus rapidement la soie et la laine que les
autres; aussi, tandis que — tout en devenant plus pâles — les
parties bleues, rouges, vertes et jaunes, sont restées intactes, toutes,
ou presque toutes, les noires et les brunes ont disparu.
La collection de Saint-Remi est composée de dix tapisseries de
2o mètres carrés chacune, représentant la vie du saint évèque. En
voici la liste :
1» Naissance et éducation de saint Kemi, fils de sainte Cilinie. ^
2° Saint Rémi est nommé archevêque de lieims. — 3o Dilférents miracles de
saint Rémi. — 4° Bataille de Tolbiac ; baptême de Clovis. — 5» Saint
T.'^Û CHRONFQUK
Rémi fait mettre en prison saint Henebault. — 6" 11 ressuscite un moine,
afin qu'il porte témoignage. — 7° Concile tenu en France, — 8" Te!?tu-
ment et mort de saint Hemi. — 9° Funérailles de saint Kemi. — 10" Trans-
lation de son corps ; portrait du donateur.
M. J.-J. GuifTrey, qui a l'extrême obligeance de nous conduire
dans les ateliers des Gobelins et de nous montrer les tapisseries
de Reims, nous en fait l'histoire. Elles ont été données en 1531 à
l'église fiar Robert de Lenoncourt, archevêque et cardinal, en
même temps que d'autres, représentant la vie de la Vierge, et
qui se trouvent dans la cathédrale.
La date du don, et le nom du donateur, — dont, du reste, les
armoiries sont représentées sur chacun des tableaux, — nous sont
prouvés par le huilain suivant, qui se lit en lettres gothiques sur
le dernier :
L'an mil cinq cent trente et ung adjoustez,
Le Révérand Robert de Lenoncourt,
)'our décorer ce lieu de tous coustez.
Ce fit parfaire, encore bruyt en court,
Honrorant Dieu en sa céleste court.
En laquelle est le beuoist sainct liemy,
ir me donna, pour le cas faire court,
C'est démonstré de son salut amy.
Malheureusement, si cette inscription nous renseigne sur ces
deux points, elle est muette sur le nom du peintre qui a tracé les
modèles, et sur celui du tapissier qui les a interprétés. M. Guitfrey
a la conviction que le peintre devait être français, en considérant
la majesté in)posante des figures, le caractère tranquille et reli-
gieux des compositions.
Les personnages sont drapés avec noblesse, dans des costumes
simples, formant autour d'eux des plis réguliers. Ils ne se ressentent
en rien des exagérations que les modes allemande et boiirgui-
gnonne avaient introduites en l^'rance aux quinzième et seizième
siècles.
En outre, si les types, gestes et costumes ont une allure bien
française, M. Guitfrey retrouve le même caractère dans l'architec-
ture qui décore les fonds ou qui sépare les différents sujets d'une
même pièce.
Chaque tableau est divisé par des pilastres de fines arabesques,
de manière à contenir cinq scènes ditférentes.
A l'heure actuelle, une seule tapisserie de la collection est entiè-
rement réparée. C'est la dernière de laliste, celle qui était le moins
endommagée au début. Les frais de réparations montent à 2,500 fr.
On y voit le portrait du donateur, représenté tôle nue, devant
un prie-Dieu à ses armes. Devant le prélat, la Vierge tenant
l'enfant est assise sur un trône. Saint Rémi qui étend les bras pour
bénir Robert de Lenoncourt, semble servir d'intermédiaire entre
l'archevêque et les personnages divins.
CHUONIQUB "7^'
Les portraits ont été conservés sans, avarie, et n'ont pas besoin
d'être retouchés, ce qui offre un précieux intérêt.
Lorsque la collection entière aura été réparée, c'est-à-dire dans
sept ou huit ans, l'administration des beaux-arts a l'intention d en
orner rarchevèohé de lleuns, où elle sera plus à l'abri que dans
la sacristie de Saint-Remi.
Souhaitons, en terminant, «lue la série des tapisseries représen-
tant la vie de la Vierge, datant de la même époque, et qui se
trouvent en ce moment dans la cathédrale, prennent également
un jour la route des (jobelins. »
Inauguration I.E L'Hospici.: UK Bétheniville. - Le dimanche
22 septembre, a eu lieu l'inauguration de l'Hospice de Helheniville
(Marne).
Il Y a quelques années, M. Douillet, brasseur à Pontfaverger. ou
il avait fait une fortune considérable, voulut consacrer par une
œuvre charitable le souvenir de son fils unique, décédé docteur en
médecine à Rethel.
Par suite de considérations qu'il serait oiseux de rappeler,
M Douillet choisit la commune de Bétheniville comme bénéficiaire
de sa libéralité. U institua cette commune légataire de sa fortune,
avec l'obligation de créer un hospice de vieillards.
L'entrée en jouissance de ce legs se heurta aux lenteurs habi-
tuelles de l'administration, des contestations intervinrent, et
finalement la part de Bétheniville se trouva beaucoup plus res-
treinte qu'on ne le supposait.
Unpeudécouragée,l'administrationmunicipaledecette commune
laissa dormir assez longtemps le projet de construction d un
^7y avait cependant dans le legs de M. Douillet une clause
formelle et qui'engageait absolument les donataires Deven" -ai-
de Bétheniville, M. Reynaud aborda carrément l Problèm et
avec la ténacité intelligente qui le ''[^''^''^'^ '\'''' Jj'^Z
d'aboutir. Appuyé par son Conseil "--;'P^\f 7"^' .'', . i J,t
partager ses vues, il fit étudier un projet que M. Lamj aicliitecte
de Re!ms, avait su très habilement approprier aux besoins de
l'œuvre et proportionner aux ressources dont on disposait.
M Reynaud, par des démarches réitérées, obtint rassent.ment
de radmi^istrlt^on supérieure et aujourd'hui, ^ ex rém.té du
village, s-élève « l'hospice Douillet .s construction elég.uit^^^^^^
coauette simple et confortable, dont Taménagement fait giand
Zneu:'à M.^Lamy et quîestheureusementdisposéepo^^^^^
les agrandissements que rendront certainement possibk. les
générosités des donateurs futurs.
C'est cet hospice que l'on inaugurait hier.
752 CHRONIQUE
M. Poiffaut, soiis-piéfel de Reims, présidait la cérémonie.
M. de Montebello, député ; M..Lagout, ingénieur en chef des ponts
et chaussées ; M. Farchitecle Lamy, formaient, avec M. le maire
de Bétheniville et le Conseil municipal, le cortège officiel.
F"oNTAiNE MONUMENTALE A Vanault. — Le 1 8 Septembre, à l'occa-
sion de l'inauguration solennelle du service des eaux, Vanault-les-
Dames (Marne) était en fête.
A deux heures de l'après-midi, les invités, ayant à leur tête
M. Garinet, maire, suivi de tout le conseil municipal, se rendirent
sur la place de la Mairie.
Le château d'eau, situé derrière la mairie, comprend deux
bassins; l'usine qui les remplit est située au bas de la côle à
environ 300 à 400 mètres, actionnée par une roue hydraulique
qui, amenant l'eau de source dans les bassins, la distribue par
toute la commune.
Sur la place de la Mairie s'élève une fontaine monumentale, don
gracieux de Mme Garinet, actuellement âgée de 87 ans, veuve
d'un ancien conseiller de préfecture à Châlons.
C'est au pied de cette fontaine que M. le maire de Vanault-les-
Dames a pris la parole pour remercier les invités, le conseil
municipal et la généreuse Mme Garinet qui a donné, pour parfaire
les travaux, plus de 12,000 francs à la commune.
La nouvelle églisb d'Épernay. — Le dimanche t5 septembre,
au prône des messes de dix heures et de onze et demie, M. l'archi-
prètre d'Épernaj' a annoncé à ses paroissiens que les plans de la
future église monumentale de .Notre-Dame d'Épernay avaient été
apportés récemment par M. Selmersheim, architecte de l'édifice.
Soumis à l'examen du comité de construction, ils ont été étudiés,
discutés et enfin adoptés en principe à l'unanimité.
Le public a appris avec plaisir qu'une reproduction du plan
serait offerte par le comité du monument à tous les souscripteurs.
Un troncspécial doit être placé dans l'église actuelle pour recevoir
les offrandes volontaires des fidèles.
Après avoir donné le chiffre des souscriptions, qui monte à plus
de 650,000 fr., M. l'archiprêtre a fait un chaleureux appel à ceux
qui n'ont pas encore souscrit, comme au zèle de tous pour trouver
de nouveaux souscripteurs.
Il a indiqué plusieurs moyens pratiques de concourir à cette
œuvre, si digne de la ville d'Épernay, dont l'accroissement et les
embellissements font l'admiration de tous les étrangers. En par-
ticulier, il a signalé la place qu'on pouvait lui faire dans les
CHRONIQUE 753
dispositions leslanientaires, comme cela a eu lieu pour tant
d'églises en construction.
Enfin, il a rappelé que les fonds déjà reçus sont placés dans
deux maisons de banque, le Crédit lyonnais et la Société générale.
Nous sommes heureux de voir que la question de la construction
de cette église, réclamée par la majorité de la population sparna-
cienne, approche de sa solution définitive.
Célébbation de l'anniversaire de Valuy. — Le dimanche
22 septembre, a été célébré à Valmy l'anniversaire de la victoire
remportée par Kellermann.
La municipalité et les pompiers de 'V^almy, avec l'orphéon de
Suippes, se sont rendus devant le monument. La Marseillaise et
Thymne russe ont été exécutés sur l'esplanade.
A l'issue de la fête, a été laite une distribution de secours aux
indigents.
Un banquet, des illuminations et un bal ont ensuite eu lieu.
Bénédiction d'une cloche a Merlaut. — Le dimanche 22 sep-
tembre 1895, a eu lieu à Merlaut (Marne) la bénédiction d'une
cloche nouvelle, acquise avec le produit d'une souscription et de
donations généreuses.
La cérémonie était présidée par M. l'abbé Nottin, archiprêlre
de Vitry, délégué par Mgr l'évêque de Châlons.
La cloche a eu pour parrain M. Philogène Rouy, de Vitry, ancien
maire de Merlaut, et pour marraine Mme Bathilde Champenois.
II faut dire à l'éloge de MM. Paintendre, les habiles fondeurs de
Vitry-le-François, qu'ils ont obtenu un parfait accord entre l'an-
cienne cloche et la nouvelle compagne dont on vient de la doter.
Nouvelle chaire a l'église de Bethon. — L'œuvre d'embellisse-
ment, en rapport avec le style de la jolie église de Bélhon (Marne),
se poursuit toujours. Les nouveaux autels en chêne sculpté appe-
laient une chaire monumentale dans le même genre. Nous avons
pu l'admirer récemment. En chêne soigneusement sculpté dans le
style du xV siècle, elle est tout à la fois élégante et grandiose, et
plus d'une cathédrale envierait une pareille chaire.
Ce qui la distingue surtout, c'est la finesse achevée des bas-
reliefs, des statuettes et de l'ornementation générale.
Les bas-reliefs représentent les qualités que réclame la prédi-
cation dans l'orateur et dans l'auditeur.
48
754 CHRONIQUE
!• L'exemple : Jésus à l'alelier obéissant à saint Joseph ;
2" L'étude : Jésus dans le temple écoutant et interrogeant les
docteurs de la loi.
3° La bonté : Jésus enseignant le peuple et les enfants.
4° La prière : Jésus priant au jardin de l'agonie.
Aux angles se trouvent les staïuette? tinement ouvragées des
principaux docteurs de l'église : saint Augustin, saint Léon pape,
saint Grégoire pape et sa colombe, et Bossuet, l'aigle de Meaux.
Ces différentes scènes et statuettes sont environnées d'orne-
ments conçus avec l'élégance et la délicatesse propres au style du
XV" siècle.
L'escalier lui-même est d'un travail très soigné et très original.
L'abat-voix représente une de ces tlèches élancées de nos belles
cathédrales du xv° siècle, avec son double rang de contreforts
surmontés de clochetons et de balustrades, agrémentés de
gargouilles et de crochets finement reproduits.
Dons A l'ilGlise de ChemixoiN. — Le dimanche 15 septembre 189o,
a eu lieu dans l'église de Cheminon (Marne), sous la présidence
de M. l'abbé Florion, vicaire-général, l'inauguration d'un orgue
de chœur et la bénédiction de deux statues, l'une de saint Antoine
de Padoue et l'autre du Bienheureux Gossuin, moine de l'abbaye
cistercienne de Cheminon.
Sainte-Meneuould et ses recettes culinaires. — Un de nos
concitoyens nous communique un livre qu'il a découvert en
bouquinant sur les quais et qui, imprimé il y a 130 ans à Paris,
prouve qu'à cette époque la renommée gastronomique de la ville
de Sainte-Menehould était déjà faite.
Ce livre, intitulé Cuisinière Bourgeoise^ a été édile à Paris,
chez Guillijn,quai des Aiigusiins, du côlé du Ponl Saint-Michel,
au Lys d'Or, en l'année 1764.
Voici la nomenclature des recettes à la Sainie-Menehould que
nous trouvons à la table de cet ouvrage :
Queue de hœuf à la Sainte-Menehould.
Gigot de mouton à la Sainte-Menehould.
Épaule de mouton à la Sainte-Menehould.
Langues à la Sainte-Menehould.
Pieds de mouton à la Saintp-Menehould.
Tête de veau à la Sainte-Menehould,
Pieds de veau à la Sainte-Menehould.
Queues de veau à la Sainte-Menehould.
Tête d'agneau à la Sainte-Menehould.
Poulets à la Sainte-Menehould.
Ailerons à la Sainte-Menehould.
Poularde à la Sainte-Menehould.
CHRONIQUE 755
Pigeons à la SaiDt<î-Menehould.
Raie à la Sainte-Menehould.
Harengs saurs à la Sainte Menehould.
'J'anche a la Sainte-Menehould.
Sauce a la Sainte-Menehould.
Nous remarquons, non sans une certaine surprise^ que dans retle
alléchante nomenclature — alléchante autant que longue — ne
ligurent pas les fameux pieds de porcs à ta Sainte-Menehould
qui, à eux seuls, suffisent encore aujourd'hui pour soutenir la
réputation gastronomique de notre intéressante sous-préfecture.
Une Centenaire. — Nous avons déjà parlé de la centenaire de
Prunay. Cette vénérable dame va atteindre dans quelques jours,
l'âge de cent trois ans, étant née à Bélhenivillele 22 septembre 1792.
Mme Biliek, alerte et active malgré son grand âge, s'occupe
chaque année aux travaux de la moisson. Elle prépare des liens
et se montre très fière des petits services qu'elle peut rendre encore.
Elle est restée veuve avec huit enfants, et l'une de ses tilles
habite Reims.
Toute la famille se propose de fêter en grande pompe le prochain
anniversaire de Mme Biliek.
Noces ij'or. — M. et Mme Antoine Ladrange ont célébré il y a
quelques jours leurs noces d'or à Bourg-Saiiile-Marie (Haute-
Marne), entourés de leurs enfants, petits-enfants et neveux, au
nombre de quarante.
Nominations et distinctions. — Parmi les nominations dans
l'ordre de la Légion d'honneur paruesàrO//tci;V/ au mois de juillet
dernier, nous relevons divers noms intéressant Reims et le dépar-
tement de la .Marne :
— M. le comte Gustave de Montebello, ambassadeur à Saint-
Pétersbourg, a été promu à la dignité de grand-officier.
M. de Montebello est le frère de M. Fernand de Montebello, de
Mareuil-sur-Ay, et de M. Adrien de Montebello, député de la
Marne, et beau-frère de M. le comte Werlé.
— Le commandant Moisy (Arthur-Olympe), de Reims, chef de
bataillon au 41" régiment d'infanterie, a été nommé officier ^
(36 ans de service^ 7 campagnes, ! blessure de guerre).
— M. Patenôtre, secrétaire d'ambassade à Rome, et frère de
notre ambassadeur aux États-Unis, tous deux originaires de Baye,
a été nommé chevalier.
— Au nombre des nouveaux chevaliers de la Légion d'honneur
figurent encore : M. le D"" Bourgeois, médecin-major de première
756 CHRONIQUE
classe de l'armée territoriale (25 ans de services, !J campagnes),
qui a repris à Reims la clinique du docteur Delacroix.
M. Gaston Rivart, capitaine au 3" régiment de spahis (2t ans de
service, 8 campagnes). M. G. Rivart est le iils aîné de M. Charles
Rivart, consul de Belgique à Reims.
M. Aude, sous-commissaire de la marine ("21 ans de services,
dont cinq à la mer) ; M. Aude est originaire de Sainte-Menehould.
Au nombre des dernières nominations de colonels de réserve,
on remarque celle du glorieux défenseur de Tuyen-Quan.
Le colonel Dominé, de Vitry, qui avait dû, par raison de santé,
prendre prématurément sa retraite et renoncer même à une
fonction active du cadre de réserve, se trouve maintenant assez
valide pour accepter un commandement en cas de mobilisation.
C'est à la lêle d'une formation de réserve du 106" régiment
d'infanterie qu'il serait placé : ce régiment tient garnison à
Chàlons-sur-Marne.
Le Ministre du Commerce et de l'Industrie vient de décerner
une médaille d'honneur à M. Conain^ ouvrier à l'atelier des modèles
de l'École nationale des Arts et Métiers de Chàlons.
Celte distinction est pour iM. Conain la juste récompense de
30 années de bons services dans cet établissement.
Parmi les nominations récentes au grade d'officier de l'instruc-
tion publique, faites dans le personnel de l'enseignement, nous
rencontrons les noms de MM. Fontaine, professeur d'allemand au
lycée de Reims, Keverlet, instituteur à Marcilly-sur-Seine (Marne),
et de Mlle Trézaune, directrice du lycée de jeunes filles de Reims.
Au nombre des officiers d'académie, désignés par le même arrêté
du 20 juillet 1895, figurent MM. Colson, surveillant général au
collège de Sainte-Menehould ; Copillet, professeur d'allemand au
collège de Meaux ; Couty, professeur d'allemand au collège de
Sedan; Hamel, professeur de rhétorique au lycée de Reims;
Macquart, professeur de classe élémentaire au lycée de Troyes ;
Nida, professeur d'anglais au lycée de Troyes ; Pierre, professeur
de sixième au collège de Châlons-sur-Marne; Rousselet, maître
élémentaire au lycée de Charleville; Roussel, professeur de musi-
que au lycée de Sens ; Simonnet, professeur de physique au
lycée de Reims ; Viltard, professeur de troisième au lycée de
Sens ; Bertrand, instituteur primaire à Rivière-les-Fosses (Haute-
Marne) ; Briganl, instituteur primaire à Doulaincourl (Haute-
Marne) ; Fossier, instiluteur primaire à la Neuville-aux-Tourneurs
CHRONIQUE 757
(Ardennes) ; Honnet, directeur d'école publique à Troyes; Marin,
instituteur primaire à Sainte-Marie-à-Py (Marne), depuis plus de
trente ans ;
Mlle Barhat, directrice du collège déjeunes filles de Sedan; Mme
ïbévenin, professeur de dessin an lycée déjeunes filles à Keims ;
Mlle Saingery, directrice de l'école publique de Raucourl (Ardennes;.
♦
Par arrêté en date du 16 août l89o. le Ministre de l'agriculture
a décerné les récompenses suivantes pour services rendus à l'occa-
sion des épizooties :
Médaille d'argent
M. Brissot, vétérinaire sanitaire à Suippes (Marne).
Médailles de bronze
M. Bonemain, vétérinaire sanitaire àFére-Champenoise (Marne).
M. Decbery, vétérinaire sanitaire à Fismes (Marne).
M. Lenoir, vétérinaire sanitaire à Vertus (Marne).
Dans sa séance du 22 août 1895, la Société d'Agriculture,
Commerce, Sciences el Arts du département de la Marne, a
décerné une médaille de bronze à M. Scbinitto, instituteur à
Cbampaubert, pour sa notice sur la bataille du 10 février 181 i.
Dans un rapport sur ce travail, M. Horguelin, ex-président de
la Société, a fait remarquer que M. Scbniitte n'avait pas voulu
faire oeuvre historique, mais seulement rappeler un glorieux fait
d'histoire locale.
M. Horguelin a félicité M. Schmitte et souhaité qu'il ait des
imitateurs.
Dans la même séance, la Société adécerné une médaille d'argent
à M. Schmitte, d'Orconte, pour 31 ans de services rendus comme
régisseur au château d'Orconte.
C'est la deuxième médaille que M. Schmitte oblientde cette Société.
Voici les décorations qui ont été remises par le Président de la
République, lors de son passage à la gare de Chaumont, au cours
des grandes manoeuvres de l'Kst :
Chevalier de la Légion d'honneur: M. Persin, maire de Longe-
ville, président du conseil d'arrondissement de Wassy.
Officiers d'académie : MM. Fourcaut, maire de Chaumont ;
André, chef de division à la préfecture (42 ans de services) ; le
docteur Jacquelin, conseiller général.
Chevaliers du Mérite agricole: MM. Chéronnet, maire deJoin-
ville, et de Montrol, conseiller général.
M. Félix Faure a remis en outre vingt-huit médailles d'honneur.
758 CHRONIQUE
M. Grand'honime, supérieur du grand séminaire de Consliinline,
vient d'être nommé supérieur du grand séminaire de Châlons, en
remplacement de M. Morlhon, nommé supérieur du grand sémi-
naire de Sens et visiteur de la province de Champagne.
M. Grand'homme est né au Vézier, dans le doyenné de Mont-
mirail (Marne).
*
Notre compatriote M. Paul Collinet, de Sedan, directeur de la
Revue dWrdenne el d' Argonnc, a été nommé, au mois de septem-
bre dernier, professeur agrégé de droit romain à la Faculté de
Lille en remplacement de M. Drumel, sénateur.
Nous adressons toutes nos félicitations à notre confrère.
Le « papa Barboutin », comme on l'appelle, d'Hùmes (Haute-
Marne), chevalier de la Légion d'honneur, vient de recevoir à
quatre-vingt-dix-sept ans la médaille coloniale.
11 a pris part en 1827 à la bataille de Navarin, pendant la guerre
de l'indépendance grecque. Il fit aussi les campagnes d'Algérie.
C'est bien certainement le doyen d'âge des médaillés coloniaux.
Mariage. — Mgr de Briey, évêque de Meaux, a béni, le
21 septembre, en l'église de Pomponne, près de Lagny (Seine-et-
Marne), le mariage.de .\L Henri Chanzy, lieutenant au 113e régi-
ment de ligne, fils de M. Léon Chanzy, ancieri receveur particulier
des finances à Reims, et neveu du regretté général Chanzy, avec
Mlle Marie Uubarle, fille de M. Léon Dubarle, ancien magistrat.
Les témoins du fiancé étaient : le lieutenant colonel Despréaux et
M. Louis Chanzy, son cousin, un jeune rapatrié de Madagascar ;
ceux de la fiancée, le premier président Cautel, son grand-père,
et M. Paul Bonnet, avocat à la Gourde Paris, son oncle.
Pendant la messe, M. Maurice de Crépy, fils du vicomte de
Crépy, trésorier-général d'Eure-et-Loir, et de la vicomtesse de
Crépy, née Chanzy, a l'ait entendre son merveilleux talent de
violoniste.
Un déjeuner, servi dans le parc du Prieuré de Pomponne, a
réuni les nombreux assistants.
L'armée était brillamment repré-entée à cette fête charmante.
MÉLANGES
Le viedx Reims. — I. Inscription du Grand Séminaire de Reims.
— Le Bulletin du Diocèse de Reims a publié récemmenl une ins-
cription g-oUiique très intéressante au point de vue de l'histoire
locale. Nous la rappelons aujourd'hui en l'accompagnant de quel-
ques explications.
c( Les travaux entrepris depuis quelques jours an Grand Sémi-
naire de Reims, ancienne abbaye de Saint-Denis, ont remis en
lumière une inscription gothique peu connue.
« Elle est incrustée dans la première pile de la cave, à gauche,
au bas de l'escalier, sous le réfectoire. Malgré le manque de jour,
voici ce que nous avons pu lire :
L'an de grâce mil quai cens septente
Sept, de février le xviii jour
Mo7is' l'abbé de l'église présente
Jaques Joff'rin assit en ung destour
Des fondements de ce lien et séjour
La pmier pierre qui y fut mise
An nom de Dieu, jamais n'en soit démise.
(lîcussoQ de l'abbé, surmoulé de la crosse abbatiale.)
« Jacques Joifrin fut élu en 1473, fit approuver son élection par
le Chapitre de Reims, prêta serment d'obéissance le lî mars de la
même année. 11 est hautement loué dans les --fc/es capilulaires de
la Cathédrale, pour être venu en personne au Chapitre, s'oiTrir
avec les biens de son abbaye, après l'incendie de la Cathédrale, de
1481. Il mourut le 7 décembre i484.
« Les caveaux de Saint-Denis, moyennant une légère redevance,
offraient un abri et un asile. On déposait les objets dans une
grande cave, appelée trésor, située au-dessous de l'aigle du
chœur. L'abbé en avait la clef en sa garde, et plus d'une fois, les
bourgeois de Reims vinrent avec le clergé des campagnes confier
à sa vigilance leurs écus et leurs joyaux.
« Les Mémoires de l'Eclievinage de Reims portent que les habi-
tants se saisirent des deniers royaux, après la bataille de Poitiers,
les déposèrent dans les caveaux de Saint-Denis et les rendirent
ensuite au régent.
« L'archevêque Richard Pique laissa en testament quatre livres
d'argent à l'abbé de Saint-Denis, pour le trésor, ou cave, où
se gardent les biens communs de la ville, « pour ouvrir, fermer et
administrer lumière ».
« Cette pierre sera étudiée avec soin, calquée avec précaution
7G0 MÉLANGES
et conservée comme un des rares souvenirs lapidaires de Reims,
rappelant une date historique. » C. C.
L'inscription de 1477 ne peut pas se rapporter à la date de
construction de l'église de Saint-Denis, qui était du quatorzième
siècle. Le texte lui-même prouve qu'elle existait déjà, car il dit :
« Mons. l'abbé de Véylise présente., Jacques Jotïrin, assit en ung
« destour des fondements de ce lieu et séjour la première pierre
« qui y fut mise. »
Il s'agit alors de la première pierre d'un bâtiment élevé à cette
époque ; mais pourquoi à cette époque ? Les historiens, les
archives de la ville, le cartulaire de Sainte-Geneviève de Paris ne
nous apprennent rien à ce sujet. Tâchons de répondre par induc-
tion.
Louis XI, en 1473, envoie à Reims un nommé Raulin Cochinart,
son maître d'hôtel, et l'établit capitaine de la ville, avec plein pou-
voir de faire tout ce qu'il fallait « pour fortifier et mettre en
« s'jreté et bonne defïense ladicte ville de Reims ».
Le capitaine se met à l'œuvre, « détruit les chapelles, donne
e les pierres d'autels, les pierres tombales à ses commis ».
« Fait démolir et abattre aux jours de fêtes et dimanches la
« closture du cimetière de Saint-Hilaire-les-Reims, contraignant
c les Frères Cordeliers, Carmes, Augustins, Prescheurs, etc., à
« faire les dictes démolitions. » (Voir l'interrogatoire que subit
Cochinart, en 1485, dans Marlot, t. IV, p. 659.)
Cochinart démolit tout ce qui dérange ses plans; pour se pro-
curer des matériaux, il détruit églises, chapelles, châteaux, les
maisons de la Porte Mars, le château de l'Archevêque, etc.
Les mémoires du temps portent : « que cet homme cruel et
e féroce... finit malheureusement dans les prisons d'Amboise. Sa
c mémoire était en exécration : à Reims le peuple disait : — Il ne
« faut pas rébecquer à Cochinart. — Avant de mourir, en 14Ho, il
« dut subir un interrogatoire pour rendre compte de toutes ses
e exactions. »
A raison de la situation topographique des bâtiments de l'abbaye
de Saint-Denis, proches des fortifications de la ville, il est pro-
bable qu'ils furent alors fort endommagés, peut-être même
détruits. Quand Cochinart eut terminé son œuvre de destruction,
il fut relevé de ses fonctions, et rarchevêqu-^ de Reims, Pierre de
Laval, de par le Roi nommé, en 1477, lieutenant-général du pays.
Les religieux de Saint-Denis construisirent de nouveaux bâtiments,
en 1477, comme le porte l'inscription.
De ces bâtiments de la fin du xv siècle, il reste des parties très
importantes, qui ont été modifiées, il est vrai, quant aux ouver-
tures des fenêtres et à l'ornementalion des clefs, lors des construc-
tions modernes qui se voient de nos jours, mais qui n'en con-
servent pas moins les traces des travaux primitifs.
MÉLANGES 76Î
Ainsi, dans le jardin du Grand Séminaire, les murs de la grande
salle et de la salle conliguë sont encore flanqués de puissants
contreforts à trois étages, reliés par des glacis, terminés par un
faitage en pierre de la fin du xv« siècle. Le grand comble qui
couvre le bâtiment central, dont font partie les salles qui nous
occupent, est très remarquable. Il est tout en charpente de choix^
formant un vaste berceau en ogive, comme on le pratiquait à
cette époque. Dans la rue du Cloître, une ancienne maison du
Chapitre, appartenant à M. Robert, possède un comble en tout
semblable; on en voit un pareil rue du Couchant, dans l'ancien
couvent des Jacobins.
L'écussou de l'abbé, gravé au bas de l'inscription de la cave,,
surmonté de la crosse abbatiale, porte un monogramme, posé
deux et un, formé par deux J réunis, Jacques Jollrin.
A l'entrée de la rue Libergier, en lace du Café Sainl-Denis,
dans la cour du café qui fait l'angle, on voit sur un mur le même
écusson, cette fois en relief. Il provient des démolitions de l'ab-
baye de Sainl-Denis quand on ouvrit la rue Libergier.
Les bâlimenls élevés par l'abbé J. Joffrin étaient, en 1702, dans
un état déplorable de délabrement. L'archevècjue Maurice Le Tel-
lier les lit rétablir avec une grande munificence, comme on peut
en juger par la porte qui donne accès dans la maison. Les murs
des ancienne.s constructions furent conservés, mais les grandes
fenêtres ogivales, dont on retrouve un spécimen dans la chambre
n" 70 du séminaire, furent bouchées et remplacées par de plus
petites, ornées de clefs sculptées. Si Ton en croit la tradition, le
bâtiment central, aulrefoi.s, ne faisait qu'une seule salle appelée
Chapitre, terminée par le comble en ogive dont nous avons parlé.
C'est dans celte salle que les habitants de Reims tenaient les con-
seils du bien commun. La grandeur de la salle explique pourquoi
les restes de la fenêtre géminée, qui sont encore visibles dans la
chambre n° 70, sont d'une aussi grande dimension.
Devant le pavillon central, modTié en 1702, on éleva une magni-
fique galerie formant préau. La clef de voûte du milieu porte le
monogramme : F. M. P., à cause sans doute de < Frère Pierre
« Mariol, prêtre, religieux de la Congrégation de France, prieur
« de l'abbaye de Saint-Denis », ainsi dénommé, plusieurs fois,
dans l'acte du 29 novembre 1702, par lequel Maurice Le Tellier
confie à ces religieux la direction du séminaire.
Ch. Cerf.
II. Inscription de la Cathédrale de Reiins. — Un amateur
de Reims .s'est composé un album, du plus grand intérêt, de pho-
tographies de la Cathédrale, prises sur le monument, de haut en
bas, de long en large, dans les endroits les moins en vue, et cela
souvent à l'aide d'échafaudages disparus depuis. M. Abel Lajoie
travaille en artiste. 11 a fait en quelque sorte la descrii)tioa
7G2 MÉLANGES
de l'édifice avet". une série de planches, toutes classées dans un
ordre mélliodique. Si l'on désire un détail, n'importe lequel,
il ouvre son vaste répertoire et le donne immédiatemenL de
la meilleure grâce.
Parmi ces photographies^ il en est une très précieuse au point
de vue historique : c'est une inscription qui n'est pas connue ; elle
est d'autant plus précieuse qu'il est impossible de la découvrir et
de la lire, à raison de la position qu'elle occupe. Elle est placée
tout en haut du grand comble, côté nord, à l'extrémité de la cou-
verture qui vient butter contre la Tour.
Sur une feuille de plomb, on voit en relief ces mots :
Cette couverture
A été faite par
Jean B" Kousseau
M"" couvreur à R*.
N' (natif) de Chateau-Porl".
L'an 176:; F" (finie) l'an 1769.
Cette inscription fournit un détail qui a échappé au.\ historiens
de la Cathédrale, à savoir les travaux exécutés à la couverture de
l'édifice, de 1765 à 17fi"J.
Nous avons voulu en avoir la preuve. Nous l'avons trouvée dans
une liasse de la Fabrique (renseignements), conservée à la Biblio-
thèque de la Ville : « 12 décembre 1769, première quittance
< à M. Armaston, chanoine fabricien, par les sieurs Barel, J.-B.
a Rousseau, Lancelot-Paroissien, de 3,000 livres, avec conclusion
« capitulaire du G juillet 1770. »
A celte première quittance sont jointes quatre autres :
« 2™^ aux mêmes, de 3,000 liv., avec conclusion capitulaire du
« 16 octobre 1770.
« 3"'e de Baret, de 2.000 liv., avec conclusion capitulaire du 27
« février 1771 .
« k^' aux mêmes, de 3,000 liv., avec conclusion capitulaire
« d'octobre ^771 .
« o"'« aux mêmes, de 3,000 liv,, avec conclusion rapilulaire du
« 28 septembre 1772. »
En 1774, les ii.êmes ouvriers reçoivent 4,483 liv., allouées
à M, Armaston, pour solde de travaux à la couverture.
De l'année 1769 à celle de 1774, ces ouvriers fournirent 203,763
livres 1/2 de plomb neuf, contre 213,218 livres de plomb vieux.
Le 31 juin 1776, le sieur Barbier reçoit 8,082 livres o sols pour la
restauration du clocher à l'ange est du rond-point. Il avait fourni
59,713 livres 1,2 de plomb neuf, contre 43,078 de vieux. (S'oïv le
détail des journées, du prix donné, des matériaux foui nis, dans la
liasse de la fabrique, conservée à la ville.) Dans cette restauration
du clocher, figure le replacement des statues.
MÉLANGES 76:1
Le sieur Hréinont reçut également, en novembre 1776, I0,i)39
livres 4 sols pour travaux de plomberie à la couverture du coiia-
lérai du cùlé de l'arcbevêcbé et du cloclier à l'ange, travaux com-
mencés le 9 août et terminés le 20 novembre de la même année.
Les archives mentionnent d'autres travaux exécutés les années
suivantes ; comme ils sont de peu d'importance, nous ne les rap-
pellerons pas.
Nous sommes loin des travaux qui avaient été jugés néces-
saires comme le prouve un procès-verbal de 1773, s"élevant à la
somme de l,i)92,29j livres. Le Chapitre, ne pouvant supporter des
frais aussi considérables, adressa, le 17 août 1774. à iMgr de
la Roche-Aymon, une requête pour obtenir du roi des secours.
Louis XV venait de mourir. Le Cardinal la fit parvenir au jeune
roi Louis XVI, qu'il avait baptisé, admis au banquet eucharistique,
confirmé, et qu'il allait sacrer. Le moment semblait favorable. La
requête était motivée : le Chapitre n'avait que 18,000 livres
de revenus ; il devait 20,000 livres sur 60,000 livres de travaux
exécutés; il fallait dépenser 14,500 livres pour le Moulin-Brûlé, à
cause de l'élargissement de la chaussée de Vesie ; lu, 000 livres
étaient nécessaires pour reconstruire en partie les moulins adja-
cents à la porte de Vesle ; si ces moulins étaient détruits, ce serait
une perle de -ijOOO livres de renies, et l'on devrait dépenser 100,000
livres pour les reconstruire.
La requête, toutefois, n'eut aucun effet.
(l'ouvrier de la Champagne.) Ch. Cerf.
Le Cimetière de l'Ouest a Chalons. — Son orirjin". — Monu-
ments funéraires à la inénioire d'anciennes Filles de la Charité.
— Le cimetière de l'Ouest est le plus ancien des deux cimetières
qui existent aujourd'hui à Cbàlons. Celui de l'Est, réclamé dès 1807
par les paroissiens de Saint-Jean et de Saint Loup, ne fut ouvert
qu'en 1S20. Voici en quelques lignes l'origine du premier.
Avant la Révolution, les paroisses et les communautés religieu-ses
avaient chacune leur cimetière contigu à leur église. La quantité
d'ossements exhuinés à diverses éfioques, depuis la Révolution,
des terrains voisins des anciennes églises et chapelles de la ville,
le témoigne évidemment. Plusieurs de ces cimetières regorgeaient
de sépultures à la fin du siècle dernier. Le 21 juin 1783, le conseil
de ville de Châlons décidait en principe la suppression des cime-
tières dans l'intérieur de la ville, et nommait deux de ses membres
pour aller prier Mgr de Clermont-Tonnerre de vouloir bien appré-
cier cette mesure, qui intéressait la santé publique '.
t. Archives municipales : Cimetières, Délibérations diverses.
Le 20 juin 1793. la municipalité inlerdisail les cimelièrei Sainl-Loup et
Saint-Jeau, les derni-ers exiàlaut encore dans l'eaceiiite de !a ville.
7G4 MÉLANGES
Vers celte époque, le cimetière de l'Elôtel-Dieu, situé à l'inté-
rieur de l'établissement, avait dû déjà être interdit. L'administra-
tion des hôpitaux avait obtenu alors que ses morts fussent enterrés
au cimetière Sainte-Catlierine, situé dans le voisinage de l'église
paroissiale de ce nom. Ledit cimetière se trouvant rempli à son
tour, le bureau des hôpitaux fit une proposition au conseil de ville
en mars 1785. Il demandait que la ville lui concédât un terrain de
huit denrées, situé entre la porte de Marne et la porte Saint-Antoine,
au lieudit le Pré des lYonnes, lequel dépendait des remparts de la
ville.
Le 3 avril suivant, la vente en fut consentie en l'assemblée
générale de IHôtel de Ville, sous la réserve de l'approbation du
roi, à cause des remparts, et « moyennant une redevance annuelle,
« perpétuelle et non rachetable de deux septiers de froment, et à
'( la charge pour ledit bureau d'administration de clore ledit cime-
« tière de hayes ou de murs. »
Le S juin 1785, M. de Vergennes, ministre d'Etat, faisait savoir
à la ville l'approbation de cette cession par le roi, et l'administra-
tion des hôpitaux ne larda point à approprier le terrain pour en
faire son cimetière'. Un arrêté du Directoire du département, du
3 février 1792, mit en demeure toutes les paroisses et oratoires de
la ville de faire enterrer leurs morts dans ce cimetière qui, origi-
nairement appelé cimetière Saml-Bernard, retint ce nom jus-
qu'après 1793-. C'est le nom sous lequel est encore connue la
crypte, ou chapelle basse de l'Hôlel-Dieu, qui servait de sépulture
aux bienfaiteurs de l'établissement. La belle pierre tombale d'un
prêtre, bienfaiteur de l'Hôtel-Dieu, et fils d'un seigneur de Sou-
dron, au xui'^ siècle, en a été tirée dans ces derniers temps'.
Vers 1806, le cimetière de Saint- Bernard fut repris à l'adminis-
tration de l'Hôlel-Dieu par la ville de Châlons ; elle l'agrandit
considérablement, le ferma de murs et en fit le cimetière com-
mun, aujourd'hui connu sous le nom de cimetière de l'Ouest.
1 . Registre des cooclusions et délibérations du Bureau des Hôpitaux Unis
de la Ville de Chaalous, série E 1, registre XXIII, de IISS-HOI . (Archives
des hôpitaux.)
2. Arrêté du Directoire du déparlement. (Archives municipales : Cime-
tières, Délibérations diverses).
3. Dans le récit de son Voyage en Champagne, de 174i à 175), Dom
(juyton, religieux bibliothécaire de l'abbaye de Clairvaux, chargé de la
visite des maisons cister..,iennes eu Champagne, a inséré quelques notes sur
Chàlous, qu'il visita en 1750.
« L'hôpital, dit-il, a cent lits. . une chapelle où le Saint-Sacrement
repose... Il y a, à l'entrée, une chipelle souterraine dite de S^jint-Bernard,
bénite l'an dernier. 1749, par Mgr l'Evoque, où il y a un bon portrait de ce
saint : Vera effigies sancli Dernardi. »
{Voyage littéraire de D. Guyton, Tievue de Champagne, t. 21, p. 21 6.}
D. Guyton parle ici d'une restauration de la crypte; car la chapelle Saint-
Bernard était tort ancienne.
MÉLANGES 7G5
C'est en réparant les murs d'enceinte de ce cimetière, que deux
petits monuments funéraires, pleins d'intérêt pour l'histoire de la
charité à Chàloi)P,(int été remis à jour le mois dernier. Ils étaient
recouverts d'un lierre épais, qui en dérobait la vue. Les ouvriers,
en arrachant cette plante parasite, les ont fait reparaître. Ce sont
deux plaques. Tune de pierre, l'autre de cuivre, accrochées à la
muraille, à quelques mètres de la porte d'entrée, à gauche, et à
l'endroit même où furent enterrées les Sœurs de la Charité, après
l'interdiction des anciennes sépultures; les inscriptions que pré-
sentent ces plaques méritent d'être relevées.
La première, la plus ancienne, témoigne, en des termes aussi
éloquents que simples, du zèle des Sœurs de la Charité dans le
soin des pauvres de la cité. Aux jours les plus mauvais de la
période révolutionnaire, elles avaient continué leurs œuvres
de bienfaisance chrétienne, sous les yeux de la municipalité
d'alors, et avec ses encouragements ; ces œuvres s'alimentaient
souvent de leurs propres ressources et se continuaient dans de
généreuses fondations, comme l'insinue la première de nos ins-
criptions, par-delà leur trépas.
Je la transcris fidèlement, mettant seulement l'orthographe où
l'ouvrier graveur l'a omise :
« Ici reposent dans la paix du Seigneur Marie Reynaud, Sœur de la
Charité, décédée le 8 février 1800, âgée de 81 ans, 62 de résidence dans la
maison des Sœurs de la S'" Trinité de cette ville ' — et Thérèse Me^-nier,
supérieure de ladite maison, décédée le 28 décembre 1801, âgée de 82 ans,
57 de vocation, toules deux mortes en vrayes fidèles de S' Vincent de Paul,
remplies de l'amour de Dieu et des pauvres, qu'elles ont servis avec un zèle
infatigable, et dont elles seront à perpétuité les bienfaitrices.
« Rfquiescant in pace. »
La seconde inscription, sur cuivre, nous rappelle le nom d'une
autre Fille de la Charité, bien connue de nos pères, des pauvres
surtout, et dont Mgr de Prilly avait fait la distributrice de ses iné-
puisables aumônes, dès son arrivée à Châlons :
1 . La paroisse de la Sainte-Trinité, dont l'église s'élevait au bas de la
tour nord de la Cathédrale, en bordure de la rue de ce nom, fui supprimée
en 1791, et devint, après le Concordat, partie intégrante de la nouvelle
paroisse Saint-Etienne.
La maison des Sœurs de la Charité, où vivaient les Sœurs Keynaud et
Mejnier, était rue des Sept-Moulins, au n" 10 ; elle fut échangée le ITi mai
1811, par le bureau de bienfaisance contre la maison appartenant à iM. Gre-
net-Felise, sise rue de Noailles, où, jusqu'en 1894, restèrent établis l'école
communale et l'orphelinat municipal des filles pauvres.
La maison de la rue des Sept-Moulins est désignée dans VAcle d'échange
comme » appartenant aux pauvres et consacrée de temps immémorial à l'éta-
« blissement des Sœurs de la Charité, dites de la Sainle-Trinilé ». (Acte
d'échange du 15 mai 1811, passé par devant M' Failly, notaire 4 Chillons).
766 MÉLANGES
■ t
f A 9 pieds de dislance du mur, repose dame Françoise Charbonnier,
Fille de la Charité, décédée le 25 août 1834, dans sa 9l' année.
« Elle en a passé 61 au service des pieuvres, dont 40 à Châlons.
« Elle a emporté les regrets et l'estime de tous ceux qui l'ont connue,
mais particulièrement des pauvres, qu'elle avait toujours servis avec beau-
coup d'affection.
« Priez Dieu pour elle. »
L'église cathédrale nionlre encore au visiteur, à l'entrée de la
chapelle de Saint-Vincent-de-Paul, une petite plaque en marbre
noir où sont inscrits les noms de deux autres anciennes Filles de
la Charité. Ce fut là sans doute qu'elles reçurent la sépulture. Les
prêtres et les religieux, avant la Révolution, étaient ensevelis dans
leurs églises ou dans leurs cloîtres respectifs. Il en était autrement
pour les Killes de la Charité : leur sépulture ne pouvait être que
dans le cimetière ou dans l'église paroissiale de leur résidence ;
elles ne devaient avoir ni église, ni chapelle propre. Pour les atta-
cher étroitement à la paroisse où elles exerçaient la charité, leur
saint fondateur ne leur avait donné d'autre église que l'église
paroissiale.
Voici l'inscription relevée à l'entrée de la chapelle de Saint-Vin-
cent-de-Paul à la Cathédrale :
« Ici reposent les corps de Perrine Sorint, décédée le 17 'lécembre 175i,
et de Elisabeth Chenet, décédée le 29 avril 1769, Sœurs de la Charité, les-
quelles ont vécu dans une constante pratique des œuvres de miséricorde.
i< Requiescaut in pace. »
(Journal de la Marne). L ■
Reims et la Champagne. — Voici le très intéressant discours
prononcé le 13 août 1895 par M. André, inspecteur primaire, à
l'une des distributions de prix aux élèves des Écoles conmiunales
de Reims.
Mes chers amis,
Un ancien a dit que « la première condition du bonheur est d'être citoyen
d'une ville renommée ». Ce n'est pas celte condition là qui vous manquera
pour être heureux.
Vous êtes, en ttîet, les enfants d'une cité qui, par son passé particuliè-
rement fécond en glorieux souvenirs comme par son importance actuelle,
tient l'une des premières places parmi les villes célèbres de noire pays.
L'histoire de Reims est étroitement liée au berceau de la France et son
nom est associé aux principaux événements de notre vie nationale.
On ne vous a pas dit que la grandeur de Reims était déjfi telle, avant la
domination romaine, qu'elle fixait l'attention des écrivains grecs et latins ;
on ne vous a pas dit davantage que les écrits de l'évêque Hincmar renfer-
maient de très précieux renseignements sur les iuslilulious de la monarchie
MKI.ANGHS 767
franque, mais, sur les gradins mêmes de Técole inaternelle, vous avez
balbutié les noms de Clovis et de saint Rémi en racouiaot naïvement
l'anecdote du va?e de Soissons ; vous avez appris a prononcer avec araour
et respect le nom de Jeanne d'Arc, celte sublime mattj're du patriotisme
qui, au cri d'agonie de la Francp, prit dans sa main frêle et délicaie l'épée
de la bataille et de la victoire qui glissait des mains de la pétrie et qui eût
voulu terminer à Reims sa marche atissi étonnante que glorieuse.
Tous ausfi, vous avez entendu parler de ce lils d'un marchand de draps
de la rue Cérès, de Colberl, qui fut l'un de vos plus illustres aînés.
Je voudrais aujourd'hui essayer de remplacer, pour un instant, vos
excellents maîtres et maîtresses, et vous faire votre dernière leçon d'instruc-
tion morale et civique de l'année scolaire. Je voudrais vous retracer, à
grands traits, le passé de votro ville natale et contribuer, pour ma faible
part, à vous la faire mieux connaître ; ce qui revient â dire, à vous la faire
aimer davantage.
Consultez l'histoire. Elle vous apprendra que le nom de Rémois a toujours
été synonyme de force, de bravoure et de patriotisme.
Nos pères se sont couverts de gloire sur la plupart des champs de bataille,
à plusieurs reprises ont repoussé les envahisseurs.
Quand, au xiv« siècle, l'Anglais foule le sol de la patrie et qu'Edouard 111
vient mettre le siège devant la ville de Reims, à la tête d'une armée de
cent mille hommes, les Rémois, malgré l'infériorité du nombre, ne perdent
pas courage. Aux noms d'honneur et de patrie, ils marchent à l'ennemi et lui
livrent plusieurs combats victorieux sous les ordres de Gaucher de Châlillon.
Et le 11 janvier 136l_), après une brillante défense, ils forcent les Anglais à
« montrer le.'' talons à Reims », suivant l'énergique expression d'un poète
contemporain.
C'est de ce beau fait d'armes que datent les armoiries de la ville.
Plus tard, en 16.Ï7, la trompette guerrière fait retentir ses joyeuses
fanfares dans votre antique quartier, sous la voûte de l'ancienne pot te
Dieu-Lumière.
C'est l'annonce de la victoire remportée par la milice rémoise, entre la
Pompelle et Sillery, sur les troupes espagnoles de Montai.
En 1792, nous voyous les Rémois flgurer vaillamment à Valmy dans les
bataillons de la Marne et, en 1814, ils opposent aux alliéi une résistance
désespérée.
Ces enseignements de l'histoire, vous devez les graver profondément
dans vos mémoires et dans vos cœurs et, si les circonstances l'exigeaient
jamais, vous montrerez, j'en suis sûr, que l'esprit de dévouement et de
sacrifice vit toujours à Reims, et se confond, comme autrefois, avec l'amour
de la liberté et l'âme même de la Patrie.
Mais ce n'est pas seulement à la guerre, pendant les époques troublées,
que les Rémois se sont distingués.
Durant les périodes de paix, ils se livrent à l'industrie et au commerce,
sans négliger l'agriculture ; ils s'adonnent aux arts, aux lettres et aux
sciences et, par leur activité intelligente, par leur bon goiit et leur génie,
ils jettent sur Reims et sur la Champagne un vif et durable éclat.
Ses étoffes de laine, déjà très avantageusement connues du temps dès
Romains, sont recherchées à ])arlir du xvf siècle. Ou les juge dignes d'être
offertes eu présents aux rois, avec les toiles ouvrées et damassées, avec les
tapisseries et les draps.
768 MÉLANGES
C'est aussi à celte époque, que le vin de la montagne de Reims, a plein
de caprice et de saillie », appelé par la suite à une renommée universelle,
commence à êlre très apprécié. On raconte que Wenceslas, roi de Bohême,
venu en France pour traiter avec Charles VI, se rendit à Reims en 1395. Le
vin lui plut à un tel point que pendant le séjour il oublia, plus d'une fois,
le respect qu'on fe doit à soi-même et aux autres, surtout quand on est
roi. Un jour, hors d'état de parler d'affaire, il aima mieux consentir à tout
ce qu'on lui demandait plutôt que de cesser de boire du vin de Reims.
Depuis cette époque lointaine, les industries qui donnent surtout la vie à
la vieille cité rémoise n'ont cessé de se développer, et si aujourd'hui elles
traversent une crise difficile, la vitalité n'en est pas contestable et le passé
nous autorise à avoir loi dans l'avenir.
Je ne vous parlerai pas de l'importance politique de Reiras. Vous savez
tous eue, comme ville des sacres, elle a été le témoin de bien des événe-
ments de notre histoire nationale.
Mais pour vivifier celte leçon et la rendre plus profitable à votre éduca-
tion morale et civique, je vous demanderai encore quelques minutes d'atten-
tion.
N'ayez aucune crainte. Je ne veux pas mettre à une trop longue épreuve
le peu qui vous reste de patience, en ce jour de fête, et veux vous fatiguer
le moins possible.
Nous allons recourir à une forme d'enseignement particulièrement chère
à la pédagogie moderne, à l'enseignement par les yeux.
C'est une promenade scolaire à travers Reims que je voudrais faire eu
votre aimable et joyeuse compagnie. Nous ferons halte aux bons endroits
de la roule et j'espère que vous rapporterez de cette excursion d'un nouveau
genre des enseignements capables de vous inspirer une légitime fierté et
fortifier en vous les bons sentiments que vos distingués instituteurs et insti-
tutrices s'efforcent de développer en vous avec une sollicitude constante.
Jetez d'abord les regards autour de cette place Saint-Remi, où vous
prenez si souvent vos ébats, et contemplez la plus ancienne église de Reims.
Elle date du xi' siècle. Certes, elle n'a pas le cachet imposant ni la richesse
architecturale de la Cathédrale, mais dans son ensemble, elle ne laisse pas
d'être remarquable. L'édifice, vous devez le conjecturer aisément, n'a pas
été construit en une seule fois, car les diverses parties qui le constituent
présentent, même à l'œil peu exercé, des différences très sensibles.
La Cathédrale, elle, date du xiii' siècle. Par sa forme harmonieuse et
fièie, par la richesse de son ornementation et le fini de ses sculptures,
c'est un monument de tous points admirable.
Considérez surfont ce magnifique portail central, dont le temps a noirci,
obstrué ou brisé les dentelles.
Voyez, au-dessus, cette rosace délicatement sculptée dans la pierre et
fermée par des verrières inimitables.
Regardez, plus haut, ces balustrades légères, formées de minces colonnes
qui s'entrecroisent avec un art parfait, et, plus haut encore, ces tours à
jours et à découpures.
Cette merveilleuse façade n'a de rivale que là-bas, au-delà de la ligne
bleue des Vosges, sur la terre d'Alsace, qui garde une des meilleures places
dans nos chers souvenirs comme dans nos patriotiques espérances.
Pourquoi, devant cette façade, ne voyons-nous pas encore debout la statue
de Jeanne d'Arc, l'image nationale ?
MEr.ANGES 769
J« me contente de po^er la question, car je ne possède pas les élpme;.ts
de la réponse et je ne puis que vous dire : Vivez dans l'espoir de pouvoir la
coulerapier un jour.
Passons sur la place IVoyale, qui S'irait l'une des plus belles de p'rance si
elle était plus vaste. Mais ne 'ieinandez pas à \otre livre d'histoire de vous
indiquT les raisons pour lesquelles vos pères ont élevé une statue à
Louis XV ; il ce vous rens-ij;nerail pas. Cont ntez vous d'admirer la beauté
des formes et des draperi' s des deux bas-relids qui ornent la statue ; ils
sont du célèbre sculpteur français Pigalle.
Voici, sur la place du Marché, des restes J-! l'archileclure gothique qui
donnent à ce coin de notre ville un aspect très pittoresque Et plus loin,
dans la rue de Tambour l'ancien hôtel des comtes de Champagne, la maison
dite des Musiciem.
Arrêtotis-nous devant rHùtel-de-ViUe : c'est l'un des [ilus bpaux monu-
ments de Reira^.
Regardez cette belle statue équestre de Louis XIII placée là- haut entre
deux magnifiques colonnes torses, ainsi que ce campa-ile qui s'é ève avec
grâce dans les ans.
Allons aussi faire une visite à la Porte Mars, dont les ruines vénérables
racontent la gloire de l'antique métropole de la Gaule-Belgique. Et passons
sur les promenades, dont le j lan a été tracé et exécuté par des Rémois;
elles ont leur histoire, comme tous les autres quartiers. C'est là que fut
célébré, le 14 juillet 1790, la fêle de la Féiération, et c'est là, dppuis long-
temps, qu'ont lieu les fêles publiques.
Venez : nous irons ensemble saluer la statue deCrlbert; c'est une des
plus grandes figures historiques. Il vous enseignera que c'est par le travail
infatigable, par la probité, par l'ordre et l'économie qu'on arrive à sortir de
la condition où le sort nous a placés.
Et avant de terminer notre promenade allons saluer également Drouet-
d'Lrlon, car c'est aussi l'un des vôtres. Il mania d'abord, avec son père, les
outils de serrurier, et, en 1792, au premier appel de la patrie en danger,
il vola à la défense de s m paj-s. De simple soldat, il s'éleva par son mérite
au grade de maréchal de France. « Le bien, la prospérité, la gloire de la
France furent toujours son unique pensée. »
Vous êtes donc bien, mes amis, suivant le vœu du poète, les fils d'une
ville remmmée. Reims, d'ailleurs, a pris soin de vous en avertir, en inscri-
vant au coin de nombre de ses rues les noms de ses plus illustres enfints
et, pour vous rappeler que vous ne devez pas, dans vos affections, séparer
la grande patrie de la petite, elle a associé aux gloires et aux souvenirs
rémois les noms des Thiers, des Chanzj, des Gambetta et des Caruot, dont
une phrase résume la vie : Ils ont aimé leur Patrie.
Et vous aussi, mes enfants, aimez votre patrie. Aimez cette ville de
Reims qui, par son passé, par ses monuments, par les actions de vos aines
comme par ses œavres fécondes, vous donne de si hauts et de .<i nobles
renseignements.
Soyez actifs, industrieux, amis de l'ordre et de la liberté large et géné-
reuse. Soyez, en un mot, de vrais Rémois, c'est une excellente manière
d'être de bons Fraiiçais. Et quel que soit le sort que l'avenir vous réserve,
partout et toujours, montrez- vous dignes de la ville de Reims.
49
770 MÉLANGES
La Canonnade dk Valmy kt le Carabinier Hoclangkr (30 <^pplcm-
bre /792).— C'est bien à tort, conitne le l'ail remarquer M. Cluiquel
dans ses livres à la fois si allrayaiils elsi sérieusemeiiL documentés',
que certains écrivains ont cherché à rabaisser l'imporlance mili-
taire de la canonnade de Valmy, dont septembre ramenait le
glorieux anniversaire. De l'accord unanime des témoins les plus
impartiaux, en P'rance comme à lélranger, du côté des vainqueurs
aussi bien que parmi les vaincus, ce combat eut un rdenlisse-
ment considérable dans toute l'Europe. L'armée de la Hévolulion
y avait reçu en quelque sorte le bapl(?me du feu : en face des
troupes les mieux disciplinées et les plu* redoutables des royaumes
coalisés, elle avait tenu tête et remporté certainement un succès
moral dont l'effet fut incalculable.
Nous avons rencontré léceminenl, dans une vente, un petit
manuscrit de queUjues pages qui donne sur cette journée de Valmy
certains détails originaux assez piquants, l/auleur. carabinier
d'ordonnance des ducs d'Orléans et de Chartres, se trouva au centre
de l'action dans des circonstances particulières, dont il revendique,
d'ailleurs, le bénétice. On a généralement cru jusqu'à présent,
non sans raison^ que la victoire de Valmy était To^uvre du général
Kellermann et que le principal mérite en devait être attribué aux
talents militaires de cet officier. S'il faut s'en tenir au récit, ingé-
nument prétentieux, du carabinier Boulanger, une petite part, oh !
bien modeste, en reviendrait à la présence d'esprit du brave
ordonnance.
Nous laisserons à nos lecteurs le soin d'en juger.
<( Au commencement de la guerre de la Révolution, en 1792,
l'armée du Nord se forma au camp de la Madeleine, dont le corps
de carabiniers faisait partie, sous les ordres du maréchal Liickner,
et entra en campagne au mois de mai; elle s'empara de Gourtrai
et de Henin, où des affaires avec les Autrichiens, de peu d'impor-
tance, eurent lieu. Ici, pour la première fois je vis un mort sur le
champ de bataille : c'était un tirailleur autrichien ; à Hohenlinden
j'en vis pour la dernière fois, mais des milliers alors qui jonchaient
ce champ d'honneur.
En juin, l'armée se retira de ces environs pour se porter au
camp de Kamars près de Valenciennes, ensuite à celui de Riche-
mont près de Metz, et enfin dans les environs deThionville où elle
demeura jusqu'au moment où les Prussiens se firent un passage à
Loiigwy, pour se porter sur Verdun dont ils s'emparèrent de même.
Dans cet intervalle, Lûckner perdit le commandement, et ce fut
le maréchal Kellermann qui le remplaça. Sous les ordres de ce
nouveau chef, l'armée quitta son camp pour se porter par un
1. La première Invasion pi usiienne. — Valmy. — La Hclraile de
Brunswick.
MELANGES 771
détour, en passant par Pont-à-Mousson, à proximité de celui de
la Lune que les Prussiens occupèrent.
Ce fut le 19 septembre que l'armée arriva à Valmy, où elle fut
obligée de bivouaquer; les chevaux de bât avec les lentes n'ayant
pu suivre, n'arrivèrent que la nuit, de telle manière que le 20 sep-
tembre, à la pointe du jour, étant occupés à dresser ces tentes pour
nous mettre à l'abri du temps pluvieux qu'il faisait, nous enten-
dîmes au loin un bruit que beaucoup d'entre nous prirent pour
celui des moulins à vent dont nous étions environnés, quand tout
à coup un aide de camp arriva, bride abattue, dans notre camp,
criant: c Carabiniers, à cheval! » Notre corps se porta aussitôt
vers l'endroit où ce cliquemcnt se faisait entendre. Arrivés sur la
hauteur, le plus beau coup d'œil se présenta alors à nous : nous
vîmes sur la crête d'une montagne, vis-à-vis de nous, pour la
première fois, l'armée prussienne, qui jusqu'ici s'était rendue
réellement redoutable. Klle était là. rangée en bataille, et ses
tirailleurs aux prises avec les nôtres dans la vallée.
Sur la colline que nous occupâmes se massèrent successivement
le l'"" régiment de chasseurs à cheval, le 3« régiment de housards
et la compagnie d'artillerie légère, avec six pièces de hint et deux
obusiers, nouvellement organisée et commandée par le capitaine
Soi'bier. Nous ne lardâmes pas à voir aussi paraître sur notre
position intermédiaire, — car le gros de l'armée, avec le parc
d'artillerie, se trouvait placé dernière nous sur une côte qui
dominait la nôtre, la droite appuyée à un moulin à vent, — les
généraux en chef Kellermann et Dumouriez (l'armée de celui-ci
était portée à notre gauche), les ducs d'Orléans et de Chartres,
auxquels je fus attaché comme carabinier d'ordonnance, le général
Valence, etc., etc.
A peine le liraillemcnl avaM-'û duré une heure, (ju'une forte
colonne de cavalerie ennemie se détacha des lignes prussieimes,
en se dirif^eant droit sur nous. Lorsqu'elle fut arrivée à portée, le
capitaine Sorbier, qui avait fait charger les canons i mitraille et
bien pointer, commanda de faire feu ; mais, par suite de la pluie
continuelle de la journée, la mèche s'était éteinte, de sorte que la
décharge ne put avoir lieu. Comme ordonnance du général Egalité
et du duc de Chartres, qui se trouvèrent à proximité de celte
batterie, je me portai sur ce point, qui allait devenir très intéres-
sant, et je vis cet embarras. Mon pistolet chargé à la main, je
cours sur le canonnier qui tenailla mèche et lui crie : « Canonnier,
voilà du feu I » Il la place contre le bassinet de mon [)islolet, je
lâche le coup en l'air, et la mèche est en pleine flamme. Le peu
de retard que cet incident causa devint pour l'ennemi, toujours
avançant, extrêmement funeste, car nos six bouches à feu atllei-
gnirenl ses rangs plus sûrement et plus vigoureusement ; aussi
n'altendit-il pas la deuxième décharge, et ceux qui n'étaient pas
atteints ou renversés tirent brusquement demi-tour et rebroussè-
rent chemin.
772 MÉLANGES
L'ennemi perdit non seulement beaucoup d'Iiommes et de
chevaux, mais encore il acquit la triste conviction que ceux qui
l'avaient persuadé que notre armée, uniquement composée de
troupes de ligne, hors un bataillon de volor;laires qu'on entploya
ce jour-là comme servants au parc d'artillerie, se joindrait à la
sienne aussitôtque l'occasion se présenterait, l'avaient bien trompé.
Il est probable que c'était le but de cette colonne de sonder ce
fait, car son mouvement était letit. Cette attacjue fut Ui signal de
la glorieuse canonnade qui suivit immédiatement, et dont le
résultat fut que l'armée prussienne, qui en entrant en campagne
était si belle, si nombreuse et animée de son esprit guerrier, se
croyant encore invincible comme sous son gi'and roi Frédéric et
déjà aux portes de la capitale, demanda le lendemain par la voie
de parlementaires à capituler, et se retira dans un état plus (jue
déplorable hors de celle itelle France a laquelle elle voulait
imposer des lois, en nous rendant Veriiun et Longw y.
Lors de cette retraite, notre corps formait l'avant-garde de
notre armée; nous n'avions pas besoin de guides pour suivre leur
arrière-garde : la trace du terrain jonché d'hommes et de chevaux
morts ou mourants, et les débris de leur train nous l'indiquait par
ce triste tableau. Rien d'étonnant d'ailleurs que cette journée
nous ait été si glorieuse, le soin du succès ayant été confié à une
artillerie que le grand Frédéric lui-même reconnaissait pour la
première de l'Europe. Si l'on eût donné occasion aux autres armes
de se distinguer, certes elles auraient de même fait brillamment
leur devoir. Pour animer davantage l'armée prussienne, son
général en chef, le duc de Brunswick, lui promettait par un ordre
exprès le plus riche butin, menaçant notre chère patrie du sort que
la Pologne a essuyé ; une copie de cet ordre nous fut communi-
quée, qui ne manqua pas de produire un salutaire effet, car géné-
raux, officiers et soldats, tous furent animés du même dévouement.
Vaincre ou mourir pour la patrie !
Boulanger,
Cultivateur.
P. -S. — Dans mon opuscule je démontre comment il est pro-
bable que deux de mes camarades m'aient frustré delà récompense
que mon action devait me valoir, n
Celte simple et naïve narration nous montre évidemment le fait
d'armes de Valmy sous un bien petit côté, et l'exploit de Bou-
langer rappelle un peu celui de La Rissole dans la comédie de
Boursault ' ; il nous a paru toutefois curieux d'exhumer de son
1, J'étais .<;ur un vaisseau quand Ruyter fui tué,
El j'ai mêoie à sa mort le plus contribué:
Je fus cherctier le i'eu que l'on mit à l'amorce
Du canon qui lui fit rendre 1 "âme par force.
[Le Mercure galant. A'-le IV, scène 7.)
MÉLANGES 773
oubli ce 1res minime épisode qui, ;\ défaut d'autre portée, a du
moins la valeur d'un témoignage authentique et sincère. Les sou-
venirs de Boulanger manquent parfois cependant d'exactitude :
ainsi, le duc d'Orléans, [Uiilippe Égalité, n'était pas à Valmy, où
se trouvaient ses deux fils, les ducs de Chartres et de Montpensier,
qui partageaient avec leur père le surnom patriotique décerné par
^a Commune de Paris ; le vieux soldat les aura confondus.
L'ordre de Brunswick, dont il est question à la fin de la pièce,
e?t le célèbre manifeste qui fut inspiré par les émigrés, et qui
parut à Coblentz, le 20 juillet 1792.
Retiré dans ses foyers, depuis la fin de l'année 1800 (Holienlinden
est du 3 décembre), l'ancien carabinier d'ordonnance, en mettant
sous les yeux du général que les événements politiques venaient
de lui donner pour souverain, à près d'un demi-siècle de distance,
ce récit présenté en manière de requête, espérait une récompense.
De son côté, le duc de Chartres, devenu le roi Louis-Philippe,
devant cette évocation des premiers temps de sa carrière militaire,
dut sourire, et peut-être accorder un léger secours à l'humble
guerrier, associé de sa jeune gloire.
11 est probable que Boulanger lit rédiger et transcrire. ?ous sa
dictée, celte supplique par l'instituteur du village ; çà et là, diverses
fautes d'orthographe ou de construction ont été raturées et corri-
gées par une main étrangère, également peu experte, puisque
plusieurs incorrections émaillent encore le texte, que nous n'avons
guère modifié. Un frontispice assez finement lithographie et
colorié, mais non signé, représente le fait d'armes du héros,
accompli en présence des deux princes. Le verso porte le cachet:
Palais-lloijal^ Bibliothèque du Roi, qui prouve que le manuscrit,
parvenu à destination, se perdit lors du pillage du palais en 18i-8.
Enfin, le posbscriplum fait allusion à un opuscule que sans doute
l'auteur se proposait d'imprimer et dont le mémoire ci dessus,
qui n'a que sept pages, devait former la préface. Cette plaquette
a-t-elle réellement vu le jour ? Nous n'en avons pu retrouver nulle
part la trace, et il est permis de croire que le projet du sieur
Boulanger n'aura pas été poussé plus loin.
(Revue encyclopédique.) A. Tausserat-Radel.
A Mouumelo.\-les-Bains. — L'exode de l'École de Saint-Cyr, le
voyage du président de la République, les nouvelles manœuvres de
masse exécutées par vingt-huit batteries d'artillerie, tout cela a
ramené l'attention publique vers ce petit village de Mourmelon,
qui connut des jours si brillants à la fia de l'Empire, alors que le
chef de l'Elat y venait suivre les grandes manœuvres.
Interrogez les officiers de l'époque, ceux qui faisaient partie des
régiments de la garde, et ils vous raconteront qu'un séjour au
camp de Châlons était aussi gai, aussi mouvementé, aussi amusant
m MÉLANGliS
qu'une saison dans une ville d'eau à la mode. Dans l'armée, on
disait : « Je pars pour Mourmelon-les-Bains » comme on dit
aujourd'hui : « Je vais à Trouville », ou « à Aix ».
L'empereur s'installait au pavillon impérial, grand baraquement
dominant tout le camp, qui s'étendait alors depuis la gare et le
ruisseau le Chenu jusqu'à la ferme de Suippe, et englobait le Petit
et le Grand-Mourmelon, le centre étant coupé par la route qui
monte à l'obélisque. Dans ce temps-là, le monument était orné à
sa base de quatre aigles, auxquelles les Allemands ont coupé la
tête en 1870.
Ce village de Mourmelon, avec ses rues portant un nom de vic-
toire ou de général populaire, avec ses enseignes spéciales : a A
Malakoif », « Au Zouave galant », « A la Prise de Solferino », res-
suscitait toutes nos gloires passées et semblait le cadre voulu à des
effusions patriotiques.
On ne rencontrait, dans les rues poudreuses, que des lignards
avec la tunique courte et les jambières, des artilleurs au spencer
soutaché d'écarlate, des lanciers en kurka blanc, ce qui leur don-
nait un faux air d'Autrichiens, des guides avec la veste verte et le
bonnet de police à turban jaune crânement incliné sur l'oreille,
des cent-gardes gigantesques, le torse moulé dans la longue
tunique bleu de ciel doublée d'amarante, et tous ces uniformes
formaient, sous la lumière crue du soleil, comme une orgie de
couleur.
Les cabarets et les hôtels regorgeaient de monde. Par les
fenêtres entr'ouvertes, on entendait des éclats de rire, le bruisse-
ment de la vaisselle, le choc des billes sur le billard et, parfois,
quelque juron bien français, bien énergique, qui vibrait tout
à coup comme un roulement de tambour au milieu de ces sono-
rités diverses. Dans la rue du Génie surtout, et sur la place
d'Armes, c'était un grouillement merveilleux : officiers se retrou-
vant, camarades échangeant une poignée de main ou s'embras-
sant en pleine rue, groupes bruyants s'ouvrant en hâte pour lais-
ser passer quelque estafette de cavalerie légère filant au grand trot,
avec la pèlerine en sautoir, dans la direction du quartier impérial.
Et les exclamations, les onomatopées allaient leur train :
— Comment? c'est toi? Sacrebleu ? je ne tai pas vu depuis
Magenta. Toujours le même. Tu ne vieillis pas.
— C'est la bonne conduite. Où es-tu maintenant?
Etc., etc.
Tout ce monde-là formait une petite église fermée et spéciale,
en un temps oij la réserve et la territoriale n'avaient pas encore
permis aux pékins de s'habiller en militaires. Aussi avec quel plai-
sir on se retrouvait ! Comme on revivait les souvenirs d'amour ou
de gloire !
Le matin, dans la joie et la fraîcheur de l'aube naissante, les
MÉLANGKS 775
réginienls manœuvraient sur ces steppes verdoyants qui s'étendent
à perle de vue, coupés çà et là de quel(iue maigre bois de sapin,
tro|) pelil pour donner de l'ombre, mais suftisant comme. . . point
de direclioiî. Les escadrons, formés en masse, avançaient, serrés
les uns coiilre les aulres, profilant sur i'ijerbe comme une grande
lâche noire. Les chefs de peloton, alignés, bien campés en selle,
finissaient une dernière cigarette avant le commandement « (;arde
à vous ! » A mesure que la colonne s'avançait, les compagnies de
perdreaux s'envolaient, elfarouchées, les lièvres détalaient sous les
pieds mêmes des chevaux. Ah ! si ce n'était pas défendu d'envoyer
un bon coup de sabre ! Les hirondelles rasaient le sol avec de
pelils cris tout autour des escadrons, afin de happer au passage les
insectes que la colonne faisait lever, et une centaine de papillons
roses, peut-être sortis de toutes ces jeunes tèles, servaient d'es-
corte et d'avant-garde.
Puis, sur les lianes, passaient au grand irot de petits paquets de
cavaliers^ groupes de « gros légumes », généraux avec leurs offi-
ciers d'ordonnance, suivis de leur fai.ion, dont la flamme tran-
chait gaiement sur le bleu du ciel ; au passage, on échangeait
avec les officiers de troupe quelque salut amical el... protecteur.
