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Full text of "Revue de Champagne et de Brie"

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1 


REVUE 


DE 


CHAMPAGNE 


ET 


|)K    BRIE 


HISTOIRE  —  BIOGRAPHIE 
ARCHÉOLOGIE  —  DOCUMENTS  INÉDITS  —  BIBLIOGRAPHIE 

BEAUX-ARTS 


VINGTIÈME    ANNÉE    -    DEUXIEME    SÉRIE 

TOME    SEPTIÈME 

H< — 

A  R  Cl  s  -  s  U  R  "  A  U  B  E 

LÉON    FRÉMONT,    IMPRIMEUR-ÉDITEUR 

PLACE    DE    LA    HALLE 


1895 


REVUE 


DE 


CHAMPAGNE  &  DE  BRIE 


Ai'cis- sur- Aube.  —  Imprimerie  Léon  Frcmont. 


REVUE 


DE 


CHAMPAGNE 


ET 


DE  BRIE 


HISTOIRE  —  BIOGRAPHIE 

ARCHÉOLOGIE   —    DOCUMENTS  INÉDITS   —    BIBLIOGRAPHIE 

BEAUX-ARTS 


•H« 


TOME    SEPTIEME 

VINGTIÈME    ANNÉE    —     DEUXIÈME     SÉRIE 


ARGIS-SUR-AUBE 
LÉON  FRÉMONT,  IMPRIMEUR-ÉDITEUR,  PLACE  DE  LA  HALLE 

18  9  5 


REVUE  DE  CHAMPAGNE  ET  DE  BRIE 


LISTE     DES     ECHEVINS 
DE    LA    VILLE    DE    TROTES 


Le  présent  travail  n'a  d'autre  valeur  et  d'autre  intérêt  que 
de  présenter  la  mise  en  œuvre  et  la  facile  juxtaposition  de 
listes  incomplètes  ei  dispersées,  pour  en  former  une  liste 
unique  et  complète. 

On  a  l'intention  de  compléter  cette  liste  par  une  élude  sur 
l'institution  de  l'échevinage,  l'éleclion  des  échevins,  leurs 
attributions,  etc.,  et  en  outre,  par  un  travail  héraldique  sur 
les  principales  familles  sorties  de  l'échevinage  (et  par  consé- 
quent du  commerce)  qui  se  sont  élevées  aux  grandes  charges 
de  la  robe  et  de  l'épée,  comme  les  Mole,  Hennequin,  de 
Mesgrigny,  de  Mauroy,  de  Ménisson,  le  Bey,  Guillaume  de 
Chavaudon,  Paillot,  Angenoust,  Boucherai,  Polerat,  Girardin, 
Le  Mairat,  Largenlier,  Péricard,  Nivelle,  Le  Marguenat,  de 
Corberon,  et  autres,  devenues  par  la  suite  indubitablement 
nobles  et  ayant  fourni  des  branches  titrées,  des  présidents  aux 
cours  souveraines,  des  officiers  généraux,  des  évêques,  etc. 

Il  est  à  noter  qu'aux  environs  de  1730,  le  nombre  de  quatre 
échevins  reparait,  mais  que  dans  cette  liste  on  ne  donnera 
généralement  aux  années  postérieures  que  les  noms  des  deux 
membres  nouveaux  promus  à  l'échevinage  et  entrant  en 
fonction  avec  les  deux  élus  de  l'année  précédente. 

A.     DE    M. 


LISTE    DES    ECHKVINS 


15 


1519. 


15' 15. —  Pierre  Mérille,  prêtre. 

Jean  de  la  Viezville,  id. 

Claude  de  Marisy. 

Nicole   Clément,   prêtre, 
au  lieu  de  Jean  Henne- 
quin. 
15  16.—  Claude  de  Marisy. 

Edmond  le  Boucherat. 

Jean  Percin. 

Jean  Moslé. 
1517.—  O.dard  Hennequin,   cha- 
noine. 

Jacques  Luillier,  avocat. 

Pierre  Pion,   marchand. 

Christophe  Chevalier,  id. 

Gilles  Guillaume^  prêtre, 
promoteur. 

Philippe  de  Toul,  cha- 
noine. 

Pierre   Bury,  marchand. 

Nicolas  Pinette,  id. 

François  Séguin,  cha- 
noine. 

M"^  Jean  Acarie,  avocat. 

Denis  le  Vallot,  mar- 
chand. 

Jean    Daniel,   maître  du 
collège  de  la   Bouche- 
rie. 
1520. —  Nicolas  Prunay,  abbé  de 
Saint-Loup. 

Nicole  Angeno*:,  cha- 
noine de  Saint- Pierre. 

Claude  le  Tartier,  mar- 
chand. 

Jacques  Ménisson,  rece- 
veur des  tailles. 

Philippe  de  Villemort, 
prêcre,  administrateur 
de  l'Hôtel- Dieu -le - 
Comte. 

Etienne  de  Montsaujon, 
avocat. 

Nicolas  Demeures,  s''  de 
Nuisement,  mort  en 
15225  puis_,  après  son 
décès,  Jacques  Dori- 
gny,  s'"   de    Fontenay. 

Henrion  Dorey,  mar- 
chand. 

Charles  Vacher,  chanoine 
de  Saint-Pierre. 

Etienne  Maquart,  curé 
de  Saint-Aventin. 

Nicolas  Léger^  s""  de  Che- 
villèles,  marchand. 

Denis  Clérey,  marchand. 


1521. 


1522. 


1523.  —  Pierre  Jehanson,   prêtre, 
curé  de. . . 

Germain  Emery,  écuyer, 
avocat. 

Guillaume  Hennequin, 
marchand. 

Claude    Jonchère,    mar- 
chand. 
1524.—  François  Lesprivier,  les- 
né,  marchand. 

Jean  Dorigny ,  marchand . 

Jean  Largentier,  mar- 
chand. 

Nicolas  Bouillerot,  tan- 
neur. 

1525.  —  Pierre  Gombault,  avocat. 

Jacques  de  Chatorup, 
escuyer. 

Jacques  de  Pleurs,  mar- 
chand. 

Nicolas  Coiffard, escuyer. 

1526.  —  Jean  Aubry. 

Guillaume  le  Mercier. 
Claude    de     Mesgrigny, 

marchand. 
Lambert  le  Jeune. 

1527.  —  Pantaléon  le  Peltrat,  avo- 

cat. 

Robert  de  Chantalot,  s"" 
de  Baires. 

Pierre  Corrard ,  mar- 
chand. 

Sébastien  Mauroy. 
1528.— Antoine    Maillet^    mar- 
chand. 

Christophe  Ménisson, md. 

Charles  de  Vitel,  mar- 
chand. 

Alain    Bouillerot,    mar- 
chand tanneur. 
I5;29.  —  M«  Jean    Huyard,  s'  de 
Presles. 

Jacques  le  Marguenat. 

Nicolas  Boyau. 

Guillaume  de  Pleurs. 
I5;30. —  Guyot  Cornuat,    apothi- 
caire. 

Claude   Moslé,  le  jeune. 

Nicolas  Dorigny,    lesné. 

Claude    Lejeune,     mar- 
chand. 
1531. —  Antoine    Guerry_,    s""    de 
Lirey. 

Nicolas  Largentier. 

Pierre  Maillet. 

Jean  Ménisson^  marché, 
et  bourgeois. 


DE    LA    VILLE    DE   TROYES 


1532.  —  Pierre  de  Pleurs. 

Huguenin  le  Jeune. 

Vincent  Neveler. 

Jean  ÎVIuet.  marchand,  et 

Christophe    Ménisson  , 

après  sa  mort. 

1533.  —  Me  François  .Mauroy,  ad- 

vocat. 
François  de  Villeprouvée, 

escuyer. 
Nicolas  Hennequin. 
Edmond  Largentier. 

1534.  —  Jean  Mérat,  lesné. 

Claude  Michelin. 

Jean  Gouault. 

Lupien  le  Tartier,    mar- 
chand bourgeois. 
1535'. —  Claude  (alias  Nicole)   de 
Villemort. 

Nicolas  Dorigny,  le  jeune. 

Bernard  Lesprivier. 

François  Chapelain. 
1536. —  Guillaume  de  Pleurs,  au 
lieu  de   Nicolas   Dori- 
gny, mort   le  3    octo- 
bre. 

Nicolas    (alias     Bernard) 
Lesprivier. 

Pierre  Daubeterre. 

Guyon  Piétrequin. 

Jacques  le  Tartier. 
1537. —  Bernard  de  Brion. 

Me  Marc  Champy. 

Nicolas  Mauroy,  lesné. 

Jean  le  Bé. 
1538. —  Nicolas  Fay. 

Edmon  Griveau. 

Nicolas  Loupvat. 

Pierre  Belin. 
1539. —  M«  Philippe  Belin. 

Me  Claude  de  Villeprou- 
vée. 

Nicolas  Riglet. 

Jean  Paillot. 
1540. —  Eustache  de  Pleurs. 

Nicolas  Mauroy,  lejeune, 
fils  de  Pierre. 

Pierre  Aubry. 

Jean  Factet,    marchand. 
1541.  —  Augustin  Liboron. 

Jean  de  Mallerois. 

Jullien  Pérignon. 

Robert  Angenost. 
1^42.  —  Jean  Dosmey. 

Christophe  Lefebvre. 

Louis  Gouault. 

Jacques  Mauroy. 


Jean  Dautruy,  licencié  es 

lois. 
Jean  Duchat,  id. 
Jacques  .Angenost. 
Guyon  Mérat. 
Charles  Format  (ou  Cor- 

nuat). 
Pierre  Belin  le  jeune. 
Nicolas  Largentier. 
Guillaume  le  Bey. 
Claude  le  Boucherat. 
Christophe  Angenoust. 
Jean  Mauroy. 
Jean  le  Tartier. 

Michel  de  Villemort. 
Nicolas  de  Corberon. 
Pierre  Boucher. 
Je  in  le  Tartier. 
Nicolas  Drouot. 
Iv'icolas  Bizet. 
Jacques  Boyau. 
Jean  Jossier. 
Louis  Guérin. 
Nicolas  Ludot. 
Jean  Roslequin. 
Jean  Debargues,  marchd, 
François   Hennequin. 
Pierre  Gouault. 
Pierre  Corrard. 
Pier'"e  Péricard. 
Jacques  .Aubry. 
Nicolas  Lamy. 
Jean  Mauroy,   le  jeune. 
Jacques  Vestier. 
Jacques  Drouot. 
Hugues  Cofl'ey. 
Claude  Clérey. 
Nicolas  Charlemagne. 
Guillaume  Boursier. 
Martin  de  Saint-.Amour. 
Guillaume  Dare. 
.Anthoine  Hennequin. 
Jean  de  Vassan. 
Jean  Morisc. 
Pierre  Nevelet. 
Jacques  Dautruy. 
Jean    de    Marisy,   s"'    de 

Cervel. 
François  Girardin, 
Nicolas  Hennequin. 
Laurent  Daultruy. 
Nicolas  dAuxerre. 
Claude  Jossier. 
Hugues  iVjauroy. 
Jean  Gombault. 
1557,—  François  PalUot, 


1543   — 


1544- 


i?4^  — 


1546. 
1547- 


1548. 


1549.— 


1550.— 


1551.- 


1552.- 


I553-- 


>5)4- 


1555- - 


1556.- 


LISTE   DES   ECHEVINS 


Anthoine  Aubin. 

Robert  le  Bey. 

François  Bouillerot.  ^S^9-  — 

1558. —  Claude  Guillemet. 

Edmon  fou  Simon)  Mar- 
guiti. 

Biaise  de  Failly. 

Jacques  Dorigny. 
1559. —  Denis  le  Bey. 

Guillaume  de  Meures.  1570. — 

Nicolas  de  la  Ferté. 

Simonnet  Bouillerot. 
1560. —  Jacques  Péricard. 

Claude  le  Tartier. 

Jean  Paillot.  1571.  — 

Jean  le  Mercier. 

1561. —  Pierre     Mauroy,     s''    de 

Vaulcharsis. 

Aiithoine   de   Marisy,   s"' 

de  Cervel.  1572.  — 

Guillaume  Desrieux. 

Claude  le  Mercier. 

Ces  trois  derniers,  hugue- 
nots, remplacés  le  18 
août  1562,  par  Jean  le 
Tartier,  mercier,  Jean 
Gombault  et  Jacques  1573. — 
Aubry,  marchands. 
1562.: —  Estienne  Camusat. 

Laurent    Chantreau    (ou 
Chauveau). 

Jean  Lescot.  i574'  — 

Benoist  le  Gras. 
1J63. —  Pierre    Mauroy,    fils    de 
Nicolas. 

François  Verdier  (ou  Ves- 
tier). 

Laurent  Milet.  i575' — 

Nicolas  Soret,  marchands 
156.4.  —  Kemy  Laurent. 

Philippe  Factet. 

Pierre  Morillon.  ^$7^'  — 

Jean  de  Coussy. 
1565. —  Pierre    Largentier   lesné. 

Nicolas  Godier. 

Claude  Huez. 

Nicolas  Ludoc.  I577-  — 

1566.  —  Anthoine  Allen. 

Robert  Largentier. 

Jean  Léger. 

Pierre  Legras. 
1567   —  Jean  Nervost,  lesné. 

Nicolas  I.ebey. 

Louis  le  Mérat. 

Edmon  Maillet.  1578. — 

1568.  —  Jean  Destampes, 

Kvrat  Pérot. 


Claude  Desrieux. 

Nicolas    de    Machicourt. 

Jean  de  Marisy,  gréne- 
tier. 

Pierre  Bonnot  (ou  Bru- 
not). 

Nicolas  de   Saint-Aubin. 

Claude  Mosley,  s""  de 
Villy. 

Jean  Milot  lesné,  advo- 
cat. 

François  Dauxerre. 

Jacques  Camusat. 

Vincent  Nevelet. 

Nicolas  Mauroy,  conseil- 
ler. 

Simon  Nivelle. 

François  de  Gaspard. 

Pierre  Daubeterre. 

Simon  de  Vitel,  s''  de 
Chaussepierre. 

Christophe  Mauroy. 

Nicolas  le  Marguenat. 

Pierre  le  Mairat.  puis, 
après  son  décès,  Emon 
Maillet. 

Nicole  Guichard,  lieute- 
nant. 

Jean  le  Cornuat. 

Odard  Péricard. 

Odard  Dorigny. 

Odard  Mosley  (ou  Mole), 
chanoine. 

Claude    Jacquot,  prévôt. 

François  de  Marisy,  s""  de 
Machy. 

Nicolas  Dauxerre. 

Pierre  le  Noble. 

Jean  Daubeterre. 

Jean  Daultruy. 

Nicolas  Largentier. 

Jean  Foret^  conseiller. 

Nicolas  de    Haie,  rece- 
veur. 

Claude  Lardot, 

Pantaléon  Cornuat. 

Anthoine  Bruchié,  no- 
taire royal. 

Claude  Chevalier,  puis, 
après  son  décès,  Jean 
d'.Aubeterre,  s""  de  Vil- 
lechétif. 

Louis  Ludot. 

Jean  le  Mairat. 

Jean  le  Boucherai,  Esleu, 

Jacques  Vestier,  le  jeune. 

pierre  Daniel, 


DE    LA.   VILLE   DE   TROYES 


9 


ï579- 


1581. 


1582  — 


1583. 


Edme  le  Marguenat, 

Benoît  Tourtat }  conseil- 
ler au  Bailliage. 

Michel  Drouût. 

François  le  Mercier. 

Odard  Perrignon. 
1^80.  —  Jean  Coiffard,  s^  de  Ver- 
moise. 

Pierre  Largentier,  le  )"''. 

François  Dolet. 

Anthoine  de  Vienne,  gref- 
fier du  Bailliage. 

Balthazard  Bailiy,  cons""" 
au  Bailliage  et  Prési- 
dial. 

Jacquinot,  maître  des 
Eaux  et  Forêts. 

Michel  Girerdin,  rece- 
veur du  domaine. 

Nicolas  Pinette,  mar- 
chand. 

Hierosme  Jourdin,  es- 
leu. 

Simon  Saigeot. 

Adam  le  Noble, 

Jean  Hennequin. 

Geoffroy  Coiffard,  con- 
seiller au  Bailliage  et 
Siège  présidial. 

Nicolas  Foret. 

Denis  Angenost(ou  Ange- 
noust). 

Nicolas  Péricard. 

Simon  le  Boucherat, gref- 
fier en  l'Election. 

Nicolas  Hennequin,  fils 
de  François. 

Claude  Nortasj  s''  de  Vir- 
loup. 

Nicolas  Jacquot, 
■  Louis    de    Villeprouvée, 
président  en  l'Election. 

Edme  le  Gas,  s''  d'Er- 
rey. 

Nicolas  Dare. 

Joseph   Gombault,  mar- 
chand. 
1586. —  Claude  Dautruy. 

Jean  Fauveau. 

Jacques     Angenost     (ou 

.Angenoust),  esleu. 
Nicolas  Hennequin. 
Nicolas    Gauthier,    con- 
seiller. 
Vincent  Dautruy. 
Lambert  Bouillerot. 
Nicolas  Dorieux. 


1584. 


1^85. 


1587.- 


1588. —  Pierre  de    Villeprouvée, 
conseiller. 

Philippe  Factet,  esleu. 

Guillaume   Bourgeois. 

Nicolas    Ludot,  receveur 
des  tailles. 
1588.  —  Nicolas    Gauthier,    con- 
seiller au    Bailliage    et 
Présidial. 

Vincent  Dautruy. 

Nicolas  Ludot,    receveur 
des  tailles. 

Jean  Domino. 
1588.  —  Jean  Thierry. 

Louis  Douynet. 

Denis  Latrecey. 

Pierre  le  Bey. 
1589  — Yves    le  Tartier,  doyen 
de  Saint-Urbain. 

Gilles  de  la  Court. 

Laurent  Daultruy. 

Sébastien  Mauroy. 
1590.  —  Jean  Milot,  advocat. 

Christophe  Lefebvre,  s"" 
de  Sompsois. 

Gabriel  le  Feley. 

Nicolas  Huez. 
159T. —  Jean  Mégnan,  doyen  de 
Saint-Etienne    et   curé 
de  Saint-Jean. 

Nicolas  Rousseau,  avo- 
cat. 

Jean  Colinec. 

Pierre  le  Roux. 

1592.  —  Jean  Andry. 

Jérémie  Michelin. 
Jean  Paillot. 
Antoine  Collet. 

1593.  —  Jean  de  Vitel,  conseiller. 

Nicolas  Lejeune. 

Jean  Barat. 

Guillaume  Dare. 
1594. —  Odard     Hennequin,   do- 
yen. 

Jean  Mauroy,  conseiller 
au  Bailliage  et  Prési- 
dial. 

Pierre  Ar.dry. 

Nicolas  Paillot. 
1^95.  —  Jean  Bazin,  conseiller  au 
Bailliage  et   Présidial. 

Pierre  Nevelet,  secrétaire 
du  Roy,  bailly  d'Isles. 

Jacques  Péricard. 

François  Girardin. 
1596. —  Thomas  Allen,  bourgeois. 

Hubert  Jossier,  marché. 


10 


LISTE    DES    ECHEVINS 


Charles  Maillet,  tainctu- 
rier. 

Christophe      Angenoust,        1607. — 
marchand. 
1597. —  FrançoisdeGaspard, lieu- 
tenant en   la  Prévôté. 

Pierre    Corrard,  conseil- 
ler au  grenier  à  sel. 

Jean  Nivelle. 

Jacques  le  Bey.  j6o8. — 

1598.  —  Nicolas  Favier,  cons<^''. 

Anthoine  Pithou,    s''    de 
Luyères. 

Louis  Gouault.  1609, — 

Jacques   Corrard,    bour- 
geois. 
1599. —  Denis    Gombault,     con- 
seiller. 

Jean    de     Vienne,     con- 
seiller en  l'Election.  1610. — 

Nicolas  Breyer, 

Jea.-.  Vigneron,  marché*. 
1600. —  Anthoine  Allen,  conseil- 
ler. 1611. — 

Pierre  Dare. 

Edme  Guillaume. 

François  Laurent,    mar- 
chands. 
1601.  —  François  le  Febvre,  advo- 
cat  du  Roy. 

Guillaume  Doë.  1612.  — 

François  Féloix. 

Nicolas  Martin. 
1602. —  Anthoine  de  Vienne,  con- 
seiller  au  Bailliage  et 
Présidial.  1613.  — 

Pierre  le  Jeune. 

Louis  Morise. 

Nicolas  Aubry. 
1603. —  Claude    Angenoust,    es- 
leu. 

Jean  le  Mercier. 

Je.ui  le  Jeune.  1614. — 

Jean  Vestier. 
1604.  —  Pierre  le  Courtois,  con- 
seiller esdits  sièges. 

Jean  Lesprivier. 

Nicolas  Denise. 

Claude  Corrard. 
1605. —  Josias  Pailiot,  conseiller.        1615. — 

Joseph  de  Vienne,  esleu. 

Jean  Poterat. 

Jacques  Rouaire. 
1606.  —  Jacques     le     Boucherat, 

esleu.  1616. — 

Guillaume  Hennequin. 

René  Chifallot, 


Charles  Cornuat,  bour- 
geois. 

Sébastien  Fauveau,  con- 
seiller au  Bailliage  et 
Siège  présidial. 

Maurice  le  Cornuat,  pré- 
sident en  l'Election. 

Edmon  Denise. 

François  Girardin. 

Enoc  Michelin. 

Guillaume  Journée. 

Claude  Merrey. 

Jacques  Langlois. 

Bonaventure  Bailly,  avo- 
cat. 

Romaric  Lescot. 

François  Becel. 

Jacques  de  Marisy,  bour- 
geois. 

Pierre  Michelin. 

Charles  Léger. 

Pierre  Pailiot. 

Nicolas  le  Tartier  le  j"^. 

Nicolas  Guichard,  con- 
seiller au  Bailliage  et 
Présidial. 

Nicolas  Drouot. 

Samuel  de  Pleurs. 

Pierre  Gombauld,  mar- 
chands. 

Jean  Cheviliard,  gréne- 
tier. 

Jean  Léger. 

Claude  Barat. 

Nicolas  Clerget,  march»!. 

Jacques  Péricard,  advo- 
cat. 

Jacques  Dorigny,  rece- 
veur du  Taillon. 

Odard  Péricard. 

Anthoine  Pailiot,  bour- 
geois. 

Joachim  Bazin,  conseiller 
au  Bailliage  et  Siège 
présidial. 

Isaac  Maillet. 

Edme  Michelin. 

Urbain  Morise ,  bour- 
geois. 

Baptiste  Dorigny,  s'  de 
Fouchères. 

Nicolas  Vestier. 

Claude  Dare. 

Jean  Nivelle,  le  jeune. 

Nicolas  le  Marguenat, 
advocat. 

Nicolas  Dorieux,  advocat. 


DE   LA    VILLE    DE   TROYES 


11 


Marc  Courcier. 
Nicolas  Lejeuiie,  le  jn^. 
i6i7. —  Nicolas  Drouot,  advocat. 
Pierre  Chevillard. 
François  Dieure  (Dirut  r) 
Nicolas  Hérault,  bour- 
geois. 

1618.  —  Moïse      Riglet,      s""     de 

'  Moiitgueux. 

Pierre  Girardiii. 

Jacques  le  Bey. 

Daniel    de    la    Huproye^ 

bourgeois. 

1619.  —  Philippe    de    Vitel,  s""  de 

Chaussepierre,  advoc'. 

Jean  Bouillerote. 

Henry  Camusat. 

François  Tarder,    bour- 
geois. 
1620. —  François  Nervost. 

Laurent  Dautruy,  lesné. 

Louis  Guillaume. 

Odard     Vestier,      bour- 
geois, 
1621. —  Pierre    Bel,  conseiller  et 
esleu. 

Pierre  Tetel,  advocat. 

Pierre  Landreau  (Landi- 
veau  ?) 

Claude    Cornuat,    bour- 
geois. 
1622. —  Pierre     Potherat,    s""    de 
Viélaines  (Poterat). 

Pierre  Fay. 

Nicolas  Huez. 

Joseph  Colinet. 
1623.  —  Edouard  Dautruy,  lieute- 
nant en  la  Prévôté. 

Louis  de  Vienne,   s'   de 
Presles,  Bailly  d'Isles. 

Vincent  Dautruy. 

Estienne  Le  Jeune,  bour- 
geois. 
1624. —  Odard  de  la  Ferté^  advo- 
cat. 

Jacques  Maillet. 

Pierre  Dare. 

Pierre  Barac,  le  jeune. 
1625. —  Abraham  Quinot,  advo- 
cat. 

Jérémie  Rouget. 

Jean  Desrieux. 

Anihoine  Charier,  bour- 
geois. 
1626.  —  Didier  Barbette,  advocat. 

Michel  Baubey. 

Louis  Morise. 


Constantin  Corrard. 
1627.—  Louis  Vosdey,  conseiller 
en  Prévosté. 

Jean  Olive. 

Jacques  Laurent. 

Anthoine  Blampignon. 
1628. —  Louis  de    Vienne,    con- 
seiller au    Bailliage   et 
Présidial. 

Jean  Lejeune. 

Nicolas  Doë. 

Etienne    Colinet,     bour- 
geois. 
1629.  —  JosephQuinot,  conseiller 
èsdits  sièges. 

Nicolas  Coulon,  notaire. 

Pierre  le  Roux. 

Nicolas  Martin. 
1630. —  Louis  Gombault,  conseil- 
ler èsdits  sièges. 

Claude  Thiénot,   apothi- 
caire. 

François  Courcier,  mar- 
chand. 

François    Huez,  marché. 
163 1. —  Nicolas  de  Corberon,  na- 
guère   lieutenant  par- 
ticulier aux  Bailliage  et 
Présidial. 

François  Mauroy. 

Nicolas  Maillet. 

Simon  Loisson. 
1632.  —  Odard     i alias  Edouard). 

Denis,  prévôt  de  Troyes. 

Claude  Lejeune. 

Thomas  Maillet. 

Jean    Huez,    marchands 
et  bourgeois. 
1633. —  Louis  Legrand,  conseiller 
au    Bailliage    et  Siège 
présidial. 

Jacques  Martin. 

Claude  Serqueil. 

Jean    Maillet,  le 
marchands    et 
geois. 
1634. —  Pierre  Denise,  lieutenant 
en  la  Prévôté. 

Laurent  Bertrand. 

Jean  Béguin. 

Louis  Lafille,  bourgeois. 
1635. —  Pierre  Gossement,  gréne- 
tier  et  bailly  de  Ville- 
mort. 

Nicolas    Bourgeois,   apo- 
thicaire. 

Chude  Camusat, 


jeune, 
bour- 


12 


LISTE   DES    EGHEVINS 


Nicolas  Denise,  le  jeune,        1645'. — 
fils  de  Nicolas. 

1636.  —  Pierre  Ludot,  esleu. 

Joachim  de  Nevelet,  s' 
du  Ruisseau. 

Hiérosme  Petitpied. 

Guillaume  Doë,  1646. — 

Nevelec  n'a  exercé  la 
charge  ni  prêté  ser- 
ment. 

1637.  —  Nicolas  Moreau. 

Louis  Michelin. 

Nicolas  Morel.  1647. — 

Nicolas  Langlois,  mar- 
chands. 

1638.  —  Nicolas  Allen,    conseiller 

au    Bailliage    et  Siège 
présidial, 

Pierre  Journée.  1648. — 

Jean  Lombard, 

Jean  Corrard,    bourgeois 
et  marchands. 
1639, —  Jean  Vigneron.  1649. — 

Denis  Maillet. 

Nicolas  Denise  (fils  d'Ed- 
mond). 

Jean  Michelin  (alias  Jac- 
ques), marchand. 
1640. —  Claude  Régnier,  conseil-        1650. — 
1er  en  la  Prévosté. 

Jean  Leroux,  advocat. 

Nicolas  Vaulthier. 

Pierre  Laurent. 
164 1. —  Jean    de    Marisy,    s""   de 

Cervel,  esleu.  16^1.  — 

Biaise  Mégard,  médecin. 

Jean  Le  Muet. 

Gilles  Gouault,  marchd^ 

1642.  —  Jean  Tetel,  conseiller  au 

Bailliage  et  Siège  pré-       1652. — 
sidial. 

Jean  Gauthier,  apothi- 
caire. 

Edme  Bonnot,  teinturier. 

Nicolas  Camus,  marché. 

1643.  —  Louis   de    Vienne,    con-        1653.— 

seiller  èsdits  sièges. 

Etienne  Belin  (alLis  Mi- 
chelin). 

Claude  Lejeune,  marchd.        1654. — 

Jean  Borgne. 

1644.  —  Simon  Coppois,    conseil- 

ler esdits  sièges. 
Pierre  Paillot,  marchand, 
Louis  Bourgeois. 
Nicolas  Daultruy,    mar-       1655.  — 

chand. 


Pierre  Gallien,  conseiller 
es  dits  sièges. 

Jacques  Hugot. 

Hiérosme  Amand. 

Anthoine  Taffignon, mar- 
chands. 

Louis  Bailly,  ;uge-ma- 
yeur  royal  des  Portes 
et  Fauxbourgs. 

Nicolas  Péricard. 

Nicolas  Tassin. 

Nicolas  Laurent,  marchd^. 

Jacques  Nivelle,  con- 
seiller au  Bailliage  et 
Siège  présidial. 

Simon  Corrard. 

Nicolas  Baubey. 

Claude   Boyau,    marchd. 

Pierre  Rémond,  esleu. 

Charles  Béguin. 

Claude  Dare. 

Louis  Paillot,  marchand. 

Jacques  Angenoust,  ad- 
vocat. 

Toussaint  Camusat. 

Jacques  de   la   Huproye. 

Jérémie  Michelin,  mar- 
chand. 

Louis  Huez,  conseiller  au 
Bailliage  et  Siège  pré- 
sidial. 

Adam  Milet. 

Pierre  Marceau. 

Nicolas  Gilbert,  marchd. 

Bonaventure  Tartel,  ad- 
vocat. 

François  Véron. 

Baptiste  Mercier. 

Louis  Morise,  marchand. 

François  Denis,  advocat 
et  greffier  du  Bailliage 
et  Présidial. 

Pierre  Boilletot. 

Nicolas  Soret. 

Nicolas  Mauroy. 

Nicolas  Lorey,  advocat. 

Nicolas  Berthelin,  marc". 

Gilles  Camusat. 

Jean  Domballe. 

Nicolas  Vigneron,  advo- 
cat du  Roy  en  l'Elec- 
tion. 

Edme  Charpy. 

Nicolas  Courcier, 

Edme  Lhoste. 

Bonaventure  Bailly,  ad- 
vocat. 


DR    LA    VILLE    DE    TROYES 


u 


Nicolas  de  Marisy,  mar- 
chand. 

Henry  Camusat. 

Nicolas  Huez,  marchand . 
16)6.  —  Claude    Denise,    lieutent 
en  la  Prévosté. 

Pierre  Guillaume,  lieute- 
nant criminel  en  l'Elec- 
tion. 

Barthélémy  de  la  Porte. 

Edme  Gaulard. 
1657.  —  Nicolas    Bareton,     prési- 
dent en  l'Election. 

Nicolas  Gouault. 

Pierre  Aubrun,  le  jeune. 

Nicolas  Maison. 
1658. —  Anthoiae  Clerget,  asses- 
seur et  premier  esleu. 

Jean  Corps. 

Anthoine  de  la  Huproye, 
marchands. 

Elle  Michelin,   tanneur. 
1659. —  Nicolas  Doë,   lesné^  con- 
seiller au  Bailliage. 

Pierre  Jeanson. 

Remy  Legrin. 

Jacques     Aubry,     lesné, 
marchands. 
1660. —  Joseph   Gombault,  esleu. 

Alexandre  Legrand,  bour- 
geois. 

Claude  Thénot^  (izlias 
Chérot),   marchand. 

Pierre  Langlois,  le  jeune. 
i66r.  —  Nicolas  le  Bey,  conseiller 
au  Bailliage. 

Louis  Michelin. 

Jean  Gallien. 

Jean  Chémery,  mar- 
chands. 

1662.  —  François   Desmarets,  ad- 

vocat. 

Etienne  le  Clerc. 

Anthoine  Corps. 

Edme  (ou  Etienne)  Boil- 
letot,  marchand,  ledit 
Boilletot,  morten  1662. 

1663.  —  Louis    de    Villeprouvée^ 

non  entré  en  charge, 
déchargé  par  le  lieute- 
nant-général ,  bénéfi- 
cier et  chapelain. 

Nicolas  Largentier. 

Nicolas  Lombard. 

Joseph  Michelin,  mar- 
chands. Ledit  Largen- 
tier, déchargé,  et  Jac- 


ques   Nortas,    le    plus 
haut  en  voix  après  lui, 
condamné    à    faire    la 
charge. 
1664. —  Jean  Gallien  (alias  Gras- 
sin),  conseiller. 
Nicolas    Oudot,    impri- 
meur et  libraire. 
Nicolas  Jeanson. 
Nicolas  Lerouge^  mar- 
chands. 
1665. —  Denis  Tetel,  advocat  du 
Roy  au  Bailliage. 
Pierre  Michelin. 
Jacques  Blampignon. 
Jean  Léger,  marchands. 
1666. —  Jean  Angenoust,  conseil- 
ler. 
Isaac  Maillet. 
Louis  Denise. 
Nicolas    Gilbert,    fils   de 
Nicolas,  marchands. 
1667. —  Nicolas  le   Virlois,  con- 
seiller. 
Henry  Langlois. 
Nicolas  Cercueil. 
Antoine    Michelin,   md». 

1668.  —  Jean -Baptiste  le  Muet,  s"" 

de  Jully,  esleu. 
Louis  Camusat. 
Michel  Drouot. 

Nicolas    Morel,    mar- 
chands. 

1669.  —  Nicolas  Belin,    médecin. 

Nicolas  Jourdain. 

Claude  Vigneron. 

François     Roslin,     mar- 
chands. 
167J. —  Denis   Tetel,  conseiller. 

Laurent  Maillet. 

Anthoine  Taffignon. 

Germain   Régnier,   mar- 
chands. 
1671. —  Nicolas   Denise,   avocat. 

Jean  Goujon. 

Claude  Benoist. 

Pierre  Morel,  marchJ'. 
1672. —  Georges    Rémond,    con- 
seiller. 

Pierre  Courcier. 

Nicolas  Lemuet. 

Nicolas  Paillot. 
1673. —  Alexandre  Legrand,  avo- 
cat. 

Nicolas  Péricard. 

Pierre  Boilletot. 

Nicolas  de  la  Huproye. 


14 
1674.— 

1675.— 

1676. — 

1677.— 


LISTE   DES   ECHEVINS 


1678.— 
J679.— 
1680.  - 
1681.— 

1682.— 

1683.— 
1684.— 


Louis  Quinot,  écuyer, 
conseiller. 

Jean  Daultruy. 

Michel  Taffigi;on. 

Jean  Vaulthier,  march"^'. 

Pierre  Paillot,  conseiller 
au  grenier  à  sel. 

Nicolas  Michelin. 

Jacques  Jourdain. 

Jacques  Camusat. 

Jacques  Corrard,  con- 
seiller. 

Eustache  Gouault. 

Edmond  Michelin. 

Hiérémie  le  Clerc. 

Henry- François  de  Mau- 
roy,  escuyer^.  s""  de 
Moulinons,  advocat  au 
Parlement,  m"^  des  Re- 
questes  ordin.  de  la 
Reyne. 

Louis  Véron . 

Jean  Fénard. 

Antoine  Taffignon ,  le 
jeune. 

Jacques  Laurent,  con- 
seiller. 

Claude  Maillet. 

Louis  Paillot. 

François  Barbette. 

Nicolas  Paillot,  lieute- 
nant en  lElection. 

J.-B.  Ménegault. 

Pierre  Oudinot. 

Edme  Gaulard. 

Claude  Courcier,  con- 
seiller au  Bailliage. 

Jean  Camusat. 

Nicolas  Camusat. 

.AntoineBlampignon,md5. 

Claude  Gallien,  lieute- 
nant en  la  Prévôté. 

Jacques  Boilletot. 

Nicolas  Courcier. 

Nicolas  Berthelin,  mar- 
chands. 

. .  Colinet,  conseiller. 

Jacques  Dutour. 

J.-H.  Legrin. 

François  Michelin,  mar- 
chands. 

Joseph  Vigneron, prévost. 

Nicolas  Chapelot. 

Nicolas  Vaulthier. 

Kdrne    Nortas,    march''*. 

Louis   Huez,   conseiller. 

Jacques  Truelle. 


Nicolas  Tassin. 

François  Berthelin,  mar- 
chands. 
1685. —  Pierre  Gallien,  avocat. 

Antoine  Maillet. 

Nicolas  Flobert. 

Nicolas     Baubey,     mar- 
chands. 
1686. —  Vincent  Olive,  conseiller. 

Antoine  Drouot. 

Antoine  de  la  Huproye. 

François    Tassin,     mar- 
chands. 
1687.  —  Jacques  Jeanson,  avocat. 

Pierre  Boilletot. 

Jacques  de  la   Huproye, 
marchands. 

François  de  Mauroy. 
x688.  ^  Jacques    Kémond,    con- 
seiller. 

Louis  Bonnot,  teinturier. 

Georges  Poupot. 

Hiérosme   Maillet,  mar- 
chands. 
1689.  —  Claude  Laurent,  avocat. 

Henry  Lejeune. 

Nicolas  Camusat. 

Nicolas    Jeanson,    mar- 
chands. 
1690  —  Pierre  Pictory,  conseiller. 

Louis  Blampignon.  mar- 
chand de  ters. 

François  Flobert. 

Nicolas   Sorin,   marchd% 
1691. —  Claude  Tetel,  avocat. 

J.-B.  Legrin,  le  jeune. 

Nicolas  Maillet. 

Joseph    Michelin^    mar- 
chands. 
1692. —  Jacques  Doë,  conseiller. 

Edme   Charpy,    march<^. 

Je.in     de     la     Huproye, 
marchand  épicier. 

Nicolas Langlois,  march^. 
1693. —  Nicolas  Lyon,  procureur 
du  Roy. 

Jean    Fénard,    conseiller 
du  Roy,  assesseur. 

Nicolas    Camusat,    aussi 
assesseur. 

Joseph    Lombard,    mar- 
chand et  bourgeois. 
1694. —  Nicolas    Dutour,     asses- 
seur et  marchand. 

Abraham  Uacolle^avocat. 

Jean  Boilletot, îmarchand 
de  ters. 


DE   LA   VILLE   DE   TROYES 


tb 


Jean  Lebé    (ou    Lebey) ,       1705,— 

marchand  de  soies. 
1695. —  Pierre   Camusat^  coiis'^''. 
Jacques  Jourdain,  m'*. 
Nicolas  Lemaire,  id.  1706. — 

Henry  Langlois,  fils    de 

Pierre. 
1696  —  Jean   Gauthier,  médecin. 

Louis  Gaulard,  marchd.        1707. 
Toussaint  Gouault,  id. 
Joseph  Gallieri,  id.^mort 

ancien  maire.  1708. — 

1697. —  Edme  Baillot,  conseiller. 
François  Camusat,  mar- 
chand. 
Henry    Langlois,  fils  de       1709.  — 

Louis. 
Kdme  Jeanson,   marchd. 
1698. —  Pierre  Poterat,  élu. 

Pierre  Rolin,  marchand,        1710.  — 

plus  tard  maire. 
Jean  Gouault,  marchand, 

mort  en  1731. 
François  Gallien,  marchd. 
1699. —  Edme  Nortas,  conseiller 

assesseur. 
François  Régnier. 
Remy  Bertrand. 
Jean    Gaulard,    m^rchds. 
1700. —  ...  Michelin,  conseiller.        171 1. — 
Pierre  Camusat,  marchd. 
Jean  Matagrin,  id. 
Gabriel  Taffignon,  id. 
1701. —  Gabriel    de    la     Chasse, 

avocat  du  Roy. 
Pierre  Boilletot,  marchd.        1712.  — 
Jean  Jourdain  l'aîné,  id. 
Antoine  de   la   Huproye, 

id.  1713- — 

1702.  —  Louis  Paillot,   conseiller. 
Nicolas  Lhoste,  marchd. 
J.-B.  Camusat,  id. 
Claude  Mataguin,  id. 
1703. —  Jean    Legrin,    assesseur.        1714-  — 
Jacques  de   la  Huproye, 

s''    de  la  Cumine,  con- 
seiller  du  Roy^  asses-       lyij-  — 

seur  de  robe  courte. 
Jean    Jourdain,   marchd.        1716. — 
Pierre  Maillet,  id. 
1704. —  H  n'y  a  pas  eu    de  nomi-        I7i7-  — 

nation,    le   Roy   ayant 

créé  des  charges  d'éche- 

vins^    et    réduit    leur       1718.  — 

nombre  à  deux,  par  ar- 
rêt du  Conseil    du  21 

juin  1704. 


Joseph  Lombard,  con- 
seiller du  Roy,  asses- 
seur. 

Claude  de  Mauroy. 

Pierre  Gallien,  conseiller 
au  Bailliage. 

Nicolas  Calabre,  mar- 
chand. 

—  Jean  de  xMontmeau,  le 
jeune. 

Edme  Charpy,  le  jeune. 

—  Odard  Angeiioust  de  Vil- 
letie,  conseiller  au  Bail- 
liage. 

Louis  Roslin,  le  jeune. 

—  Gabriel  Taffignon,  con- 
seiller du  Roy,  asses- 
seur. 

Louis  de  Montmeau,  md. 

—  Nicolas  Calabre. 
J.-B.  Jeanson,  bourgeois. 
(Suivant  une  de  nos  listes, 

il  n'y  aurait  pas  eu  d'é- 
lections en  1710^  le  roi 
ayant  créé  des  charges 
d'échevins  qui  ont  été 
exercées,  par  commis- 
sion, par  les  s'^^  Parisot 
et  Hussot.) 

Claude-Nicolas  Compa- 
rot,  conseiller  au  Bail- 
liage et  Siège  pré^idiai^ 
président  en  l'Election. 

Jean  Matagrin,  marchd, 
capitaine  de  la  milice. 

Jean  Fénard,  conseiller 
du  Roy. 

Antoine  Camusat,  m'. 

Jean  Quinot,  écuyer,  con- 
seiller au  Bailliage  et 
Siège  présidial. 

Toussaint- Nicolas  Gou- 
ault. 

Joseph  Porcherat,  asses- 
seur. 

Louis  de  Mauroy,  l'aîné. 

Edouard  Pictory,  Elu. 

Augustin  Gauthier. 

Claude  Meallet. 

Pierre  de  Montmeau. 

Jean  Paillot,  procureur 
du  Roy  en  l'Election. 

Pierre  le  Miiet,   marchd. 

Pierre  Laurent,   marchd. 

Louis-Nicolas  Berthelin, 
marchand,  trésorier  de 
France. 


16 

I7I9- 

1720. 
1721. 

1722. 
1723. 


LISTE    DES    ECHEVINS 


1724 

1725.- 
1726.  ■ 

1727. 
1728. 

1729. 
1730. 

1731. 
1732. 

1733- 
1734- 

1735- 
1736. 


Jean  Labrun,  Elu. 

Jacques  Camusat,  mar- 
chand. 

Nicolas  Truelle,  marchd. 
Louis  Gaulard,  id. 

—  Claude-J  .-B  .      Gallien, 

lieutenant  en    la    Pré- 
vôté. 
J.-B.  Legrin,  le  jeune. 

—  Pierre  Langlois. 

Edme  Massey,  marchds. 

—  Il  n'y  a   point  eu  de  no- 

minations,le  Royayant 
créé  des  charges  de 
maire  et  d'échevins, 
qui  ont  été  réunies  à 
Ihôtel  de  ville. 

—  J.-B.  Angenoust,  écuyer, 
s""  de  Villechétif,  con- 
seiller au  Bailliage  et 
Siège  présidial. 

Pierre  Boilletot,  march^. 

—  Vincent  Truelle,  marchd. 
J.-B.  Vaulthier,  id. 
Nicolas  Lefebvre,  avocat 

et  juge-garde  de  la 
Monnaie. 

Edouard  Berthelin^  mar- 
chand. 

Nicolas  Jeanson. 

Eustache  Gouault. 

Nicolas  CoUinet,  conseil- 
ler au  Bailliage  et  Siège 
présidial. 

Jean  de  Mauroy. 

Jean  Berthelin. 

Joseph  le  Maire. 

Nicolas  Rémond^  con- 
seiller au  Bailliage  et 
Siège  présidial. 

Joseph  de  Mauroy. 

Nicolas  le  Maire. 

Gabriel  Tatfignon. 

Louis  Gallien,  conseiller 
au  Bailliage  et  Siège 
présidial. 

Nicolas  Vauthier. 

Jean  Gaulard. 

Benoist  de  Mauroy. 

Louis  Gallien,  Nicolas 
Vauthier,  Jean  Gau- 
lard, Benoist  de  Mau- 
roy sont  en  charge, 
Edme-Nicolas  Lefebvre^ 
avocat. 

Joseph  Legrin. 

Claude  Gaulard. 


Nicolas  Boilletot. 

1737.  —  Pierre-Edouard   Pictory, 

conseiller  au   Bailliage 
et  Siège  présidial. 
Gilbert  de  Mauroy. 

1738.  —  Pierre  Langlois. 

Joseph  Gallien. 
ly^^. —  Jean  Comparot, président 
en  l'Election. 

Jean  Jeanson. 
1740. —  Remy  Bourrotte. 

Nicolas  Camusat,   le  jne. 

1741.  —  Pierre-Jean  Paillot,   écu- 

yer, avocat. 
Jacques  Camusat. 

1742.  —  Nicolas  Gombault,raîné. 

Joseph-Pierre    Bertrand. 

1743.  —  Nicolas  Corps,  conseiller 

au    Bailliage   et   Siège 
présidial. 
Toussaint-Nicolas  Camu- 
sat. 

1744.  —  Nicolas  Belin. 

Jacques  Charpy. 

1745.  —  Claude-Nicolas  Comparot 

de    Bercenay,  conseil- 
ler au  Bailliage  et  Siège 
présidial. 
Pierre  Camusat. 

1746.  —  Jacques  Semillard. 

Georges-Gabriel  Charpy. 

1747.  —  Louis   Tetel,    prévôt   de 

Troyes. 
Nicolas  Camusat  de  Mar- 
moret. 
1748. —  François  Jourdain. 

Charles  Lerouge. 
1749.  —  Anthoine  Paillot  de  Mon- 
tabert,  élu. 
Pierre-Louis  le  Miiet. 
1750. —  Jacques  Truelle-Moreau. 

Claude  Ledhuys. 
1751. —  Claude   Huez,   conseiller 
au    Bailliage    et   Siège 
présidial. 
Gilbert  Benoît  de    Mont- 
meau. 
1752.  —  Nicolas  Poupot. 

Eustache- Nicolas    Gou- 
ault. 
1753. —  Jean-Louis  Labbé. 
Antoine  Gombault. 
1754. —  Jacques  Gaulard. 
Jacques  Gouault. 
1755. —  Nicolas  Huez,  avocat. 

François      Camusat     de 
Riancey,  écuyer. 


DE  LA  VILLE  DE  TROTES 


17 


1756. 

1757- 


1758. 
1759- 

1760. 
1761. 


1762. — 


1703. 
1764. 
1765. 


1766. 
1767. 


1768.- 

1767.- 

1770.— 

1771.— 


1772. 
1773- 
1774- 


Edme-Jean  Berchclin. 
François  Meallet. 
Claude-Louis    Huez     de 
Viilebarot,    conseiller 
au   B.iiliiage    et   Siège 
présidial. 
Claude-Jacques  de  Mau- 
roy  de  Viliemoyenne. 
Louis  de  M  .uroy-Godot. 
Pierre  François  Boilletot. 
Nicolas  Bourote,  élu. 
Louis  de  Mauroy-Vaul- 
thier. 
Nicolas  Bajot. 
Jacques   Sémillard  fils. 
Edme-Gaspard    Calabre, 

avocat. 
Louis-Nicolas   Berthelin. 
Pierre-Jean    From.igeot, 
rapporteur     du     Point 
d'honneur. 
Nicolas-Jean  Truelle. 
Les  mêmes. 
Les  mêmes. 
Dereins,     lieutenant-'Ti- 

minei. 
Vaulthier^.  m«  particulier 

des  Eaux  et  Forêts. 
Rapault,  directeur   de   la 

Monnaie. 
Letebvre,   juge-garde  de- 
là Monnaie. 
Les  mêmes. 

Vauthier,  m«  particulier. 
Rapault,    lieutenant   des 
maréchaux  de  France. 
Garnier  de  Montreuil. 
Guénin. 

Cocquart,    conseiller    au 
Bailliage    e:   Présidinl. 
Jacquin. 

Gouault  (Jacques). 
Chastel. 
Claude  Carré,  avocat  au 

Parlement. 
Maillet    (Edouard-Fran- 
çois). 
Doé  (Louis)j  receveur  des 

Tailles. 
Pierre-Jean    Fromageot, 
rapporteur     du     Point 
d'honneur. 
Les  mêmes. 
Les  mêmes. 
Louis  Doé,  receveur  des 

Tailles. 
Eustache-Nicolas     Gou- 


1775- 
1776. 

1777- 


1778. 


1779.— 
178). — 

1781,— 

1782.— 

1783.- 

1784.— 
1785.- 


1786. 
1787. 


ault- Jeanson^    négo- 
ciant. 
Claude     Huez ,      ancien 
conseiller  au  Bailliage. 
Charles    Rapault^  ancien 
directeur  de   la   Mon- 
naie. 
IJ. 
Id. 

Huez. 
Rapault. 
De  Mauroy. 
Colinet. 
Colinet,  avocat. 
De  Mauroy- Vauthier. 
Camusat-Bonnemain . 
Chatel. 

Camusat-Bonnemain. 
Châtel. 
Bonnemain. 
Le  Maire-Le  Muet. 
Bonnemain, 
[  e  Maire-Le  Muet. 
Guérard,     président     en 

l'Election. 
Etienne  Lerouge. 
Guérard,      président     en 

l'Election. 
Etienne  Lerouge. 
Dessaint,    procureur    du 

Roi  en  la  Monnaie. 
Jeanson-Lejeune. 
Guérard^     président     en 

l'Election. 
Desaint,procurcurdu  Roi 

en  la  Monnaie. 
Jeanson-Lejeune. 
Pasteloc. 
Dessaint. 
Jeanson-L  ejeune. 
Dubourg,  ancien  officier 

de  mousquetaires. 
Fromageot,     procureur- 
syndic. 

—  Jeanson-Lejeune. 
Dubourg. 
Lombard-Petit. 
Gauthier. 

—  Dubourg. 
Lombard-Petit. 
Gauthier. 
Lemuet. 

—  Les  mêmes. 

—  Lomb.ird-Petit. 
Gauthier,    conseiller    au 

Bailliago. 
Lemuet.  2 


18  LISTE  DES    éCHEVINS 

Deneslee,    procureur  du  Denesles. 

Roi  eu  l'Election.  Comparût   de    Lougsols, 

1788. —  Gauthier,  eau  Bailliage.  conseiller  au  Bailliage. 

Le  Muet.  1790.  —  Denesles, 

Denesles.  Fromageot. 

Fromageot.  Comparot  de  Longsols. 

1789.  —  Le  Muet.  Jeanson-Bajot, 


LE     CARTULAIRE 

DU 

PRIEURÉ      DE      LONGUEAU 


Les  nombreux  titres  formant  le  fonds  de  Longueau',  autre- 
fois partagés  entre  Reims  et  Chàlons- sur-Marne,  appar- 
tiennent aujourd'hui  exclusivement  aux  archives  départemen- 
tales de  la  Marne. 

L'histoire  de  ce  prieuré  n*a  jamais  été  publiée.  Les  maté- 
riaux, certes,  ne  manquent  pas,  et  m'adressant  aux  érudits  à 
la  portée  des  sources,  je  ra'étonoe  que  l'abondance  des  docu- 
ments n'ait  pas  suscité  une  œuvre  qui  eût  été  pleine  d'intérêt. 

Mes  rares  loisirs  ne  me  permettant  pas  d'aborder  un  travail 
aussi  considérable,  je  me  propose  uniquement  d'étudier  le 
cartulaire  de  Longueau,  qui  est  encore  inédit.  Il  en  existe 
trois  textes  (série  H,  boite  1,  liasse  1),  qui  p.iraissent  copiés 
l'un  sur  l'autre. 

L'une  de  ces  copies  forme  un  cahier  de  42  feuillets,  écriture 
du  xviii^  siècle;  elle  comprend  110  chartes,  de  l'an  1140 
à  l'année  1248  inclusivement.  La  plupart  de  ces  instruments 
ont  été  analysés,  et  les  autres,  en  raison  de  leur  importance, 
seront  reproduits  in  extenso. 

J'ai  en  outre  restitué  l'ordre  chronologique  qui  fait  défaut 
dans  le  manuscrit. 


1 .   Sources  à  consulter  : 

Bibl.  nat.,  Coll.  de  Champ. 

Arch.  de  la  Marne,  ionds  de  Longueau. 

Varin.  Arch.  adm.  et  législatives. 

Dom  Marlot.  Hit,  t.  de  lieims. 

Tarbé.  Essai  sur  lieims. 

Duchesne.  Hist.  de  la  maison  de  Chdlilton. 

Dom  Noël.  Les  cantons  de  Chatillon  et  de  Dormans. 

Dr  Remy.  Hist.  de  Chûtdlon-sur- Marne, 

Givelet,  Jadart  et  Demaison.  Répert.  arch.  de  l'arr.  de  Reims. 

Abbé  Chevallier.  Notice  sur  les  églises  du  canton  de  Chdlillon. 

Matton.  Dict.  top.  Je  l'Aisne. 

Longnon.  Dict.  top.  de  la  Marne. 

Id.         Le  livre  des  vassaux  du  comté  de  Champagne. 
Poinsiguon.  Hist.  de  la  Champagne. 


20  LE    CARTULAIRE    DU   PRIEURÉ 

Le  prieuré  de  Longueau,  de  l'ordre  de  Fonlevrault,  situé  à 
euviron  1  ,oOO  mètres  au  sud-ouest  de  Baslieux-sous-Ghâlilloii, 
sur  la  rive  droite  du  rù  de  Belval,  fui  fondé  par  Gaucher  II 
de  Châtillon,  au  commencement  du  xn''  siècle.  C'est  du  moins 
l'opinion  du  savant  dom  A.  Noël,  à  la  délicate  obligeance 
duquel  je  suis  redevable  de  précieux  renseignements  qui  ont 
largement  aidé  la  rédaction  de  mon  travail.  Grâce  aux  géné- 
reuses aumônes  des  seigneurs  de  Châtillon,  ses  puissants  voi- 
sins, cette  maison  aurait  pu  prétendre  à  une  longue  prospé- 
rité exemple  de  toute  inquiétude,  si  les  malheureuses  guerres 
dont  la  Champagne  fut  le  théâtre  au  xvi"^  et  au  xviP  siècle 
n'eussent  porté  de  graves  atteintes  à  son  régulier  accroisse- 
ment. Aussi  voyons-nous,  en  1622,  les  timides  religieuses 
abandonner  leur  couvent,  tour  à  tour  pillé  et  incendié,  et 
se  retirera  Reims,  dans  la  rue  du  Jard,  où  elles  possédaient 
une  maison  de  refuge. 

A  partir  de  cette  date,  l'histoire  de  l'antique  monastère  se 
confond  avec  celle  de  la  nouvelle  communauté  établie  à  Reims, 
où  il  faut  désormais  suivre  sa  destinée. 

Les  constructions  de  l'ancien  Longueau  existaient  encore  en 
1864  ;  le  sanctuaire  et  les  deux  premières  travées  de  la  cha- 
pelle ont  survécu  jusqu'en  1892.  Le  marteau  démolisseur  vient 
d'en  faire  disparaître  les  derniers  vestiges'.  Lors  de  la  Révolu- 
tion et  à  la  suite  d'une  adjudication  publique  faite  au  district 
d'Epernay,  le  15  octobre  1791,  le  baron  Guyot  de  Chenizol- 
se  rendit  acquéreur  de  partie  des  biens  de  Lougueau,  et  le 
surplus  du  domaine,  consistant  en  bâtiments  d'habitation  et 
d'exploitation,  partie  de  la  chapelle,  cours,  enclos  fermés  de 
murs,  terres  labourables,  prés,  chenevières,  pâtures,  vignes  et 
autres  dépendances,  fut  adjugé  à  M^  Anne-Etienne-Louis 
Gaussarl,  avocat  au  bailliage  de  Châtillon. 

Après  le  décès  de  ce  dernier,  M.  Louis-Marie  Gaussart,  son 
fils,  alors  colonel  au  18"^  régiment  d'infanterie  légère,  officier 
de  la  légion  d'honneur,  et  depuis  maréchal  de  camp,  commau- 
mandant  la  place  de  Rayonne,  se  rendit  cessionnaire  des 
parts  et  portions  de  Marie-Jeauue-Frauçoise  Guérin,  sa  mèie, 
et  de  ses  deux  frères;  puis  en  1811,  il  vendit,  moyennant  la 
somme  de  3U,0(J0  francs,  le  domaine  de  Longueau,  à  M.  et 

1.  Le  portail  laléral  i  ord  de  la  chtpe'ile  a  été  transforté  dans  la  cour 
intérieure  du  prieuré  de  Binsou. 

2.  Celle  famille  l.iit  l'objel  d'uuc  notice  qui  paraîtra  ultéricuremeut  daus 
la  Revue  de  Chainiiagnc. 


DE    LONGUEAU  21 

Mme  Hédoiu-Chopin,  de  Baslieux-sous-Châtillon,  bisaïeuls  de 
l'auteur  de  cette  notice;  ceux-ci  le  transmirent  par  succession 
à  leurs  enfants  qui,  étrangers  au  pa3-s,  vendirent  leurs  lots  en 
détail,  à  divers  particuliers. 

Actuellement,  l'emplacement  de  l'ancien  prieuré,  ainsi  que 
la  belle  garenne  qui  Tavoisine.  appartiennent  à  Madame  veuve 
Beliot,  propriétaire  du  château  de  Guisles. 

Nous  allons  faire  précéder  le  cartulaire  d'un  état  des  reve- 
nus du  prieuré,  dressé  le  31  janvier  l(io8,  et  dont  le  texte 
se  trouve  dans  l'inventaire  de  l'archiviste  Lemoine,  rédigé  en 
1780. 

Cette  pièce  mérite  d'autant  plus  d'accueil  qu'avec  une 
notice  succincte  sur  l'origine  du  couvent,  elle  nous  fournit,  au 
moment  de  son  apogée,  les  détails  les  plus  précis  sur  ses  nom- 
breuses possessions,  ses  revenus,  ses  charges  et  son  person- 
nel. En  outre,  elle  occupe  ici  sa  place  k  propos  pour  trouver 
un  contrôle  naturel  dans  le  cartulaire  qui  lui  fait  suite. 

Paul  Pellop. 


I 

Estât  et  déclaration  du  revenu  temporel,  chai;;ïes,  réparations  et 
autres  dépenses  accoustumés  estre  faictes  chacun  an,  ensemble  le 
nombre  des  religieux  que  fournissent  et  mettent  r>ar  devant  vous 
Madame  Jeanne  Baptiste  de  Bourbon,  fille  légitiaiée  de  France, 
abbesse  chef  et  généralle  de  l'ordre  de  Fontevrault,  immédiatement 
subjecte  au  sainct  siège  apostolique,  vos  filles^  prieure,  et  couvent 
de  Nostre  Dame  de  Longueau,  estably  dans  la  ville  de  Reims, 
membre  despendanc  de  vostie  dit  ordre,  pour  satisfaire  à  vostre 
ordonnance  en  datte  du  septiesme  jour  de  décembre  mil  six  cens 
soixante  sept  ;  pour  ledict  estât  estre  fourny  à  Sa  Majesté,  par  vous 
madicte  dame  abbesse^  à  la  descharge  de  vostre  dict  prieuré  et  cou- 
vent, en  conséquence  des  arrests  sigiiiffiez  le  vingt  deuxiesnie  juin 
MVl'^  soixante  sept,  par  Richart,  huissier  royal  audict  Reims,  et  le 
susdict  estât  mis  es  mains  du  R.  père  Jean  Virdoux,  prestre  proffes 
de  t'ostre  dict  ordre  et  vostre  vicaire  anticque  dépputté  par  vous 
mad.  dame  et  commissaire  comme  il  nous  est  apparu  par  la  lecture 
de  vostre  commission  par  luy  faicte  en  nostre  parloir  ordinaire  en 
datte  du  septiesme  décembre  MVI'-  soixante  sept  signée  de  vostre 
main  et  du  scel  de  la  ville^  vostre  secrétaire  et  scellé  de  vos  armes. 

Premier  représentent  vos  dictes  filles,  que  ledict  couvent  a  esté 
fondé  en  un  lieu  scitué  en  la  province  de  Champagne,  proche  Chas- 
tillons    sur     Marne,    appelle     Longueau,     où    elles    ont    tousjours 


22  LE    CARTULAIRE   DU   PRIEURÉ 

demeuré  jusques  en  l'année  1634,  qu'il  a  pieu  au  feu  Roy  Louyes 
treisiesme  lors  régnant  leurs  accorder,  par  ses  lettres  patentes  du 
mois  d'octobre  en  laditte  année,  et  scellée  du  grand  sceau  de 
cire  verte  en  las  de  soie  verte  et  rouge,  la  translation  dudict  cou- 
vent en  la  ville  de  Reims  où  elles  sont  establie,  du  consentement 
universel  de  tous  les  habitant,  avec  agrément  tant  de  Monseigneur 
l'archevesque  duc  de  Reims  que  de  Monseigneur  l'évesque  de  Sois- 
sons,  au  diocèse  duquel  ledit  lieu  de  Longueau  est  stitué,  ne  peu- 
vent pieusement  cotter  le  temps  de  laditte  fondation,  n'en  ayant 
aucune  cognoissance,  d'autant  que  tous  leurs  anciens  titres, 
papiers,  bâtiments  et  meubles  les  plus  précieux  ont  esté  pillées 
et  bruslées  pendant  les  guerres  des  Huguenots,  au  moins  la 
plus  grande  partie,  toutes  la  preuve  quelles  ont  desdicts  voir, 
et  incendie  est  par  des  lettres  monitoires  quelles  ont  obtenue 
de  nostre  sainct  Père  Paul  troisiesme,  Pape,  lan  sept  de  son  Ponti- 
ficat ;  pour  avoir  révélation  de  ceux  qui  avoient  commis  plusieurs 
vols  audit  couvent,  et  encor  par  un  contract  de  l'an  1572  portant 
quelles  ont  pris  cent  livres  à  constitution  de  rente  de  Messieurs  les 
Doïens  chanoines  et  chapitres  de  Sainct  Simphorian,  pour  aider  à 
restablir  les  bastiments  de  leurs  couvent,  qui  avoit  esté  pillés 
et  bruslées  quelque  temps  auparavant  par  les  gens  de  guerres, 
et  par  un  compte  qui  a  esté  rendu  pour  les  années  1569  et  1570, 
arresté  le  vingt  un  juin  1571  par  le  Révérend  Père  Visiteur  et  de 
luy  signé,  par  lequel  il  paroit  que  vos  dittes  filles,  estant  dispersées 
et  sortie  dudict  couvent  à  cause  des  troubles,  sy  sont  rassemblées 
esdictes  années  et  qu'il  a  esté  emprunté  pareille  somme  de  cent 
livres  pour  faire  leur  labourage  et  acheter  des  bœufs,  au  lieu  de  ceux 
qui  leur  avoient  esté  pris  par  les  huguenotz,  et  ledict  contract  de 
rente  est  passé  par  devant  Villers  et  Frontigny  notaires  royaux  en 
datte  du  sixiesme  novembre. 

Et  pour  preuve  de  lantiquité  dudict  couvent,  vos  dictes  filles 
représentent  comme  cy  devant  quelle  n'ont  le  tiltre  de  la  fonda- 
tion, mais  elles  font  apparoir  d'une  ratitfication  de  lan  mil  cent 
quatre  vingt  treize  par  laquelle  Gaucher  de  Chastillon^  connestable 
de  France^  confirme,  loue,  et  ace  jrde  tout  le  don  et  aumosne  que 
Gaucher  de  Chnstillon  son  aïeul  leur  a  fait  du  lieu  ou  In  maison 
conventuelle  dudict  Longueau  est  fondé,  et  tout  ce  qu'il  avoit 
audict  lieu,  qu'il  explique  consister  en  bois,  eaue,prés^  et  terre^  avec 
le  moulin  de  Nuisement,  une  charue  de  terre  à  Blaigny,  et  une  à 
Antuenay  ce  qui  justitlie  suffisament  que  ledict  couvent  a  estéesta- 
bly  avant  ladicte  année  1198. 

Représentent  aussy  vos  dictes  tilles  quil  leur  appartient  une  métai- 
rie seize  audict  Longueau,  qui  esc  de  lancien  domaine,  et  qui  leura 
esté  donné,  lors  de  la  fondation,  par  ledit  Gaucher  de  Cliastillon, 
ainsy  qu'il  appert  par  les  dictes  lettres  de  ratiffication  de  lan  1198, 
dont  il  est  taict  mention  cy  dessus,  ladite  maiterie  consistante 
en  une  maison  de  fort  grande  estendue  et  eu  cent  soixante  un 
arpens,  tant  terre,  prés,  maraiz,  vigne  que  garenne,  le  tout   donné 


DB   LONGUBAU  23 

à  ferme  y  compris  un  pressoir  sciz  a  Bailleux,  déppendant  de  la  sei- 
gneurie dudit  Bailleux  par  baille  du  septiesme  janvier  1666,  passé 
par  devant  Leleu  et  Roland  notaire  royaux  à  Reims,  duquel  elles 
font  apparoir,  moiennant  mil  livres  de  pension  par  chacun  an  et  sy 
il  y  a  une  église  audict  lieu  de  l.ongueau  où  elles  tont  célébrer  une 
messe  par  chacune  semaine,  pourquoy  elles  donnent  quarente  livres 
de  rétribution  qui  se  paie  par  le  fermier  outre  et  par  dessus  la  pen- 
sion portée  par  ledict  bail,  estant  à  remarquer  que  tous  les  héri- 
tages quelles  possèdent  audict  lieu  sont  exemptes  de  dixmes  par- 

M  1 
tant,  cy  ""  '• 

Plus  il  leur  appartient  la  terre  et  seigneurie  de  Bailleux  et  Melle- 
roy  les  Chastillons,  consistante  en  justice  haulte  moienne  et   basse, 
deux  maisons  tenantes  ensemble,  cent  soixante  arpens  ou  environs, 
tans  terres,  prez,  maraiz,  que  vignes  et  pressoir  banal,  laquelle  sei- 
gneurie, avec  partie  desdictes  terres,  prez,  marais  et  vigne,  leur  a 
esté  donné  parMilo  d'Anthenay,  du  consentement  de  sa   femme  et 
de  ses  enirans  et  de  M.  Gaucher  de  Nanteuil  par  donation  de  l'an 
1209  quelles  représentent  scellées  du  sceau  dudict  sieur  Gaucher  de 
Nanteuil,  pour  n'avoir  ledit  Milo   d'Anthenay  point  de  sceau,  les- 
quelles    terres^     prés,    maraiz,    et     vignes     déppendantes     dudict 
Milo   d'Antenay   sont   exempte   de   dixmes,  et   le  restant  desdictes 
terres     prés,    maraiz,    procédant   d'acquisitions   quelles    ont    taict 
en   plusieurs  temps,  de  divers  particuliers,  les  contracts  départies 
desdictes  acquisitions   dattées  des  14  décembre   1604,  dernier  féb- 
vrier   1606.   22  fébvrier   1607,  et  5  novembre  1613,  qu'elles  repré- 
sentent ne  pouvant  représenter  les  autres  pour  les  raisons  rapportées 
au    premier   article    du    présent   estât,  toutces  lesquelles    maisons, 
prez,  terres,  vignes  et  maraiz  non  compris   les  droits  seigneuriaux, 
rend  de  pension,  par  chacun  an,  suivant  le  bail  représenté,  datte  du 
onze  mars  1662,  passé  par  devant  Roland  et  Le  Leu,  notaires  royaux 
à    Reims,    la    quantité    de    cent    trente    neuf   septiers    de  grains, 
par  moitié  iroment  et  avoyne,  qui  valent  par  année  commune  cent 
solz  le  septier  froment,  et  quarente  solz   chacun   septier   avoyne, 
cy,  froment  LXIX  s.  II  q. 

Avoine  LXIX  s.  II  q. 

Remonstrent  vos  dictes  filles  quelles  jouissent  par  leurs  mauis 
des  droictz  seigneuriaux  qui  leur  appartiennent  en  ladicte  seigneurie 
de  Bailleux  Melleroy  et  deppendances,  qui  valent  communément 
trente  cinq  à  quarente  livres  quelles  font  recevoir  par  une  personne 
préposée  de  leur  part,  suivant  les  registres  ceuilleretz  quelles  repre- 
santent,  non  compris  les  droictz  de  ventes  quelles  reçoivent,  qui 
peuvent  valoir  vingt  livres  par  ans,  cy  ^^  '• 

Plus  il  leur  appartient  deux  petitz  clos,  contenant  sjizante  et  onze 
verges  ou  environs,  sciz  audict  Bailleux,  lieudict  Melleroy,  dont 
elles  ne  jouissent  présentement  y  ayent  procès  indécis  par  devant 
M.  le  Bailly  de  Vermandois  à  Reims  pour  rentier  en  la  jouissance. 

Néant, 
partant,  cy 


24  LE    CARTULAIRE   DU   PRIEURE 

Plus  il  leur  appartient  procédant  de  la  dicte  donation  de  Milo 
d'Anthenay  une  pièce  de  bois,  audict  terroir  de  Bailleux,  appelle  le 
bois  Banisson,  contenant  trente  six  arpens  quarente  deux  verges,  à 
laquelle  pièce  elles  ont  joint  deux  arpens  quatre  vingt  quinze  verges, 
acquis  de  Jean  Guerin  escuier  seigneur  de  Brular  et  consors,  par 
ccntract  du  premier  octobre  1659,  signé  Lamblet  et  Feval,  n9taires, 
sy  représenté,  desquelz  bois_,  aussy  bien  que  dune  autre  pièce, 
appellée  anciennement  en  grosse  œuvre,  et  a  présent  La  Cohette, 
qui  leur  appartient  en  conséquence  de  certain  eschange  quelles  ont 
faict  lan  1300,  le  jeudy  après  la  Purification,  avec  M.  Gaucher  de 
Chastillon,  connestable  de  Champagne,  par  lequel  eschange  appert 
ledict  bois  n'estre  en  la  grurie  et  grairie  du  Roy^  lequel  eschange 
elles  représentes  avec  une  copie  d'un  extraict  tiré  de  la  Chambre 
des  Compfes  de  certain  dénombrement  donné  au  Roy  par  dame 
Marguerite  de  Chastillon  en  l'an  1511^  elles  ont  jouy  paisiblement 
et  sans  trouble,  sinon  depuis  quelques  années  quelles  ont  esté 
inquiétées  et  poursuivies,  à  requeste  M.  le  Procureur  gênerai 
du  Roy,  en  la  Chambre  des  Comptes,  par  devant  M"'»  les  commis- 
saires députées  par  le  Roy,  pour  la  liquidation  du  domaine  délaissé 
a  Monsieur  le  Duc  de  Bouillon,  prétendent  que  tous  lesdits  bois  sont 
de  l'ancien  domaine  de  Chastillon,  et  pouvoient  lesdits  bois 
leur  rapporter  de  revenu  par  an,  lors  quelles  en  estoient  en  jouis- 
sance, la  somme  de  six  vingt  livres  et  a  présent,  cy  Néant. 

Plus  leur  appartient  audict  Bailleux,  une  petite  censé  et  métairie 
consistante  en  vingt  huit  arpens,  tant  jardins,  terres,  que  prez, 
quelles  ont  acquis  de  divers  personnes,  par  plusieurs  tiitres  et  con- 
tracts  cy  représentées,  dattées  des  troisiesme  febvrier  1660,  signez 
Lamblet,  vingtiesme  juillet  et  douziesme  décembre  audict  an,  signé 
Le  Leu  et  Roland,  vingt  quatriesme  janvier  166 1,  vingt  quatre 
febvrier  audict  an,  signé  Feval,  sixiesme  avril  audict  an  1661,  signé 
Petit  et  Bonne  entant,  quatorziesme  juin  audict  an,  signé  Lamblet 
et  Bonne  enfant,  et  vingt  deuxiesme  avril  1663,  signé  Feval  et  Le 
Febvre,  et  sixiesme  avril  1665,  aussy  signé  Feval  et  Bonnenfant, 
laquelle  censé  et  métairie  vauld  par  an  vingt  un  septier  de  grains, 
moitié  froment  et  avoyne,  suivant  le  bail  qui  en  a  esté  passé 
le  vingt  huitiesme  avril  1662,  par  devant  Roland  et  Le  Leu 
notaires,  sy  représenté,  qui  valent  par  année  commune  cent  solz  le 
septier  de  froment,  et  quarante  solz  le  septier  avoyne,  cy 

Froment  X  s.  II  q. 

Avoyne  X  s.  II  q. 

Il  leur  appartient  aussy  plusieurs  pièces  de  terres  en  savart,  qui 
estoient  cy  devant  en  bois,  et  faisantes  parties  de  ladicte  pièce 
eschangée  dont  il  est  cy  dessus  parlé,  appelle  présentement  la 
Cohette,  qui  sont  donné  a  louage,  par  bail  soulz  escriture  privée  du 
dix  sept  febvrier  1664,  à  Charle  Bautray  de  Bailleux,  à  charge  de 
rendre  compte  par  ihacun  an,  un  septier  deux  quartelz  froment,  et 
un  septier  deux  qunrtelz  avoyne,   lequel  bail  elles  représentent,  cy 


DE    LONGUEAU  25 

Froment  I  s.  II  q. 

Avoyne  I  s    II  q. 

Plus  il  leur  appartient  six  arpens  six  verges  de  terres  scizesaudict 
Bailleux,  quelles  ont  acquis  de  Jean  Bonnenfant  et  Elisabeth  Gos- 
sart,  sa  femme,  par  contract  du  vingt  deuxiesme  aoust  1664,  passé 
pardevant  Roland  et  Le  Leu,  notaires  royaux  a  Reims,  à  la  charge 
d'entretenir  le  bail  qui  avoit  esté'  faict  des  dictes  terres,  par  ledict 
Bonnenfaut,  qui  est  de  six  septiers  de  grains,  moitié  froment 
et  moitié  avoyne  par  an,  lequel  contract  elles  représentent,  cy 

Froment  III  s. 

Avoyne  II[  s. 

Il  leur  appartient  une  maison  audict  Bailleux  acquise  de  Jean 
Gaussart  et  consors  par  adjudication  qui  leur  en  a  esté  faicte  en  la 
justice  de  Chastillon  le  neufviesme  avril  1663,  signé  I.amblet, 
de  laquelle  elles  font  apparoir,  partie  de  laquelle  maison  est  dor.né 
à  louage  à  Claude  Clouet  demeurant  audict  Bailleux,  moiennant 
trente  livres  par  an  par  bail  du  troisiesme  may  1663,  signé  Feval 
et  Bonnenfant,  et  l'autre  partie  qui  estoit  en  musure  a  esté  aban- 
donnée pour  la  somme  de  six  livres  par  an  pour  trente  ans  a  Louis 
Rouelle  mareschal  audict  Bailleux  à  la  charge  de  taire  bastir  de  neut 
sur  ladicte  masure  une  maison  logeable  suivant  qu'il  est  plus 
amplement  rapporté  par  le  bail  qui  en  a  esté  passé  par  devant  Roland 
et  Leleu,  notaires,  le  vingt  deuziesme  janvier  1664  quelles  repré- 
sentent, cy  XXXVI  I. 

Et  sy  elles  ont  droit  de  prendre  et  lever  la  dixme  sur  certaines 
terres  qui  estoient  cy  devant  de  l'ancien  domaine  dudict  Bailleux,  et 
qui  ont  esté  vendues  il  y  a  fort  longtemps  dont  pourtant  elles  nont 
cognoissance,  duquel  droict  de  dixme  elles  sont  en  bonne  et  paisible 
possession  et  l'abandonnent  depuis  quelques  années  a  l'agent  de 
leurs  affaires  audict  Bailleux,  pour  luy  tenir  en  quelque  taçon 
lieu  de  recompence  et  peut  valoir  ledict  droict  soixante  solz  ou 
environ  par  an,  cy  III  1. 

Comme  aussy  elles  possèdent  sans  aucun  trouble  une  censé  seize 
à  Anthenay  consistante  en  une  maison  et  soizante  huict  arpens  ou 
environ  tant  terres  prés  quemaraiz,  laquelle  maison  avec  cinquante 
arpens  ou  environ  tant  terres  prez  que  maraiz,  faisant  partie  des- 
dictes soizante  huict  arpens,  procédant  de  la  donation  faicte  par 
Gaucher  de  Chastillon  rapportée  au  second  article  du  présent  estât, 
et  le  surplus  d'acquisitions  et  eschanges  quelles  ont  faict  ainsy 
quelles  font  apparoir  de  plusieurs  personnes  par  contractz  des  vingt 
quatriesme  febvrier  1659,  premier  septembre  1660,  et  sy  il  leur 
appartient  audict  lieu  d'Antenay  seuUes  et  pour  le  tout  les  grosses 
dixmes  d'un  triege  appelle  la  petite  dixme,  en  lieu  la  haye  des  reli- 
gieuses et  tiers  dans  tout  le  reste  du  terroir,  tant  par  donations 
quelles  en  ont  eu  que  acquisitions  et  eschanges  quelles  ont  taict  de 
plusieurs  particuliers  suivant  les  contracts  des  donations  et  acquisi- 
tions par  elles  représentées  et  dattées  du  mois  de  juillet  1220,  de 


26  LE    CARTULAIRB    DU    PRIEURÉ 

l'an  1234,  1236  et  1237  et  du  mois  d'avril  1629,  ensemble  de  Tamor- 
tissement  desdictes  dixmes  faict  au  profit  dudict  couvent  par  Jean 
Conte  de  Roucy  lan  1269,  le  lendemain  de  la  feste  de  Nostre  D-ime 
a  mars  et  scellé,  touttes  lesquelles  choses  sont  comprise  dans  un 
raesme  bail  qui  en  a  esté  passé  pardevant  Roland  et  Le  i  eu, 
notaires  royaux  a  Reims  le  septiesme  janvier  1660  a  charge  d'en 
rendre  de  pension  six  vingtz  un  septier  deux  quartelz  de  grains 
moictié  froment  et  avoyne  par  chacun  an  lequel  bail  elles  repré- 
sentent, cy 

Froment  LX  s.  III  q. 

Avoyne  LX  s.  III  q. 

Plus  elles  ont  droict  suivant  la  transaction  du  vingt  troisiesme 
janvier  1630  passé  par  devant  Nivert  et  Vassier,  notaires  à  Chas- 
tillon  sur  Marne  cy  représenté  de  prendre  sur  la  seigneurie  d'Ante- 
nay  trente  six  septiers  deux  quartelz  avoyne  dont  elles  jouissent  par 
leurs  mains  qui  peuvent  valoir  par  année  commune  quarente  solz 
le  septier,  cy 

Avoyne    '  XXXVI  s.  II  q. 

11  appartient  aussy  a  vos  dictes  filles  une  cernse  a  Romigny 
qui  leur  provient  partie  en  conséquence  d'un  traicté  et  transaction 
taicte  le  dix  septiesme  avril  1493  entre  elles  et  M  Nicolas  Raulin. 
chevalier  chancelier  de  Bourgogne,  et  le  surplus  d'acquisition 
taicte  de  Jacques  Lefranc  et  consors  demeurant  a  Reims  par  con- 
tract  du  treisiesme  avril  1662,  lequel  traicté  et  contract  elles  repré- 
sentent avec  le  bail  de  hdicte  censé  qui  en  a  esté  passé  le  ving- 
tiesme  juin  1663  par  devant  Roland  et  Le  Leu,  notaires,  moiennant 
vingt  deux  septiers  de  grains  moictié  froment  et  moictié  avoyne,  cy 

Froment  XI  s. 

Avoyne  XI  s. 

Plus  il  leur  appartient  une  censé  seize  a  Cuchery  consistante  en 
maison  couverte  de  thuilles,  terres,  prez,  aulnies  et  vignes  conte- 
nant soizante  dix  sept  arpens  et  deray  ou  environ  et  ce  en  conséquence 
d'un  contract  deschange  du  vingt  troisiesme  décembre  1614  passé 
par  devant  Clouet,  notaire  royal  demeurant  a  Chastillon  presens 
tesmoins  entre  lesdictes  religieuses  et  Nicolas  de  Vendière,  escuier, 
seigneur  de  Feuille,  laquelle  censé  rend  par  chacun  an  la  somme  de 
de  deux  cent  livres  suivant  le  bail  quelle  représentent  du  troisiesme 
janvier  1662  par  devant  Roland  et  Le  Leu,  notaires,  cy  II':   1, 

Plus  une  censé  appelle  la  censé  de  Naple  quelles  ont  acquis  de 
Henry  Mingot  et  sa  femme  moiennant  la  somme  de  cinq  mil  trois 
cens  quarante  cinq  livres,  par  contract  du  vingt  quatriesme  may  1661 
passé  par  devant  Le  Leu  et  Roland,  notaires  quelles  représentent, 
de  laquelle  censé  elles  sont  en  bonne  et  paisible  possession  et 
est  affermé  par  chacun  an.  trente  huict  septiers  de  grains  moitié  fro- 
ment et  avoyne  par  bail  du  vingt  huictiesme  janvier  1664  passé  par 
devant  lesdicts  Roland  et  Le  Leu,  notaires,  ly  représenté 


DE    LONGUEAU  27 

Froment  XIX  s. 

Avoyne  XIX  s. 

Et  sy  il  leur  appartient  un  surcens  de  quatorze  sol  six  deniers  a 
prendre  scavoir.  dix  sol  sur  une  maison  seize  a  Cliaumuzy  et  quatre 
solz  six  deniers  sur  une  chenevière  seize  audict  lieu,  ladite  chene- 
viere  détenue  par  les  héritiers  Pierre  Landragin  et  Nicolle  Bailletet 
ladicte  maison  par  Jacque  Breton  demeurant  audict  Chaumuzy  qui 
se  sont  reconeuz  debteurs  dudict  surcens  par  deux  contractz  passé 
pardevant  Aubry,  notaire  royal  demeurant  a  Ville  en  Tardenoisen 
datte  des  sixiesme  juin  et  huictiesme  aoust  1666,  cy  représentés,  cy 

XIII  s.  VI  d. 

Plus  il  leur  appartient  le  quart  aux  grosses  et  menues  dixmes  de 
Ste  Vaulbourg,  en  conséquence  de  la  donation  quelles  représentent 
et  qui  leur  en  a  esté  taicte  au  mois  de  septembre  de  l'an  1223  par 
Gérard,  chevalier  de  Mondioel  et  Guise  sa  temme  lequel  quart  de 
dixme  est  affermé  par  bail  du  vingt  sixiesme  mars  1665  passé  par- 
devant  lesdicts  notaires  pour  six  ans  moiennant  six  vingt  livres  par 
an  outre  quoy  il  est  obligé  les  acquicer  de  trois  septiers  froment 
quelles  sont  tenues  en  conséquence  de  ladicte  donnation  de  donner 
par  chacun  àti  aux  Religieux  d'Eslan,  cy  VI^'^    . 

Plus  le  tier  des  grosses  et  menues  dixmes  et  des  novalles  du  ter- 
roir d'Olizy,  Violaine,  la  Maquerel,  et  autres  deppendance  dudict 
terroir  d'Olizy,  ni^  peuvent  vos  dictes  filles  représenter  les  tiltres  en 
vertu  desquelz  elles  jouissent  desdictes  dixmes,  mais  elles  en  sont 
en  bonne  et  paisible  possession  y  ayant  esté  maintenu  par  arrest  de 
nos  seigi;eurs  de  Parlement  quelles  représentent  datte  du  seiziesme 
tebvrier  1528,  lesquels  dixmes  sont  affermés  la  quantité  de  trente 
six  septiers  par  chacun  an  moitié  froment  et  avoyne  par  bail  soulz 
escriture  privée  du  dix  huictiesme  juillet  1667  quellesrepresentent,cy 

Froment  XVIII  s. 

Avoyne  XVIII  s. 

Item  il  leur  appartient  le  tier  des  dixmes  du  terroir  de  Vendiere 
en  conséquence  de  la  donation  qui  leur  en  a  esté  faicte  au  mois  de 
mars  1213  par  Gaucher  de  Chastillon,  conte  de  Saint  Paul  quelles 
représentent  avec  le  traicté  du  onziesme  tebvrier  1634  passe 
par  devant  Moreau,  notaire  demeurant  a  Chastillon,  présent  tes- 
moins,  entre  Lsdictes  religieuses  de  Longueau  d'une  part,  et 
M''"  Remy  Mignon,  prestre  curé  dudict  Vendiere  d'autre,  ledict 
traicté  approuvé  par  vous  Madame  le  treiziesme  tebvrier  1635,  et 
sy  il  leur  appartient  cy  devant  six  quartiers  de  vignes  audict  Ven- 
diere qui  ont  esté  des  un  long  temps  reduictes  en  terres  labourables 
dont  elles  ne  peuvent  représenter  les  tiltres,  mais  elles  en  sont 
en  plaine  et  paisible  jouissance  estantes  comprises  au  bail  quelles 
ont  faict  desdictes  dixmes  le  vingt  quatricsme  tebvrier  1663  par 
devant  Roland  et  Le  Leu,  notaires,  moiennant  soizante  septiers  de 
grains  moitié  froment  et  avoine,  duquel  bail  elles  tont  apparoir, 
par  lequel  bail  le  fermier  est  obligé  les  acquiter  de  dix  huict  livres 


28  LE    CA.RTULA1RE    DU    PRIEURÉ 

par  an  dont  elles  sont  redevables  vers  le  sieur  curé  dudict  Vendiere 
suivant  le  traicté  dudict  jour  onziesme  febvrier  1634  cy  dessus 
cotté,  cy 

Froment  .        XXXVII  s. 

Avoyne  XXXVII  s. 

Plus  le  tier  de  touttes  les  dixmes  d'Aguisy  et  Bertenay  qui  leur 
appartient  en  conséquence  des  tiltres  quelles  représentent  qui  con- 
siste en  une  donation  faicte  par  Thomas  de  Forzy,  escuierau  mois 
de  mars  1215,  de  tout  ce  qui  luy  appartenoit  es  dictes  dixmes, 
ladicte  donation  estant  en  parchemin  scellé  du  sceau  dudit  Forzy 
et  en  une  acquisition  faicte  de  la  part  desdictes  dixmes  que  le 
nommé  Odo,  escuier  y  avoit,  le  contract  de  ladicte  acquisition 
datte  du  mois  d'octobre  1221  scellé  du  sceau  dudict  Odo,  et  sy  il 
leur  appartient  audict  lieu  d^Agnisy  une  pièce  de  pré  contenant 
trois  quartiers  qui  est  compris  dans  le  bail  de  la  censé  d'Anthenay 
dont  est  parlé  cy  dessus^  la  propriété  de  laquelle  pièce  de  pré  elles 
justifient  par  une  sentence  rendu  par  le  juge  de  Chastillon  le  dou- 
ziesme  septembre  1601,  signé  Petit,  et  au  resgars  desdictes  dixmes 
elles  sont  donné  a  louage  par  bail  du  seiziesme  avril  i66j  moien- 
nant  quarente  quatre  septiers  de  grains  moitié  froment  et  avoyne 
quelles  représentent,  passé  et  signé  desdicts  Roland  Leleu,  notaires,  cy 

Froment  XXII  s. 

Avoyne  XXII  s. 

Comme  aussy  il  leur  appartient  la  moitié  de  touttes  les  grossns 
et  menues  dixmes  du  terroir  d'Ogny  qui  rendent  par  chacun  an  la 
somme  de  deux  cens  trente  livres  comme  il  appert  par  le  bail 
quelles  en  represententent  passé  par  lesdits  Roland  et  Le  Leu 
notaires  le  douziesme  janvier  1662,  ne  pouvant  vos  dictes  filles 
pour  les  raisons  rapportées  au  premier  article  du  présent  estât  faire 
voir  les  tiltres  en  vertu  desquelz  elles  jouissent  desdictes  dixmes, 
mais  elles  justifient  quelles  en  sont  en  possession  de  temps  im.né- 
morial  par  plusieurs  baux  anciens  datte  l'un  du  dix  septiesme 
septembre  16  14,  signé  Taret  et  Flavignon,  un  acte  du  28  aoust  I532_, 
signé  Le  Dieu  et  Frontigny,  un  autre  du  vingt  sept  janvier  1550, 
signé  Le  Jeune,  et  un  autre  du  sixiesme  juillet  1658,  en  la  jouissance 
desquelles  dixmes  elles  ont  esté  nouvellement  maintenu  par  arrest 
de  nos  seigneurs  du  grand  conseil  contradictoirement  rendu  contre 
le  sieur  Dogny  et  les  habitants  dudict  lieu  les  vingt  deuxiesme  avril 
mil  six  cent  soixante  quatre  et  vingt  quatriesme  aoust  1666,  duquel 
elles  font  apparoir,  cy  II<^  XXX  1. 

Plus  il  leur  appartient  le  tier  aux  grosses  dixmes  de  Chambrecy 
qui  leur  a  esté  donné  par  Julio  lors  doïen  de  l'église  de  Reims 
a  charge  d'en  jouir  par  son  neveu  sa  vie  durant,  ainsy  qu'il  appert 
par  un  vidimus  de  Monseigneur  l'archevesque  Duc  de  Reims  estant 
en  parchemin  signé  du  sceau  dudict  seigneur  archevesque  datte  du 
Dimanche  fait  l'an  de  l'Incarnation  1178  et  par  un  autre  acte  du 
mois  de  septembre  1201  aussy  estant  en  parchemin  portant  l'aban- 


DE   LONGUEAU  29 

don  fait  au  profit  dudict  couvent  de  Longueau  par  Robert,  neveu 
dudict  Julio  du  droict  qu'il  avoit  audictes  dixmes  sa  vie  durant  et 
de  sa  femme  moiennant  trois  septiers  froment  par  an  que  ledict  cou- 
vent se  seroit  obligé  de  leur  donner,  depuis  lequel  temps  elles  ont 
paisiblement  et  sans  trouble  jouy  dudict  tiers  de  dixmes  qui  est  a 
terme  trente  septiers  de  grains  moitié  froment  et  avoyne  comme 
appert  par  le  bail  du  quatriesme  may  1666  passé  par  lesdicts  Roland 
et  Le  Leu  notùres,  quelles  représentent,  cy 

Froment  XV  s. 

Avoyne  XV  s. 

Il  appartient  aussy  a  vos  dictes  filles  les  deux  tiers  des  dixmes  du 
terroir  de  Chastiilon  et  bas  Mallemont  et  un  tiers  au  hault  Maile- 
mont  sans  quelles  puissent  déclarer  dou  leur  procède  ledict  droict 
de  dixme  n'en  aians  trouvé  aucun  tiltres,  papiers,  ny  recogiioissance, 
sinon  une  sentence  du  quatriesme  aoust  1546  estant  en  parchemin 
signé  Legrand  rendu  par  le  lieutenant  en  la  justice  de  Chastiilon 
sur  Marne  entre  vos  dictes  filles  de  Longueau  demandresses 
et  damoiselle  Anthoinette  Germaine  femme  de  Gilles  de  Nizart 
escuier  sieur  de  Cuil  et  consors,  deffendeurs^  p.ir  laquelle  elles  ont 
esté  maintenue  en  leur  possession  et  les  defTendeurs  condamnées 
les  laisser  jouir  des  deux  tiers  desdictes  dixmes,  et  sy  elles  ont 
recouvert  plusieurs  baux  quelles  représentent  dattes  du  vingt  un 
juillet  1526,  sixiesme  may  1534,  neufviesme  may  1549,  vingt  cin- 
quiesme  tebvrier  155 1,  huictiesme  juillet  1564,  vingt  deuxiesme 
juin  1568,  quinziesme  novembre  1600,  et  neufviesme  juin  1639,  qui 
justifient  suffizament  la  possession  desdictes  dixmes  qui  rendent  de 
pension  par  chacun  an  la  somme  de  quatre  vingt  seize  livres,  niusy 
qu'il  appert  par  le  bail  qui  en  a  esté  passé  par  devant  lesdicts  Roland 
et  Le  Leu  notaires,  le  quatriesme  tebvrier  1663,  et  outre  ce  est 
obligé  de  les  acquicter  de  trois  cacques  de  vin  quelles  doivent  par 
chacun  an  au  curé  de  Chastiilon,  cy  IIII^''  XVI  1. 

Plus  elles  ont  droict  de  prendre  et  recevoir  par  chacun  an  sur  le 
hallage  de  Chastiilon  la  quantité  de  sept  septier  de  grains  par  tiers 
froment,  tier  seigle  et  tier  avoyne  duquel  droict  elles  ont  tousjou>'s 
paisiblement  jouy  sinon  depuis  quelque  années  que  Monsieur  le 
procureur  général  en  la  Chambre  des  Comptes  prétendant  que  ledict 
droict  estoit  de  l'ancien  domaine  de  Chasteau  Thiery,  elles  ont  esté 
assignées  de  l'autorité  de  Messieurs  les  commissaires  depu;é  par  le 
roy  pour  la  liquidation  du  domaine  délaissé  en  eschange  à  Mon- 
sieur le  Duc  de  Bouillon,  par  devant  lesquelz  commissaires  il  y 
a  procès  indécis  ou  vos  dictes  filles  ontproduict  toutes  les  pièces 
justificatives  de  leur  droict  quelles  n'ont  peu  retirer  jusques  a  pré- 
sent, portant  cy  Néant. 
Plus  il  leur  appartient  le  douziesme  de  touttes  les  dixmes  de 
Lagery  par  donation  qui  leur  en  a  esté  faicte  au  mois  de  septembre 
1204  par  Gaucher  escuier  de  Lagery,  de  laquelle  donation  estant  en 
parchemin  et  scellé  elles  font  apparoir,  aussy  bien  que  du  bail  qui  a 


30  LE    CARTULAIRE    DU    PRIEURE 

esté  passé  le  deuxiesme  juin  1663  par  devant  lesdicts  Le  Leu 
et  Roland  notaires  dudict  douziesme  des  dixmes  moiennant  cin- 
quante livres  par  an,  cy  L  1. 

Il  leur  appartient  aussy  au  mesme  lieu  une  pièce  de  terre  conte- 
nant un  arpent  ou  environ  dont  elles  sont  en  paisible  jouissance 
nen  ayant  aucun  tiitre  par  éscrit  quoy  que  ce  soit  elles  nen  ont  pu 
recouvrer,  laquelle  pièce  de  terre  est  loué  trente  sol  par  an  suivant 
le  bail  du  douziesme  janvier  1662  passé  par  devant  les  mesme 
notaire^  cy  XX.X  s. 

Et  sy  il  leur  appartient  le  demy  tier  de  touttes  les  dixmes  du 
hault  et  bas  Veriieuil,  tant  par  deux  donations  qui  leurs  ont 
esté  faictes  en  lannée  1207, par  Jeanescuier  seigneur  de  Mareuil  et 
par  la  Contesse  de  Bourgone^  quelle  vous  représentent  estantes  en 
parchemin  scellé  des  sceaux  desdictz  seigneurs  et  dame,  que  par 
l'acquisition  quelles  en  ont  faicte  de  Gérard  de  Haorgue  en  l'année 
1211,  ratifEé  en  l'année  12 12  par  Madame  qui  estoit  pour  lors 
abbesse  de  Fontevraux^  desquelles  acquisition  et  ratification  estant 
en  parchemin  elles  font  pareillement  apparoir,  ensemble  le  bail 
dudict  demy  tier  de  dixme  en  datte  du  quatcrziesme  may  1664 
passé  par  devant  les  susdicts  notaires,  a  la  charge  d'en  paier  cent 
cinquante  quatre  livres  par  an  et  de  les  acquiter  enver  le  curé  de 
Verneuil  de  vingt  quatre  livres  trois  solz  par  an  pour  partie  de  la 
portion  congrue,  cy  CLIIII  1. 

Plus  il  leur  appartient  le  tier  de  touttes  les  dixmes  tant  grosses 
que  menues  du  terroir  d'Aubilly  dont  elles  sont  en  bonne  et  pai- 
sible possession,  le  plus  ancien  tiitre  quelle  en  représentent  est  une 
transaction  de  l'année  1295  estant  en  parchemin  et  scellé  ladicte 
transaction  passé  entre  Monsieur  l'archevesque  Duc  de  Reims,  les 
Religieux  d'Auvillers  et  vos  dictes  filles  du  couvent  de  Longueau, 
d'une  part,  et  le  sieur  curé  de  Mery  qui  est  curé  d'Aubilly  d'autre, 
par  laquelle  se  recognoit  quelles  ont  part  auxdictes  dixmes,  avec 
laquelle  transaction  est  attaché  un  bail  en  parchemin  du  vingt 
uniesme  juillet  1540  qui  a  esté  faict  dudict  tier  de  dixme  a  Marc  Le 
Bel  meusnier  demeurant  à  Aubilly,  ensemble  un  arrest  du  grand 
conseil  du  vingt  sixiesme  juin  1663  signé  sur  le  reply  Herbin  rendu 
allencontre  de  M.  Christophe  de  Conflans  conte  de  Vezilly, 
par  lequel  ledict  sieur  de  Conflans  a  esté  condamné  se  désister  au 
profit  des  demandresses  des  susdictes  dixmes  qui  sont  affermée  soi- 
xante livres  par  an,  suivant  le  bail  passé  par  lesdicts  Roland  et 
Le  Leu  notaires  le  vingt  huictiesme  avril  1665  quelles  représentent, 
par  lequel  le  fermier  est  obligé  de  les  acquiter  de  dix  septier  de 
grains  par  moitié  froment  et  avoyne  pour  le  tier  du  preciput 
du  sieur  curé  dudict  lieu,  cy  LX  1. 

Une  pièce  de  pré  seize  a  Saincce  Eufraize  contenante  dix  quar- 
telz,  communément  appelle  le  pré  l'Abbé,  de  laquelle  elles  sont  en 
possession  en  conséquence  d'une  sentence  rendu  par  le  Lieutenant 
à   Chastillon   sur    Marne  le    dixiesme  juillet    1560   signé   Petit,  de 


DE    LONGUEAU  3j 

laquelle  elles  font  apparoir,  comme  aussy  de  plusieurs  baux  datte 
des  dix  neufviesme  janvier  1561,  quinziesme  décembre  1601, 
dixiesme  novembre  1608,  septiesme  avril  1616,  treiziesme  décembre 
1632  et  treiziesme  may  1639,  laquelle  pièce  de  pré  est  présente- 
ment affermé  par  bail  du  huictiesme  juin  1663  passé  pardevant  les- 
dicts  notaires  la  somme  de  trente  livres,  cy  XXX  1. 

Plus  vos  dictes  filles  vous  remonstrent  qu'il  leur  appartient 
le  quart  de  touttes  les  dixmes  tant  grosses  que  menues  et  novalies 
du  terroir  de  Pourcy  qui  rendent  par  an  la  somme  de  soi- 
xante quinze  livres  comme  il  appert  par  bail  du  vingt  troisiesme 
may  1665  passé  par  lesdicts  Roland  et  Le  Leu  notaires,  et  ce  en  con- 
séquence de  la  donation  qui  leur  en  a  esté  faicte  par  le  sieur  Guil- 
laume de  Germaine,  de  laquelle  donation  elles  ne  peuvent  faire  appa- 
roir pour  les  raisons  rapportées  au  premier  article  du  présent  estât, 
mais  elles  justiffient  de  la  ratiffication  en  parchemin  qui  a  esté 
taicte  de  laditte  donation  par  Madame  qui  estoit  pour  lors  abbe.sse 
a  Fontevrauld,  ensemble  d"un  esentence  arbitralle  du  treiziesme 
tebvrier  15^41,  homologués  par  Mons""  le  prevot  de  Paris  ou  son 
Lieutenant  le  dix  huictiesme  janvier  1^42  quelles  vous  repré- 
sentent, cy  LXXV  1. 

Il  leur  appartient  aussy  une  pièce  tant  terre  que  pré  seize  au  ter- 
roir de  Bouilly  qui  avoit  esté  donné  cy  devant  a  surcens  a  Arnoult 
Charpentier  dudict  Bouilly  moiennant  sept  solz  par  an  par  contract 
de  Tannée  1279  duquel  elles  font  apparoir,  en  laquelle  elles  sont 
rentrées  depuis  ledict  surcens  expiré,  laquelle  pièce  tant  terre  que 
pré  est  donné  a  ferme  moiennant  cent  solz  par  par  an  bail  du 
troisiesme  may  1665  passé  par  devant  lesdicts  notaires,  quelles 
représentent,  cy  C  s. 

Plus  il  leur  appartient  vingt  neuf  hommées  et  demy  tant  vignes 
que  terre,  ensemble  deux  hommées  de  terre  y  compris  un  petit 
bout  de  bois  contenant  deux  verges  cinq  pieds,  eschangé  avec  un 
petit  jardin  qui  appartenoit  audict  couvent,  desquelles  terres  vignes 
et  jardin  elles  jouissent  paisiblement  et  sans  trouble  quoy  quelles 
nen  puissent  représenter  aucun  tiltre  que  les  baux  anciens  datte  du 
vi-igt  septiesme  décembre  1532^  vingt  septiesme  décembre  1558, 
vingt  septiesme  décembre  1 541,  vingt  huictiesme  avril  1633,  et  troi- 
siesme novembre  162T,  dont  elles  tont  apparoir,  ensemble  de  l'es- 
change  dudict  jardin  avec  lesdictes  deux  hommées  de  terre  datte  du 
dix  septiesme  juillet  1663,  touttes  lesquelles  choses  sont  donné  à 
terme  par  baiLdu  quinziesme  décembre  1661  passé  par  devant  les- 
dicts notaires,  à  la  charge  d'en  rendre  huict  livres  par  an,  lequel 
bail  elles  vous  représentent  cy  VIII  I. 

Comme  aussy  il  leur  appartient  quatre  arpent  de  pré  et  deux 
arpent  de  terre  qui  estoient  cy  devant  en  vignes  scizes  au  terroir 
d'Esparnay  ou  de  Mardeuil  proche  ledict  Esparnay,  la  propriété 
desquelles  terres  et  prez  elles  justifient  par  les  acquisitions  que  Ber- 
terand  de  Verzelay  a  fait  de  certaines  vignes  a  Mardueil  et  la  doua- 


32  LE    CARTULAIRE    DU   PRIEURÉ 

tion  que  leJict  Verzelay  en  a  faict  au  Prieuré  de  Longueau  par 
coiitract  et  vidimus  des  années  1239  et  1241,  et  encor  par  baux  des 
vingt  neufviesme  mars  1596,  dixiesme  avril  1650.  et  quinziesme 
avril  \6^6.  quelles  représentent  avec  le  bail  a  louage  desdictes 
terres  et  prez  passé  par  devant  notaires  le  vingt  cinquiesme  feb- 
vrier  1667  moiennant  vingt  huicc  livres  par  an,  cy  XXVIII  1. 

Pius  trois  pièces  de  prez  seize  au  terroir  de  Faverolles  contenant 
ensemble  quatre  a  cinq  arpens  suivîiis  larpentage  du  sixiesme 
novembre  1649,  quelles  représentent  avec  des  anciens  baux  dattées 
du  vingt  sixiesmf  novembre  1527,  dernier  décembre  1555,  vingt 
neufviesme  décembre  1564,  et  troisiesme  avril  161 8  nayant  trouvé 
autres  tiltres  dans  leur  cartulaire  nonobstant  touttes  les  recherches 
quelles  en  ont  taict  et  sont  lesdictz  prez  présentement  affermé 
la  somme  de  cent  livres  par  an  suivant  le  bail  quelles  représentent 
du  huictiesme  mars  1665  passé  par  devant  lesdictz  Roland  et 
I.e  Leu  notaires  à  Reims,  cy  Cl. 

Plus  il  leur  appartient  par  concession  et  donation  du  mois  d'avril 
i30i,a  elles  faictes  par  Hugo  conte  de  Rethel,  quelles  représentent 
en  parchemin  scellé  du  sceau  dudict  seigneur  conte  de  Rethel, 
la  somme  de  douze  livres  dix  solz,  à  prendre  sur  le  hallage  dudict 
Rethel,  cy  XII  1.  X  s. 

La  somme  de  quatre  livres  de  surcens  perpétuel,  à  prendre 
sur  une  vigne  seize  au  terroir  de  Cuil,  contenant  un  demy  arpent 
lieu  dict  la  Galopane,  détenu  par  Gilles  de  U  Moste,  vigneron 
demeurant  audict  Cuil,  par  bail  du  vingtiesme  septembre  1661 
passé  par  devant  Bonnentant  notaire  royal  demeurant  a  Chastillon, 
présent  tesmoins  dont  elles  font  apparoir,  cy  IIII  1. 

La  somme  de  sept  livres  qui  leur  est  dû  par  chacun  an  par  Mes- 
sieurs du  Chapitre  de  l'Eglise  Nostre  Dame  de  Reiras,  a  prendre  sur 
une  quantité  de  bois  ainsy  qu'il  appert  par  une  sentence  de  Mes- 
sieurs des  Requestes  du  palais  du  dixiesme  may  i  550  quelles  repré- 
sentent, cy  VII  1. 

La  somme  de  douze  livres  dix  solz  de  rente,  moiennant  deux  cent 
livres  en  principal  qui  leur  sont  deus  par  la  succession  de  feu 
Mr  Luc  Petit^  vivant  Président  en  l'Election  de  Reims,  suivant  cer- 
taine sentence  arbitralle  du  troisiesme  mars  1643  quelles  repré- 
sentent signé  Dailler,  cy  XII  1.  X  s. 

Plus  la  somme  de  six  livres  cinq  solz  de  rente,  à  prendre  par  cha- 
cun an  sur  la  seigneurie  d'Aguisy,  suivant  le  contract  du  vingt 
sixiesme  aoust  1621,  faict  à  leur  profict  par  Monsieur  François  Picot, 
baron  de  Couvay,  par  devant  Nivart  notaire  royal,  présent  tes- 
moins, duquel  contract  elles  font  apparoir^  ey  VI  l.  V  s. 

La  somme  de  trois  livres  deux  solz  six  deniers  de  rentes,  à  elles 
deue  par  contract  de  constitution  de  rente,  du  vingt  huictiesme 
avril  1616,  faict  à  leur  profit,  par  Charle  Moreau  et  Louyse  Le  Gras, 
sa  femme,  demeur.int  a  Vendière,  pardevant  Clouet  et  Frontigny, 


DE   LONGtJEA.U  33 

notaire!!,  laquelle  rente  iMr  Charle  Moreau  prestre,  demeurant 
a  Vendière  c'est  recognu  debteur  pour  les  causes  rapportées  en 
l'acte  de  recognoissance  qui  en  a  esté  passé  le  treiziesme  novembre 
1658^  pardevant  Feval  et  Lamblet,  notaires  a  Chastillon,  repré- 
sentent, cy  III  1.  Ils.  VI  d. 

Plus  la  somme  de  cent  cinquante  livres  de  rente^  deue  par 
M''  Lespacgnol,  moiennant  trois  mil  livres  en  principal,  parcontract 
du  vingt  huictiesme  décembre  1662,  passé  pardevant  Roland  et  Le 
Leu,  notaires,  quelles  représentent,  cy  CL  1. 

Pareille  somme  de  cent  cinquante  livres  de  rente,  deue  par 
M''  Coquebert,  moiennant  trois  mil  livres  en  principal,  parcontract 
quelles  représentent,  passé  pardeva:it  lesdicts  notaires,  le  dix  huic- 
tiesme aoust  1664,  cy  CL  1. 

Deux  surcens  de  vingt  cinq  solz  chacun,  à  prendre  l'un  sur  une 
maison  seize  a  Reims,  rue  du  Terra,  appartenant  a  l'abbaye  Sainct 
Estienne  dudict  Reims,  et  l'autre  à  prendre  sur  une  autre  maison 
seize  audict  Reims,  rue  de  l'Epicerie,  appartenant  a  Ihautel  Dieu, 
desquelz  surcens  elles  sont  en  possession  suivant  plusieur  anciens 
comptes  par  elles  représentées,  cy  L  s. 

Plus  deux  rentes  montantes  ensemble  a  la  somme  de  trois  livres 
deux  solz  six  deniers  par  an,  constitué  à  leur  profit  par  Messieurs  les 
Lieutenant  et  gens  du  Conseil  de  la  ville  de  Reims,  par  deux  con- 
tracts  séparés  passé  pardevant  Vaurouart  et  Rogier  notaires  royaux 
audict  Reims,  le  sixiesme  avril  1554  quelles  représentent,  cy 

III  1.  II  s.  VI  d. 

Plus  il  leur  appartient  une  maison  seize  audict  Reim^  rue  de  la 
Grande  Boucherie,  quelles  ont  acquis  de  Marie  Motha  veufve 
de  Rigobert  Soyer,  moiennant  la  somme  de  quatre  mil  quatre  cens 
livres,  par  contract  du  vingt  neutviesme  octobre  1664,  passé  parde- 
vant Roland  et  Leleu  notaires,  quelles  représentent  avec  le  bail  a 
louage  de  ladite  maison  faict  ledict  jour  pardevant  les  mesmes 
notaires,  moiennant  cent  soixante  quinze  livres  par  an,  cy 

CLXXV  1. 

Remonstrent  vos  dictes  filles  que  peu  de  tciiips  après  leur  transla- 
tion et  establissement  en  cette  ville,  elles  achetèrent  quantité  de 
petites  maisons  et  mazures  joignantes  leur  maison,  partie  des- 
quelles maisons  et  mazures  elles  ont  joinctes  et  enfermés  dans  leur 
dicte  maison,  et  le  surplus  montant  a  cinq  tort  petites  maisons  sont 
occupés  par  pauvres  personnes  de  qui  elles  retirent  présentement  de 
louage  la  somme  de  cent  quatre  livres  par  an,  duquel  louage  il  ny 
en  a  aucun  bail  par  escrit  dautant  que  lesdictes  maisons  sont  iort 
caduques  et  ruineuses^  et  quelles  sont  en  volonté  de  les  taire  démo- 
lir, cy  CIIII  1. 

Somme  totalle  de  tout  le  revenu  cy  dessus  monte  en  argent  a  la 
somme  de  deux  mil  huict  cent  quatre  vingt  sept  livres  quatre  solz 
six  deniers  tz. 


34  LE    CARTULA.IRE    DU    PRIEURE 

Et  en  grains  en  la  quantité  Je  deux  cens  soixante  sept  septiers  un 
quartel  froment  qui  peuvent  valoir  par  anné  commune,  a  raison  de 
cent  solz  le  septier,  la  somme  de  treize  cent  trente  six  livres  cinq 
solz  tz. 

Etenavoynela  quantité  de  trois  cent  trois  septiers  trois  qnartelz 
qui  peuvent  valoir,  a  raison  de  quarente  solz  le  septier,  la  somme  de 
six  cens  sept  livres  dix  solz  tz. 

Outre  ce  que  dessus  vos  dictes  filles  jouissent  présentement 
de  plusieurs  pensions  viagères,  sçavoir  : 

De  la  somme  de  cent  cinquante  livres,  pour  la  pension  de  sœur 
Simonne  Cocquebert,  a  présent  prieure,  ne  peuvent  vos  dictes  filles 
représenter  le  contract  ne  se  treuvent,  mais  justifient  quelles  en 
jouissent  par  plusieurs  comptes,  cy  CL  1. 

De  la  somme  de  quatre  vingtz  livres,  pour  la  pension  de  sœur 
Catherine  Michon,  religieuse^  par  contract  du  seiziesme  juillet 
1618,  signé  Clouet  notaires,  présent  tesmoins,  cy  IIII'^^  1. 

De  la  somme  de  cent  cinquante  livres,  pour  la  pension  de  sœur 
Appoline  Frizon^  religieuse,  par  contract  du  vingt  septiesme 
octobre  161 8,  passé  par  devant  Clouet  notaires  en  la  prevosté  de 
Chastillon,  présent  tesmoins.  duquel  elles  font  apparoir,  cy       CL  1. 

De  la  somme  de  cent  livres  pour  la  pension  de  sœur  Rennette 
Cocquebert  religieuse,  comme  elles  justifient  par  contract  signé 
Moreau,  notaire  demeurant  à  Chastillon,  présent  tesmoins,  quelles 
représentent,  cy  C  1. 

De  la  pension  de  six  vingt  livres,  pour  la  pension  de  sœur  Jeanne 
Gilbault^  religieuse,  comme  appert  par  contract  du  cinquiesme 
novembre  1639,  passé  pardevnnt  Taillet  et  Roland,  notaires  royaux 
à  Reims,  dont  elles  font  apparoir,  cy  CXX  1. 

De  la  somme  de  deux  cent  livres,  pour  la  pension  de  sœur  Anne 
Parent,  religieuse,  par  contract  passé  par  devant  Taillet  et  Roland^ 
notaires  royaux  à  Reims,  datte  du  septiesme  janvier  1641,  quelles 
repre.sentent,  cy  II'-  1. 

De  la  somme  de  cent  cinquante  livres,  pour  la  pension  de  sœur 
IMagdelaine  Amé,  religieuse,  par  contract  du  septiesme  janvier  165  i, 
passé  pardevant  Roland  et  Le  Leu,  notaires,  dont  elles  font  appa- 
roir, cy  CL  1. 

De  la  somme  de  cent  cinquante  livres,  pour  la  pension  de  sœur 
Margueritte  Oudinet,  religieuse,  ainsy  quelles  justifient  par  contract 
du  neufviesme  juin  165:9,  passé  pardevant  Roland  et  Le  Leu, 
notaires,  dont  elles  font  apparoir,  cy  CL  I. 

De  la  somme  de  cent  cinquante  livres,  pour  la  pension  de  sœur 
.Anne  Coquebert,  religieuse,  comme  appert  par  contract  du  ciou- 
ziesmff  septembre  1664,  passé  par  devant  Roland  et  Le  Leu, 
notaires,  quelles  représentent,  cy  CL  1. 

De  la  somme  de  deux  cens  livres,  ])our  la  pension  de  sœur  Marie 
de  Bar,  religieuse,  par  contract  du  premier  octobre  1664  passé  par 


DE    LONGUEAU  l-{5 

devant  Roland  et  Le  Leu,  notaires  à  Reims,  quelles  représentent,  cy 

II-  1. 

De  ia  somme  de  cent  cinquante  livres^  pour  la  pension  de 
sœur  Jeanne  Hachette,  novice,  comme  appert  par  contract  passé 
par  devant  Le  Leu  et  Augier,  notaires  à  Remis,  le  vingt  neuf- 
viesme  janvier  1667,  cy  CL  1. 

Total  de  touttes  les  dictes  pensions  seize  cent  livres  1600  1. 

Qui  font  avec  les  sommes  cy  dessus  en  argent  et  avoyne,  non 
compris  le  froment  qui  se  convertit  en  pain  pour  la  nouriturc  dudict 
couvent,  la  somme  de  cinq  mil  quatre  vingt  quatorze  livres  qua- 
torze solz  six  deniers  5^94  '•  ^4  s.  6  d. 

Sur  quoy  vient  a  déduire  les  charges  qui  ensuivent. 

Premier  ne  taut  faire  estats  des  deux  cent  soixante  sept  septiers 
un  quartel  froment,  dont  a  esté  faict  recepte  cy  dessus,  d'autant 
quil  s'emploie  à  la  nourriture  de  la  maison  et  qu'il  ne  s'en 
faict  aucun  profict. 

Vos  dictes  filles  vous  représentent  avec  tout  respect  quelles  sont 
au  nombre  de  trente  sept  professes  du  cœur,  une  novice  et 
huict  sœurs  converses,  et  que  pour  leur  nouriture  et  entretient 
de  tout  vestements  et  linges,  ensemble  pour  les  nourriture  de 
vos  vicaires  lors  quil  viennent  en  visites,  de  deux  touriers,  un  jar- 
dinier quelles  ont  dordinaires  et  des  fermiers  et  laboureur  qui  cha- 
rient  leurs  grains  vins  et  bois,  lors  qui!  font  lesdicts  charrois,  elles 
dépensent  par  année  commune  suivant  quil  appert  par  les  deux  der- 
niers comptes  représentées  et  examinées  par  les  commissaires  quil 
a  pieu  a  vostre  Altesse  de  députer,  la  somme  de  six  mil  sept 
cens  livres,  cy  VI»  VU-  1, 

Plus  elles  ont  un  confesseur  ordinaire,  qui  célèbre  tout  les  jours  la 
messe  en  leur  chapelle  auquel  elles  ne  irouraissent  aucune  nourriture 
et  luy  donnent  pour  toutes  rétribution  par  chacun  an  la  somme  de 
deux  cent  trente  livres,  cy  II'-  XXX  1. 

Plus  elles  ont  un  chappelain  qui,  outre  la  messe  dudict  con- 
fesseur, célèbre  touttes  les  festes  et  dimanches  une  messe  basse, 
et  sert  de  diacre  lors  quil  en  est  besoing,  pourquoy  elles  luy  paient 
la  somme  de  soixante  livres  par  an,  cy  LX  1. 

Pour  les  gages  d'un  enfant  qui  sert  de  clerc,  la  somme  de  dix 
livres^  cy  X  1. 

Pour  l'entretient  des  ornements  de  leur  chapelle  en  cette  ville  que 
de  l'église  et  chapelle  de  Longueau  leur  maison,  du  linge,  meubles 
et  argenterie  de  l'église  et  sacristie,  ensemble  du  luminaire,  par 
année  commune,  la  somme  de  cinq  cens  livres,  cy  V*^  J. 

Llles  nont  aucuns  officiers^  procureurs,  receveurs,  ny  sergens 
auquel  elles  donnent  gages,  mais  seulement  un  agent  a  Longueau 
qui  a  esgard  à  leurs  bois  et  agist  en  leurs  affaires,  auquelles 
elles  donnent  par  an  trente  livres  de  gages  et  quatre  septiers  de  fro- 
ment qui  sojit  compris  dans  Testât  du  froment  partant,  cy  XXX  1. 


36  LE  cartulairE  du  prieuré 

Pour  les  gages  ordinaires  des  deux  tourrieres,  soizante  huict  livres 
outre  leur  nourriture,  cy  LXVIII  l. 

Pour  les  gages  dn  jardinier,  aussy  outre  ses  nourritures,  cinquante 
six  livres,  cy  LVI  1. 

Pour  les  gages  du  médecin  tant  ordinaires  que  extraordinaires, 
cinquante  livres  L  1. 

Le  chirurgien,  par  anné  commune,  nayant  aucun  gages  ordinaire, 
la  somme  de  quarente  livres,  cy  XL  1. 

Pour  les  drogues  de  l'appoticaire  par  anné  commune,  la  somme 
de  cent  livres  C  1. 

Pour  les  réparations  des  bastimens  tant  de  leur  maison  conven- 
tuelle que  de  quatorze  maisons  en  cette  ville  et  en  campagne,  qui 
leur  appartiennent,  d'un  pressoir,  et  des  cœurs  etcancelles  de  douze 
églises,  pour  les  partz  dont  elles  sont  tenues  a  proportion  de  ce  quelles 
perçoivent  de  dixmes  dans  les  paroisses  desdictes  églises,  par  estima- 
tion et  année  commune,  la  somme  de  douze  cens  livres^  cy  XII'~  1. 

Pour  plusieurs  frais  qu'il  convient  faire  a  la  poursuite  des  procès 
tant  en  demandant  que  deffendant,  pour  la  conservation  de  leur 
biens  et  avoir  payement  de  leurs  debtes,  tant  auxadvocatz  procu- 
reur, sergens,  et  autres  officiers  en  justice,  par  année  commune,  la 
somme  de  trois  cent  livres  UT    1. 

Pour  les  frais  des  voiages  de  ^Monsieur  le  vicaire  qui  faict  la  visite, 
il  se  donne  dordinaire  la  somme  de  vingt  livres  non  compris  les  frais 
de  nouritures  qui  sont  emploiée  dans  la  dépense  commune,  cy    XX  l. 

Plus  pour  les  subcides  quelles  doivent  par  chacun  an,  a  vous 
Madame,  la  somme  de  six  livres,  cy  VI  1. 

Pour  le  voiage  d'un  homme  qui  s'envoye  exprès  a  Fontevraux, 
pour  avoir  vostre  confirmation,  après  lelection  qui  se  taict  tous 
les  trois  ans  de  la  prieure,  la  somme  de  quarante  cinq  livres, 
qui  est  par  an  la  somme  de  quinze  livres,  cy  XV  1. 

Pour  les  décimes  tant  ordinaires  que  extraordinaires,  frais  des 
assemblés  par  année  commune  la  somme  de  soizante  livres,  cy  LX  1. 

Plus  elles  vous  remonstrent  que  quelque  temps  après  leur  esta- 
blissement  en  cette  ville,  ayent  besoin  d'un  plus  grand  logement 
estendue  de  place  pour  y  bastir,  elles  eschangerent  une  maison 
a  elles  appartenante,  appelle  communément  la  maison  deLongueau 
a  quatre  maisons  seize  audict  Reims,  deux  d'icelle  rue  du  Jard,  et 
les  deux  autres  rue  de  Venise^,  par  contract  deschange  faict  entre 
elles  et  Messieurs  du  Chapitre  de  l'église  Nostre  Dame  de  Reims  le 
vingt  huicticsme  septembre  1638,  passé  par  devant  Taillet  et  Le 
Leu  notaires  a  Reims,  ausquelz  sieurs  de  Chapitre  pour  soûl  dudicc 
eschange,  elles  se  sont  obligées  de  paier  la  somme  de  deux  cens 
livres  de  rente  foncière  et  surcens  perpétuel  non  racheta ble  porté 
par  ledict  contract  représenté,  cy  IL   I. 

Plus  elles  ont  aussy  faict  eschange  par  contract  du  dixhuictiesme 
avril  1639,  passé  pardevant  Taillet  et  CopiUon,  notaires,  avec  Mes- 


DE  longueau  37 

sieurs  les  chappelains  de  l'ancienne  Congrégation,  qui  leur  ont  aban- 
donné une  maison  et  jardin  a  eux  appartenante,  joiiict  à  la  maison 
conventuelles  de  vos  dictes  filles,  lesquelles  en  contre  eschange  se 
sont  obligé  par  ledict  contract  de  paier  audicts  Chappelains  la 
somme  de  vingt  sept  livres  de  surcens  perpétuel  non  rachetable, 
comme  il  est  porté  par  ledict  contract,  cy  XXVII  1. 

Plus  a  Monseigneur  l'archevesque  Duc  de  Reims,  la  somme  de 
cinquante  huict  solz,  deux  deniers,  pour  les  cens  et  surcens,  qui  luy 
sont  deue  sur  leur  maison  conventuelle,  et  les  autres  maisons 
quelles  ont  acquises,  pour  entermer  dans  leur  dicte  maison,  lors- 
quelles  ont  faict  bastir,  le  tout  suivant  quelles  en  estoient  chargés 
par  les  contracts  d'acquisitions,  cy  LVIII  s.  Il  d. 

A  mondict  seigneur  l'archevesque,  la  somme  de  dix  livres 
de  rente,  par  chacun  an,  a  laquelle  il  a  esté  traicté,  pour  demeurer 
quitte  de  l'indamnité  qui  luy  estoit  deue,  à  cause  des  maisons  par 
elles  acquises,  dans  le  détroict  de  la  seigneurie  de  mondict  seigneur 
l'archevesque,  duquel  contract  elles  font  apparoir  cy  X  1. 

La  somme  de  vingt  sol,  pour  un  surcens  deue  au  sieur  Hierome 
Moet,  a  cause  des  dictes  acquisitions,  cy  XX  s. 

Et  a  Messieurs  les  Religieux  de  Sainct  Denyes,  la  somme  de  dix 
solz  de  surcens^  aussy  a  cause  desdictes  acquisitions^  cy  X  s. 

Finalement  vos  dictes  filles  remonstrent,  avec  touttes  l'humilité 
et  respect  quelles  doivent  a  vostre  Altesse,  que  depuis  leur  esta- 
blissement  en  cette  ville,  elles  ont  travaillé  et  usé  toutte  l'économie 
possible  pour  bastir  leur  maison  qui  ne  l'est  encore  entièrement  et 
n'ont  que  une  chapelle  et  un  cœur  de  fort  petite  estendue  nestant 
en  pouvoir  quand  a  présent  de  les  agrandir,  ainsy  que  vous  Madame 
poura  recognoistre  par  le  présent  estât  qui  contient  vérités  en  tous 
ses  poincts. 

Et  pour  bastir  une  église  et  achever  les  bastimens  réguliers  qui 
manquent  a  leur  maison  il  conviendroit  desbourcer  jusques  a  cent 
cinquante  mil  livres  au  moiiig. 

Somme  delà  dépense  ordinaire  et  extraordinaire  est  neuf  mil  six 
cens  quatre  vingtz  six  livres  huict  solz  deux  deniers  tz  non  compris 
le  froment  emploiez  comme  dict  est  cy  dessus  9686  I.  8.2 

Les  dictes  Religieuses  ont  droict  d'usage  en  la  forest  de  Vassy  dy 
prendre  du  bois  mort  pour  le  chaufTige  dudict  prieuré  et  du 
bois  vif  pour  les  réparations  et  bastiment  nécessaires  d'icelluy,  par  la 
donation  qui  leur  en  a  esté  faicte  par  le  conte  Palatin  l'an  1198, 
scellé  quelles  représentent,  et  dautant  quelles  nont  jouy  dudict  droict 
depuis  un  long  temps,  cy  Néant. 

Disent  au  surplus  vos  dictes  filles  que  vostre  maison  et  prieuré 
est  composée  de  trente  sept  Religieuses  du  cœur,  d'une  novice,  et  de 
huict  sœurs  converses  dont  les  noms  ensuivent  : 

Premier  Sœur  Simonne  Cocquebert  prieure, 

Sœur  Jeanne  de  Boant, 

Sœur  Catherine  Miclion, 


38  LE   CARTULAIRE    DU   PRIEURE 

.sœur  Appoline  Frizon, 
Sœur  Remiette  Cocquebert, 
Sœur  Klizabeth  Levesque, 
Sœur  Jeanne  Gilbault, 
Sœur  Appoline  Chantreau, 
Sœur  Remiette  Viscot, 
Sœur  Anne  Parent, 
Sœur  Margueritte  Coquebert, 
Sœur  Elizabeth  de  Paris, 
Sœur  Charlotte  de  Sugny, 
Sœur  René  Lespagnol, 
Sœur  Jeanne  Coquebert, 
Sœur  Marie  de  Paris, 
Sœur  Anthoinette  Lespagnol, 
Sœur  Jaqueiine  Coquebert, 
Sœur  Marie  Boucher, 
Sœur  Jeanne  de  Gomont, 
Sœur  Jeanne  Rogier, 
Sœur  Elizabeth  Chalon, 
Sœur  Charlotte  de  la  Rivière, 
Sœur  Magdelaine  Ame, 
Sœur  Françoise  de  Malval, 
Sœur  Jeanne  Evangeliste  Coquebert, 
Sœur  Jeanne  Hachette, 
Sœur  Jeanne  Baptiste  Rogier, 
Sœur  Simonne  Angélique  Coquebert, 
Sœur  Simonne  Séraphique  Coquebert^ 
Sœur  Jeanne  de  Malval, 
Sœur  Margueritte  Oudinet, 
Sœur  Marie  Le  Gris, 
Sœur  Izabelle  Lespaignol, 
Sœur  Anthoinett.'  Coquebert, 
Sœur  Anne  Coquebert, 
Sœur  Marie  de  Bar, 
Et  Sœur  Jeanne  Hachette,  novice. 
f  es  Sœurs  converses  : 
Sœur  Marie  Gntinet, 
Sœur  Claire  Ligner, 
Sœur  Nicolle  Brice, 
Sœur  Klizabeth  Beaupere, 
Sœur  Simonne  Champenois, 
Sœur  Elizabeth  de  la  Croix. 

Faict  et  arresté  le  présent  estât  en  vostre  dict  prieuré,  le  trente  un 
et  dernier  jour  du  mois  de  janvier  mil  six  cens  soixante  huict 

Signe  :  Sœur  .'^imonne  Cocquebert.  Prieure -j-, 

Sœur    Jeanne    DE     BOHAN,     mère     du 
cloistre, 

Sœur  Catherine  Michon,  discrète, 


DE   LONGUEAU  39 

Sœur  A.  Frizon,  discrette, 
Sœur  Jeauiie  GiLLEBAULT,  dépositaire. 
Sœur  Apoline  Chantreau,  celeriere, 
Sœur  Remiette  VISCOTTE,  Boursière, 
Sœur  Margueritte  COQUEBERT,  por- 
tière. 
Aujourdhuy  troisiesme  febvrier  mil  six  cens  soixante  huict,  Nous 
frère  Jean  Virdoux,  prestre  profex  de  l'ordre  de  Fontevrault,  vicaire 
antique  et  commissaire  en  cette  partie  de  très  illustre  et  religieuse 
princesse  dame  Jeanne  Baptiste  de  Bourbon,  fille  légitimée  de 
France,  par  sa  commission  en  datte  du  septiesme  décembre  mil  six 
cens  soixante  sept,  signée  de  sa  main^  et  de  Delaville,  son  secrétaire, 
et  scellé  de  son  scel  portant  entre  autres  choses  pouvoir  de 
nous  transporter  au  prieuré  de  Longueau  estably  a  Reims,  membre 
deppendant  dudict  ordre^.  pour  en  nostre  présence  estre  dressé  lestât 
du  revenu  temporel  dudict  prieuré  et  du  nombre  de  relligienses, 
charges  ordinaires  et  extraordinaires,  et  pour  iceluy  estât  estre 
à  nostre  diligence  envoyé  a  madicte  dame.  Nous  sommes  trans- 
portez audict  prieuré  de  Longueau  ou  estant  arrivé  nous  avons 
demandé  la  mère  prieure,  a  laquelle  ayant  faict  scavoir  la  teneure 
de  nostre  commission, nous  l'aurions  priée  et  requise  de  faire  assem- 
bler la  communaulté  au  parloir  ordinaire  en  la  manière  accoustu- 
mée  pour  en  faire  lecture.  Et  aussy  tost  la  cloche  sonnée,  lesdictes 
Relligieuses,  Prieure  et  couvent  sestant  trouvées  audict  parloir,  et 
lecture  faicte  de  nostre  dicte  commission,  nous  auroient  touttes 
unanimement  déclaré  estre  disposées  a  y  satisfaire  et  y  obéir^ 
et  qu'a  cest  efFect  elles  alloient  faire  apporter  tous  leurs  tiltres  et 
papiers  justifficatifs  de  lestât  cy  dessus,  et  ayant  appelle  avec 
nous  pour  les  certifîîer  et  veriflîer  discrette  personne  .Vlr*  Daniel 
Esgand,  prestre  docteur  et  professeur  en  théologie  et  contesseur  des- 
dicces  relligieuses  dudict  prieuré,  M'"'^  André  .Augier  et  Anthoine 
Le  Leu  notaires  royaux  audict  Reims,  ledict  estât  et  lesdictes  pièces 
estans  apportées,  nous  les  avons  ensemble  veriffiés  sur  iceluy  pen- 
dant lespace  de  deux  jours  que  nous  avons  pris  pour  y  travailler  et 
y  avons  travaillé,  ce  que  nous  avons  trouvé  contorme  et  véritable. 
En  foy  de  quoy  nous  avons  faict  et  dressé  ce  présent  procès  verbal 
pour  icelluy  estre  rapporté  a  madicte  Dame  avec  ledict  estât  et  y 
estre  pourveu  ainsy  que  de  raison.  Donné  et  taict  par  nous  com- 
missaire susdict,  audict  lieu  de  Longueau^  les  jour  et  an  que  dessus, 
et  ont  signé  avec  nous  les  nommez  cy  dessus  appeliez  par  nous  pour 
ladicte  veriffication. 

Signé  :  L.  Jean  ViRDOUx,  commissaire, 
Daniel  Egan, 
Augier, 
Leleu. 

[A  suivre.) 


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Répertoire  des  fiefs ^  offices^  terres  et  produits  divers, 
biens  et  domaines  nationaux  du  département  des  Ardennes, 
7nis  en  vente  dans  les  AFFICHES  DE  REIMS  de  Havé, 
de  ill2  à  il92. 


Olizy.  —  Vente  par  M"  Louis- Alexandre  le  Fournier,  baron 
d'Équaucourt,  seigneur  d'Holizy,  et  son  fils,  de  la  terre  et  seigneu- 
rie d'Olizy,  par  contrat  passé  devant  M<'*  Gobert  et  Sauvaige, 
notaires  à  Paris,  le  6  janvier  1773,  niO)^ennant  9"â,000  livres. 
(/;>  février  1113.) 

Orfeuil.  —  A  vendre  bonne  auberge  sise  au  village  d'Orfeuil', 
entre  Sompi  et  Machault,  sur  la  route  qui  conduit  de  Verdun  à 

Reims  et  en  Picardie,  consistante  en  bâtimens jardin,  etc. 

Celte    auberge  est  la  seule  qui   se  trouve    dans  le   lieu,    et   est 

exempte  des  frais  royaux,  corvées  et  milice S'adresser  au  s^ 

July,  propriétaire  et  aubergiste.  (23  janvier  1186.) 

Pargny,  moulin  à  eau,  sis  à  Vaux-Montreuil  -,  avec  les  bâti- 
mens en  dépendans,  appart.  ci-devant  à  l'abbaye  de  Saint-Pierre 
de  Reims,  estimé  4,340  liv.,  mis  au  prix  de  4,951  liv.  4  s.  (4  avril 
1191.) 

Pargny,  ferme  sise  au  terroir  de  Château-Porcien  3,  apparte- 
nante ci-devant  à  l'abbaye  de  la  Piscine,  cousist.  en  bâtimens, 
jardins,  terres  et  prés,  louée  2,400  l.,  10  liv.  pour  préciput,  et  81 
septiers  i  quarlels  de  froment,  mise  au  prix  de  51,024  liv.  12  s. 
{25  avril  1191.) 

Pargny,  ferme  divisée  en  deux  parties,  sise  au  terroir  de  Châ- 
teau-Porcien,  appartenante  ci-dev.  à  l'abbaye  de  la  Piscine,  louée 
2,410  liv.  et  81  sepi.  2  quartels  de  froment.  La  vente  s'en  fera  à 
la  folle  enchère  de  Jean  Collet,  bourgeois  de  Rethel,  et  Lambert 
Jolly*,  laboureur  à  Doux,  qui  l'ont  acquise  moyenn.  71,000  liv. 
(21  novembre  1191.) 

•  Voir  paf^e  801,  tome  VI  de  la  Revue  de  Champagne. 

1 .  Hameau  actuel  de  ia  commune  de  Semide. 

2.  Ancienne  propriété  de  la  famille  Fricolleaux  qui  en  s  pris  le  nom. 

3.  Ecart  de  Château- Porcien,  près  du  Canal  des  Ardeones. 

4.  La  ferme  de  Pargny  est  encore  la  propriété  de  la  famille  Joly. 


TOPOGRAPHIE    ARDENNATSE  41 

Pérouzelle.  —  Vente  par  le  sr  Pierre-Joseph  Desalliot,  sei- 
gneur en  partie  de  Coipelle,  elc tous  demeurants  à  Charle- 

ville,  à  Messire  Antoine-Nicolas-Bernard  de  Vigneau,  chevalier, 
seigneur  de  Barbaize,  chevalier  de  S'-Louis,  colonel  d'infanterie, 
ingénieur  en  chef  et  commandant  en  second  de  l'Ecole  Royale  du 
Génie  à  Mézières,  et  dame  Louise-Charlotte-Élisabeth  Boiiettrie 
de  la  Boissière  son  épouse,  d'un  corps  de  ferme  appelle  Pérou- 
zelle^^ situé  au  terroir  de  Launoy moyennant   16,000   liv., 

selon  le  contrat  passé  devant  M*  Guillaume,  notaire  à  Mézières,  le 
jer  décembre  1772.  {i  janvier  1113.) 

Piscine  (La).  —  A  louer  les  domaines  de  l'abbaye  de  Chau- 
mont  la  Piscine  -,  pour  entrer  en  jouissance  en  1790  et  1791, 
savoir  les  fermes  de  Flay,  Trion,  Pargny,  du  Lutteau,  les  dixmes 
de  Logny,  les  censés  de  la  Croix,  Brice-Bolle,  la  Motte  aux  Cail- 
loux, Delvincourt,  Liberette,  les  prés  et  dixmes  de  Chaumont,  les 
fermes  d'Adon,  Remaucourt,  Saint-Fergeux  et  Avançon,  les 
dixmes  d'Adon,  Dommeli,  Givron,  Pagan,  Wadimont,  Rubigni, 
Vaux,  Remaucourt,  Begni,  les  bois  de  Saint-Fergeux,  les  moulins 
du  Lutteau  et  de  Logny,  les  vignes  d'Herpy,  et  trois  maisons  sises 
à  Reims,  rue  du  Cadran-S'^-Pierre.  S'adresser  a  M.  Saluer  de  Ber- 
lize,  à  Châieau-Porcien,  à  M"^  Laignier,  greffier  au  grenier  à  sel 
de  cette  ville,  ou  à  3/»  Vigno7i,  notaire  et  procureur  à  Chau- 
mont. (9  juin  1788.) 

Piscine  (abbaye  de  La).  —  Mise  en  vente  des  fermes  apparte- 
nant à  la  manse  abbatiale.  Censés  de  Brice-BroUe  ou  la.  Barique, 
Censé  Delvincourt,  Censé  de  la  Croix,  sises  à  Ghaumont-en-por- 
cien.  {i8  janvier  1191.) 

Piscine  (La),  l'église  et  les  bâtimens  composans  les  menses 
abbatiale  et  conventuelle  de  l'abbaye,  avec  leurs  dépendances, 
estimés  9,300  liv.  compris  le  terrain  sur  lequel  ils  sont  situés,  et 
six  arpens  de  jardins,  clos,  vergers  et  terrein,  estimés  210  liv.  de 
loyer,  mis  au  prix  de  23,010  liv.  14  s.  (i  mai  1191.) 

Piscine  (abbaye  de  La),  vente  du  jeu  d'orgues  qui  se  trouve 
dans  Téglise  des  ci-devant  Prémontrés  ^;  l'adjudication  s'en  fera 

1 .  Dépendance  actuelle  de  Launois-sur-Vence. 

2.  Ancienne  abbaye  de  Prémonlrés,  fondée  à  Chaumonl-Porcien  en  1147, 
transférée  à  La  Piscine,  près  Remaucourt,  en  1623,  démolie  presque  entiè- 
rement depuis  la  Révolution. 

3.  Les  autres  objets  précieux  de  La  Piscine  se  trouvent  répartis  entre 
quelques  églises  des  environs  :  un  superbe  autel  en  marbre  dans  l'église  du 
Thuel  (Aisne),  un  grand  tableau  de  J.  Wilbault  représentant  la  Prédication 
de  saint  Berlhauld  dans  l'église  du  Thour  (Ardennes),  d'autres  grands 
tableaux  dans  l'église  de  Rethel,  et  une  pierre  lombale  daus  l'église  de 
Remaucourt,  Consulter  au  surplus  la  Notice  sur  l'abbaye  de  Saint- Berthauld 
de  Chaumonl-Porcien  publiée  par  l'abbé  Lannois,  curé  de  Tbugnj,  à 
Retbel,  chez  Beauvarlet,  1880,  br.  in-S"  de  ^&  pp. 


42  TOPOGRAPHIE    ARDENNAISE 

le  l^'  septembre,  à  Rethel,  dans  le  réfectoire  des  Capucins  de  lad. 
ville.  (22  août  1791.) 

Ponceau  (Le)  ou  La  Rozière,  corps  de  ferme  sis  au  terroir 
de  Roci]iii?ni  ',  appart.  ci-dev.  aux  Religieux  de  la  Piscine,  loué 
■180  livres; mis  au  prix  de  3,394  liv.  12  s.  (23  avril  1791.) 

Pont-des-Aulnes  (Le),  corps  de  ferme  sis  à  Chevriere  % 
appartenant  ci-devant  aux  Religieux  de  Bonne-Fontaine,  consis- 
tant en  bàtimens  et  229  arp.  de  terre,  loué  900  liv.  en  argent,  300 
quartels  de  froment,  etc.,  outre  720  liv.  payées  pour  pot  de  vin, 
mis  au  prix  de  28,645  liv.  2  s.  (28  mars  1791.) 

Presle  (ancien  prieuré  de  La),  corps  de  ferme  sis  au  terroir  de 
Juzancourt^,  consist.  en  environ  73  arpens  de  terre,  2  arpens  de 
prés,  un  surcens  sur  un  canton  de  vignes  au  terroir  d'Aire,  et  un 
autre  surcens  d'un  quartel  de  seigle  par  arpent  sur  plusieurs  piè- 
ces de  terre  d'un  canton  du  terroir  de  Villers-devant-le-Thour, 
estimés  Ollj  liv.  l!j  s.  de  loyer,  mis  au  prix  de  10,068  livres  G  s. 
{9  mai  1791.) 

Puiselet  (Le),  belle  ferme  sise  au  terroir  de  Baalon  près  Lau- 
nois^,  consistant  en  bàtimens,  jardin  planté,  500  arp.  de  terre, 
prés,  bois le  tout  loué  700  liv,  (28  mai  1792.) 

Puiseux.  —  Vente  par  D'  Jeanne  Gueriot,  veuve  de  M^e  God.- 
François  Baron  de  Chourse,  chevalier  de  S'  Louis,  capitaine  de 
cavalerie,  seigneur  de  Puiseux -•,  etc de  terres  par  adjudica- 
tion devant  M"  Moreau,  notaire  au  Grand-Montreuil  ",  le  18  mars 
1781.  {13  avril  1782.) 

Quatre- Champs.  —  A  vendre  belle  terre  et  seigneurie  de 
Qualre-Champs,  située  dans  la  vallée  de  Bourcq,  à   une    lieue  de 

Vouziers consistante  en   toute  justice,   droits   de   chasse    et 

pèche,  château,  deux  cours,  colombiers,  vivier,  pressoirs,  moulin, 
tuilerie,  vignes,  804  arpens  de  bois,  313  de  terre,  100  fauchées  de 
prés.  Le  seigneur  de  Quatre-Champs  l'est  aussi  en  partie  de  iNoir- 
vai,  Ballai  et  les  deux  Mesnils.  S'adresser  à  M''  Rivart,  notaire  à 
Reims.  {16  juin  1777.) 

Quatre-Champs.  —  Vente  par  M-^^  Louis-François  de  Mussan, 
chev.  seign.  de  Vigneux  et  S'-Clérnent,  dem.  à  Quatre-Champs,  et 
D<^  Charlolte-Louis3  de  Belfroy,   veuve   de  Mr^  iNicolas  de   Bohan, 

1.  La  Rozière,  hameau  de  la  commune  de  Rocquigny. 

2.  Erreur,  le  Pout  des  Aulnes  est  un  écart  de  Sevigny-Waleppe. 

3.  Erreur,  le  prieuré  de  Lî  Presle  était  situé  à  proximité  de  Juzancourt, 
mais  sur  le  ler.-oir  d'AsfeM.  Voir  une  étude  sur  ce  prieuré  et  l'analyse  de 
son  cartulaire,  publiée  par  M.  l'abbé  Carré  dans  la  Reoue  de  Champagne  et 
de  Bric,  années  189i-93-94. 

/i.   Les  Puisilels,  écart  de  la  commune  de  Bâlon.^  canton  d'Omont. 
îi.  Commune  du  canton  de  Novion-Porcien. 
ti.  Probablement  pour  Vaux-Montreuil. 


TOPOGRAPHIE    ARDENNAISE  4'-} 

chev.  seign.  de  Quatre-Champs,  dem.  aud.  lieu,  de  maison,  etc., 
pardevant  M''  Coche,  notaire  à  Vonc,  le  9  décembre  \1H1.  (-i  mai 
/76'.9.) 

Radois  (Le),  corps  de  ferme  au  terroir  de Fraillicourt ',  appar- 
tenant ci-devant  au  Chapitre  de  l'église  de  Reims,  consist.  en  100 
arp.  de  terre, loué  3")0  iiv.,  mis  au  prix  de  S, 098  iiv.  (2S  mars 
1791.) 

Raillicourt,  terre  seigneuriale  près  Jandiin,  maison  de  fer- 
mier, -loO  jours  de  terre,  40  arpens  de  prés,  117  arpens  de  bois. 
S'adresser  à  M.  Paie,  dem..  à  S^-É tienne- ks-Dames,  à  Reims.  (H 
février  1791.) 

Rethel.  —  A  vendre  l'auberge  de  Fieur-de-Lys,  située  à 
Rethel-Mazarin.  fauxbourg  de  S.  Nicolas...  appartenante  au    s""    G. 

Deshaie S'adresser  à  M'  Miroy  le  jeune,  avocat  à  llethel. 

(2i  février  1772.) 

Rethel.  —  A  vendre  beaux  peupliers  d'Italie  de  la  meilleure 
espèce,  de  l'âge  de  deux  ans,  ayant  8  à  9  pieds  de  haut,  à  10  Iiv. 
le  cent  pris  à  Rethel,  et  11  Iiv.  rendus  à  Reims.  S'adresser  chez 
le  S'"  Hibcrt,  nv^  de  bois  à  Rethel.  {13  avril  '1772.) 

Rethel.  —  Il  se  trouve  au  chantier  de  S.  Lazare  -,  proche  le 
dernier  pont  de  Rethel-Mazarin,  de  très-beaux  peupliers  d'Italie  à 
vendre.  S'adresser  à  M.  Hibert.  {23  novembre  1772.) 

Rethel.  —  Le  s'-  Hibert,  négociant  à  Mazarin,  fera  arriver  une 
flotte  considérable  de  bois  de  chauffe,  au  prix  de  16  Iiv.  lO  s.  la 
corde  rendue  à  Rethel.  On  trouvera  aussi  à  son  chantier  des 
tables  de  cuisine  en  bois  de  hêtre  de  4  pouces  d'épaisseur,  etc. 
(3  mai  1773.) 

Rethel.  —  M"'  Crozat,  Bourgeois  et  Lombard,  venant  d'établir 
à  Mazarin  un  dépôt  de  bois  flotté,  offrent  de  le  vendre  à  raison  de 

10  Iiv.  10  sols (9  août  1773.) 

Rethel.  —  A  vendre  charge  de  Lieutenant  de  l'Election  de 
Mazarin,  dont  était   revêtu    M.  Tiercelet  de  Métayer,    rapportant 

3'7  I.  de  gages S'adresser  à  M.  Solder,  président  de  lad. 

Election,  son  gendre.  (23  août  1773.) 

Rethel.  —  A  vendre  charge  de  conseiller  en  i'Klection  de 
Rethel-Mazarin.  S'adresser  à  M^  Monnot,  notaire  royal  en  lad. 
ville,  (l'^''  novembre  1773.) 

Rethel.  —  A  vendre  quantité  de  peupliers  d'Hollande,  de  huit 
à  dix  pouces  de  tour  et  de  moindre  grosseur,  à  dix  livres  le  cent. 
S'adressera  .W^  veuve  Bruslé-Sarlel,  à  Rethel.  (S  octobre  1781.) 

\ .  Hameau  dî  la  commune  de  Fraillicourt,  situé  près  de  la  route  de 
Rozoy. 

2.  Emplacement  d'une  ancienne  maladrerie,  sur  la  route  de  Reims,  au 
faubourc;  des  Minimes. 


44  TOPOGRAPHIE    ARDENNAISE 

Rethel.  —  A  vendre  l'auberge  du  Mouton  blanc,  sise  à  Relhel 
sur  la  place  basse  de  la  ville,  la  seule  en  état  de  recevoir  des 
équipages.  S'adresser  à  Me  Willemel,  avocat  et  notaire  à  Retliel. 
{3  mars  I7S3.) 

Rethel.  —  A  vendre  une  grande  et  belle  maison  sise  à  Rethel, 
rue  du  grand  Pont',  occupée  par  M""*  Zénard,  avec  un  beau  jar- 
din planté  par  le  célèbre  Lenautre-^  conten.  euv.  15  arpens 
côtoyés  par  la  rivière  d'Aine La  seigneurie  de  la  Maison- 
forte  de  Trugny  ^,  consistant  eu  château,  droits ferme 

bois,    lieudit   Triaum.ont^   etc S'adresser  à   j/«    Willcmct, 

notaire  à  Relhel.  {13  septembre  178-i.) 

Rethel.  —  A  vendre  le  fond  et  la  superficie  d'un  magnifique 
jardin  sis  t  Relhel-Mazarin,  baigné  dans  toute  sa  longueur  par  la 
rivière  d'Aine,  planté  de  beaux  arbres  de  près  de  80  ans,  char- 
milles et  vei'gers,  contenant  env.  14  arpens,  avec  une  belle  basse- 
cour,  etc.*.  S'adresser  à  AJ'  W'illemet,  notaire  royal,  qui  en  fera 
l'adjudication  le  27  décembre  17 Si.  {13  décembre  17 Si.) 

Rethel.  —  Le  s""  Lombart,  M=  en  chirurgie,  dem.  à  Rethel, 
tient  en  dépôt  de  la  farine  pectorale  du  s''  Gongaut,  M'  en  phar- 
macie, de  la  Rochelle,  annoncée  dans  le  journal  de  Ronillon. 
{6 juin  I7S'6.) 

Rethel.  —  On  trouve  chez  le  s''  Migny,  libraire  à  Rethel,  des 
exemplaires  delà  Justification  de  M.  Necker,  ou  réponse  au  der- 
nier mémoire  de  M.  de  Calonne.  {29  septembre  1788.) 

Rethel,  vente  de  l'église  et  des  maison  et  dépendances  appar- 
tenans  ci-devant  aux  Capucins,  estimés  13,976  livres;  —  des  bâti- 
mens  appelles  le  Prieuré  el  environ  66  verges  de  potager,  appart. 
ci-dev.  à  TArchevêché  de  Reims,  estimés  1,787  livres  10  s.  ;  — 
des  moulins  à  eau,  fouleries,  magasins  à  sels,  appartenant  ci- 
devant  aux  religieux  de  Novi,  estimés  20,000  livres.  [26  septembre 
1791.) 

Roche  (censé  de),  près  Attigni  %  apparten.  cidev.  à  l'abbaye 
royale  de  S.  Etienne  de  Reims,  mise  au  prix  de  34,200  livres. 
(24  janvier  1791.) 

Rocroi.  —  A  vendre  une  partie   de  bois,  fonds   et  surpeficie, 

1 .  Aujourd'tlui  rue  Colberl. 

2.  Od  attribue  à  Le  Nôtre  une  infinité  de  jardins  postérieurs  à  sa  vie 
(1613-1700). 

3.  Trugnij,  section  de  Thugny,  conserve  l'ancienne  maison  forte  trans- 
formée en  maison  de  culture. 

4.  Triaumont,  bois  en  partie  défriché  entre  Rethel  et  Novion-Porcien. 

5.  Ces  terrains  ont  été  longtemps  appelés  les  Grands  Jardins  et  sont 
aujourd'hui  occupés  par  des  quartiers  neufs  jusqu'à  la  gare. 

0.  Roche,  section  actuelle  de  la  commune  de  Chuffilly,  est  indiqué  sur 
la  carte  de  Cassini  sous  le  nom  de  Hameau  el  chûleau  de  la  Roche. 


TOPOGRAPHIE    ARDENNAISE  45 

dans  laquelle  il  y  a  une  fosse  d'ardoises,  siluée  au   Griplei\  près 

de  Rocroi,  conlenanl  environ  80  arpens S'adresser  à  M.  Le 

Blanc,  à  Rocroi.  {IS  janvier  1779.) 

Rocroi.  —  A  vendre  la  charge  de  prévôt  royal  de  la  ville  de 
Rocroi.  S'adresser  au  propriélaire,  actwilement  chez  M.  Lara- 
mée,  curé  de  Sainl-Marcel-les-Clavi,  à  deux  lieu, s  de  Char  lé- 
ville.  (4  aoûl  1783.) 

Rocroi.  —  Vente  par  les  S""*  Jean-Louis  Rolland,  peintre  et 
professeur  de  dessin,  et  Jean-Hugues-Fr.  Lebarbier,  peintre  du 
Roi,  et  D"°  Charlotte  Roland,  son  épouse,  dem.  à  Paris,    héritiers 

de  M"  Jean-Louis  Rolland,  procureur  en  la  prévôté  de  Rocroi 

d'immeubles  en  la  justice  de  Rocroi,  du  iO  nov.  17S7.  (2,ï  février 
1788.) 

Rocroi.  —  Vente  par  le  Sr  Gaspard  Mongé  (sic),  membre  de 
l'Académie  des  Science^,  demeurant  à  Paris-,  et  D'ie  Marie-Cathe- 
rine Huart,  son  épouse,  créancier  de  J  -8.  Rolland,  majeur, 
dem.  à  Strasbourg,  seul  héritier  de  Jean-Louis  Rolland,  perru- 
quier, dem.  à  Rocroi,  et  de  Marie-Anne  [.edouble,  sa  femme,  de 
maisons  moyenn.  ],3'60  liv.  par  adjnd.  en  la  prévôté  de  Rocroi,  le 
10  oct.  dernier.  (28  décembre  1789.) 

Ronce  (La),  ferme  sise  au  terroir  d'Asfeld-^.  appart.  ci-dev. 
aux  Religieux  de  Saint-Martin-de-Laon,  consist.  en  terres,  prés  et 
bois,  louée  700  liv.,  mise  au  prix  de  11,396  liv.   (28  mars    1791.) 

Rozière  (La),  voir  Ponceau  (Le). 

Sablons  (la  censé  des),  sise  au  terroir  de  S'-Germain-Mont  *, 
appart.  cidev.  aux  Chanoines  de  la  S'^'^-Chapelle  de  Paris,  consist. 
en  160  jours  de  terre  environ,  3  jours  env.  de  prés  et  un  surcens 
de  3  livres,  louée  1,300  1.  et  autres  clauses,  mise  au  prix  de 
2l,16i  liv.  (2  mai  1791.) 

Saint- Clément-à- Ames.  —  A  vendre  belle  ferme  située  aux 
terroirs  de  Saint-Clément  et  circonvoisins,  sur  la  rivière  d'Arne^ 
à  un  lieue   de   Machaux,   consistante    en    187   septiers    de    terres 

labourables S'adresser  au  s''  Galichct,  im^  de  bois  à  Reims. 

(20  janvier  1772.) 

Saint-Germainmont.  —  A  louer  les  droits  et  domaines  de  S. 
Germain-mont,  en  Porcien  ;  savoir,  la  recette  d'une  rente  seigneu- 
riale de  20  muids  de  froment  et  de  12  liv.  parisis  en   argent  ;  un 

1 .  11  n'y  a  pas  acluellemeot  d'ardoitière  exploitée  sur  le  terroir  de  Rocroi. 

2.  11  s'agit  ici  du  célèbre  Mouge,  qui  s'était  marié  à  Rocroi,  à  l'époque 
où  il  était  professeur  à  l'Ecole  du  Géuie  de  Mézières,  le  12  juin  1777. 

3.  Cette  ferme  n'a  pas  de  bâtiments,  mais  un  lieudit  du  terroir  d'AsI'eld 
en  conserve  le  nom,  section  de  la  Maladrie. 

i.  Censé  sans  bâtiments,  propriété  de  RL  Godart-Souëf,  de  Goraont, 
siluée  à  proximité  de  la  sucrerie  de  Saiul-Germaiumont. 


4G  TOPOGRAPHIE    ARDEJNNAISE 

moulin  à  eau  seigneurial,  2o  arpens  de  bois,  G6  de  terres  et  1  de 
prés.  Se  retirer  vers  J/e  Hiiet,  notaire  à  Reims.  {31  janvier  1785.) 
Saint-Lambert.  —  Vente  par  M''e  Félicité  de  Contlans,  com- 
les.se  douairière  de  Maulde,  dame  de  compagnie  de  Mesdames  de 
France,  marquise  de  Saint-Lambert,  v«  de  Mre  Louis-François, 
comte  de  Maulde,  etc.,  dem.  à  Paris,  de  la  terre  et  seigneurie  de 
Saint-Lambert  près  d'Attigny  moyennant  2i5,000  liv.  par  contrat 
devant  M^  Garnier,  notaire  au  Châlelet  de  l'aris,  le  28  mai  1777. 
(i  août  /777.) 

Saint-Laurent.  —  A  vendre  maison  et  bien  de  campagne  au 
village  de  S,  Laurent  de  la  principauté  et  à  une  lieue  de  Cbarle- 
viiie Le  village  de  S.  Laurent  est  en  bon  air,  exempt  de  cor- 
vées et  de  toutes  impositions  quelconques,  mêmes  personnelles  ; 
les  habitans  ont  part  aux  bois  commuas.  S'adresser  à  M.  Coche- 
let,  avocat  y  encrai  au  bailliage,  à  CharleviUe.  (4  décembre  1786.) 
Saint-Léger,  petite  censé  sise  au  terroir  d'Houdilcourt ', 
apparl.  ci-devant  aux  Religieux  de  St-iNicaise  de  Reims,  louée 
240  liv  ,  mise  au  prix  de  3,907  liv.  4  s,  (2  mai  1791.) 

Saiut-Loup-Champagne.  —  Adjudications  devant  ]\F  Des- 
moulins,   notaire    à    Saint-Loup    [en    Champagne],    détails 

{23  mars  1772.) 

Saint-Loup-Terrier.  —  A  vendre  la  terre  et  seigneurie  de 
Saint-Loup-aux-bois,  relevante  du  duché  de  Mazarin,  consistante 
en  un  château,  logement  de  fermier,  moulin,  2Û0  arpens  de  bois, 

vignes,  terres,  prés la  terre  et  seigneurie  de  Manimont  -.. . . 

tous  ces  objets  produisent  7,000  liv.  de  rente.  Il  y  a  en  outre  plus 

de  2,000  peupliers  d'Italie S'adresser  à  M.  Dubois  d'Ècor- 

dal,  propriétaire,  dem.  à  CharleviUe.  {30  octobre  1786.) 

Saint-Loup-Terrier.  —  A  vendre  la  terre,  seigneurie  .  et 
baronie  de  Saint-Loup-aux-Bois,  à  4  lieues  de  Mézières  et  de 
Relhel,  consistant  ea  très  beau  château,  droits  seign.,  moulins, 
terres,  prés,  le  tout  produisant  o.lio  liv.  19  s.  de  revenu.  —  De 
lad.  terre  relève  en  plein  fief  la  terre  et  seigneurie  de  iManimont, 

—  Les  biens  roture  consistent  en  clos,  prés,  terres,  203  verges  de 
vignes  sises  à  Maubaterne,  produisant  d'excellent  vin  paillet,  bois, 
le  tout  loué  1,384  liv.,  non  compris  le  château  estimé  21,094  liv. 

—  Entre  l'avenue  et  les  charmilles  du  château,  coule  un  ruisseau 
dont  l'eau  est  limpide  et  propre  à  dilïérentes  usines —  Moi- 
tié de  la  terre,  seigneurie  et  baronie  de  Terrier ',  décorée  pour  la 
totalité  du  litre  des  quatre  baronies  de  France,  qui  ont  le  droit 
de  porter  le  dais  au  sacre  des  Rois,  ayant  la  collation  d'une  cha- 
pelle caslralle  ;  droits  seign.,  prés,  bois,  produisant   778  livres  de 

1.  Celle  commune  u'u  pas  d'ccarl  de  ce  uom. 

2.  Magninioiil  esl  ludique  sur  la  carte  tie  Cassiui   à    l'étal  de   molle  au 
conilueal  do  doux  ruis.seaux,  uou  loin  el  au  uord  de  Saint-Loup. 

3.  CLàleuu  tuUc  Saiul-Loup  el  Cuiucourl,  voir  l'uiticle  suivant. 


TOPOGRAPHIE    ARDKNNAISE  47 

revenu —  Ces  deux  terres  appartiennent  à  la  succession  de 

M'''"  Jean-Louis  Du  Bois,  baron  dssd.  lieux.  S'adresser  à  jyJe  [a 
baronne  Du  Bois  d'Ecordal.  à  Charleville,  ei  a  M"  Anccaux, 
nolnire  royal,  à  Rethcl.  (1  janvier  I78S.) 

Saint-Loup-Terrier.  —  Vente  par  les  héritiers  Du  Bois 
d'Écurdal  {dont  la  liste  est  donnée)  de  la  moitié  des  terres  et  sei- 
gneurie de  Terrier ',  devant  W  Mauroy  notaire  à  Tourteron,  le 
30  janvier  1180.  (i  mai  1189.) 

Saint-Loup-Terrier.  —  Vente  par  la  famille  Dubois  d'Ecor- 
dal   de  garennes  à  Saint-Loup-aux-bois,  pardev.  HI'=  Vuillemet, 

notaire  à  Rethel,  le  4  oct.  1188.  (/o  et  22  mars  1790.) 

Saint-Michel,  censé  sise  à  Resson-,  appartenant  ci-devant 
à  iMM.  de  la  Sainte-Chapelle",  consistante  en  18  arpens  de  terre 
et  (j  quartels  de  prés,  louée  150  livres,  mise  au  prix  de  2,442  liv. 
(31  janvier  1791.) 

Saint-Morel.  —  A  vendre  moitié  de  la  terre  et  seigneurie  de 
Saint-Morel,  près  Vouziers avec  la  qualité  de  premier  sei- 
gneur, terres,  bois,  prés,  château,  vignes S'adresser  à  M^**  de 

Sainl-Morel,  propriétaire,  en  son  château.  (7  avril  1777.) 

Saint-Morel.  —  A  vendre  jolie   maison  de   campagne  sise  à 

S.-Morel,  à  une  lieue  de  Vouzières le  tout  entouré  d'un  clos 

et  formant  environ  six  arpens.  Plus  une  portion  de  la  seigneurie, 
donnant  un  banc  dans  l'église,  !es  droits  honorifiques  accoutumés, 
celui  de  chasse  sur  un  terroir  de  plus  de  deux  lieues  de  circonfé- 
rence, et  droit  de  pêche.  S'adresser  à  M.  Lcclerc,  à  S.-Morel. 
{30  avril  1787.) 

Saint-Pierre-à-Arnes.  —  A  vendre  ou  à  louer  la  ferme  sei- 
gneuriale de  S.-Pierre-à-Arne,   appart.  à  M.  le  chevalier  Charles.. 

de  Thuisy S'adresser  a  M.  Coilot,  concierge  au  château  de 

S'-Souplet  '.  {26  avril  1790.) 

Saint-Pierremont.  —  Vente  du  château  avec  ses  dépendan- 
ces, par  M.  Pierre-Louis  de  Finfe,  ancien  seigneur  du  lieu,  officier 
au  régiment  de  Royal-Marine,  et  D'  Philippine-Claudine-Louise  de 
Beaumont,  son  épouse,  demeurans  à  Charleville,  moyennant 
8,b00  livres,  par  contrat  devant  M' IVlansart,  notaire  à  Sommauthe, 
le  12  avril  1791.  —  Le  dit  château  était  échu  aux  vendeurs  par 
donation  de  M""^  Claude  de  Chartogne,  leur  tante.  {A  juillet  1791.) 

Saint- Quentin-le-Petit.  —  A  vendre   ferme   située  aux  ter- 

1.  Terrier,  seclion  de  Saint-Loup,  est  indiqué  sur  la  carie  de  Cassini 
sous  le  nom  de  Terrier- Cliquet  avec  un  château.  t 

2.  Le  château  de  Ressca,  commune  de  Pargny- Resson,  domaine  de  la 
lamille  de  Chabrillan,  avait  une  chapelle  sous  le  vocable  de  ^aint-Michel, 
dite  Saini-Michel  (VArson-le-Feiu. 

3.  La  Sainte-Chapelle  de  Paris  possédait,  depuis  1642,  la  meuse  abba- 
tiale de  l'abbaye  de  Saint- Nicaisc  de  Reims. 

4.  Canton  de  Beine,  Marne. 


48  TOPOGRAPHIE  ARDENNAlSK 

roirs  de  S.  Quentin  et  voisins,  contenante  22  arpens.  louée  au  s-" 
Lointier,  moyennant  8  septiers  1/2  de  froment.  (2i  lévrier  1772.) 

Saint-Vincent,  corps  de  ferme  au  terroir  de  Novi  ',  consist. 
en  ;ii  jours  de  terre  et  17  fauchées  de  prés,  appart.  ci-dev.  aux 
Religieux  de  Novi,  loué  200  liv.  et  20  septiers  de  froment,  mis  au 
prix  de  6,bl2  liv.  (i/  mais  1791.) 

Sainte-Vaubourg  (prieuré  de),  censé  apparten.  au  ci-devant 
prieuré,  consist.  en  grand  corps  de  logis,  écurie,  bergerie,  cha- 
pelle, terrain  vague,  clos,  115  arp.  de  terre  à  la  roie,  38  fauchées 
de  prés  12  arp.  de  pâturage,  louée  3,000  liv.,  etc.,  mise  au  prix 
de  75,100  liv.  {21  mars  1791.) 

Saulces-Monclin.  —  A  vendre  beau  chantier  de  bois  de  char- 
pente et  de  scierie,  sis   à  Saulce  aux-bois,  sur  la  route La 

vente  s'en  fera  le  7  sept,  prochain.  (25  aoûl  1788.) 

Sault  les-Rethel,  vente  de  fermes  appart.  ci-dev.  aux  Reli- 
gieux et  Religieuses  de  Rethel,  Reims  et  Charleville.  {31  janvier 
1791.) 

Sedan.  —  A  louer  une  Savonnerie  occupée  ci-devant  par 
M.  Bechet,  Père  et  Compagnie  à  Sedan,  et  appartenante  mainte- 
nant à  M.  Lucas,  m''  Orlèvre,  consistant  en  une  très  belle  usine... 
S'adresser  audit  s^  Lucas.  L'avantage  attaché  à  cette  Savonnerie, 
est  que  les  savons  fabriqués  à  Sedan,  vont  partout  le  Royaume 
avec  un  seul  Passavant.  {.3  février  1772.) 

Sedan.  —  Lundi  21  décembre  1772,  il  sera  procédé  en  l'Hôtel 

de  Ville  de  Sedan à  Taliénation  de  l'ancien  octroi  établi  par 

le  conseil  souverain  du  dit  Sedan  le  13  décembre  {6o4 ,  et  le 

lendemain  Mardi,  à  l'adjudication  des  droits   dont  la  perception 

a  été  ordonnée   par  arrêt  du   Conseil  du   20  octobre   1769 

S'adresser  à  M.  Hiisson,  maire,  ou  au  greffe (/4  décembre 

1772.) 

[A  suivre.)  Henri  Jadart. 

I.  Il  n'y  a  plus  de  ferme  habiléu  de  ce  nom  au  lenoir  de  Novy. 


NÉCROLOGIE 


M.  l'abbé  Oudry,  curé  de  Lagiiy  (Seine-et-Marne),  est  décédé  le 
mardi  il  décembre  dernier,  à  l'âge  de  85  ans.  Il  était  né  à  Fro- 
menlières  (Marne),  le  23  mars  1809. 

D'abord  vicaire  de  Fontainebleau,  puis  doyen  de  Morot,  il  avait 
été  préposé  en  iSol  à  l'imporlante  cure  de  Lagny. 


Nous  avons  le  regret  d'apprendre  le  décès  du  D""  Thierrard,  un 
des  doyens  de  la  médecine  à  Reims;  cet  excellent  bomme  était 
entouré  de  la  considération  de  tous  et  particulièrement  des 
habitants  du  troisième  canton,  qui  garderont  de  lui  le  meilleur 
souvenir.  Il  était  à£ré  de  72  ans. 


M.  le  commandant  d'artillerie  Douradou,  qui  a  résidé  longtemps 
à  Châlons,  vient  de  mourir  à  Dijon,  où  il  était  directeur  d'artillerie, 
à  l'âge  de  49  ans. 


Nous  apprenons  !a  mort  du  vénérable  M  Goulet-Leclercq,  décédé 
à  Reims  dans  sa  81'^  année. 

M.  Goulet  appartenait  à  une  des  plus  honorables  familles  du 
vieux  Reims.  Il  a  longtemps  compté  parmi  les  négociants  notables 
de  la  place.  Sa  situation  lui  eût  permis  de  prétendre  aux  fonctions 
publiques;  mais,  tout  en  s'intéressant  aux  affaires  de  la  ville,  il 
déclina  toujours  l'honneur  et  le  péril  de  les  diriger. 

En  1873,  la  mort  prématurée  de  son  tils  René,  sur  lequel  il 
fondait  les  plus  brillantes  et  les  plus  légitimes  espérances,  fut  pour 
M.  Goulet  une  cruelle  épreuve.  Il  se  retira  alors  des  affaires, 
emportant  dans  sa  retraite,  avec  son  deuil,  l'estime  et  la  sym- 
pathie universelles. 

Bienveillant  pour  tous,  il  aimait  les  pauvres;  sa  main  volontiers 
s'ouvrait  pour  donner  et  sa  charité  avait  ce  double  mérite  d'être 
discrète  et  généreuse. 

M.  Goulet-Leclercq  était  un  chrétien  convaincu,  un  homme  de 
foi,  et  sa  fin  très  pieuse,  qui  a  fait  l'édification  et  la  consolation 
des  siens,  n'a  été  que  le  digne  couronnement  de  toute  une  longue 
vie  de  travail,  d'honneur  et  de  vertus. 


50  NÉCROLOGIE 


M'"e  la  marquise  de  Ferreux  est  récemment  décédée  à  Paris,  à 
l'âge  de  69  ans.  Elle  n'avait  plus  d'enfants  et  a  légué  sa  fortune  à 
l'une  de  ses  cousines,  M""^  la  comtesse  de  Saint-Georges. 

L'inliumalioii  a  eu  lieu  à  Ferreux  (Aube),  dans  le  caveau  de  la 
famille  des  marquis  de  Ferreux. 


On  annonce  de  Vitry-le- François  la  mort  de  M"^"^  du  Mont  de 
Signéville,  née  Haudos  de  Possesse,  décédée  le  24  décembre  dernier, 
à  Fâgc  de  89  ans. 

Les  obsèques  ont  eu  lieu  le  29  décembre,  en  l'église  Notre- 
Dame,  au  milieu  d'une  nombreuse  assistance 

Nous  adressons  l'expression  de  notre  respectueuse  sympatbie  à 
sa  tille,  M'-""  la  vicomtesse  Gustave  de  Ponton-d'Amécourt,  veuve 
du  savant  et  regretté  numismate  qui  a  laissé  un  nom  si  estimé 
dans  notre  pays'. 

i.   ncuue  de  Cltampayne,  1.  XXIV  (1888),  p.  215. 


ËIBLIOGRAPHIE 


Napoléon,  son  caractère,  son  génie,  son  rôle  historique,  par  Mabii  s  Sepet, 
Paris,  Perrin,  1894,  in-S»  de  192  p.  3  fr.  50. 

Dans  un  élégant  in-octavo  de  petit  format,  M.  Marins  Sepet 
donne  une  étude  sur  Napoléon  l'"'.  C'est  une  œuvre  impartiale, 
d'un  style  attachant  —  l'auteur  y  a  habitué  ses  lecteurs  —  dans 
laquelle  M.  Marius  Sepet  fait  connaître  sa  pensée  :  on  y  retrouve 
l'historien  de  Jeanne  d'Arc;  il  y  a  des  pages  sévères,  d'autres  qui 
reflètent  un  véritable  enthousiasme.  Pour  M.  Sepet,  Napoléon  fut 
une  personnalité  d'ordre  supérieur  au  reste  des  humains,  créé 
pour  rétablir  l'ordre  en  France.  Il  eût  été  parfait  et  l'heureux 
génie  du  pays  s'il  avait  pu  mettre  un  frein  à  son  égoïsme,  à  son 
despotisme,  à  son  mirage  de  domination  universelle.  Fatalement 
les  grandes  intelligences  sombrent  lorsqu'elles  dépassent  lo  but 
de  leur  mission  :  Jeanne  d'Arc  fut  victime  de  cette  loi.  M.  Sepet 
témoigne  une  vive  reconnaissance  à  Napoléon  à  cause  du  Con- 
cordat; je  confesse  que  je  considérerais  celui-ci  comme  «  un  acte 
chrétiennement  et  héroïquement  sauveur  »  si  l'Empereur  n'y 
avait  pas  vu  un  moyen  de  dominer.  On  trouve  dans  ce  livre  des 
détails  saisissants  sur  le  meurtre  du  duc  d'Enghien,  sur  le  divorce 
avec  Joséphine  qui  parait  avoir  été  prononcé  contre  toutes  les  lois 
civiles  et  religieuses.  L'auteur  termine  en  exposant  quelle  serait 
la  forme  idéale  du  Gouvernement  de  ses  vœux.  —  Cette  étude, 
remplie  d'idées  généreuses,  chaleureusement  exposées,  fait  passer 
au  lecteur  des  heures  aussi  agréables  que  proiitables. 

A.    DE   B. 


Henri  Jadart.  —  Essai  d'une  bibliographie  relhéloise.  Rethel,  impiimerie 
G.  Beauvarlel,  in-8°  de  88  p. 

Il  serait  à  désirer  que  dans  chaque  ville  ou  bourg  d'une  certaine 
importance,  l'on  pût  compter  sur  un  travailleur  qui,  à  l'exemple 
de  M.  Henri  Jadart,  se  consacrât  à  réunir  les  éléments  d'une 
bibliographie  locale.  M.  Jadart  vient,  pour  son  compte,  de 
publier,  sous  le  titre  modeste  d'Essai  d'une  bibliographie  relhé- 
loise, un  opuscule  de  haut  intérêt  pour  ceux  qui  s'occupent  de 
l'histoire  du  coin  de  terre  française  que  le  patient  chercheur  a  eu 
pour  objectif.  Deux  cent  trente-trois  publications,  y  compris  divers 
manuscrits,  ont  été  réparties  sous  onze  rubriques.  Comme  tous  les 
bibliographes  consciencieux,  M.  Jadart  ne  se  fait  pas  d'illusion  :  il 
a  la  conviction  de  n'être  ni  parfait  ni  complet.  Une  critique  d'ordre 
typographique,  c'est-à-dire  secondaire  :  les  notes  explicatives  qui 


b2  BIBLIOGRAPHIE 

suivent  la  plupart  des  énonciations  bibliographiques  eussent  gagné 
à  être  imprimées  en  caractères  diiîérents  et  en  retrait. 

(Polybiblion.) 
* 

Dans  un  récent  opuscule,  Jeanne  d'Arc  champenoise,  dont  il  a 
été  parlé  ici-même,  M.  l'abbé  Misset,  résumant  le  long  débat 
relatif  à  la  nationalité  de  la  Pucelle,  concluait,  on  s'en  souvient, 
en  faveur  de  l'origine  française  de  l'immortelle  héroïne.  —  Dans 
le  même  temps,  un  érudil  de  Nancy,  M.  Léon  Mougenot,  mettait 
la  dernière  main  à  un  important  Essai  sur  le  même  sujet. 

Son  intéressant  travail,  Jeanne  d'Arc,  le  duc  de  Lorraine  et  le 
sire  de  Baudricourt,  qui  vient  de  paraître  sous  la  forme  d'un 
luxueux  petit  in-4''_,  aboutit,  sous  certaines  réserves,  aux  mêmes 
conclusions  que  celles  de  son  devancier.  —  S'appuyant  sur  un 
ensemble  de  preuves  historiques,  géographiques  ou  même  fis- 
cales, l'auteur  s'attache  à  établir  que  «  Jeanne  d'Arc  est  née  dans 
une  chaumière  barroise  et  que  sa. paroisse  dépendait  du  diocèse 
lorrain  de  Toul.  Toutefois,  il  est  amené  à  reconnaître,  qu'en 
raison  do  «  l'entrecours  >■  déterminé  par  le  ruisseau  qui  coule  à 
Domrémy-de-Greux,  Jeanne  est,  en  réalité,  née  sujette  du  roi  de 
France  et  non  du  duc  de  Lorraine  ». 

Les  détails,  ou  très  peu  connus  ou  inédits,  que  M.  Léon  Mou- 
genot révèle  sur  Robert  de  Baudricourt,  châtelain  de  Vaucouleurs, 
et  sur  le  duc  Charles  II,  ajoutent  à  son  livre  un  surcroît  d'intérêt. 
Enfin,  et  ce  n'est  pas  la  partie  la  moins  curieuse  de  son  travail,  il 
fait  justice  de  la  fable  d'après  laquelle  une  femme  inconnue  aurait 
été  substituée  à  Jeanne  sur  le  bîlcher  de  Rouen.  Par  suite,  il 
démontre  péremptoirement  l'imposture  des  deux  «  fausses 
Pucelles  »,  Claude,  que  l'on  prétend  être  devenue  femme  du  sire 
des  Armoises,  et  Jeanne,  du  village  de  Sermaize,  qui  finit  après 
maintes  aventures,  par  épouser  le  roturier  Jean  Douillet. 

{Journal  des  Débals.) 


Sommaire  de  la   Revue  d'Ardenne  et  dWrgonne.  —  Janvier- 
février  1895  : 

Dr.  J.  Jailliot,  Cinq  lettres  de  Dumouricz.  —  S.  Leroy,  Notice  armo- 
riâtes et  généalogique  sur  la  maison  de  Bouillon  (suite).  —  H.  Bour- 
GuiGNAT  et  P.  CoLLiNET,  Excuisiou  épigraphiquc  :  De  Mèzicres  à 
Sigmj-r  Abbaye. 

Impressions.—  G.  Deleau,  L  De  Berlrix  à  Libramont  ;  IL  Benonchamps  • 
III.   Wiltz. 

Variétés.  —  E.  Henry,  Biographie  ardennaise  :  Un  officier  ardcnnais  à 
l'armée  vendéenne.  —  André  Donnav,  Le  chêne  des  Mouches. 

Bibliographie.  —  Annales  de  Dom  Oanneron.  par  M,  P.  Laurent  —  Excur- 
sion dans  l'Argonnc,  par  un  Rémois  (H.  JaJarl). 


BIBLIOGRAPHIE  o3 


Sommaire  de  la  Revue  historique,  janvier-février  ISOii  : 

H.  Sée.  Etude  sur  les  classes  seiviles  en  Champagne,  du  si'  au  xiv"  siècle 
{suite  et  fin),  p.  1.  —  A.  Taphanel,  Saint-Cyr  el  la  Beaumelle,  p.  22. 
—  H.  PiRENNE,  l'origine  des  conslilutions  urbaines  au  Moyen-Age  [suite], 
p.  57.  —  G.  MoNOD,  articles  nécrologiques  sur  James  Darmesleler  el  Victor 
Duruy,  p.  99. 


CHRONIQUE 


Sociétl:  Af.ADiiMiQUE  DE  l'Auiie  (Séaucc  du  21  décembre  i89i), 
—  Présidence  de  M.  de  la  Boullaye,  président. 

M.  le  président  fait  connaître  que  M.  Félix  Fontaine  vient  d'être 
nommé  membre  du  Conseil  supérieur  du  commerce,  et  il  lui 
adresse  les  félicitations  de  la  Société. 

Correspondance 

M.  le  docteur  Finot  est  proclamé  membre  résidant  pour  la 
section  des  arts. 

MM.  Renaudat,  Defay,  Gabut  et  Gillet,  sont  proclamés,  le  pre- 
mier, membre  associé,  et  les  trois  autres  membres  correspon- 
dants. 

M.  Guiberl,  de  Balignicourt,  fait  don  à  la  Société  de  manuscrits 
précieux,  notamment  un  inventaire  des  titres  de  la  seigneurie  de 
Longsols  et  des  documents  généalogiques  relatifs  à  la  famille  de 
Corberon  ;  il  s'y  trouve  des  autograplies  intéressants. 

M.  Albert  Babeau  annonce  le  don  à  la  Société,  par  M.  Truelle 
Saint-Evron,  membre  correspondant,  de  vingt-quatre  ouvrages 
pour  sa  bibliothèque.  Tous  sont  de  grande  valeur  et  intéressent 
notre  pays.  Dans  le  nombre  figurent:  un  exemplaire  des  Sermons 
de  saint,  Bernard,  imprimé  en  1493;  le  premier  livre  des  Mémoires 
des  Comtes  héréditaires  de  Champagne  et  de  Brie.  Ce  dernier 
devra  être  remis  à  la  Bibliothèque  de  la  Ville,  à  qui  on  en  a 
soustrait  un  semblable,  si  elle  ne  l'a  pas  déjà  remplacé.  D'autres 
volumes  ont  appartenu  à  Grosley  et  portent  sa  signature. 
M.  Truelle  Saint-Evron  offre  également  le  Voi/afjc  arcliéologique, 
d'Arnaud,  et  le  Portefeuille  archéoloçjiquc,  de  Gaussen,  en  très 
bel  état. 

M.  l'abbé  Diette  communique  une  Noie  sur  le  Cimetière  antique 
de  Grange-sur- Aube. 

M.  Le  Clert  fait  connaître  que  M""  Garnier  mère  lui  a  remis  de 
précieux  ouvrages  de  M.  dWrbois  de  Jubainville  et  les  fiches  de 
M.  l'abbé  Garnier  sur  l'onomastique.  M.  Vachette  ajoute  que 
M'"'  Garnier  remettra  à  la  Société  tous  ceux  des  papiers  de  son 
fils  qui  pf-uvent  l'intéresser. 

Travaux  des  Socn'rrÉs  correspondantes 
Journal  des  Savants  :  Article  de  iM.  Camille  Jullian  à  propos  du 
Catalogue  des  inscriptions  du  Musée  de  Lyon,  Musée  qui  renferme 
le  plus  ancien  monument  épigraphique  où  soit  relaté  le  nom  de 
notre  ville.  MM.  Allmer  et  Dissart.  ont  fait  de  ce  catalogue  une 
véritable  étude  de  l'organisation  municipale  de  la  Gaule. 


CHRONIQUE  Si) 

«  Mémoires  de  la  Société  d'agriculture,  commerce,  sciences  et 
arts  de  la  Marne  »  •.  Le  conventionnel  Courtois  et  les  souvenirs  de 
Marie-Anloinetle,  par  M.  Auguste  Nicaise. 

Romania  :  M.  Gaston  l'aris  y  publie  une  étude  fort  intéres- 
sante des  mémoires  du  sire  de  Joinville.  La  partie  historique  a 
été  rédigée  la  première  et  constitue  de  véritables  mémoires;  le 
récit  se  rapporte,  en  effet,  constamment  à  la  personne  de  Join- 
ville; ce  sont  des  souvenirs  personnels.  L'autre  partie  est  un  pané- 
gyrique écrit  beaucoup  plus  tard,  à  la  demande  de  la  reine  Jeanne 
de  Champagne,  pour  la  glorification  de  saint  Louis.  Joinville  a  fait 
de  ses  mémoires  le  noyau  de  son  récit,  mais  il  était  déjà  très  âgé 
lorsqu'il  y  a  ajouté  ce  complément  qui  ne  présente  plus  les  mêmes 
caractères  d'exactitude. 

Lectures  et  Communications  des  Membres 
M.  Le  Clert  donne  lecture  de  son  rapport  sur  le  travail  de 
M.  Gabut,  qui  lui  a  été  renvoyé:  Archéologie  préhistorique  et 
gallo-romaine  dans  la  vallée  de  la  Nosle;  il  conclut  à  son  dépôt 
dans  les  archives  de  la  Société.  C'est  une  étude  bien  écrite,  bien 
coordonnée^  mais  trop  souvent  en  désaccord  avec  les  faits  tels 
qu'ils  résultent  des  documents  les  plus  authentiques. 

M.  Det  rend  compte  du  travail  de  M.  Louis  Morin  :  L  s  Com- 
munautés des  cordonniers,  basanters  et  savetiers  de  Troyes.  Ces 
trois  catégories  d'artisans  ont  été,  tout  d'abord,  indépendantes 
l'une  de  l'autre.  M.  Morin,  malgré  la  pénurie  des  documents,  a 
su  les  faire  revivre  pour  le  lecteur,  et  il  raconte,  d'une  façon  plai- 
sante, les  rivalités  des  cordonniers  et  des  savetiers. 

Elections 
M.  Paul  Rabel  et  M.  le  docteur  Plicot,  sont  élus  membres  cor- 
respondants. 

Séance  du  28  décembre  1894.  —  Présidence  de  M.  de  la  Boul- 
laye,  président. 

Sur  l'invitation  de  M.  le  président,  les  secrétaires  des  quatre  sec- 
tions font  connaître  lacomposition  de  leurs  bureaux  pour  189o,  telle 
qu'elle  résulte  des  élections  auxquelles  il  vient  d'être  procédé. 

Agriculture.  —  Président,  M.  Chadenet;  vice-président, 
M.  Marcel  Dupont;  secrétaire,  M.  le  comte  de  Launay. 

Sciences.  —  Président, M.  d'Antessanty  ;  vice-présidenl,  M.  Briard; 
secrétaire,  M.  le  docteur  Hervey. 

AuTs.  —  Président,  M.  Vachette;  vice-président,  M.  Albert 
Babeau;  secrétaire,  M.  le  docteur  Finot, 

Belles-lettres.  —  Président,  M.  More;  vice-président,  M.  Det; 
secrétaire,  M.  le  docteur  Lutel. 

Election  d'un  Vice-Président 
M.  Albert  Babeau  est  élu  vico-président  pour  l'année  18f>o,  en 


56  CHRONIQUB 

remplacement  de  M.  Félix  Fontaine,  qui  passe  de  droit  prési- 
dent. 

Election  des  Membres  du  Bdreau 

Sont  élus  pour  cinq  ans: 

Secrétaire:^.  d'Antessanly; 
Secrétaire-adjoint  :  M.  Henri  Renaud. 
Archiviste  :  M.  Le  Clert. 
Trésorier:  M.  Savetiez. 

Election  d'un  Membre  de  la  Commission  du  Ai  usée 
M.  Vachette  est  élu  en  remplacement  de  M.  l'abbé  Garnier. 
M.  le  président  propose  de  nommer  M.  Piat,  conservateur  hono- 
raire du  Musée  des  Arts  décoratifs  fondé  par  lui.  Cette- motion  est 
adoptée  à  l'unanimité. 

Election  des  Membres  de  la  Commission  de  Publication 
MM.  Det,  Marcel  Dupont,  Forest  et  Pron,  membres  sortants, 
sont  réélus. 

Les  deux  faits  les  plus  importants  de  Tannée,  pour  la  Société, 
ont  été  l'ouverture  du  Musée  des  Arts  décoratifs,  dû  à  la  générosité 
de  M.  Piat,  qui  va  susciter  les  vocations  artistiques  dap.s  notre 
région,  et  l'installation  de  la  Société  dans  le  pavillon  qu'elle  doit 
à  la  munificence  de  M.  et  M""  Joseph  Auditfred  et  de  la  Ville  de 
Troyes. 

*    * 

La  section  de  Melun  de  la  Société  d'archéologie,  sciences, 
lettres  et  arts  de  Seina-et-Marne,  a  tenu  sa  séance  ordinaire  le 
dimanche  9  décembre  1894,  à  l'Hôtel  de  Ville. 

L'ordre  du  jour  était  ainsi  conçu  : 

Jacqueline  de  Bueil,  comtesse  de  Moret  (suite),  par  M.  G.  Liôret, 

Notice  sur  Vaux-le-Pénil  (suite),  par  M.  G.  Leroy. 

Découverte  d'une  sépulture  de  l'époque  néolithique,  à  Saiiit- 
Mammès,  par  M.  Eug.  ïoulouze. 

Le  général  baron  Jacquinol,  né  à  Melun,  étude  biographique, 
par  M.  Ch.  Rabourdin. 

Un  conte  de  Noél,  en  vers,  par  M.  Vavasseur. 

Le  sauvage  du  roi,  à  Firicy,  par  M.  R.  de  Crèvecœur. 


CiiATEAU-TuiERRY.  —  La  Société  historique  a  procédé  au  renou- 
vellement de  son  bureau. 

Voici  la  composition  du  bureau  pour  l'année  1893  : 

MM.  Vérette,  président;  de  Larivière,  vice-président;  Moulin, 
secrétaire  perpétuel;  Josse,  vice-secrétaire;  Renaud,  trésorier; 
Poinsier,  bibliothécaire;  Harant,  conservateur  des  collections,  etc. 

Voioi  rallociitiuii  prononcée  par  M.  Vérette  à  la  suite  du  vote  : 


CHRONIQUE  57 

Messieurs  et  chers  collègues, 

Je  ne  veux  pas  attendre  la  prochaine  entrée  en  fonction  du  Bureau,  que 
vous  venez,  par  un  vote  unanime,  de  constituer  pour  l'année  1895. 

Laissez-moi  vous  dire,  dès  aujourd'hui,  toute  ma  reconnaissance  pour 
l'honneur  que  vous  me  faites  en  m'appelant  pour  la  troisième  fois  depuis 
trois  ans  au  fauteuil  de  la  présidence. 

Ce  n'est  pas  une  distinction  vulgaire,  mes  chers  collègues,  d'être  placé 
à  la  tête  d'une  Société  comme  la  nôtre;  c'est  présider  une  ■  Association 
formée  d'hommes  intelligents  et  honnêtes  qui  consacrent  au  développement, 
à  l'augmentation  de  la  richesse  artistique,  littéraire,  scientifique  de  la  France, 
ce  qu'ils  peuvent  avoir  de  loisirs,  ce  qu'ils  ont  de  connaissance  acquise, 
d'amour  de  l'art,  de  bonne  volonté,  de  patriotisme;  qui  cherchent,  au 
milieu  d'appétits  grossiers,  souvent  criminels  dont  nous  avons  fréquem- 
ment sous  les  j'eux  le  triste  et  scandaleux  spectacle,  qui  cherchent  la  pure, 
douce,  délicieuse  et  noble  jouissance  de  l'esprit. 

Vous  me  donnez  donc  bien  le  droit  d'être  fier  de  vos  suffrages  ;  même  un 
petit,  un  tout  petit  grain  d'amour-propre  satisfait,  d'orgueil  presque  légi- 
time me  serait  pardonné,  si,  consultant  mon  esprit  et  mes  forces,  je  me 
sentais  consciencieusement  nanti  de  titres  réels  et  solides  à  votre  bienveil- 
lance. J'ai  beau  chercher,  je  n'en  trouve  qu'un,  qu'un  seul,  incontestable, 
assurément,  que  personne  de  vous  ne  songe  à  me  disputer,  c'est  mon  acte 
de  naissance  avec  le  millésime  de  1810. 

C'est  quelque  chose,  sans  doute,  c'est  beaucoup,  c'est  beaucoup  trop,  et 
ce  n'est  pas  assez;  mais  votre  saint  respect  pour  tout  ce  qui  porte  l'em- 
preinte du  temps,  vous  a  fait  fermer  les  yeux  sur  l'absence  à  mon  dossier 
de  pièces  plus  recommandantes,  et  vous  avez  donné  l'investiture  présiden- 
tielle à  votre  doyen  d'âge,  instinctivement,  avec  autant  de  discrétion  du 
reste  que  de  délicatesse,  vous  avez  fait  acte  d'archéologues,  je  vous  en 
remercie;  d'autant  plus  que  vous  avez  eu  soin  d'entourer  votre  président 
d'auxiliaires  vigoureux  et  dévoués  dont  l'appui  rendra  sa  marche  moius 
claudicante  et  plus  facile. 

Voyez  à  sa  gauche  un  vice-président,  M.  de  Larivière,  un  coadjuteur 
jeune,  actif,  ami  de  l'étude,  prouvant  par  son  exemple  que  la  Finance  et 
l'Histoire  ne  sont  pas  sœurs  ennemies,  et  que  les  graves  occupations  de 
l'une  ne  sont  pas  un  obstacle  aux  sérieuses  et  agréables  distractions  de 
l'autre;  à  sa  droite  un  infatigable  marcheur  à  travers  les  ruines  du  passé 
qu'il  sait  faire  revivre  et  parler  avec  autant  d'art  que  de  succès. 

Mais  je  ne  veux  dire  de  notre  intrépide  secrétaire  perpétuel,  rien  de  tout 
ce  que  je  pense,  rien  de  tout  ce  que  nous  pensons  tous  ;  il  est  des  épreuves 
qu'on  doit  savoir  épargner  à  sa  modestie. 

Voici  maintenant  le  sévère  et  fidèle  gardien  de  notre  trésor.  C'est  l'exac- 
titude, c'est  la  régularité,  c'est  la  comptabilité  modèle  ;  un  sesterce,  un  quart 
de  sesterce  ne  sort  point  de  notre  œrarium  sans  un  exeat  bien  et  dûment 
revêtu  de  toutes  les  formes  réglementaires.  Or,  nous  le  savons  tous,  le 
nummus  joue  un  grand  rôle  aussi  bien  dans  les  Sociétés  les  plus  modestes 
que  dans  les  Etats  les  plus  puissants  ;  c'est,  on  l'a  dit,  il  y  a  longtemps, 
le  nervus  rerum  agendarum;  avec  de  tels  auxiliaires,  avec  un  secrétaire 
adjoint  qui  ne  demande  pas  mieux  que  de  suivre  son  chef  de  file,  avec  des 
travailleurs  comme  les  Henriel,  les  Corlieu,  et  d'autres  que  l'avenir  nous 
réserve,  avec  un  conservateur  zélé  de  nos  précieuses  reliques,  avec  un 
bibliothécaire  dont  l'érudition  n'est  pas  douteuse,  le  fauteuil  de  la  pré- 
sidence est  bien  moelleux,  la  fonction  dont  il  est  le  symbole  est  bien  douce 
et  bien  facile. 


58  CHRONIQUE 

Du  reste,  mes  chers  collègues,  si  je  ne  puis  "uère  vous  être  utile  à 
d'autres  litref,  du  moins  par  ma  bonne  volonté,  par  mon  dévouement  à  tout 
ce  qui  peut  toucher  aux  intérêts  moraux,  intellectuels  et  matériels  de  notre 
Société,  je  ne  négligerai  rien  pour  ne  pas  vous  être  inutile. 

Un  dernier  mol:  c'est  celui  du  cœur.  Nous  entrons  à  peine  dans  une 
nouvelle  année;  puisse- t-elle,  mes  bien  chers  collègues,  c'est  le  vœu  bien 
sincère  que  forme  votre  vieux  président,  puisse-l-elle  être  pour  chacun  de 
vous  une  période  entière  de  santé  et  de  tout  ce  qui  procure  ce  qui  s'appelle 
le  vrai  bonhfur  ici-bas,  bonheur  pour  vous,  bonheur  pour  vos  familles,  bon- 
heur pour  tout  ce  qui  dans  vos  atTcclions  occupe  la  première  place. 


Simon  Vouet  et  l'Eglise  de  Neuilly-Saint-Front.  —  Lecture 
faite  par  M.  Frédéric  Henriet  à  la  séance  de  la  Société  historique 
de  Château-Thierry,  le  8  janvier  1895. 

I 

L'église  paroissiale  de  Neuilly-Saint-Front  est  très  intéressante 
par  ses  origines,  par  son  histoire  liée  étroitement  à  l'histoire  de 
l'ancien  château  dans  le  périmètre  duquel  elle  s'élève.  Elle  est 
curieuse  aussi  par  les  divers  styles  de  son  architecture,  par  les 
nervures  compliquées  de  ses  voiites,  ses  chapiteaux,  ses  deux 
gracieux  portails  renaissance  qui  déternainent  la  date  extrême  de 
sa  reconstruction,  et  par  sa  tour  romane  de  l'époque  secondaire, 
seul  débris  des  deux  chapelles  primitives  de  saint  Sébastien  et  de 
saint  Front  qui  furent  englobées,  vers  ioOO,  dans  l'édilice  actuel 
et  sont  devenues  les  deux  chapelles  latérales  à  droite  et  à  gauche 
du  sanctuaire'. 

Mais  il  ne  s'agit  pas  pour  nous  présentement  de  refaire  une 
monographie  que  notre  regretté  collègue  Eugène  Nusse  nous  a 
donnée  aussi  complète  que  possible  dans  le  Bulletin  de  notre 
Société,  année  1873,  et  si  nous  vous  conduisons  aujourd'hui  dans 
la  modeste  église  de  Neuilly,  .c'est  pour  appeler  votre  attention 
sur  un  tableau  que  l'on  s'étonne  d'y  rencontrer. 

Par  suite  de  quelles  vicissitudes  ce  tableau  est-il  venu  s'échouer 
dans  cet  humble  coin  du  Valois?  On  est  malheureusement  réduit 
à  de  vagues  conjectures,  car  les  archives  municipales  ou  parois- 
siales sont  absolument  muettes  à  cet  égard.  Ce  tableau,  qui  mesure 
2  m.  30  de  haut  sur  1  m.  70  de  large,  est  signé  :  Simon  Vouet  pinxit 
Hi.'iS.  Il  représente  le  roi  Louis  XIII  agenouillé  au  pied  de  la  croix 
et  faisant  hommage,  à  Jésus  crucifié,  de  son  sceptre  et  de  sa  cou- 
ronne. Dans  la  partie  gauche  du  tableau,   la  sainte  Vierge,  sou- 

1.  Cartier,  dans  son  Histoire  du  Valois,  tome  I,  pages  504  et  suivantes, 
explique  très  clairement  la  position  de  les  deux  chapelles  parallèles  que  l'on 
réunit,  eu  construisant  entre  elles  deux  le  chœur  et  le  sanctuaire.  On 
employa  à  cette  construction  les  matériaux  du  château,  ruiné  par  les 
Auglais,  sis  à  la  place  où  se  trouve  aujourd'hui  le  presbytère. 


CHRONIQUE  59 

tenue  par  saint  Jean  et  Madeleine,  semble  intercéder  en  faveur 
du  roi  très  chrétien.  Cette  peinture  était,  il  y  a  quelques  mois 
encore,  dans  un  état  de  dégradation  lamentable.  La  toile  était 
balafrée,  déchirée  du  haut  en  bas,  et  la  couleur,  qui  adhérait  mal 
à  la  toile  élimée,  s'écaillait  en  maints  endroits.  Heureusement  les 
avaries  avaient  épargné  les  têtes,  c'est  à-dire  les  parties  essentielles 
du  tableau.  Celui-ci  n'en  était  pas  moins  voué  à  une  destruction  iné- 
vitable et  prochaine,  si  M.  le  doyen  Desmier  d'Olbreuse,  aidé  du 
concours  de  ses  généreux  paroissiens,  ne  s'était  décidé  à  le  confier 
à  M.  Ch.  Mercier,  restaurateur  à  l'Ecole  des  Beaux- Arts,  qui  a  déjà 
fait  ses  preuves  dans  notre  église  Saint-Crépin,  puisque  c'est  ce 
praticien  habile  que  notre  digne  archiprêtre  et  son  Conseil  de 
fabrique  ont  chargé  de  remettre  en  état  notre  tableau  de  Joseph 
Vivien,  Le  Baptême  du  Christ. 

L'œuvre  de  Simon  Vouet,  que  nous  avions  vue  si  malade,  est 
revenue  récemment  à  Neuiily,  consolidée,  rajeunie,  méconnais- 
sable. L'église  a  été  tout  heureuse  de  pouvoir  s'en  parer  pour  la 
fêle  de  la  Toussaint,  et  les  fidèles  n'ont  pas  été  moins  surpris 
qu'enchantés  de  la  résurrection  d'une  toile  que  beaucoup  d'entre 
eux  considéraient  comme  perdue. 

Ne  vous  attendez  pas  pourtant  à  un  de  ces  chefs-d'œuvre  devant 
lesquels  il  n'y  a  qu'à  admirer.  Il  s'agit  d'une  page  très  intéressante 
par  le  sujet  qu'elle  représente,  par  les  observations  qu'elle  suggère 
et  par  le  nom  de  son  auteur  qui  a  joui  de  son  vivant  d'une  répu- 
tation considérable.  Vouet  est  le  premier  en  date  de  la  grande 
école  académique  du  xvii^  siècle,  il  compta  parmi  ses  élèves  Le 
Brun,  Mignard,  Lesueur,  pour  ne  citer  que  les  plus  illustres.  Ce 
fut  lui  qui  introduisit  en  France  le  goût  italien,  —  ce  dont  ses 
contemporains  lui  firent  un  mérite  et  la  postérité  un  reproche;  — 
car  il  engageait  notre  école  dans  des  voies  qui  lui  eussent  été 
funestes  si  Poussin  et  Lesueur  ne  l'avaient  ramenée  à  ses  tradi- 
tions véritables.  Et  ce  furent  des  Italiens  déjà  décadents  qu'il 
étudia  de  préférence  à  Rome  :  Le  Caravage,  Lanfranc,  Beretlin', 
Le  Guide. 

Désireux  d'utiliser,  au  profit  de  la  France,  un  artiste  d'un  talent 
aussi  universellement  reconnu,  le  roi  le  rappela  en  1627,  le  logea 
au  Louvre  et  le  combla  de  faveurs.  Vouet  se  vit  bientôt  surchargé 
de  commandes,  et  pour  satisfaire  à  toutes,  il  abusa  de  sa  prodi- 
gieuse facilité,  adopta  une  manière  expéditive,  brillante,  mais 
superficielle  (le  contraire  précisément  du  Poussin  qui  conçoit  for- 
tement et  qui  creuse),  avec  des  rondeurs  à  la  Guide,  des  draperies 
boursoutlées  et  des  partis-pris  de  clair  obscur  si  uniformément 
répétés  qu'ils  deviennent  un  de  ses  procédés  habituels. 

Toutefois,  le  tahleau  de  Neuilly,  qui  suivit  de  peu  d'années  son 
retour  de  Rome,  est  encore  de  sa  bonne  époque.  Si  l'on  y  trouve 
déjà  en  germe  les  défauts  qui  devaient  s'exagérer  plus  tard,  si 
l'anatomie    du   Christ  est    molle  et  dépourvue  d'accent,   il    faut 


60  CHRONIQUE 

reconnaître  que  la  têle  du  Sauveur  est  d'un  très  beau  sentimenl. 
C'est,  à  notre  avis,  le  morceau  le  plus  remarquable  du  tableau. 
Le  roi,  engoncé  dans  son  énorme  fraise  et  insuffisamment  cons- 
truit sous  l'ample  manteau  du  Saint-Esprit  qui  nous  dérobe  ses 
jambes,  n'est  pas  d'un  style  très  élevé;  mais  le  relief  de  toute 
cette  figure  est  saisissant  et  marque  francbement  le  contraste 
entre  la  personne  réelle  et  tangible  de  Louis  X!1I  et  les  figures 
idéales  qu'évoque  son  ardente  prière.  En  somme,  l'aspect  général 
du  tableau  est  satisfaisant.  11  le  serait  plus  encore,  à  ce  qu'il  nous 
semble,  si  le  premier  plan  avait  été  tenu  dans  une  tonalité  un  peu 
plus  blonde,  de  façon  à  rendre  plus  sensibles  les  différences  des 
valeurs  du  ciel  et  du  terrain.  Le  restaurateur  a  cru  évidemment 
suivre  les  indications  du  tableau.  Nous  nous  demandons  seule- 
ment, sans  insister  autrement,  s'il  s'en  est  bien  exactement  rendu 
compte. 

II 

C'est  improprement  qu'on  a  appelé  ce  tableau  Le  vœu  de 
Louis  Xni,  car  le  fait  historique,  connu  sous  ce  nom,  est  pos- 
térieur de  cinq  ans.  Le  tableau  de  Vouet  est,  comme  nous  l'avons 
dit,  daté  de  1633,  et  ce  n'est  que  le  18  février  1638,  que  le  roi 
consacra  solennellement  son  royaume  à  la  Sainte-Vierge.  Le 
Mercure  français^  tome  XXII,  donne  le  texte  de  la  déclaration 
royale,  qui  est  fort  belle  et  mériterait  d'être  reproduite  in  extenso, 
à  titre  de  leçon  pour  nos  démocraties  qui  prétendent  ne  relever 
que  d'elles-mêmes  et  ne  veulent  plus  de  Dieu  parce  que,  s'il  est 
un  guide  et  une  lumière,  il  est  en  même  temps  pour  elles  un 
frein  et  une  limite.  Le  roi  se  tient  dans  des  termes  généraux, 
priant  le  Ciel  d'exaucer  les  vœux  qu'il  lui  adresse  pour  le  bien  de 
l'Etat;  mais  il  ne  formule  pas  d'une  manière  expresse  le  vœu  qui 
était  alors  dans  sa  pensée  comme  dans  le  cœur  de  tous  ses  sujets. 

Après  vingt-deux  ans  d'une  union  stérile,  dont  plusieurs  de 
froideur  réciproque,  qui  avait  abouti  à  une  séparation  de  fait 
entre  les  époux,  le  bruit  de  la  grossesse  de  la  reine  commençait  à 
transpirer  et  tout  le  monde  souhaitait  que  le  Ciel  accordât  un 
prince  à  la  France.  Le  Ciel  entendit  cette  prière  unanime  et 
donna  à  Louis  XIII  le  fils  qui  devait  porter  à  son  apogée  la  gloire 
de  son  nom. 

Si  nous  en  croyons  M™«  de  Motteville  '  et  le  marquis  de  Mont- 
giat-,  c'est  une  certaine  nuit  de  décembre  1637  (que  ne  précisent- 
ils  laquelle,  puisqu'ils  ne  demandent  pas  mieux  que  de  mettre  les 
points  sur  les  i  ?),  c'est  une  nuit  de  décembre,  disons-nous, 
qu'aurait  eu  lieu  un  rapprochement  inattendu,  par  suite  de  cir- 
constances toutes  fortuites  où  la  tendresse  n'entrait  que  pour  une 

1 .  Nouvelle  collection  des  mémoires  pour  servir  à  l'hisloire  de  France, 
publiés  par  Michaud  el  Poujoulat.  Paris,  1838,  2«  série,  tome  X;  pages  34 
el  suivantes. 

2.  Mvme  colleclion,  S'  série,  tome  V,  page  01. 


CHRONIQUE  6) 

part  infinitésimale.  Ecoulons  Montglat  :  c  Un  soir  que  le  roi  était 
«  venu  visiter  M"«  de  La  Fayette  au  couvent  des  filles  de  Sainte- 
«  Marie  de  la  rue  Saint-Antoine,  il  survint  une  pluie  si  grande  et 
«  un  vent  si  impétueux  que  toute  la  campagne  fut  inondée  et  que 
«  les  hommes  et  les  chevaux  ne  pouvaient  aller...  Cet  accident 
«  embarrassa  fort  le  roi,  à  cause  que  sa  chambre  et  son  lit  et  ses 
«  officiers  de  bouche  étaient  à  Saint-Maur.  Il  attendit  longtemps 
«  pour  voir  si  le  temps  changerait;  mais  voyant  que  le  déluge  ne 
«  passait  point,  l'impatience  le  prit,  et  comme  il  dit  qu'il  n'avait 
«  point  de  chambre  au  Louvre  tendue,  ni  d'officiers  pour  lui 
«  accommoder  à  souper,  Guitaut,  capitaine  des  Gardes,  qui  était 
«  fort  libre  avec  lui,  répondit  qu'il  envoyât  demander  à  souper  et 
«  à  coucher  à  la  Reine.  Le  l{oi  renvoya  bien  loin  celte  proposition 
«  comme  fort  contraire  à  son  inclination,  et  s'opiniâtra  dans  l'es- 
«  pérance  que  le  temps  changerait;  mais  voyant  que  l'orage  aug- 
«  mentait  loin  de  diminuer,  Guitaut  au  hasard  d'être  encore 
((  rebuté,  lui  fit  la  même  proposition  qui  fut  un  peu  mieux  reçue 
«  que  la  première  fois.  Sa  aiajesté  se  rendant  à  ses  raisons,  il 
«  partit  en  diligence  pour  avertir  la  Reine.  Elle  reçut  celle 
«  nouvelle  avec  une  joie  extrême  d'autant  plus  grande  qu'elle  ne 
«  s'y  attendait  pas,  et  ayant  donné  ses  ordres  pour  que  le  ro 
K  soupât  de  bonne  heure,  ils  couchèrent  ensemble,  et  cette 
«  nuit  la  reine  devint  grosse  du  Dauphin  qui  fut  depuis  le  roi 
«  Louis  XIV.  » 

En  sorte,  dit  finement  M""»  de  Motleville,  que  M"'^  de  La  Fayette, 
tendre  objet  des  attentions  platoniques  du  roi,  «  fut  la  cause  seconde 
de  la  grossesse  de  la  Reine  •>. 

A  quoi  tiennent  les  destinées  de  ce  monde!  Cet  orage  provi- 
dentiel n'est-il  pas  un  nouvel  exemple  du  rôle  que  jouent  souvent 
les  petites  causes  dans  le  gouvernement  des  choses  d'ici-bas! 

Par  la  même  déclaration,  donnée  «  à  Saint-Germain-eu-Laye,  le 
dixième  jour  de  février  de  l'an  de  grâce  1638  »,  le  roi  s'engageait 
à  consacrer  dans  le  sanctuaire  de  Notre-Dame  de  Paris  le  souvenir 
de  son  vœu  solennel  ;  «  afin,  disait-il,  que  la  postérité  ne  puisse 
«  manquer  à  suivre  nos  volontés  à  ce  sujet,  pour  monument  et 
«  marque  incontestable  de  la  consécration  présente  que  nous 
«  faisons,  nous  ferons  construire  de  nouveau  le  grand  autel  de 
«  l'église-cathédrale  de  Paris,  avec  une  image  de  la  Vierge  qui 
«  tienne,  entre  ses  bras,  celle  de  son  précieux  fils  descendu  de  la 
«  croix,  et  où  nous  serons  représenté  aux  pieds  du  fils  et  de  la 
«  mère  comme  leur  olTrant  notre  couronne  et  notre  sceptre,  » 
ordonnant  de  plus  que  tous  les  ans,  les  jour  et  fête  de  l'Assomp- 
tion on  fit  une  procession,  après  Vêpres,  à  Notre-Dame  de  Paris 
et  dans  toutes  les  églises  du  royaume  en  mémoire  de  cette  consé- 
cration. 

Louis  mourut,  en  1643,  sans  avoir  pu  mettre  la  main  au  monu- 
ment qu'il  avait  projeté. 


62  CHRONIQUE 

Louis  XIV  se  chargea  d'acquitter  la  dette  de  son  père  et  dépassa 
encore  ses  intentions  par  le  développement  qu'il  donna  au  plan 
primitif,  et  la  magnificence  qu'il  déploya  à  cette  occasion.  Les 
travaux,  commencés  en  1699',  interrompus  durant  la  période  de 
nos  revers,  étaient  à  peine  terminés  à  la  mort  de  Louis-le-Grand, 
Robert  de  Cotte  en  donna  les  dessins  et  les  meilleurs  artistes  de 
répoque  y  concoururent. 

On  trouvera  dans  la  Description  des  curioyilés  de  l'église  de 
Paris  de  C.  P.  Gueffier,  pages  60  et  suivantes  (1763),  un  exposé 
complet  de  cette  décoration  grandiose.  Sur  des  placages  de 
marbre  qui  recouvraient  les  six  piliers  de  pourtour  du  sanctuaire 
et  montaient  jusqu'à  la  galerie  supérieure,  on  voyait  se  détacher 
quantité  de  statues  de  marbre  ou  de  bronze,  ainsi  que  de  nom- 
breux bas  reliefs  de  trophées  et  de  métal  doré  appliqués  sur  les 
pilastres  et  les  tympans  des  arcades. 

Une  grande  partie  des  figures  qui  composaient  cet  ensemble  ont 
été  détruits  en  1793.  Quant  aux  revêtements  de  marbre  qui  ne 
laissaient  pas  de  dénaturer  le  caractère  architectural  du  choeur, 
ils  ne  pouvaient  trouver  grâce  devant  MM.  Lassus  et  VioUet-le- 
Uuc,  chargés,  à  la  suite  de  leur  rapport  au  ministre  compétent 
(Paris,  imp.  Lacombe,  1843)  de  la  restauration  de  la  basilique. 
Ils  les  firent  disparaître  pour  rétablir  l'édifice  dans  son  unité 
gothique,  et  de  celte  décoration  somptueuse,  il  ne  reste 
aujourd'hui,  —  mais  c'est  précisément  ce  qu'il  importait  de 
conserver  —  que  la  «  Pieta  »  de  l'autel  des  «  feries  »  due  au 
ciseau  de  Nicolas  Coustou,  la  statue  de  Louis  Xill  ofïrant  sa  cou- 
ronne à  la  mère  de  Dieu,  œuvre  de  Guillaume  Coustou,  et  celle  de 
Louis  XIV  qui  est  de  Coysevox.  Ces  deux  statues,  après  avoir  trouvé 
un  refuge  pendant  la  crise  révolutionnaire  au  Musée  des  monuments 
français,  tour  à  tour  au  Louvre  et  au  Musée  de  Versailles,  sont  venues 
reprendre  à  Notre-Dame  leur  vraie  place,  la  seule  où  elles  aient 
toute  leur  signification. 

III 

Tel  est,  tout  au  long  —  trop  au  long,  et  je  m'en  excuse  —  l'his- 
torique du  Vœu  de  Louis  XIII.  Le  tableau  de  Simon  Vouet  ne 
répond  donc  pas  exactement  à  ce  programme  que,  plus  tard, 
Ingres  réalisera  de  point  en  point  dans  un  tableau  fameux.  Mais 
il  n'est  pas  douteux  qu'avant  de  prendre  corps,  cette  pensée  de 
foi  et  d'hommage  hanta  longtemps  le  cerveau  du  roi.  Dans  toutes 
les  conjonctures  difficiles  de  son  règne  —  et  elles  ne  lui  furent  pas 
épargnées  —  ce  devait  être  la  première  inspiraûon  de  ce  pieux 
monarque  d'implorer  les  lumières  den  haut,  demandant  à  Dieu, 
selon  la  belle  parole  de  la  déclaration,  «  de  ne  point  sortir  des 
voies  de   la  grâce    qui    conduisent  k   celles  de  la  gloire  ».  Rien 

1.  Le  cardinal  de  Noailies,  archevêque  de  Paris,  en  posa  la  première 
pierre,  le  7  décembre  1699. 


CHRONIQUE  6^ 

d'étonnant  à  ce  que  Simon  Vouet  ait  traduit^  par  anticipation  en 
quelque  sorte,  les  sentiments  bien  connus  du  roi,  soit  qu'il  ait 
peint  son  tableau  de  sa  propre  initiative,  soit  —  ce  qui  est  plus 
probable  —  qu'il  en  ait  reçu  la  commande  de  son  protecteur  cou- 
ronné. 

Ce  besoin  de  se  tenir  en  communication  avec  Dieu,  pour  solli- 
citer son  secours  ou  le  remercier  de  ses  faveurs,  est  si  bien  entré 
dans  les  habitudes  de  Louis  XIII  qu'aussitôt  la  naissance  du 
Dauphin  (o  sept.  1638^  un  graveur  de  talent,  Grégoire  Huret, 
burinait  une  composition  où  le  roi  et  la  reine  —  votis  primis 
solniis  —  présentaient  à  la  Vierge,  en  témoignage  d'actions  de 
grâces,  l'enfant  royal,  hxredem. 

J'ai  parlé  du  tableau  d'Ingres.  Le  Vœu  de  Lows  X.JII,  qui  parut 
au  Salon  de  1824  et  se  trouve  dans  la  cathédrale  de  Montauban, 
patrie  du  peintre.  Il  est  intéressant  de  le  comparer  (il  a  été  gravé 
par  Calamatta)  à  celui  de  Simon  Vouet.  Il  y  a  entre  les  deux  œuvres 
des  analogies  qui  tiennent  à  la  similitude  des  sujets;  car  il  est  peu 
probable  qu'Ingres  ait  eu  connaissance  du  tableau  de  Neuilly. 
D'ailleurs,  quand  Ingres  empruntait,  c'est  à  Raphaël  qu'il 
s'adressait;  et  de  fait,  le  groupe  de  la  Vierge  et  de  l'enfant  Jésus 
qui  fait  la  beauté  du  tableau  d'Ingres  rappelle  beaucoup,  avec  son 
cortège  d'anges  et  de  chérubins,  la  Vierge  aux  candélabres  du 
peintre  d'Urbin.  Quant  au  roi,  les  deux  peintres  l'ont  drapé  dans 
le  même  manteau  fleurdelysé;  mais  Vouet  l'a  placé  à  droite,  de 
prolil,  offrant  à  Jésus  les  insignes  royaux  déposés  au  pied  de  la 
croix,  et  Ingres  Fa  mis  à  gauche,  les  bras  levés  et  tendant  vers 
la  Vierge  les  mêmes  insignes.  Il  est  à  noter  qu'Ingres  s'est 
imposé  une  bien  singulière  difficulté.  Réservant,  dans  sa  com- 
position, la  place  d'honneur  à  la  Vierge  qui  nous  apparaît  de 
face  au  milieu  du  tableau,  il  s'ensuit  que  Louis  XIII,  prosterné  à  ses 
pieds,  tourne  le  dos  au  spectateur.  Mais  Ingres  a  pensé  que  le  roi 
joue,  dans  la  conception  de  son  œuvre,  un  rôle  trop  important  pour 
qu'il  lui  fût  permis  de  le  réduire,  en  nous  dérobant  son  visage,  à 
l'état  de  figure  épisodique,  et  afin  de  nous  montrer  quand  même 
son  profil  étriqué,  il  lui  a  infligé  un  torticolis  aussi  pénible  pour 
le  personnage  que  pour  le  spectateur.  Les  deux  tableaux  d'Ingres 
et  Vouet  ont  donc  cela  de  commun  que,  ni  dans  l'un,  ni  dans 
l'autre,  la  figure  du  roi  n'est  à  l'abri  de  tout  reproche. 

Quant  à  l'authenticité  du  tableau  de  Neuilly,  elle  est  hors  de 
conteste,  bien  que  cette  composition  n'ait  été  reproduite  par 
aucun  des  graveurs  habituels  de  Vouet  :  Pierre  Daret,  Michel 
Dorigny,  etc.  Si  quelqu'un  pouvait  émettre  des  doutes  à  cet 
égard,  nous  le  renverrions  à  un  autre  tableau  de  Vouet  qui  a  des 
rapports  évidents  avec  le  nôtre.  Peint  à  peu  près  à  la  même 
époque,  il  représente  la  Vierge,  saint  Jean  et  .Madeleine  au  pied 
de  la  croix.  (Pierre  Daret,  graveur,  pro  regc  (aciebai,  1638.) 
L'anatomie  du  corps  de  Jésus,  le  goût  des  draperies,  l'allure  des 


64  CHRONIQUE 

personnages  el  jusqu'à  l'effet  général  de  la  scène  offrent  des  res- 
semblances trop  sensibles  avec  notre  tableau  pour  que  les  deux 
œuvres  ne  soient  pas  du  même  artiste.  Nous  pourrions  en  dire 
autant  des  autres  Christ  connus  de  Simon  Vouet,  qui  ont  avec 
celui  de  Neuiliy  une  parenté  indéniable. 

Comment  expliquer  maintenant  la  présence  de  Tœuvre  de  Vouet 
dans  cette  modeste  église  de  campagne?  Une  tradition  locale  rap- 
porte qu'elle  lui  vint  de  la  chapelle  du  château  de  Passy-en-Valois, 
vendu  en  1792  comme  bien  d'émigré.  N'oublions  pas  d'ailleurs  que 
Meuilly-Saint-Front  faisait  partie  du  duché  de  Valois  qui  appartint 
toujours  à  des  princes  de  sang  royal  ;  que  nos  rois  avaient  une  rési- 
dence tout  près  de  là,  à  Villers-Cotterets;  que  Louis  XllI  donna  le 
Valois  à  son  frère  Gaston  d'Orléans  après  une  de  ces  soumissions 
qui  suivaient  de  près,  chez  ce  frère  inquiet  et  versatile,  ses  tenta- 
tives avortées  de  révoltes.  Entre  autres  gages  d'oubli  et  de  pardon, 
Gaston  a  pu  recevoir  du  roi  la  toile  de  Simon  Vouet  et  l'apporter 
dans  quelque  château  de  son  apanage. 

Que  ce  soit,  d'ailleurs,  comme  on  le  croit,  de  Passy  ou  de  tout 
autre  château  de  la  contrée  qu'il  nous  vienne,  c'est  bien  certaine- 
ment une  épave  recueillie  pendant  la  tourmente  révolutionnaire, 
au  même  titre  sans  doute  que  la  copie  ancienne  de  la  Belle  jar- 
dinière de  Raphaël  accrochée  dans  la  sacristie,  et  le  magnifique 
portrait  d'une  dame  de  la  cour  de  Louis  XIV,  représentée  avec  les 
attributs  de  sainte  Catherine,  qui  se  trouve  dans  le  salon  du  pres- 
bytère. Celte  dernière  peinture,  digne  du  pinceau  de  Mignard,  a 
été  restaurée  il  y  a  quelques  années.  H  serait  intéressant  de  pou- 
voir établir  l'identité  du  personnage.  Quant  à  la  Belle  jardinière, 
elle  a,  elle  aussi,  un  urgent  besoin  de  réparation,  et  nous  souhai- 
tons vivement  qu'encouragés  par  le  résultat  des  sacrifices  qu'ils 
ont  faits  pour  le  tableau  de  Simon  Vouet,  les  paroissiens  de 
Neuiliy  tiennent  également  à  honneur  d'orner  leur  église  d'un 
tableau  qui  n'est,  à  la  vérité,  qu'une  copie,  mais  une  copie  qui  a 
pris  à  l'original  quelque  chose  de  sa  grâce  ineffable  et  de  son 
charme  souverain. 

(Journal  de  Chdteau-Tliierry.)  Frédéric  He.nriet. 


MmSO.N     BABITÉE     PAU     LE    B.    J.-B.     DE     La     SaLLE     et   BEnCEAU   DE 

L'iNsrnuT  DES  Frères.  —  Il  y  a  cinq  ans,  nous  avons  cherché  à 
désigner  la  maison  qu'occupait  le  B.  J.-B.  de  La  Salle,  quand  il 
jeta  les  premiers  fondements  de  l'institut  des  Frères  des  Ecoles 
chrétiennes.  (Voir  la  brochure  imprimée  en  1889,  chez  M.  Bugg.) 
A  l'aide  d'un  document  que  nous  avait  communiqué  M.  Duché- 
noy,  nous  prouvions  que  le  père  du  Bienheureux,  Louis  de  La 
Salle,  le  23  mai  it)G4,  avait  acheté  «  une  maison,  sise  à 
«  Ueims,  rue  Sainte-Marguerite,  faisant  coin,  en  laquelle  lesdits 
«  vendeurs  du   denKMirant.  tenant   à  Mathieu  Ruvnart  et  à  Jean 


CHRONIQUE  65 

«   Oudin  par  la  rue  de  la  Grue,  moyennant  7,600  livres.  »  (André 
Augier,  notaire,  archives  de  la  Ville.) 

Nous  avons  démontré  que  le  fondateur  de  l'Institut  des  Ecoles 
chrétiennes  avait  habité  celte  maison;  qu'il  avait  loué  celle  de 
Mathieu  Ruynart,  devenue  vacante  au  moment  où,  d'après  les 
mémoires  du  temps,  «  fondateur  des  Frères,  il  loua  une  maison 
«t  voisine  de  la  sienne,  pour  y  mettre  les  nouveaux  instituteurs.  » 

Ceci  se  passait  à  Noël  de  l'année  1B79.  Alors  les  disciples 
venaient  manger  chez  leur  fondateur,  c'est-à-dire  dans  la  maison 
qu'il  avait  héritée  de  ses  parents.  Sa  mère  étant  morte  le  19  juillet 
1671,  ils  y  logèrent  définitivement  le  24  juin  1681. 

S'il  pouvait  subsister  un  doute  à  cet  égard,  nous  pouvons  fournir 
une  nouvelle  preuve  de  notre  assertion,  découverte  par  hasard. 
Nous  croyons  devoir  la  signaler,  car  il  est  d'un  intérêt  très  grand 
de  pouvoir  désigner  d'une  manière  précise  l'endroit  où  J.-B.  de 
La  Salle  a  donné  naissance  à  l'œuvre  qui  est  si  glorieuse  pour  lui 
et  pour  la  cité. 

D'après  les  mémoires  du  temps,  le  B.  J.-B.  de  La  Salle,  à  l'âge 
de  vingt  et-un  ans,  prit  la  direction  de  la  maison  que  lui  laissaient 
ses., parents  et  se  chargea  de  l'éducation  de  ses  frères  qui  demeu- 
rèrent avec  lui  (Légende  du  Bréviaire,  propre  de  Reims).  Savoir, 
par  un  titre  authentique,  où  demeurait  l'un  de  ses  frères,  c'est 
savoir  où  lui-même  habitait.  C'est  ce  document  qui  vient  de  nous 
tomber'sous  la  main. 

Le  saint  fondateur  avait  un  frère,  appelé  Louis.  Tous  ses  parents, 
tous  ses  amis  le  supplièrent  de  résilier,  en  sa  faveur,  la  prébende 
qu'il  avait  à  la  Cathédrale.  Son  cœur  inclinait  vers  ce  choix.  Mais, 
toute  réflexion  faite,  il  fit  agréer,  pour  son  successeur,  l'abbé  Fau- 
bert  (1683).  Louis  de  La  Salle  approuva  les  motifs  qui  firent  agir 
son  frère.  Dieu  l'en  récompensa,  car  Mfr  Letellier,  quelque  temps 
après,  spontanément,  le  gratifia  de  la  14e  prébende  canoniale 
(1694),  devenue  vacante,  u  Je  vous  fais  ce  présent,  dit  le  prélat  en 
souriant,  afin  de  réparer  la  folie  de  M.  de  La  Salle,  qui  a  donné 
son  bénéfice  à  un  autre  qu'à  son  frère.  »  Louis  de  La  Salle,  en 
mourant,  légua  2,000  livres  à  la  Cathédrale,  pour  la  confection 
de  deux  croix  en  argent  doré.  Déjà  il  avait  fait  don  de  deux 
livres,  Epitre  et  Evangile,  (fu'il  commanda  à  Paris  et  qui  étaient 
enrichis  d'ornements  en  argent. 

Quelle  demeure  Louis  de  La  Salle  habitait-il  à  Reims?  Lacourt 
nous  l'apprend;  parlant  des  pavés  en  mosaïque  que  l'on  décou- 
vrait de  temps  en  temps  dans  la  cité,  il  dit  : 

«  On  en  trouva  un  très  bien  conservé,  en  travaillant,  en  1711, 
<c  dans  un  jardin  de  la  maison  de  M.  de  La  Salle,  chanoine;  il 
«  était  à  sept  pieds  de  profondeur  et  s'étendait  dans  le  jardin 
«  d'une  autre  maison  voisine,  dont  la  porte  fait  face  à  la  rue  de 
t  la  Grue.  »  (Varin,  arch.  adm.,  t.  F,  p.  723.) 

5 


66  CHUONIQUE 

Cette  maison^  c'est  la  maison  paternelle,  celle  qu'habita  J.-B.  de 
La  Salle,  où  il  éleva  ses  frères,  où  il  réunit  ses  premiers  disciples. 
Il  la  donna  ou  la  céda  sans  doute  à  Louis  son  frère,  quand,  en 
1684,  il  donna  ses  biens  aux  pauvres.  Du  reste,  il  ne  l'habitait  plus 
en  1682,  puisqu'en  cette  année  il  avait  loué,  rue  Neuve,  donnant 
sur  la  rue  de  Contrai,  une  vaste  maison  dont  il  devint  propriétaire 
en  1700,  et  où  sont  maintenant  les  Frères. 

(Courrier  de  la  Champagne.)  Ch.  Cerf. 


L'Architecte  Jean  Bonhomme  et  la  construction  de  l'Hôtel  de 
Ville  de  Reims  (1C2T-1634).  —  Le  nom  de  Bonhomme  vient 
d'être  donné  à  une  nouvelle  rue  de  Reims,  et  à  cette  occasion 
nous  reproduisons  les  renseignements  récemment  communiqués  à 
l'Académie  sur  la  construction  de  notre  Hôtel  de  Ville. 

Le  Conseil  de  Ville  de  Reims  décida,  au  commencement  de 
l'année  1027,  qu'il  serait  fait  emploi  d'une  somme  de  22,000  livres, 
due  à  la  Ville  par  le  duc  de  Guise,  pour  la  construction  d'un  nouvel 
Hôtel  de  Ville.  On  se  mit  à  l'œuvre  immédiatement. 

Au  mois  de  mai,  des  marchés  furent  passés  devant  notaires  par 
les  Lieutenant  et  Gens  du  Conseil  pour  des  extractions  de  pierres 
à  Crugny,  à  Sarzj,  à  Unchair,  à  Hourges  et  à  Lagery.  Il  fallait  les 
employer.  Dans  la  séance  du  28  du  même  mois,  lu  délibération 
porta  sur  «  les  ouvrages  de  massonnerie  qu'il  convient  faire  pour 
la  confection  d'ung  pavillon  pour  commencer  ung  Hostel  de  Ville.  » 

C'était  le  pavillon  de  la  rue  des  Consuls,  par  où  débutait  l'en- 
treprise. A  cet  effet,  intervint  un  architecte,  nommé  Jean  Bon- 
homme, qui  n'était  pas  l'un  des  deux  maiti-es  des  ouvrages  de  la 
Ville,  Jacques  Novice  et  Oudart  Chastelain^  mais  un  architecte  ou 
plutôt  un  maître  maçon  rémois,  dont  on  retrouve  le  nom  dans  les 
travaux  exécutés  à  l'abbaye  de  Saint-Remi  en  1639,  et  dont  les 
autres  architectes  du  même  nom,  au  xviiie  siècle,  nommés  Jean, 
Jean-Baptiste  et  Nicolas  Bonhomme,  sont  vraisemblablement  les 
proches  descendants.  D'après  les  archives,  nous  savons  que 
Jean  II  Bonhomme  construisit  le  cloître  de  Saint-Remi  en  1707, 
et  que  Nicolas  Bonhomme  exécuta  de  grands  travaux  à  la  Cathé- 
drale en  1737,  puis  bâtit  la  Porte-Neuve  ou  des  Promenades  en 
1740.  Mais  revenons  à  l'auteur  de  cette  dynastie  d'architectes. 

Voici  en  quels  termes  Jean  Bohomme  fut  agréé  avec  ses  plans 
parle  Conseil  de  Ville,  dans  la  séance  du  28  mai  1627:  «  Il  est 
ollerl  à  Jean  Bonhomme,  maitre-masson,  demeurant  audit  Reims, 
la  somme  de  trois  mille  tournois  pour  les  façons  dudit  pavillon, 
suivant  et  conformément  au  desseing  par  luy  faict.  »  Voilà  donc 
son  projet  adopté  eu  principe.  Après  qu'il  eut  accepté  verbalement 
les  oiïres,  «  conclud  a  esté  qu'il  sera  contracté  avec  ledit  Bon- 
homme pour  faire  lesdits  ouvrages,  suivant  et  conformément  à 


CHRONIQUE  67 

son  desseiiig...  et  pour  en  passer  le  marché  sont  nommés  lesdils 
sieurs  Fremin,Moël,  etc..  » 

Le  marché  fut  conclu  devant  notaires,  le  lendemain  2'J  mai^  et 
ce  marché  contient  en  tèle  les  détails  les  plus  minutieux  sur  l'ar- 
chilecture  du  nouvel  édifice,  selon  le  projet,  en  plus  ou  en  retran- 
chement du  plan  de  Bonhomme. 

Pour  l'exécution  de  la  convention,  Jean  Bonhomme  se  présen- 
tait le  premier,  ayant  été  le  seul  agréé  la  veille;  mais  comparais- 
saient après  lui,  comme  co-traiLants,  «  Nicolas  Gendre,  Jehan  Gen- 
tillastre  et  Guillaume  Jeunehomme,  maitres-massons  demeurans  à 
Reims.  » 

Ils  s'engageaient  tous,  solidairement  et  à  la  fois,  comme  co-en- 
trepreneurs,  «  de  faire  et  parfaire  bien  et  duement,  tous  et  chacun, 
les  ouvrages  de  massonnerie  pour  la  construction  du  pavillon, 
conformément  aux  desseins  et  plans  quy  en  sont  dressez.  » 

Le  même  jour,  29  mai,  un  traité  intervenait  entre  «  Laurent 
Regnart,  croier  à  Reims,  et  les  membres  du  Conseil  de  Ville,  en 
présence  de  Jean  Bonhomme,  maitre-masson  »,  pour  la  four- 
niture des  craies  et  pierres  nécessaires  pour  les  fondations.  D'autres 
traités  pour  la  chaux  et  pour  des  fournitures  de  pierres  se  succé- 
daient sans  relâche. 

Le  vendredi  18  juin  suivant,  la  première  pierre  de  THôtel  de 
Ville  fut  posée  par  M.  Lespagnol,  lieutenant  des  habitants,  à  six 
heures  de  relevée,  en  présence  de  MM.  du  Conseil.  Cette  première 
pierre  fut  assise  au  «  pavillon  neuf,  sur  le  coin  de  la  rue  en  retour- 
nant aux  Escrevées  ».  Alors  furent  sonnées  «  les  trompettes  qui 
estoient  au  dôme  de  l'ancienne  Hôtel  de  Ville  »,  et  tirés  «  deux 
douzaines  de  pétards  qui  furent  mis  sur  la  piatte  forme  de  Porte 
Mars  ». 

La  construction  suivit  son  cours.  Tandis  que  Jean  Bonhomme  et 
ses  associés  bâtissaient  les  murs,  le  Conseil  de  Ville  passait  des 
marchés  pour  la  charpente  et  la  couverture  du  pavillon,  qui 
étaient  en  dehors  de  l'entreprise  (6  et  14  juillet  1627j.  Les 
planchers  donnèrent  lieu  à  de  nouvelles  conventions  (31  janvier 
et  10  avril  1628).  En  même  temps,  des  marchés  étaient  passés, 
sous  la  surveillance  de  Jean  Bonhomme,  pour  de  nouveaux  achats 
de  pierres  à  Bourges  et  à  Unchair  (8  juin  1628),  alors  que  la  menui- 
serie, les  portes  et  fenêtres  du  même  pavillon  étaient  directement 
confiées  par  le  Conseil  de  Ville  ou  ses  délégués  à  Pierre  Marol, 
menuisier  à  Reims  (9  juin  I628j. 

11  résulte  de  cette  dernière  pièce  que  la  construction  du  gros 
œuvre  du  pavillon  de  la  rue  des  Consuls,  qui  était  l'amorce  et  le 
modèle  de  l'édifice  tout  entier,  fut  exécutée  par  Jean  Bonhomme, 
de  concert  avec  ses  associés,  dans  l'intervalle  d'un  an.  Il  put  être 
couvert  et  habité  vers  la  tin  de  l'été  1628. 

On  poursuivit  sans  retard  les  travaux  pour  l'achèvement  du  plan 
primitif,  et  la  façade  s'éleva  jusqucs  et  y  compris  la  porte  d'entrée 


68  CHRONIQUE 

avec  son  dôme,  quatre  à  cinq  ans  au  plus  tard.  La  série  des 
marchés  indique  toute  la  suite  des  travaux  qui  se  prolongèrent 
jusqu'en  1634. 

Dès  le  13  juin  1628,  on  traitait  «  pour  les  fondations  de  la  salle 
et  entrée  principale  »,  pour  celles  «  des  larresses  et  de  i'escaillier  ». 
La  maçonnerie,  comme  pour  le  pavillon,  fut  adjugée  le  lendemain 
(14  juin  1628)  à  Jean  Bonhomme  et  à  ses  trois  premiers  associés, 
en  plus  à  deux  nouveaux  :  «  Jehan  Doriot  et  Pierre  Pinart,  mai- 
tres-massons  demeurans  à  Reims.  » 

ils  s'engageaient  d'abord  à  démolir  l'ancien  bâtiment  de  l'Hôtel 
de  Ville,  qui  occupait  la  place  de  la  salle  d'attente  actuelle,  puis  à 
poser  les  bases  des  nouvelles  constructions,  «  jusques  à  la  porte  et 
principale  entrée  ».  Tous  ces  ouvrages  devaient  être  rendus  «  faits  et 
et  parfaits  dans  le  lo^  jour  d'octobre  prochain  )>,  c'est-à-dire  dans 
l'espace  de  quelques  mois.  Les  marchés  pour  les  fournitures  de 
pierres  se  succédèrent  à  Lagery,  à  Sarzy,  à  Unchair  (pour  les 
colonnes),  et  toujours  sous  la  seule  inspection  de  Jean  Bonhomme. 
La  menuiserie  continuait  à  être  adjugée  par  le  Conseil  de  Ville  à 
Pierre  Marot  (i"  septembre  1628). 

Lorsqu'on  arriva  à  la  partie  décorative  de  la  façade,  le  plan  de 
Bonhomme  ne  suffit  plus,  car  il  s'agissait  surtout  d'une  œuvre  de 
sculpture,  et  l'on  décida  que  «  l'avancement  où  sera  la  porte  se 
fera  sur  le  dessin  qui  en  a  esté  faict  par  Nicolas  Jacques, 
maître  sculpteur  »  (19  décembre  1628).  Les  maîtres-maçons  édi- 
fièrent le  gros  œuvre  de  la  devanture  et  des  côtés  pendant  l'année 
1629,  et  tous  les  détails  des  figures,  des  armoiries,  des  balustrades 
et  des  trophées  furent  entrepris  par  Nicolas  Jacques.  On  poursuivit 
de  concert  les  travaux  de  charpente  et  de  couverture  (6  février, 
28  avril,  15  juin,  27  juin  1629).  On  bâtissait  encore  au  milieu  de 
l'année  1629,  car  de  nouvelles  pierres  furent  encore  acquises  à 
Lagery  (6  juillet  1629). 

Là  convention  pour  la  cloche  de  l'horloge,  faite  l'année  suivante 
avec  un  fondeur  de  Reims  (5  mars  1630),  marque  probablement  la 
lin  des  travaux  pour  la  maçonnerie  et  la  couverture  de  cette  partie 
de  l'édifice.  Les  doubleaux.  les  planchers,  la  charpente  et  la 
menuiserie  du  dôme,  dont  on  avait  modifié  le  dessin,  s'achevè- 
rent dans  le  courant  de  1630  (6  avril,  12  juin  et  27  juillet  1630). 
L'ensemble  était  alors  terminé,  et  livré  probablement  aux  ser- 
vices publics,  ensemble  incomplet  puisqu'il  s'arrêtait  au  milieu  de 
la  façade,  mais  il  fallut  arriver  au  19  juillet  1634,  pour  voir  confier 
à  Nicolas  Jacques  la  sculpture  de  la  statue  équestre  de  Louis  XIII 
qui  couronnait  le  fronton,  et  des  captifs  qui  l'accompagnaient  sur 
les  côtés.  Ce  travail  dura  deux  ans  et  fut  payé  à  l'artiste  au  prix 
de  1,200  livres  tournois,  le  3  juin  1636. 

L'inscription  de  dédicace,  composée  par  Nicolas  Bergier  et 
reproduite  de  nos  jours  au  fronton  du  milieu,  porte  la  date  de 
cette  dernière  année. 


CHRONIQUE  69 

Les  ressources  étaient  sans  doute  alors  épuisées  et  l'installation 
regardée  comme  sutfisante,  car  nulle  tentative  ne  se  lit  jour  pour 
finir  l'édifice  sous  l'ancien  régime.  1!  était  réservé  aux  administra- 
teurs modernes  de  terminer  l'œuvre  des  édiles  rémois  du  xviie  siècle, 
à  mesure  que  la  ville  allait  s'agrandissant.  La  façade  entière  sur  la 
place  se  complétait  en  182o,  mais  sa  décoration  n'était  sculptée 
qu'en  18o4.  L'aile  sur  la  rue  de  Mars  était  commencée  vers  1834. 
La  cour  intérieure  ne  fut  mise  en  œuvre  que  quarante  ans  plus 
tard,  car  le  bâtiment  du  fond  porte  la  date  de  \S~'6.  Enfin  l'aile 
sur  la  rue  des  Consuls  et  le  grand  escalier  vinrent  terminer  l'en- 
semble cinq  ans  après.  On  lit,  en  efTet,  sur  un  marbre  dans  la 
cour,  entre  les  belles  cariatides  de  Ghavalliaud,  ces  deux  dates 
extrêmes  :  1627-1880,  qui  unissent  glorieusement  le  passé  au 
présent.  (Courrier  de  la  Champagne.) 


Musée  de  Reims,  —  Voici  un  état  sommaire  des  dons  recueillis, 
pendant  l'année  1894,  parle  Musée  de  Reims  : 

Musée  de  peinture  et  de  scîUplure,  dessins,  gravures. 

Par  M.  Michaud,  libraire.  —  Planche  sur  cuivre,  gravée  en  177o, 
du  Plan  de  Reims  au  moment  du  Sacre  de  Louis  Xll. 

Par  MM.  Varin  (Adolphe  et  Eugène),  graveurs,  —  Lot  de  vingt- 
cinq  gravures  modernes  dont  ils  sont  les  auteurs,  comprenant 
notamment:  La  Paix,  La  Guerre,  Tobie,  d'après  Rembrandt,  la 
Messe  sous  la  Terreur,  VOrage,  la  Veillée  de  Noël,  la  Veille  des 
Noces,  le  Printemps,  les  Pigeons  de  Venise,  le  Récit  du  Mission- 
naire, le  Concert  aux  avant-postes,  d'après  Neuville,  le  Petit 
Architecte,  les  Dragées  du  Baptême,  la  Grand' Mère,  le  Vert- 
Galant,  la  Fvte  du  Bourgmestre,  d'après  Moreau,  etc. 

Par  M.  Dennery  (commandant),  au  nom  du  Souvenir  français. 
—  Portrait  du  général  llurault  de  Sorbée,  né  à  Reims.  —  Photo- 
graphie Braun.  —  Encadrement  doré. 

Par  M.  Menu,  employé  à  la  Bibliothèque.  —  Portraits  de  Blanc- 
Gillet  et  à-'AugiiSte  Fauvel.  —  Profil  de  la  Cathédrale,  plomba- 
gine, par  Maquart.  —  Portrait  de  A.  Génicot,  par  Bézu,  1858. 

Par  M.  Lepage,  employé  au  Bureau  d'hygiène.  —  Crands  dessins 
encadrés  de  la  reconstitution  archéologique  de  l'église  Saint-iNi- 
caise. 

Par  MM.  H.  Parmentier  et  H.  Michel.  —  Grands  dessins  sur 
châssis.  —  Plans  et  coupes  de  l'ancienne  bibliothèque  des  Jésuites, 
actuellement  lingerie  de  l'Hôpital-Général. 

Par  M.  Dulhoit  (Paul),  peintre.  —  Tableau  sur  toile,  encadré, 
ayant  figuré  à  l'exposition  de  la  Société  des  Amis  des  arts  de 
Reims,  VOrpheline,  placé  provisoirement  dans  la  chapelle  de 
l'Hiipital-Général. 


7(1  CHRONIQUE 

Musée  rétrospecLif.  —  Mèdaillea  et  Monnaies. 

Par  M.  Brunesseaux-Forget,  Reims.  —  Collection  de  2o  médailles 
obtenues  à  des  concours  agricoles  et  autres,  dont  une  en  or,  trois 
en  vermeil,  onze  eu  argent,  le  reste  en  bronze. 

Par  M.  Warnier-David,  à  Reims.  —  Dix-sept  pièces,  monnaies  ou 
jetons  de  diverses  époques,  trouvées  à  Reims,  rue  Werlé. 

Par  M.  Menu  (Henri).  —  Jeton  d'arpenteur,  médaille  de 
Louis  XVIII,  jeton  du  lavoir  public,  jeton  de  l'Asile  de  nuit. 

Par  M.  C.  Guyot,  ingénieur,  Reims.  —Trois  monnaies  romaines 
en  bronze^  l'une  fruste,  trouvées  rue  de  Venise. 

Par  un  anonyme.  —  Médaille  en  bronze,  à  l'effigie  de  Jules 
Méline.  —  Association  agricole. 

Objets  divers  d'antiquité  ou  de  curiosité. 

Par  M.  Walbaum  (Auguste),  président  honoraire  de  la  Chambre 
de  commerce  de  Reims.  —  Presse  spéciale,  machine  ayant  servi  à 
frapper  les  bons  fiduciaires  émis  à  Reims  en  1870-1871,  avec  quatre 
coins  en  cuivre.  Spécimens  des  bons  de  la  Solidarité  Rémoise  et 
du  Syndicat  Rémois,  avec  notice  explicative. 

Par  M.  Menu  (Henri).  —  Divers  fragments  trouvés  dans  des 
sépultures  à  Reims.  Diverses  plaques  en  tôle  pour  enseignes,  etc. 
Série  de  14  boutons  de  livrée  de  la  garde  nationale  de  Reims,  du 
Salon  de  Lecture,  de  Courriers  de  la  Poste,  de  cocardes,  tleurs  de 
lys,  décorations  diverses,  aigle,  bouteille  en  fusion  de  l'incendie 
de  Prouilly  en  1842;  empreintes  sur  cire  de  24  sceaux  du  moyen- 
Age,  deux  lunettes  d'étain,  écran-éventail  Pommery,  cuir  gaufré 
en  couleur  du  xviii"  siècle_,  panneau  médaillon  de  Lelevain,  curé 
de  Vitry-le-François,  etc. 

Par  M.  Wendel  (J.),  Reims.  —  Clef  du  xvii«  siècle,  trouvée  dans 
sa  maison,  31,  rue  des  Moulins. 

Par  M.  Soullié-Hubert.  Reims.  —  Peigne  de  la  reine  Pomaré. 

Par  M.  Liénard,  serrurier,  rue  du  Grand-Cerf.  —  Grille  d'appui 
en  fer  forgé,  travail  ancien. 

Musée  lapidaire. 

Par  M.  Morel  (Léon).  —  Sculpture  antique  trouvée  rue  des 
Tapissiers,  en  1892,  consistant  en  une  tête  et  quelques  lettres. 

Par  M.  Vuibert,  peintre.  —  Stèle  gallo-romaine;  figure  d'un  per- 
sonnage avec  inscription. 

Capucins  (Les),  de  Reims.  — Stèle  gallo-romaine,  avec  figure  et 
inscription,  débris  de  colonnes,  pilastres  et  chapiteaux  trouvés  dans 
leur  terrain,  à  Clairmarais. 

Par  M.  Gozier,  arcbitecte.  —  Trois  épitaphes  en  marbre  du 
xvin<"  siècle,  trouvées  à  Reims,  rue  de  Taileyrand. 


CHRONIQUE  7 1 

A  la  séance  de  l'Académie  de  Médecine,  du  18  décembre  dernier, 
M.  le  D''  Eugène  Doyen  (de  Reims)  a  lu  une  note  sur  les  résultats 
des  opérations  qu'il  a  pratiquées  pour  des  affections  non  cancé- 
reuses de  l'estomac.  L'opération  pratiquée  est  la  gastro-enléro- 
tomie,  c'est-à-dire  l'abouchement  de  l'estomac  dans  l'intestin 
grêle.  Vingt-cinq  malades  ont  été  opérés;  onze  avaient  du 
rétrécissement  du  pylore  et  l'opération  s'imposait;  sur  les  qua- 
torze autres,  six  avaient  de  la  dyspepsie  sans  ulcère  apparent, 
huit  présentaient  des  ulcères  de  la  portion  pylorique  de  l'estomac 
ou  du  duodénum.  Tous  les  malades  ont  cessé  de  soulFrir  aussitôt 
après  Topération,  et  les  douleurs  n'ont  plus  reparu;  il  semble 
donc  qu'elles  étaient  dues  à  la  stagnation  des  aliments  dans  l'es- 
tomac. 

* 

V      ¥ 

Nous  avons  également  à  mentionner,  dans  l'étal-major  châ- 
lonnais,  au  nombre  des  récentes  nominations  dans  Tordre  de  la 
Légion  d'honneur,  celle  du  général  Lafouge,  à  la  dignité  de 
grand-officier;  et  celles  du  général  Kessler  et  de  l'intendant 
général  Raizon,  au  grade  de  commandeur. 

Sont  nommés  officiers  :  MM.  Coudeviile,  colonel  de  la  B""  légion 
de  gendarmerie,  et  Mollin,  officier  principal  de  l'Intendance. 


Parmi  les  nouvelles  promotions  au  grade  d'officier  de  l'Instruc- 
tion publique  faites  à  l'occasion  du  nouvel  an,  nous  relevons  les 
noms  de  MM.  le  docteur  Bourgeois,  médecin  oculiste  à  Reims;  le 
docteur  Lécuyer,  médecin,  maire  de  Reaurieux  (Aisne),  président 
de  la  délégation  cantonale;  Mallat  de  Bassilan,  publiciste  à  Paris, 
sous-bibliothécaire  à  la  Bibliothèque  Nationale  ;  Morez,  chef  de  divi- 
sion à  la  préfecture  de  l'Aube;  Planlié,  sous-préfet  de  Provins; 
Vjrally,  professeur  honoraire,  délégué  cantonal  à  Sens. 

Au  nombre  des  officiers  d'académie  figurent  également  M"*!  Cor- 
mier, institutrice  privée  à  Meaux;  M.M.  Dessein,  président  du  Tri- 
bunal de  commerce  de  Langres,  membre  du  bureau  d'adminis- 
tration du  Collège;  Det,  conservateur  de  la  bibliothèque  de 
Troyes;  l'abbé  Dodin^  curé  de  Montsaon  (Haute-Marne);  François, 
adjoint  au  maire  de  Vienne-le-Chàteau  (Marne),  délégué  cantonal  ; 
Henrot,  président  de  la  délégation  canlonaledu  3'=  canton  de  Reims; 
Mii-^  Herment,  institutrice  libre  à  Meaux;  MM.  Houzeau,  conseiller 
d'arrondissement,  conseiller  municipal  à  Reims,  délégué  can- 
tonal; Jolly,  conseiller  d'arrondissement  à  Sézanne  (Marne), 
délégué  cantonal;  Lallier,  maire  de  la  Ferté-sous-Jouarre,  délé- 
gué cantonal;  Lamy,  maire  de  Rocroy  (Ardenues),  délégué  can- 
tonal; Lebrun,  ancien  instituteur,  secrétaire  de  la  mairie  de 
Rozoy-en-Brie  (Seine-et-Marne);  Lutel,  docteur-médecin  à  Troyes; 
Mallet,    conservateur    de  la  bibliothèque   de   Châlons-siir-Marne  ; 


72  CHRONIQUE 

Malot,  libraire-imprimeur  à  Reims;  Pelletier,  avoué,  publiciste 
à  Provins;  Perrin,  publiciste  à  Vassy  (Haute-Marne);  Ponsinet, 
ancien  président  du  Tribunal  de  Sainte-Menehould),  doyen  de 
l'Académie  de  Reims;  Port,  maire  de  Bourbonne-lesBains  (Haute- 
Marne);  Robert,  conseiller  municipal,  conseiller  d'arrondissement,, 
délégué  cantonal  à  Nouart  (Ardennes);  Weber,  directeur  des  pos- 
tes et  télégraphes  de  l'Aube  à  ïroyes. 


Le  dimanche  4  novembre  dernier  a  été  inaugurée  à  Périgny-la- 
Rose  (Aube),  une  cloche  de  328  kilogrammes,  sortie  des  ateliers 
de  M.  Robert,  fondeur  à  Nancy.  M.  l'abbé  E.  Defer,  curé-doyen 
de  Villenauxe,  présidait  la  bénédiction  à  laquelle  prirent  part 
MM.  les  curés  de  Crancey,  de  Gélannes,  de  la  Villeneuve  et  de 
Barbuise. 


Une  trouvaille  vient  d'être  faite  à  Baye  (Marne),  dans  un  champ, 
par  M.  Jeanneaux,  propriétaire,  de  250  pièces  de  monnaie,  cuivre 
et  argent,  du  xiii»  siècle. 


Au  Lyciîe  de  Reims.  —  Nous  n'en  sommes  plus  à  compter  les 
transformations  successives  qui  ont  fait  du  vieux  Lycée  d'autrefois, 
à  l'aspect  si  triste  et  si  sévère,  un  séjour  aussi  agréable  que  confor- 
table où  l'on  serait  presque  heureux  de  recommencer  ^ses  études. 
Les  jeunes  générations,  qui  n'ont  jamais  connu  le  vieux  Lycée  que 
par  les  récits  de  leurs  parents,  ne  s'imaginent  pas  tout  ce  qu'on  a 
fait  pour  elles. 

Nous  nous  souvenons  encore  de  cette  longue  galerie  froide  et 
humide  qui  conduisait  à  la  cour  des  «  moyens  ».  Les  champi- 
gnons y  poussaient,  l'été  c'était  une  véritable  glacière,  et  nous  fris- 
sonnons encore  rien  qu'en  y  pensant. 

C'est  cette  sinistre  galerie  dont  M.  le  Proviseur  vient  de  changer 
fort  heureusement  l'aspect,  au  commencement  de  l'automne  der- 
nier, en  en  faisant  la  galerie  d'honneur  dans  laquelle  se  trouve 
installé  un  véritable  petit  Musée.  Obéissant  à  une  heureuse  ins- 
piration, M.  Bazin  de  Bezons  a  voulu  mettre  sous  les  yeux  des 
élèves,  qui  ne  pourront  qu'en  profiter,  des  spécimens  de  la  scul- 
pture et  de  l'architecture  de  toutes  les  époques. 

Voulant  rendre  un  hommage  public  à  M.  l'Inspecteur  de  l'Aca- 
démie et  à  l'Admnistration  municipale  qui  l'ont  aidé  dans  son 
entreprise,  à  M.  Brunette  qui  a  fait  tous  les  travaux  d'installation, 
M.  le  Proviseur  avait  convoqué,  le  29  septembre  1894,  toutes  les 
notabilités  de  la  ville  h  assister  à  l'inauguration  officielle  du  nou- 
veau Musée  d'art. 

A  trois  heures,  les  invités  se  réunissaient  dans  le  parloir;  nou-î 


CHRONIQUB  73 

citerons  parmi  eux  MM.  Diancourt,  sénateur;  le  docteur  Langlet, 
ancien  député;  le  Sous-Préfet;  le  docteur  Henri  Henrot,  maire  de 
Reims;  Jolly,  adjoint;  plusieurs  membres  de  l'Académie  de  Reims  ; 
plusieurs  conseillers  municipaux;  M.  Courmeaux,  bibliothécaire  de 
la  ville;  M.  PouUot,  président  de  la  Chambre  de  commerce;  M.  le 
général  Percin,  commandant  la  place  de  Reims,  et  plusieurs  ofTi- 
ciers  supérieurs  de  la  g-arnison. 

M,  le  Proviseur,  après  avoir  remercié  en  termes  chaleureux 
M.  l'Inspecteur  de  l'Académie,  la  Municipalité  et  M.  Brunette  qui 
l'ont  aidé  dans  son  œuvre,  fit  d'une  façon  très  agréable  l'histo- 
rique et  la  description  de  tous  les  moulages  qui  composent  le 
Musée  et  qui  tous  reproduisent  des  œuvres  remarquables  de  toutes 
les  époques.  C'est  ainsi  qu'avec  l'architecture  et  la  sculpture  égyp- 
tienne et  assyrienne  nous  remontons  à  près  de  cinq  mille  ans  avant 
notre  ère,  pour  passer  successivement  à  l'art  grec  dans  toute  sa 
splendeur,  à  l'art  romain,  à  l'art  roman,  à  l'art  gothique  qui  lui 
a  succédé,  pour  arriver  peu  à  peu  jusqu'à  nos  jours. 

L'art  contemporain  n'est  pas  encore  représenté,  mais  M.  le  Pro- 
viseur annonce  qu'il  le  sera  tout  prochainement,  grâce  à  un  artiste 
de  talent  dont  on  ne  nous  dévoile  pas  le  nom  aujourd'hui,  mais 
dont  nous  pourrons  bientôt  admirer  l'œuvre. 


Par  décision  ministérielle  du  24  décembre  1894,  M.  Marchand, 
de  Vitry-le-François,  capitaine  d'artillerie  en  1",  professeur 
adjoint  du  cours  d'artillerie  militaire  à  l'école  d'application  de 
l'artillerie  et  du  génie,  a  été  désigné  pour  remplir  les  fonctions 
de  professeur  titulaire.  Le  capitaine  Marchand  est  le  beau-frère  de 
M.  Gabriel  Arbeaumont,  le  sympathique  horticulteur. 


M.  Tabbé  Floquet,  aumônier  de  l'établissement  des  Sœurs  de  la 
Doctrine  chrétienne  à  Epernay,  et  possesseur  du  domaine  de  Jus- 
secourt-Minecourt  (Marne),  vient  d'être  élevé  à  la  dignité  de  cha- 
noine honoraire  du  roi  de  Grèce. 

Les  insignes  de  cette  dignité  correspondent  à  ceux  d'un  abbé 
mitre. 


Le  dernier  numéro  (janvier-février  1895,  n°  260)  du  Bulletin  d'au- 
tographes publié  par  la  maison  Charavay  frères  contient  quelques 
pièces  relatives  à  notre  province,  que  nous  nous  empressons  de 
signaler. 

—  DoMMARTiN  (Elzéar-Auguste),  général  d'artillerie,  un  des  héros 
des  campagnes  d'Italie  et  d'Egypte,  né  à  Dommartin-le-Franc 
(Haute-Marne),  tué  en  1799,  à   l'âge  de  31    ans.   —  Lettre  auto- 


74  .  CHRONIQUE 

graphe  signée  à  Chanlairc;   Alexandrie,   17  fructidor  an  VI,  \  p. 
in-folio,  lêle  imprimée.  Rare. 

Intéressante  lettre  où  il  mande  qu'il  n'a  pas  le  temps  de  s'en- 
nuyer en  Egypte.  «  Il  n'y  a  plus  dans  toute  rp]gypte  d'autre  mame- 
louks qu'environ  cinq  cents  hommes  qui,  avec  Murât  Bey  s'enfuient 
vers  les  cataractes.  Pour  ce  qui  est  des  Anglais,  vous  apprendrez 
par  leurs  papiers  puhlics  la  manière  dont  ils  ont  traité  notre 
escadre,  »  (Il  s'agit  du  désastre  d'Ahoukir.) 

—  Dubois  (Paul),  statuaire,  membre  de  l'Institut,  né  à  Nogent- 
sur-Seine  (Aube).  —  Lettre  autographe  signée;  Paris,  22  novemlire 
1865,  1  p.  1/2  in-8°. 

Belle  lettre  dans  laquelle  il  parle  de  son  fameux  Chanteur  flo- 
rentin. 

—  Aube  (département  de  1").  —  Lettre  autographe  signée  de 
Claude,  abbé  de  Clairvanx,  à  M.  Pillard,  orfèvre  à  Paris;  Clair- 
vaux,  27  juin  1649,  2  p.  in-4",  cachet. 

Très  curieuse  épître  où  il  déplore  la  mort  de  Pillard  père,  qui 
avait  été  chargé  par  l'abbé  de  faire  un  tabernacle  pour  l'abbaye 
de  Clairvaux,  Il  rappelle  au  fils  comment  ce  tabernacle  devait 
être  fait  et  orné  et  il  lui  demande  s'il  se  chargera  de  l'achever. 


La  béatification  de  Jeanne  d'Arc.  —  Le  procès  de  non  cuUk, 
c'est-à-dire  l'information  canonique  destinée  à  savoir  si  un  culte 
public  avait  été  rendu  à  Jeanne  d'Arc  avant  que  l'Eglise  l'ait 
déclarée  «  bienheurease  »,  vient  d'être  terminé  à  Orléans  et  le 
"  procès  de  béatification  »  va  commencer. 

Dans  la  séance  du  7  janvier.  M?''  Touchet,  évêque  d'Orléans,  a 
prononcé  sa  sentence  définitive,  à  savoir  que,  d'après  les  témoi- 
gnages recueillis,  aucun  culte  ecclésiastique  et  public  n'a  été 
rendu,  dans  le  diocèse,  à  Jeanne  d'Arc;  puis  il  a  publié  les  actes 
du  procès. 

Cette  transcription  faite,  la  copie  a  été  collationnée  avec  l'ori- 
ginal par  les  deux  notaires  assermentés,  MM.  Filiol,  chancelier  de. 
l'évèché,  et  Billard,  secrétaire  de  l'évêché,  en  présence  du  Tribunal 
et  de  l'un  des  sous-promoteurs.  Les  actes  du  procès  et  ses  annexes 
comprennent  trois  cent  sept  feuillets  et  la  copie  deux  cent  cin- 
quante. C'est  cette  copie  qui  est  destinée  à  la  Congrégation  des 
Hites. 

La  Congrégation  aura  alors  à  se  prononcer  prochainement  sur 
cette  question  :  An  senlenlia  judicis  delefjati...  sit  C07ifirmanda, 
vcl  non?  Y  a-t-il  lieu  de  confirmer  ou  non  la  sentence  du  juge 
délégué,  es  diocèse  d'Orléans,  pour  l'instruction  du  procès  de  non 
ciiUu? 

Enfin,  dans  sa  séance  du  f4  janvier,  la  copie  des  actes  a  été 
placée  sous  enveloppe  scellée  et  remise  officiellement  à  l'évêque 


CHRONIQUE  75 

d'Orléans,  qui  s'est  chargé  sous  serment  de  la  transmettre  k  la 
Congrégation  des  Rites. 

Si.  comme  il  y  a  lieu  de  l'espérer,  la  Congrégation  confirme  la 
sentence  des  évêques  d'Orléans  et  de  Saint-Dié,  le  procès  de  béa- 
tification suivra  son  cours  conformément  aux  règles  canoniques. 

Ajoutons,  à  ce  propos,  que  Mr  Pagis,  évêque  de  Verdun,  a  e.xposé, 
dans  son  voyage  ad  limina  à  Rome,  que  son  état  de  santé  ne  lui 
permettait  pas  d'assurer  le  fonctionnement  de  l'Œuvre  de  Jeanne 
d'Arc  à  Vaucouleurs.  Le  Pape  a  ratifié  le  choix,  comme  directeur 
de  cette  œuvre,  de  M.  l'abbé  Le  Nordez,  chanoine  titulaire  de  la 
cathédrale  de  Verdun.  (Temps.) 


M.  le  colonel  Philippe,  du  génie,  vient  d'être  promu  général  de 
brigade  et  nommé  gouverneur  de  Bayonne. 

Il  est  fils  du  colonel  d'état- major  Philippe,  qui  s'était  allié  à 
l'honorable  famille  Deullin,  et  qui  fut  maire  de  Chàlons-sur-Marne 
de  18GI  à  1868. 

Le  nouveau  général  a  lui-même  deux  fils,  sortis  la  même  année 
de  Saint-Cyr  comme  sous-lieutenants. 

Dans  la  nouvelle  promotion  nous  remarquons  également  M.  le 
général  Jlathis,  qui  a  longtemps  appartenu  à  l'état-major  du 
6^  corps.  M.  Mathis^  né  en  1840,  est  originaire  de  Verdun. 


M.  le  général  comte  Duhesme  vient  d'être  nommé  au  comman- 
dement de  la  6"  division  de  cavalerie,  à  Reims,  en  remplacement 
du  général  de  Jessé,  appelé  au  commandement  de  la  l"""  division 
à  Paris. 

Le  général  Duhesme  est  petit-fils  du  général  Duhesme,  tué  à 
Waterloo,  et  fils  du  général  Duhesme,  mort  pendant  la  campagne 
de  1870. 

Il  a  épousé  la  fille  du  maréchal  Niel. 


Le  colonel  Palle.  —  On  a  récemment  annoncé  que  le  colonel 
Palle  serait  très  probablement  désigné  pour  commander  l'artillerie 
à  Madagascar.  A  cette  occasion,  la  France  militaire  publie  une 
biographie  de  cet  officier  supérieur:  peu  de  carrières  furent  aussi 
brillantes. 

M.  Palle  est  un  de  nos  compatriotes,  étant  né  à  Damery,  le 
3  novembre  1843.  Il  a  pour  frère  M*^  Palle,  avocat  bien  en  vue  du 
barreau  de  Reims. 

Elève  à  l'Ecole  polytechnique  de  1802  à  18G4,  dit  la  France 
militaire,  à  l'Ecole   d'application   de  l'artillerie   et  du  génie  de 


76  CHRONIQUE 

1864  à  1866,  il  fut  nommé  lieutenant  le  !«'■  octobre  1866,  et  placé 
au  8®  régiment  d'artillerie. 

Quand  vint  la  guerre  franco-allemande,  le  lieutenant  Palie 
appartenait  à  la  9"  batterie  dudit  régiment,  qui  fit  partie  de  la 
réserve  d'artillerie  du  4'  corps  d'armée. 

Blessé  à  Tavant-bras  gauche  par  un  éclat  d'obus,  le  18  août  1870, 
M.  Palie  fut  nommé  chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  le  14  sep- 
tembre suivant. 

En  1871,  M.  Palie  fut  affecté  aux  3«  et  22"^  régiments  de  l'arme. 
Le  30  novembre  de  cette  même  année,  il  fut  promu  capitaine  et 
attaché  à  la  direction  d'artillerie  de  Constantine.il  quitta  ce  poste 
quelques  mois  après,  pour  venir  remplir  les  fonctions  d'officier 
d'ordonnance  auprès  du  gouverneur  général  civil  de  l'Algérie 
(décision  du  20  février  1872). 

En  1876,  le  capitaine  Palie  fut  détaché  à  Tétat-major  de  l'Ecole 
d'application  de  l'artillerie  et  du  génie,  à  Fontainebleau  ;  puis, 
pendant  près  de  quatre  ans^  il  commanda  la  9^  batterie  du  8^ 
d'artillerie,  batterie  avec  laquelle  il  avait  fait  la  campagne  de 
1870. 

De  1881  à  1884,  cet  officier  servit,  comme  aide  de  camp,  auprès 
du  général  de  brigade  de  Contamine,  commandant  l'artillerie  à 
Versailles;  il  prit  ensuite  le  commandement  de  la  11"=  batterie  du 
12'  d'artillerie. 

Chef  d'escadron  le  10  juin  1884,  M.  Palie  fut  mis  à  la  disposition 
du  général  commandant  le  corps  expéditionnaire  du  Tonkin,  qui 
lui  confia  le  commandement  du  parc  d'artillerie. 

Le  7  juillet  1885,  le  commandant  Palie  reçut,  en  récompense 
de  ses  services  de  guerre,  la  rosette  d'officier  de  la  Légion  d'hon- 
neur. 

Rentré  en  France^  cet  officier  supérieur  fut  adjoint  à  la  direction 
de  Versailles.  Mais  bientôt  il  s'embarqua  de  nouveau  pour  l'Ex- 
trême-Orient, afin  de  prendre  le  commandement  d'un  bataillon 
du  4°  régiment  de  tirailleurs  tonkinois. 

Lieutenant-colonel  le  llj  avril  1890  et  laissé  à  la  disposition  du 
gouverneur  général  de  l'Indo-Chine,  M.  Palie  passa  ensuite  au  11« 
régiment  d'artillerie,  puis  à  l'atelier  de  construction  de  Vernon. 

Le  11  octobre  dernier,  M.  Palie  a  été  promu  au  grade  de  colonel 
et  maintenu  à  son  poste. 


Monnaies  romaines  découvertes  a  Troyes.  —  Une  importante 
découverte  a  été  faite,  ces  jours  derniers,  dans  une  petite  com- 
mune du  département,  à  Plessis-barbaise,  par  un  cultivateur 
occupé  à  extraire  des  pierres  de  son  champ.  On  parlait  d'abord 
d'un  trésor  considérable,  mais  le  trésor  se  réduit  à  environ  deux 
cents  pièces  de  monnaie  romaines  en  cuivre. 


CHRONIQUE  77 

Ces  monnaies,  dont  les  plus  anciennes  remontent  à  Auguste 
et  les  plus  récentes  à  Constantin  le  Grand,  sont,  par  leur  dia- 
mètre et  leur  épaisseur,  à  peu  près  semblables  à  nos  pièces  de  1  fr. 
Toutes,  sans  exception,  sont  d'une  conservation  surprenante;  on 
croirait  que  les  effigies,  les  attributs  symbi^liques  et  les  inscrip- 
tions datent  à  peine  d'un  demi-siècle. 


La  calse  [)U  B.  de  La  Salle  a  Reims.  —  Nous  lisons  dans  le 
Bulletin  du  diocèse  de  Reims  : 

«  La  cause  du  B.  de  La  Salle  vient  de  faire  un  nouveau  pas.  Des 
miracles  opérés  par  l'intercession  de  cet  admirable  éducateur  des 
enfants  du  peuple  ont  été  officiellement  reconnus  par  la  Sacrée- 
Congrégation.  On  sait  qu'il  faut  au  moins  trois  miracles  bien  cons- 
tatés pour  procéder  à  la  canonisation.  » 

* 

Le  ministre  des  Beaux-Arts  vient  de  classer,  parmi  les  monu- 
ments historiques,  une  statuette  de  la  Vierge  mesurant  O'"60  de 
hauteur  et  conservée  aujourd'hui  dans  l'église  de  Braus-le-Comle 
(Aube).  Celte  statuette  représente  la  Vierge  debout,  tenant  l'en- 
fant sur  son  bras  droit;  dans  ses  mains  le  divin  enfant  tient  une 
serviette  remplie  de  raisins.  Cet  objet  en  bois  peint,  du  xvi^  siècle, 
a  été  trouvé  dans  le  grenier  du  presbytère  par  M.  le  curé,  à  son 
arrivée  à  Braux  en  1889. 


Mariage.  —  Le  12  décembre  1(S94  a  été  célébré  le  mariage  de 
noire  compatriote,  M.  Amédée  Michelet,  de  Vitry-le-P>an-çois,  avec 
M"*^  Alice  Métairie,  d'une  honorable  famille  de  la  Nièvre,  fixée  à 
Forgeneuve,  près  Nevers. 


MÉLANGES 


L'histoire  d'un  clochkh.  —  Sous  ce  titre,  M.  Lucien  Morel,  sous- 
bibliothécaire  départemeulal,  à  Troyes,  a  publié  récemmeol  la  page  sui- 
vante qui  intéressera  certainement  nos  lecteurs  : 

Quand  on-  traverse  en  toute  saison  quelqu'un  de  nos  gais  vil- 
lages de  France,  il  n'est  pas  rare  d'y  saluer  au  passage  quelque 
vestige  des  anciens  temps.  Ici  c'est  un  pan  de  mur  à  demi  écroulé, 
tout  festonné  de  lierre  et  d'herbes  folles,  là  un  reste  de  pont  ten- 
dant son  moignon  d'arche  au-dessus  d'un  clair  ruisseiet,  plus  loin 
une  niche  lépreuse  où  achève  de  pourrir  une  statue  mutilée,  une 
croix  de  pierre  éhréchée,  un  pigeonnier  ventru,  d'allure  féodale; 
que  sais-je? 

Le  bourg  tout  entier  est  constellé  des  débris  d'une  autre  époque 
et  le  temps,  cet  autre  Petit  Poucet  fantaisiste,  s'est  complu  à 
semer  les  siècles  de  ces  épaves  dont  plusieurs  ne  sont  guère  plus, 
hélas!  que  d'informes  cailloux. 

Partout  —  ou  presque  —  un  monument,  au  moins,  défiant  les 
années,  en  dépit  de  leurs  morsures,  est  resté  debout  :  l'église. 

Avec  son  petit  cimetière  d'herbe. et  de  fleurs,  et  ses  modestes 
lombes,  semblables  de  loin  à  des  oiseaux  blancs  qui  viennent  de 
s'abattre  sur  le  sol,  elle  symbolise  à  elle  seule  toute  la  vie  passée 
du  liameau,  puisque  les  ancêtres,  aujourd'hui  défunts,  n'ont 
bégayé  leurs  premiers  cris  sous  ses  voûtes  que  pour  venir  dormir 
plus  tard  à  l'ombre  de  ses  murs. 

Donc,  toutes  ces  épaves,  éminemment  éloquentes,  émeuvent  et 
font  rêver.  Qui  de  nous,  passant  devant  elles,  ne  s'est  surpris  à  se 
dire  :  Avant  les  habitants  actuels,  avant  la  vie  ainsi  réglée  qui 
.s'agite  autour  de  ces  chaumes,  dans  les  siècles  antérieurs,  il  y  a 
eu  d'aulres  habitants,  hantés  de  mêmes  désirs,  assaillis  de  mêmes 
nécessités,  assujettis  à  de  mêmes  tribulations,  en  butte  à  de  mêmes 
peiues,  favorisés  de  mêmes  bonheurs.  Ces  gens-là,  comme  leurs 
descendants,  travaillaient,  se  mariaient,  plaidaient,  traliquaient. 
Ils  étaient  soumis  à  des  chefs,  ils  payaient  leur  tribut  à  l'impôt  et 
tiraient  leurs  chapeaux  à  des  seigneurs. 

Où  donc  était  alors  le  château  de  ces  beaux  sires?  Qui  le  bâtit, 
quand  disparut-il?  Quelle  prison  recelait  les  vagabonds  et  les  mal- 
faiteurs? On  se  réunissaient  les  braves  gens  pour  discuter  entre  eux 
de  leurs  intérêts?  Qui  donc  était  curé  à  telle  date,  maire  à  telle 
autre,  échevin  au  moment  de  tel  événement?  Quel  généreux 
donataire  a  fait  cadeau  de  celte  grosse  cloche  qu'on  entend  de  si 
loin?  D'où  proviennent  donc  telle  coutume  bizarre,  tel  usage  sin- 
gulier?. .. 


MÉLANGES  79 

Mon  Dieu,  je  conçois,  dans  loule  sa  sincérité,  le  plaisir  —  mêlé, 
il  e.'^l  vrai,  des  peines  et  des  angoisses  du  travailleur  —  le  plaisir, 
dis-je,  qu'a  dû  éprouver  M.  l'abbé  Pétel,  en  écrivant  sa  récente 
histoire  d'Essoyes,  et  la  joie  profonde  qu'il  a  certainement  res- 
sentie en  donnant  le  «  bon  à  tirer  »  sur  la  dernière  épreuve. 

Pour  celui  qui  y  est  né,  la  plus  humble  bourgade  conserve  tou- 
jours une  physionomie  captivante  de  capitale. 

La  moindre  pierre,  le  plus  obscur  tournant  de  route  prend  pour 
les  yeux  de  celui  qui  les  considère  depuis  sa  naissance,  les  propor- 
tions intéressantes  d'une  personnalité.  Tel  nom,  tel  fait  même 
banal,  même  d'un  relief  relatif,  deviennent  tout  un  poème  pour 
l'initié,  et  il  n'est  pas  un  coin  de  terre,  pas  un  lopin  de  vignes 
ou  de  pré  qui  ne  semble  un  personnage,  si  quelque  tradition  de 
famille,  si  quelque  pièce  d'archives  authentique  affirme  que,  en 
telle  année,  il  appartenait  à  un  gros  seigneur  des  environs,  ou 
que  le  manant  un  tel  y  a  promené  sa  charrue  pour  le  compte  des 
bons  moines  de  tel  couvent. 

Quand  celte  curiosité,  instinctive,  se  double  de  l'acharnement  du 
labeur,  c'est  véritablement  une  nouvelle  vie  qui  vient  ranimer 
tout  ce  passé  défunt.  Et  ce  n'est  pas  un  mince  mérite  pour 
l'crudit  consciencieux  que  de  retracer  en  de  copieuses  pages  aux 
yeux  de  leurs  descendants,  toute  l'histoire  des  peines,  des  joies, 
des  habitudes  et  des  mœurs  de  ceux  qui  les  ont  précédés  sur  le 
sol  où  ils  triment  à  leur  tour. 

Je  n'ai  pas  l'intention  de  faire  ici  l'analyse  de  VHisloirc 
d'Iissoyi'.s.  J'aurais  trop  peur  de  m'embrouiller  dans  les  rameaux 
toulfus  de  sou  arbre  seigneurial  et  de  m'égarer  dans  les  Longvy, 
les  Guillaume  d'Anglure,  les  Lenoncourt,  les  Bondoire,  etc. 

Je  n'ai  pas  non  plus  à  apprécier  sa  valeur  historique;  d'autres 
le  feront  avec  plus  de  compétence. 

Mais,  je  ne  sais  plus  quel  chroniqueur  évoquait  récemment  en 
termes  subtils  tout  le  cliarme  mystérieux  qui  réside  dans  ces 
vieilles  pierres,  dans  ces  coins  de  rues  ou  ces  porches  délabrés 
que  soulignent  d'un  trait  les  fabricants  de  «  Guides  de  voyage  ». 

Même  si  l'art  en  est  absent,  ils  plaisent.  Car  ils  ont  clé  des 
témoins,  des  témoins  muets  et  sourds  de  faits  accompli-,,  d'évé- 
nements fameux,  et  à  ce  titre  seul,  nous  les  regardons  déjà,  en 
dépit  de  leur  stupidité  de  matière,  avec  les  yeux  émerveillés  dont 
nous  couvons  un  voyageur  qui  arrive  de  loin  et  garde  dans  sa  cer- 
velle mille  impressions  grandioses. 

C'est  ainsi,  et  c'est  pour  cela  que  j'ai  lu  l'ouvrage  de  M.  l'abbé 
Pétel.  Comme  d'autres  l'ont  fait  pour  'l'royes  et  pour  d'autres 
coins  du  département,  son  livre  met  en  quelque  sorte  une  idée, 
un  souvenir,  une  date,  une  étiquette  sur  les  mille  et  une  choses 
dont  se  compose  l'histoire  d'une  ville  et  c'est  une  intelligente 
façon  de  la  faire  mieux  aimer. 


80  MÉLANGES 

En  le  lisant  cet  hiver,  devant  la  flannbée,  les  compatriotes  de 
l'auteur,  retrouvant  au  long  des  pages  les  noms  de  leurs  aïeux  à 
côté  des  tilres  honorifiques  et  des  mentions  flatteuses,  le  remer- 
cieront certainement  du  fond  du  cœur,  au  nom  de  toute  cette 
dynastie  de  braves  gens,  et  le  féliciteront,  comme  j'ose  le  faire, 
de  son  culte  pour  le  passé  de  son  pays  natal  et  du  généreux  zèle 
qui  lui  a  permis  de  mener  à  bonne  fin  une  si  vaillante  et  si  méri- 
toire entreprise. 

(Croix  de  l'Aube.)  Lucien  Morel. 


L'Imprimeur   Géraol, 

Léon    F  RÉMONT. 


UN      BUDGET 


DE    LA 


CHATELLEiME   DE   MOUZON 

[i5i5-i5i6] 


Il  existe  à  la  Bibliothèque  nationale,  Fonds  français,  11573, 
un  registre  très  intéressant,  sur  la  première  page  duquel  a  été 
tracée  l'indication  suivante  :  €  Compte  de  la  Terrkkt  UEVEtiVE 
DE  LA  Chastellenie  DE  MousoN,  trouvé  en  la  prinse  de  la 
ville  Et  envoyé  par  mons''  le  Conte  de  Nassou,  en  sep^''^ 
A^'XV'XXI  d  Tempère''  et  après  par  sa  ma'"-  envoyé  par  mons"^ 
le  Trésorier  gnal  de  ses  /ïaances  en  la  chambre  des  Comptes  à 
Bruxelles  pour  Illecq  y  estre  gardé.  «  Le  compte  est  celui  de 
l'année  1515-lol6,  présenté  par  Guillaume  Vaillant,  Receveur 
pour  le  Roy  de  la  terre  et  revenue  de  la  Chastellenie  de  Mou- 
zon,  Messire  Gralien  d'Aguerre  étant  alors  gouverneur.  Nous 
n'avons  pas  trouvé  comment  ce  précieux  manuscrit,  porté  de 
Mouzon  à  Paris  par  Vaillant  lui-même,  puis  rapporté  à  Mou- 
zon,  enlevé  avec  les  archives  du  gouverneur  de  Montmort  et 
adressé  à  Bruxelles,  e^t  finalement  rentré  à  la  Bibliothèque 
du  roi,  à  Paris.  Quoi  qu'il  soit  de  ses  pérégrinations,  qui  sou- 
Hgnent  et  rappellent  des  faits  mémorables  de  notre  histoire 
nationale,  il  nous  a  semblé  qu'il  méritait,  sinon  une  reproduc- 
tion intégrale,  du  moins  une  analyse  détaillée  des  nombreux 
renseignements  historiques,  topograpbiques  et  économiques 
qu'il  renferme.  En  éliminant  les  longueurs  d'expressions,  les 
détails  inutiles  de  certaines  dates,  les  renvois  à  des  pièces  jus- 
tificatives sans  intérêt,  les  conversions  de  monnaies  parisis  en 
tournois,  les  redites,  les  tautologies  nombreuses,  nous  avons 
pu  condenser  en  quelques  pages  la  substance  de  ces  «  six 
vingt  seize  feuillets  de  parchemyn  du  compte  escript  et  gros- 
soyé  »  par  notre  verbeux  receveur. 

La  valeur  et  le  prix  des  choses  et  la  rémunération  du  travail 
ont  surtout  attiré  notre  attention.  Malheureusement,  très  peu 
d'objets  figurent  et  sont  cotés  au  compte  ;  ils  y  sont,  comme 

6 


82  UN    BUDGET    DE    LA    CHATELLENIE 

ordinairement  ailleurs,  trop  mal  définis  pour  qu'on  puisse  les 
mesurer,  les  apprécier  et  les  comparer  avec  ceux  qui  leur 
correspondent  dans  la  vie  actuelle,  et  enfin  poser  des  conclu- 
sions absolument  péremploires  quant  à  la  valeur  relative  et  k 
la  puissance  de  l'argent.  Néanmoins,  il  y  a  quelques  indica- 
tions précieuses  à  tirer  du  compte  sous  ce  rapport,  et  voici 
comment  nous  les  formulerons. 

Le  compte  lui-même  nous  apprend  :  1'^  que  le  muid  de  grain 
vaut  12  setiers,  le  selier  2  mines  ou  4  minois  ou  quartels  ; 
2»  que  pour  l'évaluation,  le  blé  est  estimé,  à  Mouzon,  12  sols 
tournois  et,  hors  Mouzon,  9'  8'^;  l'avoine  4  sols  et  3^  4'*.  On 
sait,  d'autre  part,  que  le  quartel,  qui  contenait  10  pots,  devait 
en  blé  peser  40  livres.  Or,  il  a  été  vérifié,  ou  il  était  convenu, 
pour  les  opérations  du  marché,  qu'un  poids  de  220  livres  fai- 
sait ce  que,  ily  a  30  ou  40  ans  encore,  on  appelait  le  sac  aux  six 
(lisez  6  mesures  dites  quarlels),  valant  150  litres*.  On  déduit 
aisément  de  là  que  le  setier  de  grain  contenait  109  Ulres,  et  le 
pot  2^72.  Fmalemenl,  notre  hectolitre  de  blé  vaut,  en  loi  5-1 51 6, 

à  Mouzon,  il  sols,  et,  hors  Mouzon,  8"  10''—  L'hectolitre  d'a- 
voine vaut  3'  8"*  et  3^  Nous  relevons,  sur  une  cote  de  mar- 
ché aux  grains,  qu'aujourd'hui,  l'hectolitre  de  blé  vaut  sensi- 
blement 1 4  francs,  et  un  hectolitre  d'avoine,  à  peu  près  8  francs. 
De  là  résulterait,  en  prenant  les  prix  de  Mouzon,  que,  relative- 
ment au  blé,  le  sou  de  1515  vaut  —  ==  1  fr.  27  et,  à  l'avoine, 
-^  =  2  fr.   18.    En  réalité,  le   marc   d'or   valait,   en    1507, 

3  2/3  '  ' 

150'  3»  4'^;  le  prix  était  le  même  en  151t),  où  le  cours  de  l'escu 
d'or  à  23  karats,  pesant  2  deniers  16  grains,  était  de  40  sols. 
Ce  qui  met  le  gramme  d'or  à  12'  4'^.  De  présent,  le  gramme 

vaut  3  fr.  44;  par  suite,  le  sou  de  1515  vaut  j^^  =  0    fr.    28. 

,  1  27 

Donc  la  puissance  de  1  argent, -—]-,  était  environ  4  Yj  fois 
plus  grande  qu'aujourd'hui,  si  on  part  du  blé  ;  et  '^„^  =  7  % 

fois,  si  on  part  de  l'avoine.  Si  l'on  avait  tenu  compte  que  les 
payements  en  grain  sont  •  moietables  »,  c'est-à-dire  se  font 
moitié  blé  moitié  avoine,  il  y  aurait  eu  lieu  de  prendre  la 
moyenne  de  ces  deux  puissances,  qui  est  sensiblement  6, 
chiffre  auquel  on  parviendrait  avec  les  prix  voisins  de  20  fr. 

1.  Â  la  densité  0,75,  qui  est  celle  le  plus  ordinairemeut  doaaée  au  bulle- 
tin des  marchés,  150  litres  pèsent  112  k.  ?î.  Et  220  livres  valent  107  k.  70, 
presque  notre  quintal  métrique. 


DE   iVJOUZON  83 

et  6  fr.  l'heclolitre  de  ble  et  d'avoine,  il  y  a  30  aus.  D'après 
cela,  le  sou  peut  doue  èlre  évalué,  eu  monnaie  d'aujourd'hui, 
0,28  X  6,  à  peu  près  l  fr.  05,  et  la  livre,  1,65  X  20  =  33  fr.  : 
c'est  la  valeur  donnée  ordinairement  sous  Louis  XII,  et  cal- 
culée sur  le  prix  du  blé  (V.  Chéruel,  Dictionnaire  des  Insti- 
tutions). Cette  valeur  tombe  à  1  fr,  83  sous  François  P""  :  ce 
qui  prouve  :  1°  que  le  prix  du  grain  avait  augmenté,  2°  que 
la  puissance  de  l'argent  avait  diminué.  On  sait,  en  effet,  com- 
bien capricieuses  et  réitérées  furent  les  variations  de  la 
valeur  attribuée  à  la  livre  tournois. 

La  journée  d'un  manœuvre  était  payée  2*^  4^*.  Pour  acquérir 
un  hectolitre  de  blé,  il  fallait  donc  que  cet  ouvrier  travail- 
lât-^^ =  4  5/7  jours.    Aujourd'hui,   le    manœuvre  gagne 

3  francs,  et  doit  travailler  14/3=4  -/s  jours  pour  se  procurer 
la  même  quantité  de  blé.  En  face  de  sa  nourriture,  l'ouvrier 
est  donc  également  payé  aux  deux  époques,  son  salaire  n'a  pas 
changé.  jSous  tirerions  la  même  conclusion  pour  le  maçou 
payé  3'  4^^  et  4  fr.  25.  Ici,  2  1/3  sols  valent  3  francs,  le 
sol  revient  donc  à  1  fr.  28,  qui  est  bien  la  valeur  déjà  trouvée 
en  évaluant  ledit  sou  en  blé. 

Les  autres  denrées  de  notre  compte,  moins  facilement 
appréciables  et  comparables,  ne  peuvent  plus  rien  nous 
apprendre  d'aussi  certain.  Ainsi,  le  prix  d'une  poule  est 
de  IG-i  ;  aujourd'hui,  il  faut  au  moins  porter  ce  prix  à  2  fr.  50, 
ce  qui  met  le  sou  à  3  francs.  De  sorte  que,  à  ce  compte,  notre 
manœuvre  gagnait  2  1/3  fois  plus  en  1515  qu'eu  1893,  et 
la  puissance  de  l'argent  était  plus  de  10  fois  plus  grande.  Une 
anguille  cotée  20  deniers  serait-elle  payée  3  francs  aujour- 
d'hui? Si  oui,  le  prix  du  sol  se  fait  à  1  fr.  80,  la  puispance  de 
l'argeut  se  réduit  presque  à  6,  Un  pot  de  vin  de  3'24  étant 
compté  22  1/2  deniers,  le  litre  se  paie  7  deniers.  L'ouvrier  de 
1513  peut  en  gagner  4'  par  jour;  celui  de  1893,  payé  au 
même  tarif,  devrait  payer  le  vin  à  raison  de  0,75  le  litre  : 
selon  toute  apparence,  c'est  plus  que  ne  vaut  aujourd'hui  le 
vin  en  question,  et  si  c'est  de  vin  de  pays  qu'il  s'agit,  0  fr.  oO 
sérail  un  prix  raisonnable.  Ce  qui  met  le  sou  à  0  fr.  85,  et  la 
puissance  de  l'argent  à  3.  Nous  noterions  encore  bien  que 
le  demi-feuillet  de  parchemin,  écrit  et  grossoyé,  est  compté  2 
sols  et  demi  :  mais  nous  ne  pouvons  rien  décider,  ne  sachant 
pour  quelle  somme  compte  le  travail  du  scribe  :  consta- 
tons seulement  que  145  journées  de  manœuvre  paieront 
les  deux  cahiers  de  parchemin  noircis  par  Guillaume  \ aillant. 


84  UN    BUDGET    DK   LA    CHATELLENIE 

La  réfection  des  âtres  de  four  a  coûté  16^  8^  à  Beaumont  : 
pour  combien  compte  la  matière  première?  Nous  ne  le  voyons 
pas,  mais  uous  pouvons  dire  que  la  dépense  totale  équivaut  à 
5  journées  de  maçon.  On  a  refait  un  pont  (de  quelle  impor- 
tance?) et  placé  une  chesné  (gouttière  ou  chesueau)  pour 
108  sols.  Le  détail  manque,  tout  comme  pour  le  1er  à  moulin, 
payé  32  sous,  dont  nous  ne  savons  ni  la  taille  ni  le  poids.  Par- 
lerons-nous, avec  plus  de  précision,  du  dîner  de  six  personnes, 
qui  a  coûté  10  sous,  c'est-à-dire,  à  nos  prix  actuels,  3  francs 
par  tête?  Que  comportait  le  menu? 

Dans  la  réparation  des  écluses,  la  journée  d'un  domestique, 
avec  cheval  et  tombereau,  est  cotée  5  sols.  Mais  le  cahier 
de  Vaillant  enregistre  ici  une  erreur;  car,  d'après  le  total  de  63 
sous  pour  7  journées,  il  semble  que  l'on  a  porté  la  journée  à  9 
sous.  Nous  avons  trouvé,  dans  des  comptes  de  la  ville  de 
Rethel,  le  même  prix  de  5  sous  pour  le  même  travail,  à 
la  même  époque  :  à  1  fr.  65  le  sol,  cela  fournil  8  fr.  25  pour 
une  journée  que  l'on  compterait  peut-être  10  francs  au  plus 
aujourd'hui.  Un  peut  donc  admettre  que  la  rémunération 
est  encore  sensiblement  égale  aux  deux  époques. 

Un  messager  à  pied  a  été  payé  à  raison  de  5  sols  par 
jour,  qui  représentent  plus  de  8  francs  de  notre  temps.  Il 
était,  en  somme,  chargé  de  commissions  qui  demandaient 
intelligence  et  savoir  :  peut-être  serait-il  payé  à  ce  taux 
aujourd'hui,  pour  une  besogne  équivalente.  Quant  au  rece- 
veur, se  rendant  à  Paris  pour  régler  ses  comptes,  on  lui  donne 
une  livre  par  jour,  soit  une  trentaine  de  francs  pour  voyager, 
séjourner  et  vivre  à  Paris  :  c'est  acceptable  ;  mais  aujourd'hui, 
les  24  livres  ou  environ  800  francs  pourraient,  grâce  à  nos 
moyens  de  locomotion  et  de  communication,  être  abaissés  à  50 
ou  60  francs,  parce  qu'il  n'y  aurait  plus  lieu  à  voyage,  mais  a 
expédition. 

Relevons  encore  la  paie  des  sergents  à  cheval  ;  elle  est 
de  12'  U'%  soit  environ  400  francs.  Or,  ces  sergents,  qui  sont 
officiers  du  roi,  sont  les  employés  du  prévôt,  s'il  s'agit  de 
police  ou  de  justice,  du  receveur,  s'il  s'agit  de  taille  ou  d'im- 
pôts. En  somme,  ils  fout  presque  l'office  de  nos  gendarmes  : 
ils  sont  deux  fois  moins  payés,  malgré  la  petite  indemnité 
qu'on  leur  alloue  pour  recueillir  les  cens.  Le  sergent  à  verge 
de  Beaumont  touche  15  deniers  sur  les  revenus  du  roi  :  c'est 
(}uelque  chose  comme  le  garde-champêtre  ou  urbain  de  Beau- 
mont ;  il  est  payé  par  la  ville,  et  nous  n'avons  ici  qu'une  faible 
part  de  son  traitement.  On  pourrait  en  dire  autant  du  garde 


DE    MOUZON  Sri 

forestier  du  Dieulet,  qui  reçoit  7y  sous  ou  120  francs  :  quoique 
officier  du  roi,  il  est  peu  payé,  mais  sa  rétribution  est  très  pro- 
bablement proportiouuelle  à  l'élendue  des  triages  qu'il  sur- 
veille. Le  concierge  de  la  prison  louche  o  livres  ou  160  francs  : 
sa  fonction  mérite-t-elle  plus? 

Les  officiers  d'un  grade  plus  élevé  reçoivent,  le  procureur, 
36  livres  ou  près  de  1,000  francs,  le  receveur,  40  livres  ou  plus 
de  1,300  francs,  Ces  chiffres  sont  certainement  inférieurs  à 
ceux  qui  aujourd'hui  couviendraiem  à  des  positions  à  peu  près 
analogues  :  le  percepteur  de  Mouzon  actuel  est  payé  le  triple 
au  moins  du  receveur  de  1515. 

Nous  réservons  le  gouverneur,  qui  louche  300  livres,  pas 
loin  de  10,000  francs.  Si  nous  nous  représentons  bien  la  fonc- 
tion, c'est  largement,  trop  grassement  payé.  Mais  il  faut 
aussi  considérer  que  l'octroi  d'un  gouvernement  est  une 
récompense,  un  témoignage  de  gratitude  donné  à  quelque 
serviteur  dont  il  faut  reconnaître  ou  la  supériorité  ou  le  dévoue- 
ment. Or,  Messire  Gralien  d'Aguerre  est  un  personnage  d'im- 
portance, homme  de  guerre  valeureux,  seigneur  puissant 
et  riche,  capitaine  de  cent  lances  de  la  grande  ordon- 
nance, conseiller  amé  et  féal  des  rois  Louis  XI,  Charles  VIII 
et  Louis  XII  :  il  est  propriétaire,  et  il  cumule  les  emplois  et 
les  pensions.  Il  a  servi  jadis  les  ducs  de  Lorraine,  qui  lui 
ont  donné,  en  1477,  pour  prix  de  ses  signalés  services, 
les  seigneuries  de  Damvillers,  de  Chauvency,  qu'il  restituera 
plus  tard,  contre  une  reconnaissance  de  30,000  livres,  valant 
plus  d'un  million  daujourdhui,  et  garantie  par  les  seigneuries, 
baronnies,  villes,  châteaux  et  châlellenies  de  Rumigny, 
Aubenton,  Any,  Martigtiy,  Ivoy*.  Comme  conseiller,  des 
reçus  encore  existants  à  la  BB.  nationale,  dossier  d'Aguerre  ou 
fonds  Glairambaull,  nous  attestent  qu'il  jouissait  d'une  pen- 
sion de  1.2O0  livres  eu  14b4,  et  de  1,800  livres  en  Uyl. 
Il  a  guerroyé  longtemps  en  Italie  ;  aussi,  Louis  XII  lui  fait-il 
le  royal  cadeau  de  2,000  écus,  3,500  livres,  près  de  120,000  fr., 
pour  l'aider  «  à  entretenir  son  estât  à  son  service,  soutenir  les 
grands  frais,  mises  et  dépenses  qu'il  a  faits  ci-devant  au  ser- 
vice du  roi  Charles,  pour  la  conquesle  du  royaume  de  Sicile, 
où  d'Aguerre  l'accompagna  et  demeura  longtemps  après  lui, 
pour  le  récompenser  euûu  de  ses  estais  et  pensions  du  temps 

l.  Carignan.  En  février  1487,  Graliea  d'Apuerre  et  Robert  de  la  Marck 
attaquèrent  Ivoy,  occupée  par  les  troupes  de  Maximilien  d'Autriche,  époux 
de  îJarie  de  Bourgogne,  dans  Tapana^e  de  qui  se  trouvait  Ivoy.  Un  sait 
que  Koberl  trouva  la  mort  dans  cette  entreprise. 


86  UN   BUDGET   DE   LA   CHATELLENIE 

qu'il  est  demeuré  par  delà  » .  Il  touche,  comme  capitaine,  20  sols 
par  lance  et  par  mois  :  sa  compagnie  est  réduite  parfois  à  45  ou 
50  lances,  ses  reçus  portent  54u  liv.  en  1491,  600  en  1493  et 
141^9.  Celte  compagnie  est  fournie  et,  le  24  août  1498.  il  reçoit 
25  haruois  complets,  50  brigaudines,  50  salades  fournies  de  50 
bannières,  etc.  Les  nombreuses  revues  qu'il  a  passées  à  Mou- 
zon',  et  dont  ou  conserve,  au  même  lieu,  les  états,  seraient 
très  intéressantes  à  étudier  pour  le  personnel,  principalement 
navarrais  et  basque,  qu'elles  exhibent  :  qu'il  nous  suffise  de 
relever  que  deux  des  hommes  d'armes  ont  leurs  noms  couchés 
à  notre  compte,  et  ont  fourni  matière  à  un  article  sur  le  droit 
d'aubaine.  En  résumé,  en  dehors  de  ses  revenus  personnels, 
notre  gouverneur  touchait  annuellement  plus  de  3,000  livres, 
qui  représentent  le  joli  chiffre  de  100,OuO  francs,  lequel  paie- 
rait deux  ou  trois  de  nos  généraux  chefs  d'armée. 
Gela  dit,  voici  le  résumé  de  notre  compte. 


RECETTES 


CH.  I.  Rentes  fixes   ou  non  muables. 

I.  MOUZON.  a.  Cens  et  chevaiges  deus  au  Roy,  ensemble  les 
Bourgeoisies  d'Yoncq  (7'  !«  4^).  —  b.  Bourgeoisies  foraines, 
2  s.  par  bourgeois  (néant).  —  c.  Censés  dites  les  Ceiisines, 
valaient  jadis  deux  muys,  reçu  seulement  3  setiers  (24^).  — 
d.   Maison  du  roi  à  la  porte  Bernard  (14'  T^)'- 

1 .  L'une  de  ces  revues  est  détaillf'e  dans  les  Mémoires  de  Fleuranjïes. 
Les  compagnies  de  Robert  de  la  Marck  et  de  d'Apuerre  nous  offrem  des 
noms  tiès  connus  de  noire  histoire  loi;aIe  :  les  Mendy,  seigneurs  d'Artaise  ; 
les  de  Saint- Vincent,  qui  s'établissent  à  ce  moment  dans  nos  cantons  ;  les 
d'Ambly  ;  la  dynastie  des  d'Aguerre,  bâtards  ou  légitimes  ;  les  d'Anglure, 
les  Boutillac,  d'Estivaux,  de  Failly^  de  Castres,  de  Louville,  de  Mire- 
mont,  etc. 

2  Ces  recettes  se  faisaient  sur  le  pont  du  marché  (ou  Saint-Nicolas),  en 
présence  du  Procureur  du  roi  (Ponce  Gobert),  du  garde  des  sceaux  de  la  pré- 
voslé  (Idcnri  Hichier),  du  tabellion  royal  (Nicolle  Flory)  et  autres  sergeos  à 
ce  comtiiis.  —  Les  cens  variaient  suivant  la  manière  dont  se  louai  ni  les 
tourn-'lles  et  les  fermt's,  l*our  l'année  1515,  une  partie  des  lieux,  places, 
cours  ou  ja'dius  qui  les  doivent  ayant  été  employés  à  faire  des  aisances, 
boulevanls  et  fortiûcutions,  il  n'a  été  rien  perçu,  maljiré  l'entière  recelte 
ancienne  de  7'  1*  S'*  qu'on  annulera  plus  lard  aux  deniers  rendus. 

Au  manuscrit  on  lit  <  ville  do  donc  »  :  c'est  une  erreur  du  copiste,  qui 
devait  mettre  «  ville  d'Onc  »  pour  la  ville  d'Yoncq  actuelle. 


DE   MOUZON  87 

2.  Beaumont.    Rentes  en  deniers  deus  au  Roy  (4'    lo";.  —  Cens 

des  prés  (50")  '. 

3.  Lesta.vNE.    Rentes  (i '3  est  aux  hommes  de  fief)  (8*).  —  Cens 

des  prés,  payé  par  le  maire  (1/3  aux  hommes  de  ûei)  (j2s). 

4.  La  Bezace.   Rentes  et  revenues  (28s).  —  Cens  des  prés  (30*). 

5.  DOUZY.   Cens  et  Rentes  (34').  —  Cens  des  prés  (8»), 

6.  Francheval.   Rentes  (40').  —  Cens  des  prés  (12»).  —  Pillon 

(pour  l'huile  ?)  (2*  6d). 

7.  Villers-SarnaY.   Rentes  (32s).  —  Cens  des  prés  (16^). 

8.  Balant,   Rentes  (5^).  —  Cens  des  prés  (j'), 

9.  Fli.nGneul.    Rentes  (4').  —  Cens  des  prés  (js), 

10.   FloinG.   Sougnies  (cens,  taille,  chevage,  capitation  (15*)-. 
XI.   S*-MenGE.   Rentes  (j«).  —  Cens  des  prés  (j^). 
13.   Vignes  du  Roy  à  Mouzon,  7  arpents  97  verges  (i4'). 
Le  contrôleur  inscrit  en  total  ;  451  3s  4<it'. 

a.  Chevaige,  capitatioa  ou  impôt  par  tête. 

b.  Uoe  franchise  était  attachée  à  ces  bourgeoisies. 

d.  «  A  présent  a  Thomas  la  Mocque.  j  Tenue  jadis  par  Le  moyne  Per- 
mentier,  et  antérieurement  par  Jean  Coquibus  (34'  8''„).  Henry  Person  a 
présenté  une  lettre  du  Roy,  4  mars  1381,  qui  lui  donnait,  comme  héritier  de 
la  sœur  de  Coquibus,  femcae  d'un  nommé  Barlanery  (1435),  le  droit  d'être 
à  l'ancien  cens. 

1.  Reçues  par  Guillaume  Gobert  sergent  à  cheval,  muni  de  la  commis- 
sion de  Gralien  d'Aguerre,  pour  recevoir  tous  les  cens  rentes  saulvemeats 
de  toutes  les  villes,  terres  et  seigneuries  de  Mouzon.  A  cause  des  guerres, 
de  16'  10'',  on  n'a  touché  que  4'  10't, 

2.  Nous  trouvons  la  définition  de  ce  droit  au  Cartulaire  de  S'-Médard 
de  Soissous,  1320  :  «  Tous  ceux  qui  sont  possesseurs  et  détenteurs  de  cer- 
taines maisons  et  hériiaiges  situés  et  assis  à  Donchcnj  et  s^mbldblementtous 
les  hobitans  et  manans  des  villes  de  Vngne-Meuse^  Villelte  et  Donc  sont 
tenus  et  redevables  dudit  droit  de  Sougnies.  ...  Cest  assavoir  de  labourer, 
cultiver  et  semer  chacun  an  trois  pièces  de  terre  arables  appartenant  audit 
prieur  (de  Donchery)  et  sont  tenus  scier  et  taucher  les  dépouilles,  etc....  « 
Cette  redevance  est  ici  convertie  en  argent  ;  elle  est  du  reste  commune  en 
Champagne,  et  signifie  à  peu  près  la  même  chose  que  chevage  ou  capitation. 

3.  L'étendue  de  ces  vignes  est  sensiblement  de  3  hectares,  et  le  revenu, 
évalué  en  monnaie  actuelle,  serait  d'environ  3U0  francs.  Ce  qui  met  l'hec- 
tare à  cent  francs  de  cens  —  On  voit,  par  le  détail  du  compte,  que  Us  vignes 
sent  fort  diminuées  depuis  cent  ans,  qu'une  gr<jnde  partie  est  restée  en  «  jache 
et  triocts  »,  quo  .  les  a  délaissées  parce  qu'elles  sont  t  gaslées  et  en  bruyne  ». 
Le  Rôle  des  tenanciers,  certifié  de  Gobert,  Hichier  et  Flory,  porte  les  noms 
suivants  :  Hussou  Vaillant,  Oudart  Jatîquemart,  Jacquemin  Dommaige, 
Jehan  Robert,  V=  Collet  Jacque,  Jehan  Caquette,  Bertrand  Thierou,  Jehan 
de  la  Bes-tace,  Tumas  Coisonnel,  CoIsoq  Hamel,  Jehannin  Moismot,  Colson 
de  Pouron,  J-han  (iuillet,  Gérard  Croch-t,  Poucelei  Andrieu,  Jehan  Perro- 
tin,  Jehau  Procevil'.e,  Jehan  DetFousauU,  Jehan  Brescheville,  François 
Lausena,    Jehan    Brizelon,    Guillcmin   de    German,   Henry    de    Maubourg, 


88  UN    BUDGET    DK   LA    CHATELLENIB 


CH.  II.  Domaines  et  Rentes  muables. 

1.  MOUZON.  a.   Fermage  delà  pescherie  en  Meuze.  Bail   1513- 

15 16  à  Petre  Beschet  (46').  —  h.  Foires,  N.  D.  en  sep- 
rembre  et  S'-Michel,  où  on  percevait  un  quartel  de  sel  par 
chaque    nef  ou    basteau  venant  par  la    rivière   (néant).  — 

c.  Moulins  du  Roi.  Bail  1^5-1518  à  Jehan  Pasquis,à  raison 
de  25  muys  9  setiers  grain,  moitié  blé  moitié  avoine,  suivant 
toutes  les  redevances  en  grains  non  autrement  indiquées.  Les 
grains  en  provenant  vendus  à  Didier-Lourdel  (123^  12s).  — 

d.  Fermage  de  la  FouUerie,  taisant  partie  des  Moulins,  baillée 
aussi  à  Jehan  Pasquis  13^  10*).  —  e.  2j  anguilles  fournies 
par  le  même  Fermier,  à  i6d  pièce  (41*  8).  — /.  Debvoir  des 
Boullengers  vendans  pain  à  Mouzon  (45*).  —  g.  Rente  deue 
par  les  taverniers  qui  font  crier  vin  à  plus  haut  prix  de  18 
denieis  parisis  le  pot,  affermée  à  Jacquemin  le  Pardonnier 
(60^)'. 

2.  Beaumont.  a.  Terraiges,  affermés  à  Collet    Didier;    le    roy 

n'en  touche  qu'au  delà  de  52  muys.  Les  vins  entièrement  à 
lui  (néant),  b.  Vins  (35').  —  c.  Tonlieu  de  la  ville  (néant).  — 
J.  Vins  (néant).  —  e.  Four.  Bail  de  1510-1522  à  Jupins  Maçons, 
Le  roi  ne  touche  que  la  moitié,  et  les  francs  vins  en  totalité 
(66^  8).  Le  duc  de  Bar  a  le  reste,  soit  13  s.  4  d.  —  /.  Moulin. 
Bail  de  ij  15- 15 23  à  Richard  le  Royer,  au  prix  de  24  setiers 
de  grain  moietable  ;  le  roi  a  les  deux  tiers,  vendus  à  Jehan 
Fagot  (66'  8)  ;  l'autre  tiers  est  au  duc  de  Bar.  —  g.  Vin.  Il 
est  eii  entier  au  Roi  et  calculé  à  raison  de  2^  s.  par  muy  sur 
le  bail,  ici  25  x  2  =  50  s.  - 

Didier  fils  Richard,  Jacquemin  Alardin,  Messire  Jehannot,  Jehannot  Bre- 
tancourt,  Riquesson  Vaillant,  Jacquemin  Alardin,  flenry /?jc/iier,  Simonne 
fille  Jthan  le  Cordier,  Jehan  Bryon,  vefve  Cacquet,  Jehan  Dardamme, 
Geofiroy  Michault,  vefve  Drohier,  Jacquemin  Rosselet,  Jacquemin  Mouson 
et  vefve  Jehan  Veau. 

D'une  manière  générale,  les  revenus  sont  fort  amoindris  ;  le  receveur  rap- 
pelle les  anciens  revenus,  qui  auraient  fourni  au  moins  175  livres  au  lieu  de  45. 

1.  f.  Chaque  Boullenger  payoit  par  trois  fois  un  pain  de  15  deniers. 
Ils  étaient  douze  :  Colinet  Cordier,  Jehan  Regaault,  Jehan  Drohier,  Jehan 
Pierrat,  Jehan  Gerin,  Marion  Royard,  Husson  Jolys,  Jehan  Jacquet,  Poncelet 
de  Courfaul  (Curfoz  ?),  Jaisson  le  paticier,  Jehan  Charlier,  Jacquemyn 
Drohier. 

2.  h.  Le  roy  a  toujours  le  droit  complet  du  Vin  :  le  Vin  ou  les  francs 
vins  sont  une  sorte  de  cens  perçu  sur  les  baux  oa  marchés.  Ici,  on  prend 
20  à  25  sous  par  muids  de  grain.  On  a  dit  depuis,  et  on  disait  encore 
récemment  «  donner  des  épingles  ».  Les  Ordonnances  de  Sedan  les  défen- 
daient pour  tout  marcné  ne  montant  pas  à  cent  livres.  —  c.  Le  loulieu  était 
ordinairement  un  droit  de  place  dans  les  foires  et  marchés,  ou  de  juridiction 
sur  les  mesures.  Oaiis  riîtal  des  revenus  de  l'Archevêque  de  Reims,  souve- 


DE    MOUZON  89 

•ç.  Lestanne,  u.  Terraiges  :  sont  aux  hommes  de  fief;  le  roy  ne 
touche  que  passé  6  muys.  Affermés  4  muys  à  Remy  de 
Waime  (de  la  Wame)  (néant).  —  b.  Vin  (loo'),  —  c.  Ponton- 
nage  de  la  Meuse  (néant).  —  d.  Vin  (néant).  —  <;.  Pièce  de 
pré  à  l'abordage  du  Ponthon.  Bail  i<fo6-i5i3  à  Baudouyn 
Charlier  {12^}.  —  /,  Fours  (néant).  —  g.  Vins  (néant).  — 
h.  iMouIin  et  fbullerie.  Bail  1512-1518  à  Thomas  Hostellar 
(100*)  compris  les  francs  vins.  —  ;.  Huit  faulchées  au  pré  du 
Vivier,  baillés  à  Jehan  Protin  (8')  '. 

4.  La  Besace,   a.  Terraiges.  Moitié  pour  le  Roy.  Fermier  Médard 

Dour,  6  muys  (23'  8s;.  —  Vais  (6')  à  20^  par  muy.  — 
c.  Four.  Moitié  pour  le  Roy.  Bail  1511-1522  à  Jehan  le 
Doulx. 

5.  VILLERS-s-Meuze.   Maierie    de    la    Ville.    Bail     1 5 15- 1 518     à 

Jacquemin  le  Pardonner  (44').  —  b.  Four.  Moitié  au  Roy 
(32s).  Baillé  à  Jehan  Regnauld.  —  c.  Pontonnage.  Bail 
1514-1517  à  Thomas  de  Rouffy  (66s)  -. 

6.  Vignerons  les  Mallades.   Censé  de  la  maison  (néant) 3, 

7.  Moulins.   Terraiges  (néant)*. 

8.  DOUZY.  a.   Terraiges    (1/2)  Affermés  à    Henry    le    Davoudel 

(29I  IV  6cl).  —  b.  Vins  (7'  11^  8d).  —  c.  Four  (1/2)  Baillé  à 
Jehean  !e  Tourne  (9').  —  d.  Moulin.  Bail  1515-1518  à 
Hieblot  de  Douzy  (104s)  ^. 

9.  FranchevaL.  a..  Terraiges  (1/2).  Affermés  à  Jehan  le  Messin 

(22I  2s).  —  b.  Vin  (113*  4).  —  c.  Four  (1/2).  Affermé  à 
Jacquemin  Bichot  (64*).  —  d.  Accensissement  de  la  place  ou 
étoit  le  moulin  (32^  9**).  Baillé  à  Jehennot  Husson". 
10.  Villers-Sernay  .  Terraiges  (1/2).  Affermés  à  Guillaume 
Gobert  (11'  i^)-  —  Vin  :  (56*  8)  —  Four  (1/2).  Affermé  à 
Jehan  Depin  (53»). 

rain  de  Mouzod,  le  toolieu  à  Beaumont  figurait  pour  10  1.  3  s.  4  d.,  en 
t375.  Ici  il  est  nul.  —  d.  Le  duc  de  Bar  a  le  tiers  du  principal,  soit  13  s.  4  d.  : 
les  francs  vins  comptent  donc  pour  40  s.  •—  En  1375,  les  fours  donnaient 
16  1.  lO  s.  p.  ;  les  moulins  4  m.  7  setiers. 

\.  c.  Personne  n'a  voulu  prendre  la  location  du  pont,  depuis  longtemps 
en  ruyne  ;  on  passe  à  Pouilly.  —  e.  Situé  au  lourt  de  la  i^ue  ;  c'est  là 
que  séjournoient  gens  et  bestes  attendant  le  passage.  —  En  1375,  le  four 
donnait  64  sp.  et  a  la  Bezace  4  livres  sp. 

2.  Des  lettres  patentes  de  François  I"  nomment  le  Pardonner  receveur 
de  Wouzon,  en  1522. 

3-4.  Les  terres  qui  devaient  terraiges  étaient  alors  plantées  de  bois.  Para- 
vant,  valaient  demi-muy  à  Vigneron,  6  setiers  à  Moulins. 

5-6.  Les  familles  Devoudelle  et  Messin  sont  encore  dans  le  pays.  — 
Noter  que,  pour  les  villes  de  la  rive  droite  de  la  Meuse,  le  roi  n'a  ordinaire- 
ment que  moitié  des  revenus  :  le  reste  est  à  l'évèque  de  Liège  ou  rempla- 


90  UN    BUDGET    DE    LA    CHA.TELLENIE 

11.  Ballant.   Terraiges  (i/6).    Affermés    à   Guillaume   Marchant 

(117^).  —  Four  (1/2).  .A  François  Didier  (12'). 

12.  FlingneuL  ec  S»-Menge.   u.   Terraiges   (1/3).    Fermier   Jehan 

Jacquemin  (loo^  9^),  —  b.  Four  (1/2).  En  rouyne  (néant). 
—  c.  Moulin  de  S*-Menge  (1/4).  A  Jehan  Parisot  (15').  — 
d.  Oyseaulx  (1/2).  à  Guillaume  Marchant  (4'  12s).  —  ^.  Terres 
de  Compans  et  Champeaux.  A  Raoulin  Hubiii  (22^  6d) .  — 
/.  Prés,  terres  d'.Arson  et  d'.Andières.  Bail  1 505-1609  è  Jehan 
Servais  (75*).  —  g.  Prés  des  Compains  et  Champeaux,  à 
Pruche  de  Basourt  (8'  11^  6)  '. 
Ctotal  du  contrôleur:  468'  i"  iid.) 

CH.   III.   Saulvements. 

Saulvements  en  avoyne,  gelines  et  argent  levés  par  Guillaume 
Gobert  sergent  à  cheval  sur  les  villes  suivantes  qui  sont  en  la 
«  sauvegarde  et  tuicion  du  roy  »  : 

Bazailles  (19  setiers,  19  poulies).  —  Balant  (10,  10).  —  Sedan 
(9,9).  — Illy  (8,9).  —  Daigny  (10,  10).  —  Pourru  Saint  Remy  (9,18). 
—  Pourru  dessus  (ou  aux  bois,  8,8).  —  Munault  (8, 16).  —  Tetaigne 
(21,21,  20  deniers).  —  Euilly  (22,  22,22).  —  Vaulx  (22,  22,  22).  — 
Pouilly  (11,22).  —  Rubecourt  (0,0).  —  Nevant,  Quincy,  la  Mon- 
celle,  Lamecourt  n'ont  pas  vouUu  payer. 

En  tout  13  muids  un  septier  à  40  sols  le  muy. 
185  poulies  à  10  deniers  chacune  poulie. 
Et  7  livres  14.  sols  a  deniers. 

CH.  IV.  Espaves.   aubeynes   et  forfaitures^ 

I .  De  Philippe  Dandouesse  -,  chevalier,  lieutenant  général  de  la 
C"  de  Messire  Gratien  Djguerre,  gouverneur  de  Mouzon^  pour  une 
petite  maison  plate,  advenue  au  roi  par  aubenage,  par  le  trespas  et 
décès  de  Lopes  de  Mougne,  natif  d'hspaigne,  de  ladite  compaignie, 
et  depuis  pir  ledit  sieur  donnée  audit  Dandouesse  (40  s.). 

1.  b.  Les  ofliciers  do  \l.  de  Liège,  «  qui  a  la  moictié,  n'v  veuUent  rien 
faire  ».  —  d.  Droits  ou  privilèges  des  iraucs  hommes,  ou  des  Oyseaux,  ou 
dfs  Oyseliers  de  la  Prevosté  de  Mouzon.   (V.    notre  Histoire  de  Mouzon.} 

2.  Philippe  d'Andueza  figure  à  la  revue  passée  de  la  Ci)mpagQie  Ddguere, 
à  Mouzon,  le  22  mai  l5l7l.  (BU.  nat.  F.  Fr.  215o7,  n»  ll'i)  Ou  le  retrouve 
sous  les  ordres  de  \l.  de  .\Joulmort,  Louis  d'IIaugtst,  gouverueur  de  Mou- 
ton, au  siège  de  1S21,  où  il  délendit  le  pa.'^sage  de  la  Meuse  à  la  lêie  de  sa 
compagnie  et  de  3UU  hommes  diutaiiterie  (du  B  liay).  —  Lopez  de  \Jiuuue. 
homme  d'armes  de  lu  même  coiupaguie,  est  é  la  moutre  faite  à  Mouzon  le 
3  avril  1493.  —  Daudouesee  n'est  encore  qu'archer.  —  Le  droit  d'aubaine 
ou  de  succesBiou  aux  biens  d'un  aubain,  c'esl-a-dire  d'un  étranger  non  natu- 
ralisé :  c'est  le  souverain  qui  recueille  cette  succession. 


DE    MOL'ZON  01 

2.  Vente  des  biens  de  feuejehanne  de  Bastogne,  femme  de  Loys, 
le  Meusnier  de  Beaumont  ;  laquelle,  natifve  du  Luxembourg,  est 
allée  de  vie  a  trespas  sans  hoirs  de  son  corps,  et  estoit  partant 
espave  (55')- 

CH.  V.  Marchés  (néant). 


CH.  VI.  Ventes  de  Bois'  et  Paisson. 

1.  Paisson  du  Bois  de  Dueillet.  Bail  1515-1518  à  Henry  Sunruyn 
(33'). 

2.  Paisson  du  Boys  de  Séneval.  Baillée  à  Guillaume  Gobert  (4'). 

3.  Pai?son  du  Boys  de  Fay  dessus  Villers  sur  Meuze.  A  Guil- 
laume Marchant  (60^). 

4.  Paisson  du  Chesnoy.  A  Guillaume  Gobert  (40*). 

CH.  VÎI.  Prouffit  et  émoluement  des  prez. 

1.  18  faulchées  au  Pasquis  du  Jardin.  Bail  l'^o^-i^-^i  à  damp 
Jehan  Davell  (9'  p).    , 

2.  Huit  vingts  (160)  verges  ù  la  Plate  Pierre.  Affermé  à  G™» 
Gobert  (20^). 

■5.    12  faulchées  séant  à  la  bouche  de  Chier,  A  Jehan  Martin  (9'  18). 

CH.  VII.  Divers. 

1.  Exploits  de  la  Prévosté.  Bail  1515-1518  à  Guillaume  Germain 
(61'). 

2.  Tabellionnage  de  la  ville  de  Mouzon.  Bail   1513-1515  (22'). 

3.  Amendes  au  pardessus  du  droit  du  prevost  (néant). 

4.  Rachapts,  reliefz  et  quincts  deniers,  accensissements,  engage- 
ments et  transactions  (néant). 

5.  Rapports  de  boys  (néant).  —  De  rivière  (néant). 

6.  Terres  tenues  en  la  main  du  Roy  :  a.  Cinq  faulchées  de  pré  au 
ban  de  Lestanne  (non  baillées,  néant).  —  b.  Cinq  faulchées  de  pré 
en  vielr  Meuse.  Bail  à  Regnault  Murgaut  (4'). 

CH.  VIII.  Autre  recepte. 

De   ce   qui  pouvait    apetir    et    appartenir   à    Regnault   de    Saulx 

1.  Le  Dieulel,  au  sud  de  Beaumonl;  —  Séneval,  défriché,  maintenant 
ferme  accolée  aux  Flaviers  ;  —  Fay,  uu  autre  est  en  face  d'Alma  ;  —  Ches- 
nois,  au  nord  de  Brouhan  et  d'Autrecourt. 


92  UN    BUDGET    DE    LA    GHATELLENIE 

escuier,  en  la  terre  et  seigneurie  de  Villers  advenue  au  roi  nre  sgr. 
le  2oe  jour  de  mai  145:1.  Ces  terres,  prés  ont  été  en  frisches  et  non 
valloir  durant  les  années  précédentes  et  jusques  à  naguères  ;  et  enfin 
mis  en  la  main  du  roi  et  réunis  à  son  domaine,  on  en  fait  la  recepte 
suivante  du  prouffict  et  revenuz  diceux  : 

1 .  Terres  à  présent  appellées  «  la  Censé  du  Roy  »  à  Villers  sur 
Meuze.  Bail  1515-1524  à  CoUesson  Berthollet,  pour  6  muys  9 
setiers  (26'  6^  6<i). 

2.  Quinze  faulchées  de  pré  seans  au  ban  de  Mairy  et  d'Ambli- 
mont  (néant). 

3.  Cinq  faulchées  de  pré  seans  à  la  Petite  Presie  aux  Sauix 
(néant)  '. 

4.  Douze  faulchées  nommés  les  Prés  de  la  Rosche.  Affermé  pour 
l'année  du  compte  à  Percevens  de  Urset,  à  16  s.  6  d.   la  faulchée 

5.  Masure  et  jardin  à  Autrecourt,  de  l'acquisition  de  Regnault  de 
Saulx^mais  étant  de  la  seigneurie  de  Villers, se  trouvent  comprises  en 
l'art.  I.  (Néant).  Baillée  jadis  à  lehannot  Percier,  demeurant 
à  Autrecourt. 

6.  Saulcis  de  Villers  tenant  un  pré  dit  à  la  Grant  Presie  (néant) 
pour  la  même  cause. 

7.  Certains  bois  à  Villers-sur- Meuze  (néant),  même  cause. 

8.  Certaines  terres,  qui  sont  plaines  de  bois  et  savard  (néant), 
même  cause. 

9 .  Douze  faulchées  de  pré  estants  à  la  CuUée  Rasse.  Affermées  à 
Perigault  de  tocys,  à  19  s.  7  d.  la  faulchée  (11'  15  s.). 

10.  Seize  faulchées  de  pré  seaas  à  la  Grant  presie,  en  la  main  du 
roy  par  faulte  de  reliefs  et  quincts,  lesquelles  turent  à  Rasse  et  Bas- 
tien  de  Villers.  Affermées  à  Jehennot  Desevrat  à  10  s.  la  faulchée 
(8'). 

11 .  Quatre  faulchées  de  pré  appellées  les  Aruttes  de  Presles  et  de 
Villers,  des  dits  Rasse  et  Bastien,  assis  sur  le  Russel  de  faise 
(Ruisseau  de  fâche).  Affermées  à  Guillaume  Gobert  à  22  s.  la  faul- 
chée (4'  8^). 

Une  autre  recepte  est  indiquée  à  cause  de  plusieurs  terres  bois  et 
saulsaies  qui  appartindrent  à  feu  messire  Regnault  de  Saulx,  et  assis 
au  territoire  de  Villers  sur  Meuse.  Ces  terres  et  bois  estoient  long- 
tems  a  «  à  ayrans,  triocts  et  savart  )>  et  n'en  avoit  le  Roi  aucun 
prouffif.  Ils  ont  esté  au  lieu  acoustumé  de  Mouson  et  en  l'église  de 

1.  Les  20  faulchées  ont  été  seulement  mises  en  la  main  du  roi,  qui  n'en  a 
affermé  que  12,  à  Collesson  BerlhoUel,  qui  déjà  les  avait  tenues  comme  le 
montre  un  bail  rappelé  à  l'art.  I  et  unissant  en  1507,  à  la  charge  de  les 
«  savarder  et  mettre  en  valleur  1.  En  sorte  que  le  cens  de  ces  prés  est  en 
quelque  sorte  ad|oint  à  cellui  des  terres,  —  Pour  les  8  autres,  voir  art.  4, 
où  le  receveur  dit  que  «  néantmoins  on  a  retrouvé  douze  faulchées  », 


DE   MOUZON  93 

Villers  baillez  à  la  chandelle  au  plus  offrant  et  dernier  enchérisseur 
à  20  d.  le  cent  de  terre  et  pré  de  cens  annuel  et  perpétuel,  à  dater 
de  S.  J.  Baptiste  1505. 

1.  Mathieu  de  Neufville,  dem'  à  Villers,  12  cens  de   terre  (ao'). 

2.  Gi.le  de  la  Rouer,  à  Villers,  4  cents  et  demy  (7'  6d), 

3.  Jehan  Oudart,  à  Villers,  13  cents  et  demy  (22*  6'^). 

4.  Jehanne  de  Neufville,  à  Villers,  8  cents  et  ung  quarteron 
(13*  9d). 

5.  Hieblot  de  Neufville,  à  Villers,  6  cents  et  ung  quarteron 
(lo*  jd). 

6.  Pierrart  de  Gaudines,  à  Villers,  3  cents  et  trois  quarterons 
(4'  jd). 

7.  Colson  Barthollet,  à  Villers,  3  cents  et  demy  (5"  lod). 

8.  Jehan  Serva,  à  Rouffy,  2  cents  (3*  4J). 

9.  Hoirs  Argnault  Gontier  1,  accensissement  de   i6^ 

10.  Raoulin  fils  le  Bastard  de  Villers,  2  cens  et  ung  quarteron 
(2«  9% 

11.  Jacques  et  Jehan  Thomas,  à  Villers,  masure  (16"). 
la.   Les  mêmes,  2  cents  et  demy  de  terre  (4*  a"). 

13.  Jehan  d'Offaigne,  à  Villers,  3  quarterons  (15''). 

14.  Evrard  Rollin,  a  Villers,  3  cents  et  aemi  (5*  10). 

15.  Henry  le  Clerc,  à  iVIouzon,  masures,  jardins,  terres  et  prés 
(19^9^). 

16.  Jacquemart  de  Neufville,  à  Villers,   2  cens  et  demy  (4"  2''). 

17.  Jehan  Blancharc,  à  Villers,  ^20  verges  (S**  8"). 

18.  Jehan  Arnoult,  à  Villers,  5  quarterons  (2*^  1*). 

19.  Jehan  Ondoier,  à  Villers,  demy  cent  (10'). 

20 .  Gobert  Huille,  à  Rouffy-lès-led.  Villers,  pour  le  Saulcis  dudit 
Villers  (6^  ii^. 

21 .  Ysabeau  la  Besne,  à  Villers,  3  cens  3  quarterons  (6'  3'). 
32.   Jehan  Collin,  à  Villers,  demy  cent  (10'). 

23.  Jehan  Bladoret,  pour  la  place  ou  jadis  souUoit  estre  le  mou- 
lin (la^) '. 

1 .  Tenaient  plusieurs  heritaiges.  On  a  trouve  par  les  surcens  que  Regnault 
avait  accensé  aicunes  teneure,  tant  maisons  prés  que  terres  ;  et  ces  herilaiges 
estoient  de  nulle  valleur  a  l'occasion  des  guerres  qui  ont  esté  par  ci  devant. 
Depuys  les  héritiers  ont  requis  que  raccens-issement  leur  fut  baillé  et  délivré 
pour  le  même  prix.  Les  dits  herilaiges  ayant  esté  criez  à  Villers  et  à  Mou- 
zon,  et  personne  n'ayant  mis  plus  hault  prix  que  celui  fait  à  Arnault  Gon- 
lier,  ils  ont  été  baillez  aux  dils  héritiers, 

2.  Le  contrôleur  donne  pour  total  :  Summa  lotalis  Receplœ  presenlis 
Compatis  819'  16'  Ui''.  Dans  l'Etal  dressé  en  l'31lj,  il  est  du  que  la  prevosté 
de  Mouson  suloit  valoir  (à  l'archevêque  Thézard)  la  somme  de  1,200  francs, 
et  à  présent  (sous  Richard  Pique)  vaut  800. 


94  UN    BUDGET    DE   LA    CHAÏELLENIE 

DÉPENSES 

CH.  I.  Despense  a  heritaige. 

1.  MOUZON  '.   J.    Aux  hoirs  de  feu  Pierre  de  Dj-igny^  qui  n'ont  pu 

fournir  les  preuves  de  leurs  droits  (néant). 

b.  A  Colhrr  de  FilUers,  sgr  de  Sy,  et  Loys  de  Noire- 

fontaine  à  cause  de  leurs  femmes  Harman- 
galles  et  Mariete,  filles  de  Henry  de  Voul^y^ 
héritiers  de  feu  François  lospiralier^prédéces- 
seur  de  feu  Pierre  le  Guinaudel  (7I  4^*). 

c.  Aux  hoirs  ou  aians  cause  de  feu  Guiot  de  Vuitry^ 

chastellain  de  Mouzon,  et  Jekan  Compaignon^  à 
cause  de  damoiselle  Allemande  sa  mère,  tante 
du  dit  chastellain,  39  setiers.  qui  ont  appar- 
tenu à  Ambiete,  fille  de  Jean  Labbé  (6  1/2),  à 
Claude  Tardif  (6  1/2),  à  cause  de  damoiselle 
Meline^  S3  mère,  fille  de  Jehan  Labbe\  et  encore 
a  Claude  Tardif  (26),  fils  de  Simon  Tardif, 
chastellain  à  cause  d'icelle  chastellenie.  Sont 
à  présent  à  Jehan  de  Pouilly  (3  1/2),  Jehan 
Robert  (15  3/4),  Jehan  Fagot  (9  3/4)...  (23'  8^). 

d.  Aux  religieux  de  S'-Denis  de  KeimS;  quittance 

signée  Jehan  Massiot,  religieux  et  prevost 
(16'').  Sur  les  46  setiers  que  l'on  prend,  40 
servent  ici,  les  7  autres  sont  portés  en  fiefs  et 
aumônes  de  Beaumont. 

e.  Au  curé  de  Mouzon  (i^'')  pour  un  setier  de  blé- 

froment. 
/.  Aux  religieux  et  trésoriers  de  N.  D.  de  Mouzon, 

quittance  signée  de  Bertrand  Loisel^  trésorier 

(54*)  pour  4  setiers  et  demi  de  froment. 
g.  A  la  Maladrerie  de  Mouson  (3')  pour  un    quar- 

tel  de  froment. 

2.  Beaumont*.  û.  Aux    Eglises  de  Beaumoiu  et  Ligney  en    Bar- 

rois  (néant). 
b.   Aux  religieux  de  S'-Denis,  2  muys  sur  les  mou- 
lins ;  quittance  de  six  setiers,  signée  Massiot, 
compris  dans  les  46  de  l'article /(39s), 

1.  Le  Chapitre  1  ne  comporte  que  des  fiefs  elaumosnes.  Ed  ce  qui  touche 
Mouzon,  les  redevances  se  prélevaient  sur  les  Moulins  du  Roy, 

2.  Le  roy  ne  prend  et  ne  doil  rien  si  les  terrages  ne  dépassent  52  muys. 


DE    MOUZON  95 

3.  DOUZY.  a.    Aux  hoirs  7f/tj'2  Vmc/f.  4  setiers  sur  les  terrages, 

jion  payés  fuulte  de  devoirs  non  fai^  (néant). 

b.  A  Gober t  d'Artai^e,  au  lieu  et  place  de  Jeh^n  Bour- 

geois dit  Prêtre,  héritier  de  feu  Jacques d'Q'-geau^ 
escuier,  chastellain  de  Villers^  pour  2<  setiers  et 
demi  sur  les  terrages  (81  5*  9''). 

c.  A    Jehan    Grosyeulx^  sgr    de    Villiers,  au  lieu   de 

Jacquemin  Lambinec  et  au  lieu  de  feu  François 
Languille.  pour  8  setiers  sur  les  terrages,  à  cause 
de  Catherine,  fille  de  feu  Boudain  et  du  Momel 
sa  mère  ()2S). 

d.  Au  curé  de  Douzy,  pour  un  quartel  de  blé  et  un 

d'avoine  (3*  3^). 
e.   Aux  charités  de  N.-D.  de  Mouzon,  5  setiers  blé 
3    avoine  sur   les  terrages  ;  quittance   de  damp. 
Jacques  Besquel.  prieur  et  religieulx  de  l'abbaye 

4.  Francheval.   Au  curé,  9  setiers  blé  et  9  avoine,  plus  3  setiers 

pour  le  marglier  (marguillier),  sur  les  terrages 

5  .    ViLLERS'Cernay.    a  messire  Robert  de  la  Marche^  sgr  de  Sedan, 
deux  muys  sur  les  terrages,  part  du  Roy, 
au   lieu    de   messire  Gerosme  de  Braque- 
mont  (7I  16**). 
6.    LaBEZACE.   a.   Au  curé,  12  septiers  blé,  9  avoine,  en  ce  com- 
prins  3  septiers   blé  pour  le  marglier,    sur  les 
terrages  (7'  6^). 
b.   D'anciens  comptes   apprennent  que    Guillaume 
de  Braquemont  prenait,  au   lieu  de  Gilles  de 
Barbençon^  8  setiers  de  vin,  4  du  meilleur  et  4 
de  moien  tout  creu  au  diocèse  de  Reims,  huit 
poulies  à  3   sols  parisis.  De  présent  la  chose 
compete  et  appartient  à  Messire   Robert  de  la 
Marche^  fils  et  héritier  de  Jehan  de  la  Marche. 
Les  terrages  ayant  été  de  nulle  valeur,  il  y  a 
néant  pour  ce  compte. 
4.    Divers.   Au  chapitre  de  la  Magdeleine  de  Verdun,  sur  la  Mairie 
de  V  Hier  s  sur  Meuse  (37'  10*). 
h.   Aux  héritiers  de  feu  Guiot  de  Vuitry,  chastellain 
de  Mouzon,  et  de  sa  tante,  50  sols  parisis  sur  la 
recette  de  Beaumont.    (Néant),  pour  ce  que  les 
recettes  sont  de  trop  petite  valeur. 

c.  Aux    quatre    sergents    à    cheval,    sur    les    mêmes 

rentes,  8  sols  p.  (Néant,  pour  même  motif). 

d.  Au  forestier  du  boys  de  Dueillet^  deux  sols  p,   sur 

lesdites  rentes  (2*^  6*). 