Un galop, mainlenanl, un galop désordonné. Ce sont les chefs
d'élat-major qui, graves, affairés, le bicorne maintenu par la
jugulaire, les aiguillettes flottant au vent, vont porter des ordres
je ne sais où; mais, évidemment, de leur rapidité doit dépendre
le sort de la baiaille. Ceux-là n'ont pas le temps de saluer, pas le
temps de s'arrêter ni de dire bonjour aux camarades. Hop !
hop! Us arrivent comme un tourbillon el disparaissent comme ua
éclair, non sans un certain dédain pour ces braves gens qui se
contentent de commander leur unité de troupe.
Le soir, la biasserie Drelier, le café Fossé, le café Fratjçais, le
restaurant Marinier resplendissaient de lumières. Mais le mouve-
ment éluit surtout au grand concert Paysal, où l'on applaudissait
les artistes à coups de fourreau de sabre tapé contre les planches.
Parlois, aux chanteuses envoyées de Reims, se joignait quebiue
étoile arrivée de Paris pour lasolenmté. Thérésa y risqua sa Gnr-
detisc d'oui s, et quel succès, lorsqu'en clignant de 1 u-il, elle se
campait sur la scène et disait, les poings sur la hanche, sou
fameux air du Sapeur :
. . . Vous n'auriez pas besoin d'uu' bonue ?
J' t rais voire at'aue, paroi' d'Iiouueur.
El fjuis je u' re.-evrai plus persouue. ..
Du uiuius, ce, u' sera pas uu sa|)eur.
Parfois, des représentations théâtrales, auxquelles l'empereur
assistait, avaient lieu dans un grand clialel de bois situé rue Can-
robert. Les dessins de Kandun popularisèrent ces fêtes, où les
acteurs étaient des soldats, et où les ouvreuses étaient des cuiras-
siers. La dernière fois que l'empereur y vint la lrouj>(\]0[.vd deux
776 MÉLANOliS
pièces : la Itcine Caroline et Margot, allusion délicate à une belle
Marguerite D..., dont on parlait beaucoup.
Après la guerre, le pauvre Mourmelon, brûlé, bombardé, sac-
cagé, ne présentait plus que des ruines, et rien n'était mélanco-
lique comme de voir l'ancien pavillon impérial, j;idis si brillant,
avec son toit éventré et son papier vert à abeilles d'or décliiquelé
par les balles. Le camp fut ainsi abandonné jusqu'en 1880,
époque où Ia5« brigade de cuirassiers (7» et lO®), accusée d'être un
brin réactionnaire, fut, à la suite de certaine fête de Hocbe, ren-
voyée de Versailles. En plein biver, elle alla s'installer dans des
baraques et sous des bangars dans lesquels il pleuvait.
Mais, bab ! le troupier français est inventif et débrouillard.
Après la première mauvaise bumeur passée, on s'occupa de res-
taurer et d'embellir. Grâce à l'initiative des colonels Bignon et du
Cheyron, qui sortaient tous deux de la garde, bientôt le camp
reprit un air joyeux. Aux grandes manœuvres de 1882, on revint
aux bonnes traditions de jadis. Un café cbantant futdiessé en
pleine prairie. Au premier rang, des fauteuils, sur lesquels étaient
assis le iluc d'Aumale, les généraux Clianzy, d'Espeuilles, Lbotle,
Brice, Bobillot ; derrière eux, plus de trois cents officiers sur des
cbaises. Tout autour, un cordon de lanternes vénitiennes, et, der-
rière une simple corde à fourrage servant de clôture, tous
les Pilous, en sajjots et bourgeron de toile, venus pour avoir leur
part du spectacle.
Pendant près de trois beures, se succédaient des monologues,
des parades épiques, un concert de tninslrels, avec un orchestre
nègre dirigé par le grand Marcotte, un lieutenant haut de deux
mètres. Puis, à la fin, un capitaine du 1'"»'^' cuirassiers s'avançait
sur la scène et disait :
Messieurs, dans noire camp, si triste d' inlinaire.
Mais si gai, grâce à vous, t-oyez les bienvenus.
l.a bonne humeur, dil-oii, esl venu raililaire ;
Au franc rire gaulois nous somnjei tous tenus.
Quarante-huit escadrons. Heur de cavalerie,
Sont venus retrouver les pauvres exilés.
Sous les pieds des chevaux, entio, l'herbe est llélrie
Et poussera moins drue autour de nos pavés.
Dans cette plaine immense, où jadis le gros- frère
Se morfondait tout seul, on vit les artilleurs,
Les hussards, les chasseurs, la ligue tt la légère.
Les dragons!... que ce lut comme un bouquet de Heurs !
Aujourd'hui, nous jetons un regard en arrière ;
Nous voyons ces jours où, sérieux, recueillis,
No.is avons galopé gaîmert dans la poussière,
'rravaillaul avec vous pour le bien du pays.
MÉLANGES 777
Maintenant, c'est fini. Dans quelques jours à peine,
Chacun d>j vous aura lejoint sa garnison.
Nous reprenilrons tout seuls le train-train de semaine,
Cheicliant à vous revoir encore à l'horizon.
Mais, en vous éloignant, tournez un peu la tête,
El nous, à Mournielon par devoir retenus,
Nous vous dirons : « Adieu! Lu fête lut complète,
Et vous fûtes au camp, messieurs, les bienvenus ! »
Allons, messieurs du 18^ et du 31« dragons, k voire luur! (Ju'al-
Jez-vous inventer pour réveiller les vieux échos de Mourmelon les-
Bains? Quelles réjouissances allez-vcus olfrir, celle année, au pre-
mier bataillon de France?
(Gil, Blas.) Pompon.
Souvenirs de 1870. — Le Courrier de la Cliampai/ne a entrepris
de donner quotidiennemenl une série d'È pli en té rides des faits
accomplis dans la région à cinquante el vingl-cinq années en
deçà de nous.
Nous en reproduisons ici quelques-unes qui sont relatives aux
principaux événements du douloureux automne de 1S70.
1. — Occupalion de Chdlons.
Reims, 28 août 1810.
Les journaux de Reims publient des détails précis sur l'occu-
pation de Châlons, qui a eu lieu le 24.
Après avoir parcouru au galop de leurs chevaux les différents
quartiers de la ville, cinq dragons prussiens, et non des uhians,
ont requis le maire, M. Perrier, qu'ils avaient déjà mis à contri-
bution de sa voiture, de les suivre jusqu'à leur campement.
M. Perrier s'y esl énergiquement refusé, el a répondu à celui qui
commandait la petite troupe que: « Si on voulait le voir, on le
trouverait à l'Hûlel de Ville. > Cette réponse, faite d'un ton déter-
miné, H f)aru satisfaire médiocrement 'ofticicr ; toutefois, il n'a
pas insisté davantage.
La voiture ae M. l'errier lui a été rendue, et les cinq Prussiens
ont quitté la ville et pris la direction de Uauchet, où se trouvait
leur campement.
Le lendemain 24, vers dix heures du matin, une colonne de
dragons prussiens forte de 10 ofliciers et 3U0 cavaliers, est entrée
dans Ghàions. Celle fois, il ne s'agissait plus d'une simple prome-
nade, mais d'une véritable prise de possession. Arrivée devant
l'HùIel de Ville, la troupe s'y esl formée en bataille, cl l'officier
commandant, un grand el beau garçon, a demandé en fort bon
français, si « Monsieur le Maire était là «. Sur la réponse qui lui a
été faite qu'on avait été le prévenir, il a consenti à l'attendre,
non sans témoigner toutefois d'une certaine mauvaise humeur.
778 MÉLANGES
Au bout de quelques minutes, M. Perrier est arrivé. L'officier
Ta rejoint et l'a requis d'avoir à fournir immédiatement:
i" Déjeuner pour dix officiers et trois cents soldats;
2° Deux voitures particulières et leurs conducteurs, destinées à
transporter plusieurs officiers prussiens à Épernay et La Veuve.
Il a été fait droit à ces réquisitions.
En même temps l'un des cliefs du détachement a également
requis M. le Maire de lui changer contre argent français un billet
de banque de cent thalers.
M. le Maire ayant demandé si cette nouvelle réquisition était
faite, coinme les précédentes, de par le droit du plus fort, il lui
fut répondu oui. Dès lors, il s'exécuta.
Pendant qu'on parlementait à l'Hôtel de Ville, et que le premier
magistrat de la cité, avec un calme, une dignité non exempts
d'une certaine fierté, défendait, avec une rare énergie et autant
que faire se pouvait, les intérêts et l'honneur de Chàlons, les
Prussiens prenaient de leur côté toutes les dispositions pour inter-
cepter les lettres et les journaux d'une part, et de l'autre pour ne
pas se laisser surprendre. Ils s'emparaient de la poste et de la
préfecture, où ils comptaient sans doute surprendre quelques-
unes des dépêches officielles envoyées au préfet. En môme temps,
ils plaçaient des factionnaires à chacune des poiles de la ville,
avec ordre de faire usage de leurs armes contre toute personne
qui essaierait de sortir. A partir de ce moment, Châlons était
bloqué.
En avant des premières sentinelles placées aux portes de la
ville, des postes de vedettes avancées avaient été installés dans
toutes les directions et dissimulés derrière les bouquets d'arbres.
On en apercevait, sur toutes les routes, à trois kilomètres de la
ville.
Après avoir enlevé les lettres trouvées au bureau central et dans
les boîtes de quartiers, après avoir aussi tout bouleversé au
bureau militaire, à la prélecture, les dragons ont quitté Chàlons,
se dirigeant vers le camp. Ils avaient réquisitionné plusieurs voi-
tures pour les accompagner. Un des voituriers, requis sur la route
de Louvois. avait refusé d'obéir II reçut un coup de feu qui le
blessa grièvement. Il fut transporté dans la soirée à l'hôpital de
Châlons.
Le2o, un nouveau détachement occupe la ville. Vers trois heures,
quatre uhians se présentent à l'Hôtel de Ville et informent M. le
Maire que 6,000 prussiens vont se présenter dans quelques instants
pour loger en ville.
Vitry-le-Erançois a ouvert ses porter. La ville ne s'est pas
défendue. La garde nationale mobile et les quelques troupes
d'artillerie qui s'y trouvaient avaient auparavant évacué la ville.
MÉLAiNGttS. 779,
H. — Occitpalion i.rÉiiernay.
Le 27 août 1870. vers deux heures de l'après-midi, un délaclie-
ment de vingt-ciuq ulilaus, sous la cunduile d'un olilcier, arrivait
à Épernay el s'avançait résoUinient jusqu'à la gare.
A leur vue. des ouvriers employés aux ateliers du chcniiu de fer
sortirent immédiatement et, se saisissant de barres de fer, couru-
rent sus aux Prussiens en criant : Aux armes ! puis, se précipitant,
sous la conduite du sieur Gounart, vers la boutique de l'armurier
Imbert, ils s'emparèrent des fusils qui leur tombèrent sous la
main.
Cinq uhians s'étaient cachés sous le pont du chemin de fer.
Gounart, sautant par-dessus la barrièi'e, s'agenouilla, puis
visant sfiremeni , en abattit deux.
Un autre ouvrier en démonta un troisième. Les autres s'enfui-
rent à travers les rues d'Epernay.
(îounard se lança à leur poursuite et en atteignit plus loin un
autre.
Une (juinzaine de Prussiens environ restèrent sur le carreau et
l'officier qui conduisait l'escorte fut pris, saisi, bousculé, et linale-
ment emmv^né à Reims.
Quelques jours [ilns tard, Épernay était contraint de recevoir
les vainqueurs, (jni se présentaient cette fois avec des forces plus
imposantes, et une dure contribution de guerre, faute de ([uoi la
ville serait impitoyablement incendiée, était exigée en compen-
sation du traitement fait aux éclaireurs de l'armée.
111. — Ocriipalion de Reims.
lieims, 4 seplt-inhre ISTO.
Ce fut avec une indicible émotion, une profonde tristesse, que
notre ville, la veille encore pleine d'espoir, si contiante dans les
résultats de la lutte engagée dans les Ardennes, apprit, le matin
du 4 septembre, le terrible échec subi par ros armes.
La dépêche officielle suivante avait été adressée de Paris, le 3
septembre à 10 h. 2:') du soir, à tous les préfets et généraux com-
mandant les divisions :
h rançais,
Un ^raiitl malheur frappe la |wliiB Après trois jours de lulles héroïques,
soutenues par larmee du maréchal ce .Mac-MaluQ contre 3UO.liOI) euneuns,
40,OOU hommes oui été laits prisonniers.
Le général de "Wirapl'eu, qui avait pris le commandement de l'armée ea
remplacement du maréchal de Mac-iMahon, j^rièvemenl hlessé, a signé une
capitulation.
Ce cruel revers n'ébranle pas noire courage. Paris e,.l aujourd'hui en état
de défense, les forces militaires s'organifienl. Avant peu de jours, une arméa
nouvelle sera sous les murs de Pans, une autre armée se forme sur les rives
de la Loire, Notre patriotisme, notre union, notre énergie sauveront la France.
780 MÉLANGKS
L'Empereur a élé fuit prisonnier dans la luUe.
Le Gouvernemeni, d'accord avec les pnivoirs publics, prend toutes les
mesures que comporte la gravité des événements.
[Suivaienl les signatures des ministres.)
Nous emprunloiis à l'inléressanl ouvrage de M. V. Diancourt,
Les Allevtands à Reims, le récil de roccupalioii de notre ville par
l'armée allemande :
Arrivée des Allemands à liehns.
Ce l'ut seulement dans la nuit du 3 au 4 septembre que le maire
de Reims, M. iJauphinot, réveillé à deux heures du rnaliti et mandé â
la sous-prét'eclure, apprit en même temps du suus-préfet et du
général d filxéa la défaite de Sedan, la captivité de l'Empereur et
de l'armée et l'arrivée imminente de l'ennemi. On l'informait en
outre que, dans une heure, toutes les administrations et toutes les
forces militaires qui se trouvaie:it à Reims auraient quitté la
ville. Tout cela dit au milieu des apprêts d'un départ précipité,
d'un personnel ahuri, de linges et de vêlements dont on bourrait
les valises, de papiers qu'on froissait et qu'on détruisait, dans une
hâte fébrile, pour quitter la ville à temps et profiter du dernier
train qui allait emporter, avec la troupe effarée des fonction-
naires, le drapeau de la Patrie et ses derniers dél'easeurs.
La précipitation de la retraite fut telle que, plusieurs heures
plus lard, on rencontrait encore dans les rues de Reims des
mobiles isolés qu'on n'avait pas pu prévenir et qu'on se hâtait de
faire partir, pour qu'ils ne tombassent pas entre les mains de
l'ennemi.
Le maire, resté seul, se rendit à l'Hôtel de Ville et songea aux
premières mesures à prendre. On allait se trouver le jour même
en face d'un ennemi dont les exigences étaient connues; il fallait se
mettre en mesure d'y faire face. Dans les derniers jours, en pré-
sence d'éventualités redoutables, la Municipalité avait fait retirer
du Trésor cent cinquante mille francs à valoir sur les sommes qui
y étaient déposées par la Ville ; mais il élait à prévoir que ces
ressources seraient insuffisantes. M. Uauphinot songea à s'adres-
ser au directeur de la succursale de la Banque ; il le pria de
rendre à la Ville le service de lui avancer cent mille francs pour
lesquels il offrait sa signature et sa garantie personnelle. Le direc-
teur consentit à prélever cette somme sur l'encaisse qui allait être
expédiée à Paris, et à la mettre à la disposition de la .Mairie, qui
eut ainsi entre les mains un capital de deux cent cinquante mille
francs pour les premiers besoins.
A quatre heures du matin, les membres du Conseil municipal
furent prévenus et convoqués à domicile; à six heures, ils étaient
en séance à l'Hôtel de Ville.
La première et la plus grosse question à débattre élait celle de
l'attitude à prendre en face de l'ennemi qui approchait. Deux hypo-
MÉLANGES 781
tli^=es se préseiilaienl. Elait-co une année vérilaMe qui allait
arriver aux portes de Reims ? Serail-ou seulement en face d'un
corps d'éclairenrs, ainsi que cela s'était priduit dans d'autres villes
de la région? Dans le premier cas. la retraite de l'armée, l'ab-
sence de force organisée et de moyens de défense obligeaient
à écarter toute idée de résistance. Dans l'hypoliièse où l'on n'au-
rait affaire qità des troupes d'avanl-garde, on ne pouvait admettre
qu'une population de 60.000 âmes lai.ssât violer son enceinte par
quelques cavaliers. On apprenait, au moment même où la ques-
tion s'agitait, que plusieurs ulilans, profiLant du dé-arroi de la
première heure, s'étaient présentés à la porte de Dieu-I.urrJère,
qu'ils avaient trouvée ouverte. Ils avaient pénétré jusque dans la
rue du Barbâtre, d'où, après une courte apparition, ils s'étaient
repliés devant l'altitude menaçante de la population. I/ofOcior qui
les commandait avait, dans sa retraite précipitée, laissé entre les
mains de la foule son manlcau, qui fut apporté à la Mairie comme
un trophée.
En vue d'éviter le retour de ces incuisions, le Conseil décida
que toutes les portes de la ville seraient fermées, et délégua plu-
sieurs de ses membres ipii se rendirent à chacune d'elles, pour
signifier aux éclaireurs ennemis, s'ils se présentaient, la résolution
prise de ne pas les laisser pénétrer dans la ville avant le corps
d'armée qu'ils précédaient.
A ce moment^ une sourde détonation, qui fit trembler les vitres
de la salle du Conseil, annonça que, derrière le dernier train qui
regagnait Paris, le pont du chemin de fer de Soissons venait de
sauter, en même temps qu'une partie du tunnel de Hilly s'écrou-
lait sous l'explosion d'une mine. Les deu.x routes qui aboutissaient
à la capitale étaient désormais fermées pour nous ; la chaîne qui
nous reliait au reste de la patrie française était brisée ; nous
étions seuls, livrés à nous-mêmes, en face de l'ennemi victorieux.
Quelques instants plus tôt, le Maire avait appris que, dans
la rapidité du départ, l'autorité militaire avait oublié les muni-
tions qui se trouvaient dans la poudrière de la caserne. On se liàia
de charger les caisses qui les contenaient sur cinq camions
qui devaient les conduire au plus tùl à la gare. Pour que ces
munitions ne devinssent pas la proie de l'ennemi, on avait donné
aux voiluriers qui les conduisaient l'ordre de jeter à l'eau tout ce
que le dernier train qui allait partir ne pourrait emporter. Trois
des camions seulement arrivèrent à temps ; les deux autres préci-
pitèrent leur chargement dans le port du canal; mais cette opéra-
tion fut si mal conduite, que les caisses et les tonneaux qui
renfermaient les poudres et les cartouches remontèrent à la
surface de l'eau et furent ramenés au bord par le public qui se
partagea leur contenu. C'était un contre-temps déplorable, car ces
munitions, désormais inutiles pour la défense, pouvaient devenir,
entre des mains imprudentes, l'occasion de complications à l'arrivée
78'i MÉLANGES
de reiincmi, et allirer sur la ville et la popiilalion de sanglantes
représailles.
Ce fut ce qui détermina le Maire, d'accord avec le Conseil
municipal, à s'adresser direclemenl à la population et à faire
appel à la sagesse dans la proclamation suivante :
VILLE DE REIMS
Proc'aDialion.
Aux habitants de Heinis,
A 'a nouvelle .ie rhovrible malheur qui nous fiapie, les autoril(^s mili-
taires et administratives, obéissant aux ordres reçus, se sont retirées accom-
pagnant les troupes groupées autour de la ville.
Nous sommes désormais sans défense, et il serait insensé d'essayer une
résistance impossible, qui exposerait la population tout entier" aux plus
graods dangers.
Nous venons donc, la mort dans le cœar, vous supplier de rester calmes,
de contenir les sentiments qui nous oppressent et d'accepter avec une dou-
loureuse résignation, en ce qui nous concerne, ce que nous ne pouvons plus
empêcher.
Le Maire et les ConseiHers mniiicipaitx.
A ce moment, vers onze heures du matin, un agent de police
vint avertir le Maire qu'un détachement de cavalerie allemande se
présentait à la porte de Bélhen}' ; et il remettait entre ses mains
un billet écrit au crayon, en langue française, qui était conçu en
ces ternies :
« J'ai promis aux habitants de ne pas entrer en ville avant que vous
ayez eu la bonté de venir me voir à sa porte. J'ai l'ordre du général en chef
de demander si Reims voulait être traité comme ville ouverte ou pas ?
« Je vous attends.
« Baron Wcerth,
« Chef d'escadron. »
M. Dauphinot, retenu en ce moment par des nécessités impé-
rieuses à THùlel de Ville, qu'entourait une foule compacte et de
plus en plus difficile à contenir, délégua un adjoint, M. Marteau,
et trois conseillers municipaux : MM. Laignier aîné, Jules Houzeau
et Diancourt, pour le remplacer dans l'entrevue qui était demandée.
Ces messieurs s'étant rendus à l'endroit désigné, y trouvèrent
un escadron de hussards allemands qui stationnaient en dehors de
la grille. Le commandant annonça à la délégation de la Munici-
palité qu'il n'était que l'éclaireur du corps d'armée du général
von Tumpling, lequel était, à ce moment, à quatre kilomètres de
la ville sur la route de Rethel, il demanda si Reims, qui était une
ville ouverte, était disposée" à résister à l'armée allemande. Ces
messieurs lui répondirent que la ville, évacuée par l'armée fran-
çaise et dépourvue de tous moyens de défense, était dans l'impos-
sibilité de résister à une armée ; mais ils lui déclarèrent que
son honneur ne lui permettait pas d'ouvrir ses portes à de simples
MKLANGES iQù
délachement? ennemis. Ils linvilèient, en conséquence, à s'absle-
iiir d'entrer, quant à présent, dans la ville. L'ullicier, ayant pris
connaissance de la proclainalion du Maire, dont il emporta un
exemplaire, s'éloigna avec sa troupe, après avoir rallié quelques
cavaliers détachés qui avaient pénétré en ville. Quatre d'entre eux
s'étaient portés vers la gare de la petite vitesse, à l'entrée du fau-
bourg de Laon. Sur la vue d'un ordre écrit de leur chef, ils ral-
lièrent immédiatement leur corps, en prenant la rue Jules-César,
qui était, la voie la plus courte, et qu'ils semblaient ne pas pra-
tiquer pour la première fois.
Deux autres cavaliers avaient également pénétré dans le fau-
bourg et s'étaient avancés jusque dans la rue Cérès. L'un d'eux
voulut se faire servir des pâtisseries chez un marchand de cette
rue ; mais, au moment uù ce dernier s'approchait avec ses
gâteaux, un de de nos concitoyens, ancien gendarme, fit voler
d'un levers de main la pâtisserie dans le ruisseau. Le soldat,
lurieux, tourna bride et partit au galop en lançant un coup
de sabre à l'auteur de cette hostilité, qui succomba quelques mois
après aux suites de la blessure qu'il avait reçue. Un coup de feu
tiré sur l'autre cavalier ne l'atteignit pas, et tous deux purent
rejoindre leur escadron.
Enfin, un autre hussard, qui avait suivi le boulevard Cérès
et s'était avancé jusqu'à la caserne Colbert, pour s'assurer qu'elle
avait été évacuée, dut se replier précipitamment, après avoir
essuyé un coup de pistolet dont il ne tut pas non plus atteint.
Sur ces entrefaites, le Maire, qui avait pu quitter un instant
l'Hôtel de Ville, était venu rejoindre à la porte de Bétheny
M. Marteau et les conseillers qui s'y trouvaient réunis. La troupe
ennemie s'étant éloignée, on rentra à la Mairie pour attendre les
événements.
Vers deux heures de l'après-midi, il se fit un grand mouvement
aux abords de la place ; des Ilots de population y affluaient, débou-
chant des rues Colbert et de Tambour. Les Prussiens arrivaient, et
au milieu de clameurs confuses, on entendait le bruit de leurs fan-
fares. Chacun se précipita sur le perron. Soudain, au milieu
du lumulle, et dominant les bruits de la foule, plusieurs détona-
tions d'armes à feu retentirent dans la direction de la [)lace
Royale. Quelques secondes après, on vit déboucher de la place
Royale, comme un ouragan, une troupe de cavalerie arrivant au
galop, le sabre levé, en poussant des cris et des hourras. Ils s'ar-
rêtèrent devant la façade, de la Mairie, et leurs chefs, sautant
à bas de leurs chevaux, s'élancèrent, le revolver au poing et
la menace à la bouche, sur le perron de l'Hôtel de Ville, où
le Maire et les conseillers municipaux étaient réunis.
— Nous la brûlerons, votre ville, nous la brûlerons, ne cessait de
répéter d'une voix stridente un officier à barbe rousse, qui parais-
sait être un médecin militaire, et, à ses côtés, le baron Wo'rth,
784 MÉLANGES
le chef d'escadron avec lequel on avait parlementé dans la mati-
née, reprochait au Maire la trahison dont il se prétendait victime.
« On s'était engagé à ne pas opposer de résistance au corps d'ar-
mée, et, malgré la parole donnée, on avait lire sur les troupes. La
ville serait brûlée. » Après cette explosion de colère et de récri-
minations, on obtint enfin rexplicalion de l'incident. Au moment
où la lête de la colonne ennemie arrivait en haut de la rue Gérés,
près dé son débouché sur la place Royale, un coup de feu était
parti d'une des fenêtres de la maison portant le n' 5, occupée par
le Café Louis XV. Bien que personne n'eût été atteint, les cava-
liers allemands avaient répondu par une décharge de leurs cara-
bines sur les fenêtres de la maison. \]n malheureux aveugle, que
le bruit avait attiré au dehors, fut seul atteint par celle mousque-
terie qui le tua.
Le Maire protesta dii sa loyauté et d ■ son intention de rester
fidèle aux conventions arrêtées; et, devant ses assurances, confir-
mées par les conseillers présents, que le fait incriminé n'était
qu'un accident isolé qui ne se reproduirait pas, les ofticiers se cal-
mèrent. Mais ils exigèrent qu'en garantie des paroles qui leur
étaient données, le Maire accompagnât l'escadron jusqu'aux portes
de la ville, où le général en chef attendait l'issue d'un conllit qui
était en contradiction avec la teneur de la proclamation munici-
pale, dont un exemplaire était entre ses mains. M. Dauphinot et
ses trois adjoints, MM. Rorrie, Ch. Rogelet et Marteau quittèrent
l'Hôte! de Ville, précédant l'escadron, qui les accompagna jusqu'à
deux cents mètres environ des dernières maisons du faubourg, où
ils se trouvèrent en présence de l'armée allemande et du général
von Tumpling, qui la commandait. Après de nouvelles assurances
pacifiques données par la Municipalité, l'armée se mil en marche
et entra en ville, en se faisant précéder, jusqu'à la mairie, par les
membres de l'Administration, qui lui servaient d'otages, et qui
couraient risque de payer de leur vie toute agression qui, durant
ce trajet, se fût produite contre les Allemands.
(On constata d'ailleurs, quelques jours plus tard, que la maison
de M. Jacquier, rue Cérès, 5, avait été désignée à tort comme l'en-
droit d'où était parti le coup de feu tiré le 4 septembre, à l'entrée
des troupes prussiennes.
L'auteur de ce fait était placé dans la rue et en dehors du trot-
toir ; il n'entra qu'ensuite dans le café pour se mettre à l'abri.)
Trente mille ['russiens environ étaient entrés dans Reims. Cette
armée, suivant le faubourg et la rue Cérès, se fractionnait sur la
place Royale, chaque corps prenant la direction du cantonnement
qui lui avait été indiqué.
Certaines maisons recevaient 30, o0,80, 100 et même 130 hommes
chacune. Les chevaux étaient installés jusque dans les magasins.
Les Allemands s'aggloméraient dans les quartiers du centre.
Ce fut une rude et triste soirée que celle du 4 septembre.
MELANGES 785
— Nous avons eu occasion de signaler l'infatigable dévouement
dont a fait preuve, durant la nuit du 3 au 4 septembre, le per-
sonnel de la Compagnie de l'Est à la tête duquel se trouvait placé
en ce moment M. Ménecier, chef de gare.
Le général d'Exea, averti durant la nuit, comme le maire de
Reims, du désastre de Sedan, se rendit immédiatement à la gare.
Il voulait que sa d'vision fût embarquée et partie deux heures
après. Il dut se rendre aux arguments du chef de gare qui ne
voulut lui promettre qu'une chose: faire évacuer les troupes dans
le plus bref délai possible.
Il ne fallait pas songer à expédier en si peu de temps la division
et son matériel, d'autant plus que les troupes n'étaient même pas
rassemblées, étaient dispersées à Reims et dans les environs. Il fut
convenu, sur l'avis de M. Ménecier, que l'artillerie, la cavalerie et
le train gagneraient les stations de Muizon. Jonchery et Fismes où
elles embarqueraient, tandis que l'infanterie partirait de Reims.
Ainsi fut fait. A quatre heures du matin, le dernier bataillon
d'infanterie quittait la gare avec les fonctionnaires du Gouverne-
ment, les employés de la banque et tout leur numéraire. Restait
le matériel, près de mille wagons et quarante machines dont la
plupart n'étaient même pas allumées. 11 n'y avait pas une minute
à perdre pour sauver tout cela.
On fit des prodiges. Pour comble de malheur, le tunnel de
Rilly était bouché, on avait lait sauter l'entrée et un capitaine zélé
menaçait à chaque instant de faire sauter le pont de Soissons, la
seule voie libre qui restait. Tout le monde travaillait avec un véri-
table acharnement. A huit heures cinquante minutes du matin, le
dernier wagon passait le pont, emportant le personnel et le chef
de gare, resté à son poste jusqu'au dernier moment.
Deux minutes après, le pont sautait, et un quart d'heure plus
tard les éclaireurs prussiens occupaient la gare, où ils ne trou-
vaient plus ni une machine, ni un fourgon, ni un wagon !
Un dernier détail : le dernier train parti de Reims nùt douze
heures pour faire les cinquante-quatre kilomètres qui séparent
Reims de Soissons, tellement, depuis deux heures du matin, on
avait accumulé sur la ligne les wagons et les trains.
— Le 6 septembre, le commandant de la place de Reims signifia
à la Mairie que la maison de M. Jacquier, rue Gérés, 5, de laquelle
était parti le coup de feu tiré sur les troupes allemandes, devait
être démolie. On avait d'abord songé à la brîiler, ce qui eût été
plus expéditif ; mais dans la crainte de ne pas être maître de l'in-
cendie qu'on aurait allumé, on s'en tint à une simple démolition.
Sur le conseil du commandant, le maire s'adressa à M. de
Bismarck, pour obtenir qu'on revint sur cette décision aussi bar-
bare qu'injuste ; car elle frappait des personnes innocentes du
fait que l'on voulait punir. M. de Bismarck engagea le Maire à
50
78G MÉLANGES
recourir au Roi. Celui-ci le reçut avec simplicité, accorda d'une
façon affable la grâce qu'on sollicitait, et la maison resta debout.
L'état-major allemand n'avait pas voulu autre chose ; mais il
voulait surtout que le public fût informé de la condamnation
encourue et de la grâce accordée. Les termes mêmes de celte
communication lurent imposés par le comte de Bismarck. Ils carac-
térisent trop nettement la situation que les événements avaient
faite à la Municipalité, pour que nous n'en metlious pas le texte
sous les yeux du lecteur.
C'est le maire qui écrit, c'est M. de Bismarck qui dicte :
Aux Ilabitaiils.
J'ai appris, ce matin, que le coup de l'eu, lire dim-'nchesur les premières
troupes entrées dans celte ville, allait amener sur la maison d'(.ù il est parti
toutes les rigueurs de la loi militaire.
Le café du sieur Jacquier et la maison tout entière allaient être rasés.
Grâce à l'attitude calme de la population, j'ai pu ol tenir de Sa Majesté le roi
Guillaume l'oubli d'un tait qui, s'il se renouvelait, nous attirerait les plus
grands malheurs.
Je supplie nos concitoyens de continuer à donner des preuves de leur modéra-
tion et, au besoin, de réprimer eux-mêmes ie désordre partout où il pourrait
se produire.
C'est en lisantcetavis imprimé, collé sur sa porte, que M. Jacquier
apprit en même temps le péril qu'il avait couru et les démarches
qui l'en avaient préservé.
— Le roi de Prusse arriva à Reims le 5 septembre, accompagné
du prince de Bismarck, du maréchal de ftlollke, du général Stoch,
intendant général de l'armée, du chef de la police Slieber, et d'un
nombreux état-major.
L'archevêché avait été réquisitionné pour le recevoir — ainsi que
le maréchal de Moltke. M. de Bismarck logeait chez .M. Adolphe
Dauphinot, rue du Cloître. Presque toute la maison du roi et
l'état-major général logeaient dans les environs immédiats de la
Cathédrale. .Au Courrier étai^'ent établis, en place de 30 soldats,
que Ton fit déménager, deux colonels, un capitaine et leurs
ordonnances. On travaillait ferme chez les officiers qui faisaient
partie de l'état-major; jour et nuit, les portes de l'habitation
restaient ouvertes, sous la garde de sentinelles.
Le roi Guillaume occupa les appartements de Charles X lors de
son sacre.
Tandis que ses troupes s'ébranlaient dans la direction de Paris,
il reçut dans un banquet ro3'al les princes, les grands-ducs, les
ministres et tout le haut état-major allemand. Une invitation, pour
ce banquet, avait été adressée au maire de Reims, qui l'avait
déclinée. M. de Bismarck, auquel il avait fait connaître son refus
et les motifs honorables qui le lui dictaient, s'était chargé de
MELANGES 787
l'excuser auprès du rui. Ce fut probablement là l'origine de ce*'
récifs dont quelques journaux français ne craignirent pas de
souiller leurs colonnes, et dans lesquels on signalait la présence à
ce banquet de représentants de la ville et de quelques-uns de ses
habitants, fraternisant avec les envahisseurs.
On écrivait ainsi l'histoire, dès ce temps-là.
Le Prince royal, arrivant à Reims, prit logement chez M. Werle,
rue du Marc.
Il ne suitisait pas d'ouvrir sa maison à ces hôtes exigeants, il
fallait encore pouivoir à leur nourriture. Un arrêté du prince
Frédéric-Guillaume régîait, ainsi qu'il suit, l'ordinaire qu'on devait
fournil; à chaque soldat :
750 grammes de pain.
500 — de viande.
250 — de lard.
30 — de café.
60 — de tabac ou o cigares.
Un demi- litre de vin.
La ration des chevaux était également fixée.
Les habitants qui ne voulaient ou ne pouvaient fournir en nature
les aliments éuurnérés ci-dessus, avaient la faculté de s'en dispenser,
en payant une indemnité de deux francs par jour et par soldat.
On placardait en même temps, sur les murs de la ville, des
affiches d'un caractère plus sinistre : l'une abolissait la conscrip-
tion dans l'étendue des territoires occupés par les Allemands ; une
autre énumérait les faits de guerre que le code pénal prussien
punissait de mort, et parmi eux l'acte de citoyens français qui,
n'appartenant pas à l'armée, prendraient les armes contre les
envahisseurs...
Bazeilles en 1895. — Un de nos collaborateurs, qui se trouve en ce
momeat à Sedan, nous adresse la lettre suivante :
Sedan, le 30 août 1895.
Avant le pieux pèlerinage que vont accomplir à Bazeilles tant
de braves Français restés fidèles au souvenir des valeureux sol-
dats morts pour la patrie, j'ai voulu parcourir seul la voie doulou-
reuse que les héros de 1870 ont arrosée de leur sang et que les.
tombes jalonnent à chaque pas; j'ai fait à pied le chemin de
Sedan à Balan et à Bazeilles.
Combien les temps sont changés. Le ciel est pur, le soleil brille,
et sur cette route que sillonnaient il y a vingt-cinq ans les soldats
ivres du feu de la bataille et les blessés se traînant à peine, les
promeneurs vont paisiblement. Les champs et les prairies que
ravageait la mitraille et que parcouraient les bataillons éperdus,
sont peuplés de travailleurs rentrant les moissons. Les arbres
78^- MÉLANGES
qu'ont ahallus les boulets sont rem{)Iacés par d'autres arbres
vigoureux et verdoyants, le chant des oiseaux et des travailleurs
remplit l'air là où résonnait lugubrement la voix du canon.
Mais tout n'est pas oublié pour cela.
Les remparts de Sedan sont abattus et ont fait place à de belles
constructions et à de superbes avenues, mais regardez un peu à
gauche en sortant de la vieille ville, les murs d'un bastion éventré
par les obus des Allemands laissent apercevoir leur silhouette
délabrée. Un peu plus loin, dans une belle propriété pleine d'ombre
et de verdure, se dresse près de la route le tronc d'un magnifique
peuplier décapité par un boulet.
En sortant de Balan, où les maisons neuves et coquettes ont un
aspect si pimpant, voici à droite deux ou trois rangées de monti-
cules que l'herbe recouvre : ce sont des tombes.
Un peu plus loin k gauche, voici à quelques cents mètres de la
route l'arbre près duquel fut blessé le maréchal de Mac-Mahon ; à
côté est le monument élevé à la mémoire d'un de ses aides de
camp tué près de lui.
A droite encore, le long de la clôture d'un parc qui descend
vers la Meuse, voici au milieu des arbres deux croix de pierre. Là
sont enterrés trente officiers allemands tués dans cette journée,
qu'on appelle à tort la bataille de Sedan, puisqu'elle a en lieu sur-
tout à Bazeilles, à Balan et à Givonne.
Et dans le lointain, à droite, au-delà de la Meuse, se détachent
les sommets boisés d'où l'artillerie allemande foudroyait nos pau-
vres soldats. Plus loin encore, le sommet escarpé du haut duquel
le roi Guillaume assistait impassible à l'écrasement de nos soldats,
au plus sinistre désastre dont notre histoire fasse mention.
Et, bien qu'aujourd'hui la nature semble en fête, tous ces épou-
va,ntables souvenirs reviennent à la mémoire et serrent le cœur au
plus indifférent.
Voici à gauche un terrain planté de quelques cyprès ; c'est
encore une tombe française : un certain nombre des nôtres sont
enterrés là. Un père sachant que son fils figurait parmi les morts
qui avaient été inhumés en cet endroit, a acheté le terrain et l'a
entouré de la petite grille en fer qui protège cette sépulture contre
toute profanation.
C'est ainsi que jusqu'à Bazeilles sont marquées toutes les sta-
tions de ce pénible calvaire.
Bazeilles, complètement brûlé et détruit par ces Allemands qui
s''indignent aujourd'hui quand on leur reproche d'avoir volé nos
pendules, Bazeilles a été entièrement l'econstruit ou à peu près,
comme nous le disions tout à l'heure.
En y arrivant, on aperçoit à droite ce fameux pont de la Meuse
sur lequel nos soldats firent un tel carnage de Bavarois que les
cadavres encombraient le passage et formaient comme une barri-
cade derrière laquelle s'abritaient les combattants.
MÉLANGES ~8'J
A gauche est la maison des dernières cartouclies, que le peintre
De Neuville a illustrée à jamais. C'est là que le général Lambert,
alors capitaine, tint tète jusqu'à la dernière minute aux IJavarois,
ivres do rage d'une telle résistance.
La maison est transformée en musée ; une fraiclie et blonde
jeune fille explique aux visiteurs, toujours nombreux, la prove-
nance de tous les objets qui le composent : armes, tambours,
pipes allemandes, décorations, etc., etc., ramassés sur le champ de
bataille. Un peu moins d'apparat dans ces assemblages de lugu-
bres dépouilles en rendrait l'aspect plus saisissant.
Devant la maison, là où se tenaient ces brutes enragées qui
canardaient à bout portant une poignée d'héroïques soldats d'in-
fanterie de marine barricadés dans la maison, on a planté des arbres,
installé des tables sous des tonnelles et... l'on boit de la bière'.
Au bout du cimetière, à la place du mur derrière lequel nos sol-
dats s'abritaient pour tirer sur les Bavarois qui s'avançaient en
masses serrées, s'élève l'ossuaire, sobre et imposant monument,
qui renferme les ossements de plus de quinze cents Français et
Allemands. La description en a été faite trop souvent pour qu'il
soit besoin d'y revenir.
Mais au milieu de ce village tout neuf, de ces constructions si
riantes d'aspect, se dresse çà et là quelque lugubre souvenir. Un
amas de terre et de pierres noircies marque l'emplacemeiit de
l'église, qui n'a pas encore été reconstruite. Quelques pans de
murailles sont tout ce qui reste de la splendide demeure de
M. Thomas. Et plusieurs de ces jolies maisonnettes portent sur
leur façade une plaque indiquant qu'elles ont été reconstruites
avec le produit du sou des chaumières.
Que tous ceux en qui s'eil'ace le poignant souvenir des désastres
de 1870 lassent le voyage de Bazeilles, et toutes les velléités d'in-
dulgence et d'oubli qu'ils éprouvent auront bientôt disparu.
(Courrier de la Champagne.) V. M.
Historique du courtage des vins, a Reims. — Nous empruntons à un
intéressant petit volume paru il y a une cinquantaine d'années, à Reims,
intitulé : Essai sur l histoire des l'ins de Champagne, par Max. Suiaiue,
les lif^nes suivantes ccncernaut les courtiers, dont l'ori^'ine remoule à une
époque très reculée :
Nos pères, qui savaient si bien apprécier leurs excellents vins, et
qui comprenaient toute l'importance de cette branche d'industrie
si riche et si léconde, ne voulurent pas que son exploitation
appartint au premier veuu et fût livrée à des mains improbes
ou inhabiles. Ils réglementèrent la vente des produits de leurs
vignobles, régularisèrent les opérations, firent en sorte que les
droits du vendeur et de l'acheteur reçussent une garantie officielle,
et l'institution des courtiers prit naissance.
7<;90 MÉLANGES
Elle dépendait de la justice de Péchevinage, dite juridiction du
Buffet', dont la police s'exerçait encore sur les brasseurs, les
auneurs d'étoffes, les mesureurs de charbon, sur la visite et
la vente du poisson de mer, etc.
Le corps des courtiers compte parmi les plus anciens de la cité;
nous trouvons, au commencement du xiv» siècle, un document qui
semble indiquer que sa création remonte à une date beaucoup
plus reculée encore. Eu 1323^, le Parlement homologuait une
transaction passée entre les échevins et l'archevêque Robert
de Courtenay, dont le prévôt Thomas Louvet contestait aux pre-
miers le droit de nommer les courtiers de vins.
Depuis cette époque, el malgré les prétention; qu'on essaya
parfois de faire valoir contre eux, les échevins furent constamment
maintenus dans ce droit, ainsi que le témoignent plusieurs lettres
patentes et arrêts conservés au carlulaire de la ville ■*.
Ils fixaient le nombre des courtiers, s'assuraient de leur capacité,
en exigeaient caution et recevaient leur serment. En même temps
aussi, ils sauvegardaient les intérêts de cenx-ri, qui n'eurent
jamais de plus zélés défenseurs de leurs privilèges. Quand des
intermédiaires illégitimes et non reconnus cherchaient à se glis-
ser dans les transactions, les échevins intervenaient immédiate-
ment, poui'suivaient la fraude et provoquaient contre elle la sévé-
rité des lois''.
A une certaine époque cependant, la discipline se relâcha, des
abus s'introduisirent, et l'échevinage dut songer à réduire le
nombre des courtiers, qu'on avait laissé s'accroître outre mesure.
Deux ordonnances des '.i juin el 4 septembre U).")^ tixent défini-
tivement re nombre à dix-liuit, qui furent immédiatement choisis
parmi ceux qui exerçaient alors. Les mêmes ordonnances remettent
en vigueur les anciens règlenients, enjoignent aux courtiers de se
renfermer dans le cercle de leurs attributions et de lents devoirs,
et leur défendent surtout, sous peine de ôt-'O livres d'amende et de
déchéance, de s'associer, soit avec des commissionnaires non
reconnus et agissant sans provisions, soit avec Ics marchands de
vins ; ou de se livrer eux-mêmes et pour leur propre compte a des
opérations commerciales.
En même temps, leurs honoraires sont tarilés ; il leur est
' . La jusiice de lëctieviuage se divisait en d^-ux juridictions : celle du
Buttet dont nous parlons, el celle dite de la Pierre- au- Vhungt, qui avait
dans ses allnbulions la police de la ville eu géuéral, etc.. Elle se teuait
en l'auditoire du bailliage, dit de la Pierre-au-Cbange, situé rue de 'Tam-
bour, en la première uiaiion taisant le coin à droite vers les marches.
[Bidet, tome IV).
-2. 20 décembre 1323 (sous Charles . IV).
3. Ordonnances du 18 novembre 13.o7, 8 tJvrier 1379, de IGil, etc..
4. Ordonnance du 20 mars lotil.
MÉLANGES 791
accordé 5 sols tournois par queue de via vendue sur l'Etape', et
20 sols poui' chacune queue qu'ils fvroienl vendre aux habitants
de la ville, et. non autres, avec prohibition expresse de recevoir
d'avantage, quoique à eux volontairement offert, sur peine de
concussion -.
En définissant ainsi les devoirs et les droits des courtiers, les
échevins n'oublièrent pas de veiller à la conservation de leurs pri-
vilèges ; tout intermédiaire illégal était puni par une amende de
30 livres et par la prison.
On avait compris de quelle importance il était de ne confier ces
charges qu'à des personnes d'une capacité et d'une moralité
reconnues.
Reims, dont les fortifications exigeaient de fréquentes et coû-
teuses réparations qui épuisaient ses finances, obtint de Charles V[
l'autorisation d'atfermer le courtage des vins et d'employer le
prix de la ferme à l'entretien des remparts. Les lettres patentes du
roi furent données de son camp devant Bourges, le li juillet 1412.
Les courtiers recevaient alors 2 sous parisis, et 7io>l plus par
pièce.
Sentinelle'! vigilantes placées sur le seuil de nos libertés, les
échevins repoussaient tout empiétement sur les droits de la cité.
Au commencement du xvii* siècle, quatre courtiers voulurent exer-
cer à Reims, en vertu de lettres patentes émanées du roi. Les
échevins protestèrent énergiquement et revendiquèrent le privi-
lège dont ils avaient ioujours joui de nommer seuls les dits cour-
tiers. Le Conseil d'Etat fit droit à leur requête, et les quatre titu-
laires durent renoncer à leur charge, malgré l'investiture qui leur
avait été royalement octroyée. Seulement la ville fut tenue de leur
rembourser leurs offices à raison de 600 livres.
En 1692, les échevins demandèrent à racheter les charges
des courtiers et firent à cet etl'et une otfre de 130,364 livres, plus
les 2 sous pour livre, qui fut acceptée. Dès lors, ils entrèrent en
possession des droits et privilèges attribués aux dites charges, qui,
probablement, à partir de cette époque, furent exercées sous l'ins-
pection de l'échevinage, au profit de la commune. La ville fut
autorisée en même temps à contracter un emprunt à constitution
de rentes pour réaliser la somme qu'elle avait oli'erte'.
Le 28 ventôse an IX de la République française, une Bourse de
commerce fut créée à Reims, et on lui alfecta pour local la grande
salle de l'archevêché. L'emplacement trouvé, il fallut songer au
personnel, et un certain nombre de courtiers furent appelés à des-
servir ce nouveau temple de l'industrie. Mais, soit que, pendant
ce temps de guerres et de troubles, les transactions ne présen-
1. On sait que la queue iaisail deux pièces.
2. Bidet. — Cartulaire de Reims.
3. Arrêt du Conseil d'Etat, 1692.
792 MÉLANGES
tassent pas une importance suffisante, soit aussi, peut-être, parce
que la position des intermédiaires non reconnus par la loi, et qui
exploitaient alors la place, leur parût inexpugnable, pendant
longtemps les courtiers semblèrent considérer leur charge comme
une sinécure et leur titre comme un vain nom.
Ce ne fut guère que vers Tannée 182'} qu'ils se réveillèrent de
ce long sommeil et prirent leurs fonctions au sérieux. Ils en com-
prirent, au reste, rapidement toute l'importance, et celte utile ins-
titution, dignement représentée par les titulaires actuels, rend de
véritables services au commerce.
Reims compte en ce moment trois courtiers de vins seulement,
qui peuvent exercer dans le pays vignoble tout entier, et dont les
droits se perçoivent de la manière suivante :
2 fr. par pièce de 120 fr. au-dessous ;
3 fr. par pièce au-dessus de 120 fr. ;
5 centimes par bouteille jusque 500 bouteilles ;
4 centimes par bouteille jusque 1.000 bouteilles;
2 centimes par bouteille au-dessus de 1.000'.
{Courrier de la Champagne.)
Les vins rouges de Champagne. — Nous empruntons au dernier numéro
de la Revue de ViticuUure (7 septembre), l'intéressant article suivant ;
C'est toujours avec surprise que l'on apprend que laCliampagne
produit des vins rouges de haute qualité qui rivalisent avec les plus
célèbres crus de Bourgogne et de Bordeaux; la rareté de ces vins
fait qu'ils ne sont connus que d'un petit nombre d'amateurs, j'al-
lais dire d'adorateurs. Avant l'extensioii du commerce des vins
mousseux, les vignerons faisaient en blanc la majeure partie de
leurs vins; aujourd'hui, ils ont le plus souvent intérêt à vendre
directement aux négociants leurs raisins; en 1893, on a payé, à
Bouzy, la caque de raisin (60 kilos) 235 fr. ; on conçoit que, dans
ces conditions, le vigneron préfère se débarrasser immédiatement
de sa récolte que de courir les chances d'une vente, plus élevée, il
est vrai, de son vin fait en rouge; cependant un certain nombre
de vignerons font toujours quelques pièces de vin rouge, soit pour
leur consommation, soit sur commande ; les années où la récolte
est abondante, ils transforment en vin rouge l'excès de récolte non
vendu, de sorte que sur place on peut toujours trouver au moins
quelques bouteilles de ces vins.
On n'en fait d'ailleurs que dans les très bonnes années : le vin le
plus renommé est le Bouzy, puis viennent les Vertus, Damery,
1. Tarif général des droits de courtage pour la place de lieims. déli-
béré par Is tribunal de commerce, en sa séance du 7 octobre 1826. {lieims,
chez Guélon-Moreau, imprimeur de la Bourse, 182(5.)
MÉLANGES 793.
Ciimières, etc.; — les vignerons nous montrent encore avec fierté
quelques bouteilles de 18o7, î)8, ùî, 6r>,mais les 1H8i, 1889, et sur-
tout les 1893 sont encore en tas respectables. — Les prix atteignent,,
à Bouzy, de 800 à 1.200 fr. la pièce dans l'année de leur prépa-
ration, et leur prix s'accroît naturellement avec l'âge. Les autres
crus se vendent à des prix moins élevés.
La vinitication de ces produits si délicats nécessite des soins
tout spéciaux depuis la vendange jusqu'à leur expédition. On choi-
sit les raisins des meilleurs lieudits, où se trouvent de vieilles
vignes bien exposées ; on fait un mélange des raisins de plusieurs
vignes, vignes basses, de mi-côte et hautes vignes; on cueille au
moment où VaifjuiUon du pédoncule des grains est devenu rouge.
(]omme pour les vins blancs, on choisit un temps sec, on évite la
rosée et la pluie, qui font tourner les grains ou pourrissent. Chaque
hordon. de vendangeurs comprend les cueilleiirs : ce sont, en-
général, des entants qui coupent les raisins avec des serpettes, les
déposent dans des paniers à vendange ou mandelelles ; des por-
teurs les portent à la main et les versent sur une cUujcUe devant
ciiaque éplliclieiise. A l'aide d'un sécateur à éplucher, on enlève de-
chaque raisin les grains maiimurs ou verts, secs, Irémilés, tour-
nés, pourris, piqués par la cochylis ou les guêpes ; le raisin, après
sa toilette, est déposé dans un panier-mannequin, les épluchures
sont versées dans un autre, on en fait des vins de boissons dits
•vins de détour.
Le transport de la vigne au pressoir est fait avec moins de pré-
cautions que lorsqu'on doit faire du vin blanc ; les raisins sont
versés dans des linctles et foulés soit au pied, le plus souvent au
pilon, quelquefois au fouloir mécanique ; dans quelques vignobles,,
le foulage est même commencé à la vigne, dans les bariilels, qui
sont eni^uite portés à bât par dos ânes.
Le moût est immédiatement versé dans les cuves ; le plus sou-
vent on ne se préoccupe aucunement de sa composition, on en
mesure simplement le titre glucométrique comme renseignements^
on vine quelquefois à l'aide de bons cognacs, de manière à amener
le titre alcoolique à 12 ■ ; mais on laisse de côté le titre acide ; cepen-
dant, comme ces vins rouges sont faits en général dans les années
de maturité précoce, il doit arriver que leur litre acide est laible,
et ce serait certainement une excellente précaution de relever ce
titre acide sur le moût, plutôt que d'agir ensuite sur le vm. —
D'ailleurs, la même opération s'impose également pour les vins-
blancs en ces années de qualité. Jusqu'ici, cette prati<iue de l'aci-
dification du moût s'est faite en Champagne sans règle bien pré-
cise, car on n'a pas encore iixé la limite minima d'acidité que
doit présenter soit un moût rouge, soit un moût blanc, pour que
la fermentation ail lieu dans les meilleures conditions; il serait à
désirer que l'on possédât de nombreuses mesures d'acidité sur des
moûts rouges et blancs et sur les vins qui en dérivent ; on pour-
794 MÉLANGES
rail alors adopter une liinile miiiima, 9 grammes d'acide larlrique
par litre de moût, comme l'ont fait les vignerons du iMidi. La
mesure de l'acidité est aujourd'hui très facile à l'aide de notre aci-
dimètre ' ; nous l'avons mis etitie les mains de plusieurs vigne-
rons, et nous espérons avoir, l'an procliiiin, des renseignements
précis au sujet de l'acidité des moûts.
Les cuves pour vins rouges sont en bois de chêne, de forme
basse, ouvertes, et d'une contenance qui varie de 8 à oU hectos ;
les meilleuros sont celles de 30 ; on leur fait subir siniplement un
lavage à l'eau, avec une brosse en chiendent ; on retient le cha-
peau à l'aide de claies et on foule deux ou trois fois par jour pen-
dant la fermentation ; le foulage au pied a été abandonné et
remplacé par l'emploi du pilon ou demoiselle.
Pendant la durée du cuvage, il est de la plus haute importance
de maintenir les cuves à une température constante : le moindre
courant d'air peut saisi?' la cuvée, c'est-à-dire arrêter la fermen-
tation ; on dispose même autour des cuves des cloisons qui les
isolent. L'accès des celliers est interdit alors aux femmes, il parait
que la présence d'une femme peut faire loiirne?' le vin ; n'est-ce
pas plutôt là un prétexte, comme nous l'a confessé nn vigneron,
pour éloigner les ùabilleiises qui viendraient distraire les ouvriers
des pressoirs '?
L'instant du déouvage est celui de l'arrêt du bouillnge, c'e4-à-
dire de la fermentation tumultueuse; il se produit généralement
du cinquième au huitième jour après l'encuvage ; on surveille
alors la cuvée, et quand on juge l'arrêt arrivé, on décuve serait-ce
yu milieu de la nuit ; quebjues vignerons prolongent la macé-
ration de six heures pour donner un Iri/er goût de grappe. Le sou-
tirage se fait par un robinet placé au fond de la cuve ; autrefois on
enfonçait un panier-mannequin dans le chapeau, et on puisait le
vin ainsi filtré à l'aide d'un seau, on le versait dans une hotte de
bois, le ddiidcrliii, et un homme allait verser la bottée de vin
dans le tonneau ; on écœuraii ainsi le vin, on enlevait le vin de
cuve, la fIcLii' du lin, dont on réservait ainsi une pièce ou deux,
sans les mélanger au vin de pressoir obtenu en pressant le cha-
peau, ou les aines ou enes ; en général, on répartit également
dans les tonneaux le vin de cuce et les vins de pressoir, d'autres
ne les coupent qu'après les premiers froids.
On estime qu'il faut liliO kilos de raisin pour obtenir une pièce
de 200 litres de vin rouge, tandis qu'il faut 400 kilos pour faire
une pièce de vin blanc de cuvée, le seul employé pour taire les
lins mousseux.
Le vin demeure au cellier jusqu'après les premiers froids ; on le
soutire alors, soit pour l'expédier, suit pour le descendre en cave.
1 . L,. Mathiku, Acitlimèlre rafiiJe pour moùld et pour vins [Revue de
\'Uicidlu7-c, u" 85).
MÊLA N (SES 7.95
Ce soutirage est quelquefois précédé d'uu léger collage, uiême
d'un tanuisage ou d'une alf.oolisalion, d"une acidilication, si l'eu
juge que le vin a un défaut de constitution ; mais, à part l'alcoo-
lisation, ce ne sont pas des pratiques générales. Le vin demeure
en cave< — les plus froides sont les meilleures — jusqu'après l'iii-
ver de l'année suivante. Alors on le soutire en bouteilles par
un temps sec et fruid; on préfère les vieilles bouteilles qui ont
déjà servi : nous en avons vu qui dataient de Louis XIV et ([ui
avaient les formes les plus curieuses. On ne laisse que foi't peu
d'air dans la chambre, on bouche et on cacheté à la cire, on
entreille les bouteilles en cave, où on les laisse jusqu'au jour de
l'expédition ou de la consommation ; alors on sépare le déjiôt du
vin, soit en le dépotant, soit en mettant les bouleilles sur pointe,
rassemblant le dépôt sur le bouchon, s'il n'est pas adhérent, et les
dégorgeant. Pour les dépoter, on transvase le vin dans une autre
bouleille, et ^on évite, autant qu^, possible, l'accès de l'air en
se servant de la pompe à dépoLer, petit tube qui laisse rentrer l'air
dans la balle sans barboter dans le vin. Si le vin doit être expédié
en pièces, on prend la précaution d'engainer celles-ci, en les dis-
posant dans une futaille plus grande avec de la paille ou du char-
bon pour éviter les écarts brusques de température.
Les vins rouges ainsi obtenus sont d'une finesse incomparable,
mais aussi d'une grande délicatesse; quand ils sont bien consti-
tués, ils se conservent très longtemps, surtout si l'on a soin de les
mettre en bouteilles un peu vcrls; nous avons vu, cette année
même, des 18o7 de Vertus parfaits, des Bouzy de 1862 de (jualité
extraordinaire; mais si le vin a une tare quelconque, insuffisance,
soit d'alcool ou d'acide ou de tannin, il est exposé à tourner; l'ac-
cident le plus commun est de voir le vin s'absiiiilier \ il prend un
goût d'absinthe, il devient amer; on sait, d'ailleurs, que l'amertume
est la maladie spéciale de tous les bons crus de pineau^, soit de
Bourgogne, soit de Champagne. Nuus avons vu un vin de f88i
parfaitement limpide, franc de goût au surlir de la bouteille,
prendre le goût d'absinthe par l'exposition à l'air. M. de Ver-
gnette-Lamothe a dailleuis signalé plusieurs variétés d'amertume
sur les Bourgogne.
A notre connaissance, la pasteurisation de ces vins n'a |)as été
tentée ; néanmoins, d'après les travaux de M. Cayon, elle aurait
des chances de réussite. Un vigneron champenois des plus intelli-
gents nous a même conté qu'il avait fait une expérience de pas-
teurisation bien avant AI. Pasteur : en I808, il avait chaulfé à 70",
au bain-marie, des bouteilles de vin de 1857, non pour les pas-
teuriser, mais pour juger de l'action de la chaleur sur ce vin qui
devait être expédié de Bordeaux dans l'Amérique du Sud. Le vin,
non seulement s'est bien tenu, mais encore les bouteilles chauf-
fées se sont parlaitement conservées^, même en vidange ; ce qui
n'a rien d'étonnant après ce que nous ont a[)pri~ les travaux de
M. Pasteur.
796 MÉLANGES
A tous ceux qui ignorent nos vins rouges de Champagne, que
connaissent bien les Belges et les Anglais, nous sonliaitons un
voyage dans ces vignobles merveilleux : ils trouveront l'accueil le
plus cordial, et, à peine assis, leur hôte s'échappera un instant
pour leur remonter un flacon d'un de ces crus que l'on ne boit
plus, même à la table des rois. L. Mathieu.
Au CHATEAU DE Bois-BouDRAN. — S. M. le roi de Portugal, conti-
nuant la série de ses déplacements cynégétiques, a chassé récem-
ment k Bois-Boudran. chez le comte Greliulhe.
Bois-Boudran, qui est situé dans la région la plus giboyeuse de
Seine-et-Marne, et qui est une terre de famille des Gretïulhe,
n'était autrefois qu'un simple rendez-vous de chasse. Mais, en
188;'), le château, d'apparence relativement modeste, a été magni-
fiquement restaurt- par son propriétaire actuel, qui, tout en con-
servant une partie de l'ancienne habitation — entre autres le
salon et la salle à manger — lui a donné un aspect grandiose.
La pièce principale est un hall immense, peut-être même trop
grand, avec des œils-de-bœuf comme à Versailles, d'un elfet très
original. Un joli salon, style Régence, un boudoir de la mrme
époque, arrangé avec un goût exquis, et la salle à manger, où de
superbes boiseries alternent avec les tapisseries de Beauvais,
achèvent de faire de Bois-Boudran une résidence à la fois somp-
tueuse et élégante.
Quant au parc et aux jardins, ils sont aussi tieaux que vastes, et
tenus, et soignés avec une rare perfection.
L'existence que l'on mène au cliAteau est tout ensemble patriar-
cale et fashionable : patriarcale, en ce que l'esprit et la vie de
famille sont de tradition dans la maison Grelfulhe, que la proche
parenté y est assez nombreuse et l'intimité complète ; fashionable
par les réunions, les diners, les réceptions triées sur le volet qui
s'y donnent constamment et surtout par ses chasses qui, après
celles d'Eclimont, si ce n'est sur le même rang que celles-ci, sont,
je crois bien, les plus brillantes de France.
Parmi les hôles assidus de Buis-Boudran, indépendamment de
quelques personnages politiques, anciens collègues du comte
GrefFulhe au Parlement, il faut citer en première ligne le général
de Gallitlet, le marquis du Lan, le comte Henri Costa de Beaure-
gard, etc.
Les deux beaux-frères du comte, le prince d'Arenberg et le
marquis de L'Aigle, qui font de longs et fréquents séjours à Bois-
Boudran, contribuent de leur côté à son prestige et à son attrait.
Le dernier, intelligent, instruit, brillant causeur, jouant la
comédie à ravir, a eu beaucoup de succès dans le momie, où il
était, avant son mariage, des plus répandus, non seulement à
MÉLANGES 7^
Paris, mais à Vienne, qu'il habita longtemps en qualité de secré-
taire d'ambassade. Retiré aujourd'hui, après avoir été député,
dans une existence familiale très sérieuse, conseiller général
estimé, il partage ses loisirs entre la chasse à tir et soa superbe
équipage de Compiègne.
{Figaro.) Chamillac
Un de nos compatriotes rémois, bien connu dans le monde des lettres sous
le pseudonyme de René de Pont-Jest, M. Delmas, a publié récemment dans
ie Gaulois, à propos des événements de Madapascar, un curieux épisode de
sa jeunesse voyageuse. Il nous a paru intéressant de le reproduire ici.
A. T.-R.
« Krère de Sang ». — On écrit de Madagascar que deux de nos
compatriotes, MM. Lamotte et Gauthier, qui s'étaient éloignés de
Majunga pour acheter des bo'ufs, ont été trahis par leur escorte.
M. Lamotte a été tué et M. Gauthier est rentré à .Majunga griève-
ment blessé ; tandis qu'un troisième français, qui, lui aussi, était
allé en ravitaillement chez les Sakalaves, a réussi dans son entre-
prise, grâce à la protection de la reine de la tribu, dont il était
le « frère de sang ».
Qu'est donc cette fraternité si puissante, qu'elle défend l'étran-
ger au milieu d'une peuplade ennemie? Celui qui écrit ces lignes
peut le dire mieu.\ que personne, car il a eu l'honneur, dans sa
jeunesse, de devenir, lui aussi, le « frère de sang », le « tavo »
d'un chef sakalave. La cérémonie au cours de laquelle est con-
tracté ce lien mérite d'être contée. Elle est en même temps sau-
vage et pleine de poésie.
J'étais en voyage d'exploration dans le canal du Mozambique, et
nous avions mouillé sur la côte du Marah, où régnait un certain
Mounila, qui ne tolérait guèi-e sur ses terres que les négriers por-
tugais, avec lesquels il échangeait, contre des armes et des spiri-
tueux, les Hovas qu'il enlevait dans des razzias, ou même quelques-
uns de ses sujets, quand les prisonniers de guerre lui manquaient.
Or, je désirais vivement chasser dans les forêts du .Marah, et
comme j'exprimais mes regrets de ne pouvoir le faire à un digne
marchand de bois d'ébène, il m'apprit que si je devenais le « frère
de sang » d'un chef, je pourrais battre tout le pays à mon aise,
sans courir aucun danger.
Je fis immédiatement part de mon ambition à notre interprète
sakalave, et, moins d'une heure après, je vis grimper à bord un
propre cousin de S. .\L .Mounita, un brave guerrier du nom de
Raboormouii, qui, les deux mains loyalement ouvertes, me pro-
posa d'être mon « frère de sang ».
Dix minutes plus tard, j'étais à terre avec deux de mes compa-
gnons de voyage, et voici comment, à Abourmag'ha, au milieu
79'8 MELANGES
d'une foule enlhousiaslè, se passa la cérémonie bizarre qui fil dé
moi, grâce au serment sacré, le Falhridah, un oiloyen malgache'.
Ah .!;,ce, ne fut pas long ! L'ombias, le sorcier du village, avait
été prévenu. Je le vis bientôt arriver, en compagnie dé mon futur
frère et de ses assesseurs.
Raboormoun marchait en tête de la colonne, appuyé gravement
sur sa sagaie garnie de tleurs. Sans s'êlre débarrassé de son pagne
bleu, il avait endossé un habit rouge, encore assez propre, de
major anglais, dont les basques retombaient sur ses mollets,
enfouis dans de grosses bottes de mer ornées de coraux. Et, pour
coifTure, une espèce de turban énorme, surmonté d'un plumet mul-
ticolore, sous lequel son visage, tatoué et horriblement ravagé par
la variole, avait une e.xpression de majesté grotesque impossible à
décrire.
Derrière lui venaient, séparés de la foulé par Vombias, cinq ou
six indigènes chargés de vases de terre, de diverses dimensions,
et renfermant des pièces de monnaie, du manioc, des balles, de
la poudre et des petits morceaux de bois.
Les acteurs de la scène qui allait se jouer formèrent le cercle,
selon les ordres de Vombias, autour d'un des grands vases, posé à
terre, et la foule se groupa, silencieuse.
Le calme le plus complet régnait depuis cinq minutes au moins,
lorsqu'un vigoureux coup de tam-lam retentit.
Cela voulait dire que les dieux, consultés, étaient favorables au
fathridah. La cérémonie commença aussilûl.
Vombias se mit à vei-ser dans le grand vase l'eau que ses aides
étaient allés puiser à la rivière, il ne laissait tomber le liquide que
goutte à goutte, en marmottant des invocations, à certains, mots
desquelles tous les assistants élevaient les bras au ciel en poussant
un grand cri.
Quand le vase fut rempli, l'étrange grand-prêtre prit à Raboor-
moun sa sagaie et en plongea dans l'eau rextrémité do la hampe,
le fer empoisonné restant ainsi tourné vers le ciel.
Puis le cousin de Mounita saisit le bout armé à pleines mains,
je mis les miennes en dessous, et Vombias, puisant dans l'un des
petits vases que portaient les indigènes, les pièces de monnaie qui
s'y trouvaient, entonna le chant suivant, dont je garantis l'authen-
ticité, car je l'ai fait traduire et en ai gardé copie :
« Andrianzanhar, sois témoin du serment de l'étranger et
de celui du chef sakalave. Vous, puissants guerriers, sagaies
de notre bon esprit, que vos bras s'arment pour frapper avec la
rapidité de la tlèche celui qui manquera à son serment ».
Les pièces de monnaie disparurent au fond du grand vase plein
d'eau; le prêtre les remua avec la sagaie, ajoutant :
« L'argent du Sakalave est à l'étranger, conmie l'argent de
l'étranger est au Sakalave ».
MÉLAiVOES T99
Le manioc couvrit la surface de l'eau, et l'oir.bias rlianla :
« L'étranger et le Sakalave n'ont qu'un iiirine pain .>.
Les petits morceaux de bois llottèreut.
<< L'étranger a le droit à la plus douce natte dans la case du
Sakalave; le Sakalave est chez son i'rére dans la maison de
l'étranger ».
Ce fut ensuite le tour des balles et de la poudre à se mêler dans
le récipient à tous les objets qui s'y trouvaient déj.'j, et le sorcier
reprit :
€ L'étranger aura désormais pour frères et amis les frères
et amis du Sakalave, et le Sakalave sera l'ennemi des ennemis de
l'étranger. Que la poudre et les balles n'aillent jamais du frère au
frère, et que Vannalclia (le mauvais esprit) ne pousse jamais
le bras de l'étranger pour frapper un Sakalave, ni ne dirige
jamais non plus le bras du Sakalave contre l'étranger !
« L'épouse au teint de lait de l'étranger franchira le seuil du
Sava sakalave (le gynécée) ».
On voit que le serment du falhridah n'oubliait rien !
Et la foule entonna aussitôt :
« Oh ! Andrianzanliar, bon et grand esprit ; oh ! Andrianmissara,
Andrianisova, puissants guerriers et hommes forts, nos ancêtres,
agitez joyeusement vos sagaies, soyez favorables à l'étranger, écou-
lez son serment et celui de votre tils chéri le Sakalave ! »
Pendant ce temps-là, Voriibiiis, accompagné de quatre aides qui
portaient chacun un petit vase, était allé chercher de la terre aux
quatre points cardinaux. Quand il fut de retour, Raboormoun prit
dans chacun des vases une poignée de terre, et, la lançant dans
toutes les directions, il sécria :
« Partout où le vent emporte cette terre, peut marcher mon
frère ! Les forêts sacrées n'ont plus de mystère pour lui, et les
kabars (assemblées politiques) nous sont ouverts. »
Le grand-prêtre ajouta aussitôt :
« Que les fanfoudl soient funestes à celui des frères qui violera
le serment du falhridah ! Que \e?> samipias conduisent droit à son
cœur les sagaies ennemies au lieu de les éloigner! Que la corde
d'arrjent ne se déroule jamais pour faire descendre jusqu'i lui les
bons esprits, mais qu'elle se retire de lui à sa mort, peur qu'il ne
puisse quitter la terre, où il rampera dans le corps des animaux
immondes ! Que l'épreuve du Tan;/ui soit pour lui la tlèche empoi-
sonnée de l'Hova ; qu'Andrianzanhar ne le visite jamais dans
sa solitude ni dans ses douleurs ! »
Les fanfoudl et les sampias sont des amuleltes auxquelles les
Malgaches accordent les plus grands pouvoirs. Le fanfoudl fait
rêver celui qui le porte^ et ses rêves sont la reproduction de ce qui
se passe loin de lui. Les sampias le préservent à la guerre de tous
les dangers.
'800 MÉl.ANGKS
Ces imprécations terminées, ie sorcier présenta à Raboormoun
•un grand couteau, a"ec lequel le chef sakalave se fit au bras une
forte entaille, d'où s'échappa du sang qu'il reçut dans une coquille
de nacre ; puis, pendant que le parent de Mounita fermait lui-
même la plaie qu'il s'était faite, Vombias me présenta la lame
rouge du sang de Raboormoun.
Je compris avec un certain effroi, mais j'étais allé trop loin pour
reculer ; de plus, je ne voulais pas être moins courageux qu'un
sauvage. Alors^i je pris le maudit couteau, je me piquai légèrement
le bras et mon sang se mêla à celui de mon frère.
Hélas ! tout n'était pas fini. Le moins agréable restait à faire !
Vombias remplit la coquille sanglante avec de l'eau du grand
vase, eau rien (noins que limpide, grâce aux objets divers qu'elle
avait reçus, et il l'offrit à Raboormoun, qui, le visage inspiré, but
d'un seul trait la moitié de l'horrible mélange, puis me présenta
la coupe, avec un aimable sourire.
Je ne pus m'empêcber d'esquisser une grimace de dégoût, mais
comprenant qu'il fallait — c'était le cas de le dire — boire le calice
jusqu'à la lie, je pris la coquille et, ma foi, bravement, mais les
yeux fermés, je bus à mon tour, le moins possible.
Aussitôt, le sacrificateur s'écria et la foule répéta :
« L'étranger et le Sakalave sont frères ! que Zanahar les pro-
tège et que les bons esprits les dirigent ! »
Voilà romment je pus battre tout le pays sans jamais courir
aucun danger. J'étais « tayo », « frère de sang, n
Ce serment était alors si répandu parmi les peuplades saka-
laves, que presque tous les chefs étaient parents, et ce lien était à
ce point respecté, qu'il était parfois difficile de savoir si, entre tels
ou tels personnages, la parenté était réelle ou seulement née du
Fathridah ! René de Pont-Jest.
L'Imprimeur- Géra m,
Léon KREMONT.