96  UN    BUDGET   DE    LA    CHATELLENIE 

e.   Au  sergent  à  verge  de  Beaumont^  12  deniers  p.  qui 

se  prennent  sur  lesd.  terraiges  et  rentes  (15'). 

/.  A  Monsgr  le  Duc  de  Bar,  un  tiers  au  demourant 

d'icelles  rentes,  (néant),  étant  de  nulle  valeur. 

5.   FRANCHEVAL.   Guillaume    de  Braquemont  au  lieu  de    Gilles  de 

Barbençon  souUoit  prendre,  en  quatre  termes, 

41  sols  parisis  sur  Francheval.   La   chose^  de 

présent,    compecte    et    appartient  à    Messire 

Robert  de  la  Marche.  (Néant)  pour   ce  que  le 

tonlieu  est  de  nulle  valeur*. 


CH.  II,  Gaiges  d'officiers. 

1.  A  messire  Gratien  Daguerre^i  chlier  sgneur  d'Aubenton  et  de 
Rumigny,  conseiller  du  roi  et  gouverneur  de  Mouzon,  pour  ses 
gaiges  ordinaires  (300'). 

2.  A  Guillaume  Vaillant,  receveur  ordinaire  de  Mouzon  (40'). 

3.  A  maistre  Jehan  Triquet,  procureur  du  Roy  (50'). 

4.  A  Guillaume  Marchand,  Henry  le  Clerc-,  Guillaume  Gobert, 
Regnault  Murgaut,  sergents  à  cheval  du  Roy  (50'). 

5.  A  Collet  Dubouscheust.  courier  portier  du  château  (100*). 

6.  A  Robin  Bonvallet,  commys  et  forestier  du  boys  de  Deuillet, 
appartenant  au  roy  (75*)  ^ 

CH.  III.  Œuvres  et  Reparacîons  fêtes  à  Mouzon 
et   ailleurs. 

î .  Aux  fermiers  des  fours  de  Beaumont,  Douzy,  Francheval 
et  Villiers  Sernay  (46'  8").  Pour  un  astre  neuf  à  chacun  desdits 
tours  :  Beaumont  (16'  8"),  Douzy  (10"),  Francheval  10')  et  Villiers 
Sernay  (10'). 

1.  Un  aveu  et  dénombrement  de  Roberl  de  la  Marck,  tourni  en  1477 
(V.  Histoire  de  Mouzon,  Chûlelleuie) ,  mentionne  toutes  les  redevances  pré- 
cédentes le  concernaat. 

Le  contrôleur  a  inscrit  à  la  tin  de  ce  chapitre  :  Summa  feodoium  et  ele- 
mosinarum  (total  des  fiefs  et  aumosnes)  25'  16'  3".  —  Les  fiefs  sont  des  renies 
parfois  perpétuelles,  quelquefois  viagères,  et  même  de  durée  définie,  que  le 
seigneur  paie  à  des  laïques.  Les  aumônes  sont  des  rentes  faites  aux  com- 
munaulés  religieuîes.  Cps  fiels  et  revenus  ne  sont  pas  ordinairement  pris 
sur  le  revenu  net,  mais  sur  les  sources  mêmes  du  revenu,  précisées  et  dési- 
gnées par  le  seigneur,  et  perçues  direclcmenl  par  le  bénéficiaire  :  «  G.  a 
coutume  de  prendre.  » 

2.  Fils  du  dernier  maître  de  la  monnaie  de  Mouzon, 

3.  En  1375,  outre  le  «  prepositurus  n,  on  trouve  de  même  les  «  guber- 
nalor,  receplor,  servientes  preposili  (aergculs  du  prévôt),  servieates  nemo- 
rum  archiepiscopalium  (forestiers),  portarius  caslri  Mosomensis  », 


DE   MOUZON  97 

2.  A  Jehj.n  Paris  ec  Therion  Feraiges,  charpentiers  (io8'),  pour 
avoir  retait  le  pont  du  Moulin  de  IMouzoa  et  avoir  mys  a  la  toiture 
dicelle  une  chesné  (gouttière). 

3  .  A  Jehannot  le  Mureschal  (32'),  pour  avoir  reffaict  et  rechaussier 
le  fer  du  grant  moulin. 

4.  A  Richarc  Coinctignon  et  Jehan  Coinciignon^tnaçons  demou- 
rans  à  iMouson  (10'  13'  4''),  pour  avoir  besongné  de  leur  mestier  au 
reversis  des  écluses  des  moulins,  par  le  temps  et  espace  de  chacun 
trente  deux  journées,  à  trois  sols  4  deniers  tournois  chacune 
journée. 

5.  A  Jehan  Servay,  voicturier  demeurant  à  Mouzon  (63';,  pour 
avoir  charié  de  la  pierre  pour  le  reversis  des  écluses,  par  le  temps  ec 
espace  de  7  journées  à  cinq  sols. 

6.  A  Jehan  le  Morenne^  Jehan  Goàart  et  Henry  Daremy^  manou- 
vriers  demourans  à  Mouzon  1^7'  8"),  pour  avou-  servy  les  m:içons  aux 
reversis  des  écluses,  et  repesché  des  pierres  qui  estoient  clieues  des- 
dits reversis.  Chacun  20  journées,  à  2  s.  4  d.  la  journée. 

7.  A  Jehan  HauberLon,  manouvrier  demourant  à  Mouson  (42'), 
pour  avoir  servy  les  maçons  aux  reversis  des  esc) uses  du  Moulin, 
18  journées, 

CH.  IV.  Frais  de  justice. 

Néant. 

CH.  V.  Voyaiges  et  Tauxations. 

1.  A  Guillaume  Va'dlanc,  receveur  (12''),  somme  taxée  et  ordon- 
née par  Messgrs  les  Trésoriers  de  France,  pour  peines.  siUaires  et 
vaccations  d'estre  venu  de  Mouson  à  Paris  par  devers  les  dits  Tré- 
soriers. 

2.  A  Jehan  le  Chùtnre^  messaigier  à  pied  (4'  5'),  somme  tauxée 
par  lesd.  Trésoriers  pour  peines,  sallaires  et  vaccacions.  17  jours  de 
voyaige  et  séjour  à  6  s.  par  jour'. 


CH,  V.  Deniers  payés  au  trésor. 

I .  Au  trésor,  par  descharge  diceluy  compte  (200')  escripte  le  6 
mars  15 16  par  maistre  Morelet  du  Museau^  commys  à  faire  le  paye- 
ment des  officiers  de  l'ostel  du  Roy. 


1.  Ce  messaiger  fut  chargé  de  porter  les  missives  des  Irssoiiers  et  des 
receveurs  de  Mouzoq,  Virton,  Sle  Menehouat,  ordonnant  que  le  présent  rece- 
veur n'eût  à  payer  aucuns  gaiges  d'olficiers  pendant  l'année  du  compte 
ensuyvant  selon  le  mandtment  de  Madame  d'Angoulême  régente  en  ['""rancc 
(Louise  de  Savoie,  mère  de  François  !•=',  régente  pendant  la  campagne 
d'Italie)  envoyé  aux  trésoriers. 

7 


os  UN    BUDGET    DlC    LA    CH ATEI.I.ENIË 

2.   Au  trésor,  par  autre  descharge  escripte  le  3  mars  i5>6par  Vin- 
cent Gelée^  clerc  payeur  des  envoies  du  Roy  (150'). 


CH.  VI.  Deniers  rendus  et  non  reçus. 

Ce  sont  les  deniers  mis  en  recettes  aux  cens  et  chevaiges  de  iMou- 
zon  (59'  2')  pour  les  places  qui  ont  esté  pièca  prinses,  mises 
et  employées  es  aisances,  boulevars  et  fortiffications  de  la  vile. 
Détail  en  ung  roolle  soubz  le  seel  royal,  de  la  seigneurie,  celui  de 
Gratien  Daguerre  et  les  seings  manuels  de  (Ponce?)  Pierre  Gobert, 
procureur  du  roy  et  Nicolas  Hory,  tabellion  royal. 

a.  De  lehan  d'Artaize,  aisance  à  la  tour  de  U  Cj-illette'  (lo"). 

b.  De  lacquemin  le  Tilleul,  jardi  1  sur  les  esclu^es  {j'  6'). 

c.  De  Thomas  la  Mocque,  jardin  devant  la  p?rte  Benard  (lo")- 

d.  De  Bertrand  François,  aisance  de  la  tour  de  U  Mauclerc  (2*  6^). 

e.  De  Jehan   Hogine^  aisance  de  la   tour  C oulloe  {Cow^ÀWotte}) 

derier  S'  Mirtin  la  parroc/ie  (20"  10''). 
/.   De  Jehan  Daulphin,  aisince  de  la  tour  de  U  D.iulp/une^  joi- 

gn'ant  les  Azes  (  15"). 
g.    De  Jehan  Tonnelier,  jarJii  à  la  por.e  S'  Denis  (2'  6') 
Total  :  <r9'  2\ 


CH.  VII.  Despence  commune. 

1 .  Disner  au  prevost,  procureur  du  roy^,  sergens  à  cheval  et  autres 
officiers  du  roy,  le  jour  des  Cendres  (100  s.  p.).  Quittance  des  pré- 
cédents, oultre  plus  le  prevot  d'église,  le  tourier,  qui  se  sont  tenus 
peur  contents  (li  somme  en  blanc). 

2.  Despens  de  Guillaume  Gobert,  sergent  a  cheval  (20'),  pour 
peines,  sallaires  et  vaccacions  divoir  esté  recepvoir  les  cens  reiites 
et  saulvenens  en  p'u-ieurs  villes. 

-5.  Soupper  de  Nicolas  B  :)nvalle:,  garde  des  sceaux  roy.iulx  de  la 
prevosté,  Guillaume  Gobert.  com.nis  à  recepvoir  le-  cens  re  t^s  et 
chevaiges  à  Mouson  sur  le  pont  du  Marché,  Henry  le  Clerc,  Guil- 
laume Marchant  et  Rcgneaiilt  Murgaut,  sergens  royaulx,  et  Nicolas 
Flory,  tabellion  et  notaire  roy  il  (ic). 

4  Aux  sept  eschevins,  une  anguille  du  prix  de  16  d.  p.  ;  20  s.  t. 
—  Néant,  cir  le;  fermes  des  moulins  doivent  payer  cecte  dépe:ise. 

<.   .Au  curé  er   clercs  de  Mouzon    (6'  3^),  pour    chanter  messe, 

1.  Alias  Caillolc.  Ou  voyait  aussi  la  Grosse  tour,  la  tour  do  la  Dau!- 
phine.  la  tour  do  l'Aliluye,  la  Tour  d'Estn^e?,  la  tour  de  l'Eperon,  la  tour 
S'-Jérôrae.  —  La  Caillelle,  ou  Couaillote,  était  derr  èrj  IVglise  S'- Martin, 
aujourd'hui  démolie  :   l'abréviation  de  l'Drlicle  désigne  donc  la  Caillolte. 


DE    MOUZON  09 

matines  et  sespres  la  vigil'e  et  jours  de  Saiiict  Michel,  en  la  chap- 
pelle  apparte.iant  au  Roi. 

6.  Pour  ce  présent  courte  avoir  escript  et  grossoyé  en  parchemyn 
par  deux  tois,  contenant  en  tout  136  feuillets  de  parchemin  qui  au 
feur  (prix)  de  2  s.  6  d.  pour  chjscun  feuillet  valent  17  livres. 

7.  Pour  le  voiaige  et  des,-7ense  de  ce  présent  recepveur  venu  de 
Mouzon  à  Paris  distant  de  51  lieu;s  rendre  ce  pré;cnc  compte  et  les 
deux  précédens  ;  en  quoy  taisant  il  a  vacqué  attendant  son  expédition 
comprins  son  retour  par  l'espace  de  24  jours  eatiers  tauxé  par 
messgrs  ù  24  1. 

8.  Vaccation  de  Loys  Deschamps,  procureur  du  receveur  pour 
avoir  assistéà  la  red  Jition  et  closture  du  présent  c  3:npte  et  av  jir  prins 
les  arrêts  (10  Lt.)  '. 

9.  A  maisrre  Morelet  d  i  Museau,  pour  les  gaiges  et  droicts  de 
messieurs  les  presidens  conseillers  et  autres  ofiiciers  de  la  Chimbre 
des  Comptes  (150  livres)  '. 

Audittis  et  clausus...  .  Le  co  n  )te  est  cIjs  le  7  août  1518,  en  pré- 
sence des  s"  J.  Nicolay  e:  J.  B.iconn.'z,  milites^  de  J.  Buiron, 
J.  Badouillier,  Luillier,  de  Caul.-rs  et  de  ilarl.is,  mfi'-rcs  des 
Comptes. 

Les  visa  et  contrôle-,  exprimés  en  latii,  sont  s'gnés   Andr  ult. 

N.    GOFFART. 

1 .  En  marge  «  Nichil  »,  le  co  .Irôleur  a  bilIé  la  dépense. 

2.  Le  contrôleur  réduit  c  lie  somnne  à  3u'  11"  1".  En  additionnant  les 
dépenfcs  du  chapitre  dans  ces  condilioris,  on  trouve  bien  :  s  Snaima 
espensis  communis  80'  12'  â"*.  »,  en  comprenant  toutefois  les  100  s.  p,  do 
de  l'arlicle  1,  cva'ués  par  cr  cur  .'  5".  au  lieu  de  6' 5".  dai'S  l'ariiule  même. 


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D 


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PINM 


Répertoire  des  fiefs,  offices,  terres  et  produits  divers, 
biens  et  domaines  nationaux  du  département  des  Ardennes, 
mis  en  vente  dam  les  AFFICHES  DE  REIMS  de  Havé, 
de  i712  à  1792. 


Serauy.  —  A  vendre  bien  situé  à  Semuy,  dans  la  vallée  de 
Hourcq  ',  sur  la  rivière  d'Aine,  consislanl  en  une  Maison  divisée 
en  appartement  de  MaiUc  et  corps  de  logis  pour  fermier  ;  le  pre- 
mier   ayant   une    belle    vue    sur    la    rivière    et   la    prairie 

S'adresser  du  z  M.  Guérin,  avocat  à  Reims   (27  janvier  1772.) 

Seinuy.  —  A  vendre  belle  et  agréable  maison  sise  à   Semuid, 

bâtie  en  pierre  près  l'église  en  belle  vue, jardins,   verger, 

vignes S'adresser  à  Sedan,  à  M"  Robert,  avocat,  et  à  Vonc,  à 

M.  Robert,  conlrôkur  des  domaines.  {31  mars  et  28  avril  1783.) 

Seinuy  (prieuré  de),  ferme  appart.  ci-devant  au  prieur  de  l'ab- 
baye de  Saint-Pierre  d'Hautvillers -,  consistante  en  maison,  terres, 
prés  et  vignes,  louéo  700  livres,  mise  au  prix  de  10,384  livres. 
\li  février  1791.) 

Senicourt,  corps  de  ferme  sis  au  terroir  de  Renneville  ^, 
apparten.  ci-dev.  à  l'Évêché  de  Laon,  consist.  en  terres  et  prés, 
loué  ?,300  liv  ,  mis  au  prix  de  37,444  liv.  (21  mars  1791.) 

Seuuc.  —  A  louer  les  revenus  du  prieuré  de  Senuc,  consistans 

en  dixmcs  sur  les  terroirs   d'Autri,   Ardeuil,  etc les   fermes 

d'Avrognc  \  Domplrien  ''  et  du  Prieuré,  les  prés  de  Buzanci,  les 
moulins    et    pressoirs    bannaux    de    Senuc S'adresser    à 


•  Voir  paf^e  40,  tome  VU  de  la  Revue  de  Champagne. 

1.  La  vallée  de  Bourcq  est  une  région  qui  s'étend  d'Alligny  jusqu'au 
delà  du  villa;ie  de  Bourcq. 

2.  Canton  d'Ay,  Marne. 

3.  Entre  Renneville  et  Hannogno,  la  carte  de  Gassini  indique  une  croix 
qui  pourrait  être  l'emplacemeut  de  Senicourt,  que  l'on  croit  avoir  été  un 
village.  On  a  trouvé  en  cet  endroit  des  lombes  et  des  vestiges  d'habitation 
f-ignalés  par  Jean  Hubert  dans  la  Géographie  des  Ardennes,  1856,  p.  'lli. 

4.  Avrogne,  auj.  disparu,  est  indiqué  sur  la  carte  de  Carsini  non  loin  du 
coniluent  de  l'Aire  et  de  l'Aisne. 

5.  Donlrien  (?),  commune  du  canton  de  Heine  (Marne). 


TOPOGUAPHIli    AUDENNAISK  lUl 

M.  l'abbé  de  la  Laurencie  de  Charas,  prieur  dud.  Senne,  qni  ij  esl 
préiicntcmenl.  (2o  octobre  1784.) 

Seriaine  (ferme  de),  sise  aux  terroirs  de  Vouziers  et  Biaise  '  ; 
appartenant  ci-devant  aux  Religieux  de  S.  Rémi  de  Reims,  con- 
sislant  en  terres,  prés  et  bois,  à  vendre  le  12  février  1790,  sur  la 
mise  au  prix  de  20,0-20  livres.  (7  février  1791.) 

Sery.  —  A  vendre  la  terre  et  seigneurie  de  Seri,  distante  de  2 
lieues  de  Rethel-Mazarin,  consistante  en  château  bien  bâti,  jardins, 
vignes  et  cbenevière,  terres,  prés  et  bois.  S'adresser  à  M"«-  Le 
Fevre,  près  la  Poste  aux  lettres,  à  Relhel  ;  à  M.  le  Baron  de 
Saiiit-Loiip,  en  sa  terre  à  Arnicourt,  ou  à  M.  de  Bellecoiirt,  à 
Vilri-le-François.  {6  juillet  1778.) 

Sery.  —  A  vendre  un  quart  dans  la  seigneurie  de  Seri,  con- 
sistant en  un  château  et  dépendances droits  seigneuriaux. . . 

un  quart  dans  la  seigneurie  de  la  Malmaison  -,  proche  Sery,  ter- 
res, prés  et  bois.  S'adresser  à  Rethel,  chez  M.  de  Biarnois,  rece- 
veur particulier  des  finances,  ou  à  M.  le  baron  de  Saint-Loup, 
en  son  château  à  Arnicourt.  [7  avril  1783.) 

Sery.  —  A  vendre  biens  provenant  de  la  succession  de  M.  de 
Montrouge,  consistant  en   une  belle    maison   avec  grande  cour, 

jardin,  vigne,  etc 114  arpens  de  terre,  32  de  prés,  26  arpens 

de  bois.  S'adresser  à  M^*'  de  Montrouge  à  Seri.  (21  mai  1792.) 

Si gny  l'Abbaye.  —  A  louer  biens  dépendant  de  l'abbaye 
royale  de  Signi,  savoir  :  la  ferme  du  bois  de  Chappes,  la  censé 
Nivelle,  la  ferme  de  Rlancmont,  la  ferme   de  la   Vigne,  les  censés 

du  Viage  et  de  la  Cour,  les  prés,  etc S'adresser  à  Mézières,  à 

M'  Guillaume,  avocat,  et  à  Signy,  à  M.  Alexandre,  notaire. 
{26  janvier  1789.) 

Signy-le-Petit.  —  A  vendre  partie  de  la  seigneurie  de  Signy- 
!e-Petit,  consistante  en  droits  seigneuriaux Seigneurie  suze- 
raine de  la  terre   de   Brognon  ^,  avec   droits    de    chasse,    pêche, 

bois S'adresser  à  M.  Baudart,  marchand  à  Relhel-Mazarin- 

(19  décembre  177 i.) 

Signy-le-Petit.  —  A  vendre  la  22*  partie  de  la  seigneurie  de 
Signi-le-Petit  en  Thiérache,  terre  suzeraine  de  celle  de   Brognon, 

avec   pareille  portion  des  droits  seigneuriaux 190  arpens  de 

bois,  etc.  S'adresser  à  M.  Baudart,  marchand  à  Rethel-Mazarin. 
(16  mars  1778.) 

Signy-le-Petit.  —  Vente  par  les  s'^  Philippe-Joseph  et  Pierre- 
François   Lallouette,  maîtres  de  forges  à  Signi-le-Petit  de  terres 

1 .  Syrienne,  écart  de  la  commune  de  Condé-lez-Vouziers.  Voir  la  notice 
publiés  sur  son  histoire  par  M.  le  D'  Vincent  dans  la  Revue  hislorique 
ardennaise,  1894,  i">  année. 

2.  Ferme  du  terroir  de  Sery. 

3.  Commune  du  canton  de  Signy-le-Pelit. 


102  TOPOGRAPHIE    ARDKNNAISK 

pat-  devant  M«   Cochon,    notaire   à    Runiigny    le    10    avril    1786. 
(o  juin  1786.) 

Singly.  —  A  vendre  partie  de  bien-fonds  et  droits  seigneu- 
riaux dans  la  terre  et  seigneurie  de  Singli,  près  Omont,  prod.  400 
liv.  do  renie.  S'adressa^  à  M.  Simonnet,  chanoine  de  Braux,  el  à 
M"  PoterloL  noi.  royal  à  Wasigni.  (Il  aoûl  1788.) 

Son.  —  A  vendre  le  douzième  de  la  seigneurie  de  Son,  proche 
Rethel,  consistant  en  terres,  prés,  etc.  loués  20  septiers  de  fro- 
ment et  200  liv.  d'argent S'ad)esse)'  à   Château- Vorcien,  à 

M"  Laiiinihre,  notaire.  (/*-''  avril  1776.) 

Sorbon.  —  A  vendre  un  tiers  dans  la  Terre  et  Seigneurie  de 

Sorbon,  à  une  lieue  de  Helhel-iMazarin Il  consiste  en  haute, 

moyenne  et  Ijasse  justice  indivise   avec  les  co-seigneurs,  73  jours 

de  terre,  9  arpens  1/2  de  prés,  plus  de  100  arpens  de  bois Il 

n'y  a  ni  bâtiments  lY  entretenir,  ni  aulres  charges.  S'adresser  à 
M.  Viellart,  avocat  à  Reims.  (18  janvier  4773.) 

Sorcy.  —  Biens  à  vendre.  Grande  et  belle  terre,  située  à  2 
lieues  de  Rethel-Mazarin  et  presque  sur  le  bord  du  grand  chemin. 
Elle  consiste  en  un  château  très    solide,  bâti   à   la  moderne   et 

entouré  de  grands  fossés  pleins  d'eau,  avec  jardins,  parterre 

moulin  à  eau,  800  arpens  de  bois,  4  étangs,  terres  labourables, 
vignes,  prés,  beaucoup  de  fruits  à  cidre mouvance  considéra- 
ble et  le  produit  de  12,000  liv.  par  an.  Le  château  est  nouvelle- 
ment meublé  et  près  de  l'église'.  S'adresser  à  Paris,  à  M" 
Ve7iard,  notaire (17  août  1772.) 

Sorcy.  —  Vente  de  Meubles.  Cette  vente  se  fera  le  1"^  novem- 
bre, fin  de  la  messe  paroissiale,  et  jours  suivants,  au  château  de 
Sorcy,  village  à  deux  lieues  de   Uethel-Mazarin.    Elle  consiste  en 

toutes  sortes  de  meubles et  généralement  tout  ce  qui  garnit 

un  château  qui  faisait  la  demeure  des  Seigneurs.  {26  octobre  1772.) 

Sorcy.  —  La  vente  des  meubles  et  effets  saisis  sur  les  S""  et  D* 
de  Collorgues,  seigneurs  de  Sorcy,  près  Rethel-Mazarin,  s'ouvrira 
le  dimanche  7  février  1773,  par  l'adjudication  des  gros  meubles, 
foins,  statues,  piédestaux,  que  leur  poids  n'a  pas  permis  de  trans- 
porter audit  Rethel.  Le  lundi  i3,  on  procédera  sur  la  place  publi- 
que de  lad.  ville  à  la  vente  des  autres  meubles....  cristaux,  pen- 
dules, tapisseries,  commodes,  lustres,  glaces On  vendra  aussi 

un  Phaëton  de  bon  goût,  propre  pour  une  seule  personne  et  le 
conducteur.  (I"'  février  1773.) 

Sorcy.  —  A  vendre  sept  parts  dont  dix  forment  la  totalité  des 
terres  et  seigneuries  de  Sorcy  el  Bauthémonl*,  appartenantes  à 
M"  Antoine-Roch-Dampmarlin  Cabot  de  Collorgues.  (/>"■  juillet 
1776.) 

J.   Il  s'agit  ici  du  château  de  Sorcy,    dont  le  mobilier  allait  être  mis  en 
vdite  quelques  mois  plus  tard. 
2.  Section  de  la  oommuu>  de  Sorcy. 


TOPOGifAPHIK    ARDENNAISE  103 

Sorcy.  —  A  vendre  biens  consistants  en  la  perception  du 
dixième  dans   les  terrés  et   seigneiiries  de    Sorci   et   Bautémonl, 

droits,  cens,  surcens,  terres,   prés,  bois, le  tout  loué   au  s'' 

Mercier,  m*'  aud.  Sorci,  moyennant  90U  liv.  S'adresser  à  M^  Hcn- 
rat,  notaire  royal  à  Cliarbogne.  (1^"  seplcmbre  1777.) 

Sugny.  —  A  vendre  la  terre,  seigneurie  et  vicomte  de  Sugn', 
située  à  une  petite  lieue  de  Vouzieres,  et  dans  le  meilleur  sol  de 
la  vallée  de  Bourq,  consistante  en  droits  de  toute  justice,  château 
nouvellement  reconstruit  et  dans  le  meilleur  goùl,  jardins,  fossés 
très  poissonneux,  cent  arpens   de   bonnes  terres,   prés,  4  à  a,000 

peupliers,   ormes moulin le  tout  relève  en  plein  lief  du 

duché  de  Mazarin.  Et  les  3  cinquièmes  dans  la  terre  et  seigneurie 
de  Sain(e-Marie-sous-Bourq.  S'adresser  à  M.  le  vicomlc  de  Sugni, 
à  SugnJ,  et  à  M.  Lcfebvre,  notaire  royal  et  juge  desd.  terres,  à 
Vouzieres.  [i  août  1788.) 

Sy.  —  A  vendre  les  terres  et  seigneuries  de  Sy,  les  grandes 
Armoises  et  Slonne,  consistantes    en  très  beau  château   et  étangs 

sis  aud.  Sy ',  bois,  terres,  prés S'adresser  à  M.  de    Broyé, 

comte  d'Autry,  ou  au  s^  Lcscouel,  notaire  royal  à  Sy.  {30  mars 
1789.) 

Tailly.  —  Vente par   D''   Anne-Françoise    de    Moûy    de 

Sons,  dame  de  'failli,  y  demeurannt,  s""^  de  Louis  Darodes,  cheva- 
lier, et  M"  Louis-Nicolas  de  Gruthus,  chevalier,  seigneur  de  Lef- 

fincourt,  Tailli,   elc de   fermes,  terres  et  bois  à  Tailli,  par 

contrat  devant  M"  Davanne,  notaire  à  Bayonville,  le  21  mai  1184 
(6  septembre  1784.) 

Terrier,  baronnie.  —  Voir  Saint-Loup-Terrier. 

Tiiorin,  ferme  sise  à  Écli  ^,  appartenante  ci-devant  à  rEvêché 
de  Laon  \  consistante  en  bâtimens,  terres  et  prés,  louée  4,000  liv. 
et  62  sept,  de  froment  ;  mise  au  prix  de  "a, 203  1.  16  s.  [21  fcvrier 
1791.) 

Thour  (Le).  —  Vente  par  très-haut  et  très-illustre  prince, 
Charles-Henri-iNic.  Olhon,  prince  d'Orange  et  de  iNassau-Sieghen, 
dem^  à  Paris,  de  la  baronnie,  terre  et  seigneurie  du  Thour  et  de 
Villers-devant-le-Thour,  située  en  Champagne,  pour  ce  qui 
appartient  aud.  seigneur,  et  des  lief,  terre,  seigneurie  et  vicomte 
de  Lasseau*_,  aussi  situés  en  Champagne,  ainsi  que  de  la  ferme, 
métairie,  terres,  prés,  bois,  pâtures,  rentes  foncières  et  consti- 
tuées à  prix  d'argent  qui  appartiennent  aud.  seigneur  sur  le  terri- 

1 .  Le  château  de  Sy  est  enlièrement  détruit.  Il  était  des  plus  remarquables. 

2.  Écart  de  la  commune  d'Écly,  ferme  imporlanle  au-dessus  de  la  vallée 
de  la  Vaux. 

3.  Ancien  domaine  de  l'abbaye  de  Saint-Martin  de  Laon,  dont  l'évêque 
de  celte  ville  avait  uni  à  perpétuité  la  mente  abbatiale  à  son  évôché  en  1701. 

4.  Las:aux  ou  La  Saulx,  ancien  cbàleau  eul:èrement  détruit  entre  Le 
Thour  et  Lor  (Aisne). 


104  ïOPOGRAPHIb;    AHDENNAISE 

loire  de  Haiiogiic  el  autres  lieux,  inoyeiiuanl  112,200  1.  par  cou- 
Irat  passé  le  27  oclobrc  177:j,  déposé  an  greffe  le  2  novembre  sui- 
vant. (6  décembre  1773.) 

Thugny.  —  On  trouvera  dans  le  parc  du   cbâleau    de  Tugoy 

une    pépinière    garnie    de    très-bonne    quantité    d'arbres 

S'adresser  à  M.  Forcst,  régisseur  au  chdleeiu  de  Tufiny.  (28 
novembre  177  i.) 

Toges  (tuilerie  de),  appartenant  ci-devant  aux  Religieax  de 
Landève-,  consistant  en  bùtimens,  t2  quartels  de  terre  et  4  de 
préP,louée  1(34  ]iv.,rencbère  sera  portée  à  2,728  liv.  [lAmars  1791.) 

Touly\  —  Vente  par  M"  Gb. -Louis  d'Aguisi,  chevalier,  sei- 
gneur de  Crand-Cbamp  et  de  Touli,  et  D'Agnès-Alex.  Décloue  de 
firandChamp,  son  épouse,  demeurans  à  Touli  près  Sedan,  du  llef 
de  Touli  sur  le  territoire  de  Louvergny,  moyennant  20,000  livres, 
par  contrat  devant  M*  Guillaume,  notaire  ;i  Paris,  le  20  juillet 
1785.  (7  novembre  1785.) 

Tourteron,  terre.  —  Voir  Guincourt. 

Traudemont,  iief.  —  Voir  Condé-lez-Herpy. 

Tremblaux  (Les),  corps  de  ferme,  sis  au  terroir  de  Villers 
devant  le  Tour  *,  appartenant  ci-devant  aux  Religieux  de  Saint- 
Martin  de  Laon,  consistant  en  buit  corps  de  bàtimens,  envir.  96 
verges  de  jardin  et  872  jours  de  terre  en  une  seule  pièce;  loué  42 
asnées  de  froment,  Oo  de  seigle,  60  d'avoine  et  900  liv.  en  argent, 
et  autres  clauses,  mis  au  prix  de  58,632  liv.  4  s.  —  L'adjudication 
s'en  fera  au  Bureau  du  district  de  Retbel  le  .S!  mars  1791.  (21 
mars  1791.) 

Trembloi  (terre  du),  consistante  en  cbâteau  et  dépendance*, 
vendue  par  le  s''  Jacques-.Maximilien  Détobert,  chevalier  de  S. 
Louis,  dem  au  Chàtelet,  moyenn.  17,000  liv.,  par  contrat  passé 
dev.  M*  Mailfait,  notaire  à  S'-Jean-aux-Bois,  le  2  août  1791.  (/7 
octobre  1791.) 

Tremblot,  ferme.  —  Voir  Tremblaux  (Les). 
Trion,  corps  de  ferme  appartenant   ci-devant   à  l'abbaye  de 
Chaumont"',  loué  3,200  livres,  mis  en  vente  au  district  de  Rethel. 
(17  janvier  1791.) 

1 .  Le  parc  du  cbâleau  de  Thugny  a  été  conservé  dans  son  enEcmble, 
comme  le  château  lui-même,  domaine  de  la  famille  de  Chabrillan. 

2.  Deux  luileries  se  trouvent  en  avant  de  Toges  sur  la  carie  de  Cassini, 
et  ont  disparu  sur  la  carie  de  l'Elal-major. 

3.  Aujourd  hui  chàleau,  commune  de  Louvergny. 

4.  F/imporlant  domaine,  d'une  contenance  de  500  hectares  environ, 
appelé  aujourd'hui  Tremblot,  écart  de  Viilers-devant-le-Thour,  après 
avoir  appartenu  longlem[)s  à  la  famille  d'Héricourt,  est  depuis  vingt-deux 
ans  la  propriété  de  M.  Linard,  fabricant  de  sucre  à  Saint-Germainmont, 
maire  de  celle  commune  el  député  de  l'arrondissement  de  Rethel. 

^.   Ferme,  écart  actuel  de  la  commure  de  Cbaumont-Porcien. 


TOPOGRAPHIE    Ar.DlCNNA.ISK  105 

Trugny,  maison  forte.  —  Voir  Rethel.  {I.i  septembre  1784  ) 

Val-Roi  (abbaye  de  La),  corps  de  fermes  sis  sur  les  terroirs  de 
Saint-Quenlin  et  de  La  Val-Roi  *,  à  vendre,  savoir:  La  Croix  des 

Moines,  la  Ferme  Guérin,  la  Boucerie,  la  Censé  neuve,  etc. , 

mise  au  prix  totale  de  172,902  livres  ;i4  s.  (SI  janvier  i~i)L) 

Val-Roi  (La).  —  A  vendre  l'église  et  tous  les  bàtimens  de 
l'abbaye  avec  toutes  leurs  dépendances,  ensemble  15  arp.  et  demi 
de  clos  et  jardin,  le  tout  fermé  de  murs,  estimé,  savoir  lad.  église 
et  les  bàtimens,  compris  le  terrein  sur  lequel  ils  sont  situés,  2,500 
liv.  et  les  clos  et  jardins  S45  liv.  de  loyer,  mis  au  prix  de  3:^,872 
liv.  12  s.  {imai  il9l.) 

Vauxboizon  (ferme  de),  sise  au  terroir  d'Asfeld  -,  consistant 
en  bàtimens,  terres  et  bois,  apparl.  ci  dev.  aux  Religieux  de  la  Pis- 
cine, loué  300  liv.,  mise  au  prix  de  4,004  1.  (2i  janvier  1791.) 

Vaux-Champagne.  —  A  vendre  les  seigneuries  de  Vaux  en 
Champagne  et  Montmarin%  situées  sur  la  rivière  d'Aine,  distante 

l'une  de  l'autre  d'environ  une  lieue La   seigneurie  de  Vaux 

consiste  en  haute,  moyenne  et  basse  justice,  chasse,  pêche,  droits 
seigneuriaux,  château  bien  situé,  entouré  de  fossés  d'eau  vive, 
corps  de  logis  composé  d'un  vestibule,  antichambre,  salle  à  man- 
ger, beau  sallon,  huit  apparlemens  de  maîtres  et  autres,  jardin.... 

terres,  bois Cette  seigneurie  a  un  co-seigneur  qui  n'est  point 

bâti,  il  n'a  qu'une  ferme  qui  se  nomme  Ramisson  ^.  La  seigneurie 
de  Montmarin  consiste  en  haute,  moyenne  et  basse  justice,  chasse, 
pêche,  et  redevance  de  18  liv.  sur  le  moulin  dud.  lieu,  Ces  deux 
seigneuries  sont  situées  en  coutume  de  Vitri,  et  relèvent  du  duché 

de  Mazarin,  le   revenu  est  au  moins   de  il, 000  liv S'adresser 

à  M.  le  chevalier  de  Courtin,  propriétaire  desd.  terres,  dcm.  au 
château  de  Vaux...  (26  mars  1781  ) 

(Cette  annonce  est  réitérée  dans  le  n°  du  17  février  1783.) 

Vaux- Champagne.  —  A  vendre  les  terres  et  seigneuries  de 
Vaux  en  Champagne  et  Montmarin,...  formant  5,000  liv.  de  rente 
sur  une  seule  tête  âgée  et  intirme.  (3  juin  1786.) 

Vaux-Champagne.  —  A  vendre   les  terres  et  seigneuries  de 

1.  Il  n'y  a  plus  de  terroir  du  nom  de  La  Val-Roi,  mais  le  terroir  de 
Saint-Quentin  comprend  les  écarts  de  La  Valleroy,  La  Bouverie  et  La  Mai- 
son-Neuve. —  Il  ne  reste  absolument  rien  de  l'aocienne  abbaye  que  quel- 
ques pierres  éparses.  Voir  la  Revue  de  Champagne  et  de  Brie,  \''  séiie, 
table. 

2.  Celte  ferme  est  un  écart  actuel  du  terroir  d'Asfeld,  près  la  route  de 
Saulx-Saint-Remi.  Eu  égard  à  son  importance,  les  chilTres  donnés  ici  pour 
sa  location  et  son  prix  de  vente  nous  paraissent  erronés. 

3.  Village  détruit  dont  il  ne  subsiste  que  l'église  sur  le  terroir  de  Givry, 
canton  de  Rethel. 

4.  fiam/cAoït  est  indiqué  comme  second  château  près  de  Vaux,  sur  la 
carte  de  Caseini, 


100  TOrOQlUPHlE    ARDKNNAISIS 

Vaux  en  Champagne  et  de  Monl-Mariii, formant  5,000  liv.  de 

rente,  en  une  propriété,  assise  sur  une  seule  tête  âgée  et  infirme. 
S'adressera  M"  Gerdré,  à  Reims.  (8  juin   1789.) 

Vieil-Saint-Remi,  fermes  au  terroir  de  ce  lieu  appelées 
Lanzi\  la  Préoôté,  la  maçonnerie,  la  censé  Damé  et  la  petite 
censé  de  la  Prévôté,  appart.  ci-dev.  à.  rArchevêclié  de  Reims  -, 
mises  au  prix  total  de  29,094  liv.  {18  avril  1791.) 

Vignacourt.  —  A  vendre  beau  bien,  composé  de  4  fiefs 
réunis   sous  le  nom  de  Vignacourt  ^.^  relevant  de  M"*'  la  Duchesse 

de  Mazarin,  située  à  Château    Porcien maison   seigneuriale 

vaste  et  bien  bâtie,  jardin,  maison  de  fermier,  terres,  bois,  droits 

de  chasse S'adresser  à  AI"  Villain,  notaire  à  Reims.  {6  77\ars 

1775.) 

Vigne  (censé  de  La),  corps  de  ferme  sis  à  Chappes^,  consist. 
en  bàtimens,  terres  et  prés,  appart.  ci-dev.  à  l'abb.  de  Signi,loué 
2,000  liv.,  mis  au  prix  de  32,b60  liv.  (7  mars   1791.) 

Villaine,  ferme  sise  à  Cliappes  ^,  appart.  ci-dev,  à  Tabbaye  de 
Signi,  consist.  en  bàtimens  et  dépendances,  238  arpens  9  verges 
tant  en  terre  que  prés,  4  arpens  3î>  verges  de  prés  au  terroir  de 
Justine,  louée  2,b00  liv,,  mise  au  prix  de  40,700  livres.  (18  avril 
1791.) 

Viile-sur-Vence.  —  22  septembre  1788.  —  Grand  bailliage 
de  Chàlons.  Présidial  de  Rethel.  —  Nota  :  Ville-sur- Vanze  est  du 
ressort  de  Rethel  et  non  de  Reims  ;  c'est  une  ferme  isolée,  dépen- 
dante du  village  de  Bouizicourt.  {Note  insérée  à  propos  de  la  nou- 
velle organisation  judiciaire,  qui  ne  {ut  d'ailleurs  qu'éphémère.) 

Villers-devant-le-Thour,  seigneurie.  —  Voir  Thour  (Le). 

Vivier-au-Court,  —  A  vendre  la  9°  partie  des  droits  seigneu- 
riaux de  Vivier,  Tendrecourt  et  ïumécourt,  villages  situés  près 
Sedan  et  Donchery,  appartenant  à  M.  De  Régnier,  seigneur  de 
Rocan  et  Chéhéri  ",  officier  au  régim,  de  royal-Dragons.  Droits  de 

cliasse S'adresser  à  M.  De  Régnier,  à  soji  régiment. . .  {20 

mars  1780.) 

Voncq.  —  A  vendre  la  terre  et  seigneurie  de  Vonc,  dans  la 
vallée  de  Rourq.  S'adresser  à  M"  Giiespercau,  not""  à  Paris.  (10 
mai  1773.) 

1.  Lanzy,  hameau  de  Vieil-Saint-Remi. 

2.  Ce  sont  d'anciens  domaines  de  l'abbaye  de  Saint-Remi  dont  la  mense 
abbatiale  avait  été  réunie  à  î'archevêcbé  de  Reims. 

3.  Il  existe  encore  à  Châleju-Porcieu  une  maison  dite  VignacûUrt,  près 
de  l'ancienne  porte  de  Retbel,  portant  la  date  de  1550. 

4.  La  Vigne,  écart  actuel  de  la  commune  de  Chappes, 

5.  Vilaine  est  un  écart  actuel  de  la  commune  de  Chappes. 

0,   Hocan,  ferme  et  château  de  la  commune  de  Chéhéry^  canton  de  Sedan. 


TOPOGRAPHIK    ARDENNAISE  107 

Voncq.  —  Vcnle  par  les  sieurs  Jacques  Taine ',  niarcliaiid, 
Nicolas  Taine,  garçon  majeur,  dem.  à  Mazarin,  el  Marie  Taine, 
fille  majeure  dem.  à  Reims,  de  vignes  au  terroir  de  Voncq, 
moyen.  216  liv.,  devant  M'  Hubert,  notaire  royal  à  Mazarin.  (27 
mai  1716.) 

Voncq.  —  A  vendre  la  terre  cl  seigneurie  de  Vonc,  près 
Relhel-Mazariî),  sur  la  rivière  d'Aîne,  consistante  en  toute  justice, 
droits  de  chasse  et  de  pêche,..  ..  342  arpens  de  bois,  2H  de 
terre,  62  de  prés,  7  de  vignes  et  4  dozeraye  ;  celle  terre  est  dans 
la  plus  belle  situation,  et  son  soi  est  excellent.  Il  y  a  peu  de  bûti- 

mens,  elle  est  allerniée  9,000  livres  S'adresser  à    Vonc,  à 

M.  Coche,  procureur  fiscal,  à  Paris,  à  M.  Foacier,  notaire,  el  à 
M.  Giiyot,  avocat.  (9  juin  1777.) 

(Voir  une  nouvelle  mise  en  vente,  n"  du  21  décembre  1778.) 

Voncq.  —  Vente  par  M""'  Charles-Théophile  de  Béthizy  de 
Mézières,  chevalier  non  profès  de  l'ordre  de  S.  Jean  de  Jérusalem, 

seij^ueur   de  Vonc,   dem.    à    Paris,    de    vignes par    devant 

M'  Coche,  notaire,  le  18  oct.  1777.  (27  septembre  1779.) 

Vouziers.  —  A  vendre  belle  tannerie  sise  au  bourg  de   Vou- 

ziers, le  tout  app.irtenant  au  s"'   Chanzy,  tanneur  - 11  y 

a  à  Vouziers  foire  et  marchés  tous  les  samedis,  dix  bouchers  qui  v 
résident,  et  quinze  y  viennent  étaler.  (18  décembre  1780.) 

Vouziers.  —  Le  nommé  Charles-Louis  Thomain,  plafonneur, 
ayant  fait  son  apprentissage  chez  M*  Lambert  à  Reims,  est  établi 
depuis  quelques  années  à  Vouzieres,  sur  le  quarré  de  la  halle, 
proche  la  Vicomlé  ^  ;  il  prévient  le  public  qu'il  a  un  secret  souve- 
rain pour  détruire  les  punaises,  sans  jamais  en  revoir  aucune, 
avec  peu  de  dépense.  (  12  janvier  17 8A.) 

Vouziers.  —  A  louer  biens  el  revenus  de  la  Commanderie  du 

Temple  de  Reims,   consi?tans en  moulins  de  Vouzieres  et  de 

Grand-Champ,  terres  épilées  à  Elfincourt*,  le  Chêne, dixmes 

à  Sugny,  Semide,   Seez^    Liri,  Montois,   S.   .Morel,    Savigny-sur- 

Aine S'adresser  à  M"  Huguin,  notaire  ii  lieims.  (3  mai 

1784.) 

Wagnon.  —  Vente  par  U«  Marie-Claude  Carlel  de  la  Rozière  ", 

1.  Il  s'agit  dans  cet  acle  de  membres  de  la  famille  du  célèbre  écrivain 
H.  Taine,  né  à  Vouziers,  mort  à  Paris  en  181)3.  Sa  famille  était  originaire 
de  Rethcl. 

'2.  Le  nom  de  Chanzy  a  été  de  tout  temps  répandu  dans  l'arrondisse- 
ment de  Vouziers,  dont  la  famille  du  général  Chanzy  est  originaire. 

3.  La  vicomte  formait  généralement  un  fief  pour  les  droits   de  stellage. 

4.  Leffincourt. 

0.  Sçay,  écart  de  Semide, 

G.  Le  village  de  Wagnon  prit  en  1775  le  nom  de  l.a  liozière,  qui  était 
celui  du  seigneur.  Le  cliîlteau  n'existe  plus.  (Géographie  du  département 
des  Ardennes,  par  Jean  Hubert,  18!i6,  p.  290.) 


108  TOPOGRAPHIE    ARDKNNAISE 

veuve  de  François-Fiacre  Polel  de  Monlbaillard,  chevalier  de  S. 
Loui«,  lieutenant  colonel  au  corps  royal  d'artillerie,  dem.  à 
Semur,  d'immeubles  devant  M'  Habert,  notaire  à  Charleville,  le 
7d  mars  1780.  (22  janvier  tlHl  ) 

Warigny.  —  Vente  par  M'' J-B.  Corvisart,  capitaine  d'infan- 
terie, demeurant  à  Avenay,  d'héritages  ?is  au  terroir  de  Warigni  ', 
par  contrats  devant  M*  Vallart,  notaire  à  Saint-Flienne-àArne,  le 
20  juillet  1778.  (6  mars  11  Si.) 

Warnécourt.  —  Vente  par  M"^*  Hyacinthe-Hugues-Timoléon 
de  Cossé-Brissac,  et  D'  Marie- Charl.-Fr.-Const.-Louise-Ant.  de 
Wignacourt,  son  épouse,  demeurants  à  Paris,  des  terres  et  sei- 
gneuries de  Warmecourt  et  partie  d'Évigny  et  Modigny^,  moyen- 
nant 128,331  liv..  par  contrat  passé  devant  M'  Lhéritier,  not"  au 
Chàlelet,  du  28  juin  1774.  (29  août  7774.; 

Warniforêt.  A  vendre  la  terre  et  seigneurie  de  Voirniforesl^, 
près  Beaumonl  en  Argonne,  relevant  de  la  baronnie  de  Stonne.... 
consistant  en  une  ferme  louée  305  liv.  S'adresser  à  M"  Mansart, 
nolaire  à  Sainnaiite,  par  Sedan.  (  13  septembre  1779.) 

"Wasigny.  —  Le  s""  Poterlot,  de  Wasigny,  va  faire  conduire 
incessamment  à  son  chantier  de  Rethel  une  quantité  de  bûches  au 
prix  de  24  livr.  la  corde,  mesure  de  Rethel,  et  26  livr.  à  crédit  au 
terme  de  la  S.  Martin  178o.  (20  décembre  l7Si.) 

Wasigny.  —  A  vendre  un  sixième  dans  la  terre  et  seigneurie 
de  Wasigni,  à  trois  lieues  de  Rethel,  consistant  en  droits  de  toute 

justice,  chasse, S'adresser  à  M^  Failli),   notaire  à  Chdlons. 

(17  avril  1786.) 

Wasigny.  —  A  vendre  la  terre  et  seigneurie  de   Wasigni  en 

Champagne,  consistante  en  droits  seigneuriaux terres,   prés, 

bois,  moulin  bannal,  un  beau  fief  avec  château,  autre  château 
seigneurial^;  le  produit  est  de  12,000  liv.  S'adresser  à  M.  Dan- 
theny,  notaire  à  Ikthel.  {19  mars  I7S7.) 

Wignicourt,  pressoir.  —  Voir  Mairie  (La), 

1.  Warigny  ou  ]'uarigmj,  localité  disparue,  dont  la  famille  Ganelle  avait 
pris  le  nom. 

2.  Noms  estropiés  :  Warmecourt  pour  Warnécourt,  et  Modigny  po  r 
Mondigny. 

3.  Hameau  de  La  Besace,  canton  de  Raucourt. 

4.  Le  château  de  Wasigny  existe  encore,  avec  son  ancienne  enceinte, 
dans  un  vallon  pittoresque,  dominé  par  une  garenne  de  superbes  châtai- 
gniers. 


TOPOGRAPHIE    ARDENNAISË 


109 


TABLE     ALPHABETIQUE 

DES    FAMILLES    ET     DES    PERSONNES  i 


Aiiuisfj    (d"),    voir    Mainbressy , 

Toiily. 
Anceaux,  notaire, w Monte houël. 

Faudarl,  marchand,  \.Si(jny-le- 

Petit. 
Baudelot  (G.-A.j^.  v.  Mézù'res. 
Beaumont  (de),  v.  Cerleau  (La). 
Béchct.  V.  Sedan. 
Beffroi  (de),  v.  Charleville,  Qua- 

tre-Champs. 
Béthizy  de  Mézières,  v.    Vonry. 
Biarnois  (de),  v.  Sery. 
Bohan  (de),  v.  Quatre -Champs. 
Boisgeiln    (de),    v.    Chaumonl- 

Porcien. 
Broyé  (de),  v.  Sy. 
Buirette,  v.  Murtin. 

Cabot  de  Collorgues,  v.  Sorcy. 
Carlet  de    la  Bozière.   v.    \Va- 

gnon 
Cauvin  (J.),  V.  Corbon. 
Chanzy   (lamille),    v.     Vouziers 

(18  décembre  \7S0). 
Charas  (de),  prieur,  v,  Senuc. 
Chartogne  (famille  de),  v.  Char- 

togne,  Saint- Pier remont. 
Coche,  notaire,  v.   Voncq. 
Cochelet,  v.  Charleville. 
Condé (pnace  de),  voir  Antheny. 
Corvisart,  v,    Condé-lez-Herpy, 

Maubert-Fontaine,   Warigny. 
Cossé-Brissac  (de),  v.  Ecordal, 

Waî^nécourt. 
Courtin  (de),  v.  Vaux-Champa- 
gne. 
Covaruvias  de  Leiva,  v.  Bogny 

et  Charleville. 
Crozat.  V.  Rethel. 

Dargent  (L.-G),  v.  Cerleau{La). 


Darodes,  v.  Tnilly. 

Demeaux   (J.),  v.    Neuville-les- 

Wasig)iy  ([0  juillet  [786). 
])erobert,  v.  Trembloi  (Le). 
Tfessaulx  (chevalier),  v.  Ballay. 
Dez/rasset  de  Sueves,    v.   Xou- 

vion-sur-Meu.-;e. 
Dubois  d' Ecordal,  v.  Guincourt, 

Saint-Loup-Terrier. 
Duhan.  v.  Jandun. 
iJumesnil  de  Chamblage,\.Mar- 

quigny,  Mézières. 

Ecquevilly  (d'),  v.  Grandpré. 
Erby-Obrieu  (F.  d'),  v.  Charle- 
ville. 

Feret  (famille),  v,  Ecordal. 
Finfe  (de),  v.  Bussy,  Grangette 

(La),  Saint-Pierremont. 
Fougères  (de), v. Antheny ^Aure. 

Guérin,  v.  Semuy. 
Gueriot.  v,  Puiseux. 

Hangest  (d"),  v.  Broises-Hautes. 

Xeuville-aux-Tourneurs. 
Henrat,    notaire,     v.     Ecordal, 

Sorcy. 
Hibert,  marchand,  v.  Rethel. 
Hassan,  maire,  v,  Sedan. 

.loi y,  V.  Pargny. 
Joyeuse  (famille  de),  v.  Grand- 
pré. 

La  Charrière,  v.  Monthardré. 
Lagrive,  v.  Donchery. 
Laignier  (famille),  v.Hauteville, 

Neu/lize,  Son. 
]jillo)iette,  maître  de  forges,  v. 

Signy-lc-Pctit. 


1.  La  lettre  v  indique  qu'il  faut  voir  l'article  de  la  Topographie  ardennaise, 
auquel  on  renvoie  par  le  nom  de  lieu. 


110 


TOPÔGRAPHrK    ARDENNxlSK 


Lambert  (L.),  v.  Donchcry. 

La  Ramée,  v.  ChampUtt  et  Ro- 

croi. 
Lebarbier  (Fr.),  peintre,  v.  Ro- 

croi. 
Le  Chanteur    (J.-B.))    v.    Fves- 

71  ois. 
Leclerc,  v.  Saint-Morel. 
Le  Fournier,  v.  Olizy. 
Le  Nôtre  (André),  v.  Rethel  [13 

septembre  1784). 
Lescouet,  notaire,  v.  Sy. 
Lesciiyer,  \.  Haijnicourt,  Monti- 

Lombart,  chirurgien,   v.   Rethel. 

Maillard  de  Land reville,  v,  Chà- 
tillon-sur-Bar ,  Forge-Mail- 
lard, Laiinois,  Malma.iso)j{La), 
Neiwizy. 

Mardi  (de  la),  v.  Xovioii-Por- 
cien. 

Margiiet,  chirurgien_,v.  Chdteau- 
Porcien. 

Maulde  (comte  de),  v.  Saint- 
Lambert. 

Maznrin  (duchesse  de),v.  Viyna- 
court. 

Migny,  libraire,  v.  Rethel. 

Monge  (Gaspard),  géomètre,  v. 
Rocroi. 

Monnot,  v.  Rethel. 

Monlrorige  (de),  v.  Sery. 

Mussan  (de),  v.  Aoirval,  (Jiia- 
trc-Champs. 

Nassau    (prince   de),    v.    Thour 

(Le). 

Piette  (famille),  v.  ^Mothe  (La). 
Folel  de  Montbaillard,  v,    Wa- 

gnon. 
Poterlot,  rnarcliand,v.  Wasiguy. 

Raulin  (Ant.),  v.  Flize. 


Regnault,  v.  Montgon. 

Régnier  (dc),v.  Vivier-au-Court. 

Robert    (famille),    v.    Semuy, 

Voncq. 
Roche  Gude  (de),  v.  Écly. 
Rogier  (famille),  v.  Monclin. 
Rolland  (famille),  v.  Rocroi. 
Roze  (J.-Ev.),  V.  Barby. 

Saillans  (de)^  v.  Herbigny. 

Saint-Loup  (baron  de),  v.  Sery. 

Saint-Morel  (M'"'^  de),  v.  Saint- 
Morel. 

Salse  (de),  v.  Apremont. 

Simonitet,  chanoine,  v.  Singly. 

Sohier,  v.  Château- Porcien,  Re- 
thel. 

Sons  (de  Mony  de),  v.  Malmai- 
son {La).,  Tailly. 

Sugny  (vicotnlc  de),   v.    Sugny. 

Tai)ie    (famille),    v.    Voncq   {27 

mai  1776). 
Tavernier  de  Boullogne,  v   Bu- 

zancy. 
Thuisy    (de),    v,     Challerange, 

Saint-Pierre-à-Arnes. 
Tiercelet,  v.  Rethel. 

Yiellari,  avocat,  v.  Sorbon. 
Vigneau    (Bernai  d    de),    v.    Pé- 

rouzelle. 
Villiers  (de\  v.  Corbon,  Juzan- 

court. 

Watellier  (famille),  v.  Neuville- 
les-  Wasigny,  Novion-Porcien. 

Wignacourt  (Ant.  de),  v.  \Var- 
ni'court. 

Wilh'inct  (famille),  v.  Neufîize, 
Neuville- les-  Wasigny,  Re- 
thel. 

Zcnard  (1)"'^),  v    Rethel. 


Henri  Jadart. 


LE  MARQUISAT  DE  PLANCY 

Sous  la  famille  de  Guénégaud 


M.  le  baron  G.  de  Plancy  vent  bien  nons  communiquer  les  bonnes 
feuilles  d'un  cbapitre  tiré  dn  livre  qu'il  va  faire  paraître  sur  le 
Marquisat  de  Plancij  cl  ses  seigneurs. 

Ce  beau  volume,  luxueusement  édile  chez  Frémont.  tiré  à  petit 
nombre,  et  qui  ne  compte  pas  moins  de  32  planches  en  gravure 
et  en  phololypie  (cartes,  plans,  vues,  portraits  et  fac-similé), 
abonde  en  documents  curieux  et  pour  la  plupart  inédits  .'ur  cette 
ancienne  et  importante  seigneurie  de  Champagne,  illustrée  suc- 
cessivement par  les  maisons  de  Hangest,  de  Neufchâtel,  de  I.a 
Croix,  de  Guénégaud  et  d'Aucour. 

L'extrait  qu'on  va  lire  est  consacré  au  passage  à  Plancy,  de  iGoi- 
à  1714.  de  Henri  I  de  Guénégaud,  qui  fut  secrétaire  d'Etat  et 
garde  des  sceaux  du  roi  Louis  XIV,  et  de  Henri  II  de  Guénégaud, 
son  fils. 


I 

La  famille  de  Guénégaud. —  Henri  de  Guénégaud, 
secrétaire  d  Etat. 

Eu  16o4,  lorsque  la  s^eigueurie  di;  Plancy  passa  dans  les 
mains  de  la  famille  de  Guénégaud,  elle  se  trouvait  t  ucorc  en 
la  possessioQ  de  Claude  de  La  Croix.  Ce  genlilhommc  devait 
avoir  des  affaires  fort  embarrassées,  car  ses  biens  fiu-enl  saisis 
par  suite  du  nou-payement  d'une  rente  qu'il  avait,  de  concert 
avec  sa  femme,  daine  Marie  Largenlier,  consentie  à  un  bour- 
geois de  Paris,  nommé  Saiulon. 

Ce  Sainlon  étant  mort,  c'est  à  la  requête  de  sa  veuve,  damoi- 
selle  Julienne  Harlol,  que  la  saisie  fut  opéiée  avec  la  désigna- 
tion ci-dessous  et  que  fut  adjugée  à  messire  Henri  de  Guéné- 
gaud, comme  plus  offrant  et  dernier  enchérisseur,  «  la  terre  et 
«  barouuie  de  Plancy,  consistant  en  maison  de  château  sei- 
«  gueurial,  où  il  y  a  plusieurs  logemens,  comme  chambres 
«   basses,  chambres  hautes,  salles,  greniers,  granges,  colom- 


il2  LE    MARQUISAT    DE    PLANCt 

«  hier;  le  tout  couvert  de  ihuilles  et  ardoises,  fermé  de  mu- 
a  railles,  tours,  pout-levis  et  fossés  et  environs  de  la  rivière 
«  d'Aube;  haute,  moyenne  et  basse  juslice,  cens,  rentes, 
«  guets  et  gardes,  bois,  garenne,  prés,  vignes,  étangs,  moulins 
«  banaux  lournans,  aires  à  bois,  péages,  droits  de  banvin, 
a  rivières,  grueries,  fiefs  et  arrière-liefs,  terres  labourables  et 
«  non  labourables.  » 

Le  procès-verbal  de  saisie  est  fort  intéressant  en  ce  qu'il 
nous  montre  l'attachement  que  les  habitants  de  Plancy  por- 
taient alors  à  leur  seigneur,  attachement  également  professé 
par  le  personnel  de  sa  maison.  Cependant  le  caractère  de  Claude 
de  La  Croix,  et  celui  de  Nicolas,  son  prédécesseur,  ne  devaient 
pas  être  des  plus  doux,  et  Ihurneur  qu'ils  éprouvaient  de 
l'état  de  leurs  affaires  devait  être  singulièrement  aigrie,  si 
l'on  en  juge  par  les  lettres  du  maréchal  Fabert  qu'on  lira  plus 
loin. 

Toujours  est -il  que  la  signification  de  saisie  opérée  par 
ordre  du  roi  échoua  devant  la  résistance  locale,  comme  le 
constate  le  curieux  extrait  ci-dessous,  tiré  du  procès-verbal  : 

Il  ...  A  l'égard  du  fief  de  la  Perte,  où  il  y  avait  autrefois 
«  un  village  et  où  il  n'y  a  plus  rien,  ledit  sergent  auroit  mis 
«  et  apposé  un  panonceau  contre  le  premier  et  le  plus  gros 
a  arbre  dudit  lieu  ;  et  pour  ce  qui  est  de  la  terre  et  seigneurie 
«  de  Plancy,  n'ayant  pu  mettre  ou  apposer  de  panonceaux  à 
(I  la  porte  du  château  et  démonstration  de  la  saisie  réelle  de 
«  ladite  terre  et  baronnie  de  Plancy,  pour  avoir  trouvé  le  pont- 
«  levis  d'icelle  levé,  auroit  été  mis  et  apposé  un  panonceau 
«  contre  le  principal  potteau  de  la  halle  dudit  bour  de  Plancy, 
«  elc . . . 

«  Ladite  saisie  et  établissement  de  commissaires  par  ledit 
«  sergent,  ledit  joir  dix-neuf  octobre  audit  an  mil  six  cent 
((  cinquante-et-un,  signifiée  ou  dûment  fait  assavoir  audit 
«  sieur  baron  de  Plancy,  en  parlant  à  un  de  ses  domestiques 
«  qui  sortoit  dudit  château  de  Plancy,  et  après  lequel  le  pont- 
et levis  d'iceluy  auroit  été  relevé,  qui  n'auroit  voulu  dire  son 
(I  nom...  Comme  ledit  sergent  donuoit  ledit  exploit  audit 
«  vallel,  auroit  été  à  sa  clameur  fait  plusieurs  viollances 
'<  audict  sergent  par  plusieurs  habilans  dudict  Plancy,  caval- 
('  liers  el  gens  incogneus,  ce  qui  auroit  obligé  ledict  sergent 
«  se  retirer  au  plus  vitte,  qui  auroit  couru  risque  de  la  vye  et 
«  ainsy  que  plus  au  long  est  sur  ledit  exploit  du  procès-verbal 
a  de  rébellion . . . 

«  El   attendu  que  c'étoit  impossible  de   pouvoir  faire  la 


sous    LES    GUÉNÉGAUD  1  1  lî 

Il  cryée  de  ladite  terre  de  Plancy.  vu  les  choses  cy-dessus.  el 
Il  qu'il  ne  se  Irouveroit  sergens  qui  les  voulussent  eutrepreu- 
«  dre,  à  cause  des  viollauces  dudit  baron  de  Plancy. . ,  » 

Combien  furent  différentes,  un  siècle  et  demi  plus  tard,  les 
dispositions  de  la  population  de  Plancy  à  l'égard  de  ses  sei- 
gneurs; c'est  ce  que  le  cours  de  cette  étude  ne  nous  montrera 
que  trop. 

Claude  de  La  Croix,  le  dernier  de  sa  famille  qui  ait  possédé 
Plancy,  avait  épousé  dame  Catherine-Guyonne  de  Saint- 
Biaise,  ainsi  qu'il  résulte  d'un  extrait  des  registres  du  Parle- 
ment du  23  mai  I606,  réglant  l'emploi  d'une  somme  d'argent 
qui  appartenait  à  ses  enfants  mineurs.  Cet  acte  porte  les 
signatures  de  Claude  de  Choiselat,  lieutenant  des  eaux  et 
forêts  au  bailliage  de  Sézanne  ;  de  Nicolas  de  Condé,  de  Donon 
de  Saint-Dizier.  d'André  Lefèvre  d'Ormesson,  d'Henri  de 
Guénégaud,  seigneur  du  Plessis  ;  de  La  Croix,  baron  de  Plancy  ; 
de  Sainl-Blaise,  sa  femme  ;  de  Charles  Largentier,  chevalier, 
son  oncle  ;  du  baron  d'Osquillon,  du  marquis  de  Colleux, 
d'Olivier  Lefèvre  d'Ormesson,  d'Olivier  Lefèvre  d'Ambreville, 
conseiller  du  roi,  commissaire  ordinaire  de  son  hôtel,  el  de 
Simon  Lefèvre,  conseiller  au  grand  Conseil,  cousin  du  côte 
paternel  dudit  La  Croix  ;  puis  de  Jacques  de  Saiot-Blaise, 
chevalier,  vicomte  de  Coigny,  aïeul  maternel  desdits  enfants; 
du  baron  de  Changy,  de  Barthélémy  de  Gaulne,  du  baron 
de  Congy,  de  Nicolas  d'Auglebelle  et  de  Jean-Jacques  du 
Pouget,  de  'Vilflize,  «  tous  parens  maternels  d'iceulx  enfans  », 
et  encore  de  Guénégaud,  à  cause  de  la  dame  de  La  Croix,  sa 
femme. 

La  femme  de  Claude  de  La  Croix,  Catherine  de  Saint-Biaise, 
était  veuve  en  premières  noces,  sans  enfants,  de  Denis  Ber- 
ihelémy,  de  son  vivant  seigneur  de  Bucamp,  conseiller  du  roi 
en  sa  chambre  des  comptes,  avec  lequel  elle  avait  été  mariée 
par  contrat  du  29  janvier  1581. 

C'est  elle  qui  apporta  aux  La  Croix  les  biens  importants 
qu'ils  possédaient  à  Meudon  et  qui  devinrent  la  propriété  de 
Marie  de  La  Croix,  fille  de  Claude  de  La  Croix,  mariée  à 
Gabriel  de  Guénégaud.  Ces  domaines,  agrandis  encore  par  les 
Guénégaud,  s'étendaient  jusqu'au  village  de  Fleury-sous- 
Meudon,  ainsi  que  le  constate  l'inventaire  des  titres  de  Meudon, 
conservé  aux  Archives  nationales. 

On  voit  Gabriel  de  Guénégaud  donner,  en  1618,  une  décla- 
ration d'une   propriété   qu'il  avait   acquise  des  héritiers  de 

8 


114  LE    MARQUISAT   DE    PLANCY 

messire  Guillaume  Feydeau,  qui  consistait  en  un  hôtel  entouré 
de  cours,  en  jardins,  bois  et  prés,  le  tout  d'une  contenance  de 
18  arpens  environ. 

Un  autre  hôtel,  non  moins  imporlaot  et  qui  existe  encore 
aujourd'hui  à  Meudou  avec  son  ancienne  apparence,  était  échu 
à  Henri  de  Guéuégaud,  ministre  d'Élat,  dans  la  succession  de 
François  de  Guéuégaud,  son  frère,  président  aux  enquêtes, 
pour  une  estimation  de  23,000  Uvres.  Henri  de  Guéuégaud 
possédait,  de  plus,  à  Meudou,  un  moulin  et  nombre  de  terres 
labourables,  prairies  et  bois. 

Il  est  donc  probable,  d'après  ces  indications,  que  Meudou 
fut  le  céjour  préféré  des  Guéuégaud,  saus  doute  à  cause  du 
voisinage  de  Paris  et  des  résidences  de  la  cour.  Aussi,  le 
vicomte  de  Grouchy,  Tinfatigable  chercheur  de  documents 
historiques,  n'a-t-il  pas  négligé  de  consacrer  aux  La  Croix  et 
aux  Guéuégaud  une  mention  dans  VHistoire  du  château  de 
Meudon,  qu'il  vient  de  faire  paraître  dans  les  publications  de 
la  Société  de  VHistoire  de  Paris  et  de  l'Ile-de-Fra7ice. 

Lorsque  les  Guéuégaud  commeucèrent  à  se  ruiner,  c'est  à 
Louvois  qu'ils  cédèrent  leurs  biens  de  Meudon,  vers  1680. 

Déjà,  au  commencement  de  l'année  1647,  Claude  de  Plancy 
se  trouvait  dans  l'obligation  de  songer  à  vendre  sa  terre  de 
Plancy.  Le  maréchal  Fabert,  appelé  en  Champagne  par  les 
événements  de  guerre,  auxquels  il  prit  une  part  si  impor- 
tante, et  qui  d'ailleurs  était  originaire  de  Sedan,  songea  à  s'en 
rendre  acquéreur,  mais,  eu  présence  du  prix  élevé  qui  lui  en 
était  demandé,  il  négocia  une  demi-année  cette  acquisition 
sans  la  consommer. 

Fabert  semble,  dans  cette  affaire,  avoir  été  quelque  peu 
joué  par  Gabriel  de  Guéuégaud  et  par  sa  femme,  déjà  proprié- 
taire de  la  seigneurie  de  Saint-Just,  et  à  qui,  par  conséquent, 
celle  de  Plancy  devait  spécialement  convenir.  M.  le  colonel 
d'état-major  Bourely  a  écrit  la  vie  du  maréchal  Fabert,  en 
partie  d'après  des  lettres  de  cet  homme  de  guerre,  conservées 
aux  Archives  nationales.  Nous  extrayons  de  ces  lettres, 
adressées  à  M.  de  Chavigny,  secrétaire  d'État,  les  passages 
suivants  relatifs  à  Plancy  : 

De  Sedan,  le  13  janvier  1647. 

...  Je  ne  puis  aller  à  Plancy.  En  cas  que  vous  jugiez  que  je  le 
doive  pour  en  faire  l'arquisitiou,  je  crains  que  l'on  puisse  aug- 
menter la  terre,  comme  l'on  l'ait  ordinairement  de  celles  dans  les- 
quelles les  maîtres  n'ont  pas  demeuré.  Mais  si  M.  le  baron  de 
Plancy  se  met  à  la  raison  pour  le  prix,  je  passerai  par  dessus  cette 


sous    LES   GUÉNÉGAUD  Î15 

considération,  la  terre  estant  près  de  Pons  et  pas  bien  loing  de 
Sedan. 

De  Sedan,  le  16  mars  164'7. 

Si  je  ne  suis  pas  riche  et  baron  de  Plancy,  ce  ne  sera  pas  faute 
en  vous  de  boutez  pour  nioy  et  de  promptitude  à  trouver  les 
moyens  de  me  faire  voir  ce  qui  m'est  nécessaire  pour  cela.  En 
vérilé,  Monseigneur,  j'eusse  cru  qu'il  fallait  plus  d'un  mois  pour 
faire  ce  qu'en  arrivant  à  Paris  vous  avez  achevé^  et  jene  puis  vous 
dire  combien  ces  extraordinaires  obligations  me  donnent  de  cou- 
fusion  quand  je  considère  combien  j'en  suis  indigne  ;  mais  avec 
cela  je  serais  désespéré  si  M.  du  Plessis  Guénégaud  avait  perdu 
l'opinion  qu'il  a  de  vous  faire  plaisir  en  m'aidant  à  traiter  de 
Plancy.  J'ay  plus  de  joye  en  pensant  que  cela  pourra  être  ma 
retraite  et  que  quelquefois  vous  serez  à  Pons,  que  je  n'en  ay 
jamais  reçu  de  quoy  que  ce  soit  qui  me  soit  arrivé,  et  pour  par- 
venir à  cela  il  n'y  a  effronterie  que  je  ne  sois  capable  de  commettre 
envers  vous  uy  somme  d'argent  que  je  ne  donne  volontiers. 

De  Sedan,  le  9  may  1647. 
Monseigneur, 

J'ai  reçu,  hier,  par  M.  de  Mayenne,  celle  qu'il  vous  a  plù  me 
faire  l'honneur  de  m'escrire  sur  le  subject  de  Plancy.  Je  ne  doupte 
point  que  quatre-vingt-dix  mille  escus  ne  soit  le  prix  raisonnable 
de  la  terre.  Mais  si,  comme  beaucoup  de  gens  croient,  elle  peut 
être  augmentée,  je  n'aurai  point  de  regret  d'en  payer  davantage. 
Ce  ne  sera  pas  trop  cher,  ce  me  semble,  de  donner  les  quatre- 
vingt-dix  mille  escus  et  les  vingt  mille  livres  que  le  seigneur  en 
demande.  Je  ne  sais  pour  combien  les  deux  petits  (?j  sont  engagés, 
c'est  encore  de  largent  qu'il  faudra  donner  pour  les  ravoir.  Le 
logement  n'est  pas  beau,  mais  aura  cet  avantage,  n'y  ayant  rien 
auprès  de  Pons  de  quoy  je  puisse  m'accommoder.  Quand  bien  je 
donnerais  de  Plancy  vingt  mille  livres  plus  qu'il  ne  vault  certaine- 
ment, ce  seroit  le  bien  de  mes  enfans  et  c'est  à  quoi  je  doibs  avoir 
la  principale  considération,  ce  me  semble... 

De  Troyes,  le  14  may  1647. 

Je  suis  enfin  entré  dans  le  château  de  Plancy  après  que  le  sei- 
gneur m'a  fait  attendre  six  heures  pour  cela.  Il  y  a  de  quoi  loger 
commodément  et  pour  peu  de  chose  il  peut  être  accommode 
passablement. 

La  basse-cour  nest  pas  de  même,  car  il  y  faut  tout  faire.  Les. . . 
elles  sont  en  si  mauvais  estât  que  cela  n'est  pas  convenable. 
Il  y  faut  faire  de  la  despense  pour  les  réparations  nécessaires. 

Il  est  vrai  que  cet  argent  donnera  intérêt  et  qu'il  y  a  apparence 
que  le  revenu  augmentera  par  là.  Ainsy,  je  ne  vois  pas  que  j'aye 
subject  de  changer  la  résolution  en  laquelle  j'ay  esté  jusqu'à  main- 
tenant de  prendre  cette  terre  mesme  au  prix  que  M.  du  Plessis  se 
résoult  de  la  mettre. 


116  LE   MARQUISAT    DE    PLANCY 

Par  la  suspectalion  que  j'ay  faite,  je  crois  que  la  terre  peut 
valoir  deux  cent  quatre-vingt-dix  mille  livres  ;  ainsi  il  n'y  auroit 
que  les  droits  seigneuriaux  qu'il  faudroit  payer  au-delk  du  seul 
prix  à  quoy  je  me  résous. 

CVst  à  M.  d'Angoulesme  qu'ils  appartiennent,  à  cause  de  Sézanne, 
et  le  baron  de  Plancy  dit  qu'il  me  les  fera  avoir  bon  marché  si  je 
le  laisse  faire.  Les  terres  aliénées  sont  près,  qui  valent  300  livres 
de  rente  sur  lesquels  il  a  pris  douze  cents  escus  ;  et  les  deux  vil- 
lages, dont  il  demande  20,00U  livres,  sont  loin  de  la  baronnie  et 
n'en  dépendent  pas,  mais  il  en  jouyt.  Votre  bonté  pour  moy  me 
fait  prendre  la  liberté  de  vous  dire  tout  ce  menu  détail  et  que,  si 
vous  l'avez  agréable,  je  passerai  outre  au  marché  commencé  à  mon 
retour  de  Bourbon,  si  vous  êtes  à  Paris,  ou  bien.  Monseigneur, 
quand  il  vous  plaira.  Le  baron  de  Plancy  se  rendra  à  Paris  quand 
l'on  luy  mandera,  à  ce  qu'il  m'a  dit,.. 

Do  Paris,  le  12  juin  1647. 
Pour  Plancy,  je  n'ai  nulle  impatience,  je  souhaite  seulement  de 
l'avoir  à  cause  qu'il  est  près  de  Pons  et  que  cela  me  donnera  les 
moyens,  quand  vous  y  serez,  de  vous  y  aller  adseurer  de  la  fidé- 
lité avec  laquelle  je  suis  toute  ma  vie,  plus  que  personne  au  monde 
et  avec  la  recognoissance  que  je  suis  obligé,  Monseigneur,  votre  très 
humble  et  très  obéissant  serviteur. 

De  Sedan,  le  15  septembre  1647. 
. ..  Vous  approuverez,  s'il  vous  plaît,  que  je  rompe  le  traité  de 
Plancy,  puisqu'on  n'a  pas  voulu  le  donner  à  283  mille  livres  qui 
est  prix  du  denier  vingt-cinq.  Je  suis  honteux  qu'on  vous  ait  im- 
portuné de  la  venue  de  mes  enfans  et  encore  plus  de  ce  que  je  ne 
puis  espérer  de  pouvoir  vous  témoigner,  etc. . . 

C'est  ainsi  que  Gabriel  de  Guénégaud.  devenu  prapriétaire 
de  la  seigneurie  deSaiut-Just,  entra  en  possession  de  celle  de 
Plancy. 

Gabriel  de  Guénégaud,  seigneur  du  Plessis-Belleville,  était 
trésorier  de  l'Epaigue.  Il  avait,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  plus 
haut,  épousé  Marie  de  La  Croix,  dont  il  avait  eu  trois  fils  et 
quatre  filles. 

1"  Henri,  seigneur  du  Plessis,  qui  épousa  Mlle  de  Choiseul- 
Praslin. 

2°  Claude,  d'abord  trésorier  de  l'Epargne,  puis  conseiller 
du  roi  en  ses  conseils  et  secrétaire  de  Sa  Majesté.  Il  avait 
épousé  Galherine-Alpbousiue  Martel. 

3°  François,  président  aux  enquêtes  du  Parlement,  seigneur 
de  Louzat. 

4°  Madeleine,  mariée  à  Gésar-Pbébus  d'Albret,  qui  devait 
être  plus  lard  le  célèbre  maréchal  d'Albret. 


sous   LES   GUÉNÉGAUD  117 

5"  Jeanne,  prieure  de  l'Hôlel-Dieu  de  Ponloise. 

6"  Marie,  épouse  de  Claude  Leloup,  seigneur  de  Belle- 
neuve. 

7°  Renée,  mariée  à  Jean  de  Sève. 

Gabriel  de  Guénégaud  mourut  en  1G48;  sa  femme,  Marie  de 
La  Croix,  lui  survécut. 

Il  eut  pour  successeur,  à  Sainl-Just  et  à  Plancy,  son  fils 
aîné  Henri  de  Guénégaud,  seigneur  du  Piessis,  comte  de  Mont- 
brison,  qui  avait  épousé  Elisabeth  de  Choiseul,  tille  de  Charles 
de  Choiseul,  seigneur  du  Plessis-Prasiin,  maréchal  de  France, 
mort  en  1626,  et  de  Claude  de  Cazillac. 

Claude  de  Cazillac  était  normande  par  sa  mère,  Claude  de 
Dinleville. 

Elisabeth  de  Choiseul  mourut  le  9  août  1677,  une  année 
après  sou  mari,  à  qui  elle  avait  donné  huit  enfants  : 

1°  Gabriel  de  Guénégaud,  comte  de  Moutbrison,  tué  en 
Candie,  et  qui  était  âgé  de  2y  ans  eu  décembre  1068. 

2°  César-Phébus  de  Guénégaud,  mort  jeune. 

3°  Roger  de  Guénégaud,  marquis  de  Plancy,  mestre  de  camp 
de  cavalerie,  mort  au  château  de  P'resnes  au  retour  de  l'armée, 
le  7  septembre  1672. 

4°  Henri  de  Guénégaud  de  Cazillac.  marquis  de  Plancy, 
guidon  des  gendarmes  de  Flandre,  chevalier  de  Malle,  qui 
épousa  Marie-Anne-Françoise  de  Mérode,  seconde  fille  de 
Claude-François,  baron,  puis  comte  de  Mérode,  marquis  de 
Treston,  comte  de  Beaucarmes,  baron  d'Aigenleau,  et  de 
Dieudounée  de  Fabert. 

H  mourut  sans  enfants  le  22  mai  1722,  âgé  de  81  ans,  et  sa 
veuve  le  suivit  dans  la  tombe  un  an  après,  le  21  janvier  1723, 
âgée  seulement  de  43  ans. 

5°  César  de  Guénégaud,  vicomte  de  Semoine,  mort  à  19  ans, 
en  168«. 

6°  Emmanuel  de  Guénégaud,  chevalier  de  Malte,  capitaine- 
lieutenant  de  chevdu-légers  de  Bourgogne,  maréchal  des 
camps  et  armées  du  roi,  mort  en  avril  17U6, 

H  était  ordinairement  appelé  le  chevalier  de  Plancy,  ainsi 
qu'il  résulte  des  notes  lais&ées  par  un  curé  de  celle  localité, 
dans  lesquelles  il  est  fait  meuliou  de  l'enterrement  de  sou  valet 
de  chambre,  à  la  date  du  2U  janvier  liU5.  Il  t-xi&ie  de  lui  un 
fort  beau  portrait  gravé  dont  les  exemplaires  sont  rarissimes. 

70  Glaire-Bénédicte  de  Guénégaud,  qui  épousa  Juste-François- 


118  LE    MARQUISAT   DE   PLANCY 

Joseph  d'Ancenuze,  duc  de  Gaderousse  eu  Gomtat-Venaissin, 
et  mourut  eu  décembre  1675. 

8"  Elisabeth-Angélique  de  Guénégaud,  mariée,  le  12  janvier 
1671,  à  François  III,  comte  de  Boufflers,  lequel  avait  reçu 
150,000  livres  de  dot;  à  sa  mort,  survenue  en  1710,  il  fut 
enterré  en  l'église  Saint-Sulpice  de  Paris. 

Henri  de  Guénégaud,  qui  nous  occupe  spécialement  comme 
seigneur  de  Plancy  et  de  Saiut-Just,  était  né  en  1609. 

En  i6^i3,  il  était  secrétaire  d'Etat,  chargé  du  département 
de  la  maison  du  roi,  garde  des  sceaux  et  surintendant  des 
deniers.  La  charge  de  garde  des  sceaux  avait  été  désunie  de 
celle  de  chancelier  le  24  décembre  1656,  ce  qui  fut  ratifié  par 
Louis  Fouquet,  évoque  d'Agde,  chancelier  des  ordres  après 
Basile,  son  frère,  le  26  juin  16o9.  Getle  charge  fut  de  nouveau 
réunie  à  celle  de  chancelier  le  29  décembre  1661. 

En  1644,  les  attributions  des  secrétaires  d'Etat  étaient  ainsi 
réparties*  : 

Le  comte  de  Brienne  avait  les  pays  étrangers,  la  marine  du 
Levant  et  du  Ponant,  les  pensions  ;  Phély peaux  de  La  Vrillière, 
les  affaires  de  la  religion  réformée  ;  Le  Tellier,  la  guerre  tant 
au  dedans  qu'au  dehors  du  royaume;  du  Plessis  de  Guénégaud, 
la  maison  du  roi. 

Dans  ces  importantes  fondions,  Guénégaud  possédait  la 
confiance  du  cardinal  Mazarin,  à  qui  il  rendit  d'immenses  ser- 
vices, ainsi  qu'à  la  royauté,  particulièrement  au  moment  des 
guerres  de  la  Fronde. 

Henri  de  Guénégaud  passait  pour  avoir  accru  considérable- 
ment son  patrimoine  par  des  spéculations  heureuses,  ce  qui 
lui  permit  de  venir  en  aide  au  roi  pendant  les  troubles  de 
la  Fronde  et  assura  sa  faveur. 

Celte  malveillante  appréciation  du  motif  du  crédit  dont 
jouissait  Guénégaud  est  contredite  par  le  récit  détaillé  de  tous 
les  actes  de  Guénégaud ,  et  du  rôle  joué  par  ce  ministre  pendant 
la  Fronde,  récit  que  nous  a  laissé  sou  secrétaire  Dubuisson- 
Aubenay,  dans  son  très  curieux  ^journal  des  Guerres  civiles, 
Ges  mémoires  nous  montrent  la  prodigieuse  activité  de  Guéné- 
gaud, et  le  dévouement  avec  lequel  il  poursuivit  l'œuvre  d'a- 
paisement des  troubles  suscités  contre  l'autorité  royale,  ainsi 
que  la  consolidation  de  la  monarchie  française. 

M.  Gustave  Saige,  dans   la  préface  dont  il  a  accompagné 

1 .  Comte  de  Luçay,  les  Secrétaires  d'Elai. 


sous    Les    GUÉNÉGAUD  119 

cette  publication,  nous  donue  d'inléressanls  détails  sur  les 
agissements  de  Guénégaud  pendant  la  Fronde.  C'est,  en  effet, 
par  ce  secrétaire  d'Elat  que  la  plupart  des  actes  accomplis  à 
cette  époque,  comprise  entre  les  années  1G48  et  1652,  durent 
passer  pour  leur  exécution,  et  comme  Guénégaud  joignait  à 
son  gouvernement  de  la  maison  du  roi  celui  de  Paris,  c'est 
lui  qui  prit  la  plupart  des  décisions  graves  du  ministère. 

Dubuisson-Aubenay,  le  secrétaire  dévoué  de  M.  de  Guéné- 
gaud, dut  travailler  avec  ce  ministre  pour  la  préparation  de  la 
plupart  des  actes  dont  il  s'agit  ;  et,  dans  le  Journal  des  Guerres 
civiles^  M.  de  Guénégaud  est  cité  à  chaque  instant.  11  est  éga- 
lement souvent  question  de  lui  dans  les  Lettres  du  cardinal 
Mazarin,  publiées  dans  la  collection  des  Mémoires  relatifs  à 
r Histoire  de  France. 

Dire  comment  Dubuisson-Aubenay  était  entré  dans  l'inti- 
mité de  Guénégaud  n'est  pas  s'écarter  de  notre  sujet.  C'est  par 
la  famille  d'Etampes  que  Dubuisson  pénétra  dans  celle  de 
Choiseul,  puis  enfin  chez  Guénégaud  lorsque  celui-ci  épousa 
Elisabeth  de  Choiseul  en  1642.  En  effet,  la  maréchale  de 
Choiseul-Praslin  eut  deux  enfants  dont  l'un,  le  marquis  de 
Praslin,  fut  tué  à  la  bataille  de  la  Marfée  en  1641  ;  l'autre,  une 
fille  aînée,  avait  épousé  Jacques  d'Etampes,  marquis  de  La 
Ferté-Imbault.  Au  mois  de  mai  1646,  Dubuisson-Aubenay 
était  chez  la  maréchale  de  Praslin.  en  Champagne,  le  maréchal 
étant  bailli  de  Troyes.  Se  rendant  aux  eaux  de  Bourbon- 
l'Archambault,  très  fréquentées  à  cette  époque,  il  s'arrêta  à 
Troyes,  où  une  fille  de  la  maréchale  était  abbesse  de  Notre- 
Dame,  après  avoir  profité  de  la  circonstance  pour  visiter 
quelques-unes  des  propriétés  de  son  maître,  la  seigneurie  de 
Saint-Just  entre  autres,  et  le  «  gros  château  de  Tigecourt,  à 
corps  de  logis  et  à  pavillon  ardoisés  »,  près  de  Montrairail, 
que  Guénégaud  avait  acheté  sur  décret  à  son  grand-oncle 
Maurice  de  La  Croix,  frère  du  vicomte  de  Semoine. 

Dubuisson-Aubenay  avait  d'ailleurs  une  sympathie  particu- 
lière pour  la  femme  de  Guénégaud,  Elisabeth  de  Choiseul,  dont 
il  avait  été  précepteur  et  à  qui  il  avait  enseigné  le  latin.  Elisa- 
beth était,  comme  on  le  verra  par  la  suite  de  cette  élude,  une 
femme  d'uu  rare  mérite.  En  outre,  une  liaison  très  étroite  s'était 
établie  entre  Dubuisson-Aubenay  et  la  mère  de  Guénégaud, 
Marie  de  La  Croix.  Aussi  voyons-nous  Dubuisson-Aubenay, 
installé  chez  Guénégaud,  dans  son  hôtel  de  la  rue  des  Francs- 
Bourgeois,  se  transporter  avec  lui  à  l'hôlel  de  Nevers,  lorsque 
ce  secrétaire  d'Etat  s'y  élabht  au  printemps  de  1652.  Il  suivit 


120  LE    MARQUISAT   DE   PLANCY 

ëgalemeul  Guéûégaud  dans  quelques-uns  des  déplacements 
que  celui-ci  fil  avec  la  cour,  notamment  à  Amiens;  lorsque 
ce  ministre  se  rendit  avec  elle  en  Guyenne,  Dubuisson- 
Aubenay,  resté  à  Paris,  servit  d'intermédiaire  pour  donner  et 
transmettre  les  nouvelles  entre  les  officiers  de  Gaston  d  Orléans, 
les  employés  de  Guénégaud,  restés  à  Paris,  et  ceux  qui  avaient 
suivi  le  roi,  Anne  d'Autriche  et  Mazarin. 

C'est  de  ce  voyage  qu'il  est  question  dans  les  Lettres  du 
cardinal  Mazarin,  publiées  par  Chéruel  : 

«  Les  députés  du  Parlement  de  Paris  ont  dépesché  ici  à 
«  M.  de  Guénégaud,  d'Augoulême  où  ils  étaient  encore,  pour 
(i  savoir  s'il  n'était  point  arrivé  ici  de  dépesché  pour  eux  de 
«  leur  Compagnie;  on  a  fait" répondre  par  ledit  sieur  de  Gué- 
«  négaud  qu'il  n'y  en  avait  point.  » 

M.  Gustave  Saige,  à  qui  j'ai  emprunté  une  grande  partie  des 
renseignements  qui  précèdent,  ajoute  que,  vers  la  fin  du  mois 
d'août  1655,  bien  qu'absent  ds  Paris,  Guéoégaud  dirigeait,  à 
l'aide  de  sa  femme,  Elisabeth  de  Choiseul,  qui  y  était  restée, 
les  agents  qui  organisaient  secrètement  la  réaction  contre  les 
excès  de  la  Fronde,  réaction  dont  le  centre  était  à  l'hôtel  de 
Nevers,  où  se  groupaient  les  hommes  d'ordre  amis  de  la  paix, 
et  qui  travaillaient  pour  le  parti  royaUste. 

Le  carton  des  Archives  nationales  où  sont  renfermées  les 
lettres  du  maréchal  Fabert  contient  un  parchemin  revêtu  de 
la  signature  de  Guénégaud.  C'est  un  décret  enregistrant, 
«  pour  le  Roy  et  la  Reine  Régente  sa  mère  présente  »,  l'entrée 
au  conseil  accordée  par  le  roi  au  prince  de  Condé,  avec  les 
pouvoirs  d'en  être  le  chef  en  l'absence  du  duc  d'Orléans. 

A  la  mort  du  cardinal  Mazarin,  survenue  le  i  !  mars  1661, 
Henri  de  Guénégaud  était  au  nombre  des  quatre  secrétaires 
d'Etat  d'alors  qui  se  présentèrent  au  roi  Louis  XIV.  pour  lui 
demander  à  qui  ils  devraient  s'adresser  désormais  afin  de 
prendre  les  ordres  relativement  à  la  conduite  des  affaires  de 
l'Etat. 

Tout  le  monde  connaît  la  célèbre  réponse  du  souverain  qui 
devait  mettre  en  pratique,  si  brillamment  d'ailleurs,  les  règles 
du  pouvoir  absolu  :  «  L'Etat,  c'est  moi.  C'est  à  moi  que  vous 
«  devez  vous  adresser.  Je  me  servirai  de  ceux  qui  ont  des 
«  charges  pour  agir  sous  moi  selon  leurs  fonctions.  » 

A  cette  date  de  1661  remonte  la  publication  d'un  petit  livre, 
très  rare  et  très  curieux,  publié  à  Paris,  chez  Gabriel  Quinet, 
et  que  l'auteur  de  cette  étude  possède  eu  sa  bibliothèque.  Cet 


sous    LES    GUÉNÉGAUD  121 

ouvrage  intitulé  :  «  Le  cabinet  du  roi  Louis  XI  »,  coutienl 
un  certain  nombre  de  pièces  politiques  concernant  le  règne 
du  monarque  :  il  est  dédié  à  Messire  Henri  de  Guénégaud, 
marquis  de  Plancy,  vicomte  de  Semoine,  baron  de  Saint- 
Just,  du  Plessis  et  de  Fresue,  commandeur  et  garde  des 
sceaux  des  ordres  du  roi,  conseiller  de  Sa  Majesté  en  tous  ses 
conseils,  secrétaire  d'Etat  et  de  ses  commandements.  Il  est 
orné  d'une  gravure  aux  armes  de  Guénégaud,  dans  laquelle 
l'auteur,  Lhermite  de  Soliers,  est  représenté,  offrant  à 
genoux  son  ouvrage  à  Guénégaud,  revêtu  d'un  riclie  costume 
de  l'époque  de  Henri  III. 

Après  la  mort  de  Mazario,  Guénégaud  jouit  encore  quelque 
temps  de  la  faveur  du  roi  Louis  XIV,  ainsi  que  le  constate  une 
magnifique  gravure,  conservée  également  par  l'auteur  de  cette 
étude,  et  qui  reproduit  avec  une  rare  netteté  les  traits  du 
secrétaire  d'Etat.  Au-dessous  de  cette  gravure,  ou  lit  :  «  Henry 
«  de  Guénégaud,  marquis  de  Plancy,  vicomte  de  Semoine, 
«  baron  de  Sainl-Just,  du  Plessis-Belleville  et  de  Fresne,  con- 
«  seiller  du  Roy  en  tous  ses  conseils,  secrétaire  d'Etat  et  des 
«  commandements  de  Sa  Majesté  et  garde  des  sceaux  de  ses 
«  ordres,  fils  de  Gabriel  de  Guénégaud,  conseiller  du  Roy  en 
«  ses  conseils  et  trésorier  de  son  épargne,  et  de  Marie  de  la 
«  Croix,  dame  du  Plessis-Belleville.  Fut  premièrement  pourvu 
«  de  la  charge  de  trésorier  de  l'Epargne  l'an  lti37  en  survi- 
«  vance  de  son  père,  lequel  étant  mort  au  commencement  de 
«  l'année  suivante,  qui  était  celle  de  son  exercice,  il  en  fit  la 
«  fonction  et  s'en  acquitta  si  dignement  qu'il  mérita  l'estime 
a  et  l'amitié  du  Roy.  Ce  monarque  qui  connaissait  parfaite- 
«  ment  bien  les  talens  des  hommes,  jugea  le  sien  si  propre 
0  pour  les  plus  grandes  aft'aires  de  son  royaume,  qu'il  agréa 
«  fort  volontiers  la  démission  que  Monseigneur  le  comte 
«  de  Brienne  fit  l'an  1643  en  sa  faveur  de  la  charge  de  secré- 
«  taire  d'Estat  :  il  l'exerça  depuis  ce  temps-là  avec  une  appro- 
«  ballon  si  universelle  qu'il  n'y  a  personne  qi'i  ne  publie  son 
((  habileté  et  sa  courtoisie.  Il  a  espousé  Isabelle  de  Choiseul, 
a  fille  de  Charles  de  Choiseul,  marquis  de  Praslin,  maréchal 
«  de  France,  chevalier  des  ordres  du  Roy,  gouverneur  et 
«  lieutenant  général  pour  Sa  Majesté  en  Saintonge  et  pais 
«  d'Aunis  ;  et  de  Claude  de  Cazillac. 

(.(  A  Paris,  chez  F.  Jollain.  » 

Une  marque  de  la  faveur  dont  jouissait  Guénégaud  fut 
l'érection  delà  baronnie  de  Plancy  en  marquisat,  qui  eut  lieu 
en   1656,  en  faveur  de  lui,  ses  hoirs  et  ayant  cause   :  celle 


122  LE   MARQUISAT   DE    PI.ANCY 

mesure,  prise  à  l'occasioû  du  Irailé  des  Pyrénées,  fut  étendue 
aux  trois  autres  secrétaires  d'Etat. 

Ses  armes  étaient  écartelées  aux  l"'  et  4''  d'azur,  à  une  croix 
d'or  chargée  d'un  croissant  montant  de  gueules,  qui  est  La 
Croix  ;  au  2"  de  Courlenay  ;  au  y  d'argent  à  deux  pals  de 
sable,  qui  est  de  Ilarlay  ;  sur  le  tout  de  gueules  au  lion  d'or, 
qui  est  de  Guénégaud. 

Comme  Fouquet,  son  ami,  Guénégaud  aimait  les  arts,  et  il 
faisait  de  sa  fortune  un  noble  usage.  .Son  nom  fut  donné  à  une 
rue  de  Paris  où  il  avait  fait  construire  par  Mansard  un  magni- 
fique hôtel.  Cette  rue  s'appelle  encore  aujourd'hui  rue  Guéné- 
gaud et  longe  l'Hôtel  de  la  Monnaie. 

Le  comte  de  Luçay  dit  que  c'est  lui  qu'il  faut  reconnaître 
dans  VAlcandre  des  samedis  de  M"«  de  Scudéry. 

Mais,  comme  Fouquet,  Guénégaud  devait  aussi  éprouver 
les  revers  de  la  fortune.  Enveloppé  dans  la  disgrâce  du  fameux 
surintendant,  il  vit  confisquer  ses  biens  et  fut  jeté  en  prison. 
On  l'accusa,  pour  le  perdre,  d'avoir,  d'entente  avec  son  pre- 
mier commis,  Nicolas  RoUet,  falsifié  les  rôles  et  les  acquits 
des  années  1654  et  1657. 

La  publication  du  Journal  d' Olivier  dOrmesson^  faite  par 
M.  Chéruel,  nous  donne  le  récit  très  intéressant  des  épreuves 
qu'eut  à  subir,  pendant  son  long  procès,  cet  homme  d'Etat, 
qui  avait  cependant  rendu  tant  de  services. 

Avec  l'honnêteté  qui  perce  dans  ses  notes,  d'Ormesson 
laisse  entrevoir  toute  l'iniquité  de  ce  procès,  attisé  par  des 
envieux,  dont  le  véritable  but  était  de  s'approprier  la  charge 
de  Guénégaud. 

Il  m'a  paru  particulièrement  intéressant  de  transcrire  ici  des 
passages  de  ce  récit  au  jour  le  jour  : 

«  M.  de  Guénégaud  a  preste  dimanche  [22  février  1643]  le 
«  serment  entre  les  mains  du  Roy  de  la  charge  de  secrétaire 
a  d'Estal,  qu'il  avoit  achetée  de  M.  de  la  Ville-aux-Clercs, 
a  moyennant  sept  cent  cinquante  mille  livres.  Tout  le  monde 
«  l'accuse  de  faire  une  faute  de  quitter  la  charge  de  trésorier 
«  de  lespargne  pour  être  secrétaire  d'Estat,  n'y  ayant  aucune 
«  nourriture  et  perdant  une  charge  lucrative,  ayant  acheté  en 
(i  un  an  Fresnts  cent  mille  écus,  Juilly  et  autres  terres  ;  il  est 
«  vrai  qu'il  en  donne  la  charge  à  l'un  de  ses  frères,  néanmoins 
«  personne  ne  croit  qu'il  puisse  subsister  longtemps.  » 

Voici  Guénégaud  tombé  en  disgrâce  et,  le  8  mars  1 664 ,  d'Or- 
messon se  rend  chez  Mme  de  Guénégaud  «  pour  l'exécution  de 


sous    LES   GUÉNÉGAUD  123 

«  l'arrest  et  faire  Tinventaire  de  ses  papiers.  Elle  y  fui  pré- 
ci  seule,  Iravaillanl  aa  boul  de  la  table,  el  me  parut  fort  iiilel- 
«  ligente  eu  affaires  el  disant  en  riant  des  vérilés  à  M.  de  Gha- 
«  millart.  L'on  agit  avec  hayne  contre  elle  dans  ces  affaires, 
«  el  Foucauli  me  dit  que  je  ferois  plaisir  de  travailler  d'abord 
«  chez  M"'*'  de  Guéaégaud  ;  et  il  se  voit  en  toutes  choses 
«   qu'on  a  de  l'aversion  contre  elle.  » 

M.  de  Ghamillart,  procureur  générai,  paraissait  fort  moulé 
contre  M.  et  Mme  de  Guénégaud,  et  il  déploya  dans  tout 
ce  procès  un  véritable  acharnement.  Mme  de  Guénégaud 
devait  en  éprouver  une  profonde  irritation,  étant  donnés  la 
grandeur  de  la  famille  à  laquelle  elle  appartenait,  son  mérite 
personnel  et  son  énergie.  Tout  d'abord,  M.  de  Guénégaud  vou- 
lut résister  aux  poursuites  auxquelles  il  était  en  but,  et 
refuser  tout  examen  de  comptes. 

M.  de  Ghamillart,  écrit  d'Ormesson,  se  plaignait  «  du  retar- 
«  dément  de  M.  de  Guénégaud  à  représenter  les  minutes  des 
«  rôles  de  l'année  1654  dont  il  avoil  compté,  et  il  parla  de 
«  sorte  que  chacun  connust  qu'il  esloit  ému  ;  dit  la  confé- 
a  rence  qu'il  avoit  eue  avec  M.  de  Guénégaud  sur  cela,  et  sa 
«  responce  qu'il  avoit  bruslé  la  minute  de  ses  rôles  de  ltjo4, 
«  etc..  » 

(I  M,  le  chancelier  demanda  l'r.vis  à  M.  Pussort,  qui  fut 
«  d'avis    d'ordonner  que  M.    de   Guénégaud   représenteroit 
c(  les  minutes  des  rôles  de  1657  ;  el,à  l'esgardde  ceux  de  1654 
«  joindre  au  procès.   » 

«  Le  lundi  1'^''  juin  1665,  à  l'Arsenal;  l'on  mit  le  soit  mons 
«  tré  sur  la  requête  de  M.  de  Guénégaud  pour  avoir  conseil. 

«  Le  mercredi  3  juin,  je  fus  dès  le  malin  à  l'Arsenal,  parce 
«  que  Mme  de  Guénégaud  craignoil  que  l'on  entrast  par  sur- 
«  prise  de  bon  matin  pour  faire  juger  la  requeste  de  M.  de 
«  Guénégaud  pour  avoir  conseil.  Néanlmoius,  M.  le  chance- 
«  lier  n'y  entra  qu'à  l'heure  ordinaire.  M.  Ghamillart  ayant 
«  demandé  à  parler,  dit  qu'il  avoit  pris  communication  d'une 
I  requeste  présentée  par  M.  de  Guénégaud,  par  laquelle  il 
«  demaudoil  un  conseil  libre  et  à  sou  choix;  qu'il  avoit 
«  cru  devoir  remoustrer  à  la  chambre  l'importance  de  celte 
a  demande...  Après,  il  conclut  à  débouler  M.  de  Guénégaud 
«  de  sa  requeste.   » 

Le  vendredi  12,  «  M,  Poocet  fil  rapport  de  l'affaire  de  M.  de 
fl  Guénégaud  ;  il  parla  une  heure  el  demye  fort  bien  :  mais  sur 
«  la  fin  il  esloit  trop  languide,  et  il  ne  fut  pas  assez  réservé,  eu 


124  LE   MARQUISAT    DE   PLANCY 

«  sorte  qu'il  parut  appuyer  trop  les  raisons  du  procureur 
1  général,  les  établissant  comme  des  vérités  certaines. 

«  Le  raercredy  l'^'"  juillet,  le  matin,  à  la  chambre  de  justice, 
<i  M.  Poncet  rapporta  deux  requestes  pour  M.  de  Guénégaud. 
«  Dans  Tune  il  se  plaignoit  que  le  procureur  général  agissoit 
«  dans  cette  affaire  avec  grande  aigreur  ei  contestoit  les  choses 
«  les  plus  justes  et  les  plus  triviales.  M.  Ghamillart  ayant 
«  demandé  d'estre  entendu,  après  avoir  parlé  du  fond  des  reques- 
a  tes,  il  s'est  plaint  de  la  licence  de  M.  de  Guénégaud  dans  ses 
«  requestes  et  a  dit  qu'il  estoit  très  important  de  la  réprimer 
(1  pour  l'honneur  du  Roy,  de  la  justice  et  de  la  chambre... 

«  M.  Poncet  a  été  d'avis  d'ordonner  que  M.  de  Guénégaud 
«  en  useroit  avec  plus  de  modération...  J'ai  esté  d'avis  de  ne 
«  rien  ordonner  par  arresl;  qu'il  estoit  mieux  de  le  faire  dire 
(I   à  M.  de  Guénégaud...   » 

«  Lelundy  13  juillet,  à  la  chambre  de  justice,  j'appris  que  l'on 
«  avoit  exclu  M .  de  la  Baulme  du  procès  de  M.  de  Guénégaud 
«  sous  prétexte  de  l'envoyer  à  Vaux  faire  le  recollement  des 
«  meubles,  au  lieu  que  ce  travail  regardoit  M.  de  Sainle- 
«  Hélène,  rapporteur.   » 

«  Le  mardy  14  juillet,  M.  Poncet  rapporta  le  procès-verbal 
«  de  la  capture  des  feuilles  des  escritures  que  M.  de  Guéné- 
«  gaud  faisoit  imprimer  ;  et,  parce  que  par  ces  feuilles  il  parais- 
«  soit  que  Delende,  domestique  de  M.  de  Guénégaud,  et 
«  son  dénonciateur,  estoient  fort  mal  traités,  M.  Poncet  se 
«  récria  fort... 

«  L'imprimeur,  qui  s'estoit  retiré  dans  le  Temple  et  conti- 
«  nuoit  à  y  travailler,  fut  pris  par  le  bailiy  et  conduit  au 
«  Petit  Chastelet.  » 

L'auteur  du  présent  travail  possède  la  requête  dont  il  s'agit, 
et  sur  laquelle  figurent  les  corrections  de  la  main  même 
de  Guénégaud. 

Dans  cette  longue  défense,  le  ministre  réfute  tous  les  points 
de  l'odieuse  accusation  intentée  contre  lui.  11  dit  entre  autres 
choses  qu'il  a  représenté  ses  rôles  lorsque  l'apurement  de  ses 
comptes  a  été  arrêté  au  conseil  en  mai  16ti0,  puis  à  la 
Chambre  des  Comptes  en  1660;  que  dans  l'un  et  l'autre 
de  ces  temps,  ils  ont  élé  regardés  comme  véritables.  Or, 
depuis  ce  moment,  ils  se  sont  trouvés  perdus  à  la  Chambre 
des  Comptes,  où  ib  étaient  demeurés,  et  comme  on  sait  qu'ils 
n'existent  plus  en  nature,  ou  s'inscrit  ainsi  en  faux  contre 
eux,  et  on  lui  demande  d'en  faire  une  troisième  représentation. 


sous    LES    GUÉNÉGAUD  125 

«  Je  suis  prêt  »,  dil  Guénégaud,  «  à  jurer  par  serment 
«  devant  Dieu  et  les  hommes  que  je  ne  les  ay  point  et  ne  les 
«  dois  point  avoir.  » 

Il  explique,  en  outre,  qu'il  est  impossible  que  des  feuilles 
aient  été,  comme  on  le  lui  reproche,  ajoutées  après  coup  aux 
rôles  pour  y  inscrire  de  faux  articles  de  voyages  et  de  menus 
dons,  notamment  pour  une  somme  de  70  à  80  mille  livres  ;  car 
les  quittances  de  ces  voyages  et  menus  dons  ont  été  signées, 
reçues  et  datées  par  devant  notaires. 

a  Qu'on  interroge,  dit-il,  «  tous  les  sages  qui  ont  l'usage  de 
«  la  libre  raison. et  qu'on  leur  demande  s'il  est  croyable  (îu'un 
a  trésorier  de  l'Epargne  ait  été  assez  Lâche  et  assez  imprudent 
«  pour  écrire  et  contrefaire  de  sa  propre  main  272  signatures 
fl  de  parties  prenantes  dans  155  acquits  !  Qu'on  leur  demande 
«.  s'il  est  cro3'able  que  le  suppliant,  qui  écrit  très  ma!  et  a  la 
«  vue  fort  courte,  eût  été  propre  à  faire  un  si  grand  nombre 
«  de  faussetés  ?  » 

Guénégaud  avait  donc  été  arrêté  sur  la  dénonciation  d'un 
domestique,  et  ou  lui  refusait  tout  conseil,  toute  défense  ! 

«  Le  jeudy  matin,  23  juillet,  à  la  chambre  de  justice  », 
«  ajoute  d'Ormessou,  j'appris  que  Buré,  avocat,  qui  faisoit  les 
«  escrilures  pour  M.  de  Guénégaud,  avoit  esté  mené  à  la  Bas- 
«  tille,  et  que  le  scellé  estoit  chez  luy  avec  garnison.  Ce  pro- 
€  cédé  est  fort  mal  reçu.  Je  ne  sais  quelles  suites  il  aura.  » 

a  Le  jeudy  13  aoust,  le  chancelier  parla  fort  contre  la  lou- 
«  gueur  de  la  defîense  de  M.  de  Guénégaud;  dit  qu'il  ne 
«  lui  falloit  pas  osier  sa  defîense,  mais  qu'il  falloit  finir 
«  et  trouver  des  moyens.  » 

«  Depuis  le  mardy  22  jusques  à  ce  jour  vendredy  2o  sep- 
t  lembre,  la  chambre  de  justice  a  travaillé  au  procès  de  M.  de 
«  Guénégaud  avec  un  retardement  affecté  du  costé  de  la  cour, 
«  quoyque  M.  le  chancelier  tesmoigne  tous  les  jours  que  le 
«   roy  veut  qu'il  finisse.  » 

a  Le  jeudy  17  décembre,  le  matin,  au  Petit  Arsenal  où  la 
a  chambre  de  justice  s'assembla  chez  M.  Clapisson...,  M.  le 
«  chancelier  estant  arrivé,  l'on  discourut  de  la  forme  de  vérifi- 
t  cation  des  abolitions.  M.  le  chancelier  demanda  à  M.  Cha- 
«  millart,  qu'on  fit  entrer  pour  y  estre  présent,  comme  il 
t  devoit  en  user...  Enfiu,  M.  de  Guénégaud,  vestu  de  noir, 
«  s'étant  avancé  au  devant  du  barreau,  M.  le  chancelier  luy  a 
«  fait  lever  la  main  et  prester  le  serment  de  dire  vérité. 
«  Ensuite,  le  greffier  luy  ayant  dit  de  se  mettre  à  genoux,  il 


126  LE    MARQUISAT    DE    PLANCY 

«  S  y  est  mis  un  genou  à  l^rre  seulement.  M.  le  chancelier 
«  ayant  dit  qu'il  falloit  y  mettre  les  deux  genoux,  il  les  y  a  mis, 
«  et  M.  le  chancelier  lui  a  demandé  s'il  avoit  obtenu  des 
«  lettres  d  aboliiiou,  a  dit  que  ouy  ;  si  elles  conteuoieut  vérité, 
«  a  dit  que  ouy  ;  s'il  vouloit  s'en  servir,  a  dit  que  oui.  » 

On  voit  par  quelles  humiliations  les  ennemis  de  Guénégaud 
se  plurent  à  le  faire  passer,  après  que  cependant  il  eut  été 
gracié  par  le  roi,  moyennant  toutefois  des  confiscations  et  une 
amende.  Aussi  Guénégaud  se  hàta-t-il  de  se  démettre  de  toute 
fonction. 

D'Ormessou  écrit  encore  :  «  Le  lundy  11  février  [1669], 
«  j'appris  que  M.  Duplessis- Guénégaud  avoit  donné  sa  démis- 
<i  sion  au  Roy,  et  que  sa  charge  estoit  donnée  à  M.  Golbert, 
«  moyennant  six  cent  mille  livres,  et  qu'il  en  devoit  prester  le 
(I  serment  le  lendemain  mardy.  Personne  n'a  été  surpris  de  cette 
«  nouvelle  ;  car  dès  que  le  procès  a  esté  commencé  contre 
«  M.  Duplessis,  on  a  cru  que  c'estoit  pour  avoir  sa  charge.  » 

L'amertume  que  Guénégaud  éprouva  de  son  arrestation  fut 
extrême.  11  se  vit  ruiné,  un  instant  il  put  se  croire  voué  à 
la  mort.  Aussi,  désabusé  de  tout,  après  tant  d'épreuves,  il  ne 
pensa  plus  qu'à  sa  fin  dernière  :  il  rédigea,  en  1672,  son  tes- 
tament, qui  a  pu  être  retrouvé  dans  les  archives  de  la  terre  de 
Plancy,  et  qu'il  nous  a  paru  curieux  de  reproduire  ci-dessous 
in  extenso.  Ce  document  tout  à  fait  inédit  nous  montre  de  quelles 
idées  de  piété  Guénégaud  était  pénétré,  quel  amour  il  ressen- 
tait pour  sa  femme,  qui  l'avait  toujours  si  énergiquement  sou- 
tenu, quel  attachement  il  avait  pour  sa  famille  et  pour  ses 
biens,  notamment  Plancy  et  Fresnes.  Il  se  trouve  en  un  mot 
tout  à  fait  expUqué  par  les  récits  que  d'Ormesson  nous  a  con- 
servés de  la  disgrâce  imméritée  du  ministre. 

Teslame?U  de  M.  Henry  de  G-uénégaud,  déposé  à  M^  Simonnet^ 

notaire,  le  28  avril  1676. 

«  Au  nom  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit,  un  seul  Dieu 
en  trois  personnes. 

«  Je,  Henri  de  Guénégaud,  misérable  pécheur,  considérant 
que  la  pensée  de  la  mort  est  la  plus  salutaire  à  un  chrétien, 
dont  l'heure  nous  est  inconnue,  ce  qui  nous  oblige  à  toujours 
veiller  et  à  nous  préparer  à  ce  dernier  moment  qui,  faisant  la 
séparation  de  notre  âme  avec  le  corps,  doit  déterminer  notre 
élernilé  bienheureuse  ou  malheureuse,  suivant  nos  années 
pendant  cette  vie,  et  pour  être  plus  dégagé  de  tous  les  troubles 
que  causent  ces  biens  périssables  que  nous  possédons  icy  bas, 


sous    LES    GUÉNEGA.UD  127 

et  qui  attaquent  plus  fortement  ceux  qui  ont  un  nombre  d'en- 
fants, quand  ils  oublient  et  méprisent  les  ordres  nécessaires 
pour  établir  la  paix  et  runiou,  j'ai  cru  ne  pouvoir  mieux  faire 
qu'à  présent,  jouissant  d'une  sanlé  parfaite  du  corps  et  de  l'es- 
prit, que  de  disposer  de  mes  biens  par  ce  mien  testament  que 
j'ai  voulu  tout  écrire  de  ma  main  et  signer  comme  l'ouvrage  de 
ma  pure,  libre  et  déterminée  volonté  que  je  veux  être  suivie 
après  ma  mort. 

«  Premièrement,  je  rends  grâce  à  Dieu,  tout  bon,  tout 
puissant  et  tout  miséricordieux,  de  ce  qu'il  m'a  fait  naître 
dans  l'église  catholique,  apostolique  et  romaine,  de  père  et  de 
mère  catholiques,  qui  m'ont  élevé  dans  leur  créance  dans 
laquelle  je  veux  vivre  et  mourir.  J'espère  par  les  mérites  de  la 
très  sainte  et  glorieuse  passion  de  Notre-Seigneur  Jésus- 
Christ,  par  l'intercession  de  la  Sainte  Vierge  Marie,  sa  mère, 
de  l'Archange  Saint  Michel,  de  mon  Ange  gardien,  de  saint 
Jean-Baptiste,  saint  Joseph,  saint  Roch  et  saint  Henry,  mon 
patron,  saint  Victor  de  Plancy,  saint  Thomas,  sainte  Made- 
laine,  sainte  Thérèse,  et  tous  les  saints  et  saintes  du  Paradis, 
j'espère,  dis-je,  par  leur  intercession,  obtenir  la  rémission  de 
mes  péchés  et  la  vie  éternelle. 

«  En  second  lieu,  je  rends  grâce  à  Dieu  de  ce  qu'il  m'a 
donné  une  femme  selon  mon  cœur,  dont  je  ne  puis  assez 
louer  les  mérites  et  la  vertu  ;  je  commande  à  mes  enfants 
de  l'honorer,  de  l'aymer,  la  respecter,  de  suivre  ses  advis 
et  conseils,  en  tout  ce  qu'ils  voudroient  f  ure  et  entreprendre, 
et  de  ne  lui  désobéir  jamais  à  peine  d'encourir  ma  malédiction. 

«  Je  désire  d'être  inhumé  dans  l'église  collégiale  de  Saint- 
Laurent  de  Plancy,  dans  la  cave  qui  y  sera  faite,  s'il  n'y  en  a 
déjà  une,  pour  les  seigneurs  de  Plancy. 

«  Pour  l'ordre  de  mes  funérailles,  j'en  laisse  le  soin  à 
ma  femme  et  à  l'exécuteur  de  mon  testament,  lesquelles  je  les 
prie  de  faire  sans  aucune  pompe,  ni  cérémonie,  mais  seule- 
ment de  faire  force  prières  pour  le  salut  de  mon  âme. 

«  Je  veux  que  mes  dettes  soient  entièrement  payées  et  les 
torts  que  je  puis  avoir  faits  entièrement  réparez. 

a  Je  désire  que  l'on  fasse  dire  mil  messes  au  jour  et  dans  la 
huitaine  de  mon  décès,  et  pour  cela  et  pour  les  aumônes 
du  jour  et  enterrement,  quinze  cents  livres. 

«  Je  veux  que  l'on  employé  deux  mille  livres,  ou  plus  s'il 
les  faut,  en  achapts  de  fonds  d'héritages  pour  faciUter  l'éta- 
blissement d'une  cure  à  Longueville,  séparée  de  celle  de 
Gharny. 


128  LK    xMAKQUISAT    DK   PL.^NCY 

f  Je  donne  et  lègue  la  somme  de  dix  neuf  mille  livres  à  tous 
mes  domestiques,  tant  de  Paris  que  de  Fresnes  et  autres,  fai- 
sant le  mémoire  cy-joint,  remettant  à  elle  pour  en  faire  la  dis- 
tribution, qui  leur  sera  payée,  oulre  leurs  gages  de  l'année  de 
mon  décès,  et  un  habit  de  deuil  à  chacun. 

«  Le  chapelain,  fondé  par  Madame  de  Fresues-Forget  pour 
dire  tous  les  jours  une  messe  dans  la  chapelle  de  Saint-Pierre 
de  l'église  paroissiale  de  Fresnes,  ne  pouvant  pas  subsister  de 
sa  fondation  qui  ne  monte  en  tout  qu'à  deux  cents  hvres, 
Monsieur  l'Evêque  de  Meaux  a  réduit  le  nombre  de  ces  messes 
à  4  par  semayne,  par  sou  ordonnance  limitée  pour  un  tems 
que  s'il  plaît  à  mon  dit  seigneur  Evèque  de  les  réduire  à 
4  pour  toujours,  en  ce  cas,  et  non  autrement. 

«  Je  fonde  à  perpétuité,  par  ce  présent  teslamenl.  deux 
messes  basses  par  semaine  pour  être  dites  par  le  même  chape- 
lain et  non  par  un  autre,  dans  la  chapelle  de  Notre-Dame  du 
château  de  Fresnes,  aux  jours  qui  seront  les  plua  commodes 
aux  seigneurs  de  Fresnes,  pour  avec  les  quatre  autres  de 
la  fondation  de  Madame  de  Fresnes,  réduites  par  Monsieur 
l'Evêque  de  Meaux,  en  dire  (j  par  semayne  au  lieu  de  7,  les- 
quelles deux  messes,  célébrées  dans  la  chapelle  du  cbasteau 
de  Fresnes,  serout  dites  pour  le  salut  de  mou  âme,  pour  celle 
de  ma  femme  et  de  tous  mes  enfants  vivants  et  décédés  ;  pour 
laquelle  fondation  je  veux  qu'il  soit  payé  de  la  somme  de  cent 
livres  par  an,  à  prendre  sur  les  revenus  de  ma  terre  de 
Fresnes,  pour,  avec  les  deux  cents  livres  fondées  par  ladite 
Dame  de  Fresnes- Forget  que  je  suis  obligé  de  payer,  faire  la 
somme  de  trois  cents  livres  en  tout  pour  chacun  an  payable 
également  par  quartier  ;  le  chapelain  sera  logé  où  il  est  à  pré- 
sent ou  en  tel  autre  lieu  du  village  de  Fresnes  qui  lui  soit  com- 
mode, aux  dépens  du  seigneur  de  Fresnes. 

(1  Les  dits  seigneurs  de  Fresnes  entretiendront  la  chapelle 
du  château  d'ornemens,  luminaires,  de  paiu  et  vin  nécessaires 
pour  y  célébrer  lesdites  messes. 

«  Au  cas  qu'au  jour  de  mon  décès  je  ne  fusse  plus  seigneur 
de  Fresnes,  la  présente  fondation  demeurera  nulle. 

«  J'ai  toujours  eu  intention  de  rétablir  les  chanoines  de 
l'église  collégiale  de  Saint-Laurent  au  château  de  Plat)cy,  dont 
je  suis  fondaieur-collateur  layque  et  doyen,  comme  ilséloient 
lors  du  concordat  fait  avec  eux  et  Messire  Claude  de  La  Croix, 
chevalier,  baron  de  Plaucy,  mon  ayeul,  passé  à  Plancy,  le 
sixième  jour  de  ma}^  l'an  quinze  cent  vingt,  alin  que  Dieu 
soit  adoré  et  le  service  divin  y  soit  fait  tous  les  jours  aux 


sous    LKS    GUKNKGAUD  I^O 

heures  cauouiales,  suivant  ledit  concordat  ;  c'est  pourquoi  je 
donne  et  lègue  par  ce  présent  testament  la  somme  de  dix-huit 
mille  livres  qui  seront  employées,  savoir  :  douze  mille  livres 
en  achapls  de  fonds  de  terre  dans  l'étendue  de  mon  marquisat 
de  Plancy  ou  aux  environs,  lesquels  héritages  seront  mis  à 
perpétuité  à  la  manse  des  chanoines,  atiu  qu'il  y  ait  assez  dj 
revenu  avec  celui  dont  ils  jouissent  à  présent  pour  y  entretenir 
quatre  chanoines-prestreset  deux  peiils  clercs  qui  leur  ayde- 
rout  à  faire  le  service,  et  les  six  mille  livres  restans  seront 
employées  au  rétablissement  de  l'église,  à  la  coustruclion 
d'une  sacristie,  à  fair^  la  cave  pour  ma  sépulture,  pour  achever 
la  maison  des  chanoines,  en  achapts  d'ornemens  et  autres 
choses  nécessaires  en  ladite  église. 

(A  suivre.)  Baron  G.  de  Plancy. 


NECROLOGIE 


M.  Jean  Rathier,  député  de  l'Yonne,  secrétaire  de  la  Chambre 
des  députés,  est  mort  subitement,  le  6  janvier,  dans  son  domicile 
de  l'avenue  de  Tourville,  à  Paris.  Il  était  âgé  de  3o  ans. 

M.  Rathier  a  été  chef-adjoint  au  cabinet  du  ministre  des  Postes 
et  des  Télégraphes,  sous  les  ministères  de  Freycinet  et  Goblet.  Il 
fut  chargé  à  cette  époque  de  missions  à  Berne  et  à  Berlin  pour 
l'étude  de  diverses  questions  postales,  notamment  le  payement  des 
mandats-poste  à  domicile. 

Il  fut  aussi  délégué  à  Bruxelles  pour  la  signature  de  la  première 
convention  téléphonique  internationale  entre  la  France  et  la  Bel- 
gique. 

Député  de  Tonnerre,  il  s'occupait  plus  spécialement  des  questions 
viticoles  et  agricoles. 

Le  corps  du  défunt  a  été  inhumé  à  Chablis  (Yonne)  dans  un 
caveau  de  famille. 


Le  7  janvier  ont  eu  lieu,  à  Epernay,  les  obsèques  de  M.  Buc- 
quet,  ancien  adjoint  au  maire,  membre  du  Conseil  d'arrondisse- 
ment, directeur  de  la  Caisse  d'épargne  et  président  de  la  Caisse 
des  écoles. 

MM.  Puisard,  Fleuricourt,  Vallée,  Gérard  et  Chevauchez  ont  pris 
la  parole  au  cimetière,  et  rendu  hommage  aux  qualités  du  défunt. 

Bibliophile  délicat  et  éclairé,  M.  Bucquet  avait  réuni  une  belle 
collection  de  livres  de  littérature  et  d'histoire  dont  il  aimait  à  faire 
les  honneurs.  A.  T.-R. 


Nous  apprenons  avec  regret  la  mort  de  M.  Henri  Jolicœur,  décédé 
à  Reims,  le  16  janvier,  à  l'âge  de  56  ans. 

Cette  fin  prématurée  était  malheureusement  prévue  depuis 
longtemps  :  c'est  à  force  de  soins  attentifs  et  incessants  que 
notre  honorable  concitoyen  a  pu  prolonger  une  existence  toute 
de  souffrances,  depuis  plusieurs  années  déjà. 

M.  le  D""  Jolicœur  s'est  fait  connaître,  non  seulement  par  sa 
bienfaisance  et  son  aménité,  mais  aussi  par  des  travaux  scienti- 
fiques très  appréciés.  Nul  plus  que  lui  n'a  étudié  les  maladies  si 
nombreuses  qui  ont  atteint  nos  vignobles  champenois.  Il  est  l'au- 
teur d'une  magnifique  publication  de  ce  genre,  éditée  par  la  librai- 
rie Michaud  :  Les  Itavarjeurs  de  la  ^igne. 

Ses  obsèques  ont  eu  lieu  le  18,  au  milieu  d'une  affluence  nom- 


NÉCROLOGIB  131 

breuse  et  recueillie.  Un  piquet  du  iZi"  de  ligne  rendait  les  hon- 
neurs militaires. 

Au  cimetière,  cinq  discours  ont  été  prononcés.  Le  premier  par 
M.  le  docteur  Henrot,  remplaçant  M.  Neveux  malade,  au  nom  de 
l'administration  des  Hospices;  le  second  par  M.  le  Dr  Luton,  direc- 
teur de  l'Ecole  de  médecine;  le  troisième  par  M.  le  D""  Langlet,  au 
nom  de  la  Société  médicale  de  Reims;  le  quatrième  par  M.  Jules 
Henrot,  au  nom  de  la  Société  d'horticulture  et  du  Comice  agri- 
cole, et  le  cinquième  par  M.  Velpry,  au  nom  des  habitants  du 
4«  canton. 


iNous  avons  à  signaler  la  mort  de  M.  Beaujard,  officier  de  cava- 
lerie en  retraite,  chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  commissaire 
de  surveillance  administrative  à  la  gare  de  Reims. 

L'inhumation  a  eu  lieu  le  17  janvier  à  Rambercourt  (Meuse). 


Un  artiste  rémois  de  mérite,  M.  Gustave  Bazin,  est  décédé  le  19 
janvier  à  Paris,  dans  sa  59^  année. 

Gustave  Bazin  a,  depuis  quarante  ans,  tenu  une  large  place  dans 
la  vie  active  de  cette  ville.  Fils  d'un  ancien  professeur  de  seconde 
au  Collège  des  Bons-Enfants,  il  embrassa,  ses  études  faites,  la  car- 
rière musicale  et  devint  rapidement  un  artiste  distingué.  Il  a  .eu 
pour  maîtres  François  Bazin  et  Gounod.  et  pour  camarades 
d'études  Massenet  et  Léo  Delibes,  qui  étaient  restés  ses  amis. 
Gounod  l'avait  en  particulière  affection. 

Tenté  par  les  chances  de  réussite  qu'offre  le  commerce,  Bazin 
essaya  d'entrer  dans  l'industrie;  mais  il  avait  de  l'artiste  les  qua- 
lités et  les  défauts.  Ses  essais  furent  infructueux. 

Bazin  reprit  la  carrière  artistique. 

Il  fonda  à  Reims  la  première  Société  chorale  :  la  Sainte-Cécile. 
Bientôt  après,  il  fut  nommé  chef  de  la  Musique  municipale.  Per- 
sonne n'a  déployé  plus  de  science,  plus  d'habileté,  plus  de  per- 
sévérance et  de  volonté,  dans  la  direction  d'une  Société  de  ce 
genre.  Aussi  en  fit-il  la  première  musique  civile  de  France,  ainsi 
que  l'a  établi  le  grand  Concours  international  de  1889,  à  Paris. 

Auparavant,  il  avait  organisé  à  Reims  les  grands  Concours  de 
1860  et  1878.  11  avait  fondé  le  Cercle  des  arts,  dirigé  ['Union  Cho- 
rale. 

Il  y  a  quelques  années,  il  avait  donné  sa  démission  de  chef  de 
la  Musique  municipale;  mais  bientôt  après,  il  ressentait  l'irrésis- 
tible besoin  de  reprendre  en  main  le  bâton  de  chef  d'orchestre, 
et  c'est  ainsi  qu'il  prit  la  direction  de  la  Fanfare  des  Tonneliers, 
qu'il  avait  rapidement  transformée  et  dont  il  rêvait  de  faire  une 
Société  hors  ligne. 

Bazin  était  officier  d'Académie. 


lo'i  NÉCROLOGIE 


Le  24  janvier  ont  été  célébrées,  en  l'église  Saint-Jean  de  Châlons, 
les  obsèques  de  M.  l'abbé  Lecocq,  ancien  professeur  au  Petit-Sémi- 
naire de  Saint-Memmie. 

Une  centaine  de  prêtres,  accourus  de  tous  les  points  du  diocèse, 
avaient  tenu  à  rendre  un  dernier  hommage  à  celui  qui  avait  passé 
plus  de  la  moitié  de  son  existence  à  former  aux  vertus  sacerdo- 
tales et  à  initier  aux  dilticultés  des  sciences  ceux  qui.  plus  lard, 
devaient  devenir  ses  confrères  et  quelquefois  ses  supérieurs. 

En  effet,  l'humilité  du  saint  prêtre  n'avait  jamais  voulu  accepter 
d'autre  poste  que  celui  d'éducateur  des  petits. 

Un  délégation  très  importante  des  élèves  du  Petif-Séminaire 
suivait  le  convoi  de  leur  ancien  et  si  cher  professeur. 

Les  jeunes  filles  de  la  paroisse  Saint-Jean,  très  nombreuses, 
avaient  revêtu  leurs  habits  blancs  pour  escorter  le  vieu^  prêtre  qui 
avait  consacré  son  reste  de  santé  et  de  forces  à  les  instruire  des 
vérités  chrétiennes,  à  porter  partout  les  paroles  de  paix  et  de  con- 
solation. 

Après  l'absoute,  le  cortège  s'est  dirigé  vers  le  cimetière  de  Saint- 
Memmie  où  M.  l'abbé  Lecocq  a  été  inhumé. 


Nous  avons  le  regret  d'apprendre  la  mort  de  M.  Challe,  sous- 
intendant  militaire  de  première  classe  en  retraite,  officier  de  la 
Légion  d'honneur. 

M.  Challe,  qui  avait  résidé  jusqu'à  ces  derniers  temps  à  Châlons, 
est  décédé  à  Auxerre,  le  14  janvier,  dans  sa  61^  année. 

Il  laisse  une  brillante  et  nombreuse  famille  :  l'un  de  ses  fils  est 
capitaine  breveté  d'état-major,  un  autre  élève  à  l'Ecole  militaire 
de  Saint-Cyr.  Il  était  beau-père  de  M.  d'Amade,  capitaine  de 
cavalerie,  et  de  M.  Lorrain,  capitaine  breveté  d'infanterie,  attaché 
à  l'état-major  de  la  12"^  division,  à  Reims. 


On  annonce  la  mort  de  la  marquise  douairière  de  Colbert, 
décédée  en  son  château  de  Canet,  dans  le  département  du  Var. 
Elle  laisse  un  fils  et  trois  filles  mariées,  les  marquises  de  Rougé 
et  de  Thézan,  et  la  comtesse  Aiban  de  Villeneuve. 

La  branche  des  Colbert  établie  en  Provence,  et  à  laquelle  se  rat- 
tachait la  marquise  défunte,  descend  directement  de  l'illustre 
ministre  de  Louis  XIV. 


BIBLIOGRAPHIE 


Suite  de  feuillets  détachés  de  l'histoire  de  Rebâ.is-en-Brie,  par 
V.  Leblond,  interne  des  hôpitaux.  Pari?.  H.  Jouve,  1893,  ia-12, 
153  p. 

Ce  travail  est  la  seconde  étape  d'une  œuvre  dont  nous  avons 
déjà  signalé  le  début^.  Moire  collaborateur,  M.  Leblond,  enfant 
de  Rebais,  amasse  en  etîet  les  matériaux  nécessaires  à  ia  rédac- 
tion d'une  histoire  de  cette  petite  ville,  riche  en  souvenirs  qui 
méritent  d'être  mis  en  lumière.  Une  partie  du  Parlement  de  Paris 
fut  exilée  à  Rebais  en  1*7 1.  Une  école  royale  militaire  y  fut  établie 
en  1776  et  resta  jusqu'à  la  Révolution  Fune  des  dix  maisons  de  pro- 
vince où  se  recrutait  l'élite  de  nos  officiers.  Mais  la  principale 
renommée  de  Rebais  se  tire  de  sa  vieille  abbaye  bénédictine, 
fondée  en  635  par  Dagobert,  et  dont  saint  Aile  fut  le  premier 
abbé.  C'est  sur  l'histoire  de  celte  abbaye,  liée  pendant  longtemps 
à  celle  du  bourg  même,  qu'ont  dû  se  porter  surtout  les  conscien- 
cieuses recherches  de  iM.  Leblond. 

La  brocbure  se  compose  de  dissertations,  au  nombre  de  dix, 
dont  plusieurs  onl  élé  déjà  publiées  par  la  Revue  de  Champagne, 
mais  qu'il  est  utile  de  trouver  réunies.  Elles  ont  trait  à  des  sujets 
différents  dont  voici  l'énumération  :  Une  liste  des  abbés  de  Rebais- 
en-Brie;  la  messe  du  lépreux  et  la  maladrerie  de  Rebais  ;  associa- 
tion de  prières  et  rouleaux  des  morts;  les  verriers  de  Rebais; 
Bossuet,  évêque  de  Meaux,  et  l'abbaye  de  Rebais;  note  sur  l'em- 
placement du  prieuré  de  Beaulieu;  un  maître  d'école  en  1695  : 
profils  et  charges;  la  bulle  Unigenitus  et  l'exil  de  Dom  Louvard 
à  Rebais;  les  débuts  de  la  Révolution,  —  le  maire  de  Rebais  en 
1790  ,  la  vente  des  biens  de  l'abbaye. 

Au  cours  des  siècles,  l'abbaye  do  Rebais  subit  le  sort  commun  à 
beaucoup  de  monastères.  Elle  fut  tour  à  tour  incendiée  et  ravagée 
par  les  Normands,  par  les  Anglais  et,  sous  la  Ligue,  par  les  Fran- 
çais même,  aux  ordres  du  maréchal  de  Biron^  Elle  eut  encore 
une  période  de  prospérité  après  son  union  à  la  Congrégation  de 
Sainl-Maur  en  1661.  Elle  jouissait  depuis  longtemps  d  une  sorte 
de  juridiction  épiscopale  lorsque  ce  privilège  lui  fut  enlevé  en 
1696,  par  suite  d'un  procès  avec  Bossuet,  évê(|ue  de  Meaux.  Cette 
lutte  judiciaire,  dont  M.  Leblond  relrace  1res  lùen  les  péripéties, 
est  l'un  des  épisodes  les  plus  curieux  de  l'hisloire  de  l'abbaye. 

Au  surplus,  par  sa  clarté,  son  style  sobre  et  la  variété  des  élé- 

1.  Revue  de  Champagne,  année  1889,  p.  59. 

2.  D.  Du  Plessis,  Histoire  de  l'église  de  Meaux,  p.  405. 


134  BIBLIOGRAPHIE 

ments  qu'elle  renferme,  l'étude  de  M.  Leblond  est  faite  pour 
éveiller  l'intérêt  de  toutes  les  classes  de  lecteurs.  Mais  elle  n'est 
encore  que  l'avant-goût  d'un  travail  plus  vaste  que  l'auteur  entend 
consacrer  à  sa  ville  natale  : 


Voilà  Rebais,  charmant  séjour, 
Bâti  près  d'un  couvent,  au  vieux  pays  de  Brie, 
C'est  mon  village  et  ma  patrie  : 
Je  dirai  son  histoire  un  jour. 

Ce  dernier  vers  d'une  poésie  composée  par  M.  Leblond  en  guise 
de  préface,  est  une  promesse  dont  nous  attendons  avec  confiance 

la  réalisation  prochaine.  E.  V. 

* 

Manuscrits  légués  à  la  Bbliothèque  Nationale  par  Armand  Durand,  notice 
par  LÉOPOLD  Delisle,  extrait  de  la  Bibliothèque  des  Chartes,  année 
1894,  t.  LV.  In- 8»  de  34  pages. 

Sous  ce  titre  étranger  en  apparence  à  la  Champagne,  nous 
signalons  les  plus  curieux  renseignements  sur  l'abbaye  de  Signy 
et  sa  fondation  par  saint  Bernard  en  1134.  Dans  la  Bibliothèque 
de  l'Ecole  des  Chartes,  t.  55,  627  et  seq.,  parmi  les  précieux  docu- 
ments légués  à  la  Bibliothèque  nationale  par  Armand  Durand, 
ancien  professeur  aux  lycées  Louis-le-Grand  et  Bonaparte,  ligure 
une  ï  Chronique  de  l'abbaye  de.  Signy  »  que  Marlot  avait  connue. 
Celte  fois,  nous  sommes  en  présence  d'un  texte  authentique, 
xiiie  et  xiv  siècles,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  la  Chronique 
de  Signii  ou  de  Mézières  dont  M.  Aug.  Longnon  a  fait  justice  dans 
le  XI"  fascicule  de  la  Bibliothèque  de  VEcole  des  Hautes-Etudes. 
Dans  le  texte  publié  par  M.  Delisle  on  trouve  la  mention  de 
démêlés  entre  Philippe-Auguste  et  Raoul,  seigneur  de  Château- 
Porcien.  On  n'ignore  pas  que  ce  personnage  appartenait  à  une 
branche  cadette  des  comtes  de  Grandpré  que  André  Duchesne 
rattachait,  par  erreur,  à  la  maison  de  Châlillon.  H.  J. 


Mémoires  de  Jean-François  Thoury,  1789-1830,  publiés  par  Charles  Boy. 
Paris,  Pion,  1895,  ia-18  de  321   pages. 

L'intérêt  de  ce  volume  pour  la  bibliographie  champenoise,  c'est 
que  son  auteur,  né  à  Inaumont  (Ardeiines)  en  1766,  habitait  Châ- 
lons-sur-Marne  au  début  de  la  Révolution.  11  y  avait  été  le  témoin 
des  événements  si  tragiques  du  retour  de  Varennes  et  de  l'invasion 
prussienne,  il  raconta  plus  lard  ce  qu'il  avait  vu,  et  le  fit  à  bâtons 
rompus,  mais  en  relatant  des  détails  que  l'on  note  avec  intérêt 
et  avec  sécurité,  car  Thoury  paraît  sincère.  Il  était  le  protégé  de 
l'inlorluné  Jean-Evangéliste  Roze,  qui  joua  un  rôle  important  dans 
le  département  de  la  Marne  et  fut  ensuite  guillotiné.  Comme  lui 


BIBLIOGRAPHIE  1  3  0 

royaliste,  et  plus  que  lui  téméraire,  Thoury  avait  été  emprisonné 
et  avait  dû  s'enfuir  en  Hollande  dès  1793.  Plus  tard,  il  se  réfugia 
en  Russie,  et  il  en  resta  Tliote  pendant  près  de  quarante  ans.  Il 
mourut  en  1833,  exerçant  la  profession  de  libraire  à  Millau,  en 
Courlande.  Ses  mémoires  sont  écrits  avec  une  touchante  ingénuité. 

H.  J. 
*    * 

Sommaire  de  la  Revue  ardennaise.  —  ?'  année,   l"  livraison 
(janvier-février  1895). 

I.  Souvenirs  archéologiques  de  l'abbaye  de  Belval,  par  Roger  Grappin. 

II.  La  maison  noble  et  les  anciens  châtelains  de  Mézières,  par 
C.-G.  Roland, 

m.  Mélanges.  —  Embarcations  en  usage  sur  la  Setnoy  au  XVI II'  siiclC) 

par  Louis  Demaison. 
Le  droit  de  gite  à  Amagne  en  1218,  par  Henri  Lacaille. 
Testament  de  Catherine  de  Harange,  comtesse  de  Grandpré  (1597),  par  le 

D'  H.  Vincent. 
Devises  d'anciens  cadrans  solaires  :  à  Signy-V Abbaye,  Lalobbe,  Neuflize, 

Château- Porcien  et  Acy-Romance,  par  H.  Jadart. 
Note  biographique  sur  Claude-Joseph  Roland,  curé  de  Sorcy  (1652-1695), 

par  Paul  Pellot. 

IV .  Bibliographie.  —  Jadart,  Notice  sur  Adrien  Duchénoy.  —  Alexandre^ 
Histoire  de  Saint-Loup-Terrier.  —  Cerf,  L'Eucharistie  dans  les  arts^ 
dans  l'ancienne  province  de  Champagne. 

V.  Chronique.  —  Une  copie  des  Mémoires  de  Fleur  ange.  —  Les  Ardennes 
à  l'Académie  de  Reims,  en  1894.  —  Un  jeton  de  Louis  de  la  Trémoiile, 
gouverneur  du  Mont-Olympe. 

VI.  Planche.  —  Carreaux  émaillés  provenant  de  l'abbaye  de  Belval 
(xiii»  et  XVI'  siècles). 


CHRONIQUE 


Société  académique  de  l'Aube  {Séance  du  18  janvier  1895). 
—  Présidence  de  M.  Albert  Babeau,  président. 

M.  Babeau  remercie  ses  collègues  de  l'avoir  de  nouveau  appelé 
à  la  vice-présidence.  Il  adresse  les  félicitations  de  la  Société  à 
MIM.  Det  et  Lutel,  nommés  officiers  d'Académie;  à  M.  Fréminet, 
membre  associé,  qui  vient  d'être  nommé  chevalier  de  la  Légion 
d'honneur,  et  à  MM.  Natalis  Rondot  et  Paul  Nancey,  membres  cor- 
respondants, chevaliers  du  Mérite  agricole. 

Correspondance 
MM.  Rabel  et  Plicot  sont  proclamés  membres  correspondants. 
.M.  Piat  remercie  la  Société  de  l'avoir  nommé  conservateur  hono- 
raire du  Musée  des  Arts  décoratifs  fondé  par  lui. 

Ouvrage  offert 
Par  M.  Thévenot,  membre  correspondant  :  Une  affaire  mysté- 
rieuse à  Vinets,  en  1783.  Il  s'agit  d'une  cause  célèbre,  vol,  la  nuit, 
avec  effraction.  Trois  accusés,  retenus  cinq  ans  dans  sept  prisons 
successives,  condamnés  par  sept  tribunaux  au  supplice  de  la  roue, 
ont  finalement  été  reconnus  innocents  et  acquittés,  grâce  au  zèle 
persistant  d'un  défenseur  dont  le  nom  ne  nous  a  pas  été  conservé. 

Lectures  et  Communications  des  Membres 

M.  Le  Clert  fait  connaître  les  dons  offerts  au  Musée  de  Troyes  et 
à  la  Société,  dans  lesquels  figurent  : 

Par  M.  Natalis  Rondot:  Quatre  ouvrages  différents; 

Par  M.  Julien  Gréau  :  Les  bronzes  antiques,  catalogue  de  sa  col- 
lection. 

M.  Pron,  appelé  à  rendre  compte  de  l'étude  de  M.  Marguillier 
sur  un  maître  inconnu  du  xv*  siècle,  Michel  Pacher,  a  fait  une 
dissertation  des  plus  intéressantes  sur  l'œuvre  de  ce  maître,  à  la 
fois  peintre  et  sculpteur,  en  décrivant,  d'après  M.  Marguillier,  ses 
principaux  chefs-d'oeuvre.  Leur  exécution  témoigne  d'une  foi  pro- 
fonde et  d'une  sincérité  naïve. 

M.  de  la  BouUaye  expose  que  la  Revue  des  questions  historiques 
renferme  un  article  des  plus  élogieux  de  M.  le  comte  de  Luçay,  à 
propos  d'un  ouvrage  ae  M.  Albert  Babeau  :  La  province  sous  l'an- 
cien régime.  La  modestie  de  notre  éminent  collègue  le  lui  a  fait 
passer  sous  silence.  M.  de  Luçay  a  suivi  l'auteur  pas  à  pas  ;  il  a 
montré  comment  les  provinces  se  sont  constituées,  comment  ce 
sont  les  peuplades  qui  ont  donné  leurs  noms  aux  territoires  occu- 
pés par  elles;  chaque  province  avait  son  autonomie,  qui  s'est  con- 


CHRONIQUE  ^  137 

servée  surtout  pour  la  répartition  des  impôts.  Le  rùle  des  gouver- 
neurs et  lieutenants-généraux  institués  par  François  I*^''  s'est 
rapidement  réduit  à  l'autorité  militaire.  Après  avoir  étudié  les 
intendants,  l'auteur  en  arrive  à  l'unification  de  l'organisation 
française. 

M.  Babeau  signale  l'existence  à  la  Bibliothèque  nationale,  dépar- 
tement des  manuscrits,  Collection  de  Champagne,  de  sept  à  huit 
volumes  sur  Troyes;  l'un  d'eus  contient  des  notes  de  Lévesque  de 
la  Ravallière  sur  les  Troyens  célèbres,  Grosley  entre  autres.  On  y 
trouve  des  procès-verbaux  intéressant  les  diverses  corporations, 
notamment  celle  des  bouchers;  M.  Babeau  cite  une  enquête  pré- 
sidée par  le  lieutenant  général  Morel,  en  1739,  à  l'efTet  de  recher- 
cher s'il  y  avait  des  mouches  dans  les  boucheries  de  Troyes.  Elle 
est  des  plus  curieuses;  Aufauvre  l'a  relatée  dans  son  Album  pit- 
loresque. 

Une  autre  notice  a  trait  aux  emplacements  réservés  pour  les 
marchés  des  diverses  denrées  à  Troyes. 

Présentations 

SIM,  Fernand  Gervais,  fabricant  de  bronzes  à  Paris,  rue  des 
Filles-du-Calvaire,  et  Maurice  Pelit-Sénéchal,  juge-suppléant  au 
Tribunal  civil  de  la  Seine,  sont  présentés  comme  membres  corres- 
pondants. 

Le  fauteuil  de  M.  l'abbé  Garnier,  membre  résidant,  section  des 
Arts,  est  déclaré  vacant  ;  l'élection  aura  lieu  à  la  séance  de  février. 


Société  d'Histoire  et  d'Archéologie  de  l'arrondissement  de 
Provins  (Séance  du  jeudi  29  novembre  i894).  —  Présidence 
de  M.  Berquier,  vice-président. 

Sont  élus: 

Président,  M.  Jules  Cousin,  conservateur  du  Musée  Carnavalet. 

Vice- Présidents,  MM.  Berquier  et  Bourquelot^ 

Secrétaire,  M.  l'abbé  Bonno; 

Vice- Secrétaire,  M.  l'abbé  Braichotte; 

Trésorier,  M.  Detousches  ; 

Archiviste,  M.  Soleil; 

Délégués,  MM.  Delondre  et  Maurice  Lecomte. 

M.  Maurice  Lecomte  lit  une  «  note  d'onomastique  à  propos  d'une 
très  vieille  opinion,  récemment  renouvelée  sur  le  nom  de  lieu 
Alhis,  Athie,  Athies  et  à  tort  appliqué  à  Atliis,  canton  de  Bray-sur- 
Seme  ».  C'est  la  critique  d'une  communication  faite  à  la  Société 
d'Archéologie  de  Melun,  séance  du  14  octobre  dernier,  par 
M.  l'abbé  Garnier,  curé  de  Lusigny  (Aube),  qui  conclut  :  «  que  le 
nom  d'Athis  dérive  du  gentilice  ou  nom  de  famille,  Atleius  ou 
Atcius,  un  gallo-romain  possesseur  primitif  des  cases  ou  maisons 


138  CHRONIQUE 

dites  Atleias  ou  Aleias;  —  que  ce  petit  domaine  a  dû  être  cons- 
titué vers  la  fin  du  iii«  siècle  ou  le  commencement  du  iv«.  » 

L'existence  du  gentilice  en  question  est  hypothétique  et  supposée  ; 
les  recueils  d'inscriptions  et  les  auteurs  latins  ne  mentionnent  pas 
ce  nom,  mais  on  y  trouve  celui  à'Attius  ou  Accius. 

M.  Garnier  renouvelle  la  théorie  émise  au  xvii«  siècle  par  Adrien 
de  Valois,  et,  plus  récemment,  par  M.  d'Arbois  de  Jubainville,  les- 
quels se  séparent  sur  un  point. 

Valois  tire  Athis  el  Alhies  d'un  composé  (?)  renfermant  un 
gentilice  AUeius  et  le  suffixe  gallo-romain  —  acus  exprimant  une 
idée  de  possession  :  Allei-acus  (fundiis),  domaine  ou  fonds  de 
terre  d' AUeius.  —  Mais  Altei-acus  aurait  logiquement  donné 
Atty  et  y  h  ne  s'expliquerait  pas.  Cette  opinion  a  aussi  contre  elle 
d'acieunes  formes  avec  h  que  nous  citerons  plus  loin. 

M.  d'Arbois  explique  Athies  par  Atheias  pour  (??)  Atleias, 
féminin  pluriel  accusatif  d'un  gentilice  Atteins. 

M.  Garnier  renouvelle  ces  opinions  peu  solides  et  place  l'origine 
d' Athis  au  iii^  ou  iv^  siècle.  C'est  trop  de  précision.  En  matière  de 
noms  de  lieu,  on  ne  peut  fixer  aussi  précisément  la  date  de  nais- 
sance, puisque  tel  mode  de  formation  des  vocables  topographiques 
a  été  usité  pendant  plusieurs  siècles;  surtout  lorsqu'un  nom  de 
lieu  est  un  nom  commun  bas  lalin  employé  au  sens  topogra- 
phique, ce  qui  est  le  cas  pour  Alhis,  Athies,  Athie. 

M.  Lecomte,  se  basant  sur  d'anciennes  orthographes  qui  sont 
absolument  contraires  au  système  d'Adrien  de  Valois  et  de 
MM.  d'Arbois  de  Jubainville  et  Garnier,  reconnaît  comme  étymo- 
logie  seule  rigoureusement  possible  et  logique,  de  Athis,  Athies, 
Athie,  le  terme  bas  latin  Àttegia,  parfois  écrit  Attigia  oaAlhegia 
(voir  Du  Gange,  Glossarium),  qui,  suivant  Juvéna!  et  Pappias  le 
jurisconsulte,  désignait  les  cabanes  des  Maures  et  aussi  des  huttes 
de  soldats.  Ce  mot  appartenait  au  latin  populaire.,  passa  en  Gaule 
avec  lui  par  les  militaires  et  commerçants  romains  et  fut  appliqué 
parfois  aux  localités  primitivement  formées  par  une  agglomération 
plus  ou  moins  importante  de  cabanes  de  bergers,  loges  de  vigne- 
rons, huttes  de  bûcherons  ou  abris  de  pêcheurs,  ce  qui  serait  plu- 
tôt l'origine  historique  de  Athis-sur -Seine,  canton  de  Bray. 

Le  mot  Atlegia  explique  :  1°  par  son  accusatif  singulier  Atte- 
giam,  Atligiam,  Athegiam,  Athie;  2"  par  son  accusatif  pluriel 
Attegias,  Athefjias,  Athies,  Athis. 

Athis  (S.-et-O.)  est  appelé  :  Athcgia  dans  l'histoire  latine  des 
translations  du  corps  de  sainte  Geneviève  qui  ont  eu  lieu  au 
IX*  siècle  au  temps  des  invasions  normandes  {Gallia  Chrisliana, 
t.  VU,  col.  704);  et  Athegias  dans  les  lettres  de  Gilduin,  premier 
abbé  de  Saint- Victor  de  l'aris,  antérieures  à  11»3. 

Suivant  une  règle  de  phonétique,  le  g  inlervocal  de  Athegiam 
ou  Athegias  ton)be  el  donne  la  forme  Atheiam  ou  Atheias,  celle-ci 
prise  à  tort  pour  l'accusatif  féminin  pluriel  de  Atteins. 


CHRONIQUE  1 31t 

Alliis  (S.-et-O.)  esl  d'ailleurs  appelé /l(eifl5  dans  la  «  Viladomni 
Burcardi  »  d'Eudes  de  Sainl-Maur  (xc  siècle  —  manusciil  latin 
3778  delà  Bibliothèque  Nationale  —  Edition  Bourelde  laRoncière, 
chapitre  IX). 

L'opinion  de  Valois,  renouvelée  par  MM.  d'Arbois  de  Jubainville 
et  Garnier,  ne  paraît  certainement  pas  aussi  logiquement  soute- 
nable  au  double  point  de  vue  historique  et  philologique. 

Après  cette  lecture,  M.  Lecomte  parle,  en  quelques  mots,  de 
l'intéressante  brochure  de  notre  collègue  M.  Quesvers,  Gastins  en 
(Idtinais?  et  insiste  particulièrement  sur  la  frontière  orientale, 
dès  le  commencement  du  ixe  siècle,  du  pays  de  Melun,  qu'il  faut 
distinguer  de  la  limite  du  doyenné  de  Montereau.  M.  Lecomte 
signale  une  thèse  allemande  dont  il  a  fait  récemment  la  traduc- 
tion et  qui  a  pour  sujet  le  patois  de  Provins  au  xni"=  siècle,  et  pour 
auteur  Adolf  Gottschalk,  de  Cassel  (1893).  —  Gottschalk  a  fait 
cette  étude  d'après  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  de  Provins 
et  de  la  Bibliothèque  Nationale.  —  M.  Lecomte  relève  quelques 
fautes  de  lecture  dans  le  déchiffrement  de  certains  passages  du 
Cariulaire  de  la  Ville  de  Provins.  —  Il  est  juste  de  rappeler 
qu'en  1869,  l'historien  de  Provins,  F.  Bourquelot,  a  également 
étudié  le  langage  de  la  région  de  Provins  au  moyen-âge.  —  Mais 
l'état  embryonnaire  de  la  science  philologique  il  y  a  vingt-cinq  ans 
n'a  pas  permis  au  regretté  savant  de  fournir  une  étude  assez  pré- 
cise ni  des  résultats  assez  décisifs.  —  La  thèse  de  (Gottschalk 
répond  en  somme  au  plus  récent  état  de  la  science  philologique, 
bien  que  son  auteur  semble  avoir  encore  beaucoup  à  faire  pour 
devenir  un  philologue. 

Les  nouvelles  rues  de  Reims.  —  Le  Conseil  municipal  de  Reims  s'est 
réuni  récemment  en  comité  secret,  après  la  séance  publique,  pour  discuter 
le  rapport  de  M.  Neveux  sur  les  noms  à  donner  aux  nouvelles  rues  de  la 
ville. 

Voici  le  résultat  de  cet  examen  : 

i"  A  Ja  rue  qui  vient  d'être  ouverte  entre  le  boulevard  Lundy  et 
la  rue  Savoye,  le  nom  de  rue  Â'ellermann,  en  souvenir  du  vain- 
queur de  Valmy,  qui  ouvrit  la  brillante  série  des  triomphes  que 
les  armées  françaises,  dans  leur  lutte  héroïque  pour  la  défense  de 
l'indépendance  nationale,  devaient  remporter  sur  les  coalisés. 

2°  A  celle  ouverte  entre  la  rue  Gérés  et  la  rue  de  Monsieur, 
formant  presque  le  prolongement  de  la  rue  Notre-Dame-de  l'Epine, 
le  nom  de  rue  Bonhomme,  pour  perpétuer  la  mémoire  de  M.  Jean 
Bonhomme,  qui  fut  l'architecte  de  l'Hôtel  de  Ville  de  Reims,  et 
dont  le  fils  construisit  le  cloître  de  l'Hôtel-Dieu. 

3°  A  la  rue  qui  vient  d'être  ouverte  parallèlement  à  la  rue  de 
Fismes  et  dénommée  rue  Négrier  par  ses  habitants,  le  nom  de  rue 
Magneux,  pour  honorer  la  mémoire  de  M'"'  Barbe-Martin,  veuve 


14U  CHRONIQUE 

de  ÏNicolas  Colbert.  seigneur  de  Magneux,  qui  a  fondé  en  J631 
THôpital  ou  Hospice  de  Sainte-Marthe,  dite  aussi  «  des  Magneu- 
ses  M,  où  se  trouve  aujourd'hui  le  Lycée  des  jeunes  filles,  et  l'a 
doté  non  seulement  de  cette  importante  demeure,  mais  encore 
de  nombreux  héritages  sis  à  Reims,  Lucquy,  Germigny  et  Che- 
vrières,  dont  les  revenus  assuraient  son  entretien  à  perpétuité  — 
Cet  Hôpital  a  été  annexé  à  l'Hôpital  Général,  le  i''""  prairial  an  VII, 
et  celte  annexion  a  été  confirmée  par  décret  impérial  du  3  janvier 
1812.  —  L'œuvre  des  Magneuses  s'est  perpétuée  à  l'Hôpital  Général 
et  douze  jeunes  filles  y  sont  encore  élevées  gratuitement  pour 
former,  suivant  le  vœu  de  iM""  de  Magneux,  d'intelligentes  et 
honnêtes  servantes  et  de  bonnes  ouvrières. 

4°  Sur  le  chemin  de  Reims  à  Courcelles  : 

Première  rue  ou  plutôt  impasse  :  Impasse  de  Courcelles. 

Deuxième  rue  :  rue  Hellarl,  pour  perpétuer  le  souvenir  de 
quatre  peintres  rémois  de  ce  nom,  dont  notre  Musée  possède 
plusieurs  œuvres  distinguées.  —  Le  plus  célèbre  de  ces  peintres 
fut  Jean  Hellart,  qui  obtint  le  titre  officiel  de  peintre  de  la  Ville 
et  qui  organisa  à  Reims  une  école  ou  Académie  de  peinture  et  de 
sculpture,  l'une  des  premières,  en  date,  de  France.  —  La  Fontaine 
a  placé  chez  lui  la  scène  du  conte  intitulé  :  t  Les  Rémois  ». 

Troisième  rue  :  rue  Saubinet,  en  mémoire  de  M.  Etienne  Sau- 
binet,  ancien  gérant  de  la  Société  des  Déchets,  qui  a  donné 
20,000  fr.  aux  Hospices  pour  la  fondation  de  deux  lits  au  profit 
d'ouvriers  en  laine,  dont  l'un  pour  un  aveugle  et  l'autre  pour  un 
paralytique,  et  qui  a  laissé  à  l'Ecole  de  Médecine  un  magnifique 
herbier,  et  à  la  Ville  une  partie  de  ses  livres  et  une  curieuse  col- 
lection de  tableaux  et  de  gravures  intéressant  Reims.  —  Sa  famille 
était  alliée  aux  Colbert  et  aux  Tronsson. 

5»  Sur  la  rue  Alexandre-Henrot  viennent  aboutir  quatre  rues  : 

La  premièfe,  du  côté  de  Courcelles,  est  dénommée  par  les  habi- 
tants, rue  de  Thil.  Elle  conservera  ce  nom,  car  elle  est  tracée  dans 
la  direction  de  ce  village. 

La  deuxième,  appelée  aujourd'hui  rue  Antonin-le-Pieux,  prendra 
le  nom  de  rue  de  Villers-Franqueux. 

La  troisième^  qui  n'est  que  la  rue  de  Merfy  prolongée,  s'appel- 
lera rue  de  Merfy. 

La  quatrième,  qui  n'est  également  que  la  rue  des  Trois-Fon- 
taines  prolongée,  et  qui  commence  à  la  rue  Géruzez,  et  traverse 
la  rue  Alexandre-Henrot  pour  continuer  dans  les  champs  vers 
Saint-Thierry,  s'appellera  rue  des  T rois-Fontaines. 

6"  Entre  la  rue  de  Saint-Thierry  et  la  rue  de  Cormicy,  des  deux 
côtés  de  la  cité  l'oirot: 

Première  rue,  du  côté  de  Reims,  rue  des  Maretz.,  du  nom  de  la 
propriété  des  Maretz  qui  se  trouve  dans  sa  direction. 

Deuxième  rue,  du  côté  de  Saint-Thierry,  rue  de  Baslieux,  du 


CHRONIQUE  141 

nom  de  la  ferme  des  Baslieux,  située  en  face  de  celle  rue  et  for- 
mant le  centre  des  travaux  d'irrigation  pratiquée  avec  les  eaux 
d'égout  de  la  Ville. 

7*  Cité  du  Vieux-Coq,  deux  rues  : 

La  première,  formant  actuellement  la  rue  de  la  Cité,  s'appellera 
rue  du  Vieux- Coq: 

La  deuxième,  située  en  avant  de  la  Cité,  du  côté  de  Reims, 
prendra  le  nom  de  la  rue  de  Chenay. 

8»  La  rue  ouverte  entre  la  rue  de  Marziily  et  la  rue  dHermon- 
ville  conservera  le  nom  de  la  rue  du  Vieux-Colombier,  appellition 
sous  laquelle  elle  est  actuellement  connue  et  désignée. 

9"  Entre  la  rue  de  Bourgogne  et  la  rue  Danton,  deux  rues  : 

La  première,  du  côté  de  l'avenue  de  Laon,  sera  dénommée  rue 
Rivart- Propilé  lie,  du  nom  de  M"'  Rivart-Propliétie,  qui  est 
décédée  récemment,  instituant  pour  son  légataire  universel  le 
Bureau  de  bienfaisance  de  la  Ville  de  Reims,  et  laissant  aux 
Hospices  une  maison  sise  à  Reims,  boulevard  de  la  République, 
n»  3,  et  13,000  fr.  à  la  Maison  de  Retraite; 

La  deuxième,  du  côté  du  chemin  de  Courcy  et  qui  n'est  actuel- 
lement qu'à  l'état  d'impasse,  prendra  le  nom  de  rue  Jeunehom'ne, 
en  mémoire:  1"  d'un  maire  de  Reims  qui  a  occupé  ce  poste  pen- 
dant deux  ans;  2°  de  M,  Gabriel  Jeunehomme,  qui  a  légué  au 
Musée  de  Reims  vingt-cinq  œuvres  dont  la  majeure  partie  était 
signée  des  maîtres  hollandais  et  flamands,  notamment  une  fête 
de  village  par  David  Téniers,  plusieurs  tableaux  de  l'école  fran- 
çaise et  quantité  de  copies  anciennes  d'oeuvres  du  xviii*  siècle. 

10°  Entre  la  rue  Gosset  et  le  chemin  de  Bétheny,  des  deux  côtés 
de  l'établissement  des  lits  militaires,  deux  rues  : 

La  première,  vers  Reims,  s'appellera  rue  Hurlaut,  du  nom 
d'un  ancien  professeur  de  droit,  qui  fut  pendant  trois  ans  maire 
de  Reims; 

La  deuxième,  vers  Bétheny,  sera  dénommée  rue  l'ronssoii-Le- 
conle,  en  souvenir  de  M.  Tronsson-Leconte,  issu  d'une  vieille 
famille  de  Reims  qui  a  donné  plusieurs  illustrations  à  ce  pays.  Le 
choix  de  ses  concitoyens,  à  une  époque  où  les  fonctions  du  maire 
étaient  électives,  le  porta  à  la  tête  de  TAdministration  municipale, 
où  il  resta  cinq  ans.  Il  fut  appelé  en  1808  au  Corps  législatif,  reçut 
en  1810  le  brevet  de  chevalier  de  l'Empire,  et  en  1814  fut  nommé 
officier  de  la  Légion  d'honneur.  Il  fit  longtemps  partie  de  l'admi- 
nistration des  Hospices  et  du  Bureau  de  bienfaisance.  C'est  sous 
son  administration,  en  180!s,  que  fut  décidée  l'installation  de  la 
Bibliothèque  publique  dans  les  bâtiments  de  l'Hôtel  de  Ville. 

H°  La  rue  désignée  actuellement  sous  le  nom  de  rue  du  Bel- 
Air  conservera  cette  dénomination. 

12°  Entre  le  cimetière  de  l'Est  et  le  Tir  : 

Une  rue  venant  aboutir  sur  la  route   de  Givet  à  Orléans  sera 


U2  CHRONIQUE 

désignée  sous  l'appellatioii  de  rue  du  Tir,  à  raison  de  son  voisi- 
nage avec  l'Ecole  de  tir. 

13°  Le  chemin  des  Courtes-Martin  s'appellera  rue  des  Courtes- 
Martin,  en  souvenir  du  hameau  de  ce  nom,  depuis  longtemps 
disparu. 

14"  Le  chemin  conduisant  de  la  route  de  Givet  aux  docks,  for- 
mera la  rue  Galloteau,,  du  nom  de  M.  Galloleau-Chapron.  qui  fut 
trois  fois  et  pendant  quatre  ans  maire  de  Reims,  devant  cette  hono- 
rable fonction  aux  suffrages  de  ses  concitoyens, 

15"  Devant  les  cités  ouvrières,  rue  aboutissant  à  la  route  de 
Cernay  : 

Elle  s'appellera  rue  Pierrard-Parpaile ,  du  nom  de  M.  Pierrard- 
Parpaite,  qui  fut  manufacturier  à  Reims,  membre  du  Conseil  muni- 
cipal, chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  fondateur  et  président  de 
là  Société  de  secours  mutuels  dite  de  Saint-Eloi.  Il  créa  à  Reims 
la  première  fonderie  de  fer  du  département  et  aida  puissamment 
au  développement  des  progrès  de  l'industrie  lainière  dans  cette 
ville.  Il  se  livra  avec  beaucoup  d'intérêt  à  l'étude  des  questions 
relatives  au  bien-être  de  la  classe  ouvrière  et  occupa  toujours  dans 
ses  ateliei's  de  nombreux  travailleurs. 

l6o  L'ancien  chemin  de  Beine,  par  les  Ras,  longeant  l'une  des 
casernes  de  la  brigade  de  cavalerie,  sera  nommé  rue  du  Général 
Carré.  —  Ce  général  est  né  à  Reims,  le  19  février  1770;  il  mourut 
maréchal  de  camp  en  1845.  Soldat  dans  la  garde  nationale  pari- 
sienne, il  passa  en  1791  au  105'  de  ligne.  Il  fut  blessé  plusieurs 
fois  et  eut  un  cheval  tué  sous  lui  à  la  bataille  de  Krasnoé,  où  il 
était  colonel-major  du  6«  tirailleurs.  Il  fut  nommé  chevalier  de  la 
Légion  d'honneur  et  baron  de  l'Empire. 

17°  La  rue  entre  les  deux  casernes  de  cavalerie  s'appellera  rue 
Verrier,  en  souvenir  de  noire  concitoyen  Marie-Claude-Bernard 
Verrier,  maréchal  de  camp  d'artillerie,  officier  de  la  Légion 
d'honneur,  chevalier  de  Saint-Louis,  décédé  à  Reims  le  7  décem- 
bre 1837. 

19"  Le  chemin  Vert  s'appellera  rue  du  Chemin- Vert. 

20°  Le  chemin  longeant  le  groupe  de  maisons  construites  à  côté 
du  chemin  Vert,  s'appellera  rue  Coulier-Marion,  du  nom  d'un 
ancien  maire  de  Reims  qui  occupa  pendant  deux  ans  ce  poste 
qu'il  devait  à  l'élection. 

21°  Le  chemin  de  Saint-Nicaise  sera  désigné  sous  le  nom  de  rue 
Lanson,  en  souvenir  de  M.  Lanson  aîné,  ancien  adjoint  au  maire 
de  Reims  et  ancien  vice-président  de  la  Commission  des  Hospices. 

22'  Le  chemin  de  la  Terrière,  allant  de  la  rue  de  Mulhouse  au 
chemin  de  Bezannes,  s'appellera  rue  Mnrlin.  -  Marlio  fut  pen- 
dant vingt  ans  vice-pré-ident  de  la  Commission  des  Hospices  de 
Reims,  du  12  janvier  1797  au  18  janvier  1817.  11  rendit  aux  Hos- 
pices les   plus  grands  services   dans  les  revendications  pour  la 


CHRONIQUE  143 

reconstitution  de  leur  patrimoine,  et  dans  les  répétitions  pour 
obtenir  les  indemnités  auxquelles  ils  avaient  droit  pour  les  soins 
donnés  pendant  les  guerres  du  premier  Empire,  tant  à  nos  soldats 
malades  qu'aux  nombreux  prisonniers  de  guerre  qui  furent  traités 
dans  le  couvent  de  Saint-Remi,  alors  hôpital  militaire. 

Il  remplit  avant  la  Révolution  les  fonctions  de  juge,  d'abord 
comme  conseiller  au  Tribunal  de  l'élection,  et  ensuite  comme 
président  du  Tribunal  des  traites  foraines  jusqu'à  sa  suppression. 
Il  fut  membre  du  Collège  électoral  du  département,  du  Conseil 
d'arrondissement  et  du  Conseil  général  de  la  commune. 

23°  Le  chemin  dit  u  des  Maraîchers  »,  qui  va  de  la  rue  de  Gour- 
lancy  à  la  chaussée  Saint-Martin,  sera  dénommé  rue  des  Maraî- 
chers. 

24°  La  voie  qui  du  pont  de  Soissons  se  dirige  vers  Saint-Charles, 
en  longeant  le  chemin  de  fer  du  côté  de  Muire,  recevra  le  nom  de 
rue  du  Bois-d' Amour. 

25»  La  voie  qui  du  pont  de  Soissons  conduit  au  fossé  des  égouts 
et  à  Saint-Charles,  en  longeant  le  canal,  prendra  le  nom  de  rue 
de  Saint-Charles. 

26*  Enfin  le  chemin  limitrophe  du  champ  de  manœuvres,  sur 
la  route  de  Châlons,  se  dirigeant  de  cette  route  vers  le  canal,  sera 
dénommé  avenue  Hoche,  en  souvenir  de  l'illustre  général  en  chef 
des  armées  de  la  République  française,  pacificateur  de  la  Vendée. 

,  Courrier  df  ht.  Chtoiipat/iie.) 


On  nous  écrit  : 

Unienville,  4  décembre  1891. 

«  Mon  cher  Monsieur  Frémont, 
Je  suppose  que  les  lecteurs  de  la  Revue  de  Champagne  et  de 
Brie  ne  seront  pas  fâchés  d'avoir  quelques  détails  sur  les  Mon- 
tangon  et  les  d'AUichamp,  pour  compléter  les  «  Notes  historiques 
et  généalogiques  sur  Chaumondel  et  Pisseloup  '  ». 

1 .  Maison  ue  Montangon 

Trois  membres  de  cette  famille  ont  porté  le  nom  de  Charles  : 

1°  Charles  de  Montangon  /«r,  fils  de  Jean  de  Montangon  et  de 

Françoise  du  Fay,  chevalier,  seigneur  de  Crépy,  Béard,  Rouvray, 

etc.  Il  décéda  au  château  de  Rouvray,  le  8  septembre  1620.  Il  avait 

épousé,  par  contrat  passé  au  château  de  Rouvray,  le  31  janvier 

1592,  Philberte  de  Bridot,  fille  de  Pierre,  seigneur  de  La  Motte  et 

d'Atlencourt,  et  de  Françoise  de  Champarl,   Il  en  eut  deux  fils, 

Louis  et  Charles. 

2»  Charles  II  de  Montangon,  fils  de  Charles  le"-,  né  vers  1585, 

t.  (Revue  de  Champagne,  juillel-aoùt  1894,  page  563,  note  3.)  Il  y  a  à 
Dienville  une  contrée  appelée  Pisseloup. 


144  CHRONIQUE 

fut  élevé  page  de  la  grande  écurie  du  duc  de  Lorraine.  11  épousa 
Madeleine  de  Bretel,^\\\e  de  Pierre,  écuyer,  seigneur  de  Brebant, 
et  d'Annbroise  de  Marisy,  dame  de  Valeatigny.  Elle  décéda  le  21 
février  16o4.  On  voit  encore  son  épitaphe  dans  l'église  deCrépy; 
elle  est  ainsi  conçue  :  «  Cy  gist  le  corps  de  deffuncte  damoiselle 
Magdelaine  de  Bretel,  vivante  femme  et  espouse  de  Charle  de 
Montangon,  escuyer  seigneur  de  Rouverel  et  de  Crespy  en  partie, 
laquelle  dicte  damoiselle  décoda  le  vingt  uniesme  de  febvrier  1634. 
priez  Dieu  quil  niestre  son  ame  en  bon  repos  ».  Au-dessus  de  cette 
inscription,  les  armoiries  des  Rlontangon  :  un  écu  gironné  de  10 
pièces. 

Louis  de  Montangon,  frère  de  Charles  II,  repose  aussi  dans 
l'église  de  Crépy.  Sa  tombe  est  au-dessus  de  celle  de  Madeleine 
de  Bretel.  On  y  lit  cette  inscription  :  «  Cy  gist  messire  Louis  de 
Montangon  vivant  seigneur  de  ce  lieu,  Petit-Mesnit.  Seru-Cloix. 
Guinnicourt,  capitaine  dune  compagnie  de  chevalierie  mestre  de 
camp  dun  régiment  d'infanterie  pour  le  Roy,  lequel  deceda  le  30 
septembre  1643.  Requiescat  in  pace.  » 

3»  Charles  III  de  Montangon,  fils  de  Louis  qui  précède  et  d'An- 
toinette de  Sancierre',  était  chevalier,  seigneur  de  Crépy,  Béard, 
Epagne,  le  Petit-Mesnil  et  Chaumesnil.  11  naquit  au  château  de 
Béard,  le  7  décembre  1621  ;  son  parrain  fut  Charles,  duc  de  Lor- 
raine, et  sa  marraine,  Marguerite  de  Gonzague,  épouse  du  duc. 
Un  papier-terrier  du  château  de  Dienville  nous  donne  connais- 
sance «  d'un  transport  fait  par  Charles  de  Montangon  à  Louis  de 
Montangon  son  frère,  d'un  contrat  de  constitution  de  413  1.  de 
principal  portant  rente  de  25  1.  18  s.  9  d.  Cette  rente  avait  été 
établie  par  demoiselle  Nicole  le  Bégat,  femme  de  l'Evecque, 
écuyer,  d'  à  Louvemont,  et  Charles  de  Montangon  l'avait  eue  en 
contrat  de  mariage  de  défunt //onore  d'Allichamp,  son  beau-père 
(29  octobre  1629).  On  trouve  aussi  dans  ce  papier-terrier  plusieurs 
acquisitions  et  échanges  :  !<>  un  arpent  et  demi  acquis  de  Nicolas 
de  Creney  es  étangs  du  Petit-Mesnil,  moyennant  13o  livres  (3  avril 
l6o6).  —  2°  un  arpent  et  demi  es  étangs  du  Petit-Mesnil,  achetés 
120  livres  (7  août  1656).  —  3°  échange  entre  Charles  de  Montangon, 
Charles  de  Bossancourt,  Gaspard  de  Bossancourt,  Jeanne  de  Rom- 
mecourt,  veuve  de  François  de  Bossancourt  (tant  en  son  nom  que 
comme  mère  et  tutrice  de  ses  enfants  mineurs),  Claude  du  Gruy  (en 
fîOn  nom  et  comme  ayant  la  garde  noble  des  dits  mineurs),  demoi- 
selle Claude  de  Bossancourt,  veuve  de  Charles  de  Ballidart,  demoi- 
selles Elisabeth  et  Claude  de  Bossancourt,  tous  seigneurs  et  dames 
du  Petit-Mesnil  et  Chaumesnil.  Cet  échange  consiste  en  ce  que  les 
dits  sieurs  et  dames  de  Bossancourt  et  le  dit  s^  de  Gruy  cèdent  au 
s""  de  Montangon  sept  fauchées  et  demie  de  prés  au-dessous  de 


1 .  Il  eut  de  ce  mariage  deux  enfants  :  Charles  et  Louis,  Après  la  mort 
d'Antoinette,  il  épousa  Marguerite  de  Chastenay,  veuve  de  François  de 
Bezanne,  s'  de  Guignicourt. 


CHRONIQUE  141) 

l'étang  vieil  et  en  contre-échange  le  s'  de  Montangon  abandonne 
aux  s""*  de  Bossancourt  un  contrat  de  constitution  de  rente  qu'il  a 
retiré  des  mains  des  héritiers  de  défunt  François  Navarre  de  Jau- 
court  à  qui  les  s"*  de  Bossancourt  étaient  débiteurs  comme  héri- 
tiers de  Jean  de  Bossancourt,  leur  père  ;  le  dit  contrat  montant  à  la 
somme  de  o80  livres,  et  passé  le  10  janv.  16*22  (fév.  16j7).  — 
40  Vente  par  François  du  Mesnil  d'Arrentière  à  Charles  de  iMon- 
tarfgon  et  à  Charlotte,  sa  (seconde)  femme,  d'nn  arpent  es 
étangs  du  Petit-Mesnil,  moyennant  90  livres.  Dans  cette  somme 
est  comprise  la  rente  du  dit  arpent  d'eau  et  prés,  depuis  l'acqui- 
sition ci-devant  faite  par  Louis  de  Montangon,  père  du  s"" 
Charles,  des  héritiers  de  feu  Jean  de  Bossancourt  et  de  Char- 
lotte de  la  Bergère,  son  épouse  (2  décembre  16o9).  Charles  III  de 
Montangon  avait  épousé,  en  premières  noces,  Marguerite  (TAlli- 
champ,  fille  d'Honoré  d'Allichamp  et  de  Jeanne  du  Mesnil-Cham- 
bourg;  et  en  secondes  noces,  Charlotte-Marguerite  Dessalles  (ou 
de  la  Salle),  v«  d'Edme  de  Fumel,  s''  de  la  Coste.  —  Marguerite 
d'Allichamp  est  inhumée  au  milieu  du  chœur  de  l'église  de  Crépy  ; 
voici  son  épitaphe  :  «  Cy  gist  le  corps  de  deffunte  dame  Margue- 
ritle  Dalichamp  dame  de  Crespy  et  de  Pachieu  et  autre  lieux 
femme  et  espouse  de  mon"'  Charle  de  Montangon  viv.  seigneur 
des  dit  lieu  laquelle  ditte  dame  est  décédée  le  18  de  mars  16o4. 
Dieu  veule  mestre  son  ame  en  repos.  )>  [Au  bas,  les  armoiries  des 
d'Allichamp  :  un  chevron  accompagné  de  trois  quintefeuilles,  2  en 
tête  et  1  en  pointe. 

II.  M.-viso.\  d'Allichamp 

Le  François  d'Allichamp  mentionné  dans  la  Revue  de  Cham- 
pagne^ est  François-Honoré  d'Allichamp,  fils  d'Honoré  d'Alli- 
champ et  de  Jeanne  du  Mesnil-Chambourg.  Il  épousa,  par  contrat 
du  5  janv,  1684,  A7iiie  de  Guigne,  fille  de  Nicolas,  seigneur  de 
Humaine  et  de  Frampas,  et  de  Jeanne  Legoux.  11  était  seigneur 
d'Epagne  et  de  Balnot-le-Châtel. 

Le  papier-terrier  de  Dienville  nous  parle  d'une  donation  faite  par 
Jacques-Anne  de  Montangon  à  François-Honoré  d'Allichamp,  siîi- 
gneur  d'Epagne,  «  de  tout  ce  qui  lui  appartient  à  Epagne,  droits 
seigneuriaux,  accin  (6  arpents),  enclos,  1  fauchée  de  prés,  14  denrées 
de  vignes,  une  maison,  cour,  jardin  (2  arpents),  un  gagnage  consis- 
tant en  "li  journaux  et  6  fauchées  de  prés  à  Morvilliers,  30  livres 
de  rente  —  36  arpents  de  bois  au  finage  du  Petit-Mesnil,  au  bois 
de  Niselle,  à  charge  par  le  dit  donateur  de  payer  200  liv.-es  par  an 
de  pension  viagère  (a  mai  1692).  » 

François  d'Allichamp  et  Anne  de  (iuigne  ont  laissé  six  enfants  : 
!•  François-Honoré  d'Allichamp.  2®  Jean-Georges  d'Allichamp. 
30  Charlotte  d'Allichamp,  mariée  à  Claude-Martin  de  Bochebonne, 

1 .  Ibid.,  p.  584,  par.  1. 

10 


140  CHRONIQUE 

seigneur  de  Balnot,  Epagne  et  autres  lieux.  4°  Catherine  d'Alli- 
champ',  mariée  à  Seiganot,  écuyer.  o"  Anne-Antoinette  d'AUi- 
çhamp,  baptisée  le  Î4  déeennbre  1700.  6°  Jeanne  d'Allichamp, 
mariée  à  Claude-Louis  du  Pons  ne  Bourneuf,  chevalier,  seigneur 
de  Pons  et  de  la  Neuville. 

Honoré  d'Allichamp  et  Anne  de  Guigne,  son  épouse,  ont  été 
inhumés  au  chœur  de  l'église  d'Epague.  l'un,  le  30  septembre 
1710,  et  l'autre  le  31  juillet  1704.  Leurs  tombes  ont  disparu;  mais 
on  voit,  au  milieu  du  sanctuaire,  au  pied  de  l'autel,  la  tombe 
A' Honoré  d'Allichamp,  père  de  François-Honoré;  et  à  droite,  la 
tombe  de  leurs  enfants,  François-Honoré  et  Jean-Georges.  Celle 
d'Honoré  iVAUicliamp  porte  cette  inscription:  «  Cy  gi  Honore 
Dalichamp  escuyer  seigneur  d'Epagne,  filz  de  René  Dalichamp 
escuyer  seigneur  de  Briel  Flamer(ecourt)  1667.  » 

La  tombe  des  enfants  porte  l'inscription  suivante  :  «  Cy  gis 
François-Honoré  Dalichamp  âgé  de  Irois  ans  et  trois  mois  fil  de 
feu  Honoré  Dalichamp  vivant  escuyer  seigneur  d'Epagne  et  autres 
lieux  et  de  diimoiselle  Jeanne  de  Guigne  son  espouse  qui  deceda 
le  XV^  jour  du  mois  de  février  1663. —  Cy  gis  encore  Jean  George 
Dalichamp  fil  du  dict  feu  Honore  Dalichamp  et  de  la  dilte  damoi- 
selle  Irere  du  dict  François  Honoré  âgé  de  six  ans  un  mois  qui 
deceda  le  30  avril  1670.  Prie  Dieu  pour  eux.  )^ 

On  voit  dans  l'église  de  la  Ville-au-Bois  (près  d'Amance)  les 
tombes  de  Gaspard  de  Pons,  d'Anne  de  Comble^  son  épouse,  et 
A' Antoine  de  Mertrus,  proches  parents  de  Claude-Louis  de  Pons 
de  Bourneuf,  dont  nous  avons  parlé  ci-dessus-.  On  y  lit  ces  ins- 
criptions :  «  Cy  gis...  Gaspard  de  Pons  chevalier  seigneur  de  la 
Villaubois  qui  décéda  à  Troies  2  de  juin  1683.  Priez  Dieu  pour  son 
âme.  » 

«  Sous  cette  tombe  est  inumé  dame  Anne  de  Comble  espouse  de 
messire  Gaspard  de  Pons  qui  desséda  le  trante  may  mil  six  cent 
septente.  prié  Dieu  pour  son  ame  ». 

«  Cy  gist  messire  Antoine  de  Mertrus  chevalier  seigneur  de  la 
Villaubois  et  d'Esclance  qui  décéda  le  25  avril  1700.  priez  Dieu 
pour  le  repos  de  son  ame  s.  Au-dessus,  les  armoiries  des  Mertrus  : 
un  lion  couronne. 

Veuillez  agréer,  etc.  P.  Cuauvet, 

Curé    d'Unienville. 


INous  enregistrons  avec  plaisir  parmi  les  noms  qui  ont  été  l'objet 
d'une  distinction  honorifique,  comme  officiers  d'Académie,  celui 
de  M.  Henri  Matot,  le  jeune  et  sympathique  imprimeur-éditeur  de 
Reims. 

M.  Matot  est  à  la  tète  d'une  des  plus  importantes  imprimeries  du 

1.  Galherine-Gabrielle,  baptisée  le  31  mars  1702. 

2.  Claude-Louis  est  le  frère  d'Antoine  de  Mertrus. 


CHRONIQUE  147 

Nord-Est.  11  est  l'éditeur  de  nombreuses  publications  intéressantes 
sur  la  Marne.  TAisne  et  les  Ardennes  ;  pour  n'en  citer  que  deux, 
nous  mentionnerons  : 

V Annuaire  Malot-Braine  et  son  Almanach  hislorique.  admi- 
nistra lif  et  commercial  de  la  Champ  igne. 

Cet  Almanach-Annuaire  a  été  honoré,  en  1800,  d'une  médaille 
d'or  par  l'Académie  Nationale  de  Reims. 

En  1892,  M.  H.  Matot  prenait  l'initiative  d'organiser  l'Exposition 
historique  et  militaire  du  Centenaire  de  Valmy. 

Celte  exposition,  créée  de  toutes  pièces  en  vingt-cinq  jours,  eut 
d'abord  lieu  à  l'Hôtel  de  Ville  de  Châlons-sur-Marne,  et  ensuite, 
du  9  au  26  octobre,  à  l'Hôtel  de  Ville  de  Reims  où  elle  reçut  en 
dix-huit  jours  73,000  visiteurs. 

Un  nombre  considérable  d'exposants  avaient  répondu  aux  appels 
des  organisateurs,  secondés  par  la  presse  locale. 

La  réussite  de  cette  Exposition  historique  a  été  complète;  il 
était  donc  juste  que  M.  le  ministre  de  l'Instruction  publique  se 
souvînt  du  nom  de  l'organisateur  dévoué  qui  avait  tant  contribué 
par  son  initiative  intelligente,  son  zèle  infatigable,  au  vif  succès  de 
la  patriotique  exposition  du  Centenaire  de  Valmy.  Nous  l'en  féli- 
citons bien  vivement.  {La  Papeterie.) 

Un  habitant  de  Merfy,  petite  commune  de  l'arrondissement  de 
Reiras,  canton  de  Bourgogne,  collectionneur  de  tableaux,  vient 
de  découvrir  une  toile  qu'il  attribue  à  Rembrandt. 

La  peinture  étant  recouverte,  en  certains  endroits,  d'un  vernis 
qui  en  rend  l'examen  assez  difficile,  cet  amateur  la  lait  dévernir 
en  ce  moment  et  ne  tardera  pas  à  soumettre  l'ceuvre  à  la  compé- 
tence des  experts. 

*    * 

M.  Ritt,  receveur  général,  vient  d'être  nommé  gouverneur  géné- 
ral de  Monaco  en  remplacement  de  M.  de  Farincourt. 

M.  Ritt  n'est  pas  un  étranger  pour  nous:  il  a  exercé  pendant 
plusieurs  années  les  fonctions  de  receveur  particulier  à  Epernay, 
où  il  a  laissé  d'excellents  souvenirs. 


Par  décret  en  date  du  15  janvier  1895,  a  été  promu  au  grade 
de  chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  M.  Marie-Henri-Viclor 
Guerlet,  de  Reims,  consul  de  première  classe,  rédacteur  à  la 
direction  des  affaires  commerciales,  au  ministère  des  Affaires 
étrangères. 

La  Revue  hislorique  de  l'Ouest  ifév.  et  mars  iBdo)  contient  un 


148  CHRONIQUE 

article  de  M.  le  vicomte  Odon  du  Hautais,  consacré  à  l'illnslration 
de  la  famille  Lagier  dans  l'Eglise  catholique  La  famille  Lagier  pré- 
tend descendre  d'Eiiclier  de  Lageri  et  d'I>abelle  de  Châtillon.  A  elle 
se  rattachent  le  cardinal  Eudes  I.agier  (il 00),  Bertrand  Lagier, 
évèque  de  Glandèves,  aussi  cardinal  (1320-1392),  Gilbert-Antoine 
Lagier,  supérieur  des  Frères-Prêcheurs  (1718-1770^;  cette  famille 
est  étninte  en  1873  dans  la  personne  de  Calherine-Aimée  Lagier, 
femme  du  baron  Philibert-Victor  Travot. 


La  Bibliothèque  de  l'Ecole  des  Charles  (nov.-déc.  1894,  p.  573- 
o98)  publie  un  article  de  M.  H.  Lacaille  sur  la  vente  de  la  baronnie 
de  Coucy,  en  novembre  1400. 


M.  Henri  Sée  vient  de  faire  paraître  dans  la  Revue  historique, 
livraisons  de  novembre  1894  à  février  189b,  une  intéressante  htude 
sur  l-'S  classes  servîtes  en  Champagne,  du  XI"  au  XI V^  siècle,  qu'il 
nous  a  paru  utile  de  résumer  ici. 

Ce  travail,  fort  bien  documenté,  grâce  aux  nombreux  cartulaires 
que  nous  possédons  pour  cette  période,  et  strictement  limité  aux 
frontières  de  notre  province,  présente  cet  intérêt  particulier  que 
les  comtes  de  Champagne  ayant  con«ervé  longtemps  leur  indé- 
pendance, enrichirent  par  là-même  cette  région  en  y  développant 
le  commerce  et  l'industrie,  facilitant  ainsi  aux  classes  serviles  les 
moyens  de  s'élever  à  une  condition  supérieure. 

L'auteur  prend  le  serf  dans  le  domaine  seigneurial,  où  s'écoule 
son  existence  tout  entière,  domaine  issu  de  l'antique  villa  gallo- 
romaine,  exploitée  par  une  population  d'esclaves  ou  de  colons 
soumis  à  l'autorilé  absolue  de  leur  maître. 

Aux  ix«  et  x^  siècles,  la  villa  s'appelle  mansus  indominicatus, 
les  esclaves  et  colons  sont  des  serfs,  toujours  assujettis  au  sol, 
ayant  reçu  chacun  un  lot  de  terre,  manse  ou  parcelle  de  manse. 
Ainsi  la  tenure  du  serf  se  distingue  désormais  de  l'ensemble  de  la 
villa,  dans  laquelle  jadis  elle  se  confondait. 

Dès  la  fin  du  x*  siècle,  s'établit  une  nouvelle  forme  de  propriété, 
le  fief;  on  distinguera  désormais,  relativement  à  une  même  terre, 
les  droits  domaniaux  et  les  droits  féodaux  qui  pèsent  sur  elle. 

Les  droits  seigneuriaux  du  xi^  au  xni'^  siècle  vont  se  détaillant, 
se  morcelant  de  plus  en  plus;  mais  le  domaine  continue  à  garder 
assez  nettement  son  intégrité  préventive;  son  centre,  le  manstis 
iiidominicalus,  siège  et  résidence  du  seigneur,  est  le  chateau-fort, 
d'oîi  s'étend  l'autorité  dominicale  sur  toutes  les  propriétés  ou 
tenures  serviles  qui  constituent  toujours  l'ensemble  du  domaine. 

On  ne  distingue  plus,  comme  au  ix<^  siècle,  des  manses  libres 
et  des  manses  serviles;  la  dimension  de  toutes  les  manses  se 
diversifie  à  l'infini  :  chacun  vit  sur  le  lopin  de  terre  qu'il  cultive 


CHRONIQUE  149 

et  pour   lequel  il  doit  à  sou  seigneur   des  redevances  de  toute 
sorte. 

Encore  aujourd'hui,  dit  avec  raison  M.  Sée,  le  territoire  de  la 
commune  ou  tout  au  moins  de  la  paroisse,  représente  assez  exac- 
tement la  circonscription  de  l'ancienne  villa.  J  oulefois,  au  cours 
du  moyen  âge,  les  domaines  seigneuriaux  se  morcelèrent  consi- 
dérablement; les  héritages,  mutations,  donations  pieuses  contri- 
buèrent beaucoup  à  ce  démembrement  progressif  des  fiefs  sei- 
gneuriaux. 

Au  début  du  moyen-âge,  la  grange,  le  four  et  le  moulin  ne  sont 
que  des  appendices  de  la  villa;  plus  tard,  leur  existence  devient 
en  quelque  sorte  indépendante,  ces  exploitations  forment  avec  les 
terres  qui  les  entourent  des  manses  nouveaux  ou  se  subdivisent  à 
leur  lour  en  parcelles  de  manse. 

Au  ix«  siècle,  les  esclaves  fendent  de  plus  en  plus  à  se  confondre 
avec  les  colons,  et  dès  le  xi*  siècle,  il  n'y  a  plus  qu'une  seule  caté- 
gorie de  cultivateurs,  appelés  serfs  ou  hommes  de  corps,  expres- 
sions qu'on  retrouvera  pendant  plus  de  deux  siècles,  jusque  dans 
le  courant  du  xiv^  siècle. 

La  naissance  surtout  semble  déterminer  la  condition  servile.  Le 
fils  du  serf  naît  serf  comme  le  fils  du  propriétaire  naît  proprié- 
taire; cependant,  suivant  Li  drois  et  couslumes  de  Cliampuiyne, 
recueil  de  décisions  judiciaires  formé  par  quelque  praticien,  au 
xiv^  siècle,  on  peut  encore  devenir  sert  par  mariage  ou  par  rési- 
dence sur  une  terrre  servile. 

D'autres  fois,  ce  sont  des  hommes  libres  qui,  par  dévotion,  s'en- 
gagent volontairement  dans  la  servitude^  et  se  donnent  comme 
serfs  à  des  abbayes.  Aux  abords  du  xiv«  siècle,  ces  sortes  d'obla- 
lions  sont  assez  fréquentes. 

Le  serf,  en  fait^  est  un  pur  objet  de  propriété;  dans  l'inventaire 
du  domaine  seigneurial,  on  le  cite  à  côté  des  prés,  des  bois,  des 
rivièies  ou  étangs.  C'est  avant  tout  une  source  de  revenus;  de  sa 
vente  on  retire  une  certaine  somme,  qui  représente  sa  valeur. 

Bien  que  le  serf  soit  le  plus  souvent  inséparable  de  la  parcelle 
de  terre  sur  laquelle  il  est  établi,  les  droits  qui  portent  sur  la  terre 
et  ceux  qui  portent  sur  les  serfs  peuvent  être  fori  bien  séparés  : 
on  peut  céder  un  domaine  en  garJant  les  hommes  qui  vivent 
dessus,  ou  céder  les  hommes  en  gardant  le  fonds. 

Généralement  les  cessions  de  serfs  sont  faites  à  des  églises  ou  à 
des  monastères;  on  offre  à  un  établissement  religieux  une  famille 
entière,  ou  plusieurs  groupes  de  familles  ou  même  les  serfs  de 
toute  une  villa.  Parfois  cependant  des  dons  de  cette  nature,  sont 
faits  par  nos  comtes  à  des  laïques,  par  exemple  pour  récompenser 
les  services  d'un  fonctionnaire  dévoué. 

Les  échanges  de  serfs  déjà  communs  au  xiie  siècle,  se  multiplient 
auxiu";  il  en  de  même  des  ventes,  qui  comprennent  également 


1 50  CHRONIQUE 

tantôt  des  individualités  isolées,  tantôt  des  familles  ou  des 
groupes  de  familles,  ou  la  totalité  des  habitants  d'une  villa. 

Les  prix  varient  suivant  la  qualité  des  individus,  l'étendue  de  la 
lenure,  l'importance  des  droits  auxquels  ils  sont  soumis.  Ici  un 
homme  se  vendra  cinquante  livres;  là  trois  hommes  seront  adjugés 
pour  quarante  sous. 

Une  famille  vaut  160  livres,  alors  qu'un  lot  de  quarante-six 
ménages  n'est  estimé  que  40  livre?  tournois. 

11  va  sans  dire  que  les  seigneurs  ne  témoignent  pas  toujours 
pour  leurs  serfs  les  ménagements  que  réclamerait  la  simple 
humanité.  Les  serfs  ecclésiastiques  eux-mêmes  ne  sont  guère  à 
l'abri  des  inqualifiables  violences  dont  usent  à  l'égard  des  serfs 
laïques  les  seigneurs,  au  cours  de  leurs  rivalités  perpétuelles.  Les 
scènes  de  pillage  et  de  massacre  ne  sont  pas  rares;  les  prévôts  des 
comtes  de  Champagne  eux-mêmes,  les  avoués  des  abbayes,  chargés 
de  protéger  leurs  serfs  respectifs,  sont  la  plupart  du  temps  les 
premiers  à  les  molester. 

Pourtant,  malgré  ces  misères  inhérentes  à  leur  humble  condi- 
tion et  aux  rudes  mœurs  du  temps,  les  serfs  de  Champagne  ont 
une  famille  et  un  patrimoine  très  nettement  constitués. 

La  famille  des  serfs  existe  au  même  titre  que  la  famille  seigneu- 
riale :  le  père  a  pareille  autorité  sur  sa  femme  et  sur  ses  enfants. 
Dans  les  ventes  ou  donations  on  ne  sépare  point  les  membres 
d'une  même  famille. 

La  tenure  servile  jouit  d'avantages  comparables  à  ceux  d'une 
véritable  propriété  :  c'est  un  patrimoine,  lieredUas,  et  la  terre  ou 
mesnic  (du  latin  mansus)  est  transmissible  par  le  père  à  ses 
enfants.  Le  mot  mesnic.  ou  mesniée  désigne  tantôt  la  tenure  de 
l'homme  de  corps,  tantôt  sa  famille. 

Fermier  héréditaire  ou,  si  l'on  peut  dire,  usufruitier  à  perpé- 
tuité, il  ne  peut  être  déplacé  par  le  maître.  Il  a  une  maison 
léguée  par  ses  ancêtres,  et  peut  même  construire  sans  en 
demander  l'autorisation  du  seigneur.  Ce  seul  fait,  remarque  fort 
ju.slenient  M.  Sée,  nous  explique  déjà  les  futures  revendications 
de  la  classe  servile. 

De  môme  que  l'esclave  antique,  disposant  librement  de  son 
pécule,  l'homme  de  corps  peut  posséder  en  toute  propriété  des 
biens  meubles  et  immeubles,  s'enrichir  par  son  travail  et  son 
économie,  doter  sa  fille;  son  lot  de  culture  peut  être  plus  ou  moins 
considérable,  suivant  que  les  circonstances  le  favorisent. 

Il  arrive  que  des  mariages  se  concluent  entre  les  deux  classes  : 
serfs  et  hommes  libres. 

Les  Coutumes  de  Champagne  prévoient  le  cas  où  une  femme 
noble  épouse  un  serf;  à  sa  mort  les  enfants  perdent  le  fief  de  leur 
mère  et  redeviennent  serfs,  à  moins  de  renoncer  à  la  lignée 
paternelle.  Au  contraire,  la  serve  qui  épouse  uu  homme  libre  suit 
la  coadition  de  son  mari. 


CHRONIQUE  151 

Les  alirancbissemenls,  qui  se  multiplient  au  xiii"  siècle,  contri- 
luient  à  la  transformation  progressive  des  classes  serviles. 

La  grande  caractéristique  des  serfs  proprement  dits,  c'est  qu'ils 
sont  taillables  à  merci,  c'est-à-dire  soumis,  en  matière  de  rede- 
vances, à  l'arbitraire  du  seigneur;  ils  sont  encore  astreints  rigou- 
reusement au  formariage  et  à  la  main-morte  :  pour  contracter 
mariage  hors  du  domaine,  il  leur  faut  payer  une  taxe  onéreuse; 
meurent-ils  sans  enfants,  leur  patrimoine  fait  retour  au  seigneur. 

Celui-ci  vit  des  revenus  de  ses  domaines,  c'est-à-dire  de  l'exploi- 
tation des  serfs,  qui  se  fait  par  l'intermédiaire  d'agents  subal- 
ternes, sortes  d'intendants  dont  le  principal  est  le  maire  {major 
ou  viUicus)  dont  l'origine  paraît  remonter  au  viUicus  romain. 

On  trouve  encore  le  sous-maire  (sub  majcr),  le  qrenelier, 
commis  aux  granges,  et  quelquefois  le  messier,  qui  surveille  les 
moissons  et  les  récoltes. 

Ces  officiers,  presque  toujours  de  race  servile,  et  choisis  parmi 
les  habitants  de  la  viUa,  soumis  à  la  justice  domaniale  comme  de 
simples  serfs,  jouissent  pourtant  de  nombreux  privilèges,  reçoivent 
fréquemment  l'affranchissement,  sont  exemptés  de  maintes  rede- 
vances, du  moins  tant  qu'ils  sont  dans  l'exercice  de  leurs  fonctions, 
sortes  de  charges  vénales  dont  le  seigneur  sait  toujours  tirer  bon 
protit. 

Mais  ces  mêmes  charges,  étant  fort  souvent  viagères  et  môme 
héréditaires,  arrivent  à  constituer  une  véritable  classe  de  fonc- 
tionnaires qui  s'enrichit,  acquiert  des  domaines  et  peut-être 
même  des  fiefs,  et  s'achemine  ainsi  lentement  vers  la  noblesse. 

Dans  les  grands  domaines  féodaux,  les  maires  sont  subordonnés 
au  prévôt,  personnage  déjà  important,  parfois  né  serf,  mais  ten- 
dant bien  vile  à  s'élever  plus  haut  :  il  régit  le  domaine,  centralise 
les  revenus,  rend  la  justice,  lève  les  contingents  militaires  fournis 
par  les  hommes  de  corps. 

L'exploitation  du  domaine  comprend  les  redevances,  les  bana- 
lilés  et  la  justice.  Redevances  personnelles,  portant  sur  la  per- 
sonne du  serf;  redevances  réelles,  attachées  à  la  terre.  Les  pre- 
mières seules  sont  constitutives  du  servage  :  ce  sont  principale- 
ment la  capitalion,  la  laitle,  la  mainmorte,  le  formariage  et  les 
corvées. 

La  taille,  en  certains  cas,  peut  être  réelle,  exigible  par  exemple 
pour  des  hommes  qui  ont  quitté  le  domaine,  mais  y  possèdent 
encore  des  terres  :  le  droit  qui  pesait  sur  le  cultivateur  est  alors 
reporté  sur  la  terre  qu'il  cultive, 

La  mainmorte  Qi  le  formariage  sont  susceptibles  d'atténuation; 
pour  retenir  les  serfs  qui  commencent  à  se  déplacer,  le  seigneur 
consent,  moyennant  une  certaine  somme,  à  laisser  les  héritiers 
reprendre  la  terre  sur  laquelle  ils  avaient  perdu  leurs  droits; 
deux  seigneurs  voisins  s'entendent  pour  permettre  de  façon 
générale  tout   mariage   entre   leurs  serfs  respectifs  :  les  enfants 


1 52  CHRONIQUE 

issus  de  ces  mariages  mixtes  seront  seulement  répartis  entre  les 
deux  maîtres. 

Les  corvées,  innombrables,  contribuent  pour  une  forte  part  à 
l'exploitation  domaniale. 

En  outre,  les  serfs  sont  astreints  au  service  militaire,  soit  au 
profit  de  leur  propre  seigneur,  soit,  lorsqu'ils  appartiennent  à 
une  terre  d'église,  au  profit  du  seigneur  laïque  sous  la  protection 
duquel  ils  se  trouvent. 

Le  comte  de  Champagne,  par  exemple^  lève  une  grande  partie 
de  son  armée  sur  les  domaines  ecclésiastiques  de  son  ressort. 

Du  reste,  la  plupart  des  seigneurs  s'engagent  à  ne  convoquer 
leurs  paysans  que  dans  les  cas  de  nécessité  grave,  et  ;\  les  tenir 
quittes  de  tout  service  à  l'époque  de  la  moisson.  Le  serf  est  tenu 
de  concourir  à  la  défense  du  domaine  seigneurial,  mais  il  s'en  écarte 
peu  d'ordinaire,  et  sa  participation  aux  grandes  luttes  féodales  est 
généralement  assez  faible. 

Les  redevances  réelles  concernent  exclusivement  la  terre,  sans 
considération  de  la  condition  du  possesseur.  C'est  d'abord  le  cens, 
impôt  foncier  qui  porte  principalement  sur  la  terre  et  les  maisons; 
il  représente  comme  le  prix  du  fermage,  et  se  paie  en  argent  et  à 
terme  fixe. 

Il  y  a  aussi  les  coutumes,  proprement  dites,  acquittées  en 
nature  :  terrages  ou  champarts  (portion  d'avoine  ou  de  froment), 
]es  gélines  (nombre  déterminé  de  volailles:  oies  et  poules),  les 
vinages  (mesure  de  vin),  les  charruages  (impôt  sur  les  bêtes  de 
trait,  qui  se  paie  en  nature  ou  en  argent),  etc. 

Toutes  ces  redevances,  d'abord  payées  en  nature,  finissent  par 
être  à  peu  près  uniquement  estimées  à  prix  d'argent,  et  cela  dès 
le  xiiie  siècle. 

Toute  mutation  foncière  donne  encore  lieu  à  une  redevance; 
c'est  ce  qui  constitue  le  droit  de  loch  et  ventes,  de  taux  variable, 
déterminé  par  la  coutume  ou  lixé  par  le  seigneur. 

Les  dîmes  sont  perçues  par  les  abbayes  et  les  chapitres;  ce  sont 
des  redevances  en  nature  qui  portent  sur  tous  les  produits  de  la 
terre:  céréales,  fourrages,  légumes,  vins,  bestiaux,  etc.  Ces  der- 
nières taxes  sont  évaluées,  non  à  la  dixième,  mais  à  la  treizième 
partie  des  récoltes. 

Les  terres  des  établissements  religieux  étant  placées  presque 
toujours  sous  la  protection  d'un  seigneur  laïque,  notamment  sous 
celle  du  comte  de  (Champagne,  les  serfs  doivent  acquitter  les  frais 
de  cette  luition  ei.  payant  des  droits  de  sauvement  et  de  garde, 
redevances  en  nature  qui  portent  aussi  sur  le  blé  et  l'avoine. 

De  là  découle  également  le  droit  de  gUe,  pour  lequel  le  seigneur, 
les  gens  de  son  escorte,  ses  officiers  et  agents  doivent  recevoir 
l'hospitalité  partout  où  il;  passent.  Parfois  la  redevance  pécu- 
niaire qui  remplace  cette  obligation  donne  naissance  à  une  rede- 


CHRONIQUE  1S3 

vance  personnelle  dite  fouage,  perçue  en  céréales  ou  en  argent,  à 
tanl  par  feu;  souvent  d'ailleurs  le  gîte  et  le  fouage  sont  exigibles 
simultanément. 

L'exploitation  seigneuriale  s'étend  à  tout  ce  qui  est  d'un  usage 
commun  aux  habitants  de  la  villa.  Le  seigneur  laisse  générale- 
ment à  ses  serfs,  au  prix  d'une  redevance,  l'usage  des  forêts  et 
des  terres  en  friche  :  ils  y  prennent  «  le  mort  bois  pour  ardoir  et 
le  vif  pour  édifier  »  ;  ils  y  recueillent  !e  miel  et  la  cire  des  abeilles; 
ils  y  mènent  paître  leurs  porcs  moyennant  une  taxe  spéciale  ou 
droit  de  pasnage,  pasnadium. 

Le  droit  de  pêche  est  également  l'objet  d'une  concession  parti- 
culière. 

Le  seigneur  a  de  même  le  monopole  de  toutes  les  banalités  : 
moulins,  four,  pressoirs,  foires,  marchés,  etc.;  les  contraventions 
sont  rigoureusement  punies  d'amendes. 

Dès  le  xii"*  siècle,  les  foires  de  Champagne  constituèrent  pour 
les  seigneurs,  et  notamment  pour  les  comtes  de  Troyes,  une 
source  fort  importante  de  revenus;  au  xin«  siècle,  leur  vogue 
était  immense  dans  toute  la  chrétienté,  et  le  commerce  qui  s'y 
faisait  vraiment  considérable. 

Dans  les  bourgs  de  quelque  importance,  et  même  dans  de 
simples  villages,  un  marché  se  tenait  chaque  semaine,  dont  le 
seigneur  tirait  bon  profit,  ne  fût-ce  que  par  la  location  des  stalles. 

Les  droits  de  justice  sont  aussi  partie  essentielle  du  domaine 
seigneurial.  Cette  justice  s'exerce  à  la  façon  des  autres  rede- 
vances, et  constitue  un  objet  de  propriété  analogue  aux  terres, 
bois,  prés  et  serfs  qui  forment  le  domaine.  Elle  peut  se  décom- 
poser, d'ailleurs,  comme  la  villa;  non  seulement  le  mansus  indo- 
minicatiis  et  le  cloître  de  l'abbaye,  mais  encore  la  grange,  le 
four,  le  moulin  ont  souvent  leur  justice  spéciale.  On  peut  aliéner 
tout  ou  partie  de  la  juridiction  d'un  même  domaine,  ou  vendre 
ce  domaine  en  s'en  réservant  les  droits  de  justice. 

Une  distinction  assez  nette  est  établie  entre  les  droits  de  justice 
attachés  à  la  possession  de  la  terre,  et  les  droits  de  justice  atta- 
chés à  la  possession  des  hommes. 

La  justice  domaniale  comprend  la  haute  et  la  basse  justice, 
presque  toujours  distinguées  l'une  de  l'autre.  Elle  est  rendue  au 
moyen  d'assises  régulières  ou  plaids;  elle  est  souveraine  et 
absolue;  toutefois,  la  coutume  tend  de  plus  en  plus  à  régler  et  à 
modérer  son  exploitation  dans  ce  qu'elle  pourrait  avoir  de  trop 
arbitraire. 

Du  reste,  si  aux  xe  et  xi«  siècles  l'immense  majorité  des  paysans 
est  soumise  au  se''vage  absolu,  au  xii»  le  mouvement  d'émancipa- 
tion commence,  et  au  xiii«  un  grand  nombre  ont  déjà  bénéficié  de 
l'affranchissement.  A  mesure  que  les  cadres  territoriaux  se  relâ- 
chent, que  le  domaine  seigneurial  se  désagrège,  que  les  mutations 
s'accroissent,  les  affranchissements  se  trouvent  favorisés  d'autant. 


154  CHRONIQUE 

C'est  pour  les  seigneurs  une  occasion  de  lucre  et  un  moyen  de 
retenir  les  hommes  sur  leurs  terres. 

L'affranchissement  ne  porte  guère  que  sur  les  redevances  per- 
sonnelles, et  encore  est-il  rarement  complet.  Lhomme  franc  paye 
une  taille  réglée,  somme  déterminée  et  versée  à  des  dates  fixes,  en 
vertu  d'un  quasi  contrat;  mais  il  demeure  souvent  astreint  à  la 
main-morte,  par  exemple^  et  au  formariage,  aussi  hien  qu'au  ter- 
rage,  au  cens,  etc. 

Franc  ou  serf,  l'habitant  ne  cesse  pas  d'appartenir  au  seigneur; 
qui  peut  à  son  gré  le  céder  ou  le  vendre. 

Au  xii«  siècle,^  les  affranchissements  sont  surtout  individuels;  au 
XIII*,  ils  deviennent  fréquemment  collectifs,  et  s'étendent  aux  serfs 
de  tout  un  village,  voire  de  toute  une  région.  Ils  résultent  souvent 
d'un  pariage  conclu  entre  deux  seignelirs. 

L'Eglise  dut  prendre  évidemment  une  certaine  part  à  ces  éman- 
cipations collectives,  mais  il  ne  semble  pas  que  les  évêques  et 
abbés  aient  accordé  leurs  privilèges  à  un  taux  moins  onéreux  que 
les  seigneurs  laïques;  ils  5ont  avant  tout  propriétaires,  et  comme 
tels,  jaloux  de  leurs  intérêts  et  de  leurs  droits. 

A  côté  des  francs  proprement  dits,  il  est  plusieurs  catégories  de 
paysans  qui  échappent  plus  ou  moins  à  la  servitude.  Les  sex'fs 
domestiques  paraissent  jouir  d'une  situation  privilégiée  :  dans  les 
monastères,  ils  suivent  les  exercices  spirituels  des  religieux,  ont 
droit  de  sépulture  dans  leur  cimetière,  sont  exempts  des  plus 
lourdes  redevances. 

Les  hôles  possèdent  des  terres  distinctes  dans  le  domaine,  qui 
portent  le  nom  à'hoslises,  bénéficient  de  certaines  exemptions, 
ne  sont  pas  attachés  à  la  terre,  ont  la  faculté  de  faire  le  com- 
merce, etc.  Ce  sont  des  sortes  de  fermiers,  tels  qu'on  en  rencontre 
d'ailleurs  quelques  exemples,  en  Champagne,  au  moyen-âge. 

On  y  trouve  des  paysans  affranchis  qui  possèdent  une  certaine 
fortune  et  régissent  des  exploitations  rurales  d'importance  parfois 
considérable.  On  voit  des  tenanciers  engager  des  procès  contre  le 
seigneur  pour  la  défense  de  leurs  droits,  et  en  obtenir  ainsi  une 
diminution  de  taille. 

Dès  lors,  le  mouvement  d'émancipation  s'accentue  et  se  géné- 
ralise. Les  paysans'  s'accoutument  à  soutenir  en  commun  leurs 
intérêts,  se  déplacent  plus  aisément  d'un  domaine  à  l'autre,  au 
moyen  de  mariages  mixtes,  d'arrangements  amiables  convenus 
avec  les  seigneurs.  Il  y  a  aussi  les  désertions  qui  deviennent  de 
plus  en  plus  fréquentes,  à  ce  point  que  les  seigneurs  sont  amenés 
à  prendre  des  mesures  spéciales  pour  arrêter  cet  abus.  Les  comtes 
de  Champagne  sont  les  premiers  à  s'inquiéter  de  cette  tentation 
qu'éprouvent  les  serfs  de  leurs  domaines  d'émigrer  dans  les 
grands  domaines  voisins,  et  ils  signent  à  cet  égard  des  conven- 
tions expresses  avec  les  ducs  de  Lorraine,  les  comtes  de  Luxem- 
bourg, les  comtes  de  Bar-le-Duc  et  les  rois  de  France  eux-mêmes. 


CHRONIQUE  lur» 

Pour  échapper  à  leur  condition,  les  serfs  cherchent  à  gagner  les 
villes  neuves  et  les  communes  ;  car,  au  bout  d'un  an  et  un  jour,  s'ils 
n'ont  pas  été  réclamés,  ils  deviennent  bourgeois. 

L'entrée  dans  les  ordres  est  encore  un  moyen  de  sortir  de  la 
classe  servile.  De  même  que  l'on  peut  citer  des  clercs  assez  élevés 
dans  la  hiérarchie  ecclésiastique  dont  les  parents  sont  des  serfs, 
de  même  on  voit  des  serfs  entrer  dans  les  monaf.tères,  au  moins  à 
litre  de  frères  convers,  sans  l'autorisation  de  leur  maître. 

Des  seigneurs  eux-mêmes  prennent  l'initiative  d'autoriser  de 
semblables  recrutements,  et  ces  privilèges  ne  tardent  pas  à 
entraîner  avec  eux  de  graves  abus,  des  serfs  du  comt{'  de  Cham- 
pagne prenant  le  costume  de  clercs  et  se  faisant  lonsurer  pour 
échapper  au  service  du  comte  et  vivant  ensuite  à  la  manière  des 
laïques,  sauf  à  se  réclamer  de  l'autorité  ecclésiastique  dès  qu'il 
s'agit  d'acquitter  les  droits  réclamés  par  le  seigneur. 

Il  arrive  enfin  que  des  serfs  affranchis  pénètrent  dans  la  classe 
noble  par  l'obtention  de  fiefs  que  leur  concèdent  leurs  seigneurs  ; 
d'autre  part,  quelques  fonctions  confèrent  la  noblesse  à  leur  titu- 
laire :  tels  les  sergents  et  prévôts  des  comtes  de  Champagne,  la 
plupart  d'origine  servile.  Ces  cas  sont  sans  doute  exceptionnels, 
mais  ont  pour  effet  de  surexciter  l'ambition  des  classes  servîtes. 
Comme  tous  les  grands  seigneurs  féodaux,  les  comtes  de 
Champagne  contribuent  aux  progrès  d'une  émancipation  contre 
laquelle  toute  lutte  serait  du  reste  impuissante.  A  la  fin  du 
xiii®  siècle,  presque  tous  les  serfs  ont  obtenu  l'affranchissement  ; 
ils  échappent  à  la  taille  arbitraire,  aux  droits  les  plus  vexatoires  ; 
ils  se  groupent  entre  eux,  affluent  vers  les  villes  neuves  et  les 
comm.unes,  et  marchent  avec  confiance  h  l'assaut  des  conditions 
supérieures,  collaborant  ainsi  «  à  la  création  de  cette  classe  bour- 
geoise qui  doit  un  jour  absorber  les  ordres  privilégiés  ». 

A.  Ï.-H. 


Mariage.  —  Le  24  janvier  a  eu  lieu  à  Paris,  en  l'église  Sainte- 
Geneviève,  le  mariage  de  M.  Charles  Senart,  licencié  en  droit, 
notaire  à  Châlons-sur-Marne,  avec  M"^  Jeanne  Péchenet,  fille  de 
M.  le  docteur  Péchenet. 

La  famille  Péchenet,  propriétaire  du  château  de  Brières,  près 
Vouziers,  où  elle  habite  durant  l'été,  compte  beaucoup  d'amis 
dans  les  départements  de  la  Marne  et  des  Ardenues. 


MÉLANGES 


Le  Tombeal'  de  Taine.  —  C'est  presque  au  bord  du  lac  d'An- 
necy, près  de  Menthon-Sainl-Bernard,  où  il  passait  tous  ses  étés, 
que  Taine  est  enseveli.  Je  suis  allé  à  sa  tombe  qui  se  dresse,  soli- 
taire, dans  la  campagne  et  qu'on  aperçoit  de  très  loin,  un  diman- 
che de  septembre  dernier.  On  y  monte  par  un  petit  sentier  plaqué 
contre  le  Roc  de  Chère,  et  tandis  qu'on  gravit  la  pente,  on  a  devant 
soi  la  grande  muraille  nue  des  rochers  de  la  Tournette  et  des  dents 
de  Lanfon,  tristes  d'avoir  l'air  de  vieilles  tours  en  ruines,  déta- 
chant leurs  créneaux  sur  le  bleu  clair  du  ciel. 

Comme  je  m'étais  égaré,  mes  yeux  s'attardant  à  la  contemplation 
du  paysage,  je  vis  venir  à  moi  un  vieux  paysan,  tout  voûté  et  cassé, 
descendant  péniblement  le  coteau.  Je  lui  demandai  mon  chemin  : 

—  Savez-vous  où  est  le  tombeau  de  M.  Taine? 

—  Bien  sûr;  là  tout  près,  vous  obliquerez  à  gauche. 
A  tout  hasard,  je  lui  posai  cette  question  : 

—  Vous  l'avez  connu? 

—  Oui,  me  dit-il,  on  le  rencontrait  quelquefois  sur  la  route. 
Jadis,  il  arrêtait  volontiers  les  gens  pour  les  faire  parler  de  leurs 
affaires;  à  la  fin,  il  avait  toujours  l'air  occupé  ;  quand  on  le  saluait, 
il  répondait  poliment,  mais  il  vous  voyait  à  peine. 

Rt  le  paysan  conclut,  tout  en  continuant  sa  route  : 

—  C'était  un  bien  brave  homme;  j'ai  été  au  Conseil  municipal 
du  Menthon  avec  lui,  autrefois:  il  connaissait  tout... 

Quelques  instants  après,  j'arrivai  au  tombeau.  C'est  un  monu- 
ment carré  un  peu  massif,  peu  élevé,  très  simple,  que  surmonte 
une  petite  croix;  les  pierres  en  sont  très  belles,  presque  blanches, 
elles  n'ont  point  la  tristesse  des  choses  funéraires.  Un  petit  jardin, 
clos  d'une  grille,  entoure  le  monument,  et  ses  roses  blanches,  de 
pauvres  roses  de  septembre  presque  détleuries,  embaumaient 
cette  terre  de  mort.  Je  franchis  la  grille  pour  en  cueillir  quel- 
ques-unes, tant  je  désirais  emporter  un  souvenir  de  ma  visite  à  ce 
coin  de  sol  où  dort  à  jamais  celui  qui  fut  une  des  plus  hautes  intel- 
ligences du  siècle.  Puis  je  m'approchai  du  tombeau:  à  travers  les 
barreaux  de  la  porte  de  fer  qui  le  scelle,  on  lit  cette  inscription  : 
Hippo'yle  Taine,  né  le  21  avril  1828',  décédé  le  5  mars  1893.  A 
côté  l'inscription  funéraire  d'une  parente.  Au  fond,  des  cou- 
ronnes, l'une  de  branches  de  lierre,  l'autre  de  fleurs  blanches. 
Et  je  me  pris  à  regretter,  je  ne  sais  pourquoi,  que  l'écrivain  ne 
fût  point  isolé  dans  cette  demeure  dernière  :  il  faut  peut-être  aux 

1 .   A  V'ouziers  (Ardennes). 


MELANGES  157 

génies  des  tombes  solilaires,  afin  que  leurs  fervents  puissent  y 
venir  chercher  leur  pensée  et  vénérer  leur  mémoire  sans  être 
troublés  par  la  présence  d'un  autre  mort. 

Du  tombeau,  la  vue  était  magnifique.  Il  faisait  une  de  ces 
radieuses  journées  d'automne  où  les  contours  des  choses  s'impré- 
cisent  dans  une  vapeur  rose  tljtfant  sur  tout  le  paysage,  et  l'air 
était  d'une  telle  douceur,  qu'on  avait  de  la  joie  rien  qu'à  le  res- 
pirer. A  mes  pieds,  je  voyais  la  courbe  harmonieuse  de  l'anse  de 
Menthon,  et  les  maisons  perdues  parmi  les  feuillages,  et  la  villa 
tout  enlierrée  où  Taine  venait  se  reposer  de  Paris  et  travailler 
dans  le  calme  et  la  paix;  puis,  c'était  le  château  de  Menthon,  fier 
et  dominateur  au-dessus  des  masses  confuses  de  la  forêt  qui  le 
cerne,  et  l'ouverture  de  la  vallée  de  Thônes,  limitée  par  de  hautes 
montagnes  rocheuses.  Mais  les  yeux  s'arrêtaient  surtout  à  la  con- 
templation des  eaux  bleues  et  vertes  du  lac  tout  frissonnant  de 
lumière  :  elles  paraissaient  vivantes,  ce?  eaux,  en  leur  frémisse- 
ment très  doux  et  prolongé  où  tremblait  la  splendeur  du  ciel.  La 
nature  était  en  liesse,  et  la  joie  de  vivre  semblait  éparse  parmi 
l'air  lumineux;  le  chœur  des  choses  heureuses  chantait  l'éternelle 
jeunesse  du  monde  dont  se  renouvelle  la  vie.  Et,  comme  pour 
symboliser  la  joie  des  hommes,  parmi  le  silence  arrivaient 
jusqu'à  moi  des  boutfées  de  musique,  venues  des  orchestres  de  la 
fête  patronale  de  Menthon.  Ainsi  l'hymne  de  bonheur  montait  dans 
le  calme  de  l'heure  douce  et  tiède. 

C'était  un  de  ces  paysages  de  fête  que  le  grand  mort  aurait 
aimés.  Le  charme  de  la  nature  caressait  et  vivifiait  sa  pensée 
amoureuse  des  belles  formes,  car  Taine  fut  de  ceux  «  qui  n'ont 
point  perdu  leur  foi  première  en  étudiant  le  mécanisme  de  l'ad- 
miration »;  il  garda  le  pouvoir  de  sentir,  tout  en  analysant.  Aux 
splendeurs  sauvages  et  passionnées  des  Pyrénées,  aux  lignes 
molles  et  caressantes  des  paysages  italiens,  il  reposait  son  rêve 
de  connaître  les  causes  et  d'ériger  les  lois  du  monde.  Sans  doute, 
sa  sensibilité,  selon  l'expression  de  M.  Paul  Bourget,  était  philo- 
sophique, et  l'art  et  la  nature  l'intéressaient  surtout  comme 
signification  d'une  époque  ou  d'une  contrée;  sans  doute,  il 
remontait  toujours  des  choses  aux  idées  générales,  et  du  haut 
de  ces  idées  générales,  il  regardait  défiler,  pour  employer  ses 
termes  mêmes,  le  cortège  des  événements.  Mais  dans  toute  sa 
philosophie  se  retrouvent  cette  jouissance  de  la  vie  qu'on  éprouve 
à  la  contemplation  de  la  nature  et  de  la  beauté,  et  cette  félicité 
de  l'équilibre  des  facultés  humaines  en  leur  emploi  normal. 

La  volupté  de  vivre  —  de  vivre  pour  connaître  et  savoir  —  qui 
se  pressent  à  travers  son  œuvre,  semble  donner  tort  à  ceux  — 
Bourget  et  Barrés  sont  du  nombre  —  qui  voient  le  pessimisme 
émaner  de  ses  pages.  La  vie  lui  paraissait  trop  curieuse  à  fouiller 
pour  en  rechercher  les  mystérieuses  origines  et  les  buts  mysté- 
rieux, il  était  trop  artiste  dans  sa  dissection  patiente  de  l'huma- 


198  MÉLANGBS 

nité  pour  que  ce  désir  de  connaître  ne  lui  parût  pas  à  la  joie  de 
vivre  une  raison  suftisante. 

Et  dans  la  splendeur  de  ce  paysage  d'automne  où  s'attardait  la 
lune  des  étés,  devant  celte  vie  latente  des  choses  silencieuses,  des 
feuillages  à  peine  remués  par  la  brise  et  des  vagues  du  lac  fris- 
sonnant doucement,  en  écoutant  venir  de  là-bas,  de  Menthon  en 
fête,  ces  bouffées  de  mélodies  heureuses,  à  côté  de  ce  tombeau  à 
peine  fermé  auprès  duquel  flottait  encore  peut-être  —  du  moins 
mon  souvenir  l'évoquait  avec  respect  —  la  pensée  du  grand  mort, 
je  repassais  en  ma  mémoire  toutes  les  pages  de  son  œuvre  qui 
débordent  de  celte  joie  de  connaître,  et  qui  attestent  la  croyance 
en  la  bonté  de  l'existence,  où  il  y  a  tant  de  choses  à  voir  et  à 
savoir,  et  il  nie  semblait  que  sa  pensée  était  en  harmonie  avec 
cette  nature  aux  couleurs  trop  riches  et  trop  belles,  toute  baignée 
de  soleil,  cette  clarté  de  vie. , . 

Je  suis  retourné  au  tombeau  de  Taine  le  mois  dernier.  Décem- 
bre avait  répandu  ses  brumes  sur  le  paysage  triste,  et  comme  le 
soir  tombait  à  l'heure  oîi  j'arrivais  vers  la  tombe,  l'ombre  de  la 
nuit  et  l'ombre  des  nuages  s'unissaient  pour  mêler  les  contours 
et  les  lignes  des  choses.  En  bas,  le  lac  agité  se  brisait  contre  les 
grèves,  et  sa  plainte  attristait  le  recueillement  de  la  nature. 

Il  n'y  avait  plus  de  roses  autour  du  tombeau;  les  dernières  s'en 
étaient  allées  éparpillées  au  vent  d'automne,  avec  les  feuilles 
mortes.  Il  n'y  avait  plus  de  joie  dans  l'air.  Et  moi  qui  venais 
demander  à  cette  tombe  de  me  redire  les  paroles  .qui  font  aimer 
la  vie  et  qui  font  croire,  j'ai  senti  le  découragement  descendre 
sur  mon  cœur^  comme  cette  obscuiité  du  soir  qui  descendait  de  la 
montagne,  enténébraic  les  sapins  blancs  de  neige  et  s'en  allait,  de 
vallée  en  vallée,  assombrir  l'espace. 

iN'y  eut-il  jamais  de  découragement  dans  cette  vie  d'une  si 
magnifique  unité,  qui  n'eut  qu'un  but  et  qu'une  idée  directrice  : 
la  science  et  la  méthode  scientifique  dans  le  domaine  de  l'huma- 
nité? Le  philosophe  néprouva-l-il  jamais  l'amertume  du  doute, 
cette  amertume  qui  prend  quelquefois  l'artiste  au  cours  de  son 
œuvre,  qui  prend  l'amant  à  certaines  heures  d'amour?  Quand  il 
écrivait,  sans  nul  souci  de  plaire  ou  de  déplaire,  avec  le  seul 
scrupule  de  la  vérité  qui  le  hantait,  son  livre  des  Origines  de  la 
France  contemporaine,  qui  devait  tant  soulever  de  colère  dans 
tous  les  clans  politiques,  songeait-il  que  sa  pensée  et  son  expé- 
rience, si  longuement  mûries  par  l'étude  des  hommes  et  des 
sociétés,  ne  serviraient  guère  à  former  la  raison  des  autres 
hommes?  Il  avait  montré  dans  notre  régime  moderne  le  trop 
grand  développement  de  la  puissance  publique,  ia  société  orga- 
nisée d'après  les  principes  abstraits  et  non  d'après  l'expérience,  la 
suppression  de  la  vie  communale  et  provinciale  par  suite  d'une 
centralisation  excessive.  Ayant  affiché  ses  goûts  d'aristocratie,  il 
avait   été  mis  en   suspicion   pai    notre   époque  démocratique  qui 


MÉLANGES  159 

faisait  fêle  à  sa  gloire  Jadis,  et  qui  n'éleiidait  point,  sans  qu'on 
puisse  en  comprendre  les  motifs,  la  même  réprobation  à  Henan 
plus  aristocrate  que  lui-même.  Fondateur  du  positivisme,  enfin 
il    voyait,    dans   le   domaine   de  l'art,   ses  doctrines  reprises    et 
dénaturées  par  les   réalistes  qui   ne  comprenaient  point  toute  sa 
pensée. 

Oui,  il  eut  ses  heures  de  tristesse,  et  bien  qu'il  cherche  toujours 
dans  ses  œuvres  à  être,  selon  le  mot  de  Flaubert,  comme  Dieu 
dans  sa  création,  présent  partout  et  visible  nulle  part,  cette 
tristesse  frissonne  dans  certaines  phrases,  notamment  dans  celle-ci 
de  Thomas  Graindorcjc  :  «  Le  meilleur  fr;:it  de  notre  science  est 
la  résignation  froide  qui,  pacifiant  et  préparant  l'àme,  réduit  la 
souffrance  à  la  douleur  du  corps.  » 

C'est  donc  là  toute  la  félicité  que  devait  apporter  la  Science! 
Elle  devait  éclairer  non  seulement  le  monde,  mais  l'âme  humaine; 
malgré  la  grandeur  de  ses  découvertes,  elle  a  tourné  vainement 
autour  du  monde  moral  qu'elle  ne  peut  supprimer.  A  l'heure 
actuelle,  dans  les  âmes  vacillantes  il  n'est  plus  de  volonté  et  plus 
de  but  de  vivre,  et  cette  anarchie  intellectuelle,  c'est  elle  qui  l'a 
enfantée  sans  le  vouloir  et  sans  le  savoir.  Les  hommes  d'aujour- 
d'hui, ne  sachant  sur  quelle  étoile  se  guider,  se  tournent,  inquiets, 
vers  ceux  qui,  dépositaires  de  la  pensée  humaine,  peuvent  leur 
donner  le  secret  de  l'existence.  Mais  ceux-là  aussi  hésitent  au 
carrefour  des  chemins  trop  nombreux.  Zola  prêche  la  religion  du 
travail  :  agir  sans  jamais  s'arrtHer  pour  réfléchir  sur  la  vie,  comme 
si  notre  pensée  pouvait  supprimer  en  elle  les  désirs  et  les  rêves  qui 
l'ennoblissent,  et  s'arrêter  un  seul  moment  de  vouloir  comprendre 
et  connaître. 

Anatole  France  se  contente  d'expliquer  l'existence  humaine  par 
la  philosophie  nihiliste  de  ce  refrain  populaire  : 

Les  petites  marionnettes 
Font,  font,  font 
Trois  petits  tours 
Et  puis  s'en  vont. 

Anxieux  de  sa  foi  perdue,  Pierre  Loti  s'enfonce  «  dans  l'infini  du 
désert  rose  »,  pour  s'en  aller  jusqu'à  la  ville  sainte,  jusqu'à  cette 
Jérusalem  qui  peut-être  lui  rendra  une  croyance;  et  Paul  Bourget, 
déjà  chrétien  de  désir,  écoute  en  Amérique,  oîi  il  contemple  sur 
place  le  travail  des  forces  qui  fabriquent  un  monde  nouveau,  et 
peut-être  notre  société  future,  les  paroles  de  \\e<^  Ireland  lui 
disant  que  la  religion  est  maîtresse  des  durées.  Nul,  cependant, 
de  tous  ceux-là  et  de  bien  d'autres  ne  nous  donne  par  son  affir- 
mation l'illusion  de  la  foi  véritable. 

Il  faut  aller  vers  les  tombes  demander  aux  morts  qu'ils  brisent 
notre  scepticisme  et  nous  fassent  croire. 

Là-bas,  sur  le  promontoire  où  brise  la  mer  de  Bretagne,  en 
face   de   l'immensité,   du  ciel   et  des  eaux,   dort  Chateaubriand. 


1,60  MÉLANGES 

Celui-là  réveilla  dans  toute  une  génération  la  foi  qui  dormait. 
Puis,  comme  la  croyance  s'ébranlait  chez  les  hommes  oublieux, 
un  autre  homme,  celui-là  même  dont  les  restes  reposent  au  bord 
du  lac  d'Annecy,  celui-là  qui,  au  dire  du  paj'san  de  Savoie,  con- 
naissait tout  et  qui  peut  à  bon  droit  incarner  à  nos  yeux  la  reli- 
gion de  la  science  —  vint  dire  que  la  raison  humaine  pouvait 
livrer  les  mystères  du  monde  :  et  les  hommes,  avides  de  croire, 
acceptèrent  celte  nouvelle  foi. 

Et  voici  que  la  science  s'arrête  aujourd'hui  devant  le  monde 
invisible  de  notre  pensée  et  de  notre  désir.  Et,  désabusés,  les 
hommes  d'aujourd'hui  s'orientent  tour  à  tour,  sans  élan  et  sans 
enthousiasme,  vers  ces  deux  pôles  de  la  Science  et  de  la  Foi. 
dont  l'avenir  démontrera  peut-être  le  rapport,  et  regardent  tour 
à  tour  ces  deux  tombes  illustres,  dont  l'une  se  dresse  mélanco- 
lique, en  face  de  la  mer  infinie,  tandis  que  l'autre  est  bornée  dans 
son  horizon  par  les  montagnes  trop  rapprochées. . . 

{Fifjnro.)  Henry  Bordeaux. 


L'Imprimeur -Gérant, 

Léon    FREMONT. 


CHARTES 


DU 


PRIEURE     DE      LONGUEAU 


II 

Sans  dale  (vers  11  iO). 

Le  chapitre  do  Tliglise  de  Reims  donne  au  couvent  de 
Longueaii  sa  terre  de  iMellcray  ',  à  charge  de  lui  payer,  chaque 
année,  à  la  fête  de  la  Dédicace,  12  sols  de  monnaie  proviuoise. 

Témoins  :  Bosou  et  Barthélémy-,  archidiacres;  Diogou*, 

*  Voir  pa^e  19,  torae  VII  de  la  Revue  de  Champagne. 

1 .  llamsau  dépendant  de  Bdslieux-sous  Châtillon  ;  on  disait  autrefois 
Mesleroy-Bailleux.  :  les  dames  de  Longueau,  après  leur  transfert  à  Reims, 
en  étaient  seigneurs  avec  l'abbé  d'Hautvillers.  Le  2  noverab:e  1771.  suivant 
acte  passé  devant  Lemaître,  notaire  à  Ctiàlillon-sur-Marue,  Marguerite  d3 
Coindom,  veuve  de  M"^"  Thomas,  baron  de  Cuniiif^ham,  demeurant  au  château 
de  Veroeuil-sur- Marne,  agissant  en  qualité  de  légataire  de  M'"  Henry 
Hyacinthe,  comte  de  Manse,  chevalier,  seigneur,  vicomte  des  Haut  et  Bas- 
Verneud,  tant  en  son  nom  personnel,  que  comme  se  portant  fort  po  ir  les 
héritiers  dud't  comte  de  Manse,  vendit,  moyennant  le  prix  principal  de 
10t)  livres,  à  M^  Louis-François  Vol,  conseiller  du  roi,  président,  lieutenant 
général  du  bailliage  de  ChàliUou,  y  demeurant,  le  fief  de  Mesleruy  relevant 
de  la  terre  et  vicomte  des  Haut  et  Bas-Verneuii,  et  qui  cousislait  en 
«  plusieurs  terres,  prés,  maison  et  masure,  avec  12  arpents  de  menus  bois 
((  en  grairie,  le  tout  plus  amplement  déclaré  aus  aveux  et  dénombrenicnt-j 
«  des  2  juillet  1512  et  0  mai  1715.  > 

Il  résulte  d'un  autre  acte  dressé  le  22  décembre  1775.  par  Lar.gevin, 
notaire  à  Châtillon,  que  M.  Louis-François  Vol  de  Mesleroy,  écuyer, 
seigneur  de  Mesleroy,  demeurant  à  Courdemauge,  paroisse  de  Haslieux,  et 
M"  Claude -François-Armand  de  Mézières,  chevalier,  soigne:jr  ilu  Fresne, 
Fleury-la-Rivière  et  autres  lieux,  demeurant  au  château  de  Beanrepaire, 
paroisse  de  Fleury-la-Uivicre,  vendirent  à  M.  Edouard  François  Mouy, 
seigneur  de  Mœurs,  demeurant  à  Sézanne-en-Brie,  tous  leurs  droits  dans  les 
seigneuries  de  Connantray  et  Œuvy,  moyennant  le  prix  de  -i.OO'i  livres,  pour 
la  part  du  chevalier  de  Mézières,  et  celui  do  -,t)UU  livres  pour  la  [lart  de 
M.  Vol  de  Mesleroy 

2.  Barthélémy  et  Boson  figurent  dans  les  cartulaires  de  Sain'.-Remy,  de 
lionne- P'ontaine,  de  Saint-Symphorien,  de  Saint-Thierry  et  de  Saint - 
Nicaise,  de  114t)  à  1162.  Barthélémy  fut  élu  cvêque  de  Beauvais,  suivant  la 
chronique  de  Robert  du  Monl. 

3.  Drogon  paraît  dans  un  cartulaire  de  SaintRemy,  de  1l4i  à  1178,  et 
dans  l'obiluaire  de  Saint-Symphorien,  le  6  des  Ides  de  novembre  1178. 

Il 


162  LE    CAUTULAIRK    DU   PRIEURK 

prévôt;  Léon  ',  doyen;  Gervais',  chaulre  ;  Hcuri  et  Grégoire, 
prêtres;  Hugues  de  Châtillou,  Geoffroy,  diacres;  Ségard  et 
Roger,  sous-diacres;  Adam,  doyeu  de  Gliàlillon;  Philippe, 
chapelain  de  Longucau;  Gaucher,  moine  de  Pontigay  ^ 

11  00. 

Henri  *,  comte  palatin  de  'J'royes,  donne  aux  nonnes  de 
Longueau  60  sols,  à  prendre  chaque  année,  au  jour  de  la  fête 
de  Saint-Remy,  sur  le  lonlieu  de  Châlillon. 

Témoins  :  Gérard  de  Ghautemerle,  Eudes  de  Pougy^, 
Pierre  Bursaud  ^  Mathieu  le  Lorrain,  Geoffroy  Maréchal, 
Gervais  de  Châtillou  ', 

Fait  à  Châlillon  par  Guillaume,  notaire,  sous  le  règne  de 
Louis,  roi  des  Francs,  et  sous  l'épiscopat  d'Ansculphe  '. 

Sans  date  (après  1170). 
Simon  de  Moutaigu  '  donne  à  la  maison  de  Longueau  trois 

1 .  Léon,  neveu  Ju  chantre  Richer,  doyen  et  écolâtre,  est  nomuié  en  la 
charte  de  Renaud  II  pour  les  relif^ieus  de  Saint-Remacle,  puis  en  1166  et 
en  1143  dans  la  charte  de  l'archevêque  Samson  pour  l'abbaye  de  Signy.  Il 
était  aussi  chef  des  écoles,  suivant  la  bulle  d'Adrien  IV. 

2.  Gervais  est  cité  aux  années  1130-1137-1144  dans  le  cartulaire  de 
Saint-Nicaisc.  Il  fut  depuis  relig'eux  de  Saint-Denis.  Son  nom  est  marqué 
le  1''  des  Calendes  d'avril  en  l'obituaire. 

3.  Pontigny  (Yonne;,  arrondissement  d'Auxerre;  abbaye  cistercienne 
fondée  en  1114. 

4.  Henri  I  le  Libéral,  12'  comte  de  Champagne,  fils  de  Thibault  II  le 
Grand,  et  de  Malhilde,  mourut  à  Troyes  le  16  mars  1181.  II  avait  épousé 
Marie  de  France,  fille  du  roi  Louis  VIL 

5.  Pougy,  Poyerium  (Aube),  canton  de  Ramerupl.  Eudes  de  Pougy, 
connétable  de  Champagne  jusqu'en  116'J,  époque  à  laquelle  il  eut  pour 
successeur  Guillaume  I,  comte  de  Dampierre.  (D'Arbois  de  Jubainville, 
Hist.  des  Comtes  de  Champagne,  p.  124.) 

6.  Pierre  Bursaud,  chambrier  du  comte  Henri  avant  1160. 

7.  Gervais  de  Châlillon,  auteur  des  seigneurs  de  Bazoches,  laissa  de  son 
mariage  avec  Hadivide  :  Nicolas,  seigneur  de  Bazoches  et  de  Vauxéré  ; 
Guy,  chanoine  de  Soissons  ;  Milon,  abbé  de  Saint-Médard  de  Soissons,  et 
Fauque,  épouse  de  l^enaud  de  Courlandon. 

8.  Ansculphe,  plus  connu  sous  le  nom  d'Ancoul,  fils  de  Nivelon  de 
Pierrefonds  et  d'Avize  de  Montmorency,  succéda  à  Joslein  de  Vierzy.  Il 
assista  au  concile  des  provinces  de  Reims,  Sens,  Bourges  et  Tours,  tenu 
à  Soissons,  et  fonda  l'abbaye  de  Saint-Jeaa-aux-Bois,  près  Compiègoe.  Il 
mourut  en  1158  et  fut  inhumé  à  Locgpont. 

9.  MoQtaigu  (Marne),  château  aujourd'hui  détruit,  commune  de  Bisseuil, 
canton  d'Ay  ;  il  est  cité  dans  les  Feoda  Campaniœ.  Simon  de  Montaigu 
figure  avec  Payen  de  Monligny  en  la  charte  de  1146,  par  laquelle 
Gaucher  II  de  Châtillon  fit,  avant  son  départ  pour  la  croisade,  de  nombreux 
dons  au  prieuré  et  à  l'église  de  Châtillon, 


DE    LONGUEAU  163 

muids  de  viu  el  trois  seliers  de  frotneul  a  Ad  facicndum  obia- 
iiones  quibus  Christi  corpus  conficitur  »,  à  preudre  auuuelle- 
meut  sur  la  ferme  de  Tincourl  i,  pour  le  repos  de  sou  âme,  de 
celle  de  sou  père,  de  sa  mère,  de  tous  ses  amis  vivants  el 
morts,  el  surtout  pour  les  âmes  «  piœ  recordationis  »  de  Guy  el 
Gaucher  de  Châtillou.  11  doune  en  outre  10  livres  de  mouuaie 
forte.  Eu  cousidéraliou  de  ce  bienfait,  les  religieuses  lui  accor- 
dent de  participer  à  perpétuité  aux  vigiles  el  à  toutes  autres 
prières  qui  seraient  dites  dans  leur  maison.  De  plus,  un  propre 
sera  récité  chaque  jour  à  son  intention. 

Témoins  :  Mahaul,  prieure  de  Longueau  ;  Billiard,  épouse 
dudil  Simon;  Payen,  son  frère-;  Nicolaî,  Simon,  Vaucher, 
ses  {ils  ;  Jean  de  Béron,  Guillaume,  Ancel,  Adam  ^,  Jacques, 
Hugues  de  Dormans,  Guillaume,  prieur  de  Longueau;  Jean, 
chapelain;  Raoul,  pécheur  de  JNeuville^;  Roger,  prieur  de 
Neuville  ;  Arnould  et  Ingelranne,  moines. 

Hb8. 
Henri,  comte  palatin  de  Troyes,  à  la  prière  de  son  iidèle  el 
amé  Gaucher  de  Ghàtillon,  donne  à  perpétuité,  aux  pauvres  non- 
nes de  Longueau,  tout  ce  qu'elles  possèdent  et  pourront  acqué- 
rir dans  son  fief  de  Champagne  et  de  lirie,  soit  par  vente,  soil 
par  donation,  franc  el  libre  de  tous  impôts  présents  et  à 
venir. 

Témoins  :  Thibault,  comte  de  Blois  ^  ;   Guillaume  de  Dam- 

1.  Tincourl  (Marne),  hameau  dépendant  de  Venleuil,  canlon  d'Epernay. 
Les  anciens  seigneurs  et  les  droits  seigneuriaux  de  ce  hameau  auront  une 
large  part  dans  la  notice  que  je  publierai  incessamment  sur  la  famille  Guyot 
de  Chenizol. 

2.  Payen  de  Montigny  est  nommé  parmi  les  témoins  de  la  charte  de 
1162,  en  vertu  de  laquelle  Guy  II  de  Ghàtillon  donne  au  prieuré  de 
Châtillon  7  muids  de  vin  de  la  montagne  de  Reims. 

3.  Guillaume,  maréchal  de  Champagne,  Anseau  II,  bouteillier  de  Cham- 
pagne, seigneur  de  Traicel,  et  Adam  Bridaine,  tous  trois  témoins  de  la 
charte  de  fondation  du  prieuré  d'Igny-le-Jard  en  1178. 

4.  Neuville,  aujourd'hui  château  avec  ferme,  dépendant  de  la  commune 
de  Sainte-Gemme,  canton  de  Chàlillon-sur-Marne.  Le  château  <lc  Neuville 
appartient  actuellement  à  la  famille  d'ilauterive.  En  1710,  M"'  Jacques 
Bodelol,  prêtre,  prieur  de  Sainte-Gemme,  était  décimalcur  des  grosses  dimes 
de  Villers-Agron,  conjointement  avec  les  dames  du  Val-de-Gràce  et  le 
commandeur  du  Temple  de  Reims. 

0.  Thibault,  comte  de  Blois,  ftère  de  Henri  le  Libéral,  épousa  Alix,  fille 
de  Louis  VII. 


164  LE    CARTULAIRE    DU    PRIEURÉ 

pierre,    Hugues   de   Plaucy',    ThibauU   de    Mutry^,    Pierre 
Bursaud,  Geoffroy  Maréchal. 

Fait  à  Troyes  par  Guillaume,  notaire,  le  12  des  calendes 
d'août  ;  Louis,  roi  des  Francs;  Ausculphe,  évèque  deSoissons. 

1178. 

Guillaume  3,  archevêque  de  Beitns,  légat  du  Saint-Siège, 
atteste  ce  qui  suit  : 

«  Foulques',  d'heureuse  mémoire,  doyen  de  l'église  de 
Reims,  a  acheté  à  Gervais  de  Chaumuzy  ^  le  tiers  de  la  dime 
de  Ghambrecy  "  et  l'a  donné  à  l'église  de  Longueau,  sous  la 
condition  que  Robert,  clerc,  sou  petit-neveu,  en  jouirait  sa 
vie  durant,  et  (ju'après  le  décès  de  celui-ci  celte  libéralité 
retournerait  au  couvent  de  Longueau,  dans  lequel  sa  sœur 
Marie  est  religieuse. 

Témoins  :  Thomas',  chantre  de  l'église  de  Reims;  Milon  de 
Lagery,  Nicolas  d'Epernay,  Foulques  et  Léon,  ch moines  de 
l'église  de  Reims,  et  autres;  Alexandre  ',  chancelier. 

t .  Huf^ue-,  seigneur  de  Plancy,  au  comté  de  Champagne,  laissa  pour 
fild  Miles  de  l'iaiicy,  sénéchtil  de  Jérusalem  et  seigneur  de  Montréal,  à 
cauye  de  Eliennelte,  sa  femme,  qui  était  tille  de  î^hilippc  de  Millv,  prince 
de  Naplouse  et  de  Montréal.  (Voir  0.  de  Poli,  Inventaire  des  litres  de  la 
maison  de  Mdhj.  Par-s,  1S88,  p.  C7-6S.) 

Les  seifzneurs  de  Plancy  contribuèrent  largement  à  la  dotation  des  Bons- 
hommcs  de  l'abbaye  de  Machejet.  En  1181,  Hugues  de  l^laucy  leur  aumôiia 
le  Tour  banal  ilo  ctttc  localité,  et  Hodoalde,  veuve  de  Gilon  de  Plancy.  du 
consentement  de  Philippe  et  Guy,  ses  lils,  leur  donnait,  en  1206,  une  rente 
de  3  scliers  de  grain  sur  les  moulins  de  Clesles.  (E.  de  Barthéleiny,  Charles 
de  l'abbaye  de  Madicrcl.) 

"2.   Mulry  (Vlarue),  commune  de  Tauxières-Mutry. 

3.  Guillaume  I  de  Champagne,  dit  aux  Ulanches-Mains,  (ils  de  ThibauU  H 
le  Grand,  11'  comte  de  Champagne,  et  de  Mathilde,  évèque  de  Chartres, 
archevêque  de  Sens,  prit  possession  du  siège  de  Reims  en  1175.  11  assista  au 
concile  de  I.alrau  en  1179  et  sacra,  à  Reims,  Phili[>pe-Auguste,  son  neveu, 
qui  le  cré.i  duc  de  Reims,  premier  pair  fcclésiastique  <le  France,  et  lui 
conl'éra  le  litre  de  régent  avant  de.  partir  poiir  la  troisième  croisade. 
Guillaume  mourut  à  Laon  eu  {"Mi,  et  (ut  inhumé  dans  la  cathédrale  de 
Reims. 

4.  l''ouli]UCS  souscrivit  en  la  char.e  du  comte  de  Roucy  qui  se  trouve  au 
cartulairc  de  Siint-Remy.  Alexandre  III  lui  adressa  plusieurs  commissions 
en  1  \iyj. 

o.    Chamuzy  (Marne),  canlon  de  \i.le  eu-Tardcnois. 

6.  Charabrecy  (Marne),  même  canton. 

7.  Thomas  .'•igna  la  cliarle  de  l'archevêque  Henry  pour  l'accord  des 
ahbé.s  de  Signy  et  do  Saint-Nicaisc  en  1172;  il  est  cité  en  IlSo  dans  le 
curtulaire  de  l'Hôpital. 

ci.   Alexandre  était  encore  chancelier  fu  1182. 


DE    LONGUEaU  ir>:j 

ilSH. 
Hearii,  comle  palaliu  de  Tioyes,  confirme  l.i  donalion  failc> 
par  Gaucher  de  (>hàlilloD  -,  avec  le  conseulemenl  de  sa  femme 
el  de  ses  enfauls,  à  l'église  de  Longueau,  de  10  livres  de  reule 
annuelle,  à  prendre  sur  le  tonlieu  de  Chàlillou.  pour  l'entre- 
lieu  de  deux  chapelaios  chargés  de  célébrer  à  perpétuité  le 
Saint-Sacrifice  pour  le  repos  de  son  âme;  ladite  renie  payable 
moitié  à  la  fête  de  saint  Jean-Baptiste,  et  l'autre  tjioilié  à  Noël. 

1189. 

Henri,  comte  palatin  de  Troyes,  ratifie  le  don  consenti  par 
son  père,  le  comte  Henri,  de  bonne  mémoire,  à  son  filleul 
Henri,  tils  de  GeofTroi  d'Euilly  ",  de  20  sols  de  rente  annuelle, 
à  prélever  sur  le  tonlieu  de  Chàtillon,  el  que  ledit  Henri  a 
transportés  aux  moniales  de  Longueau  pour  servir  de  dot  à  sa 
sœur  qui  y  prenait  le  voile. 

Donné  à  Provins  par  la  main  du  chancelier  Haiciet.  Vu 
par  Guillaume. 

1.  Henri  II  le  Jeune,  13'  comte  de  Champagne,  roi  de  Jérusalem,  (i  s 
aîné  de  Henri  le  Libéral  et  de  Marie  de  Fiance,  marié  le  5  mai  1192  à 
Isabelle,  sœur  de  Baudoin  \^  loi  de  Jérusalem. 

2.  Gaucher  III  de  Châlillon,  fils  de  Guy  II  et  de  Alix  de  Dreux,  comte 
de  Saint-Paul,  seigneur  de  Châtillon,  Troissy,  Crécy,  Pierrefcuds,  l^ont- 
Sainl-Moixent,  sénéchal  de  Bourgogne,  bouleiller  de  Champagne,  etc., 
suivit  le  roi  Philippe-Auguste  en  Terre-Sainte,  où  il  se  signala  au  siège 
d'Acre.  11  prit  part  à  la  conquête  du  duché  de  Normandie  en  120,3  el  12Ui, 
et  suivit  le  comle  de  Montfort  contre  les  Albigeois.  Le  roi  lui  donna  en 
Flandre  le  commandement  de  son  armée,  avec  laquelle  il  occupa  Touruay 
et  se  distingua  à  la  bataille  de  Bouvines  en  1214.  Il  se  croisa  contre  les 
Albigeois  en  1219,  et  mourut  avant  le  mois  d'octobre  de  la  même  année.  11 
avait  épousé  Elisabeth,  comtesse  de  Saint-Paul,  fille  de  Hugues,  dit 
Campdavoine,  comle  de  Saint-Paul,  et  de  Yolande  de  Hainaut,  dont  il  eut: 

1"  Guy  I,  comte  de  Saint-Paul; 

2»  Hugues  I,  comte  de  Saint-Paul,  auteur  de  la  branche  des  comtes  de 
Saint-Paul  et  de  Blois  ; 

3"  Eustacbe,  mariée  à  Daniel,  seigneur  de  Bélhuue  ; 

4"  Elisabeth  de  Châtillon,  alliée  à  Aubert  de  Hangest,  seigneur  de  Genlis, 
morte  en  1233. 

3.  Œuilly  (Marne),  canton  de  Dornans.  Le  8  janvier  1717,  suivant  acte 
de  Lesueur,  notaire  a  Châtillon-sur-Marne,  M"  Cba'les  de  Haudoiu, 
chevalier,  seigneur  et  vicomte  de  Passy,  agissant  comme  tuteur  des  eofanls 
nés  de  son  mariage  avec  défunte  dame  Charlotte  d'Alligret,  douua  à  bail, 
pour  neuf  années,  moyennant  une  redevance  de  six  cent  cinquante  livies 
par  an,  à  Anne  Antoine,  veuve  de  Pierre  .\lajol,  vivant  maître  des  postes  à 
Port-à-Binson,  la  moitié  appartenant  à  ses  enfants  dans  les  terres  et  sei- 
gneuries dEuilly,  Misy  et  le  Mesuil,  qui  consistaient  en  maisons  seigneu- 
riales, bâtiments  et  lieux  en  dépendant,  terres,  prés,  bois,  aulnaies,  peu- 
pliers, haies,  buissons,  vignes,  oseraies,  cens,  surcens,  droits  seigneuriaux, 
lods,   ventes,  \êtiires,  saisines  et  amendes. 


166  LE    CARTULAIRE    DU   PRIEURÉ 

Guy  de  Chàlillon  '  et  Gaucher  son  frère,  du  consealeraent 
de  Robert,  aussi  son  frère,  donnent  aux  religieuses  de  Longueau 
40  sols,  11  seliers  de  grains  et  8  muids  de  vin,  à  prendre  sur 
Orquigny  -,  chaque  année,  à  la  Saint-Remy.  S'ils  revieuneni 
de  la  croisade,  ils  leur  concèdent  dès  à  présent  la  moitié  de 
leur  vivier,  et  la  lotahté  après  leur  mort,  quitte  et  libre  de 
toute  redevance.  Ils  défendent  sévèrement  à  quiconque  de 
pêcher  dans  ce  vivier,  sauf  aux  pécheurs  des  religieuses. 
A  leur  retour,  ils  pourront  reprendre  ce  vivier  comme  aupa- 
ravant, et  déchargent  de  toute  responsabilité  leur  homme, 
Hugues  de  Biuson. 

Témoins:  Guy,  prieur  deBinson  ;  Milon  deSorcy^,  Geoffroy^, 
clerc  de  Beauvai.-;;  Pierre  de  Villenauxe  ^,  Milon  de  Sorcy  et 
Hébert  son  lils,  Eudes  Leuoir  d'Orquigny. 

1191,  février. 
Yidimus  du  testninoil  de  B.  d'Hnutvillers^. 
«  L.,  remensis ecclesiœ  decanus,  et  magister  F.  ejusdem  eccle- 
sifp  canonicus,  omnibus  qui  présentes  literas  inspexeriut  in 

1 .  Guy  III  de  Chàlillon,  seigneur  de  Montjay,  se  croisa  avec  Philippe- 
Auguste,  ainsi  que  ses  deux  frères. 

2.  Orquigny  (Marne),  section  de  Binson-Orquigny,  canton  de  Châlillon- 
sur-Marne.  (Sur  la  prieuré  de  Binson,  consulter  Dom  Noël  et  D"'  Remy, 
op.  cil.) 

3.  Sorcy  (Aisne),  hameau  aujourd'hui  disparu  de  Villers-en-Prayères, 
canton  de  Braisne.  Le  nom  est  conservé  actuellement  par  le  ruisseau  de 
Sorcy,  aflluenl  de  l'Aisne. 

4.  Du  Chesne  dit  que   Geoffroy  était  chanoine  de  l'église  de  Beauvais, 

5.  Villenauxe  (Seine-et-Marne),  arrondissement  de  Provins. 

6.  Je  dois  à  l'extrême  courtoisie  et  aux  connaissances  héraldiques  de 
M.  le  vicomte  O.  de  Poli  l'indication  de  nombreuses  sources  sur  le  lignage 
d'Hautvilters  au  sujet  duquel  je  me  bornerai  à  citer  les  noms  suivants.  Je 
me  fais  un  devoir  de  lui  adresser  ici  la  légitime  expression  de  ma  recon- 
naissance pour  les  services  et  les  encouragements  qu'il  a  si  largement 
prodigués  à  mon  égard. 

Vers  1172,  Rogier  de  Ahautviler,  Paien  de  Hautviler  et  Guilliaumes 
d'Auviler,  tous  trois  nommés  au  Livre  des  vassaux  de  Champagne . 

1222,  août.  Etienne  de  Hautvillers,  enquêteur  pour  le  Roi  en  la  baillie 
Cépoi.  (L.  Delisle,  Actes  de  Ph.  Auguste,  n"  2169.) 

1230.  «  Johannes  de  Alto  Villari.  »  (B.  N.  ms  latin  11004,  Cart.  de  Vahb. 
de  Saint-Jean  des  Vignes  de  Soissons.) 

ISOT.  Scel  d'Eudes  de  Mautvilliers  pendant  au  testament  de  Robert  II, 
duc  (le  Bourgogne.  (Dom  PJanchet,  llist.  de  Bourgogne,  tom.  I.  Preuves, 
p.  %.) 

l2!Kt.  (I  Fratar  Gernrdus  de  Alto-Villari.  servieus  iu  domo  de  Nova-Villa  », 


DE    LONGUEAU  107 

Domino  salutem  '.  Noverilis  quod  nos  originale  islius  Iraascripli 
vidimus  et  perlegimus  ;  forma  siquidem  ipsius  lulis  erat  : 
Ego  G.-,  Sparnacensis  ecclesiee  miuister  humilis,  el  couvenlus 
nosler,  prœsenlibus  el  fuluris  nolum  facimus  quod  B.  miles 
de  Altovillari  ad  sepulchrum  Domini,  Deo  volenle,  profec- 
lurus,  leslamentum  islud,  sicut  scriplum  hic  habetur,  in 
prœsentia  noslra  fecil  :  Garino  fratri  suo,  lerram  suam  de 
Agniaco  ^  et  Teschœlle  de  Indrolio  ^  et  illam  parlera  viuese 
suœ  de  Disi  ^  quam  a  paire  suo  habuil,  et  campum  de 
Tournoi",  el  bomines  suos  de  Carapania',  et  campum  de 
Moncello  Ledewi  *,  et  .^ilvam  suam  de  Pœlli^,  in  elemosiuam 
dédit;  sorori  sute  de  Sparnaco,  el  sorori  suce  de  Turribus '°, 
medielalem  vineee  sute  de  Campobrunel  et  campos  de  Warin- 
val  ;  sorori  suse  de  Portechacre",  vineam  suam  de  Sarches  •-  ; 
Helewidi  sorori  sute,  doraum  suam;  sorori  sute  de  Ogier'^, 
prata  sua,  mobile,  et  orlum  cum  vinea;  sorori  suée  de  Allo- 
ville,  lerram  de  Valle,  el  campum  Villesent '^,  el  campum  de 

reçu  templier;  baillie  de  Chàlons,  (Michelet,  Procès  des  Templiers,  tom,  I, 
p.  407.) 

1346,  25  mars.  Scel  de  Jehan  d'Auviler,  receveur  de  Vermandois.  (Pièces 
originales  :  Doss,  de  There  en  Normandie,  p.  3  ) 

1355.  Scel  de  Gile  d'Auviler,  écuyer  de  Vermandois.  (Clairaœbault, 
Tii.  scel,  reg.  40,  p.  2961.) 

1.  Léon  II,  successeur  de  Pierre.  (Voir  la  charte  ci-après  du  mois  de 
septembre  1201.) 

2.  Guy,  abbé  de  1186  à  1198  de  l'abbaye  de  Saint-Martin  d'Epernay, 
ordre  de  Saint-Auguslin,  fondé  en  1032  par  Eudes,  comte  de  Champagne. 

3.  Aigny  (Marne),  canton  de  Châlons. 

4.  Léchelle  (Marne),  hameau  de  Reuil,  canton  de   Chiitillon-sur-Marne. 

5.  Dizy  (Marne),  canton  d'Eperna}'. 

G.  Tournai  (Marne),  hameau  de  Favresse,  canton  de  Thiéblemont. 

7.  Champagne  (Marne),  section  de  Champigneul,  canton  d'Ecury-sur- 
Coole,  à  moins  que  ce  ne  soit  Champillon,  village  voisin  d'Hauvillers. 

S.  Woncel-sur- la -Livre,  aujourd'hui  le  Moncet  (Marne),  commune 
d'Avenay,  canton  d'Ay. 

9.   Poilly  (Marne),  canton  de  Ville-en-Tardenois. 

10.  Tours- sur-Marne,  canton  d'Ay. 

11.  Oger  (Marne),  canton  d'Avize. 

12.  Vers  la  même  époque,  Roger  de  Portechacre  donne  à  l'Hùlel-Dieu  de 
Reims  le  quart  de  la  dîme  de  Taissy,  et  il  ordonne  qu'à  son  anniversaire 
un  repas  soit  offert  au  Chapitre  et  à  sis  pauvres. 

13.  Sarcy  (Marne;,  canton  de  Ville-en-Tardeuois. 

14.  Villesaint  (Marne),  écart  de  la  commune  de  Boursault,  canton  de  Dor- 
mans. 


'jG8  le  cautulaire  du  prieuré 

L.ivcna  '  ;  ?ororibus  suis  de  Aveiiiaco-,  11  modios  vini, 
quandiu  vixerinl  ;  leprosis  de  Allovillari,  campum  de  Bruin- 
val  ;  malri  sua",  vinagia  sua,  (]uandiu  vixeril,  el  posl  mor- 
lem  ejus  domiuabus  de  Lougua  Aqua,  ad  auuiversariuai 
suum  faciendum,  in  feslo  sancli  Nicholai  ;  Joiranno''  abbali, 
suam  vaunam.  quandiu  vixeril,  posl  morleni  ejus  ecelesiae 
AUovillaris*;  ipsa  aulem   vanna  débet  canonicis  de  Sparnaco, 

X  anguillas.  in  prima  dominica ;  X  libras,  canonicis  de 

Sparnaco;  X  libras  luron,  sauclimouialibus  de  Aveniaco; 
X  libras  luroneusium,  sacerdolibus  de  AUovilia,  ceulum 
solidos,  priori  de  AUovilia  ;  centuin  solidos  Pbilippo  comili  ; 
XL  solidos.  Simoni  Labole;  XL  solidos,  Theob.  medico; 
XL  solidos,  Renardo  de  Blaine'.  Hiec  aulem  omnia,  ul  scrip- 
lura  habelur,  singulis  in  elemosiuam  dedil.  Quod  ne  valeal 
oblivione  deleii  pra^seuli  scriplo  commandalum  esl  el  sigilli 
lioslri  apposilione  firmalum.  Aclum  anno  incarnali  Verbi 
MCXCL  mense  lebruarii.  » 

1198. 

Thibault  °.  comte  palatin  de  Tro;yes,  donne  en  perpétuelle 
aumône,  à  l'église  de  Longueau.  lUO  sols  de  rente  annuelle, 
à  prendre  sur  le  tonlieu  de  Châtillon,  savoir  :  40  sols  à  la  fêle 
de  Sainl-Remy,  et  GO  sols  à  Pâques,  à  charge,  toutefois,  par 
les  religieuses,  de  faire  célébrer  tous  les  ans  l'anniversaire  de 
sa  mère,  la  comtesse  Mathilde. 

Fait  par  Gaucher,  chancelier,  avec  le  signe  de  Pierre. 

1198. 

Thibault,  comte  palatin  de  Troyes,  donne  aux  nonnes  de 
Longueau  un  droit  d'usage  dans  sa  forêt  de  Vassy  ',  pour  y 
prendre  le  bois  vif  dont  elles  ont  besoin  pour  leurs  construc- 
tions, et  le  bois  mort  nécessaire  à  leur  chauffage. 

1.   Lavannes  (Marne),  écart  d'Epernay. 

'2.  Aveuay  (Marne),  canton  d'Ay.  Abbaye  de  l'ordre  de  Saint-Benoît. 
fondi?e  vers  GOO  par  sainte  Berthe,  épouse  de  saint  Gombert. 

."î.   Joranne,  28»  abbé  d'ilaulvillers ,  mourut  le  28  décembre  1180. 

4.  L'abbaye  d'Hautvillers,  de  l'ordre  de  Saint-Benoît,  fut  fondée  par 
saint  Nivard,  vers  tJ6U. 

.^).    Blij^ny  (Marne),  canton  de  Ville-en  Tardenois. 

C.  'l'iiibault  111,  14'  comte  de  Champagne,  frère  de  Henri  11  le  Jeune, 
décédé  le  2i  mai  1201,  à  l'îlge  de  vingt-deux  ans,  avait  épousé,  le 
l"  juillet  1199,  Blanche,  ûUe  de  Sancbe  le  Sage,  roi  de  Navarre. 

7.  la  grande  forêt  de  Vassy  couvre  le  territoire  d'Igny-le-Jard,  à  l'angle 
sud -est,  el  le  sépare  des  communes  d'Orbais,  Suizy-le-Franc,  Mareuil-en- 
Brie  et  le  Baizil.  Le  hameau  de  N'assy,  situé  sur  la  route  qui  conduit  de 
Doimaus  à  la  forêt,  fait  partie  de  cette  dernière  commune. 


DE    LONGUEAU  169 

1198. 
Gaucher  de  Nanleuil  '  conlirme  aux  religieu.'^es  de  Lougiieau 
lout  ce  qu'elles  oui  reçu  en  sou  fief,  savoir  :  de  Gaucher-,  sou 
père,  lîi  livres  de  revenu  aunuel  sur  le  loulieu  de  Chàlillou, 
moitié  à  preudre  à  la  Saiul-JeauBaplisle.  el  moitié  à  Noël, 
pour  dotation  de  deux  chapelains  chargés  de  céléhrer  la  messe 
à  perpétuité  pour  le  repos  de  son  âme,  avec  uu  demi  muid  de 
blé  à  preudre  sur  le  four  de  Lhéry  ^,  el  aulanl  que  Guy  \  sou 
oncle,  leur  a  octroyé  au  même  lieu  plus  20  sols  de  Irécens  à 
FaveroUes^  à  recevoir,  eu  l'octave  de  l'Epiphanie,  d;ms  sa 
grange  d'Esclem  '^;  4  setiers  de  froment  à  Tramery  ',  8  muids 
de  vin  de  Milon  Gordon,  à  Tram.ery  ;  o  aulres  muids  pour  la 
dotation  de  sa  fille  religieuse  ;  le  tiers  du  moulin  de  Eaverolles 
avec  le  service  dû  à  ce  moulin;  1  muid  de  blé  sur  le  four  de 
Bligny";  une  prairie  el  deux  pièces  de  terre  pour  la  dotation 
de  ses  deux  nièces  qui  ont  pris  le  voile.  En  don  de  Thomas  de 
Savigny^,  un  autre  tiers  du  moulin  de  FaveroUes,  avec  un 
pré  voisin,  pour  la  dotation  de  sa  fille  religieuse;  en  don  des 
frères  Girard  el  Eudes  do  Lagery  '",  27  setiers  et  une  mine  de 
blé,  dont  7  à  preudre  sur  le  moulin  de  l'endroit,  et  le  reste 
sur  la  dime  du  village,  pour  la  dotation  de  deux  religieuses  ;  en 
don  d'Hugues  du  Plessier  ".  4  setiers  de  froment  à  prendre 

1.  Gaucher  II  de  Nanteuil,  fils  de  Gaucber  I  de  Nanteuil,  el  d'Helvide, 
décédé  au  mois  de  mai  1224,  eaterré  à  Iguy,  épousa  en  premières  noces 
Sophie,  comtesse  de  Chevigny,  el  ensuite  Alix  de  Courlaudou,  dont  il  eut 
Gaucher  III  de  Nanleuil,  seigneur  de  Nanteuil,  Suippes,  FaveroUes  et 
Treslon. 

2.  Gaucber  I  de  Nanteuil  était  ûls  de  Gaucher  II,  seigneur  de  Chaiil- 
lon,  Troissy  et  Montjay,  et  de  Ade  de  Roucy.  Il  mourut  eu  1187,  el  Ilel- 
vide  sa  femme  eu  1190;  tous  deux  ont  été  enterrés  à  l'abbaye  d'Igny. 

3.  Lhéry  (Marne),  canton  de  Ville-en-Tardcnois. 

4.  Guy  II  de  Cbâtillon. 

îj.  FaveroUes  (Marne),  canton  de  ViUe-en-Tardenois. 

6.  Eclin  (Marne),  commune  de  Chaumuzy,  situé  sur  le  penchant  d'une 
colline  à  l'entrée  du  bois  de  Gourion,  au  sud  du  territoire  du  villaj:e. 

7.  Tramery  (Marne),  même  canton. 

8.  Bligny  (Marne),  même  canton. 

9.  Savigny-sur-Ardre  (Marne),  même  canton. 

10.  Lagery  (Marne),  même  canton. 

11.  Le  Plessier  (Marne;,  ferme  dépendant  d'Aougny,  nnême  canton.  Guy 
du  Plessier,  chevalier  champenois,  se  croisa  avec  le  comte  'l'hibault  en  1198. 
Claude  du  Plessier,  écuyer,  seigneur  d'Ogny  et  du  Fort  Chasteldu  Plessier 
avait  épousé,  vers  1551),  FerreUe  de  Bussy,  lille  de  Jehau,  écuyer,  seifiueur 
d'Ogny  et  Rougnac,  et  de  Jehanneton  de  .\liremout.  (Le  baron  E.  du  Pin 
de  la  Guérivière,  Ascendanls  et  alités  de  la  Mai<!on  du  Pin  de  la  Guért- 
viére,  Reims,  Irap.  modfrne.  1894.) 


170  LE   CARTULAIRE   DU   PRIEURÉ 

sur  sa  grauge,  pour  la  dot  de  sa  fille;   en  don  d'AUard  de 
Sarcy  ',  à  Tramer}^,  1  niuid  de  vin  à  prendre  sur  ses  vignes. 

Sans  date  (vers  1198). 
Gaucher  de  Nanleuil  confirme  la  donation  faite  aux  nonnes 
de  Longueau,  par  Guy  son  frère,  de  28  sols  à  prendre  à  per- 
pétuité, sur  les  trécens  de  Faverolles,  dans  l'octave  de  l'Epi- 
phanie. Il  reconnaît  en  outre  que  l'église  de  Longueau  lui  a 
accordé  la  possession  héréditaire  de  ce  qu'elle  avait  reçu  de  la 
terre  de  Milou  Chardon  de  Gourville  et  Ville-eu-Tardenois,  et 
qu'en  échange  il  a  abandonné  à  ladite  église   0   seliers  de 

froment  à  Anlhenay. 

1198. 

Gaucher  de  Châtillon  -  confirme  aux  religieuses  de  Longueau 
tout  ce  qu  elles  tiennent  du  don  et  aumône  de  ses  prédéces- 
seurs et  d'autres,  savoir  ;  de  Gaucher'^,  sou  aïeul,  le  lieu  où 
est  bâtie  la  maison  conventuelle  avec  tout  ce  qu'il  possédait  en 
cet  endroit,  notamment  le  bois,  l'eau,  les  prés  et  les  champs, 
avec  le  moulin  de  Nuisement  \  une  charrue  de  terre  à  Bligny  ^, 
une  autre  à  Anthenay";  de  Guy',  son  père,  deux  parts  dans 

1.  Sarcy  (Marne),  même  canton. 

2.  Gaucher  III,  comte  de  Saint-Paul. 

3.  Gaucher  II,  seigneur  de  Châtillon,  de  Troissy  et  de  Moatjay,  fils  de 
Henri  I  de  Châtillon,  et  de  Ermeugarde  de  Montjay,  accompagna  le  roi 
Louis  le  Jeune  au  voypge  de  la  Terre-Sainte  ;  en  passant  par  les  montagnes 
de  Laodicée,  il  fut  tué  par  les  Sarrazins,  le  19  janvier  1147.  Il  avait  épousé 
Ade,  fille  de  Hugues,  dit  Cholet,  comte  de  Roucy  et  d'Aveline,  dont  il  eut 
plusieurs  enfants,  entre  autres  : 

Guy  II  de  Châtillon, 

Et  Gaucher  I,  auteur  de  la  branche  de  Nanteuil. 

4.  Nuisement  (Marne),  canton  d'Ecury-sur-Goole. 

5.  Bligny  (Marne),  canton  de  Ville-en-Tardenois. 

6.  Antheuay,  canton  de  Châtillon-sur-Marne. 

1084.  M"  Jean  Beaudier,  sieur  d'Anthenay,  garde  du  corps  du  roi, 
demeurant  à  Châtillon.  1765.  Pierre-Jean  Bocquet,  écuyer,  sieur  d'Anthenay. 

7.  Guy  II,  seigneur  de  Châtillon,  Troissy.  Montjay  et  Crécy,  fils  de 
Gaucher  II  et  d'Ade,  vivait  en  1170  et  laissa,  d'Alix  de  Dreux,  sa  femme, 
fille  de  Robert  de  France,  comte  de  Dreux,  et  d'Avoise  d'Evreux  : 

1»  Gaucher  III,  comte  de  Saint-Paul  ; 

2*  Guy  III  de  Châtillon,  seigneur  de  Montjay,  mort  au  siège  d'Acre, 
en  1191  ; 

3"  Robert,  évoque  de  Laon,  qui  se  trouvait  ù  la  bataille  de  Bouviues,  en 
1214,  et  mourut  en  1215  ; 

4°  Marie,  alliée  à  Renaud,  comte  de  Dammartin,  et  ensuite  à  Jean  III, 
comte  de  Vendôme  ; 

5"  Alix,  dame  de  Clichy- la-Garenne,  mariée  à  Guillaume,  seigneur  de 
Garldude  ; 

6°  Amicie  de  Chfttillon,  qui  élail  mariée,  en  1185,  à  Baudoiu  du  Donjon. 


DE    LONGUEAU  171 

les  deniers,  aux  trois  solenailés,  à  Gourville',  de  noble  darne 
Ade  de  ChùlilloQ  -,  le  moulin  de  la  Chaussée",  le  moulin  de 
Bligny  et  20  sols  àBrugny*,  de  sa  tante  maternelle,  Ermen- 
garde,  trois  sols  et  un  demi  muid  de  blé  sur  le  moulin  d'Or- 
quigny  ;  de  Pierre  Poix,  20  sols  de  rente  sur  Brugny,  à 
prendre  à  Binson  ;  de  Dodon  de  Mesleroy,  un  muid  de  blé  et 
un  muid  de  vin,  un  demi-muid  de  blé  à  prendre  sur  sa  grange 
de  Troissy '■,  avec  tout  ce  que  les  religieuses  possèdent  de  sur- 
plus en  rente  et  cens  dans  l'étendue  de  son  domaine, 

1199. 

Guillaume,  archevêque  de  Reims,  cardinal-prêtre  du  litre 
do  Sainte-Sabine,  confirme  la  donation  faite  aux  pauvres 
nonnes  de  Longueau,  membre  deTabbaye  de  Fontevrault,  par 
Maurice  de  Belrain°,  son  fidèle  et  amé  chevalier,  de  dix  setiers 
de  grain,  à  prendre  annuellement  sur  les  moulins  de  Chau- 
muzy,  moitié  froment,  moitié  orge. 

Fait  par  Mathieu  ',  chancelier. 

1 .  Courville  (Marne),  canton  de  Fismes. 
"2.  Ade  de  Châtillon,  femme  de  Gaucher  II. 

3.  La  Chaussée  (Marne),  lieudit  de  Vauciennes,  canton  d'Epernay. 

4.  Brugny  (Marne),  canton  d'Epernay. 

0.  Troissy  (Marne),  canton  de  Dormans.  1708.  —  Anciens  seigneurs  : 
M"  Charles-Bernard  de  Pastour,  écuyer,  seigneur  de  Troissy.  1720.  M'* 
Philippe-Gaspard  de  Castille,  chevalier,  marquis  de  Chenoise,  seigneur, 
baron  de  Troissy,  vicomte  de  Nesle-le-Repons,  Try  et  autres  lieux,  lieute- 
nant du  Roi  an  gouvernement  de  Champagne  et  Brie,  demeurant  au  châ- 
teau de  Chenoise.  Le  26  février  1721,  il  donna  à  bail  à  Nicolas  Coutelet, 
marchand  à  Reuil,  et  Marguerite  Niverd,  sa  femme,  et  à  Philippe  Legendre, 
meunier  à  Cuisles,  le  revenu  des  terres  et  seigneuries  de  Troissy,  Nesla  et 
Try,  consistant  en  «  le  château  de  Troissy  et  ses  dépendances,  les  terres 
labourables,  les  droits  seigneuriaux,  la  tuilerie,  le  moulin  de  Nesle.le  mou- 
lin de  Troissy,  32  arpents  de  bois  taillis,  au  bois  du  Crochet,  à  la  forêt  de. 
Bouquigny,  au  bois  de  la  Goulenne  et  à  la  forêt  de  Nesle  ;  le  bac  de  la  Mai- 
son Rouge,  la  nacelle  passante  et  tournante  à  Try  ;  les  terras,  prés  et  ver- 
saines,  pressoirs  de  Troissy,  Bouquigny  ei  Nesle  ;  rentes,  haute,  moyenne 
et  basse  justice,  cens,  surcens,  défauts,  amendes,  droit  d'afforage,  hallage, 
mesurage,  droit  de  place  aux  jours  de  foire  et  marché,  greffe  de  la  justice 
de  Troissy,  Nesle  et  Try,  et  généralement  tous  droits  dépendant  des  terres 
et  seigneuries  de  Troissy,  Bouquigny,  Try  et  Nesle,  moyennant  une  rede- 
vance annuelle  de  3,2o0  livres,  et  à  charge  de  fournir  chaque  année  aux 
dames  religieuses  de  l'Amour- Dieu  8  setiers  de  blé,  mesure  de  Troissy,  et 
un  poinçon  de  vin  clairet.  » 

C.  Belrain  (Meuse),  canton  de  Pierrefitte. 

7.  Mathieu  succéda  à  Lambert,  devenu  évêque  de  Thérouanne;  il  est  indi- 
qué au  cartulaire  de  Saint-Nicaise  et  de  Saint-Denis,  sous  les  années  llil-i, 
1199  et  1200. 


172  LE    CARTULAIRE   DU    PRIEURÉ 

1200. 

Maurice,  chevalier  rémois,  donne,  avec  le  consenlemenl  de 
Lucie,  sa  femme,  en  perpétuelle  aumône,  douze  seliers  de  fro- 
ment, à  la  mesure  de  Fismes,  sur  Unchair',  aux  dames  de 
Longueau,  qui  ont  reçu  sa  fille  Marguerite  dans  leur  commu- 
nauté, et  ce,  avec  faculté  de  rachat,  en  payant  trente  livres 
provinoises,  dans  le  délai  de  deux  ans  à  compter  du  jour  de 
Pâques. 

1200. 

Gaucher  de  Nanteuil  doime  à  Helvide,  sa  mère,  la  grange 
d'Ecliu,  avec  ses  dépendances,  tant  eu  jardins,  terres  labou- 
rables et  prés,  qu'en  cens  d'Espilly-  et  de  Chaumuzy,  avec 
l'avoine,  et  le  petit  bois  voisin  de  ladite  grange^,  à  charge  de 
payer  un  cens  annuel  de  douze  deniers,  à  la  Saint-Remy.  Jl 
lui  donne  aussi  une  part  du  Moulin  Hardy  avec  les  prés  en 
dépendant,  et  le  droit  d'usage  et  de  pâture  des  Bâtis  de  Nan- 
teuil. Il  accorde  également  à  sa  mère  le  droit  d'acquérir  depuis 
la  Planchette*  jusque  vers  le  haut  de  Chaumuzy,  jusqu'à  sept 
sols  de  cens,  les  terres  et  prés  nécessaires  pour  l'établissement 
d'une  grange. 

1200. 

Confirmation  de  la  charte  qui  précède,  par  Gaucher  de  Châ- 
tillon. 

1200,  novembre. 

Confirmation  de  la  même  charte  par  Guillaume,  archevêque 
de  Reims  ;  fait  par  Mathieu,  chancelier. 

120O,  décembre. 
Troisième  confirmation  de  ladite  charte  par  le  comte  Thi- 
bault de  Champagne.  Fait  à  Ghâtillon. 

i200. 
Gaucher,  seigneur  de  Nanteuil,  donne  à  l'église  de  Lon- 
gueau deux  setiers  do  froment  et  deux  setiers  d'orge,  mesure 
de  Reims,  livrables  chaque  année  à  la  fête  de  Saint- Remj-, 
pour  l'emplacement  d'un  moulin  situé  à  Tréloup^,  que  la 
prieuresse  et  le  chapitre  de  Longueau   lui  avaient  concédé  à 

1.  Unchair  (Marnn),  canton  de  Fismes. 

2.  Espilly  (Marne),  hameau  de  Chaumuzy.  —  1700.  Marc  de  Cossoq» 
écuyer,  demeurant  à  Spilly,  près  Ciiaumuzy.  —  (l'aul  Pellot.  Une  prise 
de  voile,  en  1714,  à  l' Amour- Dieu-les-Troissy.  Sainl-Amand,  imp.  Deste- 
nay,  189ÎJ.) 

3.  La  grange  du  Moyen-Age  était  ce  que  nous  appelons  une  métairie. 

4.  Planchette,  petit  pont  en  bois  sur  un  ruisselât. 

5.  Tiéloup  (Aisne),  canton  de  Condé. 


DE   LONGUEAU  173 

perpétuité.  La  jouissance  viagère  de  cette  aumône  est  laissée  à 
sa  sœur  Agnès  de  Reims,  ci- devant  prieuresse  de  Longueau, 
pour  retourner  après  son  décès  à  l'église  dudil  lieu. 

1201,  septembre. 
Léon',  doyen,  Hémart-,  chantre  de  l'église  de  Ueims, 
et  Foulques,  chanoine  de  ladite  église,  attestent  ce  qui  suit  : 
Robert  d'Aulnay^,  clerc,  eu  présence  de  Richard,  prieur  de 
Longueau,  reconnaît  avoir  vendu  le  profit  de  sa  dime  de 
Chambrecy  qui,  après  son  décè3,  devait  retourner  à  l'église  de 
Longueau,  moyennant  dix  livres  de  monnaie  de  Provins, 
payables  aux  religieuses  du  monastère  dans  le  délai  de  trois 
ans.  Il  a  eu  outre  été  convenu  que  Marie,  sa  sœur,  religieuse 
du  couvent,  prendrait  sa  vie  durant,  sur  cette  dime,  trois 
setiers  de  froment  chaque  année. 

1204,  septembre. 
Baudoin*,  prévôt,  P.  ',  doyen.  H.,  chantre,  et  autres  frères 
du  chapitre  cathédral  de  Reims,  font  savoir  que  Gaucher 
de  Lagery",  chevalier,  a  donné  k  l'église  de  Longueau  le  dou- 
zième lui  revenant  dans  la  dime  de  Lagery,  sauf  dix  setiers  de 
grains  que  l'église  de  Saint-Denis  avait  le  droit  de  prendre 
sur  cetie  dime.  Adam  île  Lagery'',  chevalier,  confirme  cette 
aumône.  Eu  considération  de  ce  bienfait,  le  couvent  de  Lon- 
gueau reçoit  en  religion  la  (iile  de  Gaucher,  et  fait  remise  à  ce 
dernier  des  quatorze  setiers  de  grains  qu'il   devait  chaque 

année. 

I20i,  octobre. 

Blanche",  comtesse  palatine  de  Troyes,  confirme  la  dona- 

1.   Léon  II  figure   dans  le  carlulaire  de  Sainl-Nicaise,  et  fui  depuis  reli- 
gieux de  Saint-Denis  de  Reims,  suivant  l'obiluaire,  le  8  des  ides  d'octobre, 
•2.    Ilémart,  évêque  de  Soissons  en   i'iOl ,  d'après  Albéric. 

3.  Aulnay  (Marne),  ancien  village  détruit,  aujourd'hui  simple  ferme, 
commune  de  Ville-en-Tardenois. 

4.  Baudoin  fut  l'un  des  trois  candidats  à  l'archevÙLhé,  après  le  décès  de 
Guillaume  de  Champagne,  mais  il  y  eut  opposition.  11  mourut  le  2  des  ides 
de  septembre,  suirant  l'obituairs  de  Saint-Timothée,  et  fat  enterré  au 
cloître  du  monastère  d'Jgnj. 

5.  Billiard,  neveu  de  Boson,  archidiacre  de  Champagne. 

6.  Gaucher  de  Lagery,  (ils  d'Adam,  seigneur  de  Lagery,  et  d'Ade, 
épousa  Hersinde  dont  il  eut  G'^rard,  chevalier,  seigneur  de  Lagery  en  1219. 
—  (Comte  E.  de  Barthélémy.  La  famille  d'Urbain  II.) 

7.  Adam  de  Lagery  était  liU  d'Eudes  et  d'Aelis,  arrièrc-pelit- neveu  du 
pape  Urbain  II.  —  (E.  de  Barthélémy,  op.  cil.) 

S.  Blanche,  fille  de  Sanche  le  .Sage,  roi  de  Navarre,  avait  ép;)usé,  le  1" 
juillet  ll'JO,  Thibault  III,  comte  de  Champagne  ;  elle  est  dé  éJée   eu  VlVi . 


174  LE   CARTULAlkE    DU    PRIEURÉ 

liou  l'aile  par  Roger  de  Cramaul  ',  à  la  maison  de  Loûgueau,  de 
rjuaranle  sols  de  revenus,  qu'il  tenait  d'elle  en  fief  sur  le 
péage  d'Kpernay,  à  prendre  chaque  année  à  la  fête  de  la  Nati- 
vité. 

Fait  à  Uzy-,  par  Gaucher,  chancelier,  avec  le  signe  de  Jean. 

1205,  juin. 
Ermengarde-^,  abbesse  de  Saint-Pierre  de  Reims  ^,  et  le  cou- 
vent dudit  lieu,  déclarent  que  Marguerite,  femme  de  feu  Bau- 
doin Esloul,  a  donné  aux  Sœurs  de  Longueau  vingt  sols 
de  Irécens  qu'elle  possédait  sur  la  maison  de  Cauchon  de 
Moutlaurenl"',  située  contre  la  maison  de  Hugues  le  Cornier, 
et  qu'elle  avait  achetés  de  ses  deniers  durant  son  veuvage,  à 
prendre  annuellement,  moitié  à  la  fête  de  Saint-Remy,  et 
l'autre  moitié  à  Pâques,  à  charge  d'un  anniversaire  pour  son 
mari  à  la  fête  des  apôtres  Simon  et  Jude,  Il  est  convenu  que 
Marie,  sœur  de  Marguerite,  percevra  ce  trécens  sa  vie  durant, 
et  qu'après  son  décès,  il  retournera  libre  aux  Sœurs  de  Lon- 
gueau. 

1205. 

B.6,  prévôt,  B.',  doyen,  H.,  chantre  et  autres  frères  de 
l'église  de  Reims,  attestent  que  Ytburge,  religieuse  de  Lon- 
gueau, a  donné  à  ce  monastère  la  moitié  de  sa  maison  proche 
la  porte  du  cloître  des  Chanoines,  tenue  par  Robert  le  gantier, 
sous  un  trécens  annuel  de  30  sols,  et  vingt  et  un  de  cens,  sur 
un  étal  au  marché.  Ytburge  réserve  la  jouissance  de  cette  libé- 
ralité pendant  sa  vie  et  celle  de  sa  lille  Garsie.  Lors  de  leur 
décès,  ce  revenu  servira  à  acheter  du  charbon  pour  chauffer  la 
communauté  après  les  matines,  et  au  réfectoire. 

1200,  janvier, 
B.  prévôt,  B.  doyen,  H.  chantre  et  autres  frères  de  l'église 

1.  Cramant  (Marne),  canton  d'Avize.  Koger  de  Cramant,  homme-lige,  a 
son  article  sous  le  n»  2851  du  Livre  des  Vassaux  du  comte  de  Champagne. 

2.  Uzy  (Yonne),  commune  de  Domecy,  canton  de  Vézelay. 

3.  Ermcngardc  n'est  pas  citée  par  la  Gallia  Christ,,  parmi  les  abbcsses 
de  Saint-Pierre  de  Keims.  Elle  doit  venir  après  Ludivide,  qui  mourut  en 
janvier  1101,  et  avant  Elisabeth  II,  qui  transigea  en  1211,  avec  Raoul,  comte 
de  Porcien. 

4.  Abbaye  de  l'ordre  de  Saint-Benoît,  fondée  à  Reims,  au  vu«  siècle, 
par  sainte  Bove,  lille  du  roi  Sigebert. 

5.  Montlaurent  (Ardennes),  canton  de  Rethel. 

6.  Beaudoin  II,  prévôt  de  Reims,  de  1192  à  1200. 

7.  Beaudoin,  16»  doyen  de  Reims,  de  1204  à  1210- 


DK    LONGUEAU  175 

de  Ueims,  déclarent  que  Hugues  dX^uchair»,  chevalier,  et 
Pentecôte,  sa  femme,  louches  de  la  pauvreté  de  la  maison  de 
Lougueau,dans  laquelle  ils  ont  deux  filles  au  service  de  Dieu, 
ont  donné  à  l'église  de  ce  couvent,  du  consentement  de  Geof- 
froy, leur  lils,  24  setiers  de  grains,  moitié  blé  d'hiver,  moitié 
blé  marsois',  à  la  mesure  de  Fismes,  à  prendre  chaque  année, 
sur  la  dime  d'Unchair,  et  en  cas  de  déficit,  sur  le  moulin  de 
Vandières^,  ou  sur  leur  ahauage*  d'Unchair. 

1207,  leiideinaiti  de  l'Epiphanie. 
Hugues ^  comte  de  Relhel.  et  Félicité,  sa  femme,  du  con- 
sentement de  Hugues,  leur  fils,  donnent  aux  dames  de  Lon- 
gueau  un  muid  de  froment,  à  prendre  tous  les  ans,  à  la  fête  de 

1.  Uncbair  (Marne),  canton  de  Fismes.  Hugues  de  Lapery,  seigneur 
d'Unchair,  élail  fils  de  Guillaume  de  Lagery,  et  eut  pour  fils  Geoffroy,  né 
de  son  union  avec  Pentecôte,  et  vivant  en  1210. 

"2.  Marciagium,  marlium  ou  trimestre  frumentum.  En  français,  mars, 
marsis,  marsois.  marsage.  «  Ils  doivent  pour  chacun  slier  de  bled  un  denier 
parisis  et  pour  chacun  slier  de  marsage  une  obole  »  (Statuts  de  l'échevinage 
de  Mézières-sur-Meuse,  Ardennes).  Marsaige,  en  la  charte  communale  de 
Mézières,  octroyée  par  Hui^ues  lil,  comte  de  Rethel,  en  1233. 

3.  Vandières  (Marne),  canton  de  Châlillon-sur-Marne.  Anciens  sei- 
gneurs :  1700.  Jean  Lévêque,  écuyer,  seigneur  dudit  lieu  et  de  I*ouilly,  con- 
seiller du  roi,  ancien  lieutenant  des  habitauts  de  Reims.  —  (Givelel.  Armo- 
riai des  Lieutenants  des  habilanls  de  Reims.) 

1756.   Charles  Drouart  de  Vandières,  e'cuyer. 

1761.  Simon-Eléonore-Hubert,  oificier  du  roi. 

J768.  Madeleine-Claude  de  Soisy,  veuve  de  M"  Gédéon-Charles  de 
Conquérant,  à  laquelle  Jean-Martin  Robert,  écuyer,  demeurant  à  Reims, 
rend  foi  et  hommage,  le  26  septembre  de  ladite  année,  à  cause  du  lief  de 
Barbonval,  relevant  de  la  terre  de  Vandières. 

1776.  Marie-Louis-Jacques  Goudin  de  la  Bor}',  ancien  officier  au  régi- 
ment de  Champagne,  et  François-Guillaume  de  Sauville  de  la  Presle, 
écuyer,  conseiller  du  roi  honoraire  en  la  Cour  des  Monnaies. 

1789.  Charles  Magonet,  brigadier  des  gardes  du  corps  du  roi. 

(Voir  Hist.  de  Vandières,  par  J.-B.  Legras.  Reims,  Imp.  coop.,  1877.) 

4.  Ahenagium,  ahanagium,  ahenage,  a/iawage  comprend  tous  les  pro- 
duits des  champs  cultivés.  En  vieux  français  :  ahan,  peine,  labeur,  partie 
qu'on  ne  cultive  pas  sans  mal.  Ahanage  et  ahenage  s'emploient  encore  pour 
désigner  non  seulement  la  culture  do  la  terre,  mais  la  terre  arable  elle- 
même.  On  dit  aussi  ahennier  pour  laboureur.  [Ducange,  verbo  ahenagium.) 

5.  Hugues  III,  comte  de  Rethel,  seigneur  de  Mézières,  Arches  et  Châ- 
teau-Regnault ,  décédé  en  1228,  épousa  :  1°  en  1191,  Félicité  de  Broyés  ; 
2"  Félicité  de  Beaufort.  Il  était  fils  de  Manassès  V,  et  de  Mahaut  de  Lor- 
raine. 

En  1220,  il  prit  parti  pour  le  comte  de  Champagne,  et  fut  chargé  de  gar- 
der le  pont  de  Port-à-Binson,  mais  n'ayant  pu  résister,  il  prit  la  fuite. 


176  LE    CARTULAlRIi    DU    PRIEURÉ 

Saint-Denis,  sur  le  Chàlelct',à  la  mesure  dudit  lieu,  à  charge 
de  faire  célébrer  après  leur  morl,  à  perpétuité,  uu  auniver- 
saire  pour  eux  el  pour  leurs  prédécesseurs,  le  lendemain  de 

la  fêle  de  Saint-André. 

1207. 

M.  -,  comtesse  de  Bourgogne,  veuve  de  H.  de  Oisy,  donne, 
sa  vie  durant,  aux  religieuses  de  Longueau,  la  moitié  de  la 
dinie  (ju'elle  possède  à  Verueuil\ 

1207. 

Jean,  seigneur  de  Montmirail  '',  donne  à  l'église  de  Longueau 

tout  ce  qui  lui  a[)pnrtienl,  de  son  chel',  dans  la  moitié  de  la 

dime  de  Verneuil. 

1-208,  mai. 

Hugues,  comte  de  Rcthel,  notifie  le  traité  suivant  : 

llelvide  de  Mont  de  Jeux  '"  doit  80  livres  rémois  à  Guyonue, 

du  chef  d'Henri,  son  mari.  Elle  a  assigné  pour  re.xlinclion 

de  celte  dette  tous  ses  revenus  de  Mont-de-Jeux,  excepté   le 

four  banal  et  la  menue  dime.  Guyonne  el  Gérard,  son  mari, 

1.    Le  Cliàtclel-sur-Kelouine  (Ardeinies),  canton  do  Janivile. 

"2.  Mar:;uerite  de  Blois,  décédéc  cti  1230,  (ut  mariée  :  1°  avec  IIupuis 
d'Oi^y  III*  du  nom,  seifi;ueur  de  Monlmirail,  vicomle  de  la  Ferté  et  cbâlt- 
lain  de  Camhroy  ;  2"  à  Olhon,  comte  de  la  haute  Bourgogne,  frère  de  l'empe- 
reur Henri  VI,  et  (ils  de  Frédéric  barberousse  ;  3°  avec  Gautier  II,  seigneur 
d'Avesnes,  dont  elle  eut  Marie  d'Avesnes,  comtesse  de  Blois,  seconde  femme 
de  Hugues  1  de  Cbàlillon.  comte  de  Saint-Paul.  —  {P.  Anselme,  t.  II.  p-  8ifî.) 

3.  Verneuil  (Marne),  canton  de  Dormans.  Seigneurs  : 

1683.  Marie-Angélique  Dumesnii  de  Saint-Simon,  veuve  de  M"  Gas- 
f.ard  de  Baradat,  chevalier,  vicomle  de  \erneuil. 

1720.  Pierre-François  Le  Gorlicr,  seigneur  de  Verneuil,  demeurant  à 
Châlons. 

1777.  M"  Paul  le  Cordelier,  chevalier  de  l'Ordre  de  Saint-Louis,  maître 
de  camp  de  cavalerie,  seigneur  en  partie  des  haut  et  bas  Verneuil. 

Fn  1781),  il  existait  à  Verneuil  une  importante  manufacture  de  faïence  et 
de  porcelaine,  ainsi  que  l'atteste  un  traité  passé  devant  Ilacquart,  notaire  à 
Cbàtillon  sur-Marne,  le  \"  novembre  de  la  même  année.  Par  cet  acte,  le 
sieur  Pierre-Antoine  Hamon,  manufacturier  à  Verneuil,  se  rend  acquéreur 
des  parts  el  portions  appartenant,  dans  cet  établissement,  à  M"  Charles- 
Louis-Philippe  de  Salperwick,  chevalier,  marquis  de  Grigny,  grand  bailli 
d'épée  héréditaire  des  ville  et  bailliage  royal  d'Iiesdin,  demeurant  à  Eser- 
val,  province  d'Artois,  el  à  M"'"  Hélène-Jeanne- Louise  Mouck  d'Erguy, 
épouse  de  M'e  Louis-Antoine  MouUart,  chevalier,  Eeigneur  du  grand  Moulin, 
demeurant  à  Montreuil-sur-Mer, 

4.  Montmirail,  chef-lieu  de  canton,  arrondissement  d'Epernay. 

Jean  de  Montmirail,  fondateur  de  la  MaiscuDieii  de  Mécringes,  en  1208. 
;>.   Mont-de  Jeux    (Ardennes),   section    de   Saint-Lambert,   canton    d'At- 


DK    I.ONOUEAU  177 

ont  stipulé  'le  ne  recevoir  des  revenus  d'Helvide  la  valeur  de 
deux  sols  qui  ne  soit  portée  eu  compte  et  déduite  de  la  créance 
totale.  Deux  hommes  du  village  percevront  ces  revenus  qu'ils 
remettront  à  (niyonue,  et  les  feront  porter  en  compte  par 
Gilon'  de  Saint  Lambert.  Le  blé  sera  vendu  dans  la  quinzaine 
de  la  Saint-Remy,  ou  dans  la  suivante,  à  moins  que  Guyonnc 
ne  consente  à  un  autre  délai. 

Témoins  cautions  et  assermentés,  chacun  pour  dix  livres  : 
Hugues  de  Sorcy  ■,  Raoul  de  Cuneilletir,  Gervais  de  Vienne, 
N.  d'Ârlhalia,  Renaud, son  frère,  Guy  d"llai:teville  ^  Mathieu 
de  Suzanne''  et  Jehan  de  Suzanne. 

Témoins  uon  assermentés  :  Guy  de  Befforl"',  pour  dix  livres, 
lequel,  pour  être  quitte,  abandonne  ce  qu'il  possède  au  ilont 
de  Jeux  ;  Geoffroy  de  Goucy  '''  a  répondu  pour  dix  livres.  Gilon 
de  Sainl-Lamberl,  qui  tient  le  Moulde-Jeux  dans  sa  mouvance 
et  a  confirmé  tout  ce  que  dessu?,  répondra  à  quiconque  atta- 
querait Guyouue. 

1209,  janvier. 

Albéric  de  Humbert  notifie  ce  qui  suit  : 

Gérard  de  Mont  de  Jeux,  chevalier,  a  doté  noble  dame 
Guyouue,  sa  femme,  de  la  moitié  de  la  terre  qu'il  a  héritée  de 
ses  père  et  mère,  ainsi  que  de  sou  château.  En  outre,  comme 
ladite  Guyonne  avait  prêté  une  forte  somme  d'argont  audit 
Gérard,  celui-ci  lui  abandonne  en  retour  une  vigne  et  un  jarJm 
au  Mont-de-Jeux,  avec  les  vitiages  du  lieu,  pour  en  jouir  sa 
vie  durant,  et  quatre  muiJs  de  griins.  moitié  froment,  moiiic 
avoine,  à  percevoir  chaque  année,  et  dont  elle  pourra  disposer, 
à  son  gré,  pour  le  repos  de  son  âme  et  de  celle  de  son  maii. 

1209. 
Gonfirmation  de  la  charte  qui  précède  par  le  chapitre  de 
l'église  de  Reims. 

I  .  Gilon  de  Soint- Lambert  est  cité  sous  les  u"  30^  et  305  du  Rue  des 
Ficfs  comme  possédant  du  chef  de  sa  Cemm»'.  à  Oiry,  vinj^t  journaux  et 
quatoizc  fauchées  de  lerie,la  justice,  trois  (|i  artels  de  vigne,  six  livres  partie 
pour  le  four  et  partie  pour  le  charroi.  Tous  ces  dioits  sont  de  la  inouvauie 
de  Roger  d'Oiry,  qui  tient  la  justice  dudit  lieu. 

2.  Sorcy  (Ardennes),  canton  de  Novion-l'orcien. 

3.  Hautoville  (Ardennes),  canton  de  Château-l'orcien. 
i.  Suzanne  (Ardennes),  canton  de  Tourteron. 

5.  BtlTort  (Marne),  village  aujourd'hui  détruit,  sur  le  lerritore  de  Bazaii- 
courl^  canton  de  Bourgogne. 

G.   Coucy  (.\rdeDncs),  caulon  de  H(  ihel. 

12 


178  I-E    CAUTULAlKli    DU    PBlliUUE 

1200, juin. 

MiloQ  '  d'Aulheuay,  chevalier,  clouae  aux  uoiuies  de  Lou- 

gaeau,  du  coiisenlemeut  de  la  comtesse  sa  femme,  de  Gilbeil 

el  de  Renaud,  ses  eufanls,  tous  les  avantages,  produits,  terres, 

prés,  bois,  renies,   hommes  el  autres   biens  qu'il  possède  à 

J3aslieux  et  à  Melleray,  après  avoir,   pour  la  validité  de  la 

disposition,  obtenu  le  consentement  de  Gaucher  de  Naaleuil, 

sou  suzerain, 

1201),  juillet. 

Sophie-,  dame  de  Nanleuil,  renonce  à  rusufiuU  que  son 
mari  lui  avait  réservé  sur  des  biens  donnés  à  Longuean, 

ti  EgoSophia,  Domina  de  Nautolio,  uotum  bicio,  priesenlibus 
el  futuris,  quod  ego,  saluti  propriie  consulens,  religiosorum 
bominum  consilio,  coucessi  ecclesiiu  de  Loogua  A.qua,  ut 
ipsa  possideat  pacibce,  sive  vivam,  sive  moriar,  elemosinam 
illam  qiia'  ipsi  Ecclcsiie  facli  fuit  marili  mei  et  meo  assensu, 
quando  ipse  peregriuacionem  adversus  Albigenses  herelicos^, 
Concossi  quidem,  quantum  ad  me  perlinel,  attendens  debili- 
lalem  corporis  mei,  el  maximee  eegriludinis  eminens  pericu- 
lum,  quoniarn  iu  primi  coucessione,  quum  dominus  meus 
viam,  sicut  prœJiclum  est,  arripuil,  quandiu  viverem,  ipsa 
clemosiua  ad  ecclesiam  deveuire  non  polerat,  uude  rogo 
Dominum  et  maritum  meum,  ut  amore  Dei  et  pauperis  ec- 
clesiiB  istud  sine  molestacioue  ecclesiie  leneal.  Aclum  post- 
quam  Dominus  meus  recessit  pro  via  Albigensium,  anno 
Domini  MCGIX,  mense  julio.  » 

lio'.t,  y  juillet. 
Fauque,  dame  de  ^'ézilly  *,  alors  veuve,  donne  à  l'église  de 
Longueau,  de  l'ordre  de  Fontevraull,  diocèse  de  Soissoos,  six 
seliers  de  froment  à  prendte  chaque  année  à  la  fête  de  Saint- 
Martin  d'hiver,  sur  sa  terre  de  Vézilly. 

1.  'Vers  1172,  NJilou  d'AuUie  :ay,  appelé  aussi  Miles  du  Plessier,  lient 
fiels  à  Anlhenay,  au  Plessier,  à  Igliy,  à  Baslieux  et  à  Villers-AgroQ. 
(LoDgnon,  Vos^aux  de  Champagne.,  n°'  1374-1375.) 

2.  Sophie,  comless'3  de  Chevigny,  première  femme  de  Gaucher  H  de 
Nanteuil. 

3.  Il  y  u  uu  mol  de  passé  dans  le  manuscrit. 

.'i.  Vézilly  (Aisue),  canton  de  Fère-en-Tardeuois.  Fauque,  mariée  à 
Henuud  de  Courlandou  et  ensuite  à  liaoul  de  Serv,  était  fille  de  Gervois  de 
Châtirion,  seigneur  de  Bazoches. —  Le  24  février  16o9,  Jacob  de  Conflan,«, 
chevalier,  seigneur  et  baron  de  Vézilly,  et  dame  Magdeleine  Levesque,  sa 
femme,  donnent  une  quittance  à  honorable  homme  Etienne  Dclalain, 
licencié  ès-lois,  avocat  au  siège  présidial  de  Laon. 


DE    l.OiNGUEAU  179 

I2il. 
Giiard  de  llourges ',  avec  rassenlimenl  de  son  épouse,  de 
ses  frères  el  de  leurs  femmes,  donue  à  l'église  de  Lougueati,  sa 
dime  de  Verneuil,  mais  pour  ce  bieufait  ladite  église  lui  aban- 
donne caritalive  quinze  livres  de  monnaie  de  Provins.  Donné 
sous  le  sceau  de  tîaucher  da  Nanleuii,  en  présence  dudil. 
Gaucher  cl  de  Régnier  de  Guisles. 

1212,  oclobre. 
Blanche,  comlesse  palatine  de  Troyes,  compatissant  à  la 
pauvreté  de  la  maison  de  Longueau,  confirme  la  donation 
faite  par  son  fidèle  el  amé  Maurice  do  B^lrain,  au  profit  de 
celte  église,  de  40  seliers  de  grain,  moitié  froment,  moite 
avoine,  à  prendre  sur  Anthenay,  el  qu'il  tenait  du  don  du 
comte  Henri,  mais  en  tant  seulement  que  celle  fiumôue  ne 
louchait  en  rien  à  son  fief  de  Bligny. 

1212,  oclobre. 
A'.béric  -,  archevêque  de  Reims,  dénonce  le  traité  suivant  : 
Maurice  de  Beîrain  el  Hamaide,  sa  femme,  ont  donné  aux 
rcdigieuses  de  Longueau,  pour  en  jouir  après  leur  décès,  tout 
ce  qu'ils  ont  acquis  dans  la  paroisse  de  Bligny,  excepté  le  pré 
Baudoin  el  une  maison  qu'ils. ont  donnée  aux  religieuses  de 
Saint-Pierre  de  Reims.  Ils  ont  donné  en  outre,  au  couvent  de 
Longueau,  un  pré  situé  à  Vorcelles  ^  el  une  vigne,  sise  à 
Villers,  qui  venait  du  clerc  Pierre,  frère  de  Maurice,  à  charge 
de  célébrer  un  anniversaire  pour  ledit  Pierre.  Les  religieuses 
ont  rétrocédé  aux  donateurs,  leur  vie  durant,  la  grange  de 
Bligny,  qui,  après  leur  décès,  retournera  au  monastère,  avec 
moitié  du  mobilier  la  garnissant;  Maurice  el  sa  femme  pour- 
ront disposer  à  leur  gré  de  l'autre  moitié  du  mobilier. 

Sans  date  (vers  1200). 
;S . . .  ',    évèque    «le     Soissous,     notifie     que    Roberl     de 

1.  Hourges  (Marne),  canton  de  Fismes. 

En  1202,  Gérard  de  Hourges  accorde  à  Julien,  abbé  d^Igny,  pour  les 
bestiaux  de  l'abbaye,  un  droit  d'usage  dans  ses  pâtures.  {Hid.  de  l'abbaye 
d'igny,  par  l'abbé  l'.L.  Péchenard.  Reims,  Imp.  coop.  1883.) 

2.  Albéric  de  Humberl  ou  de  Hautvillers,  archidiacre  de  Paris,  fut  sacré 
le  8  juillet  1207  et  jeta  les  fondements  de  la  cathédrale  actuelle.  Il  assista 
en  1213  au  quatrième  concile  de  Latran,  se  croisa  en  1217  pour  la  Syrie,  et 
mourut  à  Pavie  le  24  décembre  1218. 

3.  Vorcelles,  aujourd'hui  moulin  sur  le  territoire  de  Villers  sous- 
Châlillon. 

4.  Nivelon  de  Chérisy  assiste  au  concile  de  Latran  eu  llT'J.  Il  prend  part 


180  LE   CARTULA.IRE    DU    PRIEURÉ 

Cury  *,  chevalier,  du  consenlemenl  de  Aelis,  sa  mère,  et  de 

Nicolas,  sou  frère,  a  dounéen  aumône,  à  l'église  Sainte-Marie  de 

Longueau  et  aux  religieuses  y  servant,  en  affection  de  sa  sœur 

religieuse  en  ce  couvent,  20  selierô  de  froment  à  prendre. 

chaque  annéd,  dans  sa  grange  et  sur  les  lerrages  de  Dhuizel  -. 

Témoins  :  Gaucher  de  Cury,  Alain  de  Roucy,  Baudoin  de 

Gueux\ 

\-2\:\,  mai. 

Raoul  Plonquet*.  seigneur  de   Vaudières,  reconnaît   qu'il 

doit  aux  nonnes  de  Longueau,  pour  échange  d'une  vigne  et 

d'un  savart  contre  la  vigne  qu'elles  avaient  à  Vandières,  au 

milieu  du  village (le  surplus  de  celte  charte  est 

perdu). 

{4  suivre.)  Paul  Pellot. 

à  la  croifade  piêcbée  par  Foulques  de  Neuill}',  devient  archevêque  de 
Thes^aloniqiie,  un  des  douze  pairs  qui  nomnaenl  Baudoin  empereur  de 
(Jonslantinople.  Il  rapporte  à  Soissous  un  grand  nombre  de  reliques  dont  il 
enrichit  les  églises,  et  meurt  au  retour  d'une  mission  en  laveur  de  la  croisade, 
le  14  septembre  1207,  à  Barri,  en  Italie. 

1.  Cuiry-les- Chaudardes  (Aisne),  canton  de  Craonne. 

2.  Dhu  zel  (Aisne),  canton  de  Btaisne,  à  trois  lieues  au  sud  ouest  ae 
Cuiry. 

3.  Baudoin  de  Gueux  affianchit  sa  commune  per  une  charte  de  l'an  1212. 

4.  Raoul,  dit  Plonquet,  reçut  en  1193,  du  comte  de  Champagne,  le  fief 
de  Vandières,  et  à  ce  titre  il  devait  l'hommage  lige  et  la  garde  du  chàlcau 
de  Châlillon.  (Pom  Nocl,  Le  canton  do  CliûliUon.) 


LE  MARQUISAT  DE  PLANCY 

Sous  la  famille  de  Guénégaud* 


a  Moyennant  la  présente  fondation,  lesdits  clianoines  seront 
obligés  de  dire  à  perpétuité  pour  le  salut  de  mou  àme,  pour 
celle  de  ma  femme  et  de  tous  mes  enfans,  décédez  et  vivants, 
une  messe  basse  chaque  jour  avec  un  De  Profundis  à  la  fin 
d'icelle;  et  deux  services  par  an,  l'an  au  jour  de  mou  décès,  et 
l'autre  au  jour  du  décès  de  ma  femme.  Cette  fondation  sera 
faite  après  mon  décès,  au  cas  que  je  sois  prévenu  de  la  mort, 
ayant  intention  de  la  faire  aussitôt  que  j'aurai  entièrement 
payé  mes  dettes, 

«  lit  d'autant  que  par  mon  contrat  de  mariage,  Mme  Isa- 
belle de  Choiseul  de  Praslein,  ma  femme,  n'a  point  de  commu- 
nauté avec  moy,  et  que  je  croirois  manquer  de  recounoissauce 
de  ses  soins,  de  sa  sage  conduite  et  de  sa  prudente  économie, 
à  laquelle  je  dois  une  partie  de  mes  biens  que  j'ai  acquis 
depuis  notre  mariage,  je  lui  donne  et  lègue  tous  les  biens- 
immeubles  que  je  possède  et  qui  sont  en  pays  de  droit  escrit, 
et  que  je  posséderai  au  jour  de  mon  décès,  savoir  :  le  domaine 
et  châlellenie  de  Monbrisou,  circonstances  et  dépendances  ou 
pays  de  foresls. 

«  De  plus,  je  lui  donne  et  lègue  vingt-deux  mille  huit  cent 
livres  de  rentes,  constituées  sur  l'Hôtel  de  Ville  de  Marseille, 
employées  dans  l'Estat  des  Gabelles  de  Provence,  pour  en 
jouir  aussitôt  par  elle  en  toute  propriété.  Ce  que  je  faits  pour 
lui  donner  des  marques  de  ma  recounoissauce  et  pour  lui 
témoigner  en  quelque  manière  l'extrême  amour  que  je  lui 
porte  et  l'estime  particulière  que  j'ay  pour  elle  et  aussi  pour 
lui  donner  le  moyen  de  vivre  selon  sa  dignité  et  la  grandeur  de 
sa  naissance.  Je  la  conjure  de  tout  mou  cœur  de  l'avoir 
agréable  et  de  ne  pas  la  considérer  par  son  peu  de  valeur, 
mais  de  la  recevoir  comme  uu  témoignage  de  ma  bonne 
volonté.  Et  eu  cas  que  je  sois  dépossédé  par  le  Roy,  durant 

•  Voir  pafje  111,  tome  VU  de  la  Reoue  de  Champagne. 


182  LE    MARQUISAT    DE    PLANCY 

ina  vie,  du  domaine  de  Moubrisou  et  des  rentes  de  Provence, 
je  veux  et  entends  que  l'argent  qui  en  proviendra  soit  employé 
eu  autre  fonds,  au  choix  de  ma  femme,  lequel  fonds  lui  appar- 
tiendra eu  pleine  propriété  après  ma  mort. 

«  Mais  s'il  arrive  que  Sa  Majesté  me  dépossède  du  domaine 
de  Monbrison  et  renies  de  Provence,  sans  me  donner  de  rem- 
boursement, ou  qu'elle  les  prenne  en  payement  pour  la  taxe 
des  rentes  rachetées,  en  ce  cas  je  donne  à  ma  femme  tout 
ce  que  je  puis  lui  donner  en  Brelaigne  par- la  coutume,  non 
seulement  de  ce  que  je  possède  acluellemenl,  mais  encore  des 
acquisitions  que  je  pourrai  faire  pendant  ma  vie;  sinon,  je 
veux  et  entends  que  ma  femme  puisse  prendre  sur  tous  mes 
biens  la  somme  de  deux  cent  mille  livres,  qui  est  beaucoup 
moins  que  ledit  domaine  de  Monbrison,  lesdiles  vingt-deux 
mille  huit  cent  livres  de  renies  sur  les  Gabelles  de  Provence  ou 
des  acquisitions  en  Bretaigne,  le  lout  à  son  choix. 

■4  Et  au  cas  que  Henry  de  Guéuégaud,  mon  fils  ayné,  que 
j'establis  pour  ce  présent  testament  mon  seul  et  unique  héri- 
tier, n'y  voulût  consentir,  et  voulût  disputer  à  ma  femme 
la  donation  que  je  luy  faits,  en  ce  cas  je  veux  et  entends  que 
tous  mes  biens  soyeut  distribués  entre  mes  deux  garçons 
et  mes  deux  filles  selon  les  coutumes  des  lieux  où  ils  sont 
situés,  sans  ((ue  mon  dit  fils  ayné  Henry  se  puisse  prévaloir 
de  l'avantage  que  je  lui  donne  sur  mes  autres  enfans  par  ce 
mien  teslanient,  ains  je  veux  que  mes  deux  garçons  et  mes 
deux  filles,  Bénédicte  et  Angélique,  partagent  entre  eux 
tous  mes  biens,  comme  si  le  testament  n'avoit  pas  élé  fait; 
lequel  teslament  sera  valable  pour  le  surplus  qu'il  contient,  et 
ma  femme  aura  tout  ce  que  je  puis  lui  donner  sur  mes  biens 
de  Brelaigne  el  ailleurs,  suivant  les  coutumes. 

«  Je  donne  et  lègue  à  mon  second  fils,  Emmanuel,  cheva- 
lier de  rOrdre  de  Malte,  une  pension  viagère  de  huit  mille 
livres  sa  vie  durant,  seulement  à  commencer  du  jour  de  mou 
décès. 

«  Puis,  je  lui  donne  et  lègue  la  somme  de  vingt  mille  livres 
pour  armer  et  équiper  une  gallère  ou  vaisseau,  laquelle  somme 
sera  payée  comptant  quand  il  aura  fait  ses  courses  ordinaires, 
afin  qu'il  puisse  parvenir  aux  honneurs  de  l'Ordre. 

«  Plus  je  veux  et  entends  que,  s'il  vient  à  être  pris  par  les 
iulidelles  ou  d'autres  en  guerre,  que  Henry  de  Guéuégaud, 
mou  fils  ayné  et  mon  unique  héritier,  paye  sa  rançon  à  quoy 
qu'elle  puisse  monter,  jus(]u'a  la  somme  de  vingt  mille  livres 
uéanlmoins. 


sous    LES    GUENKGAUD  1  8S 

«  Mais  s'il  arrivoil  que  mou  dit  fils  Emmanuel  ne  veuille 
pas  demeurer  dans  la  religion  de  Mallhe,  je  luy  donne  cl  lègue 
pour  tout  ce  qu'il  peut  prétendre  dans  ma  succession  la 
somme  de  deux  cent  mille  livres  une  fois  payée,  moyennant 
quoi  la  pension  de  huit  mille  livres  sera  éteinte;  et  s'il  a /oit 
reçu  quelque  chose  pour  l'armement  du  vaisseau  ou  gallère 
ou  pour  sa  rançon,  ce  qu'il  aura  reçu  sera  déduit  et  rabattu 
sur  les  dits  cent  cinquante  mille  livres. 

«  Je  veux  et  entends  que  ladite  pension  de  huit  mille  livres 
soit  afl'ectée  sur  une  de  mes  terres  sans  que  mon  fds  le  cheva- 
lier soit  obligé  de  faire  des  poursuites  pour  en  être  payé. 

«  Ma  fille  Bénédicte,  duchesse  de  Caderousse,  se  contentera 
de  ce  que  je  lui  ny  donné  par  son  contrat  de  mariage  et  sera 
payée  comptant  de  ce  qui  peut  lui  être  dû  de  rente  sans  rien 
prétendre  de  plus,  d'autant  que  je  lui  ay  donné  beaucoup  plus 
([u'elle  ne  peut  espérer  dans  le  partage  de  ma  succession. 

«  Le  Roy  me  retenant  plus  d'un  million  de  livres  de  bien, 
il  m'a  réduit  nu  point  de  ne  pouvoir  donner  à  mes  enfans 
puisnés  autant  que  j'ai  donné  à  ma  fille  la  duchesse  de  Cade- 
lousse  ;  c'est  pourquoy  ma  fille  Angélique,  comtesse  de  Bouf- 
llers,  se  contentera  de  ce  que  je  luy  ai  donné  par  son  contrat 
de  mariage,  mais  je  donne  à  Henry,  comte  de  Boufflers,  sou 
fils  et  mon  filleul,  soixante  mille  livres  et,  au  cas  qu'il  meure 
sans  enfans  du  vivant  de  sa  mère,  je  les  donne  à  sa  mère,  ma 
fille  Angélique,  pour  qu'elle  en  jouisse  aussi  sa  vie  durant  et 
le  fonds  desdits  soixante  mille  livres  retournant  à  mon  fils 
ayné. 

«  Je  déclare  que  le  présent  testament  est  le  seul  que  j'a}- 
fait  jusques  à  présent.  Je  déclare  Henry  de  Guénégaud,  mon 
fils  ayné,  mon  seul  et  unique  héritier,  et  le  faits  mon  légataire 
universel  de  tous  mes  biens  que  je  posséderay  au  jour  de  mon 
décès,  tant  immeubles  que  meubles,  en  quelques  lieu^  que  le 
tout  soit  situé,  à  la  charge  de  satisfaire  à  tout  ce  qui  est  donné 
et  légué  dans  ce  présent  testament  et,  outre,  à  la  charge 
de  restituer  par  ledit  Henry  de  Guénégaud,  mon  héritier 
et  légataire  universel,  mes  terres  de  Champagne  qui  sont 
le  marquisat  de  Plancy  avec  ses  circonstances,  dépendances  et 
annexes,  les  terres  de  Longueville,  Semoyue  et  Kstrelles,  la 
baronnie  de  Saint-Just  en  l'Angle  et  ses  annexes,  les  paroisses 
de  Glesle,  Baigneux  et  Sauvages,  au  fils  aine  qui  naîtra 
de  son  légitime  mariage  et  aux  descendans  mâles  dudit  aine 
auxquels  je  substitue  lesdites  terres  par  une  ^ubslitution  gra- 
duelle, perpétuelle  et  infinie,   en  gardant  iiéanlmoins  l'ordre 


1S4  LE    MARQUISAT    DK    PLANCT 

enlre  eux  su-'cessivemenl  de  masle  en  inasle  el  d'aiiié  en  aiiié, 
du  premier  au  second,  troisième  et  aulres  masles,  préférant 
toujours  les  aînés  et  leurs  descendans  aux  cadets. 

«  Que  si  mon  dit  fils  Henry  ne  laissoit  aucuns  enfans 
masles,  je  veux  que  mes  dites  terres  de  Champagne  cy  devant 
dénoncées  appartiennent  à  Emmanuel  de  Guénégaud,  mon 
second  fils,  et  après  lui  à  son  fils  aisné  et  descendans  masles 
dudit  aisné,  successivement,  ou  au  défaut  de  l' aisné  dudit 
Emmanuel,  à  son  second  lils  masle,  troisième  et  autres  masles 
et  leurs  descendans  masles  que  je  substitue  à  perpétuité,  gar- 
dant toujours  le  môme  ordre  de  degré  et  d'ainesse. 

a  Et  au  cas  qu'il  n'y  eût  aucuns  enfans  et  descendans  ie 
mes  deux  fils  Henry  et  Emmanuel  de  Guénégaud,  je  substitue 
mes  dites  terres  de  Champaigne  cy  dessus  dénoncées  au 
fils  ayué  qui  proviendra  de  la  fille  aynée  dudit  Henry  et  ses 
descendans  masles  :  au  défaut  de  l'aîné,  au  second,  troisième 
et  autres  masles  et  leurs  descendans  masles,  et  au  défaut  des 
masles  de  la  fille  aînée,  aux  enfans  masles  de  la  seconde 
et  des  autres  filles  dudit  Henry,  en  gardant  toujours  le  même 
ordre  de  substitution  graduelle  et  d'aînesse  entre  les  masles. 

«  Et  aucuns  cas  qu'il  n'y  eût  point  de  masles  provenant  de 
toutes  les  filles  de  Henry, 

«  Je  substitue  mes  dites  terres  de  Champaigne  cy  dénom- 
mées au  fils  aîné  de  la  fille  aînée  dudit  Emmanuel,  mon 
second  fils,  et  cà  ses  descendans  masles,  au  detîautde  l'ainé  au 
second,  au  troisième  et  autres  masles  et  leurs  descendans 
masles;  et  au  deffaut  des  masles  de  la  fille  aînée,  aux  enfans 
masles  de  la  seconde  et  des  autres  filles  dudit  Emmanuel,  en 
gardant  toujours  le  même  ordre  de  substitution  graduelle  et 
d'aînesse  entre  les  masles. 

«  Que  si  les  filles  aisnées  ou  autres  filles  de  mes  deux  fils, 
Henry  et  Emmanuel,  n'avoyent  aucuns  enfans  masles,  je  veux 
que  la  substitution  cy-dessus  de  mes  dites  terres  de  Cham- 
paigne soit  partagée  entre  mes  deux  iilles,  Bénédicte,  duchesse 
de  C-aderousse,  et  Angélique,  comtesse  de  Boufflers,  de  telle 
sorte  que  ma  fille  de  Caderousse  aura  le  marquisat  de  Plancy 
et  ses  annexes,  les  terres  de  Longueville  et  de  Semoyne,  et 
ma  fille  Bouffi  rs,  la  baronuie  de  Saint-Just  et  ses  annexes 
de  ClesU'S,  Baigneux  et  Sauvage  et  la  terre  d'Estrelles,  pour 
chacune  d'icelles  en  jouir  durant  leur  vie,  et  après  leur  décès 
lesdiles  portions  de  terre  dites  substituées  au  fils  aîné  de  cha- 
cune d'icelles  de  masles  eu  masles,  et  au  defîaut  des  masles 
descendans  de   l'aîné,  au    second   ou    troisième  à   l'infini,  et 


I^H' 


t'act^  d^  t hujt^l deCarUy 


Far'aih"  de  lliôtrl  ilo  Coiity  dont  la  porto  a  (''ti-  liâtin  par  Frai)(;ois  Man-;ai-t. 
devenu  l'hôtel  de  (iui'iK'Liaud.  l'ue  Cnénétraiid  à  l'aris. 


CHATK.Al'      lir.     l'I.  \.\CY 
Cùtr  Su.l. 


/f  0 


HENRY  DE  GVRNE 

Plane  1/,  yt comte  de  Semoine, Baron   cte 
Corto'^ du  I^oy  en  toiu  ueu    ConjiScc 


K  r.^i^if^Ap^jj   MARQjnS  DE 

'Jujl,du  Plcjlij  EelUuilU.etdeFrej' 


^i'c^itat,  et  ce^i  comanoe 


•  ua  c  Ha  ' 


et  Garde  9e^i  Jeaux.  de  Jeo  ordres  FiL  de  Gohriel  de  Guen^aud  Con'''^du  Kotf  enjcJ 
CoTu'"'.  et îJreJorier  de  ^aiz  (T^fparffne  Et  de^Uarie  ae  La  Croix  Dame  ou  Ptcujlu  Belle 
ville  Put prcniercm' pourueu  de  la  charae  de  ffre^oricr  de  l'euparone  l'an  jo^j.  enuur- 
uiaance  de  jon.  perc  lequel  eflant  mort  au  comencem^  de  l'année  uuiuanie  oui  éditait  Cflle 
de  uon  eJzerctce.Ml  enjit  LajoncHon  et  j'en  aequitia  ui  dionem^  qu'il  mérita  l'euhme  el  l'amXt 
du  R^oy,  Ce ^Uonnrq  qui  eonnoDoit  parfaitem':  bien.  Lc^i  talcnLi  pej  hôme^itiaca  le  Jicn 
Si  propre  p^.  leu  ■  pluj  arandcj  ajfatrej  de  uon.  Royaume  qu'd  aareajortvolontiem 
la  acm'iBion  que^ilonjK  le  Comte  de  Briennejit  l'an  jô^y,.  cnjaiaueur  de  [a  charge  de  Sec'y 
d'CJtat^L  l'exerce  depuui  ce  icmpj  la  auce  ime  approbâon  ji  runiuerjclle  qu'd  r.'ua peruSne 
qai  ne  pubLr^on  hahilcte  ctua  caurtoijLe;£l  a  ejpoujeSliaheUe  de  Clwuculjilla  de  Charles 
de  Choueul^ltnrquu  de  Prajlin^itar~dejrance  CMiir  dtuj  ordre/  du  Roy  Gouucrrf.etLieulcn 
gnroL po.ja^Ma^^en  Xainton^e  et paL>   dtiwnijj  et  de  Clause  de  Ccrillac 


^  Rrtj-    C/ia^  F  Jû//atn 


D'après   Philippe    de   Ciiaiiipa^uo. 


l' 


r-xjZEZÊfciJ-^c.^â 


^^^~-  '^"^'aw  -fwir^tTt 


CJAue  et iPerfpectuw    du    ( hajhdu     tL    Jrcftuj    iL    ccfte     J^s    Sfjr-Ji 

Apiiaitenant  à  Henri  de  Guéiiégaud. 


If^ts^.   ' 


Appartenant  à  Henri  de  Guém'gaud. 


sous    LES   GUÉNÉGAUD  185 

au  defî.uil  des  masles  descendaus  de  ma  fille  Caderousse, 
je  veux  el  ordoune  que  les  terres  de  Plaocy,  Longueville 
et  bemûyue  revienneuL  au  masle  qui  survivra  alors  desceo- 
danl  de  ma  fille  de  Boufflers,  pour  coulinuer  la  subslilulioQ 
à  riDfiui  de  toutes  les  diles  terres  rejointes. 

«  J'ordonne  aussi  la  même  substiluliou  de  la  baronnie 
de  Saint  Just  et  annexes  et  Eslrelles  en  faveur  des  masles  de 
ma  fille  de  Ca-lerousse,  en  cas  que  ma  fille  de  Boufflers  viat 
à  décéder  sans  enfans  masles. 

«  Toutes  Isquelles  subslilulions  cy  dessus,  en  faveur  des 
enfans  masles  descendans  des  filles  de  mes  deux  fils  et  de  mes 
deux  filles,  sont  par  moy  fuites  à  la  charge  et  condition 
expresse,  qu'arrivant  le  fait  de  la  subslilulion,  les  dits  enfans 
masles  descendans  des  filles  de  mes  deux  fils  ou  de  mes  deux 
filles  seront  tenus  de  porter  le  nom  de  Guénégaud  et  mes 
armes  conjointement  avec  le  nom  cl  les  armes  de  leur  père,  à 
peine  de  déi.héance  de  la  piésenle  substitution. 

«  Je  désire  que  mon  fils  aisné  soit  comme  le  père  de 
son  frère  el  de  ses  sœurs,  qu'il  les  assiste  en  toutes  occasions, 
et  aussi  que  mes  enfans  l'honorent  et  l'aiment  comme  le  chef 
de  la  maison. 

«  Je  veux  que  s'il  survient  queljue  différend  entre  eux  sur 
l'exécution  de  mou  présent  testament,  qu'ils  s'en  rapportent  à 
ma  femme  ou  à  quelques-uns  de  leurs  amis  (ju'ils  choisiront 
pour  l'avis  de  ma  femme. 

«  Je  nomme  pour  exécuteur  de  mon  testament  M.  Issales, 
advocat  au  Parlement  ;  connaissant  comme  je  faits  la  vertu, 
probité,  capacité  et  l'affection  qu'il  m'a  toujours  témoignée, 
je  le  prie  d'en  prendre  la  peine  el  de  vouloir  accepter  pour 
marque  d'amitié  cent  marcs  de  vaisselle  d'argent  de  la  valeur 
de  trois  mille  livres  à  son  choix. 

«  Et  au  cas  que  mon  dit  sieur  Issales  ftlt  décédé  avant  moy 
ou  bien  que  par  maladie  ou  autrement  il  ne  pût  pas  accepter 
cette  charge,  en  ce  cas  je  prie  ma  femme  de  faire  choix 
de  telle  personne  qu'il  lui  plair.i  pour  êlre  exécuteur  du  pré- 
sent testament  ;  auquel  sera  donné  le  même  présent  de  la  val- 
leur  de  trois  mille  livres. 

«  J'ai,  Henry  de  Guénégaud,  tout  escrit  et  signé  de  ma 
main  ce  présent  testament  que  je  veux  être  suivi  et  exécuté 
après  mou  décès  comme  estant  ma  dernière  volonté. 

9  Fait  à  Paris,   en  mon  hùtel  du   Plessis  de  Guénégaud, 


186  Lli    MARQUISAT    DE    PLANCY 

le  vingt- septième  jour  de  septembre,  l'an   mil  six  cent  soi- 
xante-douze. 

«  L'an  mil  sept  cent  soixante-sept,  le  7  avril,  coUaliou  du 
préseul  testament  a  élé  faite  par  les  notaires  du  Roy  au 
Châtelel  de  Paris  soussignés  sur  l'original  audit  testament 
demeuré  en  la  possession  de  M^  Arnaud,  l'un  des  notaires 
soussignés  comme  successeur  aux  offices  et  pratiques  de 
M''  Hachette  cy  devant  notaire,  lequel  se  trouvoit  avoir  l'office 
dudit  M®  Simonnet  aussi  oy  devant  notaire.  » 

Le  IG  mors  1(j76,  Guénégaud  expirait  à  l'âge  de  G7  ans  et 
était  inhumé  dans  l'église  de  Saint-Paul  de  Paris,  d'où  sou 
corps  dut  être  extrait  plus  lard  pour  être  conduit  à  sa  sépul- 
ture définitive,  dans  l'église  Saint-Laurent  de  Plancy. 

Mois  ses  restes  n'y  devaient  pas  reposer  eu  paix,  car 
au  moment  de  la  Révolution  de  1793,  les  habitants  de  Plancy, 
oublieux  de  tout  ce  qu'il  avait  fait  d'utile  non  seulement  pour 
l'Etal,  mais  pour  leur  piospérité,  se  ruèrent  sur  l'église 
Saint-Laur.^nl,  la  saccagèrent  et  profanèrent  le?,  tombeaux 
qu'elle  contenait.  Trois  cercueils  en  plomb,  dans  lesquels 
était  renfermée  la  dépouil  q  mortelle  des  Guénégaud,  furent 
fondus  pour  être  convertis  en  balles  de  fusil,  et  les  ossements 
qu'ils  contenaient  jetés  au  vent. 

Elisabeth  de  Choiseul  ne  survécut  pas  plus  d'une  année  à 
son  mari. 

II 

Plancy  sous  les  Guénégaud.  —  Routes  et  Ponts 
du  marquisat.  —  Création  de  la  navigation  de 
l'Aube. 

Quelque  absorbé  qu'il  eût  été  pendant  une  grande  partie  de 
sa  vie  par  les  affaires  publiques,  Guénégaud  sut  administrer 
ses  biens,  et  en  particulier  le  marquisat  de  Plancy,  avec  une 
intelligence  et  une  activité  égales  à  celles  qu'il  avait  consa- 
crées au  service  de  l'Etal. 

'i'out  d'abord  sa  préoccupation  se  porta  sur  les  communica- 
tions par  voie  de  terre,  les  plus  indispensables  de  toutes. 

Une  requête  qu'il  adressa  au  P»oi,  en  1G61,  et  qu'il  nous  a 
paru  intéressant  de  reproduire  en  entier,  montre  à  quel  point, 
lorsqu'il  prit  possession  de  son  marquisat,  il  le  trouva  ruiné 
par  les  guerres  qui,  depuis  des  siècles,  n'avaient  cessé  de 
fondre  sur  la  province  de  Champagne. 


sous    LES    GUÉNÉGAUD  18  7 

«   AU  Roy  et  à  Nos  Seijneurs  de  son  Conseil. 

«  Sire, 
«  Henry   de   Guénégaud,  chevalier,    mirquis   de  Plaiicy. 
«   baron  de  Saint-Just,  seigneur  du  Plessis,  Fresnes  el  autres 
«  lieux,  conseiller  du  Roy,  en  Vos  Conseils,  secrélaire  d'b^lal 
«  el  des  commaudemens  de  Voire  Majeslé, 

«   Lui  soil  renrionlré  1res  humblement  qu'ayanl  acquis  en 
«  l'année  1G54  la  dile  lerre  el  marquisal  de  Plancy  en  Chaui- 
«  pagne,  il  auroil  trouvé,  outre  très  grandes  ruines  causées  en 
«   icelle  par  les  fréquens  passages  des  gens  de  guerre,  garni- 
«   sous  continuelles,   tous  les  ponts  el  la  plus  grande   partie 
«  d'une  chaussée  qui  y  esl  de  toute  ancienneté  ruinés,  ce  qui 
«  rendant  le  lieu  inaccessible,  non  seulement   les  habitaus 
«  d'icelle  terre,  mais  tous  ceux  du  voisinage  el  les  marchands 
.  el  voituriers  lui  iiyaut  fail  leur  plainte  de   l'incommodité 
fl  qu'en  recevoit  le  public,  particulièrement  les   marchands, 
«   d'autant  que  le  pont  qui  étoil  au  bourg  d'Arcy  sur  la  rivière 
(.   d'Àube  qui  e.-.t  la  même  qui  arrose  aussi  la  terre  de  Plancy, 
«  étoil  aussi  ruiné  par  la  rupture  du  pont,  le  dit  suppliant  lit 
«   diesser  par  le  bailly  dudit  marquisal  un  procès- verbal  de 
.  l'état  desdits  ponts  el  chaussées  et  des  ouvrages  qu'il  y 
«  convenoil  faire  pour  le  rétablissement  d'iceux,  el  ensuite  à 
«  la  grande  sollicitation  el  empressement  qui  lui  étoieut  faits 
«  par  les  dits  habitans,  marchands  el  voituriers,  présente  sa 
a  requête  à  Votre  Majesté  tendant  cà  ce  qu'il  lui  plût  pourvoir 
«  au  rétablissement  desdits  ponts,  sur  laquelle  faisant  droit 
.  par  arrêt  de  Votre  Conseil  du  28  juin  I608,  Elle  permît  au 
«   suppliant  de  les  faire  rétablir  cl  d'avancer  la  dépense  qu'il 
.  conviendroil  faire  pour  cet  eftet,  sauf  après  le  rélablisse- 
«  ment  d'iceux  être  pourvu  par  Votre  Majeslé  à  sou  rembour- 
«  sèment  ainsi  que  par  Elle  il  y  seroil  avisé  ;  eu  déduction  du 
«   quel  arrêt  le  suppliant  ayant  avec  beaucoup  de  soui,  Irais  et 
.   dépenses,   fail  rétablir  les  dits  ponts  au  nombre  de  cinq, 
a  savoir  deux   grands,    un  sur    la  rivière   d'Aube,  joignant 
«  le  bourg  de  Plancy,  l'autre  sur  la  rivière  de  Barbuise  au  vil- 
«  lage  du   Bachot,    distant  d'environ   de   demie   heue   1  an 
«  de   l'aulr?,  el  trois   autres   plus   petits   entre  iceulx   aux 
«  endroits  où  pendant  l'hiver  il  y  a  des  débordemens  d  eaux 
«  qui  y  croupissent  et  les  rendent  inaccessibles,  après  ces 
.   ouvrages  ainsi  achevés  el  par  ce  moyen  le  commerce  ayant 
«  commencé  à  se  rétablir,  ne  resloit  plus  que  le  rélablisse- 
«  ment  du  pavé  de  ladite  chaussée  pour  la  rendre  libre  en 
«  toute   saison,  el  icelui  suppliant  après   avoir    présente  .-a 


188  LK    MARQUISAT    DE    PLANCY 

«  requête  à  Voire  Majesté  lendante  à  ce  qu'il  lui  plût 
«  ordonner  que  les  dits  ponts  seroient  vus  et  vérifiés  et  les 
«  ouvrages  estimés  par  telles  personnes  qu'il  lui  plairoitcom- 
«  mettre  qui  en  dresseroient  leur  rapport  ensemble  de  i'élat 
«  de  la  chaussée,  pour  être  vu  et  considéré  en  Votre  Conseil, 
«  être  pourvu  à  son  remboursement  et  au  rétablissement  delà 
I.  dite  chaussée.  Sur  laquelle  requête  Elle  auroit  ordonné  par 
«  arrêt  rendu  en  son  Conseil  le  a  may  1661  que  par  l'un  des 
«  trésoriers  de  France  eu  la  généralité  de  Chàlons,  avec 
u  des  experts  qui  seroienl  par  lui  nommés  d'office,  il  seroit 
«  fait  descente  sur  les  lieux  pour  voir  et  visiter  lesdils  ponts 
(I  et  estimer  la  dépense  faite  pour  le  rétablissement  d'iceux  et 
«  celle  qui  est  cà  faire  pour  le  rétablissement  de  ladite  chaus- 
«  sée,  ensemble  de  l'état  d'icelle  dont  seroit  fait  procès-verbal 
«  pour,  icelui  vu  et  rapporté  en  Votre  dit  Conseil,  être  pourvu 
«  par  Votre  Majesté  au  remboursement  du  suppliant  et  au 
((.  rétablissement  de  ladite  chaussée.  Pour  l'exécution  duquel 
0  arrêt  icelui  suppliant  s'étant  pourvu  par  devant  les  trésoriers 
«  de  France  à  Chàlons,  ils  auroient  commis  par  leur  ordoQ- 
«  nance  du  3  octobre  au  dit  Arlhus  Guillaume  de  Saint-Julien, 
«  premier  président  au  bureau  desdits  trésoriers  de  France 
(/  établi  à  Chàlons,  U'quel  en  vertu  de  ladite  commission, 
«  accompagné  du  procureur  de  Votre  Majesté  audit  bureau  et 
(1  du  greffier,  seroii  le  22  du  même  mois  arrivé  audit  Plancy  ; 
Il  auquel  lieu,  après  toutes  formalités  ordinaires  et  accou- 
«  tumées  observées,  il  auroit  été  procédé  par  experts  nommés 
«  par  Votre  dit  procureur  à  l'estimation  de  la  dépense  faite 
«  par  ledit  suppliant  pour  le  rétablissement  et  la  construction 
«  desdils  ponts,  dont  il  auroit  dressé  procès-verbal,  par  lequel 
«  il  se  voit  que  l'estimation  de  la  dépense  faite  pour  la  cons- 
«  truction  desdils  ponls  monte  à  18.489  livres,  et  que  les 
(I  ouvrages  nécessaires  et  restant  à  faire  à  ladite  chaussée  ont 
a  élé  estimés  devoir  monter  à  la  somme  de  dix-sept  mille  neuf 
«  cent  livres. 

a  A  ces  causes,  Sire,  et  qu'il  vous  appert  de  ce  que  dessus 
li  par  le  procès-verbal  du  bailly  dudil  Plancy,  du  13  novembre 
«  1657,  du  28  juin  16b8  et  aulre  arrêt,  et  commission  sur 
11  icelui  du  Li  mai  1660,  et  pour  ledit  procès-verbal  de  prisée 
«  et  estimation  du  22  octobre  audit  an,  plaise  à  Votre  Majesté 
«  faisant  droit  sur  icelle  ordonner  que  le  dit  suppliant  sera 
a  remboursé  des  deniers  de  votre  Epargne  ou  sur  tels  fonds 
«  (lu  il  lui  plaira  lui  accorder  de  la  dite  somme  de  ^8,429 
a  livres  par  lui  déboursée  et  avancée  pour  la  consiruclion  des- 


sous    LliS   GUENÉOAUD  18'.» 

«  dits  poDls  au  désir  du  susdit  arrèl  du  28  juin  iGbS,  m 
(I  mieux,  Il  ne  plaisoil  à  Volro  dite  Majesté  lui  perniellre  de 
«  percevoir  et  lever  sur  lesdils  pouls  un  péage  pareil  à  celui 
n  qui  s'élève  sur  le  ponl  de  Méry  pour  passer  la  rivière 
«  de  Seine  et  outre  faire  fonds  pour  le  rétablissement  de  la 
«  chaussée,  sans  quoi  les  dits  ponts  resteroieut  inutiles 
«  et  le  commerce  pour  le  transport  des  vins  de  Bourgogne  et 
I.  des  marchandises  de  la  ville  de  Troyes  en  celle  de...  et 
«  Cbâlous,  dans  la  Lorraine  et  Allemagne,  demeureroicnl 
1  entièrement  ruinés,  l'autre  passage  qui  était  cy-devanl  au 
«  Bourg  d'Arcy  étant  comme  dit  est  à  pré-ent  inaccessible  par 
«  la  ruine  entière  desdils  ponts  et  chaussées  qui  y  étaient, 
«  et  le  suppliant  continuera  ses  prières  pour  la  prospéiiié 
«  et  la  sauté  de  Votre  Majesté.   » 

Ce  vœu  si  prévoyant  fut  entendu  et,  par  ordonnance  du  Uoi 
eu  son  conseil  tenu  à  Fontainebleau  le  5  mai  I6tjl,  il  fut 
décidé  renvoi  d'un  des  trésoriers  de  la  généralité  de  Chà'onsà 
Plancy,  pour  faire  la  reconnaissance  dont  il  s'agit. 

L'arrêt  cul  pour  conséquence  l'autorisation  accordée  à  M.  de 
Guénégaud  de  continuer  à  percevoir  le  péage  du  jionl  de 
Plancy,  comme  le  faisaient  de  toute  ancienneté  les  seigneurs 
de  Plancy,  qui  avaient  la  charge  de  l'entreiien  des  ponts, 
moyennant  le  péage  qu'ils  percevaient  à  cet  efTjt  sur  lesdils 
ponts  et  chaussées. 

Le  seigneur  de  Plancy  percevait  également  le  péage  de 
la  chaussée,  car,  dit  un  arrêt  du  conseil  du  Roi  de  1705, 
«  si  l'entretien  des  chemins  appelés  royaux  est  à  la  charge  du 
»  Koy,  celui  des  chemins  appelés  péagers  est  à  la  charge  des 
«  seigneurs  qui  y  lèvent  le  péage,  ce  qui  est  le  cas  pour 
«  la  chaussée  du  Bachot,  et  le  seigneur  y  levoit  uu  péage 
«  à  raison  duquel  les  aveux  et  dénombrements  de  Plancy 
«  portent  qu'il  était  obligé  d'entretenir  la  chaussée,   d 

Le  pont  de  Plancy  élait  en  bois  et  s'élevait  sur  l'Aube, 
à  quelques  toises  au-dessous  des  moulius  banaux  du  sei- 
gneur, à  l'endroit  même  qu'occupe  le  pont  en  fer  posé  der- 
nièrement par  l'adminislralioii,  et  en  face  d'une  chaussée 
à  laquelle  il  communiquait  directement,  cette  chaussée  se  ter- 
minant à  un  autre  pont  sur  la  rivière  du  Bachot. 

Plus  tard,  le  pont  tomba  en  ruines  et  devint  gênant  pour  la 
navigation  :  les  seigneurs  de  Plancy  en  construisirent  alors  uu 
autre  au-dessus  de  leurs  moulins,  qui  fut  encore  rétabli  ix 
neuf  en  1755,  aux  frais  de  l'un  de  ces  seigneurs.  Le  nouveau 


190  LE    MARQUISAT    DE    PLANCY 

pout  élàil  leur  propriéié.  el  l'usage  u'eu  était  laissé  au  public 
que  par  pure  tolérance,  eu  sorte  qu'il  u'étail  sujet  à  aucuu 
péage. 

Mais,  comme  par  suite  de  la  reconslrucliou  de  celui  du 
Bachot,  une  grande  circulation  se  faisait  sur  le  pout  des  mou- 
lins, qui  en  éprouvait  beaucoup  de  fatigue,  uu  des  successeurs 
de  Guénégaud,  M.  d'Aucour,  demanda  au  roi  Louis  XV  que 
les  habitants  de  Plancy  fissent  rétablir  leur  ancien  pont  péager 
au-dessous  des  moulins,  faute  de  quoi  il  se  verrait  obligé  d'in- 
terdire le  nouveau,  à  moins  toutefois  que  ces  habitants  ne 
préfèrent  demander  au  roi  le  rétablissement  d'un  péage  pro- 
portionnel aux  dépenses  de  construction  et  d'entretien,  d'au- 
tant qu'ils  prenaient  aussi  l'habitude  de  traverser  le  chcàleau  et 
le  parc,  pour  s'en  aller  à  Rhèges,  ce  qui  créait  une  véritable 
servitude  et  fatiguait  les  ponts  du  parc. 

Un  aveu  et  dénombrement  de  lb08,  vérifié  à  Sézanne, 
indique  l'existence  d'un  autre  pont  antérieur  à  la  canalisation 
de  l'Aube,  et  par  lequel  communiquait  le  château  avec  le 
village,  à  la  hauteur  de  la  place  qui  se  nomme  encore  place  dii 
Ghâtel.  Il  y  esl  dit  :  «  Il  y  a  un  autre  bras  qui  descend  du 
«  bras  cy-dessus  el  se  prend  dès  un  pout  appelé  le  pont 
Il  Boissy,  et  (ourne  iceluy  bras  cà  l'enlour  de  la  rosière  du  dit 
((  château  de  Plancy,  et  rentre  en  la  dite  rivière  d'Aube 
<>  au  grand  pont  dudit  Plancy.  »  Ce  bras  y  rentrait  encore,  il 
y  a  peu  de  temps,  par  un  caniveau  qui  disparut  lors  de  la  rec- 
tification de  l'entrée  du  village,  en  188;). 

(Juanl  au  pont  du  Bachot,  il  ue  devait  pas  au  début 
être  très  brillant,  si  l'on  en  juge  par  une  réclamation  faite  un 
siècle  plus  lard,  en  1664,  par  les  habitants  de  Charny  et  du 
Bachot,  devant  M*"  Hugues  Huguenot,  inlendant  des  affaires 
do  M.  Henry  de  Guénégaud.  Ces  habitants  déclarèrent,  en 
effet,  que  lôrsqu'en  1644,  ils  avaient  reconnu  à  Messire  Henry 
de  Guénégaud  leur  obligation  d'entretenir  le  pont,  comme  ils 
l'avaient  fait  toujours  antérieurement,  ce  pont,  du  temps  des 
prédécesseurs  de  M.  de  Guénégaud,  n'était  que  de  «  trois  tra- 
«  vées  et  couvert  de  fascines,  d'autant  que  pour  lors  il  n'y 
a  passoit  que  la  rivière  de  Barbuize  sur  laquelle  étoit  ledit 
«  pont,  et  qu'à  présent  la  rivière  dAube  ayant  été  jointe 
«  à  icelle  et  par  ce  moyen  agrandi  son  lit,  le  dit  seigneur  a  été 
t  obligé  de  faire  un  pont  de  dix  travées  de  chêne  qui  ne  pput 
«  être  que  de  grand  entretien,  sur  lequel  passent  quantité  de 
«   harnois,  auquel  entretien  la  dite  commune  ne  pourra  pas 


sous    LES    GUÉNKGAUU  191 

«  subvcuir,   sup[)lieûl  MoQseigueur  leur  faire  droit  sur  cet 
«   arlicle.   » 

De  quelque  ulililé  qu'ail  été  pour  lescommaues  la  créaliou 
de  ces  pouls,  celles-ci  ne  cessèreul  jamais  d'essayer  de  s'atl'rau- 
chir  de  l'obligaliou  de  les  eulrelenir,  et  les  archives  du  châ- 
teau coalienueul,  entre  autres  documeiils  sur  ce  ^ujel,  une 
assigualiou  de  l'au  lOGl,  faite  aux  habitauls  de  Plaucy 
«  d'avoir  à  réparer  et  remaltre  eu  bou  étal  le  poat  dit  des 
«  Champs,  faute  de  quoi  il  sera  permis  au  seigneur  de 
«  faire  bailler  les  dites  réparations  au  rabais,  et  qu'exécutoire 
«  sera  délivré  solidairement  du  prix  de  l'adjudicaliou  et  outre 
«  les  dits  habitants  condamnés  eu  tous  dommages  et  inlé- 
«   rets.   » 

Lk  pont  du  Bachot  devait  d'ailleurs  èlre,  plus  lard  encore, 
entièrement  reconstruit,  et  un  extrait  des  registres  du  Conseil 
d'Etat  du  siècle  dernier  nous  apprend  que  celle  reconstruction, 
ainsi  que  les  réparations  nécessaires  au  pont  de  Bouiages, 
furent  faites  sur  le  devis  dressé  le  12  avril  1768,  par  le  sieur 
Demoulrocher,  sous-inspecteur  des  ponts  et  chaussées  à 
Troyes.  nommé  à  cet  effet  par  le  sieur  Rouillé  d'Orfeuil,  inten- 
dant el  commissaire  départi  en  la  province  et  frontière  de 
Champagne,  moyennant  la  somme  de  8,000  livres  pour  le  pont 
du  Bachot,  el  2,8o0  livres  pour  celui  de  Bouiages,  les  trois 
quarts  de  la  dépense  étant  payés  par  les  communes  de  Charny- 
le-B.ichot,  Plancy  el  l'Abbaye,  et  l'autre  quart  par  celles 
de  Salon,  Champtleury  el  Semoiue,  et  pour  le  pont  de  Bou- 
iages, les  deux  tiers  par  Faux-Fresnay,  el  l'autre  lieis  par 
Courceniaiu  et  Longueville.  Le  pont  était  prêt  en  1770,  et  la 
reconstruction  en  avait  été  faite  par  un  sieur  Collot,  charpen- 
tier ?.  Méry,  qui,  l'ayant  rendu  eu  bon  état,  fut  payé  do 
son  travail  par  le  produit  de  l'imposition  indiquée  ci-dessus. 

Les  péages  des  ponts  et  chaussées  dont  nous  venons  de 
parler  conlinuèrent  à  être  perçus  jusqu'en  1778,  ainsi  que  le 
constate  une  déclaration  des  habitants  de  Plaucy  et-  des 
villages  circonvoisins,  intéressante  en  ce  qu'elle  nous  donne 
les  noms  d'un  certain  nombre  de  personnes  notables  de 
l'époque  : 

Thomas  le  Jeune,  lieutenant  au  bailliage  de  Plancy  ; 

Lefebvre,  procureur  fiscal  de  Plancy  ; 

La  Balme,  notaire  et  greffier  ; 

Bouzol,  notaire  royal  el  procureur  ; 

Joly,  notaire  el  procureur  ; 

Pothier,  chapelain  de  Plancy  ; 


192  LE    MARQUISAT   DE    PI.ANCY 

Clygny,  avocat; 

L'Abbé  de  Vauval,  vicaire  géucral  de  Saiul-PMour  ; 

HoDzelot,  curé  de  Plancy  ; 

Guillon,  curé  de  l'Abbaye-sous-Plancy  ; 

Patenôlre,  juge  de  Boulages  ; 

Piobiu.  éeuyer,  scelleurde  la  Grande  Chancellerie  de  France  ; 

Du  Bois,  ancien  recleur  d'école  de  Plancy. 

C'est  au  roi  Louis  XVI  qu'est  due  l'initiative  de  la  suppres- 
sion des  péages  sur  les  roules  et  les  ponts.  Je  ne  jjuis  résister 
au  désir  de  ciler  un  fragment  de  l'admirable  ordonnance  par 
laquelle  y  procéda  ce  monarque  si  profondément  bon,  si  arJem- 
meol  épris  de  l'amour  du  peuple,  et  qui  devail  payer  si  cher 
cette  bouté  poussée  jusqu'aux  dernières  limites  delà  faiblesse. 

Un  arrêt  du  Conseil  d'Llat  du  Roi,  en  date  du  13  août  1779, 
dit  en  effet  : 

«  Le  Roi,  s'occupant  avec  intérêt  des  moyens  de  b'eu- 
«  faisance  envers  ses  peuples  (]ue  le  relour  de  la  paix  pourra 
«  leur  procurer,  croit  devoir  ordoiuier  à  l'avance  les  recherches 
«  et  les  travaux  propres  à  seconder  l'exécution  de  ses  désirs. 
«  Entre  les  principaux  objels  de  ce  genre  qui  ont  fixé  son 
«  attention,  le  Roi  a  fortement  à  cœur  de  délivrer  la  nation  de 
«  ces  nombreux  péages  établis  à  la  fois,  et  sur  les  grandes 
«  routes  et  sur  les  rivières  navigables.  Sa  Majesté  est  instruite 
«  que  cette  perception  ariêle  et  fatigue  le  commerce  ;  que, 
;(  n'étant  point  réglées  pir  des  tarifs  uniformes,  leur  cotnpli- 
«  cation  et  leur  diversité  exigeoienl  une  véritable  étude  de  la 
«  part  des  marchands,  voituriers,  etc.  .  ;  que  tous  ces  droits 
«  enfin,  nés  pour  la  plupart  des  malheurs  et  de  la  confu- 
«  siou  des  anciens  temps,  formoienl  autant  d'obstacles  à 
«  la  facilité  des  échanges,  ce  puissant  encouragement  de 
«  l'agriculture  et  de  l'industrie. 

«  Sa  Majesté  a  été  surtout  frappée  de  la  partie  considérable 
«  de  ces  droits  dont  la  navigation  des  rivières  est  surchargée, 
«  qui  a  souvent  contraint  le  commerce  à  préférer  les  roules  de 
«  terre.  Cet  abus  d'administration  a  paru  à  Sa  Majesté  d'au- 
'.  tant  plus  important,  (jue  son  excès  ne  tendroil  à  rien  moins 
«  qu'à  rendre  inutiles  celte  diversité  et  celle  heureuse  dispo- 
«  sition  des  rivières,  si  propres  à  contribuer  essenliellemenl  à 
«  la  prospérité  du  Royaunr.e,  bienfait  précieux  de  la  nature 
«  dont  le  gouvernement  doit  d'aulanl  plus  faciliter  la  jouis- 
«  sancc  qu'il  présente  l'avantage  inestimable  de  ménager  les 
«  grandes  routes,  de  diminuer  la  nécessité  des  corvées  ou  des 
«  conliibutions  qui  les  remplacent,  et  d'arrêter  les  progrès  de 


sous    LES   GUÉiNÉGAUb  l'J3 

«  ce  nombre  excessif  d'animaux  de  transport  qui  partagent 
(I  avec  l'homme  les  fruils  de  la  terre. 

'  Sa  Majesté,  pour  ne  pas  étendre  trop  loin  les  rembourse- 
«  ments  quElle  auroit  à  faire,  ne  comprend  point,  dans 
«  les  péages  qu'ElIe  a  dessein  de  supprimer,  ceux  établis  sur 
I  les  canaux  ou  les  parties  de  rivières  qui  ne  sont  navigables 
«  que  par  des  écluses  ou  autres  ouvrages  d'art,  puisque 
<■<■  ce  sont  des  navigations  pour  ainsi  dire  acquises  et  couser- 
«  vées  au  prix  d'une  industrie,  dont  la  rétribution,  bien  loin 
«  d'être  un  sacrifice  onéreux  pour  le  commerce,  est  la  juste 
«   récompense  d'une  entreprise  utile  à  l'Etat,  etc..   » 

C'est  par  suite  de  celte  distinction  que,  si  le  péage  des 
chaussées  fut  supprimé  en  !780,  celui  de  la  rivière  d'Aube 
fut  maintenu. 

L'œuvre  capitale  du  passage  de  Guénégaud  à  Plancy  fut  la 
création  de  la  navigation  de  l'Aube. 

J'extrai?  d'un  mémoire  présenté  «  au  Roy  et  à  nos  sei- 
gneurs en  son  conseil  »,  par  M.  d'Aucour,  vers  1780,  l'histo- 
rique suivant  de  cette  navigation  : 

«  Ce  fut  sous  l'administralion  de  Colbeit,  le  successeur  de 
«  M.  de  Guénégaud  au  secrétariat  d'Etat.  (]ue  Louis  XIV, 
«  dont  les  grandes  vues  s'élendoient  sur  tout  et  particulière- 
«  meut  sur  le  commerce  qui  devoit  être  la  source  des 
«  richesses,  proposa  des  encouragements  pour  forniîr  dans  ses 
«  Etals  une  navigation  intérieure,  au  moyen  de  laquelle  les 
«  différentes  provinces  pussent  communiquer  entre  elles  et  se 
«  porter  leur  supeiilu  ;  on  s'empressa  de  toute  part  de 
«  répondre  à  des  vues  si  sages.  Un  des  effets  de  cette  pensée 
«  en  ce  qui  concerne  la  Champagne  et  jiarliculièrement  la 
«  rivière  d'Aube,  ce  furent  les  lettres  patentes  données  à 
«  Saint-Germain-en-Laye,  au  mois  de  novembre  1676,  et 
«  enregistrées  au  Parlement  le  6  août  1677,  portant  permis- 
«  sion  de  rendre  navigables  les  parties  des  rivières  de  Seine, 
«  de  Marne  et  autres  y  dénommées  qui  ne  l'avaient  paa  été 
«  jusqu'à  présent.   » 

Nous  possédons  un  exemplaire  de  ce  document  ainsi  couru  : 

«  Louis,  nar  la  gr.Tce  de  Dieu  roi  de  France  et  de  Navarre, 
«  à  tous  présents  et  à  venir,  salut  !  Hector  Boutheroûe  de 
«  Bourgneuf  nous  auroit  présenté  uu  placet,  tendant  à  ce 
«  qu'il  plût  lui  accorder  la  ])ermissiou  de  rendre  à  ses  frais  et 
«    dépens,  navigables  et  flottables  les  rivières  de  Seine,  Marne 

13 


194  LE    MARQUISAT    Dli    l'LANCY 

«  et  Aube,  daus  les  lieux  qui  ue  l'onl  point  clé  jusqu'à  pré- 
»  seul,  etc..  «   Signé  :  Louis. 

«  De  par  le  Roi  : 

«     COLBERT.     » 

M.  de  Guénégaud  se  lit  céder  par  M,  de  Boui'gneuf  sa  con- 
cession daus  l'élendue  de  son  marquisat,  aiusi  que  le  moulre 
le  Qîémoire  de  M.  d'Aucour,  qui  poursuit  eu  ces  termes  : 

«  M.  de  Guénégaud,  pénétré  du  même  zèle  patriotique  que 
«  le  Roi,  entreprit  à  Plancy  d'y  rendre  l'eau  navigable  à 
«  toutes  sortes  de  bateaux,  en  ouvrant  au  commerce  une  uou- 
«  velle  route  par  l'Aube  jusqu'à  la  ville  d'Arcis  pour  l'appro- 
a  visionnement  de  la  capitale,  en  quoi  il  remplit  complète- 
a  ment  l'objet  des  dites  lettres  patentes  de  1676.   » 

«  Pour  juger  des  mérites  des  ouvrages  d'art  faits  à  Plancy  à 
«  l'effet  d'ouvrir  cette  navigation,  il  est  bon  de  savoir  qu'avant 
«  M.  de  Guénégaud,  le  terroir  n'étoit  qu'étangs  et  que  marais 
«  comme  il  eu  reste  plusieurs  encore  aujourd'hui,  à  travers 
«  une  partie  desquels  l'Aube,  se  répandant  et  environnant 
«  d'un  côté  et  circulairement  le  Bourg,  alloit  joindre  de  l'autre 
«  côté  la  Barbuize  par  des  bas-fonds  à  présent  dénommés 
(I  rivière  du  Bâtard,  de  façon  que  ce  qui  passoit  réellement  de 
«  l'Aube  à  Plancy  n'étoit  que  par  un  petit  canal  particulier 
«  servant  aux  moulins  banaux  du  seigneur,  sans  lit  qui 
«  fût  propre,  et  l'Aube  qui,  répandue  en  de  vastes  marais,  ne 
«  présentoit  aux  environs  de  ce  bourg  que  de  grandes 
c(  étendues  d'eau  qui  de  temps  immémorial  avoient  été  les 
«  vastes  réservoirs  de  ses  moulins,  mais  le  peu  de  profondeur 
«  de  ces  eaux  stagnantes  ne  pouvoit  nulle  part  servir  à 
«  une  navigation  de  quelque  importance,  ce  n'étoit  que 
(I  roseaux  »,  comme  le  constatait  le  proverbe:  Fort  comme 
Plancy  enloîiré  de  roseaux. 

«  Ce  ue  fut  donc  qu'après  des  ouvrages  d'art  considérables, 
«  faits  à  grands  frais  par  M.  de  Guénégaud  pour  rassembler 
«  toutes  ces  eaux  éparses,  que  l'xlube,  resserrée  de  mains 
«  d  hommes  daus  le  ca'ûal  qui  lui  servit  de  nouveau  lit,  et 
«  soutenue  par  une  grande  écluse  de  plus  de  125  pieds  de 
«  longueur,  devint  navigable  à  toutes  sortes  de  bateaux  et  de 
Il  marchandises  jusqu'à  Arcis,  un  des  principaux  greniers  de 
«  la  capitale,  sans  lesquels  ouvrages  d'art  ladite  ville  d'Arcis 
«  n'auroit  ni  navigation,  ni  commerce.   » 

L'écluse  dont  il  s'agit,  et  qui  porte  le  nom  de  Bâtard  d'Eau, 
était  eu  fort   mauvais   état  en   1757  et  il  fallut  pourvoir  à 


SOÙS    LKS    GUKNÉGAUD  19o 

sa  réparation.  A  celle  occasion,  la  descriplion  ci-dessUS  uous 
eu  a  élé  laissée  : 

«  L'écluse  conslruile  aux  fias  de  souleuir  l'eau  pour  le 
«  canal  qui  passe  audit  Plaucy,  laquelle  écluse  est  composée 
«  de  deux  éperons  et  un  réservoir  qui  est  au  milieu  d'iceulx, 
«  icelle  écluse  faite  eu  charpente  avec  enquiètemeuls  remplis 
«  de  craye,  située  sur  la  rivière  d'Aube,  distante  d'une  demi- 
i(  lieue  environ  dudil  Plaacy,  étant  entièrement  ruinée  et  usée 
«  de  vétusté,  il  est  indispensable  d'en  faire  la  réparation  pour 
a  ainsi  dire  totale,  afin  d'éviter  une  rupture  et  ruine  entière 
Il  d'icelle  que  l'état  actuel  menace,  et  prévenir  cet  accident  qui 
«  sans  dilficultés  inlerromproit  et  iuterdiroit  généralement  le 
«  commerce  et  navigation  sur  ladite  rivière  d'Aube,  pour  les 
«  provisions  de  Paris.  » 

Le  mémoire  continue  : 

«  M.  de  Guénégaud,  après  avoir  desséché  des  étangs,  des 
«  marais,  des  bas-fonds  et  fait  à  grands  frais  de  mains  d'hom- 
«  mes  un  canal  à  l'Aube,  tant  à  travers  son  paix  que  sur  des 
«  terrains  nouvellement  acquis  par  lui  à  cet  effet,  après  avoir 
Il  détruit  s  ='S  moulins  de  Plaucy  (des  titres  de  11 00  prouvent 
«  en  effet  que  déjà  à  cette  époque  ces  moulins  existaient)  et 
«  les  avoir  remplacés  par  une  grande  vanne  pour  le  passage 
«  de  toute  sorte  de  bateaux,  et  supprimé  ses  autres  mouhns  à 
«  Charny,  à  Longueville,  sur  la  Barbuise,  sur  le  Livon,  dont 
«  il  retenait  les  eaux  pour  la  navigation  à  Plancy,  se  trouva 
Il  avoir  dépensé,  pour  cette  navigation,  une  somme  qui  monta, 
Il  avec  celle  que  dépensèrent  par  la  suite  les  seigneurs  de 
e  Plancy,  ses  successeurs,  à  plus  de  150,000  livres.  » 

Les  actes  de  ces  acquisitions  de  M.  de  Guénégaud  sont  con- 
servés dans  les  archives  de  la  terre;  ils  montrent  sur  quels 
terrains  furent  établis  le  canal  de  navigation  et  le  chemin  de 
halage,  dont,  par  la  suite,  et  à  la  faveur  de  tristes  circons- 
tances, certains  riverains  du  nouveau  lit  de  TAube  voulurent 
s'emparer,  sans  songer  qu'ils  priveraient  la  commune  d'un 
chemin  aussi  utile  qu'agréable.  Ces  titres  furent  tous  fournis  à 
l'administration,  lorsque,  le  24  novembre  1811,  le  gouverne- 
ment s'empara  définitivement  de  la  navigation,  par  un  traité 
passé  avec  le  comte  de  Plaucy,  et  à  la  demande  de  celui-ci.  Le 
chemin  de  halage  dont  il  s'agit  était  la  seule  voie  par  laquelle 
les  chanoines  de  l'église  Saint-Laurent,  qui,  depuis  des  cen- 
taines d'années,  occupaient  la  maison  Bail^y,  pouvaient  se 
rendre  à  une  saussaie  qui  leur  appartenait,  et  s'appelait  la 
Saussaie  de  la  Demoiselle-Nieps. 


196  LE   MARQUISAT    DE    I  LANCt 

Parmi  les  acles  d'acquisilioQ  de  lerraius  sur  lesquels  coule 
l'Aube  aujourd'hui,  nous  n'eu  citerons  que  deux  qui  nous  ont 
paru  intéressants  au  point  de  vue  historique.  L'un,  du  30  no- 
vembre 1666,  est  un  «  contrat  passé  devant  les  notaires  du 
«  marquisat,  par  lequel  le  sieur  de  Guénégaud  a  échangé  avec 
«  Antoinette  Cochery,  veuve  Guyot,  un  arpent  de  terre  labou- 
(I  rable  |sis  près  de  la  chapelle  Saint-Victor,  au  travers  et 
«  milieu  duquel  a  été  fait  le  canal  ou  rivière  nouvelle,  faite  de 
«  la  part  dudit  seigneur,  etc.  » 

L'autre  est  un  contrat  passé  le  29  novembre  1 66ii,  par  lequel 
«  le  sieur  de  Méral,  seigneur  de  la  Garde,  commissaire  ordi- 
«  naire  à  Paris,  et  aide-lieutenant  pour  le  vol  du  héron  de  la 
(<  grande  fauconnerie  du  Roy,  demeurant  ordinairement 
«  à  Paris,  et  de  préseul  en  sa  maison  à  Plancy,  a  vendu  à 
«  M*  Henry  de  Guénégaud,  chevalier,  marquis  de  Plancy  et 
«  autres  lieux,  secrétaire  des  commandements  de  Sa  Majesté 
«  et  commandeur  de  ses  ordres,  certains  terrains  pour, former 
«  le  nouveau  canal  de  navigation  de  la  rivière  d'Aube,  dans 
«  lesquels  terrains  ledit  canal  ou  rivière  nouvellement  faite 
«  par  ledit  sieur  de  Guénégaud  pour  l'utilité  et  bien,  prend 
«  son  embouchure  et  entre  en  la  rivière  d'Aube  pour  descendre 
«  à  Plancy.  » 

Profilant  des  efforts  et  des  sacrifices  de  M.  de  Guénégaud, 
M.  Grassin,  le  seigneur  d'Arcis,  put  faire  remonter  la  naviga- 
tion jusqu'à  cette  ville,  et  le  seigneur  d'ànglure,  M.  de 
Comerfort,  à  qui  elle  devait  tant  profiler,  se  borna  à  contribuer 
à  la  réparation  du  vannage  de  ses  moulins  pour  la  somme  de 
15.000  livres.  Un  arrêt  du  Conseil  d'Etat,  du  l'^'' août  1741, 
autorisa  néanmoins  M.  de  Comerfort,  pour  se  couvrir  de  celte 
dépense,  à  percevoir  un  péage  sur  les  bateaux  à  Anglure  '. 

Pour  indemniser  M.  de  Guénégaud  des  dépenses  considé- 
rables dont  il  venait  d'assumer  la  charge,  le  roi  l'autorisa  à 
percevoir  sur  la  navigation  un  péage  à  la  grande  vanne  du 
pertuis  de  Plancy,  conformément  à  un  tarif  inséré  dans  les 
lettres-patentes  de  1076  qui  règlent  cette  navigation.  Plus 
tard,  un  arrêt  du  Conseil  d'Etal  du  roi,  en  date  du  8  juin  1781, 
portant  la  signature  du  ministre  Gravier  de  Vergennes,  et 
contresigné  par  Gaspard- Louis  dOrfeuil,   chevalier,  grand'- 

1  .  H  existe  encore  dans  les  boiseries  du  château  d'Arcis  un  joli  portrait 
ovale  de  M.  de  Grassin  dont  il  est  question  ci-dessus,  ainsi  qu'un  de  sa 
femme.  M.  de  Grassio  fut  le  bienfaiteur  d'Arcis.  Son  château,  après  être 
devenu  la  propriété  d'un  notaire  qui  le  légua  au  comte  de  Trévise,  appartient 
aujourd'hui  au  comte  Annaud. 


sous    LES    GUÉNÉGAUD  197 

croix,  maître  des  cérémonies  ordinaires  de  l'ordre  royal  el 
militaire  de  Saiul-Louis,  conseiller  du  roi  eu  ses  conseils, 
maître  des  requêtes  de  son  hôtel,  iutendanl  de  justice,  police 
et  finances  en  la  province  et  frontière  de  Champagne,  confirma 
a  le  seigneur  Godard  d"Aucour  dans  la  propriété,  possession  et 
(1  jouissance  de  ces  droits  de  péage  sur  les  bateaux,  denrées 
a  et  marchandises  passant  sur  la  rivière  d'Aube.  »  Ce  péage 
fut  perçu  jusqu'en  1793,  époque  à  laquelle  le  gouvernement 
s'empara  de  tous  les  droits  de  péage  et  autres,  et  se  mit  à  les 
percevoir  à  son  profit. 

Il  nous  a  paru  intéressant  de  reproduire  le  tarif  des  droits 
de  péage  en  question,  parce  qu'ils  nous  indiquent  le  mouve- 
ment du  commerce  sur  la  rivière  d'Aube  dans  les  deux  derniers 
siècles. 

Ce  tarif  est  ainsi  conçu  : 

«  1"  Par  chacun  muids  de  vin,  jauge  de  Paris,  quinze  sols 
«  tournois;  sur  les  autres  vaisseaux,  à  proportion  de  leur 
v(  contenue; 

«i  2'»  Pour  chacun  septier  de  blé  et  autres  grains,  mesure  de 
«  Paris,  un  sol; 

«  3°  Par  chacun  cent  toises  de  solives  de  cinq  el  sept  pouces 
«  et  du  bois  quarré  à  la  même  raison  à  revenir,  par  supputa- 
t  tion  au  compte  des  marchands  de  Paris,  sept  livres; 

«  4"  Pour  chacun  cent  toises  d'ais  de  moison  et  autres,  de 
«  largeur  de  dix  à  douze  pouces  et  un  pouce  d'épaisseur,  trois 
a  livres  ;  et  des  autres  à  proportion  ; 

«  5*^  Pour  chacun  millier  de  merrains  ou  bufferic,  à  propor- 
«  lion,  six  livres; 

«  G°  Pour  chacune  corde  de  bois  à  brûler,  trente  sols  ; 

«;  7''  Pour  chacun  cent  de  fagots  en  colterets,  six  sols  ; 

(I  8'^  Par  chacun  millier  d'échalas,  lattes  larges  et  étroites, 
0  au  compte  des  marchands  de  Paris,  vingt  sols; 

«   y»  Pour  chacun  poinçon  de  marchand  de  bois,  trois  sols; 

«  10"^  Pour  chacun  poinçon  de  charbon  de  pierre  ou  de  terre, 
»  trois  sols , 

«   11°  Pour  chacun  poinçon  de  cendre  commune,  six  sols; 

«  12'^  Par  chacun  poinçon  de  cendres  appelées  gravelées, 
«    trois  livres; 

a  13"  Pour  chacun  cent  pesant  de  chanvre,  fil,  lamés, 
a  étoffes,  toiles  et  généralement  toute  sorte  de  marchandises 
«  et  de  denrées  non  spécifiées,  huit  sols  ; 


198  LE    MAEQUISAT    DE    PLANCY 

«   14"^  Pour  chacun  ceul  pesaul  de  pierres,  vingt  sols  ; 

a  lî)"  Pour  chacun  cent  de  carpes,  truites,  brochets  et 
«  autres  poissons,  huit  hvres; 

«  A  l'ouverture  de  chaque  porte  d'écluse,  pertuis  ou  vanne, 
«  il  sera  payé  un  sol  par  toise  de  chaque  bateau,  bascule  ou 
<i  boutique  à  poisson,  échiseau,  train  ou  bresle  de  boii,  les- 
<i  quels  péages  et  le  sol  cy-dessus  seront  payés  par  les  mar- 
((  chands  à  qui  les  marchandises  appartiendront. 

«  Fait  Sa  Majesté  deffeuces  à  toutes  personnes,  sous  quelque 
«  prétexte  que  ce  soit,  de  débarrer  les  susdites  écluses,  pertuis, 
a  portes  ou  vannes  et  de  se  soustraire  au  payement  desdits 
«  droits,  à  peine  d'amende. 

«  Autorise  Ba  Majesté  les  fermiers  ou  receveurs  desdits 
«  droits  à  refuser  l'ouverture  desdites  vannes,  écluses,  portes 
«  ou  pertuis  à  ceux  qui  ne  les  acquitteront  pas  avant  ladite 
•i  ouverture  et  conformément  au  tarif. 

«  Ordonne,  en  outre,  Sa  Majesté  que  ladite  navigation  de 
«  l'Aube  à  Plancy  jouira  des  mêmes  prérogatives  que  celle 
(I  d'Anglure  au  sujet  des  grains  et  autres  marchandises 
«  chargées  pour  les  hôpitaux,  et  eu  conséquence  que  l'arrêt 
Il  rendu  contradicloirement  entre  le  seigneur  d'Anglure,  d'une 
«  part,  et  les  administrateurs  des  hôpitaux  de  Paris,  d'autre 
«  part,  le  22  décembre  1761,  qui  assujettit  les  grains  et  toutes 
(I  autres  marchandises  indistinctement,  destinées  pour  les 
«  hôpitaux  de  ladite  ville,  au  payement  des  droits  de  péage 
«  audit  Anglure,  sera  commun  pour  le  péage  de  la  vanne  de 
«  Plancy. 

«  Ledit  arrêt  publié  et  affiché  par  ordonnance  de  Mgr  l'In- 
«  tendant  de  Champagne,  du  13  juillet  1781.  » 

A  l'origine  de  cette  navigation,  un  bureau  fut  établi  sur  les 
bords  du  nouveau  canal  pour  percevoir  les  droits  affectés  à  son 
entretien.  Ce  bureau  était  installé  dans  la  maison  qui  subsiste 
encore  sous  le  nom  de  Maison  Bailly.  En  1793,  on  voyait 
encore  au-devant  de  cette  maison,  sur  la  rive  du  canal,  un 
petit  enfoncement  où  les  bateaux  se  trouvaient  à  l'abri  du 
courant  pendfint  la  perception  des  droits.  Guénégaud  avait 
confié  la  conduite  de  ses  atTaires  à  un  ecclésiastique  nommé 
Lenfant,  qui  lui  servait  en  même  temps  de  chapelain  et  qu'il 
avait  chargé  de  la  perception  du  nouveau  péage.  Mais  au  bout 
de  quelques  années,  Guénégaud  afferma  le  droit  de  péage  avec 
le  moulin,  et,  depuis  lors,  le  meunier  resta  toujours  chargé 
des  deux  objets. 


sous    LES   GUÉNÉGAUD  199 

L'abbé  Lenfaut,  resté  régisseur  de  la  terre,  garda  son  habi- 
tation dans  la  maison  Bailly,  et  Guénégaud  ayant,  plus  lard, 
{Dris  un  chapelain  particulier  pour  régir  sa  conscience,  le  logea 
avec  son  confrère.  Ces  abbés  transformèrent  bientôt  en  potager 
les  terrains  environnant  leur  demeure,  et  jusqu'aux  levées  et 
chaussées  du  canal,  dont  il  n'existait  plus  aucun  vestige  en 
l'an  1793,  bien  qu'elles  fussent  déterminées  par  les  lettres- 
patentes  de  107G. 

Guénégaud  s'occupa  également  de  faire  reconstruire  et 
agrandir  la  halle  de  Plancy.  Cette  halle  avait  une  grande  im- 
portance pour  la  ville,  eu  ce  que  c'est  là  que  la  plupart  des 
contrats  étaient  passés,  que  les  publications  ou  criées  se 
faisaient,  que  les  affiches  étaient  apposées,  que  se  recouvraient 
les  droits  de  halage,  de  mesurage,  de  minage,  d'étalonnage,  de 
boucherie  ;  ces  derniers  consistant  à  tuer  et  à  vendre  la  viande 
sous  la  halle.  C'était  là  aussi  qu'était  établi  l'auditoire  de  la 
justice  du  seigneur. 

Aussi  nous  a-t-il  paru  curieux  de  reproduire  l'acte  d'acquisi- 
tion ci-dessous  de  douze  carreaux  de  terre  attenant  à  la  halle  : 

«  A  tous  ceux  qui  ces  présentes  lettres  verront,  Pantaléon 
«  Bruche,  écuyer,  licencié  es  loix,  avocat  en  Parlement,  bailli 
a  de  Plancy  et  garde  des  sceaux  au  contrat  de  la  baronuie 
Il  dudit  Plancy  pour  haut  et  puissant  seigneur  messire  Henry 
«  de  Guénégaud,  chevalier,  seigneur  marquis  de  Plancy, 
«  baron  de  Saint- Just,  Plessis-Belleville,  Fresne,  vicomte  de 
«  Semoine,  Longueville,  Etrelle  et  autres  lieux,  conseiller  du 
fl  Roy  eu  tous  ses  conseils,  secrétaire  d'Etat  et  des  comman- 
«  déments  de  Sa  Majesté,  commandant  et  garde  des  sceaux  des 
«  ordres  de  Saint-Michel  et  du  Saint-Esprit,  salut!  Scavoir 
«  faisons  que  par  devant  maître  Claude  Courgeut  et  maître 
(I  Pierre  Haunier,  clercs,  notaires  jurés,  établis  en  ladite  ba- 
«  ronnie  de  par  mondit  seigneur,  fut  présent  en  sa  personne 
«  messire  Claude  Oudiuet,  prèlre,  curé  de  Saint-Liés,  Panis 
«  et  Pavillon,  ses  secours  étant  audit  lieu  de  Plancy,  lequel 
«  a  reconnu  et  confessé  que,  pour  contribuer  au  dessein  que 
«  Mgr  le  marquis  de  Plancy  a  eu  de  faire  construire  une  halle 
«  audit  bourg  de  Plancy,  plus  grande  et  plus  spacieusejque 
«  celle  qui  y  étoit  lors  de  l'incendie  arrivé  audit  lieu  au  mois 
«  de  décembre  iGbO,  qui  fut  consommée  par  le  feu,  il  auroit 
«  volontairement  offert  audit  seigneur  une  place  qui  joiguoit 
«  ladite  halle  et  qui  n'étoit  séparée  d'icelle  que  par  un  pelit 
I  espace  de  terre  qui  servoit  à  faire  écouler  les  eaux  de  la 
«  halle,  etc.. 


2UU  LE    MARQUISAT    DE    PLANCY 

tt  Fait  el  passé  au  château  dudit  Plancy,  le  23''  jour  du  mois 
Il   de  novembre  16.'i8,  avaut  midy.  » 

Les  occupalious  politiques  de  Guénégaud  ne  lui  permettant 
pas,  toutefois,  de  régir  directement  ses  biens  et  les  droits  qui 
s'y  rattachaient,  malgré  qu'il  vint  cependant  souvent  à  Plancy, 
ainsi  que  de  nombreux  baux  le  montrent,  et  eu  particulier  un 
bail  dans  lequel  il  précise  que  les  fermiers  devront  entretenir 
le  jardin  et  le  fournir  des  herbages  nécessaires  pour  la  maison 
dudit  seigneur  et  de  maiame  son  épouse  et  de  leurs  gens,  il  se 
décida  à  affermer  les  terres  et  les  revenus  de  la  terre,  qui 
depuis  restèrent  loués  sous  tous  ses  successeurs  jusqu'à  la 
révolution  de  179o. 

Ces  baux  nous  le  font  voir  résidant  aussi  à  Paris,  d'abord, 
notamment  eu  1666,  dans  son  hôtel,  sis  sur  le  quai  de  la  Porte 
de  Nesle,  paroisse  Saint-André  ;  puis,  à  la  fin  de  sa  vie,  dans 
son  hôtel  du  quai  Malaquais,  paroisse  Saint -Sulpice,  ([u'il 
s'était  fait  construire  par  Mansart. 

Les  uns  concernent  le  loyer  des  garennes  de  la  Perthe,  sous 
la  condition,  entre  autres  redevances,  de  fournir  à  M.  de  Gué- 
négaud quatre  douzaines  de  lapins  par  au,  en  son  hôtel,  à 
Paris. 

Les  autres,  concernant  le  péage  et  les  moulins,  montrent 
les  grands  soins  que  l'on  avait  de  la  rivière  de  l'Aube  et  la 
précaution  qu'on  prenait  d'eu  débarrasser  le  lit  de  la  moindre 
herbe.  Certains  d'entre  eui ,  se  rapportant  à  la  location  du  droit 
de  halage,  qui  demeura  affermé  jusqu'à  la  Piévolulion,  portent 
les  dates  de  1606,  1719,  etc.. 

Un  bail  de  1658  nous  apprend  qu'à  celte  date  le  fondé  de 
pouvoirs  de  M.  de  Guénégaud,  à  Plancy,  était  messire  Anthoine 
Rivet,  prêtre. 

Deux  autres  baux  portent  que  «  les  preneurs  seront  tenus 
«  de  faire  instruire  à  leurs  frais  et  dépens  les  procès  criminels 
Il  et  cas  civils,  jusqu'à  sentence  définitive  du  juge  du  lieu,  et 
Il  nourrir  les  prisonniers  qui  seront  ès-i)risons  dudit  Plancy 
«  pour  crimes,  e(c...  » 

Le  9  novembre  1645,  dame  Elisabeth  de  Choiseul,  épouse 
de  messire  Ilenty  de  Guénégaud,  baron  de  Saiut-Just,  Lou- 
gueville,  etc.,  loue  au  nom  et  «  comme  fondée  de  la  procu- 
«  ration  de  sou  mari,  à  Robert  Rerthier,  marchand,  demeu- 
II  rant  aux  Grèves,  paroisse  de  Bagneux,  le  revenu  de  la  terre 
Cl,  (le  Longueville,  consistant  en  maison  seigneuriale,  enclose 
«  de  fossés,  et  les  circonstances  el  dépendances,  terres  labou- 


sous    LES    aUÉNÉGAUD  201 

«  rables,  prés,  cens,  routes,  rivières,  droits  de  lods  et  ventes 
«  de  terie  eu  roture,  frauclies  et  ceusuelles,  deffauts  et 
«  amendes,  greffe,  tabeliionnage,  rouage,  péage,  coutumes  et 
«  travers,  garenne,  le  moulin  à  veni,  la  vigne  dite  de  Pre- 
«  mierfail,  le  droit  de  chasse  de  canards,  alouettes  et  cailles, 
t  et  autres  gibiers  non  défendus,  la  coupe  des  émondes  des 
«  saules  et  peupliers,  avec  les  bois  de  la  garenne,  à  la  réserve 
Il  des  bordages,  si  aucun  il  y  a,  comme  aussi  du  fief  du 
«  Mesuil-les-Granges  sur  Aube,  de  Froide -Paroix  et  Hacque- 
«  ville,  sis  à  Boulage,  sans  eu  rien  excepter  ni  réserver,  et  de 
«  la  vicomte  de  Semoine,  avec  moulins  à  eau  et  à  vent,  et 
«  tous  les  droits  dépendant  de  la  vicomte,  pendant  cinq 
«  années.  » 

Le  20  juillet  1C80,  le  fils  d'Henri  de  Guénégaud  louait  à 
Jacques  Guéret,  seigneur  du  Breuil,  le  château  et  maison  sei- 
gneuriale de  Longueville,  avec  l'enclos,  consistant  en  cinq 
arpents  d'héritages  ou  environ,  avec  le  greffe  et  la  ferme  des 
deffauts  et  amendes  de  la  seigneurie  de  Longueville,  pour  une 
année. 

L'ancien  château  de  Longueville  n'existait  plus  en  1776, 
car  à  cette  époque  remonte  un  bail  par  lequel  M.  Godard 
d'Aucour  louait  «  l'emplacement  du  château,  non  compris, 
«  toutefois,  les  pierres  dures  ou  tendres  qui  peuvent  encore 
a  être  sur  l'emplacement  dudit  château  ou  dans  les  fonda- 
«  lions.  » 

Dans  un  bail  de  1649,  Henri  de  Guénégaud,  à  ses  qualifica- 
tions habituelles,  ajoute  celle  de  seigneur  de  Jailly,  la  Garnache 
et  Beauvoir-sur-Mer. 

Parmi  les  titres  de  propriété  relatifs  à  des  pièces  de  prés, 
appelées  Pâtures-Douces,  se  trouvent  deux  actes  intérsssants 
en  raison  des  personnages  avec  lesquels  ils  furent  conclus. 

Le  premier,  qui  nous  apprend  les  noms  des  chanoines  de 
Saint-Laurent  à  une  époque  ancienne,  est  ainsi  conçu  : 

(.(  Le  21  mars  1648,  avant  midj,  par  devant  les  notaires  au 
«  baillage  de  Plancy,  ont  comparu  haut  et  puissant  seigneur 
«  Claude  de  la  Croix,  chevalier,  baron  de  Plancy,  d'une  part, 
(I  et  messire  Charles  Ricard,  prêtre  et  chanoine  de  l'église 
«  Saint-Laurent,  fondée  au  châlel  de  Plancy,  messire  Claude 
«  Mailler,  messire  Jean  Moret,  messire  Nicolas  Lenfanl,  mes- 
(1  sire  Rémy  de  Choiselat,  bailly  de  Plancy,  soy  faisant  et 
«  portant  fort  pour  messire  Choiselat,  d'autre  part,  tous  cha- 
«  noiues  de  ladite  église  Saint-Laurent,  lesquelles  parties  ont 


202  LE    MARQUISAT    DE    PLANCY 

Il  reconnu  avoir  fait  l'échange  qui  suit  :  savoir  que  ledit  sei- 
«  gneur  baron  de  Plancy  a  donné  à  jouir  dès  à  présent  et  à 
«  toujours  à  l'avenir  auxdits  chanoines,  ce  acceptant,  six 
«  arpeus  de  prés,  fermés  de  fossés,  sur  lesquels  fossés  il  y  a 
«  de  petits  arbres  popelins,  assis  en  la  prairie  dudil  Plancy, 
«  vulgairement  appelée  le  Pré  de  la  Corvée...  et  pour  contre 
«  échange  lesdils  chanoines  ont  donné  k  jouir  au  seigneur 
«  baron  de  Plancy,  ce  acceptant,  d'une  pièce  de  pré -appelée  le 
«  Pré  de  Droupt,  assis  en  la  prairie  de  Saint-Vilre  ..  » 

Le  second  porte  que  le  «  2^°  jour  du  rnoi.-3  de  mars,  avant 
'(  midy,  de  l'an  1637,  sous  la  halle  de  Plancy,  par  devant  les 
«  notaires  en  la  baronnie  de  Plancy,  à  l'assemblée  tenue 
Il  par  les  habilans,  furent  préseuls  messire  Antoine  Morel, 
«  lieutenant  au  bailliage  de  Plancy,  maître  Paul  Deguerrois, 
«  procureur  fiscal  en  ladite  baronnie,  elc... 

Il  Lesquels  habilans  ont  reconnu  avoir  vendu  dès  mainte- 
«  nant  et  à  toujours  à  honoré  seigneur,  Alexandre  Scipion 
«  d'Arnoult,  seigneur  de  Fleury,  chevalier,  gentilhomme 
«  ordinaire  de  monseigneur  le  duc  d'Angoulème,  demeurant  à 
«  l'Hermitle,  paroisse  des  Essarts,  prèsSézaune,  à  ce  présent, 
Il  deux  tiers  de  toutes  les  pâtures,  laut  de  la  Pâture-Douce 
Il  que  d'autres,  sises  en  la  prairie  de  Saint-Vitre...;  celte 
«  vente  faite  franc  et  quitte,  excepté  verls  et  déverts  quand  il 
«  échet,  et  moyennant  le  prix  et  somme  de  neuf  mille  livres 
«  en  principal,  que  lesdils  vendeurs  ont  confessé  avoir  reçu 
«  dudit  seigneur  acquéreur,  et  dont  laquelle  somme  ont  dit 
«  être  pour  être  employée,  tant  au  payement  des  tailles  et 
fl  contributions  ([ui  leur  sont  demandées  et  envoyées  par 
«  MM.  les  élus  de  Troyes,  pour  subsistance  du  régiment  de 
«  Navarre,  logé  en  garnison  audit  Troyes,  que  pour  autres 
«  tailles  et  réparations  de  leurs  ponts  et  murailles  du  bourg 
«  dudil  Plancy,  etc..  » 

On  ne  peut  s'empêcher  d'être  frappé  du  nombre  de  personnes 
notables  qui  avaient  des  biens  k  Plancy,  antérieurement  à  l'an 
1700.  Ainsi,  en  1650,  Guénégaud  achetait  des  prés  à  honorable 
homme  Isaac  d'Allemaigne,  maître  chirurgien,  demeurant  à 
Saint-Germain-des-Prés,  rue  de  Seine. 

En  outre,  il  résulte  des  lettres -patentes  rendues  à  la  suite 
de  réclamations  de  pâtures  asagères  par  la  commune  de 
Plancy,  que  le  comte  et  la  comtesse  de  Bélhune  possédaient 
certaines  de  ces  pâtures  et  cédèrent  leurs  droits  sur  ces  pro- 
priétés à  Henri  de  Guénégaud,  avant  1607. 

D'aulre  part,  ainsi  qu'il  résulte  d'une  déclaration  du  S  avril 


sous    LES   GUÉNÉGAUD  203 

1078,  les  habilanls  de  Plancy  avaient  engagé  une  partie  de 
prés  proche  la  jN'oue-Meunière,  faisant  partie  de  p;Uures  com- 
munes à  Plancy,  Charuy  et  le  Bachot,  contenant  dix  arpens  et 
appelée  Pâture  de  La  Grange,  «  au  nommé  François  de  Mathieu, 
«  écuyer,  sieur  de  La  Grange,  lieutenant  de  cavalerie  au  régi- 
«  ment  de  Grandmont,  moyennant  une  somme  de  4Go  livres 
«  empruntée  à  messire  de  Larron  de  Guinereaux,  capitaine  au 
B  même  régiment,  duquel  ledit  sieur  de  La  Grange  avait  les 
«  droits  cédés  par  obligation.  » 

Ces  pâtures  ne  cessèrent  guère  de  donner  lieu,  tant  du  temps 
d'Henri  de  Guénégaud  et  de  sou  fils,  que  de  leurs  successeurs, 
à  des  réclamations  dont  nous  entretiendrons  subséquemment 
le  lecteur.  Lans  une  requête  au  roi,  Henri  de  Guéoégaud  se 
plaignait  des  difficultés  qui  lui  étaient  faites  malgré  qu'il  eût 
acquis  le  marquisat  de  Plancy  par  acte  solennel  fait  au  Parle- 
ment, et  le  roi  lui  ordonnait  «  de  mettre  l'instance  en  élat  d'être 
«  jugée  par  devant  M.  de  Caumarlin,  commissaire  départy  en 
Il   Champaigne.  » 

Quant  à  «  Messire  Heury  de  Guénégaud  de  Cazillac,  cheva- 
lier, marquis  de  Plancy,  fils  aîné  et  légataire  universel  de 
defîunt  M'''  Henry  de  Guénégaud,  conseiller  du  Roy  en  ses 
conseils  9,  il  adressait  une  «  requête  à  monseigneur  de  Miro- 
«  ménil,  maître  des  requêtes  ordinaire  de  l'hôtel  du  Roy  et 
«  intendant  de  justice,  police  et  finances  pour  Sa  Majesté  en 
«  la  généralité  de  Châlons,  au  sujet  de  prés  aliénés  par  les 
«  habitants  de  Plancy  en  1  obîi,  et  dont  les  seigneurs  de  Plancy 
«  ont  toujours  rendu  leurs  aveux  au  Roy  en  lb49  et  1G21, 
«  notamment  entre  autres  un  pré  de  douze  arpeus  appelé 
«  Carrons,  désigné  dans  les  anciens  titres  sous  l'appellation 
«  de  pra(a  vacantia  sive  prata  carentia  domino.  » 

Un  acte  de  lGt)7,  passé  devant  Claude  Lefebvre,  seigneur 
d'Armilly,  conseiller  du  roi-général  en  sa  cour  des  Monnaies 
et  garde  des  sceaux  royaux  aux  contrats  des  bailliages  et  châ- 
tellenies  de  Pout-sur-Seine,  montre  Henri  de  Guénégaud  sti- 
pulant en  son  absence  par  son  receveur,  Paul  Pajot,  seigneur 
d'Isles  et  de  la  Cour. 

Un  autre  acte  de  la  même  année  désigne  Jean  Richomme, 
praticien  au  bailliage  de  Plancy,  comme  agent  pour  monsei- 
gneur le  marijuis  dudit  lieu. 

(A  suivre.)  Baron  G.  de  Plancy. 


NECROLOGIE 


Lks  restes  de  l'explorateur  Ernest  Millot.  —  Le  4  février, 
une  imposante  cérémonie,  qui  était  en  même  temps  une  louchante 
manifestation  de  sj'mpatliies  en  faveur  d'une  honorable  famille 
du  pays,  avait  lieu  à  Aix-en-Othe  (Aube).  Voici  k  quelle  occasion  : 

On  sait  que  l'explorateur  Ernest  Millot,  chevalier  de  la  Légion 
d'honneur,  second  de  Jean  Dupuis  dans  l'expédition  du  Fleuve- 
Rouge  en  1873,  est  mort  subitement  à  Ben-Thuy  (Annam},  le 
29  mai  1891.  il  s'agissait  de  rinhumation  de  ses  restes,  qui 
viennent  d'être  ramenés  en  France  par  le  Chandernagor,  trans- 
port des  Messageries  maritimes,  et  cette  cérémonie  avait  attiré, 
malgré  les  rigueurs  de  la  saison,  une  très  nombreuse  assistance. 

M""  Hermance  Millot,  qui  survit  seule  aujourd'hui  à  sa  famille, 
suivait  le  char  funèbre,  où  le  cercueil,  en  bois  de  fer,  disparaissait 
sous  les  Heurs  et  les  couronnes.  Les  décorations,  médailles  et 
insignes  du  défunt  étaient  portés  sur  un  coussin,  tandis  que 
d'autres  grandes  couronnes  étaient  portées  à  la  main  devant  le 
char. 

Le  deuil  était  conduit  par  M.  Arsène  Thévenot,  membre  de  la 
Société  des  gens  de  lettres,  cousin-germain  du  défunt. 

L'explorateur  Jean  Dupuis,  retenu  en  Algérie  par  sa  santé, 
n'avait  pu  accompagner  les  restes  de  son  ami. 

La  musique  municipale  d'Aix-en-Othe  précédait  le  cortège  en 
jouant  une  marche  funèbre;  elle  était  accompagnée  par  l'Orphéon 
portant  également  sa  bannière  crêpée  de  deuil. 

Devant  le  caveau  de  famille  où  a  eu  lieu  l'inhumation,  M.  Cou- 
drol,  juge  de  paix,  s'est  fait  l'éloquent  interprète  des  sentiments 
de  toute  la  population  en  rendant  un  juste  tribut  d'hommages  et 
de  regrets  à  la  mémoire  du  défunt,  dont  il  a  retracé  la  vie  si 
active  et  si  utilement  remplie,  en  infatigable  pionnier  de  la  civi- 
lisation et  du  progrès. 

L'hommage  suprême  d'estime  et  de  respect  qui  nous  réunit  aujourd'hui 
autour  de  la  dépouille  mortelle  de  M.  Ernest  Millot,  décédé  dans  l'Annam, 
depuis  bientôt  quatie  ans,  a  certainement,  aux  yeux  des  nombreux  amis  de 
la  l'amille,  le  caractère  d'une  dette  de  cœur  que,  non  seulement  les  compa- 
triotes du  regretté  défunt  étaient  désireux  de  payer  à  sa  mémoire^  mais 
encore  tous  ceux  qui  s'inléressent  à  l'expansion  de  notre  génie  national,  en 
dehors  des  limites  étroites  de  la  mère-patrie.  Cette  dette  sacrée,  nous  qui 
avons  connu  Krnest  Millot,  nous  ses  amis  et  ses  compatriotes  pour  qui  son 
affection  ne  s'est  jamais  démentie,  nous  sommes  heureux  et  fiers  de  venir 
l'acquitter    au    nom    de    tous,    en   adressant  un   chaleureux,  témoignage  de 


NÉCROLOGIE  205 

patriotique  sympathie  à  ce  vaillant  eofaut  de  la  France  qui  est  tombé 
là-bas,  sur  cette  terre  mainteoant  française  oii,  l'un  des  premiers,  il  a  eu 
l'honneur  d'arborer  le  drapeau  de  notre  patrie. 

Le  cadre  nécessairement  restreint  d'un  éloge  funèbre  nous  oblige  de  con- 
denser en  quelques  lignes  les  détails  émouvants  de  cette  existence  tout 
entière  vouée  à  l'action  €t  à  la  lutte.  Tempérament  d'initiative,  prompt 
dans  ses  décisions,  doué  d'une  volonté  et  d'une  énergie  à  toute  épreuve, 
et  avec  cela  d'une  bonne  humeur  inépuisable  et  vraiment  française,  Ernest 
Millot  s'est  senti  nat'irellement  porté  vers  d'audacieuses  entreprises  qui 
auraient  etTrayé  des  hommes  moins  bien  trempés  que  lui.  Commerce, 
inlustrie,  explorations  lointaines,  diplomatie,  administration,  sciences  tt 
études  géographiques,  il  a  tout  abordé  avec  son  ardeur  native,  et,  en  toute 
circonstance,  son  esprit  de  suite,  sa  persévérance,  sa  profonde  connaissance 
des  hommes,  l'ont  conduit  à  des  résultats  inespérés.  Il  est  de  notre  devoir. 
Messieurs,  de  prononcer  ici  un  nom,  le  nom  de  Jean  Dupuis,  et  de  le  saluer 
avec  tout  le  respect  et  la  sympathie  qu'on  doit  à  l'honnêteté,  au  désintéres- 
sement, au  labeur  noblement  accompli. 

Tout  à  l'heure.  Messieurs,  je  m'efforcerai  de  vous  parler,  autant  qu'il  me 
sera  permis,  de  l'œuvre  dont  M.  Millot  a  poursuivi  la  réalisation,  mais  avant 
tout,  il  importe  à  la  stricte  justice  de  mettre  en  relief  la  physionomie  virile 
de  celui  qui  a  été  le  véritable  initiateur  de  celte  oeuvre  dont  les  conséquences 
eussent  pu  être  si  fécondes  en  heureux  résultats  pour  la  France.  M.  Jean 
Dupuis,  l'explorateur  bien  connu,  cet  homme  aux  vues  largement  patrio- 
tiques, avait  sa  discerner  dans  M.  Millot  les  aptitudes  particulières  qu'exi- 
geait l'exécution  de  ses  hardis  desseins.  Aussi  se  l'associa-t-il  dans  cette 
entreprise  véritablement  prodigieuse  de  la  conquête  pacifique  du  Tonkin 
qui,  selon  lui,  devait  avoir  pour  conséquence  immédiate  l'épanouissement 
dans  ces  contrées  de  notre  prospérité  commerciale  et  industrielle  et  de  notre 
génie  national.  Dupuis  et  Millot,  ces  noms  resteront  indissolublement  unis. 
Ils  resteront  unis,  nous  l'espérons,  dans  le  jugement  impartial  de  l'équitable 
avenir. 

Ernest  Millot  naquit  à  Aix-en-Ollie,  le  26  juillet  1836;  il  était  le  lils 
cadet  de  celle  honorable  famille  si  connue  dans  notre  région  par  la  bien- 
faisance et  le  dévouement  de  ses  membres.  Après  avoir  fait  ses  études  au 
lycée  de  Troyes,  il  embrasse  la  carrière  commerciale  et  débute  à  Troyes 
dans  une  maison  de  bonneterie.  Le  champ  forcément  limité  où  lo  confinait 
ce  genre  d'industrie,  ne  put  convenir  longtemps  aux  élans  de  son  esprit 
entreprenant  et  avide  d'activité.  Dès  qu'il  eut  acquis  la  pratique  des  affaires 
commerciales,  M.  Millot  forme  le  projet  de  se  livrer  au  commerce  d'expor  ■ 
talion,  et  quitte  la  France  eu  1804,  pour  aller  se  fixer  à  Sang-Ha'i,  ville 
chinoise  de  la  province  de  Kang-Son  ;  là,  il  ouvre,  au  mois  de  janvier  1863, 
un  comptoir  pour  l'importation  de  nos  produits,  et  l'exportation  des  divers 
produits  chinois.  Son  installation  dans  la  concession  française  de  Sang-IIa'i 
iut  féconde  en  heureuses  conséquences  pour  la  colonie  ;  la  maison  Millot 
et  C''  acquiert  bientôt,  sous  l'active  impulsion  de  son  fondateur,  une 
importance  considérable;  M.  Millot  se  recommande  à  ses  concitoyen,s  par 
son  expérience  des  affaires,  sa  grande  loyauté,  son  esprit  d'équité,  et, 
comme  gage  de  leur  estime,  reçoit  b  enlôl  d'eux  le  mandat  de  conseiller 
municipal,  puis  de  président  du  conseil  d'administration,  ou  maire  de  la 
concession  française  de  cette  grande  ville  industrielle.  M.  Millot  occupa 
ces  fonctions  pendant  quinze  ans,  et,  psndant  ce  long  laps  de  temps,  il  ne 
cessa  de  se  consacrer  tout  entier  à  la   prospérité,  à  la  sage  aduiinistralioa 


206  MÉCROLOGIE 

de  la  colonie.  Ses  bervices,  à  ce  point  de  vue,  furent  remarqués  par  le 
GouvernemenL  de  la  iMétropole;  à  la  date  du  12  juillet  1880,  M.  Ernest 
Millet  reçut  la  croix  de  la  Légion  d'honneur  «  pour  services  rendus  à  la 
France  et  à  la  colonie  ». 

Ce  n'était  là,  Messieurs,  que  la  première  étape,  en  Exliême-Orient,  de 
notre  infatigable  compatriote.  Loin  de  nous  la  pensée  de  vouloir  grandir,  au 
vain  éclat  de  louanges  posthumes,  la  proportion  des  acteurs  qui  vont  entier 
en  scène.  Les  faits  |  arleut  ici  plus  éloquemment  que  tous  les  discours,  et 
nous  louchons  aux  événements  les  plus  extraordinaires  de  cette  vie  toute 
vibrante  d'activité.  M.  Ernest  Millot  accompagne  "M.  Jean  Dupuis,  en 
qualité  de  second,  dans  celte  merveilleuse  expédition,  à  travers  le  Tonkin, 
par  la  voie  du  Song-Koï,  ou  Fleuve  Rouge.  Jean  Dupuis  organise  à  ses 
frais  une  véritable  tlotlille,  composée  de  deux  canonnières,  montées  en 
trois  mais,  et  trois  autres  navires  d'un  plus  faible  tirant  d'eau;  vingt- 
cinq  Européens  et  cent  vingt-cinq  Asiatiques  forment  les  équipages  de 
ces  navires.  Tout  le  monde  a  encore  présentes  à  la  mémoire  les  phases 
mouvementées  de  celle  audacieuse  et  intéressante  entreprise.  Que  de 
péripéties  dans  celte  tentative  véritablement  héroïque!  Il  ne  faut  pas 
oublier,  pour  apprécier  à  sa  juste  valeur  la  courageuse  initiative  de  ces 
explorateurs,  qu'ils  avaient  contre  eux,  à  côté  de  difficultés  matérielles 
sans  nombre,  l'hostilité  sournoise  des  mandarins  annamites  qui,  à  cette 
époque  encore,  écrasaient  de  leur  tyrannie  et  de  leurs  exactions  la  popula- 
tion douce  et  paisible  du  Tonkin.  En  quelques  mois  ces  difficultés  sont  vail- 
lamment surmontées,  la  cauteleuse  résistance  des  mandarins  échoue  devant 
la  décision,  servie  au  besoin  par  la  force,  des  deux  intrépides  chefs  de 
l'expédition.  Les  places  fortes  et  les  citadelles  qui  bordent  le  Fleuve 
Rouge,  tombent  en  leur  pouvoir,  les  populalions  autochtones  saluent  en 
eux  des  libérateurs  et  sont  prêtes,  à  leur  signal,  à  secouer  le  joug  dégr..dant 
qui  les  opprime  pour  reconquérir  leur  ancienne  autonomie.  Cela  ne  vous 
rappelle-l-il  pas,  Messieurs,  les  exploits  de  ces  anciens  capitaines  qui 
prenaient  des  terres  inconnues  au  vol  capricieux  de  leurs  agiles  caravelles? 

Voilà,  en  quelques  traits  rapides,  l'œuvre  accomplie  par  MM.  Dupuis  et 
Millot.  Ce  qu'il  importe  de  proclamer  ici  bien  haut,  c'est  que  tous  deux 
n'ont  eu  jamais  au  cœur  d'autre  souci,  d'autre  pensée  que  la  gloire  et  la 
grandeur  de  la  France.  Des  avantages  considérables  leur  ont  été  pro- 
posés par  des  étrangers  pour  mener  à  bonne  fin  leur  expédition  qui  pro- 
mettait les  plus  beaux  succès  matériels,  mais  toujours  leur  patriotisme 
opposa  un  refus  indigné  à  des  otTres  qui  auraient  pu  compromettre 
l'avenir  colonial  de  la  France  dans  cette  région  de  l'Asie.  Et,  Messieurs, 
permettez-moi  de  terminer  ce  court  récit  par  ces  lignes  éloquentes  de 
M.  Millot  dans  son  intéressant  ouvrage  sur  le  Tonkin;  elles  vous  feront 
saisir,  mieux  que  je  ne  saurais  le  faire,  la  haute  et  patriotique  inspiration 
qui  a  présidé  à  leurs  durs  labeurs  : 

«  Chaque  fois,  dit  ^L  Millot,  que  Jean  Dupuis  et  moi,  nous  remettons 
«  le  pied  sur  cette  terre  à  laquelle  nous  attachent  tant  de  souvenirs  et  qui 
«  est  pour  nou.s  noire  seconde  patrie,  nous  ressentons  une  émotion  profonde, 
«  excitée  par  la  mémoire  ravivée  du  beau  rêve  que  nous  y  fîmes  jadis,  et 
«  dont  nous  avions  pu  croire  alors  la  réalisation  si  proche  pour  la  gloire  et 
«  la  prospérité  de  la  France  1  » 

Je  m'arrête  sur  ces  lignes,  Messieurs,  elles  fout  le  plus  grand  honneur  à 
celui  qui  les  a  écrites;  elles  donnent  aussi  la  noie  précise  et  caractéristique 
des  sentiments    et   des  aspirations   qui  guidaient,    avant  tout  et  par-dessus 


NlicKOLOtilE  207 

toul,  M.\J.  Dupuis  el  NJillol  dans  les  enlieprises  l'^iulaiiics  où  ils  ont 
prodigué  sans  compter  leur  énergie  et  leur  fortune  ! 

A  la  suite  de  celle  périlleuse  expédition,  M.  Millot  revint  en  France  un  il 
eut  la  faiisfaclion  de  recueillir  de  la  part  des  hautes  personnalilés,  dans  les 
sciences  el  dans  le  gouvernement,  l'éloge  justement  dû  à  son  mérile  ;  il  l'ut 
accueilli  par  de  nombreuses  Sociélés  savantes  qui  tinrent  à  honneur  de  le 
compter  parmi  leurs  membres,  uotammeul  par  la  Société  de  géographie  où 
il  fut  admis  le  7  mai  1880.  M.  Millot  profila  de  sou  séjour  en  France  pour 
lépandre,  parlout  où  sa  parole  put  se  faire  entendre,  les  renseignements  qu'il 
avait  élé  à  même  de  réunir  s.r  le  bassin  du  Fleuve  Rouge,  qu'il  considérai', 
comme  une  terre  prédestinée,  par  ses  produit:  de  loules  sorles  el  ses  richesses 
naturelles,  à  notre  colonisation. 

M.  Millot  reparlil  pour  le  Tonkin  el  l'Aunam  eu  188J;  il  ne  devait  plus, 
hélas!  revoir  celle  terre  française  qui  lui  était  si  chère,  ni  ceux  pour  lesquels 
son  cœur  brûlait  de  la  plus  tendre  alfectiou.  Une  mort  foudroyante  le  lerrassa 
le  29  mai  1891,  au  milieu  des  travaux  qu'il  avait  entrepris  à  Beu-Tliuy, 
dans  l'Annam,  pour  la  création  d'exploitations  forestières. 

Vous  savez  tous,  Messieurs,  quel  dévouement  à  toute  épreuve,  quel 
fraternel  amour  unissait  les  membres  de  la  famille  Millot.  M.  Jules 
Millot,  quoique  plus  âgé  que  son  frère  Ernest,  eut  lu  douleur  de  lui 
survivre,  mais  vous  savez  aussi  par  quelle  touchante  démarche  se  traduisit 
sou  affection  pour  ce  frère  bien-aimé.  Les  restes  mortels  des  trois  frères 
Millot  vont,  selon  leurs  vœux  les  plus  chers,  se  trouver  réunis  désormais 
dans  la  même  tombe,  à  côté  de  leurs  père  el  mère;  c'est  grâce,  mademoiselle, 
à  votre  zèle  pieux,  pour  la  mémoire  des  vôtres,  que  ce  vœu  sacré  a  été  réa- 
lisé! Si  nous  ne  connaissions  votre  cœur,  et  la  force  de  son  attachement 
pour  les  disparus,  nous  pourrions  plaindre  votre  destinée  qui  vous  laisse 
seuk,  à  côté  de  leur  tombe,  pour  veiller  sur  leurs  cendres  vénérées  ;  mais 
non,  votre  respect,  grandi  par  l'élévation  de  vos  sentiments,  doit  se 
manifester  d'une  autre  façon;  nous  ne  devons  considérer  que  la  touchante 
mission  que  vous  vous  êtes  imposée,  pour  nous  incliner  respectueusement, 
el  devant  ceux  qui  reposent  ici,  et  devant  la  gardienne  jalouse  de  leur 
mémoire,  la  sœur  tendre  et  dévouée  qui  ne  vit  plus  que  par  le  souvenir  du 
passé  ! 


Nous  apprenons  la  mort  de  M.  Prosper-Théophile  Soullié, 
décédé  le  8  février  1893,  à  l'âge  de  79  ans.  C'était  un  homme  de 
bien  et  un  savant  modeste  dont  l'érudition  était  aussi  vaste  que 
variée.  11  fut  longtemps  professeur  de  rhétorique  au  lycée  de 
Reims  et  ses  anciens  élèves  se  souviennent  encore  de  la  facilité 
avec  laquelle  il  leur  citait  par  cœur  à  tout  propos  de  longues 
tirades  des  poètes  grecs  et  latins. 

M.  Soullié  avait,  du  reste,  un  véiùtable  culte  pour  les  belles- 
lettres  et,  plus  d'une  fois,  ses  amis  ont  pris  un  malin  plaisir  à  le 
lancer  dans  des  dissertations  et  des  aperçus  littéraires  auxquels  il 
se  complaisait  volontiers. 

Lorsqu'il  dut  quitter  l'Université,  il  se  tixa  délinitiveinent  à 
Reims,  où  le  retenaient  de  nombreuses  relations  de  famille  et 
d'amitié.  Dans  sa  retraite,  il  continua  à  travailler  et  s'adonna 
sans  réserve  à  son  goût  pour  l'étude;  il  devint  l'un  des  membres 


208  NÉCROLOGIE 

de  l'Académie  les  plus  actifs  et  les  plus  écoutés;  il  fit  même 
paraître  plusieurs  ouvrages  qui  témoignent  de  sou  savoir  et  de 
son  goût  pour  les  recherches  les  plus  délicates  et  les  plus  minu- 
tieuses. 

M.  Souillé  était  agrégé  de  l'Université,  docteur  ès-lettres,  offi- 
cier de  l'Instruction  publique  et,  comme  nous  le  disons  plus  haut, 
membre  de  rAcadémie  de  Reims,  qui  ressentira  vivement  sa  perle. 

Les  obsèques  de  M.  Prosper  Soullié  ont  eu  lieu  le  11  février.  Le 
service  funèbre  a  été  célébré  à  l'église  Saint-Jacques. 

Les  cordons  du  poêle  étaient  tenus  par  MM.  Duchàtaux  et 
H.  Jadart,  au  nom  de  l'Académie;  par  M.  le  Censeur  du  Lycée, 
représentant  l'Université;  M.  A.  Mareschal,  ancien  notaire. 

Dans  la  nombreuse  assistance,  on  remarquait  MM.  Albert 
Benoist,  président  de  l'Académie  de  Reims;  Jollv,  adjoint;  Hue, 
inspecteur  des  écoles  primaires;  Henry  Mennesson,  etc. 

Au  cimetière,  M.  Henri  Jadart,  secrétaire  général  de  l'Académie, 
a  prononcé  l'allocution  suivante  : 

Les  liens  qui  unissent  M.  Profper  Soullié  à  l'Académie  de  Reims  sont 
les  plus  forts  et  les  plus  doux  qui  se  puissent  contracter  au  sein  des  Sociétés 
savantes  :  ni  l'absence  rendue  inévitable  par  sa  carrière  universiiaire',  ni  la 
vieillesse  n'avaient  pu  les  rompre;  la  mort  elle-mêine  sera  impuissante  à  les 
anéantir,  consacrés  qu'ils  sont  par  le  temps,  l'eslime  et  l'affecticn  réci- 
proque. 

Membre  de  la  Compagnie  depuis  quaraule-deux  ans  (18o3-18y5),  ancien 
secrétaire-archiviste  (185^-1860),  ancien  président  (1882-1883),  collabora- 
teur habituel  des  séances  et  des  mémoires  pendant  une  longue  période, 
resté  jusqu'à  la  lin  membre  de  ia  Commission  ou  rapporteur  infatigable  des 
concours  de  poésie,  voilà  ses  litres  inelfaçables  à  la  gratitude  de  l'Académie 
et  à  ses  regrets  particulièrement  douloureux  à  celte  heure. 

L'unité  de  la  vie  a  été  parfaite  en  notre  confrère,  sous  tous  ies  aspects. 
Parmi  nous,  il  fut  le  représentant  autorisé  des  belles-lettres,  le  tenace 
défenseur  de  la  probité  littéraire,  le  classique  par  excellence  qui  célébrait 
ses  auteurs  sur  ses  vieux  jours  avec  l'enthousiasme  de  la  jeunesse. 

Te  venienle  die,  le  decedenie  cancbaL 

L'âge,  par  un  heureux  privilège,  n'avait  arrêté  ni  son  élan  plein  d'une 
rare  et  parfois  rnde  i'-anchise,  ni  sa  verve  si  expressive  en  son  tour  original. 
11  nous  faudrait  les  souvenirs  et  la  compétence  de  M.  Loriquel,  son  lidèle 
ami,  pour  détailler  son  œuvre  en  prose  et  en  vers  dans  toute  son  étendue, 
citer  ses  comptes-rendus,  ses  analyses,  ses  traductions  alternant  de  Théo- 
crite  à  Isaïe,  ses  éludes  variant  de  Racine  à  La  Fontaine,  de  Gresset  à 
Lamartine.  Ce  dont  nous  pouvons  rendre  témoignage,   c'est  qu'il  commu- 


1.  Nr  à  Ri'iiiis  on  l.Hir>,  élc\e  ilii  Collège  royal  dp  i-otto  villo  ih-  ISÎ?  a  ISoJ.  il  olilinl 
le  prix  (l'Iionnpur  de  pliilosopliie,  fut  rci.-ii  le  |irciuipr  â  l'ajîri'ïï.tlioii  de  sraininaiie.  >p  lit 
recevoir  agréso  pour  les  Ipllre?,  puis  licencié  et  docleur.  Il  enseigna  successivement  dans 
les  collèges  et  lycées  de  Marseille,  d'Aucli,  d'Angers,  de  Moulins,  de  Grenoble,  de  Reims 
(18J6-186U),  d'Angoulème,  du  Saint-Quentin,  et  jirit  sa  retraite  dans  sa  Tille  natale  en  l^^OS 
avec  le  titre  d'otlicier  de  l'Inslruclion  publique. 


NÊCBOLOGIÉ  200 

niqua  ses  deruiers  travaux  à  nos  séances  avec  un  égal  empressement,  et 
s'il  fil  à  l'Académie  des  infidélités,  c'était  pour  porter  aux  enfants  des 
écoles  et  même  aux  prisonniers  le  fruit  de  ses  lectures  et  de  ses  observa- 
tions. 11  ne  dérogeait  point  en  cela,  il  profitait  au  contraire  du  savoir  qu'd 
avait  acquis  pour  remplir  le  devoir  social  dans  sa  plus  noble  mission,  celle 
qui  s'adresse  aux  pauvres  et  aux  déshérités. 

C'est  qu'en  elTel  M.  Soullié  ne  voyait  pas  seulement  la  forme  dans  le,-; 
beaulés  littéraires,  il  en  exprimait  à  merveille  la  valeur  morale,  la  leçon 
pratique  pour  la  science  de  bien  vivre.  Chrétien  convaincu,  il  ne  renia 
aucun  des  chefs-d'œuvre  de  l'antiquité,  mais  il  en  rapprocha  les  maximes 
les  plus  pures  des  préceptes  de  la  Bible,  et  composa  ce  recueil  des  Sentences 
et  I  roverbes  qui  semble  avoir  été  son  livre  de  prédileclion,  bien  qu'il  l'ait 
mis  au  jour  avec  sa  modestie  Inbitiielle,  sans  appel  au  public  ni  le  moindre 
retour  sur  lui-même. 

Dans  ce  domaine  des  hautes  pensées  et  de  l'abnégation,  d'où  son  âme 
s'élevait  de  plus  en  plus  vers  le  bien  absolu,  il  est  consolant  de  lui  adresser 
l'adieu  de  la  terre,  car  son  talent  généreux,  son  amour  patient  du  travail, 
fa  charité,  y  resteront  comme  des  modèles  de  sagesse  et  des  exemples  de 
vertu. 

(  Coiinh'r  lit;  l/i  CliiijiipKiinc.) 


M.  le  docteur  Mohen,  ancien  inspecleiir  de  l'Assislaiice  pu]jli(}ue, 
membre  honoraire  de  la  Société  d'agriculture  de  la  Marne,  est 
décédé  à  ChTilons  le  14  février  189b,  dans  sa  soixante-dix-huitième 
année. 

M.  Mohen  a  dirigé  pendant  trente  ans  le  service  des  enfants 
assistés  du  département  de  la  Marne, 

Excellent  dessinateur,  il  avait  formé  plusieurs  albums  des  vues 
de  la  plupart  des  églises  de  la  Marne,  au  nombre  de  LioO.  Il  se 
plaisait  aussi,  dans  ses  dernières  années,  à  faire  des  reproduc- 
tions, par  la  sculpture  sur  bois,  des  monuments  publics  et  avait  fait 
don  à  la  Ville  de  la  curieuse  collection  ainsi  constituée. 

Ses  obsèques  ont  eu  lieu  le  16  février,  en  l'église  Notre-Dame. 


Le  dimanche  17  février,  à  huit  heures  du  matin,  avaient  lien,  à 
l'hôpital  de  Vilry-leFrançois,  les  obsèques  d'une  femme  que  tout 
le  pays  vitryat,  souflVant,  malheureux,  a  estimée  et  aimée. 

C'était  Tenlerremcnt  de  Mi'<^  Rose-Caroline  Blava,  décédée  à 
l'âge  de  81  ans. 

Les  malheureux  l'appelaient  «  la  tante  >•,  témoignant  ainsi  par 
celle  appellation  familière  toute  la  sympathie  dont  ils  entouraient 
celle  femme  modeste  cl  dévouée  qui,  pendant  65  ans,  avait  donné 
à  plusieurs  générations  tout  son  dévouement  et  tout  son  cœur. 

Elle  adorait  surtout  les  enfants,  celte  généreuse  vieille,  elle  qui 

14 


210  NÉCROLOGIE 

n'en  avait  jamais  eu!  Comme  elle  les  doiioUiit,  à  rhùpilall 
Comme  elle  souriait  doucemeut  à  ceux  qu'elle  rencontrait  dans  la 
rue! 

Brave  femme!  elle  s'en  est  allée  dans  la  tombe,  sans  avoir  vu 
briller  sur  sa  vaillante  poitrine  la  distinction  que  tant  de  courage 
ignoré,  tant  de  dévouement  simple  mais  sublime,  lui  avaient  mille 
fois  méritée. 

L'administration  bospilalière  lui  a  fait  de  magnifiques  funé- 
raillles,  non  par  le  luxe  étalé,  —  à  celle  humble,  c'eût  été  de  trop, 
—  mais  par  la  sympathie  qui  l'a  conduite  jusqu'à  sa  dernière 
demeure. 

En  l'absence  de  M.  le  Maire,  retenu  par  un  autre  deuil,  M.  Lam- 
bert, premier  adjoint,  représenlait  l'administration  municipale. 

M.  Lemoine,  ancien  notaire,  vice-président  de  la  Commission 
administrative  de  l'hôpital,  entouré  de  plusieurs  membres  du 
Conseil  d'administration,  M.  le  capitaine  Adnet,  M.  Nicaud,  etc., 
accompagnaient  le  modeste  cercueil. 

M.  Justinart,  administrateur  de  VlndépciidaiU  i  émois,  neveu  par 
alliance  de  M""=  Blava,  conduisait  le  deuil. 

Sur  la  tombe,  au  cimetière,  M.  Nicaud,  économe,  a  prononcé  des 
paroles  émues  et  retracé  la  vie,  toute  de  sacrifices,  de  M"e  Blava. 

(Joaniat  de  La  Maine.) 

* 

Une  quasi-centenaire.  —  Vers  le  milieu  de  février,  mourait  à 
Raillicourl  (Ardennes),  M™"  veuve  Garot,  âgée  de  quatre-vingt- 
dix-neuf  ans.  Quelques  mois  encore,  et  cette  pauvre  vieille  attei- 
gnait sa  centième  année.  Malgré  son  grand  âge,  la  veuve  Garot 
avait  conservé,  jusqu'au  dernier  moment,  toute  sa  lucidité  d'esprit. 
Chose  rare,  elle  possédait  encore  toutes  ses  dents  et  n'avait  pas  un 
seul  cheveu  blanc. 

Naguère  encore,  elle  se  livrait,  sans  trop  de  fatigue,  aux  travaux 
des  champs.  Elle  n'a  dû  succomber  qu'aux  dures  étreintes  de  l'hiver 
si  rigoureux. 


Le  20  février,  à  dix  heures^  ont  eu  lieu,  en  l'église  Notre-Dame 
de  Chàlons,  les  obsèques  de  M.  Memmie  Varlet,  décédé  le  18,  à 
l'âge  de  qualre-vingt-un  ans.  il  avait  succédé  comme  avoué  à 
M.  Sellier.  Longtemps  membre  du  Conseil  municipal  de  Châlons, 
il  représenta  de  1871  à  1876  le  canton  d'Avize  au  Conseil  général 
de  la  Marne.  11  fut  également  membre  de  la  Commission  adminis- 
trative de  l'Asile  départemental  d'aliénés  de  la  Marne. 

La  fille  de  M.  Varlet  a  épousé  M.  Paul  DeuUin,  négociant  en 
vins  de  Champagne  à  Epernay. 

M.  Varlet  avait  ua  fils,  mort  prématurément,  juge  au  Tribunal 
de  Reims. 


NÉCUOLOGIE  21 


Le  même  jour  avaient  lieu,  dans  la  chapelle  de  Sainte-Puden- 
lienne  de  Chàlons,  les  obsèques  de  iM.  Brémont,  mort  à  l'âge  de 
84  ans. 

Une  nombreuse  assistance  conduisait  à  sa  dernière  demeure 
l'homme  de  bien  universellement  connu  et  estimé  de  tout  le 
quartier  Sainle-Pudeotienne  depuis  qu'il  s'y  était  retiré. 

M.  Brémont,  depuis  longtemps  professeur  au  Collège  de  Vitry- 
le-François,  avait  demandé  celui  de  Chàlons  pour  se  rapprocher 
de  sou  fils,  l'abbé  Brémont,  vicaire  de  Notre-Dame.  Ce  jeune 
prêtre  mourut  à  la  tleur  de  l'âge  en  1870.  Brisé  par  celte  épreuve, 
M.  Brémont  abandonnait  peu  après  la  carrière  universitaire.  Mais 
il  ne  devait  pas  cesser  de  se  dévouer  à  la  jeunesse  qu'il  aimait 
toujours.  11  la  retrouva  dans  un  autre  milieu  et  la  servit  sous  une 
autre  forme  tout  le  reste  de  sa  vie. 

H  y  a  une  quinzaine  d'années,  des  chrétiens  généreux,  voyant 
l'importance  toujours  croissante  du  quartier  Sainte-Pudenlienne, 
entreprirent  d'y  construire  un  patronage  semblable  à  celui  de  la 
rue  Saint-Nicaise,  où  la  jeunesse  trouverait  avec  d'honnêtes  récréa- 
lions  une  sauvegarde  contre  les  entraînements  de  son  âge. 

La  direction  de  ce  patronage  fui  contiée  à  M.  l'abbé  Thuillier, 
depuis  peu  vicaire  de  la  cathédrale  et  spécialement  attaché  à  la 
chapelle  Sainle-Pudentienne.  Le  vieux  professeur  fut  heureux  de 
se  faire  15«uxiliaire  du  jeune  prêtre  et,  jusqu'à  ces  derniers  temps, 

lui  donna  un  concours  précieux. 

[Journal  tic  In  Marne.) 

* 

Le  20  février  ont  eu  lieu,  à  Orbais-l'Abbaye  (Marne),  les  obsèques 
de  Mme  veuve  Blondiol,  mère  de  M.  Camille  Blondiot,  le  sympa- 
thique directeur  des  postes  du  département  de  la  Marne. 

De  nombreux  assistants  avaient  tenu  à  rendre  les  derniers  hon- 
neurs à  cette  respectable  dame,  et  à  donner  par  leur  présence  une 
marque  d'estime  et  de  condoléance  à  noire  compatriote,  M.  Blon- 
diot, dont  chacun  a  pu  depuis  longtemps  apprécier  l'obligeance  et 

l'affabilité. 

* 
*    * 

M.  Auguste  Philippoteaux,  avocat,  député  de  rarrondissement 
de  Sedan,  est  mort  en  cette  ville,  le  jeudi  21  février,  dans  sa 
soixante-quatorzième  année. 

Docteur  en  droit,  juge  suppléant  au  Tribunal  de  la  Seine,  après 
avoir  occupé  pendant  de  longues  années,  sous  l'Empire,  les  fonc- 
tions de  maire  de  Sedan,  sa  belle  conduite  pendant  la  guerre  de 
1870  lui  valut  d'être  élu  en  1871  membre  de  l'Assemblée  nationale 
où  il  siégea  sur  les  bancs  du  centre  gauche. 
En  1870,  10,426  voix  le  nommèrent  député  de  Sedan.  Uéélu  en 


212  NÉCROLOGIB 

1877,  après  la  dissolulion,  el  devenu  vice-présideiil  de  la  Cbambre, 
il  fut  nommé  de  nouveau  en  1881,  mais  échoua  en  188ij  el  ne  se 
présenta  pas,  en  1889. 

Les  élections  de  1893  où  il  était  en  concurrence  avec  le  can- 
didat ouvrier,  M.  Lassalle,  lui  donnèrent  898  voix  de  majorité. 

M.  Philippoleaux  était  officier  de  la  Légion  d'honneur. 

Les  obsèques  du  regretté  député  de  Sedan  ont  eu  lieu  à  Sedan, 
le  dimanche  24  février,  au  milieu  d'une  atiluence  considérable. 

Les  cordons  du  poêle  sont  tenus  par  MM.  Lardin  de  Musset, 
préfet  des  Ardennes;  Drumel,  sénateur;  Isaac  Villain,  maire  de 
Sedan;  Millet,  président  du  Tribunal;  Bacot,  ancien  maire;  Ch, 
Bertèche,  président  du  Tribunal  de  commerce. 

Le  deuil  était  conduit  par  M.  Auguste  Philippoleaux  fils,  par  les 
frères  du  défunt  et  les  autres  membres  de  la  famille.  Puis  venaient 
les  délégations  des  Sociétés,  el  enfin  l'immense  cortège  des  assis- 
tants. 

Le  convoi  s'arrête  à  l'église  Saint- Charles,  ou  va  se  célébrer  le 
service  funèbre. 

Ceux  qui  pénètrent  dans  l'église  se  rappellent  qu'en  1870,  là  fut 
une  ambulance,  où  moururent  maints  blessés  de  Bazeilles,  de 
Lamoncelle  et  de  Floing.  Le  maire  de  1870,  qui  y  vint  si  souvent 
alors  pour  secourir  les  malheureux,  y  est  entré  aujourd'hui  pour 
la  dernière  fois  et  c'est  avec  une  profonde  émotion  que  l'on 
évoque  le  passé. 

Au  cimetière,  des  discours  ont  été  prononcés  par  M.M.  Lardin  de 
Musset,  au  nom  du  gouvernement;  Lamour  de  Léocourt,  au  nom 
du  barreau  de  Sedan;  Urumel,  sénateur;  de  Wignacourt,  au  nom 
de  la  députation  des  Ardennes;  Isaac  Vilain,  représentant  de  la 
Municipalité  ;  Bertèche,  président  de  la  Société  de  secours 
mutuels;  Adrien  Parent,  président  de  la  Caisse  de  retraites;  Gairal, 
au  nom  de  l'Association  de  anciens  élèves  du  Collège  Turenne. 

Voici  la  liste  des  dons  faits  par  M.  A.  Philippoleaux  dans  son 
testament  olographe  : 

Société  de  secours  mutuels , Fr.  4.800  » 

Société  de  retraite  des  ouvriers 2.400  » 

Société  de  charité  maternelle 2.400  » 

Caisse  de  rrtraile  des  sapeurs-pompiers 2.400  ï 

Société  des  orphelines   1 .200  » 

Crèche  de  la  place  d'Alsace-Lorraine 1 .200  » 

Société  de  SHint-Vincent-dc-Paul 1  .200  )> 

Société  de  la  reconstitution  de  la  famille 1 .000  )> 

A  l  Hospice  civil 4.800  » 

Au  Bureau  de  bienfaisance 2.400  » 

Société  amicale  des  anciens  élèves  du  Collège  de  Sedan 6.000  » 

A  la  Caisse  des  insliluleurs  de  l'arrondissement  de  Sedan 600  » 

A  l'église  Saint-Charles,  de  Sedan 6.000  » 

Société  de  Saiut-Blaise  l'Union 1 .000  » 


NECROLOGIE  213 

En  outre,  il  main  lient  l'oin-e  faite  de  1U,0U0  fr.  pour  la  démolition  de  la 
halle,  à  condition  que  le  monument  patriotique  soit  construit  sur  cet  empla- 
cement; et  celle  de  4,000  l'r.  pour  la  construction  d'un  chalet-kiosque  à  éta- 
hlir  sur  l'alignement  entre  le  Musée  et  la  rue  de  Metz. 

Ces  deux  derniers  dons,  de  10,000  fr.  et  de  4,000  ir.,  faits  avec  la  con- 
dition restrictive  :  que  les  travaux  soient  effectués  dans  le  délai  de  deux 
années,  à  dater  du  jour  du  décès  du  donateur. 


Parmi  les  trop  nombreuses  victimes  de  ce  pénible  hiver,  nous 
avons  à  enregistrer  les  noms  suivants  : 

M.  l'abbé  Dazy,  curé-doyen  de  Juniville  (Ardennes),  décédé  le 

17  janvier;  ordonné  prêtre  en  1850,  curé  de  Villedommange  pen- 
dant sis  ans,  de  Montigny-sur-Vesle  pendant  onze  ans,  il  adminis- 
trait depuis  quinze  ans  la  paroisse  et  le  doyenné  de  Juniville; 

M.  le  D""  Carré,  décédé  à  Margerie  (Marne),  le  l""'  février,  à  l'âge 
de  95  ans; 

M.  l'abbé  Bébin,  curé  d'Avenay  (Marne)  depuis  1850,  décédé  le 
6  février  dans  sa  soixante-dix-huitième  année  ; 

M.  E.  Doyen,  médecin-vétérinaire  à  Hermonville  (Marne), 
décédé  le  1  février,  dans  sa  cinquante-deuxième  année; 

M.  le  D^  Henri-Alfred  Chevalier,  décédé  à  Verzenay  (Marne),  le 

18  février,  dans  sa  cinquante-troisième  année; 

M.  l'abbé  Jacqueminet,  curé  de  Muizon  et  de  Courcelles-Sapi- 
court  (Marne),  décédé  le  20  février,  à  l'âge  de  46  ans; 

I.a  vénérable  Sœur  Julie  (née  Julie-Catherine  Mauclair),  fille  de 
la  Charité,  décédée  le  20  février  à  l'Hùtel-Dieu  de  Châlons,  dans  sa 
soixante-quinzième  année  et  la  cinquante-cinquième  de  sa  vocation  ; 

M.  Ferdinand  Lemaire,  l'agronome  distingué  qui  avait  réalisé 
tant  de  merveilles  de  culture  au  domaine  des  Maretz,  près  Reims, 
pour  l'exploitation  des  eaux-vanaes; 

M.  le  D''  Hutin,  ancien  maire  de  Cernay-en-Dormois  (Marne); 

M.  Fulgence  Linard,  ancien  industriel,  frère  aine  de  M.  Désiré 
Linard,  député,  décédé  à  Haybes  (Ardennes)  ; 

M""*  Collet,  mère  de  M.  Collet,  maire  de  Vitry-le-François  ; 

M""*  Guy,  veuve  de  M.  Guy,  ancien  directeur  de  l'Ecole  nationale 
des  Arts-et-Métiers  de  Châlons; 

M"*  Georges  de  Saint-Genis,  née  Stéphanie  Ragon,  décédée  à 
Vitry-le-François,  dans  sa  cinquante-troisième  année; 

M.  le  comte  Alfred  de  Noailles,  père  de  M'"'=  la  vicomtesse  de 
Bruneteau  de  Sainte-Suzanne,  propriétaire  du  château  d'Ecury- 
ie-Grand,  près  Champigneul  (Marne)  ; 

M.  l'abbé  Hypolile,  ancien  curé  de  Saint-Amand  (Marne),  retraité 
depuis  1874  à  Levallois-l'erret  (Seine),  décédé  à  l'âge  de  89  ans. 


BIBLIOGRAPHIE 


Léonce  Lex.  Eudes,  comte  de  Blois,  de  Tours,  de  Chartres,  de  Troyes 
et  de  Meaux  (995-1037)  et  Thibaud  son  frère  (995-1004).  Troyes, 
Dufour-Bouquot,  189-2,  in-S"  de  200  p. 

Ce  que  l'on  pourrait  reprocher  à  ce  travail,  c'est  la  dispropor- 
tion des  différentes  parties  qui  le  composent.  Après  une  introduc- 
tion bibliographique  de  dix  pages,  l'étude  historique  proprement 
dite  en  comprend  trente-cinq  seulement.  Viennent  ensuite, 
répartis  sur  les  cent  quarante  pages  qui  composent  le  reste  du 
volume,  une  série  de  notes  fort  substantielles  et  documentées, 
destinées  à  éclaircir  tel  ou  tel  détail  de  la  thèse,  naguère  sou- 
tenue avec  succès  à  l'Ecole  des  Chartes;  d'appendices  consacrés  à 
la  diplomatique  et  à  la  numismatique  d'Eudes;  un  catalogue  rai- 
sonné de  ses  actes  \  des  pièces  justificatives,  des  additions  et  cor- 
rections, de  précieux  index  des  noms  de  lieux,  de  personnes  et 
d'auteurs  cités  au  cours  de  l'ouvrage. 

Il  semble,  à  première  vue,  devant  cette  abondance  de  documents 
annexes,  que  l'étude  qui  les  a  fait  réunir  et  présenter  à  sa  suite  dût 
comporter  elle-même  un  plus  long  développement,  une  exposition 
des  faits  plus  riche  et  plus  fournie.  Mais  les  renseignements 
complets  et  précis  ne  sont  pas  nombreux  sur  ces  époques  du  haut 
moyen-âge,  demeurées  encore  assez  obscures,  et  l'auteur  était  trop 
soucieux  de  l'exactitude  et  de  la  conscience  historiques  pour  donner 
place,  dans  son  livre,  à  toute  autre  préoccupation  que  celle  de  la 
précision  et  de  la  netteté.  Il  a  tenu  avant  tout  à  nous  présenter, 
dans  cette  brièveté  rigoureuse  et  tant  soit  peu  aride,  ce  que  l'on 
connaît  de  ces  personnages  en  l'état  actuel  de  la  science,  et 
d'après  les  données  les  plus  récentes  de  la  critique  historique. 
Dans  la  rédaction  de  ce  travail,  M.  Lex  a  procédé  avec  une 
méthode  très  prudente  et  1res  sûre,  discutant  pas  à  pas  chaque 
fait  et  fortifiant  chaque  assertion  par  des  commentaires  érudits  et 
de  minutieuses  indications  de  sources. 

Nous  n'aurons  pas  la  prétention  d'entrer  ici  dans  la  discussion 
de  tant  de  points  où  l'on  se  borne  forcément  encore  à  des  conjec- 
tures; nous  nous  contenterons  de  rendre  justice  aux  rares  qualités 
d'historien  dont  l'auteur  a  fait  preuve  dans  l'examen  des  questions 
iélicates  qu'il  avait  à  traiter,  dans  le  soin  apporté  à  la  critique  des 
texte?,  à  l'identification  des  lieux,  entln  dans  la  publication  de  vingt- 
huit  cliarles  inédites  sur  les  trente-quatre  reproduites  par  lui. 

A.  T.-R. 


BIBLIOGRAPHIE  2111 

La  vente  de  la  Bat'onnie  de  Coiicy.  —  Sous  ce  litre,  M.  Henri 
Lacaille  vient  do  publier  une  étude  tirée  à  part  de  la  Bibliothèque 
de  l'Ecole  des  Charles  (t.  LV,  ISOi),  pleine  de  renseignements  iné- 
dits sur  le  sort  de  rimportant  domaine  de  Coucy,  après  la  mott 
du  dernier  sire  de  Coucy,  lue  à  Brousse  en  1397.  Le  partage  qui 
s'en  fit  donna  lieu  à  des  débats  prolongés  dont  le  Parlement 
connut  en  dernier  lieu.  Le  duc  Louis  d'Orléans,  déjà  comte  de 
Porcien,  devint,  en  1400,  acquéreur  de  la  terre  de  Coucy,  que  ses 
enfants  recouvrèrent  définitivement  et  transmirent  plus  tard  au 
domaine  de  la  couronne.  Les  pièces  justificatives  nous  fout 
assister  aux  péripéties  du  procès  et  des  débats  judiciaires  remplis 

d'interminables  incidents.  H.  J. 

* 

¥       » 

Un  avocat-journaliste  au  XVlIh  siècle,  Linguet,  par  Jean  Cbuppi. 
Paris,  Hachette,  189o.  1  vol.  in-12  de  398  pages. 

La  Revue  des  Deux-Mondes,  dans  sa  livraison  du  le""  mars  1895, 
contenait  un  article  d'un  magistrat  de  la  Cour  de  cassation, 
M.  Jean  Cruppi,  sur  Linguet  et  le  Procès  du  chevalier  de  La  Barre. 
Cette  étude  approfondie,  fruit  de  recherches  dans  les  Archives 
judiciaires,  remet  en  cause  cette  affaire  trop  célèbre  et  trop  mal- 
heureuse pour  qu'elle  devienne  jamais  hors  de  propos. 

L'article  de  la  revue  était  l'avant-coureur  d'un  livre  sur  Linguet, 
auquel  M.  Cruppi  a  longtemps  et  minutieusement  travaillé,  pièces 
en  mains,  comme  l'on  dit  au  Palais.  Nous  l'avons  vu  s'asseoir  dans 
ce  but  parmi  le  public  des  lecteurs  de  la  Bibliothèque  de  Reims, 
scruter  ses  manuscrits,  faire  exécuter  de  nombreuses  copies  d'une 
correspondance  inédite.  Il  en  aura  agi  de  même  à  Paris,  et 
ailleurs,  sans  doute,  car  Linguet  a  touché  par  ses  actes  et  ses 
œuvres  à  tant  de  lieux  et  à  tant  de  personnes  qu'il  faut  une 
longue  enquête  pour  aboutir  à  juger  l'ensemble  de  sa  personna- 
lité. El  encore  M.  Cruppi  n'éludie-l-il  pas  l'homme  entier  dans  ce 
premier  volume,  il  étudie  l'avocat-journaliste  jusqu'à  sa  radiation 
du  tableau,  c'est-à-dire  jusqu'à  la  fin  de  sa  vie  judiciaire  en  1773. 

Il  débute  en  remarquant,  ce  qui  est  exact  pour  beaucoup  d'autres 
personnages,  que  l'histoire  ne  retient  souvent  que  le  nom  des 
hommes  célèbres  et  le  titre  de  leurs  livres.  Pour  Linguet,  c'est  le 
titre  de  son  seul  ouvrage  sur  la  Bastille  que  la  postérité  a  surtout 
retenu.  On  lui  doit  pourtant  bien  d'autres  productions,  fruits  de 
luîtes  mcessantes  et  d'aventures  sans  pareilles.  M.  Cruppi  ne 
recule  pas  devant  cet  examen  multiple  et  approfondi,  il  en  sor- 
tira un  jugement  plus  équitable. 

Naturellement,  les  premières  pages  de  l'auteur  sont  consacrées 
à  la  famille,  au  berceau  du  grand  homme,  à  son  éducation  dans 
l'Université  de  Paris  et  aux  premiers  succès  du  brillaut  humaniste. 
Une  fois  entamée,  la  lecture  poursuirra  .son  cours  sous  le  rharnje 
du  style  et  de  la  netteté  du  lérit.  Nous  ne  voulons  pas  distraire  le 
lecteur.  H.  J. 


210  BIBLIOGRAPHIE 

L'Anncaiue  Hkmois.  —  M.  Margiiin,  imprimeur  à  Reims,  vient 
de  faire  paraître  sous  (^e  titre  un  volume  consacré  spécialement  à 
la  ville  (le  Reims  et  contenant  vingt  mille  adresses. 

Kn  tête  est  un  plan  complet  de  la  ville,  puis  viennent  les  ren- 
seignements généraux  sur  l'administration,  la  garnison  et  les 
difi'érentes  Sociétés  de  Reims.  Ensuite  se  trouve  la  liste  de  tous 
les  commer(;anls  et  des  principaux  habitants,  d'abord  par  rue, 
puis  par  ordre  alphabétique,  et  enfin  par  profession. 

A  la  tin  du  volume  est  une  liste  de  toutes  les  communes  du 
département  avec  tous  les  renseignements  relatifs  au  service  pos- 
tal, télégraphique,  téléphonique,  et  à  celui  des  chemins  de  fer. 

('.et  Annuaire,  que  l'auteur  se  propose  de  rééditer  chaque  année 
avec,  toutes  les  modifications  et  améliorations  nécessaires,  est 
appelé  à  rendre  de  grands  services. 


Un  de  nos  collaborateurs  a  transcrit,  dans  les  archives  notariales 
et  dans  les  anciens  registre?  d'état  civil  des  arrondissements  de 
Rethel  et  de  Reims,  in  extenso  ou  par  extrait,  plus  de  2,000 
pièces  qui  intéressent  les  généalogies  de  plusieurs  familles,  telles 
que  les  Villelongue,  les  Brodart,  les  Symonnet,  les  Leseur  de 
Reyne,  les  Watelet,  etc.  Par  des  circonstances  de  santé,  ce  zélé 
collectionneur,  ne  pouvant  désormais  utiliser  ces  documents, 
désirerait  s'en  détaire  de  manière  à  être  indemnisé  des  dépenses 
qu'il  a  dû  faire.  Les  personnes  qui  seraient  tentées  de  saisir  cette 
bonne  occasion  peuvent  s'adresser  à  M.  Frémont,  qui  s'empressera 
de  servir  d'intermédiaire. 

Sommaire  de  la  Revue  historique  Ardennaise. —  Mars-avril  1895: 

I.  Epigraphie  des  comtes  et  des  ducs  de  Rethel-Masarin,  par  N.  A. 

II.  Mélanges.    —    La    fièvre    populaire    à    Charleville,    en    l699,    par 

J.-B.  Brincocrt. 
Les  Vendanges  à  Château-Porcien,  en  1401,  par  L.-H.  M. 
Les  étaux  des  bouchers  de  Mézières  sur  le  pont  d'Arches,  en  1551,  par 

Henri  Lacaille. 
L'ancienne  cloche  d'IIannogne-Saint-Remi,  dédiée  au  nouveau  Josué 

français,  La  Fayette,  par  Henri  Jadakt. 
m.   Bibliographie.  —  Pellot,    L Héritage   de  Claude  de  Moy,  comtesse 

de  Chaligmj.  —  Histoire  des  Quatre  fils  Aymun.   —  De  Gourjault. 

Mémoires  du  maréchal  da  Saint-Paul  [Dom  Noël). 

IV.  Chronique.    —   Don  de  la  Cfironi(jue  de  Sigebert  de  Gemllou.r  à  la 

Bibliothèque  Nationale.  —  Thèse  de  M.  Goubaux  sur  Robert  II  de 
la  Marck,  seigneur  de  Sedan,  mort  en  1530.  —  Un  Syndical,  dans 
les  Ardennes,  pour  l'héritage  de  Jean  Thiéry,  en  1782. 

V.  Planche  hors  texte.   —  Fac-similé   d'une    reliure  de  l'Histoire   des 

Quatre  fils  Aijmon, 


BIBr.IOGIÎAPHIR  21' 


Sommaire  de  la  Revue d' Ardenne et  iV Ai^gonne. —Udvsavr'd  1895: 

Ch.  Houiv,  Excursions  :  Dans  PAt'dennc  orientale  :  De  Gérolstein  li 
Clervattx.  —  H.  BoiROuiciNAT,  Documents  inédits  sui-  la  bataille  de  la 
Marfée  (1GH).  —  S.  Leroy,  Notice  armoriale  et  généalogique  sur  ta 
Maison  de  Bouillon  (suite). 

Variétés.  —  I.  Chronique,  —  II.  P.  Collinet,  Acte  de  mariage  de 
Nicolas-Louis  d'Kstagniol,  député  de  la  noblesse  en  1789. 

Bibliograpliie.  —  Mémoires  du  viaréclial  de  Saint-Paul,  par  le  marquis 
O.  de  Gourjault.  —  Histoire  dEcordal,  par  Désiré  Boizet  —  L'Ardenne, 
par  Jean  d'Ardenne. 


CHRONIQUE 


Société  Historique  et  Archéologique  de  Chatead-Thierry 
(Séance  du  5  février  1803).  —  Présidence  de  M.  Poinsier. 

I.  —  M.  l'abbé  Marsaux,  membre  correspondant,  envoie  trois 
communications  intéressantes. 

La  première  est  un  document  émanant  de  Valentine  Visconti, 
femme  de  Louis  d'Orléans.  Mandement  daté  du  23  janvier  1397  à 
Villers-Cotterêts,  à  la  Chambre  des  comptes  de  Blois,  de  donner 
quittance  à  Pierre  Poquet,  receveur  de  ses  finances  «  de  90  liv,  t., 
reste  de  1,500  liv.  t,  pour  distribuer  aux  dames,  damoiselles  et 
autres  femmes  de  nos  très  cbiers  et  très  amez  enffans  Charles  et 
Philippe  d'Orléans.  Ces  90  liv.  ont  servi  à  contenter  aucunes  des 
dittes  femmes  de  nostre  dit  hostel  et  compaignie  et  de  nos  diz 
enffans  qui  petitement  avaient  esté  au  temps  passé  salariées  de 
leurs  dites  pensions,  selon  ce  que  de  servy  avaient  >', 

La  seconde  est  un  rôle  de  paiement,  donné  par  Charles  de  Lon- 
gueval,  écuyer,  commandant  pour  le  Roi  au  château  de  Villers- 
Cotterêts,  de  quatre  mois  de  gages  de  la  garnison  de  Villers-Cot- 
terêts, composée  de  douze  hommes  d'armes  et  d'un  sergent  sous 
les  ordres  de  Ch.  de  Longueval,  15  janvier  1594. 

La  troisième  concerne  la  tombe  d'un  abbé  (xni«  siècle)  dans 
l'église  d'Essùmes  —  reproduite  par  Adolphe  Varin.  Au-dessous  de 
la  gravure,  on  lit  :  Cette  statue  formait  la  partie  supérieure  du 
tombeau  de  l'abbé  fondateur  de  l'abbaye  d'Essômes.  Deux  anges 
—  en  partie  brisés  —  disposent  un  coussin  sous  la  tête  du  per- 
sonnage. Celui-ci  tient  dans  ses  mains  un  missel  où  il  est  repré- 
senté aux  pieds  de  la  Vierge.  L'hérésie  qui  se  voit  à  ses  pieds  est 
figurée  par  un  formidable  dragon  dont  la  tête  a  disparu. 

IL  —  Le  secrétaire  rappelle  ensuite  les  derniers  travaux  dus  aux 
membres  de  la  Société  :  la  belle  publication  historique  de  son 
vice-président,  M.  Ch.  de  Larivière,  Catherine  II  et  la  Révolution 
françai$e,  première  partie  d'un  important  travail  entrepris  sur  la 
grande  tzarine,  d'après  sa  correspondance;  les  études  consacrées 
au  passage  de  Jeanne  d'Arc  à  Château-Thierry;  la  réédition  des 
mémoires  du  baron  Séruzier,  décédé  dans  cette  ville  en  1826;  la 
notice  de  M.  Minouflet  sur  la  commune  de  Saulchery;  la  mono- 
graphie du  Collège  de  Château-Thierry  par  M.  Gorlieu;  la  note 
de  M.  de  Crouchy  sur  la  maison  de  Fiacine  à  Paris;  celles  de 
l'abbé  Marsaux,  curé  doyen  de  Chambly,  sur  les  anlependia  de 
l'Hùtel-Dieu  et  les  sculptures  du  grand-orgue  de  Saint-Crépio,  à 
Château-Thierry,  etc. 


CHRONIQUE  21'.l 

SociÉTK  DES  Sciences  et  Arts  de  Vitry-le-Fra.\çois  (Séance  du 
14  février  t895).  —  M.  Devèze  s'excuse  de  ne  pouvoir  donner 
lecture  du  travail  qu'il  avait  annoncé  sur  la  construction  de  Vitry. 
Il  n'a  pas  encore  réuni  assez  de  documents  aux  Archives  munici- 
pales. Il  remplace  ce  travail  par  la  lecture  d'un  «  Essai  de  classi- 
iication  des  édifices  religieux  de  la  Marne  ». 

La  base  de  celte  classsification  scientifique,  c'est  la  voîite,  qui  a 
joué  un  si  grand  rùle  dans  l'architecture  du  moyen-Tige. 

M.  Devèze  énumère  les  dilTérents  genres  de  voûte  employés  par 
les  architectes  champenois  et  marque  les  différences  qui  séparent 
les  monuments  de  l'époque  romane  de  ceux  de  l'époque  précé- 
dente —  mérovingienne  et  carlovingienne  —  qui  ont  disparu 
dans  notre  département. 

M.  Devèze  continuera  la  lecture  de  son  travail  dans  une  pro- 
chaine séance. 

Récents  travaux  d'art  exécutés  dans  les  églises  de  Reims.  — 
Peinlures  de  la  chapelle  Saint-Joseph  à  la  Cathédrale. 

Une  seule  chapelle  de  la  Cathédrale  n'avait  pas  de  peintures 
murales  :  on  se  réservait.  La  chapelle  de  Saint-Joseph  n'a  pas 
perdu  pour  attendre. 

Les  travaux  ont  été  confiés  à  M.  Lameire,  décorateur.  La  direc- 
tion, l'approbation  des  tons,  les  essais  sur  place  ont  été  donnés 
par  M.  Darcy,  architecte.  L'exécution  a  été  surveillée  par  M.  Thiérot. 
Ces  trois  noms  en  disent  assez. 

Deux  parts  sont  à  faire  dans  ces  travaux  de  peinture.  Celle  de 
M.  Lameire,  qui,  on  plus  du  plan,  a  confié  à  M.M.  Rochet  et 
Lequien,  ses  élèves,  la  décoration  des  arcatures  du  bas;  les  orne- 
ments proprement  dits  :  la  clef  de  voûte,  une  grande  lylhe  ornée 
à  hauteur  des  chapiteaux  des  petites  colonnes,  les  enroulements 
et  les  brûle- parfums  des  tympans. 

Celle  de  M.  Paul  Simon,  auquel  le  grand  artiste  de  Paris  n'a  pas 
craint  de  confier  le  reste  du  travail  :  préparations,  peintures  de 
fond,  ornements  de  la  voûte,  des  murs;  les  appareils,  les  tracés, 
les  dorures.  On  est  toujours  heureux  de  trouver  le  nom  d'un 
Rémois  dans  l'exécution  de  travaux  d'art  de  celte  importance. 

Toutes  les  peintures  sont  traitées  avec  soin,  préparées  à  ladre, 
pour  obtenir  une  matité  égale  partout,  en  conservant  cependant 
aux  tons  leur  puissance  de  reflet,  et  pour  donner  plus  de  solidité. 

il  sera  facile  de  constater  que  les  tons  de  cette  chapelle  sont 
fins,  doux,  moins  rudes  que  ceux  des  autres  chapelles.  Ils  gagne- 
ront encore,  quand  un  généreux  bienfaiteur  voudra  bien  inscrire 
pour  toujours  son  nom  dans  cette  chapelle,  en  offrant  des  ver- 
rières qui,  parleur  présence,  exciteront  les  fidèles  à  prier  pour  lui. 

Qui  sait  même  si  un  jour  nous  ne  verrons  pas  remplacer  l'autel 
actuel  par  un  autre,  qui  cadrera  mieux  avec  celui  de  la  chapelle 


220  CHRONIQUE 

du  Sacré-Cœur,  et  ne  sera  pas  hors  de  proportion  avec  la  clia- 
pelle. 

Grâce  aux  libéralités  des  iidôles,  la  Fabrique  a  fait  le  plus  dif- 
ficile. 

Vitraux  de  l'église  Sainl-Jean-Baptiste. 

Le  peintre  verrier  doit  être  décorateur  à  distance  et  peintre  de 
près.  Ces  données  sont  parfaitement  remplies  dans  les  vitraux  que 
M.  Vermonet  vient  de  placer  dans  le  transept  (côté  de  l'épître),  de 
l'église  Saint-Jean-Baptiste, 

Ces  vitraux  sont  d'un  grand  efTet;  ils  sont  vraiment  décoratifs  : 
chaleur  de  tons,  variété  de  couleurs,  richesse  sans  profusion  de 
nuances.  De  plus,  ils  supportent  l'examen  de  près,  car  on  y 
trouve  le  précieux  et  rare  assemblage  d'un  dessin  pur  et  correct. 

Ce  vitrail,  en  plein  soleil  durant  une  grande  partie  de  la  journée, 
couvrant  une  surface  de  plus  de  quarante  mètres,  avait  besoin, 
pour  son  exposition  et  ses  proportions,  d'être  traité  d'une  façon 
vigoureuse;  ce  qui  n'empêche  pas  que  les  scènes  sont  encadrées 
dans  une  très  riche  mosaïque  et  entourées  de  bordures  très 
agréables  à  l'œil. 

Les  motifs  sont  de  compositions  nouvelles.  Dans  la  baie  du 
milieu,  consacrée  à  saint  Joseph,  on  voit  le  saint  patriarche  dans 
son  atelier  avec  l'Enfant  et  sa  mère  :  admirable  exemple  offert  aux 
ouvriers:  il  expire;  il  est  glorifié.  Dans  le  Ciel  autour  de  lui,  on 
voit  les  patrons  de  la  famille  du  donateur  :  sainte  Barbe,  saint 
Louis,  sainte  Mathilde,  saint  Edouard,  saint  Alfred,  sainte  Mar- 
celle, sainte  Marthe,  sainte  Eléonore,  sainte  Emilie.  Au-dessous, 
le  Saint-Père,  Léon  XIII,  et  Son  Em.  M?""  le  Cardinal  Langénieux, 
dont  la  ressemblance  est  frappante:  derrière  eux.  des  peuples  de 
races  difTérentes,  et  dans  le  fond  l'église  de  Saint-Pierre  de  Rome. 

Dans  les  deux  fenêtres  de  côté  se  voit  la  légende  de  saint  Jean- 
Baptiste  :  naissance  du  précurseur;  son  père  écrit  sur  une  tablette  ; 
—  il  prêche  dans  le  désert;  il  baptise  Notre-Seigneur.  Elu  regard  : 
saint  Jean  reproche  à  Hérode  sa  conduite;  —  pour  cela,  il  est  déca- 
pité; —  du  haut  du  ciel,  il  bénit  les  ouvriers  de  la  vigne. 

Au  premier  plan,  à  droite  du  spectateur,  le  dégorgeur,  le  doseur, 
le  boucheur,  le  museleur  et  le  rangeur  de  bouteilles;  le  tout  pris 
d'après  nature. 

Au  second  plan,  des  vignes,  des  vendangeurs  et  des  vendan- 
geuses, 

11  est  facile  de  voir  dans  cette  dernière  scène  une  allusion  au 
donateur  et  aux  nombreux  ouvriers  de  la  Corporation  des  Tonne- 
liers, 

Ils  avaient,  il  est  vrai,  autrefois  pour  patron  saint  Jean  l'évan- 
géliste  devant  la  Porte-Latine,  modèle  de  celui  qui  poHc  la  Une. 
Depuis  quelques  années,  ils  ont  préféré  saint  Jean- Baptiste,  quoi 
qu'il  ne  buvait  ni  vin  ni  bière,  ni  rien  de  ce  qui  enivre. 


CHRONIQUE  221 

Au  bas  des  feuôlres,  on  trouve  une  iuscriplioii  rappelant  qu'elles 
ont  été  ofFertes  par  M.  le  comte  et  M™^  la  comtesse  Werlé,  et  les 
armoiries  des  donateurs  à  gauclie  et  à  droite. 

M.  le  comte  et  Mme  ]a  comtesse  Werlé  doivent  être  heureux 
d'avoir  été  si  bien  compris.  Ils  ont  donné  certainement  une  des 
plus  belles  verrières,  pour  ne  pas  dire  la  plus  belle,  sorti»*,  des  ate- 
liers rémois. 

Chapelle  provisoire  de  SaiiU-Bciioit. 

On  avait  demandé  à  M.  Thiérot,  pour  le  quartier  de  Saint- 
Thomas,  une  chapelle  provisoire  en  attendant  la  construction 
indispensable  d'une  seconde  église;  il  a  l'ail  une  construction  dont 
se  contenteraient  définitivement  bien  des  communes  de  village. 

La  chapelle  de  Saiul-Henoit  est  vaste,  bien  comprise.  C'est  un 
grand  parallélogramme,  terminé  à  l'intérieur,  dans  le  haut,  par  un 
ensemble  de  menuiserie,  soutenu  par  des  poteaux.  L'autel  placé 
dans  le  fond  est  en  bois.  Au-dessus  se  trouve  un  vitrail  offert  par 
M.  Haussaire. 

Les  fenêtres,  garnies  de  belles  grisailles,  la  rose  du  portail,  les 
armoiries  de  Mf'  le  Cardinal,  ont  été  exécutées  par  le  donateur, 
M.  Vermonet. 

Le  devant  de  la  chapelle  est  sans  prétention.    Un  édicule  en 
pierre  attend  la  cloche  Benoîte,  offerte  par  M.  Tabbé  Léonardy. 
{Courrier  de  la  Champagne.)  Ch.  Cerf. 


Petits  PORTRAITS.  —  Arthur  Chuquet^ . —  Le  maréchal  Canrobert 
réclamait  naguère,  pour  l'histoire  de  nos  désastres  de  l'année  ter- 
rible, un  Jérémie,  un  Bossuet,  un  Tacite.  A  défaut  de  nouvelles 
lamentations,  à  défaut  d'un  nouvel  aigle  de  Meaux,  nous  avons  du 
moins  un  Tacite  :  Arthur  Chuquet. 

Coïncidence  étrange,  le  jour  même  de  la  mort  du  héros  de  Saint- 
Privat  paraissait  un  livre  qui,  par  l'indépendance  de  son  auteur, 
eût  été  pour  lui  une  grande  joie  :  la  Guerre  de  1870-71. 

Arthur  Chuquet,  bien  qu'apprécié  à  sa  valeur  par  les  mandarins 
des  lettres,  est  peu  connu  du  grand  public.  Un  universitaire  pur 
sang.  Il  fut  à  l'Ecole  normale  le  condisciple  des  Burdeau,  des 
Strehiy,  des  Chamberland.  Docteur  es  lettres  en  1S87.  Ses  thèses  : 
De  Ewaldi  Kleislii  vila  cl  scripds,  La  campagne  de  IWrgonne. 
Successivement  professeur  d'allemand  à  Saint-Louis,  à  l'Ecole 
normale,  il  occupe,  depuis  1893,  au  Collège  de  France,  la  chaire 
de  langues  et  littératures  d'origine  germanique. 

Ses  œuvres  :  les  Guerres  de  la  Révolution,  la  Première  inva- 
sion pru&sienne,  Valmy,  etc.  Cette  série  qui  comprend  dix 
volumes  lui  valut  deux  fois  le  grand-prix  Goberl  (Académie  fran- 

1.  Né  à  Rocroy,  le  1"  mars  1853. 


222  CHRONIQUE 

çaisej,  et  le  grand-prix  Audiffred  (scieuces  murales  et  politiques). 
Le  Générai  Chanzy  fut  également  couronné. 

Préparé  par  ces  travaux  antérieurs,  Chuquel  a  su  résumer,  en 
trois  cents  pages,  l'tiistoire  de  la  guerre  franco-allemande  et  faire 
un  monument  définitif.  Nous  avons  eu  la  prétention  de  le  corn- 
parer  à  Tacite.  Comme  lui,  il  parle  à  l'àme,  à  l'imagination^  à 
l'esprit.  Son  caractère  fier  d'Ardennais  affirme  la  race;  la  pensée 
est  juste  et  raisonnable,  !e  style  alerte  et  vigoureux.  C'est  un  véri- 
table historien  national. 

Il  n'est  pas  décoré. 
(Journal.)  M. 

Nous  lisons  dans  un  journal  parisien  les  lignes  suivantes  : 
«  Il  y  a  à  Châlons-sur-Marne  une  vieille  dame  quinquagénaire 
qui  a  vendu  les  40,000  volumes  de  la  bibliothèque  de  son  mari, 
sauf  un  volume  qui  appartint  à  Marie-Antoinette,  un  livre  à  la 
vérité  précieux  et  que  ses  larmes  mouillèrent  :  VOffice  de  la 
divine  Providence,  qu'elle  avait  dans  la  prison  du  Temple.  Ce  qui 
donne  à  cet  ouvrage  un  inestimable  prix,  ce  sont  ces  mots  écrits 
sur  la  première  page,  de  la  main  de  celle  qui  allait  mourir  : 

«  Ce  i6  octobre,  à  4  h.  1/2  du  matin!  Mou  Dieu,  ayez  pitié  de  moi. 
«  Mes  yeux  n'ont  plus  de  larmes  pour  prier  pour  vous,  mes  pauvres 
«  enfants,  adieu,  adieu!  <£  Marie- Antoinette.  » 

La  dame  qui  possède  ce  livre,  et  vit  dans  le  souvenir  de  Marie- 
Antoinette,  n'a  pas  voulu  qu'un  tel  livre  eût  des  rivaux.  Mais  en 
pouvait-il  avoir?  i> 

»     ♦ 

Une  lettrk  inédite  de  Kellerma.nn.  —  M.  Ernest  Jovy,  profes- 
seur de  rhétorique  au  Collège  de  Vitry-le-François,  communique 
au  Temps  une  lettre  inédite  de  Kellermann  qu'il  a  trouvée  aux 
archives  de  Vitry-le-François. 

Voici  cette  lettre  écrite  sous  l'impression  de  la  victoire  de  Valmy  : 

«  Du  quartier  général  de  Dampierre- 
«  sur-Auve,    le   23  septembre  1792, 
«  l'an  IV  de  la  Liberté,  1"  de  l'Ega- 
«  lité. 
«  J'ai  ret.u,  monsieur,  !a  lettre  que  vous  m'avez  fait  l'bonneur  de  m'écrira, 
par  laquelle  vous    m'annoncez  l'arrivée   d'un  convoi  de   poudre  et  de  car- 
touches dans  votre  ville.  Je  vous  prie,  aussitôt  la  présente  reçue,  de  le  faire 
partir  pour  l'envoyer  par  Frêne  (le  Fresue),  ici. 

«  J'^i  eu,  au  lendemain  de  mon  arrivée,  une  affaire  avec  les  Prussiens. 
Malgré  leur  grande  supériorité  de  forces,  je  leur  ai  résisté  et  je  les  ai 
repoussé  (sic)  après  une  canonnade  qui  a  duré  douze  heures  de  suite.  J'ai 
perdu  aux  environs  de  300  hommes,  tant  de  tués  que  de  blessés,  et  mon 
cheval  a  reçu  sous  moi  une  forte  blessure  d'un  bouUet  {sic)  de  canon  à  la 
cuisse,  lequel  a  emporté  le  pan  de  mon  surtout  et  de  ma  housse. 


CHRONIQUE  223 

((  Si  pat  hasard  ils  [sic]  se  présenlaieul  (sic)  dans  vos  enviruus  fjuelques 
hussards  ennemis,  il  ue  faut  pas  vous  en  ellrayer  el  tenir  ferme  dans  votre 
ville,  que  vous  pourriez  faire  renforcer  par  des  volontaires  que  vous  deman- 
deriez a  Chàlons. 

«   Le  général  en  chef  de  l'armée  du  Cen're, 
«  Kellebmann, 
«  A  Messieurs  le  maire  el  officiers  municipaux  du  dislr.cl,  à   Vilry.  » 

(Arch.  muuicip.  de  Vitry-le-François,   division  II,  u"  I  i,  dossier 

3.)  (La  Vérité.) 

* 

.M.  Laurent,  archiviste  du  département  des  Ardennes,  doit 
publier  prochainement  une  notice  historique  sur  le  général  Pierre 
Jadart  Du  Merbion,  plus  connu  sous  le  nom  de  Du  Merbion,  né  à 
Montmeillanl  (canton  de  Chaumont-Porcien),  en  1737.  Cette 
notice,  divisée  en  trois  paragraphes,  comprendra  :  la  généalogie 
de  la  famille  Jadart;  la  biographie  de  neuf  membres  de  cette 
famille  qui  ont  fait  partie  de  Tarmée;  et  enfin  la  biographie  du 
général,  où  il  est  question  de  ses  rapports  avec  Bonaparte. 

Des  documents  inédits,  conservés  dans  la  famille  du  général, 
seront  publiés  ou  analysés  à  la  fin  de  cette  notice,  comme  pièces 
justificatives;  nous  signalerons  notamment  : 

I.  —  Campagne  d'Italie  :  Instructions  remises  a  Du  Merbioa,  par  l^obes- 
pierre  jeune,  comme  général  eu  chef  d'Italie;  —  légende  d'un  plan  du  fort 
de  Saorgio; —  note  de  service  de  Du  Merbion  sur  31  généraux  de  division 
et  de  brigade  de  l'armée  d'Italie. 

II.  —  Comptabilité  :  appointements  du  général. 

III.  —  Diplômes  de  civisme  délivrés  à  Du  Merbion  par  le  Club  patrio- 
tique de  Toulon,  la  Société  populaire  d'Antibes  et  la  Commission  munici- 
pale de  Nice, 

IV.  —  Retraite  de  Du  Merbion  :  certificat  des  médecins  de  l'arméd 
d'Italie;  états  de  services. 

V.  —  Lettres  sur  la  campagne  d'Italie  adressée  à  Du  Merbion,  posté - 
neuremeot  à  sa  mise  à  la  retraite,  par  les  généraux  Gaultier  et  Rochon,  et 
les  oldciers  Mares,  Chabran,  Belin  et  Clausade. 

VI.  —  Fragment  d'uu  cahier  de  correspondance  de  Du  Merbion,  eu 
retraite  à  Montmeillant. 

M.  Laurent  exprime  le  vœu,  qu'à  Toccasion  du  prochain  cen- 
tenaire de  la  mort  du  général  Du  Merbion  (25  février  1807),  on 
accorde  une  sépulture  plus  convenable  à  ses  ossements  relégués, 
depuis  une  trentaine  d'années,  dans  le  grenier  du  presbytère  de 
Montmeillant. 

r.ette  notice  sera  publiée  dans  la  Revue  historique  ardennaise, 
mais  il  en  sera  fait  un  tirage  à  part;  les  personnes  qui  désirent 
recevoir  celte  brochure  (franco,  2  fr.  50),  sont  priées  d'en  informer 
M.  Laurent,  à  Mézières. 

(Courrier  des  Ardennes.) 


224  CHRONIQUE 

La  PREMiÉRE  LiTHOGnAPHiE  FRANÇAISE.  —  Il  y  a  enviroii  un  siècle 
que  ]a  lithographie  fui  inventée  et,  à  l'occasion  de  ce  centenaire, 
on  organise  pour  le  mois  d'avril,  dans  un  des  palais  du  Champ-dc- 
Mars,  une  exposition  où  l'on  verra  chronologiquement  classés  les 
produits  de  cet  art  dans  lequel  s'est  illustré  Charlet. 

On  pourra  ainsi  suivre  pas  à  pas  les  progrès  réalisés  par  la  litho- 
graphie depuis  le  jour  où  le  Bavarois  Senefelder  en  tit  la  décou- 
verte par  hasard,  en  inscrivant  le  compte  de  sa  blanchisseuse  sur 
une  pierre  de  Solenhofen,  jusqu'à  notre  époque.  Mais  en  atten- 
dant les  documents  intéressants  que  nous  promettent  les  organi- 
sateurs de  l'Exposition  du  Champ-deMars,  VArt  français  nous  en 
donne  un  dans  son  dernier  numéro  qui  est  bien  curieux  et  mérite 
d'être  signalé.  C'est  la  reproduction  de  la  première  lithographie 
laite  par  un  artiste  français  qui  ne  fut  autre  que  le  général 
Lejeune,  un  des  meilleurs  officiers  de  Napoléon  Ie^ 

Voici  dans  quelles  circonstances  le  général  Lejeune  fut  appelé  à 
dessiner  sur  la  pierre  qui  devait  faire  la  fortune  de  Senefelder  et 
comment,  le  premier,  il  fil  connaî'.re  en  France  le  nouveau  pro- 
cédé : 

Le  général,  rentrant  à  Pans  après  la  bataille  d'Austerlitz,  s'était 
arrêté  à  Munich  pour  saluer  le  roi  Maximilien-Joseph.  Au  cours  de 
la  visite  qu'il  lui  fit,  ce  souverain  parla  de  l'invention  de  Senefelder 
en  termes  si  élogieux  que  notre  compatriote  voulut  se  rendre  dans 
les  ateliers  de  l'inventeur. 

Là,  malgré  ce  qu'on  lui  montra,  lofficier  resta  incrédule  à  tel 
point  que  Senefelder  lui  dit  : 

—  Savez-vous  dessiner? 

—  Oui. 

—  Eh  bien  !  faites  un  dessin  quelconque  et  une  heure  après 
vous  en  aurez  des  épreuves. 

Le  général  Lejeune,  piqué  par  la  curiosité,  mais  toujours  scep- 
tique, consentit,  bien  qu'il  fût  sur  le  point  de  partir  et  que  sa  voi- 
ture l'attendit  à  la  porte.  11  fit  dételer  et  se  mit  aussitôt  à  l'œuvre. 

Au  bout  d'une  demi-heure,  il  rendait  à  Senefelder  la  pierre  que 
celui-ci  lui  avait  remise,  ornée  d'un  dessin  qui  représentait  un 
cosaque  à  cheval,  la  lance  au  poing.  Sur  ce,  le  général  artiste 
s'en  fut  déjeuner  avec  la  conviction  qu'il  n'aurait  pas  de  sitôt  la 
reproduction  de  son  œuvre.  Quel  ne  fut  donc  pas  son  étonnement 
de  voir  arriver,  avant  qu'il  eût  terniiné  son  repas,  un  ouvrier  qui 
lui  remettait  cent  épreuves  de  son  cosaque! 

Le  général  Lejeune  partit  eiithousiasmé  et  son  premier  soin  en 
arrivant  à  Paris  fut  de  parler  de  l'invention  nouvelle  à  l'empereur 
qui  l'écouta  avec  le  plus  vif  intérêt. 

C'est  le  cosaque  dessiné  en  180)i  par  le  général  Lejeune  que 
VArl  français  a  reproduit  d'après  une  des  cent  épreuves  tirées  à 
Munich  dans  les  circonstances  que  nous  venons  do  rapporter. 


CHRONIQUE  22o 

Celle  épreuve^  la  seule  peul-êlre  qui  existe  encore,  appartient 
au  docteur  Jolv,  de  Sedan,  dont  le  père,  le  professeur  Joly,  de 
rinslilut,  connut  beaucoup  le  gcnéral  Lejeune.  Celui-ci,  après  la 
Révolalion  de  Juillet,  quitta  l'armée  et  se  retira  à  Toulouse,  où  il 
devint  directeur  de  l'Ecole  des  Beaux-Arts  et  de  l'Ecole  industrielle 
de  cette  ville.  [Petit  Journal.) 

Concours  rkgional  de  Reims.  —  Exposition  rétrospective  de 
ISOij.  —  Appel  collectif  aux  amateurs  de  la  région. 

Tous  ceux  qui  ont  pris  part  aux  belles  fêles  du  Concours  régio- 
nal, tenu  à  Reims  en  1876,  en  ont  gardé  un  souvenir  plein  de 
charme  et  de  reconnaissance  envers  les  organisateurs.  Aussi,  à 
l'annonce  du  nouveau  Concours  qui  se  tiendra  dans  notre  ville  au 
mois  de  juin  prochain,  un  désir  unanime  de  reproduire  les  fêles  et 
les  expositions  d'il  y  a  près  de  vingt  ans,  se  fit  jour  dans  la  popu- 
lation et  se  manifesta  sans  relard  sous  l'action  de  l'Administration 
municipale,  gardienne  vigilante  des  bonnes  traditions  et  de  la 
renommée  hospitalière  de  la  cité. 

Laissant  ici  de  côté  tout  ce  qui  concerne  le  Concours  agricole 
proprement  dit  et  ses  annexes  horticoles  et  viticoles,  si  attrayantes 
par  leurs  produits  champenois,  laissant  de  même  aux  associations 
compétentes  le  soin  de  parler  des  expositions  de  l'industrie  et  du 
commerce  de  Reims,  nous  venons  énoncer  simplement  ce  que  l'on 
prépare  et  ce  que  l'on  compte  faire  voir  au  public  en  fait  d'anli- 
quilés,  de  curiosités  historiques,  de  spécimens  choisis  de  l'art 
ancien  et  de  la  première  moitié  du  siècle.  Il  s'agit,  en  effet,  de 
grouper  au  Palais  de  l'Archevêché  tous  ces  souvenirs  si  intéres- 
sants du  mobilier  et  de  la  décoration  de  nos  pères  dans  un 
ensemble  très  spécial,  fourni  par  les  collectionneurs  et  les  ama- 
teurs obligeants  de  la  ville  et  de  la  région.  Les  Musées  de  l'Hôtel 
de  Ville  continueront  à  ouvrir  toutes  grandes  leurs  portes  aux 
visiteurs  qui  afflueront  vers  ses  sculptures,  ses  tableaux,  ses  col- 
lections d'antiquités,  ses  mosaïques  et  ses  toiles  peintes.  C'est  aux 
particuliers  qu'il  appartient  de  créer  un  Musée  temporaire  non 
moins  curieux,  empruntant  sa  valeur  et  son  attrait  k  son  carac- 
tère de  spontanéité,  de  bon  vouloir  patriotique  cl  d'amour-propre 
local. 

A  cet  égard,  rien  de  comparable  au  succès  de  l'Exposition  rélro.-.- 
peclive  de  Heims  en  1870.  Organisée,  sous  l'action  de  l'autorité 
municipale,  par  un  Comité  que  présidait  l'honorable  M.  \dolphe 
Dauphinot,  elle  atteignit,  par  le  concours  de  tous  les  amateurs 
éclairés,  une  splendeur  et  un  degré  de  perfection  dont  l'image  ne 
peut  s'effacer  de  nos  mémoires.  Encadrée  dans  la  belle  ordon- 
nance de  rappartemenl  royal  et  historique  du  Palais  de  l'Ar- 
chevêché, elle  engloba  dans  ses  galeries  et  ses  salons  des  séries 
innombrables  et   des  collections   merveilleuses   d'objets  antiques, 


2'2(j  CHROMOUE 

de  chefs-d'œuvre  de  l'arl  les  plus  brillants  et  les  plus  appréciés. 
Rappeler  le  conliiigent  qu'y  fournirent,  avec  tant  d'empresse- 
ment, les  niodesles  amateurs,  comme  les  plus  riches  collection- 
neurs, ce  serait  refaire  le  catalogue  si  scrupuleusement  dressé  par 
MM.  l'abbé  Cerf,  Daulreville,  Ch.  Givelel,  Th.  Peliljean  et  leurs  col- 
lègues. Citons  seulement  ici,  parce  qu'elles  sont  devenues  depuis 
parties  intégrantes  des  richesses  de  la  Ville,  les  admirables  suites 
d'objets  antiques,  de  céramiques  françaises  et  de  bibelots  japonais 
exposés  par  Mn>«  Pommery,  par  M""'  Gerbault  et  par  M.  Alfred 
Gérard.  Le  reste  marchait  de  pair  avec  ces  merveilles.  Pourquoi 
ne  reconstituerait-on  pas  un  pareil  spectacle,  si  honorable  pour 
notre  ville  aux  yeux  des  étrangers,  si  plein  de  promesses  pour  son 
avenir  artistique? 

Aujourd'hui,  le  même  cadre  s'offre  à  nous  qu'en  1876,  les  mêmes 
efforts  tendent  à  une  aussi  pleine  réussite.  Sur  la  demande  de 
l'Administration  municipale,  qui  a  obtenu  une  allocation  spé- 
ciale du  Conseil  pour  couvrir  tous  les  frais,  et  de  concert  avec 
l'Académie  de  Reims,  un  Comité  d'organisation  a  été  constilué. 
Le  Cardinal  Archevêque  de  Reims  lui  a  accordé  les  mômes  locaux 
qui  lui  avaient  été  concédés  précédemment.  Ce  Comité,  offrant 
toutes  les  garanties,  est  composé  des  hommes  les  plus  compétents 
et  les  plus  connus  par  leurs  goûts  éclairés  pour  les  arts  et  par  la 
valeur  de  leurs  propres  collections. 

Il  agit  sous  les  auspices  du  Cardinal  Archevêque,  du  Général 
commandant  d'armes,  du  Préfet  de  la  Marne,  du  Maire  de  Reims 
et  du  Président  de  l'Académie.  M.  Léon  Morel,  l'archéologue  si 
apprécié,  a  accepté  la  charge  de  commissaire  général  (Reims,  ■?, 
rue  de  Sedan). 

C'est  à  l'abri  de  telles  notabilités,  et  sous  leur  protection,  que 
des  appels  particuliers  ont  été  adressés  à  ceux  de  nos  concitoyens 
connus  pour  posséder  des  œuvres  d'art  ou  des  curiosités  dignes  de 
fixer  l'altentioa  du  public,  ^'ous  adressons  ici  un  appel  collectif  et 
général  à  tous  nos  compatriotes,  afin  qu'il  n'y  ait  aucune  personne 
de  bonne  volonté  qui  puisse  se  dire  tenue  à  l'écart. 

Le  détenteur  du  moindre  objet  d'art  peut  le  faire  connaître  au 
Commissaire  général,  qui  l'accueillera  avec  la  même  gratitude 
que  s'il  venait  des  grands  collectionneurs  invités  personnellement 
par  le  Comité. 

La  demande  qu'ils  ont  reçue  est  accompagnée  du  Règlement  de 
l'Exposition  :  il  est  identiquement  celui  que  l'on  adopta  en  187(1  et 
qui  inspira  alors  tant  de  sécurité  aux  possesseurs  de  trésors  artis- 
tiques. Les  conditions  du  prêt,  sa  durée,  l'assurance  en  cas  d'in- 
(^endie,  le  retour  des  objets,  tous  les  détails  y  sont  suffisamment 
précis  et  (lairs,  nous  l'espérons,  pour  dicter  une  réponse  favo- 
rable aux  collectionneurs  les  plus  méticuleux.  Nous  demandons 
aussi  que  celle  réponse  soit  prompte,  afin  de  permettre  un  clas- 
sement favorable  et  au  gré  des  amateurs,  la  confection  immédiate 


CHRONIQUE  297 

du  catalogue  el  l'ouverUire  dos  salons  an  jour  dit,  c'esl-à-dire  au 
1"  juin  prochain.  En  pareil  cas,  les  tergiversations,  les  hésitations 
et  les  doutes  doivent  être  bannis.  I^oint  de  scrupules,  quand  il  ne 
s'agit  que  d'un  déplacement  temporaire,  dans  un  local  fort  bien 
clos  et  facile  à  surveiller  nuit  et  jour.  En  retour  de  ce  léger 
sacrifice,  l'initiative  de  chacun  est  appelée  à  affirmer  la  vitalité 
artistique  de  la  Champagne,  but  généreux  et  d'un  intérêt  pratique 
dans  un  moment  où  il  est  partout  question  de  décentralisation. 

Que  l'on  se  rende  compte,  en  effet,  de  la  nécessité  où  sont  les 
villes,  à  notre  époque,  de  maintenir  leur  renommée  dans  toutes 
les  circonstances  notables,  par  une  manifestation  digne  de  leur 
situation  actuelle  et  de  leur  passé.  Faute  de  ce  déploiement 
d'efforts  dans  leur  propre  sein,  c'est  la  déchéance  qui  s'ensuivrait 
pour  elles.  L'exemple  a  été  donné  autour  de  nous  depuis  181(3  : 
Châlons  a  organisé  plusieurs  expositions,  notamment  celle  du 
Souvenir  Français  l'an  dernier;  Epernay  a  récemment  tenu  les 
visiteurs  sous  le  charme  de  son  exposition  horticole,  et  Charle- 
ville  a  créé  tout  d'une  pièce  une  exposition  d'art  et  d'industrie. 
Dans  le  même  laps  de  temps,  en  dehors  des  remarquables  expo- 
sitions de  la  Société  des  Amis  des  .\rts,  la  ville  de  Heims  n'a  oll'ert 
aux  regards  des  étrangers  que  deux  expositions  bien  réussies,  mais 
improvisées  et  partielles,  la  première  lors  de  la  visite  du  Président 
de  la  République,  et  la  seconde  à  l'occasion  du  Centenaire  de 
Valmy.  11  est  temps  d'agrandir  le  cadre  de  ces  efforts  afin  de 
remonter  au  niveau  d'il  y  a  vingt  ans. 

Une  question  capitale,  celle  de  l'enseignement  du  dessin  et  de 
la  vulgarisation  des  modèles  d'art  industriel,  s'ajoute  aux  raisons 
d'ordre  général  pour  presser  l'ouverture  et  garantir  le  succès 
d'une  semblable  exposition  dans  une  ville  cijmme  Reims,  centre 
manufacturier  essentiellement  intéressé  au  développement  du 
goût  public. 

Les  plus  heureuses  conceptions  se  font  jour  d'ailleurs  dans  le 
sein  du  Comité,  et  présagent  des  attractions  d'un  caractère  neuf,, 
original  et  opportun.  On  projette  l'installation,  dans  la  chapelle 
haute  de  l'Archevêché,  d'une  série  d'art  religieux  rétrospectif,  à 
l'aide  des  trésors  des  églises  et  des  hospices.  Le  Musée  lapidaire 
de  la  chapelle  basse_,  0'"i  est  le  tombeau  de  Jovin,  serait  ouvert  en 
môme  temps  que  l'on  réunirait  dans  les  salons  contigus  les  col- 
lections préhistoriques,  gauloises  et  gallo-romaines  les  plus 
célèbres  de  la  région.  En  outre,  il  est  question  d'offrir  aux  yeux 
un  tableau  vivant  et  pittoresque  de  l'histoire  médicale  de  Reims, 
par  le  groupement  des  portraits  de  ses  docteurs  les  plus  célèbres 
et  de  leurs  publications  les  plus  saillantes.  —  On  étudie  la  mise 
en  scène  des  souvenirs  reconnaissants  cousaci'és  par  les  âges  suc- 
cessifs à  Jeanne  d'Arc.  —  On  prépare  la  collection  d'œuvres  de 
peintres  de  toutes  les  époques,  môme  modernes,  et  spécialement 
de  l'œuvre  des  peintres  rémois,  Lié-Louis  et  Alphonse  Perin,  si 


228  CHRONIQUE 

estimés,  l'on  comme  miniaturiste,  et  l'autre  comme  auteur  des 
fresques  de  Notre-Dame  de  Lorette  à  Paris.  —  On  voudrait, 
d'autre  part,  présenter  l'ensemble  de  l'histoire  de  la  typographie 
à  Reims,  depuis  ses  origines  au  xvi^  siècle  jusqu'à  nos  jours.  — 
Enfin,  on  parle  même,  sujet  tout  dill'érent,  mais  actuel  à  tous  les 
points  de  vue,  d'une  exposition  historique  coloniale,  c'est-à-dire 
d'une  réunion  d'objets  provenant  des  colonies  françaises,  et  inté- 
ressant le  public  à  ces  questions  vitales  pour  l'intluence  de  notre 
patrie  dans  le  monde. 

Si  ces  points  du  programme  aboutissent  au  gré  des  organisa- 
teurs, ou  si  du  moins  leurs  vœux  principaux  sont  réalisés,  l'Expo- 
sition prochaine  sera  instructive  autant  que  variée.  Elle  s'adres- 
sera à  tous  les  sentiments  élevés  et  patriotiques,  dans  le  domaine 
de  l'art  comme  dans  celui  de  l'histoire.  Mais  il  faut  joindre  pour 
cela  un  élément  indispensable  à  l'action  du  Comité;  cet  élément, 
c'est  le  concours  entraînant,  conliant  et  dévoué  de  tous  nos  com- 
patriotes et  de  tous  nos  voisins  intéressés  à  nos  elTorts.  Isolé,  le 
Comité  ne  peut  que  tracer  des  plans  et  ouvrir  des  vitrines;  mais 
accueilli  par  la  faveur  publique,  secondé  par  les  apports  des  ama- 
teurs, il  pourra  exécuter  ses  divers  projets,  procurer  à  tous  les  plus 
nobles  jouissances,  et  ajouter  une  nouvelle  page,  ouvrir  un  essor 
nouveau  à  l'activité  artistique  et  intellectuelle  de  la  région. 

H.  Jadart, 
Secrétaire  du  Comité. 


M.  René  de  Saint-Marceaiix,  le  distingué  statuaire  rémois,  vient 
d'être  chargé  d'exécuier  le  buste  de  M.  Félix  Faure,  le  nouveau 
président  de  la  République. 

L'Etat  vient  de  faire  don  au  Musée  de  Reims  d'un  grand  tableau 
de  Palma  ayant  pour  sujet  la  Conversion  de  saint  Paul. 


La  MUsini'E  A  Reims.  —  La  Société  philharmonique  de  Reims, 
une  des  meilleures,  assurément,  de  la  province,  vient  de  donner 
la  première  audition  d'une  œuvre  très  importante  d'un  jeune 
compositeur  alsacien,  fixé  à  Reims,  M.  J.-A.  Wiernsberger.  C'est 
une  légende  en  trois  parties  pour  soli,  chœurs  et  orchestre,  mti- 
tulée  :  le  Camp  d'.iUila;  le  poème  est  dû  à  M.  Fernand  Moch. 
M.  Wiernsberger  était  déjà  avantageusement  connu  par  diverses 
compositions  dramatiques  exécutées  en  Belgique  et  dans  les 
grandes  villes  du  Nord.  Son  nouvel  ouvrage  paraît  marquer 
encore  un  progrès  sur  les  précédent?,  et  la  presse  rémoise  a  été 
unanime  à  louer  les  qualités  de  puissance  et  d'inspiration  qui  le 
caractérisent.  L'exécution,  sous  la  direclioii  de  l'auteur  et  avec  le 
concours  de  M.  et  de  M"""  Auguez,  a  été  très  satisfaisante.  C'est  là 


CHRONIQUE  229 

une  tentative  nouvelle   de  décentralisation  artistique  dont  on  ne 
saurait  trop  savoir  gré  à  la  Société  philharmonique  de  Reims, 

(Débals.) 

La  Veillée  de  Jeanne  d'Arc,  tel  est  d'autre  part  le  titre  d'une 
composition  nouvelle  de  M.  Ernest  Lefèvre,  scène  lyrique  pour 
soprano,  chœur  d'hommes  et  orchestre,  éditée  fort  élégamment 
par  M.  Emile  Mennesson. 

Le  livret  est  d'un  poète  bien  connu  à  Reims,  et  qui  a  déjà  su  se 
faire  un  nom  parmi  les  esthètes  parisiens^  M.  P.-R.  Ghensi. 

La  Veillée  de  Jeanne  d' Arc  sera  prochainement  exécutée  comme 
intermède  musical  au  grand  théâtre  de  Reims,  par  les  soins  de 
M.  Viliefranck,  et  c'est  très  probablement  iM""  Blanc,  l'excellente 
cantatrice  récemment  applaudie  à  la  Philharmonique  et  au 
dernier  concert  de  la  Musique  Municipale,  qui  tiendra  le  rôle  de 
Jeanne  d'Arc.  Les  chœurs  seront  chantés  par  l'Union  Chorale 
sous  la  direction  de  l'auteur,  et  l'orchestre  du  théâtre  accompa- 
gnera. 

Cette  (Huvre  est  dédiée  au  Président  de  l'Union  Chorale  de 
Reims,  M.  A.  Renard. 

Dans  le  courant  de  l'année  1894,  M.  Thévenin,  cultivateur  à  la 
ferme  de  Queulx,  écart  de  la  commune  d'Ambrières  (Marne), 
occupait  un  terrassier  au  nivellement  d'un  terrain,  sis  à  une  petite 
distance  des  bâtiments  de  la  ferme,  quand  la  pioche  de  l'ouvrier 
mit  à  découvert  des  armes  anciennes,  un  crâne  ainsi  que  des 
ossements.  M.  Thévenin  recueillit  le  tout  et  le  mit  en  lieu  siir. 

Dernièrement,  ces  objets  étaient  présentés  à  M.  l'abbé  Fourot, 
professeur  au  Collège  de  Saint-Dizier  (Haute-Marne),  qui  a 
reconnu  que  l'origine  de  ces  armes  remontait  au  v«  ou  vi*  siècle. 
Ce  sont  deux  scramasaxes,  ou  poignards  francs  :  l'un  mesure  une 
longueur  de  quarante  huit  centimètres,  l'autre  une  longueur  de 
quarante-deux;  enfin  un  fer  de  lance  de  vingt-six  centimètres,  à 
douille,  avec  un  reste  de  hampe. 

En  attendant  que  l'avenir  fasse  surgir  de  nouvelles  découvertes, 
M.  Thévenin-Garnier  a  abandonné  gracieusement  les  objets  dont 
nous  venons  de  parler  à  la  Société  des  Sciences,  Arts  et  Agricul- 
ture de  Saint-Dizier,  et  ces  armes,  appropriées  par  les  soins  de 
de  M.  l'abbé  Fourot,  figureront  prochainement  dans  le  Musée  de 

cette  ville. 

* 

On  vient  de  découvrir,  dans  le  département  de  la  Côte-d'Or, 
une  sépulture  antique,  construite  en  pierres  sèches  et  contenant 
une  épingle  à  cheveux  en  bronze  qui  ne  mesure  pas  moins  de  l'>7 
centimètres  de  longueur. 

Cette  magnifique  épingle,  parfaitement  patinée,  dite  à  enroule- 


230  CHRONIQUE 

ments,  est  jusqu'ici,  [tarmi  celleô  qui  ont  été  recueillies  sur  le  sol 
de  l'ancienne  Gaule,  la  seule  qui  atteigne  ces  proportions  phéno- 
ménales. 

La  sépulture  renfermait  en  outre,  indépendamment  d'un  ban- 
deau d"or  vendu  immédiatement  à  un  orfèvre,  trois  bracelets  de 
bronze  ciselés,  treize  anneaux  de  même  métal  et  une  sorte  de 
crochet  ayant  servi  d'attache  à  une  ceinture;  de  plus,  des  débris 
de  fibules  et  de  pendeloques. 

Les  dents  verdies  par  l'oxyde  de  cuivre  semblent  indiquer,  par 
leurs  formes  et  leur  fraîche  conservation,  que  la  personne  inhumée 
avait  à  peine  atteint  l'âge  adulte. 

M.  Léon  Morel,  l'archéologue  bien  connu,  s'est  rendu  acquéreur 
du  mobilier  de  cette  remarquable  sépulture  que  l'on  pourra  admi- 
rer à  l'exposition  rétrospective  qui  aura  lieu  à  Reims,  en  juillet 
prochain,  pendant  les  fêtes  du  Concours  régional  agricole. 


M.  Pol  Neveux,  sous-bibliothécaire  à  l'Ecole  des  Beaux-Arts,  pré- 
cédemment attaché  à  la  Bibliothèque  Mazarine,  et  qui  récemment 
encore  faisait  partie  du  cabinet  de  M.  Georges  Leygues,  au  minis- 
tère de  l'Instruction  publique,  vient  d'être  nommé  sous-chef  de 
cabinet  de  M.  Poincaré,  ministre  de  l'Instruction  publique. 

M.  Pol  Neveux  est  le  fils  de  M.  Neveux,  conseiller  municipal  de 
Reims. 

L'un  de  nos  compatriotes  rémois  les  plus  distingués,  M.  Henri 
Thuillier,  vient  de  remporter  un  véritable  succès,  avec  ses  vins 
d'Algérie,  au  Concours  général  agricole  de  Paris.  Voici  les  nom- 
breuses et  très  sérieuses  récompenses  qui  lui  ont  été  décernées  : 

Vins  blancs  de  coteau.  —  Diplôme  de  médaille  d'or. 
Vins  He  liqueur  de  coteau.  —  Diplôme  de  médaille  d'argent.  —   Diplôme 
de  médaille  de  bronze. 

Vins  blaucs  mousseux.  —  Médaille  d'or. 
Eaux-de-vie  d'Algérie.  —  Diplôme  de  médaille  d'or. 

C'est  là  un  brillant  succès  dont  il  convient  de  féliciter  Tintelli- 
gent  et  persévérant  colonisateur. 

D'autre  part,  toute  une  importante  série  de  récompenses  ont  été 
attribuées  à  l'Association  syndicale  des  propriétaires  récoltants  de 
Champagne,  dont  le  siège  est  ii  Damery.  Cette  Association  a  pré- 
sentement pour  président  M.  Yvonnet,  et  pour  secrétaire  M.  Dela- 
ruelle.  Le  jury  a  rendu  justice  aux  diverses  qualités  de  nos  vins, 
et  quarante  exposants  syndiqués  ont  obtenu  quarante-trois  récom- 
penses. En  voici  la  liste  relevée  sur  le  catalogue  officiel  : 

Vins  blancs  de  la  Marne. 
Médaille  <rargent,  Association  syndicale  de  Cbampagne,  à  Damery, 


CIIKONIQUE  2;{1 

PRr.MlKUK    Caïkgorie 
MéJailie  d'or,  M.  Aiif^ugle  Gilmer,  à  Oger. 
Médaille  d'or.  NJ.  Wif^non-Duval,  à  Ay. 
Médaille  d'or,  M.  Ernest  Quenardel,  à  Verzenav. 
Médaille  d'or,  M.  Pierre  de  Saint-Juan,  au  Mesnil-siir-Oger. 
Médaille  d'or,  M.  Albert  Valet,  à   Mareiiil-sur-Ay, 
Mf'daille  d'argent,  M.  Désiré  Aimé,  à  Mailly. 

DfCxiÈiis   Catkgorie 
Médaille  d'argent,   M.  Louis  Bourdon,  à  Mareuil. 
Médaille  d'argent,   M.  Bourdon-Mary,  à   Mareuil. 
Médaille  d'argent,   M.  Coutelas- Morel,  h  Reuil. 
Médaille  d'argent,  M.   Delaruetle,  à  Damery. 
Médaille  d'argent,  M.  Grandamy-Bradier,  à  Reuil. 
Médaille  d'argent,   M.  Théophile  Hanin,  à  Damery. 
Médaille  d'argent,  M.  David  Hubert,  à  Reuil. 
Médaille  d'argent,  M.  Mary-Jobin,  à  Mardeuil. 
Médaille  d'argent,  M.  Hubert  Lernoine,  à  Reuil. 
Médaille  d'argent,  M.    Lévêque-BardeauJ. 
Médaille  d'argent,  M.  Firmin  Mannebarlh,  à  Damery. 
Médaille  d'argent,  M.  Marchai-Marmot,  à  Damery. 
\'édaille  d'argent,  M.   Marlier-Lemanche.  à  Van  lières. 
Médaille  d'argent,  M.  Mary-Mothé,  à  Mf-rdeuil. 
Médaille  d'argent,   M.  Paul  Mathieu,  à  Reuil. 
Médaille  d'argent,  M.   Bertrand  Naïaur.  à  Damer}'. 
Médaille  d'argent,    NJ.  Denis  Pcssenet,  à  Reuil. 
Médaille  d'argent,  M.   Poissinet-Morel,  à  Reuil. 
Médaille  d'argent,   M.  Tallot-Cornet,  à  Reuil. 
Médaille  d'argent,   M.   Vignon-Oudard,  à  Reuil. 
Médaille  de  bronze,  M.   Hanin-Guyot,  à  Damer\'. 
Médaille  de  bronze,  M.  Mihéru-Savoye,  à  Œuiily. 
Médaille  de  bronze,   M.  Jules  Rém}',  à  Vandières. 
Médaille  de  bronze,   M.  Yvonnet,  à  Damery. 
Médaille  de  bronze,   M.  Dourdon-Pessenet,  à  Reuil. 

Vins  rouges. 

Médaille  d'or.  M.   Marchal-Marmol,  à  Damery. 
Médaille  d'argent,  M.  Hanin-Guyot,  à  Damery. 
Médaille  d'argent,   M.  Paroissien-Guillaume,  a  Damery. 
Médaille  d'argent,   M.  Tarlant  (Hérault),  à  Qvjilly. 
Médaille  d'argent,  M.  Yvonnet,  à  Damery. 
Médaille  de  bronze,  M.  Narcisse  Canet,  à  Monligny. 
Médaille  de  bronze,    M.   Delaruelle,  à  Damery. 
Médaille  de  bronze,  M.  Delorme,  à  Damery. 
Médaille  de  bronze,   M.  Théophile  Hanin,  a  Damery. 

O  grand  succès  de  l'Association  .syndicale  des  vignerons  pro- 
ducteurs de  la  Marne  doit  les  encourager  à  persévérer  dans  leur 
œuvre.  lis  se  sont  ouvert  des  débouchés  directs  par  leurs  vins 
rouges  et  blancs  non  travaillés  {nature,  puisque  c'est  le  mot 
adopté;  et  leurs  vins  champagnisés  sous  la  surveillance  du  Comité 
de  l'Association.  En  février  seulement,  la  vente  de  ces  vins  s'est 
élevée  au  chiffre  considérable  de  12,000  barriques  cliaitipcnoises. 


232  CHRONIQUE 


Le  Conseil  municipal  de  Mouzon  (Ardehnes)  a  décidé  d'élever 
un  monument  à  la  mémoire  des  soldais  morts_,  en  1870,  à  l'am- 
bnlancc  de  Mouzon. 

Le  monument  sera  érigé  au  cimetière,  sur  l'emplacement  de  la 
tombe  où  ont  été  déposés  les  corps  des  soldats. 


La  Société  amicale  do  la  Marne  donnait  le  22  lévrier  au  soir, 
chez  Corazza,  son  premier  banquet  de  l'année,  sous  la  présidence 
de  M.  le  D''  Duguet. 

On  remarquait  dans  l'assistance  :  MM.  Diancourt,  sénateur  ; 
Vallé  et  Bertrand,  députés;  Th.  Dubois,  de  l'Institut;  Clairin, 
conseiller  municipal;  Tantet,  maire  du  .3''  arrondissement; 
Aulier,  inaire  de  Sainte-Menehould  ;  Maurice,  conseiller  général 
de  la  Marne;  Person,  Pizard,  Haussaire,  Dagonet,  Pilet,  Cordier, 
Dallier,  etc.,  etc. 

Après  une  courte  et  spirituelle  allocution,  M.  le  D"^  Duguet  a  fait 
réloge  de  notre  compatriote  M.  Guârlet,  attaché  au  ministère  des 
all'aires  étrangères,  nouvellement  promu  chevalier  de  la  Légion 
d'honneur. 

La  parole  a  été  ensuite  donnée  à  M.  Haussaire,  professeur  au 
lycée  Charlemagne,  qui,  tout  en  se  défendant  de  vouloir  faire 
une  conférence,  a  tenu  l'auditoire  sous  le  charme  de  sa  parole 
avec  ((  Les  vieilles  Légendes  ». 


Le  même  jour  a  eu  lieu  le  premier  banquet  des  Haut-Marnais  de 
Paris,  sous  la  présidence  du  poète  Edmond  Haraucourt. 

Dans  la  nombreuse  assistance  figuraient  MM.  Emile  Richebourg, 
le  romancier  connu;  Paillardin,  Xavier  Borssat,  avocat  à  la  Cour; 
le  marquis  de  Pimodan,  duc  de  Rarécourt;  Hanoteau,  adminis- 
trateur des  forges  du  Val  d'Osne;  Albert  Arnal,  avocat  à  la  Cour; 
Maynard,  avoué  à  la  Cour;  le  comte  Ducos,  propriétaire  de  l'an- 
tique abbaye  de  Septtontaines;  le  docteur  Rabert,  Jamin,  le 
peintre  Gabriel  Guérin,  Keller,  Roger,  ingénieur;  Dutailly,  avocat 
à  la  Cour;  Eugène  Roussel,  Lambert  de  Posange,  etc.,  etc. 


On  écrit  de  Vertus  (Marne)  au  Courrier  de  la  Champagne  : 
«  La  ville  de  Vertus  a  vendu  son  diadème!  Ainsi  en  a  décidé  le 
Conseil  municipal. 

La  superbe  promenade  dite  Allée  des  Soupirs,  composée  de  VM) 
beaux  ormes  deux  fois  séculaires,  est  livrée  à  la  hache.  Ces  beaux 
arbres  sont  très  sains  et  ne  demandaient  qu'à  vivre  et  à  continuer 
de   servir,   pendant    les  chaleurs,    aux    promenades    des    jeunes 


CHRONIQUE  233 

enfants,  aux  récréations  des  garçonnets,  de  square  où  la  musique 
se  faisait  entendre. 

Le  produit  en  sera  de  ;!,()0N  fr.,  d'ot'i  il  faudra  déduire  1,000  fr. 
pour  la  replantation. 

Qui  sait  si  cette  belle  ceinture  de  géants  ne  protégeait  pas  la 
population  contre  certaines  maladies  épidémiques? 

Les  étrangers  de  passage,  grand  nombre  d'habitants,  des  natifs 
qui  se  disposaient  à  revenir  au  pa)'s,  tous  regrettent  hautement  ce 
vandalisme.  » 

Le  docteur  Henri  Jolicœur,  de  Reims,  mort  récemment,  n'a  pas 
oublié  dans  son  testament  les  divers  établissements  hospitaliers 
de  cette  ville  dont  il  avait  étudié  les  besoins  avec  une  si  vive  sol- 
licitude. 

il  laisse  20,000  fr.  à  la  Maison  de  Retraite;  lO^UOO  fr.  à  l'Hôtel- 
Dieu;  10,000  fr.  à  rHûpital-(;énéral  ;  10,000  fr.  à  l'Hôpital  Saint- 
Marcoul;  2,000  fr.  au  Bureau  de  bienfaisance;  "ù.OOO  fr.  aus 
Petites  Sœurs  des  Pauvres;  l,oOO  fr.  à  l'Ecole  de  Médecine;  en  tout, 
une  somme  de  58,000  fr.  consacrée  ainsi  à  des  œuvres  philanthro- 
piques. 

* 

*  *• 

M.  Ritt,  ancien  receveur  particulier  des  tlnances  à  Epernay, 
ancien  trésorier-payeur  général  du  département  de  l'Aude,  vient 
d'être  promu  au  grade  d'oflicier  dans  l'ordre  de  la  Légion 
d'honneur.  Chevalier  depuis  le  14aoiit  iHQl,  il  compte  aujourd'hui 
trente  années  de  services. 

M.  Ritt  est  actuellement  gouverneur  de  la  principauté  de 
Monaco. 

*  ♦ 

Le  nouveau  ministre  de  la  marine,  l'amiral  Besnard,  est  par 
son  mariage  allié  à  une  des  plus  honorables  familles  rethéloises. 

11  a  épousé  ]V1"'=  Laurence,  fille  de  M.  Laurence-Duval  et  petite- 
fille  de  M.  Duval-Rousseau,  chef  de  la  maison  de  banque  bien 
connue  et  très  estimée  dans  les  Ardennes  :  Duval,  Rousseau  et  C»'. 

M"""  i'amirale  Besnard  est  la  nièce  de  nos  sympathiques  compa- 
triotes M.  et  M"'  Purnot-Duval,  de  Rethel. 

M"*  Laurence  était  déjà,  à  Rethel,  un  peintre  très  distingué. 
Elève  de  Chaplin,  elle  a  du  exposer  plusieurs  fois  au  Salon. 


Nos  COMPATRIOTES  A  Mada(;ascar.  —  M.  Godin,  sous-intendant 
militaire  de  la  iZ'  division  d'infanterie  —  qui  réside  depuis  sept 
ans  à  Reims,  où  il  s'est  très  justement  acquis  de  nombreuses 
sympathies  —  vient  d'être  désigné  pour  faire  partie  du  corps 
expéditionnaire  de  Madagascar,  comme  sous-intendant  du  quartier 
général. 


234  CHUONIQUE 

La  disLincLion  dont  M.  (iodin  est  l'objef.  est  d'autant  plus  tlal- 
teuse,  que  cet  officier  si-périeur  n"a  pas  sollicité  son  envoi  à  Mada- 
gascar. Il  a  été  choisi  et  désigné  par  le  chef  des  services  adminis- 
tratifs, M.  Thouniazou,  sous  les  ordres  duquel  M.  Godin  a  déjà  servi 
en  Tunisie. 

M.  Thoumazou  a  également  fait  la  campagne  de  Flndo-Chine, 
et  sa  haute  compétence  nous  garantit  que  le  service  des  ravitaille- 
ments, si  difficile  dans  un  pays  comme  Madagascar,  ne  laissera  rien 
à  désirer. 

M.  Godin,  qui  est  allié  à  une  famille  chàlonnaise,  était,  avant 
d'entrer  dans  l'intendance,  un  brillant  officier  d'infanterie.  Il  fit 
comme  oflicier  au  74'"  de  ligne  la  campagne  de  18"0,  et  se  dis- 
tingua au  combat  de  Wissembourg. 

—  Le  docteur  Lepage,  médecin  principal  en  second  à  l'hôpital 
de  Bordeau.x,  vient  d'être  désigné  pour  être  médecin  en  chef  d'un 
hôpital  d'évacuation  à  Madagascar. 

M.  Lepage  partira  prochainement  avec  2o  infirmiers  de  l'hôpital 
de  Bordeaux,  qui  ont  demandé  à  faire  partie  du  corps  expédi- 
tionnaire et  dont  les  notns  ont  été  désignés  par  le  sort,  tant  était 
grand  le  nombre  des  demandes. 

Le  docteur  Lepage,  chevalier  de  la  Légion  d'honneur  en  18*0, 
est  officier  depuis  cinq  ans;  déjà  il  compte  de  très  nombreuses 
campagnes  tant  en  Algérie  qu'en  Tunisie. 

Le  docteur  Lepage  est  de  Vitry-le-François.  Les  meilleurs  vœu.x 
de  ses  compatriotes  l'accompagnent  dans  sa  nouvelle  et  lointaine 
canjpagne. 

Un  très  beau  portrait  du  regretté  Gustave  Bazin  est  e.vposé  en 
ce  moment  chez  M.  L'Hosle,  rue  de  Talleyrand,  à  Reims. 

Il  est  dû  au  talent  justement  apprécié  de  M.  Lamare.  C'est  un 
grand  pastel  fait  d'après  une  excellente  photographie  de  M.  Bor- 
deria. 

M.  Lamare  est  un  artiste  habile  et  consciencieux  dont  les  ceuvres 
méritent  tout  particulièrement  d'être  recommandées. 


Dans  les  premiers  jours  de  février,  M.  Elle  Durey,  cultivateur  au 
Plessis-Barbuise  (.4ube),  était  occupé  à  l'extraction  de  roches  situées 
près  du  passage  à  niveau  du  chemin  de  fer  desservant  cette  com- 
mune, lorsque  son  pic  heurta  des  pierres  superposées,  maçonnées 
avec  art,  —  indiquant  clairement  qu'il  se  trouvait  en  présence  de 
fondations  remontant  à  une  époque  fort  reculée,  car  la  tradition 
locale  est  muette  sur  leur  existence. 

Encouragé  par  la  quantité  de  pierres  qu'il  rencontrait,  il  pour- 
suivit ses  fouilles  et  mit  successivement  k  découvert  des  fragments 
de  poterie  d'une  confection  assez  grossière,  d'autres,  d'un,  toucher 


CHRONIQUE  23lj 

et  d'une  finesse  que  ne  répudieraient  point  la  plupart  de  nos 
artistes  d'aujourd'liui;  des  tuiles,  (jui  semblent  faites  à  la  méca- 
nique et  s'adaptent  les  unes  aux  autres  avec  une  justesse  merveil- 
leuse; une  lampe  en  terre,  etc. 

Mais  la  partie  la  plus  inléressanle  de  son  travail  commence  à  la 
découverte  de  la  cheminée  d'une  des  pièces  explorées,  munie  de 
dalles  en  terre  cuite  parfaitement  conservées. 

A  cùté  de  cette  cheminée  —  dans  une  minuscule  construction 
mesurant  0  m.  80  de  profondeur,  0  m.  40  de  largeur,  et  0  m.  i") 
à  0  m.  20  de  hauteur,  faite  en  carreaux  de  terre,  —  il  mit  à  jour, 
empilées  les  unes  sur  les  autres,  plus  de  deux  cents  pièces  de 
monnaies  romaines,  dont  les  plus  anciennes  remontent  à  Auguste, 
et  les  plus  récentes  à  Constantin  le  Grand.  Toutes  sont  en  cuivre, 
et.  sans  exception,  d'une  conservation  surprenante  ;  on  croirait 
que  les  effigies,  les  atlribuls  symboliques  et  les  inscriptions  datent 
de  cinquante  ans. 

»     * 

Mariages.  —  Le  [>  février  1895  a  eu  lieu  le  mariage  du  comte 
Gérard  de  Rohan-Chabot,  propriétaire  du  domaine  de  Vindey 
(Marne),  avec  M'""  Cécile  Aubry-Vitet_,  tille  aînée  de  M.  Eugène 
Aubry-Vitel,  et  nièce  de  feu  M.  Vitet,  de  l'Académie  française. 


Le  même  jour  a  été  célébré,  en  l'église  Saint-Honoré-d'EyIau,  à 
Paris,  le  mariage  de  M.  Jules  Deperthes,  architecte,  premier  second 
prix  de  Rome,  avec  M"*^  Valentine  Jouvin,  fille  de  M  H.  Jouvin, 
membre  du  Conseil  de  surveillance  du  Figaro. 

.M.  Jules  Deperthes  est  le  fils  du  sympathique  rémois,  M.  Deper- 
thes, architecte  de  l'Hôtel  de  Ville  de  Paris. 


Le  12  février  a  été  célébré,  en  l'église  d'Ay  (.Marne),  le  mariage 
de  1M"«  Aubert,  fille  de  M.  Auguste  Aubert,  négociant,  avec 
M.  Henri  Velly,  d'Epernay,  notaire  à  Château-Thierry. 


Le  mariage  du  comte  Charles-Henri  de  Lenzbourg,  capitaine 
d'état-major  dans  l'armée  suisse,  avec  M'"  Marguerite  de  Pleurre, 
fille  de  la  marquise  de  Pleurre,  a  été  célébré  à  Paris,  le  20  février, 
en  l'église  Saint-François-.\avier,  au  milieu  d'une  brillante  assis- 
tance. 

Les  témoins  étaient  :  pour  le  fiancé,  le  comte  de  Nugent,  son 
oncle,  et  M.  de  Mérignac,  son  beau-frère;  pour  la  fiancée  :  le  comte 
de  Méré  et  le  comte  du  Fou,  ses  oncles. 

M.  l'abbé  Gardey,  curé  de  Sainte-Clolildc,  a  donné  la  bénédic- 
tion nuptiale,  et  M.  l'abbé  de  Rréon,  oncle  de  la  mariée,  a  dit  la 
messe. 


230  CHRONIQUE 


Le  même  jour  avait  lieu  en  l'église  Saint-Pierre  de  Chaillot,  le 
mariage  de  M""  Thérèse  Le  Conte  avec  M.  Adrien  fiéliot,  proprié- 
taire du  château  de  Saint-Martin-d'Ablois  (Marne). 

La  veille  avait  eu  lieu  le  mariage  civil. 

W^"-  Thérèse  Le  Conte  esi  rarrière-pelite-fille  de  M"'  Purnot,  la 
petite-fille  de  I\l"'°  Eugène  Gallice  et  la  fille  de  M.  Paul  Le  Conte, 
de  Châlons,  ancien  magistrat,  propriétaire  du  château  deDonnans. 

Ce  mariage  unit  donc  de  très  honorables  et  très  honorées 
familles  d'Epernay  et  du  département. 

M.  Céliot,  dont  on  a  pu  déjà  constater  à  Saint-Martin  d'Ablois 
l'esprit  bienfaisant,  trouvera  dans  sa  jeune  femme  une  gracieuse 
et  active  auxiliaire. 

D'abondantes  distributions  ont  été  faites  aux  indigents,  à  l'occa- 
sion du  mariage. 


MÉLANGES 


Une  relation  inédite  de  l'exécdtion  de  Louis  XVI.  —  Le  p;oùt 
actuel  est  aux  mémoires,  aux  correspondances  de  la  Révolution  et  de 
l'Empire.  Avec  les  écrits  venus  des  grands  acteurs  de  l'épopée  napoléo- 
nienne, des  maréchaux  et  des  généraux,  nous  avons  en  les  journaux  de 
marche  des  simples  officiers,  sous-officiers  et  soldats,  frappés  des  formi- 
dables événements  auxquels  ils  étaient  appelés  à  prendre  part,  et  soucieux 
d'en  transmettre  le  souvenir  à  leurs  descendants. 

Il  n"esl  pas  jusqu'aux  plus  humbles  citoyens,  artisans  des  villes  ou  labou- 
reurs des  campagnes,  que  celte  préoccupation  n'ait  inspirés  et  dont  quel- 
ques-uns n'aient  tenu  à  écrire  les  choses  qu'ils  avaient  vues  —  leurs  sou- 
venirs de  la  «  grande  époque  ^>. 

L'abondance  des  documents  de  cette  nature  a  pu  faire  naitre  dans  quelques 
esprits  le  soupçon  de  supercheries  littéraires  ;  on  a  alfecté  de  croire  que  plu- 
sieurs de  ces  Mémoi  es  avaient  dû  être  fabriqués  après  coup,  pour  satisfaire 
à  la  curiosité  toujours  croissante  du  public.  La  vérité  est  que  ces  sortes 
d'autobiographies  militaires,  que  ces  mémoriaux  d'anciens  soldats  existent 
en  beaucoup  plus  grand  nombre  qu'on  ne  pourrait  le  supposer.  Voici  que, 
de  tous  côtés,  sortent  de  la  poussière  des  archives  familiales,  sous  forme  de 
pauvres  cahiers  jaunis,  maculés  ou  déchirés,  ces  Aclcs  modestes  qu'on  reli- 
sait le  soir  à  la  veillée,  qu'on  se  léguait  pieusement  de  père  en  tils,  dans 
les  maisonnettes  des  faubourgs,  sous  le  toit  moussu  des  chaumières.  Pour 
peu  que  l'on  regarde  attentivement  autour  de  soi,  on  découvrira  bien  vite 
quelque  spécimen  encore  inédit  de  ces  véritables  confessions  populaires  dont 
M.  Alfred  Darimon  vient  de  nous  donner  un  modèle  si  caractéristique  dans 
les  Mémoires  du  sergent  François  Lavaux, 

C'était  un  Champenois,  lui  aussi,  que  ce  Pierre-Joseph  Joly  auquel  est 
emprunté  le' récit  qui  va  suivre.  Né  à  Reims,  le  17  juin  1770,  dans  une 
condition  fort  ordinaire,  il  vint  à  Paris  chercher  fortune,  à  peine  âgé  de 
vingt  ans.  La  Révolution  commençait:  il  assista  aux  scènes  les  plus  terii- 
fiautes  et  les  plus  pathétiques  du  drame.  Puis,  gagné  à  son  tour  par  la 
fièvre  belliqueuse  qui,  peu  à  peu,  s'emparait  de  tous  les  esprits,  il  s'en- 
gage, le  10  mai  l793,  comme  volontaire,  fait  campague  en  Vendée,  en 
Italie,  aux  îles  du  Levant,  où  il  tombe  entre  les  mains  des  Russes  et  des 
Turcs.  Bientôt  relâché,  il  rentre  en  Italie  et,  de  là,  va  combattre,  après 
maintes  marches  et  contremarches,  en  Autriche,  en  Allemagne  et  en 
Pologne.  Assiégé  dans  Danlzig,  avec  le  petit  corps  d'armée  de  Rapp,  par 
les  troupes  de  Barclay  de  ToUy,  à  la  suite  d'une  longue  et  héroïque  défense, 
après  avoir  subi  les  misères  de  la  faim  et  de  la  maladie,  essuyé  le  feu  d'un 
effroyable  bombardement,  Joly  est  compris  dans  la  capitulation  de  la  place 
(29  novembre  1813)  et  envoyé  en  Russie  dans  le  gouvernement  d'Orel.  Là, 
il  trompe  les  ennuis  de  sa  captivité  en  observant  les  mœurs  du  pays,  notant 
soigneusement  les  monuments,  les  costumes  qu'il  rencontre  sur  son  pas- 
sage. Un  petit  carnet  de  poche,  conservé  précieusement  par  sou  pelit-fils 
renferme  une  quarantaine  de  dessins,  sépias  et  aquarelles  pris  par  lui  au 
cours  de  ses  voyages  ;  on  y  voit  des  (leurs  délicatement  coloriées,  des  types 
d'Albanais,  de  Juifs  petits  Russiens.  de  Polonais,  de  Cosaqucsdu  Hon,  des 


238  MÉLAÎSGËS 

scènes  d'intérieurs  en  Lilhuanie  et  en  Podolie,-  où  le  geste  et  l'attitude  des 
personnages  sont  souvent  croqués  avec  naturel  et  bonhomie. 

Ici  s'arrête  la  carrière  militaire  de  notre  héros.  Libéré  au  coramencement 
de  l'automne  de  1814,  il  a  consigné  minutieusement  dans  un  feuillet  les  cent 
dix-sept  étapes  de  son  retour.  Hentré  dans  ses  loyers,  Joly  se  maria  et  vécut 
encore  de  longues  années  d'un  petit  emploi  qu'on  lui  avait  procuré  dans 
l'administration  des  hospices  de  sa  ville  natale.  Ainsi  retraité  avec  !e 
grade  de  capitaine,  la  croix  de  la  Légion  d'honneur  et  la  médaille  de 
Sainte  Hélène,  le  vieux  brave  est  mort  à  Heims,  It  30  août  1861,  dans  sa 
quatre-vingt-douzième  année. 

Le  récit  que  nous  publions  ci-après  de  l'exécution  du  Roi,  à  laquelle  Joly 
assista,  le  21  janvier  1793,  se  dislingue  par  quelques  menus  détails  des 
versions  reproduites  par  le  marquis  de  Beaucourt,  dans  son  beau  livre  sur 
la  Captivilé  cl  les  derniers  moments  de  Louis  XVI  (Paris,  Picard  et  (ils, 
1892,  2  volumes  iu-8").  A.  Taissehat-Kadel. 

...  Pendant  ces  temps,  raconte  Joly,  j'ai  vu  des  choses  que  je 
dois  décrire. 

La  première  fut  une  fête  en  l'honneur  des  Suisses.  C'était  une 
fêle  républicaine.  Il  y  avait  un  char  sur  lequel  quarante  Suisses 
devaient  monter,  mais  ils  eurent  la  modestie  de  marcher  der- 
rière. Je  ne  me  rappelle  pas  trop  le  motif  de  celte  fêle.  Ensuite 
je  vis  la  Fédération  du  14  juillet  1192  ;  elle  eut  lieu  au  Champ  de 
Mars,  qui  est  une  place  qui  va  de  la  rivière  de  la  Seine  à  l'Ecole 
Militaire.  Cette  place  est  immense;  les  côtés  avaient  des  talus  pour 
les  spectateurs,  le  milieu  était  occupé  par  les  troupes.  II  y  en  avait 
une  grande  armée.  Au  centre  était  un  monticule  ayant  plusieurs 
marches,  sur  lequel  s'élevait  une  pyramide  chargée  de  tous  les 
blasons  et  armoiries  de  la  France,  et  entourée  de  paille  à  laquelle 
le  lîoi;  suivie  d'une  partie  des  seigneurs  de  sa  Cour,  fut  con- 
traint de  mettre  le  feu,  indiquant  par  là  la  suppression  de  toute 
noblesse. 

Il  ne  put  rester  jusqu'à  la  fin  de  celte  cérémonie,  qui  aurait  été 
réellement  belle  sans  la  triste  circonstance  qui  y  avait  donné  lieu. 
Les  troupes  défilèrent,  après  diverses  évolutions;  l'artillerie,  qui 
était  au  bord  de  la  rivière,  faisait  un  bacchanal  d'enfer;  la  foule 
était  innombrable.  Enfin,  ce  fut  une  fête  de  premier  ordre. 

Le  10  aoi'it  suivant  fut  d'un  autre  genre  :  ce  n'était  plus  une  fête, 
mais  un  massacre.  Ce  jour  fut  terrible  ;  la  description  en  ferait  hor- 
reur. Le  peuple,  acharné  contre  la  Cour,  assiégea  le  château  des 
Tuileries,  égorgea  Ions  les  Suisses  qui  défendaient  le  Roi.  J'ai  vu 
de  mes  yeux,  et  j'en  frémis  encore,  jeter  tout  vivants,  par  les  fenê- 
tres, des  malheureux  qui  s'étaient  cachés  dans  des  réduits;  des 
monstres  se  tenaient  au  pied  des  murs,  la  pique  haute,  pour  les 
recevoir  ou  les  percer  :  les  rues  avoisinant  le  palais  étaient  jon- 
chées de  cadavres.  Je  frémissais  de  ces  choses;  la  curiosité  m'en- 
trainait,  mais  j'avais  horreur  de  ce  que  je  voyais. 

Le  Roi,  dès  le  commencement  de  ces  épouvantables  scènes, 
avait  été  conduit  dans  le  sein  de  la  Convention,  assemblée  légis- 


-MlÎLANaLCS-  ■1?)'} 

lativc  qui  s'était  etnpuréc  du  pouvoir.  Il  y  resta,  ainsi  ijue  los 
princes  et  princesses,  jusqu'au  lendemain  qu'on  les  conduisit, 
comme  des  criminels,  au  Temple,  où  ils  furent  enfermés. 

Les  journées  des  2  et  3  septem])re  suivant  furent  aussi  affreuses, 
mais  d'une  autre  nature,  l'ne  foule  de  forcenés  allèrent  dans  toutes 
les  prisons  de  la  ville  et  égorgèrent  la  presque  totalité  des  prison- 
niers. Je  vis,  en  passant  sur  le  pont  au  Change,  qui  se  trouve  en 
face  du  Chàtelet,  une  montagne  de  cadavres  qui  y  étaient  agglo- 
mérés :  le  sang  qui  en  découlait  couvrait  les  pieds  des  passants; 
on  enleva  ces  morts  par  voitures  pour  les  jeter  plus  loin  dans  la 
Seine.  La  cour  du  Palais  de  Justice  en  avait  autant;  à  la  Force,  il 
on  était  de  même,  ainsi  qu'à  la  Salpêtrière.  La  princesse  de  I-am- 
balle  fut  une  de  ces  victimes  que  leur  rage  poursuivit  de  la  rnanit're 
la  plus  féroce;  car,  après  l'avoir  assassinée,  on  lui  coupa  la  tète 
que  l'on  mit  au  bout  d'une  pique.  Son  corps  fut  ouvert  tel  qu'on 
ouvre  un  porc;  on  lui  déchira  les  entrailles,  on  la  lia  par  les  pieds, 
et  nue,  comme  un  vil  animal  qu'on  traîne  à  la  voirie,  on  la  traina 
sur  le  pavé  par  toutes  les  rues  de  la  ville.  Il  y  avait  un  de  ces 
assassins  qui  tenait  son  cœur  et  son  foie  ainsi  que  la  fressure 
d'un  veau,  et  en  frappait  les  curieu.x  qui  regardaient  cet  abomi- 
nable spectacle.  Je  travaillais  alors  rue  Thévenot  et  près  de  la  rue 
Montorgueil;  attirt-  par  les  cris,  je  sortis  et  je  vis  de  mes  yeux  ce 
cortège  de  canniliales. 

Dans  ce  temps,  je  quittai  le  quartier  de  la  Porle-Saint-Martin 
pour  aller  loger  chez  un  maître  de  dessin,  dans  l'intention  d'ap- 
prendre l'architecture,  et  je  vis,  au  commencement  de  1793,  le 
complément  de  toutes  les  horreurs.  Le  Roi  fut  jugé  et  condamné 
à  mort.  Ce  fut  le  21  janvier  qu'eut  lieu  cette  e.xécution.  Je  l'avoue, 
quoique  tout  frissonnant  de  ce  que  je  voyais  journellement,  j'étais 
jeune  et  curieux;  je  me  rendis  seul  sur  la  place  d'exécution.  Elle 
était  déjà  remplie  de  gardes  nationales,  tant  cavalerie,  qu'infan- 
terie et  artillerie.  Toutes  les  issues  étaient  défendues  par  deux 
pièces  de  canon  chargées  jusqu'à  la  gueule;  cependant  je  parvins 
à  passer,  quoique  sans  armes;  il  n'y  avait  que  les  corps  armés 
qui  y  pouvaient  rester. 

Il  y  avait,  à  peu  de  distance  de  l'échafaud,  de  vastes  bassins  qui 
servaient  aux  maçons  pour  fondre  leur  chaux.  Je  me  jetai  dedans, 
où  je  vis  déjà  deux  ou  trois  personnes  qui  s'y  étaient  réfugiées, 
et,  dans  cette  position,  j'attendis  le  moment  qui  devait  couvrir 
la  France  de  la  plaie  la  plus  sanglante  qu'elle  eut  jamais  et  qu'il 
y  a  lieu  de  croire  qu'elle  aura  jamais.  11  faisait  un  brouillard  hor- 
rible. Enfin,  sur  les  dix  heures  et  demie  du  malin,  on  entendit 
une  confusion  de  vois  qui  criaient:  «  Le  voilà!  »  Alors  je  me 
perchai  sur  l'angle  de  ce  bassin  dans  lequel  j'étais  enfermé,  cl 
vis  arriver  le  triste  cortège.  Le  Hoi  descendit  de  la  voiture,  et  fut 
dépouillé  au  pied  de  l'échafaud  :  il  eut  les  mains  liées  derrière  le 
dos  et  les  cheveux  coupés.  Il  était  en  vestfc  de  molleton,  el  quand 
il  fut  sur  l'échafaud,  il  passa  à  gauche  de  la  guillotine  et  pronomja 


240  MÉLANGES 

quelques  paroles  d'une  voix  forlc  (que  je  crois  entendre  encore), 
mais  qui  fut  aussitôt  rouverte  par  les  tambours  qui  étaient  au 
pied  de  se  triste  théâtre,  lesquels  tirent  un  roulement,  jur  le 
signal  du  fameux  Sanlerre,  commandant  alors  la  garde  nationale 
de  Paris.  Ensuite,  les  exécuteurs  prirent  ie  Roi,  le  couchèrent  sur 
la  bascule,  et  en  un  clin  d'œil  la  tête  tomba.  Un  aide  la  saisit  et 
la  montra  à  la  foule,  qui  fit  entendre  les  cris  de  :  «  Vive  la  Répu- 
blique !  » 

Autant  que  je  puis  me  rappeler,  j'ai  entendu  au  bout  des 
Champs-Elysées  un  coup  d'arme  à  feu  qui  partit  de  ce  côté. 

A  peine  l'exécution  finie,  je  vis  une  infinité  de  personnes  se 
présenter  au  pied  de  l'échafaud  pour  recueillir  quelques  gouttes 
du  sang  de  cette  victime.  J'ignore  dans  quel  but  elles  cher- 
chaient à  en  avoir;  je  n'en  fus  pas  instruit.  Les  troupes  se  reti- 
rèrent, et  je  fus  moi-même  un  des  premiers  à  en  faire  autant.  Je 
trouvai  des  connaissances  qui  m'entraînèrent  à  la  Commune,  où 
je  pus  pénétrer;  et  là,  j'entendis  lire  le  testament  du  Roi  par  le 
nommé  Manuel,  qui  se  servit  de  cette  expression  ironique  et  tri- 
viale :  «  Voici  le  testament  de  saint  Louis  le  Cadet!  » 

(Figaro.)  Pierre-Joseph  Joly. 


Dans  les  Mélanges  Jalicn  Havcl,  publiés  récemment  par  les 
amis  de  cet  aimable  et  regretté  savant,  il  y  a  un  mémoire  dû  à  la 
plume  de  M.  Paul  Durrieu  sur  l'Origine  du  manuscrit  célèbre  dit 
le  Psautier  d'Vlrecht.  Ce  maiiuscrit,  depuis  longtemps  déjà, 
exerce  la  sagacité  des  érudits.  On  l'a  successivement  considéré 
comme  originaire  d'Orient,  d'Alexandrie,  d'Angleterre  :  l'origine 
anglo-saxonne  était  celle  qui  ralliait  le  plus  de  partisans.  M.  Dur- 
rieu, en  appuyant  son  opinion  sur  la  paléographie  et  le  style  des 
dessins,  propose  de  donner  au  Psautier  d'Utrecht  une  origine 
rémoise.  Il  insiste  surtout  sur  ce  fait  que  certaines  lettrines 
ornées  et  certaines  miniatures  du  Psautier  d'Utrecht,  oft'rent  une 
analogie  frappante  avec  des  types  d'Evangéliaires  d'origine 
rémoise,  particulièrement  de  l'Evangé.iaire  d'Ebbon,  conservé  à 
la  Bibliothèque  d'Epernay. 


L'Imprimeur- Gérant, 

Léon    FRÉMONT. 


LE  MARQUISAT  DE  PLANGY 

Sous  la  famille  de  Guénégaud* 


III 

État  du  domaine  de  Plancy  sous  Henri  I 
de  Guénégaud. 

De  sou  vivant,  le  secrétaire  d'Etat  Heuri  de  Guéuégaud 
avait  fait  au  roi  l'aveu  et  dénombrement  complet  de  ses  .sei- 
gneuries. De  ce  volumineux  document  ressorleut  clairement 
l'étendue  de  la  terre  et  de  ses  vassalités,  ainsi  que  la  nature 
des  droits  qui  y  étaient  attachés  au  xvii^  siècle.  A  ce  titre  il  ne 
pouvait  être  qu'intéressant  pour  l'histoire  de  la  seigneurie  d'en 
citer  les  extraits  qui  suivent,  quelque  longueur  qu'ils  puissent 
ajouter  à  ce  travail. 

Copie  d'un  aveu  et  dénombrement  de  la.  terre  de  Pla.ncy, 
rendu  pau  m.  de  guénégaud. 

«  Henry  de  Guéuégaud  de  Cazillac,  chevallier,  marquis  de 
Plancy,  comte  de  Rieux.  vicomte  de  Semoine,  baron  de  Saint- 
Just,  seigneur  du  Plessis,  Fresnes  et  autres  lieux,  fils  aîné, 
légataire  universel  de  défunt  messire  Henry  de  Guénégaud, 
chevalier,  commandeur  des  ordres  du  Roy,  conseiller  en  ses 
Conseils,  secrétaire  d'Etat  et  des  commandements  de  Sa 
Majesté,  à  tous  qu'il  appartiendra,  salut  !  Sçavoir  faisons  que 
nous  tenons  et  avouons  tenir  du  R.oy  noire  Sire,  à  titre  de  foi 
et  hommage,  nuement  et  prochemenl  à  cause  de  son  comté  de 
Champagne,  notre  terre  et  marquisat  de  Plancy,  et  membres 
en  dépendant  ou  y  annexés  situés  dans  le  bailliage  de  Sézaune, 
desquelles  choses  le  dénombrement  s'en  suit. 

«  Premièrement  :  La  terre  de  Plancy  éloit  cy-devanl  baron- 
nie,  depuis,  par  lettres  du  mois  de  may  mil  six  cent  cinquante- 
six,  érigée  en  marquisat,  qui  est  composée  de  fiefs,  villes  et 

*  Voir  page  181,  tome  Vil  de  la  lievue  de  Champagne. 

10 


242  LK    MARQUISAT    DE    PLANCt 

villages  de  Plaiicy,  Longiieville.  Cliaruy  le  Bachol,  Saiul- 
Vitrc,  La  Perlhe,  Champfleury,  Bouuevoisioe,  l'Abbaye-sous- 
Plancy,  Semoine,  Yiàpres-le-lirand.  Ffoide-Paroix  et  leurs 
dépendances,  dont  une  cy-devanl  fief  et  membres  dépendant 
dudit  lieu  de  Plancy,  les  autres  y  ont  été  réunies  et  annexées 
par  lesdites  lettres  d'érection  à  moi  accordées  par  Sa  Majesté 
audit  an  mil  six  cent  cini[uante  six,  pour  être  tenus  de  Sa 
Majesté  de  sou  comté  de  Champagne,  dans  le  ressort  de  Sé- 
zanne,  à  une  seule  tb}^  et  hommage,  conformément  aux  lettres 
du  Roy  Philippe  de  l'an  mil  trois  cent  dix-neuf. 

«   Duquel  marquisat  le  chef  lieu  et  principal   manoir  est 
l'ancien   château  de    Planry,  assis   en  une  isle  que  fait   la 
rivière  d'Aube,  et  est  ledit  chcàteau  fermé  de  murailles,  pont- 
levis  et  grosses  tours,  avec  grands  et  larges  fossés  doubles 
plains  d'eau  de  la  rivière,  autour  desquels  il  y  a  un  rempart, 
boulevard  et  autres  deffences  telles  qu'à  forteresse  peut  appar- 
tenir, comme  aussi  est  ledit  château  garni  de  poterne,  lanterne 
où  se  doit  mettre  une  cloche  pour  faire  le  guet  ;  auquel  sont 
sujets  tous  mes  vassaux  hommagers  tenant  fiefs  de  moy  et  de 
mondil  châtel  de  Plancy,  chacun  à  proportion  de  ce  qu'il  en 
est  pour  la  tenue  de  son  fief,  et  pareillement  y  sont  sujets  tous 
les  demeurants  es  paroisses,  villes  et  lieux  qui  en  suivent, 
c'est   à    sçavoir  :    Plancy,   Charny    le   Bachot,    Longueville. 
l'Abbaye-sous-Plancy,  la  Perlhe,  Froide-Paroix,  Salon,  Cour- 
semain,    Boulage.   Gharaptleury.    Bonnevoisine,    Viâpres-le- 
Petit,   Saint- Vitre,   Rège  et  la  Ville-Neuve-aux-Ghênes,   et 
sont  tenus  de  venir  en  personnes  faire  guet,  garde  de  porte  au 
châtel,  selon  l'ordonnance,  toutes  les  fois  que  le  capitaine  les 
fait  appeler  sans  qu'ils  puissent  s'excuser  pour  quelque  raison 
que  ce  soit  à  peine  de  defïaut  et  amende,  et  y  a  sentence  de  se 
rendre  au  bailliage  de  Sézanne  le  (juinzième  décembre  mil  six 
cent  trente  t^ix  contre  les  habitants  de  Plancy  et  autres,  dudit 
jour  contre   les   habitants    de   Champlleury   et  autres.    Au- 
devant  duqut'l  château  il  y  a  cour,  basse-cour,  maison  sei- 
gneuriale, gros   pavillon  sur  la   porte,  grandes  écuries  avec 
plusieurs  logements  au-dessus,  grange,  colombier,  plusieurs 
autres  bâtiments  et  une  église  fondée  de  huit  chanoines  et 
deux  enfants  de  chœur  en  l'église  de  Saint-Laurent  avec  deux 
chapelles  de  Notre-Dame  et  Saint-Nicolas,  pour  y  dire  et  célé- 
brer la  messe  et  autres  services  suivant  ladite  fondation;  des- 
quelles huit  prébendes,  chapelles  et  enfants  de  chœur  j'ay  la 
collation  et  totale  disposition  à  moy  appartenant  de  plein  droit 
de  patronage  laïc,  et  par  privilège  ex{)rès  de  ladite  fondation 


sous   LES    GUÉNÉGAUD  241^ 

toutes  et  quautes  fois  qu'il  y  a  vaccation  desdits  manbres, 
tous  lesquels  sont  en  la  correction  de  moy  et  de  mon  bailly, 
exempts  de  toutes  autres  personnes  et  juridiction  ;  et  quand 
j'assiste  en  personne  au  service  en  ladite  chapelle  ou  aux  pro- 
cessions, j'ai  droit  dédouble  distribution  comme  doyen,  patron, 
fondateur  et  réformateur  de  ladite  église,  et  le  puis  prendre,  si 
bon  me  semble  ;  et  ont  à  présent  lesdites  prébendes  leur  loge- 
ment dans  une  maison  que  j'ai  fait  bâtir  depuis  peu  dans  ma 
basse-cour  du  Belle  ou  Barle,  où  sont  mes  vergers  ou  jardins, 
laquelle  basse-cour  est  vis-à-vis  l'entrée  de  mon  château,  dont 
elle  n'est  séparée  que  par  mes  fossés,  qui  la  fermeut  d'un  côté, 
et  la  rivière  d'Aube  de  tous  les  autres  côtés. 

«  Pareillement,  j'ai  de  plein  droit,  et  à  moy  appartient  par 
privilège  exprès  la  collation  et  donation  de  l'hôpital  de  Plancy, 
celle  de  la  maladrerie  dudit  lieu,  celle  de  l'hôpital  de  Charny 
et  celle  de  la  chapelle  t'ainl-Vitre,  assis  à.  Saint-Vitre  près 
Plancy  et  dans  lesdites  églises,  de  même  que  dans  celle  de 
Plancy  et  dans  tous  les  autres  églises,  paroisses,  chapelles  et 
monastères  de  moudit  marquisat;  j'ay  et  à  moi  appartient 
comme  à  seigneur  patrou,  fondateur  et  souverain,  tous  droits 
honorifiques,  prérogatives,  prééminences,  droit  de  banc,  éle- 
vées ou  autres,  sans  que  personne  autre  que  moy  puisse  y 
avoir  ni  prétendre  aucun  desdits  honneurs  ny  marque  d'iceux 
sans  ma  permission. 

«  Item,  j'ai  droit  de  gruerie,  ressort  et  souveraineté  audit 
Plancy  pour  refforrnatiou  en  matière  de  gruerie,  voirie,  chemin, 
eaux,  bois  et  forêts  dans  l'étendue  de  raondit  marquisat,  pré- 
vantivement  à  tous  autres,  comme  aussy  ai  droit  de  haute, 
moyenne  et  basse  justice  qui  s'exerce  audit  Plancy  par  bailly, 
lieutenant,  assesseur,  greffier,  tabellion,  notaires,  sergens  et 
autres  officiers  à  ma  nomination,  par  devant  lesquels  sont 
tenus  et  sujets  y  ressortir  et  répondre  es  jours  ordinaires  et 
autres  par  appel  ou  autrement,  en  toutes  matières  civiles  et 
criminelles,  tous  et  chacun  les  habitants  et  demeurant  es  dites 
ville  et  lieux  de  Plancy,  Gharny-le-Bachot,  Froide-Paroix, 
Longueville,  Abbaye-sous-Plaucy,  la  Perthe,  Champfleury, 
Bonnevoisine,  à  partir  de  Viâpres-le-Grand;  et  peuvent  aller 
les  sergents  dudit  Plancy  exploiter  sans  commissions  par  tous 
lesdits  lieux  et  villages  ;  et  sont  tous  de  mon  territoire  en  ma 
garde  et  de  ma  terre  ressortissant  à  même  dudit  lieu  de 
fAbbaye-sous-Plancy,  auquel  j'ai  tous  droits  de  haute, 
moyenne  et  basse  justice,  gruerie  et  souveraineté  ;  et  sont 
tenus  les  officiera  du  prieur  de  ladite  abbaye  de  venir  et  com- 


244  LE   MARQUISAT   tiE   PLÀNCY 

paroir  aux  assises,  par  devant  mon  bailly  ou  son  lieutenant, 
de  mesme  les  autres  ofticiers  inférieurs  des  dépendances  de 
mondit  marquisat;  et  en  signe  de  souveraineté,  ressort  et 
juridiction  supérieure,  j'ai  fourches  patibulaires  à  quatre  pi- 
liers et  autres,  telles  qu'appartient  et  peut  appartenir  et  avoir 
seigneur  marquis. 

«  Item,  j'ai  droit  de  prévôté  ou  mairie  es  lieux  c}-  dessus 
nommés  et  puis  y  faire  exercer,  en  chacun  d'iceux,  la  haute, 
moienne  et  basse  justice,  eu  première  instance  civile  ou  crimi- 
nelle, par  un  maire  ou  prévosl,  lieutenant,  greffier  et  autres 
officiers,  dont  les  appellations  ne  peuvent  ressortir  ailleurs 
que  par  devant  mon  bailly  de  Plancy  ou  son  lieutenant. 

«  Item,  j'ai  droits  d'amende,  tant  simple  que  fol  appel  et 
autres  qui  se  peuvent  décerner,  tant  en  mesdits  maires  qu'en 
mondit  bailliage  et  gruerie  qui  m'appartient,  de  telle  sorte  en 
toute  l'étendue  de  mondit  marquisat,  que  même  en  cas  d'appel 
à  Sézanne,  s'il  est  dit  bien  jugé,  lesdiles  amendes  sont  à  moy 
et  non  point  aux  fermiers  des  amendes  de  Sézanne, 

«  lteni,]dL\  des  greffes  tant  du  bailliage  et  gruerie  dudit  Plancy 
que  des  mairies  et  prévôtés  y  ressortissantes,  ensemble  le 
greffe  des  assises  qui  sont  à  moy  en  pleine  propriété. 

i<  Item,  le  tabellionnage  et  sceaux  aux  contrats  dudit  mar- 
quisat et  lieux  en  dépendant,  qui  est  de  quatre  deniers  par 
chacun  scel  payable  au  garde  de  mesdits  sceaux  et  en  outre 
le  droit  de  signature  comme  au  tabellion. 

«  Item,  j'ai  droit  de  faire  et  créer  des  notaires,  contrôleurs, 
arpenteurs  jurés,  priseurs  et  crieurs,  sergens  et  autres  officiers 
de  justice  par  toutes  mesdites  leires,  voiries  et  chemins  de 
mondit  marquisat. 

«  Item,  j'ai  droit  de  bourgeoisie,  tutelles  et  curatelles  sur 
tous  les  demeurans  en  l'étendue  de  mondit  marquisat,  des- 
quelles les  officiers  de  Sézanne  ne  peuvent  avoir  connaissance, 
non  plus  que  do  toutes  matières  civiles  et  criminelles,  sinon 
en  cas  d'appel  de  mon  baill^^  ou  son  lieutenant,  dont  y  a  eu 
arrêt  contradictoire  à  mon  protit,  sur  enquêtes  respectives,  le 
23  août  1644  ;  suivant  lequel  aussi  mes  ot'Qciers,  bailly,  lieu- 
tenant, maire,  prévôt  et  autres,  tant  dudit  Plancy  que  des 
terres  indépendantes,  ne  sont  tenus  assister  ni  eux  représenter 
auxdiles  assises  de  Sézanne. 

«  Item,  j'ai  droit  d'épaves,  aubaines,  bâtardises,  confisca- 
tions, déshérances  et  tous  autres  droits  et  profits  qui  à  seigneur 
marquis  et  haut  justicier  peuvent  appartenir  dans  toute  l'élen- 


sous    LES   GUKNEGAUD  240 

(lue  de  moudil  marquisat  de  Plaucy,  Abbaye-sous-Plancy  el 
autres  terres  en  dépendantes. 

«  Item^  j'ai  les  isles  et  assablissemens  qui  se  font  par  crue 
d'eau  ou  autrement  es  rivières  de  Plancy,  le  Bachot,  Gharny, 
Longueville,  Barbuise  et  autres  de  moudit  marquisat,  parce 
que  toutes  lesdites  rivières  sont  à  moy,  comme  aussi  tous  les 
gords  et  fossés,  et  n'y  a  personne  qui  ayt  droit  d'en  avoir  que 
moy,  comme  aussi  m'appartiennent  les  fonds,  bords  et  rives 
desdites  rivières,  gords  ou  étangs,  et  puis  planter  des  saules  en 
iceux  et  empescher  que  d'autres  n'y  en  plantent  ny  puissent 
embarrasser  lesdites  rivières;  de  quoy  la  connoissance  appar- 
tient aux  officiers  de  magruerie  prévantivement  à  tous  autres 
et  des  délits  commis  sur  lesdites  eaux. 

a  La  rivière  de  Plancy,  en  haut,  vers  le  Saige  de  Viàpres-le- 
Grand,  à  l'endroit  où  finissent  les  pâtures  dudit  Viàpres  et  3' 
attenant  la  prairie  de  Saint- Vitre;  et  dure  jusqu'à  l'endroit  du 
pré  de  la  prairie  de  l'Abbaye-sous-Plancy,  à  l'endroit  d'une 
fosse  et  cours  qu'on  appelle  les  Roches;  de  ladite  rivière  y  a 
un  bras  qui  descend  par  dessus  le  batardeau  dudit  Plancy  et  a 
cours  par  les  prairies  dudit  Plancy  jusqu'au  village  du  Bachot, 
d'où  elle  passe  dans  une  autre  rivière  qu'on  appelle  la  Noue- 
Franche,  proche  le  fossé  des  Chàtelliers. 

«  Il  y  a  encore  un  autre  bras  qui  descend  du  bras  dessus  dit 
et  se  prend  dès  un  pont  appelé  le  pont  Bailly,  et  tourne  à  l'en- 
lour  de  la  rosière  du  château  de  Plancy  et  rentre  en  la  grande 
rivière  qui  est  celle  d'Aube,  proche  le  grand  pont  dudit 
Plancy. 

«  Plus  la  rivière  de  Barbuise,  à  la  prendre  vis  à  vis  de  Pièges 
jusqu'au  Bachot,  où  elle  se  mêle  avec  le  bras  cy-dessus,  d'où 
se  tiroil  autrefois  une  autre  rivière,  appelée  la  Rivière-Neuve, 
qui  passoit  par  mon  étaug  de  Longueville,  jusqu'au  fînage 
d'Etrelles  et  servoit  à  faire  tourner  mon  moulin  audit  lieu  de 
Longueville,  mais  à  présent  le  moulin  est  une  ruine  et  ladite 
rivière  assablée. 

«  Lesdites  rivières  en  plusieurs  autres  fossés  et  gords  ;  et 
sont  toutes  à  moy,  en  propriété  fonds,  les  rives  avec  droit  de 
pèche  bannale,  c'est-à-dire  que  nul  n'oseroit  y  pêcher,  ni  rien 
mettre  ou  rien  prendre,  autre  que  le  seigneur  ou  ceux  ayant 
charge  de  ;  laquelle  pèche  peut  par  moy  être  affermée  à  tous 
engins  et  toutes  sortes  de  personnes. 

«  hem,  ai  droit  de  rouage  ou  rouissage  dans  toutes  lesdits 
rivières  et  eaux,  el  tel  que  nul  ne  peut  y  mettre  rouir,  dé- 


246  LE    iMARQUISAT    DE    PLANCY 

Irempei'  chauvres  ou  autres  denrées  sans  ma  permission  ou  de 
mes  fermiers,  à  peine  d'amende  ou  confiscation  desdites 
denrées  ;  et  toutes  les  personnes  meltaus  rouir  ou  détiemper 
dans  lesdites  eaux  et  rivières  avec  ladite  permission,  et  seule- 
ment aux  endroits  à  ce  destinés,  me  doivent  par  chacun  au  une 
livre  de  chanvre  mâle  et  une  livre  de  femelle,  de  quelque 
qualité  et  condition  qu'ils  soient... 

«  Item,  ai  la  ferme  de  l'oiselerie,  qui  est  de  pouvoir  chasser 
et  affermer  la  chasse  des  alouettes,  merles,  pluviers,  van- 
neaux, cailles  et  autres  petits  oiseaux  à  toutes  sortes  de 
personnes. 

«  Hei)i,  ai  droit  de  chasse  à  tous  autres  bêtes  et  gibiers  au 
poil  et  à  la  plume,  soies  et  autres,  par  toutes  mesdiles  terres. 

«  Item^  ai  droit  de  suye  et  colombier  et  de  garennes  par 
toutes  mesdites  terres,  avec  deffences  à  toutes  persoûnes  d'y 
en  avoir,  même  au  prieur  de  l'Abbaye-sous-Plancy,  contre 
lequel  mes  prédécesseurs  ont  toujours  fait  leurs  protestations 
toutes  les  fois  qu'il  a  prétendu  faire  garenne,  parce  qu'il  n'a 
aucun  droit  de  chassé,  n'ayant  que  basse  justice,  et  puis  faire, 
ruiner  ses  garennes,  sy  aucunes  il  avoit,  comme  n'étant 
jurées,  et  y  poursuivre  les  lapins  ci  outres  besles,  parce  qu'il 
est  de  ma  terre  et  ressort. 

«  Item,  ai  droit  de  pressoir  bannal,  tant  audit  lieu  de  Plancy 
qu'en  tous  les  autres  cy-dessus  dépendant  de  mondit  mar- 
quisat. 

«  Item,  ai  droit  de  four  bannal  audit  Plancy  et  tous  les  autres 
lieux  sus-nommés  en  dépendant,  pour  lequel  tous  les  habitans 
desdits  lieux  me  doivent  et  sont  tenus  payer  chacun  an  quatre 
sols  parisis,  payables  au  jour  de  Saint-Kemy. 

«  Item,  ai  droit  de  corvée  sur  tous  les  habitans  de  mondit 
marquisat,  comme  il  sera  dit  cy-après  à  l'endroit  du  dénom- 
brement particulier  de  chaque  paroisse. 

(t  Item,  ai  droit  de  maîtrise  à  boulanger  et  autres  métiers, 
qui  est  tel  que  nul  artisan  ne  peut  ouvrir  ny  tenir  boutique 
dans  ma  ville  et  marquisat  de  Plancy  sans  mes  lettres  et 
permission. 

«  Item,  ai  droit  de  chevallerie  ou  taille  es  quatre  cas  accou- 
tumés, mariage  et  autres,  pour  nous,  nos  enfans  et  succes- 
seurs, à  toujours  prendre  sur  tous  les  habitans  dudit  lieu  de 
Plancy,  Abbaye- sous-Plancy  et  autres  villages  dudit  mar- 
quisat, charrois,  haruois  et  chevaux,  pour  mener  en  ost  ou 
chevauchée,  prendre  aussi  bled,  vin,  bœuf,  avennes,  bêtes  et 


sous    LKS    (iUÉNÉGAUD  247 

viiMuailles  nécessaires,  et  avoir  pàt  et  gile  annuels  Os  dils 
villages,  y  mener  chiens  el  chevaux  à  séjour. 

«  Item,  ai  droit  de  main  morte,  de  formariage,  sur  plusieurs 
hommes  et  femme?,  de  condition  servile  tant  audit  Plancy 
qu'à  Longueville,  Charny  et  autres  villages  de  mondil  mar- 
quisat ;  la  plupart  desquels  me  doivent  ladite  siervitude  quoi- 
qu'ils soient  maiumorlables,  de  meubles,  héritages,  el  de 
poursuites,  el  de  formaringe,  ol  laillables  à  volonté  envers  moj' 
de  toute  manière. 

«  lient,  ai  droit  de  lods  et  ventes  sur  toutes  les  maisons  el 
héritages  sois  et  au  dedans  de  mon  marquisat,  et  membres  en 
dépendans,  ([ui  se  payent  a  raison  de  trois  sols  quatre  deniers 
pour  livre,  parce  que  tous  lesdits  héritages,  s'ils  ne  me  payent 
censives,  ne  laissent  pas  de  me  devoir  vesl  et  devest,  t^mpoi- 
tanl  lods  et  ventes  à  toute  par  vente,  échange,  dounatiou, 
mutation,  ou  autrement  par  tout  autre  moyen,  excepté  par 
succession  et  directe  et  de  père  à  tils;  et  y  a  amende  selon  la 
coutume  du  bailliage  de  Meaux  tant  sur  le  vendeur  que  sui' 
l'acquéreur,  faute  de  payer  lesdits  droits  de  vesl  et  devest,  qui 
sont...  Et  s'entend  lesdits  droits  de  vest  el  devest  de  manière 
que,  par  le  contrat  de  ver  le,  le  vendeur  est  réputé  se  déveslir 
de  son  bien  el  le  remettre  eu  mes  mains  pour  en  revestir 
l'acquéreur  qui  ne  peut  être  censé  véritable  propriétaire  que 
du  jour  que  je  l'ai  revêtu  desdits  biens  par  mon  ensaisine- 
meut  et  payement  de  lods  et  vente,  dont  y  a  sentence  contre 
Guillaume  Bazin,  rendue  au  Chàtelet  le  vingt-deuxième  août 
mil  cinq  cent  quarante-quatre,  confirmée  par  arrêt  du  vingt- 
troisième  janvier  mil-  cinq  cent  quarante-cinq.  Et  ny  a  aucune 
terre  dans  mondil  marquisat  exempte  desdits  droits. 

«  Item,  ai  droit  de  censives  sur  plusieurs  terres,  prés,  vignes, 
maisons  et  aires  à  bois  autant  audit  lieu  de  Plancy,  qu'autres 
lieux  en  dépendans,  tant  en  argent  el  grains,  que  poules, 
chapons  et  autres  redevances  payables  à  certains  jours  cy- 
après  désignés  dans  ces  dénombremens  particuliers  de  chacune 
paroisse  ;  et  à  défaut  d'être  payées  auxdits  jours  désignés,  elles 
portent  défauts  el  amendes  de  deux  sols  six  deniers,  sy  elles 
ne  sont  payées  au  bout  de  quinze  jours,  et  trois  livres  sy  on 
ne  les  paye  dans  l'année  ;  et  portent  aussy  lesdites  censives  et 
redevances  le  droit  de  lods  et  ventes  à  toute  mutation,  aux- 
quels ne  laissent  d'être  sujets  les  autres  héritages  non  censuels, 
comme  est  dit  cy-dessus  avec  deffauls  el  amendes;  et  sont 
tous  lesdits  héritages  censuels  el  non  censuels  sujets  au  droit 
de  retenue  ou  de  retirait  féodal  à  mon  prolil,  le  cas  y  échéant. 


'248  LE    MARQUISAT    DE    PLANCY 

«  lum^  ai  droit  de  foires  et  marchés,  de  hallage,  étalage, 
pesage,  auhiage  et  inesuiage,  sur  toutes  les  denrées  qui  se 
débitent  daus  les  lieux  de  mondit  marquisat,  nul  autre  que 
moy  u'y  eu  peut  avoir  ny  prétendre. 

a  Ittm,  j'ai  et  à  moy  appartenant  tous  les  grands  et  petits  che- 
mins et  voirie  de  mondit  marquisat  de  Plancy,  et  membres  en 
dépendant  en  fonds  et  superficie,  dans  toute  leur  longueur,  lar- 
geur et  étendue  ;  et  ai  droit  d'3^  planter  noyer  et  tous  autres  arbres 
que  bon  me  semblera  pour  en  faire  mon  profit  comme  de  mou 
domaine  propre,  et  sy  autres  y  plantaient  lesdits  arbres,  sont  à 
moy  aussi  bien  que  les  fruits,  esmondes  et  dépouilles  d'iceulx. 

*  Hem,  j'ai  dans  l'étendue  de  mondit  marquisat  dix-huit 
cent  et  deux  mil  arpens  de  prés  aj)pelés  les  Usages,  en  diverses 
pièces  es  quelles  les  habilans  de  Plancy,  du  Bachot,  Longue- 
ville,  La  Perthe,  Champfleury,  Bonnevoisine  et  Saint-Vitre, 
prétendent  avoir  avec  moy  leurs  usages  et  pâtures  pour  leurs 
bestiaux  en  commun,  es  chacun  desdits  lieux  en  particulier^ 
sur  aucunes  desdites  pièces;  et  me  sont  de  uulle  valeur, 
excepté  que  j'y  ai  droit  d'usage  pour  moy  et  mes  fermiers  et 
tous  leur.s  bestiaux,  et  que  les  habitans  du  Bachot  et  de 
Charny  m'en  payent  par  chacun  feu  une  obole  tournois  tous 
les  ans,  pour  avoir  liberté  d'y  pâturer  et  principalement  dans 
une  pièce  appelée  la  Pâture-aux-Mailles,  qui  est  de  mon 
domaine  propre  et  de  mon  usage. 

«  Et  est  la  prairie  'le  Plancy,  Saint-Vitre,  le  Bachot  et 
Charny,  tous  en  un  tenant  entre  lesdits  villages,  bornée  d'un 
coslé  par  la  rivière  d'Aube  et  mes  prés,  d'autre  costé  par  la 
Barbuise  et  les  villages  de  Charny  et  du  Bachot  et  finage 
d'iceulx,  d'un  bout  par  le  finage  de  Viâpres-le-Grand  et  d'autre 
bout  par  le  finage  de  l'Abbaye-sous-Plancy. 

tt  Et  la  prairie  et  pâturage  de  Longueville  tient  d'un  bout  au 
finage  de  Plancy  et  à  une  noue  appelée  Noue-Franche,  d'autre 
bout  au  finage,  pâture  et  prairie  d'Etrelles,  d'autre  part  au 
finage  de  Longueville  et  dudit  Etrelles,  et  d'autre  part  aux 
pâtures  de  Boulages  et  aux  pâtures  et  prairies  de  l'Abbaye- 
sous-Plancy. 

«  Outre  lesquels  droits  généraux  de  mondit  marquisat  j'ai 
encore,  en  chacune  paroisse  et  membres  en  dépendant,  autres 
droit?,  biens  et  revenus,  dont  les  dénombremens  particuliers 
s'en  suivent,  c'est-à-dire  : 

PLANCY 

«  J'ai  ma  ville  de  Plancy  sur  la  rivière  d'Aube,  fermée  de 


sous    LES    GUÉNÉGAUD  '219 

profonds  fossés,  murailles,  tours,  poal-levis,  boulevards  el 
autres  défences.  comme  à  ville  appartient,  que  j'ai  droit  de 
faire  édiflier  et  augmenter  quand  bon  me  semblera,  comme  à 
moy  appartient  de  donner  congé  à  entrer  l'eau  es  dits  fossés 
quand  bon  me  semblera. 

«  Dans  laquelle  ville  y  a  église  paroissiale  où  j'ai  seul  tous 
les  droits  honoriûques  et  de  patronage  comme  à  seigneur  fon- 
dateur ;  il  y  a  aussi  en  ladite  ville  un  hôpital  pour  les  pauvres 
malades  de  ma  dite  ville  et  marquisat,  dont  j'ai  fait  depuis  peu 
réédiffier  tout  à  neuf  l'église  ou  chapelle  dédiée  à  saint  Julien 
et  saint  Jean,  où  à  moy  seul  appartient  de  nommer  un  maître 
ou  économe  qui  doit  me  rendre  compte  des  revenus  del'Hôtel- 
Dieu  et  de  l'emploi  d'icelui  sur  lesquels  j'ai  tous  les  ans  à 
prendre  une  corvée,  les  autres  droits;  et  consistent  lesdits 
revenus  en  une  grande  pièce  de  terre  sur  laquelle  est  bâti  ledit 
Holel-Dieu  de  ladite  ville  et  un  gagaage  de...  arpens  de  terres 
ou  prés  dans  le  finage  de  Plaucy  ;  pareillement  y  avoil  cy- 
devant  une  maladrerie  dans  ladite  ville  qui  étoit  à  ma  collatiou 
et  disposition,  mais  n'eu  reste  plus  aucun  bâtiment,  seulement 
y  a  un  petit  gagnage  et  quelques  héritages  sur  lesquels  me 
sont  dûs  sept  sols  demy  de  censives  et  une  corvée  par  chacun 
an,  avec  un  dîner  le  Jour  et  feste  de  saint...  et  quand  le 
maître  de  la  maladrerie  meurt,  ses  immeubles  sont  à  moy. 

«  Item,  sur  plusieurs  maisons,  terres,  prés,  aires  à  bois  el 
autres  héritages  assis  audit  Plancy  et  finage  dudit  lieu,  me 
sont  dûs  plusieurs  censives  payables  chacun  an  au  jour  et  feste 
Saint-Jean-Baptiste,  Saint-Remy  et  Noël  :  et  peuvent  monter 
environ  dix  livres  environ  en  argent  et  quarante-quatre  tant 
de  poules  que  chapons,  portans  deffauts  et  amendes  par  faute 
de  payer  au  jour  qu'elles  sont  dues  ;  et  portent  aussi  lods  et 
ventes  de  trois  sols  quatre  deniers  pour  livre  desdits  héritages, 
toutes  les  fois  qu'elles  changent  de  détempteurs  par  chaque 
contrat,  échange  ou  autre  moyen  que  ce  soit,  si  ce  n'est  en 
succession  ou  en  donation  de  père  à  fils,  es  quels  seuls  me 
sont  dûs  lods  et  ventes,  parmy  lesquels  héritages  il  y  en  a 
plusieurs  pièces  de  terres  baillées  à  charge  de  faire  vignes  et 
non  autrement. 

«  Item,  ai  plusieurs  rentes  foncières  sur  plusieurs  héritages 
assis  tant  audit  Planée'  qu'en  son  territoire,  qui  peuvent  valoir 
par  chacun  an  cent  sols  tournois. 

«  Item,  la  rente  sur  Robert  Darnelle,  de  Plancy,  de  vingt- 
trois  sols,  plus  vingt  sols  tournois  sur  Nicolas  Lhuillier,  trente- 
huit  sols  tournois  sur  Jean  Hénin,  dudit  Plancy,  el  dix-sept 


250  LE    MARQUISAT    DE    l'LANCY 

sols  six  deniers  sur  Guillaume  Le  Moiue,  dudil  Plaucy,  el  en 
outre  plusieurs  autres  semblables  rentes. 

«  llem,  tous  les  habitans  dudil  Plancy  et  fiuage  de  ladite 
paroisse  me  doivent  chacun  an  deux  corvées  de  bras  et  de 
chevaux  à  Pasques  et  à  la  Saint-Remy. 

a  llem^  ai  droits  de  trois  moulins  et  un  à  fouler  avec  van- 
nage sur  la  rivière  d'Aube,  mais  n'en  est  présentement  que 
deux  à  bled  tournans  sur  ladite  rivière,  à  l'endroit  où  elle 
sépare  madite  ville  d'avec  mon  cbàtel  et  basse-cour  ;  au  bout 
de  laquelle  basse-cour  sont  situés  lesdits  moulins,  avec  loge- 
ment et  pour  le  meunier  et  pour  ses  bestiaux,  et  tout  proche 
un  petit  verger,  lesquels  moulins  sont  bannaux  el  sont  tenus 
d'y  apporter  et  moudre  toutes  leurs  graines  et  foulouailles 
tous  et  un  chacun  des  paroisses,  tant  de  Plancy,  Saint-Vitre, 
l^a  Perthe  etChampfleury,  que  de  Gharny,  le  Bachot,  l'Abbaye- 
sous-Plaucy  et  Longueville,  de  quelque  qualité  et  condition 
qu'ils  soient,  à  peine  d'amende  de  soixante  sols  tournois  et 
confiscation  de  leurs  graines,  farines,  foulouage,  chevaux  et 
harnois  ;  et  ai  coutume  d'affermer  avec  lesdits  moulins  la 
pêcherie  du  vannage  el  fosse  du  devant  tout  ensemble  et  par 
un  même  bail,  quoique  j'en  puisse  faire  différents  baux. 

«  Hem,  ai  le  péage  de  la  rivière  et  passage  de  sa  vanne,  lequel 
droit  est  tel  que  tous  poissons,  grains,  vins,  bois  et  autres 
denrées  passant  par  la  vanne  desdits  moulins  ou  par  la  rivière, 
tant  dessus  que  dessous,  tant  en  montant  qu'en  descendant, 
je  puis  et  je  suis  en  possession  de  prendre  et  lever  à  raison  de 
deux  pièces  de  poisson  sur  chacune  botte  de  l'échantillon  qu'il 
se  trouve  et  sur  les  batleaux,  boutiques  ou  bresles  qui  sonl 
composées  de  plus  ou  moins  grand  nombre  de  bottes  à 
proportion,  et  sur  chacun  seplier  de  grain  deux  quarts,  sur 
chacun  coupon  de  bois  deux  pièces,  et  sur  les  autres  denrées 
et  marchandises  à  proportion,  de  quelque  nature  et  qualité 
que  [soient]  lesdits  poissons  ou  autres  denrées,  et  ceux  qui  les 
foni  passer;  et  y  a  amende  de  soixante  sols  et  confiscation  de 
la  marctiandise  sur  les  défaillaus  de  payer  le  droit  soit  en 
espèce  soit  en  argent,  suivant  l'évaluation  qui  en  a  été  faite 
autrefois  par  mes  prédécesseurs  avec  les  marchands  trafiquant 
ordinairement  tant  sur  ladite  rivière  et  pour  leur  commodité  : 
dont  a  été  dressé  tarif  qui  s'observe  de  toute  ancienneté  et  est 
apposé  par  affiche  en  fer-blanc  aux  piliers  dudil  vannage.  En 
outre  doit  chacun  batteau  cinq  sols  pour  l'ouverture  de  la 
vanne  tant  en  montant  qu'en  descendant  ;  et  s'il  y  arrivait 
rupture  par  la  faute  desdits  batleaux,  sont  tenus  les  marchands 


sous    LES    QUKNÉGAUD  2Î51 

el  leurs  marchandises  réparer  le  dégâl  avec  lous  dépens,  dom- 
mages et  intérêts. 

«  Item,  le  péage  de  la  chaussée  de  Plaucy  et  travers  de  la 
Perlhe,  qui  est  tel  que  chacun  charriot  passant  par  ladite 
chaussée  de  Plaucy  ou  travers  de  la  Perlhe  me  doit  quatre 
deniers,  la  charrette  deux  deniers  tournois,  la  beste  de  somme 
ou  bât  un  denier,  le  cheval  ou  le  bœuf  pour  vendre  quatre 
deniers,  la  jument  ou  vache  deux  deniers,  le  pourceau  et 
toutes  autres  bestes,  soit  à  laine  soit  à  cornes  ou  autre,  une 
obole  tournois,  et  y  a  soixante  sols  d'amende  et  contiscatiou 
sur  les  défaillaus  de  payer  ledit  péage  et  travers. 

«  Ilem,  j'ay  et  à  moy  appartient  la  chaussée  de  Plancy,  à 
commencer  au  grand  pont  dudit  lieu  jusque?  au  pont  du 
Bachot.  Et  est  la  largeur  de  ladite  chaussée  du  costé  de  la 
pâture,  deux  perches  outre  l'étendue  du  pavé  ;  et  de  l'autre 
costé,  ce  qu'il  y  a  de  terre  jusqu'à  un  fossé  par  où  s'écoule 
l'eau  de  la  rivière  d'Aube  tout  le  long  de  ladite  chaussée;  la 
mesure  de  deux  perches  doit  être  au  moins  de  huit  pieds  et 
demy  de  Chàtelet,  le  pied  portant  douze  pouces  ;  et  ai  droit  de 
planter  saules  et  tous  autres  arbres  que  bon  me  semblera, 
de  même  que  sur  lous  les  autres  chemins  de  mon  marquisat. 

u  Ite^n,  ai  droit  de  foires  et  marchés  audit  Plancy,  soavoir 
trois  foires  par  an  et  jour  de  Saint-Sébastien,  vingt-unième 
janvier.  Sainle-Madelaine,  vingt-deuxième  juillet,  et  Saint- 
Laurent,  dixième  aoust,  et  deux  marchés  pour  chacune 
semaine  les  jours  de  mardy  et  veudredy,  et  puis  lesdites  foires 
et  marchés  affermer  à  mou  profit. 

Il  Itan,  ai  audit  Plancy  droit  de  hallage,  étallage,  pesage, 
aulnage  et  mesurage  sur  toutes  denrées  qui  se  débitent  es 
foires  et  marchés  dudit  lieu. 

«  Item,  la  ferme  de  la  boucherie  et  étaux  à  vendre  chair 
audit  Plancy  où  nul  n'en  peut  luer  ny  vendre,  ny  suif,  ny 
cuirs  sans  mon  congé,  soit  tous  les  jours  de  foires  et  marchés, 
soit  autres,  à  peme  d'amende  arbitraire  et  confiscation  desdiles 
marchandises  ;  et  m'appartient  et  m'apparlienuent  aussi  les 
langues  de  lous  les  bœufs  qui  se  tuent. 

«  Ilem,  j'ai  droit  de  ban  vin  audit  Plaucy  qui  est  tel  que, 
depuis  le  jour  de  Pasques  premier  coup  de  messe  sonnant 
jusqu'au  jour  de  Saint-Remy,  nul  ne  peut  et  lui  est  loisible 
vendre  vin  en  détail  audit  Plancy  sans  congé  de  moy  ou  de 
mon  fermier  dudit  ban  vin,  à  peine  de  soixante  sols  tournois 
et  confiscation  dudit  vin,  tant  et  quenles  fois  que  le  cas  y 
échoit. 


252  LE   MARQUISAT   DE    PLANCY 

«  he)n,  la  pèche  de  deux  gords  dudit  Plaucy  et  des  fossés 
adjacents  comme  est  la  fosse  aux  Nouains,  la  fosse  de  la 
Chaussée  qui  est  et  qui  s'étend  tout  le  long  de  ladite  chaussée, 
la  fosse  du  Marais,  la  fosse  Dame  Isabeau  et  autres. 

«  Item,  deux  petits  étangs  assis  en  ladite  ville  de  Plancy, 
appelés  le  Grand  et  le  Petit-Joigne,  contenant  environ  quatre 
arpeus  assablés  et  remplis, 

«  Ifem,  un  autre  étang  appelé  Marais  de  Joigne,  qui  est  en 
total  ruiné,  assis  entre  Saint-Vitre  et  Planc}^  et  souloit  être 
tenu  eu  fief  par  Gaucher  Dizoy,  avec  les  fossés  et  viviers  en 
dépendans. 

«  Uetn,  audit  lieu  de  Plancy  ai  une  maison  appelée  de  la 
Bouverie  et  un  jardin  au  lieu  dit  de  la  rue  des  Bordes,  conte- 
nant six  denrées;  un  autre  jardin  au  bout  du  grand  pont,  le 
long  de  la  chaussée,  et  le  jardin  Messire  Didier. 

«  Item,  la  censé  appelée  la  Maison  des  Bois  dans  laquelle  y 
a  plusieurs  chambres  et  logeraens  pour  le  fermier,  granges, 
écuries,  bergeries,  laiteries  et  autres  bàtimens  tous  fermés  de 
murs  ;  laquelle  censé  est  au  bout  de  mou  parc,  et  on  y  va  par 
une  grande  allée  plantée  de  peupliers  et  autres  arbres  qui 
commence  proche  mon  chàtel  et  dure  jusqu'à  ladite  Maison 
des  Bois,  traversant  par  le  milieu  de  mondit  parc  qui  contient 
plus  de  cent  arpeus  enclos  de  la  rivière  d'Aube  d'un  côté, 
et  de  l'autre  côté  par  des  fossés  et  bras  qui  en  dérivent  et  le 
ferment  comme  une  île  dont  partie  est  en  labour  et  autre 
partie  en  pré,  et  le  reste  est  en  buisson  et  plans  dont  la  meil- 
leure partie  s'afferme  dans  ladite  Maison  des  Bois,  où  l'on  ne 
peut  aller  de  quelque  côté  que  ce  soit  que  par  des  ponls-levis 
qui  sont  aux  trois  flancs  de  ladite  isle. 

«  Item,  la  censé  de  Riverelle  à  un  quart  de  lieue  de  Plancy, 
consistant  en  un  grand  corps  de  logis,  granges,  étables,  four- 
nies et  colombier,  tout  en  un  tenant  fermé  de  fossés  dans  les- 
quelles entre  l'eau  de  Riverelle;  et  est  ladite  censé  au  milieu 
d'un  enclos  de  cinquante  arpens  dans  lesquels  il  y  a  vergers 
et  plans  d'aunelles  et  autres  arbres;  ledit  enclos  fermé  de 
marais,  étangs  et  autres  eaux  dudit  Riverelle  ;  lesquels  marais 
sont  de  part  et  d'autre  et  contiennent  cinq  arpens,  et  ledit 

étang  de  Riverelle  proche  de  ladite  censé  contient  environ 

arpens,  outre  quoi  il  y  a  le  gagnage  appelé  de  Riverelle  qui 
dépend  de  ladite  censé  et  contient  environ  cent  arpens. 

«  Item,  la  censé  de  la  Perthe  ou  de  Hondevilliers,  aussy  à 
un  quart  de  lieue  de  Plancy,  consistant  en  un  grand  corps  de 
logis  pour  le  fermier,  granges,  étables,  bergeries  et  colombier, 


sous   LES   GUÉNÉGAUD  253 

tout  eu  uu  leuanL  fermé  de  murs,  réparés  à  neuf,  avec  plu- 
sieurs vergers  et  plans  d'arbres  aux  environs,  et  le  grand  ga- 
gnage  de  la  Perthe  dépendant  de  ladite  censé  qui  conlienl 
quatre  cents  arpens. 

«  Item,  la  garenne  de  la  Perthe,  sise  au  lieu  où  était  autre- 
fois le  village  de  la  Perthe  sur  les  maisons  duquel  village  et 
sur  les  terres  aux  environs  je  soulois  avoir  plusieurs  droits, 
tant  de  ceusives,  coutumes  et  corvées  que  de  terrages  et 
autres  redevances  ;  lesquels  sont  demeurés  éteints  au  moïen 
de  ce  que  pour  icelles  lesdites  terres  et  héritages  me  sont 
donnés  après  avoir  été  ruinés  par  les  guerres  ;  et  contient 
ladite  garenne  environ  vingt-six  arpens,  que  j'ai  gagnés  en- 
semble avec  tout  le  terroir  et  reste  des  terres  de  la  Perthe, 
contre  le  prieur  de  l'Abbaye-sous-Plancy  et  habitans  dudit  lieu, 
par  arrest  du  Parlement  des  neuvième  mars  1524  et  treizième 
décembre  1547,  et  arrêt  du  grand  Conseil  du  deuxième  avril 
1548. 

i<  Item.,  un  autre  gagnage,  contenant  (rente-deux  arpens  de 
bois  ou  environ,  assis  au-dessous  de  ladite  garenne  et  au  milieu 
du  gagnage  du  Grand  Bois. 

(.<  Item,  une  autre  garenne,  assise  au-dessus  des  vignes  de 
Plancy,  contenant  dix  arpens, 

«  Item,,  ai  plusieurs  aires  à  bois  audit  terroir,  finage  et  pa- 
roisse de  Plancy,  lesquelles  se  vendent  et  coupent  de  quatre 
ans  en  quatre  ans,  sçavoir  l'aire  du  gord  à  présent  assablée, 
l'aire  de  Sainl-Oulph  et  l'aire  Boyau,  audit  lieu,  l'aire  de  la 
Rive  Didier,  plus  trois  aires  faisant  partie  du  grand  gagnage 
de  Plancy  ;  outre  quoi  j'ai  encore  plusieurs  autres  aires  à  bois, 
tant  aux  environs  de  mon  bâtard  d'eau  que  de  l'enclos  de 
mon  parc,  je  ne  puis  autrement  donner  les  tenans  et  abou- 
tissaus. 

«  Item,  j'ai  le  grand  gagnage  de  Plancy,  auquel  il  y  a  deux 
cent  quatre-vingt  arpens  de  terres  labourables  ou  environ, 
l'arpent  contenant  huit  denrées  et  la  denrée  quatre-vingts 
perches,  la  perche  huit  pieds  et  demy  de  Chàlelet  et  le  pied 
douze  pouces,  qui  est  l'ancienne  mesure  de  Plancy,  à  laquelle 
le  domaine  des  prés,  terres  et  bois  a  été  mesuré  de  toute  an- 
cienneté ;  duquel  gagnage  souloient  être  trois  pièces  de  pré 
de  seize,  onze  et  huit  arpens.  assises  au  lieu  dit  Es  Grands 
Prés. 

«  Item^  uu  autre  gagnage  appelé  le  Gagnage  du  Grand  Bois, 
contenant  trois  cent  soixante  arpens  de  terres  labourables  en 
une  pièce. 


254  LE   MARQUISAT    DE   PLANCY 

«  Item^  le  petit  gagnage  de  la  Perthe,  cy-devanl  arrenlé  à 
plusieurs  particuliers,  que  l'on  abandonne  pour  les  redevences, 
environ  trois  cents  arpens. 

«  Item,  le  gagnage  de  la  iNivoie,  consistant  en  qualre-vingt- 
six  arpen"^  de  terres  labourables  ou  environ  et  quatre  arpens 
de  prés. 

.  «  Item^  un  autre  gagnage  appelé  le  Gagnage  du  Petit  Bois, 
contenant  cent  trente  arpens  de  terres  labourables  en  diverses 
pièces,  et  une  pièce  de  pré  contenant  dix  arpens  et  demy,  sise 
es  prés  dessus. 

«  Item,  le  gagnage  des  Nouains ,  de  quatre-vingt-cinq 
arpens  de  terres  labourables  et  quatre  arpens  et  demy  de 
prés. 

«  Item,  une  pièce  de  pré  partie  en  labour,  partie  en  l'auchai- 
son,  appelée  la  Pàlure-Douce,  contenant  soixante- quatorze 
arpens. 

«  Item,  une  autre  pièce  de  pré,  partie  en  labour,  appelée 
le  Pré  de  Droupt,  contenant  huit  arpens. 

«  Item,  une  autre  pièce  de  pré  en  ce  même  lieu,  appelée  le 
Pré  Happé,  contenant  environ  vingt  arpens;  près  lequel  est  le 
pré  Piemy  Hardy,  depuis  peu  acquis  des  seigneurs  demoiselles 
Dangilliers. 

«  Item,  une  autre  pièce  de  pré  au  bout  de  la  susdite  pièce, 
appelée  le  Pré  des  Epiuettes,  contenant  vingt-quatre  arpens 
fermés  de  fossés  oîi  il  y  a  des  saules  plantés  à  Tentour. 

«  Item,  une  autre  pièce  de  pré  au  bout  de  la  susdite  pièce, 
appelée  le  Pré  Brûlé  et  Prés  des  Chanoines  et  Prés  de  la  Rose , 
contenant  sept  arpens. 

«  Item,  une  autre  pièce  de  pré  proche  le  même  lieu  et 
attenant  la  susdite,  appelée  le  Pré  Lépreux,  contenant  vingt 
arpens. 

«  Item,  une  autre  pièce  de  pré,  appelée  Vagans,  contenant 
vingt-sept  arpens. 

«  Item,  deux  pièces  appelées  le  Petit  et  le  Grand  Joncherel, 
contenant  vingt  arpens. 

«  Item,  une  autre  pièce  de  pré,  appelée  la  Pâture  aux  Cailles, 
contenant  sept  arpens  et  demy. 

«  Item,  une  autre  pièce,  appelée  le  Fief  des  Noues,  contenant 
sej)t  arpens. 

«  Item,  une  autre  pièce  de  pré,  appelée  les  Prés  de  Grands 
et  Petits  Baillys,  contenant  vingt-six  arpens. 


sous    LES    GUENEGAUD  "ibo 

'■i  Item,  uue  auLi-e  pièce  de  pré,  appelée  la  Noue  Meunière, 
coulenaut  vingt- six  arpens. 

«  Item,  le  Pré  de  la  More,  de  ciiKj  arpens,  el  le  Pré  Carre', 
de  cinq  arpens. 

«  Item,  le  pré  de  Derrière  la  Haye,  de  vingL-qualre  arpens, 
la  pièce  de  Monty,  de  quatre  arpens,  la  pièce  des  Vieux  Prés 
Neufs,  cini]  arpens,  la  pièce  de  la  Vigne,  huit  arpens,  le  pré  de 
la  Roye,  un  arpent,  le  petit  marais  de  la  Planche  l'Erraitle, 
cinq  arpens,  le  pré  de  la  Rozière,  dans  l'enclos  du  parc,  dix- 
sept  arpens,  el  plusieurs  autres  pièces  qui  seront  trop  long 
de  nommer,  montant  tous  ensemble  à  plus  de  cinq  cents 
arpens  dont  à  la  vérité  il  y  a  quelques  petites  parties  eu 
labour. 

«  Item,  ay  onze  arpens  de  vignes  scis  au  terroir  dudit 
Plancy  qui  sont  présentement  en  labour  et  valeur,  outre  les 
vignes  nommées  de  Côte  Pellée,  outre  plusieurs  arpens  qui 
sont  en  friche,  et  quelques  autres  que  mes  prédécesseurs  ont 
donné  à  rente  à  la  charge  d"y  entretenir  ou  faire  plants  de 
vigne. 

«  Le  fmage  de  PJaucy,  du  côté  devers  les  champs  laboura- 
bles, commence  devers  l'Abbaye-sous-Plancy,  à  uue  borne 
de  pierre  laquelle  est  nu-dessous  de  Plancy,  faisant  sépara- 
tion dudit  fiuage  d'avec  celui  de  l'Abbaye-sous-Plancy,  tirans 
à  travers  les  champs  jusques  à  un  chemin,  lequel  est  proche 
de  la  Justice  à  piliers  et  fourches  patibulaires  dudit  Plancy, 
qui  se  nomme  le  chemin  pour  aller  de  Fouges  à  Viàpres-le- 
Grand  ;  et  fait  aussi  ledit  chemin  séparation  dudit  finage  de 
Plancy  et  d'un  petit  finage  Bicouart,  lequel  est  de  la  seigneurie 
de  Salon;  et  fait  aussi  ledit  chemin  séparation  du  fin  âge  de 
Champfleury  eu  tirant  à  Saint -Vitre  où  finit  ledit  chemin  qui 
commence  par  les  fossés  qu'on  appelle  aux  Nonaius,  et  conduit 
à  la  chapelle  dudit  Saint-Vitre  par  les  marais  dudit  Plancy 
qui  font  aussi  séparation  dudit  Saint-Vitre  ;  et  ledit  finage  de 
Plancy  tient  au  long  au  cours  de  la  rivière  d'Aube  non  com- 
prise eu  ce  bornement  et  prairie  et  pâturage  dudit  Plancy; 
laquelle  prairie  avec  gras  pâturages  s'étend  presque  à  un 
tenant  entre  les  villages  de  Charny,  le  Bachot,  Planc}',  Saint- 
Vitre,  rt  lient  d'une  part  à  la  rivière  d'Aube  qui  passe  par 
ledit  Plancy,  d'autre  part  à  la  Pâture  Douce  et  aux  fiuages  de 
Charny  et  du  Bachot,  au  finage  de  Viâpres-le-Grand,  Saint- 
Vitre  et  Règes,  et  d'autre  bout  au  finage  de  Longueville  et 
l'Abbaye-sous-Plancy. 


256  LE  Marquisat  de  plancy 


SAINT-VITRE 


«  La  ville  de  Saint-Vitre  éloit  autrefois  assez  grande,  et  y 
avoit  plusieurs  maisons  et  demeurans  à  une  demy-lieue  au- 
dessus  de  Plancy  sur  la  rivière,  mais  depuis  longtemps  parle 
fait  des  guerres  elle  est  tombée  en  totale  ruine,  et  u'y  reste 
plus  aucun  édifice  que  celui  de  l'église  qui  étoit  autrefois  une 
paroisse  dépendant  de  moi  en  patronage  de  laïc,  et  présente- 
ment est  une  chapelle  à  ma  nomination  au  même  titre  ; 
laquelle  chapelle  j'ai  depuis  peu  fait  rétablir  et  réparer  à  mes 
dépens  et  à  la  place  de  ladite  ville  ou  paroisse  n'y  a  plus  que 
jardins,  bois,  broussailles  et  buissons,  qui  me  sont  demeurés 
faute  d'habitans  et  de  payement  des  rentes. 

«  Item,  ai  un  jardin  de  trois  arpens  nommé  les  Courtes 
Royes,  et  un  autre  jardin  d'un  arpent,  à  présent  planté  eu 
bois,  audit  lieu  Fontaine-Chicaut. 

«  Item^  une  aire  à  bois  contenant  un  arpent  assis  derrière 
Saint- Vitre  et  plusieurs  autres  morceaux  de  terre  et  aires  à 
bois  audit  finage,  vers  le  bâtard  d'eau  ;  et  sont  les  dites  aires 

bois  au  nombre  de  douze  contenant  environ  10  arpens. 

«  Item^  la  garenne  de  Saint-Vitre,  nommée  le  Gros  Buisson, 
qui  est  garenne  jurée  et  contient.  ...  arpens  avec  droit  de 
chasse. 

«  Et  tous  autres  droits  seigneuriaux  partout  le  dit  finage 
et  iustice,  comme  à  Plancy. 

«  Item,  les  censives  du  finage  montant  à  quatre  livres 
tournois  sur  plusieurs  jardins,  aires  à  bois  et  autres  héritages 
censuels  dudit  finage,  et  sur  les  autres  censuels  droits  de  vest 
et  devest  par  lods  et  ventes  et  droit  de  retenue,  comme 
à  Plancy. 

«  Item^  un  gagnage  appelé  Saint-Vitre  auquel  y  a  environ 
cent  arpens  de  terres  labourables  en  diverses  pièces,  et  des 
appartenances  duquel  y  a  un  petit  jardin  assis  au  dit  Saint- 
Vitre  contenant  deux  arpens  et  demy  et  une  denrée,  et  six 
petites  aires  à  bois  contenant  environ  trois  arpens. 

«  Iiem,  une  pièce  de  pré  contenant  vingt  arpens  assis  audit 
finage,  au  lieudit  les  Prés  d'Aube. 

«  Item,  une  autre  pièce  contenant  quatre  fauchées  au  lieu- 
dit  les  Prés  dessous,  en  laquelle  le  seigneur  de  Salon  prenoit 
autrefois  le  tiers  partie. 

«  Item,  un  gord  assis  sur  la  rivière  d'Aube,  appelé  le  Grand 
Gord  de  Saint-Vitre. 


sous    LES    GUÉNÉGAUD  2o7 

«  Itemy  la  prairie  et  pâture  de  Saint- Vitre,  où  j'ay  donué 
permission  à  ceux  de  Viàpres-le- Grand  d'avoir  pâturage,  que 
je  leur  puis  ôler  quand  bon  me  semblera,  parce  que  la 
dite  prairie  n'est  pas  usagère,  mais  m'appartient  en  propre. 

«  Hem^  tout  le  dit  fmage  est  en  ma  justice  qui  s'exerce  par 
mou  bailly,  et  ay  droit  de  taire  exercer  par  un  maire  ou  prévôt 
particulier  dont  les  appellations  ressortissent  par  devant  mon 
dit  bailly,  et  puis  affermer  la  dite  mairie  qui  s'appelle  la  Ferme 
des  exploits  de  Saint- Vitre. 

«  Ledit  linage  de  Saint-Vitre  est  borné,  sçavoir  d'un  bout 
par  le  cours  de  la  rivière  d'Aube,  d'autre  bout  parle  finage 
de  Gharapfleury  ;  d'une  part  tient  à  une  censé  faisant  sépara- 
lion  d'entre  ledit  finage  et  celui  de  Viàpres-le-Grand,  et  d'autre 
part  au  finage  et  marais  dudil  Plancy  et  au  finage  dudit 
Champfleury. 

VIAPKES-Ll£-GKANU 

«  Ilem,]Q,  liens  dudil  seigneur  Roy,  sous  mou  marquisat  de 
Plancy.  un  gagnage  au  lieu  de  Viàpres-le-Grand  contenant 
cent  soixante-dix  arpens  de  terres  labourables,  avec  un  jardin 
de  demy  arpenl  assis  au  dit  lieu. 

u  lUm,  un  autre  jardin  appelé  l'Ucbe  du  Four,  contenant 
trois  denrées  dix-sept  carreaux, 

('  Hem,  une  pièce  de  pré  contenant  dix-sept  arpens,  appelée 
les  Prés  vacans. 

■  Item,  une  autre  pièce  assise  au  même  lieu,  contenant  deux 
arpens,  deux  denrées  ou  environ,  et  une  autre  de  deux  arpens 
et  demy  au  même  lieu. 

t(  Item,  ai  plusieurs  aires  à  bois  au  dii  finage,  eu  plusieurs 
morceaux  dont  je  ne  puis  quant  à  présent  donner  le  dénom- 
brement le  plus  précis,  parce  que  je  n'ai  ici  mes  lilres  qui  sont 
en  mes  archives  de  Planc^'. 

«  Ilem^  ai  plusieurs  censives  audit  \  iàpres  montanl  a  envi- 
ron sept  livres,  y  compris  quatre  livres,  ciu(j  sols,  et  sept 
poules  que  me  doivent  les  héritiers  ou  bien  tenaus  de  Bernard 
du  Verne  et  Gillette  des  Bièvres,  pour  sept  arpens  et  deux 
denrées  de  bois  appelés  les  Grandes  aires  ou  Bois  Mordiable, 
qu'ils  tiennent  de  moi  entre  le  Grand  et  le  Petit- Viàpres. 

a  Hem,  tous  el  chacun  les  habilaus  du  dit  Viâpres-le- 
Grand  me  doivent  chacun  an  le  jour  et  leste  de  Saint-Remy, 
sçavoir  ceux  ayant  charriie  entière  (jui  est  de  deux  chevaux, 

17 


2h8  LE    iMAUQUlSAT    DE    PLANCY 

la  quantité  de  deux  boisseaux  aveiue  à  la  grande  mesure,  et  si 
duivent  guet  el  garde  à  mon  château. 

«  Et  tous  les  héritages  cy  di  ss'is,  tant  de  mon  domaine  non 
tieffé  que  du  tieffé  scis  au  finage  de  Vicàpres-le-Graud,  soni  de 
terre  et  seigneurie 'et  justice  que  je  puis  aussi  faire  exercer  par 
un  maire  ayant  appel  particulier,  avec  appel  devant  mon  b.iilly 
de  Plancy. 

«  Item,  ai  trente  un  sols  »ix  deniers  de  renies  sur  Noël 
Viart,  du  lirand-Viàpres,  et  plusieurs  autres  rentes  toncières 
el  seigneuriales  au  dit  lieu. 

CHAMPFLEUHY 

K  Item,  j'ai  la  terre  el  paroisse  de  Champlleury  avec  tous 
droits  de  souveraineté  premièrement  l'église,  haute  moienne 
et  basse  justice  que  je  puis  1  ùre  exercer  par  un  maire  parti- 
culier, avec  ressort  devant  mon  bailly  de  Plancy,  qui  exerce 
actuellement  la  dite  justice,  et  ai  droit  de  greffe  et  tous  autres 
profils  de  juridiction  comme  a  Plancy,  défauts  et  amendes. 

«  Uem,  ai  au  dit  lieu  de  Champtleury  droit  de  foire  tous  les 
ans  le  jour  de  Saint-Loup  premier  septembre. 

«  Jtem,  ai  au  dit  lieu  de  Champtleury  un  gagnage  conleuaut 
environ  trois  cents  arpens  de  terres  labourables  dont  la  plu- 
pari  est  présentement  eu  friche  par  le  malheur  des  guerres. 

«  llem,  ai  une  garenne  jurée  audit  Champtleury,  contenant 
environ  trente  arpeus. 

«  Item,  tous  les  habitans  de  Champtleury  me  doivent  cha- 
cun an  deux  corvées  de  bals  et  de  chevaux  à  Pâques  et  à 
la  .Saiul-Remy,  et  eu  outre  une  poule  et  douze  deniers  audit 
jour  de  Saint-Reray,  à  peine  de  défaut  et  amende. 

(I  Item^  j'ai  plusieurs  au  1res  redevances  et  censives  audit 
lieu  de  Champtleury  à  moy  dues  en  argent,  et  aucune  portant 
lods  et  ventes,  défauts  et  amendes,  de  pareille  nature  qui  est 
cy-devanl  déclaré,  comme  aussi  tous  les  héritages  non  cen- 
suels  audit  tiaage  me  doivenl,  à  toute  nuilatiou  hors  de  père  à 
fils,  droit  de  vest  et  devest,  portant  lods  et  ventes,  défauts 
el  amendes  comme  dessus. 

«  Itcm^  j'ai  (|uarante-six  sols  tournois  de  renies  sur  Ciui. 
gnot-Coguot,  et  plusieurs  autres  rentes  seigneuriales  sur  diffé- 
rents particuliers  et  héritages  dudit  Champtleury. 

«  Et  est  borné  le  iinage  dudit  Champfleury,  d'une  pari 
tenant  au  linage  de  Saint-Viire,  Viâpres-le-Grand  et  Bonne- 
Voisine,  d'autre  pari  au  iinage  de  Salon,  d'un  bout  au  linage 


sous    LES   GUÉNÉCtAUD  259 

de  Plancy  el  l'Abbaye-sous-Plaucy,  el  d'autre  bout  au  iiuage 
dudil  Salon. 

BON  NE  VOISINE 

«  Le  tief,  terre  et  seigneurie  de  Bouuevoi&ine,  dans  laquelle 
j'ai  tous  droits  de  seigneurie  avec  haute,  moïenue  et  basse  jus- 
lice,  et  mairie  dudit  lieu  où  je  puis  mettre  oilicier  pour  l'exercer 
avec  défauts  et  amendes. 

«  Le  lieu  où  étoit  anciennement  le  village  el  paroisse  de 
Bonnevoisine,  qui  est  entièrement  ruiné,  et  m'est  demeuré 
faute  d'habitans  et  sans  maisons  sur  lesquelles  mes  prédéces- 
s;eurs  avoient  plusieurs  droits  de  censives,  terrages,  rentes, 
champarts,  lods  et  ventes  et  autres  qui  sont  présentement 
éteints,  faute  de  tenanciers  et  payement  des  dites  redevances, 
aussi  bien  que  les  terres  des  champs. 

«  [lem,  ai  le  grand  gagi.age  du  dit  lieu,  contenant  envirou 
trois  cents  arpeus  dont  la  plupart  est  en  friche. 

«  llem,  le  petit  gagnage,  contenant  environ  deux  cents 
arpens  de  terres  labourables  presque  toutes  en  friche. 

«  llem,  un  bois  et  garenne  appelé  le  Gros  Buisson  de  Bonne- 
voisine,  qui  est  aussy  garenne  jurée,  avec  tous  droits^  de 
chasse  et  autres  seigneuriaux  sur  tout  le  finage. 

«  Item-,  vingt  sols  tournois  de  rente  seigneuriale  sur  Nicolas 
Lhuillier,  pour  l'héritage  qu'il  lient  audit  finage  de  Bonne- 
voisine,  el  quelques  autres  rentes. 

«  Lequel  finage  et  territoire  de  Bonnevoisine  tient,  d'une 
part  aux  finages  de  Champileury  et  de  Salon,  d'autre  part  aux 
finages  de  Villablé  et  Herbisses,  d'un  bout  au  finage  de 
Semoine,  et  d'autre  bout  sur  les  fins  de  Viàpres-le-Grand 
et  Saint- Vitre. 

SEMOINE 

«  Hem,  le  vicomte  de  Semoine,  qui  s'étend  sur  tout  le 
bourg  et  finage  de  Semoine,  dont  tous  les  habilans  sont  sujets 
à  ma  justice  sans  qu'il  n'y  en  ait  aucun  exempt  ;  et  s'exerce 
ladite  justice  par  un  maire,  jirocureur  fiscal,  greffier,  sergent 
et  autres  officiers  à  ma  nomination,  lesquels  ont  droit  de  con- 
uoître  de  tous  faits  et  matière  de  police  civile  et  criminelle 
et  des  abus  qui  se  commettent  dans  le  débit  des  denrées, 
poids  et  mesures  d  ycelui,  parce  que  j  y  ai  seul  le  droit  de  hal- 
lage, étalage,  pesage,  aulnage,  minage  el  mesurage,  à  cau^-ede 
ma  dite  vicomte. 

«  Hem,  j'ai  audit  lieu  droit  de  foire,  qui  se  tient  chacun  au 


'260  LE    AlARgUlSAT    DE    PLANGY 

le  jour  Saiule-Croix  quatorzième  septembre,  el  marché,  qui 
se  tieut  tous  les  lundy  de  chacune  semaine. 

«  lieniy  ai  droit  de  travers  et  péages  audit  oemoiue,  qui  est 
tel  que  chacun  charriot  doit  quatre  deniers,  charetle  trois 
deniers,  cheval  de  bât  ou  autres  deux  deniers,  le  bœuf  et 
vaches  deux  deniers,  le  pourceau,  mouton  et  autres,  soit 
à  laine,  soit  à  cornes,  un  denier. 

«  Item,  ai  droit  de  rouage  et  rouissage,  qui  est  tel  que  per- 
sonne ne  peut  mettre  rouir  ou  tremper  chanvre  ny  autre  chose 
dans  le  ruisseau  de  Bucheret,  autrement  dit  le  Gourganson, 
sans  notre  congé  ou  permission,  parce  que  ledit  ruisseau  nous 
appartient  en  tout  sou  cours,  fonds  et  rives,  depuis  son  com- 
mencement qui  est  proche  de  Semoine,  et  sur  nos  terres  jus- 
qu'à Gourganson  :  et  pour  ledit  droit  chacun  habitant  faisant 
chanvre  m'en  doit  deux  livres,  une  de  mâle  et  l'autre  de 
femelle. 

«  Item,  ai  droit  de  banaUlé  pour  mou  mouliu  à  Teau  trcis 
sur  ledit  ruisseau  proche  de  Semoine,  appelé  le  moulin 
Bucheret,  auquel  tous  les  habilaus  dudit  lieu  et  tinage  de 
Semoine  sont  tenus  venir  moudre  tous  leurs  grains  à  peine  de 
l'amende  de  soixante  sols  el  confiscation,  dépens,  dommages 
el  intôrèts  ;  auprès  duquel  moulin  y  a  logement  couvert  de 
tuiles  pour  le  meunier  et  ses  bestiaux,  et  ai  le  tout  fait  réparer 
à  neuf  depuis  trois  ans,  après  avoir  renouvelé  ladite  banalité 
avec  lesdits  habitans  par  acte  passé  avec  tous  les  habitans 
dudit  lieu,  le  cinquième  février  mil  six  cent  soixante-treize, 
homologué  par  arrêt. 

«  llem,  ai  aussi  un  mouliu  à  veut  auprès  dudit  lieu  de 
Semoine,  aupi'ès  duquel  y  a  aussi  un  logement  pour  le  meu- 
nier, un  jardin  et  des  prés  qui  en  dépendenl. 

«  Ue)7i,  ai  droit  de  coutume  et  une  corvée  de  chevaux  sur 
chacun  desdils  habilans  ayant  charrue  et  sur  ceux  qui  n'en 
ont  point  une  de  bras  seulement. 

«  llem,  ai  la  motte  du  château  dudit  Semoine  avec  droit  de 
colombier  à  pieds,  droits  honorifiques  d'église,  et  autres  sei- 
gneuriaux. 

«  Le  iinage  de  Semoine  tient  d'une  part  à  celui  de  Bonne- 
voisine,  d'autre  part  à  celui  de  Villiers,  d'un  bout  à  celui 
de  Gourganson,  d'autre  bout  à  ceux  de  Salon,  Coursemain  et 
Boulages. 


sous    LKS    (iUKNEGAUD  2(11 

SALON,  (lOUliSllMAIX  ET  BOULAGES 

«  Ite^n^  j'ai  plusieurs  renies  Ibncières,  censives,  couluines, 
autres  droits  es  lieux  et  tinages  de  Salon,  lioulages  et  Course- 
main,  et  es  environs,  qui  se  payent  en  argent  et  aveine,  et  la 
plupart  desdites  redevances  s'appellent  les  Ouches  portant 
lods  et  ventes,  défauts  et  amendes. 

«  Item,  ai  au  finage  de  Boulages  un  gaguage  appelé  le 
gagnage  de  Hacqueville,  qui  s'étend  aussy  dans  le  finage 
de  Longueville,  Abbaye-sous-Plancy  et  finages  voisins,  conte- 
nant quatre-vingt-quinze  arpeus  et  plus,  tant  terres  labou- 
rables que  prés  mazeaux  et  bois. 

L  ABBAYE-SOUS-PLAXCY 

«  La  maison  du  prieuré,  le  prieur  et  toutes  les  personnes  y 
demeurantes  sont  en  ma  garde  et  de  mou  territoire  et  de  mou 
ressort  en  toutes  causes  civiles  et  criminelles,  et  ai  droii 
de  réformation  sur  le  prieur  de  ladite  abbaye,  lequel  est  tenu 
faire  audit  prieuré  plusieurs  services  comme  de  tout  tems  est 
accoutumé  pour  les  seigneurs  dudit  Plancy,  fondateurs  de 
ladite  abbaye,  dans  laquelle  je  dois  avoir  les  honneurs  à  l'église 
et  ailleurs,  ainri  qu'il  a  été  jugé  par  airest  du  Parlement 
des  27  août  et  19  novembre  1547  ;  et  me  doit  ledit  prieur  les 
devoirs  de  garde  et  ressort  pour  la  conservation  desquels  mes 
prédécesseurs  se  sont  de  tout  temps  opposés  aux  entreprises 
desdits  prieurs,  et  notamment  par  actes  faits  au  greffe  de  la 
Chambre  à  Paris  et  au  greli'e  de  .Sézanne  le  vingt-deuxième 
janvier  1546,  pour  empêcher  la  réception  d'une  déclaration 
baillée  par  ledit  prieur  qui  ne  disoit  pas  la  vérité. 

t  llem,  tout  le  iinage  de  l'Abbaye -sous-Plancy  et  dépen- 
dance est  semblablement  de  ma  terre  en  ma  garde  souveraine, 
et  tous  les  habitans  y  demeurans  de  même  que  le  prieur  sont 
de  mon  territoire,  de  mon  ressort  en  toutes  causes  ;  sçavoir, 
pour  les  criminelles  matières  degruerie  ou  police,  inventaires, 
tutelles  et  curatelles,  elles  viennent  directement  en  première 
instance  par  devant  mon  bailly  ou  son  lieutenant  et  mes 
autres  officiers,  et  pour  les  autres  causes  elles  y  viennent 
immédiatement  par  appel,  parce  que  le  prieur  de  ladite  abbaye 
n'a  que  basse  justice  ressortissante  nuement  à  la  mienne,  et 
ses  officiers  sont  tenus  comparoir  en  mes  assises  à  peine 
d'amende  et  deffaut,  ainsi  qu'il  a  été  jugé  par  arrêt  du 
28  juillet  1548,  et  peuvent  mes  sergents  y  faire  tous  exploits 
sans   prendre  commission    desdits   officiers    de   l'abbaye,    et 


2ùZ  LK    MAR(JUISAT    DE    PLANCY 

quaud  le  prieur  y  meurt,  mes  officiel'.-  seul:^  oiU  droit  de  faire 
l'inventaire  de  ses  biens  après  sou  décès. 

«  Jiem,  tous  les  isahilaus  de  ladite  abbaye  nie  doivent  tous 
les  ans  deux  corvées  de  bras  et  de  chevaux  à  Pasques  et  à  la 
Saint- Reuiy. 

«  liem,  ai  droit  de  .taille  es  quatre  cas  accoutumés  de  che- 
vallerie  et  autres  sur  tous  les  liabitaus  dudit  lieu  et  fiuage  de 
l'abbaye  et  dépendances. 

«  Ite7)i,  ai  droit  de  chasse  sur  la  rivierre  de  rabba3-e,  et  ne 
peut  avoir  le  prieur  ny  aucune  autre  jurée,  et  si  aucune  il 
avait,  je  puis  la  faire  ruiner  et  poursuivre  mes  lapins  et  le 
gibier  dedans  icelle. 

«  Hem,  ai  droit  de  j)èche  eu  toutes  les  rivierres  de  ladite 
abbaye,  tant  celles  du  prieur  que  des  habitans,  pour  y  pécher 
et  faire  pêcher  à  tous  tels  engins  et  filets  que  bon  me  semble 
et  toutes  les  fois  qu'il  me  plaît  sans  faire  appeler  ledit  prieur 
uy  habitant. 

«  liein,  ai  droit  de  banalité  à  four  et  à  moulin  sur  tous 
habitans  de  ladite  abbaye  qui  sont  tenus  venir  moudre  à  mes 
moulins  de  Plan(;y  comme  tous  mes  autres  sujets,  tant  qu'il 
n'y  a  point  de  moulins  bâtis  dans  la  rivierre  de  ladite  abbaye, 
et  quand  lesdits  moulins  sont  subsislans  et  travaiilans  lesdits 
habitans  peuvent  y  aller  moudre,  mais  aussi  j'ai  droit  de 
prendre  sur  îesdits  moulins  par  chacun  an  au  jour  de  feste 
Saint-Jean-Baplisle  ou  de  Noëi  douze  grands  septiers  de  blel, 
seigle,  mesure  de  Piancy,  bon  bled  loyal  et  marchand,  sans 
que  je  sois  tenu  d'aucunes  réparations  ou  autrement  desdits 
moulins  ;  et  est  tenu  ledit  prieur  de  l'abbaye  me  les  payer 
auxdils  jours  à  peine  de  soixante  sols  d'amende  envers  moy 
seigneur  de  Piancy.  avec  les  frais  et  dépens  qui  en  seroieut 
faits  tant  de  moy  que  de  mes  gens  et  charettes  qui  iront  pour 
recevoir  et  prendre  lesdits  bleds  es  moulins  ;  est  tenu  aussi 
ledit  prieur  livrer  et  faire  livrer,  maintenir  et  entretenir  bon  et 
suffisable  passage  et  vannage  auxdils  moulins,  pour  passer 
tant  à  monter  qu'à  descendre  toùttes  nacelles  et  batteaux  par 
le  cours  de  la  rivierre  desdils  moulins  et  par  autre  aussi  com- 
mode, à  ses  dépens,  sans  aucun  retard  ny  pour  ce  prendre 
aucune  chose  desdits  batteaux  et  nacelles. 

«  Item,  ai  une  pièce  de  pré  audit  finage  présentement 
en  labour,  appelée  la  Pâture  de  l'Abbaye  sous  Piancy,  conte- 
nant vingt-sept  arpens  fermés  de  fossés. 

«  Item,  une  autre  pièce  audit  Image,  appelée  la  Pièce  des 


sous    LES    GUKNÉGAUD  -JOli 

Vieux  Moulins  de  l'Abbaye  proclie  les  angles,  cunlenanl 
six  arpeus  aussi  préseuleiiienl  eu  labour,  sois  enlre  Boulages 
el  ledit  lieu  de  l'Abbaye. 

«  Item,  la  pièce  de  Salon  préseulemeal  en  labour,  coulenaiil 
buil  arpecs,  ou  euviron,  scis  audit  fiuage. 

«  Item,  ai  plusieurs  rentes  foncières  et  seigneuriales  audit 
lieu  de  l'Abbaye  sous  Plaucy,  sçavoir,  sur  Nicolas  Camus 
vingt-deux  sols  huit  deniers,  sur  Noël  Grifïarl  un  sol  six 
deniers,  el  plusieurs  autres. 

'i  Le  Image  de  ladite  Abbaye  sous  Plaucy  tient  d"nne  part  ;i 
ceux  de  Champlleury  et  de  Salon,  d'autre  par  à  ceux  de 
Loûgueville  et  Charuy,  d'un  bout  à  celui  de  Boulages,  et 
d'autre  bout  à  ceux  de  Plancy,  Uharuy  et  le  Bachol  par 
les  pâtures. 

CHARNY  ET  LE  BACHOï 

«  Les  villes  de  Charny  et  le  Bachol,  assises  sur  la  rivierre 
de  Barbuise,  sont  aussy  membres  et  fiefs  de  mon  dit  marqui- 
sat, el  m'appartiennent  avec  tout  leur  territoire  en  tout  droit 
de  justice  haute,  moyenne  et  basse,  (jue  je  puis  faire  exercer 
par  un  maire  ou  prévôt  particulier  dont  les  appellations  vont 
devant  mon  bailly  qui  exerce  piésentemeut  ladite  justice. 

«  Itenî,  y  avoit  audit  Charny  un  hôpital  qui  est  présente- 
ment ruiné,  doiùt  la  maîtrise  étoit  en  ma  nomination  et  ledit 
hôpital  en  ma  totale  disposition  et  correction,  et  ai  dans 
les  autres  églises  de  Charny  préémiuances  et  droits  hono- 
riiiques  tels  qu'à  patron  peuvent  appartenir. 

'  Item,  ai  droit  de  foire  par  chacun  au  audit  Bachol  le 
lendemain  de  la  Fenlecôte,  et  puis  l'affermer  à  mon  profit. 

«  Item,  ai  droit  de  four  banal  audit  lieu  du  Bachot  et 
de  Charny,  el  mon  four  souloit  être  audit  Bachot  en  ma  place 
nommée  le  Pélôt  ;  se  paye  ledit  droit  comme  à  Plaucy. 

«  Item,  ai  droit  de  chevallerie  ou  taille  es  quatre  cas  sur  tous 
les  habilans  desdits  lieux  et  villages,  de  quelque  qualité 
qu'ils  soient. 

"  Item,  ai  droit  de  corvées  de  bras  et  de  chevaux  à  Pasques 
el  à  la  Saint-Rémy  sur  tous  les  habilans  desdits  villages 
et  de  leurs  finages. 

«  Item,  ai  droit  de  censives  sur  plusieurs  héritages  ceusuels 
portant  lods  et  ventes  comme  dessus,  et  les  héritages  non  ceu- 
suels me  doivent  aussi  lods  et  ventes  à  toute  mutation,  hors 
celle  de  père  à  fils  avec  vest  et  devest  partout  ledit  finage. 


2tj4  LK    MARQUISAT    DE    PLANCY 

«  El  pariny  lesdiles  censives  est  celle  de  Jeau  Fescaïu  à  un 
deuier  de  censive,  et  uu  pigeon  pour  un  colombier  que  je  lui 
ai  donné  congé  d'avoir,  en  façon  de  volière,  sur  une  chambre 
près  la  porte  de  l'acciu  dudit  Fescaïa  scis  à  Charny,  et  à 
la  charge  que  ladite  volière  ne  pourra  être  mise  uy  édiffiée 
ailleurs  ny  en  autre  forme  et  aux  autres  conditions  et  devoirs 
portés  par  mes  lettres  dudit  congé. 

"  It'jni.  ai  plusieurs  renies  foncières  et  seigneuriales  auxdils 
lieux  de  Charny  et  Bachot,  sçavoir,  sur  Pierre  Danton,  de 
(Jharuy,  quarante  sols  tournois  de  rente  à  la  Saint-Remy 
et  soixante  sols  tournois  de  renie  ;ï  Noël  ;  sur  Danton,  six 
livres  tournois  ;  sur  Louis  Méral,  de  Charny,  trente  sols  tour- 
nois, et  bur  ijlusieurs  autres. 

«  Jlem.  in  plusieurs  honunes  et  femmes  de  main  morte  es  dits 
lieux  de  Charny  el  du  Bachot,  de  pareille  servitude  que  ceux 
de  Plancj'  ;  dont  y  a  procès  il  y  a  plus  d'un  siècle. 

Il  Jtetii,  chacun  desdits  ha  bilans  de  Charn}-  et  du  Bachot  me 
doivent  chacun  jour  et  fête  de  Saint-Remy  une  obole  tournois. 

«  Ilem,  chacun  habitant  demeurant  au  Bachot  faisant  feu 
et  ménage  entier,  de  quelque  état  el  condition  qu'il  soit, 
prêtre  ou  noble  ou  autre,  me  doit  huit  boisseaux  d'aveiue 
payable  à  la  grande  mesure  de  Troyes  rendu  es  greniers  dudit 
Plancy,  et  le  demy  ménage  quatre  boisseaux  qui  est  dem}- 
septier  aussi  livrable  es  greniers  de  mon  dit  châtel,  le  jour  et 
fête  de  Saint-Remy,  à  peine  de  cinq  sols  tournois  d'amende 
faute  de  payer  audit  jour  ;  et  sapelle  ledit  droit  sauvement. 
dont  ils  ont  passé  condamnation  aux  Requêtes  à  Paris,  le 
vingt-deuxième  juin  mil  cinq  cent  vingt. 

«  Iteni^  les  demeurans  et  habitans  dudit  Bachot  sont  tenus 
faire  et  entretenir  de  toutes  réparations  quelconques,  tant 
dedans  eau  que  dehors,  avec  lisses  et  autres  bois,  fer  et  maté- 
riaux nécessaires,  le  pont  du  Bachot  Sans  que  je  sois  tenu  y 
contribuer  aucune  chose  quoi  qu'il  m'appartienne,  et  ai  le 
droit  de  travers  qui  se  lève  dessus  ;  et  doivent  chacun  les  cor- 
vées de  bras  et  chevaux  pour  cet  effet  ;  dont  ai  eu  plusieurs 
jugemens,  sçavoir  aux  Requêtes,  le  deuxième  décembre  mil 
cinq  cent  viugl-qualre,  au  bailliage  de  Sézanne  les  septième 
aoust  et  pénultième  janvier  mil  cinq  cent  trente- trois,  et  au 
Parlement,  arrêt  du  quatrième  décembre  mil  cinq  cent  trente- 
quatre. 

«  Item.,  droit  de  chasse,  pêche,  rouissage  sur  toutes  les 
terres  el  audit  tinage. 


sous    LES    GUÉNKGAUD  265 

«  Hem,  un  g:ord  assis  sur  la  rivierre  de  Charuy  a  présent 
ruiné  el  assablé,  mais  le  puis  réparer  quaud  bon  me  semblera, 
et  un  autre  gord  assis  sur  la  rivierre  du  Bachot,  que  j'ai  gagné 
aux  Requêtes  contre  les  chanoines  de  Plaucy,  le  vingt-cin- 
quième juin  mil  cinq  cent  Irente-ueuf. 

('  He>n,  tous  les  autres  gords,  eaux,  fossés  et  rivierre*  des- 
dits lieux  et  finages  de  Gharny  et  Bachot  et  Barbuise,  et 
de  Robert  Aubry  et  autres. 

«  Item,  le  marais  de  Charny.  qui  ost  une  pièce  de  pré 
de  quatre  cents  arpens  audit  finage. 

«  Kem,  le  gagnage  des  Babelons,  sois  audit  finage  du 
Bachot,  contenant  cinquante  arpens  de  terres  labourables  en 
trois  pièces  :  et  y  a  sentence  des  Requêtes  rendue  à  mou  profit 
contre  Madelaiue  le  Prince,  veuve  Christophe  le  Clerc,  qui 
lavoit  usurpé  pendant  les  criées  et  décret  de  ma  dite  terre. 

«  Et  est  le  finage  desdits  Charny  et  Bachot  borné,  sçavoir, 
d'une  part  à  la  grande  prairie  de  Plancy  et  Bachot  cy  devant 
déclarée,  d'autre  part  tient  au  finage  de  Règes  et  Droupt- 
Sainte-Marie,  d'un  bout  audit  finage  de  Règes,  et  d'autre  bout 
au  finage  de  Longueville. 

LONGUEVILLE 

«  Plus  je  tiens  dudit  seigneur  Roy  en  mon  dit  marquisat 
de  Plancy,  la  ville,  finage  et  territoire  de  Longueville,  où  j'ai 
seul  tous  droits  de  haute  seigneurie,  droits  honorifiques,  préé- 
rainance  et  patronage  d'éghse.  haute,  moyenne  et  basse  jus- 
tice que  je  puis  faire  exercer  par  un  prévôt  heutenant,  procu- 
reur fiscal  el  greffier,  notaires,  sergens  et  autres  officiers  dont 
les  appellations  ressortissent  en  premier  lieu  par  devant  mon 
bailly  de  Plancy  directement  et  indispensablement.  Et  ai  aussi 
droit  de  bourgeois  et  bourgeoisie  jurée  audit  lieu. 

«   Item,  ai  droit  de  foire  audit  lieu,  le  jour  de chacun 

an,  et  de  marché  le  jour  de  mercredy  de  chacune  semaine 
avec  droit  de  passage,  aulnage,  mesurage  et  étallage. 

«  Item,,  le  travers  dudit  Longueville,  autrement  dit  le 
péage,  qui  se  prend  et  lève  sur  toutes  denrées  et  marchan- 
dises ainsi  el  selon  que  le  péage  dudit  Plancy,  qui  peut  vallùir 
montant  et  avallaut  soixante  sols  tournois,  et  confiscation  de 
la  marchandise  sur  les  défaillans. 

«  Item,  ai  droit  de  garenne,  chasse,  pèche  et  autres  seigneu- 
riaux sur  toutes  les  teires  et  eaux  dudit  finage  de  Longue- 
ville, 


200  LE    MAHQUISAT    DE    PI,ANCY 

(I  Item,  ai  la  rivierre  de  Longueville  qui  dure  dès  le  lluage  de 
Charuy  jusqu'au  finage  d'Eslrelles  et  s'appelle  TElang  de 
LoDgueville  ;  el  rivierre  dudil  ;  et  y  avait  sur  la  rivierre  dudit 
Longueville  un  moulin  à  Teau  que  mes  prédécesseurs  avoient 
fait  bâtir  el  l'ont  fait  démolir  dès  Tan  mil  cinq  cent  quaranle- 
sept,  parce  qu'il  ue  valloit  rien;  au  milieu  duquel  j'ai  un 
moulin  à  vent  bâti  sur  le  finage  d'E^lrelles,  pour  le  laisser  là 
tant  qu'il  me  plaira,  et  sans  préjudice  à  la  banalité  à  laquelle 
lesdits  habitans  de  Longueville  sont  sujets  envers  moj"  et  mes 
moulins  de  Plancy  ;  et  y  a  proche  lesdits  moulins  une  maison 
pour  loger  le  meunier,  et  uii  arpent  et  dem^'  de  terre  labou- 
rable. 

Item,  ai  droit  de  four  banal  audit  Longueville  comme 
à  Plancy,  ai  droit  de  deux  corvées  semblables  et  plusieurs 
autres  droits  contenus  es  lettres  royaux  de  l'an  mil  trois  cent 
dix-neuf. 

«  Item,  ai  droit  de  lods  et  ventes,  deffauts  et  amendes, 
retenue  féodale,  vest  el  devest  sur  toutes  les  maisons,  héri- 
tages el  terres  dudit  finage,  censuels  ou  non  censuels,  à  rai- 
son de  trois  sols  qualre  deniers  par  livre  du  prix  de  la  chose 
vendue  ;  dont  y  a  jugement  contre  Buellerol  aux  Requêtes  du 
Palais  du  vingt-qualrieme  janvier  mil  cinq  cent  quarante-six, 
confirmé  par  arrêt  du  dixième  décembre  mil  cinq  cent  qua- 
rante-sept. 

(I  Item,  ai  droit  de  censives  sur  plusieurs  héritages  dudit 
Longueville  payable  à  la  Saint-Remy,  Saint-Jean  et  autres 
jours,  sçavoir,  en  argent  quatre  livres  et  plus,  en  aveine  deux 
grands  septiers,  et  quatre  chapons  et  autres  redevances. 

«  Itern^  ai  plusieurs  rentes  foncières  et  seigneuriales,  sça- 
voir, sur  Nicolas  Aveline,  le  jour  de  Pasqu?.s,  sept  livres  qua- 
torze sols  huit  deniers,  et  sur  Nicolas  Bertaut,  Claudin  "Vinot 
et  consorts,  de  Longueville,  trois  livres  six  sols  huit  deniers 
tournois  et  quelques  autres  moindres. 

«  Htm,  ai  la  molle  du  fief  de  Longueville,  laquelle  n'est 
donnée  à  ferme. 

«  Item,  ai  le  châlel  et  la  maison  forte  d'Elrelles,  encloste- 
ment  et  pourpris  d'icelui,  fermé  de  grands  fossés  avec  les 
dépendances,  contenant  en  prés,  terres,  bois,  deux  cents 
arpens  ou  environ  tout  en  un  tenant,  proche  ledit  lieu  de 
Longueville;  et  est  ledit  chàtel  et  fief  d'Eucastre  avec  sa 
basse-cour,  colombier,  garenne  el  jardins,  vergers,  terres, 
grèves  et  pâtures  mouvantes  de  mon  dit  marquisat  de  Plancy, 


sous    LES    (iUKNKGAUD  -JO  / 

et  arrière  lief  dudil  comté  de  ('hampagne  non  réuny  à  ma 
table. 

«  Item,  ai  audit  tlnage  un  gaguage  appelé  le  Grand  (laguage 
de  Longueville,  auquel  il  y  a  soixante  et  dix  arpens  de  terres 
labourables  ou  environ  eu  plusieurs  et  diverses  pièces,  avec 
dix-huit  arpens  de  prés  eu  une  pièce,  tenant  au  prieur 
de  l'Abbaj-e-sous-Plancy  d'une  pari,  et  d'autre  à  plusieurs. 

Uem,  un  autre  gaguage  appelé  le  Petit  Gagnage  de 
Longueville,  auquel  il  y  a  vingt-cinq  arpens  de  terres  labou- 
rables en  plusieurs  et  diverses  pièces,  et  environ  trois  arpens 
de  prés  en  trois  pièces. 

«  ]lem^  un  autre  gagnage  audit  Longueville,  appelé  le 
Gagnage  des  Terres  Vacant,  auquel  il  y  a  cinquante-huit 
arpens  de  terres  labourables  eu  diverses  pièces,  avec  cinq 
arpens  et  demy  de  prés. 

«  Ilem,  partie  du  gaguage  de  Hacqueville,  contenant  eu  tout 
quatre-vingt-quinze  arpens. 

«  Item,  un  autre  gagnage  que  j'ai  depuis  peu  acquis  de 
Jacques  Regnard  et  sa  femme,  lequel  contient  quarante  arpens 
un  quartier,  tant  terres  que  prés  en  divers  pièces,  situées 
partie  au  finage  de  Longueville,  partie  en  celui  d'Etrillés,  et 
n'ay  point  réuny  ledit  gaguage  ny  ne  l'entend  réunir  à  la 
table  de  mou  domaine,  mais  icelui  posséder,  séparément,  tant 
qu'il  me  plaira. 

«  Ikm,  j'ai  encore  audit  lieu  et  finage  de   Longueville  et 

Etrelles  deux  autres  gaguages  contenant arpens,   tant 

terres  que  prés  et  bois  eu  différentes  pièces,  que  j'ai  aussi 
depuis  peu  acquises  du  sieur  Pveiuet  de  May  et  que  je  n'entend 
aussy  joindre  ou  réunir  cà  la  table  de  mon  domaine. 

«  Item,  audit  lieu  et  village  de  Longueville,  trois  chenne- 
vières  en  trois  différens  lieux  et  pièces. 

«  Hem^  une  autre  pièce  de  pré  contenant  trente  arpens,  scis 
audit  finage,  lieudit  En  la  Queue  Poussin. 

«  Uem^  une  autre  pièce  appelée  le  Grand  Pré,  lieudit  le  Pré 
des  Grandes  Ferrures  et  le  Fourdoux. 

«  ]Um,  une  autre  pièce  de  pré  appelée  le  Pré  des  Coquettes. 

«  Hem,  une  autre  pièce  de  pré  contenant  douze  arpens  une 
denrée,  scise  au  lieudit  les  Prés  'Vaccans. 

«  iLem,  plusieurs  pièces  scises  en  la  prairie  de  Longueville 
dont  une  de  six  arpens  et  demy  appelée  le  Pré  des  Pointes, 
autre  d'un  demy  arpent  appelé  le  Pré  au  Sergent,  autre  de 
cinq  arpens  et  demy  et  une  denrée,  appelée  le  Pré  de  la  Noue. 


•208  LE   MAKOUISAT   DE    PLANCY 

Il  Ilem,  un  demy  arpeul  de  pré  au  lieudiL  la  Voye  de  l'Ab- 
baye et  un  autre  de  deux  arpens  au  lieudit  le  Pont  des  Prés, 
scis  audit  finage  de  Longueville. 

«  Lequel  finage  tient  d'un  bout  aux  pâtures  et  prairie  dudii 
Longueville,  d'autre  bout  au  finage  de  Méry  et  Droupt-Sainte- 
Marie.  d'uue  part  au  finage  de  Charuy  et  le  Bachot  et  d'autre 
part  aux  finages  d'Elrelles  et  Saint-Oulph. 

FROIDE-PAROIX 

«  hem,  j'ay  et  à  moy  appartient  la  terre  et  seigneurie  de 
Froide-Paroix,  fief  de  mondil  marquisat;  et  y  avoit  autrefois 
un  village  et  paroisse  audit  lieu  de  Froide-Paroix,  lequel  est 
du  tout  en  ruines  depuis  plusieurs  années,  et  n'y  a  plus  que 
l'église  paroissiale,  dont  je  suis  palrou  et  fondateur  et  y  ai 
toutes  prééminences  et  droits  honorifiques  avec  tous  autres 
droits  de  haute  seigneurie  et  justice  haute,  moyenne  et  basse 
que  je  puis  faire  exercer  par  un  maire,  lieutenant,  greffier, 
procureur  fiscal  et  autres  officiers  à  ma  nomination  dont  les 
appellations  ressortissent  par  devant  mon  bailly  de  Plancy. 

«  Hem,  j'avois  droit  de  chevallerie  et  droit  de  deux  corvées 
à  bras  et  à  chevaux  par  chacun  an  sur  tous  les  habitans  de  - 
meurant  audit  village  de  Froide-Paroix,  avec  plusieurs  cen- 
sives  sur  lesdittes  maisons  et  héritages  dont  présentement  je 
ne  retire  rien,  aUendu  qu'il  n'y  a  plus  aucuns  édifices  ny  de- 
meuraus  audit  lieu  où  il  y  avoit  jadis  plus  de  cinquante  ména- 
ges, et  les  masures  et  places  me  sont  de  nulle  valeur. 

•  Item,  avois  audit  lieu  et  village  droit  de  coutume  et  ban- 
nalilé  à  pressoir,  four  et  moulins,  en  sorte  que  lesdits  habitans 
étaient  sujets  à  venir  moudre  à  mes  moulins  de  Plancy  et  à  me 
payer  le  droit  de  four  bannal  de  quatre  sols  par  ménage  comme 
ceux  de  Plancy  et  autres  vassaux  de  mondit  marquisat,  ce  qui 
m'est  à  présent  de  nulle  valeur  faute  d'habitans. 

«  Ilem,  ai  un  gagnage  audit  lieu  contenant  environ  trois  cent 
arpens  de  terres  qui  me  sont  demeurées  faute  d'habitans  et 
payement  de  redevances. 

«  hem,  y  avoit  audit  Froide-Paroix  la  quantité  de  six  cent 
autres  arpens  de  terres  de  mon  domaine  qui  ont  été  arrentés 
et  baillés  à  cens  et  renies  par  mes  prédécesseurs  à  différeus 
particuliers,  pour  huit  grands  septiers  mesure  de  ïroyes  par 
moitié  seigle  et  aveiue,  et  autres  charges,  droits  et  devoirs 
seigneuriaux  par  chacun  an. 

«  Hem,  j'ai  deux  arpens  ou  environ  de  vignes  scises  au  vil- 
lage de  Premierfait,  proche  ledit  lieu  de  Froide-Paroix. 


sous    LES    GUÉNÉGAUD  269 

«  Le  tioage  de  Froide- Paroix  lient  d'une  part  au  tinage  de 
la  Chapelle- Valon.  d'autre  aux  terres  des  Grandes  Chapelles 
et  à  la  vigne  Saint-Martin  et  autres,  d'un  hout  au  iiuage  de 
'Vaudry  et  d'autre  bout  au  tinage  de  Règes. 

«  Plancy,  Champlleury.  Saint-Vitre,  le  Bachot,  TAbbaye- 
sous-Plancy,  Longueville,  Froide-Paroix  et  Semoine  et  partie 
de  Viàpres-le-Grand  ne  font  qu'une  terre  et  composent  niondil 
marquisat,  dans  l'étendue  duquel  n'y  a  aucun  qui  ait  droit  de 
prendre  censives,  rentes  ni  autres  droits  en  deniers  ou  autres 
choses  sur  les  terres  dépendantes  de  mon  marquisat,  qui  n'est 
chargé  ni  redevable  de  quoi  que  ce  soit  sinon  de  l'hommage 
envers  le  Roy  notre  Sire,  à  cause  de  son  dit  comté  de  Cham- 
pagne. 

«  Ilem,  j'ai  audit  Sézanue  une  vigue  contenant  plus  d'un 
arpent,  nommée  d'ancienneté  les  Peleux  de  Plancy. 

«  Iie7n,  j'ai  droit  à  cause  de  mondit  marquisat  de  prendre 
sur  les  revenus  du  douiaiue  dudit  Sézaune  deux  grands  sep- 
tiers  treize  boisseaux  de  froment  et  neuf  grands  septiers 
mines  d'aveine  payable  le  jour  de  la  Madelaine,  qui  s'appelle 
la  rente  du  gant,  et  a  cessé  de  in'ètre  payée  depuis  que 
ledit  domaine  a  été  aliéné  par  engagement,  quoique  j'ai  été 
maintenu  en  la  possession  de  ladite  rente,  par  différentes 
lettres  et  jugemens,  et  not  imment  par  arrèis  de  la  Chambre  des 
Comptes. 

"  J'ai  aussi  droit  d'usage  à  toujours  pour  mon  chAlel  de 
Plancy  en  la  forêt  de  la  Traconne,  où  j  ai  droit  de  prendre  les 
hois  nécessaires  pour  la  réparation  de  mcndit  chàlel  sans  rien 
payer  que  la  façon  de  couper  lesdils  bois  eu  tous  tems,  et  de 
même  pour  mes  autres  nécessités  et  user  de  mondit  chàtel, 
droit  de  chauffage  en  bois  mort  et  mort  bois  et  autres,  ce  qu'il 
m'en  convient  ;  sans  rien  payer  de  même,  et  y  en  a  plusieurs 
lettres  et  jugemens,  entre  autres  deux  rendus  aux  Eaux  et 
Forêts,  les  treizième  may  mil  cinq  cent  trente-six  et  dix- 
huitième  décembre  mil  cinq  cent  trente-huit. 

MESNIL-LES-GRANGES 

«  Item,  j'ai  et  à  moy  appartient  le  fief  du  Mesnil-les-Granges, 
scis  en  la  paroisse  de  Granges-sur-Aube  ;  lequel  fief  est  mou  • 
vaut  de  Plancy  en  arrière  fief  du  comté  de  Champagne,  que  je 
tiens  présentement  sans  l'avoir  réuny  ny  entendre  le  réunir  à 
mondit  marquisat,  ni  table  de  mou  domaine  non  fiefé,  mais 
pour  le  posséder  séparément  et  le  pouvoir  mettre  hors  de  mes 


270  LK    MAROUISAT    DK    PLANCY 

inaiub  quaud  bon  me  temblera  ;  et  consiste  eu  tout  droit  de 
haute  seigneurie  et  justice  haute,  moïeune  et  bas.-^e  que  je  puis 
taire  exercer  par  maite,  lieutenant,  procureur  fiscal,  greffier, 
sergens,  notaires  et  autres  officiers  à  ma  nomination  dont  les 
appellations  doivent  ressortir  par  devant  mon  bailly  de  Planc}". 

«  Kern,  ai  la  motte  dudit  fief,  scise  près  la  rivière  d'Aube, 
proche  laquelle  est  un  grand  bois  de  haute  t'ulaye  conte- 
nant  

«  Ilem,  ai  droit  de  chasse  et  garenne  jurée  par  toute  madite 
terre,  à  toutes  bètes  et  oiseaux. 

Il  Item,  j'ai  la  coutume  de  la  charine,  qui  est  que  tous  ceux 
(}ui  mettent  pâturer  en  la  pâture  audit  lieu,  me  doivent  deux 
deniers  tournois  au  jour  de  Saint-Remy,  tant  ceux  demeurans 
en  madite  seigneurie  que  ceux  de  dehors,  à  cause  dudit  pâtu- 
rage qui  m'appartient  en  propre  et  dont  les  habitaus  n'ont 
l'usage  que  par  souffrance. 

'I  llejn,  ai  et  à  moy  appartient  la  rivière  dudit  lieu  (jui  est 
celle  d'Aube,  à  la  prendre  d'un  bout  par  haut  à  la  rivière  des 
Quartiers,  appartenant  au  seigneur  d'Anglure,  et  est  affermé 
avec  la  chasse  aux  canards,  grues  et  autres  oiseaux  de  rivière, 
avec  la  fosse  Rade  et  autres  qui  m'appartiennent  toutes  dans  ma 
seigneurie,  la  somme  de  douze  livres  en  argent,  deux  plais  de 
poissons  et  dix  poulets. 

«  Item,  ai  droit  de  censives  sur  toutes  les  terres  et  héritages 
assis  au  dedans  de  madite  seigneurie,  qui  me  doivent  toutes 
un  denier  tournois  au  moins,  payable  à  la  Saint-Remy;  et  y 
en  a  qui  sont  chargées  de  plus  grands  devoires,  sçavoir  les 
biens  tenant  de  Thomas  ïhiery  doivent  par  chacun  an  à  la 
>Sainl-Remy  quarante-huit  livres  en  argent  et  un  chapon,  les 
biens  lenans  de  Aupie  Bessard,  deux  sols  six  deniers  et  une 
poulie  sur  le  jardin  au  Buisson;  et  plusieurs  autres  doivent 
d'autres  censives,  qui  monte  à  vingt-six  sols  en  argent,  six 
chapons  et  six  poulies,  toutes  lesquelles  censives  portent  lods 
et  ventes,  delTauls  et  amendes  comme  à  Plancy,  avec  droit  de 
retenue  sur  tous  les  héritages  vendus  pour  le  prix  de  leur 
vendilion. 

«  Ilem,  ai  droit  d'aubaines  graves,  bâtardises,  confiscation 
el  autres  seigneuriaux,  et  nul  ne  peut  avoir  colombier  ni  vol- 
lière  en  madite  terre  du  Mesuil  sans  ma  permission. 

Il  lte7n,  ai  le  gagnage  dudit  Mesnil,  qui  contient  vingt-six 
arpens  de  terre  ou  environ,  tenant  d'une  pari  à  un  chemin 
appelé  la  Haute  Voye,  d'autre  au  fief  du  colombier  de  Ga- 


sous    LES    GUÉNÉGAUU  271 

guage  aboulissanl  d'un  bout  d  la  rue  du  Mesnil  el  d'autre  boul 
à  la  seigneurie  de  Marcliaug^-.  Et  quaud  ledit  tief  du  Mesuil- 
les-Grauges  est  possédé  par  autre  que  raoy,  il  doit  à  mon 
chàtel  de  Plauc}'  guet  et  garde  et  hommage  lige. 

■'  llei/i.,  à  cause  de  uioudil  marquisat  et  chàtel  de  Plancy 
sont  teuus  et  mouvaus  eu  pleins  llefs  plusieurs  autres  terres 
et  seigneuries  dont  aucunes  sont  scituées  dans  l'étendue  des 
paroisses  cy-dessus  déclarées,  membres  de  moudil  marquisat  ; 
et  les  autres  sont  scituées  hors  desdites  paroisses  et  même 
plusieurs  en  lieux  assés  éloignés  de  mondit  chàtel,  toutes  les- 
quelles sont  fiefs  liges  relevant  de  moy  uuemenl  et  prochement 
et  me  doivent  chacun  an  guet  et  garde  en  personne  à  leurs 
dépens,  quand  bon  me  semble,  ou  au  capitaine  de  mou  château 
en  mon  absence  de,  l'orJouuer  tant  en  paix  qu'eu  guerre;  et 
en  défaut  de  ce  après  le  commandement  fait,  je  puis  saisir  et 
faire  les  fruits  miens  jusqu'à  ce  qu'ils  ayent  fait  ledit  guet  et 
garde  eu  personne  et  non  par  substitution, 

«  Et  si  me  doivent  lesdils  tiefs  plusieurs  autres  droits  el 
devoirs  portés  par  les  lettres  de  leurs  baillys  et  aveux  d'iceux; 
des  quels  fiefs  le  dénombrement  en  suit,  el  premièrement  de 
ceux  situés  en  dedans  de  chacune  paroisse  de  mondit  mar- 
quisat. 

Fiefs  sis  a  Plancy 

«  Le  fief  appelé  Pisse-Loup  avec  le  champ  de  la  Croix,  joints 
el  leuans  ensemble  proche  Plancy,  contenant  environ  dix 
arpeus  de  terre  labourable  que  tiennent  lei  hoirs  de  Jean  le 
Coq  Thibaut,  Mesmin  el  autres. 

«  Hein,  le  fief  de  Mondefruit,  contenant  cinq  arpeus  de  prés 
assis  audit  lieu  de  Mondefruit,  el  pour  raison  duquel  me  sont 
dus  quarante  jours  de  guet  et  garde  de  mou  chàtel  de  Plancy. 

FiEFS  SIS  EN  6alon  kï  Boulages 

«  Les  terres  et  seigneuries  de  Boulages  et  celles  de  Cour- 
cemaiu  dont  sont  possesseurs  de  présent  et  détempleurs  les 
sieurs  de  Torlépée  et  de  Connigis,  qui,  à  cause  desdits  tiefs, 
rae  doivent  cent  dix  jours  de  garde  en  mon  chàtel  de  Plancy. 

«  Les  fiefs  de  Torlépé^;,  autrement  dit  rivière  de  Vare,  que 
lient  ledit  sieur  Torlépée,  avec  lequel  j'ai  aliernativemenl  le 
droit  dé  pêcher  ladite  rivière  et  autres  droits  sur  icelle. 

«  La  terre  el  seigueurie  de  Salon  en  Champagne,  que 
tiennent  à  présent  les  hoiis  ou  ayaus  cause  du  sieur  de  Cusigny, 
pour  raison  de  laquelle  étaient  dus  autrefois  soixante  jours  de 


272  LE   MARQUISAT   DE    PLANCY 

garde  audit  chàtel  de  Plaucy,  mais  en  a  été  remis  viûgl  audil 
seigneur  de  Salon  en  récompense  de  ce  qu'il  céda  à  mes  pré- 
décesseurs la  tenue  féodale  et  mouvance  de  Champlleury,  qui 
au  moyen  de  ce  ne  relève  plus  dudit  Salon,  mais  seulement  de 
Plancy. 

«  Item,  la  terre  et  seigneurie  de ,  que  tient  et  possède  à 

présent  Jean  de  Couday,  et  est  tenu  faire  vingt  jours  de  garde 
en  mondit  châtel. 

Fiefs  sis  a  l'Abbaye- sous-Plancy 

«  Le  tief  d'Anthenay  ou  de  Pradines,  scis  au  lieu  de  l'Abbaye- 
sous-Plancy  en  ma  haute  justice,  qu«  tiennent  les  hoirs  de 
Guillaume  Corrard  qui  à  cause  de  ce  me  doivent,  en  mondit 
chàtel,  quarante  jours  de  garde. 

«  [tem,  le  fief  appelé  de  l'Abbaye- sous-Plaucy,  scis  audil 
lieu  en  ma  haute  justice  que  tiennent  les  hoirs  de  Pierre 
Bureau,  pourquoi  me  sont  dûs  aussi  quarante  jours  de  guet  et 
garde. 

FiKFs  SIS  A  Charny  et  au  Bachot 

«  Le  tief  de  Marne,  assis  audil  lieu  de  Charny-le-Bachol, 
possédé  par  les  hoirs  ou  ayans  cause  de  Nicolas  Drouot,  con- 
sistant en  maison,  accin  et  plusieurs  héritages  proche  la  rivière 
en  laquelle  néanmoins  lesdils  tenans  ne  peuvent  Avoir  droits 
de  pèche,  gords,  ponts,  justice  quelconque  ny  sur  les  autres 
héritages  ny  droit  de  colombier  ;  et  pourtant  me  doivent  quatre 
vingt  jours  de  garde  chacun  an  à  leurs  dépens  et  en  personne 
suivant  les  jugemens  que  j'en  ai  des  Requêtes  du  troisième 
septembre  mil  cinq  cent  trente-neuf,  confirmé  par  arrêt  du 
quatorzième  aoust  mil  cinq  cent  quarante,  dix-neuvième  mars 
mil  cinq  cent  quaranle-six  et  premier  décembre  mil  cinq  cent 
quarante- sept. 

«  Item,  le  llef  du  grauJ  acciu  de  Charny,  contenant  environ 
deux  arpeus,  que  tiennent  les  héritiers  de  Guillaume  le  Moine. 

(I  Item,  le  fief  de  Verrine,  assis  audit  finage  de  Charny  le 
Bachot,  y  compris  un  bout  de  rivière,  que  tiennent  les  héritiers 
de  Chauveau  à  cause  duquel  me  sont  dûs  quarante  jours  de 
garde  ;  et  en  ai  sentence  du  ...  décembre  mil  cinq  cent  trente- 
huit,  confirmée  par  arrêt  du  dernier  février  mil  oitui  cent 
l  renie-neuf. 

«  Item,  le  fief  du  pré  Souin,  consistant  en  une  grande  pièce 
de  pré  scise  entre  Charny  et  le  Bachot,  que  tiennent  de  moy  les 
héritiers  Nicolas  Chauveau. 


sous   LES    GUÉNÉGAUD  27?. 

«  Item,  une  rricaisou  sise  à  Charûy  que  tiennent  les  héritiers 
Fleury-Millot,  tenant  d'un  bout  aux  Drouot  et  d'autre  bout  à 
la  rue  commune. 

a  lietn,  le  fief  de  Vaubaudry,  consistant  en  deux  arpens  de 
terre  assis  au  tinage  de  Gharny,  que  tenoient  cy  devant  les 
héritiers  de  Pierre  Pételard. 

«  lieJH,  le  fief  de  Breuil,  consistant  en  deux  arpens  do  pré 
assis  au  finage  de  Gharny,  que  tenaient  les  héritiers  Antoine 
Féloix. 

Fiefs  sis  a  Longueville 

«  Ilem,  le  fief  de  Peugny,  consistant  en  sept  arpens  de  prés 
eu  une  pièce  scise  en  la  prairie  de  Longueville,  que  tiennent 
les  hoirs  Michel  Drouet. 

«  Item,  le  fief  de  Verrine,  scis  audit  finage  de  Longueville, 
lequel  a  été  parti  d'avec  d'autres  nefs  du  même  nom  scis  à 
Gharny  et  Bachot,  que  tiennent  les  hoirs  de  Jean  de  Verrine, 
pour  lequel  me  sont  dûs  quarante  jours  de  garde. 

n  Item,  le  fief  de  Fouges,  consistant  en  six  fauchées  de  pré  scis 
en  la  prairie  de  Longueville,  que  souloit  tenir  Guillaume  de 
Fouges  ;  pour  lequel  me  sont  dûs  quarante  jours  de  garde. 

i  Item,  le  fief  du  pré  de  Breuil,  consistant  en  pré  scis  en  la 
prairie  de  Longueville  ;  pour  lequel  me  sont  dûs  quarante  jours 
de  garde. 

«  Item,  le  fief  du  pré  Martin,  consistant  en  sept  denrées  de 
prés  assis  audit  finage  de  Longueville,  lieudil  le  Bout  des  Prés 
Vaccans. 

«  Hem,  le  fief  Ragnier.  consistant  en  onze  arpens  et  demy  de 
pré  scis  en  la  prairie  de  Longueville;  pour  lequel  m'est  dû 
aussi  le  droit  de  guet  et  garde,  de  même  que  pour  tous  les 
autres  cy  dessus  auxquels  je  n'ay  point  spécifié  et  employé 
ledit  droit. 

«  He^n,  le  fief  Greffart,  consistant  en  une  fauchée  de  pré  scise 
en  la  prairie  de  Longueville,  que  tenoient  les  héritiers  Antoine 
Féloix. 

«  Item,  le  fief  Varies,  consistant  en  plusieurs  héritages  scis 
audit  finage  de  Longueville,  pour  lequel  m'est  dû  droit  de 
guet  et  garde  comme  cy-dessus. 

Autres  fiefs  situés  hors  de  mon  marquisat 

a  A  Rhèges  ai  le  fief  Arroste,  mouvant  de  raoy,  pour  lequel 
sont  dûs  quarante  jours  de  garde» 

18 


274  LE   MARQUISAT   DE   PLANCY 

«  A  Elrelles  j'ai  le  fief  du  four  baunal  dudit  lieu  qui  me  doit 
quarante  jours  de  garde. 

«  A  Sainl-Martin  et  Saint-Remy-sur-Barbuise  j'ai  le  fief 
des  seigneuries  desdils  lieux  et  de  l'étang  que  lesdils  seigneurs 
y  tiennent. 

c(  A  Nozay,  la  totalité  de  la  seigneurie  relève  de  moy,  en  fief, 
pour  lequel  m'est  dû  soixante  jours  de  garde. 

Il  A  Viàpres-le-Pelit  j'ai  et  relève  de  moi  le  four  bannal  et 
un  autre  fief  appelé  le  fief  de  Bièvre,  scis  audit  lieu,  et  cy- 
devant  relevait  aussy  de  moy  la  totalité  dudit  Viâpres-le- 
Petit. 

«  Aux  AUibaudières  j'ai  en  fief  qui  relève  de  moy  la  moitié 
de  la  terre  et  seigneurie  dudit  lieu  et  justice  d'Orme,  avec 
deux  étangs  et  quelques  terres  scises  audit  lieu,  que  tiennent 
les  héritiers  Louis  Picot,  et  me  doivent  quarante  jours  de 
garde. 

«  Au  Fresnoy,  proche  Troyes,  ai  en  fief  qui  relève  de  moy 
la  terre  et  seigneurie  dudit  Fresnoy  scis  au  bailliage  de  Troyes, 
que  tient  à  présent  le  seigneur  de  Marolle,  pour  lequel  m'est 
dû  quarante  jours  de  garde. 

«  A  Fouchères-sur-Seine,  les  grandes  dixmes  du  lieu,  avec 
quelques  censives,  terres  et  prés  et  vines  et  autres  héritages, 
que  tiennent  et  possèdent  présentement,  partie  les  héritiers 
du  sieur  de  Lenincour,  partie  le  sieur  Jean  de  Vienne,  et  partie 
le  sieur  Le  Tanneur,  pour  lesquelles  me  sont  dûs  vingt  jours 
de  garde  et  autres  devoires. 

«  A  Rumilly-les-Vauldes  le  lief  du  Moulin  Cotlerel,  maison, 
censives,  terre  et  prés  en  dépendans,  que  tiennent  à  présent, 
partie  le  sieur  de  Marolle,  et  partie  le  sieur  de  la  Rocatelle, 
pour  lequel  m'est  dû  vingt  jours  de  garde. 

«  Item,  au  finage  du  Fresnay  j'ai  le  fief  des  étangs  du 
Fresnay,  dont  l'un  coulicnl  vingt  arpens  et  l'autre  moins,  avec 
une  carpière  derrière  la  chaussée  dudit  étang,  ensemble  la  jus- 
tice haute,  moyenne  et  basse  sur  lesdits  étangs  et  carpière,  que 
tiennent  les  héritiers  Jean  Bellavoine,  qui  me  doivent  quarante 
jours  de  garde. 

«  A  Montespreux,  le  iief,  terre  et  seigneurie  de  Montes - 
preux,  que  lient  à  présent  M.  de  Laune,  qui  me  doit  quarante 
jours  de  garde. 

«  A  Broissise-en-Brie,  la  terre,  fief  et  seigneurie  d'Echauffe- 
rie  et  dépendance,  que  tient  messire  Le  Fèvre,  seigneur  de 
Ghaumartin. 


sous   LES   GUÉNÉGAUD  275 

«  A  Chaœpigny,  le  fief  du  moulin  dudit  lieu,  que  tieuuent 
présentemeut  les  héritiers  du  sieur  Varsaud. 

«  Protestant  augmenter  ou  diminuer  le  présent  aveu,  si 
besoin  est  et  s'il  vient  à  ma  counoissance.  » 

La  lecture  attentive  du  volumineux  dénombrement  relaté 
ci-dessus  montre  à  quel  point  le  pays  qui  fait  l'objet  de  notre 
travail  était  autrefois  boisé  et  cultivé  ;  presque  partout  on  y 
faisait  pousser  la  vigne;  les  cinq  ou  six  villages  aujourd'hui 
disparus  qui  étaient  disséminés  sur  sa  surface,  ajoutés  à  ceux 
qui  subsistent  encore  actuellement,  devaient  apporter  à  la 
contrée  un  important  contingent  de  travailleurs.  Il  ne  s'y 
voyait  pour  ainsi  dire  point  de  friches  :  celles-ci  n'apparurent 
qu'à  la  suite  des  guerres  qui  ravagèrent  le  territoire  et  nive- 
lèrent l'emplacement  des  villages,  justifiant  l'appellation  de 
Pouilleuse  appliquée  désormais  à  une  partie  de  la  province  de 
Champagne  si  cruellement  dévastée  à  maintes  reprises. 


IV 

Henri  II  de  Guénégaud.  —  Aliénation  du  marquisat 
de  Plancy. 

Henri  P""  de  Guénégaud  étant  mort,  comme  nous  l'avons  vu 
plus  haut,  en  1676,  eut  pour  successeur  son  fils  Henri  II  de 
Guénégaud,  marié  à  Anne -Françoise  de  Mérode,  et  qui  mourut 
le  22  mai  1722,  âgé  de  soixante-quinze  ans,  sans  postérité. 

Le  quatrième  fils  d'Henri  de  Guénégaud  avait  hérité  de  la 
seigneurie  de  Saint-Just,  qui  passait  en  1714  dans  la  famille 
de  M.  Moreau  et  dont  M.  Moreau  faisait  l'aveu  et  le  dénom- 
brement, le  15  octobre  1714,  à  François  do  Bouthillier, 
évêque  de  Troyes,  Saint-Just  étant,  comme  nous  l'avons  vu 
au  cours  de  ce  récit,  dans  la  vassalité  de  l'évéché  de  Troyes. 

Le  passage  d'Henri  II  de  Guénégaud  marqua  peu  à  Plancy. 
A  peine  trouvons-nous  dans  les  papiers  de  la  terre  quelques 
baux  passés  par  lui,  notamment  l'un  de  1672  où  il  est  dé- 
nommé Henri  de  Guénégaud  de  Cazillac,  chevalier,  marquis 
de  Plancy,  comte  de  Rieux,  et  se  rend  acquéreur  de  pièces  de 
pré  appartenant  «  à  messire  Antoine  d'Argillières,  chevalier, 
seigneur  de  Règes,  en  partie,  et  à  la  demoiselle  Anne  d'Auluay, 
par  devant  Pantaléon  Brussie,  écuyer,  bailly  de  Plancy  et 
garde  des  sceaux  aux  contrais  dudit  bailliage  pour  M.  le 
marquis  de  Plancy  ■»  ;  un  autre  du  23  juin  1698,  par  lequel  il 


276  LE    MARQUISAT   DE   PLANCY 

loue  la  ferme  de  Champfleury  et  de  Boimevoisiue  avec  les 
buissons  de  Bonnevoisine. 

C'est  eu  l'année  1698  que  fut  siguée  la  paix  couclue  entre  la 
France,  l'Espagne,  l'Angleterre,  la  Hollande,  la  Savoie,  l'Em- 
pereur et  l'Empire.  Des  notes  laissées  par  un  curé  de  Plancy 
sur  les  événements  marquants  qui  s'étaient  produits  dans 
celle  localité  nous  apprennent  que  Plancy  célébra  la  nouvelle 
de  la  paix  par  un  feu  de  joie  que  le  bailli,  le  lieutenant,  le 
procureur  fiscal  et  le  maire  avaient  allumé  eux-mêmes. 

Comme  nous  l'avons  vu  dans  un  des  chapitres  précédents, 
la  fortune  d'Henri  V''  de  Guénégaud,  diminuée  par  les  confis- 
cations qui  accompagnèrent  sa  disgrâce,  par  le  partage  de  ses 
terres  et  seigneuries  entre  ses  nombreux  enfants,  devenait  in- 
suffisante pour  assurer,  malgré  le  vœu  ardent  de  son  testa- 
ment, la  conservation  de  la  seigneurie  de  Plancy  dans  la  main 
de  celui  de  ses  fils  qui  en  avait  hérité.  Sans  doute  aussi  les 
dépenses  de  luxe  qu'imposait  aux  Guénégaud  leur  haute 
situation  augmentèrent-elles  leur  embarras.  C'est  ce  que 
montre  un  bail  des  revenus  du  marquisat  de  Plancy  passé  en 
1713  par  «  Jean  Moreau,  écuyer,  secrétaire  du  roy,  contrôleur 
«  généi'al  de  la  grande  chancellerie,  fondé  de  procuration  de 
«  MM.  les  directeurs  et  créanciers  de  M.  de  Guénégaud, 
a  marquis  de  Plancy.  » 

Ainsi  Guénégaud  n'était  plus  mailre  de  sa  fortune,  et  l'an- 
née suivaute  un  de  ses  fournisseurs  devait  provoquer  la  saisie 
de  Plancy,  ainsi  qu'en  témoigne  l'acte  ci-dessous  : 

«  Le  2ô  octobre  1744,  sur  la  poursuite  de  Denise  Perrier, 
u  veuve  de  Nicolas  Ruelle,  vivant  mailre  sellier  et  carrossier 
«  à  Paris,  faute  de  payement  d'une  somme  de  4838  livres 
«  18  sols,  due  par  messire  Henry  de  Guénégaud,  avoir  élé 
«  adjugé  à  messire  Jean  Moreau,  écuyer,  secrétaire  du  roi,  le 
«  marquisat  de  Plancy,  sis  dans  l'élendue  du  baillage  de 
u  Sézanne  en  Brie,  et  ledit  ancien  château,  séparé  de  la  ville  de 
«  Plancy  par  la  rivière  d'Aube,  fermé  de  murailles  et  grosses 
«  tours  entourées  de  fossés  pleins  d'eau,  ladite  rivière  avec 
«  pont-levis  en  ruine,  ayant  droit  de  guet,  garde  et  droits 
«  honorifiques,  etc.;  plus  la  chaussée  de  Plancy  à  commen- 
«  cer  au  grand  pont  d'icelui  jusqu'au  pont  du  Bachot,  avec 
«  droit  de  planter  saules  et  autres  arbres  ;  plus  deux  petits 
Il  étangs  contenant  4  arpens  ou  environ,  presque  assablés  et 
«  remplis;  plus  un  autre  vieil  étang  appelé  le  Marais  de 
«  Joigne,  entièrement  ruiné  ;  plus  une  censé  appelée  la  Maison 
«  des  Bois,  étant  au  bout  du  parc  dudit  Plancy,  cy  devant 


sous  LES   GUÉNÉGAUD  277 

«  consistant  en  plusieurs  bàtimeus  et  de  présent  démolie, 
«  feriuée  de  murs,  el  un  parc  de  la  consistance  de  plus  de 
«  cent  arpents,  enclos  d'un  côté  de  la  rivière  d'Aube,  et  d'autre 
«  c<)té  par  des  fossés  et  bras  qui  en  dérivent  et  forment  une 
«   isle,  etc..  i- 

L'adjudication  avait  été  précédée  d'une  criée,  pour  permettre, 
suivant  l'usage,  aux  oppositions  qui  pourraient  s'élever  contre 
la  déclaration  de  l'étendue  et  de  la  nature  des  biens  ou  droits 
du  marquisat  de  se  manifester.  Dans  les  archives  de  la  terre 
est  conservé  l'acte  de  déclaration  du  procès-verbal  des  saisies 
réelles  et  décrets  volontaires  qui  furent  faits  «  par  affiches 
t  avec  panonceaux  royaux   tant  à  Paris  qu'aux  lieux  saisis 
«   réellement  et  endroits  nécessaires  et  accoutumés,  par  quatre 
«  criées,  quatre  quatorzaines  et  subhastations  suivant  la  cou- 
a  tume  du  baillage  de  Meaux,  des  fonds,  trèsfouds,  propriété, 
«  possession  et  jouissance  desdites  seigneuries  et  marquisat 
«  de  Plancy,  vicomlé  de  Semoiue,   terres  et  seigneuries  de 
4  Longueville,    du    Mesnil-les- Granges,    de    Hacqueville  et 
«  droits  en  dépendant,  faites  au-devant  des  principales  portes 
«   et  entrées  des  églises  paroissiales  de  Saint-Julien  de  Plancy, 
«  Saint-Etienne  de  Charny-le-Bachot,  Saint-Pierre  de  Lon- 
«  gueville,  Saint-Leu  et  Saint-Gilles  de  Champfleury,  Saint- 
«  Maurice  des  Granges,  Saint-Martin  de  l'Abbaye-sous-Plancy, 
«   Saint-Pierre  et  Saint-Paul  de  Boulages.  Saint-Leu  et  Saint- 
a  Gilles  du  Grand-Viàpres,   Saint-Pierre   et   Saint-Paul  de 
t  Semoine,    Saint-Maurice  de  Gourganson,  Saint-Pierre  et 
«  Saint-Paul  de  Villenauxe,   Saint-Séverin  de  Chantemerle, 
f  Saint-Barlhélemy  du  Plessis,  Saint-Denis  de  Sézaune,  et  en 
«  la  place  publique  du  marché  de  ladite  ville  ;   les  procî's- 
«  verbaux  des  trois  criées,  proclamations,  subhastations,  de 
«  trois  quinzaines  et  quarantaines  prescrites  par  U  coutume 
'i   de  Sens,  des  fonds,  tréfonds,  propriété,  superficie,  posses- 
«   sion  et  jouissance  de  la  baronnie.  terre  et  seigneurie  de 
'I    Sainl-Just,  terre  et  seigneurie  d'Étrelles,  faites  au-devant 
«   des  principales  portes  et  entrées  des  églises  paroissiales  de 
«   Saint-Just  du  bourg   de   Sainl-Just,   de  Saint-Sulpice  et 
«  Saint-Antoine  de  Glesle,  de  Sainl-Médard  de  Bagneux.  de 
«  Noire  Dame   d'Etrelles,  et   au-devant   de  celle   de   Samt- 
"   Mesmin  de  la  ville  de  Sens  et  encore  au  pylori  des  puits  de 
«  la  halle  de  Sens;  les  procès-verbaux  des  trois  criées,  elc..., 
«  requises  par  la  coutume  du  baillage  de  Troyes,  des  fonds, 
«  etc.,  des  héritages  dépendant  de  ladite  seigneurie  d'Etrelles, 
a  situés  sur  le  linage  de  Saint-Oulph,  régis  par  la  coutume 


278  LE  MAEQUISAT  DE  PLANCT 

«  de  Troyes,  au-devanl  des  principales  portes  et  entrées  des 
c(  églises  paroissiales  de  Saint-Pierre  des  Chapelles-Valon ,  de 
«  Saint-Oulph,  et  de  l'église  royale  et  collégiale  de  Saiut- 
«   Etienne  de  Troyes,  etc.  )> 

Des  oppositions  furent  élevées  contre  le  décret  de  saisie  par  : 
1°  messire  Jean  de  Gabanel,  écuyer,  secrétaire  du  roi  hono- 
raire, baron  d'Anglure  ;  '2°  François  Picot,  chevalier,  marquis 
de  Dampierre,  pour  distraction  de  moitié  de  la  terre  et  sei- 
gneurie de  la  Tibaudière,  et  de  deux  champs  compris  en  la 
saisie  réelle  comme  faisant  partie  de  la  terre  de  Plancy  ;  3°  de 
Edouard  Dauchin  de  Beaurepaire,  chevalier,  seigneur  des 
Barres,  Champigny,  Viâpres-le-Petit,  en  partie,  etc.,  pour  le 
moulin  de  Champigny  qu'il  prétend  être  de  la  mouvance  du 
roi  à  cause  de  son  comté  de  Sézanne  ;  4°  plus  de  l'opposition 
de  dom  François  Henry,  religieux  bénédictin  de  la  congréga- 
tion de  Saint-Maur,  prieur  titulaire  au  prieuré  de  Notre-Dame 
de  l'Abbaye-sous-Plancy,  en  qualité  de  seigneur  spirituel  et 
temporel  du  village  de  l'Abbaye,  et  seigneur  du  village  de 
la  Perthe,  dont  ledit  seigneur  prieur  se  prétend  haut  justicier. 

Le  fils  d'Henri  de  Guénégaud  mourut  peu  de  temps  après 
la  vente  de  ses  propriétés  de  Plancy  à  M.  Moreau,  c'est-à-dire 
vers  1722.  L'auteur  de  cetouvage  possède  en  effet  un  mémoire 
de  l'année  1723  concernant  sa  succession  et  dans  lequel  le 
marquis  de  Gaderousse  se  prétend  son  seul  héritier  bénéfi- 
ciaire et  demande  en  conséquence  la  délivrance  de  ses  papiers. 

Baron  G.  de  Plancy. 


CHARTES 


DU 


PRIEURÉ     DE     LONGUEAU* 


1213,  mai. 

Albéric,  archevêque  de  Reims,  déclare  que  Gilard  de  Sarcy, 
chevalier,  a  donné  en  aumône,  à  l'église  des  religieuses  de 
Longueau,  vingt  setiers,  moitié  froment,  moitié  avoine,  mesure 
d'Aougny  '. 

Agnès,  sa  femme,  a  loué  celte  aumône,  ainsi  que  Girard  de 
Milly  %  chevalier,  en  qualité  de  suzerain.  Albéric  ratifie  éga- 
lement en  retenant  la  libre  disposition  de  quatre  setiers  de 
froment  pour  les  besoins  et  la  vie  durant  de  la  fille  de  Gilard, 
religieuse  à  Longueau. 

1213,  août, 

Hugues  3,  comte  de  Rethel,  à  la  prière  de  Mathilde,  sa  mère, 

•  Voir  page  161,  tome  VII  de  la  Revue  de  Champagne. 