L'Arrondissenienl de \ilry-le-François
AVANT L'AN MIL
Sur les \'H> communes qui composent actuellement Tar-
roncJissemenl de Vilry-le-François, 34 seulement sont men-
tionnées ' dans les rares documents antérieurs à l'an mil. Ce
n'est pas une raison pour en conclure que celles-là seulement
étaient comprises dans les loo,833 hectares de cet arrondisse-
meni. Beaucoup d'autres villages, dont nous n'avons pu décou-
vrir les origines, doivent bien certainement remonter à une
époque plus reculée. Si nous consultons le savant et volumi-
neux travail de M. Longnon', nous voyons que la plupart des
villages peuvent, d'après leur vocable, être rangés dans diverses
catégories.
Parmi ceux d'origine gauloise ou gallo-tomaine, dont les
suffixes gaulois : avos, oialos, acos, se sont Iransfornàés,
à l'époque romaine, en avus, oialus, acus, iacus, pour revèlir
aujourd'hui les formes ai/, ey, y, nous citerons :
Arrigny [Aridiacus). Blacy [Blittiacus), Ghaugy [Cajnidia-
eus), Doucey {Dociacus), Drosnay {Draitseuiacus), Drouilly
[DrîiUiacus), Etrepy [Stirpiacus], Gigny (Giniacus), Loisy
[Lausiacus),WQv\di\ii[i]Ierulavus],VAVQu\[Paterniaciis),Vni\Qy
{Primiaciis). Soguy [Sunniacus). Songy [Sumniacv.s), Vanault
[Wasnaus], VàYr&y {Vaà iacus), Vilry [Victoriacm].
Parmi les noms d'origine romaine, nous pouvons citer :
Champillon [Campilio), village aujourd'hui détruit, Lignon
(Lvno), [)uis d'autres noms de lieux, formés de noms de pro-
priétaires, pris adjectivement, avec les mots villa, casa sous-
1. Villages menlionnéi dans cet article :
Ablancourl, AUiancelles, Arzill'ères, Aulna^'-l'Aîlre. Betlancourt- la-
longue, thangy, Chapelaine, CharuionI, La Chaussée, Coole, Corbeil, Cou-
vrot, Dommartin- Lettrée, Domremy, Urouilly, Elrepy, Ilautevillc, Lan-
dricourt, Lignon, Matignicourt-Goncourt, Merlaut, l'iichancourt, l'onltiion,
Possesse, Saint-Lumier-la-l'opuleuse, Scriipt, Sommes lus, Sorapuis, Ttiié-
bUmont, Vanault-le- Chàtel, Veinuncourt, V'itry-le-Bifilé, V'roU.
2. LongQon : Dictionnaire topographique du département delà Marne.
Pbris, Imp. nat., 1891.
802 l'arrondissement de vithy-le-françois
entendus ; ce sont : Biaise (Blaesia), Gloyes [Claudia ou
Clodia), Fa.yressG {FaberiHa\ Lisse [Liscia], Soulanges
[Solemnia).
Les noms d'origine germanique ou gallo-franque sont les
plus nombreux. Taudis que certains reproduisent des noms de
tribus barbares, comme Sermaize {Sarnialia), qui désigne un
lieu originairement habité par quelques-uns de ces auxiliaires
Sarraates, que les empereurs plaçaient dans divers points du
territoire romain, d'autres étaient empruntés directement à la
langue franque, comme Brébant [Brachbant), territoire en
friche.
Les vocables les plus répandus sont ceux qui tirent leur ori-
gine de noms propres de personnes, ou plus rarement de noms
communs ou d'adjeciifs, suivis des mots : coriis, villa, vil-
lare, mons, vallis, campus.
Les cortis, domaine rural, ont donné naissance à : Ablan-
court [Amhlo'iiis cortis), Bettancourt [Bettonis coriis), Bigni-
court [Duniara coriis), Courdemanges [Cortis dominiaca),
Friguicouit {Frc7iiaca cortis), Hancourt [Haldonis cortis),.
Jussecourt [Justiaca cortis), Landricourt [Landrici cortis],
Larzicourt (Latridiaca cortis), Malignicourt {Matiniaca cor-
tis], WxnQcouYi [Mediana cortis), Plichancourt [Plotldonis cor-
tis), Sapignicourt [Sappiniaca cortis), Vernancourt [Warnonis
coriis).
Parmi les dérivés de villa, villare. synonymes de cortis,
à l'époque mérovingienne, nous trouvons : Humbeauville
[Hunibaldi villa), Hanteville [Alla villa), Neuville [Nova
villa), Villers [Villare), Braudonvilleis [Brandonis villare).
Le mot latin mons, synonyme de hauteur, combiné avec
des noms propres de personnes, ou quelquefois, et plus rare-
ment, avec des adjectifs, entre dans la formation de plu-
sieurs nonis de lieux de l'époque mérovingienne : Beaumont.
[Bdlus onons), Charmont [Carus vions), EcoUemont [Scopilia-
ciis mons), Farémout {Farane mons), GilTaumont [Girfalci
tnons), Haussignémont [Alsimacus mons), \M\émoi\i[Luciacus
mons), baiut-Remy-en-Bouzeraont [Bosonis mons), Thiéble-
raont [Thetboldi mons).
Enfin vallis, vallée, se retrouve dans Vauclerc ( Vallis clara);
campus, champ, dans Champaubert Campus Adalberli ou Cam-
pus Alberti).
Toutefois, parmi les noms que nous venons de citer, plu-
sieurs pourraient être postérieurs à l'époque mérovingienne, et
de peu antérieurs au onzième siècle.
AVANT L AN MIL 803
Parmi les uoms d'origine romane, déjà utilisés sous la
domination franque, plusieurs pourraient remonter à l'époque
romaine ou aux premiers siècles du moyen âge. Ce sont sur-
tout ceux qui tirent leur origine des cours d'eau près desquels
ils se trouvaient placés : Brusson {Bruxio, Broscio], Goole
[Cosla), Glannes {Glanna), Isle [Inmla], Maurupt [Malus
riviis), Orconle [Ulco], ^:crupt [Siccus rivus]. Soudé ISoldia-
cus), Sommesous [Summus salins), Sompuis [Summus puteus),
Somsois [Summus sibi).
D'autres sont issus de noms d'arbrisseaux ou de minéraux :
Aulnay [Alnetum, lieu planté d'aunes), Arzillières(/lr^z7/fl?'ia,
terrain argileux), Bussy [Duxelum, buis), Norrois [Nucaretum,
noyer), Rosay [Rausetum, loseau).
Plusieurs noms de lieux, notamment dans la première moi-
tié du moyen âge, proviennent de dénominations ecclésias-
tiques, comme Domnus, forme de bass-> latinité de Dominus ;
exemple : Dommailiu [Dommis Martinus), Domremy (Dom-
nvs Remigius). Ceux-là, d'après M. Longuon, seraient bien cer-
tainement antérieurs au dixième siècle, car le mol dominus
n'est pas employé comme synonyme de sanctus au delà de
cette époque. Parmi les noms d'ordre ecclésiastique, quelques-
uns paraissent avoir uue origine plus antique, notamment
Blesmes, autrefois Belesme, qui rappelle le culte de Belisama,
divinité gauloise.
Eutln, dans cette période, on connaît une infinité de n ms
de lieux précédés du mot sanclus : Margerie [Scinda Marga-
reta), Sainl-Amand (Sanctus Amandu.), Saint-Chéron [Sanc-
tus Caraunus), Saint-Etienne [Sanclus Slephanu!-), Sainl-
Eulien (S. Aguiliuus), Saiut-Geuest (^S*. Genesius), Saint-Jean
{S. Johannes), Sainte -Livière {Sancla Leoùaria), Saint-Lou-
vent (S. Lupcnlius), Saint-Lumier [S. Leodomirns)^ Sainl-
Ouen [S. Audoenus), Saint-Oueulin [S. Quintimis], Sainl-
K'=my(/S'. /Jewîif/zwy), Saint- Utin [S. AiigHStinus),^Mn\.-Wvàh\
{S. Verauus).
Parmi les noms d'origine française, M. Longnon classie un cer-
tain nombre de localités, qu'on ne peut classer avec certitude
absolue dans les périoles antérieures : exemple Bassuet, ([ui
ne serait qu'un diminutif de Bassu, Châtelraould [Ca'stellnm
Jiadulphi). Vauault-les-Dames, Ileillz-l'Evôque, Maisons (J/an-
siones), Le Meix-Tiercelin (Mansus), Ecrienne (du bas laliu
Screona], Outrepont [Ultra pontem), nom qu'il doit à la situa-
lion géograpbique qu'il occupe au delà de Merlaul, Moncelz
804 l'arrondissement de vitry-le-françois
{dp.moncel, monticule), Le Buisson, Les Rivières, Giianlecoq,
Les Grandes et Peliles-Cùtes, etc., etc.
Cependant, derrière ces dénominations modernes, pour-
raient se cacher des noms d'origine plus ancienne, comme
pour Moncetz, par exemple, qui s'appelait autrefois Bertiniaca
curie.
En l'absence de documents authentiques des périodes primi-
tives, nous ne pouvons que former des hypothèses sur l'ori-
gine probable de la plupart des localités de notre arron-
dissement. Bien que les forêts de Frois-Fontaines, de l'Argonne,
les territoires alors incultes de la Champagne pouilleuse, aient
occupé une étendue de terrain beaucoup plus considérable
que de nos jours, il n'en est pnis moins vrai que les plaines si
fertiles de l'arrondissement de Vitry, sillonnées de cours
d'eau, ont dû attirer de nombreuses tribus nomades, qui
se sont décidées à y fixer leur résidence, d'où création de
nombreuses agglomérations qui devinrent plus tard des vil-
lages. Les fouilles, entreprises sur divers points du territoire,
à Marolles, à Brébant, à Corbeil, Couvrot, Somsois, Margerie,
Plichancourt, lieiltz-l'Evèque, Vouillers, etc , etc., fouilles qui
ont amené la découverte de nombreux objets gallo-romains,
en fournissent la preuve irréfutable.
Nous laisserons cependant de côté toutes ces localités, qui ne
se présentent pas avec un certificat d'origine dûment constaté,
c'est-à-dire toutes celles dont nous ne trouvons pas la trace
dans les documents antérieurs à l'an mil, documents puisés
aux plus pures sources de l'histoire'.
1. Periz : Monumenta Germaniœ historica. — Dom Bouquet : Recueil
des historiens des Gaules. — Longnon : Diclionnaire topographique du
déparlemenl de la Marne. — Grandes (o'ieclions de l'Histoire de France
(Gu'zot, Michaud et Poujoulat, Cinnberel L'anjou, Petitol, Buchon). — Société
de rjlistoire de France. — Documents inédits de i'Hisloire de France. —
Ada sanclorum. — Gallia Christiana. — D'Arbois de JubainviUe : Histoire
des ducs et comtes de Champagne. — Ed. de Barthélémy : Histoire générale
du Diocèse de Chùlons. — Lulore : Collection des principaux cartulaires
du diocèse de Troijes. — Bréquigny et Pardessus : Table chronologique
des pièces imprimées conc rnaiU l'Histoire de France. — Mabille : La
Pancarte noire de Saint-Martin de Tours. — Tardif : Monuments histo-
riques. — Baronius : Annales ecdesiaslici. — Lalore : Le poli/plique de
l'abbaye de Montier-en-Dcr. — Guérard : Le polyplique de l'abbé Irminon.
— Guérard : Polyptichum sancti Remigii Remcnsis. — Cartulaire manuscrit
de Monlier-cn-Der . Copie Bibl. nat., n» 1251, fonds latin. — Cartulaire
tnanuscril de l'évéché et du Chapitre Saint-Etienne de Chalons : Cartulaire
du chantre Guérin. Archives départ, de la Marne, G. 4-62, — Ed. de Bar-
thélémy : Cartulaire de l'évéché du Chapitre Saint-Etienne de Chûlons.
Ghàlons-sur-Marnc, 1853.
AVANT l'an mil 8O0
Ablancourt.
Amblonucorlis, Ambloniscurt.
Il en est fait jour la première fois meuliou daus une charte
de Charles le Chauve, datée de SèiO, qui, à la requête de
Loup II, évèque de Gbàlous, confirme la donation de plusieurs
propriétés, faites au Chapitre Saiul-Etienne de Châlons [Sanc-
tus Slephanus), par ledit évêque et ses prédécesseurs. Parmi
ces propriétés figurent trois villages de l'arrondissement de
Vitry : Aviblonlscurt {h.h\d.nco\jiï\.)^ ^^«i</MW (Aulnay-l'Aitre),
Pludereicurtis (Plichancourt). — (Cartulairedu chantre Guérin,
f" 4, V.)
Alliancelles.
Ascncella.
Signalé, en 80O, dans le Polyptique de Saint Remy de
Reims, à propos de redevances dues à cette église. Il est aussi
question de Drouilly iDruellius) et de Don)remy [Domnus
Remigius). (Guérard : Polyplichiim sancli Remigii Remensis.)
D'après M. Longnon, Alliancelles aurait figuré à cette époque
dans le Pagus stadiinensis (Aslecois). (Longnon : Etude sur
les pugi de la Gaule. Bibliothèque de l'Ecole des Hautes
Etudes. Paris, Franck, 1869.)
Arzillières.
Argillaria, Arzillerus.
Il est question de l'autel de l'église d'Arzillières, Altare
de Arzilleriis, dans un document non daté, du Cartulaire de
Montier-en-Der, l" 33, v^.
Aulnay-l'Aître.
Alnetum, Alncduin, Alnidum, Alnido.
Ce mot Alnidum, nom de lieu très répandu, viendrait du
latin Alnus ou Alnido, lieu planté d'aunes, comme on le trouve
daus deux diplômes carolingiens de 832 et bri"2. (D'Arbois
de Jubaiuville : Recherches sur loiigine de h propriété fon-
cière.)
Le village d'Auloay-l'Aitre se trouve mentionné, eu même
temps qu'Ablaucourt, daus un diplôme de Charles le Chauve,
donné, en 8;i0, eu faveur de l'église Saint-Elioune de Châlons.
(Cartuluire du chantre Guérin, f° 4, V.)
8ÛG l'arrondissement de vitry-le-fiîançois
Bettancourt-la- Longue,
Bclloni curlls, Bellonc corlc, Bettoiiis coi-lis.
Signalé au milieu du ix" siècle, dans le Polyplichum sancli
Remigii Remensis (Guérard), à propos de redevances dues à
l'abbaye de Saint- Remy.
Changy.
Camizisus, Camlsiacus, Camidiacus.
Nous avons peu de données sur le village de Ghaugy, anlé-
rieuremeul à l'an mil. Nous ne le trouvons mentionné que
dans une cbarle dalée de 853, par laquelle Cbarles le Chauve
restitue, à l'église Saint-Etienne de Châlons, le bourg de
Changy [Vicus qui dicitur C amisiacus) , composé de 24 manses*
(Caftulaire du chantre Guérin, ^ 2, v°.)
Partout ailleurs, il est plutôt question du Pagus Camsiacensis
ou Camicensis, Comilalus Camsiacensis, qui fut réuni au PagnS
Pettensis (Perlhois), vers le x^ siècle. Ce pagus est mentionné
dans une charte de 84Ii (Cartulaire du chaulre Guérin, f» 6, v") ;
dans le Capitulaire de Servais, 853 (Dom Bouquet, t. VII,
p. GIG) ; dans une charte de Louis le Bègue, de 878 (Mabille :
Pancarte noire d? Saint-Martin de Toîirs) ; dans une charte
de Charles le Simple, vers 90U-904 (Cartulaire du chantre
Guérin, f" 3, v°.)
Chapelaine.
Caplin^.
Chapelaine figure dans une hste de redevances (ix"^ siècle)
que plusieurs villages devaient, chaque année, aux frères du
monastère de Montier-en-Dcr. Dans cette liste sont aussi cilés
les villages de Thiéblemont et de Matignicourt. [Polypligue
de Montier-en-Der, I, f''* 129 à 131 ; l^alore : Collection des
principaux cartulaires du Diocèse de Troyes, 1. IV, p. 89 )
Charmont.
Calmons, Carus mous.
Signalé par M. Loognon, dans l'Astenois, inpago Stadunensi,
803 (Cari, de Gorze, p. 57).
Chaussée (La).
Dans ['Histoire de Bicher et dans les Annales de FloJoard,
AVANT LAN MIL 807
il est question d'un castium du nom de Causostis, dont Iléri-
bert se serait emparé eu 1)38, Ce caslrum aurait été situé,
d'après les historiens de l'époque, au-dessus de la Marne,
dans le diocèse de Reims.
Est-ce le village de La. Chaussée? Sa position dans le
diocèse de Reims semblerait écarter celle hypolhèse admise
par les commentateurs de Pertz.
Marlot, dans son Histoire de Reims, croit qu'il s'agit de
Tours-sur-Marne, où existe un lieudit « Saucotle ». D'après
les Monumenla Gennaniœ, ce serait l'enceinle du Grand-
Chausol (commune de Mareuil-sur-Ay). (Perlz : Jiic/i.
Mst., 1. 2, l. III, p. 589 ; Flodoard : Annales, 1. i, t. III,
p. o8o.)
S'il n'est pas question de La Chaussée, il semble qu'on
doive trouver Coulmiers, un de ses hameaux, dans le village
de Columbarium, dont il est question dans le Polyptichiim
sancti Remigii Remensis, à propos de redevances dues à celte
église au milieu du ix*^ siècle, ('juérard.)
Coole.
Colsa, Colla, Cosla.
Signalé au viii" siècle, à propos de redevances dues à l'ab-
baye de Saint- Remy de Reims [Polyplichiim sancti Remigii
Remensis), et dans une charte du comte Eudes, en 983, « Cur-
lis qiiœdam vocatur Colsa. » (Carlulaire du chanlre Cuériu,
f'^ 11, r°; Ed. de Barthélémy : Diocèse ancien de Cliâluns, l. II,
p. 39.)
En 88u, Charles le Gros, à la prière de l'évoque Beruon,
rend à l'église Saint-Etienne de Châlons les villages de Fleuri-
guy et de Coole, qui avaient été injustement enlevés à celle
église. « Quœ res sunt sitœ in comitatu Senonico villa quœ
dicitur Floriniacus et super /luvium Coslum villa quœ dicitur
Cûslus. » (Carlulaire du chanlre Guérin, f° 12.]
Eu 860, le roi Charles rend à l'église Sainl-Elienne la villa
Costa, pagus Cathalaimenais. (Carlulaire du chanlre Guérin.)
Nous possédons des documents antérieurs sur Coole. Car
c'est probablement de celle localité dont veut parler FloJoard
{Histoire de Reims, 1. 4, ch. IX). Cet historien champenois
nous apprend que les restes de saint Gibrien ont été trans-
portés de Chàlous à l'église Sainl-Remi de Reims. Il parait que
dans celle province, z«^fl^?^5 C athalaunensis . s'étaient autreiois
fixés sept frères venus d'Irlande. Saint Gibrien était du
8u8 l'arrondissement de vitry-le-françois
Dombre. Ceux-ci se choisirent une habitation convenable sur
les bords de la Marne. Saint Gibrieu alla demeurer dans un
village nommé Cosle, Cosla vocatum.
Corbeil.
Corobiiium.
Est mentionné déjà dans les Tables de Peulicger et Théodo-
sienne (iv" siècle), comme station située sur la voie romaine
de Durocorlorum (Reims) à Andematunu77i (Laugres). Celle
ancienne voie part de la roule nationale de Nevers à Sedan,
route n° 77, au lieudil « Monl-Saint-Michel » (ancien mons
Jovis). Elle se dirige sur Laugres, en passant près du pont de
Coolus à Vésigneul, Coole, Humbeauville, Le Meix-Tiercelin,
Corbeil, Balignicourt, Yèvres, Bar-sur-Aube. Aujourd'hui, sou
tracé entre le mont Saint-Michel et le moulin Saint-Laurent,
sur la rivière de Corbeil, n'existe plus. Il est longé, à envi-
ron 50 mèlres à l'est, par le chemin de grande communication
n° 91, de Châlons à Blacy. A partir du moulin Saint-Laurent,
l'ancienne voie existe, tantôt comme chemin vicinal, tantôt
comme chemin rural, à l'exception seulement de 2,800 mèlres,
depuis l'entrée de Humbeauville jusqu'à la sortie du Meix-
Ti(!rcelin. où elle a été convertie en un chemin de grande com-
munication n" 2Li, de Huiron à Dampierre.
Tous les géographes, excepté Katancsich et Ukert, s'ac-
cordent sur rideutificaliou de CoroMlùwi en Corbeil.
M. Morel a fait de nombreuses fouilles sur son territoire,
souvent fructueuses, et y a trouvé nombre d'objets romains ou
gallo-romains (épées, armes, etc., etc.). qui enlèvent toute
incertitude sur la position de celle station romaine'.
Couvrot.
Vlila Covros ou Coiiros.
En l'an 000, le 25 mars, Charles le Simple, à la requête
de l'évèque de Châlons, Manciou, restitue à l'église Saint-
Etienne diverses mauses sises dans le Chaugeois et le Per-
ihois. Parmi les villages sujets à redevances, ilgure la villa
1 . Desjardins : Géographie de la Gaule d'après la lable de Peulinger, 1SG9.
— Longnoa : Dicliunnaire topographique du département de la Marne.
— Morel : Mémoire de la Société des Sciences et Arts de Vitrij le-Fran-
çois, t. XVI, p. 699. — Savy : Topographie jusqu'au V' siècle de la partie
des Gaules occupée aujourd'hui par le département de la Marne.
AVANT l'an mil 809
Coiiros, dans le Changeois, iii comilalu Camsiacensi. (C\r-
lulaire du chantre Guériu, D' 3, v».)
Dommartin-Lettrée .
Sur le fiuage de Dommartin-Lellrée, exislait autrefois le vil-
lage de TEliée (Slrata), qui eut une certaine importance
comme position géographique.
Il élail situé sur l'ancienne voie romaine qui reliait Reims à
l'Italie, par Chàlons, Arcis, Troyes [Itincrarium Antoiiirà,
3G1). Son tracé u'esl pas bien conservé entre Chàlons et
Troye«î. 11 est probable cependant que, passant à l'est de
la roule qui relie actuellement ces deux villes, elle devait
franchir la Soude près de l'Elrée.
La voie de Meaux [Fixtuinum] à Bribe, au pied du Mont-
Aimé [Table de Pculinger), qui aboutissait probablement à
Chàlons, devait sans doute aussi passer par l'Elrée. (Longnon :
Dictionnaire (opographigue du département de la Marne.)
Domremy.
Domniis Ikinigkis.
Il en est parlé, en 8o(i, à propos de redevances dues à
l'église Saint-Kemy de Reiras. On croit qu'il s'agit bien ici de
Domremy, village du canton de Thiéblemonl. (Guérard :
l'otyptichum sancti Remigii Remehsis.)
Drouilly.
Dridleiiis, Dniliacus.
En SoO, Drouilly [Drulleius) devait payer à l'église Saint-
Remy de Reims, 5 sols en mars, 5 sols en mai, îj à la fête de
Siint-Remy, 12 deniers le jour de la Nativité et 12 à Pâques.
(Guérard : Polyptichum sancti Remigii Remensis.)
Vers î)87 ou 'JOG, une charte de Hugues Capet contirme
la donation de certaines dîmes pour la réception des pèlerins.
Dans cette charte figurent beaucoup de localités du dépar-
tement de la Marne, parmi lesquelles nous relevons Drulia-
cum, que M. Longnon croit être D.'ouilly. (Archives de Sainl-
Remi, 1. 15, n» 12. — Marlot : Histoire de la ville, cité et
université de Reims, t. II, p. 80'J. Pièces juslificaiives n^ 20.
— Longnon : Dict. top. du dy. de la Marne.)
810 l'arrondissement de VITRT-LE-FRANÇOIS
Etrepy.
Stirpiaciis, Sih-peiiis.
Signalé parmi les villages devant une redevance à l'église
Saint-Tiraolhée de Sainl-Remy de Reims (viir' siècle). — (Gué-
lard : Polyplichiim sancli Remigii Remensis.)
Hauteville.
Alla villa.
Mentionnée dans un docunieul non daté, et probable-
ment antérieur à l'an mil, du Cartulaire de Monlier en-Der,
f" o3, v°. {AUare Alla villa.)
Heiltz-l'Evêque.
Aiitkeri curlis.
Eu y04, Charles III, dit le Simple, confirme le don fait à
Tévèque Mancion, de plusieurs redevances de son domaine de
Ponthion, prélevées dans divers villages du pays de Changy
(in comitatu Camsiacensi), savoir : à Plichancourt, sur la
Bruxenelle et in villa Aullieri curte, sur la Saulx {super /lu-
viîim. Saltvnv. (Cartulaire du chantre Guérin, f^ 25, v^.) Or,
Audricourt, qui est bien certainement la traduction littérale de
Autheri cicrle^ est un lieudil de Heillz-l'Evèque et de Jusse-
courl. (LongDon : Dict. lop. du dcp. de la Marne.)
Laûdricourt.
Landrici corlis, Ledriaca. curtis.
Charte du roi Charles, datée de 801 ou 814, mandant à un
de ses vassaux, Alédramue, de faire rendre intégralement
à l'abbaye de Monlier-en-Der les manses que son satellite,
Godon, possédait injustement, à Landricourt [Ledriaci curte)
etàTargie^^ar^m) '. (Cartulaire de Montier-en-Der, 1. 1, f" 20,
v, et 21, 1°. — D'Arbois de Jubainville : Histoire des ducs et
comtes de Champagne, t. I, p. 58 et 43o.)
1. D'après M. d'Arbois de Jubainville [Histoire des ducs et ceintes de
Champagne, l. I, p. 58 el 435), Targie sérail un lieu inconnu, voisin de
Vilry.
AVANT L AN MIL 81 1
Lignon.
Linio, Villa Linonis.
La Villa Linonis est mentionuée, à la dale de 800, daus une
charle du Cirlulaire du <;hantie Guérin. Par celle charle,
le roi Charles reud à Téglise Saial-Elienue la villa Cosla
(Coole), daus le pagus Calalaunensis, tenue par Variuus, et
la Villa Linonia, possédée par Ermeuoldus, dans le pagus
Breonensis.
A l'époque de la pierre polie, Lignon devait être une station
importante, car M. Alorel y a trouvé de nombreux objets
en silex, haches, couteaux, et des ossements d'ho.Times et
d'animaux. (Morel : Sépulltire de Page de la pierre polie à
Lignon. Mémoires de la Société des Sciences et Arts de Vitry-
le- François, t. III, p. 90.)
Matignicourt et Goncourt.
Malliniaca cortis, Godonis curtis, Godoniscort.
Eu l'an 90Ô, Charles le Simple restitue à l'église Saint-
Etienne de Châlons, plusieurs manses sises dans le Changeois
et le Perthois. Parmi les villages sujets à redevances, se trouve
Goncourt, Godouiscort, situé daus le Changeois [in comitatu
Camsiacensi). (Cartulaire du chantre Guérin, f" 3, V.j
Au ix^ siècle, Goncourt {Godonis curtis) et Matignicourt
[Matiniaca corlis) sont inscrits sur une liste de redevances que
plusieurs villages devaient annuellement aux frères de l'ab-
baye de Moniier-en-Der.
M. Lalore croit que Godonis curtis est Goudrerourt (Meuse);
mais M. Longnourin?cril bien sous le nom de Concourt, dépen-
dance de Matignicourt, dans son Dictionnaire topographigue
du département de la Marne. [Polyptique de Montier-cn-Uer,
Cart. I, f° 129 à 131. — Lalore : Collection des principaux car-
tulaires du diocèse de Troyes. t. IV, p. 89.)
Merlaut.
Merlan, Mcrlaits, Merulavus, Mcrulaus.
La villa Merlau, pour Merulavus, aujourd'hui Merlaul, est
-plusieurs fois mentionnée dans la charte de Saint-Martin
de Tours. Dans cet acte, daté du '<iU juin 878, Louis le
Bègue donne aux chanoines de iSaint-Martin de Tours, la villa
Merlau, située dans le pays de Changy [in pago Camsiacense)
812 l'arrondissement de vitry-le-françois
sur la Vière (m J'iera), avec loules ses dépendaDces. En
reconnaissance de celle donaiion les chanoines devaient prier
Dieu pour le repos des âmes de Charles le Chauve, son père,
d'Ermeulrude, sa mère, el de sa femme. (Mabille : Pancarte
noire de Saint-Marti7i de Tours, p. 91 et 228, h" 51, 59, 72.)
D"après M. d'Arbois de Jubainville {Recherches sur Vorigine
de la propriété foncière), Merulavus dériverait de il/é?-w^"a, sur-
nom latin usité dans une branche de la gens Cornelia.
Deux L. Cornélius Merula furent consuls à Rome, sous
la République, l'un en 193, l'autre en 87 avant J.-C. Ce sur-
nom avait pénétré en Gaule, témoin Sappius Merula, dont
l'épitaphe a été recueillie àNimes.
Plichancourt.
Pluderciciirtis, Plokioncort, Plolkionis cortls.
En 850, Charles le Chauve confirme la donation de plusieurs
propriétés en faveur du Chapitre Saint-Etienne de Châlons,
parmi lesquelles plusieurs situées dans le village de Plichan-
court [Pludereicurlis). — (Cartulaire du chantre Guérin,f° 4, v".]
Eu l'an 900 et 904, Charles le Simple, à la requête de
l'évêque de Châlons, Mancion, restitue au Chapitre Saint-
Etienne plusieurs manses, dont quelques-unes sises à Pli-
chancourt [in villa scilicet que Plokioncort dicitur {PlotMonis
curte), dans le Changeois {in comitatu Camsiacensi), sur la
BvuxeueWe (s7iper /InviMH Broscion). — (Cartulaire du chan-
tre Guérin, f° 3, v»; 1° 25, v^. — Ed. de Barlliélemy : Diocèse
ancien de Châlons, p. 347.)
Plichancourt a sans doute eu une certaine importance à
l'époque gallo-romaine, car, dans ses environs, près de la ferme
de Decourl, les D'^ Chevillon, Maihieu et Mougin ont décou-
vert plusieurs sépultures gauloises, contenant des fragments
d'os, de vases, de couteaux en silex, etc., etc. [Mémoires de la
Société des Sciences et Arts de Vitry-le-François , 1. 1, p. ^1 ;
t. Vlll, p. 157.)
Dans une charte de 876, le comte Boson donne, au monastère
de Moulier-en-Der, plusieurs biens qu'il possédait dans le Per-
ihois sur divers fiuage?. Parmi cesfinages {finis) ou territoires,
nous relevons celui de Addoniaca, « in fine Addoniaca », que
nous croyons être le hameau de Decourl, dépendance de Plichan-
court. (Cartulaire de Montier-en-Der, p. 21. — Lalore : Col-
lection des principaux cartulaires du diocèse de Troyes^ t. IV,
p. 135.)
AVANT l'an mil 813
Ponthion.
PonligOy Ponlio.
Ponthion sous les fils de Clovis
(iv siècld)
La première fois (]ue nous eutendoDS parler de Pouihion,
c'est au iv° siècle, à propos d'un miracle de saiut Martin.
Grégoire de Tours {De tirtulihus S. Marliiii, liv. IV,
eh. Xlil), rapporte qu'à la fêle de saint Marlin (qui vécut
de 316 à 397), un cerlain Maurelliis, de la ferme de Ponthion
{Dotnus Ponlkoiiensis), serf du duc Aginus, ayant perdu
l'usage du jarret, vint assister à la fêle en s'adaplaut un
bâlon aux genoux comme font les boiteux. Pendant trois jours
il adressa de ferventes prières au Seigneur et, le quatrième,
son genou fut redressé el il s'en retourna guéri.
Plus tard, nous voyons que Ponthion était une villa royale
{Ponticonis villa) appartenant à Sigebert ; il y garda, pen-
dant une année, comme prisonnier de guerre, son neveu
Tbéodeberl, fils de son frère Chilpéric, qui s'était révolté
contre lui. Voici, du reste, ce qu'en dit Grégoire de Tours :
« Sigebert, revenu vainqueur des Huns, s'empare de Sois-
a sons, y trouve Tbéodeberl, fils du roi Chilpéric, le prend et
« l'envoie en exil 11 le fit garder une année entière dans
« sa maison royale de Ponthion ; puis, comme il était clément,
« il le renvoya à son père, sans aucun mal et comblé de riches
« préseuls, mais il lui avait fait promellre par serment de ne
« jamais rien entreprendre contre lui, engagement qui fut
« violé par le jeune prince à cause de ses péchés. »
{Soc. Iiist. France., t. IX ; Grégoire de Tours : His-toria Fruncû-
mm, liv. IV, ch. XXII. — Dom Bouquet : Recueil des historiens
des Gaules, t. II, p. 214-560 ; Monuments Germunitx hiscorica, Scrip-
tore.< rerum merovingicjrum, t. I, p. 159- 15'.)
584
Vingt ans plus tard, saint Louvent {Lupentius), abbé de
Saint-Privat-de-Meude, vint à Metz, se disculper du crime de
lèse-majesté dont il était soupçonné; Innocent, comte de
Gcvaudan, l'accusait d'avoir irrévérencieusement parlé de \x
veuve de Sigebert, la reine Brunehaut.
1. Ilanuovertf impensis bibliopoli llahiiiaDi I88,'l.
Ol4 L ARRONDISSEMKNT DE VITRT-LE-FRANÇOIS
Reconnu non coupable, il fut relâché ; mais à peine veuail-
il de se remettre en roule, qu'il fut attaqué par Innocent
et ramené, comme prisonnier, à la maison royale de Ponlhion
{ad Ponliconem villam), où il subit de cruels tourments.
Relâché une seconde fois, il reprit sa route et fut lâchement
assas.-iné par son persécuteur, sur les bords de l'Aisne.
(Société de l'Histoire de France ; Grégoire de Tours ; Historia Fran-
corum^ liv. VI, ch. XXXVII. — Dom Bouquet : t. II, p. 286.)
PûNTHION SOUS ChaRLES-MaKTEL ET ThIERRI IV.
726
La villa de Sigebert reparaît dans plusieurs documents pos-
térieurs, à titre de villa royale. Un diplôme du roi Thierri IV
{Theudericus), en faveur de l'abbaye de Saint-Denis, est daté
du 3 mars 726, de Ponlhion (Ponlegîme, m palacio noslro) ;
ce qui semble indiquer que le roi nominal Thierri fixait
de temps en temps sa résidence à Ponthion.
(Pertz : Mmumenta Germaniœ liL^toricu : Diplomuta rcgiim Franco-
rum e stirpc merovingia^ t. I, p. 84. — Dom Bouquet : Recueil des
historiens des Gaules, t. IV, p. 704.)
Ponthion sous Pépin le Bref et Carloman.
La villa de Ponlhion {villa Pontigo?iià) parait avoir été
la résidence favorite de Pépin. Plusieurs chartes émanées de
cette villa (762), et notamment la visite qu'y fit le pape
Etienne, en fournissent la preuve.
7o3
En 753, le pape Etienne II, victime des violences
d'Astaulphe, roi des Lombards, résolut de venir en France,
implorer le secours de Pépin le Bref. Il quitta Pavie le
lo novembre 753, et n'-^rriva à Ponlhion que le 6 janvier
754. Pépin envoya au-devant de lui l'aîné de ses fils, Char-
les, qui devait plus lard s'appeler Charlemagne, Lui-
même, accompagné de la reine Berlrade et des grands de son
royaume, alla à sa rencontre à trois milles de sa résidence {de
palalio Pontiano, Ponliana, Po,is IJugonis, Pons vgo, Pon-
tico). Arrivé en présence d'Etienne II, il l'accueillit avec la
plus grande humilité. Descendant de cheval, il se prosterna à
ses pieds, puis, prenant la bride de son cheval, il ue voulut
pas qu'un autre que lui eût l'honneur de lui servir d'écuyer, et'
le conduisit ainsi jusqu'au palais de Ponlhion.
AVANT l'an mil 81 K
Le lendemain, le pape, couvert de cilice et de cendres, se
rendit, avec toute sa suite, dans l'église du château et là, pros-
terné au pied des autels, invoqua le secours de Dieu, suppliant
Pépin le Bref de le délivrer, lui et la samle Eglise, du joug des
Lombards. 11 ne voulut même se relever que quand Pépin lui
eut juré sur les saints autels aide et assistance. Pépin lui
fil celle promesse et l'engagea, en attendant qu'il fût prêt pour
cette expédition, à se retirer à l'abbaye de Saint-Denis, où il
trouverait une hospitalité plus digne de lui.
(Pertz : Monuments Germamœ historica ; M^riani Scotli chronicon^
t. V^ p. 547; Annales Maximian., t. XIII, p. 20.; Chronicon Saler-
nltatum^ t. III, p. 473. — Dom Bouquet : Recueil des historiens des
Gaules, ex chronico Moissiacensi^ t. V. p. 67 ; Annales Francorum
Mettenses^ t. V, p. 336; Fredegariani chronici continuali pars IV,,
t. V, p. 2 ; Ludovici Du Four^ Annales Francorum,, t. III, p. 706,
— Monumenta Germanis historica. Scriptores merovingicorum,, t. II.)
762
Diplôme de Pépin en faveur du monastère " Juncellensi »,
donné « in villa Pontigonis ».
(Baluze ; Capit. regum Francorum^ t. II, col. 1395. — Bréquigny :
Table chronologique des pièces imprimées concernant l'Hist. de France,^
t. I, p. ICI.)
7fi9
Garloman, fils de Pépin, fixa aussi sa résidence à Pon-
thion, après la mort de son père, ainsi que le prouve une
charte donnée en faveur de l'église d'Argenteuil, datée de
son palais de Ponthion [Pontione palaîio publico).
(Dom Bouquet : Recueil des historiens des Gaules , Diplomjta
Karoli magni. t. V, p. 719. — Bréquigny : Tab. cliron. des imprimés
concernant l'Hist. de France,^ t. I, p. 107.)
Ponthion sous Charles le Chauve.
Ponthion fut aussi, sous Charles le Chauve, une résidence
royale. Dans le Recueil des historiens de France dî Dom
Bouquet, dans les Monumenta Gcrmaniœ hislorica de Pevlz,
on trouve beaucoup de chartes datées du palais de Ponthion.
Celle résidence royale fut même le théâtre de nombreux événe-
ments, dont plusieurs ont eu un grand retentissement. C'est
sous Charles le Chauve que nous avons trouvé le plus de
documents sur Ponthion, et leur importance mérite qu'on s'y
arrête un instant ; c'est pourquoi nous allons en donner l'énu-
méralion par ordre chronologique.
81 fi l'arrondissement de vitrt-le-françois
853
Diplôme de Charles le Chauve eu faveur du mouastère
(( Anianensi », donné « in Ponclone, fisco regio ».
(Dom Bouquet : Recueil de?: historiens des Gaules^ t. Vll[. p. 526.
— Bréquigny : Ta^\ chron. des pièces imp. concernant lliist. de France,
t. I, p. 236.
Diplôme en faveur de l'église Saint-Symphorien d'Autun
[Aeduensi), dalé, apud Pontionis palatium.
(Dom Bouquet : Recueil des hisi ariens des Gaules^ t. VIII, p. 540- —
Bréquigny : Tab. chronol. des diplômes^ t. I, p, 242.)
80G
Charte par laquelle Charles le Chauve restitue à l'abbaye de
Moutier-en-Der certains alleux, dont on lavait dépouillée, à
savoir, entre autres, certaines manses, situées dans le Per-
thois {in pago Perlense), dans un lieu dit Ponthion, Pontunns
{Aclum Pontione palatio).
(Annales ordinis S. Benedicii^ t. III, liv. XXXV. p. 58.— Dom Bou-
quet : Recueil des historiens des Gaules \ Diplomata Caroli Calvi,
noCXLII, t, VIII, p. 549. — Bréquigny : Tab. chronol. des diplômes^
t..I, p. 244. — Gallia Christia':a\ Ecclesia Catalaunensis, t. IX,
P 911)
Si l'invasion des Normands fut une des grandes calamités du
règne de Charles le Chauve, ce ne fut pas la seule. Les luttes
intestines, les révoltes des grands de l'Aquitaine, de Bretagne,
de Neuslrie causèrent au roi Charles de tels embarras, qu'dse
vit à peu près abandonné de la plupart de ses vassaux. Pen-
dant qu'il guerroyait contre les Normands, les seigneurs neus-
Iriens, ses sujets, firent défection et appelèrent à leur aide le
frère de Charles le Chauve, Louis, roi de Germanie, avec
qui ils entretenaient des relations secrètes depuis plusieurs
années. On apprit tout à coup que Louis le Germanique
traversait l'Austra-ie et s'avançait vers les bords de l'Aisne
et de la Marne. En septembre, il se trouvait dans la
villa royale de Ponthion {villa regia Ponlicona, Ponteojiis).
De là il se dirigea, par le Châlounais, vers Sens, recevant sur
£on passage les hommages de ceux qui avaient fait défection à
Charles le Chauve. C'étaient presque tous les premiers digni-
taires du royaume, hormis ceux qui guerroyaient avec lui
contre les Normands, sur les bords de la Loire {Liger],
Charles le Chauve, à cette nouvelle, abandonne la lutte contre
les Normands et se hâte d'avancer jusqu'à Bricnue pour com-
AVA\T l'an mil 817
battre l'usurpateur. Mais s'apercevanl que ses troupes sont
ébranlées, inquiet sur la fidélité de ses principaux guerriers,
et, craignant surtout que ses soldats ne le livrent à Louis le
Germanique, il quitte la partie et gagne les confins de la Bour-
gogne, abandonnant une armée qui se range sous la bannière
de l'envahisseur (fin septembre). Ce que voyant, Louis alla à
Troyes, où il distribua des comtés, des monastères, des villas
à ses fidèles, et vint établir son quartier général au palais
d'Attigny.
(Pertz : Monumenta Germjniœ historien] Rudolf i Fuldensis annales,
I, 371 ; Prudeniu Trecensis annales^l^ 452. — Djm BDUquet : Recueil
des historiens des Gaules \ Annales Beriiniani, t. VII, p. 74. — Soc.
hist. France \ Annales de Saint- Serein,, p. 96.
860
Charles le Chauve recouvra ses Etats presque aussitôt qu'il
les avait perdus. Au commencement de l'année ^59, quelques-
uns des sujets de Louis le Germanique ayant projeté de
le livrer à son frère, celui-ci dut évacuer au plus vile laNeus-
trie, et Charles revint fixer sa résidence dans son palais
de Ponthion [in Ponticom, Pontione, palatio regio), ainsi que
le prouvent les deux chartes suivantes qui en émanent.
19 décembre. Charte en fiveur du monastère de « Sainl-
Emeterii et Genesii » dans le diocèse de Géronde.
13 décembre. Charte pour l'église d'Urgel.
(Dom Bouquet : Recueil des historiens des Gaules^ t. VIIF, p. 562-
563. — Bréquigny : Tab. chron. des diplômes, I, 255.)
861
Cette année, Charles entreprit une expédition contre son
neveu, Charles, roi de Provence. Après avoir confié la garde
du royaume de Neustrie à son fils Louis, au duc Adelhard,
oncle de sa femme Irmentrude, il s'avance en Bourgogne
jusqu'à Màcon. Mais les choses ne marchèrent pas comme il
l'avait espéré, et cette expédition n'eut aucun succè-. Il revint
dans son palais de Ponthion {Poniigonevi palatium), d'où il
envoya, de la part de son frère et de son neveu Lothaire, des
messagers à l'évêque Advenlius, évèque de Metz. 11 entendit
ensuite comme accusé le comte Leutard, qu'il renvoya absous,
puis célébra à Ponthion la fête de la Nativité de J.-C, coLuuie
de coutume.
(Pertz : Monumenta Germanix hisiorica\ Hincmari Remensis annales^
t. I, p. 456.— Soc. hist. France ; Annales de Sai'it-Bercin^p. 108. —
52
818 l'arrondissement de vitrt-le-frànçois
Dom Bouquet : Recueil des historiens des Gaules ; Annales Bertiniuni^
t. VII, p. 77.
862
En 862, Charles apprit la révolte de ses deux fils, Louis et
Charles, et la fuite de sa fille, Ingeltrude, qui, veuve de deux
rois anglo-saxons, venait d'épouser, malgré la loi évangéliîjue
et apostolique et l'autorité paternelle, Baudoin, comte de
Flandre. Louis, sous prétexte de réconcilier les fils avec leur
père, gagna la Bavière. Charles quitta le territoire de Toul et,
passant par Von\h\o\i{Pontigo) , gagna, par la rivière de Marne,
le palais de Kierzy {Cansiacimi).
Cependant, le palais royal de Ponlhion {Poiiligo palatium
regium) vit cette même année Charles le Chauve. Une charte
datée de cette résidence, le 7 novembre, fait don au monas-
tère de Saint-Urbain de plusieurs propriétés sises dans le Per-
thois, notamment à Vitry.
(Soc, hist. de France : Annales de Saint-Bertin^ p. 116. — Dom
Bouquet : Recueil des historiens des Gaules^ t. VII, p. 80; t. VIII,
p. 584 [Diplomata Çaroli CalvT . — Pertz : Monumenta Germaniœ
hisrorica \ Hmcmari Kemensis Annales^ t. I, p. 459. — Gallia Chris-
tiana^ t. X ; instrumenta^ col. 148. — Bréquigny : Table chron. des
diplômes, I, 260 )
870
En 861t, Lolhaire vint à mourir. Son héritage revenait de
droit au seul survivant des enfants do ses trois fils, à l'empe-
reur Louis IL Mais il n'était pas à l'abri des convoitises des
oDcles de l'héritier, Charles le Chauve et Louis le Germanique.
Louis le Germanique, étant retenu par ses interminables
guerres contre les Slaves, Charles fut le premier prêt. Il entra
de suite en campagne et se fit sacrer roi de Lorraine (9 sep-
tembre 869). Mais Charles ne jouit pas longtemps de ses nou-
veaux domaines, car le roi de Germanie lui enjoignit de quitter
au plus tôt Aix-la-Chapelle et la Lorraine, sinon il marcherait
immédiatement contre lui. Charles obtempéra à cet ordre,
mais, avant de partir, il envoya k son frère, Eudes, évèque de
Beauvais, et les comtes Eudes et Hardouin pour lui demander
une entrevue, afin de s'entendre au sujet du partage du royaume
de Lolhaire. Puis il retourna à Ponlhion (Pontigo), où il atten-
dit la réponse de son frère.
12 août. Diplôme de Charles le Chauve daté du palais de
Ponlhion (Poniione palaliû), concernant la ville de Carcassonne.
(Dom Bouquet : Annales Bertiniani, t. Vlî, p. 109 ; t. VIII, p. 628 ;
t. VII, p. 133 (Chroniijuei de saint Vcnis). — Pertz : t. I, p. 487
AVANT l'an mil 819
{HincmarL R^mcnsis annales). —Socuté de l'hist. de France : Annales de
Saint-Berlin., p. 205. — Bréquigiiy : Table chronologique des diplômes,
h 29'-)
S71
En 870, la Lorraine fut partagée entre Charles le Chauve
et Louis de Germanie, Mais ce partage fut plutôt fictif que
réel, car Louis ne tarda pas à obtenir restitution dune par-
tie de ses biens. En 87,1, Charles le Chauve, ayant appris sa
mort, se préparait à envahir ses Etals ; mais celle nouvelle
étant démentie, il revint en droite ligne de Besançon à Pouthion
(Ponligo). De là il gagna Attigny, puis Servais, où il rassem-
bla les grands de son royaume. Dans ce plaid, il fit de nouveau
confier son fils Carloman, qui s'était révolté contre lui, à la
garde des « Silcanectes », et força ses complices à lui prêter
serment de fidélité par comté.
(Soc. hist. France : Annales de Saint-Bertin de Saint- Jf^aasc, p. 226.
— Dom Bouquet : t. VII, p. 114. — Pertz : Hincmari Remensis
annales.^ I, 49^ .)
875
Le dernier fils de Lothaire, l'empereur d'Italie, Louis II,
mourut sans enfant mâle, le l3 août 875, laissant son héritage
à ses deux oncles, Charles le Chauve et Louis le Germanique.
A cette nouvelle, Charles, qui était dans les Ardennes, à
Douzy [Duciacu7n), revint en toute hrue à Ponlhion (Pontic/o),
où il rassembla tous ses vassaux. Il gagna ensuite Langres,
où il attendit tous ceux qui devaient l'accompagner dans
cette excursion, et descendit en Italie par le Mont-Joux et
Saint-Maurice.
(Dom Bouquet: Annales Berliniani^ t. VII, p. 118. — Soc. hist.
France : p. 240. — Pertz : Hincmari Remensis annales, I, 498. —
Dom Bouquet : Chronique de Saint-Denis^ t. VII, p. 141 .)
«70
Il prit même à ce sujet le litre de successeur du roi Lothaire
(Carolus gloriosissimus imperalor et in successiojie regni
Lotharii), ainsi que le prouvent différentes chartes datées du
palais de Ponthion, qui prend, pour cette circonstance, le titre
de Palatium impériale.
1° Charte du 3 juillet, relative au mouaslère de Beaulieu
[Bellilocensi).
2° Charte du 16 août, concédant diverses villœ à Hildebert,
30 Charte du 17 août, en faveur de l'abbaye de Solesmes
{Solemniacensi).
820 l'arrondissement de vitry-le-françois
C'est à Ponlhion, qui était alors fisc royal [âscus regius),
que s'arrêta Charles le Chauve à sou retour de Rome, d'où il
ramenait le corps du pape Corneille. Quand il voulut repartir,
il fut impossible d'enlever le corps de saint Corneille, tant que
le roi n'eut pas accordé à l'église de Saini-Gyprien et de Saint-
Corneille de Compiègne, la foiêtde Zwir (Luiz). située entre la
Saulx et la Marne, dans le Perlhois.
(Dom Bouquet : t. VIK, p. 653 ; t. VIII, p. 654. — Pertz : Chro-
nica AlbricL Monaclil Trium fontium, c. XXIII, p. 742. — Dom I3ou-
quet : Aniidles Bertinij.nl, t. VII, p. 121. — Pertz : Hiiicnidri Reniai-
ss annales, t. I, p. 501.)
Concile de Ponthiox.
876
Celte même année, eut lieu un fait important pour noire
région : ce fut la réunion d'un concile à Ponlhion. Charles le
Chauve, élant revenu de son couronnement en Italie, convoqua
au mois de juin 876 un grand synode dans son palais de Pon-
lhion [Po7itigo). k ce concile, assistaient deux légals du pape
Jean de Toscanella {Johannes Tuscanensis), Jean d'Arezzo
[Aretinus), oO évèques et 7 archevêques.
« Le 21 juin, tout le clergé élant réuni en habit ecclésias-
« tique, l'église tapissée, le livre des évangiles posé sur uu
<i pupitre, au milieu du coucile, devant le siège impérial,
« l'empereur Charles le Chauve entra, vêtu à la frauque, d'un
« habit orné d'or. Il était accompagné de deux légats, et après
a que les chantres eurent entonné l'anlienne Exaudi nos
« Domine^ Jean, évêque de Toscanella, prononça l'oraison et
€ l'empereur s'assit. Dans celte session, Charles fil confirmer
« son élection à fempire '.
« Le troisième jour de juillet, date de la troisième session,
« l'empereur donne audience aux ambassadeurs de Louis
« de Germanie, son frère. Les présents du pape, dont les
« principaux étaient un sceptre et un bâton d'or et des étoffes
* précieuses et des bracelets ornés de pierreries, furent
« offerts à l'empereur et à l'impératrice.
1 Les évêques s'assemblèrent par l'ordre des légals, pour
« la huitième et dernière fois, le matin, 16 juillet.
\. En S"5, Charles le Chauve et Louis le Germanique se disputaient la
couronne. Le pape Jean VIII se décida en faveur du neuslrien Charles.
Apiès le concile de Pavie, Charles fut couronné à Saint-Pierre de Rome, en
873.
AVANT LAN MIL 821
« L'empereur vint au coucile à l'heure de none, paré el
« couronué à la grecque, dalmalique longue, ceinture qui
u pendait jusqu'aux pieds, voile de soie sur la tète, couronne
« par dessus. Les légats étaient vêtus à la romaine, les évèques
Il en habit ecclésiastique.
a L'évèque Léon prononce l'oraison.
€ Les légats se rendent dans la chambre de l'empereur et
0 amènent dans le concile Richilde, la couronne impériale sur
a la lèle.
« L'empereur se fait prêter un nouveau serment par ses
<i vasiaux, entre aulres par Hiucmar.
« Léon deGabie et Jean de ïoscanellacomraenceut les accla-
« mations et louanges pour le pape, l'empereur et l'impéra-
a trice. Le premier prononce l'oraison, et ainsi finit le concile. »
Dans ce concile, on traita surtout l'importante question de
l'extension de l'autorité des papes sur les libertés dites de
l'église gallicane. Charles le Chauve y appuya les légats, qui
apportaient des lettres de primate à Ausegise, archevêque de
Sens, qui fut nommé primat de Gaule et de Germanie, au
détriment de Hincmar, archevêque de Reims, habitué jusque-
là à tenir le premier rang.
(Annules ecchsiasticl Baronii^ t. XV p. 282 ; Collectio concilionim,
t. XVII, p. 307, — Grilla Cliristiana : Ecclesia catalaunensis, t. IX,
cl). XXXV. — Annales ordLnis S . Benedictini^t.l\\,c\\.lLXXW\\^Y>- '9i-
— Société de l'histoire de France : Annales de SaintBertin de Saint-
JFaast, p. 243-244. — Periz : Monumenta Germanicp historia^ p. 533-
534 ; id., Legum, 1. 1, p. 532-533-J34 ; id., Hincmari Remensis annales.
I, 498. — Dom Bouquet : Recueil des historiens des Gaules : Capitu-
laria Caroli Calvi, t. VII, p. 689-690-691-692-694; Chronique de
Saint-Denis, t. VII, p. 144-142; Annales Bertiniani^ t. VU, p. 119.
— Bréquiguv : Table chronol. des diplômes, I, 302-303. — Sirmond :
t. III, p. 434 ; Edition du Louvre, r. XXIV, p. 413. — Labbe : t. IX,
p. 280-1261. — Lelong : Biblioth, hist. de France.)
sn
Trois diplômes datés de Ponlhion, désigné encore sous
le nom de palais impérial. Actum Ponlione palatio impériale
regni Caroli gloriosissimi imp. augusii in Francia, et imperii
secundo et in stcccessione Lotharii régis.
1" 0 juillet, en faveur de l'abbaye de Marchienoes.
2° 7 juillet, en faveur du couvent de Saiule-Gertrude de
Nivelle [pro Niveîlensi cœnohio S. Gerlrudis).
3^ 4 juillet, confirmation d'une permutation faite entre les
cbaaoines réguliers « Capleienses « et les moines « JEduenses ».
822 l'arrondissemExXt de vitry-le-françois
En celte même année, Charles guerro^'ait contre les Nor-
mands, quand it dut se décider à acheter la paix pour pouvoir
aller en Italie, où le pape l'appelait avec instance. Avant de
partir, il tint un plaid à Kiersy, pour régler le gouvernement .
du royaume pendant son absence. De là il se dirigea vers les
Alpes en passant par Soissons, Reims, Ghàlons, Pouthion
[Pontigo) et Langres. Il était accompagné de sa femme et de
beaucoup d'argent, d'or et de chevaux.
Ce fut dans cette expédition qu'il trouva la mort près
du Mont-Cenis (6 octobre 877).
(Dom Bouquet : t. VIII, p. 667 ; t. VIII, p. 666; t. VII, p. 123
et 1^6. — Ferez : Hincmari Remensis annales, t. I, p. 503. — Bré-
quigny : I, 311 ; I, 310. — Mabille : Pancarte noire de Saint-Martin
de Tours, n" CXIV, a" XII.)
PONTHION SOUS LoUlS II DIT Le BÈGUE.
87y
A la mort de Charles le Chauve, son fils Louis le Bègue eut
grandpeine à se faire couronner roi des Francs occidentaux.
On a peu d'indications sur Ponthion pendant son règne, qui
fut de courte durée. Ou sait seulement qu'en 879, Louis vint
dans l'Ardenue, célébrer la Nativité du Seigneur à Longlarius
(Langlier dans le Luxembourg, suivant les uns ; Glaire, dans
le diocèse de Lann, suivant d'autres). Après être resté quel-
que temps dans rArdenne,il reprit sa marche en avant, passa
par Ponthion (Pontigo), et poussa jusqu'à Troyes pour châtier
la révolte de Bernard, comte d'Auvergne, qui s'était emparé
de la Bourgogne. A peine était-il arrivé dans cette ville,
qu'il tomba malade et dut confier la direction de l'armée à son
fils. Transporté à Compiègne, il y mourut le 10 avril 879. Il
laissait deux fils, Louis III et Carloman, plus un fils posthume
qui fut Charles le Simple.
(Dom Bouquet : c. VIII, p. 33. — Pertz : t. I, 5'io. — Société de
l'histoire de France : Annales de Saint-Bertin de Saint- JF'aast, p. 277.
— Annales ordlnls S. Benedictini, t. III, li\\ 38, p. 220.)
Ponthion sous Carloman.
881
Une seule mention de Ponthion pendant le règne de Carlo-
man, qui eut à peine la durée de quatre ans. Il s'agit d'une
charte de Carloman, en faveur de l'église d'Argenteuil ;
AVANT l'an mil 823
diplôme daté en novembre, de Ponlhiou, désigné ici sous le
nom de palais public « Actum Pontione palatio piiblico a.
(Bréquigny : T^bk c/ironol. des diplômes^ I, p, 328.)
PoNiHioN SOUS Charles le Gros.
885
A la mort de Garloman, la couronne échut au troisième fils
de Louis le Germanique, Charles le Gros. Maître déjà de la
Souabe, de la Suisse, de l'Alsace, de la Bavière, il prit, en 882,
la couronne impériale et toutes les possessions de Louis le
Germanique, auxquelles il adjoignit, en 884, le trône de
France, essayant ainsi de reconstituer la monarchie de Charle-
magne. Ce fut à Ponthion [Poniionum) qu'il fut reconnu roi
des Francs occidentaux (juin 885). Peu après il regagnait ses
Etats, mais avant il prévenait ses nouveaux vassaux d'avoir à
marcher contre les Normands, qui organisaient la plus grande
expédition qu'ils eussent jamais lancée contrôla Gaule.
(Dom Bouquet : Recueil des historiens des Gaules : Ex clironico de
gestis normannorum^t. VIII, p. 95 ; id.. Annales Vedastini^t. VIII, p. 84.
— Pertz : Monumenta Germanii£ historica^ I, 532 ; II, 201. — Soc. hisC,
de France : Annales Vedastini., p. 320.)
PCNTHION SOUS C1IARLES LE SlMPLE ET RaOUL.
907
Après la déposition de Charles le Gros, Eudes, fils aiué de
Robert le Fort, fui proclamé roi eu 888. Mort peu de temps
après (898), la couronne passa sur la tête de Charles le Simple,
fils posthume de Louis II, dit le Bègue. Sans doute ce roi tint
de préférence ses assises dans son palais i'Atligny, puisqu'en
907, il donna en douaire à sa femme, Frédérune, le château de
Ponthion, avec toutes ses dépendances : églises, esclaves,
terres, vignes, bois, prés, pâturages, moulins, cours d'eau,
biens meubles et immeubles. C'est la première fois qu'il est
fait mention, dans les chartes, de la position géographique de
Ponthion, sis dans le Perlhois, au-iessus de la Saulx et de la
Bruxenelle. {Ponligonem quineliam inpago Perlense super flu-
vios Saltum et Bruscionem.)
(Bouquet : t. IX, p. 504. — Annales ordinis S. Benedicnni, t. III,
L. XLI, p. 328. — Bréquigny : I, 368.)
907-917
Par celte donation, la reine avait liberté absolue d'eu dis-
poser comme elle l'entendrait. Elle en fit don, en 90'j, à l'église
824 l'arrondissement de vitry-le-françois
de Compiègne, sous la condition que, après sa mort, Boson, son
frère, évêque de Châlons, en aurait l'usufruit sa vie durant, à
charge par lui de donner chaque année une livre d'argent pour
faire dire des prières le jour anniversaire de sa mort. Cet acte
fut homologué par un diplôme de Charles le Simple, en date
du 26 juillet 917.
[Gallia Christiana : Ecchsia catalaunensis^ t, IX, ch. XL, p. 870.
— Dom Bouquet : t. IX, p. 534. — Bréquigny : I, 378.)
928
La donation de Frédérune resta pour ainsi dire sans effet, car
Ponlhion ne tarda pas à passer entre les mains du roi Raoul et
d'Héribert de Vermandois, qui détenaient Charles le Simple
prisonnier. Nous verrons, à propos de Vitry, que quand
ils le jugèrent hors d'état de nuire, ils lui rendirent la liberté,
ainsi que sou domaine de Ponlhion, dont il ne jouit pas long-
temps, puisqu'il mourut peu de temps après, en 929.
{Société de l'histoire de France. Richer : Histoire de son temps., liv, I,
ch. LV, p. 105. — Pertz : Monumenta Germaniœ historica. — Richer ;
Hist., liv. I, t. III. p. 584.)
PONTHION SOUS LoUIS d'OuTREMER.
952
Nous assistons, eu 9b2, à une guerre civile entre le roi Louis
d'Outremer et Hugues le Grand ou le Blanc, qui s'était désisté
en faveur du roi, qu'il espérait tenir en tutelle. Nous voyons
Louis d'Outremer et le comte Rainold pénétrer dans le Perlhois
et dévaster par le fer et le feu les terres et le domaine de
Ponlhion {Pontigo fiscus), dont s'était emparé Héribert, Ils
essayèrent, mais en vain, de prendre le château de Vitry, N'y
pouvant parvenir, le roi fit bâtir en face de ce château, contre
<i Victuriacrom », un nouveau fort qui fut, dit-on, élevé avec
les matériaux provenant de la démolition du château de Pon-
lhion. La villa royale de Ponlhion avait vécu.
l'Pertz : Monumenta Germ, hist. : Frodoardi annales.^ t. III, p. 401.
— Dom Bouquet : Rec. hist. Gaules : Chronicon Frodoardi^ t. VIII,
p. 208.
Notice chronologique., historique et politique de Pontyon en Per-
tois, Vitry, Martin-Nicaise, 1836. — Barbât de Bignicourc : L'an-
cien Ponthion en Perthois ; Mémoires de la Société des Sciences et
Arts de Vitry4e-François, t. IX, p. 63.)
AVANT l'an mil 82j
Possesse.
Pistil'.
Possesse, que M. Longnon plice dans TAslenois [Pagus sla-
dunensis), semble être Pistœ, qui figure dans lilinéraire
d'Anlouiû. Celait, d'après M. de Barthélémy, à l'époque carlo-
viogienue, une localité assez importante pour qu'il y soit tenu
UQ concile en 862.
(Longnon : Etudes sur les pagi de la Gaule ^ 1869. — De Barthé-
lémy : Diocèse ancien de Châlons, t, U, p. 199.)
Dans le roman de Garin le Loherain, de Jean de Flagy,
chanson de geste du xii* siècle, il est question de Possesse.
Gibert allant voir Gariu, sort de Châlons pour ne s'arrêter qu'à
Possesse, à mi-chemin de Bar-le-Duc. (I.ivre VI, ch. III,
p. 283.)
{A suivre.) L, Moulé.
Glossaire du Mouzonnais
A s'emploie ordinairement à la place de chez, dans. On dit : Je
vas au médecin, pour : je vais chercher le médecin ; je vas à
répicerie, pour : je vais acheter de l'épicerie ■,j'cans au boulan-
(jie(r), pour : nous prenons notre pain chez le boulanger.
Abaissie(r), v. abaisser. — J'abaisse, j'abaissans, v'abaissez, il
abaissant; — j'abaissos, j'abaissains, v'abai3sie(z), il abaissaint ; —
j'ai abaissie; —j'abaisserai, t'abaisserais, il abaisserai, j'abaisse-
rans^ v'abaisserez, il abaisserant ; — j'abaisseros, j'abaisserains ;
— An abaissant. — On entend quelquefois prononcer Abachie(r).
Cis feu fu si grans et si cribles que nel pot nuls abaissier
ne esteindre.
(ViUehardouin.)
Très liaute amor qui tant s'est abessic.
(Perrin d'Angecourt.)
Les Engles lances abaissies et ferans chevaux des espérons.
(Froissart.)
Abandouner, v. abandonner. — P. p., abandonné.
Brochet le bien, le frein li abandunet.
(Chanson de Roland.)
Franceis murrunt, se a nus sabundunent.
[Id.)
Qui irestout me abandonne
Tout me tout (enlève), tout me doune^
[Proverbes dcl Vilain, Lincy.)
Abanner, v. publier les bans de mariage, à l'église : Cest
dimanche qu'ons abannerai Pierre et Marie; Pierre et Marie sant
ABANNÉs, c'est-à-dire fiancés, promis, et les bans publiés.
Abat(r)e, v. abattre. — J'ans té aiîat" in' aube on deux.
• Voir page 641, tome VII de la Bévue de Champagne.
GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS 827
Abaufumer (s'), v. s'enfler, se gonller, se garnir de pus :
M'doigl s'abaukl'me, ju m'ai piqué aveu(c) in' épine. Les Bourgui-
gnons disent Baitfe pour enflure. Dans une chanson, Thibaut de
Champagne dit :
Dame, merci, la mieux enbaufamée
Que nuil et jor liais' cent fois il'r.n estai.
Mais il y a tout lieu de comprendre que ce mot signifie ici
embaumé, parfumé.
Abéliir), v. llatter, caresser, charmer, faire le bel pour attirer ;
plaire, être agréable : I faut /■.\rkli(r) in peu, ou i n'cinrail mi.
Car forment m'abelli
Lor gieus à esgarJer.
(Gilbert de Berneville.)
Deus la fist pour enbeiir.
(Perrin d'Angecourt.)
Quant li rois l'a veïi forment li abcii.
[Berte as grans pies.)
Et bien fu la dame gardée,
Que volentiers ai esgardée,
Car li regars m'abeiissoit.
(Walriquel de Couvin.)
Aberner, v. embrener, souiller de boue, de fange, de bren —
Il ai AiiER.NÉ loule sa culotte.
Ablouquer, ablouquie(r), v. boucler, mettre la boucle
(blouque). — P. p., ablouquie.
Abochon, s,, avorton, petit être sans force : (^we/ abociion quii
c't afant là,i n'est mi bin pus gros qu'rin ! — [."expression dauphi-
noise à boclion signifie « la face contre terre. » Notre mot désigne-
t-il l'enfant sans vigueur, tout jeune, qui a la spécialité de tomber
sur le nez?
Abouchie(r), v. aboucher et [embouchier, voy. ce mot].
Abouni(r), v. devenir ou rendre bon. L'temps s'est bin abou.ni
d'puis midi.
About'ner, aboutouner, v. boutonner, mettre les boutons.
Aboutoune lu yilet ! — Tpantalon n'est mi abolt'm;.
828 GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS
Abracie(r), v. embrasser, baiser, donner l'accolade. — J'abrace ;
j'abraços; j'ai abracif. ; j'abracerai, t'abracerais; il abracerai ;
j'abraeeros ; a'n abraçant. On dit aussi rabracie(v) pour embrasser,
et surtout avec l'idée de baisers réitérés et réciproques : Je nous
ans bin rabracies !
Cuntre son piz (poitrine) estreil l'ad embraciet .
{Chanson de Roland.)
Sa fille a embracie, si la baise en la chère (visage).
(Berte aus grans pies.)
Quant le te veoie
Autrui BT.bracier.
(Jehans Erars.)
Abrégie(r), v. abréger. J'abrège, j'abrégeans, v'abrégez, il
abrégeant; ~ j'abrégeos, j'abrégeains, v'abrégie(z), il abrégeaint;
— j'ai abrégie ; — j'abrégerai, t'abrégerais, il abrégerai, j'abrége-
rans ; — j'abrégeros, j'abrégerains. — A'n abrégeant.
Or ferai une manière de somme.... pour abri'ijier les liseurs
de croniques.
(Guillebert de Metz.)
Abruver, v. abreuver : Ai-l-on abritvé les biles? L'ancien
verbe est aboivre, qui a donné abeuvre, abeuvrer.
Je euz fain, vous me saoulastes
Et si euz soif, vous m'abrucastes.
(Jean de Mcung, Rose.)
Abuder, v. comme buder, aboutir, abouler, buter, frapper,
toucher : A cheu-ïanl, ma lêle est venue abuder cont(r)e lapoi'te.
— Le pré Laurent bcdant d'm côlè à B et de l'autrà à S. — Le
vieux français avait abuler, cité par Lillré dans l'exemple qui
suit :
Il fit résoudre de mettre le feu en toutes les rues qui abut-
toient SX la maison de ville.
(D'Aubigné.)
S'emploie aussi avec le sens d'accoler, appuyer, de fixer :
Abcdes-tc conl' lu mur (appuie-toi contre le mur, afin d'avoir plus
de force pour pousser ou résister). — / faurrai abuder le volet^
pa(r)ce qui fait don vent (fixer le volet, pour qu'il ne s'ouvre pas,
ce qui se fait avec un pieu qu'on aboute contre le volet d'une part,
et un objet résistant d'autre part).
Cis Jehans fit •!- mur et abuda ce mur à leur. . .
[Arch. adm, de Reims, \2yi,)
GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS 829
Aburler, v. ramasser le foin, le mettre en tas, à buriaus (en
bureler).
A cause? interrogation, pourquoi? — Vous ne voulez mi
chanter ? A cause ? A cause dil ça ! iparce que ! ce qui n'est pas
une réponse).
Accompagnie(r), v. accompagner. — P. p., accompagnie.
Flour de lys — Très grandement a:compagnie.
(Froissa rt.)
Acconduire, v. accompagner en amenant: Je l'ai kcosoin jus-
qu'à rentrée don village.
Accouchie(r), v. accoucher. — P. p., accoucliic.
Et avint que la reine fut i)reste d'accoucliier.
(Merlin.)
... La royne jolie — Qui d'une fille estoit à ce temps acouchie.
(Guesclin.)
Sa femme i fu acouchie et relaice de une belle fille.
(Froissart.)
Accouri)r), v. accourir. — P. p., accouri ou accouru.
Accrochie(r), v. accrocher. — J'accroche, j'accrochaiis ; —
j'accrochos, j'accrochains ; — j'ai accrochie ; —j'accrocherai, t'ac-
crocherais, il accrocherai, j'accrocherans : — j'accrocheros, j'ac-
crocherains.
Coveitlse ne sait entendre
A riens qu'a l'aulrui acrochier.
Rom. de la Rose.)
Accroupi(rj, v. accroupir.
Accrus, s. m. pi., ce qui pousse au bord et en dehors
de la limite des bois. V. Concrus.
Accueùder, v. accouder. Le vieux français disait souvent
acouter.
Dessus une feneslre s'est aie aqueulcr.
{Guesclin.)
Accueud(r)e, v. (l'eu est bref), accoster, atteindre, aller
chercher le bout : // ai fallu quii j'va accui:ud(hje VauVdeboul, à
pus de cent verges.
830 GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS
Tybort a laissé le pîaidier
Si aqueut l'andouille.
(Rom. de Renart.)
Chascun se veit as bons acueiidre.
(Id.)
Pars euz n'aqeudrez mauvais los
(fd.)
Cil un par matin sa voie aqueut.
(Douin d'Avesne.)
Achain-ner, v. enchaîner.
Achauteler, v. Enduire de chaux en poudre ou en dissolution.
J'achaulelle, j'achautelans ; — j'achauLeJos ; — j'achaulellerai ; —
i'achautelleros. — Par précaution on achautelle lu blé devant
qu'dù l'siimer.
Achessie(r), v. chasser, envoyer, pousser, amener. J'achesse ;
— j'achessos; — j'ai achessie; — j'achesserai.
De toutes pars achaçoient les proies devant eus.
(Guillaume de Tyr.)
Acheter, v. On prononce : j'agète, j'agèterai, ageter.
Acheteu(r}. s. m., acheteur.
Achever, v. On prononce : j'ageuve, j'agevans ; — j'ai agevé ;
j'ageuvrai; — agever.
Achiferné, adj., enchifrené.
Achourdi(r), v. assourdir, accabler par le bruit : Tu m'achourdip
aveu(c) t' tambour.
Achus, acies, an'cie, prép. Chez. Dans le canton de Cari-
gnan on dit : J'ai té an'cie vous. C'est acies eus quonfait la noce.
L'ancien français disait à clies, en chiès (ad sedem).
Or le puel-on trouver cnchies Gautier.
(Amis et Amile.)
... Et dinoient e>i chiez maistre Godart, régaleur dou roy pour le temps.
(Comptes de Rtims, l3o2.)
Aclore, y. enclore.
Del monde tôt et de la terre
8i cum la mer Vaclot et serre.
(Chron. ducs de Norm.)
GLOSSAIRE DU MOUTONNAIS 83 t
Aco, co, adv. encore. — Jil n'i ai mi co' lé. — jil ni aim aco
tè (Je n'y suis pas encore allé).
Acoisi(r) et racoisi(r), v. Rare aujourd'hui : tranquilliser,
rendre coi (quietus), apaiser.
Sire, or vous aquoisiés.
{Cygne.)
El la dedens fu la cose acoisie et apaisie.
{Chron. de Rains )
Acombrer, v. encombrer. — P. p., acombré.
Acorner, v. encorner, donner des coups de cornes ; Xos deux
cabcs s'ant acornéiis.