1.  Aougny  (Marne),  canton  de  Ville-en-Tardenois. 

2.  Les  Milly  de  Champagne  et  de  Brie  sont  issus  des  Milly  de  Beau- 
voisis,  qui  occupaient,  dès  l'année  1019,  les  emplois  les  plus  distingués  à 
la  cour  des  comtes  de  Champagne.  En  1074,  Sagalon  de  Milly  donne  l'église 
de  Ghamery  à  l'abbaye  de  Saint-Martin  d'Eperuay.  Ce  noble  lignage,  neuf 
fois  séculaire,  est  fréquemment  cité  dans  le  chartrier  d'Igny.  En  1219, 
Gérard  de  Milly,  que  nous  venons  de  nommer,  et  Mathilde,  sa  femme,  rati- 
fient la  vente  par  Robert  de  Milly,  chevalier,  du  consentement  d'Aveline,  sa 
femme,  à  l'Abbaye  d'ign}',  de  treize  arpents  de  terre  lieudit  Savart,  jouxte 
le  bois  de  Vilerzcl.  Le  8  seiitembre  1226,  Gérard  et  Robert  de  Milly  ap- 
prouvent et  piègent  la  vente  par  Thomas  de  Milly,  chevalier,  leur  frère,  au 
profit  de  ladite  abbaye,  de  21  arpents  du  bois  de  Milly,  près  Villerzel.  Au 
mois  de  janvier  1228,  Gérard,  Régnier,  Thomas  et  Robert  de  Milly,  cheva- 
liers, reconnaissent  avoir  vendu  à  l'abbaye  d'Igoy  14  Journels  de  terre  à 
Chézelles,  paroisse  de  Fismes,  tenus  de  Guillaume  de  Fismes,  chevalier; 
approuvé  par  Eustachie,  femme  de  Régnier,  Armand  Chrestiea  et  Perettc, 
sa  femme,  Clarembaud,  clerc,  Marie,  femme  de  Thoma?,  Anceline,  femme 
de  Robert,  Marguerite  et  Richilde,  filles  de  Gérard.  (Vicomte  O.  de  Poli, 
Inventaire  des  litres  de  la  maison  de  Millij.  Paris,  1888.  Consulter  égale- 
ment l'érudite  notice  sur  celle  famille,  publiée  par  le  même  auteur  dans  la 
Revue  de  Terre-Sainte.) 

3.  Hugues  IV,  iils  aîné  de  Hugues  III,  et  de  Félicité,  mourut  en  1241 
sans  postérité.  Il  avait  succédé  à  sou  père  en  1228.  Il  épousa,  eu  premières 
noces,  Mabille  d'Iprès,  et,  en  secondes  noces,  Jeanne  de  Dampierre.  C'est 
lui  qui,  en  1233,  octroya  la  charte  communale  de  Mézières. 


280  LE  CARTULAIRE   PU   PRIEURÉ 

du  consentement  de  Félicité,  son  épouse,  et  de  Hugues,  son 
lils,  donne  à  l'église  des  religieuses  de  Longueau,  trois  muids 
de  froment  et  trois  muids  de  farine  à  prendre,  chaque  année, 
sur  les  terrages  de  Tagnon  ',  à  la  mesure  dudit  lieu. 

1213,  mars. 

Gaucher  de  Ghâtillon,  comte  de  Saint-Paul,  confirme  et 
garantit,  comme  piège,  la  donation  faite  par  Milon  de  Van- 
dières,  à  la  maison  de  Longueau,  de  la  dîme  entière  qu'il  pos- 
sédait à  Vandières  par  héritage,  sous  la  condition  que  les  reli- 
gieuses lui  laisseront,  ainsi  qu'à  sa  femme,  en  cas  de  mariage, 
la  jouissance  viagère  de  sa  maison  de  Baslieux  et  dépendances, 
excepté  le  bois  de  la  Cohette  ^,  le  Sart  ^,  la  vigne  de  sa  sœur 
Marie  et  la  moitié  de  la  récolte  des  noyers  croissant  sur 
Cuisles*,  au  delà  du  ruisseau  de  Baslieux. 

Pierre  de  Bazoches  a  approuvé  cette  aumône  qui  relevait  de 
son  fief  et  s'en  est  porté  garant,  sous  la  foi  du  serment,  contre 
la  remise  de  vingt  livres  de  Provins. 

1214,  septembre. 
Hugues,  comte  de  Rethel,  et  Félicité,  son  épouse,  donnent 
aux  religieuses  de  Longueau  la  dixième  partie  des  grains  qui 
rentrent  chaque  année  dans  leurs  greniers  jusqu'à  la  Toussaint 
sur  les  chàtellenies  de  Rethel  et  du  Ghàtelet,  à  la  charge  de 
célébrer  dans  l'église  de  Longueau,  à  l'intention  des  donateurs  • 
1°  chaque  année,  un  service  à  perpétuité;  2°  aussi  chaque 
année,  tant  que  ceux-ci  vivront,  une  messe  du  Saint-Esprit  ; 
3°  après  leur  décès,  chaque  jour,  une  messe  des  défunts  pour 
le  repos  de  leur  âme. 

1 .  Tagnon  (Ardennes),  canton  de  Juniville. 

2.  La  Cohette,  bois  eitué  au  nord  de  Baslieux,  couvrant  la  partie  sep- 
tentrionale de  celte  commune  et  la  partie  méridionale  des  communes  de 
Jonquery,  Champlat  et  La  Neuville-aux-Larris. 

3.  Le  Sart.  C'est  probablement  la  ferme  actuelle  des  Grands-Essarts,  sise 
sur  le  territoire  de  Vandières. 

A.  Cuisles  (Marue),  canton  de  Châtillon-sur-Marne.  Anciens  seigneurs: 
1564,  Luc  de  Saluoue  ;  1633,  Claude  de  Salnoue  ;  1680,  Joseph-Remy  de 
Livrou,  cheTalier,  maître  de  camp  de  cavalerie  ;  17i7,  M"  Jean  Tapin, 
écuyer,  conseiller  du  roi,  lieutenant  criminel  de  robe  courte  ;  1762,  M''  Claude- 
René  de  Laulne,  greffier  au  Parlement  de  Paris.  Le  'J  novembre  1763,  il 
rendit  foi  et  hommage  au  duc  de  Bouillon  à  cause  de  la  terre  et  seigneurie 
de  Cuisles,  donnée  en  mariage  à  Jeanne  Tapin,  sa  femme,  par  Jean  Tapin, 
père  de  celle-ci,  suivant  contrat  passé  devant  Marchand,  uoltirc  à  Paris,  le 
24  juillet  1762. 


DE   LONGUEAU  281 

l^li),  mars. 
H...  ',  évèque  de  Soissoiis,  annonce  que  Thomas  de  Fère  ^ 
chevalier,  a  donné  à  l'église  de  Longùeau  toule  la  dirae  qu'il 
possédait  à  Aiguizy^,  avec  devêture  entre  les  mains  de  Guy 
de  Violaine  \  chevalier,  en  qualité  de  suzerain,  et  qu'en  suite 
de  la  résignation  faite  par  ce  dernier,  l'évèque  en  a  investi  la 
prieure  de  Longùeau,  au  nom  de  sou  église. 

1213,  juillet. 
Blanche,  comtesse  de  Troyes,  scelle  l'accord  suivant  entre  la 
prieuresse  et  les  religieuses  de  Longùeau,  d'une  part,  et  son 
iidèle  Guy  de  Treslon ',  d'autre  part.  Guy  et  ses  héritiers 
devront,  pour  la  part  que  les  religieuses  avaient  dans  les  mou- 
lins de  Hamois^  leur  rendre  chaque  année,  dans  l'octave  de  la 
Nativité,  un  muids  de  grain,  à  la  mesure  de  Dornians,  moitié 
froment,  moitié  trémois,  de  la  provenance  de  ces  moulins  ; 
mais  si  leurs  produits  font  défaut,  les  religieuses  devront  s'en 
tenir  à  la  couture  appelée  Varennes. 

1216,  janvier. 
Maître  Bon.  officiai  de  M«  H...',  archidiacre  de    Reims, 
notifie  le  traité  suivant  :  M""^  Jean,  chapelain'  de  l'église  de 

1.  Haymard  de  Provins,  nommé  en  1208,  acheva  la  construction  de  la 
cathédrale  de  Soissons  et  assista  à  la  consécration  de  1  "église  abbatiale  de 
Saint- Yved  de  Braisne.  Il  prit  l'habit  à  Saint-Jean-des-Vignes,  où  il 
mourut  le  20  mai  1219. 

t.  Fère-en-Tardenoiô  (Aisne),  chef-lieu  de  canton. 

3.  Aiguizj  (Aisne),  hameau  dépendant  de  Villers-Agron,  canton  de  Fère- 
en-Tardenois.  1716,  M''  Charles-Nicolas  de  Martin,  chevalier,  seigneur 
d'Aiguizy,  demeurant  au  château  dudit  lieu. 

\.  Violaine  (Marne),  section  d'Olizy,  canton  de  Chàtillon-sur-Marnc. 
Guy  de  Violaine  (de  Villanis),  à  cause  de  sa  maison  forte  dudit  lieu,  devait 
rhomœage-lige  au  comte  de  Champagne, 

5.  Treslon  (Marne),  canton  de  Ville-en-Tardenois.  Guy  de  Chàtillon, 
seigneur  de  Treslon,  tils  de  Gaucher  de  Chàtillon,  seigneur  de  Nanleuil,  et 
d'Helvide. 

ô.  Hugues  de  Bourgogne,  grand  archidiacre,  nommé  en  divers  carlu- 
laires  de  1212  à  1243,  mourut  le  5  des  calendes  d'avril. 

7.  Dans  les  églises  cathédrales  ou  collégiales  il  y  avait  des  messes 
fondées  à  acquitter;  on  avait  pour  ce  service  désigné  un  certain  nombre  «le 
prêtres.  Ainsi,  dans  la  cathédrale  de  Reiras,  rayonnaient  autour  de  l'abside 
une  vingtaine  de  chapelles,  à  l'autel  de  chacune  desquelles  était  attaché  un 
prêtre,  dit  chapelain,  chargé  d'acquitter  les  messes  incombant  à  cet  autel. 
Son  bénéfice  ou  revenu,  variable  suivant  la  fondation,  s'appelait  Chapellcnie. 
Certains  chapelains  avaient  en  outre  des  prières  à  dire  et  des  psaumes  ou 
antiennes  à  réciter.  A  lieims,  les  chapelains  étaient  si  nombreux  qu'ils 
formaient  un  petit  collège,  et  même,  avec  le  temps,  ils  s'étaient  multipliés 
au  xiT»  siècle  de  fa(,0Q  à  former  deux  cougrégalious  distinctes. 


282  LE   CARTULAIRE  DU  PRIEURÉ 

Reims,  a  donné  à  Garsile,  religieuse  de  l'église  de  Longueau, 
et  à  prendre  chaque  année  sa  vie  durant,  dix  sols  de  cens,  sur 
une  maison  située  dans  la  rue  de  la  Tournelle,  près  la  maison 
d'Aelis  de  Soissons  ;  après  le  décès  de  Garsile,  cette  aumône 
reviendra  à  l'église  de  Longueau. 

1218,  janvier. 

Maître  Bon.  officiai  de  H...,  archidiacre  de  Reims,  dénonce 
l'accord  suivant  : 

Robert  et  son  fils  Jean  abandonnent  à  l'église  de  Longueau 
la  paisible  propriété  d'une  vigne  située  sur  le  territoire  de 
Fisraes,  lieudit  Mont,  sur  laquelle  il  y  avait  contestation,  et 
qu'ils  réclamaient  du  chef  de  leur  frère,  prêtre  d'Anthenay. 

1218. 
Clémence,  épouse  d'Alain  de  Roucy  ',  du  consentement  de 
Baudoin,  Maurice  et  Alain,   ses  fils,  donne  à  l'église  de  Lon- 
gueau 30  setiers  de  froment  sur  ses  revenus  de  Villers-devant- 
le-Thour -,  mesure  de  Reims,  à  prendre  tous  les  ans  à  la  fêle  de 

Saint-Remy. 

1219,  mai. 

Blanche,  comtesse  palatine  de  Troyes,  confirme  la  donation 
faite  aux  dames  de  Longueau  par  llier  du  MesniP,  en  raison 
de  l'entrée  en  religion  de  sa  fille,  de  vingt  setiers  de  blé  à 
prendre  annuellement  sur  le  moulin  du  Mesuil,  moitié  fro- 
ment, moitié  avoine. 

1219,  juillet. 

M«  Bon.  officiai  de  H...  de  Bourgogne,  archidiacre  de  Reims, 
dénonce  ce  qui  suit  : 

1 .  Roucy  (Aisne),  canloa  de  Neufchàlel. 

Alain  de  Roucy  tenait  le  village  de  Boursault  en  lief  du  comte  de  Cham- 
pagna,  et  un  grand  nombre  d'autres  domaines  dans  Télendue  de  la  chàtel- 
Icnie  de  Châtillon. 

2.  Villers-devant -le-Thour  (Ardennes),  canton  d'Asfeld. 

3.  Mesnil-Hutier  (Marne),  écart  de  la  commune  de  Festigny,  canton  de 
Dormans.  Ce  hameau  est  fort  ancien.  Dans  le  rôle  de  la  châtellenie  de 
Châtillon,  rédigé  vers  1172,  ce  petit  fief  appartenait  à  Eudes  Aaron,  qui  le 
tenait  du  comte  de  Champagne  et  lui  devait  l'hommage-lige,  avec  trois 
mois  de  garde  au  château  de  Châtillon.  Il  a  pris  aujourd'hui  le  nom  de  son 
principal  piopriélaire. 

Anciens  seigneurs  :  1600,  Jacques  d'Averlon,  écuyer,  seigneur  du  Mesnil, 
épousa  Anne  Le  Carlier,  enterrée  dans  l'église  de  Mareuil-le-Port,  le 
30  septembre  1612,  dont  : 

1»  Marguerite  d'Averton,  mariée  à  Mareuil,  le  30  janvier  1617,  à  Nicolas 
de  Longueville,  écu^-cr  ;  et  2°  Madeleine  d'Averlon,  qui  épousa,  le  28  novem- 
bre 1626,  Louis  de  Brunetaut,  écuyer. 


DE   LONGUEAU  283 

L'église  de  Longueau  ayant  assigné  devant  lui,  Ernauld,  fils 
de  Robillard  d'Hermonville  ',  au  sujet  de  vingt  sols  de  cens 
qu'elle  prétendait  lui  avoir  été  légués  sur  la  maison  de  ce 
dernier,  située  à  la  porte  de  Valois,  il  est  convenu  avec  l'as- 
sentiment de  Gillette,  sa  femme,  que  ledit  Ernauld  lui  don- 
nera, pendant  deux  ans,  un  cens  de  vingt  sols,  monnaie  de 
Reims,  payable  à  la  fête  de  Saint-Jean-Baptiste,  à  Reims,  ou 
dans  tout  autre  lieu  de  son  voisinage.  Ernauld  pourra,  s'il  le 
préfère,  payer,  au  lieu  du  cens  précité,  une  somme  de  vingt 
livres  en  monnaie  de  Reims. 

1219,  septembre. 
Elisabeth,  comtesse  de  Saint-Paul,  Guy-  et  Hugues 3,  ses 
enfants,  chevaliers,  reconnaissent  qu'ils  sont  tenus  de  fournir 
chaque  année,  à  perpétuité,  aux  religieuses  de  Longueau,  à  la 
fête  de  Saint-Remy,  vingt  livres  de  monnaie  de  Provins, 
savoir  :  moitié  sur  la  taille  de  Troissy,  et  moitié  sur  la  taille  de 
Brugny,  que  leur  a  données  Gaucher  de  Ghâtillon,  comte  de 
Saint-Paul,  pour  acheter  des  chemises. 

1.  Hcrmonville  (Marne),  canton  de  Fismes, 

2.  Guy  I  de  Châlillon,  comte  de  Saint-Paul,  seigneur  de  Montjay,  fils 
aîné  de  Gaucher  III  de  Chàtillon,  suivit  le  roi  contre  les  Albigeois  et  fut  tué 
au  siège  d'Avignon  le  15  août  1226.  Le  roi  Louis  VIII  lit  enfermer  son 
corps  dans  un  cercueil  de  plomb  qui  tut  déposé  dans  la  chapelle  de  Lon- 
gueau. Il  épousa,  en  1221,  Agnès,  dame  de  Donzy,  comtesse  de  Nevers, 
d'Auxerre  et  de  Tonnerre,  hllc  d'Hervé  IV,  seigneur  de  Donzy,  et  de 
Mahaud  de  Courtenay,  comtesse  de  Nevers,  dont  il  eut  :  1»  Yolande  de 
Ghâtillon,  mariée  à  Archambault,  IX'  sire  de  Bourbon;  2°  Gaucher  de 
Ghâtillon,  seigneur  de  Montjay  et  de  Donzy,  qui  suivit  saint  Louis  en 
Terre-Sainte  en  1248,  se  signala  à  Damielte  et  à  Massoure,  et  fut  tué  à 
Phatanie,  le  5  avril  1251,  à  l'âge  de  28  ans,  sans  laisser  d'enfants  de  son 
union  avec  Jeanne  de  France,  comtesse  de  Bologne,  de  Dammartin  et 
d'Aumale,  qu'il  avait  épousée  en  1245. 

3.  Hugues  1  de  Ghâtillon,  comte  de  Saint-Paul  et  de  Blois.  seigneur  de 
Ghâtillon  et  de  Crécy,  bouteiller  de  Champagne  aprè?  son  père,  deuxième 
fils  de  Gaucher  III  de  Ghâtillon  et  d'Elisabeth,  comtesse  de  Saint-Paul, 
mourut  le  9  avril  1248,  alors  qu'il  se  disposait  à  faire  le  voyage  de  Tcrre- 
Sainle.  Il  avait  épousé  :  1°  N...  de  Bar.  tille  du  comte  de  Bar,  dont  il  n'eut 
pas  d'enfants  ;  2"  Marie  d'Avesnes,  comtesse  de  Blois  ;  3°  Mahaul  de 
Guvnes,  décédée  sans  postérité.  De  sa  seconde  femme,  Hugues  laissait  : 
1"  Guy,  qui  a  fait  la  branche  des  comtes  de  Blois  et  de  Saint- Paul  ; 
2"  Hugues,  seigneur  de  Châlillon,  auteur  de  la  branche  des  comtes  de 
l'orcien;  3°  Jean  de  Châlillon,  comte  de  Blois,  de  Chartres  et  de  Dunois, 
seigneur  d'Avesnes,  marié  en  1234  avec  Alix  de  Bretagne,  mère  de  Jeanue 
de  Châlillon,  accordée  en  1263  à  Pierre  de  France,  comte  d'Alençon,  lils 
puîné  de  saint  Louis. 


284  LE   CARTULAIRE   DU   PRIEURÉ 

1219,  septembre. 
Guillaume,  archevêque  de  Reims,  à  la  demande  de  noble 
dame  Elisabeth,  comtesse  de  Saint-Paul,  et  de  Guy,  son  fils, 
aine,  confirme  l'aumône  que  noble  seigneur  Gaucher  de 
Châtillon,  comte  de  Saint-Paul,  a  faite  aux  religieuses  de 
Longueau,  selon  la  teneur  de  la  charte  qui  précède.  Fait  à 
Epernay,  sixième  férié  avant  la  fête  du  bienheureux  saint 
Michel. 

1220,  juillet. 

Jacques  ^  évêque  de  Soissons,  annonce  que  Raoul  de 
Méry  -  a  donné  sa  dîme  d'Anthenay  à  l'église  de  Longueau,  et 
que  Foulques,  prieur  du  couvent,  en  a  été  investi.  Gontirma- 
lion  par  Raoul,  de  Ville-en-Tardenois,  comme  suzerain. 

Témoins  :  Régnier  de  Guisles,  chevalier,  Thibault  de  Misy  ^, 
Mcolas  de  Reuil  et  le  chapelain  de  Venteuil. 

1.  Jacques  de  Bazoclies,  de  la  maison  de  Châtillon  et  neveu  de  Nivelon 
de  Chérisy,  fut  nommé  eu  1219  et  sacré  à  Reims  en  1220.  Il  assista  eu 
1223  aux  obsèques  de  Philippe-Auguste  à  Saint-Denis,  et  sacra  à  Reims 
saint  Louis  le  1"  décembre  1226.  Il  consacra  l'église  abbatiale  de  Longponl 
eu  1227,  fonda  l'abbaye  de  femmes  de  Saint-Etienne-lès-Soissons,  admit 
à  Soissons  les  religieux  de  Saint-François-d'Assise  et  mourut  le  8  juillet 
1223. 

2.  Méry-Premecy  (Marne),  canton  de  Ville  en-Tardenois. 

3.  Misy  (Marne),  ferme  de  Leuvrigny,  canton  de  Dormans.  C'était  autre- 
lois  le  chef-lieu  de  la  paroisse.  Le  pouillé  soissonnais  du  chanoine  HouUier, 
de  1783,  cite  :  Leuvrigny,  autrefois  Notre-Dame-de-Mizy. 

Suivant  acte  passé  devant  M"  Guiotin,  notaire  à  Porl-à-Binson,  lei  12  mai 
1674,  la  seigneurie  de  Misy  fut  partagée  entre  :  1°  ivl"  Charles  d'Alligret, 
chevalier,  seigneur  d'Œuiliy,  Misy,  Leuvrigny  et  le  Mesnil-Hutier,  pour 
moitié,  fils  et  principal  héritier  de  M"'*  Charles  d'Alligret,  son  père,  cheva- 
lier et  seigneur  desdits  lieux,  ce  dernier  héritier  de  M"  Pierre  d'Alligret, 
son  père,  vivant  aussi  seigneur  des  mêmes  lieux,  et  de  dam''  Marguerite 
d'Argillers;  2"  M"'  Pierre  de  Monamy,  chevalier,  seigneur  de  Sainlras,  y 
demeurant,  province  de  Bourbonnois,  au  nom  de  dame  Catherine  de  Baudier. 
sa  femme,  veuve  de  M"  Georges  de  Regnard,  chevalier,  seigneur  des 
Bordes,  d'Œuiliy,  Misy,  Leuvrigny  et  le  Mesnil-Hutier,  en  partie,  père  et 
mère  de  Georges  et  Charles-Joseph  de  Regnard,  mineurs,  héritiers  de 
défunt  Georges  de  Regnard,  seigneur  desdits  lieux;  3°  Charles  de  Regnard, 
écuyer,  seigneur  de  Puiseaux,  des  Bordes  et  des  lieux  précités,  en  partie, 
demeuraQt  aux  Bordes,  paroisse  d'Auxon ,  4°  M''  Edme-Eléonore  de 
Coqueborne,  écuyer,  seigneur  de  Courcenay-les- VauUerons,  baron  de 
Villeneuve -au-Chemin,  demeurant  audit  Villeneuve,  à  cause  de  dame  An- 
géliquc-Elconore  de  Regnard,  sa  femme;  lesdits  M"»  Georges  de  Regnard, 
Charles  de  Regnard  et  Angélique- Eléonore  de  Regnard,  entants  et  héritiers 
de  défunte  Anne  d'Alligret,  leur  mère,  femme  de  M''  Olivier  de  Regnard, 
chevalier,  .seigneur  de  Puiseaux,  ladite  dame  tille  et  héritière  de  défunt 
M"  Pierre  d'Alligret  et  de  dame  Marguerite  d'Argillers. 


DE   LONGUEAU  285 

1220,  juillet. 

M*^  Bon.  officiai  de  H...  de  Bourgogne,  archidiacre,  certifie 
qu  Odeline  et  Raoul  Bordin,  son  défunt  mari,  ont  légué  aux 
nonnes  de  Longueau,  pour  faire  célébrer  chaque  année  leur 
anniversaire,  un  cens  de  40  sols,  sur  une  maison  située  place 
du  Marché  à  Reims,  proche  la  maison  de  Simon  l'orfèvre,  à 
prendre  annuellement  après  le  décès  de  ladite  Odeline,  le 
dimanche  où  on  cha.nle  Invocavit  me.  Approuvé  par  Helisende, 
Isabelle  et  Helvide,  sœurs  de  Raoul. 

1220,  septembre. 
Gérard  de  Mont-de-Jeux  ',  chevalier,  et  Guyonne.  sa  femme, 
donnent  à  l'église  de  Longueau  les  dîmes,  tant  grosses  que 
menues,  qui  leur  appartiennent  à  Sainte-Vaubourg',  excepté 
3  seliers  de  grains,  moitié  froment,  moitié  avoine,  auxquels 
l'église  d'Elan  ^  a  droit  dans  cette  dime. 

1220,  septembre. 
Confimation  de  la  charte  qui  précède  par  Vaucher  de  Liry  *, 
chevalier,  en  qualité  de  suzerain. 

1221,  janvier. 

M^  Bon.  officiai  de  Messire  H...  de  Bourgogne,  archidiacre 
de  Reims,  notifie  la  convention  suivante  : 

Agnès  et  Eudes  de  Marcelot^  son  défunt  mari,  ont  décidé 
depuis  longtemps  que  si  les  deux  enfants  de  Gillette,  leur  fille, 
c'est-à-dire  Gillot  et  Poncette,  décédaient  sans  postérité,  ils 
donneraient  aux  lépreux  de  Reims  la  moitié  de  la  maison  par 
eux  acquise  en  cette  ville,  proche  la  maison  de  Simon  d'Ivoy  *, 
et  aux  nonnes  de  Longueau  l'autre  moitié,  à  charge,  par  les 
donataires,  de  payer  aux  héritiers  de  Eudes  une  somme  de 
20  livres,  chacun  par  moitié. 

1221,  juin. 
Guillaume',  archevêque  de  Reims,  déclare  que  Clémence, 

1.  Monl-de-Jeux  (Ardennes),  commune  de  Saint-Lambert,  canton  d'At- 

2.  Sainte-Vaubourg  (Ardennes),  canton  d'Atligny. 

3.  Elan  (Ardennes).  Abbaye  de  Torde  de  Citeaux  fondée  le  1"  août  1148 
par  Witier,  comte  de  Relhel,  en  expiation  de  ses  fautes. 

4.  Liry  (Ardennes),  canton  de  Monthois. 

!j.  Marcelot  (Ardennes),  commune  des  Alleux,  canton  du  Chesne.  Il  y  a 
eu  autrefois  dans  ce  hameau  une  maladrerie  très  importante  dépendant  de  la 
Tille  de  Reims. 

6.  Aujourd'hui  Carignan  (Ardennes),  chef-lieu  de  canton. 

7.  Guillaume  II  de  Joinville,  évêque  de  Langres,  transféré  à  l'archevSché 


286  LE   CARTULAIRE   DU    PRIEURÉ 

femme  de  Alain  de  Roucy ',  a  donné,  en  perpétuelle  aumône, 

à  l'église   de  Longueau,   30  setiers  de  froment,   à  prendre 

chaque  année,  à  VilIers-devant-le-Thour,  à  la  mesure  dudit 

lieu,  et  payables  à  la  fête  de  Saint-Remy,  ainsi  que  sa  part 

dans  une  maison  située  à  Reims,  et  provenant  de  Pierre  de 

Courville  -. 

1221,  octobre. 

Jacques,  évêque  de  Boissons,  certifie  que  Eudes  de  Grugny  ^, 
chevalier,  a  vendu,  avec  l'acquiescement  de  Ledève,  sa 
femme,  à  l'église  de  Longueau,  sa  part  dans  la  dîme  de  Ber~ 
thenay*  et,  en  échange  des  droits  dotaux  qu'elle  avait  sur 
cette  dîme,  Eudes  lui  a  cédé  une  vigne  située  à  Grugny,  der- 
rière sa  maison.  Robert  de  Fismes  a  approuvé  cette  vente,  qui 
relevait  de  son  fief,  et  Miles,  frère  de  Longueau,  a  été  investi 
de  la  dîme  précitée,  au  nom  de  son  église  ^ 

1222,  février. 
Baudoin*^  de  Reims,  seigneur  de  Gueux,  donne,  après  son 
décès,  aux  nonnes  de  Longueau,  ses  prés  de  Boursault'  et  sa 
vigne  de  Vaucieunes*  :  qu(P  Clmtsum  vocaiur.  Il  confirme 
également  le  testament  qu'il  a  fait  au  domicile  de  son  parent 
Baudoin*,  prévôt  de  Reims,  lequel  testament  est  revêtu  du 

de  Reims  en  1219,  assembla,  en  1223,  un  concile  à  Paris,  pour  préparer 
une  nouvelle  croisade  contre  les  Albigeois.  Il  sacra,  le  6  août  1223, 
Louis  VIII  et  Blanche  de  Castille,  sa  femme.  Il  se  croisa  ensuite  contre  les 
Albigeois,  mourut  de  la  peste  à  Saint-Flour,  le  8  novembre  122ri,  et  fut 
inhumé  Tannée  suivante,  à  Clairvaux. 
\.  Roucy  (Aisne),  canton  de  Neufchâtel. 

2.  En  1644,  Gabriel  de  Lizaine,  é'-.uyer,  sieur  de  Phorian,  était  capitaine 
du  château  de  Courville  ;  sa  ûlle,  Catherine  de  Lizaine,  épousa  Louis 
d'Aguerre,  écuyer,  seigneur  de  Cours  et  Villette. 

3.  Grugny  (Marne),  canton  de  Fismes. 

4.  Berthenay  (Aisne),  ferme  dépendant  de  Villers-Agron,  canton  de 
Fère-en-Tardenois. 

5.  Vers  1250,  Robert  de  Fismes  vend  à  Pierre,  abbé  d'Igny,  deux  par- 
celles situées  près  de  Vorsins.  —  Péchenard,  loc.  cit. 

G.  Baudoin  de  Reims  et  Aélide,  sa  femme,  raliGèrent  comme  suzerains,  la 
charte  par  laquelle,  en  1217,  Philippe  de  Soupir,  chevalier,  attribuait  à  Pré- 
montré la  moitié  de  la  terre  qu'il  avait  sur  le  Mont  de  Soupir  et  lui  vendait 
le  reste,  en  présence  de  Henri,  Jacques,  Bertrand  et  Elisabeth,  ses  enfants, 
et  d'Ade,  sa  femme,  qui  la  lui  avait  apportée  en  dot.  —  [Bull,  de  la  Soc. 
Arch.  de  Soissons,  tome  XIX,  p.  246.) 

7.  Boursault  (Marne),  canton  de  Dormans. 

8.  Vauciennes  (Marne),  canton  d'Epernay. 

9.  Baudoin  II  souscrivit  à  plusieurs  chartes  des  années  1219,  1222,  1224. 
Le  Martyrologe  de  saint  Timothée  en  lait  mention  le  troisième  des  calendes 
de  février.  Il  fut  enterré  à  Igny,  devant  le  Chapitre. 


DB   LONGUBAU  287 

sceau  dudit  prévôt  et  de  Martin,  chapelain  à  l'église  de  Reims. 
Fait  à  Paris. 

1222,  février. 

B.  \  abbcsse  de  Fontevrault,  approuve  le  don  consenti  au 
profit  de  l'église  de  Longueau,  par  noble  homme  Messire  Bau- 
doin de  Reims,  de  15  livres  de  monnaie,  pour  la  fondation 
d'une  chapellenie*  et  h  célébration,  à  perpétuité,  d'une 
messe  pour  le  repos  de  son  âme  et  pour  les  âmes  de  Gaucher 
de  Chàtillon,  de  son  père,  de  sa  mère  et  de  ses  ancêtres.  Elle 
confirme  également  aux  chapelains,  chargés  de  célébrer  celte 
messe  quotidienne,  cent  sols  de  reute  sur  Try  %  à  prendre  tous 
les  ans,  à  la  fête  de  Saint-Remy,  pour  le  vêtement  et  la  nour- 
riture. 

1222,  avril. 

Hugues  de  Chàtillon,  fils  de  leu  Gaucher,  comte  de  Saint- 
Paul,  confirme  la  donation  de  Messire  Baudoin  de  Reims,  che- 
valier, à  la  maison  de  Longueau,  de  sept  livres  dix  sols,  à  per- 
cevoir annuellement  sur  Try,  à  la  fête  de  Saint-Remy,  pour  la 
fondation  d'une  chapellenie. 

1222,  avril. 
Hugues  de  Chàtillon,  fils  du  feu  comte  de  Saint-Paul,  con- 
firme la  donation  faite  par  Messire  Baudoin  de  Reims,  sou 
vassal,  à  la  maison  de  Longueau,  de  sept  livres  dix  sols  sur 
Try,  payables  à  la  fête  de  Saint-Remy,  pour  l'entretien  d'une 
chapellenie, 

1222,   avril. 

Gaucher,  seigneur  de  Nanteuil,  confirme  la  donation  con- 
sentie à  la  maison  de  Longueau,  par  Baudoin  de  Reims, 
chevalier,  seigneur  de  Gueux,  son  vassal,  d'un  muid  de  fro- 
ment à  prendre,  chaque  année,  à  Jonquery,  à  la  fête  de 
Saint-Remy,  pour  une  chapellenie. 

1222,    mai. 
Baudoin  de  Reims,  chevalier,  dit  seigneur  de  Gueux,  donne 

1.  Berlhe,  prieure  en  121",  abbesse  en  12iu,  mourut  le  i\°  jour  des 
calendes  de  janvier,  ainsi  que  l'atteste  le  Martyrologe  de  Fontevrault  : 
Migravit  felicis  memoritc  domina  Berla,  Deo  devota,  carissima  mater  noslra, 
Fontis-ebraldi  venerabilis  abbatissa,  qua^  guberualionem  suam  per  longum 
temporis  spatium  exteudit  priorissa,  et  in  illo  oŒcio  pro  ecclesia  sua  mira- 
biliter  laboravit,  atque  fiJeliter  decertavit,  postea  vero  divina  gratia  provi- 
dente,  concordiier  et  in  pace  facta  abbatissa  persona  fuit  vilu)  laudabilis, 
honestate  morum  perspicua.  —  {Gallia  Chrisliana,  t.  II,  col.  i:i2l.) 

2.  La  chapellenie  consistait  en  un  legs  pieux  sur  un  lieu  dcHerminé,  pour 
la  rémunération  de  messes  à  acquitter  à  un  autel  spécialement  désigné. 

3.  Try  (Marne),  hameau  dépeadant  de  Dormans. 


288  LE   CARTULAIRE   DU   PRIEURÉ 

à  l'église  de  Longueau,  pour  l'enlrelien  d'une  ehapellenie 
et  pour  le  repos  de  l'àme  de  sa  mère,  Clémence,  et  de  s  s 
parents  :  1"*  du  consentement  de  Hugues  de  Chàtillon,  son 
suzerain,  sept  livres  et  demie,  à  prendre  sur  Try,près  Troissy, 
à  la  fête  de  Saint-Remy  ;  2"  du  consentement  de  Gaucher  de 
Nanteuil,  un  muid  de  froment,  à  Jouquery  ^;  3°  du  consente- 
ment de  Thibault,  comte  de  Champagne,  vingt  muids  de  vin 
sur  ses  revenus  de  Gueux. 

12'25,  septembre. 
Maîtres  Guillaume  et  Th.,  chanoine  et  officiai  de  Reims, 
annoncent  que  Vaucher  de  Liry,  chevalier,  a  confirmé,  comme 
suzerain,  la  donation  faite  aux  nonnes  de  Longueau,  de  la 
dime  de  Sainte-Vaubourg,  par  Messire  Gérard  de  Mont- 
de-Jeux,  chevalier,  et  Guise,  son  épouse. 

1222,  décembre. 

Guillaume,  archevêque  de  Reims,  légat  du  Saint-Siège, 
déclare  ce  qui  suit  : 

Gérard  de  Mont-de-Jeux,  chevalier,  et  Guyonne,  sa  femme, 
ont  résigné  entre  ses  mains  les  grosse  et  menue  dîmes  de 
Sainte-Vaubourg,  près  Altigny,  et  il  en  a  investi  la  prieure 
de  Longueau,  au  nom  de  son  église,  à  charge  de  payer  à 
l'église  d'Elan  trois  setiers  de  grains,  moitié  froment,  moitié 
avoine,  que  celle-ci  percevait  habituellement  sur  cette  dîme. 
Approuvé  par  Hugues,  comte  de  Rethel,  Hugues,  son  fils  aîné, 
et  Gaucher  de  Liry,  chevalier. 

Fait  à  Reims  par  Hugues,  chancelier. 

I22'2,  décembre. 
Hugues,  comte  de  Rethel,  du  consentement  de  Hugues,  sou 
fils  aîné,  confirme  la  donation  en  faveur  des  religieuses  de  Lon- 
gueau, par  Gérard   de  Mont-de-Jeux  et  Guyonne,  pa  tante 
maternelle,  des  grosse  et  menue  dîmes  de  Sainte-Vaubourg. 

{A  suivre.)  Paul  Pelt.ot, 

1.  Jonquei'v  (Marne),  canton  Je  Cliâtillou-siir-Marne, 


NÉCROLOGIE 


Nous  apprenons  la  mort  de  M.  Charles  Savetiez,  notaire  hono- 
raire, décédé  à  Troyes,  le  7  mars,  à  l'âge  de  65  ans,  des  suites  de 
IMntluenza. 

M.  Savetiez  avait  été  notaire  à  Dampierre  (Aube),  où  il  a  con- 
servé une  propriété  dans  laquelle  il  venait  de  temps  en  temps  se 
reposer. 

Il  était  trésorier  de  la  Société  Académique  de  l'Aube  et  menibre 
de  plusieurs  autres  Sociétés  savantes. 

M.  Savetiez  collaborait  depuis  longtemps  à  la  Revue  de  Cham- 
pagne  et  de  Brie,  dans  laquelle  il  a  publié  difTérents  articles, 
entre  autres  un  travail  important  sur  son  pays,  intitulé  :  Dam- 
pierre  de  l'Aube  et  ses  seigneurs. 

La  dépouille  mortelle  de  M.  Savetiez  a  été  ramenée  à  Dampierre 
pour  y  être  inhumée  dans  le  cimetière  de  cette  commune. 

Les  obsèques  de  M,  Savetiez  ont  eu  lieu  le  9  mars.  Sur  sa  tombe, 
M.  de  La  Boullaye  a  prononcé  le  discours  suivant  : 

Messieurs, 

Le  suprême  hommage  que  la  Société  Académique  de  l'Aube  vient  reudre 
à  ceux  de  ses  membres  qui  lui  sont  enlevés  est  toujours  empreint  d'un  sen- 
timent de  profonde  tristesse.  Sa  douleur  est  plus  grande  encore  quand  elle 
se  voit  privée  d'un  de  ceux  qui  lui  ont  rendu  d'importaats  services  et  qui, 
comme  le  collègue  regretté  que  nous  venons  saluer  une  dernière  fois  aujour- 
d'hui, lui  apportaient  chaque  jour  le  dévouement  le  plus  complet  et  le  plus 
absolu.  En  me  faisant,  au  nom  de  notre  président,  que  sa  santé  empêche 
de  s'acquitter  de  cette  douloureuse  lâche,  voire  interprète,  mes  chers  col- 
lègues, je  dois  rappeler  ici  quelques  détails  de  la  vie  si  honorable  de 
M.  Charles  Savetiez. 

Né  à  Dampierre  de  l'Aube,  le  28  juillet  1829,  il  appartenait  à  une  très 
ancienne  famille  de  la  bourgeoisie  troyenne,  dans  laquelle  l'exercice  du 
notariat  était  héréditaire  depuis  de  longues  générations.  Dès  les  premières 
années  du  xvi'  siècle,  Sébastien  Savetiez  remplissait  à  Troyes  l'oflice  de 
notaire  royal,  tandis  qu'un  de  ses  proches  occupait  celui  de  procureur  et 
était  chargé  des  intérêts  de  nos  principales  abbayes.  Une  des  branches  de 
celle  maison  était  allée  se  fixer  à  Dampierre,  et  c'est  dans  la  charge  de 
notaire  qu'y  avaient  occupée  son  père  et  son  aïeul,  que  M.  Charles  Savetiez 
continua  les  traditions  de  carrière  de  ses  ancêtres. 

Cette  continuité  familiale  des  mêmes  fonctions,  devenue  trop  rare  main- 
tenant, n'avait  pas  seulement  pour  effet  le  perfectionnement  de  la  science 
et  de  l'expérience  professionnelles,  elle  amenait  aussi  la  réunion  et  le 
développement  de  toutes  les  quahtés  nécessaires  pour  remplir  dignement 
l'emploi  que  chacun  occupait.  Ces  qualités.  Messieurs,  Charles  Savetiez  les 
réunissait  toutes  :    la   circonspection,  la  prudence,  le   calme,  la  discrétion, 

19 


290  NÉCROLOGIE 

enCn  une  inébranlable  intégrité  ainsi  nue  le  profond  respect  de  soi-même  et 
de  son  ministère,  qui  seuls  inspirent  la  confiance  et  mettent  en  honneur  la 
charge  aussi  bien  que  celui  qui  l'exerce. 

Mais,  eu  outre  des  devoirs  de  sa  profession,  notre  collègue  avait  été,  de 
longue  date,  attiré  par  l'étude  des  lettres,  de  l'archéologie  et  des  questions 
historiques;  elles  étaient  pour  lui  un  précieux  délassement  à  ses  occupations 
habituelles. 

L'amour  profond  qu'il  portait  à  son  pays  natil  où,  suivant  son  désir,  sa 
dépouille  mortelle  ira  reposer,  avait  dirigé  de  longue  date  ses  recherches 
sur  cette  ancienne  commune  de  notre  département.  L'histoire  de  Dampierre 
pt  de  ses  seigneurs,  dont  la  plus  grande  partie  a  paru,  et  qu'il  nous  laisse  à 
peu  près  terminée,  est  une  étude  savante,  précise,  consciencieuse,  qui  res- 
tera l'œuvre  capitale  de  notre  estimé  collègue.  Elle  lui  avait  ouvert  les  portes 
de  la  Société  Académique,  où  il  était  entré  en  1885,  comme  Membre  associé. 
Après  son  relour  à  Troyes,  au  berceau  de  sa  famille,  il  était  devenu  Membre 
résidant  en  1890,  et  avait  été  appelé  presque  immédiatement  aux  fonctions 
de  trésorier. 

Malgré  celte  occupation,  il  recopiait  toutes  les  pièces  intéressantes  des 
archives  du  château  de  Dampierre,  qu'il  avait  enfin  été  mis  à  même  de  com- 
pulser, et  continuait  ses  travaux  personnels,  nous  donnant  entre  autres  une 
excellente  Table  décennale  des  Annuaires  de  l'Aube,  une  notice  sur  les 
valeurs  appartenant  au  prince  de  Saxe  et  trouvées  à  Pont-sur-Seiue  à 
l'époque  de  la  Révolution,  enfin,  la  correspondance  inédite  du  général  de 
Dampierre  avec  son  grand-père,  qui  témoigne  des  sentiments  d'estime  et 
d'amitié  qui  unirent  toujours  ces  deux  familles. 

A  côté  de  cette  part  active  prise  à  notre  mouvement  intellectuel,  j'ai 
aussi  à  rappeler  le  zèle  et  le  dévouement  infatigables  montrés  par  notre 
trésorier  pendant  le  temps  qu'il  a  rempli  ces  délicates  fonctions.  11  a  apporté, 
dans  l'administralioa  de  uod  liuances,  l'esprit  d'ordre  et  de  méthode  qui  le 
caractérisait,  et  c'est  à  lui  que  revient,  dans  uue  large  part,  l'honneur  d'avoir 
amélioré  la  situation  de  nuire  Société, 

Et  maintenaut,  Messieurs,  permettez  aussi  à  l'ami  d'ajouter  aux  paroles 
du  président  un  juste  éloge  des  vertus  privées,  de  redire  encore  une  fois  la 
sûreté  des  relations,  la  droiture  du  caiactère,  la  rectitude  du  jugement  de  celui 
qu'accompagnent  ses  douloureux  regrets.  D'une  modestie  trop  grande  et 
d'une  timidité  excessive,  M.  Saveticz  cachait  sous  ces  dehors  îe  cœur  le 
meilleur  et  le  plus  délicat.  Ses  qualités  lui  avaieut  créé  des  amitiés  dévouées 
qui  connaissaient  toi't  ce  que  valait  cette  nature  chez  laquelle  le  sentiment  du 
devoir  tenait  toujours  la  première  place.  Homme  de  bien  par  excellence, 
soutenu  par  des  convictions  religieuses  qu'il  ne  redoutait  pas  d'affirmer, 
M.  Charles  Savetiez  s'est  éteint  avec  le  calme  des  âmes  droites,  qui  voient 
venir  sans  crainte  l'approche  de  l'éternité.  Son  souvenir  restera  parmi  nous, 
entouré  de  la  plus  profonde  estime  et  de  la  reconnaissance  que  la  Société 
Académique  lui  conservera  à  jamais. 


Le  8  mars  oui  eu  lieu,  à  .Nogent-sur-Aube  (Aube),  au  milieu 
d'uue  aftluence  recueillie,  les  obsèques  du  docteur  Emile  Ber- 
Iraud,  président  du  Conseil  d'arrondissement  d'Arcis.  M.  le  sous- 
préfet  et  M.  le  docteur  Gauthier,  d'Arcis,  ont  porté  la  parole  sur 
sa  tombe,  et  fait  l'éloge  des  vertus  du  défunt. 


NÉCROLOGIE  291 


Les  obsèques  de  M.  Percebois,  président  du  Tribunal  civil  de 
Sainle-Menehould,  ont  eu  lieu  le  13  mars  au  milieu  d'une  foule 
considérable  qui  avait  voulu  honorer  jusqu'au  dernier  moment  cet 
homme  de  bien. 

La  levée  du  corps  a  été  faite  par  M.  le  curé-doyen  de  Sainte- 
Menehould,  entouré  d'un  nombreux  clergé. 

Le  cercueil  ne  portait  comme  ornement  qu'un  simple  bouquet 
de  réséda,  selon  le  modeste  désir  du  défunt. 

Les  cordons  du  poêle  étaient  tenus  par  M.  le  général  RouUel, 
commandant  la  5^  brigade  de  cuirassiers,  M.  le  député  Bertrand, 
M.  le  sous-préfet  de  Sainte-Menebould,  .M.  le  maire  de  la  ville, 
iM.  Lambert,  ancien  procureur  de  la  République,  actuellement 
juge  à  Reims,  et  M.  le  docteur  Simon,  ami  personnel  du  défunt. 


Le  Courrier  de  la  Champagne  du  16  mars  189;;  annonçait  le 
décès  de  M.  le  baron  Elizée  de  Montagnac,  chevalier  de  la  Légion 
d'honneur,  commandeur  de  Saint-Grégoire-le-(irand;,  qui  venait 
de  succomber  aux  suites  d'une  longue  et  cruelle  maladie.  La 
famille  de  Montagnac  tient  un  haut  rang  à  Sedan  et  dans  les 
Ardennes  depuis  le  commencement  du  siècle.  Celui  de  ses  mem- 
bres qu'elle  vient  de  perdre  est  trop  connu  par  ses  travaux  d'his- 
torien pour  le  faire  connaître  aux  lecteurs  de  la  Revue  de  Cham- 
pagne. Leurs  vifs  regrets  sont  acquis  à  l'auteur  de  cet  ouvrage 
monumental,  qui  restera  comme  un  titre  d'honneur  pour  l'écri- 
vain qui  l'a  réalisé,  Les  Ardennes  illustrées,  vaste  recueil  édité 
par  Hachette,  composé  par  la  plume  des  Taine,  des  Théophile 
Gautier,  des  Ch.  d'Héricault,  et  embelli  par  le  crayon  des  Gustave 
Doré,  etc.  Galeries  de  portraits,  de  monuments,  de  sites  pittores- 
ques, les  quatre  volumes  dont  il  se  compose  constituent  une 
œuvre  d'ensemble  des  mieux  réussies  et  des  plus  utiles.  —  Les 
autres  publications  de  M.  le  baron  de  Montagnac  ont  trait  à  des 
recherches  sur  la  chevalerie,  les  ordres  militaires  et  la  noblesse. 

H.  J. 


Une  femme  de  bien  vient  de  mourir  à  Reims,  laissant  aux 
pauvres  une  partie  de  sa  fortune.  M""'  Alavoine-Herbulot,  née  à 
Razancourt  (Marne),  s'était  retirée  à  Reims  il  y  a  environ  neuf 
ans,  après  avoir  perdu  son  mari,  ancien  négociant  à  Bohain 
(Aisne)  et  ancien  conseiller  général  de  ce  département. 

Ayant  habité  Reims  dans  sa  jeunesse,  M""  Alavoine  avait  voulu 
y  finir  ses  jours.  Veuve,  sans  enfants,  elle  vivait  sans  bruit,  faisant 
le  bien  et  augmentant  sa  fortune  pour  pouvoir  laisser  davantage 
aux  personnes  et  aux  iostitutions  qu'elle  préférait. 


292  NECROLOGIE 

Elle  est  décédée  à  Reims,  le  22  mars,  laissant  par  testament  : 

Au  Bureau  de  bienfaisance  de  Bazancourt Fr.  G. 000 

Aux  écoles  de  cette  même   commune,  pour  être  distribué  comme 

prix  aux  élèves 4 .000 

Au   Bureau   de  bienfaisance    de   Reims,   sa  maison,   avenue   de 

Laou,  218 »» 

A  la  Société  pioleclrice  do  l'Enfance 2.000 

Aux  Hospices  civils  de  Reims 5.000 

A  rOrphelioal  de  Saint-Thomas,  de  Reims 2.000 

Aux  Petites  Sœurs  des  i'auvres,  de  Reims,  son  mobilier »» 

A  l'Asile  de  nuit 2.ÛÛ0 

A  la  Ville  de  Reims 1 .000 

Les  populations  de  Reims  et  de  Bazancourt  s'uniront  dans  un 
sentiment  de  regret  pour  cette  honorable  femme,  qui  a  eu  en 
mourant  une  double  pensée  :  l'une  en  faveur  de  son  pays  natal, 
et  particulièrement  des  enfants  méritants  de  l'école,  l'autre  en 
faveur  des  institutions  les  plus  utiles  qui  protègent  l'enfance  et 
soulagent  la  misère. 


M.  A.  Sauvage,  artiste  peintre,  né  à  Possesse  (Marne),  ancien 
élève  de  l'Ecole  des  Beaux-Arts,  vient  de  mourir  à  Paris  à  l'âge 
de  51  ans.  M.  Sauvage  était  un  peintre  de  nature  morte. 

Sa  dépouille  mortelle  a  été  inhumée  à  Possesse. 


Ces  jours  derniers  est  mort,  à  Londres,  un  homme  apparenté  aux 
meilleures  familles  de  France,  le  comte  du  Chaflaut. 

M.  du  Chaffaut,  d'une  famille  originaire  de  la  Bourgogne,  était 
maire  de  Sens,  au  moment  de  la  guerre.  Il  possédait  alors  une 
grosse  fortune  —  plusieurs  millions  —  qu'il  a  dépensée  en  inven- 
tions. 

Il  versifiait  assez  facilement,  et  avait  écrit  un  poème  héroïque 

qui  n'a  pas  été  publié. 

* 

M"»  veuve  Jacob,  qui  vient  de  mourir  à  Flize  (Ardennes),  a  laissé 
à  cette  commune  une  somme  de  20,000  fr.  pour  la  construction 
d'une  école  maternelle,  un  titre  de  rente  de  600  fr,  pour  assurer 
le  traitement  de  la  directrice,  3,000  à  convertir  en  titre  de  rente 
pour  distribuer  des  prix  aux  élèves  de  l'école  et  12,000  fr.  pour  le 
Bureau  de  bienfaisance. 

M"»  Jacob,  dit-on,  laisse  une  somme  très  importante  à  la  ville 
de  Sedan,  où  elle  doit  être  inhumée. 

On  annonce  également  la  mort  : 


NÉCROLOGIE  293 

De  M.  Henri-Victor  Quinquet  de  Montjour,  missionnaire  aposto- 
lique, novice  de  la  Congrégation  du  Saint-Esprit,  décédé,  dans  sa 
26''  année,  le  lîi  février  dernier,  à  la  mission  catholique  de  Mro- 
goro,  au  Zanguebar  (Afrique  orientale). 

Le  jeune  missionnaire  était  fils  de  M.  Quinquet  de  Montjour, 
juge  au  Tribunal  civil  de  Reims. 

La  famille  Quinquet  de  Montjour  est  originaire  d'Oulchy-le-Chà- 
teau  (Aisne), 

—  De  M.  le  capitaine  Cohet,  rapporteur  près  le  Conseil  de 
guerre  du  6e  corps.  Fixé  depuis  plusieurs  années  à  Châlons,  il  s'y 
était  acquis  de  nombreuses  sympathies. 

—  De  M.  Alexandre  Rogiet,  sous  ingénieur  des  Ponts-et-Chaus- 
sées,  chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  décédé  à  Sézanne  (Marne), 
le  6  mars  1895,  dans  sa  soixante-deuxième  année. 

11  était  né  à  Thibie,  près  Châlons,  le  5  mars  1834. 

—  De  M.  l'abbé  Descôtes,  de  Servon  (Marne),  décédé  le  10  mars, 
à  l'âge  de  72  ans. 

Né  à  Sainte-Ménehould  en  1822,  il  avait  été  précédemment  curé 
de  Rouvroy,  et  desservait  Servon  depuis  1873.  Ses  obsèques  ont 
été  célébrées  le  14  à  Sainte-Ménehould,  où  trois  semaines  aupara- 
vant, il  accompagnait  le  corps  de  son  frère  aîné,  membre  de  la 
Compagnie  de  Jésus,  décédé  à  Reims,  à  l'âge  de  84  ans. 

—  De  M.  le  commandant  de  Lavaux,  du  Mio"  de  ligne,  décédé 
à  Lérouville  (Meuse),  à  l'âge  de  4o  ans,  et  inhumé  à  Villers-Agroii 
(Aisne),  son  pays  natal. 

—  De  la  Sœur  Marie-Angèie,  de  l'Immalée-Conception,  décédée 
à  Sarry  (Marne),  dans  la  soixante-neuvième  année  de  son  âge  et  la 
cinquante-deuxième  de  sa  vocation  religieuse. 

—  De  M.  Charles-Edouard  Gallois,  administrateur  de  la  Com- 
pagnie des  chemins  de  fer  de  lEst,  officier  de  la  Légion  d'hon- 
neur, décédé  à  Paris  le  H  mars,  inhumé  à  Reims  le  lô  mars  1895. 

—  De  M.  le  capitaine  Lapersonne,  officier  en  retraite,  chevalier 
de  la  Légion  d'honneur,  médaillé  de  Crimée  et  d'Italie,  doyen  de 
l'Association  rémoise  de  la  Légion  d'honneur,  décédé  à  Reims  le 
13  mars  1893. 


BIBLIOGRAPHIE 


Une  famille  noble  de  Champagne.  La  Maison  de  Beffroy,  par  M.  le  baron 
Ch  Remy,  membre  de  plusieurs  Sociétés  littéraires.  —  Reims,  Matot- 
Braine,  1895.  Gr.  ia-8  de  40  pages. 

L'histoire  des  anciennes  familles  a  toujours  occupé  une  très 
grande  place  dans  l'histoire  régionale.  La  famille  de  Beffroy,  si 
ancienne  et  si  respectable,  a  compté  et  compte  encore  des  repré- 
sentants ou  des  alliés  dans  beaucoup  de  localités  de  la  Champagne, 
notamment  dans  les  Ardennes  et  à  Reims,  où  l'un  de  ses  membres, 
M.  Charles-Louis  de  Beffroy,  rend  tous  les  jours  tant  de  services 
dans  les  œuvres  de  bienfaisance  et  de  charité.  Récemment  décoré 
de  la  croix  de  Saint-Grégoire-le-Grand,  il  continue  vaillamment 
les  traditions  de  ses  ancêtres  dont  M.  le  baron  Ch.  Remy  nous 
retrace  les  principales  figures  avec  quelques  branches  de  leur 
généalogie.  H.  J. 


Jeanne  d'Arc  champenoise,  élude  crilique  sur  la  véritable  nationalité  de  la 
Pucelle,  d'après  les  documents  officiels  de  son  époque  et  les  plus  récentes 
publications,  par  E.  Missbt,  ancien  professeur  à  l'Ecole  des  Carmes, 
Directeur  de  l'Ecole  Lhomond.  —  Pans,  Champion  :  Orléans,  Jlerluison , 
1895.  Grand  in-8  de  80  pages, 

(Jbluvre  d'un  lettré  et  érudit  champenois,  celte  étude  a  eu  et  aura 
du  retentissement.  C'est  une  revendication  chaleureuse  et  savante 
à  la  fois  en  faveur  de  la  nationalité  française  de  Jeanne  d'Arc,  ou 
si  l'on  veut,  un  plaidoyer  pour  la  cause  champenoise  à  l'enconlre 
des  prétentions  lorraines.  Aussi,  l'étude  en  elle-même  et  ses  con- 
clusions seront  l'objet  de  l'attention  générale.  Nous  n'y  insistons 
pas.  Nous  ne  voulons  signaler  ici  qu'une  seule  adhésion  donnée  à 
la  thèse  de  M.  l'abbé  Missel,  parce  qu'elle  a  un  poids  prépondé- 
rant :  c'est  celle  de  M.  Léopold  Delisle  qui  écarte  le  moindre 
doute,  et  trouve  la  question  replacée  sur  son  véritable  terrain 
par  notre  compatriote.  (Voir  le  journal  Le  Vosgien  du  6  mars 
1895.)  H.  J. 


LÉON  MouGENOT.  —  Jeanne  d'Arc,  le  duc  de  Lorraine  et  le  sire  de 
Baudricourt,  contribution  à  l'histoire  de  la  Pucelle  et  de  la  région 
lothai  ingique.  {Ut  vincat  veritas.)  Nancy,  Imprimerie  Berger-Levraull, 
1895,  beau  volume  petit  in-4*  de  158  pages. 

Voici  un  ouvrage  imprimé  avec  un  soin  remarquable  et  géné- 
reusement consacré  par  l'auteur  à  dégager  de  l'obscurité  plusieurs 
points  importants  de   l'origine   de  Jeanne  d'Arc.  Sous  une  forme 


BIBLIOGRAPHIE  295 

animée  de  récits  et  de  dialogues,  il  s'écarte  des  légendes  et  des 
textes  erronés.  II  adopte  les  solutions  historiques  ou  s'en  rap- 
proche. H.  J. 

* 

Annuaire  du  i.épartembnt  de  ia  Marne  pour  l'année  189").  Châlons, 
in-12  de  plus  de  700  pages;  se  trouve  chez  l'Editeur,  à  Vl'nion  repu- 
blicaine  de  la  Marne,  rue  d'Orfeuil.  27.  —  Prix  :  2  l'r.  50. 

Cet  ouvrage  important  se  compose  de  trois  parties  : 

La  première  comprend,  outre  les  renseignements  généraux  sur 
l'organisation  politique  et  gouvernementale,  les  détails  les  plus 
complets  sur  toutes  les  administrations  du  département,  des  sous- 
préfectures,  des  mairies,  sur  l'organisation  judiciaire,  les  adminis- 
trations financières,  les  corps  constitués  et  enseignants,  les  Sociétés 
de  toutes  natures,  etc. 

La  seconde  partie  comprend  :  les  services  départementaux  de  la 
Marne,  c'est-à-dire  la  situation  de  tous  les  travaux  et  opérations 
diverses  exécutés  par  l'administration  préfectorale  pendant 
l'année  ;  —  notices  historiques  et  biographiques  sur  Charles  VII 
et,  la  dauphine  Marguerite  d'Ecosse  (4  mai-l8  août  144b),  par 
Henri  Menu;  —  sur  les  principales  Illustrations  militaires 
rémoises,  par  Ch.  Remy;  —  sur  les  anciens  droits  seigneuriaux, 
etc.;  —  un  bulletin  nécrologique,  par  Ch.  Remy;  — des  Ephémé- 
ridcs  chdlonnaises  et  déparlemenlales. 

La  troisième  partie  comprend  la  liste  des  commerçants  des  villes 
et  des  principales  communes  du  département;  la  liste  des  messa- 
gers qui  viennent  à  Châlons,  Epernay  et  Vitry-le-François,  et  des 
hôtels  où  ils  descendent;  la  nomenclature  des  foires  et  marchés 
du  département  et  un  grand  nombre  de  renseignements  géné- 
raux. 


■^; 


CHRONIQUE 


Société  d'Histoire  et  d'Archéologie  de  l'arrondissement  de 
Provins  (Procès-verbal  officiel  de  la  séance  du  jeudi  /  /  janvier 
1895).  —  Présidence  de  M.  Berquier,  vice-président. 

Après  une  longue  discussion  au  sujet  du  Bulletin,  M.  Maillé  lit 
une  notice  très  documentée  sur  les  Seigneuries  de  la  Bertauche  et 
du  Ghâtel  de  Nangis. 

La  Bertauche  ou  Bretêche,  aujourd'hui  ferme,  était  jadis  une 
maison  fortifiée  dépendant  du  châtel  ;  des  tourelles,  des  fossés,  on 
retrouve  quelques  vestiges  assez  importants.  Le  chàtel  avait  une 
église  dédiée  à  saint  Eustache  et  à  sainte  Madeleine;  elle  a  dis- 
paru; le  cimetière  est  actuellement  un  jardin;  la  cure  du  doyenné 
de  Montereau  et  du  diocèse  de  Sens,  était  à  la  nomination  de  l'ar- 
chevêque. En  1198,  le  curé  du  Châtel  avait  à  prendre  chaque  année 
2  boisseaux  de  grain  sur  la  grange  des  Frères  hospitaliers  de  Ram- 
pillon. 

La  paroisse  du  Châtel  dépendit  longtemps  de  Montereau  pour 
l'administration  civile  :  elle  en  supportait  la  taille  et  d'autres 
charges  en  proportion  du  nombre  de  ses  habitants  et  ses  mili- 
ciens y  tiraient  au  sort.  On  connaît  les  procès-verbaux  des  tirages 
au  sort  pour  1748-1759,  des  miliciens  des  paroisses  réunies  de 
Saint-Nicolas  et  Saint-Maurice  de  Montereau,  Saint-Jean  de  Cour- 
beton  et  du  Châtel-lès  Nangis. 

En  1775,  les  gens  du  Châtel  se  plaignent  de  contribuer  dans  une 
trop  forte  proportion  au  paiement  des  tailles  de  Montereau  :  un 
arrêt  du  Conseil  d'Etat  les  modère  à  la  18"  partie  de  leur  taille. 

Au  point  de  vue  féodal,  le  Cliâlel  avait  comme  arrière-fiefs  ;  ceux 
de  Vienne  (La  Croix-en-Brie),  du  Mesnil-les-Nangis,  de  Chartrettes 
et  de  Sermaises  près  Melun  et  de  Changy-Courcelles,  près  Mon- 
tereau. 

Parmi  les  seigneurs  du  Châtel,  M.  Maillé  signale  surtout  :  Pierre 
de  Courtry,  chevalier  qui,  en  1234,  transige  sur  les  droits  seigneu- 
riaux avec  les  moines  de  Saint-Martin  de  Tours,  barons  de  Donne- 
marie;  en  1236,  donne  aux  hospitaliers  de  La  Groix-en-Brie  des 
bois  moyennant  une  messe  quotidienne  et  perpétuelle  pour  tous 
les  défunts  de  sa  famille;  en  1253,  Jean  du  Chastel,  marié  à  la 
fille  de  Pierre  le  Bouteiller,  maître  d'hôte!  ordinaire  de  saint 
Louis  et  seigneur  de  Lizines;  Symon  du  Chastel  et  Jeanne  de 
Primai,  sa  femme,  sur  lesquels  M.  Maurice  Lecomte  possède 
plusieurs  documents  inédits  et  de  fort  curieux  renseignements; 
Jean  II  du  Chastel;  Henry  du  Chastel,  fils  du  précédent,  marié 


CHRONIQUE  297 

à  une  demoiselle  de  Trainel;  en  l3o8,  Liénore  du  Chaslel,  dame 
de  Vitry-en-Brie,  douairière  du  château  de  la  Moite  de  (iurry. 

Le  fief  du  Chastel  passe  au  siècle  suivant  dans  la  famille  de 
Charles  de  Louviers,  seigneur  de  Changy  et  de  Courccllcs,  qui  en 
1544  consent  à  la  clôture  de  la  ville  de  \angis  et  en  laGO  est  repré- 
senté à  la  rédaction  de  la  coutume  de  Melun  par  les  enfants  de 
Raguier.  Le  nom  de  Raguier  est  mêlé  pendant  un  siècle  environ 
à  l'histoire  du  Châtel  et  de  iNaugis;  puis  Louis  Fauste  de  Bri- 
chanteau  réunit  le  fief  du  Châtel  à  la  seigneurie  de  Nangis.  Le 
Ghàtel  devint  une  ferme  et  son  moulin  banal,  dit  de  la  Trappe, 
fut  brûlé  en  1815  par  les  alliés. 

M.  Maurice  Lecomfe,  de  Donnemarie,  dépose  sur  le  bureau  deux 
travaux  de  géographie  historique  dont  il  est  l'auteur: 

1°  Idenlification  de  deux  ateliers  monétaires  mérovingiens  de 
l'Auvergne  :  Vaddonnaco  et  Vaddinnaco,  Vatunaco  :  Gannay  et 
Gannat  (Allier).  Etude  publiée  dans  la  Revue  numismatique, 
4«  trimestre  1894. 

2o  L'extension  sud-est  du  pagus  Meldensis  ou  civitas  Mel- 
dorum  au  VIl^  siècle,  à  propos  d'un  passage  de  la  chronique 
mérovingienne  de  Frédégaire.  M.  Lecomte  développe  sous  les 
yeux  de  ses  collègues  une  grande  carte  de  la  région  de  Crécy-en- 
Rrie  (Crideciaco),  Coulommiers  (Columbario),  Angers  (Albiodero) 
à  l'époque  mérovingienne  et  établit  indiscutablement  à  l'aide  de 
documents  du  vi»  et  du  vii«  siècle  et  du  passage  de  Frédégaire 
qu'il  faut  considérer  comme  limite  sud- est  du  Pagus  Meldensis 
(pays  de  Meaux)  au  vii«  siècle,  l'Aubetin  depuis  Amillis  jusqu'à  sa 
source. 

Ce  travail  qui  réforme  les  opinions  jusqu'alors  admises  par  la 
science  historique  française  et  allemande  a  paru  dans  la  Revue  du 
Moyen-Age  Qsin\\er  i89o). 

M.  Maurice  Lecomte  présente  au  nom  de  MM.  Bergeron  et  Gui- 
tonneau,  membres  de  la  Société,  la  relation,  avec  dessins,  des 
fouilles  faites  par  eux  du  8  avril  au  '2'2  septembre  1894  pour  l'ex- 
ploration d'un  cimetière  gaulois  sur  le  terroir  de  Montigny-Len- 
coup.  La  lecture  de  cette  intéressante  relation,  en  raison  de 
l'heure  avancée,  est  renvoyée  à  la  séance  du  4  avril. 


Société  Historiqce  et  Archéologique  ije  Cu.vteau-Thierrt 
(Séance  du  5  7nars  1895).  —  Présidence  de  M.  Ch.  de  Larivière, 
vice-président. 

M.  Corlieu  a  adressé  un  mémoire  sur  la  Corporation  des  Chirur- 
giens de  Paris  et  le  château  de  Marigny-en-Orxois. 

François  de  la  Peyronie,  chirurgien  du  roi  Louis  XV,  comblé 
d'honneurs,  de  titres  et  de  fortune,  étant  célibataire,  légua,  par 
son   testament  du    18   avril    1747,    sa   terre   de   Marigny  avec  le 


298  CHRONIQUE 

château,  à  la  communauté  des  maîtres  en  chirurgie  de  Paris.  Sa 
sœur,  Mme  issert,  peu  satisfaite  de  la  générosité  de  son  frère,  atta- 
qua !e  testament,  au  Ghâtelet  de  Paris,  puis  au  Parlement.  La  sen- 
tence prononcée  ayant  été  favorable  aux  maîtres-chirurgiens,  la 
corporation  devint  définitivement  propriétaire  du  château  de 
Marigny.  L'administration  d'un  tel  domaine  causait  de  véritables 
embarras  aux  chirurgiens;  aussi  le  vendirent-ils  à  Louis  XV, 
moyennant  deux  cent  mille  livres,  le  ±2  septembre  1740. 

L'intention  du  Roi  n'était  point  d'augmenter,  par  celte  acquisi- 
tion, les  domaines  de  la  Couronne;  aussi  fit-il  insérer  dans  l'acte 
de  vente  qu'il  se  réservait  d'aliéner  la  terre  et  le  château  de  Mari- 
gny dans  un  délai  de  dix  ans;  réserve  faite  t  afin  d'éviter  les 
indemnités  qui  pouvaient  être  dues  aux  seigneurs  dans  la  mou- 
vance desquels  ladite  terre  se  trouve  située  ».  Louis  XV  usa  bientôt 
de  ce  droit;  car,  au  mois  de  janvier  l'oO,  il  donnait  le  domaine  de 
Marigny  à  François  Poisson,  père  de  Jeanne-Antoinette  Poisson, 
marquise  de  Pompadour,  sa  maîtresse  depuis  cinq  ans. 

A  la  mort  de  François  Poisson,  en  17o4,  Marigny  échut  à  son 
fils,  Abel  Poisson,  duc  de  Vendières,  directeur  et  ordonnateur 
général  des  bâtiments  de  Sa  Majesté,  jardins,  etc.,  académies  et 
manufactures  royales;  la  même  année,  cette  terre  fut  érigée  en 
marquisat. 

Abel  Poisson  la  vendit  en  1780  au  marquis  de  Ménars.  Ici  s'ar- 
rêtent les  recherches  de  .^L  Corlieu;  espérons  que  notre  collègue, 
M.  Bigorgne,  voudra  bien  nous  faire  connaître  comment  du 
marquis  de  Ménars  le  domaine  de  Marigny  est  devenu  la  propriété 
de  sa  famille. 

Séance  du  2  avril  1893  (Exlrait  du  procès-verbal).  —  Pré- 
sidence de  M.  Vérette, 

I-  —  Deux  notes  ont  été  fournies  par  M.  l'abbé  Marsaux;  la 
l'"  relative  aux  fondations  faites  par  le  B.  Pierre  Fourier  à 
Soissons,  Laon  et  Château-Thierry  ;  la  2^  a  trait  au  démêlé  et  à  la 
réconciliation  de  Thibaut  de  Champagne  avec  Pierre  de  Bretagne, 
et  à  l'entrevue  des  deux  seigneurs  qui  devait  avoir  lieu  à  Val-Secret, 
à  l'ellet  d'arrêter  les  conditions  du  mariage  de  Thibaut  avec  la  fille 
de  Pierre.  Cette  réunion,  d'après  l'injonction  du  roi,  n'eut  pas  lieu, 
et,  selon  Joinville,  Thibaut  s'en  retourna  à  Château-Thierry. 

II.  —  M.  Corlieu  était  bien  jeune  lors  du  passage  du  roi  Louis- 
Philippe  à  Château-Thierry,  le  0  juin  183i  ;  il  en  a  cependant  con- 
servé un  souvenir  vivace  et  se  plaît  à  raconter  les  fêtes  qui  se  sont 
succédé  pendant  le  séjour  du  monarque.  Il  rappelle  également 
les  discours  prononcés  par  les  autorités  :  M.M.  Poan  de  Sapincourt, 
maire;  Néral  de  Lesguizé,  sous-préfef;  baron  de  Sainte-Suzanne, 
préfet;  et  Marprez,  curé  de  la  ville.  Ce  dernier,  qui  avait  servi 
comme  militaire  avant  son  entrée  dans  les  ordres,  sous  le  maré- 
chal Sjult,  fut  nommé  chevalier  de  la  Légion  d'honi,eur  au  mois 


CHRONIQUE  299 

d'août  1832.  MM.  de  Sapincourt  elNcrat  avaient  reçu  cette  distinc- 
tion le  lendemain  du  départ  de  Sa  Majesté. 

III.  —  M.  Minouflet,  de  Romeny,  a  recueilli  à  Grigny  —  ancien 
oppidum  situé  sur  la  voie  romaine  de  Château-Thierry  à  Soissons, 
près  dOulchy-le-Chàteau, —  entre  autres  objets  anciens,  des  mon- 
naies gauloises.  Aidé  des  conseils  de  M.  Anatole  de  Barthélémy, 
membre  de  l'institut,  il  a  donné  de  ces  pièces,  qui  forment  18 
types  diiïérents,  une  description  qui  ne  laisse  rien  à  désirer. 

IV.  —  Comme  complément  de  la  note  lue  à  la  dernière  séance 
sur  la  fête  de  la  Raison  et  l'honorabilité  de  la  personne  qui  remplit, 
à  contre-cœur,  le  rôle  de  déesse  à  Château-Thierry,  M.  Moulin 
donne  lecture  d'un  passage  du  livre  de  M.  de  Vertus  {Histoire  de 
Coincil,  P^e^  ^t)-  Trois  jeunes  filles  du  bourg  appartenant  à  de 
bonnes  familles,  avaient  été  désignées  par  la  municipalité  pour 
remplir  le  rôle  de  déesse  dans  cette  «  triste  comédie  »;  elles  se 
résignaient  diflicilement  à  «  jouer  cette  farce»,  notamment  Made- 
moiselle X. . . 

L'auteur  ajoute  que,  dans  les  villages  voisins  de  Coincy,  les  fêtes 
de  la  Raison  et  de  l'Etre  suprême  ne  furent  pas  célébrées;  cinq 
jours  après  le  décret  du  11  prairial  i'i\)o,  l'exercice  public  du  culte 
catholique  eut  lieu  dans  nos  campagnes. 


Soc.iÉTK  ACAUÉMinUK  DE  l'Auîîe  ( Séancc  du  15  mars  I8'J5).  — 
Présidence  de  M.  Félix  Fontaine,  président. 

BiiUelin  archéologique  du  Comité  des  Travaux  historiques.  — 
11  y  est  fait  mention  du  travail  de  M.  Le  Clert  sur  des  torques  en 
bronze,  conservés  au  Musée  de  Troyes,  dont  il  vient  de  faire  hom- 
mage à  la  Société. 

Revue  historique  et  archéologique  du  Maine.  —  Mémoire  de 
de  Martin  Berruyer,  évêque  du  Mans,  pour  la  réhabilitation  de 
Jeanne  d'Arc. 

Mémoires  de  la  Société  académique  de  l'Oise.  —  Notice  de 
M.  F'aul  Pérot,  contenant  des  détails  qui  peuvent  intéresser  la  ville 
de  Troyes.  L'auteur  y  fait  une  élude  sur  la  noblesse  de  Jean  Juvé- 
nal  des  Ursins,  successeur  de  Cauchon  sur  le  siège  de  Reauvais.  Les 
Juvénal  des  Ursins  se  targuaient  d'appartenir  à  l'illustre  famille  des 
Orsini.  M.  Paul  Pérot  conteste  celte  origine  et  prouve,  par  divers 
documents  que  Jean  Juvénal  des  Ursins  serait  simplement  le  lils 
d'un  marchand-drapier  de  Troyes,  habitant  une  maison  de  la  rue 
Cbampeaux.  ('e  n'est  que  vers  14.17  ou  I  i.iS  que  la  famille  Jou- 
venel  aurait  modifié  son  nom,  et  l'évêque  de  Hcauvais  ne  portail 
que  le  nom  roturier  de  Jean  Jouvenel,  quand  il  fui  inironisé 
évêque  de  Beauvais,  en  1  i3'2. 

Lectuues  kt  Commiunications  des  Membres 
A  l'occasion  des  recherches  de  M.   Paul  Pérot  sur  Juvénal  des 


300  CHRONIQUE 

Ursins,  M.  Le  Clert  dit  qu'il  a  fait,  lui  aussi,  des  recherches  sur  la 
famille  Juvénal  des  Lrsiiis  ;  il  a  trouvé  beaucoup  de  familles  portant 
le  nota  de  Juvenel,  il  ne  sait  à  quelle  époque  les  Juvenel  ont  pos- 
sédé l'hôtel  des  Ursins;  il  suppose  que  c'est  au  commencement  du 
xve  siècle;  il  pense  qu'ils  ont  pris  le  nom  de  leur  hôtel  après  l'avoir 
acheté.  Cet  hôtel  venait  peut-être  des  Orsini. 

M.  de  la  Boullaye  communique,  au  nom  de  M.  Vallée,  sous-pré- 
fet de  Bar-sur-Aube,  une  lettre  de  Claude,  abbé  de  Clairvaux  au 
xvii«  siècle,  adressée  à  M.  Piiliard  hls,  troyen. —  Cette  lettre  parle 
d'un  objet  d'art  qui  se  trouvait  à  l'abbaye  de  Clairvaux,  le  taber- 
nacle, et  donne  sur  lui  de  curieux  détails.  Cette  lettre  pourrait 
figurer  dans  VAnnuaire  ou  dans  les  Mémoires. 

Séance  du  19  mai  fS95.  —  Présidence  de  M.  Félix  Fontaine, 
président. 

Ouvrages  offe;pts 

Par  M.  Truelle  Saint-Evron,  membre  correspondant  :  Observa- 
tions sur  rilalic  et,  les  Italiens,  par  Crosley,  4  volumes; 

Le  Bibliophile  troyen,  exemplaire  richement  relié,  ayant  appar- 
tenu à  Louis  Ulbach; 

Les  livres  populaires,  No'éls  et  cantiques,  imprimés  à  Troyes, 
par  Alexis  Socard; 

La  Satire  Ménippèe,  elzévir  de  1077,  en  état  exceptionnel. 

Lectures  et  Commuisications  des  Membres 
M.  Des  Guerrois,  à  qui  avait  été  renvoyé  le  volume  de  poésies  de 
M.  Charles  Gros,  Sous  l'étoile,  lit  une  étude  complète  sur  cette 
œuvre  qui  se  présente  sous  un  noble  pavillon.  11  y  constate  l'abon- 
dance lyrique  et  les  riches  images  au  service  des  belles  idées.  La 
première  partie,  Aines  d'ancêtres,  présente  des  imitations  très 
heureuses  de  Boccace  et  de  Chaucer;  la  seconde.  Vie  èparse,  a 
quelque  chose  de  plus  personnel  et  de  plus  d'intérêt  par  consé- 
quent; c'est  une  poésie  plutôt  souriante  que  lugubre.  Fleur- 
d'Epine,  le  canton  de  Franche-Comté  où  le  poète  a  vécu,  lui  rap- 
pelle de  doux  souvenirs;  c'est  une  des  perles  du  volume.  La  pièce 
qui  a  pour  titre  ce  seul  mot  :  Hymne,  grand  dans  sa  simplicité, 
est  un  magnifique  souvenir  de  Dante.  Le  nouveau  Rhin  emporte 
le  lecteui  dans  un  ordre  d'idées,  plus  austère  et  de  moins  de 
charme.  La  troisième  partie,  Homo,  est  belle  de  passion  militante 
et  farouche,  mais  elle  nous  met  brutalement  en  face  de  perspec- 
tives attristantes;  il  faut  écarter  ces  menaces  et  s'en  tenir  à  ce 
dernier  vers  où  se  peint  mieux  le  cœur  du  poète  : 

La  foi  des  jours  meilleurs  sera  la  charité. 

.M.  Le  Clert  fait  savoir  à  la  Société  que  son  attention  est  attirée 
par  les  fouilles  qui  se  font  actuelletnent  dans  les  rues  de  la  ville 
pour  l'installation  des  eaux.  Un  employé  de  l'Administration  sur- 
veille les  découvertes  que  ces   louilles   pourraient   amener.  Un  a 


CHRONIQUE  301 

trouvé  déjà  une  vieille  mesure  en  bronze,  une  clé  gothique  du 
commencement  du  xiii«  siècle  et  des  monnaies;  si  l'on  découvre 
d'autres  objets,  M.  Le  Clert  se  propose  de  les  recueillir  pour  le 
Musée. 

Elections  et   Présentations 

L'ordre  du  jour  appelle  rélectioii  d'un  membre  résidant  dans  la 
section  des  Lettres,  en  remplacement  de  M.  Savetiez,  décédé.  11  est 
donné  lecture  des  propositions  faites  par  la  section,  on  procède 
ensuite  au  scrutin,  et  M.  Tenting,  ayant  obtenu  la  majorité 
absolue,  est  élu  membre  résidant  dans  la  section  des  Lettres. 

M.  Paul  Audigé  est  élu  membre  correspondant. 

MM.  le  docteur  Gustave  Lorey,  Gabriel  Cabat,  sous-chef  de 
bureau  au  Ministère  des  Finances,  et  Gaston  Barthélémy,  sont 
proposés  comme  membres  correspondants. 

Pendant  le  scrutin,  M.  l'abbé  Nioré  signale,  dans  un  numéro 
de  la  Romania,  qui  lui  a  été  renvoyé  au  cours  de  la  séance,  un 
article  de  M.  Gaston  Paris  sur  l'origine  de  la  Danse  macabre.  Le 
mot  macabre  est  un  nom  propre  ;  il  serait  le  même  que  mackabee; 
ce  serait  le  nom  d'un  français  vivant  au  xiv  siècle.  Peut-être  est-ce 
celui  du  peintre  qui  a  le  premier  représenté  une  danse  lugubre  dans 
laquelle  la  Mort  appelle  tour  à  tour  les  humains  de  toute  condi- 
tion. 

La  séance  est  levée  à  cinq  heures. 

■  »    » 
Château  de  Belleaucourt-Coulommes,  6  avril  1895. 

<  Monsieur, 

Je  viens  de  lire,  dans  la  Revue  de  Champagne  de  novembre 
dernier,  l'intéressante  Topographie  ardennaise,  extraite  par 
M.  Jadart  des  affiches  Havé,  mine  trop  peu  explorée  jusqu'ici. 

Je  suis  à  même  de  fournir  quelques  renseignements  complétifs 
sur  les  deux  fiefs  de  Bro/iville  (et  non  Browville)  et  du  Griffon,  sis 
au  terroir  de  Terron-sur-Aisne  :  car  ils  ont  appartenu  à  quatre  ûe 
mes  ascendants,  Nicolas,  Philippe  et  Jean  Moët,  tous  trois  succes- 
sivement écuyers,  seigneurs  de  Brouillet,  puis  Jean  Moët,  écuyer, 
seigneur  de  Louvergny,  fils  de  Jean  précité.  Grâce  à  ce  fait,  je 
possède  sur  ces  deux  fiefs  des  chartes  originales. 

Nicolas  Moët  est  parfois  qualifié  écuyer,  seigneur  de  liranville 
(acte  de  partage  du  il  décembre  1593  par  ex.).  Ce  titre  se  trouve 
par  la  suite  continué  dans  la  branche  issue  de  son  fils  Thierry 
Moët,  marié  à  Anne  le  Bel;  d'où  la  branche  Moct  dite  de  bronoille 
(voir  Caumartin). 

Philippe  Moët,  né  vers  l.'i.oO,  décédé  en  ItilO,  fils  de  Nicolas, 
avait  une  sœur  Jeanne,  mariée  à  Jean  Cauchon,  écuyer,  seigneur 
de  Muison,  et  du  /ief  de  Griffon  (sans  doute  du  chef  de  sa  femme). 

Lors  de  la  mort  de  sa  sœur,  Philippe  hérita  de  la  seigneurie  du 


3U2  CHRONIQUE 

Griffon,  et  en  1C02  il  en  donna  un  dénombrement  à  Henry  de 
Mazancourt,  chevalier,  gentilhomme  de  la  Maison  du  Roi,  seigneur 
du  Plessié,  et  des  Grandes-Armoises. 

Il  est  bon  de  remarquer  que  Jeanne  Moët  était  sœur  de  Philippe, 
mais  d'un  premier  lit.  Avant  d'épouser  Guillemette  de  l'Hospilal, 
Nicolas  s'était  marié  en  premières  noces  à  une  demoiselle  N.  Coque- 
bert :  j'ai  relevé  dans  mes  papiers  certains  indices  de  cette  double 
alliance,  et  elle  se  trouve  confirmée  par  la  présence  des  écussons 
Moët-Goqueberl,  accolés  au-dessus  d'une  cheminée  en  Ihôtel  du 
vicomte  Werlé,  rue  du  Marc,  à  Reims,  ancienne  résidence  de 
Nicolas,  comme  en  l'ait  foi  notre  charlrier. 

Pour  en  revenir  au  dénombrement  en  question,  il  relate  l'an- 
tique maison  forte  du  Griffon,  déjà  entièrement  démolie  à  celte 
époque,  sans  doute  à  la  suite  de  la  mise  à  sac  de  1591.  Il  me 
semble  qu'on  pourrait  s'en  aider  pour  retrouver  sur  les  lieux 
Ccmplacemenl  de  la  Molle  féodale. 

Ci-dessous  le  résumé  de  cette  pièce  : 

Desnombrement  du  Griffon  pour  noble  Homme  Phle  de  Mouet  (sic), 
escuyer,  procureur  du  Roy  à  Reims. 

C'est  l'adveu  et  desnombrement  que  Phélippe  Moet,  escuier,  sieur  de 
lîrouillet,  Procureur  du  Roy  N.  S.  aux  baillage  de  Vermandois,  siège 
Royal  et  Présidial  de  Reims,  baille  à  honoré  seigneur  Henry  de  Mazan- 
court, escuier,  sieur  du  Plessié  et  des  Grandes  Armoizes,  des  liéritaiges  que 
il  tient  en  fief,  f'oy  et  hommaige,  dudict  seigneur,  à  cause  de  son  chastel 
desdictes  Armoizes  :  Assavoir  :  la  raoiclié  par  indivis,  parlissant  contre 
Pierre  Lecguisé,  petit  filz  et  seul  héritier  de  feu  Jean  Gauchon,  vivant 
escuier,  sieur  de  Muison,  des  héritages  du  fief  de  Bronville  et  du  Grifj'on, 
assis  au  terroir  de  Vendy  et  Terron  sur  Ayae,  à  moy  advenu  par  la  suc- 
cession de  feu  damoiselle' Jeanne  Moët,  ma  soeurs,  vivant,  femme  dudict 
Jeau  Gauchon,  sieur  de  Muison.  Premier  :  une  place  où  soulloit  estre 
antiennement  ung  cliasteau  fermé  de  fossés,  appelle  la  forteresse  du 
Griffon,  contenante  environ  six  quarteles.  Item  ung  jardin  derrière  ladicle 

forteresse.  Item    deux (lacune)...    de   maison  appelle    la   maison  de 

'Bronville  avec  la tenant   à    icelle  maison.  Item   un  jardin  appelle  le 

Courtil  Dame  Gilles etc 

(ici  une  énumération  de  terres  sans  intérêt) Une  autre  pièce  appelle  le 

Cloux,  piès  \e  jardin  du  '  rijfon  royé  le  Prévost  d'Escharson  d'une  part  et 
le  ruisseau  de  Vendy  d'aultre  part,  budant  d'un  bout  au  ruisseau  du  Moulin, 
et  d'aultre  au  chemin   des  Prez,    contenante  cincq   fauchées  au  jardin    du 

Griffon etc. . .  Pour  lesquelz  héritaigss  cy  dessus  spécifiez  luy 

peuvent  valloir  par  commune  année  la  somme   de  cincquante  Livres 

En  tesmoing  de  quoy  j'ai  signé  le  présant  desnombrement  de  mon  nom  et 
signe  manuel  et  icelluy  scellé  de  mon  scel  et  armoyrie  de  mes  armes  à 
Rbeims  ce  1!j»  jour  de  novembre,  mil  six  cens  et  deux. 

Ainsi  signé  :  Mouet  {sic). 
H.  Gallot. 
[illisible.) 

Conlrescellé  et  contresigné  par  Messire  IlENay  de  Mazancourt. 

Les  noms  des  principaux  propriétaires  riverains  mejilionnés  dans 
l'acte  complet  sont  ceux  des  danioiselles  d'Aultrecourt  et  du  Lorry. 


CHRONIQUE  303 

Les  entants  de  Jean  Moët  se  partagèrent  sa  succession  par  acte 
en  date  du  23  juin  1693  (où  Jean  Maillefer  représente  «  Messire 
Jean-Baptiste  de  la  Salle,  prestre^  docteur  en  théologie,  demeu- 
rant à  Paris  »),  et,  selon  la  coutume  du  Verniandois,  le  Griffon 
fut  attribué,  moitié  par  préciput  à  l'aîné,  Nicolas  Moët  de  Brouillet, 
et  moitié  à  tous  les  autres  co-liériliers. 

Mais,  par  vente  du  20  février  ltj98,  MM.  de  la  Salle  et  Maillefer 
abandonnèrent  à  MM.  Mot-t  de  Dugny  et  Jean  Moët  de  Louvergny, 
frères  cadets  du  précédent,  leurs  parts  de  fief  de  Brouillet,  Terron- 
sur-Aisne  et  Dugny.  Depuis  lors  le  nom  du  Grifton  ne  se  rencontre 
plus  dans  les  papiers  de  la  famille  .Moët. 

Eu  me  laissant  entraîner  à  une  communication  d'une  pareille 
longueur,  j'ai  été  guidé  par  l'espoir  peut-être  téméraire  d'être 
assez  heureux  pour  fournir  un  renseignement  utile  aux  érudits  de 
la  région;  et  quoi  qu'il  en  soit,  Monsieur,  je  vous  prie  de  vouloir 
bien  agréer  l'assurance  de  mes  sentiments  les  plus  distingués.  » 
Baron  bu  Pin  de  la  Guérivière, 
Membre  du  Conseil  Héraldique  de  France. 


Centenaire  du  Baptême  de  Clovis  a  Reims.  —  De  grandes  fêtes 
seront  données  l'an  prochain  sur  l'initiative  de  S.  E.  le  cardinal- 
archevêque  Langénieux,  en  mémoire  du  baptême  de  Clovis  à 
Keims.  11  s'agit,  dans  la  pensée  de  l'archevêque  de  Reims,  de 
commémorer  le  quatorzième  centenaire  de  la  conversion  de  la 
France  au  Christianisme.  Le  projet  de  célébrer  cet  anniversaire  a 
été  accueilli  partout  avec  enthousiasme.  Pouvait-il  en  être  autre- 
ment dans  uu  pays  comme  le  nôtre  et  pour  une  cause  aussi  patrio- 
tique? Un  encouragement  est  venu  de  plus  haut  encore.  Sa  Sain- 
teté Léon  XIll  a  béni  le  projet  et  a  daigné  accorder  la  faveur  d'un 
jubilé  dont  les  précieux  avantages  pourront  être  recueillis  pendant 
six  mois. 

Le  programme  des  fêtes  n'est  pas  encore  arrêté,  mais  des  Com- 
missions ont  été  nommées  et  travaillent  à  son  élaboration. 

On  peut  prévoir  dès  maintenant  que  le  16  janvier  \X%  la  célé- 
bration habituelle  de  la  fête  de  saint  Rémi  sera  comme  l'annonce 
de  la  prochaine  ouverture  des  solennités  du  centenaire.  Le  jubilé 
accordé  à  la  France  par  le  Pape  commencera  à  Pâques.  A  partir 
de  ce  jour,  des  pèlerinages  venus  des  divers  points  de  la  France 
se  succéderont  au  baptistère  de  la  cathédrale  de  Reims  et  au 
tombeau  de  Saint-Remi.  Les  divers  Congrès  de  piété  et  d'œuvres 
sociales  qui  se  tiennent  chaque  année  en  France  seront  invités  ù 
choisir  Reims  pour  théâtre  de  leurs  assises  en  1896. 

De  grandes  fêtes  auraient  lieu  le  l'"^  octobre,  à  l'occasion  de  la 
translation  des  reliques  de  saint  Renii  et,  le  25  décembre,  eu 
mémoire  du  baptême  de  Clovis  et  de  ses  guerriers. 


304  CHRONIQUE 


Dans  un  article  sur  la  Cathédrale  de  Reims,  publié  par  Y  Univers^ 
et  reproduit  par  un  journal  de  Reims,  le  23  février  nous  lisons  : 

«...  Autour  du  chœur  existait  encore  une  clôture  en  pierre,  remarqua- 
blement sculptée. 

L'art  du  sculpteur  avait  épuisé  tout  son  génie  pour  broder,  festonner, 
ciseler,  découper  à  jour,  denteler  cette   pierre.  » 

Jusqu'au  xive  siècle,  le  chœur  n'avait  eu  qu'une  simple  clôture 
massive,  à  hauteur  d'appui.  La  multiplicité  des  fondations  et  des 
offices  obligeant  le  clergé  à  rester  longtemps  dans  l'église,  donna 
naissance  à  de  hautes  fermelures. 

En  1390,  l'archevêque  P'erri  Cassel,  par  testament,  légua  un 
coffret  en  dépôt  à  Saint-Remi,  avec  1,000  livres,  pour  faire  au 
chœur  une  clôture  semblable  à  celle  de  Notre-Dame  de  Paris.  Le 
projet  ne  fut  pas  exécuté. 

Les  nmrs  de  clôture  étaient  massifs,  avec  quelques  ouvertures, 
en  forme  d'arcades,  soutenues  par  des  piliers. 

«  A  coslé  de  l'autel  de  la  Magdeleine,  dit  Cocquault,  de  part  et  d'autre 
en  la  clôture  sont  ouvertures  faites  par  arcades,  au  nombre  de  six  de 
chaque  côté,  portant  un  pied  de  roy  et  plus,  avec  petits  piliers  au  milieu 
de  cet  ouvrage,  pour  voir  l'élévation  du  Saint-Sacrement  en  la  messe. 

«  Comme  de  mesme,  au  grand-autel,  où  sont  ouvertes  en  la  muraille  de 
la  closture  du  chœur,  comme  dit  est  dessus,  mais  plus  grandes,  au  nombre 
de  douze  d'une  part  et  neuf  de  l'autre.  »  (Cocquault,  Description  de  Noire- 
Dame.) 

Le  côté  où  il  n'y  avait  que  neuf  ouvertures  était  vraisemblable- 
ment celui  où  était  placé  le  Sacrarium. 

Contre  cette  muraille,  percée  d'ouvertures,  on  suspendait  à  l'in- 
térieur les  magnifiques  tapisseries  offertes  par  les  Archevêques  de 
Reims. 

A  l'extérieur,  cette  clôture  en  pierre,  dit  M.  L.  Paris,  était  ornée 
de  peintures  historiques.  Rien  ne  prouve  l'assertion  du  savant  his- 
torien. 

Le  chœ,ur  était  fermé  par-devant  par  un  admirable  jubé  de  1417, 
d'une  très  grande  richesse.  Seul,  il  était  sculpté,  «  comme  une  pâte 
jetée  en  moule,  »  dit  Lacourt. 

[CouîTier  de  la,  Champagne.)  Cli.  Cerf. 


Le  maire  de  Troyes  a  présidé,  le  31  mars,  la  distribution  des 
prix  fondés  par  M.  Doublet,  en  faveur  des  ouvriers  et  ouvrières 
qui  ont  dignement  élevé  leurs  familles  : 

M-"  veuves  Dernois,  Colin,  Wenizerger,  Nell  et  Jergelot,  MM.  Biaise, 
Burg,    Muller,    Tonuelot   et    Kauifmanu    ont   obtenu    des  prix    de  000  fr.  ; 


CHRONIQUK  30;j 

\iiin»    veuves    Banhallazer   et   Gremout,     MM.    Suinot,    Strassel,    Albert 
Fabvay,  Crevot  et  Raie,  îles  prix  de  300  (r. 

Particularité  à  signaler  :  M'"'=  Dernois  a  eu  vingt-sept  enfants. 


Une  délicieuse  pensée  sur  Jeanne  d'Arc,  tirée  du  Vei'fjev  philo- 
sophique d'Anatole  France,  dans  VEcho  de  Paris  : 

Sur  Jeanne  d'Arc. 

Elle  est  sortie  de  la  poésie  populaire  et  chrélieune,  des  litanies  de  la  Vierge 
et  de  la  Légende  dorée,  des  merveilleuses  histoires  de  ces  épouses  de  Jésus- 
Christ  qui  mirent  sur  la  robe  blanche  de  la  virginité  la  robe  rouge  du  mar- 
tyre. Elle  est  sortie  des  sermons  fleuris  dans  lesquels  les  fds  de  saint 
François  exaltaient  la  pauvreté,  la  candeur  et  l'innocence;  elle  est  sortie 
de  la  féerie  éternelle  des  bois  et  des  fontaines,  de  ces  contes  naïfs  des 
aïeules,  de  ces  récits  obscurs  el  frais  comme  la  nature  qui  les  inspire,  où 
les  filles  des  champs  reçoivent  des  dons  surnaturels  ;  elle  est  sortie  des 
chansons  de  la  terre  des  chênes,  où  vivaient  d'une  vie  mystérieuse  Viviane 
et  Merlin,  Arthur  et  ses  chevaliers;  elle  est  sortie  de  la  grande  pensée  qui  fit 
épanouir  la  rose  de  l'eu  au-dessus  des  portails  des  églises  ;  elle  est  sortie 
des  prophéties  par  lesquelles  les  pauvres  gens  du  royaume  de  France  pres- 
sentaient un  avenir  meilleur;  elle  est  sortie  de  l'extase  et  des  larmes  de  tout 
un  peuple  qui,  dans  les  jours  de  misère,  vit,  comme  Marie  d'Avignon,  des 
armes  dans  le  ciel  et  n'espéra  plus  qu'en  sa  faiblesse. 

Elle  est  pétrie  de  poésie,  comme  le  lis  de  rosée;  elle  est  la  poésie  vivante 
de  cette  douce  France  qu'elle  aima  d'un  merveilleux  amour. 


[/actualité  est  aux  hommes  de  la  Révolution. 

Une  curieuse  polémique  s'est  élevée,  ces  jours-ci,  entre  histo- 
riens, à  l'effet  d'établir  une  fois  pour  toutes,  si  le  célèbre  conven- 
tionnel Danton  a  fait  exhumer,  à  son  retour  de  Belgique,  le  cadavre 
de  sa  première  femme,  la  pieuse  (Jabrielle  Charpentier,  morte 
pendant  son  absence. 

M.  G.  Lenôtre,  le  savant  auteur  de  Paris  révolutionnaire,  vient 
de  découvrir,  à  ce  propos,  un  document  précieux  qui  règle  la 
question  d'une  façon  définitive. 

C'est  le  catalogue  des  ouvrages  de  pemlure  et  de  sculpture 
exposés  au  Salon  du  Louvre,  le  10  aoîit  1793.  Le  chapitre  de  la 
sculpture  porte,  en  ell'et,  au  n"  78  :  «  Un  buste-portrait  de  la 
citoyenne  Danton,  exhumée  et  moulée  sept  jours  après  sa  mort, 
par  le  citoyen  Deseine,  sourd  et  muet.  » 

Qu'en  pensent  les  farouches  historiens  qui,  refusant  au  conven- 
tionnel toute  ombre  de  sentimentalité,  s'évertuent  à  démontrer 
que  Danton  professait  le  matérialisme  le  plus  irréductible? 

C'est  là  une  erreur  absolue,  ainsi  que  le  constate  Michelet  lui- 
même  dans  son  histoire,   dont  un  des  chapitres  nous  montre  le 

20 


306  CHRONIQUE 

fameux  conventionnel  se  remariant  dans  une  famille  royaiisle 
ei  devanl  un  prêtre.  (Gaulois.) 

*    * 

M.  Charles  Rabourdin,  d'Héricy-sur-Seine  (Seine-et-Marne),  s'est 
livré,  depuis  dix  ans,  à  un  travail  considérable,  qu'il  vient  de  ter- 
miner et  de  présenter  aux  membres  du  Conseil  supérieur  de  la 
Société  nationale  d'encouragement  au  bien. 

Il  s'agit  d'un  dictionnaire  biographique  des  personnages  illustres 
du  département  de  Seine-et-Marne. 

On  comprend  de  suite  les  utiles  services  que  peut  rendre  un  tel 
ouvrage  pour  tous  ceux  qui  auront  des  recherches  à  faire  sur  les 
événements  et  les  personnages  —  et  ils  sont  nombreux  —  qui  se 
rattachent  à  la  Seine-et-Marne.  Peu  de  départements  offrent  une 
telle  réunion  d'hommes  illustres,  grâce  à  Melun,  qui  fut  le  Ver- 
sailles des  premiers  Capéiiens;  Fontainebleau,  qui  devint  à  son 
lour  la  résidence  préférée  du  plus  grand  nombre  de  nos  rois; 
Provins,  où  la  dynastie  des  Thibaut,  rois  de  Navarre,  comtes  de 
Champagne  et  de  Brie,  tenaient  leur  cour.  Ces  trois  villes  ont  vu 
s'accomplir  une  grande  partie  des  événements  les  plus  marquants 
de  notre  histoire  et  défiler  dans  leurs  murs  ou  résider  dans  leur 
voisinage,  en  dehors  du  cortège  habituel  de  souverains,  des  illus- 
trations de  tous  genres  et  de  tous  pays. 

L'œuvre  de  M.  Rabourdin,  commencée  en  1884  et  terminée  ces 
jours  derniers,  est  des  plus  désintéressées;  l'auteur  s'est  contenté 
de  la  rédiger  et  d'en  remplir  10  volumes  manuscrits  qu'il  n'a  pas 
fait  imprimer.  Il  en  fera  don  aux  archives  du  département,  où  les 
chercheurs  pourront  les  consulter  et  en  tirer  un  utile  profit. 

M.  Rabourdin  a  droit  à  la  gratitude  des  chercheurs  futurs;  nous 
nous  faisons  un  plaisir  de  signaler  son  dictionnaire  biographique 
des  personnages  illustres  de  Seine-et-Marne,  et  de  le  féliciter  de 
son  travail  qui  devrait,  dans  les  autres  départements,  être  égale- 
ment entrepris.  (L'Abeille  de  Fontainebleau.) 

* 

¥      ♦ 

Les  travaux  de  la  nouvelle  église  de  Neufchâtel-sur-Aisne  (Aisne) 
touchent  à  leur  fin.  Le  maitre-autel  est  posé,  les  deux  sacristies 
sont  à  peu  près  terminées;  il  n'y  a  plus  que  le  carrelage  et  l'on 
s'en  occupe  activement  ;  les  sculpteurs  travaillent  aux  chapiteaux 
du  porche,  tous  les  vitraux  sont  posés.  M.  le  curé  bénira  l'église 
prochainement  pour  pouvoir  dire  la  première  messe  le  jour  de 
Pâques. 

L'église,  de  style  Renaissance,  pourra  être  classée  parmi  les  plus 
belles  de  noire  diocèse,  elle  fait  honneur  aux  habitants  de  Neuf- 
châtel  et  surtout  à  l'insigne  bienfaitrice,  M"»*  Hourlier-Fournaise, 
de  Reims. 


CHRONIQUE  307 

* 

La  maquette  au  dixième  du  monument  de  Carnot,  destiiu'  à  la 
place  de  l'Hôtel-de-Ville  de  Chàlons,  est  terminée. 

Une  modification  a  été  apportée  au  projet  primitif:  le  soldat 
qui  montait  la  garde  au  pied  du  groupe  principal  sera  placé  au 
pied  de  la  colonne  de  Matignicourt. 

Une  nouvelle  maquette  va  être  faite  au  tiers  de  la  grandeur 
d'exécution,  c'est  Talfaire  de  trois  ou  quatre  mois;  pour  terminer 
l'œuvre  définitivement,  il  faudra  neuf  à  dix  mois.  Le  moulage  et 
la  fonte  demanderont  au  minimum  un  délai  de  trois  ou  quatre 
mois. 

C'est  donc  au  plus  tôt  à  la  fin  d'août  189C,  lors  de  la  réunion  du 
Conseil  général,  que  le  monument  pourra  être  inauguré,  s'il  ne 
survient  ni  retard,  ni  obstacle  imprévu. 


Découverte  archéologique  a  Reims.  —  Un  sarcophage  d'origine 
gallo-romaine  a  été  découvert  récemment  à  Reims,  sur  l'emplace- 
ment que  doit  occuper  la  Maison  de  convalescence.  Cette  décou- 
verte, appelée  à  enrichir  les  collections  du  Musée  de  Reims,  est 
due  aux  patientes  et  intelligentes  recherches  de  JVl.  Habert,  conser- 
vateur, et  d'un  habile  ouvrier,  M.  Jules  X. . .,  qui  le  seconde. 


M.  Léon  Harmel,  du  Val-des-Rois,  près  Warmériville  (Marne), 
a  fait,  le  28  mars,  à  Rome,  une  conférence  applaudie  sur  la  ques- 
tion sociale  ouvrière,  chez  les  Pères  Augustins  de  l'Assomption, 
en  présence  des  cardinaux  Vaughan,  Schonborn  et  Macchi,  et  de 
300  personnes. 

M.  Harmel  a  rendu  compte  des  progrès  réalisés  en  France  par 
l'action  sociale  catholique  et  il  a  constaté  l'union  entre  les  œuvres 
de  la  religion  de  l'Est  et  celle  du  Nord. 


Le  dimanche  24  mars,  sur  la  gracieuse  invitation  de  M.  Appert- 
Pérardel,  de  l'Epine,  MM.  Bosteaux,  de  Cernay-les-Reims,  et 
Schmidt,  de  Chàlons,  correspondants  de  l'Ecole  d'anthropologie 
de  Paris,  se  sont  rendus  au  plateau  du  mont  Thonié,  près  l'Epine, 
où  le  propriétaire  leur  signalait  un  cimetière  gaulois. 

Grâce  au  bienveillant  concours  de  leur  hôte,  malgré  les  bour- 
rasques chargées  de  pluie,  malgré  la  fouille  antérieure  déjà 
ancienne  d'une  partie  des  sépultures  qui  furent  mises  au  jour,  les 
ardents  investigateurs  s'en  retournèrent  munis  d'intéressants  spé- 
cimens de  l'époque  marnienne. 


308  CHRONIQUE 


On  peut  voir  en  ce  moment  à  la  vitrine  de  M.  Michaud,  libraire 
à  Reims,  rue  du  Cadran-Saint-Pierre,  une  fort  belle  reconstitution 
de  la  grande  rosace  de  la  cathédrale.  Ce  travail  archéologique  est 
l'œuvre  de  M.  Paul  Simon,  de  Reims,  qui  se  propose  de  l'envoyer 
à  l'Exposition  des  Beaux-Arts  des  Champs-Elysées,  ofi  il  sera  cer- 
tainement remarqué. 


Nous  sommes  heureux  d'apprendre  que,  par  décret  du  16  mars, 
M.  Burlin,  colonel  du  89'^  de  ligne,  a  été  promu  général  de  brigade 
et  désigné  comme  adjoint  au  commandant  supérieur  de  la  défense 
des  places  du  groupe  de  Belfort. 

M.  le  général  Burlin  est  originaire  de  Fumay  (Ardennes). 


Parmi  les  sous-officiers  d'artillerie  admis  à  suivre  l'Ecole  mili- 
taire d'artillerie  et  du  génie  en  1895-1896,  il  nous  faut  citer  le 
nom  de  M.  François  Willième,  maréchal  des  logis  au  4«  bataillon 
d'artillerie  à  pied,  qui  ligure  sur  la  liste  avec  le  n°  3  sur  80  can- 
didats admis. 

M.  Willième  fait  partie  de  la  o«  batterie  qui  compte  six  sous- 
officiers  ardennais.  11  est  originaire  de  Warcq,  oii  habite  encore 
sa  famille. 


Par  arrêté  en  date  du  27  février  1893,  M.  Piquet,  directeur  de 
l'Ecole  normale  de  Varz»  (Nièvre),  a  été  nommé  directeur  de 
l'Ecole  normale  de  Châlons  sur-Marne,  en  remplacement  de 
M.  Mathieu,  qui  a  reçu  une  autre  destination. 


Un  jeune  officier  originaire  de  Vitry  le-Fi'ançois,  le  lieutenant 
Henri  Moll,  frère  du  lieutenant  Xavier  Moll,  tué  au  Tonkin,  il  y  a 
deux  ans,  vient  de  se  signaler,  au  Tonkin  également,  en  désarmant 
par  un  hardi  coup  de  main  une  bande  de  partisans.  Cinq  d'entre 
eux  ont  été  faits  prisonniers.  Le  lieutenant  a  eu  son  képi  troué  de 
balles  et  a  tué  de  sa  main  un  de  ses  adversaires. 

* 

M.  Etienne  Krier,  élève  de  l'Ecole  régionale  des  Arts  industriels 
de  Reims,  vient  d'être  admis  à  l'Ecole  nationale  des  Beaux-Arts 
de  Paris,  section  de  peinture,  au  concours  de  février  dernier, 

* 


CHRONIQUB  JO^ 

Dans  sa  dernière  séance,  le  Conseil  municipal  de  Châlons  a 
refusé  l'offre  de  M.  le  docleur  Mohen  qui,  dans  son  leslament, 
déshéritait  ses  enfants  au  prolit  de  la  ville  de  Châlons;  mais  il  a 
accepté  les  dons  faits  par  les  enfants  du  docteur,  M.  et  M"e  Vincent, 
d'Avize,  et  qui  comprennent  une  collection  de  monuments  sculptés, 
un  christ  en  ivoire  et  divers  objets  d'art. 


La  musique  a  Reims.  —  La  Société  rémoise  de  musique  clas- 
sique et  moderne  a  déjà  donné  cette  année  trois  séances,  d'au- 
tant plus  assidûment  suivies  des  amateurs  que  le  programme,  fort 
attrayant  et  très  brillan)ment  exécuté,  comportait  à  côté  des 
œuvres  de  maîtres  tels  que  Beethoven,  Chopin,  etc.,  des  compo- 
sitions d'artistes  rémois,  MM.  Théodore  Dubois,  J.-A.  Wiernsber- 
ger,  et  Ernest  Lefèvre. 

—  Une  de  nos  charmantes  compatriotes  rémoises.  M"'  Marthe 
Desmoulin,  qui  a  obtenu  l'an  dernier  le  premier  prix  de  piano  au 
Conservatoire,  s'est  fait  entendre  avec  succès  en  divers  concerts 
donnés,  dans  ces  derniers  temps,  chez  M™e  Rosine  Laborde,  le 
célèbre  professeur  du  Conservatoire,  à  l'amphithéâtre  de  la  Sor- 
bonne,  et  enfin  à  la  salle  Pleyel,  le  20  mars  dernier, 

M'l«  Desmoulin  est  la  fille  de  M.  Auguste  Desmoulin,  le  sympa- 
thique écrivain  et  amateur  d'art,  qui  est  allié  à  l'une  des  plus 
honorables  familles  de  l'arrondissement  de  Reims,  et  s'est  établi 
depuis  quelques  années  à  Paris. 

—  Le  14  mars  a  été  donnée  au  théâtre  de  Reims  la  première 
représentation  de  deux  œuvres  rémoises  :  La  Veillée  de  Jeanne 
d'Arc,  une  scène  lyrique  de  M.  Ernest  Lefèvre,  paroles  de 
M.  J.-B.  Gheusi,  et  une  comédie  en  vers,  Le  Nid,  premier  essai 
d'un  jeune  poète  de  notre  ville,  M.  G.  Périn. 

Sans  avoir  l'importance  et  les  développements  du  Prieur  de 
Saint-Basle,  composition  étincelante  de  jeunesse,  de  fraîcheur  et 
de  poésie,  par  laquelle  M.  Ern.  Lefèvre  a  pris  rang  parmi  les 
musiciens  de  mérite  et  d'avenir,  la  Vnllée  de  Jeanne  d'Arc  s'en 
rapproche  par  plus  d'un  trait  de  ressemblance.  La  scène  se  passe 
à  peu  près  à  la  même  époque  et  dans  les  mêmes  lieux.  Il  s'agit 
dans  l'une  et  l'autre  composition  d'un  épisode  de  la  guerre  de 
Cent  Ans,  épisode  glorieux  pour  Reims. 

Dans  le  Prieur  de  Saint-Basle,  l'action  se  déroule  à  Verzy; 
cette  fois,  c'est  à  Sept-Saulx,  tout  près  de  là,  que  Jeanne  d'Arc 
passe  ea  prières,  dans  une  humble  église  de  village,  la  veille  du 
sacre  de  Charles  VIL  Dans  tous  les  deux,  les  personnages  se 
♦■rouvent  la  nuit  à  l'entrée  d'une  église,  au  milieu  d'un  camp. 

Le  poète  et  le  compositeur  nous  transportent  dans  l'église  de 
Sept-Saulx  pendant  la  nuit  du  16  au  17  juillet  1420.  Au  pied  de 
l'autel   rustique,  sous  la  lueur  d'une  veilleuse,  Jeanne  d'Arc  prie, 


310  CHRONIQUE 

drapée  de  blanc.  Les  portes  ouvertes  toutes  grandes  sur  le  village 
endormi,  laissent  apercevoir  un  ciel  étincelant  d'étoiles  et  l'im- 
mense plaine  de  Reims,  fumeuse  des  bivouacs  du  Roi  victorieux, 
qui  sera  sacré  le  lendemain  dans  la  basilique.  Une  sentinelle  veille 
à  l'entrée  de  l'église.  Des  rondes  passent,  qui  s'enfoncent  dans  la 
nuit,  le  bruit  de  leur  marcbe  décroît  et  se  perd  dans  le  lointain. 

Jeanne  d'Arc,  plongée  dans  la  méditation  et  la  prière,  est  saisie 
d'une  triste  prévision  du  sort  tragique  qui  l'attend.  Voici,  dit-elle, 

Voici  le  seuil  de  mon  jardim  des  Oliviers  ! 

Soudain  le  camp  semble  se  réveiller.  Un  va-et-vient  de  torches 
parcourt  la  plaine.  Des  fanfares  annoncent  l'arrivée  des  Rémois, 
qui  viennent  apporter  au  Roi  les  clefs  de  la  ville.  Les  soldats  se 
portent  à  leur  rencontre.  Gagnée  à  leur  enthousiasme,  Jeanne 
d'Arc  chasse  les  sinistres  visions  et  salue  l'aurore  de  ce  jour  glo- 
rieux qui  doit  éclairer  le  sacre  de  Charles  VII  et  couronner  ainsi  sa 
mission  libératrice. 

Arrivent,  au  bruit  des  acclamations  et  des  fanfares,  les  envoyés 
de  Reims,  escortés  par  les  soldats  du  Roi. 

Jeanne  d'Arc  apparaît  sur  le  porche  de  l'église.  Devant  la  Vierge, 
toute  rose  de  la  lueur  des  torches,  les  Rémois  reculent  avec  une 
crainte  respectueuse.  La  vaillante  Lorraine  leur  dit,  avec  une 
modestie  louchante,  qu'il  ne  faut  voir  en  elle 

Qu'une  tille  des  champs  par  le  Seigneur  élue 
Pour  rendre  le  bonheur  à  la  France  abattue. 

Rémois  et  soldats  l'acclament  avec  enthousiasme.  Jeanne  d'Arc 
les  remercie  au  nom  du  Roi,  et,  en  les  congédiant,  saisit  sa  ban- 
nière, et  d'une  voix  inspirée  ; 

Haut  les  cœurs!  avec  assurance 
Dressez  les  pennons  de  combat  ! 
En  proie  à  l'étranger,  la  France  se  débat  : 
Volez  au  secours  de  la  France! 

Et  le  chœur  répond  avec  un  chaleureux  élan  : 

Les  cœurs  sont  grands,  les  bras  sont  forts! 

Et  Jeanne  d'Arc  et  les  chœurs  répèlent  à  l'unisson  : 

L'aurore  réveillée  aujourd'hui  par  nos  chants 
Verra  surgir  des  cités  et  des  champs 
L'âme  sublime  de  la  France! 

Voilà  le  canevas  de  l'œuvre. 

Elle  ne  met  en  œuvre  qu'un  seul  personnage,  Jeanne  d'Arc,  et 
des  chœurs.  Mais  Jeanne  d'Arc  avait  pour  interprète  M"«  Blanc, 
une  excellente  cantatrice  applaudie  aux  derniers  concerts  de  la 
Société  philharmonique  cl  de  la  Musique  municipale,  cl  leschduirs 
n'étaient  autres  que  l'Union    Chorale,   dirigée   par  le  maître  lui- 


CHRONIQUE  311 

même,  avec  accompagnement  de  l'orchestre  du  théâtre.  Le  succès 
a  été  très  grand. 

—  M.  Edmond  Missa,  le  compositeur  rémois  bien  connu,  a 
obtenu  de  M.  Marcel  Prévost  l'autorisation  de  faire  la  musique 
d'une  pièce  tirée  de  son  roman  les  Demi-Vierges:  le  titre  futur  : 
Maud. 

Il  écrit  en  outre  une  partition  pour  les  Trois  Bossus,  farce 
lyrique  en  trois  actes,  de  MM.  Adenis  frères. 

—  La  Société  musicale  de  la  Marne  a  donné^le  23  mars,  dans  les 
salons  du  Grand-Hôtel,  à  Paris,  un  magnifique  concert  suivi  de  bal. 

Le  concert,  donné  sous  la  présidence  de  notre  éminenl  compa- 
triote M.  Théodore  Dubois,  de  l'Institut,  a  permis  aux  assistants 
d'applaudir  un  bon  nombre  d'artistes  rémois:  M,  Rothier,  élève 
du  Conservatoire;  M""^  Douaillier  Joly,  femme  de  l'ancien  bary- 
ton-solo  de  Notre-Dame  de  Paris;  M.  Douaillier,  de  l'Opéra; 
M"^  Marthe  Desmoulin,  etc. 


Festival  Musical  a  Reims  bn  1896.  —  Cesl  dans  ua  an  que  se  célè- 
brent à  Reims  les  grandes  fêtes  du  quatorzième  centenaire  du  baptême  de 
la  France.  Toutes  les  bonnes  volontés  sont  dès  maintenant  invitées  à 
prendre  part  à  ces  manii'estatious  patriotiques.  La  musique  ne  peut  et  ne 
doit  demeurer  étrangère  à  ce  généreux  mouvement,  et  c'est  pourquoi  l'on  a 
pensé  qu'un  Festival  musical  devait  être  organisé  pour  la  circonstance. 

Dans  ce  but,  le  Comité  décide  de  promouvoir  la  composition  «le  deux 
grandes  œuvres  musicales  qui  seraient  exécutées  —  non  en  plein  air  — 
mais  à  la  Catbédrele  et  à  la  basilique  de  Saint-Remi  de  Reims. 

I 

Section  instrumentale. 

Le  premier  sujet  mis  au  concours  est  une  grande  Fantaisie 
pour  Fanfares  et  Harmonies,  en  l'honneur  de  Jeanne  d'Arc. 
Comme  genre,  on  peut  choisir  une  marche  triomphale,  une 
ouverture,  etc.,  avec  addition  ou  insertion  de  motifs  rappelant  les 
Voix  de  Jeanne  ou  autres  épisodes  de  sa  vie. 

La  durée  du  morceau  devra  être  d'environ  20  minutes.  Cette 
fantaisie  —  titre  au  choix  de  l'auteur  —  sera  exécutée  par  toutes 
les  Sociétés  instrumentales  réunies. 

11 

Seclio7i  vocale. 

Le  deuxième  concours  comporte  la  composition  d'une  Cantate 
sur  Jeanne  d'Arc,  pour  orphéons  d'hommes  seuls  et  grand  orgue, 
d'une  durée  variant  entre  .10  et  40  minutes  Quelques  solos  et  duos 
sont  autorisés.  Le  sujet  (imposé)  est  une  Ode  couronnée  en  I8b3 
par  l'Académie  nationale  de  Reims.  11  est  permis  au  compositeur 
de  supprimer  quelques  strophes  de  la  poésie^  pourvu  queil'en- 
semble  ne  manque  pas  de  suite  et  d'unité. 

Tous  les  orphéons  réunis  devront  exécuter  cette  cantate. 


312  CHRONIQUE 

m 

Dispositions  générales 

Le  concours  sera  clos  le  20  septembre  1895,  date  à  laquelle  tous 
les  manuscrits  auront  dû  être  expédiés  franco  à  M.  l'abbé  Bon- 
naire,  curé  de  Witry-lès-Reims,  secrétaire  général  du  Comité  de 
direction.  Les  manuscrits  seront  anonymes  et  porteront  une 
devise  répétée  sur  un  pli  cacheté  contenant  le  nom  et  l'adresse 
de  l'auteur. 

Les  œuvres  présentées  au  concours  devront  être  inédites  et 
n'avoir  jamais  été  exécutées  en  public. 

Le  jugement  sera  rendu  par  un  jury  spécial  choisi  parmi  les 
notabilités  musicales  de  Paris. 

M,  Emile  Mennesson,  éditeur  de  musique  à  Reims,  s'est  otTert 
pour  éditer  les  partitions  et  parties  séparées  des  œuvres  primées. 

L'auteur  dont  l'œuvre  aura  été  couronnée  sera  invité  à  diriger 
lui-même  l'exécution  à  Reims,  en  1896. 

Pour  se  procurer  le  livret  de  la  cantate  et  les  conditions  du 
concours,  s'adresser  soit  à  M.  l'abbé  Bonnaire,  curé  de  Witry-lès- 
Reiras,  soit  à  M.  Emile  Mennesson,  10^  rue  Carnot,  à  Reims. 


Le  statuaire  Noël  qui  doit  exécuter  le  buste  de  M.  Faure,  pré- 
sident de  la  République,  n'est  pas  un  étranger  pour  le  départe- 
ment de  l'Aube. 

Le  père  de  M.  Tony  Noël  est  né  à  Ramerupt.  Ses  parents  étaient 
originaires  de  ce  chef-lieu  de  canton,  où  leur  maison  existe  encore. 
Des  membres  de  la  famille  habitent  les  environs. 


Le  Conseil  municipal  de  Vitry-lès-Reims  a,  dans  sa  séance  du 
30  mars  dernier,  décidé  que  le  monument  commémoratif  des 
soldats  de  Vitry,  décédés  au  service  militaire  depuis  la  Révolution 
de  1792,  serait  érigé  dans  le  cimetière  et  non  sur  la  place  publique, 
contre  laquelle  les  habitants  ont  élevé  une  vive  protestation  una- 
nime. 


Voici  le  détail  des  monnaies  et  objets  qui,  à  notre  connaissance, 
ont  été  trouvés  jusqu'à  présent  dans  les  terres  des  fortifications  de 
Vitry-le-François,  actuellement  en  cours  de  démolition  : 

Monnaies  d'argent  de  l'époque  de  Clémenl  VIU  (Aldohrandiui)  —  1592- 
1605. 

Monnaies  d'argent  de  l'époque  de  Charles  Conli,  légal,  évêque  d'Aucune 
(Italie). 

Une  pièce  d'argent  époque  Henri  IV,  du  Dauphiné. 

Monnaies  d'argent  du  règne  de  Charles  IX. 


CHRONIQUE  313 

Deux  moaaaies  d'argent  aux  armes  de  Charles  X,  roi  de  la  Ligue. 

Cinq  monnaies  d'argent  à  l'effigie  d'Henri  IV,  roi  de  France  et  de 
Navarre. 

Une  monnaie  d'argent  de  Henri,  duc  de  Lorraine  et  de  Bar  (1608-1626). 

Deux  écus  d'argent  du  règne  de  Louis  XIV. 

Un  bout  de  fourreau  d'épée  en  bronze,  dont  la  belle  ciselure  représente 
une  femme  aux  attributs  allégoriques. 

Une  assez  grande  quantité  de  monnaies  de  bronze,  tournois  et  doubles 
tournois  du  règne  de  Louis  XIII,  ont  aussi  été  trouvées  dans  les  remparts. 


Mariage.  —  Le  0  mars,  a  été  célébré  i  Ajaccio  (Corse),  ie 
mariage  de  notre  distingué  compatriote  et  collaborateur  M.  Henri 
Stein,  archiviste  aux  Archives  nationales,  avec  M"«  Lucie  Vico,  fille 
de  M.  Jean  Vico,  ancien  inspecteur  des  Forêts. 


MÉLANGES 


Le  Camp  de  Chalons.  —  M.  Dumazal  raconte  ainsi  dans  le  Temps  la 
création  du  camp  : 

Le  camp  de  Châlons  passa  longtemps  pour  une  idée  superbe  ;  il 
naquit  au  lendemain  de  la  guerre  de  Crimée;  on  avait  alors  cons- 
taté que  les  camps  de  Boulogne  et  de  Saint-Omer  (Helfaut)  étaient 
insuffisants  pour  permettre  la  réunion  et  surtout  l'exercice  de 
grandes  masses  de  troupe.  Aussi  reprit-on,  en  1857,  un  projet  du 
duc  d'Orléans,  tendant  à  édifier  un  camp  dans  la  Champagne 
pouilleuse,  où  les  terrains  sont  immenses  et  à  bas  prix,  il  ne 
s'agissait  au  début  que  d'un  camp  d'essai  pour  la  garde  impériale. 

Sa  création  et  son  histoire  viennent  d'être  racontées  par  le  com- 
mandant Espitallier,  hier  encore  chef  du  génie  au  camp.  C'est  une 
page  fort  intéressante,  car  elle  montre  dans  l'organisation  un 
souci  réel  et  constant  des  besoins  de  l'arniée. 

En  1857,  on  était  loin  de  posséder  des  transports  aussi  faciles 
qu'aujourd'hui  :  les  chemins  de  fer  étaient  peu  nombreux,  on  ne 
pouvait  prévoir  l'énorme  extension  du  réseau;  il  fallait  chercher 
un  emplacement  où  les  approvisionnements  fussent  faciles  et  la 
Champagne  pouilleuse  n'est  pas  précisément  abondante  en  toutes 
choses  :  on  devait  donc  améliorer  les  relations  avec  les  pays  voi- 
sins :  le  Vallage,  où  l'on  irait  chercher  les  100,000  hectolitres  de 
blé  nécessaires  chaque  année;  Reims  et  Sainte-Menehould,  où 
l'on  devrait  acheter  les  légumes;  les  vallées  de  la  Marne  et  de 
l'Aisne  pour  en  tirer  des  fourrages.  TArgonne  et  les  Ardennes  qui 
enverraient  les  bois.  Quant  au  charbon,  il  fallait  le  demander  dans 
l'Est:  la  pierre  devait  venir  des  Vosges  ou  de  la  Meuse,  etc. 

Un  camp  de  celte  nature  et  en  tel  pays  pouvait  s'écarter  des 
données  ordinaires  ;  les  sources  ^ont  rares,  on  ne  peut  se  servir 
que  de  puits;  pour  les  chevaux,  on  devait  employer  l'eau  peu 
abondante  du  ruisseau  du  Cheneu;  l'arlillerie  et  la  cavalerie  furent 
donc  établies  à  proximité. 

Au  début,  le  camp  se  composait  de  Lentes,  sauf  l'installation 
particulière  de  l'Empereur,  formée  d'un  chalet  et  de  quelques 
baraques.  M.  Godillot  compléta  cet  ensemble  par  un  autel  assez 
élevé  qu'il  envoya  de  Paris,  pour  qu'on  pût  y  célébrer,  le  diman- 
che, le  service  religieux  devant  les  troupes  assemblées.  Peu  à  peu 
cet  ensemble  se  moditia;  on  remplaça  les  tentes  par  des  baraques. 
L'ingéniosité  du  soldat  aidant,  des  jardinets  égayèrent  bientôt  la 
ville  de  planches;  dans  ces  jardins  on  plaça  des  «  œuvres  d'art  » 
taillées  dans  la  craie;  on  n'avait  qu';!  la  recueillir  sur  place.  C'était 
une  profusion   de   statues,  de  colonnes,  d'obélisques,  de  petits 


MÉLANGES  r!15 

temples,  ébauches  naïve?  qui  donnaient  au  camp  le  plus  curieux 
aspect.  L'Empereur  s'engoua  de  ces  tentatives;  il  donna  des  prix 
aux  œuvres  les  plus  remarquables,  et  tout  le  monde  voulut  devenir 
sculpteur. 

On  espérait  bien,  dit  le  commandant  Espitallier,  que  le  temps  consacré  à 
l'art  serait  autant  de  pris  sur  les  séjours  à  la  cantine.  Seulement,  à  force 
de  vouloir  faire  mieux  que  ses  voisins,  on  s'écarta  du  but  :  les  chefs  de 
corps  présidèrent  au  travail;  on  Ct  des  plans;  on  mit  à  part  les  sculpteurs 
de  profession  ;  chaque  corps  voulut  avoir  un  monument  qui  écrasât  tous  les 
autres.  Les  sculpteurs,  dispensés  de  service,  se  consacrèrent  tout  entiers  à 
leur  art,  travaillant  plusieurs  semaines.  Il  y  eut  ainsi  des  œuvres  remar- 
quables, mais  malheureusement  fugitives  comme  les  beaux  jours,  car  les 
premières  gelées  les  ruinaient,  et  les  habitants  du  pays  achevaient  de  les 
démolir  pour  se  procurer  des  moellons. 

Et  les  sculpteurs  novices,  désespérant  d'atteindre  à  la  hauteur 
où  parvenaient  les  artistes,  retournèrent  à  la  cantine. 

On  ne  s'en  tint  pas  aux  seuls  arts  plastiques.  L'exemple  de  la 
Crimée  et  des  théâtres  de  la  tranchée,  qui  avaient  rendu  de  si 
grands  services  en  maintenant  le  moral  du  soldat,  était  trop 
récent  pour  qu'on  ne  dotât  pas  les  tristes  horizons  de  la  Cham- 
pagne pouilleuse  de  semblables  scènes.  Presque  chaque  régiment 
avait  son  petit  théâtre,  où  zouaves  et  grenadiers  se  hasardaient  à 
jouer  les  jeunes  premières.  Une  scène  un  peu  plus  noble  était  aux 
frais  de  l'Empereur  et  donnait  chaque  année  quelques  représen- 
tations. Toutefois,  les  raffinés  trouvaient  que  ça  manquait  de' 
femmes,  parmi  les  comédiens  ordinaires  de  Sa  Majesté:  on  voulut 
combler  cette  lacune.  Un  jour,  les  officiers  du  génie  apprirent 
avec  effarement  qu'ils  devaient  construire  un  chalet  pour  trois 
actrices.  Or,  rien,  dans  les  programmes  et  les  études  de  l'Ecole 
polytechnique  ne  les  avait  préparés  à  édifier  des  boudoirs,  et  la 
nomenclature,  la  fameuse  nomenclature,  en  dehors  de  laquelle 
tout  n'est  qu'abomination  de  la  désolation,  ne  prévoit  aucun 
meuble  ou  objet  féminin.  Heureusement  pour  le  corps  du  génie, 
les  traditions  ne  furent  violées  que  sur  le  papier,  le  chalet  ne 
s'éleva  jamais  de  terre. 

Par  contre,  le  quartier  impérial,  installé  en  partie  par  M.  Codillot, 
reçut  des  logements  destinés  à  l'Impératrice,  aux  dames  de  sa  suite 
et  aux  souverains  étrangers  invités  aux  manœuvres  ou  plutôt  aux 
parades,  les  prises  d'armes  du  camp  de  Châlons  ne  méritant  guère 
d'autre  nom.  (Courrier  de  La  Champagne  ) 


L'œuvre  du  peintre  russe  Vasnetsoff,  par  le  baron  de  liaye.  —  M.  le 
baron  J.  de  Baye,  a  donné  le  8  lévrier,  dans  la  graude  salle  de  rArclicvêi.lié 
de  Heims,  siège  habituel  des  séances  de  l'Académie,  une  intérestaute  Con- 
férence sur  le  peintre  russe  V'asnetsolf  et  son  œuvre. 

La  séance  était  présidée  p;ir  S.  Em.  Mif  le  Cardinal,  assisté  par 
M.  Albert  Benoist,  président  annuel. 


316  MÉLANGES 

M.  Albert  Benoist  présente  le  conférencier,  M.  le  baron  de  Baye, 
archéologue  distingué,  membre  de  la  Société  des  Antiquaires  de 
France.  Délégué  naguère  au  Congrès  de  Moscou^  il  a  profilé  de 
son  séjour  en  Bussie  pour  étudier  sur  place  l'art  national,  et  nous 
avons  la  bonne  fortune  d'entendre  sur  ce  sujet  intéressant,  «  les 
Beaux-Arts  en  Bussie  »,  un  homme  dont  la  compétence  est  univer- 
sellement reconnue. 

M.  le  baron  de  Baye  prend  la  parole. 

11  donne  un  aperçu  général  sur  la  peinture  en  Russie  et  le 
caractère  des  principales  écoles  qui  ont  fourni  jusqu'alors  bon 
nombre  de  toiles  remarquables;  mais,  à  son  avis,  aucun  peintre 
n'a  égalé  celui  dont  il  veut  nous  entretenir.  Victor  Vasnetsolï  est 
un  zélateur  et  un  apôtre  de  l'Ecole  moderne;  il  est  de  son  temps 
et  de  son  pays;  il  voit  tout,  conçoit  tout,  peint  tout,  au  point  de 
vue  russe.  On  l'a  appelé  le  Gustave  Doré  de  la  Russie;  mais  le 
conférencier  —  toute  nationalité  mise  à  part  —  semble  donner  la 
préférence  à  Vasnetsoff. 

Cet  artiste  s'est  d'abord  appliqué  à  représenter  les  scènes  de  la 
vie  préhistorique  —  l'âge  de  pierre. 

Grâce  aux  projections  lumineuses  qui  accompagnent  le  récit  et 
la  description  du  conférencier,  nous  voyons  passer  sous  nos  yeux 
la  reproduction  de  tableaux  d'un  grand  effet. 

Mais  Vasnetsolf  est  surtout  un  peintre  religieux;  c'est  dans  ce 
genre  que  se  manifeste  lu  toute-puissance  de  son  génie. 

On  lui  doit  la  décoration  des  coupoles  et  des  murailles  de  la 
cathédrale  de  Kiew,  dédiée  à  saint  Wladimir;  les  fresques  s'éten- 
dent sur  une  superiicie  de  4,627  mètres  carrés. 

Dans  l'abside,  à  la  partie  centrale,  se  détache  l'image  de  la 
Madone,  qui  mesure  huit  mètres  de  haut.  On  trouve  dans  cette 
peinture  une  expression  de  douceur  et  de  bonté  incomparable.  La 
Vierge  porte  dans  ses  bras  l'Enfant-Jésus  dont  les  mains  étendues 
semblent  bénir  et  protéger  le  monde;  tout  autour,  des  anges  à  la 
physionomie  très  caractéristique  forment  un  décor  ravissant,  plein 
de  charme  et  de  grâce. 

Nous  admirons  ensuite  le  groupe  des  Prophètes.  Moïse  les 
domine  tous  de  sa  haute  taille,  et  à  ses  côtés,  on  voit  Isaïe, 
Jérémie,  Daniel,  etc. 

Puis,  dans  un  panneau  voisin,  les  Pères  de  l'Eglise  universelle  : 
saint  Basile,  saint  Grégoire,  saint  Chrysostome,  le  pape  Clément, 
saint  Atlianase,  etc.  A  ce  panneau  fait  pendant  le  panneau  repré- 
sentant les  Pères  de  l'Eglise  russe  :  saint  Antoine,  samt  Serge,  etc. 
(lette  dernière  peinture  est  absolument  remarquable;  on  sent  que 
l'artiste  y  a  mis  toutes  les  ardeurs  de  sa  foi  chrétienne  et  de  son 
amour  national. 

l-es  fresques  de  la  Coupole  représentent  le  Ciel,  où  l'auteur  a 
placé  les  neuf  béatitudes. 


MELANGES  317 

Au  premier  plan,  et  au  centre,  on  aperçoit  les  trois  archanges  : 
saint  Gabriel,  saint  Michel  et  saint  Raphaël,  dont  l'image  mer- 
veilleusement belle,  se  détache  sur  un  fond  étincelant  d'or  et  de 
lumière. 

De  chaque  côté,  convergeant  vers  le  centre,  on  distingue  la 
foule  des  élus  qui  vont  entrer  au  Paradis. 

Ce  sont,  à  gauche,  le  bon  larron  portant  sa  croix,  avec  sa  figure 
expressive  de  criminel  repentant;  Adam  et  Eve,  guidés  par  un 
ange  aux  ailes  déployées  ;  Madele'ne  l'Egyptienne  et  Marie-Made- 
leine, la  pécheresse  convertie;  enfin  sainte  Sophie  accompagnant 
ses  trois  filles,  qui  subirent  avec  leur  mère  le  martyre  par  le  glaive. 

A  droite,  des  anges  apportent  sur  leurs  bras  sainte  Barbe  et 
sainte  Catherine,  et,  derrière  ces  deux  vierges,  dont  la  physio- 
nomie se  détache  sur  un  fond  blanc  d'une  exquise  pureté,  on 
distingue  un  grand  nombre  de  saints  personnages,  dont  les  noms 
sont  particulièrement  vénérés  en  Russie. 

Sur  les  murailles  latérales  du  temple^  l'artiste  a  représenté  un 
grand  nombre  de  saints,  dont  chacun  garde  un  caractère  spécial 
qui  établit  entre  eux  des  contrastes  saisissants.  Ce  sont  saint 
Alexandre,  sainte  Madeleine  et  sainte  Olga,  et  enfin  saint  Wla- 
dimir,  le  Clovis  de  la  Russie. 

Four  terminer,  le  conférencier  fait  passer  sous  nos  yeux  l'image 
d'une  autre  madone.  Elle  a  laissé  tomber  le  livre  où  elle  vient  de 
lire  les  prophéties  qui  annoncent  les  douleurs  et  la  Passion  de  son 
Fils,  sa  tète  est  inclinée,  et  il  semble  qu'une  larme  va  s'échapper 
de  ses  yeux  presque  fermés;  l'Enfant-Jésus  indique  par  son  atti- 
tude qu'il  a  ressenti  les  appréhensions  et  les  craintes  de  sa  mère, 
et  à  la  vue  de  cette  délicieuse  peinture,  on  sent  qu'il  y  a  dans 
l'âme  de  la  mère  et  de  l'enfant  une  profonde  douleur  unie  à  une 
invincible  résignation. 

Nous  restons  quelque  temps  en  contemplation  devant  ce  chef- 
d'œuvre,  qui  nous  donne  une  si  parfaite  idée  de  celle  qu'on 
appelle  Mater  admirabilis. 

Nous  n'avons  qu'un  regret,  c'est  que  la  photographie  ne  nous 
permette  pas  d'apprécier  le  coloris,  qui  doit  donner  à  toutes  ces 
peintures  un  attrait  incomparable. 

(Courrier  de  la  Chainpu(jiii'.) 


On  a  donné,  le  19  février,  à  l'Opéra-Comique,  la  première  repré- 
sentation d'un  opéra-comique  en  quatre  actes  et  cinq  tableaux, 
dont  les  paroles  sont  de  MM.  André  Lenéka  et  Arthur  Bernède,  la 
musique  de  M.  Edmond  .Missa-Duval,  le  jeune  compositeur  rémois 
bien  connu.  Cette  œuvre  a  pour  titre  :  Xmon  de  Lenclos,  épisode 
lyrique. 

Le   livret  comporte  trois  personnages  principaux  :   Ninon  de 


318  MÉLANGES 

Lenclos,  le  poète  chevalier  de  Bussière,  et  une  jeune  fille  du  nom 
de  Chardonneretle.  Celle-ci  est  aimée  de  Bussière,  mais  Ninon  de 
Lenclos  jette  son  dévolu  sur  le  poète  et  réussit  à  se  l'attaclier.  Au 
dernier  acte,  Bussière  revient  à  ses  premières  amours;  mais  Char- 
donnerelte,  blessée  au  cœur,  meurt  entre  ses  bras.  Il  y  a  là  une 
scène  qui  rappelle  la  Dame  aux  Camélias  ou  la  Traviata. 

Voici  les  appréciations  fort  diverses  de  la  presse  parisienne  aux- 
quelles la  partition  de  M.  Edmond  Missa  a  donné  lieu  : 

Du  Malin  : 

«  M.  Edmond  iVJissaestun  élève  de  Massenet.  11  a  obtenu,  il  y  a  quelques 
années,  le  second  prix  de  Rome. 

M.  Massenet  est,  comme  l'on  sait,  l'un  des  meilleurs  professeurs  du  Con- 
servatoire. Il  donne  un  enseignement  très  large  II  n'enseigne  pas  seulement 
à  ses  élèves  la  fugue  et  le  contrepoint.  Il  leur  fait  connaître  les  maîtres 
anciens  et  les  maîtres  modernes. 

M.  Edmond  Missa  a  mis  à  profit  les  leçons  de  M.  Massenet  et  si  le  leit  ■ 
moliv  qui  revient  dans  Ninon  de  Lenclos  n'est  pas  d'une  originalité  absolue, 
il  y  a  des  pages  des  plus  intéressantes.  Dans  le  second  acte,  la  chanson  de 
la  Chardonneretle,  dite  par  M.  Leprestre  et  par  M"«  Fernande  Dubois,  a 
obtenu  un  grand  succès.  Les  deux  artistes  ont  dû  la  bisser,  i 

De  VEsla/elte  : 

«  Il  y  a  dans  Ninon  de  Lenclos  un  grand  nombre  de  pages  charmantes, 
d'une  clarté  remarquable,  d'une  couleur  fraîche  et  agréable.  On  sent  que  !a 
partition  a  été  écrite  par  un  musicien  qui  a  .fait  des  études  sérieuses; 
M.  Missa  est  maintenant  au  nombre  des  compositeurs  sur  lesquels  l'Ecole 
française  peut  compter.  » 

Du  Petil  Parisien  : 

t  Partition  aimable,  claire,  mélodique,  d'une  facture  savante  toutefois, 
mais  avec  discrétion,  bien  construite,  et  c'est  par  là  qu'elle  est  intéressante.  » 

De  la  Peiite  République  : 

«  La  musique  de  M.  Missa  ne  manque  ni  de  grâce,  ni  d'élégance.  La 
partition  est  sans  doule  un  peu  monotone  et  manque  d'élévation,  mais  elle 
est  fort  agréable  à  entendre,  » 

Du  Figaro  : 

«  La  partition  de  M.  Edmond  Missa  est  supérieure  aux  ouvrages  pré- 
cédents du  jeune  compositeur  et  elle  a  plu  dans  beaucoup  de  ses  parties; 
toutefois,  il  se  rencontre  trop  de  pages  négligées,  ou  paraissant  telles. 

M.  Missa  possède,  comme  ses  collaborateurs,  un  très  juste  sentiment  du 
théâtre  :  toute  sa  musique  de  scène,  ses  chœurs  dialogues  des  seigneurs 
sont  traités  avec  une  exquise  délicatesse;  un  piquant  morceau  du  troisième 
acte  :  «  11  faisait  nuit,  très  nuit  »,  est  spirituellement  enlevé.  Au  dernier 
acte,  la  pénétrante  chanson  de  Chardonnerette  :  «  Comme  un  oiseau  qui 
cherche  le  soleil  »,  est  une  trouvaille  mélodique  d'une  irrésistible  expres- 
sion. Une  belle  scène  de  Ninon,  au  premier  acte,  quand  elle  voit  s'éloigner 
bras  dessus,  bras  dessous,  Chardonnerette  et  de  Bussière,  qu'elle  aime  déjà; 
d'autres  pages  sont  encore  à  citer.  Nous  aimons  moins  la  chanson  du  baiser, 
de  Ninon,  et  les  airs  de  ténor  du  chevalier,  qui  sont  jetés  dans  un  moule 
assez  banal. 


MELANGES  319 

La  partie  la  plus  belle  de  la  composition  de  M.  Wissa  est  l'orchestration, 
qui  est  souvent,  sinon  trop  chargée,  &u  moins  trop  épaisse,  confuse;  ce  jeune 
musicien  fait  du  bruit  avec  les  instruments  les  plus  doux.  Il  est  vrai  que 
l'exécution  des  instrumentistes  de  l'Opéra-Comique  n'est  pas  de  nature  à 
dissimuler  les  erreurs  des  compositeurs. 

Par  une  bizarrerie  dont  ils  ont  peut-être  attendu  quelque  effet,  les  auteurs 
du  livret  ont  écrit  en  prose  le  texte  des  morceaux  de  musique.  » 

Du  Rappel,  : 

<i  M.  Edmond  Missa  est  depuis  longtemps  un  compositeur  de  mérite.  Il 
l'a  prouvé  hier  soir;  il  l'aurait  sans  doute  prouvé  il  y  a  plusieurs  années  si 
nos  théâtres  lyriques  étaient  moins  accaparés  par  les  compositeurs  étrangers. 

La  partition  de  Ninon  de  Lenclos  est  bien  française;  la  mélodie  y  coule 
de  source,  peut-être  même  trop  abondamment.  Mais  trop  vaut  mieux  que 
pas  assez. 

M.  Edmond  Missa  étant  à  l'âge  heureux  où  l'on  ne  sait  pas  se  modérer, 
a  aussi  abusé  des  leitmolivs.  Ses  phrases  qui  caractérisent  Ninon  et  Char- 
don neretle  reviennent  jusqu'à  l'obsession,  développées  en  force  ou  en 
douceur,  selon  que  grandit  la  passion  de  la  courtisane  ou  la  tristesse  de 
l'abandonnée.  Mais  ce  détail  ne  saurait  nuire  à  l'effet  général  d'une  œuvre 
touchante  ou  gracieuse,  et  traversée  par  un  beau  souffle  de  jeunesse.  » 

De  ÏEclio  de  Paris  : 

f  De  la  musique  de  M.  Missa,  l'on  sait  déjà  ce  qu'il  faut  penser.  Ce  ilôt 
gris  charrie  du  Gounod  et  du  Massenet,  avec  des  bagatelles  d'archaïsme  et 
toute  sorte  de  préciosités.  L'orchestre,  assez  soigné  de  détail,  s'encombre  de 
dessins  ordinaires.  Aucun  relief  de  symphonie.  Tour  à  tour  la  sonorité  est 
neutre  ou  commune  jusqu'à  la  grossièreté.  » 

Du  Journal  : 

c  Cette  chose,  en  quatre  actes  et  cinq  tableaux,  modestement  baptisée 
«  épisode  lyrique  »,  présente  l'originalité  d'être  laminée  en  un  long  ruban 
de  prose  qui  supporte  fragmentairement  la  musique  de  M.  Missa. 

Ninon  risque  de  ne  point  s'éterniser  à  la  scène:  nous  pensons,  toutefois, 
que  mainte  jolie  page  de  la  partition  réserve  à  l'œuvre  une  vogue  de  salon 
qu'il  ne  vient  à  la  pensée  de  personne  de  dédaigner. 

Nous  avons  eu  l'occasion  de  parler  du  talent  de  M.  Missa  lors  de  la  repré- 
sentation, l'an  dernier,  de  sa  comédie  lyrique  Dinah,  sur  le  théâtre  de  la 
Comédie-Parisienne. 

Le  style  de  Ninon,  plus  précieux,  d'une  étoffe  mélodique  plus  souple,  est 
parsemé  d'imitations  souvent  réussies  des  rythmes  et  des  formes  eu  usage 
au  xvu»  siècle. 

Au  début  de  l'ouvrage,  le  chœur  :  Chers  oiseaux,  chanté  sous  les  ton- 
nelles fleuries  du  jardin  de  l'hôtel  des  Tournelles,  a  obtenu  un  franc  succès. 
Le  décor  est  du  reste  charmant. 

Quelques  éclats  du  duo  du  deuxième  acte  entre  Ninon  et  Bussière;  le 
récit  de  Guérigny  au  troisième  acte:  //  faisait  nuit,  à  ce  même  acte,  le 
trio  de  Ninon,  Bussière  et  Chardonneretle,  construit  sur  une  situation  ana- 
logue à  celle  du  quatuor  de  Higolelto  ;  enlin,  au  dernier  acte,  lair  de  Char- 
donneretle :  Comme  un  oiseau  qui  cherclie  le  soleil,  ont  reyu  bon  accueil. 

Pourquoi  faut- il  que  la  présence  de  Ninon  nous  fasse  subir  l'obsession 
d'un  trait  en  tire-bouchon  que  l'orchestre  ressasse  à  l'état  de  rosalie  dans 
le  cours  entier  de  l'ouvrage?  > 


320  MÉLANGES 

Du  Temps  : 

«  M.  Edmond  Missa  connaît  certainement  son  métier;  mais  il  l'a  appris 
avec  un  maître  dont  la  marque  est  trop  reconnaissable  en  lui  :  j'ai  nommé 
M.  Massenet.  La  musique  de  M.  Massenet  est  comme  ces  parfums  forts, 
très  capiteux  et  très  musqués,  dont  les  dames  réellement  distinguées  se 
garderaient  bien  d'arroser,  sans  précautions,  leurs  vêtements  et  leur  per- 
sonne :  ils  entêtent,  ils  durent,  et  ils  désignent.  Au  fond,  nul  ne  peut  pré- 
tendre à  écrire  de  la  musique  de  M.  Massenet  mieux  que  l'auteur  du  Roi  de 
Lahore  ;  il  est  donc  préférable  de  se  dégager  de  cette  influence,  de  chercher 
autre  chose,  de  se  chercher  soi-même  :  M.  Missa  ne  s'est  pas  encore  trouvé. 

Il  faut,  d'ailleurs,  tenir  compte  à  M.  Missa  de  ce  qu'en  écoulant  sa  iVinon 
on  était  trop  tenté  de  songer  à  Manon.  C'est  à  peu  près  à  la  même  source 
d'inspiration  lyrique  que  le  maître  et  l'élève  sont  allés  puiser.  Comment 
s'étonner  que  le  verre  de  l'élève  fût  plus  petit  et  fût  tenu  plus  gauchement? 
Comment  s'étonner  si  l'élève  a  recueilli  même  quelques  gouttes  restées  au 
fond  du  verre  de  son  maître?  Il  perle  a  la  fin  du  premier  acte  de  Ninon 
quelques  mesures  —  moins  que  cela  :  quelques  notes  —  où  passe  le  sou- 
"venir  de  l'aérien  menuet  de  Manon, 

Ce  qu'il  faut  le  plus  reprocher  à  M.  Missa,  c'est  d'avoir  suivi,  sans 
envolée,  la  prose  rythmée  qu'il  devait  illustrer  en  musique.  N'a  pas  qui 
veut  des  ailes;  mais  enfin  le  compositeur  était  tenu  de  nous  donner  autre 
chose  que  celte  fluente  mélodie  pas  assez  souvent  relevée  de  quelque  inven- 
tion notable.  L'obsédant  leitmotiv  de  Ninon,  cent  fois  répété,  n'est  pas  très 
plaisant  :  il  a  pour  lui  de  ressembler  —  d'assez  loin  —  au  thème  de  Kundry 
dans  Parsifal.  Si  M.  Missa  l'avait  fait  exprès,  l'idée,  discutable  en  soi, 
serait  assez  claire  :  elle  voudrait  signifier  que  Ninon  est  une  des  incarnalions 
de  la  Femme,  l'être  de  délices  et  de  perdition  que  Wagner  a  personnifié  en 
Kundry.  Mais  u'insistons  pas  sur  cdtie  hypothèse. 

Les  connaisseurs  ont  remarqué  que  l'harmonie  de  M.  Missa  est  parfois 
adroile  et  que  ce  compositeur  a  le  sens  des  «  pages  d'album  ».  M.  Missa 
marie  agréablement  les  timbres.  Il  use  et  il  abuse  de  toutes  les  ressources 
langoureuses  de  l'orchestre.  Flûtes,  harpes  et  clarinettes  sont  souvent 
requises  d'étendre  sur  l'idée  musicale  le  sirop  le  plus  pur  de  leurs  accords. 
Mais  tous  les  moments  ne  sont  pas  à  la  douceur  ,  et  M.  Missa  paraît  un  peu 
plus  embarrassé  quand  l'émotion  grandit  et  quand  il  s'agit  d'accentuer  le 
drame.  11  se  tire  d'affaire  par  le  bruit.  Des  cris,  des  crescendos  vertigineux 
comme  à  la  fin  du  second  acte  d'Esvlarmonde,  des  fanfares  orchestrales  qui 
dissimulent  la  maigreur  de  l'inspiration.  Et  puis,  tout  à  coup,  le  Ilot  s'apaise, 
pour  la  même  raison  qu'il  avail  grossi  —  pour  rien. 

Nous  devions  ces  critiques  à  un  homme  qui  n'est  pas  le  premier  écolier 
venu  et  qui  peut  mieux  faire,  à  condition  de  ne  pas  se  fier  aux  habiletés 
acquises  ou  aux  procédés  trop  connus.  Il  s'agit,  api  es  tout,  de  l'avertir  bien 
plus  que  de  le  gourmander.  11  y  a,  dans  la  partition  de  M.  Missa,  quelques 
phrases  de  musique  de  scène,  d'une  excellente  tenue,  et  qui  nous  donnent 
le  droit  d'être  difficiles  et  d'espérer.  Il  y  a  aussi  un  gracieux  duo  au  deuxième 
acte  ;  c'est  plus  «  opéra-comique  »  qu'  «  épisode  lyrique  »,  mais  c'est  bien; 
il  y  a  surtout  au  dernier  acte  l'air  de  Chardonnerette;  il  y  a  d'autres  petites 
pages  intéressantes.  » 

L'Imprimeur-Gérant, 

Léon    FRÉMONT. 


UNE 

ÉGLISE  RURALE 

Du  moyen  âge  jusqu'à  nos  jours 


ViLLERS-DEVANT-LE-THOUr.    ET    JUZANCOURT 

Son    Annexe 
Canton     d'ASPELD    (Arclennesj 


PRÉAMBULE 

Les  campagnes  en  France  ont  été  conslarameut  les  réserves 
du  pays  loul  entier,  autant  pour  maintenir  le  développement 
de  la  population  en  général  que  pour  garantir  la  base  de  la 
fortune  publique.  Les  villes  ont,  dans  tous  les  temps,  renou- 
velé leurs  familles  au  sein  des  villages,  leur  empruntant  leurs 
meilleurs  éléments  de  régénération  avec  leurs  plus  sûres 
ressources  en  vue  de  l'augmentation  du  crédit  et  de  la 
richesse.  Ce  phénomène,  constaté  au  moyen  âge',  se  reproduit 
et  s'accentue  de  nos  jours  dans  nne  proportion  qui  peut 
paraître  inquiétante'.  On  constate  avec  effroi  la  diminution 
progressive  du  nombre  des  habitants  dans  les  campagnes  et  la 
baisse  non  moins  sensible  en  beaucoup  d'endroits  de  la  valeur 
des  biens  ruraux  sous  toutes  les  formes.  Les  meilleurs  esprits, 
les  plus  clairvoyants  économistes,  sans  pouvoir  conjurer  le 
péril  qu'ils  proclament  les  premiers,  s'efforcent  d'y  apporter 
des  remèdes,  de  proposer  des  compensations,  soit  en  déchar- 
geant l'impôt,  soit  en  assurant  aux  populations  rurales  les  bien- 
faits de  l'épargne,  de  l'assinance  et  des  secours  cà  domiciles 

1.  L'immigration  à  licims,  de  1351  à  1300,  par  P.  Tliirion,  dans  les  Tra- 
vaux dt  l'Accdémie  de  lieims,  t   XCIV,  p.  2l  1. 

2.  La  population  de  l'arrondissement  de  Iktlicl  (Ardei.nes;,  communica- 
tion au  Congcès  de  l'Association  française  pour  lavancemeul  des  sciecces, 
Reims,  1880,  in-S". 

3.  Loi  du  15  juillet  1893  sur  l'assistance  publique  obligatoire  dans  les 
campagnes,  son  examen  par  Georges  Michel  dans  L Economi>>te  français, 
journal  hebdomadaire,  du  samedi  '25  mai  1893,  p.  663-05. 

21 


3'i2  Unk  église  ruralk 

La  lâche  des  historiens  esl  loulo  autre  :  ils  ne  peuvent 
prendre  une  part  efticace  à  la  solution  de  ces  difficiles  problè- 
mes, fi  ce  n'est  par  des  études  rétrospectives,  par  des  compa- 
raisons et  des  données  certaines  qui  éclairent  le  passé  et 
peuvent  jusi]u'à  un  cerlain  point  fournir  des  indications  sur 
Tétai  du  présent  el  sur  les  probabilités  de  l'avenir.  Ils  ont 
au^si  une  autre  mission,  celle-là  exclusivement  spéculative  el 
morale,  qui  consiste  à  raviver  les  plus  consolantes  traditions, 
à  garantir  contre  l'oubli  le  souvenir  des  ancêtres  et  des  bienfai- 
teurs, en  un  mot  à  perpétuer  Tamour  de  la  patrie,  petite  ou 
grande.  Si  l'on  savait  clairement  dans  chaque  village  ce  que 
les  générations  précédentes  ont  souffert  depuis  des  siècles, 
contre  quoi  elles  ont  lutté,  comment  elles  ont  triomphé  par  la 
patience  et  l'endurance  des  obstacles  de  la  nature,  des  intem- 
péries, et,  ce  qui  est  pis  encore,  des  iléaux  souvent  réunis  de 
la  guérie,  de  la  peste  et  de  la  famine,  les  difficultés  de  cha- 
que jour  s'aplaniraient,  le  courage  reviendrait  aux  moins 
résolus,  et  l'espoir  vers  un  meilleur  avenir  se  trouverait  cen- 
tuplé. L'attachement  au  sol  natal  se  réveillerait  de  son  côté,  il 
stimulerait  ce  sentiment  naguère  si  énergique  et  si  vivace  qui 
se  traduit  par  ce  mot  magique,  l'amour  du  clocher. 

C'est  le  clocher,  en  effet,  qui  marque  le  mieux  et  qui 
caractérise  les  étapes  de  la  vie  rurale  dans  l'espace  des  siècles  : 
autour  de  lui,  on  s'est  groupé  dès  les  âges  lointains  du  haut 
moyen  âge,  car  nous  te  remonterons  pas  aux  temps  primitif»  qui 
n'ont  plus  de  rapports  avec  notre  civilisation.  Mais  à  l'époque 
carolingienne,  notre  village  actuel  se  forme  autour  de  l'église 
rustique  établie  dans  l'ancien  domaine  gallo-romain'.  Il  n'en 
reste  plus  de  traces  matérielles,  mais  les  érudits  le  recon-tituent 
par  les  textes  des  chroniqueurs-.  Avec  l'époque  capétienne, 
apparaissent  nos  plus  vieux  édifices  ruraux,  ces  église^  roma- 
nes si  simples  et  si  obscures  au  xi"  siècle,  el  qui  s'agrandis- 
sent, s'éclairent  et  s'embellissent,  à  l'exemple  des  églises 
urbaines,  aux  xii*^  et  xiii°  siècles.  En  scrutant  leurs  murailles 


1.  Le  Correspondant,  u«~  des  10  lévrier  et  25  février  IS'JÛ,  daus  l'étude 
sur  Les  Curés  avant  1789,  par  l'abbé  Sicaru,  cite  ce  passaj^e  :  «  De  même 
que  le  villafçe  moderne  esl  dérivé  souvent  d'un  ancien  domaine,  de  même 
l'église  paroissiale  esl  dérivée  Irôs  souvent  de  la  chapelle  privée  d'un  grand 
propriétaire.  »  Fustel  de  Coulanges,  Hist  dfS  institutions  politiqups  de 
l'ancienne  France  :  la  monarchie  f>anque,  iS'^S,  pp.  518-519.  —  Cf.  du 
même  auteur,  L Alleu  et  le  domaine  rural,  1^89,  pp.  229-231. 

2.  De  ecclesiis  rusticanis  œlate  carolingica,  par  P.  Imbarl  de  la  Tour. 
Bordeaux,  1890,  in-8".  (Thèse  pour  le  doctorat  ès-lettres,  très  remarquée 
el  très  iûstructiVî.) 


UNE    ÉGLISE    RURALE  323 

et  en  exaininanl  les  rares  documents  qui  nous  renseignent  sur 
leur  fondation,  l'enquèle  se  poursuit  et  il  en  résulte  une  vue 
plus  nette  du  sort  des  populations  qui  vivaient  à  leur  ombre. 
Elles  ont  été  constituées  en  paroisse  avant  d'être  une  portion 
d'un  domaine  fi;odal,  avant  de  devenir  une  communauté 
d'habitants  ayant  ses  droits  propres  et  sa  personnalité.  Un  lien 
religieux  a  suffi  pour  unir  les  habitants  du  moindre  village. 
On  devine  le  moteur  qui  y  a  développé  et  soutenu  la  vie  morale, 
souvent  proposé  la  culture  intellectuelle,  assuré  du  moins  la 
dignité  et  la  vertu  dans  la  famille  et  daus  l'individu'.  A  la  fin 
du  moyen  âge,  avec  la  guerre  de  Cent  Ans,  l'ordre  est  ébranlé 
eu  tous  lieux,  on  soutire  de  calamités  que  n'avaient  point 
connues  les  générations  précédentes  :  les  registres  de  visites 
mentionnent  partout  des  ruines  dans  nos  églises  rurales, 
ruines  qui  durent  jusqu'à  la  lin  du  xv"^  siècle,  et  que  le  com- 
îtiencement  du  xvi*"  siècle  voit  enfin  réparer  sur  tous  les  points. 
De  nouvelles  luttes  surviennent,  les  guerres  de  religion,  qui 
ramènent  la  désolation  et  de  nouveaux  ravages  jusqu'au  dernier 
hameau.  Au  siècle  suivant,  les  troubles  de  la  Fronde  ne  sont 
pas  moins  désastreux  pour  la  plupart  de  nos  villages,  et  il  faut 
de  longues  années  pour  guérir  ces  plaies  et  retrouver  l'abon- 
dance avec  la  sécurité. 

Voilà  le  tableau  en  raccourci  de  l'histoire  de  nos  communes 
rurales  :  elle  se  Ut  sur  les  murs  de  leurs  éghses,  comme  sur 
les  pièces  de  leurs  archives  échappées  à  la  destruction.  Un 
sentiment  partir;ulier  d'affection  et  d'attachement  nous  a  poussé 
à  réunir  ces  pièces  en  ce  qui  concerne  l'histoire  d'une  église 
de  campagne,  comme  ou  l'a  déjà  fait  pour  beaucoup  d'autres 
aux  environs.  Nous  les  reproduisons  avec  l'espoir  d'aider  à  sa 
conservation,  d'y  intéresser  les  esprits  et  d'y  ratlacher  les 
cœurs.  Les  faits  dont  elle  a  été  le  témoin  ne  sont  point  nota- 
bles par  eux-mêmes,  mais  de  l'ensemble  se  dégage  une 
appréciation  assez  précise  des  bienfaits  et  des  maux  du  passé, 
des  conditions  de  vie  successives  des  habitants,  de  leur  foi 
active,  de  leur  laborieuse  persévérance,  scène  d'un  étroit 
horizon  qui  ne  manque  pourtant  ni  de  poésie,  ni  de  grandeur. 
Aux  ruines,   à  la  stérilité   de   certaines  périodes  a  toujours 

1 .  L'É(jlise  el  les  Carnpa/jnts  au  moyen  âge,  par  Gi.'3tave-A.  Phevost, 
Paris,  Champion,  18'J2,  gr.  in-S"  de  vii-292  pa-es.  —  Excellent  ouvra^-e 
puisé  sinon  aux  sources,  du  moins  dans  les  meilleurs  auteurs, écrit  avec  clarté 
et  méthode,  décrivant  en  quatorze  chapitres  tout  ce  qui  concerne  la  hiérarchie 
ecclésiastique,  le  curé  de  campagne,  l'église  rurale,  le  paysan,  la  charité, 
l'enseignement,  la  justice,  le  droit  d'asile  et  la  vie  privée  uu  moyen  àgc. 


324  UNE    ÉGLISE   RURALE 

succédé  une  époque  de  résurrection  et  de  paix,  uue  ère  de 
progrès  qui  a  duré  et  s'est  maintenue,  grâce  à  la  simplicité  des 
mœurs  et  au  travail  ininterrompu.  N'est-ce  point  un  enseigne- 
ment pour  le  présent,  un  réconfortant  présage  pour  l'avenir? 
Nous  allons  essayer  du  moins  de  le  montrer  en  déroulant  ces 
modestes  annales  dans  leur  cadre  historique,  dans  l'ordre 
chronologique  du  moyen  âge  jusqu'à  nos  jours  ;  nous  les 
ferons  suivre  des  documents  originaux  qui  valent  encore  mieux 
dans  leur  naïf  langage  que  tous  nos  commentaires  et  nos 
éclaircissements.  «  Le  document,  disait-on  récemment,  con- 
tient toute  l'histoire,  le  fond,  la  forme  et  la  couleur,  car  il 
nous  met  en  contact  immédiat  avec  les  personnagt's  des  épo- 
ques les  plus  lointaines  ;  grâce  à  lui,  nous  devenons  les  témoins 
directs  des  événements,  et  nous  racontons  l'histoire  comme  si 
elle  se  passait  vraiment  sous  nos  yeux  :  il  communique  enfin 
au  style  l'énergie  et  la  précision  que  donne  toujours  la  vision 
nette  de  la  réalité  '.  »  On  ne  pouvait  mieux  dire,  et  tout  notre 
désir  est  d'implanter  de  la  sorte  la  vérité  dans  les  âmes  par  les 
plus  sûrs  témoignages. 

Henri  Jadart. 

Reims,  le  12  mars  1895. 


1.  De  l'usage  des  docuinenls  originaux  dans  les  éludes  hislorii/ues,  par 
Raymond  Devèze,  professeur  au  collège  d-;  Vitry-le- l''rançois,  1894,  p.  9. 


UNE    EGLISE   RURALE  325 


VILLERS-DEVANT-LE-THOUR    ET    JUZANGOURT 


Chapitre    I^' 

Origines,   Monuments   et    Antiquités   diverses,    Églises 
des  deux  localités. 

Ces  deux  villages  forment  actuellement  deux  communes  du 
canlou  d'Asfeld,  la  première  comptant  environ  6b0  habitants 
el  la  seconde  yrès  de  200,  l'une  et  l'autre  essentiellement  agri- 
coles et  pourvues  d'éléments  de  pro-périté  parla  nature  pro- 
ductive de  leuj-  sol  parfaitement  cultive.  Situées  à  proximité 
de  la  vallée  de  i'Aisue  et  d'une  importante  sucrerie,  il  ne  leur 
manque  pour  faciliter  leurs  communications  que  d'être  reliées 
par  une  voie  ferrée  assez  prochaine  aux  villes  de  Relhel  et  de 
Reims,  qui  sont  depuis  des  siècles  les  centres  d'approvisionne- 
ment de  la  contrée. 

Ce  simple  coup  d'oeil  jeté  sur  la  situation  et  les  besoins 
actuels  de  ces  localités,  nous  remontons,  sinon  à  leurs  origines 
qui  nous  échappent  sur  bien  des  points,  du  moins  aux  plus 
anciens  renseignements  qui  les  concernent.  Leurs  noms  indi- 
quent des  fondations  de  l'époijue  franq'ie  ou  germanique,  tout 
au  plus,  car  le  terme  Villare  désigne  une  station  agricole 
comme  l'origine  de  Villers,  mais  un  établissement  bien  posté- 
rieur à  l'occupation  romaine;  le  suffixe  Curtis  ou  Cor  lis, 
accumpagnant  le  nom  encore  indéterminé  d'un  possesseur 
primitif,  marque  également  pour  Juzancourt  une  création 
mérovingienne  ^  La  découverte,  en  1873,  d'un  cimetière  de 
cette  période  sur  le  terroir  de  cette  commune,  au  lieudit  Les 
Tombes,  est  un  indice  des  groupements  d'habitations  qui  se 

1 .  Le  nom  commun  ViHare,  désignant  une  dépendance  de  la  Villa 
(vaste  domaine  rural,  formant  une  sorte  de  village],  était  un  sjnonyme  de 
notre  mot  administratif  «  écart  ».  Il  est  devenu  le  nom  propre  d'un  grand 
nombre  de  communes.  —  Sur  les  sens  respectifs  des  mots  Cortis,  synonyme 
de  Villa  et  Villare,  son  diminutif,  voir  le  Dictionnaire  lopographique  du 
département  de  la  Marne,  par  A.  Longnon,  introduction,  pages  IX  à  XI. 
—  On  compte  124  localités  du  nom  de  Villers  dans  le  Dictionnaire  des 
communes  de  France  par  Gindre  de  Mancy,  1890. 


3.2G  UNE    ÉGLISE    RURALE 

formèrent  alors  sur  les  plateaux  fertiles  qui  dominent  en  cet 
endroit  les  bois  et  les  prairies  du  bassin  de  l'Aisne'. 

A  l'époque  féodale,  les  deux  communes  furent  comprises 
dans  le  ressort  de  la  baronnie  du  Thour,  puissante  seigneurie 
du  moyen  âge  dont  les  annales  uécessiLeraient  une  histoire 
spéciale  -.  ViUers  fut  constamment  uni  comme  seigneurie  au 
domaine  du  Thour,  c'est-à-dire  qu'il  appartint  successivement 
à  cet  égard  aux  maisons  de  Soissons,  de  Châtillon,  Cauchon 
de  Maupas,  de  Goligny,  de  Mailly  et  de  Nassau-Siegen '. 
Depuis  l'année  164),  l'Hôtel-Dieu  de  Paris  avait  possédé  moi- 
tié de  la  seigneurie  par  suite  de  la  donation  qui  lui  eu  avait 
été  faite  par  M""  Régnier  du  Doré,  co-propriélaire  par  indivis 
avec  la  famille  Cauchon'.  C'est  ce  qui  explique  pourquoi  il 
n'y  eut  jamais  de  château,  ni  de  résidence  de  noblesse  à 
Villers,  si  ce  n'est  au  xyu"  siècle  celle  d'un  membre  de  la 
famille  Gondaillier,  qui  s'intitulait  sieur  de  la  Fleur,  et  habitait 
l'ancienne  maison  de  la  famille  Priilieux,  vieille  demeure  assez 
caractéristique  de  cette  époque,  démolie  et  reconstruite  eu 
l873  presqu'entièreraent. 

A  Juzancourt,  plusieurs  familles  nobles  coexistèrent  et 
même  résidèrent  à  partir  du  xyi*^  siècle  dans  les  deux  châteaux, 

1 .  La  découverte  de  ce  cimelière  eut  lieu  vis-à-vis  l'ancienne  carrière, 
sur  la  gauche  de  la  route  de  Juzancourt  à  Gomont.  M.  Jacquard  père, 
propriétaire  à  Herpy,y  mit  au  jour,  dans  le  cours  de  fouilles  assez  complètes, 
plusieurs  tombes  eu  pierre  dont  l'une  avec  un  couvercle  décoré  de  sculp- 
ture, des  vases  en  terre  cuite  de  différentes  formes,  etc.  Plusieurs  de  ces 
objets,  notamment  le  sarcophage  mérovingien,  sont  conservés  à  Herpy  par 
M.  Jacquard  fils,  mais  la  sculpture  en  est  malheureusement  fruste  et 
détpriorée  par  l'humidité. 

2.  La  baronnie  du  Thour  comprenait  les  communes  et  dépendances  de 
Bannogne,  Hannogne,  Juzancourt,  Le  Thour,  Saint-G-rmainmont  et 
Villers-devant-le- 1  hour,  plus  des  portions  de  seigneuries  à  Grandchamp, 
à  Amagne  et  Saint- Fergeux. —  Cf.  Coutumes  du  Dailliage  de  Vilry-en-Per- 
Ihois,  avec  un  cninnienlaire...  par  Maître  Estienne  Durand,  avocat... 
Chûlons,  Claude  Bouchard,  Mi"!,  in-f»,  p.  616. 

3.  Voir  sur  le  dernier  baron  du  Thour  un  ouvrage  tout  récent,  Un  paladin 
au  XVllh  siècle.  Le  prince  Charles  de  Nassau-Siegen,  d'après  sa  cor- 
respondance originale  inédite  de  1784  à  1789,  par  le  marquis  d'Aragon. 
Pans,  IHon,  18U3,  in-8  de  396  pp.  —  Le  prince  Charles  de  Nassau  vendit 
la  baronnie  du  Thour  en  1773  à  Jacques  Lenoir,  conseiller  du  roi,  notaire  à 
Paris,  dont  la  Hévolution  vint  bientôt  anéantir  les  droits  féodaux.  Mais  ses 
droits  de  propriétés  se  transmirent  à  la  petite-nièce  du  notdire  Lenoir,  née 
de  Lo;tauge,  vicomtesse  de  Virieu,  dont  les  enfants  vendirent  au  détailles 
possessions  vers  ISSO. 

4.  L'Hôlel-Dieu  de  Paris  ht  dresser  en  180G  le  plan  de  ses  propriétés  et 
les  vendit  quelque  temps  après. 


UNE    KGLISE    KUKALE  327 

maisons  d'ailleurs  fort  «impies  qui  subsislenl  encore,  quoique 
lransrorn:iées  en  maisons  de  culture;  cilons  les  noms  des 
ramilles  de  La  1,'ayc,  de  Hézecques,  Dubois  d'Ecordal,  de 
Coucy,  de  Villiers,  etc.,  dont  les  noms  se  retrouvent  sur  les 
registres  paroissiaux.  Le  plus  ancien  de  ces  châteaux,  appelé 
Châteav  d' en-haut  (propriété  actuelle  de  M.  Manteau-Dian- 
courl),  est  probablement  celui  qui  apparaît  dans  des  actes 
comme  une  construction  élevée  en  1644  aux  frais  de  Messire 
^'icolas  de  La  Haye,  chevalier,  seigneur  et  vicomte  de  La 
Saulx,  La  Neuville  et  Juzancourl '.  L'autre  château,  entouré 
de  larges  fossés,  situé  au  bord  de  la  prairie  et  désigné  pour 
cela  sous  le  nom  de  Château  (Ven-bas  (propriété  de  M.  Ernest 
Thiébeaux),  date  seulement  du  xviii'^  siècle.  Il  ofîre  une  habi- 
tation pourvue  d'appartements  dans  le  goût  du  temps  ;  une 
rampe  d'escalier  eu  fer  forgé,  des  boiseries  et  une  fort  belle 
console  de  salon,  y  rappellent  les  décorations  qui  lembellis- 
saient  autrefois.  J^a  grande  porte  de  la  cour  porte  au  revers  de 
la  façade  la  date  de  17ri4,  qui  s  luble  être  celle  de  la  création 
de  ce  domaine  où  résidèrent,  en  notre  siècle,  MM.  de  Burtin 
et  de  Villiers.  D'autres  seigneurs  de  Juzancourt,  sans  résidence 
sur  les  lieux,  figurent  dans  des  actes  et  sur  des  plans  du 
xviii"  siècle,  notamment  la  famille  Bidet,  de  Reims-. 

Ces  détails  sur  les  vestiges  peu  saillants  des  antiquités,  ne 
nous  font  pas  perdre  de  vue  la  description  des  édifices  de  ces 
villages,  ni  les  détails  historiques  qui  s'y  rattachent  et  forment 
de  beaucoup  les  plus  intéressantes  pages  des  annales  du  pays. 
Si  haut  que  l'ou  remonte  dans  le  passé,  on  trouve  les  églises 
de  Villers  et  de  Juzancourt  unies,  cette  dernière  à  litre  d'an- 
nexé ou  de  chapelle  de  secours.  Elles  apparlenaieut  l'une  et 
l'autre  au  doyenné  de  ï^ainl-Germainmonl,  démembrement  de 

1.  8  novembre  1644.  —  «  Pierre  Favreau  et  Nicolas  Wibert,  maîlres- 
massoDS  a  Reims,  conviennent  avec  Messire  Nii-olas  de  La  Haie, chevalier, 
seigneur  et  vicomte  de  La  Saulx,  la  Neuville,  Juzancourt,  de  faire  tous  les 
ouvrages  de  raassonnerie  en  une  place  où  ledit  sieur  vicomte  prétend  faire 
un  chasteau  audit  lieu  de  Juzancourt,  savoir  une  porterie  de  pierre  de 
taille,  etc..  etc.  v 

3  décembre  1649.  —  «  Jean  Héuon,  charpentier  à  Reims,  convient  avec 
'Messire  Nicolas  de  La  flaye,  vicomte  de  Lassauix  et  de  Juzancourl,  do 
faire  un  escalier  de  deux  eslages  de  hauteur en  la  maisou  de  Juzan- 
court, etc..  »  Minutes  de  André  An'jitr,  notaire  à  i<e/ms,  années  16iï  et 
1649,  copies  de  \'.  A.  Ducbénoy. 

2.  6  septembre  1717.  —  Procès- verbal  d'arpentage  par  Pierre  Defer, 
des  biens  appartenant  à  Maître  Claude  Bidet,  conseiller  du  roi,  seigneur  de 
Juzancourt  en  partie,  en  présence  de  Louis  Bidet,  conseiller  du  roi,  avo.-at 
au  Parlement,  lieutenant  des  Eaux  et  Forêts,  son  iils,  demeurant  à  Reiras, 


328  UNE    ÉGLISE    RURALE 

l'ancien  Pagus  Porcensis  ou  comlé  de  Porcieu  à  l'époque 
carolingienne'.  Les  comptes  des  décimes  du  diocèse  de 
Picims  au  xiV^  siècle  ne  metiliounenl  que  le  lilre  de  la  paroisse 
principale,  sans  faire  raenlion  de  JuzancourL-.  Mais  les  procès- 
verbaux  de  visiles  du  doyenné,  conservés  aux  Archives  de 
Reims,  mentionnent  la  paroisse  et  son  secours  au  milieu  du  xv*^ 
siècle,  avec  quelques  détails  fort  curieux  qui  en  sont,  pour 
ainsi  dire,  les  premiers  documents  officiels 3. 

11  y  a  d'ailleurs  dans  ces  deux  monuments  ruraux,  inégaux 
comme  dimensions  et  peu  importants  en  eux-mêmes,  dignes 
toutefois  de  l'allenlion  de  l'historien,  des  simihtudes  qui  indi- 
quent leur  communauté  d'origine.  Malgré  les  mutilations  et 
les;  ravages  du  temps,  il  suffit  d'observer  l'arcliitecture  du 
portail  de  chaque  église  pour  leur  attribuer  une  époque  de 
construction  absolument  concordante,  la  fin  duxir  sièrle  ou  le 
commencement  du  xiii'^  siècle  :  même  archivolte,  même  tym- 
pan, même  encadrement  et  mêmes  colonneltes.  Il  n'en  reste  à 
Jui.ancourt  qu'une  portion  bien  délabrée,  et  le  surplus  de 
l'édifice  a  été  rtmanié  à  plusieurs  reprises  et  enfin  entière- 
ment modernisé.  Néanmoins  ce  qu'on  en  voit  suffit  pour  fixer 
aux  deux. édifices  une  origine  contemporaine,  pour  ainsi  dire 
simultanée  '. 

La  similitude  dans  l'architecture  des  deux  édifices  provient 
non  seulement  de  h  constante  union  des  deux  localités  sous  le 
rapport  religieux,  mais  encore  de  la  présence  des  mêmes 
décimateurs  principaux  chargés  de  la  construction  ou  de 
l'entretien  des  églises,  à  savoir  le  chapitre  métropolitain  de 
Reims,  le   patron    nommé  par  l'archevêque  et   le   curé.   Eu 

1.  Éludes  sur  les  Vagi  de  la  Gaule,  par  Auguste  Longnon,  élève  de 
l'École  des  Hautes  Eludes.  Iieuxième  partie,  Les  Pagi  du  diocèse  de  Reims, 
avec  quatre  cartes.  Paris,  librairie  A.  Franck,  1872.  Gr.  ia-8  de  143  pages. 
Ce  qui  concerne  le  doyenné  de  Saint-Germaintnont  se  trouve  aux  pages  3, 
8  et  81. 

2.  XIV  1.  Presb.  de  Villari  anle  Turnum,  XLV  s.  —  XLV  1.  Perrochia 
de  Villare  ante  Turnum,  l'undata  iu  honore  Beati  Remigii.  —  Patroous 
capitulum  reraense  et  quidam  alius  cui  D.  remensis  conf'ert  patronagium. 
Archives  administratives  de  la  ville  de  Reims,  par  P.  Varin,  t.  II,  p.  1065 
et  lOtiG  —  Les  pouillés  des  siècles  suivants  donneat  les  détails  relatifs  à 
Juzancourt  comme  à  Villers,  comprenant  le  chiffie  des  communiants,  des 
revenus,  de  la  taxe  aux  décimes,  etc.  Ibidem,  eu  note. 

3.  Voir  ces  documents  donnés  in  extenso  dans  l'appendice  I. 

4.  Statistique  monumentale  du  diocèse  de  Reims,  déparlement  des 
Ardtnnes,  par  Jean  Hubert,  dans  les  Travaux  de  l'Académie  de  '■Reims, 
1853,  t.  XVIII,  p.  258-59,  description  de  l'église  de  Villerâ-devanl-le- 
Thoui'. 


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UNE    ÉGLISE    RURALE  320 

outre,  il  y  avail  à  Villers  une  part  des  dîmes  attribuée  aux 
abbayes  de  la  Valroy  et  de  Vauc'.erc  ',  aiusi  qu'au  prieuré  de 
Neuville-.  —  A  Juzancourt,  c'était  l'abbaye  de  Sainl-Nicaise 
de  Keiais  qui  partageait  avec  les  autres  gros  décimateurs.  Dans 
les  deux  localités,  le  cbapitre  de  Reims  dut  avoir  la  part  pré- 
pondérante pour  la  construction,  devoir  dont  il  s'est  acquitté 
dans  uc  très  grand  nombre  de  villages  de  la  région  avec  une 
véritable  supériorité  due  au  talent  de  ses  architectes  et  au 
taux  de  ses  ressources^. 

L'église  de  Villers,  telle  qu'elle  se  présente  encore  à  nous,  a 
conservé  toute  sa  physionomie  de  l'époque  gothique  primitive, 
très  simple,  très  rustique,  mais  bien  en  rapport  avec  une 
communauté  rurale  d'une  certaine  importance  :  une  nef  à  cinq 
travées,  dont  les  arcades  en  arc  brisé  reposent  sur  d'énormes 
piles  rectangulaires  sans  autre  ornement  qu'une  moulure 
saillante;  — autant  de  fenêtres  également  en  arc  brisé  s'ou- 
vraient des  deux  côtés  (malheureusement  bouchées  depuis) 
et  éclairaient  la  nef*;  la  fenêtre  surmontant  le  portail  à  l'ouest 
a  été  démesurément  agrandie,  probablement  à  la  fin  du  xvii^ 
siècle;  —  cette  nef  principale  était  accompagnée  de  bas-cô  es, 
sans  doute  très  bas  à  l'origine  pour  ne  pas  gêner  l'ouverture 
des  fenêtres;  —  un  arc  triomphal,  de  même  style,  mais  d'une 
architecture  plus  riche  (ses  chapiteaux  et  ses  deux  colonnes 

1.  La  Valroy  et  Vauclerc,  abbayes  cisterciennes,  l'une  au  diocèse  de 
Reims,  aujourd'hui  anéantie  ;  l'autre  au  diocèse  deLaon.dont  il  subsiste  des 
ruines  et  une  magnifique  grange  ou  grenier  d'abondance  en  style  gothique. 

2.  ^^euville,  canton  de  Craonnc  (Aisns),  appelé  aussi  Xeuville-en- 
Laonnois,  prè-;  Corbeny.  Le  prieuré  de  Saint-Julien  de  Neuville  avait  été 
fondé  par  l'abbaye  de  Saint- Vincent  de  Laou  en  tio3  dans  le  château  du 
lieu.  Celui-ci  relevait  de  la  chàtellenie  de  Montaigu.  liéperloire  archéolo- 
gique de  l'Aisne,  par  Maiton,  archiviste.  —  Cf.  Archives  départementales 
de  l'Aisne,  H.  280-320. 

Il83. —  Dîmes  à  Villers-devant-le-Thour,  concédées  par  Simon  de  Mon- 
taigu à  l'abbaye  de  Saint-Vincent. 

Juin  1222.  —  Alain  de  Roiicy  reconnaît  avoir  injustement  troublé  les 
moines  de  Neuville  dans  la  possession  ae  ces  dîmes. 

3.  Citons  les  églises  de  Pévy,  de  Boult-sur-Suippe,  de  Bétheniville  et 
d'HfUtrégiville  (Marne).  —  A  Villers-devaut-le-Thour  le  chapitre  percevait, 
outre  les  dîmes,  une  redevance  foncière  «  d'un  quartel  de  seigle  pour  chaque 
jour  d'héritage  ».  Voir  la  liasse  relative  à  ces  droits,  contenant  des  cueille- 
rets  et  des  baux,  déclarations,  sentences,  etc.,  de  1575  à  178U.  Archives  de 
Heims,  l''onds  du  Chapitre. 

4.  La  nef  n'a  jamais  été  recouverte  de  voûtes  ;  il  est  probable  que  les 
combles  de  la  charpente  étaient  visibles  et  que  le  plancher  qui  la  surmonte 
ne  date  que  des  derniers  siècles. 


330  UNE    ÉGLISE    RURALE 

ont  élé  eu  partie  refaits  récemment),  ouvrani  sur  le  fond  de 
régli?e  ;  —  un  transept  à  deux  croisillons  et  un  chevet  carré 
votîlédans  toute  son  étendue  avec  nervures  arrondies  reposant 
sur  des  faisceaux  de  colonnettes  manies  de  chapiteaux  à 
crochets  assez  bien  conseivés. 

Dans  celte  partie  de  l'édifice,  un  changement  considérable  a 
élé  opéré  au  début  du  xvi"  siècle  :  le  croisillon  sud.  formant 
chapelle  latérale,  a  été  entièrement  construit,  s'il  n'en  existait 
pas  auparavant,  ou  reconstruit  à  neuf  et  percé  de  deux  belles 
fenêtres  flamboyantes  à  un  meneau.  Le  croisillon  nord  est 
resté  dans  l'état  primitif,  recouvert  d'une  voûte  dont  les  ner- 
vures reposent  sur  des  consoles  sans  figures  (une  portion  de 
la  voûle  menace  ruine  actuellement  au-dessous  du  pignon). 
Celle  chapelle  esl  éclairée  par  deux  étroites  fenêtres  en  arc 
briL^é  (l'une  d'elles  refaite  symétriquement  de  nos  jours  pour 
se  trouver  au-dessus  de  l'autel).  Quant  au  carré  du  transept 
et  au  chevet  terminé  par  un  mur  plat,  ils  ont  gardé  toutes  leurg 
lignes  primitives  dans  les  voûtes  et  les  faisceaux  de  colonnettes 
supportant  les  nervures,  sauf  les  bases  qui  ont  élé  refaites  récem- 
ment. Le  mur  du  fond  esl  percé  au  sommet  d'une  rosace  très 
simple  à  redenls,  et  les  deux  fenêtres  qui  s'ouvraient  au- 
dessous  sont  bouchées  par  le  grand  retable  du  maître-autel. 
Les  fenêtres  latérales  primitives,  étroites  et  en  arc  brisé,  ont 
été  l'une  et  l'aulre  agrandies  dans  un  style  opposé  et  à  une 
époque  différente  :  celle  du  côté  de  l'Evangile  le  fut  au  xvi** 
siècle  et  dans  le  goût  de  la  Renaissance,  dont  elle  ofïre  un  beau 
spécimen  en  plein  cintr(\  avec  meneau  et  oculus  au  sommet, 
l'intrados  garni  de  moulures  et  de  sujets  variés,  têtes  d'anges 
et  têtes  d'hommes  (probablement  les  apôtres  saint  Pierre  et 
saint  Paul),  pointes  de  diamants,  feuillages  sous  différentes 
formes,  le  tout  d'un  relief  accentué  '  :  —  lii  fenêtre  du  côté  de 
l'Epilre  a  élé  refaite  seulement  en  1880.  dans  le  genre  gotbi- 
que,  avec  un  meneau  la  divisant  en  deux  baies  surmontées 
d'un  oculus  au  sommet. 

Sauf  ces  modifications,  l'édiiice  a  conservé  à  l'intérieur  son 
caractère  primitif  que  les  restaurations  futures  devront  lui 
ménager.  A  l'extérieur,  il  a  été  davantage  remanié  et  déiïguré 
-à  cause  du  mauvais  état  des  murs  en  blocailles,  de  la  cous- 


1 .  Nous  avons  observé  des  décorations  analogues  dans  les  fenêtres  de 
Téglise  de  Villedommanpe,  qui  a  élé  conïtruiie  en  lîj'27,  en  même  temps  que 
la  tour  centrale  de  slj'ie  gothique.  On  bâtissait  donc  et  l'on  décorait  simul- 
tanément le  même  édifice  en  slyle  pothique  et  en  style  l^enaisfance. 


UNE    ÉGLISE   RURALE  331 

Iruclion  des  bas-cùlés  à  la  fin  du  xvn«  siècle  et  des  réparations 
modernes  aux  baies  et  aux  pignons  des  chapelles.  Quant  au 
clocher,  dont  on  trouvera  plus  loin  une  description  spéciale,  il 
a  été  reconslruit  en  charpente,  sans  doute  au  xvr  siècle,  sur 
la  première  travée  de  la  nef,  sans  qu'il  soit  resté  de  traces  du 
clocher  primitif.  Bien  n'indique  l'existence  d'une  ancienne 
tour  centrale  élevée  sur  le  carré  du  transept;  et  l'on  peut 
conjecturer  que  les  cloches  étaient  à  l'origine  suspendues  à  une 
arcade  campanaire  surmontant  le  pignon  du  transept'.  L'en- 
cadrement du  portail,  dont  le  porche  a  disparu,  est  intact 
presqu'entièrement  avec  sa  curieuse  décoration  de  figures 
bizarres,  alternant  avec  les  chapiteaux  à  crochets  des  colon- 
nelles  supportant  l'archivolte-. 

L'église  de  Juzancourt.  sur  de  bien  moindres  proportions, 
reproduisait  l'église  de  Villers,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà 
remarqué  à  propos  des  débris  de  son  portail  en  arc  brisé.  La 
face  de  la  nef  vers  le  nord  offrait  encore  naguère  la  trace  des 
arcades  de  travées  analogues  à  celles  de  Viilers,  et  qui 
avaient  probablement  à  l'origine  été  ouvertes  de  ce  côté  sur 
une  nef  latérale^  La  chapelle  du  même  côté  (transformée 
actuellement  en  sacristie)  formait  le  croisillon  nord  du  tran- 
sept qui  n'a  jamais  été  complété.  Le  fond  de  l'édifice  est  formé 
d'une  construction  en  craie  qui  date  de  1  Sou  environ,  n'offrant, 
pas  plus  que  la  muraille  du  côté  sud,  le  moindre  caractère 
archéologique.  Un  petit  clocher  en  charpente  surmonte  le 
pignon  du  portail,  refait  lui-même  sans  aucun  style  ni  caractère 
d'époque. 

Si  nous  avons  insisté  sur  l'origine  et  la  description  de  ces 
églises  du  xiir  siècle,  c'était  surtout  pour-  noter  la  persistance 
des  vieux  monuments  quand  la  pioche  ne  les  anéantit  pas  tout 
entiers,  et  affirmer  l'intérêt  et  le  charme  qu'il  y  aura  toujours 
à  constater  dans  un  village  l'existence  d'un  éditice  du  moyen 
âge  '.  Nous  allons  maintenant   parcourir  les  procès-verbaux 

1 .  Il  en  reste  des  exemples  aux  églises  de  Magneux  el  de  Muizon 
(Marne). 

2.  La  pierre  du  tympan  du  portail  a  été  enlevée  bien  à  tort,  vers  18oi, 
pour  permettre  la  pose  d'un  vitrail. 

3.  L'ouverture  récenie  de  fenêtres  avec  encadrements  de  briques  a  fait 
disparaître  presque  totalement  les  arcades  de  ces  anciennes  travées  du 
moyen  âge. 

4.  Trop  souvent,  de  nos  jours,  l'existence  d'une  église  rurale  de  celte 
époque  est  mise  en  cause  pour  un  état  partiel  de  délabremect.  On  ilécidesa 
démolition  totale  sans  songer  à  la  perte  qu'elle  causera  pour  l'histoire,  et 
trop  souvent  on  remplace  un  vieil  édifice  aux  murs  épais  et  massifs  par  une 


332  UNE   ÉGLISE    RURALE 

de  visites  qui  sigoalenL  leurs  ruiues  partielles    aux  époques 
désastreuses  de  la  guerre  de  Cent  Ans  et  de  la  Fronde. 


Ch  APURE     II 

Procès-verbaux  de  visites  du  XV^  au  XVIIIe  siècle, 
relations  sur  l'état  du  pays  et  des  églises. 

Par  une  rare  bonne  fortune,  il  subf-isle  aux  Archives  de 
Reims  (Fonds  de  l'Archevêché,  Visites)  tout  un  ensemble  de 
procès-verbaux  de  visites  pour  le  doyenné  de  Saint-Germain- 
mont,  allant  du  milieu  du  xv''  siècle  à  la  fin  du  xviii«.  On 
peut  ainsi  juger  des  époques  et  des  successions  d'événements 
bien  divers  dans  ces  documents  reproduits  en  entier  eu  appen- 
dice, et  que  nous  analysons  brièvement  ici  pour  la  facilité  du 
lecteur. 

La  période  du  xiii'^  sièclç  fut  favorable  aux  campagnes  ;  on 
y  construit  partout  beaucoup  d'églises,  ce  qui  indique   un 
accroissement  dans  le  nombre  des  habitants  '.  Le  xiv«  siècle 
tut  calamileux,  et  le  xv^  désastreux.  En  1451 ,  c'est-à-dire  àla 
suite  des  fléaux  de  la  guerre  de  Cent  ans,  l'église  de  Villers 
est  indiquée  comme  ruinée  ea  partie  :  le  chœur  est  découvert 
à  moitié  ;  le  pignon  surmontant  l'autel  au  levant  est  ébranlé 
jusqu'aux  fondations  ;  les  fenêtres  manquent  de  vitres.  Les 
habitants,  ajoute  la  relation,  sont  redevenus  assez  nombreux, 
mais  il  y  en  a  peu  qui  s'occupent  de  réparer  l'église,  à  moins 
qu'ils  n'y  soient  contraints'.   Cependant,  on  remarque  que  le 
cimetière  est  bien  clos  et  que  le  mobilier  du  culte,  le  linge,  les 
ornements,  les  vases  sacrés,   les  livres  anciens  sont  en  bon 
ordre.  Les  revenus  des  terres  de  l'église  montent  à  seize  sols 
parisis  et  à  neuf  mesures  d'huile.  Le  service  divin  est  toute- 
fois suspendu,  sans  doute  à  raison  des  réparations  urgentes. 
Quant  au  presbytère,  il  u  y  reste  qu'une  petite  chambre  habi- 
table, et  la  grange  en  bois  n'offre  aucune  solidité.  Ce  sont  des 

couslruclioa  svelte  et  éléf^anle,  mais  sans  assises  suffisantes  ni  lourds  con- 
treforts, incapable  par  conséquent  de  durer  des  siècles  comme  sa  devan- 
cière. 

1.  «  Vilers-devaal-le-Thour.  —  Domini,  J.  de  Verm...  et  Colardus  de 
H&rsis.  Foci  XLII.  »  Liste  des  dépendances  de  la  Sergenlerie  de  l>orcien, 
vers  1300,  pièce  des  Archives  nationales  reproduite  dans  V Essai  sur  [iozoïj- 
siir-Serre,  par  G.-A.  Martin,  1863,  t.  I,  p.  609-612. 

2.  «  Plures  sunt  habitantes,  sed  pauci  sunt  qui  curent  de  eccletia,  nisi 
cogautur  aat  compellantur.  »  Appendice  I. 


UNE    ÉGLISE    RURALE  333 

chapelains  ou  le  curé  de  Lor  qui  desservent  le  lieu  en  l'absence 
du  curé.  L'église  de  Juzancourl  a  moins  souffert  ou  a  été  res- 
taurée, son  mobilier  est  convenable  ou  du  moins  suffisant. 

En  1475,  les  ruines  ont  disparu  du  chœur,  mais  on  signale 
le  mauvais  état  de  deux  piliers  de  la  nef  sur  !a  gauche  et  des 
vitraux  des  fenêtres  de  celte  nef.  Le  mobilier,  les  livres, 
les  vases  sacrés,  les  fonts  ne  laissent  rien  à  désirer.  Le  cime- 
tière est  clos  de  toutes  parts  de  murs  en  pierre  reconstruits 
depuis  qualre  ans.  Le  presbytère,  au  contraire,  est  toujours  à 
l'état  de  ruine;  on  couslale  qu'il  avait  élé  édifié  à  l'ori- 
gine d'une  manière  grandiose'.  A  Juzancourt,  il  y  a  à  refaire 
une  muraille  entre  le  chœur  et  le  pignon  de  la  nef;  on  signale 
la  présence  d'ornemenls  assez  nombreux  pour  le  service  de 
trois  autels,  de  deux  calices  en  vermeil  et  de  livres  de  chants 
très  décents  pour  un  secours.  Le  cimetière  e^eul  est  en  fâcheux 
élat  de  clôture.  La  richesse  el  l'abondance  paraissent  remplacer 
la  détresse  des  années  précédentes. 

En  ir)12,  il  n'est  plus  question  de  ruines  à  l'église  ni 
au  presbytère  de  Villers,  le  cimetière  est  toujours  bien  elos,  le 
mobilier  bien  tenu.  On  donne  les  noms  des  coùtres  ou  mar- 
guiliers,  ce  sont  ;  Jacques  Turpin  el  Jean  le  Tourneur,  aux- 
quels on  ordonne  de  se  procurer  une  armoire  pour  le  linge.  — 
A  Juzancourt,  pareil  bon  élat  du  mobilier.  Les  coùtres  s'ap- 
pellent Herbin  Favreau  et  Dominique  Fessarl,  auxquels  on 
enjoint  de  pourvoir  l'église  de  ce  qui  est  nécessaire  à  la  célé- 
bration de  l'office  de  la  dédicace,  sous  peine  d'une  amen  le  de 
vingt  el  un  sols  parisis.  Il  résulte  de  ces  constatations  qu'au 
début  du  xvi"  siècle,  les  édifices  étaient  en  bon  état  de  répa- 
ration et  que,  par  conséquent,  le  bon  ordre  el  une  prospérité 
relative  régnaient  dans  les  campagnes. 

Partout  à  celte  époque  fleurissent  les  arls  du  peintre  verrier 
el  du  sculpteur,  et  ce  qui  prouve,  à  cet  égard,  une  certaine 
aisance  dans  les  revenus,  c'est  le  marché  passé  en  1541,  avec 
Jean  Beuvry,  menuisier  à  Pteims,  pour  la  confection  d'une 
clôture  du  chœur  de  l'églir.e  de  Villers.  I^a  balustrade  que 
cet  arli:^le  posa  fut  embellie  et  décorée,  moyennant  cent  dix 
sols  tournois,  par  un  autre  menuisier  de  Reims,  Gobin  Terre, 
qui  se  chargea  de  la  «  parachever  selon  le  devis  de  moderne  et 
fasson  françoise'.  »  Ces  termes  iudi  juenl  une  décoration  dans 

1  .  «  Domus  presLilerali?,  que  ab  anliquo  fuit  pole;.ler  edilicata,  est  pro 
majori  parle  tleslrucla.    »  Appendice  1. 

2.  Marché  du  'J  septembre  1541,  conservé  dans  les  miaules  de  M  Mau- 
drou,  notaire  à  Reims,  el  donné  dans  l'appendice  II. 


334  UNE    ÉGLISE    RURALE 

le  goùl  de  la  Renaissance,  probablement  contemporaine  de  la 
fenêtre  du  sanctuaire,  percée  sur  la  gauche  et  décorée  dans 
le  même  style.  Celte  clôture,  dont  il  ne  reste  aucune  trace  ni 
souvenir,  devait  se  trouver  en  avant  du  chœur  et  supportait 
sans  doute  le  Crucifix  et  les  deux  statues  de  l'arc  triomphal, 
dont  il  ne  reste  pareillement  aucun  débris  dans  l'église  ^  Ce 
riche  ensemble,  qui  masquait  le  fond  de  l'édifice,  aura  proba- 
blement disparu  pour  ce  motif  au  siècle  dernier,  à  moins  que 
le  piteux  état  où  fut  réduite  l'église  pendant  les  guerres  de  la 
Fronde,  n'ait  contribué  à  sa  destruction. 

Nous  arrivons,  en  effet,  à  ces  jours  calamileux  du  milieu  du 
xviie  siècle,  à  ces  luttes  qui  paraissent  avoir  bien  autrement 
ravagé  la  contrée  que  les  guerres  de  religion.  Les  villages  de 
la  baronnie  du  Thour  furent  pillés,  saccagés  el  pour  ainsi 
dire  anéantis  par  la  soldatesque  et  les  bandes  d'étrangers,  aussi 
bien  que  par  les  troupes  françaises.  La  guerre  avait  alors  un 
caractère  barbare,  sans  mrrci  pour  les  populations  rurales,  res- 
tées pourtant  bien  éliaogères  aux  querelles  des  princes.  Les 
documents  contemporains  sur  ces  événements  sont  des  pièces 
navrantes  en  elles-mêmes,  par  les  renseignements  qu'elles  don- 
nent sur  la  réalité  des  ruines  et  des  désastres,  pièces  déjà  publiées 
et  suffisamment  connues  -.  Mais  nous  avons  à  insister  sur  le 
sort  réservé  à  l'église  dans  le  village  de  Villers,  entièrement 
brûlé  en  1653,  «  n'y  étant  resté  que  4  maisons,  dit  un  témoin 
oculaire  »,  et  les  gens  du  pays,  contiuue-t-il,  «  n'habitant  à 
présent  encore  (en  1657),  que  dans  des  huttes  et  dans  leurs 
forts  autour  de  l'églize^.  »  Il  est  donc  constant  que  cet  é  lifice 
devint  le  refuge  de  tous  les  malheureux  habiiants  et  leur  lieu 
d'asile  dans  leur  détresse  inexprimable  ;  des  abris  furent  cons- 
truits par  eux,  tout  autour  dans  le  cimetière,  pour  loger 
pêle-mêle  leurs  familles  entassées  dans  un  étroit  espace,  avec 
ce  qu'elles  avaient  pu  sauver  de  leur  mobilier  et  de  leurs 
bestiaux.  Les  objets  précieux  avaient  été  serrés  dans  des 
coffres  établis  sur   des   planchers,    dans   l'église   même.   Ou 

1.  Ou  rencouire,  dans  le  haut  du  village,  sur  le  mur  de  la  grauge  de  la 
maison  de  la  famille  Marby,  deux  statues  mutilées  de  la  Sainte  Vierge  et 
de  saint  Jean,  qui  pouiraienl  provenir  de  cet  endroit. 

2.  Les  Guerres  de  la  Fronde  dans  la  Baronnie  du  Thour  en  Cham- 
pagne (1G49-57),  relations  contemporaines  annotées  et  publiées  dans  la 
lievue  de  Champagne  et  de  Brie,  octobre  1885,  brochure  de  24-  p.  in-8", 
tirée  à  part  de  la  Revue,  1885. 

8.  Registre  de  M.  de  Terruel,  officier  au  service  du  maréchal  Fabert,  qui 
parcourut  toule  la  contrée  en  1657,  pour  dresser  un  projet  de  cadastre  en  vue 
du  soulagement  des  impôts.  (Voir  l'appendice  III.) 


UNK   église    ItUliALK  ^3b 

devine  ce  que  deviiii  l'édifice  et  ce  qu'il  eut  à  souffrir  d'avoir 
été  Irausfortné  eu  l'orleresse  peudaul  dix  aus  euviroii. 

On  lit,  dans  une  autre  relation,  émanant  aussi  d'un  témoin 
oculaire,  el  dressée  par  le  délégué  de  Robert  de  Y,  grand 
archidiacre  de  Reims,  dans  sa  vi.'^iie  du  22  juin  1G(J3  :  «  Dans 
le  cemitier,  il  y  a  plusieurs  maisons  du  reste  de  la  guerre..,  il 
Y  a  plusieurs  réparations  à  faire  en  l'église,  et  [on  y  voit]  des 
coffres  sur  des  planchers.  Nous  avons  ordonné  dedesmolir  les 
maisons  qui  sont  dans  le  cemitier,  de  faire  au  plus  tôt  réparer 
l'église,  et  d'oster  les  coffres  incessamment'.  »  Ce  fut  encore 
un  état  de  ruines  que  constatait,  eu  167G,  l'archevêque  de 
Reims,  le  vigilant  Maurice  Le  Tellier,  quand  il  ordonnait  aux 
décimateurs  d'effectuer  sans  retard  les  grandes  réparations 
urgentes  dans  la  nef,  el  prescrivait  aux  habitants  de  refaire  la 
clôture  du  cimeiière"-.  Ce  fut  à  la  suite  de  ces  pressantes 
injonctions  que  les  murailles  de  la  nef  principale  auront  été 
consolidées,  le.'  fenêtres  hautes  bouchées,  les  bas-c(')tés  actuels 
construits  dans  toute  leur  étendue.  Le  pavé  fut  renouvelt^  dans 
le  même  temps,  comme  nous  l'établirons  plus  loin,  et  les  portes 
de  l'édifice,  avec  leurs  jolies  ferrures  fleurounées,  sont  aussi 
contemporaines  de  ces  restaurations  de  la  fin  du  xyu"^  siècle. 

La  sollicitude  de  Maurice  Le  Tellier  no  se  bornait  pas  aux 
édifices  :  il  fit  dresser,  en  1G79,  un  inventaire  des  biens 
meubles  et  immeubles  des  églises  de  Villers  et  de  Juzancourt, 
qui  nous  révèle  une  foule  de  particularités  sur  les  mœurs 
et  l'état  général  du  pays.  On  y  trouve,  outre  le  détail  des 
terres  louées  à  Jacques  Pbelippot,  une  ii^te  des  possesseurs 
d'héritages,  qui  devaient  un  cens  annuel,  très  minime  rede- 
vance perçue  en  deniers,  en  grains  de  méteil  ou  de  froment, 
même  en  huile  et  en  charbon.  Parmi  ces  propriétaires,  se  voit 
le  nom  de  la  famille  de  La  Salle,  de  Reim^^  qui  avait  sur  le 
terroir  une  ferme  assez  importante  et  une  maison  d'exploita- 
tion dans  le  village,  contigut'  au  cimetière  et  enclavée  aujour- 
d'hui dans  la  vaste  cour  de  culture  de  M.  Fossier.  Beaucoup 
d'autres  noms  des  principaux  habitants  du  village  sont  rela- 
tés dans  le  même  document,  ainsi  que  les  mentions  des  rues 
d'alors,  des  lieux-dits,  des  officiers  de  justice  et  des  notaires  '. 

1.  Pièce  donnée  dans  l'appendice  IV. 

2.  Procès-verbal  de  visite  du  13  juin  1(>76,  donné  dans  l'appendice  V, 

3.  Voir  sur  la  généalogie  et  les  divers  merabres  de  la  famille  de  La  Salle, 
les  notices  publiées  dans  la  R  vue  de  Champagne  et  de  Brie,  octobre  1888 
et  septembre  1892. 

4.  Document  donné  dans  l'appendice  V'I. 


336  UNE   ÉGLISE   RURALE 

Les  procès-veibaux  de  visites  du  doyen  de  Saint-Germaia- 
mont  abondent  pour  la  fin  du  xvii°  siècle  et  le  commencement 
du  suivant.  On  possède  d'abord  les  réponses  faites,  eu  161^0,  à 
un  questionnaire  en  iil  articles  sur  l'élal  des  églises,  leurs 
revenus,  leur  entretien,  les  écoles,  les  dîmes,  le  curé,  Pierre 
Vuilcq,  et  la  chapelle  Saint-Marc.  Les  visites  indiquent  aussi 
une  quantité  de  détails  qui  se  trouvent  répétés  à  peu  près  les 
mêmes,  dans  les  procès-verbaux  de  1710,  17  T^,  1716  et  1722. 
Leur  lecture  n'en  est  pas  moins  fort  instructive  '. 

Au  milieu  du  xviir  siècle,  un  document  spécial  se  présente, 
c'est  la  visite  faite  au  nom  de  Son  Altesse  le  prince  de  Rohan, 
archevêque  de  Reims,  par  son  délégué,  Hyacinthe  le  Pappe 
de  Kervilly,  docteur  en  Sorbonne  et  chanoine  de  Reims.  Le 
cérémonial  de  cette  visite,  du  26  juin  1743,  est  minutieuse- 
ment décrit  pour  Villers  et  Juzancourt,  offrant  toute  une  térie 
de  renseignements  sur  la  tenue  matérielle  des  églises,  les 
comptes  des  fabriques,  etc.  Les  données  recueillies  semblent 
toutes  satisfaisantes  et  témoignent  de  l'excellente  administra- 
tion du  curé  Marc-Antoine  Bidault,  et  aussi  de  l'assiduité 
à  l'église  comme  de  la  bienveillance  des  habitants,  dont 
les  principaux  signèrent  le  procès-verbal". 

Nous  arrivons  au  dernier  recensement  de  la  paroisse  avant 
la  Révolution,  dressé  en  1774.  par  le  curé  Nicolas  Dumont,  et 
donnant,  en  réponse  à  un  vaste  questionnaire  transmis  par 
l'archevêché  de  Reims,  les  plus  amples  détails  que  Ton  puisse 
désirer  sur  la  situation  matérielle  et  morale  des  deux  com- 
munes à  cette  époque.  Un  tel  ensemble  ne  s'analyse  pas,  et  il 
faut  y  recourir  dans  le  texte  original,  pour  connaître  la  statis- 
tique des  habitants,  la  tenue  des  écoles,  l'état  de  l'église,  son 
entrelien  satisfaisant  en  général,  les  revenus  et  les  dîmes 
encore  exactement  perrus,  ainsi  que  tous  les  petits  rouages  de 
l'administration  locale  •\  Cette  pièce  termine  la  longue  série 
des  procès- verbaux  de  visites,  entamés  au  xv^  siècle  et  pour- 
suivis avec  une  remarquable  régularité  jusqu'à  la  fin  de  l'an- 
cien régime. 

[A  suivre.)  Henri  Jadart, 

1.  Questionnaire  cl  procès-verbaux  donnés  dans  Tappeûdice  VI(. 

2.  DocLimenl  donné  en  entier,  appendice  VllI. 

3.  Document  déjà  commenlé  et  en  partie  reproduit  à  la  fin  d'une  notice 
sur  Nicolas  Dumont,  dans  la  licvue  de  Champagne  et  de  Brie,  janvier 
188o,  p.  16  à  20,  cl  publié  ici  en  son  ejtier,  appendice  IX. 


CHARTES 


DU 


PRIEURÉ     DE      JLONGUE-^U 


\-l-2\i,  avril. 

Hugues  de  Chàlilloa,  fils  du  feu  comie  de  Sainl-Paul, 
donne  au  couvent  de  Longueau  viugl-cinq  livres  de  Provins, 
sur  ses  tailles  de  Ghàlillon,  payables  annuellement  à  la  fête  de 
fcainl-Remy  d'octobre,  pour  acheter  des  chemises,  des  pelisses 
et  des  chaussures. 

Fait  à  Bruguy,  en  présence  de  Milon  \  évêque  de  Beauvais. 

de  Guy,  son  frère,   comte  de  Saint-Paul,  et  de  Gaucher  de 

Nanteuil. 

I2'23,  décembre. 

M*^  Godiu,.  chanoine,  et  Jean  de  Berzy,  officiai  de  Reims, 
annoncent  qu'il  y  avait  procès  entre  l'église  de  Longueau 
et  Alix,  dame  de  Gueux,  au  sujet  d'un  four  situé  à  Gueux,  et 
légué  par  Messire  Baudoin,  sou  défunt  mari,  à  ladite  église. 
La  prieuresse  du  couvent,  Alix,  et  Messire  Bertrand,  son 
second  mari,  conviennent  que  l'église  de  Longueau  aura 
la  moitié  du  four,  et  Alix,  l'autre  moitié  sa  vie  durant,  à 
charge  de  payer  annuellement  au  monastère  une  somme 
de  deux  deniers,  pour  aveu  de  concession  temporaire. 

]-22't.   avril 
Alain  de  P>oucy%  chevalier,  Eustachie,  sa  femme,  et  Pierre, 
son  fils,  pour  fournir  aux  religieuses  de  Longueau  les  trente 

*  Voir  page  279,  tome  VII  de  la  llcvue  de  Champagne. 

1 .  Peudaal  la  croisade  contre  les  Albigeois,  et  pour  suppléer  à  l'absence 
d"Albéric  de  Humberl,  le  souverain  pontife  proposa  à  l'administration  du 
diocèse  de  Reiras,  Milon  de  Nanleuil,  prévôt  de  la  Métropole,  cvêque  élude 
Beauvais.  Ce  dernier  était  (ils  de  Gaucher  I  de  Nanteuil  et  d'Helvide. 

2.  Alain  le  jeune,  écu3'cr,  seigneur  de  Roucy,  et  Eustachie,  sa  femme, 
accordèrent,  vers  la  même  époque,  à  Nicolas  II,  abbé  d'Ignj-,  une  charte  par 
laquelle  ils  louaient  et  ratifiaieut  les  libéralités  faites  à  l'abbaye,  par  Ver- 
mond  de  CLàlillon,  et  continnaienl  toutes  les  autres  acquisitions  à  Savigny 
et  à  MoDihazia.  —  [La  Vallée  de  l'Ardres,  par  l'abbé  Chevallier.  Reims. 
Mulot- Braine,  1S92.) 


338  Le  CARTULAiiiii  du  î'rieukk 

setiers  de  froment,  sur  ViHers-deva:il-le-Thour,  à  elles  léguées 
par  Clémence,  mère  dudil  Alaiu,  leur  cèdent  en  échange  trente 
setiers  de  froment,  à  prendre  tous  les  ans,  à  la  fêle  de  Saint- 
Denis,  à  la  mesure  de  Chàlillon,  savoir  ;  dix  sur  leurs  revenus 
de  Pareuir,  dix  sur  les  rentes  de  Boujacourt-,  et  les  dix 
autres  sur  Chambrecy. 

Sans  date  (vers  1224;. 

Jacques  de  Villers,  chevalier,  lègue  à  l'église  de  Lougueau, 
du  consentement  d'Eustachie,  sa  mère,  Je  Guy,  de  Baudoin  et 
de  Joyeuse,  femme  do  Guy,  sept  muids  de  vin,  à  prendre 
chaque  année,  sur  les  viuages  de  Pargnan%  à  la  mesure  dudit 
lieu  et,  en  cas  de  déficit,  sur  le  vin  des  vignes  de  Pargnan  ou 
sur  tous  autres  revenus  de  cette  terre. 

Témoins  :  Milon  de  Loyseio,  Jean  Milon  de  Coucy, 

1224,  mai. 

Gaucher  II  de  ^auleuil,  avec  le  consentement  d'Aélide,  son 

épouse,  et  de  Gaucher,  sou  fils,  donne,  en  perpétuelle  aumône, 

au  couvent  des  pauvres  religieuses  de  Lougueau,  pour  acheter 

des  chemises,  des   pelisses  et  des  chaussures,    trente-cinq 

livres  proviuoises,  sur  ses  assises  de  Coulommes%  de  Méry  et 

de  Prémecy,  à  prendre  chaque  année,  à  la  fêle  Saint-Remy 

d'octobre.  S'il  y  a  déficit,  le  reste  sera  pris  sur  les  ventes  de 

ses  bois  de  Nanleuil. 

Fait  à  Lougueau. 

1224,    mai. 

Gaucher,  seigneur  de  Nanteuil,  approuve  le  legs  en  faveur 

de  l'église  de  Lougueau,  par  Sophie,  comtesse  de  Chevigny  ^, 

sa   femme,   de  tout  ce  qu'elle   avait    acquis    en   propre,    à 

Damery". 

1.  Pareuil,  hameau  de  Passy-Grigny,  caatou  do  Châlillon-sur-Marne. 

2.  Boujacourt,  hameau  de  Chainplat,  même  canton. 
."}.   Pargnan  (Aisne),  canton  de  Craonne. 

4.  Coulommes  (Marne),  canton  de  Ville-en-Tardenois. 

Ti.  Chevigny  (Marne),  canton  de  Vertus,  à  3  ou  4  lieues  au  sud-est  de 
Nanteuil. 

6.  Damery  (Marne),  caulon  d'Kperuay.  Itî4.'5.  —  M'«  François  de  Bara- 
dat.  ch'-'valier,  seigneur  de  Damery,  Artby.  Montor^fueil,  Fleury,  Curaières 
et  autres  lieux,  premier  gentilhomme  de  la  Chambre  du  Roy.  et  son  pre- 
mier fcuy»*r,  demeurani  à  Damery.  Son  fils,  Jean  de  Baradat,  était,  à  la 
môme  époque,  abbé  couimendalaire  de  Siptny. 

1720.  —  M'°  Antoine-Alexandre  le  Vaillant,  chevalier  d»  Saint-Lazare  et 
deN.-D.  du  Mont-Carmel,  seigneur  de  Damery,  Arihy,  Fleury,  la  Kivière 
t  Cumières  en  partie. 


DE    LONGUEAU  339 

1224,  mai. 
Gaucher  de  Nauleuil  contirme  la  donation  faite  par  Helvide, 
sa  mèr«î  mourante,  aux  religieuses  de  Loogueau,  des  biens 
qu'elle  tenait  de  lui,  avec  pouvoir  d'en  disposer  librement, 
savoir  :  la  grange  d'E^cleim,  avec  ses  dépendances,  consistant 
en  jardin,  terres  labourables  et  prés,  ainsi  que  la  censé  d'Es- 
pilly  et  Chaumuzy,  avec  l'avoine  et  le  petit  bois  voisins  de 
ladite  grange. 

i2'24,  mai. 

Milon,  évèque  de  Beauvais,  approuve  également  la  donation 
faite  par  Helvide,  sa  mère,  au  couvent  de  Longueau,  de  la 
grange  d'EscleirrTet  de  ses  dépendances. 

l22o,  avril. 
M'  Bon.  officiai  de  M"^  Hugues  de  Bourgogne,  archidiacre 
de  Reims,  atteste  ce  qui  suit  :  Henri  le  cuisinier,  bourgeois  de 
Reims,  exécuteur  testamentaire  de  feu  Vaucher,  son  frère, 
affirme,  sous  la  foi  du  serment,  que  celui-ci,  par  ses  dernières 
volontés,  a  légué  à  Isabelle,  sa  sœur,  religieuse  de  Longueau, 
sa  vie  durant,  un  étal  de  cordonnier  sur  le  marché  de  Reims. 
Juliette  et  Helvide,  sœurs  d'Hert)ert,  également  religieuses  de 
Longueau,  auront  ledit  étal  pendant  leur  vie  et  celle  de  la  survi- 
vante, chacune  pour  moitié.  Après  leur  décès,  il  reviendra  de 
droit  eu  totalité  à  l'église  de  Longueau,  et  son  revenu  ou  sa 
location  sera  affecté  à  la  pitance  des  nonnes. 

l22iJ,  août. 
Guy  de  Châtillon,  fils  aîné  du  comte  de  Saint-Paul  institue 
quatrième  chapelain,  dans  l'église  de  Longueau,  pour  célébrer  un 
chaque  jour  le  Sainl-Sacrifice.  Il  donne,  en  conséquence,  au 
couvent,  pour  celte  chapellenie,  quinze  livres  de  bons  provi- 
nois,  monnaie  léale,  sur  les  ventes  de  ses  bois  de  Brugny, 
à  prendre,  savoir  :  huit  livres  à  la  fête  de  Saint-Jean-Baptiste, 
et  sept  livres  à  la  Nativité  de  Noire-Seigneur,  jusqu'à  ce  qu'il 
ait  assigné  quinze  livrées  de  terre  en  dîmes  ou  autres  valeurs, 
à  prendre  au  lieu  et  place  des  susdites  i^uinze  livres  de  Provins. 

J227,  février. 

Simon,  dit  Pied  de  Loup,  chanoine  et  officiai  de  l'église  de 
Reims,  notifie  l'accord  suivant  : 

Le  chevalier  Gautier,  seigneur  de  Liry,  abandonne  toute 
revendication  relative  à  la  dîme  de  Sainte- Vaubourg,  qui  était 
dans  sa  mouvance,  et  que  le  chevalier  Girard,  seigneur  de 
Mont-de-Jeux,  d'accord  avec  Guyonne,  sa  femme,  ont  donné  à 
l'église  de  Longueau,  pour  le  repos  de  leur  àme.  D'autre  part. 


340  LK   CARTULAIKE   DU    PRIEURE 

Girard  du  Mout-de-Jeux  se  con&Utue  témoin  responsable 
de  ladite  donation,  et  s'oblige  à  garantir  Téglise  de  Longaeau 
contre  Gautier  et  ses  héritiers,  s'il  y  a  lieu. 

1227,  mars,  '6''  férié  après  Isti  siinl  dies'. 

Simon,  dit  Pied  de  Loup,  chanoine  et  officiai  de  Reims, 
atteste  que  Gilles  de  Villedommange.  bourgeois  de  Reims,,  et 
Sybille,  sa  femme,  ont  donné  en  aumône,  au  couvent  de  Lon- 
gneau,  pour  Tenlrelien  de  la  cuisine  commune,  tout  ce  qu'ils 
possédaient  et  pourraient  acquérir  par  la  suite,  à  litre  d'échange, 
de  vente  ou  autrement,  sur  le  moulin  d'Onrézy,  retenant  toute- 
fois l'usufruit  viager  de  ce  moulin,  sur  lequel  le  couvent  pren- 
dra chaque  année,  la  vie  durant  des  donateurs,  un  relier 
de  froment,  à  la  fête  de  Saint  Remy  chef  d'octobre.  En  recon- 
naissance de  ce  bienfait,  la  prieuresse  de  Longueau  promet 
aux  donateurs  un  anniversaire  annuel  après  leur  mort,  dans 
son  église. 

1229,  juin,  jour  de  la  fêle  de  Saint-Jean-Baptisle. 

Les  abbés  d'Hautvillers'  et  de  Toussaints  en  l'isle  de 
Ghâlous',  notitienl  qu'Isabelle,  épouse  de  Pierre  de  Villers\ 
chevalier,  Pétroniile,  sa  mère,  Gaucher  et  Thomas,  chevaliers, 
et  Alain,  damoiseau,  ses  frères,  ont  confirmé  la  vente,  par 
ledit  Pierre,  au  monastère  de  Lougueau,  de  soixante  sols 
de  Provins,  à  prendre  annuellement  sur  le  tonlieu  de  Chàlillon, 
moyennant  le  prix  de  quarante  livres  provinoises. 
1229,  juin,  vendredi  avant  la   Pen'ecôte. 

Thibault  ',  comte  palatin  de  Champagne  et  de  Brie,  confirme 

1 .  l.e  dimauche  hli  sunl  dics  est  celui  de  la  Passion,  ainsi  nommé,  non 
pas  de  Vlnlroïl,  comme  c'est  l'ordinaire,  mais  du  premier  répons  des  Matines . 

Ce  dimanche  n'avait  pas  de  messe  aatrelois,  à  cause  de  l'ordiualion  du 
samedi;  la  messe  actuelle  est  prise  au  mercredi  suivant,  et  dans  beaucoup 
d'églises,  on  en  a  fait  une  nouvelle.  De  là  vient  qu'au  moyen-âge  il  se  diffé- 
renciait des  autres  dimanches  par  Tappellalion  du  premier  répons  des 
Matines  :  hli  surd  dtes. 

•2.  Raoul  IV,  33=  abbé  d'HaulvUlers,  de  l'214d  1232,  donna  à  Blanche  de 
Na'varre,  comtesse  de  Champagne,  le  village  d'ArgensoUes,  pour  y  londer 
la  célèbre  maison    de  cisterciennes  qni  y  a  ileuri    depuis.  11  mourut   vers  le 

mars. 

3.  Monaslèie  de  chanoines  réguliers  de  l'Or  Ire  de  Saint-Augustin,  fondé 
en  10(53.  par  l{o-er  II,  évêque  de  Chalons  Celle  maison  était  située  dans 
une  île  lormée  par  les  replis  de  la  .Marne  L'abbé  dont  il  est  ici  queslion^nest 
connu  que  par  l'initiale  de  son  nom,  meulionuée  dans  une  charte  de  1235. 

4.  Villersaux-Corneillcs  (Marne),  canton  d'Ecury-sur-Coole. 

r.  Thibault  IV,  le  chunsonnie:-,  15"  comte  de  Champagne,  roi  de  Navarre, 
décédé  à  Farai.elune,  le  \',  juillet  12.53,  hU  de  Thibault  III  et  de  Blanche.  Il 


DE    LONGUE AU  341 

la  vente  faite  par  Pierre  de  Yillers,  aux  nounes  de  Longueau, 

de  soixante  sols  de  revenu  annuel,  sur  la  lonlieu  deChâtillon, 

avantage  que  lui  et  ses  héritiers  sont  tenus  de  garantir  aux 

religieuses. 

1230,    août. 

H.  de  Moth.'.  officiai  de  Messire  Hugues,  archidiacre  de 
Reims,  certifie  que  Pierre  -,  vicomte  de  Saviguy,  a  reconnu  le 
legs,  en  perpétuelle  aumône,  par  feu  Hodierne,  son  épouse,  à 
l'église  de  Longueau,  de  cinq  sols  de  Provins  et  deux  setieis 
d'avoine,  un  ras  et  un  comble,  à  prendre  sur  Berthenay  et  à 
toucher  de  Martin  et  consorts. 

1230,  septembre,  jeudi   avant  la  f^'le  de  Saint-Michel. 
Renard^,  seigneur  de  Dampierre\  et  Béatrix,  sa  femme, 
lèguent  à  leurs  filles  et  aux  nonnes  de  Longueau,  dix  livres 
parisis,  à  prendre  annuellement  sur  le  tonlieu  de  Rethel,  pour 
célébrer  chaque  année  leur  anniversaire. 

1231,  mars,  lendemain  de  Invocavit  me. 

Simon  Pied  de  Loup  et  Maître  Raoul  de  Chartres,  chanoine 
et  officiai  de  l'église  de  Reims,  notifisnt  la  convention  sui- 
vante : 

Juliard  de  Villedommange  et  Sybille,  sa  femme,  ont  donné 
à  l'église  de  Longueau  un  moulin  à  Ourézy,  pour  en  disposer 
après  le  décès  du  survivant.  Son  mari  étant  mort,  Sybille 
abandonne  purement  et  simplement  ce  moulin,  à  compter  de 
la  prochaine  fête  de  Saint-Jean-Baplisle. 

épousa:  1"  Agnès  de  Beaujeu,  cousine  germaine  du  roi  Louis  VIII;  2"  Mar- 
guerite de  Bourbon,  décédée  le  12  avril  1258,  dont  il  eut  :  Thibault  V,  16« 
comte  de  Champagne,  marié  à  Isabelle,  fille  du  roi  saint  Louis  ;  Henri  111  le 
Gros,  M'  comte  de  Champagne,  marié,  en  1269,  à  Blanche  d'Artois,  dont 
la  fille,  Jeanne,  épousa  Philippe-le-Bel,  et  réunit  la  Champagne  au 
domaine  de  la  couronne. 

1 .  Hugues  de  Motheya  déclare,  dans  une  charte  du  mois  de  juin  1226, 
que  Milon  d'Amagne  a  légué,  au  prieuré  de  Novy,  un  demi-muid  d'avoine 
perç-i  sur  le  grenier  du  prieur,  et  17  setiers  de  blé  à  Lucquy  et  à  Faux.  — 
(E.  de  Barthélémy,  Le  Cartulaire  du  Frieuré  de  Novy.  Paris.  Aug.  Aubry, 
1867.) 

2.  En  1215,  Pierre  de  Savigny  donna  en  aumône,  à  l'abbaye  d'Igoy,  sa 
terre  de  Félancourt,  y  compris  la  justice  et  tous  les  revenus. 

En  1203,  Hodierne,  sa  femme,  lègue  à  l'abbaye  d'Igny  3  setiers  de  grains 
à  prendre  au  territoire  de  FaveroUes.  —  Péchenard,  loc.  cit. 

3.  Renard  III,  croisé,  mort  avant  1233,  marié  à  Béatrix  de  Trichatel  ou 
Thil-Chatel,  était  fils  de  Renard  II  et  de  Helvis  de  Reihel,  châtelaine  de 
Vilry. —  (E.  de  Barth>^lemy,  Recueil  des  Charles  de  l'abbaye  de  Cheniinon. 
Paris.  Champion,  1883.) 

4.  Dampicrre-le-Chàteau  (Marne),  canton  de  Dommartin-sur-Vèvre. 


X.42  LE    CARTULAIRE    DU    PKIEURK 

1231,  avril. 
Hugues,  comte  de  Rethel.  coufirrae  le  don  de  Renard,  che- 
valier, seigneur  de  Dampierre,  aux  nonnes  de  Longueau,  de 
dix  livres,  monnaie  de  Reims,  à  prendre  aniiuellement  sur  le 

loulieu  de  Relbel. 

1223,  avril. 

Guy  de  Châlillon.  époux  d'Agnès,  fils  aîné  du  comte  de 
Saint- Paul,  donne  au  couvent  des  pauvres  religieuses  de 
Longueau,  pour  acheter  des  chemises,  des  pelisses  et  des 
chaussures,  vingt  livres  de  Provins,  à  prendre  annuellement  à 
la  fêle  de  Saint-Remy  d'octobre,  sur  ses  tailles  de  Brugny. 

t233,    juin. 

Simon,  dit  Pied  de  Loup,  chanoine  et  officiai  de  Reims, 
annonce  ce  qui  suit  : 

Girard  Asgrennos,  le  jeune,  citoyen  rémois,  reconnaît  à 
Téglise  de  Longueau,  sur  sa  maison,  située  sous  le  marché  de 
Reims,  et  provenaol  de  Thomas  Aygrennos,  son  feu  père,  un 
surcens  aunuel  et  perpétuel  de  vingt  sols,  payable  par  moitié, 
à  la  fête  de  Saint-Martin  et  à  Pâques.  La  prieures-e  de  Lon- 
gueau, sœur  de  Girard,  aura  l'usufruit  viager  de  ces  vingt  sols 
qui,  après  son  décès,  serviront  à  acheter  du  charbon  à  l'usage 
des  religieuses.  Girard  se  réserve  le  droit  de  reprendre  cette 
rente  en  l'asseyant  sur  un  autre  fonds  d'égale  valeur  in  loco 
competenti  et  siifficienli. 

1233,  juillet. 

Nicolas  ',  seigneur  de  Bazoches,  du  consentement  de  Robert, 
chevalier,  sou  fils,  confirme  la  donation  faite  aux  nonnes 
de  Longueau,  par  Nicolas,  son  père,  pour  sou  anniversaire, 
d'un  demi-boisseau  de  blé  d'hiver,  à  percevoir  chaque  année, 
sur  son  moulin  de  Coulouges',  à  la  fête  de  Saint-Martin  et, 
par  sa  mère,  de  trois  .setiers  de  blé,  sur  le  même  moulm.  pour 
le  salut  de  son  àme  et  celui  de  noble  dame  Agnès,  son  épouse. 

1233,  décembre. 
Simon  Pied  de  Loup,  chanoine,  et  Maître  de  Blois",  officiai 

i.  Nicolas  II  (le  Cliâtillou,  seigneur  de  Bazoches,  Vauxéré  et  Coulonges, 
fils  de  Nicolas  1  et  de  Aguès  de  Chérizy,  marié  à  Aguès  de  Quierzj,  dont 
il  eut  :  Nicolas  111,  croisé  ea  M'iï  ;  Alilon,  chanoine  et  évGque  de  Soissons  ; 
Girard,  chanoine,  évêque  de  Noyon,  et  Robert,  seigneur  de  Bazoches. 

2.  Coulonges  (Aisne),  caulou  de  Fère-en-Tardenois. 

3.  Jean  de  Blois  devint  archidiacre  de  Champagne  ;  il  est  nommé  au  caj- 
tulaire  de  Saiul-Nicaise,  en  1250  el  1255,  ayant  oflicin!;  il  mourut  le  4 
juillet,  suivant  l'obituaire. 


DE  i.ongueau  34*^ 

de  Reims,  dénoucenl  Taccord  suivant  :  Malhilde  de  Sarcy, 
veuve  d'Eudes  de  Sarcy.  recouL'ail  avoir  donné  :  1<*  à  l'église 
de  Lougueau,  dix  seliers  de  froment,  à  la  mesure  de  Reims, 
sur  les  moulins  de  Sainl-Hemy-sous-Pruuay ',  à  prendre 
dans  les  vingt  setiers  qu'elle  tenait  en  fief  de  l'église  de  Saint- 
Bable^;  2"  à  celle  d.rnière  église,  les  dix  autres  seliers  et 
tous  ses  droits  sur  les  moulins  et  l'eau.  L'abbé  de  Saint-Basle' 
approuve  celle  auniôue,  et  il  pourra  conserver  pour  son  monas- 
tère les  dix  seliers  allribués  à  Lougueau,  en  payant  uq  revenu 

équivalent. 

1234,  juin. 

Clément,  doyen  de  la  chrétienté  de  Cbâlillon,  fait  savoir  ce 
qui  suit  : 

Simon,  dit  Tbyois,  de  Guisles,  et  Laure,  sa  femme,  ont, 
reconnu  avoir  engagé,  moyennant  dix  livres  fortes,  envers 
l'église  de  Lougueau,  sept  seliers  de  blé,  dont  quatre  d'hiver, 
et  trois  de  Irémois,  dans  leur  part  de  dîme  sur  Anlheuay.  Il  a 
été  convenu  qu'en  cas  de  remboursement,  avant  la  fête  des 
apôtres  Philippe  et  Jacques,  chef  de  mai,  ladite  église  ne  pour- 
rait rien  réclamer  dans  la  dîme  précitée,  mais  que,  faute 
de  paiement  à  cette  époque,  elle  percevrait  la  dlme  l'année 
suivante.  Confirmé  par  Simon,  Jean,  Marie  et  Lucie,  enfants 

des  débiteurs. 

123i,  juin. 

Jean  de  RetheH,  chevalier,  seigneur  de  Saint-Hilaire",  con- 
firme la  donation  autrefois  consentie  par  Hugues,  comte  de 
Relhel,  à  l'église  de  Longueau,  de  la  dixième  partie  des  blés 
dépendant  de  sou  domaine  eu  la  châtellenie  du  Cbâlelel. 

1.  Pruuay  (\larue),  caulOQ  de  Beiae. 

Les  Ttmpliers  possédaient  à  Hrunay  ua  domaine  qui,  en  1357,  était  loué 
moy-nnaut  une  redevance  annuelle  de  140  seliers  de  grains.  —  (Arch.  nat. 
S.5U38.  Su|jpl.  n"  ?'2.) 

2.  Saint  Bdsle,  abbaye  de  l'Ordre  de  Saint-Beuoll,  l'ondée  sur  le  terri- 
toire de  'Verzy  (Marne),  à  la  lin  du  vi"  siècle.  —  (Consulter  Saint-Basle  et 
le  Monastère  de  Vtrzy,  par  l'abbe  Queulelot,  prêtre  du  prieuré  de  Binson.) 

3.  Evrard,  abbé  de  Saint-Basle,  mort  en  1238,  d'après  dom  Marlot, 
aurait  vécu  jusqu'en  1244,  suivant  la  Gallia  ChrisUana. 

4.  Jean  I",  comte  de  tîethel,  troisième  fils  de  Hugues  III  et  de  Félicité, 
décédé  en  l'2ol,  sans  postérité,  épousa  :  1"  Marie  d'Oiidfnarde,  qui  lui 
apporta  la  terre  d'Ooiont  et,  en  secondes  noces,  Marie  de  Noyon,  tille  de 
Jfun,  cLâteiain  de  Noyou,  Il  succéda  à  son  frère  Hugues  IV,  et  partit  en 
Terre- baïute  avec  le  roi  saint  Louis. 

Son  Irère  Gautj'uer,  archiiiacre  Je  Liège,  eut  le  titra  de  comte  de  Rethel 
apiès  lui,  et  octroya  la  charte  de  Ketbel  en  1253. 

■j.  Saint-Hilaire-le-Grand  'Marnft),  eanton  de  Suippes. 


?»4  4  LE    CARTULAIUK    DU    PRIEURÉ 

1236,  mars. 

Maître  Jeai),dil  Géi-in,  chanoine  de  Sainl-Pierrc  el  officiai  de 
Soissons,  déclare  qu'Hersende.  veuve  de  Pierre  de  Troissy,  a 
donné  à  l'église  de  Longueau  toute  la  dime  qu'elle  avait  en  la 
paroisse  d'Anthenay,  de  Nogent'  et  du  Chemin-. 

Approuvé  pai'  Hugues  de  Vaudières,  chevalier,  son  frère. 

1237,  mai. 

Fr.  J.',  abbé  de  la  Charmoye^,  annonce  qu'il  a  abandonné 
à  la  maison  de  Longueau  tout  ce  que  sa  Communauté  possé- 
doit  dans  la  dime  d'Anthtnay  du  don  de  feu  Henri  de  Vau- 
dières, chevalier,  et  que,  d'autre  part,  la  prieuresse  et  Simon, 
prieur  de  Longueau,  ont  cédé,  en  échange,  ce  que  leur  couvent 
avait  sur  la  dime  de  Lucy'"',  près  le  Baizil",  du  don  de  feu 
Messire  Branlard,  chevalier. 

1237,  juin. 

Maîtres  Jean  et  Jean  de  Blois,  chanoine  et  officiai  de  Reims, 
notifient  la  couventioo  qui  suit  : 

Jacques  de  la  Rouelle'  reconnaît  avoir  vendu,  pour  le  prix 
de  six  livres  provinoises,  payées  comptant,  à  l'église  de  Lon- 
gueau, un  revenu  annuel  de  dix  quartels  de  froment,  sur 
le  moulin  d'Onrézy%  qu'il  avait  achetés,  savoir  :  Cinq  à  Jean 
de  la  Rouelle  et  à  Emeline,  sa  femme,  et  les  cinq  autres 
à  Juliard  Le  Monteix  de  Villedommange. 

1238.  .Samedi  avant  la  Purification  de  la  Bienheureuse 
Vierge  Marie. 
Maître  Henri  de   Louvain,  officiai  de  Messire  Hugues  de 
Sarqueux^,  archidiacre  de  Reims,  annonce  que  Rogelet,  dit 
Léger,  el  le  prieur  de  Longueau  ont  ainsi  transigé  : 

1 .  Nogent  (Marne),  hameau  aujourd'hui  détruit  de  la  commune  d'Anthenay. 

2.  Chemin  (Marne;,  hameau  dépendant  d'Anthenay. 

3.  Jean  II,  7»  abbé  de  la  Charmoye,  est  nommé  en  1235,  dans  la  charte 
d'ArgeusoUes  [Gallia  Christiana,  t.  IX,  col.  972). 

4.  La  Charmoye,  abbaye  de  l'Ordre  de  Cîleaux,  annexe  de  la  Celle-sous- 
Chantemerle,  dont  la  fondation  est  attribuée  à  Henri  I".  La  Charmoye  est 
aujourd'hui  un  hameau  de  la  commune  de  Monlmort  (Marne),  situé  dans  le 
bois  à  l'est  du  village. 

5.  Lucy  (Marne),  canton  de  Montmort. 
0.  Le  Baizil,  même  canton. 

7.  La  Rouelle  (Aisne),  hameau  de  Concevreux,  canton  de  Neufchâtel. 

8.  Ourézy  (Marne),  commune  de  Bouilly,  canton  de  Ville-en-Tardenois. 
Le  moulin  élait  situé  sur  le  ruisseau  des  Vasseurs.  affluent  de  l'Ardre. 

9.  Hugues  de  Sarqueux,  grand  archidiacre,  figure,  en  l'obituaire  de  l'église 
(le  Reims,  le  12  des  calendes  de  janvier.  —  (Marlot,  op.  cit.,  t.  I,  p.  041.) 


DE    LONGUE  AU  .'{45 

L'église  de  Lougueau  aura  la  moitié  de  la  maison  venant  de 
Jean  Lareslc,  située  près  de  la  rue  des  Bouchers  ;  Kogelel 
prendra  l'autre  moitié,  provenant  de  Blanche  et,  s'il  meurt 
sans  hoirs  procréés  de  son  corps,  sa  moitié  reviendra  au  cou- 
vent de  Louguear.  En  outre.  Sybille,  veuve  de  Jean  Lareste, 
acquitte  tout  ce  qui  avait  été  jugé  contre  elle  au  profit  de 
l'église  de  Longueau. 

1239,  juillet. 

Maître  Jean  de  Blois.  chanoine  et  officiai  de  Reims,  dénonce 
le  don,  par  Messire  Simon  de  Guignicourt  ',  chevalier,  à  l'église 
de  Lougueau,  pour  faire,  chaque  année,  son  anniversaire,  de 
vingt  sols,  à  prendre  sur  ses  cens  de  Guignicourt,  et  qui  seront 
employés  au  repas  des  nonnes  le  jour  de  son  anniversaire, 
exceptant  toutefois  la  dot  de  Fanchetle,  sa  femme,  qui  a 
approuvé  celte  convention. 

1239,  octobre. 
Ph.  Hérit,  prieur  de  Gbàtillon-sur-Marne,  du  consentement 
de  Henry  et  Guy,  moines,  ses  confrères,  ratifie  le  traité 
par  lequel  Jacquier  le  tanneur,  bourgeois  de  Ghdlillon,  sou 
homme,  a  cédé  aux  religieuses  de  Longueau  une  pièce  de  terre 
située  au  lieudit  FonleniUe-,  au  milieu  de  la  culture  du  cou- 
vent qui  tient  au  Marlemotit  ^,  en  échange  d'une  autre  parcelle 
située  au-dessus  de  ladite  culture, 

1239,  décembre. 
J.',  doyen  de  Soissons,  et  Maître  P.,  prêtre  de  Braisnes,  no- 
tifient que,  pour  assoupir  et  terminer  le  procès  au  sujet  des 
dîmes  que  le  couvent  de  Coincy  '^  prétendait  avoir  sur  les  terres, 
prés  et  vignes  de  la  maison  de  Longueau,  aux  territoires  de 
Châlillon,  Cuisles,  Melleray  et  Montigny,  les  parties,  sous  peine 

1 .  Guignicourt  (Aisne),  canton  de  Neufchàtel. 

2.  Foûtenille,  lieudit  sur  le  territoire  de  Châtillon,  situé  au  nord-est, 
presque  en  face  de  Longueau. 

3.  Marlemoat  (le  Grand  et  le  Petit),  hameau  disparu,  situé  sur  la  com- 
mune de  Cliâtillon. 

4.  J.,  I2f>8  et  1239.  Peut-être  le  même  que  Jean  de  Vailly,  noté  le  29  mars 
en  l'obiiuaire  {Gallia  Chrisiiana,  t.  IX,  col.  328). 

5.  Coincy  (-Visne),  canton  de  Fère-en-Tardenois.  Prieuré  de  l'Ordre  de 
Saint-Benoit,  membre  de  l'abbaye  de  Saint-Médard  de  Soissons. 

Parmi  les  prieurs  de  Coincy,  vivant  au  xiu»  siècle,  M.  de  V'ertus,  dans  son 
Hist.  de  Coincy,  Fère  et  Oatchy,  cite  les  noms  suivants  : 

1209.  Etienne;  1217.   Foulques;  1230.   Albert;  1272.   GeoH'roy. 


34G  LE    CARTULAIRE    DU    PRIEURÉ 

de  quarante  livi-es,  ont  tran'iigé  ainsi  qu'il  suit,  eu  présence 
des  prieurs  de  Coiucy  et  de  Biuson  '  : 

Le  couvent  de  Longueau  paiera  chaque  année,  au  prieur  de 
Binson,  à  la  fêle  de  Saint- Hemy,  huit  seliers  de  blé  et  autant 
d'avoine,  ainsi  qu'un  muid  de  vin  blanc,  mesure  de  Châiillon, 
et  s'il  acquiert  ultérieurement  d'autres  biens,  par  donation, 
vente  ou  autrement,  sur  le  territoire  des  villages  précités,  il 
sera  tenu  d'en  pa3^er  la  dîme  au  couvent  de  Goincy,  suivant 
l'usage. 

1239,    mai. 

Maître  Henri  de  Louvain,  olficiai  de  Messire  Hugues  de  Sar- 
queux,  archidiacre  de  Reims,  atteste  que  damoiselle  Ade 
d'Olizy  '  et  Oudard,  son  fils,  ont  reconnu  la  donation  faite  par 
Messire  Nicolas,  père  défunt  de  ce  dernier,  aux  nonnes  de 
Longueau,  de  la  dime  qu'il  percevait  sur  leurs  terres  d'Olizy, 
ce  don  fait  tant  en  aumône  que  pour  l'abandon  des  corvées 
qu'il  devait  au  village  d'Olizy,  et  dont  l'église  de  Longueau 
l'avait  déchargé.  Ils  abandonnent  aussi  les  reportages  sur  ces 
terres  aux  religieuses,  soil  qu'elles  les  cultivent  elles-mêmes, 
soit  qu'elles  les  cèdent  à  bail. 

1.  Le  prieuré  de  Binson  possédait  des  dîmes  à  Baslieux,  Orq'iigoy,  Mon- 
tigny,  Troissy,  Œuilly,  Cuisles  et  Anthenay.  En  1723,  les  bâtiments  du 
prieuré,  ainsi  que  les  terres  et  prés  en  dépendant  sur  les  territoires  de  Bin- 
son et  Châii'ion,  étaien'  alFermés,  moyennant  une  redevance  de  710  livres 
en  argent,  3  livres  des  cire,  12  livres  de  beurre  frais  ou  fondu,  1S  quartels 
de  blé  et  15  quartels  de  méteil. 

Un  bail  dressé  par  Lesueur,  notaire  à  Châlillon-sur-Marne,  le  3  février 
1714,  constate  que  le  prieur,  Pierre  Chailes.  avocat  en  Parlement,  diacre 
du  diocèse  de  Bourges,  depuis  co'iseiller  au  bureau  ecclésia-^lique  de  la 
prévôté  de  Bourges  et  prêtre  olûcial  de  la  Pnmalie  de  celte  ville,  avait  loué 
pour  neuf  années  la  moitié  des  dîmes  de  Baslieux,  consistant  en  grains, 
vins,  poules,  poulets,  dindons,  oies,  porcs  et  autres  animaux,  moyennant 
200  livres  d'argent,  1  livre  de  cire  et  2  chapons. 

Les  actes  de  notaire  mentionnent  encore,  parmi  les  prieurs  de  Binson  ; 
M'"  Etieîine  Barré,  prêtre,  docteur  en  théologie  de  la  Sorbonne,  arch, diacre 
de  l'église  Sainte-Croix  d'Orléans  en  1684,  et  Jean  Barré,  demeurant  à 
Bourges  en  17U9. 

2.  Olizy  (Marne],  canton  de  Cbâlillon.  Anciens  seigneurs  : 

1700.  Michel  Larcher,  chevalier,  marquis  d'Olizy,  seigneur  d'Olizy,  Bou- 
jacourt,  Nogenlet  le  Chemin,  bailli  de  Vermandois. 

1710.  Michel  Larcher,  sou  neveu,  président  en  Chambre  des  Comptes, 
demeurant  à  Paris,  et  Pierre  Larcher.  son  petit-neveu,  baïUi  de  Verman- 
dois, cunseiUer  du  roi  au  Châtolet  de  Paris. 

17i7.  Antoine  G  àllot,  marquis  de  Sainl-Chamant.  marié  à  Marie-Louise 
Lar.her. 

1776.   Michel-Archange  du  \'al-du-Manoir. 


DE    LONGUEAU  347 

1243,  octobre,  4*  férie  après  la  fêle  de  Sainte-Lucie. 
Maître  Michel  de  Saint-Deuis,  chanoiue  el  officiai  de  Reims, 
auuonce  que  Bertrand  de  ^'ezelay  ',  coûlre  de  l'église  de  Reims, 
a  douné  à  l'église  de  Loogueau  toutes  les  vigues  qu'il  avait 
achetées  à  un  colon,  sur  le  territoire  de  Mardeuil-,  el  situées, 
savoir  :  la  première,  lieudit  Rocherel,  au-dessus  de  Mardeuil, 
près  de  la  vigne  de  Marguerite  de  Mardeuil  ;  la  seconde,  au 
même  lieu,  près  de  la  vigne  d'Henri  de  l'Orme  ;  la  troisième, 
en  lieudit  Rarey  ;  el  la  dernière,  eu  lieudit  les  Grèves,  entre 
la  vigne  de  Jean,  fils  de  Marguerite,  et  le  champ  d'Agnès. 

1243. 
M'^  P.  de  Vicenobns,  officiai  de  Messire  Hugues  de  Sar- 
queux,  archidiacre  de  Reims,  notifie  le  Uaité  suivant  :  Mar- 
guerite, veuve  de  Girard  Asgrenous,  avait  un  surcens  annuel 
de  vingt  so's,  payable  en  quatre  termes,  savoir  :  cinq  sols  à  la 
Nativité  de  Saint-Jean-Baptiste,  cinq  sols  à  la  6aint-Remy, 
chef  d'octobre,  autant  à  la  iSativilé  du  iSeigneur,  et  le  reste  à 
Pâ  ]ues,  fcur  deux  maisons  coutiguës,  sises  à  Reims,  au  chevet 
de  l'église  de  Sdut  Symphorien,  dans  le  quartier  Jean  de 
Vaux,  contre  la  maison  Grosse  de  Juniville^,  appartenant  à 
Haïe  Noël,  et  la  maison  de  Suzanne,  veuve  de  Guérin  le 
inégis>ier,  appartenant  à  Gerbert  le  maçon.  L'église  de  Lon- 
gueau  possède  un  surcens  de  vingt  sols  sur  une  autre  maison 
de  Marguerite,  située  à  Reims,  entre  celle  de  feu  Pierre  de 
Marfaux^  d'une  pari,  et  celle  de  Gautier  Boirou  el  de  Pierre 
Btrcelain,  d'autre  part.  Le  procureur  de  ladite  église.  Messire 
Pierre  Asgrenous ',  chanoiue  de  Reims,  el  Howard  de  Saint- 
Pierre,  bourgeois  de  Reims,  exécuteurs  testamentaires  de 
Marguerite,  conviennent  amiablemenl  devant  Th.  de. . .  clerc 
juré,  délégué  à  cet  effet,  que  le  monastère  de  Longueau  pren- 
dra le  surcens  ce  vingt  sols  dont  jouissait  Marguerite  sur  les 
deux  maisons  contiguës,  mais  que  l'autre  maison  sera  libre  du 
surcens  dont  elle  était  tenue  envers  l'église  de  Longueau. 

1243,   juillet. 
Th.    du  Mont,  chanoine  et  officiai  de  Soissons,   dénonce 

1.  Vézelay  (Vonnej,  arrondissement  d'Avallon. 

2.  Mardeuil  (Marne),  canton  d'Epernay. 

3.  Juuiville  (Ardeuuesj,  chel'-lieu  de  canton. 

4.  Marfaux  (Marne),  canton  de  Ville-eu-Tardenois. 

5.  Pierre  de  Grenous  uu  Asgrenous,  concéda  aux  Templiers,  eu  décembre 
12i7,  une  gianjre  situ(*e  à  Tours-sur  .Marne,  qui  fut  l'ofigine  de  leur 
domaine  dans  celle  localité.  —  (ûom  Noël.  L'Ordre  de  Malte  dans  le  dio- 
cèse de  Reims.) 


348  LE    CARTULAIRE    DU    PRIEURÉ 

la  reconnaissance,  par  Guillaume  do  Cuisles,  chevalier,  du  legs 
de  Régnier  de  Cuisles,  chevalier,  son  père,  à  l'église  de  Lon- 
gueau,  d'une  renie  annuelle  de  cent  sols,  à  prendre  sur  la 
maison  de  Guillaume,  sise  à  Cuisles,  et  à  distribuer  par 
la  prieuresse  du  cloître,  pour  la  pitance  des  religieuses  le  jour 
de  l'anniversaire  de  Régnier. 

1245,    septembre. 

Marguerite  confirme  le  don,  'par  Evrard  Chaciaus,  son  mari, 
de  vingt  sols  de  rente,  povr  la  pitance  du  couvent. 

Magisler  Lucas  de  Gifo,  officialis  domiui  Gomecii,  archidia- 
coni  remensis,  omnibus  praesentes  literas  visuris,  in  domino 
salutem.  Noverint  universi,  quod  cum  Evrardus  Chaciaus, 
volens  ad  partes  Iransmarinas  profîcisci,  dederit  et  conlulerit, 
in  perpetuam  elemosinara,  ecclesiw  de  Longua  Aqua,  XX  soli- 
des annui  reddilus,  pro  pilancia  conventui  ejusdem  ecclesise, 
in  Pascha  facienda,  Margarila,  relicla  ipsitis  Evrardi,coram  me 
conslituta  in  jure,  volens  animfp  ipsius  Evrardi  et  suœ  pro- 
videre,  dictam  donalionem  et  coUalionem  laudavit  et  appro- 
bavit,  et  diclos  XX  solidos,  super  quandam  domum  quam 
habebat,  ut  dicebat,  Remis,  silam  in  vico  sancli  SymphoridUi, 
inter  domum  quandam  Theobaldi  Auiieis,  ex  una  parte,  et 
domum  Mairaude,  sororis  dicise  Margarila?,  a  dicla  ecclesia  in 
perpetuum  percipiendos,  singulis  annis,  ad  dominicam  qua 
canletur  Lœlare  Jérusalem  assiguavil.  In  cujus  rei  testi- 
monium,  prsesentes  lileras  sigillo  curige  domiui  mei  feci  com- 
muuiri.  Datum  anno  domini  MCCXLV  raeuse  seplembri. 

lîiô,  septembre,  3'=  férié  après  la  fêle  de  Saint  Mathieu,  apôtre. 

Me*  Jean  de  Blois,  chanoine,  et  Gérard  de  Meuet,  officiai  de 
Reims,  dénoncent  ce  qui  suit  : 

Feu  Jean  Crassin  ',  bourgeois  de  Reims,  a  légué  à  l'église  de 
Longueau  huit  sols  et  demi  de  surceus,  sur  la  maison  d'Helvide 
Lachaude  d'Eperuay,  à  prendre  chaque  année,  à  la  fête  de 
Sainl-Remy,  chef  d'octobre,  ainsi  qu'il  appert  des  lettres  de 
religieuse  personne  Nicolas-,   abbé  de  l'église  Saint-Martin 

1.  Jean  Crassin  figure  au  mois  d'avril  1230,  avec  Hélie  et  Jean,  prieurs 
du  Mout-Dieu  et  du  Val-Saint- l'ierre,  dans  le  vidimus  d'une  charte  de  12'29, 
par  laquelle  Guillaume,  évêque  de  Comrninges  et  recteur  de  Sauve- 
Majeure,  notifie  l'accord  intervenu  entre  l'abbaye  d'Elan  et  le  prieuré  de 
Novy,  au  sujet  de  pâturages  et  de  limites,  lieudit  la  Rosière.  —  (E.  de 
Barthélémy,  Cartulaire  de  Novij.) 

2.  Nicolas,  12»  abbé  des  chanoines  réguliers  de  Saint-Martin  d'Epernay, 
est  connu  par  des  chartes  de  1239  et  do  124;i.  (Gai.  Christ.,  t.  IX,  col.  285.) 


DE   LONGLEAU  3^9 

d'Epernay,  el  Alix,  sa  veuve,  a  reuoucé  à  toute  roclamatiou 
sur  cette  aumône. 

1246,  décembre.  Traasaclion  entre  le  comte  de  lietkel 
et  le  pi-ieuré  de  Longueait. 
Je  Jehans  cuens  de  Reslel  fas  asavoir  à  louz  ceus  qui  suut 
et  ki  à  venir  serunt,  ki  ces  présentes  lettres  verrunt,  ke  des- 
cors esioit  entre  moy,  d'une  part,  et  la  prieuse  et  le  couvent 
de  Longueaue,  d'autre  part,  de  ce  keles  disoient  que  li  cuens 
Hes  mes  pères  et  la  comtesse  Félicitas,  ma  mère,  lor  douè- 
rent en  aumonne  perpétuel  la  disime  partie  de  tous  les  bleds 
qui  venoient  en  lor  greuiers  de  la  chastelerie  de  Restet,  ei  de 
ce  elles  avoieul  lor  lettres  scellées  de  lor  seaus,  et  par  celé 
reson  eles  me  demandoient  ce  blet  devant  dit  et  disoient  que  je 
estoie  tenus  au  rendre.  A  la  par  de  fin  je,  d'une  part,  et 
la  prieuse  et  li  couvent,  d'autre  part,  par  conseil  de  bones 
gens  nos  acccordasmes  et  feimes  pais  de  ces  choses  en  tel 
manière  que  pour  toutes  ces  choses  je  lor  ay  octroyé  trente 
selire  de  froment  bon  et  loyal  et  un  selere  desoile  à  la  mesure 
de  Machou,  à  penre  chacun  an  perpetuelnient  à  touz  jors, 
en  la  ville  de  Machou,  en  la  si?e  de  mes  bleds  ke  on  me 
doit  en  celé  ville  de  Machou  à  la  fesie  Saint-Remien  octombre, 
et  s'il  n'en  avoit  tant  eu  celle  assise,  je  serois  tenu  à  astoir  la 
deffaule  en  seslelage  de  celle  ville  de  Machou.  El  parmi  cela 
la  prieuse  et  le  couvent  devant  dit  ont  quitté  moi  et  mes  oirs 
à  louz  jors  de  celle  disine  partie  de  ces  bleJs  de  Restai  ci 
devant  dite  et  de  tout  ce  keles  me  demandoient  el  povent 
demander  par  la  raison  dou  don  de  rnou  père  et  de  ma  mère 
devant  diz  de  tant  couiine  il  appartient  a  ce  disime  des  bleds  de 
Reslet  devant  ditle,  et  les  lettres  qu'elles  avoient  dou  don  de 
ce  di&ime  ellf.s  m'ont  vendues.  En  lesmoignagede  celte  pais  et 
par  cette  pais  cy  devant  dite  el  en  lesmoignage  de  ces  choses, 
je  et  la  comtesse  Marie,  ma  femme  avons  donés  ces  lettres  scellées 
de  nos  seau>:  et  i  avons  aloiés  nos  et  nos  hoirs  à  tenir  cette  pais 
fermement  à  tous  jors  pei'manablement  el  voulons  et  octroyons 
et  requeruus  ke  mesire  li  rois  de  Navarre,  cuens  de  Champagne 
el  de  Brie  palalins  confirme  cet  asenement  et  celle  pais  de  ces 
choses  cy  devant  dites  par  ses  lettres,  si  corn  soverains  sires  dou 
lieu  où  cib  bleds  est  assis.  El  en  lesmoignage  de  ces  choses,  jo 
el  Marie,  ma  femme,  comtesse  de  Restet,  avons  pendus  nos 
saiaux  à  ces  lettres  en  l'au  de  l'Iucarnacion  MCC  el  XL  sis  au 
mois  de  décembre  le  jour  de  h.'st')  Saint  Thomas  devant  Xoi'I  '. 

1 .  Cf.l  instrumenl  est  fort  détiiruré  ;  cerluiiis  mots  trop  modernes  attebleiil 
!d  malndresse  du  scribe  qui  a  lu  l'ori-rinal. 


350  LE    CARTtJLAIRE    DU    PRIKLRE 

1247,  février,  jeudi  avant  Eslo  mihi'. 

Jean  de  Blois  et  G.  de  Menêt,  chanoine  et  officiai  de  Reims, 
anononcenl  l'accord  suivant  :  Damoiselle  Luigar  Je  de  Balham% 
veuve  de  Baudoin  de  Son,  tutrice  d'Oudiueite,  Isabelle  el 
Agnès,  ses  enfants,  a  donné  à  l'église  de  Longueau  un  muid 
de  grain  à  la  mesure  de  Châleau-Porcien,  moitié  conseiP  légal, 
moitié  avoine,  à  prendre  annuellement  le  lendemain  de  la 
Toussaint,  dans  la  grange  de  ses  enfants,  à  Son  *. 

Si  le  grain  de  ladite  grange  ne  suffit  pas  pour  fournir  la 
rente  dont  s'agit,  le  déGcit  sera  pris  sur  Thérilage  des  enfants. 
S'il  arrive,  d'aulre  pari,  que  les  chariots  de  l'église  de  Lon- 
gueau soient  obligés  d'attendre  plus  d'un  jour  avant  de  rece- 
voir la  rente  au  complet,  les  enfants  supporteront  les  frais  de 
séjour,  mais  ou  ne  comptera  pas  le  jour  de  l'arrivée. 

Agnès,  fille  de  Luigarde,  jouira  de  celte  rente  sa  vie  durant. 
En  outre,  Luigarde  promet  de  faire  nolifi,er  les  présentes  par 
ses  entants,  OudineUe  et  Isabelle,  lors  de  leur  majorité. 

Approuvé  par  Oudard.  écuyer,  oncle  paternel  des  enfants  ; 
Huard,  oncle  maternel,  en  présence  de  Guillaume  de  Chau- 
mont",  clerc  juré  de  la  Cour  de  Reims,  à  ce  délégué,  Huard  de 
Tagnon,  écuyer,  oncle  maternel,  s'est  constitué  piège. 

1248,  juillet,   lundi   dans  la  quinzaine  des  apôtres   Saint   Pierre 
et  Saint  Paul. 

Mathilde",  comtesse  de  Nevers,  donne  aux  religieuses  de 
Longueau,  pour  célébrer  chaque  année  l'anniversaire  de  sa 
fille  et  de  la  fille  de  celle  dernière,  dix  livres  de  monnaie  auxer- 
roise,  à  prendre  tous  les  ans,  sur  sa  censé  d'Auxerre,  dans 
l'Octave  de  la  Purification  de  la  Bienheureuse  Vierge  Marie, 
pour  la  pitance  des  religieuses  qui  assisteront  à  cette  céré- 
monie. 

Fait  à  Donzy. 

Paul  Pellot. 

1.  Dimanche  de  la  Quinquagéaime. 

2.  Balham  (Ardennes),  caat.on  d'Asfeld. 

3.  Consialum  ou  Consegale  est  une  espèce  de  blé  mêlé  de  seigle  qui,  en 
Champagne,  s'appelle  consccle,  conseil. 

4.  Son  (Ardennes),  canton  de  Château -Porcien. 

3.  Chaumont-Porcicn  (Ardennes),  chef-lieu  de  canton,  arrondissement  de 
lUlhel. 

6.  Mahault  ou  Mathilde  de  Courtenay,  mère  de  Agnès  de  Donzv,  femme 
de  Guy  de  Chàtillon. 


Éloje  académique  d'Hippolyte  Taine 


Par    M.    Albert    SOREL 


M.  Albert '"orel,  ayant  été  élu  par  l'Académie  française  à  la 
place  vacante  par  la  mort  de  M.  Taine,  y  est  venu  prendre 
séance  le  jeudi  7  février  et  a  prononcé  le  discours  suivant  que 
nous  sommes  heureux  de  reproduire  ici,  avec  sa  gracieuse 
autorisation. 

Messieurs, 

En  me  recevant  dans  votre  Compagnie,  vous  avez  comblé  toute 
mon  ambition.  S'il  était  possible  d'ajouter  quelque  chose  à  cet  hon- 
neur, vous  l'auriez  fait  en  m'appelant  à  parler  devant  vous  d'un 
homme  que  j'admirais  beaucoup,  lorsque  je  ne  connaissais  encore  de 
lui  que  ses  écrits,  et  que  j'ai  admiré  bien  davantage  lorsque  j'ai  eu 
le  rare  privilège  d'être  admis  à  son  amitié. 

Hippolyte  Taine  a  été  Tun  des  plus  puissants  originaux  de  ce  siè- 
cle. Aucune  carrière  n'a  été  plus  directe,  aucune  œuvre  plus  homo- 
gène, aucun  caractère  plus  constant  que  le  sien.  Cepe.idait  cette 
œuvre  et  ce  caractère  semblent  pleins  de  contrastes.  Systématique 
jusqu'à  la  symétrie,  dans  son  architecture,  il  se  plaît,  dans  la  déco- 
ration, aux  saillies  éclatantes,  aux  peintures  passionnées.  Le  plus 
réservé  et  le  plus  tolérant  des  hommes  dans  le  commerce  de  la  vie, 
il  est  rude  et  cassant  dans  ses  expressions  :  il  éblouit,  il  heurte,  il 
renverse,  il  écrase.  Il  établit  le  déterminisme  absolu  dans  la  con- 
ception de  l'univers  ;  il  conclut  à  la  justice  et  à  la  liberté  dans  le 
gouvernement  dir-s  choses  humaines.  Or,  tout  se  tient  dans  cette 
tissure,  et  les  écrits  de  Taine  s'engendrent  les  uns  les  autres.  Il  a 
consacré  sa  vie,  —  et  quelle  vie  de  travail  fécond  et  acharné  —  à 
vérifier  et  à  prouver  les  idées  qu'il  avait  conçues  spontané  nent  dans 
sa  jeunesse.  Sa  méthode  fait  l'unité  et  la  magnificence  intellectuelle 
de  son  œuvre. 

Cette  méthode,  chez  lui,  c'est  l'homme  même.  Elle  opère  en  lui, 
avant  qu'il  la  connaisse,  et,  lorsqu'il  l'expose,  il  ne  fait  qu'analyser 
l'opération  naturelle  de  son  esprit.  «  Chacun,  a-t-il  dit,  prescrit  à 
la  sciencj  les  habitudes  de  sa  pensée. . .  »  «  Ma  forme  d'esprit  est 
française  et  latine  :  chsser  les  idées  en  files  régulières,  avec  pro- 
gression, à  la  façon  des  naturalistes.   » 

Au  service  de  cette  forme  d'esprit,  une  extraordinaire  puissance 
d'attention  et  d'adaptation.    Il  accumule,  il  triture,  il  dissout  les 


352  ÉLOGE   ACADÉMIQUE 

faits  récoltés  et  les  notions  acquises.  Il  laisse  la  dissolution  déposer, 
se  clarifier,  se  prendre  et  s'accroître^  en  structures  précises  et  rigi- 
des, selon  une  loi  d'affinité,  qui  est  la  loi  même  de  son  intelligence. 
Sa  pensée  se  forme  comme  se  forme  le  cristal. 

Et  ce  cristal  est  diaphane  :  merveilleusement  doux,  aux  surfaces_, 
glissant  et  résistant  ù  qui  veut  l'entamer,  froid  à  qui  le  touche, 
perçant  en  ses  pointes,  coupant  en  ses  anajles,  mais  nettement,  sans 
déchirure  ni  plaie  envenimée  ;  si  la  lumière  tombe  sur  ses  arêtes, 
elle  s'y  disperse  en  gerbes  irisées  ;  si  elle  traverse  ses  pr.smes,  elle 
se  répand  en  nappes  splendidcs  de  couleurs.  Taine  est  un  savant  qui 
voit  la  nature  avec  les  yeux  d'un  peintre,  un  dialecticien  qui  écrit 
comme  un  poète. 

Il  naquit  à  Vouziers,  dans  les  Ardennes,  le  21  avril  1828.  Sa 
mère  était  la  tendresse  et  la  raison  mêmes  ;  son  père,  esprit  très 
iin  et  très  cultivé,  lui  donna  les  rudiments  du  latin.  Taiiie  reçut 
ainsi,  et  à  mesure  que  naissait  sa  pensée,  l'empreinte  de  cette  langue 
qu'il  considérait  comme  «  l'art  vivant  d'écrire  et  de  penser  ».  Un 
oncle,  qui  avait  beaucoup  voyagé,  lui  enseigna  l'anglais.  L'âme 
anglaise  devint,  dès  l'enfance,  sa  seconde  âme.  Shakespeare,  plus 
tard,  lui  découvrit  la  figure  mouvante  et  passionnée  du  monde.  H 
lui  révéla  le  génie  de  la  Renaissance.  Taine  s'en  éprit  ardemment, 
et  pour  toujours. 

La  première  impression  de  la  nature,!  celle  que  le  reste  de  la  vie 
achève  et  ne  dissipe  plus  »,  lui  vint  de  la  torét  voisine,  humide, 
silencieuse,  pleine  de  rêves  étranges.  La  forêt  demeura  la  grande 
berceuse  de  sa  vie.  De  très  bonne  heure,  il  y  cherchait  à  leur  naissance 
et  dans  leur  mystère,  sous  les  mousses  et  sous  les  rochers,  «  les 
gr.uides  sources  dont  notre  petite  existence  n'est  qu'un  flot  ».  Il  y 
développa  une  disposition  singulière  à  découvrir,  dais  leur  genèse, 
les  mythes  primitifs  ;  à  deviner.  «  derrière  la  légende  humaine,  la 
majesté  des  choses  naturelles  »  et  le  chœur  universel  des  arbres,  des 
fleuves  et  des  mers.  Ce  fut  là  son  trait  d'union  avec  Goethe  ;  c'est 
par  ce  détour  qu'il  atteignit  l'âme  antique,  et  ce  n'es:  pas  sans 
intention  qu'il  a  réuni,  dans  l'une  desétuJes  où  il  a  le  plus  livré 
de  lui-même,  la  vision  de  la  forêt  des  Vosges  et  l'évocation  de  la 
piété  pa'ienne  :  Sainte  Odile  et  Ip/iige'nie. 

Enfin,  de  l'existence  laborieuse  et  honorée,  dans  un  intérieur  de 
province,  il  garda  le  respect  du  bon  sens,  l'amour  de  l'ordre  et  de  ce 
qu'il  appelait  les  «  choses  salutaires  ou  nécessaires  »  :  la  tamille  et 
le  mariage  ;  le  culte  de  la  liberté  individuelle,  le  vœu  d'un  gou- 
veriiement  tempéré,  aux  mains  d'hommes  compétents  et  s.iges. 

En  1848,  il  fut  reçu  à  l'Ecole  normale,  le  premier  d'une  promo- 
tion fameuse.  Il  trouva  dans  l'école  tout  le  feu  de  l'intelligence  et 
toutes  les  joies  de  l'amitié.  Il  lisait  tout,  mais  déjà  le  »  pli  primitit 
et  permanent  »  de  son  esprit  s'accusait.  «  L' Histoire  de  la  civilisu- 
lioii  de  M.  Guizot,  disait-il  plus  tard,  m"a  donné  la  première 
grande  satisfaction  de  plaisir  littéraire,  à  cause  des  classifications 
progressives.   » 


i)  HÎPPOLYTE   TAINE  ÔO.Î 

Lue  amitié  de  collège  lui  procura  l'occasion  d'être  présenté  à 
l'illustre  historien.  M.  Guizot  était  indulgent  et  encourageant  à  la 
jeunesse.  Tant  de  force  dans  l'essor  du  génie  et  tant  de  candeur 
d'àme  rattachèrent  d  Taine.  Il  lui  voua  une  estime  qui,  l'Académie 
le  sait,  ne  se  démentit  jamais.  J'ai  eu  le  bonheur,  au'  même  âge, 
sans  mériter  le  même  incérér,  d'ootenii'  la  même  bienveillance;  j'ai 
connu  cette  hospitalité  de  la  pensée,  plus  précieu5e  et  plus  libérale 
encore  que  l'hospitalité  du  foyer  ;  ec,  aujourd'hui,  disciple  suivant 
de  loin  la  trace  de  ces  grands  maîtres,  il  m'est  doux  de  les  associer 
dans  ma  reconniissance. 

La  génération  de  Taine  arrivait  à  u  i  t  )urnant  inquiétant  de  l'his- 
toire. Ces  recrues  vaillantes  co;nmençaient  leur  campagne  au  lende- 
main d'une  déroute.  «  La  démocratie  instituée  excitait  leurs  ambi- 
tions sans  les  satisfaire,  la  philosophie  proclamée  allumait  leur 
curiosité  sans  la  contenter.  »  Puis  venait  la  question,  poignante  à 
cet  âge.  où  l'homme  est  encore  plus  impatient  de  bonheur,  qu'il 
n'est  avide  de  gl jire  :  que  sera  pour  nous  la  vie  r  S'ils  interrogeaient 
les  poètes,  de  Chateaubriand  à  Lamartine,  de  Byron  à  Heine,  ils 
n'entendraient  qu'un  concert  de  lamentations  :  «  le  bonheur  déclaré 
impossible,  la  vérité  inaccessible,  la  société  mal  faite,  l'homme 
avorté  ».  Taine  se  détourna,  l'amertume  au  cœur,  il  maudit  l'en- 
thousiasme, il  réprouva  l'éloquence,  tous  les  prestiges  qui  font  de 
la  raison  la  dupe  éternelle  des  passions.  Faute  de  pouvoir  tenter 
l'épreuve  de  la  vie,  il  en  demanda  le  secret  au  roman,  et  le  roman 
lui  sem.^ila  d'autant  plus  véridique  qu'il  était  plus  desséchant  ou 
plus,  flétrissant  pour  l'humanité.  C'est  le  moment  où  Stendhal, 
qu'il  proclamera  «  le  plus  grand  psychologue  du  siècle  et  des  siè- 
cles précédents  »,  va  s'emparer  de  l'aine  ;  c'est  le  moment  où 
Balzac  lui  apparaît  comme  «  le  Shakespeare  vivant  et  moderne  »  et 
lui  ouvre  «  le  plus  grand  magasin  de  documents  que  nous  ayons 
sur  la  nature  humaine  s.  ia  notion  de  l'homme  procède  de  cette 
terrible  pathologie,  de  même  que  sa  notion  de  la  politique  procède 
de  l'écroulement  d'hommes  et  d'idées  qui  se  donnait  alors  en  spec- 
tacle à  Paris.  D'où  son  pessimisme  fondame;ital  ec  ces  formules  qui 
sont  la  clef  de  son  optique  sociale  :  l'homme  est  fou,  comme  le 
corps  esc  malade,  par  nature  ]  la  perception  est  une  hallucination 
vraie  ;.la  santé  de  notre  esprit,  comme  la  santé  de  nos  organes, 
n'est  qu'un  bel  accident  ;  le  bon  gouvernement  n'est  qu'une  excep- 
tion et  qu'un  répit  dans  le  cours  des  choses  humaines. 

Il  descendit  alors  «  au  fond  du  scepticisme  »  Mais  il  était  toute 
volonté  e.  toute  intellig.nce.  Le  néant  ne  pouvait  le  retenir  long- 
temps et  il  se  releva  très  tort.  Spinoza  le  rendit  à  lui-même.  Il 
s'exalta  d'une  sorte  de  piété  sombre  pour  un  Dieu  qui  se  confond 
avec  l'univers  et  se  démontre  par  raisonnement  géométrique.  Ii  n'y 
eut  plus  de  vérité  peur  lui  que  dans  l'ordre  universel  :  toute  sa 
tache  fut  dp  le  comprendre,  tout  son  devoir  de  s'y  conformer.  En 
cette  persuasion  seulement,  se  dit-il,  on  trouve  «  le  repos  absolu  de 

23 


354  ÉLOliE    ACADEMIQUE 

l'ârne,  qui  exclut  tout  doute  et  qui  enchniiie  l'esprit  comme  avec 
des  nœuds  d'airain  ».  Il  avait  vingt  et  un  ans  quand  il  écrivait  ces 
lignes.  Les  nœuds  d'airain  ne  s;?  desserrèrent  p'us.Il  s'enferma  dan* 
sa  tour  de  granit  ;  il  n'y  laissa  vers  le  ciel  qu'une  ouverture  étroite 
et  voilée,  et  par  échappées  seulement,  durnnt  quelque  nuit  d'été 
très  pare  et  très  chire,  il  se  Inissi  encore  aller  à  soulever  le  voile 
et  à  contempler,  au-d-'là  du  temps  et  de  l'tspace,  la  formule  créa- 
trice, «  l'indifTérente,  l'immuable,  l'éternelle,  la  tou'e-puissante  », 
devant  laquelle,  lorsqu'il  la  découvre  d.ms  sa  sérénité  sublime, 
l'esprit  de  l'homme  se  ploie  «consterné  d'admiiation  et  d'horreur  ». 
Spinozi  lui  commandait  l'obéissance  ;  MarcAurèle  lui  enseigna  la 
résignation.  «  Je  lis  Musset  et  iVlarc-Aurèle,  écrivait  il  à  un  ami. 
Je  trouve  dans  l'un  tous  les  e  lnui^,  dans  l'autre  le  remède  univer- 
sel ..  C  est  mo  1  catéchisme,  c'est  nous-mêmes...  La  lumière  de  l'es- 
prit produit  la  sérénité  du  cœur.   " 

Une  telle  conception  de  la  vie  conduit  à  consacrer  la  vie  à  la 
science.  Etudier  l'ame  en  elle-même,  dans  l'œuvre  des  hommes  de 
génie,  dans  l'histoire  des  sociétés  humùnes;  voir  l'homme  tel  qu'il 
est,  ni  avorton,  ni  monstre,  qu'on  ne  vante  ni  ne  diffame  ;  le 
remettre  à  sa  place  dans  la  nature  ;  montrer  que  tout  en  lui  et 
autour  de  lui  se  ramène  à  un  faisceau  de  lois,  et  que  l'iJéal  auquel 
se  suSr)endent  toutes  ses  aspirations  est  aussi  la  fin  à  laquelle  con- 
courent toutes  les  forces  de  l'univers,  telle  e.st  la  tâche  que  Taiiie  se 
proposait  dès  sa  sortie  de  l'école. 

Mais  il  fallait  vivre,  et  paur  ceux  qui  voulaient  penser  librement, 
c'était^  en  ces  années-là,  une  chose  difficile  que  de  vivre  dans  l'Uni- 
versité. Taine  l'éprouva  à  tou»  les  degrés  :  un  refus  à  l'agréga- 
tion, qui  fit  scandale,  un  envoi  en  province,  qui  n'était  que  l'ap- 
prentissage de  la  disgrâce.  Il  connut  la  sottise  dans  l'injustice,  la 
perbécution  hypocrite,  «  ces  premiers  crève-.-œur  de  la  jeunesse  » 
qui  assombrissent  à  tout  januisla  vie,  et  ce  qu'il  apprit  alors  à 
nommer  «  la  dureté  ordinaire  du  commerce  des  hommes  ».  En 
miins  d'une  année,  il  tomba  d'une  supp  éance  de  philosophie  à 
Toulon  à  une  suppléance  de  sixième  à  Bc-sançon.  Il  se  révolta  et 
parât  pour  Paris,  sans  autie  ressource  que  sa  plume. 

Ce  Paris  studieux  de  1853,  qui,  dans  une  sorte  d'effervescence 
sourde  de  mine  et  de  laboratoire,  couvait  u  le  révolution  dans  la 
science  et  dans  les  lettres  françaises,  était  fait  pour  développer, 
mais  aussi  pour  pousser  aux  extrêmes,  du  côté  où  il  penchât,  l'es- 
prit d  Hippolyte  Taine.  On  y  travaillait,  on  y  pensait,  sans  autre 
objet  que  la  vérité,  sans  souci  des  conséquences  pratiques;  que  di.<- 
je,  avec  le  mépris  de  ces  conséquences. 

C'est  alois  que  Taine  se  lia  avec  Wœpke.  qui  compléta  ses  con- 
naissances maihématiquc^s  et  l'i  litia  à  la  philologie  ;  avec  Doré, 
qui  l'introduisait  dans  le  monde  des  artistes,  tanJis  que  Marcelin, 
San  ami  d'e.ifance,  lui  apprenait  à  démêler  l'histoire  dans  les  estim- 
pes.  Il  faisait  de  la  chimie  et  de  la   physiologie  ;  il   fréquent  lit  la 


d'hippoltTe  taine  3ob 

Salpétrière,  tachant  de  découvrir,  à  travers  les  grossissements  et 
les  déformations  de  l'intelligence  malade,  le  passage  mystérieux  de 
la  sensation  à  l'image,  et  de  l'image  à  la  perception.  Entre  temps, 
il  commençait  d'écrire  à  la  Revue  de  l'instruction  publLjuc^  aux 
Débats^  à  la  Revue  des  Deux  Mondes.  Et,  partout,  entier  à  son  étude 
présente,  il  allaif,  interrogeant  les  hommes  spéciaux,  les  témoins 
vivants  ;  choisissant  de  préférence  ceux  auxquels  il  attribuait  à  la 
tois  le  sens  très  aigu  et  un  parti  pris  très  sceptique  ;  poursuivant, 
sous  k  forme  la  plus  concise,  l'opinion  la  mieux  prouvée,  «  les 
impressions  personnelles,  exactes  et  crues  »,  les  mots  caractéristi- 
ques de;  hommes  illustres,  les  petits  détails  significatifs  des  grands 
événements.  CepenJant  il  avait  hâte  de  rentrer  dans  sa  retraite  de 
l'île  Saint-Louis.  Aux  hommes  récalcitrants  ou  importuns  il  pré- 
férait les  livres,  moins  lourds  et  moins  longs  à  feuilleter.  La  vie 
réelle,  la  vie  brutale  même  l'attirait  à  titre  d'expérience  et  de  cli- 
nique sociale.  Mais  il  n'aimait  à  l'étudier  que  dans  Saint-Simon  ou 
dans  Bilzac,  comme  les  monstres,  les  tauves  et  les  oiseaux  de 
prcie,  au  Muséum,  derrière  les  grilles,  le  matin,  quand  les  arbres 
sont  encore  frais  de  la  rosée  ei  que  les  allées  sont  encore  vides 
d'oisifs.  Il  redoutait  de  perdre  son  temps  et  d'encombrer  sa  mémoire. 
Enfin,  il  ne  savait  pas  s'ennuyer.  S'il  voulait  le  secret  des  choses, 
il  ne  se  résignait  point  à  le  guetter  longtemps,  aux  seuls  endroits 
peut-être  oii  ce  secret  se  décèle  entre  les  propos  interrompus,  les 
anecJctes  rabâchées,  les  confidences  fallacieuses,  le  bavardage  des 
hommes  obsédés  d'eux-mêmes,  qui  cherchent  à  tuer  le  te  nps,  à 
tromper  l'attente,  à  se  tenir  en  scène  les  uns  devant  les  autres,  se 
méfiant  des  questions,  mais  laissant  parfjis  échapper,  par  surprise 
de  vanité,  ou  de  passion,  le  mot  révélateur  :  les  antichambres  des 
hommes  d'Etat,  les  bureaux  de  rédaction  des  journaux,  les  cou- 
loirs des  assemblées,  les  foyers  de  théâtres,  toutes  les  salles  de  pas- 
perdus. 

Et  comme  il  compulse,  dépouille,  regarde,  analyse  et  note  à 
Paris,  il  voyage  en  Angleterre,  en  Italie,  dans  les  Pays-Bas,  en 
France.  Assidu  aux  archives,  chez  les  savants  et  chez  les  hommes 
techniques,  commentant  les  musées  par  les  bibliothèques. 

Il  s'exerce  et  s'anime  à  la  science  nouvelle  Ici,  en  historien^  à 
coups  de  pioche  tt  de  mines,  rudes  et  durs,  dans  le  sol  résistant,  la 
chaussée  ciinentée,  les  massits  monuments  de  l'histoire  romaine  : 
c'est  l'HssjL  sur  Tite-Live.  Ailleirs,  en  psychologue,  s'efTorçant  de 
dégager  les  traces  de  Condiilac,  ensevelies  sous  les  programmes 
d'ttat  :  c'est  le  livre  des  Philosophes.  Ce  livre  tut  sa  prise  de  la  Bas- 
tille. Taine  n'a  rien  produis,  pis  même  les  notes  de  Thomas  Grain' 
dorge^  ce  La  Bruyère  positiviste  de  la  Yie  parisienne.,  où  il  ait 
déployé  plus  de  fantaisie  avec  plus  d'abandon  :  une  verve  endia- 
blée, un  mélange  d'irrévérence  sjrcastique  et  de  flamme  à  la  DiJe^ 
rot  ;  un  talent  encore  inconnu  dans  nos  lettres,  pour  rendre  les 
abstractions  vivantes^   l'analyse  colorée,    la  dialectique  pittoresque^. 


356  ÉLOGE    ACADÉMlQtE 

le  sophisme  ridicule,  l'évidence  spirituelle;  pour  glisser  des  croquis 
délicieux  de  paysage,  dans  des  encadrements  noirs  de  tableaux  de 
mathématiques  ;  toute  une  psychologie  qui  s'atflrme,  toute  une 
philosopliie  de  l'histoire  qui  se  déborde,  toute  une  métaphysique 
qui  s'envole  ;  par-dessus  tout  l'exubérance,  les  ailes  de  la  jeunesse. 
Il  projette  en  ses  ouvrages,  conçus  en  même  temps,  publiés  coup 
sur  coup,  les  idées  directrices  de  ses  oeuvres  capitales.  H  les  lance  à 
brûle-pourpoint,  assaillant  le  lecteur  par  la  thèse,  l'empoignant  pir 
la  démonstration.  Il  aimait,  il  aima  toujours,  les  débuts  impérieux 
à  la  Beethoven. 

Au  cours  de  ses  études  sur  Racine,  Saint-Simon,  La  Bruyère,  I,a 
Fontaine,  Mme  de  Lafayette,  il  se  fut  une  notion  du  caractère 
français,  qu'il  reprendra  sans  cesse,  l'étendant  et  la  complétant,  et 
qui  exerce  sur  le  rythme  de  son  œuvre  autant  d'influence  que  sa 
notion  primordiale  de  l'homme  infirme  par  naissance  et  de  la 
société  malade  par  nature.  C'est  l'esprit  classique  ;  il  e;i  déduira  sa 
théorie  de  la  Révolution  française,  et  cette  idée  deviendra  l'idée 
maîtresse  des  Origines  de  la  France  contemporaine. 

On  s'explique,  dès  l'abord,  ce  qu'il  comprendra  dans  ce  livre  et 
ce  qu'il  en  exclura.  On  voit  venir  de  la  même  allure,  et  se  supposer 
les  uns  sur  les  autres,  la  tragédie  classique  et  les  Droits  de  riiomme^  la 
monarchie  absolue  et  la  démocratie.  C'est  la  grande  route  royale 
et  nationale  de  l'histoire  à  tr-U'ers  les  plaines  et  les  vignobles  de  la 
France  moyenne  ;  mais  cette  route  s'arrête  au  pied  des  montagnes 
couvertes  de  neiges  éternelles  ;  aux  grèves  où  l'Océan,  qui  se  perd 
dans  l'infini,  étale  ses  nappes  mouvantes  sur  le  sable  morne  ;  aux 
rochers,  où  les  vagues  perpétuellement  troublées  se  brisent  en 
écume,  sous  un  ciel  lourd  de  tempêtes.  La  France  est  le  pays  des 
contrastes.  Sa  Chanson  de  geste  abonde  en  merveilles  ;  et  n'est-ce 
point  découper  d'une  main  trop  tranchante  en  son  histoire  que  d'en 
écarter  à  titre  de  digressions,  tant  de  glorieuses  aventures  et  d'hé- 
ro'iques  épreuves,  cet  appétit  de  l'impossible  et  ces  longs  abatte- 
mcius  coupés  de  lièvres,  la  folie  d^  la  croix  et  la  folie  de  la  liberté, 
la  voie  épique,  qui  va  de  Jérusalem  à  Fleurus,  du  cycle  de  Charle- 
magne  ù  relui  de  Napoléon  .'  Ce  sont  pour  Taine  de^  rayons  diver- 
gents. Il  s'interdit  de  les  suivre,  comme  il  s'interdit  l'clévation  vers 
ie  mystère  et  l'ascension  vers  la  métaphysique. 

Il  avait  entrepris  d'appliquer  en  grand  sa  méthode,  d'écrire  l'his- 
toire d'une  littérature  et  d'y  chercher  la  psychologie  d'un  peuple. 
Il  avait  choisi  l'Angleterre,  parce  qu'il  retrouvait,  dans  la  littéra- 
ture anglaise,  à  tous  les  âges,  l'homme  passionné,  concentré,  inté- 
rieur, qui  est  l'Anglais  d'aujourd'hui.  Taine,  dans  ce  livre,  donna 
sa  mesure.  Par  «.e  coup  de  maître,  il  ne  se  plaça  pas  seulement  au 
premier  rang  de  nos  écivains,  il  fit  grand  honneur,  en  Europe,  à  la 
littéra.ure  française. 

La  méthode  avait  fait  ses  preuves  ;  Taine  en  présenta,  dans  l'in- 
troduction de  la  Littérature  anfilaisc.  un   exposé   magistral,    tlle  se 


D  HIPPOLYTE    TAINE  ?>0  , 

ramène,  en  réalicé,  à  quelques  données  simples  :  touces  les  choses 
humaines,  que  ce  soit  le  génie  d'un  artiste  ou  le  génie  d'un  homme 
d'Etat,  la  lit:ér.iture  d'un  peuple  ou  ses  institutions,  ont  leurs  cau- 
ses, leurs  conditions  et  leurs  dépenda.'ices.  Pour  l'homme  et  pour  le 
peuple,  il  y  a  une  disposition  initiale  maîtresse  et  supérieure,  qui 
dirige  toutes  les  idées  et  tous  les  actes,  tlle  procède  de  trois  fortes 
primordiales,  la  race,  le  milieu,  le  moment. 

Taine  devait  beaucoup  à  Sainte-Beuve  et  il  aimait  à  le  pro- 
clamer. Toutefois,  pour  cette  conception  fondamentale,  il  relevait 
d'un  autre  maître.  «  Mon  idée,  disait-il,  traîne  par  terre  depuis  Mon- 
tesquieu, je  l'ai  ramassée,  voilà  tout.  » 

Nous  reconnaissons  les  fameux  «  rapports  nécessaires  qui  dérivent 
de  la  nature  des  choses  »;  mais,  en  les  constatant,  n'oublions  pas 
que  la  nature  des  choses,  ici,  c'est  la  nature  humaine.  En  histoire, 
c'est  l'homme  qu'il  faut  rechercher  partout  et  partout  remettre  en 
son  rang,  car  partout  on  le  reconnaît.  Qu'est-ce,  en  effet,  que  la 
race,  dans  le  développement  de  la  civilisation,  si  ce  n'est  l'ensem- 
ble des  caractères  héréditaires  imprimés  par  la  famille  aux  généra- 
tions ?  Qu'est-ce  que  le  milieu,  si  ce  n'est  l'humanité  accumulée 
depuis  les  origines,  les  traditions,  les  croyances  religieuses,  les 
chants  populaires,  les  lois,  tout  ce  qui  façonne  les  individus,  lie  le 
passé  et  l'avenir,  supprime  la  mort  dans  les  nations  et  tait  que 
l'homme  tient  à  sa  patrie  comme  la  plante  tient  au  sol  d'où  elle  tire 
sa  sève,  sa  fleur  et  sa  semence  ?  La  destinée  d'un  peuple,  ainsi  con- 
sidérée, se  réduit  aux  iaits  permanents  de  son  histoire.  Les  peuples 
demeurent,  dans  les  conditions  naturelles  imposées  à  la  vie 
humaine,  les  artisans  de  leur  destinée.  Les  formules  que  nous  en 
donnons  sont  de  pures  créations  d;  notre  esprit,  et  elles  ne  mènent 
pas  plus  les  affaires  du  monde  que  les  formules  des  astronomes  ne 
mènent  le  cours  des  astres.  Mais  dans  le  spectacle  de  l'humanité 
errante^  souffrante  et  travaillant  toujours  à  mieux  voir,  à  mieux 
penser,  à  mieux  agir^  à  diminuer  l'infirmité  de  l'être  humain,  à 
apaiser  l'inquiétude  de  son  cœur,  la  science  découvre  une  direc- 
tion et  un  progrés  :  elle  ajoute,  à  l'intérêt  émouvant  du  drame, 
ridée  d'une  harmonie  supérieure  dont  ce  drame  est  l'expression. 

Pour  expliquer  les  faits,  Taine  les  lie  ;  pour  les  montrer,  il  les 
arrête.  Son  histoire,  ainsi  enchaînée  et  groupée,  est  immobile;  mais 
il  supplée,  par  l'animation  du  style,  au  mouvement  du  récit  qu'il 
supprime.  Il  n'eut  jamais  d'hésitation  sur  la  méthode  ;  il  en  tut  sur 
le  style,  et  aussi  des  retours.  Il  ten,îit  que  la  faculté  de  représenter 
les  choses  est  la  puissance  même  de  penser.  Il  s'y  appli,]ua,  mais 
sans  parti  pris  ni  efforts  dans  les  premiers  temps  ;  plus  tard,  par 
procédé  et  par  tension.  Entre  sa  première  manière,  les  métaphores 
tout  intellectuelles^  les  aquarelles  aux  teintes  claires  du  Lj.  Font^ini: 
et  des  Philosophes  et  l'imagination  véhémente  du  Voyage  en  Italie^ 
il  y  a  plus  qu  une  différence  de  degré.  On  passe  d'une  école  à  une 
autre.  Dans  Paris,  tel  que  l'a  fait  la  vie  moderne,  Stendhal  est  cité 


3;)8  K/.OGE    ACADÉMIQUE 

sans  être  lu,  Condillac  n'est  ni  lu  ni  cité.  Montesquieu  est  relégué 
au  cabinet  des  médailles.  Taine  se  déclire  pour  les  coloristes.  Il  fixe 
sur  ses  carnets,  en  notes  aiguës  et  parfois  frémi,ssantes  jusques  à  la 
douleur,  les  «  taches  que  font  les  objets  sur  sa  réiine  ».  Mais  il  se 
reprocherait  de  chercher  l'impression  pour  l'impression  même.  Il 
veut  que  la  représentation  de  l'idée,  tout  intense  qu'elle  soit,  demeure 
une  idée  éclairée  et  approfondie  ;  plus  signifiante,  plus  pénétrante  à 
l'esprit  parce  qu'elle  frappe  plus  tor  ement  les  sens  ;  mais  toujours 
démonstrative,  jamais  fantasque,  encore  moins  inexacte.  Il  fit  plus 
d'une  fois,  sur  cet  article,  troublant  pour  lui,  son  examen  de  cons- 
cience. «  Depuis  dix  ans,  écrivait-il  en  1862,  mon  idée  fondamen- 
tale a  été  :  Il  faut  peindre  l'homme  à  la  façon  des  artistes,  et,  en 
même  temps,  le  construire  à  la  façon  des  raisonneurs  :  l'idée  est 
vraie,  elle  produit  des  effets  puissants,  je  lui  dois  mon  succès,  mais 
elle  démonte  le  cerveau.  .  .  Je  lutte  entre  les  deux  tendances,  celle 
d'autrefois  et  celle  d'aujourd'hui.  «  Il  se  partagea  :  la  traduction 
<L  littérale  et  spontanée  des  sensations  »,  pour  les  notes  de  voyage 
en  Angleterre  et  sur  Paris,  la  classification  colorée  pour  la  philoso- 
phie et  pour  l'histoire.  C'est  en  cette  dernière  manière  qu'il  écrit 
son  Essai  sur  la.  sculpture  en  Grèce^  d'une  verve  si  légère,  d'une 
lumière  si  transparente  ;  son  Traité  de  l'idéal  dans  Van,  si  sain,  par 
l'élévation  perpéiueile  vers  le  vrai  et  Li  belle  doctrine  de  la  bienfai- 
.sance  des  caractères  ;  son  Traité  de  l'intelligence^  où  il  complète  et 
mène  à  ses  fins  la  p-sychologia  esquissée  dans  les  Philosophes . 
C'est  son  œuvre  la  plus  méditée  ;  et  peut-être  est-ce  son  œuvre  la 
plus  parfaite. 

Ce  livre  marque  l'apogée  de  son  talent  et  aussi  de  son  influence. 
Il  est  désormais  à  côte  de  Renan,  son  ami.  l'un  des  chefs  reconnus 
de  la  génération  nouvelle.  Taine  avait  été  un  précurseur.  Son  public 
était  venu.  Les  jeunes  gens,  qui  avaien"".  alors  de  vingt  à  trente  ans, 
très  Français  en  leur  évolution  même,  las  des  mots  creux,  de  la  phi- 
losophie de  commande  et  de  la  philosophie  importée,  des  ballons 
captifs  et  des  ballons  dégonflés,  avides  de  science  à  défaut  de  l'ac- 
tion qui  leur  était  interdite, exigeaient,  dans  la  pensée  et  dans  l'art, 
la  vue  positive  des  choses,  la  précision  nourrie  de  réalité.  Elèves  de 
Pasteur  à  l'Ecole  normali^,  de  Quicherat  à  l'Fcole  des  chartes,  de 
Claude  Bernard,  de  Berthelot,  de  Havet  au  Collège  de  France,  lec- 
teurs de  V Ancien  Régime  de  Tocqueville  et  de  la  Cité  antique  de  Fus- 
tel  de  Coulanges,  Leconte  de  Lisle  leur  révélait  les  âmes  barbares 
et  la  poésie  des  races  disparues;  ils  allaient  avec  le  roman,  de  Bal- 
zac à  Flaubert  ;  au  théâtre,  ils  applaudissaient  le  Demi-Monde  et 
les  Effrontés  ;  puis,  rentrés  au  logis,  ils  sentaient  leur  cœur  battre 
et  leur  àme  s'élever  avec  les  Stances  de  Suliy  PruJhomme.  Il  y 
avait  Lntretous  ces  hommes  et  toutes  ces  œuvres,  des  liens  et  des 
rapports  que  es  jeunes  gens  devinaient  et  qu'i.s  ne  s'expliquaient 
pas.  laine  les  leur  fa  comprendre.  Il  fut  leur  conscience  iii;ellec- 
tuelle,  leur  maître  à  penser  et  leur  maître  à  écrire.  Il  leur  apprit   à 


D  HlPPOI.YrK    TAINE  350 

voir  et  à  vouloir,  à  fouiller  et  à  construire.  Influence  austère  en  ses 
horizons  fermés,  mais  virile  et  tortifiante  en  se»  nobles  exhortations  au 
labeur  dési  itérasse  de  la  civilisation. 

Les  professionnels  disputaient  encore  entre  eux,  s'il  convenait  de 
le  classer  parmi  les  pantliéistes  ou  parmi  le^  positivistes,  s'il  fallait 
le  rattacher  à  Comte  ou  à  Spinoza,  sous  quel  nom  il  était  opportun 
de  le  consacrer,  ou  sur  quel  chef  il  convenait  de  l'excommunier,  que 
déjà,  ne  fût-ce  même  par  l'écho  ou  le  cnoc  en  retour  des  c  avertis- 
sements »  et  des  réfutations,  sa  méthole  avait  gagné  le  grand 
public.  Ses  tormules  :  milieu,  race,  moment,  idée  maîtresse_,  série 
de  groupes,  états  d'àmes,  hallucmition  vraie,  souvent  incomprises 
et  détjrquéeS;  cour.iient  les  éc  îles,  les  revues,  les  ateliers,  les  jour- 
naux. C'est  â  cette  sorte  d'étiage  que  ?e  mesure  l'alluvion  des  grands 
penseurs.  Psychologie,  liis  oire,  critique  d'art  et  critique  littéraire, 
études  de  la  nature  et  paysages  écrits  ;  le  roman  consulté  a  titre 
de  document,  et  se  construisant  désormais  à  coups  de  documents  ; 
l'm*  esrigation  minutieuse  de  l'homme  da.s  sa  naissance,  dans  ses 
habitudes,  dans  ses  entouis  ;  la  descriptijn,  l'inventaire  même  du 
mobilier  et  des  accessoires  de  la  vie  humaine,  on  peut  dire  que  par- 
tout, de  la  chaire  des  universités  à  la  presse  mondaine  et  anecdoti- 
que,  l'influence  de  Taine  se  fit  ressentir  :  dans  aucune  branche  de 
l'activité  intellectuelle  il  n'a  laissé  les  choses  au  point  où  il  les  avait 
prises. 

Son  œuvre,  telle  qu'il  l'avait  conçue,  comportait  encore  des  étu- 
des religieuses  et  des  études  politiques.  Il  était  déjà  loin  du  temps 
où  il  n'apercevait,  dans  la  religion,  «  qu'un  beau  poème  tenu  pour 
vrai  »,  relevant  de  la  seule  littérature.  Depuis  son  voyige  en  .Angle- 
terre, il  entrevoyait  dans  un  christianisme  très  large,  tout  imprégné 
de  l'esprit  moderne,  une  conciliation  possible  entre  l'esprit  scienti- 
iique  et  une  discipline  morale  qui  lui  paraissait  la  meil.eure  de  tou- 
tes pour  développer,  dans  l'homme,  par  un  appel  direct  à  la  cons- 
cience, «  la  réforme  volontaire  et  l'empire  de  soi-même  ».  Il  y 
songeait  souvent,  mais  il  se  trouvait,  sur  ce  chapitre,  trop  loin  de 
compte  avec  la  majorité  de  ses  concitoyens.  «  J'ai  bien  u  i  idéal  en 
po  iti  lUe  et  en  religion,  écri/ait-il  en  1862  ;  mais  je  le  sais  impas- 
sible en  Fiance,  c'est  pourquoi  je  ne  puis  avoir  qu'une  vie  spécula- 
tive, point  politique.  Si,  ajoutait-il,  le  protestantisme  libre,  comme 
en  .Allemagne  sous  Schleiermacher,  ou  à  peu  près  comme  aujour- 
d'hui en  Angleterre,  si  les  libertés  locales,  comme  aujourd'hui  en 
Belgique,  en  Hollande,  en  Angleterre,  aboutissaient  à  une  représen- 
tation cen'rale. .  .  »  Toutefois,  il  avait  crayonné  le  Projet  d  un  livre 
sur  lu  religion  et  la  société  en  France.  Il  voulait  l'écrire  «  à  la  manière 
de  .Vlachia\el,  sans  iac.i.ier  dans  un  sens  ou  dans  un  autre,  traitant 
h  ch  )se  comme  un  état  physiologique  ».  Il  avait  ajourné  ce  dessein. 
Quand  il  le  reprit,  les  te:nps  étaient  ch'iigés,  et  ces  temps  d'épreu- 
ves tragiques  avaient  amené  Faine  à  un  état  d'esprit  bien  éloigné  de 
celui  de  Machiavel. 


:i60  Kr.OGE   ACADÉMIQUE 

Il  vit  ce  que,  saut' quelques  Jiommes  avertis  du  s;cretdes  affaires 
eu  Europe,  notre  génération  considëraic  comme  la  chose  impossi- 
ble. Nous  étions  nourris  de  ce  qu'on  nomme  nu  dehors  la  grande 
illusion  française.  Les  étrangers  la  raillent,  mais  nous  n'en  parlons, 
nous,  que  les  larmes  aux  yeux,  parce  que  cette  illusion-là  est  la  loi 
de  notre  histoire,  le  lien  de  notre  société,  iiotre  principe  et  notre  mis- 
sion dans  le  monde.  Dans  ce  siècle  des  nationalités,  la  France,  qui 
avait  payé. de  son  sang  la  résurrection  des  peuples,  a  été  frappée 
dans  sa  conscience  nationale.  Ramenée  à  ses  limites  traditionnelles, 
elle  nous  y  paraissait  doublement  sacrée,  par  le  droit  et  par  l'his- 
toire :^  car  ceux  qui  vivaient  dans  cette  frontière  d'élection,  s'étaient 
unis  en  légitime  mariage,  pir  leur  consentement  libre,  pour  la 
bonne  et  pour  la  mauvaise  fortune,  contre  la  maladie  et  contre  la 
mort  ;  car  la  France  avait  pris  pour  sa  maxime  d'Etat  cette  décla- 
ration qui  semblait  la  metfe  au-dessus  des  querelles  :  «  J'aime, 
donc  je  suis  !  »  faisant  ainsi  de  la  nition  une  àme  qui  se  survit  tou- 
jours et  qui  ne  se  divise  pas. 

Il  ne  suffit  point  à  Taine  de  protester  contre  les  conditions  de  la 
paix  et  d'opposer  à  la  France  selon  les  Allemands,  la  France  véritable: 
il  sentit  que  désormais  le  savant  ne  pouvait  plus,  comme  naguère, 
répondre  au  politique,  qui  lui  reprochait  d'établir  la  révolution  ou 
le  désespoir  dans  l'esprit  des  Français  :  «  Est-ce  qu'il  y  a  des  Fran- 
çais ?  »  Il  y  en  avait  et  ils  étaient  malheureux,  et  ils  étaient  trou  - 
blés.  Chacun  se  devait  à  tous.  Tout,  dans  notre  démocratie,  dépend 
du  mouvement  des  masses,  et  les  masses  ne  sont  mues  que  par  les 
déplacements  sourds  des  infinimencs  petits.  C'est  dans  ces  profon- 
deurs seulement  que  peuvent  opérer  les  réformes  efficaces,  les 
actionsélé mentaires. qui,  par  leur  poussée  lente  et  continue,  arrivent 
à  modifier  les  conditions  générales  de  l'histoire  :  le  milieu  socia' 
et  les  dispositions  héréditaires  de  la  race.  Dans  ce  dessein,  pour 
défricher  d'abord  les  avenues  et  tormer  les  pionniers,  Taine  aida 
de  toute  son  ardeur  son  ami  M.  Boutmy,  grand  éducateur  d'hommes? 
à  fonder  l'Ecole  des  sciences  politiques,  e  Pour  voter,  écrivait 
Taine  en  1849,  il  me  faudrait  connaître  l'état  de  la  France,  ses 
idées,  ses  mœurs,  ses  opinions,  son  avenir.  »  Cette  idée  reprise 
vingt-cinq  après,  a  produit  les  Origines  de  la  France  contemporaine. 
Estimant  que  les  périls  de  la  France  provenaient  d'une  grande 
aberration  :  la  conception  abstraite  des  droits  de  Vliomme^  et  d'une 
constitution  funeste  :  les  institutions  de  l'an  VIII  ;  que  l'une  et 
l'autre  provenaient  d'un  pli  héréditaire,  imprimé  par  l'ancien 
régime,  Taine  résolut  de  les  attaquer  par  la  réfutation  de  leurs 
principes  et  par  le  spectacle  des  maux  qu'elles  avaient  causés. 

Il  pose  d'abord  et  très  fortement  les  bornes  de  son  ouvrage.  Il  ne 
prétend  p.is  expliquer  l'ensemble  des  affaires  françaises  pendant  ia 
Révolution.  Il  exclut  les  finances,  l'Eglise,  les  négociations,  les 
armées,  le  contre-coup  des  menaces  et  des  convoitises  de  l'Europe, 
les   nécessités  et  les  entraînements  de  la  guerre,  qui  emportent  les 


d'hippolyte  ïaine  31)1 

Français,  de  la  lutte  pour  l'indépendauce,  à  la   propaganJe  et  à  la 
conquête.  Il  laissait  à  d'autres  le  soin  d'ea  faire  Ihistoire. 

Je  suis  de  ceux  qui  se  sont  hasardés  dais  une  des  parties  de  ce 
vaste  champ,  que  Taine  s'étnit  fermé.  Mes  recherches  m'ont  con- 
duit, sur  des  points  même  que  Taine  avait  traités,  à  des  jugements 
très  sensiblement  ditiérents  des  siens.  Vous  le  saviez,  messieurs, 
lorsque  Vous  avez  accordé  à  mon  livre  celui  de  vos  prix  qu'un  his- 
torien français  est  le  plus  fier  de  recevoir.  Taine  était  alors  des 
vôtres,  et  nul  n'entrait  avec  plus  de  liberté  d'esprit  dans  votre 
large  façon  d'envisager  les  choses.  Je  manquerais  étrangement  de 
mémoire,  si  je  ne  le  rappelais  pas  aujourd'hui  ;  mais,  à  y  insister 
davantage,  je  manquerais  assurément  de  discrétion. 

Taine  n'a  qu'un  objet  :  montrer,  à  travers  l'histoire  de  l'esprit 
public  et  des  pouvoirs  publics,  comment  le  Français  de  l'ancien 
régime  est  devenu  le  Français  d'aujourd'hui.  Celui-lii,  à  ses  yeux, 
est  un  malade  par  dispositions  héréditaires,  malade  aussi  de  ses 
médecins,  qui,  par  le  jrs  saignées,  leur  antimoine,  leur  régime  d'hôpi- 
tal militaire,  l'ont  énervé  et  détraqué.  Taine  dénonce  cette  théra- 
peutique déplorable  ;  il  cherche  l'hygiène  future  et,  selon  sa 
méthode,  il  la  cherche  dans  l'étude  du  malade.  Il  va  au  club  des 
Jacobins,  comme  il  allait  autrefois  à  h  Salpétrière.  Il  ne  s'occupe 
pas  de  ce  qui  a  fait  vivre  les  Français  durant  cette  crise;  il  s'in- 
quiète de  qui  aurait  pu  les  tuer.  Il  n'écrit  pas  l'histoire  de  la  Révo- 
lution française,  il  fait  la  pathologie  mentale  du  Français  penda  it 
la  Révolution. 

Avec  quelle  patience  et  quelle  conscience  il  poursuit  son  énorme 
enquête,  ceux-là  seuls  qui  l'ont  vu  travailler,  ceux  d'entre  vous  qui 
lui  ont  ouvert  leur  trésor,  peuvent  le  dire,  et  nul  ne  le  saurait  dire 
sans  témoigner  de  son  estime.  .Mais  plus  Taine  s'enfonce  dans  cette 
réalité  démente  et  sinistre,  plus  il  s'émeut,  s'emporte,  se  livre.  Il 
dépouille  le  détachement  superbe  du  savant;  il  entre  en  bataille 
pour  lui-même,  comme  au  temps  de  sa  lutte  contre  les  éclectiques; 
plus  sombre  toutefois,  plus  impétueux,  muni  de  tous  les  projec- 
tiles ec  de  tous  les  explosifs  modernes.  Par  moments,  on  se  croirait 
à  la  cour  d'assises^  que  dis-je,  au  tribunal  révolutionnaire,  le  len- 
demain des  journées  de  proscriptions.  Toutes  les  factions  se  pous- 
sent dans  te  prétoire  et  s'y  étouffent  les  unes  sur  les  autres.  Taine 
instruit  le  procès,  interroge  les  témoins,  requiert,  juge  et  condamne 
toujours.  La  splendeur  du  style  décuple  l'effet  des  tableaux  :  les 
métamorphoses  surgissent,  grossissantes  et  lumineuses  comme  les 
projections  des  physiciens,  mais  en  même  temps  furieuses  et 
emportées,  d  L'artiste,  disait-il,  est  une  machine  électrique  chargée 
de  foudre  ;  sa  grandeur  consiste  dans  la  grandeur  de  sa  charge  ; 
plus  ses  nerfs  peuvent  porter,  plus  il  peut  faire.  » 

L'Ancien  Régime,  où  l'explosion  couve,  est,  avec  la  Littérature 
anglaise  et  l'Intelligence,  sa  troisième  œuvre  maîtresse  :  l'Académie  la 
salua  par  une  élection,  que  ratifia  toute  l'Europe  lettrée.  Les  volumes 


362  ÉLOGE    ACADÉMIQUE 

de  la  Révolution  où  la  mine  éclate,  soulevèrent  autant  d'admira- 
tions^ mais  beaucoup  plus  de  critiques.  Le  livre  était  plei  i  de  pas- 
sion, les  pnssioH'^  s'en  empirèrent.  Il  se  produisit  dans  le  public, 
entre  chacune  des  parties  de  l'ouvrage,  une  série  d'évolutions,  ana- 
logues à  celles  du  chœur,  dans  les  tragédies  grecques.  Avec  sa 
conscience  de  penseur  sincère  et  d'écrivain  lucide,  Taine  s'étonnait 
d'être  si  méconnu  dans  ce  qu'il  avait  dit  et  si  fort  attaqué  pour  ce 
qu'il  ne  disait  pas. 

Lorsqu'on  lui  reprochait  de  négliger  les  grands  côtés  de  l'époque, 
il  n'aurait  eu  qu'à  ouvrir  son  livre  aux  pages  où  se  dépl  ne  l'essor 
de  la  nation  en  1792,  sorte  de  marche  héro'ique  et  sacrée,  d'une 
magnifique  envolée  de  clochi's,  de  chants  et  de  clairons  II  n'aurait 
eu  encore  qu'à  reprendre,  dans  sa  Littéruture  anglaise^  cette  apos- 
trophe^ jetée  à  un  détracteur  illustre  de  notre  génie  national  :  «  Ces 
ouvriers,  ces  Jacques  sans  pain,  sans  habits,  se  battaient  à  la  tron- 
tière  pour  des  intérêts  humanitaires.  Ils  sont  dévoués  à  la  vérité 
abstraite^,  comme  vos  puritains  à  la  vérité  divine  ;  ils  ont  combattu 
le  mal  dans  la  société,  comme  vos  puritains  dans  l'àme  ;  ils  ont 
eu,  comme  eux,  un  héroïsme, mais  sympathique,  sociab.e, prompt  à 
la  propagande,  et  qui  a  rétormé  l'Lurope^.  pendant  que  le  vôtre  ne 
servait  qu'a  vous.  »  Il  se  contentait  de  dire  :  «  Ce  n'est  pas  mon 
sujet.  »  Quant  aux  admirateurs  nouveaux  et  parfois  un  peu  trop 
zélés,  que  lui  valaient  ses  coups  de  bélier  contre  les  Droits  de 
Vhomme  et  ses  coups  de  massue  aux  Jacobins,  «  je  les  attends  », 
disait-il,  avec  son  sourire  fin  et  résolu,  et  cette  manière  qu'il  avait 
de  conclure  d'un  ton  doux  et  péremptoire,  ponctuant  la  phrase, 
scandant  les  mots  :  «  Je  les  attends  à  Napoléon.  » 

Il  n'attendit  pas  longtemps,  et  l'effet  dépassa  son  attente.  Jus- 
que-là, lorsqu'il  était  aux  prises  avec  un  penseur^  un  poète,  un 
artiste,  et  qu'il  arrivait  a  l'élément  irréductible,  au  passage  de  la 
formule  ù  la  vie,  Taine,  penseur  et  poète  lui-même,  suppléait  l'im- 
puissance  de  l'analyse  par  la  divination  de  son  propre  génie.  Mais, 
ici,  cette  divination  lui  faisait  défaut.  Il  l'a^-ait  dit  à  piopos  de 
Guizot  et  de  Cromwell  :  i  Pour  écrire  l'histoire  politi  ]U',  il  faut 
avoir  manier  'es  affaires  d'Etat.  \jn  littérateur,  un  psychologue,  un 
artiste  se  trouve  hors  de  chez  lui.  »  L'Ltat  était  pour  Taine  le  der- 
nier des  monstres  scolastiques,  qu'il  avait  rés.)lu  d'anéantir  :  il  était 
absolument  réfractaire  à  la  raison  d'Etat.  C'est  pourquoi,  comme 
naguère  le  Comité  de  salut  public,  Napoléon  lui  demeura  étranger. 
Il  tut  beau  remplir  le  creuset,  broyer  et  chauffer  à  outrance  ;  la 
flambée  eut  des  éclats  surprenants,  mais  l'affinité  manquait  et  le 
bronze  ne  se  forma  point. 

Avec  le  Régime  moderne,  Taine  revint  à  son  objet  direct.  Il  a  tait 
la  part  de  la  fatalité  héréditaire  ;  il  fait  maintenant  celle  de  la  jus- 
tice. Justice  sociale,  pour  lui,  est  synonyme  de  liberté  civile  et 
politique,  et  il  n'y  a  de  liberté  féconde  que  celle  qui  garantit  les 
droits  de  l'individu.  1  iberté.  justice,  ces  mots,  ainsi  entendus,  im- 


d'hii'POlyte  taine  303 

pliquent  l'actioa  volontaire  et  l'agent  responsable.  «  L.i  persuasion 
que  riiomme  est  avant  tout  une  personne  maraleet  libre,  et  qu'ayant 
conçu  seul,  dans  sa  conscience  et  devant  Dieu,  la  règle  de  si  con- 
duite, il  doit  s'employer  tout  entier  à  lappli  juer  à  lui,  hors  de  lui, 
absoluiiient,  obstinément,  inflexiblement,  par  une  résistance  perpé- 
tuelle opposée  aux  autres,  et  par  une  contrainte  perpétuelle  exer- 
cée sur  soi  ».  voil'i,  disait  Taine,  «  la  grande  idée  anglaise  ». 
Disons  :  la  grande  idée  de  tout  peuple  qui  prétend  vivre  et  qui  ne 
veut  ni  se  dessécher  dins  les  déserts,  ni  sombrer  dans  les  bas- 
toiids.  Sans  cette  donnée,  sans  ce  que  Taine  appelle  les  deux  idées 
maîtresses  de  la  civilisation  moderne,  l'honneur^  par  où  l'homme 
s'attribue  des  Jroifs  dont  rien  ne  peut  le  priver,  la  conscience,  par 
où  il  conçoit  la  justice  absolue,  le  livre  des  Org  nés  ne  serait  qu'une 
apocalypse  de  notre  décaJen_e  et  le  livre  du  Rt-gime  moderne  qu'une 
stérile  lamentation.  Ni  l'une  ni  l'autre. 

Le  plus  délicat  des  hommes  sur  l'article  de  l'honneur,  le  plus 
scrupuleux  sur  l'article  de  la  conscience,  Taine  a  vécu  en  homme 
responsable  et  libre,  il  a  écrit  pour  des  hommes  responsables  et 
libres,  capables  de  le  comprendre  et  de  profiter  de  ses  enseigne- 
ments. A  ceux  qui  l'accusent  de  dissoudre  l'ame  humaine  en  une  série 
plus  ou  moins  flottante  d'états  d'âme,  on  peut  répondre,  et  par  sa 
doctrine  de  la  facu<té  maîtresse,  qui  concentre  et  gouverne  toute 
l'àme  durant  toute  sa  vie,  et  par  l'exemple  de  son  âme,  la  plus 
identique  à  soi-même  qui  ait  jamais  été.  Il  a  mieux  tait  que  d'écrire 
ce  traité  de  la  Volonté  qui  devait  former  le  complément  de  son 
livre  sur  Vlntellige/ice  ;  il  a  montré,  par  ses  actes,  ce  que  valait, 
contre  les  épreuves  du  dehors  et  pour  la  saine  activité  humaine, 
une  volonté  tenace  et  réfléchie. 

Parmi  les  soutiens  que,  dans  cette  lutte  de  tous  les  jours,  exige 
l'infirmité  de  l'homme,  il  inclinait  de  plus  en  plus^  dans  les  der- 
nières années  de  sa  vie,  à  placer  la  religion  chrétienne.  L'expérience 
et  l'iiistoire  l'avaient  conduit,  envers  le  christianisme,  de  l'intelli- 
gence à  la  sympathie  et  au  respect.  Il  ne  disait  pas,  avec  les  liber- 
tins d'Ltat:  Il  faut  une  religion  pour  le  peuple.  Il  n'admettait  point 
cette  nuance  de  mépris  dans  une  atiaire  qui  est  l'affaire  la  plus 
intime  du  cœur  humain.  H  savait  que  tout  le  monJe  est  peuple 
devant  la  soutlrance,  l'énigme  de  la  destinée,  les  contrariétés  de  la 
justice,  le  déchirement  de  la  mort  et  l'inquiétude  de  l'espérance. 
Toutetois,  s  il  réclama  pour  les  croya.its  la  liberté  de  conscience  la 
plus  large  avec  toutes  ses  conséquences  et  toutes  ses  conditions;  s'il 
reconnut  dans  l'Evangile  «  le  meilleur  auxiliaire  de  l'instinct 
social  »;  s'il  en  vint  à  admirer  la  toi,  comme  un  au-delà  de  l'intelli- 
gence et  de  la  raison,  nul  ne  peut  dire  qu  il  rompit  les  nœuds  d'ai- 
rain qu'il  s'était  librement  forgés.  Franchit-il  jamais  cet  abime.  que 
le  croyant  franchit  d'un  coup  d'aile,  et  qui  sépare  la  soumission  à 
des  lois  nécessaires  et  universelles,  de  la  confiance  en  la  bonté  infi- 
nie d'un  Père  ?  S'il  resta,  pour  son  compte,  un  stoïcien,  il  le  fit  de 
dessein  prémédité,  mais  aussi  par  modestie.  On  doit  savoir  se  bor- 


364  ÉLOGE    ACADÉMIQUE 

lier,  disait-il,  «  être  conteur  d'avoir  pu  contempler  et  penser  le 
monde,  croire  que  cela  vaut  la  peine  de  vivre  ».  Mais,  c^  qu'il  s'in- 
terdisait à  lui-même,  il  ne  se  défendait  point  de  l'attendre  d'au- 
trui,  «  Chaque  génération,  écrit-il,  lira  quelques  pages  du  grand 
livre  qui  ne  finit  pas  »...  «  Si  je  m'arrête,  c'est  par  sentiment  de 
mon  insuffisance  ;  je  vois  les  limites  de  ma  pensée^  je  ne  vois  pas 
celles  de  l'esprit  humain.  » 

C'est  le  moment  où  un  grand  artiste,  qui  sait  peindre  les  hom- 
mes comme  Taine  savait  les  comprendre,  Fa  représenté,  vieillissant 
déjà,  mais  dans  la  plénitude  de  son  être  moral  :  imposant,  tomme  il 
apparaissait,  à  ceux  qui  l'apercevaient  du  dehors;  vénérable,  comme 
il  l'était  à  ceux  qui  l'approchaient^  ce  partaicement  aimable,  comme 
il  savait  l'être  pDur  tous  ceux  qu'il  recevait  à  son  foyer.  Très  clair, 
sur  un  fond  très  sombre,  il  se  détache  et  semble  venir  à  nous  de 
son  pas  mesuré.  Le  front  découvert,  bombé,  comme  trop  plein  et 
pesant  sur  le  corps  ;  le  visage  creusé  et  pâli  ;  toute  l'aspiration,  tout 
le  flux  de  la  vie  montant  vers  ce  iront  souverain  et  insatiable  ;  la 
bouche  droite,  volontiers  silencieuse,  s'ouvrant  aux  questions 
directes,  aux  réponses  nettes;  mais  bien  plus  volontiers  encore  sou- 
riante à  l'amitié,  bienveillante  à  la  jeunesse,  dure  seulement  au 
mensonge  et  impitoyable  à  la  présomption.  Les  yeux  se  tiennent  à 
demi  baissés,  sous  les  verres  qui  les  couvrent.  Le  regard,  quand  il 
se  lève,  est  perçant  comme  un  éclair  qui  passe  sur  une  lame  aiguë  ; 
mais,  plus  habituellement,  il  se  voile.  On  sent  que  Taine,  malgré 
sa  passion  pour  la  couleur,  préférait  encore  à  la  vision  éblouissante 
du  monde,  la  vie  intérieure,  celle  qu'il  avait  dirigée  une  fois  pour 
toutes_,  vers  les  grandes  idées  simples,  parles  grandes  lignes  pré- 
cises et  continues. 

IL  avait  restreint  sa  tâche;  il  avait  encore  trop  présumé  de  ses 
forces.  Il  ne  passait,  dans  les  dernières  années,  que  quelques  mois  à 
Paris,  impatient  de  retourner  à  sa  maison  du  lac  d'Annecy,  près  de 
laquelle  il  avait  décidé  de  reposer  toujours  :  il  y  avait  trouvé  le  seul 
bonheur  véritable,  le  bonheur  tel  qu'il  l'avait  conçu,  tel  qu'il  le 
méritait.  Il  marcha  tant  qu'il  put  marcher  :  là-bas,  sur  les  rives 
incessamment  rafraîchies  par  les  grands  courants  d'air  des  monta- 
gnes ;[à  Paris,  sur  les  bords  de  la  Seine,  où  sa  jeunesse  avait  connu 
l'angoisse  de  vivre  et  «  le  ravissement  de  penser  >  ;  de  préférence  à 
sou  cher  Jardin  des  Plantes.  Il  y  ressentait  comme  une  impression 
vivifiante  de  ses  matinées  d'autrefois,  au  mois  de  mai,  quand  il 
avait  vingt  ans  :  «  Le  soleil  brillait  au  travers  des  herbes,  et  je 
voyais  cette  vie  intérieure,  qui  circule  dans  les  minces  tissus  et  les 
dresse  en  tiges  drues  et  fortes  ;  le  vent  soufflait  et  agitait  toute 
cette  moisson  de  brins  serrés,  d'une  transparence  merveilleuse  ; 
j'ai  senti  mon  cœur  battre  et  toute  mon  âme  trembler  d'amour, 
pour  cet  être  si  beau,  si  calme,  si  étrange,  qu'on  appelle  nature  ;  je 
l'aimais;  je  l'aime;  je  le  sentais  pirtout,  dans  le  ciel  lumineux, 
dans  l'air  pur,  dans  cette  forêt  de  plante-î  vivantes  et  inanimées,  et 
surtout  dans  le  souffle  vif  et  inégal  de  ce  vent  de  printemps.  j> 


D  HIPPOLTTE    TAINE  36o 

iMais  chaque  saison  la  vie  devenait  plus  lourde,  la  marche  plus 
pénible  ;  les  étapes  étaient  plus  courtes,  les  haltes  plus  prolongées. 
Jamais  cependant  sa  pensée  n'avait  été  plus  alerte,  son  imagination 
plus  féconde.  <c  Cette  pensée,  dont  tu  es  si  fier,  lui  disait  autre- 
fois Prévost-Paradol,  que  tu  la  veux  d'une  nature  unique  et  supé- 
rieure à  l'univers  »,  cette  pensée  l'épuisait  de  si  créatioir  pro- 
digue et  incessante.  Au  lieu  de  la  suivre  avec  allégresse,  il  devait 
désormais  rompre  la  chaîne  des  idées  et  dissiper  les  Fantômes  des 
images.  Il  connut  ce  supplice,  le  plus  cruel  pour  un  homme  de  son 
génie,  réfréner  ce  génie  même  et  le  bâillonner.  Mais  il  ne  )e  mau- 
dit point  et  ne  murmura  jamais.  Dans  cette  misère  de  la  condition 
humaine,  ce  grand  et  douloureux  penseur  se  relevait  encore  par  sa 
souffrance  :  «  Toute  la  dignité  de  l'homme  est  dans  la  pensée.  » 

Puis  vint  le  jour  où  il  ne  sortit  plus  et  ne  reçut  plus  que  quel- 
ques intimes,  pour  quelques  instants  :  toujours  affable,  toujours 
intéressé  à  leurs  travaux,  soucieux  de  leurs  espérances,  ne  parlant 
que  de  leurs  affaires,  jamais  des  siennes  et  de  la  plus  poignante  de 
toutes.  On  le  voyait  s'amincir  et  se  courber,  mais  il  semblait  que 
l'homme  intérieur  grandissait  toujours  ;  et  lorsque  la  main  pieuse 
qui  veillait  sur  ses  forces  défaillantes,  indiquait  que  le  temps  était 
venu  de  le  quitter  ;  que  l'on  partait  en  se  demandant  si  le  lende- 
main on  le  retrouverait  encore  ;  que  l'on  songeait  avec  désespoir 
à  cette  grande  lumière  jetée  sur  le  monde  et  dont  la  source  allait 
disparaître,  on  se  réconfortait  en  considérant  que  l'on  assistait  à  un 
grand  spectacle  et  qu'il  n'y  avait  vraiment  plus  ni  proportions  ni 
commune  mesure,  entre  cette  pensée,  qui  s'élançait  toujours  plus 
forte,  plus  sereine,  plus  dégagée  vers  l'idéal,  et  ce  corps  qui  s'en 
allait  toujours  plus  débile,  s'évanouisiant  vers  la  terre. 

11  lisait,  il  lut  jusqu'à  la  fin  :  du  César  ou  du  Salluste,  revenant 
au  latin,  comme  l'homme  épuisé  revient  au  lait  qui  a  nourri  son 
enfance,  reposant  sa  pensée  indocile,  sur  les  mots  nets  et  pleins, 
dans  l'avenue  des  idées  alignées.  Il  se  faisait  lire  Sainte-Beuve,  qui 
lui  donnait  l'illusion  de  la  vie  dans  ce  qu'il  avait  le  plus  goûté  au 
monde  ;  la  libre  conversation  sur  les  choses  de  Tintelligence,  avec 
les  gens  d'esprit.  Enfin  il  méditait  Marc-Aurèle,  r-\sté  son  livre  de 
chevet.  De  ses  sentences,  «  cris  étouffés  d'un  enthousiasme  con- 
tenu... paroles  brisée-;,  qu'on  prononce  à  voix  basse  »,  il  s'était  fait 
une  sorte  de  liturgie.  Au  commerce  de  cetta  àme.  selon  lui,  «  la 
plus  noble  qui  ait  vécu  »,  il  s'exhortait  à  la  résignation  :  «  Conso- 
lez-vous donc,  jiauvres  hommes,  à  cause  de  votre  faiblesse  et  à 
cause  de  votre  grandeur,  par  la  vue  de  l'infini  d'où  vous  êtes  exclus 
et  par  la  vue  de  l'infini  où  vous  êtes  compris.  » 

Ainsi  mourut  Hippalyte  Taine.  Il  est  un  des  raies  hommes  qui 
ont  contribué  à  changer  la  figure  et  à  modifier  l'allure  intellec- 
tuelle de  leur  siècle.  Il  a  fait  avancer,  par  sa  méthode,  l'étude,  et, 
par  ses  livres,  la  connaissance  des  ch'jses  humaines  ;  il  a  jeté  un 
éclat  i;icomparable  sur  nos  ietires,  et,  après  avoir  fondu  quelques- 


366  ELOGE    ACADÉMIQUE 

unes  des  plus  belles  statues  de  l'art  français,  il  en  laisse  à  ses  suc- 
cesseurs le  moule  profond,  solide  et  délicat  ;  enfin,  il  a  donné,  par 
l'ad  Tiirable  tenue  de  son  existence,  un  modèle  de  l'art  de  vivre  à 
qui  se  propose  de  vivre  pour  la  science  et  pour  la  vérité. 

Voici  maiutenaut  la  seconde  partie  de  la  réponse  de  M.  le 
duc  de  Broglie,  dans  laquelle  l'érninenl  hislorieu  apprécie  à  sou 
leur  l'œuvre  critique  de  Taine, 

Votre  éminent  prédécesseur  était  déjà  arrivé  à  plus  de  la  moitié 
de  sa  carrière  et  rien  ne  paraissait  pouvoir  être  ajouté  à  l'éclat  de 
sa  réputation,  quand  il  donna  au  public  la  première  partie  de  ses 
vues  sur  les  Origines  de  lu  France  contemporaine.  Il  avait  traité  les 
sujets  les  plus  divers  avec  une  supériorité  égale  et  marqué  partout 
son  passage  par  une  abondance  de  vues  originales  qui,  aussi  admi- 
rées par  les  uns  que  contestées  par  d'autres,  donnaient  à  tout  ce 
qui  était  sorti  de  sa  plume  un  grand  retentissement.  Mais  aucun  de 
ses  écrits  n'a  jamais  causé  autant  d'émoi  ni  provoqué  à  l'échange 
d'autant  de  contradictions  passionnées  que  le  livre  mémorable  dont, 
malgré  la  sévérité  de  la  forme,  le  succès  est  devenu  si  rapidement 
populaire.  Le  seul  fait  d'être  sorti  des  consi  lérations  philoso,)hi- 
ques  ou  littéraires  pour  entretenir  la  France  de  son  pas^sé  récent  et 
de  son  avenir  incertain  a  suffi,  malgré  tout  lesjin  qu'il  .ivait  mis 
à  se  tenir  à  l'écart  de  la  politique  c  )urante,  pour»jeter  à  l'instant 
son  nom  dans  la  mêlée  de  la  presse  et  dans  I  arène  des  partis. 

A  la  vérité,  ce  qui  rendit  la  sensation  encore  plus  profonde,  c'est 
qu'un  peu  de  surprise  y  fut  méiée.  On  crut  remarquer  en're  cette 
production  nouvelle  et  celles  qui  avaient  déjà  illustré  son  auteur, 
sinon  une  contradiction  directe,  au  moins  quelque  divergence  de 
sentiments  et  de  tendances.  On  l'avait  vu  attaquer  sans  ménage- 
ment bien  des  croyances  traditionnelles  contre  la  Révolution  elle- 
même.  On  crut  à  un  changement  survenu  dans  ses  convictions. 
Vous  nous  dites  que  cette  impression  de  la  première  heure  était 
erronée  et  que  rien  n'était  changé  chez  M.  Taine  :  il  avait  procédé 
dans  cette  étude  comme  dans  les  précédentes,  par  la  même  méthode, 
l'application  des  mêmes  principes,  le  jeu  des  mêmes  formules  ;  la 
matière  seule  sur  laquelle  il  avait  opéré  était  differene  :  rien  de 
plus.  Je  veux  vous  croire  et  j'en  crois  aussi  M.  Taine.  qui  était  la 
sincérité  même,  et  tjui  est  resté  convaincu  qu'il  n'avait  en  rien 
altéré  sa  manière  ni  de  penser  ni  d'écrire.  Et  puis,  je  sais  que  lors- 
qu'on essaie  ("ce  qui  fut,  je  crois,  Terreur  de  ce  noble  esprit)  d'ap- 
pliquer la  logi  ]ue  aux  faits  qui  ne  la  comportent  pas,  on  est  sou- 
vent conduit,  jiour  ne  pas  trop  s'écaiter  dà  b  redite^  d'élargir  les 
principes  d'une  manière  qt^i  éloigne  sensiblement  le  point  d'arrivée 
d'un  raisonnement  de  son  point  de  départ.  Mais  le  public  n'emre 
pas  dans  ces  finesses,  il  juge  sans  réflexion  d'après  ce  qui  frappe  ses 
regards  :  il  ne  vit  qu'une  chose,  c'est  que  dans  le  passage  de  ses 
premiers  écrits  au  plus    récent,  M.  Taine  avait  causé  aux  disciples 


D  HlPPOLYTE    TAINE  3h7 

qui  l'avaient  suivi  jusque  li  quelque  déception  et  à  ses  contradic- 
teurs une  satisfiction  sur  laquelle  ils  ne  comptaient  pas.  Il  en  con- 
clut tout  simplement  qu'à  l'exemple  de  beaucoup  de  maîtres  en 
tout  genre  ^à  qui  il  n'en  fait  pas  un  reproche)  il  s'était  éclairé  ou 
modilié  par  Tcxpérience  ;  en  un  mot  qu'il  y  avait  deux  Taine 
comme  il  y  a  eu  deux  Raphaël.  Jetai-;  comme  le  public,  monsieur, 
et  on  trouvera  naturel  que,  des  deux  manières  de  ce  grand  artiste, 
ce  soit  la  seconde  que  je  préfère  à  la  première. 