Acostant, adj., qui accoste, va au-devant, avec amabilité
et bienveillance.
Acouragie(r), v. Encourager. J'acourage ; — j'acourageos ; —
j'ai acouragie. — Acourageant.
Glorieuse vierge Marie,
Puisque vos serviches m'est biaus,
Et je vous ai encoragie
Faiz en sera uns chans nouviaus.
(Adam le boçu.)
Li pople de Israël (ud acoragiez de faire le service Deu.
(Liu, des Rois.)
S'Acouvissie(r), v. S'accroupir, Se dit mieux de la poule,
quand elle se niche pour couver. Elle s'acouvisse ; s'acouvissot: —
s'ai acouvissih: ; — s'acouvisserai ; — s'acouvisserot ; — à s'acou-
vissant. — Vpauv pélil s'ai acouvissie ias fcoin^pi i s'ai adormu.
Acquerre, v. acquérir. — Rarement employé.
Acramillie(r), acrami-iie(r), v. emmêler, embrouiller, entor-
tiller. Rest' tranquille, lu vas acrami-he n) ma lainnc. — // m'
semb{l)e quil leus affaires sant ben acramillies. On rencontre ce
mot dans les vieux textes et aussi acrabillier.
Serait-ce le verbe enlrcniHcr sous la forme italienne inlra-
mischiare? Ou bien, est-ce l'ancien terme agriiml^ agrumci^
fâché, embarrassé"? dans ces vers de Rutebeuf ;
Car sont trop agramei
La gent dont Diex a plus a faire
Cil d'Acre, qui n'ont nul ami.
832 GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS
Acrassie(r), v. encrasser. — P. p., acrassie : M'fusi est tout
ACRAssiE :ju n'sais commat m'y 'prcnre pou{r) lnetto-iie{r). — Ea
réalité, remplir de cuas, gras, graisse, ordure...
Acroûte(r), v. encrotàler.
A c't'heure, voy. Asteur.
Adamagie(r), v. endommager, gâter. — P. p , adamagic.
Une guerre moult Vadamagea.
{Cygne.)
Et il nous couronl sus pour nous adamagier.
(God. de Bouillon.) •
Les bonnes fens devant nommés ont esté adomagies et blasmées
sans véritable occasion.
[Chron. de Valencicnnis.)
Adamer, v. entamer.
■Sus le seneslre espauUo tu la chars atamée.
(Bastars de Buillon.)
Pour parlfir a une femme qui avoit la laingue endammee.
{Arch. adm. de Rciina, 1309.)
Par la mort qui tout met a fin
Et qui nos cors mort et endame.
(Jean de Condé,)
Adamure. s. f. , entame. — fain-me bin rAiuMi'RE don pain.
Adauler, adôler, v. gâter, tlatter, caresser, aduler, plaindre. —
1 s fait ADAULER com in afanl d'deitsans. Le mot serait aujourd'hui
endeuiller, douloir, plonger dans le chagrin, la tristesse, la dou-
leur. Néanmoins, on a lu, dans l'ancien dialecte, s'adoulcr pour
se plaindre.
Titus trop se dolul (plaignit) d'un jour que il n'avoit
donné nul bénéfice.
(Joinville.)
S'est Ivaries porpensé
De la mort de son (il, dont il est adolé.
(Quatre fils Aymon.)
Por vos sui si adolés (peiné)
r^t si malement menés
Que ie n'en cuit vis aler.
(Aucassin et Nicolete.)
GLOSSAIRK DU MOUZONNAIS 833
S'ele ne fust si adoléc (endeuillée, blessée)
Mult bon déduit eûsl de li.
(Amadas et Ydoine.)
Adêver, v. endêver, agacer, troubler, endiabler, rendre fou.—
Dans le vieux français, desvê, dcrc', signifiait fou, insensé, des-
titué de sens (deviare).
Adeviner, adviner, v. deviner, découvrir.
Or, regardés comment j'ay bien adcviité.
{Godcfroi de Bouillon.)
Pour ce devons nous aduvincr se les gens voelent ko nous
lor donnons.
(Li ars d'amour.)
Adimanchier), v. endimancher. — P. p., adimanchic. —
Qu'esl-cc qui ni ai donc quil l'maire esl adimanchie anoui'l
Il fit adimanclier les quatre curez.
(D'Aubigné.)
Adiu, adieu.
Adjugie(r), v. adjuger. — P. p., adjiigic.
Chose adjugic par la court.
(Litlré, Mil" s.)
Ador et endor, adj. , endormi, engourdi, insensible. — Je m'ai
attrapé {louché) après 'n soquctlc, j'ai tout te picid) auou.
Adormi(r), v. endormir. — J'madors, j'iious adormans ; —
j' m'adormos ; — j'm'ai adoiîml" ; — j'm'adormerai ; j'm'adormeros,
— A m'adormant.
Adossie(r), v. adosser. — P. p., adossic : La iniison cal Auoi-
siK à la cote.
Adouci(r), v. adoucir.
Adrecie(r/, v. adresser. — J'adresse, j'adressans ; — j'adrcssos;
— j'ai ADRECiE ; j'adresserai, t'adresserais, i! adresserai; —
j'adresseros. A'n adressant.
Belle Doette s'est en estint drecie,
Voit l'escuier, vers lui s'est adrecie.
(llomanccro.)
o3
834 GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS
Une periere i ont drecie
Qui por jeter fu adrccie.
Là ù li murs estoit crevés.
(Gauvain.)
Adurci(r), v. endurcir. — P. p., adiirci.
Mes y est adurci comme un vieil asne.
(XV joijes de mariage.)
Adurer, v. endurer, supporter, — J'n'ai su Taduker (je n'ai
pas pu le supporter, le souffrir). Le participe présent adurant,
signifie surtout patient, fort contre la souffrance ; le participe
passé, aduré, devient adjectif avec la signification d'endurci, rude,
fort, vigoureux.
Bien vos poés venger de Bueve ïaduré.
{Quatre fils Aymon.)
Advant, préposition employée seulement dans le mot qui suit,
où il signifie avant.
Advant- z- hier, adv., avant-hier.
Adveni(r), v. devenir, et quelquefois avenir, arriver. — J'ad-
vins, j'advenans -. — j'advenos, jadvenaius, v'advenie(z), il adve-
naint ; — j'ai adv e.nc ; — j'advinrai, t'advinrais, il advinrai ; —
j'advinros.
Adviner, adeviner, v. deviner. — J'advine ; — j'ai adviné ;
— j'advinerai.
Il n'en venra mie senœc (sans cela)
Si con je pens et advin.
(Rodel, Jus S'-Nicholas.)
Et de moi tant advina.
(Froissarl.)
Mais il adevine
Car elle est faulse et variable.
(Coquillart.)
Advinette. s., devinette, énigme ; jeu de la devinette.
Juiens nous aux adviniaus.
(Froissart.)
Advineu(r), s., devin, déchiffreur.
Et aussi s'en partirent llelenus ung adevincur, lequel
estoit aussi 111s de Priam.
iGuillebet't de Melz.)
GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS 835
A fait, adv., entièrement, à mesure. — Eu français, fait
maintenant partie de l'expression adv. tout-à-fait.
A fait (]uo llanuier semoient
A lor volonté los prendroient.
(Cygne.)
A fait k'il viennent à l'estour
Lor aprendenl François un tour.
(Ph. Mouskes.)
Li duc ardit tous les V cens si à fait, qa'illi ne leur
demorat riens.
(Jean d'Oulremeuse»)
Afant, s., enfant. — Le vieux français disait plus souvent Efant,
et quelquefois enfés.
Jli doi (deux) afant, li fil de ma moillier (femme).
{Garin le Lohcrain.)
Lasse ! fil ele, mon c/fanf !
Lasse ! je Tamoie tant !
{Vie de S. Aiex's.)
Afantillage, s., enfantillage, puérilité, vétille.
Affichie(r), v. afficher. — P. p , affichic.
Afficot, 3., manche en os, où la tricoteuse place, pour la
maintenir, une grande aiguille à tricoter.
Aficeler, v. Lier avec une licelle. — // est mal aiiceli^: (il est
mal mis;.
Affi-iietr , v. engager par foi ou contrat, faire une convention,,
promettre, assurer.— P. p., affi-licir).— J'ai afki-iie 'ii servanlc
poui^r) la semain-ne qui vint. — Je nous ans akfi-iiks tous les
deux das la mein-me maison (uous nous sommes engagés comme
domestiques...). — Le verbe s'aki-ier, s"en remettre, avoir con-
fiance, est mis pour s'en fier : et homme là s"aii-ik trop a lou.
Je vous affc c'aulre moullier n'arai.
(Cytinc.)
Aies comme amis vous aff
Et seur mon désir vous jure.
(Perrin d'.Vngccourl.)
Je vous affie qu'il semble mieulx à ung songe ou fantaisie
qu'a auUre chose.
(Jehan de Pans.)
836 GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS
Je n'y vois pas, dit Panurge, je vous affic.
(Rabelais.)
Il s'affioil tant en sa poissance.
(Froissart.)
Afiler, V. enfiler. — Jii n\v)ois pus clair poit{r) akileh m'/i
aguïc.
Affligie(r)^ v. affliger. — P. p , affàgie. — lleslhen akfligie,
c'f homme-là -. (il a des infirmités, il est bossu, boiteux, etc.
Affoler, V. blesser. Actif et pronominal. — J'crois quii j'mai
AVFOLi: a roulant çule grosse pierre la. — C'est s camarade qui
l'ai AFFOLÉ sans le faire esprès.
Y deschaussèrent leurs mitaines
De fer, de paour de m'affoler.
(N )
Grant foison y en eut de mors et d'a/folés.
(Boucicaut.)
Pour essayer ses ongles, il m'a seulement gratté du polit
doigt icy entre les jambes, et m'a du tout affolée.
(Rabelais.)
Et s'il chiet à la dame une espille, il (le mari) l'amassera,
car elle se pourroit affoler à soi baisser.
(XV joyes de mariage.)
Que mors que pris ou qu'affoleis
Des nostres il y ot plus de XL.
(Guerre de Metz.)
Affoli(r), V. devenir fou. — P. p., aff'oli. S'emploie plutôt
comme assoti(r), endêver : L'pauo' garçon, sa Juliette lii fait
Ai-FOLiin) ; l'amour lui fait perdre le sens, le dérange.
Affolure, s. f., blessure.
Les chirurgiens alfo.'-ment et déclarent le péril où il est
constitué, soit de mort, dcniguration, affoleurc ou autre
débilitalion.
(Coutumicr général.)
Excepté es cas de mort, elforcement de femmes, affo-
lements d'ommes, etc.
(Pricii. des Lombards, Mouzon, 1401.)
Afforer, v. Mettre un tonneau en pet'ce; de forare, forer, per-
GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS 8?,7
cer, trouer ; Cest demain qii' f.\FFon.\y& In nuve bière. — Ce mot
avait aussi jadis une autre signification, celle de mettre le prix aux
boissons, aux denrées exposées en vente (forum), et présentait
l'autre forme : afeiirer, a/iierer (fuer, prix).
Le vin aforé de nouvel
A plaiu loi et à iilain tonnel.
(Jehan Bodel.)
Devant qu'il (le vin) soit prisé et a/fore par les eschevins.
{Coutumicr général.]
AfiFro-iie(r), v., frayer, ouvrir passage, préparer, essayer. —
P. p., a/J'ro-iie. — 1 ni ni chu trop bin d'ia neige : i f aurai qu'
/affhoïans in chemin fouir) aller à l'église. — J'ai AFFao-iie mes
nues soleis hier.
Et cil — Ne se volt a lui afjToier
D; si qu'il ot lot son loier.
(D'abliau, Fouteor.)
Affûter, v. se mettre à l'alfùt (du gibier),
Affuteu(r)^ s., braconnier, qui se met à l'affût.
Afoiicie(r), v. enfoncer. — j'afonce, j'ai a/oncie, j'afoncerai.
~ J' m'ai Aïo.NciK in clou clas l' pie[d).
Afourchie(r), v. Enfourcher^ donner un coup de fourche,
transpercer. — P. p., ajourchie.
Afourner, v. enfourner, mettre au four.
Afroumer, afrumer, afremer, v. enfermer. — Cl homme-là
ai reslé pendant cinq ans afroumé das 'n prison.
S'en fu bien V ans en prison afrumée.
(Cygne.)
Et furent si sourpris qu'il s'cnfrcmèrcnt dedens le castiel.
(Chron. de Rains.)
Afûler, v. AfI'ubler, habiller ridiculement ou bizarrement.
Afumer, v. enfumer. — 0ns ai afusié 'n nichée du renards
das in naille.
Agace, agache, s. f., pie. — liai, la gazza.
Quant agaces ou pyez gargonnenl dessus une maison,
(Evangile des Quenouilles.)
838 GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS
Ce qu'en fait de baljil y savoit notre agace
(In Fontaine.)
Agace, adj., agacé, comme par un acide : J\ii les dénis agaces,
Agacia, s. m., acacia.
Agacie(r), v. agacer, produire la sensation désagréable de
l'acide, de l'aigre, — du bruit aigu, strident. — Ennuyer, énerver.
— J'ai les deuils agacie(s) d'a{i')oi(r) mangic d' l'oseille.
Agagie(r), v. engager. — J'agage, j'ai agagie, j'agagcrai. —
Nol' pus grand s'ai acagie das les dragons.
Engaigier me puet et vendre,
(Perrin d'Angecourt.)
Agambée, s. f., enjambée. — /' marchot à grand' agambkes.
.Mais ne vous aprocii's de moi plaine engambée.
{Cygne.)
Agamber, v, enjamber, passer par dessus un obstacle en écar-
tant les jambes.
S'il avient que aucun engainbe par dessus un petit enfant.
(Kvangiie des Quenouilles.^
Age, est féminin (aetas) : C'est la belle âge.
Nous poons trover Vaage de la lune, quele ele est on cas-
cun jor du mois.
(Comput.)
Ce n'est rien noslre âge fuiarde.
(Baïf.)
Agencie{r), v. agencer, arranger, disposer. — J'agence, j'agen-
çans ; — j'agenços ; — j'ai agencie ; — j'agencerai, l'agencerais, il
agencerai. — Çute mécanique-là est bin mal agen'cie. — Mal agen-
cie, mal babillé.
Et por agencier le plus bel.
(Rom. de lienarl.)
Li uns estoit mas et pensis
Embron.-'hies et mal agensis
Et de moult viex dras vestus fu.
(J. de Condé.)
Agenoinllie(r), v. agenouiller, P. p , agenouillie.
GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS 839
Levez sus, sire clievaliers; vous ne vous devez pas aijenouil-
lieVt qaï portés les reliques.
(Joinville.)
Devant Roilan se vail engenoillier.
(Gérars de Viane.)
Ageter, v. acheler.
Agie, adj., âgé, âgée. Le vieux français disait aagié.
Agi(r), v. agir.
Agis, s. m. pi., les êtres d'un lieu^ d'une maison ; — Laissez-
lii faire, i connaît les agis. — Le mot appartient à la vieille langue;
qui écrivait : açjiz, agies, et même âges, pour signifier chemins
détournés (agea).
Aglu-iie(r), v. engluer. — P. p., aglu-iie.
Agober, v. être déçu, trompé, attrapé. — Tu /'agobes, vins!
r pccfion est sauve. C'est le vieux mot gaber, railler, moquer.
Deu ki sires est del ost de Israël Ici tu as ««charni et gabé.
(Liv. des Rois.)
Agoncie,r\ v. engoncer, embarrasser, gêner. — P- p., agon-
cie. — Ci hobit-là /'agonce : ra n'ii va mi bin !
Agoiii(r), V. agonir, accabler de mauvais propos.
Agobille ou gobilie, voy. ce mot.
Agorgie(r), v. engorger. — P, p., agorgie. — C'est tout de
meinme moul geinnani d''aoi{r) loujou(r)s les tuiaus agorgie.s.
Agoutant, adj., agréable au goùt, excitant; contraire de
dégoiitant. — Ça n'est guère agoutant d'mangic(r) citus eus.
Agrandi(r), v. agrandir.
Agrangie(r), v. engranger, mettre engrange. — P. p.,agrangie.
Choses ki ont vertu de croistre e! d'eugrangier.
{Li ars d'amour.)
Agrape, s. f,, agrafe. — C'est l'ancienne forme du mot, dont
il y a un reste dans grappin.
840 GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS
Agraper, v. agrafer, accrocher. — Saisir, prendre, atteindre,
attraper. C'est surtout dans ce dernier sens qu'on le rencontre
dans les vieux auteurs.
Au col de! ceval s'agrapi.
{Gauvain.)
Bertrand agrappa la pique,
(Du Gange, Littré.)
Il faut bien adviser comment on y entre pour en issir, et
sans estre agrappé comme poisson à la nasse,
CGerson, 1405 )
Agraissie(r), v. engraisser. — P. p., agraissie.
J'ai toz iorz engressie ma pence
D'autrui chatel, d'autrui substance.
(Rutebeuf )
Agrément, pron. agré-iemenl.
Agriab(l)e, adj., agréable.
Aguichie(r), v. Agacer, exciter, provoquer, faire rager. —
J'aguiche, j'aguichos, j'ai aglichie, j'aguicherai.
Aguichie, part. adj. Embarrassé par l'huile et la graisse. Se
dit des rouages dont les mouvements sont gênés : Les roues d' noV
horloge sant aglicuies.
Agu-ïe, s. f., aiguille. — Jil ?i' sais pus afder m'n aguïe.
Si pris l'aguille à enfiler.
[llom. de la Rose.)
Fers de alêne, greiffies, agu'dlcs estamines.
{Liv. des métiers.)
Agu-ue, agu-illie,s. f., aiguillée.
Si font voler de lor filé
Grans aguillies de fil blanches
(Rom. Rcnart.)
Agu-ïon, s. m., aiguillon : La toape ai laissie s'a agu-ïon das
m' doigt.
Robert le Nain par grant eschar
Les poingnoit toz d'un aguillon.
(Andeli. — Vil ars.)
Ele adere son iiointillon
Ensement com un aguillon.
ÇDolopai/ios.)
GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS 841
Aguz comme aquillon.
(Villon.)
Agugie(r), V. aiguiser. — P. p., agugic. — Ma faux est mal
AGL'GIE.
Aguinchie(r), v. Habiller mal, de travers. — P. p., aguin-
cliie. — Ce mot est probablement formé du vieux verhe giienc h ir,
devenu gauchir, aller de travers. — Elle aguinche mont drôlernat
s'n afant.
Ahaner, v. Labourer, travailler la terre pour les semailles, —
Les ahans étaient jadis les produits (du travail) de la terre; mais
ce mot a aussi désigné le travail, la fatigue, l'effort. —7' îi'ahane-
RANs nos terres quii la semainne qui vint.
Et tourbloit si le paï's qu'on n'i semoit ne ahanoit nient.
{Cfiron. de liains.)
Et avoit campaigne entre -II- oii on poil a/iangr et culiiver.
( Chron. de Rains.)
Ces félons la terre ahanneront.
{Baudouin de Seboiirc.)
A Jérusalem où il eut maint ahain.
{Gilles de Chin.)
Et se li dit marchant n'avoiont cueilliet leurs troys ahans
dessus dis.
[Cart. de lielliel, 1301.)
Tu n'as ne terre, no ahans, qui ne soient lous mis à cens.
(b'roissart.)
Il convient que li ahaîiniers (laboureur), quand il auera
enroiet un champ à l'un des lés, que il ne puist ailleurs
enroer.
{Ordonn. de Reims, 1378.)
Li prodons pooit faire testament del moilié des embla-
veurs, partant qu'ilh avoit les terres ahannecz de sa cheruwe.
{Pau'eiihars.)
Ahardir, v. enhardir,
Alionchie(r), v. Faire de vifs reproches, disputer, dire des sot-
tises. — P. p., alwncliie. — Quand j'ai vu Pierre qui passai das
ma terre, j' l'ai ahonchie in peu comme i faut.
Ahoter, v. Embarrasser, empêtrer, embourber; — entrer dans
la terre molle, d'où on ne peut se tirer. — Tai ahoté m' cher das
842 GLOSSAIRE DU .VJOUZONNAIS
la berne ; }' n\ii jamais su le déhoter. — Le vieux mol hoc
désignait un crochet. L'ancien terme anroiér signifiait embar-
rassé dans une ornière, d'où nous aurions tiré aroté, puis ahoté.
Ensi comme il le portoil viers son lit, ses esporons ahoka
à la sarge au toron du lit.
(Flore et Jehanne.)
Ai, ais, ai, j'ai, tu as, il a. — Les trois personnes du futur
étant formées du verbe et de présent du verbe avoir, sont donc, dans
notre patois, terminés par ai, ais, ai — ans, ez, ant. — J' lir-ai,
lu lir-ais, i llr-ai — /' lir-ans, v' lir-ez, i lir-ant -. c'est-à-dire
j'rti, Vais, il (V/, — i'ans, v'ez, il ant à lire.
Aidie(r), v. aider. — J'aide, j'aidos, j'ai m'c;?/^, j'aiderai, aidant.
Li manda que il estoit prez de li aidier à conquerre la
Terre Sainte.
(Joinville.)
Et voulons que lesdiz Lombars soient aidies et confortez.
{Prioil. des Lombards, Mouzon, 1402.)
Et lui pria que il lui volsist envoyer gens par coi il fust
soudainement aidie s'il besoinguoit.
(Froissart.)
Aigrefin, voyez égreffln.
Aigrelle (pomme d'), alise, fruit de l'alisier, famille des rosa-
cées, consistant en une toute petite pomme rouge de saveur aigre-
lette.
Aigrellie(r), s. m., alisier,
Aigrimoin-ne, s. f., aigremoine, eupatoire, plante médici-
nale.
Absinthe, eupatoire ou agrimoine.
(A. Paré, dans Liltré.)
Aigri(r), v, aigrir.
Ain-mab(l)e, adj., aimable.
Ain-mer, v. aimer. — J'ainme, j'ainmans, v'ainmez, il ainmant ;
— j'ainmosjj'ainmains, v'ainmie(z),il ainmaint ; — J'ai ain-mé ; —
j'ainmerai, t'ainmerais, il ainmerai, j'ainmerans, v'ainmerez,
il ainmerant; — j'ainmeros ; — ainmant.
Entre gent qui ne l'ainment goûte
(Rutebeuf.)
GLOSSAIRE DU MOL'ZONNAIS 8'»/{
Vii'gili> ainme moull cel livre.
(Dolopathos.)
Tex. . . ki ainme Dieu et sort et prie.
(Li H is de Cambray.)
Vous n'amés par amours aussi commj ces autres dames
qui toutes ainmcnl.
(Flore et Jehanne.)
Sur toutes llours yainmc la margherite.
(Froissart.)
Ain-né, adj. et s., aiiié. De ains-nê (anle natus), premier ri6.
On rencontre csnel, dans les vieux textes, qui a laissé le nom
propre Lesnel, Lênel, désignant primitivement le fils aîné. Ici la
nasalisation de ai est étymologique et contenue dans ains (avant).
Je ay estably que li ainncz lils poura encontre tous ses
frères puisnez.
(nerf de l-2-2'i, Thibaut IV, le Grand.)
Li ainsne: de ces fils ot à non JofTrois. ... et 11 mainsnes
ot a non Guillaume,
(W'; de iVormaniù'.)
Aire, s. f,, sol, terrain, surface plate. — J' vas t' f .. {Ilanquer)
les quai' patl's en /'aire : je vais te renverser à terre. — On dit
aussi : l'aire à fu (l'àtre à feu).
Miex vodroie gésir en Vaire
Que ne F fiance au sainluaire,
[Bom. de Renart.)
Airi-ier, v. aérer^. donner de l'air, faire passer un courant
d'air. Le Provençal dit ayreiar, et Béroalde de Verville signalait
comme une nouveauté la substitution de aère à œré. (Litlré.j
Àijrès les dras de paour de vers
(Cité par Palsgrave.)
Airs don jou(r), s. m. pi., à la naissance du jour. Il vaudrait
mieux écrire ère (commencement). — J'parlrans aux airs dou
iou(r).
Aise, adj., content, heureux. — On prononce quelquefois,
pour la liaison, je pense, iaise : il est moxil iaise.
Aisie, aigie, adj., aisé, facile, — On n'ai pas aisik d' trouver
à gangnie(r) sa vie. — On a l'occasion de prononcer iaiqie,
comme pour aise. L'ancien français avait le verbe aisikiî (faciliter),
dont notre mot est le participe.
.844 GLOSSAIRE DU MOUZONNAlS
Aisiemat, aigiemat, adv., aisément, facilemenl.
Et qui vouJroit légièrement et aisiement trouver.
(//" du Guesclin.)
Pour conibatlro les Englès i^ien aisiement par la ville de Caen.
(Froissart.)
Aiwe, ève, s. f., eau. — Besle dans Ayvclles, nom de lieu. La
forme Ève est encore usitée sur la Chiers : elle a laissé le mot
évier, dénommé chez nous glacie{r) ou iavier (l'évier, agglutina-
tion de l'arlicle).
Alsi com les aywes en lur chenals.
(Liv. de Job.)
En l'esperile de la forsenerie sunt amoncelées les eves.
(P»aulier.)
Et 11 evesqucs les cwes bénissent.
(Ch. de Roland.)
Et il n'en oïssi onques goules à'eve.
(Rom. des 7 Sages.)
En semblance de vin et d'eive fait user
Deus son sanc par le munde pur les anemes salver.
(Thom. le martyr.)
El Vaicc du puis clere esloit.
{Castoiemrnt.)
Tant va le pot al eu'aqil brise.
(Proverbes, Lincy.)
Ueve pour le pain, qui veut, si praigne.
{Cris de Paiis.)
Ajalée, s. f,, gelée. — / faurot qui [ail 'il bonne ajalée.
Ajaler, v. geler, engeler. — P. p., ajalé.
Tornoieur, vos qui aleiz.
En yver, el vos enjaleis.
(Rutebeuf.)
Ils n'ont laissiez charbon ne fer
Venir à Melz pour reschauffer
Ceulx qui cstoient enjalez.
(Credo de Ib^iri de Ileis.)
Ajalure, s. f., engelure.
Ajeveler, v. Mettre en javelles (jevelles).
GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS 84 0
Ajouquie(r), v. Placer, sur le joug ou juchoir, ou sur un lieu
élevé. — P. p., ajoitquie (juché, perché : Wailc don{c) l' paon ! il
e5(AJ0UQciE à la son don loit.
Alaidi(r}, v. enlaidir. — Ton phre ai hen alahii d'puis huit
jours (son état de sanlé a empiré). — Se dit surtout du fait qu'un
oiseau couvant quitte son nid, parce qu'il y est trop souvent visité
ou dérangé : le vieux mot laidir, dire laid, sigaiMait violer, inju-
rier, blesser. Les lies sanl alaidis.
Alan, s. m., élan. — Prends l'n alan.
Alargi^r), v. Elargir, donner du large, agrandir.
S-e il avient que aucun home voulle alargir sa maison sur
mon mur meismes
(Asiises de Jcrmalem.)
A la son, exp. adv.; au sommet, en haut. — A la son de la
tour (in summa turris)^ a la son d'in' aube. Le vieux français
employait plus volontiers ason, enson.
Seur chascune tour tout enson.
{Adenes li Rois.)
Anson les lances ont -ij- contenons pendans.
{Girars de Vianc.)
Alein-ne, s. f., alêne.
Alignie(r), v. Mettre en ligne (droite). — P. p., alignie.
Allaitie(r), v. allaiter. — P. p., alaitic. — On dit plutôt nour-
ri(r). — Est-ce qu'elle alaite sii'n afanl ?
Là où la mère vuel son enfant alaitier.
(Chanson d'A niiochc)
Il nous convint douz fois descendre en la terre de nos
ennemis, pour faire feu et cuire viande, pour les enfans
ri'paistre et alaitier.
(Joinville.)
Alentours (aux), environ. — // ai aux alkntouhs dii cin-
quante (ans)»
Allégie(r), alégiir), v. alléger.
Aller, V. — J' vas, tu vas, il va (ou vais, vais, vait), j'allans.
v'allez, il allant (ou j' vans,i vant) -, — j'allos, j'allains ; — j'ai tk
846: GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS
(et quelquefois j'ai allé) ; — j'irai, t'irais, il irai, j'irans,. v'irez,
il irant (ou je verrai, lu verrais, i vérai, j' véraiis, v' vérez, i
vérant) ; — j'iros, t'iros, il irot, j'irains, v'irie(z), il iraint (ou
j' véros, j' vérains). — A'n allant. — Voy. Vrrai.
■ Il not guièrcs aie (fait de chemin), quant il ot plusieurs
messages de. . . de. . .
(Joinville.)
Tant ont par lor journées aie et pourseû — Que. . .
{Bcrlc.)
Et cil li ont tout aconté
Cornent la chose avoit aie.
(Castoiemcnl.)
Ke très k'à Vudesloke avcit od lui aie.
( Thomas le martyr.)
Si se avisât et dist (]ue il les loiroit (irait, veroil) conforter.
(Froissart.)
La voie qui vail à Dieu.
(Maurice de Sully.)
Le congiet prist et si s'en vail.
{Ainadas cl Ydoine.)
Après dist a -i- allre : Tu l'en y rais al empereur Ollon à
Nyvelle.
(Jeaii d'OuIremeuse.)
Et avoec, ele aroit aie (été) contre sa fiance et contre son
sa i rement.
(Ru\ Taillar, T08.)
Allongie(r), v. allonger. — P. p., allongic.
Garsions s'enfoï, por sa vie aloiuiicr
Amont cl haut cas'el.
(Chans. d'Aiilioclie.)
Alo-ie(r), v. Lier_, allier (alligare). — P. p , alo-iie. — Les
deux pauv bêles élaint aloues asanibe.
Alonde, s., hirondelle, aronde. — // ai mis sa habit à queue
(Z'alonde.
Pluslot li cort quaro/icit ne vola.
(Raoul de Cambrai.)
Kabillarde aronde, tais-toi,
(Baïf.)
L'aronde en l'aicl criz pileux et iranchans.
(Marot.)
GLOSSAIRE DU MOUZONxNAIS 847
Altère, s. f., arlère. — Celle siibsliUUioii de 17 à Vr esl
1res fréquente : nous l'avons déjà rencontrée pour alondc.
L'aspre altère, comme un gouet.
(Raljelais.)
Amadoue, s. f., amadou, ce qui est doux, mou, comme l'ama-
dou. J' n'aiiime ini i" pain chaud : on diroi qu'on mange de
/'amado'je.
Ainanchie(r), v. emmancher. — P. p., amanchie.
Se U covient coingnie
Tranchant et enmanchic
iEstillcment au vilain.)
Amasser, v. Faire des amassons.
Nuis ne porra entrer en un champ pour moissonner se il
n'est amassé.
{Ord. de Reims, 1378.)
Amasson, s. m , sorte de javelles que l'on l'ail à l'aide du
râteau en ramassant l'avoine coupée et couchée en andains.
Ambedeux, adj., deux, tous deux. — N'est plus guère connu
que par la justice double, que prenaient, tantùl à Ivoy, tantôt à
Mouzon, les trois villages d'EuilIy, Vaux et Tétaig-ne;, appelés pour
ce fait ambedeux.
Si qn'ambcdcuz les espérons li irencha.
(Fabliaux du XIV" s.)
lih estoient ambedeux de Hny et tout d'un lignage.
(Jean d'Oui remeuse )
Amb(r)e, s. f., framboise.
Ambri-iie(r), s., framboisier, qui porte ramb(r)e.
Amein-nagie(r), v. .4ménager, disposer — et emménager. —
Amein-nafju(r) 'n coupe {dû bos), c'est débiter le bois, le disposer
en tas mesurés et parés, pour la vente. — Ces f/ens-là anl amein-
nagic hier ; jii n' nais dud' d'ail 's qui d'vi'nanl (je ne sais d'où ils
viennent).
Amein-ner, Amon-ner, v. amener et emmener. — J'amein-ne,
j'amein-nans ; — j'amein-nos ; — j'ai nmcin-nr -, — j'amein-ncrai ;
a'n amein-nant.
La réiue l'enfant enincinnc.
(Dolopalhos.)
848 GLOSSAIRE DU MOUZONNAIS
Cil Vameinnent parmi la ruo.
(lioman des Sept Sages.)
Tantôt commande à amcincr son cheval.
(Rom. de Renart.)
Que nul marcheant (Je poissons ne soit si hardiz qu'il
amainne paniers à Pari'^ ....
[Ord. roy. de 1307)
Amieller, v. Flaller, allirer par des paroles aimables, miel-
leuses. — M'man, V chat n" veut mi r'vcni(r) ! — AmELLE-lil in
peu !
Amignoter, v. Cajoler, amadouer, adoucir, llaller. — Racine :
Mignot, mignon, qui a donné aussi le vieux mot mignotise, déli-
catesse, gentillesse. C'est l'équivalent de Amignarder, ou à peu
près. — Figure dans les Glossaires de l'ancien langage.
Les petits enfants se délectent à ouir paroK's llalteuses
et qui les amignardcnt.
(Paré, dans Littré.)
Aminci(r), v. amincir.
Amolli(r), v. amollir.
[A suivre.) N. Goffart.
LES
CHANSONS DE PERRIN D'ANGECOURT
VIII
Au tens novel
Que cil nisel
Sont hétié et gai,
En un boschel
Sans pastoral
Pastor trouvai ;
Où fesoit chapiaus de Hors
Et chantoil un son d'amors
Qui tant ert iolis :
« Li pensers trop mi guerroie de vous, dous amis. »
Par grant revel,
Ens el prael.
Dire li alai :
S'il vous ert bel,
Por vo chape!,
Vostre devendrai.
Fins et loiaus à tousiors,
Sans iamès penser ailiers,
Et pour ce vous proi :
« Bergeronele, fêles vosireami de moi. »
Siro, aies en ;
C'est pour noient
Qu'estes ci assis.
J'aim loiaument
Robin le genf,
Et ferai tous dis.
S'amie sui et serai ;
Ne ia tant com ie vivrai
Autre n'en iorra.
« Robins m'aim, Robins m'a, Robins m'a demandée, si m'aura. »
* Voir page (382, tome Vil de la Revue de Champagne.
850 LES CHANSONS DE PERRIN D ANGECOURT
Mull longuement
L'alai proiant,
Que riens n'i conquis ;
Estroitement,
Tout en riant,
Par les flans la pris.
Sus l'herbe la souvinai.
Mult en fu en grant esmai.
Si haut a crié :
« Bêle douce mère Dé ! gardés moi ma chaste. »
Tant i lulai,
Que l'achevai
Trestout mon désir,
le la trouvai
De bon essai,
Et douce à sentir.
Adonc si me sui tornez;
Et quant ie fui remembrez
Si pris à chanter :
« Par les saints Dieu, douce Marguet, il a grant peine en bien aimer. »
Vaniantes. — Vers 3. Joli et gai (24.406) — 7. Oa (id.). — 9. Moût
ert (id.). — 15. Pour ua (id.). — 22. Tout pour (id.). — 29. Autre n'ame-
rai. — 38. EtTroi (id.)
Glossaihe. — Tens novel, printemps. — Cil oisel, ces oiseaux, cas sujet
pluriel. — Hetié, hailié, joyeux, bien disposés. — Boschel, bocage, bos-
quet. — Pastorel, petit berger. — Pastourc, bergère. — Son, chant. —
Ere, était. — Revel, ébats, jeux, ardeur, lutte. — Ens, dedans (intus), —
El prael, le pré. — S'il vous ert bel, si ce'a vous est (sera) agréable. — Fins
et loiaus, vrai et loyal. — Proi, prier. — Xoient, néant, rien (nec entem).
— lorra, jouira. — Si, ainsi, explétif. — Souvinai, renversai sur le dos. —
Chaste, chasteté, vertu, virginité. — Trestout, Irestot, entièrement. — Adonc,
alors (ad lune). — Remembrer, se souvenir, se remémorer.
IX
Contre la froidor
M'est talent repris
De chanter ioliement,
De très bone amor,
Qui si m'a sorpris,
Que siens sui a encient.
Ne ia n'en iere partis,
Nul ior que ic soie vis.
.\ins servirai loiaument,
Et souvent,
Bone amour à son devis.
LBS CHANSONS DK PERRIN d'aNGECOURT 851
Ja n'iert a nul ior,
Uosignol iolis.
Qui a femele se prent.
Il pert sa baudor,
Sd ioie, ses cris.
Que doit vivre loiaument,
Se mes chanters n'est mens,
N'en doi estre mains iolis.
Mes plus renvoisiement,
Et souvent,
Doi chanter, ce m'est à vis.
Dame de valor,
Qui maintient bon pris,
Qui lins a mis en jouvent^.
S'en bee à honor
Cuer qui est assis
En tele amor vraiement,
Le guerredons en est pris.
. Cil n'est mie fins amis
Qui n'en a amendement
Quand il prend
Don de si haut lieu tramis.
Variantes. — Texte du 845. — Vers 5. Conquis (847), sesi ou seur-
pris (LV). — 6. Escient (EV), essient (817). — 9. Eiaument ou bonnement
(LV). — 12-13. Jà niert roussignol iolis (LV). — 15. Qui pert (847). — 17.
Quant doit (847j. — 21. Envoisiement (LV). — 23. Mots omis par (LV). —
25. Qui a fia ami en jouvent L^'l. — 28. En celé amour le ramaine (LV).
— 29. Se guerredons (847). — 31 . Alégement (847) ; Qui tent a , LV). —
33. Leu (847).
Glossaire. — Talent, volonté, envie, désir, passion talentum, balance).
— Encient, cssienl, pour tout de bon. véritablement, au su. — Jà, jamais,
déjà, certes (jam) — Vis, vivant. — Ains, mais. — Devis, gré, désir, volonté,
souhait. — X'iert, ne sera, il n'y aura (non erit). — Uaudur, hardiesse,
crânerie, gaieté, allégresse, — Meris, payé, récompensé. — Mes clianters.
mon chant, suj. sing. — Mains, moins. — lienvoisiemcnl, envoisiement,
joyeument, avec raffinement.. — A vis, à vouloir, ce qu'on veut; a en vis,
contre le gré, l'opinion (vis). — Fin ami, ami sûr, vrai, délicat. — Jjuvenl,
jouvence, jeunesse. — Béer, désirer, espérer, se dispeser. — S'en, si en.
— fris, prix, récompense, — Guerredon, guerdon, récompense, rémuné-
ration, salaire. — Cil, celui-là. — Tramis, transmis, envoyé.
X
Hélas ! or ai ge trop duré !
Vivre me désagrce.
Quant mes cuers m'a à ce mené
Que i'ai ma dame irée.
852 LES CHANSONS DE PERRIN D'aNGECOURT-
Si me repent.
Et li requier bonement
Que me reface ioli
Par avoir de moi merci.
Dolereusement m'ont grevé
Vilaine geiit desvée,
Qui m'ont vers ma dame mellé,
Tant qu'ele m'a veée
Trop cruelment.
Sa parole qui souvent
M'a de grant ioie garni
One mes, hom tant ne perdi.
Mes auques m'ont réconforté
Selonc ma destinée,
Ce qu'en li est a (tel) plenté.
Haute bonté loée,
Que longuement
N'aurai pas son mautalent,
Amor mi fot jiorvoir : Di
Qu'a besoing faut son ami.
Ho ! franche riens, de grand biauté
Et de tos biens parée
Recevez ma chanson en gré.
S'ert ma vie honorée,
Par un convent,
C'onc mes si ioliement
Gom ie ferai puis ici,
En chantant ne m'esjoi.
Par fol stns, sans desloiaulé,
Seiie né celée,
Ai vers ma dame meserré
Ou toute ma pensée
Et mon talent
Ai mis si entièrement ;
Mes se morir doi por li,
One si bêle mort ne vi.
Dame au cors gent
Prenez mon chant bonement :
Et si le ferez ainsi
Si morront mi anemi
Variantes. — Texte du 845 et variantes du 24.406. — Vers 9. Vilaine
gent m'ont grevé. — 10. Mauvaise genl desvée. — 16, Onques hom. — 17.
LES CHANSONS DE PERRIN d'aNGKCOURï 8bu
M'onl reconlorté (mau reconlorté au 845). — 19. Ce qu'eu li a à tel plenté
lest à plenté, 845]. — 23. Qu'amours. — 24. Qu'en desdaiog faut son ami.
— 30. Qu'ains si. — 31. Puisse issi. — 32. Eu chanlant moi esjoir. — 33.
Car fox sens de loiaulé. — 3b. Envers. — 40. Ains.
GlOïSaire. — Irée, courroucée, fichée, en colère, — Desvée, folle,
insensée. — ilellé, brouillé. — Véée, refusée (vetare;. — One mes, jamais
plus (unquam magis). — Auques, un peu, quelque (aliquod). — A plenlé,
en abondance (plenitalem). — Loée, louée, applaudie. — Mautalent, mau-
vaise dépositiou ou inteulion, colère, irritation. — Faut, manque. — Franche
riens, libre, fijénéreuse créature (rem). — S'ert, si ert, ainsi sera. — Con-
verti, convention, engagement, — l'uis ici, à partir de ce moment. — Esjoi,
réjouis. — Seue ne celée, ni connue ni cachée. — Meserré, mal agi. —
Cent, adjectif, noble, beau. — loli, Gai. — Par avoir, en ayant.
XI
Quant li biax estez repère,
Qu'arbre sont foilli.
Que chascuns oisiax s'apere
Pour le tens ioli
Las ! il ne m'est pas ensi !
Ains muir d'esmaiance;
Car celé ou tant a vaillance,
Des bêles la flors,
Croit les menteors
Si me terne a mescheance.
He ! mesdisant de maie aire 1
Tuit loial ami
Doivent hair vostre alfere.
Vous m'avez nuisi !
Loiaus amours que gen pri
Men face venjance !
Par vous sui en desperance
Sans être resors
Se loias amors.
Et bone foi ne m'avance.
Onques ne vi si contrere,
Ni si mau parti,
Com son cuer et son viere.
Cn m'a mai bailli :
■Vis a de pitié garni
Et d'umiliance :
I.i cuers t'et ia différance.
Car toute dourors
1 est a rebors.
Pris sui par tel décevance !
8S4 LES CHA.NSONS DE PERRIN d'aNGECOURT
Mult me sot très bien atrere,
Et bien me sesi
La grant biauté qui l'esclere,
Quant primes la vi.
Puis en ai maint mal senti,
Et mainte grevance.
N'onques, pour ce, n'oi voiiiance
De penser ailiers,
M'Ugré traïtors,
Vis en loial espérance.
Chancon, va-t'en, sans retrere.
Ne seiorner ci
A la sage debonere,
I)e par moi li di :
Que tuit mi chant sont por li.
i.ors sans arestance
A conte d'Aniou t'avance ;
Di li que tousiors
Hee jangieors ;
Je li charge en penitance.
Vahiavtes. — Texte du 845, — Vers 3. Se paire (846), — 4. Seri (ea
double 24.106). — 6. De ma lance 1! (846).— 7. Ou i'ai ma fiance (24.406).
— 11. Couplet passé par 25.406. — 17. Désespérance (846). — 2". Umileté
(24.406). — 28. Desevrance (id.), et défaillance (846). — 33. Biauté de sa
chiere(24.406). — 34. Premiers (id.) — 35. Poi (id.) — 40. Vif (8i6 et 24.406).
Glossaire. — Li biax estez, le bel été, suj. sing. — liepere, revient. —
Ensi, ainsi. — Muir. je meurs. — Esmaiance, émoi, inquiétude, trouble,
crainte, effroi. — Meschéance, malheur, malechance. — Tuil, tous. —
Veniance, vengeance. — ResO}'S, guéri, ressuscité. — Mau parti, mal par-
tagé. — Viere, visage, figure. — Ce m'a mal hailli, cela ma donné mon
mal, — Vis, visage. — Umiliance, umileté, bienveillance, débonnairelé, dou-
ceur. — DifJ'érance, desevrance, séparation. — Sot, sut. — Atrere, attirer.
— Primes, premiers, la première fois. — Puis, depuis. — N'onques, non
jamais. — N'oi, je n'eus. — Voiiiance, volonté. — Retrere, rester, demeu-
rer, remettre. — Hée, qu'il haïsse. — Jangieors, bavards, mauvaises langues.
XII
Quant voi le félon tens fine
Qu'entré sonmes el moi de mai,
Que raverdissent bois et pr^,
Et oisel sont iolif et gai,
Lors chanterai ;
Mes se ma chanson n'agrée
A celé en qui ma pensée
Et tout mon pouvoir mis ai,
Sans plus chanter aimerai.
LES CHANSONS DE PERRIN d'aNGECOURT 855
Nus cuer n'iert ia plains de bonté ;
Pieçà que primes l'esprouvai,
Devant qu'amors i ait ouvré.
En lui fui et sui et serai.
Ja n'en istrai.
Car tele est ma destinée !
Mais se li max a durée,
Que je, por ma dame, trai,
Et vivre et chanter lerai.
J'ai tousiours puis à li pensé.
Que pr mierement l'esgardai.
Si fui sorpris de sa biauté,
Que loiauté li créantai.
Si li tendrai ;
Ne jà n'iert par moi faussée.
Quant ele aura esprouvée
Ma pensée et mon cuer vrai
S'il li plaist, merci aurai.
Dame a qui amors m'a doné,
Par les euls dont vous acointai !
Car daigniés recevoir en gré
Ce qu'adès servie vous ai !
Et servirai ; ,
Ne ià n'en sera ostée
Ma volenté, mes doublée,
Quant plus por vos soffrerai.
Mes trop sont grief vostre essai !
Dame en qui tuit bien sont planté,
Je sui d'une chose en esmai ;
Se mesdisant sont escouté,
Que par raison has et narrai,
Par ce perdrai
Ce qui m'a vie gardée :
Espérance, qui donnée
Me fu quant vos enamai.
Se je la pert, je morrai !
Va sans délai^
Chançon, et sans demorée,
Droit en Bréban. Car voée
Es au duc. Là te donrai -,
Melz emploier ne te sai.
Variantes. — Texte du 845. — Vers 9. L'amerai (139! et 24.406). —
12. I ait ouvré (id.) — A li sui tousiours et serai (1591). — 47. Que pour
»Ù0 LES CHANSONS DE PERRIN D ANGECOURT
ma dame tret ai (24.40C). — 18. A vivre et a chanteo lerai (24.406); Et
muet a chanter lerai (l59l). — 28. Dame cui. — 29. Vous esgardai (24.40C).
— 35. SolFerrai (id.) — 40. Hee (84G). — 4/. Que ma vie a sauvée. — 44.
Vos acointai (846). — 46. Eavoi supprimé dans 1591 et 24.406. — 48. Brai-
bant (846). — 50. Mieux (id.).
Glossaire. — Félon, méchant, mauvais. — El, en le. — Oisel, oiseaux.
— N'iert, ne sera. — Pièce, pièce (de temps) a, il y a longtemps. — Primes,
la première fois, d'abord. — Ouvré, travaillé. — Ja n'en islrai, jamais je
n'eu sortirai. — Que je Irai, tire, supporte. — Lerai, laisserai. — Puis,
depuis. — Créaritai, Je lui fis créance, je lui promis. — Tendrai, lenrai,
je tiendrai. — Euls, yeux. — Acointai, je connus (cognitus). — Adès, tou-
jours (ad dies). — Grief, graves, pénibles. — Tuit, tous. — Has [liée) et
Harrai, je hais et haïrai. — Par reson, comme il est prévu, compté (ratus).
— Demorée, relard (demorari, tarder). — Voée es, tu es vouée, destinée. —
l)onrai, donnerai.
XIII
Qaant ie vol l'erbe amatir,
Et le félon tens entré,
Qui fet ces oisiax taisir
Et lessier joliveté,
Pour ce n'ai-je pas osté
Mon cuer de loial désir.
Mais, pour mon us maintenir,
A cest molet me reclaim :
« Je suis jolis, pour ce qu'iaim.. »
J'aim loiaument sans traïr.
Sans feindre et sans fausseté,
Celé qui me fet languir,
Sans avoir de moi pité.
Et bien sai de vérité.
Que je suis siens sans guencliir.
Mes en espoir de joir,
Li ert cest motet chantez :
c Dame, merci, vous m'ociez. »
Vous m'ociez sans reson,
Dame sans humelité!
Ne pert pas, à vq façon.
Qu'en vo cuer ait cruauté,
Mes grant débonnereté.
Pour ce sui-je en soupeçon :
Simple vis et cuer félon
M'ont mis en grant desconfort
Sa biaute Fcausel ma mort.
LES CHANSONS DE VKRUIN d'aNGKCOURT So7
xMort m'a, sans point d'achoson,
Celé en qui j'ai atorn4
Mon sens et m'entencion.
Por fjre sa volenté,
S'or le daignoit prendre en gré,
Por tout autre guerredon,
Mis m'auroit hors de friç.on.
Si diroie sans esmoi -.
Bone amour qu'iai. mi tient gai.
Var-antes. — Texte du 8i5. — Vers 10. J'aioR léaumer.t (SW). — 1G
Merir (846). — 26. Tous les textes parlent : Sa biauté m'a morl (m'a tué).
— Ou m'amort, m'attache, me passionne, m'amorce.
Glossaire. — Amatir, s'abattre, se tlétrir. se faner; — Taisir, taire
(tacere). — Le.isier, laisser, quitter. — Jolielé, gaieté, agrément. — Pité,
piljé. _ Guenchir, broncher, se détourner. — Li ert, lui sera. — Ociez,
tuez. — Xe perl, il ne paraît. — Simple vis, visage sans déguisement (sine
plicat. — Desconfort, abattement, aniiction. — Acheson, achoison, ochoi-
son, occasion, motif. — Atome, dirigé, appliqué. — Entencion, intention,
intelligence. — S'or, si, à présent. — Guerredon, récompense, rémunéra-
tion. — Fricon, crainte, terreur.
XIV
Très haute amour qui tant s'est abessie,
Qu'avec mon cuer se daigna herbergier,
A fere un chant m'a prestee s'aïe.
Si chanterai -, car pour moi enseignier,
A amors pris en moi son héritage.
Et se ie chant, ce n'est pas par usage ;
Ains vueil chanter por ce que ce!e l'oie
Qui peut mon duel fere devenir ioie.
Amors me fist vilaine corloisie,
Quant, en tel leu, veult mon cuer omploier,
Ou Dex a mis, de ses biens grant partie,
Que tes 11 mons i auroit que prisier.
.)e cuidoie qu'amant fuissent tuit sage !
Sage non sont : i'aim et si fas folage-.
Car i'aim dame, que prier n'oseroie^
Et si n'ai oii si hardi qui la voie.
Celé que i'aim est de tel seignorie,
Que sa. biautez me fet outrecuidier.
Quant ie la voi ie ne sai que ie die.
S'i sui sorpris que ie ne l'os prier.
858 LES CHANSONS DE PERRIN d'aNGECOURT
Las ! l'en morrai, s'ele ne m'assoagf) :
S'ele m'ocir, trop fera grant outrage.
Tant sent por li de mal qui me guerroie,
S'espoirs n'estoit, soffrir ne le porroie.
Dame en qui est toute honors asegie,
En moi grever, poez forment péchier.
Se fine amor vos a de moi sesie,
Ne me devez, por ce, pas melre arrier.
Vostre hom devieng, loial, de vrai corage.
D'une chancon rendue à héritage
Le ior de mai, Dex doint que bien l'emploie !
Car ia n'aurai vouloir que ie recroie.
Hé ! mesdisant, vilaine gent haïe !
De moi grever, vos voi appareillier.
Et sachiez bien, c'est mult grant vilanie !
Car ie sui cil qui n'en auroit meslier ;
Mes la douçor, qui maint en mon visage,
De leauté li porte tesmoignage.
Por ce n'ai pas paor qu'ele vos croie,
Se la durtés d'eiïr ne la desvoie.
Variantes. — Texte du 845, qui donnerait cette chanson plus volontiers
au roi de Navarre, — Vers 5. Herbergage (double), — Hebergage (2i.406).
Duel est du 8iG et 24.406; 845 donne cbant. — 9. Amours me fist une
grant (846). — 14. Non sont par Dieu (846). — 15. Il y a en note : La
Heine, mère de Louis. — 16. Oeul (24.406), huil (846). — 24. Que n'ot
Paris por Helainne de Troie (846). — 25. Dame oui s'est (846) ; s'est toute
honeur habergie (24.406). — 26. Griement (840, noie). — 28. Plus (24.406).
— 29. Fui corage (8'i6) ; devieng leaus (24.406). — 30. D'une chancon bêle
par hirelage (846). — 37. La grant douceur qui (846). — 38. Le 845 dit
biauté, 346 léaulé, 24.406 loiauté. — 39. Por ce si ai paour (846) ; pas voloir
que i'en recroie (24.406). — 40, Se la durte de vos la Jesvoie (S46, et eu
note : d'eiir ne la mesvoie) ; Ou se desdaing par ce ne i'en desvoie (24,406),
Glossaire. — Herbergier, herbegier, héberger, loger, habiter. — S'aïe,
son aide (adjuva). — Enseignier, instruire, montrer (in signum), — Her-
bergage, pour héiilage ; l'amour a élu domicile chez moi. — Ains, mais. —
Vueil, je veux. — L'oïe, l'entende. — Duel, deuil, tiistesse, chagrin. —
Volt, veuU, veut. — Tos li inons, tout le monde, suj. singulier, — Cuidoif,
je pensais, — Tuil, tous, — Fas Folage,]^ fais folie. — Si, certes. — OU,
huil, œil. — Voie, regarde. — Outrecuidier, penser au-delà (ultra cogitare),
extravaguer. — Las ! malheureux. — Assoage, soulage, adoucit, apaise
(suavis). — Ocit, tue. — Outrage, excès. — Guerroie, attaque, excite, pour-
suit. — Asegie, assis, placé, (siège). — Grever, accabler sous le poids (gra-
vis). — Mètre arrier, renvoyer, repousser. — A hiretage, héritage, à jamais.
— Dex doint, que Dieu donne, — Recroie, je recule, j'en revienne, je me
lasse. — Appareillier, préparer, disposer. — Avoir meslier, avoir besoin. —
iMoinI, demeure, réside (manere). — Leauté, fidélité. — Paor, paour, peur.
— Eiir, heur, fortune, sort. — Desvoie, mesvoie, met ho.'s de la voie.
LES CHANSONS UE PERRIN d'aNQECOURT
XV
Amors dont sens et cortoisie
Et toute autre bonté descente
Me fet chanter, par sa mestrie,
Contre le dous commencement
D'esté. Kien doi ioliement
Chanter, car bon espoir m'aie,
Qui me dit que celé ert m'amie
Qui j'ai fait de mon cuer présent.
Mult me muet de très grant folie,
Et d'outrage, et de hardement,
Quant onques, a nul ior, envie
Me prist d'amer si hautement.
Car ie sai bien certainement ;
Qu'en li amer, reson ouijlie.
Si croi que g'en perdrai la vie,
S'amors et pitiez le consent.
De grant biauté est garnie,
De sens et d'eneur ensement,
Celé qui amors a sesie
De moi par son commandement.
Ore en puet fere son talent,
Car il n'est qui le contredie.
Se ce vaut, ma poine ert mérie.
Onques n"i pensai faussement.
Dame ! onques ne vos fu gehie
L'aspre dolor que por vos sent.
Se pitiez est a droit partie,
Je vivrai en alégement.
J'di en vos mis entièrement
Mon cuer, et mon cors et ma vie.
Merci, quant ele ert deservie.
Aurai, se loiauté ne ment.
A Paris va, chançon jolie.
Sans fere point d'arestement.
Phelipe Chauçon di et prie
Qu'il te chant envoisiement.
Et, s'onques ama loiaument,
Por Dieu ! qu'il n'en recroio mie ;
Mes tosiors aim, que que l'en die !
Car amors fel valoir !a gent.
SfiO LES CHANSONS DE PERRIN d'aNGECOURT
Variantes. — Texte du 845. — Vers 18. Onour ansument (846). — 11).
Celé qui de moi a sesie (24.406). — 20. Amors par son commandement
(124.406), — 28. — le morrai (S46). — 35. Phelippe Ghauço;is (34.406). —
38. Por Deu (846).
Glossaire. — Mestrie, possession, pouvoir, maestria (!) — Aïe, aide
(aiuva). — Ei't m'amie, sera mon amie. — Qui, cui, à qui. — Muet, meut,
m'émeut, me remue. — Oulr'age, exagération. — Hardement, excès, har-
diesse. — Onquei, jamais. — Qu'en li amer, qu'à l'aimer. — Enscmenl^
aussi, ainsi, pareillement, ensemble (in simul). — Sesie, mise ea posses-
sion. — Ore, maintenant (hora). — Talent, dé&ir, fantaisie. — Ert mérie,
sera payée, récompensée. — Gehie, avouée. — Partie, distribuée, partagée.
— Ele ert deservie, elle sera méritée, gagnée. — Aurai merci, j'obtiendrai
merci, pitié. — Chauçon, prob. nom propre. 11 y a eu, à Sedan et à lîethel,
des Chosson dès le xiu' siècle. — Peut être Chançons, au vocatif, comme
dans le man. La Vallière, peu correct du reste, — Envoisiement, gaiement,
avec envolée. — S'onques, si jamais. — Recroie, recule, fatigue (ne se lasse
pas).
XVI
y Liant voi, en la fin d'esté
La fueille chéoir.
Et la grant ioliveté
D'ûisiax remanoir,
Lors al de chanter voloir
Greignor que ne soloie.
Car celé, a qui le m'otroie
Ligement
M'en a l'et commandement.
Si chanterai
Et quant ma dame plera
Joie aurai.
Cuer qui n'aime ou n'a amé
Ne puet riens valoir.
Pour ce i'ai le mien doné,
Sans iames movoir.
Et si sai bien tout de voir,
Que par haut penser soloie
Comment qu'avenir m'en doie.
Loiaument
A amors servir, me vent,
Tant com vivrai.
Et quant ma dame plera
Joie aurai.
Tant me plest sa grant biaulé
A ramentevoir.
Que i'ai tout autre pensé
Mis en noiK'haloir.
LES CHANSONS DE PERÎtIN d'aNGECOUKT 8G1
Las ! et si ie ])iiis savoir
S'3 mon penser bien emploie !
Car por riens ne li diroie
Que ie sent,
Fors quant ciiant si feteiiiunt ;
Li géhirai :
Dame, quant il vos plera
Joie aurai.
Dame, en droite loiauté.
Et sans décevoir^.
En vo debonnereté
Met tôt mon povoir.
Car me daigniés recevoir,
Dame en qui tous biens ondoie !
Vo grant biauté me guerroie
Si griément,
Se ie n'ai alégement
Por vos morrai.
Dame, quant il vos plera
Joie aurai.
Mesdisant ! vo mauvesté
M'a mult lait doloir !
Et s'ai mainte fois douté
Vostre apercevoir.
Maus feus les puist tos anteir !
Si voir com ie le voudroie,
lié! hone amor qui g'on proie,
Vengiez m'en I
Donez chascun un forment,
Tel com ie ai !
Et quant ma dame plera
Joie aurai.
Variantes. — Texte du 8i5. — Veis 13. M'anime (846). — 15. S'ai
(24.406). — 21. Kent (8iG et 2i.40G:. — 33. Chantant (836) ; fièrement
(24.406). — 35. Kl quant madame plera (24.405). — 43. Voslre biauté
(843); vo grant {Si6, 2i.iU(i). — 4;i. Esligement (8it)). — i". El quant
madame plera (24.406).
Glossairiî. — /Îema»i0i>', s'arrêter, en rester là — Grcirinor, plus ^rand,
comparatif de grant (grandior). — Ne so^oie, je n'avais l'habitude (solebam).
^ Olroie, octroie, je me donne (auctoricare). — Ligenient, pleinement,
entièrement. — Madame plera, quant il fera plaisir à ma dame. —il/oDO/r,
mouvoir, déplacer, oier (movere). — Si, explétif, — De voir, de vrai. —
Tant com, tanl que. — Ramentevoir, à me rappeler, souvenir (in mentem
reducere). — Xonchaloir, négligence (non, et c/ia'oir. importer, calcre". —
Que, ce que. — Fors^ excepté. — Sifetemenl, sifaitement, ainsi, de cette
façon (sic facta mente). — Gehirai, avouerai. — Gricmenl, griefmi'nt, grave-
862 LES CHANSONS DB PIERRE d'aNGECOURT
ment, durement, péniblement. — Afauveslé, mécLancelé. — Doloir, souffrir
(dolere). Maus feus, mauvais feu. — Puisl los ardoir, puisse les brûler
tous. — Si voh', si vrai. — Proie, prie. — Dorez chascun, donnez à
chacun.
XVII
Onques, por esloignement,
Ne mis ma dame en obli ;
Mes ades, entièrement
A esté mes cuers a li.
Encor m'i aient nuisi,
Mesdisant a leur povoir !
J'amerai por melz valoir ;
Si en devroient crever,
Ja, por mesdisans, ne lerai l'amer.
Quant primes vi son cors gent,
Et les euls qui m'ont trahi,
Si lui férus rudement.
Que, dou grant cop, m'esbahi.
Si que, tantost, me rendi
Où piliez ne set manoir.
Raençon en vout avoir.
Pris m'a, or, en ait merci.
La bel' qui mon cuer a, me tient ioli.
Jolif, sans alégement !
One tel merveille ne vi ;
Car, quant plus sui en tourment.
Plus me truis amanevi
De li servir. Ce, li pri :
Qu'en gré veuille recevoir
Ce que, de loial voloir,
M'olroie a li ligement.
Me confort amors, com l'aim loiaumenl !
Dame en qui tous biens aj)ent,
Qui mon cuer avez sesi.
Se ie ne vos voi souvent,
N'ai ie pas mains déservi ?
Si onc por ce riens n'en soCTri,
Ains me convient plus doloir.
Li désirs de vos vooir
M'art, se merci n'en avez,
Dame, prenoz m'en pilé, vous m'ociez,
LES CHANSONS DE PERRIN d'aNGECOURT 863
Chançon, va-t'en droilement
A Mignot, et si H di :
Que, por mon avancement,
Dejjrit bone amor por mi.
Car il a tousiors servi
De loial cuer, sans movoir.
Et por ce, sai-ie de voir,
Sa prière m'aidera.
La Bele m'ocit, qui m'en guarira !
Variantes. — Texte du 843. — Vers 8 S'il en dévoient (846. 24.406).
— 9. Ne lerai a amer (24.406). — 10. Premiers (24.406) ; geot cors (846).
— 15. Menoir (846). — 16. Kaencon n'en veut avoir. — 20. Ainz (24.40t').
— 23. Or li pri (24.406i. — 26. M'outroie. — 28. A cui (846). — 38. Mar-
got (24.406). — 42. Mouloir (845), mouvoir, 846 et 24.406).
Glossaire. — Onques, jamais. — Ades, toujours (ad dies). — Mes cuers,
mon coeur. — Encor, eucor que, bieu que. — Melz, miex, mieux (melius).
— Lerai, laisserai, cesserai. — Frimes, premiers, d'abord. — Gent, beau,
noble, bien né (genilum). — Euls, veux. — Fui férus, je fus frappé. —
Manoir, résider, demeurer (manere). — Or, maintenaut (hora). — Me Irais,
fe me trouve. — Joli, gai. — Amanevi, préparé, disposé, gaillard, empressé,
leste, dégagé. — Ce li pri, de cela je la prie. — Molroi, je me donne. —
Mains deservi, moins mérité. — Ains me convient, mais il me faut. — Doloir,
souffrir. — M'art, me brûle, me consume (ardere). — M'ocie, vous me tuez.
— Depril, qu'il prie avec instance (deprecare). — De voir, de vrai.
XVIil
Perrins d'Angicorl
Et si fu coreitaie a Are:
J'ai un iolif souvenir
Qui, en moi maint et repaire,
Qu'amors i a fet venir
Pour moi compaignie faire,
A servir
Ma dame sans deffaillir
Et sans mesfaire.
Amors, qui tant puet merir,
Li doint voloir d'amenrir
Les ma.x, que por li vueil traire !
Tout ades quant le remir
Son gent cors, son cler viaire.
Ses euls qui, au cuer scsir.
Ont semblant si débonnaire
Sans sentir
.Me done, amors, de ioir
864 LES CHANSONS DE PERRIN d'aNGECOURT
Un essemplairc.
Mes c'est por mot sostenir,
Que ie ne puisse clieir
En volenté de retraire
Jà Dex ne m'en doint loisir !
Trop seroie de maie aire !
Je voudroie meiz vestir
Tout mon éage la liaire,
Que giiorpir
Celé qui puet convertir '
Tout mon contraire,
En ioie et moi détenir ;
Et me plus puet enrichir
Qu'a faire roi de Gésaire.
Bien me deust oie acueillir
Et d'aucuns dous mos refaire !
Mes el ne me veut oïr,
Ne por parler, no ])or taire !
S'en souspir,
Et d'amoureus cuer m'aïr,
Quant el n'esclaire
. Moi, qui ne li puis guenchir,
Ains me fet plus max soulTrir
Qu'Alixandres ne fist Daire,
Dame, ie sui sans mentir
Vostres, et sans contrefaire.
Riens ne me jiorroit nuisir,
Si mes chans vos pooit plaire.
Et languir
Aim bien por vos, et pâlir
Tant qu'il me paire,
Voire, s'il vos plest, morir.
Ne me soifrés à périr,
Gentis cuers de bon afaire !
Maintenir
Loiaule, sans repentir.
Ne puet desplaire
A cuer qui sert sans trair.
Mes li faus s'en veut partir
Lues qu'un pou de mal le maire.
Variantes. — Texte du 845. — L'indication se trouve au manuscrit de
Berne ; Arez, Arras. — Vers 2. Qui en mon cuer (1591). — 3. Oa'amor i
ont (21-406). — 6. Me^servir (8i6). — 7. El sans retraire (Val). — 9. l'ooir
LES CHANSONS DE PEURIN d'aNGECOURT 8i)5
(2-Ï.406). — 12. Viaire cler (846). — 13. Ses iex (24.406); ses icx vairs
qi a sesir (846, 1o9l). — IG. Men doigneDl amours ioir (Val). — 19. En
chair (24.406;. — 23. Miex ameroie veslir (24.406 et Vat). — 24. Tous les
iors du mont la h aire (24.406). — 26. Celé trestol mon contraire (24.406).
— 27. AlFaire (845). — 30. Qu'eslre roi de Cesaire (846). — 31. Kecoillir
(846, 1591, Vat). — 32. Atraire (23.406). — 33. Aiiis s'el me vuel oir (846).
— 34. Pour (24.406). — 36. El d'amour au cuer air (Vat). — 39. Et me
(24.406. — 41. Faillir (846, fouir, 24.406). — 46. Aiog miex tous dis et
pâlir (24.406); Vuil bien (846). — 47. Tant quil i paire (24.406); Si que
me paire (1o9l). — 4S. S'il li (24.406). — 51. Passé dans 24.406 et lo91.
Glossaire;. — Corenaie a ^jY'S, couronnée à Arras. — Maint et repaire,
demeure et reste (mancre, repatriare). — Ménr, récompt nser. — Li doint,
qu'Amour lui donne. — Amenrir, amoindrir, adoucir. — Traire, tirer, sup-
porter. — Ades, toujours, tout le temps (aJ dies). — Remir, je regarde,
admire, contemple, — Viaire, viere, visage. — Cliéir, chair, choir, tom-
ber (caiere). — Doinst loisir, que., donne permission. — Voudruie m eux.
je prélérerais revêtir. — Eage, âge, vie. — Guerpir, quitter, abandonner.
— Contraire, malheur, désagrément. — Cesaire, Césarée. — Deiist, devrait.
— M'atr, alnr, me courrouce, me fâche. — Guenchir, faire défaut, man-
quer, mecarier. — Daire, Darius. — Paire, parait. — Voire, même. —
Li faux, le faux, louibu. — Lues que, dès que, aussitôt que. — Maire,
obsède, majore (maior).
XIX
Li jolis mais, ne la flors qui blanchuie.
Ne chant d'oisia.\, nejire, ne verl boscage,
Ne mi font pas chanter, ne mener ioie.
Tout ce me l'et force de seignorage :
El ma dame cui i'ai tel lige hommage,
Qui i'aim de cuer, sans nule fausseté,
De qui je lieng si grinl ioliveté,
Que sans ennui en userai ma vie,
El s'en l'rr::i mainte chanson iolie.
f.oiaus amers, qui tos les biens envoie,
Me fet tenir un merveilleux usnge,
Qu'ele ni'ocisl. Et si chant toute voie.
Quant plus me dueil, plus ai joiif corage,
Puisque >por li aim et vueil mon damage.
Bien l'nn deust prendre aucune pilé !
Las ! ie la pert par ma maleiirlé.
Je sai de voir qu'autrement n'est-ce mie :
?Ja mesestance a ]dtié endormie.
Se ma dame son prisonnier guerroie,
Mull petit puet prisier son vasselage.
Car, por morir, vers li ne penscroie
Desloiauté, vilonic n'outrage.
866 LES CHANSONS DK PKRRIN d'anGECOURT
Bien mfe devroit torner a avantage,
Ce que vers li ne pens fors loiauté !
Si m'envoit Dex garison ne santé
Prochainement, ains que cist max m'ocie,
Conques vers li ne pensai tricherie.
He ! mesdisant, amer ne vos sauroie !
Dex vos amoinst un mal qu'en cioime rage
Se s'avenoit que par reson diroie ?
La fausseté parroit ens el visage
Dou mesdisant et de l'amant volage.
Si seroient bien et mal esprouvé,
Selonc le droit d'amors guerredoné.
Lors si auroil li vilains vilanie,
Et li loiaus amans loial amie.
Hé ! douce rienS; preus et vaillans et coie,
Qui hom ie sui liges a héritage,
Se fine amors consent que ie vos voie,
Jà tôt le jor ne douterai malage.
Douce dame, vos estes bien si sage,
'Qu'assez poez savoir ma volenté :
En vos servir ai si mis mon pense
Que nuit et ior i pens et estudie.
Se ce n'est sens, s'est-ce riche folie !
Variantes. — Texte du 84o. — Le manuscrit de Berne porte : Pieres
d'Angincurt. — \'ers 2. Nus chanz (24.406); ne preies, ne vers boscages
(20.050). — 4. Car ce (id.) ; tant çoux me fait l'orche de seignourage (1591).
— 7. De oui jalant. . . . ioliveteit (20.050). — 10. Leals amors qui... envoiet
(id.) — 12. Et iou cant toutes voies (Val). — 13. Noble corage (24.406);
cant plus ai mal (20.050) ; qant pis me fait, plus (Vat). — 14. Puis ke por
li veil et em mon damage (20.050). — 15. Bien l'au devroit prandre aucune
piteit (id.) — 17. Iou sai devoir autrement n"est çou mie (Vat.) ; Bien sa de
voir causi ne mi ert amie (20.050). —18. Mésestance ;12.o81) ; mescbéance
(846); mes le areis ont piliet andormie (20.0o(i). — 23. Mi deûsl (1391). —
24. Qu"ains ne peiiçai vers li fors, loiauté (12.581); çou qu'envers li (Vat).
— 25. Si me doinl Dex guerison et santé (24.400 et 1591). — 28. Porroie
(H. 281). — 29. Anvois-i- maus (12.581) ; c'on claime ^Vat) ; — 30. Se ce
venoit (12.581). — 31. Ens ou (840); la ''auseté leur parroit au visaige
(15.281). — 31. Au mesdisant et à l'amant volage (Val). — 33. Lors seroient
(id.) — 35. Adont auroit (id ) — 37. (Le vers est du Vat) ; simple geutis et
coie (845) ; et plaisant et coie (l5.281) — 38. Cui (15.281 et 846). — 39.
Quant fine (Vat et 15.281). — 40. Jà puis le iour ne senlerai malage (Vat)
— 43. En vous ai si mon cuer et mon pensé (Vat). — 45. Si çou n'est (Vat).
— Vers d'une belle envolée.
Glossaire. — loliveté, gentillesse d'esprit, traits spirituels. — Loiaus
amours, amour vrai et fidèle. — Toute voie, toutefois, quant môme. —
Dueil, peine, attriste. — MalcUrlé, malheur, infortune, mauvaise chance. —
Voir, vrai. — Mésesonce, meschèanccy malechance. — MuU petit, bien peu.
LES CHANSONS DE PERRIN d'aNGECOUUT 867
— Prisier, estimer. — Fors, hors, excepté. — y|/nx, avant. — .4n7cc, aimer.
— Amoinst, amène. — Parroit cns el, paraît dans le. — Guerredone, récom-
pease. — Si auroit, ainsi aurait. — liiens, créature. — Coie, tranquille. —
Liges à lu-rilage, lidèle à jamais. — Dvutcr, redouter, craiudre. — Malagc,
malheur, malaise, maladie. — Poez, pouvez.
XX
Il ne me chaut d'eslé ne de rousée,
De froidure, ne de tens ivernage,
Quant le me muir pour la plus bêle née,
pjt la meilleur du mont, et la plus sage.
La riens qui ])lus m'agreve mon malage,
C'est ce qu'a li u'os' dire ma pensée,
Et ce que tant sent grief ma destinée.
Que ie n'atent merci en mon aage.
Et ne porquant ma dame est tant senée,
Qu'ele voit bien et congnoist mon courage.
Si durement me tourment et elTrée,
Que, quant plus i'aim, et plus la Iruis sauva^
La ! ie sui si lous siens à héritage.
Que, por morir, ne li seroit véée
Riens qui par moi peust estre achevée,
Ri l'en ai mis tout mon cuer en ostage !
Dame de sens et d'onor acesmée,
En qui biauté a i>ris son herbeiage,
Prenez en gré, douce dame honorée,
Ce qu'à tosiors vous ai fet lige hommage :
En gentil cuer doit mercis 1ère esiage !
Et se par vos ne m'est santé donée,
Estrangement avez ma mort jurée,
Par cruel cuer et par simple visage.
Bien en moi Une amor esprovée
La puissance de son haut seignorago.
Si cruelment m'a féru de s'espée,
Que nulc fois ma plaie n'assoage.
Si en sui liez, dont n'est ce droite rage ?
Quant pis me fait mes max, et plus m'agrée.
Mes loiautés est ma droite avoée :
Ce fet ele que je vueil mon damage.
Or est ensi la chose à ce tornée,
Que tous sui siens sans changement de gage.
Et se mercis n'i estoit là trouvée,
Si m'en vient il un mull bel avantage :
868 LES Chansons de perrîn d angecourt
Car g'en vau melz, et s'en hé plus hontage,
Et s'en est plus par moi joie menée.
Cuer sans amor a grant folio bée :
C'est a bon droit s'il a honte et damage.
Variantes. — Texte du 800. — Le ms. Berne porte Peiins d' Angincoi'l.
— Vers 1. Il ne m'en chat d'esleit (20.830). — .3.Kar(id.) ; quar (1591). —
4. Ke soit ou mont et tou'e la plus sage (20.050); qui soit u mont et toute
la plus sage (1591). — 5. Agrège (845) ; agriève (1591) : me griève a (12.381^;
La rians ke plus m'agriève a mon malage ("20.050). — 7. Et ne porquant
tele est ma destinée ('24 406J ; Et sour ke tout est tels ma destinée ("20.050);
Et ce que truis si grief (l2.58t ; Et que tant senc dure ma destinée (Val.
— 8. Que n'en aurai merci en mon eage (24.406) ; Ke nen atent œersit en
mon eage ('20.050) ; Car ion atent (12.581) ; Que n'en ateuc merci en mon
eage (Va). — 11. Si durement me torment et eilrée (24.406). — 13. Supprimé
dans 24.406. — 17. Douce dame haute chose houiiourée (1591) ; — 18. Her-
bergage (1591 ', hebergage i24.406). — 19. Prenez en gré douce dame hono-
rée ^24.406) ; Prenez en grae dame sil vous agrée (845) ; Prenez en fiance
dame honouree (1591 et Va). — 21. Merci prendre estage (Va). — 23.
Estrangement m'assailli la pensée (24.406). — 25. Couplets omis par 20.030.
— i9. Douce rage (24 .406) ; Si en sui liés en es çou droite rage (Va). — 30.
Mi fet et mes maus plus m'agrée (24.406). — 33. Est ci menée (24.406); Or
est ainsi la chose a ce tournée (1591). — 34. Ke tous sens siens (20.050) ;
Cangement de paie (Va). — 35. Et s'alrement n'i ai mersit ia trouvée
(20.020) — 36. Si en ai ieu un mult (20.050). — 37. Car ie m'aing mies
(24.406); Que i'en vail miex et sau faiz mainz doue eage C12.581) ; Car
i'au vas raiez et sans heiz (28.050). — 388. Vers du 24.400 et 12.581 ; Par
moi, et s en est plus ioie menée (84o) ; Et s'en jcrt (20.030). — 39. Houour
ki a folie baiet (20.050).
GLOsSAinK. — Une me chaut, il ne m'importe. — Muir, meurs. — La
plus bêle née, la mieux née, la plus noble. — Mont, monde. — La riens,
la chose. — Agrève, aggrave. — Malage, mal. — Mercé, pitié, miséri-
corde, récompense (mercedem). — Aage, eage, âge, vie (setatem). — iVe
forquant, cependant, ncanmoios. — Sénee, sensée, pleine de sens, avisée.
— Truis, je trouve. — Las, malheureux. — A héritage, à jamais. — Véée,
refusée. - Por morir, même au prix de la mort. — Riens, chose. —
Peùsl, pût, puisse. — Acesnice, ornée, parée. — Herbegage,.... hospila-
liié, logement, résidence. — Gentil, noble. — Estage, ré.-idence. — Féru,
frappé. — S'espée, son épce. — Assoage, soulage, adoucit (suavis) — Liez,
joyeux (Isetus). — Droite, juste. — Avouée, avocate. — meh, mieux. -~
He, hais. — Hontage, houte, déshonneur. — Bée, aspire, vise.
XXI
Je ne chant pas pour verdor
Por let tens, ne pour froidure,
Ains chant pour très bone amor
En qui j'ai mise ma cure.
De li vient m'envoiseiire,
El de celo que j'aor,
Où ià n'avendrai nul ior
So piliez ne vaint droiture.
LES CHANSONS DE PERRIN d'aNGECOURT 8^9
Quant primes vi la color
De son vis, qui tousiors dure.
Je m'abatis à mon tor,
Par ma foie esgardeiire.
Car g'issi hors de mesure,
Q-iant pensai à tel honor.
Mes ce, que tant a valor,
Me conforte et asseiire.
Pris est mes cuers sans relor.
Ce soit par bone aventure
Il est mis en une tor :
Ce n'est mie cùarlre oscure,
Ains est plus clere et plus pure
Que n'est li lens de pascor.
El cors eiïst grant honor
S'il fust en tele jtasture !
Je ne sai péril greignor
Ne si grant deseonfilure ;
Com cors qui suelfre estor
Sans cuer, tant ait d'armeùre.
llelas ! li miens cors endure,
Sans mon cuer, tant de dolor !
Mes il n'eiist pas paor
S'avec lui fust en closture !
Dame où pert tant de douçor !
Ne sai se c'est c'ouverture
Et cors, et chière et ator
Avez tout d'une faiture !
Lurs serez de tel nature
Qu'el monde n'aura meillor,
Et mors sui par ma folor.
Et vos par estes trop dure.
Variantes. — Texte du 84."i. Vers 2. Por dous tens (12.!)8I); ne pour let
temps (1591) — 3. Fine amour (12.381). — 4. Ou j'ai ais toute ma cure
(1591). — 6. Gui j"aour (24.406). — 7. Ataiadrai (24.406), ie n'alendrai
(12.381), atandrai (1cJ9l). — 8. Sa pitié ne mest droiture (24.406). — li.
Regardure (12.581). — 13. Et issi lors de mon tor(id.) — 13. Mais ce,
qu'ele a tant valor (12.381). — 20. Qui n'est (12.581 et 1391). — 21. Plus
nele (12.381), — 23-24. El cors eiist grant seignor, S'il fust en autel paslure
(843) ; Encor eust grant honor s'il fust en tele pasture (12.381). — Au cor
eust il grant secours. S'il fust à li en paslure (ISOî) ; en tele (24.406). —
27. Con de cors (1591) ; Que de (12.381). — 28. Sans cop (1591). Sans
cuer fait point d'armeùre (12.581). — 30. Son (24.406, 12.581, 1391). —
31. Paour, pavour, poor. — 32. Sen tel leu fust en pasture (24. 400] ; S'il
fust en aule closture (1591) ; se il fust à ioiroduire (12.581). — 35. Cuer et
870 LES CHANSONS DE PERRIX D ANGECOURT
cors et autre alour. — 30. Avez (Z'i.-lOCl, Aiez (843) ; nature (1391). — 3".
Seront (24.406); serez de tel failure (1591). — 38. Kl (845), Quel (1591,
12.581).
Glossaire. — Let, laid. — Ains, mais. — Envoiseure, f^aîlé, joie, alle'-
gresse. — Jaoi-, j'adore. — Avendrai, alaindra', attendrai, aviendra, arrivera.
— Primes, la première fois, d'abord. — Vis, visage. — Esgardeiire, ret-ard,
vision. — G'issi, je sertis. — Pris est mes cuers, mon cœur est pris. — Char-
tre, prison (carcerem). — Tens de pascor, temps pascal, le printemps. —
El cors eiist, au corps aurait. — Greignor, plus graQd (grandior) . — Eslor,
estuur, bataille, combat. — // n'eiist pas paor, il n'aurait pas peur. — Où
pert, où paraît. — .Se çesl c\... avez, si c'est que vous avez — Chierc, figure,
visage. — Failure, perfection, bonne facture. — El monde n'aura, en le
monde, il n'y aura. — Fo'.or, l'olie, fol espoir, élourderie. — Par, parce que.
XXII
Quant partis sui de Provence,
Et du tens félon,
Ai vouloir que je conmence
Nouvele chancon
Jolie.
Et qu'en chantant prie
Bone amor,
Que tant de doucor
Mete a mon chant commencier
Qu'eie me face cuidier
Que ma douce dame daigne vouloir
Que je la puisse à son gré revooir.
Atorne m'est à enfance
Et a mes prison
Li désirs d'aler en France
Que i'ai par reson.
Folie
Fet qui me chastie
Se i'ator
Mon cuer au retor,
Quant ie ne le puis lessier.
Car tout autre desirrier
Me fet melre du tout en nonchaloir
Celé sans qui riens ne me puel valoir
De biauté et de vaillance
A si grant foison,
Lues que gen oi connoissance
iMis en sa prison
Ma vie
Je ne mesfas mit-
LlîS CHANSONS DE PERRIN d'aNGECOURï 871
Se i'aor
El aim la meillor.
Car pour eu i'aim et tieng chier
Que je sui en son dangier.
Dix ! quant g'i pens, ie ne m'esmai doloir
Et mes pensers i est sans ia mouvoir.
Souiïrir loial pénilance
Me semble plus bon
Qu'avoir, par décevance
Ne par (raison,
Amie.
Fausse druerie
Sans savor
Ont li trichéor,
Qu'il conquièrent par pledier :
Tel ioir ne m'a mestier.
Don pourctiacier n'aie ie ia povoir !
J'aim meîz languir que fausse ioie avoir.
Onques n'oi autre voillance
Ne entencion,
Que ie feïsse semblance
D'amer, s'a d.'-oit non.
Polie,
Langue apareillie
A Folor,
En set bien le tor.
Mes ce n'i puet rien aidier.
Qu'a la parole afetier
Peut-on choisir qui bee à décevoir ?
Et De.x en lest ma dame apercevoir !
Fenio,
Chanson ! Envoie
Sans demor
Serès à la tlor
Des dames à droit iugier.
Et par pitié li reqier,
Se eurs te fet devant li aparoir,
Qil li plese que ie vive en espoir!
Variantes. ~ Texte du 84^. — \ers 3. Ai ie que commence
(24.406). — 8. Duuchour (1Ô91). — 9. Commenchier (id.) — 13. Li désir
que i'ai en France (24.106). — 16. D'aler par reson (id.) — 19. Se iai tor
(1591). — 24. Et mes pensers y est sans ià mouvoir {1^>'J\). — 26. Oi si
(1591).— 27. Lors que l'en oi (24.406) ; Luez que i'e.: oi acointance (1191).
— 30. Je ne meffis mie (24.406). — 32. Et ainfr (id ) - 33. J'aing.. et
872 LES CHANSONS DE PERRIN d'aNGECOURT
lieng (id. ) — 3o. Diex ... je n'ai mal ne dolor (24 . 406) ; ia ne mais ni ai
doloir (846) ; ies ne mes ni ai doloir (ITiOl). — 46. Ni a mestier (846). —
47. Du pourchassier. . . . pooir (24 .406). ; Dou pourchacier, autre n'ai ie
pooir (846) ; De pourchassier, n'ai ie pooir (1591). — 49. Onques noi cuer,
ne vuillancB (8i5). texte de 24.406. — 59. Puet on choisir (24.406). — 63.
Seras sans demour (846). — 68. Je muire eu espoir (1591).
Glospaire. — Cuidier, penser, croire (cofiilare). — Atome, a tourné,
est devenu. — Enfance, puérilité, désir d'enfant, toquade. — Mesprison,
méprise, erreur. — J'alor, j'atourne, je prépare, je dispose. — Lessier,
laisse, quitter, abandonner. — Désirrier, désir, besoin. — Nonchaloir,
nonchalance, néj^ligence, sans ardeur (calere). — Lues, dès, aussitôt. —
C'en oi, j'en eus. — Mis, je mis. — Mesfaire, mal agir. — Vaor, j'adore. —
Dangier, domination, puissance. — Dex ! Dieu, nomin. — Je ne m'esmoi
doloir, je ne m'émeus point de souffrir. — Ja mouvoir, jamais bouger,
changer. — Druerie, amitié. — Li Iricheor, les tricheurs, trompeurs, men-
teurs. — Par pledier, en plaidant, raisonnant. — Ne m'a meslier, ne m'est
nécessaire (œinisterium). — Pourchacier, recherche, sollicitation, conquête.
— Melz, mieux. — Onques noi, jamais je n'eus. — Voillance, Vuillance,
vouloir, volonté, désir. — S'a droit non, sinon justement. — Afelier, aiïec-
ter, ajuster. — Dee, cherche, vise. — Lest, que Dieu laisse. — Sans demor,
sans retard. — A droit jugier, au jugement sain. — Eiirs, la chance, la
fortune (augurium).
(A suivre.] N. Goffart.
NÉCROLOGIE
Le \\ octobre, ont été célébrées, à Ueirns, an milieu d'une
imposante assistance, les obsèques de M. Brnnette, architecte hono-
raire de la Ville, décédé le 8, dans sa 88* année.
M. H. Henrot, maire, conduisait le deuil. Les cordons du drap
mortuaire étaient tenus par MM. V. Diancourt, sénateur; Maillet-
Valser, adjoint au Maire ; Albert Benoi^t, président de l'Académie ;
Houion jeune, président de la Chambre syndicale des enlrepre-
neurs : Alphonse Gosset, président de la Société des architectes de
la Marne ; Bazin de Bezoas, proviseur du Lycée.
Président honoraire de la Société des architectes de la Marne,
membre fondateur de l'Académie nationale de Reims, M. Brunette
a beaucoup fait pour la cité, dont il fut l'architecte pendant près
de quarante ans, de 1838 à 1877, et son nom restera attache à
toutes les transformations que subit la ville durant cette longue
suite d'années.
Grâce à lui, la magnilique basilique de Saint-Remi, un moment
condamnée à être rasée jusqu'au transept, sortit de ses ruines
pour retrouver son ancienne splendeur ; l'église Saint-Jacques,
intéressante à plus d'un titre, conserva son betfroi, dont on avait
désespéré ; Saint-Maurice fut transformé complètement, et la
grande et belle église de Saint-André inaugurée à l'entrée du fau-
bourg Gérés.
Au cimetière, trois discours ont été prononcés, par M. le Maire,
par M. Alphonse Gosset, par M. Iloulon jeune. Nous en reprodui-
sons quelques passages.
Avec M. Narcisse Bruuelte, né le 15 août 1808, a dit M. H, Ueiirot,
disparaît toute une génération qui, pendant le deuxième tiers de ce siècle, a
tenu une place considérable dans la cité ; parmi tous ces disparus, il n'eu
est pas un qui, plus que lui, ait droit à notre reconnaissance.
M. Brunette, entré à l'Hôtel de Ville le 1" lévrier 1838, a réuni sous sa
direction, pendant près de 40 ans, les services aujourd'hui séparés de l'ar-
chitecture, de la voirie et des eaux ; il a été ainsi intimement mêlé, pendant
cette longue période, à toutes les transformations qui ont embelli noire
ville. Les régimes onl changé, apportant avec eux autant de maires dillé-
rents ; M. Brunette est resté immuablemcrt attaché à ses ijnclions ; son
caractère élevé et franc, sa loyauté, sa fière indépendance imposaient le res-
pect ; sous Louis-Philippe, sous la deuxième République, sous Napoléon,
sous le régime actuel, il a toujours trouvé, de la part de nos honorables
prédécesseurs, des témoignages de vive sympathie pour sa persounne et de
confiance absolue en ses talents.
Chaque administration a apporté ses préoccupations : sous l'Empire, on
s'est ellorcé de réparer toutes nos églises ; sous la République, ou a surto'.it
multiplié les écoles.
874 NÉCROLOGIE
En dehors de la Calhédrale, qui appartient à l'Elat, toutes les autres
églises ont été l'objet d'importantes réparations : Saint-Maurice, Saint-
Jacques, Saint-Remi ont été translormés ; c'est surtout pour cette dernière
église que M. Brunette a déployé toute sa persuasion, et à la lois tout son
talent d'architecte. Une partie de l'église s'était elFondrée, la toiture était venue
s'écraser sur les doUes ; de%'anl l'énormité des dépenses, on songeait plus à
une démolition qu'à une réparation ; c'est à l'active et précieuse interven-
tion de notre dévoué concitoyen que nous devons la conservation de
ce remarquable monument et son habile et savante restauration ; il est
regrettable que la belle tlèche placée au-dessus du chœur n'ait pu être
rétablie.
M. Brunette a construit deux églises neuves : l'une, Sainl-André, qui,
par ses vastes proportions et ses voûtes en plein cintre, rappelle Saint-
Remi; l'autre, Saint-Thomas, coquette dans ses petites proportions.
11 a fait, pour l'Administration des Hospices, d'importantes constructions
à IHôtel-Dieu, à l'Hôpilal-Général et à Saint-Marcoul ; la plus remarquable
est cette superbe Maison de Retraite que de nouveaux dons vont nous per-
mettre d'achever ; cet hûtel des invalides du travail est conçu sur un plan
large et imposant qui lait honneur à son auteur.
Les groupes scolaires de Courlancy, d'Anquetil et de Carterel ont été édi-
fiés par lui : c'est sous son habile direction que le vieux Lycée et noire
Ecole professionnelle ont été remplacés par les belles constructions que
nous admirons aujourd'hui.
Le Bureau de Mesurage, 1 s Bains et Lavoirs (qui, pendant longtemps,
sont restés le type le plus achevé de ce genre d'établissements), la caserne
Coibert, les Abattoirs, le Marché, le Cirque, le Manège, et bien d'autres
travaux de moindre importance, dont l'énuméralion serait trop longue, ont
été édifiés par lui; enfin les travaux du Grand-Théàlre, sur les plans
de M. Alphonse Gosset, et l'achèvement de notre bel Hùlel de Ville com-
plètent l'œuvre si grande de notre regretté con'iitoyen.
Dans celte période d'activé transformation de noire ville, on peut dire
qu'il s'est occupé de tous les monuments, grands ou petits, soœpluaires ou
modestes, et qu'il a toujours apporté celte science profonde du technicien,
et cette scrupuleuse délicatesse qui aplanissait toujours toute difficulté avec
ses supérieurs ou avec les entrepreneurs.
Dans le service de la voirie, la démolition des remparts, rétablissement
des grauds boulevards Lundy, Gérés et Gerbert, le développement dv ser-
vice des eaux et des égouts, dénotent son infatigable activité.
Aussi, dans sa séance du 11 juillet 1877, le Conseil municipal, en recon-
naissance de ses Ions et loyaux fervices, et pour couronner une carrière si
bien remplie, décernait à M. Brunette le litre d'architecte honoraire de la
Ville, avec une gratification extraordinaire de 10,000 fr.
On ne pouvait inieux reconnaître la fidélité au devoir et le dévouement
continu de celui qui, pendant quarante ans, avait été l'instrument le plus
actif de l'heureuse transformation de notre ville.
Le Gouvernement avait aussi apprécié les qualités exceptionnelles de
AL Brunette en le faisant chevalier de la Légion d'honneur et officier
d'Académie.
M. Brunette ne s'est pas contenté d'enrichir notre ville d'un nombre consi-
dérable de monuments et de conslruclions diverses, il a voulu faire revivre
l'ancienne capitale de la Gaule-Belgique, avec ses arcs de triomphe gran-
dioses, se? palais et ses thermes. A l'aide des nombreux vestiges que chaque
NÉCROLOGIE b75
coup de pioche de ses ouvriers mettait au jour, il a pu reconstituer les
splendeurs de celte capitale largement alimentée par une eau saine et fraîche
qu'un superbe aqueduc lui amenait de la Suippe ; il a su, dans des dessins
remarquables qui ont été exposés au Louvre, reconstituer ce .bel arc romain
doul les voûtes qui restent vont bientôt avoir vingt siècits d'existence.
Ces retours en arrière sont bien faits pour oous rendre modestes, et, mal-
gré tous nos travaux modernes, nous n'avons pas su conserver à notre cité
la place prépondérante qu'elle avait alors. Les belles mosaïques que nous
Tardons précieusement, les colonnes, les chapiteaux qui vont bientôt orner
notre futur muiée lapidaire, sont les témoins irrécusables de notre cité, que
l'on appelait l'Athènes du Nord.
M. Alphonse Gossel raconte les débuis de M. Brunette dans sa
laborieuse carrière.
Brunette, né à Breuvery, près Châlons- sur-Marne, aîné d'une l'amille
nombreuse, dont l'invasion de ISli délraisil le b eu, dut de bonne heure se
sufûre.
Adolescent, il fut, sur sa bonne volonté et son courage, envoyé à Clià-
lons, où, tout en travaillant, soit au cadastre, soit chez un lithographe
célèbre, M. Barbât, il suivit les cours gratuits de dessin, dont il augmeatait
la durée en arrivant tût et en ne quittant que tard.
Aussi ses progrès y furent-ils rapides et attirèrent- ils l'attention de ses
maîtres, qui encouragèrent ses aptitudes au dessin d'architecture et, son goût
y aidant, l'engagèrent à s'y livrer de préférence.
Ne trouvant pas d'issues à Châlons, il alla à Epernay, chez M. Bienvenu,
architecte de l'église d'Epernay, dont il dirigea seul les travaux à sa mort.
C'est ainsi que, le premier, il releva et publia, en lithographie, le char-
mant portail Renaissance de l'ancienne église, conservé dans la façade
latérale.
Il vint ensuite à Reims, chez mon père, oit il travailla à se perfectionner
dans l'art de bâtir, en même temps qu'il observait la vieille ville, étudiait ses
besoins et ses monuments.
Adjoint ensuite à l'architecte de Paris chargé de la construction du Palais
de Justice, il apporta, dans la direction des travaux, les qualités d'ordre, de
méthode et d'économie qui le signalèrent à l'atlention.
Aussi, la place d'archilecle de la Ville étant devenue vacante en 1838,
l'obtint-il facilement.
Mis à la tête d'un vaste champ d'action qui lui convenait, il put donner
essor à son talent et à ses moyens.
Brunette fut l'homme de la situation.
Reims alors sorti de la crise de 18;V2, voulait enÛn reprendre ies leçons
d'édilité que lui avait données Lévesque de Pouilly au xviii» siècle, et entrer
dans les voies nouvelles nécessaires à la vie des villes modernes.
Encore riche en monuments anciens, il lui manquait une voirie et nombre
d'édifices publics appropriés aux exigences de notre civilisation.
Aussi, son nom restera- t-il justement attaché à la transformation de la
ville.
Coup sur coup, il édifia : la Halle, qui compta alors parmi les premières
constructions en 1er de l'époque ; les Abattoirs; organisa, en remplacement
des fontaines de l'abbé Godiaot, la première grande distribution a eau, qui
dure encore, etc.
870 NÉCROLOGIE
C'est alors que ses éludes archéologiques, qu'il ne perdit jamais de vue,
profilèrent des fouilles de celle longue canalisation, pour relever les traces
de la cité gallo-romaine, qui furent consignées dans un plan de restitution
gravé ; il publia ensuite un projet de restauration de l'arc de triomphe, qui
reçut un commencement d'exécution ; entreprit la restauration de la basilique
de Saint-l'eœi, qui menaçait ruine, et la rétablit dans l'inlégrilé où nous
l'admirons, l'uis, tout en construisant des écoles, en dirigeant la voirie, en
préparant des plans d'avenir, il installa cl compléta tous nos établissements
hospitaliers, édlGa le Petit Séminaire, etc. Les événements de 1848 lui
imposèrent des travaux communaux et ceux de l'extension de la ville dans
les faubourgs, qui arrêtèrent les lonstruclions monumentales, mais non sa
tâche.
Mais ce fut surtout dans l'ère des travaux de l'Empire que toutes ses
qualités trouvèrent à s'exercer, et elles furent mises à toute épreuve.
Travailleur intelligent et infatigable, il eut, en effet, alors à mener de
front pendant vingt ans : Texteuiion de la ville, extra- muros; la rélecliou
de la voirie, pavages et trottoirs, la création des égouts avec la construc-
tion de la caserne qu'il distingua de tant de constructions banales ; celle
des bains et lavoirs publics, de nombreuses écoles, de l'établissement du
mesurage et du conditionnement des laines ; et, en même temps que la mai-
son de retraite, riicole prolessionnelle, le Cirque, de nombreuses construc-
tions hospitalières, la maison de l'Enfant-Jésus, celle de la Providence, la
restauration de Saint-Jacques, qui lut si périlleuse, de Sainl-Maurice, la
construction de Saint-Thomas, surtout celle de Saint-André, de nombreuses
chapelles de commuuaulé.
Grande période d'activité, d'efforts, d'ingéniosité, de luttes du travail et
aussi de succès, où il fut architecte dans son acception la plus étendue de ce
beau titre. Elle fut honorée en 1855, après l'édification du tombeau de saint
Rémi (d'un style si fin), de la croix de Saint-Grégoire-le-Grand et, en 1858,
de celle de la Légion d'Honneur, puis des palmes académiques.
Après la guerre et l'occupation qui lui imposa bien des charges, la période
républicaine le trouva toujours vaillant, dévoué, et empressé à recommencer
une nouvelle série des édifices, nécessités par l'accroissement de la ville et
des temps nouveaux, notamment des établissements hospitaliers, écoles de
tous genres, l'achèvement du L^'cée, et surtout celui de l'Hôtel de Ville»
auquel, par la construction de trois fniliments sur quatre, il donna sa consti-
tution définitive.
Grande carrière oii, sans jamais faiblir, il déploya toutes les qualités du
constructeur et de l'artiste. De ce qui touche l'art de bâtir, rien ne lui fut
étranger. Archéologie, architecture et génie civil, il put répondre à toutes
les questions qu'il eut à résoudre. Aussi, parmi les nombreux élèves qui
s'instruisirenl a son école, quelques-uns sont-ils devenus à leur tour des
maîtres. Tels Auguste Keinibeau, son inspecteur dans la restauration de
Sainl-Remi, puis architecte de tant de constructions heureuses, ingénieuses
dans la contrée ; Maréchal, architecte de la Ville do Paris, et Deperlhes,
architecte de l'Hôtel de Ville ; et enfin son fils aîné, dont il a fait son digne
continuateur.
Nous apprenons la mort, à Sainl-Jean-d'AngeJ}', de M. Jean-
Baplisle Buzy, qui fut pendant assez longtemps professeur au
lycée de Reims, puis au lycée de Sens,
NÉCHOLOGIE 877
M. Buzy elait un Iraviiillcur, poêle à sos heures cl poélc de
goùl; il fui à plusieurs reprises lauréat de concours iiuportauts, et
les Archives de l'Académie de Reims doivenl conserver quelques-
unes de ses ojuvres.
On a égalenienl de lui quelques monographies inléressanles,
nolammenl celle de la chapelle Sainte-Anne de Clcrnionl (Meuse),
son pays natal.
M. Buzy avait laissé à Keims de fort bons souvenirs ; bien qu'il
ait quitlé noire ville depuis une quarantaine d'années, il est certain
que son nom est encore gravé dans la mémoire de tous ceux qui
ont connu cet excellent homme .?omme professeur ou comme ami.
On annonce aussi la mort de M. Georges-Maurice Loilière, juge
de paix du canton de Méziéres, décédé le IN octobre, à Tàge de
iil ans.
Né à Sierck, arrondissement de Thionville, M. Loilière fut
décoré de la médaille militaire pour faits de guerre pendant Van-
née terrible; expulsé par raulorité prussienne, il fut nommé, à
30 ans, juge de paix à Arc-en-Barrois, puis à Vassy, et finalement
à Mézières, où il remplissait ces fonctions depuis huit années.
On a célébré, le 12 novembre, à Uormans (Marne), les obsèques
de la comtesse de La Vaulx, décédée au château de Villcis-Agron
(Aisne), à l'âge de 70 ans.
Le deuil était conduit par le comte Ernest de La Vuulx, son mari .
Dans la nombreuse assistance, se rencontraient les notabilités du
pays où la comtesse de La Vaux laisse d'unanimes regrets.
M. Olive, conservateur de la bibliothèque municipale de Vitry-
le-François, olTicier de l'Instruction publique, est mort le 20
novembre dernier, à l'âge de 68 ans, à la suite d'une longue et
douloureuse maladie.
M. Olive remplissait les fonctions de bibliothécaire depuis dix
ans. Il appartenait auparavant à l'Université et avait professé suc-
cessivement aux collèges de Vitry-le-François et de Sainte-Mene-
hould.
On annonce de Vitry-le-Françoi-, la mort, à l'âge de ('>! ans, de
M. Pessez, fondateur et ancien directeur du Messa;jcr de la Marne.
Né à Sermaize, le 2 février 1829, M. Fessez débutait, eu i8i-8,
comme professeur au (Collège de Vilry-lc-Fran(;ois.
878 NÉCROLOGIE
Le 18 novembre dS"l,il fondait^. avec le concours de MM. Dehal-
lays, professeur, et Halier, avoué, la Société du Messager de la
Marne.
M. Pessez s'était retiré, il y a quatre ans, de la politique active.
M. le comte de Valicourt, inspecteur des forêts à Troyes, vient
de succomber à une courte maladie.
Agent forestier des plus distingués, il était en fonctions à Troyes
depuis plus de dix ans. Sa perte sera vivement ressentie par l'ad-
ministration et par ses nombreux amis.
BIBLIOGRAPHIE
PouiUé de l'ancien diocèse de Sens, publié d'après des manusci'ils et des
documents inédits, par Paul Qdesvebs et Henri Stein. Paris, Alph.
Picard; Meaux, Le Blondel ; Sens, Poulain-Rocher; Orléens, Herluisou,
1894, in- 4" de viii-ZiOS p. — Prix : 20 fr.
La préparation d'un recueil des inscriptions de l'ancien diocèse
de Sens a conduit MM. Quesvers et Stein à publier le volume que
nous annonçons ici. Il leur a semblé qu'un pouillé formait les pré-
liminaires indispensables du recueil qu'ils se proposaient de
donner au public. Ils n'ont pas voulu se contenter de publier un
pouillé ancien ni un état du diocèse en 1790, travail qui, en se
référant à une époque nettement déterminée, aurait eu l'inconvé-
nient d'être incomplet. D'autre part, le but qu'ils se proposaient
en publiant ce pouillé et leur volonté d'en faire comme une intro-
duction de leur recueil d'inscriptions, leur interdisait de donner à
cette publication les proportions que M. l'abbé Guillotin de Corson
a données à son Pouillé de l'arcbevêcbé de Rennes. Ils se sont
donc etforcés de prendre la voie intermédiaire et d'être aussi
complets que possible sous la forme la plus brève.
Comme sources de leur .travail, ils ont mis à profit, outre les
ditiérents pouillés manuscrits ou imprimés et la Gailia christia)ia,
les recueils falmanachs, cartes, cartulaire de l'Yonne, etc.), oii ils
avaient chance de trouver des renseignements ; et ils y ont ajouté
d'autres documents retrouvés par eu.v dans les archives. Le plan
de l'ouvrage est fort simple. Le pouillé est divisé par archidiaconés
et doyennés ; dans chaque section sont relevées tour à tour, dans
l'ordre alphabétique, les abbayes d'hommes et de femmes; les col-
légiales, les cures, les prieurés, les chapelles, les communautés
•religieuses, les hôpitaux et maladeries, les commanderies, les col-
lèges et autres établissements analogues.
Pour les cures, l'on s'est contenté d'indiquer le patron et le col-
lateur; pour les autres établissements, l'on a réuni dans la
mesure du possible un certain nombre de renseignements complé-
mentaires (date de fondation, vicissitudes historiques, etc.), et
l'on a pris soin d'indiquer sommairement les documents sur
lesquels on s appuyait. Les notes relativement nombrenses mises
au bas des pages donnent les éclaircissements nécssaires. Un
supplément assez considérable (p. 287-321) contient d'importantes
additions et corrections. Une copieuse table alphabétique termine
ce volume, qui se recommande assez de lui-iuéme pour qu'il soit
superflu d'en faire l'éloge. lil.-G. L.
880 BIBLIOGIIAPHIE
Jean de Joinville cl les seigneurs de Joininlle, suivi d'un catalogue de leurs
actes, p. H. -François Dklabobde. Paris, A. Picard, 1894, in-8° de
xv-338 p. — Prix : 10 !r.
U n'esl personne qui, éludianl l'hisloire du moyen âge, ne soit
attiré par la physionomie si vivante et si franche Hu sire de Join-
ville. La quantité d'ouvrages déjà publiés sur lui et sur sa famille,
les nombreuses éditions de son Histoire de saint Louis, enfin,
toutes les brochures, tous les articles dans lesquels on cherche à
donner quelque nouveau renseignement sur sa vie et à ia mieux
faire connaître, sont la preuve du charme qu'exerce sur les érudits
le sénéchal de Champagne. Jusqu'alors, cependant, personne
n'avait entrepris une histoire en quelque sorte définitive tant des
sires de Joinville que de l'historien de saint Louis. Un bon travail
avait bien été déjà publié sur celte famille par iM. Simonnet, et la
biographie du sénéchal avait tenté plusieurs historiens au siè(;le
dernier et dans le nôtre ; mais bieti des points étaient encore obs-
curs, et de nombreuses erreurs s'étaient glissées dans ces travaux.
M. Delaborde, reprenant le sujet, après des recherches variées et
après avoir dressé avec soin le catalogue des actes des seigneurs
de Joinville, put nous donner sur eux une liistoire vraiment com-
plète et passée au crible de la critique la plus rigoureuse. L'auteur
ne s'occupe pas uniquement de Jean de Joinville, mais reprenant
les travaux faits sur les origines de sa famille, il rectifie les erreurs
commises jusqu'alors sur ce sujet et retrace en quelques pages
la biographie des ancêtres de l'historien. Nous avons ainsi des
détails intéressants sur Etienne, (ieolfroy l", Geolfroy II, Hoger,
Geolfroy III, Geoflroy IV, (Jeoifroy V et Simon ; en outre, M. Dela-
borde fait mention des enfants que chacun d'eux put avoir. C'est
naturellement à Jean de Joinville qu'est consacrée la notice la
plus détaillée. Les renseignements donnés sont tirés en majeure
partie de son Histoire de saint Louis, complétés par les actes
émanés de sa chancellerie et par plusieurs articles publiés sur lui
et faisant connaître différents éjûsodes de sa vie. Après Jean,
viennent ses successeurs, Anseau et Henri, comte de Vaudémont,
le dernier représentant masculin de la ligne directe. Deux appen-
dices donnant, l'un, un aperçu de l'histoire des branches secon-
daires de la maison de Joinville, et l'autre, un tableau généalogique
des sires de Joinville, terminent la première partie de cet ouvrage.
La deuxième partie comprend l'analyse de mille soixante et onze
pièces, formant ainsi un catalogue complet des actes des seigneurs
de Joinville. Une bonne table clùt ce travail, qui justifie bien la
laveur qui lui fut accordée d'être imprimé à l'Imprimerie natio-
nale et la récompense (lue lui décerna l'Académie des inscriptions
et belles-lettres, la première médaille au concours des antiquités
nationales. Jules Viarl».
BIBLIOaiîAPHIE 881
Aux paijs du Chrisl. Eludes b.bli(/ues en i'.7.'y;"c et en Palestine, par
l'abbé M ° Lanuriiïux. — Paris, Maison de la Donne Presse, 1895.
(Imprimerie Pelithenry). In-4" de ix-fiiS pages, avec figures dans le texte
dessins de E. Auger, dessinateur rémois.
Ce livre esL de ceux qui ne peuvent être omis dans une biblio-
graphie champenoise, et, à défaut du compte-rendu détaillé qu'il
mérite, nous devons du moins le signaler ici pour son intérêt local
et général. Les récits et impressions de pélerioages en Terre-
Sainte sont toujours des œuvres marquantes au point de vue de
l'histoire comme au point de vue religieux. Le texte de celui-ci,
son illustration soignée, l'élan et l'entrain qui résultent de sa lec-
ture valent bien la peine que nous le recommandions. L'auteur
vient de l'ofFrir à la Bibliothèque de Reims. H. J.
Lis Hymnes et Proses de PEglise, par Pr. Solllié, docteur es lettres. —
Paris, V. Rctau.x, 1895, lu- 8" carré de iv-î210 pag'^s (Imprimerie Coopé-
rative de Reims.)
Nous avons déjà fait connaître aux lecteurs de la licviic l'ou-
vrage du même auteur, Scniences el proverbes, qui renferme tant
de vérités morales enveloppées sous une forme précise et poétique.
Nous tenons à leur annoncer la publication d'une oeuvre posthume
de l'ancien professeur de l'Université, membre de l'Académie de
Reims, décédé au mois de lévrier dernier, dans sa SO" année. C'est
une ojuvre également digne d'un lettré, mais d'un lettré chrétien,
esprit ferme, plein d'une foi généreuse, et doué dune pénétration
profonde des beautés de la liturgie. A force d'en méditer les har-
monies, il s'est essayé à les traduire en vers.
Le recueil que M. Soullié a su composer aux beures tranquilles
de sa sereine vieillesse, a cela d'original qu'il oll're le texte
des plus belles hymnes et proses catholiques avec une traduction
littérale et versifiée en regard. On peut juger ainsi du caractère, de
la forme et du fond de chaque strophe de ces poésies sacrées, trop
peu connues du monde profane, inconnues même de beaucoup de
chrétiens. Il y en a de différentes époques et des auteurs les
plus divers, mais elles respirent toutes un parfum poéti(iue sous
leur simplicité, parfois même leur naïveté primitive.
.M. Soullié ne dissimule pus, dans sa préface, ses regrets pour
les belles proses de certaines fêtes, Noël, l'Epiphanie, l'Ascensicm,
la Toussaint, généralement supprimées en France lors de l'adop-
tion du rite romain : « L'Eglise, dit-il, a poussé peut-être ù l'excès
le soin et le scrupule lorsqu'elle a proscrit de son culte une foule
de séquences [)leiues de dévotion pour n'en garder que quatre ou
882 BIBLIOGRAPHIE-
cinq, et nous avons entendu plus d'un pieux fidèle les regretter.
Nous avons été moins sévère, cl nous conservons ici les plus
remarquables de ces prose?, qui charmaient et édifiaient noà
pères. » Puisse ce langage d'un lettré chrétien ramener l'usage de
ces chants naguère si populaires, déjà repris en partie à notre con-
naissance dans quelques diocèses, et qui contribueraient partout à
remettre en honneur les oliices publics trop délaissés.
H. J.
Clovis, par GoDEFhOY KuR-H, professeur à l'Universilé de Liège; magni-
fique volume grand iu-4", orné de huit compositions hors texte en hélio-
gi'avure, d'après les dessins de Cormon, Flameng, Guillonnet, Lurainais,
Maignan, Kocbegrosse, et de 130 gravures sur bois dans le texte, d'après
Sellier, Derotou et Le Grand. — Tours, Imprimerie Marne, 1896. Prix ;
15 fr. broché.
Ce li\re est un monument et un document : Clovis, le premier
roi franc et le premier roi très chrétien, n'avait pas encore d'his-
torien spécial, el son époque n'avait jamais été circonscrite et
approfondie avec celte érudition de bon aloi qui en rend l'intel-
ligence accessible à tous.
Nous devons ce double service à un savant professeur de l'Uni-
versité de Liège, que ses précédents travaux, sa haute compétence
et sa situation même entre les pays du Rhin et la France, ren-
daient apte à bien écrire cet ouvrage, difficile à composer et diffi-
cile à éditer. C'est la France (jui l'a édité, par les presses si mer-
veilleusement outillées qui ont déjà donné à notre patrie tant
d'histoires de ses héros : Sai:)t Martin, Charlemagne, Saint Louis,
Jeanne d'Arc, Bayard, Turenne, etc. Ce sont des mains françaises
qui l'ont illustré sous la direction dévouée de M. Léon Gautier,
avec la collaboration d'un archiviste expérimenté, iM. Léon Le
Grand, et le concours d'artistes distingués, parmi lesquels nous
citerons en première ligne M. Sellier. Nous le citons parce
que nous l'avons vu à l'oeuvre à Reims, l'hiver dernier, dessinant
au milieu des plus rudes intempéries, courant de nos musées
à nos églises, et victime de son zèle dans ces courses multiples,
par une chute qui lui cassa le poignet, sans suites fâcheuses toute-
fois, grâce aux soins immédiats du U'' Mercier. L'habile dessinateur
a repris depuis longtemps son actif crayon, mais nous n'avons pas
perdu le souvenir de cet épisode.
La ville de Reims et la Champagne entière ont beaucoup à
glaner dans le beau livre que nous recommandons en toute sécu-
rité : son prix est bien inférieur à sa valeur. A notre avis, il
ne manque que d'une table alphabétique des noms et d'une table
des ligures. U faudra donc le lire tout entier avant de le consulter,
et ce sera double profit. De la première page à la dernière, on y
trouvera d'utiles dissertations; celle qu'a composée M. L. Demai-
son, sur le Lieu du Baptême de Clovis, termine le volume.
H. J.
BIBLIOGRAPHIE 883
La France chrélicnne daus l'histoire, ouvruge publié à l'occasion du IV
Centenaire du Baplême de Clovis, sous le haut patronage de Son Emi-
nence le Cardinal Langénieux et sous la direction du R. 1\ B/.udiullart,
prêtre de lOraloire. — l'aris, Firmin-Didol, 1890. Un volume in- \' de
600 page?, illustré de nombreuses gravures dans le t^xle et hors texte,
d'après les documents bistoriques. Prix brocbé : 15 fr.
Voici un second ouvrage qui nous repoiie à nos origines, mais
avec un plan beaucoup plus étendu que. le Clovis de M. Kurtli.
Les auteurs de La France chrtliennc (ils ne sont pas inoins
de trente-sept) ont pour but de retracer, dans une série de
tableaux rangés par ordre chronologique, toutes les phases de
l'action chrétienne dans la vie nationale de la France. A la suite
d'une préface du Cardinal Langénieux, se déroulent ces études
complètes ciiacune et distinctes l'une de l'autre, qui oll'rent la vue
claire et nette tantôt d'un événement, tantôt d'un personnage, de
manière à préciser pas à pas la marclie de toute notre histoire.
Des juges compétents ont déjà pu se rendre compte de la réussite
d'une tentative dont le l*. Baadrillart a assumé courageusement la;
tâche.
La réussite peut-elle manquer, d'ailleurs, à une coUiboration qui
compte des noms d'historiens et d'écrivains tenus en si haute
estime : AL l'abbé Dticliesne, le P. de Smedt, .MM. Imbart de
la Tour, V. Fabrc, J. Kuy, P. l'ournier, Marins Sepet, l'abbé
U. Chevalier, Petit de Jullcville, Pératé, Wallon, .\o<'l Valois,
R. Doumic, Rébeiliau, pour ne citer que quelques-uns des plus
connus dans le monde des lettres et de l'érudition'? Avec de tels
ouvriers, chaque pierre de l'édifice assure la perfection de l'o-uvre.
Quant aux sujets traités et que nous ne pourrions tous énumérer,
il en est qui concernent plus spécialement la Champagne : Le
liaplêmc de Clovis^ par M. Kurth, avec un éclaircissement sur ses
conséquences prochaines et lointaines ; — Hincmar, par P. Four-
nier; — AdalOéron,- pdiV Marins Sepet; — GerberL, par l'abbé
Ulysse Chevalier, — Jeanne d'Arc, par le marquis de Beaucourt ;
— Les BèncdicUns français, par le prince de Broglie, etc., etc.
Chaque page a son attrait; chaque détail glorifie la France depuis
ses origines jusqu'à nos jours. II. J.
A. Bo.NVALLtT. La Préiôlii rotjale de Cuiffij-k- Chulel. Arcis-sur-Aube,
l''ré;iiont, 1895, iii-8".
Sous ce titre : La precûlc royale de Coi/fij-le- Chalel,yi. A. Bo.\-
VALLET publie une longue étude résumant tous les renseignements
qu'on a sur cette localité, autrefois assez importante, et sur le
pays environnant. Le nom de Coifiy ne parait (ju'au xr siècle dans
des chartes de la maison de Choiscul en faveur de l'abbaye
884 BIBLIOGRAPHIE
de Molesmes. On trouvera dans ce travail, qui a paru récemment
dans notre revue, des détails intéressants sur l'administration de
la justice et surtout sur les communautés d'iiabitants dans le res-
sort de la prévôté.
Sommaire de la Revue historique. T. LIX. Novembre-décembre
189o :
RoccA (Félix De), Les assemblées poWiques dans la Russie ancienne, p. 241
à 292. — Depping (G), Nouvelles lettres de la princesse palatine:
Madame, mère du fiégenl et sa tante Sophie, électrice du Hanovre (suite
et lin), p. 293 à ;13. — Kkballain (HenéuK). Les Français au Canada.
La capilulalion du fort Guillaume-Henri (1757), p. 314 à 326. -- Dans
la chronique, il est rendu compte du Marquisat de Plancy, par le baron
G. de Plancy, de la Trouée des Ardennes, par M. J. Rayeur.
Sommaire de la Revue historique ardennaise (novembre-
décembre 189b) :
I. La deslruction de l'église d'Aubrives pendant le siège de Charlemont, en
1640, par N. A.
H. Les Monuinenla Cartusia? de Valle Sancti Pelri de Dom Ganncrun, char-
treux du Mont- Dieu, à la BiblioU'èque nationale, par Paul Laurent.
III. Mélanges. — L" four aux verriers de la forêt d'Omont (1477-1528),
par Henri L&gaille.
La famille relhéloise de Métayer, par Paul Fellot.
Porte en fer du xV siècle, à l'ancien moulin de Séoigny'Walcppc, par
Henri Jadart.
Un château projeté, en 12H2,à Moutrctcmps, par le comte deGrandpré, sur
V emplacement d'un monument gallo-romain.
IV. Bibliographie. — Gui'laume de Barchon, seigneur de Neuf manil. gou-
verneur de la principauté d'Orange, en 1!)71. — H. Jadart, Essai d'une
bibliographie relhéloise. — Jean-Pierre de lai Rivière de Neuf maison.
V. Chronique. — Les lauréats ardennais de l'Académie de Reims, en 189o.
VL Table des matières du tome II de la Revue historique ardennaise.
Sommaire de la Revue tVArdcnnc et d'Argonne (novembre-
décembre 189o) :
Vieille» chansons : I. Vieux Noél nrdennais (nord de Sedan ; IL Cythère
(ronde ardennaise) ; III. Chanson du Clermontois ; IV. Chanson (Exer-
nioul) ; V. La Voirgoie (Plainchamps-Chéh^ry). — D' J. Jailliot,
Recherches sur l'abbaye de Chéhèry (suite). — E. Henry, Le maré-
chal de camp Guy d'Haudanger, seigneur de Sorcy-Dauthémont (1603-
1675). — s. Leroy, Notice armoriale et généalogique sur la Maison de
Bouillon (suite).
Planche hors texte. - Noël (composition de A. Drouei).
CHRONIQUE
SociETK ACVDKUiQUE DE l'Auiîe (Séaiicc (tii Kl QOÙl IS'.>5). — Pré-
sidence de M. Kélix ForUaine, président.
CORRESPO.NDANCt;
MM. Vallée, sous-préfet de Hai'-sur-Aube, et Jean Vcrnier sont
proclamés membres associés.
MM. Gaston Lorey et Depontaillier sont proclamés membres
correspondants.
M. le Président annonce que M. Victorien Sardou, membre bono-
raire, vient d'êlre nommé commandeur de la Légion d'honneur.
Il annonce ensuite la mort de M. Julien Gréau, membre hono-
raire, ancien président de la Société. MM. Félix Fontaine et Albert
Babeau ont assisté à ses obsèques et donnent lecture des discours
qu'ils y ont prononcés.
Ouvrages oiferts
M. Albert Babeau oiïre une Note sur les plus anciens plans
d'achèvement du Louvre et, la réunion de ce palais à celui des
Tuileries. 1! faut faire remonter au règne de Henri IV les pre-
miers projets de réunion des deux palais.
M. d'Arbois de Jubainville, membre honoraire, envoie un
numéro de la Revue critique d'Histoire et de Littérature, dans
lequel il fait un grand éloge de la Statistique monumentale du
département de l'Aube, par M. Charles Fichot, et formule quel-
ques critiques qui n'oient rien au mérite de cette remarquable
publication.
M. Mathieu, professeur de physique au lycée de Cherbourg, offre
une conférence faite au Congrès agricole de Reims, sur la Tourbe
dans le sol de la Champagne.
M. Labourasse, membre associé, envoie un travail manuscrit
sur : Les Plantations de Pins dans les terres crayeuses de la
Champagne, et en particulier dans l'arrondissement d'Arcis-sur-
Aube.
Séance du 18 octobre ISi).'). — Présidence de M. Félix Fon-
taine, président.
M. Charles Coullon est proclamé membre correspondant.
Ouvrages offerts par M. Albert Babeau, membre résidar.t : Le
Théâtre des Tuileries sous Louis XIV, Louis XV et Louis XVI.
Par M. Herluison, membre correspondant : Texte de l'allocution
à S. S. Pie VII, lors de son passage à Troyes, en l8o;>, pur l'abbé
Herluison, bibliothécaire de la ville.
880 CHRONIQUE
Par M. Louis .Moriii : Une associalion coopérative de Joueurs
d'instruments à Trotjes, au wn" siècle (Manuscrit).
Par .M. le docteur Liitel, membre résidant : Piccueil de ver?
et poème déposé en vue du Concours de poésie.
M. rarchivisle donne lecture de la liste des dons offerts au
musée pendant le troisième trimestre de 189."i ; des remerciements
sont adressés aux donateurs.
M. de la Boullaye rend compte du travail de M. Labourasse sur -.
Les Plantations de l'ins dans les terres crayeuses de la Cham-
pagne, et en particulier dans l'arrondissement d'Arcis-sur-
Aubc.
MM. Ferdinand Maison, ingénieur des Mines, à Dijon, Henri
Abit, professeur au lycée d'Ai.\, et Arsène Gry, cbef de bataillon
au 89° d'infanterie, à Monlargis, sont élus membres correspon-
dants.
Séance du i') novembre l,S95. — Présidence de M. Félix Fon-
taine, président.
Ol'VnAGES OFFERTS
Les Rurales, poésies, par AL Arsène Thévenot, membre associé.
Mémoires de la Société d'Agriculture, Commerce, Sciences et
Arts de la Marne : M Lorraine, ni Champenoise, ou nouvel
aperçu sur Domremij, pays de Jeanne d'Arc. L'auteur, M. Poin-
signon, essaie de démontrer que Domremy dépendait du gouver-
nement de Vaucouleurs et se trouvait, par-là même, directement
sous la domination du roi de France, de sorte que Jeanne d'Arc
ne fut ni Lorraine, ni Champenoise., mais directement Française.
Celle étude est suivie d'un rapport de M. Thibault, sur une bro-
cbure de M. l'abbé Missel, qui est d'une toute autre opinion que
M. Poinsignon, et établit la nationalité cbampenoise de Jeanne
d'Arc ; le rapporteur approuve pleinement les conclusions de
M. Tabbé Misset.
Bulletin de la Société historique el archéologique d'Orléans :
L'Age de Jeanne d'Arc à l'époque du siège d'Orléans, par M. Guer-
rier. Il y a, sur ce point, diverses opinions. L'auleuT établit que
Jeanne d'Arc est née le 6 janvier Lil2 ; c'est donc à dix-sept ans
et quatre mois qu'elle délivra Orléans, le 8 mai 1429.
Bulletin de la Société des Sciences historiques et naturelles de
rVonne : Suite du travail sur Lvs Le Rouge, imprimeurs à Cha-
blis, intéressant l'imprimerie troyenne : l'un des Le Rouge ayant
résidé à Troyes. Notice biographique sur M. Gustave Colteau,
membre correspondant de notre Société Académique.
LECTL'nES ET COMMUNICATIONS DU PRÉSIDENT ET DES MeUBRES
M. Dufour-Bouquot lit un rapport sur Je Théâtre des Tuileries,
par M. Albert Babeaii. C'est un travail d'un grand intérêt^ conte-
nant de très curieuses recherches et digne en tout de son auteur.
CHRONIQUE S87
M. Tenling donne lecture d'un rappofl sur VHisluirc du »iflr-
qitisat di Plancy, par M. le baron de Plancy ; il fait ressortir le
mérite de cet ouvrage très consciencieux, rempli de recherches; il
désirerait seulement l'indication des sources, à laquelle on attache
justement, aujourdluii, une très grande importance. 11 trouve
aussi que l'auteur est bien sévère pour les abbés, qui n'ont per-
sonne pour les défendre.
M. Det lit un rapport sur l'ouvrage de M. Louis Morin : Les
nssocialions coopératives de joueurs d'instruments à Troycs, au
XVII^ siècle. L'auteur a découvert des pièces importantes qui
donnent à son travail une réelle valeur; il fait connaître les règle-
ments, les conditions, les avantages de ces associations ; on y
remarque un grand développement de l'assistance mutuelle.
M. Truelle-Saint-Evron, membre corresporidant, a envoyé un
travail manuscrit intitulé : Un Troyen à la Grande Chartreuse,
notice nécrologique sur le R. P. Timothée Arnoult. M. le Président
donne lecture de ce manuscrit, dont l'auteur demande la publi-
cation.
M. Le Clert lit un travail destiné à ['Annuaire, sur la Faïencerie
de Mathaux ; ce travail est accompagné d'une planche très fine-
ment exécutée, qui donne une idée des produits de celte faïence-
rie. Aucune notice n'a encore été publiée bur ce sujet ; M. Le Clert
s'est proposé de combler cette lacune. La faïencerie de Mathaux
était la plus importante de notre région. .M. Le Clert en donne
l'historique et indique les moyens d'en reconnaître les produits.
M. de la Boullaye dépose, également pour V Annuaire, un por-
trait authentique du général de Dampicrre. Ce portrait sera
accompagné d'une notice qui sera lue à la prochaine séance.
M. l'abbé d'Antessanly rend compte d'un travail manuscrit
envoyé par iM. l'abbé Blampignon, membre correspondant, et
intitulé : Le comte Beugnot. et conclut au renvoi à la Commission
de publication.
Les travaux de MM. Louis Morin, Truelle-Saint-Evron, Le Clert
et Blampignon sont renvoyés à la Commission de publication.
Présentations
.MM. le comte de Vallerand ; Paul Bavatte, ingénieur des Ponts-
et-Chau5sées, à Sedan ; Lefebvre, professeur de mathématiques
spéciales au Lycée de Reims ; et Petit-Dutaillis, professeur d'his-
toire de moyen-âge à la Faculté des Lettres de Lille, sont pro-
posés comme membres correspondants.
Séance du 20 novembre tS95. — Présidence de M. Félix Fon-
taine, président.
CORRIiSPONDANC.-:
Depuis la dernière séance, la Société a perdu deux de ses
membres, M. Bertbeiand, de Chacenay, et M. Théodore Mannequin,
888 CHRONIQUE
économiste. M. le Président se fait l'interprète des regrets causés
par leur nnort.
M. Maison, ingénieur des mines à Dijon, est proclamé membre
correspondant.
M. Barotte, qui a quitté Troyes d'une façon définitive, envoie sa
démission de membre résidant. M. le Président lui a exprimé les
regrets de la Société et le proclame membre honoraire. La vacance
de son fauteuil est déclarée, et il sera pourvu à son remplacement
à la séance de janvier.
L'Institut vient de décerner à M. Charles Ballet, pour son
ouvrage : L'HorlicuUure dans 1rs cinq parties du monde, le prix
de statistique fondé par M. de Monthyon.
M. le Président adresse à M. Baltet les félicitations de la Société.
MM. Courtois et Cognée remercient la Société de la médaille d'or
qui leur a été décernée le 19 juillet dernier.
M. Bruwaërt, à qui l'on doit un travail sur le graveur troyen
Thomassin, couronné par la Société en 1875, et inséré dans les
Mémoires de 1876, écrit qu'il a retrouvé des documents inédits le
complétant et en demande la publication.
M. Bruwaért demande en même temps si la Société Académique
ne perd pas de vue un remarquable manuscrit de Pilhou, qu'il lui
a fait remettre il y a quelques années, pour être publié. M. le
Président lui a répondu que ce manuscrit précieux était conservé
pour être inséré dans le premier volume de Documents inédits,
que la Société serait en mesure de faire paraître.
Ouvrages oi-i-p;rts
Par M. H. Herluison, d'Orléans, membre correspondant: Le Nou-
veau Musée de Jeanne d'Arc ; — et un portrait de G. -P. Herluison,
bibliothécaire de l'Aube, 1759-1811. — il demande en même temps
l'insertion dans les Mémoires de la Société, d'une note relative i
Pierre Mignard, qui a été insérée dans le Compte-rendu du 19*
Congrès des Sociétés des Beaux-Arts des déparlements. Cette note
est très intéressante pour notre pays, mais les Mémoires de la
Société sont exclusivement réservés aux travaux inédits. Avis en
sera donné à M. Herluison, en lui exprimant les regrets de la
Société.
Par M. Lhole, membre correspondant : Un érudit chalonnais :
Josepli-Ami'dée Llioie.
Par M. Charvot, instituteur à Mesnil-Lettre : Noies de L'ahbé
Monnier, recueillies par M. Charvot; — Histoire d'Aiizances et de
Crocq, par Tardieu.
Par M. le comte de Vallerand : Histoire de l'abbaye du Bricot-
en-Brie.
La Revue de Chanipagne et de Brie commence par une note de
M. Louis Morin, sur: Un cas de pression électorale en I72S. C'est
CHHONIQUE 889
l'histoire d'une lutte entre les représentants du pouvoir roval et
les bourgeois de la ville, à propos de l'élection des maire et éche-
vins. Les bourgeois eurent le dessous; mais à la suite de cette
lutte, une réglementation nouvelle intervint pour les élections et
les charges municipales, modification qui mit tout le monde d'ac-
cord « jusqu'à la prochaine querelle », ajoute l'auteur. Les inci-
dents relatés ressemblent, en beaucoup de points, à ce qui se
passe de nos jours, et prouvent que les passions humaines ne se
modifient guère avec les siècles.
Bulletin du Comité des Travaux historiques : A. citer, parmi
les travaux remarquables communiqués au Congrès, un mémoire
de M. Rameau de Saint-Pére, sur les chartes censives du xi« siècle
dans quatre chàtellenies (Oise, Cher, Aube et Orne). La chàtel-
lenie de l'Aube dont l'auteur s'occupe est celle de Chacenay ; il
rappelle avec quel goût et quelle intelligence M. et Mme E. Ber-
Iherand ont fait revivre le château ; il mentionne le concours que
leur a apporté M. l'abbé Lalore, qui a créé, dans le manoir lui-
même, un trésor incomparable de manusciits locaux, dans les-
quels il a trouvé des richesses d'érudition. Il constate qu'à Chace-
nay il y avait encore des ser.'"s en 1084 et i I !9 ; qu'il y avait déjà
des tenanciers censitaires, et même riches, alors qu'une partie de
la population était encore assujettie au servage.
LECTL'RliS ET COMMUNICATIONS
M. de la Houllaye lit une Notice sur le général de Dampierre, à
l'occasion d'un portrait inédit ; elle est destinée à l'Annuaire.
M. Det. en vue de V Annuaire également, a préparé une note
sur L'ancienne rue de ^'e)^vaux, dont il donne lecture.
M. Renaud lit un article de M. Thiébault-Sisson, publié dans la
dernière nouvelle du journal le Temps, du l.'i décembre lH9o, au
sujet de l'attribution du tableau Les Deux Ambassadeurs, qui
appartient à la National Gallery de Londres, et qni a été repro-
duit par la Gazelle des Heaux-Aris. D'après un document qui
parait être un extrait d'inventaire, découvert par .Miss Mary Her-
vey, l'un des ambassadeurs serait Jean de Dinteville, seigneur de
Polisy, bailli de Troyes, ambassadeur de France en Angleterre en
153-2 et lo33.
M. Le Clert dit, à ce propos, que .^L Babeau et lui ont été consultés
pour ce tableau pai- M. Sidney-Colvin, conservateur des dessins au
British Muséum. M. Le Clert lui a envoyé un dessin du vitrail de
l'église de Tbennelières, qui représente Jean de Dinteville.
Elections et Puéskntations
MM. le comte de Vallerand, Baratte, Lefehvre et Petit-Dutaillis
sont élus membres correspondants.
Sont présentés comme membres associés : M.M. Lugène Labille
de Breuze, sylviculteur à Bar-sur-Seine, et Henri Jauès, régisseur
du domaine de Crogny ; et comme memhres correspondants ;
890 CHRONIQUE
MM. Ferdinand Slorelli, Roger (îodoL de Mauroy, propriétaires à
Paris ; l'abbé Paul Berton, à Esternay (Marne) ; Longnon, membre
de rinsliluL ; Henry Lorimy, président de la b'ociélé arcbéologique
du Cbàlillonnais.
Liste des dons faits au Musf.e de Tuoyes (Pendant le troisième
trimestre de l'année IS!).')) :
Peinture
MM.
Le baron Alpbonse de Rothschild, membre de i'Jnstilut : — '
Saint Michel protéijeant nne trépassée. ToUe par M. Hubert-Denis
Etcheverry, médaillé au Salon de 18'J5.
Léon Fréminet, membre associé (legs testamentaire) : — l'ny-
sage. Aquarelle par M. G. Legrand.
Sculpture
Courillon lils, épicier, rue de la Cité, n» 41, à Troyes : — Vierge-
Mèr", statue en pierre datant du commencement du xyi*^ siècle.
Elle provient de l'ancienne maison canoniale qui porte le n" î, sur
la place Saint-Pierre.
AnCHÉOLOGIE
Le Maire et le Conseil municipal de la Ville de Troyes : — Une
petite fourchette; — Une clé; — Une bouclette de chemise sans
ardillon ; — Un clou ; — Un fragment de ferret ; — Un support de
pendeloque ; — Deux tiges découpées dans une plaque de métal, à
laquelle elles adhèrent par leur partie supérieure ; l'autre partie,
qui est libre, est percée latéralement de petits trous (l'emploi de
cet objet nous est inconnu) ; — Une petite tleur de lis, munie d'un
rudiment de pédoncule (tous ces objets sont en bronze) ; — Un
petit médaillon en cuivre jaune, portant sur ses deux faces une
rose gravée en creux. Il date du commencement du xyi^ siècle ; —
Trois clefs en fer; — Plusieurs fragments d'un plat en terre ver-
nissée, orné de dessins géométriques gravés en creux ; — Deux
débris de faïences décorées portant : l'un, le monogramme du
Christ; l'autre, des lettres ayant fait partie d'une inscription; —
Trois fragments de pierres sculptées trouvés dans la rue du Petit-
Cloitre-Saint-Pierre, et provenant vraisemblablement de l'ancienne
église de la Maison-Dieu-Saint-Niculas, xii° siècle ; — Deux boulets
en fer, découverts près de l'ancienne porte Saint-Jacques.
L'abbé Prévost, curé de Rouilly-Sacey, membre associé : — Un
débris de pierre tumulaire gravée au trait. Personnages sous des
édicules. Provient de Rouilly-Sacey, xive siècle.
Mme Charles Savctiez, au nom de feu M. Savetiez, membre rési-
dant : — Une clé ancienne, en for.
Bourgeois, instituteur, à Chapelle-Vallon : — Une batterie
de fusil à pierre ; — Un poids d'horloge, en bronze ; — Un bouton
d'habit, en cuivre jaune.
CHRONIQUE 801
Mazurier, antiquaire, ù Tioyes : — Une enseigne de pèlerinage
en pioml), dont l'entouiMge, ayant la forme d'un co'ur, renferme
une plaquette en plomb sur laquelle on voit, en relief: d'uneûlé,
un évêque bénissant; rie l'autre, saint Laurent portant son irril.
Provient de Villcnauxe.
Cbarles Poussier, rue Saint-Loup, n" 6, à Troyes : — Un carreau
en terre incrustée et vernissée, trouvé dans des fouilles, près du
pont de Jaillard ; — Un débris de verre irisé, provenant du pied
d'un vase et rappelant, par sa forme, certains produits de l'an-
cienne fabrique de .Murano ; — Un fragment de frise en pierre
sculptée, trouvé dans la rue du Hon-Pasteur.
De la Bouliaye, membre résidant : — Un carreau . vernissé
et incrusté, provenant de l'abbaye de Montiérender.
Blanc jeune, rue du Betïroi, n" 8, à Troyes : — Une pendeloque
en bronze; — Un tlacon en verre ; — Deux petits vases en terre ;
— Deux fusaioles, également en terre cuite, et un grain de collier
en verre : le 'tout provenant de la propriété du donateur, située
sur le territoire de Saint-Julien, prés du chemin de fer de Paris à
iMulhouse, dans le lieu dit Le Cliamp-aux-Oics :, — Une boucle de
ceinturon, en fer, portant des restes d'incrustations en or et
en argent. Elle a été découverte dans la même propriété, près
d'un ancien puits. Ces objets datent de l'époque franque ; — Une
bâche en granit, de l'âge de la pierre polie, trouvée dans la grève,
près du déversoir de Saint-Julien; — Un fer de tlècbe, de forme
triangulaire, et des biscaïens en fer, trouvés dans les anciens fos-
sés de la Ville, prés des rotondes du cbemin de fer; — Un frag-
ment du pot en terre qui renfermait les monnaies romaines
découvertes ù Villemoyenne, en 1892.
Numismatique et Sigillographie
Mariotle, propriétaire à Landreville : Quatorze monnaies fran-
çaises et étrangères et un jeton en cuivre jaune : le tout provenant
de trouvailles faites sur le finage de Landreville.
Bourgeois, instituteur à Chapelle-Vallon : — Deux monnaies
françaises, en billon.
Blanc jeune, à Troyes : — Un lot de grands bronzes des Empe-
reurs et Impératrice Adrien, Antonin, Marc-Aurèle, Fausline
jeuns et Commode, provenant de la trouvaille de Villemoyenne ;
— Cinq médailles de l'ancienne Société horticole de l'Aube, dont
quatre en argent et une en bronze.
Le Maire et le Conseil municipal de la Ville de Troyes : —
Quatre-vingt-douze monnaies romaines, françaises et étrangères ;
— Treize jetons et deux médailles, trouvés dans les tranchées pra-
tiquées en ville pour la pose des nouvelles conduites d'eau.
Jourdan, membre résidant : — l,n sceau-matrice en bronz'%
rond et à bélière. Légende : + S WALTLRI. V; CALAI'. Dans le
champ, une aigle empiétant un agneau. Ce sceau de bourgeois,
892 CHRONIQUE
dalanl du xiv siècle, provient de la tranchée ouverte rue du
Cloître-Sain t-Etieni.e.
Mme Charles Savetiez, au nom de M. Savetiez, son mari, décédé
membre résidant de la Société Académique de l'Aube : — Un
cachet de la mairie de Dampieire; — Un cachet de Uabiche, juge
de paix à Chavanges, et quatre cachets de diflférents types, portant
le nom de M. Savetiez, notaire à Dampierre (Aube).
Histoire naturellic
Blanc jeune, à Trojes : — Un oursin, trouvé dans la partie
basse du l'ré-aiix-Gols, finage de Saint-Julien; — Un escargot
{CochUa lerrestris) à hélice renversée.
Ml.NÉRALOr.IE
De Mauroy, membre résidant : — Dix échantillons de météorites
nouvelles pour le Musée.
SociÉTiL Historique et Archéologique de Chateau'-Thierry
(Séance du ^' septembre 1893).— Présidence de M. Véretle, pré-
sident.
1. — La maison de La Fontaine reçoit de fréquentes visites ;
il est peu de personnes, passant par Chàteau-Tliierry, qui ne
lassent un pèlerinage au berceau du fabuliste. Dans le courant du
mois d'août, deux tourisics, littérateurs distingués, MM. Antony
Valabrègue^ critique d'art, et Victorien Maubry, publiciste, ont
publié chacun leurs impressions, le premier, dans la Nouvelle
Revue, le second, dans le journal ÏInsD'uclion Primaire.
La Compagnie, touchée de l'hommage qu'elle a reçu de ces
deux visiteurs, s'associe pleinement à l'idée exprimée entre autres
par M. Valabrègue, à savoir que Château-Thierry aurait tout inté-
rêt à développer son musée et à peupler la maison La Fontaine.
>' On voudrait y voir le plus grand nombre d'objets rappelant
l'auteur des Fables ; quelques tentures de Beauvais, avec des repro-
ductions d'après Oudry. oifriraient une décoration facile et tout k
fait en rapport avec la destination et les souvenirs de la maison. ■>
IL — Inventaire du mobilier de Hilaire de La Haye, auditeur à
la Cour des Comptes, conseiller du rai, à Charly, en 1680.
C'est une véritable indiscrétion que nous allons commettre,
assure M. Corlieu ; mais cette indiscrétion est à la mode, et je
n'en veux pour preuve que l'exemple donné par M. le vicomte de
Grouchy, lequel dépouille, au grand plaisir des archéologues
curieux, les minutes anciennes des notaires de Paris.
Or, Hilaire de La Haye, propriétaire du petit château de la
Bonnelle, à Charly (maisons Fléchy et Dalibon), était mort en mai
1G85, laissant une veuve et plusieurs héritiers. Un inventaire s'im-
posait ; il fut dressé par iNicolas (iorlidot, notaire à Charly.
« Commencé le 13 juillet 1G8(J, cet inventaire fut clos le lende-
CHRONIQUE 89 "i
main. Il esl instruclif au point de vue de la valeur approximalive
des objets au xvii'^ siècle^ et nous montre que le confortable d'un
seigneur à cette époque était inférieur à celui d'un petit bourgeois
d'aujourd'hui. »
Deux membres de la famille de La Haye ont été ambassadeurs
à Constantinople, d'autres ont rempli des fonctions importantes
dans l'administration, la magistrature ou le clergé. Il reste,
comme souvenir de cette famille, une plaque de cheminée armo-
riée et qui se trouve dans la ferme de Charly. « Sic transit gloria
mundi! » ajoute tristement M Corlieu.
III. — M. de Lariviére donne lectyre d'une étude documentée
sur notre La Fontaine, candidat à l'Académie en 1682. Colbert
venait de mourir; une place était vacante ; les amis de La Fon-
taine l'engagèrent à se présenter; il avait pour compétiteur son
ami Boileau. Malgré l'opposition de Louis XIV, malgré l'opposition
du rogue président Rose — qui jeta sur le bureau la dernière
édition des Contes — La Fontaine fut élu, mais ne put prendre
séance qu'après la nomination de Boileau, cest-à-dire en 1684.
Celte notice, finement écrite, insérée dans la Hevuc lillrraire, est
due à un professeur de la Faculté des Lettres de Paris, qui a gardé
l'anonymat,
IV. — Les archives de la Société vont s'enrichir, grâce à
M. Pilloy, d'une pièce fort curieuse. Il s'agit de l'ordonnance,
signée par Louis XIV, contrôlée par d'Ormesson, de Breteuil,
Letellier, réglant les impositions pour l'élection de Château-
Thierry en 178k <( Encore bien, dit l'édit, que les besoins de l'Etat
ne nous permettent pas encore d'annoncer à nos peuples des dimi-
nutions générales sur la masse des impositions, ceux de nos sujets
qui auront éprouvé des pertes locales dans leurs récoltes, doivent
se reposer avec confiance sur notre attention à leur procurer des
secours particuliers, etc.. ■>
Voici les chitlVes des impositions pour l'année précitée :
Pour la taille i l'i.dOO livres
Pour les impositions, accessoires de la taille. . lOI.UO-i —
Pour la capitation (y compi'is 4 sous par livre). . IS.UOO —
Au total. . . . -iOS-iniV livres
11 serait intéressant de comparer ces cliilfres avec ceux que com-
portent Ici rôles actuels,
V. — Le secrétaire annonce la mort de M. Jlené Bigorgnc,
maire de Marigny-en-Orxois, qui avait succédé à son père comme
i.iemhre titulaire, en 1871. La Société présente ses sincères condo-
léances à la famille si cruellement éprouvée.
il enregistre le travail de M. Enlart, sur les MoHumeiUs reltfjkux
de i'arckUcciure romane et de iraiisilion dons les anciens dio-
cèses d'Amiens et de Bohloijne. etc., où l'auteur analyse ou cite
•21 églises du département; ainsi que le volume que M. l'abbé
894 CHRONIQUE
Pêcheur vient de piililicr, qui donne une connaissance réelle
de l'élat du diocèse de Soissons dans la première moitié de
ce siècle.
Séance du 5 novembre IS05. — Le 14 octobre dernier, M. Maciet
faisait déposer dans la salie des séances, pour être remis au musée
de la ville, deux j»ortraits de La Fontaine. « Je pense, dit le bien-
veillant donateur, que ces portraits auront un grand intérêt pour
nos collègues, car ils représentent tous deux le fabuliste assez
jeune et olfrent des types dont le petit musée ne possède pas de
reproduction : 1° petit portrait peint à l'huile, sur carton, d'après
le grand et beau portrait appartenant à la bibliothèque de Genève.