Il  faut  que  ma  préférence  vienne  de  motifs  qui  me  tiennent  fort 
au  cœur,  pour  que  je  ne  me  laisse  pas  séduire  par  le  récit  que 
VOU-;  avez  fait  de  ce  que  j'appelle  la  première  phase  de  la  vie  de 
M.  Taine  :  car  rien  n'est  piquant  comme  de  voir  ce  jeune  écrivain, 
inconnu  et  maltraité  la  veille,  emporter  d'assaut  pour  ses  pr  mièies 
armes  un  établissement  philosophique  qui  disposait  de  toutes  les 
situatiois  otûciellcs.  De  l'enthousiasme  que  cette  brillante  campa- 
gne causa  à  la  jeune  génération  à  qui  le  régime  impérial  ne  lais- 
sait d'autre  champ  d'activité  que  le  domaine  des  idées,  vous 
avez  taie  une  peinture  pleine  d'éclat.  Me  permettez-vous  de  regret- 
ter que,  pour  la  réalité  et  l'exactitude,  vous  ne  l'ayez  pas  mêlée 
d'un  peu  d'ombrer  C'est  un  point  sur  lequel,  ni  vous  ni  moi,  nous 
ne  sommes  des  juges  pleinement  compétents.  Vous  étiez  trop  jeune 
pour  vous  renJre  bien  compte  de  ce  mouvement,  et  moi  je  ne  l'étais 
déjà  plus  assez  pour  y  prendre  parc.  J'userai  du  privilège  de  mon 
âge  en  rappelant  que  l'entraînement  ne  tut  pis  si  général  que  vous 
le  di:es,  et  sur  quel  fondement  s'appuyèrent  les  résistances  sérieu- 
ses qu'il  rencontra  et  qui  ne  méritent  pas  d'étie  oubliées.  Je  le 
fer?i  avec  la  même  liberté  que  si  je  m'adressais  à  M.  Taine  lui- 
même.  C'était  son  mérite  d'accepter  la  contradiction  aussi  simple- 
ment qu'il  la  bravait.  Des  hommages  qui  ne  seraient  pas  re  idus 
avec  une  pleine  ffanchise  offenseraient  au  lieu  d  honorer  sa  mémoire. 

L'école  philosophique  que  M.  Taine  battit  en  brèche  par  un  feu 
si  bien  nourri  avait  un  grand  tort  ;  elle  prév'alait  en  France  depuis 
un  quirt  de  siècle.  Je  ne  crois  pas  qu'aucun  système  de  philosophie 
puisse  subir  impuné;nent  cette  épreuve.  Comme  il  n'en  est  aucun 
qui  n'ait  ses  points  faibles,  aucun  i]ui  puisse  résoudre  par  la  voie 
ration  lelle  (la  seule  dont  la  philosophie  dispose)  tous  les  problènes 
qui  pèsent  sur  la  destinée  de  l'homme,  —  aucun  auquel  il  ne  faille 
rappeler  avec  Bossuet  que  la  sagesse  humaine  est  toujours  courte 
par  quelque  endroit,  —  on  s'aperçoit  aisément,  quand  on  a  eu 
le  temps  de  faire  le  tour  de  la  place,  que  bien  des  postes  sont 
sans  détense,et  c'est  par  là  que  l'ennemi,  quand  il  survient,  pénètre 
toujours  assez  aisément.  Il  n'y  a  pas  lieu  d'être  surpris  si  la  phi- 
losophie que  M.  Taine  trouviit  au  pouvoir,  et  dont  il  eut  le 
droit  de  se  plaindre,  n'a  pas  échappé  à  cette  condition  commune. 
Elle  'j  était  même  d'au  ant  plus  exposée  qu'elle  eut  plus  qu'aucune 
autre,  je  le  crains,  la  prétentiim  de  paraître  suffisante  quand  elle 
ne  l'était  pas,  détournant  ainsi  les  disciples  qui  la  prenaient  pour 
guide  de  chercher  d'autres  lumières  et  d'autre   secours  que  ceux 


368  ÉLOGE    ACADÉMIQUE 

qu'elle  leur  promettait  sans  pouvoir  leur  tenir  parole.  C'est  le  péché 
de  présomption  que  M.  Taine  lui  fit  durement  expier.  Mais  il  ne 
la  dépouillait  pas  de  ce  qui  fat  son  véritable  mérite  :  c'est  d'avoir 
relevé  et  rétabli  dans  leurs  droits,  après  les  superficielles  négations 
dn  siècle  précédent,  les  vérités  qui  ont  fait  de  tout  temps  l'espoir  et 
l'honneur  de  l'humanité  :  Dieu,  sa  providence,  sa  bonté,  la  sain- 
teté du  desoir,  la  distiiiction  du  bien  et  du  mal,  de  l'esprit  et  de 
la  matière.  Je  vous  assure,  monsieur,  que  ce  n'était  là  ni  mots 
creux,  ni  ballons  gonflés,  ni  philosophie  de  commande,  c'était  tout 
simplement  le  concert  rétabli  avec  les  belles  âmes  et  les  grands 
génies  de  tous  les  âges 

Et  que  nous  offrait  donc  la  doctrine  nouvelle  en  échange  de  ce 
qu'elle  nous  >  emandait  de  quitter  ?*  Vous  l'avez  dit  :  une  piété  som- 
bre envers  Dieu  si  bien  confondu  avec  l'univers  qu'il  ne  se  distinguait 
pas  du  néant,  et  un  pessimisme  systématique,  n'ayant  pour  conso- 
lateur que  Marc-Aurèle,  qui  ne  préi.he  pas  tellement  la  résigna- 
tion qu'il  ne  conseille  au  besoin  de  sortir  de  la  vie,  si  on  la  trouve 
trop  pénible.  On  était  excusable  en  venté  de  ne  pas  renoncer  faci- 
lement aux  bonnes  raisons  qu'on  croyait  avoir  pour  ne  pas  le  suivre 
dans  des  régions  sans  espoir,  conduisant  à  des  abîmes  d'ombre  et 
de  silence. 

Les  générations  d'ailleurs  passent  vite,  et  dans  le  cours  moyen 
dune  langue  existence  on  en  voit  plusieurs  se  succéder.  Une  nou- 
velle n.ût  en  ce  moment  à  l'intedigence  et  au  raisonnement  pour 
qui  M.  Taine  est  déjà  un  ancêtre  et  qui  le  juge,  lui  et  son  œuvre, 
avec  la  liberté  toujours  grande  dont  la  jeunesse  aime  à  user  avec  ses 
devanciers.  Se  montre-t-elle  bien  reconnaissante  envers  ceux  qui 
ont  tenté  de  ne  lui  laisser  d'autre  culte  qu'une  contemplation  mé.ée 
de  terreur  devant  «  l'indifférente,  immuable  et  éternelle  nature  »  ? 
Je  m'en  rapporte  aux  plaintes  et  aux  aveux  que  des  voix  éloquentes 
nullement  suspectes  ni  hostiles  à  M.  Taine  font  entendre  cliaque 
jour  au  nom  de  ces  nouveaux  venus. 

Et  quant  aux  portraits  d'une  si  mordante  ironie  qu'il  fit  des  chefs 
principaux  qu'il  combattait,  j'ai  bien  peur  d  en  avoir  souri  comme 
d'autres  et  d'autant  plus  gaiement  que,  connaissant  plusieurs  des 
modèles,  je  n'ignorais  pas  leurs  faiblesses.  Et  pourtant,  réflexion 
faite,  était-ce  bien  la  peine  de  railler  la  gra\ité  de  Royer-Coliard, 
la  candeur  de  Jouffroy,  l'éloquence  de  Cousin,  pour  aboutir  à  quoi  .- 
C'est  encore  vous  qui  l'avez  dit  :  à  exhumer  Condillac.  Gagnait- 
on  beaucoup  au  change  .- 

Enfin,  vous  le  savez,  il  est  un  pjint  pirticulier  sur  lequel  vint  se 
concentrer,  avec  une  vivacité  croissante  d'intérêt  et  d'émotion, 
toute  la  p)lémique  suscitée  par  la  doctrine  philos  )phique  de 
M.  Taine  Ce  fut  l'assimiLition  qu'il  se  plaisait  à  faire  en  toutes 
choses  encre  le  monde  moral  et  le  monde  matériel,  dont  la  consé- 
quence extrême  ét.iit  de  retirer  à  la  personne  humaine  toute  liberté, 
en   la    déchargeant   par   là  de  toute  responsabilité.  Ce   fut  le  grand 


DHIPPOLtTE    TAINE  3tj9 

ch.imp  de  bataille  de  la  controverse.  C'est  là,  c'est  contre  cette 
résurrection  indirecte  da  la  tatalitë  antique  que  s'élevèrent,  des 
points  les  plus  divers,  mais  les  plus  élevés,  des  voix  très  graves, 
plus  inquiètes  encore  que  sévères.  Far  leur  bouche  a'était-ce  pas 
la  mora.e  elle-mé.ne  qui  réclamait,  menacée  dans  ses  fondements, 
dès  qu'en  lui  ôtant  la  puiss.ince  de  se  taire  obéir  on  lui  était  aussi 
le  droit  de  se  faire  entendre?  Car,  quoiqu'on  tasse,  morale  et 
liberté  seront  toujours  sœurs,  puisque  nul  ne  peut  être  coupable, 
s'il  n"a  pas  la  liberté  de  ne  l'être  pas.  Où  l'urie  périssait,  l'autre  ne 
pouvait  longtemps  survivre.  On  avait  bien  quelque  sujet  de  ne  pas 
se  résigner  à  un  système  qui  pouvait  c  nduire,  par  un  chemin  assez 
direct,  à  priver  l'homme  de  la  plus  noble  de  ses  prérogatives,  en 
l'affranchissant  du  frein  de  tous  les  devoirs. 

Vous  paraissez  croire  ici  encore  que  ce  jugement  fut  précipité, 
cjr  vous  convenez  que  M.  Taine  avait  établi  le  dérerminisme 
absolu  dans  la  conception  de  l'univers,  et  vous  faites  ensuite  remar- 
quer que,  par  un  contraste  dont  vous  ne  contestez  pas  la  singula- 
rité, il  a  fini  par  conclure  à  la  justice  et  à  la  liberté  dans  le  gou- 
vernement des  choses  humaines  et  par  donner  à  ses  concitoyens 
des  conseils  qui,  pour  être  suivis,  supposent  qu'ils  sont  libœs  et 
respon  ables.  Mais  vous  ne  nous  avez  pas  sutfisa  nment  expliqué  par 
quelle  porte  il  avait  pu  fure  entrer  la  liberté  dans  un  monde  où 
la  fatalité  règne.  L'avez-vous  trouvé  ce  passage?  Je  le  cherche  et 
ne  puis  le  découvrir.  D'ailleurs,  M.  Taine  e:i  répondait  à  ses  cen- 
seurs ne  prit  nul  soin  de  l'indiq  ier.  L'identité  des  lois  de  l'ordre 
moral  et  de  l'ordre  matériel  parut,  au  coMcrsirc,  être  le  but  cons- 
tant auquel  il  tendait  par  la  rigueur  de  son  raisonnement  aussi  bien 
que  par  la  hardiesse  de  ses  méaphorcs.  Il  n'y  a  pas  jusqu'à  sa  théo- 
ne  historique,  que  vous  avez  si  bien  exposée,  qui  ne  fût,  dans  les 
termes  où  il  la  présentait,  incompatible  avec  toute  i  iée  de  liberté. 
Car  ces  trois  conditions  nécessaires,  ces  trois  forces  primordiales, 
qui  président  suivant  lui  au  développement  de  tjut  être  humain,  — 
la  race,  le  milieu  et  le  moment,  —  il  ne  les  considérait  pas  seule-, 
ment  comme  de  simples  influences  dont  chacun  de  nous  pourrait 
s'affranchir  par  l'exercice  de  la  conscience  ou  de  la  raison.  Réduite, 
à  ces  termes,  la  proposition  eut  été  incontestable^  mais  elle  n'aurait 
pas  eu  le  mérite  de  la  découverte  :  non,  il  les  legarde  comme  des 
tacteursmathématiqu-  s  concourjiuà  constituer  la  personne  humaine, 
au  même  titre  et  suivant  le  même  procédé  que  les  atomes  de  diver 
ses  substances  se  combinent  pour  opérer,  par  la  voie  de  l'affinité  chi- 
mique, la  composition  d'un  produit.  C'est  dans  ce  caractère  absolu 
que  consistât  en  réalité  toute  l'originaiité  de  so;i  système. 

l'.t  puis  cependant,  vous  avez  r.nso:i  ;  bien  que  .M.  Taine  n'cit 
jamais  laissé  apercevoir  sur  ce  point  le  plus  vive.nent  contesté  de 
sa  doctrine  la  moindre  déviation  de  ses  idées  premières,  il  n'en  est 
pas  moins  vrai  que,  soit  inconséquence  volontaire^,  soit  détour  logi- 
que dont  il  n'avait  pas   fiit  confidence   à   ses  lecteurs,  son  grand  ce 


dernier  ouvrage  parut  écrit  sous  une  inspiration  difléreiue.  Tout  y 
est  pénétré  d'un  soufflj  de  liberté  généreuse  ec  d'un  austère  sentimêtU 
de  la  responsabilité  morale.  Venant  de  sa  part,  rien  p'était  moins 
attendu  que  ce  désiveu  implicite  de  ses  doctrines.  Pour  la  cause  du 
droit  et  de  la  justice,  dont  celle  du  libre  arbitre  est  inséparable, 
ni  rétractation  formelle  ni  réfutation  en  règle  n'aurait  produit  un 
effet  égal. 

Pour  comprendre  combien  on  fut  heure  ix  de  trouver  ce  qu'il 
n'était  pas  naturel  de  prévoir,  il  suffit  de  se  représenter  ce  qu'au- 
rait dû  être  l'œuvre  historique  qu'il  avait  entreprise  si,  conséquent 
jusqu'au  bout  avec  lui-même,  il  eût  écarté  de  son  exposé  toute 
intervention  de  la  liberté  humaine. 

L'histoire  étant  régie,  à  ses  yeux,  par  des  lois  non  seulement 
pareilles  mais  identiques  à  celles  de  la  nature,  d  )nt  la  constance  est 
le  carac'ère,  afin  de  la  f.iire  ressembler  au  modèle,  il  aurait  fallu 
commencer  par  l'enfermer  dans  un  cadre  d'une  fixité  rigide.  L'en- 
semble des  causes  ainsi  déterminé,  oi  aurait  vu  les  effets  en 
découler^  tombant  en  quelque  sorte  de  leur  propre  poids,  avec  une 
vitesse  calculée  d'avance  comme  celle  de  la  chute  d'un  corps  que  la 
gravitation  attire.  Tous  les  acteuis  auraient  paru  se  mouvoir  sous 
l'empire  et  par  le  mécanisme  d'une  faculté  dominante.  Le  récit, 
dès  lors_,  devrait  être  froid,  co.nme  tout  ce  qui  procède  du  raison- 
nement sjul  et  du  calcul.  Les  désordres  même  que  le  narrateur 
avilit  à  dépeindre  n'auraient  pu  l'émouvoir  parce  qu  il  aurait  recher- 
ché et  aurait  cru  découvrir  la  persistance  de  la  règle,  sous  l'irrégu- 
larité apparente.  L'orage  n'a  point  de  terreur  mystérieuse  pour  le 
savant  qui  connaît  de  quel  dégagement  d'électricité  la  foudre  est  le 
produit  Les  voiles  que  l'éclipsé  jette  sur  l'éclat  du  soleil  n'étonnent 
pas  l'astronome  qui  a  calculé  l'heure  de  son  apiarition  Mais  ce 
qu'on  devait  le  moins  attendre  d'un  dét  rmmiste  obstiié  à  ne  pas 
se  démentir,  c'était,  mis  en  face  du  crim.',  quel  qu'en  fût  l'excès  ou 
la  nature,  un  jugement  sévère  et  un  acce  it  d'indignation.  A  quel 
titre  condamner  ce  qui  n'est  pas  volontaire.-^  et  à  quoi  bon  s'irriter 
contre  la  nécessité  !  Il  fallait  donc  se  préparer  à  voir  tous  les  atten- 
tats qui  ont  souillé  l'époque  révolutionnaire,  déjà  souvent  pallies 
par  de  vains  prétextes,  justifiés  cette  tois  systématiquement  et  en 
principe,  comme  la  résultante  d'un  état  social  et  le  produit  d'une 
fatalité  héréditaire. 

Est-ce  donc  là  le  spectacle,  auquel^  dans  ses  Ofigines  de  la  Franci' 
contemporaine^  M.  Taine  nous  a  fût  assister.''  Non,  vous  l'avez  dit 
par  une  expression  qji  répond  complètement  à  ma  pansée,  quand 
vous  avez  remar]ué  que,  dans  cette  peinture  de  l'époque  révolu- 
tionniire,  M.  Taine  avait,  bon  gré  mal  gré,  dépoui  lé  le  détache- 
chement  superbe  du  savant.  Effectivement,  à  la  place  d'une  sorte 
de  théorème  historique,  marchant,  avec  une  allure  didactique,  vers 
une  démonstration  préconçue,  nous  avons  vu  apparaître  u  le  sui  e 
de  scènes  qui,  n'ayant  pas  la  même  continuiti  d'un  récit,  nous  font 
passer  par  des   secousses  violentes   et   qui    ne  nous  donnent  pas    le 


D  HIPPOLÎTE    TAINE  37  i" 

temps  de  penser  ni  de  respirer.  Les  personnages  qui  auraient  dû 
être  jftés  dans  le  même  moule,  puisqa'i.s  sont  tous  les  produits  de 
Li  même  rice,  venant  au  jour  dans  le  même  milieu,  au  même 
mo  nent,  sont  au  coitraire  dessinés  d'après  les  types  les  plus  divers, 
oJieuv,  admirables  ou  g  otesques.  Partout  l'animation  et  l'émotion 
débordent  :  nous  entenJcns  rugir  la  foule,  les  victimes  gé  nir,  les 
tribuns  décla  ner,  et  gronder  tous  les  bouillonnements  qui  montent 
à  la  surface  d'une  société  remuée  dans  ses  profondeurs.  Mais  sur- 
tout nous  avons  vu  se  dresser  devant  nous  toute  l'horreur  du  crime 
dépeinte  trop  au  naturel  pour  ne  pas  avoir  été  personnellement  res- 
sentie. On  ne  communique  en  ce  genre  que  ce  qu'on  éprouve,  et 
Torateur  ne  fait  passer  le  frisson  dans  la  toule  qui  l'écoute  que  si  le 
frémissement  l'a  traversé  lui-même.  Aussi  l'impression  fut  celle 
qu'aurait  produite  la  réalité  même.  Ce  fut  la  Terreur  qui  reparut, 
dépouillée  de  tous  les  voiles  qu'avaient  essayé  de  jeter  sur  son 
etlroyable  vérité  des  apologies  complaisantes.  Les  taches  de  sang, 
partout  empreintes,  dont  le  temps  avait  fait  pâlir  la  teinte,  repri- 
rent leur  sombre  éclat,  comme  si  elles  venaient  de  dégoutter  de 
léchafauJ, 

Pour  expliquer  cette  tranformation,  oserai-je  emprunter  q'iel- 
ques-unes  des  expressions  tavorites  de  M.  Taine  et  les  appliquer  à 
lui-même,  en  disant  que  trois  facteurs  avaient  concouru  à  cons- 
tituer cette  nature  originale  :  la  faculté  d'analyse  d'un  philosophe, 
l'imagination  d'un  artiste  et  la  conscience  d'un  homme  de  bien.  Ce 
fut  l'art  et  la  conscience  qui  firent  taire  la  philosophie.  C'est  le  don 
proDre  de  l'artiste  quand  il  veut  reproduire  les  faits  passés  et  les 
hommes  qui  ne  sont  plus,  de  les  évoquer  devant  ses  yeux,  tels 
qu'ils  ont  été  ou  agi,  non  tels  qu'il  pourrait  les  rêver  pour  com- 
plaire à  sa  fantaisie  ou  les  faire  rentrer  dans  son  système.  Les 
acteurs  qu'il  met  en  scène  ne  sont  ni  des  mannequins  qu'il  habille, 
ni  des  modèles  dont  il  étudie  la  structure  :  ce  sont  des  écres  de 
chair  et  d'os  qui  passent  devant  ses  yeux,  portant  da.ns  leurs 
regards  l'expression  de  leur  âme  ;  ils  sont  là  :  ils  vivent,  et  la  vie 
c'est  la  liberté.  Mais  c'est  le  propre  aussi  d'une  conscience  honnête 
de  ne  pouvoir  supporter  le  contact  ni  même  le  spectacle  du  mal, sans 
un  tressaillement  de  révolte  involontaire  qu'aucun  parti  pris  ne 
peut  contenir.  Jean-Jacques  Rousseau,  dans  un  passage  fameux  de 
la  profession  du  vicaire  savoyard,  rappelant  que  l'antiquité  avait 
dressé  des  autels  à  des  dieux  adultères  ou  meurtriers,  se  demande 
comment  on  a  pu  compter  parmi  leurs  adorateurs  tant  d'hommes 
vertueux  et  d^  femmes  pures.  C'est,  dit-il  avec  éloquente,  que  la 
sainte  voix  de  la  coiscience,  plus  forte  que  celle  des  dieux,  relé- 
guiit  dans  le  ciel  le  crime  avec  les  coupables.  Quelque  chose  de 
par.il  arrive  aux  âmes  droites  qui  ont  eu  le  malheur  de  mettre  en 
doute  la  liberté  dont  elles  savent  si  bien  user  Devant  le  crime  à 
commettre  ou  seule  nent  à  justifier,  elles  reculent,  et  la  voix  tou- 
jours sainte  de  la  conscience  relègue  les  subtilités  qui  les  ont  éga- 
rées dans  le  ciel  nuageux  de  la  métaphysique. 


372  ÉLOGE    ACADÉMIQUE 

Vous  avez,  monsieur,  non  seulement  connu  personnellement 
M.  Taine,  mais  vécu  dans  son  intimité.  Il  vous  appartient  donc 
d'attester,  avec  plus  d'autorité  que  je  ne  puis  le  taire^  que,  si  dans 
ses  derniers  écrits  il  a  dérogé  à  la  rigueur  de  ses  théories  qui  sem- 
blaient mettre  en  question  la  liberté  et  la  responsabilité  morales, 
toute  sa  vie  leur  a  donné  un  démenti  plus  complet  encore.  Jamais 
esprit  ne  fut  plus  fermement  conduit  par  la  volonté  au  but  qu'il  se 
proposait  d'atteindre  ;  jamais  âme  ne  fut  plus  maîtresse  d'elle- 
même.  M.  Taine  ne  s'est  pas  contenté  de  la  part  si  riche  de  dons 
qu'il  tenait  de  la  nature  ;  il  l'a  constamment  fécondée  par  une 
intensité  de  travail  et  un  scrupule  auxquels  on  peut  attribuer  le  pro- 
grès, si  remarquable  dans  tous  ses  écrits,  de  la  justesse  des  idées  et 
de  l'élévation  des  sentiments.  Le  progrès  en  tout  genre  est  la 
preuve  et  la  récompense  de  l'efTort, 

Parmi  les  développements  que  cette  intelligence  d'élite  a  dus  au 
noble  et  \iril  emploi  de  ses  facultés,  je  n'hésite  pas  à  compter  le 
retour  a^sez  peu  attendu  que  vous  avez  signalé,  et  qui  le  fit  passer 
de  ses  préjugés  de  jeun  sse  et  d'école  à  la  sympathie  et  au  respect 
pour  la  source  pure  et  l'efTet  social  des  vertus  et  des  véri'és  chré- 
tiennes. Les  dernières  pages  signées  de  sa  main  mourante  donnent 
à  ce  sentiment  si  nouveau  pour  lui  une  expression  touchante.  Je 
ne  veux  rien  exagérer,  je  sais  que  l'adhésion  ne  fut  jamais  com- 
plète et  resta  tempérée  par  la  réserve  de  ses  convictions  person- 
nelles; je  n'oublie  pas  non  plus  qu'après  avoir  constaté  que  rien 
n'avait  pu  jusqu'ici  remplacer  la  foi  religieuse  non  seulement  pour 
affermir  les  bases,  mais  pour  élever  le  niveau  moral  d'une  société, 
il  n'en  a  pas  moins  continué  à  la  croire  peu  compatible  avec  les  exi- 
gences de  la  science,  laissant  ainsi  le  lecteur  qui  pose  son  livre  dans 
une  incertitude  dont  il  ne  l'a  pis  aidé  à  sortir.  Mais,  si  la  question 
n'était  pas  tranchée,  l'œuvre  non  plus  n'était  pas  achevée,  et  la 
conclusion  qu'il  n'a  pas  donnée,  personne  n'a  le  droit  de  la  faire  en 
son  nom.  Il  reste  permis  de  croire  qu'il  n'était  pas  résigné  à  ter- 
miner par  un  doute  suprême  une  vie  de  labeur  toute  consacrée  à 
la  recherche  de  la  v  rite.  Quand,  sur  uns  tombe  prête  à  s'ouvrir, 
l'ombre,  au  lieu  de  s'épaissir,  s'éclaire  d'une  lumière  encore  flot- 
tante et  indécise,  ce  n'est  pas  le  crépuscule  de  la  nuit  qui  tombe, 
c'est  l'aube  du  jour  qui  se  lève. 


NÉCROLOGIE 


Le  4  avril  ont  eu  lieu,  à  l'église  Saint-André,  les  obsèques  de 
M  Lallement,  receveur  de  l'enregislrement,  à  Reims,  décédé 
dans  sa  61°  année,  après  une  courte  maladie. 

Le  deuil  était  conduit  par  ses  deux  fils.  MM.  Maurice  Lallement, 
ingénieur-inspecteur  de  l'Associa  ion  des  industriels  de  France, 
et  André  Lalloinent,  lieutenant  au  120"  régiment  d'infanterie,  et 
par  son  frère,  le  général  Lallement,  officier  de  la  Légion  d'hon- 
neur, commandant  la  00=  brigade  d'infanterie,  à  Annecy. 


M.  Prin,  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Paris,  conseiller  général 
de  la  Marne,  chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  décédé  le  6  avril 
à  Paris,  dans  sa  75*  année.  Son  corps  a  été  inhumé  à  Dormans 
dans  un  caveau  de  famille. 

Les  obsèques  religieuses  ont  été  célébrées  à  Dormans  en  grande 
pompe  et  au  milieu  d'une  aftluence  considérable. 

Au  cimetière,  cinq  discours  ont  été  prononcés  par  M.  le  Préfet 
de  la  Marne,  M.  Vallé,  au  nom  du  Conseil  général,  M.  le  maire 
de  Dormans,  M.  l'inspecteur  primaire,  et  M.  Juget,  maire  de 
Troissy,  au  nom  des  municipalités  du  canton. 


Nous  apprenons  la  mort  de  M.  Léon  Godart,  maire  de  Juvigny 
(Marne),  décédé  le  22  avril,  à  l'âge  de  68  ans. 

M.  Godart  était  fils  de  M.  Godarl,  ancien  maire  et  député  de 
Chàlons. 


On  nous  annonce  également  la  mort,  à  l'âge  de  80  ans,  de 
M"""  Martin,  veuve  de  M.  T.  Martin,  ancien  imprimeur  et  directeur 
du  Journal  de  la  Marne. 

Nous  adressons  à  MM.  Martin  frères  et  à  leur  famille,  l'expres- 
sion de  nos  vives  condoléances. 


M"«  Louise  Boucquemont,  professeur  à  l'Ecole  normale  d'Oran, 
vient  de  mourir  de  la  lièvre  typhoïde,  pendant  une  excursion  en 
Tunisie  qu'elle  faisait  avec  son  frère. 

M"«  Boucquemont  était  fille  d'un  ancien  et  honorable  instituteur 
de  Châlons. 


NECROLOGIE 


Le  17  avril,  est  décédé  à  Vavray-le-Grand  (Marne),  après  une 
courte  maladie,  M.  Théodule  Bergeron,  propriétaire,  âgé  de  54  ans, 
veuf  sans  enfants. 

Le  défunt  a  fait  un  don  de  100,000  fr.  à  la  Fabrique  de  l'église 
de  sa  paroisse. 

*  * 

Le  16  avril  dernier  ont  eu  lieu,  à  Avaut-lès-Ramerupt  (Aube), 
les  obsèques  de  M.  Désiré  IMorizot,  instituteur  en  retraite,  décédé 
à  l'âge  dé  79  ans. 

M.  Morizot  était  arrivé  à  Avant  en  1836.  Depuis  cette  époque  il 
n'avait  cessé  de  remplir  jusqu'à  sa  mort  la  fonction  de  choriste.  11 
a  donc  été  chantre  pendant  b9  ans  dans  la  même  église.  11  était, 
de  plus,  président  du  Conseil  de  fabrique. 

Toute  la  population  a  vivement  regretté  la  perte  de  cet  excellent 
homme  qui  pendant  de  longues  années  avait  rendu  de  grands 
services  à  la  coinmune  et  à  la  paroisse. 

* 

*  ï 

Le  mardi  30  avril,  à  dix  heures  du  matin,  avaient  lieu,  à  Mézié- 
res,  les  obsèques  du  général  de  division  en  retraite  Alfred  Teissier, 
décédé  à  Paris. 

La  carrière  militaire  du  défunt  est  des  plus  brillantes. 

Sorti  sous-lieutenant  dans  l'arme  du  génie  de  l'Ecole  pol3'tech- 
nique  en  1839,  il  fut  nommé  capitaine  en  1843,  lieutenant-colonel 
en  18(J4,  colonel  en  1867,  général  de  brigade  en  1875,  et  enfin 
général  de  division  en  1879.  il  passait  dans  le  cadre  de  réserve,  le 
n  août  1883. 

Il  possédait  à  son  actif  les  campagnes  de  Cochinchine  et  de 
"Crimée. 

Chevalier  de  la  Légion  d'honneur  en  18.51,  officier  en  18.^4,  com- 
mandeur en  1870,  il  avait  été  promu  grand-officier,  le  9  juin  1883, 

à  la  veille  de  sa  retraite. 

* 

On  annonce  également  la  mort  du  baron  Alexandre-Charles 
Davout,  tils  du  général  baron  Davout,  décédé  en  son  château  de 
Poinson-Iès-Grancey  (Haute-Marne),  à  l'âge  de  81  ans.  Il  avait 
repris  du  service  en  1870  pour  commander  une  compagnie  de 
mobiles  de  la  Haute-Marne. 


BIBLIOGRAPHIE 


Maurice  Roy.   Un  épisode   dt   la   Fmnde.    Rencontre  du  9  janvier   lôSS 
au  Chesnoij,  près  de  Sens.  Sens.  impr.  Ducliemin,  1893.  In-8°  de  46  pp. 

Le  curieux  épisode  dont  il  est  question  dans  cette  étude  se 
réfère  à  l'époque  où  Mazarin,  rappelé  d'exil  par  l.i  cour  établie 
alors  à  Poitiers  (novembre  l6ol),  opérait  une  marche  hardie  à 
travers  la  Champagne,  en  dépit  de  l'effervescence  produite  à 
Paris  par  la  nouvelle  de  son  retour. 

Arrivé  le  24  décembre  à  Sedan,  le  cardinal  y  fut  reçu  par 
Faberi  et  rejoint  par  le  maréchal  d'Hocquincourl  qui  prit  le  com- 
mandement de  sa  petite  armée.  Le  t"-"''  janvier  1652,  Mazarin  était 
à  Reims;  dès  le  lendemain,  passant  la  Vesie  à  Sept-Saulx,  il  vint 
coucher  à  Kpernav.  Le  6,  il  se  trouvait  à  Arcis-sur-Aube,  d'oVi  il 
gagna  le  8  Rléry-sur-Seine. 

Le  Parlement,  acquis  en  majorité  au  parti  de  la  Fronde,  avait, 
dés  le  29  décembre  1651,  mis  à  prix  la  tAle  du  premier  ministre, 
et  enjoint  à  toutes  les  populations  de  s'opposer  de  vive  force  à  son 
passage. 

Deux  conseillers  connus  par  leur  zèle  ardent  pour  la  faction  fron- 
deuse, François  Hitaut  et  Jacques  de  Géniers,  furent  chargés  de  se 
rendre  dans  la  région  que  Mazarin  devait  traverser,  afin  de  pro- 
clamer partout  l'arrêt  de  proscription  et  d'animer  le  peuple  contre 
le  cardinal.  Partis  de  Paris  le  dimanche  7  janvier,  à  7  heures  du 
matin,  accompagnés  seulement  de  quelques  domestiques,  les  deu.x. 
mandataires  du  Parlement  arri\èrent  à  la  nuit  tombante  à  Melun, 
et  logèrent  à  l'hôtellerie  de  la  Perle.  Le  lendemain,  après  avoir 
duement  instruit  le  maire,  les  échevins  et  le  lieutenant  général  de 
ce  qu'ils  avaient  à  faire,  les  dignes  magistrats  se  tendirent  à  Mon- 
lereau-fault-Yonne,  où  ils  tinrent  le  même  langage  aux  autorités; 
puis  le  lendemain  9,  de  grand  matin,  ils  faisaient  leur  entrée  à 
Punt-sur- Yonne. 

Avertis  par  la  petite  garnison  du  lieu  quun  gros  de  cavaliers 
inconnus  avait  été  aperçu  la  veille,  à  deux  heures  de  là,  sur  la 
route  de  Sens,  les  commissaires  du  Parlement  jugèrent  prudent 
de  gagner  cette  ville  par  une  autre  voie,  de  l'autre  côté  de  la 
rivière.  En  elfet,  bientôt,  dans  la  plaine,  se  montrèrent  au  delà 
de  l'Yonne,  trois  escadrons  de  cavalerie  suspecte.  C'étaient  les 
premières  troupes  de  l'avant-garde  du  maréchal  d'Hocquincourt. 

Un  détachement  d'éclaireurs  cravates,  traversant  l'eau  aux  pre- 
miers bateaux  qu'ils  rencontrèrent  sur  la  rive,  se  disposèrent 
promptement  à  aller  aborder  les  voyageurs  qui,  inquiets,  accueil- 


/i/l)  BIBI.lOanAPHIE 

litent  les  premiers  soldats  par  quelques  décharges  de  mousquetons, 
et  se  détournèrent  de  leur  chemin  pour  se  jeter  dans  un  étroit 
vallon  situé  sur  leur  droite.  Rejoints  par  quatre  cavaliers,  près  de 
la  ferme  de  la  Cassiiie  (commune  de  Nailly),  on  parlementa,  et 
après  de  vagues  explications,  les  cavaliers  se  retirèrent  en  se 
confondant  en  excuses;  mais  un  peu  plus  loin,  près  du  château 
du  Chesnoy,  les  quatre  cavaliers,  grossis  de  quatre  autres,  repa- 
rurent derrière  eux,  gravirent  au  trot,  et  le  mousquet  au  poing, 
la  petite  colline  que  domine  le  donjon  féodal  du  Chesnoy.  De  part 
et  d'autre,  une  mousqueterie  éclate,  le  cheval  de  Bilaut  est  traversé 
par  une  balle,  et  le  con-eiller  roule  à  terre;  un  de  ses  domestiques 
est  tué,  les  autres  prennent  la  fuite. 

Ou  côté  des  assaillants,  l'oflicier  avait  péri.  Bitaut,  tombé  entre 
leurs  mains,  fut  ramené  prisonnier,  en  piteux  état,  à  Pont-sur- 
Vonne,et  présenté  le  soir  mê  :!0,  à  onze  heures  de  nuit,  au  maré- 
chal d'Hocquincourt,  qui  en  informa  aussitôt  le  cardinal.  iMazarin 
voulait  relâcher  le  malheureux  conseiller,  mais  son  entourage  lui 
persuada  de  le  conserver  comme  otage'.  Il  le  convoya  donc  à  sa 
suite  jus(ju'ii  Loches  {i'.\  janvier),  oii  il  le  fit  eiifermer  dans  le 
célèbre  donjon,  tandis  que  lui-même  partait,  quatre  jours  après, 
pour  aller  relrnuver  la  cour  à  Poitiers.  De  là,  peu  de  temps  après, 
il  le  faisait  mettre  en  liberté  et  renvoyer  à  ses  collègues  parisiens. 

De  son  côté,  Jacques  de  Géniers,  réfugié  à  Sens,  et  recueilli, 
d'abord  à  Tbôtellerie  du  GrifTon,  puis  dans  le  propre  logis  archi- 
épiscopal s'échappait  déguisé,  le  13  janvier,  à  la  faveur  des  ténè- 
bres, pour  se  soustraire  aux  recherches  dirigées  contre  lui  par 
Hocquinconrt,  devenu  maître  de  la  ville,  et  trouvait  successive- 
ment un  asile  en  diverses  gentilhommières  des  environs,  à  la 
Houssaye  (commune  de  Malay-le-Vicomte),  à  Dilot,  à  Saint-Mards- 
en-Otbe,  et  enfin  à  Brienon,  où  l'archevêque  tint  à  le  recevoir 
dans  sa  résidence.  Il  en  partait  le  19,  pour  aller  se  reposer  de  son 
odyssée  à  Champigny,  dans  sa  famille;  après  quoi  il  rentra  le  27  à 
Paris,  et  reprit  séance  en  Parlement,  le  7  février,  où  il  relata, 
devant  le  duc  d'Orléans,  les  émouvantes  péripéties  de  sa  mission 
malencontreuse.  L'auteur,  M.  Maurice  Roy,  qui  habite  le  même 
manoir  du  Chesnoy,  près  duquel  eut  lieu  la  fameuse  escarmouche 
avec  les  royales  cravates,  a  puisé  les  éléments  de  son  travail  dans 
une  relation  du  temps  dont  les  Archives  des  AlFaires  Etrangères, 
le  Cabinet  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  nationale  et  le  Dépôt 
de  la  guerre  possèdent  également  des  copies. 

!,e  récit,  bien  documenté  à  l'aide  de  pièces  fournies  par  nos 
grandes  collections  publiques,  et  pourvu  de  notes  abondantes 
prises  aux  sources  imprimées  et  notamment  aux  innombrables 
factums  du  tenips,  nous  donne  un  aperçu  des  plus  piquants  sur  la 

1 .  Conlié  à  la  garde  de  Colbeil,  qui  aceompaf^nait  Mazariu  en  qualité  de 
secrétaire,  lo  consniller  liilaul  prenait  ses  repas  avec  lui.  {Lettre  de  Colbert 
il  Le  Tellier.) 


BIBLIOGRAPHIE 


physionomie  de  l'époque   et  raf,filatioii   produite  autour  de   Pari^; 
par  les  troubles  de  la  Fronde.  A.  T.-R. 


Hrnbi  Stein.  Mélanges  de  Bihlioqraphie  {première  série).  Paris,  Téchener. 
1893,  in- 8°  de  49  p. 

Parmi  ces  Mélanges,  consacrés  aux  questions  les  plus  diverses 
de  l'histoire  de  l'imprimerie  à  Paris  et  dans  les  provinces,  cinq 
articles  intéressent  spécialement  la  bibliographie  de  notre  région. 

Le  premier  est  relatif  à  la  condamnation  de  Nicolas  Trumeau,  l'un 
des  premiers  typographes  établis  à  Reims  en  \'6'6i. 

L'opinion  de  M.  Claudin,  qui  a  étudié,  à  la  suite  de  RI.  Henri 
Jadart,  les  origines  de  l'imprimerie  rémoise,  tendait  à  établir 
d'après  l'unique  pièce  peu  importante  sortie  de  ses  presses  au 
cours  de  cette  même  année,  que  Trumeau  avait  alors  quitté  Reims, 
au  moment  de  la  mort  de  son  père,  pour  retourner  à  Troyes  diri- 
ger l'stelier  paternel  jusque  vers  1560.  Or,  il  semble  que  ce  soit 
François  Trumeau,  son  frère^  qui  ait  continué  à  diriger  la  maison 
troyenne.  au  moins  jusqu'en  1574,  tandis  que  Nicolas  demeurait  à 
Reims,  où  la  pièce  trouvée  aux  Archives  nationales  par  M.  Stein 
nous  le  montre  en  1563,  poursuivi  sans  doute  pour  crime  d'hérésie 
et  de  propagation  de  livres  contraires  à  la  doctrine  catholique. 

—  Un  autre  article  est  consacré  au  premier  séjour  que  lit  à 
Paris,  de  1607  à  1610,  d'abord  chez  Robert  Estienne,  puis  ensuite 
à  son  propre  compte,  Jean  Jannon.  l'un  des  plus  habiles  typo- 
graphes protestants  du  xviie  siècle,  créateur  de  la  «  Petite  Seda- 
noise  »,  et  dont  l'œuvre  à  Sedan  avait  été  précédemment  étudié 
par  M.  J.-B.  Brincourt.  On  sait  que  .Jannon  est  cité  à  la  fin  d'une 
anthologie  des  poésies  de  Martial,  qu'il  imprima  chez  Estienne  en 
l'année  1607;  bientôt,  avec  l'aide  de  son  ancien  patron,  l'habile 
ouvrier  s'établissait  à  son  tour,  à  l'enseigne  de  la  Rose  rouge,  rue 
de  Saint-Jean-de-Latran,  à  quelques  pas  de  la  rue  Jean-de  Beau- 
vais  où  il  venait  de  faire  ses  premières  armes. 

Trois  volumes  imprimés  en  1609  et  un  quatrième  en  1610  sont  les 
seuls  témoins  de  sa  production  parisiennej  les  deux  derniers  por- 
tent l'indication  du  nouveau  domicile  et  de  la  nouvelle  enseigne 
choisis  par  l'imprimeur,  rue  du  Foin,  à  l'enseigne  du  Janus,  vis-à- 
vis  les  Mathurins.  Dans  cette  même  année  1610,  sur  l'invitation  de 
Henri  de  la  Tour,  prince  de  Sedan,  Jean  Jannon  quittait  Paris 
pour  aller  msialler  ses  presses  sur  les  bords  de  la  Meuse. 

Il  avait  alors  .'{Q  ans,  et  le  premier  livre  qu'il  imprima  à  Sedan 
est  daté  de  1611 . 

—  Inversement  c'est  de  Sedan  que  vint  s'établir  a  Laon,  en 
1661,  le  premier  typographe  connu,  Angrand  RennessoQ.  Le  nom 
atteste  à  coup  sûr  une  origine  ardennaise.  On  voit  figurer  fort  tard 
des  membres  de  cette  famille  sur  les  registres  paroissiaux,  notam- 
ment à  Cheveuges  en  1781. 


378  BIUr.IOGRAPHIK 

—  Les  papeteries  établies  dans  la  vallée  du  Grand -Morin  jouis- 
sent depuis  plusieurs  siècles  d'une  réputation  fort  méritée.  Userait 
temps,  observe  très  justement  M.  Stein,  d'étudier  de  près  leurs 
origines.  Le  plus  ancien  de  ces  établissements  paraît  être  celui  de 
]a  Ferté- Gaucher,  qui  doit  remonter  au  xvi«  siècle.  Dans  tous  les 
cas,  des  lettres  royales,  données  à  Compiègne  en  mai  t624,  accor- 
dent à  l'Université  de  Paris  le  droit  de  prendre  dans  les  villes  de 
Troyes  et  de  la  Ferté- Gaucher  les  quatre  ouvriers  papetiers  qu'elle 
ne  trouve  plus  à  Corbeil  et  à  Essonne,  et  concèdent  aux  artisans 
qu'elle  choisira  les  privilèges  accordés  aux  autres  officiers  de 
l'Université. 

Courtalain,  établissement  situé  dans  la  commune  de  Pommeuse, 
et  le  Marais,  dans  la  commune  de  Jouy-sur-Morin,  eurent  tous  deux 
grande  vogue  à  la  fin  du  xyiii*  siècle.  Le  Marais  est  le  plus  célèbre 
aujourd'hui,  pour  ses  papiers  de  luxe  et  la  matière  qu'il  fournil  à 
la  fabrication  des  billets  de  banque.  M.  Steiti  a  retrouvé,  aux 
Archives  de  Seine-et-Marne,  un  état  du  matériel  constituant  cet 
établissement  au  mois  d'avril  1680,  avec  les  estimations. 

Les  moulins  à  papier  de  la  Planche  et  de  la  Fontaine,  mention- 
nés dans  cet  acte,  devinrent  plus  lard  moulins  à  blé  et  à  huile,  et 
furent  rendus  depuis  à  ce  qui  avait  été  leur  première  destination. 

C'est  au  moulin  de  la  Fontaine,  nous  apprend  M.  Stein,  que 
fonctionna  la  seconde  machine  à  papier  montée  en  Fiance;  la 
première  avait  été  établie  chez  Didot. 

—  Le  cinquième  et  dernier  article  se  réfère  à  des  descentes  de 
police  qui  furent  faites  en  décembre  1764  chez  Cazin,  libraire  à 
Reims,  rue  des  Tapissiers,  dont  les  mignonnes  et  élégantes  édi- 
tions sont  demeurées  célèbres,  pour  recel  de  livres  prohibés,  cen- 
surés et  condamnés,  dont  plusieurs  ballots  se  trouvèrent  saisis  en 
eifet,  tandis  que  ses  registres  attestaient  les  fournitures  de  nom- 
breux ouvrages  pareillement  suspects,  faites  à  crédit  à  de  nombreux 
clients  recrutés  dans  le  voisinage.  Ces  indications  curieuses  se 
retrouvent  dans  les  notes  prises  par  l'inspecteur  de  police  Joseph 
Dhémery,  conservées  aujourd'hui  à  la  Bibliothèque  nationale,  où 
M.  Stein  les  a  utilisées  à  notre  profit.  Cazin  était  en  relations 
suivies  avec  Luc  Trousseau,  libraire  à  Bouillon,  Thésin,  libraire  à 
Charleville,  et  Jacquemart,  libraire  à  Sedan,  qui  furent  comme 
lui  l'objet  de  perquisitions  semblables. 

A.  T. -H. 


Sommaire  de  la  Revue  hislorique  ardennaise  (mai-juin   189.')): 

I.  Noies  inédites  sur  le  général  Du  Mcrbion  et  la  famille  militaire  Jadart, 
par  Paul  Lalbent. 

II.  Mélanges.  —  La  ligne  de  défense  de  la  Semoy,  à  la  pn  du  XVII'  siècle, 
par  N.  A. 

Tiobert,  peintre,  né  à  Sery,  en  1686,  par  Pacl  Pellot. 


BIBLIOGRAPHIE  379 

III.  BiBLioGRAi'HiE.  —  Mémoires  de  Jean  François  Tlioury,  (l'Inaimonl. 
—  S^e,  Elude  sur  les  dasses  servîtes  a  Champagne. 

IV.  Chronique.  —  Impression  de  Vlnvenlaire  sommaire  des  Archives 
historiques  de  CharleviUe  —  Transfert  de  la  Bibliothèque  municipale  de 
Sedan  au  Gollèife  Turenne. 


CHRONIQUE 


Société  d'histoire  eï  d'archkologik  de  l'arrondissement  de 
Provins  {Séance  du  'i  avril  1805).  —  Présidence  de  M.  Berquier, 
vice- président. 

Ouvrages  offerts  : 

Par  M.  Maurice  Lscomte  :  Notice  sur  quelques  noms  de  lieux 
des  déparlements  de  l')onne  et  de  Seine-et-Marne,  dont  le  nom 
primitif  est  un  souvenir  des  langues  et  populations  ibère  et 
ligure; 

Par  M.  l'abbé  Lapierre,  curé-doyen  de  Donnemarie  :  Notice  sur 
Notre-Dame  du  Puy  à  Sig;/. 

Sont  déposés  sur  le  bureau  : 

Par  M,  Buisson  :  1»  28  pièces  en  argent  trouvées  à  Montigny- 
Lencoup  :  pièces  d'Etienne,  évêque  an  Meaux,  de  Thibaut,  comte 
de  Champagne,  et  de  Louis  Vlil 

Par  M.  l'abbé  Bonno  :  1°  une  hachette-amulette  en  jadéite,  trouvée 
à  Chenoise  par  M.  Paul  Moreau;  2^  une  charte  de  1381,  rapportant 
la  translation  des  reliques  de  saint  Thibaut  d'Auxerre  à  Provins 
(M.  l'abbé  Bonno  fait  remarquer  que  le  saint  Thibaut  d'Auxerre 
n'a  rien  de  commun  avec  le  saint  Thibaut  de  Provins)  ;  3"  une 
autre  charte  de  1304,  se  rapportant  à  la  consécration  des  autels 
de  l'église  Saint-Quiriace  de  Provins. 

M.  Bergeron  lit  un  compte-rendu  très  intéressant  de  ses  fouilles 
dans  le  cimetière  gaulois  de  Montigny-Lencoup. 

M.  l'abbé  Bonno  continue  son  étude  sur  le  déparlement  de 
Seine-et-Marne  au  point  de  vue  anthropologique,  et  lit  ce  qui 
concerne  le  canton  de  Provins. 

Après  avoir  donné  la  géologie  et  la  topographie  de  la  contrée, 
M.  Bonno  signale  des  traces  de  l'homme  chelléen  des  plateaux  à 
Rouilly.  de  l'homme  moustérien  au  Breuil  de  Chenoise  et  à  Sainte- 
Colombe;  quant  aux  traces  des  hommes  solutréens  et  magdalé- 
néeub,  elles  manquent  dans  le  canton  de  Provins. 

Les  traces  de  l'homme  robenhausien  se  rencontrent  sur  la  pente 
qui  regarde  les  sources  de  Durteint,  sur  le  plateau  de  Mortery, 
entre  les  villages  de  Saint-Loup  et  du  Haut-Courton,  à  Provins 
près  IHôpital  général,  à  la  ferme  du  Chanoy  près  Cucharmoy.  Les 
environs  de  la  forêt  de  Chenoise  possèdent  plusieurs  ateliers  de 
silex  :  la  Brosse-Champigny,  le  Breuil,  Comble,  Sennetru. 

M.  l'abbé  Lapierre  donne  ensuite  lecture  d'une  notice  de  M.  Mau- 
rice Lecomte,  intitulée  :  «  Attribution  de  trois  monuments  funé- 
raires des  églises  de   Saint-Loup-de-Naud   et  de  Rampillon.  »  — 


CHRONIQUE  381 

Ces  notes  fournissent,  entre  autres  renseignements,  le  contenu  de 
cinq  charte?  inédites,  dont  les  originaux  se  trouvent  aux  Archives 
nationales  et  qui  intéressent  particulièrement  la  seigneurie  du 
Chàlel-lès-N!angis  et  les  relations  entre  les  Hospitaliers  de  la 
Croix  en-Brie,  Rampillon  et  cette  seigneurie.  M.  l.ecomte  fournit 
des  arguments  sérieux  en  faveur  de  Tattribution  do  deux  monu- 
ments funéraires  de  Rampillon  à  un  seigneur  du  Châtel  et  à  sa 
femme. 

M.  Herquier,  vice- président,  constate  les  travaux  de  restaura- 
tion qui  ont  été  exécutés  aux  remparts  de  Provins  et  propose  à 
la  Société  de  voter  des  félicitations  à  M.  le  maire  et  à  MM;  les 
membres  du  Conseil  municipal.  Les  Membres  présents  s'associent 
de  tout  cœur  à  la  motion  de  M.  le  vice-président  et  encouragent 
la  ville  de  Provins  à  continuer  cette  œuvre  qui,  tout  en  servant  la 
cause  historique  et  archéologique,  sert  en  même  temps  et  phis 
encore  les  intérêts  de  la  Ville. 

La  Société  décide  de  faire  coïncider  son  excursion  annuelle  de 
juillet  avec  l'inauguration  de  la  plaque  consacrée  à  la  mémoire  du 
général  Dupré.  M.  Buisson,  de  Montigny  Lencoup,  est  nommé 
commissaire  général  pour  l'organisation  de  cette  solennité. 

M.  le  vice-président  fait  en  quelques  mots  émus  l'éloge  funèbre 
de  MM.  Bessin  et  Prin,  décèles   membres  de  la  Société. 


AcAUtiMiE  uE  Heim?.  —  Pendant  le  premier  semestre  de  l'année 
1894-95,  l'Académie  a  continué  la  tenue  de  s'îs  séances  de  quin- 
zaine sous  la  j)résidence  de  M.  Albert  Benoist,  manufacturier, 
ancien  élève  de  l'Ecole  polytechnique,  son  président  annuel.  Elle 
a  entendu  successivement  les  communications  suivantes  :  Les 
Âspions  anglais  à  licims  au  XVI'  siècle^  —  J.es  Gaillemiles  et 
leur  jondaicur,  —  Jeanne  d' Arc  devant  l'opinion  et  la  litléra- 
liire  anglaise,  par  M.  l'abbé  Haudecœur,  professeur  au  Petit- 
Séminaire;  —  Arles  gallo-romain,  par  M.  Bazin,  proviseur  du 
Lycée;  —  Documents  inédits  sui-  Notre-Dame  de  l'Epine,  par 
M.  L.  Uemaison;  —  La  Machine  volante  d'Hiram  Maxim,  par 
M.  A.  Benoist;  —  I.e  Testament  de  Guy  de  Royc  et  son  codicilc, 
par  M.  Léon  Le  Grand,  archiviste  aux  Archives  nationales;  —Les 
récents  travaux  de  M.  l'abbe  Misset  sur  Jeanne  d'Arc,  rapport. p^r 
M.  le  président  Ponsinet;  —  La  Question  monétaire  et  le  bi-mêtal- 
lismc,  par  M.  Th.  .Maldan;  —  Nécrologie  de  M.  Prosper  Souillé,- 
—  Chronique  rémoise  des  Affiches  de  H  avé,  —  et  Jean  Bonhomme^ 
architecte  de  l'Hôtel  de  Ville  de  Reims,  par  M.  Jadart,  secrétaire^ 
général. 

En  outre,  l'Académie  a  tenu  deux  conférences  publiques  très 
appréciées  des  auditeurs  l'uuo  par  M.  le  baron  de  Baye  sur  ie 
peintre  russe  Vasnetzof  et  son. œuvre,  avec  projections;  — ^^ l'autre, 
par  .M.  C.  Blondel,  agrégé   de  l'Université,   membre  de  la  Société 


382  CHRONIQUK 

d'Economie  sociale,  sur  les  Questions  sociales  a  l'étranger  et  1rs 
moyens  de  les  résoudre.  Chacune  dans  leur  genre,  ces  deux  inté- 
ressantes études  ont  vivement  attiré  rallenlioii  du  public  rémois, 
et  nous  aurons  à  revenir  sur  leur  importance  dans  le  compte-rendu 
des  Travaux  de  l'année. 

Enfin,  l'Académie  a  consacré  une  large  part  de  ses  séances  et 
des  réunions  d'une  Commission  spéciale  à  la  préparation  d'une 
Exposition  rétrospective,  qui  doit  s'ouvrir  au  1"  juin  i<S9o  dans  les 
salles  historiques  du  Palais  de  l'Archevêché,  à  l'occasion  des  fêles 
du  Concours  régional  agricole  tenu  à  Reims  à  la  même  date.  Sou 
organisation  est  coniiée  à  un  Comité  dont  M.  Léon  Morel  a  été  élu 
d'une  voix  unanime  le  commissaire  général. 

H.  J. 


L'Ecole  dks  Arts-et-Métiers  dk  Chalons.  —  Au  sujet  de  riucendie 
qui  a  détruit  récemment  une  partie  notable  des  bâiimeiits  de  l'Ecole  des 
Arts-el-Méiiers  de  Châlcins.  un  journal  parisien,  VEclair,  lait  un  intéres- 
sant historique  de  cet  établissemeut  : 

Cette  catastrophe,  dit-il,  aura  un  profond  retentissement  dans 
le  monde  des  Arts  industriels.  L'Ecole  de  Châlons  comptait  comme 
une  des  premières.  L'incendie  ne  suspendra  son  action  que  le  temps 
matériel  de  relever  les  ruines;  mais  qui  nous  rendra  les  chefs- 
d'œuvre  du  métier  créés  patiemment  avec  la  collaboration  des 
générations  et  du  temps? 

Celte  Ecole  remonte  au  commencement  du  siècle.  Elle  est  née 
du  principe  qu'avait  mis  en  pratique  au  château  de  Compiègne  le 
duc  de  La  Rochefoucauld  l.iancourt.  Vers  la  fin  de  1805,  Napoléon, 
visitant  les  camps  de  Compiègne  et  de  Boulogne,  s'arrêta  au 
château  de  Compiègne,  examina  avec  intérêt  tout  le  casernement 
de  TEcole  et  assista  aux  exercices  des  élèves  dans  les  classes  et 
dans  les  ateliers.  Mais,  considéiant  que  la  résidence  de  Compiè- 
gne était  appelée  à  devenir  un  des  plus  beaux  apanages  de  sa  liste 
civile,  il  eslima  que  l'Ecole  n'était  pas  à  sa  place,  sous  les  lambris 
d'or  d'un  palais.  Le  5  septembre  de  l'année  suivante,  il  mit  à  sa 
disposition  l'ancien  Grand-Séminaire  de  Châlons, 

Il  fallut  que  l'Ecole  déménageât  tambour  battant,  au  pas  de 
course,  avec  celle  instantanéité  que  l'Empereur  savait  faire 
apporter  à  Texéculion  de  ses  décisions  rapides. 

pendant  que  l'Ecole  se  constituait,  la  guerre  se  déchaînait  avec 
vigueur,  le  commerce  s'étiolait,  les  manufactures  languissaient, 
l'industrie  ne  trouvait  qu'une  alimentation  pénible  et  un  écou- 
lement restreint.  C'était  un  triste  début  pour  une  Ecole  d'Arls-et- 
Métiers.  Ne  pouvant  faire  des  artisans,  elle  fit  des  soldats.  Tenue, 
discipline,  instruction,  tout  était  militaire.  En  pouvait-il  être 
autrement? 

En  1815,  quand  la  ville  de  Châlons  fut  attaquée,  les  élèves  de 
l'Ecole,  organisés  en  compagnie   d'artilleurs,  se  portèrent  sur  les 


CHRONIQUE  38J$' 

remparts  et  aidèrent  la  pupulation  dans  ses  etlorts  pour  la  défense. 
Au  moulin  Picot,  hors  des  inurs,  une  division  d'élèves  se  fitéchar- 
per  [)ar  les  envahisseurs. 

Ces  souvenirs  héroïques  avaient  créé  un  esprit  de  gloriole  assez 
fâcheux  qui  confinait,  la  paix  venue,  à  cette  indiscipline  particu- 
lière des  armées  sans  emploi.  La  Restauration  ne  devait  pas 
ramener  l'ordre  à  l'Ecole  par  une  sage  application  des  anciens 
règlements.  Elle  se  borna  à  gratter  sur  son  fronton  les  armes  de 
l'Empire.  Le  duc  de  La  Rochefoucauld,  facilement  conquis  aux 
idées  nouvelles,  pour  faire  rentrer  les  élèves  dans  une  discipline 
plus  en  harmonie  avec  le  présent  état  de  choses,  s'efTorra  de 
détruire  l'esprit  militaire. 

En  dépit  de  ses  recommandation.'-,  l'Ecole  ne  rentra  pas  dans 
les  limites  industrielles  qu'on  voulait  lui  tracer.  Les  élèves  mur- 
murèrent quand  on  suf>prima  les  exercices  du  soldat.  Aussi,  avec 
quel  enthousiasme  saluèrent-ils,  en  iS.iO,  la  révolution.  Avec 
quelle  fièvre  ils  arrachèrent  les  boutons  tleurdelysés  de  leur  uni- 
forme, et  au  drapeau  blanc  substituèrent  le  drapeau  tricolore 
reconquis!  La  Révolution  de  Juillet  rendit  à  l'Ecole  ses  clairons, 
ses  tambours,  sa  musique  militaire.  L'uniforme  belliqueux  reparut 
avec  le  shako. 

On  voyait  en  ces  temps-là  des  élèves  ajusteurs  passer  six  mois, 
un  an,  sur  un  compas,  sur  une  règle,  sur  des  travaux  qu'un  habile 
ouvrier  n'eût  pas  été  embarrassé  d'exécuter  en  quelques  heures. 

On  songea  un  instant  à  licencier  cette  école  tapageuse  qui  don- 
nait de  si  piètres  fruits;  puis  l'on  patienta  et  l'on  fit  peut-être  bien. 
L'esprit  d'ordre  et  de  discipline  régna  sous  l'empire  d'une  direc- 
tion plus  ferme.  On  élabora  un  règlement  mélhodif{ue  qui  dura 
jusqu'en  1840,  époque  du  remaniement  de  l'Ecole.  L"Elat  lui  fit 
quelques  commandes. 

Depuis,  les  ateliers  de  Châlons,  pourvus,  comme  ceux  d'Angers, 
d'un  moteur  à  vap<'ur  et  munis  d'outils  modernes,  ont  livré  à 
l'Etat  et  au  commerce  des  travaux  bien  compris. 

De  nombreuses  machines  à  vapeur,  des  marteaux  à  pilons,  des 
tours  et  des  machines-outils,  des  roues  hydrauliques  et  des  appa- 
reils de  filature,  de  papeterie  et  de  meunerie,  des  modèles-types 
pour  les  collections  du  Conservatoire,  montraient  depuis  plusieurs 
années  que  l'intelligence  et  l'habileté  pratique  des  élèves  étaient 
autrement  exercées  qu'à  l'époque  où  l'Ecole,  délaissant  toute 
industrie,  ne  songeait  qu'à  jouer  au  soldat. 

L'incendie  vient  de  suspendre  les  progrès  véritables  que  cette 
Ecole  accomplissait.  Les  cours  ne  seront  pas  repris  de  sitôt.  Les 
élèves  en  congé  sont  priés  de  rester  chez  eux.  Il  va  falloir  rebâtir 
l'édilice  détruit,  édifice  qui  ne  laissera  que  peu  de  regrets.  La 
chapelle  seule  avait  quelque  caractère  artistique. 

Quand  les  nouveaux  murs  seront  édifiés,  que  l'Ecole  sortira  de 
ses  cendres  toute  neuve,  par   une   coïncidence   assez  bizarre,  elle 


384  CHRONIQUE 

.sera  juste  en  élal  do  célébrer  son  centenaire,  c'esl-à-dire  Je  cen- 
tenaire du  jour  où  la  Révolution  consacra  officiellement  l'œuvre 
de  La  Rochefoucauld- IJancourt.  Nom  de  gentilhomme  resté  si 
étroitement  associé  aux  progrès  industriels  qu'à  l'une  de  ses  pre- 
mières visites  au  faubourg  Saint-Antoine,  M.  Félix  Faure  trouvait, 
au  milieu  des  ouvriers,  un  La  Rocliefoucauld-Liancourt  pour,  au 
au  nom  du  passé,  lui  souhaiter  la  bienvenue. 


Nous  recevons  la  coramuiiicalion  suivante,  louchant  le  XIV'  Centenaire 
du  Baptême  de  Clovis  et  de  la  France,  el  les  grandes  fêles  qui  seront 
données,  à  Keitns,  l'an  prochain,  à  cette  occasion  : 

Le  XIV"  Centknaire  du  13aptème  ue  Cluvis  a  Reims.  —  La 
France  chrétienne  se  prépare  à  célébrer,  en  1896,  le  XIV*^  Cente- 
naire de  son  Baptême. 

C'est  eti  496,  le  jour  de  Noël,  que  Clovis  et  ses  Francs  ont  trouvé 
la  foi  au  lendemain  de  la  victoire.  De  ce  jour  date  vraiment  la 
nation  généreuse  et  magnanime  qui  traversera  les  siècles  comme 
le  soldat  de  l'Eglise  et  le  champion  de  Dieu. 

C'est  à  Reims  qu'a  eu  lieu  cet  événement  mémorable.  C'est  ;\  Reims 
que  saint  Rémi  baptisa  Clovis  et  son  armée.  C'est  à  Reims  que  la 
nation  française  devint  la  fille  aînée  de  l'Eglise. 

C'est  donc  à  Reims  que  doivent  naturellement  se  développer, 
pendant  l'année  1896,  les  manifestations  patriotiques  et  chrétiennes 
<]u'appelle  cet  anniversaire  quatorze  fois  séculaire. 

L'antique  cité  conserve  religieusement  le  tombeau  de  saint  Rémi, 
l'apôtre  de  la  France;  son  culte  y  est  populaire,  et  c'est  autour  de 
ce  tombeau  glorieux  et  vénéré  que  viendront,  l'an  prochain,  se 
grouper  de  nombreux  pèlerinages  nationaux. 

Dans  une  lettre  pastorale  qui  précédait  le  Mandement  de  Carême 
de  lS91,  Son  Eminence  le  Cardinal  Langénieux  s'exprimait  en  ces 
termes  :  «  Il  est  bien  évident  que  cette  manifestation  conservera 
son  caractère  essentiellement  religieux  et  patriotique;  c'est  avec 
un  désir  sincère  de  concorde  et  de  pacification  que  Nous  en  jetons 
l'idée  dans  le  cœur  de  tous  ceux  qui  mettent  au-dessus  des  luttes 
des  partis  un  amour  désintéressé  du  pays.  » 

Et  en  etl'et,  tout  Français  comme  tout  chrétien  le  re,;onnaitra  : 
c'est  au  baptistère  de  Reims  que  la  France  naquit  et  reçut  sa 
mission  providentielle.  De  son  pacte  avec  Dieu  résulte,  avec  la  loi 
de  son  histoire,  le  secret  de  sa  grandeur  et  de  sa  puissance.  C'est 
à  Reims  que  s'ouvre  le  livre  merveilleux  des  Gestes  de  Dieu  par  les 
Francs:  Gesla  Dei  per  Fraiiccs. 

Tous  ceux  qui  croient  en  Dieu  et  aiment  leur  pays  sont  don.- 
conviés  à  venir  affirmer  leur  croyance  et  leur  patriotisme  au  lieu 
même  oii  la  France  a  obtenu,  avec  la  foi,  son  unité  nationale  et 
le  vrai  titre  de  sa  supérioritr  sur  tous  les  autres  peuples. 


CHRONIQUE  38b 

A  tous  les  pèlerins  qui  se  rendront  à  Reims  dans  ces  sentiments, 
en  1896,  le  Souverain  Pontife  Léon  XIII  a  daigné  accorder  la  faveur 
d'un  Jubilé. 

D'autre  pari,  des  Congrès  de  diverses  sortes  tiendront  à  Reims 
leurs  assises  au  cours\de  celte  même  année,  et  des  Sociétés  lit- 
téraires, scientifiques  et  artistiques  ont  promis  de  venir  s'associer 
à  ces  Kêtes  qui  resteront  oti'erles  à  Ions  avec  leur  caractère  vrai- 
ment patriotique  et  national. 

Près  du  tombeau  de  saint  Rémi,  iui  baptislère  de  la  Krancc, 
sous  les  voûtes  de  l'incomparable  calliédrale  qui  vit  prier  Jeanne 
d'Arc,  ce  que  viendront  chercher  les  foules,  c'est  un  renouvelle- 
ment de  l'esprit  français  et  chrétien,  gage  précieux,  —  nous  le 
voulons  espérer,  —  d'union  et  de  prospérité  pour  la  Patrie, 

Pour  organiser  et  diriger  ce  mouvement,  un  ("<omité  supérieur 
a  été  instilué  sous  le  patronage  de  Son  Eminence  le  Cardinal  Lan- 
génieux,  et,  diverses  Commissions  se  partagent  le  travail  de  propa- 
gande et  d'action. 

A  partir  du  !"■  juillet  1893,  un  bulletin  bi-mensuel,  dont  le 
Xuméro-Spécimen  paraîtra  prochainement,  sera  publié  jusqu'en 
1896.  On  y  trouvera  les  souvenirs  de  Reims,  son  histoire  à  travers 
les  siècles,  la  description  de  ses  monuments,  etc.;  l'organisation 
des  pèlerinages,  des  Congrès,  des  fètcs  religieuses  et  patriotiques, 
avec  leur  compte-rendu,  en  un  mot  tout  ce  qui  peut  intéresser  le 
lecteur  au  glorieux  Centenaire  du  Raptème  de  Clovis  et  de  la 
France. 

Au  uom  de  la  Commission  de  publicité  el  de  propagande  : 

Le  Secrétaire,  Le  Présidenl, 

L.  Deliizanne,  E.  Cauia, 

Vicaire  g<înéral, 
Prolonotaire    apostolique, 


CoMSlissioN  MKiEonoLOGiQUt;.  -  La  Commission  départementale 
de  météorologie  de  la  Marne  a  tenu,  le  22  avril,  à  quatre  heures 
et  demie  du  soir,  dans  un  des  salons  de  riiôlel  de  la  Haute-Mère- 
nieu,  à  Chàlons-,  sa  séance  annuelle. 

M.  Reboul,  secrétaire  général  de  la  Préfecture,  présidait. 

M.  le  D'  Giraux,  président  de  la  Commission,  a  passé  en  revue 
les  travaux  les  plus  saillants  et  les  phénomènes  météorologiques 
les  plus  remarquables  qui  ont  eu  lieu  dans  l'année  écoulée.  Il  a 
lo-.:t  naturellement  parle  de  l'hiver  rigoureux  que  nous  venons  de 
subir,  et  s'est  etlorcé  d'en  faire  Fliistorique  au  point  de  vue  de 
notre  département  et  d'en  rechercher  les  causes. 

Le  28  janvier  a  été  le  jour  le  plus  froid  de  l'hiver.  Les  observa- 
teurs ont  relevé  : 

A  Sainle-Menehould,  ■21": 


'^m  CSRONIQtE 

A  Aulnay-rAitre,  19"; 
A  Courtisols,  19°; 

A  Fismes  et  Bassuet,  IK».  el  dans  les  autres  communes,  de  M"  a  l^-t". 
C'est  à  Venus  que  le  f roi  1  s'est  le  moins  fait   sentir  ce  jour-la  :  le  baro 
mètre  n'est  pas  descendu  au-dessous  de  1  !° 

D'après  ces  (abipaux,  il  résulte  que  si  l'on  partage  le  départe- 
ment par  une  ligne  qui  irait  du  Nord  au  Sud  en  passant  par 
Cliàlons,  on  trouverait,  en  regardant  le  Nord,  qud  les  stations  les 
plus  froides  sont  à  droite  de  cette  ligne  et  les  moins  froides  à 
gauche,  à  l'exception  de  Fismes,  toutefois,  dont  la  température 
est  sensiblement  la  même  que  celle  de  Bassuet  el  de  Givry-en- 
Argonne. 

Dans  un  ordre  d'idées  contraires,  Sainte-Menehould  aussi  fait 
exception  à  la  règle  formulée  depuis  longtemps  par  M.  Renon, 
directeur  de  l'Observatoire  du  Parc  Saint-Maur,  que  la  tempéra- 
ture des  villes  e>i  plus  élevée  que  celle  des  campagnes. 

Bien  qu'il  sache  que  la  loi  de  Gay-Lnssac  ne  soit  pas  applicable 
dans  notre  département  à  cause  des  accidents  de  terrain  trop  peu 
accentués,  M.  le  président  n'a  pas  moins  eu  la  curiosité  de  com- 
parer la  température  de  nos  stations  entie  elles  au  point  de  vue 
de  l'altitude. 

Il  a  constaté  cette  bizarrerie  que  Vitry-en-Perthois,  qui  est  situé 
à  100  mètres  au-dessus  du  niveau  de  la  mer,  avait,  le  t"'  février, 
23°  o',  tandis  que  Sainte-Menehould,  qui  est  à  137  m.  bO  d'éléva- 
lijn,  n'a  eu  que  22°  7b  ce  jour-là. 

L'écart  est  encore  plus  sensible  entre  Vilry-en-Perthois  et  ^  erzy, 
qui  est  à  160  m.  et  dont  la  tempe-rature  était  le  l""  février  de  16". 
Cette  anomalie  se  remarque  également  entre  Fismes,  à  80  m.,  et 
Givry-en-Argonne,  à  175  m  de  hauteur,  qui  ont  eu  le  même 
jour,  i"'  février,  l'un  18"  et  l'autre  19°  9,  c'est-à-dire  le  même 
degré  Ihermométrique. 

M.  le  D'  Giraux  a  fait  ensuite  connaître  les  récompenses  accor- 
dées aux  observateurs. 

M.  le  Ministre  de  l'instruction  publique  a  accordé  une  médaille 
d'argent  à  M.  Barguet,  instituteur  à  Fismes. 

La  Commission  a  accordé,  en  outre,  comme  témoignage  de 
satisfaction,  des  ouvrages  scientifiques  à  MM.  les  observateurs 
dont  les  noms  suivent  : 

MM. 

Appert,  instituteur  à  Givry  eu-Argoune. 
Boiteux,  instituteur  à  Saiute-Menetiould. 
Bouy,  insli'uieur  a  Verzy. 
Brelon,  inslilulrur  à  Bourgogne. 
Buguot,  instituteur  à  Ba-lieiix  les-Fismes. 
CuviHier,  instituteur  à  Vavray-le- t'élit. 
Davesne,  instituteur  à  Vertus. 
Démange,  instituteur  à  Pierry. 


CHRONiOot  38: 


(jallot,  iiisliluteur  a  Courtisols. 
Henriot,  instiivileur  à  Sézaime. 
Lbfdyette,  insliluteur  à  Sermaize. 
Leblanc,  insliluteur  à  Bassuet. 
Lejeuu^,  instiluleur  à  l'assy-Griguy. 
Maurupt,  iustiluleur  à  Moivre. 
Nominé,  instituteur  à  Tbiéblemonl. 
l'egnlloul,  instituteur  à  Moiilmirail. 
Kemion,  instituteur  à  Vitry-en-Perlhois. 
Tbonaas,  instituteur  à  Heims. 
Despocq,  propriétaire  à  Vauault-le-Chàtel. 
Perot,  propriétaire  à  Vanault-les-Dames, 
Perard,  propriétaire  à  Veruancourt. 


A  Chàlons,  la  foire  dite  des  Sannea  s'est  ouverte  comme  de  cou- 
tume, le  30  avril,  lioisième  mardi  après  Pâques.  Nous  trouvons 
dans  rexoelleiite  Topographie  liislorique  du  regretté  Louis 
Grignon,  l'élymologie  de  ce  nom  et  d'ititéressauts  détails  sur  la 
fêle  : 

Depuis  1825,  la  ioire  annuelle,  anciennemect  dite  des  Sannes,  a  lieu 
sur  le  marché  au  blé.  On  a  beaucoup  argumenté  sur  le  nom  qui  lui  a  été 
douué  et  qui  lui  vient  de  ce  qu'elle  se  leuait  peu  de  jours  après  le  synode 
annuel  du  diocèse;  ici,  le  mot  Saunes  signifie  Synode  et  pas  autre  chose. 
Bou  nombre  de  contrats  du  xvi"  sièile  pour  mise  à  bail  de  qiiel(]ues  cures 
par  les  bénéficiaires  eoiil  passas  pour  une  période  de  quelques  années,  (  à 
commencer  du  Saiiit-Sa7me  prochain  venant  d  (1544-1560),  c'tst-à-d.re  du 
synode. 

La  Ibire  des  Sannes  a  occupé  divers  emplacements  que  nous  résumons 
ici.  Ou  préleud  que,  jusqu'en  1136,  elle  eut  lieu  sur  le  parvis  de  l'égli-e 
Soint-Alpin,  jadis  plu?  spacieux,  l'église  étant  beaucoup  moins  grande  j 
qu  à  partir  de  celle  époque^  elle  l'ut  transférée  daus  la  halle  aux  draps,  rue 
d'Oifeuil;  vers  la  fia  du  xvi»  siècle,  sans  que  nous  puissions  préciser  la 
date,  les  forains  s'iuslailèreut  daus  la  salle  basse  de  l'Hôtel  de  Ville  et  aux. 
aburJs  du  monument.  Eu  1772,  lors  de  la  cou&lruclion  de  l'Hôtel  de  Ville 
actuel,  elle  lut  transpuriee  rue  du  Collège,  puis  sur  les  quais  de  Noire- 
Dame  et  de  la  Comédie.  Eu  1778,  il  tut  ordouué  qu'elle  aurait  lieu  désor- 
mais sur  la  place  même  de  l'Hôlel  de  Ville.  Pendant  la  Kévoluiion,  elle 
fut  reportée  rue  du  Col  ège.  En  1793,  on  décida  qu'elle  se  tiendrait  sur  les 
quais,  mais  ce  changement  ne  paraît  s'être  elfectué  qu'en  17ii7.  En  18U5, 
elle  revint  sur  la  place  de  rilôlel  de  Ville  et  enfin  fut  transférée,  en  1825, 
sur  la  place  du  Manhé.  Depuis  plusieurs  années,  l'emplacement  qui  lui  est 
atleclé  est  devenu  insulfisanl,  et  un  certain  nombre  de  ma^chand^  torains, 
tiis,  saltimbanques,  sont  obliges  de  siu&laller  sur  la  place  du  Cbâteau-du- 
Marcbé  et  le  boulevard  du  Jord. 


M.  iMinoutlet,  de  Romeny,  a  communiqué  une  note  intéressante, 
à  la  dernière  séance  de  la  Société  liistorique  et  archéologique  de 
f'.li'Ueau- Thierry,   sur   les   découverle.s   par   lui   faites   à    (irigny, 


388  CHRONIQUE 

ancien  oppidum  situé  sur  la  voie   romaine  de  Ciiàteau-Thierrj  à 
Soissons,  près  d'Oulchy-le-Cliâleau. 

il  a  recueilli,  entre  autres  objets  anciens,  des  monnaies  gau- 
loises, dont  la  plupart  sont  rares  et  curieuses  ;  il  a  donné  de  ces 
pièces,  qui  forment  dix-huit  types  différents,  une  description  qui 
ne  laisse  rien  à  désirer. 


Il  y  a  quelques  jours,  M""'  veuve  IMiltat-Hesse,  coquetière  à  Plivot 
(Marne),  en  bêchant  son  jardin,  a  trouvé  une  magnifique  pièce 
en  or  de  48  fr. ,  à  l'effigie  de  Louis  XV[  et  datée  de  1786.  La  pièce 
est  fort  bien  conservée,  et  elle  acquiert  par  cela  même  une  grande 
valeur. 

Mais  la  découverte  de  ce  trésor  emprunte  à  son  histoire  un 
cachet  de  réelle  originalité  :  les  gens  du  pays  se  souviennent  parfai- 
tement qu'il  y  a  soixante  ans,  la  pièce  en  question  fut  perdue  par 
un  certain  Frapart,  dit  Colas-Malin,  qui,  à  cette  époque,  était  bien 
vieux  déjà,  et  qui,  obéissant  à  l'on  ne  sait  quelle  manie,  avait  adapté 
le  louis  d'or  à  sa  veste  en  guise  de  bouton. 

Perdue  un  jour  où  il  bêchait  la  (erre,  la  fameuse  pièce  lut  avide- 
ment recherchée;  on  raconte  même  que  Colas-Malin  cribla,  à  l'aide 
d'un  tamis,  la  terre  qu'il  avait  remuée  dans  la  journée.  Il  ne 
retrouva  rien,  et  le  souvenir  de  l'écu  de  48  livres  s'était  depuis 
longtemps  elfacé,  lorsque  M""-'  Miltat  fit  sa  découverte,  à  l'endroit 
même  où,  il  y  a  soixante  ans,  la  lerre  avait  été  fouillée... 


Par  décret  en  date  du  14  avril  I89u,  M.  Herment,  capitaine 
adjudant-major  au  \  16«  régiment  d'infanterie,  vient  d'être  nommé 
chef  de  bataillon  au  137^. 

M.  Georges  Herment  est  un  enfant  de  Vitry-le-François.  Son  père, 
lieutenant-colonel  aux  turcos,  s'est  bravement  fait  tuera  la  bataille 
de  Solférino  et  a  un  monument  commémoratif  dans  le  cimetière. 
Resté  orphelin  tout  jeune,  le  nouveau  commandant,  après  avoir 
passé  quelques  années  au  Collège  de  Vitry,  finit  ses  études  au 
Lycée  de  Reims,  et  s'engagea  de  bonne  heure  au  74*^  de  ligne,  un 
ex-régiment  paternel,  oiï  il  conquit  ses  premiers  grades. 

La  guerre  de  1870  le  trouva  sergent-major;  fait  prisonnier  à 
Wissembourg  et  emmené  au  fond  de  rAllemagne,  il  essaya  de 
s'échapper,  mais  tut  repris  au  moment  où,  avec  quelques  cama- 
rades, il  allait  Iraiiclùr  la  frontière  autrichienne.  Rentré  en 
France,  il  fut  "bicntùt  nommé  sous-lieutenant,  et  depuis  quelques 
années  occupa  des  garnisons  de  l'Ouest,  Vannes,  Auray,  Belle- 
Ile-en-Mer.  Son  nouveau  régiment  siège  à  Fontenay-le-Comte 
(Vendée). 


CHRONIQUE  389 

Le  Ministre  de  rinlérieiii'  vient  d'accorder,  dans  le  personnel  de 
l'enseignement  primaire  du  département  de  la  Marne,  les  récom- 
penses suivantes  : 

Ua  rappel  de  ni<*daiUe  d'or-  à  M.  Vatlpe  (Germain),  professeur  à  l'Ecole 
normale  d'insliluleurs  de  la  Marne,  secrétaire  de  la  Sociélé  de  secours 
mutuel  des  inslituleurs  et  institutrices  de  la  Marne; 

Une  mpdaille  d'argent  à  M.  Billerey  (Charles),  instituteur  à  Saint-Vrain, 
administrateur  de  la  même  Sociét.j  ; 

Une  médaille  de  bronze  à  M.  Hue  (Ferdinand),  inspecteur  de  l'Enseigne- 
ment primaire  à  Reims,  administrateur  de  la  même  Sociélé. 


A  ce  moment  oit  l'on  recherche,  pour  les  préserver  de  toute 
destruction,  les  œuvres  d'art  civil  ou  religieuse,  nous  croyons 
devoir  signaler  comme  un  travail  tout  à  t'ait  remarquable,  à  notre 
humble  avis,  le  buste  en  bois  de  sainte  Anne,  que  possède  l'église 
de  Cunijn  (Aube).  Ce  buste  était  placé,  avant  la  Révolution,  dans 
la  chapelle  de  Sainte  Anne,  distante  de  deux  kilomètres  du  village, 
chapelle  érigée,  croit-on,  au  xi^  siècle,  par  le  B.  Simon  de  Bar. 

Le  visage,  d'un  bel  ovale,  a  une  attitude  gracieuse;  le  regard  est 
très  doux,  un  peu  mélancolique  :  certaines  personnes,  d'une  ima- 
gination un  peu  trop  sensible,  prétendent  que  la  physionomie  de 
la  sainte  change  selon  les  circonstances.  La  tête  est  couverte  d'un 
voile  qui  descend  en  plis  légèrement  ondulés,  pour  se  croiser  sur 
la  poitrine,  en  formant  un  revers  de  chaque  côté  :  au-dessus  du 
croisement  du  voile,  les  larges  plisse  dessinent  d'un  vêtement  qui 
monte  jusqu'au  col  de  la  sainte.  L'ensemble  est  du  meilleur  efTet. 

A  quelle  époque  remonte  cette  statue?  Aucun  document  ne  nous 
permet  d'indiquer  une  date. 

*    » 

Ms'  Meignan,  archevêque  de  Tours,  a  présidé,  le  23  avril,  les 
fêles  qui  avaient  lieu  à  Saitite-Catherine  de  Fierbois  en  l'honneur 
de  Jeanne  d'Arc  et  pour  l'inauguration  de  la  statue  de  l'héroïne. 
On  sait  que  c'est  à  Sainte-Catherine  de  Fierbois  que  fut  trouvée 
l'épée  dont  Jeanne  devait  se  servir  pour  «  bouter  les  Anglais  hors 
de  France  ». 

Le  vénérable  cardinal  de  Tours  était  assisté  de  JNN.  SS.  Renou, 
évêque  d'Amiens  ;  Pagis,  évêque  de  Verdun;  Delaborde,  évêque 
de  Blois.  La  messe  pontificale  a  été  célébrée  à  dix  heures  et  demie 
par  Mg""  l'Lvêque  d'Amiens.  Le  soir,  à  deux  heures  et  demie,  a  eu 
lieu  la  réception  des  autorités  civiles  et  militaires. 

Le  vaillant  évêque  de  Verdun  a  prononcé,  à  trois  heures,  le 
panégyrique  de  J.;anne  d'Arc,  qui  a  été  suivi  d'un  salut  solennel 
et  de  la  bénédiction  de  la  statue. 


MELAiNGES 


Jeanne  d'Arc  Champenoise.  —  Une  discus^sion  s'est  élevée  eolrc 
M''  Turinaz,  évêque  de  Nancy,  et  M.  l'abbé  Misset,  auteur  de  la  brochure 
Jeanne  d'Arc  Champenoise.  Elle  peut  intéresser  nos  lecteurs:  nous  en  don- 
aons  les  parties  principales. 

Ceux  qui  voudraient  la  suivre  avec  lo  is  ses  développements  la  trouveront 
dans  les  deux  numéros  de  VUnivcrs  des  19  et  24  déctmbre. 

M"'  Turinaz  consacre  la  première  partie  de  sa  lettre  à  se  défendre  d'avoir 
rajeuni  un  argument  et  a  en  faire  ressortir  la  Vdleur  : 

<<  1°  Après  avoir  rappelé  qu'un  descendant  de  la  famille  de  la 
Pucelîe,  M.  Pierre  Lanéry  d'Arc,  a  imprimé  que  l'élude  de 
M.  Chapellier  (affirmant  i'oiigine  lorraine)  était  «  magistralement 
faite  »  et  «  Irancliait  à  Jamais  le  débat  sur  la  question  »,  vous 
dites  que  vous  êtes  obligé  de  reprendre  aujourd'hui  celte  question, 
et  vous  ajoutez  :  «  D'autant  plus  que,  du  plus  haut  de  la  chaire  de 
'<  vérité.  M?""  Turinaz.  qui  parlait,  il  faut  bien  le  dire,  à  Nancy, 
«  soutint  la  thèse  de  M.  Chapellier  avec  toutes  les  ressources  de 
'  son  éloquence  entraînante.  Il  crut  même  devoir  rajeunir,  pour 
'  la  circonstance,  un  vieil  argument  sans  portée,  mais  qui  produit 
'(  toujours  sur  les  foule-  un  certain  efiet  :  «  Les  voix  de  Jeanne. 
■<  s'écria-t-il,  lui  répétaient  •  «  Fille  de  Dieu,  va  en  France!...  - 
«  donc  elle  n'y  était  pas. 

»  Vous  prétendez  que  je  rajeunis  un  vieil  argument.  Pour  moi, 
qui  crois  avoir  lu  la  plupart  des  ouvrages  qui  traitent  de  Jeanne 
d'Arc,  je  n'ai  jamais  rencontré  cet  argument.  Mais  celte  affirma- 
Uon,  que  vous  donnez  absolument  sans  preuves,  était  utile  à  votre 
•aqse.  Ceci  a,  d'ailleurs,  une  importance  tout  à  fait  secondaire. 

»  Vos  lecteurs  croient  sans  doute  que  tout  mon  argument  se 
borne  aux  paroles  que  vous  citez.  Or,  voici  quelles  ont  été  mes 
paroles  :  <t  Ecoutez  les  déclarations  qu'elle  (Jeanne)  répèle 
plusieurs  fois  devant  ses  juges  :  «  Pour  ce  qui  est  de  ce  que  j'ai 
'<  fait  depuis  que  j'ai  pris  le  chemin  de  la  France,  je  jurerai 
«  volontiers...  Je  ne  vins  en  France  que  sur  l'ordre  de  Dieu... 
>'  J'aimerais  mieux  être  tirée  à  quatre  chevaux  que  d  être  venue 
'  en  France  sans  la  peî'mission  de  Dieu...  Quand  j'eus  appris 
«  que  je  devais  venir  en  France,  je  me  mêlai  peu  aux  jeux  et  aux 
«  promenades.  - 

»  Vous  l'entend -z,  la  jeune  bergère  devait  a'Ier  en  France,  elle 
n'y  était  donc  pas  :  elle  ne  considérait  pas  comme  français  le 
village  de  Domrémy  où  elle  était  née. 

»  Et  au-dessus  de  l'autorité  de  Jeanne,  voici  celle  de  l'arcliange 
qui  l'envoie  secourir  et  sauver  la  France  :  «   C'est  cette  voix  qui 


MKI.ANtifeS  391 

(«  me  dil  qu'il  élail  nécessaire  que  je  vinsse  eu  France...  Ueu.x 
"  ou  Irois  lois  par  semaine,  celte  voix  nie  disait  :  «  Pars  en 
<<  France,  il  le  faut  »  El  encore  :  »  La  voix  me  disait  :  Va  en 
a  France!...  Et  je  ne  pouvais  plus  durer  où  j'étais.  » 

»  Je  demande  si  le  texte  que  vous  avez  cité  comme  étant  le 
mien  a  une  valeur  qui  se  ra(»proche,  même  de  loin,  des  alfirma- 
tions  miilliples  de  Jeanne  d'Arc  et  de  l'archange  saint  Michel  que 
j'ai  citées.  Donc,  sur  ce  point,  évidemment  pour  le  besoin  de  votre 
cause,  vous  avez  amoindri,  et  de  beaucoup,  l'argument  que  j'ai 
produit. 

»  2"  Vous  poursuivez  en  ces  termes  :  «  Or,  est-ce  seulement 
u  lorsqu'elle  était  à  Dumremy  que  Jeanni-  voulait  aller  en  France? 
«  Elle  le  voulait  quand  elle  était  à  Méhunsur-Vèvre,  en  plein  Berrv, 
u  à  la  cour  de  Charles  VII;  elle  le  voulait  quand  les  hommes 
«  d'armes  l'entraînaient  contre  son  gré,  contre  l'ordre  de  ses 
«  voix,  au  siège  de  la  Charité-sur  Loire,  dans  le  Nivernais,  Elle 
«  le  dit  elle-même,  en  toutes  lettres  à  se-  juges  :  Respondit  quod 
a  ipsa  vok'biil  venire  ùi  Franclam.  W  de  .Nancy  osera-l-il  con- 
«  dure  :  Donc  en  Berry,  donc  en  Nivernais,  Jeanne  d'Arc  n'était 
«  pas  en  France,  puisqu'elle  voulait  y  aller"?  Ignorerait-il  qu'au 
'<  moyen-àge  il  existait  une  ville  de  Paris  en  douce  France,  et  une 
«  abbaye  de  Saint-Denis-en-F'rance  ainsi  nommées  parce  qu'elles 
«  étaient  situées  en  Ile-de-France?  » 

1)  Vous  ne  citez  qu'un  texte  pour  lequel  vous  renvoyez  à  Qui- 
cherat,  1"='"  vol.,  p.  loi».  Je  reconnais  loyalement  que  ce  texte  peut 
olfrir  une  difliculté.  Mais  enlève-t-il  leur  autorité  aux  textes  nom- 
breux que  j'ai  cités  plus  haut,  je  ne  le  pense  pas. 

»  Votre  réponse  se  résume  en  ceci  :  Quand  Jeanne  d'Arc  et  les 
Voix  parlaient  à  Uomremy  de  venir  en  France,  il  s'agissait  »  de 
»  la  ville  de  Patois  en  douce  France  et  de  l'abbaye  de  Saint-Denis- 
«  en-France,  ainsi  nommées  parce  qu'elles  étaient  situées  en  Ile- 
i<  de-France,  n 

M   Misset  répond  ; 

«...  J'avais  dit  dans  mon  travail  que  Votre  Grandeur  avait 
rajeuni  «  un  vieil  argument  sans  portée  »  lorsqu'on  1890  elle 
s'était  écriée  à  Nancy  :  «  La  jeune  bergère  voulait  aller  en  France, 
'<  elle  n'y  était  donc  pas;  elle  ne  considérait  pas  comme  français 
«  le  village  de  Ooniremy  où  elle  était  née.  »  Vous  ne  voulez  pas 
avoir  rajeuni  un  vieil  argument,  je  le  comprends.  «  Pour  moi, 
«  dites-vous,  qui  crois  avoir  lu  la  plupart  des  ouvrages  qui 
«'  traitent  de  Jeanne  d'Arc,  je  n'ai  jamais  rencontré  cet  argu- 
»  nient.  » 

>'  Etes-vous  aussi  sûr,  Monseigneur,  de  la  ndélité  de  votre 
mémoire  que  de  i'mimeiisité  de  vos  lectures?  Or,  ici,  remar- 
quez-le, je  II  ai  aucun  intérêt  à  ne  pas  concéder  votre  posluiolunx. 
En  ellel.  jeune  ou  vieux,  découvert  ou  simplement  rajeuni  par  vous, 
l'argument,  en  tant  qu'argument,  reste  le  même.  Par  malheur,  il 


392  MKL.\NGES 

y  a  quelque  part,  en  Lorraine,  iiii  chevalier  du  Saint-Sépulcre, 
M  l'abbé  .Mourol.  Il  se  lïiclierait  avec  raison,  et  me  pourfendrait, 
et  nie  convaincrait  d'ignorance,  ?i  je  ne  reconnaissais  pas  que  la 
paternité  de  l'argument  lui  appartient  plutôt  qu'à  vous  Dès  1880. 
dix  ans  par  conséi|uent  avant  Votre  Grandeur,  il  avait  eu  l'idée 
que  vous  deviez  avoir  et  imprimé  le  raisonnement  que  vous  deviez 
croire  vôtre.  Mais  hélas!  même  alors,  l'idée  était-elle  neuve?  Je 
ne  le  pense  pas.  Car  M.  Athanase  Renard,  qui  ne  manquait  ni 
d'érudition,  ni  d'esprit,  répondait  textuellement:  •<  M.  le  curé  de 
i<  MonIhureux-le-Sec  croit  trouver  un  argument  décisif  en  faveur 
«  de  sa  thèse  dans  une  manière  de  parler  commune  aux  habitants 
u  de  la  contrée,  même  aux  Français  qui  s'y  trouvaient  dépaysés  et 
'i  réduits  à  dire,  quand  ils  la  quittaient,  qu'ils  allaient  en  France. 
«  La  même  manière  de  parler  a  longtemps  subsisté  dans  plusieurs 
"■  de  nos  anciennes  provinces,  même  après  leur  incorporation  au 
((  royaume.  C'est  ce  que  M.  l'abbé  Barthélémy  de  Beauregard, 
«  auteur  d'une  histoire  de  Jeanne  d'Arc,  explique  très  bien.  » 
Or,  si  Votre  Crandeur  se  rappelle  avoir  lu  l'ouvrage  de  M.  Bar- 
thélémy de  Beauregard,  elle  sait  qu'on  y  trouve,  au  tome  \,  à  la 
page  49,  la  phrase  qui  suit  :  «  La  voix  disait  à  Jehanne  de  partir 
«  pour  la  France.  »  Et  en  note  :  «  Le  nom  de  France  n'était 
«  donné  qu'à  la  partie  du  royaume  qui  avait  formé  le  domaine 
u  de  Hugues  Capet  :  c'étaient  la  Picardie,  l'Ile-de-France,  l'Or- 
«  léanais,  le  Berry  et  la  Touraine.  »  Vous  le  voyez  donc,  l'argu- 
ment n'était  pas  neuf,  la  réponse  n'était  pas  neuve,  car  l'abbé 
Barthélémy  de  Beauregard  a  composé  sa  Jeanne  d'Arc  en  1847! 

"  Mais  si  l'argument  n'est  pas  neuf,  du  moins  a-t-il,  comme  le 
bon  vin  et  la  bonne  amitié,  gagné  en  vieillissant?  J'ai  peur  du 
contraire.  Vous  citez,  il  est  vrai,  à  quatre  reprises,  les  paroles 
de  Jehanne  d'Arc,  disant  que,  lorsqu'elle  était  à  Domremy,  elle 
voulait  venir  en  France  Vous  placez  ensuite  par  trois  fois  dans 
la  bouche  de  saint  .Micliel.  l'ordre  lui  même  :  «  Il  est  nécessaire 
d'aller  en  France,  pais  en  France,  va  en  France!  "  Et,  toute  triom- 
phante, en  présence  de  celte  multitude  —  une  peu  factice  —  de 
textes  qu'il  s'agit  précisément  d'interpréter,  Votre  Grandeur  me 
dit  :  K  Vous  ne  citez  qu'un  texte.  Enlève-l-il  leur  autorité  aux  textes 
<(  nombreux  que, )''ai  cités  plus  haut?  »  — Je  le  pense, Monseigneur. 
Quand  Jeanne  d'Arc  à  Méhun-sur-Yèvre,  en  Berry,  veut  aller  en 
France  (et  c'est  ce  que  dit  le  texte  que  j'ai  cité),  elle  donne  au 
mot  «  France  »  un  autre  sens  que  vous.  Méhun-sur-Yèvre  n'était 
pas  hors  du  royaume,  Domremy  n'était  pas  hors  du  royaume!  Et 
lors  même  que  mon  texte  de  Méhun-sur  Yèvre,  qui  renverse  rint(;r- 
prétalion  que  vous  faites  des  textes  de  Domremy,  n'existerait  pas, 
qui  ne  sait  aujourd'hui  ce  qu'on  désignait  par  le  mot  «  France  » 
à  l'époque  de  Jeanne  d'Arc?  Ce  n'était  pas  seulement  l'Ile-de- 
France,  comme  Votre  Grandeur  voudrait  me  le  faire  dire,  c'était 
aussi,  comme  je  l'ai  dit,  le  Berry  où  se  trouvait  Charles  Vil, 
l'Orléanais  où  se  trouvait  Orléans  dont  Jeanne  devait  fai^e  lever 


MÉLANGES  393 

le  siège.  Votre  drandeui'  n'est  donc  pas  autorisée'à  conclure  que, 
dans  ma  pensée,  «  quand  Jeanne  d'Arc  et  ses  voix  parlaient  à 
(■  Domremy  de  venir  en  France,  il  s'abaissait  seulement  de  la  ville 
c  de  Paris  en  douce  France  et  de  l'abbaye  de  Sainl-Denys  en 
«  France.  »  Vous  aviez  dit  en  1890  :  Les  voix  ordonnaient  k 
.leanne  d'aller  en  France,  donc  elle  n'y  était  pas,  donc  elle  était 
en  Lorraine,  hors  du  royaume,  hors  de  l'autorité  du  roi,  dans  nn 
pays  soumis  à  un  duc  qni  était  alors  l'ennemi  du  roi. 

B  Je  vous  ai  répondu  :  Non,  elle  était  dans  un  pays  qui,  adniinis- 
trativement,  fiscalement,  judiciairement,  politiquement,  géogra- 
phiquement  était  situé  au  royaume  et  en  Champagne.  «  Il  serait 
«  inutile  de  rappeler  les  textes  établissant  que  non  seulement  des 
«  bords  de  la  Meuse,  mais  de  provinces  aussi  rapprochées  de  la 
«  capitale  que  le  Berry,  l'on  donnait  le  nom  de  France  à  l'Ue-de- 
«  France,  et  aux  pays  limitrophes  réputés  comme  le  cœur  du 
«  royaume,  parce  qu'elle  dit  être  venue  en  France.  »  Ce  n'est 
pas  moi,  monseigneur,  qui  vous  ai  fait  cette  réponse,  c'est  le 
dernier  historien  de  Jeanne  d'Arc,  le  R.  P.  Ayrolles,  de  la  Société 
de  Jésus.  Vous  l'avez  évidemment  lue  dans  sa  Vraie  Jeanne  d' Arc , 
tome  II,  p.  147.  » 

La  deuxième  partie  de  la  difcussiou  porte  sur  l'analyse  et  le  sens  d'un 
discours  prononcé  par  M-'  Turinaz  le  jour  de  la  lete  de  l'inauguration,  à 
Nancy,  d'une  statue  de  Jeanne  d'Arc.  Celte  partie  est  d'un  intérêt  moins 
historique;  nous  la  laissons. 

Lu  fin  de  la  lettre  épiscopale  place  la  question  sur  le  terrain  national  et 
mérite  d'être,  avec  la  réponse,  intégralement  citée  : 

((  Mais  ne  pourrions  nous  pas,  ne  devrions-nous  pas  porter  ce 
débat  sur  un  autre  terrain,  ou  plutôt  le  restreindre,  vous  et  moi 
et  tous  ceux  qui  étudient  l'origine  de  Jeanne  d'Arc,  à  celle 
question  :  «  La  bergère  de  Domremy  est-elle  Lorraine,  Cham- 
penoise ou  Barrisieime?  »  sans  paraître  contester,  même  quant  au 
mot  lui-même,  dans  aucune  de  ces  hypothèses,  son  titre  de  Fran- 
çaise? Nous  prendrions  le  litre  de  Française  dans  un  sens  plus 
large  et  beaucoup  plus  exact. 

»  En  eflet,  à  l'époque  de  Jeanne  d'Arc,  les  Bourguignons  et  les 
Bretons,  pour  ne  pas  citer  les  habilants  d'autres  provinces, 
quoique  gouvernés  par  leurs  ducs  comme  les  Lorrains  et  les 
Normands  soumis  à  l'Angleterre,  n"élaient-ils  pas  Français? 
Pourquoi  donc  les  Lorrains  ne  l'étaient-ils  pas?  La  soumission 
au  roi  de  France  établissait-elle  à  elle  seule  la  nationalité  fran- 
çaise? Je  ne  le  pense  pas.  La  défaite  ou  la  victoire,  la  séparation 
ou  l'aonexion  d'une  province  lui  enlèvent-elles  ou  lui  donnent- 
elles  sa  nationalité?  Français  d'aujourd'hui,  nous  pouvons  l'ad- 
mettre moins  que  jamais.  Après  plus  d'un  siècle  de  servitude  et 
d'épreuves,  la  Pologne  est-elle  russe?  Faut-il  dire  que  les  diverses 
provinces  ou  régions  de  notre  pays  n'ont  été  françaises  que  du 
jour  où  elles  ont  été  soumises  à   la   couronne  de  France,  et  que 


'.,9  i  ■  MKI. ANGES 

demain,  au  g(é  des  événements,  elles  pourront  n'êli'e  plus  fran- 
raises?  Ce  serait  amoindrit'  à  tous  égards,  dans  la  plus  déplorable 
mesure,  notre  histoire  nationale,  briser  les  chaînes  des  plus  anti- 
ques et  des  plus  glorieuses  Iradilions,  et  autoriser,  contre  notre 
nationalité,  les  plus  odieux  attentats. 

»  Donc,  abaissons  et  restreignons  le  débat,  afin  d'élever  et 
d'unir  tous  les  cœurs  dans  l'adfniration  pour  Jeanne  d'Arc,  et 
dans  les  aflirmations  du  patriotisme.  Que  telles  ou  telles  pro- 
vinces revendiquent  la  gloire  d'avoir  donné  le  jour  à  Jeanne,  mais 
que  toutes  reconnaissent  que  la  libératrice  de  la  France  est  Fran- 
çaise. » 

Voici  la  réponse  de  M.  Misset  : 

«  Malheureusement,  Monseigneur,  on  ne  porte  par  un  débat  où 
l'on  veut;  on  est  forcé  de  le  prendre  où  il  se  trouve.  Si  la  Cham- 
pagne et  l'Ile  de  France,  si  la  Champagne  et  le  Berry  se  dispu- 
taient Jeanne  d'Arc,  la  chose  serait  de  médiocre  importance  :  la 
nationalité  française  de  la  Pucelle  ne  serait  pas  en  jeu  !  Entre  la 
Champagne  et  la  Lorraine,  entre  la  Champagne  et  le  Barrois, 
qu'on  le  veuille  ou  non,  le  terrain  du  débat  est  tout  dilférent. 
PiKjnanl  lermini,  comme  disaient  les  vieux  logiciens. 

»  Et  la  concession  que  Votre  Grandeur  me  demande  est  préci- 
sément le  point  important  du  litige. 

I)  La  Lorraine  du  xv  siècle,  le  Barrois  du  xv^  siècle,  même  dans 
leur  partie  mouvante,  étaient  pays  indépendants  et  par  consé- 
quent étrangers.  Je  ne  vous  en  citerai  qu'une  preu/e,  l'article  72 
de  la  coutume  champenoise  et  française  de  Vitry  qui,  d'accord 
avec  Joinville,  avec  les  rois  de  France,  avec  les  ducs  de  Bar, 
désigtie  sous  le  titre  de  Nobles  e.HraïKjcrs  «  les  Nobles  natifs  et 
demeurans  aux  pays  d'Allemagne,  Lorraine,  Brabant,  B irrois,  ou 
ailleurs  hors  du  royaume.  »  Cet  assemblage  de  mots  révolte  sans 
doute  aujourd'hui  notre  patriotisme;  il  ne  froissait  personne;  il 
était  l'absolue  vérité  cent  ans  encore  après  la  naissance  de  Jeanne 
d'Arc,  quand  on  rédigea  la  coutume  de  Vitry  en  l'an  I5U9.  Et  ne 
croyez  pas,  monseigneur,  que  lextranéité  de  la  Lorrame  et  du 
Bairois,  même  dans  leur  partie  mouvante,  soit  une  opinion  his- 
torique, discutable  en  droit.  Elle  a  force  de  chose  jugée,  sans 
appel  possible.  La  cause  a  été  plaidée  dans  votre  ville  épiscopale 
devant  la  première  Chambre  de  la  Cour  royale  de  Nancy.  Elle  a 
donné  lieu  à  un  chef-d'œuvre  d'éloquence  judiciaire  et  d  irrésis- 
tible logique;  et  celui  qui  l'a  prononcé  était  un  Lorrain,  si  je  ne 
me  lrom()e,  une  des  gloires,  en  tous  cas,  du  vieux  barreau  français, 
y\.  Troplong,  avocat  général  près  la  Cour  de  Nancy.  Dans  les  ques- 
tion de  nationalité,  le  sentiment,  surtout  à  certaines  époques,  ne 
peut  qu'égarer  la  raison,  et  nous  aurions  tort  de  nous  placer  en 
face  de  nos  pères,  à  l'époque  où  le  duc  de  Lorraine  laissait  fouler 
aux  pieds,  par  ses  soldats  d'empire,  le  drapeau  de  la  France  dans 
sa  ville  de  NeufchAteau,  k  l'époque  où  le  duc  de  Bar  poursuivait. 


MKLANGKS  SO'i 

Uaqiiail  sans  inerci  les  derniers  Armagnacs  de  Champagne,  tuait 
à  Sermaize,  dans  l'arméo  de  La  Hire,  le  cousin  germain  de  Jeanne 
d'Arc,  faisait  alliance  avec  les  Anglais  contre  Charles  Vli  le  jour 
même  où  Jeanne  d'Arc  donnait  l'assaut  à  Orléans.  Là  est  la  vérité. 
Votre  Grandeur  me  demande  si  «  les  diverses  contrées  de  notre 
«  pays  n'ont  été  françaises  que  du  jour  où  elles  ont  été  soumises 
(1  à  la  couronne  de  France.  )>  —  Je  le  crains,  Monseigneur,  La 
Savoie  n'était  pas  française  avant  1860,  le  Barrois  et  la  Lorraine 
ne  l'étaient  pas  avant  leur  réunion  à  la  France. 

)'  Vous  me  demandez  si,  «  après  plus  d'un  siècle  de  servitude 
M  et  d'épreuves,  la  Pologne  est  devenue  russe.  >>  J'ai  grand  peur 
que  la  Pologne  soit  non  seulement  russe,  mais  encore  autrichienne 
et  prussienne!  J'ai  peur  qu'il  n'y  ait  plus  de  Pologne!  Seulement, 
permetlez-nioi  de  vous  dite  que  l'assimilation  ici  n'est  pas  abso- 
lument heureuse.  Les  Lorrains  aujourd'hui  entendent  être  Fran- 
çais, si  les  Polonais  n'entendent  pas  être  Russes!  Les  Lorrains 
sont  fiers,  avec  raison,  de  posséder  à  Naticj  la  statue  de  celle  qui 
incarne  l'idée  de  la  patrie  française.  Elle  est  sans  doute  un  contre- 
sens si  l'on  regarde  le  passé,  elle  est  notre  plus  chère  espérance 
si  l'on  regarde  l'avenir.  Vous  dites  :  «  Abaissons  le  débat  afin 
«  d'élever  tous  les  cœurs.  » 

y>  Je  dis  : 

«  Laissons  au  débat  toute  son  élévation,  et  que  tous  les  cœurs 
s'élèvent  à  la  hauteur  du  débat.  Vous  êtes  la  preuve  vivante,  Mon- 
seigneur, qu'un  Français  d  hier,  ne  le  cède  à  personne  dans  l'amour 
de  noire  vieille  France  et  dans  l'admiraiion  de  nos  vieilles  gloires. 
Laissez  à  notre  vieille  France  ce  qui  lui  appartient!  Laissez-nous 
Jeanne  d'Arc,  car  elle  est  notre  :  Johanna  noslra  est!  Elle  est  née 
à  Uomremy  de  Greux,  en  terre  de  France,  en  province  de  Cham- 
pagne, d'un  père  Champenois  né  à  Celfonds,  d'une  mère  Cliam- 
peiioise  née  à  Voulhon-le-LJas.  Son  village  relevait  (les  juges  de 
Rouen  nous  le  disent)  de  la  prévôté  de  Montéclair-et-Andelot,  au 
bailliage  de  Chaumonl,  de  Champagne.  Au  point  de  vue  adminis- 
tratif, fiscal,  judiciaire,  politique,  géographique,  Jeanne  était 
Chamj>enoise  et  non  Lorraine.  Reconnaissez-le  loyalement,  Mon- 
seigneui,  non  pas,  si  vous  le  voulez,  pour  la  Champagne,  mais 
pour  la  France  et  pour  la  vérité. 

«  Daignez  agréer,  Monseigneur,  l'hommase  de  mon  profond 
respect. 

{Journal  de  la  Marne. i  E.  Misset.  » 


Il  y  a  ln  SiiicLii.  —  Arrestation  d'-s  Terroristes  à  Reims,  le 
lîi  avril  l79.'i.  —  Sur  l'ordre  du  représentant  Albert,  la  nouvelle 
Municipalité  décrète  l'arres^lation  des  personnes  connues  à  Reims 
comme  terroristes. 

Dans  les  huit  sections  de  la  ville,  il  y  eut  quarante-quatre  ar.-es- 
lations,  parmi  lesquelles  celle  de  Couplet,  dit  Beaucourt.  La  liste 


39fi    '  MÉLANGES 

(Voir  les  Annales  de  la  RêvoluUon,  imprimerie  Bugg,  1883)  fut 
lue  en  pleine  séance,  devant  un  fort  détachement  de  la  garde 
nationale  et  nombre  de  curieux.  Des  patrouilles  parcourent  les 
rues,  pour  empêcher  les  jacobins  de  causer  quelques  soulèvements. 
Le  même  jour,  d'après  deux  pièces  manuscrites  revêtues  de 
signatures  autographes,  et  que  nous  possédons,  il  y  eut  à  Reims 
des  perquisitions  chez  : 

Trislant,  rue  Maurice.  (On  sait  que  les  saints  n'avaient  plus  alors  droit 
de  cité  en  France.) 

Gérome  père,  liaison  des  Minimes. 
Pillière  Beuge,  boulanprer,  place  Remj'. 
Talabot,  tisseur,  rue  Neuve. 
Lambert,  tisseur,  rue  Chaniraine. 
Génin,  tisseur,  rue  Tournebonneau. 
Lebœuf,  tisseur,  rue  des  Quatre-Chals. 

En  exécution  de  la  loi  du  21  germinal  de  l'an  III  de  lu  Répu- 
blique, qui  ordonne  le  désarmement  de  ceux  qui  ont  participé  aux 
horreurs  commises  sous  la  tyrannie  qui  a  précédé  te  neuf  ther- 
midor : 

«  De  l'arrêté  du  représentant  du  peuple  Albert,  en  mission  dans 
le  département  de  la  Marne,  en  date  du  24  germinal,  relatif  à 
la  dite  loi. 

Et  de  l'arrêté  du  district  de  Reims,  en  date  du  20  du  même 
mois, 

Le  Conseil  général  de  la  commune  de  Reims  a  nommé  le  citoyen 
Assy-Villain,  olFicier  municipal,  et  Clicquot-Vuatelet,  notable, 
lesquels  sont  chargés  sous  leurs  responsabilités  d'aller  exécuter 
la  loi  et  procéder  an  désarmement  des  citoyens  Tristan,  Gérôme, 
Pillière-Beuge,  Talabot,  Lambert,  Génin  et  Lebceuf,  ci-dessus 
désignés. 

Autorisant  lesdits  commissaires  par  nous  nommés  à  prendre 
tous  les  moyens  que  leur  prudence  leur  dictera  et  même  de  se 
faire  accompagner  par  la  force  armée,  si  besoin  est. 

A  Reims,  le  trente  germinal,  an  .'{"  de  la  République  une  et 
indivisible. 

Pinchart,  maire;  P.  Godinot,  Benoist,  Guélon,  Le  Grand  David, 
Gérard,  Champagne-Clicquot,  Dessain. 

Ce  jourd'hui  trente  germinal,  l'an  trois  de  la  République  une  et 
indivisible,  nous  Assy-Villain,  officier  municipal,  et  r.licquot-Va- 
telet,  notable,  en  exécution  de  la  Commission  à  nous  déléguée 
par  le  Conseil  général  de  cette  commune,  datée  de  ce  jour,  afin 
du  désarmement  de  ceux  qui  ont  participé  aux  horreurs  commises 
sous  la  tyrannie  qui  a  précédé  le  9  thermidor,  nous  sommes  trans- 
portés chez  les  citoyens  ci-après  nommés  et  à  nous  désignés  par 
ladite  commune  : 

1"  Ch«z  le    citoyeu  Jacques  Trislaut,    rue    Maurice,  où  perquisition   iaile 


MÉLANGES  397 

nous  avons  Irouvé  une  pique,  un    pelil    sabre  doré    déniant   et  un  iusil  et 
sabre  qu'il  uous  a  déclaré  provenir  de  la  lorinalion  des  canotiers. 

2»  Chez  le  citoyen  Pillière-Beugé,  place  Remy,  où  perquisition  faite  nous 
avons  trouvé  une  pique. 

3"  Chez  le  citoyen  Noël  Cénin,  tisseur,  rue  Tourneiiormeau,  où  perquisi- 
tion faite  nous  avons  trouvé  une  pique  et  un  sabre. 

1°  Chez  le  citoyen  Lambert,  tisseur,  rue  Cbanlraine,  oii  perquisition  faile 
nous  avons  tiouvé  un  fusil  et  une  pique. 

5"  Chez  le  citoyen  I  ebœuf,  rue  Jean,  où  perquisition  faite  nous  avons 
trouvé  une  pique. 

6"  Chez  le  citoyen  Thalabo,  rue  Neuve,  à  la  Barbe  d'or,  où  perquisition 
faile  uous  avons  trouvé  une  pique  et  un  sabre. 

(  hez  le  citoyen  Gérosme  père,  maison  des  Minimes,  perquisition  laite 
nous  n'avons  trouvé  aucune  espèce  d'armes. 

Lesdiles  visites  ou  pei-qui.silions  faites,  nous  avons  sommé,  au 
nom  de  la  loi,  les  citoyens  Tristant,  Pillière,  Génin,  Lamberl, 
Lebœuf  et  Talabo  de  transporter  de  suite  à  la  maison  commune, 
au  bureau  militaire,  les  armes  désignées  d'autre  part,  à  quoi  ils 
ont  promis  d'obtempérer  sur-Ie-  -hamp,  et  nous  étant  nous-mêmes 
rendus  à  ce  bureau  militaire,  à  la  maison  commune,  nous  avons 
reconnu  : 

1"  Que  le  citoyen  Tristant  a  déposé  audit  bureau  une  pique,  un  fusil  et 
un  sabre  ; 

2°  Le  citoyen  Pillière,  une  pique; 
30  Le  citoyen  Noël  Génin,  une  pique  et  un  sabre; 
4    Le  citoyen  Lambert,  un  fusil  et  une  pique; 
0"  Le  citoyen  Lebœuf,  une  pique  ; 
6"  Le  citoyen  Talabo,  une  pique  et  un  sabre. 

Toutes  lesquelles   armes   ont   été   étiquetées  pour   être   par   le 
Conseil  général  ordonné  ce  qu'il  appartiendra.  » 
Reims,  le  30  f^erminal  an  3'  susdit. 

Cliûjlot-Vl-atelet.  AssY-Villain. 

(Courrier  de  hi  ChampcKjiic.)  <-  Ckri-. 


Lv,-  Mi^:MoiKt.^  m  ^omik  Bkk.not.  -  Quelle  bonne  inspiratioti 
M.  le  comte  Albert  Beugnot  a  eue  de  reéditer  les  Mémoirn  do  son 
grand-pèi^e.  Jacques-Claude  Beugnot,  ministre  sous  l'Empire, 
minisire  d'Etat,  député  et  pair  de  France  sous  la  Restauration! 
La  seconde  édition,  parue  en  1866,  était  depuis  longtemps  introu- 
vable et  c'était  grand  dommage,  car  notre  littérature  moderne,  si 
ricbe  en  Mémoires,  compte  peu  de  livres  ausM  intérosants,  aussi 
remplis  de  fails  tragiques  ou  amusants,  que  ces  souvenirs  d  un 
homme  desprit  qui  savait  regarder  et  qui  a  toujours  été  en  bonne 
place  pour  voir.  Dans  un  ordre  d'idées  différent,  les  Mémoirei^  de 
Beugnot  sont  au  moins  aussi  attrayants  que  ceu.x  de  Marbot.  C  est 
tout  dire. 


.)98  MKLANGES 

Nous  n'avons  pas  la  prétention  d'analyser  les  Mémoires  de 
Beugnot;  de  pareils  livres  ne  s'analysent  pas  :  il  faut  les  lire  de  la 
page  à  la  dernière,  et,  quand  on  a  fini,  on  recommence.  Nous  nous 
contenterons  donc,  simplement,  de  glaner  quelques  anecdotes,  dont 
plusieurs  sont  connues,  mais  que  l'on  a  toujours  plaisir  à  retrou- 
ver. 

Nous  passerons  rapidement  sur  l'alTaire  du  CoUicv  de  la  reine 
dans  laquelle,  —  ce  n'e^t  pas  le  côté  le  moins  étrange  de  cette 
affaire,  —  Beugnot,  alors  simple  avocat  au  barreau  de  Bar-sur- 
Aube,  a  été  mêlé  de  la  façon  la  plus  active  et  dont  seul  il  a  connu 
tous  les  dessous.  Il  nous  suffira  de  dire  que  le  jeune  robin,  né 
malin,  sut  admirablement  se  tirer  d'un  mauvais  pas  qui  aurait  pu 
l'arrêter  net  dans  sa  carrière.  Mais  avec  de  l'esprit  on  se  sauve  de 
tout,  même  en  restant  honnête  homme,  ce  qui  est  le  cas  de  notre 
héros.  De  cette  partie  de  son  récit  nous  ne  retiendrons  qu'un 
tableau  de  la  société  de  l'ancien  régime  Unissant  qu'on  croirait 
peint  d'hier:  «  Celui  qui  n'a  pas  vécu  pendant  les  années  qui  ont 
précédé  la  Révolution  ne  sait  pas  ce  que  c'est  que  la  douceur  de 
vivre  )>,  disait  Talleyrand.  Avocat  au  Parlement,  déjà  mis  en 
lumière  par  des  procès  retentissants,  amoureux  de  toutes  les 
choses  de  l'esprit  et  mêlé  à  la  société  la  plus  choisie  de  son  temps, 
Beugnot  se  laisse  aller,  lui  aussi,  à  cette  douceur  de  vivre.  «  Un 
air  de  contentement,  écrit-il,  animait  d'un  charme  nouveau  nos 
lieux  de  réunion,  nos  spectacles,  nos  sociétés  de  famille;  il  sem- 
blait qu'on  respirât  dans  ce  beau  pays  de  France  le  parfum  de  la 
félicité  publique. . .  r^  Mais  aussi  que  d'ombres  au  tableau  !  La  cour 
et  la  ville  délaissaient  les  chefs-d'ojuvre  de  la  scène  française  pour 
courir  à  des  spectacles  «  déjà  trop  bas  pour  la  populace  ».  Caglios- 
tro  règne  en  souverain  L'agiotage  prend  des  proportions  inouïes. 
Des  coupons  d'actions  de  mines  d'or  et  de  mille  autres  Sociétés 
fantastiques  inondent  le  marché,  les  faiseurs  ne  peuvent  sulfire  à 
contenter  les  dupes  qui  se  ruenl  avec  frénésie  sur  les  morceaux 
de  papier  qu'on  leur  vend  à  des  prix  fauuleux.  La  .spéculation 
trouve,  dès  son  berceau,  des  adeptes  qui  en  eussent  remontré  à 
ceux  d'aujourd'hui  (Beugnot  s'avance  peut-être  beaucoup)  et  voilà 
le  Gouvernement  réduit  à  tren^bler  devant  ce  nouveau  Moloch.  » 
Enfin  l'esprit  de  vertige  a  gagné  jusqu'aux  chefs  de  notre  armée. 
Ils  ne  rêvent  plus  que  l'eKcrcice  à  la  prussienne  «  et  entreprennent 
de  bonne  foi  de  soumettre  le  soldat  français  à  un  régime  appro- 
prié de  longue  main  à  des  automates  allemands  ».  En  vérité,  l'his- 
toire n'est  qu'un  recommencement. 

11  va  sans  dire  que,  comme  tout  le  monde  à  son  époque,  Beugnot 
a  été  piqué  de  la  tarentule  politique.  Il  fut  candidat  aux  électio.îs 
de  la  Constituante  et  le  récit  qu'il  nous  donne  de  la  période  élec- 
torale est  d'un  comique  achevé.  A  l'en  croire,  le  droit  de  suffrage 
aurait  été,  dès  sa  naissance,  aussi  incohérent  et  aussi  fécond  en 
surprises  qu'il  l'est  devenu  en  vieillissant.  Témoin  la  bonne  plai- 
santerie faite  par  les  électeurs  de  Bar-sur-Aube.  Un  certain  nombre 


d'enire  eux  a\aiL  eu  l'idée,  par  pur  badinage,  déposer  la  candida- 
ture d'une  espèce  de  hrule  douée  d'une  force  musculaire  extraor- 
dinaire, surnommé  Gomlierl-le-Chevaux  parce  que  le  peuple, 
trouvant  rjue  ce  n'étail  pas  assez  de  lui  rendre  justice  en  le  dési- 
gnant sous  le  nom  de  (ioml>ert-le-Clieval.  avait  appelé  le  pluriel 
au  secours  de  ce  singulier  qui  était  visiblement  trop  faible  pour 
un  homme  si  fort.  Gumberl-le-'Jhevaux  vit  son  nom  sortir 
triomphant  de  l'urne  électorale.  Lui  seul  ne  fut  pas  étonné  de  son 
succès.  A  noter  aussi  un  curieux  néologisme  qui  figurait  dans  les 
cahiers  de  Chàteauvillain  :  «  Donnons  pouvoir  à  nos  députés  de 
solliciter,  du  seigneur  roi,  son  consentement  à  nos  demandes... 
dans  le  cas  où  il  refuserait,  de  le  déroiter.  >->  La  Convention  s'est 
chargée  de  ce  soin. 

Dénoncé  comme  suspect,  il  resta  pendant  plusieurs  mois  à  la 
Conciergerie  et  à  la  Force,  attendant  chaque  jour  son  arrêt  de 
mort.  La  mort  de  Robespierre  le  rendit  à  la  liberté.  11  est  impos- 
sible de  rien  détacher  du  tableau  qu'il  a  tracé  avec  une  entente  du 
pittoresque  et  un  art  merveilleux  des  prisons  de  Paris  sous  la  Ter- 
reur. C'est  une  des  pages  les  plus  saisissantes  de  notre  histoire,  et, 
il  faut  le  reconnaître,  il  en  est  peu  qui  donnent  une  si  haute  idée 
du  courage  moral  de  l'ancienne  société  à  tous  ses  degrés,  car,  à  la 
Conciergerie,  toutes  le?  classes  étaient  confondues.  Ces  gens-là  ont 
su  mourir;  mais,  ce  qui  est  plus  rare,  ils  ont  su  supporter  les  plus 
atroces  souffrances  avec  une  sérénité  et  un  stoïcisme  souriant  qui 
confond  l'imagination.  Les  femmes  surtout  ont  été  subli  nés,  les 
duchesses  aussi  bien  que  cette  malheureuse  fille  de  carrefour  qui, 
après  avoir  dit  vertement  son  fait  au  pré-ident  du  Tribunal,  <(  sauta 
sur  la  charrette  avec  la  légèreté  d'un  oiseau  ».  Quel  contraste  entre 
l'ironie  hautaine  des  victimes  et  la  brutalité  de  leurs  bourreaux! 
«  Eh  bien  !  citoyens,  disait  le  délégué  de  la  Commune,  comment 
cela  va-t-il?  L'appétit  est-e//e  bonne?  —  Oui,  citoyen  municipal, 
mais  la  soupe  il  est  mauvais.  —  Ah!  dame!  c'est  qu'il  ne  faut  pas 
être  nachcux,  voyez-vous.  » 

Et  ce  qui  frappe  surtout  dans  ce  sombre  récit,  c'est  combien 
l'amour  de  la  patrie  était  enraciné  dans  le  cœur  de  ces  prisonniers 
dont  la  vie  et  les  occupations  avaient  été,  pour  la  plupart,  si  fri- 
voles. Pour  mon  compte,  je  n'avais  jamais  compris  avec  quelle 
docilité  insouciante  ces  hommes  et  ces  femmes  qui  auraient  pu 
facilement  se  dérober,  par  la  fuite,  aux  fureurs  du  Comité  de 
salut  public,  restaient  exposés  au  danger.  Non  seulement  on 
restait^  mais  des  émigrés  revenaient  se  faire  juger,  c'est-à-dire  se 
faire  condamner  par  le  Tribunal  révolutionnaire.  Beugnot  nous 
donne  la  clé  de  celte  énigme.  Depuis  longtemps,  il  se  savait  sous 
le  coup  d'une  arrestation  :  il  pouvait  fuir  et  déjà  il  avait  pris  ses 
dispositions,  mais  il  voulut  dire  un  dernier  adieu  à  Paris.  Il  dirigea 
sa  promenade  du  côlé  de  Jardin  des  Plantes,  et  gravit  le  labyrinthe. 
Un  beau  soleil  couchant  éclairait  la  ville  qui  paraissait  tranquille  et 
souriante,  a  Je  ne  sais  alors,  écrit-il,  ce  qui  se  passa  dans  mon  âme, 


400  MÉLANGES 

mais  une  l'oule  d'objels  que  j'avais  regardés,  avec  indifférence, 
vinrent  se  peindre  à  ma  pensée  sous  une  forme  louchante.  Je  les 
parcourais,  je  les  détaillais,  je  ne  pouvais  plus  m'en  arracher... 
Oui,  il  y  a  une  patrie.  Je  ne  fuirai  pas.  »  Et,  tranquillement,  il 
rentra  chez  lui.  Le  lendemain,  il  était  arrêté  par  deux  commis- 
saires ivres  comme  la  bourrique  à  Robespierre. 

(Débats.)  Georges  Clément. 


1.  Imprimeur- Géra Dl, 


Lkun     FREMONT. 


PAGES    D'HISTOIRE    CORPORATIVE 


Un  cas  de  pression  électorale  à  Trof  es 


EN     1728 


Eti  1728,  les  Troyeus  avaient  à  procéder  à  diverses  élec- 
lious  :  celle  de  deux  adjoints  le  mardi  de  la  deuxième  lerie  de 
Pâques,  et,  le  1  1  juiu,  jour  de  Saint- Barnabe,  celle  d'un  nou- 
veau maire  en  remplacement  de  Pierre  Rolin  —  Le  décès  du 
sieur  Le  Blond,  voyer  de  la  ville,  nécessitait  également  son 
remplacement. 

Les  corporations  d'arts  et  métiers  concouraient  à  ces  élec- 
tions par  l'envoi  de  délégués,  leurs  maitres-gardes  générale- 
ment, en  nombre  variant  de  deux  à  seize,  selon  leur  impor- 
tance. Ce  dernier  chiffre  était  fourni  j)ar  la  corporation  des 
m.irchauds. 

Voici  un  modèle  des  billets  d'invitation  qui  leur  étaient 
envoyés  : 

De  rOrdonuance  de  Messieurs  les  Maire  et  Echevins 

de  ia  Ville  de  Troyes. 

Sont  avertis 

de  s'assembler  et  choisir de  leur  Communauté, 

pour  assister  mercredi  prochain,  onzième  du  présent  mois  de  juin, 
jour  de  Saint-Rarnabé,  à  huit  heures  du  matin  à  l'Hôtel  de  ladite 
Ville,  à  l'Assemblée  générale  qui  se  tiendra  pour  élire  un  Maire 
dans  le  nombre  de  Messieurs  les  Conteillers  de  Ville,  au  lieu  et 
place  de  Monsieur  I^AiLLOT,  Ecuyer,  dont  l'exercice  finit  audit  jour. 
Fait  au  [jureau  de  l'Echeviiiage  de  l'Hôtel  de  ladite  Ville,  le  neuf 
juin  mil  sept  cent  trente- deux  '. 

Deux  partis  se  disputaient  alors  le  pouvoir  municipal  :  les 
officiers  de  police,  représentant  le  roi,  qui  cherchait  souvent  à 
imposer  des  candidats  de  son  choix,  et  les  bourgeois  ou  mar- 

1.  Archives  muiiicipale;^,  dans  le  I^o^.  Q.  1".  —  Billet  imprimé,  grand 
ia-1G. 

26 


402  UN    CAS    DE    IMiESSION    ÉLECTORALE 

chauds,  qui  leuaieuL  d'aulaul  [)1ijs  ci  leur  droit  d'éleclioii  quo 
la  ville  avait  dû  racheter,  pour  de  fortes  sommes,  l'office  de 
maire  créé  par  l'Etat  dans  des  moments  de  gène  financière  ' . 
Tous  les  moj'ens  étaient  bons  pour  empêcher  le  succès  des 
concurrents.  La  Bibliothèque  de  Troyes  a  conservé  le  docu- 
ment ci-dessous,  curieux  échantillon  d'une  littérature  toute 
spéciale. 

AdvJs  salvtaire  avx  Troyens-. 

Us  ne  sont  pas  beaux  ny  bons 

l^es  doublons. 
Les  Doublets,  iiy  leur  lignage, 
Ce  sont  des  Monopoleurs 

Et  voleurs, 
Qui  briguent  l'Echevinage 
l'our  vu  de  leur  parenté, 

Eueulé, 
Qui  se  promet  de  faire  rage 
Contre  le  corps  des  Marchans, 

Donc  sachaus, 
Qu'ils  meltroient  tout  au  pillage, 
D'vu  las  de  Siciliens, 

Tous  Troyens, 
Euitfz  le  brigandage, 
Ne  nommant  pour  Echeuins 

Mascarins, 
Ny  gens  de  leur  parentage. 

Un  écho  de  ces  luttes  subsiste  encore  dans  un  Placet  adressé 
au  Roi  par  Morel,  lieutenant  général  au  bailliage  de  Troyes, 
contre  les  Maire  et  Echevins  de  cette  ville,  «  au  nombre  de 
quatre  ou  cinq  marchands  »,  qui  avaient  osé,  par  une  ordon- 
nance publique,  faire  des  défenses  d'exécuter  une  autre 
ordonnance  rendue  par  les  officiers  de  Sa  Majesté,  «jqui  sont 
leurs  supérieurs  en  ressort  ».  Ces  ordonnances  concernaient 
les  puits  et  communs  de  la  ville.  Les  officiers  de  police  avaient 
ordonné  que  les  crochels  desdits  puits  fussent  marqués  d'une 
fleur  de  lis,  et  la  Municipalité  y  avait  fait  substituer  les 
armes  de  la  Ville.  Le  lieutenant  Morel  profite  de  l'occasion 
pour  dénoncer  «  les  brigues  dans  les  élections  des  officiers 
municipaux  »  '. 

1.  Arcbives  de  l'Aube,  C  I84-5.  —  Des  créations  de  ce  genre  eurent  lieu 
en  1692,  1722,  1733  et  1771  ;  elles  furent  successivemeut  supprimées  en 
1714,  17-24  et  1764. 

2.  Canard  contre  la  famille  Doublet.  Bibl.  de  Troyes. 

3.  Bibliothèque  Nationale,  F"  F  3,  11.679.  —  La  même  Bibliothèque 
conserve,  dans  le  volume  101  de  la  Colleclion  de  Champagne,  de  nombreux 


A   TUOYliS  40.^ 

La  lu  lie  était  vive  parfois  ;  les  électeurs,  dirigés  par  des 
meueurs  intéressés,  obéissaieut  plus  souvent  à  des  impulsions 
qu'ils  ne  consultaient  leur  conscience.  A  diverses  reprises,  et 
cela  dans  toutes  les  villes,  on  se  plaignit  que  nombre  d'arti- 
sans se  laissaient  corrompre  par  brigues  et  par  argent  '.  C'est 
un  fait  de  ce  genre  que  nous  allons  raconter. 


Dans  une  assemblée  consulaire  tenue  le  vendredi  26  mars 
1728,  «  à  la  manière  accoutumée  et  suivant  l'usage  pour  la 
réconsiliation. . .  »,  avis  fut  donné  qu'il  y  avait  lieu  de  rem- 
placer deux  des  quatre  échevins  adjoints  au  maire.  Ceux  dont 
le  mandat  finissait  étaient  les  sieurs  Le  Febvre  et  Edouard 
Bertbelin;  les  deux  autres  avaient  nom  Nicolas  Jeansou  et 
Eustache  Gouault. 

L'assemblée  générale  pour  procéder  à  cette  élection  fut  fixée 
au  mardi  30  mars,  deuxième  férié  de  Pâques,  date  habituelle 
de  toute  ancienneté.  Nicolas  Collinet,  conseiller  au  bailliage, 
et  Jean  de  Mauroy,  marchand  et  bourgeois,  furent  élus  à 
l'unanimité. 

Le  T'"  avril,  l'assemblée  municipale  confia  à  Nicolas  Ves- 
Ihier,  marchand  et  bourgeois,  les  fonctions  de  voyer,  vacantes 
par  la  mort  du  sieur  Le  Blond  ^. 

Ces  premières  élections  passèrent  sans  incident,  sinon  sans 
manœuvres  clandestines,  comme  on  le  verra  plus  loin  ;  il  n'eu 
fut  pas  de  même  de  la  suivante. 

Le  10  juin,  le  maire  Pierre  P>olin  déclare  au  Conseil  de 
Ville  qu'ayant  appris  que  quelques-uns  des  officiers  de  police 
avaient  fait  venir  près  d'eux  des  délégués  des  corporations 
pour  leur  dire  qu'ils  leur  indiqueraient  le  personnage  qu'ils 
devraient  nommer  pour  maire,    «    il  avoit  jugé  à  propos  de 

documenls  relatifs  à  une  querelle  entre  la  municipalité  et  les  officiers  du  roi 
à  propos  de  l'homologation  d'articles  des  statuts  des  Bouchers.  Ces  ditfé- 
rends  sont  plus  sérieux  que  ceux  racontés  par  M.  Th.  Boutiot  dans  son 
étude  :  Querelles  entre  le  bailliage  et  l'échevinarje  de  Troijes  à  l'occasion 
de  la  préséance  {Annuaire  de  l'Aube  pour  1864,  p.  47). 

1.  Albert  Babeau,  La  Ville  sous  l'ancien  régime. 

2.  Dans  une  assemblée  consulaire  du  9  mars,  trois  candidats  avaient  été 
soumis  à  un  premier  vote  pour  le  poste  de  voyer;  Jeux  avaient  obtenu  cha- 
cun cinq  voix  et  le  troisième  une  seulement  ;  les  officiers  du  tioi,  on  le 
verra  plus  loin,  faisaient  de  la  propagande  en  faveur  du  sieur  Gombault, 
Devant  cette  division,  le  Conseil  remit  le  choix  à  une  assemblée  générale. 
Cependant,  c'est  encore  une  assemblée  restreinte  qui  nomma  Nicolas 
Veslhie.'. 


404  UN  CAS  DE  PRESSION  ÉLECTORALE 

constater  un  fait  si  opposé  au  service  du  Roi  et  h  la  liberté 
publique  ».  Il  demande  à  donner  lecture  de  deux  actes  nota- 
riés qu'il  a  fait  dresser  à  ce  sujet.  Gailien,  lieutenant  de  police, 
s'oppose  à  celte  lecture  et  requiert  acte  de  sa  protestation.  Le 
maire  passe  outre  *. 

Ces  deux  documents  contenaient  les  dépositions  d'une  cin- 
quantaine de  délégués  des  communautés,  que  le  maire  avait 
fait  appeler  par  devant  notaires  pour  témoigner  de  la  pression 
exercée  sur  eux  par  les  officiers  du  roi.  Voici  le  début  du 
premier  : 

«  L'an  mil  sept  cent  vingt-huit,  le  mardy  huitième  jour  du  mois 
de  juin,  environ  l'heure  de  sept  du  matin,  nous  Jean  Denesles  et 
Pierre  Chastel,  notaires  gardenottes  du  Roy  en  la  ville  et  bailliage 
de  Troyes  soussignés,  sur  la  réquisition  de  Monsieur  Pierre  Rolin, 
maire  de  la  ville  de  Troyes,  et  de  Messieurs  Nicolas  Jeanson  et 
Eustache  Gouault,  échevins  de  ladite  ville,  nous  serions  transpor- 
tez environ  l'heure  de  sept  du  matin,  en  l'hostel  commun  de 
ladite  ville,  où  estant  lesdils  sieurs  Rolin,  Jeanson  et  Gouault 
nous  auroient  dit  qu'ayant  eu  avis  qu'ils  s'y  faisoient  et  prati- 
quoient  plusieurs  brigues  secrettes  pour  la  prochaine  élection  et 
nomination  d'un  nouveau  maire  qui  sera  le  jour  de  Saint-Barnabe 
prochain,  ainsy  qu"il  est  accoutumé;  ils  nous  auroient  dit  avoir 
mandé  une  partie  des  maîtres  gardes  des  communaulez  de  cette 
ville  pour  recevoir  leurs  déclarations  au  faict  desdites  brigues  et 
pratiques  qui  ont  ordinairement  voyes  délibératives  dans  les 
assemblées  générales,  lesquelles  déclarations  ils  nous  ont  requis 
de  recevoir  et  d'en  dresser  procès-verbal,  ce  que  leur  ayant 
octroyé  nous  aurions  procédé  audit  procès-verbal  ainsy  qu'il  suit, 
et  ont  signé. 

«  Pierre  Robin,  N.  Jeanson,  Gouault;  —  Chastel,  Denesles,  » 

Viennent  ensuite  les  dépositions,  presque  toutes  signées  par 
leurs  auteurs  : 

«r  Edme  Haby  et  Edme  Massey,  maîtres  gardes  de  la  commu- 
nauté des  maîtres  tixerans  de  cette  ville,  ont  déclaré  qu'il  y  a 
environ  quinze  jours  ils  auroient  esté  mandez  par  monsieur 
Remond,  conseiller  au  bailliage  de  Troyes  et  officier  de  police, 
chez  lequel  s'estanl  transportez  ledit  sieur  Remond  leurs  auroit  dit 
de  se  trouver  en  sa  maison  deux  jours  avant  l'élection  et  nomina- 
tion d'un  nouveau  maire,  sans  leurs  avoir  dit  autre  chose,  et  que 
lors  de  l'élection  et  nomination  des  Echevins,  le  mardy  de  Pasques 
dernier.  Monsieur  Gailien,  conseiller  au  bailliage  de  Troyes  et  offi- 
cier de  police,   les  auroit  mandés  ledit  jour  de   la  nomination  le 

1.  Ardi.  muû.,  Reg.  des  Délibérations  municipales. 


A   TROTES  40ri 

matin,  où  estant  il  leur  auroit  dit  qu'ils  eussent  à  nommer 
Messieurs  Colinet  et  de  Mauroy  pour  Echevins  et  pour  voyer  de  la 
ville,  au  Heu  et  place  de  feu  le  sieur  Le  Blond,  le  sieur  Gombaut, 
marchand  en  cette  ville » 

Les  maîtres  gardes  des  bouuetiers  avaient  été  aussi  mandés 
cliez  le  sieur  Rémoud,  «  qui  leur  auroit  dit  de  se  trouver  chez 
lui  deux  jours  avant  la  nomination  et  élection  d'un  nouveau 
maire,  qu'il  croyoit  bien  que  les  choses  se  feroient  de  bonne 
grâce  et  qu'il  leur  diroil  le  suiet  qu'il  nommeroient  pour 
maire  ».  L'un  de  ces  mêmes  gardes  déclare  eu  outre  que,  sur 
la  lin  du  carême  derniisr,  le  sieur  BouiUerot,  l'un  des  commis- 
saires de  polict;,  l'avait  iuvilé  à  se  rendre  le  jour  des  Rameaux 
chez  M,  Gallien,  lequel,  après  lui  avoir  dit  de  nommer  pour 
echevins  les  sieurs  Coliuet  et  de  Mauroy,  avait  ajouté  «  que 
s'il  y  avoit  lieu  de  rendre  service  à  la  cojnmunauté  desdits 
maîtres  bonnetiers  pour  la  taxe  du  droit  de  confirmation  et 
joyeux  avènement,  il  le  feroit  de  tout  son  cœur  «. 

Aux  pelletiers-fourreurs,  envoyés  par  Le  Fevre  chez  Gallien, 
celui-ci  promit  de  leur  rendre  service,  ou  M.  le  lieutenant 
parliculier,  s'il  se  passait  quelque  chose  dans  hur  commu- 
nauté; puis  il  recommanda  les  trois  candidatures,  ainsi  qu'aux 
couvreurs  et  aux  menuisiers. 

A  certains  électeurs,  Gallien  avait  seulement  recommandé, 
aux  environs  de  Pâques,  de  ne  pas  s'engager  pour  la  nomina- 
tion des  echevins,  se  réservant  de  leur  dire  en  temps  opportun 
«  ce  qu'il  conviendrait  faire  lors  »  (chaudronnier,  ferblantier, 
chapeliers). 

Un  autre  chaudronnier  et  les  chapeliers  avaient  été  priés  par 
M.  Huez,  heulenant  particulier  et  officier  de  poHce,  de  ne 
point  engager  leurs  suffrages  pour  l'élection  du  maire,  promet- 
tant de  leur  donner  ultérieurement  son  avis.  M.  Tetel  en  dit 
autant  à  un  maître  garde  des  teinturiers  en  bon  leint,  lequel 
avait  déjà  reçu  la  mêmerecommandalion  de  M.  Corps,  conseil- 
ler et  officier  de  police. 

Au  maître  garde  des  couvreurs,  Huez  avait  dit  de  ne  pas 
engager  son  suffrage  pour  le  maire,  «  qu'il  pouvoit  luy  rendre 
service  soit  dans  les  iffaires  de  sa  communauté,  soit  en  son 
parliculier,  et  qu'il  mauderoit  incebsamment  les  maîtres 
gardes  de  sa  communauté  ». 

Aux  brodeurs-chasubliers,  le  lieutenant  criminel  avait 
seulement  promis  «  qu'il  leur  feroit  sçavoir  le  jour  qu'il  cou- 
viendroit    pour   la    nomination    du    nouveau    maire  »  ;    aux 


406  UN  CAS  DE  PRESSION  ÉLECTORALE 

menuisiers,  il  avait  dit  de  ne  pas  engager  leurs  voix  ;  de  même 
aux  drapiers  drapans,  à  propos  des  échevins. 

Les  officiers  du  roi  ne  ménageaient  guère  les  pas  de  leurs 
protégés.  C'est  ainsi  qu'un  garde  taillandidr,  appelé  une  pre- 
mière fois  avec  son  confrère  chez  Gallien,  qui  leur  recommanda 
les  candidatures  Coliuet  et  de  Mauroy,  se  vit  de  nouveau 
invité,  par  les  commissaires  de  police  Fevre  et  Bouillerot,  à 
passer  chez  le  sieur  Remond.  qui  lui  dit  à  son  tour  de  se 
rendre  chez  Gallien  deux  jours  avant  l'élection  du  maire. 

On  commettait  aussi  des  méprises.  Nicolas  Guyol,  à  qui 
M.  Tetel,  conseiller  et  officier  de  police,  avait  dit  de  ne  point 
s'engager,  répondit  qu'il  n'existait  aucune  communauté  d'ar- 
muriers et  qu'il  n'avait  conséquemment  aucun  suffrage  à 
donner. 

Dieure,  président  et  officier  de  police,  dit  à  un  maître  garde 
des  tondeurs  de  draps,  quelques  jours  avant  Pâques,  «  que 
l'on  ne  nommoit  point  de  conseillers  pour  échevins,  que  l'on  y 
mettoit  que  des  avocats  on  procureurs,  qu'ils  estoient  bien 
aise  d'y  entrer  et  qu'il  nommast  pour  nouveaux  échevins  les 
sieurs  Colinet  et  de  Mauroy  »  ;  le  déposant  ajoute  qu'on  ne 
lui  a  point  parlé  de  la  mairie. 

Dieure  s'était  aussi  mêlé  d'appuyer  les  candidatures  Colinet 
et  de  Mauroy  auprès  des  cordiers,  des  menuisiers,  des  dra- 
piers drapans,  qu'il  fit  venir  le  matin  même  de  l'élection,  et  celle 
de  Gombaut  aux  tailleurs  d'habits. 

Pictory  l'aîné,  doyen  des  conseillers,  avait  fait  venir  les  deux 
gardes  des  potiers  d'étain,  par  l'intermédiaire  du  cominissaire 
de  police  Fevre.  Il  parait  s'être  contenté,  après  les  avoir  fait 
revenir  deux  fois,  de  leur  dire  qu'on  leur  ferait  savoir  en  temps 
voulu  ce  dont  il  s'agissait.  A  un  tonnelier,  mandé  chez  lui  le 
31  mai,  il  avait  dit  de  revenir  le  9  juin  «  et  qu'il  avoit  quelque 
chose  à  lui  dire  »  ;  de  même  aux  bourreliers  et  collerons.  A  un 
garde  des  teinturiers  de  fil,  soye,  laine  et  colton,  ainsi  qu'à 
ceux  des  épingliers,  il  avait  recommandé  Colinet  et  de  Mauroy. 

Telles  sont  les  dépositions  de  la  première  journée  de  l'en- 
quête, qui  fut  reprise  le  lendemain  à  sept  heures  et  demie. 
Cette  fois,  il  semble  que  la  mesure  prise  avait  fait  mettre  les 
meneurs  sur  leurs  gardes.  Presque  toutes  les  réponses  de  la 
deuxième  journée  sont  négatives  ;  d'autres  accusent  une 
certaine  réserve  qui  prouve  que  les  électeurs  avaient  été  priés, 
depuis  la  veille,  de  ne  pas  dévoiler  les  manœuvres  auxquelles 
ou  les  employait. 


A    TUOYES  407 

Les  charpentiers  déposent  que  le  sieur  Tetel,  après  les  avoir 
entretenus  des  affaires  de  leur  communauté,  leur  avait  dit  de 
ne  pas  engager  leur  voix  ;  aux  maréchaux,  dans  un  premier 
eulrelieu,  il  avait  dit  qu'il  les  renverrait  chercher  Irois  jours 
avant  la  nomination  du  maire. 

Dieure,  après  avoir  parlé  aux  mégissiers-parchominiers  de 
leurs  affaires  corporatives,  avait  demandé  si  on  leur  avait 
parlé  de  la  mairie  ;  sur  leur  réponse  négative,  il  les  avait  pré- 
venus qu'on  leur  en  pailerait. 

Les  gardes  boulangers  disent  qu'ils  n'ont  été  sollicités  de 
personne  au  sujet  des  élections,  «  mais  que  ce  jourd'huy, 
ayant  esté  mandez  par  ledit  sieur  Dieure,  président,  il  leur 
auroit  dit  qu'il  falloit  laisser  les  suffrages  libres  ». 

Un  chaudronnier,  un  ferblantier,  les  épingliers  déclarent 
n'avoir  vu  personne  qui  leur  ait  demandé  leur  suffrage  pour 
la  nomination  du  maire.  Les  savetiers,  les  cuisiniers,  les  pâtis- 
siers, les  tapissiers,  tous  (excepté  les  premiers)  convoqués  le 
second  jour,  font  la  même  réponse. 

Les  passementiers  et  ouvriers  eu  soie  avouent  avoir  été 
mandés  par  M.  Huez,  mais  seulement  au  sujet  des  affaires  de 
leur  communauté. 

Un  garde  des  selliers- éperonniers  ne  se  cache  pas  d'avoir 
volé  comme  on  le  lui  avait  indiqué  ;  il  dit  «  qu'ayant  rencon- 
tré il  y  a  quelques  jours  ledit  sieur  Gallien,  il  luy  auroit  dit 
qu'il  le  remercioit  de  son  attention  au  suiet  desdits  sieurs 
échevins,  et  que  s'il  avoii  besoin  de  luy  il  le  manderoit  ». 

Tous  les  électeurs  n'étaient  sans  doute  pas  aussi  dociles,  et 
l'on  prenait  avec  certains  d'entre  eux  plus  de  ménagements. 
Trois  gardes  des  cordonniers  disent  ne  rien  savoir,  «  mais  que 
s'estant  trouvés  quelques  jours  avant  Pasques  chez  Monsieur 

Gallien ,   au   suiet  des  affaires  de  leur  communauté,  il 

leurs  auroit  demandé  combien  ils  portoient  ordinairement  de 
voix  à  l'hôtel  de  ville,  à  quoy  ils  auroient  répondu  qu'ils  en 
avoient  quatre,  et  qu'à  l'égard  des  nouveaux  échevins  ils 
nommeroient  s'ils  jugeaient  à  propos  lesdils  sieurs  Golinet, 
etc.   » 

Il  y  eut  bien  aussi  quelques  rebuffades,  dictées  par  la  crainte 
de  se  compromelire.  Un  maître  garde  pâtissier  dit  avoir  été 
appelé  avec  ses  confrères,  quinze  jours  auparavant,  chez 
M.  Dieure  ;  ils  n'y  allèrent  point,  mais  l'ayant  rencontré 
depuis,  il  leur  dit  qu'il  les  avait  envoyé  chercher  pour  le  fait 
des  statuts  de  leur  communauté  et  que  s'il  avait  besoin  d'eux 


408  UN  CAS  DE  PRESSION  ELECTORALE 

dans  la  qumzaiae,  il  les  ferait  avertir.  Les  deux  coafrères 
du  déposant  déclarent  n'avoir  été  sollicités  de  personne  et  tous 
trois  refusent  ensuite  de  signer  leurs  déclarations. 

Louis  Gouaille,  maître  garde  des  serruriers,  dit  n'avoir  été 
maudé  de  per.-onne,  «  mais  que  son  confrère  nommé  Barthé- 
lémy avoil  engagé  son  suffrage  pour  la  nomination  d'un 
nouveau  maii'e  et  luy  demandoil  le  sien,  à  quoi  il  auroit  fait 
réponse  qu'il  vouloit  là- dessus  consulter  ses  autres  con- 
frères ». 

Un  député  des  cordiers,  un  des  tondeurs  de  draps,  un  des 
épingliers,  un  des  boulangers  déclarent  ne  pas  savoir  signer. 

Le  procès-verbal  du  second  et  dernier  jour  termine  ainsi: 

«  Desquelles  déclarations  lesdils  sieurs  Rolin,  maire,  et  lesdits 
sieurs  Jeanson  el  Gouaut,  échevins,  nous  ont  requis  acte  à  eux 
octroj'é  pour  leur  servir  et  valloir  en  temps  et  lieu  ce  que  de 
raison  et  ont  signé. 

»  r^ierre  Rolin,  N.  Jeanson,  Gouault; —  Cligny,  Denesles.  » 

Un  léger  incident  à  signaler  :  Le  premier  jour,  à  huit 
heures  du  malin,  le  nouvel  échevin  Colinet,  pénétrant  dans  la 
salle  où  avait  lieu  l'enquête,  se  déclare  surpris  que  ses  collè- 
gues se  soient  assemblés  sans  l'en  avertir;  il  interpelle  le  maire 
à  ce  sujet.  Rolin,, après  avoir  demandé  si  c'est  là  tout  ce  que 
Colinet  a  à  lui  dire,  affirme  lavoir  convoqué  à  la  réunion  et 
signe  sa  déclaration.  Colinet,  qui  avait  é^^alement  signé  la 
sienne,  refuse  de  signer  de  nouveau,  «  de  ce  interpellé  suivant 
l'ordonnance  ». 

La  lecture  de  ces  deux  pièces  achevée,  comme  il  était  midi, 
le  Conseil  s'ajourne  à  deux  heures  du  tantôt  pour  prendre  une 
décision.  Il  n'y  avait  pas  de  temps  à  perdre,  l'élection  devant 
avoir  lieu  le  lendemain. 

Réunis  de  nouveau  à  l'heure,  fixée  les  conseillers,  vu  la 
gravité  des  faits  énoncés  dans  les  procès  verbaux  dont  ils  ont 
eu  connaissance,  décident  d'ajourner  la  nomination  du  maire 
jusqu'à  ce  qu'on  ait  informé  le  Conseil  de  la  brigue  de  quelques- 
uns  des  officiers  de  police.  Les  maire  et  échevins  reçoivent 
mission,  par  9  voix  contre  6,  d'adresser  des  expéditions  des 
deux  actes  à  Nos  Seigneurs  du  Conseil. 

C'est  le  1 0  septembre  seulement  que  l'on  put  procéder  à  cette 
élection.  Il  avait  été  expressément  indiqué  que  le  candidat, 
choisi  parmi  les  conseillers  de  ville  et  nommé  pour  deux  ans, 
terminerait  son  mandat  le  11  juin  1730. 


A    TROYES  409 

Les  conseillers  émeltent  im  à  un  leurs  votes.  Piclory, 
doj'^en,  qui  commence;  donne  sa  voix  au  sieur  Paillot,  conseil- 
ler de  ville.  GouauU,  écheviu,  donne  la  sienne  au  sieur 
Dufour  ;  il  prolesle  coulre  le  vole  de  Pictory,  disant  que  les 
bourgeois  ont  la  prétention  que  les  officiers  de  police  sont 
exclus  de  la  place  de  maire.  Le  procureur  du  roi  intervient 
pour  déclarer  qu'un  arrêt  du  Conseil  du  15  septembre  1577 
aulorise  les  officiers  de  robe  longue  à  remplir  celle  charge  et  il 
ajoute  que  plusieurs  ont  déjà  été  nommés  au  bénéfice  de  cette 
disposition. 

Le  vote  se  termine  par  l'appel  des  délégués  des  corporations, 
et,  finalement,  le  sieur  Paillot  oblient  l'unaaimité  moins  cinq 
voix  (quatre  à  Dufour,  une  à  de  La  Hupproye).  Les  bourgeois, 
vaincjs.  peuvent  constater  que  les  candidats  agréables  à 
l'aulorilé  royale  ont  eu  raison  de  leurs  timides  protestations. 

Il  faut  sans  doute  attribuer  l'insuccès  du  candidat  de  la 
bourgeoisie  à  la  jalousie  des  communautés  de  la  ville,  qui 
voyaient  avec  peine  celle  des  ma  chauds,  ou  plutôt  la  pre- 
mière classe  de  ceux-ci,  composée  d'une  trentaine  d'individus, 
accaparer  presque  toutes  les  charges  municipales. 

Les  bourgeois  s'adressèrent  alors  à  l'autorité  provinciale,  et 
le  22  septembre,  M.  Fagnier,  subdélégué  de  Champagne,  vint 
présider  une  assemblée  convoquée  dans  le  but  d'arriver  à  un 
accommodement  entre  Messieurs  du  Bailliage  et  le  Corps  de 
Ville.  Il  fut  reconnu  que  les  scissions  et  les  brigues  dénon- 
cées venaient  de  ce  que  la  balance  n'était  pas  égale  dans  la 
répartition  des  charges  municipales.  Un  règlement  en  sept 
articles  fut  dressé  et  accepté  par  les  parties.  Le  nombre  des 
écbevins,  qui  était  précédemment  de  huit,  réduit  à  quatre  par 
arrêt  du  22  juin  1704,  fut  porté  à  six,  dont  deux  de  robe 
longue  ;  celui  des  conseillers,  anciennement  de  vingt-quatre, 
puis  réduit  à  douze,  fut  porté  à  quinze,  dont  cinq  de  robe 
longue,  tous  quinze  admissibles  à  la  place  de  maire,  pour  la 
nomination  duquel  il  fut  dé'jidé  de  choisir  d'abord  deux  nobles, 
bourgeois  ou  marchands,  puis  un  homme  de  robe  longue,  et 
ainsi  de  suite. 

Quelques  détails  restant  à  préciser,  une  nouvelle  assemblée 
du  25  septembre  ajouta  deux  articles  à  cette  réglementation  : 
1°  les  conseillers  de  ville  nobles,  bourgeois  ou  marchands 
devront  être  lires  du  collège  des  anciens  échevins  natifs  de 
Troyes,  suivant  l'arrêt  du  5  mai  159G,  et  choisis  parmi  les 
plus  anciens  éligibles  d'entre  ceux-ci;  2" les  huit  notables  non 
échevins,  appelés  à  la  nomination  des  conseillers  de  ville,  seront 


410  UN    CAS    DE    PRESSION    ÉLECTORALE 

natifs  de  Troyes  et  choisis  parmi  les  titulaires  de  charges, 
avocats,  officiers  de  milice  bourgeoise,  directeurs  d'hôpitaux, 
consuls  et  autres  de  même  espèce,  députés  à  cet  effet  \ 

Avec  un  tel  règlemeut,  qui  ménageait  une  place  aux  offi- 
ciers du  Roi  tout  en  laissant  la  plus  grande  part  à  l'élément 
bourgeois,  chacun  se  déclara  satisfait  et  parut  l'être. , .  jusqu'à 
la  prochaine  querelle. 

Louis  MoRiN, 

Typographe. 
\.  Reg.  des  délibérations  municipales. 


UNE 

ÉGLISE  RURALE 

Du  moyen  âge  jusqu'à  nos  jours 


VILLERS-DEVANT-LE-THOUR     ET    JUZANCOURT 

Son    Annexe 
Canton     d'ASFELD    (Ardennes) 


Chapitre     III 

Registres  paroissiaux,  événements  divers,  notables 
habitants,  curés,  chapelains  et  desservants,  officiers 
de  justice,  état-civil. 

Avant  la  tenue  régulière  des  registres  actuels  de  l'état-civil, 
c'est  aux  registres  paroissiaux  que  nous  sommes  redevables 
de  toutes  les  indications  précises  qui  nous  restent  sur  le 
mouvement  de  la  population  et  la  statistique  locale.  Les  plus 
anciens  de  ces  registres  en  France  datent  du  xv*  siècle', 
el  leur  existence  est  de  même  constatée  dans  la  paroisse  qui 
nous  occupe,  pour  l'année  1473,  en  ce  qui  concerne  le  bap- 
tême des  enfants  séparément,  selon  les  sexes''.  Il  n'eu  subsiste 
point  de  traces  matérielles  à  Villers,  car  les  plus  anciens 
registres  conservés  y  remontent  seulement  à  l'année  lGo7. 

Mais  les  noms  des  curés  et  desservants  nous  sont  cependant 
connus  antérieurement  à  celte  époque,  tant  par  les  procès-ver- 
baux de  visites  analysés  plus  haut,  que  par  le  recueil  des 
prébendes  du  Chapitre  de  Reims.  On  voit,  en  effet,  des 
membres  de  ce  Chapitre,  qui  était  le  principal  décimaleur  du 
lieu,  se  succéder  comme  curés,  au  x\°  siècle,  et  faire  desservir 

•  Voir  page  321,  tome  Vil  de  la  Revue  de  Champagne. 

1.  Voir  sur  les  plus  anciens  registres  paroissiaux  connus  (I4t1,  1478), 
l-'s  renseignements  donnés  pai'  M.  l'ranklin,  La  vie  privée  d'aulrefois, 
L'Enfanl,  La  Naissance,  Le  Baptême,  Paris,  Pion,  1895,  p.  181-185. 

2.  «  Agenda  est  nova,  in  qua  Laplisma  masculorum  et  baplisma  i'emel- 
larum  sunl  ab  invicem  divisa  seu  distincts.  »  Status  decanatus  Christiani- 
talis  de  Sancli  Germa,ni  monte,  1473.  Appendice  I. 


4  I  2  UNE   ÉGLISE   RURALE 

la  cure  par  des  chapelains  ou  des  curés  voisins.  Voici  celle 
liste  à  peu  près  complète,  du  milieu  du  xv^  siècle  jusqu'au 
second  liers  du  xvi'=  siècle. 

1451.  —  «  Jacobus  Parvi,  ténor  Ecclesiae  Remensis  ; 
Johannes  Blondelli,  deservieus*.   » 

1471. —  «  Johannes  Couvent,  canonicus  Remensis.  »  — 
Ce  chanoine,  gralitié  de  la  cure  de  Villers-devanl-le-Thour, 
était  peu  résidant,  car  on  le  voit  entreprendre  successivement 
les  pèlerinages  de  Saint-Jacques-en-Galice  et  de  Jérusalem. 
Il  mourut  à  Rome  en  148o,  au  retour  de  ce  dernier  voyage, 
m.ais  il  avait  précédemment  résigné  son  bénéfice  rural-. 

1475.  —  «  Guillelmus  Remigii,  curatus  ;  Bernardus  seu 
Barnabas  Dubois,  deservieus.   » 

1512.  —  «  Johannes  Cuuelli,  notarius  curiae  romanee,  cano- 
nicus remensis  ;  Joannes  Régis,  deserviens.  »  —  Résidant  en 
cour  de  Rome,  ce  notaire  apostolique  jouissait,  outre  sa  pré- 
bende au  chapitre,  des  cures  de  Saint-Etienne  de  Reims  et  de 
Villers-devant-le-Thour,  d'un  canonicat  de  Saint-Pierre  de 
Mézières,  et  d'un  autre  de  fc^ainte-Balsamie  de  Reims,  qu'il 
obtint  en  échange  de  cette  dernière  cure.  Il  mourut  en  1529, 
à  Reims,  encore  en  possession  de  ses  bénéfices^. 

1.  «  Robertus  Blondelli,  alibi  Blondel,  aulhorilale  ordiaaria  15  martii 
1475,  per  demi&sionem  seu  resignationem  causa  permutationis  cuin  Joanne 
Juvenali  de  Ursinis,  ad  capellam  S"  Jo.  Bap'"  in  ecclesia  parochiali  de  Vil- 
lari  ante  Turnum.  —  Eral  eliam  canonicus  S"  Symphoriani.  —  Obiil  cano- 
nicus Remensis  27  feb.  1495,  sepultus  in  anabitu  processionis  cum  epitaphio 
juxta  locum  dictum  La  plancheUe.  »  Dignitates  Ecclesiœ  melropolitanœ 
remensis,  ms.de  Weyen,  praebendd  63,  fol.  338,  verso 

2.  Consulter  à  la  Bibliothèque  de  lîeims  le  recueil  ms.  de  Jean-Herman 
Weyen  :  «  Dignitates  Ecclesiœ  inetropolilanœ  Remensis,  Prœbenda  44, 
Johannes  Convent,  in  propria  aulhorilate  ordinaria  13  sept.  i471,per  dimis- 
sionem  seu  lesignationem  causa  permulalionis  cum  Petro  de  Brebaut  ad 
Capellam  S*'  Michaelis  in  ecclesia  S""  Genovelte  de  Monte  parisiensis.  Obiit 
Romae  canonicus  Remensis,  regressus  a  ppregrinatione  in  Jérusalem,  13  feb- 
ruarii  1483,  ut  cenificalum  fuit  capitulo,  sed  certius  patet  pro  12  julii.  Jam 
de  sancto  Jacobo  in  Gallicia  Remos  redierat,  7  junii  1484.  Erat  eliam  cura- 
tus seu  pastor  de  Villari  ante  turnum,  diocesis  Remensis.  » 

3.  Même  recueil,  Prœbenda  21.  Johannes  Cunelli,  notarius  juratus,  curiœ 
roraanae  (ut  legitur  in  fundatione  Hugonis  Cadi,  Cott.  BB.  1518), et  in  eadem 
curia  romana  residens,per  procuratorem  authoritate  apostolica29  mart.  1480, 
per  resignationem  Hugonis  Jacobi,  nuper  del'uncti.  Legitur  canonicus  Eccle- 
si.T  Remensis  et  pastor  S"  Stephani  Remensis,  penullima  1492.  Eral  deca- 
nus  et  canonicus  S"  Pelri  Maceriensis,  ac  curatus  seu  pastor  ejusdem  eccle- 
siae, necnon  S"  Stephani  Remensis  ac  de  Villari  ante  Turnum,  in  sua 
receplione  ad  canonicatum  et  piœbendam  Remensem  29  mart.  1486.  Duas 
prsebendasS'^Natricis  possedit  :  1"°,  4  feb.  15 11, pro  qua  dédit  capellam  suam 


UNE    ÉGLISE   RURALE  413 

1529. —  «  Pelrus  Grossaiae,  canonicus  remensis.  »  Uains- 
lant  prévôl  du  Chapitre,  Pierre  Gro?saine  uous  paraît  avoir  été 
le  deraier  titulaire  de  la  cure  uon  résidant.  Il  dut  :nème  céder 
proinpleaient  uu  béuéfice  qui  ne  lui  avait  été  accordé  qu'à 
regret,  malgré  sa  prébende'. 

Les  curés  uous  apparaisseiil  désormais  avec  mcatiou  de 
résidence'";  ils  sont,  pour  le  reàte  du  xvi"  et  le=  suivants, 
savoir  : 

1  ;i,3 1 .  —  Jacques  Sallon. 

1690.  —  Jean  Lespez. 

1595   — Guillaume  Rousseau. 

1631.  —  André  Béglol. 

1G40  environ.  — Nicolas  Nivaid,  mort  cuié  vers  IG  19,  dont 
l'épilaphe  sera  donnée  plus  loin. 

1643.  —  Pierre  Boizol. 

1657.  —  Doiirguel,  docteur  en  lliéologi.;,  doyen  de  rfaiut- 
Germainmont. 

1663.  —  Philippe  Barilly. 

1670.  —  Pierre  Vuilcq,  mort  curé  en  1714,  dont  l'épilaphe, 
conservée  dans  l'église,  sera  donnée  plus  loin. 

1711.  —  Marc-Antoine  Bidault,  doyen  de  yaint-Germaia- 
mont,  chanoine  de  >ainlSyinp'norien  de  Reims  en  I"5i. 

1754.  —  Robert  Garez,  ensuite  curé  de  Sorbon. 

17o5.  — Jean  François  Aubriot  de  Boucourt.  démissionnaire 
en  1761 .  —  Rémi  Polhier,  desservant. 

1761.  —  Nicolas  Dumonl,  docteur  (n  théologie,  député  du 

S"  Poucii  prope  Mourras  (Macdas?),  et  2"',  2'2  febr.  1328.  pro  qua  deJit 
curam  de  ViUari  ante  Turaum  cum  succursu  de  Jusaunourt.  Obiil  Remis 
canonicus  Remensis  3  jun.  1329.  (Weyen,  Dignilates  Ecclesiœ  melrupo- 
litanœ  Remeiuis,  i"  240  verso,  Ms.  de  la  Bibl.  de  Ijeims.) 

1.  Capilulum  remenfc.  l'iœbenda  12  :  Pctrus  Grossaine,  in  jure  canonico 
baccalaureus,  subdiacouus,  per  procuralorem  autlioritale  ordinaria,  28  maii 
1529.  I.icel  c.inoiiico,  collata  ei  fuit  cura  de  ViUari  ante  Turnura  Obtinue- 
rat  piœjosiluraiii  Ecoles  œ  Remonsis,  93  sept.  1521,  a  qua  evictus  fuit  pcr 
Oudardum  Grant  l^aoul.  Obiit  lierais  canonicus  Re:nen>is  5  maii  157'2, 
Sepullus  iQ  Capella  cœineierii  EcclesiîB  parochialis  S"  Hdarii  Remensis. 
(Recueil  ms.  de  Weyen,  f"  224  verso.  Bibl.  de  Reims.) 

2.  Les  noms  des  curés  de  Villers,  depuis  1531  jusqu'en  1049,  nous  sont 
connus  par  une  enquéle  laite  à  la  requête  du  Ciiapitre  au  sujet  uu  droit  de 
préciput  attribué  au  curé,  le  2  janvier  l6.9  :  .)]ém()i^c  desdixmes  de  Villerx- 
devanl  .'e  Tour,  pour  Messieurs  du  Cliapdrc  de  Reims,  pièce  de  la  liasse  1 
du  fonds  du  Chapitre  aux  Archives  de  Ucims,  Dimes  cl  r(dcvances  foncières 
dues  par  Villers-devanl-le-Thour,  2  liasses. 


41  i  UNE    ÉGLISE    UURALE 

bailliage  de  Vili-y -'e- François  aux  Elals-Géuéraux  de  17^9, 
inorl  à  Reims  en  1806  \ 

Telle  esl  la  liste  des  dix-huit  curés  connus  pour  les  Iroi» 
derniers  siècles,  et  en  les  joignant  aux  six  curés  que  compte 
déjà  le  nôtre,  on  obtient  un  total  de  vingt-quatre  noms  pour 
quatre  siècles  environ-. 

Ce  fut  le  curé  Bourguet  qui  donna,  en  1657,  l'ordre  au 
maître  d'école  Ghollet  de  rédiger  le  plus  ancien  registre  bap- 
tislaire  qui  nous  soit  conservé.  Son  successeur,  Philippe 
Barilly,  continua  les  mêmes  ordres  pour  les  mariages  en  1669, 
et  dans  la  suite  (vers  1675),  la  régularité  des  registres  s'établit 
pour  les  trois  grands  actes  de  la  vie  :  le  baptême,  le  mariage  et 
la  sépulture,  qui  furent  constatés,  d'une  manière  aussi  authen- 
tique que  possible,  selon  les  usages  de  l'époque.  En  dehors  de 
ces  actes,  nous  n'avons  rencontré,  sui  les  registres,  aucune 
note  historique  proprement  dite,  aucune  relation  d'événe- 
ments contemporains,  comme  on  eu  trouve  ailleurs  de  si 
curieux  exemples.  Mais,  dans  la  teneur  des  actes  eux-mêmes, 
ULie  infinité  de  curieux  détails  et  de  traits  de  mœurs  appa- 
raissent, et  nous  les  avons  relevés,  cités  parfois  même 
textuellement,  S3,ns  prétendre  avoir  réussi  à  tout  approfondir 
dans  un  examen  trop  rapide. 

En  premier  lieu,  nous  avons  mis  en  relief  les  professions, 
pour  les  gens  de  justice 3,  les  chirurgiens^  et  les  maîtres 
d'école,  en  même  temps  clercs  paroissiaux^.  Les  gens  de 
métier  :  charrons,  laboureurs,  hostelains,  couvreurs,  meu- 

1 .  Voir  sur  la  Vie  de  Nicolas  Dumont,  la  notice  biographique  publiée 
dans  la  Revue  de  Champagne  cl  de  Brie,  années  1884  et  1885. 

2.  Voici  les  noms  de  MM.  les  curés-desservanls  qui  se  sont  succédé 
depuis  le  Concordat  :  1802,  Louis- Joseph  Bucquoy.  —  1828,  G.-L.  Fran- 
quet.  —  1853,  Joseph-Léon  Tarpiu.  —  1858,  Jules  Surot,  actuellement 
aumônier  de  l'Hôlel-Dieu  de  Reims.  —  1879,  N.  Roze,  actuellement  curé 
d'Apremont.  —  1892,  Alfred  Chevalier,  curé  actuel. 

3.  Lieutenants,  procurew)  s  et  sergents  en  la  justice  :  1687,  Oudart  Bour- 
daire.  —  1G89,  François  de  Chery  —  1691,  Arnout  Roger.  —  1717,  Joseph 
Dejardins.  —  1732,  Nicolas  Frillieux.  —  1764-,  Paul  Le  tioy.  —  1767,  Gilles 
Gacoin.  —  1773,  Bardin. 

A.  Chirurgiens  :  1694,  Jacques  Bardin.  —  1712,  François  Meuuier.  — 
1718,  J.-B.  Féart.  —  1721,  Gérard  Renard.  —  1738,  Ladoucc.  —  1754, 
Jacques  Bevière.  —  1764,  Paul-Alexandre  Carlier,  ancien  chirurgien  des 
armées  ilu  roi. 

5.  Maîtres  d'école  et  clercs  :  1G57-96,  Henri  Chollel.  —  Marlin  Deseile.— 
1704,  Joseph  Crinon.  —  Marache.  —  1709,  Jean  Trousset.  —  1743,  Mar- 
teau. —  1780,  Claude  Itogier.  —  1791,  Jacques  Michaut  —  1793,  Pierre 
Petit. 


UNE    ÉGLISK    KUUALK  41a 

uier^,  etc.,  soûl  dou  moins  iinporlanls  à  ciler.  Peu  de  noms 
nobles  soûl  à  signaler;  on' Irouve  plutôt  trace  de  bourgeois 
notables  de  Reims,  de  Châleuu-Porcien  et  de  Rethel.  de  plusieurs 
étrangers  de  passage,  militaires,  prêtres,  religieux  ou  simples 
voyageurs.  Quelques  accidents,  des  morts  subites,  un  crime 
d'assassinat,  en  1773,  viennent  rompre  la  monotonie  des  for- 
mules. A  Juzancourl,  nous  notons,  en  1773,  la  naissance  de 
trois  enfants  jumeaux,  morts  peu  a[)rès.  En  1733,  à  Villers,oa 
avait  pratiqué  l'opération  césarienne.  D'autres  faits  locaux  se 
produisirent,  dont  le  souvenir  s'e^t  pi  rdu,  et  qui  revivent  dans 
notre  tableau  d'ensemble'. 

Plusieurs  particularilés  légales  font  éclater  le  rôle  double 
joué  par  le  curé  sous  l'ancien  régime,  dans  la  rédaction 
des  actes  :  eu  outre  de  sa  mission  propre  de  ministre  des 
sacrements,  il  agissait  comme  officier  public,  soit  pour  faire 
observer  les  ordonnances  royales  sur  les  consentements  requis 
pour  la  validité  du  mariage,  soit  pour  surseoir  aux  inhuma- 
tions ea  cas  de  mort  violente  ou  d'intervention  de  la  justice, 
soit  même  pour  recevoir  de  la  mère  la  déclaration  du  père  de 
l'enfant  dans  les  naissances  illégitimes.  On  verra  des  exemples 
de  ces  différentes  attributions  dans  l'analyse  des  registres  que 
nous  produisons. 

Aussi,  lors  de  la  création  de  l'état-civil  moderne,  en  1792, 
voyons-nous  à  Villers  le  curé  Nicolas  Dumont  conserver 
ses  fonctions  et  sa  qualité  de  rédacteur  officiel  des  actes  civils, 
alors  même  qu'il  cesse  de  les  rédiger  comme  curé.  Investi  par 
les  votes  des  habitants  de  ce  titre  «  d'officier  public  »,  il 
adopta  les  formes  légales  dans  les  registres  de  la  commune,  et 
poursuivit  en  même  temps  à  l'église  son  ministère  sacré  avec 
l'accomplissement  des  règles  ecclésiastiques.  Néanmoins,  par 
suite  des  terribles  événements  qui  se  précipitaient  et  allaient 
supprimer  momentanément  toute  pratique  du  culte,  ce  dua- 
lisme ne  pouvait  durer  longtemps,  quelle  que  fût  la  bonne 
volonté  réciproque  manifestée  de  part  et  d'autre  au  début  de 
la  Révolution,  i-'autorité  civile  poursuivit  seule  la  tenue 
des  registres  civils,  et  la  célébration  publique  des  sacrements 
ne  reprit  librement  son  cours  qu'avec  la  paix  des  consciences, 
assurée  par  le  Concordat.  Chacun  recouvra  sou  domaine  et, 
depuis  bientôt  cent  ans.  nous  jouissons  de  cette  paix  reli- 
gieuse dont  le  besoin  nous  parait  plus  indispensable  que 
jamais. 

1 .  Voir  le  détail  de  tous  ces  laits  dans  l'appendice  X. 


416  UNE   ÉGLISE   RURALE 

Comme  complément  aux  procès-verbaux  de  visites  et  aux 
registres  paroissiaux,  nous  donnons  ici  quelques  renseigne- 
ments sommaires  extrait?  des  registres  communaux,  sur  l'état 
de  l'église  de  Villers  pendant  la  Révolution,  et  sur  la 
façon  dont  elle  fut  réparée  pour  la  reprise  du  culte  public  eu 
1802'. 

Le  !'''■  janvier  1793.  avait  lieu  ladjudicalion  des  cloches 
pour  trois  ans,  au  profit  des  citoyens  Moreau-Piot  et  Lapie, 
moyennant  46  livres  5  sols  de  location,  ce  qui  indiquait  la 
continuation  des  cérémonies  religieuses'.  Ce  n'est  que  plus 
lard,  au  .8  floréal  an  II,  que  les  décades  rem [ilacenl  officielle- 
ment le  dimanche,  d'après  la  déclaration  qui  en  est  fiite 
au  curé,  Nicolas  Dumout,  qui  était  déjà  parti  de  sa  paroisse  et 
n'y  revint  point^.  Le  2  veutôs-  même  an  II,  la  crofx  du  clo- 
cher est  descendue  sur  les  ordres  du  district  do  Rethel,  et  nous 
voyons,  le  30  pluviôse,  que  le  comité  de  surveillance  tient  ses 
séances  «  à  la  maison  commune  ou  à  l'église  ».  Néanmoins,  à 
la  même  époque,  le  7  pluviôse,  le  conseil  de  la  commune 
déclarait  «  d'après  la  loy  qui  élaLlil  la  liberté  de  tous  les 
cultes,  que  la  commune  entendoit  conserver  celuy  qu'elle 
a  toujours  suivi*.  »  Cette  déclaration  formelle  indique  ijuc  la 
suspension  absolue  du  culte,  en  1793-94,  fut  d-;  courte  durée 
à  Villers,  mais  il  est  probable  que  les  fonctions  relii:ieus(>s  n'y 
furent  point  régulièrement  exercées  de  1795  à  1800,  en  l'ab- 
sence d'un  curé  résidant^,  et  au  milieu  des  péripéties  qui 
affectaient  l'église  aux  séances  décadaires,  peut-être  même  à  la 
fabrication  du  salpêtre.  L'édifice  n'était  point  d'ailleurs  cntie- 
lenu  durant  cette  période;  son  mobilier  fut  pillé  et  saccagé, 
comme  on  en  juge  par  les  restaurations  devenues  indispen- 
sables quelques  années  plus  lard. 

Ce  fut,  en  effet,  de  l'an  XI  à  l'an  XIII  (1801-1804),  une  série 

1 .  Les  archives  communales  de  ViUers-ilevaut-le-Tliriur  couservenl  les 
registres  des  délibérations  de  la  inunicipalilé,  depuis  le  15  février  1792,  et  ils 
se  suivent  presque  sans  lacunes  pendant  toute  la  période  révolutionnaire. 
On  y  trouve  d'utiles  œentioiiS  sur  les  réquisitions  et  les  faits  de  j^uerre  de 
l'époque. 

2.  Registre  D',  folio  31  recto. 

3.  Registre  D'',  folio  39  recto,  l.e  p^esbj'iè.e  fut  vendu  ensuite. 

4.  Même  registre,  folio  6  verso. 

5.  Ou  trouve  dans  le  registre  municipal,  à  la  date  du  8  thermidor  an  VIII, 
le  serment  du  citoyen  Gérard-Pierre  Petit,  exerçant  les  fonctions  de  ministre 
du  culte  catholique  à  Villers.  Il  était  eu  même  temps  instituteur.  H  gtslrt; 
D',  folio  1.  —  Le  12  vendémiaire  au  IX,  li;  citoyen  IJIou  1,  prêtre 
à  Gomont,  a  déclaré  vouloir  exercer  le  culte  à  Villers.  Ibidem,  folio  '29. 


UNE    ÉGLISE    RUJIALK  417 

de  mesures  de  reslilulious ',  de  réparations  ou  de  travaux 
divers  pour  rélab'ir  l'étal  de  choses  aucieu,  dont  les  habitants 
ne  s'élaient  poiut  déshabitués-.  La  f  réfection  des  vitres  par 
le  citoyen  Hussou  »  est  votée  an  prix  de  200  francs^  ;  un  nou- 
vel ameublement  et  des  ornements  çont  acquis  pour  500  fr., 
le  tout  aux  dépens  du  budjjct  communale  Enfiu,  la  succursale 
est  établie  et  un  presbytère  racheié  eu  lemplacement  de  celui 
qui  avait  été  aliéné^. 

Ou  juge,  par  ces  détails,  du  hou  vouloir  manifesté  de  toutes 
paits  in  vue  du  rétablissemeiil  du  culte,  ([ui  restait  l'un  des 
besoins  essentiels  de  la  population,  sous  le  nouveau  régime 
comme  sous  l'ancien. 


Chapiti<e     IV 

Description  de  l'église  de  Villers,  ses  dimensions, 
ses  réparations  modernes  et  son  état  actuel. 

Nous  avons  iuditjué  dans  les  précédents  chapitres  tout  ce 
qui  concerne  l'origine  de  l'édifice  et  sa  description  au  point  de 
vue  historique.  Nous  allons  y  joindre  lesdéiails  nécessaires  à 
la    connaissance  exacte  de  ses  dimensions,    de   ses  diverses 

1.  Six  frimaire  an  XI.  —  Reprise,  par  la  fabrique,  de  la  grande  armoire 
qii  vient  de  la  ci -devant  fabrique,  que  les  habitants  demandaient,  vu  le 
besoin  que  l'on  en  a  à  l'église  pour  resserrer  les  ornemens  destinés  au  culte 
catholique.  —  Le  Conseil  a  consenti.  —  Registre  D^,  l"  10  ver^o. 

2.  liéparations  à  faire  à  l'église.  Délibération  du  25  germinal  an  XI.  — 
Lettre  du  Préfet  relative  aux  réparations  à  faire  aux  bâtiments  destinés  au 
cu'le  catholique,  ainsi  qu'au  logement  du  ministre  du  culte.  —  Les  vitres 
de  l'églises  seront  réparées,  ainsi  que  les  murs  du  cimetière.  —  Il  est  décidé 
qu'un  presbytère  nouveau  sera  acquis  au  prix  d.;  2.4il0  fr.,  à  la  charge  des 
habitants  et  à  l'égalité  en  chaque  chef  de  famille.  Ibid.,  f"  13  verso. 

3.  Même  Hegislre,  folios  12  et  14. 

4.  Budget  de  l'an  Xl,  f"  t.'  bis  verso.  «  N jta  —  le  Conseil  obseive 
qu'il  serait  urgent  d'avoir  des  ornemens  pour  le  service  du  culte,  vu  qu-î  ceux 
qui  y  sont  n'appartiennent  pas  à  la  commune,  et  qu'il  faudrait  une  somme 
de  600  fr.  pour  avoir  les  choses  les  plus  nécessaires.  »  Vote  pour  l'ameu- 
blement. ' 

5.  Le  7  fructidor  an  XII,  f"'  15  et  suiv.  Rétablissement  de  la  succursale 
de  Villers  et  Ji.zancourl.  Le  prêtre  qui  la  dessert  est  Louis-Joseph  Buquoi. 
La  commune  de  Juzanc-uit  lui  est  réunie  de  tems  imnéraorial  ;  acquisition 
à  faire  d'un  presbytère  à  frais  communs'.  Projet  on  attendant  pour  la  location 
de  l'ancien,  moyennant  80  fr.  par  au.  Le  Conseil  de  Juzancourt  refuse  d'y 
participer,  Burtin,  maire.  —  Séances  des  8  venléiniaire  an  XIII  et  11  fri- 
maire an  XIII,  sur  le  même  sujet. 

27 


•lus  UNK    lilULISK    KUliAl.li 

ré[)ai'aUoiis  coulein[)oraiiies  cl  do  >o;i  éUiL  actuel  a'.i  pjial  ilo 
vue  de  l'archéologie. 

Voici  d'abord  les  mesurais  principales  du  rnoiiumeui  '  : 

Longueur  totale  à  l'intérieur  :  28  mètres. 

Largeur  totale  jusqu'au  trausept  :  L2  mètres. 

Hauteur  sous  le  plafond  et  la  voùle  :  S'"oO  environ. 

Bras  sud  du  transept  :  5  mètres  sur  4"'o'). 

Bras  nord  du  trausept  :  4  mètres  sur  4  mètres. 

Carré  du  transept  (chœur)  :  5  mètres  sur  5  mètres. 

Chevet  (sanctuaire)  :  ■'>  mètres  sur  4'"b0. 

Longueur  de  la  net'  [)riucipale  :  l«  mètres. 

Largeur  de  la  nef  principale  :  i)"'33. 

Hauteur  des  bas-côtés  :  4"'7o. 

Largeur  des  bas-côtés  :  2"'50  environ. 

Si  nous  parcourons  ensuite  les  différentes  parties  de  l'édi- 
fice, un  rapide  examen  nous  fera  juger  de  ce  qu'elles  présen- 
tent d'intéressant. 

EXTÉRIEUR 

Poriail.  —  La  porte,  dont  nous  reproduisons  l'aspect,  a 
gardé  toutes  ses  lignes  d'architecture  de  la  fin  du  xii°  siècle 
ou  du  commencement  du  xiii%  sauf  le  tympan  enlevé  pour  y 
placer  un  vitrail  vers  185u.  Le  porche  qui  précédait  le  portail  a 
disparu,  probablement  au  xviii°  siècle,  mais  la  saillie  de  Tar- 
chivoite  et  des  colonnes  sur  la  muraille  indique  qu'il' faisait 
corps  avec  elles  et  qu'il  protégeait  l'entrée  de  l'église  contre 
les  intempéries.  Sa  démolition  a  certainement  contribué  à 
l'état  fâcheux  de  dégradation  où  se  trouve  le  portail  depuis 
longtemps  déjà.  Peu  de  mesures  ont  été  plus  préjudiciables  à 
la  bonne  tenue  des  églises  que  l'enlèvement  presque  général 
des  porches  de  nos  contrées.  Ce  ne  serait  pas  une  raison  pour 
démolir  aujourd'hui  le  portail,  mais  il  serait  nécessaire  de  le 
consolider  à  l'aide  de  ciment,  de  refaire  le  tympan  de  la  porte 
et  de  recouvrir  l'ensemble  par  un  auvent  en  charpente  qui 
rappellerait  l'ancien  porche. 

La  fenêtre  ouverte  au-dessus  du  portail  n'est  plus  l'ancienne 
baie  :  c'est  une  fenêtre  démesurément  agrandie,  sans  doute 
Vers  lii'jO,  pour  donner  dans  l'église  un  jour  plus  abondant, 
alors  qu'on  venait  de  boucher  les  fenêtres  latérales  de  la  nef 

1.  Elles  sout  empruiUées  à  la  stalislitiue  de  la  paroisse  dressée  vers  1854 
par  M    le  curé  Tarpin,  et  couservée  dans  les  papiers  de  la  cure. 


UNE   EGLISE    UUUALE  i  1  0 

par  1  exliaufcbemt'ul  de  ki  loiUire  des  bas-colés.  Il  sérail  1res 
heui\ux  de  la  ramener  à  ses  proportions  primitives'. 

Le  portail  est  un  bon  modèle  de  style  gothique  primitif  : 
l'archivolte  qui  encadre  le  tympan  forme  un  arc  légèrement 
brisé  et  se  compose  de  six  tores  reposant  sur  aulaut  de 
colonnetles  engagées.  Du  côlé  gauche,  les  trois  colouuettes  du 
fond  sont  munies  de  chapiteaux  à  crochets  et  la  face  du  devant 
ornée  d'une  figure  autour  de  laquelle  s'enroule  un  monstre 
informe  (très  mutilé)-.  —  Du  côté  droit,  apparaissent  entre  les 
crochets  des  chapiteaux  plusieurs  figures  grotesques  en  plein 
relief  :  serpents  ou  guivres,  tète  humaine,  et  à  l'extrémité 
homme  debout  combattant  avec  un  limaçon  sortant  de  sa 
coquille,  scène  bizarre  où  il  ne  faut  voir  qu'un  caprice  du 
sculpteur \  Malheureusement,  comme  nous  l'expliquions  plus 
haut,  ces  morceaux  curieux  sont  en  partie  frustes,  la  pierre 
est  effritée,  les  colonnes  sont  par  endroits  démontées  et  leurs 
bases  brisées 

Les  deux  vantaux  de  la  porte  datent  du  xvii*"  siècle,  ils 
sont  solides  et  eu  bon  étal  ;  ou  y  remarque  la  poignée  et  les 
clous  en  lôle  tleuronnés  qui  décoient  le  milieu  et  les  angles 
des  panneaux.  Aussi,  doit  on  fouhailer  le  maintien  de  celle 
porte,  si  jamais  le  portail  est  modifié'. 

Deux  contreforts  à  trois  ressauts  soutiennent  les  extrémités 
de  la  muraille;  le  pignon  est  percé  au  sommet  d'une  ouverture 
carrée  sans  caractère  qui  éclaire  les  combles,  et  la  toiture 
recouvre  la  maronnerie  du  pignon  sans  traces  d'architecture. 
Une  rangée  de  raodillons  en  consoles  supporte  la  corniche  au- 

1 .  Oa  les  retrouverait  dans  celles  de  la  fenêtre  qui  surmonte  le  portail  de 
leglise  de  Saint-Gernaainmont,  ladite  fenêtre  restée  dans  sa  fornie  prinoitive 
du  moyen-âge,  bien  que  l'on  ait  refait  le  portail  lui-même  sans  style  ni 
caractère  ancien  vers  1825. 

2.  Malgré  son  état  de  mutilation,  on  pourrait  conjecturer  que  ce  monstre 
est  un  démon  enlevant  un  personnage  ayant  une  bourse  à  son  cou  et  ligu- 
ranl  l'Avarice. 

3.  On  a  voulu  trouver  une  image  de  la  lésurrection  des  corps  dans  la 
Bgure  du  limaçon  sortant  de  sa  coquille,  mais  il  serait  difficile  dexpliqaer 
ensuite  le  combat  de  l'homme  avec  cet  animal.  11  y  eut  à  toutes  les  époques 
du  réalisme  et  de  la  fantaisie  dans  les  décorations  d'église,  ce  qui  exclut  la 
possibilité  d'y  voir  sùremeni  des  allégories  mystiques  et  pieuses.  Cf.  le 
liéperloire  archéologique  de  l'arrondissement  de  Heiins,  fascicule  IX,  can- 
ton d'Ay,  1892,  église  de  Bisseuil,  p.  135-37. 

4.  On  conserve  à  la  mairie  uo  plan  de  reconstruction  totale  du  portail 
en  style  gothique,  dressé  par  M.  Duchesuoy,  architecte  à  Mézières,  en 
1878. 


420  UNE    ÉGLISE    RURALE 

desfous  de  la  loilure  sur  les  deux  faces  latérales  de  la  nef 
principale.  Les  fenêtres  sont  complètement  recouvertes  par  les 
toitures  en  appentis  des  basses-uefs. 

Bas-côtés.  —  Les  anciens  bas  côtés  ont  élé  refaits,  élargis 
et  exhaussés  à  la  fin  du  xvii''  siècle,  comme  l'indiquent  la  date 
de  1696  sur  le  dernier  contrefort  au  nord,  et  celle  de  1691  sur 
une  inscription  de  la  muraille  du  côté  oppo-é,  à  l'angle  sud- 
ou?sl  de  l'église,  à  3màO  de  hauteur.  On  y  lit  cette  mention, 
en  lettres  majuscules  bien  effacées,  sur  une  pierre  de  0,22  de 
hauteur  sur  0,48  de  largeur  : 

AN  LANE  169... 
ON  MA   REFAI  .. 
LE  DEVX  A 

Les  trois  ligues  sont  à  leur  extrémité  mutilées  et  incom- 
plètes. 

Presqu'au-dessous  de  ce  texte,  l'œil  de  l'archéologue  décou- 
vrira aussi  dans  les  moëllous  de  la  muraille,  à  î"^  de  hauteur 
au-dessus  du  sol,  un  débris  assez  intéressant  de  sculpture 
romane.  On  distingue  sur  ce  fragment  en  pierre  dure  neuf 
petites  colonoettes  formant  une  sorte  de  balustrade.  (Hauteur, 
0,22  Largeur,  l'^lS).  On  a  pensé  y  voir  une  portion  de  linteau 
ou  de  retable  ;  nous  croyons  qu'il  pourrait  provenir  d'anciens 
fonts  baptismaux  carrés  du  xi'^  siècle,  dont  il  formait  l'un  des 
côtés.  Cette  supposition  est  d'autant  plus  admissible  que 
l'église  ne  possède  plus  son  ancienne  cuve  baptismale  qui  aura 
été  brisée  dans  les  désastres  causés  par  les  guerres  de  la 
Fronde,  et  que  l'on  remplaça  par  des  fonts  sans  aucun  carac- 
tère. On  aurait  employé  dans  la  construction  des  bas  côtés  un 
morceau  jugé  sans  valeur  de  la  cuve  primitive'. 

Les  bas-côtés,  sur  les  deux  faces  latérales,  sont  percés  de 
quatre  fenêtres  en  arc  légèrement  brisé  et  d'une  porte  carrée 
surmontée  d'une  petite  niche  cintrée.  Ces  niches  sont  vides,  et 
l'auvent  en  charpenté  qui  protégeait  chaque  porte  a  disparu 
en  notre  siècle.  Les  vantaux  ont  survécu,  bien  qu'ils  aient 
été  modifiés  et  coupés  en  deux  dans  la  hauteur;  ils  sont  sem- 
blables à  ceux  du  portail  prmcipal  et  encore  munis  de  clous  eu 
lôle  fleuronnés  d'un  dessin  régulier  et  élégant. 

Une  toiture  en  tuile  recouvre  les  bas-côtés,  et  sous  celte 

1 .  Les  fonls  actuels,  au  bas  du  oollaléra!  nord,  sont  formés  d'une  cuve 
octogone  reposant  sur  un  pied  de  même  date,  le  tout  sans  moulure  ui 
sculpture. 


y. 


UNE   ÉGLISE    RURALE  421 

toiture  règne  une  corniche  avec  modillons  semblables  à  ceux 
de  la  nef  principale. 

Bras  nord  du  transept.  —  Celle  partie  de  l'église  est 
conlemporaine  de  la  nef  et  du  chevet;  malheureusement  elle 
a  été  construite  en  matériaux  tendres  et  peu  ré-islanls  sous 
l'action  des  intempéries  ;  le  sommet  du  pignon  a  été  recons- 
truit de  nos  jours  sur  l'ancienne  muraille  trop  faible  pour  en 
supporter  le  poids  malgré  les  quatre  contreforts  d'angle.  Aussi 
la  voûte  faiblit  à  l'intérieur.  La  face  vers  le  nord  est  percée 
d'une  fenêtre  assez  haute  en  arc  brisé,  celle  vers  l'est  l'était 
d'une  fenêtre  semblable  qui  a  été  bouchée  et  la  baie  fut  refaite 
récemment,  en  1880,  au  milieu  du  mur  pour  donner  plus  de 
régularité  à  la  chapelle.  Le  manqua  de  symétrie  de  celle 
fenêtre  avait  élé  occasionné  par  la  présence  d'une  tourelle  à 
pans  coupés  dans  l'angle  du  croisillon  et  du  chevet;  il  a  fallu 
rapprocher  de  très  près  la  fenêtre  de  celte  tourelle  dans  laquelle 
se  trouve  l'escalier  à  vis  conduisant  aux  combles. 

Bras  sud  du  transept.  —  De  ce  côté,  la  construction  offre 
une  meilleure  qualité  de  pierre  et  plus  d'élégance  dans  l'archi- 
teclure  qui  est  celle  de  l'époque  gothique  flamboyante,  proba- 
blement du  début  du  xvi*  siècle.  Le  sommet  du  pignon  a 
cependant  dû  êh-e  refait  de  nos  jours  comme  celui  du  croisillon 
nord,  mais  les  deux  fenêtres  à  un  meneau  ont  conservé 
presque  intact  leur  encadrement  ancien .  Une  sacristie  a  été 
appliquée  en  1831  sur  le  mur  vers  l'est,  et  sa  toiture  obï-truait 
de  ce  côté  la  fenêtre  qui  a  été  rouverte  en  1875  lors  de  la  déco- 
ration intérieure  de  la  chapelle. 

Le  croisillon  sud,  bien  que  construit  au  xvi«  siècle,  est  sou- 
tenu aux  angles  par  un  double  contrefort  comme  au  xiii* 
siècle . 

Chevet.  —  Le  chevet  se  termine  carrément  par  un  mur 
plat;  ce  mur  est  percé  de  deux  fenêtres  accolées  en  arc 
brisé,  depuis  longtemps  murées,  et  au-dessus  dune  rosace 
à  huit  lobes  d'un  bon  dessin  gothique.  Le  sommet  du  pignon, 
ruiné  à  plusieurs  reprises,  a  perdu  tous  les  caractères  de  son 
architecture;  il  est  dominé,  depuis  1860,  par  le  campanile  de 
l'horloge.  Un  double  contrefort  soutient  le  chevet  aux  angles. 

Les  murs  latéraux  étaient  percés  de  part  et  d'autre  d'une 
fenêtre  étroite  à  lancette  ;  ces  baies  ont  été  agrandies  et  trans- 
formées en  fenêtres  d'un  style  différent  ;  au  sud  à  l'époque  et 
dans  le  style  de  la  Renaissance,  et  au  nord  en  1880  dans  le 
style  du  xiii°  siècle. 


422  UNS    ÉGLISE    RUl'.ALE 

INTÉRIEUR 

Nef  principale.  —  La  nef  comprend  cinq  travées,  dont  les 
arcades  en  arc  brisé  sont  d'une  architecture  très  simple  ;  elles 
reposent  sur  d'épais  et  massifs  piliers  rectangulaires  n'offrant 
aucune  trace  de  sculpture  et  ne  portant  qu'une  large  moulure 
à  l'imposte;  en  outre,  chaque  arcade  est  surmontée  d'une 
fenêtre  assez  élancée  et  ébrasée  eu  arc  brisé. 

Les  fenêtres  hautes  ont  été  toutes  bouchées,  il  y  a  deux 
siècles  environ,  mais  celles  de  la  première  travée  près  du  tran- 
sept viennent  d'être  fort  intelligemment  rouvertes  en  1894  ; 
elles  rendent  une  lumière  fort  appréciable  dans  cette  partie  de 
l'édifice. 

Le  plancher  qui  recouvre  la  nef  dans  toute  son  étendue  a 
été  enduit  de  plâtre,  ainsi  que  plusieurs  parties  des  murailles 
disjointes  et  délabrées.  On  est  parvenu  ainsi  à  rendre  à  l'en- 
semble un  aspect  régulier  et  uniforme  '. 

Les  bas-côtés  n'ont  aucun  style  ni  décoration  ;  les  plafonds 
sont  également  enduits  de  plâtre  ;  ils  sont  éclairés  par  des 
fenêtres  symétriquement  disposées. 

Transept.  —  Le  carré  du  transept,  comme  le  croisillon 
nord,  est  voûté  d'ogive  avec  doubles  nervures  arrondies  repo- 
sant sur  des  faisceaux  de  colonnes  munies  de  chapiteaux,  la 
plupart  à  crochets-.  Entre  la  nef  et  le  transept  s'ouvre  une 
grande  arcade  en  liers-point,  garnie  de  plusieurs  tores  reposant 
sur  des  colonnes  avec  chapiteaux  gothiques. 

Ces  colonnes  tronquées  à  mi-hauteur  et  reposant  sur  des 
consoles  oui  été  refaites  en  1880,  lors  des  travaux  de  décora- 
lion  entrepris  par  la  maison  Bulteau,  de  Reims.  Un  crochet  se 
voit  encore  au  sommet  de  l'arc,  c'était  le  point  d'attache  du 
Christ  de  l'arc  triomphal,  reposant  au  bas  sur  la  poutre 
[trabes  doxalis)  fixée  à  la  hauteur  des  chapiteaux  et  qui  a 
depuis  longtemps  disparu. 

lia  voûte  du  croisillon  nord  est  semblable  à  celle  du  carré  du 
transept,  saufque  les  nervures  sont  simples  et  retombent,  deux 
sur  des  colonnes,  deux  sur  des  consoles  fort  simples.  Celte 

1.  Le  tou  cru  du  i)làlre  fsl  cepeudaiU  d'un  fâcheux  contraste  avec 
l'architecture,  et  à  notre  avis,  il  vaut  toujours  mieux  voir  la  pierre  des  murs 
qu'un  enduit,  de  même  qu'il  vaut  mieux  laisser  un  plancher  apparent  avec 
poutres  que  de  le  plafonner. 

2.  L'un  de  ces  chapiteaux  à  l'auf^le  du  chœur  et  du  croisillon  nord  oH're 
une  figure   bizirre  du  genre   de  celles  du  portail,  ce  qui  établit  clairemen  ' 

l'unité  de  conslciclion  de  l'édilice  entier. 


KC.I.ISK     1)1':     VILI.KlîS-DEVAXT-LE-TIIOUll 

J'Iiin    jiar    terre 


f.NK    EGLlSlC    RTR  M.K  'il?, 

voùle  menace  ruiue  vers  le  nord,  une  fissure  s'esl  produile 
réi-emment  à  sa  reuconlre  avec  le  piLînon  surchargé  au  som- 
met et  non  consolidé  à  la  base,  co-mmc  nous  l'expli.iuionsplus 
haut'.  Une  arcade  en  tiers-point,  repo-.-ml  sur  des  piliers 
ma=sifs,  faii  communiquer  le  carré  du  lran>epl  avec  le  croisil- 
lon nord. 

Le  croisillon  sud  communique  avec  le  carré  du  transept  par 
une  arcade  plus  élevée  cl  moins  massive,  qui  indique  le  point 
de  jonction  de  l'archilecturc  du  xin°  siècle  avec  celle  du  xvf . 
La  voûte  est  soutenue  par  des  nervures  qui  retombent  dans 
les  angles  des  murs  et  se  continuent  jusqu'à  la  base  sans 
colonuettes  ni  chapiteaux.  Les  deux  fenêtres  flamboyantes, 
percées  vers  Test  et  le  sud,  ont  gardéleur  encadrement  et  leurs 
lobes  ou  remplages  anciens,  sauf  à  la  fenêtre  qui  surmonte 
l'autel  dont  le  meneau  central  est  moderne. 

La  plus  jolie  décoration  de  cette  chapelle  est  la  piscine  qui 
se  voit  au  mur  latéral,  près  de  l'autel.  L'ouverture  de  la  niche 
est  surmontée  d'un  arc  eu  accolade  avec  sculptures  ajourées  et 
galerie  au  sommet.  Bien  que  certaines  parties  soient  mutilées, 
l'ensemble  a  gardé  son  aspect  d'élégance  et  reste  un  beau 
spécimen  de  la  dernière  période  gothique. 

Dans  son  état  actuel,  le  transept  sert  à  trois  divisions  :  le 
carré,  ou  partie  centrale,  est  occupé  par  le  choeur  contigu  à  la 
nef  et  bordé  de  stalles  sur  les  côtés  ;  le  croisillon  nord  forme 
une  chapelle  sous  le  vocable  actuel  de  iSaint-Remi- ;  le  croi- 
sillon sud  forme  une  autre  chapelle  sous  le  vocable  de  la 
Sainle-Vierge\  11  est  peu  probable  que  ces  destinations  soient 
jamais  changées,  car  elles  répondent  à  une  bonne  distribution 
de  l'édifice. 


1.  De  tolides  tirants  en  fer  sulûraient  peut-être  à  consolider  la  voùle  et  à 
maintenir  l'écartemenl  des  murs.  Il  y  aurait  lieu  aussi  de  faciliter  au  dehors 
récoulemenl  des  eaux  qui  depuis  longtemps  pénètrent  dans  les  fondations, 
Celle  recomuiandatiDn  était  di^jà  faite  en  1850,  lors  de  la  visite  de  TégUïe 
par  M.  Jean  Hubert,  inspecteur  des  monuments  historiques  du  déparle- 
menl. 

2.  li'ancien  vocable  était  celui  de  la  Sainte- Vierge,  suivant  le  procès 
verbal  de  1631  (voir  appendice  VII).  —  Le  vnaable  de  Saint-Uemi  est  tout 
moderne,  car  aulrtfois  ou  ne  donnait  jamais  le  vocable  du  palro:i  à  une 
chapelle  latérale,  l'uuiel  qui  lui  était  dédii;  étant  le  mailre-autel.  Ci;l  usa;<e, 
assez  répandu  de  nos  jours,  devrait  être  réformé  jiar  une  juste  reslilulion 
des  anciens  vocables  hiîtori()ues. 

3.  L'ancien  vocable  était  celui  de  Sainl-P'iacre,  dont  une  statue  moderne 
se  voit  encore  au  bas  de  la  nef,  ce  qui  jusiide  la  permanence  du  culte  de 
ce  saint  à  V'illers;   nous  o  ignorons  l'ori^^ino. 


424  UNE   ÉGLISE    RURALE 

Chevet.  —  L';  chevel  coatiaue,  sur  les  mêmes  proportions 
de  hauteur  et  de  largeur,  le  carré  du  transept  que  nous  venons 
de  décrire.  La  voùle  est  exactement  la  même,  sauf  la  clef  qui 
est  très  simple  au  transept  et  se  trouve  décorée  de  rosaces  et 
de  fleurs  de  lis  dans  l'unique  travée  du  chevet.  La  muraille  du 
fond  est  percée  d'une  rosace  gothique  dont  les  lobes  du  bas 
sont  masquées  par  un  haut  retable  du  xvii*  siècle  que  nous 
décrirons  plus  loin,  et  les  murs  latéraux  sont  percés  de  fenêtres 
à  un  meneau  décrites  à  l'extérieur.  Nous  devons  rappeler 
toutefois  la  gracieuse  décoration  sculptée  en  relief  sur  le  cintre 
de  la  fenêti'e  Renaissance  du  côté  de  l'Epitre  :  on  y  voit  des 
têtes  d'apôtres,  des  pointes  de  diamant,  des  qualrefeuilles  et 
des  têtes  d'anges  dans  .lulaut  de  compai  timents  formant  cais- 
sons. L'ne  double  ligne  de  filets  descend  sur  les  pieds  droits. 

fjC  chevet  presque  carré  forme  le  sanctuaire,  dont  l'autel  et 
f^on  retable  occupent  majestueusement  le  fond,  il  est  garni  sur 
les  côtés  de  boiseries  de  peu  d'élévation  qui  ne  cachent  aucune 
ancienne  décoration  gothique,  comme  arcature  ou  piscine.  Les 
murs  sont  absolument  nus,  comme  ou  l'a  constaté  lors  des 
réparations  exécutées  en  1880  Les  bases  des  colonnes^  ont  été 
alors  refaites  en  parfaite  conformité  avec  le  style  de  l'édifice, 
et  la  fenêtre  latérale  du  côté  de  l'Evangile  agrandie  comme  on 
la  voit  aujourdhui. 

Pour  mieux  juger  des  modifications  peu  importantes  opérées 
de  nos  jours  et  comparer  l'état  de  l'édifice  à  un  demi-siècle 
d'intervalle,  nous  donnons  ici  la  description  que  M.  Jean 
Hubert  écrivit  à  la  suite  de  sa  visite  d'inspection  en  !850.  A 
cette  époque,  sous  l'influence  des  idées  rénovatrices  en 
matière  d'art  et  de  retour  universel  à  l'architecture  gothique, 
l'autorité  administrative  et  l'autorité  diocésaine  s'émurent  de 
concert  en  vue  de  connaître  et  de  sauvegarder  tous  les  monu- 
ments dignes  de  fixer  l'attention  des  archéologues.  Les  églises 
de  village  furent  décrites,  et  des  travaux  utiles  entrepris  sur 
plusieurs  points  en  vue  de  consolider  les  plus  intéressantes. 
Ce  mouvement  si  heureux  s'est  continué  jusqu'à  nous. 

Voici  le  procès-verbal  qui  concerne  l'église  de  Villers- 
devant-le-Thour,  classée  dans  la  deuxième  catégorie  des 
édifices  du  déparlement  des  Ardennes  : 

«  Statistique  monumentale  du  département  des  Arden- 
nes. —  N°  II,  Monuments  historiques  'proprement  dits,  par 
M.  Jean  Hubert,  professeur  au  collège  de  Charleville,  mem- 
bre correspondant  de  l'Académie  de  Reims,  inspecteur  des 
raonumeuls  historiques  du  département. 


UNE    EGLISE   RURALE  425 

LVIII°,     -  Villers-devant-le-Thour. 

«  Eglise  de  style  ogival  du  XlIP  siècle.  La  nef,  les  tran- 
septs ',  le  chœur,  le  portail  et  la  tourelle  doivent  être  regardés 
comme  les  parties  importantes  du  monument. 

«  Celte  église  cousisle  en  une  nef  principale  à  cinq  travées 
ogivales,  reposant  sur  des  piliers  carrés  sans  ornenaents,  et  en 
deux  bas- côtés.  Les  petites  fenêtres  ogivales  quiéclairaientlanef 
ont  été  bouchées.  Deux  transepts  voûtés  en  ogive  avec  nervu- 
res arrondies.  Celui  de  droite  est  percé  d'une  belle  fenêtre  ogi- 
vale à  un  meneau.  Chœur  ogival  terminé  carrément;  nervures 
semblables  à  celles  des  transepts.  A  droite,  une  fenêtre  ogi- 
vale à  un  meneau  ^  Les  piliers  des  transepts  ont  été  mutilés. 
Ceux  du  chœur  sont  mullicolonnes  avec  chapiteaux  à  cro- 
chets ^  La  façade  de  cette  église  contenait  une  belle  fenêtre 
ogivale  à  meneaux  et  vitraux  peint?.  Toutes  les  sculptures  en 
ont  été  détruites.  On  remarque  encore  çà  et  là  quelques 
fragments  de  vitraux'*.  Portail  ogival  avec  voussures  à  bou- 
dins, reposant  sur  des  colonuettes  accolées  avec  chapiteaux  à 
figures  bizarres,  tels  que  guivres.  lézards,  etc.  Contreforts 
simples.  A  gauche  dj  l'abside,  une  tourelle  à  trois  pans, 
crénelée.  Le  portidl  est  en  fort  mauvais  état,  ainsi  qu'une 
partie  des  murs  et  des  contreforts".   » 

Depuis  le  passage  de  M.  Jean  Hubert,  des  travaux  d'assai- 
nissement ont  été  exécutés  en  1855  à  l'angle  du  transept  et  du 
bas-côté  nord,  et  l'on  a  remédié,  autant  que  possible,  à  l'aide 
du  ciment,  aux  efTets  de  l'humidité  sur  la  muraille  de  l'église 
qui  est  en  contre-bas  de  ce  côté.  Plus  tard,  en  I80O,  le  pignon 
du  chevet  et  ceux  des  transepts  furent  consolidés  ou  refaits  en 
partie.  Les  murs  des  nefs  latérales,  les  toitures,  la  façade  vers 
l'ouest  occasionuèreut  aussi  de  fréquentes  réparations.  Le 
clocher  nécessita  une  réfection  entière,  comme  nous  le  relate- 
rons au  chapitre  qui  le  concerne.  Enfin,  en  1875,  eu  1880  et 

1.  M.  Jean  Hubert  qua'ifie  ainsi  les  bras  du  transept  ou  croisillons. 
L'église  de  Villers  n'a  qu'un  seul  transept. 

2.  Erreur,  c'est  une  fenêtre  de  la  Renaissance. 

3.  Ces  chapiteaux  ont  été  réparés  lors  de  l'enlèvement  des  hautes 
boiseries  en  I88O. 

4.  Nous  pensons  que  les  débris  de  vitraux  anciens  qu'a  vus  M.  Jean 
Hubert  provenaient  des  fenêtres  hautes  de  la  nef  et  avaient  été  employés  à 
vitrer  la  giaude  baie  du  portail.  Ces  débris  ont  tous  disparus  lors  de  la 
pose  du  vitrage  actuel  vers  1835. 

5.  Travaux  de  V Académie  de  Reims,  1853,  t.  XVII.  p.  258-59. 


420  UNE    ÉGLISE    BUKAI.E 

eu  1894,  riiilérieur  fui  assaini,  réparé  el  embelli  à  laide  de 
legs  ou  de  crédits  imputés  sur  les  res.'^ources  de  la  Fabrique. 
L'avenir  réalisera  d'autres  améliorations,  nous  eu  avons 
Tassurance,  et  elles  s'annoucenl  avec  un  caractère  d'urgeuce 
lanl  au  portail  qu'au  croisillon  nord.  Mais,  là  comme  ailleurs, 
il  conviendra  de  ne  rien  détruire  à  la  légère,  de  maintenir  les 
sculptures  anciennes  qui  pourront  être  sauvées,  el  de  se  sou- 
venir que  les  vieux  monuments  ont  la  vie  dure  lorsqu'on  sait 
les  enlreleuir  au  moment  voulu  dans  leurs  parties  essentielhs, 
les  toitures  el  les  fondations.  Point  n'est  besoin  alors  de  beau- 
coup d'argent,  mais  de  beaucoup  de  soius  et  de  précautions. 


(Jhapii'ke     V 

Mobilier  et  œuvres  d'art  des  églises  de  Villers 
et  de  Juzancourt. 

Si  haut  que  Ton  remonte  dans  le  passé,  on  rencontre  des 
œuvres  d'ail  exécutées  pour  les  églises  rurales.  Le  culte,  à  cel 
égard,  n'a  cessé  de  provoquer  eu  tous  lieux  une  émulation 
féconde  pour  le  développement  du  travail  artistique  el  sa  pro- 
tection. Les  procès -verbaux  de  visile  du  xv^siècle  nous  ont 
montré  la  présence,  dans  nos  modestes  églises,  de  vases 
et  d'ornements  qui  devaient  avoir  quelque  valeur.  Au  xvi" 
siècle,  nous  avons  trouvé  trace  de  la  confection  d'une  œuvre 
de  sculpture  sur  bois,  dans  le  goût  de  la  Renaissance,  et  les 
termes  du  marché  nous  renseignent  sur  ce  que  devait  être  celte 
clôture  du  chœur  '. 

Au  xvii*^  el  au  xviii'^  siècles,  bien  i|ue  l'on  dédaigne  ou  que 
l'on  détruise  trop  souvent  les  plus  belles  productions  de 
l'époque  gothique,  on  s'ingénie  à  produire  des  œuvres  remar- 
quables-. Ce  sont,  eu  particulier,  des  autels  avec  retables  gar- 

1 .  Le  9  sepleuibre  1541,  devaul  Jacques  Aiifiier  : 

«  Gobia  Terre,  menuisier  ù  Reiciis,  marchande  à  Jelian  lieuvry,  aussi 
menuisier  à  Reims,  de  faire  par  icelluy  Terre  la  clausiue  du  cueur  de  l'église 
de  Villers  devant  le  Tour,  selon  qu'elle  ett  baslie  par  ledit  Beuvry,  et  icelle 
faire  selon  le  devis  de  moderne  et  lasson  fiançoiàe  dont  ledit  Terre  dit  eslre 
certain  ...  à  rendre  pour  le  jour  de  Nol  prochain,  moyeuu'  110  sols  tour- 
nois. Et  ledit  Beuvry  sera  tenu  de  la  nourriture  dudit  Terre.  »  (Minutes  de 
M"  Mandrcn,  notaire  à  'Reims.  Voir  l'appendice  II.) 

2.  Le  12  mars  1786  :  «  La  Fabrique  de  la  paroisse  de  Villers-devant-ie- 
Thour  a  aussi  un  revenu  honnête  el  plus  que  sullisant  pour  le  strict  néces- 
saire, comme  il  paraît   par  les  -einbélissemens  qui  se  font  depuis  quelques 


UNE    EGLISK    RUH\[.K  /l27 

nis  de  colonnes  que  l'on  iuslalle  en  tous  lieux.  Ou  embellit 
ainsi  les  chœurs  avec  une  véritable  profusion  de  marbres,  et 
on  les  entoure  de  lambris  en  meuuiseiie.  Ces  derniers  sont 
confectionnés  le  plus  souvent  sur  place,  par  d'habiles  artisans 
dont  les  noms  se  transmet  lent  avec  honneur  dans  le  mèrai^ 
métier,  au  cours  de  plusieurs  générations  '. 

I.  —  Église  de  Villers. 

Autels.  —  Le  maîlrc-aulel  est  eu  marbre,  daus  le  style  de 
la  tlu  du  xviii^  siècle,  avec  gradins  aussi  en  marbre-  ;  il  est 
surmoulé  d'un  tabernacle  eu  bois  sculpté,  qui  peut  dater  de 
la  même  époque  \  Au-de?sus  s'élève  un  vaste  retable  plus 
ancien,  construit  vers  la  fiu  du  xvii*  siècle  ou  au  commence- 
ment du  suivant,  et  qui  existait  certainement  en  1722,  comme 
le  constate  un  procès-verbal  de  visite ^  Les  bases  sont  en 
pierre,  avec  des  plaques  de  marbre  noir  appliquées  sur  toute 
la  devanture  ;  les  quatre  colonnes  en  marbre  veiné,  de  2 
mètres  de  hauteur,  sont  munies  de  chapiteaux  corinthiens; 
elles  supportent  un  large  entablement  que  dominent  deux 
vases  de  Heurs  sur  les  côtés,  et  au  milieu,  un  socle  portant 
une  statue  de  la  Sainte  Vierge.  Deux  riches  consoles  avec  tètes 
de  chérubins  garnissent  les  angles  latéraux,  et  le  tableau  qui 

années  dans  l'église  dudil  lieu  et  par  ceux  qui  sont  encore  en  projets.  M.  1j 
curé  de  Villers  me  mande  que  par  le  moyen  de  l'industrie  cl  de  l'économie, 
il  est  parvenu  à  procurer  à  la  fabrique  de  son  annexe  de  Juzancourt  un 
revenu  fixe  de  100  livres  au  moins.  »  Lettre  de  M.  Desoize,  curé  de  Sévi- 
guy  et  doyen,  à  M.  Vabhé  de  Coucy,  vicaire  général  du  diocèse,  à  Reims. 
(Archives  de  I^eims,  Fonds  de  l'Archevêché,  Visites,  Doyenné  de  Sainl- 
Germainmont.) 

1.  »  Etat  (les  travaux  de  menuiserie  à  faire  dans  les  chapell<  s  de  la 
Vierge  et  de  Saint-Fiacre  de  l'église  de  Saint-Remy  de  V'illers-devant-le- 
Thour,  fourni  par  Jean-Bapliste-Joseph  Gérard,  menuisier  audit  lieu.  » 
{Archives  des  Ardennes,  série  G.  "2(52.  Portefeuille  de  1625-1787.  Cf. 
Inventaire-Sommaire,  t.  IV,  p.  98.) 

2.  Ces  marbres  sont  fort  beaux  et  proviennent  d'une  église  détruite  de 
Reims,  où  ils  oui  été  acquis  par  le  curé  Nicolas  Dumonl,  vers  17U2,  d'un 
marbrier  nommé  Hermaun,  et  au  prix  de  450  livres.  Registre  dts  délibéra- 
tions de  la  Commune  de  ViiUrs-devanl-le-rhour,  séance  publique  du  21 
oivôse  au  II. 

3.  Le  tabernacle  était  accompagné,  sur  les  cô.iés,  de  panneaux  en  bois 
sculptés  avec  attributs  eu  relief  ;  ces  panneaux  ont  été  enlevés  eu  188'',  po'  r 
rendre  visibles  les  plaques  de  marbre  noir  du  retable. 

■'i .  «  Le  maître-autel  est  de  marbre  en  colonnes,  le  tableau  représente  une 
descente  de  la  Croix;  il  y  a,  aux  deux  côtés,  deux  statues  en  relief...  » 
Le  tableau  a  été  changé  et  les  statues  récemment  supprimées,  mais  l'ordon- 
uance  principale  est  restée  intacte.  Voir  l'app'ndice  VIF,  \'isile  de  1722. 


428  UNE   ÉGLISE   RURALE 

occupe  le  centre  du  retable  est  entouré  d'une  frise  d'ara- 
besques à  la  partie  supérieure,  et  de  guirlandes  de  fleurs  et  de 
fruits  retombantes  de  part  et  d'autre.  Dégagé,  en  1880, 
des  portes  latérales  et  des  statues  de  saint  Rémi  et  d<].  saint 
Pierre  qui  les  surmontaient,  restauré  du  haut  en  bas  et  doré 
sur  les  parties  saillantes,  ce  bel  ensemble  a  retrouvé  tout  son 
éclat  et  ne  masque  plus  désormais  en  rien  l'architecture 
gothique  dont  il  se  détache. 

En  même  temps  que  l'on  réparait  le  maître- autel,  on  abais- 
sait les  Loi^el■ies  qui  obstruaient  la  partie  inférieure  des 
fenêtres  latérales,  et  leurs  panneaux  conservés  étaient  reposés 
avec  un  soin  minutieux,  par  un  habile  menuisier  nommé  Fré- 
déric Gérard,  descendant  des  menuisiers  du  même  nom 
qui  avaient  décoré  l'église  depuis  plus  d'un  siècle. 

Les  autels  latéraux,  eu  marbre,  de  style  Louis  XVI,  avec 
gradins  aussi  en  marbi'e,  sont  identiques  ;  ils  on',  été  sur- 
montés de  retables  en  pierre,  lors  des  récentes  restaurations 
des  chapelles,  l'ans  la  chapelle  du  sud,  le  retable  offre  les 
scènes  en  relief  du  Mariage  de  la  Vierge  et  de  la  Fuite 
en  Egypte.  Auparavant,  des  retables  eu  bois,  avec  deux 
pilas^lres  et  un  tableau  dans  'c  milieu,  étaient  appliqués  à  la 
muraille  au-dessus  de  chacun  d'eux.  Cette  menuiserie,  qui 
datait  de  1830  environ,  a  disparu  par  suite  de  l'ouverture  des 
fenêtres,  qui  a  rendu  plus  de  jour  aux  chapelles,  en  même 
temps  qu'elle  leur  rendait  leur  aspect  primiliL 

Décoration  murale,  titraux.  —  Une  décoration  murale, 
complète  et  conforme  au  style  des  différentes  parties  de  l'édi- 
fice, a  été  exécutée  par  la  maison  Bulteau,  d'abord  dans  le  croi- 
sillon sud,  en  1875,  pui*,  eu  1880,  dans  le  chœur,  le  sanc- 
tuaire et  le  croisillon  nord.  Les  lignes  de  l'appareil,  les 
nervures,  les  chapiteaux  et  les  clefs  OLt  reçu  un  ton  sobre 
relevé  de  quelques  dorures  ;  la  voûte  du  sanctuaire  est  peinte 
en  bleu  avec  un  semis  d'étoiles.  Sauf  dans  le  croisillon  nord, 
où  l'humidité  de  la  paroi  vers  l'est  a  nui  aux  couleurs,  toutes 
les  parties  ainsi  embellies  gardent  leur  décoratio'.  intacte,  et 
la  garderont  longtemps  encore  probablement. 

Une  ancienne  décoration  murale,  dont  les  traces  ont  apparu 
lors  des  restaurations  en  1880,  existait  dans  le  sanctuaire  et  la 
chapelle  du  nord,  aux  voûtes  et  sur  les  murs.  Nous  y  avons 
distingué  çà  et  là  des  fragments  de  litres  funèbres  et  des  cor- 
dons d'arabesques  d'un  Ion  jaune.  Aucune  scène  avec  person- 
nage n'a  été  remise  au  jour,  et  aucune  portion  découverte  ne 
pouvait  être  conservée.  Il  n'y  a  trace  actuellement,  nulle  part 


l'jra. 
•■elde 

■  m. 


UNE   ÉGLISE    RURALE  429 

daus  l'église,  des  aucieus  vitraux  qui  l'ont  certaiuemout 
embellie  jadis. 

Les  vitraux  modernes,  qui  s'harmonisent  si  bien  avec 
les  peintures  murales,  ont  successivemsnt  de  nos  jours  rem- 
placé les  verres  blancs  daus  toutes  ks  fenêtres  du  chevet  et 
du  transept  :  daus  le  sanctuaire,  la  rosace  a  reçu  des  dessins 
eu  feuillages  ;  la  fenèlre  du  côte  de  l'Evangile  offre  les  figurer 
eu  pied  du  Christ  et  de  1 1  Vierge  ;  la  ienètre  du  côté  de  l'Epitre, 
cellt'S  de  saint  Vincent  cl  de  i-aint  Eloi  ;  —  dans  la  chopelle  de 
Saint-Hemi,  la  fenêtre  latérale  renferme  la  figure  eu  pied  du 
patron',  et  la  fenêtre  qui  surmonte  l'autel,  trois  médaillons 
avec  des  scènes  de  la  vie  du  menu  saint  ;  —  dans  la  chapelle 
de  la  Sainte- Vierge,  la  fenêtre  latérale  présente  la  scène 
de  l'Annonciation,  et  la  fenèlre  qui  surmonte  l'autel,  celle  du 
Couronuement  de  la  Vierge-. 

Les  fenêtres  des  nefs  latérales  n'ont  que  des  encadrements 
avec  mosaïques  eu  couleurs  ;  la  fenêtre  du  fond  de  la  nef  n'est 
qu'un  simple  vitrage  du  plus  mauvais  goût,  et  que  1  on  désire 
voir  remplacer  par  une  restitution  de  l'ancienne  fenêtre  ;  le 
lyn)pan  du  portail  devrait  être  restitué  à  la  place  de  l'oculus 
représentant  la  Vierge  à  la  chaise.  Enfin,  les  deux  fenêtres 
hautes  de  la  nef,  rouvertes  en  1894,  ont  reçu  une  grisaille  favo- 
rable au  pas-age  de  la  lumière  dans  cette  partie  trop  assombrie 
de  l'édifice. 

l^ubleaux.  —  Le  maître- autel  est  surmonté  d'un  tableau 
représentant  la  Sainte-Trinité,  d'après  le  célèbre  tableau  attri- 
bué au  Guide,  qui  se  trouve  actuellement  dans  l'église  Saint- 
Jacques  de  Beims  :  on  y  voit  le  l^ère  Eternel  au  sommet,  la 
colombe  au-dessous,  fi.urant  le  Saint-Esprit,  et  plus  bas,  le 
Christ  en  croix  adoré  par  deux  Ang^s  (Toile  H.  2'".  L.  I'"(i5), 
Une  bordure  de  marbre  uicadre  ce  tableau  qi^e  l'on  dit,  sans 
preuve  à  l'appui,  provenir  de  l'ancienne  abbaye  de  La  Valroy  ^  ; 
il  remplace  l'ancien  tableau  du  retable  qui  représentait  la  Des- 
cente de  la  Croix,  enlevé  sans  doute  à  la  Révolution.  La  pein- 

1.  Œuvre  d'uu  peintre  verrier  rémois  liés  connu,  M,  Marquant- Vogel. 
CeUe  viire  conlient  au  bas  l'image  du  donateur,  M.  Jules  Prillieux,  avec  la 
date  du  8  mai  1864,  qui  est  ci  lie  de  sa  première  communion. 

2.  On  lit  au  bas  cette  légende  en  l- tires  goihiques  :  Aliare  B.  M.  T.  ex 
volo  leslameiili  D.  Anuœ  Fr  Hub.  Ag'ae  VwUcincl,  auno  R  S  1873.  Elle 
rappelle  le  legs  fait  à  l'église  par  M'"  Vuillomet,  détédée  en  1873,  en  vertu 
duquel  la  cliapelle  entière  fui  reslaurée,  la  fenêtre  rouverte  cl  la  toiture  do 
la  saciiâlie  relaite  en  terrasse  avec  balustrade  en  pierre, 

3.  Slaihl.qnc  de  la  paroisse,  par  M.  l'abbé  Tarpin. 


4oO  UAE    ÉCil.lSl!;    RIRALIC 

lure  aclutlle  a  élé  rctlaurée   en   1850,   par  M.   Beilhier,  do 
Kelhel,  peintre  el  pholographe  à  Paris. 

Les  aulels  latéraux  étaient  également  surmoulés  de  tableaux, 
celui  de  la  Saiute-Vierge,  par  une  Annonciation,  toile  moderne 
qui  a  disparu  depuis  les  restaurations  de  la  chapelle,  et  celui 
do  saint  Rémi,  par  une  scène  du  Baptême  de  Clovis,  toile 
signée:  Rève-l'ersetal  pinxit,  1830.  copiée  sur  le  même  sujet 
peint  par  Abel  de  Pujol,  à  la  cathédrale  de  Reims.  Cette  copie 
du  peintre  rémois  sera  replacée  dans  l'église,  après  une  res- 
tauration habilement  fcUle  sur  placo,  en  1894,  par  M'""  la 
baronne  de  Gourj  uilt,  née  Gabrielle  Prillieux.  (H.  l'"SO. 
L:  1'"45). 

La  même  main  vient  de  restaurer  et  de  rendre  leur  coloris 
aux  sept  grands  tableaux  modernes  avec  cadres  dorés,  qui 
sont  suspendus  de  part  et  d'autre  dans  la  nef  principale  :  La 
Traiisfiguraiion,  Jésus  parmi  les  Docteurs,  Dation  des  clefs  à 
saint  Pierre,  Le  Christ  servi  par  les  Anges  ^  Le  Mariage  de  la 
Sainte  Vierge  et  L'Assomption^.  Le  septième  tableau  est  un 
Clirisi  en  Croix,  suspendu  en  face  de  la  chaire  et  signé 
au  bas  :  V.  C happe  à  Rethel,  1843 -. 

Un  tableau  ancien,  probablement  de  l'Ecole  flamande, 
également  restauré  avec  soin,  représentant  Y  Adoration  des 
Bergers  (Toile,  H.  I"\  L.  l'"2Û),  se  voit  au  bas  de  la  nef  laté- 
rale nord,  encastré  dans  le  retable  en  menuiserie  moderne  qui 
décore  la  chapelle  des  Fonts  baptismaux. 

Dans  les  bas  côtés,  se  trouvent  les  quatorze  Stations  du 
Chemin  de  la  Croix,  qui  sont  de  grandes  images  en  papier 
peint,  et  que  l'on  se  propose  de  remplacer  par  autant  de 
tableaux  confiés  au  pinceau  de  M.  Namur,  artiste-peintre, 
à  Reims. 

Statues.  -  L'église  ne  possède  aucune  autre  statue  ancienne 
que  celle  de  la  Vierge.,  qui  surmonte  le  retable  du  maître  autel; 
encore  a-t-elle  été  mutilée  et  refaite  en  partie.  Parmi  les  sta- 
tues modernes,  trois  seulement  sont  en  pierre,  celles  de  la 
chapelle  sud,  sainte  Anne,  saint  Joachim  et  la  Vierge  portant 
V Enfant- Jésus,  bonne  copie  d'uu  tj'pe  du  xvi°  siècle,  conservé 
dans  l'église  de  'J'roispuits   (Marne)..  Une  autre  statue  de  la 

1 .  Cessix  tableaux, copiesd'œu\res  originales  du  Louvre cld'autres  musées, 
ont  été  donnés  a  l'église  en  1847,  par  M"'"  Gabrielle-Louise  Prillieux,  veuve 
de  M.  Jean-Baptisle  Prillieux.  (H.  2''30  env.  L.  r'30.) 

2.  Don  de  M.  et  M""  Jadart-Leroy  au  moment  de  leur  mariage. 
(H.  2".  L.  l"  env.) 


UM-;    KtiLISli    KUHALIC  /l 'j  | 

Vierge  cl  les  ^laines  de  saint  Rinii  el  de  sainL  Joseph,  daus 
la  chapelle  nord,  celles  de  ^ai^i^  Marc  ci  &q  sabU  Fiacre,  au 
bas  de  la  nef  principale,  el  celles  de  saint  R.och  el  de  sainte 
Philomèiie,  près  des  Fonl?  bapli^m-'iux,  sonl  loules  en  phUre 
cl  sans  valeur,  ■:;  'x)  'y-- 

Deux  anciennes  slalues  en  bois,  provenant  de  l'église,  une 
Vierge  et  un  saiat  Rémi,  œuvres  du  xvn^  siècle,  sont  conser- 
vées chez  M"""  la  baronne  de  Gourjaull.  Notons  enfin  les  deux 
débiis  des  slalues  en  bois  de  l'arc  Iriomphal,  encastrés  dans  la 
muraille  de  la  grange  de  la  maison  Marby,  à  la  sortie  du  vil- 
lage, sur  la  route  du  Thour,  et  une  statue  de  saint  Eloi,  au 
pignon  d'un  bâtiment  de  la  maison  de  M.  Fossier,  près  le 
cimetière. 

Chaire.  —  La  chaire,  œuvre  moderne  de  menuiserie,  est 
due  au  ciseau  d'un  sculpteur  de  Rethel,  Chappe,  dont  le  nom 
est  connu  dans  les  ans  '. 

Elle  offre  les  figures  des  quatre  Evaugélistes  sur  les  faces  de 
la  cuve,  un  panneau  décoratif  au  dossier  et  des  têtes  d'anges 
ailés  sur  l'abat- voix.  On  lit,  sur  une  petite  plaque  de  cuivre 
fixée  ta  l'un  des  pans  inférieurs,  celle  inscription  avec  la  date  : 
Don  fait  à  l'église  par  Jean  Vuillemet,  ancien  greffier  du  Tri- 
bunal de  Rethe/,  et  Anne-Françoise-Hnherte-Aglaé  VuillemeC, 
enmcinoire  de  Anne- Marie-Nicole- Kuberle-Caroline  Vuille- 
viet,  leur  éiiouse  et  mère,  décédée  à  Villers  le  1 0  septembre  \^k\ . 
—  Août  1843. 

Pacês.  —  Le  pavé  du  sanctuaire  est  en  marbre  à  comparti- 
ments de  nuances  variées,  formant  des  figures  géométriques 
absolument  semblables,  comme  dessin,  aux  dalles  du  sanc- 
tuaire de  la  cathédrale  de  Reims,  provenant  de  l'ancienne 
église  Sainl-Nicaise.  Il  est  possible  qu'une  semblable  prove- 
nance puisse  être  attribuée  aux  dalles  du  sanctuaire  de 
Villers,  car  les  marbres  du  maitre-autel  ont  été  acquis,  avec 
des  marbres  de  pavés,  vers  1792,  par  le  curé  Nicolas  Dumonl, 

1.  Des  chaires  de  la  même  main  et  du  même  dessin  se  voient  dans  les 
églises  de  Saint-Fergeux  el  de  THôpital  général  de  Relhel.  —  L'ancienne 
chaire  daluit  de  1786.  Ci'.  D.dibération  du  bureau  de  la  Cabiique  de  Villers- 
devant-le-Thour,  rclalive  à  la  décoration  des  chapelles  de  l'église  dudil 
lieu,  et  à  certains  changements  à  l'aire  dans  l'église  pour  y  établir  une  chaire 
ilécenle  et  commode,  le  8  jeuvier  1780.  [Archives  déparlenierilales  des 
Ardennes,  G.  287.  Inventaire  sommaire,  suppténr.cnt  à  la  séri^^  G.  Clergé 
séculier,  p.  113.) 


432 


UNE    EGLISE   RURALE 


à  un  marbrier  de  Reims  liommé  Hermann,  comme  nous 
l'avons  déjà  relaté  plus  haut  '. 

Le  chœur  et  les  chapelles  sont  pavés  en  dalles  anciennes, 
taillées  en  losange  et  allernalivemeut  noires  ou  blanche-. 

La  nef  a  reçu  un  pavé  en  pierre  de  Tonnerre,  du  même 
g(nre  que  celui  du  chœur,  en  ISGa-,  et  les  basses  nefs  ont  été 
récemment  dallées  (1880)  de  pavés  en  céramiques  d'un  dessin 
analogue. 

L'ancien  pavé  des  nefs  était  semblable  à  Cfluiqui  se  liouvc 
encore  sous  les  bancs  dans  toute  réleuilut;  de  i'éi^lise  ;  il  est 
formé  de  l'assemblage  de  carreaux  rouuGrs  en  lu'ie  cuiic.  do 
0'"19  de  côtés.  On  voit  encore,  dans  la  S'-"  rangée  des  banc-,  à 
gauche  en  entrant  par  le  portail,  un  de  ci's  ptvés  sous  la  tra- 
verse d'un  bine,  lequel  porte,  en  caractères  tracés  avaul  Li 
cuisson,  la  date  et  le  nom  du  fabricant  : 


Sous  les  bancs,  du  côié  opposé,  à  divers  endroits  et  particu- 
lièrement sous  la  chaire,  on  trouve  des  pavés  d'un  grain  plus 
blanc,  presque  de  mêmes  dimensions,  qui  uflrcnt  des  dessins 
variés,  les  uns  avec  une  fleur  de  lis  fleuronnée,  d'autres  avec 
un  cœur,  d'autres  avec  un  calice,  une  ou  p  usieurs  clefs,  etc., 
elc'.  Il  était  bon  de  signaler  ces  vestiges  d»  la  fabrication  de 
carrelages  au  xvn"  siècle,  dan- le  genre  et  comme  une  s..i:e 
des  carreaux  vernissés  du  moyen  âge. 

Sacristie  et  objets  divers.  —  La  sacristie,  lambrissée  dans 
tout  son  pourtour  vers  18G0,  ne  contient  aucun  objet  d'art,  ni 
parmi  les  ornements,  ni  dans  les  va-es  sacrés,  .\otons  seule- 


1.  Le  marbrier  Hermann  est  celui  qui  Iransféra  en  l"92,  à  Noire- Damci 
les  paves  de  Saint  Nicaise.  Histoire  et  descriplion  de  No<rc-Dam\  de 
I  cims,  par  l'abbé  Cerf,  1861,  t.  Il,  p.  256. 

2.  Travail  exécuté  par  le  marbrier  Godarl-Cba  naran  le,  de  Helhtl,  aa 
prix  de  368  i'r.  40,  payés  par  M""  Jadart- Leroy. 

3.  Ces  pavés  avec  figures  ont  été  dessinés  en  "8"l,  \)iv  M.  l'abbé 
A.  Chevallier,  membre  de  la  Société  française  d  anli^olugic,  cjui  a  cx'oulé 
aussi  un  plan  et  différentes  vues  de  l'église. 


UNE   ÉGLISE    RURALE  43!^ 

ment  La  présence  d'un  bas  d'aube  en  ancienne  guipure,  que 
Ton  répare  eu  ce  niomenl.  Notons  aussi  le  don  d'un  ciboire  et 
d'uu  calice  dorés,  par  J\I.  et  M'"'^  Saintive-Bardin,  en  1838,  et 
le  legs  d'un  calice,  par  M.  l'abbé  Pbilippot,  originaire  du  lieu, 
décédé  curé  de  Louvois  (Marne). 

■  La  grille  du  sanctuaire  est  en  foute  ;  les  lampes  et  les  gar- 
nitures d'autels,  croix  et  chandeliers  sonl  également  modernes  ; 
il  reste  cependant  quatre  paires  de  chandeliers  en  cuivre 
argenté,  dans  le  style  du  dernier  siècle,  qui  méritent  de  ne  pas 
être  négligés.  L'église  ne  possèJe  pas  de  chandelier  pascal.  — 
Un  lustre  en  cristal,  suspendu  dans  le  chœur,  a  été  donné  par 
M""^  Prillieux-Am  Stein,  en  18Li4.  et  d'autres  lustres,  dans 
la  nef,  ont  été  offerts  depuis  par  plusieurs  oersounes. 

IL  —  Église  de  Juzancourt. 

Rien,  dans  l'architecture  de  ce  petit  édifice,  ne  peut  être 
utilement  indiqué  à  l'archéologue,  si  ce  n'est  le  portail  du 
xiii"  siècle  qui.  bien  que  mulilé,  est  intéressant  en  lui-même 
et  par  sa  ressemblance  avec  celui  de  Villers,  Sur  le  tympan,  on 
dislingue  nettement  une  croix  pallée  peinte  dans  un  cercle, 
trace  possible  de  la  bénédiction  ou  de  la  consécration  de 
l'église,  en  tout  cas  fort  curieuse  décoration  du  moyen- âge, 
qui  doit  être  préservée  de  toute  altération  dans  les  travaux 
d'embellissement  qui  seraient  entrepris  dsns  l'avenir. 

A  l'intérieur,  tout  vestige  ancien  a  disparu.  Signalons  l'au- 
tel en  marbre  noir,  qui  date  de  la  Restauration  ;  la  grille  en 
fer  forgé,  d'un  bon  modèle,  qui  clôt  le  sanctuaire  ;  et  une  sta- 
tuette en  bois  de  V Ëcce  Homo,  œuvre  assez  fine  de  sculpture, 
qui  se  voit  sur  une  console  au  bas  de  la  nef.  près  des  fonts 
baptismaux.  Tout  le  reste  est  moderne,  sauf  deux  tableaux  ^ 

L'église  possède  un  tableau  que  l'on  peut  attribuer  à  Jacques 
Wilbault  ;  il  vient  d'être  replacé  au  côté  droit  de  la  nef  et 
réparé.  (Toile  :  H.  l"'3o.  L.  1"'85).  La  scène,  de  forme  ovale, 
représente  la  Guérison  de  r Aveugle  né,  avec  de  nombreux 
personnages  :  le  Cbritt,  vêtu  d'une  robe  rouge  et  d'un  manteau 
bleu,  a  la  main  droite  pendanle  et  la  gauche  appliquée  sur 
l'œil  de  l'aveugle,  agenouillé  à  ses  pieds  ;  on  voit  un  groupe  de 
trois  apôtres  debout,  assi-iaul  à  la  guérison,  sur  la  gauche: 

1 .  Un  chemin  de  la  Croix  en  terre  cuite  polychrome  a  été  installé  et 
bénit  dans  l'église  de  Juzancourt,  en  i892,  par  \J.  l'abbé  lioze,  curé  de  Vil- 
1ers,  et  M.  l'abbé  Bocquillon,  doyen  d'Asfeld. 

28 


434  UNE    ÉGLISE    KUKAI.E 

saint  Pierre,  la  main  sur  la  poiirinc,  est  placé  derrière  l'aveugle  ; 
une  femme  debout  soutient  ce  dernier,  ti^ndis  qu'une  autre 
femme,  tenant  un  enfant,  est  assise  en  avant.  Le  coloris  est 
assez  bon,  mais  les  figures  s'altèrent,  et  l'ensemble  aurait 
besoin  dune  prompte  et  habile  restauration. 

Un  autre  tableau,  appartenant  à  la  fabrique  de  Juzancourt, 
est  déposé  au  presbytère,  dans  une  chambre  du  haut. 
C'est  un  panneau  en  bois  (H.  0'"85.  L  0"'65),  offrant  une 
peinture  de  la  fin  du  xvi"  ou  du  xvno  siècle,  avec  son 
cadre  sculpté  de  cette  époque.  Il  représente  saint  Jérôme  dans 
le  costume  de  cardinal  et  entouré  des  attributs  et  des  livres 
qui  accompagnent  ordinairement  ce  docteur  de  l'église.  La 
peinture  est  écaillée  par  endroit,  mais  la  tête  du  personnage 
est  intacte  et  fort  belle  de  coloris  et  d'expression  ;  le  cadre  a 
souffert  aussi,  et  pour  restaurer  le  tableau,  il  faudrait  une 
main  d'artiste.  Mieux  vaut  le  conserver  en  cet  état,  mais  le 
replacer  dans  l'église. 

Chapitre    VI 
Le  clocher,  les  cloches  et  l'horloge. 

Nous  avons  distrait  la  description  du  clocher  de  celle  de 
l'église  parce  qu'il  forme  un  hors  d'œuvre  distinct  de  l'archi- 
tecture de  l'édifice'.  Les  t'ois  cloches,  acquises  en  1828  aux 
frais  de  la  commune,  ainsi  que  l'horloge  posée  en  1860  sur  le 
chevet  par  l'autorité  municipale,  méritaient  également  une 
description  spéciale  et  un  court  historique  intéressant  pour  la 
localité. 

Le  clocher  est  une  construction  en  charpente  de  la  base  au 
sommet,  élevée  probablement  au  début  du  xvi°  siècl-)  sur  la 
première  travée  de  la  nef  contiguë  au  transept.  Nulle  trace  ne 
subsiste  dans  les  combles  d'une  tour  centrale  qui  aurait  sur- 
moulé le  carré  du  transept  et  servi  de  clocher  au  moyen  âge. 
La  nef  n'a  pas  supporté  davantage  de  tour  à  l'une  ou  à  l'autre 
de  ses  exlrémités  :  on  voit,  en  effet,  à  l'intérieur  de  l'étage 
campanaire,  le  pignon  ancien  qui  présente  la  moulure  où  la  toi- 
ture de  la  nef  prenait  naissance  avant  la  c.  instruction  du  clocher 
actuel.  Avant  lui,  sans  doute  durant  les  xiii°,  xiv**  et  xv^  siè- 
cles, il  y  avait  une  simple  arcade  en  pierre  offrant  des  baies  à 

1.  Il  a  déjà  été  question  du  clocher  au  point  de  vue  de  sa  construction 
dans  le  chapitre  I,  et  sa  descriptio»  entraînera  forcément  ici  à  quelques 
répétitions. 


UNE    ÉGLlSli    KUIÎALE  435 

jouf  pouf  couleiiii'  les  cloches,  alors  beaucoup  moius  fortes 
qu'où  ue  L'S  a  faites  depuis. 

Quoiqu'il  eu  soit  du  clocher  primitif,  celui  que  nous  voyons 
a  été  élevé  avec  une  certaine  hardiesse  que  signale  au  loin  sa 
haute  flèche  accompagnée  à  l'origine  de  quatre  clochetons 
supprimés  dès  la  fin  du  siècle  dernier  ^  Il  repos  3  à  l'intérieur 
de  l'église  sur  quatre  gigantesques  pièces  de  bois  de  8'"o0  de 
hauteur  -.  11  est  carré  à  sa  base  jusqu'à  une  hauteur  de  S^SO 
sur  une  largeur  de  o  mètres  :  l'étage  campanaire  est  compris 
à  cet  endroit  au  milieu  de  solides  poutres  enchevêtrées.  La 
flèche  s'élève  au-dessus  à  la  hauteur  de  19  mètres,  et  la  croix 
qui  la  surmonte  avec  le  coq  peut  atteindre  4  mètres.  Par  con- 
séquent, du  sommet  jusqu'au  sol,  la  distance  est  de  40  mètres 
environ. 

La  base  et  l'étage  campanaire,  percé  d'ouïes  géminées  et 
trilobées  sur  chaque  face,  sont  restés  à  peu  p"ès  sur  leurs 
assises  et  dans  leurs  formes  primitives,  mais  la  flèche,  qui 
penchait  assez  fortement  déjà  vers  le  sud,  dut  être  refaite 
presque  en  entier,  avec  les  anciens  bois  et  de  nouveaux,  à  la 
suite  d  '  graves  dégâts  causés  parla  foudre  vers  1872.  L'incli- 
naison fut  corrigée  et  la  masse  rétablie  sur  son  axe,  mais  il 
fallut  de  longues  tentatives  et  s'y  prendre  à  plusieurs  reprises 
pour  asseoir  et  couronner  la  flèche  entière  avec  la  solidité 
qu'elle  a  maintenaut\  Une  nouvelle  croix  eu  fer  fut  posée 
avec  un  coq  doré  de  fortes  dimensions  formant  girouette,  La 
commune  assuma  une  lourde  dépense  par  cette  suite  de  tra- 
vaux qui  ne  furent  entièrement  terminés  que  vers  1878,  mais 
l'œuvre  était  heureusement  finie  et  pourra  durer  plus  d'un 
siècle  si  la  foudre  n'y  éclate  de  nouveau.  On  a  négligé  d'instal- 
ler un  paratonnerre  sur  cette  flèche  si  aiguë,  comptant  sur  la 
Providence  pour  en  écarter  désormais  tout  fléau  et  tout 
danger  *. 

1 .  Signalons  comme  types  analogues  les  clochers  de  Gomonl  et  d'Aire, 
et  les  anciens  clochers  de  Balham  et  de  Blanzy. 

2.  CeUe  charpente,  assez  grossièrement  équarrie,  fut  eu  18y4  rendue 
moins  massive  et  peinte  en  rapport  avec  la  décoration  du  chœur. 

3.  Ce  fut  un  habile  charpentier,  nommé  Lacaille,  qui  opéra  ce  te 
reconstruction.  Il  venait  d'élever  le  clocher  d"Evergnicourt  (Aisne)  sur 
d'élégantes  proportions.  11  mourut  subitement  au  cours  des  travaux  qu'il 
avait  entrepris  à  Villers. 

4.  On  vient  d'installer  a  la  cathédrale  de  Laon,  si  exposée  par  sa 
hauteur  sur  la  montagne  au  feu  du  ciel,  un  nouveau  système  de  paraton- 
nerre sans  pointe  de  fer,  mais  avec  de  simples  boules  en  cristal  reliées  par 
des  tiges. 


436  UNE   ÉGLISE   RURALE 

Le  clocher  entier  est  recouvert  en  ardoises  ;  il  en  est  de 
même  aujourd'hui  des  toitures  de  la  nef,  du  transept  et  du 
chevet  qui  l'étaient  autrefois  en  tuiles.  Seuls,  les  bas-côtés  ont 
conservé  l'ancienne  couverture. 

On  accède  au  clocher  en  dehors  de  l'église  par  l'escalier  à 
vis  en  pierre  que  contient  la  lour-elle  à  trois  pans  contruite  au 
XIII*'  siècle  dans  l'angle  du  chevet  et  du  croisillon  nord  ^  Au- 
dessus  de  la  porte  de  celte  tourelle,  on  voit  une^pelile  ouver- 
ture ronde  percéii  dans  la  pierre  sur  un  plan  incliné,  elle  a  la 
largeur  et  la  dimension  indiquant  une  meurtrière  suffisante 
pour  braquer  un  canon  de  fusil  au-dessus  de  l'entrée.  Deux 
autres  meurtrières,  percées  plus  haut,  servent  de  lucarnes 
pour  éclairer  l'escalier.  La  partie  supérieure  de  la  tourelle  et 
sa  toiture  n'ont  été  achevés  qu'en  l86o. 

Les  combles  n'offrent  aucune  particularité  pour  l'architec- 
ture du  monument  ;  on  y  marche  pour  entrer  au  clocher  sur 
les  voûtes  du  chevet  dont  la  maçonnerie  en  blocailles  devrait 
être  préservée  par  un  plancher.  Nous  avons  relevé  de  nom- 
breuses mentions  écrites  sur  les  murailles  à  toutes  les  époques 
et  successivement  effacées.  Il  n'en  reste  pas  d'antérieures  au 
xviii®  siècle.  Voici  quelques  noms,  même  modernes,  avec  les 
dates  qui  les  accompagnent  et  pourront  parfois  servir  de  point 
4e  repère  : 

Ou  lit  au  jambage  de  la  porte  du  croisillon  sud,  à 
gauche  en  entrant  :  Jaonnes  Ludoricus  Marteau,  clerc,  1722. 
—  Jean  Louis  Lajoie,  Garçon,  1742.  —  Antoine  Lapie,  1809. 
On  lit  sur  la  droite  :  Court- Mathieu,  sonneur  en  \%i'^,  âgé  de 
Z2  ans.  On  lit  autour  de  la  lucarne  du  même  croisillon.:  Jean 
Louis  Creteau,  1718.  —  N.  de  Soize,  1737.  —  Jean  François 
Paillon,  1759. 

On  lit  à  gauche  de  l'entrée  du  clocher  sur  le  montant  de 
l'ouverture  :  lEAN.  GOVLIN.  A.  ETE.  SONEVR,  22. 
AN.  ni?.  M...  ANNE.  Ces  lettres  sont  fort  bien  gravées 
et  régulières.  Au-dessus  on  lit  :  Eugène  Alliaume  a  été  cher- 
ché le  coque  le  18  septembre  1848. 

Enfin  à  la  lucarne  qui  surmonte  le  portail  se  voit  la  date  de 
1793,  et  plusieurs  noms  postérieurs,  entre  autres  celui  de 
Jean-Antoine  Court.  Ce  sont  surtout,  on  le  voit,  les  sonneurs 
et  les  maçons  ou  charpentiers  qui  ont  laissé  la  trace  de  leur 
passage.  Rien  n'indique  plus  les  noms  des  veilleurs  qui  firent 

1 .  Nulle  trace  d'ancien  escalier  inoalant  au  comble  n'est  visible  dans 
l'intérieur  de  l'église. 


UNE    ÉGLISE    RURALE  437' 

certainemeolle  guet  durant  les  guerres  des  xvi°  et  xvi^'  siècles, 
époque  où  l'édifice,  transformé  en  forteresse,  fut  assailli  et 
criblé  de  balles  dont  il  reste  quelques  traces  aux  pignons  vers 
l'est  et  le  nord. 

En  ce  qui  concerne  les  anciennes  cloche?,  nous  ne  pouvons 
remonter  plus  haut  que  l'année  1(>92,  où  le  procès-verbal  de 
visite  relate  la  présence  de  «  trois  cloches  ».  Le  queslionnaire 
de  1774  mentionne  «  que  le  clocher  est  en  bon  état,  mais  que 
la  plus  grosse  cloche  est  cassée,  sans  que  la  communauté 
surchargée  de  frais  puisse  y  pourvoir  '  ».  La  Révolution  vint 
qui  ne  laissa  qu'une  cloche  des  trois  qui  survivaient  alors,  et 
celle  unique  cloche  fut  brisée  sous  l'Empire  et  refondue  eu 
18t)8-.  Ce  fut  un  fondeur  habile  qui  fit  Topéralion  sur  place, 
dans  les  terrains  de  Vaudoux,  d'après  la  tradition.  Mais  le  son 
monotone  d'une  cloche  unique  déplaisait  aux  habitants,  on 
lui  adjoignit  une  petite  cloche  dont  l'accord  fut  plus  désagréa- 
ble encore. 

Aucun  document  ne  rapporte  malheureusement  les  inscrip- 
tions des  anciennes  cloches,  ni  de  la  nouvelle  refondue  en  1808. 
Cette  dernière  fut  remplacée  à  son  tour  en  1828,  par  trois 
cloches  d'un  bel  accord  rappelant  les  harmonieuses  sonneries 
d'autrefois  que  l'on  regrettait  toujours  ^.  Il  fallut  de  longs 
pourparlers  pour  aboutir  à  celle  triple  fonte  et  eu  trouver  les 
ressources  sur  le  budget  municipal  obéré  par  les  charges  de 
l'invasion  et  les  autres  dépenses  de  la  commune  *.  Les  fon- 
deurs avec  lesquels  on  s'aboucha  furent  MM.  Bague  et  Che- 
vresson,  associés,  qui  avaient  alors  une  usine  dans  l'arrondis- 
sement de  Vouziers  où  ils  fournirent  de  nombreuses  cloches  ', 


1 .  Voir  aux  appendices  VII  et  IX, 

2.  Registre  des  délibérations  municipales,  15  mai  18l37, 1°  20,  «  Refonte  de 
la  cloche,  cassée  d'une  manière  à  ne  plus  pouvoir  sonner;  on  doit  la  refon- ' 
dre,  c'était  le  vœu  de  tous  les   habitants,  et    le  maire  est   autorisé  à  traiter 

avec  les  ouvriers  en  ce  genre 

Une  somme  de  600  fr.  est  portée  au  budget  de  1808  pour  cet  etl'et  ». 

3.  Les  cloches  actuelles  donnent  l'accord  la,  sol,  fa.  Elles  pèsent  ensem- 
ble 2,200  kilogrammes,  le  poids  prévu  n'avait  été  que  de  1,670  kilogrammes. 
—  Le  prix  prévu  était  de  2,700  francs  et  la  dépense  totale  réelle  s'éleva  à 
3,780  fr.  90. 

4.  Délibération  municipale  du  11  mai  1826  :  «  Dépense  de  3  cloches  à' 
faire,  la  plus  forte  de  750  kilogrammes  et  les  deux  suivantes  pour  former  la 
tierce,  à  porter  au  budget  de  1827  ».  —  a  Les  cloches  nouvelles,  au  nombre 
de  trois,  coûtent  d'après  le  marché  convenu  2,700  francs,  elles  doivent  peser 
ensemble  le  poids  de  1,670  kilogrammes.  »  (F°"  2  et  3  du  registre  D  7.) 
as.  Sur  les  fondeurs  Chevresson  et  Bague,  voir  Les  Ins'jrip'ions  anciennes 


438  TINK    ÉGLISE    UUKALE 

Ce  fut  de  là  que  les  trois  cloches  furent  amenées  sur  des 
chariots  et  aussitôt  bénites  et  montées  au  clocher  \  Voici  les 
inscriptions  qui  se  lisent  sur  chacune  d'elles  et  la  décoration 
qui  les  accompagne  : 

I.  —  Grosse  cloche,  du  poids  de  900  kilogr.,  de  1"'12  de 
diamètre  et  de  hauteur  avec  les  anses. 

-|-  L'an  1828,  j'ai  été  bénite  par  M""  Massé,  prêtre,  curé  du 
CANTON  d'Asfeld;   j'ai   eu  pour   parrain    Mr  Jean-Baptiste 

PRILLIEUX,  maire  de  la  commune  de  ViLLERS-DEVt-LE-THOUR,  ET 
POUR  MARRAINE  DAME  NiCOLE-LOUISE  PRILLIEUX,  SON  ÉPOUSE;  ON 
m'a  imposé  le  nom  DE  LOUISE  EN  PRÉSENCE  DE  M'  BARDIN, 
ADJOINT,    ET    DE    M''*     PHILiPPOT,    CeLLIER,     LACAILLE,    WILMET, 

Caurette,  Cuissart,  Bonnet,  Poncelet,  Druart  et  Brodeur, 

TOUS  MEMBRES  DU  CONSEIL  MUNICIPAL.  —  CHEVRESSON  ET  BaGUE, 

fondeurs. 

Course  de  feuillages  eu  guirlande  sous  l'inscription.  Figures 
du  Christ  en  croix,  de  la  Sainte  Vierge  avec  l'Enfant  Jésus  et 
de  saint  Rémi,  f^a  croix  est  fleuronnée,  deux  tètes  d'ange  sous 
les  pieds  des  deux  autres  figures. 

II.  —  Moyenne  cloche,  du  poids  de  750  kilogr.,  de  1  mètre 
de  diamètre  et  de  hauteur  avec  les  anses. 

-j-  L'an  1828,  j'ai  été  bénite  par  M'  Massé,  prêtre,  curé  du 
CANTON  d'Asfeld;  j'ai  eu  pour  parrain  Jean-Charles  Bardin, 
adjoint   a  la   mairie   de    Villers-dev'-le-Thour^    et    pour 

MARRAINE  D"^  MarIE-NICOLLE  BARDIN,  SA  FILLE  AI.NÉE  ;  ON  M'A 
IMPOSÉ  LE  NOM  DE  MARIE-MCOLLE  EN  PRÉSENCE  DE  M""  PRILLIEUX, 
MAIRE  DE  LA  COMMUNE,  ET  DE  M''*  PhILIPPOT,  CELLIER,   LaCAILLE, 

WiLMET,  Caurette,  Cuissart,  Bonnet,  Poncelet,  Druart  et 
Brodeur,  tous  membres  du  Conseil  municipal  —  Chevresson 
et  Bague,  fondeurs. 

Même  décoration  et  mêmes  figures  que  sur  la  grosse  cloche. 
Saint  Rémi  tient  la  Sainte-Ampoule. 

III.  —  Petite  cloche,  du  poids  de  550  kilogr.,  de  0'"92  de 
diamètre  et  de  hauteur  avec  les  anses. 

de  l'arrondissem  ni  de  Vouziers,  par  le  D"'  Vincent;  Reims,  1892, 
pp.  33,  113,  447. 

\.  Elles  furent  montées  de  l'iulérieur  de  l'église  dans  le  clocher  à  travers 
une  trappe,  ouverture  qu'on  a  recouverte  de  plâtre  en  1894.  — La  cérémonie 
de  la  bénédiction  fut  faite,  non  par  ^L  Massé,  curé  doyen  d'Asfeld,  comme 
l'indiquent  les  inscriptions,  mais  par  M.  Vasselier,  curé  de  Saint-Germain- 
mont.  Le  curé  de  Villers,  M.  Bucquoy,  venait  de  mourir  et  son  successeur, 
M  Franqu  t,  n'était  pas  encore  installé.  Nous  devons  ce  renseignement  aux 
souvenirs  très  précis  du  plus  ancien  chantre  de  la  paroisse,  M.  Tellier,  qui 
assistait  au  baptême  des  cloches  en  qualité  d'enfant  de  chœur. 


UNE    ÉGLISE    RUUALE  439 

■f  L'an  1828,  j'ai  été  bénite  pas  M>  Massé,  prêtre,  curé  du 

CANTON  D'ASFELD,  j'aI  EU  POUR  PARRAIN  M""  JEAN-NICOLAS  PRIL- 
LIEUX,  FILS  DE  M"  J.-B^'^  FRILLIEUX,  MAIRE  DE  LA  COMMUNE  DE 
VILLERS-DEV'-LE-THOUR,  et  POUR  MARRAINE  DAME  MaRIE-JEANNE- 
AMARENTE  SOUEF,   ÉPOUSE  DE   .VF  J.-N"  PRILLIEUX,    ASSISTÉ  DE   M' 

Nicolas-Theophile  Prillieux,  leur  fils;  on  ma  imposé  le  nom 
d'Amarente,  en  présence  de  M-^"  J.-B'»  Prillieux,  maire, 
Bardin,  adjoint,  Fhilippot,  Cellier,  Lacaille,  Wilmet,  Cau- 
rette,  Cuissart,  Bonnet,  Poncelet,  Druart  et  Brodeur, 
tous  membres  du  Conseil  municipal.  —  Chevresson  kt  Bague, 
fondeurs. 

Même  décoraliou  que  sur  les  aulres  cloches,  figures  du 
Christ  en  croix,  de  la  Sainte  Vierge  et  de  saint  Nicolas. 

La  chronique  des  cloches  forme  l'une  des  pages  les  plus 
atlrayautes  de  l'histoire  de  chaque  localité.  Nous  n'avons  pas 
relaie  ici  tous  les  détails  que  nous  avons  recueillis  concernant 
celles  de  Villers,  les  réservant  pour  une  publication  d'ensem- 
ble sur  les  cloches  de  toutes  les  communes  du  canton 
d'Asfeid. 

Tout  en  servant  aux  sonneries  religieuses  et  civiles,  les 
cloches  étaient  jadis  utilisées  presque  partout  comme  tim- 
bres pour  des  horloges  d'une  fabrication  assez  grossière, 
mais  très  résistante.  On  voit  encore  dans  les  combles  le  méca- 
nisme en  fer  d'une  de  ces  anciennes  pièces  construites  sur  place 
et  entretenues  par  les  serruriers  du  pays.  Il  reste  trace  dans 
les  délibérations  municipales  des  réparations  qui  y  furent  faites 
en  160G  par  un  serrurier  de  Chàleau-Porcien,  Reneuf,  très 
habile  ouvrier  qui  se  distingua  par  ?es  beaux  ouvrages  en  fer 
forgé,  nolarnmeul  la  grille  de  l'église  de  Thour  et  plusieurs 
croix  de  chemin  \  Un  crédit  sp  .-cial  du  budget  pourvut  ensuite 
chaque  année  à  la  conduite  et  réparation  de  l'horloge  remise 
en  mouvement".  Le  moment  vint  toutefois  où  le  vieil  appareil 
refusa  le  service,  et,  après  une  assez  longue  interruption,  la 
commune  décida  en  18G0  Tachai  d'une  nouvelle  horloge  en 
cuivre,  pourvue  de  tous  les  appareils  d'un  outillage  perfec- 
tionné. Elle  fut  fournie  par  M.  Auguste  Calame,   horloger  à 

1 .  2  novembre  1806,  séance  du  Conseil  municipal  :  «  Le  Conseil  a  déli- 
béré qu'il  était  de  loute  nécetsité  de  réparer  rhorloge  le  plutôt  [lossibl-, 
aUeudu  le  besoin  urgent  qu'eu  ont  les  habitans,  en  canséqueace  nous  auto- 
risons M.  le  Maire  de  traiter  au  nom  de  la  commune  avec  le  sieur  Heneuf", 
de  Cbâleau-Porcien,  et  d'en  payer  le  pris  sur  les  deniers  communaux.  » 
(Registre  des  délibéralions,  ISOtJ,  f»  19.) 

2.  Budget  de  1S09.  Article  pour  la  conduite  tt  répaiation  de  l'borlo^e  : 
^Q  tr.  (Registre  dts  délibérations,  f°  21.) 


440  UNE   ÉGLISE   RURALE 

Relhel,  el  installée  dans  un  local  aménagé  contre  le  pignon 
du  chevet. 

La  dépense  fut  d'autaut  plus  élevée  que  l'on  installa  dans 
un  campanile  eu  fer  une  sonnerie  spéciale,  distincte  des  cloches 
de  l'église  et  pourvue  de  trois  timbres  pour  les  quarts  et  d'une 
petite  cloche  pour  l'heure.  C'est  sur  cette  dernière  que  nous 
appelons  particulièrement  l'atlention,  car  elle  est  l'ancienne 
cloche  de  l'hôlel  de  ville  de  f3onchery  (Ardennes)  et  un  beau 
spécimen  de  la  tabrication  du  xvi'^  siècle.  Elle  fut  acquise, 
comme  l'horloge,  de  M.  Calame,  qui  la  tenait  de  l'admmistra- 
lion  municipale  de  Doncheiy,  assez  peu  soucieuse  des  souve- 
nirs historiques  pour  laisser  dépouiller  la  ville  d'un  de  ses 
litres  de  noblesse.  Heureusement,  la  cloche  d'un  échevinage 
urbain  échut  à  une  municipalité  rurale  intelligente  qui  voudra 
la  conserver  à  l'abri  des  risques  de  nouvelles  pérégrinations. 
Le  son  en  retentit  au  loin.  Elle  mesure  à  la  base  0"'68  de 
diamètre  et  0'"6r)  de  hauteur  avec  les  six  anses  et  le  massif 
central  qui  la  couronne.  On  trouve  à  l'intérieur  l'attache  pour 
un  battant,  ce  qui  prouve  sou  emploi  primitif  de  cloche  mise 
en  volée.  Le  bronze  est  d'une  forte  épaisseur  el  recouvert 
d'une  belle  patine  verte  ;  on  lit  au  sommet,  en  une  seule  ligne 
et  sur  une  bande  de  0"'04,  une  inscription  en  lettres  gothiques 
minuscules  fort  nettes  et  bien  venues,  ainsi  conçue  : 

JE  SUIS  LA  CLOCHE  BANNALE 
DE  LA  VILLE  DE  DONCHERI  SUR  MEUSE 

Au  bas  de  la  panse,  se  trouvent  deux  rangées  de  filets, 
l'une  de  trois,  l'autre  de  deux,  qui  forment  avec  le  texte  toute 
la  décoration  de  ce  petit  monument.  La  date  y  manqu;î  mal- 
heureusement, mais  il  est  certain,  d'après  les  caractères, 
qu'elle  peut  être  fixée  à  la  première  moitié  du  xvi*  siècle,  au 
plus  tard  au  second  tiers.  C'est,  en  tout  cas,  une  cloche  gothi- 
que, la  seule  qui  existe  actuellement  dans  le  canton  d'Asfeld  \ 

Pas  plus  que  la  vieille  horloge  en  fer,  l'horloge  moderne  ne 
fut  à  l'abri  des  réparations,  et  il  fallut  en  1883  confier  à  un 
horloger  de  Paris  la  retouche  du  mécanisme  qu'il  opéra  avec 
un  plein  succès.  Un  nouveau  cadran  fut  posé,  en  même  temps 
que  Ton  restaurait  toutes  les  murailles  du  chevet. 

L'église  de  Juzancourt  ne  possède  pas  d'horloge,  et  son 

1 .  L'Hôtel  de  Ville  de  Rethel  conserve  sa  cloche  banale  et  ses  deux 
timbres  fondus  sur  place  en  1513.  Voir  la  notice  publiée  sur  cette  fonte, 
d'après  les  comptes  de  la  ville,  par  M.  Henri  LacaïUe,  dans  la  Revue  de 
Champagne  et  de  Brie,  l891. 


UNE   ÉGLISE   BtIRALE  iif' 

oeffroi  ue  conlient  plus  qu'une  cloche,  bien  que  la  place 
vacante  d'une  seconde  y  soil  conservée.  Elle  avait  été,  en 
effet,  pourvue  de  deux  cloches  au  début  du  dernier  siècle, 
grâce  au  legs  d'un  curé  de  Villers',  et  nous  avons  reproduit, 
d'après  les  registres  parois^iaux,  le  procès-verbal  de  bénédic- 
tion du  17  juin  17 15". 

La  cloche  actuelle  mesure  0"'72  de  diamètre  à  la  base,  et 
porte  cette  inscription  en  une  seule  hgne  au  sommet,  sans 
indication  du  fondeur  : 

LAN  DE  G.   1809  lAI  ETE 

BENITE    PAR    M.    BUQUuY 

D.   LA  PAROISSE  DE  lUZANCOURT 

A  LAQUELLE  lAPPARTINES  [sicY 

ET  lE  ME  NOMME  MARIE 

La  panse  est  décorée  de  plusieurs  tigures  moulées  :  le 
Christ  en  croix  avec  la  Madeleine  au  pied  et  deux  lèies  d'anges 
sur  les  côtés,  la  Sainte  Vierge  portant  l'Enfant  Jésus,  saint 
Pierre  tenant  une  croix  à  double  traverse,  entin  le  chiffre  IHS 
inscrit  dans  une  large  croix  fleurdelisée. 


Chapitre    VII 

Anciennes  inscriptions  des  églises  de  Villers  et  de 
Juzancourt,  principales    épitaphes    de   leurs   cimetières. 

Les  recueils  d'épitaphes  sont  partout  en  honneur,  et  on  les 
entreprend  avec  profit  pour  l'histoire,  dans  les  moindres  vil- 
lages comme  dans  les  capitales*.  Nous  allons  donc  interroger 
les  moindres  fragments  que  recèlent  nos  églises,  fragments 
d'autant  plus  précieux  qu'ils  sont  moins  nombreux,  et  nous 
emprunterons  de  même  aux  cimetières  quelques  renseigne- 
ments fort  utiles  à  noter  pour  l'avenir. 

1 .  L'épitaphe  de  Maître  Pierre  Vuilcq,  curé  de  Villers,  mort  le  29  sep- 
tembre 1714,  fait  mention  du  legs  de  400  livres  qu'il  ûl  «  pour  la  seconde 
cloche  de  Juzancourt  ».  {Inscription  fixée  sur  la  gauche  du  chœur  de 
l'église  de  Villers-devanl-le-Thour.) 

2.  Voir  l'appendice  X,  à  l'article  de  Juzancourt,  sous  la  date  de  1715. 

3.  Mot  estropié  pour  j'appartiens. 

4.  Epitaphier  du  vieux  Paris,  par  Emile  Raunié,  dans  l'Histoire  géné- 
rale de  Paris,  suite  de  forts  vol.  in-i»  avec  illustrations,  t.  I,  Paris,  1890, 
Imp.  Nationale,  et  t»  II,  Paris,  1893,  ibidem. 


442  UNE    ÉGLISE    RURALE 

I.  —  Église  et  Cimetière  de  Villers. 

Au  mois  d'août  18S0,  on  découvrit  sous  les  slalles  du 
chœur,  au  cours  des  réparations  que  l'on  exécutait  alors,  deux 
morceaux  d'une  grande  dalle  lumulaire  du  xiv^  siècle,  en 
pierre  calcaire  rlauche.  (i^'"  morceau,  H,  l'"12.  L.  l'"30. 
—  2«  morceau,  H.  l'^lO.  L.  O'"9o.)  Le  milieu  apparut  sans 
figure,  avec  une  simole  croix  tt,  sur  la  bordure,  quelques  por- 
tions seulement  d  une  légende  incomplète  courant,  tout  autour, 
en  lettres  gothiques  et  onci  dus,  que  nous  avons  pu  lire  ainsi  : 

LI  :  ....  N  S  :  MÂHIS  :  DAME  X  : 
QVi  :  TRESPA  SA  :  EN  :  LAN 
DE  :  GRACE  :  M  :  CGC  :  V  : 
LE  XIVIT  :  SALNT  :  BERNABE 

Cette  dalle  se  trouvait  probablement  complète  dans  le  milieu 
du  chœur,  et  aura  été  brisée  et  sciée  pour  servir  d'assises  aux 
stalles,  lors  de  la  pose  du  pavage  en  losanges  au  siècle  dernier. 

A  la  même  date,  en  1880,  dans  les  débris  amoncelés  der- 
rière le  maître-autel  et  dans  les  angles  du  chevet,  on  mit 
au  jour  cinq  fragments  d'une  pierre  tombale  du  xvii»  siècle,  en 
marbre  noir,  incomplète  auSîi,  malheureusement,  mais  très 
lisible  et  facile  à  reconstituer  dens  son  ensemble,  sauf  la  date 
finale'. 

On  y  trouve  l'épi'aphe  d'un  curé,  Nicolas  Nivard,  originaire 
de  ViUers,  dont  le  nom  même  était  oublié,  parce  qu'il  avait 
exercé  son  ministère  avant  la  tenue  des  registres  paroissiaux, 
dans  la  première  moitié  du  xvii*'  siècle.  Nous  en  reproduisons 
le  teste  ci-contre,  comme  étant  désormais  le  seul  témoignage 
d'une  épitaphe  disparue. 

Au  bas  du  texte,  on  voyait  également  gravés,  d'un  côté, 
une  petite  croix,  deux  os  et  une  tète  de  mort  et,  de  l'autre 
côté,  un  écusson  ovale  entouré  de  deux  branches  de  feuillage, 
portant  sur  le  champ  de  l'écu  un  cœur  enflammé  en  pointe  et 
une  étoile  en  chef,  séparés  par  un  chevron  (le  milieu  brisé), 
avec  une  devise  autour  de  l'écu,  en  lettres  majuscules  incom- 
plètes, laissant  lire  seulement  :  CO[R] MA  LAVDAN6.  On 

peut  conjecturer  que  celte  devise  pouvait  être,  soit  Cor  œterna 
laudans,  soit  Cor  litmina  liudans^  par  allusion  au  cœur 
enflammé  et  à  l'étoile  de  ce  blason  rustique. 

1.  Ces  fragments,  rapprochés  avec  soin,  auraient  dû  être  fixés  à  ud  pilier 
ou  encaBtrés  daus  le  pavé,  mais  ils  turent  négligés  trop  longtemps  et  sont 
aujourd'hui  perdus.  ^ 


UNE    ÉGLISE    RURALE  443 


CyGist-Venerable 

etDiscrette-Per- 
sonnk-Mre   Nicolas 

NlVARD-EN-SON-VIVAiNT 

P^^    GVRE.    ET'NaTIFDE 

CELIEV-  LeQVEL-A-TENV 

LA-CHAIRE-DE-CErTTE    Egl] 

ise-l'espace-de 

MOVRVT-LE  18  DV   [mOIs] 
DE    SKPons    Priez 
POVR  SON  AmI^e] 

16  4... 


EPITAPHE    DE    NICOLAS    NIVARD 

Marbre  noir  (H.  0'"ô5  —  L.  0"'3i\ 


Une  seconde  épilaphe,  celle  de  Pierre  Vuilcq,  aussi  curé  du 
lieu,  était  conservée  sans  place  fixe  dans  l'église,  car  elle 
avait  dû  faire  partie,  comme  la  précédente,  du  pavage  du 
sancluaiie  et  eu  avait  été  extraite  pour  faire  place  au  riche 
dallage  actuel.  Elle  a  été  appliquée,  à  deux  mètres  de  hauteur, 
au  pilastre  qui  sépare  le  sauctuaire  du  croisilloû  sud,  et  pourra 
demeurer  eu  sûreté  à  cet  endroit.  Sou  texte  est  assez  instruc- 
tif parles  détails  qu'il  douue  sur  diverses  fondations  et  lar- 
gesses. 


444' 


UNE   EGLISE  RURALE 


A  LA  GLOIRE  DE  DIEV 

CY  GIT  VENERABLE  ET  DISCRETTE  PERSONNE 

MAITRE  PIERRE  VVILCQ  PRÈTRE-CVRE 

DE  CETTE  EGLISE  PAROISSIALLE  QV'IL  A 

GOVVERNE  LESPACE  DE  46  ans  AVEC 
VN  ZELE  VRAYEMENT  PASTORAL  IL  EST 

DECEDE  LE  ?0»  T'^^e  1714  AGE  DE  71 
ANS  IL  A  FONDE  A  PERPETVITE  8  MESSES 

BASSES  DE  REQVIEM  SCAVOIR  QVATRE 

EN  CETTE  EGLISE  LES  MERCREDIS  DES  4 

TEMPS  DE  LANNEE  &  QVATRE  EN  LEGLISE 

DE  JVZANCOVRT  LES  VENDREDIS  DES 

DITS  4  TEMPS  SVIVANT  LES  ACTES  QVI 

EN  ONT  ESTE  FAITS  AYANT  LAISSE 

POVR  CETTE  FONDATION  LA  SOMME  DE 

200  LL.  II  A;AVSSY  LEGVE  POVR  BATIR 

LA  SACRISTIE  DE  CETTE  EGLISE  300  LL. 

&  400  LL.  POVR  LA  SECONDE  CLOCHE 

DE  JVZANCOVRT. 

PRIEZ  POVR  LE  REPOS 

D[E  SON  AME] 


ÉPITAPHE    DE    PIERRE    VUILCQ 

Marbre  noir  (H.  0™6û  —  L.  0">38). 


UNE   ÉGLISE   RURALE  44 0 

Ces  trois  épitaphes  sont  les  seules  inscriplious  que  nous 
ayons  rencontrées  dans  liulérieur  de  l'église.  Au  dehors,  les 
murailles  offrent  çà  et  là  quelques  mentions  dont  la  principale, 
relative  à  la  construction  des  nefs  latérales  eu  IGO'o,  a  été 
reproduite  plus  haut.  G"est  au  croisillon  sud,  au  dessous  de  la 
fenêtre  flamboyante  de  la  chapelle  et  sur  le  pourtour  des  con- 
treforts, qu'apparaissent  les  dates  et  les  noms  les  plus  sail- 
lants ;  notamment  on  y  lit,  eu  lettres  gothiques  du  xvi'=  siècle  : 

pries  issy  pas  séant 
Dieu  pour  les  trespassés 

Puis,  eu  écritures  mélangées  et  à  iGtcrvalles  irréguliers  : 

Fixe  le  roy  Charles,  1572  (?) 
Vive  le  roy  Henri. 
Vive  le  roi  Louis  '. 

Nous  avons  déchiffré  aussi  ces  simples  noms  :  Pierre 
Bourge....,  lb5o.  —  Icon  Becost.  —  L.  IVDA.  —  QuenrAn...., 
sans  parler  des  noms  frustes  en  très  grand  nombre,  et  des 
croix  de  formes  diverses  marquant  des  sépultures.  Il  n'y  avait 
pas  de  monuments  dans  les  cimelières,  les  parents  se  con- 
tentaient de  tracer  le  nom  du  défunt  avec  une  croix  sur 
le  mur  voisin. 

Sur  le  côté  droit  de  la  même  chapelle  flamboyante,  on  voit 
enfin,  gravé  assez  nettement  et  d'une  main  habile,  un  écusson 
du  xvi"  ou  du  XVII''  siècle,  portant  un  chevron  accompagné  de 
trois  meubles  indéterminés,  fers  de  lance,  oiseaux  ou  trèfles  (?). 
Au  contrefort,  les  traces  d'un  cadran  solaire  soni  encore  très 
visibles  avec  chiffres  arabes. 

Le  cimetière  entoure  l'église  sur  toutes  ses  faces  et  forme 
un  enclos  assez  vaste,  où  les  inhumations  ont  eu  lieu  de  temps 
immémorial-.  Aucun  monumenlancien  ne  s'y  rencontre,  et  nul 
vestige  n'est  apparu  da  s  les  fouilles,  à  notre  connaissance,  qui 
soit  à  signaler  pour  l'étude  des  sépultures  du  moyen-âge.  On 
ne  peut  y  chercher,  par  couséquenl,  que  des  souvenirs 
contemporains  dan-  les  noms  et  les  dates  qui  se  hseut  sur  les 
monuments  de  plus  en  plus  nombreux  élevés  par  la  piété 
recouuai.-rsaute  des  familles.  Il  serait  impossible  de  les  énu- 

■I.  11  peut  s'agir  de  Char'es  IX,  de  Hcuri  IV  et  de  Louis  XIII,  d'après  les 
caraclères. 

2.  L'église  et  le  cimetière  iigurent  sous  les  n"  243  et  214  de  la  section  D 
du  plan  cadastral  pour  uue  superficie  de  24  ares;  l'église  seule  pour 
5  ares  76. 


446  UNE    ÉGLISE   KURALE 

mérer  ;  uous  uous  Loruous  aux  plus  sailliuls  parmi  les 
personnes  notables  et  les  bienfaiteurs  de  la  commune. 

Des  deux  côtés  du  portail,  se  dressent  deux  croix  en 
fer,  assez  remarquables  ;  celle  de  droite,  signée  DAIRE,  1848, 
porte  répitaphe  de  Remi-Jacques  Caurette,  décédé  le  8  janvier 
1848,  àVâgede  'H^ans;  celle  degauche, signée  F.  P.  PHILIPPE 
RENEUF^ET  SON  FILS,  1817,  porte  l'épitaphe  de  Paul- 
Alexandre  Carlier,  propriétaire,  ancien  maire  et  chirurgien, 
décédé  le  \^  juillet  1816,  âgé  de  11  ans^. 

En  avant  du  portail,  sépulture  de  la  famille  Saintive-Bardin, 
où  se  lisent  les  noms  de  Jean-Charles  Bardin,  ancien  maire, 
décédé  le  6  avril  18S8,  dans  ^a  81"  année ,  —  de  Ponce- Achille 
Saiîitive,  licencié  en  droit,  cultivateur,  décédé  le  29  septem- 
bre 1885,  et  des  parents  de  ce  dernier, —  Félix-Antoine  Sain- 
live,  ancien  maite,  chevalier  du  Mérite  agricole,  décédé  le 
28  juin  1894,  dans  sa  80"  année  ;  —  son  épouse,  Marie-Fran- 
çoise Bardin,  décédée  le  16  août  1892,  dans  sa  82*^  année. 

Sur  le  côté  nord,  ou  voit  la  tombe  de  Pierre-Louis-Vincenl 
■  Brimont,  curé  de  Sécheval  [Ardennes),  décédé  le  1 1  avril  1859  ; 
près  de  la  porte  latérale  de  l'église,  sur  une  plaque  de  marbre 
blanc  et  sur  un  monument  en  pierre,  se  lisônt  les  noms  des 
membres  défunts  de  la  famille  Prillieux,  notamment  :  Nicolas 
Prillieux,  membre  du  Collège  électoral  des  Ardennes,  décédé 
le  30  janvier  1819;  —  Jean-Baptiste  Prillieux,  l*""  sup- 
pléant du  Juge  de  paix  d'Asfeld,  ancien  capitaine,  ancien 
maire,  membre  du  Collège  d'arrondissement,  décédé  le  Vô  sep- 
tembre 1842,  à  Vâge  de  75  ans;  —  N.  Théophile  Prillieux, 
décédé  le  \^  juillet  1839,  dans  sa  1%"  année;  — Jean-Nicolas 
Prillieux,  maire,  membre  du  Conseil  général  des  Ardennes, 
décédé  le  28  août  18b3,  à  Vâge  de  56  ans;  —  son  épouse, 
Léonie  Am  Stein,  décédée  le  1  juin  1895,  à  l'âge  de  7n  ans. 

Dans  la  portion  du  cimetière  vers  Test,  se  voient  les  tombes 
de  Jean-Pierre  Boulangé, plus  d'un  demi-siècle  instituteur  de  la 
commune,  décédé  le  23  août  1864,  âgé  de  lij  ans,  —  et  de  son 
fils,  J.-B.  F  tienne  Boulangé,  décédé  à  Aire,  le  21  avril  1888, 
âgé  de  7 1  ans.  Deux  anciens  curés  reposent  du  même  côté,  l'un 
sous  une  dalle  en  pierre  de  Givet,  G.-L.  Franquet,  né  à 
Rocroi,  /e  14  février  1805,  curé  de  la  paroisse  pendant  24;a7is, 
mort  le  12  février  1853;  —  l'autre  sous  un  monument  au 
chevet  de  l'église,  Joseph-Léon  Tarpin,  curé  de  la  paroisse  le 


1,  Celle  plaque   de  cuivre,  gravée   avec   soin,   le  texte  surmoùlé   d'une 
croix,  est  signée  au  bas  :  Sainctelelte  à  [ieims. 


UNE    ÉGLISE    RURALE  447 

10  mars  1853,  décédé  le  31  décembre  1857  ;  — soa  épilaphe 
relate  son  dernier  vœu  :  Soutenez -voua,  mes  frères  bien-aimés, 
de  sancn  fier  le  jour  du  Seigneur. 

La  dernière  et  charitable  descendante  d'une  famille  noble, 
fixée  d'ancienne  date  à  Juzancourl,  a  sa  sépulture  sous  une 
dalle  en  pierre  blanche  :  M^^f  Marie- Joséphine- Louise  de 
Villiers,  dècédée  le  M  septembre  18o5,  dans  sa  80"  année. 

Les  membres  d'une  famille  de  Retbel  reposent  en  face  du 
chevet,  l'un  près  de  l'autre,  sous  plusieurs  monuments  :  Jean 
Vuillemet,  né  à  Rethel,  le  3  octobre  1772,  ancien  greffier  du 
Tribunal  de  cette  ville,  décédé  à  Villers,  le  7  décembre  l847; 

—  son  fils,  Jean-Nicolas-Marie-Hubert-Aimé  VvAllemet,  notaire 
à  Villers,  décédé  le  1""  jnai  1833;  —  et  sa  fille,  Anne-Fran- 
çoise-Hîiber  te- A  glaé  Vuillemet,  fondatrice  de  T Ecole  des  Filles 
de  la  commune,  décédée  le  9  novembre  1873,  dans  sa  73°  année. 

—  A  côlé  d'eux,  on  lit,  sur  une  dalle  en  pierre  de  Givet,  l'épi- 
taphe  dL' Etienne- Alexandre  Jadart,  né  à  Adon,  le  23  avril 
1809,  ancien  greffier  du  Tribunal  de  Rethel,  ancien  maire  de 
Villers,  juge  de  paix  du  canton  d'Asfeld,  décédé  le  15  octobre 
1863  ;  —  et  de  sa  veuve,  Jeanne- Marie-Virgine  Leroy,  décédée 
le  16  janvier  1895,  dans  sa  88°  année. 

IL  —  Église  et  Cimetière  de  Juzancourt. 

L'église  de  Juzancourt  n'offre  plus  aucune  pierre  tombale, 
mais  un  caveau  funèbre  y  existait  sous  la  chapelle  du  sud 
(aujourd'hui  sacristie),  et  les  registres  y  mentionnent  la  sépul- 
ture de  membres  des  familles  de  Hezecques,  Dubois  d'Ecordal, 
de  Villiers,  etc.  Dans  cette  même  ancienne  chapelle,  on  a 
tracé  plusieurs  noms,  qui  peuvent  indiquer  des  sépultures, 
dans  la  niche  d'une  piscine,  où  nous  avons  lu  :  H.  Paloteau, 
C.  Robert  (?)  et  Breton,  curé. 

En  dehors  de  l'église,  dans  deux  maisons  particulières, 
se  trouvent  d'anciennes  dalles  tumulaires  du  moyen  âge, 
provenant  de  l'ancien  prieuré  de  La  Presle,  monastère  de  reH- 
gieuses  bénédictines  relevant  de  l'abbaye  de  Molesmes,  fondé 
en  121 2,  et  plusieurs  fois  ruiné  durant  les  guerres  du  xv*  siècle  * . 
Dans  la  maison  de  M,  Borgnet,  on  voit  parmi  les  dalles  une 
très  grande  pierre  calcaire  (H.  2"'30  —  L.  i'"01)  portant  celte 
épilaphe  en  caractères  du  xiii'^  ou  xiv°  siècle  fort  bien  con- 
servés ; 

l.  Voir  une  notice  et  l'analyse  du  cartulaire  de  ce  prieuré,  par  M,  l'abbé 
Carré,  dans  la  Revue  de  Champagne  cl  de  Brie,  années  1892-93. 


r448  jUNE  .ÉGLISE   RURALE 

GIGIT  BERTE  DECRI' 
PRŒS  POR  L[ 

Dans  une  maison  appartenant  à  M.  Thiéheaux-Béguin.  le 
devant  du  foyer  est  formé  d'une  pierre  tombale,  également  du 
xiii*^  ou  xi\°  siècle,  eu  pierre  bleue  (H.  2"'27  —  L.  1"'0'V),  dont 
les  dessins  et  l'inscription  s'effacent  de  plus  en  plus.  On 
y  dislingue  encore  cependant  au  milieu  la  tlgure  d'un  [terson- 
nage  debout  sous  une  arcade  trilobée,  les  mains  jointe?^,  vôlii 
d'une  robe,  coiffé  d'un  bonnet,  les  pieds  reposant  sur  deux 
chiens  ;  au  sommet  se  détachent  de  chaque  côlé  deux  écussons 
où  l'ou  croit  distinguer  des  pals  de  vair  et,  sur  celui  de  gauche, 
un  chef  chargé  d'un  Hon.  La  légende  n'offre  que  des  por- 
tions incomplètes  comme  sens,  sur  les  bords  de  là  dalle  : 

CI  G1T...ERAR  ..DEÇRI 
TES-COM  lE  SVI 
TES-SERES-VOS 
.    T...SCOMJE  FVi 
T..  DE  VOS. 

Celte  dernière  phrase,  souvent  reproduite  sur  les  sépul- 
tures, a  pour  sens  vraisemblable  :  Je  fus  ce  quevoas  êtes,  vous 
serez  ce  que  je  suis.  Le  nom  de  ce  seigneur  d'Ecry  ne  jieul  être 
lu  d'une  façon  sûre,  il  s'appelait  Erard  ou  Gérard  probable- 
ment, mais  nulle  date  ne  reste  visible  pour  fixer  l'époque  de 
sa  morl. 

Le  cimetière  de  Juzanco-irl  entoure  l'église  au  sud.  De  ce 
dernier  côté,  on  voit,  trace  au  mur,  uu  cadran  solaire  du 
xv!!!*^  siècle,  dont  la  tige  est  enlevée,  et  qui  ne  porte  aucjne 
sentence  horaire.  Du  côté  nord,  parmi  les  monuments  plus 
récents,  s'élèvent  deux  croix  en  fer  d'ancien  style,  auxquelles 
sont  fixées  des  plaques  en  cuivre  offrant  les  épilaphes  des  der- 
niers descendants  des  anciens  seigneurs  du  lieu  et  de  familles 
nobles  de  Reims.  Leurs  noms  et  leurs  qualités  peuvent  inté- 
resser la  généalogie  de  ces  familles,  et  nous  douuons  pour 
cela  leur  texte  en  entier. 

On  lit  sur  l'une  :  A  la  mémoire  de  Claude  de  Burlin,  che- 
valier de  Sainl-Louis,  colonel  d'artillerie,  décédé  le  o  féorier 
1814,  dans  sa  70*  aimée.,  de  Dame  Marie- Louise- Simonne  Var- 
let  de  Semenze,  son  épouse,  décédée  le  14  mars  1827,  dans  sa 

1.  Ecry ,  ancien  nom  d'Asfeld,  dont  les  soigneurs  enricliirenl  ce  prieuré 
de  La  Presle  dans  la  prairie  de  la  vallée  de  l'Aisn -,  à  proximité  de  Juzan- 
court. 


UNE    ÉGLISE    RURALE  449 

78^  année,  et  de  Dame  Jeanne-Julie  Varlei  de  Semeîize,  reli- 
gieuse de  la  Congre fjatio/i,  décédée  le  21  Janvier  1817,  dans  la 
73^  an}iée  de  son  âge  '.  Requiescant  in  pace. 

Ou  lit  sur  Taulre  :  Ici  reposent  M''  Ch^^^-N^'^^- Benjamin- Par- 
fait de  Villiers;  ancien  colonel  d\irliUcrie,  chevalier  de  l'ordre 
royal  et  militaire  de  Saint- Louis,  décédé  le  i8  mars  1828, 
dans  la  91°  année  de  son  âge,  et  Dame  Marie -Anne-Antoi- 
neite- Julie  J^etesqne  de  Conrninnt,  ,\oii  épouse,  décédée  le  30 
août  1?<35,  dans  sa  8o®  minée.  De  Profandis. 

Il  est  à  remarquer  que  ces  personnes,  qui  vivaient  dans  une 
grande  simplicité,  après  avoir  subi  toutes  les  vicissitudes  des 
événements  sous  la  Hévoluliou,  moururent  toutes  dans  un 
âge  avancé.  Leurs  descendants  ne  se  m  liutinreut  point  sur  le 
sol  héréditaire  el,  depuis  1850,  les  deux  châteaux  de  Juzau- 
court,  abandonnés  par  leurs  hôles  séculaires,  sont  devenus  le 
piège  de  laborieuses  maisons  de  culture. 


Chapitre  VIII 

Anciennes  chapelles  détruites,  Croix  de  chemin, 
Cadrans    solaires    et   autres    curiosités    historiques. 

Dans  les  précédents  chapitres,  l'historique  de  Téglise  a  été 
étudié  dans  l'édifice  même  et  dans  ses  dépendances  immé- 
diates. Il  nous  semble  agréable  et  utile  à  la  fois  d'agrandir  ce 
channp  d'investigations  et  de  chercher  à  nous  rendre  compte 
des  anciennes  traces  de  fondations  qui  se  sont  perpétuées  sur 
le  terroir  et  y  rappellent  d'anciens  établissements  reli- 
gieux disparus,  ou  même  un  simple  symbole  de  la  foi  de  nos 
pères,  et  le  plus  respectable  de  tous,  la  croi.x.  de  chemin  avec 
sa  parure  agreste  d'ormes  séculaires.  Les  légendes  horaires, 
gravées  sur  des  cadrans  solaires,  compléteront  cette  revue  de 
l'art  et  de^  la  pensée  religieuse  dins  les  bornes  étroites  d'une 
localité,  espace  sulfisant  néanmoins  pour  nous  instruire  sur 
les  mœurs  rurales  d'autrefois  : 


1.  Elle  avait  pris  l'habit  le  l'J  juin  1778,  dans  le  iiouaslère  de  la  Con- 
grégaiioii  de  Reims,  sous  le  nom  de  Sœur  Cécile  de  Sainle-Agalhe,  el  avait 
quitté  cette  maison  en  179!?,  lors  de  la  dispersion  des  reliuieuscs.  Cf.  VHiS- 
toire  de  la  Congrégation  de  Noire-Dame  de  Reims,  par  l'abbé  P.-L.  Péche- 
nard,  1886,  t.  H,  pp.  161  et  382. 


29 


4oO  UNE    KGLI^-Ii;    KURAl.K 

Humani  gcneris  mores  libl  noise  i  olenli 
SnfficU  una  domus ' 

Les  généralious  actuelles  comprennent  encore  ce  langage 
des  choses  du  passé,  et  elles  y  puisent  des  enseignements 
iradiLioniiels,  en  dépit  des  modificalioaset  des  transformations 
successives.  Le  progrès  n'est  point  exclusif  du  culte  des 
ancêtres,  il  doit  en  être  au  contraire  le  développement  et 
la  suite. 

L  —  Anciennes  Chapelles  nÉTRUiTES. 

Chapelle  Saivi-Marc,  —  La  plus  connue  de  ces  chapelles 
dans  le  souvenir  populaire,  sans  que  personne  puisse  expli- 
quer cLiiremeut  son  origine,  était  située  au  lieudit  Le  Ban  ou 
La  Croix  S'iint-  Marc,  vers  l'ouest  et  à  deux  ou  trois  cents 
mètres  environ  des  dernières  maisons  de  la  grande  rue  du  vil- 
lage •. 

Le  seul  document  ancien  qui  nous  renseigne  sur  son  exis- 
tence est  le  procès- verbal  de  visite  de  la  paroisse  en  1692  ;  on 
y  lit  :  c<  Il  y  a  sur  le  territoire  de  Villers  une  chapelle  dédiée  à 
saint  Marc,  ancien  patron  du  lieu,  et  entretenue  aux  frais  du 
s'"  curé  et  des  paroissiens  ;  elle  n'est  pas  fermée  ;  il  seroit 
à  propos  de  la  faire  desmolir,  mais  on  s'i  opposeroit.  Il  y 
aune  espèce  de  cimetière.  On  y  entere  les  pestiférés,  on  n'y 
fait  aucune  fonction,  il  y  a  un  reste  d'autel  ^.  »  Voilà  des  ren- 
seignements assez  précis  pour  la  fin  du  xvii'  siècle,  et  qui 
éveillent  notre  attention  sans  la  satisfaire.  Le  vocable  indiqué 
serait  celui  de  l'évangéliste  saint  Marc,  vocable  exceptionnel 
dans  la  contrée,  et  que  nous  aurions  été  amené  à  prendre  pour 
une  confusion  avec  celui  de  saint  Médard  (abréviativement 
saint  Mard),  l'évêque  si  connu  de  Noyon  *.  Nous  ne  pouvons 

1.  JuvÉNAL,  Satire  XIII,  vers  160. 

2.  Le  13  mai  189o,  j'ai  examiné  l'emplacemenl  de  celte  chapelle  el  de  son 
(  imelière,  entre  la  route  de  Lor  et  celle  de  La  Malmaison,  à  50  mètres  envi- 
ron de  celle  dernière.  C'est  une  terre  cultivée,  de  forme  presque  carrée,  d'une 
contenance  d'environ  treize  ares,  formant  un  petit  tertre  visible  au-dessus 
des  terres  voisines.  Elle  figure  au  cadastre  sous  le  n"  1041  de  la  section  A, 
lieudit  la  Croix  Sainl-Marc. 

3.  Voir  l'appendice  VII,  article  51 . 

4.  Le  vocable  de  Saint- Marc  est  excessivement  rare  ;  il  n'y  eu  a  point 
d'exemple  dans  les  pouillés  du  diocèse  de  Reims.  Au  contraire,  celui  de 
Saint- Médard  (en  langue  vulgaire  :  Sainl-Mard)  est  usité  et  très  fréquent 
dans  toute  la  région,  comme  lieudit  de  terroir,  comme  nom  de  commune  et 
comme  patronage  d'église.  Voir  le  Dictionnaire  topographique  du  dépar- 
tement de  la  Marne,  par  A.  Longnon,  1891,  p.  245-246. 


UNli    ÉGLlSh;    KURALE  4ol 

qu'ex I  limer  sur  cepoiullos  divergences  saus  trancher  laques- 
lion,  eu  ajoulaul  qu'une  slatue  de  saint  Marc  se  trouve 
encore  dans  l'église  de  Villers,  en  souvenir  du  culte  qui  lui 
était  rendu  dans  la  chapelle. 

Un  point  plus  difficile  encore  à  fixer,  c'est  celui  de  la  date 
de  fondation  de  cette  chapelle,  dont  le  curé  et  les  paroissiens 
devaient  payer  l'entretien.  Est-elle  la  chapelle  d'un  ancien 
cimetière,  cenirj  primitif  de  la  paroisse,  ou,  au  contraire,  une 
chapelle  de  secours  pour  l'église  paroissiale,  un  lieu  de  refuge 
et  de  sépulture  réservé  aux  lépreux,  aux  pestiférés  et  aux  vic- 
times des  épidémies?  Il  est  certain  que  ce  dernier  emploi  fut 
sa  destination  finale,  et  qu'elle  tombait  eu  ruines,  n'avait  plus 
d'autel  et  allait  è(re  démolie  il  y  a  deux  siècles,  c'est-à-dire  à 
l'époque  où  la  lèpre  et  les  grandes  pestes  n'exerçaient  plus 
leurs  fléaux  sur  les  populations.  Nous  croyons  donc  y  voir 
plutôt  une  création  du  moyen  âge,  vers  le  xiir  siècle,  dans  un 
but  de  soulagement  et  de  salubrité,  qu'un  établissement  pri- 
mitif des  époques  antérieures, 

La  découverte  d'une  note  relatant  la  démolition  de  la  cha- 
pelle en  1755,  et  fixant  sa  construction  en  124 o,  vient  de 
confirmer  notre  supposition  de  la  n;anière  la  plus  formelle.  Il 
en  résulte  que  ce  petit  édifice  resta  debout  jusqu'au  milieu  du 
XYiii^  siècle,  et  qu'en  le  renversant  alors  on  mit  au  jour  sa 
pierre  de  fondation  qui  portait  la  date  de  1245,  la  19®  année 
du  règne  de  saint  Louis,  et  le  nom  de  Jean  Zella  (nom  pruba- 
blement  estropié  par  le  copiste),  comme  étant  celui  qui  avait 
posé  sa  première  pierre.  Ces  indications  si  précises  nous  ont 
été  transmises  par  une  mention  inscrite  s'.ir  un  vieux  titre, 
d'après  le  registre  de  Médard  Mercier,  sorte  de  compi'ation 
historique  ou  de  chronique  locale  actuellement  perdue  '. 

Au  surplus,  des  fouilles  ont  eu  lieu  en  cet  endroit,  vers 
1S58,  sur  l'initiative  de  M.  Lannois,  alors  notaire  à  Villers,  et 
l'on  n'exhuma,  à  notre  connaissance,  nuls  débris  antiques.  Ou 
trouva  seulement  des  tombes  en  pierre  blanche  dite  de  Colli- 
gis,  quelques   débris  de   marbre  et  des  dalles,   mais    point 

1.  Voici  le  lexLe  de  ceUe  mentioD  qui  nous  a  été  fort  obligeamment  com- 
muniquée par  le  propriétaire  du  litre  :  «  L'an  1755,  on  a  demoly  l'Eglise 
ou  chapelle  de  Saint  More  le  25  may,  et  on  a  trouvé  la  première  pierre  posé 
par  Jean  Zella,  à  la  dalle  de  1 '45,  du  règme  de  S'  Louis,  roy  de  France, 
le  19e.  _  Tiré  du  registe  (51c)  de  Médard  Mercier,  feuillet  32  pour  noie.  » 
Au  bas  d'un  litre  de  propriété  eu  date  du  10  janvier  1792,  passé  devant 
M'  Philippot,  notaire  au  Thour,  appartenant  à  M.  Tellier  cadet,  de  Villers- 
devant-le-Thour,  copie  du  5  juin  189o. 


452  UNE   ÉGLISE    RURALE 

de  vases,  d'armures,  de  tîbules  et  de  bijoux,  comme  ou 
eu  trouve  en  si  grand  nombre  dans  les  sépultures  romaines  et 
franques,  comme  ou  en  a  trouvé  noiamment  à  Juzancourt, 
lieudit  Les  Tombes.  Pour  avoir  toutefois  sur  ce  point  une 
appréciation  exacte  et  à  peu  près  sûre,  il  faudrait  sans  doute 
recommencer  de  nouvelles  fouilles  et  y  procéder  méthodique- 
ment, comme  l'expéiience  a  démontré  qu'il  était  possible  de  le 
faire  en  tant  d'autres  endroits.  Jusque-là,  réservons  notre  juge- 
ment et  signalons  seulement  l'emplacement  de  la  Chapelle 
Sainl-Marc  comme  l'un  des  lieux  dits  les  plus  curieux  du  terroir. 
Chapelle  de  Tremblot.  —  La  Censé  des  Trembleaux  (lieu 
planté  de  trembles  à  l'origine,  probablement),  qui  s'appelle 
aujourd'hui  la  Ferme  de  Tremblot,  n'est  point  une  fondation 
authentique  des  Templiers,  comme  on  l'a  cru  et  comme  on  le 
répète  dans  des  ouvrages  courants..  Les  dénombrements  que 
l'on  possède  des  commanderies  voisines  de  Boucourt  et  de 
Merlan  ne  font  pas  mention  d'une  dépendance  de  ce  nom.  11 
est  vrai  que  l'on  suppose,  sans  davantage  de  preuves,  que 
«  Philippe-le-Bel,  d'odieuse  mémoire,  lors  de  la  confiscation 
des  biens  des  chevaliers  du  Temple,  donna  le  domaine  de  Trem- 
blot, non  à  l'Ordre  de  Malte,  mais  à  l'abbaye  de  Saint-Martin 
de  Laon*.  »  Il  est  certain  que  ce  monastère  possédait  la  censé 
dès  le  xvr  siècle,  et  probablement  depuis  une  plus  lointaine 
donation,  mais  aucune  pièce  ne  vient  à  l'appui  d'une  prove- 
nance de  confiscation.  Les  archives  de  l'abbaye,  sauf  un  bail 
de  1789,  ont  disparu  en  entier  de  nos  dépôts  publics  -,  La  por- 
tion de  titres  qui  fut  donnée  à  l'acquéreur  de  la  ferme  de 
Tremblot,  vendue  comme  bien  national  en  1793,  concerne 
uniquement  cette  ferme,  et  ne  contient  que  des  baux  datés  des 
années  1530  et  suivantes  jusqu'à  la  Révolution 3,  Il  faut  doue 

1 .  Géographie  historique  du  déparlement  des  Ardennes,  par  Jean  Hubert, 
1856,  p.  250.  —  L'abbaye  de  Saint-Martin,  de  l'Ordre  de  Prémontré,  fut 
fondée  à  Laon  en  1124,  et  sa  mense  abbatiale  fut  unie  à  l'archevêché  de  cette 
ville  en  I7b0.  La  terre  de  1  remblot  fit  partie  delà  mense  conventuelle.  Ses 
Lcllimenls  sont  orcupés  par  l'Hùtel-Dieu,  et  son  église  transformée  en  paroisse. 

2.  Archives  dépirtemciitnies  de  l'Aisne.  Inventaire,  H.  970,  liasse,  papier, 
1  pièce,  1789,  15ail  dts  fermes  du  Trembleau  à  Jpan  Fossier,  Louis  Pré- 
vost, Pierre  Petit,  Jean-Robert  Bréarl,  Jean-Charles  Gobreau,  pièce  unique 
du  fonds  de  l'ancienne  abbaye  de  Suint-Marlm  de  Laon. 

3.  On  lit  dans  les  Affiches  de  lîeims,  de  Havé,  celte  annonce  :  ^^  Le  Trem- 
BLAUX,  corps  de  ferme,  situé  au  terroir  de  Villers  devant  le  Thour,  consis- 
tant en  huit  corps  de  bûtimcns,  envir.  90  verges  de  jardin  et  872  jours  de 
terre  en  une  seule  pièce  ;  loué  42  asnées  de  froment,  05  de  seigle,  60  d'avoine 
et  9n0  liv.  en  argerjt,  et  autres  clauses,  mis  au  prix  de  38.632  liv.  40.  — 
L'adjudication  s'en  fera  au  Bureau  du  district  de  Ketbel  le  31  mars  1791.  » 
(N-  du  21  mars  1791.) 


UNE    ÉGLISE    RURALE  453 

renoncer,  jusqu'à  la  découverle  de  pièces  plus  anciennes 
remoutaal  au  moyen-âge  tout  au  moins,  à  retracer  l'historique 
complet  d'un  domaine  dont  la  valeur  est  aujourd'hui  si  diffé- 
rente de  ce  qu'elle  était  sous  l'ancien  régime.  Les  progrès  de 
la  science  qui  ont  amené  l'emploi  judicieux  des  machines 
et  des  engrais  eu  ont  fait  une  terre  riche  et  féconde,  propre  à 
tous  les  genres  de  cultures  intensives,  selon  l'expression 
actuelle  K 

La  série  des  quatorze  anciens  baux  que  nous  avons  consultés 
relate  les  perles  et  les  misères  éprouvées  par  les  fermiers, 
autrefois  au  nombre  de  huit  ou  dix,  tant  à  cause  de  la  mau- 
vaise et  ingrate  nature  d'un  sol  sablonneux  que  par  suite  des 
pillages  et  des  rapines  des  gens  de  guerre.  D'autres  clauses 
intéressantes  y  sont  énoncées,  notamment  celle  qui  constatait 
l'existence,  en  1530,  d'une  chapelle  desservie  par  l'un  des  reli- 
gieux de  Saint-Martin  en  personne  ou  par  commission".  La 
chapelle  subit  les  vicissitudes  des  bâtiments  agricoles  ruinés 
par  les  guerres  de  la  Fronde  au  milieu  du  xvn'^  siècle,  et  les 
•fermiers  furent  astreints  à  la  relever,  ainsi  que  leurs  propres 
demeures,  quelques  années  plus  tard^  Soit  que  leur  détresse 
ne  leur  permît  pas  de  le  faire,  malgré  le  don  de  trois  chênes 
dans  la  forêt  de  Samoussy ,  soit  (|ue  les  religieux  aient  renoncé 

1.  Vente  de  Tremblot  le  31  mai  1793  an  district  de  Rethel,  au  prix  de 
164.900  livres,  à  Quentin  Béranger,  laboureur  à  Berry-en-Laonnois,  qui 
revendit  de  suite,  pour  un  pot  de  vin  de  trois  mille  livres,  le  domaine  à 
M,  Jourdain  d'Héricourt,  demeurant  à  Paris,  paroisse  Saint-Sulpice.  — Par- 
tage postérieur  entre  ses  héritiers,  morcelant  le  domaine  en  deux  fermes.  — 
En  1873,  acquisition,  par  M.  Linard,  fabricant  de  sucre  à  Saint-Germainmont, 
des  2/3,  et  en  1888,  acquisition  du  reste  par  le  même,  qui  réunit  ainsi  un 
ensemble  de  500  hectares  labourables  environ.  Il  en  a  fait  un  magnifique  et 
tlorissanl  domaine  agricole.  Nous  avons  eu  communication  des  titres  de  pro- 
priété lo  s  de  l'acquisition,  en  1873. 

2.  La  chapelle  de  Tremblot  est  citée  dans  un  bail  du  30  avril  1."j30  :  «  Les 
preneurs  sont  tenus,  est-il  dit,  d'entretenir  la  chapelle  de  ladite  censé  selon 
leur  part,  ..  item,  payer  par  chacun  an  pour  les  messes  qui  se  célébreront 
chacune  sepmaine  et  les  lestes  de  Noslre  Dame  dans  la  chapelle  de  ladicte 
censé  dudicl  Trflnsbleaux  par  ung  des  religieux  de  ladicte  église  (Samt- 
Marlin  de  Laon)  ou  autre  qu'il  plaira  y  commettre  par  lesdils  bailleurs,  la 
somme  de  douze  sols  parisis.  »  [Titres  de  propriété  du  domaine.) 

3.  Bail  du  23  décembre  1636  :  «  Les  fermiers  sont  obligés  :  1°  à  faire 
réédifûer  la  chappelle  en  dedans  un  an  d'auiourdhuy  ;  les  religieux  pour  les 
aider  les  autorisent  à  prendre  trcis  chênes  dans  la  forêt  de  Samoussy  ,    2» 

bastir  en  la  ceuse  des  logements  commodes  pour  les  fermiers Ils  doivent 

entretenir  la  chapelle  et  les  bâtiments  ;  si  les  gens  de  guerre  empêchent  de 
bastir,  ils  en  seront  déchargés  ..  »  [Titres  de  propriété  communiqués  par 
M-  Désiré  Linard,  acquéreur  du  domaine,  1873.) 


454  UNE    ÉGLISE    RURALE 

d'eux-mème  à  leur  droit,  il  n'est  plus  question  d'une  chapelle 
à  Tremblot  jusqu'à  la  Révolution.  Un  procès-verbal  de  visite 
indique  le  rattachement  des  cinq  fermiers  à  la  paroisse  de  Vi!- 
1ers  comme  un  fait  accompli  en  ltî92,  et  mentionne  le  don 
annuel  au  curé  par  l'abbaye,  d'une  somme  de  vingt-quatre 
livres  pour  l'administration  des  sacrements  à  leurs  tenanciers, 
les  terres  de  Tremblot  étant  exemptes  de  dîmes  '. 

Cet  état  de  choses  devint  déûnilif,  mais  ne  fut  pas  sans 
engendrer,  vers  1700,  de  vifs  dissentiments  entre  les  fermiers 
et  le  curé  Nicolas  Dumont,  très  ferme  sur  ses  droits  fiscaux  et 
ses  prérogatives  ouriales.  Les  fermiers  voulurent  échapper  à 
sa  juridiction  et  être  rattachés  à  la  paroisse  d'Avaux  ;  ils 
arguèrent  de  refus  de  sacrements,  provoquèrent  des  enquêtes, 
firent  pleuvoir  les  dénonciations,  sans  parvenir  à  changer 
de  paroisse,  ni  même  songer  à  rétablir  l'ancienne  chapelle, 
qu'ils  eussent  dû  rebâtir  et  entretenir  à  leurs  frais'. 

II.  —  Anciennes  croix  de  chemin. 

Les  croix  qui  marquent  autour  de  chaque  village  la  trace 
des  événements  historiques  et  y  perpétuent  la  mémoire  d'an- 
ciens habitants  ou  simplement  les  lieux-dits  du  terroir,  sont 
des  monuments  à  tous  égards  dignes  de  notre  sauvegarde  et  de 
nos  hommages.  Déjà,  nous  avons  noté  celles  que  l'on  rencontre 
près  de  Villers-devaut-le-Thour  et  de  Juzancourt,  dans  une 
notice  spéciale,  avec  le  dessin  d'une  croix  en  fer  d'un  beau 
modèle,  dont  la  vue  mérite  de  figurer  ici  de  nouveau \  Nous 
allons  récapituler  la  liste  des  croix  disparues  et  des  croix  con- 
servées dans  ces  deux  localités. 

Croix  Saint-Ma'C.  —  Cette  croix  se  trouvait  au  bord  de  la 
route  de  La  Malmaison,  plus  éloignée  du  village  et  du  côté 

1.  Appendice  VII.  Procès-verbal  de  visite  en  1692,  article  8. 

2.  On  trouve,  dans  la  liasse  de  Villers-devanl-le-Thour,  toute  une  corres- 
pondance relative  aux  (ermiers  de  Trembleau,  qui  demandaient  à  être  rat- 
tachés à  la  paroisse  d'Avaux.  —  Mémoire  autographe  du  curé  Nicolas 
Dumont,  —  procès-veibal  d'enquête  du  10  mai  1763,  —  nombreuses  lettres 
des  fermiers,  du  prieur  de  Saint-Martin  de  Laon,  des  vicaires  généraux  de 
Reims,  etc.,  etc.  Celte  querelle  paraît  avoir  tourné  en  longueur  et  n'avoir 
reposé  d'ailleurs  que  sur  l'aversion  des  fermiers  pour  Nicolas  Dumont,  leur 
curé  malgré  eux.  —  Archives  de  Reims,  Fonds  de  l'Archevêché,  Visites, 
Doyenné  de  Sainl-Gerinainmont. 

3.  Les  anciennes  croix  de  cliemins,  de  carrefours  et  de  cimetières  dans 
le  pays  rémois  et  les  Ardenne^,  recherches  de  topographie  et  d'archéologie, 
brochure  in  8°  de  62  pages  Reims,  188S,  extrait  du  t.  LXXXI  des  Travaux 
de  l'Académie  de  Reims. 


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■  ii.«  m- 


UNE    EGLISE    RURALE  i",',] 

opposé  à  remplacemeul  de  la  cha[)clle  de  ce  nom.  Son  socle 
est  encore  visible  sous  forme  de  débris.  Longtemps  entretenue, 
celle  vieille  croix  en  bois  a  disparu  vers  185o,  sans  qu'il  en 
re^le  d'autre  souvenir  qu'un  lieudit  du  cadastre. 

Croix  du  Paradis.  — 11  eu  est  de  même  d'une  croix  qui  était 
placée  près  du  chemiu  parallèle  à  la  grande  rue  du  village  au 
nord,  à  la  rencontre  du  chemin  moulant  aux  vignes  dites  de  la 
Voie  du  Bois.  Son  socle  en  pierre  restait  seul  pour  témoigner 
de  sa  fondation  ou  de  son  établissement,  car  il  portait  la  date 
de  1764  ;  il  vient  de  disparaître  récemment  avec  le  nivellement 
de  la  terre. 

Croix  PrilUeux.  —  A  la  sortie  du  village  au  nord,  sur  la 
gauche  de  la  roule  allant  au  Thour  et  à  la  croisée  du  chemin 
d"/  Lassaux,  une  belle  croix  en  fer  d'ancien  style  (celle  que 
nous  reproduisons  ici)  se  trouve  ombragée  de  deux  ormes 
et  masquée  sous  leur  feuillage. 

Elle  repose  sur  un  socle  en  pierre  dure  assez  haut,  et  la  lige 
monte  appuyée  sur  des  consoles  et  décorée  avec  une  élégance 
de  bon  goût.  Elle  offre,  en  effet,  un  exemple  de  la  persistance 
des  traditions  dans  l'art  de  forger  le  fer,  car  elle  présente 
le  caractère  des  œuvres  du  xviii*  siècle  avec  la  date  de  1817, 
inscrite  sur  la  tige  et  accompagnée  du  nom  de  l'ouvrier  : 
FTPARPHILlPPE-RENEUFET-SON-FILS-AN-1817-LE 
7-SEPTEMB.  Ce  nom  d'un  serrurier  de  Château- Porcien,  qui 
s'y  est  perpétué,  se  lit  aussi  sur  la  grande  grille  de  l'église  du 
Thour  et  sur  d'autres  croix  encore  debout  dans  la  contrée. 

Une  plaque  en  tôle  porte  les  noms  des  fondateurs  :  A  la 
gloire  de  Dieu  et  à  la  mémoire  de  ii''  Nicolas  PrilUeux,  pro- 
priétaire à  Vil  1er  s- devant- le- Thour,  et  de  Marie-Barbe  Fleu- 
rimone  Suhier,  son  épouse.  Cette  croix  a  été  érigée  par  leurs 
soins  en  Vannée  1817,  dans  le  mois  de  septembre.  0  crnx  ave. 

Croix  Carlier.  —  Sur  la  route  d'Afefell,  en  face  de  Villers,  à 
l'angle  d'un  chemin  et  d'une  garenne  qui  bordent  le  vallon  dit 
de  Vaudoux,  une  croix  datant  de  1819,  presque  semblable  à 
la  dernière,  mais  non  signée,  s'élève  à  lombre  d'ormes  et 
de  peupliers.  Remise  sur  sa  base  en  1890,  elle  a  été  scellée  de 
nouveau  sur  son  socle  à  la  suite  d'une  mutilation  qui  lui 
fil  perdre  sa  plaque  en  cuivre  gravée  avec  soiu,  sur  laquelle  ou 
lisait  :  Cette  croix  a  été  rétablie  par  les  soins  de  i)/""^  Carlier 
et  ceuot,  de  sa  fille,  et  bénie  le  jour  de  l' Assomption  de  la  Sainte 
Vierge  Van  4819.  Sainclelette  graveur  à  Reims. 

Le  nom  de  M''""^  Carlier,  rappelé  par  celle  croix,  est  ausi-i 


4bG  UNE    ÉGLISE    RURALE 

celui  d'une  bienfaitrice  des  Hospices  de  Reims  el  du  Bureau 
de  bienfaisance  de  Villers-devaut-le-Thor.r,  morte  à  Reims  en 
1831.  Les  détails  de  sa  vie  el  de  ses  legs  oui  été  relatés  par  un 
chroniqueur  rémois  bien  couuu,  M.  Lacatte-Joltrois,  géné- 
ralement assez  bien  informé  et  toujours  sincère.  Nous  lui  en 
laissons  d'ailleurs  toute  la  responsabilité,  en  recourait  surtout 
à  sa  notice  pour  faire  coanaitrc  des  dispositions  charitables  dont 
les  Archives  des  Hospices  de  Reims  gardent  les  pièces  ori- 
ginales \ 

Croix  Bardin.  —  Dans  le  fond  d'Ecry,  sur  la  gauche  de  la 
roule  allant  à  Asfeld  et  à  la  croisée  d'un  chemin  dit  de  Saint- 
Marcoul^  allant  de  Juzaucourt  vers  Tremblol,  une  dernière 
croix  en  fer  est  à  mentionner.  Elle  était,  comme  les  autres, 
accompagnée  d'ormes  qui  l'encadraient  en  la  protégeant,  mais 
elle  a  perdu  cette  parure  verdoyante  vers  1878,  ainsi  que  la 
plaque  de  tôle  qui  menlionnait  son  érection.  Heureusement, 
l'ouvrier  qui  la  forpea  et  dont  le  nom  et  l'habileté  sont  encore 
en  mémoire,  avait  buriné  sa  date  sur  le  montant  en  ces  termes  : 
f  Cette  croix  a  élé  faite  par  Jean-Nicolas  D aire  fils  et  ses  frères 
it  Villers,  1829.  Bien  que  sa  décoration  n'ait  pas  le  cachet  des 

1 .  «  Mort  de  M''"  Carlier,  bienfaitrice  des  hospices  de  Reims  —  .Si"°  Marie- 
Françoise  Carlier,  née  à  Villers-devanl-le-Thour  ea  1763,  fille  d'un  riche 
médecin  qui  avait  augmenté  sa  fortune  par  l'acquisilioa  de  biens  nationaux, 
mourut  à  Heims  le  14  lévrier  1851.  Mariée  pendant  la  Révolution,  entre 
1794  et  1800,    celte  demoiselle  el  ses  parents   furent   cruellement   trompés. 

Croyant  Jonner  pour  époux  à  leur  fille  le  comte  de ,  officier  autrichien 

de  haute  extraction,  ils  ne  lui  firent  épouser  qu'un  aventurier  qui  avait  pris 
le  nom  de  ce  noble  personnage,  el  que  ses  manières  aisées  firent  croire  tel. 
Cet  imposteur  craignant  d'être  découvert,  empoisonna  sa  femms  et  prit  la 
fuite.  M'  Carlier  se  pourvut  en  justice  contre  cet  attentat  et,  par  des  preuves 
sans  réplique,  il  obtint  l'annulation  du  malheureux  mariage  de  sa  fille.  Atta- 
quée, sinon  mortellement,  mais  de  manière  à  ne  guérir  jamais.  M''"  Carlier 
reçut  tant  qu'il  vécut  les  soins  de  son  père,  et  après  la  mort  de  l'auteur  de 
ses  jours,  espérant  trouver  à  Reims  remède  à  ses  souffrances,  elle  vint  s'y 
établir  momentanément,  espérant  toutefois  retourner  dans  son  pays,  mais 
n'obtenant  rien  de  ce  qu'elle  désirait,  et  se  trouvant  avoir  besoin  du  secours 
journalier  d'un  médecin,  elle  s'y  fixa  pour  toujours,  passant  son  temps  à 
voir  quelques  personnes  estimables,  mais  peu,  à  recevoir  les  visites  de  son 
médecin,  et  en  s'occupant  de  bonnes  œuvres.  Par  son  testament,  cette  demoi- 
selle a  laissé  aux  hospices  de  l-{eims  (ce  sont  les  intentions  de  ses  parents 
qu'elle  a  suivies)  trois  fermes,  une  à  l'Hôtel-Dieu,  une  à  l'Hôpital  général, 
et  la  troisième  à  l'Hospice  de  Saint-MarcouU.  On  les  estime  de  2  à  300.000  fr. 
Parmi  d'aulies  dispositions  particulières,  on  a  remarqué  la  fondation  à  per- 
pétuité de  la  messe  de  onze  heures  à  la  cathédrale  de  Reims,  »  {Biblio- 
thèque de  fleims, Cabinet  des  Manuscrits,  Abrégé  chronologique  de  La  Gatte- 
JoLTROis,  t.  IV,  f"  284,  année  1831.} 


UNE    ÉGLISE    RURALE  457 

deux  autres,  il  esl  à  souhaiter  que  celle  croix  soit  maintenue 
sur  son  socle  et  préservée  de  nouvelles  atteintes. 

Nous  ignorons  s'il  y  eut  jamais,  sur  le  terroir  de  Villers, 
d'autres  croix  plus  curieuses,  nous  n'en  avons  point  trouvé  de 
vestiges.  Peut-être  en  existail-il  une  à  une  date  reculée,  au  pied 
d'un  orme  gigautes(|ue,  nommé  V Arbre  Caraffe,  qui  se  trou- 
vait sur  le  grand  chemin  de  Villers  à  Lor,  au  point  culminant 
du  plateau  d'où  Ton  découvre  à  la  fois  à  l'horizon  la  cathédrale 
de  Reims  et  celle  de  Laon  Cet  arbre  séculaire,  qui  figurait  sur 
la  carie  de  Gassini  et  sur  celle  de  Tétal-major,  fut  atteint  par 
la  foudre  à  plusieurs 'reprises  et,  en  dernier  lieu,  en  1868  ;  son 
abattage  fut  alors  résolu  et  accompli  l'année  suivante,  non 
sans  perle  pour  un  terroir  bien  dénu^lé  dont  il  était  la  seule 
curiosité  nalurelle'. 

Le  terroir  de  Juzaucourl  n'offre  plus  que  deux  croix  assez 
anciennes,  en  bois  et  délabrées.  L'une  d'elles,  à  proximité  du 
village,  sur  le  bord  du  sentier  qui  monte  aux  vignes,  porte 
encore  sa  plaque  de  lôle  avec  cette  légende  :  A  la  gloire 
de  Dieu,  cest  crois  esl  poszé  à  la  dévotion  de  N.  Joseph  Rif- 
flar,  fils  de  feu  Rober  Rifflard  el  de  May.  Le  Moine,  1733^ 
—  L'autre  croix,  dite  Croix  de  Villers,  placée  sur  le  sommet 
du  plateau  au-dessus  des  vignes,  esl  ombragée  de  quatre 
beaux  arbres,  mais  ses  montants  se  désagrègent  el  menacent 
une  ruine  prochaine. 

Divers  autres  souvenirs  étaient  consacrés  par  des  croix, 
l'emplacement  du  prieuré  de  la  Presle  notamment,  mais  ses 
dernières  traces  sont  maintenant  anéanties.  Rien  n'indique 
davantage  aujourd'hui  la  situation  d'un  fief,  nommé  L' Ecuyer, 
qui  relevait  au  dernier  siècle  de  la  seigneurie  de  Juzancourt^. 

1 .  Il  y  formait  un  signal  à  la  cote  134,  et  il  dut  être,  pour  ce  motif, 
remplacé  de  suite  par  un  autre  orme  qui  atteint  déjà  une  certaine  élévation. 
On  vendit  le  tronc  énorme  et  les  larges  branches  du  vieil  orme,  moyennant 
400  fr.,  au  profit  de  la  commune.  —  Le  nombre  des  arbres  séculaires  dimi- 
nue chaque  jour  dans  la  contrée.  Citons,  parmi  les  survivants,  le  Chêne 
Prillieux,  dans  la  prairie  de  Saint-Germainmont,  lequel  a  résisté  à  la  ter- 
rible gelée  de  l'hiver  1879-80. 

2.  Voir  une  étude  sur  M.  Rifflart,  curé  de  Nampcelle-la-Cour  (Aisne), 
originaire  de  Juzancourl,  par  M.  l'abbé  Berriot,  1888,  in-S». 

3.  Le  Journal  de  Chainpagtte,  par  Havé,  du  lundi  26  novembre  1781, 
p.  189,  contient  l'avis  suivant  :  «  A  vendre  une  belle  ferme  sise  à  Vil- 
lers-devant-le-Thoui-,  consistante  en  79  jours,  43  verges  trois  quarts  d'ex, 
cellentes  terres,  et  deux  quartels  de  pré  :  elle  est  exploitée  par  le  s"^  Tho- 
mas Renaud,  à  la  redevance  de  275  livres  en  argent  et  50  setiers  de  fro- 
ment :  cette  redevance  augmentera   de  plus  d'un  tiers  au  1"  bail.  De  cette 


458  UNE  ÉGLISE  RURALE 

III.  —  Anciennes  maisons,  taques  de  foyer  et  cadhans 

SOLAIRES. 

Les  vieilles  maisons  disparaissent  comme  les  vieux  arbres 
dans  nos  campagnes  et,  avec  elles,  leur  décoration  rustique 
du  foyer,  leurs  ménagers  avec  dressoirs  où  s'étalaient  les 
assiettes  de  faïence  et  les  plats  en  élain.  La  mode  a  presque 
tout  renouvelé,  el  nous  ne  pouvons  citer  que  des  curiosités 
oubliées  ou  méconnues,  peut-être  en  voie  de  disparaître '. 

C'est  bien  de  ces  vieilles  maisons  de  village  que  l'on  peut 
dire  : 

Je  n'aime  pas  les  maisons  neuves  : 
Leur  visage  est  indifférent  ; 
Les  anciennes  ont  l'air  de  veuves 
Qui  se  souviennent  en  pleurant. 

Les  lézardes  de  leur  vieux  plâtre 
Semblent  les  rides  d'un  vieillard  ; 
Leurs  vitres  au  reflet  verdâlre 
Ont  comme  un  triste  et  bon  regard  ! 

Leurs  portes  sont  hospitalières. 
Car  ces  barrières  ont  vieilli  ; 
Leurs  murailles  sont  familières 
A  force  d'avoir  accueilli  -. 

Les  pignons  recouverts  de  carpes  en  saillie  n'existent  plus 
nulle  part  ;  deux  maisons  de  la  grande  rue  ont  conservé  à  leur 
corniche  des  modiilons  qui  leur  assignent  la  date  du  xvii* 
siècle  au  moins  ;  ce  sont  peut-être  les  seules  survivantes 
du  grand  désastre  de  1653.  —  Une  maison  de  culture  près  du 
cimetière  (celle  de  M.  Fossier-Fossier)  porte  dans  son  pignon 
la  date  de   1774,  formée  avec  des  briques   au-dessus  d'une 

ferme  dépend  le  fief  de  VEcuyer,  qui  consiste  en  23  jours  de  terre  et  trois 
pièces,  et  relève  de  la  seigneurie  de  Juzancourl.  L'adjudication  s'en  fera  en 
l'étude  de  M'  Huet,  notaire  à  Reims,  rue  du  Marc,  le  mercredi  5  décembre 
1781,  à  neuf  heures.  »  —  Aucun  lieudit  L'Ecuyer  ne  se  trouve  sur  le  terroir 
de  Juzancourt.  Cependant  on  nous  a  indiqué  que  ce  fief  pourrait  se  trouver 
entre  les  Barres  et  Juzancourt.  On  fit  en  cet  endroit  un  camp  pour  les 
Russes  en  1815. 

1 .  Les  brocanteurs  et  les  amateurs  ont  acquis  déjà  bien  des  meubles  et 
des  objets  divers  dans  ce  village  reculé;  ii  y  reste,  chez  M°"  V"  Bonnet- 
Denaux,  un  cadre  en  ébène  sculpté  d'un  riche  dessin,  olfrant  les  quatre  sai- 
sons au  milieu  des  montants,  et  des  ligures  en  relief  aux  angles  ;  les  inler- 
Talles  sont  ornés  de  motifs  ciselés.  Ce  cadre  devait  contenir  une  glace 
biseautée  du  xvi»  ou  du  xvir  siècle. 

2.  Lire  la  pièce  entière  si  pittoresque  de  Sully  Prudhomme,  Les  vieilles 
maisons,  publiée  dans  VAnthologie  des  Poètes  français  depuis  le  XV'  siècle 
jusqu'à  nusjourSf  Paris,  Lemerre,  s.  d.,  in-8»,  p.  366-68. 


UNE    ÉGLISE    RURALE  459 

croix.  —  Une  maison  bourgeoise  (ancienne  maison  Carlier), 
type  d'une  habitation  du  xviii®  siècle,  est  précédée  d'une  porte 
cochèrebieuproporlionûée,  dont  la  clef  conserve  la  date  de  1769. 

Nous  ne  connaissons  que  deux  anciennes  plaques  eu  foule, 
remontant  au  xvii"  siècle.  L'une  t^e  trouve  dans  l'ancienne 
maison  de  la  famille  Poncelet,  à  l'extrémité  de  la  grande  rue, 
en  sortant  du  village  sur  la  droite  '.  Sa  forme  et  sa  décoration 
fixent  sa  date  vers  le  règne  de  Louis  XIIL  Elle  est  cintrée  à  la 
partie  supérieure  et  mesure  0"'80  de  hauteur  sur  0'"67  de  lar- 
geur; le  milieu  est  occupé  par  un  écusson  surmonté  d'une 
couronne  de  comte  et  flanqué  de  lambrequins  ;  le  champ 
de  l'écu  a  pour  meuble  un  arbre  avec  ses  racines,  sur  le  som- 
met, se  dresse  un  oiseau  placé  en  chef  entre  deux  étoiles.  Ce 
blason  nous  est  inconnu.  —  I^'autre  taque  (H.  0"'60  —  L.  Oi^oO) 
garnit  la  cheminée  du  fournil  de  la  maison  de  M'"*^  Jadart- 
Leroy  ;  elle  est  de  style  Louis  XIV,  avec  les  armes  de  France 
ornées  d'étendards  et  d'armes  sur  les  côtés,  la  couronne  est 
surmontée  d'une  banderole  avec  la  légende  :  SEVL- CONTRE- 
TOVS,  dont  il  existe  de  fréquentes  reproductions. 

Les  cadrans  solaires  sont  plus  nombreux  que  les  taques, 
mais  presque  tous  gravés  sur  ardoise  à  la  fin  du  dernier  siècle 
ou  au  commencement  du  nôtre.  Dans  la  cour  de  la  maison 
Fossier,  on  lit  sur  l'un  d'eux  la  devise  :  VNAMTIME.  La 
même  devise  se  retrouve  sur  un  autre  cajran  de  la  maison 
Vacbez,  avec  la  date  de  1805.  Aucune  devise  ne  se  voit  sur  un 
troisième  cadran,  dans  la  cour  des  anciens  maréchaux  Ivernaux, 
cadran  de  forme  allongée,  très  bien  gravé  avec  chiffres  arabes, 
ornements  et  fleurs  de  lis  sur  une  plaque  en  forme  de  cœur 
portant  la  date  de  1783. 

Enfin,  nous  citerons,  sur  la  façade  au  midi  de  l'ancienne 
maison  de  M"^  Vuillemet,  un  cadran  en  bois,  dessiné  vers 
1855,  par  M.  Joly,  alors  instituteur  de  la  commune,  portant 
celle  légende  horaire  d'un  sens  accessible  à  tous  et  d'utie 
morale  pratique  :  N'en  perds  aucune.  II  nous  plaît  de  terminer 
notre  revue  rétrospective  par  celte  dernière  sentence,  que 
nous  avons  appris  à  lire  dès  l'enfance,  et  qui  nous  rappelle  le 
souvenir  de  tant  de  vertus  et  de  bons  exemples. 

[A  suivre.)  Henri  Jadaut. 

VUlers-devanl-le-Thour,  le  3  jum  1895. 

1.  On  appelait,  nous  ne  savons  pourquoi,  les  habitants  de  celte  partie  du 
village  voisine  de  l'ancienne  chapelle  de  Saint-Marc,  \6s'Housards  de  Saint- 
Marc. 


NÉCROLOGIE 


On  annonce  la  mort  de  M.  Fréminet,  ancien  député  de  l'Aube, 
président  du  Conseil  général,  avocat  à  la  Cour  d'appel  de  Paris. 