C'est une copie ancienne qui, sans avoir des qualités notables
comme peinture, n'est pourtant pas mauvaise et parait exacte;
2" dessin rehaussé de couleurs, copie agrandie d'une miniature
qui est au Louvre, provenant du legs Lenoir. Cette copie a été exé-
cutée en 1893, par M. Gentil, très jeune pensionnaire de la ville
'd'Orléans, à l'Ecole des Beaux-Arts; elle est d'une ressemblance
très exacte. »
Le 2 novembre dernier, M. Maciet enrichissait encore le musée
des portraits gravés du poêle et de sa femme. Ces portraits ont
été publiés par la maison Hachette dans sa grande édition des
classiques. Des remerciements sont adressés à M. Maciet et au
généreux éditeur.
L'hiver, avec ses longues soirées, va permettre à M. Salèse, prin-
cipal du collège de Verdun, et correspondant de la Société, de
mettre la dernière main à ses deux notices sur les Maucroix et les
Pintrel.
IL — Dans le volume des Travaux de l'Académie de Reims, le
secrétaire signale : 1^ la remarquable étude de M. Duchàtaux, sur
« Virgile avant l'Enéide » ; 2° « le Grand Pardon de Chaumont ».
Cette notice nous révèle un Jean de Montmirel, né à Chaumont
en 1409, mort à Rome en 1479, et tout à l'ait distinct du B. Jean
de Montmirail, abbé de Longpont, mort en 1217. — La Société
des sciences historiques de l'Yonne continue l'intéressante biblio-
graphie de l'œuvre de Pierre I^e Rouge, de Chablis, fécond et
habile graveur, imagier du xni'' siècle.
IIL — « l'etit procès civil et criminel devant la prévôté de
Neuilly-Saint-Fi'ont, en 1780. »
Cette [trévôté avait, le 21 janvier 1789, rendu une décision dont
appellation fut portée devant « laTournelle ». L'alfaire n'était pas
bien grave, mais les débats furent longs, animés, et les parties
épuisèrent tous les degrés de la juridiction ; c'est ce long débat
dont M. Puinsier nous donne une complète et bien intéressante
analyse... Le 21 janvier 1789, on célébiait, avec un éclat inaccou-
tumé, le baptême de l'enfant du cabaretier Salendre. Le parrain
réclama l'aide de plusieurs amis, à l'exclusion des sonneurs attitrés,
CHRONIQUE 89o
pour inellre eu volée les quatre cloches de la parois.^c. Les son-
neurs improvisés accomplirent leur besogne avec tant de bonne
volonté que plusieurs accidents survinrent, et de là prori'-s inter-
minable.
IV. — Dans la deuxième partie de son élude sur « la Pharmacie
de l'Hôtel-Dieu », M. Fr. Ilenriet, après avoir rappelé les bienfaits
de M. et Mme de Stouppe en faveur de la maison que dirigeait,
avec autant de distinction que de charité leur nièce, Mme de la
Bretonnière, s'attache à déterminer les centres de fabrication des
vases de la pharmacie et du service de table. D'après le caractère
décoratif, l'aspect de l'émail, l'épaisseur de la matière, on peut,
sans crainte de se tromper, attribuer une origine nivernaisc aux
200 pièces qui ornaient l'ancienne pharmacie.
« C'est à Rouen que M. et Mme de Stouppe se sont adressés pour
tout ce qui concerne le service de table, et c'était faire preuve de
goût. La fabrique roucnnaise n'avait pas de rivale pour ce genre
spécial, et tenait d'ailleurs, sans conteste, le premier rang parmi
les faïenceries concurrentes ». D'après le manuscrit de Mme de la
Bretonnière, ces services, qui pottent les armes de la commu-
nauté, auraient été reçus au cours des années 16S8 et 1600.
La céramique strasbourgeoise est là, comme partout à peu près,
de qualité moyenne; il faut en excepter quatre corbeilles à fruits
délicatement ajourées, plusieurs tasses à café, et deux soupières
oblongues, côtelées. M. Fr. Henriel pense qu'elles proviennent de
la fabrique d'Aprey (Haute-Marne).
Nous ne voulons pas clôturer celle intéressante analyse sans
relever cette note : Les grandes orgues de l'Hôtel-Dieu, placées
dans la tribune de la chapelle (don de M. de Stouppe), furent mises
en vente pendant la Révolution et achetées par les protestants de
Monneaux ; elles se trouvent encore aujourd'hui dans leur temple.
ClIATEAU-TlIIERRY ET LA MAISO.X IJE La FoNTAINE. — Cllàteau-
Thierry est la ville natale de La Fontaine. Le fabuliste est
demeuré le grand homme toujours honoré et comme le patron
du pays. La fête de la ville conserve cette dénomination : Fi'lc de
Jean La Fonlaine. Une statue lui a été élevée, et il est question
d'en commander une autre plus monumentale. On peut visiter sa
maison qui a été rachetée, restaurée, et où a élé installé un petit
musée.
La maison a gardé, en partie, son ancien caractère ; la façade
rappelle la fin du xvi« siècle^ la porte est llanquée de légers pilas-
tres. Dans la cour on aperçoit un puits surmonté d'un auvent et
recouvert d'une dalle de pierre. Le jardin qui s'étend dcnière celle
habitation montre encore, dans sa disposition, les coins abrités et
ombragés oii rêvait le poète.
Quant au musée, il occupe une petite salle au rez-de-chaussée :
896 CHRONIQUE
on y remarque an porUail de La Konlaine, peint en 1(192; c'est
un don de M. Jules iMaciet, un amateur bien connu, originaire de
Château-Tliierry. De lui viennent aussi quelques autres tableaux
de diverses écoles qui coniposenL le fonds principal de cette
modeste galerie.
Au premier étage se trouve une collection de gravures, qui fait
revivre des personnages historiques, contemporains de La Fon-
taine, entre autres les membres de la famille de Bouillon, qui
devinrent seigneurs de Château-Thierry. Voici Marie Mancini,
nièce de Mazarin, qui fut, elle aussi, duchesse de l'ouillon, et qui
protégea le poète ; voici, plus loin, le maréchal de Turenne et Louis,
duc d'Auvergne et comte d'Lvreux. La plus grande partie de
cette collection d'estampes est due également à M. Maciet.
La Société historique et archéologique de Château-Thierry
lient ses séances dans la maison du fabuliste. Elle est là du reste
chez elle, et l'achat de la maison s'est fait sous ses auspices. Il y a
à Château-Thierry, certainement, un solide courant d'études;
n'oublions pas que le pays a produit quelques artistes distingués,
tels que ^L Léon Lhermitte.
Château-Thierry aurait donc tout intérêt à développer ce musée
qui est demeuré slationnaire et à peupler la maison de La Fon-
taine. On voudrait y voir, comme l'avait souhaité M. Barbey, un
des promoteurs de la transformation et de l'achat du logis, un
plus grand nomlire d'objets rappelant la mémoire de l'auteur des
Fables. Quelques tentures de Beauvais, avec des reproductions
d'après Oudry, offriraient une décoration lacile et tout à fait en
rapport avec la destination et les souvenirs de la maison.
Nous trouvons, quant à nous, que la coquette cité devrait faire
un elfort sérieux pour faire valoir ses traditions et les gloires de
son passé. Château -Thierry qui conserve encore un air <( vieille
France )>, y gagnerait un relief nouveau, une physionomie plus
robuste, à côté des autres centres du département de l'Aisne,
Laon, Saint-Quentin et Soissons. Antony Valabuègl-e.
SkAN'CG PUBLUJCE ANNUEl-LE DE l'AcADÉMIE DE ReIMS. — Cette
séance, retardée cette année par l'Exposition rétrospective et les
vacances, a eu lieu le jeudi 17 octobre, à i h. 1/2, dans la grande
salle du Palais archiépiscopal. Près du bureau de l'Académie,
avaient pris place : Son Eminence le cardinal Langénieux, arche-
vêque de Reims ; .M. Poitfaut, sous-préfet; M. le D' Renrot, maire de
Reims ; M. Diancourt, sénateur; .Al. Jalenques, président du tribu-
nal civil ; M. 'Walbaum, président du tribunal de commerce ;
M. Bazin de Bezons, proviseur du Lycée ; M. le commandant
Caruel, chef du génie, etc. Les membres titulaires et correspon-
dants siégeaient sur l'estrade, et un public choisi avait répondu à
l'appel de l'Académie.
CHRONIQUE 807
Le discours du président, les rapports el le compte-rendu des
travaux de l'année sont lus dans l'ordre du programme :
1 . Discours d'ouverture par M. Albert Benoist, président annuel.
2. Compte-rendu des travaux de l'année 1894-1890, par M. Henri
Jadart, secrétaire général.
3. Rapport sur le Concours d'Histoire, par M. Haudeco^ur,
membre titulaire.
4. Rapport sur le Concours de Poésie, par M. Paul Douce,
membre titulaire.
5. Proclamation des Prix et Médailles, par M. L. Demaisou,
secrétaire archiviste.
L'Album de VExposUion relrospcclive de Reims et celui de
V Eglise Salnl-Rcmi (photographies par F. Rothier), étaient expo-
sés dans la salle et ont attiré l'attention de tous les assistants par
leurs belles reproductions.
Les prix et médailles ont été ensuite décernés aux lauréats, dont
voici la liste :
Poi-;siE
1 . — Une médaille d'or de lOD fr. est décernée à M. Achille
Jlillien, membre correspondant à Reaumont-la Ferrière (Xièvre),
pour ses pièces diverses.
2. — Une médaille de vermeil à M"" B.Tliorel, à Gaillon (Eure),
pour ses pièces diverses.
3. — Une médaille d'argent de première classe à M. P. Ouagne,
à Bornest (Nièvre), pour sa fable.
4. — Une médaille d'argent à .M. Louis Mercier, membre cor-
respondant à Besançon, pour sa pièce Les Roses de Noël.
Histoire
1 . — Une médaille d'or de 200 fr. à M. Sécheret, instituteur à
Mouzon, pour sa Monographie de liaucourl el îlaraucourt
{Ardenms).
2. — Une médaille d'or de 100 fr. à M. Clariri de la Rive, pour
son Elude sur lioberl de Lenoiicourl, avchevcquc de Reims.
3. — Une médaille de vermeil a M. Thénault, lauréat de. précé-
dents concours, pour sa Monograpliic de Vertus [Marne).
4. — Une médaille de vermeil à M. l'abbé Antoine, pour sa
Monograyliie de Vireux-Wallerand (Ardennes).
l). — Une médaille d'argent à M. Cousin-Henrat, cultivateur à
Lavannes, pour sa Monographie de Lavannes [Marne].
G. — Une médaille d'argent à M. l'abbé Alexandre, curé de
Saint-Loup-Terrier, pour la publication d'une Histoire de Sainl-
Loup-ïerrier [Ardennes).
Beaux-Auts
Un jeton de vermeil est otVert à M. Rothier, photographe, pour
:.7
898 CHRONIQUE
l'envoi de ses Albums de VExposilion rélrospcclive et de l'Eglise
Saint-Rcmi de Reims.
La séance était levée à 4 heures, laissant le public sous l'impres-
sion des hautes pensées et des souvenirs historiques évoqués par
les orateurs. H. J.
Voici le compte-rendu des travaux pendant l'année 1894-1895,
qui a été lu par M. Henri Jadart, secrétaire général :
Messieurs,
Celte année, la lâche principale de l'Acailémie fut sa participation à l'Ex-
position rétrospective entreprise par la Ville, à l'occasion du Concours régio-
nal, et organisée dans les salles de ce palais avec le gracieux agrément de
S. Em. le Cardinal. Celte lâche, assumée en dehors de nos travaux habi-
tuels, était bien conlorme cependant au but de notre Société, qui est de
a contribuer au développement des sciences et des arts, et de recueillir les
matériaux qui peuvent servir à Thistoire du pays... ^ » C'était, en outre,
un devoir civique proposé à TAcadémie par notre confrère honorable, M. le
Maire de Reims, et résolument accepté par vous en vue du bien public, sous
la seule réserve de toute responsabilité financière.
Inspirée par ce noble élan, votre commission, Messieurs, a montré ce que
peut produire un accord persévérant et désintéressé sur le terrain fécond de
l'histoire locale, de l'archéologie et de l'art. Vous n'avez point, en effet, res-
treint votre mission aux seules ressources des membres titulaires de la
Compagnie : après avoir pris dans votre sein le commissaire général,
M. Léon Morel, et le trésorier, M. Ernest Brunette, vous avez fait appel à
vos correspondants, M. le baron Remy, M. Paul Simon, M. Théodore Petif
jean, dont les collections sont tout un Musée ; à vos collaborateurs les plus
Gistingués, M. Louis Robillard, qui valut à lui seul une armée, \1 . Véry-
Mennesson ; aux membres du bureau de la Société des Arts, M. Alexandre
Heuriot et M. André Trévost-'. Ces membres divers du comité d'organisation,
présidés par votre président et assistés du délégué de l'Administration muni-
cipale, M. Ch. Morizet, ont renouvelé l'entreprise si applaudie de 1876, sur
les mêmes bases et avec le même succès artistique. En plus, nous avions le
musée de la médecine rémoise, par M. le D' Guelliot. A eux tous est due
voire profonde gratitude.
Il ne nous appartient pas d'apprécier l'Exposition nUrospective en elle-
même : quinze mille visiteurs ont pu la juger. M. Ch. Yriarte, inspecteur
des Beaux-.\rts, délégué du ministre; M. Fiédéric Henriet, délégué de la
Société historique de Château-Thierry ; M. le comte de Maisy, directeur de
la Société française d'archéologie ; plusieurs autres critiques d'art et écri-
vains en ont proclamé le résultat et affirmé l'intérêt-'. Vos vœux sont com-
blés à cet égard, puisque vous avez eu la satisfaction d'élever les âmes vers
les splendturs du beau, et de mettre en lumière mille détails inconnus de
1. Slaluls de l'Académie de Reims, article premier.
2. Le comité s'était assuré le concours dévoué de MM. Justinart, L'Hoste
et Matot, qui contribua grandement à la réussite.
3. Voir la lettre de M. Ch. Yriarte dans les journaux de Reims du 17
juillet, et le compte-rendu de M. Frédéric Henriet dans le Journal des Arls
du 17 juin 1895. — Cfr. liulicttii monumental, 1895.
CHRONIQUE 800
notre passé glorieux. Vision bienfaisante, mais éphémère, que vous évoque-
rez toujours avec un vif attrait, et dont il vous restera un double catalogue,
celui des curiosités de l'art et de l'archéologie, et celui du Musée lapidaire,
qui est en grjnde partie votre œuvre depi'is trente ans. En outre, un album,
dû au talent de M. Rolhier, photographe lauréat de l'Académie, retracera
ces perspectives évanouies de vitrines d'objets d'art, de belles tapisseries, de
riches trésors, de meubles et de tableaux, réunis et c'assés en si grand
nombre et dans une variété merveilleuse. Vous avez travaillé ainsi pour
l'honneur de Reims, de sa région et de toule la Champagne : c'est une poge
inetfaçable dans vos annales.
l'iusieurs séances ordinaires, trente séances de commission vous ont été
nécessaires pour les préparatifs de l'Exposition rétrospective, et cependant
vous avez tenu à assurer au public, dans l'intervalle, deux conférencas qui
ont rallié tous les sutfrages de l'auditoire d'élite que vous aviez groupé autour
de nos orateurs. Le premier était l'un de nos plus zélés correspondants,
M. le baron Joseph de Baye, qui vient d'acquérir une si haute notoriété
pour sa participation aux recherches archéologiques en Russie. Ses travaux
ont été le point de départ d'une adhésion et d'une entente commune entre
les corps savants de Pétersbourg et de Moscou avec nos Académies et nos
Sociétés historiques. Il nous a parfaitement rendu compte de l'utilité et du
profit que la France pouvait tirer des congrès internationaux, et de ces com-
munications de la science, qui rapprochent en ce moment tant d'esprits d'un
bout à l'autre de l'Europe. C'est ainsi qu'il a été amené à nous faire con-
naître l'œuvre du peintre Wasnetzoff a Moscou, à Kiew et en d'autrer
grandes cités russes. Grâce aux projections habilement conduites pas
M. Houlon fils, vous avez été témoins des grandioses scènes de l'âge de
pierre, et des épopées religieuses ou nationales que son pinceau a fait revivre
sur les fresques des monuments. Mieux encore, vous retrouverez ces images
fidèlement reproduites dans le prochain volume de nos Travaux, avec le
texte de la conférence, splendidement illustré par la muniOcence de notre
confrère. Nous lui adressons d me en ce jour l'assurance de notre cordiale
gralitule, alors qu'il parcourt ces vastes espaces qui conduisent de Russie
en Sibérie. Il y fait partout connaître notre langue et sentir notre intluence
scientifique.
L'autre conférencier était M. Georges Rloudel, agségé de l'Uui\ertilé,
membre de la Société d'Economie sociale, chargé de cours à la Faculté des
Lettres de Lille. Elève de 1 école de L.e Play, il exposa d'abord les mérites
de la méthode d'observation pour l'étude des questions sociales chez les dif-
férents peuples. Il relata ensuite ce qu'il avait recueilli lui-même d'obser-
vations au cours de dilférentes missions en Angleterre, en Allemagne, eu
Russie et en Italie, sur toutes les questions d'actualité, sur les rapports enlrj
Iès ditlérentes classes, sur les luttes qu'elles engendrent ou menacent d'en-
gendrer partout. Il exposa les causes qui provoquent ces luttes ou ce malaise
général, causes d'ordre économique et causes d'ordre moral ; il les discuta et
proposa des remèdes dont il exclut d'emblée le socialisme d'Etat ; il insista
surtout sur le développement des associations, sur le dévouement des patrons
qui consacrent à leurs ouvriers une partie de leur intelligence et de leur
temps L Le langage élevé de M. Bloudel, sa haute compétence, sa profonde
sincérité ont impressionné ses auditeurs, et tous semblaient lui dire :
1. Voir le compte-rendu donné par le Courrier de la Chnmpjgne du L'4
mars 1895.
000 CHRONIQUE
Au revoir. Il apparlicnl à noire président, membre lui-même de relie utile
Société d'Economie sociale, de poursuivre parmi nous son action bienfai-
sante, éclairée, et qui serait salutaire dans notre grande ville, autant et plus
qu'ailleurs.
Telles sont, Messieurs, les initiatives publiques de l'Académie dans le
cours de celte année : une exposition et deux conférences. Je leur devais
une assez large part dans ce compte-rendu, je n'rse avouer que ce sera au
détriment de nos propres travaux, dont j'abrégerai l'analyse. On m'a
reproché. Messieurs, de ne dire que du bien de vos communications ; com-
ment en dirai-je du mal, alors que j'en aperçois surtout la valeur conscien-
cieuse ? La critique, d'ailleurs, n'est point mon fait : je vous citerai, et ceus
qui voudront critiquer vos œuvres commenceront par les lire.
Sciences
Nos confrères, MM. les docteurs Guelliol et Colleville, ne manquent
jamais de nous ollrir leurs publications médicales. Nous les en remercions
cordialement.
Les préoccupations des savants sur l'avenir de la navigation aérienne se
font jour partout, en Fiance comme en Amérique. M. Benoisl vous a parlé
de la machine volante de Hiram Maxim, il en a détaillé le mécanisme et
indiqué les résultats acquis '.
Autre question internationale, universelle même, que celle du sort des
échanges de monnaies entre les peuples, et de la préminence actuelle de l'or
sur l'argent, dite pour cela question du bimétallisme. M. Maldan vous a
résumé l'étal de la bataille entre le camp blanc et le camp jaune ; il a pré-
conisé la réunion d'une conférence diplomatique qui saurait préserver
la vieille Europe et apporter un remède à ce péril économique. M. Duchâ-
taux a présenté des observations en sens opposé; une discussion s'est enga-
gée, et vous n'avez point conclu, laissant à l'élude et au temps le soin de
poursuivre ces aidus et inquiétants problèmes,
Belles-Lettres
Le seul eiivoi littéraire de l'année est celui des Sonnels de M. Clovis
Tisserand, notre correspondant à Relhel, dans lesquels il caractérise Ips
écrivains les plus marquants du grand siècle sous des traits précis, et en
même temps avec beaucoup de simplicité d'expression.
HlSTOIt^E
Les Débuis de FEchevinage rémois, ses origines et ses Iransformalions,
lel est le sujet d'un vaste travail de M. Thirion, le savant professeur dout
nous déplorons le départ. Il a eu le temps de dépouiller, durant son séjour
à Reims, toutes les séries des Archives communales, et de nous lire des
aperçus de son ouvrage qui rétablira les faits et modifiera les conclusions
d'Augustin Thierry. Il on est peu de celle étendue dans nos mémoires. Vous
en avez jugé par les éludes sur la commune de Reims et les luttes des habi-
tants avec le Chapitre et avec les archevêques Manassès et Henri de France.
Pourquoi faut-il interrompre ces lectures quand elles allaient aborder le lôle
paciticateur de Guillaume de Champagne? Attendons patiemment la publi-
cation intégra e de l'œuvre dans nos volunirs.
Vj. l'abbé Haudecœur a apporté le contingent de trois importantes com-
1 . Les aéroplanes et la machine volante de M. Maxim, par Gaston Tis-
SANDiEB, dans La Nature, 189'i, 2« sera., p. 2'J4.
CHRONIQUE 901
municalions k nos séances, l'une sur les Espions atiglais à Reims au xvi«
Siècle, fruit de ses recherches en Angleterre et de sa connaissance des faits
relatifs à Guillaunae Allen, à Guillaume GiflorJ et autres réiugiés anglais ;
— la seconde, sur les Guillemites et leur (ondaleur, conlribation absolu-
ment nouvelle à l'histoire des ordres religieux en France et au prieuré de cet
ordre établi à Louvergn}^ (Ardennes) ; — en6n, la plus importante, (^Mt Jeanne
d'Arc devant l'opinion et la liileralure anglaise, dont la publication a suivi
de près la lecture à nos réunions. Tous ceux qu'intéresse la mémoire de
Jeanne d'Arc hors de France ont puisé dans cette revue une infinité de ren-
seignements et d'exactes observations.
M. Ponsinet vous a rendu compte des travaux d'un autre genre sur Jeanne
d'Arc, qui ont élé vaillamment repris et très élégamment composés par un
érudit champenois, M. l'abbé Misset. Il s'agit de cette question réputée
insoluble, de Vorigine et de la nationalité de la Pueelle, que M. l'abbé
Etienne Georges avait entreprise, de son côté, de longue date. — M. l'abbé
Misset a mis dans ses exposés de la verve, de la netteté, une grande préci-
sion, mais peut-être des vues trop modernes et trop simples, en ce qui con-
cerne les divisions et les juridictions de l'époque. Vous continuerez a suivre
ses études avec intérêt, sans les séparer des loyales et judicieuses répliques
qu'elles inspirent à M. Léon Germain, notre correspondant à Nancj'.
L'Armoriai de l'Abbaye de Saint-Nicai:e, tel est le chapitre ajouté celte
année par M. Ch. Givelet à son étude sur la célèbre basilique de ce nom.
Vous avez entendu avec non moins de curiosité le travail de M. Léon Le
Grand, notre correspondant à Paris, sur le Codicile de Guy de Roye, arche-
vêque de lieims, pièce qui complète son testament avec infiniment de détails
précieux pour l'art et l'arcliéologie, l'histoire de la charité à Reims et la
fondation du collège de Reims à Paris.
Un recueil trop oublié est celui des Affiches de Reims (1772-1805), feuille
hebdomadaiie due a l'initiative de Havé, avocat et homme de lettres, qui est
elTeclivement le iondateur du journalisme à Reims. Mais quel journalisme en
comparaison du nôtre ! On ne trouve, dans les Affiches, que des annonces
fort curieuses aujourd'hui pour l'histoire, des récits d'événements la plupart
intéressants, des descriptions des fêtes, des pièces morales, des poésies et
la nécrologie locale. Point d'articles de politique courante, point de discus-
sion ni de personnalités. Malgré cela, ou plutôt à cause de cela, il a été
facile à votre secrétaire général d'en extraire toute une Chronique rémoise
de la fin du xviu' siècle, à laquelle il a joint des documents sur les derniers
jours du Chapitre de Reims, sur les premières délibérations de la paroisse
Notre-Dame, sur l'envoi, par la municipalité, du Concilie de Trente à Fran-
çu^s de Neulchâteau, et enfin sur la population de la ville et des environs à
l'époque de la Révolution.
C'est de la même époque que vous entretint, avec une rare compétence,
M. Cicile, notre correspondant à Reims, lequel nous quitte malheu'euse-
ment, comme son confrère NJ. Thirion. Il vous a restitué sous son vrai jour,
et avec unt», ressemblance absolue, un personnage très peu connu historique-
ment, sans doute parce qu'il fut le héros du roman d'Alexandre Dumas, Le
Chevalier de Maison Rouge. Déjà M. Lenôlre avait publié Le Vrai Cheva-
lier de Maison Rouge, qui donna le vrai nom et rétablit la biographie
de Gonzze de Rougeville dans son cadre réel ; mais notre confrère fut encore
plus précis que cet auteur dans son compte-rendu : il corrigia certains
points douteux, ajouta maints détails fort curieux, et nous retraça la vie
entière du conspirateur dans une communication orale. Les plus curieux
détails pour nous sont ceux de la mort de Gonzze, qui vécut interné à Reims
902 CHRONIQUE
sous le premier Empire, et y fut fusillé par ordre de Napoléon, au moment
de la campagne de France.
Archéologie, Beaux-Afits
La lecture de la suite d'Arles gallo-romain par M. Bazin de Bezons, a
précédé la publication que nous allons l'aire dans nos Mémoires de la com-
plète description de celte importante cité. Comme naguère pour Lyon et
pour Nîmes, il étudie tous les débris antiques, tous les monuments debout
ou détruits qui en sont la gloire dans le passé et dans le présent.
Ajoutons à cet égard que M. le Proviseur du Lycée a invité les membres
de l'Académie à l'inauguration de la galerie archéologique, disposée par ses
soins dans cet établissement. Cette galerie comprend de nombreux moulages
de bas-reliefs choisis et de sujets divers de l'antiquité, du Moyeu-Age et de
la Renaissance ; on peut y suivre le style et les progrès de chaque époque.
Une telle initiative répond trop bien au programme d'une Société savante
pour que vous ne deviez en féliciter le savant maître qui en est l'auteur et
les élèves qui en profiteront.
Plusieurs documents inédits sur la construction de la belle église de
Noir e- Dame- de- r Epine, entre autres un dessin original de l'abside décou-
vert aux Archives de lîeims, ont été mis au jour par NL Demaison, après
qu'il en eut donné lecture au dernier Congrès des Sociétés savantes. Le bon
accueil fait à cette notice par le Comité des travaux historiques est le plus
sur garant de sa valeur. Ainsi se trouvent détruites les légendes sur les
fausses dates acceptées jusqu'ici, ainsi que les prétendus plans d'un archi-
tecte anglais. M. l'abbé Puifeux, notre correspondant à Cbâlons, avait
entamé le premier la réfutation des erreurs ; notre confrère achève la pleine
démonstration do la vérité.
S'inspirant des conférences de M. le baron de Baye sur les œuvres de
"Wasnetzoff, AL A!p. Gosset nous a fait valoir le mérite des peintures à
fresque dans les édifices religieux, en insistant sur la tradition qui leur main-
tint, dès l'origine, une place considérable dans les basiliques chrétiennes.
Il demande le retour à cette tradition, et par conséquent l'adoption de plans
en rapport avec la décoration murale la plu- étendue possible. Cette motion
est évidemment favorable aux intérêts de l'art, mais il a été observé à notre
confrère que jamais l'on ne s'est départi entièrement des anciennes règles,
et que, même dans les édifices gothiques, une part était réservée à la pein-
ture proprement dite, en dehors des larges espaces destinés aux vitraux
dans les baies, aux mosa'îques dans les pavages et aux tapisseries sur les
murailles.
Les tapisseries sont encore en usage à Reims, pour la décoration des
chïurs et des basses-nefs des églises. A cette occasion, Messieurs, votre
secrétaire général vous entretint de la restauration des précieuses tapisse-
ries de la Vie de Saint Rémi, dont la Direction des Beaux-Arts entreprend
la restauration aux Gobelins. Ce grand travail, dirigé par M. Guiffrey, et
dont M. Marcou, inspecteur-adjoint des monuments historiques, est le plus
dévoué promoteur, a rallié tous les suffrages au sein de l'Académie'. Sou-
haitons qu'il en soit de même, avec le vote d'un subside en plus, au sein du
Conseil municipal, qui est intéressé au premier chef à maintenir les richesses
artistiques de la ville, principal atlri;it des visiteurs si nombreux dans nos
1 . Voir une note sur cette restauration, dans le Journal des Débals,
reproduite dans le Courrier de la Cliami agne du 18 septembre 189").
CHRONIQUE 903
monuments. Nos efforts, 'nos vœux ne seront point impuissants, si nous
savons les faire valoir avec l'appoint de l'opinion et de l'inlérèt publics.
L'éplise Saint-Remi est, d'ailleurs, l'objet de multiples études, à raison
des fêles prochaines du 14" Centenaire du baptême de Clovis. Un album
général de l'édifice vous a été présenté par M. Rotliit^r, photofiraphe, en vue
d'illustrer plus tard une histoire et une description complète du monument.
Vous avez ofert en reconnaissance à cet artiste uoe médaille de vermeil à
titre d'encouragement spécial.
Ce sont les tableaux de l'Ecole rémoise qui ont attiré cette année l'atten-
tion de M. le chanoine Cerf, et il en a découvert d'inconnus jusqu'ici aux
chercheurs, dans les diverses communautés et les bô{)itaux de Reims. Il en
a dressé l'inventaire méthodique, et a fourni ainsi un nouveau continssent de
modèles à ijos artistes et amateurs contemporains.
Envois des Correspondants
Outre les travaux manuscrits de nos correspondants s-ignalés plus hau!,
nous devons mentionner les publications dont plusieurs ont bien voulu nous
réserver l'envoi : \i. le U' Eug. Doyen nous a offert spn ouvrage sur le
Tratlemenl chirurgicnl des maladias ds l'estomac; — M. Théodore Dubois,
sa Notice sur Gounod ; — M. l'abbé Hannesse, son rapport au Congrès
eucharistique ; — M. le baron de Baye, ses Anliquilés franques en Bohème ;
— M. l'abbé Péchenart, lauréat de l'Académie, son volume sur Sillery ei, ses
se:giieurs ; — M. Amédée Lhote, sa belle et utile tlisloire de l'Imprimerie
à Chdlons ; — M. Armand Bourgeois, plusieurs opuscules littéraires ; —
M. Bosteaux, ses rapports aux Congrès pour l'avancement des sciences ; —
M. le baron Kemy, ses recherches sur la Maison de Beffroy ; — M. Louis
Mercier, un Bouquet d'Idylles ; — M. Louis Arnould. sa Leçon sur La
Fontaine ; — M. l'abbé Etienne Georges, ses notices sur Troyes ; — M. Léon
Germain, ses divers travaux d'archéologie lorraine ; — M. le comte de
Alarsy, sa Lecture sur Racine ; — AL N. Kharousine, son Histoire d'une
ancienne ville russe en Livonie ; — M. de Lapparent, ses études sur VAge
des formes topographiques et l'Equilibre de la terre ferme ; — et enfin l'un
de nos plus éminenls confrères, M. Léopold Delisle, ses études sur les
Bibles de Cutemberg, et sur les manuscrits de M. Armand Durand, parmi
lesquels se trouve la Chronique de Signy, document important de notre his-
loire locale, dont la trace était perdue.
Décès et Mutations
Depuis trois ans, de 1892 à 1895, la mort n'avait causé aucun vide dans
les rangs de nos membres titulaires, nous avions pris la douce habitude d'eu
remercier la Providence et de croire un peu à notre immortalité. Cette
année, trois pertes successives nous oui rappelé que nous n'étions à I épreuve
d'aucun de ces coups douloureux du trépan, ni des séparations qu ils
enlraînent.
Vous avez perdu M. le D' Henri Jolicœur, dont nous vous présentiont
l'an dernier, à pareille séance, le bel ouvrage sur les Ravageurs delà Vigne,
et qui continuait encore, sous les étreintes d'un mal qui ne pardonne pas,
de nouveaux travaux profitables à tousL Bien qu'il n'ait pu s'associer direc-
timent à nos séances dans son élat de santé, son nom était un honneur sus
notre liste, et ses œuvies resteront pour nous un légitime sujet d orgueilr
Aussi, vous VOUS' êtes associés aux regrets et au deuil de Id ville entière,
pleurant un bienlaileur des hospices et des pauvres.
1. Journaux de Reims des 16 et 18 janvier 1895.
904 CHRONIQUE
Ce fut ensuite lo tour d'un vétéran de la Compagnie, ferme et beau vieil-
lard, infatigable dans ses travaux littéraires comme dans ses œuvres de cha-
rité, vous avez nommé M. Prosper SouUié, qui a tenu dans vos rangs une
place si importante, l'espace de quarante-deux ans. Docteur et professeur
agrégé de l'Université, officipr de llnstruclion publique, il parcourut une
honorable cariière dont une partie s'écoula au Lycre de Reims; il prit sa
retraite dans cette ville, où il vient de mourir au seuil natal, fidèle à ses
alieclions et aux devoirs de toute fa vie. Ses nombreuses lectures à nos
séances, ses rapports sur les concours de poésie, ses actes comme secré-
'■aire-archiviste et comme président lui assuraient dans nos annales une place
inetfaçalile ; vous avez tenu à en fixer le souvenir par un hommage d'adieu
sur sa tombe et par une notice spéciale dans nos volumes'.
Un autre membre honoraire, beaucoup plus jeune, fut enlevé cette année
préraatuiément à l'enseignement public, M. Gustave Carré, professeur agrégé
d'histoire au Lycée Uakanal, qui fut, de 1883 à 1886, alors qu'il professait
au 1.3'cée de Reims, l'un de nos plus assidus confrères. Il nous fit parti-
ciper à la préparation de sa thèse de doctorat sur le Collège des Oraloriens
de Troijes, en nous «lonnant plusieurs intéressantes lectures sur ce sujet qu'il
alîeclionnait. Il fit aussi le rapport sur un concours d'histoire, et stimula autour
de nous le zèle et les aptitudes à la connaissance des bonnes méthodes his-
toriques. Nous lui devons donc le juste tribut de notre estime et de nos
regrets.
Le concours de 1875 vous avait procuré l'occasion de récompenser un
mémoire sur la Législation rurale en 1791, envoyé par M. Masson, alors
juge de paix à Avize. Devenu coirespondant de l'Académie l'année suivante,
il resta en relations avec nous à Epernay, puis à Reims, où il termina trop
tôt sa carrière, en 1894, entouré de l'estime générale.
J'arrive au nom de l'un des plus illustres érudits de l'Europe, M. le com-
mandeur J.-B. de Rossi, que des liens rattachaient de longue date au dio-
cèse de Reims, et qui voulut bien s'associer à plusieurs de nos travaux. Il
accepta le diplôme de correspondant que vous lui aviez décerné récemment
en témoignage de gratitude pour ses services et d'admiration pour ses tra-
vaux. Son éloge est dans tous les recueils savants ; nous ne pouvons que
nous en faire l'écho, et nous associer à ce concert unanime de regrets envers
la mémoire de ce grand homme, de « ce beau génie qui, selon l'expression
de M. Ed. Le Blant, créa toute une science et découvrit tout un monde- ».
Vous avez suivi un troisième deuil, celui de M. le D'' 0. Doyen, ancien
maire de Reims, professeur honoraire à l'Ecole de Médecine, qui appar-
tenait à l'Académie depuis trente- trois ans. Il y fit plusieurs conférences
scientifiques, fréquenta nos séances et nous apporta fidèlement ses produc-
1. Travaux de l'Académie, t. XCV, p. 93.
'2. Paroles de M. Ed. Le Blant à l'Académie des Infcriplions et Belles-
Lettres, en lui annonçant la mort de M. de Rossi, dans la séance du 21
septembre 1894. — Autres éloges et notices, par M. l'abbé Duchesne, dans
la lievue de Paris, 1894 ; — par M. Paul Allard, dans le Corresponaanl,
1894 ; — par M. Eug. Mûntz, dans la Gazelle des Beaux-Arls, décembre
1894, p. 512. ; — par M. A. Gelfroy, dans les Mélanges dj l'Ecole fran-
çaise de Rome, octobre 1894; — par M. Ledos, dans la Revue des Ques-
lions historiques, avril 1893, p. 562 ; — par MM. A. Pératé et Jean Gui-
raud, dans la lievue Historique, mars et mai 1895 ; — par M. Jehan de
Witte, dans la Revue de l'An chrétien, 189;>; — enfin, dans le Bulletin du
Diocèse de Reims, 29 septembre 1894.
90?
CHRONIQUE
Uon. diverse, en dernier liea son ^i-^.;/^-!: ^::aif iJ^îcù!^;^
en 189..ntitulé : U.e page ^^^^^^"1^1']'^^^^^^^^^^ de facniUe
de celte Ecole et ses services pour la f°™^^ °° ^ ^^^^^ ,„„frère,
ouvrière. C'était une des plus nobles P-^^P; '^^^^ j^^ ^^'^....-.Hé, de
d'.a.éliorer la condUion des ian,dl s du P^P^^^^j; ^^^^ f.^ers et dans
leur olTrir une assistance vraiment digne et secourable a y
nos établissements hospitaliers ' .
A la suite des membres titulaires, j ai a -us IcU^ pa^ du déce
aiembres honoraires et de deux membres correspondants, qui
eu des relations suivies avec la Compagnie. «.imsen
Lue Socieié au co„™ de sa ..gue '- « «•,^' »" '„»„ ,3pp„, ,„ les
elle à l-occa.i«« d» concours <le 18S3^1l »"" °^°"' P ^,^,,3 ji3„„,
C./sses d'épors»», s" concours de 1S43 ses autres
petpéluerocl sa mémoire dans nos annales. ■„ ,1„ la ville
' L. mo,.,éc..led. M. Narcisse Brou.ue. »-'";-'« "»" ,, f,'. ' ,
ne peut S„e passée sous sile.c. dans ceUe --' ô ;„ "^ "p',,,, „ fu,
La mort na paa eie sluh. a optil's et plus dévoues
...idence vient de nous priver de lui. ^^^^^^^^^ ^^ ^e de Reims,
•conirères. M. Paul Thirion, P-^-^- '' rf/^^'^tTne nous quitte point
promu à Tune des chaires du Lycée de ^^'^^f^' ' ] j^j,,, cjui
out entier, sa collaboration nous -^« -<j^^- P° rJ^X ^ ,3 partiJi-
nous rendra ^e c^-ne^-^^oe, ;^^ taLJ^^HoU.gue, M.^CicU.
Tor^^tteTgrmer;: suite de sa nomination au Lycée de Poitie.s. A
tous deux, nos félicitations et nos vœux ^^^ ^.^^^
Il est temps. Messieurs, de serrer nos rang. °^P >^ ;; '^ , ,etle
, .t .Ipc nus et le départ des autres nous inlligent si ruaemcu
que la mort des uns ei le uepa ,„^-„pc narmi nous, en leur
;-:-r::rL:e=d::anS::::';inn:^!i:a.ss.e;ud.e.
, Nolice bi0R,.pla,«e dans le Co»r,-,.,- * <« C/...»p.9»e ■!» " J"'""
iriu:a:srSv;rd.rir:,„::s:J'n"drie,odw^^^^
4. ./otir^aux de Heims des 0 et 12 octobre 18J..
^^^ CHRONIQUE
SociiiTK d-Archéolog,e, Sc.ences, Lettres et Arts du département
r>K^SE,.E-ET-MAR.E. - Ordre du jour de la séance du 27 octobre
Notice sur Vaux-le-Pénil (suile), par M. G. Leroy.
première audUion d'un acte d'opéra, poésie, par M. L. Vavas-
Uii fâcheux surnom, par M. René Morel.
seul
Note sur les tufs de ta Celle-sous-Morel et sur une récente
découverte de silex taillés, par M. Keyni
lier
Dans les Mémoires de la Société royale des Antiquaires du Nord
TZtTi ' ' 'r '''-'''^' ^'" '' une dissertat.on d
M. Hans Olrik sur deux documents danois conservés aux Archives
de 1 Aube provenant du chartrier de Clairvaux. Ils sont re ati ^à
s privilèges accordés à ce monastère par le roi Valdemar II en
UJu. M. Olnk constate que ces deux documents, portant la même
da , émanes l'un et l'autre dun ro. Valdemar, offrent cependant
laient etie 1 œuvre d'artistes français. Il pense que l'un de ces
diplômes est de Valdemar II et l'autre de Valdemar le jeune son
fi .associe à son père jusqu'en 1231, date de sa mort, ie dernier
d.pl me a ete donné au gouvernement danois par le gouverne-
ment fiançais, en échange delà reproduction galvano plastique
du vase en argent de Gundestrup déposée au nLée nat^ouaH
oaint-bermain-en-Laye.
*
Inauguration du Monument de Champa,;bert. - Le dimanche 20
octobre, a eu Heu, à Champaubert (Marne), la fête organisée à
loccasion de 1 inauguration de la colonne commémorative du 10
lévrier 1814, récemment restaurée.
châlomili'rr'^' ^" ""'"p ' '"' "'"^^'■"'^ '^^ "^'^'^''^ du Comité
chdlonnais du Souvenir Français se réunissaient à la gare de Châ-
lons, pour prendre le train à destination de Colligny. A l'arrivée
des voitures attendaient les invités, et après un arrêl de quelque^
a cLtVautT' '^ '''''''-'' ''-'-^' ' -- '--^ - d '-e
reçu Tlt'',' ^^-/'^"^ ^«"^onipagné des conseillers municipaux, a
'eçu i 1 entrée du village le Comité du Souvenir Français
Domnier?f Vr'''''^' ^" '" ^'"^'^' ^' ^'^^ '^ '''^^''^ des sapeurs-
pompiers de Champaubert, s'est rendu à la mairie, ou un banquet,
CHRONIQUE 907
a élé offert aux invités. Ce banquet a eu lieu dans la salle d'école,
ornée avec goût par M. Schmitte, instituteur à Champaubert.
Après le banquet, le cortège, précédé du clergé de la paroisse,
de la musique de Baye et des sapeurs-pompiers de Champaubert
et de Montmort, s'est dirigé vers la place du monument.
\ cet endroit se trouvait réunie une foule considérable, attirée
par cette solennité et par la fête patronale. Des guirlandes de
feuillage et des drapeaux français et russes pavoisaient les maisons
avoisinantes. Une estrade, décorée par M. Anota, peintre à Bave,
avait été élevée en face du monument pour recevoir les autorités.
La colonne est située à l'intersection des routes de Paris à Châ-
lons et de Paris à Orléans.
En face se trouve la maison où coucha Napoléon V^ le soir de la
bataille du 10 février 1814.
On voit encore un boulet français incrusté dans la façade de
cette maison.
C'est M. Mille qui eut l'idée d'élever une colonne et qui donna le
terrain. Son gendre, M. Trotrot, mit le projet à exécution.
En 1849, un Comité de souscription, présidé par le général Par-
chappe, député de la Marne, et ayant pour vice-président le baron
de Cliaubry, conseiller général, fut formé et recueillit une somme
d'environ quinze mille francs.
Le monument se compose d'une colonne de douze mètres de
hauteur. Le piédestal est un prisme octogonal qui supporte le tût
de la colonne portant à six mètres du sol le nom de Champaubert.
Cette colonne est surmontée d'un chapiteau, sur lequel est posé
un aigle impérial. Une grille en fer forgé entoure le monument.
Enfin, huit canons le tlanquent sur les côtés, faisant face aux
routes.
Les faces du piédestal présentent les inscriptions suivantes :
1" face : 10 février 1814.
O" face : A la mémoire des braves, morts à Champaubert.
3« face : Montmirail et Marchais : 11 février.
4' face : Monument élevé par souscription nationale.
5- face : Bataille de Champaubert, commandée par Napoléon I".
6e face : 69 corps d'infanterie et 1- corps de c.vale.ie, sous les ordres du
maréchal Marmont. ,.
7e face : Généraux Ricart, Lagrange, Pelleport, Uoumerc, de Gira.d.n,
Piquet.
8e face : de BordesouUe, de Nansouty.
On s'étonne de ne pas voir figurer, au milieu de ces inscrip-
tions, le nom du brave général de cavalerie Uommanget né
à Possesse, qui assistait à la bataille de Champaubert, et dont
le portrait figure au Musée des généraux de la Marne, organise par
le Comité châlonnais du Souvenir français.
Le produit de la souscription de 1S49 ne fut employé qu'en
908 CHRONIQUE
1864. M. Lenoir, entrepreneur de maçonnerie à Eloges, construisiL
la colonne sous la direction de M. de Granrut, architecte.
La pose de la première pierre eut lieu le dimanche IG juillet
1865, en présence des autorités suivantes : MM. le baron de Ciiau-
bry ; baron Kirgencr de Planta, maire d'Etoges ; Oudet, maire de
Courjeorinel, conseiller d'arrondissement; Théophile Rofort, maire
de Champaubert et oncle du maire actuel ; Férat, maire de
Congy ; de Granrut ; Joffre, adjoint ; Décès, Poisson, Petit, N. Lau-
rin, Papillon, Marest, David et Leblond, conseillers municipaux.
Le monuTîent avait été dessiné par Louis Visconti, le célèbre
architecte du tombeau de Napoléon 1«'', aux Invalides.
Il n'y eut pas de cérémonie d'inauguration. Le 9 janvier 1867,
la pose de l'aigle qui surmonte la colonne eut lieu en présence de
M.M. le baron de Chaubry ; Poisel, architecte du monument ; Théo-
phile Rofort, maire; Antoine JolTre, adjoint; Louis Lenoir,
d'Etoges; Pierre Amé, sculpteur; Poisson, David, Petit, Marest,
Décès et Leblond, conseillers municipaux.
En 1868, le Gouvernement donna les huit canons qui tlanquent
le monument. Depuis celle époque, aucune réparation n'y avait
été faite, lorsqu'on fît appel au Comité chàlonnais du Souvenir
français. Celui-ci délégua son secrétaire, M. Piot, lequel fit laver
la colonne, repeindre la grille el nettoyer le terrain. Les canons
furent posés sur d'autres supports, et enfin, un ponceau fut établi
pour donner accès à la Place de la Colonne.
Enfin, hier, M. Happillon, de Sillery, avait placé au bas de la
lace principale du monument une panoplie composée de coitfures
de généraux français du premier Empire et de lances, casques,
sabres et cuirasses franco-russes.
De plus, le Souvenir français avait fait placer un cadre portant
cette inscription :
« Honneur — l'atrie — Société nationale du Souvenir français — L'inau-
guration de ce monument, restauré par les soins du Souvenir françuis, a eu
lieu le 2U octobre 1895. »
M. Turlure, curé de Congy, après avoir récité les prières litur-
giques, a prononcé une allocution patriotique, puis MM. le D""
Bretenaker, Rivière, Rofort, Nicaise et Chariot ont succesivement
pris la parole devant le monument.
La fonte de la Jeanne dArc de Reims. — Un Rémois a récemment
visité, rue des Plantes, à Montrouge, l'usine de M. Bingen, le
maître fondeur, où se sont faits les préparatifs d'une fonte extraor-
dinaire à cire perdue, entreprise certainement unique dans les
fastes de la sculpture contemporaine, nous voulons parler de la
fonte de la Jeanne d'Arc équestre de M. Paul Dubois.
L'œuvre de l'artiste, enfermée dans un moule dont la confection
CHRONIQUE 1)00
a demandé des années de travail, fut placée, Tété dernier, dans le
sous-sol de l'usine. Elle formait un bloc de 30,000 kilos, que deux
puissantes grues, installées dans le vaste atelier, déposèrent à
environ six mètres au-dessous du plancher.
On construisit alors un édifice de briques qui enveloppa la
masse entière, solidement encadrée par une armature de fer et,
dans le mois de septembre, au plus fort des tardives chaleurs^ un
grand feu fut allumé dans cette sorte de four, atin d'amener
Técoulement complet de la cire. Des hublots, ménagés dans
les murs, permettaient de se rendre compte des progrès et de
l'action du feu.
L'opération est aujourd'hui terminée. Le four se refroidit. De la
matière malléable pétrie par les doigts du statuaire, il ne reste
plus rien. L'œuvre a disparu totalement, laissant un vide dans
lequel, prochainement, en deux minutes émolionnantes, se préci-
pitera d'un seul coup le métal bouillonnant.
Kn ce moment, une tiédeur se dégage encore du vaste amon-
cellement de briques en partie désagrégées par la violence
des ilammes. C'est la fin du premier des deux actes que comprend
cette fonle prodigieuse. Les préparatifs du second acte sont com-
mencés. Sur une estrade, douze fours contenant autant de creu-
sets en terre réfractaire sont déjà placés. Dans chacun d'eux se
liquéfieront ;iOO kilos de fonte. La totalité du métal en fusion
provenant de ces creusets se réunira dans une rigole ou ruisseau,
également déjà aménagée, d'où elle se précipitera dans les tuyaux
d'adduction, pour remplir en deux minutes — comme nous
l'avons dit — tous les creux de l'énorme moule. Trois ouvertures,
dans la partie supérieure, rendront inolfensif le jeu des chasses
d'air.
Le moule lui-même, d'ici quelques jours, sera dépouillé de son
revêlement actuel, disloqué par le feu, et recevra une enveloppe,
élayée par des madriers et des châssis de fer, qui lui permettra de
supporter sans se briser la coulée subite des 6.000 kilos de bronze.
De véritables fortifications s'élèveront autour de cette montagne
d'argile durcie.
Ces préliminaires de la fonte exigeront sans doute plus d'un
mois de travail. Ce n'est donc que vers la fin do l'année que de la
chrysalide en apparence informe, amas de matériaux de tout
genre, sortira l'oîuvre rayonnante, la Jeanne d'Arc inspirée que
nous avons vue au Salon. Encore le statuaire devra-t-il la reprendre
dans son atelier pour lui donner le dernier coup de pouce.
Il ne nous appartietit pas d'entrer dans les détails des dissenti-
ments qui ont surgi, à propos de cette œuvre, entre le sculpteur
et le fondeur. Disons cependant, puisqu'on a parlé des exigences
de celui-ci, qu'il ne lire aucun piofit de l'entreprise, et qu'il y perd
même — c'est son aveu — une dizaine de mille francs.
On n'ignore pas que, de son côté, M. l'aul Dubois s'est imposé
910 CHRONIQUE
de grands sacrifices dont le chiflYe n'est évidemment pas couvert
par la souscription.
Ue tels travaux occasionnent des frais considérables. Ils ne sont
pas rémunérateurs et demandent, de la part de ceux qui s'en
chargent, beaucoup de dévouement. 11 faut qu'un souci d'art
guide le fondeur lui-même.
~ C'est la dernière œuvre de ce genre que j'entreprends, nous
a dit M. Bingen, et cette Jeanne d'Arc sera une pièce unique, à
moins qu'un autre fou comme moi ne se décide à se livrer corps
et âme à la même épreuve redoutable. Mais nous sommes dans un
siècle d'argent, et ce dévouement ne se rencontrera plus guère.
M. Bingen entend limiter désormais sa spécialité à la fonte
d'œuvres de dimensions beaucoup moindres. Il continuera de faire
à la cire perdue des statuettes, des médaillons, de menus objets
d'art. C'est lui qui a coulé les délicieuses cires de Meissonier, ce^
magnifiques cavaliers qui sont au Louvre. Son atelier se remplit
de bustes de maîtres anciens que son procédé lui permet de
reproduire avec une scrupuleuse exactitude. Mais quel labeur
constituent encore ces fontes réduites ! Quel travail délicat ! Que
de soins infinis avant de mettre une œuvre sur pied ! On sort de là
convaincu que c'était folie de vouloir fondre à la cire perdue une
statue aussi grande que la Jeanne d'Arc de M. Paul Dubois.
{Courrier de la Chamjiagne.) H, F.
M. Casimir-Périer a pu s'imaginer, ces jours derniers, au moins
durant quelques instants, que son départ de l'Elysée n'était qu'un
mauvais rêve — ou un bon rêve. Celte sensation lui fut donnée
par la visite de M. Roujon, directeur des Beaux-Arts, qui venait
lui offrir un exemplaire de son buste en biscuit de Sèvres, le pre-
mier sorti des fours. Le buste est la réduction de celui que le
statuaire Alfred Boucher exécuta pour le compte du ministère des
beaux- arts.
Peut-être les contribuables ignoraient-ils que parmi les nom-
breuses reproductions des traits de chaque président de la Répu-
blique, il en est une qui est exécutée à leurs frais. Dès qu'un pré-
sident est nommé, la direction des Beaux-Arts désigne un statuaire
pour exécuter un buste qui est ia propriété de l'Etat et qui est
destiné à transmettre à la postérité une image officielle du chef
de l'Etat. Une réduction de ce buste est envoyée à Sèvres, où on
l'exécute en biscuit.
Le nombre des reproductions en biscuit n'est pas limité. La
première est remise au Président, la seconde à l'auteur et les
autres sont envoyées dans les ministères ou dans les ambassades.
D'autres sont mises à la disposition du public, mais la vérité nous
oblige à dire qu'elles sont très peu demandées.
CHRONIQUE 911
Il nous faut faire exception pour Carnot ; mais ces achats ont
été effectués après sa mort, et, par suite, ils sont un tribut payé
à la pitié plutôt qu'à l'admiration.
Ce buste de Carnot était l'œuvre de Chapu. Le busle de
M. Félix Faure qui a figuré au Salon de cette année est dû au
ciseau de Saint-Marceaux. Incessamment il sera mis au four, et l'on
est ainsi en droit d'espérer qu'il ne Jui arrivera pas la même mésa-
venture qu'à celui de M. Casimir-Périer el qu'il aura les honneurs
de l'Elysée.
Il est à remarquer que les trois statuaires désignés ci-dessus ap-
partiennent tous trois à notre région, le regretté Chapu étant né au
Meix-TiercHliii (Seine-et-Mai-ne), M. René de Saint-Marceaux à
Reiras, et M. Alfred Boucher à .Nogeiil-sur-Seine (Aube).
Une Œuvke piouvELLE DE M. Théodore Dubois. — Le 26 novem-
bre a eu lieu, à l'Opéra-Comique, la première représentation d'un
opéra en trois actes, de notre très distingué compatriote M. Théo-
dore Dubois.
M. Théodore Dubois est un sympathique, en dépit de la banalité
courante qui s'attache à ce mot. Quand il concourut pour le prix
de Rome, en 1801, il tomba malade sous la coupole de l'Institut,
où les candidats étaient alors enfermés, et ses camarades postu-
lèrent pour que le jury lui rendit les vingt jours que la maladie
lui avait fait perdre. On lui accorda le sursis, il remporta le prix
avec une cantate à'Alala et aucun de ses rivaux ne songea à regret-
ter la faveur exceptionnelle dont il avait été l'objet. C'est là un
acte de bonne camaraderie utile à rappeler par ces temps où la
lutte pour la vie est devenue féroce et ne reconnaît plus de
bornes.
M. Théodore Dubois est aujourd'hui de l'Institut. Il a, l'an der-
nier, succédé à Gounod, pour qui il n'a jamais caché son admira-
tion et l'influence que, dès ses premiers pas dans la carrière,
l'auteur de Faust avait exercée sur son talent.
C'est près de nous, à Rosnay, que M. Théodore Dubois travaille
durant l'été, dans un jardin parfumé de fleurs, en face de la
cathédrale de Reims, dont il aperçoit au loin les hardiesses gothi-
ques. C'est là qu'il compose, dans ses loisirs des beaux jours,
réservant pour Paris la besogne de l'orchestration, dans laquelle
il excelle. Sans doute c'est là qu'ont été conçues et jetées sur le
papier les principaux airs de Xavièrc, dont nous allons parler
d'après quelques-uns de nos confrères parisiens.
Voici d'abord l'article du savant critique musical du (iaulois,
M. Fourcaud :
« AL Ttiéodore Dubois est un musicien sérieux et du caractère le plus
honorable. On a de lui des parlilious religieuses comme les Sept Paroles
'.112 CHRONIQUE
du Christ, une grande canlate, le Paradis perdu, couronnée jadis au cou-
cours de la ville de Paris, des pièces d'orchestre et même un ballet, la
Farandole, cù s'allïrraent, avec une parfaite honnèlelé musicale, des ten-
dances souvent élevées. Au théâtre, il a donné jusqu'ici (en dehors de sou
ballet) un petit opéra comique, non sans agrément, la Guzla de l'émir et
un grand opéra de structure tiès italienne, Aben Ijamel, resté médiocre en
mon souvenir. Je ne sais ti la musique dramatique est bien son fait. Eu
tout cas, nul n'apporte plus de simplicité en ses entreprises et ce n'est la
rien moins qu'une qualité ordinaire. On peut goûter ou ne pas goûter ses
ouvrages ; on ne saurait lui refuser une toute personnelle estime. Ce qu'il
croit pouvoir dire, il le dit du mieux qu'il peut, sans chercher à surprendre,
encore moins à capter personne, avec une entière bonhomie et un louable
parti pris de correction.
L'opéra comique en trois actes qu'il vient de faire représenter n'embouihe
aucune trompette. C'est un ouvrage doux et loyal, qui ne se recommande
d'aucun programme agressif ou rétrograde et qui s'ofiresans façon au public.
La question de la comédie lyrique n'y est pas même posée. 11 semble que
l'auteur ait tenu à marquer sa volonté de rester à l'écart de toutes les que-
lelUs par le titre qu'il a choisi : u Xavtère, idylle dramatique... » N'y
cherchsz ni un drame, ni une comédie, ni un vieil opéra comique, ni même
une pièce au sens propre du mot. 11 ne s'agit que d'un [letit roman dialo-
gué mis eu musique a la fantaisie de l'artiste, sans la moindre arrière-pen-
sée méchante.
Et, de fait, le poème a été tiré par .\1. Louis Gallet d'un roman de
M. Ferdinand Fabre. En vo ci la donnée sommairement : Au village de
Camplong, tapis sous les grands châtaigniers cévenols, vivent, en bon
accord apparent, le plus vénérable curé du monde et le plus malfaisant
instituteur qui se puisse 'voir. Cet instituteur, du nom de Landrinier, tient
sous sa dépendance une veuve de faible esprit, alfolée de ses mérites, nom-
mée Benoite Ouradou. L'épousera t-il ? — Eh ! sans doute. Seulement,
elle a une fille, la jolie et bonne Xavière, laquelle, en réclamant son bieu
paternel, laissera la maison démunie.
Que Xavière disparaisse, par un accident quelconque, ft monsieur le
régent conduira volontiers la veuve à l'autel, avec le sac d'écas de la morte.
Le brave curé, Si distrait qu'il oublie d'ouvrir son parapluie rouge en pleine
averse, en rêvant de saint François d'Assise et de ses discours à ses frères
les oiseaux, si simple que jamais nul mauvais penser ne l'eltleure, n'aper-
çoit rien de telles machinations, pourlanî très visibles. Pour complaire à
Benoite et à Landrinier, et croyant assurer le bonheur de Xavière, il l'incita
à se faire religieuse en un couvent voisin. Point du tout ! La petite a un
grand amour au cœur — et un amour partagé. Elle est la fiancée dd
Landry... Eh bieu, donc, qu'elle soit sa femme !
Pac' malheur, l'instituteur furieux donne suite à son atroce dessein. Un
jour que la jeune fide est en train de cueillir des cliâtaignes, sur les bran-
ches d'un séculaire châtaignier, le misérable s'arrange pour la faire tomber.
On relève Xavière évanouie, moribunde. Au milieu d'un terrible orage qui
bouleverse la terre et le ciel, de pareils accidents peuvent se produire...
Pourtant, la Providence a veillé sous les espèces d'un berger caché parmi
les branchages. Le pâtre Galibert a tout vu ; il eu témoigne tt le reste se
devine aisément. Landrinier, dûment confondu, est chassé du village ;
Xavière, qui ne meurt pas, épousera son amoureux. Les gros cfàtaigiiiers
cévenols verront des idylles encore.
Cette action, direz-vous, dissimule bieu du noir sous ses Heurs. Bah ! les
CHRONIQUE 913
auteurs glissent sur les impressions noires. Les épisodes aimables sont
prodigués : chansons des enfants do l'école, p)ur invoquer les saints contre
la tempête ; fêle des lutteurs dans la châlaigueraie, avec refrains et danses ;
chanson galante dialoguée et mimée par le pâtre Galibert et la servante
Mélie. On voit se nouer et^e dénouer la fiction, sans trop y croire. Et puis
qu'importe ! A d'auties soirs, les grauds soucis.
M, Louis Gallel a écrit en vers les morceaux qualifiés et en prose ryth-
mée tous les passages transitoires. J'ai indiqué plus d'une fois que la ques-
tion des vers ou de la prose à mettre en musique est, en soi, sacs intérêt.
Si l'on veut regarder d'un peu près aux choses, on note que le rythme
musical s'accommodant, quoi qu'on fasse, uniquement des périodes brèves,
répugne aux rytlimes à longue portée d'une prose fortement construite et
que, toujours, le musicien la découpe en vers. M. Gallet, sur ce point, afin
de simplifier la besogne de son collaborateur, a lui-même procédé au
découpage. Ses transitions sont, bel et bien, en vers blancs — et je suis
loin de le lui reprocher.
On a vu plus haut le caractère de la partition. L'inspiration en est fré-
quemment gouDodienne. Je sais même un duo des amoureux, au second
acte, qui procède de Mireille tout directement. Le ton général est discret,
modéré, sans prétention, sans insistance. La facture y répond de tout point.
L'artiste y a mis, comme on dit, tous ses soins d'un bout à l'autre. Cà et
là, une intension de motif conducteur ou de rappel. Eh ! pourquoi non '.' ne
faut il pas suivre le courant ?.. Par places, un petit emploi de chansons
rustiques — oh ! sans outrance aucune .. Le chœur du « Châtaignier » a de
la sonorité, les danses ont quelque montant. Et puis la chanson de « Grive,
grivoise et grivoisette » est de ces fredons que les salons se disputent.
Imitons ici le musicien : inutile d'insister.
M. Alfred Bnineau, auleur émérite de V Attaque du Moulin el
chroniqueur au Figaro^ apprécie ainsi la parlitioii de M.Théodore
Dubois :
c Le début de ia partition me paraissait tout à fdil charmant el curieux.
Là, je fus séduit par l'indépendance de la forme musicale, la justesse de
l'expression, la sobriété de l'orchestre qui, ô surprise ! laissait entendre la
parole et permettait de comprendre l'exposition du drame ; je goûtai l'esprit
du chœur des gamins demandant au curé une histoire, la poésie intense et
Ubïve de ce récit un peu mystique et vraiment délicieux. Le dialogue des
mauvais parents, à peine noté et qu'encadie le bref motif instrumental ilu
crime, ne me plaisait pas moins. J'étais ravi et plein d'espoir, car ces
scènes, très vivantes, en leur libre allure, me semblaient des plus théâtrales."
Et le public aussi était ravi, je vous le jure, et il applaudissait.
L'inquiétude nous a gagnés, lors jue le téuor, entrant comme par hasard,
est venu chanter une romance au soullleur. El le charme s'est rompu aussi-
tôt, non pas parce qu'on chantait une romance — grands dieux ! on n'eu
chantera jamais d'assez belles, d'assfz sublimes ! - mais parce que, n'étant
plus dans l'action et ayant paru lorl mal amené, ce morctau devenait terri-
blement conventionnel.
Nous trouvâmes au secord a^-le l'air à vocalises, la fêle villageoise, le
ballet, un peu trop entendus et vus adleurs. On resta de glace. Des bavar-
dages précèdent l'assassinai. 11 est certain que dans le drame farouche qui
se développe à cet endroit de la pièce, M. Dubois s'est senti beaucoup moins
58
\)\i CHRONIQUE
à l'aise que dans l'idylle du commencement el n'a pas lenu les promesses
qu'il nous avait faites.
Par bonheur, les tonalités simples du début reparaissent au dernier acte
dans deux niélodies, parfaitement en situation, que l'on a bissées et qui ont
toute la fraîcheur rustique de nos vieilles chansons populaires, aux recueils
desquelles la seconde semble avoir été empruntée, tant la grâce de ses con-
tours, la franchise de ses rythmes sont grandes. Mais l'œuvre Cnit froide-
ment, après un terne septuor, trop traditionnel. J'ai dit en absolue sincérité
les impressions qu'elle me causa. »
A celle apprécialion, peul-èlre un peu sévère, opposons pour
terminer, celle du Matin :
M. Théodore Dubois, sans sou.-i des querelles d'école, a écrit une parti-
tion digne de tout intérêt par sa sincérité et son honnêteté artistique.
Xavière peut être l'oeuvre d'un compositeur timide dans les nouveautés,
mais c'est assurément l'œuvre d'un musicien plein de conscience. Sans
ostentation et sans alfectation de science — et il en possède beaucoup plus
qu'il n'a la discrétion d'en laisser voir — il donne franchement son inspira-
tion pour ce qu'elle vaut, et cette inspiration est toujours délicate et distin-
guée. Quand les grandes messes soat finies, il Hotte encore dans l'ombre
des églises un reste harmonieux de musique et de chants qui suffisent a
l'élévation des cœurs isolés ei iidèles. M. Théodore Dubois semble le
virtuose mélancolique de ces heures de religieux crépuscule, et l'estime des
esprits sans préjugés doit le suivre dans son succès d'hier soir.
Le premier acte, le moins riche en trouvailles, contient cependant un
aimable chœur d'enfants et la séraphique légende de saint François et des
oiseaux. Le duo a'amour, un peu é'ourlé, se développe tendrement au deu-
xième acte, parmi 'es rythmes dansants d'un ballet emprunté à des airs
populaires. L'invocation aux Cévennes a de la grandeur, mais ce qu'il faut
louer surtout, c'est le troisième acte, absolument complet d'un bout à l'au-
tre. La gaieté s'y mêle à la tendresse. Une jolie chanson cévenole traverse
avec légèreté le thème murmurant d'un duo d'amour ; et le final dramatique
traité en septuor termine brillamment un opéra-comique où le public pour-
rait bien retrouver le charme qu'il éprouve à l'amlition de Mirei'lc.
L'AiîBÉ Chanzy i:t li; Grand Séminaire iie Rt;iMs. — M. le cha-
noine Cerf publie, dans le dernier Hullelin du diocèse de Reims,
un souvenir d'hisloire locale, qui a Irait à une famille des plus
honorables et des plus respeclées de noire déparlemenl.
Voici ce que raconte le savant correspondant du Builclin :
Un amateur passionné de porlrails rémois., se trouvant chez
!\1. rÉconome du «irand Séminaire, aperçoit un tableau représen-
tant un prêtre à cheveux blancs, revêtu de la soutane. 11 demande
l'autorisation d'emporter le portrait pour le soumettre à quelques
connaisseurs, espérant découvrir le nom de l'ecclésiastique. Les
recherches ne produisirent aucun résultat. Il fallut rapporter le
tableau : la lumière devait venir du Séminaire. Quand on voulut
replacer la tuile dans son cadre, on aperçut, émergeant de la
poussière, sur la traverse haute de derrière^ ces mots ; « M. Jac-
CHRONIQUE 91S^
qiics Cfianzij, né à Terron en 1754, mort à Reims, le 3 mai 1833,
ch^ hon^", à l'dge de 19 ans. »
Le portrait, peint par M. Germain, de Reims, ea 1833, est digne
d'être conservé. Il perpétuera le souvenir d'un prêtre de mérite,
bien-aimé^. professeur de l'ancienne Université de Reims, puis du
Collège impérial, victime de la Révolution, et oncle du général
Chanzy .
M. l'abbé Chanzv est né en l'année 1754, à Terron-sur-Aisne, où
son père était notaire ; sa mère s'appelait Alexise Barthélémy, il
vint à Reims, suivit les cours de l'Université, et de 1780 à 1783 il
remplit les fonctions de sous-principal du Collège, avec MM. Mac-
quart, Bastien, Parent, Legros. En 17S4 il obtint la chaire de cin-
quième, qu'il conserva jusqu'en 1791. Au moment de la Révolution
il dut s'exiler.
Il revint à Reims après la tourmente révolutionnaire, et se
dévoua de nouveau à l'instruction des jeunes gens, avec MM. Parent,
Lefebvre et Fourmet.
Le \'à octobre 1802, M. l'abbé Legros ouvre un cours d'enseigne-
ment dans les bâtiments de l'ancien couvent de Saint- Denis ((jrand
Séminaire). Il prend avec lui plusieurs de ses confrères de l'Uni-
versité, MM. Nicolas Gordier, Parent et Chanzy. La maison, qui fut
fermée en 1809, fut très prospère, malgré la rivalité du (Collège,
fondé le 23 septembre 1804 dans les bâtiments de l'ancienne
Université.
En 1809, M. l'abbé Legros fut nommé proviseur du Lycée impé-
rial, et MM. Parent et Chanzy, professeurs de rhétorique et de
troisième. M. Legros se retira vers 1813; il est probable que ses
confrères le suivirent dans la retraite; car ils ne figurent plus
dans la liste des professeurs en Tannée 1814.
M. Chanzy continua d'instruire les jeunes gens qu'il disposait le
plus possible à entrer dans l'état ecclésiastique. .Nous le retrouvons
encore comme professeur, en 1820, dans les bâtiments de l'ancien
couvent des Augustin?, au moment du la famille Boisseau vendait
ces propriétés à l'abbé Lieulard, pour l'établissement du Petit
Séminaire.
Tant de travaux méritaient une récompense. Trop modeste pour
la désirer, l'abbé Chanzy, sans l'avoir demandé, fut nommé cha-
noine honoraire au moment de la restauration du siège de Reims.
La ville tout entière ratifia cette nomination.
M. l'abbé Chanzy mourut à Reims le 3 mai 1833, dans la rue du
Bourg Saint-Denis, n" 18 : la rue aujourd'hui porte le nom de son
illustre neveu, le général Chanzy.
La meilleure preuve que nous puissions donner de l'amour et
de l'estime des habitants de Reims pour l'abbé Chanzy, c'est de
rappeler la souscription ouverte aussitôt après samoi'l, patronnée
par M. Macquart, vicaire général, à l'eirel d'ériger un monument
à la mémoire du défunt.
^16 CtiRONIQÙd
Le monument est placé derrière la chapelle du cimetière, àil
milieu. 11 est haut de deux mètres. Sur l'une des faces, on lit ;
MOiNUMK.NT ÉLEVÉ PAR LA VÉNÉRATION
ET LA RECONNAISSANCE
A LA MÉMOIRE
DE M. JACQUES CHAN/.Y
PRÊTRE, CHANOINE HONORAIRE
UE LA MÉTROPOLE DE REIMS;
MORT LE 3 MAI 1833
ÂGÉ DE 79 ANS.
Sur Taulre face :
Doux et humble de cœur
Il a consacré sa vie
à C instruclion de la
Jeunesse, au salut, des
âmes et au soulagement
des Pauvres.
Nous n'avons rien à ajouter après un pareil témoignage.
Ch. Cerf.
Fête de l'Association des Sourds-Muets Champenois. — L'Asso-
ciation des sourds-muets de la Champagne, qui compte à peine
deux ans d'existence et dont la prospérité croit de jour en jour,
célébrait le 17 novembre sa fête annuelle.
Pendant la messe, qui a été dite à Saint-Remi, M. l'abbé Dela-
place, ancien aumônier des sourds-muets de Saint-Médard de
Soissons, a prononcé et mimé un sermon remarquable, et à l'issue
de la cérémonie, la quêle a été faite par quatre gracieuses jeunes
filles, Mlles Marie Mercier, d'Épernay, Julielle Prosper et Juliette
l'érin, de Reims, et Cabrielle Dupas, du Chesne. Le produit, qui a
dû être assez fructueux, est destiné a accroître les ressources de
l'Association.
A une heure a eu lieu, salle Bernardin, un banquet auquel ont
pris part cent quarante invités des deux sexes.
La présidence d'honneur avait été acceptée par M. Diancourt,
sénateur de la Marne, et la présidence elTeclive par M. Pron, vice-
président de l'Association.
Nous citerons parmi les convives AL Victor Lambert, conseiller
d'arrondissement du 3° canton ; M. Th. Denis, ancien chef de
bureau au ministère de l'Intéi'ieur, fondateur du musée universel
des sourds-muets, chevalier de la Légion d'honneur.
MM. Mercier fils d'Épernay, principaux fondateurs de la
Sociéié ; l'abbé Delaplace ; Henri (ievis, président de l'Association
CHRONIQUE 017
des sourjs-muels de Paris ; Ernest Dusugeau, professeur honoraire
à riiislilulion nationale des sourds-muets de Paris; Paul Delonne,
président de la Société de secours mutuels des sourds-muets de
Liègo, et Robert Dresse, vice-président de la même Société ;
Hublot, président de la Société des sourds-muets de Gharleroi :
Henii Janvoine, président de la Société des sourds-muets de Besan-
çon ; Louis Aymard, vice-président de l'Association de Paris ;
Henri Fortin, de Guise, peintre estimé ; Hamard, sculpteur, dont
nous avons admiré l'année dernière le beau buste de l'abbé de
l'Épée, et qui vient d'obtenir une troisième médaille au Salon de
1895; Gaillard, du Journal des Sourds-Muets; Hennequin, le
statuaire bien connu, et son fils, un jeune architecte de grand
avenir; Ed. Beaumont, ancien élève de l'École des hautes études,
explorateur distingué ; Despierrier, secrétaire de la Société de
Paris ; Bélanger, professeur à l'Institution nationale de Paris;
l'abbé Peifer, secrétaire de l'Association ; le docteur Langlet, etc.