M.  Fréminet  était  né  à  Troyes,  en  1841.  Après  la  révolution  du 
4  septembre,  il  fut  nommé  secrétaire  général  de  la  Préfecture  de 
l'Aube;  puis  il  prit  part,  parmi  les  mobiles  de  l'Aube,  à  la  campa- 
gne de  l'Est.  Devenu  conseiller  général  de  l'Aube,  aux  élections 
de  1876,  il  fut  élu  député  avec  un  programme  républicain.  Il  fit 
partie  des  363  et  fut  réélu  le  14  octobre  1877. 

Il  ne  se  représenta  pas  aux  élections  de  1881  et  se  fil  inscrire  au 
barreau  de  Paris. 


Les  obsèques  de  M.  Léon  Robert,  inspecteur  général  de  l'Instruc- 
tion publique,  officier  de  la  Légion  d'Honneur,  ont  eu  lieu  à  Sens, 
le  26  mai,  au  milieu  d'un  grand  concours  de  la  population  de  cette 
ville.  L'inspecteur  d'Académie  de  l'Yonne,  le  sous-préfet  et  le  maire 
de  Sens,  le  proviseur  et  les  professeurs  du  lycée  en  robe,  toutes  les 
Sociétés  de  gymnastique,  musique  en  tête,  suivaient  le  cortège. 
M.  Liard,  directeur  de  l'Enseiguemerit  supérieur,  M.  Larroumet, 
professeur  à  la  Sorbonne,  et  un  grand  nombre  d'amis  étaient 
venus  de  Paris  pour  se  joindre  à  la  famille  du  défunt.  Une  com- 
pagnie d'infanterie  a  rendu  les  honneurs  militaires. 

Plusieurs  discours  ont  été  prononcés.  M.  Fringnet,  inspecteur  de 
l'Académie  de  Paris,  délégué  par  le  ministre  de  l'Instruction  publi- 
que, a  parlé  au  nom  de  l'Université  ;  M.  D  Blanchet,  proviseur  du 
lycée  Louis-le-Grand,  au  nom  des  amis  personnels  ;  M.  Chante- 
reau,  avocat  général  à  la  Cour  des  comptes,  au  nom  des  anciens 
élèves  du  lycée  de  Sens;  enfin,  M.  René  Goblet  a  rappelé,  en 
termes  émus,  les  services  rendus  par  son  ancien  chef  de  cabinet 
aux  ministères  de  l'Instruction  publique,  de  l'Intérieur  et  des  Atfai- 
res  étrangères. 

Nous  apprenons  la  mort  de  M.  Denizot,  avocat,  ancien  avoué 
près  le  Tribunal  civil  de  Châlons. 

En  dehors  de  ses  travaux  professionnels,  M.  Denizot  avait  publié 
divers  écrits,  entre  autres  une  étude  sur  la  législation  des  cours 
d'eau,  et  un  essai  sur  la  décentralisation  administrative  et  judi- 
ciaire. 

Il  était  âgé  de  67  ans. 


NÉCROLOGIE  461 

M.  Edmond  Gollnisch  est  mort  à  Sedan,  le  2  mai,  dans  sa  pro- 
priété de  la  chaussée  de  Balan,  après  quelques  jours  de  maladie. 

M.  Edmond  Gollnisch  était  né  à  Sedan,  le  17  septembre  iS22. 
Maire  de  Sedan  pendant  roccupalion,  chevalier  de  la  Légion 
d'honneur,  membre  delà  Chambre  de  Commerce,  président  d'hon- 
neur de  l'Ecole  de  tissage,  membre  du  Conseil  de  la  Banque  de 
France  de  Sedan,  de  la  commission  administrative  de  l'Hospice, 
ancien  fabricant,  etc.,  il  laisse  le  souvenir  d'un  homme  qui  a  fait 

beaucoup  pour  son  pays. 

* 

Le  18  mai  ont  eu  lieu,  en  l'église  de  Villers-en-Argonne  (Marne), 
les  obsèques  de  M.  Louis  de  Clianiisso,  ancien  officier  au  4®  batail- 
lon des  mobiles  de  la  Marne, 

Tout  le  village,  où  le  défunt  était  né  en  1847,  assistait  à  la  céré- 
monie. 

Au  cimetière,  M.  Eugène  Jossc  a  retracé,  en  quelques  mots  aussi 
simples  qu'émus,  la  vie  de  Louis  de  Chamisso  qui  s'est  éteint  dou- 
cement, après   dix  années  de  cruelles  souffrances. 


Le  29  mai  ont  eu  lieu  à  Reims,  au  milieu  d'une  nombreuse 
assistance,  les  obsèques  de  M.  Léon  Pillon,  notaire  honoraire, 
administrateur  de  la  Caisse  d'Epargne,  suppléant  de  la  Justice  de 
paix,  membre  du  Conseil  de  la  Croix-Rouge. 

Né  à  Dizy-le-Gros  (Aisne),  où  son  père  avait  longtemps  exercé 
lui-même  la  charge  de  notaire,  il  avait  repris  l'étude  de  M*"  Malo, 
notaire  à  Hautvillers,  en  I8ij3,  ut  la  garda  jusqu'en  1888,  date  de 
sa  retraite. 

A  Hautvillers  comme  à  Reims,  M.  Léon  Pillon  s'était  fait  une 
juste  réputation  d'expérience,  de  sagesse  et  de  bonté.  Il  jouissait 
de  la  considération  générale.  Aussi  sa  mort  a-t-clle  été  vivement 
ressentie  parmi  ses  coiicitoyens. 


On  nous  annonce  la  mort  de  M'""=  Adeline-Louise  de  Guibert, 
épouse  de  M.  Gaston  de  Saint-Ferjeux,  lieutenant-colonel  en 
retraite,  officier  de  la  Légion  d'honneur,  décédée  au  château  de 
Chatoillenot  (Haute-Marne)^  le  12  mai  189o,  à  l'âgo  de  '6i  ans. 

M'^s  de  Saint-Ferjeux  était  alliée  aux  familles  de  Montangon, 
d'Escrienne,  d'Esclaihes  d'Hulst,  de  l'iépape,  etc. 


On  annonce  également  la  mort,  à  Reims,  de  M.  Georgrs 
Delius,  ancien  banquier  et  négociant  eu  tissus,  décédé  le  2'i  mai, 
dans  sa  "S«  année  ; 


402  néckologib; 

—  Du  colonel  Moriot,  officier  de  la  Légion  d'honneur,  prési- 
dent de  la  Société  des  médaillés  militaires  et  de  sauvetage,  com- 
mandeur de  l'Ordre  du  Venezuela,  décédé  dans  sa  soixante-qua- 
trième année,  à  Châtillon-sur  Marne  (Marne),  où  il  remplissait, 
pour  occuper  les  loisirs  de  sa  retraite,  les  fonctions  de  juge  de 
paix. 

Engagé  volontaire  à  l'âge  de  dix-huit  ans,  le  colonel  Moriot 
avait  conquis  tous  ses  grades  à  la  pointe  de  son  épée.  En  Afrique, 
en  Orient,  et  pendant  la  dure  campagne  de  1870  contre  l'Alle- 
magne, il  avait  fait  preuve  des  plus  belles  qualités  et  de  la  plus 
grande  bravoure. 

Après  avoir  séjourné  plusieurs  années  à  la  Martinique  et  à  la 
Réunion,  il  commanda,  à  Tours,  la  9^  légion  de  gendarmerie; 

—  Du  T. -G.  Frère  Nouage,  de  l'Institut  des  Frères  des  Ecoles 
Chrétiennes  d'Ay  (Marne),  décédé  le  J7  juin,  à  l'âge  de  64  ans, 
dont  43  de  profession  religieuse. 


M.  le  général  Lamorelle,  commandant  de  la  8«  brigade  d'infan- 
terie, est  mort,  le  4  juin,  à  son  domicile,  90,  rue  Antoine- Lecuyer, 
à  Saint-Quenlin,  à  la  suite  d'une  cruelle  maladie. 

Général  de  brigade  du  7  janvier  1888,  officier  de  la  Légion 
d'honneur  du  28  décembre  1888,  le  général  comptait  cinq  cam- 
pagnes; il  avait  été  blessé,  le  4  décembre  1870,  à  Orléans. 

Entré  au  service  en  1831,  le  général  Lamorelle  était  âgé  de 
61  ans. 

Les  obsèques  ont  eu  lieu  à  Saint-Quentin  le  7  juin. 

Le  général  Lamorelle  avait  épousé  M""^  Léon  Bley,  veuve  de 
l'un  des  fondateurs  de  la  maison  Théophile  Rœderer  et  C'%  de 
Reims, 

Le  15  juin  ont  eu  lieu,  à  Arcis-Ie-Ponsart  (Marne),  les  obsèques 
de  M.  Moreau-Cullot,  maire  d'Arcis-le-Ponsart  depuis  plus  de 
trente  ans.  Il  avait  succédé,  en  1864,  à  son  père,  qui  lui-même 
était  maire  depuis  1831. 

Pendant  soixante-quatre  ans,  Arcis-le-Ponsard  a  donc  été  admi- 
nistré par  le  père  et  le  fils. 

Cette  confiance  entière  et  persévérante  de  la  population  s'ex- 
plique par  l'esprit  de  devoir,  de  conciliation  et  de  droiture  dont 
ils  ont  constamment  fait  preuve. 

La  population  entière  de  la  commune,  beaucoup  d'habitants 
des  villages  voisins  el  de  tout  le  canton,  avaient  tenu  à  rendre  les 
derniers  honneurs  au  doyen  des  maires  de  l'arrondissement, 
croyons-nous. 

Le  premier  adjoint  conduisait  le  deuil. 


NÉCUOLOGIK  463 

Les  cordons  du  porMe  étaient  tonus  par  deux  amis  du  très 
regretté  défunt  et  deux  conseillers  municipaux,  dont  l'un  était  le 
Père  Dom  Augustin,  abbé  mitre  de  l'abbaye  d'Igny. 

Le  Révérend  Père  a  donné  l'absoute  et  rendu  hommage,  en 
paroles  éloquentes,  aux  vertus  privées  et  aux  qualités  administra- 
tives de  M.  Moreau. 

Un  artiste,  dessinateur  et  archéologue,  qui  dirigeait  depuis 
18Ô8  une  maison  très  connue  de  sculpture  et  de  vitraux  peints, 
M.  Hippolyte  Biilteau,  vient  de  mourir  à  Reims,  le  28  juin  189b. 

Né  à  Ottignies  (Belgique)  en  1828,  sa  carrière  fut  active  et 
féconde.  M.  Bulteau  excellait  dans  la  composition  et  l'arrange- 
ment des  œuvres  d'art.  Ses  ateliers  ont  fourni  de  statues,  d'au- 
tels, de  vitraux  et  de  dessins  en  couleur  de  très  nombreuses 
églises  de  la  Marne,  des  Ardennes,  de  l'Aisne  et  du  Nord.  Il  avait 
recueilli  de  remarquables  collections  et  quelques  antiquités  trou- 
vées dans  les  terrains  de  son  établissement  du  Faubourg  de  Laon. 

Il  était  le  frère  de  M.  l'abbé  Bulteau,  qui  étudia  avec  succès  la 
cathédrale  de  Chartres.  H.  J. 


Notre  sympathique  compatriote,  M.  Léon  Chavalliaud,  le  sta- 
tuaire bien  connu,  vient  de  perdre  son  père,  M.  Léonard  Chaval- 
liaud, décédé  à  Annens,  le  30  juin  l89o,  à  l'âge  de  82  ans. 

Les  obsèques  ont  eu  lieu  à  Reims,  le  2  juillet,  en  la  chapelle  du 
Cimetière  du  Nord. 


BIBLIOGRAPHIE 


Cirey-le-Chûleau.  —  La  Marquise  du  Chûlelel,  sa  liaison  avec  Voltaire, 
par  M.  l'abbé  Piol,  curé  de  Chancenay,  membre  titulaire  de  la  Société 
des  Lettres  de  Saint-Dizier.  —  Saint-Didier,  Godard,  imprimeur- édiieur, 
1894. 

(Extrait  des  Mémoires  de  la  Société  des  Lettres,  Sciences  et  Arts,  Agricul- 
ture cl  Industrie  de  Saint-Dizier.) 

La  décentralisation  iniellectuellc  et  les  moiiographies  locales 
sont  partout  à  l'ordre  du  jour.  A  mesure  que  l'iiistruclion  s'est 
développée  en  France,  on  a  vu  surgir  de  toutes  parts,  en  même 
temps  qu'une  armée  de  laborieux  et  consciencieux  écrivains  occu- 
pés à  extraire  les  trésors  et  les  secrets  de  nos  archives,  une  foule 
de  lecteurs  avides  de  connaître  les  faits  du  jour  et  ceux  du  passé. 

Ce  qui  n'était  autrefois  que  le  privilège  d'un  petit  nombre  de 
favorisés  de  la  fortune  et  de  l'intelligence  est  devenu,  de  nos 
jours,  le  partage  de  tous  ceux  qui  savent  mettre  à  profit  l'instruc- 
tion qui  leur  est  si  libéralement  oiferte  dans  nos  écoles  publiques 
et  privées. 

Grâce  à  ce  mouvement  et  aux  légitimes  et  précieux  encourage- 
ments qui  le  favorisent,  toutes  les  coimiiunes  de  la  France  et  les 
divers  établissements  qui  s'y  rattachent  auront  bientôt  leur  histo- 
rien et  leur  histoire. 

L'Histoire  de  Cire  y -le -Château  publiée  dans  les  J/é«)o/'ré'.s'  de  la 
Société  des  Lettres  de  Saint-Dizier,  par  M.  l'abbé  Piot,  et  tirée  à 
part  en  un  beau  volume  in-octavo  de  plus  de  300  pages,  peut  être 
citée  comme  un  modèle  du  genre^.  car  elle  est  la  plus  méthodique, 
la  plus  complète,  la  mieux  documentée  et  la  mieux  écrite  de  tou- 
tes celles  —  et  elles  sont  nombreuses  —  que  nous  connaissons.  On 
sent  que  l'auteur  était  pénétré  de  son  sujet  et  qu'il  l'a  traité  avec 
autant  d'amour  que  de  compétence,  en  fouillant  toutes  les  sources 
d'où  pouvait  jaillir  un  renseignement  utile  ou  un  fait  intéressant 
sur  la  topographie,  la  statistique  et  les  anciennes  juridictions  civi- 
les, religieuses  ou  féodales. 

M.  l'abbé  Piot  juge  les  hommes,  les  institutions  et  les  faits  du 
passé  avec  une  sagesse  et  une  impartialité  absolues  ;  s'il  proteste 
avec  raison  contre  les  erreurs  et  les  préventions  répandues  dans 
les  classes  populaires  au  sujet  des  conditions  de  la  vie  rurale  d'au- 
trefois, il  émet,  en  même  temps,  des  idées  très  libérales  et  démo- 
cratiques, à  propos  de  la  féodalité  et  de  l'ancienne  monarchie. 

<  Sans  doute,  dit-il,  il  j  a  eu  dans  le  système  féodal  des  usages 
«  qui  choquent  nos  idées  égalitaires.  Mais  ces  pages  de  notre  bis- 


miîi.iOGuAPHiE  4ti5 

«  loire  naliona'e  n'en  ont  pas  moins  leur  beauté;  ces  âges  ont  eu 
«  leur  gloire  et  leur  grandeur;  de  grâce  ne  les  renions  pas,  ne  les 
«  déchirons  pas.  Proclamer  et  ci.seigner  aux  enfants  de  nos  écoles 
<  que  la  vraie  France  date  de  la  Révolution,  c'est  une  sottise  et 
«  une  injure  faite  à  l'hisloirc.  Tous  les  peuples  n'ont-ils  pas  eu  le 
«  culte  de  leurs  ancêtres,  et  n'est-ce  [)as  au  foyer  de  l'histoire 
«  nationale  que  s'allume  la  plus  pure  flamme  du  ()ali'iotisme  ? 

«  Le  grand  défaut  de  certains  écrivains,  ajoute-t-il  ailleurs,  est 
<(  d'étudier  l'histoire  par  esprit  de  parli,  avec  dos  idées  précon- 
«  çues  et  d'écrire  en  vue  d'une  conclusion  préparée  à  l'avance.  Ils 
«  cherchent  çà  et  là  et  recueillent  Ions  les  textes  et  tous  les  faits 
«  qui  leur  semblent  favorables,  à  la  thèse  qu'ils  veulent  établir  ;  ils 
(I  les  entassent  et  les  présentent  ainsi  au  public.  Avec  ce  système, 
«  on  aboutit  à  un  panégyrique  ou  à  une  diatribe,  mais  non  pas  à 
((  la  vérité  historique.  » 

Mais  ce  qui  donne  à  la  monograpiliie  de  Cirey-lc-Châleau  un 
intérêt  spécial,  c'est  l'histoire  de  sa  châtellenie  et  de  ses  anciens 
seigneurs,  et  tout  particulièrement  le  long  séjour  que  fit  Voltaire 
dans  ce  château,  chez  la  célèbre  marquise  du  Châtelet,  de  1734 
à  1719,  époque  où  mourut  la  «  divine  Emilie  ». 

Pendant  le  séjour  de  Voltaire  à  Cirey,  on  fit  exécuter  au  château 
d'importants  travaux  de  construction  et  d'appropriation,  afin  d'en 
faire  une  résidence  digne  d'un  personnage  aussi  considérable,  et 
ce  fut  la  marquise,  elle-même,  qui  dirigea  les  travaux  auxquels 
Voltaire  contribua  pour  quarante  mille  francs...  à  titre  de  prêt, 
car  on  sait  qu'il  était  d'une  ladrerie  notoire. 

Au-dessus  de  la  porte  du  grand  salon,  se  lisaient  ces  vers  com- 
posés par  le  poète  lui-même  : 

Asile  des  beaux   arts,  solitude  où  mon  cœur 
Est  toujours  demeuré  ddns  une  pais  profonde, 

C'est  vous   qui  donnez  le  bonheur 

Que  proraelluil  eu  vain  le   monde. 

11  paraît  que  la  chambre  de  Voltaire,  au  château  de  Cirey,  tou- 
chait à  la  chapelle,  et  qu'en  ouvrant  sa  porte  il  pouvait  entendre 
la  messe. 

Le  château  avait  aussi  sa  salle  de  spectacle,  son  théâtre  et  ses 
acteurs  pour  jouer  les  pièces  de  Voltaire,  tant  tragédies  que  comé- 
dies et  opéras,  (/est  à  Cirey  que  Voltaire  (ici\v\[  Alzire,  Mahomel, 
Zulma,  la  fin  du  Discoun  sur  niomme;  c'est  aussi  là  qu'il  pré- 
para le  Siècle  de  Louis  XIV  et  {'Essai  sur  les  mœurs. 

Emilie  de  Bretcuil,  marquise  du  Châtelet,  était  douée  d'une  vive 
intelligence  qu'elle  ap[tliqua  d'abord  comme  en  se  jouant  à  l'étude 
du  latin,  de  l'italien  et  de  l'anglais.  Elle  parlait  ces  langues  à 
15  ans  et  commençait  à  cet  âge  une  traduction  de  Virgile.  Plus 
tard,  elle  s'adonna  à  la  géométrie  et  à  la   physique,  et  elle  est  la 

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.'jGi')  niii.iOGKAi'niii 

seule  femme  qui  ait  laissé  un  nom  et  des  onivres  marquées  au 
coin  d'tmc  scienee  véritable. 

On  sait  que  Voltaire  et  Mme  du  Gliàtelet  furent  les  hôtes  du  roi 
Stanislas  qui  transportait  sa  cour  de  Commercy  à  Lunéville.  Ce 
fut  pendant  leur  séjour  dans  celte  dernière  ville  que  la  marquise 
mourut  presque  subitement,  le  10  septembre  1849,  à  l'âge  de 
44  ans,  des  suites  d'un  accouchement.  Elle  fut  inhumée  dans  la 
nouvelle  église  paroissiale  de  Lunéville. 

Peu  de  jours  après  cet  événement,  Voltuire  écrivit  le  quatrain 
suivant  au  bas  d'un  portrait  de  la  marquise  ; 

L'univers  a  perdu  la  sublime  Emilie  : 

Elle  aima  les  jilaisiis,  les  arts,  la  vi^rilé. 

Les  dieux,  en  lui  donnant  leur  âme  et  leur  génie, 

N'avaient  pardé  pour  eux  que  l'immortalité. 

Ce  fut  là  son  De  Profundls. 

Voltaire  quitta  Lunéville  le  14  septembre  pour  revenir  à  Cirey 
où  il  ne  resta  que  le  Icmps  d'enlever  les  meubles,  tableaux,  livres 
cl  instruments  de  physique  qui  garnissaient  sa  chambre  et  qu'il  fit 
expédier  à  l'aris,  où  il  retourna  avec  son  fidèle  valet  de  chambre 
Longchamp. 

Le  livre  de  M.  l'abbé  Piot  est  enrichi  de  trois  jolies  gravures 
hors  texte  représentant  des  vues  du  château  de  Cirey,  avant  163:^ 
et  dans  son  état  actuel,  oinsi  qu'un  portrait  de  Cabrielle-Emilie 
de  Breteuil,  marquise  du  Châtelet. 

Arsène  Thévenot. 


Rdijer-Collord^,  par  Eugène  SpuUer,  un   volume   in-12  (dans  la   Clolleclion 
des  grands  écrivains  français). 

Les  origines  de  Royer-Collard  expliquent  ses  ambitions  et  ses 
déboires,  ses  passions  et  ses  préjugés,  ses  vertus  et  ses  erreurs,  il 
était  d'humble  naissance,  sorti  de  la  roture,  presque  du  peuple. 
Mais  de  quel  peuple  !  Vraisemblablement,  on  ne  retrouvera  plus 
de  campagnards  pareils  à  ces  deux  familles  champenoises  :  les 
Royer,  de  Sompuis,  et  les  Collard,  du  Meis-Tiercelin.  Ces  deux 
maisons  étaient  jansénistes.  On  s'y  exerçait  â  pratiquer  les  vertus 
riM'ommandées  par  les  «  messieurs  de  Port-Royal  »  :  la  piété,  la 
frugalité,  l'esprit  de  charité  et  de  sacrifice.  On  y  observait  avec 
rigueur  les  commandements  de  l'Eglise  aux  jours  de  jeûne  prescrits 
et  pendant  tout  le  carême.  Les  servantes  portaient  toujours  avec 
elles,  dans  un  petit  sac,  une  Bible  qu'elles  lisaient  dans  les  veillées 
d'hiver.  Les  garçons  de  ferme  attachaient  des  livres  de  morale  au 
manche  de  leur  charrue  et  en  retournaient  les  pages  sans  inter- 
lompre  le  sillon  commencé.   On   vivait  dans   un  état  d'exaltation 


1.   Royer-Collard  (Pierre-Paul),  l'une  de  uos  illuslralions  champenoises, 
est  n'ï  à  Sompuis  (\Iarne},  en  17C3. 


BIBI.lOGKAl'HIE  467 

conceiilrée  et  de  myslicisnie  rigide.  Les  Royer  avaient  à  leur  ser- 
vice une  domestique,  nommée  Marie-Jeanne  Gérard,  qui  possédait 
une  bibliothèque  d'édification  achetée  sur  ses  économies  et  com- 
prenant plus  de  600  volumes.  Cette  servante  était  traitée  par  ses 
maîtres  avec  le  plus  grand  respect.  Elle  fut  plus  tard  la  gouver- 
nante et  l'institutrice  des  lilles  de  Royer-Collard. 

Vers  le  milieu  du  xviiie  siècle,  Antoine  Royer,  cultivateur  à 
Sompuis,  demanda  en  mariage  M"»  Angélique-Perpélue  Collard. 
On  rapporte  qu'il  dit  à  la  jeune  lille,  pour  la  décider  :  «  Vous 
gouvernerez  l'intérieur  de  la  maison,  vous  dirigerez  l'éducation 
de  nos  enfants  et  vous  ordonnerez  de  leur  destinée.  Je  ne  vous  en 
demande  qu'un  seul,  pour  en  faire  un  cultivateur  comme  moi.  » 

De  ce  mariage  naquirent  trois  tils  et  une  fille.  Le  tils  aine  et  la 
tille  moururent  en  bas  âge.  Des  deux  fils,  l'un,  Antoine-Athanase, 
fut  professeur  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris.  L'autre,  Pierre- 
Paul,  devait  illustrer  par  sa  belle  carrière  d'orateur  et  d'homme 
d'Etat  le  double  nom  des  Royer-Collard. 

Sa  mère  voulut  diriger  elle-même  sa  première  éducation.  C'était 
une  femme  rustique  et  lettrée,  qui  ne  voulut  jamais  quitter  le  cos- 
tume des  villageoises  de  son  pays  et  qui,  avec  cela,  pouvait  réciter 
par  cœur  des  pages  entières  de  «  Monsieur  Pascal  )>.  Le  soir,  on 
lisait  en  famille  l'Histoire  Sainte  de  Mésen,5uy,  les  récits  de  l'abbé 
Fleury,  les  vies  de  M.  de  Saint-Cyran,  de  M.  de  Sacy,  de  la  Mère 
Angélique  Arnaud.  Les  jours  de  congé,  l'enfant  avait  la  permission 
de  lire,  par  manière  de  divertissement,  les  Institutions  chrétien- 
nes, de  M.  Singlin.  A  vrai  dire,  il  regimbait  un  peu  contre  cette  dis- 
cipline. Son  imagination,  qui,  malgré  les  apparences,  fut  toujours 
très  vive,  s'accommodait  mal  d'une  religion  qu'on  lui  représentait 
comme  un  refuge  âpre,  désolé,  presque  inaccessible.  Tout  en 
admirant  les  doctrines  de  l'Eglise  janséniste,  il  les  trouvait  un 
peu  farouches.  Il  s'indignait  secrètement  contre  leur  doctrine  de 
la  grâce,  qu'il  se  permit,  plus  tard,  de  comparer  au  fatalisme 
turc. 

Mais  il  garda  de  celte  familiarité,  avec  de  telles  volontés  et  de 
tels  courages,  une  allure  qu'il  ne  quitta  jamais,  l'habitude  de 
résister,  une  façon  orgueilleuse  de  dire,  comme  les  Anglais  :  Je 
maintiendrai. 

Son  programme  de  vie  fut  très  simple.  Deux  ou  trois  règles 
essentielles  en  constituaient  le  fond.  C'était^  pour  ce  qui  concerne 
laconduite  individuelle,  l'accomplissement  pur  et  simple  du  devoir, 
sans  phrases,  sans  complaisance  pour  soi-même,  sans  pitié  pour 
autrui.  Royer-Collard  fut  aussi  sévère  pour  ses  enfants  qu'on 
l'avait  été  pour  lui-même.  Je  recommande  aux  papas  et  aux 
mamans  de  celte  fin  de  siècle  le  chapitre  intitulé  Royer-Collard 
dans  sa  famille.  C'est  un  tableau  d'intérieur  finement  dessiné,  et 
qui  donne  froid  dans  le  dos.  Il  disait  à  ses  filles  :  «  Je  ne  veux  pas 
que  vous  soyez  des  dames;  je  saurai  bien  vous  en  empêcher.  »  11 


468  BIBLIOGRAPHIE 

aimait  à  leur  relire  ce  que  les  sermoiinaires  chrétiens  ont  écrit  de 
mieux  sur  l'éducation  des  femmes.  Il  les  obligea  de  bonne  heure 
à  tenir  une  petite  école  d'enfants  pauvres  et  d'orphelins,  à 
Sompuis.  ((  On  doit,  disait-il,  donner  aux  classes  déshéritées  de 
Ja  fortune  l'exemple  de  la  plus  grande  élévation  morale  en  même 
temps  que  de  la  plus  complète  simplicité  de  mœurs.  »  11  ne  pouvait 
souffrir  ni  l'oisiveté,  ni  la  légèreté,  ni  l'inattention,  ni  le  désor- 
dre. Il  avait  fait  peindre  sur  les  murs  de  la  salle  d'éludé  cette 
inscription  :  «  Une  place  pour  chaque  chose,  et  chaque  chose  à  sa 
place.  »  Il  disait  à  ses  écolières,  quand  il  les  prenait  en  flagrant 
délit  de  distraction  :  «  Vous  ne  pouvez  ici  prétexter  d'ignorance; 
c'est  donc  le  défaut  d'attention  ;  mais  l'attention  dépend  de  votre 
volonté  ;  employez-la  donc,  ou,  autrement,  je  n'aurai  nulle  con- 
fiance en  vous  o  Et  il  ajoutait  :  «  Il  faut  que  la  femme,  pour  sou- 
tenir sa  faiblesse,  s'arme  de  l'exactitude  d'une  vie  bien  réglée.  » 

L'ancienne  servante  Marie-Jeanne  était  chargée  d'appliquer,  à 
toute  heure  du  jour,  ces  fortes  maximes.  Elle  s'acquittait  de  ce 
soin  avec  une  robuste  régularité.  Elle  imposait  à  ses  élèves  d'in- 
cessantes privations,  leur  reprochant,  par  exemple,  d'allumer,  et 
leur  disant  qu'elles  auraient  pu  éviter  cette  dépense  en  se  levant 
matin  et  en  achevant  de  bonne  heure  les  besognes  qu'elles  diffé- 
raient jusqu'au  soir.  Un  jour,  voulant  leur  montrer  l'ironie  de  la 
destinée  humaine  et  le  peu  de  fond  qu'il  faut  faire  sur  l'espérance 
du  bonheur,  elle  les  mena  au  chevet  d'une  jeune  fille  mourante. 
D'ailleurs,  elle  prêchait  d'exemple.  Elle  se  forçait  à  soigner  des 
maladies  répugnantes,  des  plaies  hideuses.  «  On  suppose  peut- 
être,  disait-elle,  que  c'est  par  plaisir  que  je  fais  cela  et  que  mes 
sens  grossiers  ne  se  révoltent  pas.  Au  contraire,  mon  cœur 
bondit,  et  je  veux  le  réduire  tous  les  jours;  je  me  dompte  et  je 
me  jette  volontairement  sur  la  pointe  de  Tépée.  )■> 

Royer-Collard  s'eiforçait,  lui  aussi,  de  donner  l'exemple  du 
désintéressement,  de  l'empire  sur  soi,  du  renoncement  à  l'intérêt 
personnel.  S'il  ne  se  livrait  pas,  comme  Marie-Jeanne,  à  des  pra- 
tiques d'ascétisme,  s'il  n'abandonnait  pas  toute  ambition  tempo- 
relle, du  moins  il  montra  plus  d'une  fois  des  scrupules  dont  nos 
arrivistes  ne  sont  pas  coulumiers.  Lorsqu'il  était  député  au 
Conseil  des  Cinq-Cents,  il  prononça  un  discours  qi}i  retentit  fort 
loin  dans  le  public  et  loucha  particulièrement  le  cœur  d'une  veuve 
très  belle  et  très  riche.  Celte  dame  fit  comprendre  au  jeune  tribun 
qu'elle  l'associerait  sans  déplaisir  à  sa  vie  et  à  sa  fortune.  Il  fit 
semblant  de  ne  pas  entendre.  Quelque  temps  après,  il  eut 
l'honneur  d'être  frappé  dans  son  mandai  législatif  par  ce  Gou- 
vernement vénal,  incohérent  et  violent  qui  s'appelait  le  Directoire. 
Le  coup  d'Etat  de  fructidor  le  chassa  des  Assemblées  représenta- 
tives, en  compagnie  de  Camille  Jordan,  de  Quatremère  de  Quincj, 
de  Barbé-Marbois.  La  sentimentale  veuve  crut  pouvoir  obtenir  d'un 
proscrit  ce  qu'elle  avait  allendu  vainement  d'un  homme  célèbre  et 
heureux.  Il  se  déroba  encore.    «  Il   trouvait,  dit  M.  Spuller,  ce 


BIBLIOGRAPHIE  469 

mariage  trop  avantageux^,  en  disproportion  trop  maniuée  avec  sa 
propre  situation  sociale.  » 

Parfois,  il  repoussait  les  tentations  du  siècle  avec  une  plaisante 
brusquerie.  L'abbé  de  Montesquiou,  ministre  de  l'intérieur,  eut  la 
bizarre  idée  de  mettre  Royer-Collard  sur  une  liste  de  personnes 
dont  l'anoblissement  devait  être  proposé  au  roi  Louis  XVllI. 

—  Voulez-vous  être  comte? 

—  Comte  vous-même,  répondit  le  rude  janséniste. 
Et,  après  un  silence  : 

—  J'ai  assez  de  dévouement  pour  oublier  celte  impertinence. 
De  tontes  les  distinctions  qu'on  lui  ollrit  il   ne  voulut  accepter 

que  la  croix  de  la  Légion  d'honneur.  . . . 

Roj'er-Collard  mourut  roide  et  &toii[ue,  comme  il  avait  vécu.  Il 
exigea  que  son  gendre,  le  médecin  Andral,  lui  fit  connaître  l'heure 

approximative  de  sa  mort 

(b:  Temps.)  Gaston  Deschaups. 

Almonach-Annuai) e  historique,  administra lif  ri  commercial  de  la  Marne, 
de  l'Aisne  et  des  Ardennes.  3"'  année.  —  Reims,  1805.  Malot  Braine, 
in-8°  de  456  pages,  illustré  de  nombreuses  gravures  et  porlrails  et  de  trois 
caries  départementiiles 

Nous  signalerons  dans  ce  nouveau  recueil  périodique,  outre  les 
divers  et  abondants  renseignements  spéciaux  que  les  lecteurs  ont 
coutume  d'y  trouver,  d'intéressantes  Epliémcrides  rémoises  et 
déparlemenlales,  des  notes  sur  VEdiUté  rémoise  en  1894,  quel- 
ques pages  de  mémoires  bien  vivants  et  documentés,  intitulés  : 
lieiins  pilLoresque  :  Le  café  Louis  XV,  pàv  M.  Henri  Menu  ;  une  notice 
sur  les  anciennes  commanderies  de  l'Ordre  de  Malle  dans  le  dio- 
cèse de  Reims  et  les  Ardennes,  par  le  bénédictin  Dom  Albert  iNoël  ; 
un  récit  de  la  Vicloire  de  Reims  en  18  là,  par  M.  Lucien  Monce  ; 
une  curieuse  note  de  M  Charles  Ren)y  sur  les  Anciennes  bornes 
des  propriétés  et  des  chemins  publics  ;  une  description  artistique 
de  la  nouvelle  ligne  de  chemin  de  fer.  De  Reims  à  Paris  par  la 
Ferlé-Milan,  accompagnée  de  nombreux  dessins,  par  M.  Frédéric 
Henriet,  le  délicat  paysagiste  et  l'aimable  écrivain  que  l'on  sait  ; 
une  relation  détaillée  des  derniers  moments  du  président  Carnot,, 
par  M.  Paul  Bluysen  ;  le  compte-rendu  de  l'Exposition  de  la 
Société  des  Amis  des  Arts,  eu  1894,  par  M.  Charles  Remy  ;  la 
suite  de  l'étude  statistique,  historique  et  archéologique  sur  la  Val- 
lée de  CArdres^  illustré  de  plusieurs  croquis,  par  l'abbé  Chevallier; 
la  suite  des  notices  biographiques  sur  les  Illustrations  rémoises, 
par  M.  Ch.  Remy  ;  les  trop  nombreuses  Nécrologies  de  l'année 
écoulée,  par  MM.  Henri  Matot,  Alexis  Rivière  et  Ch.  Remy;  des 
biographies  et  portraits  des  sénateurs  et  députés  de  la  région, 
etc.,  etc.  A.  T.-R. 


470  BIBLIOQRAPHIE 

* 
4-      * 

Sommaire  de  la  Revue  d' A r demie  et  d'Arcjonne,  —  Mai-juin 
1893  : 

E.  LiEBBE,  Le  cimetière  gallo-romain  de  Seuil.  —  H.  Bourguignat  et 
P.  CoLLiNET,  Epigraphie  :  Inscriptions  de  cloches  ardennaises.  —  L.-D., 
Un  rapport  du  curé  de  Mazerny.  —  S.  Leroy,  Notice  armoriale  et 
généalogique  sur  la  maison  de  Bouillon  (suiie). 

Poésie. —  Jules  Dépaquit,  Les  petits  tambours. 

Chronique.  —  Bibliographie. 

Phototypie  hors  texte  :  Objets  gallo-romains  trouvés  à  Seuil. 

♦    * 

Sommaire  de  la  Revue  hislorique.  —  T.  LIX,  septembre-octo- 
bre 1893  : 

Comte  J.  du  Hamel  de  Breuil,  Un  ministre  philosophe  :  Carvalho,  mar- 
quis de  Pombal.  \"  art.,  p  1  à  3ô.  —  M.  Boudet,  Thomas  de  la  Marche, 
bâtard  de  France,  p.  36  à  70.  —  J.  Loutchitsky,  De  la  petite  propriété  en 
France  avant  la  dévolution  et  de  la  vetite  des  biens  nationaux,  p.  71  à 
107.  La  Revue  a  donné  des  comptes  rendus  intéressauls  d'ouvrages  qui 
se  rattachent  de  près  ou  de  loin  à  l'histoire  de  Champagne;  citons  V His- 
toire de  Blanche  de  Castille  de  M.  Elle  Berger,  p.  116-119;  Jean  de 
Joi'iville  et  les  seigneurs  de  Joinville  du  vicomte  Delaborde,  p.  120. 


CHRONIQUE 


Communications  au  Congrès  des  Sociétés  savantes.  —  Lo  Con- 
grès annuel  des  Sociétés  savantes  s"est  lenii  k  Paris,  du  mardi  16 
au  samedi  20  avril  !89o.  Parmi  les  nombreuses  communications 
présentées  aux  diflférenles  sections,  plusieurs  intéressaient  particu- 
lièrement les  régions  champenoise  et  briarde. 

—  M.  Louis  Demaison,  archiviste  de  la  ville  de  Reims,  a  décou- 
vert de  nouveaux  et  précieux  documenls  relatifs  à  la  Con$iruclion 
de  l\'glise  Noire-Dame  de  l'Epine,  près  de  Cliâlons-sur-Marne.  11 
établit  que  le  nom  du  village  de  l'Epine  se  rencontre  dès  le 
xiii*  siècle  et  réfute  diverses  opinions  fantaisistes  émises  jusqu'à 
ce  jour  sur  l'architecte  de  ce  bel  édifice. 

Il  prouve  que  ce  fut  ni  un  Anglais  ni  un  Allemand  qui  tracè- 
rent le  plan  de  l'église.  L'intérêt  que  Charles  VU  portait  à  la  cons- 
truction de  Noire-Darne  de  l'Epine  est  attesté  dans  une  charte 
de  1445  qui  remettait  à  la  fabrique  les  droits  d'amortissement. 
Cette  pièce  indique  que  le  roi  avait  fait  un  pèlerinage  à  l'église 
dont  les  travaux  étaient  commencés  depuis  longtemps. 

La  façade  et  les  clochers  se  rattachent  aux  ouvrages  entrepris 
vers  1453. 

Les  chapelles  rayonnantes  furent  élevées  par  Regny  Gouveau, 
Antoine  Bertaucourt  et  Antoine  Guichard,  de  1509  à  1524. 
M.  Demaison  a  retrouvé  le  parchemin  où  l'un  de  ces  artistes  avait 
Iracé  l'élévation  du  chevet  et  de  ses  chapelles.  Ce  dessin,  conservé 
à  la  bibliothèque  de  Reims,  n'avait  pu  être  identifié  jusqu'ici  ; 
mais  la  finesse  de  ses  détails,  empreints  d'un  certain  archaïsme, 
permet  d'aflirmer  qu'il  représente  bien  l'abside  de  Notre-Dame  de 
l'Epine,  ainsi  qu'on  peut  s'en  assurer  en  comparant  une  excellente 
reproduction  de  ce  dessin  et  une  photographie  du  chevet,  que 
M.  Demaison  soumet  au  Congrès. 

—  M.  Henri  Bourguiçjnal,  de  la  Société  d'études  ardennaises, 
traite  de  la  Charle  de  franchise  accordée  aux  habiianls  de 
Chaijny-lés-Omont  {Ardennes),  par  Pierre,  abbé  de  Saint-Remi 
de  Reims,  en  1218. 

A  Chagny  existait  un  prieuré  dépendant  de  l'abbaye  de  Saint- 
Remi  de  Reims,  et  les  habitants  étaient  hommes  de  corps  du 
prieur.  La  charte  de  1218  leur  accorde,  sans  rien  changer  à  leur 
état  antérieur,  un  certain  nombre  de  franchises  :  puissance  d'usages 
sur  les  bois  et  les  broussailles  qui  entouraient  le  village  ;  juridic- 
tion d'un  éclieviiiage  ;  liberté  entière  de  vendre  les  immeubles,  et 
surtout  faculté  de  construire  des  fours  privés.  Ce  dernier  privilège 
est  assez  rare  pour  les  chartes  de  la  région, qui  maintiennent  toutes 


472  CHHONIQI'K 

la  banalité  du  four,  pour  rendre  inléressaiile   la   charte   de  Cha- 

M.  de  Rozière  demande  à  l'auLeur  du  mcinoire  quelques  expli- 
cations au  sujet  de  certains  droits,  notamment  du  droit  de  forma- 
riage  et  du  droit  d'aller  s'établir  en  dehors  de  la  seigneurie,  qui 
figurent  dans  un  grand  nombre  de  chartes  et  coutumes  et  dont 
M.  Bourguignat  n'a  point  parlé.  —  M.  Bourguignat  répond  qu'il 
n'en  a  point  parlé  parce  qu'il  n'est  pas  question  de  ces  droits  dans 
la  charte  de  Chagny,  et  il  reconnaît  avec  M.  de  Rozière  que  cette 
absence  est  la  preuve  que  l'émancipation  des  habitants  de  Chagny 
était  très  incomplète. 

—  M.  p.  CoUuicl,  de  la  Société  d'études  ardennaises  (Sedan), 
présente  Quatre  chartes  de  franchises  ardennaises.  Les  docu- 
ments communiqués  ont  été  choisis  comme  types  des  chartes  de 
la  région  ;  la  première  est  l'affranchissement  du  village  de  Bro- 
gnon  par  son  seigneur  (mars  1263  v.  st.)  ;  la  charte  de  Faissault 
(lîOS)  représente  les  fondations  en  pariage  par  deux  coseigneurs, 
l'un  laïc,  l'autre  ecclésiastique;  les  trois  pièces  relatives  à  Grand- 
pré  montrent,  entre  autres  privilèges,  la  constitution  et  le  déve- 
loppement de  la  juridiction  municipale  dans  une  ville;  enfin  la 
charte  de  Warcq  (décembre  1233),  outre  son  intérêt  diplomatique, 
est  un  excellent  type  des  libertés  accordées  à  un  village  tant  au 
point  de  vue  du  droit  privé  que  de  la  procédure  civile. 

37.  de  Rozière  demande  à  M.  CoUinet  quelques  renseignements 
sur  la  collection  de  chartes  ardennaises  qu'il  se  propose  de  publier, 
et  l'encourage  très  vivement  à  poursuivre  cette  très  intéressante 
publication.  Il  appelle  particulièrement  son  attention  sur  les  arti- 
cles de  la  charte  de  Brognon  relatifs  à  l'ordre  des  successions^ 
desquels  il  résulte  que  la  règle  paterna  paternis  était  appliquée 
au  xiiie  siècle  dans  la  région  des  Ardennes. 

—  M.  Léu7iMaxe  W^er/y,  membre  non  résidant  du  Comité  des  Tra- 
vaux historiques,  lit  une  étude  sur  VOrnernentalion  du  foijer  depuis 
l'époque  de  la  Renaissance.  C'est  au  xii«  siècle  que  les  hottes  de  che- 
minée prirent  de  grandes  proportions,  mais  les  plaques  de  fonte  ou 
laques,  conlre-feu,  bretaignes,  n'apparurent  au  fond  du  foyer  que 
vers  le  milieu  du  xvi<'  siècle.  On  ne  trouve  aucune  trace  de  cette  déco- 
ration dans  les  cheminées  du  château  de  Pierrefonds  et  du  mont 
Saint-Michel.  L'auteur  n'a  relevé  aucune  mention  de  plaque  en 
fonte  dans  les  comptes  du  château  de  Gaillon,  mais  une  plaque  du 
musée  de  Nancy  qui  possède  une  riche  collection  d'objets  de  ce 
genre,  porte  la  date  de  1543.  A  la  fin  du  xvi^  siècle  et  sous  le  règne 
de  Louis  XIV,  les  plaques  de  métal  ornant  le  fond  des  cheminées 
devinrent  de  véritables  œuvres  d'art  qui  valaient  un  prix  très 
élevé.  Les  comptes  des  bâtiments  royaux  mentionnent  les  sculp- 
teurs Caffieri  et  Houyeau  comme  ayant  travaillé  aux  modèles  en 
bois  qui  servaient  à  faire  les  moules  des  plaques  de  cheminée.  Eu 
visitant  les  musées  et  les  colleclions  particulières,  M.  Maxe  Werly  a 


CHRONIQUE  473 

constaté  que  les  sujets  représentés  sur  les  anciennes  plaques  de 
cheminée  étaient  soit  des  scènes  religieuses  et  aiythologiques,  soit 
des  sujets  historiques  ou  allégoriques.  Enfin,  certains  fondeurs 
reproduisaient  sur  les  plaques  des  œuvres  de  peintres  et  de  gra- 
veurs en  renom  ou  des  armoiries.  La  série  des  plaques  héraldi- 
ques est  parlirulièrement  riche  et  fournit  pour  l'histoire  des 
anciennes  provinces  une  source  de  renseignements  du  plus  haut 
intérêt. 

—  M.  Léon  Morel,  correspondant  du  Comité  à  Reims,  lit  un  tra- 
vail sur  une  sépulture  antique  d'Is-sur-Tille  (Côte-d'Or).  Un  culti- 
vateur qui  a  fouillé  cette  tombe  dans  ces  dernières  années  a  mis 
au  jour  un  bandeau  d'or  de  15  centimètres,  et  une  belle  épingle  en 
bronze  qui  mesure  67  centimètres  de  longueur.  Cette  épingle  res- 
semble k  plusieurs  autres  spécimens  découverts  en  Bourgogne  et 
signalés  par  M.  Flouest.  Le  jnusée  de  Saint-Germain  possède  un 
moulage  d'une  épingle  encore  plus  longue,  dont  l'original  est  con- 
servé à  Berne.  La  présence  de  bracelets  décrits  par  M.  Morel  indi- 
que que  la  sépulture  d'is  sur-Tille  était  une  tombe  féminine.  L'au- 
teur présente  aux  metnbres  du  Congrès  les  dessins  de  plusieurs 
torques  et  de  trois  vases  gaulois  découverts  récemment  dans  les 
cimetières  de  la  Marne.  Ces  vases,  décorés  d'une  manière  origi- 
nale, sont  l'œuvre  de  véritables  artistes. 

—  M.  Bergeron  fait  une  communication  sur  un  cimetière  gau- 
lois fouillé,  en  1894,  à  Monligny-Lencoup  (Seine  et-Marne).  Ce 
champ  de  sépulture,  déji  exploré  en  1868  par  M.  Brunet  de  Pres- 
les,  a  fourni  des  torques  en  bronze,  des  épées,  des  anneau.t,  des 
bracelets,  des  fibules,  des  fragments  de  ceinturon,  des  fers  de 
lance.  Les  tombes  orientées  du  nord  au  sud  ont  seules  donné  des 
objets  funéraires,  et  les  fosses  se  dirigeant  de  l'est  à  l'ouest  ren- 
fermaient seulement  des  squelettes.  Ces  fouilles,  conduites  avec 
beaucoup  de  mélhode,  ont  mis  au  jour  de  nombreux  objets  dont 
M.  Bergeron  montre  les  principaux  spécimens  aux  membres  du 
Congrès.  L'auteur  se  propose  de  continuer  ses  recherches  cette 
année,  et  déclare  qu'il  n'a  jamais  rencontré  de  torques  dans  les 
tombes  qui  contenaient  des  armes.  Ces  observations,  qui  confir- 
ment celles  de  M.  Morel,  semblent  prouver  que  les  torques  étaient 
des  ornements  de  la  parure  féminine. 

—  M.  Moulé^  de  la  Société  des  Sciences  et  Arts  de  Vitry-le- 
François,  fait  hommage  de  VAiuiuaire  qu'il  a  composé  à  l'occa- 
sion du  cinquantenaire  de  la  Société  centrale  de  médecine  vétéri- 
naire qu'il  représente. 

Cet  annuaire,  de  326  pages,  comprend  un  aperçu  historique,  la 
liste  des  prix  décernés,  les  décrets,  arrêtés,  règlements  constitu- 
tifs, l'état  nominatif  des  présidents,  membres  titulaires,  honorai- 
res, associés,  correspondants  nationaux  et  étrangers  de  la  Société, 
dont  la  fondation  remonte  au  11  mai  1844. 

La  partie  la  plus  importante  de  ce  travail  consiste  dans  la  publi- 


474  CflRONIQUE 

cation  de  tables  1res  détaillées  des  matériaux  accumulés  dans  les 
douze  volumes  de  nién':oires  et  les  cinquante  années  du  bulletin 
publiés  par  la  Société  centrale  de  médecine  vétérinaire. 

—  M.  l'dbbr  Bonno,  curé  de  Chenoise  (Seine-et-Marne),  corres- 
pondant du  ministère,  secrétaire  de  la  Société  d'histoire  et  d'ar- 
chéologie de  Provins,  lit  un  mémoire  sur  les  volcans  de  la  mer 
Morte  et  du  lac  de  Tibériade. 

—  M.  le  doclntr  Lemoine,  de  l'Académie  nationale  -de  Reims, 
expose  le  résultat  de  recherches  sur  les  applications  de  la  photo- 
graphie à  ses  éludes  paléonîologiques  dans  les  environs  de 
Reims. 

Il  met  sous  les  yeux  de  la  section  la  reproduction  de  la  carte 
géologique  en  relief  qu'il  a  ofTerte  au  Muséum  et  de  la  carte 
gravée  qui  accompagne  son  travail  statigraphique  sur  le  pays 
rémois.  Il  montre  les  photographies  des  pièces  osseuses  et  des 
tentatives  de  restauration  des  n)ammifères,  des  oiseaux,  des  rep- 
tiles, des  batraciens  et  des  poissons  les  plus  anciens  des  temps  ter- 
tiaires. 

Il  en  est  de  même  de  quelques  fragments  d'infectes  et  de  crus- 
tacés et  d'une  série  assez  nombreuse  de  feuilles,  de  fruits  et  de 
graines  provenant  des  mêmes  localités. 

Quelques  pièces  osseuses  spécialement  délicates,  grossies  du 
double  ou  du  triple,  peuvent  être  ainsi  étudiées  avec  beaucoup  de 
facilité.  L'emploi  de  la  photographie  micrographique  met  en  évi- 
dence la  structure  des  dents  des  mammifères  et  celle  de  certaines 
parties  végétales  de  cette  époque  si  ancienne. 

—  Mj  l'abbé  Parai,  curé  de  Boissy-d'Assy  (Yonne),  présente 
une  note  sur  la  géologie  appliquée  aux  recherches  préhisloriques 
dans  les  cavernes. 

11  s'appuie  sur  des  observations  faites  dans  les  grottes  de  la 
Cure  (Yonne),  où  se  rencontrent  souvent  trois  couches  superpo- 
sées, de  faune  et  d'industrie  différentes,  pour  rappeler  ce  prin- 
cipe :  que  l'ethnologie  des  races  primitives  relève  de  la  géologie 
presque  autant  que  de  la  paléontologie. 

La  classification  de  ces  races  ne  peut  se  déduire  de  la  faune  ou 
de  l'industrie  qu'autant  que  l'étude  géologique  des  grottes  elles- 
mêmes  n'a  pas  fourni  d'indication  suffisante.  Le  géologue  doit 
donc  intervenir  toujours  et  reconnaître  d'abord  les  phénomènes 
du  creusement  et  du  remplissage,  étudier  les  rapports  des  maté- 
riaux entre  eux  et  avec  les  terrains  de  la  région,  distinguer  les 
remaniements.  Pour  cela  il  faut  fouiller  complètement,  svec 
méthode,  et  établir  des  coupes. 

L'application  de  ces  règles  à  la  fouille  des  grottes  de  la  Cure  lui 
a  fait  conclure  :  1°  que  la  grotte  de  Mammouth,  avec  son  dépôt 
alluvial,  sa  faune  quaternaire  et  ses  grosses  pièces  de  silex,  était 
contemporaine  des  alluvions  de  Saint-Acheul  ;  l"  que  la  grotte  des 


CHRONiQui»;  475 

Hommes,  sa  voisine,  avec  son  mobilier  du  type  de  la  Madeleine, 
lui  est  postérieure,  parce  que  son  remplissage  accuse  une  longue 
période  de  suintement  précédant  l'éboulis;  3"  que  le  Trou  de  la 
Marmotte,  avec  son  mobilier  néolithique  trouvé  au  niveau  de  la 
faune  et  de  l'industrie  de  1  âge  du  renne,  offre  un  exemple  d'in- 
troduction postérieure  reconnue  après  le  déblaiement  complet. 

—  M.  Jovyf  de  la  Société  des  Sciences  et  Arts  de  Vitry-le-Fran- 
çois,  fait  une  communication  sur  quelques  tentatives  de  gram- 
maire comparée  en  Allemagne  pendant  le  xvm*  siècle. 

—  M.  Libois,  de  Reims,  archiviste  du  Jura,  de  la  Société  d'ému- 
lation du  Jura,  fait  une  lecture  sur  l'emprunt  forcé  progressif  de 
l'an  VII  dans  le  Jura.  L'emprunt  aurait  dû  produire,  après  les 
deux  révisions  des  taxes  à  l'emprunt,  la  somme  de  726,062  fr.  ;  il 
ne  produisit  guère  que  200,000  fr. 

—  Lecture  est  donnée,  au  nom  de  M.  Nicaise,  correspondant 
du  Comité  à  Châlons-sur-Marne,  d'une  note  sur  deux  fragments 
de  vases  rouges  à  reliefs,  de  l'époque  romaine,  recueillis  à  Reims, 
dans  les  fouilles  du  lieu  dit  la  Fosse-Jean-Fat.  Ces  fragments 
représentent  les  jeux  du  cirque.  Sur  l'un,  on  voit  un  lion  et  deux 
gladiateurs;  sur  l'aulre,  une  scène  de  tauromachie. 

—  M.  Moulin ^  membre  de  la  Société  archéologique  de  Château- 
Thierry,  présente  au  Congrès  des  pièces  provenant  de  la  collection 
de  iM.  iMinouflet.  Ces  monnaies,  trouvées  entre  le  Grand-Rozoy  et 
le  Plessier-Huleu  (Aisne),  remontent  à  l'époque  gauloise  et  sont 
ornées  de  têtes  et  d'animaux.  Elles  proviennent  des  ateliers  éta- 
blis chez  les  Silvanectes,  les  Sénons  et  les  Suessions.  Une  pièce 
fourrée  a  été  découverte  au  milieu  des  autres. 

—  M.  Hugues,  archiviste  de  Seine-et-Marne,  présente  un 
mémoire  sur  le  fonctionnement  de  l'assistance  publique  dans  cette 
région  durant  le  xix°  siècle.  Il  fait  connaître  le  régime  adopté 
pour  les  aliénés,  antérieurement  à  la  loi  organique  de  1838  ;  les 
moyens  mis  en  œuvre  pour  enrayer  la  progression  dn  nombre  des 
entants  abandonnés^,  parmi  lesquels  le  système  du  déplacement  et 
la  suppression  des  tours  ;  enfin,  les  tentatives  poursuivies  jusqu'en 
1850  en  vue  de  venir  en  aide  à  l'indigence  par  la  création  d'ate- 
liers de  charité  ou  l'organisation  de  l'assistance  médicale  gra- 
tuite. 

Cette  étude,  très  soignée,  porte  sur  les  enfants  assistés,  les  alié- 
nés, les  vieillards  et  les  mendiants.  Elle  témoigne  des  efforts  pro- 
gressifs qui  ont  été  faits  pour  tenir  compte  des  besoins  existants 
sans   s'exposer  aux  abus  constatés  dans  le  passé. 

—  Lecture  est  donnée  de  l'élude  de  M.  Alphonse  Roserot,  cor- 
respondant du  Comité  à  Chaumont,  sur  Edine  Bouchardon  : 
Essai  d'un  catalogue  de  son  œuvre  dessiné  et  gravr.  Le  titre  de 
cette  étude  est  pleinement  justifié  par  l'auteur.  Le  catalogue 
dressé  par  M.  Roserot  est  très  étendu  et  probablement  sans  lacu- 
nes. Bouchardon  a  dessiné  plus  qu'aucun  sculpteur  de  son  époque. 


^' 


476  CHRONIQUE 

A  Chaiimont,  à  Rome,  à  Paris,  il  ne  ce&se  de  tenir  le  crayon.  Ses 
dessins,  classés  par  M.  Roserot,  se  divisent  en  projels  de  sculptu- 
res, portraits,  compositions  mythologiques,  frontispices,  jetons  et 
médailles,  études  d'après  l'antique,  d'après  les  maîtres,  d'après  la 
nature,  sujets  religieux,  décor?,  ornements,  allégories,  caricatures, 
animaux,  pierres  gravées. 

«  Antoine  Benoisl,  écuyer,  peintre  ordinaire  du  roy,  etsoii  uni- 
que sculpteur  en  cire  collorée  »,  ce  sont  les  termes  du  testament 
de  l'artiste  —  est  l'objet  d'une  courte  notice  par  M.  Henri  Slein, 
correspondant  du  Comité  à  Fontainebleau.  11  rappelle  les  travaux 
d'Eudore  Soulié,  de  Jal,  de  .MM.  de  Montaiglon,  Guift'rey,  Chabouil- 
let,  Jossier,  Vaudin  sur  Antoine  Benoisl.  Quelques  réserves,  dis- 
crètement présentées,  font  honneur  à  son  sens  critique,  puis  l'ar- 
chiviste patient  et  curieux  se  révèle  dans  la  production  de  plusieurs 
pièces  inédites  qui  ajoutent  à  ce  que  nous  connaissions  déjà  sur  le 
sculpteur  en  cire  de  Louis  XIV. 

—  M.  le  docteur  Lcmoiiie,  de  l'Académie  nationale  de  Heims, 
fait  connaître  le  résallal  de  ses  recherches  sur  les  applications  de 
la  photographie  aux  éludes   entomologiques. 

—  M.  H.  Herliiison,  correspondant  du  Comité  à  Orléans,  fait 
une  communication  sur  le  peintre  troyen  Mignard. 

«  Il  a  découvert  une  liasse  de  pièces  inédiles  provenant  de  la 
succession  de  M'"^  Feuquières,  née  Catherine  Mignard.  Au  nombre 
de  ces  pièces  se  trouve  une  lettre  du  contrôleur  général  Desn:îarets, 
datée  du  11  juin  1697  etconcernant  le  tombeau  monumental  érigé 
à  Mignard  dans  l'église  des  Jacobins.  On  sait  que  ce  tombeau  fut 
commandé  par  la  comtesse  de  Feuquières.  D'autre  part,  une  quit- 
tance donnée  par  J.  Guérin  à  la  fille  de  Mignard,  en  1730,  établit 
qu'elle  a  payé,  selon  son  engagement,  une  somme  de  300  livres 
après  l'impression  de  la  Vte  de  son  père.  Il  s'agit  ici  de  l*ouvrage 
de  l'abbé  de  Monville  que  Fontenelle  avait  lu  en  manuscrit  «  par 
ordre  de  Mg""  le  garde  des  sceaux  »  et  dont  il  avait  approuvé  la 
mise  sous  presse  le  25  août  1729.  Une  autre  pièce  a  trait  à  l'acqui- 
sition, par  le  sieur  Davasse  de  Saint-Amand,  d'un  hôtel  apparte- 
nant à  Mme  de  Feuquières  et  dans  le  juei  se  trouvaient  de  nom- 
breux tableaux.  M.  Herluison  n'hésite  pas  à  admettre  que  la 
majeure  partie  de  ces  peintures  devaient  être  de  Pierre  Mignard. 
Le  délicat,  dans  la  circonstance,  c'est  de  statuer  sur  des  toiles  que 
nous  ne  pouvons  ressaisir.  L'indication  des  sujets  traités  est  un 
premier  jalon.  Le  culte  filial  de  Catherine  Mignard  pour  son  père 
ne  laisse  pas  place  au  doute  sur  le  soin  que  dut  prendre  celle 
femme  de  cœur  de  s'entourer  des  œuvres  du  maître  dont  elle  avait 
porté  le  nom.  Sa  statue  par  Le  Moyne  décora  le  monument  de 
l'église  des  Jacobins.  Elle  est  de  nos  jours  à  l'église  Saint-Roch, 
dans  une  altitude  désolée,  aux  pieds  du  Christ  admirable  de 
Michel  Anguier.  » 

* 
♦  * 


CHRONIQUE  477 

Le  dimanche  17  mars  189.'i,  à  trois  heures  de  l'après-midi,  a  été 
inaugurée  solennellement,  au  Lycée  de  Reims,  la  mag.iiPvjue  salle 
des  fêles  et  galerie  d'honneur,  édifiée  récemment  derrière  la  cour 
des  Moyens,  contre  la  chapelle. 

La  cérémonie  élait  présidée  par  M.  Evellin,  inspecteur  de  l'Aca- 
démie de  Paris,  assisté  de  MM  Bazin  de  Bezons,  proviseur;  Cor- 
net, inspecteur  d'Académie  pour  le  département  de  la  M^rne  ; 
PoitTaut,  sous-préfet;  Heiirot,  m  lire,  Morizet  et  Jolly,  adjoints; 
le  général  Diihem,  Warnier  et  Mennesson-Champagne,  anciens 
députés;  le  docleui  Luton,  directeur  de  TE'iole  de  Médecine;  des 
profes'^curs  du  Lycée  en  rol)cs,  etc.,  etc. 

Après  une  allocution  de  M  Evolliii,  une  intéressante  conférence 
a  été  faite  sur  «  les  sculptures  de  la  calhédrale  de  Reims  »,  par 
M.  Hamel,  professeur  de  rhétorique. 

La  séance  s'est  terminée  par  nu  concert  donné  avec  le  concours 
de  la  musique  municipale  et  do  la  chorale  du  Lycée,  au  milieu 
duquel  M  Jamnies  a  fait  enlcndre  le  fameu.'c  hymne  deiphique  à 
Apollon,  du  m"  siècle  avant  l'ère  chrétienne,  reconstitué  par 
.M.\L  Reinach,  Weil  et  Fauré,  d'après  les  récentes  découvertes. 


Confkre.ncb;  de  M.  lk  b\uo.n  de  Baye  sur  l\.  ville  de  Kfew, 
ANCiaN.\E  CAPITALE  DE  TOUTKS  LES  RussiEs.  — •  Le  29  mars  18'Jo, 
M.  le  baron  de  Baye  a  fait  une  nouvelle  conférence,  à  l'hôtel-de- 
ville  de  Reims,  sur  la  ville  de  Kiew,  la  mère  des  villes  russes, 
accompagnée  d'intéressantes  projections  pliotographiques. 

Dans  cette  causerie,  où  l'orateur  se  proposait  simplement  de 
corr.muniquer  au  public  quelques  feuilles  détachées  de  son  carnet 
de  touriste,  M.  de  Baye  a  tracé  d'abord  à  grands  traits  l'historique 
de  cette  illustre  cilé,  depuis  le  varègue  Oleg,  successeur  de  Rurik, 
immortalisé  par  la  ballade  de  Pouschkine,  <ias.  temps  barbares, 
jusqu'à  saint  Wladimir,  le  Clocis  des  Busses,  à  l'avènement  des 
temps  chrélicns. 

Héros  lui  aussi  des  légendes  poétiques  ou  bylines  de  la  vieille 
Russie,  Wladimir  est  l'objet  d'un  culte  fervent  do  la  part  des  popu- 
lations de  la  Petite  Russie.  Sa  châsse  repose  dans  l'église  de  la 
Dîme;  sa  statue  orne  le  point  le  plus  pittoresque  de  la  ville  de 
Kiew.  C'est  à  Chersonèse  qu'eut  lieu  la  conversion  du  guerrier,  et 
une  projection  nous  fait  voir  les  ruines  de  l'antique  sanctuaire  où 
le  prince  de  Kiew  reçut  le  baptême.  Les  ruines  de  Chersonèse  sont 
assez  justement  appelées  par  le  conférencier  le  Pompéi  de  la  Rus- 
sie, et  des  fouilles  y  ont  déjà  été  cxéculées  avec  succès  à  plusieurs 
reprises.  Deux  fresques  du  peiiilrc  VasnelzoflT,  qui  déiilenl  égale- 
ment sous  nos  yeux,  ont  perpétué  le  souvenir  du  baptême  de  Wla- 
dimir et  de  son  peuple,  accompli  en  988. 

La  suprématie  de  Kiew  se  maintint  jusqu'au  xni»  siècle.  Jaros- 


478  CHRONIQUE 

law,  que  .M.  de  Baye  compare  à  noire  Cbarlemagne,  marque  Tapo- 
gée  de  la  dynastie  des  Varègues.  Ce  prince  donna  l'une  de  ses 
filles  en  mariage,  Anne,  au  roi  de  Krance  Henri  V'\  el  c'est  préci- 
sément à  Reims  que  fut  célébrée  cette  union,  le  14  mai  1049.  De 
ce  jour  date,  ajoute  spirituellement  l'orateur,  la  première  alliance 
fraiico  russe. 

Après  avoir  brillé  pendant  [)lusieurs  siècles  d'un  vif  éclat,  la 
suprématie  de  Kiew  reçut  de  graves  atteintes  :  la  Russie  de  la 
steppe  fut  écrasée  par  la  Russie  des  forêts,  et  dut  subir  le  joug  de 
la  Litliuanie  ;  l'Ukraine  fut  toutefois  affranchie  par  l'hetman  Bog- 
dan  Chmielnicki,  dont  une  projection  nous  montre  la  colossale 
statue  équestre,  élevée  sur  une  des  places  de  Kiew.  Enfin,  sous 
Pierre-le-Grand  et  Catherine,  Kiew  redevipnt  grande  ville  russe  et 
la  capitale  des  Petits  Russiens. 

Parmi  les  monuments  de  Kiew,  le  plus  célèbre  est  l'église 
Sainte-Sophie,  que  son  fondateur,  Jaroslaw,  voulait  faire  la  rivale 
de  celle  de  Constanlinople.  Elle  porte  le  titre  de  métropole. 

M.  de  Baye  fait  ensuite  apparaître  successivement  à  nos  yeux, 
avec  un  commentaire  explicatif  fort  intéressant,  des  vues  nom- 
breuses de  la  superbe  ville,  que  traverse  le  large  et  majestueux 
cours  du  Dnieper  ;  de  l'église  métropolitaine  de  Sainte-Sophie, 
entièrement  décorée  par  les  belles  fresques  de  Vasnelzoff  ;  des 
églises  Saint-Michel  et  Saint-André  ;  du  couvent  des  Catacombes 
ou  Lavra  Pelcbersky,  qui  ne  renferme  pas  moins  de  \  ,'600  moines, 
de  toutes  les  races  de  la  Russie,  et  où  l'on  vient  en  pèlerinage  de 
tous  les  points  de  ce  vaste  empire. 

Voici  la  conclusion  de  cette  remarquable  causerie,  plusieurs  fois 
interrompue  par  des  applaudissements  : 

€  On  a  dit  que  Reims  était  la  Moscou  française  ;  ce  titre  est 
«  trop  charmant  pour  être  changé.  Cependant,  Kiew  et  Reims  ont 
«  l'une  et  l'autre  été  le  théâtre  l'u  baptême  des  premiers  barbares 
((  convertis.  Unissons  donc  les  noms  de  ces  deux  belles  cités  qui 
«  toutes  deux  ont  vu  l'aurore  de  la  civilisation  et  de  la  grandeur 
«  de  deux  peuples,  dont  les  drapeaux  portent  les  mêmes  couleurs 
«  et  dont  les  cœurs  battent  à  l'unisson.  » 

—  M.  de  Baye  s'est  fait  également  entendre,  dans  le  cours  du 
mois  d'avril,  à  la  Société  de  Saint  Jean,  à  Paris,  avec  un  non 
moins  vif  succès.  Il  a  évoqué  avec  le  même  bonheur,  devant  un 
auditoire  nombreux  et  choisi,  les  souvenirs  de  la  vieille  Russie, 
depuis  les  âges  proto-historiques,  célébrés  parle  magistral  pinceau 
des  peintres  Vasnetzolï  et  Siémiradzki  comme  par  les  légendaires 
épopées,  jusqu'aux  temps  présents  ;  el,  à  chacune  de  ces  confé- 
rences fort  applaudies,  réminent  historien  delà  Russie  chrétienne, 
le.  R.  P.  l'ierling,  se  levant  du  milieu  de  l'assistance,  a,  dans  une 
chaleureuse  improvisation,  vivement  félicité  et  remercié  l'orateur. 
Ternrinant  par  une  délicate  allusion  aux  événements  de  la  politi- 


flIUONIQUE  479 

que  couleniporaiiio,  le   savant  jésuite  a  conclu  Irèi  liiieineiit  par 
celle  pensée  :  «  Les  alliances  passent,  lamilié  demenre.  » 

A.  T.- H. 


Thèses  socte.nues  a  l'Kcole  des  Guautes.  —  Parmi  les  thèses 
présenlées  celte  année  à  l'Ecole  des  Charles,  et  soutenues  les  28 
et  29  janvier  !89o,  pour  l'obtention  du  diplôme  d'archiviste  paléo- 
graphe, deux  intéressenl  tout  spécialement  l'histoire  de  noire 
province. 

—  La  première  est  celle  de  M  Abel  Rigaull,  licencié  ès-Iellres, 
qui  a  obtenu  le  n"  1,  dans  le  classement  définitif,  et  se  réfère  au 
curieux  Procès  de  Guichard  de  Troyes  (1308-1313). 

M.  Abel  RigauU,  actuellement  attaché  au  Bureau  historique  des 
Archives  des  Affaires  étrangères,  est  presque  un  compatriote, 
étant  né  sur  les  frontières  de  la  Champagne  et  de  ITIe-de-France, 
au  village  des  Sablons,  près  Moret  (Seine-et-Marne).  Aussi  a-l-il 
chjisi  pour  objet  de  son  étude,  un  épisode  fort  curieux  de  l'his- 
toire de  celle  région,  qui  louche  par  pUis  d'un  point  à  l'histoire 
générale  du  royaume. 

Ce  Guichard,  qui  occupa  le  siège  épiscopal  de  Troyes,  de  1299 
à  1314,  était  né  à  Villemaur  (Aube),  d'une  famille  assez  humble. 
Recueilli  de  bonne  heure  par  les  religieux  de  l'abbaye  voisine  de 
Monlier-la-Celle,  il  y  fit  bientôt  profession.  En  1273,  on  le  trouve 
prieur  à  Saint-Ayoul  de  Provins;  en  1281,  abbé  de  Montier-la- 
Celle,  où  il  se  dislingue  par  une  administration  ferme  et  intéres- 
sée. Au  temps  de  son  séjour  à  Provins,  Guichard  était  entré  natu- 
rellement en  relations  avec  la  reine  douairière  de  Navarre  et  sa 
fille  la  reine  de  France.  Il  sut  habilement  tirer  parti  de  cette 
situation  pour  pousser  plus  avant  ses  affaires  et  acquérir  une  haute 
influence  à  la  cour.  Devenu  «  meslre  de  Champagne  »  et  «  sire  en 
Champagne  pour  le  roi  »,  il  est  désormais  le  premier  conseiller 
cl  le  favori  de  la  reine. 

En  1298,  nommé  à  l'évêché  de  Troyes  par  le  tout-puissant 
crédit  de  la  reine  de  Navarre,  Guichard  a  un  rôle  dans  le  con- 
seil du  roi  et  jouit  d'une  situation  considérable  en  Champagne. 
Il  a  d'ailleurs  plus  d'un  violent  démêlé  avec  le  clergé  de  son  dio- 
cèse :  dès  le  jour  de  son  entrée,  il  viole  le  privilège  de  l'abbaye 
de  Nolre-Dame-aux-Nonnains  ;  à  Barbonne,  il  prend  de  force  son 
gîte  chez  le  curé  ;  à  Soigoy,  il  détruit  le  presbytère  ;  il  exerce  à 
Saint-Mesmin  diverses  usui'pations  au  préjudice  du  chapitre  de  la 
cathédrale;  enfin,  il  commet  toutes  sortes  d'abus,  de  violences  et 
de  simonies. 

Au  moment  de  l'affaire  de  Jean  de  Calais,  trésorier  de  Cham- 
pagne, emprisonné  pour  ses  déprédations  et  remis  à  la  garde  de 
l'évêque  de  Troyes,  Guicbard  est  accusé  d'avoir  laissé,  moyennant 
finances,  son  prisonnier  fuir  en  Italie  (1300).  Il  perd  sa  situation 


480  CHRONIQUE 

à  la  cour,  e.st  chassé  du  conseil  roj'al,  el  une  enquête  rigoureuse 
s'ouvre  contre  lui.  Sur  ces  entrefaites,  la  reine  de  Navarre  vient  à 
mourir  (2  avril  1302).  L'accusation  primitive  se  renforce  succes- 
sivement de  'deux  chefs  autrement  graves  :  Guichard  est  chargé 
de  deux  meurtres  et   de  l'empoisonnement  de  la  reine  BUinclie. 

L'évêque  fait  alors  diverses  tentatives  pour  rentrer  en  grâce, 
puis  pour  fournir  une  contre-preuve.  Ses  amis  à  la  cour  du  roi. 
Tévêque  de  Meaux,  le  cardinal  l.emoine,  interviennent  en  sa  faveur. 
Le  procès,  finalement,  e^t  porté  devant  des  auditeurs  délégués 
par  le  roi.  Entre  temp?,  Guichard  cherche  à  faire  agir  Jean  de 
Calais,  qui  témoigne  par  ees  lettres  an  roi  et  h  la  reine  do 
France  afin  de  disculper  l'évêque.  Cependant  Jean  de  Calais  élaut 
mort  le  20  mai  1304,  la  question  se  pose  de  l'authenticité  de  ces 
lettres.  11  semble,  de  l'examen  des  pièces  du  procès,  conservées 
aujourd'hui  aux  Archives  nationales  et  dont  un  des  l'ouleaux  de 
pai'chemin  ne  mesui'e  pas  moins  de  53  mètres,  que  les  deu.\  promo- 
teurs de  ces  premières  poursuites  aient  été  iSofTo  Uei  et  l'archi- 
diacre de  Vendôme,  et  qu'ils  aient  tous  deux  intrigué  contre  Gui- 
chard avec  la  complicité  forcée  de  Jean  de  Calais. 

Toutefois  une  accalmie  se  produit  à  ce  moment.  Un  compro- 
mis pécuniaire  intervient  entre  Guichard  et  la  reine.  L'évêque  se 
retire  dans  son  diocèse  et  enti'eprend  le  règlement  de  tous  ses 
anciens  démêlés  déjà  apaisés  en  paiiie  :  avec  le  chapitre  de 
Saint-Pieri'e  (octobi-e  1302),  avec  Notre-Dame  aux  Nonnains 
(mars  1303),  avec  Saint-Etienne  de  Troyes  (mai  i30i),  avec  le 
chapitre  de  Saint-Pierre  (août  1304)  Son  chapitrée,  l'ahbaye  de 
Montier-la-Celle  et  le  prieuré  de  Sainl-Flavit  de  Villemaur  sont 
tous  trois  l'objet  de  ses  libéralités. 

Le  2  avril  1305,  meurt  !a  reine  de  France.  Guichard  fait  un 
nouvel  effort  pour  se  réhabiliter  :  Nolfo  Dei  se  rétracte  à  Troyes, 
au  mois  d'août  de  l'année  suivante.  L'évêque  ne  se  sent  pourtant 
pas  en  sûreté  dans  sa  retraite  de  Champagne  où,  le  15  août  1308, 
il  est  en  effet  soudainement  arrêté  el  derechef  mis  en  jugement. 

Sur  une  dénonciation  faite  au  mois  de  février  par  l'ermite  de 
Saint-Flavit,  des  charges  considérables  pèsent  plus  lourdement 
que  jamais  sur  sor;  compte.  L'animosité  de  ses  anciens  adver'saires, 
mettant  à  profit  les  arguments  divei's  de  son  inconduite  notoii-e, 
l'accuse  d'avoir  envoûté  la  reine  de  France,  et  tenté  d'empoison- 
ner Charles  de  Valois  et  Louis  le  Hutin.  Une  enquête  prélimiiiaire 
est  ouverte  par  le  bailli  de  Sens,  qui  en  présente  le  rapport  au 
roi. 

C'est  l'époque  du  grand  procès  des  Templier's  ;  le  loi  est  à  Poi- 
tiers avec  Louis  le  Hutin  ;  il  adresse  une  requèie  au  [lape.  Clé- 
ment V  lance  un  mandai  d'arrêt  contre  l'évêque,  incriminé  de 
divers  faits  monstrueux  el  u  énormes  ». 

(îuillaume  de  Hangest,  bailli  de  Sens,  fournit  aux  commissaires 
ecclésiastiques  les  propositions  de   l'accusation  réunies  en   vingt- 


CHRONIQUE  481 

huit  articles  :  les  chefs  principaux  sonL  l'envoûtement  diabolique 
de  la  reine  et  les  essais  d'empoisonneiiienl  du  roi  de  Navarre  et 
de  la  famille  royale,  avec  la  complicité  de  l'ermite  de  Saint-Flavit, 
qui  l'a  dénoncé  depuis. 

Bientôt  de  nouveaux  articles  s'ajoutent  aux  premiers,  résultat 
d'une  enquête  secrète  menée  sourdement  k  Troyes  par  Guillaume 
de  Nogaret  et  NofTo  Dei  (!•'■■  décembre  1  30.S)  :  Guiiiliard  a  fait  tuer 
le  curé  de  Laubressel  ;  il  était  usurier,  faussaire,  parjure,  sodo- 
niite;  il  a  usurpé  les  biens  du  roi  en  Champagne,  volé  les  Provi- 
nois,  fait  sortir  de  prison  Jacques  du  Front,  marchand  tlorentin, 
débiteur  du  roi  ;  il  a  laissé  mourir  de  faim  trois  pauvres  diables 
dans  les  cachots  de  Montierla-Ceile  ;  c'était  un  mécréant  qui 
crachait  l'hostie  sainte. 

Ce  second  procès,  rouvert  avec  Louis  le  Hutin  comme  instiga- 
teur officiel  des  poursuites,  parait  comme  une  reprise  des 
anciennes  charges  soulevées  naguère  au  cours  de  l'alfaire  de  Jean 
de  Calais. 

L'instruction,  commencée  à  Paris  dans  le  jardin  du  roi  en  octobre 
1308,  se  continue,  à  diverses  reprises,  jusqu'au  mois  de  février  l3ll. 
Guichard  nie  obstinément  les  nombreux  cliets  d'accusation,  inces- 
samment transformés,  abandonnés  ou  renouvelés,  dont  on  cher- 
che à  l'accabler.  On  lui  extor(iue  néanmoins  quelques  aveux  sur 
les  faits  de  simonie,  de  faux  monnayage,  et  sur  le  cas  de  sa  nais- 
sance, prétendue  diabolique.  Près  de  300  témoins  sont  entendus, 
et  le  chiffre  de  leurs  dépositions  atteint  i,4u0.  Les  témoins  sont 
pris  parmi  les  ecclésiastiques,  les  gens  de  l'entourage  de  l'évêque, 
les  Italiens  du  commerce  et  de  la  finance,  les  personnages  de  la 
cour.  Les  preuves  se  bornent  à  des  alfirmations  par  ouï-dire  ;  les 
témoignages  accablants  sont  en  nombre  fort  restreint  ;  certains 
ont  un  caractère  tout  à  fait  suspect. 

Pendant  la  durée  de  ce  long  procès,  Guichard  est  détenu  au 
Louvre,  sous  la  garde  de  Denis  de  Sens.  Il  y  a  main-mise  sur  le 
temporel  de  son  évêché  :  l'évêque  est  privé  de  ses  revenus  ;  il 
conserve  encore  son  office  spirituel. 

L'instruction,  tour  à  tour  interrompue  et  reprise,  devait  être 
remise  à  la  détermination  du  concile  de  Vienne  (1310).  Sur  les 
instances  du  pape,  on  achève  l'enquête  (lévrier  loll),  on  rédige 
les  pièces  du  procès  et  l'on  envoie  la  procédure  au  pape.  Sur  ces 
entrefaites,  Noffo  Dei,  condamné  au  gibet,  déclare  Guichard  inno- 
cent (1313) 

Dès  lors,  Guichard,  réfugié  à  Avignon,  est  transféré,  à  la 
demande  d'Eoguerrand  de  Marigny,  du  siège  épiscopal  de  Troyes 
à  celui  de  Diakovar  en  Bosnie.  Il  résigne  bienlùt  ce  nouvel 
évêché,  sans  en  avoir  pris  possession,  et  meurt  le  '22  janvier  1317. 
On  l'enterre  dans  l'église  Saint-Pierre  de  Troyes,  son  ancienne 
cathédrale. 

31 


482  CHROMQUK 

Après  avoir  étudié  la  vie  inouvemenlée,  eL  peu  édirianle  en  tout 
cas,  du  prélat  troyeii,  M.  Rigault  a  examiné  les  diverses  opinions 
émises  par  les  contemporain?  au  sujet  du  procès  de  ce  triste  per- 
sonnage. En  somme,  les  jugements  sont  plutôt  favorables  à  Gui- 
chard  :  Jean  de  Saint-Victor,  la  chronique  rimée  du  Bourgeois  de 
Paris,  riiisloirc  de  Guichard  écrite  par  un  clerc  de  Troyes  dans 
une  version  de  «  Renard  le  Contrefait  »  se  montrent  plutôt  indul- 
gents à  l'égard  de  l'évêquc  licencieux  cl  simoniaque.  Les  histo- 
riens modernes,  Boissy  d'Anglas  et  Boutiot,  voient  surtout  dans 
son  cas  une  affaire  politique  provoquée  par  l'ultramontanismede 
Guichard. 

Mais  les  accusations  contre  lui  sont  antérieures  au  concile  de 
Rome  et  à  l'arrestation  des  agents  du  pape  ;  la  cause  du  procès, 
suivant  M.  Rigault,  serait  donc  tout  autre  et  bien  plus  intime,  et 
la  conséquence,  avec  des  complications  successives,  d'une  intrigue 
de  cour,  TatTaire  primordiale  de  Jean  de  Calais, 

M.  Rigault  rapproche  avec  raison  ce  procès  si  curieux  des  autres 
grands  procès  instruits  presque  simultanément  à  cette  époque  ; 
celui  des  Templiers  et  celui  de  Boniface  VIH.  On  voit  dans  tous 
trois  l'action  louche  de  Guillaume  de  Nogaret,  dans  les  deux  pre- 
miers celle  non  moins  perfide  de  Noffo  Dei.  C'est  dans  tous  les 
cas  la  même  méthode  de  procédure,  les  mêmes  griefs  essentiels  ; 
hérésie,  sorcellerie,  sodomie,  simonie,  usure,  etc.;  l'intervention 
séculière  du  roi  catholique,  à  défaut  de  l'Eglise,  revendiquant  les 
droits  de  ministre  de  Dieu  et  de  défenseur  de  la  foi  ;  les  fréquen- 
tes illégalités  apportées  au  cours  de  l'enquête,  menée  également 
avec  une  partialité  et  une  acrimonie  révoltantes. 

En  résumé,  ce  Guichard,  dont  M.  Rigault  a  tracé  un  portrait 
physique  très  intéressant,  d'après  les  documents  même  du  pro- 
cès, était  avant  tout  un  impulsif  et  un  sanguin  Violent  à  l'excès, 
sujet  à  de  fréquents  mouvements  de  colère,  le  personnage  nous 
apparaît  peu  sympathique.  Arrivé  par  la  faveur  des  deux  reines, 
.sans  mérite  personnel,  le  jour  où  cette  protection  vient  à  man- 
quer, il  tombe  aussitôt  à  plat.  Le  caractère  vindicatif  de  Jeanne 
de  Navarre  se  révèle  d'ailleurs  ici  sous  un  jour  défavorable  ;  elle 
met,  de  concert  avec  Louis  le  Hutin,  son  fils,  un  acharnement 
féroce  à  poursuivre  le  malheureux  Guichard  :  tous  les  moyens 
leur  sont  bons  pour  perdre  plus  sûrement  l'évêque  ;  des  témoins 
sont  subornés,  les  faits  dénaturés  et  faussés. 

Au  fond,  il  y  a  là  une  de  ces  intrigues  de  cour  dont  nous  ne 
pouvons  saisir  nettement  le  mobile,  mais  dont  l'affaire  de  Jean  de 
Calais  a  seulement  fourni  le  prétexte.  Les  motits  allégués  de  sor- 
cellerie n'ont  été  invoqués  que  pour  faciliter  les  poursuites  contre 
le  prétendu  coupable.  Les  mœurs  de  l'évêque  étaient  évidemment 
suspectes;  il  n'y  a  point,  comme  l'on  dit,  de  fumée  sans  feu.  Les 
lettres  qui  le  chargent  peuvent  fort  bien  avoir  été  fabriquées  pour 
les  besoins  de  la  cause.  Les  témoins  choisis,  en  grande  partie. 


CHRONIQUE  483 

paiiui  1rs  peliles  gens,  oui  pu  agir  sous  l'empire  de  l'inliiiiida- 
lioii,  par  l'appât  du  gain  ;  d'autres  ont  pu  parler  sous  l'in- 
tluence  de  iiaines  personnelles  :  Guichard  avait,  à  la  cour,  beau- 
coup d'ennemis  et  d'envieux  qui,  sa  disgrâce  venue,  se  levèrent 
contre  lui. 

M.  Rigault  nous  a  donné  un  récit  piquant  des  diverses  appari- 
tions du  diable  à  l'évêque,  comparables  aux  descriptions  renfer- 
mées dans  les  ouvrages  spéciaux  tels  que  Springcr,  Deirio,  etc. 

Dans  ce  procès,  on  retrouve  le  classique  procédé  inquisitorial, 
évitant  de  laisser  connaître  à  l'accusé  certains  détails  de  l'accusa- 
lion,  certains  noms  de  témoins. 

Pour  ce  qui  est  des  homicides  reprochés  à  Guichard,  cela  est  par- 
faitement admissible.  Violent,  avec  le  pouvoir  en  main  et  la  quasi 
certitude  de  l'impunité,  il  agissait  conformément  aux  habitudes 
du  temps,  demeurées  encore  cruelles  et  demi-barbares. 

Quant  au  grief  d'avoir  suborné  des  témoins,  il  se  retourne  de 
même  impudemment  contre  lui.  Enln,  l'accusation  ignorante 
d'alchimie  doit  se  réduire  à  des  pratiques  de  fausse  monnaie, 
dont  Guichard  s'est  d'ailleurs  reconnu  coupable. 

Tel  est  l'avis  des  membres  du  jury  chargés  d'examiner  la  thèse, 
MM.  JMolinier  et  de  Mcntaiglon.  M.  Gaston  Paris  y  joint  une  obser 
vation  philologique  importante,  à  propos  de  la  prétendue  nais- 
sance mystérieuse  de  Guichard.  L'évêque,  a  dit  M.  Rigault,  fut 
engendré  par  un  «  necon  »  ;  on  l'en  accuse  et  il  avoue  s'en  être 
vanté  lui-même.  Il  faut  lire  ici  neton,  du  latin  ncplumis  (génie 
des  eaux),  qui  a  donné  lieu  aux  formes  populaires  neton,  nuitOîi 
(esprit  de  la'  nuit),  iullon  (esprit  malin  qui  lutte  contre  les  hom- 
mes), d'où  enfin  lulln. 

—  La  seconde  thèse  que  nous  ayons  à  signaler  est  un  Essai  sur 
Robert  II  de  la  Marché  seigneur  de  Sedan^  mort,  en  iu36,  par 
M.  Robert  Goubaux. 

Le  sujet  est  d'autant  plus  intéressant,  pour  la  région  arden- 
naise  en  particulier,  que  rien  n'est  plus  enchevêtré  et  compliqué 
que  cette  généalogie  des  la  Marck  et  des  Bouillon,  dont  M.  S. 
Leroy  donne  précisément,  dans  la  Revue  d'Ardenne  et  d'Argonne, 
une  notice  fort  détaillée  et  substantielle. 

La  question  qui  nous  occupe  ici  avait  été  déjà  traitée  précédem- 
ment par  M.  de  Bouteiller,  mais  seulement  d'après  un  petit  nom- 
bre d'imprimés.  Le  travail  de  M.  Goubaux  porte  sur  une  plus 
grande  quantité  de  soui'ces,  françaises  et  étrangères,  imprimées 
et  manuscrites. 

Il  sera  impossible  d'établir  exactement  la  généalogie  de  la 
famille  de  la  Marck,  tant  que  les  archives  de  la  famille  d'Arem- 
berg,  à  Bruxelles,  demeureront  obstinément  fermées  comme  elles 
l'ont  été  jusqu'à  ce  jour.  La  date  précise  de  la  naissance  de 
Robert  II  reste  inconnue  ;  elle  doit  se  placer  entre  les  années  i-io2 
et  i-i6o.  Brantôme  nous  a  laissé  un  curieux  portrait  de  lui. 


484  CHRONIQUE 

A  la  suite  des  troubles  survenus  au  pays  de  Liège,  Guillaume 
de  la  Marck,  banni  en  1480  par  Louis  de  Bourbon,  évêque  de  cette 
ville,  entre  en  guerre,  assisté  de  ses  frères,  Erard  et  Robert  I'=% 
et  de  son  neveu  Robert  II,  qui  fait  alors  ses  premières  armes.  Les 
événements  se  précipitent  :  le  meurtre  de  Louis  de  Bourbon,  la 
prise  de  Liège  (30  aoiit  1482),  la  paix  de  Tongres  (22  mai  1484). 
Jean  de  Horne  est  reconnu  évêque  de  Liège.  En  1485,  Guillaume, 
pris  par  trahison,  est  exécuté  à  Maëstricht  ;  c'est  le  signal  d'une 
nouvelle  guerre.  L'année  suivante,  Robert  l'^''  et  Robert  II  obtien- 
nent de  Charles  VIII  des  lettres  de  protection  ;  bientôt  ils  portent 
leurs  armes  contre  le  Luxembourg  :  Robert  lef  est  tué  au  siège 
d'Yvoix  (février  i487).  Robert  II,  devenu  seigneur  de  Sedan,  con- 
tinue la  lutte.  Après  la  victoire  de  Zonhoven,  remportée  par  Jean 
de  Horne,  la  paix  est  signée  le  10  mai  1490;  mais  les  hostilités  ne 
tardent  pas  à  reprendre  :  le  1'^''  novembre,  Robert  occupe  de  nou- 
veau Liège.  En  1492,  il  ravage  la  prévôté  de  Bastogne  ;  le  mar- 
quis de  Bade,  gouverneur  de  Luxembourg,  lui  enlève  toutefois  la 
place  de  P'Ioranges  ;  le  5  mai  1492,  la  pais  de  Doncbery  inter- 
vient :  Robert  II  a  gagné  à  cette  guerre  la  châtellenie  de  Bouillon. 

La  date  du  mariage  de  Robert  II  avec  Catherine  de  Croy  doit 
se  placer  antérieurement  au  2o  décembre  1490;  il  en  eut  plusieurs 
enfants.  Favorisé  par  Charles  VIII,  Robert  II  reçut  de  lui  le  com- 
mandement d'une  compagnie  de  cinquante  lances^  et  le  rang  de 
conseiller  et  de  chambellan. 

En  mars  1493,  il  entreprend  une  guerre  contre  René  II,  duc  de 
Lorraine,  et  après  une  première  escarmouche,  enlre  en  campagne 
à  l'automne  de  cette  même  année.  Le  molif  de  cette  lutte  était  la 
revendication  par  Robert  des  terres  de  Dun,  Renconval  et  autres 
lieux.  Les  parents  de  Robert  firent  cause  comnnme  avec  le  duc  de 
Lorraine  ;  le  roi  de  France  dut  s'interposer  et  convoqua  René  et 
Robert  à  une  journée  amiable  à  Vitry,  le  15  septembre  1494  : 
Robert  fit  défaut.  Cependant  les  hostilités  cessèrent  en  1494  et 
1493  :  Robert  guerroyait  ailleurs,  à  l'expéditidn  d'Italie  n'a- 
bord,  puis  contre  le  duché  de  Luxembourg.  En  juillet  1496,  elles 
reprennent  avec  une  nouvelle  ardeur.  Les  Messins  tentent  en  vain 
de  rétablir  la  paix,  en  provoquant  des  journées  amiables,  à  Metz 
(2'6  septembre  1496),  à  Reims  (décembre  1496).  René  tente  de 
surprendre  Robert  dans  la  place  de  Floranges.  A  la  prière  de 
Robert,  Charles  VIII  envoie  comme  médiateur  Jean  do  Baudri- 
court,  maréchal  de  France.  Le  25  octobre  1497,  la  paix  est  enfin 
conclue  :  les  prétentions  de  Robert  sont  écartées,  il  reçoit  seule- 
ment des  compensations  pécuniaires.  Le  3  avril  1497,  il  s'était  lié 
par  un  traité  avec  la  cité  de  Metz. 

Entre  temps,  Robert  avait  joué  un  rôle  assez  important  dans  la 
première  expédition  d'Italie. 

Le  31  mars  l'i9a,  une  convention  avait  été  signée  entre  les 
puissances  alliées  pour  l'envahissement  de  la  France.    Maximilien 


CHRONIQUE  485 

fit  attaquer  les  états  de  Robert  par  le  gouverneur  de  Luxembourg. 
Le  3  juillet,  ses  troupes  entraient  en  campagne  ;  le  2j,  Bouillon 
fut  pris,  et  le  siège  mis  devant  les  places  de  Monlfort  et  de  Sedan. 
Robert  demande  la  paix  ;  une  trêve,  le  26  août,  est  accordée  ;  Maxi- 
milien  essaie  vainement  d'attirer  Robert  à  son  service. 

Le  27  mai  li98,  Robert  assistait  au  sacre  de  Louis  XU.  Survint 
une  nouvelle  rupture  avec  l'Autriche  ;  Maximilien  ayant  fait  don 
de  la  seigneurie  de  Floranges  à  un  de  ses  serviteurs  qui  s'en 
empara  facilement,  Robert  aussitôt  d'exercer  des  représailles  sur 
le  Luxembourg,  la  prévôté  de  Bastogne  et  les  autres  terres  de 
l'archiduc.  D'ailleurs,  en  décembre  1498,  Maximilien,  gêné  par  les 
troubles  de  Gueidre,  rendait  Floranges  à  Robert. 

C'est  vers  cette  époque,  1499  ou  ioOO,  que  le  tils  aîné  de 
Robert  II,  Robert  de  Floranges,  fut  envoyé  par  son  père  à  la  cour 
de  France  pour  y  être  élevé  avec  le  duc  d'Angoulême  et  Anne  de 
Montmorency.  Au  mois  de  décembre  1501,  Robert  se  rendit  lui- 
même  à  Blois  ;  pendant  les  années  1501  et  1502,  rien  de  notable 
n'étant  survenu,  il  utilisa  la  paix  en  fortifiant  ses  places. 

En  1503,  Louis  XII  l'envoie  au  secours  du  comte  palatin  contre 
Maximilien,  puis  le  désavoue  ;  Robert  faillit  alors  abandonner  le 
service  du  roi  de  France,  et  Louis  XU  dut  céder.  Les  instances  de 
l'archiduc  cherchèrent  alors  à  gagner  Robert  à  sa  cause  ;  mais  en 
juillet  1506,  Louis  XII  l'envoyait  encore  porter  assistance  à  Char- 
les d'Egmont,  comte  de  Gueidre. 

Le  30  janvier  1506,  Erard  de  la  Marck  fut  élu  à  l'évêché  de 
Liège.  Louis  XII  voulut  se  servir  de  lui  et  de  son  frère  Robert 
pour  se  faire  attribuer  la  tutelle  des  princes  de  Castille,  mais  ils 
échouèrent  dans  cette  entreprise.  En  1507  et  1508,  Robert  conti- 
nua la  guerre  de  Gueidre.  Louis  XII,  en  récompense  des  services 
rendus  par  les  deux  frères,  exigea  que  Robert  et  Erard  fussent 
compris  dan.-  le  traité  de  Cambrai. 

Le  1'^''  avril  1510,  le  cardinal  d'Amboise  donnait  sa  nièce,  Guil- 
lemette  de  Sarrebriick,  en  mariage  à  Floranges;  Robert  reçut  le 
collier  de  Tordre  de  Saint-Michel.  Trois  mois  après,  il  partait  pour 
l'Italie,  et  prenait  part  à  la  bataille  de  Bologne. 

En  1311,  Robert  renouvelait  par  un  traité  nouveau  l'alliance 
conclue  avec  les  Messins  en  1497  ;  il  eut  toutefois  certaines  diffi- 
cultés avec  la  ville  au  sujet  de  gens  de  guerre  qu'il  levait  alors 
pour  le  service  de  la  France.  Floranges,  revenu  d'Italie,  faisait  à 
son  tour  des  levées  de  lansquenets  pour  Louis  XII. 

En  1513,  le  roi  fit  une  seconde  expédition  en  Italie  :  Robert  y 
prit  part,  accompagné  de  ses  deux  fils  :  Floranges  et  Jameiz.  On 
lui  dut  alors  l'invention  du  parc  d'artillerie.  A  la  défaite  de  Novare 
(15  juin  1513),  il  eut  le  bonheur  de  sauver  ses  deux  fils  restés  sur 
le  champ  de  bataille. 

Les  troupes  rentrées"  on  France,  Floranges  rejoint  Louis  XII  à 
Amiens  et  en  reçoit,   le  21  aoilt,  une  compagnie  de  cent  lances; 


486  CHRONIQUE 

Robert,  de  retour  à  Sedan,  est  chargé  de  guerroyer  contre  les 
Bourguignons.  Il  conduit  ses  troupes  sur  le  Luxembourg  et  cher- 
che inutilement  à  s'emparer  de  Thiun ville  par  trahison.  En  jan- 
vier i5i5,  François  \"  l'invite  à  assister  à  son  sacre,  et  lui  fait 
cesser  les  hostilités,  promettant  de  lui  faire  restituer  Bastogne  et 
attribuer  une  indemnité  ;  mais  jamais  Robert  ne  put  obtenir  l'exé- 
cution de  ces  engagements. 

Une  nouvelle  expédition  est  dirigée  en  Italie  :  Robert  réunit 
pour  le  roi  six  mille  lansquenets  et  y  envoie  ses  trois  lils  ;  Flo- 
ranges  est  armé  chevalier  sur  le  champ  de  bataille  de  Marignan 
par  François  I^""  lui-même  ;  il  s'empare  de  Crémone.  En  novem- 
bre 151 6,  il  a  des  difficultés  avec  les  magistrats  de  Metz,  au  sujet 
de  la  déclaration  de  nullité  de  mariage  de  Bonne  Baudoche.  Le 
28  août  1516,  il  est  nommé  capitaine  des  cent  suisses  de  la  garde 
du  roi. 

François  I'^'",  qui  avait  alors  (Quelques  visées  sur  la  couronne 
impériale,  songe  à  employer  Erard  et  Robert  de  la  Marck  pour 
préparer  les  voies  à  son  élection.  Robert  gagne  Franz  de  Sickin- 
gen  au  service  du  roi  (novembre  1516).  Grâce  à  l'entremise 
des  deux  frères,  les  principaux  électeurs  sont  un  instant  acquis  à 
la  cause  du  roi  de  France,  et  François  P"",  au  début  de  1518, 
aurait  pu  compter  sur  un  succès.  L'influence  néfaste  de  Louise  de 
Savoie  lui  fit  perdre  le  bénéfice  qu'il  pouvait  attendre  de  l'appui 
des  La  Marck.  Robert  perd  sa  compagnie,  on  lui  paie  mal  ses 
pensions;  le  chapeau  de  cardinal,  promis  à  Erard,  est  donné  à  un 
favori  de  la  reine.  Erard  mécontent  entraîne  son  frère  dans  le 
parti  de  l'empereur,  par  le  traité  de  Saint-Trond,  conclu  le  27 
avril  1518.  Les  deux  fils  aînés  de  Robert  restent  pourtant  fidèles 
au  roi  de  France.  Robert  renvoie  h  François  l*"'  le  collier  de  Saint- 
Michel  avec  une   lettre  justifiant  sa  conduite  (19  septembre  1518). 

Tandis  qu'Erard  et  Robert  s'emploient  activement  en  faveur  de 
rélection  de  Charles  d'Espagne,  Floranges  agit  auprès  des  mêmes 
personnages  dans  l'intérêt  du  roi  de  France.  Un  moment^  la 
balance  peut  pencher  du  côté  de  celui-ci  ;  mais  Robert,  ayant 
engagt'  au  nom  du  roi  d'Espagne  l'armée  de  Souabe,  la  conduisit 
vers  Francfort,  entoura  la  ville  de  troupes,  et,  intimidant  ainsi  les 
électeurs,  contribua  puissamment  à  l'élection  de  Charles-Quint 
(28  juin  1519).  Ainsi  la  défection  des  La  Marck  causa-t-elle  dans 
une  large  mesure  l'échec  de  François  I""""  dans  sa  compétition  à 
l'Empire. 

Le  nouvel  empereur  ne  se  montra  point  ingrat  :  Erard  eut  le 
cardinalat  tant  souhaité,  avec  l'évêché  espagnol  de  Valence  ; 
Robert  reçut  également  de  riches  et  nombreux  présents.  Toutefois 
ses  réclamations  au  sujet  de  la  place  d'Hierges  demeurant  sans 
résultat,  il  Unit  par  abandoniici'  le  service  de  Charles-Quint,  le 
30  décembre  1519,  pour  rentrer  à  celui  de  François  l'''',  ave-, 
lequel  il  contracta  un  engagement  solennel,  le  14  février  1520.  Le 


criKOMQUK  487 

roi  de  son  côté  s'élail  engagé  pareillement,  el  lui  avait  rendu  le 
collier  de  Saint-Michel. 

Cependant  Robert  tenait  à  avoir  satisfaction  en  ce  qui  concer- 
nait Hierges.  A  peine  de  retour  à  Sedan,  il  envoya  un  déli  à  .Mai- 
guerite  d'Autriclie  ;  puis  se  mit  en  campagne.  De  concert  avec 
Antoine,  abbé  de  Beaulieu,  il  lente  de  s'emparer  de  Liège  ;  mais 
le  projet  échoue.  Il  mène  alors  ses  troupes  devant  Virton.  Fran- 
çois 1",  croyant  que  Charles-Quint  songe  à  rendre  justice  à 
Robert,  invite  ce  dernier  à  suspendre  les  armes  ;  mais  l'empereur, 
qui  n'avait  cherché  qu'à  gagner  du  temps,  dès  qu'il  eut  des  trou- 
pes prêtes,  les  fit  conduire  contre  les  états  de  Robert  par  le  comte 
de  iNassau,  qui  s'empara  de  Logne  (fin  avril  li)2l),  de  Florenville 
et  de  Messincourt. 

François  le-",  n'osant  prendre  ouvertement  parti,  envoie  onc 
armée  à  peu  de  distance  de  la  frontière,  sous  les  ordres  du  duc 
d'Alençon  avec  mission  d'aider  Robert  à  se  défendre,  non  à  atta- 
quer. Néanmoins  la  place  de  Floranges  est  prise,  le  14  ou  1;)  juin 
lo2i,  et  Nassau,  profitant  de  la  retraite  de  l'armée  française  à 
Reims,  prend  aussi  Bouillon  le  4  août;  bientôt  les  Impériaux  par- 
viennent sous  les  murs  de  Sedan,  et  Robert,  abandonné  par  les 
Français,  est  contraint  de  négocier  avec  Charles-Quint.  Des  trêves 
de  huit  jours,  puis  de  six  semaines  se  succèdent,  non  renouvelées 
sans  que  pour  cela  les  hostilités  recommencent.  C'est  qu'à  ce 
moment  la  prise  de  Mouzon,  le  siège  de  Mézières  venaient  de 
marquer  à  leur  tour  les  débuts  d'une  guerre  entre  François  I*^''  et 
l'Empereur. 

Cette  année  1521  mit  un  terme,  du  reste,  à  la  carrière  politique 
de  Robert.  Les  documents  sont  assez  rares  sur  les  quinze  derniè- 
res années  de  son  existence.  On  sait  que  le  IG  juin  1323,  il  déli- 
vra par  voie  d'échange  son  fils  Guillaume  de  Saulcy,  prisonnier  à 
Namur.  Deux  ans  plus  lard,  Floranges,  fait  prisonnier  à  la  bataille 
de  Pavie,  enfermé  au  fort  de  l'Ecluse,  trompait  les  ennuis  de  ia 
captivité  en  écrivant  ses  Mémoires.  Le  traité  de  Madrid,  en  lo2(i, 
ne  comprenait  pas  les  La  Marck  el  les  traita  même  assez  dure- 
raeiiL  Comme  compensation,  Floranges  lut  nommé  maréchal  de 
France  el  reçut  en  outre  diverses  faveurs.  Le  traité  de  Cambrai, 
en  1529,  ne.  modifia  rien  des  clauses  du  pacte  précédent.  En  août 
et  septembre  1336,  F'Ioranges  se  couvrit  encore  de  gloire  dans  la 
défense  de  Péronne. 

Au  mois  de  décembre  de  celte  même  année,  Robert  II  mou- 
rail  ;  son  fils  Robert  III  le  suivit  dans  la  tombe  peu  de  joui's  après. 

M.  Alfred  Morel-Fatio,  jugeant  la  thèse  de  .\1.  Goubaux,  insiste 
sur  l'importance  des  documents  italiens  à  consulter  sur  cette 
époque.  L'ouvrage  allemand  d'Ulmann  est  également  d'un  intérêt 
capital.  Les  mémoires  de  Floranges  sont  aussi  fort  précieux  à  lire 
pour  établir  la  biographie  du  père.  Une  bibliographie  complète 
et  une  étude  critique  seraient  à  faire  de  ce  tdxte  capital,  au  point 


488  CHRONIQUE 

de  vue  historique  et  même  littéraire,  et  dont  une  édition  délini- 
tive  reste  à  donner. 

M.  Goubaux  a  rectifié  le  nom  de  Fleuranges  en  Floranges.  Les 
deux  expressions  ont  dû  simultanément  être  employées  ;  mais  il 
ne  saurait  y  avoir  de  confusion,  le  Dictionnaire  des  Postes  ne 
mentionnant  qu'une  seule  localité  du  nom  de  Fleuranges.  Celle 
du  Gers  citée  par  M.  Goubaux  se  nomme  Fieurances. 

Le  sieur  d'Aimeris,  indique  à  piopos  de  l'afTaire  d'Hierges, 
appelé  Emeris  par  Ulmann,  pourrait  bien  être  identifié  avec  Jean 
de  Dinteville,  seigneur  d'Emeri,  mort  au  siège  de  Metz  eu  lo52. 
En  tout  cas,  ce  doit  être  quelqu'un  de  sa  famille. 

Quant  au  défi  porté  à  Charles-Quint  à  la  diète  de  Worms.  cela 
paraît  être  une  légende  basée  sur  l'unique  affirmation  de  Martin 
du  Bellay.  Ulmann  l'a  démontré. 

Il  existe,  sur  Pierre  de  Navarre,  cité  dans  les  Mémoires  de  Flo- 
ranges, une  chronique  publiée  dans  les  Documents  inédits  sur  Ihis- 
loire  d'Espagne  (tomes  XXV  et  XXVI),  qui  donne  d'intéressants 
détails  sur  les  guerres  d'Italie. 

En  définitive,  le  travail  de  .M.  Goubaux  est  une  œuvre  conscien- 
cieuse et  qui  fait  grand  honneur  à  son  auteur. 


A.  T.-R. 


Société;  Historique  et  Archéologique  de  Ghateau-Thierry 
(Séance  du  7  mai  1895).  —  Présidence  de  M.  Vérette. 

Dans  le  rapport  qu'il  présente  sur  les  lectures  faites  à  la  Sor- 
bonne  (section  d'archéologie),  pendant  le  Congrès  des  Sociétés 
savantes.  M.  Moulin  met  en  relief  celles  qui  lui  ont  paru  offrir  le 
plus  d'intérêt  pour  notre  région. 

Il  mentionne,  notamment,  les  églises  de  Notre-Dame  de  l'Epine, 
près  de  Châlons-sur-Marne  ;  de  Saint-Evremond  de  Greil,  dont  la 
destruction  est  imminente,  à  moins  que  l'Etat,  à  la  sollicitation 
de  M.  l'abbé  Mûller,  appuyée  par  le  Congrès,  n'intervienne  pour 
classer  le  monument  et  accorder  une  subvention  qui  en  permette 
le  rétablissement;  la  restitution  d'un  antique  château  élevé  à  Sens 
de  l'an  1  à  l'an  III  de  J.-C,  restitution,  toute  iconographique,  due 
aux  sagaces  investigations  de  M.  Julliot,  président  de  la  Société 
archéologique  de  Sens. 

M.  Morel,  de  Reims,  a  donné  la  description  d'une  longue  tige 
de  bronze,  trouvée  dans  une  sépulture  gauloise  du  Dijonnais,  et 
qui  ne  mesure  pas  moins  de  67  centimètres  ! 

Dans  une  communication  faite  sur  le  monument  élevé  à  Guil- 
laume de  Flavy  (le  gouverneur  de  Compiègne  qui  a  livré  Jeanne 
d'Arc),  M.  Moulin  a  cru  devoir  rappeler  que  le  drame  si  connu  de 
la  mort  de  ce  triste  gouverneur  avait  eu  comme  théâtre  la  tour 
de  Nesles-en-Tardenois  et  que,  depuis  bien  longtemps,  cette 
histoire  était  connue,  publiée  non  seulement  par  nos  compatriotes, 


CHRONIQUE  489 

mais  aussi  par  les  SocitHés  d'Amiens,  de  Beauvais  et  de  Compiè- 
gne. 

La  note  de  M.  IMinouflet  sur  les  monnaies  gauloises  est  l'objet 
d'une  mention  particulière,  ainsi  que  la  remarquable  étude  de 
M.  Pilloy,  correspondant  de  la  Société,  sur  l'émaillerie  aux  n»  et 
ni<=  siècles. 

M.  Pilloy  a  été,  lors  de  la  séance  solennelle  du  Congrès  présidée 
par  le  ministre,  promu  officier  de  l'Instruction  publique  ;  cette 
distinction  était  bien  due  à  notre  confrère,  auquel  la  Société 
adresse  ses  félicitations. 


Eglise  Saini'-Pikrrb  kt  Saint-I'aul  d'Epernay.  —  Nous  extrayons 
les  passages  suivants  d'un  arliole  du^  Champenois,  d'Epernay  : 

i\Igr  Latty,  évêque  de  Châlons.  est  venu,  le  dimanche  i2  mai, 
poser  et  bénir  la  première  pierre  de  lu  nouvelle  église  due  à  l'i- 
népuisable générosité  de  M.  le  comte  Paul  Cbandon  de  Briailles 
et  de  ses  tils. 

Destinée  k  devenir  le  siège  d'une  nouvelle  paroisse  d'Epernay, 
cette  église,  située  rue  de  .Magenta,  est  placée  sous  le  vocable  de 
saint  Pierre  et  saint  Paul,  sur  le  désir  de  MM.  Chandon,  qui  ont 
voulu  honorer  ainsi  le  patron  vénéré  de  M.  Paul  Chandon. 

La  cérémonie  a  eu  un  caractère  tout  intime  et  pour  ainsi  dire 
familial,  à  cause  de  l'état  de  santé  de  M.  Paul  Chandon,  retenu 
par  une  longue  maladie. 

.Mgr  Ldtty,  accompagné  de  M.  l'abbé  Mollard,  son  grand-vicaire, 
est  arrivé  à  Epernay  à  onze  heures  un  quart  et  s'est  rendu  immé- 
diatement au  presbytère,  déjà  presque  achevé,  de  la  nouvelle 
église.  11  y  a  été  reçu  par  MM.  Raoul,  Gaston  et  Jean  Chandon, 
par  M.  l'Archiprêlre  d'Epernay  et  plusieurs|  membres  du  clergé 
de  notre  ville. 

Au  nom  de  M.  Paul  Chandon,  président  du  Conseil  dejfabrique 
de  la  nouvelle  église,  M.  Drouet,  ancien  capitaine  de  gendarmerie, 
membre  du  même  Conseil,  lui  a  souhaité  la  bienvenue. 

Un  déjeuner  a  eu  lieu  aussitôt  dans  l'une  des  salles  du  presby- 
tère, spécialement  décorée  pour  la  circonstance, 

A  deux  heures,  le  clergé,  en  procession,  va  prendre  au  presby- 
tère Mgr  Latty,  qui  apparaît  bientôt  vêtu  de  ses  ornements  sacer- 
dotaux, mitre  en  tète  et  tenant  à  la  main  sa  crosse  pastorale.  Le 
cortège  se  dirige  vers  une  petite  tente  dressée  en  face  de  l'église, 
à  vingt  mètres  environ  du  portail  principal,  dont  les  fondations 
sortent  déjà  de  terre  ;  c'est  sur  le  pilier  gauche  de  ce  portail 
qu'est  disposée  la  pierre  que  l'évêque  bénira  tout  à  l'heure.  Deux 
cavités  sont  pratiquées;  l'une  a  déjà  reçu  une  bouteille  de  Cham- 
pagne de  la  marque  Moët  et  Chandon,  l'autre  est  destinée  à  rece- 
voir les  pièces  olficielles  commémoratives  de  l'événement.  Une 


490  CHRONIQUE 

énorme  pierre,  destinée  loul  à  l'heure  à  recouvrir  celle  dont 
nous  parlons,  est  suspendue  au-dessus  par  une  chaîne  enroulée 
autour  d'une  poulie. 

Après  un  morceau  exécuté  par  la  musique  Moët  et  Chandon, 
sous  la  direction  de  M.  Venant,  son  sous-chef,  les  chants  religieux 
commencent  ;  puis  Mgr  Latly,  après  avoir  fait  le  tour  des  fon- 
dations de  l'église  qu'il  bénit  en  même  temps,  monte  sur  le  petit 
échafaudage  qui  accède  à  la  pierre  qu'il  va  bénir  et  dépose  dans 
la  Cavité  disposée  au  centre  un  parchemin  portant  celte  mention  : 

Sous  le  pontificat  du  pape  Léon  XIII  ;  AI.  Félix  Faure  étant  président 
de  la  République  ;  Mgr  Lan^^énieux,  archevêque  de  lîeims,  et  sous  la  pré- 
sidence de  Mgr  Lalty,  évêque  de  Châlons  : 

La  première  pierre  de  l'église  paroissiale  Sainl-Pierre-Saint-I^aul  a  été 
bénie  et  posée  solennellement  le  dimanche  12  mai  189--,  en  présence  de 
M.  Raoul  Chandon  de  liriailles  ;  M.  Gaston  Chaudon  de  Briailles  et  son  fils 
M.  Claude  Chandon  de  Briailles  ;  M.  Jean  Chandon  de  Briailles  ;  MM.  les 
membres  de  la  fabrique  de  l'église  Notre-Dame  et  MM.  les  membres  de  la 
fabrique  de  l'église  Saiut-Pierre-Saiut-l'aul. 

Il  place  également  dans  la  cavité  des  pièces  de  monnaie  toutes 
neuves,  l'une  de  20  francs  au  millésime  de  1895  ;  les  autres  de 
5  francs,  de  2  fr.,  de  \  fr.,  de  HO  c.  en  argent,  de  10  el  de  5  cen- 
times en  billon. 

Enfin,  il  recouvre  la  cavité  d'une  plaque  méiallique  portant 
rinscription  latine  suivante  : 

Sanct.  apoBl.  Pelrum  et  Paulum  custodes  civit  Sparnac.  ac  hujuique  lem- 
pli  inclyl.  lilulares  solemn.  elogerunt  ac  posuerunt  fondatores  insignes  sui- 

que  clientes. 

XII  Mail  1893. 

M.  Antoine,  chef  de  chantier,  présente  alors  à  lévéque  une 
auge  en  acajou,  dans  laquelle  se  trouve  un  peu  de  mortier,  une 
truelle  et  un  marteau  en  argent.  Mgr  Latty  répand  un  peu  de 
mortier  sur  la  pierre  et  la  bénit,  et  des  ouvriers  font  descendre 
inifnédiateraent  l'autre  pierre  qui  va  recouvrir  à  jamais  les  pièces 
constatant  la  fondation  de  l'église. 

Après  le  chant  des  litanies,  l'évêtiue  fait  encore  une  fois  le  tour 
de  l'église,  qu'il  bénit,  puis  il  monte  sur  une  estrade  préparée 
à  cet  effet,  et  prononce  une  allocution  remarquable  à  la  fin  de 
laquelle  il  complimente  chaleureusement  M.  Paul  Chandon  de 
Briailles. 

Pour  terminer,  quelques  mots  sur  la  nouvelle  église.  Elle  est 
placée,  comme  nous  l'avons  dit,  au  sud  de  la  rue  de  Magenta. 
Son  entrée  sera  séparée  de  la  rue  par  une  petite  place  ;  elle  sera 
du  plus  pur  style  roman. 

Nous  en  avons  vu  les  plans  et  nous  pouvons  assurer  qu'elle  aura 
beaucoup  de  caractère  ;  le  talent  de  l'éniinent  .M.  Deperthés  t^ous 
en  était  du  reste  un  sûr  garant. 


CHRONIQUE  491  , 

Elle  aura  07  mètres  de  long  et  20  mètres  de  large,  la  nef  aura 
10  mètres  de  largeur  et  chacun  des  bas-côtés  un  peu  plus  de  3 
mètres. 

La  flèche  qui  surmontera  le  grand  portail  aura  47  mètres  de 
hauteur. 

Les  travaux  commencés  le  15  mars  dernier  seront  terminés,  on 
l'espère,  pour  la  fête  de  l'Assomption  de  l'an  prochain. 

Les  fondations  ont  exigé  un  travail  spécial  à  cause  de  la  nature 
marécageuse  du  terrain.  On  a  dû  établir  à  5  mètres  de  profon- 
deur, en  plein  dans  l'eau,  un  massif  en  béton,  sur  lequel  on  a 
construit  des  arcades  solides  en  pierre  meulière  qui  supportent 
les  fondations. 

Le  presbytère,  séparé  de  l'église  par  un  très  petit  espace,  a  son 
entrée  sur  la  rue  de  Magenta.  Très  vaste  et  très  confortable,  il  a 
été  construit  dans  les  mêmes  conditions  et  on  a  eu  les  mêmes 
difficultés  à  vaincre  pour  en  établir  les  fondations. 

Les  plans  sont  de  S],  Deperthes;  l'architecte  qui  dirige  la  cons- 
truction est  M.  Piquart,  d'Epernay  ;  enfin,  l'entrepreneur  chargé 
de  l'exécution  est  I\L  Paul  Thomas,  de  Reims. 


A'ouvEAUx  vrTRAUx  A  LA  CATHÉDRALE  DE  Reims.  —  Depuis  long- 
temps on  songe  à  placer  des  verrières  dans  les  trois  grandes  baies 
du  transept  faisant  face  à  l'orgue.  L'argent  seul  fait  défaut. 

M.  l'abbé  Colligiion,  archiprètre  de  Notre-Dame,  a  pris  l'alFaire 
à  cœur.  Il  a  parlé  de  ce  projet  à  un  des  peintres-verriers  les  plus 
distingués  de  France,  M.  Champigneulle,  de  Bar-le-Duc.  Celui-ci 
accepte  la  première  ouverture  et  olfre  même  de  coopérer  pour 
une  grande  part  à  la  dépense  qui  doit  être  considérable,  en  rai- 
son de  la  grandeur  des  fenêtres.  Nous  avons  la  confiance  que 
quelques  personnes   généreuses  viendront  en  aide  à  M.  le   Curé. 

Les  fêtes  en  l'honneur  d'Urbain  H  et  du  R.  J.-B.  de  La  Salle 
donnèrent  l'idée  de  représenter  dans  les  trois  baies  le  B.  Urbain, 
saint  Bruno  et  le  B.  J.-B.  de  La  Salle,  tous  trois  chanoines  de 
Reims.  Le  peintre-verrier,  de  concert  avec  M.  Darcy,  l'architecte 
du  Gouvernement,  se  mit  à  l'œuvre.  11  fit  un  premier  projet  d'en- 
semble :  S,  E.  le  cardinal  Langénieux  l'approuva.  11  exécuta  ce 
projet  en  grandeur  d'exécution  et,  croyons-nous,  ces  dessins  sont 
également  acceptés  par  l'Architecte.  ' 

Les  cartons  ont  été  exposés  récemment  dans  la  grande  salle  de 
l'Archevêché.  Les  fenêtres  comportent  chacune  un  personnage  eu 
pied  et  quatre  médaillons,  deux  sous  les  pieds  du  saint,  deux  au- 
dessus  de  sa  tête. 

1"  Le  B.  Urbain  11,  en  chasuble  moyen-âge,  la  tête  couverte 
d'une  tiare  pointue,  tient  dans  ses  bras  la  croix  double  et  dans  la 
main   droite  la  croix  des  croisades.    Le   médaillon  du  ba*  repré- 


492  CHRONIQUE 

senle  Urbain  chantant  une  leçon,  à  Taigle,  dans  le  chœur  de 
Notre-Dame  ;  trois  petits  clercs  le  considèrent.  Dans  le  second 
médaillon,  Urbain,  auprès  d'une  grande  construction  qu'il  touche, 
fonde  Tabbaye  de  Binson.  Le  troisième  médaillon  est  consacré  à 
la  prédication  de  la  croisade.  Dans  le  haut  de  la  fenêtre,  Mgr 
Langéiiieux,  aux  pieds  du  Souverain-Pontife,  sollicite  le  rétablisse- 
ment du  culte  du  Bienheureux. 

2°  Saint  Bruno,  en  costume  de  chartreux,  tient  dans  ses  bras  le 
livre  de  ses  constitutions  et  un  lystel  sur  lequel  se  trouve  le  plan 
du  couvent. 

Le  médaillon  du  bas  est  consacré  à  saint  Bruno  enseignant  dans 
les  écoles  du  Chapitre.  Le  B.  Urbain  II  est  assis  et  l'écoute.  Le 
médaillon  suivant  rappelle  la  fondation  de  la  Chartreuse;  dans 
un  angle  apparaissent  les  douze  étoiles  symboliques.  Dans  le  troi- 
sième médaillon,  saint  Bruno  est  aux  pieds  du  Souverain-Pontife, 
son  ancien  élève.  Dans  le  quatrième,  il  est  au  ciel. 

3°  Le  B.  J.-B.  de  La  Salle,  en  soulane,  ceinture  et  rabat,  parle 
à  un  enfant  debout  devant  lui. 

Dans  le  médaillon  du  bas,  J.-B.  de  La  Salle  distribue  ses  biens 
aux  pauvres  de  la  ville.  Au-dessus,  dans  une  chaire,  il  fait  l'école. 
Dans  le  troisième  médaillon,  debout,  il  dépose  sur  un  autel  ses 
constitutions.  Dans  le  quatrième,  il  est  au  ciel. 

Ces  dessins,  tels  quels,  nous  paraissent  très  beaux. 

Tout  en  admirant  l'ensemble  du  projet  qui  fait  grand  honneur 
à  M.  Champigneulle,  nous  nous  permettrons  de  présenter  quel- 
ques observations  sans  portée. 

La  coulle  de  saint  Bruno  est  retenue  par  une  agrafe  ;  nous  nous 
demandons  s'il  ne  serait  pas  mieux  de  la  supprimer.  Le  scapulaire 
qui  pend  sur  la  robe  de  saint  Bruno  ressemble  à  un  rochet  ou  à 
une  seconde  robe  ;  ne  serait-il  pas  possible  de  faire  comprendre 
que  c'est  un  scapulaire,  en  accusant  le  côté  fendu,  et  retenu  dans 
le  bas  par  une  petite  bande  d'étoile  ? 

Ces  critiques  ne  formaliseront  pas  l'artiste,  qui  sait  combien 
nous  admirons  son  talent. 

(Courrier  de  la  Cliampagne.)  Ch.  Cerf 


Mélanges  sur  l'Exposition  rétrospective  de  Reims.  —  l.  La 
Crosse  dile  de  Saint-Gibrien.  —  Dans  une  des  vitrines  de  l'Ex- 
position rétrospective,  parmi  les  objets  du  Trésor  de  la  Cathédrale, 
se  trouve  un  des  fragments  de  la  prétendue  crosse  de  saint 
Gibrien,  auquel  on  a  joint  les  deux  fragments  appartenant  à  la 
Ville. 

Cette  crosse  étant  du  xii''  siècle,  n'a  pas  pu  appartenir  à  saint 
Gibrien,  qui  vivait  en  L»09  ;   d'ailleurs,  il  n'était  pas  évêque   et  les 


CHRONIQUE  493 

crosses    ne    furent    introduites    qu'au   ix"  fiècle,   d'autres   disent 
au  xi«. 

Il  y  avait,  en  réalité,  dans  le  trésor  de  l'église  Saint-Kemi,  dit 
Marlot,  une  canne  qui  avait  appartenu  à  saint  Gibrien,  on  la  por- 
tait en  procession  le  jour  de  sa  fête  ;  c'est  ce  qui,  sans  doute,  a 
amené  la  confusion. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  nous  tombe  sous  la  main  une  note  :  nous 
la  donnons  pour  ce  qu'elle  vaut;  elle  doit  avoir  une  certaine  vrai- 
semblance à  raison  des  détails  positifs  (ju'elle  renferme.  Elle  est 
d'un  rémois  qui  a  laissé  queUjiies  notes,  M.  Tliibault,  cliirurgien, 
et  datée  du  8  septembre  IS22. 

«  Un  bénédictin  toujours  chargé  de  montrer  aux  étrangers,  qui 
«  visitaient  le  tombeau  de  saint  Rcmi,  les  reliques  qui  s'y  trou- 
«  valent  renfermées,  montrait  en  outre  la  crosse  ou  bâton  pasto- 
«  rai  (sic)  de  saint  Gibrien. 

«  Ce  bâton,  aujourd'hui  entre  les  mains  de  Mme  veuve  Langlet, 
<(  échut  à  son  mari,  en  échange  d'un  os  du  doigt  de  Saint-Remi  ; 
«  un  de  ses  beaux-pères  T.c  Temple,  tailleur,  i\  la  Révolution, 
«  l'avait  sauvé  du  pillage. 

«  11  était  surmonté  d'une  poignée  en  forme  de  béquille,  en  cui- 
«  vrc  ou  argent  doré,  revêlu  de  diamants,  toujours  enveloppé 
<(  dans  un  fourreau. 

«  La  veuve,  le  16  juillet  I8l9,  disait  qu'elle  ne  s'en  déferait 
«  qu'en  faveur  d'un  successeur  de  Saint-Rcmi. 

«  Le  4  septembre  1822,  elle  le  remit  à  M"''  de  Couey  ;  celui-ci, 
i<  en  échange,  lui  donna  une  médaille  et  une  gravure  de  Ms""  de 
«  Talleyrand-Périgord,  et  une  gravure  de  la  France,  les  yeux 
«  baignés  de  larmes.  ï 

Voilà  bien  des  détails  positifs  :  il  est  difficile  de  les  mettre  en 
doute.  On  peut  donc  croire  que  le  fragment  que  l'on  trouva  k 
l'archevêché,  dans  un  étui  de  maroquin  vert,  du  temps  de 
M'f  Gousset,  y  est  arrivé  par  les  soins  de  Mme  veuve  Langlet. 

Ch.  Cerf. 

II.  Un  portrait  de  Culbert.  —  Parmi  les  raretés  de  l'Exposi- 
tion, nous  devons  signaler  un  portrait  de  Colbert,  qui  a  tous  les 
caractères  d'un  portrait  original  et  mérite  ainsi  l'attention  des 
experts  en  tableaux  et  des  historiens  rémois.  C'est  une  peinture 
sur  toile  de  forme  ovale,  le  personnage  vu  à  mi- corps  et  de  face, 
dans  un  riclie  cadre  sculpté  du  xvii"  siècle.  Aucune  signature, 
aucune  date  n'accompagne  le  portrait.  L'attestation  d'authenticité, 
outre  la  similitude  parfaite  avec  plusieurs  portraits  gravés  du 
temps,  notamment  avec  ceux  dûs  au  burin  de  Nanteuil,  c'est  un 
cartouche  également  exposé  et  de  même  provenance,  en  bois 
sculpté  et  doré,  offrant  les  armes  du  puissant  ministre  (la  couleuvre, 
coiiiber,  allusion  parlante  à  son  nom)  entourées  des  cordons  des 
ordres  royaux.  Colbert  est  représenté  dans  Tâge  mûr,  à  l'époque 
de  sa  haute  faveur  et  de  ses  plus  éclatants  services. 


494  CHRONIQUE 

On  sait  combien  sont  rares  et  précieux  les  l;ibleaux  reprodui- 
sant les  traits  de  l'illustre  rémois  Les  altributioiis  douteuses  et 
les  contrefaçons  plus  ou  moins  réussies  abondent  dans  les  musées 
et  les  colleclions  particulières.  Le  portrait  peint  par  C.  Le  Febvre, 
gravé  par  B.  Audran  et  conservé  à  Versailles,  passe  pour  Tun  des 
meilleurs  originaux.  Celui  que  vient  de  révéler  l'Exposition  rétros- 
pective de  Reims  doit  être  étudié  et  comparé  aux  types  oi'iginaux. 
Il  a  été  prêté  par  M.  Poursin-Longchamp,  propriétaire  du  Maga- 
sin des  Sœurs  de  Cliarilr,  rue  du  Cadi-an-Saint-Pierre  à  Reims,  et 
se.  transmet  dans  sa  famille  depuis  plusieurs  générations.  11  y  a 
pour  pendant  un  portrait  d'évêque,  probablement  celui  de  l'arche- 
vêque de  Rouen,  tils  du  célèbre  contrôleur  géiiéral,  accompagné 
aussi  d'un  cartouche  armorié.  Ces  portraits  et  ces  cartouches  pro- 
viennent, d'après  les  traditions  de  famille^  du  château  de  Seigne- 
lay  (Yonne),  le  siège  du  marquisat  érigé  en  faveur  de  Colbert  et 
transmis  à  sa  descendance.  Les  mutations  du  domaine  à  l'époque 
de  la  Révolution,  puis  les  ventes  mobilières  auront  amené  ces  pré- 
cieux souvenirs  dans  la  famille  de  l'honorable  négociant  rémois, 
au  sein  de  laquelle  ils  ont  été  conservés  avec  un  soin  parfait. 

Tel  qu'il  nous  parvient,  grâce  à  l'Exposition  rétrospective,  le 
jiorlrait  de  Colbert  excite  donc  un  vif  intérêt  dans  la  ville  natale 
du  grand  ministre,  à  son  lieu  d'origine  et  de  première  éducation. 
Nous  devons  remercier  l'heureux  possesseur  de  s'en  être  dessaisi 
quelque  temps  en  notre  faveur,  et  nous  devons  former  des  vœux 
pour  que  cette  œuvre  d'art  soit  de  mieux  en  mieux  connue  et 
appréciée  des  véritables  connaisseurs  et  des  futurs  biographes  de 
l'immortel  rémois.  H.  Jadaut. 

III.  Les  candélabres  en  bronze  du  Lycée.  —  Les  meubles  de 
l'abbaye  d'Igny,  déclarée  propriété  nationale  au  moment  de  la 
Révolution,  furent  mis  sous  scellés.  Le  o  avril  1791,  MM.  Clément 
et  Saguet,  administrateurs  du  district  de  Reims,  assistés  de 
MM.  Boude  et  Pilloy,  notaires  à  Fismes,  levèrent  ces  scellés. 

Les  archives  et  quelques  objets  d'art  furent  alors  envoyés  au 
directoire  du  district  de  Reims  et  déposés  à  la  Bibliothèque  de 
cette  ville.  Parmi  ces  objets  se  trouvaient  des  candélabres  en 
bronze. 

L'abbaye  fut  alors  mise  en  vente  ;  la  famille  Raison  s'en  rendit 
acquéreur,  le  14  avril  1791. 

Le  10  octobre  de  la  même  année,  «  le  Conseil  de  fabrique  de 
»  Notre-Dame,  réuni  à  cinq  heures,  présidé  par  M.  Mopinot,  sur 
»  le  rapport  fait  qu'il  y  a  au  directoire  du  district  de  Reims  des 
»  chandeliers  à  branches  de  cuivre  doré  venant  de  l'église  d'Igny, 
»  qui  seraient  très  convenables  pour  la  décoration  de  l'autel  du 
»  Cardinal,  arrête  que  MM.  les  marguilliers  feront  ce  qu'ils  pour- 
»  ront  pour  se  les  procurer.   »  (Délibération.) 

Il  ne  fut  sans  doute  pas  donné  suite  à  la  proposition,  car,  d'après 


CHRONIQUE  495 

Je  même  livre  des  délibérations,  «  il  fui  arrêté  que  l'on  placerait 
»  sur  l'autel  du  Cardinal  les  chandeliers  de  Saint-Nicaise.  » 

En  etl'et,  l'inventaire  de  Fabbé  Rergeat,  I792-I79i,  mentionne 
au  district  :  «  Deux  groupes  de  petits  génies  portant  des  branches 
»  de  lys  dorées  d'or  moulu.  »  (Livret  du  Musée.)  En  avant  de  cette 
mention  se  trouve  un  P,  qui  veut  dire  prêtés. 

Au  momeiit  de  la  distribution  des  objets  du  Musée,  l'an  \I  et 
l'an  XII,  le  lycée  de  Reims  reçut  quatre  tableaux  et  des  objets 
d'art,  parmi  lesquels,  dit  Tarbé  (Trésors  de  Reim^),  se  trouvaient 
les  deux  génies  en  bronze  vert  et  en  or  moulu.         Cl).  Cê.rf. 

IV.  Le  Dais  d'il  de  Louis  XVI.  —  Le  dais  de  Louis  XVI  qui  se 
voit  à  l'Exposition  rétrospective  n'était  pas  primitivement  un  dais, 
mais  une  housse  de  cheval,  en  broderies  d'argent  sur  fond  d'ar- 
gent, convertie  en  dais,  comme  l'atteste  ce  billet,  trouvé  dans  une 
des  pentes  de  ce  dais,  lors  de  sa  restauration. 

«  Housse  de  cheval  que  le  roy  Louis  XVI  donna  au  Révérend 
«f  Père  Dora  Pierre-Gabriel  de  Bar,  grand  prieur  de  l'abbaye  et 
«  archimonastère  de  Saint-Remy  do  Reims,  pour  porter  la  Sainte- 
«  Ampoule  à  la  Métropole  de  Reims,  pour  son  sacre,  le  11  juin 
«  1773,  exécutée  en  pentes  de  dais  par  M""  Le  Blanc,  sur  les  dés- 
ir sins  et  sous  les  yeux  de  M.  Bernard,  maître  brodeur  à  Reims, 
«  dom  Sutaine  el  dom  Grandpierre  étant  trésoriers  de  Saint- 
ci  Remy  ;  lesquelles  ont  été  commencées  le  24  juin  1775  et  finîtes 
«  le  30  mars  1776,  de  même  que  la  belle  croix  du  ciel,  au  milieu 
«  de  laquelle  est  un  Saint  Esprit  sous  la  forme  d'une  colombe, 
«  portant  la  Sainte-Ampoule  et  exécutée  par  les  mêmes  per- 
«  sonnes.  » 

Après  la  réouverture  des  églises,  l'église  de  Saint-Remi  rentra 
en  possession  des  quatre  pentes.  Mais,  le  18  mars  1806,  la  fabri- 
que de  la  Cathédrale  les  racheta  à  celle  de  Saint-Remi,  pour  une 
somme  de  2,600  l'r.,  d'après  estimation  des  experts,  MM.  Coiry, 
orfèvre  ;  Massy,  tapissier  ;  et  Vesseront,  chasublier-brodeur.  Il 
servit  en  cet  état  jusqu'au  11  avril  1841.  Alors,  les  broderies  furent 
enlev.ées  de  l'ancien  fond  d'argent  et  réappliquées  sur  velours  de 
soie  cramoisi.  (HisL  et  descript.  de  la  Calliédraie  de  Reims^  t.  Il, 
p.  520.)  Gb.  Ceuf.    ■■ 

V.  La  Fontaine  de  Couslou.  —  L'attention  de  nombreux  visi- 
teurs est  attirée,  dans  le  premier  salon  qui  suit  la  grande  salle, 
sur  le  vase  en  bronze  qui  surmonte  le  divan.  Ce  vase,  d'une  forme 
gracieuse,  couronné  de  serpents  enroulés,  est  un  souvenir  pré- 
cieux du  vieux  Reims,  depuis  longtemps  dérobé  aux  regards  des 
amateurs  dans  un  grenier  de  l'Usine  des  Fontaines. 

Grâce  à  l'obligeance  de  M.  Lamandière,  directeur  des  fontaines 
de  la  ville,  il  vient  d'être  reconstitué  avec  ses  ornements,  tel  qu'il 
figurait  au  sommet  de  l'élégante  fontaine  de  la  place  des  Marchés, 
construite  sur  les  dessins  de  Coustou,  en  1753,  et  transférée  de  nos 


496  CHRONIQUE 

jours  sur  la  place  Saint-Nicaise.  Cet  endroit  fut  fatal  au  chef- 
d'œuvre  du  XVIII»  siècle,  qui  semble  protesler  dans  son  isolement 
et  sa  mutilation  contre  le  vandalisme  des  enfants  du  quartier  et 
des  malfaiteurs  nocturnes. 

11  y  a  une  quinzaine  d'années,  le  vase  fut  arrache  de  son  piédes- 
tal par  ces  mains  de  vandales,  et  il  aurait  disparu  à  jamais  sans 
l'intervention  de  M.  le  U'  Doyen,  alors  maire  de  Reims,  qui 
ordonna  des  recherches  et  fil  sauvegarder  les  débris,  heureuse- 
ment retrouvés,  ainsi  que  les  têtes  de  griffons  également  en 
bronze. 

Aujourd'hui,  que  l'œuvre  d'art  reparait  aux  yeux  du  public,  un 
vœu  unanime  se  manifeste  parmi  les  amis  de  nos  monuments, 
celui  de  voir  transférer  ia  fontaine  de  Coiislou  dans  la  cour  de 
l'Hôtel  de  Ville,  où  elle  retrouverait,  à  la  suite  d'une  intelligento 
restauration,  toute  sa  beauté  native  avec  un  cadre  digne  d  elle. 

H.  Jadarï. 

VI.  Le  Verre  de  Tristan.  —  II  serait  bien  intéressant  de  faire  la 
légende  des  objets  de  l'Exposition  rétrospective  qui  ont  un  souve- 
nir historique  rémois.  Pour  ne  citer  qu'un  exemple,  M.  Simon- 
Gardan  a  déposé  dans  une  vitrine  un  Verre  ayant  apparlenu  au 
célèbre  jacobin  Tristan.  Le  verre  est  ciselé  et  doré  :  le  nom  Tris- 
tan se  lit  entre  deux  palmes,  et  par  derrière;  sur  une  branche  est 
perché  un  oiseau. 

Ce  vase  contient  un  litre  :  c'est  beaucoup,  surtout  si  l'on  en 
croit  les  traditions  de  famille.  Le  jacobin  devait  ménager  sa  santé  ; 
son  médecin  ne  lui  permettait  qu'un  verre  de  vin  par  repas.  Que 
lit-il  ?  Il  commanda  une  coupe  plu*  qu'ordinaire. . . 

Tristan  faisait  partie  de  la  réunion  des  jacobins  de  Reims.  Il  fut 
arrêté  comme  tel,  le  17  juillet  1794,  avec  soixante  terroristes,  et 
conduit  avec  seize  d'entre  eux  à  la  prison  Bonne  Semaine,  sous  le 
nom  de  Tristan  le  Retordeur. 

Il  fut  du  nombre  des  citoyens  chez  lesquels,  le  30  germinal 
an  III,  M.  Assy-Villain  saisit  des  armes  : 

«  1"  Chez  le  citoyen  Jacques  Trislaot,  rue  Maurice,  cù  perquisition  fdite. 
nous  avons  trouvé  une  pique,  un  petit  sabre  doré  d'enlant  et  un  fu^il  et 
sabre  qu'il  nous  a  déclaré  provenir  de  la  (ormaliou  des  canoriniers.  » 

Tristan  mourut  en  l'année  1803,  lue  Timothéc.  11  fut  assisté, 
dans  ses  derniers  moments,  par  M.  l'abbé  Jolinet.  Il  consentit  à 
recevoir  les  Sacrements  de  l'Eglise,  à  condition  qu'il  serait  ense- 
veli et  enterré  dans  son  drapeau  de  jacobin. 

(Extraits  du  Courrier  de  la  Champagne.)         Ch.  Ckuk. 


Les  Fétes  de  Clermo.nt.  —  S.  E.  le  cardinal  Langénicux,  arche- 
vêque de  Reims,  a  présidé  les  fête?  qui  ont  eu  lieu  à  Clcrmont, 


CHRONIQUE  407 

du  16  au  19  mai,  pour  le  luijlième  centenaire  des  croisades,  cl 
auxquelles  assistaient  quarante  prélats  français  et  étrangers. 

De  ce  nombre  étaient  S.  E.  le  cardinal  Meignan,  archevêque  de 
Tours,  ancien  évêque  de  Cliâlons  ;  NX.  SS.  Ardin,  archevêque  de 
Sens,  et  de  Briey,  évêque  de  îMeaiix. 

l'ii  véritable  événement  artistique  a  marqué  ces  solennités  : 
l'exécution  d'un  drame  sacré,  Pierre  l'Ermile,  dont  les  paroles 
sont  de  M.  l'abbé  Raynaud,  et  la  nuisiquo  de  M.  Claussniani). 
.  Ce  drame,  qui  a  été  exécuté  à  la  cathédrale,  comp'-cnd  trois 
parties  :  la  Vocation,  la  Mission,  la  l'rcdicnlion  de  Ut  Croisade. 
Les  trois  scènes  se  passent  :  la  première  an  Saint-Sépulcre  ;  la 
seconde,  au  Palais  de  Latran,  à  Home;  la  Iroisième,  à  (llermont. 
Quatre  personnages  y  figurent  :  le  Christ,  le  pape  Urbain  I[,  l'évè- 
quc  du  Puy,  Adhémar  de  Monteil,  légat  pontifical  auprès  des  croi- 
sés. Autour  de  ces  quatre  héros  du  drame  gravitent  des  chœurs 
divers  ;  anges,  musulmans,  pèlerins,  pères  du  Concile. 

Les  soli  étaient  confiés  à  deux  excellents  artistes  de  [^aris  : 
'S\}\.  Gibert,  de  l'Opéra,  et  Tisseyre,  de  l'Opéra- Comique.  l>es 
clioîurs  comprenaient  200  exéculan's,  appartenant  à  toutes  les 
classes  d'amateurs,  et  ap'uyés  par  un  orchestre  de  GO  musi- 
ciens. 

Le  dimanche  19  mai,  jour  de  clôture  de  ces  l'êtes  mcmoraijles, 
a  commencé  par  la  célébration  d'une  grand'messe  solennelle  sur 
l'estrade  immense  érigée  eu  plein  air.  au  milieu  de  la  place 
Uclille;  du  haut  de  cet  autel,  mcrveilleusenieul  encadré  par  la 
verdure  des  grands  platanes,  tous  les  prélats  l'cunis  ont  donné  la 
bénédiction  pontificale  à  la  foule  groupée  en  masse  innombrable 
et  recueillie 

Ensuite,  la  statue  de  Notre-Dame  du  Port  a  été  promeni-c  pro- 
cessionnellemcnt  à  travers  la  ville. 

Enfin,  le  soir,  à  trois  heures,  une  cavalcade  historique,  organi- 
sée, avec  un  souci  minutieux  de  reconstitution,  par  M.  .-Vmbroise 
ïardieu,  historiographe  de  l'Auvergne,  et  comprenant  3o0  figu- 
rants environ,  a  parcouru  les  principaux  quartiers,  évoquant  aux 
yeux  du  peuple  les  grands  événements  qui  se  sont'  déroulés  à 
Clcrmont,  il  y  a  huit  siècles. 

En  souvenir  de  cet  anniversaire,  un  monument  comméuioralii 
sera  élevé  sur  la  place  des  Croisades,  au  centre  et  au  sommet  de 
la  ville,  devant  le  portail  sud  de  son  antique  cathédrale. 

Le  projet  a  été  dressé  par  deux  clei-montois,  artistes  de  talent, 
-MM.  Jean  Teillard,  architecte,  et  Courgouillou.  sculpteur. 

U  comporte  une  fontaine  monumentale,  surmontée  d'une  pyra- 
mide quadrangulaire  :  au  sommet  s'élève  la  statue  du  pape 
Urbain  IL  Un  ange,  aux  ailes  éployées,  le  domine  et  l'inspire. 
Deux  groupes  de  bronze,  en  haut  relief,  représentant,  d'une  part, 


4V8  CIIROMOUK 

la  pr/'ilicalion  do  hi  ci'oisiide  par  lt>  légal  du  Pape,  Ailhoiiiar  de 
iMouLeil,  de  l'autre,  l'entrée  i  Clerniout  de  Pierre  l'Ermite^  l'apô- 
tre populaire  de  l'audacieuse  entreprise,  décoreut  les  doux  façades 
principales,  sur  les  faces  latérales  sont  placées  deux  figures  iso- 
lées :  Godefroy  de  Bouillon,  le  chef  militaire  de  la  croisade,  et 
Guillaume  VI,  comte  d'Auvergne. 

Le  devis  des  dépenses  s'élève  à  une  centaine  de  mille  francs. 


MÉLANGKs  suii  Jeanne  d'Arc.  —  Domrcmy  et  Vaucouleurs.  — 
M?''  Foucaud,  évèque  de  Saint-Dié,  a  donné  le  5  mai,  à  Londres, 
une  grande  confér;nce  sur  Jeanne  d'Arc,  à  Form-Street,  dans 
l'église  des  Jésuites.  L'évêque  de  Saint-Dié  s'est  fait  précéder,  en 
Angleterre,  par  une  circulaire  rédigée  en  anglais,  dans  laquelle  il 
insiste  sur  les  mauvais  souvenirs  que  Vaucouleurs  rappelle  à  nos 
voisins  d'Outre-Manche,  à  qui  Oomremy  seul  parle  de  la  bergère 
favorisée  de  célestes  visions. 

On  sait,  dit  le  Figaro,  que  Vaucouleurs,  dans  le  diocèse  de  Ver- 
dun, et  Domremy,  dans  le  diocèse  de  Saint-Dié,  sont  les  centres 
de  deux  œuvres  rivales.  Les  Anglais  eux-mêmes  estimeront  peut- 
être  que  Msf  Foucaud  pourrait  les  solliciter  en  faveur  de  l'œuvre 
qui  lui  est  chère,  sans  essayer  de  nuire  à  l'œuvre  de  Vaucouleurs 
qui,  de  son  propre  aveu,  honore  en  Jeanne  d'Arc  ce  qui  a  fait 
d'elle  une  de  nos  plus  pures  gloires  nationales. 


jEANiNE  d'Arc  a  Notre-Dame  de  Paris.  --  S.  E.  le  cardinal 
Richard,  archevêque  de  Paris,  a  présidé,  le  dimanche  12  raai,  à 
quatre  heures,  à  Notre-Dame,  la  fête  célébrée  en  l'honneur  de 
Jeanne  d'Arc. 

Une  foule  énorme  avait  envahi  de  bonne  heure  l'immense  nef, 
chaque  pilier  était  orné  d'une  oriflamme  portant  une  des  dates 
qui  marquèrent  glorieusement  ou  douloureusement  la  vie  de 
Jeanne  d'Arc.  Entre  les  piliers,  on  avait  placé  les  écussons  des 
villes  françaises  que   traversa  l'héro'ine. 

La  décoration  de  la  cathédrale  était  complétée  par  des  trophées 
de  drapeaux  tricolores. 

Le  cardinal  Richard  était  assisté  de  Ms""  Jourdan  de  la  Passar- 
dière,  évêque  de  Roséa  et  directeur  de  la  Société  anti-esclavagiste 
de  France,  et  de  Ms""  Marchai^  évêque  de  Sinope. 

Le  R.  P.  Gardet,  qui  devait  prononcer  le  panégyrique  de  Jeanne 
d'Arc,  est  monté  en  chaire  à  quatre  heures  et  quart.  Il  a  com- 
mencé par  annoncer  ofticiellement  que,  désormais,  des  fêtes 
annuelles  seraient  régulièrement  célébrées  à  Paris,  comme  à 
Orléans,  en  l'honneur  de  l'héroïne. 

Ensuite  le  prédicateur  a  développé  celte  idée,  que  les  fêtes  ds 


cHuoNiQUE  4yy 

Jeanne  d'Arc  devaient  avoir  un  double  caractère.  Elles  sont,  en 
t'ii'et,  une  réparation  que  nous  devons,  pour  le  passé,  à  la  sainte 
de  la  patrie.  Elles  sont  aussi  un  gage  d'espérance  pour  l'avenir  de 
notre  pays. 

En  terminant,  le  Père  Gardet  fait  un  saisissant  parallèle  entre 
la  passion  du  Christ  et  la  passion  de  Jeanne  d'Arc,  la  seconde 
retraçant,  en  effet,  d'une  façon  vraiment  merveilleuse  presque 
tous  les  épisodes  de  la  première,  et  il  conclut  :  «  Jeanne  d'Arc  est 
bien  réellement  le  messie  de  la  France,  et  le  Christ  de  la  patrie.  » 

Le  discours  de  l'éminent  religieux,  qui  a  duré  plus  d'une  heure, 
a  produit  une  profonde  impression. 

Il  a  été  immédiatement  suivi  de  l'exécution  de  la  Bannière  de 
Jeanne  d'Arc^  de  M.  Adolphe  Deslandres,  et  d'un  splendide  salut 
en  musique. 

*    » 

Le  20  mai,  au  soir,  l'Union  nationale  réunissait  en  assemblée 
générale  tous  ses  Comités  de  Paris  et  de  la  banlieue,  pour  une 
manifestation  imposante  en  l'honneur  de  Jeanne  d'Arc,  sa  patronne. 

On  y  a  acclamé  l'idée  de  faire  une  souscription  populaire  à  dix 
centimes  pour  élever  à  Paris  un  monument  à  la  mémoire  de 
Jeanne  d'Arc,  plus  digne  pour  la  capitale  que  les  trois  statues 
dont  elle  est  dotée  pour  le  moment.  Un  comité  a  été  formé  séance 
tenante  pour  organiser  la  souscription. 


Reims  et  la  Statue  de  Jeanne  d'Arc.  —  Les  Rémois,  qui  témoi- 
gnent depuis  quelque  temps  une  impatience  assez  enfantine  de 
voir  se  dresser  enfin,  sur  la  place  du  Parvis,  la  statue  équestre  de 
Jeanne  d'Arc,  après  avoir  laissé  d'ailleurs,  pendant  tant  d'années, 
l'héroïque  Pucelle  dans  un  complet  oubli,  se  montrent  légitime- 
ment fiers  du  modèle  unique  destiné  à  leur  ville  par  l'éminent 
statuaire  Paul  Dubois,  alors  même  qu'ils  lui  disputent  le  temps 
nécessaire  à  l'achèvement  complet  de  sa  grande  œuvre,  —  délai 
dont  lui  seul,  en  somme,  peut  et  doit  être  le  seul  juge. 

C'est  ainsi  qu'à  l'occasion  de  la  belle  figure  en  bronze  exposée 
par  le  maître  aux  Champs-Elysées  et  acquise  par  l'Etat,  ils  ont  pu 
s'alarmer  un  instant  de  la  ressemblance  offerte  par  cette  statue 
avec  le  modèle  exclusif  adopté  par  le  Comité.  Cette  inquiétude  a 
été  promptement  dissipée  par  les  affirmations  réitérées  de  l'ar- 
tiste, dont  l'œuvre,  fondue  à  cire  perdue,  fera  bientôt,  nous  n'en 
doutons  pas,  le  plus  magnifique  ornement  de  la  cité  rémoise. 

À.  T.-R. 


Nouvelles  archéologiques.  —  Un  arrêté  ministériel,  en  date  du 
15  novembre  dernier,  a  classé  les  verrières  de  l'église  de  Davrey 
(Aube),  parmi  les  monuments  historiques. 


500  CHliONIQUE 

Aiissilôl  celle  lionne  nouvelle  arrivée,  dit  l'excellent  curé  de  la 
paroisse,  nous  allâmes  féliciter  nos  chers  vitraux;  il  nous  sembla 
alors  les  entendre  murmurer  sous  l'ellorl  du  vent  : 

Merci,  monsieur  l'antiquaire, 
Vous  êtes  vraiment  bon  ; 
Mais  la  moindre  mise  en  plomb 
Ferait  bien  mieux  notre  alFaire. 

Espérons,  conclut-il  avec  bonhomie,  que  l'un  facilitera  l'autre. 


Les  travaux  pour  l'installation  de  la  halte  de  Lavannes-CaurcI 
(Marne),  se  poursuivent;  on  espère  qu'elle  sera  ouverte  au  public 
pour  le  service  d'été.  Les  terrassements  pour  l'élargissement  de  la 
voie  viennent  de  nous  indiquer  probablement  l'emplacement  de 
l'ancienne  Villeneuve,  communément  appelée  La  Neuville-lcs- 
Pomacle. 

Cet  ancien  village,  qui  e.xistait  sur  les  limites  des  terroirs  de 
Pomacle,  Caurel  et  Lavannes,  avait  été  construit  dans  la  première 
moitié  du  xiiie  siècle  par  le  chapitre  de  Notre-Dame  de  Reims. 
Quelques  désastres  de  guerre,  sur  la  fin  du  règne  de  Louis  XII, 
amenèrent  sa  ruine  complète.  Les  terres  prises  à  loO  mètres  de  la 
halte  pour  le  nivellement  de  celle-ci,  ont  mis  à  jour  les  fondations 
d'anciennes  constructions,  ainsi  que  quelques  fragments  de  tuiles, 
de  vases,  d'os,  etc. 

Le  1'^'^  mai,  dans  l'après-midi,  M.  Jules  0.,  employé  de  M.  Th. 
Habert,  conservateur  du  Musée  archéologique  de  Reims,  a  décou- 
vert, dans  les  fouilles  pratiquées  au  même  endroit,  un  sarcophage 
en  plomb  pesant  environ  100  kilos  et  paraissant  dater  du  xiv"  ou 
w"  siècle. 

Il  y  a  tout  lieu  d'espérer  que  ce  ne  sera  pas  la  seule  découverte 
intéressante  faite  sur  l'emplacement  de  cet  ancien  village. 


Voici  le  détail  des  monnaies  et  objets  qui,  à  noire  connaissance, 
ont  été  trouvés  dans  les  terres  des  fortifications  de  Vilr^'-le-Fran- 
çois,  en  cours  de  démolition  : 

Pièces  de  monnaie  en  argent,  époque  de  Clément  VIII  (Aldobran- 
dini)  —  1592-1G05. 

Deux  pièces  en  argent,  époque  de  Charles  (>onli,  légat,  évoque 
d'Ancûne  (Italie). 

Une  pièce  en  argent,,  règne  de  Henri  IV,  du  Dauphiné. 

Une  pièce  en  argent,  règne  de  Charles  IX. 

Doux  pièces  en  argent,  aux  armes  de  Charles  X,  roi  de  la  Ligue. 

Cinq  pièces  en  argent,  à  l'effigie  d'Henri  IV,  roi  de  Krance  et  de 
?<avarre. 


CHRONIQUE  501 

Une  pièce  en  argent  de  Henri,  duc  de  Nancy  et  de  Bar  (1608- 
162G). 

Deux  écus  en  argent  de  Louis  XIV. 

Une  assez  grande  quantité  de  monnaies  en  bronze,  tournois  et 
doubles  tournois,  du  règne  de  Louis  XIII,  ont  aussi  été  trouvées 
dans  les  remparts. 

Un  bout  de  fourreau  d'épée  en  bronze,  dont  la  belle  ciselure 
représente  une  femme  aux  attributs  allégoriques. 

Une  image  de  la  Vierge,  en  cuivre  ciselé. 

La  liste  des  trouvailles  n'est  probablement  pas  close. 


En  faisant  des  fouilles  pour  établir  la  route  de  Moivre  au 
Fresnoy-sur-Moivre  (Marne),  les  ouvriers  ont  mis  à  jour  une 
sépulture  de  l'époque  gauloise. 

Autour  de  la  tête  du  squelette,  il  y  avait  une  sorte  de  coiti'e  ou 
de  casque  en  fer  rouillé,  et  sous  la  tête  un  vase  en  terre  noirâtre  ; 
des  vases  de  même  forme  et  datant  certainement  de  la  môme  épo- 
que ont  été  trouvés  à  quelque  distance. 

On  continue  les  fouilles  qui  promettent  d'être  intéressantes. 


Les  travaux  de  la  reconstruction  de  l'église  d'Esternay  (Marne), 
dont  M.  Lhéritier,  de  Courgivaux^  s'est  rendu  adjudicataire,  le 
21  avril  dernier,  sont  en  pleine  activité.  Une  forte  équipe  d'ou- 
vriers jette  à  bas  les  murs  et  les  vieilles  voûtes  qui  ont  entendu 
prier' tant  de  générations  et  vu  défiler  aussi  tant  de  morts  et  de 
vivants.  La  nouvelle  église,  dont  l'architecture  sera  tout  en  pierre 
de  taille,  devra  être  livrée,  d'après  le  cahier  des  charges,  le 
lo  octobre  prochain. 

Nous  croyons  savoir  aussi  que,  grâce  à  des  libéralités  particu- 
lières, le  sanctuaire  sera  rajeuni  et  orné  de  trois  belles  verrières. 

* 

Le  dimanche  19  mai  1893,  à  trois  heures  de  l'après-midi,  a  eu 
lieu  la  bénédiction  solennelle  des  deux  nouvelles  cloches  de 
l'église  d'Epoye  (Marne),  sous  la  présidence  de  M.  le  chanoine 
Pévin,  de  Reims,  assisté  de  MM.  les  curés  de  Berru  et  d'Isles,  et  de 
M.  l'abbé  Manceaux,  curé  de  la  paroisse. 

Les  deux  cloches,  fondues  par  M.  Paintandre,  de  Vitry-le-Fran- 
çois,  ont  été  données,  l'une  par  M"<'  Zoé  Georgin,  l'autre  par 
M.  Eugène  Debeuf. 

Dans  la  tour  du  clocher,  une  ancienne  cloche  attendait  ses  jeu- 
nes sœurs.  Baptisée   en  1783,  Jean-Baptiste  Rogelet,  procureur- 


502  CHROKIQUE 

fiscal,  et  Marguerite  Nouvin,  son  épouse,  lui  donnèrent  le  nom  de 
Marguerite  ;  elle  avait  une  compagne,  qui  fut  détruite  en  1792. 


Le  Gaulois,  parlant  de  la  décision  prise  par  le  Ministre  des 
Affaires  étrangères,  concernant  le  traileiiient  des  secrétaires  d'am- 
bassade, selon  leurs  résidences  et  non  selon  leur  grade,  dit  : 

«  Cette  proportionnalilé  du  traitement  à  la  résidence  a  été 
appliquée  pour  la  première  fois  par  la  Restauration  au  poste  de 
sous-préfet. 

Le  sous-préfet  de  Reims,  lors  du  sacre  de  Charles  X,  s'élant 
ruiné  en  fêtes,  afin  de  lutter  de  faste  avec  les  riches  négociants  et 
marchands  de  Champagne  de  la  ville,  le  Roi  répara  sur  sa  cassette 
la  brèche  faite  à  la  fortune  du  sous-préfet,  et  jusqu'en  1830,  le 
traitement  de  ce  fonctionnaire  bénéficia  de  crédits  supplémen- 
taires. » 

Maud,  —  le  nom  de  l'héroïne  de  la  pièce  récemment  représen- 
tée au  Gymnase,  —  est  le  titre  d'un  drame  lyrique  que  M.  Michel 
Carré  a  tiré  du  roman  de  M.  Marcel  Prévost,  les  Demi-  Vierges,  et 
dont  la  musique  a  été  faite  par  notre  compatriote  rémois, 
M.  Edmond  Missa. 

Le  livret  est  divisé  en  trois  actes  et  quatre  tableaux. 

L'œuvre  est  destinée  à  la  scène  de  l'Opéra-Comiqne. 


Nominations  et  Distinctions.  —  Parmi  les  nominations  faites 
dans  l'Ordre  de  la  Légion  d'Honneur,  à  l'occasion  des  Expositions 
de  Lyon  et  d'Anvers,  nous  relevons  avec  satisfaction  les  noms  de 
deux  artistes,  qui  comptent  parmi  les  plus  distingués  de  notre 
région,  le  peintre  Emile  Barau,  de  Reims,  et  le  statuaire  Auguste 
Suchetel,  de  Vendeuvre  (Aubo). 

Notre  compatriote,  M.  Alphonse  Roserot,  archiviste  de  la  Haute- 
Marne,  ancien  archivisie-adjoint  de  l'Aube,  vient  d'être  promu 
officier  de  l'Instruction  publique. 

M.  le  docteur  Emile  Launois,  ancien  élève  de  l'Ecole  de  Méde- 
cine de  Reims,  fils  de  l'ancien  et  honorable  percepteur  de  Cor- 
niontreuil,  vient,  après  un  brillant  examen^  d'être  reçu,  à  l'unani- 
mité des  membres  du  Jury,  médecin  des  Hôpitaux  de  Paris. 

Au  concours  d'avril,  M.  Jean  de  La  Morincrie,  élève  de  l'Ecole 
régionale  des  Arts  industriels  de  Reims,  a  été  admis  à  l'Ecole 
nationale  des  Beaux-Arts  de  Paris,  section  d'architecture. 

M.  Mittclhauser,  commissai';e  spécial  à  la  gaie  de  Reims,  récem- 
ment promu  au  grade  de  chevalier  de  la  Légion  d'Honneur,  est 
nommé  au  poste  de  commissaire  spécial  du  Gouvernement  à  la 
gare  du  Nord,  à  Paris,  et  attaché  en  même  temps  au  service  cen- 
tral de  la  Sûreté  générale. 


CHRONIQUE  o03 

M"8  Chabrol,  iasLilutrice  à  Mailly  (Marne),  vient  de  remporter, 
au  quatrième  concours  de  l'Académie  de  Paris-Provinco,  qui  a 
pour  président  M.  de  Bornier,  et  pour  vice-présideat  Armand  Syl- 
vestre, un  second  prix  médaille  d'argent  et  un  diplôme  d'honneur 
pour  une  étude  sur  Béranger,  poète,  chansonnier  cl  écrivain. 

M.  Henri  Moët,  de  Reims,  qui  avait  occupé  déjà  des  fonctions 
dépendant  du  ministère  des  affaires  étrangères,  et  qui  avait  quitté 
la  carrière  avec  le  titre  de  vice-consul  honoraire,  dans  le  but  de 
s'occuper  du  commerce  des  vins  de  Champagne,  vient  de  repren- 
dre un  service  aciif.  Il  est  nommé  chancelier  du  Consulat  de 
Rio-de-Janeiro. 

Nous  adressons  à  M.  Moët  nos  sincères  félicitations. 


Le  4  mai  a  eu  lieu,  à  Reims,  au  berceau  même  de  l'Association, 
en  plein  Lycée,  et  dans  la  vaste  salle  des  Actes,  la  réunion 
annuelle  des  anciens  élèves  du  Collège  des  Bons-Enfants. 

La  séance  s'est  ouverte  à  quatre  heures,  sous  la  présidence  de 
M.  le  sénateur  Diancourt,  assisté  de  M.M.  Courmeaus,  vice-prési- 
dent, Félix  Benoist,  trésorier,  et  Charbonneaux,  secrétaire. 

Dans  l'assistance,  fort  nombreuse,  on  remarquait  MM.  Baillet, 
J.  Benoist,  Brissart,  Châtelain,  Devivaise,  Iloulon  jeune,  Lanson, 
Lantiome,  Frédéric  Leiarge,  Henri  Malot,  Mennesson-Ghampagne, 
les  docteurs  Bienfait,  Henrot  et  Langlet,  etc. 

Après  une  allocution  du  président,  M.  F.  Benoist  lit  le  résumé 
de  la  situation  financière,  et  M.  Charbonneaux  paie  un  pieux  hom- 
mage à  la  mémoire  des  morts  de  l'année  :  G.  Bazin,  F.  Dulemple, 
le  docteur  Jolicœur,  Prosper  Soulié,  etc. 

La  séance  terminée,  on  procède  à  la  visite  des  nouveaux  bâti- 
ments du  Lycée,  où  les  hôtes  sont  accueillis  par  un  spirituel  dis- 
cours en  vers  d'un  jeune  rhétoricien  rémois,  M.  Maurice  Dauphi- 
not,  et  des  chœurs  exécutés  par  les  élèves  du  Petit-Lycée,  sous  la 
direction  de  M.  Wiernsberger. 

Le  soir,  un  banquet  léunissait  de  nouveau  les  mômes  hôtes  à  la 
salle  Besnard,  où  de  nombreux  toasts,  en  prose  et  en  vers,  ont  été 
successivement  portos  et  chaleureusement  applaudis. 


Napoléon  IV  sculpteur.  —  «  Je  viens  de  voir,  raconte  un  rédac- 
teur du  Rappel,  dans  l'atelier  du  statuaire  ardennais  Groisy,  un 
buste  en  plâtre,  crânement  campé,  qui  sera  offert  — j'ai  cru,  du 
moins,  le  comprendre  —  à  l'ex-irapératrice. 

«  L'histoire  en  est  curieuse,  me  dit  l'auteur  de  Clianzy  et  de 
V Armée  de  la  Loire.  L'oeuvre  a  été  modelée  par  le  Prince  impé- 
rial, signée  par  lui,  comme  vous  pouvez  vous  en  convaincre  ;  elle 


504  CHRONIQUE 

représente  son  précepteur,  M.  Lemonnier.  Sans  doute,  ce  travail 
dénote,  en  maints  endroits,  une  main  inhabile  et  inexpérimentée. 
Mais  la  gritfe  du  professeur  s'y  révèle  aussi  par  places.  Il  est  facile 
de  discerner  les  retouches  de  Carpeaux.  L'élève  les  a  respectées, 
l'ébauche  a  été  livrée  au  moulage  aussitôt  les  corrections  faites.   » 

En  eifet,  sur  le  côté  droit  du  socle  se  lit  celte  inscription  : 
Louis-Napoléon,  avec  la  date.  La  tète  s'érige  en  un  mouvement 
d'une  expression  admirable.  Le  coup  de  pouce  de  Carpeaux  se 
retrouve  également  dans  le  dessin  ferme  des  arcades  sourcilières, 
dans  la  vivacité  du  regard  qui  jure  avec  le  vague  de  l'ébauche, 
dans  l'indication  si  sûre  et  si  nette  des  cheveux  et  de  la  mous- 
tache. 

Croisy  possède  une  deuxième  œuvre  de  l'ex-prince,  qui  lui  a  été 
léguée  par  un  familier  des  Tuileries,  une  statuette  figurant  un  gre- 
nadier de  Charlet  qui  serre  un  étendard  contre  sa  vaillante  poi- 
trme. 

C'était  le  temps  où  le  Prince  jouait  au  Petit  Caporal,  où  tout 
semblait  sourire  à  ses  rêves  d'enfant  prodige...   » 


Le  dimanche  19  mai  a  eu  lieu,  au  Collège  de  Juilly  (Seine-et- 
Marne),  le  66*=  banquet  de  l'Association  amicale  des  anciens  élèves, 
sous  la  présidence  de  M.  le  colonel  comte  de  Lanet,  commandeur 
de  la  Légion  d'Honneur. 

Malgré  l'inclémence  du  temps,  bon  nombre  de  convives  avaient 
répondu  à  l'appel  si  cordial  de  leurs  anciens  maîtres. 

Dans  la  grande  et  magnifique  salle  des  Bustes,  établie  sous  la 
nouvelle  chapelle,  à  la  table  présidentielle  étaient  groupés  les 
RR.  PP.  Lescœur,  assistant  général  de  l'Oratoire  ;  Olivier,  supérieur 
du  Collège;  Largent,  Bouscaillou,  bibliothécaire-,  M.  Edouard 
Barre,  M.  Gustave  Levavasseur,  etc. 

Une  chaleureuse  allocution  du  P.  Olivier,  un  cordial  discours  du 
Président,  une  spirituelle  poésie  de  M.  Le  Vavasseur  ont  été  applau- 
dis avec  vigueur. 

* 

Mariages.  —  Le  8  mai  a  eu  lieu,  en  l'église  Saint-André  de 
Reims,  le  mariage  de  M.  Jean  Esmangard  de  Bournonville  avec 
M"®  Alice  Quinquet  de  Monjoar,  fille  de  l'honorable  M.  Quinquet 
de  MoDJOur,  juge  au  Tribunal  civil  de  Reims. 

Les  témoins  du  marié  étaient  M.  de  Bréda,  son  oncle,  et 
M.  Geoff'roy  d'Assy^  son  cousin  ;  ceux  de  la  mariée,  M.  Peschart 
d'Ambly,  grand-officier  de  la  Légion  d'Honneur,  inspecteur  géné- 
ral du  génie  maritime,  son  grand-oncle  maternel  ;  et  M.  Gaudron, 
chevalier  de  Saint-Grégoire-le-Grand,  ancien  magistrat,  son  oncle 
paternel. 


CHRONIQUE  505 

Une  afllueiice  considérable,  dans  laquelle  figuraient  beaucoup 
de  magistrats,  d'officiers,  de  personnes  notables,  témoignait  de 
l'estime  et  de  la  considération  dont  jouissent  les  familles  qui  vien- 
nent de  s'allier. 

La  messe  a  été  célébrée  par  M.  l'abbé  Cbampsaur,  curé  de  Saint- 
André,  et  la  bénédiction  nuptiale  donnée  par  M.  l'abbé  Le  Conte, 
vicaire  général  de  Cbâlons,  qui  a  prononcé  une  touchante  et 
remarquable  allocution. 


A  la  même  heure  avait  lieu,  à  Saint-Remi,  le  mariage  de 
M.  Henri  Thieux,  de  la  maison  Louis  Roederer,  avec  M"«  Alice 
Leconte^  fille  du  dévoué  président  de  l'Orphéon  des  Enfants  de 
Saint-Remi. 

La  bénédiction  nuptiale  a  été  donnée  par  M.  l'abbé  Baye,  curé 
de  Saint-Remi. 

Durant  l'office,  une  sélection  de  TOrphéon  des  Enfants  de  Saint- 
Remi,  M.  Ch.  Petit  et  iM'i'=  Marie  Petit,  ont  remarquablement  exécuté, 
sous  la  direction  de  M.  Ambroise  Petit,  divers  morceaux. 


Le  30  mai  a  été  célébré,  dans  l'église  Saint-Thomas  d'Aquin,  à 
Paris,  le  mariage  du  vicomte  du  Doré,  fils  du  comte  du  Doré  et  de 
la  comtesse,  née  d'Andigné,  avec  M""  Marguerite  Duhamel  de 
Breuil,  ancien  commandant  des  mobiles  de  la  Marne,  et  de  la 
vicomtesse,  née  de  La  Plagne. 

M.  l'abbé  de  Cabanoux,  curé  de  la  paroisse,  a  donné  la  bénédic- 
tion nuptiale. 


MÉLANGES 


Nous  extrayons  de  VEcho  do  Paris  celte  spirituelle  et  érudile  chronique 
de  M.  Anatole  France,  consacrée  à  Jeanne  d'Arc  ; 

Avant  la  fête.  —  Assis  sur  un  banc  du  mail,  M.  l'abbé  Lanlai- 
gne,  directeur  du  grand  séminaire,  et  M.  Bergeret,  maître  de  con- 
férences à  la  Faculté  des  lettres,  conversaient  selon  leur  coutume 
d'été.  Ils  étaient  sur  toutes  choses  d'un  sentiment  contraire  ; 
jamais  deux  hommes  ne  furent  plus  différents  d'esprit  et  de  carac- 
tère. Mais  seuls  dans  la  vie  ils  s'intéressaient  aux  idées  générales. 
Cette  sympathie  les  réunissait.  En  philosophant  sous  les  quin- 
conces, quand  le  temps  était  beau,  ils  se  consolaient,  l'un  des 
■tristesses  du  célibat,  l'autre  des  tracas  de  la  famille  ;  tous  deux, 
de  leurs  ennuis  professionnels  et  de  leur  égale  impopularité. 

Ce  jour-là,  du  banc  où  ils  étaient  assis,  ils  voyaient  le  monument 
de  Jeanne  d'Arc  encore  couvert  de  toiles.  La  Pucelle  ayant  couché 
une  nuit  datjs  la  Ville,  au  logis  d'une  honnête  dame  nommée  la 
Pau,  la  municipalité,  en  1895,  faisait  élever^  avec  le  concours  de 
l'Etat,  un  monument  commémoratif  de  ce  séjour.  Deux  artistes, 
enfants  du  pays,  l'un  sculpteur,  l'autre  architecte,  avaient  exécuté 
ce  monument,  où  se  dressait,  sur  un  haut  piédestal,  la  Vierge 
armée  et  pensive. 

La  date  de  l'inauguration  était  fixée  au  prochain  dimanche.  Le 
ministre  de  l'instruction  publique  était  attendu.  On  comptait  sur 
une  large  distribution  de  croix  d'honneur  et  de  palmes  académi- 
ques. Les  bourgeois  venaient  sur  le  mail  contempler  la  toile  qui 
recouvrait  la  figure  de  bronze  et  le  socle  de  pierre.  Les  forains 
s'installaient  sur  les  remparts.  Aux  baraques  montées  sous  les 
quinconces,  les  limonadiers  clouaient  des  bandes  de  calicot  por- 
tant ces  inscriptions  :  V<'rikïble  bière  Jeanne  d'Arc.  Café  de  la 
Pucelle. 

A  cette  vue,  M.  Bergeret,  qui  était  moqueur,  dit  qu'il  fallait 
admirer  le  concours  de  citoyens  réunis  pour  honorer  la  libéra- 
trice d'Orléans. 

—  L'archiviste  du  département,  ajoula-t-il,  s'est  distingué  de  la 
foule.  Il  a  composé  un  mémoire  pour  démontrer  que  la  fameuse 
tapisserie  historique,  représentant  l'entrevue  de  Chiuon,  ne  fut 
pas  faite  vers  1430  en  Allemagne,  comme  on  croyait,  mois  qu'elle 
sortit  à  cette  époque  de  quelque  atelier  de  la  France  flamande. 
Il  soumit  les  conclusions  de  son  mémoire  à  M.  le  préfet  Worms- 
Clavelin,  qui  les  qualifia  d'éminemment  patriotique  et  les 
approuva,  et  qui  manifesta  l'espérance  de  voir  l'auteur  de  cette 
découverte  recevant  les  insignes  d'oflioicr  d'Académie  sous  la  sta- 


MELANGliS  SOT 

lue  de  Jeanne.  On  assure  encore  que,  dans  son  discours  d'inaugu- 
ration, M.  le  préfet  dira,  les  yeux  tournés  vers  les  Vosges,  que 
Jeanne  d'Arc  est  une  lille  de  l'Alsace-Lorraine. 

M.  l'abbé  Lanlaigne,  peu  sensible  à  la  plaisanterie,  ne  répondit 
rien  et  garda  un  visage  grave.  Ces  fêtes  de  Jeanne  d'Arc,  il  les 
tenait  pour  louables  dans  leur  principe.  Il  avait  lui-même,  deu.x. 
ans  auparavant,  prononcé  à  Saiat-Exupére  le  panégyrique  de  la 
Pucelle  et  fait  paraître  en  celte  liéroïne  la  bonne  française  et  la 
bonne  chrétienne.  Il  ne  trouvait  pas  sujet  à  raillerie  dans  une 
solennité  qui  était  la  glorification  de  la  patrie  et  de  la  foi.  11 
regrettait  seulement,  patriote  et  chrétien,  que  l'évêque  avec  son 
clergé  n'y  occupât  point  la  première  place, 

—  Ce  qui  fait,  dit-il,  la  continuité  de  la  patrie  française,  ce  ne 
sont  ni  les  rois,  ni  les  présidents  de  la  République,  ni  les  gouver- 
neurs de  province,  ni  les  préfets,  ni  les  officiers  de  la  couronne, 
ni  les  fonctionnaires  du  régime  actuel  ;  c'est  l'épiscopat  qui, 
depuis  les  premiers  apôtres  des  Gaules  jusqu'à  ce  jour,  a  subsisté 
sans  interruption,  sans  changement,  sans  diminution,  et  forme 
pour  ain?i  dire  la  trame  solide  de  l'histoire  de  France.  La  puis- 
sance des  évêques  est  spirituelle  et  stable.  Les  pouvoirs  des  rois, 
légitimes  mais  transitoires,  sont  caducs  dès  leur  naissance.  De 
leur  durée  ne  dépend  point  celle  de  la  patrie.  La  patrie  est  esprit, 
et  toute  contenue  dans  le  lien  moral  et  religieux.  Mais,  absent, 
quant  au  corps,  des  fêtes  qu'on  prépare  ici,  le  clergé  y  sera  présent 
en  âme  et  en  vérité.  Jeanne  d'Arc  est  à  nous,  et  c'est  en  vain  que 
les  incrédules  ont  essayé  de  nous  la  voler. 

M.  Bergeret.  —  Il  est  bien  naturel,  pourtant,  que  cette  simple 
fille,  devenue  un  symbole  du  patriotisme,  soit  revendiquée  par 
tous  les  patriotes. 

M.  Lantaigne.  —  Je  ne  conçois  pas,  —  je  vous  l'ai  dit  —  la 
patrie  sans  la  religion.  Tout  devoir  vient  de  Dieu,  le  devoir  du 
citoyen  comme  les  autres.  Sans  Dieu,  tous  les  devoirs  tombent.  Si 
c'est  un  droit  et  un  devoir  de  défendre  contre  l'étranger  le  sol 
natal,  ce  n'est  pas  en  vertu  d'un  prétendu  droit  des  gens  qui 
n'exista  jamais,  mais  en  conformité  avec  la  volonté  de  Dieu.  Cette 
conformité  est  manifeste  dans  les  histoires  de  Jahel  et  de  Judith. 
Elle  se  peut  voir  dans  les  exploits  de  la  Pucelle. 

M.  Bergeret.  —  Ainsi  vous  croyez,  monsieur  l'abbé,  que  Jeanne 
d'Arc  avait  reçu  sa  mission  de  Dieu  lui-même  ?  Cela  ne  va  pas 
sans  de  nombreuses  difficultés.  Je  ne  vous  en  soumettrai  qu'une 
seule,  parce  que  celle-là  subsiste  dans  l'ordre  de  vos  croyances. 
Elle  est  lelative  aux  voix  et  aux  apparitions  qui  se  manifestèrent  à 
la  paysanne  de  Domrémy.  Ceux  qui  admettent  que  sainte  Cathe- 
rine s'est  véritablement  montrée  à  la  fille  de  Jacquot  d'Arc,  en 
compagnie  de  saint  Michel  et  de  sainte  .Marguerite,  se  trouveront 
fort  embarrassés,  j'imagine,  quand  on  leur  aura  démontré  que 
cette  sainte  Catherine   d'Alexandrie  n'a  jamais  existé,  et  que  son 


508  MÉLANGES 

hisloirc  n'est  en  réalité  qu'un  assez  mauvais  roman  grec.  Or,  cette 
preuve  a  été  faite,  dès  le  xvu^  siècle,  non  par  les  libertins  d'alors, 
mais  par  un  savant  docteur  en  Sorbonne,  Jean  de  Launoy,  homme 
pieux  et  de  bonnes  mœurs.  Le  judicieux  Tillemont,  si  soumis  à 
l'Eglise,  a  rejeté  comme  une  fable  absurde  la  biographie  de  sainte 
Catherine,  Cela  n'est-il  pas  embarrassant,  Monsieur  l'abbé,  pour 
ceux  qui  croient  que  les  voix  de  Jeanne  d'Arc  venaient  du  ciel  ? 

M.  Lanlaif/ne.  — Le  martyrologe,  Monsieur,  pour  véritable  qu'il 
est,  n'est  pas  article  de  foi,  et  Ton  peut,  à  l'exemple  du  docteur  de 
Launoy  et  de  Tillemont,  mettre  en  doute  l'existence  de  sainte 
Catherine  d'Alexandrie.  Pour  ma  part,  je  ne  me  porte  pas  à  cette 
extrémité  et  je  tiens  pour  téméraire  une  négation  si  absolue.  Je 
reconnais  que  la  biographie  de  cette  sainte  nous  est  venue  d'Orient 
toute  surchargée  de  circonstances  fabuleuses,  mais  je  crois  que 
ces  ornements  ont  été  brodés  sur  un  fond  solide.  Ni  Launoy  ni 
Tillemont  ne  sont  infaillibles.  Il  n'est  pas  certain  que  sainte  Cathe- 
rine n'a  jamais  existé,  et  si^  par  impossible,  la  preuve  historique 
en  était  faite,  elle  tomberait  devant  la  preuve  théologique  du  con- 
traire, résultant  des  apparitions  miraculeuses  de  cette  sainte  cons- 
tatées par  l'ordinaire  et  solennellement  reconnues  par  le  pape. 
Car  enfin  il  faut,  en  bonne  logique,  que  les  vérités  d'ordre  scien- 
tifique le  cèdent  aux  vérités  d'ordre  supérieur.  Mais  nous  n'en 
sommes  pas  encore  au  point  de  connaître  l'opinion  de  l'Eglise  sur 
les  apparitions  de  la  Pucelle.  Jeanne  d'Arc  n'est  pas  inscrite  au 
canon  des  saints,  et  les  miracles  opérés  pour  elle  ou  par  elle  sont 
sujets  à  discussion  ;  je  ne  les  nie  ni  ne  les  affirme,  6t  c'est  une 
vue  tout  humaine  qui  me  fait  discerner  dans  l'histoire  de  cette 
merveilleuse  fille  le  bras  de  Dieu  étendu  sur  la  France.  A  la  vérité, 
cette  vue  est  forte  et  perçante. 

M.  Bergcrcl.  —  Si  je  vous  ai  bien  compris,  Monsieur  l'abbé, 
vous  ne  tenez  pas  pour  un  miracle  avéré  l'aventure  singulière  de 
Fierbois,  quand  Jeanne  désigna,  dit-on,  une  épée  cachée  dans  le 
mur.  Et  vous  n'êtes  pas  certain  que  la  Pucelle  ait,  ainsi  qu'elle  le 
disait  elle-même,  ressuscité  un  enfant  à  Lagny.  Pour  moi,  dont 
vous  savez  les  idées,  je  donne  à  ces  deux  faits  une  signification 
naturelle.  J'admets  que  l'épée  était  scellée  au  mur  de  l'église 
comme  cx-voto,  et  par  conséquent  visible.  Quant  à  l'enfant  que  la 
Pucelle  ressuscita  pour  le  moment  de  lui  administrer  le  baptême, 
et  qui  remourut  après  avoir  été  tenu  sur  les  fonts,  je  me  borne  à 
rappeler  qu'il  y  avait  près  de  Domrémy  une  Notre-Dame-des- 
Aviots  qui  avait  la  spécialité  de  ranimer  pendant  quelques  heures 
les  enfants  mort- nés.  Je  soupçonne  que  le  souvenir  de  Notre- 
Dame-des-Aviots  n'est  pas  étranger  aux  illusions  que  se  fit  Jeanne 
d'Arc,  quand  elle  crut,  à  Lagny,  avoir  ressuscité  un  nouveau-né. 

M.  Lantaigne.  —  Il  y  a  bien  de  l'incertitude  dans  ces  explica- 
tions, Monsieur.  Et,  plutôt  que  de  les  adopter,  je  suspends  mon 
jugement  qui  penche,  je  l'avoue,  du  côté  du  miracle,  du  moins  en 


MKLANGES  0U9 

ce  qui  concei'iie  l'ùpée  do  sainte  Callicrine.  Car  les  tcxles  sont 
formels  :  l'épée  élait  dans  le  mur,  et  il  fallut  creuser  pour  la 
trouver.  Il  n'est  pas  impossible,  non  plus,  que  Dieu,  sur  les 
prières  agréables  d'une  vierge,  ait  rendu  à  la  vie  un  infant  mort 
sans  avoir  reçu  le  baptême. 

.)/.  liergeret. — Vous  parlez.  Monsieur  Tabbé,  «  des  prières  agréa- 
bles d'une  vierge  ».  Admettez-vous,  conformément  aux  croyances 
du  moyen  âge,  qu'il  y  eût  dans  la  virginité  de  Jeanne  d'Arc  une 
vertu,  une  force  particulière  ? 

M.  Lanlaigne.  —  Evidemment,  la  virginité  est  agréable  à  Dieu 
et  Jésus-Christ  se  plait  au  triomphe  de  se^  vierges.  Une  jeune  iille 
détourna  de  Lutèce  Attila  et  ses  Huns,  une  jeune  fille  délivra 
Orléans  et  lit  sacrer  le  roi  légitime  à  Reims. 

En  entendant  ces  paroles  du  prêtre,  le  professeur,  qui  avait  le 
tort  d'être  spirituel,  murmura  :  «  C'est  cela  !  Jeanne  d'Arc  fut  une 
mascotte  ».  Mais  M.  l'abbé  Lantaigne  n'entendit  pas.  Il  se  leva  et 
dit  : 

—  La  destinée  de  la  France  dans  la  chrétienté  n'est  pas  accom- 
plie. Je  pressens  que  bientôt  Dieu  se  servira  encore  de  la  nation 
qui  fut  de  toutes  la  plus  fidèle  et  la  plus  infidèle. 

Anatole  France. 


jK.ANNii;  d'Arc  champe.\oise.  —  Les  t'êtes  de  Jeanne  d'Arc,  qui  ont 
commencé  le  7  mai  à  Orléans,  nous  remettent  en  mémoire  une 
lettre  adressée,  l'année  dernière,  à  Al.  Joseph  Fabre,sous  la  signa- 
ture «  Jean  de  Bar  ».  L'auteur  y  soutenait  que  Jeanne  d'Arc 
n'était  pas  Lorraine.  11  avait  raison.  Mais  il  affirmait  qu'elle  était 
Harroise.  Il  avait  tort.  Le  Barrois,  en  effet,  à  l'époque  de  Jeanne 
d'Arc  —  même  le  Barrois  n:ouvant  —  était,  comme  l'a  si  bien 
démontré  Troplong,  «  un  pays  hors  du  royaume,  un  pays  hors 
l'obéissance  du  Roi,  »  et  si  Jeanne  d'Arc  y  était  née,  elle  ne  serait 
pas  née  Française. 

La  vérité  est  que  Jeanne  d'Arc  ne  fut  sujette  ni  du  duc  de  Lor- 
raine, ni  du  duc  de  Bar.  Elle  eut  pour  patrie  «  le  saint  royaume 
de  France  »,  pour  sire  le  seul  Roi  dont  elle  parle,  «  son  gentil 
Dauphin,  »  qu'elle  devait  conduire  de  Chinon  à  Reims,  et  pour 
qui  elle  devait  combattre  et  mourir. 

Son  état  civil  ne  permet  à  personne,  et  en  aucun  sens,  de  dire 
qu'elle  n'était  pas  Française.  11  a  été  dressé,  avec  toute  la  préci- 
sion officielle  possible,  et  ses  juges  de  Rouen,  et  son  roi 
Charles  VII,  et  le  grand  inquisiteur  de  France,  et  son  père  Jacques 
d'Arc,  et  elle-même  enfin  en  sont  les  témoins  irrécusables.  Au 
point  de  vue  administratif,  fiscal,  judiciaire,  politique,  géographi- 
que, Jeanne  d'Arc  est  née  au  royaume.  Elle  est  Française  et 
Champenoise. 

De  la  preuve  administrative  découleront  logiijuemcnt  toutes  les 


510  MÉLANGES 

autres.  La  voici  :  l.a  naliuualilé  s'établit  aujourd'liui  de  ia  façuii  la 
l)ius  i-iiiipie  et  la  plus  nette  par  l'ariondisseinent  et  par  le  dépar- 
lement. Elle  s'établissait,  au  xv  siècle,  avec  la  même  simplicité  et 
la  même  précision  par  la  prévôté  et  par  le  bailliage.  Le  bailliage 
était  une  agglomération  de  prévôtés,  tout  comme  le  département 
est  une  réunion  d'arrondissements.  Nous  savons  quels  étaient,  à 
l'époque  de  Jeanne  d'Arc,  les  bailliages  champenois  et  les  baillia- 
ges barrois,  les  prévôtés  champenoises  et  les  prévôtés  barroises. 
Auquel  de  ces  bailliages,  à  laquelle  de  ces  prévôtés  appartenait 
Jeanne  d'Arc? 

Les  juges  de  Rouen,  officiellement  commis  pour  juger  la 
Pucelle,  nous  répondent  textuellement  :  t  C'est  une  vérité  acquise 
au  procès  :  Taccusée  est  originaire  du  bailliage  de  Chaumont-en- 
Bassigny  et  de  la  prévôté  de  Montéclair-et-Andelot.  »  Ce  n'est  pas 
tout.  Us  éprouvent  à  un  moment  donné  le  besoin  de  faire  faire 
une  enquête  au  pays  de  Jeanne  d'Arc.  Qui  en  chargent-ils?  Le 
bailli  de  Chaumont  pour  Henri  VI,  Jean  de  Torcenay,  qui  délègue 
le  prévôt  d'Andelot,  Gérard  Petit,  et  le  tabellion  royal  d'Andebt, 
Nicolas  Bailly,  lequel  dépose  de  ces  faits  au  procès  de  réhabilita- 
tion. Or,  Andelot  est  une  prévôté  champenoise,  faisant  partie  d'un 
bailliage  champenois,  et  n'ayant  rien  à  voir  avec  le  Barrois  mou- 
vant. 

De  la  divij^ion  administrative  découlait,  au  xv  siècle,  la  division 
financière  du  royaume  et  des  fiefs  qui  les  mouvaient.  La  prévôté, 
en  effet,  n'était  pas  seulement  une  sorte  de  sous-préfecture  ;  c'était 
encore  et  surtout  une  perception.  Le  grand  principe  fiscal  du 
moyen-âge  féodal  est  celui-ci  :  l'impôt  est  dû  au  souverain  direct 
et  non  au  suzerain.  Le  roi  de  France  ne  pouvait  donc  pas  imposer 
une  prévôté  du  Barrois  mouvant,  il  ne  pouvait  pas  la  dispenser  de 
payer  l'impôt  ;  c'était  une  prérogative  du  souverain  direct,  du  duc 
de  Bar,  et,  par  une  lettre  officielle  en  bonne  et  due  forme,  datée 
dé  Château-Thierry,  31  juillet  1429,  Charles  VII  —  non  le  duc  de 
Bar  —  «  en  faveur  et  à  la  requeste  de  Jehanne  la  Pucelle,  octroie 
par  grâce  espéciale  aux  manans  et  habitans  des  ville  et  villaige  de 
Greux-el-Domremy,  audit  bailliaige  de  Chaumont-en-Bassigny, 
dont  ladite  Jehanne  est  native,  qu'ils  soient  d'ores  en  avant  francs, 
quicles  et  exempts  de  toutes  tailles,  aides  et  subventions  mises  et 
à  mettre  audit  bailliage  ». 

Lui-même  confirme  cette  exemption,  le  6  février  I4"d9;  tous  les 
rois,  ses  successeurs,  la  confirment  jusqu'en  l'an  1571,  où  Dom- 
remy,  par  suite  d'une  rectification  de  frontières,  devient  Lorrain 
et  perd  son  privilège.  11  le  réclame,  d'ailleurs,  à  la  mort  du  roi 
Stanislas,  quand  il  fait  retour  à  la  France.  N'est-ce  pas  la  preuve 
qu'en  1429  il  était  français  et  chairipenois  ? 

Jeanne  d'Arc,  d'ailleurs,  comme  tous  ses  contemporains,  rele- 
vait d'une  double  juridiction  :  une  juridiction  ecclésiastique  et 
une  juridiction  civile.  Par  Tune  comme  par  l'autre,  elle  n'était  pas 


MÉLANGES  ;j1  1 

BdiToise,  mais  Cliainpeiiuisc.  Sa  jui'idicLion  Ci'clôsiaslique  élait 
To.I,  qui  roiifcrmait  i'i  la  fois  des  Icrriloires  lorrains,  harrois  et 
champenois,  le  seul  qui  fût  alors  situé  au  royaume  et  français,  que 
Jeanne  d'Arc  est  née.  Jean  Brébal,  en  effet,  alors  g-rand  inquisi- 
teur de  France,  nous  dit  que  la  Pucelle  était  d'un  village  nommé 
Domremy,  «  situé  au  royaume  >:. 

Et  un  petit-neveu  de  Jeanne  d'Arc,  Charles  du  Lys,  imprime  en 
1612  :  «  On  ne  peut  révoquer  en  doute  que  ladite  Pucelle  ne  soit 
entièrement  et  véritablement  Française  de  naissance  et  de  dio- 
cèse, cl  nullement  Lorraine,  ny  en  apparence,  ny  en  aucune 
façon.  »  D'ailleurs,  le  père  de  Jeanne  d'Arc  est  cité  à  comparaî- 
tre, en  l'an  1426,  comme  fondé  de  pouvoirs,  au  nom  de  tous  les 
habitants  de  son  village,  non  pas  devant  un  bailli  ou  un  prévôt 
barrois,  mais  devant  le  bailli  du  Roi,  devant  Robert  de  Baudri- 
court,  le  fameux  capitaine  champenois  qui  tenait  le  parti  de 
Charles  VII  à  Vaucouieurs,  alors  ville  de  Champagne. 

Au  point  de  vue  politique,  le  Barroi*,  depuis  le  (3  mai  1422, 
«  tenait  le  parti  de  très  haut  et  très  puissant  prince  Henri,  roi 
d'Angleterre.  »  Il  était  en  guerre  ouverte  avec  les  Armagnacs  de 
Champagne.  Le  cousin  germain  de  Jeanne  d'Arc  était  tué  au  siège 
de  Sermaize,  dans  l'armée  de  La  Hire_,  capitaine  de  Vitry,  par 
Jean,  comte  de  Salni^,  gouverneur  du  Barrois. 

Le  père  de  Jeanne  d'Arc  se  mettait  avec  tout  son  village,  six 
mois  après  la  mort  de  son  neveu,  sous  la  protection  de  l'ennemi 
acharné  du  comte  de  Salm,  le  terrible  Robert  de  Saarbriick, 
damoiseau  de  Commercy,  partisan   du  Dauphin. 

Jeanne  d'Arc  partait  à  Vaucouieurs  le  1.3  mai  1428,  tandis  que 
René  d'Anjou,  duc  de  Bar,  faisait  capituler  Beaumont  ^jui  tenait 
pour  Charles  VIL  Elle  quittait  Vaucouieurs  le  li-  février  1429,  arri- 
vait à  Chinon  le  6  mars,  et  faisait  lever  le  siège  d'Orléans  le 
8  mai.  Or,  le  5  mai  1429,  le  duc  de  Bar,  devenu  majeur,  faisait 
hommage  aux  Anglais,  et  le  6  mai,  deux  jours  avant  la  délivrance 
d'Orléans,  un  traité  d'alliance  était  conclu  entre  Henri  VI,  roi 
d'Anglelerre,  et  René  d'Anjou,  duc  de  Bar!  Franchement,  si 
Jeanne  d'Arc  était  Barroise,  il  faut  cesser  de  nous  la  présenter 
comme  le  modèle  vivant  du  patriotisme.  Elle  a  pris  parti  contre 
son  duc,  elle  a  sciemment,  obstinément  trahi  son  pays  ! 

Mais  Jeanne  d'Arc  a  pris  soin  de  nous  éclairer  elle-même  sur  sa 
nationalité.  Elle  a  compi'is  d'instinct  l'importance  de  cette  ques- 
tion oii  il  allait  de  son  honneur  en  ce  monde  et  de  sa  véritable 
grandeur.  Aussi  quand  l'évêque  Cauchon  lui  demande  de  quel  vil- 
lage elle  est  native,  elle  ne  répond  pas  seulement  :  «  Je  suis  de 
Domremy,  »  elle  précise,  elle  accentue,  elle  enlève  à  jamais  toute 
amphibologie  :  «  Je  suis,  dit-elle,  de  Domremy-de-Greux,  je  suis 
du  Domremy  qui  ne  fait  qu'un  avec  Greux.  •»  Il  y  avait,  en  etfet, 
au  xve  siècle,  deux  Domremy  :  l'un,  situé  au  nord,  du  côté  de 
Greux,   était    du    domaine    direct   de    la    couronne.  On    y    élait 


5)2  MÉLANGES 

«  homme  du  Roi  »  ;  l'aulro,  situé  au  sud,  autour  d'une  politc  for- 
teresse nommée  l'Ile,  appartenait  de  longue  date,  terres  et  gens, 
au  sire  de  Domremy.  L'affirmation  de  Jeanne  d'Arc,  qu'elle  est  du 
Domremy-de-Greux,  prouverait  à  elle  seule  qu'elle  est  Française 
et  Champenoise.  Veut-on  encore  une  preuve  ?  Dans  le  Domremy 
seigneurial,  on  était  serf  attaché  à  la  glèbe.  La  famille  d'Arc  était- 
elle  attachée  à  la  glèbe  ?  II  n'y  paraît  guère  en  tous  cas  ! 

Les  d'Arc  étaient  originaires  de  la  ville  champenoise  d'Arc-en- 
Barrois.  Jean  d'Arc,  le  grand-père  de  Jeanne,  habile  Ceflonds, 
près  Montiérender,  en  Champagne,  où  l'on  montre  encore  sa  mai- 
son. Jacques  d'Ar^  quitte  Celi'onds,  où  il  est  né,  pour  venir  à 
Domremy-de-Greux,  en  Champagne.  Pour  de  prétendus  serfs  atta- 
chés à  la  glèbe,  voilà  des  pérégrinations  bien  singulières  !  La 
famille  maternelle  de  Jeanne  n'est  pas  plus  sédentaire  que  sa 
famille  paternelle.  Le  frère  de  sa  mère,  Jean  de  Voullion,  va  s'éta- 
blir à  Sermaize,  en  Champagne,  avec  ses  quatre  enfants.  Sa  mère, 
Isabelle  Romée,  vient  de  Voulhon-le  Ras  à  Domremy-de-Greux,  et 
Vouthon-le-Bas  lui-même  élait  un  village  champenois. 

Les  parents  de  Jeanne  étaient  donc  deux  braves  Champenois, 
issus  de  Champenois,  et  ils  allaient  et  venaient  où  le  cœur  leur 
disait,  d'un  bout  à  l'autre  de  leur  province  de  Cliampagne,  sans  se 
soucier  du  sire  de  Domremy,  qui  n'était  pas  leur  seigneur,  ni  du 
duc  de  Bar,  qui  n'était  pas  leur  suzerain. 

Voici  encore  une  autre  preuve.  Le  Domremy  seigneurial  élait 
soumis  au  four  banal,  nous  le  savons  par  un  dénombrement  con- 
temporain de  Jeanne  d'Arc,  et  la  maison  de  Jeanne  d'Arc  ren- 
ferme les  restes  d'un  four  !  Elle  porte  une  plaque  de  1481,  sur 
laquelle  est  écrit,  :  «  Vive  le  roy  Loys  !  »  Elle  fut  vendue  en  1586 
—  quinze  ans  après  la  cession  de  Domremy  à  la  Lorraine  —  à  la 
dame  du  Domremy  seigneurial,  Mme  Louise  de  Stainville.  C'est 
donc  que  jusqu'alors  elle  ne  lui  appartenait  pas. 

De  plus,  elle  est  aujourd'hui  située  du  côté  d'un  petit  ruisseau 
qui  la  met  en  terre  de  Champagne.  Les  Lorrains  prétendent,  il  est 
vrai,  que  ce  ruisseau  a  changé  de  cours.  Ils  s'appuient  sur  le 
témoignage  de  deux  octogénaires,  fort  respectables,  sans  doute. 
Mais  ces  deux  octogénaires  sont  contredits  par  un  plan  de  1722, 
par  l'aveu  et  dénombrement  de  1334,  antérieur  à  Jeanne  d'Arc  de 
près  d'un  siècle.  On  y  lit  que  la  limite  entre  le  Domremy  royal  et 
le  Domremy  seigneurial  est  marquée  «  par  une  pierre  en  envers 
le  moutier,  si  comme  le  rus  la  porte  »,  c'est-ci-dirc  par  une  pierre 
placée  sur  un  ruisseau,  à  côlé 'de  l'église.  D'après  le  témoignage 
des  vieillards,  le  ruisseau  aurait  passé  jadis  à  200  mètres  au  nord 
de  la  maison  de  Jeanne  et  de  l'église  qui  y  est  contigui"'.  Comment 
placer  à  la  fois  la  pierre  »  en  envers  le  moutier  et  sur  le  rus  «,  si 
le  rus  coule  à  200  mètres  du  moutier  ? 

Da  toutes  ces  preuves  géographiques,  polili(}ucs,  judiciaires, 
fiscales,  administratives,  il  résulte  quoi?...  Ce   qu'un    enfant  de 


MÉLANGES  i;i3 

l'école  primaire,  ce  qu'un  homme  du  peuple  eût  dit  d'inslincL  : 
Que  Jeanne  d'Arc,  celle  qui  a  sauvé  la  France,  était  Française  ! 
Pour  être  grande,  pour  être  rayonnante  dans  l'histoire,  digne  de 
notre  patriotique  respect  comme  de  notre  meilleur  amour,  il  faut 
que  Jeanne  d'Arc  soit  née  dans  le  royaume  qu'elle  a  sauvé,  il  est 
nécessaire  qu'elle  soit  née  Française...  et  Champenoise!  La  pre- 
mière conclusion,  à  son  époque,  entraine  l'autre  !  Sujette  du  duc 
de  Lorraine,  elle  n'est  pas  Française  !  Sujette  du  duc  de  Bar,  elle 
ne  l'est  pas  davantage.  L'erreur  historique  vient  de  ce  qu'A  son 
époque  on  appelait  Lorrains  tous  les  Champenois  des  Marches,  et 
le  château  de  JJontéclair  était  précisément,  comme  l'a  très  hien 
dit  M.  d'Arbois  de  Jubainville,  le  poste  avancé  des  comtes  de 
Cliampagne  sur  les  frontières  de  Lorraine.  C'est  sous  la  protection 
de  ce  château  anti-lorrain,  c'est  dans  la  prévôté  qu'il  dominait  et 
défendait  que  «  la  bonne  Lorraine  »  a  vu  le  jour. 

(Gaulois.)  L'abbé  Misset. 

* 

La  légende  du  sobcier  de  Coulommisrs,  —  Nous  empruntons  au 
Dictionnaire  des  sciences  occvlles^  celle  curieuse  légende  qui  offre  un 
exemple  assez  frappant  des  idées  supersitieuses  du  xxi'  siècle: 

Abkl  de  la  RuE;  dit  le  Casseur,  savetier  et  mauvais  drôle  qui 
fut  arrêté,  en  1382,  à  Coulommiers,  et  brûlé  comme  voleur, 
sorcier,  magicien,  noueur  d'aiguillettes.  Voici  sa  légende  : 

Le  noueur  d'aiguilleUcs. 

C'était  grand  deuil  à  Coulommiers,  dans  la  maison  de  Jean 
Moureau,  le  lo  juin  de  l'an  de  grâce  io82.  Le  petit  homme  s'était 
marié  la  veille,  plein  de  liesse  et  se  promettant  heureux  ménage 
avec  Fare  Fleuriot,  son  épousée.  Il  était  vif,  homme  de  tète,  per- 
sévérant dans  ses  atrections  comme  dans  ses  haines;  et  il  se  réjouis- 
sait sans  ménagement  de  son  succès  sur  ses  rivaux.  Fare,  qui  l'avait 
préféré,  semblait  partager  son  bonheur  et  ne  se  troublait  pas  plus 
que  lui  des  alarmes  que  les  menaces  d'un  rival  dédaigné  avaient 
fait  naître  chez  leurs  convives.  Fare  Fleuriot,  habile  ouvrière  en 
guipure,  n'avait  pu  hésiter  dans  son  choix  entre  Jean  Moureau, 
armurier,  fort  à  sou  aise,  et  ce  concurrent  redouté,  nommé  Abel 
de  la  Rue,  surnommé  le  Casseur,  à  cause  de  sa  mauvaise  con- 
duite, homme  réduit  au  métier  de  savetier,  et  qu'on  accusait  de 
relations  avec  le  diable  à  cause  de  ses  déportemenls;  circonstance 
mystérieuse  qui  etfrayait  les  amis  de  l'armurier. 

Vous  avez  supplanté  Abel,  lui  disaient-ils;  il  vous  jouera  quel- 
qu'un de  ses  mauvais  tours. 


1.  Encyclopédie    Ihcologique,    publiée   par    l'abbé    Migne,    t.   XLVIII, 
col.  12. 


33 


0l4  MÉLANGES 

Les  gens  de  justice  de  notre  roi,  Henri  troisième,  nous  sauront 
bien  rendre  raison  du  Casseur,  répondit  Jean  Mourcau. 

Et  qui  sait,  dit  une  vieille  tante,  s'il  ne  vous  jetterait  pas  un 
sort? 

Patience  :  telle  avait  été  la  réponse  du  jeune  marié. 

Mais  Fare  était  pourtant  moins  rassurée  :  la  noce  toutefois  s'était 
faite  joyeusement. 

Or,  le  lendemain,  comme  nous  avons  dit.  c'était  dans  la  maison 
grand  deuil  et  pleine  tristesse.  Les  deux  époux,  si  heureux  la  veille, 
paraissaient  eifarés  de  trouble;  on  annonçait  timidement  ce  qui 
était  survenu  :  le  résultat  en  paraissait  pénible.  Le  mari  et  la  femme 
ensorcelés  sentaient  l'un  pour  l'autre  autant  d'éloignement  qu'i's 
s'étaient  témoigné  d'affection  le  jour  précédent.  Cette  nouvelle 
se  répandit  en  peu  d'instants  dans  la  petite  ville  :  le  second  jour, 
Téloignement  devint  de  l'antipathie,  qui,  le  jour  d'après,  eut  tout 
l'air  de  l'aversion.  Cependant  les  jeunes  mariés  ne  parlaient  pas  de 
demantier  une  séparation  ;  seulement  ils  annonçaient  que  quelque 
ennemi  endiablé  ou  quelque  sorcière  maudite  leur  avait  noué  Tai- 
guillette. 

On  sait  que  ce-  maléfice,  qui  a  fait  tant  de  bruit  aux  xvi"^  et  xvii« 
siècles,  rendait  les  mariés  repoussants  l'un  pour  l'autre,  et  les  acca- 
blant au  physique  comme  au  moral,  les  conduisait  à  se  fuir  avec 
une  sorte  d'horreur. 

Il  ne  fut  bruit  dans  tout  Coulommiers  que  de  l'aiguillette  nouée 
à  Jean  Moureau.  Abel  de  la  Rue,  le  savetier  dédaigné,  en  avait  ri 
si  méchamment  qu'il  fut  à  bon  droit  soupçonné  du  délit;  il  était 
assez  généralement  détesté.  La  clameur  publique  prit  une  telle 
consistance  que  les  jeunes  époux  ensorcelés  se  crurent  autorisés  à 
déposer  leur  plainte.  Messire  Nicolas  Quatre-Sols  était  lieutenant 
civil  et  criminel  au  bailliage  de  Coulommiers.  Il  fit  comparaître 
Abel  devant  lui. 

Le  chenapan,  qui  était  hypocondre  et  morose,  avoua  qu'il  avait 
recherché  Fare  Fleuriot,  mais  il  nia  qu'il  eût  rien  fait  contre  elle  et 
contre  son  mari.  Comme  il  était  malheureusement  chargé  de  la 
mauvaise  réputation  qu'on  faisait  alors  à  ces  vauriens  qui  cher- 
chaient dans  la  sorcellerie  une  prétendue  puissance  et  de  pré- 
tendues richesses  toujours  insaisissables,  on  le  mit  au  cachot,  en 
l'invitant  à  faire  ses  rétlexions;  et  le  lendemain,  sur  son  entête- 
ment à  ne  rien  avouer,  on  l'appliqua  à  la  question;  il  déclara 
qu'il  allait  confesser. 

Ayez  soin,  dit  iNicolas  Quatre-Suls,  que  votre  confession  soit 
entière  et  digne  de  notre  indulgence.  Pour  ce,  vous  nous  expo- 
serez dès  le  commencement  toutes  vos  affaires  avec  Satan. 

Il  fit  donner  au  savetier  un  verre  d'eau  relevé  d'un  peu  de  vinai- 
gre, afin  de  ranimer  ses  esprits;  et  il  s'arrangea  sur  son  siège  dans 
la  position  d'un  homme  qui  écoute  une  histoire  merveilleuse. 


MÉLANGKS  515 

Aliel  de  la  Rue,  voyant  que  son  juge  était  prêt,  recueillit  ses 
esprits  et  se  disposa  à  parler.  D'abord  il  se  recommanda  à  la 
pitié  et  à  la  compassion  de  la  justice,  criant  merci  et  protestant 
de  sa  repentance;  puis  il  dit  ce  qui  suit  : 

—  Je  devrais  être  moins  misérable  que  je  ne  suis  et  faire  autre 
chose  que  mon  pauvre  métier.  Etant  petit  enfant,  je  fus  mis  par 
ma  mère  au  couvent  des  Cordeliers  de  Meaux.  Là,  le  frère  Caillet 
qui  était  maîlre  des  novices,  m'ayant  corrigé,  je  me  fâchai  si 
furieusement  contre  lui  que  ne  rêvais  plus  autre  chose  sinon  la 
possibilité  de  me  venger.  Gomme  j'étais  en  cette  mauvaise  volonté, 
un  chien  barbet,  maigre  et  noir,  parut  tout  à  coup  devant  moi;  il 
me  sembla  qu'il  me  parlait,  ce  qui  me  troubla  fort;  qu'il  me  pro- 
mettait de  m'aider  en  toute  choses  et  de  ne  me  faire  aucun  mal, 
si  je  voulais  me  donner  à  lui. . . 

—  Ce  barbet,  interrompit  le  juge,  était  certainement  un  démon. 

—  C'est  possible,  messire  :  il  me  sembla  qu'il  me  conduisait 
dans  la  chambre  du  couvent  qu'on  appelle  la  librairie.  Là  il  dis- 
parut, et  je  ne  le  revis  jamais. 

—  Et  quelle  vengeance  avez-vous  eue  du  frère  Caillet? 

—  Aucune,  messire,  ne  l'ayant  pas  pu. 

—  Que  tites-vous  alors  dans  la  librairie? 

—  Je  pris  un  livre,  car  on  m'a  enseigné  la  lecture;  mais  voyant 
que  c'était  un  missel,  je  le  refermai;  je  sortis  et  je  demeurai 
quelques  semaines  triste  et  pensif.  Un  jour  je  pris  un  autre  livre, 
c'était  un  grimoire.  Je  l'ouTris  au  hasard,  et  à  peine  avais-je  lu 
quelques  lignes  que  je  ne  comprenais  point,  quand  je  vis  paraître 
devant  moi  un  homme  long  et  mince,  de  moyenne  stature,  blême 
de  visage,  ayant  un  elfroyable  aspect,  le  corps  sale  et  l'haleine 
puante. 

—  Sentait-il  le  soufre? 

—  Oui,  messire;  il  était  vêtu  d'une  longue  robe  noire  à  l'ita- 
lienne, ouverte  par  devant;  il  avait  à  l'estomac  et  aux  deux 
genoux  comme  deux  visages  d'hommes,  de  pareille  couleur  que 
les  autres.  Je  regardai  ses  pieds  qui  étaient  des  pieds  de  vache. 

Tout  l'auditoire  frissonnait. 

Cet  homme  blême,  poursuivit  l'accusé,  me  demanda  ce  que  je 
lui  voulais  et  qui  m'avait  conseillé  de  l'appeler.  Je  lui  répondis 
avec  frayeur  que  je  ne  l'avais  pas  appelé,  et  que  j'avais  ouvert  le 
grimoire  sans  en  prévoir  les  conséquences.  Alors  cet  homme 
blême,  qui  était  le  diable,  m'enleva  et  me  transporta  sur  le  toit  de 
la  salle  de  justice  de  Meaux  en  me  disant  de  ne  rien  craindre.  Je  lui 
demandai  son  nom,  et  il  me  répondit  :  Je  m'appelle  maîlre  Rigoux. 
Je  lui  témoignai  ensuite  le  désir  de  m'enfuir  du  couvent;  là-dessus 
il  me  reporta  au  lieu  où  il  m'avait  pris;  du  moins,  je  m'y  retrouvai' 
comme  sortant  d'une  sorte  d'étourdissement.  Le  grimoire  était  à 
mes  pieds.   Je  vis  devant  moi  le  Père  Pierre  Berson,  docteur  en 


516  MÉLANGES 

llléologie,  el  le  frèce  Caillet  qui  me  l'eprireiil  d'avoir  lu  dans  le 
grimoire  et  me  menacèrent  du  fouet,  si  je  touchais  encore  à  ce 
livre.  Tous  les  religieux  se  rendirent  à  la  chapelle  et  chantèrent 
un  Salve  à  mon  intention.  Le  lendemain,  comme  je  descendais 
pour  aller  à  l'église,  maître  Rigou.x  m'apparut  encore  :  il  me 
donna  rendez-vous  sous  un  arbre  près  de  Vaulxcourtois,  entre 
Meaux  et  Coulommiers.  Là  je  fus  séduit.  Je  repris,  sans  rien  dire, 
les  habits  que  j'avais  à  mon  entrée  dans  le  couvent,  et  j'en  sortis 
secrètement  par  une  petite  porte  de  l'écurie.  Rigoux  m'attendait 
sous  la  ligure  d'un  bourgeois;  il  me  mena  chez  maître  Pierre, 
berger,  de  Vaulxcourtois,  qui  me  reçut  bien,  et  j'allais  conduire 
les  troupeaux  avec  lui.  Deux  mois  après,  ce  berger,  qui  était 
sorcier,  me  promet  de  me  présenter  à  Vassemblée,  ayant  besoin 
de  s'y  rendre  lui-même,  parce  qu'il  n'avait  plus  de  pou  ire  à 
maléfices.  L'assemblée  devait  se  tenir  dans  les  trois  jours  :  nous 
étions  à  l'Avent  de  Noël  1575.  Maître  Pierre  envoya  sa  femme 
coucher  dehors,  et  il  me  lit  mettre  au  lit  à  sept  heures  du  soir  : 
mais  je  ne  dormis  guère.  Je  remarquai  qu'il  plaçait  au  coin  du  feu 
un  très  long  balai  de  genêt  sans  manche  ;  à  onze  heures  du  soir, 
il  fit  grand  bruit  et  me  dit  qu'il  fallait  partir  :  il  prit  de  la  graisse, 
s'en  frotta  les  aisselles  et  me  mit  sur  le  balai,  en  me  recomman- 
dant de  ne  pas  quitter  cette  monture.  Maître  Rigoux  parut  alors; 
il  enleva  mon  maître  par  la  cheminée  :  moi  je  le  tenais  au  milieu 
du  corps,  et  il  me  sembla  que  nous  nous  envolions.  La  nuit  était 
très  obscure,  mais  une  lanterne  nous  précédait.  Pendant  que  je 
voyageais  en  l'air  de  la  sorte,  je  crus  apercevoir  l'abbaye  de 
Rebais  :  nous  descendîmes  dans  un  lieu  plein  d'herbe  où  se 
trouvaient  beaucoup  de  gens  réunis. 

—  Qui  faisaient  le  sabbat  ?  interrompit  le  juge. 

—  Oui,  Messire.  J'y  reconnus  plusieurs  personnes  vivantes  et 
quelques  morts,  notamment  une  sorcière  qui  avait  été  pendue  à 
Lagny.  Le  maître  du  lieu,  qui  était  le  diable,  ordonna,  par  la 
bouche  d'un  vieillard,  que  l'on  nettoyât  la  place.  Maître  Rigoux 
prit  incontinent  la  forme  d'un  grand  bouc  noir,  se  mit  à  grom- 
meler et  à  tourner;  et  aussitôt  l'assemblée  commença  les  danses 
qui  se  faisaient  à  revnrs,  le  visage  dehors  et  le  derrière  tourné 
vers  le  bouc. 

—  C'est  conforme  à  l'usage  du  sabbat,  comme  il  est  prouvé  par 
une  masse  de  dépositions.  Mais  ne  chauta-t-on  point?  Et  quelles 
furent  ces  chansons? 

—  On  ne  chanta  point,  messire.  Après  la  danse,  qui  avait  duré 
deux  heures,  on  présenta  les  hommages  au  bouc'.  Chaque  per- 
sonne de  l'assemblée  s'en  acquitta.  Je  m'approchai  du  bouc  à 
mon  tour,  il  me  demanda  ce  que  je  voulais  de  lui  ?  Je  lui  répondis 

1.  Hisloife  de  la  magie  en  France,  par  M.  Jules  Garioet.  V.  l'article 
Boi;cs. 


MÉLANGES  517 

que  je  voulais  savoir  jeter  des  sorts  sur  mes  ennemis.  Le  diable 
m'indiqua  maître  Pierre,  comme  pouvant  mieux  qu'un  autre 
m'enseigner  cette  science.  Je  l'appris  donc, 

—  Et  vous  en  avez  fait  usage  contre  plusieurs,  notamment 
contre  les  époux  qui  se  plaignent?  Avez-vous  eu  d'autres  relations 
avec  le  diable? 

—  Non,  raessire,  sinon  en  une  circonstance.  Je  voulais  rentrer 
dans  la  voie.  Un  jour  que  j'allais  en  pèlerinage  à  Saint-Loup,  près 
de  Provins,  je  fis  rencontre  du  diable,  qui  chercba  à  me  noyer  :  je 
lui  échappai  par  la  fuite. 

Tout  le  monde  dans  l'assemblée  ouvrait  de  grandes  oreilles,  à 
l'exception  d'un  jeune  homme  de  vingt  ans,  le  neveu  du  lieute- 
nant civil  et  criminel.  Il  faisait  les  fonctions  d'apprenti  greffier. 

—  Mon  oncle,  dit-il  en  se  penchant  à  l'oreille  de  maître  Nicolas 
Quatre-Sols,  ne  pensez-vous  pas  que  le  patient  n'est  qu'un  drôle 
qui  a  le  cerveau  malade,  qui  est  sujet  peut-être  à  de  mauvais  rêves? 

Pendant  que  l'oncle  réprimandait  le  neveu  à  voix  basse,  Abel 
de  la  Rue  levant  la  tète  : 

—  De  tout  ce  que  j'ai  fait  de  mal,  dit-il,  je  suis  repentant  et 
marri,  et  je  crie  m^rci  et  miséricorde  à  Dieu,  au  roi,  à  monsei- 
gneur et  à  la  justice. 

—  C'est  bien,  dit  Nicolas  Quatre-Sols,  qu'on  le  ramène  au 
cachot. 

Le  soir  de  ce  même  jour,  le  maléfice  de  Jean  Moureau  se  trouva 
rompu.  L'antipathie  qui  avait  surgi  entre  lui  et  sa  jeune  épouse 
s'évanouit.  Le  corps  du  principal  délit  avait  donc  disparu.  Néan- 
moins, peu  de  jours  après,  le  6  juillet,  sur  les  conclusions  du  pro- 
cureur fiscal,  la  Rue  fut  condamné  à  être  brûlé  vif.  Il  appela  de  sa 
sentence  au  Parlement  de  Paris,  et,  le  *20  juillet  1582^.  le  Parlement 
de  Paris,  prompt  à  expédier  ces  sortes  d'alïaires,  rendit  un  arrêt 
qui  porte  qu'Abel  de  la  Rue,  appelant,  ayant  jeté  des  sorts  sur 
plusieurs,  prêté  son  concours  au  diable,  communiqué  diverses  fois 
avec  lui,  assisté  aux  assemblées  nocturnes  et  illicites,  pour  répara- 
tion de  ces  crimes  la  Cour  condamne  l'appelant  à  être  pendu  et 
étranglé  à  une  potence  qui  sera  dressée  sur  le  marché  de  Cou- 
lommiers,  et  le  renvoie  au  bailli  chargé  de  faire  exécuter  ledit 
jugement,  et  de  brûler  le  corps  après  sa  mort.  —  Cet  arrêt,  qui 
adoucissait  un  peu  la  sentence  du  premier  juge,  fut  exécuté  selon 
sa  teneur,  au  marché  de  Coulommiers,  par  le  maître  des  hautes- 
œuvres  de  la  ville  de  Meaux,  le  23  juillet  l;iS2.  —  c  Au  reste,  dit 
un  auteur  sensé,  ces  sorciers  qu'on  brûlait  méritaient  toujours 
châtiment  par  quelques  vilains  et  odieux  crimes.  » 


Exposition  rétrospective  dk  Reims.  —  Hisloriqvc  de  la  Méde- 
cine rémoise.  —  La  Faculté  de  Médecine  de  Reims  avait   2i-(J  ans 


518  MÉLANGES 

d'existence  et  une  histoire  glorieuse,  quand  la  Convention  décida 
sa  suppression  ;  de  ceci  personne  ne  se  plaint,  car  la  Faculté  vieil- 
lie ne  méritait  plus  guère  de  vivre.  Ce  qu"il  faut  déplorer,  c'est 
que  la  Révolution,  avant  de  fermer  les  portes,  ait  pillé  les  archi- 
ves :  le  grand  coffre  de  chêne  que  Pâté,  de  Rethel,  avait  donné 
en  1577  pour  y  déposer  les  registres  de  la  Compagnie,  et  qu'on 
peut  voir  à  l'Exposition  rétrospective,  fut  vidé  brutalement  et  son 
coatenu  dispersé.  Nous  étions  donc  exposés  à  ne  jamais  rien  savoir 
de  la  médecine  rémoise,  si  quelques  amateurs,  médecins  naturel- 
lement, n'avaient  cessé,  depuis  cent  ans,  de  rechercher  avec  pas- 
sion les  documents  que  le  hasard  a  pu  sauver. 

Le  premier  en  date  de  ces  collectionneurs  est  L.-J.  Raussin 
(1721-1798),  qui  avait  recopié  de  sa  main,  avant  le  désastre  de  93, 
le  registre  le  plus  précieux  de  la  Faculté  ;  puis  vient  le  docteur 
Maldan  (1807-1881),  chercheur  infatigable  qui  fouilla  les  boutiques 
des  bouquinistes  jusqu'à  son  dernier  jour;  enfin,  le  docteur  Guel- 
liot,  dont  les  trouvailles  heureuses,  jointes  à  celles  de  ses  devan- 
ciers, forment  une  collection  unique  qui  lui  a  permis  d'écrire, 
en  1889,  son  savant  ouvrage  :  Les  Thèmes  de  la  Faculté  de  Méde- 
cine de  Reims.  C'est  lui  qui  a  eu  l'idée  vraiment  neuve  de  cette 
Exposition  médicale  à  laquelle  il  a  envoyé  ses  plus  jolies  pièces  ; 
les  amateurs  et  les  simples  curieux  lui  en  sont  vivement  recon- 
naissants. 

Aux  murs  sont  accrochés  des  portraits  de  médecins  rémois  qui 
résument  en  quelques  tableaux  l'histoire  du  costume  et  des  mœurs 
pendant  trois  siècles.  Le  portrait  le  plus  ancien  est  celui  de  P.  Le 
Comper  (1588-1G49),  en  costume  de  ville,  vêtement  noir  et  fraise 
blanche  ;  il  porte  la  moustache  et  une  petite  barbiche.  Colin,  mort 
en  1G68,  victime  de  son  dévouement  pour  les  pestiférés,  porte 
aussi  une  fine  moustache  Mais,  dès  la  fin  du  xvii'  siècle,  tous  les 
docteurs  sont  rasés  comme  des  ecclésiastiques,  et  sous  leurs 
immenses  perruques  ils  s'immobilisent  dans  des  poses  majestueu- 
ses :  De  Mailly,  par  exemple  (1643-1724),  en  costume  de  docteur 
régent,  longue  robe  rouge  et  riche  chaperon  fourré  d'hermine, 
rappelle  le  grand  Roi. 

Les  années  passent  et  le  laisser-aller  apparaît.  François  Raussin, 
peint  par  Chappe,  est  tout  souriant  :  il  était  contemporain  de 
Louis  XV  et  célibataire.  Sa  robe  de  docteur  glisse  de  ses  épaules, 
laissant  voir  un  élégant  habit  rouge  brodé  d'or  et  une  cravate  de 
fine  dentelle  qu'il  préférait  sûrement  à  son  rabat.  Tout  au  con- 
traire, les  médecins  de  la  Révolution  affectent  l'air  grave  qu'ils 
croyaient  convenir  aux  membres  du  Tiers.  Caqué  le  jeune,  la 
figure  soufllée,  les  yeux  bridés,  porte  la  tète  en  arrière,  dans  une 
pose  à  la  Mirabeau,  a  Son  amour  pour  la  République  était  connu 
même  avant  la  Révolution,  »  dit  une  enquête  faite  en  1793.  Lui 
aussi  aurait  su  être  insolent  avec  le  marquis  de  Dreux-Brézé.  Pour 
terminer  sur  une  aimable  figure,  il  faut  regarder  le  portrait   du 


MELANGES  !jI9 

doclcui"  Cliabaud,  mort  cri  !839,  victime  du  choléra;  jeune  encore, 
il  est  beau  comme  Lamartine,  dont  il  a  l'élégance. 

La  vitrine  du  milieu  renferme  mie  précieuse  collection  d'auto- 
graphes, de  thèses  et  de  diplômes  qui  permet  de  revivre  la  vie 
scolaire  des  étudiants  d'autrefois  ;  ces  pièces  sont  devenues  telle- 
ment rares  qu'il  serait  impossible  aujourd'hui  de  réunir  à  nouveau 
un  pareil  ensemble.  Le  docteur  Panis  a  pnUé  un  petit  registre 
in- 18,  sauvé  on  ne  sait  comment  du  naufrage  de  93,  sur  lequel 
s'inscrivaient  les  étrangers,  Anglais  et  Irlandais  surtout,  en  arri- 
vant à  l'Ecole.  A  côté,  sont  exposés  quelques  exemplaires  des  thè- 
ses quodlibélaive  et  cardinale,  qui  donnaient  le  titre  de  bachelier 
et  de  licencié,  thèses  le  plus  souvent  in  4",  portant  en  tête  les 
armoiries  de  la  Faculté  gardées  par  Esculape  ;  aux  pieds  du  dieu 
coule  la  Vesle  sur  les  bords  de  laquelle  Hercule  ramasse  des  sim- 
ples. On  remarquera  entre  autres  la  très  célèbre  thèse  de  Navier, 
soutenue  en  1777,  concluant  à  l'usage  du  vin  de  Champagne 
comme  antiseptique  (le  mot  y  est)  dans  les  fièvres  putrides.  Le 
licencié  n'avait  plus  qu'une  thèse  à  soutenir,  la  thèse  générale^ 
pour  avoir  droit  au  bonnet  de  docteur.  Le  bonnet  de  soie  blanche 
brodé  d'or  exposé  ici  et  qui  vient  du  docteur  Le  Camus,  bisaïeul 
du  docteur  Jolicœur,  n'est  pas  un  bonnet  officiel  de  docteur  ;  il 
nous  semble  plutôt  être  une  élégante  coiffure  d'intérieur. 

Les  curieux  qui  liront  l'immense  diplôme  imprimé  sur  parche- 
min, accordé  en  1627  à  Rassicod  de  Rouen  —  c'est  le  plus  ancien 
diplôme  connu  —  auront  une  idée  du  cérémonial  imposant  qui 
accompagnait  la  remise  du  bonnet  doctoral  :  la  main  étendue  sur 
la  cioix,  le  candidat  prononçait  un  serment  dont  la  formule  trop 
longue  pour  être  citée  est  fort  belle,  puis  il  recevait  le  bonnet 
carré,  un  anneau  d'or  et  une  ceinture  symboliques,  enfin  le  prési- 
dent lui  donnait  le  baiser  de  paix  et  d'amour.  A  cette  cérémonie, 
le  candidat  invitait  .ses  amis  et  même  les  éti'angers  :  adesle  virl 
remcnses  el  favele^  dit  une  de  ces  invitations  grande  comme  une 
affiche,  clouée  au  mur  de  cette  salle  ;  nous  pouvons  en  conclure 
qu'un  dîner  de  thèse  suivait. 

La  Faculté  de  Reims  créa  ainsi,  au  dire  de  Maldan,  3,3^2  doc- 
leurs  qui  se  répandirent  sur  toute  la  France  ;  c'est  un  peu  plus  de 
dix  par  an.  Quelques-uns  des  plus  célèbres  sont  ici  représentés  par 
un  portrait  ou  un  autographe  :  Vallot,  médecin  de  Louis  XIV  ;  Gui 
Patin  ne  l'aimait  guère  :  «  Vallot,  écrivait-il,  n'a  été  qu'un  char- 
latan en  ce  monde,  je  ne  sais  ce  qu'il  sera  en  l'autre  ;  »  —  le 
fameux  La  Mettrie,  qui  mourut  d'indigestion  ;  il  faut  voir  la  ligure 
réjouie  de  cet  ami  de  Voltaire  contre  qui  il  se  mesurait  dans  la 
langue  des  dieux  ;  —  Cabanis,  le  médecin  de  .Mirabeau  ;  — 
Antoine  Dubois,  qui  aida  le  roi  de  Rome  à  venir  au  monde  ;  —  et 
tant  d'autres  médecins  qui  mirent  l'Ecol  î  de  Reims  au  premier 
rang  après  Paris. 

Les  chirurgiens  rémois  méritent  bien  la  place  qu'on  leur  a  lais- 


520  ,  MÉLANGES 

sée  dans  la  grande  vitrine  ;  ils  sont  d'origine  moins  illustre  que 
les  médecins,  puisque  trop  longtemps  ils  furent  confondus  avec  les 
barbiers  :  au  xviu«  siècle,  ils  mettaient  encore  à  leurs  enseignes 
des  bassins  jaunes.  C'est  Museux  le  père  qui  le  premier,  à  Reims, 
renonça  à  la  barberie  pour  n'être  que  chirurgien  ;  Louis  Paris  a 
joliment  raconté,  dans  son  Remensiana ,  comment  une  certaine 
nuit  Museux  fit  disparaître  les  plats  à  barbe  de  sa  devanture. 
Museux  est  l'inventeur  d'une  pince  dont  l'original  est  exposé  à 
côté  des  modèles  légèrement  modifiés  dont  on  se  sert  aujourd'hui. 
Noël  est  non  moins  célèbre;  il  fit  avant  de  mourir  une  belle  farce 
au  diable,  mais  ses  titres  à  la  reconnaissance  des  Rémois  sont 
autres  :  il  avait  planté  sur  l'emplacement  de  la  rue  Noël  actuelle 
un  jardin  botanique  qui  ne  manquait  pas  d'agréments.  On  voit  un 
portrait  àc  lui  au  crayon,  d'après  Rêve. 

Un  peu  partout,  au  milieu  de  ces  pièces,  sont  semés  des  billets 
de  mort  de  docteurs,  billets  symboliques  qui  enterrent  ce  brillant 
passé  et  dont  l'abondante  réunion  permet  de  suivre  les  transfor- 
mations qu'ils  ont  subies  pendant  un  siècle.  Les  plus  anciens  sor- 
tent des  presses  de  Jeunehomme,  imprimeur  du  Roi  et  de  S.  4.. 
S.  Mgr  le  duc  de  Bourbon  ;  ils  sont  immenses  et  surchargés  d'or- 
nements funèbres  qui  disparaissent  peu  à  peu  aux  époques  sui- 
vantes. 

On  a  fait  aux  Hôpitaux  l'honneur  d'une  petite  vitrine  dans 
laquelle  sont  rangés  quelques  ustensiles  de  cuivre  et  d'étain,  entre 
autres  le  chauffoir  de  sœur  Chamery,  1700,  et  une  palette  pour  la 
saignée,  marqués  au  chiffre  de  l'Hôtel-Dieu  :  la  tête  du  Christ^ 
entourée  de  rayons.  La  même  marque  se  retrouve  sur  une  série 
de  pastilles,  dites  pour  cela  pastilles  sigillées,  qui  datent  au  moins 
du  xvni«  siècle.  De  l'Hôtel-Dieu  encore  viennent  la  plupart  des 
pots  de  pharmacie  exposés  ;  un  des  plus  jolis,  avec  ses  serpents 
enroulés  formant  anses,  a  contenu  de  la  thériaque  qui  pendant 
longtemps  demeura  la  panacée  universelle;  à  côté  est  un  vase  à 
sirOp  de  violettes  tout  bleu,  d'un  bleu  de  Sèvres  qui  n'est  pas  com- 
mun dans  ces  faïences. 

Une  dernière  vitrine  renferme  des  objets  provenant  de  tombes 
gallo-romaines  fouillées  dans  le  pays  rémois,  biberons  en  verre  et 
en  terre-cuite,  trousses  d'oculistes,  enfin  un  tibia  qui  porte  les 
traces  d'une  fracture  parfaitement  réduite. 

11  serait  à  désirer  que  d'autres  que  les  médecins  fussent  au 
même  degré  soucieux  de  l'origine  et  de  l'histoire  de  leur  profes- 
sion. Ces  amateurs  que  je  souhaite  seraient  d'un  grand  secours  à 
l'histoire  locale  ;  ils  mettraient  en  œuvre  les  matériaux  que  cou- 
vre la  poussière  des  bibliothèques  ;  ils  sauveraient  de  la  destruc- 
tion des  documents  qui  se  perdent  partout  et  tous  les  jours  ;  enfin, 
ce  qui  n'est  pas  à  dédaigner,  ils  pourraient,  eux  aussi,  convier  le 
public  à  d'intéressantes  exhibitions.  A  quand  une  exposition  histo- 
rique du  Champagne  et  de  la  laine  ? 

[Courrier  de  la  Champagne.)  P.  G. 


MÉLANGES  521 


La  Bataille  de  Friedland  nACONTÉE  par  un  Soldat.  —  Le 
14  juin  1807  fut  remportée  à  Friedland  l'une  des  plus  brillantes 
victoires  de  l'Empire,  qui  précéda  la  glorieuse  paix  de  Tilsilt,  con- 
clue entre  Alexandre  I"  de  Ru^ie  et  Napoléon. 

Dans  les  rasgs  français  se  trouvait  un  brave  paysan  de  Cliam- 
pagne,  Noël  Bagnost,  qui,  comme  le  firent  par  ailleurs  quelques- 
uns  de  ses  compagnons  d'armes,  avait  le  courage  de  noter,  avec 
une  infatigable  persévérance,  en  dépit  des  marches  forcées,  des 
hasards  des  combats  et  des  privations  de  toute  borle,  les  étapes 
de  chaque  jour.  Il  put  ainsi  composer,  avec  le  temps,  un  volumi- 
neux journal  de  ses  campagnes,  depuis  le  15  octobre  1802,  date  de 
son  enrôlement,  jusqu'au  20  juillet  1815,  moment  où  il  revint  s'as- 
seoir au  foyer  natal.  Durant  cet  intervalle  de  treize  années,  il  avait 
pris  part,  en  qualité  de  simple  soldat,  puis  d'humble  sous-oflicier, 
aux  diverses  expéditions  d'Allemagne  et  d'Espagne  ;  parcouru  la 
France  dans  tous  les  sens,  la  Belgique,  la  Hollande,  la  Westphalie, 
la  Franconie,  la  Bavière,  l'Autriche,  la  Moravie,  la  Saxe,  la  Prusse, 
la  Pologne,  la  Biscaye,  la  Castille,  l'Andalousie,  l'Aragon  et  la 
Navarre,  combattu  à  Austerlitz,  léna,  Friedland,  Talavera,  Pampe- 
lune  ;  il  rapportait,  à  sa  famille  et  à  ses  amis,  avec  une  naïve 
fierté,  le  récit  circonstancié  de  ses  innombrables  marches  et  de  ses 
exploits. 

Modeste  comparse  dans  la  grande  épopée  guerrière^  le  soldat, 
tout  illettré  qu'il  fût,  avait  bien  la  conscience  intime  du  drame 
gigantesque  auquel  il  se  trouvait  si  activement  mêlé.  Ses  notes 
forment  trois  gros  cahiers  in-4",  soigneusement  recopiés  d'une 
bonne  écriture  écolière,  et  conservés  aujourd'hui  par  ses  descen- 
dants qui  nous  les  ont  fort  obligeamment  communiqués.  Nous 
avons  laissé  fidèlement  notre  héros  porter  la  parole,  nous  bornant 
à  restituer,  au  long  des  lignes,  la  syntaxe  et  la  grammaire  trop 
généralement  ignorées  de  l'écrivain,  enclin,  suivant  le  défaut 
commun  à  ses  pareils,  à  rechercher  les  mots  rares  et  inconnus, 
les  tournures  bizarres  et  les  constructions  de  phrases  invraisem- 
blables. A  respecter  trop  scrupuleusement  cette  fâcheuse  propen- 
sion, qui  obscurcit  en  maint  endroit  la  pensée  du  narrateur,  on 
risquait  de  fatiguer  inutilement  le  lecteur,  au  cours  d'un  récit 
dont  l'incontestable  sincérité  corrobore,  avec  plus  d'un  trait  incons- 
ciemment pittoresque,  les  relations  des  Thiers,  des  Marbot,  des 
Paulin,  des  Macdonald  et  des  Lejeune,  . 

A.  Tausserat-Radel. 

...  Après  être  restés  trente-cinq  jours  dans  les  cantonnements 
de  Neumark,  nous  en  partîmes  le  11  juin  pour  venir  camper  près 
de  la  rivière  que  nous  passâmes  le  lendemain.  Au  fort  de  Span- 
den,on  nous  fit  une  distribution  de  biscuits,  et,  traversant  ensuite 
la  petite  ville  de  Mehlzach,  nous  bivouaquions  le  13  dans  les  plai- 


32^  MÉLANGES 

nés  d'Eylau.  La  misère  était  si  grande  que  l'on  ne  poiivail  rien 
trouver;  les  villages  ne  s'étaient  pas  encore  relevés  des  derniers 
désastres,  et  les  habitants  n'y  étaient  point  revenus.  Enfin,  nous 
passâmes  la  nuit  dans  cetle  position,  et  le  14,  de  grand  matin, 
l'on  se  mit  en  marche  pour  Friediand,  en  passant  par  la  petite 
ville  de  Preuss-Eylau,  située  sur  une  éminence  environnée  de  bou- 
quets de  bois.  Sur  les  coteaux  voisins,  je  voyais  encore  les  vestiges 
des  batteries  de  l'armée  russe,  dont  les  soixante  bouches  à  feu 
avaient  été  prises  d'assaut,  le  8  février.  La  ville,  aussi  bien  que  les 
campagnes  environnantes,  avait  un  aspect  de  désordre  et  d'aban- 
don :  la  population  n'avait  pas  reparu  depuis  la  bataille  ;  toutes 
les  maisons  étaient  ruinées  et  incendiées  en  partie,  ne  laissant 
voir  que  les  quatre  mu-s.  On  n'eîit  pu  rien  imaginer  de  plus 
triste. 

Cependant,  après  une  assez  longue  marche  à  travers  ces  plai- 
nes, on  nous  fit  faire  halte  dans  une  vaste  prairie,  et  l'on  publia 
un  ordre  défendant  à  tout  homme  de  demeurer  en  arrière  ;  une 
distribution  générale  d'eau-de-vie  fut  faite  aux  troupes  ;  puis  notre 
commandant  nous  exhorta  par  quelques  paroles,  disant  que  nous 
allions  livrer  dans  peu  d'instants  une  forte  bataille  dans  les  plai- 
nes de  Friediand.  Tout  le  monde  garda  donc  son  rang;  je  pouvais 
voir,  de  tous  côtés,  des  escadrons  évoluer  à  droite  et  à  gauche, 
allant  à  la  découverte.  Je  vis  aussi  l'Empereur,  à  la  tête  de  sa 
garde  et  de  ses  cuirassiers,  se  diriger  sur  Friediand,  qui  était 
encore  à  une  distance  assez  éloignée,  car  on  ne  pouvait  entendre 
le  canon,  bien  que  la  bataille  fût  commencée.  Mais  quand  nous 
fûmes  parvenus  à  l'extrémité  d'un  bois,  j'entendis  tout  à  coup  une 
canonnade  assez  vigoureuse,  dont  on  ne  voyait  que  les  fumées 
s'élever  au-dessus  d'un  épais  massif  de  sapins  qui  nous  masquait 
la  vaste  plaine.  Cela  nous  lit  accélérer  le  pas,  et  l'on  parvint  bien- 
tôt au  village  de. . .  (Posthenen),  d'où  je  commençai  déjà  à  décou- 
vrir le  champ  de  bataille,  qui,  dans  toute  son  étendue,  retentis- 
sait du  bruit  de  la  fusillade.  Notre  engagement  était  proche  :  les 
boulets  et  les  obus  qui  ricochaient  tout  près  de  nos  colonnes  nous 
inspiraient  malgré  nous  une  sorte  de  terreur. 

La  division  du  général  Oudinot,  dans  la  matinée,  avait  attaqué 
l'ennemi.  Les  maréchaux  Mortier  et  Ney,  survenus  depuis  en 
seconde  colonne  avec  les  VI*  et  Ville  corps  d'armée,  ne  tardèrent 
pas  à  fondre  à  leur  tour  sur  l'armée  ennemie,  dont  l'artillerie 
occupait  les  abords  de  la  ville  de  Friediand.  On  nous  fit  prendre 
nos  dispositions  pour  le  combat. 

Le  général  commanda  la  halte.  Nous  étions  alors  sur  un  grand 
plaleau  près  duquel  s'étendait  une  large  pièce  de  petits  pois 
magnifiques,  d'une  verdeur  appétissante,  et  sur  lesquels  tous  nos 
soldais,  qui  soutiraient  depuis  quatre  jours  de  la  faim  et  de  la 
soif,  se  précipitèrent  avec  ardeur;  mais  le  bruit  du  canon  réveil- 
lant bientôt  leur  attention,  ils  ne  songèrent  plus  qu'à  se  battre 
avec  acharnement  lorsque  viendrait  leur  tour  d'entrer  en  ligne. 


MÉLANGES  B2:5 

Après  être  demeurés  l'espace  d'une  demi-heure  dans  celte  posi- 
tion, nous  vîmes  l'artillerie  qui  formait  le  centre  des  masses  enne 
mies  se  porter  sur  nos  colonnes  avec  assez  de  rapidité  pour  quo 
leurs  projectiles  dépassassent  déjà  de  fort  loin  nos  lip^nes.  Au 
moment  de  l'attaque,  l'Empereur  e.n  personne  vint  nous  faire 
appuyer  sur  la  droite,  disant  que  nous  étions  sous  la  direction  de 
leurs  batteries.  En  effet,  nous  eûmes  à  peine  exécuté  ses  ordres, 
que  je  vis  en  un  instant  une  foudre  extraordinaire  s'abattre  sur 
cette  première  position  :  les  obus  éclataient  avec  force^les  boulets 
qui  tombaient  de  tous  côtés  en  grand  nombre  ne  causaient  pas 
moins  de  fracas  là  où  ils  passaient.  J'éprouvais  une  étrange  sur- 
prise à  me  voir  préservé  d'un  tel  danger,  quoique  placé  au  centre 
même  de  la  bataille.  Notre  division  eût  certainement  essuyé  des 
pertes  considérables  sans  cette  heureuse  manœuvre.  Pour  moi_, 
me  laissant  aller  insensiblement  à  observer  les  mouvements  de 
l'ennemi  à  travers  la  plaine,  je  voyais  notre  cavalerie  diriger  sur 
lui,  par  escadrons,  des  charges  furieuses.  L'Empereur,  que  je  dis- 
tinguais au  centre,  accompagné  d'un  seul  aide  de  camp,  donnait 
ses  ordres.  L'ennemi,  par  la  fusillade  très  nourrie  qu'il  entretenait 
sur  tous  les  points,  et  par  les  mouvements  de  son  artillerie,  sem- 
blait devoir  nous  contraindre  à  la  retraite  ;  mais  il  ne  s'apercevait 
pas  que  l'Empereur  cherchait  à  l'attirer  dans  la  plaine  pour  avoir 
ensuite  la  victoire  plus  certaine.  Les  colonnes  russes  avaient  pu 
s'avancer  librement  contre  les  nôtres,  puisque  rien  ne  gênait  leurs 
opérations  que  noire  cavalerie  :  nos  batteries  n'avaient  pas  encore 
pris  de  position  stable  ;  elles  s'exerçaient  seulement  à  une  faible 
canonnade,  dans  le  but  d'exciter  l'ennemi  à  une  poursuite  pour 
laquelle  nous  efïec'cuâmes  un  semblant  de  retraite. 

Enfin,  tout  cet  étalage  de  bravoure  ne  dura  que  jusqu'à  deux 
heures  de  l'après-midi,  moment  où  quatre  corps  d'armée  débou- 
chèrent tout  à  coup  de  l'extrémité  de  la  forêt  et  vinrent  se  mettre 
en  ligne  pour  un  engagement  qui  devint  aussitôt  vigoureux.  Notre 
artillerie^  qui  jusqu'à  présent  n'avait  pas  pris  de  position  avanta- 
geuse, cherchait  à  s'installer  sur  des  hauteurs,  de  manière  à  sur- 
veiller les  manœuvres  de  l'ennemi;  s'étant  placée  à  proximité  de 
ses  colonnes,  elle  ouvrit  bientôt  un  terrible  feu,  criblant  avec 
fureur  ces  fortes  divisions  russes  qui  depuis  le  matin  s'étaient 
acharnées  audacieusement  sur  la  seule  division  du  général  Oudi- 
not.  En  même  temps,  notre  infanterie,  secondée  par  ces  foudres, 
s'animait  de  la  plus  vive  ardeur,  et  attendait  de  pied  ferme  l'ins- 
tant de  foncer  à  la  baïonnette. 

J'avais  plaisir  à  constater,  dans  la  plaine,  l'affaiblissement  des 
masses  ennemies  sous  le  feu  continuel  de  noire  redoutable  artil- 
lerie. La  batterie  de  gauche,  principalement,  ne  cessait  de  désu- 
nir les  rangs,  où  elle  faisait  pleuvoir  les  obus,  et  décidait  promp- 
lemeiit  une  retraite  précipitée.  Le  désordre  se  mettait  peu  à  peu 
dans  cette  armée  ;  sa  belle  artillerie,  qui  s'était  exercée  avec  tant 
de  force  contre  nos  troupes,  était  anéantie  :  à  peine  çà  et  là  quel- 


524  MÉLANGES 

ques  pièces  de  campagne  tiraient  en  se  retirant.  A  ce  moment, 
l'Empereur,  qui  continuait  à  observer  tous  les  mouvements  de 
l'action,  donne  l'ordre  à  toutes  les  colonnes  de  charger  à  Parme 
blanche,  et  lance  la  cavalerie  sur  les  Russes  qui  sont  culbutés  dans 
la  rivière  de  l'Allé,  qu'ils  se  disposaient  à  repasser. 

Ainsi,  en  moins  de  trois  heures  de  temps,  ces  forces  furent 
mises  en  déroute,  éprouvèrent  des  pertes  considérables,  tandis  que 
de  nombreux  villages  et  la  ville  de  Friedland  étaient  incendiés  et 
en  partie  détruits  Durant  cet  intervalle,  le  feu  n'avait  pas  cessé 
d'être  vif;  sur  tous  les  points  s'était  fait  entendre  une  canonnade 
des  plus  fortes.  Cette  vaste  plaine,  ainsi  que  je  le  remarquais  non 
sans  intérêt,  était  bien  un  lieu  propice  pour  de  leJs  exploits  :  aussi 
notre  Empereur  y  avait-il  infligé  à  l'ennemi  une  cruelle  défaite. 

Les  Russes  efTectuèrent  leur  retraite  par  la  rivière  d'Aile  et  la 
ville  de  Friedland,  se  dirigeant  sur  Tilsitt.  Cette  journée  leur 
coûta  plus  de  30,000  hommes,  un  grand  nombre  de  pièces  d'artil- 
lerie, des  drapeaux,  des  équipages  et  des  officiers  qui  tombèrent 
en  notre  pouvoir.  Les  blessés,  épars  dans  la  plaine,  imploraient  du 
secours  et  criaient  miséricorde.  Cette  magnifique  garde  impériale 
russe,  que  j'avais  déjà  vue  à  Austerlitz,  avait  été  complètement 
défaite  aux  portes  de  Friedland,  précisément  lors  du  passage  de 
l'Aile,  par  notre  redoutable  cavalerie,  et  l'étroit  défilé  se  trouvait 
littéralement  jonché  de  morts.  La  ville  elle-même  n'avait  pas 
moins  souffert  de  cette  retraite  précipitée,  dans  la  confusion  des 
hommes  et  des  bagages  ;  pillées  et  bouleversées,  ses  maisons 
étaient  devenues  inhabitables. 

Nous  passâmes  la  nuit,  tant  bien  que  mal,  dans  cette  position, 
tourmentés  par  la  faim,  car  les  vivres  étaient  rares  depuis  trois 
jours,  et  principalement  le  pain.  Pour  nous  procurer  quelque  sub- 
sistance qui  nous  mît  en  état  de  supporter  une  marche  précipitée, 
il  fallait  aller  explorer  les  villages  environnants,  d'où  l'on  avait 
chance  de  ramener  parfois  quelque  bétail  oublié,  dont  on  dévorait 
la  chair  au  bivouac. 

Le  lendemain  15  juin,  l'armée  se  remit  en  route,  à  la  poursuite 
de  l'ennemi.  En  quittant  la  plaine,  nous  entrâmes  dans  une 
épaisse  forêt  où  se  rencontraient  à  chaque  moment  les  traces  des 
troupes  qui  se  retiraient  devant  nous,  des  soldats  russes  harassés 
de  fatigue,  incapables  d'aller  plus  loin.  Bientôt,  on  aperçut  leur 
arrière-garde,  qui  se  forma  en  colonne,  comme  pour  résister  à 
notre  approche.  On  lit  avancer  quelques  pièces  d'artillerie,  et  les 
premiers  boulets  qui  furent  lancés  les  décidèrent  à  continuer  leur 
mouvement  de  retraite.  Néanmoins,  poursuivis  à  outrance  jusqu'au 
delà  de  la  petite  ville  de  Wehlau,  ils  coupèrent  le  pont  jeté  sur  la 
Prégel,  ce  qui  arrêta  brusquement  les  progrès  de  notre  armée. 

Nous  étions  parvenus  alors  dans  une  assez  jolie  vallée,  au 
milieu  de  laquelle  était  située  cette  ville  de  Wehlau,  dont  Tca- 
nemi  avait  brûlé  les  magasins  et  tout  ce  qui  pouvait  servir  à  notre 


MÉLA.JNGES  525 

raviluilleiiieut.  et  à  la  réparation  du  poiil.  Force;  nous  fui.  de  cam- 
per dans  cette  position  en  attendant  rétablissement  d'un  nouveau 
pont  qui  nous  permît  de  traverser  la  rivière.  De  lautre  côté  de 
l'eau,  j'apercevais  les  divisions  russes  disposées  en  colonnes  d'atta- 
que et,  de  part  et  d'autre,  on  semblait  se  préparer  encore  à  une 
vive  action.  L'Empereur,  assis  au  pied  d'une  colline,  entouré  de 
son  état-major,  observait  avec  attention  tous  les  mouvements  de 
l'ennemi.  Au  sommet  du  coteau,  notre  artillerie  avait  pris  place, 
afin  de  repousser  toute  démarche  ofTensive.  L'Empereur  avait  hâte 
de  voir  s'efifectucr  le  passage  de  son  armée,  pour  rejeter  les  Rus- 
ses jusque  vers  le  Niémen. 

Le  pont  établi  et  traversé,  nos  généraux  prirent  leurs  disposi- 
tions en  face  du  beau  château  de.. .  (Tapiau?),  situé  à  une  demi- 
lieue  de  la  ville,  sur  la  même  rivière,  environné  de  magnifiques 
avenues  d'arbres,  entouré  de  canaux  et  de  murailles,  et  décoré  de 
superbes  parterres,  d'élégantes  constructions  et  de  remarquables 
sculptures. 

Le  16  au  soir,  je  fis  une  distribution  d'eau-de-vie  à  ma  compa- 
gnie, et  le  lendemain,  nous  partipns  pour  Tilsitt.  Nous  franchîmes 
successivement  plusieurs  collines  parsemées  de  jolis  villages  à  tra- 
vers lesquels  l'ennemi  avait  effectué  sa  retraite.  En  arrivant  sur 
les  hauteurs  qui  dominent  la  ville,  je  vis  se  dérouler  à  mes  pieds 
une  immense  vallée,  formée  et  arrosée  par  le  cours  splendide  du 
Niémen,  sur  la  rive  gauche  duquel  s'étendaient,  parmi  de  ver- 
doyantes prairies,  les  maisons  de  Tilsitt,  frontière  de  l'Empire 
russien. . . 

(Fiijaro.)  iNoël  Bagnost. 


Unk  Œuvre  inconnue  de  Meissonier.  —  Parmi  les  tableaux  expo- 
sés dans  les  salles  de  l'Archevêché  de  Reims,  il  en  est  un  dont 
l'histoire  est  très  piquante  et  tout  à  fait  curieuse  ;  je  veu.t  parler 
du  portrait  de  iM.  Morillot,  par  Meissonier. 

Je  visitais  un  jour  le  château  de  Bussemont,  où  M.  Morillot  passe 
la  saison  d'été  ;  M"^  Morillot  me  faisait  avec  la  plus  gracieuse  ama- 
bilité la  présentation  des  mille  objets  d'art,  tableaux,  tapisseries, 
porcelaines,  dont,  avec  une  rare  finesse  de  tact  et  un  goût  sûr, 
elle  a  meublé  son  habitation  ;  tout  à  coup,  je  me  trouve  en  face 
du  portrait  du  maître  du  logis,  signé  Meissonier;  comme  je  leur 
faisais  compliment  et  les  félicitais  de  posséder  une  œuvre  certai- 
nement enviée  :  «  Mais,  me  dit  M.  Morillot,  c'est  un  roman  ;  il 
faut  que  je  vous  le  raconte  tout  au  long. 

«  C'était  en  1889;  ma  femme  avait  hérité  de  son  amie  et 
parente  éloignée,  la  baronne  Denain-Penguilly,  bon  nombre  d'ob- 
jets d'art,  de  tableaux  et  dessins  ;  les  uns  étaient  l'œuvre  du  frère 
même  de  la  défunte,  le  colonel  Penguilly-Lharidon.  directeur  du 
Musée    d'artillerie;    d'autres   étaient  signés  de   différents   noms; 


526  MÉLANGES 

qUelques-uns  mêmes  uc  l'étaient  point.  Paimi  ces  derniers,  un 
dessin  représentait  un  grand  maître  de  l'artillerie  sous  Louis  XV 
la  vigueur  du  trait,  la  puissance  de  composition,  la  perfection  des 
lignes,  tout  faisait  penser  que  c'était  une  œuvre  de  maître; 
comme  l'encadrement  n'était  pas  en  harmonie  avec  la  valeur  du 
dessin,  nous  l'avions  confié  à  M.  Dangleterre  le  doreur- encadreur 
de  la  rue  de  Seine. 

«  Quelques  jours  après,  on  introduit  M.  Dangleterre  dans  mon 
cabinet  de  travail  ;  il  était  tout  animé,  tout  ému  :  «  Qu'y  a-t-il  ? 
lui  demandai-je.  »  —  c  II  vient,  me  répondit-il,  de  m'arriver  au 
sujet  de  votre  dessin  l'aventure  la  plus  extraordinaire.  L'encadre- 
ment en  était  terminé,  et  je  l'avais  exposé  à  ma  vitrine.  Ce  matin, 
occupé  dans  mon  atelier,  je  vois  un  homme  passer,  s'arrêter,  con- 
sidérer le  tableau,  partir,  puis  revenir  précipitamment  sur  ses 
pas.  Il  entre  chez  moi,  me  demande  à  qui  appartient  le  dessin  ;  je 
lui  donne  le  nom  du  propriétaire  :  «  Dites,  ajoute-t-il,  à  ce  mon- 
sieur, que  je  le  désire,  que  je  le  veux  à  quelque  prix  que  ce  soit  ; 
il  est  de  ma  jeunesse,  et  je  voudrais  qu'il  figurât  avec  mes  autres 
œuvres  au  Champ  de  Mars.  »   Et  cet  homme,  c'est,..  Meissonier. 

«  Vous  comprenez  bien,  continua  M.  Morillot,  quelle  fut  ma 
réponse  :  Que  ma  femme  auparavant  déjà  tenait  fort  à  ce  dessin, 
comme  étant  un  souvenir  de  famille,  et  qu'elle  allait  y  tenir  beau- 
coup plus  maintenant,  sachant  de  quel  artiste  il  était  l'œuvre.  En 
tous  cas,  ajoutai-je,  puisque  M.  Meissonier  fait  en  ce  moment  une 
exposition  rétrospective  de  toutes  ses  compositions,  qu'il  expose 
celle-là  avec  les  autres  :  nous  la  lui  prêterons  volontiers  tout  le 
temps  qu'il  voudra.  —  Parfait,  dit  M.  Dangleterre  )  aliez  donc  lui 
rendre  cette  réponse  vous-même,  chez  lui,  demain  matin,  avant 
huit  heures.  »  Le  lendemain,  ma  femme  et  moi  nous  frappions  à 
l'atelier  de  Meissonier  ;  il  discutait  vivement  avec  un  monsieur  et 
une  dame  :  «  Que  voulez-vous?  nous  fit-il  assez  brusquement.  » 
Je  lui  parlai  du  dessin.  Aussitôt,  il  congédie  ses  interlocuteurs, 
nous  fait  asseoir^,  prend  place  en  face  de  nous  sur  un  tabouret  et 
demande  à  ma  femme  comment  elle  possède  ce  dessin.  >.<■  Il  me 
vient,  répond-elle,  de  ma  parente,  M""  Denain,  qui  le  tenait  de 
son  frère  le  colonel  Penguilly-Lharidon.  —  Comment,  dit  Meisso- 
nier, vous  connaissiez  Penguilly  !  mais  c'est  pour  lui-même  que 
j'avais  fait  ce  dessin  !  Les  officiers  de  Vincennes  allaient  recevoir 
le  duc  de  jN'emours  ;  ils  voulaient  décorer  une  salle;  Penguilly 
avait  été  chargé  de  cette  besogne  ;  il  m'avaii  demandé  un  sujet, 
et  je  lui  avais  crayonné  cet  artilleur  ;  naturellement,  il  le  garda 
pour  lui  ;  vous  le  voyez  bien,  c'est  de  ma  jeunesse  !  »  Là-dessus, 
Meissonier  nous  fait  la  même  offre  qu'à  M.  Dangleterre  ;  ma 
femme  lui  dit  :  «  Cher  maître!  c'est  alfaire  de  sentiment  ;  je  ne 
puis,  vous  le  comprenez,  me  défaire  d'un  souvenir  de  famille 
auquel  naturellement  je  tiens  encore  davantage  maintenant;  mais 
exposez-le  avec  vos  œuvres  au  Champ  de  Mars,  —  Que   vous  êtes 


MÉLANGES  b27 

aimable!  je  suis  très  coulent^  répond   le    niaUre.  El  pour  vous  le 
jjrouvcr,  je  vais  vous  signer  ce  dessin  louL  de  suile.  » 

iNous  prîmes  congé  de  lui  ;  nous  avions  à  peine  fait  trente  pas 
sur  le  boulevard  que  nous  entendons  courir  derrière  nous;  un 
bruit  de  pantoufles  glissant  sur  Tasphalte  nous  fait  retourner  ;  que 
voyons-nous?  Meissonier  lui-même,  en  tenue  d'atelier,  cherchant 
à  nous  rejoindre  :  «  ftladame,  fit-il  vivement,  vous  m'avez  parlé 
tout  à  l'heure  de  sentiment,  eh  bien  !  je  vais  vous  en  parler  aussi  ; 
consentez-vous  à  me  changer  ce  dessin  contre  celui  de  quelqu'un 
de  votre  famille,  de  votre  mari,  par  exemple?  »  —  El  ma  femme, 
sans  me  laisser  le  temps  d'ouvrir  la  bouche,  de  répondre  :  «  Mais 
oui,  mais  oui  )i.  —  «  Monsieur,  dit  Meissonier,  demain,  sans  plus 
larder,  vous  viendrez  poser.  » 

«  Et  je  posai  le  lendemain  et  huit  fois  encore  ;  et  ce  ne  fut  pas 
un  dessin,  mais  cette  peinture  à  l'huile  que  fit  le  maître,  parlant 
pendant  de  longues  heures  pour  égayer  et  distraire  le  modèle  ;  le 
travail  n'avançait  pas  à  son  gré  ;  il  effaçait  sans  cesse,  répétant  : 
€  Comment,  comment!  le  vieux  Meissonier  ferait  une  croûte!  » 
Enfin,  le  tableau  fut  terminé.  Meissonier  voulut  un  encadrement  à 
son  idée  ;  il  le  commanda  lui-même,  c'est  celui  que  voui  avez 
devant  vous.  Et  c'est  ainsi,  cher  monsieur,  que  j'ai  mon  portrait 
par  Meissonier.  Il  a  d'ailleurs,  à  nos  yeux,  une  autre  valeur;  il  est 
une  des  dernières  œuvres,  sinon  même  la  dernière,  du  grand 
artiste  ;  Meissonier,  en  effet,  mourait  quelques  mois  après  l'achè- 
vemenl  de  ce  portrait. 

(Imparlial  de  Vlinj-le  François.)  Charles  Tailliart, 


M.  Gaston  Paris.  —  Le  nouvel  administrateur  du  Collège  de 
France  est  né,  le  9  août  1839,  dans  un  bourg  de  la  Marne,  à  Ave- 
nay. 

C'est  le  fils  et  le  continuateur  de  M.  Paulin  Paris,  de  ce  grand 
érudit  dont  les  nombreux  travaux  attestent  l'activité  féconde  et  la 
sincérilé  scrupuleuse.  D'une  taille  élevée,  le  front  dégarni,  la  barbe 
légère  et  grisonnante,  il  porte,  enchâssé  à  demeure  dans  l'arcade 
sourcillière,  un  double  lorgnon  aux  verres  épais.  La  figure  est 
intelligente  et  fine,  la  bouche  souriante,  la  voix  nette,  le  geste 
sobre,  et  il  y  a,  dans  toute  sa  personne,  beaucoup  de  distinction 
unie  à  beaucoup  de  délicatesse,  de  charme  et  de  douceur. 

M.  Gaston  Paris  est  un  savant,  mais  aimable  ;  un  érudit  lettré 
qui  excelle  à  parler  avec  esprit  des  choses  sérieuses,  à  les  relever 
parfois  d'une  pointe  d'ironie  souriante  ou  à  les  égayer  d'un  mot 
très  fin  et  très  juste,  à  résumer  une  longue  controverse  dans  une 
phrase  courte  et  vive.  Causeur  plein  de  finesse  et  rie  charme,  il 
plaît  et  attire  par  sa  hardiesse  à  tout  dire  en  gardant  toutes  les 
nuances  de  l'équité,  par  la  sûreté  de  son  goût  et  cet  art,  qu'il 
place  si  haut,  de  suggérer  beaucoup  en  peu  de  mots. 


528  MÉLANGES 

C'est  riiuiume  du  monde  le  plus  cxaclenienl  renseigné  sur  le 
Moyen-Age.  Il  en  sait  l'hisLoire  dans  ses  plus  obscurs  recoins  et 
jusqu'aux  anecdotes.  Je  lui  ai  enlendu  dire  qu'il  connaissait  mieux 
les  dessous  du  xi"  siècle  que  les  dessus  du  xixc  ;  mais  ce  n'était 
qu'une  boutade,  car,  loin  de  se  tenir  à  l'écart  et  dans  la  relraite, 
son  esprit  curieux  et  aiguisé  étudie,  fouille  les  hommes  et  les 
oeuvres. 

Sa  maison  est  ouverte  chaque  dimanche  à  tout  ce  qui  compte 
dans  la  littérature  et  dans  la  science  :  MM.  Melchior  de  Vogué, 
Albert  Sorei,  Gaston  Boissier,  de  Hérédia.  Bourget,  Sully-Pru- 
dhomme,  Perrot,  Vandai,  Psichari,  Gaston  Deschamps,  René  Dou- 
mic,  Patinot,  Cavaignac,  Leroy-Beaulieu,  de  Nolhac,  d'Arbois  de 
Jubainville,  marquis  de  Chasseloup-Laubat  et  cent  autres  qu'il 
serait  trop  long  d'énumérer  s'y  donnent  rendez-vous.  On  y  ren- 
contrait naguère,  parmi  les  plus  assidus,  M.  Darraesteter,  mort  si 
jeune,  et  M.  l'abbé  Duchesne,  aujourd'hui  à  Rome.  Autrefois, 
Taine  ne  manquait  pas  une  seule  de  ces  réunions  et  Renan  y 
venait  presque  toujours. 

De  la  lilléralure  grecque  à  nos  décadents,  en  passant  par  la 
latine,  le  moyen  âge  et  les  œuvres  les  plus  diverses  des  écrivains 
étrangers,  M.  Gaston  Paris  a  tout  lu,  connaît  tout  et  tout  l'inté- 
resse. Moins  passionné  pour  les  personnes  que  pour  les  idées  il 
porte  sur  tout  des  jugements  nouveaux,  profonds  et  justes  où  la 
sincérité,  la  finesse,  l'admiration  émue  et  une  faculté  de  pénétra- 
tion, qui  se  rencontrent  rarement  ailleurs  au  même  degré,  don- 
nent à  sa  parole  la  séduction,  l'autorité,  la  force.  Il  réalise  cet 
idéal  que  Pope  se  traçait  d'un  esprit  supérieur  «  qui  peut  donner 
un  conseil  sans  autre  attrait  que  le  plaisir  d'instruire  et  sans  être 
orgueilleux  de  son  savoir  ;  bien  élevé  quoique  savant,  et,  quoique 
poli,  sincère  ».  11  possède  enfin,  et  pleinement,  ce  que  Sainte-Beuve 
regardait  comme  le  signe  et  la  marque  du  véritable  critique  ;  le 
don  de  juger  à  première  vue,  de  deviner,  de  devancer. 

«  Un  des  charmes  de  M.  Gaslon  Paris,  a  dit  M.  Jules  Lemaitre, 
c'est  que  le  culte  absolu  du  vrai  s'allie  chez  lui  avec  les  plus  beaux 
et  les  plus  délicats  des  sentiments  humains.  Il  aime  sa  patrie  autant 
que  la  vérité.  Ce  prêtre  austère  de  l'érudition  a  le  cœur  le  plus 
sensible  du  monde.  Ce  collectionneur  de  vieux  textes  a  l'esprit 
éminemment  philosophique.  Enfin,  c'est  par  surcroît  un  artiste, 
un  poète.  » 

ISul  n'a  poussé  plus  loin  ni  plus  haut,  en  efiet,  le  sentiment  à  la 
fois  doux,  pénétrant,  aigu  de  celle  poésie  qui  se  dégage  des  textes 
vénérables,  des  Iradilions  1res  vieilles,  et  lorsqu'il  remue  cette 
poussière  sacrée,  on  croit  en  voir  surgir  les  fantômes  des  héros  et 
des  peuples  disparus.  Puissant  par  la  grâce,  puissant  surtout  par 
le  cœur,  il  nous  fait  aimer  ce  qu'il  aime  et,  selon  l'heureuse  expres- 
sion de  M.  Jules  Lemaitre,  «  son  émotion,  tout  en  se  contenant, 
peint  son  style  d'une  couleur  charmante.  » 


MÉLANGES  o20 

Nul  ne  connaît  mieux  que  M.  Gaston  Paris  le  mécanisme  de 
notre  langue,  ne  l'a  démonté  avec  plus  de  curiosité  et  de  soin, 
n'en  a  plus  clairement  expliqué  les  ressorts.  Ses  travaux  en  ont 
fait  un  savant,  un  philologue  presque  sans  rival ,  son  goût  litté- 
raire et  son  esprit  philosophique  en  t'ont  un  dilettante  étroitement 
mêlé  aux  choses  et  aux  idées  du  siècle,  y  prenant  un  intérêt  très 
vif,  les  étudiant  parfois  avec  Tindulgence  un  peu  railleuse  de  l'iro- 
nique résolu  à  ne  s'étonner  de  rien  et  à  ne  pas  trop  s"indigner 
même  de  ce  qui  l'attriste.  S'il  fait  revivre  nos  aïeux,  s'il  pénètre 
leurs  âmes,  il  sait  aussi  comprendre  et  partager  les  sensations  de 
l'âme  contemporaine,  il  s'associe  aux  manifestations  les  plus 
diverses  de  l'esprit  moderne.  Il  admire  les  robustes  (lualités  qui 
firent  la  force  de  notre  race  et  déguste  en  amateur  airiusé  ces 
complications  de  raffinements  qui  annoncent  sa  décadence  et  [)ré- 
sagent  peut-être  salin. 

La  jeunesse  salue  comme  un  de  ses  maîtres  préférés  ce  membre 
de  l'Institut,  ce  professeur  du  Collège  de  France  et  de  l'Ecole  des 
Hautes  études.  Les  intelligences  les  plus  élevées  le  traitent  en 
égal.  En  France  et  à  l'étranger,  M.  Gaston  Paris  a  de  l'autorité 
dans  un  monde  moins  grand  par  le  nombre  que  par  le  rayoniie- 
ment  intellectuel  et  moral. 

Rarement,  un  historien  ou  un  critique  s'est  formé  une  opinion 
plus  noble  du  sujet  même  de  ses  éludes  :  «  L'histoire  de  la  litté- 
rature d'un  peuple,  a-t-il  dit,  est  l'histoire  de  sa  vie  morale,  et 
particulièrement  de  sa  conscience  nationale.  »  Rarement  aussi,  le 
culte  absolu  du  vrai  fut  poussé  plus  loin  et  l'esprit  scientifique  se 
révéla  plus  pur. 

(Figaro.)  Paul  Bosq. 


Une  AuTOBiOGRâPHib".  —  \'oici  le  texle  de  l'allocutiou  prononcée  le 
dimanche  26  tnai,  au  banquet  de  ['Union  rémoise  dts  Employés,  par  le 
président  d'tionueur,  M.  Victor  Lambert,  ancien  directeur  des  caves  de  le 
maison  Pommery.  C'est  une  modeste  et  touchante  aulobiograpliie,  qui  a, 
par  cela  même,  une  éloquente  portée  : 

«  i'ilessieurs,  je  vous  remercie  bien  de  l'honneur  que  vous 
m'avez  fait  en  me  nommant  président  d'honneur  de  votre  jeune 
corporation,  et  vous  souhaite  bonne  réussite  dans  cette  œuvre  de 
bonté  ;  vous  réussirez,  messieurs,  vous  êtes  jeunes,  le  cœur  est 
chaud,  il  couve  le  bien. 

Je  suis  fier  d'être  au  milieu  de  vous  tous  qui  n'avez  qu'une  pen- 
sée :  Venir  en  aide,  protéger  ceux  des  vôtres  qui  sont  dans  le 
besoin.  C'est  bien  beau  une  corporation  qui  a  pour  devise  : 
«  Aimons-nous  et  aidons-nous  les  uns  les  autres,  »  et  pour  con- 
duire cette  œuvre  à  bien,  n'ayez  qu'une  seule  pensée  :  le  travail, 
la  persévérance  et  l'amour  de  vos  maisons  de  commerce.  C'est  par 

34 


530  MÉI.ANoliS 

ce  moyen  ([iie  remployé  devieiil  p;i!ron,  et  je  vais  vous  en  donner 
la  preuve,  si  vous  voulez  bien  irie  le  permeLlre. 

Je  vous  demande  !a  permission  de  vous  raconter  l'histoire  vraie 
d'un  ancien  ouvrier.  L'ouvrier  en  (jueslion  est  né  à  la  campagne, 
en  1831,  de  parents  ayant  une  petite  aisance,  mais  ne  sachant  ni 
lire  ni  écrire,  et  ils  ont  donné  la  même  instruction  à  leur  fils;  mal- 
gré cela,  il  dix  ans,  le  fils  était  enfant  de  chœur.  Celait  une  bonne 
note. 

A  ce  moment,  le  père  est  obligé  de  vendre  son  bien  pour  payer 
ses  dettes  ;  le  tout  payé,  il  lui  reste  une  somme  de  f,100  fr.  et  un 
petit  mobilier  qui  prit  le  chemin  de  la  ville,  pour  aller  meubler  un 
petit  débit  de  la  rue  de  la  Menue-Paille. 

Mais  le  fils  est  un  peu  orgueilleux;  au  lieu  de  suivre  son  père,  il 
prend  un  chemin  de  détour  pour  gagner  de  suite  les  champs  afin 
d'éviter  ses  petits  camarades  qu'il  avait  peine  de  quitter. 

Enfin,  il  arrive  à  la  ville  en  même  temps  que  son  père;  on  ins- 
talle le  café  qui  marche  très  bien,  les  tonneaux  se  vident  leste- 
ment, mais  l'argent  ne  rentre  pas,  et,  après  onze  mois  passés  dans 
ce  café,  encore  nulle  fortune  faite.  Le  voilà  obligé  de  vendre,  et,  cette 
fois,  il  faut  se  mettre  au  travail  ;  le  père  devient  manoiuvre-maçon, 
cl  le  (ils  entre  dans  une  maison  d'apprêt.  Il  doit  commencer  sa 
journée  à  5  h.  i/4  du  matin  pour  finir  à  8  h.  1/2  du  soir  :  prix  de 
la  journée,  trente  centimes  par  jour.  C'est  ainsi  que  cela  se  passait 
en  1S4i.  Après  six  mois  passés  dans  cette  maison,  on  donne  au 
débutant  quarante  centimes  et  la  nourriture;  mais  il  faut,  après 
journée  faite,  faire  les  chaussures  et  relaver  la  vaisselle  des 
pati'ons.  Les  choses  marchent  comme  cela  pendant  trois  ans.  De 
14  à  18  ans,  le  fils  est  aide  voiturier  do  cette  maison  d'apprêt. 
Alors  vient  à  mourir  le  chef  voiturier.  le  jeune  homme  prend  la 
place,  au  prix  de  60  fr.  par  mois. 

Arrivé  à  Tàge  de  20  ans,  tirage  au  sort,  il  tire  le  n°  24  :  en 
voilà  pour  sept  ans!  Mais  le  père,  quoique  pauvre,  fait  tout  son 
possible  pour  trouver  un  remplaçant,  ce  que  l'on  trouvait  assez 
facilement  près  des  marchands  d'hommes  de  l'époque,  et  ceci  au 
prix  de  S  à  900  fr.,  payables  par  traites,  à  époques  fixes.  Malheu- 
reusement, aux  approches  de  la  guerre  de  Crimée,  les  remplaçants 
deviennent  rares  et  les  marchands  d'hommes  ne  peuvent  plus 
remplir  leurs  engagements;  alors  le  jeune  homme  est  invité  à  se 
rendre  à  Chùlons,  dans  le  plus  bref  délai.  Il  reçoit  son  ordre  de 
départ  le  jour  même  de  sa  fêle  de  corps  d'état,  il  quitte  le  bal  et 
sa  pauvre  petite  danseuse,  qu'il  connaissait  depuis  l'âge  de  15  ans. 
Avant  de  partir  à  Châlons,  le  jeune  homme  se  présente  chez  son 
patron  pour  le  remercier  de  ses  bontés.  Le  patron  était  un  de  ces 
hommes  rares  par  leur  bonté  pour  l'ouvrier,  il  dit  au  jeune  cons- 
crit :  «  Hé  bien,  tu  pars  sans  rien  demander  à  ton  palron,  qui 
peut-être  pourrait  faire  pour  loi  ce  que  ton  père  ne  peut  en  ce 
moment  si  difficile.  A  quelle  heure  dois-tu  être  à  Châlons  ?  —  A 


MÉLANGES  o31 

iiiidi.  —  IJuclle  heure  est-il?  —  Cinq  heures  du  iiiulin.  —  Ecoule- 
moi  hieii  :  prépare  de  suite  ma  voiture  à  deux  clievaux  et  je  pars 
immédiatement  à  Châions,  et  là  je  le  ferai  remplacer. 

Ne  te  dérange  pas,  fais  ton  petit  travail  ce  malin,  rends  les  tis- 
sus pressés  chez  les  fabricants,  et  voilà  5  fr.  pour  continuer  la  fête 
cet  après-midi. 

Le  patron  a  tenu  parole,  il  a  trouvé  un  remplaçant  au  prix  de 
900  fr.  Le  jeune  homme  est  satisfait  et  il  promet  à  son  patron  de 
le  rembourser  dans  le  courant  de  l'année  :  il  tint  parole. 

Mais  nous  voilà  en  18o3.  A  un  an  jour  pour  jour,  à  nouveau 
fête  des  apprêleurs.  Le  jeune  voiturier  fait  son  service  le  matin, 
rentre  à  midi,  et  dit  à  l'employé  :  «  Monsieur^  c'est  fêle  pour  moi 
cet  après-midi.  » 

L'employé  lui  répond  qu'il  faut  rendre  des  tissus  pressés  et  qu'il 
faut  revenir  à  une  heure  un  quart.  Le  jeune  homme  revient,  pré- 
pare sa  voilure,  prévient  l'employé  qu'il  attend  sou  chargement.  Il 
pose  pendant  une  heure,  puis,  ne  voyant  rien  venir,  il  remet  le 
cheval  à  l'écurie,  et  vient  près  de  l'employé  lui  dire  :  «  J'ai  fait 
mon  devoir,  je  me  retire  et  vous  préviens  que  je  vous  quitte  à  la 
fin  du  mois.  »  Ceci  en  l'absence  du  patron.  Le  jeune  homme 
trouve  un  emploi  dans  une  maison  de  laine,  on  lui  donne  90  fr. 
et  10  fr.  de  gratification  par  mois,  soit  -100  fr. 

Le  jeune  homme  reste  dans  celte  condition  jusqu'au  mois  de 
février  1855.  A  cette  date,  le  négociant  en  laines  fait  part  à  son 
personnel  qu'il  se  relire  des  affaires.  N'ayant  qu'un  fils,  il  peut 
vivre  tranquillement.  En  effet,  homme  bon  et  très  modeste,  il  n'en 
demandait  pas  plus  et  en  se  letirant  des  allaires,  il  dit  à  ses 
employés  :  «  Je  liquide  et  vous  prie  de  chercher  place,  libre  à 
vous  de  quitter  aussitôt  que  vous  aurez  trouvé  un  emploi  ;  je  vous 
donne  à  tous  six  mois  de  voire  traitement. 

Tous  les  employés  réussissent  à  se  caser.  Seul,  le  jeune  homme 
en  question  à  qui  le  patron  a  dit  :  «  Jeune  homme,  ne  vous  enga- 
gez pas  avant  de  me  dire  chez  qui  vous  allez  »,  n'avait  rien  trouvé 
encore  lorsque  son  patron  vint  lui  dire  :  «  Je  croyais  me  retirer 
des  affaires,  et  je  vois  que  cela  n'est  plus  possible,  je  vais  avoir  un 
deuxième  enfant  et  je  vous  préviens  que  je  reprends  une  petite 
marque  de  Champagne,  et,  si  vous  le  voulez,  vous  pouvez  rester 
avec  moi,  je  vous  donnerai  au  vin  le  même  prix  que  vous  aviez 
aux  laines.  » 

Le  jeune  homme  est  resté  avec  son  bon  patron.  Mais,  hélas  ! 
pas  longtemps,  car  l'année  suivante,  ce  brave  homme  était  enlevé 
à  l'affection  des  siens  ;  à  peine  a-t-il  connu  son  deuxième  enfant. 

Mais  heureusement  sa  veuve,  femme  aussi  énergique  que  bonne, 
a  continué  les  atfaires,  et  à  force  de  travail,  a  fondé  une  maison 
de  vins  de  tout  premier  ordre.  C'est  dans  cette  maison  que  le 
jeune  homme  d'autrefois  est  arrivé  au  grade  de  directeur  des 
caves,  intéressé  de   la  maison.  Retiré  du  travail,  après  quarante 


532  MÉLANGES 

années   passées   dans  ladite   maison,  il  vil  tranquillement,  ayant 
toujours  le  meilleur  souvenir  de  sa  bien  regrettée  patronne. 

Voilà,  Messieurs,  comme  l'ouvrier  arrive.  .Mais,  encore,  lui  faut-il 
rencontrer  de  bons  patrons.  » 

* 

Les  Vins  de  CHàMPAGNE.  —  Le  Figaro  consacrait,  le  12  février  dernier, 
un  grand  supplément  de  douze  pages  aux  «   Vins  de  Champagne  ». 

Ce  sufiplémenl  illustré  traitait  de  la  manutention,  faisait  l'historique  du 
vin  de  Champagne,  publiait  quelques  données  sur  notre  commerce  e',  enfin, 
présentait  aux  lecteurs  quelques-unes  de  nos  grandes  marques 

La  plupart  de  ces  renseignements  sont  connus  ici  par  le  menu.  Néan- 
moins, nous  trouvons  dans  ce  travail  un  article  d'ensemble  qui  sera  lu 
avec  intérêt  —  même  par  ceux  qui  connaissent  le  mieux  notre  riche 
vignoble  et  ses  inimitables  produits. 

De  la  mannleniion  et  des  opérations  diverses  des  vins 
de  Cliantpagnc. 

On  se  fait  généialement  dans  le  public  une  fausse  idée  de  la 
préparation  du  vin  mousseux  de  Champagne.  Bien  des  légendes 
erronées  et  grossières  ont  cours  à  ce  sujet,  aussi  convient-il  de 
les  réduire  à  leur  juste  valeur.  Nous  allons  donc  passer  en  revue 
les  diverses  opérations  qui  constituent  la  manutention  du  vin  de 
Cliampagne. 

Les  Raisins.  —  Le  vin  de  Champagne  n'est  point  un  vin  de 
raisins  blancs,  comme  on  pourrait  le  penser  au  premier  abord  ; 
une  faible  partie  du  vignoble  champenois,  un  quart  environ,  est 
plantée  en  raisins  blancs;  les  trois  autres  quarts  le  sont  en  raisins 
noirs. 

Les  raisins  ne  sont  jamais  foulés  aux  pieds,  mais  écrasés  méca- 
niquement au  moyen  d'excellents  pressoirs.  On  sépare  immédia- 
tement le  moût  de  la  grappe  et  de  la  peau,  qui  contient  les 
matières  colorantes  et  l'on  obtient  un  liquide  à  peine  teinté,  qui 
devient  parfaitement  blanc,  après  la  première  fermentation. 

La  Vendange.  —  Il  est  difficile  de  se  faire  une  idée  exacte  du 
soin  avec  lequel  se  fait  la  vendange  en  Champagne;  les  grappes 
sont  détachées  une  à  une,  sans  froissement,  choisies  d'après  leur 
maturation,  épluchées  même  dans  beaucoup  de  localités  et  chaque 
jour  écrasées  sans  délai  sur  le  pressoir. 

Le  produit  du  pressurage,  opération  renouvelée  à  trois  reprises 
différentes,  constitue  le  vin  de  cuvée;  c'est  ce  vin  qui  présente  les 
qualités  requises  pour  être  employé  en  vins  mousseux.  Les  vins 
que  l'on  obtient  par  les  pressurages  subséquents  forment  ce  qu'on 
appelle  les  vins  dcvsuite,  mais  leur  qualité,  de  beaucoup  inférieure, 
ne  permet  pas  de  leur  donner  la  même  destination. 

La  FcrmenUUion.  —  A  peine  le  vin  s'est-il  écoulé  du  pressoir, 
(ju'il  est  mis  dans  des  futailles  expédiées  par  les  acheteurs  et  véri- 


MÉLANGES  5'.->3 

fiées  avec  un  soin  méliculeus;  quelques  jours  après,  la  fermenta- 
tion s'établit  et  transforme  le  liquide  sucré  ou  «  moût  »  obtenu 
par  le  pressurage  en  liquide  alcoolique  et  acidulé  qui  dès  lors 
prend  le  nom  de  «  vin  ».  Un  soutirage  sépare  alors  la  lie  qui  s'est 
formée  au  fond  des  pièces,  du  vin  qui  devient  parfaitement  lim- 
pide dès  l'apparition  des  premiers  froids. 

Les  Recoupages  ou  Assemblages. —  Pendant  les  mois  de  janvier 
et  de  février,  le  négociant  mélange  entre  eux,  dans  des  foudres 
d'une  certaine  capacité,  les  différents  crus  de  la  Champagne 
achetés  aux  vendanges.  L'expérience  a  démontre  que,  pour 
obtenir  un  vin  parfait,  il  faut  mélanger  les  vins  de  diverses  pro- 
venances dans  certaines  proportions.  On  se  guide  pour  ces  recou- 
pages d'après  les  qualités  de  la  récolte  qui  vient  d'avoir  lieu  et  les 
caractères  particuliers  des  crus  désignés  plus  haut. 

Les  Réserves.  —  On  peut  mélanger,  en  vue  du  tirage  qui  va 
suivre,  les  vins  d'une  seule  année.  Habituellement,  on  ajoute  à 
ces  derniers  des  vins  de  réserve  datant  des  récoltes  antérieures; 
grâce  à  eux,  on  améliore  souvent  les  vins  de  Tannée  et  on  main- 
tient ainsi  les  types  des  cuvées  précédentes,  ce  qui  rend  pour  le 
consommateur  les  transitions  imperceptibles. 

La  Cuvée.  —  Quand  on  a  composé  un  tout  homogène  et  har- 
monique, que  les  bouquets  ont  été  combinés,  se  sont  améliorés  et 
complétés  les  uns  par  les  autres,  et  que  le  chef  de  la  maison  lui- 
même  après  la  dégustation  a  arrêté  les  bases  de  l'opération,  la 
cuvée  est  formée. 

Le  Tirage  on  la  Mise  en  bouteille  et  la  Prise  de  mousse.  — 
Dès  que  le  printemps  met  la  sève  en  mouvement,  on  procède  à  la 
mise  en  bouteilles.  Les  bouteilles  sont  rincées  avec  un  soin  méti- 
culeux, remplies,  bouchées  hermétiquement  au  moyen  d'un  outil- 
lage spécial.  On  les  emmagasine  ensuite  dans  de  vastes  caves  dans 
la  position  horizontale.  Ici,  une  explication  est  nécessaire. 

Il  faut  remonter  à  l'an  1746  pour  trouver  les  premiers  essais 
industriels  du  tirage  (mise  en  bouteilles  du  vin  de  Champagne 
mousseux)  qui  ne  furent  pas  heureux.  Une  casse  eifroyable  se 
déclarait  généralement  à  la  prise  de  mousse.  On  n'avait  aucune 
donnée  sur  la  production  de  la  mousse  et  l'on  s'en  rapportait  à  la 
dégustation  pour  savoir  si  le  vin  contenait  assez  ou  trop  de  sucre 
au  moment  du  tirage.  Enfin  en  1836,  un  chimiste  distingué  de 
Châlons-sur-Marne,  M.  François,  après  de  nombreuses  expériences, 
parvint  au  moyen  du  gluco-œnomètre  (flotteur  de  verre  imaginé 
par  Cadet  Devaux),  et  en  faisant  évaporer  la  partie  alcoolique  d'un 
volume  donné  de  vin,  à  déterminer  exactement  la  quantité  de 
sucre  que  doit  contenir  le  vin  de  Champagne  lors  de  la  mise  en 
bouteilles  pour  produire  une  belle  mousse. 

Nous  avons  donc,  au  moyen  du  gluco-œnomètre,  évalué  exacte- 
ment la  quantité  de  sucre  naturel  existant  dans  le  vin  avant  la 
mise  en   bouteilles;   si    cette   proportion    n'était  pas  assez  forte. 


5!^i  MÉLANGES 

nous  avons  ajouté  une  quantité  calculée  de  sucre  candi  pure  canue  ; 
notre  vin  est  en  bouteilles.  L'élévation  de  la  température  d'une 
part,  de  l'autre,  l'évolution  naturelle  des  ferments,  qui  se  produit 
au  moment  où  la  végétation  prend  son  essor  dans  la  vigne,  font 
naître  une  fermentation  active  par  laquelle  les  sucres  originaires 
ou  ajoutés  se  transforment  en  alcool  et  en  gaz  acide  carbonique. 
Ce  gaz,  par  suite  du  bouchasse  hermétique,  ne  peut  s'échapper,  il 
reste  en  dissolution  dans  le  liquide  et  forme  la  mousse. 

En  cet  état,  le  vin  est  dit  brut;  il  serait  presque  imbuvable; 
l'âge  seul,  en  faisant  disparaître  une  partie  de  son  acidité,  lui 
rendrait  ses  qualités  premières;  il  importe  de  remplacer  ce  sucre 
disparu,  et  voici  comment  on  y  procède. 

La  Mise  sur  pointe.  —  La  fermentation  qui  a  développé  la 
mousse  a  donné  naissance  à  un  dépôt  qu'il  faudra  extraire.  A  cet 
effet,  dès  que  le  séjour  en  cave  aura  été  suffisant  pour  que  le 
vin  soit  presque  arrivé  à  maturité,  on  procède  de  la  manière  sui- 
vante :  les  bouteilles  sont  mises  sur  pointe,  c'est-à-dire  placées  la 
tête  en  bas  sur  des  tables-pupitres  percées  de  trous  et  inclinées  à 
60  degrés;  chaque  jour,  pendant  six  semaines  ou  deux  mois,  elles 
sont  remuées  légèrement  en  leur  imprimant  un  déplacement  cir- 
culaire par  un  mouvement  sec  et  précipité.  Peu  à  peu  le  dépôt 
finit  par  tomber  sur  le  bouchon. 

Le  Dégorgement.  —  Le  dépôt  qui  se  forme  dans  le  vin  se 
trouvant  accumulé  sur  le  bouchon,  le  liquide  est  devenu  d'une 
limpidité  absolue.  L'ouvrier  prend  alors  la  bouteille  et  la  tient  de 
la  main  gauche,  toujours  dans  la  position  renversée,  tandis  que 
de  la  main  droite,  avec  un  crochet,  il  fait  sauter  l'agrafe  qui 
retient  le  bouchon.  Celui-ci,  étant  aussitôt  attiré  à  l'aide  d'une 
pince  et  poussé  par  la  mousse,  soit  de  la  bouteille  avec  explosion, 
entraînant  le  dépôt  au  moment  précis  où  l'ouvrier  relève  légère- 
ment la  bouteille. 

Le  Dosage.  —  Nous  arrivons  au  dosage,  opération  la  plus 
importante  après  la  composition  de  la  cuvée.  Par  suite  de  la  fer- 
mentation dans  la  bouteille,  le  vin  a  presque  complètement  perdu 
son  sucre  naturel  et  est  devenu  à  peu  près  imbuvable.  On  intro- 
duit donc,  dans  chaque  bouteille,  une  certaine  quantité  de  liqueur 
faite  uniquement  avec  du  sucre  de  canne  le  plus  pur,  de  toute  pre- 
mière qualité,  dissous  dans  du  vin  de  Champagne  vieux,  de  qua- 
lité hors  ligne,  provenant  des  premiers  crus. 

Telle  est  la  liqueur  qui  sert  à  donner  au  vin  mousseux  de  Cham- 
pagne le  degré  de  douceur  qui  lui  convient,  suivant  les  pays  aux- 
quels on  le  destine  et  où  l'on  peut  préférer  des  vins  plus  ou  moins 
doux  ou  des  vins  plus  ou  moins  secs.  Ce  n'est  donc  pas  une  sauce 
dans  laquelle  entrent  des  mixtures  sophistiquées,  comme  ont  bien 
voulu  l'inventer  certains  concurrents  de  la  Champagne,  dans  le 
but  de  jeter  la  déconsidération  sur  les  vins  de  la  contrée  cham- 
penoise. 


MÉLANGES  ^35 

La  dose  de  sucre  la  plus  considérable  est  destinée  à  la  Russie; 
elle  est  un  peu  moindre  pour  l'Allemagne,  la  France  et  la  Bel- 
gique; elle  est  réduite  encore  pour  les  Etals-Unis;  eniui  en  Angle- 
terre, on  envoie  un  vin  à  peine  sucré,  sec  et  très  sec^  dry  et  extra 
dnj  ;  on  y  consomme  aussi  beaucoup  de  vin  brut,  c'est-à-dire  sans 
aucune  liqueur. 

Le  Bouchage  et  le  Ficelage.  —  La  bouteille  est  ensuite  rebouchée 
avec  un  bouchon  neuf,  de  qualité  supérieure,  pour  éviter  la  déper- 
dition du  gaz.  Le  bouchon  préalablement  marqué  à  feu  au  nom 
de  la  maison  est  fixé  tantôt  avec  ficelle  et  fil  de  fer,  tantôt  avec 
des  systèmes  différents,  suivant  le  choix  des  expéditeurs. 

L'Habillage,  l'Emballage  et  l'Expédition.  —  Dès  que  la  bou- 
teille est  revêtue  de  son  étiquette,  de  sa  feuille  d'étain,  de  sa  cap- 
sule brillante  ou  de  sa  cire,  elle  a  parcouru  les  étapes  qu'elle  avait 
à  franchir.  Suivant  les  habitudes  et  les  obligations  imposées  par 
les  destinations  diverses,  la  bouteille  est  enveloppée  de  papier  et 
de  paille  et  enfermée  dans  des  caisses  ou  des  paniers  de  dimen- 
sions variables. 

Voilà  donc  la  bouteille  de  vin  de  Champagne  dans  sa  resplen- 
dissante toilette;  mais,  depuis  le  moment  o\x  elle  est  sortie  de  la 
verrerie  jusqu'à  celui  où  elle  est  placée  dans  une  caisse  ou  un 
panier  à  votre  adresse,  elle  a  passé  successivement,  on  ne  le 
croirait  pas,  lecteurs,  cependant  c'est  la  vérité,  par  les  mains  de 
quarante-cinq  ouvriers.  Et  maintenant,  bouteille  enchantée,  va 
répandre  la  gaieté  et  l'esprit  dans  le  monde  entier! 

La  Verrerie  et  les  Doiiclions.  —  Le  commerce  des  vins  mous- 
seux de  Champagne  n'emploie  que  des  bouteilles  spécialement 
fabriquées  pour  ses  besoins  par  un  certain  nombre  de  verreries 
établies  dans  les  déparlements  de  la  .Marne,  de  l'Aisne  et  du  Nord. 
—  Les  bouchons,  d'essence  particulière  et  payés  un  haut  prix,  sont 
de  provenance  espagnole.  La  Catalogne  trouve  eu  Champagne  un 
important  débouché  pour  ses  meilleurs  choix  de  liège. 

Les  Ouvriers.  —  Le  travail  des  vins  mousseux  de  Champagne 
occupe  dans  le  département  de  la  Marne  un  nombre  important 
d'ouvriers.  Les  qualités  de  moralité  et  de  sobriété  de  ces  ouvriers, 
leur  amour  pour  leur  métier,  leur  attachement  à  leurs  patrons  sont 
connus  de  tous.  Des  Sociétés  de  secours  mutuels,  dont  les  chefs  de 
maison  tiennent  à  honneur  de  faire  partie,  les  unissent  entre  eux 
et  se  développent  chaque  jour.  Silva  et  du  Moulin. 

La  genèse  du  vin  de  Champagne.  —  Les  falsifications. 
Le  Champagne,  ce  délicieux  vin  qui  pétille  sur  nos  tables,  pour 
la  plus  grande  satisfaction  de  l'œil  et  le  régal  de  l'estomac,  est  un 
produit  français  par  excellence,  unique  et  ininutable,  dont  le.s  qua- 
lités sont  dues,  non  à  des  artifices,  mais  à  la  nature  particulière 
du  sol,  à  ses  fins  cépages  et  à  la  situation  géographique  de  l'an- 
cienne province  de  Champagne.   Exporté  dans  toutes  les  parties 


;j;^t)  MÉLANGES 

du  monde,  il  est  des  plus  appréciés  et  des  plus  aimés.  La  Cham- 
pagne lui  doit  sa  richesse  et  sa  renommée  universelle;  chanté  en 
prose  et  en  vers  par  tous  les  poètes  et  écrivains,  il  a  fait  le  tour 
du  monde. 

Le  vin  de  Champagne  est  un  vin  aristocratique,  aimable  et  gai, 
c'est  le  vin  des  bonnes  compagnies;  c'est  le  via  des  dames,  c'est  le 
vin  de  l'espérance,  de  l'amour  et  de  l'amitié... 

La  plantation  des  premières  vignes  de  la  Champagne  remonte  à 
une  très  haute  antiquité.  D'après  les  historiens  locaux,  l'empereur 
romain  Probus  occupait,  en  temps  de  paix,  ses  troupes  à  replanter, 
aux  environs  de  Reims  et  de  Châlons,  les  vignes  qui  avaient  été 
détruites  par  ordre  de  Domitien.  11  y  en  avait  certainement  du 
temps  de  saint  Remy,  archevêque  de  Reims,  car,  dans  son  testa- 
ment daté  de  l'an  530,  il  lègue  au  clergé  de  son  diocèse  quelques 
arpents  de  vignes.  Dans  une  lettre  adressée  au  ixe  siècle  par  Pardule, 
évoque  de  Laon,  à  Hincmar,  archevêque  de  Reims,  il  fait  mention 
des  qualités  parliculières  du  vin  provenant  des  vignes  champe- 
noises. 

Au  xi^  siècle,  le  pape  Urbain  II,  qui  était  d'ailleurs  champenois, 
se  faisait  expédier  du  vin  d'Ay;  i!  le  mettait  au-dessus  de  tous  les 
vins  du  monde. 

Au  XII*  siècle,  nous  voyons  le  poète  d'Andely  faire  l'éloge  des 
vins  de  Champagne,  et  le  préférer  au  vin  d'Argenteuil,  alors  très 
apprécié.  Le  vin  de  Champagne,  à  cette  époque,  était  encore  peu 
abondant.  Cependant,  en  1328,  au  sacre  de  Philippe  VI,  de  Valois, 
la  cour  et  les  habitants  de  Reims  consommèrent,  paraît-il,  environ 
trois  cents  pièces  de  vin  des  coteaux  champenois. 

Ce  n'est  guère  qu'au  xiv''  siècle  que  la  plantation  des  vignes  se 
fit  en  Champagne  sur  une  grande  échelle,  les  vins  champenois 
«  rouges  et  gris  «  étant  jugés  dignes  de  figurer  sur  la  table  des 
rois.  Ces  excellents  «  vins  paillés  »  ou  «  vins  gris  »  furent  bien 
vite  appréciés  de  tous  les  gourmets  et  jouirent  d'une  vogue  incon- 
testable. 

L'empereur  Sigismond,  en  1410,  s'arrêta  à  Ay  pour  goiiter  sur 
place  le  vin  célèbre  de  ce  cru. 

La  réputation  des  vins  de  Champagne  devint  telle  que  les  plus 
puissants  souverains  de  l'Europe  :  Charles-Quint,  Henri  VIII,  roi 
d'Angleterre,  François  le''  et  le  pape  Léon  X  lui-même,  avaient 
acquis  des  vignes  à  Ay.  Henri  IV  prenait  le  titre  de  sire  d'Ay,  et 
l'on  montre  encore  aujourd'hui  l'emplacement  qu'occupait  son 
pressoir  dans  cette  capitale  du  vignoble. 

Plus  tard,  apparaît  parmi  les  fervents  des  vins  champenois,  un 
autre  personnage  illustre,  le  roi  de  Bohême  Wenceslas  VI,  qui 
rendait  royalement  justice  à  la  supériorité  des  vins  de  la  Cham- 
pagne, au  point  même,  disent  les  chroniqueurs  du  Moyen-Age,  de 
perdre  quelquefois  la  notion  des  lois  de  l'équilibre. 

Le  vin  de  Reims,   au   xvi«  siècle,  tient  la  corde  avec  le  vin  de 


MÉLANGES  537 

Beaune.  On  le  vend  7o  livres  la  queue,  mesure  équivalente  à  deux 
pièces  d'aujourd'hui,  un  joli  prix  pour  l'époque. 

Plus  nous  avançons,  plus  nous  voyons  s'accroître  son  succès; 
c'est  encore  lui  qui  est  offert  aux  sacres  des  rois  François  II, 
Charles  IX,  Henri  lll,  Louis  XIII. 

Mais,  à  cette  époque,  c'était  encore  un  vin  non  mousseux  et  ce 
n'est  que  vers  la  fin  du  xvii«  siècle  qu'apparaît  la  «  mousse  »  qui 
devait  transformer  le  Champagne,  et  moins  de  deux  siècles  après, 
lui  donner  ses  grandes  entrées  dans  toutes  les  parties  du  monde. 

En  effet,  vers  1G70,  une  révolution  s'opéra  dans  la  production 
de  la  Champagne  à  la  suite  de  la  découverte  de  Doni  Pérignon, 
moine  cellérier  de  l'ahbaye  d"Hautvillers  près  Epernay,  qui  trouva 
le  moyen  de  rendre  le  Champagne  mousseux  et  substitua  le  bou- 
chon de  liège  aux  tampons  de  chanvre  imbibés  d'huile  dont  on  se 
servait  jusqu'alors. 

Sa  découverte  était  basée  sur  la  remarque  que  les  vins  du  pays, 
au  printemps  qui  suivait  la  vendange,  accomplissaient  une  nou- 
velle fermentation.  Cette  disposition  spéciale  était  alors  considérée 
comme  inhérente  aux  vins  des  coteaux  champenois,  mais  elle 
n'était  que  la  conséquence  de  la  position  climatologique  d'un 
vignoble  où  les  froids  suivent  de  trop  près  la  récolte  pour  que  la 
fermentation,  le  bouillage  des  moûts  soit  complète. 

Dom  Pérignon  possédait,  dit-on,  des  connaissances  vinicoles  de 
premier  ordre;  nous  savons  qu'il  possédait  un  palais  au  goût 
infaillible  :  en  dégustant  une  grappe  de  raisin,  il  savait  à  quel  cru 
appartenait  le  cep  qui  l'avait  portée. . .  Son  nom,  qui  fut  même 
pris  pour  un  cru  champenois,  est  resté  populaire.  Un  autre  moine, 
Dom  Oudart,  cellérier  de  la  maison  que  l'abbaye  de  Saint-Pierre 
de  Châlons  possédait  à  Pierry,  fit  faire  également  de  nombreux 
progrès  à  la  fabrication  des  vins  mousseux  de  la  Champagne. 

En  résumé,  le  vin  de  Champagne  mousseux  vit  pour  la  première 
fois  la  lumière  du  jour  vers  les  dernières  années  du  règne  de 
Louis  XIV;  ce  grand  roi,  qui  se  connaissait  en  bonnes  choses, 
avouait  sa  préférence  pour  le  vin  d'Ay. 

A  partir  de  cette  époque,  le  Champagne  acquiert  une  grande 
vogue.  Une  réunion  de  joyeux  viveurs,  fort  connus  à  la  cour  de 
Louis  XIV,  l'adopta  et  surtout  le  consomma  avec  une  ferveur  sans 
exemple.  L'ordre  des  Coteaux  n'admettait  à  ses  fêtes  que  les  vins 
d'Ay,  d'Hautvillers,  d'Avenay,  de  Verzenay,  de  Sillery,  de  Taissy. 
«  Il  n'y  a  pas,  écrivait  Saint-Evremond,  l'un  des  profès,  de  pro- 
vinces qui  fournissent  de  plus  excellents  vins  pour  toutes  les 
saisons  que  la  Champagne.  » 

Le  vin  de  Champagne  eut  pour  parrain  le  duc  de  Vendôme,  que 
le  marquis  de  Sillery,  gentilhomme  du  cru,  avait  conquis  dans  un 
souper  resté  célèbre,  et  pour  protecteur  le  Régent;  il  semble  être 
né  tout  exprès  au  seuil  du  xviu'  siècle.  Il  était  bien  fait  pour  sa 
légèreté  insouciante  et  rieuse,  pour  sa  gaieté  spirituelle;  ses  explo- 


538  MÉLANGES 

sions  accompagnèrent  les  derniers  éclals  de  rire  de  la  plus  belle 
cour  du  monde  :  ce  fut  la  musique  au  son  de  laquelle  elle  dis- 
parut. 

La  renommée  universelle  des  vins  de  Champagne  devait  fatale- 
ment leur  susciter  des  contrefacteurs  :  c'est  ce  qui  s'est  produit  en 
Anjou,  où,  pour  donner  le  change  aux  consommateurs,  on  n'a  pas 
craint  d'appeler  Champagne  de  simples  vins  de  Saumur. 

Le  commerce  régulier  des  vins  de  Champagne,  groupé  presque 
entièrement  en  une  Association  syndicale,  dont  le  siège  est  à 
Reims,  a  protesté  contre  cet  abus,  et  par  plusieurs  arrêts,  rendus 
par  les  Cours  d'Angers,  de  Paris  et  la  Cour  de  cassation,  a  fait 
consacrer  souverainement  ce  principe,  désormais  incontestable, 
que  «  seuls  les  vins  mousseux  récoltés  et  manutenlionnés  en 
Champagne  peuvent  éii  e  désignes  soiis  le  nom  de  celte  province.  » 
Donc,  aujourd'hui,  la  jurisprudence  est  détinitivement  fixée,  et 
tous  ces  concurrents  déloyaux  devront  à  l'avenir  se  contenter, 
pour  leurs  prétentieux  liquides,  de  la  dénomination,  plus  modeste, 
de  vins  «  mousseux  ». 

Voilà  la  genèse  du  vin  de  Champagne.  Ses  qualités  inhérentes 
en  font  un  vin  unique,  un  vin  que  nul  subterfuge,  qu'il  vienne  de 
l'Etranger  ou  même  d'autres  provinces  de  la  France,  ne  saurait 
à  aucun  titre  surpasser  ou  égaler. 

Nous  pouvons  dire  en  toute  sincérité  à  nos  nombreux  lecteurs, 
que  si  la  Faculté  déclarait  solennellement,  d'accord  avec  les  con- 
naisseurs les  plus  distingués  du  grand  siècle  dernier,  que  les  vins 
de  Champagne  étaient  non  seulement  les  meilleurs,  mais  encore 
les  plus  salutaires  de  tous  les  vins  du  monde,  c'est  aujourd'hui 
l'univers  entier  qui  proclame  sa  grande  supériorité  et  ses  qualités 
inimitables.  C'est  le  produit  naturel  de  l'important  vignoble  de 
l'ancienne  province  de  Champagne,  qui  est  le  plus  éclatant  fleuron 
de  la  couronne  que  l'agriculture  ceint  au  front  de  la  France  du 
Nord-Est.  Que  les  gourmets,  que  les  amateurs,  que  tous  les 
buveurs  de  véritable  Champagne  soient  rassurés  :  nos  vins  de 
Champagne  sont  aujourd'hui  ce  qu'ils  étaient  hier;  ils  sont  toujours 
la  propriété  exclusive  de  la  Champagne  et.  tant  qu'il  plaira  à  Dieu, 
tant  que  le  monde  sera  monde  et  que  le  soleil  dorera  de  ses  rayons 
les  vignobles  champenois,  la  Champagne  restera  toujours  digne 
de  sa  vieille  renommée.  Oui,  quoi  qu'on  dise,  quoi,  qu'on  fasse, 
soyez  persuadés,  lecteurs,  que  ce  n'est  pas  encore  demain  qu'on 
verra  pâlir  sa  fière  et  radieuse  devise  : 

«  Passe  avant  li  mcillor  !  » 
Malheureusement,  les  contrefaçons  et  imitations  pourchassées 
d'un  côté  ont  trouvé  une  issue  d'un  autre  :  elles  ont  pris  la  route 
de  la  Champagne  même.  Quelques  manipulateurs,  qui  se  sont  ins- 
allés  dans  les  centres  du  commerce  champenois,  font  mousser 
artilicieusemenl  certains  vins  blancs  de  qualités  inférieures,  pro- 
venant de  départements  vinicoles  étrangers  à  la  Champagne.  Ces 


MÉLANGES  0^9 

honnêtes  industriels  ne  se  font  aucun  scrupule  de  livrera  la  con- 
sommation ces  «  champagnes  illusoires  »  (saute-bouchons)  sous  le 
nom  usurpé  de  «  Champagne  »  ou  «  Vins  de  Champagne  ».  Grâce 
à  cet  habile  stratagème,  ils  évitent  toute  poursuite. 

Mais  ce  genre  de  trafic,  bien  que  très  blâmable,  est  trop  insi- 
gnifiant pour  qu'il  puisse  compromettre  la  dignité  et  la  loyauté 
du  commerce  des  véritables  vins  de  Champagne,  qui  a  toujours 
eu  à  cœur  de  maintenir  haut  et  ferme  sa  vieille  réputation. 

Nous  croyons  rendre  service  à  nos  nombreux  lecteurs  en  les 
mettant  en  garde  contre  ces  fraudes,  et  en  empêchant  le  goût  des 
consommateurs  de  se  pervertir. 

Si  vous  voulez  du  vin  de  Champagne  bon  et  authentique,  —  celui 
qui  fait  la  gloire  de  notre  industrie  nationale,  —  et  à  un  prix  rai- 
sonnable, adressez-vous  toujours  au  commerce  régulier  de  la 
Cbampagne,  mais  choisissez  les  vieilles  et  honorables  maisons,  et 
nous  n'en  exceptons  aucune,  qui  se  recommandent  par  une  longue 
expérience  et  un  passé  irréfutable. 

Le  vignoble  de  la  Champagne.  —  Les  concurrents. 
Le  phylloxéra. 

Nous  avons  dit  que  le  vin  de  Champagne  authentique  est  le 
produit  naturel  de  l'important  vignoble  du  département  de  la 
Marne  :  une  surface  de  16,000  hectares,  valant  124  millions  de 
francs,  est  consacrée  dans  ce  département  à  la  culture  de  la 
vigne. 

L'arrondissement  de  Reims  compte  à  lui  seul  près  de  7,000  hec- 
tares, celui  d'Epernay,  o,000  ;  ceux  de  Châlons,  de  Vitry-le-Fran- 
çois  et  de  Sainte-Menehould  se  partagent  le  reste.  La  population 
viticole  de  la  Champagne  est  de  2o,000  vignerons.  La  culture  de 
la  vigne  dans  le  département  de  la  Marne,  et  surtout  dans  cer- 
taines localités  à  crus  renommés,  »;omporte  des  procédés  d'un 
raffinement  excessif,  qui  compliquent  singulièrement  la  main- 
d'œuvre  et  la  rendent  fort  coûteuse;  le  prix  de  celte  main-d'œuvre 
s'élève  annuellement  à  1,300,  2, 000  et  jusqu'à  2,500  fr.  par  hectare. 

Le  vignoble  de  la  Champagne  peut  se  diviser  en  trois  parties  : 
la  montagne  de  Reims  où  l'on  trouve  les  crus  célèbres  de  :  Yeny, 
Verzenay,  Sillery,  Mailly,  Rilly,  etc.,  dont  les  qualités  dislinclives 
sont  la  vinosité  et  la  fraîcheur;  Bouzy,  Amboanay,  etc.,  avec  le 
corps  moelleux  et  le  parfum  pénétrant;  la  côte  d'Avize,  spéciale 
par  ses  vins  blancs,  où  sont  situés  les  fameux  coteaux  de  Cramant, 
Avize,  le  Mesnil-sur-Oger,  Grauves,  Cuis,  etc.,  au  sud  d'Lpernay, 
auxquels  on  reconnaît  une  grande  finesse  et  une  exquise  délica- 
tesse ;  et  enfin  la  vallée  de  la  Marne  avec  Ay,  Mareuil,  Cham- 
pillon,  Hautvillers,  Pierry,  Dizy,  Epernay  et  Cumières,  tous  crus 
de  raisins  noirs  à  l'incomparable  bouquet. 

11  est  à  remarquer  que  cette  grande  finesse  des  crus,  dont  nous 
venons  de  citer  les   noms,   dépend  absolument  de  la  nature  spé- 


540  MÉLANGES 

ciale  de  la  terre,  du  sol  crayeux  et  des  soins  minutieux  apportés  à 
la  culture  de  la  vigne  qui,  conabinés  avec  les  espèces  spéciales  de 
cépages  employés  par  les  viticulteurs  champenois,  donnent  aux 
vins  de  la  Champagne  leur  cachet  particulier  de  finesse,  de  fraî- 
cheur et  d'élégance  qui  ne  saurait  se  rencontrer  dans  les  vins 
mousseux  produits  par  d'autres  contrées. 

Les  seuls  vins  utilisés  par  le  commerce  de  la  Champagne  sont 
ceux  que  fournissent  les  arrondissements  de  Reims,  Epernay  et 
Châlons.  Leur  production  annuelle  s'élève  en  moyenne  à  400,000 
hectolitres,  dont  la  plus  grande  partie  est  convertie  en  vins  mous- 
seux de  Champagne.  Le  surplus  fournit  du  vin  rouge  qui  se  con- 
somme presque  entièrement  dans  la  contrée  champenoise  même. 

Mais  la  production  des  vignes  de  la  Champagne  est-elle  bien  au 
niveau  des  besoins  du  commerce?  Pour  les  besoins  de  leur  cause 
et  dans  un  intérêt  de  concurrence,  certains  producteurs  de  vins 
mousseux  d'autres  contrées  ont  jeté  le  doute  sur  ce  point.  Des 
bruits  malveillants  ont  été  répandus  sur  l'abaissement  de  la 
qualité  des  vins  de  la  Champagne,  sur  la  diminution  du  vignoble 
champenois  et  sur  les  ravages  du  phylloxéra.  Le  vin  de  Cham- 
pagne authentique,  n'en  déplaise  à  ses  concurrents  peu  scru- 
puleux, n'a  point  cessé  d'être  digne  de  la  faveur  générale.  Un 
simple  rapprochement  de  chitfres^  absolument  indiscutables,  suffît 
pour  faire  justice  de  ces  hardis  mensonges;  il  résulte,  en  etTet,  des 
relevés  olficiels  fournis  par  la  régie  et  recueillis  par  la  préfecture 
de  la  Marne,  que,  sur  une  moyenne  de  400, OUO  hectolitres  récoltés 
annuellement  en  Champagne,  le  commerce  de  cette  contrée  n'en 
a  jamais  livré  à  la  consommation  une  quantité  supérieure  à 
25,776,194  bouteilles,  soit  206,209  hectolitres,  et  c'est  là  le  chiffre 
le  plus  élevé  qui  ait  jamais  été  atteint. 

Malgré  des  inégalités  de  récoltes  très  grandes,  explicables  par 
des  événements  climatériques  qu'il  zi'est  au  pouvoir  de  personne 
d'éviter  complètement,  le  vignoble  champenois  a  produit  pendant 
les  deux  dernières  années,  1893  et  1894,  la  quantité  énorme  de 
1,133,993  hectolitres.  Au  surplus,  ce  qui  prouve  surabondamment 
l'excédent  de  la  production  du  vignoble  champenois,  par  rapport 
aux  besoins  auxquels  il  est  appelé  à  pourvoir,  c'est  le  chiffre  con- 
sidérable des  réserves  dont  la  Régie  constate  l'existence  dans  les 
caves  de  la  Champagne. 

Or.  les  expéditions,  tant  en  France  qu'à  l'étranger,  sont  de  24  à 
25  millions  de  bouteilles.  On  peut  donc  conclure^  d'après  cette 
statistique  officielle,  que  la  production  des  vignes  de  la  Cham- 
pagne est  trois  ou  quatre  fois  supérieure  aux  besoins  de  la  con- 
sommation. 

Elle  phylloxéra?  Certains  concurrents  intéressés  cherchent  mali- 
gnement à  établir  dans  l'opinion  que  le  magnifique  vignoble  de  la 
Champagne  est  complètement  envahi  par  le  terrible  fléau.  Ici 
encore,  la  statistique  seule  suffit  à  faire  la  lumière  et  à  rassurer  la 
consommation  : 


MÉLANGES  541 

Il  a  été  arraché  eu  1892 rOT'SO 

—  1893....      a-U'e-z 

—  1894 r90* 

Soit  au  total  ...         6"02"2l  de  vignes  détruites 

sur  une  contenance  de  16,000  hectares  que  compte  le  département 
de  la  Marne,  et  que  des  plantations  nouvelles,  évaluées  à  plus  de 
oOO  hectares,  augmentent  encore  d'année  en  année. 

Supposons  même  que  les  ravages  du  phylloxéra  s'aggravent 
subitement,  et  qu'au  lieu  de  quelques  parcelles,  nous  voyions  des 
centaines  d'hectares  compromis,  les  approvisionnements  des  négo- 
ciants de  la  Champagne,  qui  représentent,  comme  nous  l'avons 
déjà  dit  plus  haut,  trois  à  quatre  années  d'avance,  permettraient 
de  parer  au  désastre,  de  répondre  quand  même  aux  demandes  de 
la  consommation,  et  d'attendre  que  les  vignes  détruites  soient 
reconstituées. 

En  ce  qui  concerne  la  qualité  des  vins  de  Champagne,  tous  les 
connaisseurs  sont  là  pour  dire  qu'elle  n'a  pas  changé;  car,  quelles 
que  soient  à  cet  égard  les  illusions  intéressées  de  ses  concurrents, 
ils  ne  sauraient  les  l'aire  partager  par  le  public  qui  saura  toujours 
distinguer  les  vrais  vins  de  Champagne,  des  vins  mousseux  des 
autres  contrées. 

Le  commerce  des  inns  mousseux  de  Champagne.  —  Les  contre- 
façons. —  Des  droits  de  douane  sur  les  viJis  de  Cliamparine. 
—  Une  richesse  nationale.  —  Appréciation  d'un  de  nos  maitrcs 
vilicutleurs  sur  le  vin  mousseux  de  Cliampagne. 
Si  nous  mettons  en  regard  de  cette  production,  les  chiffres  offi- 
ciels des  expéditions  de  bouteilles  de  Champagne,  dont  les  relevés 
sont  fournis  par  la  Régie  et  publiés  annuellement,  d'avril  à  avril, 
par  la  Chambre   de  commerce  de  Reims,  nous  voyons  qu'elles  se 
sont  élevées  : 

FRANGE    ÉTRANGER    TOTAUX 

Bouteille?.  Bouteille?.  Bouteilles. 

En    1844-45 2.2o5.43S  4.380.214  6.633.652 

En    1890  91 4.. 077. 083  21.699.111  25.77ti.l94 

En    1891-92 4.558.881  19.685.  Il5  24.243.996 

Eu    1892-93 4.4.87.53'.  16.000.678  21. 08??. 213 

Eu    1893-94 4.876.518  17.:!59.349  22.233.867 

On  le  voit,  malgré  les  nombreuses  et  scandaleuses  contrefaçons 
et  imitations  contre  lesquelles  le  commerce  régulier  des  vins  de 
Champagne  a  à  lutter  sans  cesse,  notamment  en  Californie,  en 
All(?inagne,  en  Autriche-Hongrie,  en  Russie,  en  Italie,  en  Suisse, 
etc.,  et  en  France  même,  sa  supériorité  se  maintient  et  se  déve- 
loppe d'année  en  année,  et  le  vin  de  la  contrée  champenoise  reste 
toujours  placé  au  premier  rang  des  produits  vinicoles  de  la  France. 

Le  vin  de  Champagne  mousseux  s'exporte  dans  tous  les  pays  du 
monde;  mais  les  contrées  qui  en  consomment  le  plus  sont  l'An- 


542  MÉLANGES 

gleterre,  les  EtaLs-Unis  d'Amérique,  l'Alieaiagiie,  la  Russie,  la 
Belgique,  les  Indes,  el.c.  Toutefois,  l'imporLance  des  exporlalions 
se  ressent  assez  sérieusement  des  tarifs  de  douane  excessifs 
auxquels  ils  sont  soumis  aux  Etats-Unis,  en  Russie,  en  Allema- 
gne, etc. 

C'est  aux  Etals-Unis,  et  particulièrement  en  Russie  que  les  vins 
de  Champagne  sont  frappés  du  droit  de  douane  le  plus  élevé  que 
nous  connaissions  :  4  fr.  76  par  bouteille,  et  aux  Etats-Unis  3  fr.  50 
par  bouteille.  Ces  pays  prétendent  ainsi  proléger  leur  fabrication 
indigène  de  vins  de  Champagne,  —  nous  voulons  dire  leurs  «  vul- 
gaires mousseux  »  —  ainsi  que  l'œuvre  des  contrefacteurs  auxquels 
ils  permettent  d'usurpeu',  sous  le  couvert  de  lois  complaisantes,  le 
nom  de  la  Champagne  et  jusqu'à  celui  de  plus  grands  crus,  qui  en 
font  la  gloire  et  la  juste  renommée. 

Comme  s'il  était  possible  de  faire  du  Champagne  authentique 
avec  d'autre  vin  que  celui  que  produisent  les  vignobles  de  la 
Champagne! 

Notons  encore  que  l'exportation  annuelle  des  produits  de  la 
Champagne  représente  en  moyenne  une  valeur  de  100  millions 
de  francs  environ,  dont  elle  rend  l'étranger  tributaire  de  la 
France,  sans  que,  sur  cette  somme,  elle  ait  autre  chose  à  lui  res- 
tituer que  le  liège  fourni  par  l'Espagne. 

Et  maintenant,  lecteurs,  si  vous  voulez  l'explication  de  la  faveur 
dont  jouit  le  vin  de  Champagne,  écoutez  i'émineut  docteur  Jules 
Guyol,  parlant  à  la  page  383  de  son  intéressant  ouvrage  sur  les 
vignobles  de  la  France,  édité  il  y  a  plus  de  vingt  ans,  c'est-à-dire 
à  une  époque  où  l'absence  de  concurrence  déloyale  donnait  à  ses 
observations  une  portée  scientifique  plutôt  que  le  sens  d'une 
réclame  qu'on  lui  prêterait  aujourd'hui  : 

«  Le  département  de  la  Marne  est  le  seul  en  France  qui  pro- 
«  diiise  cette  merveilleuse  boisson  avec  tontes  ses  perfections  sen- 
«  suelU'S  et  surtout  hygiéniques.  Tout  le  monde  sait  quels  etïorts 
«  ont  été  vainement  tentés  dans  tous  les  vignobles,  et  même  dans 
«  tous  les  laboratoires  de  chimie  pour  la  reproduire  avec  tout  ou 
((  partie  de  ses  qualités.  On  peut  tromper  et  être  trompé  facile- 
«  ment  sur  la  nature  et  l'origine  d'un  vin  blanc  riiousseux  ;  mais 
«  personne  n'imitera  le  vin  de  Champagne.,  s'il  n'emprunte  les 
«  fi7is  cépages,  le  climat  et  le  sol  de  la  Marne,  et  personne  n'en 
«  ressentira  tous  les  bienfaits,  si  ce  vin  n'est  pas  le  produit  de 
«  ces  trois  conditions. 

«  Assurément,  l'industrie  des  propriétaires  et  des  négociants 
«  champenois  a  su  le  rendre  plus  ou  moins  agréable,  le  ntettre 
a  plus  ou  moins  au  goût  de  chaque  peuple:  mais  elle  n'a  pu  lui 
«  donner  aucune  autre  qualité  hygiénique  que  celle  qu'il  possède 
«  naturellement  en  lui-même,  et  indépendamment  du  sucre  et  des 
«  eaux-de-vie  qu'on  peut  y  joindre  pour  en  corriger  la  verdeur  ou 
«  la  faiblesse;  la  seule  amélioration  fondamentale  qui  soit  due  à 


MELANGES  b43 

«  riiiduilric  est  celle  du  recoupaijc,  c'est-à-dire  iaddiUoii  de 
«  vins  naiiivcls  des  grandes  années  aux  vins  naturels  des  pUites 
«  années  du  même  déparlcment. 

«  Je  n'entends  pas  diminuer  ici  la  part  qui  revient  à  l'industrie 
«  et  au  commerce  champenois  dans  le  grand  succès  el  la  légitime 
«  réputation  de  ce  vin  précieux;  je  me  hâte,  au  contraire,  de  pro- 
oc  clamer  que,  mettant  k  profit  ses  belles  qualités,  ils  ont  su  cor- 
«  riger  les  défauts  qui  l'auraient  fait  repousser.  Ce  que  je  tiens  à 
«  bicji  faire  comprendre,  c'est  que  ce  vin  pur  porte  en  lui- 
«  même  toutes  ses  propriétés  spéciales  et  qu'aucun  autre  vin, 
«  ni  de  Bourgogne,  ni  de  Bordeaux,  ni  de  Touraine,  ni  d'aucune 
«  autre  province,  n'a  pu  et  ne  pourra  le  remplacer.  » 

C'est  la  vérité  même!  Notre  beau  via  de  Champagne  est  inimi- 
table, et  certes,  devant  une  telle  appréciation  l'honnêteté  doit 
s'incliner.  N.-E.  Legraînd. 

Les  grandes  maisons  de  Vins  de  Champagne. 

Moèt  el  Chandon,  maison  fondée  en  1743;  Chandon  et  Cie, 
successeurs,  Epernay. 

'Dès  sa  fondation,  nous  pourrions  dire  avant  le  chitîre  officiel  de 
1743,  date  relevée  des  anciens  livres  de  la  maison  Moët  et  Chandon, 
Claude  Moët  (1683-17C0)  envoyait  au  loin  les  produits  de  ses  vignes 
de  Champagne  dont  la  réputation  à  Varsovie,  Berlin.  Bruxelles, 
Amsterdam,  était  déjà  en  1710  bien  établie.  En  1790,  M.  Jeanson, 
un  des  agents  de  la  maison  en  Angleterre,  écrivait:  «  Comme  le 
goût  de  ce  pays  (Angleterre)  a  changé  depuis  dix  ans. . .  On  nous 
demande  presque  partout  du  vin  sec,  mais  en  même  temps  si 
vineux  et  si  fort  que  je  ne  vois  guère  que  le  vin  de  Sillery  qui 
puisse  donner  satisfaction.  » 

On  croirait  lire  une  lettre  de  189o.  —  Comme  autrefois,  MM.  Moët 
et  Chandon  —  Chandon  et  C'^,  successeurs  —  sont  à  même  de 
répondre  aux  demandes  les  plus  exigeantes.  Les  vignes  de  leurs 
ancêtres  ont  été  soigneusement  entretenues,  améliorées  et  consi- 
dérablement augmentées. 

Comme  jadis,  MM.  Moët  et  Chandon  sont  restés  les  proprié- 
taires de  vignes  les  plus  importants  de  la  Champagne,  notamment 
dans  les  crus  si  renommés  d'Ay,  Cramant,  Bouzy,  Verzcuay,  Haut- 
villers,  Cumières,  Le  Mesnil,  Epernay,  Sillery,  etc. . .  Quatorze  ven- 
dangeoirs  ou  établissements  spéciaux  pour  la  cueillette  et  le  pres- 
surage des  raisins,  situés  dans  ces  différents  crus,  fonctionnent 
annuellement  pour  emplir  les  12  millions  de  bouteilles  et  les 
20,000  hectolitres  de  vins  de  réserve  nécessaires  à  l'alimentation 
de  leurs  énormes  caves  taillées  dans  la  craie.  La  longueur  de  ces 
souterrains  est  de  plus  de  quinze  kilomètres  —  ils  représentent 
une  superficie  de  70,000  mètres.  Le  commerce  de  vins  de  Cham- 
pagne si  frappé  à  l'heure  actuelle  de  droits  écrasants  par  tous 
les  Etats,  y  compris  ceux   de  la  mère  Patrie,  voit  son  existence 


h44  MÉLANGES 

en  péril;  ce  commerce,  dit  de  luxe,  fait  pourtant  vivre  une 
foule  de  gens,  auparavant  se  suffisant  à  peine.  La  maison  Moët  et 
Chandon,  pour  ne  citer  qu'un  exemple,  emploie  pour  ses  vendan- 
ges plus  de  4,000  personnes.  Des  villages  entiers,  conduits  par 
leurs  maires,  émigrent  des  confins  de  la  Lorraine  pour  venir 
cueillir  les  raisins  en  Cliampagne.  Les  chariots  traînés  par  les 
mulets,  qui  serviront  à  transporter  les  paniers  de  raisins  aux 
pressoirs,  amènent  ces  villageois  vendangeurs  dans  les  localités 
que  MM.  Cliandoii  leur  ont  désignées  à  l'avance.  Là,  de  grands 
dortoirs  les  abritent  pendant  loul  le  temps  de  la  vendange.  Une 
fois  la  cueillette  terminée,  les  mômes  voitures  reconduisent  ces 
braves  gens  chez  eux,  nantis  d'un  gain  qui  les  entretiendra  jusqu'à 
l'année  suivante. 

Faut-il  citer  les  1,200  vignerons  et  les  milliers  d'ouvriers 
employés  par  la  maison  iMoét  et  Chandon  à  la  mise  en  bouteilles 
et  au  travail  des  vins? 

On  a  peine  à  se  figurei"  le  nombi'e  de  [)ersonnes  qu'il  faut  pour 
confectionner  la  ficelle,  les  bouchons,  les  bouteilles,  les  étiquettes, 
les  caisses,  les  paniers  d'emballage,  nécessaires  aux  deux  millions 
et  demi  ou  trois  millions  de  bouteilles  sortant  tons  les  ans  des 
établissements  de  M.M.  Chandon  et  C».  Le  commerce  des  vins  de 
Champagne  fait  appel  aux  inventions  les  plus  modernes  11  était 
difficile  et  même  dangereux  d'éclairer  au  gaz  les  caves  de  Cham- 
pagne ;  aussi  était-on  réduit  à  se  servir  de  lampes  à  pétrole  et 
surtout  de  l'antique  et  vénérable  chandelle.  .  . 

Dès  que  réleclricilé  put  être  pratiquement  appliquée,  la  maison 
Moél  et  Chandon  n'a  pas  hésité  à  en  faire  usage.  Non  seulement 
ses  caves  sont  brillamment  éclairées,  mais  encore  de  puissantes 
machines  dynamos  actionnent  des  pompes,  des  monte-charges, 
réfrigérateurs,  etc.. 

Le  progrès  dans  la  maison  Moèl  et  Chandon  n'est  pas  confiné  à 
l'outillage  seul.  Nous  avons  relevé  sur  ses  tableaux  statistiques  que 
la  moyenne  de  service  dans  l'établissement  est  de  quatorze  années, 
que  trente-deux  familles  s'y  succèdent  de  père  en  fils.  En  1839,  la 
moyenne  des  salaires  était  de  1  fr.  87  pour  la  journée  de  dix 
heures;  en  i889,  elle  est  de  4  fr.  10.  Les  retraites  sont  accordées 
sans  retenues,  les  malades  reçoivent  gratuitement  les  soins  de 
deux  médecins  et  les  médicaments  prescrits.  Des  secours  en 
argent  et  en  nature  sont  annuellement  distribués;  en  un  mot, 
MM.  Chandon  ne  cessent  de  veiller  au  bien-être  de  leurs  ouvriers. 

Une  compagnie  de  sapeurs-pompiers  et  une  harmonie  de 
soixante  musiciens  complètent  cette  admirable  organisation.  Ces 
deux  Sociétés  ont  à  différentes  reprises  remporté  d'éclatants 
succès,  notamment  à  l'Exposition  de  Paris  en  18S9,  et  tout  der- 
nièrement encore  à  l'Exposition  de  Lyon,  où  la  maison  Moët  et 
Chandon  s'est  vu  d'autre  part  décerner  le  Grand-Prix  dans  la 
section  de  l'Economie  Sociale. 


MELANGES  0  J .) 

Les  nombreux  visiteurs  qui  ont  admiré  les  merveilles  du  vieil 
Anvers  se  rappelleront  la  coquette  installation  établie  par 
MM.  Moët  et  Chandon,  dans  l'une  des  maisons  les  plus  pittoresques 
de  celte  curieuse  reconstitution  archéologique. 

On  a  coutume,  lorsqu'on  a  obtenu  la  permission  de  visiter  les 
Etablissements  de  MM.  Moët  et  Chandon,  d'apposer  sa  signature 
sur  un  registre  spécial.  Il  nous  a  paru  intéressant  de  relever  ici 
quelques-uns  des  noms  les  plus  marquants. 

Souverains  et  personnages  iUuslrcs  qui  ont  honoré  de  leur  visite 
les  Caves  de  MM.  Moét  et  Cliandon: 

Napoléon  I^^'',  deux  fois,  en  1807  et  1814; 

Jérôme,  Roi  de  Westphalie,  en  1811  ; 

Le  Roi  de  Bavière,  en  1811  ; 

Le  Roi  de  Saxe,  en  181 1  ; 

Alexandre  1"",  Empereur  de  toutes  les  Rnssics,  en  1814; 

François  il.  Empereur  d'Autriche,  en  1814; 

Le  Roi  de  Prusse,  en  1814; 

Le  Prince  Royal  de  Prusse,  eu  1814  (depuis  Empereur  allemand); 

Le  Prince  d'Orange,  en  1814; 

Nicolas  et  Michel,  Grands-Ducs  de  Russie,  en  1814; 

Le  Prince  Royal  de  Wurtemberg,  en  1814; 

Le  Prince  de  Bade,  en  1814  ; 

Le  Duc  de  Wellington,  en  1814; 

Bliicher,  en  1814; 

Le  Prince  de  Schwarzenherg,  en  1814; 

Le  Prince  de  Metternich,  en  1814; 

Le  Prince  de  Souvarow,  en  1814; 

Le  Prince  Linar,  en  1814; 

Le  Duc  d'Hamilton; 

La  Princesse  Stéphanie  de  Bade; 

Le  Prince  de  Sayn-Wiltgenslein; 

Charles  X,  en  l82o; 

La  Duchesse  d'Angoulême,  en  1825; 

Le  Duc  d'Angoulême,  en  182o; 

La  Duchesse  d'Orléans,  en  1837; 

Le  Duc  d'Orléans,  en  1837; 

Le  Duc  de  Nemours,  en  1837  ; 

Louis-Philippe  I*"',  en  1840; 

Le  Prince  Louis  Napoléon,  Président  de  la  République,  en  I8i9; 

M.  Carnot,  Président  de  la  République,  en  1801. 

Est-il  besoin  d'ajouter  que  les  vins  de  Champagne  de  MM.  Moët 
et  Chandon  ont  toujours  iiguré  sur  la  table  des  principaux  souve- 
rains et  chefs  d'Etat"?  Un  coup  d'œil  sur  la  collection  des  brevets 
accordés  à  la  maison  Moët  depuis  sa  fondation  en  donne  la  preuve, 
moins  convaincante  toutefois  que  l'affluence  de  demandes  récom- 
pensant MM.  Moët  et  Chandon  des  elforts  qu'ils  n'ont  cessé  et  ne 

3û 


;)40  MEr,ANGES 


cessent  lie  faire  pour  roiiscrvor  l.i   |M!rc!é,   la  iiiiesse  cL   l'exquise 
([iialilé  de  ce  gai  vin  de  France:  le  vin  de  Cliampag-ne. 

Cil.  Arnould  cl    Cie,    successeurs    de   Sainl-Marceaux  et    Cic, 

Reims. 

La  nuiisoii  de  Saiiii-Marccaux  a  élé  fondée  en  1838.  C'est  à 
Reims,  uiéti'opole  du  commerce  des  vins  de  Cliampagne,  qu'elle  a 
installé,  8  et  10,  rue  de  Siller}',  son  pratique  et  vaste  établisse- 
ment, qui  peut  c(;nlenir  plus  de  deux  millions  de  bouteilles. 

La  légitime  réputation  acquise  par  les  vins  de  Champagne  Saiift- 
Marceaux  est  due  aux  soins  particuliers  qui  sont  apportés  dans  le 
choix  des  cru?,  servant  à  la  composition  des  cuvées;  tous  provien- 
nent de^  meilleurs  coteaux  de  la  Champagne. 

Le  Roijal  Sainl-Marccaux  est  un  vin  d'une  exquise  finesse,  le 
typp,  par  excellence,  du  Champagne  au  goût  français,  russe, 
belge,  etc. . . 

Le  Saint-Marceaux  Venj  drij  et  le  Saint-Marceaux  brut  des  célè- 
bres années  l8Si  et  1889  se  placent  au  premier  rang  des  grands 
vins  secs  si  renommés  et  si  recherchés  et  on  les  trouve  sur  les 
cartes  de  tous  les  leadinf/  hôtels,  restaurants  et  clubs  de  Paris, 
Londres,  Bruxelles,  New- York,  Chicago,  San-Francisco,  Melbourne, 
Sydney,  etc. . .  Ce  sont  les  vins  préférés  de  la  clientèle  du  liigh  life 
international. 

On  peut  dire,  du  reste,  que  le  Champsigne  Saint-Marceaux  a 
l'ait  le  tour  du  monde,  car  vous  le  rencontrerez  aux  Etats-Unis, 
en  Australie,  au  Chili,  à  .Maurice,  au  Japon  aussi  bien  que  sur  le 
Boulevard,  aux  Champs-Elysées,  à  Nice  ou  à  Monaco. 

C'est  la  conquête  essentiellement  pacifique,  mais  non  moins  glo- 
rieuse, de  tous  les  continents  par  un  des  meilleurs  vins  de  France. 

E.  Bourgeois,  successeur  de  Morizet,  Reims. 

Bien  qu'un  certificat  indique  seulement  la  date  de  1802,  la  maison 
Morizet  a  une  origine  plus  ancienne. 

En  effet,  un  document  officiel,  portant  la  date  du  2;)  prairial 
an  II  et  conservé  dans  les  archives  de  la  Maison  E.  Bourgeois, 
prouve  que  la  maison  Morizet  existait  déjà  depuis  un  certain 
nombre  d'années,  à  la  fin  du  xviii«  siècle. 

Elle  avait  alors  pour  chef  le  citoyen  Jean-Baptiste  Morizet,  ori- 
ginaire du  Mesnil-sur-Oger,  arrondissement  d"Epernay,  en  plein 
cœur  de  la  Champagne. 

Jean- Baptiste  Morizet  mourut  en  1841,  sans  laisser  de  descen- 
dants directs.  Ce  fut  son  neveu  et  héritier,  Jean-Claude  Morizet, 
qui  lui  succéda.  Doué  de  grandes  capacités  commerciales,  il 
apporta  tous  ses  soins  à  la  manutention  et  à  la  préparation  du  vin 
de  Champagne  et  ses  efforts  furent  bientôt  couronnés  de  succès, 
car  sa  marque  fit  de  rapides  progrès  tant  en  France  qu'à  l'étran- 
ger. 


MELANGES  6^/ 

En  1867,  Jean-Ciaiide  Morizel  pril  pour  associé  son  (ils  Arthur 
iMorizet.  En  1808,  lorsque  mourut  son  père,  M.  Arthur  Morizet 
conserva  seul  la  direction  de  la  maison  jusqu'en  1888,  époque 
à  laquelle  il  céda  ses  marques  J.-G.  Morizet  et  Morizet  et  C'^  à 
M.  E.  Bourgeois  qui  est  actuellement  le  seul  chef  de  cette  maison. 

Sous  celte  dernière  direction,  les  marques  Morizet  ont  encore  été 
en  progressant.  Les  principaux  débouchés  de  cette  maison  sont  : 
la  Russie,  l'Angleterre,  les  Etats-Unis,  le  Canada,  la  Belgique, 
etc.,  etc. 

Veuve  Clicquoi-Ponsardin,  Reims;    Werlé  et  Cie,  successeurs. 

La  maison  Veuve  Glicquot-Ponsardin,  connue  dans  tout  l'univers 
depuis  le  commencement  du  siècle  sous  les  simples  dénomina- 
tions :  Veuve  Clicquot,  et  même  Clicqiiot,  se  distingue  entre  les 
maisons  les  plus  importantes  et  les  plus  anciennes  de  la  Cham- 
pagne, par  les  services  qu'elle  à  rendus  à  tout  le  département  de 
Marne,  par  la  part  qu'elle  a  prise  à  l'extension  du  commerce  et 
par  la  situation  exceptionnelle  qu'elle  s'est  créée  et  qu'elle  a  su 
maintenir. 

Elle  existait  déjà  en  1783,  ainsi  que  le  prouvent  ses  livres;  son 
chef,  ?iL  Clicquot,  épousa  pendant  la  tourmente  révolutionnaire  la 
fîlle  du  baron  Ponsardin  et  dirigea  son  importante  maison  jusqu'en 
1805,  époque  de  sa  mort. 

La  jeune  veuve,  M'"'=  Clicquot,  prit  alors  la  direction  de  toutes 
les  atfaires,  quelque  lourdes  ou  difficiles  qu'elles  fussent. 

Bien  qu'à  cette  époque  le  vin  de  Champagne  ne  fût  pour 
M™"  veuve  Clicquot  qu'une  des  branches  de  la  grande  maison  où 
s'exerçait  son  activité,  il  devint,  dès  le  début,  l'objet  de  toute  son 
attention. 

Avec  son  grand  esprit  pratique.  M""' Clicquot  trouva  les  principes 
du  travail  des  vins  tels  qu'ils  sont  restés,  malgré  les  perfectionne- 
ments, et  elle  créa  le  remuage,  ce  travail  si  délicat  et  si  difflcile, 

M""  Clicquot  mourut  en  186(3,  âgée  de  89  ans,  au  château  de 
Boursault;  depuis  1821,  elle  avait  comme  collaborateur  M.  Werlé 
qui  devint  bientôt  son  associé  et  le  co-propriétaire  de  la  marque, 
après  lui  avoir  donné  un  concours  éclairé  et  énergique  dans  des 
circonstances  difficiles  qui  firent  honneur  autant  à  l'une  qu'à 
l'autre. 

Après  avoir  liquidé  toutes  les  autres  aiïaires,  M.  Werlé,  devenu 
désormais  l'âme  de  la  maison,  se  consacra  tout  entier  au  dévelop- 
pement du  commerce  de  vin  de  Champagne. 

A  la  mort  de  M.^"  veuve  Clicquot  la  marque  devint  sans  chan- 
gement la  propriété  de  M.  Werlé  dont  le  nom,  depuis  183i  déjà, 
se  trouvait  sur  le  bouchon  à  côté  de  celui  de  la  Veuve  Clicquot,  et 
qui  continua  à  l'exploiter,  comme  auparavant,  sous  la  raison 
sociale  Werlé  et  C'"^,  successeurs  de  M"i'=  Veuve  Clicquot-Ponsardin, 
conformément  à  la  loi. 


o48  MÉLANGES 

M.  Werlé  mourut  en  1884,  après  avoir  dirigé  la  maison  pendant 
plus  d'un  demi-siècle. 

Cet  homme  de  grand  bien  et  d'une  rare  intelligence  a  laissé  dans 
toute  la  Champagne  un  souvenir  encore  très  vivant.  Président  du 
Tribunal  de  commerce,  membre  de  la  Chambre  de  commerce, 
maire  de  la  ville  de  Reims  et  député  au  Corps  Législatif,  il  s'oc- 
cupa activement  du  développement  des  chemins  de  fer,  et  entre 
autres  de  la  construction  de  la  ligne  des  Ardennes  et  de  celle  de 
la  Suippe  et  fut  administrateur  de  la  Compagnie  de  l'Est. 

Il  reçut  la  croix  de  commandeur  de  la  Légion  d'honneur  pour 
les  immenses  services  qu'il  avait  rendus  à  son  pays. 

La  maison  et  la  marque  Veuve  Clicquot-Ponsardin  sont  aujour- 
d'hui la  propriété  exclusive  de  M.  le  comte  Werlé,  entré  depuis  1856 
dans  les  ati'aires  et,  dès  1865,  l'associé  de  son  [.ère. 

Nous  n'avons  pas  ici  à  faire  l'éloge  de  la  marque  Veuve  Clicquot. 

Elle  est  connue  dans  le  monde  entier  et,  dans  bien  des  pays,  le 
nom  de  Clicquot  est  depuis  longtemps  et  reste  encore  le  synonyme 
de  Champagne. 

Ce  qui  fait  la  constante  supériorité  de  ses  produits,  c'est  que  la 
maison  Clicquot  a  toujours  tenu  à  ne  s'approvisionner  que  dans 
tous  les  premiers  crus  de  la  Champagne,  tels  que  Verzenay,  Bouzy, 
Le  Mesnil-Oger,  Cramant,  dans  lesquels  elle  s'est  appliquée  à 
acquérir  de  magnifiques  lots  de  vignes  et  où  elle  possède  de 
vastes  vendangeoirs. 

N'employant  que  les  vins  provenant  des  crus  les  plus  célèbres 
du  vignoble  champenois,  à  l'exclusion  de  tout  cru  secondaire, 
MM.  Werlé  et  C'"  ne  fournissent  qu'une  seule  et  unique  qualité, 
que  le  vin  soit  doux  ou  sec. 

Us  obtiennent,  grâce  à  ce  principe  invariable,  ce  produit  d'élite, 
ce  vin  élégant,  délicat,  par  sa  pureté,  possédant  une  finesse  et  un 
bouquet  incomparables,  le  Clicquot  en  un  mol,  dont,  hélas!  la 
renommée  a  excité  et  excite  journellement  de  si  frauduleuses 
convoitises. 

Heidsicck  et  de,  Reims,  maison  fondée   en    1873;    Walbaum, 
Liillnfj,  (louldcn  et  Cie,  successeurs,  propriétaires  des   mar- 
ques Monopole,  dry  Monopole  et  Monopole  sec. 
Le  Siège  social  se  trouve  encore  7,  rue  de  Sedan,  au  berceau  de 

l'ancienne  maison  fondée  en  1785. 

Jules  Mumm  et  Cie,  Reims,  maison  /ondée  en  1827. 
(chaque  fois  qu'il  est  question  des  produits  de  la  Champagne,  il 
est  certains  noms  qui  viennent  de  suite  aux  lèvres;  Moët,  Clicquot, 
Rdiderer,  Mumm,  Pommery,  j'en  passe  et  des  meilleurs,  ne  sont-ce 
pas  là  des  vocables  familiers?  Existe-t-il  dans  le  monde  civilisé, 
.sous  n'importe  quelle  latitude,  un  seul  homme  qui,  en  entendant 
ces  magiques  syllabes,  n'ait  la  physionomie   égayée   d'un  sourire, 


MÉLANGES  540 

plus  de  douceur  dans  le  regard,  plus  de  mollesse  dans  la  voix? 
Que  de  circonstances  joyeuses,  que  d'événements  heureux  dont  le 
souvenir  est  lié  à  la  flûte  de  Champagne  provenant  de  l'une  ou 
l'autre  de  ces  marques!  Moët  rappellera  le  dîner  des  flançailles. 
Clicquot  le  baptême  du  premier-né,  Mumm  la  première  conquête 
amoureuse;  Pommery,  Rœderer  el  tutti  quanti  rediront  les  succès 
d'école,  les  adieux  à  la  vie  de  garçon,  les  folles  parties,  la  conclu- 
sion d'une  affaire  heureuse;  toutes  les  fois  que  nous  aurons  à  célé- 
brer une  circonstance  exceptionnelle,  c'est  à  Van  ou  à  l'autre  de 
ces  noms  fatidiques  que  nous  irons  demander  la  consécration  du 
souvenir. 

C'est  que  le  temps  a  frappé  ces  noms  d'une  empreinte  indélé- 
bile et  lui^  qui  ne  respecte  rien,  a  dû  cependant  s'incliner  devant 
la  réputation  acquise  à  ces  produits  par  des  générations  de  com- 
merçants pleins  de  conscience  et  d'industrie. 

Parmi  les  maisons  qui  ont  largement  contribué  à  maintenir  dans 
le  monde  entier  ce  renom  sans  tache,  se  trouve  : 

La  maison  Jules  Mumm  et  C'%  fondée  à  Reims  en  1827,  il  y 
aura  demain  70  ans,  maison  dont  nous  allons  en  quelques  lignes 
retracer  les  origines. 

Dans  la  dernière  moitié  du  siècle  dernier  vivait,  à  Cologne, 
Pierre-Arnaud  Mumm,  négociant  en  vins  des  plus  importants. 
Originaire  de  cette  ville,  il  s'était  établi  en  l7Gi,  et  quelques 
années  après  avait  fondé  une  succursale  à  P'rancfort.  Au  début  de 
ce  siècle,  trois  de  ses  fils  étaient  à  la  tète  de  ces  deux  maisons 
sous  la  même  raison  sociale.  Commerçants  de  haute  valeur,  en 
rapports  fréquents  avec  la  Champagne,  ils  se  rendirent  rapide- 
ment compte  de  l'extension  que  le  vin  mousseux  devait  prendre 
dans  l'avenir;  ils  n'hésitèrent  pas,  et  en  1827,  en  compagnie  d'un 
nommé  Giessler,  ils  fondèrent  à  Reims,  dans  les  locaux  où  sont 
encore  actuellement  les  bureaux  de  leurs  successeurs,  une  maison 
spéciale  pour  la  préparation  des  vins  de  Champagne,  sous  la  rai- 
son P. -A.  Mumm,  Giessler  et  C'e.  Grâce  aux  capitaux  dont  ils  dis- 
posaient, grâce  aussi  à  leurs  relations  d'affaires  déjà  étendues,  ils 
prospérèrent  rapidement. 

Dix  ans  après,  en  1838,  Giessler  se  séparait  d'eux  pour  faire  le 
commerce  sous  son  nom,  et  il  fondait  à  Avize  (Marne)  une  maison 
qui  existe  encore  aujourd'hui  et  qui  compte  parmi  les  plus  hono- 
rables de  la  contrée. 

La  Société,  devenue  P. -A.  Mumm  et  C'"",  continua  ayant  à  sa 
tête  Théophile  Mumm,  le  dernier  survivant  des  fils  de  Pierre- 
Arnaud,  et  comme  associés  Jules  et  Edouard  Mumm,  les  fils  de  ses 
anciens  partenaires. 

En  1843,  Georges-Hermann  Mumm,  lils  de  Théophile,  entrait  en 
compagnie  de  son  beau-frère  dans  une  association  nouvelle  à  coté 
de  ses  cousins  germains,  sans  modifier  pour  cela  le  style  de  la 
Société  qui  restait  toujours  P. -A.  Mumm  et  C'^ 


RoO  MÉLANGES 

En  1853,  à  l'expiration  de  celte  Société,  Jules  et  Edouard  Munim 
succédaient  à  P. -A.  Munini  et  C'^  à  Reims,  sous  la  raison  Jules 
Mumm  et  0'=,  con.servaienL  le  siège  social  et  la  maison  mère  de 
Colopjne;  tandis  que  Georges-Hermann  Mumm  et  son  beau-frère 
se  séparaient  de  leurs  cousins  et  fondaient  à  Reims  la  maison 
G. -H.  Mumm  et  C''^,  en  reprenant  de  leur  côté  la  succursale  de 
Francfort. 

Depuis  cette  épo<|ue  déjà  reculée,  chacune  des  maisons  Mumm 
a  marché  parallèlement,  mais  toujours  dans  la  voie  tracée  par  la 
vieille  maison  P. -A.  Mumm  et  C'^,  et  le  nom  de  Mumm  a  eu  la 
singulière  bonne  fortune  d'être  recommandé  au  public  par  deux 
maisons  rivales,  mais  non  ennemies,  également  jalouses  de  leur 
réputation,  également  soucieuses  de  justifier  la  notoriété  acquise 
par  de  longs  et  laborieux  efforts. 

A  la  suite  de  cette  séparation,  la  maison  Jules  Mumm  et  Ci'', 
dont  le  chef  se  fixait  à  Londres  en  1857  et  y  dirigeait  une  succur- 
sale du  même  nom,  s'appliqua  plus  spécialement  à  satisfaire  le 
goût  anglais  :  elle  y  réussit  amplement,  et  c'est  dans  ce  pays  et  les 
colonies  qui  en  dépendent,  qu'elle  trouva  ses  principaux  débou- 
chés. Particulièrement  connaisseurs  en  matière  de  vins  mousseux, 
les  Anglais  ont  des  préférences  difficiles  à  comprendre,  et  ce  n'est 
qu'en  suivant  de  très  près  le  marché,  qu'une  maison  de  vins  de 
Champagne  peut  espérer  y  garder  la  vogue.  Aujourd'hui  encore, 
la  maison  a  sa  succursale  à  Londres,  à  laquelle  se  trouvent  deux 
des  {ils  de  Jules  Mumm,  qui,  Anglais  eux-mêmes,  ont  l'expérience 
journalière  pour  décider  ce  qui  peut  convenir  à  leurs  compa- 
triotes. 

Mais  le  temps  a  marché,  et  si  autrefois  la  vente  dans  un  seul 
pays  pouvait  suffire,  la  maison  qui  maintenant  limiterait  ainsi  son 
champ  d'opérations,  se  verrait  distancée  par  d'autres  plus  hardies. 
L'Améri(jue  du  Nord  et  du  Sud,  les  grands  pays  d'Europe,  tout  a 
dû  être  abordé,  et  peu  à  peu  la  marque  Jules  Mumm  a  conquis 
aux  différents  coins  de  l'univers  la  place  à  laquelle  elle  avait  droit 
de  par  son  passé. 

Depuis  longtemps  déjà,  il  a  fallu  pour  cela  que  ses  approvision- 
nements fussent  faits  en  prévision  de  ces  besoins  variés;  à  côté  des 
vins  anglais,  elle  a  dans  ses  vastes  caves  de  quoi  répondre  à  toutes 
les  exigences.  A  Paris  où  elle  est  particulièrement  connue  dans  le 
monde  littéraire  et  artistique,  en  province,  où  depuis  quelque 
temps  elle  fait  de  sérieux  etî'orts  pour  développer  ses  relations, 
elle  livre  sous  les  dénominations  de:  «  Grand  Sec  »,  «  Carte 
Blanche  »  et  «  Dry  Verzenay  »  des  vins  en  tous  points  parfaits  et 
en  rapport  avec  les  goûts  multiples  des  consommateurs. 

La  maison  de  Reims,  aujourd'hui  séparée  de  celle  de  Cologne 
qui  est  passée  aux  mains  d'un  collatéral,  est  dirigée  par  .M.  Alexan- 
dre Henriot,  membre  d'une  famille  ancienne  et  considérée,  inté- 
ressée depuis  plusieurs  générations,  soit  dans  la  production  viti- 
cole,  soit  dans  le  commerce  des  vins  de  Champagne. 


MÉLANGES  iiiil 

George  Goulet,  Reims. 

La  maison  George  Goulet  sut,  une  des  prenuères,  dès  1860, 
utiliser  comme  caves  à  vin^)  de  Champagne  d'immenses  carrières 
de  la  ville;  elles  avaient  été  creusées  par  les  Romains  qui  en 
employèrent  la  craie  à  la  construcliori  du  vieux  Reims. 

Ces  «  crayères  »  ont  un  aspect  grandiose;  elles  forment  un 
ensemble  de  cinquante-deux  caves,  toutes  éclairées  à  la  lumièi'e 
électrique,  dont  l'eJïet  frappe  et  saisit  ceux  qui  les  visilent  pour 
la  première  fois. 

Mais  le  grand  et  précieux  avantage  de  ces  «  crayères  »,  c'est  de 
posséder  la  même  température  pendant  tout  le  cours  de  l'année, 
avantage  essentiel  et  indispensable  pour  conserver  les  vins  de 
Champagne  et  les  amener  au  degré  de  maturité  qui  permet  de 
les  expédier. 

La  manutention  est  l'objet  des  soins  les  plus  minutieux  :  elle  ne 
se  fait  qu'avec  les  appareils  les  ,plus  perfectionnés,  et  toutes  les 
les  machines  sont  actionnées  par  l'électricité. 

La  maison  George  Goulet,  quoique  relativement  jeune,  s'est 
créé  par  la  supériorité  de  ses  vins  une  place  importante  dans  le 
monde,  et  notamment  en  Angleterre,  aux  Etats-Unis,  dans  les 
colonies  anglaises,  en  France,  en  Suède,  etc.,  etc. 

L'excellence  de  ses  produits  est  d'ailleurs  prouvée  par  les  brevets 
de  fournifseurs  que  lui  ont  conférés  depuis  plusieurs  années  S.  M.  la 
Reine  d'Angleterre,  S.  A.  R.  le  prince  de  Galles  et  la  Cour  de  Hol- 
lande. 

Disons  en  terminant  que  la  maison  George  Goulet  fut  une  de 
celles  qui  prirent  l'initiative  d'expéd'er  à  l'étranger  des  Vins  secs 
et  bruis;  cette  heureuse  innovation  n'a  pas  peu  contribué  à  donner 
une  grande  importance  à  ses  débouchés  et  à  faire  apprécier  sa 
marque  par  tous  les  amateurs  de  grands  vins  de  Champagne. 

Maison  Alfred  de  Monlebello  et  Cie^  Chûleau  de  Mareuil-sur-Ay, 
arrondissement  de  Reims. 

Mareuil-sur-Ay,  à  deux  kilomètres  d'Ay,  est  situé  au  cœur  de  la 
Champagne  vilicole.  C'ei-t  l'un  do  ses  meilleurs  crus.  Aussi  la 
marque  de  Montebello  est-elle  une  des  plus  appréciées.  Le  château 
de  Mareuil,  siège  de  la  Société  A.  de  Montebello  et  C'«,  est  un 
ancien  vignoble  ayant  appartenu  aux  Ducs  d'Orléans.  En  1702, 
Louis-Philippe  d'Orléans  vendit  lu  château  de  Mareuil  au  marquis 
de  Pange  qui  le  céda,  le  28  floréal  an  XllI,  à  M.  le  baron  d'Hunol- 
slein,  qui  en  1830  le  vendit  à  son  tour  au  duc  de  Montebello. 

Le  maréchal  Lannes,  duc  de  Montebello,  une  des  gloires  mili- 
taires, et  dont  les  cendres  reposent  au  Panthéon,  laissa  en  mou- 
rant quatre  fils.  L'ainé  qui  tut  diplomate  et  successivement  pair 
de  France,  ambassadeur,  ministre  des  alTaires  étrangères,  ministre 
de  la  marine,  député  de  la  Marne  en  1849,  sénateur  en  \HM,  est 
le  fondateur  de  la  maison  de  commerce  de  Mareuil  et  le  père  du 


552  MÉLANGES 

gérant  actuel  de  la  Société,  M.  le  comte  Fernand-Alfred  de  Mon- 

tebeilo, 

G.-H.  Mumm  et  Cie,   Heims. 

Parmi  les  grandes  et  honorables  maisons  de  vins  de  Champagne, 
nous  devons  citer  la  marque  G.-H.  Mumm  et  C'",  de  Reims,  qui 
fait  d'importantes  affaires  dans  toutes  les  parties  du  monde,  et 
principalement  aux  Etats-Unis  d'Amérique,  où  son  exportation  a 
atteint,  pour  1894,  le  chiffre  respectable  de  80,778  caisses,  soit 
969.336  bouteilles,  ce  qui  représente  le  tiers  environ  de  l'impor- 
tation totale  des  vins  mousseux  de  Champagne  dans  ce  pays. 

Maison  Pommcry  et  Greno,  Reims. 

L'un  des  pins  beaux  et  des  plus  importants  établissements  qui 
sont  la  gloire  de  la  Champagne,  est  sans  contredit  celui  qu'on 
nomme  à  Reims  «  les  Gaves  Veuve  Pommery  ».  il  fait  l'admira- 
tion de  tous  les  étrangers  qui  visitent  la  belle  cité  rémoise. 

Cette  maison  a  été  fondée  en  1836  par  M.  Greno  qui,  vingt  ans 
plus  tard,  vendait  sa  marque  à  M.  Pommery.  Celui-ci  mourut  en 
ISÎiS;  M"°  veuve  Pommery  prit  courageusement  la  direction  des 
affaires,  aidée  en  cela  par  M.  Henry  Vasnier,  intéressé  depuis 
deux  ans  par  M.  Pommery,  qui  l'avait  fait  venir  de  Londres  où  il 
occupait  une  situation  importante. 

Sous  l'impulsion  que  lui  donna  la  nouvelle  direction,  la  maison 
Veuve  Pommery  prit  une  extension  qui  en  quelques  années  devint 
considérable. 

La  marque  très  recherchée  en  France,  en  Belgique  et  en  Hol- 
lande, se  propagea  rapidement,  et  l'Angleterre  d'abord,  la  Russie, 
l'Allemagne  et  l'Autriche  ensuite,  la  Suède,  la  Norvège  et  le  Dane- 
mark, puis  les  Etats-Unis,  appréciant  les  mérites  de  ses  produits, 
lui  donnèrent  la  préférence. 

D'ailleurs,  l'éloquence  des  chiffres  est  frappante  et  prouve  l'im- 
portance du  développement  de  cette  maison. 

En  18o6,  les  expéditions  atteignaient  45,000  bouteilles;  aujour- 
d'hui, elles  varient  de  deux  millions  à  deux  millions  et  demi  de 
bouteilles  par  an. 

H  ne  faudrait  pas  croire  que  ce  succès  est  le  résultat  du  hasard, 
d'une  chance  exceptionnelle;  il  repose  sur  des  bases  sérieuses,  il  est 
dû  au  soin  que  prend  la  maison  Pommery  de  ne  s'approvisionner 
que  dans  les  bonnes  années  et  dans  les  meilleurs  crus  de  la 
Champagne,  où  elle  possède  un  lot  de  vignes  important;  à  la  per- 
fection qu'elle  apporte  dans  le  travail  des  vins;  en  un  mot,  à  la 
supériorité  et  à  la  distinction  de  ses  produits. 

C'est  à  la  maison  Veuve  Pommery  que  revient  l'initiative  d'avoir 
introduit  dans  la  consommation  le  goût  des  vins  extra-secs  et  même 
bruts,  c'est-à-dire  sans  liqueur,  alors  qu'on  ne  buvait  que  des 
Champagnes  très  sucrés.  Dès  le  début,  ces  vins  furent  l'objet  d'une 
grande  faveur  de  la  part  de  l'aristocratie  anglaise.  Le  goût  s'en  est 


MELANGES  553 

ensuite  répandu  aux  Etats  Unis  et  sur  le  continent.  Cet  exemple 
a  été  suivi,  depuis,  par  tous  ses  concurrents. 

La  maison  Veuve  Pommery  ne  fait  absolument  qu'une  seule 
qualité  supérieure  de  vin,  mais  dosée  de  façons  différentes, 
suivant  le  goût  de  sa  clientèle,  c'est  à-dire  demi-sec,  sec,  extra-sec 
ou  nature  sans  liqueur  aucune. 

Quand  on  visite  l'établissement  Pommery,  on  est  frappé  par  son 
architecture  originale.  La  construction  est  partie  en  pierres  et 
partie  en  craie  et  briques,  son  aspect  général  est  à  la  fois  impo- 
sant et  gai.  Des  tours  élégantes  aux  tons  rosés  s'élancent  vers  le 
ciel,  avec  une  hardiesse  qui  fait  penser  aux  caslels  d'autrefois. 

Les  vastes  celliers  où  sont  rangées  les  pièces  de  vin  sont  éclairés 
à  la  lumière  électrique;  on  y  admire  six:  énormes  foudres  aux 
douves  curieusement  sculptées.  L'un  d'eux  ne  contient  pas  moins 
de  400  hectolitres,  environ  oO,000  bouteilles. 

La  superficie  de  l'établissement  est  de  la  hectares. 

L'étendue  des  caves  est  d'environ  10  kilomètres.  Ce  sont  d'an- 
ciennes carrières  de  craies,  excavations  quadrangulaires  profondes 
de  30  mètres,  véritables  pyramides  ayant  à  leur  base  3o  mètres  de 
côté,  éclairées  par  le  haut.  Dans  ces  crayères,  on  remarque  de  très 
beaux  bas-reliefs  sculptés  dans  la  craie,  et  représentant:  la  fête  de 
Bacchus,  le  Champagne  au  xv[ii«  siècle,  Silène  et  l'Enfance  de 
Bacchus. 

Une  machine  à  vapeur  de  la  force  de  150  chevaux  fait  marcher 
électriquement  tous  les  monte-charges,  ascenseurs,  outils  à  fabri- 
quer les  capsules,  etc.^  etc.,  ainsi  que  250  lampes  électriques 
brûlant  constamment  pour  éclairer  ces  immenses  caves  et  tunnels 
qui  contiennent  en  permanence  un  stock  de  10,000,000  de  bou- 
teilles de  Champagne  mousseux;  sans  compter  les  vins  de  réserve 
de  grandes  années  en  futailles.  Le  soir,  les  cours  et  jardins  éclairés 
par  des  lampes  à  arc  donnent  à  rétablissement  un  aspect  féerique. 

C'est  au  moment  où  M'""  veuve  Pommery  avait  réussi  à  porter 
l'entreprise  à  son  apogée,  que  la  mort  vint  l'atteindre  le  18  mars 
1890. 

Cette  mort  fut  considérée  par  la  ville  de  Reims  comme  un  deuil 
public.  Sa  bienfaisance  était  proverbiale,  l'Etat  lui-même  a  éprouvé 
sa  générosité;  c'est  à  elle  que  le  Musée  du  Louvre  doit  de  posséder 
l'admirable  tableau  de  Millet,  Les  Glaneuses,  qu'elle  avait  acheté 
300,000  fr. 

Depuis  la  mort  de  M"»"  veuve  Pommery,  la  maison  continue  ses 
opérations,  sous  la  même  raison  sociale  Veuve  Pommery,  Fils  et  C'*, 
avec  M.  Louis  Pommery,  son  fils,  la  comtesse  de  Polignac,  sa  fille, 
et  M.  Henry  Vasnier. 

Le  18  septembre  1891,  la  maison  Pommery  eut  l'honneur  de 
recevoir  la  visite  de  M.  Carnot,  le  regretté  Président  de  la  Répu- 
blique. Cette  visite  intéressa  vivement  le  chef  de  l'Etat  qui  décora 


[)^}i  MÉLANGKS 

4  cette  oçcasicin  M.  H.  Vasnier.  Le  chef  de  caves  reçut  une 
médaille  d'or  et  plusieurs  autres  serviteurs  de  la  maison  reçurent 
des  médailles  d'honneur.  Cette  visite  fut  la  consécration  et  la 
récompense  d'un  demi-siècle  de  travail  et  d'efTorts  pour  faire  pro- 
gresser à  l'étranger  l'industrie  champenoise. 

Pour  faire  bien,  il  faut  être  dans  des  conditions  spéciales,  savoir 
s'imposer  des  sacrifices,  s'astreindre  à  des  soins  continus;  c'est  là 
ce  que  fait  la  maison  Veuve  Pommery,  et  c'est  à  cela  qu'elle  doit 
la  faveur  dont  jouit  partout  sa  marque. 

;  Maison  Louis  Hoederer^  Reims. 

Nous  ne  pourrions  passer  sous  silence  cette  si  célèbre  marque. 

Ce  nom  dit  tout.  —  Près  de  cent  millions  de  bouteilles  sorties 
depuis  un  siècle  de  ses  caves  ont  servi  à  établir  la  réputation  du 
vin  de  Ciiampagne,  et  ce  cbitfre  colossal  prouve  quelle  place  la 
maison  Louis  Roederer  occupe  dans  le  commerce  de  la  France. 

Nous  avons  été  admis  à  visiter  ses  caves,  trop  fermées  malheu- 
reusement aux  visiteurs,  et  nous  avons  été  émerveillé  de  leur  pra- 
tique agencement  et  de  la  minutie  qui  préside  à  tous  les  travaux. 
—  La  quantité  de  bouteilles  que  nous  avons  vue  est  phénoménale; 
son  vignoble  est  aussi  remarquablement  tenu. 

La  renommée  du  Champagne  Louis  Roederer  ne  pouvait  ne  pas 
éveiller  de  coupables  convoitises;  aussi  cette  maison  a  été  l'objet 
de  nombreuses  contrefaçons  et  concurrences  déloyales  qui  se  sont 
réalisées  avec  la  plus  cynique  mauvaise  foi,  trompant  les  consom- 
mateurs français  et  étrangers  grâce  à  des  similitudes  de  nom. 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  maison  Louis  Roederer  fait  dans  le  monde 
entier  d'énormes  affaires,  principalement  en  Russie  ofi  sa  marque 
est  des  plus  appréciées. 

Les  chefs  actuels  sont  les  petits-fils  du  fondateur  de  la  maison. 

Grands  sportsnien,  leur  équipage  qui  chasse  en  lorêt  de  Com- 
piègne  est  un  des  plus  beaux  et  des  meilleurs  qui  existent. 

Ils  ont  également  des  gofits  artistiques  et  délicats  que  leur  situa- 
tion les  met  à  même  de  satisfaire. 

Nous  avons  admiré  chez  eux  une  superbe  galerie  de  tableaux 
signés  des  plus  grands  maîtres,  ainsi  qu'une  bibliothèque  considé- 
rable créée  par  leur  oncle  et  comprenant  une  collection  d'ouvrages 
du  xviiie  siècle  avec  dessins  originaux.  Nous  n'en  dirons  qu'un 
mot  :  c'est,  après  celle  de  Chantilly,  la  plus  importante  et  la  plus 
riche  de  France. 

Pas  plus  (jue  l'héritage  commercial,  l'héritage  arfisticiue  ne  péri- 
clite entre  leurs  mains. 


■  La  Fermb  d'Arcy- en-Brie.  —  Une  des.  plus  intéressantes  exploita- 
tions agricoles  dos  environs  de  Paris,  c'est  as.^uréinent  le  domaine 
d'Arcy-en-Brie,  appartenant  à  M.  Nicolas. 


MELANOKS  5ii5 

Fj'histoire  de  cette  terre,  si,  comme  les  hommes,  les  propriétés 
immobilières  se  targuaient  d'avoir  u:ie  histoire,  serait  sans  doute 
singulièrement  suggestive.  Le  fait  est  que  d'une  espèce  de  désert, 
d'une  lande  improductive,  le  propriétaire  actuel  a  su  dégager  une 
ferme  modèle  —je  dis  modèle  dans  le  sens  le  plus  exigeant  du 
mot  —  une  manufacture  agricole  admirable. 

En  1872,  il  y  avait  déjà  soixante  dis  ans  que  les  pierres  et  les 
ronces,  les  bruyères  et  les  tessons  de  bouteilles  avaient  élu,  en  ce  lioq 
peu  enchanteur,  leur  domicile  favori.  Sur  un  sol  ingrat,  une  végé- 
tation malingre  et  rabougrie  disputait  sans  espoir  sa  niisérable 
existence  à  une  terre  dont  la  réputation  était  faite  au  petit  village 
de  Chaumes  et  certes,  dans  le  pays  on  eût  considéré  comme  un 
fou  l'audacieux  qui  aurait  manifesté  le  désir  de  consacrer  son 
avoir  à  faire  pousser  du  blé  dans  cette  crau.  M.  Nicolas  osa  cepen- 
dant tenter  l'aventure.  11  commença  par  acheter  un  lot  de  272  hec- 
tares que,  petit  à  petit,  il  arrondit,  en  passant  successivement  qua- 
tre-vingt-quatre contrats  d'acquisition  portant  ainsi  Arcy  à  sa 
surface  actuelle  :  334  hectares  de  terres  labourables  et  loO  hectares 
de  bois. 

Le  futur  agronome  s'était  procuré  le  violon^,  mais  il  lui  manquait 
l'archet. 

Il  avait  la  terre;  il  lui  restait  à  la  mettre  en  valeur. 

M.  Nicolas  avait  une  inappréciable  qualité:  il  savait  trouver  de.« 
collaborateurs,  et  donner.  Il  s'entoura  donc  de  gens  expérimentés, 
nous  devons  citer,  au  premier  plan,  ^\.  Joulie,  l'éminent  chimiste- 
agronome,  provoqua  —  et  suivit  —  les  judicieux  et  savants  conseils 
de  ce  maître  et  institua  secundum  avion  la  culture  intensive  des 
céréales  et  des  fourrages.  C'est  ainsi  que,  sur  un  défi'ichement  de 
luzerne  il  fait  successivement  sept  récoltes  d'avoine  on  de  blé, 
tandis  que,  sur  des  betteraves  fortement  fumées,  il  en  obtient  six. 
Cela  fait  bien  treize  récoltes  de  grains,  blé  et  avoine,  en  quinze 
années  de  culture!  M.  Nicolas  n'en  tire  pas  vanité;  il  proclame 
volontiers  que  ces  superbes  résultats,  il  les  doit  à  la  collaboration 
active  et  éclairée  de  son  aimable  voisin,  M.  Emile  Rémond,  le 
grand  cultivateur  de  Mainpincien,  un  oseur,  auquel  aujourd'hui 
seulement  on  commence  à  accorder  la  haute  considération  qui 
lui  est  due,  après  l'avoir  au  début  cloué  au  pilori.  Nul  n'est  pro- 
phète en  son  pays! 

Ce  n'est  pas  cependant  à  ce  point  de  vue  que  je  me  propose 
d'étudier  l'œuvre  de  M.  Nicolas.  C'est  la  révolution  qu'il  a  pro- 
voquée dans  l'industrie  laitière  que  je  voudrais  essayer  de  faire 
connaître  à  mes  lecteurs. 

On  peut  justement  appliquer  au  lait  ce  qu'on  a  si  justement  dit 
du  sang  :  c'est  de  »  la  chair  coulante  ». 

C'est  aussi  un  médicament  précieux  et  l'on  ne  compte  plus  les 
malades,  les  anémiques,  les  gaslralgiques,  etc.,  sauvés  par  son 
usage. 


5F)6  MKLANGES 

Malheureusement,  de  tous  les  alimenls,  c'est  peut-être  le  plus 
irritable  et  le  plus  délicat.  Il  est  de  toutes  les  marchandises, 
jusques  et  y  compris  même  le  vin  et  l'alcool,  celle  sur  laquelle  la 
fraude  s'exerce  avec  le  plus  de  frénésie. 

Le  lait  pur  et  sain  que  buvaient  nos  pères  n'est  plus  guère  qu'un 
mythe,  au  moins  dans  les  grandes  villes.  Cependant,  ainsi  qu'on 
le  verra  plus  loin,  Paris  est  peut-être  la  cité  où  Ton  boit  le  lait  le 
moins  mauvais,  et  ce,  grâce  an  propriétaire-agriculteur  d'Arcy, 
dont  l'exemple  a  eu  une  influence  salutaire  sur  l'industrie  laitière 
de  la  capitale. 

La  valeur  du  lait  varie  énormément^  en  efl'et,  avec  l'animal  qui 
l'a  fourni  et  avec  le  soin  apporté  dans  Fa  manipulation.  Or,  quel 
lait  peut  on  obtenir  avec  des  bêtes  captives,  enfermées  dans  des 
étables  sans  air  et  sans  lumière,  mal  nourries,  mal  soignées,  proie 
désignée  de  toutes  les  affections  contagieuses  nées  du  confinement, 
de  la  promiscuité,  du  défaut  d'exercice  et  de  la  malpropreté?  Ce 
n'est  pas  apparem.Tient  l'eau  suspecte  et  les  autres  ingrédients 
qu'y  ajoutent  si  volontiers  larpa  manu  des  trafiquants  sans  scru- 
pule, pour  en  masquer  le  mauvais  goût  et  grossir  leurs  profits,  qui 
pourraient  lui  rendre  ses  vertus! 

En  changeant  tont  cela,  comme  on  va  le  voir,  M.  Nicolas  a 
mérité  la  reconnaissance  des  mamans  grâce  à  une  innovation, 
pourtant  bien  simple,  dont  tout  l'honneur  lui  revient  :  il  imagina 
de  livrer  à  la  consommation  le  lait  en  petites  bouteilles,  en 
mignonnes  carafes  de  cristal  opaque  d'un  litre,  d'un  demi-litre 
même,  ficelées,  cachetées  et  plombées  à  la  ferme  d'Arcy,  donnant 
ainsi  à  la  clientèle,  rare  d'abord,  puis  nombreuse  à  ne  plus  pou- 
voir la  servir,  une  première  garantie  de  sécurité  grâce  à  la  sup- 
pression des  manipulations  suspectes.  Cet  excellent  exemple  fut 
bientôt  imité  dans  toute  la  France,  en  Belgique,  en  Allemagne, 
eu  Suisse,  en  Autriche,  en  Espagne,  en  Portugal,  en  Italie,  en 
Angleterre,  etc.,  etc.  Ce  qui  prouve  apparemment  que  l'idée  était 
aussi  pratique  que  bonne. 

A  Paris,  l'industrie  laitière  ne  fut  pas  la  dernière  à  l'imiter:  de 
tous  côtés  surgirent  petites  bouteilles  et  carafes  de  formes  et  de 
fermetures  plus  ou  moins  bizarres.  En  tous  cas,  un  phénomène 
curieux  se  produisit  :  le  lait  que  l'on  vendait  difficilement  àO  fr.  30 
vit  son  prix  s'élever  à  0  fr.  40,  0  fr.  50  et  même  0  fr.  60,  dès  qu'on 
le  débita  en  fioles.  Pour  de  telles  sommes,  la  qualité  s'améliora  et 
arriva  à  être  extraordinairement  choisie,  prise  dans  toute  sa 
moyenne.  C'est  au  propriétaire  d'Arcy-en-Brie  que  l'on  doit  ce 
résultat  assurément  imprévu  de  la  concurrence. 

Au  demeurant,  là  ne  gît  pas  la  question;  que  les  laitiers  vendent 
ou  gardent  leurs  produits,  il  n'importe  guère,  en  fin  de  compte, 
puisque  l'agriculteur  d'Arcy  n'est  pas  marchand,  et  se  contente 
d'écouler  le  lait  de  sa  ferme.  Tant  mieux  pour  les  Parisiens  qui 
se  sont  fait  inscrire  à  temps!  La  production  est  limitée,  M.  Nicolas 


MÉLANGES  557 

s'étant  inlerdil  de  la  façon  la  |)Ius  sLricle  tout  achat  de  lait  étran- 
ger; vous  pouvez  vous  présenter  22,  rue  de  Paradis,  vous  n'aurez 
pas  une  seule  fiole,  à  moins  qu'un  décès,  un  départ  ou  un  sevrage 
n'ouvrent,  sur  les  registres,  une  vacance  à  remplir. 

Les  arrivages  de  lait  d'Arcy  ont  lieu  à  Paris  deux  fois  par  jour; 
la  première  distribution  se  fait  le  matin  de  o  à  10  heure^;,  et  la 
deuxième  le  soir  de  3  à  6.  Un  wagon  réfrigérant,  appartenant  au 
domaine,  sert  exclusivement  au  transport  des  carafes,  qui,  je  le 
répète,  ont  été  soigneusement  cachetées,  ticelées  et  plombées 
avant  leur  départ  d'Arcy,  L'été,  la  température  du  véhicule  est 
maintenue  à  o  degrés  au-dessus  de  zéro;  l'hiver,  toutes  les  pré- 
cautions sont  prises  pour  empêcher  la  congélation. 

J'ai  dit  plus  haut  que  l'installation  laitière  de  la  ferme  d'Arcy 
était  hors  de  pair. 

La  formule  n'a  rien  d'excessif. 

Dans  ses  vastes  locaux,  l'air  et  la  lumière  pénètrent  à  tlols, 
éclairant  d'une  clarté  vive  et  crue  les  longues  théories  de  bêtes  à 
cornes,  aux  mamelles  rebondies,  jetant  sur  leurs  croupes  étrillées 
et  brossées  comme  celles  de  chevaux  de  maître,  un  lustre  d'élé- 
gance, de  santé  et  de  coquetterie  qu'on  ne  voit  d'ordinaire  que 
dans  les  écuries  de  grandes  maisons. 

Les  vaches  sont  de  races  normande,  suisse,  jersiaise,  toutes  d'un 
aspect  robuste  d'animaux  de  choix.  Dès  leur  arrivée  du  marché, 
le  jour  de  leur  acquisition,  elles  sont  conduites  à  une  ferme  d'ob- 
servation, appelée  le  '<  Lazaret  »,  distante  d'environ  un  kilomètre 
de  la  grande  exploitation.  Elles  doivent  y  séjourner  cinq  semaines 
avant  d'être  admises  à  l'honneur  de  reposer  leurs  membres  gras 
et  bien  nourris  sur  l'épaisse  litière  qui  s'élève  à  plus  d'un  pied 
au-dessus  du  sol,  dans  leurs  boxes  spacieux.  Aussitôt  après  la 
prise  en  charge  et  l'immatriculation,  chaque  animal  est  soumis, 
par  le  vétérinaire  du  domaine,  à  l'inoculation  d'une  quantité 
scientifiquement  dosée  de  tuberculine  fournie  par  l'Institut  Pasteur. 
S'il  réagit  le  moins  du  monde,  il  est  sans  pitié  rendu  à  son  ven- 
deur, lequel  reçoit  vingt  francs  d'indemnité  pour  la  reprise. 
Aucune  vache  tuberculeuse  ne  peut  ainsi  séjourner  dans  les 
étables. 

Tous  les  jeudis,  à  dix  heures,  sans  exception,  le  praticien  passe 
une  sévère  inspection  des  vacheries,  s'atlardant  à  chaque  animal, 
qu'il  ausculte  savamment.  Dès  qu'un  sujet  semble  se  trouver  dans 
un  état  anormal,  il  est  sur-lechamp  conduit  à  une  infirmerie 
spéciale,  soigné  avec  sollicitude,  tandis  que  son  lait  est  jeté  aux 
porcs. 

A  l'état  ordinaire  et  étant  donné  l'entretien  minutieux  des  ani- 
maux, le  lait  produit  e?t  savoureux,  gras  et  riche  surtout  en  phos- 
phate de  chaux,  cet  élément  si  nécessaire  à  la  formation  de  la 
charpente  osseuse  des  jeunes  enfants.  Que  de  peines,  d'expériences 
sans  nombre,  toutes  plus  coûteuses  les  unes  que  les  autres,  repré- 


0L8  MÉLANGES 

seale  co  lésullal!  A  Liti'e  do  ciiriosilé,  il  vaut  peiil-êlre  qu'on  y 
insiste  ! 

Là-dessus,  l'opinion  des  nnédecins  est  faite  :  les  phosphates  en 
poudre  ou  administrés  sous  forme  de  gélatine  ne  s'assimilent  pas. 
Toutes  les  préparations  pharmaceutiques  tambourinées  à  grand 
orchestre  ne  produisent  rien  ou  presque  rien.  Le  problème  était-il 
donc  insoluble?  Non  !  mais  c'était  à  la  condition  de  commencer  par 
Je  coijnmencement,  c'est-à-dire  d'introduire  directement  le  phos- 
phate dans  le  lait  où  l'organisme  sait  bien  le  retrouver  et  en  faire 
son  profit. 

C'est  alors  que  M.  Nicolas  entreprit  de  nouveaux  travaux,  pour 
lesquels  il  s'était  assuré  le  précieux  concours  de  M.  Weber. 
membre  de  l'Académie  de  médecine.  Longtemps  ces  recherches 
demeurèrent  infructueuses.  11  fallut  presque  un  hasard  pour 
découvrir  qu'en  nourrissant  les  vaches  avec  de  la  luzerne  dont  on 
a  activé  la  croissance  à  laide  de  superphosphates  minéraux,  la 
quantité  de  ce  sel  bienfaisant  accusée  par  l'analyse  chirnique 
augmentait  dans  des  proportions  sensibles. 

M.  Nicolas  établit  alors  des  étables  de  comparaison  et  des  calculs 
graphiques,  tant  et  si  bien,  qu'après  de  longs  tâtonnements,  il 
réussit  enfin  à  faire  passer  jusqu'à  un  gramme  et  demi  de  phos- 
phate par  litre  de  lait,  c'est-à-dire  une  dose  qui  pourrait  être 
malaisément  dépassée. 

Je  disais  tout  à  l'heure  que,  de  tous  les  liquides,  le  lait  est  le 
plus  délicat  et  le  p^us  irritable;  cela  ne  serait  rien  encore  si, 
parmi  les  ferments  de  sa  propre  désorganisation,  il  ne  se  glissait 
trop  souvent  d'infâmes  germes  pathogènes,  tels  que  les  redou- 
tables bacilles  de  la  phtisie,  de  la  fièvre  typhoïde,  de  la  diarrhée 
verte  ou  du  choléra. 

,  Aussi  la  stérilisation  du  lait,  c'est-à-dire  un  mode  de  traitement 
qui,  tout  en  respectant  la  nature  même  du  précieux  liquide  et  en 
conservant  intactes  toutes  ses  qualités  nutritives  et  médicamen- 
teuses, détruise  sans  merci  tous  les  germes  nocifs,  aussi,  dis-je,  la 
stérilisation  du  lait,  préconisée  par  le  corps  médical  tout  entier, 
est-elle  à  l'ordre  du  jour. 

Il  en  est  né  toute  une  industrie,  dont  M.  Nicolas  aura  été  l'un 
des  initiateurs  les  plus  heureux. 

Il  s'avisa  tout  d'abord  d'aller  étudier  sur  place,  dans  les  diffé- 
rents pays  où  l'hygiène  est  le  grand  souci  social,  les  meilleures 
traditions  et  les  meilleures  méthodes.  Dès  son  retour,  il  fit  appro- 
prier des  locaux  spéciaux,  tout  à  côté  ries  vacheries,  où,  à  grands 
frais,  il  installa  les  appareils  les  plus  nouveaux  et  les  plus  perfec- 
tionnés. 

Là,  le  marbre  blanc,  en  plaques  colossales,  sert  à  revêtir  les 
murailles,  à  moins  que  des  faïences  de  Longwy,  du  plus  pimpant 
effet,  n'aient  été  préférées  pour  la  commodité  des  lavages  dans 


méLangks  5'59 

ces  salles  do  préparation  cl  de  Iraifeiiiciit  où  la  proprclé  la  plus 
sévère  est  de  rigueur. 

La  traite  de?  vaches  a  lieu  trois  fois  par  jour;  l'expérience  a 
prouvé,  en  effet,  qu'une  bête  soulagée  quotidiennement  de  son 
lait  trois  fois  au  lieu  de  deux,  produisait  un  liquide  considérable- 
ment plus  copieux  et  plus  riche  que  celui  de  sa  voisine  qu'on  ne 
soumettait  que  matin  et  soir  à  cette  opération. 

Les  étahles  sont  lavées  quotidiennement  avec  de  l'eau  étendue 
d'acide  sulfurique;  les  litières  sont  désinfectées  chaque  jour  par 
le  même  procédé;  on  complète  cette  toilette  en  brossant  méticu- 
leusement  les  bêtes,  de  façon  à  ne  pas  laisser  sur  leur  poil  la 
moindre  trace  de  ces  ordures  dont  la  présence  communiquerait 
au  lait  le  fumet  siii  gencris  qu'on  nomme  «  goût  d'étable  ».  Les 
Valets  d'écurie  n'approchent  des  vaches  qu'après  s'être  nettoyé  les 
mains  dans  une  solution  antiseptique  au  sublimé,  et  l'on  ne  pro- 
cède à  la  traite  qu'après  avoir  larj^ement  lavé  les  pis  et  les 
mamelles  de  chaque  vache  ù  l'eau  boriquée.  Iles  que  le  lait  a 
été  recueilli,  on  le  porte,  séance  tenante,  "dans  de  grands  bacs  à 
eau  courante  et  l'on  met  en  llacons  de  850,  350  et  200  grammes 
ou  en  biberons  de  150  et  125  grammes,  celui  qui  doit  être  sté- 
rilisé. 

Ces  récipients  ont  un  bouchon  de  porcelaine,  renforcé  par  une 
rondelle  de  caoutchouc,  de  manière  à  obtenir  une  fermeture 
absolument  étanche.  On  les  place  dans  des  autoclaves  avec  le 
bouchon  reposant  seulement  sur  l'oritice  du  goulot,  de  façon  à 
laisser  libre  l'ouverture  de  la  carafe  pendant  réchauffement  du 
lait.  Chaque  compartiment  de  ces  «  autoclaves  »,  dont  les  parois 
sont  tapissées  aussi  bien  en  dedans  qu'en  dehors  d'une  grosse  étoffe 
feutrée,  ayant  été  hermétiquement  clos,  une  machine  spéciale 
envoie  sur  un  coup  de  manette  du  mécanicien  un  flot  de  vapeur 
brûlante  et  sèche  dans  les  appareils  stérilisateurs. 

La  difficulté  était  de  s'arrêter  au  moment  précis.  Si,  en  effet, 
il  faut  soumettre  le  liquide,  dans  un  vase  parfaitement  clos,  à  une 
température  suffisamment  élevée  pour  tuer  les  infiniment  petits 
parasites,  il  ne  faut  pas,  en  revanche,  pousser  le  chauffage  trop 
loin,  de  peur  qu'il  ne  s'en  suive  ce  commencement  de  caraméli- 
sation qui  est  le  grand  vice  de  la  plupart  des  appareils  stérilisa- 
teurs actuels. 

L'écueil  a  été  habilement  évité.  La  température  monte  à  102° 
centigrades,  et  elle  est  maintenue  ainsi  pendant  30  minutes.  Les 
llacons  une  fois  refroidis,  on  les  bouche  au  moyen  d'une  ferme- 
ture de  tùreté,  puis,  après  les  avoir  replacés  dans  les  autoclaves 
une  seconde  fois,  ils  sont  de  nouveau  soumis  pendant  une  autre 
demi-heure  à  un  chauffage  de  102°. 

Voilà  enfin  l'opération  terminée.  Dès  que  le  contact  a  pu  être 
supporté,  les  ouvriers  se  sont  mis  à  ranger  les  bouteilles  sur  de 
longues  tables  en  attendant  remballage  et  le  départ. 


s  60  MÉLANGES 

Tous  les  microbes  palhogènes  oui  forcément  disparu,  et  le  goût 
du  liquide  ainsi  traité  n'est  pas  désagréable,  même  après  un 
séjour  prolongé  dans  le  tlacon.  J'ai  pu  le  constater  sur  du  lait 
vieux  de  six  mois,  qui  avait  subi  le  voyage  au  Tonkin,  aller  et 
retour,  sans  que  l'aspect  extérieur,  la  consistance,  ni  la  composi- 
tion, me  parussent  avoir  subi  de  modification  appréciable,  à  part 
un  léger  dépôt  caséeux  du  coté  du  goulot. 

On  peut,  si  on  le  désire,  et  dans  le  c.ii  où  le  lait  est  destiné  à 
une  consommation  immédiate,  ne  lui  faire  subir  une  cbaulfc  que 
d'environ  GO  degrés;  c'est  ce  qu'on  appelle  la  pasleurisalion.  Cctlc 
opération  est  surtout  eli'ectuée  par  les  temps  de  cbaleur  excessive 
ou  d'orage  ;  elle  a  pour  but  d'empêcber  le  liquide  de  se  coaguler. 

11  importe  que  la  stérilisation  soit  accomplie  aussitôt  après  la 
traite.  C'est  la  condition  essentielle  d'une  bonne  opération.  Aussi 
a-t-on  placé,  à  Arcy,  le  laboratoire  à  côté  des  vacheries,  atin  que 
le  lait  n'ait  aucun  contact  avec  l'air,  et  soit  stérilisé  au  sortir  même 
du  pis  de  la  vache. 

En  examinant  attentivement  le  moteur  à  vapeur,  on  aperçoit  à 
gauche  une  des  machines  à  nettoyer  les  bouteilles  à  lait.  On 
emplit  celles-ci  d'eau  (liaude  et  l'on  introduit  dans  l'intérieur  une 
brosse  calibrée.  En  une  seconde,  n-i,  ni,  c'est  fini  :  la  brosse  a  fait 
une  centaine  de  tours  et  les  moindres  vestiges  de  crasse  ont 
disparu! 

Voilà  comment  se  prépare  le  lait  stérilisé  dont  on  parle  tant. 
Voilà  ce  qu'est  exactement  cette  admirable  ferme  d'Arcy  où  l'in- 
térêt public  trouve  aussi  bien  son  compte  que  l'intérêt  industriel. 

(Figaro.) 


l.'IiDprimeur-'jéraol, 

lkon  e Rémont. 


Les    Arquebusiers    de    Rethel 

(1615-1790) 


LF:UR  REGLEMENT  SUIVI  DE  NOTES  DIVERSES  Et 
DE  DOCUMENTS  ORIGINAUX  TIRÉS  DES  ARCHIVES 
DE  RETHEL  ET  DE  MONACO. 


Nos  muderues  Sociélés  de  lir  oui  des  aucèlres  1res  respec- 
tables daus  les  Compaguies  d'archers  et  d'arbalétriers  qui 
remonleut  au  moyen  âge,  et  surtout  dans  les  Compagnies 
d'art]uebusier.--,  qui  ont  jeté  tant  d'éclat  sur  la  vie  provinciale 
eu  Cham])agiie  dans  les  deux  derniers  siècles.  Des  ouvrages 
reniarijuables  ont  déjà  retracé  leurs  annales,  et  permettent 
d'embrasser  dun  coup  d'oeil  les  services  qu'elles  ont  rendus 
pour  la  foi'maliou  de  la  jeunesse  au  métier  des  armes  et  pour 
la  défense  du  pays'. 

Si  l'on  examine  la  vie  intérieure  de  ces  Compagnies  dans  la 
petite  cité  ou  dans  la  grande  ville  dont  elles  élaieni  l'orgueil, 
bie\i  des  détails  cuiieux  se  font  jour  pour  l'étude  des  mœurs 
du  temps,  des  sentiments  d'honneur  et  des  rivalités  qui  entrete- 
naient l'émulation  dans  toute  la  province-.  Les  Sociétés  se 
groupaient,  à  certains  jours  de  lèics  annuelles,  dans  un  concours 
brillant  et  animé  que  l'on  nommait  un  prix  généial.  L'essor 
était  universel,  la  couitoisie  très  grande  et  les  passions  non 
moins  ardentes  en   vue    du    liiomphe   et   de   la  récompense. 

1 .  Elude  sur  les  (incicnues  Couipaynies  d  archers,  d'arquebuiiiers  vl 
d'arbalétriers,  par  L.^A.  Deiau.n'ay;  fans,  Champion.  1879,  lu-i". — Ou 
trouve,  à  la  page  270,  La  Marche  des  chevaliers  des  lilles  -venues  au  tir 
de  lieiws,  te  l'o  juin  1687,  d'après  une  ancienne  gravure  de  Colin,  u-.i 
ligurenl  M"  de  IteHiel  sous  le  n"  Ij. 

1.  Ililoire  des  Archers,  Arbalétriers  el  Ar(i".ebusiers  de  ta  ville  de 
Heims,  par  Edouard  de  Ijarthélumy  .  —  Chd'Ons,  hiipr.  de  Martin; 
lieiws,  l'.  Girel,  édil.,  1873.  Iq-1'2  de  272  pp.  —  Gel  ouvrage  est  le  trait 
du  concours  ouvert  sur  ce  sujet  par  ["Académie  de  Reims,  ea  1868.  Unuulie 
mémoire,  également  récompciué  tuais  resté  iuédil,  celui  de  NJ.  Henri  Menu, 
se  trouve  couservé  aux  Archives  de  cette  Société. 


562  LES    ARQUICIUJSIERS    DE    UETHliL 

Reims,  Mézièi-es,  Troyes^  Meaux,  Sainl-Di/.ier,  Sézauue, 
Fismos,  Sainte- Menehould,  Chùloos,  Verlus,  etc.,  sans  sortir 
de  la  Champagne,  virent  de  semblables  luttes  auxquelles  s'as- 
sociait la  population  entière  en  pleine  joie  et  allégresse. 

Pour  sortir  des  généralités  à  cet  égard  et  ne  point  répéter 
des  détails  bien  connus  sur  le  rôle  des  arquebusiers  en  Cham- 
pagne, uous  avons  interrogé  les  archives  communales  de  l'une 
des  villes  de  la  province  non  encore  consultées  à  fond,  ni  sur- 
tout reproduites  dans  leurs  pièces  essentielles.  11  s'agit  de  la 
ville  de  Rethel,  dont  les  historiens,  MM.  Ch.  Pauffm  et  Emile 
Jolibois,  n'ont  pu  tout  éclaircir,  ni  même  tout  citer  en  ce  qui 
concerne  ses  institutions  et  leur  orgc.nisation  si  variable  dans 
le  cours  des  âges.  Ils  ont  naturellement  parlé  l'un  et  l'autre 
des  arquebusiers,  qui  succédèrent  aux  archers'  et  portèrent 
leur  part  de  fatigue  dans  les  sièges  trop  fréquents  qui  épui- 
sèrent la  ville-.  Ils  signalèrent  leurs  conflits  avec  la  milice 
bourgeoise^,  et  Tincendie  qui  obligea  à  reconstruire  leur  hôtel 
à  la  veille  de  la  Révolution^.  Mais  aucun  document  original, 
aucun  recours  aux  sources  inédites  n'accompagnent  ces  men- 
tions, par  cela  même  incomplètes  et  sans  caractère  décisif.  A 
notre  époque  éprise  du  sens  critique,  en  histoire  comme  en 
toutes  choses,  il  faut  des  textes  plutôt  que  des  phrases,  des 
noms  et  des  dates  plutôt  que  des  appréciations  reflétar.t  des 
données  vagues,  en  un  mot,  il  faut  le  langage  et  le  coloris  de 
l'époque  dont  on  prétend  parler.  Mieux  vaut  ne  fixer  que  cer- 

1.  «  Ce  ne  lut  qu'en  \h~6  qu'une  Compagnie  d'arquebusiers  rtmplbÇd 
cells  des  archer»  et  arbalétriers.  Le  tir  fut  d'abord  élabli  au  jeu  de  l'arc,  dans 
le  ibssé  derrière  le  prieuré,  puis  aux  îles,  et  enfin  au  faubourg  des  Minimes, 
sur  la  roule  de  Reims  (184'^).  »  Ilislotre  de  la  ville  de  Rethel,  par  Emile 
Jolibois,  in-8",  1817,  p.  SI. 

2.  «  Pressentant  peut-êlre  les  aUaques  multipliées  qui  devaient  fondre  sur 
la  ville,  les  échevins,  en  1647,  achetaient  an  terrain  dans  l'inlenliou  d'élever 
un  bâtiment  qui  servît  d'hôtel  ou  de  lieu  de  réunion  à  une  ancienne  Copjpa- 
gnle  de  l'arc  et  de  l'arbalète  qui  avait  pris  le  nom  de  Compagnie  de  l'arque- 
buse, et  qui  rendit  de  grands  services  dans  les  momeuls  dilliciles.  »  lictliel 
ciGerson,  par  Ch.  Pauffin,  18i5,  p.  133. 

3.  Sur  les  conllils  entre  la  milice  bourgeoise  et  la  Compagnie  de  l'arque- 
buse au  xviii"  siècle,  et  sur  la  suppression  de  celle-ci  en  1790,  voir  VHis- 
toire  do  liclhel,  par  Jolibois,  p.  181-82,  et  lielhel  et  Gerson,  par  Ch.  l'auf- 
lin,  p.  192. 

4.  «  Au  mois  de  janvier  1785,  une  partie  des  bàiimenls  de  l'Arquebuse 
fut  brûlée.  »  Rethel  et  Gérsnn,  p-.r  Ch.  Faufliu,  p.  190.  —  Cf.  du  mCMne 
auteur,  la  notice  manuscrite  qu'il  a  donnée  sur  les  arquebusiers  dans  son 
vaste  recueil  Les  Ardeniics  illustrées,  12'  volume,  à  IHôtel  de  \illc  de 
Helhel.  Une  notice  analogue,  signée  Mercier,  se  trouve  dans  le  Guide  rcthé* 
lois,  publié  par  G.  Beauvarlet,  2'  année,  1884,  p    68  à  72. 


LES   ARQUEBUSIERS    DE    RETHEL  ^03 

tciius  poiuls  eL  les  aflirmer  avec  le  souci  du  délai),  que  d'em- 
brasser uu  eusemble  trop  vasle  el  pour  cela  le  mal  élreiudre. 
Ainsi,  les  pièces  que  nous  produisons  après  les  avoir 
empruntées  au  dépôt  municipal  de  Relhel  elaux  archives  des 
anciens  comies  conservées  à  Monaco,  soûl  loin  de  retracer 
riiisloire  complète  ('e  la  Compagnie  des  arquebusiers  relhélois. 
Il  n'est  si  mince  sujet  qui  n'échappe  aux  investigations  sur 
plusieurs  points  principaux.  Bornons-nous  donc  à  planter 
quelques  ja'ons,ils  serviront  à  délimiter  le  champ  d'action  des 
ar()uebusiers  dans  une  petite  ville  frontière,  oui  les  échevins  et 
les  seigneurs  Cavorisèreul  à  Tenvi  les  jeux  d'adresse  el  les 
exercices  belliqueux.  Voici  la  série  des  documents  que  nos 
commentaires  cherchent  simplement  à  expliquer,  sans  vouloir 
le  moins  du  monde  dispenser  de  les  lire. 


I.   —    Lettre   des   Archers    pour   ia    création 
d'un  jardin. 

la  leLlre  des  archers  aux  échevins  de  Rethel  est  une  i)ièce 
malheureusement  sans  date,  nuis  que  son  texte  permet  de 
lixer  au  début  du  xvii^  siècle,  probablement  sous  le  lègne 
de  Henri  IV  et  après  la  mort  de  Louis  de  Gonzague.  dont  il  est 
question  en  tète  de  la  suppli.jue  '.  Ce  prince  ayant  promis  aux 
archers  d'obtenir  pour  eux,  des  échevins,  un  jardin  eu  rem- 
placement de  celui  qu'il  avait  converti  en  chemin  pour  le  châ- 
teau, lesdits  archers  sollicitaient  dans  ce  but  une  portion  du 
boulevard  Saint-Paul,  comme  un  terrain  favorable  à  leurs 
réunions.  Il  leur  fut  accordé  el  on  le  nomma  de  suitt  le  Jardin 
des  Archers.  Cet  espace  fut  converti  on  cimetière  pour  la 
paroisse  Sunl-îsicolas  en  178U,  et  depuis  la  créalion  d'un  nou- 
veau cimetière  en  1840,  il  est  redevenu  un  jardin  particulier"'. 
Depuis  longtemps,  la  Compagnie  de  l'arc  avait  cessé  d'exister 
quand  le  jardin  fut  transformé  en  cimetière,  mais  auparavant, 
elle  coexista  avec  la  Compagnie  de  l'arquebuse,  qui  finit  par 
l'absorber  '.  I^a  lettre  est  conçue  en  ces  termes  : 

1 .  Louis  lie  Gonzague,  époux  de  Ilenrielle  île  Clèvcs,  Cal  comte  de  Hclhel 
de  lô6-i  à  loi)"). 

"1.  Propriété  de  la  l'umille  l''romenl,  toa  cutréc  .-e  t:ou\'e  sur  lu  rus  Sainl- 
Nicolab. 

3.  Il  est  certaiu  que  les  arquehjusiers  avaient  reçu  des  privilèges  du  duc 
de  Ixelhélois  par  letlres  paleolcs  du  3  mars  1505.  Les  archers  eureut  donc 
avec  eux  une  survivance  d'au  moins  vingt  ans.'  Voir  pièce  IV,  t. 


564  LES  ARQOEBUblERS  DE  RETHEL 

Lettre  des  Archers. 

A  Messieurs  les  eschevins  gouverneurs  de  la  ville  de  Rethel. 
Supplient  et  vous  remonstrent  les  archers  du  Jeu  de  l'arc  a  main 
residans  audict  Rethel,  que,  sont  environ  vingt  deux  ans,  feu  d'heu- 
reuse mémoire  monseigneur  Ludovito  de  Gonzague,  duc  de  Nyver- 
nois  et  de  Rethellois,que  Dieu  absolve,  auroit,  pour  la  commodité  de 
son  chasteau  dudict  Rethel,  taict  faire  ung  chemain  par  dedans  le  jar- 
din qui  appartenoit  ausdictz  archers^,  scis  aux  petittes  places  devant 
ledict  chasteau,  de  manière  qu'il  n'en  seroit  resté  aucune  chose  a 
iceulx  archers.  Et  pour  et  au  lieu  d'icelluy  jardin,  mondict  seigneur 
auroit  promis  de  leur  en  iaire  accommoder  un  aultre  par  messieurs 
les  eschevins  dudict  Rethel  dans  la  ville  neusve  ou  en  aultre  lieu  le 
plus  commode  que  taire  ce  pouroit.  Et  pour  a  ce  parvenir  en  escri- 
vit  a  messieurs  les  eschevins  qui  estoient  en  charge  quelque  deux 
ou  trois  ans  après  que  son  intention  estoit  qu'ilz  rendissent  un 
aultre  jardin  ausdicts  archiers  en  ladicte  ville  neusve  ou  ailleurs 
tomme  dict  est.  Depuis  ce  temps,  a  l'occasion  des  guerres  civilles  et 
maladie  contagieuse  survenues  audict  Rethel,  lesdictz  sieurs  esche- 
vins n'ont  satisfaict  a  l'intention  et  volonté  de  mondict  seigneur, 
joinct  que  lesdictz  archiers  n'ont  faict  que  bien  peu  d'exercice 
dudict  jeu  pour  les  causes  susdictes  ;  mais  depuis  qu'il  a  pieu  a  Dieu 
et  au  Roy  nostre  Sire,  nous  donner  la  paix,  iceulx  archiers  recon- 
gnoissant  que  leur  devoir  estoit  de  ne  laisser  tomber  en  décadence 
ledict  jeu,  ains  de  le  sousrenir  et  maintenir  tant  qu'ilz  pourront 
comme  les  anciens  ont  faict  suyvant  le  serment  qu'ils  en  ont  pres- 
tez,  ont  remis  le  jeu  dessus  et  aJvisé  qu'il  n'y  auroit  lieu  plus 
propre  et  commode  pour  ung  jar  Jin  que  dans  une  portion  du  boul- 
verc  Sainct  Paul  derier  la  maison  de  Jehan  Fondeur,  vers  le  chas- 
teau, qui  est  un  lieu  a  l'escart  ou  peu  de  gens  frequantent. 

C'est  pourquoy  ilz  vous  requièrent  humblement,  mesdicCs sieurs, 
que  satisfaisant  a  l'inrention  de  mondict  seigneur,  il  vous  plaise  leur 
voloir  occroier  et  accorder  leJict  lieu  pour  dans  iceilui  dresser  leur 
jardin  et  jeu  de  l'arc,  et  lequel  jardin  ilz  pouront  fermer  de  haie 
vifve  ou  mort  comme  il  vous  sera  plus  agréable,  et  dans  iceilui  plan- 
ter des  arbres  fruictiers  et  autres  affin  de  donner  occasion  a  leurs 
postérieurs,  desquelz  peult  estre  aulcunsdes  vcstres  pouront  estre, 
d  entretenir  Kdict  jardin  et  jeu  qui  est  le  premier  de  tous  les  jeux 
des  traictz  ;  et  que  deflences  seront  faictes  a  toutres  personnes  de 
}es  troubler  ou  empescher  directement  ou  indirectement  en  la  jouys- 
sance  et  possession  dudict  jardin. 

Et  lesdictz  supplians  et  leurs  successeurs  seront  obligez  tant  plus 
a  vous  rendre  l'obéissance  tel  que  tous  les  habitans  sont  tenuz 
envers  leurs  magisirats,  et  prier  Dieu  pour  vous. 

{Suivent  les  signatures.) 

(Lettre  originale  sjir  pupier.) 

{Archives  communales  de  Rethel.  EL,  1.) 


LES    ARQUKBrSIERS    DE    RETIlEr,  oTiTt 

IL— Extraits  des  comptes  de  ia  ville,  1615-1700, 

C'est  eu  \G[')  que  nous  avons  trouvé  menlion  pour  k  pre- 
mière fois,  dans  les  comptes  communaux,  d'une  somme  accor- 
dée à  un  chevalier  de  l'arquebuse  pour  avoir  aballu  l'oiseau. 
Uoberl  Tieicelet  reçut  cent  sols  en  récompense  de  son  adresse. 

On  voit  offrir  une  somme  du  vingt  livres,  en  1037,  au  capi- 
taine de  la  même  Compagnie,  Antoine  Camart,  vraisemblable- 
ment pour  le  développement  de  lassociation. 

En  iG70.  un  secours  de  deux  cents  livres  est  donné  aux 
arquebu:^iers  pour  leur  permettre  de  se  rendre  au  concours  de 
Moutdidier  en  Picardie,  et  en  1()73,  c'est  à  Rethel  même  que 
le  concours  général  eut  lieu  et  que  la  ville  hébergea  et  honora 
les  compagnies  du  dehors  :  alors  les  victuailles  abondèrent,  le 
vin  coula,  un  feu  de  joie  fut  allumé,  les  violons  elles  tambours 
témoignèrent  de  l'allégresse  générale. 

Dix  ans  plus  tard,  en  102,  la  Compagnie  de  Rethel  se  ren- 
dit à  Epernay  pour  une  semblable  solennité,  et  reçut  un  sub- 
side de  cent  cinijuante  livres. 

Eu  ltj8G,  les  exercices  et  les  récompenses  locales  se  multi- 
plièrent pour  pouvoir  aborder  avec  succès,  l'année  suivante,  le 
concours  général,  de  Reims,  en  faveur  duquel  la  ville  accorda 
cent  livres.  De  161)2  à  1700,  la  ville  vota  annuellement  des 
médailles,  des  lasses  en  argent,  de  la  vaisselle  d'étain  ou  bien 
une  caque  de  vin,  cadeaux  distribués  aux  meilleurs  tireurs  à 
leur  rentrée  au  jardin.  Un  subside  de  trois  cents  livres  fut 
réservé  au  concours  de  Laon  en  1700,  et  là  s'arrêtent  nos 
recherches  dans  les  registres  des  dépenses  communales. 


Hnr.i^TnE-    AxNft-- 


Extraits  des  comptes  de  la  ville  de  Rethel. 

A  Robert  Tiercelet  le  jeune,  chevalier  du  jardin  des  harquebu-      cr;  i  i,s     ifiij 
ziers  de  la  ville  de  Rethel,  la  somme  de  cent  solz  pour  avoir  abattu 
l'oiseau  dudic  jardin. 

A  honnorable  homme  Me  Antoine  Camart,  esleu  conseiller  du  Roy,      '"<""■  '"-     l'^'-i 
procureur  gênerai  de   Rethellois,   capitaine   de  la    Campagnie   des 
Harquebuziers  de  la  ville  de  Retel,   la  somme  de  vingt  livres  a  luy 
accordé  par  résultat  du  conseil  du  XXI'^'  de  mai  M  VI'    XXXII. 

Idem.  ce  170     iti:i: 

A  M'"'  les  ofliciers,  roy  et  chevaliers  de  la  Compagnie  des  bar-     t'.C  210     ir.Tu 
quebuziers  de  la  ville  de   Mazarin,  h  somme  de  deux  cents  livres 
pour  se  transporter  eu  la  ville  de  Montdidier  au  prix  général. 

Audit  Tibé,  la  somme  de  vingt  sept  livres  pour  tourtes    eschau-     CC  213     lôTS 


iiCG  LES    ATîQUEBrSIERS    DR    RETHEI. 

dés  et  autres  denrées  qu'il  n  fouruy  pour  la  collation  présentée  devant 
l'hostel  de  la  ville  aux  Compagnies  des  Arquebuziers  au  prix  gêne- 
rai rendu  en  ceste  ville. 

-^''''"'  A    Philippe    Le   Chastelain 48    livres  pour  un  poinsson  de 

vin (mi'me  hue). 

/''''"'  A  Antoine  Michel,  quincaillier 45  livres  pour  le  teu  de  joye 

(même  but). 

Idfm  A  Jaquet  Villain,  sergent  de  la  ville 40  livres  17  sols,  six 

deniers,  pour  somrrjes  déboursées  par  lui  aux  violons,  tambours, 
trompettes  et  autres  pendant  le  prix  général. 

Idem  A  Jaques  Michel,  cuisinier, 22     livros    pour    avoir    tis;ité 

MM'^  les  officiers  généraux  et  les  officiers  de  l'Arquebuse  pendant 
le  prix  général, 

Idi'm  A  la  veuve  Jean   Mouron,  hostelière,  sept  livres  3  sols  pour  un 

jambon  de  Mayance,  présenté  à  lad.  collation. 
ce  222     10S2  Aux  sieurs  officiers  et  chevaliers   de  la  Compagnie  des  Arquebu- 

ziers de  cette  ville,  la  somme  de   ijo  livres   a  eux  accordé   pour 
ayde  à  leurs  dépenses  a  taire  au  prix  d'Epernay. 
ce  22G     1680  Au  sieur  Jean  Durand,  capitaine  de  la  Compagnie  de  l'Arquebuze 

de  cette  ville,  12  livres  pour  un  prix  accordé  a  lad;  Compagnie  a  la 
rentrée  du  jardin. 

Ith-m  Aud.  Michel  Robin,  la  somme  de  21  liv.  2   sols  pour  les  frais  et 

dépens  Laits  en  collation  et  rubans  le  lendemain  de  Fenthecosce  que 
M''  Paul  Alexandre  Titeux,  sindic,  a  abattu  l'oiseau  de  la  Compagnie 
de  l'Arquebuze, 

Idem  Au   sieur    Durand,   cap'"'  de   la    Compagnie  de    l'Arquebuze,    la 

somme  de  20  liv.  que  l'on  a  accoustumé  payer  aud.  cap»*' le  jour  de 
l'oiseau. 

Idem  Au  roy  de  l'Arquebuze,  100  sois  pour  le  joyau  qu'il  est  accous- 

tumé luy  donner  par  cette  communaulté. 
ce  227     1GS7  Aux  cor.iiestables  de  la  Compagnie  des  chevaliers  de  l'.Arquebuze, 

13  liv.  pour  un  prix  accordé  a  lad.  Compagnie  pour  exercer  les  che- 
valiers. 

Idem  Aux  s''^  cap'if,  lieutenant,  roy  et  chevaliers   de  la   Compagnie  de 

l'Arquebuze 200  liv.  qui  leur  a  esté  payée  pour  ayder  a  leurs 

frais  et  dépens  au  prix  gênerai  qui  s'est  rendu  en  la  ville  de  Reims 

le  15" juin  1687 

ce  2r>2     1602  -^  Regnault  Bruslé,  hotelain,  7  liv.    14  sols  pour  vin  fourny  a  la 

rentrée  du  jardin  de  l'Arquebuze. 

idi'Di  Audit  Michel  Robin,  orphèvre, 30  liv.  5  sols,  savoir  12  liv. 

15  sols  pour  une  tasse  d'argent  donnée  pour  un  prix  a  la  Comp'*"  de 
l'Arquebuze,  et  17  liv.  10  sols  pour  une  médaille  donnée  au  roy  de 
l'Arquebuze. 
ce  sr,     160?.  Licm. 

ce  234     1G94  A  François    Foulon,  potier  d'estain,.  .  .  .  .   15"  liv.  pour   le  prix  de 


LES    ARQUERUSIRRS    DE    RKTHKL  i'iDT 

vaisselle  d'eîtaiii  qu'il  a  vendu  a  la  Comp'''    de  l'Arquebuze  pour  un 
prix  accordé  à  la  rentrée  du  jardin. 

A  Jacques  Philippes  des  Camps,  mil  orphèvre, 36  iiv.  pour     ce.  -r.r.     im^ 

une  tasse  d'argent  et  une   médaille  pour  le  roy  de  l'Arqucbuze  de 
l'année. 

A  J.  Baptiste  Audry,  marchand, 24  Iiv.  pour  le  prix  d'une      cc  îSS     loas 

cacq  de  vin  présenté  à  la  Comp"'  de  l'Arquebuze  le  jour  de  la  f.ste 
de  S'   Laurent. 

Aux  officiers  et  chevaliers  de  l'Arquebuse 300  Iiv.  pour  aider     ce.  -.'^.g     I7i"t 

a  la  dépense  à  taire  pour  le  prix  gênerai  qui  se  rend  l'année  de  cc 
compte  dans  la  ville  de  Laon,  payé  au  s'  Pauffîn  cap°''  ' . 

{Archives  commun,:les  de  Retlicl^  Registres  des  Coriirtes.) 

Ml.  —  Correspondance  des  arquebusiers  avec 
les  échevins,  1660-1671. 

Lorsque  la  Compagnie  de  larquebuse  lullail  pour  l'houueur 
de  la  ville  à  un  piix  général  au  dehors,  une  curieuse  corres- 
pondance s'établissait  entre  elle  et  les  échevins.  Le  greilier. 
pour  tous  les  chevaliers,  écrivait  aux  magistrats  municipaux 
l'accueil  qui  leur  avait  été  fait  dans  la  cilé  voisine,  la  bonne 
impression  produite  par  l'allure  martiale  de  la  troupe,  l'ouver- 
ture du  tir  et  les  chances  qu'ils  avaient  d'y  remporter  la  vic- 
toire. On  continuait  à  donner  des  nouvelles  pendant  la  durée 
du  séjour  assez  long  que  nécessitaient  les  opérations  succes- 
sives elles  réjouissances  publiques.  Ou  supputait  les  coups 
heureux  et  les  prix  à  gagner  d'après  la  réussito  de  tant  d'ad- 
versaires et  de  rivaux.  Enfin,  l'on  avisait  du  retour  et  du  céré- 
monial à  observer  d'une  manière  conforme  aux  traditions. 

Toutes  ces  parlicularilés  se  retrouvent  dans  les  qualre 
lettres  conservées  aux  archives  de  Relhel,  écrites  pendant  le 
prix  général  de  Reims  en  IGfiU'-,  et  pendant  celui  de  Charle- 
ville  en  1  G"  1 .  A  Reims,  une  lueur  d'espoir  d'un  éclatant  succès 
avait  encouragé  au  début  les  arquebusiers  reihélois,  que  la  for- 
tune ne  parait  pas  avoir  favorisés  jusqu'au  bout.  Ils  furent 
néanmoins    comblés    par    leurs    émules    d'attentions    et    de 

1  .  D'après  les  diverses  menlious  relevées  dans  les  comple?,  on  voit  que, 
chaque  année,  le  chevalier  qui  abîUail  l'oiseau  recevait  100  sols.  J'ai  fait  le 

relevé  pour  une  quinzaine  d'annéei Le  traitement  du  capitaine  était  de 

20  Iiv.  ;  plus  lard,  on  donna  en  bloc  80  Iiv,  par  au  pour  les  capitaine,  lieute- 
nant, roy,  eic H.  L. 

2.  'Voir  les  détails  d'orgaaisalion  du  prix  général  de  I^eims  en  1000,  dans 
les  Mi'moires  d'Oudard  Coquault,  publias  par  Ch.  Loriquel,  Reims,  IST.";, 
p.  'ii:3-1i. 


5G8  LES   ARQUEBUSIERS    DR    P.KTHEL 

marques  d'esliaie,  ce  qui  leur  lil  souhaiter  l'houDeur  du  canuu 
el  l'envoi  d'une  compagnie  de  la  jeunesse  à  leur  rencontre. 
Mais  à  Charleville,  ils  furent  mieux  partagés  qu'à  Reims  el 
remportèrent  sept  prix,  plus  le  bouquet  à  eux  adjugé  en  con- 
currence avec  les  chevaliers  de  Sézanne  qui,  disaient-ils.  «  ont 
fait  le  diable  »  pour  l'obtenir. 

Ou  lira  avec  intéiêt  ces  courtes  missives,  qui  retracent  les 
impressions  et  les  émotions  d'une  jeunesse  généreuse,  ardente 
à  la  lutte  et  très  sensible  à  l'honneur. 

Lettres  des  Arquebusiers  aux  Echevins  de  Rethel. 

A  Reims,  ce  21  juin  1600. 
Messieurs, 

Nous  sommes  autant  portez  par  inclination  que  par  debvoir  a 
rendre  les  respectz  deubz.  a  vos  mérites  et  au  rang  que  vous  tenez, 
lis  nous  obligent  a  vous  informer  de  ce  qui  s'est  icy  passé  jusques  a 
présent  a  commencer  par  le  bon  acceuil  que  nous  y  avons  receu  par 
un  des  capitaines  de  la  Compagnie  de  ceste  vile  a  la  teste  de  qua- 
rante chevaux,  qui  nous  vint  au  devant  jusques  hors  le  fauxbourg 
ou  il  mit  pied  a  terre,  nous  fist  un  jolv  compliment  accompagné  de 
civilités  et  de  protestations  d'estre  très  satisfait  de  noscre  arrivée  et 
si  bonne  Compagnie,  d'où  nous  fusmes  conduits  au  logis  destiné.  Le 
lendemain  dimanche,  la  montre  s'est  faite,  où  le  sort  nous  donna 
le  neufviesme  rang,  \ostre  Compagnie  s'y  trouva  de  vingt  six 
hommes  e.i  assez,  bonne  posture  pour  estre  estimée  .sans  vanité  la 
troiziesme  de  touttes  celles  qui  sont  icy  ;  aussi  est-il  vrai  qu'elle  v 
a  receu  tous  les  applaudissemens  que  nous  pouvions  attendre. 
Ensuitte  de  la  montre,  l'ouverture  du  prix  se  fist  par  le  coup  du 
Roi*  que  tira  Mons'  de  Tiernu,  capitaine  de  h  ville-,  au  bruit  de 
cinquante  cannonades  accompagné  de  mousqueterie  tirée  par  la 
Compagnie.  Aujourd'huy  l'on  doit  commencer  a  combattre  ;  nous 
tascherons  de  faire  en  sorte  que  la  suitte  puisse  estre  conirorme  a  un 
si  beau  commancement.  Nous  vous  supplions,  mes.sicurs,  d'estre 
persuadez  que  le  seul  motif  de  l'honneur  d'une  ville  qui  vous  est 
soubmise,  nous  anime  a  bien  taire  ;  c'est  la  seule  recompense  que 
peuvent  désirer  ceux  qui  ont  le  cœur  bien  placé,  comme 
messieurs 

1.  Le  roii|i  (hi  roi  étail  le  premier  coup  lire  par  le  plus  haut  personnage 
au  nom  du  roi.  Il  se  tirait  aussilôt  la  Montre  nu  revue  générale  des  Compa- 
guies. 

2.  Charles  Cauclion,  capitaine  de  Heims,  était  l'un  des  memhres  de  la 
l'amille  de  ce  nom,  qui  possédait  la  si-igueuiip  de  ThiTnu  (canton  de  Marie, 
Aisne\ 


LES    ARQUEBUSTF.RS    DE    RETHEL  ofiO 

Vos  très  humbles  et  très  obéissants  serviteurs  les  capi"^   roi, 
enseigne  et  clievaliers  du  Jeu  de  l'Arquebuse  de  la  ville  de  Retel. 

Le  Lièvre 

greffier  de  lad.  Compagnie. 

A    Reims,  ce  23"  juin  lOGC. 
Messieurs, 

Ce  ne  seroit  pas  correspondre  a  celles  que  nous  avons  eu  l'hon- 
neur de  vous  escrire  ny  au  succez  que  vous  attendez  de  nos  armes, 
sy  nous  ne  vous  faisions  scavoir  que  notre  premier  coup  tiré  par 
M""  Clepoint  est  a  cinq  lignes  de  la  broche  et  jusqu'icy  le  disputte 
au  second  meilleur  de  la.  première  allé,  laquelle  estant  advancee  de 
trois  quartz  et  demy  il  faudroit  bien  du  malheur  si  ce  coup  n'em- 
porte un  prix  considérable.  Le  Ciel,  nous  en  ayant  favorisé,  achèvera 
le  reste,  et  de  iiostre  part  nous  avons  soin  de  luv  en  rendre  grâces 
et  de  mériter  le  tiltre 

messieurs, 

de 

Vos  très  humbles  et  très  obéissants  servite.irs  les  officiers 
et  chev.Tlliers  du  Jardin  de  l'Arquebuze  de  Retel. 

3- 

'A  Reims,  les  onze  heures  du  soir 
30  juin  1660. 
Messieurs, 

F-Xcusez  sv  la  cavalcade  que  nous  avons  faite  cet  après  diné  ne  nous 
a  donnée  la  liberté  de  vous  donner  plustost  advis  de  nostrc  départ 
de  ceste  ville,  d'où  nous  croyons  sortir  demain  sur  les  huit  heures 
du  marin  pour  nous  rendre  a  Rethel  a  trois  ou  quatre  après  mydy. 
Nous  nous  persuadons  facilement  qu'après  tan  de  preuves  de  vos 
zèles  pour  la  gloire  dune  ville  qui  est  a  vostre  direction,  vous  nous 
accorderez  la  grâce  de  ne  nous  pas  fjire  des  moindres  lionneurs  que 
ceux  qui  sont  préparez  a  messieurs  de  Maizieres,  ausiuels  les 
canons  de  boite  ne  doivent  pas  manquer.  Si  nostre  bonheur  n'égale 
pas  le  leur  vous  aurez,  messieurs,  assez  de  bonté  pour  supporter 
nostre  peu  d'adresse  et  suppléer  a  ce  defiault.  Si  vous  jugez  a  pro- 
pos de  disposer  quelque  jeunesse  ou  bourgeois  a  nous  venir  au  devan, 
ce  sera  un  surcroit  d'obligations.  Apres  tout,  nous  nous  en  remet- 
tons a  tout  le  qu'il  vous  pLiira  d'ordonner  et  faire 

messieurs, 

de 

Xoa  très  humbles  et  très  obeissans  serviteurs  les  oi-ticicrs  et 
chevalliers  de  l'Arquebuze  de  Rethe!. 

4- 

A  Charleville,  ce   14  juin  1(17!. 
Messieurs, 
Depuis    que  je   me  suis  donne   l'honneiir  Je    vous  escrire    vous 
scauré    s'il    vous    phir    que    sur    la    dernière   jtlanche    nous  avons 


ÎÎTO  I.RS    ABQURPUSTETÎS    DE   KF.THEL 

le  second  prix  gaigné  par  le  s"' Alardon  et.le  sixiesme  gaigiié  par  le 
s'  Clepoint.  Il  y  a  encore-deux  autres  petits. prix  gaignés.par  les  s''- 
Dubus,  advccar^  et  Piedefer,  de  manière  que  nous  avons  sept  prix' 
et  un  ayde  de  pantoii-.  Mais  pour  le  comble  de  no?tte  gloire  c'est 
que  le  boucquet^  nous  vient  d'estre  adjugé  nonobstant  les  soUicita- 
tioiis  ou  plustost  importunités  de  messieurs  de  Sezaniie  qui  ont  fait 
les  diables.  Ainsy  nous  pouvons  dire  que  nous  retournons  autant 
plains  de  gloire  et  d'honneur  que  nous  en  pouvions  .souhaitter.  Je 
suis  persuadé  que  vous  auré  la  bonté  de  donner  les  ordres  nécessaires 
pour  bien  recevoir  nostre  troupe  et  nostre  bouccjuet  ;.  nous  pourons 
ariver  demain  entre  cinq  et  six  du  soir  pour  vous  embrasser  et  vous 
témoigner  moi  particulièrement  que  je  serai  toute  ma  vie 

messieurs,  

Vostre  très  humble  et  très  obéissant  serviteur 

ViENOT. 

(Lettres  orii^inales  adressées  aux  éthevins  de  Kethel ). 

(Archives  communales  de  Rethel.  EE.  2.) 

IV.  —   Le   duc   de    lYlazarin    et    les    arquebusiers 
de   Rethei,    1664-1671. 

Le  duc  de  Mazaria,  fils  du  maréchal  de  La  Meilleraye,  ei=l 
suiioul  connu  pour  La  siu^jularité  de  son  caractère  el  ses  mésa- 
ventures conjugales  avec  la  belle  Horlense  Mancini,  la  plus 
chérie  des  nièces  du  cardinal  Mazariu.  Il  mérite  cependant  une 
meilleure  place  dans  Thisloire,  et  il  l'oblient  sans  peine  aux 
yeux  de  ceux  qui  étudient  son  rôle  d'administrateur  de  ses 
vastes  domaines  el  apprécient  les  bienfaits  qu'il  répandit  en 
beaucoup  de  lieux,  avec  autant  de  charité  que  de  sagesse  rela- 
tive. Sans  doute,  beaucoup  do  ses  actes,  même  des  meilleurs, 
sont  empreints  de  bizarrerie  el  dénotent  ou  trop  de  conliance, 
ou  trop  peu  de  discernement  ;  de  même,  c-a  piété  dégénéra  par- 
fois en  pratiques  minutieuses  ou  excessives,  mais  au  fond,  on 
retrouve,  dans  ce  grand  seigneur  original,  bien  des  veitus  de 
race,  bien  Jes  qualités  qui  contribueront  tôt  ou  lard  à  réhabiliter 
sa  mémoire  obscurcie  par  ses  trop  fameux  procès  contre 
sa  femme. 

1 .  Les  p:ix  élaicnliJes  obje  ts  divers  en  a  igeul:  bassins,  lia  m  beau  s,  pois,  etc. 

2.  Le  pantOD  est  la  fip;ure  décorée  d'une  cible,  avec  l'inscription  el  la  da'e 
du  prix.  On  eu  conserve  un  en  bois  doré  au  Musée  rétrospectif  de  Reims. 
C'était  un  souvenir  commémoralil'  du  prix  gagné,  el  que  l'on  suspendait  dans 
les  hôtels  des  arquebusiers  comme  un  trophée. 

3.  Le  bouquet  était  un  objet  d'art  allribué  à  la  Compagnie  victorieuse  de 
toutes  les  autres.  A  Reims,  en  16S7,  !e  bouquel  consistait  eu  une  ligure  de 
Mars  lenai'.t  en  main  des  Oliviers  el  des  lis,  tivec  un  iiouclier  d'argent..    . 


I.RS    ATiOUEBUSIKRS    DE    RETITRI.  i'tT  f 

Successeur  des  comtes  el  ducs  de  Rethélois,  il  apnorla  uii 
soiu  jaloux  à  connaître  les  besoins  sociaux,  relig^ieux  el 
moraux  de  la  contrée  :  pa'tout  il  so  plail  à  satisfaire  aux 
demandes  bien  fondées.  S'il  ne  fut  pas  indifférent  aux  misères 
des  pauvres,  des  hospices  et  des  écoles,  il  ne  négligea  pas  ses 
devoirs  envers  les  institutions  militaires  el  sauvegarda  les  élé- 
ments indispensables  au  bon  ordre  et  à  la  défense  du  pays.  Le> 
guerres  de  la  Fronde  avaient  brisé  bien  des  ressorts  dans  la 
noblesse  el  la  bourgeoisie  des  vdles  ;  trop  de  ruines  avaient 
jonché  le  sol  et  trop  de  forteresses  avaient  été  démantelées.  S'il 
fallait  anéantir  à  jamais  la  rébellion  et  l'arrogance  des  grands 
seigneurs,  il  convenait  de  rendre  aux  classes  moyennes  la 
conscience  de  leurs  forces  en  groupant  leurs  meilleures 
réserves  dans  un  service  public. 

C'est  ainsi  que  les  Compagnies  de  milice  bourgeoise,  et  par- 
ticulièrement celles  des  arquebusiers,  reçurent  les  fuveurs  du 
duc  de  Mazarin.  Nous  le  voyons  approuver,  après  examen 
réfléchi,  le  règlement  des  chevaliers  de  Tarquebusede  Bethel, 
le  15  juillet  loG4,  pendant  un  séjour  qu'il  faisait  en  celte 
ville.  Non  seulement  il  affectait  un  prix  annuel  à  la  fête 
de  Saint  Laurent  et  agréait  leur  association  dans  les  plus 
minces  et  les  plus  ponctuels  détails  de  son  organisation,  mais 
il  conflrmait  ses  privilèges  et  ses  prérogatives  qui  dataient  d'une 
concession  remontant  aux  Gonzague,  en  lLi05.  Le  nouveau 
règlement,  adopté  d'un  commun  accord,  devint  comme  la 
charte  de  la  Compagnie  jusqu'à  sa  suppression  en  17U0  :  celle 
pièce,  jusqu'ici  inconnue,  avait  élé  heureusement  recueillie 
dans  les  archives  des  princes  de  Monaco,  derniers  descendants 
du  duc  de  Mazarin.  On  y  remarque  surtout  les  articles  qui  en 
font  comme  la  loi  d'une  Société  de  tempérance  et  de  savoir- 
vivre.  Nous  la  donnons  in  extenso,  en  la  faisant  suivre  de  deux 
aulres  documents  tirés  des  archives  de  Helhel  :  l'un  esi  l'aban- 
don, en  1G60,  par  le  duc  de  Mazarin,  de  trente  chênes  de  ses 
forêts  pour  le  rélablissement  de  Thôtel  des  Arquebusiers  ;  l'autre 
est  une  lettre  des  échevins  écrite  au  duc  en  16/1,  pour  lui 
annoncer  le  succès  des  chevaliers  au  prix  de  Gharleville,  glo- 
rieuse prouesse  que  nous  avons  dé)à  relatée  plus  haut.  Là  se 
bornent  nos  renseignements  sur  les  relalions  du  duc  avec  les 
arquebusiers,  renseignements  a^sez  curieux  que  d'autres 
recherches  complèleront  un  jour. 


572  lES    ARQUEBUSIERS    DE    BETHEI, 

I. 

1."!  juillet  1064. 

Règlement  de  la  Compagnie  des  Arquebusiers  de  la  ville 
de  Rethel. 

Les  capitaines  et  chevaliers  du  jardin  des  arquebusier?  de  la  ville 
de  Mazarin  recognoissans  combien  il  est  necessa'res  d'y  vivre  avec 
quelques  loix  et  police  pour  contenir  chacun  dans  les  bornes  d'une 
honneste  modestie,  respect  et  bienséance,  o!:t  d'un  commun  con- 
sentement arresté  et  approuvé  pour  loix,  statuts  et  règles  inviolables 
du'.lit  jardin  les  ordonnance?  qui  ensuivent  : 

Des  capitaines,  leur  eslection,  privilèges  et  pouvoir. 

Les  capitaine,  lieutenant  et  enseigne,  chets  dudit  jardin  seront 
pourveuz  auxdites  charge?  par  monseigneur  le  duc  de  .Mazarini  et 
ses  successeurs. 

Leur  principalle  application  sera  de  fai^-e  vivre  en  paix  et  union 
tous  les  chevaliers,  et  les  empeschemens  en  quelque  cas  se  soit  de 
boire  a  cette  occasion,  ny  mesme  de  fréquenter  les  cabarets^  et  au 
surplus  d'observer  tous  les  statuts  suivant  les  reglemens,  emploi.ins 
leurs  talents  et  casuels  a  l'accroissement  et  embellissement  du 
jardin. 

Jouiront  lesd.  capitaines,  lieutenant  et  enseigne  de  l'exemption 
de  guet  et  garde  en  laditte  ville,  tint  en  temps  de  guerre  que  de 
paix  suivant  la  concession  de  monseigneur  par  les  lettres  patentes 
du  troisième  mars  i'J95,  en  attendan.t  qu'eux,  le  roy  et  chevaliers 
puissent  obtenir  privilèges  semblables  aux  compagnies  des  villes  cir- 
tonvoisines  et  pour  y  parvenir,  ilz  prieront  monseigneur  le  duc  de 
-Mazaiini  des  les  ayder  a  l'obtention  des  lettres  en  forme  pour  l'es- 
tablissement  de  ces  privilèges,  a  quoy  tous  les  principaux  de  la  ville, 
et  surtout  messieurs  les  eschevins  et  conseil  seront  invitez  de  leur 
tournir  leur  bon  conseil  et  crédit  pour  y  réussir. 

Tous  les  chevaliers  de  lad.  Compagnie  recognoistront  pour  leurs 
chefs  lesd.  capitaine,  lieutenant  et  enseigne,  et  en  leur  absence  le 
roy,  daufin,  connestables  et  sergent  ;  a  chacun  desquels,  comman- 
dant en  son  ordre,  ils  porteront  honneur  et  révérence,  leur  obeirout 
en  ce  qui  dependera  de  présentes  et  soutiendront  les  droits  et  privi- 
lèges a  eux  accordez  et  octroyez,  sans  toutes  fois  que  le  roy,  dau- 
iin,  connestables  ou  sergent  puissent  prétendre  aucun  commande- 
ment sinon  de  degré  en  degré  et  en  l'absence  desd.  chefs. 

Conétront  iceux  chefs  de  tous  les  difTerens  meus  et  a  mouvoir 
entre  lesd.  chevaliers  pour  led.  fait  des  présentes  et  deppendantes 
d'icelles,  par  devant  lesquelz  ils  subiront  jurisdiction  a  ce  regard, 
respondront  et  acquieseront  aux  jugemens  que  lesd.  chefs  ou  l'un 
d'eux, et  en  leur  absence  le  roy  ou  cTaufîn,  avec  l'advis  de  six  che- 
valiers, en  rendront,  et  y  satisferont  sans  appellation  ny  opposition 
en  peine  de  bannissement  de  la  Compagnie,  et  de  paier  tous  les 
droits  de  sortie,  et  ce  soubz  !e  bon  plaisir  de  mond,,  seigneur. 


LES  ARQUEBUSIERS  DE  RETHEL  573 

Toiues  les  affaires  duJ.  cardia  seront  traitëer  et  termiiice^-  pat 
l'advis  desd  chets,  y  appelle/  le  roy,  daufin,  coiinestablcs  avec  six 
antres  choisis  entre  les  plus  judicieux  de  laditte  compagnie,  qui 
seront  esleus  tous  les  ans  le  dimanche  d'anrcs  la  Pentecostc,  et  un 
des  ofliciers  en  sera  le  chef. 

A  laquelle  eslection  sera  ain.-y  proceddé  :  les  chevaliers  asseiii  • 
blez  led.  jour  aud.  jardin  les  chefs  ou  chevaliers,  lesquels  trois 
teront  reslection  des  six  du  conseil,  où  routestois  aucuns  dud. conseil 
ne  s"y  pourront  trouver  soit  pour  maladie  ou  autres  causes  légi- 
times, les  prcsens  estans  huit  en  nombre  pourront  pr.sser  outre  et 
valideront  leurs  resolutions  comme  sy  tous  v  eussent  esté  presens, 
siut  où  il  surviendrait  une  affaire  d'importance  et  de  trop  grande 
conséquence,  la  remettre  en  l'assemblée  desd.  chefs  et  chevaliers 
pour  en  estre  décidé  par  leurs  jugemens  et  pluralité  des  voix. 

L'on  choisira  pour  le  service  de  chacque  semaine  six  chevaliers 
soubz  la  conduitte  d'un  des  chefs  pour  fairo  en  sorte  qu'il  n'y 
arrive  point  de  desordres  ny  scandai,  soit  le  jour  ou  la  nuit,  et  toute 
la  Compagnie  des  chevaliers  se  fera  un  point  d'honneur  de  contri- 
buer au  bien  publique  et  sûreté  de  toutes  les  familles,  lesquels  y 
trouveront  leurs  advantages  et  satisiractions  particulières^  et  not- 
temmcnt  pour  empescher  le  teux  et  les  esmotions  populaires. 

Du   ROY,   DE    SES    DROITS   ET   PRIVILEGES. 

Le  roy  qui  est  celuy  qui  par  sa  dextérité  abbat  l'oiseau,  jouu'a 
pendant  l'année  de  pareille  exemption  de  guet  et  garde  a  luy  accordé 
par  les  lettres  susd.,  outre  cent  sols  quy  luy  seront  diminuez  sur 
ses  tailles,  sy  tant  il  en  porte,  sinon  le  pardessus  luy  sera  délivré  par 
les  receveurs  des  deniers  communs  de  cette  ville,  suivant  l'octroy 
qu'en  ont  fait  messieurs  du  conseil  d'icelle  du  4  tevrier  1602, 
en  attendant  l'obtention  espérée  d'autres  privilèges  tels  et  sem- 
blables dont  jouissent  les  roys  circonvoisins. 

Les  trois  sols  que  chacun  des  chevaliers  est  obligé  bailler  pour  sa 
baguette  appartendront  au  roy. 

En  faveur  et  recognoissance  de  quoy,il  devera  par  l'honneur  une 
escharpe  de  la  valleur  de  cent  sols,  une  paire  de  gands  et  une  dou- 
zaine d'esguillïttes  de  soye  tressées,  pour  estre  lesdits  joiaux,  tirez 
le  dimanche  d'après  la  seconde  feste  de  Pentecostes  ',  et  délivrez  a 
ceux  qui  tjreront  les  merveilleux  coups  en  une  ou  trois  allées  ainsy 
qu'il  sera  advisé. 

Fera  aussy  présent  d  une  eguillette  de  soye  a  chacun  des  chets  et 
chevaliers  le  jour  qu'il  abbatu  l'oyseau. 

Et  s'il  est  obligé  de  fournir  un  autre  oyseau  pour  l'année  suivante 
et  le  faire  dresser  a  acs  despens,  sera  led.  oyseau  égal  a  celuy  qui 
dernier  aura  esté  tiré  ;  a  cette  fin  sera  représenté  au  procureur  sin- 

I  ,  La  secouile  tête  de  !a  Peutecùle  esl  le  luudi  de  la  l'cutt-côlc,  le  dimanulie 
suivaut  esl  la  fêle  de  la  yaiulc  Triiiilé. 


OÏA       ■  ma  AR',!U1ÎI5US1ERS    DE.UETIiEL 

die,  et  ou  il  b'y  crouvcroit  du  Lhaiigement  ou  inégalité  ou  fera  sou 
rapport  eu  la  compagnie,  en  la  présence  des  chefs,  pour  en  estre 
ordonné. 

Du   DAUPHIN   ET   DE    SES   DROITS. 

Le  dauphin  sera  réputé  estre  celuy  qui  aura  fait  le  plus  beau  coup 
de  la  première  allée  en  l'assemblée  desd.  chevaliers  aud.  j.>rdiii,  led. 
jour  de  dimanche  après  la  Pentecoste. 

Quy  emportera  l'escharpe  que  le  roy  présente,  sera  daufîn  pour 
pour  toute  Tannée,  et  comme  tel  respecté  pour  commander  en  l'ab- 
sence des  chefs  et  du  roy. 

Sera  tenu  bailler  un  joyau  vallant  trois  livres  au  moins,  pour 
estre  tiré  entre  les  chevaliers  le  dimanche  suivant  '. 

Advenant  le  deced  du  roy,  le  dauphin  jouira  de  ses  exemptions  et 
privilèges  pour  le  temps  qui  restera  de  l'année,  ce  que  messieurs 
les  eschevins  seront  supliez  d'agréer  ;  en  ce  cas  le  dauphin  fournira 
l'oyseau  ainsy  et  tel  que  le  roy  estait  tenu,  les  héritiers  duquel 
représenteront  la  couronne  et  l'oiseau  dernier  abattu  le  dernier  jour 
de  feste  de  Pentecoste  du  matin,  pour  a  1  instant  led.  oyseau  estre 
veu  estre  rendu;  jouiront  neaiirmoins  les  veuve  et  héritiers  dud. 
wy  deffunct  desd.  cent  sols  et  de  plus  s'il  est  obtenu. 

Des  connestables  et  de  leur  devoir. 

Seront  esleus  pour  connestables  deux  chevaliers  dud.  jardin  qui 
feront  cette  charge  pendant  une  année  seulement,  laquelle  com- 
mencera le  dimanche  précèdent  led.  jour  de  Pentecoste  et  finira  a 
pareil  temp^,  sans  pouvoir  en  espérer  aucuns  gaiges  ny  autres  pri- 
vilèges que  de  l'exemption  du  disner  du  jour  de  S'-Laurc;it  -  et  du 
soupper  du  jour  de  l'oiseau'. 

Se  (fva  lad.  eslection  led.  jour  par  trois  chevaliers  qui  seront  à 
cet  efTect  choisis  et  nommez,  par  les  chefs  pour  ce  assemblez  aud. 
jardin  et  la  Compngnie  y  conviée  le  jour  précèdent. 

le  devoir  desquels  connestables  est  d'avoir  l'œil  a  ce  que  les 
réparations  qui  seront  a  faire  es  bastimens  dud.  jardin  soient  faits 
en  temps  et  lieu,  renouveller  les  baux  d'iceux,  prendre  bonne  et  suf- 
iisaïue  caution  et  en  lespondre,  recevoir  les  louages  et  en  bailler 
quittance,  faire  faire  les  poursuittes  necessiiires  pour  quelque 
matière  et  affaire  que  ce  soit,  a  la  requeste  du  procureur  siiidic. 

Bailler  ordre  aux  luminaires,  torches  et  services  de  l'église  et  eon- 

1 .  Le  Joiau  étail  l'objet  d'arl  acquis  pour  être  remis  ou  vuiiujueur.  C'é'.ail 
géuéralemeiit  une  pièce  d'arp;enleiie. 

2.  La  lôle  de  Saint  Laureul  se  célèbre  le  10  uuùl  ;  tUe  e'iait  encore  cbô- 
uiée  dans  le  diocèse  de  R'ïims  au  xviiic  siècle.  Ou  vtna  plus  bnn  qu'elle  était 
la  lète  palroualc  des  arquebusiers  de  Keihel. 

'•i.   Le   jour  de  l'oiseau  clail  le   Dimanche    dans   TiKtave  de    l'Ascension. 
Le  lir  avait  lieu  ce  jour-là  sur  un  oiseau  vivant  li.'ié  au-dessus  de  la  porte 
'Sainl-Nicolas. 


LES  ARQUEBUSIURS  DE  UKTHKL  575 

taiiter  le  prostré  de  ^a  rétribution  ordinaire  pour  les  messes  qu'il 
dira  au  nom  desd.  chevaliers. 

Recevront  les  droits  d'entrée  et  sorties,  amandes  et  autres  emo- 
lumens  qui  surviendront  pendant  l'année  de  leur  administration  et 
autre  pouvoir,  pojr  quelque  prétexte  que  ce  soit,  recevoir  ce  qui 
seroit  deub  du  temps  de  leurs  devanciers  ou  successeurs. 

Et  comme  le  jour  de  la  S'-Laurent  est  une  feste  de  patron  très 
sDlennelle  pour  la  Compagnie  des  chevaliers,  on  sera  soigneux  de  se 
trouver  tous  a  la  grande  messe,  laissant  leurs  armes  a  la  porte  de 
l'église.  Et  ensuicte  ils  iront  au  jardin  ou  l'on  tirera  un  prix 
extraordinaire  quy  sera  achepté,  tant  de  quinze  livres  de  soixante 
(sic)  que  monseigneur  le  duc  de  Mazarin  leur  veut  bien  donner, 
tant  que  la  Compagnie  subsistera  et  qu'elle  accomplira  ses  statuts,  e: 
a  quoy  il  oblige  pjreillement  ses  successeurs  a  tousiours,  et  de 
quinze  sols  que  chaque  officier  et  chevalier  contribuera  libe- 
rallement  '  ;  lesquelles  sommes  seront  emploiées  a  Fachap  de  trois 
prix  qui  tomberont  dans  le  partage  de  ceux  qui  auront  tirer  le  plus 
près  de  la  broche,  après  quoy  chacun  ira  disncr  chez  soy  sans  s'as- 
sembler janiais  a  cette  fin  et  pour  une  telle  occasion,  et  ceux  qui 
auroiTt  fait  leur  dévotion  ne  tireront  point,  mais  contribueront  au 
prix  sur  la  proportion  susd.  ;  et  tous  ceux  qui  auront  tirez  (sic)  en 
estât  d'assister  a  la  messe  la  matin,  iront  Taprès  disner  a  vespres 
sans  y  manquer  -, 

N'entreprendront  aucun  nouvel  œuve  sans  l'advis  et  conclusion 
du  conseil  ou  de  la  Compagnie  sy  l'affaire  le  requiert. 

Quinze  jours  au  plus  tard  après  leur  sortie  rendront  compte  bon 
et  fidel  des  deniers  qu'ils  auront  reccus  pendant  l'année  de  leur 
administration  par  devant  les  chets  et  gens  du  cons:il. 

.Mettront  le  bon,  sy  aucun  y  a  es  mains,  de  leurs  successeurs, 
sinon  paier  ou  il  leur  sera  deub,  ou  sera  ad  visé  par  le  c.nseil  de  les 
emploier. 

Touttes  assemblées  et  convocation  se  teront  a  la  diligence  des 
connestables,  maistres  dud.  jardin,  quy  ordonneront  au  vallet  de 
lad.  Compagnie  d'advertir  les  chefs  et  clievaliers  d'icellede  s'y  trou- 
ver a  tel  jour  et  heure  qu'il  sera  ad  visé  pour  délibérer  des  affaires 
qui  s'offriront. 

Tiendront  les  locataires  des  maisons  dud.  jardin  en  deffence,  par 
les  baux  qu'ils  leur  en  passeront,  de  permettre  l'entrée  d'iceluy 
a  autres  qu'aux  chevaliers  pour  y  jouer  aux  quilles,  bouUes  ou  autres 

1.  Il  iaut,  peiisons-nou>,  ealendre  ainsi  cntle  phrase  :  le  prix  sera  pa\-é 
tant  par  15  livres  du  duc  que  par  l'apport  de  15  sels  par  chaque  ollicier  et 
chevalier.  Le  duc  avait  allocté  60  livres  à  la  l'ête  de  Saint  Laurent,  sur  les- 
quels quinze  étaient  prélevées  pour  le  prix. 

2.  Ou  dispensait  de  tirer  ceux  qi)i  s'éiaienl  approchés  des  sacrements,  le 
malin,  mais  ils  devaient  participer  aux  Irais  du  iirix.  Tous  les  chevaliers 
devaient  assister  à  la  ûiesfe  cl  aux  vôpres. 


576  LES    ARQUEBUSIERS    DE    RhTHEL 

jeux  a  quelque  ;our  et  heure  que  ce  soit,  n'estant  led.  lardiii  destiné 
que  pour  1  exercice  des  armes. 

Payeront  a  chascun  des  tambours  et  titres  qu.arente  sols,  et  quatre 
livres  pour  led.  vallet  par  chacun  an  par  torme  de  gaiges  et  sans 
tirer  ea  conséquence. 

Mettront  fin  de  leur  année  é^  mains  du  sindic  les  baux  a  louage 
desd.  maisons  pour  en  ayder  leurs  successeurs  quant  ils  en  auront 
besoin. 

Du   PROCUREUR   SINDIC. 

le  procureur  sindic  de  la  Compagnie  desdits  chevaliers  sera  eleu 
par  le  conseil  d'icelle. 

Se  trouvera  en  toutes  assemblées  dudit  jardin  pour  y  proposer  ce 
dont  il  aura  cliarge  selon  l'occurrence. 

Baillera  advis  aux  chets  de  ce  qu'il  apprendra  a  l'avantage  ou 
desavantage  de  la  Compagnie  affin  d'y  estre  pourveu. 

Fera  toutes  poursuittes  nécessaires  tant  dehors  que  dedans  ledit 
jardin  pour  le  bien  et  avancement  d'iceluy,  punitions  des  contra- 
ventions aux  présentes,  et  generallement  tout  ce  qui  est  attribuez  a 
telles  charges,  après  toutes  fois  en  avoir  pris  advis  de  l'un  des  chets 
et,  en  leur  absence,  de  deux  dud.  conseil. 

Et  ou  il  conviendroit  tirer  quelques  deniers  pour  les  poursuittes 
nécessaires,  il  luy  en  sera  toiirny  par  lesd.  conneuables  sur  le 
mandement  qui  leur  en  sera  pour  ce  expédié. 

Sera  faite  élection  ou  continuation  dud.  sindic  de  trois  ans  e;i 
trois  ans,  led,  jour  de  dimanche,  par  lesd.  chets  e:  gens  du  conseil, 
ainsy  qu'il  sera  trouvé  a  propos. 

Mettra  es  mains  de  son  successeur  a  l'instant  de  son  élection  les 
papiers  de  la  Compagnie  dont  luy  sera  donné  descharge  par  sond. 
successeur. 

Du   GREFFIER   ET   DE   SON   DEVOIR, 

Sera  pareillement  estably  un  greffier  et  continué  de  trois  ans  e;i 
trois  ans,  sy  ainsy  est  advisé. 

Se  trouvera  en  toutes  assemblées  du  conseil  pour  escrire  et  tenir 
registre  de  toutes  les  resolutions  qui  y  seront  prises  poiir  le  bien 
dud.  jardin  dont  il  fera  soigneuse  garde. 

Aura  soin  avec  ied.  procureur  sindic  d'escrire  et  taire  registrer  les 
noms  de  tous  les  anciens  chevaliers,  des  nouveaux  qui  se  présente- 
ront et  seront  reccuz  auxquels  il  fera  signer  l'acte  de  leur  réception, 
et  de  ceux  qui  decedderont  ou  se  retireront. 

Lequel  registre  sera  représenté  d'année  en  aniicj  le  jour  du 
dimanche  d'après  la  Pentecoste,  pour  par  ce  moien  reconoistre  au 
vray  le  nombre  desd.  chevaliers. 

Eu   SERGUNT. 
La  Compagnie  sera  aussy  composée  d'un  sergent  lequel  sera  pour- 
veu a  cette  charge  par  es'ection  en  la  m.Tnicre  que  dessus  e^t  dit. 


LES    AHOt'fiBUSIERS   DE    RETHEL  577 

Se  trouvera  ei;  toutes  assemblées  desd.  chevaliers  pour  y  exercer  les 
fonctions  de  sa  charge  ainsy  qu'il  sera  dit  cy  après  article  (un.  hUnc). 

Luy  sera  baillé  un  desd.  chevaliers  pour  ayJer,  sy  besoin  est,  et 
est  ainsi  advisc  par  les  chets  et  conseil,  et  jouira  de  pareil  rang  et 
exemption  que  ledit  sergent  excepté  qu'il  n'aura  aucun  commande- 
ment et  ne  s'attribuera  la  qualité  de  sergent  qu'en  l'absence  dud. 
sergent. 

Du  PREVOST  DES  a:mandes. 

A  esté  auisy  arresté  d'establir  un  prevost  pour  recevoir  les 
amandes  des  contraventions  aux  présentes  ;  lesquelles  amandes  se 
publieront  tous  les  ans,  et  s'adjugeront  led.  j  3ur  de  dimanche 
d'après  la  Pentecoste  en  l'assemblée  des  chevaliers  aux  plus  offrant 
et  dernier  enchérisseur. 

Les  connestables  assisteront  led.  prevost  en  la  perception  et 
recherche  des  amandes^,  et  le  prevost  absent  aura  le  soin  de  laisser 
une  boefe  es  mains  desd.  connestables  pour  recevoir  lesd.  amandes 
et  luy  estre  rendue  fîdelleraent. 

RÈGLEMENT  POUR   LA   IlECEPTION   DES   CHEVALIERS. 

Nul  ne  sera  receu  au  nombre  desd.  chevaliers  s'i'  n'est  de  la  reli- 
gion catolique,  apostolique  et  romaine,  de  bonne  vie  et  conversa- 
tion, tel  certiffié  par  deux  desd.  chets  ou  par  dix  ou  douze  cheva- 
liers pour  ce  assemble/,  aud.  jardin. 

Celuy  qui  se  présentera  pour  estre  receu  s'adressera  au  capitaine 
en  chef,  s'il  est  a  la  ville,  sinon  de  degré  en  degré,  au  lieutenant, 
enseigne,  au  roy,  dauphin,  connestable  ou  sergent,  luy  fera 
entendre  son  intention,  et  prendra  jour  de  luy  pour  se  trouver  au 
jardin  ou  ailleurs,  la  Compagnie  y  estant  assemblée,  et  non  autre- 
ment, et  la  y  prester  le  serment  avec  les  solcmnitées  requises. 

S'il  est  arresté  de  le  recevoir,  il  irera  le  serment  et  promesse  sur 
le  tust  d'une  arquebuze,  en  la  présence  desd.  chevaliers^  de  i.e 
prendre  les  armes  pour  en  mal  user,  mais  pour  la  conservation 
et  deffences  de  cette  ville  de  Mazarin,  s^ubz  l'autorité  du  roy  et  de 
monseigneur  le  duc  de  iMazarini,  respecter  les  chets  et  chevaliers 
dndit  jardin,  obéir  auxd.  chefs  et  exécuter  leur  commandemenr, 
tant  pour  le  service  du  roy  que  de  mond.  seigneur,  garde  et  tuition 
de  cette  ville,  manutention  de  la  police  et  de  Texcrcice  dud.  jardin, 
et  observation  des  ordres  d'iceluy  ;  a  cette  fin  se  trouver  prompte- 
mcnt  ou  lieux  et  places  qui  luy  seront  ordonne  sur  les  peines  cy 
après  déclarées. 

Paiera  comptant  pour  son  droit  d'entrée  es  mains  desd.  connes- 
tables, la  somme  de  cent  sols  pour  l'entretenement  des  bastimens 
dud.  jardin,  outre  deux  sols  a  chacun  desd.  tambours,  phitre 
et  valet,  et  cinq  sols  a  eux  mesme  la  première  fois  qu'il  rompera  le 
noir,  et  cent  sols  pour  la  sortie. 

Celuy    d'entre    les   cnp.taincs   et   chevaliers   qui   se    mariera,   ou 

:j7 


b78  LES  ARQUEBUSIERS  DE  RETHEL 

ses  enfans  dedans  ou  hors  la  ville,  paiera,  scavoir  :  le  capitaine  ou 
chef,  quinze  livres,  le  lieutenant,  douze  et  l'enseigne,  dix  livres  es 
mains  desd.  connestables  pour  estre  emploiez  en  resjouissances 
entre  lesd.  chevaliers  le  jour  des  espousaiiles,  sy  mieux  lesd.  chefs 
n'aiment  envoier  honnestement  vin  et  viandes  de  la  nopces  au  lieu 
ou  ils  auront  advis  que  la  Compagnie  sera  assemblée  pour  se  resjouir 
led.  jour.  Et  affin  que  lesd.  chefs  ne  soient  frustrez  de  l'honneur 
que  la  Compagnie  ^'eut  leur  rendre  en  cette  occasion,  lesd.  chevaliers 
conduits  par  Tun  des  chefs  soubz  leur  enseigne,  accompagneront 
avec  armes  les  mariez  tant  en  allant  qu'au  retour  de  l'église 
en  habits  honnestes. 

Règlement  pour  tirer  a  la  butte 

Chacun  chevalier  aura  arquebuse  a  luy  appartenant  et  n'en  pourra 
emprunter  d'autre  pour  en  tirer,  sur  peine  de  nullité  du  coup  et  des 
deux  sols  six  deniers  damande. 

Ou  toutes  fois  il  se  reconetra  qu'en  tirant  le  rouet  aura  esté 
rompu,  ou  qu'il  y  ait  quelque  desordre  a  l'arquebuze  de  nouveau 
survenu  qui  empeschast  s'en  pouvoir  servir^  en  ce  cas  et  estant 
l'empeschement  jugé  légitime  en  affirmant  par  celuy  a  quy  l'arque- 
buze appartient  qu'elle  estoit  en  bonne  estât  pour  tirer  lorsqu'il  est 
entré  au  jardin,  luy  sera  permis  d'en  prendre  une  de  ses  com- 
pagnons et  s'en  servir  pour  cette  fois. 

Ceux  qui  voudront  tirer  a  la  butte  soie  au  dauphin,  joiau, 
planches  ou  partie,  ne  pourront  s'aider  d'arquebuze  marmottée 
vicié  (?)  ou  rayée,  seront  receu  a  tirer  avec  harquebuze  de  guerre 
a  rouet  ou  a  mesche^  de  la  qualité  de  celles  qui  sont  receues  et 
approuvées  au  jeu  de  prix^  et  non  autre,  sur  peine  de  nullité 
du  coup. 

Touttes  parties  faites  a  jet  de  verges  ou  autrement  tiendront 
ainsy  qu'elles  escherront,  et  le  refusant  sera  tenus  pour  tout  ce  qu'il 
jouera,  tant  pour  luy  que  ses  comjfagnons,  tout  ainsy  que  s'il  avoic 
perdu  la  partie. 

Est  defTendu  à  tout  chevalier  de  tirer  acco.idez,  ny  de  s'appuyer 
aucunement,  ains  a  bras  estendu  et  ouvert,  en  peine  de  nullité  du 
coup. 

Est  pareillenîeiit  defTendu  a  tous  chevalier  de  tirer  avec  deux 
balles  ramées  ',  sur  peine  de  trente  sols  d'amende  pour  la  première 
tois,  de  soixante  quatre  sols  pour  la  seconde,  de  bannissement  dud. 
jardin  pour  la  troisième  fois  qu'ils  y  auront  contrevenu,  avec  con- 
fiscation des  armes  comme  indignes  et  incap.Tbles  d'un  sy  honneste 
exercice. 

Et  les  coups  ainsy  tirez  seront  nuls. 

Nul  ne  sera  receu  a  tirer  a  l'oyseau,  pour  le  daufin  ny  joiau,  qu'il 

1.  Ou  appelle  balles  ramées,  deux  ou  trois  balles  cnlilées  daus  uue 
aiguille  de  1er.  Diclionnaire  de  Trévoux,  slu  mot  Ramé. 


LES    ARQUEBUSIERS    DE  JRETHEL  570 

n'ait  au  préalable  preste  le  seimeiic  et  paie  les  droits  d'cutrée  tels 
que  dessus  art  56,  ou  que  les  connestables  ayant  déclarez  s'en  con- 
tenter et  dont  ils  respondroiit  en  leurs  noms  a  lad.  compagnie. 

Sy  deux  coups  se  rencontrent  aussy  près  de  la  broche  l'un  que 
l'autre,  celuy  qui  sera  dessus  emportera  le  dessous,  ec  celuy  du 
costé  dextre  emportera  le  senestre. 

Sy  deux  coups  se  rencontrent  en  un,  le  joiau  se  panira  égallc- 
ment. 

Et  sy  c'est  en  partie,  et  qu'il  soit  tiré  de  deux  contraire,  le  coup 
demeurera  nul  et  sera  recommencé  entre  les  deux  qui  les  auront 
tirez  seulement. 

Ceux  qui  auront  arquebiize  a  rouet  les  banderont  au  lieu  accous- 
tumé,  et  ceux  qui  auront  harquebuzs  a  mesche  laisseront  leur 
mesche  sur  la  table  sans  la  porter  par  la  salle  du  jardin  pour  éviter 
accident,  sur  peine,  en  cas  de  contravention,  de  douze  deniers 
d'amande  '. 

'^uy  tirera  a  la  butte  sera  tenu  avant  qu'abattre  le  cocq  et  cou- 
cher en  jolie,  adviser  s'il  n'y  a  personne,  et  crier  hautement  par 
trois  fois  «  Allez  hors  i  ou  «  Gard  )>  et  attendre  que  le  vallet  ay 
tait  le  signal,  en  peine  de  deux  so!s  d'amande. 

Quy  couchera  en  joue  droit  a  la  butte  sans  avoir  bandé  ou  abattu 
le  cocq  de  son  arquebuze,  doit  pour  l'amande  douze  deniers. 

Sy  l'arquebuze  d'aucun  taille  trois  tois  continuellement,  son  coup 
sera  perdu,  le  coup  ne  sera  réputé  perdu  sy  l'arquebuze  vient 
a  tirer  avant  qu'avoir  couché  en  joiie^.  ou  après  que  le  chevalier  se 
retirant  est  hors  de  couche  ;  partant  pourra  recommencer^  neant- 
moins  tel  coup  sera  tenu  pour  une  faute. 

Lors  que  l'on  tirera  un  joiau  ou  partie,  il  ne  sera  permis  a  aucun 
de  tirer  pour  néant  entre  les  coups  de  ceux  des  parties  sans  leur 
permission,  en  peine  de  douze  deniers  d'amande. 

Deflences  sont  faite?  a  tous  chevaliers  d'aller  voir  a  la  butte,  soit 
pour  mesurer  coup  ou  autrement,  sans  la  permission  du  capitaine, 
ou  en  son  absence  de  celuy  qui  aura  commandement,  sur  peine  de 
douze  deniers  d'amande  ;  a  cette  fin  les  portes  de  la  gallerie  seront 
tenues  fermées. 

Et  s'il  arrive  quelque  ditficulté  entre  ceux  qui  auront  tiré,  pour 
l'égalité  des  coups,  celuy  qui  commandera  députera  deux  chevalieis 
pour  aller  visiter  lesd.  coups,  les  mesurer,  rapporter,  et  juger  ;  ."lU 
rapport  desquels  l'on  sera  tenu  s'arrester,  sans  estrc  licite  a  ceux  qui 
auront  interest  d'aller  visiter  la  butte  pour  y  contredire;  pourront 
ueantmoins  commettre  pour  empescher  qu'il  leur  [soit,  tait  aucun 
tort. 

Pareilles  defTences  sont  faites    de    tirer   aud.    jardin,  soit  pour 

I  .  Il  y  avait  encore,  en  1G64,  emploi  simultaué  drs  deux  sortes  d'dr(|ae- 
Luscs,  ce  qui  est  à  noter  pour  l'histoire  des  armes  à  feu. 


580  LES    ARQUEBUSIERS   DE    RETHEL 

esventer  l'arquebuse  ou  autrement^  pendant  que  Ton  tirera  au  joiau 
ou  a  partie,  sur  peine  de  douze  deniers  d'amande. 

Quiconque  tirera  a  la  butte  ou  planche  lorsqu'elle  sera  préparé 
pour  le  joiau,  auparavant  qu'il  soit  gagné,  est  amandable  de  deux 
sols  six  deniers. 

Sont  aussy  fait  defTences  a  tous  chevaliers,  de  ;ou;r  dans  la  galle- 
ne  dud.  jardii,  ny  derrier  le  tambour,  a  quelconque  jeu  que  ce  soit 
sur  peine  de  douze  deniers  d'amande. 

Et  affin  que  les  chevaliers  soient  incitez  davantage  de  se  trouver 
au  jardin  et  s'exercer  a  tirer,  est  ordonné  aux  connestables  de  bailler 
un  joiau  de  trente  sols  pour  estre  tiré  tous  les  seconds  dimanches 
des  mois,  a  commencer  du  premier  dimanche  d'après  Pasques  et 
finir  le  dimanche  précédant  la  Toussaint  inclusivement,  sauf  s'il  y 
escheoit  une  feste  solennelle  led.  jour  de  dimanche,  de  remettre  la 
partie  a  la  huitaine  suivante,  et  on  aJjoutera  a  cette  coutume  une 
pièce  de  trois  sols  six  deniers  chaque  fois,  et  ce,  pendant  deux 
dimanches  du  mois,  a  quoy  les  chevaliers  contribueront  gayement 
ce  qui  sera  emploie  ou  en  vaisselle,  ou  en  arme,  ou  en  parure,  a 
la  pluralité  des  voix. 

Sera  commencé  a  tirer  pour  tels  joiaux,  à  une  heure  précisément 
sans  plus  attendre,  sauf  sy  avant  le  joiui  délivré,  il  arrivoit  quelque 
chevalier  qui  voulut  tirer,  de  s'y  admettre. 

Sy  quelque  joiau  de  mérite  est  présenté  pendant  l'année,  il  sera 
tiré  sur  une  planche  qui  aura  un  pied  de  roy  en  carré,  dans  laquelle 
sera  tiré  un  rond  a  piendre  au  milieu  jusques  a  l'extrémité  de  la 
largeur,  la  ligne  duquel  doit  estre  entièrement  franche  pour  estre 
le  coup  valable  ;  et  sera  dressé  le  plus  justement  que  faire  se  pourra 
au  droit  du  noir  de  la  butte. 

Sera  a  ceUiy  qui  baillera  le  joiau  de  le  faire  tirer  par  l'advis 
neantmoins  des  chefs  en  une,  deux  ou  trois  allées;  etceluy  qui  fera 
le  meilleur  coup  pendant  icelles,  aura  la  planche  avec  le  joiau  tel 
qu'il  se  présentera,  soit  de  la  première,  seconde  ou  troisième  allée. 

S'il  y  a  trois  joiaux  pour  tirer  a  la  planche,  celuy  qui  fera  le  plus 
beau  coup  de  la  première  allée  aura  le  premier  joiau  a  son  choix,  le 
meilleur  de  la  seconde  allée  le  second  joiau,  et  le  plus  près  de  la 
troisième  allée  l'autre  joiau  ;  et  le  plus  beau  des  trois  coups  aura  la 
planche  outre  son  joiau. 

Sy  en  la  première  allée  il  n  y  avoit  aucun  coup  dans  la  planche, 
il  y  aura  deux  joiaux  pour  la  seconde,  sy  en  lad.  seconde  il  n'y  a 
qu'un  coup,  celuy  qui  l'aura  tiré  aura  le  premier  joiau  ;  s'il  n'y  en 
a  point,  tous  les  joiaux  seront  remis  a  la  troisième  allée. 

Sy  en  toutes  les  allées  il  n'y  a  qu'un  coup  dans  la  planche,  il  n'y  a 
qu'un  joiau  de  gagné,  sy  deux,  deux,  sy  trois,  tout  sera  enlevé. 

Mais  quand  bien  il  n'y  auroit  qu''un  coup  dans  lad.  planche,  elle 
sera  délivré  a  celuy  qui  l'aura  tiré,  et  aura  le  premier  joiau. 

I  es  deux  autres  demeureront  au  proffit  du  jardin,  sy  (autrement 


LES    ARQUEBUSIERS   DE    RETHEL  581 

celuy  qui  l'aura  présenté  n'ait  requis   les  chefs  d'en  estre  disposé 
avant  que  tirer, 

Celuy  qui  aura  gagné  la  planche  sera  tenu  d'en  faire  une  autre  a 
ses  despens,  et  la  tenir  prest  pour  la  première  occasion. 

REGLEMENT   POUR  LE  JOUR  DE    L'oYSEAU. 

Le  dimanche  d'après  l'Ascension  de  chacune  année,  sera  tiré  l'oi- 
seau, et  paie  cinq  solz  a  celuy  qui  le  montera  et  descendera. 

Le  jour  précèdent  sera  fait  semonce  générale  a  cette  fin,  et  le 
lendemain  lesd.  chevaliers  se  trouveront  en  armes  et  habits  descenz 
et  honnestes  ou  lieux  cy  après  déclarez,  sur  peine  contre  les  des- 
faillans  de  cinq  sols  d'amande,  s'il  n'y  a  excuse  légitime  qui  sera 
jugée  telle  sur  le  champ. 

Et  pour  y  observer  l'ordre  de  la  bienséance,  lesd.  chevaliers  s'as- 
sembleront du  matin  soubz  la  halle  haute  dudit  Mazarin.  le  ser- 
gent prendra  les  connestables,  et  avec  ce  qu'ils  trouveront  de  che- 
valiers s'achemineront  au  logis  du  lieutenant,  puis  a  celuy  de 
l'enseigne  qui  se  tiendra  prest  au  premier  coup  de  tambour  affin  de 
n'apporter  aucun  retardement,  de  la  a  celuy  du  roy,  pour,  toute 
compagnie  ainsy  assemblée  avec  l'espéa  au  costé,  marcher  eu  bon 
ordre  et  venir  prendre  le  capitaine  en  chef  en  son  logis  pour  aller 
a  l'église  ou'ir  la  messe,  et  de  là,  retourner  au  logis  dud.  capitaine 
ou  au  jardin,  ainsy  qu'il  sera  advisé. 

Tous  les  chevaliers  seront  tenus  porter  led.  jour  l'arquebuze,  et 
accompagner  leur  chef  en  allant  et  retournant  de  tirer  l'oiseau. 

De  laquelle  neantmoins  seront  exempt  les  sexagénaires,  malades, 
et  les  absents  d'une  absence  non  affectée. 

Chacun  chevalier  soit  qu'il  tire  l'oiseau,  ou  non,  sera  tenu  le  jour 
que  l'on  le  tirera,  porter  et  délivrer  es  mains  desd.  connestables  le 
soldent  est  fait  mention  en  l'article ',  dont  iceux  connes- 
tables demeureront  responsables  au  roy.  Et  nul  ne  sera  receu  a  tirer 
aud.  oyseau  ny  au  joiau  que  le  roy  présente  le  dimanche  subsé- 
quent, qu'il  n'ait  paie  led.  sol  ledit  jour  de  l'oiseau. 

Comme  en  pareil  (sic'^^  nul  ne  sera  receu  a  tirer  ny  pour  joiaux 
quels  qu'ils  soient,  qu'il  n'ayt  preste  le  serment  et  acquitté  les  droits 
d'entrée  cy  devant  déclaré  art.  (ari  blanc  . 

Pour  esviter  la  contusion  qui  pourroit  arriver  a  tirer  l'oiseau, 
seront  les  baguettes  des  arquebuzes  desd.  chevaliers  jettées  par  !e 
vallet  dud.  jardin,  et  ne  pourront  estre  levées  qu'avec  le  marq  du 
nombre  et  ordre  qu'elles  auront  esté  trouvées,  lequel  nombre  sera, 
escrit  sur  le  chapeau  ou  autre  lieu  eminent  de  l'habit  de  chacun 
chevalier  affin  d'estre  appelle,  suivant  iceluy. 

Chacun  s'apprestera  de  bonne  heure  pour  tirer  a  son  tour,  avant 
lequel  sont  faites  deflenses  de  tirer  sur  peine  de  deux  sols  six 
deniers  d'amande  et  de  nullité  du  coup  ;  sy  toutesfois  pour  certaines 

1 .    Ici  un  blanc,  les  articles  n'étant  pas  numérotés. 


L)82  LES   ARQUEBUSIERS   DE   RETHEL 

raisons  il  ne  luy  est  permis  d'avancer  son  ordre  par  le  chef  qui 
commandera. 

L'oyseau  estant  dressé  sur  la  porte  S'-Nicolas',  lieu  ordonné  a  ce 
destiné^  sera  faite  publication  a  son  de  tambour  et  deffenses  a  haute 
voix,  que  nul  ne  tire  que  du  lieu  préparé  pour  se  (sic)  faire  avec  une 
seule  balle  non  ramée,  et  sans  estre  accoudé  sur  peine  de  nullité  du 
coup. 

Sy  aucun  est  convaincu  d'avoir  tiré  de  deux  balles  ou  de  balles 
ramées  sur  led.  oyseau^  sera  exclu  dudit  jardin  comme  indigne  dud. 
exercice,  payera  en  outre  trois  livres  d'amande  avec  confiscation  de 
ses  armes. 

Les  arquebuziers,  pour  tirer  a  T'oiseau,  seront  de  la  qualité  de 
celle  dont  est  faite  mention  en  l'article  (un  blanc)^  sur  les  peines  y 
contenues.  Qui  fera  abaisser  l'oyseau,  et  ne  se  trouvera  avoir  esté 
frappé,  sera  amandable  de  cini  sols  qu'il  paiera  comptant. 

Quy  frappera  l'oiseau  d'un  coup  mortel  sera  tenu  et  réputé  pour 
le  roy  sans  qu'il  soit  besoin  d'abbatre  tout  le  corps  dud.  oyseau. 

Le  roy  recevra  pour  marque  d'honneur  une  médaille  vallant 
douze  livres,  où  le  portrait  du  Roy,  nostre  maistre,  sera  représenté, 
dont  le  procureur  sindic  aura  soin  de  faire  provision  tous  les  ans*,  et 
le  chef  de  la  compagnie  l'attachera  avec  un  ruban  bleu  au  justau- 
corps du  roy  de  l'oyseau. 

Sera  conduit  ledit  jour  en  son  logis  avec  toute  la  compagnie, 
tambour  battant  et  l'enseigne  desployée,  le  saluant  laditte  compa- 
gnie avec  les  armes,  dont  on  panchera  la  bouche  contre  terre 
eu  passant  devant  luy. 

Les  chefs  seront  exclus  de  tirer  a  l'oyseau  comme  aussy  aux 
joyaux,  lesquels  ils  laisseront  franchement  ausd.  chevaliers.  Pour- 
ront neantmoins  tirer  par  honneur  pour  gagner  la  planche,  et  l'em- 
porter sur  lesd,  chevaliers  s'ils  Iront  le  meilleur  coup. 

Règlement  pour  le  jour  de  la  S^- Laurent. 

Deux  fois  l'année,  se  fera  assemblée  generalle  au  son  du  tambour 
soubz  le  bon  plaisir  de  monseigneur,  scavoir,  la  première  teste  de 
Pentecoste,  pour  assister  a  la  messe  qui  se  célébrera  sur  les 
sept  heures  du  matin  au  grand  autel  de  l'église  paroissialle,  au  nom 
desd.  chevaliers;  et  l'autre  le  jour  de  la  teste  de  S*- Laurent,  patron 
de  lad.  compagnie,  et  encores  tous  autres  jours  d'assemblée  en 
peine  de  douze  sols  parisis  d'amande  contre  les  contrevenans. 

La  veille  duquel  jour,  les  chevaliers  s'assembleront  comme  des- 
sus art.  (un  blanc}  pour  aller  a  vespres,  et  icelles  achevées,  retourner 
au  jardin,  sy  ainsy  est  advisé  par  le  chef  qui  conduira  la  compagnie, 
sinon  reconduire  les  chefs  ainsy  qu'ils  auront  esté  pris,  sur  peine 
contre  les  destaillans  de  pareille  peine  de  douze  sols  parisis. 

1.  La  porte  Sainl-Nicolas  se  trouvait  au  nord  de  la  ville,  près  du  cime- 
tière actuel,  et  par  conséquent  uon  loin  de  l'ancien  jardiu  des  archers. 


LES   ARQUEBUSIERS   DE    RETHEL  hS'^ 

Le  jour  de  lad.  feste  tous  les  chevaliers  feront  leur  devoir  de  se 
trouver  de  mesme  en  habits  descents  et  honnestes  avec  leurs  espces 
et  armes  pour  assister  a  la  messe,  et  de  là,  retourner  au  jardin  pour 
y  tirer  un  prix  extraordinaire,  seulement  et  sans  aucune  boisson  ;  et 
y  sera  emploie  six  livres  du  fond  de  la  compagnie  sans  compter  la 
contribution  volontaire  des  chevaliers. 

.  Tous  les  clievaiiers,  les  jours  de  l'oiseau  et  de  S"-Laurent,  iront 
en  ordre  selon  leur  réception,  sans  que,  soubz  quelque  prétexte  que 
ce  soit,  il  soit  licite  au  dernier  receu  de  devancer  son  plus  ancien, 
sy  autrement  pour  une  bienséance  et  selon  les  occurcnces  il  n'est 
advisé  par  les  chefs. 

Les  malades  et  sexagénaires  seront  dispensez  de  h  peine  susd.,et 
ceux  qui  auront  congé  par  escrit  de  leurs  ofliciers. 

Sont  lesd.  chevaliers  admonestez  de  paier  librement  et  a  la  pre- 
mière demande  que  les  connestables  leur  en  feront  leur  part  person- 
nelle de  toutes  les  amandes  cy  dessus  speciffiées,  et  a  faute  d'y  satis- 
faire dans  la  huitaine,  ils  payeront  le  double  suivant  la  délibération 
du  conseil  ;  et  pour  trois  désobéissances  l'on  sera  exclus  de  la  com- 
pagnie. 

Règlement  pour  les  amandes  outre  celles  cy  dessus. 

Quiconques  jurera  le  saint  nom  de  Dieu,  ou  commettra  autres 
blasphèmes  et  juremens  illicittes,  proferra  propos  villains  et  deshon- 
nestes,  injuriera  aucuns,  ou  fera  de  son  corps  quelque  geste  villain 
dans  led.  jardin  ou  autres  lieux  où  lesd.  chevaliers  seront  assemblez 
pour  les  alT-iires  d'iceluy,  sera  tenu  paier  sur  le  champ  cinq  sols 
d'amande  pour  chacune  fois. 

Quy  prendra  disputte  en  la  compagnie  desd.  chevaliers  aud.  jar- 
din contre  l'un  d"iceux  ou  contre  ses  armes,  est  amandab'e  de  deux 
sols  six  deniers. 

Nul  estranger  n'entrera  aud.  jarJin  pour  y  commettre  insolence, 
juremens  ou  blasphèmes,  ou  contrevenir  aux  présentes  ordon- 
nances sur  les  peines  d'icelles;  et  s'ils  y  viennent  en  la  compagnie 
de  l'un  desd.  chevaliers  qui  les  y  conduise,  il  respondra  de  l'amande 
que  led.  estranger  pourroit  encourir  pour  la  contravention. 

Quiconque  blasphémera  ou  reniera  en  disant  :  «  Je  renie  Dieu  », 
sera  puny  d'amande  et  de  bannissement  de  la  compagnie,  ainsy 
qu'il  sera  advisé  par  le  conseil. 

Desfences  sont  faites  à  tous  chevaliers  de  tirer  a  partie  ny  autre- 
ment pendant  la  prédication  ou  célébration  du  service  divin  es  jours 
de  feste  ou  dimanche,  en  peine  de  cinq  sols  d'amande. 

Sont  faites  aussy  desfences  a  tous  de  jouer  aux  quilles,  boulles  ou 
defs  dans  la  salle  dud.  jardin,  ou  autre  jeu  quelqu'il  soit,  et 
en  quelque  temps  que  ce  puisse  estre^  sur  peine  de  cinq  sols 
d'amande  contre  les  contrevenans,  s'il  est  chevalier,  du  double 
d'icelle  pour  la  seconde  fois,  et  pour  la  troisième,  d'estre  blasmé 
par  les  chefs  et  puny  suivant  qu'il  sera  advisé  par  eux  et  le  conseil  ; 


îjS'i  LES    ARQUEBUSIERS    DE    REÏHEL 

et  s'il  n'est  chevalier,  de  quinze  sols  pour  li  première  fois,  du 
double,  triple  et  quadruple  pour  autant  de  fois  qu'il  y  aura  con- 
trevenu \  au  payement  de  laquelle  il  sera  contraint  par  saisie  de  son 
chapeau  ou  manteau  qui  se  vendra  sur  le  champ  a  faute  de 
payement. 

Et  ou  les  locataires  des  maisons  y  auront  introduit  l'estranger, 
sur  lequel  n'aura  pu  estre  proceddé  par  saisie,  il  demeurera  respon- 
sable de  Tamande,  ce  qui  luy  sera  notiffié  soit  au  renouvellement 
du  bail  ou  autrement,  deuement,  en  ce  qu'il  n'en  puisse  prétendre 
causL-  d'ignorance. 

Pareilles  desfe:ices  de  tenir  par  led,  locataire  aucun  jeu  ouvert  et 
publiq  dans  led.  jardin  soit  es  allées  d'iceluy,  ou  en  la  place  de  der- 
rière le  tambour,  et  y  recevoir  estrangers  sur  les  peines  susd. 

Pourra  neantmoins  avoir  boulles  et  quilles  pour  jouer  lesd,  che- 
valiers, hors  les  heures  que  l'on  tirera  et  non  autrement. 

Sy  lesd.  chevaliers  scavent  quelques  noises  ou  disputces  entre 
aucun  d'eux,  ils  s'esforceront  a  leur  pouvoir  de  les  accorder,  et  ou 
ils  ne  les  pourront  faire,  en  advertiront  leurs  capitaines  pour 
en  ordonner  ce  qu'ils  trouveront  estre  raisonable. 

Et  après  les  commandemens  faits  par  leurs  chefs  ou  l'un  d'eux  df^ 
faire  silence  et  cesser  les  débats. l'amande  doublera  s'ils  continuent. 

Et  pour  ce,  desfences  sont  faites  a  tous  chevaliers  de  prendre 
noises,  querelles  et  débats  dans  led.  jardin,  s'injurier  ny  s'outrager 
l'un  l'autre  de  parolles,  ny  d'etTecr,  en  peine  d'amande  arbitraire  qui 
sera  jugée  par  le  conseil. 

Seront  les  présents  tenus  et  obligez  de  mettre  la  paix  et  coupper 
chemin  aux  disputtes  et  difficultés  qui  pourroient  survenir,  et  adver- 
tlr  les  chefs  des  contraventions. 

Les  chefs  entrans  dans  led.  jardin  seront  obligez  de  tirer  le  cha- 
peau et  saluer  la  compagnie,  coname  en  pareil  sont  lesd.  chevaliers 
obligez  de  ce  faire,  en  peine  de  six  deniers  pour  chaque  contra- 
vention. 

Quiconque  nommera  le  diable  ou  telle  paroUe  indescente  dans 
l'enclos  dud.  jardin,  Tamandera  de  six  deniers. 

En  dernier  lieu  on  ne  tera  jamais  de  repas  ny  beuvettes  dans  le 
jardin,  ny  on  n'en  projettera  aucune,  puisque  la  fin  que  l'on  propose 
dans  le  nouvel  establissement,  c'est  de  bannir  non  seulement 
l'ivrognerie  en  efiect,  mais  mesme  en  apparence,  et  sy  les  otficiers 
et  conseil  ne  faisoient  un  chastiment  sévère  de  ceux  qui  contre- 
viendront aux  présents  statuts.  Monseigneur  le  duc  de  Mazarin 
déclare  qu'il  revocque  la  donation  de  soixante  livres  qu'il  a  faite 
tant  a  la  compagnie  qu'aux  chevaliers  en  particulier,  pour  contri- 
buer par  les  marque,*  de  son  estime  a  ce  noble  exercice,  qui  ne 
pourra  plus  passer  pour  tel  si  tost  que  la  desbauche  ou  les  voyesqui 
y  conduisent  l'auront  entièrement  desfiguré.  Et  il  a  convié  ses  snc- 
Lesseurs  a  faire  la  mesme  chose. 


LES    ARQUEBUSIERS    DE    RETHEf.  iiSTi 

REGLEMENT   POUR  LES  ENTERREMENTS   OBSEQUES    l:T   FUNERAILLES 
DES    DESFUNCTS. 

Advenant  le  deced  de  l'un  des  cheirs  ou  chevalier,  le^  connestables 
feront  assembler  la  compagnie  pour  assister  a  son  enterrement  en 
armes  avec  renseigne,  pour  luy  rendre  le  dernier  honneur  et  prier 
Dieu  pour  son  âme,  sur  peine  contre  chacun  desfaillant  de  deux 
sols  tournois  d'amande. 

L'arquebuze  dont  le  deceddé  avoit  accoutumé  de  tirer  au  jardin 
sera  délaissée  au  protfit  d'iceluy  ;  et  sera  par  l'un  de?  contiestables 
demandé  a  sa  v^*'  ou  héritiers  affîn  d'estre  portée  a  son  enterrement, 
laquelle  puis  après,  sera  vendue  au  proffit  du  jardin,  sy  mieux 
n'ayme  lad  v^^  et  héritiers  rachepter  laditte  arquebuze  de  trois 
cscus. 

Et  quant  aux  chefs,  leur  bâton  sera  racheptable  de  douze  livres 
que  lesd.  veuve  et  héritiers  fourniront  pour  subvenir  aux  frais  de 
leur  services  et  funérailles. 

Et  le  service  desd.  defiuncts  se  fera  le  plus  tos'c  après  le  deceds 
que  faire  se  pourra,  ce  qui  est  délaissé  a  la  religion  et  honneur  desd. 
connesrables,  auquel  service  lesd.  chevaliers  sont  conviez  par 
charité. 

Il  sera  permis  a  un  chacun  de  se  démettre  de  lad.  compagnie  en 
paiant  la  somme  de  cent  sols  pout  sa  sortie  comme  pour  l'entrée  ; 
et  jusques  a  ce  que  elTectualleraent  lad.  somme  soit  paiée  auxd. 
connestables  le  chevalier  sera  tousiours  tenu  pour  tel  et  obligé  a  la 
contribution  des  frais  de  l'église  et  autres  dont  est  fait  mention  ; 
mais  lors  que  l'on  sera  vétéran  dans  l'ordre  de  réception,  de  laquelle 
le  greffier  tiendra  registre,  l'on  en  sera  quitte  pour  trente  sols. 

Et  atfin  qu'aucun  n'en  prétende  cause  d'ignorance,  et  que 
les  amandes  puissent  estre  mieux  perceues  et  levées  avec  plus  de 
facilitées,  sera  fait  extraict  des  articles  portans  amandes  qui  sera 
mis  et  attaché  en  un  lieu  eminent  dans  la  salle  dud.  jardin  dans 
un  plaquart,  a  cadre  imprimé  ou  peint. 

Et  pour  l'exécution  des  ordres  desd.  s'"-  chefs  de  lad.  compngnie 
lorsqu'il  la  voudront  faire  assembler,  faire  le  pourront  librement 
avec  permission  de  faire  battre  le  tambour  par  les  rues  de  lad.  ville, 
et  autant  de  fois  que  besoin  sera. 

(Sine  rapprobaCLon  du  duc  de  Md^arin.) 

Armand  Ch:îrles,duc  de  Mazarini^de  la  Meilleraye  et  de  Mayenne, 
comte  de  Ferette,  Tannes,  Belfort.  Maries  et  la  Fere,  baron  d'Al- 
kirk,  grand  bailli  d'Haguenault,  gouverneur  et  lieutenant  général 
pour  le  Roy  en  la  haute  et  basse  Alsace,  gouverneur  particulier  des 
villes  et  forteresses  de  Brisac,  Philisbourg,  Nantes,  B  avet,  Chauny. 
la  Fere  et  Vincennes a  tous  ceux  quy  ces  présentes  lettres  ver- 
ront salut.  Désirant  gratiffîer  et  favorablement  traiter  la  compagnie 
des  arquebuziers  de  nostre  ViUe  de  Mazarini  et  pour  les  encou- 
rager a  l'exercice  des  armes  affîn  de  se  rendre  capable  de  servir  le 
Roy  et   nous  au   fait   des  armes,    nous   avons   agrée,   confirmé  et 


;)86  LES   ARQUEBUSIERS   DE    RETHEL 

approuvé,  comme  par  ces  présentes  sigaées  de  nostre  main,  nous 
agréons,  confirmons,  et,  autant  que  besoin  est  ou  seroit,  avons 
accordé  et  accordons  aux  capitaines,  officiers  et  chevaliers  de  lad. 
compagnie  les  privilèges,  prérogatives,  franchises  et  immunitez  dont 
ils  ont  accoutumez  de  jouir  jusques  a  presont,  tels  et  semblables 
que  leur  ont  conceddez  cy  devant  nos  prédécesseurs  ducs  de  Retel- 
lois  selon  qu'ilz  sont  plus  particulièrement  exprimez  et  mentionnez 
aux  cahiers  cy  dessus  que  nous  avons  fait  parapher  par  nostre 
secrétaire,  a  la  charge  d'observer  ponctuellement  les  cbuses  et  con- 
ditions y  contenues,  ensemble  tous  lesd.  statuts,  et  leur  promettons 
de  leur  en  donner  Texemple.  Fait  a  Mazarin  le  quinzième  jour  de 
juillet  M  VI''-  soixante  quatre.  Signé  :  le  DUC  DE  Mazarini  ;  et  plus 
bas  :  par  Monseigneur,  Lourvelière. 

{Signe  :)   ViENNOT.  DuRAND,  DUBUS.  DUBUS,  roy.  ROZE,  duiip/iin. 
LepOINT,  s'indicij. 

{Original,  ■p.if'ur.) 
(Archives  du  palais  de  Alonaco,  T.  30.) 


Abandon   de    chênes  pour  le    rétablissement    de  l'hôtel 
des  arquebusiers  par  le  duc  de  Mazarin,  1669. 

Le  duc  de  Mazariny,  de  la  Meilleraye  et  de  Mayenne,  gouverneur 
et  lieutenant  gênerai  pour  le  Roy  en  la  haute  et  basse  Alsace,  gou- 
verneur particullier  des  villes  et  forteresse  de  Brisach,  Philipsbourg. 
Le  Port  Louis,  La  Fère  et  Vinrennes,  pair  de  France, 

L'inclination  particulliere  que  nous  avons  de  contribuer  et  au  res- 
tablissement  et  accroissement  de  la  compagnie  des  Arquebusiers  de 
nostre  ville  de  Mazarin  nous  engageant  a  rechercher  les  moyens 
pour  en  donner  des  marques  dans  les  occasions  qui  s'offrent  despen- 
dantes de  nostre  authorité,  nous  avons  estimé  n'en  pouvoir  donner 
de  plus  véritables  qu'en  accordant  et  faisant  don  a  ia  compagnie 
desdicts  Arquebusiers  de  nostrcd.  ville  de  Mazarin,  de  tous  et  cha- 
cun les  bois  qui  sont  provenus  des  trente  chesnes  que  nous  avons 
faict  dellivrer  l'année  passée  aux  eschevins  de  nostred.  ville,  a  des- 
seing de  s'en  servir  aux  bastimens  des  maisons  de  santé,  sy  Dieu  les 
eust  atfligé  de  la  maladie  contagieuse',  pour  estre  led.  bois 
employez  au  restablissement  de  la  maison  et  jardin  destinez  pour 
l'assemblée  et  exercice  de  lad.  compagnie.  Et  pour  que  nostre 
intention  soit  suivie  en  l'exécution  de  la  présente,  nous  ordonnons 
aux  eschevins  de  nostred.  ville  de  Mazarin  et  a  toutes  personnes 
e*tans  chargéez  desd,  bois,  d'en  faire  la  dellivrance  au  s''  Lombard. 


1.  Il  s'agit  de  la  peste  que  l'on  avait  à  Reims  p.t  que  l'on  redoutait  à 
Relhel  en  1608.  Dans  celle  prévision,  on  avait  projeté  de  construire  des  loges 
ou  baraques  isolées  pour  les  habitant?  htteints  par  l'épidémie. 


LES  ARQUEBUSIKRS  DE  RETHEI.  Hg? 

iiostrei.  rece/eur  gênerai,  et  capitaine  de  lad.  compagnie,  sans  dif- 
ficulté '. 

En  tesmoing  de  qiioy  nous  avons  signé  tes  présentes  de   nostre 
main  et  a  icelies  tait  apposer  le  cachet  de  nos  armes  et  soubzsigné 
a  nostre"secretaire  ordinaire. 
A  Paris,  le  XIII"  sepce.nbre  M  VI'    soixante  neuf. 

Le  duc  MazarinY  (sic)  (Sii^/uture  au'ogruphe.) 

par  monseigneur 
Pricquk. 

(Original,  papier.) 
[Archives  communales  de  Rethet.  AA.  64.) 

3- 
Lettre    des    échevins   de   Rethel  au  duc  de    Mazarin,   à 
l'occasion   du  prix   remporté  par   les   Arquebusiers  à 
Charleville,  1671. 

A  monseigneur  le  duc  de  Maz^rin 

du  19  juin  lf)7I. 
Monseigneur, 

La  joye  que  vostre  ville  de  Mazarin  a  receue  au  retour  des  offi- 
ciers et  chevaliers  du  jardin  de  l'ArqueHuze,  du  prix  de  Charleville, 
a  esté  sy  grande  et  sy  generalle  que  nous  croirions  avoir  manqué  a 
nostre  devoir  sy  nous  n'en  donnions  a  Vostre  Excellence  la  part  qui 
luy  en  est  deue  avec  beaucoup  de  justice  puisqu'elle  est  le  principal 
motif  de  tout  l'honneur  que  ceste  ville  vient  de  recevoir,  par  le  res- 
tablissement  qu'elle  a  eu  la  bonté  de  faire  de  ce  jardin.  Ces  mes- 
sieurs les  chevaliers  de  vostre  jardin  de  Mazarin,  aiantz  pritz  reso- 
lution de  paroitre  au  prix  de  Charleville,  soubz  votre  auchorité  avec 
le  plus  d'éclat  qui  leur  a  esté  possible^,   y  ont  sy   bien  reussy  qu'ilz 

n'ont    pas   seulement   esté   estmié    les   plus -  de  toutes    les 

bandes,  mais  davantage  que  par  leur  adresse  ilz  en  ont  remporté 
une  blanche  avec  sept  prix  considérables;  et  pour  comble  de  leur 
gloire  ilz  ont  obtenu  le  boucquet  qui  est  le  seul  honneur  qui  fait  le 
souhait  de  toutes  les  villes,  et  qui  leur  estoit  contesté  avec  une  opi- 
niâtreté incroiable.  Mais,  monseigneur,  nous  n'avons  jamais  douté 
qu'ilz  ne  puisse  tout  oser  et  tout  entreprendre  soubz  vostre  nom, 
la  réussite  leur  estant  infaillible  puisqu'ilz  destinoient,  suivant  les 
vœux  de  tout  le  peuple,  ce  boucquet  a  Vostre  Excellence  pour  com- 
mancer  a  lui  donner  des  marques  de  leur  reconnoissance.  Nous 
avons  fait  nos  efforts  pour  les  bien  recevoir  a  leur  retour,  et  avor.s 
mis  en  dépôt  ce  boucquet  dans  notre  chambre  de  ville,  en  atten- 

1.  La  maison  de  M.  Lombard,  ou  de  sa  famille,  était  l'ancien  hôtel  de 
la  rue  du  Grand-Pont  (auj.  rue  Colberl,',  où  la  ville  recevait  les  visiteurs 
d'élite. 

2.  Mol  ill'sible,  probablement  adroits. 


!iS8  LES    ARQUEBUSIERS    DE    RETHEI. 

danc  que  nous  ayons  l'honneur  de  vous  le  présenter  avec  eux.  C'est 
cet  honneur  que  nous  attendons  avec  impitience  en  ceste  ville, 
puisqu'il  nous  donnera  l'occasion  tant  souhaittée  de  vous  rendre  nos 
très  humbles  respects  en  qualité  de  (sic). 

{Brouillon  de  lettre  des  éclievins  de  Retliel  au  duc  de  Ma-^arin.) 
(Archives  communales  de  Ret/iel,  EE.  2.) 


V.  —  Les  arquebusiers  de  Rethel  aux  prix  généraux 
de  Reims,  Laon  et  lYleaux,  1687-1778. 

11  nous  reste  a  reproduire  quelques  listes  d'arquebusiers 
relhélois  d'après  les  imprimés  de  la  Bibliothèque  de  Reiras.  On 
y  trouvera  des  noms  historiques  locaux,  tels  que  les  Durand, 
les  Vuilquiu,  les  Landragin,  les  Dubus  et  les  Paulfiu,  Nous 
pourrions  étendre  cette  énuméralion,  mais,  dans  ces  limites, 
elle  suffit  à  prouver  que  la  compagnie  de  rarcjuebuse  se  recru- 
lait  dans  la  meilleure  bourgeoisie  et  pouvait  se  targuer  de  tidé- 
lilé  à  ses  traditions  d'honneur  et  de  tempérance. 

C'est  en  cet  état  qu'elle  parut  à  Reims  en  1687,  à  Laon  en 
1700  et  à  Meaux  en  'J778'.  Elle  remporta  des  prix  valeu- 
reusement conquis  dans  les  deux  premières  villes,  et  s'honora 
dans  la  troisième  par  le  choix  de  son  diclon  et  de  sa  devise  qui 
étaient  :  Les  Volunlaires,  —  Vincere  et  Mori.  Aussi,  quand 
sonna  l'heure  de  la  dispersion  légale,  les  arquebusiers  purent 
suspendre,  aux  applaudissements  de  tous,  leur  drapeau  sans 
tache  à  la  voûte  de  l'église,  comme  un  trophée  digne  de 
mémoire. 

1.  Prix  général  de  Reims  en  1687. 

lA  Marche  observé  a  la  Montre  de  M  «s  lks  Chevaliers  de 
toutes  les  villes  venu  au  t  rix  generale  faict  a  reims  le  15 
Juin  1687,  le  tout  par  alphabet. 

Ije  Jardin 

Le  Bouquet  et  les  Prix. 


■y.  M.  de  Rethel 

Ces  Braves  dont  la  troupe  en  superbe  ordonnance 
D'une  démarche  fière   au  Champ  d'honneur  s'avance 
D'un  Noble  Espoir  sont  tous  épris. 

1 .  Elle  parut  en  outre  à  Reims  en  1060,  à  Montdiriier  en  1G7Û,  à  Char- 
leviile  en  1tJ7I,  à  iîelhel  en  1673  et  à  Epernay  eu  1CS2.  Nous  soni'iies  loin 
d'avoir  les  reuspigneraeiils  complets  pour  ses  autres  soilies. 


LES  AnQUEBUSlEUS  DE  RETHKL  o89 

Vous  les  voye^  le  y  courir  après  lu  Gloire 
Et  seurs  de  remporter  le  prix 
Triompher  avant  la  Victoire. 

(Bibliothèque  de  Reims,  gravure  signée  du  graveur  rémois  Colin, 
se  trouvant  reproduiceà  la  page  270  de  l'Elude  sur  les  anciennes  Com- 
pagnies d'archers^  d'arbalétriers  et  d'ar^^uebusiers,  par  L.-.A.  Delaunav, 
Paris^  1879,  in-4".) 

Liste  des  noms  de  Messieurs  les  Officiers^  Députe^  et  Chevaliers  du 
Jardin  de  l'Ârijucbu^e  de  la  Compagnie  de  la  Ville  de  Reims  ;  et  des 
autres  Villes  arrivées,  suivant  l'ordre  qui.  sera  tenu  pour  tirer  au  PRIX 
GÉNÉRAL  rendu  par  lesdits  Sieurs  di.  Jardin  de  Reims,  le  quinzième 
Juin  mil  six  cens  quatre-vingt-sept. 

Premiers 


Rethel 

Première  Brigade. 

Monsieur  Durant,  Capitaine  en  chel. 

Monsieur  Vuilquin,  Roy. 

Messeurs  Durant  de  Blanmont,  Syndic  ei  dé  jutë. 

Gilles  Peudefer,  député. 

Durant,  ancien   chevalier. 

Perin, 

Roze, 

Vinet, 

Et  Dupuis. 


Rhetel. 

Seconde  Brig  ade. 

Monsieur  Landragin,  Capitaine  Lieutenant. 

Monsieur  Dubus,  Capitaine  Enseigne. 

Messieurs  Peudeter,  Dauphin. 

Villard,  Major. 

Durand  de  Beaulicu,  Connétable. 

Durand  le  jeune. 

Et  Tripier  de  Saint  Germain. 

[Bibliothèque  de   Reims,  pièce    de  15   pp.  in- 4",   sans  lieu    ni  date, 
Dossier  des  .Arquebusiers,  FF.  5199  et  3400.) 

Liste  des  noms  de  Mesueur<i  les  Officiers  et   Chevaliers  des    Compa- 
gnies des  Arquebusiers  des  l'illcs  venus  pour  LE  PRIX  GÉNÉRAL,  rendu 


590  LES    ARQUEBUSIERS    DE    RE-THEL 

pur  la  Compagnie  de  Reims  le  quinzième  juin  1687,  el  qui  ont  fait  des 
coups  de  Noir  et  gagné  des  Prix. 

Premier  Panton. 


Deuxième  Panton. 
Le  quinzième  p.ir  le  sieur  Peudefer,  de  la  Compagnie  de  Rethel, 

(Bibliothèque  de  Reims^  ibidem.) 

2.  Prix  général  de  Laon  en  1700. 

Liste  des  Noms  de  Messieurs  les  Officiers^  députe-^  et  Chevaliers  du 
Jardin  de  l'Arquebuse  de  la  Ville  de  Laon,  et  des  autres  Villes  arricées, 
suivant  l'ordre  qui  sera  tenu  pour  tirer  le  Prix  General  rendu  par  les- 
dits  Sieurs  du  Jardin  de  Laon,  le  20  Juin  1700. 

Kethel 
Vingt  huitième  B'igade. 
M.  PautTin,  Capitaine. 
M.  Mouron,  Enseigne. 
M.  ISaudin,  Roy. 
M.  Thibé,  Dautin. 
M.  Mouron,  Syndic,  député. 
M.  Payot,  député. 
M.  Durand. 
M.  Lefebvre. 
M.  Philippe. 
M.  Maron. 

Liste  des  prix. 
Second  Panton  tire  au  Champ  Saint  Martin. 
Le  vingtième  prix  gagné  par  M.  Naudin,  Chevalier  et  Roy  de  la 
Compagnie  de  Rethel. 

(Quatrième  Panton. 
Le  septième  prix  gagné  par  M.  Thibé,  Chevalier  de  la  Comp.ignie 
de  Rethel. 

(Bibliothèque  de  Reims.,  ibidem.) 

3.  Prix  général  de  Meaux  en  1778. 

Les  Dictons  de  Champagne  et  de  Brie,  au  prix  de  l'Arquebuse  de 
Meaux  en  1778. 

Rethel  (Champagne).  —  Dicton  :  les  Volontaires.  —  Devise  : 
Vincere  et  Mori  ' . 

1 .  Les  habilanls  de  Rethel  passaient  pour  être  plus  propres  à  la  guerre 
qu'au  travail.  (Baugier,  t.  II,  p.  3ûl).  —  Maintes  fois  assiégée  par  l'élraa- 
gcr,  la  vile  de  Kethel  avait  l'habitude  de  voir  le  péril  en  face.  —  En  1570, 
rancieuDC  Compagnie  des  aibalétriers  de  Kethel  avait  fait  plate  à  celle  des 
a'ijucbusiers.  (Note  de  l'ouvrage  cité.) 


LES   ARQUEBUSIERS    DE    KETHEL  .'iOI 

En  vous  traçant  ici  la  bonne  volonté^ 
Nous  y  ^'oignons  le  cxur  et  la  fidélité. 
Nous  ajoutons  encore  l'amour  pour  notre   roi. 
Notre  dicton.^  amis.,  est-il  de  bon  aloi  ? 
{.Romancero    de    Champagne.^  par    l-ROSPER   Tarbk,   Reims,    1864, 
t.  V,  iu-8°,  p.  60.) 

4.  Témoignage  rendu  aux  arquebusiers  de  Rethel 
en  1790,   dans  un  Mémoire  publié  à  Paris. 

Rethel-Mazarin. 

('  Des  bulletins  incendiaires, des  menaces  d'insurrection  inquiètent 
la  ville  de  Rethel-Mazarin  ',  dès  le  mois  de  mars  1789  :  les  officiers 
municipaux  commandent  la  Compagnie  ies  arquebusiers  de  cette 
ville,  et  le  6  mars,  elle  prend  les  armes,  établit  un  poste  actif,  se 
porte  à  tout,  veille  à  tout,  et  dissipe  les  craintes  par  son  service 
assidu.  Il  lui  mérite  des  éloges  et  le  vœu  de  sa  conservation  de  la 
part  de  la  municipalité. 

«  De  concert  avec  un  détachement  du  régiment  d'Esterhasy,  cette 
Compagnie  a  mis  en  fuite  des  contrebandiers  à  cheval,  qu'elle 
a  dépouillés  de  sel  et  de  tabac,  et  dont  elle  a  Irait  deux  prisonniers. 

«  Elle  s'est  singulièrement  attachée  à  protéger  I.t  perception  des 
droits  du  roi  et  de  la  ville.    » 

(Bibliothèque  de  Reims.  Mémoire  pour  les  arquebusiers,  traits  his- 
toriques, p.  «jo-ji.  —  ln-4°  de  56  pp.  Paris,  de  l'fmpr,  de  Momoro, 
rue  de  ta  Harpe,  160  ) 


CONCLUSION 

Ici  prenueuL  fin  les  noies  que  nous  avons  recueillies  sur 
rexislence  loyale,  les  fails  el  gesles  dignes  de  mémoire  des 
arquebusiers  de  Rethel.  Celui  qui  voudra  plus  lard  en  écrire 
l'histoire  consultera  leur  règlement  défiûilif  et  les  diverses 
pièces  que  nous  avons  données  en  vue  d'éclaircir  la  vie  intime 
des  Compagnies  de  l'arquebuse  dans  la  province  de  Champagne. 
Notre  conclusion  serait  qu'on  doit  en  tous  lieux  réveiller  les 
traditions  de  ces  Comp;ignies,  et  étudier  leurs  règlements 
qui  seraient  des  modèles  d'urbanité  et  de  savoir-vivre  pour 
nos  Sociétés  actuelles  de  tir  et  de  gym.naslique. 

En  quelques  lieux  favorisés,  à  Troyes  et  à  Soissons  par 
exemple,  on  conserve  des  souvenirs  des   arquebusiers,   des 

1 .  Celle  Couipaj^nie  a  élé  cotiverlie  d'arbalétriers  eu  arquebusiers,  par 
lellrea- paleules  de  \\\'il .  (Xole  du  Mémoire  cilé.) 


592  LES  ARQUEBUSIERS  DE  RETHEL 

reliques  de  leurs  hôtels,  nolamraeut  des  vitraux  peints  offrant 
des  scènes  historiques  et  légendaires.  A  Reims  et  à  Relhel,  il 
ne  subsiste  plus  rien  des  bâtiments  ni  des  locaux  oii  les  che- 
valiers vécurent  si  longtemps.  A  Keims,le  château  de  l'Arque- 
buse fut  vendu  dans  les  premières  années  de  la  Révolution  et 
se  trouva  de  suite  remplacé  par  des  maisons  particulières.  A 
Relhel,  leur  hôtel  survécut  Jusqu'à  ces  dernières  années,  et 
leur  jardin  conserva  même  ses  grands  arbres  plantés  non  loin 
de  l'Aisne,  dans  le  voisinage  d'autres  jardins.  On  y  avait  éta- 
bli, dès  1791,  un  théâtre  et  ua  lieu  de  plaisance.  Mais  une 
bienfaisante  transformation  vient  de  renouveler  ce  terrain  his- 
torique par  la  construction  et  la  fondation  d'une  crèche  due  à 
la  munificence  de  M.  et  de  M™^  Noiret.  Un  bâtiment,  par- 
faitement approprié  à  sa  destination  charitable,  s'est  élevé  eu 
1893  à  la  place  de  l'ancien  hôtel,  et  les  ombrages  du  jardin  des 
chevaliers  abritent  désormais  les  jeunes  enfants  confiés  à  la 
maternelle  sollicitude  des  Sœurs  de  Saint- Vincent- de-Paul, 

il.  L.  11.  J. 


UNE 

ÉGLISE   RURALE 

Du  moyen  âge  jusqu'à  nos  jours 


VILLERS-DEVAM-LE-THOUR    ET    JUZANCOUKT 

Son    Annexe 
Canton     ci'ASFELD     (Arcltnnes) 


APPENDICE 


I 

Status    decanatus     christianitatis     de     Sancti     Germani 
monte,   annis    1451,    1475   et   1512. 

liol 

ViLLEllS     DJ;\.\NT     1,1-:    ToLli. 

Palronus  ecclesie  pai-ochialis  de  Villari  anto  Turnuiii  usl  Joniiniis 
Archiopiscopus  Remensis  et  dominus  Johannes  d'^  Codiimo  qui  obti- 
nel  patroaagium.  Curains  est,  dominus  Jacobus  l'arvi,  ténor  ecclc?ie 
Ileinensis',  qui  percipit  ti't'ciam  partem  deciniarum.  Ecciosia  Vallis 
Hegis",  Vallis  Ciare'^  et  prior  Nove  Ville  i/uidunensis  diocesis  ^,  resi- 
(luiitTi  diclarum  decimaruni.  Deservilum  luit  à  sinodo  usque  l'estuni 
Ijeati  Remfgii  in  capile  Octobris,  di'  licentia  cuiii',  per  dominuu) 
Juiiannem  I5'.onde!li,  et;  à  festo  pro  Ijclo  usqu'""  ad  siuoduui   presentcm 

*  \'oir  page  411,  lomi'   Vil  de  la  Hovne  de  Champagne. 

1.  Ténor,  chantre  de  la  Calhédrdle  de  Reims.  \'oir  Du  CAMiii,  Glos- 
saire, au  mot  Ténor. 

2.  La  Vnlroij,  abbaye  cistercienne,  co.nainne  de  Saiul-Oueiitiu  lc-'"elit 
(Ardeiiiies'. 

iî.  Vau'.lcrc,  abbnye  cistercienne,  commune  du  canton  de  Craouuc 
(Aisnel.  —  i  Vente  par  Milon  de  Saint-Lambert  à  l'abbaye  de  Vauclair  de 
la  grosse  et  de  la  petite  dime  de  Villfirs-devant-le-Ttiour.  Mai  1227,  » 
A/s.  iQ-8.  {Recherches  bibliographiques  sur  le  département  de  l'Aisne, 
Catalogue  et  table...  par  C.  l'crin,  iaS,  Soissons,  18S3,  p.  511,  n"  C,13U.) 

1.  \cuvi!le-en-Uionnoi^.  prieuré  bénédictin,  commune  du  canton  do 
Craonnc  (^isnc^. 

;;8 


o04  UNE   ÉGLISE    RURALE 

jier  dominum  Michaelem  GKt'!)crli^  curalum  de  Lauro.  Dicta  ecclesia 
est-mullum  ruinosa,  chorus  Ipsius  est  discoopertus  pro  medra  parte. 
Pinnaculum  existens  prope  altaro  erga  Orienlcm  (|uasi  fundilus 
corruif,  vitrine  eciam  indigent  reparacionibus.  Plures  sunl  habitantes, 
sod  paiici  sunt  qui  cun^nt  de  ecclesia  nisi  coganlur  aut  compellantur. 
Clmiterium  est  l)ene  barratum.  Vas  ubi  corpus  Xrisii  et  sanclum 
crisnia  reponuntur  conipetenter  se  habent.  Mobiiia  seii  ornamenla 
ipsius  ecclesie  sunt  novem  mappe  sunîcietites,  Iria  manutergia,  due 
easule  quarum  una  est  salis  lionesta,  '.res  albe  cum  amict.,  due  cappe, 
tunica  una,  et  dabnalica  et  quator  fuperlicia.  Missale,  gradale  et 
alii  iiljri,  licet  sint  anliqui,  sunt  lamen  compelenter  retenti.  Redditus 
ecclesie  ascendant  ad  XVI  s.  paris,  vel  circit(!r  et  consistunt  in  terri. 
arabiUbus  et  cum  hoc  ad  novem  pinias  olei.  Dicla  ecclesia  suspendet'. 
In  loco  presbirerali  non  est  nisi  una  jiarva  camniera,  et  grangia  facta 
ex  lignis  et  slipitibus  in  terram  lixis  que  non  polerit  durare.  Curalus 
fuit  in  sinodo,  sed  non  capellanus. 

.Ilzaincour  Slxcoup.s. 

In  succursu  de  Villari,  vidclicid  in  Juzaincuric,  Curalus  ])ircipit 
terciam  parlem  dccimarum.  Capitulum  Remense,  Abbas  sancti  Niciia- 
sii  Remensis  et  palronus  ])ercipiunt  resi(]uum  decimarum,  qui  ob 
hoc  debent  retinnre  tectum  tam  navis  qu.im  cliori.  Deservilum  Fuit  il>i 
]ier  capellanos  de  licentia  curie  sicut  in  cura.  Dicla  ecclesia  est  satis 
bene  retenta.  Fontes  et  vas  ad  reponendum  corpus  Xrisli  et  sanc- 
lum crisma  bene  sunt.  Cimiterium  est  Ijarralum.  In  dicta  ecclesia 
sunt  duo  calices  argeniei  parvi  ponderis,  due  easule,  due  albe,  stole 
et  ainicli,  due  mappe  et  unus  pannus  ad  ornandum  allare.  Missale  et 
alii  libri  non  sunt  magni  valoris.  Redditus  dicte  ecclesie  ascendere 
possunt  ad  XVI  solid,  paris,  vel  circiter  et  consistunt  in  terris  arabili- 
bus  et  uno  parvo  bosco. 

\  'i  7  5 

VlLLEUS    DEVANT    LE    Toil!. 

Capilulum  insignis  ecclesie  béate  Marie  Remensis  et  palronus  de 
Villari  ante  Turnum  sunt  patron!  de  dicto  Villari.  Curatus  est  domi- 
nus  Guillelmus  Remigii  qui  non  residet.  Cura  deservitur  per  dominum 
Birnardum  seu  l^arnabam  du  bois  de  licencia  curie.  Diclu5  curatus 
percipit  tcrc'am  jjartem  decimarum  lam  vini  quam  granorum  cum 
uno  modio  frumonli  pro  locagio  grangie.  Supradicii  patroni,  Abbas 
Valiis  Clare,  Abbas  Vallis  régis  et  prier  Novc  Ville  I.andunensis  dio- 
cesis  percipiunt  reliquas  porciones.  Dicta  ecclesia  de  Villari  indiget 
reparationihus  in  duobus  pilaribus  navis  a  parte  sinistra  existenlibua 
et  eciiim  in  quibusdam  vitrinis  dicto  navis.  In  dicta  ecclesia  sunt  duo 
calices  de  argento,  due  easule  bene  retente,  très  albe,  novem  luappi' 
et   alla  ornamenta   suriicientia   pro    tribus  altaribus  demptis  casidis. 

1 .  Celte  expression  nous  paraît  signilier  (|ue  l'église  est  eu  suspens,  cjue 
l'ou  n'y  célèbre  plus  ù  canse  de  l'étal  de  ruine  sif^nalé  plus  haut. 


UNE  ia LISE   RURALE  O^D 

Libri,  scilicel  uiiura  missale,  unum  brcviarium  ciuii  liiniidio^  Juu  gra- 
il.jlia,  unum  anlliiphonarium  el  duo  psallcriâ  sunt  salis  bcnc  rcloirli. 
Agenda  est  nov.i  in  qua  baplisma  raasculorum  et  haptrsnia  lemella- 
rum  sunt  ab  invicem  divisa  seu  dislincta.  Corpus  Xristi  et  sancttim 
Crisma  bene  servaniur.  Fontes  niundi  sunt.  (limilerium  est  b'^ne 
ciausum  seu  circumdatum  mûris  lapideis  à  quatuor  annis  Constructis. 
Donius  presbiteralis,  que  ab  anliquo  luit  poteuler  etiificata,  est  pro 
majori  |iarte  destrucla.  Succursus  r-sl 

JlSAINGOClIT. 

Juzdincourt  est  succursus  iiarochialis  ecclesie  de  Villari  anlc  Tur- 
num,  in  quo  succursu  curatus  de  Villari  percipere  solef  terciam  par- 
tem  decimarum  tam  vini  quam  granoruni.  Capiluium  Remensis  eccle- 
sie, Abbas  s:incli  Nicbasii  et  patronus  de  ^  illari  percipiunt  ri'siduum 
diclarum  decimarum.  Pauca  sunt  reparanda  in  eccîesia  dicti  loci  nisi 
lan'iummodo  in  quadam  parte  unius  mûri,  qui  est  in  navi  inter  cho- 
rum  et  pignaculum  anterius  à  pai'le  sinislra.  Dicta  eccîesia  est  sui- 
ficienter  ornala  ornamentis  honesli  pro  tribus  aliaribus.  In  ipsa. eccîe- 
sia sunt  duo  calices  de  argento  deaurali  per  inlVa  et  in  summitate 
per  extra.  LiJjri  dicli  succursus  scilicet  duo  niissalia,  unum  novuiu 
gradaie,  unum  parvum  psalterium  et  liliellus  ad  baplizandum  pueros 
qui  est  ([uasi  novus,  sunt  sufficicntes  pro  uno  succursu-  et  beiic 
retenti.  Vasa  ad  reponemlum  corpus  Xristi  et  sanclum  crisma  bene 
sunt.  Fontes  se  hal)ent  similiter.  <'.imiterium  pro  majori  parto  est 
maie  clausnm. 

Vll.LHlS    DEVANT    Llù    ToiR. 

In  eccîesia  parrocliiali  de  Villari  ante  Turnum  desorviL  in  divinis 
dominus  Johannes  Régis,  capellanus  approbatus.  Curatus  est  niagis- 
ler  Johannes  Cunellf,  insigriis  ecclesie  Remensis  canonicus.  Eccîesia, 
cimbolum*,  fonies,  sacre  uncliones,  Iibri,  ceteraque  ornamcnta  decen- 
ler  retinenlur.  Cimiterium  est  bene  ciausum.  Capitulum  ecclesie 
Remensis  est  palronus  dicle  ecclesie  et  obtinet  alternatis  vicibus 
palronagium.  l'refatus  curalus  tertiam  partem  decimarum  percii^it 
lam  vini  quam  granorum.  Capitulum  Remense  patronus  loci  hujuè, 
el  eccîesia  seu  monasierium  Vallis  Régis  et  Valle  Clare  el  prior  Novc 
ville  Laudun.  dyocesis- residuum  .  diçtarum  decimarum  jjercijjiunt, 
liiis  dempiis  quas  curatus  priniitus  (?)'solet  super  hiis  recipere,  unum 
niodium  trumenli  et  hoc  pro  localione  grangio.  Custodes  dicte  eccle- 
sie sunt  Jacobus  Turpin  et  Johannes  le  Tou'rneux,  quibus  injunc- 
lum  est  ut  habeant  unam  custodiam  ad  reponendum  ooriioralia,    ■ 

JrS.VNCOI  RT.  -         ■   . 

lu  eccîesia  parrocliiali   do  Jusannacurte,  succursus  de  Viliari  aulc 
1.   Sijmbulum,niQas\r3itxe,  vase  où  s€  place  le  Saint- Sac. cmeul, 


596  UNE   ÉGLISE    RURALE 

Turnum,  cimbùluin,  fontes,  sacre  unctiones  ceteraque  ornamenta 
rlecenter  se  habent.  Dicta  ecclesia  est  bene  retenta.  Custodes  ecclesie 
sunl  Herbinnus  Favreau  et  Dominicus  (!)  Fesf.art,  quibus  injunctum 
►^.st  ut  habeant  servicium  quod  pertinet  ad  sorvicium  dedicaiionis 
ecclesie  infra  festuni  î^"ativitat;s  béate  Mario  Virginis,  sub  pena 
XXt'  solidor.  paris. 

(Archives  de  Rfims,  Fonds  de  V Archevêché,  série  G.  Visites, 
Doyenné  de  S*-Germainmont,  liasse  générale,  trois  cahiers  pet.  in-i"). 

II 

Marché  pour  la  clôture  du  chœur  de  l'église  de  Villers, 

fait  à  Reims  le  9  septembre  1541. 

'J  Septembre  lo4i.  —  Comparut  en  sa  personne  Gobia  Terre, 
menusier  demeurant  à  Reims,  et  recongnut  avoir  traicté,  convenu  et 
marchandé  à  Jehan  Beuvry,  aussi  menusier  demeurant  audit  Reims, 
à  ce  présent,  de  faire  et  parfaire  par  icelluy  Terre  la  clausure  du 
cueur  de  l'égiise  de  Villers  devant  ie  Tour,  selon  quelle  est  basLie  par 
ledit  Beuvry,  et  icelle  l'aire  et  parachever  selon  le  devis  de  moderne 
el  fasson  françoise  dont  ledit  Terre  dit  estre  certain.  En  quoy  laisaiit 
icelluy  Beuvry  a  promis  y  faire  besongner  et  continuer  Claude  Tri- 
quet,  son  frère  ;  et  iceile  rendre  faicle  et  parfaicte  bien  et  souifisam- 
raent  dedans  le  jour  de  Noël  prochain  venant.  Et  doit  icelluy  Terre 
commencer  à  ce  faire  dedans  d'huy  en  (juinze  jours  prochain  venant. 
Et  pour  ce  taire  sera  payé  par  ledit  Beuvry  audit  Terre  la  somme  do 
cent  dix  sols  tournois,  selon  et  à  fait  que  ledit  Terre  besongnera  audit 
ouvraige.  Et  pendant  ledit  temps  leilit  Beuvry  sera  tenu  de  la  nouri- 
lure  dudit  Terre,  promettant  lesditi's  parties  chacune  endroyt  soy  par 
leurs  foys,  et  soubz  l'obligation  de  tous  leurs  biens,  à  tenir,  entrete- 
nir, rendre,  iiayer,  faire,  fournir,  sur  peine  renonciaiion.  Kail  le 
neul"'"f  jour  de  St^ptembre  l'an  mil  V  cent  quarente  et  uug,  par  devant 
nous  notaires  royaux. 

Signé]  :  De   Ikv.  AN'ati;, 

(Elude  de  M""  Aîandron,  notaire  à  [ieiins.  Texte  sur  une  feuille  de 
papier  in-S,  Iranscritpar  M.  Dnchénoij,  employé  à  la  Biblwlhècjue  de 
Reims,  \'>  mai  1885.) 

111 

Notices  de  Terruel  sur  l'état  de  Villers,  Juzancourt 
et  Saint-Germainmont  en  1657. 

Registre  contenant  les  [iaroisses  de  1  Election  de  Rheims,  situées 
entre  Aisne  el  Meuse,  par  lequel  se  voit  l'étendue  du  terroir  de  cha- 
cune d'icellos  et  lelat  ou  Terruel'  les  a  trouvées  en  sa  visite  aux 
mois  de  Janvier  et  Février  1057. 

1.  Jean-Ernesl  de  Terruel,  écnyer,  seigneur  d'Etrf^pigu}  ,  maréchal  de 
camp.  Cet  oCticier,  d'origine  ardennaise,  attaché  su  service  du  niaréchal 
Fabert,  fut  chargé  par  lui  d'établir  un  projet  de  cadastre  en  Charapagoe. 
Travaux  de  l'Académie  de  Reims,  l.  LXXII  et  LXXIV. 


UNE    ÉGLISE    RURALE  597 

EXTRATTS. 

ViLLiEns  DEVANT  Le  TwrR,  à  l'hospital  de  Paris  partie,  autrefois 
200  habitans  et  50  chariies. 

Terroir  labourable  médiocre,  890  arpens  à  chaque  roye,  dont  le 
e*"  aux  habitans. 

Vignoble,  G6  arpens,  le  tiers  en  friclic. 

Usances,  66  arpens,   le   tiers  vendu  pour  payer  au  Rov  5Û0  livres. 

Charûes  24,  compris  les  Trembleaux  où  4  chariies. 

Pleins  mesnages  69,  et  9  du  Trembleaux,  outre  28  demy.  soiit 
taillez  1520  livres. 

Payent  au  Haynaut  ensemble  92  livres,  à  Rocroy  275  livres. 

Le  village  a.  esté  entièrement  bruslé  il  y  a  quatre  ans,  n'estant 
resté  que  4  maisons,  n'habitent  à  présent  encore  que  dans  (des) 
huttes  et  dans  leurs  fors  autour  de  l'églize. 

Le  Trembleaux,  à  présent  désert  et  sans  basiimenf. 

Terroir,  200  arpens  environ. 

Chariies  compris  avec  Villiors  devant  le  tour,  4  et  9  pleins  mes- 
nages. 

Les  haliitans  ré.'^ident  audit  ViUers  et  payent  leur  cotte  par  des 
tailles  et  subsistances,  sont  taillez  84  livres. 

.IrzAXCoURT,  au  seigneur  de  Saint  Pierremont,  et  la  Censé  des 
J^arres  abolies  depuis  'M  ans,  autrefois  64  habitans  et  2'»  chariies,  4 
pour  la  censi*  susdite. 

Terroir,  420  arjiens  bous  et  médiocres,  dont  100  aux  seigneurs  et 
10  aux  haliitans. 

Prés,  usages,  31  arpens  vendus  au  seigneur  pour  iiaver  aux  gens 
de  guerre. 

Vignoble,  08  ar|iens,  la  moitié  en  friche,  le  tiers  aux  habitans. 

Charriies  î-,  lai)  (i,  et  i  au:;  Seigneurs  qu'ils  tiennent  par  leurs 
mains. 

Pleins  mesnages  IG  et  6  demy,  la  moitié  mandient,  sont  taillez  de 
137  livres.  Payent  au.Haynaut  143  livres,  à  Rocroy  176.  Comptent  30 
maisons  bruslées  ou  démolies,  n'en  restant  à  présent  que  12. 

La  Censé  des  Rarres,  2  Censiers  réfugiés  à  Si  Germainmonf,  labour 
de  2  chariies. 

Saint  Ger.main.mont,  au  seigneur  de  Berrieux,  autrefois  bourg  à 
marché,  com[iris  le  moulin  des  Barres,  cy  devant  230  habiians  et  35 
chariies. 

Terroir  laljourable  médiocre,  parlie  bon,  700  arpens  à  chaque  roye, 
le.  quart  aux  habitans. 

Vignobles,  220  arpens.  Plus  de  moitié  désort,  dont  39  au.x  habitans 
travaillé. 

Prez,  69  arpens  dont  le  quart  aux  habitans. 


;]98  UNE    ÉGLISE    RirRAr.E 

Aisances,  pâturages,  en  commun. 

Chartres,  \û  1/2.  ■    : 

Pleins  mosnages,  39  et  6  'lemy,  sont  tailir^  de  I19S  livres,  payent 
à  Rocroy  i-5.4  livres.. 

Le  baurg  est  brusié  entièiemenl,  ne  restant  que  12  maisons  à  pré- 
sent, les  habitans  so  retirent  dans  un  fort. 

{Bibliothèque  Sainte-Çrenet'ièoe ,  à  Paris.  Cahier  ms.,  pet,  in-fo  de 
20  IT.,  document  original  en  partie  reproduit  par  M.  le  C.qmle  de 
Barthélémy,  dans  les  Travaux  de  l' Académie  de  Reims,  tomes  LXXII 

et  LXXIV,  1885.)  

IV 
Procès-verbaux  de  visite  dressés  par   M.  Robert  de  Y, 

chanoine  et    grand  archidiacre   de  Reims,  en  1663  et 

en  1671. 

('  91.  Vilors  devant  le  tour.  St  Remy.  le  wu  juin  1003.  M"  Tall- 
let,  xl  s.  *. 

a  L'église  de  gt  Remy  de  Vilers  devant  le  Tour.  M»  Pliilip])e 
Rarilly,  curé  ;  Henry  Cliolet,  m**  d'eschole  ;  Pierre  Chery,  Henry 
Gobreag,  coustres  ;  Nicole  Ilonetier,  belle  mère  ;  les  déciinateurs  :  le 
chapitre  de  Reims,  une  gerbe  de  neul  ;  le  patron,  une  ;  l'nbbé  de 
Vauclé,  une  ;  Tabbé  de  La  Valleroy,  une  ;  le  prieur  de  Neufville, 
deux,  et  le  s''  curé,  trois  ;  l'abhé  de  St  Vincent  de  Lcon  et  la  prieuré, 
de  La  Presle  prennent  sur  un  triage  séparé  -,  le  patron  de  la  cure,  le 
chapitre  de  Reims  et  le  patron  alternativement  ;  le  St  Sacrement  est 
en  une  boete  d'argent,  en  un  ciboire  de  cuivre,  en  un  tabernacle 
posé  sur  l'autel  ;  les  st""*  huiles  et  les  fonts  en  estât. 

«  Dans  le  cemitier,  il  y  a  plusieurs  maisons  du  rest  de  la  guerre-, 

«  L'église  a  de  revenu  deux  à  trois  cent  livres  pour  le  louage  des 
terres  ;  il  y  a  un  calice  d'argent,  peu  d'ornemens  ;  les  comptes  se 
rendent  e.xactement. 

«  11  y  a  plusieurs  réparations  à  faire  en  l'église,  et  des  coffres  sur 
des  planchers. 

«  "Nous  avons  ordonné  de  desmolir  les  maisons  qui  sont  dans  le 
cemilier,  de  faire  au  plustot  réparer  i'église,  et  d'ester  les  colTres 
incessamment  ». 

«  Le  3  Juillet  1671, 

«  M*  Pierre  Vuileq,  curé.  Il  y  a  ciboire,  soleil  et  boette  d'argent, 
^.lO  communians.  Les  enfans  instruits.  Les  dixmes  sont  saisies  pour 
les  réparacions,  particulièrement  pour  l'église  de  Jusancourt  ». 

{Archices  de  Reims,  Fonds  de  V Archevêché,  0.  2.ï2,  ji.  91.) 


1 .  .Taxe  perçue  annuellement  pour  ks  décimes. 

2.  'La    guerre   de  la   Fronde,   qui   causa   d'ail'reûx  ravaf,'ps  eu  lOTiS   aux 
villaf!;es  de  Villers  et  SaiiU-Geriiiaiumont. 


UNE  KGI.TPE    TtURALE  599 

Y 

Notes  de  Charles-Maurice  Le  Tellier,  archevêque  de 
Reims,  sur  li  paroisse  de  Villers-devant-le-I  hour 
(1676-1707). 

1G76 

«  St  Remy  de  Villers  devant  li;  Tour  ol  St  Pierro  de  Jiizancoiirt, 
son  secours,  à  la  jirésentaliun  d(>  inon  cliapitr.;  et  du  patron  allernali- 
vement. 

«  Venu  à  St  Germain  Mont  le  13  Juin  1G76. 
.  «  M"  Pierre  Vidlcq,  prêtre  du  diocèse  de  Laon,  âgé  de  33  ans;  il 
-Line.  C'est  un  homme  fort  raisonnable  et  qui  a  de  l'esprit,  a  été  cha- 
pelain de  M''  de  Si  Etienne',  fait  très  bien  son  devoir  e'.  est  fort  capa- 
ble, a  souvent  un  religieux  près  de  lui.  C'est  le  seul  propre  à  en  (aire 
un  doyen. 

«  La  nef  a  bescin  de  grandes  réparations,  à  la  cliarge  de  plusieurs 
décimateurs.  Voir  le  procès-verbal,  art.  12. 

«  J'ai  parlé,  à  M.  de  la  Valleroy  pour  le  prier  de  faire  travailler  à 
réparer  cette  nef,  à  laquelle  il  manque  une  portion  du  pavé  et  du 
lambrys.  C'est  à  sa  charge  pour  un  quarl,  deux  quaris  au  prieur  de 
Neuville,  et  le  dernier  quart  à  i'abbé  de  Vau^lé,  ordre  de  St  Bernard. 

«  Manque  des  portes  au  cimetierre. 

«  Un  patronage  de  40  écus.  à  ma  collation,  possédé  par  M^*  Rolle 
Grandvarlet,  prêire  habitué  à  l'église  de  St  Michel  sous  la  chapelle  du 
Palais. 

«  17  hérétiques  qui  s'assemblent  les  dimanches  pendant  la  grande 
messe  dans  une  de  leurs  maisons.  (Ajouté  plus  tard  :)  N'y  a  plus  que 
deux  mesnages,  vont  au  presche  à  Chery  près  (un  blanc';,  diocèse  de 
Laon-.  Sont  sages  et  ne  font  pas  de  jjruii. 

('  312  communiants. 

«  L'église  de  Juzancourt  est  dans  la  dernière  désolation,  à  la  charge 
de  mon  chapilre  et  des  religieux  de  St  Nicaise.  Le  cimelierre  tout 
ouvert.  400  communiants  à  la  paroisse  et  au  secours. 

«  J'ai  parlé  aux  religieux  de  St  Nicaise  pour  les  obliger  à  réparer 
le  lambris  du  cœur  (pii  est  tout  rompu. 

1 .  Probablement  de  l'abbesse  de  Saint-Elienne-les-Dames  de  Reims, 
Louise-Isabelle  d'Angennes  de  Rambouillet,  1637-1707.  —  Sinon,  peut- 
ôlre  d'une  dame  de  la  famille  des  seigneurs  de  Saint-Etieune-f ur-Suippe. 

2.  Il  y  a  deux  communes  du  nom  de  Chéiy  dans  l'arrondissement  de 
Laon,  Chéry-les-liosoy,  canton  de  Kozoy,  et  Cliénjles-I'oui'.'y,  canton  de 
Crécy-sur-Serre.  11  s'agit  certainement  ici  de  Chéry-les-Rozoy  qui  est  le 
plus  rapproché  de  Villcrs-devant-le-Thour.  En  effet,  il  est  relaté  dans  un 
document  du  temps  «  que  le  seigneur  de  Chéry  rassemblait  en  1664  jus- 
iiu'd  61)0  personnes  pour  le  piècbe,  arrivant  toutes  de  la  Tliiérache,  des 
Ardennes  et  de  la  Champagne  par  un  sentier  qui  a  conservé  le  nom  de 
Voyelle  des  Huçjuenols  >■-.  Es^ai  histurir/iie  .sur  Rozoy  sur-Serre,  par 
G.  A.  Martin,  t.  H,  p.  279. 


600  UNE    KGLISR    RURALE 

"  La  chapelle  N""f  Uame  à  côIl-  du  cœur,  ;V  la  charge  du  chnpiire 
et  du  patron.  J'ai  ordonné  à  mon  promoteur  de  poursuivre  auprès 
d'oux  cette  réparation. 

«.  90  communiants. 

«  Qu'on  mette  un  couvercle  nu  bassin  des  fonis. 
'     ■<  Un  nommé  Disy    ne  fait   point  ses   Pâques    depuis    'i    ans.    J'ai 
ordonné  a    mon   promoteur,  pour  f;iire  un  exemple  de  cette  impiété, 
de  le  citer  à  l'oflicialilé. 

'(  On  va  recouvrir  actuellement  la  nef  et  achever  la  oouvt:rlure  du 
clocher  qui  manque  d'un  côté.  Qu'on  remette  un  plancher  à  la  net. 
Les  paysans  m'on  dit  qu'ils  le  feront  avec  leurs  usag'es  nù  ils  abat- 
tront du  bois    pour]  qu'on  répare  la  nef. 

'.  Qu'on  f>'rme  le  cimelierre  de  haies  vives. 

"   Qu'on  remette  des  portes  à  celui  de  la  paroisse.   » 

1684-1707 

'<  St  Remy  de  Villers  di  Le  To'.ir  a  p'"  secours  Sr.  Pierre  de  .luzan- 
court,  à  la  présentation  de  mon  chapitre  et  de  mon  séminaire  alterna- 
tivement. Revenu  de  la  cure,  1?00  livres.  —  320  communiants  à  la 
paroisse,  120  au  secours. 

"  M.  Pierre  Wilcq,  prêtre  du  diocèse  de  Laon,  40  ans,  c'est  un 
homme  fort  raisonnable^  qui  a  do  l'esprit,  est  très  capable  et  lait  bien 
son  devoir.  C'est  le  seul  propre  à  faire  un  doyen.  Il  a  un  vicaire 
nommé  M**  Pierre  Mauvais,  prêtre  de  mon  diocèse,  42  ans,  est.  sujet 
à  boire,  a  de  l'esprit  et  prêche  très  facilement.  Ce  prêtre  est  à  l'hôpi- 
tal général.  En  1694,  12  déc,  on  m'a  fait  de  grandes  plaintes  de  lui. 
En  juillet  170.3,  a  proJité  do  mes  avis,  fait  bien  présentement.  i>e 
9  novembre  1706,   n'instruit  pas.  14  oct.   1707,  n'instruit  pas  ". 

(Papicrf!  lie  Le  Tellicr,  au  Cabinet  des  manuscrits  de  la  Bihlin- 
thè'jue  nationale.  Fonds  français,  60'2.j,  6026,  Visites,  p.   117  et  :îi;i.) 

M 

Inventaire    des  biens   des    églises    de  Villers-devant-lo- 

Thour  et  de  Juzancourt  en  1679. 

19  juillet  1679.  —  Invenlair(!  des  biens  meultles  et  immeubles  apjiar- 
tenants  et  dépendant  à  l'Eglise  et  fabricq  de  Villers-devant-Ie-Tliour, 
conlormément  au  désir  de  Monseigneur  l'Illustrissime  et  Révérendis- 
sime  Archevesque  duc  de  Reims,  pour  lui  estre  présentée,  et  une 
contre  partie  demeuré  dans  le  coffre  fort  de  l'Eglise,  auquel  Inventaire 
ont  signez  Monsieur  le  curé  et  Messieurs  les  olficiers  de  la  Justice  et 
de  la  plus  coenne  (sic)  partie  des  habitans'.  Et  rentes  aiïecié  sur  cer- 
taines maisons,  terres  et  vigne  sciiuée  audict  Villiers  et  iinage  du  ter- 
roir. 

1.  Il  s"agit  évidemment  ici  de  la  plus  ^ainc  partie  da  habitaiis,  expres- 
sion très  usitée  autrefois, 


UNF,    ÉGLISE    RURAI.B:  (iHI 


PnE.Mlt'RFMES'T 


L'Eglize  est  pourvueu  rl"ornemens  de  peux  do  valeur  comme  des  olia- 
subles,  chapes,  devant  d'autel  pour  servir  suivant  Itis  temps  et  lestes 
de  l'année,  et  (juant  au  linge  il  y  en  a  suftizammen*^^  pour  l'usage  de 
ludicte  Eglize  comme  d'aube,  surplis,  nipes,  serviettes.  11  y  a  mesme 
une  armoire  pour  reserver  lesdicls  ornements,  dans  laquelle  il  y  a  un 
colfre  fort,  le  tout  au  désir  de  l'ordonnance  de  mondit  seigneur  arche - 
vesque;  11  y  a  mesmes  calice,  ciboire,  soleille  d'argent.  Il  y  a  deux 
obils  à  l'église,  Xondé  par  Pierre  Roger  et  Claudine  Gallet  pour  eslre 
célébré  six  ann.ées  consécutives,  auquel  sont  affeclé  deux  pièces  de 
terre  à  perpétuité  à  l'eglize,  comine  il  se  voira  par  la  déclaration  des 
biens  immeubles.  Ensuitle  la  déclaration  des  biens  immeubles  comme 
des  terres  appaite'nant  à  ladicte  Eglize  : 

PfiEMiEu.   Terre  a   mvrs 
(Suit  ia  désignation  de  neuf  parcelles.) 

A'ersaine 
{Suit  la  désignalinn  de  neuf  autres  parcelles.] 

Blez 

(Suit  la  désignation  de  onze  parcelles.) 

Tout  lesquels  terres  faisant  la  iiuar.iité  de  vingt  trois  jours  et  dix 
verges  adjugez  à  Jacques  Phelippot,  laboureur,  comme  dernier  enché- 
risseur à  la  quaniitf';  de  quarente  huit  septiers  île  grains  par  tiers, 
seigle,  froment  et  avoinne,  et  acquitter  les  charges  deubs  aux  seigneurs, 
s'il  y  en  a,  les(iuels  grains  ont  esté  adjugé  à  ia  porte  deféglizeau  plus 
olfrant  et  dernier  enciiérisseur  là  la  somme  de  cent  cincquente  oinci] 
livres  douze  sols  iroi^  deniers,  qui  est  la  première  année  de  son  susdit 
liaiM. 

Ensuitte  le  registre  de  la  petite  nmte  alFectée  sur  certaines  maisons, 
terres  et  vignes,  seilué  audit  Villiers  et  linage  du  terroir,  eommi> 
ensuitte  premier  : 

Robert  Rreart  le  jeusne,  pour  sa  maison  lieudict  la  grande  rue, 
tenant  au  levant  au  Fricq,  de  Reims,  et  d'aulre,  au  couchant  Claude 
Fossiez,  budant  au  midi  la  sente  de  Vauldor,  au  septentrion  laditle 
grand  rue,  doibt  par  an  deux  quarlels  de  meslaiUe.  .  .      ii  q''  mestaille 

{Suicent  les  noms  de»  déhileurs,  les  désignations  des  biens  el  les 
cens  annuels.) 

1 .  u  Procès-verbal  d'arpentage  d'un  corps  de  ferme  apparleaanl  à  l'église 
paroissiale,  sis  au  terroir  de  Villers-devanl-le-Thour,  ledit  arpentage  lait  à 
'a  mesure  dudil  lieu,  composf'e  de  11  pouces  pour  pied,  19  pieds  12  pour 
verge,  10  verges  pour  pugnet,  40  verges  pour  quarlior  (ou  quartel),  8u  verges 
pour  demi-jour  et  IfiO  verges  pour  le  ,oiir.  »  Arcliives  deii  Ardeif.es.  Séiie 
G,  262  fl62D-i7S7).  —  ]r)verit  sommaire,  t    I\',  p.  98. 


G02  UNE    KGI.TSE    RURALE 

Nicolas  le  Fricqui;',  de  Reims.   .     .  ' ii  blan  parizi 

-M eflart  Monoeaux iii  cscuel  de  meslail 

Michel  Rogier,  veufve  rtelTiint  Gérard-llouss.irt.     .     .       ii  blan  parizi 
Jacques    Notlrez    doibt    pour    dix    verges    lie    vigne    à     la    voye    do 

Brimont ii  l)lan  p.irizi 

Pierre  Dormecq -    .     .       ii  escuel  de  meslail 

Les  hoirs  Nicolas  f.e  Jeusne,  de  Reims.     .     .       ii  pscuel  de  meslail 

Guillaume    Bidaux V  cscuel  m. 

Louis  Caurelle,  pour  terre  au  Mont  de   Hugny.     .     .       V  escuel  m. 

.lean  Mouras  el  Remiette    Hourlier iii  escuel  m. 

Denis  Dechery iii  escuel  m  . 

La  veuve  el  héritier.-*  d'Antoine   Rogier.       un  van  de  charbon  payable 

la  veille  de   Noël 

RegnauM  BrilToteaux ii  blan  parizi 

Oudart  et  Margueritte  les    Bourdaire XllII  deniers 

Oudart  Bourdaire  l'aisnt.'l XIIII  deniers 

Louis  Caurelle ,     .     .     .     .       XIIII  deniers 

Les  Religieuse  Carmelilte  do  Reims  doivent  pour  cincq  pugnet  de  terre 

dans  le  fond  d'Escry V    escuel  fromtnt 

Pierre    Lambert VH  blan  paiizi 

Jacques  Phelippot XXI  deniers 

Mons'  Louis  de  La  Salle,  de  Reims,  doit  pour  sa  maison  el  lieu,  lieu- 
dit  la  grand  rue,  tenant  au  levant  le  cimetier  et  la  veuve  .'\rnouit 
Rogier,  budant  au  midi  la  sente   de  Vauldor,  au  couchant  Jacques 

Phelippot '.....,  par  an XXI  deniers 

Plus  il  se  voit  que  ie  jardin    labourable  derrière  le  lieu   dud.  La  Salle 

doibt  par  an deux  pintes  d'huile 

Plus  led.  S'  de   La  S&lle  jiour  cincq  [lugnet  de  terre  en  lieudil  dans 

le  fond  d'Escry ,  par  an V  escuel  froment 

Mathieux  Phelippot  pour  une  pièce  de  vigne.  .     .       XX  deniers 

La  veuve  Jean  Couslin  pour  sa  maison.     .     .     .       IlII  deniers  parizi 
Jean  Mussier,  demeurant  au  l'ienois-,  doit  pour  sa   maisoi;  lieudit  la 

rue  du  Chesne III    deniers 

Nicolas  Lapie II  deniers 

François    Couvez I  denier 

Estienne  Souphi<^ II    blan   parizi 

La  veufve  Jean  Laigret.  XX  deniers 

La  mazure  Pierre  Mallard  demeurée  vacquante.       II  sols   VI    deniers 

1 .  Probablement  l'héritage  de  Louis  de  La  Salle,  conseiller  au  présidial 
de  Reims,  père  du  bienheureux  Jean-Baptisle  de  La  Salle,  fondateur  des 
Frères  des  Ecoles  chrétiennes.  La  maison  désignée  dans  cet  article  formait 
sans  doute  la  maison  d'exploitation  de  la  ferme  que  celle  illustre  iamille 
rémoise  possédait  alors  sur  le  lerioir  de  Villers.  Celle  maison  était  compriie 
dans  la  propriété  actuelle  de  la  famille  Fossier,  près  l'église. 

2.  Plenois,  commune  de  Proviseux  (Aisne). 


UNE    KOr.TSK    RURALE  (j(l3 

Geraud  Hourlier  doit  pour  sa  maison  lioudil  la  Mailienni^'    .     .     . 

par  an IV  sois  VI  den. 

Jean  Goulin,  thaiilieur,  pour  sa  maison  lien  dit  la  Malhenne. 

le   tiiier  d'uni;  pinte  d'huile' 

La  veuve  ,\ndrez  Grandin,  pour  sa  maison  iieudit  la  rue  des  Telliers 

1   iliier  d'une   pinte  d'huille 

Antoinne  Frère idem 

Arnoult  Gobreaux I1I[  sols  VI  deniers 

Les  hoirs  Jean  Dechery LI  escuel  froment 

Pierre  l*rot III  escuel  froment 

Medart  Rogier VI  escuel  froment 

I,a  veufve  Arnoult  Rogier II  pintes  d'huile 

La  veufve  Eslienne  Grandin IIII    deniers 

Tous  lesquels  rentes  peuvent  rap]iorter  bonnanl  malant*  au  profilât 
de  ia  fubricque  la  somme  de  quatre  livres  dix  sols,  suivant  le  cours  des 
grains^  comme  il  apertpar  les  comptes  précèdent,  à  l'exception  pour- 
tant de  l'huilie  ei  charbon  qui  se  consomme  à  l'eglize. 

De  plus  les  cloches  sont  louée  au  prolfict  de  l'Eglise  tous  les  ans,  le 
premier  Janvier,  au  plus  olïrant  et  dernier  enchérisseur  à  la  somme 
de  cincquante  sept  livres  dix  sols. . .  et  soixante  livres,  suivant  comme 
elles  sont  adjugez,  aux  charges  que  l'Eglise  doiht  entretenir  les  clocdijs. 

Plus  il  y  a  une  constitution  de  renie  donné  à  l'Egliz)  par  Guillaume 
Hourlier  de  la  somme  lie  cincquante  livres  en  principal......  ..  pour 

flire  faire  une  sacristie,  comme  il  a]iert  par  son  testament  et  la  ces- 
sion qu'il  en  a  faiite  au  greffe  dudit  lieu,  à  la  charge  de  six  messe 
haulte  qu'il  a  fait  acquitté  en  son  vivant. 

Ensuivent  les  biens  meubles  et  immeubles  apparlenent  à  la  cure, 
jjreniièreinent  quant  aux  meubles,  il  y  a  deux  obit  fondé  en  i'eglize 
dud.  Villiers  pour  six  année,  à  ce  qu'il  regarde  l'Eglise  faisant  pour  les 
deux  trois  livres  de  rente. 

Plus  il  y  a  la  somme  de  soixante  douzo  livres  donnés  par  Messieurs 
les  religieux,  prieur  et  couvent  de  l'abbaye  de  Saint  Martin  de  Laon, 
par  forme  de  rétribution  annuelle  cscheanl  au  jour  de  Saint  Martin 
d'hiver,  pour  l'administration  des  sacremens  aux  fermiers  de  la  censé 
du  Trembleaux'^  comme  il  apert  par  un  traicté  faict  et  passez  parde- 
vant  (Jallion  et  Carlier,  nottaires  royauix  à  Laon,  entre  les  dits  relli- 
gieux  et  IW*  Pierre  Vui'cq,  curé  en  ce  temps,  en  datte  du  seize 
novembre  mil  six  cens  soixante  seize. 

Biens   immeibles 

Ledict  sieur  curé  prend  sur  la  grosse  disme  un  muict  de  froment  de 
preciput  et  un  thier  au  reste. 

1 .  Ce  nom  de  La  Malène  désigne  encore  une  rue  du  villape,  du  chemiu 
dç  Saiot-Germainraonl  à  ia  roule  de  Gomont,  au  levant. 

2.  Bon  an,  mal  an,  eipression  encore  usitée  de  nos  Jours. 

3.  La  ferme  de  Tremblot  avait  été  complètement  détruite  par  les  guerres 
de  ta  Eronde;  elle  fut  rétablie  peu  apiè^. 


60  4  UNE   ÉGLISE    RURALE 

Plus  il  prend  sur  certain  triege  dlct  saincl  Vincent  un  Ihier  i  la 
^iisnl^^,  les  deux  autres  thiei's  appartenant  à  Messieurs  Jes  Religieux  de 
Saint  Vincent  de  Laon. 

P  us  ledict  sieur  curé  prend  sur  les  terres  des  seigneurs  un  thler  à 
la  disme,  les  deux  autres  thiers  à  Madame  la  prieure  de  la  Presle..  .. 

Plus  ledict  sieur  curé  prendious  les  menues  dismes  novaux,  jardi- 
nage, petiis  grains,  disme  et  autre. 

Ce  jourd'hui  19^  jour  du  mois  de  Juillet  i769.  par  de\  ant  nuus  Ville 
Bary,  lieuienanl  juge  et  garde  en  la  Jiislice  de  Tilliers  devant  le  Thour. 
assisté  de  Arnould  Soupîiye,  n'osli^e  greffier  ordinaire,  sont  comjiarus 
M'  Pierre  Vuicque,  presire  curé  dud.  Villiers,  assisté  de  Esliene  .ludas, 
Jean  Paquit,  custode  et  marguilliers  de  l'eglize  dud.  Villiers,  et 
yi  Oudard  Bourdaire,  procureur  fiscal  et  notaire,  M'=  Mathieu  Phlipot, 
aussi  notaire,  .M^  Ponce  Notre,  aussi  notaire,  M*"  Jean  Noiret,  procu- 
reur aud.  Viilier,  et  Denis  Bourdaire,  sergent  aud.  Villier,  représen- 
iani  la  plus  saine  partie  des  abitlans  dud.  lieu,  lesquels  nous  ont 
requis  acte  de  ce  qui  certiffye  que  le  présent  inventaire  contient  vérité 
tant  pour  les  biens  meubles  et  immeubles,  contenant  V  feillet,  aux- 
quels requérants  nous  leur  avons  donné  act  pour  leur  servir  et  valloire 
il  ce  qui  sera  de  raison.  En  foy  de  quoy  nous  avons  signé  et  nostre 
greffier  et  les  sus  nommés  led.  jour  et  an  susd. 

(Signé)  P.  Vcilcq,  curé. 

BouiioniiD.viRK, 

Phlipot. 

Demaiso.x. 

C.HOLLET. 
NOÏREZ . 

.lean  Paqi-'it. 
Noiret. 

BoriiDAIRE, 
BorHOURDAIRE. 

(kiillaume  Bkgi.e. 
Bary. 

a.  soui'hye. 

Jean  Rogier,  0.  Boi  holruaire. 
Ko(UER,  Arnoui.t,  Gobrealx, 
Arnoiu.t  Prot,  Pierre  Prot. 
(Déclaration  annexée  en  ce  qui  concerne  Juzancoiirt.) 

Inventaire  des  biens  meubles  et  immeubies  appartenants  et  dépen- 
dant de  TEglise  et  labricquc  de  Juzancourt,  annexe  à  la  cure  de  V'I- 
liers  devant  le  Thour,  conformément  au  désir  de  Monseigneur  l'illus- 
trissime et  reverendissime  Archevesque  duc  de  Reims,  pour  luy  esire 
présentée  et  contre  partie  demeuié  dans  le  coffre  fort  de  l'eglise  dudit 
Villiers  di.'vant  le  Thour,  d'auliant  qu'il  n'y  a  qu'une  petite  armoire  à 
l'église  dudict  Juzancourt,  auquel  inventaire  ont  signez  Monsieur  le 


UNE   ÉGLISE    RURALE  605 

cure,  et  Messieurs  les  officiers  de  la  Justice  et  de  la  plus  ':oenne  (sic) 
partie  des  habitans. 

F'remieremem 

L'Eglise  de  Juzincourl  est  pourvneu  d'ornemms  de  peu  de  vai- 
leur,  comme  des  chasubles,  devant  d'autels  pour   servir  suivant  les 

temps  et  festes  de  l'année,  et  quant  au  linge  il  y  en  a  sufûzamment 

Il  y  a  mfisme  calicu,  ciboire  et  soleil  d'argent.  Il  y  a  un  obit  à  l'église 
à  perpétuité",  fondé  par  Ji^an  Langlet,  pour  estre  célébré  par  chacun 
an  messe  et  vigilles,  auquel  est  alî'ecté  trois  quartels  et  demi  de  terre 
eu  deux  pièces  à  perpétuité  à  l'église,  comme  il  se  voira  par  la  décla- 
ration des  biens  immeubles  comme  des  terres  apparienent  à  ladicte 
église. 

PnEMŒli 

iSuil  la  déiiçjiialiun  de  six  parcelles  de  terre.) 

Toutes  lesquelles  terres  faisant  la  qiienlilé  de  trois  jours  trois  quar- 
lels,  adjugé  à  -lean  Moisne,  laboureur,  comme  dernier  enchérisseur  à 
la  quantité  de  neuf  sejitiers  treize  escuels  de  grains,  par  tiers  seigle, 
fromant  et  avoyne... 

Ensuivent  les  biens  mi'ubl''S. 

PiSEMllJHtMENr 

Quant  au  lueuljii.'S,  il  y  a  un  obit...   faisant  trente  s  jIs  de  r.nte. 

HlENS    ^M.MEUIil,ES 

Ledici.  sieur  curé  prend  à  la  grosse  disaie....  plus  toutes  les 
menues  dismes,  novaux,  jardinage.  . . 

Ce  jouriiiiuy  dix  neulicsme  jour  du  mois  liiî  juillet  mil  six  cent  sep- 
tante neuf,  par  devant  nous  .îenn  Barye,  bailly  en  la  justice,  terre  et 
seigneurie  de  Juzancourt,  assisté  de  Nicolas  Honrlier^  greflier  ordi- 
naire, sont  comparus  :  Messire  Pierre  Vuilcq,  curé  dudit  iuzancourt, 
et  Nicolas  Ilourlier,  Miciid  Huguenot,  custode  et  niargiiillier  en  l'egliz^ 
dudict  .fuzancourt,  et  maître  Jean  GiUotiu,  procureur  liscalle,  Nicolas 
.Mouret,  laboureur.  Jean  I.e  Moisne,  pannetier,  Nicolas  Pallotar.x, 
laboureur,  représentant  la  plupart  des  liabitans  dudit  lieu.     .     .     Hn 

'oy  lie  quoy,   nous  avons  signez  et   nostredit   greflier 

{Signél  Nicolas  Coi  sin. 

Nicolas  Pai.oteai  x. 
J».  Paha,nt. 

M.   PlJSTA. 
N.    IIOI  ULIEH. 
HAItV. 

Vi;ii.cn,  curé. 
{el  cinq  auttes  iiiiJiatures  illisibles.) 
^Archives  de  Reims ^  Fonds  de  l'Arclievcclid,  G,  Visites,    Doyenné 

de  Saint-tiermainmont,  liasse  de  Villers-devant-L'-Thour.; 


606  lI^E   ÉGLISE   RURALR 

VII 
Procès-verbaux  de  visites   du    Doyenné    de    Saint-Ger- 
mainmont,    Villers     devant    Le    Tour     et    Jusancourt 
(1692-1722). 

1092 

Procès  verbal  de  la  VisiUe  des  Eglises  île  Villers  devant  Le  Tuur  et 
de  JusancourI,  son  secours,  du  i^'^  Janvier  lG(t"2. 

1 

L'église  de  Villers  a  été  balie  sous  l'invocalion  de  saint  Reiuy,  el 
celte  de  JusancourI  sous  l'invocalion  de  saint  Pierre,  apôtre. 

2 

Un  ne  croit  pas  les  deux  églises  consacrées. 

3 
Le  chapitre  de  Nro  Dame  lI  le  tloUôge  de  Keinis  nomment  alterna- 
tivement à  la  cure. 

4 

Le  gros  du  bénélice  est  de  500  livres,  il  consiste  en  un  lliier  des 
grosses  dixmes  de  grain  et  de  vin,  tant  à  Viller  qu'à  Jusancourt,  et  à 
la  totalité  des  menues  dixmes  des  deux  lieux. 

Le  curé  n'est  pas  cliargé  de  pension. 

(i 

La  dixme  de  Villers  se  partage  en  nmif  pai  Is,  le  cure  en  |)rend  trois, 
le  chapitre  fie  Nre  Dame  une,  le  séminaire  une,  le  prieur  de  Neufville 
deux',  l'abbé  de  Vaucler  une,  l'abbé  de  la  Valleroy  une. 

Celle  de  Jusancourt  se  divise  pareiUenient  en  neuf,  le  s''  curé  en 
prend  trois,  le  cliiipitre  une,  le  séminaire  une.  M""  de  Saint  Nicaise  de 
Reims  quatre. 

-l^e  curé  prend  sa  poriion,  comme  il  est  expliiiué  cy  dessus. 

S 

Il  y  a  un  secour  dit  Juzancourt.   distant  de  la  paroisse  d'une  demie 


1  .  On  voit  figurer,  parmi  les  gros  déciœaleurs  de  ViUers-devaul-ie- 
Thour,  le  prieur  de  Nevfville  pour  2  parts  sur  'J  des  dîmes  de  la  paroisse. 
Ce  prieur  était  celui  du  prieuré  de  Sainl-JuHen  de  Neuville,  l'oudé  vers  1153 
el  appartoniii.t  à  l'abbaye  bénédictine  de  Saiot-Viocent  de  Laon.  Il  état 
situé  dans  la  commune  de  Neuvillc-en-Laonnois,  diocèse  de  Laon,  auj.  can- 
ton de  Craonne  (Aisne).  Ce  vill.ige  s'élail  l'orme  au  x"  siècle,  autour  d'une 
métairie  que  les  religieux  de  Saint- Vincent  avaient  en  cft  endroit.  Le  prieuré 
aurait  été  ibndé  par  les  seigneurs  du  Jieu,  dans  l'intérieur  de  leur  château. 
Dictionnaire  hi!<lorifiue  de  l'Aisne,  par  Melleville,  IHCi,  t.  11,  p.  161  el  23i. 
Cf.  Notice  histovKitte  sur  Neuville  en- Laonnois ,  par  Melleville. 


UNE    EGLISE    RUKÂLE  tyQJ 

Il  y  0  sans  lo  secour  doux  ameaux,  l'un  dit  I.e  Trembleiiu  ',  dépen- 
dant de  Viller,  distant  di3  la  paroisse  d'un  cart  de  lieue,  où  il  y  a  cincf( 
ménages,  appartenant  à  M''-  de  Saint  Martin  de  Laon_,  qui  donnent  au 
S''  curé  la  somme  de  24  csciis  annuelemont  par  accommodementde  Son 
Excellence  pour  l'adminisfralion  des  sacrements,  les  héritages  qu'ils  y 
jiossèdont  étant  cxemj)ts  de  toutles  charges. 

I/autredit  La  Conso  des  Harres,  de|ipndant  de  .lusaiicourt,  dislatil 
d'un  cart  de  lieue,  où  il  y  a  une  seule  maison-, 

!) 

L'église  de  Villers  est  en  croix,  régulière,  elle  consiste  en  un  chœur, 
deux  chapelles,  une  nef,  deux  collatereaux  et  un  clocher  placé  entre  l.i 
ne!"  et  le  chœur,  garni  de  trois  bonnes  cloches,  tout  y  est  bien  entre- 
tenu, les  réparations  se  font  aux  fraix  des  décimateurs,  celle  du  chœur 
par  le  cliapilre  et  le  séminaire  de  Reims,  et  celles  de  la  nel'  par 
M'*  les  abbés  de  Vaucler  et  de  la  Valleroy  et  le  prieur  de  NeutVille  , 
cette  pratique  est  un  usage  de  tout  temps  immémorial  ;  neminc  rccUi' 
mante  ;  on  y  doit  faire  des  portes  plus  solides. 

10 

L'église  de  Jusancourt  est  irréguliére  et  assez  chétive,  elle  consi?tn 
en  un  petit  chœur,  une  chapelle  du  costé  de  septentrion,  une  nef  et 
une  pelitte  nonette-^  au  bas,  la  nef  est  à  la  charge  des  paroissiens  et 
mal  entretenue,  il  n'y  a  ni  lambris  ni  plat  fond,  il  îaut  une  vitre  au 
bas  de  ladilîe  nef;  le  chœur  et  la  cluipel!e  sont  à  la  charge  du  chapitre 
et  du  séminaire  de  Reims  et  en  état. 

11 

Il  y  a  des  fonds  et  un  cimelière  à  Jusancourt  comme  à  Viller, 

12 

L'église  succursale  est  distante  de  la  paroissiale  d'une  grande  demie 
lieu,  mais  beau  chemin. 

13 

Le  nombre  des  communiants  est  de  450  aux  deux  lieux. 

14 

11  n'i  a  point  d'hereiiquos  à  présenta 

1.  Acluelleraenl  Trcmblol,  (erme  très  considérable  de  50(J  hectare;-,  située 
à  l'ouest  du  village. 

On  voit  qu'a  celte  époipie  il  u  est  pas  question,  sur  le  terroir,  du  moulin 
à  eau  de  la  Malaise,  établi  sans  doute  au  début  du  xviu"  siècle. 

2.  Les  Darres  u'ont  encore  qu'une  seule  maison  sur  le  terroir  de  Juzan- 
court,  le  moulin  dépendant  de  Saint  Germainmonl. 

3.  Terme  actuellement  hors  d'usage,  qui  signifiait  probablement  un  petit 
porche  ou  abri,  en  avant  du  portail.  A  moins  qu'il  ne  s'agisse  d'une  clochette, 

4.  Celle  mention  indique  que  les  familles  protestantes  dont  parlait  l'ar- 
chcvêque  en  1676,  avaient  depuis  abjuré  l'hérésie  ou  s'étaient  expatriées. 


608  LNE    ÉGLISE    RURALE 

1b  et   16 

fi  n'y  a  point  de  reliqu^'S  aux  deux  églises. 

16 
Les  Tabernacles  des  deux  églises  sont  assez  jiropres,    fermants  à 
clef,  mais  pauvres,  cehiy  de  Viller  est  garni  en  dedans  et  l'autre  peint. 

17 
Il  y  a  des  ornements,  des  Livres  de  chant,  du  linge  et  autres  choses 
nécessaires  au  service  divin,  à  Villers  surtour. 

18 
Il  y  a  un  calice  d'aigent  avec  la  patène  aux  deux  églises,  celuy  de 
Villers  est  doré  en  dedans,  comme  la  patène  ;  un  ciboire  aussi  d'ar- 
gent à  chaque  église,  comme  aussi  un  Rayon  qui  se  monte  sur  le  pied 
du  ciboire'.  Il  y  a  aussi  une  boette  d'argent  assez  grande  à  Villers 
pour  porter  le  Saint  Viatique  avec  une  i)Ourse,  et  à  Jusancourt  une 
petite  qui  ne  peut  contenir  que  deux  ou  trois  hosties;  les  vaisseaux 
des  s'»-'-  huiles  ne  sont  que  d'estain  et  séparés. 

1!.t 
Los  Livres  dont  on  se  sort  dans  les  deux  églises  sont  à  l'usage  du 
diocèse  et  des  derniers  imprimés-. 

20 
Le  s''  curé  a  soin  de  ronouvoler  les  hoslies. 

■n 

i)aiis  l'église  de  ViUei's,  il  y  a,  sous  le  m"'  aulul,  deux  autres  autels, 
l'un  dans  la  chapelle  du  cùlé  de  l'Evangile,  dédié  à  la  Sainte  Vierge  ■', 
cl  l'autre  dans  la  chapelle  du  costé  de  l'Epilre,  dédié  à  saint  l'i^cre '', 
oit  il  niamiue  un  tableau,  les  autels  sont  ornés  de  linge,  ils  ne  sont 
point  consacrés. 

Dans  l'église  de  Juzancourl,  il  y  a,  avec  le  grand  aut<'l,  une  auire 
autel  dédié  à  la  Sainte  Vierge  du  cùté  de  l'I-lvangile  qui  est  orné  et  non 
consacré. 

'2'1 

Il  y  a  lieux  pierres  bénites  a  l'église  de  Villers  et  une  à  l'église  de 
«Jusancourt. 

•23 

Il  y  a  un  conl'essional  à  Villers  assés  mal  prujiri'  dans  la  chapelle 
de  saint  Fiacre,  bien  exposé;  il  n'y  en  a  {luint  à  Jusanciiur,  le  s''  cun^ 
confesse  dans  le  chieur  à  sa  place, 

1  .  Ostensoir  en  forme  de  soleil,  qui  se  fixait  sur  le  pied  du  ciboire, 
"2.   Maurice  Le  Tellier  fil  rééditer,  de  1G77  à  UiS8,  les  livres  li'urgiques 
du  diocèse  de  Reims. 

M.   Autel  placé  aciuclicmeul  sous  le  vocable  de  Suinl-Hcmi. 
4.   Aulel  délié  uiainUnanl  a  la  Suinte  \  ior^e. 


UNE   ÉGLISE   RURALE  609 

24 

Il  y  a  ui.  truii  en  fjruii  de  Piscine  à  chaque  égli6t',  proche  \e  grand 
autel. 

25 

I!  y  a  une  lampe  à  l'église  de  Villers  qui  bruslc  pendant  les  ser- 
vices, les  lestes  et  dimanclies,  aux  frais  de  la  fabrique  -,  quelques  par- 
ticuliers y  contribuent  ;  il  n'y  en  a  pdnt  à  Jusancourt. 

■2tj 
Les  eaux  boniliors  des  deux  églises  sont  suflisamnient  exposés  et 
bien  placés. 

•21 

il  y  a  des  statues  à  Villers,  dans  la  chapelle  de  saint  Fiacre,  indé- 
cenlps,  que  le  s''  curé  fera  ùter.  et  une  dans  la  nef.  A  Jusancourl, 
plusieui's  aussi  à  la  nef,  qu'il  doit  oter  pareillement. 

L'heure  du  service  est  réglé  le  matin  à  Jusancourl,  et  sur  les  dix 
heures  à  Villers. 

■10 

Les  paroissiens  sont  assés  assidus  ;  tout  le  monde  s'est  actiuitté  de 
son  devoir  pascal  ;  il  n'y  a  point  de  scandais,  d'usures,  d'inimitiés, 
de  superstitions  connues,  point  de  mariés  séparés,   ny  de   mariages 

invalides. 

30     ■ 

Le  cnré  fait  les  prosnes  du  Rituel  et  les  Catéchismes  en  Adveut  et 
Carême,  et  fait  instruire  souvent  par  des  slationnaires  ou  d'autres, 
aiant  presque  icujour  un  prestrc  chez  luy  pour  sa  commodité  et  le  bien 
de  sa  paroisse. 

31 

Il  y  a  un  m"""-'  d'escole  à  chaque  paroisse,  dont  on  est  assés  contant  ; 
ils  sont  de  bonne  mœurs,  de  saine  doctrine,  mariés,  du  diocèse,  et 
n'ont  point  de  lettres. 

;i2 

Les  lilles  vont  à  l'école  avec  les  garçons  et  sont  séparés  dan^  la 
classe. 

33 

Les  m'''-''  d'école  se  plaignent  do  ce  que  les  parents  négligent  d'eii- 
vùier  leurs  enfans  ]iour  les  instruire;  on  les  a  excités'  do  le  faire, 
comme  de  les  envoi'.'r  aussi  aux  catéchismes. 

0  1 

11  y  a  lies  tons  baplisiuaux  aux  deux  églises,  ternianl  a  clef;  ceux  de 
Jusancourt  sont  trop  peu  eslevés;  il  y  manque  un  couvercle  à  ceux  de 

Villers. 

I.  11  u'}'  a  plus  traces  de  ces  anciennes  sta'ues,  que  le  doyen  jujzeail  indé- 
tentes,  probaDlemenl  parce  qu'elles  étaient  gothiques. 

'J9 


6  lu  UNE   ÉGLISE    llUKALE 

35 

Il  y  a  iIl's  Registres  Ijaplisières  exac'.s  «Junl  les  m""^-'-  d'escole  sonl 
gardiens. 

36 

Les  pères  et  ineres  envoient  leurs  enfants  à  l'église  pour  les  bap- 
tiser ;  on  ne  sépare  pas  les  cérémonies  du  sacrement,  et  on  n'assure 
pas  les  enlans  à  la  maison  sans  nécessité. 

37 
11  y  a  une  sage  femme  à  Villers,  instruite,  lie  bonne  vie,  qui  a  prèle 
le  serment  ;  il  n'y  en  a  point  à  Jusancourt. 

38 
On  ne  seait  pas  si  les  pères  et  mères  couchent  avec  leurs  enfants,  le 
sr  curé  leur  donnera  ses  advis. 

39 
Il  n'y  a  point  do  sacristie  aux  deux  églises.  A  Villers,  le  prestre  se 
revêt  derrière  l'autel,  on  enferme  les  ornements  dans  une  grande 
armoire  placée  dans  la  chapelle  du  côié  de  l'épistre'.  A  Juzancourt, 
on  se  revel;  derrière  faulel  do  la  clnppjle  cîi  les  ornements  sont  enfer- 
més dans  une  armoire. 

10 

i^e  cimelière  de  Villers  est  en  étal,  fermé  de  murailles  et  les  portes 
sont  règlement  fermées  ;  celuy  do  .luzancourt  est  entouré  de  hayes  et 
piroit  assés  négligé.  On  n'y  liiMit  jioint  de  foires,  ni  d'assemblées. 

■U 
Le  revenu  de  la  fabrique  do  Villers  est  de  250  livres  environ,  consis- 
tant en  grains  et  oblations-,  celui  de  Jusancourt  peut  esire  de  10  livres, 
tant  en  oblalions  que  grains  et  autres  rentes. 

42 

Les  comptes  se  rendent  en  présence  du  s''  curé,  des  anciens  mar- 
guilliers  et  des  princijjaux  de  la  paroisse  qui  en  sont  adverti  au 
prosne.  Il  y  en  a  deux  à  terminer  à  Villers  et  un  à  Jusancourt. 

43 

Il  y  a  plusieurs  marguilliers  reliquataires,  on  lesaadvertil  desalis- 
faire  et  ils  s'y  disposent. 

4  4 

Tous  les  propriétaires  payent  dixmes  à  l'exception  d'une  censé  appar- 
tenante à  M"*  de  Saint  Nicaise  do  Reims,  et  d'une  autre  appartenante 
à  M-  La  Presie  "■',  qui  ne  paie  que  demie  dixme,  comme  les  terres  des 

1 .  L'ancienua  sacristie  ne  fut  construite  que  vers  171S,  à  l'angle  d'un  bas- 
côté  et  du  croisillon  sud.  La  sacristie  actuelle  fut  bâtie  seulement  en  LS31. 

2.  Il  &'ag;it  de  la  prieure  commen(lat)ire  de  La  Presie,  près  JuzaDcourt, 
petit  monaslèrc  de  femmes  (jui  a  cessé  probablement  dès  le  xvb  siècle  toute 
régularité.  Une  ferme  eu  avait  pri-^  la  place  et  ses  revenus  étaient  donnés  à 
titre  de  bénéfice  bimple. 


UNE    ÉGLISE   RURALE  Gll 

particuliers  qui  luy  doivent  des  cens,  et  d'autres  terres. aux.  particu- 
iics,  qui  doivent  pareillement  des  cens  à  M'^  du  Chapitre  et  au  sémi- 
naire de  Reims,  ne  paient  rien. 

45  et  4G" 

Il  n'y  a  point  de  cunfrairies  érigées. 

i-7 

Il  y  a  doux  obits  fondés  à  Jusancourt  et  trois  aulres  que  M""  de 
llezeques  acquite  ;  on  n'en  a  pas  accusé  à  Villors. 

48 
Il  y  a  un  presbilère  à  Villers,  mal  commode,  défectueux.  Le  s''  curé 
qui  y  réside  s'en  ])laini,  il  oilVe  de  donner  300  livres  pour  le  rétablir 
comme  il  le  souliaille,  eu  il  leur  demande  la  mesme  somme  et  il  le  faira 
accommoder. 

49 
Le  S''  curé  a  de  temps  en  temps  un  ])rcslre  pour  le  soulager;  il  a  à. 
jiresent  un  religieux  cordelier  approuvé,  qui  sert  aussi  de  slationaire 
dans  le  voisinage  et  il  en  est  fort  content. 

50 

Le  sr  curé  se  nomme  M''"  Pierre  Vuilcq,du  diocèse  de  Laon,aagé  de 
48  [ans!,  il  a  obtenu  les  provisions  delà  cure  le  '20  septembre  en  1G(JD 
de  M""  le  cardinal  Anthoine  ';  il  a  élé  mis  en  possession  par  M""  Cho- 
pin, curé  de  Lor.  par  commission  particulière  la  mesme  année  le  5 
novembre  ;  il  a  été  tonsuré  en  1G64,  fait  acolitlie  par  M'  de  Soissons  ; 
sous  diacre  en  1G65,  en  may,  par  le  mesme  ;  diacre  en  1667,  en  juin; 
prestre  par  M''  le  cardinal  Anthoine  en  1608.  Il  n'a  pas  les  cas  réservés. 

Il  a  étudié  dei.x  ans  en  ihéologie  à  Reims.  Il  a  une  pelitte  biblio- 
thèqup. 
■     11  a  chez  hiy  Mlle  sa  sœure,  veufe,  avec  une  servante  assés  aagéu-. 

51 
li  y  a  sur  le  terriloir  de  Villers  une  chapelle  dédiée  à  saint  Marc, 
ancien  patron  du  lieu,  et  entretenue  aux  fraix  du  s'  curé  et  des 
paroissiens;  elle  n'est  pas  fermée  ;  il  seroit  à  propos  de  la  faire  démo- 
lir, mais  on  s'i  opposeroit.  Il  y  a  une  espèce  de  cimetière.  On  y  entere 
les  pesliterés,  on  n'y  l'ail  aucunne  fonction,  il  y  a  un  reste  d'autel^. 

■    1.   Le  cardinal  Antoine  Ijarberini,  archevêque  de  Reims.  ICOT-KJTl. 

'..  Pierre  Vuilcq  était  originaire  probablement  de  Goudelancourt-les-Ber- 
rieux  (Aisne),  ancien  diocèse  de  Ljiod.  L'acte  consliliitif  de  la  Ligue  fut 
signé  par  la  noblesse  de  Vermandois,  et  celte  pièce  fut  collationnée  par  le 
notaire  Biseleur,  à  une  date  postérieure  non  indiquée.  Voir  VEssai  histo- 
rique sur  liozoy-sur-Serre,  par  G. -A.  Martin,  t.  II,  p.  Ho,  qui  cite  parmi 
les  témoins  de  cette  collaiion  «  Pierre  Wuilq,  prestre  curé  de  Villers-devant- 
le-Thour,  et  Desjardiu,  marchand  à  Goudeluncourt  >■,  d'après  les  manuscrits 
de  Claude  Leleu  sur  l'histoire  du  Laonnois,  t.  II.  p.  3'.i6. 

'■).  Sur  cette  chapelle  qui  fut  démcdie  seulement  en  i/oi»,  voir  le' Cha- 
pitre VIII  de  la  présente  notice. 


612  UNE   ÉGLISE   RURALE 

Il  y  a  un  patronage  qui  est  uni  au  séminaire  de  Reims,  de    100 
livres  de  rente. 
Le  reste  néant. 

DoYENÉ   DE   Saint   Geh.mainmunt. 

nio 

Viller  devant  Le  Tliour  et  Juzancourt  sou  secour. 

Le  sr  curé  M"""  Pierre  Vuiiq,  aagé  de  G5  ans  environ,  honete  homme; 
et  souhaittant  qu'on  IVisse  le  bien  dans  sa  paroisse,  mais  qui  n'a  aucun 
talent  pour  parler  en  public,  fort  charitable  aux  pauvres.  Il  a  un 
vicaire  un  peu  timide  pour  instruire,  de  bonne  conduite. 

Le  revenu  est  de  1000  livres  et  plus. 

Le  chapitre  et  le  séminaire  de  Reims  nomment  à  la  cure  alterna- 
tivement. 

Les  décimateurs  sont  lo  chapitre,  le  séminaire  de  Reims,  le  prieur  de 
Neuville,  l'abbé  de  Vaucler,  l'abbé  de  La  Valleroy,  l'abbé  de  Sainf. 
Nicaise  de  Reims  et  le  s''  curé. 

Les  églises  sont  en  état. 

ï,e  nombre  des  communians  est  de  .iOO. 

Le  patron  de  Viller  est  saint  Remy,  le  patron  de  Juzancourt  saint 
Pierre. 

Doyenné  oe  Saint  Gehhain  Mont. 

1712 

Viller  devant  le  Thour  et  Juzancourt  son  secours. 

jyji-e  Pierre  Vuilcq,  aagé  de  69  ans,  en  possession  depuis  le  20  si^re 
1669,  honnête  homme  hors  d'état  de  profiter  à  celte  paroisse,  a  un 
vicaire  du  diocèse  de  Trêves,  de  bonne  conduite,  mais  qui  n'instruit 
pas  non  plus  (jue  son  m''^. 

Le  revenu  de  la  cure  est  de  900  à  lOUO  livres,  celui  de  l'eglisf.  de 
Villers  est  de  250  livres,  la  despense  peut  aller  à  150  livres. 

Le  revenu  de  la  fabrique  de  Juzancourt  est  de  50  à  60  livres,  et  les 
charges  équivalent  la  recette,  mais  les  deniers  sont  mal  administrés, 
et  il  y  a  une  confusion  extrême  dans  les  comptes  de  ces  deu.^  églises. 
(Il  convient  y  remédier). 

PRociiS  veubal  di^  la  Visrn;  entière  du  Doyené  de  S^  îtERMAiN-MoM 
DE  l'année    1716. 

Viller  devant  Le  Thour  et  Juzancourt  le  2b'  juin  1716. 
Eglise.  —  L'église  de  Viller  est  en  état.  On  y  a  (ait  depuis  peu  un 
autel  de  marbre'  et  une  sacristie-.  Il  n'y  manque  que  i>eu  de  linge. 

1 .  Le  maître-autel  actuel,  du  moins  son  retable  très  décoratif,  date  de 
celte  époque  ;  le  tombeau  de  l'autel  est  plus  récent  et  provient  d'une  des 
églises  de  Reims  détruites  à  la  Révolution. 

2k  La  sacri>tie  alors  coustruite  se  trouvait  à  l'angle  du  transept  et  du  bas- 
côté  sud.  Elle  aura  disparu  à  la  Révolulion  ;  une  autre  fut  reconstruite  a 
l'endroit  actuel,  vers  1831. 


UNE  tSglise  rurale  613 

Patron.  —  Saint  ftemy,  archevêque  de  Reims. 

Collateur.  —  Le  chapilrs  et  le  séminaire  alternativement. 

Curé.  —  y\'*  Marc  Anlhoine  Bidault,  aagé  de  29  [ans].  Il  est  en 
procez  pour  le  bénéfice  avec  le  s""  Savart,  prêtre  du  diocèse-,  l'instance 
est  au  parlement. 

Revenu.  —  Il  est  de  i  ,000  livres. 

Fabrique.  —  Les  deniers  sont  bien  administrés. 

Comptes.  —  Us  se  rendent  e.xactement,  on  a  vuidé  les  anciens 
comptes  qui  restoient  à  régler  du  temps  du  s""  Vuilq,  dernier  curé. 

Cimetière.  —  Il  est  bien  fermé,  à  l'e-xception  des  portes. 

Presbitère.  —  Il  n'est  pas  en  état  ;  quand  le  s^  curé  sera  paisible, 
il  sera  plus  hardi  à  parler  aux  habitans  à  ce  sujet. 

Seigneurs.  —  M""  le  Marquis  de  Nesle  et  l'hôtel  Dieu  de  Paris. 

Le  s"^  curé  est  fort  replé,  zélé  pour  le  salut  des  âmes,  ses  paroissiens 
en  sont  contents  et  édifiés. 

JUZANCOURT,    SEtOUR    DE     ViLLERS. 

Eglise.  —  Elle  est  en  état  et  décorée  depuis  peu,  fournie  de  linges 
et  d'ornements. 

Fabrique.  —  Elle  a  peu  de  revenu,  mais  il  est  fidèlement  admi- 
nistré. 

Comptes.  —  Le  s''  curé  a  trouvé  plusieurs  comptes  à  rendre,  il  a 
achevé  de  les  régler  et  y  donne  tous  ses  soins. 

Cimetière.  —  Il  est  fermé  de  hayes. 

.Seigneur.  —  [.Ps  Enfants  de  M''  Dezeques. 

Mémoires  pour  sehvir  aux  i-ROCts  verbaux  (Vers  1722). 

ViLLERS  DEVANT  LE  ÏOUR. 

L'Eglise  est  sous  l'invocation  de  saint  Remy.  Le  maître  autel  est  de 
marbre  en  colonnes,  le  tableau  représente  une  descente  de  la  croix,  il 
y  a  aux  2  cotés  deux  statues  en  relief,  l'une  de  saint  Remy.  l'autre  de 
saint  Marc,  patrons  ;  il  faut  aud.  m*"  autel  un  crucifix  do  metail  en 
rehef '.  Il  y  a  de  plus  deux  autels,  l'un  de  la  Vierge,  l'autre  de  .saint 
Fiacre,  dans  chacune  de  cas  chapelles,  il  y  a  un  confessional  en  bon 
estât,  mais  il  faut  deux  pierres  à  ces  autels.  Il  faut  dorer  en  dedans  la 
coupe  du  ciboire,  la  petitte  boette  et  le  croissant  du  soleil,  et  étamer 
la  cuvette  des  fonds.  Il  y  a  une  grande  sacristie  toute  neuve  ot  en  bon 
estât. 

Le  sieur  curé  s'appelle  xMarc  Antoine  Bidaut,  natif  de  Reims, 
cy  devant  chanoine  de  Saint  Timothé  ;  son  revenu  consiste  en  un  tiers 
des  grosses  dixmes  de  grain  ot  de  vin,  tant  à  Villors  qu'à  Jusancour, 

1.  11  s'agit  bien  du  grand  retable  actuel,  fort  bien  conservé,  mais  le 
tableau  et  le  tombeau  de  l'autel  ont  été  chaa<réâ  vers  1790,  et  les  statues 
latérales  supprimées  en  1880, 


ÙH  UNE    ÉGLISE   RURALE 

et  il  la  totalité  des  menù'3s  dixmes,  mais  à  ViUers  il  n'en  perçoit  plus 
parcp,  disent  les  habitans,  que  son  devancier  n'en  demandoil  pas.  Il 
a  depuis  quelques  années  un  vicaire  qu'il  paye  seul,  ce  vicaire  s'ap- 
pelle Nive),  est  de  Saint  Germainmont  et  prostré  depuis  3  ans.  Mon- 
seigneur, comme  supérieur  du  séminaire,  et  le  chapitre  de  Reims  y 
nomment  alternativement.  Le  s''  Bidault,  qui  en  a  la  recréance  à  j»i'é- 
sent,  est  de  la  nomination  de  Mgr.  Le  pétitoire  n'est  pas  encore  com- 
mencé avec  le  sr  Savart  qui  a  la  nomination  «la  chapitre,  et  qui,  pour 
empocher  la  prescription,  fait  une  signification  tous  les  .3  ans. 

La  fabrique  a  environ  20')  livres,  sur  quoy  9  livres  10  s.  pour  les 
rétributions  du  curé,  et  '6  livres  10  s.  pour  le  m"  d'école. 

Il  y  a  dans  la  paroisse  510  conimunians.  Les  comptes  sont  rendu 
jusqu'à  1720  inclusivement.  Les  registres  depuis  1670  jusqu'à  ce  jour. 

Le  maître  d'école,  Jean-Louis  Marteau,  pour  les  garçons  et  pour  les 
iflles. 

L'église  est  bien  en  ornemens,  ainsy  qu'il  appert  par  le  procès  ver- 
bal cy  joint,  affirmé  par  le  s""  curé  or  oii  en  trouve  un  détail  bien  cir- 
constancié de  son  bénéfice'. 

Il  y  a  un  secours  à  une  demie  lieu,  nommé  Jusancour,  un  hameau 
dit  Trembleau,  à  un  cart  de  lieu,  où  il  y  a  G  ménages,  et  une  censé 
ditte  les  Barres  à  une  demie  lieue. 

VIII 
Procès   verbal    de    visite    de    la    paroisse    de    Villers- 
devant-le-Thour  par  Hyacinthe  Le  Pappe  de  Kervilly 
en  1743. 

VlLLEIlS    DEVANT    Le    THOUfi    ET    JuZA.NC0URT, 

Ce  vingt  sixième  juin  mil  sept  cens  quarante  trois,  Nous,  Hyacinthe 
L(!  Pappe  de  Kervilly,  prêtre,  docteur  de  Sorbonne,  chanoine  de 
l'Eglise  Métropolitaine  de  Reims -,  commis  par  Son  Altesse  iVIonsei- 
gneur  r.A.rchevêque  Uuc  de  Reims,  premier  Pair  de  France,  Légat-né 
du  Saint  Siège,  pour  faire  la  visite  des  Eglises  de  son  Diocèse,  par 
commission  à  nous  délivrée  le  vingt  neufième  jour  du  mois  de  Ma}^  de 
l'année  présente,  signée  Armand  Jules  de  Rohan,  .'archevêque  Duc  de 
Reims,  et  plus  bas  Boitel,  insinuée  et  controllée  le  trentième  du  même 
mois  de  la  même  année,  signée  Jourdain,  Nous  sommes  transporté  sur 
les  trois  heures  de  relevée  à  la  Paroisse  de  Villers  devant  Le  Thour, 
])0ur  procéder  à  la  visite  de  cette  Eglise,  et  nous  étant  di'iement  assuré 

1 .  Ce  procès-verbal  n'existe  plus  dans  la  liasse. 

2,  «  Prœbenda  29,  de  dextro  choro,  llyacîcthus  Le  Pappe  de  Kervilly, 
pbr  diocfisis  Corisopilensis  (Quimper-Corenlin),  per  dimissionem  Simonis 
Charuel,  7  ans,  19  decembris  1732.  —  Prcebenda  07,  de  sinislro  choro,  Hya- 
cinihus  Le  Pappe  de  Kervilly,  pbr.  Corisopilensis,  per  obitum  Joannis  Mor- 
lol,  25  ans,  25  novembris  1739.  Hemplacé  le  l.'i  octobre  1704,  »  {\omina 
canonicoruni  Kccl.  /{emen.s/s,  f"'  05  et  lOi  verso,  recueil  Murtin,  ms.  de  la 
Bibliothèque  de  Reims.) 


UNE    ÉGLISE    RURALE  ù\l'> 

que  les  paroissiens  tîtoieiit  avrrlis  ilii  jour  et,  de  l'iieiire  ritie  nous 
(levions  faire  notre  visite,  nous  serions  sortis  de  la  maison  preshyte- 
ralle  revêtu  de  surplis  et  en  Elole.  accompagné  de  M.  Marc  Antoine 
Bidot*,  curé  de  ladite  i)aroisse,  de  Messieurs  Sta,  curé  de  Sévigny  et 
doyen  de  Saint-Germainmont,  Jacques  Digoine,  vicaire  de  ladite 
paroisse,  Pierre  Gaillol,  vicaire  de  Château-Porcien,  et  suivis  de  plu- 
sieurs paroissiens  assemblés  au  son  de  la  cloche,  qui  nous  ont  con- 
duits jusques  à  la  porte  de  l'Eglise  où  le  sieur  curé  nous  auroit  pré- 
senté de  l'eau  Bénite,  puis  étant  allé  au  grand  Autel,  nous  aurions 
d'abord  visité  le  tabernacle  que  nous  avons  trouvé  en  bon  état.  Nous 
aurions  ensuite  tiré  le  Saint  Sacrement  ?t  le  clireur  ayant  clianté  l'an- 
tienne 0  salutaris,  nous  aurions  dit  la  collecte  nt  donné  la  bénédiction, 
après  quoy,  nous  aurions  remis  le  Saint  Ciboire  que  nous  avons  trouvé 
dans  la  décence  convenable,  ainsy  que  la  custode  destinée  à  porter  le  bon 
Dieu  aux  malades,  le  calice  et  le  soleil.  Outre  ce,  nous  nous  sommes 
fait  représenter  les  vaisseaux  des  saintes  huiles  qui  sont  d'argent  et 
très  propres.  Puis  nous  aurions  été  aux  fonds  Baptismaux  que  nous 
avons  trouvé  en  bon  état.  De  là  nous  aurions  lait  la  visite  du  Maître 
Autel  et  des  Chapelles,  et  nous  avons  remarqué  que  la  pierre  bénite 
de  l'autel  de  la  chapelle  de  la  Sainte  "Vierge  n'est  pas  suffisamment 
enchâssée.  Après  quoi  nous  aurions  visité  les  confessionnaux  que  nous 
avons  trouvé  dans  un  état  convenable  et  prescrit  par  le  Rituel.  Nous 
sommes  aussi  allé  au  Cimetière  et  nous  avons  remarqué  qu'il  est  bien 
fermé.  Tout  de  suitle  nous  avons  visité  le  corps  de  l'Eglise  tant  en 
dedans  qu'au  dehors,  que  nous  avons  trouvé  en  bon  état.  Nous  avons 
ensuitle  demandé  aux  Paroissiens  s'ils  n'avoient  point  de  plaintes  à 
nous  faire,  et  il  nous  ont  répondus  qu'ils  n'en  avoient  aucune.  —  Puis 
étant  entré  dans  la  sacristie,  nous  nous  sommes  fait  représenter  les 
livres  de  chant,  les  ornemens  et  les  linges  destinés  à  la  célébration 
des  Saints  Mystères,  et  nous  avons  reconnu  que  tout  est  très  propre, 
en  nombre  suflisant  et  dans  la  décence  convenable.  Nous  avons  encore 
demandé  à  voir  les  comptes  de  la  fabrique,  et  il  nous  a  paru  qu'ils  ont 
été  rendus  jusques  à  mil  sept  cens  quarante  et  un  inclusivement.  Nous 
avons  au<^si  remarqué  que  les  comptes  de  ladite  fabrique,  ainsi  que  les 
titres  concernans  les  biens  de  cette  Paroisse,  sont  enlérmés  dans  une 
armoire  à  deux  clefs,  comme  il  est  porté  ('ar  le  Rituel.  Nous  avons 
ensuite  demandé  compte  tant  du  spirituel  que  du  temporel  de  ladite 
Eglise,  le  sieur  curé  sur  la  demande  que  nous  lui  avons  faite,  nous  a 
répondu  qu'il  s'appelle  Marc  Antoine  Bidot,  qu'il  est  âgé  de  cinquante 
quatre  ans,  qu'il  est  curé  de  celte  paroisse  depuis  mil  sept  cent  qua- 
torze, qu'il  y  a  été  nommé  par  le  Séminaire  de  Reims,  patron  alterna- 
tif avec  le  Chapitre  de  l'Eglise  de  Reims,  que  le  revend  est  de  mil 
livres  années  communes,  et  celui  de  la  fabrique  de  cent  vingt  livres, 
sur  quoy  il  faut  acquitter  les  charges,  que  les  dixmes  se  partagent  en 
neuf  parts,  dont  trois  appa:  tiennent  au  sieur  curé  de  Villers,  une  au 
chapitre  de  l'Eglise  de  Reims,  une  au  Séminaire,  une  à  Mons''  l'abbé 

-1 .    Mauvaise  orthographe,  pour  Pidaitlt. 


616  UNE    lf;GLlSK    RUR\LE 

de  Vauclerc,  une  aux  religieux  de  l'abbaye  de  la  Vallerùy,  et  deux  au 
prieur  de  Neuville,  sans  préjudice  aux  dixmcs  inféodées  qui  appar- 
tienneal  à  Madame  l'abbesse  de  ia  Presle  et  aux  Religieux  bénédictins 
de  Saint  Vincent  de  Laon,  ou  le  sieur  curé  dixme  pour  son  tiers,  que 
l'église  est  dédiée  à  Dieu  sous  l'invocation  de  Siint  Remy  et  de  Sain' 
Marc,  que  le  nombre  des  communians  est  d'environ  quatre  cens.  Nous 
avons  aussi  examiné  les  Regîtres  des  Baptêmes,  Sépultures  et  Mariages 
que  nous  avons  trouvé  en  règle.  11  y  a  dans  la  paroisse  Monsieur  Tabé 
de  Digoine,  pri-tre,  âgé  de  vingt  six  ans,  qui  y  fait  les  fonctions  de 
vicaire  depuis  le  septième  février  de  la  présente  année,  en  vertu  des 
pouvoirs  à  lui  accordés  par  Monsieur  de  Mailly.  Vicaire  général  de  son 
Altesse,  ainsi  qu'il  paroii  par  sa  lettre  écrite  au  sieur  abbé  de  même 
datte  et  de  même  année.  Le  sieur  curé  nous  a  rendu  un  excellent 
témoignage  de  M''  l'abé  de  Digoine,  tant  pour  la  régularité  de  ses 
mœurs  que  pour  son  zèle  dans  le  ministère  dont  il  s'acquitte  à  l'édifi- 
caiion  de  toute  la  paroisse*.  Il  y  a  encore  dans  ladite  paroisse  un 
ecclésiastique  nommé  Jean  Bréart,  diacre  sortant  du  séminaire,  qui 
assiste  assidiiement  aux  ofiices  et  qui  y  fait  les  fonctions  de  son  ordre. 
Nous  avons  aussi  fait  venir  le  Maître  d'Ecole,  d(int  on  nous  a  rendu 
bon  témoignage.  De  tout  ce  que  dessus,  que  nous  avons  vu  et  exa- 
miné par  nous  même,  nous  avons  dressé  le  i)résent  procez  verbal  pour 
être  ordonné  ce  que  de  raison,  et  après  en  avoir  fait  lecture  à  haute  et 
intelligible  voix  en  présence  du  sieur  curé,  des  témoins  susnommés  et 
de  plusieurs  notables  paroissiens,  nomméiuent  Louis  Bréart,  Marguil- 
lier  en  charge,  Jacques  Mouret,  ancien  Marguillier,  Maître  Gilles 
Gacoin,  Procureur  fiscal,  ih  ont  signe/,  avec  nous  les  mêmes  jour, 
mois  et  an  que  dessus. 

{Signé)  Keuvii.i.v. 

.M.   A.  Biu.\i!LT,  i)>"  et  curé. 

Sta,  curé  de  Sévigny. 

De  Digoine,  prestre 

Gaillot,  vicaire. 

Louis  Brkaki. 

J.    M  or R ET. 

G.  Gacoin. 
Tout  de  suite,  nous  serions  transporté  à  Juzancourt,  secour  de  Vil- 
1ers,  qui  en  est  distant  de  trois  quarts  de  lieiïe,  où  après  avoir  observé 
les  mêmes  cérémonies  que  dessus,  nous  avons  reconnu  que  l'Eglise  est 
dédiée  à  Dieu  sous  l'invocation  de  Saint  Pierre,  que  le  revenu  de  la 
fabrique  est  de  soixante  livres  environ,  sur  quoy  il  faut  acquitter  les 
charges,  que  les  dixmes  se  partagent  en  neuf  parts,  dont  trois  appar- 
tiennent au  sieur  curé  de  Villers,  une  au  Chapitre  de  l'Eglise  de 
Reims,   une   au   séminaire  des  chaiioines  réguliers  de   Reims,  et  les 

1.  11  s'agit  probablement  ici  d'un  parent,  sans  doute  neveu  de  Jacques- 
Joseph  de  Digoine  du  Palay,  mort  curé  d'Asfeld  le  11  avril  l'ofi,  à  l'âge  de 
87  ans,  et  dont  l'épitaphe  >e  trouve  conservée  sous  le  porche  de  l'égUsé 
d'Asfei'J. 


UNE   ÉGLISE    RURALE  617 

quatre  aulres  à  Messieurs  de  la  Sainti^  chapelle  de  Paris  ;  Quo  le 
nombre  des  corr.munians  est  de  cent  quarante,  que  les  Livres  de 
chant,  les  ornemens  et  les  linges  destinés  à  la  ciMébraiion  des  Saints 
Mystères  sont  en  nombre  sufTisant  et  dans  la  décence  convenable;  Que 
le  calice,  le  ciboire,  le  soleil,  !a  custode  et  les  vaisseaux  des  saintes 
huiles,  qui  sont  d'argent,  sont  |)ropres  et  dans  un  état  convenable,  quo 
le  Maître  Autel,  les  Fonds  baptismaux  et  le  Confessionnal  sont  en  règle  ; 
Que  le  corps  de  l'église  tant  ea  dedans  que  dehors  est  en  bon  état,  qm- 
les  Riîgîires  de  Baptêmes,  Sépultures  et  Mariages  sont  en  règle  ;  Que  les 
comptes  ont  été  rendus  juscpi'à  mil  sept  cent  trente  neuf  inclusive- 
ment et  ({u'on  a  fait  rentrer  les  deniers  appartenans  à  la  fabrique,  les 
derniers  comptes  n'ont  pas  encore  été  rendus  à  cause  de  la  mort  de 
l'avant-dernier  Marguillier,  attendu  que  le  Marguillier  aciuellement  en 
charge  s'est  opposé  .à  la  rendition  qu'on  en  vouloit  faire  jusqu'à  ce  que 
les  héritiers  du  deffunt  aient  tenu  compte  des  deniers  dont  il  étoit  rede- 
vable. Qu'il  y  a  un  Maître  d'Ecole  chargé  de  l'instruction  des  enfans 
en  vertu  de  l'institution  à  lui  accordée  par  Mons''  l'Ecolùtre  de  Reims 
et  dont  on  est  très  content.  De  tout  ce  que  dessus,  (jue  nous  avons  vu 
et  examiné  pas  nous  même,  nous  avons  dressé  le  présent  procez  ver- 
bal pour  esire  ordonné  ce  que  de  raison,  et  après  en  avoir  fait  la  Lec- 
ture en  présence  du  sieur  curé,  de  Monsieur  Sta,  curé  de  Sévigny  et 
doyen  de  Saint  Germainmont,  du  sieur  Gaiilot,  vicaire  de  Château  por- 
cien,  de  Pierre  Cholet,  habitant  de  Juzancourt,  ils  ont  signez  avec  nous 
les  mêmes  jour,  mois  et  an  que  dessus. 

(Signé)  IvEnviuv. 

M.  A.  BiBAULT,  p'e  et  curé. 

Sta,  curé  de  Sévigny. 

Gaillot,  vicaire. 

Chollet. 
(Àrchices  de  Iteims,   t-'uiids  de  l' Ar chevêche ,  Visilea,   Doyenné  de 
Saint-Gerniainrnont,  liasS''  de  Villers-dcrant-li: -Ttiour .) 

[A  suivre.)  Heiiri  Jadart. 


NÉCROLOGIE 


M.  le  comte  Paul  Chaiidon  de  Briailles  est  mort,  le  9  juin  1895, 
à  Epernay.  Cette  nouvelle  a  causé  une  émotion  profonde,  non 
seulement  dans  cette  ville,  mais  dans  toute  la  région  ;  car  le  nom 
de  Cliandon  de  Briailles  est  une  des  illustrations  de  la  Champagne, 
et  l'homme  qui  vient  de  mourir  en  a  dignement  soutenu  Téclat. 

Descendant  d'une  ancienne  t'amille  fixée  à  Epernay  en  1816, 
M.  Paul  (]handon  de  Briailles  était  petit-fils  de  M.  J.-R.  Mot-t, 
fondateur,  en  1743,  de  la  maison  universellement  connue  depuis 
plus  d'un  siècle. 

Né  en  1821,  M.  Paul  Chandon  fut  associé,  puis  directeur  de 
cette  grande  maison  qui  a  si  puissamment  contribué  à  la  prospé- 
rité de  la  ville  d'Epernay  et  du  département  de  la  Marne. 

li  s'allia,  en  1850,  à  une  famille  châlonnaise  par  son  mariage 
avec  Mlle  de  Massiac,  fille  du  marquis  de  Massiac,  qu'il  a  eu  la 
douleur  de  perdre,  il  y  a  deux  ans.  11  eut  plusieurs  enfants,  qui 
gardent  précieusement  ses  traditions  :  trois  fils,  MM.  Raoul, 
Gaston  et  Jean  Chandon  de  Criailles,  et  trois  filles,  Mmes  les  com- 
tesses Amédée  et  Gaston  de  Maigret  et  Mme  la  comtesse  Geolfroy 
d'Andigné. 

Le  comte  Paul  Chandon  de  Briailles  laisse  d'unanimes  regrets 
dans  le  département  de  la  Marne,  Après  avoir  occupé  plusieurs 
fonctions  publiques,  il  se  consacra  aux  œuvres  charitables.  Pen- 
dant la  guerre  de  1870  il  entretint,  à  ses  frais,  une  ambulance  de 
six  cents  lits  et  sauvegarda  ses  concitoyens  contre  les  vainqueurs 
en  donnant  la  garantie  de  sa  signature  à  une  maison  de  banque  de 
Berlin  pour  le  payement  de  la  rançon  de  guerre  imposée  à  la 
ville  d'Epernay. 

Le  comte  Chandon  de  Briailles  était  chevalier  de  l'ordre  de 
Malte. 

Epernay  a  fait,  le  12  juin,  au  comte  Paul  Chandon  de  Briailles, 
des  funérailles  dignes  de  lui. 

La  veille,  toute  la  ville  et  les  environs  avaient  défilé,  dans  l'im- 
mense chapelle  ardente  installée  dans  un  des  magasins  de  la  mai- 
son de  commerce,  devant  le  cercueil  de  celui  qui  disait  souvent 
qu'il  faut  savoir  se  faire  pardonner  sa  fortune  et  qui  sut  la  faire 
bénir  par  les  malheureux. 

Le  jour  des  obsèques,  tous  les  magasins  d'Epernay,  sans  excep- 
tion, étaient  fermés  sur  le  parcours  de  l'interminable  cortège, 
formé  surtout  des  délégués  des  nombreuses  Sociétés  charitables 
dont  le  défunt  était  le  bienfaiteur  inlalis-able. 


NECROLOGIE  Cl',» 

Pour  ménager  les  ressources  des  pauvres,  le  romle  Paul  Chari- 
doti  avait  interdit  qu'on  déposât  la  moindre  couronne  sur  le  oliar 
l'irnébre  ;  par  un  sentiment  d'extrême  modestie,  il  avait  défendu 
les  discours  :  néanmoins,  dans  l'église  Notre-Dame  d'Epernay, 
Mgr  I.atty,  évoque  de  Cliàlons-sur-Marne,  avant  l'uljsouto,  a  pro- 
noncé son  panégyrique. 

11  a  pris  pour  texte  :  le  Juste,  et  jamais  le  terme  ne  s'appliqua 
mieux  qu'à  celui  que  la  ville  pleurait. 

Le  deuil  était  conduit  par  MM.  le  vicomte  Raoul  Cliandon  de 
Briailles,  le  baron  (iaston  Cliandon  de  Briailles,  Jean-Rt'-my  Clian- 
don de  Briailles,  fils  du  comte  Paul  Cliandon,  ses  gendres  et  leurs 
proches  parents. 

A  l'occasion  du  décès  de  M.  Paul  Cliandon  de  Briailles,  la  famille 
du  regretté  défunt  a  adressé  à  la  municipalité  d'Epernay  une 
somme  de  .'i.OOO  fr.,  pour  une  distribution  de  secours  aux  indi- 
gents. D'abondantes  distributions  de  bons  de  pain  et  de  viande  ont 
été  faites,  le  12  juin,  aux  indigents  par  les  soins  des  Dames  de 
Charité. 


BIBLIOGRAPHIE 


Département  des  Arden»es.  —  Inventaire-Sommaire  des  Archives  histo- 
riques de  CharleviUe  (Ville  et  Hospice),  rédigé  par  Paul  Laurent, 
Archiviste  des  Ardennes.  —  CharleviHe,  Imprimerie  du  Courrier  des 
Ardennes,  18J5.  —  Iu-4"  de  vui- 22  pages.  Prix  :  "i  fr. 

Le  titre  seul  d'un  Inventaire  de  ce  genre  en  indique  le  mérite, 
l'intérêt  et  la  variété.  —  CharleviUe  n'a  été  fondé  qu'au  début  du 
xvii"  siècle  par  Charles  de  Gonzague,  mais  dans  le  cours  des  deux 
premiers  siècles  de  son  existence,  que  de  menus  événements,  que 
de  faits  locaux  curieux  en  eux-mêmes  et  instructifs  pour  l'histoire 
générale!  Lisez  par  exemple  (p.  46  à  54)  les  réceptions  des  bour- 
geois avec  les  motifs  plus  ou  moins  avouables  de  leurs  requestes, 
et  vous  jugerez  de  quelle  manière  se  fondaient  les  villes  neuves. 
Trop  d'autres  sujets  se  présentent  à  l'attention  du  chercheur  pour 
avoir  à  insister  sur  la  valeur  et  l'utilité  de  la  nouvelle  publication 
de  M.  Paul  Laurent.  H.  J. 


Le  D'  H.  JoLicŒUR,  sa  vie,  ses  œuvres,  par  Ad.  Bellevoye,  bijoutier, 
membre  de  la  Société  Entomologique  de  France.  —  (Extrait  du  Bulle- 
tin de  la  Socii'lt-  d'Eludc  des  Sciences  naturelles  de  Reims.)  —  heims, 
Imp.  de  l'Indépendant  rémois,  1893,  in-8  de  Ifi  pages  avec  portrait. 

Cette  notice  offre  un  aperçu  consciencieux  et  précis  des  travaux, 
des  recherches  et  des  publications  du  regretté  Dr  Jolicœur.  La  vie 
du  savant,  ses  goiits,  ses  tendances,  sa  manière  d'étudier  et  d'entre- 
tenir l'amour  de  TiHude  autour  de  lui,  sont  tracés  à  grands  traits. 
Professeur  à  l'Ecole  de  Médecine  de  Reims,  président  de  la  Société 
des  Sciences  naturelles,  membre  de  l'Académie,  conseiller  général, 
chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  le  D''  Jolicœur  a  rempli  utilement 
sa  trop  courte  carrière;  il  laisse  des  ouvrages,  illustrés  par  Mlle 
Anna  Bauler,  qui  rendront  de  grands  services  pour  la  culture  et  la 
préservation  du  vignoble  champenois.  H.  J. 


IV"  G.  DE  Plancy.  Le  Marquisat  de  Plancij  et  ses  seigneurs.  An;is-sur- 
Aube,  1895.  In-H"  avec  pi.,  fac-similés  et  caries. 

C'est  un  très  bon  exemple  qu'a  donné  le  baron  C.  de  Plancy  en 
consacrant  un  fort  volume,  joliment  imprimé  et  illustré,  à  retra- 
cer par  quelles  péripéties  a  passé  au  cours  des  siècles  le  Marqui- 
sat de  Plancy  et  ses  seigneurs.  Si  Ton  considère  que  cette  sei- 
gneurie champenoise  a  été  successivement  possédée  par  les  Mont- 


BIBLIOGRAfHTE  62 1 

Ihéry,  les  NeurcluUel,  les  de  la  Ci'oix,  les  Guéuégaud,  les  Moreau 
et  les  Godard  d'Aucour,  on  peut  juger  de  l'intérôl  que  piéseute 
pour  l'histoire  locale,  et  même  pour  l'histoire  générale,  le  volume 
dont  nous  parlons.  Il  est  bourré  de  pièces  et  de  documents,  eu 
parlie  inédits.  On  serait  plutôt  tenté  de  se  plaindre  de  leur  abon- 
dance que  de  regretter  leur  absence.  On  sent  aussi  que  l'auteur 
n'est  pas  i'amilier  avec  les  méthodes  rigoureuses  de  la  crili  jue, 
que  son  livre  est  plutôt  la  distraction  intelligente  et  studieuse 
d'un  amateur  que  IVnuvre  approfondie  et  sûre  d'un  homme  du 
métier.  Il  croit  encore  aux  terreurs  de  l'an  mille  (p.  -2!);  il  cite 
(p.  31)  des  couplets  d'Agnès  de  Plancy  qui  sont  évidemment  de 
fabrication  moderne  ;  enfin  il  aurait  pu  laisser  à  l'iguorance  de 
certains  politiciens  le  soin  de  s'en  référer  à  Larousse  (p.  Ijl)  et 
337),  mais  son  volume  n'en  sera  pas  moins  lu  avec  plaisir  et  profit 
et,  je  le  répète,  c'est  d'un  bon  exemple  que  de  l'avoir  fait. 

L.  V. 


J.  Uaveub.  La  trouée  des  Ardennes.  Charleville.  1  syS.  Imprimerie 
(lu  Petit  Ardennais,  in- 12. 

Dans  son  volume  sur  La  Irouée  des  Ardennes,  histoire  militaire 
d'un  département  français,  œuvre  très  consciencieusement  écrite 
et  documentée,  SI.  Rayeur  trace,  avec  beaucoup  de  précision,  de 
netteté  et  d'agrément,  le  récit  mouvementé  des  faits  militaires 
accomplis  sur  ce  perpétuel  champ  de  bataille,  depuis  l'ère  des 
châteaux  forts  et  des  brigandages  seigneuriaux,  à  travers  les  luttes 
dynastiques  des  xiv^,  xv«  et  xvi«  siècles  contre  les  maisons  d'Au- 
.î^leterre  et  d'Autriche,  les  guerres  religieuses  et  civiles  do  la 
Réforme  et  de  la  Ligue,  les  troubles  de  la  Fronde,  jusqu'aux 
suprêmes  invasions  de  17Vt2,  1814,  l8lo  et  1870.  Quelques  consi- 
dérations sur  le  système  de  défense  actuel  de  notre  frontière  du 
nord-est,  un  excellent  chapitre  consacré  aux  hommes  de  guerre 
de  la  région,  un  choix  fort  judicieux  de  pièces  justificatives,  enlin 
une  bibliographie  et  de  bonnes  tables  complètent  l'ensemble  de 
ce  livre  que  l'on  peut  vraiment  recommander  comme  un  modèle 
du  genre.  L.  F. 

Dictionnaire  biographique  du  département  do  Seine-el- Marne,  avec  pho- 
lugraphies  des  notabililés  de  ce  déparlemenl,  Paris,  Henri  Jouve,  1893, 

un  vol.  in-S". 

Un  éditeur  bien  connu,  M.  Jouve,  a  eu  l'ingénieuse  idée  d'entre- 
prendre la  publication  d'un  dictionnaire  biographique  par  dépar- 
tement. On  voit  quelle  mine  inépuisable  de  renseignements  four* 
nira  pour  l'avenir  cet  utile  recueil  qui  se  recommande  à  l'attention 
des  chercheurs.  Il  est  d'ailleurs  en  excellente  voie  d'exécution, 
comme  le  prouve  le  succès  marqué  qui  a  accueilli  dès  leur  appa- 


62^  BIBLIOGRAPHIE 

lilioii  les  19  vuluiues  déjà  publiés  :  Marne',  Seiiie-liifélicurc, 
Seine-el-Oise,  Oise,  Somme,  Nord,  Calvados,  Manche,  Lot-el- 
Garonne,  Maine-el-Loire,  Eure,  Aisne,  Meuse,  Indre-el-Loire^ 
Côte-d'Or,  Haute-Garonne,  lile- et- Vilaine,  Loire-Inférieure  et 
Seine-et-Marne. 

Le  Dictionnaire  de  Seine-et-Marne  ne  le  cède  en  rien  à  ceux 
qui  Font  précédé.  Ce  volume  ne  contient  pas  seulement  des  noti- 
ces sur  les  personnages  connus  dont  la  place  est  surtout  dans  les 
Liographies  nationales.  Ses  pages  sont  largement  ouvertes  à  tous 
les  hommes  de  bonne  volonté  qui  se  distinguent  par  le  dévoue- 
ment, l'intelligence  et  les  services  rendus.  Aujourd'hui  la  grande 
loi  du  travail  est  plus  impérieuse  que  jamais  et  chacun  a  pour 
devoir  de  tracer  son  sillon  dans  la  vie.  Cependant,  malgré  leur 
mérite,  combien  de  nos  compatriotes  sont  encore  inconnus  !  L'ou- 
vrage de  M.  Jouve  va  faire  cesser  cet  injuste  oubli.  Agriculteurs, 
industriels,  artistes,  gens  de  lettres,  etc.,  tous  ceux  qui  à  des  titres 
divers  font  la  vraie  gloire  et  la  fortune  du  pays  jouiront  désor- 
mais du  grand  jour  de  la  publicité.  En  Seine-et-Marne  les  nota- 
bilités locales  ne  manquent  pas,  et  ce  département  est  assez  riche 
en  hommes  de  valeur  pour  ligurer  avec  honneur  dans  la  vaste 
collection  que  prépare  M.  Jouve. 

H  n'était  pas  aisé  de  réunir  tous  les  éléments  d'un  pareil  recueil, 
de  les  coordonner  et  de  régler  l'étendue  de  chaque  notice.  Sans 
craindre  les  difficultés,  M.  Jouve  a  rempli  sa  lâche  avec  beaucoup 
de  tact  et  un  véritable  esprit  d'impartialité.  Le  livre  est  soigneuse- 
ment édité.  Un  certain  nombre  de  photographies  des  mieux 
réussies  rehaussent  encore  l'attrait  du  volume. 

Nous  faisons  les  vœux  les  plus  sincères  pour  le  succès  de  ce 
dictionnaire  qui  est  digne  de  la  sympathie  générale.  Ne  sommes- 
nous  pas  heureux  en  effet,  en  feuilletant  ses  pages,  de  retrouver 
le  nom  de  nos  amis  placés  au  l'ang  qu'ils  méritent?  C'est  que 
chacun,  toute  modestie  mise  à  part,  doit  avoir  la  légitime  ambi- 
tion de  ligurer  dans  l'album  de  la  grande  famille  départementale. 
Devenu  le  livre  indispensable  de  chaque  bibliolhcque,  le  Diction- 
naire de  Seine-et-Marne  se  trouvera  bientôt^  nous  l'espérons,  sur 
la  table  de  tous  les  gens  instruits,  dans  les  cercles,  dans  les  écoles, 
au  foyer  des  grands  comme  à  celui  des  humbles.  Nous  conserve- 
rons pieusement  ce  tableau  d'honneur  de  nos  contemporains  où 
sera  perpétué  le  souvenir  de  ceux  qui  composent  l'armée  du  tra- 
vail et  du  bien.  E.  V. 


Sommaire   de    la    Revue    liisloriquc    ardcnnaisc   (juillet-août 

189;;)  : 

].  La  charte  communale  de  Iklhel,  de  1253,  par  Henki  Lacailli:. 
i.   Hciue  de  Chamyaijnc,  1S'.I4,  p.  .598. 


fllBLIOGKAl'HlE  023 

]I.  MÉLiNGiis.  -  Jean-li'ipliste  Drouarl,  sciUplcur,  né  à  Liarl  (17.3'J).  par 
Henri  Jadaut, 

L'n  agonolhèic  au  Cjllége  de  Sedmi,  en  l'b.'i,  par  N.  A. 

Les  timbres  do  l'église  de  lYo  -y  (1708),  par  Al.  Bauuon. 

Xomination  d'élèves  à  l'Ecole  normale  supérieure,  lors  de  sa  fondation 
{octobre  1794%  par  les  districts  de  Relhcl,  Sedan  et  Vouziers. 

Jaque  aux  armes  de  .han-Marc  de  Baradat,  abbé  de  Signy. 

III,  Bibliographie.  —  Delebayo,  Saint  Walfroij. —  Auvray,  Un  obituaire 
de  l'église  de  Heims.  —  Roland,  La  maison  de  Walcourt.  —  Laoaille  et, 
Jadart,  Le  duc  de  Mazarin  et  l'instruction  dans  ses  terres  du  Rclhéloii. 
—  Gaston  Paris,  Souvenirs  sur  Alexandre  Bida.  —  Demaisou,  Les 
architectes  de  la  cathédrale  de  Reims.  —  .A.  de  Barthélémy,  Pèlerins 
champenois  en  Palestine.  —  II.  Jadart,  La  maison  natale  Je  Boucher 
de  Perthes,  à  Reihel. 


Sommaii-e   de   la   ReVLic  d'Ardennc  el  d'Ayijoutic  (juillel-aoïH 
1895)  : 

P.  CoLLiNET,  Excursions  :  La  Semoy,  entre  Florenville  et  Herbeumonl.  — 
H.  BouRGuiGNAT,  Documents  inédits  sur  la  bataille  de  Sedan,  (.1641) 
(fin).  —  Folk-lore  ardennais.  —  S.  Leroy,  Notice  arniorialc  et  généa- 
logique sur  la  Maison  de  Bouillon  (suite). 

Variétés.  —  1.  Chronique.  —  II.  E.  Henry,  Biographies  ardennaiscs  :  Le 
vice-amira'.  Salaberry  :  le  général  Dupont. 

Bibliographie  :   Bévues  et  -Joutnaux. 


Sommaire  de  la  Reçue  hhloriquc.  T.  LVHI.  Mai-juin  18'Jo  : 

Richard  Waddingtox,  Le  renversevient  des  alliances  en  1Tô6,  1"  art., 
p.  1  a  43.  —  Jean  Guirald,  Jean-Baptiste  de  Rossi,  sa  personne  et  son 
œuvre,  p.  44  à  69.  —  P.  Hunfalvy.  Quelques  réjlexions  sur  l'origine 
des  Daco-Boumatns,  p.  (59  à  84.  —  Xénopol,  réponse  à  l'article  précé- 
dent, p.  84  à  8(j.  —  Ernest  Daudet,  Récits  de  la  Chouannerie;  l'aijence 
anglaise  de  Bordeaux,  p.  86  à  100. 

T.  LVIH.  .Juillel-aoïU  ISu;;  : 

Richard  Waddixgton,  Le  renversement  des  alliances  en  1"56,  suite  et  hn, 
p.  241  à  27o.  —  A.  Waddington,  Une  intrigue  secrète  sous  Louis  XIV, 
Visées  de  Richelieu  sur  la  principauté  d'Orange  (1625-1630),  p.  276  à 
291.  —  G.  Depping,  Nouvelles  lettres  de  la  princesse  Palatine,  suite, 
p.  292  à  3u7.  —  U.  DE  Kerallain,  Les  Français  au  Canada,  la  jeunesse 
de  Bougainville  et  la  guerre  de  Sept  ans.  p.  308  à  333. 


CHRONIQUE 


Société  alademiul'i-:  hk  l'Aubk  Séance  du  :2I  juin  1805).  — 
Présidence  de  M.  A.  de  la  Boullaye,  président. 

M.  Tenting  est  proclamé  membre  résidant  dans  la  section  des 
Lettres;  M.  le  docteur  Paul  Audigné  est  proclamé  membre  corres- 
pondant. 

M.  le  Préfet,  au  nom  de  i\l.  le  ministre  de  l'Agriculture,  annonce 
une  subvention  de  300  francs,  qui  doit  être  employée  dans  le 
courant  de  Tannée  et  distribuée  en  récompenses  décernées  au 
nom  du  Gouvernement  de  la  République. 

M.  le  Préfet  fait  savoir  que,  par  un  codicille  du  12  juillet  1893, 
M.  Savetiez  a  légué  à  la  Société,  pour  le  Musée,  deux  tapisseries 
encadrées,  représentant  le  Jug3ment  de  Salomon  et  la  Reine  de 
Saba  (1578),  pour  en  jouir  après  la  mort  de  Mme  Savetiez. 

De  plus,  Mme  Savetiez,  pour  répondre  aux  intentions  de  son 
jnari  et  perpétuer  sa  mémoire,  a  fait  à  la  Société  une  donation 
entre  vifs  d'une  rente  annuelle  de  35  fr.,  3  0/0  sur  l'Etal  français, 
pour  fournir  tous  les  trois  ans  un  prix  de  100  francs  attribué  à 
l'auteur  d'un  travail  historique,  archéologique  ou  littéraire.  Ce 
pri.v  ne  pourra  être  partagé  ;  il  sera  décerné,  pour  la  première 
fois,  dans  trois  ans.  S'il  n'y  a  pas  lieu  de  le  décerner,  la  somme  do 
100  francs  sera  acquise  à  la  Société  Académique. 

M.  l'abbé  Nioré  est  élu  membre  de  la  Commission  de  publica- 
tion, en  remplacement  de  M.  Det  qui,  devenu  trésorier,  en  fait 
partie  de  droit. 

MM.  le  docteur  Lorey,  médecin  du  ministère  des  Affaires  étran- 
gères ;  Gabriel  Cabat,  sous-chef  de  bureau  au  ministère  des  Finan- 
ces, et  Gaston  Barthélémy,  sont  élus  membres  correspondants. 

Sont  présentés,  comme  membres  associés  :  M.  Jean  Vernier, 
propriétaire  au  château  de  Souleau.x,  et  M.  Gaston  Vallée,  sous 
préfet  de  Bar-sur-Aube  ;  et,  comme  membres  correspondants; 
MM.   Charles  Coullon  et   Sosthène   Depontaillcr,   propriétaires   à 

Paris. 

* 

Liste  des  do.\s  faits  ac  MfsEt  de  Thoyes  (Pendant  le  deuxième 
trimestre  de  l'année  1895); 

I'eintlre 
L'Etat  :  —  Combat  naval  dans  la  Manche,  peinture  à  l'huile,  par 
Gudin. 


CHRONIQUE  625 

AncnÉOLOfiiE 

Berllieley,  ù  Boulages  (Aube),  par  l'intermédiaire  de  M.  l'abbé 
Dielte,  membre  associé  :  —  Une  pointe  de  flèche,  en  bronze, 
trouvée  à  Boulages,  dans  une  tourbière,  lieu  dit  «  Le  Grand- 
Marais  »  ;  —  Une  clef  en  fer  datant  du  moyen-Age,  découverte 
sur  le  même  finage,  au  lieu  dit  «  Les  Preux  ». 

Maclin,  propriétaire  à  l'Abbaye-sous-Plancy  :  --  Une  pendelo- 
que en  bronze,  trouvée  sur  le  territoire  de  la  commune  de  l'Ab- 
baye-sous-Plancy. 

Girardin,  propriétaire  à  Troyes  :  —  La  partie  supérieure  d'un 
vase. en  verre  de  teinte  bleuâtre,  ayant  une  anse  très  large,  cou- 
verte de  stries,  et  un  goulot  terminé  par  un  bourrelet  ;  —  Un 
petit  vase  en  terre  cuite,  de  nuance  jaune  clair.  Ces  deux  objets 
ont  été  trouvés  au  mois  de  mai  l89o,  en  même  temps  que  des 
ossements  humains,  à  la  profondeur  de  deux  mètres  environ,  par 
des  terrassiers  qui  pratiquaient  une  fouille  dans  la  propriété  de 
M.  Bécard,  cafetier,  route  de  Sens,  n°  20,  à  Sainte-Savine. 

Le  Maire  et  le  Conseil  municipal  de  Troyes  :  —  Une  ancienne 
mesure  de  longueur,  en  bronze;  —  Une  petite  pendeloque  eh  cui- 
vre jaune,  portant  le  monogramme  du  Christ  ;  —  Six  clefs,  dont 
une  en  bronze  :  —  Deux  petits  poids  en  cuivre.  Le  tout  a  été 
trouvé  dans  les  déblais  provenant  des  fouilles  effectuées  dans  l'in- 
térieur de  la  ville,  pour  la  pose  des  nouvelles  conduites  d'eau. 

Paul  Lécorché-Cortcyn,  professeur  de  musique  à  Troyes  :  — 
Lne  margelle  de  puits,  en  pierre,  provenant  de  sa  maison,  sise 
rue  du  Palais-de-.luslice,  n^  1,  à  Troyes.  Elle  porte  deux  écus  sculp- 
tés en  relief:  l'un  aux  armes  de  M.  Edouard  Denis,  seigneur  de 
Pouilly,  le  Cios-le-Roi,  etc.,  président  en  la  prévôté  de  Troyes, 
mort  le  G  septembre  16*1  ;  l'autre,  aux  armes  de  sa  femme,  Dlle 
Nicole  Le  Tartier,  morte  cinq  mois  avant  son  mari. 

Jourdan,  membre  résidant  :  —  Une  clef  en  fer,  trouvée  dans  le 
jardin  qui  dépend  de  sa  maison,  rue  du  Cloilre-Saint-Etienne, 
n"  13,  à  Troyes. 

Thévenot,  marécbal-ferrant  à  Troyes  :  —  Deux  plaques  de  che- 
minée, en  fonte  :  l'une  représentant  un  motif  de  décor  à  lambre- 
quin ;  l'autre  ofirant  une  reproduction  de  la  statue  de  .Napoléon  I"^' 
érigée,  en  1833,  au  sommet  delà  colonne  de  la  place  Vendôme, 
d'après  le  modèle  exécuté  par  M.  Seurre. 

Anonyme  :  —  Une  ancienne  enseigne,  en  bois  sculpté  et  peint 
à  l'huile,  provenant,  selon  toute  apparence,  d'une  maison  de  com- 
merce de  Troyes.  C'est  un  buste  de  femme  en  costume  de  la  fin 
du  siècle  dernier.  De  la  main  droite,  elle  fait  un  geste  gracieux  ; 
l'autre  main,  qui  devait  tenir  un  attribut  caractéristique,  n'existe 
plus. 


40 


626  CHRONIQUE 

NUMISMATKJUI!: 

Le  Maire  et  le  Conseil  municipal  de  Troyes  :  —  Un  lot  de  mon- 
naies anciennes  et  de  jetons  (138  pièces),  en  métaux  divers,  pro- 
venant des  fouilles  pratiquées  dans  la  ville  pour  la  mise  en  place 
des  nouvelles  conduites  d'eau. 

L'abbé  Dielte,  membre  associé:  —  Vingt-six  monnaies  et  jetons 
on  bronze  et  en  cuivre,  plus  une  monnaie  d'argent.  Cette  dernière, 
trouvée  sur  le  Inage  de  Boulages,  au  lieu  dit  «  Les  Preu.^  »,  porte 
la  légende  :  trecas. 

Mme  Dadier,  propriétaire,  rue  du  Temple,  à  Troyes:  —  Une 
médaille  en  argent,  commémorative  du  mariage  du  Dauphin,  fils 
de  Louis  XV,  avec  Marie-Josèphe  de  Saxe,  lille  de  Frédéric-Auguste, 
roi  de  Pologne,  célébré  en  174*. 

L'abbé  Nioré,  membre  résidant  :  — Deux  exemplaires,  en  bronze, 
de  la  médaille  de  Saint-Benoit,  dite  médaille  des  Sorclé7's,  pro- 
venant du  Mont-Cassin.  Elles  présentent  le  même  type,  mais  son  t 
de  modules  différents. 

Géologie 

Bardet,  membre  associé  :  —  Un  échantillon  du  gault  trouvé  a 
S7  mètres  de  profondeur,  dans  les  travaux  de  forage  du  puits  que 
M.  de  Damas  fait  creuser  dans  sa  propriété  de  la  (iarenne,  près 
Rosnay-rHùpital. 

Musée  des  Arts  décoratifs 

L'Elat  :  —  Un  lot  de  quarante-el-une  pièces  de  porcelaine,  pro- 
venant de  la  manufacture  nationale  de  Sèvres  et  comprenant  seize 
vases  de  grand  prix,  décorés  par  Bienville,  Brunel,  Célos,  Doat, 
Gobert,  Guillemin,  Ficquenet,  Kalt,  etc.  ;  —  La  Ours  mendianl, 
ligure  par  Gardet  ;  —  La  Pèche,  groupe  en  biscuit;  —  L'Amour, 
iigure  par  Falconet,  biscuit;  —  La  leçon  de  tlûte,  groupe  en 
biscuit  ;  —  et  vingt-et-un  vases  de  formes  différentes,  à  fond 
flambé. 

Frédéric-Eugène  Piat,  conservateur  honoraire  du  Musée  des  Arts 
décoratifs  :  Une  crédence  ou  buffet  en  noyer,  style  Henri  II, 
école  bourguignonne  ;  —  Une  commode,  décor  marqueterie  et 
bronzes,  époque  de  la  Régence;  —  Une  glace  avec  cadre  sculpté 
et  doré,  époque  Louis  XlV  ;  —  Une  garniture  de  foyer,  en  fer  et 
tôle  découpée  et  repoussée,  portant  la  date  de  1624  ;  —  Un  vase 
en  marbre  ileur  de  pêcher,  avec  pied  et  couronnement  en 
bronze  doré  :  le  tout  exécuté  d'après  un  modèle  créé  par  M.  Piat  ; 
—  Le  507?7)?!fî/,  statuette  en  terre  cuite,  ouvrage  de  M.  Eugène 
Robert,  oU'ert  par  l'auteur  à  son  ami  M.  Piat,  pour  le  Musée  des 
Arts  décoratifs  ;  —  Un  vase  en  bronze,  avec  sujets  en  relief,  signé 
Joseph  Chéret  ;  —  Une  cuvette  en  faïence  de  Rouen,  décor  au 
perroquet; —  Une  soupière  en  faïence,  de  même  provenance, 
décor  à  la  corne  d'abondance  ;  —  Une  aiguière  en  étain,  avec 
poignée  en  ivoire,  style  persan,  et  deux  gobelets,  également  en 
étain_,  ornés  de  bas-reliefs  et  d'inscriptions. 


CHRONIQUE  C27 

BlBLlOTHÈgUE    UU    MuSÉE 

F.-E.  Piat  :  —  Objets  les  plus  remarquables  ayant  jiguré  à 
l'Exposition  de  Londres  en  1802.  —  Trois  gros  volumes  in-f", 
ornés  de  très  nombreuses  chromolithographies,  dont  quelques- 
unes  représentent  des  objets  créés  par  M.  Piat. 

h'Eiaii:  Les  Celles  dans  les  oallées  du  Pô  et  du  DanubS;  par 
M.  Alexandre  Bertrand. 

Julien  Gréau  :  —  Les  catalogues  de  ses  collections  déterre  cuites 
grecques  et  asiatiques,  trois  volumes  illustrés  ;  —  Les  catalogues 
de  ses  collections  de  monnaies  grecques,  romaines  et  françaises, 
trois  volumes  ;  —  et  trois  brochures  dont  il  est  l'auteur. 


Cinquantenaire  du  Pensionnat  des  Frères  de  Reims.  —  Le 
Pensionnat  des  Frères  de  Reims  a  célébré  solennellement,  le  diman- 
che 23  juin,  le  cinquantième  anniversaire  de  sa  seconde  fondation. 
Les  anciens  élèves  de  la  maison  de  la  rue  de  Venise,  et  notam- 
ment les  membres  de  l'Association  amicale,  étaient  venus  en 
grand  nombre  apporter  le  témoignage  de  leur  sympathie  à  leurs 
anciens  maîtres,  fils  dévoués  du  B.  J.-B.  de  la  Salle. 

La  matinée  fut  remplie  par  les  ofiices  religieux,  la  réception  du 
cardinal  Langénieux  et  de  Mgr  Pagis,  évèque  de  Verdun,  qui 
devaient  présider  cette  fête  de  famille  ;  enfin  l'assemblée  générale 
des  anciens  élèves  etla  lecture  du  rapport  de  M.  Henry  Mennesson, 
qui  nous  donne  l'intéressant  historique  du  Pensionnat  : 

«  Le  i"  octobre  1831,  un  demi-pensionnat  s'ouvrait  rue  du 
Barbàtre,  90.  En  novembre  1831  et  février  1832,  les  instituteurs 
privés  en  demandèrent  la  fermeture.  Us  obtinrent  gain  de  cause. 

En  1838,  on  le  remplaça  par  une  école  dite  de  perfectionnement. 
Elle  fut  supprimée,  encore  sur  la  demande  des  instituteurs. 
M.  Godfrin  et  M.  Tuniot,  architectes,  en  suivirent  les  cours. 

En  1841,  on  essaya  d'instituer  une  autre  école  dite  la  Principale, 
qui  tomba  sous  les  mêmes  attaques. 

Dès  1844,  MM.  Ruinart  de  Brimont,  Villain,  Maille-Leblanc  et 
Eugène  Henriot,  qui  patronnèrent  la  candidature  de  M.  ChaLv 
d'Est-Ange  à  la  députation,  lui  imposèrent  de  demander  la  réou- 
verture du  demi-pensionnat  des  Frères  et,  le  7  octobre  l8io,  on 
l'installait  rue  de  Venise;,  dans  l'ancienne  filature  de  M.  Henriot, 
que  l'on  avait  louée  l,bOO  francs.  Le  Frère  Almyre  faisait  la 
3°  classe  et  le  Frère  Arateur  la  quatrième.  Nous  avons  le  bonheur 
de  les  posséder  aujourd'hui  parmi  nous.  Il  y  avait  alors  l'o  élèves. 

En  1847,  on  en  comptait  118,  pour  retomber  à  79  en  1848. 

H  parait  que  l'éducation  des  Frères  d'alors  était  déjà  large  et 
libérale,  car,  en  septembre  1848,  un  vénérable  personnage  vint, 
à  la  fin  de  leur  retraite,  leur  reprocher  amèrement  que*  leurs 
élèves  ne  valaient  pas  mieux  que  les  autres  et  qu'ils  s'étaient 
montrés  les  plus  ardents  dans  l'insurrection  ». 


628  CHRONIQUE 

Ce  repror.lie  était  peut-être  un  peu  exagéré,  mais  cependant  les 
faits  visés  par  réminent  personnage  prouvent  au  moins  que  ces 
jeunes  gens  avaient  au  cœur  l'ardent  amour  de  la  liberté,  et  que 
si  plus  lard  nos  édiles  se  sont  débarrassés  des  Frères,  qu'ils  ont 
congédiés  de  leurs  écoles  communales,  après  des  élections  répu- 
blicaines faites  par  leurs  élèves^,  c'est  exclusivement  à  cause  de 
l'éducation  clirétienne  qu'ils  donnaient  aux  enfants  du  peuple. 

L'achat  de  notre  magnifique  propriété  de  Thillois  remonte  au 
2  septembre  ÎSriO.  A  cette  date,  nous  étions  100  élèves,  dont  15 
pensionnaires  .. 

C'est  seulement  le  !2  août  ISj3  que  le  Pensionnat  a  été  légale- 
ment autorisé.  Le  cher  Frère  Araleur   en   devint   le  Directeur   en 

i«:3;i. 

A  la  rentrée  d'octobre  iSb't,  nous  étions  137  élèves,  dont  32 
pensionnaires. 

En  octobre  i8()0,  le  nombre  des  élèves  était  de  232,  avec  84 
pensionnaires. 

Pendant  les  années  suivantes  se  réalisèrent  les  grands  achats  de 
terrains  nécessaires  à  l'agrandissement  de  la  propriété,  et  on  com- 
mençait les  constructions. 

Le  12  novembre  1864,  le  cher  Frère  Henaux  venait  remplacer  le 
cher  Frère  Arateur,  nommé  visiteur. 

En  1865,  nous  arrivaitle  Frère  Arillc,  toujours  ici,  aussi  aimable 
que  modeste  et  habile  décorateur. 

En  1869,  le  Pensionnat  reçut  deux  médailles  pour  ses  méthodes 
d'enseignement.  Cette  même  année,  le  bon  Frère  Bajulien  fut 
nommé  dirfotrur  en  remplacement  du  Frère  Rénaux.  Il  y  avait 
alors  422  élèves,  dont  222  pensionnaires. 

En  1870,  nous  sommes  en  pleine  guerre.  Les  Frères  organisè- 
rent une  ambulance  à  la  rue  de  Venise.  Les  80  premiers  blessés  y 
arrivèrent  le  20  août.  Le  drapeau  français  Hotte  à  la  porte  d'entrée 
et  y  reste,  le  seul  dans  Reims,  pendant  toute  l'occupation  alle- 
mande. 

Comme  pour  panser  les  blessures  de  nos  cœurs  de  Français  et 
de  patriotes,  le  très  honoré  Supérieur  général  nous  envoyait  alors, 
comme  professeur,  notre  bien-aimé  Directeur  actuel,  le  cher 
Frèie  Victor. 

En  octobre  1872,  le  Pensionnat  adoptait  le  programme  de  l'en- 
seignement secondaire  spécial  et,  en  août  1873,  il  présentait  pour 
la  première  fois  des  élèves  aux  examens  pour  le  baccalauréat 
spécial. 

La  construction  de  la  chapelle  fut  commencée  en  1874.  Elle  fut 
bénite  le  10  juillet  1876.  Enhn,  le  17  septembre  delà  même  année 
avait  lieu  la  première  réunion  de  notre  Association  amicale. 

C'est  en  mars  1893  que  le  cher  Frère  Victor  fut  nommé  direc- 
teur du  Pensionnat.  Il  est  maintenant  visiteur  du  district. 


CHRONIQUE  629 

Aujourd'hui  le  Pensionnat,  de  plus  en  plus  prospère,  coniplo 
environ  six  cents  élèves. 

L'Association,  de  son  côté,  compte  37  membres  d'iionneur  et 
plus  de  800  membres  actifs.  » 

A  midi,  un  banquet  réunissait  tous  les  hôtes  dans  les  quatre 
réfectoires  du  Pensionnat,  qui  n'en  formaient  plus  qu'un  seul 
immense.  Sur  une  longue  estrade,  établie  sur  toute  la  longueur, 
s'étendait  la  table  d'honneur  ;  d'autres  tables,  en  grand  nombre, 
groupaient  fort  heureusement  les  anciens  élèves  d'une  même 
année. 

S.  E.  le  cardinal  Langénieux  présidait,  entouré  du  Frère  Victor, 
visiteur,  directeur  du  Pensionnat,  dont  on  célébrait  en  même 
temps  les  noces  d'argent,  vingt-cinquième  année  de  son  séjour 
à  l'établissement  ;  de  M.  Henry  Mennesson,  président  de  l'Asso- 
ciation des  anciens  élèves  ;  de  Mgr  Pagis,  évêque  de  Verdun  ;  des 
vicaires  généraux  et  des  notabilités  du  clergé  et  de  la  ville.  Les 
discours,  les  toasts  se  succèdent  les  uns  aux  autres.  Une  spirituelle 
allocution  d'un  ancien  élève,  M.  Chemin-Jacqueminet,  est  parti- 
culièrement applaudie.  A  une  éloquente  improvisation  de  Mgr  Pagis 
répond  le  Cardinal,  qui  propose  d'adresser  au  Pape,  en  ce  jour  de 
gloi'ieux  anniversaire,  une  requête  en  faveur  de  la  consécration 
suprême  qu'attend  encore  le  fondateur  des  Frères,  le  rémois  Jean- 
Baptiste  de  la  Salle. 

La  proposition  est  accueillie  par  des  acclamations,  et  les  invités 
se  répandent  alors  à  travers  les  vastes  et  belles  cours,  les  magni- 
fiques jardins,  où,  le  soir,  des  illuminations,  un  concert  donné  par 
la  Fanfare  et  la  Chorale  des  élèves,  une  l'etraite  aux  flambeaux 
terminaient  cette  fête  qui  laissera  un  vif  souvenir  au  cœur  de  tous 
ceux  qui  y  assistaient. 

La  Société  historique  (Cercle  Saint-Simon)  offrait  le  20  juin  au 
soir,  à  l'hôtel  des  Sociétés  savantes,  un  banquet  à  l'un  de  ses 
membres,  M.  Gaston  Paris,  pour  fêter  sa  nomination  à  la  fonction 
d'administrateur  du  Collège  de  France. 

Citons,  parmi  les  convives  :  MM.  Hanotaux,  ministre  des  affaires 
étrangères;  André  Lebon,  ministre  du  commerce;  Gabriel  .Monod, 
président  d'honneur;  Sorel,  président,  et  Louis  Léger,  vice-prési- 
dent du  Cercle  ;  Sully-Prudhomme,  Chantavoine,  Girard,  Tiersot, 
André  Michel,  Funk-Brentano,  Charavay,  Charles  Normand,  de 
Maulde,  Gariel,  E.  Lamy,  Lintilhac,  le  général  russe  Vanukoff, 
Bréal,  le  prince  Roland  Bonaparte,  Appert,  etc. 

A  la  lin  du  banquet,  M.  Sorel  a  prononcé  une  courte  allocution, 
dans  laquelle,  après  avoir  rappelé  la  vieille  amitié  qui  l'unissait  à 
M.  Gaston  Paris,  il  a  fait  l'éloge  des  services  rendus  par  le  nouvel 
administrateur  du  Collège  de  France  à  la  science  et  à  la  patrie 
française.   Il  a  montré,  en  M.   Gaston  Paris,  non  seulement  le 


030  CHRONIQUE 

savant,  mais  rhomme  aimable  qui  a  su  rréer  dans  sa  maison  un 
véritable  foyer  d'amis. 

M.  Gaston  Paris,  très  visiblement  et  très  sincèrement  ému,  a 
évoqué  le  souvenir  des  années  où  il  allait,  comme  étudiant,  au 
Collège  de  France,  sans  se  douter  qu'il  dût  un  jour  en  devenir 
l'administrateur. 

Notre  collaborateur,  M.  Henri  Chantavoine,  a  été  ensuite  très 
applaudi  quand  il  a  dit  une  chanson  composée  par  lui  pour  la 
circonstance  et  dans  laquelle,  avec  un  spirituel  à-propos^  il  a  fait 
allusion  aux  quatre  maisons  habitées  simultanément  par  M.  Gaston 
Paris  :  l'Institut,  l'Ecole  des  Hautes-Etudes,  le  Collège  de  France 
et  l'Ecole  des  Chartes. 

Après  quelques  paroles  de  M.  Gabriel  Monod,  M.  Hanotaux, 
ministre  des  affaires  étrangères,  s'est  félicité  de  la  vieille  et  solide 
amitié  qu'il  porte  à  M.  Gaston  Paris  ;  il  a  dit  combien  était  pro- 
fonde sa  gratitude  envers  son  maître,  et  à  quel  point  il  avait  le 
souci  d'apporter  dans  les  affaires  cet  esprit  de  science  et  cette 
conscience  qui  sont  la  caractéristique  de  M.  Paris. 

M.  André  Lebon,  ministre  du  commerce,  a  ensuite  remercié, 
avec  beaucoup  de  bonne  grâce,  les  membres  du  Cercle  Saint- 
Simon  de  leur  charmant  accueil,  qui  constitue  pour  lui  une  halte 
et  un  délassement  au  milieu  des  soucis  de  la  politique. 

Et,  comme  la  gaité  française  ne  perd  jamais  ses  droits,  même 
chez  les  savants,  la  soirée  s'est  terminée  par  des  chansons. 

M.  Tiersot,  qui  a  chanté  le  Pauvre  laboureur,  et  M.  Lintilhac, 
qui  a,  avec  beaucoup  de  sentiment,  interprété  des  chansons  d'Au- 
vergne et  la  Coupe  sainie  de  Mistral,  ont  été  chaleureusement 

applaudis.  (Drbais.) 

* 

Le  four  banal  de  Villemaur  (Aube).  —  Le  four  banal  de  Ville- 
maur  était  situé  dans  la  grande  rue  Notre-Dame,  sur  la  route  de 
Troj'es  à  Sens.  La  maison  de  M.  Cury-Champenois  est  construite 
sur  son  emplacement.  En  1789,  ce  four  appartenait  au  duc  d'Es- 
tissac  qui  l'atfermait  à  un  «  fournier  »,  ordinairement  un  habitant 
de  Villemaur. 

Tout  le  monde  était  obligé  de  cuire  au  four  banal,  mais  à  l'épo- 
que de  la  Révolution  le  hameau  des  Bordes  était  exempt.  Ce 
privilège  remontait  très  haut,  car  déjà,  en  1394,  ceux  de  Ville- 
maur ne  pouvaient  faire  cuire  au  four  banal  que  14  pains  par 
personne,  tandis  que  ceux  des  Bordes  avaient  droit  à  24  pains  par 
tète.  Le  temps,  on  le  voit,  avait  de  plus  en  plus  consacré  leur 
privilège  jusqu'à  les  atl'ranchir  entièrement. 

Voici  d'ailleurs,  d'après  le  manuscrit  d'un  témoin  oculaire, 
comment  se  passaient  les  choses  au  four  banal  de  Villemaur  : 

«  La  veille  du  jour  où  l'on  devait  cuire  au  four  banal,  il  fallait 
aller  che^  le  fournier  déclarer  combien  on  aurait  de  miches.  Le 


CHRONIQUE  031 

lendemain  matin,  le  fournier  faisait  annoncer  à  son  de  caisse  le 
moment  de  faire  le  pain.  Un  peu  plus  tard  le  tambour  donnait  un 
second  signal  pour  porter  le  pain  au  four. 

«  Aussitôt  toutes  les  femmes  quittaient  précipitamment  leurs 
maisons,  emportant  leurs  pains  sur  trois  planches  réunies  en 
manière  de  petites  portes.  Oh  !  il  fallait  voir  tout  le  bruit  que  cela 
faisait  !  Toutes  auraient  voulu  choisir  leur  place  dans  le  four. 
Enfin  quelquefois  elles  s'y  battaient  (!).  Je  me  souviens  d'y  r-lre 
allé  plusieurs  fois  ave(;  ma  mère  et  j'ai  vu  tout  ce  train-ifi. 

«  On  payait  le  fournier  avec  de  la  pâte. 

«  Les  seigneurs  une  fois  partis  en  émigration,  on  démolit  le  four 
banal  et  chacun  en  fit  construire  chez  soi.  » 

Nous  avons  dans  cette  coutume  l'étymologie  du  mot  «banal  ». 
Un  ban,  c'est  un  roulement  de  tambour.  Un  four  banal  c'est  un 
four  tellement  commun  à  tout  le  monde  que  tout  ce  qui  le  con- 
cerne s'annonce  par  un  roulement  de  tambour,  un  «  ban  ».  Un 
compliment  «  banal  »  c'est  un  compliment  si  vulgaire,  qui  con- 
vient si  également  à  tout  le  monde,  qu'on  pourrait  le  faire  signi- 
fier par  le  tambour  à  tout  un  pays.  A.  T. 


Lks  reliques  de  Saint-Alpin  a  Chalons.  — En  188ij,  une  suppli- 
que était  adressée  parM.  Lemaur,  curéde  Saint-Alpin,  ctM  Appert, 
administrateur  de  la  paroisse,  à  l'ellet  d'obtenir  de  l'église  Cathé- 
drale, en  faveur  de  l'église  paroissiale  de  Saint-Alpin,  une  relique 
de  son  glorieux  Patron. 

Le  motif  de  la  supplique  était  le  passé  même  de  la  relique  de 
Saint-Alpin,  conservée  à  la  Cathédrale. 

Saint-Alpin  mourut  à  Baye,  sa  terre  natale,  en  480,  et  y  reçut 
la  sépulture. 

Erchenrad,  trente- troisième  évoque  de  Châlons,  fit  ramener 
dans  la  ville  épiscopale  les  restes  précieux  de  ce  grand  pontife,  en 
l'an  8(30. 

L'église  ou  cliapelle  de  Saint-André  eut  l'honneur  de  recevoir  le 
corps  saiat. 

Le  culte  de  notre  thaumaturge  devint  tellement  célèbre  que 
l'église  perdit  insensiblement  le  nom  de  Saint-André  pour  prendre 
o(t\u]  de  Saint-Alpin,  qu'elle  a  toujours  conservé  depuis. 

Erchenrad  .s'empressa  d'établir  une  fête  en  l'honneur  de  notre 
saint  Pontife,  de  recueillir  avec  soin  les  extraits  qui  restaient  de 
sa  vie  et  d'en  composer  des  légendes  qui  se  li-saient  à  la  fête  du 
2  mai,  jour  de  la  translation  .de  ses  reliques,  et  le  7  septembre, 
jour  de  sa  mort. 

C'est  au  concours  de  nombreux  pèlei'iiis  visitant  le  toiiibe;m  di^ 
^aint  .Mpin,  que  l'on  doit  l'installation,  proche  l'église,  rie  l.i 
grande  foire  châlnnnaise,  dite  des  Sannos. 


0o'2  CHRONIQUE 

Vers  l'an  1136,  dit  Barbât  dans  son  Histoire  de  Chdlons, 
(leoffroy  I*"",  évoque  de  Châlons,  s'empara,  pour  agrandir  l'église 
où  l'on  vénérait  les  reliques  de  saint  Alpin,  de  la  place  même  dite 
foire  des  Sannes,  ce  qui  rejeta  au  milieu  de  l'église  le  caveau  du 
saint. 

Cependant  l'église  cathédrale  de  Cliàluns  souffrait  d'être  privée 
des  restes  précieux  de  son  saint  Pontife. 

Ce  fut  pour  satisfaire  à  son  pieux  désir  qu'en  1326  on  releva  le 
corps  de  saint  Alpin  de  son  tombeau. 

Une  partie  des  reliques  fut  donnée  à  la  cathédrale  qui  les  fit 
renfermer  dans  une  grande  et  magnifique  châsse  d'argent. 

Une  autre  partie  fut  enfermée  dans  une  châsse  de  bois  fort  bien 
travaillée  qui  devait  être  placée  derrière  le  maître-autel  de  saint 
Alpin. 

Enfin  quelques  parcelles  du  corps  du  saint  avaient  été  déposées 
dans  un  petit  coffret  de  plomb  et  scellées  dans  le  caveau,  La  statue 
du  saint  en  occupait  le  fond. 

En  17S6  eut  lieu  une  précieuse  découverte  qui  vint  confirmer  les 
faits  plus  haut  relatés. 

M.  de  Chevigny,  curé  de  l'église  Saint-Alpin,  en  faisant  travailler 
au  caveau,  découvrit  le  petit  coffret  de  plomb  dont  il  a  été  parlé. 
Dans  ce  coffret  étaient  de  petits  os  et  des  cendres  enveloppées 
dans  un  morceau  de  soie  :  le  tout  exhalait  une  odeur  de  parfum 
très  suave. 

Monseigneur  de  Choiseul  enveloppa  ces  reliques  dans  un  tatïetas 
neuf,  les  renferma  dans  un  nouveau  coffret,  le  fit  sceller  et  pres- 
crivit à  Messire  Joachim-Jacques  de  Noël  de  Chevigny,  curé  de 
Saint-Alpin,  de  les  remettre  dans  la  tombe,  au  même  endroit.  Ce 
qui  fut  exécuté  avec  une  grande  pompe  le  premier  dimanche 
de  carême,  le  7  mars  1756,  à  l'issue  des  vêpres,  comme  l'attestent 
les  registres  de  la  fabrique. 

Nous  voici,  poursuit  le  mémoire,  à  plus  de  cent  ans  de  distance, 
bien  dépourvus  et  bien  appauvris. 

Plus  de  châsse,  plus  de  relique  au  caveau,  La  statue  seule  du 
saint,  sauvée  pendant  la  Révolution,  existe  encore.  Le  caveau  lui- 
même  fut  profané,  le  petit  coffret  de  1756  a  disparu.  Vaines  ont  été 
les  recherches  faites  à  ce  sujet  par  MM.  les  curés  Hurault  et 
Lemaur, 

Notre  église  cathédrale  fut  plus  heureuse  puisqu'elle  a  gardé  la 
relique  précieuse  empruntée  au  caveau  de  Saint-Alpin. 

«  A  notre  tour,  Monseigneur,  disait  la  requête,  nous  deuiande- 
rons  à  l'église  cathédrale  de  vouloir  bien  nous  accorder  quelques 
fragments  de  ces  reliques  de  notre  saint  patron  qui  furent  autre- 
fois les  nôtres.  Ce  sera  un  petit  adoucissement  à  la  perte  irrépa- 
rable due  aux  malheurs  des  temps.  « 
l  Monseigneur  |Sourrieu]  daigna  accueillir)  favorablement     cette 


CHRONIQUE  633 

demande  et  donna  ordre  à  son  grand-vicaire  de  procéder,  selon  les 
formes  prescrites,  à  l'extraction  d'une  relique  de  la  châsse  saint 
Alpin. 

Comme  en  ITutî,  on  déposa  quelques  parcelles  de  la  relique 
obtenue  de  la  cathédrale  dans  un  petit  cofifret  en  plomb,  scellé 
dans  le  mur  du  caveau. 

Le  cofïret  porte  gravé:  Relique  de  Saint-Alpin  —  année  iSS."}. 
La  pierre  de  scellement  porte  :  —  Saint-Alpin,  priez  pour  nous. 
—  21  mai  1885. 

La  portion  majeure  de  la  relique  a  été  renfermée  dans  un  reli- 
quaire en  cuivre  doré. 

Donc,  aujourd'hui,  tout  seml)lait  en  être  à  l'état  d'autrefois, 
mais  un  litre  authentique  avait  disparu. 

Edme  Baugier,  conseiller  au  présidial,  avait  gravé,  sur  marbre 
noir,  en  1700,  une  inscription  latine,  véritable  historique  du  tom- 
beau de  Saint-Alpin.  Nous  ne  la  connaissions  que  par  l'opuscule 
de  M,  L.  Grignon. 

Or,  voici  que,  ces  jours  derniers,  une  fouille,  pratiquée  sous 
l'autel  de  ta  Sainte-Vierge,  a  fait  découvrir  deux  fragments  de 
cette  plaque  commémorative,  nous  fournissant  dix-sept  tètes  de 
lignes  sur  vingt-sept. 

Le  premier  fragment  avait  trait  à  l'historique  de  l'église  et  du 
tombeau  de  saint  Alpin. 

Nous  le  relatons  ici  et  le  complétons.  Ainsi  réapparaîtra-t-il, 
sous  peu,  sur  une  de  nos  murailles. 

Templum  hoc/  medià  urbe  extructum 

Olim  Andreœ  Apostolo  sacrum 

Nunc  tu/  lelari  Alpiuo  dicatum, 

Quisquis/  viator  ingrederis, 

Agnosce/  tumuli  locum, 

Et  venerare/  limina. 

Superest/  depositi  corporis  in  tumulo  locus. 

C/orpus  ipsum 
Anno  Ch/risli  860,  translatum  ex  parte, 

Er/  chanraudus  Episcopus 
Cathe/drali  ecclesise  pignus  dédit, 
Sed/  ne  tanto  careres  palrocinio 
Cineres  in  articula  reliquit. 

Rien  ne  subsiste,  parmi  nos  débris,  de  la  deuxième  partie  de 
l'historique,  la  mort  du  saint  Évoque  ;  elle  était  ainsi  consignée  : 

Pastorem  olim  subditi  immortalem  cùm  optarent 

Bayas  natalem  locum 

Valetudinis  coufirmandcs  causa  deporlarunt 

Sed  heu  !  diem  ibi  extremum  clausit 

Anno  480 

Ubi  primam  lucem  hauserat,  • 


034  CHRONIQUE 

De  la  troisit'n^c  partie,  invocation  au  saint,  le  second  fragment 
ne  nons  fournit  que  quinze  lettres  auxquelles  nous  suppléons  ; 

Abi,  Viator, 
Et  tali/  Pastore  prœeunte 
Ne  si/eut  ovis  aberrcs 

Id/  unum  pete 
Ut  vo/cem  ejus  audias. 

L'auteur  de  l'inscription  se  désigne  par  la  phrase  suivante  dont 
nous  n'avons  que  le  premier  mot  : 

yElernum/  hoc  monuraeulum  posuit 
Edmuudus  Baugier,  in  curiâ  presidiali 
Consiliarius,  Urbis  senalor  et  primus 
Judex  scabinus,  anno  Dni  1706. 

Un  autel  nouveau^  tout  en  pierre,  va  être  érigé  à  Saint-Alpin, 
en  l'honneur  de  la  Saiute-Vierge.  La  fouille  nécessitée  par  les 
assises  de  cet  autel  a  amené,  avec  beaucoup  de  surveillance,  les 
fragments  révélateurs  d'une  inscription  qui  remonte  à  cent 
quatre-vingt-neuf  ans. 

Ainsi  s'éditie  l'histoire,  avec  une  pioche,  un  œil  et  un  burin. 
[Journal  de  la  Marne.)  L.  A. 


Don  au  Musée  de  Chalons.  —  M.  Souillé,  ancien  juge  de  paix, 
vient  d'offrir  au  Musée  des  portraits  des  généraux  de  la  Marne, 
établi  à  ChAlons,  celui  du  général  Georges,  né  à  Epernay,  mort 
commandant  le  département  du  Morbihan,  à  Vannes,  en  l83o. 


Le  Très-Honoré  Frère  Joseph,  supérieur  général  de  l'Institut 
des  Frères  des  Ecoles  chrétiennes,  vient  d'olïrir  à  l'église  Saint- 
Jean-Baptiste  de  Reims,  la  statue  du  Bienheureux  Jean-Baptiste 
de  la  Salle. 

Cette  statue  en  marbre  de  Carrare,  due  au  statuaire  romain 
Auréli,  a  été  bénite  solennellement  le  dimanche  28  juillet,  à  dix 
heures  du  matin,  par  son  Eminence  le  cardinal-archevêque  de 
Reims. 

La  bénédiction  a  été  suivie  d'une  messe  basse  pendant  laquelle 
s'est  fait  entendre  la  maîtrise  du  Pensionnat  des  Frères. 

Un  discours  a  été  prononcé  par  .M,  l'abbé  Landrieux,  chanoine  et 
ancien  élève  du  Pensionnat. 


(îrâce  à  l'initiative  de  son  zélé  doyen,  la  paroisse  de  Mérv  (Aube) 
a  vu,  depuis  bientôt  quatre  ans,  des  améliorations  successives 
dans  le  mobilier  de  son  église. 


CHRONIQUE  63i> 

Tout  récemment  encore,  a  eu  lieu  une  belle  cérémonie  à  l'occa- 
sion de  nouveaux  fonts  baptismaux  très  gracieux,  sortis  des  ateliers 
de  iM.  Haussaire,  de  Reims,  qui  sait  si  bien  faire  servir  la  pureté 
de  l'art,  avec  ses  magnificences,  aux  inspirations  de  la  foi. 

Mgr  Robin,  vicaire  général,  présidait.  M.  l'abbé  Jossier,  vicaire 
de  Saint-UrJtain,  à  Troyes,  dans  un  langage  très  élevé  et  très 
éloquent,  a  montré  dans  le  Daptème  la  régénération  morale, 
surnaturelle  et  sociale  de  l'bomme. 

Ensuite  Mgr  Robin  a  procède  à  la  bénédiction  de  deux  groupes 
magnifiques  représentant:  l'un  une  Mater  dolorosa^V àulre  sainte 
Anne  et  la  Vierge  enfant.  Ces  statues,  qui  ont  une  grai.de  valeur 
artistique,  étaient  depuis  longtemps  laissées  de  cùté.  M.  le  doyen 
a  eu  le  bon  goût  de  les  faire  réparer  par  M.  Haussaire,  qui  a  réussi 
à  merveille,  et  les  a  replacées,  à  la  satisfaction  générale,  à  l'en- 
droit qu'elles  occupaient  autrefois,  dans  l'église  paroissiale. 


On  annonce  trois  œuvres  nouvelles  et  fort  différentes,  dues  à  la 
plume  féconde  de  M.  Armand  Bourgeois,  le  publiciste  champenois 
bien  connu  :  La  prophétesse  des  Cévennes,  drame  en  un  acte  ;  La 
consigne  n'est  pas  de  ronfler,  vaudeville  en  un  acte,  avec  couplets 
mis  en  musique  par  M.  Octave  Rigot  ;  La  mariée  du  siège  d'Eper- 
nay  [1592),  opéra-comique  en  un  acte,  musique  d'Octave  Rigot. 


Académie  de  Reims.  —  Par  suite  de  l'ouverture  de  l'Exposition 
rétrospective,  cette  Société  vient  de  décider  que  sa  séance  publi- 
que, où  sont  lus  les  rapports  sur  les  concours  de  l'année,  seraient 
reportés  au  mois  d'octobre  prochain.  L'exposition,  en  effet,  qui 
est  installée  dans  la  grande  galerie  et  les  salons  du  Palais  ne  per- 
met pas  d'organiser  une  réunion  de  ce  genre  avant  les  grandes 
vacances. 

Malgré  les  préparatifs  et  la  durée  de  l'Exposition,  les  séances 
ordinaires  de  quinzaine  n'ont  pas  cessé  d'être  tenues,  et  les  lec- 
tures s'y  sont  succédé  comme  d'habitude.  Citons  parmi  les  princi- 
pales les  travaux  de  M.  Thirion  sur  les  débuts  de  l'Eclicvinarje  de 
Reims  ;  les  recherches  de  M.  le  chanoine  Cerf'sur  les  œuvres  d'art, 
tableaux^  etc.,  des  Hospices  de  Reims,  un  rapport  de  M.  le  doc- 
teur Bagneris  sur  les  Remèdes  des  Champs  à  l'Ecole  primaire,  et 
divers  comptes-rendus  d'ouvrages. 

il.  J. 


Au  nombre  des  acquisitions  faites  par  l'Etat  au  dernier  Salon 
du  Champ-de-Mars,  figurent  la  jolie  l'nerfe  Taiif/er,  due  à  M.  Louis- 
Auguste  Girardot,  ancien  élève  pensionnaire  de  la  ville  do  Troyes; 


636  CHRONIQUE 

et,  parmi  celles  faites  au  Salon  des  Chanfips-Éylsées,la  magiiif](iue 
statue  équestre  de  Jeanne  d'Arc,  en  bronze,  de  M.  Paul  Dubois, 
de  Nogent-sur-Seine  (Aube). 


On  vient  de  fondera  Epernay  un  nouveau  Carmel. 

La  supérieure,  originaire  de  la  ville  même,  est  la  sœur  du 
R.  P.  Doussot,  dominicain  et  normalien,  qui  assistait  il  y  a  quel- 
ques semaines  Mgr  Perraud,  évêque  d'Aulun,  au  service  célébré  à 
l'église  parisienne  de  Saint-Jacques-du-Haut-Pas,  à  l'occasion  du 
centenaire  de  l'Ecole  normale. 


La  pose  de  la  première  pierre  des  travaux  d'acbèvenienl  de 
l'église  Notre-Dame  à  Vitry-le- François,  a  eu  lieu,  le  dimanche 
26  mai,  après  la  grand'messe. 

Le  chantier,  décoré  de  mais  tricolores,  portant  des  écussons  aux 
armes  de  la  ville  et  des  drapeaux  aux  couleurs  nationales,  a  été 
envahi  de  bonne  heure  par  une  nombreuse  assistance.  Ceux  qui 
n'avaient  pu  y  prendre  place  ont  assisté  à  cette  imposante  céré- 
monie des  fenêtres  des  maisons  voisines. 

On  remarquait  au  premier  rang  des  assistants  :  M.  le  Maire, 
M.  l'adjoint  Lambert  et  plusieurs  conseillers  municipaux,  le  com- 
mandant d'Armes,  la  plupart  des  ofticiers  de  la  garnison,  les  mem- 
bres du  conseil  de  fabrique,  de  nombreux  fonctionnaires  civils. 

L'Archiprêtre,  entouré  de  son  clergé,  a  prononcé  une  éloquente 
allocution,  dans  laquelle  il  exprimait  son  regret  que  Mgr  rÉvêque 
de  Châlons,  en  tournée  pastorale,  n'ait  pu  venir  lui-même  poser 
et  bénir  la  première  pierre. 

L'orateur  se  demande  quel  nom  portera  notre  siècle,  le  siècle 
des  ruines  ouïe  siècle  des  restaurations?  Si  l'on  considère  ce  qui 
a  été  fait  pour  les  monuments  religieux,  c'est  ce  dernier  nom  qui 
triomphera.  Montmartre,  Domremy,  Lourdes,  voilà  sur  notre  sol 
une  merveilleuse  floraison  de  sanctuaires. 

M.  l'abbé  Nollin  rend  hommage  à  la  mémoire  des  généreux 
bienfaiteurs,  dont  les  libéralités  ont  permis  l'exécution  des  travaux 
de  l'église  ;  aux  membres  du  conseil  de  fabrique,  dont  le  dévoue- 
ment a  facilité  la  réalisation  du  projet  d'achèvement  ;  à  la  Muni- 
cipalité qui  est  entrée  dans  les  vues  des  donateurs  ;  à  l'architecte 
diocésain,  à  l'entrepreneur  et  à  ses  ouvriers. 

La  pierre  qu'il  va  bénir,  ajoute  M.  l'Archiprêtre,  a  une  signifi- 
cation symbolique.  Elle  représente  la  pierre  fondamentale  sur 
laquelle  repose  l'Eglise,  c'est  la  pierre  «  éprouvée  »,  à  l'épreuve 
de  toutes  les  attaques. 

Les  temples  matériels  les  plus  solides  tombent  en  ruines:  cette 
église  elle-même,  si  solidement  qu'elle  soit  construite,  s'écroulera 


CHRONIQUE  637 

un  jour  ;  mais  l'édiRce  de  l'Eglise  catholique  est  indestructible. 
Elle  a  résisté  aux  Juifs  et  aux  Païens,  aux  hérésies,  à  Tapostasic 
d'une  partie  de  l'iîurope,  aux  révolutions  modernes,  à  l'assaut 
général  des  sociétés  secrètes.  Quelle  leçon  !  Tandis  que  tout  ce  qui 
se  détache  de  l'Eglise  périt,  toutes  les  âmes  droites  se  tournent 
vers  l'Église,  toujours  jeune,  toujours  forte,  toujours  féconde. 

M.  FArchiprètre  appelle,  en  terminant,  les  bénédictions  de  Dieu 
sur  tous  ceux  qui  ont  contribué  à  l'achèvement  de  l'église  Notre- 
Dame. 

M.  l'Archiprêlre  bénit  ensuite  la  première  pierre  dans  laquelle 
est  placée  une  boite  contenant  le  procès-verbal  de  la  cérémonie  et 
une  pièce  d'or  au  millésime  de  l89o.  Après  la  récitation  des  priè- 
res liturgiques,  le  clergé  rentre  processionnellement  à  l'église. 


I.NAL'GUKATioN  d'i'xk  statuk  DE  .Ii'U.NXE  u'Aiu;  —  Le  28  juin  a  été 
inaugurée  par  Mgr  Turinaz,  évoque  de  Nancy,  la  statue  de  Jeanne 
d'Arc  récemment  érigée  à    Pont  à-Mousson   (Meurthe  el-Moselle). 

Cette  statue,  qui  est  l'o'uvre  de  la  duchesse  d'Uzès,  a  quatre 
mètres  de  haut.  Elle  se  dresse  au  sommet  de  la  tour  de  l'église  de 
Mousson,  d'où  l'on  découvre  au  loin  la  ville  de  Metz. 

Jeanne  d'Arc  est  représentée  debout,  un  pied  sur  le  léopard 
anglais;  elle  brandit  une  épée  et  lient  son  étendard  serré  contre 
son  armure. 