On voit par cette longue énumération combien la jeune asso-
ciation des sourds-mueis de la Champagne a su se créer déjà de
précieuses sj'mpathies.
Au dessert, les toasts et les discours se sont succédé tout aussi
nombreux que dans les banquets ordinaires, mimés par les ora-
teurs et traduits oralement par un interprète.
Les invités se sont ensuite rendus au Cercle de l'Abbé de l'Epée
qu'on inaugurait. Comme nous Favons dit, c'est grâce, en partie,
à la générosité de M. Pron, de Vitry-le-Frunçois, que l'Association
amicale des sourds-muets de la Champagne possède aujourd'hui
son cercle ; c'est la seule Société de France qui jouisse de cet avan-
tage.
L'édifice où est installé le Cercle porte les numéros 144 et 146
de la rue des Capucins ; il a été construit et aménagé par
M. Dufay, le jeune architecte auquel on doit la jolie église de Witry-
les-Reims, dont nous avons déjà parlé.
A gauche, un petit vestibule précède la grande salle des fêtes.
Au premier étage sont des salles de jeu, une salle de billard et
une bibliothèque.
La jeune Association des sourds-muets de la Champagne a déjà
fait ses preuves : elle a obtenu une médaille de bronze à l'Expo-
sition de Bordeaux.
(Courrier de la Champagne.) 'V. M.
*
« «
Le Prieuré de Binso.n et les PiiRES Blancs. — La destination de
l'ancien prieuré de Binson-sous-Châtillon (Marne), restauré com-
plètement il y a quelques années, par le cardinal Langénieux,
archevêque de Reims, vient d'être changée. Les prêtres qui occu-
paient les nouvelles constructions se sont transportés à Reims, pour
918 CHRONIQUE
y continuer, dans des conditions meilleures, l'œuvre entreprise, et
Son Eminence a mis les bâtiments à la disposition des RR. PP.
Missionnaires d'Afrique, plus connus sous le nom de Pères Blancs,
qui viennent d'y établir leur école de lliéologie, qui compte plus
de quatre-vingts élèves. On sait que cette congrégalion a été fon-
dée par S. E. le Cardinal Lavigerie, à Alger, où se trouve le
noviciat.
M. l'abbé Legras, ancien supérieur du Prieuré de Hinson, a été
nommé cbanoinc honoraire de l'Eglise métropolitaine.
Le Baron hk Baye en Russie. — Un gracieux salut fraternel,
accompagné d'un touchant et amical souvenir, vient de parvenir à
ChAlons, des bords du Volga, à l'extrême limite de l'Europe.
Au cours de la mission scientifique que M. le baron de Baye
accomplit en Russie, avec autant de zèle que de talent, notre com-
patriote, s'est arrêté dans la ville de Syzrane^ le 1G septembre
dernier. Il y fut reçu avec les plus grandes démonstrations d'ami-
tié, au son de notre hymne national'.
Pour conserver le souvenir de celte fêle, les autorités de Syzrane
ont eu la gracieuse pensée d'envoyer à la Société d'Agriculture,
Commerce, Sciences et Arts de la Marne, l'écusson aux armes de
Chàlons, un drapeau russe et un drapeau français qui ornaient la
salle du banquet.
Très touchée de cette amicale démonstration, la Société acadé-
mique, qui s'honore de compter M. de Baye au nombre de ses
membres, a décidé de placer ce trophée dans la salle de ses
séances et d'envoyer ses remerciements el un souvenir à la ville et
aux autorités de Syzrane.
M. le baron de Baye, qui a parcouru en dernier lieu la Sibérie
et là province transcaspieune, en s'y livrant à des recherches
archéologiques, est reparti pour la France.
La nouvelle Clln'ioce nii D'' Doyen. — A l'occasion du Congrès
annuel de chirurgie, récemment tenu à Paris, le docteur Doyen,
de Reims, a reçu ses collègues du Congrès en une soirée inti.Tie
dans l'hùlel de l'avenue d'iéna, où il vient d'installer sa clinique
privée.
Toutes les notabilités du monde médical s'étaient rendîmes
à cette invitation.
Le docteur Doyen a montré à ses collègues ses collections scien
tifiques, qui sont des plus curieuses, notamment les pièces rela-
1. Voir Revue de Chaivpagnr, t. Vil, p. 741.
CHRONIQUE 919
tives aux blessures faites par les armes de guerre de polit calibre,
et ses nouveaux instruments de cranieclomie, qui viennent de
faire l'objet d'une communication des plus intéressantes à l'Acadé-
mie de médecine.
Les Ardennais a l'Acadkmie de Reims en !89o. — Parmi les
ouvrages couronnés, cette année, par l'Académie nationale de
Reims, nous relevons ceux de trois Ardennais :
1" L'Histoire de Ravcoiirt et de Haraucourt, par M. Sécherel'
Cellier, instituteur à Mouzon, qui a obtenu le 1" prix, consistant
en une médaille d'or et 2(J0 fr.
C'est un travail très consciencieux sur l'ancienne seigneurie de
Raucourt et l'industrieuse vallée de l'Ennemane.
2" Recherches historiques sur Molhain, savante étude de
M. l'abbé Antoine, curé de Vireux-Molbain.
30 Monographie de Saiiit-Louf-Tcrrier, par M. l'abbé Alexandre,
curé de cette paroisse.
Don au Musée de Cualons. — L'Etat vient de faire don, au Musée
de Cbâions, de la statue, modèle en plâtre, intitulée : La Nuit,
œuvre de M. Dagonet, notre compatriote, exposée au salon
de J892.
Don au Musée de Vitry-le-Françûis. — M. Auguste Grasset, pro-
fesseur de dessin à La Varenne-Saint-Hilaire, vient de faire don, à
la ville de Vitry-le-François, d'un tableau dont il est l'auteur,
représentant une vue de l'Océan, sur la cùle du Finistère, près de
l'embouchure dune rivière.
Cette œuvre, d'un réel mérite, qui a ligure à l'Exposition de
Paris, a été placée dans la salle du Conseil.
Ce don est d'autant plus précieux pour le Musée, que M. Auguste
Grasset est un compatriote.
Découverte Ar.ciiEoLOc.inUE a Chalons. — Les travaux de ter-
rassement exécutés à Chàlons, pour le monument destiné à consa-
crer la mémoire du président Carnot, ont fait retrouver les
londalions de la colonne commémorative des victoires françaises
qui avait dû être élevée à Chàlons, comme au chef-lieu de chaque
département, en l'an VIlI, après la campagne de Marengo.
11 ne lut pas donné suite à ce projet. Cependant l'inscription de
la colonne exisle et doit être conservée au Musée de la ville.
Découvertes archéolooiques a Troyes, — On vient de découvrir
à Troyes, dans les fouilles qu'on fait actuellement pour la cous-
92(1 CHRONIQUE
Iruclion de la maison qui doit remplacer celle de M. Danlon-Jolly,
à l'angle de la rue de la République et de la rue Claude-Huez,
plusieurs meules à bras ayant dû servir à moudre le grain, ainsi
que divers ossements humains, notamment des crânes parfaite-
ment conservés.
L'existence de ces objets à cet endroit doit remonter fort loin.
Cependant, l'emploi des meules à bras avait encore lieu en lb60,
ainsi que le prouve une ordonnance royale qui enjoignait à
chaque propriétaire d'avoir chez lui une meule à bras, atin qu'en
cas de siège chacun pût moudre son grain.
Découverte archkologioue a Reims. — Le 21 octobre dernier,
M. Jules Orblin qui, sous la direction de M. Habert, conservateur
du Musée archéologique de Reims, a déjà pratiqué avec succès de
nombreuses fouilles dans la ville et dans les environs, a mis
à découvert, près du cimetière de l'Est, un sarcophage gallo-
romain.
L'ouverture de ce sarcophage, faite en présence de M. Habert,
de M. Brunetle, architecte, et de quelques autres personnes, a
causé k nos archéologues une légère déception, car on n'y a rien
trouvé qu'un peu de chaux en poudre. 11 est probable que cette
sépulture, comme beaucoup de celles qui ont été trouvées dans le
cimetière gallo-romain déjà connu, a été ouverte et profanée dans
les fouilles déjà faites en cet endroit vers le xvii' siècle.
Découvertes auchéologihL'es a Vituy-le-F[<a.m;ois. — Dans le
courant d'octobre dernier, des ouvriers travaillant au nivellement
de la chaussée, tout près de la Gendarmerie, ont découvert en cet
endroit un moellon taillé et bien conservé, sur lequel est gravée
cette date : 1635-13 mai. Cette pierre a été recueillie et déposée à
l'Hôtel-de-Ville.
Le lendemain, à quelques pas plus loin^ les mêmes ouvriers ont
trouvé, à quelques centimètres de profondeur, un crâne humain
et quelques ossements dont l'inhumation paraît remonter à plu-
sieurs siècles.
Cette dernière trouvaille provient, à n'en pas douter, de terres
de remblai extraites de l'ancien cimetière du village de iMaucourt,
qui avait pour emplacement l'endroit qu'occupe actuellement la
cour de la Gendarmerie de Vitry-le-François.
Décol'verte arciiéologkjuf. a Etréchy. — Un cultivateur d'Etré-
chy (Marne) a mis, ces jours derniers, une tombe gauloise à décou-
I
CHRONIQUE '.l'il
vert; le cràiie avec la màchoii-e adliérenle paraissaient bien
conservés, mais lis se sont brisés an toucher.
Le squelette nnesurait environ deux mètres de longueur; aucune
arme, aucun vase ne se trouvaient dans la fosse. Rappelons que
presque toutes les sépultures explorées récemment dans le voisi-
nage renfermaient, au contraire, divers objets.
Nécropole gallo-romaine a ^'ère-Cuampenoisk. — M. Albert
Mathieu, continuant les fouilles entreprises récemment dans son
jardin, à Fère-Champenoise (Marne), a découvert d'autres sque-
lettes, des armes, etc.
Il a constaté plus de symétrie dans l'arrangement des corps ; il
est maintenant incontestable que l'on se trouve en présence d'un
cimetière antique, paraissant remonter à Tépoque gallo-romaine.
NOCKS DK DIAMANT DUCURK UE Sa1.NT-LuS1[ER-EN-ChAM1'AG,\E (MaRNE).
— Le •2ii septembre, une émouvante cérémonie a eu lieu dans la com-
mune de Saint-Lumier (.Marne). Le vénérable curé, M. l'abbé Mor-
lot, né en tSli, célébrait ses noces de diamant, c'est-à-dire le
soixantième anniversaire de son ordination, qui eut lieu en 1835.
Depuis le 6 août 1S38, M. Morlot est curé de Saint-Lumier ; dans
cette période de temps, il n'a jamais eu aucune difiiculté avec l'ad-
ministration municipale, ainsi que l'a fait remarquer l'archiprètre
de Vitry dans une allocution prononcée au cours de la cérémonie,
qu'il avait été appelé à présider.
Au point de vue religieux, il est inutile d'insister sur le rare
dévouement que M. le Curé de Saint-Lumier a déployé dans
l'exercice de son ministère, et qui est connu de tout le monde.
Une nouvelle partition d'Edmond Missa. — Notre compatriote
rémois, M. Edmond Missa, le compositeur de Ninon de Lcnclos,
achève en ce moment un nouvel ouvrage dont le livret a été écrit
par MM. Adenis frères et Arthur Bernède. Titre : Thibaut, de
Champagne.
Le nouveau pont de Xogent-l'Autaud. — Le nouveau pont de
Nogent-l'Arlaud a été livré ces jours-ci à la circulation. Il reste
bien peu à faire maintenant et les ouvriers donnent le dernier
coup de « lion ». L'immense tablier mélallique est un peu plus
haut que celui de l'ancien pont suspendu et on a dû recharger la
chaussée à chaque extrémité pour en rendre l'accès plus facile.
Malgré cela, la montée sera dure pour les voilures chargées.
922 GHRONIQUK
Le nouveau pont repose sur une pile et a une rongueur totale
de 84 mètres. Il aura sur son aîné le grand avantage d'être à deux
.voies et sera par ?uile d'une commodité incontestable pour la
circulation des voitures.
C'est le troisième pont, dit-on, élevé sur la .Marne à Nogent-
l'Artaud. Le premier, un pont de pierre, fut détruit par les Anglais
au moment des troubles de la guerre de Cent Ans, vers 142r'i.
Le second, le pont suspendu qui vient de disparaître, avait été
érigé en 184ci.
Le troisième, le pont actuel, construit en fer, dernier perfec-
tionnement du siècle, verra probablement beaucoup d'eau passer
sous lui avant de disparaître.
Chalons et le général CoMPÉut:. — Le noni du général Compère
vient d'être donné à l'une des rues de Chalons — où il était né le
21 septembre 1774.
La carrière du général est un exemple peu commun de rapide
avancement, (iénéral de division à l'âge de 3.'j ans, en 180!», il a
été tué trois ans plus tard à la bataille de la Moskowa.
Engagé à l'âge de 18 ans, en 1792, il était nommé, àeux ans
plus tard, à iu'U;7i a;îs, chef de bataillon (21 septembre 1794). il
fit toutes les campagnes de la République et de l'Empire jusqu'en
1812.
Le nom de ce général est inscrit sur les tables de bronze du
palais de Versailles.
*
Inscription cualo.nnaise. — Une plaque commémorative d'une
ancienne donation faite aux prisonniers est reléguée depuis de lon-
gues années dans la rem'sc du matôriol dos pompes, à l'Hôtel de
Ville.
L'inscription gravée sur cette plaque rappelle la fondation, en
165U, de messes pour les prisonniers de Gbâlons, par Jean Gallois,
trésorier des Ligues Suisses. (Voir à ce sujet la Biographie Chd-
lonnaise de M. Amédée Lhote.) Jean Gallois mourut à Chalons le
10 septembre 1678.
il serait à désirer que cette plaque, actuellement exposée à des
détériorations, fût placée au musée lapidaire de la ville.
{Journal dr la Marne.)
RL le baron de Baye, de retour de la mission archéologique qui
lui avait été confiée par le Ministre de l'instruction publique, pour
l'étude des antiquités de la Russie orientale et de la Sibérie, a été
reçu, le mardi 20 novembre, en audience, par le Président de la
République.
CHRONIQUE y23
NiiMiNATio.Ns ET iiisTiNCTioNS. — Parmi les élèves admis en pre-
mière année à l'Kcole des Chartes, en vertu diin arrêté ministériel
du S novembre iSOo, nous rencontrons le nom d'un compatriote,
M. Paul Viinet, né à Saint-Julien (Aube) le ii janvier I87;i, et
qui a été reçu avec le n" 3.
» *
L'Académie française, dans sa séance du 20 novembre, a décerné
à M. Rayeur, professeur au lycée Ghanzy, à Charleville, le prix
Montliyon, pour son ouvrage intitulé la Trouée des Ardeiincs, dont
nous avons précédemment rendu compte.
M. de Pimodan, capitaine de cavalerie, attaché au deuxième
bureau de l'état-major de l'armée, va partir pour le Japon, où il
est désigné pour occuper le poste d'attaché militaire à la légation
de F'rance.
Nous trouvons dans le Journal officiel de l'Exposition de Bor-
deaux la liste des récompenses attribuées à la section V et nous en
publions celles qui concernent particulièrement les maisons de
Champagne qui ont exposé dans cette section : Vins mousseux^
clisse j7.
Hors concours. — Syndicat du commerce des vins de Champa-
gne, Reims.
Diplômes de médailles d'or. — • \i. Mercier et Cie, à Épernay ;
Testulat-Rruleau, à Epernay.
Diplùincs de médailles d'argejil.— iiouché fils et Cie, à Mareuil ;
Potin (maison de vente à Paris), à Reims ; Albert Valet et Cie, à
.Vareuil.
Diplômes de médailles de bronze. — Puisard, à Cramant; Vau-
trin, à Hautvillers.
Mentions honorables. - Vaillant, à Mareuil ; H. de Vallandé,
à Reims.
Nous relevons également dans la classe iilj, vins de com-
merce :
~ Menlion honorable. — Dufaut fils et Cie, à Pierry.
Noces d'or. — M. et Mme Langlet-Eambert, de Raslieux-les-
Fismes (.Marne), viennent de célébrer leurs noces d'or entourés de
leurs jiet ts et arrière-petits enfants.
924 CHRONIQUE
Hubert Vaiiel, âgé de 84 ans, né à Haiiteville (Marne), en 181 1,
domicilié à Perllies, époux de Lucie Dallemagne, âgée de 88 ans,
née également à Perthes, en 1807, vient de mourir le 6 novembre
après 64 ans de mariage.
Une aussi longue union est un fait excessivement rare, qui
mérite d'être livré à la publicité. Ces deux respectables octogé-
naires ne doivent pas cette longue durée de mariage à un repos
absolu ni à un grand bien-être matériel, car l'un et l'autre n'ont
point cessé, jusqu'à ce jour, de se livrer aux travaux pénibles de
la viticulture. Ils eussent pu célébrer leurs noces d'or il y a près
de quinze ans.
Le dimancbe 17 novembre, M. Bagnost, ancien maire de Mon-
thelon (Marnej, et sa femme ont adressé au Comité de la Société
de Va. Croix-Iîoiige d'Avize 100 francs pour les blessés militaires
de Madagascar, à l'occasion de leur soixantième année de
mariage.
Les époux, qui sont en bonne santé, comptent, à eux deux,
cent cinquante-neuf ans.
*
Cinquantaine religieuse. — Le 21 novembre dernier, à focca-
sion du cinquantième anniversaire de profession religieuse de la
supérieure de l'Hospice de Sézanne, les offices du matin et du soir
ont été célébrés au milieu d'une nombreu-e aftluence.
Avant le salut solennel de deux beures et demie, l'Archiprêtre a
adressé à l'auditoire une allocution de circonstance sur les avan-
tages de la vie religieuse.
Après le salut donné par le cbanoine Lacombe, les administra-
teurs de l'Hospice quittèrent la cbapelle pour se rendre dans une
grande salle magnifiquement décorée.
Là, en présence de tout le personnel delà maison et d'une assis-
tance très sympathique, M. Laplatte, président de la commission
hospitalière, prononça d'une voix émue un éloquent discours et
remit ensuite, au nom de ses collègues, à la vénérable jubilaire,
une médaille d'argent artistement travaillée.
H annonça ensuite que, par décret de M. le Président de la Répu-
blique, à la date du 20 novembre, une médaille officielle du Gou-
vernement serait remise dans quelques jours à celle que tous se
faisaient une joie d'honorer en ce jour.
La médaille d'argent offerte par la commission de l'Hospice
porte l'inscription suivante :
'< La commission administrative de l'Hospice de Sézanne à .Mme
« Eugénie-Bernarde Malpel, lille de la Charité, supérieure de
«' l'Hospice. »
CHRONIQUE 925
El dans un faisceau de lauriers, la dale suivante : « -21 noveoi-
Lre 1895. »
Au revers, au-dessous d'une croix entourée de rayons :
« Témoignage de profonde gialitude à l'occasion du oO"^ anni-
(' versai re de sa profession. »
Mariage. — .Mgr [.alty, évêque de Cliàlons-sur-.Marne, a béni
le "23 novembre 189o, en l'église de Vilry-la-VilIe (Marne), le
mariage du baron Armand d'Espierres, lils du baron G. d"Es-
pierres, propriétaire du château de Mansart-Hainaut en Belgique,
avec Mlle Marie de Riocour, fille du comte H^nri de Riocour.
MÉLANGES
Le vavasseur de Champagne. — Au temps où le prince Noir
ravageant la Giij'enne, vivait en Champagne un paysan dont on ne
sait point le nom, père de famille, assez riche, d'âme candide,
très pieux. Il possédait une terre roturière. On appelait ces sortes
de terres des vavassoreries ; elles étaient divisibles entre plusieurs
héritiers. L'ainé des co-partageanls était seul en rapport avec le
seigneur de qui relevait la vavassorerie. Pour cette raison, ces
terres portaient aussi le nom d'aînesse. Le vavasseur payait une
rente à son seigneur, acquittait le droit de relief, assistait aux
plaids et devait le service de cheval, redevance très honorable. En
lait, le vavasseur était un gros paysan à qui l'on donnait du prud'-
homme au village. Pai'fois il s'entendait à dresser les chiens et à
apprivoiser les oiseaux pour la chasse. Et cet art, si prisé, lui
valait l'estime du seigneur, comme en témoignent les petits vers
cités par La Curne de Sainte-Palaye :
Moult sont preudome vavassnr
El moull vivent à granl houor ;
Ce sont, ce m'est avis, les gens
De qui vient plus afailemcnlz
De chiens, d'oiseaux et de servise.
(Nota : afailcmcnl s'entend d'un chien qu'on dresse, d'un oiseau
qu'on apprivoise.)
Nous ne savons si le vavasseur champenois qui nous occupe se
connaissait à V adébon nairisscment du faucon niais. Mais il est
certain qu'il cultivait la terre. Il vivait en des temps cruels. Il avait
connu la peste noire; il avait entendu les mauvaises nouvelles de
Calais pris par les Anglais et de la (ïuyenne dévastée par le prince
^'oir. il avait vu les Uagellants courir demi-nus, avec une croix
louge, par les campagnes. Ces malheureux allaient en troupe, se
déchirant la chair avec dei fouets armés de clous et chanlant des
chansons en langue française.
En l'an 13oG, la peste et les pénitents étaient passés. Mais
la guerre demeurait, et peut-être le pauvre vavasseur avait la tête
un peu troublée de toutes ces mi-ères et de toutes ces folies.
C'était un homn\e d'un cœur simple et d'un esprit droit.
Un jour qu'il était seul aux champs, il entendit une voi.x qui lui
dit :
— Va avertir le roi de France, Jehan, de ne combattre contre
nul de ses ennemis.
Cette 'Voix, qui n'était point humaine, épouvanta le pauvre
homme. Il en demeura troublé et plein d'horreur.
MÉLANGES 927
De retour au village, il alla conter à soq curé une aventure si
étrange; le curé était sage et de bonne vie. Il écoula attentive-
ment le récit de son paroissien, et jugea que le fait était digne
d'attention. Il importait avant tout de discerner si celte voix, qui
n'élait point de ce monde, venait de Dieu, ou si, au contraire, elle
n'apportait qu'un mensonge de l'Esprit mauvais. Espérant que le
diable ne serait guère hardi à séduire un chrétien en état de grâce,
il conseilla au bon homme de rendre prcmirrement son âme bien
nette et pure.
— Observe le jeune pendant trois jours, lui dil-il, et fais péni-
tence. Après quoi tu retourneras au lieu où la Voix l'a parlé.
Le vavasseur obéit à son' curé. Il jeûna pendant trois jours et
puis alla dans le champ où la Voix avait éclaté. Quand il y fut, la
voix se lit entendre de nouveau. Elle fut, cette fois, impérieuse et
menaçante :
— Va vers le roi Jehan de France et lui dis qu'il ne cjmbatte
point ses ennemis. Et si lu n'y vas et ne fais ce que je t'ordonne,
en douleur et en peine sera ton corps.
Le vavasseur s'en alla, tout anxieux, l'edire à son curé ces
paroles ell'rayantes.
Le prêtre ne savait point encore d'uù venait cette voix ; il ne
savait pas si, dans ce champ. Dieu lui-même avait remué ses
lèvres invisibles. Du moins, pour avoir lu dans les livres, il con-
naissait beaucoup d'exemples de discours tenus ainsi par le Sei-
gneur à dos hommes privilégiés. Songeant que c'est la pureté du
cœur et des sens qui donne le discernement des vérités célestes, il
prescrivit à son paroissien un nouveau jeune de trois jours et réso-
lut de s'associer à ce jeûne.
— .Mon frère, lui dil-il, moi et loi ferons abstinence et jeûne-
rons encore par trois jours. Et en même temps je prierai pour loi
ÏNotre Seigneur Jésus-Christ.
Ils firent ainsi. Et le troisième jour, le prud'homme alla au
champ. Dès qu'd y fut, il vit avec horreur une grande lumière qui
descendait du ciel, el il entendit la Voix qui disait :
— Si lu ne fais connaître .sans délai ce que je le manifeste par
la volonté du Fils de Dieu pour le profit du commun peuple, sou-
dainement et misérablement tu mourras !
(Nota. — Le texte porte : « soudainement el diversement
mourras ». J'ai traduit divrsemenl par misérablement. Ce mot
veut dire au juste : ??2f'c/)a/7i?ncni. « Ils violèrent et desrompirenl
trop divei sèment l'abbeïe de Castiaux », dit Froissart. Et l'on
trouve encore, dans Montaigne, diversement pris dans cette
(icception.)
Instruit par le prud'homme de ce nouveau signe plus merveil-
leux que les précédents, le curé ne douta plus que la Voix ne vint
de Dieu. Ce qui probablement mil fin à son incertitude, c'est ([ue
{)28 MÉlANdES
la voix entendue dans la lumière avait prononcé le nom de JésUs-
Christ. Et il n'était pas croyable, en elfet, que le diable eût fait
passer ce saint nom par son gosier. C'était le sentiment à peu près
unanime des clercs que le malin n'avait pas un tel pouvoir. Quand
il voulait tromper les lidèles, l'embarras de son langage le trahis-
sait. Le curé conseilla donc au prud'homme d'obéir. Il lui dit :
— Va tout de suite révéler ce que tu as entendu, puisque c'est
par la volonté de Dieu.
Aussitôt le vavasseur, emmenant un de ses tils, s'en alla vers le
roi. En ce temps, les gens d'humble état, artisans et paysans, fai-
saient volontiers de grands voyages à pied. Les routes étaient cou-
vertes de pèlerins et de petits marchands, et sans doute le
bonhomme et son fils, qui s'en allaient à la cour du roi Jean, ne
causèrent pas grande surprise dans les auberges et dans les granges
où ils couchaient.
Et si le bon vavasseur conta en chemin, comme il est probable,
qu'il avait commandement du ciel de parler au roi, on dut se dire,
en l'écoutant, qu'il n'était pas le premier dans ce cas, et qu'il ne
serait pas le dernier. Par la suite, en effet, durant plus de soixante
ans, les roules virent passer sans cesse des voyants et des voyantes
qui portaient des secrets au roi de France.
Ayant cheminé jusqu'à la plaine de Beauce^ où le roi Jean cam-
pait avec son armée, « dans un grand désir de combattre les
Anglais », le vavasseur champenois entra dans le camp et demanda
ingénument à voir le plus prud'homme qui se tint à la cour du roi.
Les seigneurs à qui cette requête fut transmise se mirent à rire.
C'étaient de braves chevaliers naturellement joyeux, et qui s'amu-
saient de peu. Le vavasseur leur fut un grand sujet de joie. Mais
l'un d'eux, qui servait à la cour, ayant vu de ses yeux ce voya-
geur, reconnut tout de suite que c'était un homme bon, simple et
sans nialice. 11 lui dit :
— Si tu as quelque avisa donner, va vers l'aumônier du roi.
Le vavasseur alla donc vers l'aumônier du roi Jean et lui dit :
— Faites que je parle au roi. J'ai telle chose à dire que je
ne dirai à personne fors au roi.
— Qu'est-ce? demanda l'aumônier. Dites ce que vous savez.
Mais le bonhomme ne voulut pas révéler son secret. La Voix lui
avait dit : « Tu parleras au roi ». Aussi s'obstinait-il à ne vouloir
s'expliquer, sinon devant le roi Jean.
— C'est, assurait-il, pour son bien et profit.
Désespérant de rien tirer de ce bon paysan, l'aumônier alla
trouver le roi Jean et lui dit :
— Sire, il y a céans un prud'homme qui me semble sage à sa
façon, et qui vous veut dire une chose qu'il ne dira qu'à vous.
Le roi Jean refusa de le voir. Ce bon chevalier n'était curieux
MÉLANGES 029
que de lialaillcs. 11 appela son confesseur eL l'envoya ciilcndre pour
lui. en compagnie de l'aumônier, le pèlerin paysan.
Les deux prêtres retournèrent donc auprès de cet homme et lui
annoncèrent qu'ils étaient commis par le roi pour l'entendre. A
cette nouvelle, désespérant de voir le roi Jean, et se fiant au con-
fesseur et à l'aumônier pour ne révéler son secret qu'au roi, le
Ijon homme leur dit comment la Voix lui avait parié. Ils en firent
un rapport au roi Jean, qui s'en moqua bien. Il ne pensait qu'à sa
bataille.
Pourtant il ordonna qu'on remit une somme d'argent au vavas-
scur en le congédiant. Le confesseur et l'aumônier obéirent. Mais
l'homme qui avait entendu la Voix ne voulut point accepter l'ar-
gent.
Ce refus surprit les deux prêtres, qui se dirent l'un à l'autre, en
voyant s'éloigner le paysan :
— Cet homme est un juste au regard de Dieu.
Le roi Jean s'avança avec son host jusqu'à Poitiers, où il ren-
contra le prince Noir. 11 perdit toute son armée dans la bataille et,
frappé au visage de deux blessures, fut pris par les Anglais.
(Echo de Pa)-is.) Anatole FRA^■CE.
Le Sccc.i:s de l'Lmpostuhe. — Bien que l'histoire de la fausse
Jeanne d'Arc, que nous avons. contée, ne soit pas plus incroyable
que celle du faux Martin Guerre, par exemple, ou du faux
Tichborn, plusieurs de nos lecteurs nous ont écrit pour nous faire
part de leur surprise et nous demander des éclaircissements. Il
faut connaître, en effet, les circonstances dans lesquelles les faits
se sont produits.
Le souvenir de la Pucelle tlotta de bonne heure dans un va^-ue
poétique et religieux. Les humbles, les petits parlaient avec une
tristesse douce de leur amie qui était restée si peu de temps parmi
eux, et qui avait laissé une trace si éclatante de son passage. Ce
qu'ils en disaient n'était pas bien exact. Leurs récils étaient plus
vrais dans l'esprit que dans la lettre. On multipliait les combats,
les victoires de la Pucelle. On lui faisait prendre des pars qui
n'avaient été l'econquis qu'après sa mort. Et, puisqu'elle était une
sainte, on ornait son histoire de ces merveilles charmantes qui
tleurissent les légendes des saints. On contait qu'enfant, les
bètes des champs et des bois lui obéissaient et que, plus tard, un
essaim de papillons blancs volait autour de sa bannière. A son
martyre surtout s'ajoutaient de gracieux miracles. Les bonnes
gens disaient :
■< Dieu, qui l'a choisie parmi nous pour faire ce (|ue n'avaient pu
les riches ni les grands, Dieu ne l'a point abandonnée. Il la tenait
dans sa grâce quand il l'a appelée dans son paradis. Celui qui
o9
930 MÉLANGES
envoya les roses du ciel à sainte Dorolhée souffrant pour la Vérité,
n'a pas refusé à sa guerrière, liée à l'infâme poteau, quelques-uns
de ces signes miraculeux dont il se plaît à glorifier la passion de
ses vierges. N'a-l-on pas lu le saint nom de Jésus écrit sur
le bûcher en lettres ardentes? N'a-t-on pas vu, quand Jeanne
expira, une colombe s'envoler des flammes? A l'exemple des
bienheureuses Catherine, Barbe, Marguerite et Lucie, Jeanne a
converti ses bourreaux. Ils ont pleuré ; et Tua d'eux s'est écrié :
« Nous avons brùlé une sainte ! » Mais le travail de l'imagination
populaire ne se bornait pas à former une historiette ornée et
pieuse.
En plus d'un pays, on se refusait à penser que Jeanne fût morte
véritablement. Le peuple se résigne avec peine à croire à la fin
des existences qui ont émerveillé son imagination ; il répugne au
brusque dénouement des belles aventures humaines. La mort de
Jeanne d'Arc olTensait trop le sentiment public pour être acceptée
partout comme une vérité. Elle trompait de hautes espérances ;
elle démentait une prophétie accréditée dans le royaume, sur la
foi de laquelle Jeanne devait mourir en Terre-Sainte, après avoir
délivré le tombeau de Jésus-Christ. Vers 1439, moins de neuf ans
après l'exécution de Rouen, le bruit courait en pleine Normandie
que Jeanne d'Arc n'était point morte, et qu'on avait brûlé au lieu
d'elle une fille inconnue. Un chroniqueur normand, qui écrivait à
cette date de 1439, nous fait connaître que l'opinion était partagée
à ce sujet. « Les Anglais, dit-il, la menèrent en la ville de Rouen,
où elle fut emprisonnée l'espace d'un long temps et questionnée
par les plus grans hommes et sages et grignours (plus grands)
clercs de tout leur party, pour savoir si les victoires qu'elle avoit
eues sur eulz estoient faictes par enchantemens, caraulx (enten-
dez : sorcelleries et danses magiques), ou aultrement ; laquelle ils
trouvèrent de si belle réponse, en leur baillant solucions si rai-
sonnables, qu'il n'y eut onques nul qui par long temps l'osast
jugier à mort selon le droit. Mais finablement la tirent ardre
publiquement ou autre femme en semblable d'elle. De quoy moult
de gens ont été et encore sont de diverses oppinions ».
Même doute dans la chronique aln'égée de Bretagne, rédigée en
1440 :
i< L'an mil CCGCXXXI, la veille du saint sacrement, fut la
Pucelle brusiée à Rouen ou condamnée à l'estre. »
Pour le chroniqueur de Lorraine, la fin de Jeanne est fabuleuse
et mystérieuse. Il conle ijue la Pucelle mena l'armée royale sous
les murs de Rouen.
« Là, fut perdue, dit-il. On ne sut (ju'elle devint. Plusieurs
disoient que les Angloys la prindrent ; dedans Rouen fut menée.
Les Angloys si la tirent brusler ; d'autres disoient qu'aucuns de
l'armée l'avoient faict mourir, pour cause qu'elle attribuoit tous
les faicts d'armes à elle. »
I
MÉLANGES 93 1
Celte rédaclio.i, il esl vrai, fui faite sous Charles VIII, plus de
soixante ans après les événements. Mais le rédacteur travaillait sur
un ancien texte, peut-être sur une chanson épique. Ce qu'il rap-
porte louchant la disparition de la Pucelle prend sa source dans
des traditions qui remontent vraisemblablement à la première
heure. On y voit l'empreinte encore toute vive des sentiments hai-
neux que cette sainte tille inspirait, dans la France qu'elle avait si
bien servie, à tout un parti puissant. Nous savons que le chance-
lier de France, quand Jeanne fut prise, s'empressa de publier le
dire d'un berger visionnaire, qui annonçait que Dieu s'était retiré
d'elle pour la punir de son orgueil. Ces gens-là, au sens droit et
simple du populaire, avaient tué Jeanne, et c'est un écho de
la rumeur publique qu'on enlend ici : « D'autres disoienl qu'au-
cuns de l'année l'avoient l'ail mourir. » Certes, le roi Charles,
alfable et doux, ami du peuple, n'était pas de ceux-là. Aussi la
chronique ajoula-t-elle dans son style de chanson :
« Quand le roy sceut les nouvelles que la Pucelle estoit morte,
il feusl moult courroucé. Se vers luy elle eusl été emmenée, en
saincle terre l'eusl faict enterrer, et luy eust faicl faire une sépul-
ture riche et honuesle ; à tout jamais l'Eglise en eusl i'aicl
mémoire ; grand proufict en eussent eu les prcbstres. »
Inspirées par le sentiment populaire, ces paroles n'en trahissent
pas moins une profonde ignorance des faits et une grande incer-
lilude sur le sort de la Pucelle : « On ne sait ce qu'elle devint. »
Ce doute propice aux illusions favorisait l'imposture. El lorsque,
au printemps de l'année 14:^6^ une fille qui, jusque-là, s'était l'ait
appeler Claude, vint de France en Lorraine et révéla qu'elle se
nommait Jeanne de son vrai nom, qu'elle était la Pucelle de
France, ceu.t à qui elle se confia crurent en ses paroles et les
répétèrent, en sorte qu'une grande rumeur s'étendit au loin :
« C'est elle ! » La dame des Armoises n'est pas la seule femme qui
se sôit fait passer pour Jeanne la Pucelle. Il y eut, sous le règne
de Charles VII, des fausses Jeanne d'Arc, comme il y eut des faux
dauphins à l'époque de la Restauration et du gouvernement de
Juillet. On en connaît deux qu'on a confondues l'une et l'autre avec
la dame des Armoises, cl qui pourtant semblent des personnes dis-
tinctes. Ces femmes sent fort mal connues. L'une se rendit à Ser-
maize, joua à la paume avec le curé et lui dit : « Curé, sache que
lu joues à la paume contre la Pucelle de France. » J'ai parlé ici
même, l'année dernière, de cette Pucelle de Sermaizc. L'autre
n'apparaît qu'au moment où, reçue par le roi Charles, sous une
treille, elle se trouble, crie merci et confesse ses impostures. Un
chambellan, témoin de l'entrevue, en fit le récit à l'âge de quatre-
vingt-dix ans et plus. Les complices de cette femme, dit le cham-
bellan, ' furent justiciés très àprement », ce qui veut dire qu'ils
furent mis à mort. Or, nous avons vu quels étaient les complices
de la dame des Armoises : c'étaient d'abord les frères de Jeanne
932 MÉLANGES
d'Arc, qui moururent comblés d'honneur ; c'étaient ensuite les
bourgeois d'Orléans.
Toutes ces fausses Jeanne d'Arc faisaient des dupes dans le
peuple ignorant et crédule. Et longtemps des doutes subsistèrent
sur la mort de Jeanne. Cette incertitude parait dans une chro-
nique rimée qui a pour titre : « Recollection des merveilles adve-
nues de notre tems » :
En I^'racce la très belle
Fleur de chreslienté,
Je vois une Pucelle
Sourdre en aucloriié,
Qui fil lever le siège
D'Orléans en ses mains.
Puis le roy par prodiège
Mena sacrer à Reims.
Saincle fut aorée
Par les œuvres que fil;
Mais puis fut rencontrée
Et prise sans prouffit ;
Arse à Houen eu cendre.
Au grand dam des François,
Donnant depuis entendre
Son revivre aultre fois.
A vrai dire, la fable de Jeanne échappée au bûcher ne cessa
jamais d'abuser, çà et là, quelques esprits. Toujours détruite, elle
reparut toujours. Ernest Renan disait qu'en ce monde la vérité
l'emporte définitivement sur le mensonge. Ce grand esprit son-
geait-il à toutes les conséquences de cette affirmation sublime, et
ne voyait-il pas que prévoir le triomphe final do la vérité parmi les
hoinmes, c'est annoncer le royaume de Dieu sur la terre ?
Nous n'en sommes pas encore là. Cette dame des Armoises, qui
confessa sa vie sur la table de marbre du palais, fait encore des
dupes par des impostures tant de fois dévoilées. Nous avons vu que
le doyen de Saint-Thibaud avait été séduit des premiers. C'était, à
en juger par ses écrits, un très honnête homme, qui aimait beau-
coup la ville de Metz, gouvernée alors en république, avec un
maître échevin et deux conseils.
Il aimait beaucoup aussi ses voisins les Français. Tous ses vœux
sont pour la gentille tleur de lys. C'est ainsi qu'il nomme le
royaume de France. En 14io, cet excellent homme croyait encore
que la dame des Armoises était véritablement Jeanne la Pucelle.
Il convient de dire que l'endroit de sa chronique qui la concerne
fut remanié plus tard. Mais on ignore si ce fut de son fait. Il suffit
de citer la première phrase pour montrer le sens de ce rema-
niement :
(( En cette année vint une jeune fille, laquelle se disoit la
Pucelle de France et juant (jouant) tellement son personnage, que
plusieurs en furent abusés et par espécial tous les plus grands. »
i
MÉLANGES 1)33
Mais celle dame des Armoises élait une sorle de phénix toujours
renaissant. Je conterai penl-ètre un jour comment elle abusa de
plusieurs doctes personnes au dix-septième siècle et au dix-hui-
tième. De nos jours encore, elle inspira une ferme contiance
ù quelques esprits. On se rappelle peut-être que, dans l'été de
1881, une statue fut élevée, en Picardie, sur cette pointe du Cro-
toy où la Pucelle avait été menée prisonnière.
En annonçant l'inauguration de ce monument, le journal
anglais le Siandai'd publia, le 30 août, un article dont j'extrais les
lignes suivantes, qui sont traduites littéralement :
Quoique l'on puisse se deinander jusqu'à quel point le fanatisme de Jeanne
aida à la défaite de nos conipatriotes, cette défaite n'est point douteuse ; il
l'aut accepter le verdict que porta l'épée. Mais après que cent ouvrages ont
décrit sa mort et que, par milliers, les dévols pèlerins ont pleuré sur le lieu
de son martyre, on n'a pu apprendre sans émoi que, non seulement les
Anglais n'étaient pas respoi sables de sa mort, mais que l'héroïque jeune
fille n'avait jamais été biùlée, et qu'elle avait vécu pour devenir une res-
pectable matrone et une citoyenne bien pensante.
Il est plus étrange que ce système ait trouvé en France un nou-
veau défenseur dans la personne d'un philosophe positiviste,
M. Ernest I.esigne, qui n'est pas dénué, par ailleurs, de sens his-
torique. Le livre de M. Lesigne fut publié en 1880. L'auteur pro-
mettait une suite qui n'a point paru.
(Echo de Fai'is.) Anatole Fuan'ce.
UN AVOCAT .lOURKALlSTI': AU XVIIl'^ SIÈCLE '
l
« Vous connaissez le journal dont Linguet a entrepris la rédac-
« lion. D'après le caractère fougueux et dur de cet écrivain, il y a
<i lieu de penser qu'il abandonnera cet ouvrage à la première
<t tracasserie un peu forte que lui fera le Censeur. A propos du
0 dernier édit pour le commerce des grains, il s'est permis d'apos-
« tropher de nouveau les Economistes auxquels il a déclaré la
u guerre il y a longtemps et il a en même temps parlé un ptu
« trop librement sur cette opération du Gouvernement. M. Turgot
« lui a fait dire que, sans Vouloir gêner sa plume, il lui conseil-
« lait de respecter les vues du ministre et surtout les choses éta-
« blies en conséquence de ces vues. »
C'est ainsi que, pour la première fois, et dans le premier volume
de sa Correspondance secrète^ le chroniqueur Métra parle de
Linguet. C'est dans le numéro du 17 janvier 1775. Linguet a
trente-neuf ans ; il a déjà rempli Paris de ses tapages ; il a défendu
le chevalier de la Barre, accusé d'avoir mutilé un crucifix, et sa
lutte avec les magistrats d'Abbeville l'a mis en pleine lumière ; il
1. Linguet, 1 vol. in 18, par M. Jean Cruppi.
9IU MÉLANGES
a rédigé un mémoire fameux pour le duc d'Aiguillon; il a fait,
avec le Mémoire pour le comte de Moraiigiès autant de bruit que
Beaumarchais avec ses Mémoires dans la fameuse alfaire Gorzman;
i! a écrit des brochures, des pamphlets, des tragédies, des livres
d'iiistoire ; il a rimé des épîtres; il a traduit l.ope de Vega et
Tacite ; il a rêvé d'établir un canal en Picardie et un port sur les
côtes de la Provence, en même temps qu'il formait le projet de com-
pléter les Révolutions romaines, de l'abbé de Vertot. Il a eu un livre
condamné au feu, son Histoire impartiale des jrsuitcs, et il a été
rayé du talileau des avocats à la suite de polémiques admirables et
orageuses. Avocat par aventure, il a été un orateur extraordinaire,
très vivant et lrè3 nouveau dans un temps où règne encore le
convenu et fore rolundo en cet art tout particulier de l'éloquence.
Quand il a plaidé, il a attiré la foule, passionné les juges et, quoi-
que laid, petit, maigre, piqué de la petite vérole, séduit les femmes.
Il a manié le sarcasme avec une virtuosité quasi féroce. Il se vante
de n'avoir jamais perdu que deux procès : encore, dit-il, ai je
bien voulu les perdre.
Né à Reims, d'un petit professeur, autrefois sous-principal du
collège de Heauvais, il a été un lauréat aux concours de lin d'an-
née et, pauvre^ forcé de vivre de son éducation livresque, il est
entré au service du duc de Deux-Ponts ; il l'a suivi en qualité de
secrétaire ou même, dit-on, d'aide de camp pour lapartie mathé-
matique du génie ; il a fait escorte aussi au prince de Beauvau
en Portugal et de ce passé on tire contre lui d'assez méchantes
histoires de chevaux volés, d'écus empruntés par force vive. On
l'accuse d'avoir détroussé le duc de Deux-Pont? comme on l'accuse
d'avoir volé Dorât, son ami. Ce petit homme, remuant, actif,
affamé d'argent, gonllé de projets, roulant toutes les inventions
disparates dans sa tête qui tourne, si je puis dire, au vent ency-
clopédique du siècle, est entré au barreau parce qu'il faut vivre et
qu'il veut bien vivre.
« Je n'ai jamais, écrivait-il, estimé le métier d'avocat et je vais
le faire. C'est qu'il faut être quelque chose dans la vie ; c'est qu'il y
faut gagner de l'argent et qu'il vaudrait mieux être cuisinier riche
que savant pauvre et inconnu. »
Plus tard, il se fera publiciste — et au moment où Métra écrit,
Linguet s'improvise journaliste, — parce que, la parole lui étant
enlevée, il lui reste la plume, cette plume rapide, rageuse, incor-
recte parfois, pittoresque toujours, qu'on essayera de briser comme
on a voulu étouffer la voix sarcastique de l'avocat.
« Vous connaissez Linguet ! i Certes, on le connaissait, à
l'heure où Métra annonçait l'apparition du journal de ce diable
d'homme. Il faisait partie du Tout-Paris d'alors et les cafés se
répétaient ses bons mots. Mais le connaît-on aujourd'hui? Charles
Monselet, dans un livre exquis et qu'on ne lit plus, a placé Linguet
en tête de sa galerie des Oubliés et Dédaignés du dix-huitieme
MÉLANGES 935
siècle. El il semble que .Moiiseiet, cet homme de premier ordre
dans les petites œuvres, ce ciseleur de chefs-d'œuvz'e minuscules,
cet abbé du vieux temps égaré dans noire siècle féroce, ait trouvé
place, à son tour, parmi les oubliés qu'il a pris à tâche de faire
revivre. Eugène Hatin, dans son Histoire de la presse, cite tout
au long- les jugements de Monselet sur Linguet sans donner un
salut au juge et M. Jean Cruppi vient d'écrire tout ua volume et
un volume excellent, nourri de faits, plein d'idées, de verveet de
talent, sur l'avocat journaliste du dix-huilièmc siècle, sans citer le
nom de Charles Monselet.
Ce fut pourtant l'auteur des Oublies et Dédaignés qui fit, le
premier, campagne pour rendre à l'avocat-journaliste affamé de
renommée un regain de gloire. Mais Charles Monselet accrochait
son pastel de Linguet parmi d'autres portraits à demi-effacés,
Dorvigny, Plancher- Valcour, Olympe de Gouges, le chevalier de
la Morlière. Ce n'est plus un paslel, c'est presque une statue de
Linguet que nous donne M. Jean Cruppi et, dans tous les cas,
l'éloquent avocat général de la Cour de cassation place son client
dans une niche à part. La figure de Linguet sort, grâce à lui, très
vivante, du chaos du passé et du fatras de ses livres. La biogra-
phie, à un tel degré, devient de la résurrection.
El non seulement M. Cruppi fait revivre l'orateur, le publiciste,
mais le temps même où Linguet a vécu, le Palais de justice où il
a usé ses talons avant de foudroyer ses adversaires, la cilé d'Abbe-
ville où il a lente d'arracher le chevalier de la Barre aux « chats-
fourrés » et aux tortionnaires, le logis où l'avocat travaille parmi
les dossiers venus par charretées de l'hôtel du duc d'Aiguillon.
Toutes ces scènes sont vivantes, comme Facteur lui-même, pitto-
resques, saisissantes, et le tableau du Palais de justice en 17G4,
avec ses mœurs, ses usages, son personnel, sa grande salle, ses
libraires et ses douze bancs est une admirable évocation qui donne
la sensation même de la réalité.
II
Tout faiseur de journal doit tribut au malin.
Linguet n'a pas donné de démenti au vers-proverbe. Et non
seulement il a payé tribut au malin en sa vie terriblement agitée,
mais il s'est démené lui-même comme un beau diable. Il a vécu de
paradoxe et, à en croire certains historiens, il serait mort d'un
paradoxe. Voltaire, avant de l'appeler le premier écrivain des
charniers, l'avait un peu loué el beaucoup averti, lui criant casse-
cou sur celle route où s'engageait Linguel, prenant avec eiitêle-
ment le contre-pied des vérités.
U avait passé trois jours à Ferney et l'auteur de Candide aurait
dil de lui :
« J'ai cet homme sur les épaules comme un fagot d'épines et je
n'ai pas osé le secouer tant je craignais, en le jetant à terre, d'en
930 MÉLANGES
être déchiré, d Voltaire n'avait pas toujours eu de notre homme
une telle idée : « M. Liuguet a les outils universels avec lesquels
on fait tout ce qu'on veut, le courage et l'éloquence », écrivait-il
un jour k Mallet du Pan.
Riais, à dire vrai, Linguet l'avait lassé, comme il dut lasser tous
ses protecteurs et tous ses amis — des protecteurs dont le joug
lui pesait et des amis qu'il n'aimait pas. Voltaire lui avait repro-
ché d'avoir dit que l'esclavage est préférable à la domesticité et
surtout à l'état libre de manœuvre. Il lui écrivait, le i'6 mars 1767 :
« Non, monsieur, tout n'est pas perdu quand on met le peuple en
état de s'apercevoir qu'il a un esprit. Tout est perdu, au contraire,
quand on le traite comme une troupe de taureau.x ; car tôt ou tard
ils vous frappent de leurs cornes... Enfin, monsieur, ce n'est pas
à vous d'empêcher les hommes de lire, vous y perdriez trop. »
On voit, par les reproches de Voltaire, quelles étaient les idées
de Linguet. Paradoxales aux yeux du philosophe ami du luxe qui
trouvait dans le travail « la consolation do la vie « ; humanitaires
et, dirait-on aujourd'hui, socialistes pour Linguet que révoltait
l'iniquité du labeur infligé à ces bêtes de sommes réputées pour-
tant des liommes libres.
Au surplus, l'idée maltresse de Linguet, s'il faut la dégager de
sa vie eL de ses oeuvres, c'est l'opposition. Cet avocat méprisait
surtout Cicéron, et ce journaliste contestait ses droits à la presse.
On ne s'imagine pas le scandale que dut faire naître, dans le
monde du barreau, l'attaque de Linguet contre Cicéron, le père
de l'éloquence, Cicéron, l'oracle de tous les avocats du dix-huitième
siècle, ce Cicéron que les esprits les plus indépendants et les plus
nouveaux, si je puis dire, révéraient à l'égal d'un dieu. J'ai là,
dans ma bibliothèque, deux volumes des M. Tullii Ciceronis ora-
tioncs, qui ont appartenu à Camille Desmoulins, et que le futur
journaliste, avocat aussi, comme Linguet, a usés à demi en faisant
son droit, et annotés de sa main. Chaque page du Pro Milone ou
du Pro Ligorio est, en marge, chargée des exclamations admi-
ralives de Camille. « Quelle «Hoquoice ! — Tour admirable ! —
Belle image ! — Tout cela est divin ! — Et Camille, comme nous
dirious, représentait la jeune école. Voilà l'idole que Linguet
tentait de renverser. A propos de ces boutades contre Cicéron,
Voltaire dit dans son Dictionnaire philosophique, à l'article
« Cicéron », en se plaignant de « ce qu'on ose écrire dans le siècle
des paradoxes » :
« Quel est l'iiomme qui a essayé de déshonorer sa mémoii'e?
C'est un de ses disciples; c'est un homme qui prête, comme lui,
son ministère à la défense des accusés ; c'est un avocat qui a étu-
dié l'éloquence chez ce grand maître ; c'est un citoyen qui parait
animé, comme Cicéron même, de l'amour du bien public. »
Et Voltaire, qui ne nomme pas Linguet dans l'article, ajoute en
note ;
MÉLANGES 937
.1/. Linguet. Celle satire de Cicéron est l'efTct de ce secret penchant cjui
porte un prand nombre d'écrivains à combattre non les préjugés populaires,
mais les opinions des hommes éclairés. Ils semblent dire comme César :
« J'aimerais mieux être le premier dans une bicoque, que le second dans
Korne. » Pour acquérir quelque gloire en suivant les traces des hommes éclai-
rés, il faut ajouter des vérités nouvelles à celles qu'ils ont établies ; il faut
saisir ce qui leur est échappé, voir mieux et plus loin qu'eux. Il faut être né
avec du génie, le cultiver par des études assidues, se livrer à des travaux
opiniâtres et savoir enfin attendre la réputation. Au contraire, en combattant
leurs oolnions, on est sûr d'acquérir à meilleur marché une gloire plus prompte
et plus brillante ; et si on aiore mieux compter les sullrages que de les peser
il n'y a point à balancer entre ces deux partis.
Voilà le vi'ai — les amis du paradoxe ne sont que les partisans
de la renommée facile — et Linguet aurait dû profiter du conseil.
.Mais il était de ceux qui veulent le succès rapide et la gloire à
bon marché. C'est l'art de prendre le contre-pied des choses qui
donne cela. Voilà pourquoi l'avocat qui devait avoir un d'Aiguillon
pour client, s'avisa de reprocher à Cicéron de n'avoir plaidé que
pour des coquins.
Au Palais, il irrita vite. A l'.Vcadémie, où il voulut frapper, il
rencontra porte close. « Qu'est-ce qu'un Linguet? écrit à ce propos
Voltaire à d'Alenthert (1768). Pourquoi a-t-il fait une si lougue
réponse au.x docteurs modernes ? Pourquoi n'a-t-il pas été aussi
plaisant qu'il pouvait l'être? Il avait beau jeu, mais il n'a pas joué
assez adroitement sa partie ; il a de l'esprit, pourtant, et a quel-
quefois la serre assez forte ; mais il n'entend pas comme il faut le
secret de rendre les gens parfaitement ridicules ; c'est un don de
la nature qu'il faut soigneusement cultiver ; d'ailleurs^ rien n'est
meilleur pour la santé. Si vous êtes enrhumé, servez-vous de cette
recette et vous vous en trouverez à merveille. «
Linguet ne chercha pas à ridiculiser, mais à écraser les gens.
Les magistrats s'émurent; on le chassa du Palais. On fit des étotFes
à la Linguet, des bonnets à la Linguet : c'étaient des étoti'es et des
bonnets rayés. Ce fut alors qu'il prit la plume. Il devint journa-
liste — un de ces « cirons périodiques qui grattent l'épiderme des
bons ouvrages pour y faire naître des ampoules ». La définition
est de lui. C'est encore Linguet qui, dans le Journal de Bruxelles,
écrira que : « témoin et longtemps victime de la licence dos jour-
nalistes, étonné du despotisme qu'exercent si hardiment et avec tant
d'impunité, dans une république libre, ces magislrals sans mis-
sion », il se fait publiciste à son tour. Mais le temps n'est pas loin
oii d'Eprémesnil qui, pas plus que Voltaire, n'aimait le paradoxe,
lui reprochera d'avoir, dans les Annales, « érigé la force en véri.
table droit, fondé toutes les couronnes sur des litres de sang,
soutenu que les rois sont propriétaires des biens et des personnes
de leurs sujets^, fait de la banqueroute un droit de la couronne,
un devoir de chaque nouveau roi, outragé le barreau, insulté tous
les tribunaux français, etc., etc. »■, et où seront condamnés au feu
938 MÉLANGES
par le parlement, ces numéros où Lingiiel alfaquera — dit-il —
« la robinocralie, la bureaucratie et toutes les cratics possibles ».
Quel est donc le parti de Linguet? Demandez plutôt quelle est
son humeur. Un parti, il n'en a pas. îln tempérament de révolté
— de réfractaire, dit fort bien M. Gruppi — voilà sa nature. Tan-
tôt il écrira, selon sa bile ou sa colère, dans sa Théorie des iois
civiles : (( La société vit de la destruction des libertés comme les
bêtes carnassières vivent du meurtre des animaux timides », ou
encore il proclamera que a la fermeté poussée par un souverain
jusqu'à la rigueur n'est jamais à charge aux peuples, et qu'il y a
tout bénéfice à rouvrir les sources de l'esclavage » — tantôt, à pro-
pos de Joseph H, il jettera ce cri de révolte : u Sans vouer à un
malheureux qu'on appelle roi une haine aveugle et indistincte, j'ai
conçu pour la royauté une horreur qui ne finira qu'avec ma vie. «
Et, le paradoxe constant étant non seulement dans son œuvre
mais dans sa vie, lui, le premier des démolisseurs de la Bastille,
dans son sang, il sera condanmé par le tribunal révolutionnaire et
exécuté par Sanson comme suppôt de la tyrannie et ennemi du
peuple.
III
M. Jean Cruppi ne nous conduit pas encore jusqu'à cette partie,
si dramatique et si curieuse de la vie de Linguet. Je sais qu'il a
interrogé nos archives nationales sur ce point, et mon ami
M. Emile Camppardon me disait qu'après Gruppi il ne restait, dans
les cartons de la rue du Chaume, rien à glaner. Ce premier volume
en appelle donc un autre et nous l'attendons. Avec son rare et pit-
toresque talent, l'historien de Linguet nous montrera Linguet
embaslillé et définitivement révolté.
Le 27 septembre 1780, il avait été, en elïet, arrêté et conduit à
la Bastille, malgré les pistolets qu'il avait toujours en poche,
comme l'abljé Maury, qui appelait ses armes ses burettes. Ecroué,
Linguet"? A quel propos ?
Grimm l'accuse d'avoir débité des impertinences sur les traités
de la France avec l'Amérique, « sur les plans de la guerre actuelle,
dont il a osé dire, dans une de ses dernières feuilles, qu'il n'y en
avait pas un seul dont on ait pu deviner le motif, d'avoir écrit à
M. le maréchal de Duras et osé dire, en toutes lettres, à un homme
revêtu de la première digniié du royaume : Vous clés un Jean F...
Signé : Linguet.
Linguet, qui luttera plus tard contre Joseph II lui-même, se
moque bien d'une querelle avec un maréchal de France ! Il
se moquera môme de la Bastille, la vieille forteresse qui n'a plus
longtemps à durer et où il reste deux ans, jusqu'au 19 mai 1782.
On connaît la boutade qui lui est attribuée par les anas.
Un homme entre, souriant, dans sa chambre : « Qui êtes-vous,
monsieur ? — Monsieur, je suis le barbier de la Bastille ! — Ah ! par-
bleu, s'éci'ie Linguet, vous auriez bien dû lu raser! »
MÉLANGES 939
El il y pense — et il la rasera plus lard, autanl qu'il pourra. Pen-
dant sa captivité, ses Aniiales sont continuées par Mallel du Pan,
Ja future victime de Desmoulins, celui que Camille appellera tou-
jours Mallel Panda. Et Linguet amasse des documents contre la
prison séculaire — et ses MémoirPS sur la Bastille la démoliront
aussi sûrement que le canon des faubouriens. Palloy y porta la
pioche, mais le premier coup, ce fut Einguet qui, du bec de sa
plume, le donna avec son livre où le frontispice nous montre
« l'Horloge scandaleux dont les ornements étaient des fers sculp-
tés, et le support deux figures ; un homme et une femme enchaî-
nés par le cou, les mains, les pieds cl le milieu du corps » — et
on l'on voit, en luème temps que « ces soutiVances inconnues et
ces peines obscures des captifs, « la statue de Louis XVi dressée
parmi des ruines, et celle inscription sur le piédestal : A Louis XVI,
sur l'emplacement de la Baslillc. »
— Ici l'on écritj aurait pu dire le pamphlétaire Linguet, en
attendant que, sur les ruines, le peuple de Paris plaçAt l'étiquette :
Ici l'on danse.
Cet homme fut, du reste, un démolisseur, un précurseur un
chercheur, un oseur en tontes choses. A peine Linguet est-il sorti
de la Bastille, que les Mémoires secrels rapportent, par exemple,
l'invention dont il entretenait avec fièvre ses contemporains :
Voilà Liuguet installt? de nouveau dans la carrière oîi ses travaux avaient
été si désagréablement interrouipus ; il est douteux qu'il puisse y rapprocher
la fortune de la prudence. Son projet prétendu d'une communication facile
entre deux endroits très éloignés paraît n'être que le rêve de quelque plai-
sant désœuvré. Il en est résulté, comme de la plupart des imaginations chi-
mériques, quelque chose d'utde... 11 s'agit d'établir sous terre des conduc-
teurs électriques en iil de fer doré, entcrmés dans des tuyaux garnis de
résine. Une machine électrique à l'une des extrémités de ces conducteurs, et
des lettres de métal, des caractères tachj'graphiques, à l'autre, rendraient
cet appareil très propre à transmettre d'un lieu à un autre, môme à une dis-
tance considérable, des avis fort détaillés. Les physi:ieus et les amateurs de
l'électricité connaissent les moyens de mettre en pratique d'une manière
assez sûre ce procédé simple et peu coûteux, eu égard aux avantages qu'il
promet.
On voit, dit Eugène Ilatin après avoir cilé ce passage des
Mémoires, que l'idée du télégraphe n'est pas tout à fait nouvelle.
C'est toujours l'histoire du vieux neuf. Les lignes que je viens de
transcrire datent du o juin 1782. Il y a plus de cent ans que Lin-
guet avait presque inventé la télégraphie électrique.
Mais la Révolution approche. Anobli par l'empereur .losepli,
Linguet défend bientôt contre lui les insurgés du Brabant. Lui qui
sera condamné pour avoir encensé les despotes de Vienne et de
Londres., il vient plaider à la barre de la Constituante, pour les
droits de l'assemblée coloniale de Saint-Domingue, contre la
lijrannie des blancs. Il fera plus.
Il ollVira à Camille Desmoulins, le procureur général de la lan-
940 MÉLANGES
terne, d'être son siibslitut, et nirme on le verra plus lard, après
s'être déclaré dantoniste, devenir niaratisle. Puis tout à coup, un
paradoxe contre le pain le fera soupçonner d'être un ennemi des
pauvres diables !
a Le pain, dit-il, considéré comme nourriture, est une invention
dangereuse et tiès nuisible. Nous vivons de cette drogue, dont la
corruption est le premier élément, et que nous sommes obligés
d'altérer par un poison pour la rendre moins malsaine... L'escla-
vage, l'accablement d'esprit, la bassesse en tout genre dans les
petits, le despotisme, la fureur efl'rénée des jouissances destruc-
tives, sont les compagnes inséparables de 1 habitude de manger du
pain, et sortent des mêmes sillons où croit le blé ! »
Attaquer le pain à l'heure où la France affamée demandait un
peu de blé pour vivre — et pour vaincre — et où les patriotes
chantaient, sur l'air de la Carmaçinole, ces vers naïvement éner-
giques, niaisement sublimes :
Que faul-il au républicain ?
Un peu (le fer, un peu de pain.
Du pain pour le manger,
Du 1er pour Tétranger.
Linguet paya cher ce dernier paradoxe. 11 habitait une maison-
nette près de VilIe-d'Avray. On l'y arrêta. Détenu à Paris, il se
vantait de dévoiler la sottise et l'atrocité de ses ennemis. « Ils
verront demain ! » L'avocat d'autrefois comptait sur sa parole et
ses sarcasmes. Mais les juges du tribunal révolutionnaire n'étaient
plus ceux de la grand'cbanibre, cl M. Cruppi énumère même quel-
ques-uns de ceux d'entre eux qui avaient précédé Linguet devant
Fouquier-Tinville. « Ce ne sont pas des juges, s'écria Linguet
condamné, ce sont des tigres! » L'exclamation est bien classique
et bien cicéronienne. Jimagine que Linguet dut dire plutôt : « Ce
sont des sols ! » En montant dans la charrette, un soir de juin —
le 27 juin 179't — il demanda un prêtre. Le prêtre n'était plus là.
Alors Linguet ouvrit un volume de Séneque. A défaut du livre de
messe, une page d'un philosophe. Toute sa vie de contradiction
est là.
On avait saisi ses papiers. Il y en avait beaucoup dans la maison
où il paperassait toujours : — des notes, des projets. Le tout fut
transporté à l'Ecole militaire. On en lit des cartouches. « Ce qui
avait tué pendant sa vie tua encore après sa mort », dit fort joli-
ment Monselet.
I\L Cruppi, dans son livre qui durera, qui est tout à fait person-
nel et d'une vivacité entraînante, dit à peu près que Linguet est le
véritable fondateur du journalisme moderne. Il serait plus vrai
d'affirmer qu'il est le précurseur d'un certain journalisme parti-
culier.
Il est le type, ce Linguet, du polémiste acerbe, préoccupé du
succès immédiat, du tapage de l'heure présente, persécuté mais
MÉLANGES 941 .
per.îécuteur ; liavaillaiit, comme Maral à la tribune, avec un pis-
tolet près de son écritoire, aimant le hruit, ce bâtard de la gloire ;
aimant l'argent; sachant fort bien se faire payer ses ai'ticles
comme il savait réclamer ses honoraires d'avocat ; rêvant la for-
lune, incapable, d'ailleurs, pour la conquérir, de suivre la ligne
droite et de suivre même une ligne quelconque ; nerveux, inso-
lent, paradoxal, plaidant volontiers les mauvaises causes, et, à vrai
dire, toutes les causes, après s'être honoré, et, à tout prendre,
immortalisé par «a diMcnse d'un martyr: ayant pour client un
d'Aiguillon, une du Barry. les défendant comme il avait loué
Néron, puis leur jetant le gant, les bravant, revenant à je ne sais
quelle générosité qui fait aussi partie de sa nature — un indépen-
dant, à coup sûr, un violent — ce qu'on appelle aujourd'hui dans
l'argot du journalisme un éreinleur, un de ces iiisulteurs à la
ligne qui font trembler les faibles, donnent au vulgaire l'idée
d'une fausse vigueur, prennent l'audace pour la force, haussent la
voix, se font justiciers pour n'être pas justiciables et, après avoir
fait illusion sur leur énergie et s'être fait illusion sur leur puis-
sance, ne laissent après eux qu'un nom — quand ils laissent
même un nom. « 11 brûle, mais il éclaire », disait de Linguet l'au-
teur de Candide. D'ordinaire, les pamphlétaires de la race de Lin-
guet n"éclairent guère et ne laissent que des cendres.
Ils ont remué des idées et parfois une fortune (d'Aiguillon
envoyait les honoraires de Linguel en des sacs pesants) ; ils ont
manié les hommes, tour à tour servi et desservi les puissances ; ils
ont jeté, à tort et à travers, les vérités et les paradoxes parmi la
foule. Ils ont fait fureur à de certaines heures et se sont étonnés,
après tant de bruit, du silence de leur vieillesse ou de la solitude
de leur mort. A quoi bon tant de tapage pour finir, comme le
joueur décavé, par se consoler avec Sénèque .■*
Et ils ont beau trouver, après un siècle, des historiens de talent,
comme M. Cruppi, pour les tirer du tombeau, leur réhabilitation
même ne semble que le plus brillant et le plus attirant des para-
doxes : les aventuriers ont la minute, l'avenir est aux seuls braves
gens.
(Temps.) Jules Claretie.
♦ »
Ce (juk h.\iji'ELLK CiiA.\ii'.\LiiiiHT. — Il y a vingt-neuf ans bientôt, le
11 février 1807. on inaugurait à Montmirail, sur la limite de la
Marne et de lAisne, la colonne commémoralive de la liataille du
11 février 1814.
Ce fut l'occasion d'une fête touchante que n'ont pas oubliée ceux
qui en ont été les témoins. Rendant compte de cette solennité, que
rehaussait la présence d'un bataillon du 03"^ de ligne, venu de Sois-
sons, notre journal disait :
Comme autrefois, lors des grandes batailles de l'Empire, le soleil, si loog-
temps caché à nos re^;ards, apparaît cutia pour It^'lcr l'auniversaire de Monl-.
mirait.
942 MÉLANGES
Depuis plusieurs jours déjà, une foule nombreuse, composée surtout de
ces habitants des campagnes, dont les pères, jadis formés en corps francs
ou embusqués derrière les haies de leurs villages, causèrent tant de mal à
l'ennemi, couvre les roules qui, de la Marne et de l'Aisne, conduisent a
Montmirail, et dont nos soldats, il y a cinquante-trois ai;s, marquèrent les
étapes glorieuses. Ic', chaque village, chaque ferme, chaque maison, chaque
bouquet d'arbres a son histoire, que les habitants se transmettent de géné-
ration en génération, et qu'ils se plaisent à vous raconter. Dans ce vallon
aux pentes gracieuses, c'i st le village de Marchais, tant de fois pris et
repris; plus loin, c'est la Haute-Epine, d'où les grenadiers de la vieille
garde débouchèrent pour tomber à revers sur les Russes qui luttaient contre
les soldais de Ne\' et de Mortier; de cetie place, s'élancèrent les héroïques
enlauts qui composaient les gardes d'honneur, et leur charge furieuse décida
la victoire. Plus loin encore, c'est la ferme des Greneaux, où l'Empereur
passa la nuit, c'est le village des Caquirets, puis enfin la ville de Château-
Thierry, où se termina la première partie de cette grande opération, com-
mencée à Sc'zanne, qui nous avait valu la défaite d'Alsuwiell à Champau-
berl, celle de Sacken à Montmiraii, celle d'York à Château-Thierry, et qui
devait nous valoir encore le désastre de Elûcher à Vauchainps et à Eloges.
Nulle part ailleurs qu'à Montmirail, on ne comprend mieux cette belle expres-
sion d'un grand écrivain : « Napoléon, à délaut de forces suffisantes, sem-
bla vouloir envelopper l'ennemi de son mouvement. »
Cbampaubert aussi a son monument, élevé il y a près d'un demi-
siècle, monument qui tombait en ruines et que le tjouvenir Fran-
çais a restauré. C'est pour une nouvelle inauguration que le
bomité cbâionnais a convoqué, à la date du dimancbe 20 octobre,
tous ceux qui ont à cœur de conserver intact le souvenir des glo-
rieuses journées de notre bisloire.
La colonne commémoralive sera bénite par TEglise, qui a voulu
s'associer à celte cérémonie, des discours seront prononcés, et
nous nous empresserons de leur donner noire publicité.
Mais, dès maintenant, comme nous l'avons fait il y a trois ans,
pour la campagne de l'Argonne, nous voulons dire quelques mots
de cette partie de la campagne de 1<S14.
Le 21 décembre 18 Kl, l'armée de la coalition avait francbi le
Rbin en deux masses principales : l'une, sous Scbwartzenberg, par
Bâle et en violant la neutralité suisse ; la seconde, dite armée de
Silésie^ sous Bliiclier, à Manbeim, Mayence et Cobleniz.
Poussant devant elles les faibles corps des marécbaux Macdonald,
Marmont, "Victor, Ney et Mortier, elles avaient tourné, par le nord
et par le sud, la ligne des Vosges, et étaient venues rejoindre
entre Chaumonl et Bar-le-Duc.
Le 25 janvier. Napoléon arrivait à Cbàlons et prenait le com-
mandement de ses troupes ; le 26, il élait à Saint-Dizier; battait
Blûcher, le 29, à Brienne, et était attaqué, le 1" février, à la
Rotbière, par 170.000 bommes auxquels il ne pouvait opposer que
32.000 combattants. Après une lutte acbarnée, il repassait l'Aube
et se retirait sur Troyes, prévoyant qu'une i'aule de l'ennemi allait
lui pei mettre de reprendre l'avantage.
MÉLANGES 943
Cette faute, les alliés ne furent pas longtemps à la commettre.
Le 3 février, Bltieher se séparait de Schwartzenberg et, pendant
que ce dernier s'avançait au sud de la Seine, le général prussien
se portait vers la vallée de la Marne, agrandissant à chaque étape
l'espace qui le séparait de ses alliés, et se mettant dans l'impossi-
bilité d'être secouru par eux.
Napoléon suivait de l'œil ses adversaires; le moment était venu
de se jeter sur sa proie.
Le 5 février, il était à Nogent-sur-Seine ; le 7, il donnait à Mar-
mont l'ordre de s'avancer sur Sézanne ; il le suivait avec les maré-
chaux Ney, Mortier et la garde, laissant à Gérard, Victor et Oudinot,
le soin de retarder la marche de Schwartzenberg vers Melun.
Au moment où Blûcher allait être attaqué par l'Empereur^ ses
lieutenants étaient dispersés de telle façon qu'ils ne pouvaient se
soutenir mutuellement : le général York^ après avoir bombardé et
pris Châlons, avait suivi Macdonald jusqu'à Château-Thierry ; Sac-
ken, à ia gauche d'York, se portait sur la Ferté-sous-Jouarre ;
Bliicher, précédé d'Alsuwielt", s'avançait de Fére-Champenoise vers
Montmirail. Ce fut le Russe Alsuwietf qui tomba le premier sous
les coups des Français.
Le 10 février, vers neuf heures du malin, Marmont, étant arrivé
sur la hauteur qui domine la vallée du Petit-Morin, aperçut le
corps de ce général, fort de 5.000 fantassins et de 24 pièces de
canon.
AlsuwiefT n'était point en mesure de résister ; cependant, au lieu
de se retirer et de faire sauter le pont de Saint-Prix pour retarder
la marche dos Français, il voulut défendre le passage : mais
l'empereur le fit attaquer de suite par les divisions Lagrange et
Ricard ; le pont fut bientôt emporté et rcnncmi [)oussé jusque
sous Baye, où il se déploya et lit jouer son artillerie contre notre
cavalerie.
Aussitôt la division Lagrange gravit le plateau qui s'étend entre
Baye etBannay et marcha au secours de nos cavaliers; le 2« léger,
ainsi qu'un bataillon de marine s'avancèrent sur la droite du bois
par où les Russes pouvaient déboucher. Le général Alsuwieff,
pressé sur son front et sur sa gauche, se retirait en bon ordre,
après avoir repoussé devant Bannay la brigade Pelleport, lorsque
l'Empereur dirigea sur ce point son artillerie^, et lit déployer dans
la plaine l'infanterie du maréchal Ney.
En même temps, il ordonna au général Girardin, aide-de-camp
de Berthier, d'aller à gauche prévenir l'ennemi sur la route
de Paris, et au général Ricard de le prévenir sur Epernay, en
longeant le bois à droite.
La confusion se mit alors dans les rangs ennemis ; chargés
à gauche et rejetés dans Champaubert par les lanciers du général
Picquet,ils furent vivement attaqués de front par les cuirassiers du
général BordesouUe, qui. les acculèrent au bois et aux étangs du
944 MÉLANGES
Désert et les forcèrent à la fuite. Vingl-et-une Louches à feu el leurs
caissons, le généfal AIsuwieif, deux généraux sous ses ordres, qua-
rante-sept officiers et mille huit cent sept prisonniers restèrent au
pouvoir des vainqueurs ; près de douze cents ennemis avaient été
tués; à peine s'en sauva- t-il quinze cents qui, le lendemain, rejoi-
gnirent à Fère-Champenoise le corps prussien de Kleist. Kes Fran-
çais ne comptèrent pas plus de six cent cinquante hommes tués et
blessés; au nombre de ces derniers se trouvait le général
Lagrange, atteint d'une balle à la tête.
L'i-lnipermir coucha à Champaubert.
Le lendemain 11 février, laissant iMarmunt à Etoges pour empê-
cher Blïicher de déboucher de Vertus. Napoléon se porta à Monl-
mirail contre Sacken el York. Nous n'avons pas à raconter les
péripéties de celte bataille, où nos troupes chassèrentsuccessivement
leurs adversaires de la ferme de la Haute-Epine, de Marchais, et
les rejetèrent vers Château-Thierry. Si, à ce moment^, le maréchal
Macdonald s'était avancé de La Ferté-sous-.Jouarre sur l'une
ou l'autre des rives de la Marne, il aurait fait prisonnier tout ce qui
restait du corps de Sacken.
Le 12 février, lendemain de la victoire de Montmirail, et tandis
que Sacken et York, chassés de Château-Thierry, fuyaient vers
Kismes et Reims, et que près de deux mille de leurs soldats, réfu-
giés dans les bois, étaient tués par les paysans, Bliicher se portait
contre ,e maréchal Marmont, laissé, comme nous l'avons vu, à
Etoges. Marmont, par trop inférieur en nombre, se repliait entre
Vaiichamps et Montmirail. Mais bientôt Napoléon, revenu de Châ-
teau-Thierry, arrivait à son secours et livrait, le 14 février, le
combat de Vauchamps.
L'infanterie ennemie occupait Vauchamps et avait jeté des
tirailleurs dans le bois en avant, le reste de l'armée était à six cents
mètres environ en arrière. L'Empereur ordonna à Marmont d'enle-
ver ce village, et au générai Grouchy de tourner, avec la cavalerie
de ligne, la droite de l'ennemi. La garde fut établie en réserve sur
la grande route.
Le maréchal prussien ignorait encore la défaite de ses lieute-
nants et ne savait pas qu'il avait l'Empereur en face de lui.
Tandis que la division Ricard enlève Vauchamps, les cuirassiers
el les hussards prussiens sont culbutés par les divisions de cavalerie
Lefèvre-Desnouettes et Laferrière. Grouchy menace les derrières
de l'ennemi, Blùcher ordonne la retraite, en formant plusieurs
carrés de son infanterie. Mais, à peine a-l-il dépassé Janvilliers et
pénétré sur un terrain découvert, que ces carrés sont enfoncés ;
quelques-uns reculent jusqu'aux bois situés entre Saint-Martin-
d'Ablois el Etoges; ils y sont acculés, et bientôt deux mille
hommes mettent bas les armes. L'infanterie française entre au pas
de charge dans Fromenlières.
MÉLANGES 94 0
Le général Drouot, avec rarLillerio de la garde, achève la défaite
des Prussiens.
On atteint Champaiibert, théâtre de la bataille quatre jours
auparavant; Marmont s'y arrête à peine quelques instants et se
remet k la poursuite de l'ennemi; il entre dans Etoges et y fait
prisonnier Ouroussow et six cents hommes.
Grouchy bivouaqua à Champaubert ; Napoléon retourna le sou-
même à iMontmirail.
Les Français qui, ce jour-là, avaient eu 600 hommes tués ou
blessés, en tuèrent ou prirent plus de 7.000 à l'ennemi.
En résumé, parti le 9 février de Xogent-sur-Seine, arrivé le 10
à Champaubert, Napoléon avait pris ou détruit dans cette journée
le corps d'Alsuwiefl ; battu le II, à Montmirail, le corps de Sac-
ken ; battu et refoulé le 12, sur Château-Thierry, celui d'Vorlc ;
employé le 13 à rétablir le pont sur la Marne pour lancer Mortier
à la poursuite de l'ennemi, et, le 14, rebroussant chemin, il avait
assailli Bliicher, qui lui fournissait ainsi l'occasion d"accabler le
dernier des quatre corps sous ses ordres. Cette campagne de
quatre jours avait coûté à l'armée de Silésie 28.000 hommes sur
60.000, et l'avait forcée à se replier au-delà de Reims et de Châ-
lons.
On sait quels prodiges marquèrent encore la campagne de 1814.
Pendant les quelques jours que ÎS'apoléon avait consacrés à
vaincre Bliicher, le prince de Schwartzenberg avait marché de nou-
veau en avant vers Paris par la rive gauche de la Seine, et était
arrivé à quinze lieues de cette capitale. Napoléon se porte au-
devant de lui, rallie Oudinot, "Victor, Gérard, rem[iorte, le 18
février, la victoire de Montereau, et rejette encore une fois l'ennemi
vers Troyes et Chaumont.
Mais tel était le nombre des soldats de la coalition, qu'ils se
retrouvaient, au lendemain d'une défaite, plus nombreux que la
veille^ et l'invasion, refoulée sur un point, reparaissait sur un
autre.
Bliicher avait réuni à Chàlons les débris de son armée, forte
encore de .32,000 hommes; il s'était porté vers Méry-sur- Seine et
Anglure, pour se jeter dans le tlanc de Napoléon, tandis que
celui-ci poursuivait Schwarlzenbcrg. Puis, se ravisant, il remontait
par Sézanne vers le nord, pour aller, au-delà de la Marne et de
r.\isne, rejoindre les corps de Bulow et de Wintzingerode, forts de
oO.OOO hommes, qui se dirigeaieut sur Reims et Soissons.
Il iallait à tout prix que l'Empereur empêchât cette jonction.
Aussi Napoléon, parti de Troyes, se hùte-t-il de suivre le mouve-
ment de BHicheF. Le 28, il rejoint à La Ferté-sous-Jouarre les
maréchaux Mortier et Marmont, franchit la Marne et pousse vive-
ment Bliicher sur Oulchy. Le feld-maréchal prussien est bientôt
60
1)46 MÉLANGES
acculé entre l'Aisne et Napoléon. Le seul pont par lequel il pour-
rait s'échapper est celui de Soissons ; mais cette place-forte est
aux mains des Français. Que Soissons résiste seulement quarante-
huit heures, et Bliicher sera forcé de se rendre à l'P^mpereur, et
cette fois sa défaite sera définitive. La coalition sera vaincue.
La fatalité voulut que Soissons eût pou.' gouverneur un inca-
pable ou un traître, le général Moreau, qui capitula à la première
sommation, et à l'heure même oîi déjà l'on entendait de Soissons
le canon de l'armée française. Soissons pris, c'était Bliicher tra-
versant l'Aisne et, sur la rive droite de cette rivière, rallian.t à son
armée les cinquante mille hommes de Bulow.
Vainement, dès lors, Napoléon livra encore de glorieux et déses-
pérés combats : Craonne, Laon, Arcis-sur-Aube, Saint-Dizier. . .
Vainement une division de gardes nationaux lutta héroïquement
presque jusqu'au dernier homme, contre les masses de la coalition,
entre Fère-Champenoise et Saint-Gond ; vainement, pendant toute
une journée, Moncey, Marmont, Mortier combattirent pour la
défense de Paris La partie était perdue.
Du moins, Napoléon put se dire qu'il n'avait jamais déployé plus
de génie, que jamais l'armée française ne s'était montrée plus
brave, et notre province de Champagne plus patriote.
Voilà les souvenirs que rappelle le nom de Champaubert, et qui
en font un des plus glorieux de notre histoire.
(Journal de la Manie)
Un POETE MAUDIT : Arthur Rimbaud — Sous ce titre, notre con-
frère Fernand Hauser publie, dans le Figaro, le curieux article
suivant, au sujet d'un poète ardennais, né à Charleville, et dont
beaucoup de nos concitoyens, ses anciens camarades d'études, ont
conservé le souvenir :
" A sppt :in^, il l;ii-ail de.- roinan-
-iir la vil,'. »
Arthur HiMnALD.
Celui-ci fut vraiment, selon l'acception de Paul Verlaine, un
poète maudit. Lorsqu'il qualifia de ce titre certains écrivains, Paul
Verlaine, en efi'et, s'il exagéra pour quelques-uns, donna son véri-
table nom à l'auteur du Baleaa ivre. Arthur Rimbaud, durant sa
vie de soull'rances et d'on ne sait quelles expiations, fut bien un
poète maudit, il passa à travers l'existence, clamant des vers, et
disparut, et l'on ne sut jamais plus rien de lui, sinon au jour de
sa mort, dans un hôpital, comme Gilbert, comme Hégésippe
Moreau, comme tant d'autres.
Or, la mojt d'Arthur Rimbaud fut toute autre que sa vie. Lui,
coureur d'aventures, chantre d'horreurs, contempteur de toute
religion, mourut comme un saint, avec une foi d'ange et des
épanchcments d'un mysticisme de vierge. Et c'est peut-être à
MÉLANGES 947
cause de cela que la inalédiclion qui semblait peser sur lui et sur
ses œuvres va enila être levée.
Elles vont resplendir, ses œuvres, et non plus à la lumière falote
des revues mort-nées; elles vont resplendir à la lumière du livre.
Les oeuvres complètes d'Arthur Rimbaud vont voir le jour.
Chose étrange : des années se sont écoulées entre l'éclosion de
ces œuvres et leur publication véritable, et durant ces années,
longues au gré des poètes, les vers de Rimbaud ont couru les
pages des petites revues, introuvables. Il arriva même des choses
inouïes. Rimbaud disparu, (luclques-uns imaginèrent de créer une
légende, de dire que l'écrivain des Illinninulions ri'avail jamais
existé, que les poèmes signés du nom de Rimltaud étaient dus à
la collaboration de plusieurs... et Ton vit éclore des vers signés
Rimbaud, qui jamais n'avaient été écrits par le pauvre poète.
Durant ce temps, lui, dans le sud de l'Afrique, faisait le com-
merce du café, de la gomme, de l'ivoire, cherchait de l'or, trafi-
quait de l'encens, et ne songeait [)lus au grand poète qu'il avait
failli devenir.
Et voici qu'il revint, et voici qu'il apprit ce qui se passait, et il
voulut protester, et la maladie le cloua sur un lit de mort.
Aujourd'hui, le poète Paul Verlaine, son maître et son ami,
après avoir soigneusement compulsé les manuscrits de Rimbaud,
[)ublie ses œuvres complètes, et nous allons pouvoir les admirer.
C'est d'abord Les Elrennes des Orphelins, un poème navrant, un
poème de tristesse, de douleur, mai-s si frais, si touchant!..,
Mainlenant, les petits sommeillenl tristement :
Vous dirii z, à les voir, qu'ils pleurent en dormant.
Tant leurs yeux sont gopllés et leur souf'lle pénible,
Les tout petits enfants ont le cœur si sensible !
— Mais l'ange des berceaux vint essuyer leurs \ou;%.
Et dans ce lourd sommeil mil un rêve joyeux.
Un lève si joyeux, que leur lèvre rai-close.
SouriautP, semblait murmurer quelque cliose..
Ils rêvent que, penchés sur leur petit '^ras rond.
Doux geste du réveil, ils avancent le front,
El leur vague regard tout autour d'eux repose. .
lis se croient endormis dans un paradis rose. .
On dirait qu'une fée a passé dans cela !...
Les enfants, tout joytux. ont jeté deux cris : Là,
Près du lit malernel, sous un beau rayon rose.
Là, sur le grand tapis, resplendit quelque cLose...
Ce sont des médaillons argentés, noirs et blancs.
De la nacre et du jais, aux rtllets scintillants.
Des petits cadres noirs, des couronnes de verre.
Ayant trois mots gravés en or : A nothe Miohe 1 ^
(!lettc pièce est datée de 1S70.
948 MELANGES
Et les Assis, ce poème effrayant, chantant les toujours assis, les
bureaucrates,
Tremblant du tremblemrat douloureux des crapauds.
Et les E/Jarés, cette pièce do pure anthologie, connue de tous
les lettrés, les Ejfarés, qui regardent cuire
Le lourd pain blond...
Et tant d'autres poèmes, tous admirables, nous allons pouvoir
les lire et nous en délecter...
Nous allons lire aussi cet extraordinaire Bateau ivre, cette vision
hallucinante, ce poème forcené, dû à un fou ou à un génie, selon
l'un des critiques rares qui aient consacré une partie de leur temps
à Rimbaud.
Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,
Jelé par Touragan dans l'éllier sans oiseau.
Moi dont les monilors et les voiliers des Hanses
N'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau,
Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieues
Le rut des Bc^bémohs et des Maelstroms épais,
l''iieur éternel des immobilités bleues,
Je regrette l'Europe aux anciens parapets.
Mais vrai, j'ai trop pleuré ! Les aubes sont navrantes,
Toute lune est atroce et tout soleil amer.
L'acre amour m'a gonllé de torpeurs enivrantes.
Oh ! que ma quille éclate ! Oh ! que j'aille à la mer !
Vraiment, ce poète avait l'àme d'un étonnant créateur, et l'on
se demande avec effarement quelle onivre géante il eût accomplie
s'il n'eût été arrêté sur sa route par on ne sait quelle vision qui,
le remplissant de terreur, l'arracha tout sanglant à la Poésie, pour
le déposer dans les terres brûlées du soleil d'Afrique et lui l'aire
contracter un mal qui lui donna la mort.
Les Premières Communions, rOrgie parisienne, Aco'oupisse-
menis, poèmes eft'rayants ; les Pauvres à l'église, poème fou, quel
grand poète satirique vous nous promettiez !... Et vous aussi, stu-
péfiants blasphèmes, liage de Ci'sar, le Mal, Bal des Pendus^ Vrnus
Anadyomènc ; et vous encore, Morts de quatre-vingt-douze, le
Forgeron, Ophélic, le Châtiment de Tariu/]'c^ poèmes d'étonnante
incompréhension...
Car c'est peut-être parce qu'il fut souvent incompréhensible, ce
poète, qu'il nous apparaît comme un grand écrivain mort avant
l'heure. Cette recherclie d'une originalité plus grande que toute
autre promettait^ en effet, des œuvres d'étrangeté, de terreur,
d'eifroi, semblables à celles de Poë.
Oui, c'est un Poo que nous avons perdu en Rimbaud, et un Poe
qui eût peut-être été plus grand que le Poe américain.
MÉLANGES 949
A noir, E blanc, I rouge. U vfirt, 0 bleu, voyelles.
Je dirai quelque jour vos naissances latentes...
clianlail-il, et Ton s'exlasiait, et l'on cherchait à élaborer des théo-
ries à propos de ces deux vers, sans se douter de ceci, c'est que,
sembahle à Poi', Rimbaud aimait mystifier ies gens...
Blasphémateur, adorateur d'élrangetés, fou de conceptions alFo-
lantes, mystificateur, Rimbaud n'en aura pas moins été Tun des
poètes les plus étonnants de notre époque. A vingt ans, il a écrit
des chefs-d'œuvre, et ces chefs-d'œuvre ont bouleversé l'âme de
tous les jeunes qui sont venus après lui.
Que dis-je? l'âme de Verlaine elle-même n'a-t-elle pas été trou-
blée par Rimbaud ? Lorsqu'il rencontra cet enfant, Verlaine était
le Parnassien des Poèmes saiurniens. Quel changement soudain
dut s'opérer en lui, lorsqu'il rencontra Rimbaud I... Le Maître avait
trouvé en l'Enfant un Elève qui lui montrait sa voie... et il la suivit...
Et toute la jeunesse lettrée suivit Verlaine.
Et c'est pourquoi, à l'heure où paraissent les œuvres complètes
de Rimbaud, l'on doit rehausser quelque peu l;i mémoire de ce
pauvre poète qui, enfant prodige, s'efl'ara tout à coup d'on ne sait
quoi et, tel un oiseau blessé, s'en alla à tire-d'aile, la voi.x à tout
jamais éteinte, se mourir dans un coin désert.
Fernand Hauser,
Histoire d'u.nk bouteille de Cii.\iiPAr.,\E. — Le Champagne a beau
être français comme on ne l'est pas, sans mélange ni métissage,
français jusqu'à la mousse, cette moelle volatile des vins : il n'en
est pas moins le breuvage cosmopolite par excellence. Comme
l'idée française, dont il est le pétillant emblème, et dont il a les
qualités de noblesse, de coquetterie, de gaillardise et de vivacité,
il a peu à peu conquis le monde.
Partout, sous tous les climats, jusque dans les pays les plus
reculés, en Chine comme à Londres ou à Moscou, à Panama
comme à Melbourne, à Constantinople comme à Rio-de-Janeiro, aux
Indes, au Japon, aux îles Sandwich, dans le Far-West américain,
en Sibérie, au Monomotapa, chez le Négus d'Abyssinie comme
chez le Shah de Perse, toutes les fois qu'on veut faire une petite
débauche de bonne — ou même de mauvaise — compagnie, le
Champagne est de la fêle. Avant d'être exilé aux Antilles, Behanzin
sûrement en avait goûté. On le sablait couramment naguère, —
car le verbe boire, qui correspond à un besoin banal, semblant
insuffisant et impropre, force a été de créer un nouveau mot,
d'une suggestion supérieure, pour exprimer la sensation perverse
qu'il donne d'une caresse chaude, piquante et parfumée, — on le
sablera désormais plus souvent encore à la cour de Ranavalo-Man-
jaka, reine de Madagascar. N'est-ce pas dans le Figaro que j'ai lu
jadis le récit de l'odyssée d'un officier français, qui, traitant une
9o(J MÉLANGES
affaire délicale avec le pirate chinois Ba-Ky, qu'il élail allé relan-
cer jusque dans son repaire, dut trinquer au Champagne avec son
hôte? Celui qui écrit ces lignes n'oubliera jamais, pour sa part,
l'émotion — faut-il dire patriotique? — qu'il ressentit certain
soir déjà lointain, où, dînant en pleine « brousse », dans un admi-
3'able décor d'Ancien Testament, chez le Caïd des Berkech, Bel-
Adri-Ould-M'hammed-Ben-Adri. il vit arriver, après la soupe à
la menthe, les ragoûts à la verveine et le traditionnel mouton rôli
de la diji'a, nue vénérable bouteille de Champagne, l.e lils dos
croyants avait voulu montrer, à la barbe du Prophrtc, an
« Roumi » de passage, que, lui aussi, savait vivre. Et il n'avait
pas trouvé de meilleur gage de raffinement et de politesse, qu'une
bonne rasade de ce nectar qui personnifie si exactement la civili-
sation française, conmic le gin et le whisky personnifient la civi-
lisation anglo-sa.\oiine, et le kief l'time orientale.
Je ne mettrais pas ma main au feu que ce torrent de Cham-
pagne international soit également, partout et' toujours, de
provenance certaine et d'impeccable source. Mais il n'importe ! De
même que l'hypocrisie est. dit-on, un hommage rendu à la vertu,
la contrefaçon est un hommage rendu à la qualité. On ne carica-
ture que les hommes célèbres, on n'adultère que les bonnes
choses.
Cette catholicité, — je prends la formule dans son sens étymo-
ogique, issu du grec callioUkos, « universel u, cette catholicité du
vin de Champagne équivaut en fin de compte à une sorte de
mainmise du génie français, auquel appartient sans partage, par
droit d'esthétique, l'hégémonie de ce que Rabelais appelait (( la
gueule », sur le goiit et l'esprit du genre humain. << S'ils en ont en
Angleterre », on, volontiers, l'on boit sec, cxlra dry, ce n'est qu'à
la condition d'y mettre le prix — une aimable façon, où tout le
monde trouve son compte, de nous payer tribut. Et qui sait,
d'autre pari, si le Champagne n'éparpille pas h la ronde, dans la
pétarade discrète de ses globules d'or, un peu du charme ensor-
celant qui s'exhale du sol gaulois? Qui sait si la reconnaissance
de l'estomac et du cerveau qu'engendrent ses vapeurs subtiles, où,
dans un rayon de soleil, se sont dissoutes de la tendresse et de la
bonne hunieur, n'est pas le commencement de la sympathie,
comme qui dirait un germe et une amorce de fraternité ?
Le vin de Champagne contribue ainsi, pûur une large part, à sa
gloire et au prestige de la France, autant, au moins, qu'à sa for-
tune.
Sans doute, le côté strictement commercial de la question n'est
point à dédaigner. Il n'est pas annuellement livré, en effet, à la
consommation, moins de 200,000 hectolitres de Champagne, j'en-
tends de Champagne garanti et signé, soit une moyenne de 2o mil-
lions de bouteilles, valant, au bas mot, 100 millions.
Sur ces '25 millions de bouteilles, 17 ou 18 — près des trois
MÉLANGES ySl
quarts — s'en vont à l'étranger, où, sous une forme délicieuse et
séduisante, elles font, au prot"' du pays qui y a mis le meilleur de
sa sève et des artistes qui y ont mis le meilleur de leur art, la plus
exquise et la plus sûre des propagandes, celle qui, en raison
de l'impossibilité de la concurrence, ne sème aucune jalousie der-
rière elle.
« Art », 0 artistes » ! Appliquées aux fabricants de Champagne,
ces ambitieuses expressions ne sont ni déplacées, ni excessives.
A un certain point de vue, en effet, avant même d'être chose de
commerce et d'industrie, le Champagne est véritablement une
o'.uvre d'art, réclamant une science, des éludes, des soins, des
etïorts, une attention soutenue, dont ne se doutent guère les joyeux
drilles auxquels le bruit d'un bouchon qui saule suffit pour mettre
l'eau à la bouche, une O'uvre délicate et diflicile, dans laquelle
l'équation personnelle ^c'est-à-dire le tlair de l'artiste, son expé-
rience, son tact et son ingéniosilé) joue un rùle prépondérant.
Témoin les innombrables marques qui, chaque année, sournoise-
ment ou à grand orchestre, apparaissent, casquées d'argent ou
d'or, sur le marché, qu'elles s'évertuent en vain à conquérir, pour
sombrer ensuite sans merci aux limbes, ignorées des dilettantes,
où croupissent les « camelotes » de bas étage !
Pour un Champagne comme le Champagne Doyen — que
je prends volontiers pour type, parce qu'il est, en dépit de son
nom, le dernier venu (tlie lasl. but not llie leasl), — noble, moel-
leux, distingué, pimpant et séducteur, combien de piquettes
aigrelettes et plates, dignes du fâcheux sobriquet de « coco épi-
leptique », que créa jadis, un jour d'indigestion, un amateur désa-
busé !
Mais pour se rendre un compte approximatif de la valeur d'un
semblable triomphe, il faut connaître les diverses phases par où
doit successivenjent passer le contenu d'une bouteille de Cham-
pagne, depuis la cueillelte du raisin jusqu'à l'habillage du goulot,
ainsi que les multiples retouches que, pour être mis au point, ce
poème fluide doit nécessairement subir. C'est précisément pour
mettre les profanes au courant de cette liistoire, à propos de
laquelle circulent tant de légendes saugrenues^ que le Figaro a
tenu à tirer à part cette « chronique documentaire », où il n'y a
de fantaisie que dans la forme.
D'aucuns essaieront peut-être d'en induire que le Champagne est
un produit exclusivement arlificiel... 11 faudra leur pardonner, à
ces inconscients blasphémateurs, car ils ne savent pas ce qu'ils
disent — mais en se gardant de les croire.
Comment se fait-il, en effet, si le Champagne n'est qu'un vin
fabriqué, dont, par conséquent, tout le mérite devrait être dans
l'habileté du fabricant, que l'année ait tant d'intluence sur sa qua-
lité? Comment se fait-il, par exemple, que la cuvée de 1893 ait
été supérieure à la moyenne, dans le goût des célèbres vins de
9o2 MÉLANGES
1874, c"esl-à-dire tout à fait hors pair? N'esl-ce pas parce que le
soleil, qui n'est pas chimiste, quoiqu'il gouverne la chimie comme
le reste, coopère, au même titre que l'homme, au résultat final ?
A côté du soleil, à côté des capricieuses vicissitudes saisonnières,
il y a aussi le terroir, dont le rôle est plus capital encore. Si le
Champagne n'était effectivement qu'une œuvre de chimie pare et
simple, on en fabriquerait partout, et tout le monde s'en mêlerait.
Les Allemands, en particulier, qui passent à bon droit pour être
des maîtres en fait de chimie, n'auraient pas attendu si longtemps
pour disputer, de ce chef, aux négociants champenois leur
enviable prééminence.
La recette est connue, depuis dom Pérignon, le fameux cellerier
du prieuré d'Hautvillers, où il mourut en 1715, après avoir
inventé, dit-on, le vin mousseux.
Sans doute, le vin de Champagne existait avant le xviii^ siècle,
puisque, lors du sacre de Philippe VI de Valois, en d328, la chro-
nique raconte qu'il n'en fut pas bu à Reims moins de trois cents
pièces. Celui qu'on sable dans « les rendez-vous de noble compa-
gnie « du Pré-nux-Clercs n'est donc pas un anachronisme. Seule-
ment, ces vins préhistoriques n'étaient p;is mousseux; c'étaient de
simples vins blancs, rouges ou gris, de saveur exquise, mais d'hu-
meur tranquille. Pourquoi donc ne pas faire ailleurs ce que dom
Pérignon a fait en Champagne? C'est que le terroir, qui fait le cru,
c'est-à-dire la race, ne se supplée pas plus qu'il ne s'improvise.
Tout le génie d'un Mendéléef ou d'un Berthelot ne réussirait pas à
faire du Champagne avec d'autres raisins que ceux de certains
vignobles des coteaux du déparlement de la Marne, aux environs
de Reims et d'Epernay. Encore ces vignobles privilégiés se super-
posent-ils suivant une certaine hiérarchie.
On raconte que dom Pérignon, ce doux bienfaiteur de l'huma-
nité, qui, mieux peut-être que Parmentier, mériterait sa statue,
étant devenu aveugle pendant sa vieillesse, reconnaissait au tou-
cher les grappes propres à faire de bonnes cuvées. On y met
aujourd'hui tout autant de scrupule, et une longue expérience a
enseigné aux vignerons que les crus de Verzenay. d'Ay, Mareuil,
Rilly, Cramant, Avize, tiennent le premier rang. Viennent ensuite
Cliampilion, Hautvillers, Cumières, etc.; puis, enfin, Damery,
Venteuil, etc.
A quoi tiennent ces dill'érences entre les diverses parties conti-
guës d'un territoire restreint dont la superficie ne dépasse guère
16.000 hectares? Partout, le terroir, à peu près exclusivement en
plaine ou à mi-côle, présente le même aspect, la même composi-
tion ; c'est toujours le même sous-sol crayeux ou rocheux, recou-
vert de la même couche d'humus plus ou moins riche en silice. . .
Quelles sont les mystérieuses affinités, les idiosyncrasies occultes,
qui valent à ce coin de terre, à peine deux ou trois fois grand comme
Paris, de donner leur cachot inimitable aux vins qu'il élabore?
WÉr.ANGIîS OiJ!-!
Nul ne l'a dit encore, nul ne le dira probablement de sitôt. Il
n'empêcbe que c'est un fait, contre lequel aucun artifice ne saurait
prévaloir, l'our faire un civet, il faut un lièvre; pour faire du
Champagne, il faut du raisin... champenois.
De tous les « lapins » qu'on a essayé de poser aux gourmets,
aucun ne saurait faire fortune. En France, à Saumur même, où la
besogne semblait facile, les fraudeurs en sont pour leurs frais —
qui sont parfois des frais de justice, car la loi qui punit les
contrefacteurs n'est pas lettre morte. Incapables de soutenir la
comparaison, leurs produits ne tromperont jamais que des palais
fiarbares. C'est également en vain, raconte quelque part Charles
Mayet, dans son excellente monographie, le Vin de France., c'est
en vain que les Yankees ont planté des vignobles qu'ils ont bap-
tisés Reims, Epernay, Sillery, etc., croyant ainsi donner le change
aux consommateurs. Cette Champagne artificielle n'aura jamais de
la Champagne que l'enseigne, dont un vieux proverbe veut que le
bon vin n'ait pas besoin. Et cette enseigne n'est qu'un inutile
plagiat.
Ailleurs, les Allemands, les Hongrois et les Belges se sont bor-
nés longtemps à copier nos étiquettes, sauf à mettre dessous n'im-
porte quelle mixture effervescente, fût-ce de la limonade ou du
cidre mousseux. Mais n'était ce pas là plutôt un aveu d'impuis-
sance?
En Russie, en Crimée, oii il y a pourtant des crus fort appré-
ciables, on n'a pas réussi davantage. Tout le Champagne que
boivent les Russes, qui en font assez de cas pour ne pas hésiter à
le payer 13 fr. 50, 13 fr. 75, 14 et lo fr. la bouteille, en gros, c'est-
à-dire le double ou peu s'en faut du prix de détail, à Reims —
tout le Champagne, dis-je, que boivent les Russes vient de France,
d'où il arrive, provenance directe, sous verre.
Je me trompe !... La maison Doyen, inaugurant un procédé com-
mercial inédit, a rompu avec cette habitude. Désormais, l'on peut
boii'e en Russie du Champagne Doyen fabriqué à Saint-Péters-
bourg. Seulement, ce Champagne^ absolument identique à celui
qu'on peut goûter à Reims, dans les caves du boulevard Dieu-
Lumière, provient de vins vierges de France des meilleurs crus de
la Marne, transportés là-bas, à grands frais, en cercles, pour être
ensuite soumis sur place au traitement de rigueur. Histoire
de pouvoir offrir à nos amis les Russes, à des prix abordables, un
Champagne loyal extra !
C'est une réponse spirituelle aux « gàte-métier » qui, croyant
apparemment que le secret du succès procède d'un sortilège
épandu dans l'air, expédient de Reims ou d'Epernay de louches
champagnes de pacotille, réellement fabriqués secundiim arteni
au bon endroit, mais avec des vins blancs étrangers, de Touraine
ou d'Anjou, de Bourgogne ou d'Auvergne. Toujours l'histoire du
bonhomme qu'on fit venir d'Amiens pour être Suisse !
yo4 MÉLANGES
On ne sail pas, il est vrai, on ne prévoit même pas ce que finira
par donner tôt ou tard celle étonnante tliéorie, pressentie par Pas-
teur, de la sélection des levures, qui l'ait l'objet de si curieuses
expériences. Peut-êlre viendra-t-il un jour où il suffira de trans-
porter méthodiquement d'une cuvée à l'autre tels ou tels des mul-
tiples ferments qui coopèrent à l'élaboration d'un vin déterminé,
pour transporter ipso fado \es caractères particuliers auxquels ces
ferments président et qu'ils engendrent. Mais nous n'en sommes
pas là. Sans doute, on a pu jusqu'ici améliorer certains vins.
Encore faut-il qu'ils soient du cru. Proviennent-ils d'un moût
étranger, ils ne tardetit guère à jaunir et à prendre un goût détes-
table. Le reste n'est encore qu'un lieau rrve paradoxal et lointain,
et la lignée garde tous ses droits.
Il faut au moins trois générations, dit-on, pour l'aire d'un rustre
un gentilhomme. Le vin de Champagne, qui est un vin aristocra-
tique, ne saurait également procéder (]ue de raisins de bonne
souche. De tous les facteurs de l'équation œnologique qu'il ligure,
la race est apparemment le plus nécessaire.
Hàlons-nous d'ajouter cependant que la race ne suffit pas toute
seule.
On peut être bien né, de lignée pure, à quatorze quartiers de
patriciat, sans faire nécessairement un monsieur présentable. Tel
gentilhomme authentique, mal dégrossi, poussé tout seul, au petit
bonheur, comme un sauvageon, n'est pas un homme du monde. Il
faut tailler le diamant pour le mettre en valeur ; il faut développer
la race par l'éducation.
Le vin de Champagne a, de mêaie, besoin d'être « éduqué ». Et
c'est ici qu'intervient l'art des propriétaires et des négociants,
pour mettre en relief ses belles qualités, qu'il faut adapter aux
goûts versatiles et variés d'une clientèle poiycéphale et polyglotte,
faire, en un mot, sa toilette et sa présentation.
S'il n'en était pas ainsi, le Champagne ne se distinguerait pas
d'après ses marques, mais d'après ses crus, et. quand on voudrait
boire une bonne bouteille, on ne demanderait pas du Doyen extra
quaUlij, mais du Cramant ou de TAy, de l'Avize ou du Verzenay,
de telle année. Or, tous les vins de Champagne qui ne servent pas
à la fabrication du vin mousseux connu sous ce nom générique —
et il en reste assez pour faire amplement face à tous les besoins de
la consommation locale — n'ont pas d'histoire et gardent l'inco-
gnito. On ne connaît, on ne classe que ceux sur lesquels l'homme
a mis son estampille et son nom.
Il faut, en un mot, pour faire un bon vin de Champagne, comme
pour faire un homme bien élevé, aider la nature.
La besogne ne laisse pas d'être délicate, aléatoire et compli-
quée. Les régies qui la gouvernent n'ont pas été tracées du pre-
mier coup avec la précision et la rigueur qu'elles ont acquises
depuis, peu à peu. Longtemps, en effet, l'imperfection de la fabri-
i
MKLANGES Uûi)
cation du cliampagne a pu expliquer, avec i'indifïérence des
coiisonimaleurs, la violence des attaques dont il était l'objet et qui
nous paraissent aujourd'hui aussi incompréhensibles qu'inex-
cusables.
Bref, le vin de Champagne, comme toutes les onivres humaines,
a dû subir la loi du progrès.
Doni Pérignon, son émule Jean Oudart et ses élèves, le Frère
Philippe, le Frère Lemaire et le Frère André, avaient bien, dès le
début, posé certains principes immuables auxquels la pratique cou-
rante n'a pas cessé de rester iidèle, relativement, par exemple, à
l'époque de la mise en bouteilles et du collage. Ces savants reli-
gieux, qui devaient être des hommes de valeur, avaient, au sur-
plus, à peu près tout prévu, jusqu'aux moindres détails, tels que le
bouchage au liège et le ficelage des bouteilles. Assurément, leurs
procédés de fabrication étaient primitifs, mais ils donnaient, en
fin de compte, le résultat désiré.
Il faut en venir aux années 1830 et 1837 pour constater un pro-
grès appréciable.
Jusque-là, le règlement du sucrage destiné à [)rovoquer la
« prise de mousse », se faisait au jugé, au hasard de la dégusta-
tion. Il s'ensuivait, nécessairement, de graves mécomptes.
l/acide carbonique, produit par la décomposition du sucre qu'il
faut ajouter au vin pour le rendre mousseux, développe une pres-
sion énorme, qui peut atteindre parfois six ou sept atmosphères.
A l'époque où l'on ne savait pas calculer mathématiquement
d'avance la quantité de sucre, mesurée à l'aveuglette du bout des
lèvres et de la langue, on risquait toujours d'en mettre en excès,
les principes acides du vin n'en masquant que trop aisément la
saveur. Aussi la casse était fantastique : elle dépassait parfois 80 et
90 p. 100, et l'on cite un négociant de Reims qui, ayant tiré G,O0O
bouteilles, en 1746, n'en put finalement garder que 120. A chaque
instant, au moindre choc, ou même sans le moindre prétexte, les
liouteilles pétaient comme des grenades, sabrant de leurs éclats
les visages, crevant les yeux, fendant les crânes. Le jeu n'en était
pas seulement ruineux : il était mortel.
Les procédés de dosage appliqués aujourd'hui sont d'une per-
fection telle que ce dosage n'est plus à craindre. Il y a bien
encore, par-ci, par-là, quelques flacons qui sautent, comme
de simples coulissiers, pour le mauvais motif, mais, ce ne sont
plus que de très rares accidents, dont le plus souvent la responsa-
bilité incombe aux verriers.
C'est de la même époque que datent encore d'autres innova-
tions, entre autres celles qui servent à préserver les vins d'une
maladie connue sous le nom de « graisse », et qui fait le vin
« filant ».
Autrefois, on n'entreprenait jamais sans de grandes appréhen-
9iiC MÉLANGES
sioiis, qui paralysaient riuiliative en paralysant la confiance et les
ellorts, des tirages d'une certaine importance, dont la réussite
n'était jamais sûre. Aujourd'hui, la « graisse » a totalement dis-
paru, entre les mains, au moins, des gens compétents. C'est de
l'histoire ancienne !
Le vin, voyez-vous, et le vin de Champagne en particulier, n'est
pas, come se l'imaginent les « philistins », une liqueur morte, un
jus inerte et passif. C'est btl et bien un être vivant.
Depuis la tumultueuse fermentation de la cuve — ce berceau 1
— où il jette ses gourmes, jusqu'à la décomposition suprême, qui
le résout en une mixture amorphe et bâtarde, n'ayant plus de nom
dans aucune langue, le vin ne cesse d'évoluer, ni plus ni moins
que la vigne, d'où il procède, et que l'homme, où il aboutit.
Les vieux vignerons croient même que le vin ne peut fermenter
qu'au moment où la sève monte dans la vigne. Comme s'il y avait
entre la treille et son jus, je ne sais quel mystérieux lien vital !
Ce n'est qu'une légende puérile, car il s'agit là d'un phénomène
biologique qui s'accomplirait aussi bien, avec l'aide de ferments
appropriés, en pleine gelée, sous la neige... Mais ce qui n'est pas
une légende, c'est que, de même que tous les autres êtres vivants,
le vie a sa jeunesse, sa maturité, sa vieillesse et sa plus ou moins
lente et longue agonie '.Il a ses déchéances et ses misères. 11
a même ses maladies, dues, comme la plupart des nôtres, à l'ac-
tion perlide d'invisibles parasites, d'infiniment petites levures
pathogènes, de microbes, en un mot, qui végètent et pullulent en
son sein de pourpre iiisée et d'or fondu, de la même façon que les
bacilles de la tuberculose ou de la fièvre typhoïde allèrent nos
humeurs et nos tissus.
C'est, je le répète, toute une éducation à faire, une éducation
qui exige une minutieuse sollicitude de tous les instants, tout
comme s'il s'agi-sait d'un enfant délicat, et particulièrement diffi-
cile à élever.
En réalité, l'œuvre de l'homme commence logiquement dès le
vignoble, où elle vient seconder l'œuvre de la nature. La culture
du vignoble champenois réclame, en effet, des soins exception-
nels, souvent compliqués et compromis par les caprices d'un ciel
plutôt un peu rogue, sous lequel les gelées printanières ne sont
pas rares. Mais, .sans remonter jusque-là, on peut dire que l'his-
toire d'une bouteille de Champagne date au moins des vendanges.
Ce n'est pas une petite affaire que la cueillette des raisins en
Champagne.
Il faut savoir tout d'abord qu'un quart seulement environ du
vignoble produit des raisins blancs. Les trois autres quarts sont
1. IjEs Etapes de la Sciunce (Le vin vivant), pai' Emile Gautier,
p. i-;o.
ilELANGES
957
planlés en raisins noirs. Mais il n'importe : raisins blancs et raisins
noirs donnent également d(i vin blanc. Il suffit de savoir s'y
prendre. Presque tout le vin de Champagne est issu du raisin
noir...
— Comment, dira-t-on peut-être, comment peut-on faire du
vin blanc avec du raisin noir?
Rien n'est plus simple que ce miracle, qui n'a rien de commun
avec celui des noces de Cana. La pulpe du raisin, qu'il soit rouge
ou blanc, la chair vive du grain, n'est jamais colorée : son suc —
j'allais dire son sang — ne l'est pas davantage. C'est toujours un
jus blanc, légèrement teinté d'émeraude. Seule, la peau, d'un
rouge noir, peut empourprer la liqueur. Si donc, au lieu de mettre
la peau des raisins noirs à macérer dans la cuve, pêle-mêle avec
les pépins et la pulpe, on recueille à part ce jus presque incolore
à la sortie du pressoir, on aura du vin blanc II n'y a là qu'un tour
de main spécial, pour lequel les vignerons champenois ont à la
longue acquis une incroyable perfection.
Mais avant de fouler le raisin, il faut le cueillir.
N'allez pas croire, au moins, que cette opération initiale soit des
plus simples !
I.e premier point, c'est de savoir choisir le jour de la vendange.
Malheur au pauvre vigneron s'il vient à pleuvoir ou à faire froid !
On a peiue, en etïel, à ss faire une idée, à moins d'en avoir été
témoin, de l'intluence désastreuse que peuvent exercer, sur la
valeur d'un moût, le refroidissement ou l'humidité.
Un méchant courant d'air, au moment psychologique, peut non
seulement paralyser la fermentation, mais disqualifier d'avance
toute une récolte : liitéralement, et presque sans métaphore Je vin
scnr/mmc. . .
Songez donc que le vin le plus simple est un composé instable
d'au nioins soixante substances diverses, qui ne sont elles-mêmes
ni simples ni stables! Il doit fatalement falloir bien peu de chose,
un souffle, un zeste, un rien, pour en déranger la belle harmonie. . .
Aussi prend-on grand soin, une fois les grappes coupées à la
serpette, d'en enleve'^i- un à un tous les grains verts, pourris, grillés
ou tachés. Cette menue besogne, qui n'a l'air de rien et pourrait
même passer presque pour ridicule aux yeux des observateurs
superficiels, est indispensable, si l'on veut avoir du vin de belle
venue d'allure distinguée et de commode conservation. La blan-
cheur'du moût, parla'nt, la pureté du vin. en seraient altérées, en
même temps qu'il pourrait s'ensuivre des fermentations visqueuses
ou putrides. Les précautions infinies qu'on prend pour éviter le
tassement, le froissement et l'écrasement du raisin dans les paniers
pendant les transports au pressoir, s'inspirent du même souci.
On estime que pour faire 10 hectolitres de moût, il faut environ
2.000 kilogrammes de grappes. Mais ces 10 hectolitres ne sont pas
intégralement d'égale et constante qualité.
'^■b MÉLANGES
I..e pressurage se fait, en elFet, en plusieurs foulées : la première
donne la cuvée, qui est le vin de première qualité ; viennent
ensuite la première et la deuxième tailles, dont le produit est de
qualité moindre. 11 reste encore après, dans le marc, une certaine
quantité de jus qu'on peut extraire, et qui prend le nom de
rebcchc. Mais les négociants consciencieux ne le mettent pas dans
le commerce, et il sert uniquement à la consommation des vigne-
rons et des tonneliers.
Une fois soi'ti du pressoir, le moût est envoyé, le long de tuyaux
argentés à l'intérieur, dans de vastes cuves ouvertes, où il est aban -
donné à lui-même pendant dix ou douze heures — le temps
nécessaire pour que le dépôt (râlles, pépins, poussières, etc.)
tombe au fond, et que la première écume monte à la surface. On
le soutire ensuite, avant que la fermentation ait commencé, et on
le loge dans les lûts préalablement lavés, ébouillantés même, et
purifiés avec le plus grand soin, oii il va désormais séjourner jus-
qu'à sa transformation délinitive.
C'est dans ces tonneaux, fermés seulement par une feuille de
vio-ne placée sur la bonde et recouverte de sable fin, afin de per-
mettre l'échappement des gaz, que va s'accomplir la fermentation,
c'est-à-dire la décomposition du sucre sous l'action des ferments
naturels du vin, et son dédoublement en alcool et en acide carbo-
nique.
il reste encore alors au Champagne une petite quantité desuci'e,
à laquelle il suffira d'ajouter plus fard, à l'état candi, le sucre de
canne le plus pur, à la dose convenable, pour provoquer la forma-
tion de la mousse sans pression exagérée.
Commencée en octobre ou septembre, immédiatement après la
vendange, la fermentation dure jusqu'aux gelées d'iiiver. C'est
seulement quand elle est achevée, et après soutirage, que Iheure
est venue de ce qu'on appelle Y assemblage, qui consiste à mélan-
ger ensemble les divers crus pour composer la cuvée.
I.e Champagne, en effet, n'est pas un. cru, mais un état-major
de crus, tous champenois, bien entendu, dont les uns ont plus de
corps, les autres plus de finesse, de douceur ou de bouquet, et que
l'art consiste à combiner, à associer, dans des proportions
variables avec le goût de la clientèle et la tradition ou le caractère
de la marque. On y ajoute aussi du vin de la réserve des années
antérieures, pour maintenir le type et honorer la tradition.
On peut dire que \'assenibla</e est la phase essentielle de l'his-
toire d'une bouteille de Champagne, la plus grave de toutes les
manutentions successives que doit pratiquer le fabricant.
Non seulement, en effet, les qualités des divers crus varient
avec la provenance, l'exposition, la culture, avec l'année surtout et
les caprices des saisons, mais il en est <jui se marient mal ensemble,
tandis «lue d'autres, au contraire, s'améliorent et se complètent.
CHROiNIQUE 950
Il va de soi que les qualilés du mélange final dépendent stricte-
ment des qualités et des doses respectives des éléments com-
pusants.
Si le (boix des vins à combiner est de capitale importance,
l'achat n'est pas chose moins délicate ni moins sérieuse. Tant et si
bien que le tlair commercial ne joue pas, dans l'opération, un rôle
moindre que Thabileté technique !
On ne se figure pas, en elfel, quand on n'est pas du pays
et quand on n'a pas, dans ce slrugçite for life, payé soi-même de
sa personne, à quelles fantastiques oscillations est exposée, entre
deux vendanges, la cote des vins de Chan)pagne. Sauf les pétroles
et les mines d'or sud-africaines, il n'est peut-être pas au monde une
seule marchandise dont la valeur soit aussi... accidentée, et com-
porte autant de hauts et de bas. D'une année à l'autre, ce'te
valeur varie très bien d;: double et du triple.
Voulez-vous des chitl'res et des dates? J'en ai à revendre.
i'renons, pour base de comparaison, trois crus de diverses qua-
lités, que je classe, comme suit, par ordre de mérite : 1° l'Ay ;
2' le Cumières ; 3» le Damery.
De 1889 à 1892, le prix de l'Ay a varié de 800 fr. à 1,200, l,;jOO,
I;3b0, 1,400, et même 1,600 et 1,800 fr. la pièce; le prix du
Cumières, entre 900 et 1,100 fr. ; celui du Damery, entre 200 et
400 ou 450 fr. Par contre, je sais des acheteurs qui ont payé, en
1886, l'Ay 400 fr., le Cumières 2ï0 et le Damer. 190 francs... Voilà
comment la réserve en cave de telle grande maison, qui valait 40
millions hier et qui vaudra iiO millions demain, n'en vaut peut-être
pas 25 au cours du jour. Tout dépend, en ell'et, du prix auquel a
été primitivement payé le stock initial.
C'est surtout du rendement du vignoble à l'hectare — cela va
de soi — que dépendent ces vicissitudes du marché. On sait que
la production moyenne du vignoble champenois ne s'élève guère
au-dessus de 4o0,U00 hectolitres. Il y a cependant des exceptions :
témoin l'année IS'JG, qui fut véritablement une année extraordi-
naire, non seulement au point de vi;e de la qualité, mais encore au
point de vue de la (pjantité, puisque la production atteignit
le chiliVe invraisemblable de 740,000 hectolitres, contre 128,000
seulement en 1892.
Ce fut une aubaine providentielle pour la maison Doyen, d'être
en mesure de profiter de la merveilleuse production de 1893, et,
achetant ainsi le meilleur — « li meillor i. comme dit la radieuse
devise champenoise — aux prix de 500 à 000 fr , de faire de cette
réserve sa base d'opérations.
Voici donc les crus classés et dégustés, il ne reste plus qu'à les
« assembler ». L'opération se fait dans d'immenses foudre.*, où des
agitateurs mécaniques travaillent à parachever com|)iètement le
mélanîje inlime des crus.
gCO MÉLANGES
Est-ce lîni? Ah bien! oui! On n'en esl encore qu'aux hors-
d'œuvre, comme qui dirait aux bagatelles de la porte.
C'est maiulenant, en etfet, qu'il va falloir procéder niéUiodique-
ment aux multiples trailements dont le bul est de rendre le vin
mousseux, de séparer ses lies, et de préserver le précieux liquide
des maladies variées qui le menacent. Si je vous disais que la dis-
cussion détaillée des procédés et règles de chacun de ces traite-
menls comporterait un vc>lume, vous ne me croiriez pas : ce serait
cependant la stricte vérité.
Mieux vaut donc renvoyer les sceptiques aux ouvrages spéciaux
— il y en a toute une bibliothèque aussi compacte que toullue —
et passer outre délibérément,
Justement, nous en sommes arrivés au printemps; la sève
monte : c'est l'époque du « tirage », c'est-à-dire de la mise en bou-
teilles.
Le i< tirage » ou mise en bouteilles se fait au cellier, au pied
même des vastes foudres où les vins ont été assemblés et addi-
tionnés de la liqueur sucrée destinée à leur faire prendre mousse.
Les bouteilles sont bouchées et le bouchon maintenu à l'aide
d'une agrafe de fer. On les couciie sur des treillis en tas énormes,
et Ton attend que la fermentation soit en pleine vigueur. Dès que
la pression atteint .'j ou (i atmosphères, ou^ empiriquement, dès
que la « casse » commence, on redescend les bouteilles en cave,
une température basse et constante étant indispensable à l'élabo-
ration parfaite du pétillant nectar.
(A suivre.) Emile tlAcniiR.
L'Imprimeur (jérant,
LÉON F REM ONT
TABLE
DU
Tome \ll, 2'"' Série, de la Revne de Champagne et Brie
— -'■A/VWW^
ACADEMIE de Reims 381,635,896
ALLICHAMP, famille d' 14^
ALPIN (St) ; ses reliques 631
AMBRIERES, sépulture antique 229
ANNIVERSAIRES à Passavant 741
— à Buzaiicy 741
— Sedan et Bazeilles 744
— à Valmy 753
ARCHIVES notariales et actes d etat-civil (Rethélois et
Rémois) 216
ARCY-EN-BRIE^ la ferme et le lait d' 554
AUDE, chevalier de la Légion d'honneur y^ô
BAGNOST (Noël), son récit de la bataille de Friedland 521
BARAU (Emile), chevalier de la Légion d'honneur . . 502
BAYE (le baron de), conférence sur l'œuvre du peintre
russe Wasnetsoff ^i^'
— — conférence sur la ville de Kiew . 477
— — sa mission en Russie . . . 741, 918, 922
BA"\"E^ monnaies du moyen âge trouvées à 72
BAZEILLES en 1895 787
BESNARD (M"'e l'amirale) 233
BÉTHENIVILLE, inauguration de l'hospice .... 751
BETHON, nouvelle chaire à prêcher 753
BEUGNOT, mémoires de 397
BINSON (le prieuré de) 917
BOIS-BOUDRAN, le châte:iu de 796
BONHOMME (Jean), architecte 66
BOURGEOIS (Armand), ses œuvres 635
BOURGEOIS (le docteur)^ chevalier de la Légion d'hon-
neur 755
BRAUX-LE-COMTE, statue en bois de la Vierge, du
XVI" siècle 77
BRIENNE-LE-CHATEAU, donations aux écoles . . . 740
BRONVILLE, canton de Terron-sur-Aisne 301
BURLIN, promu général 308
BUZANCY^ anniversaire du combat de 741
II TABLE
CAMP DE CHALONS 314, 773
CASIMIR-PERIER, son buste 910
CENTENAIRE du Baptême de Clnis 303
CHALONS-SUR-MARNE, inscription du xvil'- siècle . 922
— Monument Caillot . . . . 307, 736
— Ecole normale 308
— Succession du D'' Mohen . . 309
— Ecole des Arts et Métiers. . 382
— Foire de Saunes 387
— Les reliques de S^ Alpin . . 631
— Musée 634, 638^ 919
— Asile des sieillards .... 637
— Le cimetière de l'Ouest . . 763
— Occupation de Cliâlons en
1870. ....... 777
— Colonne commémorative des
victoires françaises ... 919
— Le général Compère . . . 922
CHAMPAUBERT, inauguration du monument de. . . 906, 941
CHANZY (l'abhé), chanoine de Reims 914
CHARTES du prieuré de Longueau .... 19, 161, 279, 337
CHATEAU-THIERRY, la maison de La Fontaine . 895
CH ATILLOX-SUR-SEINE, monument de Désiré Nisard 735
CHEMINON, inauguration d'orgues 754
CHUQUET (Arthur) 221
CLAUDE, abbé de Clairv^ux .; autographe 74
CLERMONT-FERRAND, les fêtes de 496
CLAIRVAUX, chartes danoises 906
CLOVIS, baptême de 303, 384
COLLIXET (Paul), professeur de droit romain à la
Faculté de Lille 758
COMMISSION météorologique de la Marne 38 j
CONGRES de la Sorbonne : communication de MM.
Demaison, H. Bourguignat, P. Collinet. L. Maxe-
Werly, L. More), Bergeron, Moulé, abbé Bonno^ D''
Lemoine, abbés Parât, Jovy, Libois^ Nicaise, Moulin,
Hugues, Rosérot, Herluison 471
COUCY baionnie de 148, 215
COULOMMIERS (la légende du sorcier de) 5'i3
CUNFIN, buste en bois de sainte Anne 389
DAMPIERRE (le général) 736
DANTON 305:
DAVREY (Aube), verrières 499
DOMINÉ, colonel du 106" de réserve 756
DOMMARTIN (le général Elzéar-Auguste), autographe 73
DOYEN, la clinique du D' 919
DUBOIS (Paul), statuaire ; autographe 74
— (Théodore), musicien 911
TABLE III
ÉCOLE des Chartes : thèses de MAI. Abel Rigault,
Robert Goubaux 479» 9^3
ELOGE académique d'Hippolyte Taine, par A. Sorcl . 3J1
ENSEIGNEMENT primaire : récompenses au personnel 389
EPERNAY, église Saint-Pierre et Saint-Paul .... 489
— fondation d'un Carmel 636
— Nouvelle église N.-D 752
— Occupation d'Epernay en 1870 779
EPO"\ £. bénédiction de cloches 501
ESTERNAY, église 501
ETRECHY, tombe gauloise 920
EVANGÉLIAIRES d'origine rémoise 240
FAISSAULT (Ardennes), poirier trois fois séculaire . . 639
FÈRE-CHAMPENOISE, cimetière antique 921
FLOQUET (l'abbé) , chanoine honoraire du roi de
Grèce 73
GIRARDOT (Louis-Auguste), peintre troyen .... 635
GIRAUX (le D''), décoré du Mérite agricole .... 639
GLOSSAIRE du Mouzonnais, par N. GOFFART . . . 641,826
GODART (le général). . . . .• 740
GODIN, sous-intendant militaire 233
GRAND'HOMiVIE (l'abbé), supérieur du grand Sémi-
naire de Chàlons 758
GRIGNY (oppidum de) 387
GUENÉGAUD (Henri le'' et Henri II), marquis de
Plancy m, 181, 241
GUERLET (Marie-Henri- S'^ictorj, nommé chevalier de
la Légion d'honneur 147
GUICHARD de Troyes, son procès 479
H ARMEL (Léon), conférence à Rome 307
HAUT-MARNAIS, banquet des 23a
HhILTZ-L'ÉvÈQUE, bénédiction de cloche .... 739
HENRI lei ", comte de Champagne, .sa statue à Igny-le-
Jard 742
HERMENT (Georges)^ promu chef de bataillon . . . 388
HÉRON DE VILLEFOSSE (Antoine), nommé officier
de la Légion d'honneur 747
IGNY-LE-JARD, statue du comte Henri L' 742
JADART DU MERBION (le général, 223
JEANNE D'ARC, nationalité de 52, 390, 509
— Sa béatification 74
— La Veillée de Jeanne d'Arc, scène
lyrique 229, 305
— Fête à Sainte-Catherine de Fierbois. 389
— Fêtes en son honneur. . . . 498, 499, 506
— Sa statue à Reims 499, 63^, 908
— — à Pont-à-Mousson ... 637
— Le succès de l'imposture .... 929
IV TABLE
JUZANCOLJIT, église 321, 401, 593, 66 1
KELLERM.ANN (lettre inédite de) 222
KIRGENER DE PLANTA (le colonel) 741
KRIER (Etienne), admis à l'Ecole des Arts industriels
de Reims 308
LAGIER (famille) 147
L\ JACQUERIE en Champagne 714
LA MARCK (Robert IL, seigneur de Sedan 483
LAMBERT (Victor), son autobiographie 529
LA PREMIÈRE LITHOGRAPHIE française .... 224
L'ARRONDISSEMENT de Vitry-le-François avant l'an
mil, par L. MouLÉ 801
LA SALLE (le bienheureux J. B. de); sa maison. . . 64
— Sa cajiooisation "7
— Sa statue 634
LE CARTULAIRE du prieuré de Longueau, par P.
Pellot 19, 161
LE GRIFFON, commune de Terron-sur-Aisne . . . 301
LEMAIRE (Fernaiid), i^" prix du Conservatoire. . . 640
LE MARQUISAT de Phncy, par G. DE Plancy . m, 18 r^. 241
LEPAGE (le D') '234
LES ARQUEBLSIhRS de Rethel (1615 1790). par H.
Jadart et H. L 561
LES CHANSONS de Penni d'Angecourt, par N. GOF-
FART 682 , 849
LE VAVASSEUR de ChaiPpagiie, légende 926
LES ARDENNAIS à l'Académie de Remis; MM.
Sécherei-Cellier, les abbés Antoine et Alexandre . . 919
LINGUET (Simon-Nicolas-Henri) 215, 933
LISTE des échevins de la ville de Troyes, par A. DE M. , 5
LONGUEAU, prieuré de 19, 161, 279, 337
LOUIS XVI, relation inédite de son exécution . . . 237
MALPEL (Mi"«), supérieure de l'hospice de Sézanne ;
médaille 924
MARIE-ANTOINETTE, livre de piété de 22^
MARCHAND (le capitaine), professeur à Técole d'artil-
lerie et du génie 73
MÉDAILLES d'honneur à IVIM Conain, Brissot, Bone-
main, Dechery, I.enoir, Schmitte 756, 757
MERLAULT, bénédiction de cloches. . . . . . . 7^3
MER'i" (Aube)^. église 694
MILLOT (Ernest), les restes de l'explorateur .... 204
MISSA-DUVAL (Edm.), mimique de A'inon de Lcnclos . 317, 921
— musique de Maud .... 502
MOIS\' (le commandant), otficier de la Légion d'hon-
neur 7J5'
MOLL (Henri, le lieutenant) au Tonkin 308
MONTANGON, famille de 143
TABLE V
MONTEBELLO (ie comte Gustave), grr.nd-officier de la
Légion d'honneur 755
MONT THOME^ près l'Epine, cimetière ancique . . 307
MORILLOT, portrait de, par Meissoiiier 525
MOURMELON, le camp de Châlons 773
MOUZON 81, 641, 826
— Monument à la mémoire des soldats morts en
1870. 232
NAPOLÉON IV, sculpteur 503
NEUFCHATEL-SUR-AISNE, église 306
NEVEUX (Pol) 230
NICAISE (le D--), officier de la Légion d'honneur . . . 639
NISARD (Désiré), son monument à Châtillon-sur-
Seine 735
NOËL (Tony), sculpteur 312
NOGENT-L' ARTAUD, nouveau pont 921
OFFICIERS de l'Instruction publique et officiers d'Aca-
démie 7I5 146, 502, 7^6, 757.
PALLE (le colonel) 75
PARIS (Gaston) 527 , 629
PASSAVANT, anniversaire du massacre des mobiles . 741
PATENOTRE, secrétaire d'ambassade, chevalier de la
Légion d'honneur J^$
PÉRIGNY- LA-ROSE, bénédiction d'une cloche ... 72
PE '. RI N D'ANGECOURT, ses chansons 682,849
PERSIN, chevalier de la Légion d'honneur .... 757
PHILIPPE, le colonel, promu général de brigade. . . 75
PLANCV, le marquisat de m, 181, 241
PLESSIS-BARBUISE, trouvaille de monnaies romaines. 'j6. 234
PLIVOT, dé-ouverte d'un double louis de Louis XVI . 388
RAYEUR, prix Monthyon 923
REIMS, Hôtel de Ville 66
— Dons faits au Musée 69
— Lycée 72
— Les noms des nouvelles rues 139
— Récents travaux d"art dans les églises. . . . 219
— Concours régional 225
— Conversion de saint Pau!, tableau donné par
l'Etat 228
— La musique à Reims 228, 309
— Cathédrale 304, 417, 491, 6}8, 748
— Sarcophage antique 307, 308
— Arrestation des terroristes 395
— Inauguration de la salle des fêtes, au Lycée . 477, 503
— Exposition rétrospective 492, 517, 730
— Cinquantenaire du pensionnat des Fières . . 627
— Exposition de la Société des Amis des Arts, . 638
— Concours régional 729
VI TABLE
— (Excursion de l'École d'anthropologie à). . . 729
— Distribution des prix à l'Ecole régionale des
Arts industriels 730
— Distribution des prix au Petit Lycée .... 732
— Tapisserie de l'église Saint-Remi 749
— Inscription de J. JofiVin au grand Séminaire . 759
— Inscription au grand comb'e de la cathédrale . 761
— Distribution des prix aux écoles communales . 766
— Occupation de Reims en 1870 779
— Association des sourds- muets 916
— Découverte d'un sarcophage 920
REMBRANDT, tableau attribué à 147
RENE DE PONT-JEST (M, Delmas) à Madagascar. . 797
RETHEL (les arquebusiers de) 561
RIMBAUD (Arthur), poète ardennais 946
RITT, officier de la Légion d'honneur 233
RIVART (Gaston), chevalier de la Légion d'honneur. . 756
SAINT-LUMIER-EN-CHAMPAGNE. noces de diamant
de l'abbé Morlot 921
SAINT-MARCEAUX (René de), statuaire 228
SAINTE-ME^EHOULD, recettes culinaire? du XVIlie
siècle 7)4
SAINT REMI, vie inédite de 715
SALON des Champs-Elysées, artistes récompensés :
MM. Prévôt-Va'eri, H. Thiérot, P. Simon, E. Dagonet 639
SENS, restitution d'un monument an'i-|ue, par G.
JULLIOT 720
SIMON VOUET et l'église de Neuilly-Saint-Front . . 58
SOCIÉTÉ Académique de l'Aube . . . 54, 136, 299, 624, 885
SOCIETE d'Agriculture, Commerce, Sciences ce Arcs de
la Marne 721, 906
SOCIÉTÉ d'Histoire et d'Archéologie de Provins . 137, 295, 380
SOCIETE Historique de Château-Thierry. . 56, 218, 297, 488
717, 894
SUCHETET (Auguste), chevalier de la Légion d'hon-
neur 502
TAINE, son tombeau ; — son éloge académique . . . 157, 351
TOPOGRAPHIE ardennaise, par H. Jadart. . . 40, 100, 301
TROYES (échevins de) 5
— Distribution du prix Doublet 304
— Ln cas de pression électorale en 1728 . . . 401
— Découverte d'antiquités 919
UN BUDGET de la châtellenie de Mouzon, par N.
GOFFART 81
UN CAS de pression électorale à Troyes en 1728, par
M. L. MORIN 401
UNE CENTENAIRE à Prunay 755
UNE EGLISE rurale du moyen âge jusqu'à nos jours,
par H. Jadart 321, 411, 593, 661
TABLE VH
VAL.\n\, la cjnonnade de 771
V-VNAULT-LES-DAMES, fontaine monumentale . . 753
VERTUS, promenades publiques 232
VIGNERONS de la Mirne 230
VILLEMAUH, four banal de 630
VILLERS-DEVANT-LE-THOUR, église. . 321, 401, 593, 661
VINS DE CHAMPAGNE 532, 789, 948
— Exposition de Bordeiux . . 923
VITRY-LE-FRANÇOIS, objets trouvés duis la démoli-
tion des remparts . . 313, 500, 738
— Eglise Notre-Dame .... 636
— • Charpente de la Halle . . . 740
— L'arrondissement de, avait
l'an mil 801
— Don d'un tableau au Musée . 919
— Cimetière antique .... 920
VITR^-LES-REIMS, monument aux soldats décédés
depuis 1792 312
WILLIEVIE (François), admis à l'école d'artillerie . . 308
BIBLIOGRAPHIE
Napoléon, son caractère, son génie, son rSle hstoric^ie^
par Marius Sepet ji
Essai d'une bibliographie ardenn^ise^ par Henri JadART . Ji
Sommaire de la Revue d'Ardenne et d'Argonne . 51, 217, 470, 623
716, 884
Sommaire de la Revue Historique . . . ^a, 470, 623, 715, 884
Sommaire de la Revue Ardennaise , 135, 216, 378, 632, 716, 884
L'Histoire d'un clocher (Essayes) 78
Suite de feuillets détachés de l'histoire de Reb.iisen-Brie^
par V. Leblond 133
Manuscrits légués à la BibliotheLjue nationale par Arm.ind
Durand ; A'on'ce par Léopold Delisle 134
Mémoires de J.-Fr. Thoury., par Ch. BoY 134
Les classes scrviles en Champagne du Xl^ au XIF^ siècle,
par Henri SÉE ; Article critique de M. TauSSERAT-
Radel 148
EudeSj comte de Bloisy de Tours, de Chirtres^ de Troyes et
de Meaux, par Léonce Lex 214
Un avocat Journaliste au XV [[1° siècle^ Linguet^ par Jean
Cruppi 215
L'Annuaire rémois 216
La maison de Beffroy, par le baron Remy 294
Jeanne d'Arc champenoise, par E. MisseT 294
Jeanne d'Arc, le duc de Lorraine et le sire de Baudricoi.r:,
par^Léon MOUGENOT 294
Annuaire du département de la Marne pour 1895 • • • ^95
VIII TABLE
Dictionnaire biographique de Seine-et-Marne^ par Ch.
Rabourdin 306
Un épisode de la Fronde ; rencontre du 9 janvier 1632 au
Chesnoy, près de Sens, Tps.r y\.:x\ix'ice Ko\ 37J
Mélanges de Bibliographie^ par Henri SteiN 377
Cirey-le-Château ; la marquise du Châtelet^ par l'abbé PlOT 464
Royer-Collard^ par Eugène SpuLLER 466
Inventaire-sommaire des Archives de Charleville, par P.
Laurent 620
Le D' Jolicœur^ sa vie, ses œuvres, par Ad. BelLEVOYE . 620
Le marquisat de Plancy, par le baron de Plancy. . . . 620
La trouée des Ardennes, par J. Rayeur 621
Dictionnaire biographii/ue de Seine-et-Marne 621
Etude historique sur Fontfaverger, par Ch. NiCOL. . . 709
Fe/-^i2///<'5, par Jacques Bouché 711
Poidllé du diocèse de Sens, par P. QuESVERS et H. Stein. 879
Jean de Joinville et les seigneurs de Joinville, par Fr.
Delaborde 880
Aux pays du christ, ^d^rVabbé Landrieux 881
Les Hymnes et Proses de l'Église, par Pr. SOULLIÉ ... 881
Clovisy par Godefroy KuRTH 882
La France chrétienne dans l'histoire 883
La Prévôté royale de Coiffy-lc-Châtel, par A. BONVALLET 883
MARIAGES
Chanzy (Henri) et M"' Marie Dubarle 758
Deperthes (Jules) et M"' Valentine Jouvin 235
Doré (le vicomte du) et M"'' Marguerite Duhamel de
Breuil 505
Esmangard de Bournonville (J.) et M"° Alice Quinquet
de Mbnjour 504
Espierres (le baron Armand d') et M"' Marie de Riocour. 925
Geliot (Adrien) et M"' Thérèse Le Conte 235
Lenzbourg (le comte Ch. -Henri de) et M"' Marg. de
Pleurre 235
Lesseville (le comte de) et M"' Elisabeth de Poincy . . 640
Michelet (Amédée) et M"' Alice Métairie 77
Rohan-Chabot (le comte de) et M"° Cécile Aubry-Vitet. 23J
Senart (Ch.) et M"" Jeanne Péchenet 155
Stein (Henri) et M"' Lucie Vico 313
Thiaux (H.) et M"' Alice Leconte 505
Velly (Henri) et Mu» Aubert 235
NÉCROLOGIE
Alavoine-Herbulot (M"'e) 291
Arvizet 7°?
TABLE IX
Aubry (Charles) 707
Bazin (Gustave) 131
Beaujard 131
Bébin (l'abbé) 213
Bergeron (Théodule) ^y^
Bertrand (Emile) 290
Bigorgne (René) 707
Bisson (E.) 707
Blava (Rose Caroline) 209
Boucquemont (Louise) 373
Boullier 707
Brémont 211
Brunette (Narcisse) 873
Bucquec 130
Bulteau (Hippolyte) 463
Buzy (Jean-Baptiste) 876
Carré (le D"") 213
ChafTaut (le comte du) 292
Challe, sous-intendant militaire 132
Chamisso (Louis de) 461
Chandoii de Briailles (le comte de) 618
Chavalliaud (Léjn) 463
Chevalier (le D' Henri- Alfred) 213
Cohet (le capit:iine) 293
Colbert (la marquise). ,. 132
Collet (M'"e; 213
Davout (le baron Alexandre-Charles) 374
Dazy (l'abbé) 213
Debieuvre 707
Delius (Georges) 461
Denizot 460
Descôtes (l'abbé. . . . >. . 293
Douradou (le commandant) 49
Doyen (f^.)- • • • 213
Doyen (le D' Octave) 707
Ferreux (h marquise de) 50
Fréminet, ancien député 460
Gallois (Ch. -Edouard) 293
Garot (veuve) 2to
Gillet 707
Godart (Léon) 373
Gollnisch (Edmond) 461
Goulet-Leclercq 4Q
Guy (M""-) 213
Hutin (le D') 213
Hypolite (l'abbé) 213
Jacob (Mni^) 292
Jacqueminet (l'abbé) 213
X TABLE
Jolicœur (le D'' Henri) 13c, 353
Lallemeiit 37^
Lamairesse (Xavier) 707
Lamorelle (le général) 462
Lapersonne (le capitaine) 293
La Vaulx (comtesse de) 877
Lavaux (le commandant de) 293
Lecocq (l'abbé) 13^
Lemaire (Ferdinand) 213
Linard (Fulgence) 213
Loitière (Georges- Maurice) 877
Marie-Angèle, religieuse 293
Martin (M°i'>) 373
Mauclair (Sœur Julie-Catherine) 213
Mie (le DO 7°?
Millot (Ernest) 204
Mohen (le DO . . ., 209
Montagnac (le baron F.lizée de) 291
Mont de Signéville (M""= du) 50
Moreau-Cullot 462
Moriot (le colonel) 463
Morizot (Désiré) 374
Noailles (le comte Alfred de) 213
Nouage (le T.-C. frère) 462
Olive 877
Oudry (l'abbé) 49
Padoy (l'abbé) -. . . . 707
Percebois 291
Fessez 877
Philippoteaux (Auguste) .211
Pillon (Léon) 461
Prin. 373
Quenardel-de Warcy (Arsène) 707
Quinquet de Montjour (Henri-Victor) 293
Rathier (Jean), député de l'Yonne 130
Robert (Léon) 460
Saint-Ferjeux (Adeline-Louise) 461
Saint-Genis (M""' de) 213
Sauvage (A.), peintre 292
Savetiez (Charles) 289
SouUié (Prosper-Théophile) 207
Teissier (le général Alfred) 374
Thierrard (le docteur) 49
Vaiicourt (comte de) 878
Varlet (Memmie) 210
n
DC
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ser.2
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