L'inauguration  a  eu  lieu  dans  l'après-midi,  en  présence  d'une 
foule  considérable.  Après  une  courte  réception  à  l'Hôtel-de-Ville 
de  Pont-à-Mousson,  le  cortège,  presque  exclusivement  religieux, 
s'est  formé  et  a  gravi  la  côte  de  Mousson. 

La  duchesse  d'Uzès  assistait  à  la  cérémonie.  1/évèque,  Mgr  Turi- 
naz, a  prononcé  un  discours  entlamnié  qu'il  a  terminé  i)ar  les  cris 
de  :   «  Vive  Jeanne  d'Arc!  Vive  la  Lorraine!  Vive  la  France  !   » 

répétés  par  la  foule. 

* 
»    * 

I.NAUGCR.vno.x  DE  l'Asile  des  vieillauds,  a  Cualo.ns.  —  Le  31 
juillet  1895  a  eu  lieu,  à  l'Asile  municipal  de  Ghâlons-sur-Marne, 
l'inauguration  du  bâtiment  nouveau  réservé  aux  hommes  pension- 
naires, sous  la  présidence  de  xMgr  Latty,  évoque  de  Chàlons, 
assisté  de  M.  l'abbé  .Molard,  vicaire  général,  qui  ont  été  reçus  au 
seuil  de  l'établissement  par  le  Maire,  entouré  des  membres  de 
l'administration  et  du  iiureau  de  Bienfaisance. 

Après  la  célébration  de  la  messe  basse,  dite  dans  la  chapelle 
par  M.  l'abbé  Molard,  l'évèquc  a  visité  les  salles  du  nouvel  asile, 
atelier,  réfectoire,  dortoirs,  ayant  pour  chaque  vieillard  un  mot 
aimable  et  réconfortant. 

Un  banquet  a  terminé  celle  fête  de  famille,  à  la  suite  duquel 


638  CHRONIQUE 

Sa  Grandeur,  en  prenant  congé  de  ses  hùles,  a  béni  les  Sœurs  du 
Divin  Sauveur,  qui  dirigent  l'Asile,  en  donnant  rendez-vous  à 
tous  pour  Fan  prochain. 

Travaux  a  la  catukdralk  ije  Reims.  —  Le  Comité  archéologique 
de  l'arrondissement  a  porté  toute  sa  sollicitude  sur  l'état  de  la 
cathédrale  de  Reims.  11  a  signalé  avec  force  des  dégradations 
considérables,  et  que  chaque  hiver  vient  accroître  d'une  manière 
inquiétante  pour  le  monument.  Il  a  démontré  l'insuffisance  des 
travaux  partiels  exécutés  chaque  année,  et  la  nécessité  comme 
l'urgence  d'une  complète  restauration.  Il  réclame  pour  la  conser- 
vation de  cette  magnifique  basilique  plusieurs  millions,  une  somme 
au  moins  égale  h  celle  qui  vient  d'être  votée  pour  Notre-Dame  de 
Paris. 

—  Le  portail  nord  de  la  cathédrale  a  trois  voussures  formant 
portiques,  l^n  de  ces  portiques,  composé  de  deux  étages,  était 
muré  sur  la  rue.  Depuis  longtemps,  les  architectes  du  Gouverne- 
ment songaient  à  rouvrir  cette  baie.  Le  projet  vient  d'être  mis  à 
exécution,  La  partie  supérieure  est  dégagée  et  permet  de  voir  une 
fenêtre  à  gorge^  ornée  de  crochets,  qui  était  noyée  dans  la  maçon- 
nerie. 

Ces  jours  derniers,  les  ouvriers  ont  attaqué  le  mur  de  la  partie 
inférieure,  élevé  après  la  Révolution  loisqu'on  démolit  le  Cloître 
pour  ouvrir  la  rue  Robert-de-Coucy. 

Les  pierres  de  cette  clôture  sont  presque  toutes  des  fragments 
sculptés  de  l'ancien  Cloître.  Les  uns  sont  du  xu'  siècle,  les  autres 
du  xv^  On  retrouve  des  chapiteaux  très  bien  travaillés,  des  bases 
de  colonnes,  des  colonnettes  jumelées^  des  sculptures  sciées  par  le 
milieu,  pour  former  parement  de  mur. 

Cette  restauration  donnera  une  physionomie  nouvelle  au  por- 
tail. On  pourra  bientôt,  du  dehors,  admirer  la  porte  romane, 
encoi'e  polychromée,  qui  n'était  visible  qu'en  pénétrant  dans  la 
sacristie  dite  Pretiosa.  G.-C. 


Dons  au  Muske  de  Cualù.ns-sur-Marne.  —  Les  bustes  du  doc- 
teur Dorin,  de  MM.  Jules  Garinet  et  Charles  Picot,  commandés  par 
le  Conseil  municipal  et  exécutés  par  M.  Trouillot,  viennent  d'être 
placés  dans  les  galeries  du  premier  étage  du  Musée^  à  Chàlons. 

Les  deux  groupes  de  M.  Trouillot,  exposés  au  Salon  des  Champs- 
Elysées,  cette  année  :  les  Joueurs  de  billes  et  la  Marseillaise^ 
donnés  récemment  au  Musée  de  Chûlons  par  un  de  nos  conci- 
toyens, sont  également  exposés  dans  la  galerie  de  sculpture,  au 

rez-de-chaussée. 

* 

ExposrriON  de  la  Société  des  Amis  des  Arts,  a  Reims.  —  La 
Société  des  Amis  des  Arts  a  ouvert  au  public,  au  Palais  de  Justice, 


CHRONlnUE  639 

son  exposiliou  de  peinture.  La  curiosité  des  amateurs  est  éveillée 
par  un  choix  de  tableaux  variés  et  nombreux. 

On  doit  louer  le  zèle  de  MM  les  membres  de  IfT  Société  des  Amis 
des  Arts.  Les  artistes  de  Reims  ont  contribué  pour  une  bonne 
part  à  cette  exposition  non  moins  remarquable  que  celle  des 
années  précédentes. 


11  existe  sur  le  territoire  de  la  commune  de  Faissault  (Ardennesj, 
au  lieu  la  Baronne,  un  atbre  qui  mérite  d'être  cité,  car  il  est  peut- 
être  le  doyen  des  arbres  fruitiers  de  nos  Ardennes.  Il  semble  avoir 
vu  plus  de  trois  siècles,  bien  qu'il  soit  encore  très  vert,  et  rien  ne 
fait  prévoir  sa  disparition  prochaine. 

Le  fût  est  d'une  longueur  de  deux  mètres  sans  branches  ;  sa 
circonférence  est  de  cinq  mètres,  presque  égale  partout;  ses  bran- 
ches couvrent  le  sol  sur  une  circonférence  de  70  mètres. 

Les  fruits  de  ce  poirier,  quoique  très  petits,  donnent  eu  récolte 
ordinaire  15  à  20  quintaux  et  font  d'excellent  poiré. 


Nominations  et  distinctions.  —  Parmi  les  artistes  récompensés 
cette  année  au  Salon  des  Champs-Elysées,  nous  sommes  heureux 
de  signaler,  à  la  section  de  peinture,  M.  Prévôt- Valeri,  de  Ville- 
neuve-sur-Yonne, qui  a  obtenu  une  médaille  de  3"  classe,  et 
M.  Henri  Thiérot,  de  Reims,  qui  a  obtenu  une  mention  honorable. 
Dans  la  section  d'architecture,  un  autre  rémois,  M.  Paul  Simon,  a 
obtenu  une  mention  honorable  pour  sa  belle  et  patiente  reconsti- 
tution de  la  grande  rose  de  la  Cathédrale  de  Reims,  endommagée 
par  la  grêle  de  1886.  Dans  la  section  de  sculpture,  nous  relevons 
également  avec  plaisir  le  nom  de  M.  Ernest  Dagonet,  de  Châlons, 
qui  a  obtenu  une  médaille  de  seconde  classe. 

Le.  Président  de  la  République,  lors  de  sa  visite  à  l'HùtelDieu  de 
Paris,  le  il  juillet  1800,  a  remis  la  croix  d'officier  de  la  Légion 
d'honneur  à  M.  le  docteur  Nicaise,  professeur  à  la  Faculté  de 
Médecine,  chirurgien  en  chef  de  l'hôpital  Laëanec. 

M.  Xicaise  est,  on  le  sait,  un  ancien  élève  de  l'Ecole  de  Méde- 
cine de  Reims.  Il  est  né  à  Port-à-Rinson  (Marne),  et  est  un  des 
médecins  les  plus  distingués  de  la  Capitale. 


La  décoration  du  Mérite  agricole  vient  d'être  accordée  à  M.  le 
docteur  Giraux,  de  Châlons. 

Cette  distinction  était  légitimement  due  aux  services  rendus  par 
M.  le  docteur  Giraux  comme  président  de  la  Société  météorologi- 
que de  la  Marne. 

Depuis  quinze  ans  qu'il  est  à  la  tête  de  cette  Société,  il  n'a  épar- 


640  CHRONIQUE 

gné  ni  ses  travaux  ni  ses  eli'orls,  el  l'exposilion    organisée   par  lui 
à  Reims  témoigne  des  progrès  accomplis. 

Ce  qui  est  non  moins  précieux  pour  lui  que  la  récompense  reçue, 
ce  sont  les  éloges  que  lui  a  décernés  M.  Mascart,  membre  de  l'Ins- 
titut, direcleur  de  l'Observatoire  central  météorologique. 


Un  jeune  rémois  d'avenir,  M.  Fernand  Lemaire,  vient  d'obtenir, 
au  concours  du  Conservatoire,  le  premier  prix  de  piano. 


Mariage.  —  Le  mariage  du  comle  de  Lesseville,  fils  du  mar- 
quis de  Lesseville,  avec  Mlle  Eliiabetli  de  Poincy,  tille  du  marquis 
de  Poincy,  a  été  célébré,  le  31  juillet  189o,  à  Saint-Sulpice,  au 
milieu  d'une  nombreuse  assistance. 

Le  R.  P.  Momus  a  donné  la  bénédiction  nuptiale. 

Les  témoins  du  fiancé  étaient  :  MM.  Margorie  et  le  baron  de 
Joybert^  et  ceux  de  la  fiancée  :  MM.  Pierre  Veuiliot  et  d'Aquiii. 

La  famille  Le  Clerc  de  Lesseville  est  établie  en  Champagne  depuis 
le  siècle  dernier,  et  possède  le  château  d'Aulnay,  près  la  Chaussée 
(Marne). 


L'Imprimeur- Gérant, 

Léon    FRÉMONT. 


Glossaire   du    Mouzonnais 


INTRODUCTION 

L'élude  de  noire  vieux  langage  national  el  de  ses  dialectes 
esl  à  coup  sûr  une  des  plus  ialéressaules  que  ron  puisse  faire. 
L'Iiisloire  a  certaiGement  des  atlraits  non  moins  grands  ;  mais 
il  nous  semble  que  la  connaissance  des  moyens  dont  nos  pères 
ont  disposé  pour  exprimer  leurs  idées,  formuler  leurs  pensées, 
traduire  les  faits  de  la  vie  quotidienne,  constitue  précisément 
la  branche  principale  de  la  science  historique  et  fournit  lius- 
trument  inévitable  qui  sert  à  son  édification.  Or,  de  nos  dia- 
lectes, il  est  sorti  une  langue  unique  et  une  multitude  de  patois. 
Dans  ceux-ci  se  retrouvent  nécessairement  les  restes  plus  ou 
moins  nombreux  et  riches  des  anciennes  formes  dont  on  fil 
usage  aux  temps  reculés  où  chaque  province,  ou  du  moins 
chaque  région,  avait  un  langage  qui  lui  était  propre,  et  dont  les 
divers  membres  s'étaient  formés  du  latin  surtout,  par  des  altéra- 
tions, mutations  ou  transformations,  différentes  avec  le  génie  et 
les  dispositions  particulières  de  chaque  peuple.  Sans  insister 
autrement  sur  l'importance  qui  doit  s'attacher  à  l'étude  de  la 
formation  de  notre  belle  langue  française,  nous  pouvons,  pour 
justifier  la  haute  opinion  que  nous  avons  de  ce  genre  d'études, 
signaler  la  multitude  des  travaux  faits  ou  publiés  à  son  sujet 
depuis  plus  d'un  demi-siècle  ;  et  parmi  ces  travaux,  ceux  qui 
ont  eu  pour  objet  la  conservation  des  débris  des  patois  locaux. 
Nous  ne  voyons  pas,  malheureusement,  que  rien  de  réellement 
important  ait  été  fait  sur  notre  région  ardennaise,  si  l'on 
excepte  pourtant  un  recueil  de  mots  patois  insérés  par  M.  P. 
Tarbé,  dans  un  vocabulaire  destiné  surtout  à  la  lecture  des 
œuvres  des  trouvères  champenois,  dont  il  avait  entrepris 
la  publication.  C'est  précisément  au  cours  de  recherches  ana- 
logues sur  un  trouvère  du  Mouzonnais,  le  poète  Perrin  d'Ange- 
court,  que  l'idée  nous  vint  de  relever  l'ensemble  des  termes 
dont  le  patois  use  encore  aujourd'hui  dans  ces  pays  riverains 
de  la  Meuse,  depuis  Mouzon  jusqu'à  Sedan,  de  constater  l'an- 
tiquilé  de  la  plupart  d'entre  eux,  c'est-à-dire  leur  existence  au 

41 


642  GLOSSAIRE   DU   MOUZONNAIS 

moyen  âge,  el  d'établir  ainsi  leur  droit  de  légitimité  au  milieu 
de  la  langue  nationale. 

La  lecture  d'œuvres  les  plus  variées  des  xii'',  xiii*  et  xiV 
siècles,  écrites  dans  les  différents  dialectes  de  la  langue  d'oïl, 
bourguignon- champenois,  lorrain  -  wallon,  picard -llamaad, 
français  et  même  normand,  nous  a  apporté  une  multitude  de 
preuves  el  comme  d'extraits  de  uaissauce  de  la  grande  majo- 
rité de  nos  mots  qualifiés  dédaigneusement  de  patois.  Nous 
avons  pu,  grâce  à  cela,  faire  de  nombreuses  citations,  puisées 
dans  les  poètes,  chroniqueurs,  écrivains  de  ces  temps  lointains, 
qui,  grâce  à  rindicalioa  de  l'auleur,  fixent  rauthenlicité  de 
l'expression  èl  son  âge  approximatif,  et  nous  permettent  en 
outre  de  restituer  une  orthographe  pour  nos  mots,  appartenant 
désormais  à  un  langage  non  écrit.  C'est  ainsi  que  nous  pou- 
vons montrer  que  le  parler  de  nos  campagnes  n'est  pas  un 
jargon  résultant  uniquement  de  la  corruption  du  français,  un 
vulgaire  patois  digne  tout  a  fait  du  mépris  dont  h?  grand 
nombre,  qui  se  compose  des  ignorants,  l'accable.  Voyez  la 
forme  de  beaucoup  de  ces  mots  :  elle  est  élémentaire, 
et  comme  au  voisinage  de  la  source  d'où  le  peuple  les  a  tirés  ; 
elle  est  telle  qu'il  n'y  a  pas  de  doute  possible  sur  l'éiymologie, 
la  provenance  et  la  transformation.  Les  termes  sont,  à  part  les 
désinences,  calqués  sur  le  mol  latin  qu'on  a  voulu  s'appro- 
prier, et  leur  comparaison  avec  la  langue  actuelle  fournil  sou- 
vent un  moyeu  d'instruction  que  l'on  a  tort  de  ne  pas  utiliser  : 
ces  mots,  dans  leur  état  simple,  ne  se  retrouvent  parfois  plus 
qu'en  composition  ;  ou  bien  sont  la  forme  initiale  de  termes 
qui  depuis  s'eu  sont  écartés  et  sont  à  présent  défigurés; 
ou  encore,  ils  restituent  le  sens  primitif  d'expressions  que 
nous  employons  aujourd'hui  avec  une  signification  qui  n'a 
plus  que  des  rapports  lointains  sinon  inconnus  avec  celle  qu'ils 
ont  eue  jadis. 

Pour  donner  à  nos  vocables  une  forme  orthographique  qui 
fit  bien  saisir  la  prononciation,  nous  avons  dû  parfois  nous 
écarter  de  l'exemple  présenté  par  la  citation.  Les  explications 
que  nous  donnons  suffiront  à  parer  à  cet  inconvénient.  Au 
surplus,  et  à  cause  de  cette  difficulté  même,  nous  avons  cru 
ulile  de  résumer  quelques  règles  de  phonétique  et  de  gram- 
maire. Elles  risquent  peut-être  d'être  répétées,  au  moins  à 
litre  d'application  ou  d'explication,  dans  les  divers  articles  du 
glossaire  ;  ou  nous  excusera  de  n'avoir  pas  fait  mieux,  ni  plus 
complètement,  et  l'on  n'oubliera  pas  que  nous  n'avons  visé 
que  le  «  parler  mouzonnais  »,  et  non  pas  même  les  dialectes 


GLOSSAIRE    DU   MOUZONNAIS  643 

.champenois  ou  wallon  qui,  à  la  rigueur,  seraient  digues  de 
posséder  une  grammaire  régulière. 


Prononciation  des  voyelles. 

A.  se  prononce  ordinairement  comme  en  français  ;  mais  aussi 
se  transforme  souvent  en  fl^=  è,  conformément  aux  habitudes 
du  dialecte  bourguignon-lorrain-champenois.  Ou  dit  :  chair, 

chair gier,  clair (é,  gairder au  lieu  de  char,  charger,  clarté, 

garder Le  français  a  conservé  quelques-unes  de  ces  trans- 

formalious  et  dit  à  torl  orfèvrerie  pour  orfaverie.  Les  a 
des  futurs  deviennent  régulièrement  ai  :  Tirais,  i  dirai,  tu 
porrais,  il  prouverait.  Et  il  en  est  de  même  pour  tu  as,  il  a, 
qui  deviennent  Vais,  il  aï;  ainsi  que  pour  tu  vas,  il  va,  qui 
deviennent  quelquefois  lu  vais,  il  vuit. 

Demain  iVait  (ira)  l'emperere  cliascier. 

(Gerars  de  Viane.) 
Chaucon,  por  moi  retenir, 
Li  dirkis  (tu  lui  diras)  sens  délaier 
Et  bien  li  porAis  (lu  lui  pourras)  gehir. 

(Perrin  d"Angecourt.) 

Quar  Dex  par  sa  grant  miséricorde  poroerM  (^pourvoira)  à  ma 
povreté. 

(Amis  et  Ainile.) 

La  fin  et  l'ancomancement 

Tôt  li  ait  (lui  a)  dit  outréement. 

[Dolopathos.) 

Et  tu,  t'en  vai  (va-t'en)  en  ma  maison. 

{Amis  et  Amile.) 

Et  se  il  vait  la  messe  oïr 

(Rutebeuf.) 

E.  Le  é  final  (é,  ée,  er)  se  prononce  presque  eille.  :  i/'  liv' 
est  corné  (corneille)  —  J'  n'aros  osé  (oseille)  —  L'autel  n'est 
mi  Un  paré  (pareille).  Celle  prononciation  allonge  le  son  à  la 
façon  d'une  cloche,  et  ce  phénomène  se  reproduit  pour  les 
nasales  :  on,  un,  in,  an.  Tous  les  participes  en  é  présentent 
cette  particularité  :  nos  vieux  rimeurs  en  fournissent  de  nom- 
breux exemples,  qu'on  trouvera  plus  loin,  à  l'article  du  verbe 
et  participe  passé.  On  voit  qu'ils  écriveiit  eie,  ce  qui  ne  laisse 
pas  de  doute  sur  la  manière  dont  ils  entendaient  qu'on  pro- 
nonçât. Enfin  ue  se  mouille  en  u-'ie".  tu-'ier. 

La  tendance  à  nasaliser  les  sons  eu  é  ou  ai  et  à  les  trans- 


644  GLOSSAIRE   DU   MOUZONNAIS 

former  ea  ain  se  remarque  dans  les  mots  où  e,  é,  ai,  oi,  sont 
suivis   de  n    :    lain-ne,   mitain-ne,    capitain-ne,  fontain-ne, 

plain-ne halevi-ne,  pein-ne main-fier,  je  main-nerai, 

f  m'ai  promain- né moin-ne 

Lou  samedi  a  soir  fat  la  semaiiine 
Gaieté  et  Oriour  serors  germamne 
Maint  et  maint  vont  bagnier  à  la  fontamne. 

[Gerars  de  \alenciennes.) 

dame  de  tous  biens  platnne, 

Voslre  be.Tuté  qui  est  la  souvert/inne. 

(Froissart.) 
J'en  voeil  deux  àoMzainnes  tuer. 

(Id.) 
Dieu  leur  envoise  mal  egtratnne. 
Jai  nous  tesmoing^ne  i'Escripture 
C'un  chascun  jour  de  la  sepmainne 
Puet  on  et  doit  lairons  destrure. 
Abattus  l'ont  po-ir  la  ferrure, 
Il  n'y  laissent  crochet  ne  chainne. 
Certes  ce  fut  trop  grant  laidure. 

{Guerre  de  Metz.) 
La  dame  ot  bien  en  Engleterre 
La  tierce  part  en  son  denirtinrje. 
Ses  gens  mènent,  et  on  amainne 
Ses  mangounials  et  ses  perieres. 

[Mess ire  Gauvain.) 

Quant  .1.  avugle  l'autre  meiîine 
Moult  se  conduent  à  grant  peinne. 

(Dolopathos.) 

I  se  nasalise  assez  régulièrement  ea  in,  dans  le  dialecte 
bourguignon-lorrain,  où  l'on  dit  amin  pour  ami.  11  nous  reste 
dans  notre  patois  prins  pour  pris,  et  ses  composés  aprins, 
comprins,  entreprins,  surprins 

A  Raucourl,  i  final  se  prononce  et  :  met,  tet,  m'namet  pour 
mi,  ti,  m  nami. 

N'ont  pas  degeté  te[,  mais  mei. 

[Les  Rois.) 

0  reste  tel  ou  se  change  en  ou  :  ramouner,  bonne,  to?miau 

pour  ramoner,  bonne,  tonneau Celle  lettre  s'élide  souvent 

dans  la  prononciation  des  adjectifs  mo7i,  ton,  son,  qui  deviennent 
m'n,  fn  s'?i  devant  une  voyelle  :  m'nami,  fnouvrage,  sni- 
dée  ;  et  m',  t' ,  s,  plus  rarement  mil,  tU,sil,  devant  une  con- 
sonne :  m' pain,  t'coutiau,  s' fusi.  Ce  sont  là  des  vestiges  des 
vieilles  formes  men,  (en,  sen. 


GLOSSAIRE    DU    MOUZONNAIS  64!) 

Ne  dites  pas  men  nom. 

{Godefroy  de  Bouillon.) 

Le  signe  gracieux  de  ten  estracion. 

As  pies  de  sen  lit  se  maintient. 

(Jean  de  Condé.) 

U  est  un  son  que  notre  bouche  émet  difficilement  et  auquel 
on  substitue  un  son  très  approchant  de  ou.  Ou  dit  ouiie,  con- 

douU,  fouir pour  huit,  conduit,  fuir.  Par  contre,  il  n'est 

pas  rare  de  voir  oui  rendu  par  ui  :  Vinrais-tu  devant  ouite 
heures  ?  —  Ui. 

Ou  trouvera  au  vocabulaire  un  certain  nombre  de  mots, 
comme  tnmer  pour  tomber,  où  u  prend  la  place  de  o. 

E  muet  est  très  fréquemment  aussi,  dans  la  prononciation, 
remplacé  par  w,  que  nous  surmontons  d'un  tréma  pour  indi- 
quer qu'il  est  bref.  Ceci  se  présente  surtout  pour  les  monosyl- 
labes le,  je,  me,  te,  ce,  se^  que,  de,  que  nous  écrirons  lii,  jil, 
mu,  til,  cil,  sil,  guil,  die.  On  a  déjà  dit  que  inon,  ton,  son,  qui 
deviennent  ni ,  l',  s\  peuvent  passer  jusqu'à  mil,  tii,  sil.  —  On 
emploie  la  forme  muette  ou  sonore  suivant  que  la  syllabe  pré- 
cédente est  sonore  ou  muette. 

l  faut  quu  y  porte  ou  qu^jn  porte 

y  rjiii  lins  droit  ou  jn  jn'lins  droit. 

Si  tu  importes  miùs  ou  si  Ctn  portes  miùs. 

Attends  qu'jù  Cdounes  ou  guiï  qujlù.  dounes. 

Pa[r)cequvi  v'courez  trop  vite. 

J'serai  au  coin  du  c'rue-là  ou  d'çù  passage-là. 

Çù  chin-la  est  moût  malin. 

J'ai  tuié  la  fùmelle. 

E  par  la  raison  de  chu  bail. 

(Beaumanoir.) 
Et  esliesent  ludil  capitle  j)rincipament. 

(Patron  délie  temporaliteit.) 

Ju  ne  parole  mies  de  ceu  assi  cum  ju  endroit  de  mi 

{Serm.  Saint  Bernard.) 
Quant  qu'en  l'an  li  renovelot 
Lu  vin,  lu  froment,  les  bacons. 

[Vie  de  Saint  Grégoire.) 

Le  masle  n'a  la  l'innelle  en  mespris. 

(Marot.) 

La  diphthongue  eï  mérite  une  mention  spéciale  ;  elle  a  été 
déjà  étudiée  à  propos  de  la  lettre  é.  Voici  quelques  vers  tirés 
de  la  Guerre  de  Metz,  qui  indiquent  bien  son  usage. 


646  GLOSSAIRE    DU   MOUZONNAIS 

Pour  ce  vous  ait,  de  ly  parlej/ 

Diax  vengier  sont  esvertuei. 

Car  ses  hommes  furent  tuci. 

Tuit  li  nostre  se  sont  penei. 

Défendent  soi  com  fource/iet. 

Parmi  les  noms  d'aucuns  saureîs. 

Le  son  01  se  nasalise  s'il  est  suivi  de  n  :  avoi?i-ne,  moin-ne, 
aigrimoin-ne.  Mais  on  dit  Antoine. 

La  diphlhougue  UI  se  change  rarement  en  u  ou  u-'ie  :  la 
pîu-ie. 

Le  son  simple  AU  se  substitue  parfois  à  o,  et  spécialement 
dans  les  mots  en  able,  qui  se  disent  aule,  à  la  frontière  :  taule, 

étaule,  éraule,  diaule pour  table,  étable,  érable,  diable.  — 

Il  remplace  plus  ordinairement  al  :  i7i  cketati,  in  marichau. 
C'est  un  reste  de  rancienue  déclinaison  k  deux  cas,  où  l'on 
peut  aussi  trouver  ai  -  è  remplaçant  au  ou  eau  :  chapai  et 
chapiaus,  dérivent  du  régime  chapeh  et  du  sujet  chapiaus, 
chapeau. 

OU  remplace  fréquemment   oir  dans   les   noms   d'outils.,: 

lavoue,  ara'ioue,  traioue pour  lavoir,  eurayoir,  trayoir.  La 

liuale  oir  s'est  écrite  ouer  :  mirouer. 

La  nasale  AN,  EN,  se  prononce  le  plus  souvent  a,  c'est-à- 
dire  revient  au  son  simple,  particulièrement  dans  la  termi- 
naison 7nent  des  adverbes  :  granniKÙ,  hraumkt,  grandement, 
bravement.  On  dit  inafani  (enfant),  cownacu[r)  (commencer), 
tas  (temps),  a  (en),  ahracie{r)  (embrasser),  atad[r)e  (attendre) 
atadu  (entendu).  En  général,  le  préfixe  en  devient  a. 

IN,  on  l'a  déjà  vu,  se  substitue  fréquemment  à  è,  ai.  Dans 
le  canton  de  Carignan,  à  la  frontière,  cette  nasale,  comme  les 
autres  du  reste,  se  prononce  en  laissant  sentir  légèrement,  mais 
nettement  le  son  gne  :  iti-gne.  Ce  n'est  plus  le  son  prolongé  de 
la  cloche,  comme  à  Bulson  ou  aux  environs  de  Raucourt.  Il  y 
a  là  un  souvenir  du  dialecte  qui  plaçait  un  ^  ou  un  c  à  la  suite 
de  la  syllabe  nasale  :  témoin  g  ^  ung  ^  juing 

Povre  lioume  trop  endetté 
Suppris  de  poverlé. 
Qui  ii  emple  le  poingn 
Ne  li  chault  de  sa  vie. 
Cil  où  plus  se  affie, 
Li  faut  al  graunt  besoing . 

{Proverbes  del  Vilain,  Lincy.) 


GLOSSAIRE    DU   MOUZONNAIS  G  47 

OX  esl  --ouvent  remplacé  par  ou  :  tnoulrer,  cov macie[r] , 
dovne montrer,  commencer,  doDue. 

Dans  la  conjugaison  des  verbes  français  qui  oui  ons  et  ont 
comme  finales  à  la  1'"  et  la  S*"  personnes  du  pluriel  dans 
les  présents,  on  remplace  on  par  an  :  fportxys  (nous  portons), 
il  i?'ANT  (ils  iront).  —  Dans  les  passés,  ions,  d'abord  remplacé 
par  ieus,  devient  dans  notre  patois  eins  :  Je  p07(Ai:iS  (nous 
portions),  J'irAiss  (nous  irions). 

Enfin  on  s'adoucit  en  un  :j'irvNS  pour  j 'irons  ;  J'ai  tLsibé 
pour  je  suis  tombé. 

Répétons  une  fois  de  plus  que  la  prononciation  de  toutes  ces 
nasales  comporte  une  prolongation  que  nous  avons  comparée 
au  Gon  de  cloche.  Et  il  est  curieux  de  constater  (|u'à  Cherbourg 
et  à  Nancy,  existe  celte  particularité  très  nettement  marquée. 

Dans  les  verbes,  la  finale  1ER  (ou  lEZ)  se  prononce  ie;  nous 
l'écrirons  ie{r)  j  our  marquer  ce  mutisme  de  l'r.  Les  verbes  en 
question  se  terminent  eu  général  en  français  par  er  :  mais  il 
convient  de  remarquer  qu'ils  ont  conservé  leur  ancienne  forme 
dialectale.  C'est  ordinairement  à  la  suite  des  consonnes  c,  ss, 
g,  yn,  iil,  ch,  y  qu'on  écrit  cette  finale  :  lancie[r)^  ahaisi>it(r), 
rangie[r), gangnu[i) ,  ivavaillie{T),couc/iit{r),avo-ge{r),  aidie{r) 
On  rencontre  certavnenieul  des  exceptions  à  celte  règle,  mais 
elles  sont  rares  ;  en  tous  cas  consignons  au  passage  que  tous 
les  participes  passés  de  ces  verbes  sont  tous  terminés  eu  ie  au 
lieu  de  é  :  lacie,  laissie,  ckangie,  rougnie,  chevillie,  rafachic, 
ploy-ie,  ouidie. 

Les  substantifs  noms  de  métiers,  instruments,  arbres,  ler^ 
minés  eu  ier,  se  prononcent  ie,  sauf  exceptions.  —  Un 
dit  bo%ickii'[i),  boulangie{r),  métie{r),  cordonnie{r),saveHe{7)...., 
mais  épicier,  serrurier.  —  Panie[r],  soumie{r),  deva?itie[r), 
mais  soulier  (et  soU'i).  —  Cerisie{r),  pouplie[r),  pommie[r], 
poiriei^r),  7)iélie[r],  guerzellie[r],  rosie[r]....,  mais  pêcher. 

Les  secondes  personnes  des  verbes  en  iez  donnent  ie[z)  : 
»'  rendie{z). 

EUR  se  prononce  eu{>),  en  élidaul  l'r.  La  règle  n'e&t  pas 
sans  exceptions.  Un  dit  :  buveu[r),  coureu{r),  bai(eu{r),  Wleu[r), 
porteu[r),  leu[r) mais  parfois  voleur. 

Je  ne  suis  de  ces  vieux  bawux, 
Csàchtux,  tousseux,  chagrins,  morveux... 

(Ikïf.) 

Des  inesLireus  de  ijlé 

(Lio.  des  métiers.) 


648  GLOSSAIRE    DU    MOUZONNAIS 

C'est  une  habitude  que  nous  avons  conservée  de  l'ancien 
langage  qui  faisait  tomber  la  consonne  devant  l's  ou  l'x  carac- 
téristique du  sujet  singulier  et  du  régime  pluriel. 

Dans  OIR,  on  supprime  souvent  Vr.  On  dit  aoi(r)  pour 
avoir,  ^OMoe'(r)  pour  pouvoir,  miroi{r)  pour  miroir,  démêloi[r) 
pour  démêloir, 

La  syllabe  lEN  devient  assez  régulièrement  in.  On  dit  :  bin, 
chin,  riu,  au  lieu  de  bien,  chien,  rien.  Pourtant  le  mien,  tien, 
sien  conservent  leur  prononciation.  Les  anciennes  formes  des 
verbes,  à  l'imparfait  et  au  condilionnel,  ont  suivi  cette  règle  : 
nous porliens,  nous  iriens  sont  devenus]'  portains,  ]'irains. 

N'en  mengerant  ne  lu,  ne  por,  ne  chen 
Respunt  Rollant  :  «  Sire,  mnlt  dites  ben. 

[Chans.  de  Roland.) 

On  a  déjà  vu  que  la  syllabe  EA.U  est  souvent  remplacée  par 
iau  et  quelquefoi  ai. 

Quant  sa  grant  bi\vlé  remir. 

(Perrin  d'Angecourt.) 

Parmi  les  consonnes,  l'R  terminal  tombe  en  général.  On  a 
déjà  constaté  le  fait  pour  la  finale  ter,  pour  eur,  oir.  Il  en  est 
ainsi  pour  les  infinitifs  en  ir  :  mori(r),  sali(t),  béni(r),  teni(r), 
veni(r),  gari(r),  dormi(r). 

Voici  quelques  rimes  qui  indi  |uent  bien  que,  dans  le  lan- 
gage parlé,  l'r  était  à  peu  près  toujours  muette  dans  les  termi- 
naisons en  ir. 

Sire  Jhesu    qu'es  mon  désir 
Qui  me  faiez  le  torment  sentir 
Ores  receois  mon  esperil , 
Car  ie  vueille  a  toi  parvenir. 

(Epistre  Mgr  Saint  Estienne.) 

A  la  terminaison  evoir  de  la  troisième  conjugaison,  on  a 
substitué  oir,  où  l'r  se  fait  sentir  :  dcir,  percoir,  conçoir, 
reçoir...  ;  mais  il  faut  noter  que  oi{v)re  est  la  véritable  forme 
de  la  finale,  qui  devient  oire.  par  la  chute  du  v.  Ainsi,  boi[v)re, 
de  beveir,  conçoi{t)re,  déçoi{v)re,  sont  en  réalité  des  verbes  de 
la  4*  conjugaison. 

L'R  des  finales  bre.,  cre,  dre,  fre,  pre,  ire,  tombe  aussi  : 
abatt{r)e,  fend[r)e.,  enque  (encre). 

Le  V  disparaît  souvent  dans  la  prononciation,  et  joue  dans 
ce  cas  le  rôle  de  la  voyelle  u.  On  dit  oir,  oiture,  nide,  aoi{r)... 


GLOSSAIRE    DU   MOUZONNAIS  649 

pour  [v)oi'r,  {v)oiture,  [v)uide,  a[v)oir,  c'est-à-dire  noir,  uoi- 
ture,  uuide,  auoir Aiusi,  ]arai  est  une  coojugaisoa  régu- 
lière :  a{ue)rai,  j'aurai. 

Oq  supprime  VL  après  b,  p,  /"  :  capab'[l)e,  trip{ï]e,  terrib{l)e, 
gino/'{l)e,  p{l)us. 

Faisons  observer,  en  dernier  lieu,  qu'en  général  on  ne  fait 
pas  de  liaisons  entre  deux  mois.  On  dit  :  cest  à  moi,  comme 
si  on  prononçait  les  mots  séparément  ;  —  ok  !  l'maiivai[s)  afant. 
Cependant,  on  lie  Vs  des  mots  les,  mes,  tes,  ses  :  mé-zhommes  ; 
et  on  dit  même  on-zai  vu  (voyez  o?«). 


Nature  de  mots. 

L'article  est,  comme  en  français,  le,  la,  les.  Mais  le  mas- 
culin se  prononce  ordinairement  /'  ou  lli  :  donne  mil  l'pai/i  — 
apport'  m  pain. 

On  forme  la  contraction  de  la  préposition  de  avec  l'article 
masculin  en  usant  de  dou,  ou  plus  ordinairement  de  don  : 
donne  mil  don  pain. 

Le  ou  les  se  contracte  aussi  avec  la  préposition  par  :  pan, 
paux.  Prends  lil  pau  cou  —  paux  bras. 

Il  n'est  peut  être  pas  inutile  de  signale)-  que  li  représen- 
tait jadis  le  cas  sujet,  et  nous  a  peut-être  laissé  lil.  On  a  aussi 
rencontré  lo  à  l'origine  des  dialectes,  qu'on  a  adouci  en  loïc  et 
sans  doute  en  lil. 

Le  vocabulaire  donnera,  quant  au  substantif  et  à  l'adjec- 
tif, les  particularités  qui  trahissent  l'existence  de  l'ancienne 
déclinaison,  par  la  double  forme  que  prend  un  même  mot.  On 
verra  que  l'on  emploie  encore,  sans  souci  du  cas  évidemment  : 
chapiaus  et  capai  (chapel)  —  ckaliaus  et  chétai  (chatel)  — 
Uaus  et  bai  (bel)  — pourciaus  et  pouchai  (porcel)  —  coniiau  et 
coulai  (coustel). 

L'adjectif  démonstratif  cet  se  prononce  et  :  et  homme  là. 
Le  féminin  est  çule  :  çute  femme  là  ;  à  moins  que  le  masculin 
ne  serve  pour  le  féminin  :  Jù  n mettrai  mi  çrobe  là.  En 
outre,  ce  masculin  se  prononce  c'  ou  çû  :  çil  cher  là  est  à  mi. 

L'adjectif  possessif  devient  ?;i',  t' ,  s',  ou  7nil,  lil,  sil,  devant 
une  consonne,  et  îw'w,  t'n,  s'n,  ou  7nil'n,  tiln,  sil'n  devant  une 
voyelle  :  Rends  mû  m'couliau  ;  prends  t'  panie[r)  ;  laisse  li 


650  GLOSSAIRE    DU   MOUZONNAIS 

s'honlon.  —  Tvas  perde  mû  coiiliau  ;  Enlève  tu  panie{r),  il 
/"aurai  qxCon  H  retire  su  bouton,  J'  connais  m'n  a/faire  ;  ais-tu 
d'île  t'n  argent"!  elle  ai  rendit  s'n  ouvrage.  —  f  abandonne 
mû'n  affaire;  laûche  tu  n  argent  ;  qaant  on  quitte  sû'n  021- 
vrage. 

Il  faut  remarquer  que  la  forme  muelle  s'emploie  après  une 
syllabe  sonore  ;  et  la  forme  eu  il  ou  sonore  après  une  syllabe 
muetle.  L'n  peut  être  considérée  comme  une  lettre  de  liaison  ; 
on  peut  y  voir  aussi,  comme  ou  l'a  dit,  un  reste  de  l'ancienne 
forme  dialectale  men,  ten,  sen,  et  aussi  de  celte  autre,  bour- 
guignonne, mnn,  tun,  sun,  qui  n'a  pas  totalement  disparu  de 
notre  patois,  non  plus  que  la  précédente.  Le  dialecte  wallon 
disùt  couramment  aussi,  au  féminin,  vie,  te,  se. 

Et  pour  çou  finerai  men  conte. 

(Jean  de  Condé.) 

Hé  !  fait  Nicolete,  l'âme  de  te\  père  et  de  te  mère. 

(Aucassin  et  Nicolette.) 
As  jiies  de  sex  lit  se  maintient. 

(Jean  de  Condé.) 

Et  regarder  aussi  devons  que  chascuns  ne  porte  avec  soi 
SE  malvaisté  et  se  maladie. 

{Li  ars  d'iimoui'.) 

Thomas,  met  tex  doi  en  liu  de  mes  clofichures. 

(Sermons  de  Maurice  de  Sulhj.) 

En  l'aiguë  vit  l'umbre  dou  fourmaige 
Pourpensa  sei  en  sux  coraige. 

(M-irie  de  France.) 
Parçonniers  es  de  svx  deslei. 

{Chr.  des  ducs  de  Norin.) 
Et  si  facent  si  cum  il  soient 
MuN  comandemenl  senz  desdire. 

(/(/.) 
Et  sui  enmi  ïu.x  pople  ki  tu  as  eslit. 

(Les  Ruii.) 

Enfin,  dans  nombre  de  villages  de  la  contrée,  par  la  vallée 
de  la  Bar,  on  use  souvent  de  ma,  ta,  sa  pour  mou,  ton,  sou  : 
Tin  in  pau  ma  pain  ^  ma  sac  et  ma  couilau,  qu'à  f 

0  tu,  une  sole  espérance  de  ma  salut. 

(Amis  et  Amile.) 

Au  pluriel,  mes,  les,  ses  se  prononcent  7net,  tel.  sel.  Puis  ou 
a  not{r\e,  vot{r)e,  leu[r).  Parfois  ou  dit  no,  vo  au  singulier  : 
Ez  V  fini  vo  jardin?   Uuant  à  leur,  il  devrait  s'écrire,  pour  le 


GLOSSAIUK    DU    MOUZONNAIS  651 

besoin  de  la  liaisou  à  la  voyelle  (jui  suit,  leus  :  Qui  reprenant 
LEUS  argeyil.  —  Pour  le  pluriel,  nos,  vos,  leu[r)s. 

L'adjectif  numéral  un,  une  se  pronouce  suivaul  la  ualure 
des  syllabes  qui  suivent  c-u  précèdent  :  in,  ine,  —  ieivi,  ieune  : 
IN  chat,  INE  po7iie  —  ine  homme.  —  N'i  an  avo[t)  iun  ;  ni  a'n 
ai  co  IEUNE.  La  liaison  fait  dire  in  z-iu  (un  œil)  :  permis  d'y 
reconnaître  l'ancien  sujet  uns.  On  emploie  aussi  eune  dans  le 
corps  des  phrases  et  même  '?«  par  élision  :  //  a'n  ai  resté  eune  ; 

—  c'est'^  moût  belle  gent. 

Pour  l'élude  des  pronoms  personnels,  il  y  a  lieu  de  dislin- 
guer  les  trois  personnes. 

V  Je  sert  de  sujet  singulier  ou  pluriel  et  se  prononce  y  ou 
jii  :  3 porte,  jû  v^ dirai,  /'erai-jn  bin  ra^.  —  ïvenans,  jû 
vdirains  bin  qu'à ;  irans-3ù'f 

Comme  régimes,  me,  moi  deviennent  m'  ma,  rai  (raihi)  : 
Doiine-yi\\  ça  —  C'est  pour  mi  —  On  vint  dit  Sidère  qu'il 

Si  tu  trespasses  i)armei  lo  fu,  Jt'  me  tenrai  à  ti,  ne  me  dolterai  mies 
les  mais,  car  tu  es  avec  mi. 

{Sermon  de  S.  Bernard.) 

Dsous  est  le  régime  pluriel. 

2'"*  l^u  et  t'  servent  de  sujet  singulier  et  aussi  de  régime  sin- 
gulier ;  ti  est  spécialement  datif  (tibi).  Faut-i  quj'ù  t  donne 
ou  qtiil  f'ïv  donne.  —  C'est  à  ti  —  garde-lu  pour  ti. 

Nés  mies  venuz  ])or  ti  a  ocire,  mais  por  ti  à  salver,  por  ii  à  déli- 
vrer, ne  mies  i)or  ti  à  laier. 

{Serin,  de  S.  Bernard.) 

Au  pluriel  on  emploie  vous  ou.  plutôt  v\  V'parterez  deviain. 
— ■  J'\'a'n  upporlerai.  —  Puiez  v'  ça.  —  C'est  pour  vous. 

3""'  Le  pronom  sujet  est  il  pour  le  singulier  et  le  pluiieL 
//  se  prononce  i  devant  une  cobsoune.  1  parte  tout  au  matin. 

—  I  vinrant  tounous.  —  il  arrivant  à  deux  heures.  —  Le 
féminin  est  elle,  elles  ou  i,  et  lie  s'il  est  attribut  :  c'est  lie 
qui Vimant-i,  ces  femmes  là? 

Comme  régime  :  l\  lil.  h,  lou  au  masculin,  la,  lie,  if  lie  au 
féminin,  —  Jil  Lverrans  bin;  —  Donne  lu,  t'coutiau!  — 
Doune-hi  ça,  c'est  pour  lou.  —  Prends-L\,  ta  bourse  ;  Doune- 
LiE  ça,  c'est  pour  ielle. 

Au  pluriel  :  leu{r),  zeux  :  On  leu(r)  dounerai  cqui  leu(r) 
revint.  -  Agète-L¥.xi[d.)  ça,  c'est  bon  assez  pour  zeux  ;  cest  à 
ZEUX.  —  Et  quelquefois  :  c'est  à  leu(r)  deux  (c'est  à  eux  ou 
elles  deux). 


652  GLOSSAIRE    DU    MOUZOXNAIS 

Il  est  à  remarquer  que  le  prouotn  le,  les  se  coulracle  avec  à 
ou  de.  ab?ïolumeDl  cooinie  l'ariicle.  —  J'mai  dépêchie  don 
rend[r)e.  Cette  coutracliou  .'e  fait  même  avec  la  négatiou  ne  : 
/'non  prenrai  mi.  (Voir  don  et  non  au  voc.) 

Elles  me  ilemandoient  ce  blet  devant  dii  et  disoient  que  je  estoie 
tenu  AU  rendre. 

(Cariul.  de  Longueau,  1246.) 

Notons  enfiD  que  les  pronoms  moi,  loi,  lui,  nous,  vous,  eux, 
ordinairement  régimes,  deviennent  sujets  d'un  intinilif  [et 
(Witent  le  subjonctif). 

J^ai  don  café  pour  ui  déjuner 

Tarais  des  ues  pour  ti  dt7ier 

J^li  ai  donné  n' chanson  pour  lou  chanler 

I  faut  des  sous  pour  :^ovs  parti[r) 

V'ez  besoin  d'  forces  pour  vous  lravaiUie[r) 

I  pr étirant  des  cartes  pour  zevx  Jouer. 

Et  si  sont  quites  li  talernc.liers  du  tonlieu  de  tout  le  blé  qu'il  achètent 
pour  LEUR  cuire. 

(Liv.  des  métiers.) 

Les  PRONOMS  POSSESSIFS  mien,  tien,  sien  servent  pour 
les  deux  genres  :  Je  gai  de  iea  vaches,  garde  les  miens  ;  ma 
mont\r)e  marque  quatre  heures^  la  tien  n'va  mi  bin,  et  la  sien 
avance. 

Les  PRONOMS  DÉMONSTRATIFS  ce/i,  cctel,  qu'on  prononce  sti, 
stel,  sont  toujours  joints  à  ci  ou  la  :  ceti-ci,  ceti-la  ;  celel-ci, 
cetel-la.  C'est  l'ancien  cist,  cesiui,  cettui.  Au  pluriel,  pour  les 
deux  genres,  on  dit  :  ceux-là,  céceux-lô,  céieus-là.  Et  à  pro- 
pos de  cette  dernière  forme,  il  faut  ajouter  qu'on  dit  aussi  : 
le  teus,  la  teus,  les  teus,  pour  celui,  celle,  ceux  ou  celles  •,  Le 
TEus  qua  veut,  qui  s'avance!  —  N'i  ai  co  iauques  dil  bon, 
mais  c  est  pov{r)  les  teus  qui  serant  bin  gentts. 

Verbe. 

Ou  trouvera  au  vocabulaire  la  conjugaison  des  verbes  Avoir 
et  Flre,  ainsi  que  celle  d'autres  verbes.  Pour  le  moment, 
nous  ferons  remarquer  que  notre  conjugaison  est  fort  incom- 
plète, et  ne  comprend  point  le  passé  déliui,  non  plus  que 
le  subjonctif,  ni  les  temps  composés  que  ces  deux  derniers 
fout  dis[)araîlre.  Le  verbe  être  seul  possède  le  subjouctif.  Il 
faut  remplacer  le  passé  défini  par  le  passé  indéfini,  et  le  sub- 
jonctif par  l'indicatif. 


OLOSSAIKE    DU    MOUZONNAIS  653 

L'infinitif  préseiite  les  terminaisons  suivantes  :  er  et  ier 
pour  la  première  conjuc^aisou  ;  ir  pour  la  seconde  ;  oir  ou  re 
pour  la  troisième.  Dans  la  première,  les  finales  des  divers 
temps  sont  les  mêmes  pour  les  verbes  en  er  ou  ier  ;  le  parti- 
cipe passé  seul  finit  tn  é  (prononcez  éïe)  pour  la  première 
forme,  en  ie  pour  la  seconde  :  Porter,  je  porte,  porté  —  ckan- 
gie{r),  je  change,  c'iangie. 

Au  PRÉSENT  DE  l'indicatif,  fious  devous  seulement  signaler 
les  terminaison.-  ans  et  ant  des  l"^*^  et  3'""  personnes  du  pluriel. 
Elles  appartiennent  également  au  futur,  et  viennent  tout  droit 
des  finales  latines  amus  et  ant,  qui  appartiennent  à  la  pre- 
mière conjugai-on.  Voici  le  passage  le  plus  caractéristique  qui 
consacre  ces  terminaisons  :  il  n'appartient  point  à  la  langue 
d'oïl,  il  est  vrai,  et  e^t  tiré  d'une  Ordonnance  de  1382,  en 
langage  saintongeais  : 

Sapchiin   toz  qui  atjuesUis  presens  iiUei'as   veyrxs  in  ozirxs,  que 

coin Php  so  ihuiuIam  et  comandxM  en  pena  deiz  marchs  d'argent 

à  nos   apiicaiJuira,  et   donxM    planier   poder que  la  dicha  talha 

/e<;AN,  e  fasses  lt;var et  que  eligistxy  e  pttes/A.\  eiigir. 

[Ordèiie  de  chevalerie,  p.  33.) 

Mais  si  home  ne  pevent,  car  trop  sa\t  afamé, 

{Chanson  d'Anlioche.) 

A  quelque  dislance  de  Raucourt,  on  dit  :  f  arômes,  mettômes, 
pour  noiis  avons,  mettons.  On  reconaîl  là  les  anciennes  termi- 
naisons eu  um,  unt.  restées  aussi  du  latin,  telles  que  celles  de 
sumus,  sunt,  et  de  leurs  composés.  L'affaiblissement  de  on  en 
un,  et  puis  en  an  est  un  fait  constaté  qui  peut  expliquer 
les  finales  de  nos  verbes.  Vohmtatem  a  donné  volenté  et  volen- 
tiers  :  trancher  vient  de  truncare. 

Pur  kei  nus  laissLM  damagier? 
MeUuM  nus  for  de  lor  dangier. 
Nus  suM  hom  cum  il  sunt. 
Tex  meml^res  avuM  com  il  uni 
>    Et  ollresi  grant  cors  avuit 
Et  altretant  sofrir  poihi. 

Nos  aveir  et  nus  defenduM 

Et  tiiil  bien  ensemble  nus  tenu.M. 

[Rom.  de  Brut.) 

Si  nos  i  pou.M  ceo  achever 
Par  lut  le  mund  porruN  aler. 

{Chron.  ducs  de  A'onn.) 


G54  GLOSSAIRE    DU    MOUZONNAIS 

Si  m'aïst  Dieu,  mauves  garde 
En  AVÔMES  pris,  ce  me  semlile. 

{[iom.  de  Renart.) 

Couslalous  encore  aue  nombre  de  personnes  disent  :  i  por- 
/ONT.  Celte  finale  semble  empruntée  comme  les  précédentes  à 
la  S*"  conjugaison  laliue  :  i  dormotii  (dormiuut),  il  o7ont 
(audiunl). 

Et  le  semedy  après  les  Liégeois  deloghoNï  et  s'en  allont  vers 
Al:)ygny  (Aubigny-les-Pothées)  et  dutont  ens  le  feu,  car  il  n'y 
ïROvoNï  nulkiy  qui  le  delTendist. 

[Chronique  de  Stavelot.) 

Quant  aux  trois  personnes  singulières  du  même  présent  de 
riudicatif,  signalons  quelques  verbes  en  ir  qui  se  conjuguent 
comme  s'ils  étaient  de  la  1'""  conjugaison.  Dormir,  partir  dou- 
nent  :  ']dorme^  lu  dormes^  i  dorme\  ] parie,  tu  parles,  i  parte. 
D'autre  part,  venir,  tenir,  suivant  la  règle  de  prononciation 
des  ien,  font  :  }'vi?is,  lu  vins,  ï  vint  ;  je  tins,  etc. 

,     Je  ne  dorm  que  le  premier  somme. 

(Ru*el3euf.) 

Les  terminaisons  de  Timparfait  de  l'indicatif  sont  :  os, 
os,  ot,  ains,  ie{z),  aint.  On  les  retrouve  en  dialecte  bourgui- 
gnon et  aussi  normand,  où  se  rencontrent  également  les 
formes  oue  et  oe. 

Bergier  de  ville  champestre 

I^eslre 
Ses  aigriax  menot  ' 

El  n'ot  . 
Fors  un  sien  chienet  en  destre 

Estre 
Yousist  par  semblant 

En  emblant 
Là  où  Robins  flajolof. 

[Robert  de  Pains.) 

Et  l'alo^  voir  sovent 
Et  confortouT  mut  bonement  ; 
Mes  les  autres  treis  regretof 
Et  grant  dolur  por  eus  menât. 
Un  jur  d'esté,  après  manger 
Partof  la  dame  al  chevaler. 
De  son  grant  doel  li  remembroi  :' 
Son  chief  ça  jus  bien  en  baisse^. 

(Marie  de  France.) 


GLOSSAIRE   DU    MOUZONNAIS  65:" 

As  riches  donot  rices  dons... 
Pues  redonof  as  onlenez. 

(Vie  de  S.  Grégoire.) 

MfS  son  père  qui  mont  l'amof 
Tôt  autrement  de  lui  pensof. 

(Vie  de  S.  Alexis.) 

Sur  Dieu  et  sur  l'ame  de  moy...  je  ne  sçaroe  que  dire   sur  mon 
maislres  fors  que  tout  bien. 

(Chron.  de  Valcnciennes.) 

Car  li  airs  forment  espesso^. 

(Messire  Gauvnin.) 

Une  chievre  y  venot  bien  iij.   ans  alaitier. 

(Chevalier  au  Cygne.) 

La  se  baigno?  les  sers,  ])ur  sa  char  refreider. 

(Thomas  le  martyr.) 

Et  le  peult  faire  la  dicte  femme..,  ou  ses  héritiers  pour  elle  s'elie 
morot  devant  (son  mari). 

[Coust.  de  Vermandois,  1448.) 

El  si  je  et  mi  hoirs  demorrï'ens  homme  au  comte. 

(Cart.  de  Rethel,  12o2.) 

Et    si    ces  quatre  ou   aucun    de   la  communauté   [alseint    aucune 
besogne  qui  appartenist  à  ceste  communauté. 

[Assoc.  des  ducs  de  Bourg.,  Bretagne^  etc.,  1247.) 

Lors  les  bestes  qui  esteint  près. 

(Marie  de  France.) 

Li  mostiers  alumcinl 

(Roman  de  Rou.) 

Mais  deismes  au  départir  que  nous  sai-iens  bien  que  nous  ayiens  à 

faire. 

(Arch.  adm.  de  Reims.,  I30S.) 

Car  je  ni  mi  chevalier,  n'dviens  ne  haubers,  ne  escus,  pour  ce  que 
nous  e?,tiens  tuit  blecié  de  la  bataille... 


Et  puis  juiens  aux  papelottes 
Et  ou  ru'ssot  làxiens  nos  cottes. 
Et  puis  }uiens  a  ua  aultre  jeu 
Qu'on  dist  a  la  keue  leuleu. 


(Joinville.) 


(Froissart.) 


Que  se  nous  pecheor  savjens 
El  les  dolors  sentu  nviens. 

(Voie  de  Paradis.) 

Seurement  en  reveniens 

Et  grant  avoir  en  raportj'ens. 

(Dolopalhos.) 


6îi0  GLOSSAIRE    DU   MOUZONNAIS 

Les  compagnons  nous  Vnvoint  presché 
D'aller  jouer  à  Saini  Germain. 

(Marlial  de  Paris.) 

Les  2"  et  3"  personnes  du  futur  eu  as,  a  se  prononcent 

ais,  ai. 

Tantôt  serait  balizies  vostre  fis. 

(Gérars  île  Viane.) 

Je  m'oscirai,  s'atres  que  Garin  m'ait 
Ou  je  ferai  quanqu'  amors  m'aprendrai7 
Se  n'ai  Garin,  l'uns  ou  l'atre  avendra*/. 

(Hues  de  la  Ferlé.) 

Bone  famé,  tu  dis  anfance, 
Fait  li  rois;  cil  te  vengerait 
Qui  de  mon  règne  rois  serait. 

(Dolopathos.) 

J'ai  iDone  espérance  en  nostre  Seigneur  qu'il  me  aiderai. 

{Amis  et  A  mile.) 

Les  lernainaisons  du  conditionnel  sont  les  mêmes  que  celles 
de  l'imparfait  :  J  diras,  tu  diras,  i  dirai  ;  fdirains,  v'dirie{z) 

i  diraient. 

Si  nous  armerie/is,  se  vous  m'en  créez. 

(Chron.  de  Rains.) 

Il  averoienf  ferme  et  estable  ce  que  nous  diriens  de  ce  descort.  Et 
s'il  se  descordoient  nous  i  meteriENS  le  tiers. 

{Cart.  de  Rethel,  12i6.) 

Nous  et  nostre  lignage  seriens  mors  et  honiz. 

(lîomaîi  des  Vif  Sages.) 

Parmins  ce  que  nous  rendervE.Ns  et  debveriens  rendre  à  nos  bour- 
geois d'Aubie. 

(Charte  d'Auby,  1246.) 

...  Tel  ayde  comme  ces  quatre  devant  dit  esgardereiut  qu'à  homme 
luy  dust  faire,  nous  lui  ferions. 

(Ass.  du:s  de  Bourg.,  etc.,  d247.) 

A  chestui  dist  qu'il  fait  desroi 
Quant  maine  le  vilain  od  soi, 
Qui  set  la  fosse  appareillier 
La  il  il  purreint  trabuskier. 

(Marie  de  France.) 

Pur  ce  qu'il  devereynt  défendre  la  marche  de  le  prince. 

(Fitz-Warin.) 

Nous  avons  dit  que  le  subjonctif  n'existe  pas.  Ou  dit  :  / 
faurot  qiCvous  venez  ;  i  n'semàle  mi  qtii  li  faut  co  iaupces  ; 


GLOSSAIRE    DU   MOUZONNAIS  657 

i  nH  ai  Un  des  raisons  pou[r]  quïï  fnous  ainmans,  etc.... 
Avec  le  verbe  être  cependant,  on  a  ce  mode  :  faut  quii  J'sois 
arrivé  devant  Ion  ;  i  faurot  lin  qu  fi  fus  arrivé  devant  lou. 
Avec  avoir  :  J'ai  binpeu{r)  qu'i  7ii  an  ure  pus. 

Je  vous  mant  et  voel  que  vous  faites  féauté. 

(Car t.  Rethel,  1250.) 

Gardés  que  vous  ne  pekdés  par  soffraite  d'enseignement  la  voie  qui 
vait  à  Dieu. 

{Sermons  de  Maurice  de  Sulh/.) 

Je  veuU  que  vous  me  rendes  rnes  besans. 

(Ass.  de  Jérusalem.) 

Il  convient  que  nous  atihons  avant. 

(Henri  de  Valenciennes.) 

Le  commandement  Mahomet,  qui  nous  commande  que  nous  gardons 
le  nostre  Seigneur  aussi  comme  la  prunelle  de  nostre  œil. 

(Joinville.) 

Après  affiert  que  nous  i-aulons  d'atemprance. 

{Li  ars  d'amour.) 

M'amie,  je  vous  prye  que  vous  y  venez. 

(XV  joyes  de  mariage.) 

Or  volum  ke  del  tut  quite  le  vus  clamez. 

(S.  Thomas  le  martyr.) 

Douce  dame,  je  vous  prie  et  demand 
Que  vos  PENSEZ  de  moi  guerredoner. 

(Châtelain  de  Coucy.) 

Jourdain,  il  faut  que  la  prenons 
Nous  deus,  et  que  nous  I'emmenons 
En  celle  place. 

(Miracle  N.-D.) 
Et  vueil  d'un  cuer  naïf 
Que  vous  I'aimez  de  par  Saint  Georges. 

(L'oultré  d'amour.) 

Affin  que  mieulx  ceste  paix  advoez 
Et  que  de  cueurs  loyaulx  et  vertueux 
Nous  maintenez  tous  jours  ces  points  liez. 

(G.  CoquiUart.) 

L'impératif  se  tire  de  l'indicatif  :  Parie,  alla7is,  venez! 
Pour  ÊTRE,  on  le  tire  du  subjonctif  :  sois,  soya7is,  soyez. 
Nombre  de  verbes  n'ont  pas  ce  temps  ;  comme  savoir,  vou- 
loir, etc. 

42 


658  GLOSSAIRE   DU    HJOUZONNAIS 

A  I'imparfait  du  subjonctif,  on  substitue  le  conditionnel  : 
i  faurot  gu'i  vinraint  ;  fainmeros  mius  qura  serot  vous.  On 
dit  avec  avoir  :  Il  arut  mius  valu  <jii  ça  soit  lou  qui  I'urk 
quli  s' frère. 

Le  participe  passé  de  la  première  conjugaison  finit  en  é  (qui 
sonne  é'ié)  pour  la  catégorie  des  verbes  en  er,  et  ie  pour  ceux 
en  ier.  Dans  la  deuxième,  nombre  de  verbes  ont  leur  participe 
en  u  :  senti{r),  dormi[r), donnent  seniu,  dormu 

Remembrance  qui  m'est  au  cuer  entiiEiE 
De  Jésu-Crist  qui  pour  nous  vout  mourir 
Mi  fait  laixier  et  guerpir  lai  contREiE. 

(Âubertin  d'Avesnes.) 

Il  ont  les  vignes  atrapEiES 
Trestout  a  fait  et  tout  par  onie 
De  paicelz  ont  les  grant  moiees 
Toutes  arses,  sen  rien  estonJe. 

(Guerre  de  Metz.) 

Quant  les  neis  sont  bien  atoi'NEiES 
Si  entrent  ens  gens  de  bernaige  ; 
Tout  droit  vers  l'ost  les  ont  meNEiES 
Cil  qui  bien  scevent  le  rivaige. 

(M.) 

L'erbe Que  cil  avoient  aporiEiE 

Delivrement  l'ait  acheiEiE. 

(Dolopalhos.) 

Quant  cest  le  jors  que  la  fesle  est  nomEÏE 
Se  nus  y  vient  qui  ait  s'amor  fausEÏE, 
Jà  del  mostier  n'en  auera  l'entrEÏE. 

{Romancero  françois.) 

Cele  que  i'aim  et  aor 

A  tel  seignorie 
Que  tost  m'aura  ma  dolor 

En  ioie  chanoiE. 

(Perrin  d'Angecourt.) 

Si  en  ert  si  venc.iE 
Qu'à  tous  fins  cuers  devra  estre  anémie. 

Et  coment  les  genz  l'ont  jugie. 

{Dolopalhos .) 

Et  fust  la  cité  netoiiE. 

{Chronique  de  Rains.) 


GLOSSAIRE   DU    MOUZONNAIS  6S9 

Argenté  s'est  on  pié,  vousist  ou  non,  dreciE  ; 
En  plorant  prent  congié,  dolente  et  courrouciE, 
De  ses  enfans  aidier,  tous  les  barons  en  prie 
Puis  les  baise  en  plorant  et  il  l'on  embraciE. 
Quant  partir  l'en  couvient,  a  pou  n'est  enraciE. 

(Audefroy  le  Bastars.) 

A  la  froulière,  nos  participes  eu  ie  sont  en  iet  :  c'est  l'or- 
thographe la  plus  ordinaire  de  la  Chronique  de  Rains,  qui 
écrit  (et  prononce)  càangiet,  mangiel,  congiet,  nagiet^  logiet, 
gaheigniet 

Adont  esloient  coureciET  pour  Damiette  qu'il  avoient  perdue. 

(Ckron.  de  Rains.) 

Et  tous  fusent,  noiiet  se  li  Soudans  vosist. 

(Ici.) 

Mieus  vuus  le  don  avanchier,  ke  ce  c'on  soit  i'R[iet. 

(Li  ars  (l'amour.) 

Et  dist  ke  moult  avoit  grant  pièce 

Que  n'avoit  mangiet  de  si  bone. 

(Dolopathos.) 
Mort  sont  ly  doi  baron  moult  fort  marlrvET 
Li  soudans  de  Persie  ot  le  cuer  courouciEx 
De  cou  que  ly  baron  ne  se  soni  reNovEr. 
Pieres  en  a  de  cuer  ploret  et  larmvET 
«  Et  toi,  dist  li  soudans,  qui  a  fait  l'esraGiiiT 
De  venir  assalir,  Lien  as  le  corps  taiLLiEr 
De  faire  le  vassal  ;  qui  t'y  a  envovEx?  » 
Dist  Pieres  ly  Hermites  :  «  G'y  alai  sans  cougiet.  » 

—  Par  Mahoin,  dist  li  roys,  s'ara  mauvais  marciEx. 

—  Je  ne  say,  dist  l'Iermites  ;  se  m'avies  méhaicNiET, 
N'y  demoroit  païen  n'euist  le  «ef  trenciEX.  » 

Lors  commande  ly  soudans  c'on  l'eust  bien  loyet, 

Et  a  dit  à  se  gent  :  «  Soions  bien  conseiLLiEx. 

Crestieu  n'isteront,  ains  seront  asséciEx. 

Il  n'isteront  point  hors  ;  il  sont  trop  esmavEx, 

Il  les  faut  assalir,  a  ceval  et  a  piet 

Ou  aultrement  jamais  ne  seront  exciLLiEx, 

(Godefroy  de  Bouillon.) 

Pour  ce  qui  concerne  les  autres  parties  du  discours,  le  glos- 
saire fera  lui-même  les  remarques  nécessaires.  C'est  à  ce  qui 
précède  qu'il  convient  de  borner  les  règles  et  observations 
grammaticales  qu'il  paraît  indispensable  de  connaître. 

Qui  raison  tient  et  s'en  demainne 
De  legier  ne  puet  mesaler, 
A  tant  en  lairai  le  parler  ; 


660  GLOSSAIRE   DU   MOUZONNAIS 

Non  pourquant  asses  matere  ai, 
Mais  tant  c'a  ore  m'en  tairai  ; 
Si  pri  c'as  enlendans  souffle 
Cou  qu'en  ait  dit  à  ceste  fie. 

(Jean  de  Condé,  H  ilis  dou  frain.) 

[A  suivre.)  N.  Goffart. 


UNE 

ÉGLISE  RURALE' 

Du  moyen  âge  jusqu'à  nos  jours 


VILLERS-DEVANT-LE-THOUR    ET    JUZANCOUUT 

Son    Annexe 
Ca.  1:1  ton     d'ASFELD     (Ardennes) 

>Ofr- 


IX 
Questionnaire  de  1774. 

Demandes  concernant  l'éiat  de  l'Eglise  et  de  la  paroisse  de  Villers- 
devant-Le-Thour,  auxcjuelles  M.  le  Curé  de  Villers  est  prié  de  donner 
à  la  suite  de  chaque  Article,  sa  réponse  par  écrit,  qu'il  envolera  au 
Secrétariat  de  rArchevêché  de  Reims,  quinze  jours  après  avoir  reçu  le 
présent  Etat. 

Curé  ?  —  Nicolas  Dumont,  prèire,  docteur  en  théologie,  diocésain, 
âgé  de  quarante  et  un  an^  prêtre  depuis  le  12  juin  1756,  employé  dans 
le  ministère  dès  le  mois  de  9'""<'  de  la  même  année,  a  exercé  ses  pou- 
voirs à  Saint  Pierre  et  à  Saint  Jacques,  paroisses  de  Reims  ;  est  curé 
depuis  près  de  treize  ans,  a  l'extension  des  pouvoirs,  et  n'a  plus  les 
cas  réservés  depuis  la  mort  de  Monsieur  de  Rolian. 

Patron  ?  —  Le  chapitre  et  le  séminaire  de  Reims  à  l'alternative. 

Seigneur?  —  {A  Villers),  Monsieur  Lenoir,  écuyer,  conseilli  r  du 
roi,  à  Paris,  et  l'hotel-Dieu  de  laditte  ville,  chacun  pour  moitié,  aucuns 
droits  honorifiques  '. 

•  Voir  page  593,  tome  Vil  de  la  Revue  de  Champagne. 

1.  L'Hôlel-Dieu  de  Paris  possédait  moitié  de  la  baronnie  du  Thour,  par 
suite  de  la  donation  de  M'"  de  Régnier  du  Doré,  en  1041.  —  L'ilôtel-Dieu 
de  Reims  possédait,  de  sou  côté,  une  ferme  a  Villers,  sans  droits  seigneu- 
riaux, ainsi  que  l'abbaye  de  Sainte-Claire  et  le  couvent  des  Carmélites  de 
Reims.  Le  prieuré  de  Loogueau,  près  Châlillon-sur-Marne,  y  jouit  aussi 
d'une  rente  :  «  L'an  1221,  juin,  Guillaume,  archevêque  de  Reims,  déclare 
que  Ciémeuce,  femme  de  Alain  de  Roucy,  a  donné  en  perpétuelle  aumôue, 
à  l'église  de  Longueau,  3lJ  setiers  de  froment  à  prendre  cbaque  année  à 
Villers- devant-le-Thour,  à  la  mesure  dudit  lieu,  et  payables  à  la  Idte  de 
Saint-Remy,  ainsi  que  sa  part  dans  une  maison  située  à  Reims  et  provenant 
de  Pierre  de  Courville.  »  {Cartulaire  du  Priairé  de  Lonrjueau,  par  1'.  Pel- 
lot  et  D.  Noël,  1893,  p.  52.  —  Extr.  de  la  lievue  de  Champagne  et  de 
Brie,  1895.) 


662  UNE    ÉGLISE    RURALE 

(A  Juzancourt),  Monsieur  de  Viliiers,  lieutenant  colonel  dans  l'ar- 
tillerie, résident  à  Juzancourt,  (qui)  jouit  de  la  nominalion  au  prône 
et  de  l'eau  bénite  par  présentation  ;  il  y  a  aux  environs  dix  huit  ans 
qu'on  lui  a  accordé  l'eau  bénite  par  présentation,  je  ne  sçais  quand  a 
commencé  l'usage  pour  la  nomination  au  prône;  la  seigneurie  est  par- 
tagée entre  plusieurs,  Madame  de  Semeuze,  de  Reims,  en  possède  une 
partie,  mais  le  principal  seigneur  est  ledit  sieur  de  Viliiers. 

Ressort?  —  Du  baillage  de  Sainte  Menehould,  du  Conseil  supé- 
rieur de  Ghùlonis,  de  l'intendance  de  Champagne,  de  la  subdélégation 
de  Ghàteau-Porcien,  élection  de  Reims  et  maîtrise  de  Sainte  Mene- 
hould •. 

Adresses  ?  —  On  n'a  point  d'autres  messagers  que  les  coquetiers, 
qui  vont  à  Reims  ordinairement  une  fois  la  semaine;  on  peut  adresser 
les  lettres  chez  M.  Duinont,  fabriquant,  rtie  Harbùlre,  à  Heims'^. 

Dîmes'?  —  Les  dîmes  (à  Villera)  sont  divisées  en  neuf  porlions, 
dont  une  pour  le  séminaire,  une  pour  le  chapitre  de  Reims,  une  pour 
l'abbaye  de  Veauclerc,  une  pour  celle  de  Lavalleroy,  deux  poui  le 
prieur  de  Neuville,  et  trois  pour  le  curé;  il  n'y  a  point  de  dîmes 
inféodées;  le  curé  reçoit  sur  la  dîme  de  Villers  un  préciput  de  huit, 
septiers  de  froment,  mesure  au  bled  de  Reims. 

Les  dîmes  (à  Juzancourt)  sont  divisées  en  neuf  parts,  liont  une  au 
séminaire,  une  au  chapitre  de  Reims,  quatre  à  la  Sainte  (chapelle  et 
trois  au  curé;  point  de  dîmes  inféodées, '.e  curé  n'a  aucun  préciput  sur 
les  dîmes  de  Juzancourt. 

Etendue?  —  Il  y  a  une  ft;rme  dite  Trembleau,  composée  de  neut 
ménages,  à  un  grand  tpjarl  <le  liej,  plus  un  moulin  â  eau,  situé  à 
même  distance  •';  lt  s  cliemins  sont  aisés;  il  n'y  a  ni  rivières  ni  ruis- 
seaux ;  le  diamètre  de  lelendue  de  la  paroisse  (île  Villers)  est  de  plus 
d'un  demie  quart  de  lii-iie. 

Il  y  a  une  ferme  dtîte  les  Barres,  à  un  quart  de  lieiie  de  la  paroisse 
(de  Juzancourt)  et  à  une  <4emie  lieii  de  Villers  ;  les  chemins  sont  en 
rase  campagne,  il  n'y  a  ni  rivières  ni  ruisseaux  ;  le  diamètre  de 
la  paroisse  est  de  jikis  d'un  demie  quart  île  lieiie. 

Secours?  —  Il  y  a  un  secour  appelle  Juzincourt,  on  bine  dans 
ledit  secour  de  tems  immémorial  ;  on  l'u  permis  sans  doute  à  cause  du 
nombre  des  iiabitans,  et  de  l'éloignemenl  de  toute  autre  église. 

Il  y  a  des  fonts  baptismaux  et  un  cimetière  séparé  de  celui  de  la 
paroisse  de  "Villers  ;  la  chose  est  de  tems  immémorial,  on  ne  scait  qui 
l'a  permise. 

1.  Les  ressorts  Judielaires  veuaienl  d'être  modiliés  et  subirent  plusieurs 
remaniements  tuccesteifs  sous  les  deux  derniers  règnes. 

2.  J.-B.  Dûment,  le  père  du  curé,  appartenait  à  une  honorable  famille 
rémoise,  alliée  a  celle  du  peintre  Lié-Louis  Férin,  si  ebliœé  comme  minia- 
turiste. Voir  les  Travaux  da  IWcadémie  de  Reims,  t.  XVll,  p.  110,  et 
t.  LXXXIX,  p.  283, 

3.  Le  moulin  de  la  Malaise,  aujourd'hui  détruit. 


UNE    ÉGLISE    RURALE  663 

Juzancourt  est  à  une  demie  lielie  de  Villers,  il  n'y  a  point  de  rivière 
à  passer,  la  plus  grande  difficulté  des  chemins,  c'est  la  longueur. 

Communiants?  —  Il  y  a  350  communiants  à  Villers,  et  140  à 
Juzancour. 

Paroissiens  ?  —  Le  caractère  des  habitans  de  Villers  est  à  peu  près 
celui  des  autres  hommes.  Ils  s'exercent  à  cultiver  la  terre,  les  vignes 
et  à  maneuvrer. 

Vicaires,  etc.  ?  —  Il  n'y  a  point  de  \icaire.  Il  n'y  a  point  d'ecclé- 
siastiques résidans  sur  les  lieux,  autre  que  le  curé. 

Il  y  a  un  choriste  et  deux  sous-chantres  que  la  fabrique  paye 
annuellement,  leur  honoraire  est  de  dix  livres  ;  ils  sont  laïques,  ainsi 
que  le  maître  d'école. 

A  Juzancourt,  il  n'y  a  point  d'autres  personnes  attachés  au  service 
de  la  paroisse  que  le  maître  d'école. 

Station.  —  La  station  n'est  point  fondée,  elle  est  d'usage  ;  mrs  les 
supérieurs  envoyent  le  stationnaire  qui  a  pour  honoraire  le  produit 
d'une  quête,  qui  se  monte  aux  environs  de  36  livres  pour  l'Avent  et 
autant  pour  le  Carême  ;  il  prêche  dans  cinq  églises,  sçavoir  à  Saint 
Germain-Mont,  à  Gomont,  au  Thour,  à  Villers  et  à  Juzancour  ;  il  y  a 
deux  serm.ons  par  semaine  dans  ces  églises,  excepté  Juzancour  qui 
n'en  a  qu'un  ;  les  abus  à  réformer  seroient,  s'il  étoit  possible,  la  trop 
grande  facilité  des  stationnaires  et  le  peu  de  rapport  qui  se  trouve 
entre  leurs  instructions  et  le  besoin  des  paroisses. 

A  Juzancourt,  l'honoraire  du  prédicateur  se  monte  seulement  à  près 
de  neuf  livres. 

Heure  du  service  ?  —  On  suit  l'usage  pour  l'heure  du  service 
divin  ;  la  messe  se  dit  en  éié  à  huit  heures,  et  en  hiver  à  neuf  et 
demie  ;  on  dit  la  l'^''^  messe  en  hiver  à  Villers  et  la  2<=  en  été  ;  il  n'y  a 
point  d'autre  règlement  à  ce  sujet  que  l'usage,  Le  catéchisme  se  fait  à 
une  heure  et  demie  et  les  vêpres  ensuite. 

A  Juzancourt,  la  messe  se  dit  la  1ère  q^  été  vers  huit  heures,  et  la  2* 
en  hiver  à  neuf  heures  et  demie  ;  le  catéchisme  se  fait  à  l'issue  de  la 
messe  paroissiale  ;  les  vêpres  se  chantent  à  deux  heures. 

Maître  d'Ecole'^  —  Il  y  a  un  maître  d'école  que  les  paroissiens 
choisissent  et  paient  moyennant  un  demie  quartel  de  bled  par  ménage 
chaque  année  et  cinq  sols  par  mois  d'école  de  chaque  enfant;  son 
casuel  vient  de  l'assistance  au  service  de  l'église  quand  on  le  requière. 

Le  maître  reçoit  les  garçons  et  les  filles  ;  l'école  se  tient  chez  lui,  il 
y  a  aux  environs  de  GO  enfans  à  Villers,  et  aux  environs  de  25  enfans 
à  Juzancourt. 

Registres  ?  —  Les  registres  sont  en  bon  ordre,  les  mortuaires  sont 
séparés,  les  baptêmes  et  mariages  sont  ensemble,  ils  remontent  jus- 
qu'à 1(J70.  A  Juzancourt,  les  batêmes,  mariages  et  sépultures  sont 
ensemble. 

Eylises?  —  L'église  est  suffisamment  grande  ;  le  sanctuaire  a  13 
pieds  de  longueur  et  16  de  largeur  ;  le  chœur  a  14  pieds  de  long  et  14 


664  UNE    ÉGLISE   RURALE 

en  large;  la  nef  a  So  pieds  sur  16  de  largeur;  le  sanctuaire  et  les 
deux  chapelles  sont  voûtés  ;  la  nef  est  seulement  lambrissée,  ainsi  que 
les  bas  côtés. 

Pour  Juzancourt,  l'église  a  la  morne  largeur  depuis  l'entrée  jusqu'à 
l'autel  ;  le  sanctuaire  ne  fait  point  une  partie  séparée  do  la  nef;  la 
longueur  totale  de  l'église  est  de  52  pieds  ;  elle  est  un  peu  trop  petite 
pour  le  nombre  des  paroissiens  ;  elle  est  lambrissée  dans  son  entier. 

Autels?  —  Il  y  a  trois  autels  consacrés,  le  grand  sous  le  titre  de 
Saint  Renii,  le  2'  de  la  Sainte  Vierge,  le  3°  de  Saint  Fiacre  ;  ils  ont 
chacun  une  pierre  sacrée. 

A  Juzancourt,  il  y  a  deux  autels  consacrés,  le  1'""  sous  le  titre  de 
Saint  Pierre,  le  2'  sous  celui  de  la  Sainte  Vierge  ;  ils  ont  une  pierre 
sacrée. 

Lampe?  —  Il  n'y  a  point  de  lampe  allumée  devant  le  très  Saint 
Sacrement. 

Sacristie?  —  La  sacristie  est  distinguée  du  corps  de  l'église,  la 
fadrique  est  chargée  de  l'entretenir. 

A  Juzancourt,  la  sacristie  n'est  pas  distinguée  du  corps  de  l'église, 
elle  est  entretenue  par  les  gros  décimateurs. 

Cimetière  ?  —  Il  y  a  un  cimetière  bien  fermé  ;  on  n'y  tient  ni 
foires  ni  marchés. 

Réparations?  —  H  y  a  peu  ou  point  de  réparations  à  faire  à  pré- 
sent au  chœur  de  l'église  ;  le  pavé  est  en  bon  état.  Il  n'y  a  point  de 
réparations  à  faire  à  la  nef,  ni  à  la  sacristie;  les  toits,  murailles  et 
pavé  sont  en  bon  état;  les  fenêtres  sont  grandes  et  bien  vitrées. 

Clocher?  —  Le  clocher  est  en  bon  état  et  les  cloches,  excepté  la 
plus  grosse  qui  est  cassée  et  ne  peut  être  réparée,  vu  que  la  commu- 
nauté est  surchargée  de  frais. 

A  Juzancourt,  le  clocher  et  les  cloches  sont  en  bon  état. 

Chapelles  ?  —  H  y  a  deux  chapelles  dans  un  état  décent,  pourvues 
du  nécessaire,  elles  appartiennent  aux  gros  décimateurs  par  l'usage. 

A  Juzancour,  il  y  a  une  chapelle  pourvue  du  nécessaire;  elle  appar- 
tient aux  gros  décimateurs  par  l'usage. 

Sages-Femmes  ?  —  Il  n'y  a  point  de  sage-femme,  le  chirurgien  du 
lieu  fait  la  besogne,  il  est  juré  et  doit  savoir  administrer  le  baptême  en 
cas  de  nécessité. 

Fabrique?  —  Le  revenu  fixe  est  de  200  livres,  établi  sur  des  titres 
en  partie  et  sur  la  possession  ;  le  casuel  est  à  peu  près  de  50  livres  J 
il  se  prend  sur  le  loyer  des  cloches  et  la  vente  des  places;  les  chargea 
ordinaires  sont  de  fournir  le  luminaire  pour  le  service  de  l'égliso,  d'en- 
tretenir les  bans,  les  ornemens,  de  fournir  le  pain  et  le  vin  pour  les 
messes,  de  payer  les  honoraires  pour  les  fondations  et  autres  petits 
objets. 

Pour  Juzancourt,  le  revenu  fixe  est  de  G5  livres,  établi  sur  des  titres 
et  en  partie  sur  la  possession  ;  le  casuel  est  aux  environs  de  18  livres; 


UNE    ÉGLISE    RURALE  665 

il  se  prend  sur  le  loyer  des  cloches,  la  venle  di^s  bans;  les  charges 
sont  les  mêmes  qu'à  Villers. 

On  tient  des  bureaux  de  fabrique  seulement  au  besoin  ;  il  n'y  a  pas 
de  registre  de  conclusion  ;  l'on  n'écrit  que  quand  il  le  faut  absolu- 
ment ;  le  curé  ne  se  charge  nullement  de  la  recette,  il  ne  détermine  la 
dépense  qu'avec  les  principaux  fabriciens. 

Le  bureau  est  composé  du  curé,  du  marguillier  en  charge  et  des 
autres  paroissiens  qui  veulent  bien  s'y  trouver  ;  on  choisit  le  marguil- 
lier en  assemblée  dans  les  fêtes  de  Noël,  il  reste  un  an  en  charge. 

Les  'jomptes  se  rendent  exactement  ;  ils  sont  suspendus  depuis  six 
ans  pour  raison  de  refus  de  la  place  de  marguillier  fait  par  un  fermier 
du  Trembleau,  dépendance  de  Villers  ;  l'affaire  est  devant  les  juges 
royaux. 

La  fabrique  ne  connoit  ni  dettes  actives  ni  passives.  On  paye  exac- 
tement sans  poursuite. 

Fondations  ?  —  H  y  a  des  fondations  dans  la  paroisse  qui  con- 
sistent en  messes  basses,  messes  hautes  et  vigiles  et  saints  ;  on  ne 
sçait  pas  précisément  ce  qui  est  assigné  pour  acquitter  ces  fondaiions, 
elles  sont  exécutées.  Il  y  a  un  tableau  exact  des  fondations'. 

Aisance  ?  —  H  y  a  des  biens  communs,  je  ne  sçais  en  quoi  ils  con- 
sistent, ni  quelles  sont  les  charge?. 

Confrairies  ?  Il  n'y  a  point  de  confrairies.  Il  n'y  a  point  de  pèleri- 
nage. 

Inventaire'!  —  Il  y  a  un  inventaire  des  titres,  papiers  et  meubles. 
Il  n'y  a  point  de  coffre  à  deux  clefs,  les  titres  de  l'église  sont  déposés 
au  presbilère,  le  curé  seul  en  a  la  clef,  l'argent  reste  entre  les  mains 
du  marguillier  comptable.  On  ne  distrait  aucuns  deniers  delà  fabrique 
pour  acquitter  les  charge?  de  la  communauté,  ile  sont  tous  employés 
pour  la  décoralioa  de  l'église  et  autres  objets  qui  sont  de  droit  et 
d'usage. 

Presbytère?  —  11  y  a  un  presbitère  mis  en  bon  état  par  le  curé 
actuel;  il  est  à  portée  de  l'église;  il  consiste  en  un  corps  de  logis  à 
trois  pièces,  et  un  étage;  en  cour,  jardin,  fournil  et  écurie-. 

1.  7  juin  1786.  —  Pièce  autographe  du  cuié  Dumont,  avec  sa  signature 
et  celles  de  MM.  Carlier,  procureur  fiscal.  Prillieux.  Meunier,  Petitfds, 
Druart,  J.  Poncelet,  Bouré,  Nicolas  Prillieux,  Dormèque  et  Legrand.  — 
Lettre  adressée  à  l'archevêque  de  Reims  relativement  à  la  fondation  d'un 
salut  le  8  décembre  et  d'une  messe  de  Requiem  le  lendemain,  par  dame  Eli- 
sabeth Breart,  veuve  de  Claude  Fossier,  laboureur  à  la  ferme  de  Trembleau. 
(Archives  de  Reims.  Fonds  de  l'Arclievêché,  Visites,  Doyenné  de  Saint-Ger- 
mainmont,  Liasse  de  Villers-deoanl-le-Thour.) 

2.  Le  presbytère  ainsi  désigné  fut  aliéné  à  la  Révolution,  et  forme  aujour- 
d'hui une  portion  de  la  maison  de  M""  la  baronne  de  Gourjault.  La  com- 
mune acheta,  après  le  Concordat,  un  nouveau  presbytère  qui  se  trouvait 
compris,  avec  son  jarf^in,  à  l'endroit  de  la  place  publique  actuelle.  Il  fut 
démoli  en  1882,  lors  de  l'achat  du  presbytère  actuel,  ancienne  maison  bour- 
geoise avec  ECS  dépendances. 


666  UNE    ÉGLISE    RURALE 

Hôpitaux,  etc.  ?  —  Il  n'y  a  poiiil  d'iiupital.  ni  de  chapelle  castrale, 
ni  d'hermitages. 

Rapport  de  fer?  —  Le  droit  du  rapport  de  fer  a  lieu  de  tems 
immémorial,  il  consiste  à  la  moitié  de  la  dîme  sur  les  terres  cullivées 
par  mes  paroissiens  sur  les  teiroirs  limitrophes. 

Nicolas  DuMONT, 
Curé  de  Villers  devant  le  Thour. 
(Archives  de  ReiniSj  Fonds  de  l' Archevêché,  ]isites.) 

X 

Institution  du  Maître  d'Ecole  de  Villers-devant-le-Tliour 

par  l'Ecolâtre  de  Reims,  en  1786. 

Nous  Nicolas- François- Bonaventure  Pommyer  de  Rougemont, 
Prêtre,  [licencié  es  Loix,  Ecolàire  du  Diocèse  et  (llunoine  de  l'Eglise 
Métropolitaine  de  Reims  :  Faisons  savoir  à  lous  qui  ces  présentes 
Lettres  verront,  qu'étant  informé  île  la  Foi,  Probité  et  Capacité  de 
Jacijues  Michaut,  natif  d'Asfeld,  et  en  vertu  de  notre  dignité  d'Eco- 
làtre,  dont  le  droit  d'instituer  et  de  destituer  nous  ajiparlient,  nous 
avons  établi  et  établissons  Préfet  et  Maître  d'Ecole  de  la  paroisse  Je 
Villers-dt^vanl-le-Tliour,  Doyenné  de  Germainmont  (sic),  jiour  instruire 
et  enseigner  la  Jeunesse  selon  la  Doctrine  Catholique,  Apostoli(|ue  et 
Romaine,  Nous  réservant  à  cet  effet  tous  Droits  de  Visite,  toutes  et 
quantes  fois  Nous  le  jugerons  à  propos  ;  et  ces  présentes  Lettres  d'ins- 
titution ne  vaudront  seulement  que  pour  une  année,  lesquelles  seront 
renouvellées  en  nous  i  ej)résenlant  un  Certificat  de  bonne  conduite  et 
assiduité  aux  Ecoles,  de  M.  le  Curé  de  ladite  Paroisse. 

Donné  à  Reims,  l'an  du  S'iigneur  mil  se])t  cent  quatre  vingt  six,  le 
dix  huitième  jour  du  mois  de  janvier,  sous  notre  Seing,  le  Sceau  de 
nos  Armes,  et  le  Contre-Seing  de  notre  Secrétaire. 

(Signe  -.)  Pommveu  de  Rougemont, 

Ecolàlre  de  Reims. 
(Archives  de  /fetm«,  Fonds  du  Chapitre,  Registre  d'institutions 
de  l'Ecolâtre,  1777-1790,  in -4°,  p.  250.  —  Les  renseignements  de  cette 
liasse  concernent  les  institutions  de  maîtres  d'école  depuis  le  com- 
mencement liu  xvue  siècle  ;  nous  n'en  avons  point  rencontré  d'autre 
concernant  Villi'fs-ilevaut-le-Tliour,  mais  nous  y  avons  vu  des  insti- 
lutions  très  anciennes  concernant  Saint-Germainmont  et  Gomont.) 

XI 

Registres  paroissiaux  de  Villers-devant-le-Tlaour  (1657- 

1794).  —  Analyse,  mentions  et  extraits  divers. 

1057 

«  Registre  baptistaire,  Villiers  devant  le  thour,  faict  et  commencé 
l)ar  Clioilet^  m"'«  d'escoile,  suivant  l'oidre  (|ui  luy  en  a  estez  donné 
par  Monsieur  nostre  maistre  Hourguet,  ji'"'*',  docteur  en  théologie,  curé 


UNE    ÉGLISE   RURALE  667 

de  Villt^rs   et  doj.-n  de  sainct  Germainmont,   de  l'an   1G57.   »  1^''  bap- 
tême, 25  juillet  1G57.  —  Cahier  in-8,  papier. 

16G9 
«  Mémoire  des  Espoiizailles  faits  en  la  paroisse  dud.  Vil. ers  en  l'an 
16C9.  »  —  Barillv,  curé. 

1670 

«  Registre  des  baptèiues  et  é|)Ousailles  en  1070.  »  —  P.  Vuilcq, 
curé;  son  premier  acte  est  du  i<"'  février. 

1671 

Même  t'tre.  —  Galiier  in-! 2,  recouvert  d'une  feuille  imprimée 
en  caractères  goiliiques. 

1674 

La  régularité  des  registres  commence;  les  actes  de  Villers  et  de 
Juzancourt  y  sont  confondus'. 

1685 

28  janvier,  baptême  d'une  lille  que  l'on  nomme  Claudine,  le  parain 
s'appelle  Jean  Mouras  ;  »  On  a  donné  le  nom  de  Claudme,  à  cause 
qu'il  y  a  desja  Jeanne,  une  des  filles  dudit  Mouras-.    » 

1G8G 
il  février,  Jean  Juda,  hostelin. 

1687  é 

«  I/an  1G87,  le  9»^  scjitembre  a  estez  deceddé  Oudarl  Bourdaire,  pro- 
cureur d'office.  » 

1688 

«   Dixiesme  jour  d'avril,  jour  de  bon  Pasques.  » 

1,G89 
G  janvier,  François  Decliery,  sergent  en  la  jusiice. 

1690 

14  juin,   acte  de  baptême    d'un   eniant  de   Regnault   Briiïoteaux, 

tonnelier,  suivi  de  cet   erratum  :  «  Quoy  que  l'act  sy  dessoubs  escrite 

de  l'enfant   Regnault  BrifTolteaux,  qu'il   est  dit  que  c'est  nn  fils,  c'est 

pourtant  une  fille  :  c'est  que  la  belle  mère  c'est  mesprise.  [Signe)  Vuilcq.  » 

1691 
13  Janvier,  M'^e  Arnout  Roger,  procureur  d'office.' 

1692 
a  L'an    1G92,  le  4  aoust,  fut  deceddé  Jean  Lojqiiu,  de  la   parroisse 

1.  Les  maîtrfs  d'école  rédigeaient  les  actes  pour  chaque  localité,  à  en 
juger  par  cette    mention  mise  par  le  ciré  à  un    acte  du    mois  d  août  1680  : 

«  L'yvrongiierie  du    M''=   d'escoUe    de   Juzancourt    a   causé    l'article   exprès 
brouilliée...  »  Registre  de  1680. 

2.  Cette  mention  prouve  que  l'usage  habituel  et  invétéré  était  de  donner 
à  l'enfant  le  prénom  du  parrain. 


668  .     UNE   ÉGLISE    RURALE 

de  Rainneville',  lequel  revenoit  de  Champagne  loyé^,  le  troisiesme 
dudit  moy  tout  malade,  11  y  alloit  huit  jour,  donc  n'a  pu  aller  plus  loing 
que  ledint  lieu  de  Villers,  lequel  est  muny  de  tous  ses  sacrements  avecq 
assez  de  précipitation  a  cause  de  la  grande  nialady  qu'il  avoit  en  pleu- 
rezy,  présence  de  Jean  Carré  et  de  Pierre  Dormecq,  demeurans  audit 
Villers,  tesmoings,  et  de  Henry  Chollet,  m'' d'escolle.  (Signé)  Chollet. 
Vuilcq    » 

Il  octobre,  f,  Alexis  de  Saint  Jean,  religieux  carme^  signe  en  l'ab- 
sence du  curé. 

1693 

A  partir  de  la  date  du  3  janvier  1G93,  le  registre  devient  spécial  à 
c<  Villers  devant  le  tour  et  les  Trembleaux  »,  et  les  actes  de  Juzan- 
court  en  sont  distraits.  Le  registre  est  coté  et  paraphé  par  Louis- 
Charles  Béguin,  écuyer,  seigneur  de  Coëgny  et  de  Châlons-sur-Vesle, 
en  sa  qualité  de  lieutenant  général  au  bailliage  de  Vermaadois  à 
Reims. 

0  L'an  1693,  le  23e  septembre,  fut  deceddé  Jean  Chapelet,  trouvé 
mort  dans  son  lit,  fut  inhumé  le  même  jour  au  soir.   [Signé)  Vuilcq.  » 

1694 

a  Lan  mil  six  cent  quatre  vingts  quatorze,  le  sixiesme  avril,  audit 
Villers,  fut  deceddé  (le  nom  en  blanc),  qui  mandoit  l'aumosne,  a  dit 
q'  estoit  le  fils  d'un  garde  du  s""  de  Vesly  (?)  (Signé)  Vuilcq.  » 

Le  26  décembre,  mariage  de  Jacques  Bardin,  mtf"  chirurgien. 

/  1095 

En  tète  du  registre,  Avertissement  imprimé  constatant  le  dépôt  du 
registre  et  du  double,  moyennant  la  somme  de  huit  livres,  «  à  laquelle 
ladite  paroisse  est  taxée  suivant  le  tarif  arrêté  au  conseil  le  2^  octobre 
1691,  et  à  cause  que  ladite  paroisse  est  composée  de  156  feux,  ainsi 
que  l'ont  déclaré  les  habitans  d'icelle.  » 

Le  30  août,  mariage  «  entre  Mt^e  Denys  Gravois,  contrôleur  aux 
aides  de  Château,  et  Marie  Anne  Canelle,  lille  de  IVH''*'  Jacques  Flamin 
Ganelle,  Bailli  de  Porcien,  en  présence  de  M^  Anthoine  Vuilcq,  cha- 
noine de  Sainte  lialsamie  de  Reims,  et  M'""»  Jean  François  de  Mont- 
fort,  vicaire  dudit  heu.  » 

1696 

Au  cours  du  registre,  mention  de  la  visite  d'un  vicaire  général  de 
l'archevêque  de  Reims  :  Visa  pcr  tios  in  cursu  risitalionis  noslrœ, 
die  XI t  augusti  anni  XVI.  XCVf.  J.  B.  Dey  de  SEiiAccounT,  vie. 
gnl.  —  A  la  suite,  on  remarque  une  meilleure  écriture  des  actes  et 
quelques  changements  dans  les  formules.  Oa  indique  la  réception  dts 
sacrements  par  les  mourants;  les  signatures  ou  les  marques  des  com- 
parants sont  plus  nombreuses. 

1.  Canton  de  Chaumont-Porcien,  Anlennes. 

2.  Ancien  usage  des  habitants  de  la  Thiérache  d'aller  faire  moisson  en 
Champagne. 


UNE   ÉGLISE   RURALE  669 

Le  7  septembre,  décès  de  «  Henry  Chollet,  mailre  d't5colIe,clercq'.  » 

1699 
F.  Franchonime,  vicaire. 

1700 

A  la  fin  du  registre,  se  trouve  la  liste  des  personnes  qui  ont  été  con- 
firmées de  la  paroisse  de  Villers  devant  le  Tour  par  Monseigneur 
l'Evêque  de  Bethléem,  le  22  Juin  1700.  On  y  compte  241  hommes, 
femmes  et  enfants. 

1706 

Le  13  juillet,  mariage  «  de  Joseph  Taté,  veuf  de  defTuncte  Jeanne 
Maillet,  de  la  paroi?se  de  Château  portien,  avec  Jeanne  Cambert,  fille 
de  Pierre  Cambert,  de  Villers.  » 

1711 

Le  8  juin,  mariage  «  de  la  veuve  de  Nicolas  Mouton,  décétié  dans  les 

armées,  dans  la  compagnie  de   Monsieur  Canelle ledit  Mouton 

estoit  en  qualité  de  milicien  auréginient  d'infanterie  de  Grandpré.  » 

1712 

Le  IC  janvier,  «  François  Meunier,  m*  chirurgien.    » 

1714 

«  L'an  mil  sept  cens  et  quatorze,  le  vingt  neufième  septembre,  est 
decedée  M"  Pierre  Vuicq,  ayant  été  munie  des  sacrements  de  l'Eglise, 
cy  devant  Prbre  Curé  de  cette  paroisse,  l'espace  de  quarante  cinq  ans 
il  a  tenu  la  chaire  de  cette  Eglise,  il  estoit  âgé  de  soixante  et  onze  ans 
environ.  Le  lendemain  Dimanche  trentième  septembre,  veille  de  Saint 
Remy,  son  sorps  fut  inhumé  dans  l'Eglise  de  cette  paroisse  par  nioy 
prbre  Curé  soubsignez.  (Sans  signature.) 

L'an  de  grâce  mil  sept  cens  et  quatorze^  le  septième  du  mois  de 
Décembre,  est  décédé  en  cette  paroisse  Monsieur  Valérien  Bidault, 
Bourgeois  de  Reims,  vefve  deDeffunte  Margueritte  Oudinet,  sa  femme, 
estant  âgé  de  soixante  douze  ans,  ayant  été  munie  des  sacrements  de 
l'Eglise,  le  lendemain  son  corps  fut  inhumé  dans  l'Eglise  de  cette 
paroisse,  et  ce  en  la  basse  nef  du  cotté  droit,  où  nous  l'avons  porté 
avec  les  cérémonies  accoutumée  le  huitième  dudit  mois  et  en  foy  de 
quoy  jay  signez. 

(Signé)  Feart,  M.  A.  Bidault, 

Curé  du  Thour.        Curé  de  Villers.  » 

1717 
Le  11  juillet,  «  Joseph  Dejardins,  lieutenant  de  Saint  Germainmont 
et  de  Villers  devant  le  Tour,  demeurant  audit  Saint  Germainmont.  » 

1718 
Le  19  mai,  Marguerite  Vacquelin,  sage-femme. 

1.  Martin  Deselle  est  indiqué  plus  loin  comme  son  successeur,  et,  en 
1704,  figurent  successivement  en  cette  qualité  Joseph  Crinon  et  Marache, 
puis,  eu  1709,  Jean  Trousset. 


670  UNE   ÉGLISE   RURALE 

Le  9  novembre,  J,-B.  Féart,  m*  chirurgien. 
Jean  Coutlier,  couvreur  de  paille. 

1721 
Le  4  août,  Gérard  Renard,  mtre  chirurgien. 

Le  21  décembre,  Louis  Fossier,  charron  et  laboureur,  âgé  de  55  ans 
ou  environ,  inhumé  dans  l'église  paroissiale. 
Le  29  décembre,  J.-B.  Féart,  m'''  chirurgien. 

1723 
Le  12'  octobre,  «  mort  subite  de  Pierre  Grandin,  cependant  ayant 
fait  ses  pacques  dans  l'année.  )» 

1725 

Le  2ô  Janvier,  NicoUe  Prillieu.x:,  âgée  de  18  ans,  inhumée  dans 
l'église  de  cette  paroisse*. 

Le  10  Juillet,  «  mariage  de  Messire  Alexandre  de  Mailly,  escuyer, 
fils  de  messire  Lou's  de  Mailly  et  de  deffunte  damoiselle  Marguerite  de 
Grutus.  de  la  paroisse  d'Olizy-,  avec  Margueritte  Jeanne  Anceaux, 
fille  de  leu  Antoine  Anceaux  et  de  Jacqueline  de  P'-essigny,  de  cette 
paroisse.  » 

1727 

L'an  de  grâce  mil  sept  cent  vingt  sept,  le  sixième  Janvier,  la  jus- 
tice de  ce  lieu  a  retiré  le  cadavre  d'un  homme  noyé  dans  la  petite 
rivière  proche  le  moulin  de  Chatillon  déj)endant  de  cette  paroisse;  plu- 
sieurs personnes  ont  reconnu  que  c'étoit  le  corps  de  Monsieur  Ponce 
Huyet,  receveur  de  Serincouit'',  et  veuf  de  feue  Damoiselle  Magdeleine 
Fouquet,  lequel  étoit  péri  par  les  eaux  depuis  quelques  jours  comme  il 
paroit  par  le  procest  verbal  qu'on  en  a  dressé  :  le  susdit  corps  ayant  été 
conduit  en  cette  paroisse,  je  soussigné  Pre  et  Curé  du  même  Ueu,  à  la 
prière  des  parents  et  par  Tordre  de  la  justice,  l'ay  inhumé  dans 
le  cimetière  de  cette  paroisse  sue  le  soir  du  même  jour  avec  les  céré- 
monies accoutumées,  après  avoir  cependant  fait  recherche  de  la  catholi- 
cité et  probité  du  susdit  sieur  Ponce  Huyet,  comme  de  l'accident  funeste 
et  imprévu  de  sa  mort,  dont  on  m'a  rendu  bon  et  suffisant  témoignage. 
Le  lendemain  jay  chanté  le  service  pour  le  repos  de  son  âme.  En  foy 
de  quoy  ay  signé   le  présent  acte  conjointement    avec    M"^  Antoine 

1.  7  novembre  1711.  —  «  Pardevanl  Guérin,  notaire  en  Vermandois, 
résidence  de  Sévigny,  demeurant  à  l'abbaje  de  la  Valleroy,  vente  au  sieur 
Perillieux,  laboureur  demeurant  à  la  censé  de  Bétancourt,  par  D°  Marie 
Dumangiu,  veuve  de  M"  Louis  Allain,  et  de  D"  veuve  Hainssant,  d'un 
corps  de  cftnse  seize  et  scituez  au  terroir  de  Villers  devant  le  Thour  et  cir- 
convoisins,  venant  aux  dames  vendresses  par  le  décès  de  feu  M"  Jean 
Dumangin,  vivant  conseiller  du  roi,  receveur  du  grenier  à  sel  de  Cormicy, 
consistant  en  maison,  grange  avec  bergerie,  bâtiments,  jardin,  etc,  royé  le 
presbytère,  moyennant  4,000  livres.  »  [Papiers  de  la  famille  Prillieux.) 

2.  Olizy,  commune  du  canton  do  Grandpré,  Ardennes. 

3.  Seraincourt,  canton  de  Cbàteau-Porcien,  Ardennes. 


UNE    ÉGLISE    RURALE  671 

Aubert^  do  Reco\jvranci%  Jean  Baptiste  Vuilry,  île  Vieux,  .lean  Thierry, 
des  Barres,  et  Nicolas  Laplej  de  Serincourt,  soussigné?.. 
(Signé)  AuBEnr.  Nicolas  Lapie. 

J.    B.    VuiTRY.   THIEnUY. 

A.  iM.  BiDAiLT,  pre   et  cuni  de  Villi-ra.   » 

17-28 

Le  28  mai,  <■  Pierrs  Dubuisson,  meunier  du  moulin  de  la  Mai- 
laize  '.  » 

«  L'an  de  grâce  1720,  le  30"  du  mois  de  Mars,  est  decedé  en 
cette  paroisse  le  sieur  Jean  iïrnnçois  Léj)onsé.  surnommé  Languedoc, 
cavallier  de  la  compagnie  de  Monsieur  de  Villiers,  Régiment  de  Condé 
cavallerie,  actuellement  en  quartier  d'hyver  ici,  le  susdit  Languedoc, 
après  avoir  été  muni  des  sacrements  de  l'Eglise,  est  decedé  le  jour  et 
an  susdit  à  3  heures  après  midy,  âgé  de  57  ans  ou  environ,  en  son 
vivant  mary  de  Catherine  Le  Page,  il  a  été  inhumé  le  landemain  en 
présence  de  la  compagnie  dans  le  cimetière  de  cette  paroisse,  oii  nous 
l'avons  porté  avec  les  cérémonies  accoutumées.  En  foy  de  quoy  ay 
signé  le  présent  acte  conjointement  avec  Monsieur  de  Saint  Jean, 
mareschal  des  logis^  et  Monsieur  de  Vaucouleur,  brigadier  de  la  même 
compagnie. 

[Signé)  de  Vaccoulecr,  brigadier. 

Saint  Jean,  maréchal  de  logis.  Bidault.   » 

Le  24  décembre,  Matliieu  Savart,  meunier  du  moulin  de  la  Mallaise. 

1730 
Le  23  octobre,  mariage  d'un  futur  dont  le  père  est  absent  depuis 
plus  dé  vingt  ans,  la  mère  consent  el  «  décharge  le  curé  de  tous  les 
événements  du  susdit  mariage.  » 

1731 
«  L'an  de  giàce  1731,1e  28" jour  du  mois  de  May, est  décédé  subite- 
ment et  par  un  malheur  inopiné,  Jean  3Iarcoin,  en  son  vivant  mary 
de  Jeanne  Dessoize,  habitant  de  cette  paroisse.  Comme  on  le  descen- 
dcit  dans  le  puit  de  Nicolas  Garnbert  pour  en  retirer  un  sceau,  le  tou- 
ret  ou  trulon  du  puit  s'est  échappé  des  mains  de  ceux  qui  le  tenoient 
et  est  tombé  sur  la  teste  dudil  Jean  Marcoiu  qui,  ayant  reçu  le  coup 
mortel  en  entrant  dans  l'eau,  n'a  pu  s'ayder  de  luy  même  pour  en  sor- 
tir et  personne  n'a  pu  y  entrer  assez  tost  pour  l'en  tirer,  cet  accident 
est  arrivé  sur  les  10  h.  du  matin,  en  présence  de  Henry  Marcoin,  son 
père,  de  Nicolas  Cambert  et  de  Gabriel  de  Laime;  au  cris  desquels 
toute  la  paroisse  est  accourue  avec  moy,  et  en  notre  présince  on  a 
retiré  mort  ainsi  malheureusement  le  susdit  Jean  Marcoin,  âgé  de  30 

1 .  Ce  moulin  était  situé  sur  le  ruisseau  allant  du  Thour  à  Saint-Ger- 
mainmont  ;  il  a  été  incendié  le  11  mai  1870  el  sa  destruction  l'ut  totale.  L'em- 
placement el  les  bois  adjacents  ont  été  acquis  par  M.  le  baron  de  Gour- 
jault,  en  1872. 


672  UNE    ÉGLISE    RURALE 

ans  ou  environ,  le  lendemain  29^  du  même  mnis,  son  corps  a  été 
inhumé  dans  le  cimetière  de  cette  paroisse,  où  nous  l'avons  porté  avec 
les  cérémonies  accoutumées,  en  présence  de  sa  veuve  et  des  trois 
témoins  susdits  et  autres,  lesquels  ont  signez  et  marquez  le  présent 
acte  avec  nioy  le  même  jour  et  an  que  dessus. 

(Signé)     N.  Cambeht  —  Bidault,  p'''^  et  curé  de  Villers.  » 
Le  4  décembre,   mort  «  «l'un  enfant  de   sept  mois,  fils  de  gens  de 
Reims,  étant  en  nourrice  en  ce  lien,  chez  Pierre  Foigny.  » 

1732 

Le  28  décembre,  baptême  de  Louise-Françoise,  fille  de  M""  Nicolas 
Prillieux,  lieutenant  de  la  baronnie  du  Tour,  et  de  Nicolle  Gilbert, 
parain  Louis  Le  Comte,  marraine^,  Gabrielle  Prillieux. 

1733 
Le  12  décembre,  «  mort  de  Jeanne  Lacaille,  âgée  de  six  jours,  cette 
enfant  a  été  tirée  du  sein  de  sa  mère  par  l'opération  césarienne  un 
moment  après  la  mort  de  sa  mère  et  a  vescu  six  jours.  » 

1734 
Le  27  janvier,  «  baptême  de  Jeanne,  fille  de  M''  Nicolas  Prillieux  et 
de  M""  Nicolle  Gilbert;  le  parin  a  été  M""  Jean  Baptiste  Gilbert,  très 
digne  prêtre  et  curé  de  Magny',  et  la  mareinne  Gabrielle  Prilleux, 
soubz  la  conduilte  de  M*  Magdelaine  Regnault  qui  a  répondu  pour  elle 
et  a  signé  le  présent  acte  avec  moy.  Bidault.  » 

1738 

A  partir  de  cette  date^  les  registres  sont  cotés  et  paraphés  par  le 

lieutenant  général  au  bailliage  de  Sainte  Menehou'.d  (Signé  Boileau). 

Depuis  l'année    1718,   ils  avaient  cessé  d'être  délivras   à  Reims.  Ils 

étaient  sur  feuilles  de  timbre,  sans  intitulé  officiel,  ni  cotes,  ni  paraphes. 

1738,  La  Douce,  m^fs  chirurgien. 
Le  27  juillet,   «  décès  de  d^"»  Elizabeth  Bidault,  fille  de  M""  Valérien 
Bidault  et  de  dam^i'e  Marguerite  Oudinet,  Bourgeois  de  Reims,  âgée  de 
57  ans,  a  été  inhumée  dans  l'église,  en  la  chapelle  de  Saint  Fiacre^  au 
pied  de  l'autel,  proche  le  confessionnal,  » 

1741 
t  Lan  1741,  le  9e  jour  du  mois  de  septembre,  est  decedé  en  cette 
paroisse  subittement  et  sans  témoins  dans  sa  maison,  un  homme  âgé 
de  cinquante  cinq  ans  environ,  lequel  quoique  résidant  en  cette 
paroisse  depuis  quelqu'année,  n'étoit  connu  de  personne,  a  fond,  il 
s'étoit  donné  le  nom  de  Pierre  Picard,  quelque  fois  sous  celuy  de 
Pierre  Amory,  de  pierre  Coureu,  et  ce  cependant  après  sa  mort  une 
personne  de  ses  amis  nous  a  dit  qu'il  s'appelloit  en  son  vray  nom 
Charles  Coutu,  qu'il  éloil  cy  devant  de  la  paroisse  de  Tricou  (?)  près 

1.  Probablement  Magny-la-Fosse,  canton  du  Calelet,  Aisne. 


UNE    ÉGLISE    liURALE  fi73 

de  MonUliiiier ',  le  lendemain  son  corj'S  a  été  .'nhumé  dans  le  cimet- 
tiere  de  celle  paroisse,  où  nous  l'avons  porté  avf  c  les  cérémonies  accou- 
tumées en  prr^sence  de  M.  Marteau  et  de  Nicolas  D.essoize  soussignés. 
[Signé)  Bidault,  Makteau.  » 

p.  el  c. 

1745 

Pechot,  prêtre  habitué;  Marteau,  clerc  et  maître  d'école. 

I7i7 

En  cette  année^  on  commence  à  séparer  dans  le  même  registre  les 
naissances  et  mariages  des  actes  de  sépulture. 

1748 
Il  V  a,  dès  cette  année,  un  registre  spécial  pour  les  sé|)ukures,  ledit 
registre  envoyé  de  Sainte  Menehould,  coté  et  paraphé  par  le  lieutenant 
général  au  bailliage  (signé  Hoileau},en  vertu  de  la  déclaration  du  Roi 
du  9  avril  1736. 

1753 

On  constate  encore  dans  presque  tous  les  actes  de  mariage  i  qu'il 
a  lieu  après  la  cérémonie  des  fiançailles  et  les  trois  bans.  .  .  » 

Le  13  mars,  «  sépulture  d'Elizabeth  Bidault,  sœur  du  curé,  dans  la 
chapelle  Saint  Fiacre,  au  pied  de  l'autel,  du  côté  de  l'Evangile.  » 

Le  29  mars,  «  décès  de  Claude  Monseignat,  dit  Carmagnol,  lieute- 
nant de  grenadiers  au  régiment  de  Poitoux,  croix  Saint  Louis,  fils  de 
feu  Nicolas  Monseignat,  âgé  de  69  ans  ;  son  corps  conduit  en  la  pré- 
sence de  la  paroisse  jusqu'au  bout  du  village  pour  être  mené  en  voi- 
ture à  la  paroisse  de  la  Selve  ^,  diocèse  de  Laon,  où  on  doit  l'enterrer 
près  de  ses  père  et  mère.  »  Son  t'rère,  Nicolas  Monseignat,  était  maître 
d'école  de  la  Selve. 

Le  29  mai,  «  décès  de  François  Denault,  âgé  de  30  ans,  marchand 
forain  de  la  jiaroisse  de  Grez,  proche  la  Ferté  Macé^,  et  Falaise  en 
Basse  Normandie^,  mort  à  sept  heures  du  matin,  il  a  été  inhumé  sur 
les  huit  heures  du  soir.  » 

Le  16  novembre,  «  décès  de  Joseph  Bajolet,  garçon  majeur,  fondeur 
d'étain  de  ?a  profession,  originaire  de  Settenais  (?),  jjaroisse  et  village 
de  Savoye.  a 

1754 

En  cette  année,  M.  Carez  signe  comme  curé,  et  Remy  Polhier 
comme  vicaire. 

Le  27  novembre,  Jacques  Bévière,  chirurgien-juré  de  celte  j)aroisse. 

1  •  Montdidier,  Somme. 

2.  La  Selve,  commuue  du  canton  de  Sissonne,  Aisne. 

3.  La  Ferté-Macé,  Orne. 

4.  Falaise,  Calvados. 

43 


674  UNE    ÉGLISE    RURALK 

17o5 
En  cette  ann^e,  signe  M.  de  iJoncourl  connue  curé.  Sun  ilernier  acle 
est  (iu  24  mai  1757,'. 

17dG 

Jean  Fossier,  maréchal  de  la  censé  de  Trembleau. 

Le  21  juin,  «  naissance  de  Marie  Nicolle,  fille  de  Glaire  Marby,  non 
mariée.  »  Cette  fille  avoit  «  déclaré  en  jnstice  (l'enfinl)  provenir  des 
œuvres  d'Arnould  Bonjour,  ladite  déclaration  en  date  du  IG  juin  der- 
nier, déposée  au  greffe  et  dûment  controllée  à  Asfeld  et  appuyée  du 
certificat  du  chirurgien  du  lieu,  par  lequel  il  paroil  que  ladite  Claire 
Marby  a  persisté  dans  f-n  susdite  déclaration  môme  pendant  les  dou- 
leurs de  l'enfantement,  ce  certificat  a  été  aussy  controllé  à  Asfeld  le  21 
juin  suivant.  »  (Signé)         de  Boncouut,  curé. 

Le  9  novembre,  ,.  après  la  cérémonie  des  fiançailles,  mariage  de 
Claire  Marby  avec  Arnouit  Bonjour,  Milicien  (de  cette  paroisse),  en 
vertu  d'une  permission  bien  signé  et  scellé  du  sceau  du  sieur  Dero- 
bert,  commandant  d'un  battaillon  des  milice  <Ie  Rethel  Mazarin.  à  pré- 
sent en  garnison  à  Ivonwy  (Longvuy)  "■',  en  date  du  4*  octobre,  ladite 
permission  confirmée  et  légalisée  par  une  autre  lettre  missive  dudit  sieur 
Desrobert,  aussy  daltée  de  Longwy  du  27  Sl^^e  dernier,  le  tout  en 
bonne  forme  pour  constater  le  défaut  d'engagement  de  la  pari  dudi; 
Arnouit  Bonjour  avec  toute  autre  que  ladite  Claire  Marby.  » 

1759 

Le  20  septembre,  mention  de  Pierre  Antoine  Desoize'',  acolite, 
demeurant  à  Reims,  originaire  de  Yillers.  Il  com|iarait  ensuite  le  7 
Septembre  1763,  comme  iirètre,  bachelier  en  théologie,  sous-iirincipal 
du  collège  de  l'Université  de  Reims,  encore  avec  les  mêmes  qualités  le 
n  octobre  1764  et  en  novembre  1766.  puis  comme  licencié  en  théolo- 
gie en  1767,  enfin  comme  curé  de  Sévigny  le  10  octobre  1769,  et  doyen 
de  Saint-Germainmont  tn  1782. 

1761 

Remy  Pothier,  desservant,  signe  son  dernier  acte  le  7  Septembre 
1761.  Il  apparaît  en  1764  comme  curé  d'Heutrégiville  ^. 

1 .  A  cette  date,  Jean-François  Aubriot  de  Boncourt  lut  arrêté  en  vertu 
d'une  lettre  de  cachet,  probablement  pour  cause  de  Jansénisme,  et  détenu 
à  Rouen  dans  la  maison  de  Saint- Yon,  où  il  donna,  en  1761,  ta  démission 
de  la  cure  de  Villers,  en  faveur  de  Nicolas  Dumont. 

2.  Longivy,  Meurthe-et-Moselle. 

3.  Curé  de  Sévigny  en  1768,  l'abbé  Desoize  ne  prêta  pas  serment  à  la 
constilulion  civile  du  clergé  et  émigra. 

4.  Né  à  Reims  en  1727,  mort  dans  la  même  ville  en  1812,  Remy  Pothier 
devint  chanoine  de  Laou  et  émigra  à  la  Révolution.  Il  composa  plusieurs 
ouvrages,  un  entre  autres  en  1776,  sur  l'Apocalypse,  qui  fut  brillé  par  ordre 
du  Parlement.  Voir  la  France  littéraire  de  Quérard,  t.  VII,  p.  247  et  294, 
la  Biographie  universelle,  Micliaud,  et  la  Biographie  générale,  Didot.  Cf. 
Catalogue  du  Cabinet  de  Reims,  t.  I,  n»»  531  et  606. 


UNE    ÉGLISE    RURALE  675 

Le  premi(?r  acte  signé  fiar  M.  Nicolas  Dumont,  pr(*'tre,  docteur  en 
théologie,  comme  curé  de  Villers,  est  un  mariage  du  3  novembre  17(51, 
et  il  tient  sans  interruption  les  registres  jusqu'en  décemijre  1792 
comme  registres  paroissiaux,  et  jusqu'en  1794  comme  registres  de 
l'étai-civil. 

1763 

Le  23  octobre,  baptême  célébré  par  Alexandre  Demailly,  prêtre, 
religieux  cordelier.  Il  signe  encore  en  juillet  1766,  comme  religieux  de 
la  maison  de  Péronne  et  natif  de  ce  lieu  de  Villers,  où  il  mourut  en 
1776.  (Voir  plus  loin.) 

1764 

1764,  Rémi  Bernard,  meunier  de  la  Malaise. 

Le  4  mai,  Jean  Baptiste  Riflart,  prêtre  habitué  de  Juzancourt, 
annexe  de  cette  paroisse  ', 

Le  3  juillet^  «  mariage  de  Paul-Alexandre  Garlier,  ancien  chirur- 
gien des  armées  du  Roi,  fils  d'Alexandre  Carlier,  maître  en  chirurgie 
et  procureur  syndic  de  la  viile  de  Marie,  avec  Marie  Magdeleine  Bevière, 
fille  de  Jacques  Hevière,  maître  en  chirurgie  et  receveur  de  la  terre  et 
seigneurie  de  Villers  devant  le  'l'hour,  » 

Le  7  août,  «  naissance  d'un  enfant  de  Jeanne  Angard,  ledit  enfant; 
provenant  de  Jean  Cholet,  garçon  majeur,  demeurant  audit  lieu,  sui- 
vant la  déclaration  que  ladilte  Jeanne  Angard  a  faite  et  affirmée  par 
devant  Maître  Paul  Le  Roy,  juge  en  garde  dudit  lieu,  assisté  de 
Jacques  Bevière,  son  greffier  ordinaire,  dont  acte  a  été  dressé  lesdits 
jour,  mois  et  an  que  dessus.  » 

1766 

Le  11  février,  «  promesse  et  consentement  de  mariage  en  présence 
de  Jean  Fossier,  laboureur  à  Trembleau,  oncle  et  curateur  de  l'époux, 
par  acte  judiciaire  homologué  en  la  justice  de  Juzancourt,  insi- 
nué, etc.  » 

1767 

François  Mourel-^  prêtre  habitué  de  la  paroisse  de  Juzancourt. 

Le  2  novembre,  a  décès  de  Gilles  Gacoin,  procureur  fiscal  de  ce  lieu, 

âgé  de  87  ans.  » 

1773 

Le  24  décembre,  «  vers  huit  heures  et  demie  du  matin,  ont  été 
trouvés  morts  et  égorgés  dans  leur  maison  Michel  Brimonf,  auber- 
giste, âgé  d'environ  68  ans,  et  Jeanne  Françoise  Paillion,  son  épouse, 
âgée  environ  de  60  ans,  lesquels  après  la  visite  juridique  faite  de  leur 
cadavre  le  dit  jour,  ont  éié  inhumés  le  lendemain,  du  consentement 
des  officiers  de  la  justice  du  lieu_,  au  cimetière,  etc''. . .   » 

1.  Sur  J.-B.  Rifiart,  voir  l'analyse  des  registres  de  Juzancourt,  sous  l'an- 
née 1764. 

2.  Sur  François  Mouret,  voir  plus  loin  l'analyse  des  registres  de  Juzan- 
court sous  l'année  1767. 

3.  Les  auteurs  de    cet  assassinat  étaient  J.-B.  Thoury  et  J.-B.  Carré, 


676  UNE    ÉGLISE    RURALE 

(Signé)  Bardix,  procureur  fiscal. 

Beviere. 

ReMY  BniMONT. 

DuMONT,  curé. 
1776 
Le  15  février,  «  mort  de  Nicolas  Alexandre  Domailly,  religieux  cor- 
delier  de  la  maison  de  Soissons,  inhumé  dans  l'église  de  ce  lieu.  »  — 
Ce  religieux  était  venu  à  Villers  a  voir  dame  Marguerite  Jeanne 
Anceau,  sa  mère,  veuve  de  Messire  Alexandre  de  Mailiy,  habitant  de 
cette  paroisse  et  il  y  mourut,  témoin  de  sa  sépulture, Maître  ,T.-B.  Marc 
Antoine  Anceau,  notaire  royal  à  Mazarin,  son  cousin  germain.  » 

1780 
1780,  J.-B.  Drubigny,  meunier  à  la  Malaise. 
Le  18  février,  Jean  Godfrin,  prêtre,  vicaire  de  cette  paroisse. 
Le  6  juin^  Claude  Rogier,  maître  d'école  ;   Thomas  Lacaiile,  clerc 
tonsuré. 

1781 

Henri  Goffarr,  prêtre,  bachelier  en  théologie,  vicaire  de  cette 
paroisse. 

1786 

Jacques  André  Froment,  prêtre,  vicaire  du  Thour. 
Le  23  octobre,  baptême  par  Pierre-Nicolas   Legros,  prêtre,   licencié 
en  théologie,  professeur  au  collège  de  l'Université  de  Reims'. 

1788 
Pierre-Nicolas  Anot,   prêtre,  sous  principal  du  collège  de   Reims^ 
bachelier  en  théologie*. 

Liste  des  confirmants  de  l'année,  comprenant  69  personnes  de  6  à 
12  ans^  une  de  25. 

1789 

Le  15  mars^  dernier  acte  de  décès  signé  par  M*  Nicolas  Dumont, 
élu  député  du  clergé  du  bailliage  de  Vitry-le-François,  avant  son 
départ    aux   Etats    généraux   assemblés  à   Versailles^.    Pendant  son 

domestiques  de  charrue  à  Villers.  Sur  le  crime  et  rexéciition  des  assassins 
à  Roucy  (Aisne),  en  1774,  voir  les  Affiches  de  Reims,  par  Havé  (a'  du  15 
août  1774).  et  la  Revue  de  Champagne  et  de  Brie,  novembre-décembre  1894, 
pp.  808-809. 

1.  L'abbé  Legros,  né  à  Saint-Germainmonl  (Ardennes),  en  1753,  devint, 
sous  le  premier  Empire,  proviseur  du  Lycée  de  Reims,  et  conserva  dans 
cette  ville  la  plus  haute  influence  sur  réducation  de  la  jeunesse.  Il  mourut, 
étant  vicaire  général,  le  20  janvier  1832. 

2.  Voir  sur  l'abbé  Anot,  né  aussi  à  Saint- Germainmont,  une  notice  fort 
intéressante  de  M.  le  chanoine  Cerf  dans  les  Travaux  de  l'Académie  de 
Reims,  t.  XCII,  p.  364  à  386. 

3.  Pendant  son  séjour  à  Versailles,  l'abbé  Dumont  habitait  rue  de  Mont- 
boron,  n"  11. 


UNE    ÉGLISK    RURALK  677 

absence,    les    actes    sont    signés    par    Louis-Joseph    Buquoy,     son 
vicaire  '. 

17 '.10 

Le  registre  est  signé  en  tête  par  Gilson,  lieutenant  particulier  au 
bailliage  de  Sainte  MenehouM,  pour  l'absence  du  lieutenant  général 
Lesure,  député  aux  Etats  généraux. 

Le  supplément  du  registre  est  signé  par  Jean  Nicolas  Philippot, 
notaire  royal  et  juge  de  paix  du  tribunal  de  la  Justice  du  canton  de 
Saint-Germainmont,  le  23  novembre  1790. 

17'.)l 

Le  registre  est  coté  par  Jean-Pierre  Camus,  juge  du  tribunal  du  Dis- 
trict de  Rethel. 

Jacques  Michauf,  maître  d'école. 

Le  21  octobre,  Nicolas  Dumont  apparaît  de  retour  et  signe  tous  les 
actes  de  l'année  1792. 

1792 

Les  registres^  paraphés  par  Robert-François-Stanislas  "Vuibert,  juge 
du  Tribunal  de  Rethel,  sont  tonus  par  le  curé  et  son  vicaire,  dans  la 
forme  ordinaire,  énonçant  les  dispenses  accordées  par  M'  Philliert, 
évêque  du  département  des  Ardennes^,  enregistrées  à  Sedan  (Janvier 
1792).  Les  derniers  actes  signés  par  Nicolas  Dumont  comme  curé 
portent  la  date  des  25  novembre  et  8  décembre  1792,  et  sont  immé- 
diatement suivis  de  la  mention  qui  constate  la  création  de  l'état-civil 
actuel  :  «  Le  présent  registre  a  été  clos  et  arrêtté  par  nous  officier 
municipal  soussigné,  ce  19  décembre  1792,  (signé)  Druart.  » 

Suit  un  acte  de  mariage,  daté  du  20  décembre  1792,  l'an  premier 
de  la  République,  dressé  et  signé  par  Nicolas  Dumont,  officier  public 
et  curé  de  Villers.  Toute  formule  religieuse  en  est  bannie,  l'officier 
public  constate  le  mariage  des  futurs  en  ces  termes  :  «  Nous  avons 
prononcé  au  nom  de  la  loi  qu'ils  étaient  unis  par  le  mariage  »,  sans 
mention  de  la  cérémonie  religieuse  qu'il  accomplissait  ensuite. 

1793 
Trois  registres,  paraphés  par  Remacle  Watellier,  membre  du  direc- 
toire du  district  de  Rethel,  sont  alTectés  désormais  à  l'état-civil;  ils  sont 
remplisd'actessignéspar  Nicolas  Dumont,  en  sa  qualité  d'officier  public 
de  la  commune,  nommé  en  exécution  de  la  loi  du  20  septembre  1792. 
Il  s'intitule  encore  «  membre  du  conseil  général  de  la  commune,  élu 

1.  L'abbé  Buquoy  continua,  autant  qa'il  le  put,  son  ministère  pendant  la 
Révolution,  et  devint  curé-desservant  de  Villers  à  partir  du  7  fructidor 
sa  XII  jusqu'à  son  décès,  en  1828. 

2.  Nicolas  Philbert,  curé  de  Sedan,  élu  évêque  constitutionnel  des 
Ardennes.  —  Nicolas  Dumont  suivit,  tant  qu'il  resta  à  Villers,  la  juridictioa 
de  cet  évêque  intrus,  mais  à  Reims,  il  tenta,  le  24  novembre  1"96,  une  récon- 
ciliation avec  son  ancien  archevêque,  M.  de  Talleyrand,  et  écrivit  même  le 
texte  du  projet  de  réunion  des  prêtres  assermentés,  qui  ne  paraît  pas  avoir 
abouti.  {Bibliothèque  de  Reims,  autographes.) 


678  UNE    ÉGLISE   RURALE 

le  9  décembre  1702  pour  dresser  les  actes  destinés  à  constater  les 
naissances,  mariages  et  décès  des  citoyens*.  » 

Le  26  avril,  «  mort  de  Jaques  Michaiit,  maître  d'école  du  lieu,  âgé 
de  trente  ans  et  demi,  lils  de  Philhert  Michaut,  ancien  maîlre  d'école 
à  Asfeld.  » 

Pierre  Petit  le  remplace  comme  instituteur-. 

Le  dernier  acte  de  naisFance,  signé  par  Nicolas  Dumont  comme  ofD- 
cier  public,  est  daté  du  26  prairial  an  II,  et  le  dernier  acte  de  décès 
du  24  messidor  an  II.  L'acte  suivant  est  signé  «  pour  l'absence  de 
N.  Dumont  »  i)ar  N.  Prillieux,  le  11  tliermidor,  même  an. 

Il  n'y  eut  que  deux  actes  de  mariage  dans  le  courant  de  l'année 
1794,  le  premier  du  25  fructidor  an  II,  est  signé  par  N.  Prillieux 
«  pour  l'absence  du  citoyen  N.  Dumont,  officier  public  de  la  com- 
mune. »  Le  19  vendémiaire  an  III,  apparaît  Clauda  Remy  Prot,  agis- 
sant comme  officier  public  de  la  commune,  et  le  rôle  de  Nicolas 
Dumont  est  terminé  après  trente-trois  ans  d'exercice-'. 

1.  La  loi  du  20  septembie  1192,  qui  créa  l'éiat-civil,  prescrivait  Téleclioa 
dans  chaque  commune  d'un  olficier  public  chargé  de  recevoir  les  déclara- 
tions et  de  tenir  les  registres.  Ce  fut  la  loi  du  28  pluviôse  an  VIII  qui  con- 
fia celte  mission  aux  maires  et  adjoints. 

2.  Pendant  la  Révolution,  l'instilutenr  Pierre  Petit,  âgé  de  vingt- sept 
ans,  fut  désigné  par  le  district  de  Rethel,  le  1"  nivôse  an  III,  pour  être 
envoyé  à  Paris,  comme  élève  de  TEcole  normale  que  la  Convention  venait 
de  fonder.  {Hevue  historique  ardcHnaise, juillet-août  1895, mélanges,  p.  iOI). 
—  Les  instituteurs  de  Villers  furent  successivement,  depuis  le  commence- 
ment du  siècle  :  MM.  P.  Boulangé,  Joly,  D.  Censier,  olficier  d'Académie, 
et  Paruilte,  actuellement  en  Ibnclions. 

3.  Nicolas  Dumont  se  retira  djns  sa  iamille  à  Reims,  et  ne  fut  pas 
inquiété  sous  la  Révolution.  Il  prêta  tous  les  serments  requis,  et  mourut  pen- 
sionnaire de  l'Etat,  le  21  juillet  1806,  à  l'âge  de  75  ans.  Aussitôt  sa  mort, 
on  mit  en  vente  ses  propriétés,  dont  voici  le  détail  :  —  «  Biens  immeubles 
dépendant  de  la  succession  de  M.  Dumont,  ancien  curé  de  Villers-devant- 
le-Thour,  consistant  :  1"  en  une  terme  contenant  plusieurs  pièces  de  terre 
sises  au  terroir  de  Villers-devant-le-Thour  et  terroirs  eirconvoisins,  faisant 
ensemble  17  hectares,  5  ares,  10  centiares  (28  jours  et  dem^  environ)  ;  2"  en 
4  pièces  de  bois  sises  au  terroir  dudit  lieu,  contenant  ensemble  5  hectares, 
70  ares,  39  centiares  (10  arpens  81  verges);  3°  en  une  autre  ferme  consis- 
tant en  plusieurs  pièces  de  terre  et  une  pièce  de  pré  aux  terroirs  de  Crugny 
et  eirconvoisins,  contenant  ensemble  14  hectares,  33  ares,  46  centiares  (29 
arpens  37  verges)  ;  A°  Et  en  une  maison  sise  à  Rheims,  rue  des  Auguslius» 
n"  l5,  consistant  en  4  places  basses,  4  chambres  au  premier,  greniers,  caves, 
remises  et  beau  jardin.  —  L'adjudication  des  dits  biens  se  fera,  savoir,  de 
la  ferme  de  la  ferme  de  Villers  devant  le  Thour,  eu  gros,  et  des  bois  sis  au 
terroir  dudil  lien,  en  détail,  en  la  maison  de  Rémi  Chollel.  fermier  audit 
Vilters  devant  le  Tliour,  le  dimanche  14  décembre  1806,  onze  heures  pré- 
cises du  matin  ;  de  la  ferme  de  Cruijny  et  de  la  maison  de  Rheims,  en  l'élude 
de  M'  Doijen,  notaire  impérial  audit  Jtheims,  le  mercredi  17  du  même  mois 
de  décembre,  deux  heures  ne  relevée.  11  y  n  toute  sûreté  pour  acquérir.  On 
accordera  des  facilités  pour  le  payement.  »  {Journal,  affiches,  annonces  et 
avis  divers  du  département  de  la  Marne,  a°  94,  15  yl^ie  1806,  p.  374.) 


UNE    ÉGLISE    UURALK  679 

(Archives  de  V Etal-Civil^  a  la  Mairie  de  Villers-decant-le- 
Thour.) 

XII 

Registres  paroissiaux  de   Juzancourt  (1693-1793). 

Analyse,  mentions  et  extraits  divers. 

1693 
A  panir  de  cette  année,   un   registre  spécial  doit  être  tenu  pour  la 
succursale  lie  Juzancourt,    les  actes   anléri'Mirs   sont   inscrits  sur  les 
registres   de    la   paroisse   de    Villers.    Jlais  la    suite  des  registres   ne 
devient  néanmoins  régulière  que  plus  tard  pour  la  succursale. 

1715 
Le  17  juin,    bénédiction  par  M' Marc  Antoine  Bidault,    prêtre  curé 
de  Villers  devant  Le  Thour  et  de  Juzancourt,  d'une  cloche  dans   la 
paroisse  de  Saint-Pierre  de  Juzancouri,  laquelle  cloche  fut   nommée 
Morie  Suzanne  par  Messire  Jean  Dubois,  chevalier,  seigneur  d'Escor- 
dal  et  de  Juzancourt,  vicomte  de  Savigny,  Et  présentée  par  dame  Mario 
de  Hézècques,  V^»'  de  Mbssire  Jacques  de  Villiers,  en  son  vivant,  che- 
valier, seigneur  d'Escordal,  de  Baillia  et  de  Juzancourt.  lesquels  ont 
fait  leur  oliVande  à  ladite  église  et  ont  apposé  leurs  armes  eu  monument 
éternel,  à  cause  qu'elles  n'ont  point  été  gravées  sur  ladite  cloche. 
(Signé)  -.  d'Escoudal  et  Maiuk  de  IIezecques, 
avec  deux  sceaux  en  cire  rouge  armoriés. 

1741 

Jacques  Briois,  maître  d'école. 

1762 

Le  premier  acte  signé  à  Juzancourt  par  Nicolas  Dumont  est  du  20 
février  1762,  tous  les  actes  précédents  sont  signés  de  Remy  Polhier, 
desservant.  —  Le  23  avril  1762,  ce  dernier  est  indiqué  comme 
«  vicaire  de  Norois'.   » 

1764 

Le  5  janvier,  acte  de  baptême  signé  par  J.-H.  Rillart,  «  prêtre  habi- 
tué de  C(3tte  par-oisse.  »  Autres  actes  du  iiièm'%  des  7  et  17  janvier,  5 
mars  de  la  même  année,  signés  conjointement  avec  le  curé  Nicolas 
Dumont  par  J.-B.  Riflarl-. 

17g:; 

Les    registres    oITrent   un    certain   nombre    d'actes   concernant    les 


1.  Naii7'0ii,  canton  de  Beiue,  Marne. 

2.  Consulter  sur  la  vie  de  ce  prêtre,  né  à  Jiizancourl  en  1733,  une  inlé- 
ressanle  biographie  iuliliilée  :  Un  Confesseur  de  la  f>i,  ou  \'ie  de  Mon- 
sieur J.-B.  liifflarl,  vicaire  de  Sau  ces  el  de  Marquignij-aux-Bois 
[Ardenncs),curé  de  Nainpcelle  el  Bancigny  (Aisne),  et  missionnaire  pen- 
dant la  Révolution,  173J-179J,  par  l'abbé  (i.  REtmiOT,  curé  de  Nampcelle- 
la-Cour.  —  lieims,  F.  Michaad;  Vervins,  Anterl-Camus,  l»81l,  un  volume 
in-8°  de  XI-27U  pages. 


680  UNE    liaLISE    RURALE 

familles  nobl-rS  Dubois  d'Econlal,  d'Aguisy,  de  Hezecqiies,  de  Villiers, 
De'.igny,  etc.  Ea  voici  un  exlrait  relatif  à  ces  derniers  : 

Le  18  juin  1765,  J.-B.  Rifïlart,  prêtre  du  diocèse  de  Reims,  célèbre 
à  Juzancourt,  en  présence  du  curé  Nicolas  Dumont,  de  Messire  Pierre 
Ignace  Deligny,  chevalier,  seigneur  de  Juzancourt,  et  de  Jean  Louis 
Dubois  d'Ecordal,  autre  seigneur,  le  mariage  de  Jean  Bouré.  do  Villers, 
avec  Marie  Françoise  Rifïlart,  fille  de  défunt  Pierre  RifKlart,  laboureur, 
et  de  Louise  Cellier.  Tous  les  comparants  ont  signé. 

1767 
François  Mouret  signe  jjlusieurs  actes  en  qualité  de  «  prêtre  habi- 
tué de  la  paroisse  de  Juzancourt  '.   » 

1773 

«  Lan  mil  sept  cent  soixante  treize,  le  douze  février,  sont  nés  trois 
enfans  mâles  à  Thomas  Dubois,  jardinier  de  M'l«  de  Semeuze,  dame  de 
ce  lieu,  et  à  Marguerite  Du  poivre,  son  épouse,  et  sont  décédés  après 
avoir  été  ondoyés  à  la  maison  par  M'"«  Carlier  chirurgien  juré  à  Villers 
devant  le  ihour,  à  cause  de  la  nécessité  urgente  au  moment  de  leur 
naissance,  et  ont  été  inhumés  le  lendemain  au  cimetière  de  cette 
paroisse  avec  les  cérémonies  accoutumées  en  j)résence  de  leur  père  et 
autres  témoins  soussignés. 

{Signé)  Diimont,  curé. 

Thomas  Dubois. 
Piere  Sogvaut.   » 
1789 

Les  actes  sont  signés  par  Nicolas  Dumont  jusqu'au  5  avril.  Le  15 
mars,  acte  signé  par  i  Louis-Joseph  Ruquoy,  prêtre,  vicaire  d'Asfeld- 
la-Ville,  pour  l'absence  de  M.  le  curé  de  Villers  devant  le  Thour  et 
Juzancourt.  »  La  suite  des  actes  est  signée  par  L.  J.  Buquoy,  en  qua- 
lité de  vicaire  de  la  paroisse  de  Juzancourt,  jusqu'au  26  février  1792. 
A  cete  date,  Nicolas  Dumont  signe  un  acte  de  sépulture,  \n\is  les 
autres  actes  jusqu'au  27  octobre  1792,  où  il  signe  son  dernier  acte. 

Le  2  novembre  1792,  les  officiers  municipaux  ont  clos  et  arrêté  le 
registre,  (signé)  Briois,  secrétaire.  Jacques  Briois  signe  ensuite  tous 
les  actes  en  qualité  d'oflicier  public,   notamment  le  9   novembre  1792, 

1.  Le  16  décembre  1787,  —  lettre  de  M  Mouret,  chanoine  de  Saint-Pierre 
de  Mézières,  proposant  l'érection  de  Juzaacourt,  son  village  natal,  en  cure, 
et  la  construction  d'un  presbytère  près  de  l'église,  il  ajoute  :  «  M.  Dumont, 
curé,  ne  verroil  probablement  pas  volontiers  cette  érection,  a  laquelle  il 
pouiroit  se  prêter  facileiuenl,  à  raison  du  bien  assez  honnête  qu'd  a  acquis 
et  qui  le  met  dans  un  état  d'opulence.  Son  bénéfice  de  Villers  seat  vaudroit 
peut  être  encore  bien  2,oOJ  livres.  J'ai  toujours  bien  vécu  avec  lui,  je  vous 
prie  de  ne  lui  donner  aucune  connoissance  de  ces  réflexions  qui  nous  brouil- 
leroient  infailliblement.  »  Archives  de  Reims,  Fonds  de  l'Archevêché,  Visites, 
Doyenné  de  Saint  Germainmonl. 


UNE    ÉGLISE    RURALE  081 

la  déclaration  de  naissance  d'un  fils   du  «  citoyen  Nicolas  Gobron, 
maître  d'école  de  Juzancourt.  » 

{Archives  de  l'Etat-Cioil  de  la   Commune  de  Jusancourt,  à  la 
mairie  de  celte  commune.) 

Henri  Jadart. 


LES 

CHANSONS  DE  PERRIN  D'ANGECOURT 


Ou  ne  possède  aucuu  document  historique  relatif  à  l'exis- 
tence de  ce  poëte  qui,  suivant  une  tradition  établie  dès  la  fin 
du  xiii°  siècle,  porte  le  nom  de  Perrin  d'Angecourt.  Tout  ce 
que  l'on  peut  savoir  de  sa  vie,  et  c'est  par  ses  chansons  qu'on 
l'apprend,  c'est  qu'il  la  passa  à  chanter  l'amour,  du  nord 
au  midi  de  la  France  ;  qu'il  séjourna  à  Paris  et  résida  en  Pro- 
vence; qu'il  fit  partie  de  la  confrérie  poétique  dite  Puy  d\Ar- 
ras,  où  il  eut  l'honneur  et  le  plaisir  de  voir  couronner  une  de 
ses  chansons  ;  qu'il  collabora  à  un  jeu-parti  avec  Charles, 
comte  d'Anjou,  qui  fut  cerlaiuement  un  de  ses  plus  fidèles 
protecteurs,  et  avec  qui  il  entretint  des  rapports  annonçant 
jusqu'à  un  certain  point  une  amicale  familiarité  ;  qu'il  adressa 
des  chansons  à  Guy  de  Dampierre,  comte  de  Flandre,  au  duc 
de  Brabant  Henri  III.  au  sire  de  Gressou-Essari,  à  un  certain 
Mignot,  à  Philippe  Chauçon  demeurant  à  Paris  ;  enfin  à  une 
dame  de  Metz. 

Nous  avons  recueilli  trente-huit  compositions,  parmi  les- 
quelles six  prononcent  son  nom  et  ne  laissent  pas  de  doute 
qu'il  en  est  l'auteur  ;  les  autres  lui  ont  été  attribuées  par  les 
copistes  du  xiv^  siècle,  qui  ont  écrit  et  complété  les  recueils 
conservés  dans  nos  dépôts  publics.  A  la  seule  Bibliothèque 
nationale,  nous  avons  pu  puiser  daus  dix  de  ces  recueils, 
numérotés  845,  84(5,  847  (ancien  fonds  Caugé)  ;  lo91  (ancien 
fonds  français)  ;  12.581  (Supplément  français-)  ;  '20.(150  (F.  S. 
Germain);  24.400  (La  Vallière)  ;  1G87,  l(:)88,  1689  du  fonds 
Moreau,  où  est  fondue  l'ancienne  collection  Mouchel,  conte- 
nant les  copies  faites  par  Lacurue  de  Sainte-Palaye,  du 
célèbre  manuscrit  Bougars,  de  la  Bibliothèque  de  Berne.  A 
l'Arsenal,  outre  le  Recueil  de  Paulmy,  catalogué  sous  le 
n°  5198,  nous  avons  consulté  les  volumes  3101  et  3102,  copies 
faites  par  le  même  Sainte-Palaye,  sur  les  manuscrits  1490 
et  1522  de  la  Bibliothèque  Vaticaue,  donnés  par  la  Reine 
Christine,  qui  les  avait  elle  même  acquis  du  président  Fau- 
chet.  Nous  avons  comparé  également  les  quelques  pièces 
qu'ont  éditées  MM.  Keller,  Tarbé  et  Louis  Passy,  et  spéciale- 


LES    CHANSONS    DE    PKURIN    d'aNGECOURT  083 

ment  les  analyses  que  ce  deruier  a  faites  d'uu  manuscrit  de  la 
bibliothèque  de  Sienue,  où  l'ou  rencontre  onze  chansons 
de  Perrin.  Tous  les  jeux-partis  paraissent  avoir  été  exclus  des 
copies  détenues  à  Pari.-i  :  le  recueil  La  Vallière  seul  a  enre- 
gistré un  jeu-parti  par  Perrin  au  comte  d'Anjou  •  les  autres  se 
soQt  trouvés  à  Berne  et  à  Rome,  Voici  l'énuméraiiou  que  nous 
pouvons  faire  des  diverses  chansons  de  Perrin  d'Angecourt  : 
nous  les  indiquons  par  le  premier  vers  de  cha(^ue  pièce, 
en  conservant  à  peu  près  l'ordre  du  manuscrit  845  ;  il  repro- 
duit sensiblement  l'ordre  donné  par  Fauchet,  qui  le  premier 
fit  une  analyse  des  productions  des  trouvères  du  xiii°  siècle,  en 
sou  Recueil  de  l'Origine  de  la  langue  et  poésie  françoise  (1610). 

i.  Jamais  ne  cuidai  avoir  [84a-6-7,  1591,  24,406,  Ar]. 

Chanson  envoyée  par  Perrin  à  sa  dame,  pour  qui  il  séjourne 
à  Paris.  Chaque  couplet  répète  les  deux  derniers  vers  : 
«  Chanterai  joliement  —  En  esi)oir  d'alé^ement.   » 

2.  Il  ferait  trop  bon  mourir  [845-6-7,  24,  406-Be-Ar]. 

Envoyée  encore  à  sa  danip,  qui  le  fait  trop  languir.  Li'S  rimes 
sont  répétées  vers  à  vers  d'un  couplet  à  l'autre.  Il  y  a  huit 
couplels. 

3.  Quant  ti  ciiicejus  i'escrie  [8 i-5-7,  24,  4('G-Be-Ar-2O.O50]. 

4.  Meneur  et  boue  aventure  [8'io-6-7,  2i.406-Ar-Tarbé]. 

Fournie  pour  sa  dame,  cette  chanson  réjjète  le  dernii-r  vers 
de  chaque  strophe  :  Perrin  s'y  nomme  au  premier  couplet,  qu'il 
termine  ainsi  :  «  Perrins  ne  lera  son  ioiif  usage.  » 
D.   Bone  aviour,  conseillés -moi  !  [84;i-7,  24.406-Tdrijé,  Ar]. 

Perrin  est  encore  nommé  ici,  et  deux  fois.  Non  seulement 
les  rimes  sont  copiées  d'un  couplet  à  l'autre,  mais  les  deux  der- 
niers Vers  se  répèlent  en  refrain 

6.  Chancon  veuil  [ère  de  moi  [846-7,  Va-Be]. 

Perrin  met  celte  déclaration  dans  la  bouche  de  son  amie, qui 
avoue  n'avoir  jamais  aimé  et  se  vante  de  ne  vouloir  jamais  se 
marier. 

7.  Oncques  ne  sui  sans  amour  [845-1591-24. 406-Ar-TarbéJ. 

Rimes  identiques  dans  tous  les  couplets,  qui  finissent  par  le 
refrain  «  Pour  mal  souli'rir.  »  Celle  chanson,  suivant  Lony- 
chamjjs,  accuse  le  dévergondage  de  Perrin. 

8.  Au  tens  nouvel  [84.V24.406-La  Borde,  Tarbé^  Dinaux,  Michel,  Arj. 

Pastourelle  légèrement  troussée  et  un  peu  gaillarde,  où  le  der- 
nier vers,  irrégulier  et  mal  ajusté  à  l'ensemble,  consiste  en  un 
refrain  populaire,  ditlerent  pour  chaque  coujilet.  Résu[ne  le  Jeu 
de  Robin  et  Marion. 

9.  Contre  la  froidor  [845-7-24. 40G-Ars.] 

Rimes  répétées  vers  à  vers  dans  chaque  couplet. 


684  LES    CHANSONS    DE    PERRIN    d'aNGECOURT 

iO.   Hélas  !  or  ai-ge  trop  duré  [845-24.400]. 

A'iressée  à  sa  «  dame  au  cors  gent.  ».  Slrophes  homorimes, 
comme  au  n»  9. 

11.  Quant  H  biax  estez  repère  [84o-6.  24.406-Ar]. 

Strophes  homorimes.  La  chanson  envoyée  d'abord  à  la  dame 
pour  qui  sont  tous  ses  chants,  et  ensuite  au  Conte  d'Anjou. 

12.  Quant  voi  le  félon  tens  fine  [84o-6.  1 591-24. 406-Ar]. 

Couplets  homorimes.  Envoi  au  duc  de  Breban. 

13.  Quant  te  voi  Verbe  amatir  [84o-G,  14.406-Ar-Dinaux]. 

Le  dernier  mot  d'une  slance  commence  le  couplet  suivant. 

14.  Très  haute  amor  qui  tant  s''est  aftt'ssie  [845-6,  24. 406-Ar-Tarbé]. 

Ilomorime.  Le  manuscrit  de  Paulin j  est  le  seul  qui  donne 
cette  chanson  à  Perrin  :  quelques  autres  la  supposent  du  roi  de 
de  Navarre,  Thibaut  de  Champagne. 

15.  Amors  dont  sens  et  courtoisie  [845-6,  24.406-Ar]. 

Cinq  couplets  liomorimes,  adressés  à  Philippe  Chauçons,  à 
Paris. 

16.  Quant  voi,  en  la  fin  d'esté  [845-6,  24.406-Ar]. 

Cinq  cou|)lets  homorimes  à  refrain  :  «  Quand  ma  dame  plera 
—  Joie  aurai.  » 

17.  Onques  pour  esloignement  [845-6,  24  406]. 

Envoi  à  Mignot,  qui  est  chargé  de  prier  instamment  «  Hone 
amour  ». 

18.  rai  un  iolif  souvenir  [845-6,   24. 406-20. 050-1591-Va-Be-Ar- 

Tarbé]. 

C'est  la  pièce  couronnée  à  Arras. 

19.  Li  iolis  mais  ne  la  fieur  qui  blanchoie  [845-6^  24. 406-20. OoO- 

1591-Ar-Va-Be]. 
Cinq  couplets  homorimes. 

20.  //  nerne  chaut  d'esté  ne  de  rousée  [845-G,  24  406-1591-12.581- 

Ar-Va-BeJ. 

Cinq  couplets  homorimes. 

21.  Je  ne  chante  pas  pour  verdor  18i5-24.406-l2.581-l59l-ArJ. 

22.  Quant  partis  sui  de  Prouoence  [845-1591-24. 40G-Ar-Tarbé]. 

Perrin,  qui  envoie  sa  chanson  «  à  la  flor  des  dames  a  droit 
iugier,  »  exprime  son  vif  désir  d'aller  en  France. 

23.  On  voit  souvent  en  chantant  amenrir  [845-6.  1591-24. 406-Va]. 

Cinq  couplets  homorimes. 

24.  Lors  quant  ie  voi  le  buisson  en  verdure  [845-1591-24. Î06-Va-Ar]. 

Cinq  strophes  homorimes,  avec  un  envoi  à  Gui,  le  conte  de 
Flandre. 

25.  Biau  m'est  du  tens  de  gain  qui  verdoie  [845-159 1-24. 406-Ar]. 

Cinq  couplets  homorimes. 

26.  Haute  espérance  garnie  [845-24  406-Ar]. 

Chaque  couplet,  homorime,  répèle  le  vers  :  «  où  riens  ne 
faut  de  bien  ne  de  biauté.  » 


LES    CHANSONS    DK    PERKIN    d'aNGECOL'RÏ  68j> 

27.    Quant  li  binx  est' z  revient  [845-Ar]. 

Le  dernier  vers  <le  ch.ique  strophe  riino  aveo  le  premier  du 
couplet  suivant. 

"28.    Quant  li  Jtouviaus  tens  dé  fine  [I5'.)l  '. 

Pcrrin  se  nomme  dans  c-lte  chanson,  qu'il  envoie  à  Cresson 
Essart. 

29.  Je  nai  loiiir  d'assez  penser  |^l59l-Be\ 

«  Chanson,  à  ma  dame  l'envoi.  » 

30.  Je  ne  suis  pas  esbahis  [l59l-Be]. 

Sept  couplets  humorimes. 

31.  On  jues  à  faire  chanson  [Sienne,  Passy]. 

Cinq  couplets  homorimes. 

32.  Au  reiiairii-r  ljuc  te  fis  de  Prouveme  [  1591-TarbéJ. 

Cinq  couDleîs.  Avec  la  chanson  i\°  22,  celle-ci  fournit  la 
pieuve  que  Perrin  suivit  Charles  d'Anjou  dans  son  comté 
<le  Provence,  qu'il  avait  acquis  par  son  mariage  avec  Béatrix. 

33.  Mais  ne  avris  ne  printemps  [lie]. 

Envoyée  a  tout  droit  à  Mes,  à  la  belle » 

34.  //  convient  k'en  la  candeille  [Va]. 

Si.x  couplets  écrits  dans  le  dialecte  picard. 

35.  Quant  voi  Itglaie  mure  [Ije,  Keller-Romvarf-AnguisJ. 

Si.x  couplets  :  «  .Ma  cançonnette,  ie  l'envoie  à  ma  dame.  » 
3G.   Quens  d'anio.  jurent z  de  ce  iea  partie  [24.408]. 

Ce  jeu-parii  est  proposé  au  comie  d'Anjou,  par  Perrin,  qui 
se  déclare  vaincu,  sans  que,  comme  à  l'ordinaire,  interviennent 
des  arbitres. 

37.  Prince  del  Puij,  vous  avez  [Va-l490j. 

Jeu-parti  par  Perrin  à  Jehan  Bretel,  le  prince  du  Puy  d'Ar- 
ras,  qui  répond  en  l'apostrophant  :  o  Perrin  d'Auchicourt.  » 
Les  juges  sont  :  Bertrand,  prié  par  Perrin,  et  Dragon,  demandé 
par  Bretel. 

38.  Ptrrin  d'Angicourt,  respondezl  [Va-1490]. 

Le  Prince  du  Puy,  Bretel,  propose  ce  jeu  à  Perrin.  Lesjuges 
sont  :  le  Comte  d'Anjou,  sollicité  par  Bretel,  el  Audifroi,  appelé 
par  Perrin. 

h' Histoire  littéraire  de  la  France  a  donné,  par  la  plume  de 
M.  Paulin  Paris,  une  analyse  savante,  habile  et  vraiment  ins- 
tructive des  manuscrits  des  trouvères,  conservés  à  la  Biblio- 
thèque nationale.  Ce  serait  commettre  une  imprudence  peut- 
être,  et  sûrement  une  inutilité,  que  de  chercher  a  refaire  après 
ce  maître  dans  la  littérature  médiévale,  un  commentaire 
des  compositions  si  diverses  et  pourtant  si  ressemblantes  de 
nos  chansonniers.  Empruntons-lui  donc  simplemeot  ses  con- 
clusions pour  ce  qui  regarde  Perrin  d'Angecourt.  «  Il  fut  un 
langoureux   trouvère.   La  monotonie  des  sentiments  ne  doit 


C86  LES    CHANSONS    DE    PEHRIN    d'aNGECOURT 

pas  nous  empêcher  d'y  rendre  justice  à  la  douceur  des  vers  et 
à  l'heureux  choix  des  mesures.  Peirin  d'Angecourl  aime  les 
refrains  :  lantôl  c'est  le  deruier  mot  d'un  couplet  qu'il  ramène 
au  début  du  couplet  suivant  ;  tantôt  les  deux  derniers  vers  de 
la  première  stauce  reparaissent  à  la  fin  de  toutes  les  autres; 
parfois  encore,  il  emprunte  à  des  chants  connus,  une  ritour- 
nelle qui  rappelle  nos  modernes  flonflon?.  Quant  à  la  pensée, 
elle  ne  manque  pas  toujours  chez  lui  de  finesse  et  de  variété.  » 

Comme  tous  les  chanteurs  ses  confrères,  Perrin  célèbre 
la  beauté,  la  noblesse,  les  vertus  de  sa  dame  ;  il  gémit,  sinon 
sur  son  inconstance  ou  son  infidélité,  du  moins  sur  sa  cruauté, 
et  la  voit  toujours  «  engraut  »  de  le  faire  mourir  ;  très  heu- 
reux si  elle  daigne  prendre  «  en  gré  »  les  sentiments  qu'il  lui 
témoigne,  et  manifester  d'un  geste  ou  d'un  sourire  qu'elle 
condescend  à  sa  pressante  prière  !  Les  traîtres,  médisants, 
envieux  et  Jaloux  qui  pourraient  approcher  sa  maîtresse 
reçoivent  invariablement  sa  malédiction  et  l'expression  de  sa 
haine  :  Tel  est  le  progr'amnie  :  toutes  les  chansons  de  Perrin 
ou  de  ses  confrères  le  remplissent  ponctuellement. 

En  général,  Perrin  d'Angecourt  s'exprime  de  façon  courtoise 
et  décente.  Il  ne  s'abandonne  jamais  à  la  manière  facile  mais 
grossière  dont  Bretel  lui  donne  l'exemple  dans  le  jeu-parti 
auquel  il  convie  Perrin  d'Angicourt.  A  peine  peut- on  relever 
le  jeu  un  peu  égrillard  de  la  pastourelle,  jolie  et  bien  enlevée 
du  reste,  iqu'il  chante  à  Margot.  Les  sentiments  qu'il  exprime 
honorent  d'ordinaire  son  caractère  :  si  l'on  excepte  la  chanson 
où  il  fait  dire  à  la  dame  de  ses  pensées  qu'elle  n'aima  jamais 
d'amour  vrai  et  ne  se  veut  point  marier,  on  ne  trouvé  guère 
qu'à  louer  la  bienveillance  dont  il  use,  les  beaux  sentiments 
dont  il  fait  montre,  la  réserve  et  le  respect  dont  il  témoigne 
vis-à-vis  de  tous.  La  vie  libertine  que  l'abbé  de  Longchamps 
lui  reproche  et,  après  lui,  le  biographe  ardennais  Bouillot,  et 
aussi  M.  Dinaux,  n'est  qu'une  invention  gratuite  et  absurde, 
sans  plus  de  fondement  que  celle  qui  le  présente  comme  ayant 
fait  des  chansons  pour  autrui  et  ayant  tenu  boutique  d'esprit. 
Il  a  suffi  de  ces  simples  mots,  écrits  par  Fauchet  :  «  Il  faisait 
des  chansons  pour  autruy,  »  car  en  la  sixième,  il  iuti'oduit 
une  dame  qui  dit  •  ne  vouloir  se  marier,  ains  aimer  toute  sa 
vie.  —  Par  la  dixième,  il  montre  qu'il  n'estoit  guères  loial  à 
s'amie  »,  pour  que  Longchamps  ait  décidé  que  Perrin  avait 
longtemps  vécu  à  Paris  sans  autres  ressources  que  ses  chan- 
sons, qu'il  vendait  à  quiconque  voulait  s'en  faille  honneur; 
qu'il  fut  inconstant  dans  ses  amours  et  se  livra  Jusqu'à  l'excès 


LES    CHANSONS    DK    PERRIN    d'aNGECOURT  687 

à  loules  les  voluptés  doul  Paris  élail  dès  lors  le  rendez-vous. 
Amplifîcatiou  de  rhétori(|ue  bien  fâcheuse!  L'abbé  de  Long- 
champs  ne  savait,  de  la  silualiou  de  fortune  de  Perriu,  rien  de 
plus  que  ce  que  nous  savons  et  que  nous  disent  ses  chan- 
sons :  qu'il  ait  battu  monnaie  avec  celles-ci.  cela  n'a  rien  d'im- 
possible ni  d'invraisemblable,  voire  même  de  déshonorant; 
toutefois,  rien  ne  le  prouve.  Et  l'on  ne  peut  vraiment  déduire 
de  ce  que  nous  raconte  le  poète,  à  savoir  que  «  onque  ne  fui 
sans  amor  »,  qu'il  vécut  surtout  dans  li  galanterie  parisienne. 
Laissons  donc  la  toutes  ce^  conjectures  sans  la  moindre  assise, 
et  faisons  seulement  la  reniarijue  que  Perriu  a  composé  bien 
d'autres  chansons  (jue  celles  qu'il  nous  est  permis  de  citer. 
Evidemment,  tout  ce  qu'il  a  produit  ne  nous  est  point  par- 
venu, et  certaine-  de  ses  pièces  n'ont  pas  été  reconnues  ou  dis- 
cernées parmi  les  très  nombreux  morceaux  anonymes  con- 
servés dans  les  manuscrits.  Voici,  pour  exemple,  un  jeu-parti 
entre  Rollant  et  Perrins  :  il  en  est  question  dans  un  recueil  de 
la  Bibliothèque  d'Oxford;  c'est  M.  Pa>sy  qui  en  a  fait  l'ob- 
servation. 

Il  est  utile  de  constater  que  les  indications  des  copistes  sont 
en  général  formulées  ainsi  :  Perriti  d'Angecourt,  Angecort  ou. 
Angecors;  et  exceptionnellement,  au  manuscrit  de  Berne, 
l'erins,  Perrins,  Pieres  d'Angincourt,  d'Agincourt.  La  men- 
tion «  ce  sont  les  cancons  perin  daucicourt  »  du  manuscrit  du 
Vatican,  peut  tout  aussi  bien  se  lire  dancicourt  et  même  dan- 
gicourt  ;  et  il  demeure  évident  que  la  forme  normale  se 
réduit  à  Angecowt  ou  Angicourt,  qui  traduit  le  latin  Angi- 
curtis. 

11  convient  peut-être  ici  de  parler  de  quelques  jeux-partis  où 
Perrin  est  entré  comme  arbitre^  :  nous  en  connaissons  sept, 

1.  1»  Bretel  propose  à  Kerri  le  choix  entre  les  deux  amants  d'une  dame, 
qui,  au  surplus,  ne  mérite  pas  leurs  hommages  :  l'un  continue  à  faire  sa 
cour  avec  soin;  l'autre  a  des  regrets  et  cherche  à  se  retirer.  (Juges  Gaidifer 
et  Perrin)  [Va-1490]. 

Perrin  cil  qui  saintement 

Sert  bien  Dieu  oulréement 

Se  puis  le  veut  eslougier. 

Il  est  t'aus  au  droit  jugier.  , 

Gadifer  loi  errement 
Fait  bon  laissier  autrement  ; 
Na  onques  dius  nului  chier, 
Sil  ne  laisse  le  péchier. 

2"  Bretel,  le  prince  du  Puy,  fait  le  parti  suivant  à  Lambert  Perriu,  quia 


688  LES    CHANSONS    DE    PERRIN    DANGECOURT 

savoir  :  trois  entre  Ferri  et  Bretel,  trois  entre  Bretel  et  Grie- 
viler,  un  autre  entre  Bretel  et  Audefroi  ;  dans  tous,  notre 
trouvère  est  sollicité  par  son  nom  de  Perrin,  sauf  dans  l'un  des 
trois  premiers,  où  le  prince  du  Puy  le  demande  sous  le  nom 
de  Hacecourt. 

Nous  admettons  que  cette  appellation  désigne  effectivement 
Perrin  :  mais  nous  croyons  à  la  nécessité  de  conclure  qu'il  y 

une  amie  à  Abbeville  :  Votre  maîtresse  vous  trahit  ;  préférez-vous  la  trou- 
ver morte  mais  fidèle,  ou  bien  vivante  et  repentante  ?  —  Vivante  !  répond 
Ferii,  qui  prend  Perrin  à  témoin,  —  Morte  !  dit  Bretel,  qui  appelle  Vuil- 
lart.  [Va-1490|. 

Vuiltart,  Ferii  li  desvés 
Soustient  droite  desverie. 
Mieux  vaut  bone  amour  faillie 
Par  mort  qavoir  maintenant 
Amie  mal  coutetant. 

Hacecourt  vous  jugeres 
Pour  Ferri  qui  vous  en  pria. 
Et  soustenez  se  partie. 
Mieus  aime  avoir  un  besant 
Que  riens  trouver  ea  un  want. 

3°  Bretel  demande  à  Grieviler  si  le  débutant,  qui  ne  sait  encore  rien  de 
l'amour,  en  goùle  mieux  le  plaisir  que  le  vieux  malin  qui  sait  toutes  les 
ruses.  Notez  que  Grieviler,  qui  préfère  le  ruEé,  invoque  Gaidifer  d'après  1490 
et  Cunelier  d'après  1522.  [Va-1490-1522]. 

Perrin  nos  officiaus 

Soies.  Si  nous  iugerés. 

Je  dis  c'uns  homs  eswares 

Est  trop  liés  s'on  li  preste  un  manoir 

Que  ne  soit  cil  qui  bien  sel  ou  manoir 

Gaidifer,  un  musardiaus 
Qant  biens  li  est  destinés 
N'est  point  si  liés  c'uns  ainsnes 
Car  il  ne  sait  ne  ioir  ne  doloir. 
Li  sages  fait  sa  ioie  en  bien  paroir. 

4°  Bretel  demande  à  Grieviler  :  «  Aimeriez-vous  mieux  aller  vers  vostre 
dame  pour  la  baiser,  ou  bien  qu'elle  vînt  à  vous  et  que  vous  ne  pussiez 
l'embrasser?  »  Ferri  reçoit  l'opinion  de  Bretel.  [1522]. 

Ferri,  se  vous  me  rendies 

Vostre  espée  ia  ni  fu  cops  férus 

Miex  me  pleroit  et  miex  séries  vaincus. 

Perrin,  par  amours  jugies. 
N'est  celui  bien  chetis  et  dur  fus 
Qui  ne  baise  sa  mie  comme  drus  ? 

.•)">  Bretel  propose  à  Grieviler  de  choisir  outre  l'amant  hardi  et  entrepre- 


LES    CHANSONS    DE    PERRIN    DANGECOURT  689 

a  ici  une  falsification,  ou,  si  vous  aimez  mieux,  uue  transfor- 
mation picarde  de  son  nom,  absolument  analogue  aux  deux 
autres  que  nous  avons  déjà  données  :  «  aucicourt,  auchicourt.  » 
Pour  nous,  respectueux  de  la  tradition,  le  trouvère  Perrin 
est  champenois  et  s'appelle  (VAngecourt.  Au  surplus,  nous 
croyons  tenir  l'énigme  ;  après  M.  Tarbé,  nous  avons  découvert 
l'Amérique,  en  reconnaissant  dans  le  mariage  de  Marguerite 
de  Conslantinople  ',  la  Noire,  avec  Guillaume  de  Darapierre,  un 

uaut,  el  l'aniant  timide  et  réservé.  Grieriler  donne  à   Gadifer  son  avis  :  il 
choisit  le  premier. 

Péri  in  trop  vet  blastengant 

Dame  qui  sus  leur  a  mis  ' 

Ce  que  les  vueleot  envis. 

Moult  seront  leur  blasmes  crier 

Se  les  auroient  gieus  tiex. 

Gadifer  Irai  à  garant 
Que  je  n'ai  de  rien  mespris 
Ains  di  que  cil  est  chetis 
Qui  aime  s'il  n'est  hastiex 
De  ioir  et  volentiex. 

6»  Audefroi  pose  la  question  :  «  j'aime  et  je  suis  aimé  :  mais  c'est  tout  ce 
qu'il  en  est,  mes  amours  n'ont  pas  d'autres  suites.  Que  ferai-je  Bretel  ?  » 
—  Le  prince  répond  qu'il  faut  attendre.  —  Attendre  !  ce  n'est  pas  l'affaire 
d'Audefroi,  [1522-1490]. 

Sire  daniou  qui  ce  qu'il  vait  querant 
Trouve  apreste  sil  ne  le  prent  envanl. 
Mal  oseroit  un  grant  fais  entreprendre 
Com  recreans  est  bien  dignes  de  prendre. 

Perrin  li  fol  bastieu  sont  maint  durant 
Et  valent  mains  que  li  sage  soulfrant 
Onques  ne  fu  nul  bon  clerc  sans  aprendre 
Et  plus  envis  doit  on  rompre  que  tendre. 

7°  Bretel  demande  :  «  Ferri,  aimeriez-vous  avoir  belle  amielte  à  votre 
gré,  qui  fût  sage  et  suffisante  et  vous  aimât  constamment  —  tellement  que 
si  jamais  aviez  désir  d'en  aimer  une  autre,  vous  en  dussiez  mourir  ? 

Grieviler  nus  n'es  si  frans 

Ki  lues  ne  fust  désirans 

D'une  autre  amer  tant  se  fus  bien  logier 

Et  k'a  la  mort  ne  le  menast  péchier. 

Perrins  ciex  est  pau  poissans 
Ki  en  amour  n'est  pas  tenans 
Tout  aussi  ferme  ke  sil  y  fust  loiies 
Jamais  mes  cuers  n'en  seroit  desvoiies. 

t.  Jean  d'Ouitremeuse  l'appelle  Marguerite  la  Cloche  (la  boiteuse). 

44 


690  LES    CHANSONS    DE    PERRIN    d'aNGECOURT 

champenois,  la  source  et  l'origiue  de  toutes  les  relatious  de 
Perria,  qui  nous  sont  révélées  uniquement  par  ses  chansons. 
Qu'il  nous  soit  permis  d'espérer  que,  giâce  aux  détails  tout 
personnels  et  absolument  locaux  que  nous  allons  fournir,  il 
nous  sera  fait  une  part  d'inventeur  du  trésor  mis  au  jour  avec 
tant  de  clairvoyance  et  de  dextérité  par  l'historien  des  poêles 
et  chansonniers  de  Champagne  ! 

Angbcourt,  seul  de  ce  nom,  est  un  village  des  Ardennes 
champenoises,  <à  deux  lieues  de  Sedan,  jadis  de  la  châtellenie 
de  Raucourt.  Celle-ci  était,  au  commencement  du  xiii°  siècle, 
tenue  souverainement  par  Mabile,  fille  du  châtelain  dYpres, 
qui  devint  la  femme  du  comte  de  Relhel  Hugues  111,  el  mourut 
vers  1238.  On  voit  le  comte  Hugues  réglant,  en  1241 ,  les  droits 
de  la  seigneurie  de  Raucourt  :  il  a,  depuis  novembre  1239, 
épousé  Jeanne  de  Dampierre,  sœur  du  comte  de  Flandre,  Guil- 
laume de  Dampierre,  marié  dès  1218  à  Marguerite,  veuve  (?)  de 
Baudouin  d'Avesnes.  Hugues  n'eut  pas  d'enfants  de  ce  mariage; 
mais  il  laissa  pour  lui  succéder,  en  1243,  une  fille,  la  com- 
tesse Marie,  son  fils  Henri  étant  décédé  avant  lui.  Marie  tint 
le  comté  deux  ans  environ  ;  après  sa  mort,  il  fut  partagé  entre 
les  frères  de  son  père.  D'autre  part,  Guillaume  el  Marguerite 
avaient  eu  cinq  enfants,  dont  trois  fils  :  Guillaume,  Gui  et 
Jean  de  Dampierre.  Guillaume  laissa  Marguerite  veuve  dès 
1241  :  à  celte  époque,  celle-ci  n'était  point  encore  comtesse 
régnante,  et  ne  le  devint  qu'à  la  mort  de  sa  sœur  Jeanne,  sur- 
venue en  1244.  Des  difficultés  ne  tardèrent  pas  à  s'élever 
entre  Marguerite  et  les  enfants  du  premier  lit,  dont  elle-même 
contesta  la  légitimité.  Saint  Louis  intervint,  donna  le  Hainaut 
aux  d'Avesnes,  la  Flandre  étant  réservée  aux  enfants  de  Dam- 
pierre (1247)  '. 

Guillaume,  l'aîné,  se  croisa  et  mourut  à  son  retour  de  Pales- 
tine en  1251.  Peut-être  déjà  Gui.  qui  avait  été  fait  bailli  par  sa 
mère,  avait-il  pris  le  titre  de  comte  de  Flandre,  que  lui  donne 
Perria  dans  un  de  ses  envois  :  «  Le  style  de  cet  envoi  est 
familier,  remarque  M.  Tarbé  ;  avec  ce  jeune  prince  son  com- 
patriote, Penin  se  sent  à  l'aise  :  il  lui  parle  d'amour  et  paraît 
connaître  ses  pensées  intimes.  »  A  noire  tour,  ferons-nous 
remarquer,  cette  familiarité  accuse,  entre  les  enfants  de  Guil- 
laume et  Penin,  des  relations  amicales  nées  très  apparem- 
ment de  ce  fait  que  Perrin,  entraîné  ou  conduit  à  Relhel  par 

i.  Lire  les  détails  dans  la  Chronique  de  Hains  el  dans  Jean  d'Outre- 
meuse  (t.  V). 


LES    CHANSONS    DK    l'ERUIN    D  ANGKCOURT  691 

des  devoirs  de  vassalilé.  serviteur  et  familier  peul-ètre  du 
comte  Hugues  et  de  ses  enfants  Henri  et  Marie,  de  la 
comtesse  Jeanne,  eut  sa  part  des  rapports  fréquents  de  ses 
maîtres  avec  la  cour  de  Flandre,  ou  du  moins  la  maison 
de  Dampierre,  à  laquelle  ils  étaient  si  étroitement  apparentés  ; 
il  y  trouva  les  iils  de  Guillaume,  du  même  âge  que  lui,  et 
y  forma  des  liaisons  que  la  poésie  nouait  aisément.  Si  l'on 
veut  bien  considérer  que  les  querelles  entre  les  enfants 
d'Avesues  et  de  Dampierre  donnèrent  lieu  à  l'intervention  du 
duc  de  Brabant  et  du  comte  d'Anjou,  à  qui  Marguerite  fit  pré- 
sent même  du  Haiuaut,  on  aura  de  suite  la  clef  des  occasions 
qui  mirent  Perrin  en  présence  de  princes  qui  allaient  devenir 
ses  protecteurs.  La  venue  de  Charles  d'Anjou  à  la  cour  de 
Flandre  est,  très  heureusement  pour  nous,  attestée  par  la 
chanson  qu'il  connpo.-a  sur  l'insensibilité  de  la  «  belle  comtesse 
de  Rethest  ».  Est-ce  Marie  de  Rethel  ou  bien  Marie  de 
Thorote,  femme  de  Jean,  devenu  comte  de  Rethel  en  1245? 
H  importe  peu,  du  reste;  mais  retenons  pour  le  moment  que 
Gui,  par  suite  de  la  mort  de  son  frère  aîné,  arrivée  en  12ul, 
fut  associé  dès  lors  au  gouvernement  du  comté,  porta  le  titre 
de  comte  de  Flandre,  et  avait  à  cette  époque  26  ans.  Plu- 
sieurs alliances  restent  les  témoins  indéniables  de  ces  ren- 
contres, dans  lesquelles  Perriu  n'a  pas  manqué  de  jouer  un 
certain  rôle.  Et  d  abord,  c'est  le  mariage  de  Guillaume,  l'ainé 
des  fils  de  Guillaume  de  i/ampierre,  avec  Béatrix,  fille  de 
Henri  H,  duc  de  brahant.  Plus  tard,  son  frère  Gui  marie  son 
fils,  Robert  de  Béthune,  à  la  fille  de  Charles  d' Avjon,  morte 
dès  1271.  Le  fils  de  Robert,  Louis,  comte  de  Flandre  et  de 
Nevers  est,  eu  1277,  fiancé  à  la  fille  de  Hugues  IV,  héritière 
du  comté  de  Rethel,  Jeanne,  qu'il  n'épousa  effectivement  qu'en 
1290.  Quant  à  la  présence  de  Perrin  à  Paris,  elle  s'explique 
aisément,  et  par  les  relations  précédentes  qu'il  avait  dû  engager 
avec  Charles  d'Anjou  et  tous  les  membres  de  la  famille  de 
Dampierre,  souvent  attirés  vers  le  roi  saint  Louis,  dont  ils 
eurent  à  solliciter  l'appui,  aussi  bien  que  les  bons  offices 
de  sou  frère  ;  et  par  les  voyages  que  fit  Marguerite  elle-même 
qui,  dès  son  avènement,  se  hâta  d'aller  faire  hommage  de 
la  Flandre  au  roi.  Enfin,  Perrin  accompagna  fort  probablement 
Charles  d'Anjou  loisqu'en  1246,  il  alla  épouser  Béatrix  de 
Provence. 

Le  Carlulaire  du  comté  de  Rethel,  aujourd'hui  dans  les 
archives  des  derniers  ducs,  à  Monaco,  et  dont  il  a  été  dressé 
un  précieux  inventaire,  qui  nous  sert  ici,  par   M.   Léopold 


092  LES    OHANSONS    DE    PERRIN    u'aNGECOURT 

Delisle,  renferme  plusieurs  actes  des  seigneurs  d'Angecourl 
aux  xiii«  et  XIV*  siècles.  Le  plus  ancien  en  date  que  nous 
y  trouvions  concerne  1'  «  oinmage  que  doit  mes  sires  Nicole 
ù'Ayng^tcourt  »,  concédé  avec  d'autres,  par  Gaucher  à  Manas- 
sès,  sou  frère,  en  1256.  A  la  mort  de  la  comtesse  Marie,  ses 
trois  oncles  firent  un  partage  :  Raucourt  fut  assigné  à  Gau- 
cher, archidiacre  de  Liège,  pour  un  revenu  de  50l>  liv.  (fév. 
1244)  C'est  ce  revenu  qui  passa  au  comte  de  Rethel.  En  1294, 
«  Henns,  qui  fu  fis  Briet  de  Engicourt,  escuiers,  fait  hom- 
mage à  Louis,  fils  aiué  du  comte  de  Nevers,  comte  de  Rethel, 
pour  ce  qu'il  possédait  à  Angecourt,  et  qu'il  avait  eu  la  pré- 
tention de  tenir  eu  franc-alleu  ;  «  en  la  présence  dou  haillu  de 
Relhesl  et  des  hommes  féaulx  à  Mous,  le  Conte,  c'est  assavoir 
Wyet,  seigneur  de  la  Morte  Eauwe,  Baudouin  de  Engicourt, 
escuier,  et  Provostin  de  Terron,  hommes  féaus  à  Monsein- 
gneur.  «  Le  sceau  d'Henri  :f  S'.HENRL...DANC....uVRT 
est  encore  pendant  à  la  charte.  En  1299,  «  Balduins  d'Engi- 
court,  escuiers,  fils  mons.  Symon  Oison,  jadis  de  Marville,  » 
reprend  eu  fief  de  Louis,  comte  de  Rethel,  ce  qu'il  possédait  à 
Angecourt,  Raucourt  et  Haraucourl.  Eu  1322,  on  lit  encore 
des  «  aveus  de  Baudouins  de  Ayngecourt  eu  la  Chastelleuie  de 

Raucourt, une  maison  h.  Ayngecourt,  les  fossés, cent 

jours  de  terre  ahennable  en  ban  de  Haraucourt  et  de  Aynge- 
court   Ce  que  Oudines,  Renaudins,  Jehennete,   mi  freires 

tiennent   de    rai   en   la  dite   chastelenie.  »    On   a   également 

un  aveu  de  «  Jehannos  de  Ayngecourt en  la  chastelleuie 

de  Omout.  pour  cause  de  damoiselle  Marguerite  sa  femme.  » 
Jacques  de  Nueville  avoue  20  cens  et  demy  de  bois  ou  terroir 
à'Aingecourt,  item  eu  sa  maison  d'Aingecourt.  Nous  relèverions 
encore  les  noms  de  Regnauldius  Coignars,  Jeau  Autroussé, 
Champonnois,  iou.s  d'Aingecourt,  dans  leurs  aveux  à  Madame 
de  Relest,  mais  avec  le  regret  de  ne  pas  rencontrer  celui 
de  Perrin  :  toutefois,  l'absence  de  ce  prénom  dans  nos  actes  ne 
peut  causer  le  moindre  embarras,  et  ne  nous  empêchera  pas 
de  conclure  que  Perrin  fut  un  des  enfants  de  l'une  des 
familles  que  nous  avons  nommées,  par  conséquent  un  vassal 
du  comté  de  Rethel,  non  peut-être  un  grand  seigneur  ;  et  nous 
terminerons  notre  énuméralion  en  citant  le  nom  de  Richard 
d'Angetort,  qui  figure  dans  un  acte  du  Cartulaire  d'Orval, 
année  1241,  au  sujet  d'un  héritage  des  environs.  Ajoutons 
pourtant  qu'une  pièce  de  142(5  écrit  Angecort,  et  une  autre  de 
1620,  Anchecourt,  et  la  carte  de  Jubrien,  Aucàecourt. 
Voilà,  outre  une  liste  de  personnages  sur  laquelle  pourrait 


LES    CHANSONS    DE    PEURIN    d'aNGECOURT  091^ 

figurer  noire  chansonnier,  une  suite  inslruclive  des  formes 
qu'a  prises  le  vocable  actuel  d'Angecourt  :  elle  deviendra  com- 
plète si  nous  i-ignalons  que  le  Fouillé  du  diocèse  de  Reims 
pour  13U6  porte  y^ngincourl,  et  le  compte  de  décimes  de  i:i26, 
Angicoiirt.  Quant  à  l'appellàtiou  latine,  nous  n'eu  avons  pas 
trouvé  d'autres  i\\x  Angiciirtis. 

Il  existe,  dans  le  département  de  l'Oise,  un  lieu  du  nom 
à'Angicourt,  et,  dans  le  voisinage,  un  village  appelé  Cresson- 
sacq,  jadis  probablement  Cressousart.  Or,  une  chanson  de 
Perrin  est  envoyée  à  un  seigneur  de  Cresson-Essart.  On  pour- 
rait arguer  de  cela  que  Perrin,  dit  parfois  d'Angicouri,  ait  pris 
son  nom  de  celte  localité.  M.  Tarbé  n'a  pas  manqué  de 
soulever  cette  objeclion,  et  de  faire  valoir,  pour  l'appuyer,  les 
mérites  et  la  puissance  des  seigneurs  de  Cresson-Essart.  Ne 
peut-on  d'abord  opposer  que  Perriu  s'est  rarement  appelé 
d'Angicouri?  que,  de  plus,  celte  dénomination  apparlienl  tout 
à  fait,  comme  on  vient  de  le  voir,  à  notre  village  relhelois  ? 
qu'elle  est  même  la  forme  primitive  de  son  nom?  D'autre  part, 
à  Cresson-Essart,  nous  sommes  . n  PVance,  et  Perrin  n'aurait 
pu  devenir  un  Irouvèie  artésien  qu'en  vertu  des  mêmes  cir- 
constances qui  transformèrent  le  poète  champenois,  lesquelles 
ne  se  sont  pas  encore  trouvées.  Il  est,  au  contraire,  dans 
l'ordre  des  choses  que,  dans  les  nombreux  voyages  (]u'il  fit  de 
Paris  eu  Flandre  ou  inversement,  Perrin  ail  séjourné  ou  résidé 
chez  les  sires  de  Cresson-Essart  :  le  haut  rang  que  tenaient  ces 
seigneurs,  leur  faste,  comportaient  leur  couuaissauce  des  trou- 
vères. La  roule  qui  conduit  de  P'iandre  à  Paris  passe  par  Arras 
et  Clermont  :  les  trouvères  l'ont  parcourue  de  compagnie  avec 
les  grands  seigneurs,  aux  menus-plaisirs  desquels  ils  fournis- 
saient, dont  ils  étaient  souvent  les  protégés  et  parfois  les  amis. 
Les  sires  de  Cresson-Essart  et  le  puissant  seigneur  «  qui  lient 
Hacecourt  et  Vimy  »,  comme  parle  Baude  Fastoul  eu  sou 
congié,  ont  reçu  les  hommages  auxquels  leur  donnait  droit 
l'hospitalilé  qu'ils  avaient  su  offrir  aux  trouvères  en  même 
temps  qu'à  leurs  maîtres.  Angicourt  et  Achicourt  ont  donc  vu 
passer  Penin  ;  ce  n'est  pas  chez  eux  qu'il  a  vu  le  jour.  Il  est 
né  aux  environs  de  1220,  au  village  d'Angecourt  ;  il  avait,  dès 
avant  1240,  fréquenté  Rethel  ;  et  c'est  de  1250  à  1260  qu'où 
peut  placer  l'époque  où  son  lalenl  de  poète  eut  tout  son  épa- 
nouissement. Quant  à  la  date  de  sa  mort,  elle  est  absolument 
inconnue  :  pour  le  lieu,  ceux  qui  affirment  qu'il  mourut  à  lu 
cour  de  Charles  d'Anjou,  àNaples,  fout  encore  une  hypothèse 
non  justifiée,  quoique  très  acceptable. 


G94  LES    CHANSONS    DE    PBIÎRIN    d'aNGECOURT 

Le  texte  que  nous  donnons  dans  ce  recueil  est  emprunté  à 
l'un  des  manuscrits  que  nous  avons  indiqués  ;  nous  avons 
reproduit  un  certain  nombre  de  variantes  tirées  des  manuscrits 
dont  on  n'a  pas  pris  le  texle.  Elles  n'ont  pas  toutes  la  même 
imporlance,  et  nous  avons  souvent  négligé  celles  qui  ne  pré- 
sentaient que  des  différences  d'orthographe  :  tout  l'intérêt 
qu'elles  offrent,  dans  ce  cas,  consiste  uniquement  à  accuser 
le  dialecte  dans  lequel  a  écrit  le  scribe  qui  a  fait  la  copie, 
et  aussi  ses  habitudes  personnelles  d'orthographe.  D'aulrrs 
variantes,  que  nous  avons  transcrites  avec  soin,  ont  permis 
de  rétablir  un  sens  altéré  ou  peu  compréhensible;  d'inter- 
préter tel  vocable  ou  de  rétablir  une  mesure  imparfaite. 
Enfin,  nous  avons  écrit  pour  chaque  pièce  une  sorte  de  glos- 
saire destiné  à  expliquer  des  termes  ou  des  expressions  tombés 
en  désuétude  ou  détournés  de  leur  sens  actuel.  Il  nous  a  paru 
que  ce  système  de  notes  était  le  seul  qu'on  pût  judicieusement 
employer.  Nous  avons  renoncé  à  une  pure  traduction,  sur 
l'exemple  que  nous  a  donné  La  Borde  dans  son  «  Essai  sur  la 
musique  »,  où  il  a  reproduit  et  interpiété  la  Pastourelle  «  Au 
teus  nouvel.  »  Le  style  du  chanteur  perd  complètement  sa 
saveur  et  sa  couleur;  la  musi(|ue  disparait  du  vers.  Et  en  réa- 
lité, le  fonds  de  chaque  pièce,  qui  n'est  ni  historique,  ni  dra- 
matique, à  peine  philosophique,  n'appelle  pas  une  interprétation 
de  sens  :  il  est  plus  intéressant  et  plus  artistique  sous  la  forme 
où  ont  été  exprimées  les  idées. 

JN.    GOFFAUT. 


Jamais  ne  cuiilni  avoir 

Talent  ilechanii-r 
Mè)  amours  qui  a  j)()Voir 

L'e  moi  conforter 
Dit,  que  lie  désespérer, 
Ne  m'i  doit  chaloir. 
Pour  ce  s'ai  rejtris  vouloir 
De  chanter  joliement 
En  espoir  d'ulégement. 

J'ai  servi  en  l)on  espoir 
Lonc  lens  sans  fausser 

Celé  qui  me  l'et  doloir 
Sans  merci  trouver. 


LES    CHANSONS    DE   PERRIN    d'anGECOURT  095 

N'onc  pour  ce  n'en  voil  oster 

Mon  cueur  ne  mouvoir 
Ains  m'entreinet  main  e.t  soir 
De  chanter  ioliement 
En  espoir  d'alégement. 

Chascuns  me   devroit   blasmer, 

Quant  oncques  pensai 
A  cele  que  nos'  nonmer, 

Pour  qui  je  mourrai. 
Car  Jà  ne  ii  oserai 

Dire  mon  penser. 
Mes  pour  mon  mal  oublier 
Chanterai  ioliement 
Kn  espoir  d'alégement. 

Dame,  je  suis  sans  guiler 

Vostres  et  serai. 
Bon  vi  le  ior  aiorner 

Que  vos  esgardai 
Car  gen  vail  melz  et  vaudrai 

Bien  m'en  os'  vanter. 
J'apris  en  vos  esgarder 
A  chanter  joliement 
En  espoir  d'alégement. 

A  ma  dame  qui  iaor 

Va  chancon  tout  droit, 
Pour  qui  a  Paris  seior. 

Se  tant  m'adaignoit^ 
Geter  les  -ij-  eux  voiroil, 

Maugré  traïtor. 
Mes  pour  croistre  leur  douleur, 
Chanterai  joliement 
En  espoir  d'alégement. 

Variantes.  —  Le  texte  est  tiré  du  n"  843.  —  Vers  3  :  Muis  cele  qui  a 
pooir  (847).  —  8.  Joliveraeut  (847)  —  14.  Ne  voil  fauser  (84-7)  ;  Nou  vos  oster 
(LV);  Ne  pour  ce  n'en  veul  (1591)  —  16.  Ains  me  semonl  (LV).  —  28.  Ce 
couplet  manque  dans  LV.  —  34.  laprins  en  vous  rej^ariif-r.  —  40.  Mi  daignoit 
(847);  justaignoit  (Dinaux).  —  41.  Geter  les  -ij-  eus  tout  droit  (846)  : 
Geler  les  -ij-  eus  tel  ne  vi  (847)  ;  Gent  cors,  les  iex  vers  tout  droit  (LV).  — 
la  tex  -ij-  ia  voiroit  (1591).  —  42.  Qui  sont  traitor  (847).  traitour  (1591). — 
43.  Ma  dolour.  —  Le  manuscrit  1591  écrit  ou  pour  o  ,  847  met  plutôt  o  pour 
ou,  por  au  lieu  de  pour,  dolor  au  li:u  de  dolour  ou  doleur,  etc. 

Glossaire.  —  Guider,  croire,  penser  (cogitare).  —  Talent,  désir,  envie 
(talentum,  balance,  penchant),  —  C/ia/oi'r,  impoiter,  préoccuper. —  S  ai,  pour 
si  ai,  j'ai  ou  ai-je.  —  Douloir,  doloir,  souflrir,  affliger.  —  N'otic,  non  jamais 
(nunquam).   —    Vuil,   veul,  je  veux  (volo).    —  Liatremet,  je   me    propose  ; 


696  LES    CHANSONS    DU    PIERRE    d'aNGECOURT 

semotU,  (le  semondre,  avertir,  solliciter,  proposer.  — Ains,  mais  (anle).  — 
Main,  matin  (manè).  —  Oncques,  jamais  (unquam).  —  Guilcr,  Guilltr, 
tromper,  ruser,  feindre.  —  Bon  vi  te  ior  aiorner,  j'ai  va  avec  bonheur  se 
lever  le  jour  où  je  vous  regardai.  —  Aiorner,  se  lever,  paraître,  poindre. — 
Esgarder,  regarder.  —  Vail.  je  vaux.  —  Melz,  micx,  mieux  (melius).  — 
laor,  j'adore.  —  Seior,  je  séjourne,  je  demeure,  je  reste.  —  Adaingnier, 
adaigner,  estimer,  juger  digne.  —  Jj  eus,  deux  yeux.  —  Voirait,  vorroil, 
elle  voudrait.  —  Maugré,  malgré.  —  Traitor,  traitour,  traître,  trahistre 
(traditor). 


II 


Il  feroit  trop  bon  morir 

Pour  oissir  hors  de  dangior. 

Bien  doi  ma  vie  haïr, 

Quant  celé  point  ne  m'a  chier, 

Que  je  tant  aim  et  désir 

Si  me  convendra  attendre 

Sa  volenté  et  souffrir 

Tant  qu'il  li  viengne  a  plesir. 

Tos  sui  siens  sans  repentir, 
Ce  ne  quier  ie  ia  noier. 
Dex  qui  la  fist  à  loisir 
Li  doint  voloir  d'alégier 
Les  maus  que  me  fait  sentir 
Et  qu'ele  vueille  en  gré  prendre 
Mon  chant  et  moi  retenir 
Por  li  loiaument  servir. 

Nus  ne  se  doit  asenlir 

A  bone  amour  esioingnior. 

Ains  la  doit  on  maintenir 

Honorer  et  essaucier. 

Et  tous  les  félons  fouir, 

Car  ils  font  trop  à  reprendre. 

Qui  les  amans  font  traïr 

Et  toute  ioie  amenrir. 

Vers  aus  se  fait  bon  couvrir 
On  n'i  puet  neies  gaingnier. 
Amor  se  fait  bon  porsuir 
L'en  n'en  puet  rien  empirier. 
Ne  se  doit  enorgueillir 
Nus  qui  veut  amors  emprendre  ; 
Ains  doit  en  gré  recoillir 
Les  max  pour  plustost  mérir. 


LES    CHANSONS    DE    PERRIN    d'aNGSCOURT  6D7 

Quant  sa  grant  biauté  r^îmir, 
Tôt  m'i  fet  resleccier. 
Si  très  durement  souspir, 
Qu'il  m'esluet  color  changier, 
Et  quand  me  convient  partir. 
Moût  en  est  ma  ioie  mendre. 
Si  ne  sai  que  devenir. 
Ne  cuit  iaines  revenir. 

Envot. 

Chancon,  va  t'en  sans  mesprendre 
A  ma  dame.  Fé  t'oïr  : 
Di  ii  trop  me  fet  languir 

[Le  ms.  de  Berne  donne  à  partir  du  3"  couplet  :] 

Encore  poroie  guérir, 
Se  me  voloit  otroier 
S'amor,  qui  ie  tant  désir. 
Mi  se  seux  en  son  dangier, 
A  tous  iors,  sans  repentir. 
Engaigier  me  puet  et  vendre  : 
A  H  me  veui  oiîéir, 
Et  por  ii  vivre  et  morir. 

Nuis^  à  mais  ne  doit  lenir, 
Si  ie  l'aim  de  cuer  entier. 
Lou  ior  quant  ie  la  remir. 
Nuls  ne  me  puet  correcier. 
I)eus  !  qui  porroit  à  loisir 
Regairdeir  sa  faice  tendre, 
Mais  ne  Ii  poroit  venir. 
Deus  la  fisl  por  embelir  ! 

Chancon,  por  moi  relenir, 
Li  dirais  sans  délaier 
Et  bien  li  porais  iehir 
Ke  ie  de  riens  ue  sorqier 
For  ma  vie  guerantir. 
Faice  en  li  pilieit  descendre, 
Deus!  veuilles  li  conseniir 
*"a  ces  biens  me  laist  partir  ! 

Varuntks.  —  Texte  du  84»».—  Vers  6. — Qu'il  me  (Berne).  —  9.  suens- 
(847).  —  10.  Ce  ne  porroie  noier  (847),  Ne  la  porroie  laixier  (li).  —  13.  Les 
max  que  ie  sent  por  li  (B).  — 15.  Moi  et  mon  chant  relenir  (B).  —  17.  Qu'on 
doie  amers  esloignier  (845)  ;  C'on  doie(159l).  —  19.  Ains  les  (LV).  —  Hon- 
nerer  et  essauchier  (159l).  —  21.  Haïr  (1591  et  LV).  —  22.  Ce  vers  est  du 
1591  el  LV.  846  dit  :   Qui  mainte  amor   l'ont  remaindre.  —  23.    Qui    maint 


698  LES    CHANSONS    DK    PKRRIN    DANGECOURT 

amant  (1591).  —  2o.  Vers  aus  se  fait  bon  courir.  —  26.  Riens  (8i6,  etneies 
1591.  —  28.    On  n'em  paul  nul  empirier  (1591  "l,  point  au  lieu  de  riens  (LV). 

—  29.  Ne  se  doit  pas  otgueillir  (8^5).  —  30.  Ce  vers  est  du  1391  ;  846  dit  : 
Qui  vuet  a  amors  ateindre  ;  fUo  :  Nus  qui  veut  amers  servir.  —  24.  Ralees- 
cier(845).  —  35.  Doucement  (LV).  —  38.  Maindre  par  846,  et  mendre  par 
845.  —  40.  Aven'r  (LV).  —  41.  2.  3.  Ces  vers  passés  au  846  sont  du 
845. 

Glossaire.  —  Oisair,  [ssir,  sortir  (exire).  —  Dangier,  dongier,  puis- 
sance, domination.  —  Chier,  cher,  ne  me  chérit  point  (carus).  —  Si  me  con- 
vendra,  il  me  faudra.  —  Tos,  tous,  au  cas  sujet,  tout.  —  Quier,  cherche. — 
Noier,  nier.  Je  suis  tout  à  elle,  je  ne  cherche  point  à  le  nier.  —  Dex,  Dieu 
au  cas  sujet.  —  Doinl,  donne.  —  Nus asentir,  nul consentir 

—  Ains,  mais  (ante).  —  Essaucier,  élever,  exhausser,  porter  aux  nues.  — 
Félons,  traître,  de  mauvaise  foi.  —  Fouir,  fuir.  —  Âmenrir,  amoindrir,  dimi- 
nuer. —  Aus,  eux.  —  Neies,  rien.  —  Porsuir,  poursuivre.  —  L'en,  l'on. — 
Enpirier,  commander,  ordonner  (imperare).  —  Fmprendre,  entreprendre, 
prendre.  —  RecoilUr  en  gré,  prendre  en  grri,  opposé  à  coiUir  en  hé,  prendre 
en  haine.  —  Mérir,  mériter,  obteidr  récompense.  —  Max,  maux. —  heniir,  ]& 
regarde,  contemple,  admire.  —  Releccier,  réjouir  (liesse,  leece,  lœlitia,  la 
joie)  —  //  m'esluet,  il  me  faut.  Du  ve-be  esloouir,  opus  est.  —  Convient, 
laul.  —  Muul,  moult,  muU,  beaucoup  (multum).  —  ilendre,  maindre, 
moindre.  —  Fe  Cuir,  Fetoir,  fais-toi  ouïr,  écouter.  —  Cuil.  cuide,  je  pense, 
je  crois  (cogitare).  —  Seux,  suis.  —  Obéir,  soumettre  (obedire).  —  Lou  ior, 
le  jour,  —  Correcier,  corroder,  courroucer,  irriter,  —  Embelir,  plaire.  — 
Delaier,  tarder.  —  lehir,  gehir,  avouer,  confesser.  —  Sorqter,  ne  me 
demande  plus  (sur,  quérir).  --  Me  laisl  partir,  me  laisse  prendre  part  de 
ses  bontés,  quaUlés. 


IH 


Quiinl  li  L'inceius  sVscriw, 
Que  février  vi't  ilnfinaiit, 
Et  l'aloele  iolio 
Va  contremont  lair  moniani, 
Lors  est  resons  (jue  le  chant, 
Quant  celé  qui  i'aim  m'en  prie. 
Va  puis  q'ai  si  douce  aïe, 
Je  chaulerai  de  cuer  gai  : 
Auioreusement  me  lient  li  inax  que  iai. 

J'ai  servi  lou  le  ma  vie  : 
Oncques  n'oi  un  i)iau  senhianc. 
Fors  un  seul  cop  d"escremie 
Quil  me  fisl,  en  reiraiani, 
De  ses  vers  eu.\.  Maintenant 
L'ont  amors  de  moi  sesie  ; 
Lors  cuidai  avoir  amie. 
Mais  cest  noient,  iai  failli  : 
Li  œil  ma  dame  et  li  mien  munt  truï. 


LES    CHANSONS    DE    PERRIN    DANGECOURT  699 

Je  comperrai  ma  folie  : 
Si  morrai  en  attendant 
Merci,  que  trop  mi  détrie. 
Las  !  tous  iors  me  met  devant, 
Amers  son  dous  vis  jilesant. 
Ce  quele  est  si  bien  taillie, 
Puiscjuamors  sest  aalie 
De  moi  grever,  gen  morriii  : 
Jamerai  ce  qui  mocist,  car  bien  le  sai. 

Dame  en  qui  s'est  herbegie 
Biaulé  jilus  qu'en  autre  cen*, 
Je  met  en  vostre  baiilie 
Guer  et  corps  tout  ligement. 
Et  puis  quatuors  mi  consiint 
A  fere  lele  eslou'ie, 
Drois  est  (|ue  ie  le  vous  du». 
En  chantant  le  vous  dirai  : 
Biau  très  dous  cuer  sans  faimlre  vous  S(;rvirai. 

Mult  est  fox  qui,  pour  liascliie^ 
De  bien  amer  se  repenl. 
Car  amors  noublie  mie 
Cens  qui  aiment  loiaument. 
A  cent  double  leur  eu  renl 
Joie,  quant  l'ont  déservie. 
Je  sui  cil  qui  pas  n'oublie 
I>a  bêle  ou  iai  mou  cuer  mis. 
Dex  !  verre  ie  ià  le  iorquc  soie  auiis. 

Variantes.  —  Texte  du  845,  —  Vers  1.  Chiacepuer  (24.406)  ;  Cincenis 
(3591)  ;  rosignors  (20.9oO  et  Be).  —  2.  Ke  mairs  se  vat  delinant  (20.050)., 
—  3.  Criaut  (24.406).  —  4.  Lors  est  bien  drois  ke  ie  (20.050).  —  7.  De 
cui  ia  ci  douce  aide  (20.ii5U).  —  8.  S'an  chantera  de  cuer  vrai.  —  10.  Jaim 
et  sers  toute  ma  vie  (24-.4U6).  —  1:2.  Qnuu  tout  seul  cop  (Va).  —  13.  Ke 
me  Cst  au  regardant  (iO.tiSU)  —  14-.  De  ses  biaz  eus  en  riant  (20.050).  — 
n.  Mais  certes  gi  ai  fadli  (20.050/  ;  mes  bien  voi  gi  ai  failli  (24.406)  ;  uien' 
gi  ai  failli  (Va;.  —  19.  Je  compara  (20.030).  —  20.  Se  raorra  (id.).  —  21. 
El  ceu  ke  (20.05(1)  ;  car  celé  qui  iai  amie  (24.406).  —  2'2.  Chacun  ior  mi 
vient  davaut  (20.0oO)  ;  Me  mouslre  mauvais  samblanl  (24. 4U6).  —  23.  Ameir 
son  cors  lavenaut  (20.050)  ;  Damer  son  corps  avenant  (24.406).  —  24.  Sa 
belle  goi-ge  polie  (20.050) .  —  26.  lam  morra  (20.050).  —27.  Amoreusement 
me  lient  b  mal  que  iai  (846j.  —  28.  En  ki  est  herbergies  (  Va).  —  29.  Biatees 
plus  can  être  cent  (20.050j.  —  31.  Moi  et  mon  cuer  ligement  (Va).  —  33. 
Envaïe  (Va).  —  34.  Bien  est  diois  ke  itl  vos  die  (20.050)  ;  Bien  est  drois  qu9 
iou  11  die  (Va).  —  35.  En  chantant  ne  alrement  (20.050);  en  cantanl  non 
autrement  (Va).  —  36.  De  vos  vieul  li   mais  ke  ie  sant  (20.050);  De   vous 

vient  li  maus  qui  iou  sent  (Va).  —  37,  Ce  couple',  manque  dans  20.050,  et 

précède  celui  d'avant  dans  Va. 


7 ou  LES    CHANSONS    DE    PERRIN    d'aNGECOURT 

Vocabulaire.  —  Cinceius,  peut-èlre  licinceius  est-il  pour  lusciniolus,  le 
rossignol.  Dans  la  messe  des  Oiseaux  de  Jean  de  Coudé,  il  y  a  un  chinche- 
vent.  —  Vet  definant,  touche  à  sa  fin  (Vait,  de  vadil).  —  Conlremonl,  en 
amout,  en  haut.  —  Aïe,  aide  (adjuva).  —  Li  max,  le  mal,  cas  sujet.  — 
Onques,  jamais.  —  A'oj,  n'eus.  —  Fors,  excepté,  hormis.  —  Escremie, 
escrime,  coup  d'escrime  :  botte,  coup  ei  dessous.  —  llett'aianl.  en  retirant, 
de  mauvaise  grâce.  —  Regardant,  visage.  —  Vers  eus,  yeux  vairs,  bleu- 
azur. —  Maintenant,  sans  désemparer.  —  Cuider,  croire,  penser.  —  Noient, 
nient,  néant,  rien.  -  Compnrrai,  futur  de  comperer  (payer). —  Dp<ner,  dif- 
férer, reculer,  refuser.  —  Vis,  visage.  —  Aalir,  provoquer,  quereller,  se 
hâter,  se  disposer  à.  —  Ocit,  tue.  —  Herbegie,  herbergie,  logé.  —  Baillie, 
pouvoir,  puissance,  garde,  tutelle  (bajulare).  —  Ligement,  loyalement,  com- 
plètement. —  Esloulie,  folie,  témérité  (stullitia).  —  Envoie,  attaque,  assaut. 
—  Fox,  fou  au  cas  sujet.  —  Haschie,  souHrance,  tourment,  supplice.  —  Cent 
double,  centuple.  —  Deservie,  méritée.  —  Dex,  Dieu  au  cas  sujet.  —  là, 
jamais. 


IV 

Heneur  et  boue  aventure 
Ait  cela  qui  mon  cuer  a  ! 
En  li  ai  mise  ma  cure 
Et  bien  i  pert  et  parra  ! 
Car  mes  chans  si  en  sera 

Plains  d'envoiseùre. 

Ne  ia  por  froidure 

Pcrrins  ne  lera 

Son  iolif  usage. 

D'amors  est  tel  la  droiture 
Et  fu  et  tosiors  sera  ! 
Cuer  qui  en  li  maint  et  dure, 
S'il  est  bons  melz  en  vaudra 
Li  mauves  en  deviendra 

Vaillans  par  nature. 

Bien  est  sans  mesure 

Qui  ne  maintiendra 

Cest  iolif  usage. 

J'ai  amé  toute  ma  vie, 
I»e  fin  cuer,  sans  fausseté, 
Celé  qui  ne  m'aime  mie  ; 
Mes  g"i  ai  tant  -conquesté, 
Que  ie  me  sent  amendé 

De  grant  cortoisie. 

Por  ce,  sans  boisdie, 

Ai  ie  tant  ^ardé 

Cest  iolif  usage. 


LES    CHANSONS    DE    lERltlN    d'aNGECOURT  701 

Mesdisans  !  Dex  vous  maudie  ! 
Mainte  fois  m'avez  grevé. 
Par  vostre  iosengerie, 
M'a  celé  coilli  en  hé 
En  qui  i'ai,  tôt  mon  aé, 

M'entente  emploie. 

Maugre  vostre  envie 

Ai  tos  iors  gardé 

Cest  iolif  usage. 

Dame  !  pour  vos  est  fornie 
Ma  chancon.  Pernez  l'en  gré  : 
S'ert  bien  ma  poine  mérie. 
Et  cil  en  seront  crevé 
Qui  envers  vos  m'ont  mellé 

Par  leur  flaterie. 

Mes  ie  les  desfie 

Par  cuer  con  fermé 

En  iolif  usage. 

Variantes.  —  Texte  du  845.  —  4.  Encore  i  pert  (24.406).  —  19.  Tout 
mon  vivant  (847).  —  23.  Qui  ie  me  sui  (847).  —  30.  Lédeugerie  (24.406). 
—  3,5-36.  Ai  losiors  esté  En  iolif  usage  (847).  —  40.  Grevé  (24.406).  — 
44.  En  forme  (24.406). 

Glossaire.  —  Meneur,  honneur.  —  'Bone  aventure,  sort  favorable, 
bonne  réussite,  —  Pert  et  parra  paraît  et  paraîtra.  —  Lerra,  lera,  laissera, 
abandonnera.  —  Maint,  réside,  demeure  (manere).  —  Melz,  meilleur.  —  De 
fin  cuer,  de  cœur  vrai.  —  Corloisie,  civilité,  générosité.  —  Boisdie,  fraude, 
imposture,  trahison,  tromperie.  —  Losengerie,  médisance,  llatterie,  adula- 
tion (laus).  —  Lédangerie,  mauvais  traitement,  injure.  —  Coilli  en  hé,  pris 
en  haine,  en  grippe.  —  Ae,  âge,  vie  (aetas).  —  Entente,  intelligence,  capa- 
cité. —  Pernez  l'en  gré,  prenez-la  en  gré,  ayez-la  pour  agréable.  —  S'ert 
bien  ma  peine  mérie,  ainsi  sera  bien  ma  peine  récompensée.  —  Mellé,  mis 
en  querelle,  brouillé.  —  Confermé,  ferme,  affermi. 


Bone  amour,  conseilles-moi  ; 
Par  reson  le  vos  reqier. 
Vostre  hom  sui  en  bone  foi 
Loiaument  a  iusticier, 
Tout  a  héritage. 
J'ai  un  mal  qui  m'a  sorpris  par  mon  l'olage, 
Qui  me  point  et  me  deslraint,  sans  cspargnier, 

Et  me  fait  la  nuit  penser, 
Et  plorer  et  souspirer  et  veiliier. 


'702  LES    CHANSONS    DE   VERRIN    d'aNGECOURT 

Pcrriv,  foi  que  ie  te  doi, 
la  celer  ne  le  te  qier. 
Si  siii  sorpris  quant  la  voi. 
Que  ne  me  sat  conseiiiier. 
Di  donc  n'est-ce  rage? 
Issi  niuir,  issi  Innguis  d'itel  malage  ! 
Ne  ne  m'en  sai  liestorner,  ne  esloingnier. 

Ains  me  fait  la  nuit  peoser 
Et  plorer  et  souspirer  et  veillier. 

Je  sai  bien  que  ie  folui  ! 

Mes  ie  ne  le  puis  lessier. 

Car  bien  voi  que  ie  n'ai  loi 

D'aler  ne  de  reperier, 
En  son  dous  munag"^. 
Mes  ie  la  sai  lant  vaillant  et  si  très  sage, 
Quele  mi  rendra  un  mull  riche  loier. 

Qu'il  m'estupt  por  li  penser 
Et  plorer  et  souspirer  el  veillier. 

Douce  dame  ie  m'otroie 

A  vous,  sans  ia  irere  ariier. 

Deboncîrenient  vos  proi 

Que  vos  daignies  essaier, 
Se  i"ai  vrai  corage. 
Loiaumenl  en  bone  foi  tout  mon  aage 
Vos  servirai.  Car  onques  ne  soi  boisier. 

Et  bien  vueil  ])or  vos  penser 
Et  plorer  et  souspirer  el  veillier. 

Las  !  lant  m'ont  mis  en  esmui 

Cil  mesdisant  losengier, 

Qu'apertement  n'en  requoi, 

Ni  os'  aler  n'onvoier. 
Si  ai  tel  damage 
Qu'il  n'est  nus,  tant  ait  d'avoir  ne  dheritage, 
Qui  le  me  peûst  ne  soudre  ne  paier. 

Et  bien  vueil  por  11  penser 
Kt  plorer  et  souspirer  et  veillier. 

Perrin,  mon  outrage 
Comperrai.  Mes  or  me  fet  tel  avantage 
Que  te  veuilles  en  mon  chant  esbanoier. 

Hélas  !  et  g'iral  penser 
Et  plorer  et  souspirer  et  veillier. 

Variantes.  —  Texte  du  845.  —  Vers  3.  Vostres  sui  (24.406).  —  Taat  ai 
héritage  (id.).  —  11.  Ne  le  te  qier  (847).  —  15.  Ainsi   muir,   ainsi  languis 


LES    CHANSONS    DK    PERKIN    d'aNGECOUKT  703 

(24.406).  —  16.  (En  double)  esveillier  (24.406).  —  25.  (Jiiele  m'en  rendra 
moût  chier  loier  (i4.4()6).  —  26.  Qu'il  m'esteiil  pour  li  plaindre  (id  ).  —29. 
A  vous  sans  retrere  avoec  (id.).  —  32.  ;<.3.  3i.  Se  ie  vos  aim  loiaumenl, 
sans  Iricier  servirai  vous.  Onqiies  ne  seul  boisier  (2'«.406).  —  'M.  Etrroi 
(8i7).  —  41.  Ne  voi  que  dama^'e  (24.4<6  .  —  43.  Poist  (847).  —  Quel  me 
pens  ne  soudre  ne  souhaidier  (•.;4.406).  —  46  et  suivants  passés  dans 
24.406. 

Glosp.\irk.  —  Quier,  demande.  — /l  ji/s/Zf/er.  jusqu'à  mourir.  — A  Héri- 
tage, tout  à  votre  service,  à  jamais,  comme  par  héritage.  —  Folage,  l'oiie, 
extravagance.  —  Point,  pique,  aiguillonne.  —  Deslraint,  presse,  oppresse, 
sbat,  blesse.  —  Celer,  cacher.  —  Miiir.  je  meurs.  —  Itel,  tel,  pareil,  sem- 
blable —  Malage.  mal,  soutlrance.  —  Foloi,  je  dis  des  folies,  des  extrava- 
gances. —  Lessier,  laisser,  quitter,  abandonner.  —  Je  n'ai  loi,  loisir,  per- 
mission (licel).  —  r{eperier,  rester,  demeurer,  habiter,  revenir  (repalriare). 
—  Manage,  maison,  manoir,  ménage,  société.  —  Loier,  prix,  récompense, 
salaire  (locarium).  —  //  m'eiluet.  il  me  faut,  verbe  estovoir.  —  Otroier,  don- 
ner, concéder  (auclorare).  —  Trere  arière;  sans  rien  retenir.  —  Prui,  je 
prie.  —  Aage,  âge,  vie,  durée  de  la  vie.  —  t'a»'  otiques  ne  su  boisier,  car 
jamais  je  ne  sus  tromper.  —  Veuil  je  veux.  —  Cil  losengier,  ces  flatteurs, 
cas  sujet  pluriel.  —  Aperlement,  ouvertement,  complètement  (apertum).  — 
Heqoi,  repose  (quietus).  —  S(  j'ai,  aussi  ai- je.  —  y  us,  nul  au  cas  sujet 
siug.  —  Peiist,  poist,  puisse.  —  Soudre,  payer  (solvere).  —  Outrage,  excès 
(ullra).  —  Comperrai,  je  paierai.  —  Or,  à  présent,  à  celte  heure  [hora).^ 
Esbanoier,  réjouir,  amuser,  divertir. 


VI 

Chanson  veuil  fere  de  moi 

Et  de  ma  manière 
Car  tout  aperlement  voi 

Q'ai  esté  trop  fière 
Envers  mon  loial  ami, 
Qui  j'ai  de  moi  départi 
Sans  nule  acheson  trouver. 
Je  ne  m'en  puis  conforter  : 
Por  baler  ne  por  ioer 
Ce  me  font  ii  mal  d'amer  ! 

D'amer  !  he  lasse  !  porqoi 

Sdi  si  noveliere  ? 
Quant  onques  amer  ne  poi 

Celui  qui  ir.'ot  chiere. 
Or  aime  il  autre  que  mi, 
S'ai  a  tele  amour  failli 
Par  mon  orgueil  orendroit 

Je  sui  famé  adroit. 

Car  ie  n'amai  onques 

Celui  qui  m'amoit. 


704  LES    CHANSONS    DE    PERRIN    d'aNGECOURT 

Il  m'amoil  en  bone  foi 

Lasse  !  porqoi  n'iere 
Loiax  de  c;uer  enver  soi? 

Co  m'a  mis  arrière 
De  s'amour  :  gel  sai  de  fi 
Car  tous  iors  11  al  menti. 

S'a  droit  s'il  s'en  clalme  ! 
J'ai  plus  menti  que  voir  dit 

A  celui  qui  m'aime. 

.l'aime  et  aimerai  tous  dis. 

Celui  qui  m'agrée, 
la  por  nul  de  mes  amis. 

N'iere  mariée. 
Se  le  n'ai  prochainement 
Celui  qui  i'alm  loiaument 
Ançois  s'amor  atendrai. 
là  ne  mi  marierai. 
Mes  par  amour  ameral. 

Je  l'aime,  si  corn  le  doi 

Selon  no  couslume  : 
Nos  amons  du  plil  du  doi. 
Qu'onc  famé  nesune 
N'ama  onques  de  i-uer  vrai. 
Ne  or  ne  forsliguerai. 
Car  bien  voi  que  le  ne  puis. 

Ne  venez  plus  ça 

Talent  de  bien  faire 

L'en  vos  clorrolt  l'uls. 

Variantes.  —  Texte  du  843,  Ce  texte,  qui  se  retrouve  sensiblement  le 
même  dans  tous  les  manuscrits,  est  fort  irrégulier.  Les  couplets  n'ont  pas 
tous  le  même  nombre  de  vers  ;  et  leur  coupe  n'est  pas  la  même.  Malgré 
cette  irrégularité  et  l'absence  de  rime  à  deux  couplets,  la  chanson  paraît 
pourtant  complète,  comme  semble  le  démontrer  la  répétition  du  dernier  mot 
d'une  strophe  au  commencement  de  la  suivante.  —  Vers  7.  Sans  nule  merci 
(847).  —  15.  De  mi  (847),  de  moi  (Vat.).  —  16.  A  son  amour  (Be).  —  29. 
Qui  iaime  (847).  —  36.  Sa  mort  (847),  la  mort  (Be).  —  40.  Couvine  (Vat.). 
46.  Or  ni  venez  plus  (Vat.), 

Glossaire.  —  Veuil,  je  veux.  —  Aperlement,  ouvertement,  franche- 
ment. —  Départi,  éloigné,  séparé.  —  Acheson.  Achoison,  occasion,  cause, 
motif.  —  Baler,  danser.  —  Li  mal,  les  maux,  cas  sujet  pluriel.  —  Lasse, 
malheureuse.  —  Nouveliere,  changeante,  aimant  le  nouveau.  —  Oncques, 
jamais. —  Ne  poi,  je  ne  puis.  —  ni'ol  chiere,  me  chérit,  m'aime.  —  Or, 
ore,  maintenant,  à  cette  heure  (hora).  —  Orendroit,  tout  de  suite,  à  Tins- 
tant,  en  vérité.  —  N'iere,  ne  fus-je.  —  Arrière  de  s'amour,  m'a  t'ait  perdre, 
retirer  son  amour.  —  Défi,  de  foi,  sans  nul  doute,  certainement.  —  Voir  dit, 
dit  vrai.  —  Tous  dis,  toujours  (dies).  —  Ançois,  auparavant  (anle).  —  Aimer 


LES    CHANSONS    DE    l'ERRIN    d'aNGECOURT  705 

du  plit  du  doit,  expresson,  nous  aimons  du  bout  des  doigts,  à  peine  v  tou- 
chons-nous. —  Foysligueiai,  ie  ne  manquerai  pas  à  la  coutume  (foris).  — 
Talent,  envie,  désir,  penchant.  —  Clore,  fermer.  —  L'uis,  /'/iiti.<,  la  porte. 
—  IS'ësunG,  aucune. 


VII 

Oncques  ne  sui  sans  amor 

En  luui.e  ma  vie. 
Ne  ia  ne  serai  nul  ior. 

Car  cil  ne  vit  mio 
Qui  son  lens  n'i  a  torné. 
Fine  amour  m'a  assené 

Par  son  plesir 
Là  (l'ont  ja  ne  quier  partir 

Pour  mal  souffrir. 

Celé  que  i'aim  et  aor 

A  tel  seignorip, 
Que  tost  m'aura  ma  dolor 

En  ioie  chan^'ie, 
Quant  ele  en  aura  pité. 
Car  a  nule  riens  ne  bé 

Qu'à  li  servir 
Et  si  ne  m'en  quier  partir 

Pour  mal  souffrir. 

Souvent  souspir  et  ie  plor 

Souvent  pens  et  crie 
De  m'outrageuse  folor, 

Dont  que  ne  m'ocie. 
Qu'en  si  haut  lieu  ai  pensé 
Que  i'ai  mon  cuer  oublié, 

Quant  la  remir. 
El  si  ie  n'en  qier  partir 

Pour  mal  souffrir 

Mors  sui  ;  n'i  voi  autre  tor, 

S'ele  ne  m'aie. 
Mes  pour  ce,  me  resvigor, 

Qu'ele  est  si  garnie 
De  très-fine  loiauté 
Qu'ele  n'aura  ia  volenté 

De  moi  traïr 
Car  je  n'en  qier  partir 

Pour  mal  souffrir, 

45 


70G  LES    CHANSONS    DE    PKRTîIN    d'aNGECOUKT 

E!  gentil  cu«rs  pleins  d'enor 

Unis   (ie  vilanie! 
Je  sui   vostres  sans  rrtor 

Liges  sans  partie, 
•J'ai  tous  iors  por  vos  chanté. 
Et  !e  bé  tout  mon  aé 

A  maintenir. 

Si  nt^  m'en  qier  ia  partir 

Pour  mal  souffrir. 

Variantes.  —  Texte  du  845. —  Ver,«:  1'2-I3.  Que  bien  in'aroil  ma  dolor 
jusqu'à  poi  changie  (1591-24.406).  —  19.  Souvent  plor  (24.406).  —  20.  De 
moi  très  si  fçrief  doiour.  —  32.  De  très  grant  iolieté  (iri91).  —  33.  Que  tôt 
m'aura  respassé  (IS'l).  —  34  Par  son  plesir  (1591).  —  A  gentil  cuer 
plains  d'aneur  (24.406).  —  3S.  Plus  vous  aim  que  ie  ne  die  (id.).  —  42.  Et 
ie  le  vœil  tout  mon  ae. 

Glossaire.  —  Oncques,  jamais.  —  Cil,  celui-là.  —  7"  ('rnt',  dirigé,  appli- 
qué, employé.  —  Assené,  asMgné,  placé.  —  Qier,  cherche,  veux.  —  Pour, 
à  cause  de.  —  laim  et  aor,  j'aime  et  j'adore.  —  Seigneurie,  puissance, 
pouvoir,  autorité,  magnificence.  —  Pité,  pitié.  —  Riens,  chose  (rem).  — 
Bc,  de  Béer,  aspirer,  espérer,  demander.  —  Li,  elle,  régime.  —  Folor, 
folie,  extravagance,  perte  du  sens.  —  Qulragcuse,  excessive,  démesurée 
(ultra).  —  Ocie,  tue,  fait  mourir.  —  hcmir,  rpgarde,  contemple,  admire. 
—  M'aie,  m'aide  (adjuvo).  —  Resvigor,  reprends  vigueur,  ranime,  regail- 
lardis. —  Fine,  vraie.  —  Eneur,  atieur,  honneur.  —  Unis,  sans  mélange, 
libre,  débarrassé.  —    Liges,  tout  entier  (sujet).  —  Aé,  âge,  vie  (aetalem). 

(A   sv.irre.)  N.  Goffart. 


NÉCROLOGIE 


On  annonce  la  mort  : 

De  M.  Octave  Doyen,  docteur  en  médecine,  ancien  maire  de 
Reims,  chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  conseiller  municipal, 
décédé  en  cette  ville  le  10  juillet,  à  l'âge  de  64  ans. 

M.  Octave  Doyen  était  le  père  du  docteur  Eugène  Doyen,  l'ha- 
bile chirurgien  qui  a  fondé  à  Reims  une  clinique  modèle. 

—  De  M.  Gillet,  ancien  conservateur  du  Musée  et  de  la  Biblio- 
thèque de  Cliâlons,  décédé  subitement. 

—  De  M.  l'abbé  Padoy,  curé  de  Condé-sur-Suippe  (Marne), 
décédé  le  3  août  1895,  à  l'âge  de  64  ans. 

—  De  M.  Charles  Âubry,  oncle  de  MM.  Karl  et  Gabriel  Hano- 
taux,  décédé  à  Reims,  le  3  aoiit  1895,  à  l'âge  de  67  ans. 

—  De  M.  BouUier,  ancien  maire  de  Troyes,  ancien  bâtonnier  de 
l'ordre  des  avocats,  décédé  dans  sa  propriété  de  Chaource  (.\ube). 

—  De  M.  Xavier  Lamairesse,  agent  général  d'assurances  à 
Châlons,  décédé  à  Matougues,  le  1"''  septembre  1895. 

M.  Xavier  Lamairesse,  issu  d'une  vieille  famille  châlonnaise, 
était  le  cousin  de  M.  E.  Lamairesse,  l'explorateur  et  l'écrivain  qui 
a  enrichi  le  Musée  de  Châlons  de  collections  archéologiques  et 
ethnographiques  rapportées  de  l'Inde. 

—  De  M.  E.  Bisson,  conseiller  honoraire  à  la  Cour  de  Paris, 
chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  décédé  le  9  septembre,  dans  sa 
propriété  de  Ciry-Salsogne  'Aisne). 

—  De  M.  Arsène  Quénardel-de  Warcy,  maire  de  Ver^enay 
(Marne),  président  du  Conseil  d'arrondissement,  décédé  à  Paris, 
le  10  septembre  1895,  à  l'âge  de  56  ans. 

—  De  M.  René  Bigorgne,  maire  de  Marigny-en-Orxois  (Aisne), 
décédé  au  cbâteau  de  Marigny,  à  l'âge  de  42  ans.  Neveu,  par  sa 
mère,  du  docteur  Gustave  Lagneau,  de  l'Académie  de  Médecine,  il 
avait  épousé  M'"^  Flahaut,  fille  du  peintre  bien  connu. 

—  De  M.  Debieuvre,  ancien  professeur,  conseiller  d'arrondisse- 
ment, trésorier  de  la  Société  de  Secours  mutuels  de  Fumay 
(Ardennes),  et  maire  de  la  ville,  décédé  le  13  septembre  1895. 

—  Du  docteur  Mie,  chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  officier  de 
l'instruction  publique,  décédé  le  23  septembre,  à  l'âge  de  73  ans. 
Il  avait  été,  pendant  dix-sept  années,  maire  de  la  ville  de  Cou- 
lommiers,  où  il  laisse  d'unanimes  regrets. 

—  De  M.  Arvizet,  ancien  maire  d'Arrigny  (Marne),  décédé  le  26 
septembre,  dans  sa  80«  année. 


708  NÉCROLOGIE 

M.  Arvizet  appartenait  à  une  ancienne  et  très  honorable  famille 
originaire  de  Bourgogne,  dont  plusieurs  membres  ont  siégé  au 
Parlement  de  Dijon,  et  qui  fut  maintenue  au  Catalogue  des  gen- 
tilshommes de  la  Chambre  par  deux  arrêts  rendus  dans  les  der- 
nières années  du  xvii*  siècle. 


BIBLIOGRAPHIE 


Elude  historique  sur  Pontfaverger  et  les  communes  envirorinantes,  par 
Charles  Nicol,  instituteur.  —  Ouvrage  couronné  par  la  Société  acadé- 
mique de  la  Marne.  —  Keims,  imprimerie  de  VIndépendant  rémois,  1895. 
Gr.  in-S"  de  xi-373  pages,  avec  nombreuses  planches  en  phololypie,  Prir  : 
12  fr. 

Il  y  a  un  peu  plus  d'un  demi-siècle,  le  cardinal  Gousset  prescri- 
vait aux  curés  de  son  diocèse  de  dresser  la  statistique  archéolo- 
gique de  leurs  églises^  avec  un  aperçu  historique  des  communes 
qu'ils  desservaient.  Ceux-ci  généralenient  se  tirent  aider  dans 
leurs  recherches  par  leurs  instituteurs,  et  il  en  résulta  un  certain 
nombre  de  monographies,  en  général  fort  rudimentaires,  dont 
les  plus  sérieuses  doivent  être  conservées  dans  les  archives  de 
l'Archevêché. 

Un  autre  résultat  de  cette  prescription  du  savant  et  vénéré  pré- 
lat, ce  fut  de  répandre  le  goût  de  ces  recherches  historiques,  goi'it 
favorisé  et  récompensé  par  l'Académie  de  Reims,  qui,  dans  pres- 
que toutes  ses  séances  annuelles,  accorde  des  médailles  à  des  tra- 
vaux de  ce  genre,  dont  les  auteurs  sont  généralement  des  curés 
ou  des  inslituteurs  de  campagne. 

Le  plus  important  de  ces  travaux,  comme  aussi  le  plus  remar- 
quable à  plus  d'un  titre,  est  sans  contredit  la  belle  Monographie 
de  Pontfaverger,  que  nous  avons  sous  les  yeux,  et  dont  l'auteur 
est  M.  Charles  .Nicol,  instituteur  de  cette  commune,  et  depuis  un 
an  pronm  au  chef-iieu  du  département. 

Ce  travail,  édité  avec  un  grand  luxe  typographique,  et  illustré 
de  16  photographies  et  de  26  plans,  a  été  entrepris  en  1892  par 
M,  Nicol,  sur  l'initiative  de  M.  Auguste  Nouvion,  maire  de  Pontfa- 
verger. Il  a  été  honoré  d'une  médaille  d'or  par  la  Société  acadé- 
mique de  la  Marne,  comme  premier  prix  de  concours  d'histoire 
et  d'archéologie,  conformément  aux  conclusions  d'un  rapport  de 
M.  Pélicier,  archiviste  départemental. 

Bn  voici  le  dernier  paragraphe  : 

a  En  résumé,  exposé  net  et  précis,  style  correct,  recherches 
«  étendues,  documentation  abondante  et  empruntée  aux  sources 
«  les  plus  sûres,  tels  sont  les  mérites  qui  recommandent  cette 
«  monographie,  assurément  l'une  des  meilleures,  sinon  la  meil- 
«  leure  de  celles  que  la  Société  a  couronnées  jusqu'ici.  » 

L'ouvrage  est  dédié  par  l'auteur  à  .M.  Auguste  Nouvion,  qui, 
non  seulement  comme  maire,  lui  a  donné  le  concours  moral  le 
plus  étendu,  mais  qui,  de  plus,  a  généreusement  fait  presque  tous 
les  frais  de  cette  belle  édition. 


7  ]  0  BIBLIOGRAPHIE 

L'auteur  a  divisé  son  travail  en  trois  parties  : 

Ponlfaverger  avant  la  Révolution  ; 

Ponlfaverger,  de  1789  à  1848; 

Ponlfaverger,  de  1848  k  1894. 

La  première  partie  comprend  quinze  chapitres^  où  sont  passées 
en  revue  les  époques  celtique,  romaine,  gallo-romaine,  féodale  et 
royale.  L'auteur,  qui  a  fouillé  les  archives  de  Reims  et  de  Châ- 
lons,  ainsi  que  celles  du  Chapitre  de  l'Eglise  de  Reims,  seigneur 
de  Pontfaverger,  qui  a  déchitfré  les  vieux  cartulaires,  les  minutes 
des  notaires  du  pays,  a  pu  recueillir  ainsi  une  abondante  provi- 
sion de  pièces  originales,  qui  lui  ont  servi  à  fortement  documenter 
chacun  de  ses  chapitres.  Il  s'y  attache  surtout  à  retracer  et  à  carac- 
tériser à  grands  traits  les  diverses  administrations  auxquelles 
était  subordonnée  la  commune  :  l'administration  seigneuriale, 
judiciaire,  religieuse,  civile,  financière.  Il  expose  ce  qu'était  alors 
l'agriculture,  comment  a  pri^  naissance  et  s'est  développée  l'in- 
dustrie des  matières  textiles,  les  écoles,  la  population,  les  anciens 
poids  et  mesures,  les  fêtes,  usages  et  croyances  populaires. 

La  seconde  partie  nous  montre  Pontfaverger  pendant  la  période 
révolutionnaire  : 

Cahier  des  doléances; 

Administration  civile  ; 

Réformes  financières  ; 

Religion  —  clergé  ; 

Service  militaire. 

Ensuite,  pendant  le  Consulat  et  l'Empire. 

Les  invasions  de  18l4-181o. 

Elle  se  termine  par  un  exposé  succinct  de  l'administration  des 
deux  derniers  maires  de  cette  période  :  MM.  P.-J.  Biseau  (l8lo- 
1824)  et  J.-P.  Robert  (1824-1848). 

Enfin  dans  la  troisième  partie,  qui  va  de  1848  à  1894,  M.  >«icol, 
pour  éviter  tout  froissement  de  personnalités,  se  borne  à  un 
résumé  chronologique  des  administrations  qui  se  sont  succédé 
dans  la  commune.  Nous  y  trouvons  néanmoins  des  détails  intéres- 
sants sur  la  création  du  chemin  de  fer  de  la  Suippe,  et  l'occupa- 
tion prussienne  de  1870-1871. 

L'ouvrage  se  termine  par  quelques  notices  biographiques,  et  par 
des  pièces  justificatives  assez  curieuses. 

Ce  beau  livre,  dicté  par  un  noble  sentiment  de  patriotisme,  est 
merveilleusement  propre  à  inspirer  aux  habitants  de  Pontfaverger 
Tamour  du  soi  natal.  Ce  sera,  comme  le  dit  très  bien  M.  JNouvion 
dans  Tépilogue,  une  relique  de  famille  que  l'on  se  transmettra  de 
génération  en  génération,  comme  un  précieux  souvenir  des  choses 
aimées  et  des  êtres  chers.  A.  0. 


BiBLiLGRAPHIK  7tl 

JaCqubs  Bouché,    Versailles.  —  Versailles,  E.  Aubert,   1895.  Iu-8', 
avec  tig.  et  plan. 

Avons-nous  besoin  de  présenler  à  nos  lecteurs  M.  Jacques  Bou- 
ché ?  Qui  ne  connaît  cette  physionomie  originale,  un  des  hauts 
barons  du  Champagne,  doublé  d'un  (in  lettré,  aux  goûts  aristocra- 
tiques, aux  tendances  radicales,  sceptique  surtout  et  libre  penseur, 
regrettant  l'ancien  régime  toi.L  en  affirmant  des  opinions  républi- 
caines, entin  le  paradoxe  l'ait  homme  :  au  demeurant,  joyeux 
compagnon,  beau  viveur,  traitant  par  le  Champagne  sa  goutte  — 
visiteuse  importune  et  fréquente  —  et  s'en  trouvant  bien? 

Qui  croirait  qu'avec  ces  heureuses  dispositions  pour  devenir  un 
fervent  de  l'abbaye  de  Thélème,  ii  se  transforme  parfois  en  érudit 
bénédictin,  fouillant  les  bibliothèques,  interrogeant  les  monu- 
ments et  leur  demandant  les  secrets  du  passé  ? 

Tout  homme  a  dans  sa  vie  une  passion  prédominante.  Celle  de 
M.  Jacques  Bouché  est  la  recherche  et  l'étude  des  dessous  de  l'his- 
toire au  xvii"^  et  au  xviii"  siècles.  Il  en  a  collectionné  avec  soin 
tous  les  mémoires  ou  histoires  anecdoliques,  toutes  les  chroniques 
plus  ou  moins  scandaleuses;  il  s'en  est  formé  à  grands  frais  une 
bibliothèque  toute  spéciale  aussi  curieuse  que  complète.  11  s'est 
imprégné  de  cette  littérature,  il  s'en  est  assimilé  le  style  en  y 
associant  la  verdeur  de  son  esprit  champenois  ;  et,  doué  d'une 
excellente  mémoire,  il  possède  à  fond  tous  les  faits  et  gestes,  tous 
les  personnages  de  cette  intéressante  époque  de  notre  histoire  lit- 
téraire. 

Déjà,  il  y  a  une  douzaine  d'années,  il  a  publié  sous  ce  titre  : 
GaUel  et  le  Caveau,  un  livre  «  consacré  aux  buveurs  du  xviir  siècle 
et  aux  chansons  de  nos  pères  >,  étude  littéraire  somptueusement 
éditée,  avec  une  préface  de  Tony  Révillon,  et  très  favorablement 
accueillie  dans  le  monde  des  lettres. 

A  force  de  parcourir  les  historiettes  et  aventures  piquantes  dont 
les  personnages  sont  d'ordinaire  les  grands  seigneurs,  les  nobles 
dames  de  cette  époque,  et  dont  le  théâtre  est  généralement  la 
cour,  c'est-à-dire  Versailles,  insensiblement  ce  palais  et  ces  jar- 
dins féeriques  s'imposaient  sans  cesse  à  son  t!sprit,et  c'est  de  cette 
sorte  d'obsession  que  lui  est  venu  le  projet  d'écrire  à  sa  façon 
l'histoire  de  cette  merveille  du  grand  siècle,  que  Michelel  a  qua- 
lifiée :  «  le  symbole  de  cette  grandeur  de  la  France  unifiée  pour  la 
première  fois  au  dix- septième  siècle  x. 

Louis  XIII,  un  chasseur  passionné,  all'ectionnait  surtout  de 
grands  bois  sauvages  et  giboyeux  à  quelques  lieues  de  Saint-(]er- 
main  ;  s'étant  fort  mal  trouvé  d'y  coucher  dans  la  [uiscrable 
auberge  d'un  hameau  en  ruines,  nommé  Versailles,  —  à  cause  de 
la  fréquente  verse  des  blés  sur  ce  mauvais  terrain  (?)  —  fit  cons- 
truire à  la  place  un  pavillon  de  chasse  assez  mesqum  d'aspect  et 
de  proportions. 


712  BIBLIOGRAPHIE 

C'est  là,  raconte  M.  J.  Bouché,  que  Louis  XIV,  cruellement 
blessé  par  la  fastueuse  réception  de  Vaux,  et  voulant  faire  plus 
grand  que  Fouquet,  résolut  de  construire  un  palais  qui  fût  sa 
création  personnelle,  et  dont  les  splendeurs  remporteraient  sur 
tous  les  palais  du  monde. 

Aussitôt  il  se  met  k  l'œuvre.  Tous  les  grands  artistes  connus 
sont  mis  en  réquisition.  On  réunit  jusqu'à  36,000  ouvriers,  qu'il 
dirige  et  surveille  lui-même.  Une  courte  citation  à  ce  propos  don- 
nera en  même  temps  une  idée  du  style  nerveux,  chaud  et  coloré 
de  l'auteur  : 

e  Et  pendant  que  les  architectes  façonnent  la  pierre  à  leur  fan- 
taisie, les  artisans  de  Lyon  tissent  les  soies  les  plus  fines,  les  sculp- 
teurs fouillent  les  plus  purs  marbres  des  Pyrénées,  de  la  Grèce  et 
de  l'Italie,  les  serruriers  et  les  ébénistes  cisèlent  les  portes  et  les 
ferrures,  et  Le  Brun  raconte,  sur  l'immensité  des  plafonds,  la 
gloire  du  Roi-Soleil,  tour  à  tour  Mars,  Hercule  ou  Apollon. 

c  Puis,  tout  autour  du  château,  une  ville  sort  des  fondrières  et 
des  marais;  dix  mille  maisons  s'élèvent,  séparées  par  des  avenues, 
dont  la  hardiesse  et  la  grandeur  frappent  les  plus  audacieux,  et 
qui  viennent  toutes  mourir  aux  pieds  du  colosse  de  marbre;  sur 
les  étangs  on  bâtit  des  boulevards;  l'eau  inonte  à  mille  pieds  de 
haut  et  court  trois  lieues  à  travers  terre  avant  de  tomber  en  jets 
fantastiques  dans  les  bassins  du  parc,  pour  le  plaisir  du  Roi. 

(I  C'est  sur  cette  scène  merveilleuse  que  va  se  jouer  la  grande 
comédie  de  la  royauté  pendant  plus  d'un  siècle...   » 

Une  fois  la  scène  construite,  voici  venir  les  personnages  des 
comédies  et  drames  qui  s'y  joueront  successivement. 

C'est  d'abord  le  (jrand  Dauphin,  fils  de  roiypère  de  roi,  jamais 
roi  ; 

Puis  son  fils,  \e  duc  de  Bourgogne,  l'élève  de  Fénelon,  qui,  sous 
un  tel  maître,  se  corrigea  de  tous  ses  défauts^  sauf  l'amour  du  vin 
—  ce  qui  ne  saurait  offenser  personne,  ajoute  judicieusement 
le  chroniqueur  champenois  ; 

Ensuite  la  duchesse  de  Bourgogne. 

Chacun  de  ces  personnages  a  son  portrait  finement  tracé,  sou- 
vent avec  quelque  croustillante  anecdote,  comme  pièce  justificative 
ou  documentaire. 

Le  drame  tourne  au  tragique,  et  nous  assistons  aux  morts  mys- 
térieuses de  la  duchesse  d'Orléans,  du  duc  de  Berry,  d'une  grande 
partie  de  la  famille  royale. 

Bientôt  Versailles  ne  suffit  plus  à  Louis  XIV.  11  lui  faut  un  retrait 
où  il  puisse  jouer  avec  ses  familiers  et  les  tricher  à  son  aise.  Cet 
ermitage,  c'est  Marly,  dont  l'auteur  décrit  la  création  et  les  magni- 
licences.  Les  courtisans  à  l'envi  ambitionnent  l'honneur  d'être 
admis  à  y  accompagner  le  souverain.  C'est  là  que  le  vieux 
monarque,    hesoigneux   d'argent,    fit   taire   son    orgueil   pour   y 


BIBLIOGRAPHIE  713 

accueillir  le  juif  Samuel  Bernard,  qui  ne  lui  ouvrit  sa  caisse  qu'à 
celle  condition. 

Pendant  la  minorité  de  Louis  XV  et  la  régence  de  FMiilippe 
d'Orléans,  la  résidence  de  Versailles  fut  souvent  négligée,  le  jeune 
roi  étant  retenu  à  Vincennes  par  son  tuteur.  Mais  après  sa  majo- 
rité, Versailles  reprit  ses  droits  et  privilèges. 

Dans  une  pittoresque  description  du  sacre  —  description  par  à 
peu  près  —  M.  J.  Bouché  raconte  que  les  ambassadeurs  d'Autriche 
étant  descendus  quelques  jours  auparavant  à  l'auberge  de  ÏJne 
rayé,  l'hôtelier  leur  faisait  visiter  les  curiosités  de  la  ville,  et  le 
soir,  leur  faisait  passer  en  revue  les  vignobles  fameux  des  r.oleaux 
de  Reims  —  ce  à  quoi  ils  prenaient  grand  goût. 

«  La  veille  du  sacre,  il  parla  de  deu.T  crus  nouveaux,  Ay  ei 
Mareuil,  de  l'autre  côté  de  la  montagne,  sur  les  bords  de  la 
Marne,  et  vanta  leurs  vins.  Les  jeunes  gens  se  laissèrent  aller  com- 
plètement à  celle  nouvelle  étude;  mais  quand  ils  se  réveillèrent  le 
lendemain,  le  sacre  était  lini.Ils  retournèrent  à  Vienne  sans  avoir 
rien  vu.  » 

Comme  on  le  voit,  ce  n'est  pas  une  histoire  méthodiquement 
racontée  dans  l'ordre  chronologique.  Quelques  propos  échangés 
dans  les  galeries,  quelques  cancans  d'antichambre  suffisent  à  Tau- 
leur  pour  instantané iser  un  caractère,  une  physionomie.  C'est  ainsi 
qu'il  nous  fait  assister  aux  fiançailles  du  jeune  roi  avec  l'infante 
d'Espagne,  au  renvoi  de  cette  fiancée  à  sa  famille,  aux  justes 
noces  de  Louis  XV  avec  la  fille  du  roi  détrôné  de  F'ologne,  Maria 
Leckzinska. 

Dans  un  chapitre  intitulé  :  La  Ville  sous  Louis  XV.,  il  nous 
décrit  ce  qu'était  Versailles  au  commencement  du  nouveau  règne, 
et  il  nous  indique  les  agrandissements  et  embellissements  succes- 
sifs que  reçut  cette  ville  pendant  toute  la  durée  de  ce  règne. 

Le  chapitre  suivant  :  Promenade  du  Roi,  lui  fournit  l'occasion 
de  donner  une  minutieuse  description  du  jardin,  avec  ses  colon- 
nades, ses  terrasses,  ses  entassements  de  verdure,  ses  statues,  ses 
méandres  ses  jets  d'eau,  son  grand  canal,  descriplion  dont  la  lec- 
ture est  merveilleusement  facilitée  par  la  reproduction  du  plan 
général  de  \'i20,  fort  habilement  dressé  par  M.  Paul  Favier. 

Celui  qui  a  pour  titre  :  Les  Enfanls  du  Roi,  nous  initie  aux 
détails  d'intérieur  de  la  vie  domestique  du  souverain,  un  père  do 
famille  soucieux  de  soustraire  ses  filles  aux  exemples  contagieux 
que  donne  la  cour. 

Régis  ad  exeniplar... 

Le  chapitre  des  viaitresses  ne  pouvait  manquer  de  donner 
matière  à  des  détails  assez  scabreux,  fournis  surtout  par  des  cita- 
tions de  mémoires  contemporains,  où  l'on  ne  s'in(iuiélail  guère  de 
gazer  les  mots  ni  les  choses. 

L'ouvrage  finit  —  qui  s'en  serait  jamais  douté  —  par  une  quasi 


714  BIBLIOORAPHIB 

réhabilitation  de  Louis  XV,  et  par  la  démolition  radicale  de  la 
légende  du  Parc-aiix-Cerfs,  légende  qui  ne  date  guère  que  de 
1830,  et  dont  M.  Jacques  Bouché  démontre  la  fausseté  par  d'irré- 
futables arguments  et  les  pièces  à  Tappui. 

Voici,  au  reste,  le  dernier  paragraphe  du  livre  : 

«  Ses  mœurs  n'étaient  pas  plus  déréglées  que  celles  des  sei- 
gneurs ou  des  bourgeois  de  son  temps  :  s'il  eût  été  autrement 
marié,  il  est  probable  qu'il  tût  resté  un  mari  aussi  tranquille  qu'il 
a  été  un  irréprochable  père  de  famille. 

((  Il  prit  des  mains  de  Louis  XIV  la  France  appauvrie  et  épuisée  ; 
c'est  un  miracle  que,  pendant  près  de  soixante  ans  que  dura  son 
règne,  il  ait  pu  côtoyer  d'aussi  près  la  banqueroute  sans  sombrer; 
mais  ce  ne  sont  point  ses  dépenses  qui  ont  creusé  l'abîme.  Il  a 
rendu  les  tinaiices  comme  il  les  avait  reçues,  dans  le  même  état 
déplorable,  et  il  ne  faut  pas  lui  attribuer  le  déficit.  11  n'y  a  eu 
d'autre  artisan  du  désastre  (jue  Louis  XIV,  qui  avait  gaspillé  le  tré- 
sor de  ses  pères  et  engagé  criminellement  l'avenir  ;  et  quinze 
années  de  parcimonieuse  administration  et  d'ell'orts  inouïs  n'em- 
pêchèrent pas,  en  i789,  les  Etats-Généraux  de  trouver  les  colTres 
absolument  vides  et  le  pays  ruiné,  sans  pain  et  satis  ressources.  » 

Pour  mener  à  bonne  fin  cette  tâche  importante  de  la  reconsti- 
tution ou  mieux  de  la  création  de  Versailles,  M.  Jacques  Bouché 
n'a  point  hésité  à  quitter  ses  celliers  champenois  et  à  aller  se 
claustrer  pendant  quelques  années  dans  cette  nécropole  qui  s'inti- 
tule encore  le  Palais  des  Gloires  de  la  France,  et  dont  une  puis- 
sante amitié  lui  avait  ouvert  toutes  les  portes,  à  évoquer  tous  les 
souvenirs  du  dernier  siècle,  à  interroger  des  traditions  encore 
vivaces,  à  contrôler  et  à  vérifier  sur  place  les  récits  et  anecdotes 
des  chroniqueurs,  à  s'assimiler  enfin  tous  les  éléments  et  maté- 
riaux de  l'œuvre  qu'il  vient  de  publier  avec  un  grand  luxe  de 
typographie  et  de  jolies  gravures  de  Prodhomme.  Si  le  négociant 
envoie  aux  extrémités  du  monde  son  vin  pétillant  de  Mareuil-sur- 
Ay,  le  littérateur  est  loin  de  rechercher  une  aussi  grande  publicité 
pour  son  livre,  un  bijou  de  bibliophile,  tiré  seulement  à  un  nom- 
très  restreint  d'exemplaires,  exclusivement  réservés  au  petit 
nombre  des  confrères  et  amis.  A.  0. 


Dans  la  nouvelle  édition  de  l'Histoire  de  la  Jacquerie,  par 
Siméon  Luce^,  le  quatrième  chapitre  est  consacré  à  rappeler  les 
épisodes  du  soulèvement  des  Jacques  dans  le  Perthois  et  dans  la 
prévôté  de  Vitry,  soulèvement  qui  n'entraina  pas  de  cruelles 
représailles,  grâce  à  la  prudence  du  seigneur  de  Saint  Uizier.  Les 
insuigés  étaient  concentrés  à  Saint-Vrain  ;  le  seigneur  de  Saint- 
Dizier,  après  une  conférence  avec  les  chefs  des  Jacques,  qui  avaient 

1.   Paris,   IL  Champiou,  1895. 


BIBLIOGRAPHIE  715 

à  leur  tèle  Jean  Flageollel,  de  Favresse,  parvint  à  les  calmer.  A  la 
siiile  du  texte,  on  trouve  une  liste  des  localités  qui  figurèrent  dans 
ces  scènes  de  pillages.  Parmi  celles  qui  intéressent  l'histoire  de  la 
Brie  et  de  la  Champagne,  on  remarque  les  noms  de  :  Acy,  .Arcy- 
Sainte-Restitue,  Avenay,  Bailly-aux-Ormes,  Bayarne,  Bazoches, 
Belleau,  Bettancourt,  Bignicourl  sur-Saulx,  Blacy,  Bailly-leChà- 
tel,  Bordeaux,  Boucliy-le-Hepos,  Chaciise,  Chalette,  Chalons- 
sur-Vesle,  Cliareiiligny,  Cliarny,  Château-Thierry,  Chavanges,  Lhe- 
uay,  Couches,  Contlans,  Courtry,  Couvrot,  Cruguy,  Dhuizy,  Dor- 
mans,  Doué,  Drouilly,  Ecury,  Epernay,  Etrépy,  Favresse,  Fère- 
en-Tardenois,  Gandelu,  (irandes-Côtes,  lleiltz-le-Hutier,  Heiltz-ie- 
Maurupt,  La  Celle-en-Brie,  La  Chapelle-sur-Calle,  La  Ferté-sous- 
Jouarre,  Lagny,  Lissy,  Liore,  Lucy,  Maison,  Marcilly,  Meaux, 
Merly,  Monligny-Lencoupe,  Montry,  Neuilly-Saint-Front,  Pom- 
ponne, Pouillon,  Prasiin,  Provins,  Sant-Amand,Saint-Dizier,  Saint- 
Aude,  Sainte  Livière,  Saint-Luniier,  Saiut-Thiébaul,  Saint-Thierry, 
Saint-Vrain,  Sompuis,  Songy,  Thiéblemont,  Thil,  Torcy,  Viliers- 
Franqueux,  Vitry-la- Ville,  Vroil.  —  Ajoutons  (jue,  parmi  les  pièces 
justificatives,  on  trouve  plusieurs  lettres  de  rémission  qui  con- 
cernent des  Champenois  du  pays  de  Vitry. 


Dans  les  Notices  eu  extraits  de  manuscrits  de  la  Bibliothè'iue 
nalionalr  et  autres  bibliothèques  (Tome  30,  l'o  partie),  M.  Paul 
Meyer  fait  connaître  deux  matmscrits,  du  xiv  siècle,  contenant 
une  Vie  rimée  de  saint  Rémi.  Ces  textes,  qui  faisaient  partie  de  la 
bibliothèque  des  rois  Charles  V  et  Charles  VI,  passèrent  dans  celle 
des  ducs  de  Bourgogne,  et  font  partie  aujourd'hui  de  la  Biblio- 
thèque royale  de  Belgique. 

Ces  deux  manuscrits,  copiés  sur  un  original  qui  n'a  pas  encore 
été  signalé,  avec  chacun  des  vaiiantes,  sont  l'œuvre  d'un  poète 
nommé  Hichier,  qui  les  rédigea  à  la  demande  des  moines  de 
Saint-Remi.  Us  contiennent  8  250  vers,  et  l'auteur  a  pris  comme 
bafe  la  Vie  compoïée  par  Hincmar.  Cependant  Richier  parait 
avoir,  a  la  (in  du  poème,  intercalé  le  récit  d'un  miracle  passé  sous 
silence  par  Flodoard,  qui  a  trait  à  la  punition  de  pillards  qui 
avaient  volé  du  vin  dans  l'église  de  Boulhgnereux,  probablement 
pendant  les  démêlés  que  la  maison  de  Vermandois  eut  avec  l'ar- 
chevêque de  Reims  à  la  lin  du  x*-"  siècle. 


Sommaire  de  la  Revue  historiqur.  T.   LL\.    Septembre-octobre 
1893 


lomle  uL  Hamel  de  Bhecjil,  Un  ministre  phdosophe  :  Carvalho,  mar 
quis  de  Pombul  (\"  arl.),  p.  I  a  35.  —  Bouui;t  (M.).  Thomas  d&  l 
Marche,  bâtard  de  Franrc,  p.  3()  à  70.  —  LouTcunsKY  J.),De  la  pelii 
propriété  en  France  avant  la  Kéooluliou,  p.  71  a  107. 


716  BIBLIOGRAl'HIE 

* 

Sommaire   de    la    Revue    historique    ardennaise   (septembre- 
octobre  189o)  : 

I.  Jean  II  d' Apmnoiit,  prince  d'Amblise,  seigneur  de  Buzancy  el  de 
Lûmes,  par  N.  Hubignon. 

II.  Mélanges.  —  La  poterie  d'étain,  à  Sedan,  au  AT//'  siècle,  par  Ernest 
Hknhy. 

Cloches  de  Vépoque  révolutionnaire,  à  Saint- Gennainmont,  Darly,  Thu- 

gny  et  Coucy,  par  Henri  Jadart. 
Les    la   Mothe-IIoudaincourt,   seigneurs   de   Cltâteau-Porcien,    par    Paul 

I'ellot. 
Les  vendangts  à  Mouzon,  en  1769  el  en  1772. 

III.  Bibliographie.  —  Lahaye  et  de  Hadiguès  de  Chennevière,  Inventaire 
analytique  des  pièces  et  dossiers  contenus  dans  la  correspondance  du 
Conseil  provincial  el  du  Procureur  général  de  Xamur.  —  Gazier, 
Labbé  de  Pontchûteau  et  l'abbé  d'Asfeld.  —  Ch.  Cerf,  Notice  sur  l'abbé 
Anot.  —  GotFart,  Un  denier  d'Olhon  frappé  à  Mouzon.  —  Lacaille  et 
Jadart,  Extraits  des  Comptes  communaux  de  Relhel.  —  Jadart,  Excur- 
sion dans  l'Argonne. 

IV.  Chronique.  —  Les  Ardennes  à  l'Exposition  rotrospective  de  Reims, 
en  1895,  par  Henri  Jadart.  —  Le  monument  de  Uubois-Crancé,  à 
Kethel. 

V.  Planche.  —  Armoiries  de  l'abbaye  de  Signy,  aux  xvi%  xvii»  et  xviii» 
siècles. 


Sommaire  de   la  Revue  d' A r demie  el  d'Argonne  (septembre- 
octobre  1893)  : 

D'  J.   Jailliot,   Recherches  sur    l'abbaye  de   Chéhéry.  —   A.    Donnay. 

Excursions  :  Stonne  et  le  Mont-Dieu.  —   S.  Leroy,  Xotice   armoriale 

et  généalogque  sur  la  Maison  de  Bouillon  (suite). 
Chronique. 
Bibliographie. —  L'Ardenne,  par  Jean  d'Ardenne. —  Souvenirs  d'Ardenne, 

par  M.  H.  Dacremont. 
Table  des  matières.  —  Corrections. 


CHRONIQUE 


SOCIÉTK      HlSTORIQCE       KT       ArCHKOLOGIQUE       DE        CiIATEAU-ThIEHHY 

(Séance  du  6  août  tS'J')).—  Présidence  de  M.  Vérelle. 

I.  —  M.  lAIoiiIiii  signale  l'ouvrage  intitulé  :  «  Fables  inédiles  des 
xii%  xiii"  et  xiV  siècles  et  Fables  de  La  Fontaine,  rapprochée-  .de 
celles  de  tous  les  auteurs  qui  avaient,  avant  lui,  traité  les  mêmes 
sujets,  précédées  d'une  notice  sur  les  fabulistes,  par  A.-C  -M. 
Robert,  conservateur  de  la  bibliothèque  Saiiite-(;eneviéve,  ornées 
d'un  portrait  de  l,a  Fontaine,  de  '.)Q  gravures  en  taille-douce,  et 
de  fac-siinile,  182.'J  »,  et  cile  quelques-uns  de  nos  voisins  ou  de 
nos  compatriotes  (jui  n'ont  point  été  inutiles  à  l'œuvre  du  poète  : 
ainsi  plusieurs  chants  ou  branches  du  roman  du  Benard,  par  un 
piètre  de  la  Croix -en-Brie.  C'est  surtout  dans  les  récils  de  Gauthier 
de  Coincy,  prieur  de  Saint-Médard,  auteur  de  la  vie  des  anciens 
Pères,  des  Miracles  de  la  Sainte-Vierge,  un  trouvère  du  xine  siècle, 
que  La  Fontaine  a  pu  faire  d'heureux  emprunts  : 

Tant  va  le  pot  au  puis  qu'il  brise.,. 
Cils  qui  le  leu  veult  resembler 
La  piau  du   leu  doit  atfubler... 

Un  commentateur,  M.  Méon,  a  rapproché  un  conte  de  Cauthier 
de  la  fable  de  La  Fontaine  :  La  Mori,  el  le  Bûcheron.  L'action  est 
ditférente,  mais  la  peinture  du  désespoir  du  malheureux  qui 
invoque  la  mort  se  rapproche  singulièrement  du  texte  de  la  fable. 
On  pourrait  également  mettre  en  regard  la  «  Parole  de  Socrate  )>, 
avec  un  extrait  du  Casloiemenl  : 

Un  bon  ami,  à  dire  voir  (vrai) 

Vault  mieux  que  grand  plant  d'avoir  (argent)... 

René  Gobin,  maître  es  arts  de  la  chrétienté  de  Lagny-sur-Marne, 
auteur  qui  avait  plus  d'érudition  que  de  goût,  a  fourni  à  La 
Fontaine  des  citations  qui  ne  manquent  pas  d'à-propos. 

Que  ne  pourrait-on  dire  si  l'on  rappelait  Charles  d'Orléans, 
Marie  de  France,  etc.  ? 

II.  —  On  vient  de  retrouver,  assure  M.  Albert  Tournaire,  un 
manuscrit  du  xiv«  siècle  où  se  trouve  l'origine  de  onze  fables  de 
La  Fontaine;,  et  non  des  moindres;  dans  le  nombre  figurent  :  les 
Animaux  malades  de  la  pesle,  le  Meunier,  son  fils  cl  l'âne.  On 
attribue  ce  manuscrit  à  un  moine  de  l'abbaye  de  Citeaux. 

«  L'inimitable  fabuliste  disposait  d'un  art  d'imitation  véritable- 
ment prodigieux...  il  a  fait  oublier  ses  modèles  à  tel  point  qu'aux 
yeux  des  lecteurs  ses  prédécesseurs  n'ont  guère  que  le  mérite  de 
lui  avoir  fourni  la  matière  de  tant  de  pages  charmantes...  » 


718  CHRONIQUK 

Celle  élude  de  M.  Tonrnaire  a  paru  dans  un  journal  politique  ; 
en  se  l'appropriant,  comme  tout  ce  qui  louche  à  notre  La  Fontaine, 
la  Société  croit  avoir  répondu  à  un  désir  de  l'auteur  qu'elle  félicite 
sincèrement. 

III.  —  Un  récent  \isiteur  a  constaté  avec  regret  le  délabrement 
de  la  charmante  église  de  Mézy  ;  si  des  subsides  ne  sont  pas  promp- 
tement  votés  pour  permettre  les  réparations  urgentes  que  nécessite 
cet  édifice,  il  est  bien  à  craindre  qu'il  ne  tarde  point  à  disparaître, 
comme  l'antique  église  de  Montron,  et  nombre  d'autres  qui  tom- 
bent, pour  ainsi  dire,  en  ruines.  Quand  M.  Barbey  donna,  en  1867, 
la  description  de  la  croix  du  cimetière  de  Mézy,  en  fort  mauvais 
état  aujourd'hui,  il  appelait  déjà  l'attention  de  l'administration 
sur  celle  église,  type  remarquable  des  ])remières  constructions 
gothiques  de  noire  région. 

IV.  —  M.  l'abbé  Marsaux,  de  Chambly,  communique  la  note 
suivante  : 

e  A  Wissou*,  canton  de  Longjumeau  (Seine-el-Oisel,  en  io96, 
pour  la  fonte  des  cloches  de  l'église,  marché  conclu  par  les  mar- 
guilliers  et  receveurs  de  l'œuvre  et  fabrique  monsieur  Saint-Denis 
de  Huicl-Solz  (sic)  avec  Nicolas  Le  Moyne,  maître  fondeur,  demeu- 
rant au  Chernoij  ['!)  près  Cliàteau-Thierry  »,  lequel  s'engage  à 
fondre  bien  et  deument,  comme  il  appartient,  les  quatre  cloches 
de  la  dicte  église  et  paroisse  de  Huictc-Solz  de  l'accord  des 
quatre  tons  fa,  mi,  ré,  ut,  bien  sonnante  et  accordante  au  dire  de 
gens  à  ce  congnaissans  ». 

Pièces  relatives  à  cette  opération,  parmi  lesquelles  des  reçus 
avec  la  marque  de  Nicolas  Le  Moyne,  1596  (.\rchives  de  Seine-el- 
Oise). 

V.  —  A  la  suite  du  déplacement  du  bulTet  de  l'orgue  de  l'église 
Saint-Crépin,  en  juillet  189o,  on  a  retrouvé  deux  notes  inscrites 
sur  des  planchettes  de  chêne  et  qui  nous  semblent  devoir  être 
publiées  à  titre  de  documents  sur  la  provenance  de  l'ancie:]  ins- 
trument qui  va  être  prochainement  remplacé.  M.  l'abbé  Marsaux 
avait  mentionné,  en  février  1894,  ce  fait  curieux  que,  pour  se 
tenir  au  courant  de  tous  les;  perfectionnements,  les  chanoines  de 
Beauvais  donnèrent  missioji,  en  juillet  1538,  à  leur  organiste,  de 
visiter  les  orgues  neuves  de  Château-Thierry. 

Voici  maintenant  le  texte  exact  de  la  première  note  ;  elle  émane 
sans  doute  de  l'ouvrier  qui  a  placé  l'instrument  destiné,  sans  aucun 
doute,  à  remplacer  celui  de  1538,  devenu  hors  d'usage.  Nous  en 
respectons  l'orthographe  : 

«  Je  suis  étez  fait  à  l'abbays  des  Dames  du  Charme  et  remonté  à 
la  parroisse  Saint-Crespin  part  le  citoyen  Chevalier,  facteur 
d'orgues,  le  30  mars,  l'an  deuxième  de  la  République  fran- 
çaise, 1793  ». 

Deuxième  note  :  «  Cet  orgue  a  été  réparé  en  1843  par  M.  Hubert 
Pierre,  facteur  à  l'Épine,  près  Châlons-sur-Marne  ;  avec  les   dons 


CHRONIQUE  7 1  9 

de  Mme  la  marquise  do  Vidranges,  décédée  en  1842;  de  M.  le 
marquis  de  Mézy-Monlferrand,  son  neveu  ;  de  MM.  les  membres 
du  Conseil  de  fabrique:  M.  Vol,  maire,  président:  M.  Caby,  rnré- 
archidiacre  ;  M.  de  Houssois,  trésorier  ;  M.  Demimuid  ;  M.  de 
Gerbrois  ;  M.  Houiier;  M.  Dugied  «. 

\'I.  —  Le  secrétaire  rend  sommairement  compte  de  la  visite 
qu'il  a  reçue  de  M.  Anlony  Valabrègue,  critique  d'art. 

Ce  dernier  a  entrepris,  sans  caractère  officiel,  la  visite  des 
musées  de  la  contrée  de  l'Est;  il  connaissait  déjà  les  quelques 
toiles  qui  décoraient,  ces  années  dernières,  le  musée  La  Fontaine 
et  qui,  maintenant,  sont  placées  à  l'Hôtel  de  Ville,  toiles  qui,  pour 
la  plupart,  provenaient  de  dons  faits  par  M.  Jules  Maciet. 

Les  belles  gravures  qui  ornent  la  salle  des  séances  de  la  Société, 
et  qui  viennent  aussi  de  M.  Maciet,  ont  attiré  également  l'atten- 
tion du  critique. 

M.  Valabrègue  se  fait  l'apôtre  convaincu  de  la  décentralisation 
artistique;  il  désirerait  qu'à  l'imitation  de  l'Allemagne  les  villes 
qui  ont  une  certaine  importance,  et  qui  ont  vu  naître  dans  leurs 
murs  un  savant,  un  artiste,  n'iiésitassent  point  à  grouper  tout  ce 
qui  se  rapporte  à  cet  illustre  enfant,  afin  de  constituer  une  collec- 
tion qui  aurait  sa  valeur  propre.  Ainsi  La  Fontaine  devrait  avoir  à 
ChiÂteau-Thierry,  outre  sa  statue,  un  musée  des  cbefs-d'œuvre  qui 
rappellent  son  souvenir:  éditions  remarquables,  tableau.x,  statues, 
tapisseries,  etc. 

M.  Jadart,  secrétaire  général  de  l'Académie  nationale  de  Reims, 
au  nom  de  cette  Société  savante  et  du  Comité  de  l'Exposition 
rétrospective,  adi'esse  des  félicitations  et  des  remerciements  à 
propos  du  remarquable  article  de  M.  Fr.  Henriet  sur  l'Exposition 
de  Reims. 

Le  secrétaire  annonce  la  mort  de  M.  Bellanger  fils,  membre 
correspondant,  enlevé  le  mois  dernier  à  la  suite  d'une  courte 
maladie. 

MM.  Jehan,  homme  de  lettres,  et  Velly,  notaire,  sont  proposés 
comme  correspondants. 

Séance  du  3  septembre  1S95.  —  Présidence  de  M.  de  Larivière, 
vice-président. 

1.  —  Si  l'on  réunissait  les  diverses  notes  qui  ont  été  publiées 
dans  les  Annales  sur  l'Hôtel-Dieu  de  Château-Thierry:  charte  de 
fondation,  vicissitudes  soulevées  par  les  événements  politiques, 
dévouement  des  religieuses,  richesses  artistiques,  on  aurait,  à  vrai 
dire,  toute  l'histoire  de  cet  antique  établissement. 

Son  Trésor,  toutefois,  n'avait  été  jusqu'à  présent  l'objet  que 
d'indications  sommaires;  M.  Fr.  Henriet  en  entreprend  aujourd'hui 
l'histoire  et  nous  donne  la  première  partie  :  la  Pharmacie.  Tous 
ceux  qui  connaissent  l'Hôtel-Dieu  ont  admiré,  rangées  avec  ordre 
par  la  Mère  Saint-Bernard,  les  belles  faïences  pour  lesquelles  une 


720  CHRONIQUK 

adminislralion  intelligente  a  trouvé  une   place   favorable  dans  un 
meuble  qui  est  lui-même  un  chef-d'œuvre  de  menuiserie. 

II,  —  Quelques  assertions  de  VEssai  sur  la  géogrnpliie  écono- 
mique de  l'arrondissement  de  Clidteau-Thicrry,  par  AI.  Minoutlet, 
ont  pu  être  contestées,  au  moins  quanta  l'époque  actuelle,  par  un 
auditeur  compétent  et  documenté  ;  on  y  trouve  néanmoins  beau- 
coup de  choses  intéressantes  :  l'histoire  ancieime,  pourrait-on 
dire,  y  trouve  aussi  son  compte.  On  y  voit,  en  elfet,  que  INeuilly- 
Saint-Front  a  possédé  non  seulement  des  fabriques  de  bas,  mais, 
il  y  a  deux  siècles,  des  fabriques  de  serges  assez  renommées  ;  la 
concurrence  de  Reims  et  de  Beauvais  produisant  des  serges  moins 
fortes  et,  partant,  moins  chères,  a  ruiné  l'industrie  de  celte  petite 
ville. 

IIL  —  M.  l'abbé  Marsaux  communique  quatorze  fiches  relatives 
à  Château-Thierry,  qu'il  a  eu  l'obligeance  de  faire  relever  au,x 
Archives  nationales,  à  notre  intention. 

IV.  —  M.  Joseph  Berthelé  lit  une  importante  élude  sur  le  très 
remarquable  ouvrage  de  M.  Eugène  Lefèvre-Pontalis,  sur  l'Archi- 
tecture religieuse  de  l'ancien  diocèse  de  Soissons  et  les  églises  du 
Soissonnais  ;  plusieurs  de  cescurieu.x  monuments  appartiennent  à 
la  circonscription  de  Château-Thierry. 

M.  Josse  a  bien  voulu  communiquer  au  secrétaire  le  terrier 
illustré  de  l'abbaye  du  Charme.  Nous  aurons  l'occasion  de  revenir 
sur  ce  recueil  si  curieu.x,  en  rendant  compte  d'un  travail  en  prépa- 
ration sur  cette  abbaye  dont  il  reste  peu  ,de  vestiges. 

MM.  Veily,  notaire,  et  Jehan,  homme  de  lettres,  sont  élus  mem- 
bies  correspondants. 

*    » 

M.  G.  Julliot,  président  de  la  Société  archéologique  de  Sens  et 
conservateur  du  Musée  gallo-romain  de  cette  ville,  a  donné,  dans  la 
séance  de  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres  du  27  sep- 
tembre ^895,  lecture  d'un  travail  accompagné  de  plusieurs  dessins 
à  l'aide  desquels  il  a  essayé  de  restituer  la  façade  d'un  établisse- 
ment de  thermes  qui  aurait  été  élevé  par  les  Romains,  dans  le  cou- 
rant du  premier  siècle  de  l'ère  chrétienne,  sur  le  sol  de  la  capitale 
des  Senones. 

Pour  arriver  à  ce  résultat,  M.  Julliot  s'est  servi  des  dessins,  à 
une  même  échelle,  de  trente  et  une  pierres  du  musée,  à  l'aide 
desquelles  il  a  pu  reconstruire  une  façade  d'environ  20  mètres  de 
longueur  sur  12  mètres  de  hauteur,  comprenant  quatre  immenses 
fenêtres  séparées  les  unes  des  autres  par  des  colonnes  engagées 
dans  les  murs  tout  couverts  de  riches  sculptures  d'ornement. 

M.  Babelon,  notre  érudil  compatriote,  conservateur  du  cabinet 
des  médailles  à  la  Bibliothèque  nationale,  fait  une  communication 
sur  la  gravure  en  pierres  fines  à  l'époque  carolingienne  dont  il 
signale  la  renaissance  brillante  à  cette  époque   de  notre  histoire. 


CHRONIQUE  721 

Cette  renaissance  est  signalée  par  divers  monuments,  entre 
autres  :  un  grand  disque  de  cristal  représentant  l'histoire  de 
Suzanne,  gravé  par  l'ordre  de  Lothaire  II,  roi  de  Lolluiringie,  et 
conservé  au  Musée  britannique  ;  une  intaille  du  musée  de  Houen, 
représentant  le  Baptême  du  Christ  ;  entin  un  grand  nombre  de 
crucifixions. 

Après  le  milieu  du  dixième  siècle,  la  gravure  en  pierres  fines 
retomba  dans  la  barbarie,  d'où  elle  ne  sortira  de    nouveau    qu'au 

temps  de  Suger. 

* 

Séanck  publique  de  la  Société  d'Agriculture,  Commerce,  Sciences 
ET  Arts  du  département  de  la  Marne.  —  La  Société  académique  de 
la  Marne  a  tenu  sa  séance  publique  annuelle  le  22  août,  dans  le 
grand  salon  de  l'Hùtel-de-Ville  de  Châlons. 

Une  assistance  nombreuse  et  brillante  bravait  l'accablante  chaleur 
de  cette  journée,  et,  disons-le  à  l'éloge  des  orateurs,  elle  leur  a 
prêté  jusqu'à  la  fin  une  attention  soutenue. 

M.  Pélicier  occupait  le  fauteuil  delà  présidence.  Au  moment  où 
il  venait  de  commencer  son  discours,  M.  Léon  Bourgeois,  député 
de  la  Marne,  et  de  nombreux  membres  du  Conseil  général  sont 
venus  prendre  place  sur  l'estrade  où  l'on  remarquait,  à  côté  des 
membres  de  la  Société,  M.  le  docteur  Vast,  président  de  la  Société 
des  arts  de  Vitr3--le-François,  M.  Morel,  l'archéologue  rémois, 
M.  le  commandant  Simon,  de  Fismes,  M.  Lucotte,  d'Avize,  etc. 

Le  discours  de  M.  Pélicier  était  intitulé  :  «  Chàlons  au  bon  vieux 
temps  ».  Ce  bon  vieux  temps,  M.  le  Président  le  place  vers  1780, 
sous  le  règne  de  Louis  XVI.  Ce  fut  une  belle  époque  pour  la  ville 
de  Chàlons  et  nous  admirons  encore  les  œuvres  qu'elle  a  laissées. 
Notre  ville  venait  d'avoir  son  Haussmann  dans  la  personne  de  l'in- 
tendant Rouillé  d'Orfeuil,  secondé  par  l'ingénieur  Colluel.  Qu'on 
songe  qu'en  une  vingtaine  d'années,  on  vit  s'élever  l'Hôtel  de  Ville, 
le  Palais  de  l'Intendance  (aujourd'hui  la  Préfecture),  la  Porte 
Sainte-Croix,  se  créer  le  Cours  d'Ormesson,  le  Jard,  etc.  Si  toutes 
les  époques  qui  ont  suivi  avaient  été  aussi  fécondes,  notre  ville  ne 
le  céderait  à  aucune  autre  en  élégance. 

M.  Pélicier  a  retracé  la  vie  et  les  mœurs  de  nos  pères,  encore 
empreintes  de  la  simplicité  du  moyen-âge. 

Ce  discours  a  valu  à  son  auteur  les  applaudissements  unanimes 
de  la  salle  et  les  félicitations  de  M.  Bourgeois,  qui  a  pris  de  nou- 
veau la  parole  quelques  minutes  après,  à  l'occasion  de  l'œuvre 
musicale  intitulée  «  Hymne  à  Apollon  »,  chant  grec  du  m*  siècle 
avant  J.-C,  découvert  à  Delphes,  en  mai  189:!.  Il  était  heureux  de 
rappeler  que,  ministre  de  l'instruction  publique,  il  demanda  et 
obtint  des  Chambres  des  crédits  pour  les  fouilles  entreprises  à 
Delphes.    C'est  là  qu'on  trouva,  entre  autres  productions  du  génie 


.722  CHRONIQUE 

grec,  le  chant  qui  exprime  si  bien,  dans  l'allégresse  de  \a  pre- 
mière partie,  le  souvenir  de  la  Grèce  libre,  et  dans  les  accents 
mélancoliques  de  la  seconde,  la  douleur  de  son  asservissement. 
Cette  page  musicale,  si  bien  exécutée  sous  la  direction  de  M.  Huet, 
par  M.  Chenu  et  par  un  chœur  de  jeunes  filles,  devenait  donc  en 
même  temps,  grâce  au  commentaire  de  M.  Léon  Bourgeois,  une 
page  d'histoire  faite  pour  inspirer  les  plus  graves  méditations. 

Le  compte-rendu  des  travaux  annuels  a  été  lu  par  M.  Emile 
Lemaire,  au  nom  de  M.  ("abbé  Puiseux,  secrétaire. 

M.  Horguelin  a  lu  le  rapport  sur  le  concours  d'histoire  et  d'ar- 
chéologie. L'un  des  travaux  soumis  à  la  Société  était  l'histoire  du 
monument  commémoratif  de  la  bataille  de  Champaubert.  Ce  fut, 
pour  le  rapporteur,  l'occasion  de  tracer  en  quelques  pages  bril- 
lantes le  récit  de  cette  partie  si  glorieuse  de  la  campagne  de  1814. 
Le  second  mémoiie,  sous  un  titre  modeste,  «  Une  meule  antique 
trouvée  dans  les  marais  de  Saiut-Gond  »,  était  une  étude  intéres- 
sante sur  la  mouture  du  blé  dans  les  sociétés  primkives. 

Après  ces  lectures,  est  venu  le  rapport  de  M.  Bédouin  sur  le 
concours  de  poésie,  peu  abondant  cette  année. 

Enfin,  M,  l'abbé  Appert,  au  nom  de  la  Société^  a  payé  le  tribut 
d'éloges  et  de  regrets  qui  était  dû  à  la  mémoire  de  Mme  Anais 
Ségalas. 

Nous  avons  déjà  dit  un  mot  de  la  partie  musicale  :  elle  se  com- 
plétait par  l'exécution  de  la  Déploralion  de  Jean  Okeghem,  com- 
plainte du  XVI"  siècle,  avec  solo  de  hautbois  fort  bien  rendu  par 
M.  Larchet,  un  de  nos  meilleurs  artistes  chàlonnais  ;  et  d'une 
Romance  pour  violon,  de  Kreutzer,  exécutée  par  Mlle  Cécile  Huet 
avec  accompagnement  de  piano  par  Mlle  Thérèse  Huet. 

M.  Duckett  a  donné  lecture  du  rapport  sur  le  prix  fondé  par 
Mlle  Javey,  de  Tours-sur-Marne,  et  fait  applaudir  une  intéressante 
biographie  de  cette  bienfaitrice. 

M.  le  président  de  la  Société  a  terminé  la  séance  par  la  procla- 
mation des  noms  des  lauréats. 

CONCOURS  DE  1805 
!•■'■  Concours.  —  Histoire 
Médaille  de    bronze  :  M.  Schmitt,    instituteur    public  à  Cham- 
paubert,  pour  sa  notice  sur  le   monument   de  Champaubert-la- 
Bataille. 

AnCHÉOLOdIE 

Médaille  d'argent  :  M.  Edgar  Grosjean,  médecin  à  Montmirail, 
pour  sa  notice  sur  un  moule  de  grès  préhistorique. 

4"  Concours.  —  Poésik 
Médaille  d'argent   :    !\L   Turpin,  rédacteur    au    Messager  de  la 
Marne  à  Vilrv-le-François,  pour  sa  poésie  intitulée  :   Fantoum, 
S'pera. 


CHRONIQUE  723 

Médaille  d'argent  :  M.  Camille  Schwiiigrouber,  pour  sa  poésie 
intitulée  :  Mahi-Bala. 

Rappel  de  médaille  de  bronze:  M.  Léon  Migne,  de  Dormans, 
pour  sa  poésie  intitulée  :  Les  Quatre  Saisons. 

Rappel  de  médaille  de  bronze  :  M.  Auguste  Lagrange,  répétiteur 
au  Collège  de  Libourne,  pour  sa  poésie  intitulée  :  Trait  d'hé- 
roïsme. 

Mention  très  honorable  :  M.  Ely  Nevil,  à  Laigle  (Orne),  pour  sa 
poésie  intitulée  :  Poèmes  divins. 

'6'^  Concours.  —  Agriculture 

Médaille  d"or  :  M.  Jean  Baptiste  Hurlin,  fermier  à  la  ferme  des 
Forges  (Épernay),  pour  l'ensemble  de  ses  cultures. 

Médaille  d'or  :  M.  E.  Deliège,  instituteur  public  à  Suippes,  pour 
son  enseignement  agricole  et  ses  cbamps  d'expériences. 

Médaille  de  vermeil  :  M.  Désiré  Coûté,  gérant  de  la  ferme  Notre- 
Dame,  pour  l'ensemble  de  ses  cultures. 

Médaille  d'argent;  .M.  Jules  Benoit,  à  Sarry,  pour  ses  cultures 
mises  en  métayage. 

SliRVlTEUHS    RURAUX 

Médaille  de  vermeil  :  M.  Michel  André,  43  ans  de  services,  à  la 
ferme  des  Forges  (Epernay). 

Médaille  de  vermeil  :  M.  Emile  Lépine,  à  Damery,  41  ans  de 
services. 

Médaille  de  vermeil  :  M.  Xavier  Gobert,  à  Oiry,  31  ans  de 
services. 

Médaille  de  vermeil  :  M.  Ernest  Favret,  à  Pierry,  31  ans  de 
services. 

Médaille  d'argent  :  M.  Pierre  Schmilt,  à  Orconte,  31  ans  de 
services. 

Médaille  d'argent  :  M.  Sosthène  Jacquier,  21  ans  de  services. 

8"  Concours.  —  Chemins  rukaux.  —  Diplômes  d'honneur 

1.  Commune  de  Nuisement-sur-Coole  :  M.  Boucquemonf,  maire, 
pour  le  bon  entretien  de  ses  chemins  ruraux. 

2.  Commune  du  Baizil  (arrondissement  d'Épernay)  :  M.  Lefort 
étant  maire. 

3.  Commune  de  Rilly-la-Montagne  (arrondissement  de  Reims)  : 
M.  Ducanoy  étant  maire. 

4.  Commune  de  La  Neuville-aux-Bois  (arrondissement  de  Sainte- 
Menebould)  :  M.  Maucourant  étant  maire. 

5.  Commune  d'Aulnay-l'Aître  (arrondissement  de  Vitry-le- 
François)  :  M.  Benoist  étant  maire. 

11«  Concours.  —  Prix  Charles  Picot 
Diplôme  d'honneur  et   200    fr.  :    M.    Lumereaux,    architecte    à 
Vllry-le-François,  membre  de  la  Société  des  Ingénieurs  civils, 


724  CHRONIQUE 

Et  M.  Maginol,  mécanicien  et  fondeur  à  Serniaize,  pour  leur 
moteur  aérien. 

12"  Concours.  —  Prix  Savey 

Diplôme  d'honneur  et  un  objet  d'art  de  7b  fr.  :  Mlle  Simonnet, 
Louise-Charlotte,  à  Fraacheville  (prix  fondé  par  Mlle  Adeline 
Savey). 

"Voici  le  discours  prononcé  par  M.  Pélicier,  président,  sur  «  Chàlons 
au  bon  vieux  temps  »  : 

Messieurs, 

L'année  deruière,  à  pareil  jour,  mon  cher  el  honorable  prédécesseur  retra- 
çait devant  vous  l'une  des  paf^es  les  plus  émouvanies  de  notre  histoire 
locale,  l'entrée  à  Chàlons  du  roi  Charles  VII  et  de  Jeanne  d'Arc  le  13  juillet 
1429.  Le  sujet  que  j'ai  choisi  n'est  pas  aussi  palpitant,  mais  il  est  encore 
emprunté  h  notre  histoire,  et  à  ce  litre  j'espère  qu'il  trouvera  grâce  auprès 
(le  vous.  Je  voudrais  dire  en  quelques  pages,  en  quelques  lignes,  ce  que 
(ut  Chàlons  au  dernier  siècle,  au  bon  vieux  temps,  si  vous  le  voulez,  puis- 
que, suivant  une  tradition  qui  remonte  au-delà  du  vieux  Nesior,  le  bon 
temps,  c'est  toujours  le  passé. 

A  l'époque  dont  je  parle,  le  voyageur  arrivant  de  Paris,  en  descendant  la 
pente  qui  mène  de  Thibie  aux  rives  de  la  Marne,  apercevait  de  loin  la  ville 
aux  13  églises  el  les  Jeux  clochers  qui  faisijieut  alors  la  gloire  de  nutre 
cathédrale  et  dont  elle  porte  aujourd'hui  le  deuil. 

De  loin  aussi  pouvait-il  reconnaître  les  lorlifications  ou  du  moins  les 
nombreux  vestiges  encore  debout  de  l'ancienne  enceinte  de  terre  et  de 
craie,  derniers  témoins  d'une  époque  où  la  Lorraine  étant  encore  pays 
étranger  et  la  Blesine  servant  de  limite  entre  la  France  et  l'Empire, 
ChâloDS  était  à  proprement  parler  une  ville  frontière,  l'une  des  clefs  de  la 
maison  française,  quelque  chose  comme  fut  Melz  avant  1870,  comme  sont 
aujourd'hui  Verdun  et  Toul.  Aussi  les  ordonnances  royales  des  xv"  et  xvi» 
siècles  qui  auloriseut  les  habiiants  à  s'imposer  pour  l'entretien  de  leurs 
murs  ne  manquent-elles  jamais  d'insister  «  sur  l'importance  d''icelle  ville 
qui  est  sur  la  Irontière  et  une  des  principales  villes  et  ciels  de  Champa- 
gne '  ». 

Mais,  franchissons  la  Marne  sur  le  beau  pont  qu'achevait  au  début  du 
règne  de  Louis  XVI  l'ingénieur  Colluel  et  entrons  en  ville.  Alors  comme 
aujourd'hui,  le  point  vilal  de  la  cité,  le  centre  où  confluait  toute  la  vie 
active  était  l'antique  Marché  au  Blé,  emplacement  probable  du  vieux  forum 
romain.  Là  se  dressaient  le  pilori  et  le  gibet,  emblème  de  la  justice  roj'ale 
qui  avait  fini  par  absorber  les  justices  des  quatre  anciens  seigneurs  tempo- 
rels de  la  cité.  Tout  autour  de  la  place  des  arcades  dont  un  débris  subsiste 
encore  ;  de  nombreuses  hôtelleries,  plusieurs  fois  séculaires,  la  Vache  ou  le 
Pot  d'Étain,  VOslel  du  Regiiard,  la  Haute-Mère-Dieu. 

Qui  sait  si  leurs  enseignes,  je  parle  de  celles  que  l'on  voyait  au  temps 
de  Louis  XVI,  n'avaient  pas  été  les  témoins  des  événements  qui  s'accom- 
plirent sur  le  Marché  au  xv»  siècle,  par  exemple  l'assemblée  générale  du 
17  août  14l7  où  les  habitants  de  Chàlons  déclarèrent  embrasser  la  cause  du 
duc  de  Bourgogne,  Jean-sans-Peur,  ou  bien  encore  les  fameuses  joutes  de 
1445  où  assistait  le  roi  Charles  VII  accompagné  du  dauphin  qui  devait 
être  Louis  XI,  de  la  reine  Marie  d'Anjou  et  de  ce  roi  de    Sicile    que   la  voix 

1.  Ord.  de  Henri  II,  8  août  loo4.  —  Arch.  munie,    de  Chàlons,    CC.  12. 


CHRONIQUE  725 

commune  devait  saluer  un  jour  d'un  nom  resté  populjire,    celui  du   bon  roi 
René. 

J'ai  dit  que  certaines  enseignes  du  xviii"  siècle  pouvaient  avoir  été  con- 
temporaines des  dernières  années  du  moyen-âge  :  c'est  qu'eu  ell'et  l'aspect 
des  lieux  et  des  choses  changeait  moius  vile  autrefois  qu'il  ne  change  de 
nos  jours,  et  je  ne  serais  pas  éloigné  de  croire  que  le  Châlons  de  1780 
ressemblât  davantage  n  celui  du  xvia  siècle  que  la  ville  d'aujourd'hui  ne 
ressemble  à  celle  d'il  y  a  cent  ans.  Sans  doute  on  voj'ait  déj  i  s'élever  de 
Douvelles  et  splendides  constructions,  l'Hôtel  de  l'Intendance  et  notre  Hôlel- 
de- Ville,  mais  dans  l'ensemble,  c'étaient  encore  les  mêmes  rues  étroites, 
mal  pavées,  à  peine  éclairées  pendant  la  nuit  ;  sur  le  milieu  de  la  chaussée 
un  unique  ruisseau,  transformé  eu  torrent  par  les  pluies  d'orage  et  alimenté 
par  les  gargouilles  qui  déversaient  l'ondée  sur  la  tête  du  malheureux  pas- 
sant. Pour  vous  promener  à  travers  ce  dédale  de  rues,  d'impasses,  de 
ruelles,  que  n'ai-je  l'érudition  si  précise,  si  abondante  et  si  sûre  de  notre 
cher  et  regretté  Grignon  ?  Voici,  vous  dirais-je,  la  maison  qui  abrita  le 
Parlement  transféré  de  Paris  à  Châlons  durant  les  troubles  de  la  Ligue  ; 
voici  la  Loge,  siège  de  la  justice  é[)iscopale,  le  Vidatnéoù  résidait  le  repré- 
senlanl  la'ique  du  seigneur  évèque  ;  plus  luin  la  rue  Chanteraine,  dernier 
écho  d'un  temps  oix  la  rame,  c'est-à-dire  la  grenouille,  chantait  sur  l'Abreu- 
voir du  Marché  ;  partout  entin  ces  mille  enseignes  llotlantes  au  vent  et 
cherchant  par  des  vocables  plus  ou  moins  bizarres  à  fixer  sur  elle  le  regard 
du  voyar:eur  en  quête  d'un  logis. 

Voilà  quelle  était,  il  y  a  cent  ou  cent  cinquante  ans,  la  physionomie 
extérieure  de  notre  ville.  Mais  derrière  ces  portes,  au  fond  de  ces  cours  de 
maisons  bourgeoises,  de  masures  ou  d'auberges,  que  se  passait-il?  quelle 
était  la  vie  intime,  familière,  quotidienne  de  l'époque?  Notre  grand  philo- 
sophe, je  puis  bien  dire  notre,  car  il  est  né  à  quelques  lieues  d'ici,  à  Vou- 
ziers,  Taine  va  vous  \e  dire  en  quelques  lignes  inoubliables  :  tt  Ou  ne  s'in- 
quiétait ni  d'élégance,  ni  de  confortable  ;  on  était  dur  aux  intempéries,  on 
n'avait  point  de  curiosités  ;  on  ne  songeait  pas  à  voyager  ;  le  corps,  moius 
délicat,  ne  redoutait  pas  le  malaise  ;  l'esprit,  moins  exigeant,  n'éprouvait  pas 
l'ennui.  Une  famille  entière  vivait  avec  cent  louis  par  an,  quelquefois  avec 
cinquante.  On  se  contentait  d'une  servante  unique,  payée  trois  francs  par 
mois,  en  sabots,  qui  ne  parlait  que  patois,  mais  qui  épousait  les  intérêts  de 
ses  maîtres  et  restait  sous  leur  toit  jusqu'à  sa  mort...  *  » 

Pour  être  moins  éloigné  de  Paris  que  ne  l'est  Saint-Yrieix,  car  il  s'agit 
de  Saint-Yrieix  dans  le  passage  que  je  viens  de  citer,  le  Châlons  du  dernier 
siècle  pouvait  peut-être  s'appliquer  certains  traits  du  tableau  tracé  par 
l'illustre  at-adémicien.  Oui,  on  n'avait  pas  de  curiosités  :  la  presse  locale 
naissait  à  peine,  et  les  gazettes  irauçaises  ou  étrangères  n'étaient  l'aliment 
que  d'un  petit  nombre  de  privilégiés.  On  ne  connaissait  que  l'almanach  : 
le  premier  almanach  publié  à  Châlons  pa'ut  eu  1756  et  il  ne  vécut  que 
deux  ans  -.  Notre  salle  de  théâtre  date  de  1771,  et  jusque  dans  les  premières 
années  de  ce  siècle  les  habitués  du  parterre  S;e  contentaient  d'y  rester  deûout. 
Les  voyages  étaient  rares  ;  la  capitale  était  plus  loin  de  Châlons  qu'elle  ne 
l'est  aujourd'hui  de  Milan  ou  de  Bayonne.  Pour  toute  distraction,  des  repas 
plantureux  aux  réunions  de  famille,  car  nos  ancêtres  étaient  grands  man- 
geurs et  l'on  serait  etfrayé  aujourd'hui  de  la  quantii,é  de  mets  qu'engloutissait 

1.  Taine.  Discours  de  réception  prononcé  à  l'Académie  française  le  15 
janvier  1880. 

2.  Poinsiguou.  Hist.  de  Champagne,  t.  III,  p.  437. 


726  CHRONIQUE 

en  ces  occasions  solennoUes  un  estomac  du  xvii' ou  du  xviu'  siècle.  De  loin 
en  loin  une  entrée  royale  ou  princière,  puis  les  processions,  source  de  querelles 
interminables  pour  la  préséance,  les  Te  Deuni  pour  célébrer  les  victoires  du 
Roi  ou  quelque  autre  événement  considérable.  Mais  alors  malheurà  l'impru- 
dent qui  oubliait  de  poser  une  cban  lelle  sur  sa  fenêtre  pour  lèter  l'heureuse 
délivrance  de  S.  M.  la  Reine  ou  la  convalescence  de  Mme  la  Dauphine  : 
l'arrêté  des  officiers  municipaux  est  formel  :  «  Enjoint  à  tous  les  locataires, 
propriijtaires  et  autres  d'éclairer  et  d'illuminer  les  façades  de  leurs  maisons 
pendant  la  soirée  du  dimanche,  jour  indiqué  pour  le  Te  Deum,  et  ce  a 
peine  d'amende,  même  de  plus  firande  peine  si  le  cas  y  écheoit.  » 

A  ce  tableau  déjà  trop  char^çé  je  piurrais  ajouter  bien  d'autres  traits  non 
moins  curieux.  Voyez-vous  par  exemple  sur  le  marché  du  sameli  circuler 
au  milieu  des  groupes  un  personnage  mystérieux  à  l'approche  duquel  chacun 
s'écarte  :  c'est  l'exécuteur  de  la  haute  justice.  Ce  redoutable  fonctionnaire 
vient  percevoir  le  droit  que  la  coutume  lui  assigne  sur  toute  marchandise  à 
vendre,  droits  multiples  que  Grignoii  énumère  en  détail  dans  son  curirux 
opuscule  intitulé:  Le  Bourreau  à  Chûlons.  Ce  tarif  il  le  perçut  jusqu'en 
1768,  époque  où  la  ville  le  remplaça  par  une  pension  annuelle  de  oOQ, 
puis  de  8U0  fr.  Ne  trjuvez-vous  pas  qu'à  C:'lle  époque  M.  de  Chàlous  était 
généreusement  traité,  si  vous  songez  qu'à  la  fin  du  siècle  l'un  des  premiers 
fonctionnaires  du  département  ne  touchait  que  1  20L)  Ir.  d'appoinlements 
annuels. 

Tels  étaient,  pour  emprunter  une  citation  à  l'un  de  nos  vieux  poètes  du 
Moyen-Age,  tels  étaient 

de  no?  ances^eurs 

Les  dits  et  les  faits  et  les  moeurs. 

Et  maintenant,  dira-l-on,  étaient-ils  plus  ou  moins  heureux  que  nous  ? 
Je  ne  voudrais  pas  a  ce  sujet  entrer  dans  des  considérations  inofjportunes, 
ni  philosopher  a  perle  de  vue  sur  ce  rêve  insaisissable  qu'où  appelle  le 
bonheur,  i^e  bonheur  est  chose  toute  reliiive.  Si  nous,  Châlonuais  tin  de 
siècle,  pour  emplo^-er  l'expression  a  la  mode,  nous  étions  replacés  tout  a 
coup  dans  les  conditions  d  existence  d'il  y  a  cent  aus,  nous  serions  assuré- 
ment fort  malheureux.  Mais  les  hommes  d'il  y  a  cent  ans  ne  connaissaient, 
ne  soupçonnaient  même  pas  les  conditions  de  la  vie  moderne  ,  étrangers  à 
ce  faftiuement  d'habitudes,  à  ce  luxe  de  bien-être  que  nous  devons  aux 
merveilles  de  l'industrie,  ils  ne  soutiraient  point  d'être  privés  de  jouissances 
dont  ils  n'avaient  pas  la  plus  légère  idée.  Ils  étaient  donc  heuieux  au  milieu 
d'un  étal  de  choses  qui  nous  frrait  singulièrement  soutlrir.  Mais  étaient  ils 
meilleurs  ? 

Ah  1  Messieurs,  permettez-moi  de  placer  ici  un  grand  point  d'interroga- 
tion, ou  plutôt  permettez-moi  de  ne  pas  répondre  du  tout  à  celte  question 
indiscrète,  car  je  craindrais,  en  y  répondant,  de  souiller  avec  irrévérence 
sur  de  pieuses  illusions.  Qu'il  me  tulûse  de  dire  que  ce  passé,  béni  par 
les  uns,  maudit  par  les  autres,  ne  reviendra  plus  et  qu'il  faut  nous  résoudre 
à  ne  plus  le  revoir.  Oui,  résignons-nous  à  ne  plus  rencontrer  au  coin  de  la 
rue  la  figure  peu  aveLante  du  maître  de  la  haute  justice  ;  résignons-nous  à 
prendre  l'express  qui  nous  emporte  a  Paris,  a  Calais,  à  Bàle  au  lieu  de  la 
lourde  voiture  qui  roulait  péniblement  sur  des  chaussées  à  ornières  ;  rési- 
gnons-nous à  marcher  le  soir  d'un  pas  tûr,  a  travers  des  rues  brillamment 
éclairées,  au  lieu  de  nous  hasarder  limidemeul  à  la  lueur  douteuse  d'un 
réverbère  pâlissant.  Résignons-nous,  c'est  la  loi,  et  si  la  science  moderne 
n'a  pas  rempli    à    certains    égards    toutes    ses    promesses,  ce  que  j'ignore, 


CHRONIQUE  727 

du  moins  remercions-la  d'avoir  fait  de    nos    villes  un   séjour  plus  habitable, 
plus  sain  et  moins  maussade  qu'elles  ne  l'étaient  dans  le  passé. 


AcADKMŒ  NATIONALE  DK  Reims.  —  Vojci  le  programme  des 
concours  ouverts  pour  les  années  1896  et  1897  : 

Prix  A  décerner  en  18S6.  —  Histoire 

Histoire  du  Collège  de  Reims,  fondé  par  Guy  de  Hoye  en  l'Uni- 
versité de  Paris;  son  existence  jusqu'au  xviii' siècle. 

Les  documents  pour  cette  étude  se  trouvent  aux  .archives  natio- 
nales et  aux  Archives  de  Reims. 

Le  prix  consiste  en  une  médaille  d'or  de  100  francs. 

Histoire  de  l'Hôpital  de  Saint-Marcoul,  fondé  à  Reims  au  xvn« 
siècle. 

Les  documents  se  trouvent  aux  Archives  communales  et  aux 
Archives  hospitalières  de  Reims. 

Le  prix  consiste  en  une  médaille  d'or  de  lOO  francs. 

LlTTÉRATLlRK 

Étude  sur  la  vie  et  les  ouvrages  d'Eugène  Géruzez,  né  à  Reims 
en  1799,  professeur  d'éloquence  française  à  la  Sorbonne,  mort  à 
Paris  en  186:j. 

Le  pris  consiste  en  une  médaille  d'or  de  100  francs. 

Économie,  politique 

Étude  d'une  question  d'économie  politique  ou  d'économie  sociale, 
intéressant  particulièrement  l'industrie,  le  commerce  ou  la  région 
de  Reims. 

Le  prix  consiste  en  une  médaille  d'or  de  100  francs. 

Sciences 

Étude  de  physique,  de  chimie  ou  d'histoire  naturelle  intéressant 
particulièrement  l'industrie^  le  commerce  ou  la  région  de 
Reims. 

Le  prix  consiste  en  une  médaille  d'or  de  lOO  francs. 

Poésie 

Une  médaille  d'or  de  100  fr.  sera  décernée  à  la  meilleure  pièce 
de  vers  sur  le  14'  Centenaire  du  Baptême  de  Clovis  et  des 
Francs. 

Ce  sujet  pourra  être  traité  à  l'occasion  de  la  célébration  à  Reims, 
en  1896,  du  quatorzième  centenaire  du  Baptême  de  Clovis. 

Des  médailles  pourront  être,  en  outre,  accordées  aux  auteurs  de 
pièces  de  poésie  sur  des  sujets  de  leur  choix. 

Vrix  à  décerner  en  1807.  —  Histoire 
Histoire  de  la  Maitri-e  de  Reims,  depuis  ses  origines  jusqu'à  nos 


728  CHRONIQUE 

jours  ;  recherches  sur  ses  maîtres  et  ses  élèves,  l'enseignement  de 
la  musique  et  du  chant  à  Reims. 

Les  documents  se  trouvent  à  la  Bibliothèque  et  aux  Archives  de 
Reims,  ainsi  qu'aux  Archives  de  la  Fabrique  de  Notre-Dame. 

Le  prix  consiste  en  une  médaille  d'or  de  100  francs. 

Prix  à  décerner  chaque  année 

\°  Monographie  d'une  commune  importante  du  diocèse  de 
Reims,  soit  ancien,  soit  nouveau  (Ardenues  et  Marne). 

A  l'histoire  des  principaux  événements  dont  la  commune  fut  le 
théâtre  depuis  son  origine  jusqu'à  nos  jours,  les  auteurs  joindront 
l'étude  des  institutions  qui  y  furent  en  vigueur,  la  seigneurie,  la 
justice,  l'impôt,  le  régime  municipal,  l'instruction,  l'assistance 
publique,  etc.,  sans  négliger  les  principales  industries  du  pays,  les 
moyens  de  transport,  les  usages,  les  traditions,  les  changements 
survenus  dans  les  mœurs,  etc. 

Ils  éviteront,  sur  ces  divers  points,  de  s'engager  dans  des  consi- 
dérations générales. 

Ils  compléteront  l'étude  du  pays  par  un  aperçu  géologique  du 
sol,  par  l'indication  des  produits  qu'on  en  tire  et  des  diverses  cul- 
tures qui  y  sont  distribuées,  par  celle  des  chemins  et  des  cours 
d'eau  qui  le  traversent,  des  lieuxdits  et  des  points  dignes  de  remar- 
que, par  la  description  des  monuments  existants  ou  détruits. 

Les  Archives  de  la  Ville  de  Reims,  section  ecclésiastique,  celles 
du  département  à  Chillons  et  celles  des  Ardennes  h  Mézières^ 
offrent  des  documents  sur  la  plupart  des  communes  du  diocèse. 

2°  Notice  historique  et  descriptive  des  monuments  civils  et  reli- 
gieux de  l'un  des  cantons  de  l'arrondissement  de  Reims  ou  du 
département  des  Ardennes. 

Les  auteurs  feront  connaître  les  églises,  maisons  religieuses, 
châteaux,  camps  ou  enceintes  fortifiés,  tumulus,  ruines,  inscriptions, 
meubles  précieux  qui  existent  dans  chaque  commune  du  canton; 
les  villages,  églises,  châteaux,  aujourd'hui  détruits,  qui  se  trou- 
vaient sur  son  territoire  ;  les  noms  qu'ont  portés  ces  localités  aux 
différentes  époques  de  leur  histoire  ;  le  tracé  des  anciennes  voies 
qui  les  mettaient  en  communication  ;  enfin,  les  découvertes  d'an- 
tiquités qui  y  ont  été  faites. 

Us  devront  se  borner,  pour  les  détails  historiques,  légendaires 
ou  autres,  à  un  exposé  substantiel  et  sommaire;  et,  en  ce  qui 
concerne  les  monuments,  aux  détails  rigoureusement  nécessaires 
pour  en  faire  connaître  l'époque,  le  plan  et  les  points  véritable- 
ment curieux.  Ils  joindront  à  leurs  notices  des  dessins  ou  des  pho- 
tographies des  plus  remarquables  édifices. 

Us  indiqueront  en  note  les  sources  consultées  pour  la  partie 
historique  du  travail,  de  façon  que  le  lecteur   puisse  s'y   reporter. 

Le  prix,  pour  chacune  de  ces  questions,  consiste  en  une  médaille 
d'or  de  200  francs. 


CHRONIQUE  729' 

L'Académie  distribuera  aussi  chaque  année  des  médailles  d'en- 
couragement aux  auteurs  de  travaux  qui  lui  seront  soumis  en 
dehors  des  questions  indiquées,  et  auteurs  d'ifiuvres  d'art  ou  d'in- 
dustrie. 

Les  prix  et  médailles  seront  décernés  en  séance  publique. 

Les  mémoires  devront  être  inédits  et  n'avoir  été  envoyés  à 
aucun  concours  antérieur.  Ils  seront  adressés  (franco)  à  M.  le 
Secrétaire  général  avant  le  31  mars  1896,  terme  de  rigueur. 

Les  auteurs  ne  doivent  pas  se  faire  connaître  ;  ils  inscriront  leur 
nom  et  leur  adresse  dans  un  pli  cacheté,  sur  lequel  sera  répétée 
l'épigrapbe  de  leur  manuscrit. 

Les  manuscrits  envoyés  ne  sont  pas  rendus. 

Les  ouvrages  couronnés  appartiennent  à  l'Académie  ;  les  auteurs 
ne  doivent  pas  en  disposer  sans  son  autorisation. 

Reims,  le  2G  juillet  i89o. 

Le  Secrétaire  (jé aérai,  Le  Président  annuel, 

H.  Jadart,  a,  Benoist. 

15,  rue  du  Couchant. 

Un  intéressant  écho  du  dernier  concours  régional  tenu  à  Reims 
au  mois  de  juin  dernier. 

Aux  termes  du  programme  du  concours  régional,  la  Société  des 
Agriculteurs  de  France  doit  décerner  un  prix,  consistant  en  un 
objet  d'art  d'une  valeur  de  mille  francs  environ,  à  la  meilleure  et 
à  la  plus  ancienne  famille  agricole  du  département  de  la  Marne. 
M.  Lliotelain,  qui  s'était  préalablement  mis  hors  concours,  aurait 
pu  faire  valoir  des  litres  à  cette  récompense,  un  acte  authentique 
établissant  qu'en  174-6  un  de  ses  ancêtres,  quittant  Rétheny,  était 
venu  s'établir  au  faubourg  Cérès. 

Tous  les  suffrages  ont  désigné  M.  Remy  Dégodet,  qui  exploite  le 
domaine  de  Rranscourt,  canton  de  Ville-en-Tardenois,  tenu  par 
ses  ancêtres  depuis  227  ans,  pendant  huit  générations.  Cette 
exploitation  de  140  hectares  a  toujours  été  prospère.  M.  Remy 
Dégodet  a  quatre  tils,  âgés  de  20,  18,  17  et  16  ans,  qui  l'aident 
dans  les  travaux  de  la  ferme  et  lui  permettent  de  se  passer  de 
domestiques.  Il  est  depuis  vingt-et-un  ans  maire  de  la  commune 
de  l'ranscourt. 

Excursion  de  l'École  D'AN'TunopoLotiie  de  Pasis  a  Reims.  —  Le 
7  juillet  dernier,  l'École  d'anthropologie  de  Paris  a  fait  à  Reims 
une  excursion  fort  intéressante  sous  la  direction  de  MM.  Gabriel  et 
Adrien  de  MorLillet,  professeurs,  assistés  de  M.M.  G.  d'Ault  du 
Mesnil,  Kourdrignier,  Capilan,  etc. 

M.  L.  Morel,  président  de  la  Commission  de  l'Exposition  rétros- 
pective, attendait  ses  hôtes  à  Ja  gare  et  se  dirigea  immédiatement 
avec  eux  vers  l'arc-de-triomphe  romain  des  Promenades. 


7^0  CHRONIQUE 

Après  le  déjeuner,  les  archéologues  visilèrenl  iiiinulieusemenl 
les  belles  collections  exposées  dans  les  salles  du  palais  archiépis- 
copal, et  s'arrêtèrent  surtout  dans  la  chapelle,  où  les  objets  nom- 
breux recueillis  depuis  une  cinquantaine  d'années  dans  le  sol 
rémois  et  champenois  par  MM.  Ducjuénelle,  J.  de  Baye,  Frédéric 
Moreau,  Auguste  iNicaise,  Léon  More!  et  Bosteaux,  reconstituaient 
toute  l'histoire  de  l'honmie  aux  premiers  âges  de  son  existence. 

A  cinq  heures,  une  conl'érence  du  docteur  Capitan  sur  l'Anthro- 
pologie, d'après  Jes  collections  exposées  à  Reims,  réunissait  à 
l'Hôtel-de-Ville  un  auditoire  Tort  nombreux,  malgré  les  têtes  offi- 
cielles qui  attiraient  i'alftuence  du  public  sur  d'autres  points  de  la 
ville. 


Exposition  uKTUosPKCïivii  ue  Reims.  —  M.  Morel,  président  du 
Comité  d'organisation  de  l'Exposition  rélrospec.ive,  a  reçu,  le 
15  juillet  dernier,  du  Ministère  de  l'Instruction  publique,  des 
Beaux-Arts  et  des  Cultes,  la  lettre  suivante  : 

l'alais-Hoyal,  14  juillet. 
Monsieur  ie  Commissaire  général, 

E>  quiUaul  la  ville  de  Reims,  après  avoir  rempli  la  miss-iuii  que  mavaii 
donnée  le  AJinislre  do  riuslrufliou  publique  et  des  Jieaux-Arts,  de  visiter 
ÏExpusUion  réli'oapeclivd  et  de  lui  en  signaler  le  caractère,  l'importance  et 
les  réoultals,  ji  uens  à  vous  exprimer,  comme  au  représeulaut  du  comhé 
d'organisation,  tout  l'intérêi,  que  j'ai  pris  a  celte  raauitestatiou. 

A  l'ombre  de  votre  prodigieuse  Cathédrale,  les  salles  du  l'alais  archiépis- 
copal éiaieijt,  grâce  a  vous  et  à  vos  collaborateurs,  transformées  eu  un  véri- 
table mufée  où  tout  était  disposé  avec  goiàt,  et  dénonçait  une  préoccupation 
des  choses  de  l'esprit,  le  respect  du  [Oisé,  le  soin  de  ce  qui  le  rappelle  à  nos 
yeux,  et,  par-dessus  lout,  la  passion  des  souvenirs  du  pays,  de  son  proj.rès 
et  de  sa  gloire. 

J'ai  visité  vos  Musées,  votre  B.bliothèque,  si  rlrhe  en  manuscrits  et  en 
incunables,  vos  galeries  privées,  auxquelles  nos  grands  Mu=ees  nationaux 
pourraient  envier  bien  des  œuvres  de  nos  peintres  Irauçais  modernes  ;  et 
partout  j'ai  pu  constater  que  le  souci  du  developpemem  des  grandes  indus- 
tries q  11  lout  H  la  ville  de  l-{eims  et  au  pays  rémois  une  silualiou  excep- 
lionuelle,  et  rendent  le  monde  entier  sou  Iributaiie,  s'allie  au  goût  pour 
les  choses  de  l'art,  de  la  science  et  de  l  illustration  intelieciuelle. 

Je  vous  remercie  de  votre  accueil  personnel,  de  Id  courtoisie  de  vos  coUa- 
boraleuis  et  garderai  un  vil  souvenir  de  cette  rapide  euquêie  où  jai  pu 
Constater  le  succès  de  vutre  Kxpoaitiou,  due  aux  suius  de  votre  Académie 
nationale,  de  concert  avec  l'Administration  municipale. 

Agréez  l'assurance  de  mes  seulimenls  les  plus  sympathiques. 

Çuailes  ^HiAnTii, 
Iiispecleui'  yciifral  de*  Beaux-Arls. 


Dei'x  discours  de  DisïRiBUTiu.N  UE  l'uix  A  Reims.  —  A  la  distribu- 
tion des  prix  aux  élèves  de  l'Ecole  régionale  des  Arts  industriels  de 


CHRONIQv 

Reims,  qui  a  eu  lieu  le  ÎH  juillet,  sous  la  pré». 
Silvestie,  inspecteur  des  Heaux-Arls,  ce  dernier,  l. 
sait  allier  à  la  plus  pure  poésie  l'esprit  gaulois  le  plus  i. 
nonce  un  discours  dont  nous  nous  plaisons  à  extraire  les  p.. 
suivants  : 

Le  besoin  auquel  répond  cette  bcole  et  doul  sou  succès  allume  si  nelle- 
ment  la  réalité,  a  son  orij^ine  et  sa  place  dans  le  laisceau  d'aspirations 
artistiques  qui  caractérisent  la  fin  de  ce  siècle.  Car  il  faudrait  être  aveugle 
pour  ne  pas  s'afiercevoir  que  nous  assisioiis  à  une  pacifique  révolution,  dont 
vous  êtes  parmi  les  plus  actifs  el  les  plus  salutaires  ouvriers  :  une  révolu- 
tion dans  le  sens  de  l'épuration  du  goQt  et  de  l'ennoblissement,  par  une 
impression  d'art,  des  choses,  même  les  plus,  humbles,  en  apparence,  de  la 
■vie  ambianie  mfclérielle. 

Ce  mouvement  dans  les  esprits  est  partout,  et  peut-être  ne  serait-il  pas 
inutile  de  vous  faire  remarquer  la  firau  leur  et  la  logique  de  la  loi  à 
laquelle  vous  obéissez. 

Pendant  une  trop  longue  période  de  tempe,  l'objet  d'art  s'était  pour  ainsi 
dire  isolé  dans  quelques  formes  consacrées  intolérantes,  dont  les  plus  nobles 
étaient  le  tableau  et  la  statue.  Il  en  est  résulié,  j"tu  conviens,  un  très  glo- 
rieux développement  de  nos  écoles  de  peinture  et  de  sculpture.  Mais  aussi, 
pour  l'éducation  artistique  populaire,  laquellt:  ne  se  fait  pas  dans  les  musées, 
une  sorte  de  dépression  et  d'indiirérence  coulre  lesquelles  il  était  temps  de 
réagir. 

On  avait  fait  des  choses  de  la  vie  deux  parts,  une  pour  Vuttle,  l'autre  pour 
le  beou.  La  première  obéissait  aux  caprices  les  plus  saugrenus  de  la  mode, 
sans  contrôle  et  sans  la  moindre  préoccupation  csihétique.  La  seconde  dédai- 
gnait de  s'abaisser  jusqu'à  conseiller  l'autre  quelquefois. 

C'était  une  profonde  erreur,  Messieurs,  el  contre  laquelle,  mieux  que 
personne,  vous  les  fondateurs  de  celte  école,  vous  avez  victorieusement 
prolesté.  Ce  qui  a  toujours  distingué  les  races  civilisées,  c'est  l'invasion 
latente  et  constante  du  beau  dans  le  domaine  de  l'utile,  c'est  la  recherche 
des  lunes  et  du  caractère  dans  les  moindres  objets  que  l'usage  nous  rend 
familiers. 

Deux  racfS  nous  sont,  à  ce  point  de  vue,  d'un  admirable  exemple  :  la 
Grecque  autrefois  et  la  Japonaise  de  nos  jours.  Que  fallait-il  à  ces  ouvriers 
merveilleux  de  Tanagra,  pour  faire  d'impérissab'es  chefs-d'œuvre"?  Un  peu 
d'argile.  Qu'a- t-d  fallu  aux  ouvriers,  merveilleux  ausai,de  1  Extrême-Orient, 
pour  que  des  riens  sortis  de  leurs  mains  el  du  plus  vil  prix  marchand,  aient 
pour  NOUS  un  charme?  Un  amour  inj<énieux  de  la  Nature,  mère  de  toutes 
les  formes,  oiiginaiie  de  tous  les  plaisirs  de  nos  yeux.  Ahl  comme  la 
■valeur  intrinsèque  et  toujours  conventionnelle  de  la  matière  disparaît,  bien 
vaincue,  sous  cette  victoire  de  l'espril  !  Et  comme  cette  iransformatiou  de 
ce  qui  n'est  rien,  de  ce  qui  est  tout,  est  bien  une  victoire  de  l'âme  ! 

Cette  grande  tradition  fui  d'ailleurs  longtemps  aussi  celle  de  notre 
race. 

Qui  en  pourrait  douter  dans  celte  ville  admirable  dont  les  églises  ancien- 
nes portent,  immortellemenl  sculptée  dans  la  pierre,  l'œuvre  innombrable 
el  paiicnle  d'ouvriers  doul  chacun  était  un  grand  artiste  et  doul  nous  ne 
connaîtrons  jamais  les  noms,  œuvre  anonyme  el  superbe,  œuvre  de  loi  dans 
d'autres  Uesiinées,  peut-être,  mais  œuvre  de  foi  aussi  dans  l'art  qui,  seul, 
donne  aux  choie^  comme  une  empreinte  inelfaçable,   la   durée?  Dans   celle 


7'V2  CHRONIQUE 

ville  où  tous  les  arts  dont  l'artisan  s'immole  dans  l'inslinct  de  soi-même  et 
de  sa  propre  renommée,  pour  concourir  héroïquement  à  la  lieauté  d'un  ensem- 
ble qui  ne  gardera  même  pas  sa  mémoire,  ont  trouvé,  pour  ain^i  parler, 
leur  expression  détinitive  dans  le  vitrail,  dans  la  tapisserie,  dans  le  travail 
du  bois  dont  votre  Cathédrale  enferme,  jalousement,  les  chefs-d'œuvre 
comme  un  trésor  ?  Dans  cette  ville  qui,  à  côté  de  sa  glorieuse  légende  de 
cité  revendicatrice  des  libertés  publiques,  toujours  fidèle  à  celui  qui  était 
vraiment  le  roi  de  France,  recourait  contre  l'Allemagne  au  xii»  siècle,  contre 
l'Angleterre  au  xiv"  siècle,  contre  l'Espagne  au  xvii»,  a  sa  belle  et  pacifique 
légende,  et  plus  solide  encore,  de  tailleurs  de  pierres,  d'ouvriers  de  la  laine, 
de  verriers  en  couleurs  poursuivant  leur  lâche  à  travers  ces  furies  de  la 
guerre  dont  la  trace,  Dieu  merci,  disparaissait  vite  sous  cette  continuelle 
lloraison  de  l'espril,  comme  sous  l'or  des  moissons  s'aplanit  un  champ  de 
bataille. 

Oui,  c'est  un  retour  à  celte  belle  tradition  de  la  recherche  du  beau,  dans 
un  ordre  d'idées  plus  intime,  plus  démocratique,  au  sens  vraiment  noble  du 
mot,  du  beau  condescendant  aux  exigences  de  la  vie  moderne,  lesquelles 
n'ont  pas,  j'en  conviens,  la  splendeur  des  envolées  a'autrefois  vers  un  idéal 
disparu,  mais  dont  un  autre  idéal  prendra  peut-être  un  jour  la  place.  C'est 
un  retour  à  cette  nécessité  psychique  d'eanoblir  sans  cesse  la  matière  par 
une  impression  d'art  et  d'harmonie  dans  les  lignes  qui,  de  tous  côtés, 
envahit  les  meilleurs  esprits  et  qui  est,  la  vraie  raison  d'être  de  cette  Ecole 
dont  je  salue,  tout  ensemble,  ses  aspirations  saines  et  ses  travaux  bien 
réglés. 


Le  30  juillet,  la  distribution  des  prix  du  Petit  Lycée  de  Reims 
était  présidée  à  son  tour  par  un  ancien  élève,  ayant  quitté  les 
bancs  depuis  une  quinzaine  d'années  à  peine,  M  Pol  iNeveux, 
sous-chef  du  Cabinet  du  Ministre  de  rinslruction  publique  et  délé- 
gué par  lui  à  cet  eli'et. 

M.  Pol  Neveux,  enfant  de  Reims,  est  un  délicat  et  un  lettré,  qui 
a  gardé  à  son  pays  d'origine  un  culte  ardent  et  sincère;  aussi  n'a- 
t-il  pas  manqué  de  profiter  de  cette  circonstance  pour  faire,  en 
une  langue  élégante  et  claire,  le  panégyrique  de  sa  province 
natale  et  de  ses  auteurs  préférés,  offerts  en  exemple  et  en  ensei- 
gnement à  la  jeunesse  studieuse.  Aussi  avons-nous  tenu  à  repro- 
duire ici  toute  cette  jolie  page  de  littérature  locale  : 

Mes  chers  amis, 

M.  le  Ministre  de  l'Instruction  publique  a  bien  voulu,  et  je  ne  saurais 
trop  l'en  remercier,  me  renvoyer  pour  quelques  heures  au  lycée.  Je  n'ai 
point  résisté,  et  c'est  à  mon  obéissance  que  je  dois  l'émotion  éprouvée  tout 
à  l'heure,  lorsque  la  porte  s'étaut  comme  naguère  reiermée  sur  moi,  j'ai  revu 
le  campanile,  d'oii  se  sont  échappées  tant  d'heures  heureuses,  celle  Jolie 
grille  en  fer  lorge  coiti'ée  de  sa  courouuo  murale,  et  ces  vieux  ormeaux,  où 
nous  nous  adossions  dans  nos  rêves  lointains,  peudant  q  >e  s'enfuyaient  les 
nuages,  ces  merveilleux  nuages  dont  ou  vous  parlait  tout  à  l'heure. 

Dans  un  discours  pénétrant  et  si  avisé  dans  les  choses  locales  que  je  veux 
saluer  en  lui  un  compatriote,  votre  très  disliagué  professeur,  M.  Maquet, 
vous  incitait  à  les  contempler  aussi,  ces  mystérieux  nuages.  En  eux,  vous 
disait-il,  se  manifeste  un  peu  de  celte  vie  universelle,  qui  partout  éparse  et 


CHRONIQUE  733 

certaine,  fait  palpiter  toutes  choses.  Mes  amis,  M.  Maquet  avait  raisou;  il 
faut  regarder  les  nuages, mais  il  ne  faut  pas  se  laisser  entraîner  à  leur  suite, 
car  ils  vont  loin,  trop  loin,  et  les  jeunes  intelligences  qui  les  suivraient 
arriveraient  vile  au  pays  fugitif  de  la  chimère.  Croyez-moi,  au  moins  pen- 
dant quelques  années  encore,  sachez  réfréner 

Le  ili'-ir  (le  voir  et  l'iiumeur  inquiète. 

Avant  d'entreprendre  les  voyages  en  lointains  pays,  restez  au  logis  sans 
autre  aventure  lâcheuse.  Vous  ne  vous  y  ennuierez  pas,  car  si  notre  Cham- 
pagne est  peu  celéhrée  par  les  voyageurs,  ses  enfants  n'échappent  point  au 
charme  étrange  de  sa  mélancolie.  Aimez  donc  passionnément  cette  province, 
cette  Champagne,  où  la  plupart  d'entre  vous  passeront  leurs  vacances,  et 
pour  la  bien  aimer  ne  vivez  pas  un  jour  sans  la  contempler  longuement. 
Suivez  les  conseils  de  La  Fontaine,  dont  on  vous  rappelait  tout  à  l'heure  les 
leçons,  il  vous  dira  que,  d'esprit  ou  de  corps,  on  ne  s'éloigna  jamais  sans 
dommage  du  terroir  natal.  Songez  à  ce  qu'il  advint  du  rat  qui 

Lais.-a  là  le  cliamp,  le  i^rain  et  la  javelle  ; 

de  la  tortue  à  la  tète  légère 

•Jui,  lasse  (le  son  trou,  voulut  voir  du  pays  ; 

du  pigeon  qui  s'ennuyait  au  logis,  partit  et  revint 

Trainaut  l'aile  et  tirant  le  pied. 

Méditez  ces  aventures  et  soyez  persuadés,  comme  je  veux  l'être  moi- 
même  aujourd'hui,  qu'elles  ont  été  contées  pour  les  enlauls  qui  furent 
ingrats  à  leur  province. 

Regardez,  vous  a  dit  M.  Maquet,  pressez-vous  de  regarder  avant  qu'en- 
tre vous  et  les  choses  ne  vienne  s'interposer  la  littérature.  Je  me  permets 
d'ajouter  :  'Vous  êtes  à  1  âge  bienheureu.x  où  l'on  n'aime  encore  le  monde 
extérieur  que  sous  ses  hor  zons  restreints,  où  l'on  a  la  notion  fervente  du 
menu  et  de  l'intime.  C'est  plus  tard  seulement  que  vos  âmes  éprouveront 
l'acre  jouissance  des  orgueils  humiliés  par  l'étourdissement  des  spectacles 
infinis,  l'rofitez  de  cette  heure  qui  périra  bientôt  et  de  tous  vos  yeux  grands 
ouverts,  de  tous  vos  yeux  intelligents  et  curieux,  regardez  votre  terre, 
regardez  la  Champagne.  Évertuez  les  esprits  caustiques  et  nets  que  vous 
tentz  de  vos  aieux,  à  comprendre  ses  paysages.  Travaillez  à  en  saisir  le 
charme  fugitif  et  discret,  tout  de  nuances  et  de  pâles  accents,  et  pour  la 
deviner  toute,  contemplez-la  et  aimez-la  dans  ses  moindres  détails. 

Aimez  le  déroulement  de  ses  plaines  grises  ;  aimez  ses  rivières  discrètes, 
et  si  simples  et  si  bleues,  dans  leurs  lits  de  verdure  ;  aimez  ses  blancs 
villages  de  carreaux  de  terre  ;  aimez  ses  arbres,  ses  bouleaux  argentés  et 
ses  ormes  têtus  ;  aimez  ses  Heurs,  ses  fragiles  fleurs  du  vieux  temps,  qui 
fleurissent  les  légendes  et  les  chansons  populaires.  Ne  méprisez  pas  non 
plus  son  langage  :  le  poète  de  saint  Louis,  Thibault  de  Champagne,  y  a 
laisié  de  ses  mots  où  les  philologues  de  maintenant  ne  voient  plus  de  patois. 
Et  ne  tournez  pas  en  ridicule  les  derniers  vestiges  de  la  vie  ancienne  et  ue 
riez  jamais  des  coutumes  provinciales  et  traditionnelles  qui  furent  celles  de 
vos  ancêtres  :  vous  leur  devez  le  respect,  et,  un  jour,  l'idée  de  les  précipiter 
à  tout  jamais  dans  le  passé  vous  semblera  sacrilège.  Elles  ne  s'évanouiront 
que  trop  vite,  hélas,  au  décours  des  années. 

Lorsque  vous  aurez  vécu  dans  r.es  champs,  contemplé  ses  ciels,  vous 
comprendrez  mieux  son  histoire,  à  celte  vieille  province.  Vous  venez  comme 


'y  34  CHRONIQUE 

de  son  sol,  source  infinie,  a  ja  lli  la  plus  magique  Ooraison  de  l'art  national, 
comment  elle  a  donné  naissance  aux  ;jius  clairs  génies,  qui  sont  la  gloire 
de  la  langue  et  des  lettres  françiises. 

Souveni,  l'étranger  s'est  ilatlé  de  traverser  sans  encombre  ses  plaines 
dénuées  de  remparts  naturels  :  Valmy  l'a  vu  iuir,  et  si  plus  tard  il  en  a 
dépassé  les  confins,  ce  n'est  pas  sans  avoir  éprouvé  ce  que  vaut  le  soulè- 
vement d'un  peuple  qui  aiine  ,-on  sol.  se^  rivières,  ses  vignes,  ses  arbres  et 
ses  souvenirs.  A  votre  tour  de  les  aimer  ! 

Oui,  mes  chers  amis,  la  preuve  que  notre  terre  de  Champagne  est,  plus 
que  toute  autre,  digne  d'être  chérie,  c'est  que  jamais  on  ne  la  quitta  sans 
remords  et  que  toujours  ceux  qui  s't-n  éloignèrent,  fidèlement  lui  revinrent. 
Joinville  s'en  va  pour  la  Croisade  el  ne  veut  oncques  retourner  ses  yeux 
vers  son  village,  pour  ce  que  le  cœur  ne  lui  attendrit  du  beau  pays  qu'il 
laisse.  C'est  vers  cette  Champagne  que  vont  les  regrets  et  les  vœux  du 
poète  Euslacbe  Deschamps  ;  c'est  elle  encore  qui  hante  le  cœur  de 
La  Fontaine,  exilé  à  Paris.  Taine,  qui  était  de  Vouziers,  parcourt  les 
Pyrénées,  mais  sous  les  verdures  noires  des  chàiaigneraics,  au  fracas  des 
gaves,  il  songe,  nostalgique,  a  nos  guérels,  n  qui  s'étendent  comme  une 
mer  jusqu'au  bout  de  l'horizon,  à  la  campagne  qui  semble  couverte  d'un 
vieux  manteau  mouillé  ».  Il  revoit  «  les  ligaes  d'arbres  bossus,  les  maigres 
carrés  de  sapins  et  la  chaumière  de  craie  avec  sa  mare  blanche  n. 

Champenois  d'origine,  Gustave  Flaubert  s'en  va  à  Tunis,  pour  y  ressus- 
citer Salammbô.  Mais  bientôt,  oublieux  d'elle,  il  revient  et  évoque  dans  un 
nouveau  chef-d'œuvre  les  souvenirs  de  la  Champagne,  les  lignes  de  peu- 
pliers qui  divisent  les  prairie?,  les  Ibssés  remplis  de  feuilles  jaunes,  les 
brumes  d'octobre  et  «  le  gros  bruit  doux  que  font  les  ondes  dans  les  ténè- 
bres ». 

Et,  dans  chacun  de  vos  villages,  vous  trouverez  facilement  un  voyageur 
plus  humble.  Celui-là,  pareil  à  ceux  que  je  viens  de  nommer,  eut  aussi 
l'esprit  d  aventure,  mais  il  eut  aussi  l'esprit  de  retour  :  il  a  quitté  sa  plaine 
silencieuse,  il  a  marché  longtemps  devant  lui,  il  a  vu  des  pays  étrangers  et 
quelquefois  il  a  beaucoup  souffert.  Un  soir  il  est  rentré,  laligué  et  meurtri  au 
village  endormi,  ne  conservant  de  ses  voyages  qu'un  surnom  :  le  Polonais, 
le  Turc,  l'Américain. 

Tant  est  pénétrant,  mes  chers  amis,  le  charme  mystérieux  de  ce  pays  qui 
ne  déplaît  qu'a  ceux  qui  le  connaisseni  mal.  Je  vous  le  répète  une  fois 
encore  :  Aimez  bien  votre  Champagne,  pour  vous  élever  mieux  à  l'amour 
de  la  patrie  même. 

Cet  amour  de  la  patrie,  il  vous  viendra  en  regardant  autour  de  vous,  eu 
courant  les  bois,  en  visitant  les  fontaines.  Ainsi  vous  travaillerez  au  bon- 
heur de  votre  vie,  car  vous  augmenterez  vos  souvenirs  d'enfance. 

Plus  lard,  bientôt,  arrivés  à  la  maturité,  vous  aurez  à  lutter  à  votre  tour 
et  vous  connaîtrez,  comme  les  autres,  les  heures  mauvaises.  Mais  vous  serez 
alors  consolés  par  les  impressions  vives  et  claires  de  votre  jeunesse,  et  leur 
évocation  atténuera  vos  maux  à  la  façon  des  vieux  remèdes  maternels.  Elles 
seront  pour  vous  un  asile,  une  retraite  d'intelligence  pacifique  et  lleurie, 
une  sorte  de  Champagne  intérieure,  où  s'oublieront  un  instant  vos 
peines. 

Ces  souvenirs,  peut-être  ne  les  écrirez-vous  pas,  mais  les  plus  belles 
histoires  ne  sont-elles  pas  inédites?  Il  n'est  pas  donné  à  tout  le  monde  de 
conter  son  enfance  comme  l'auteur  des  Mémoires  d'Outre-Tombe,  l'auteur 
de  Ma  Jeunesse,  l'auteur  du  Broyeur  de  Lin    ou    celui    du    Ilunian   d'un 


CHKONIQUE  735 

Eiifnid.  \;ais  s-i  lous  vous  devez  f^ire  une  am.ile  moisson  de  souvenirs,  tous 
vous  devez  aussi  laire  uue  vaste  provision  île  Ipclures. 

Ayez  donc  le  culte  des  livres,  non  pas  seul-^mont  '6  ceux  qui  couvrent 
ces  labiés  et  qui  sont  surtout  des  livres  de  commémoraiion,  mois  de  vos 
livres  de  lous  1.  s  jours,  de  vo.-s  livres  de  classe.  Ceux-là  sont  aussi  des 
pr'x,  des  prix  qui  vous  sont  décernés  à  tous,  sans'  distinction,  par  l'esprit 
des  siècles  passés.  En  vous  les  donnant,  la  France  remet  son  génie  entre 
vos  nains  et  vous  en  Crfit  les  dépo-itair  s.  Soyez  donc  les  gardiens  de  la 
Beauté,  de  la  Vérité  et  de  la  Justicp  ;  soj'ez  eu  aussi  les  propupaieurs,  car 
les  couuaissances  plus  profondes  que  vous  devez  aux  faveurs  de  la  tortunf, 
vous  n'avez  pas  le  droit  de  les  garder  pour  vous  seuls.  Elles  font  partie  du 
patrimoine  commun  et  vous  devrez  les  pai  lajj;er  demain  avec  les  jeunes  gens, 
et  après  demain  avec  les  hommes  qui.  eux,  n'ont  pu  comme  vous  étudier 
dans  les  lycées.  Un  jour,  la  Nation  aura  le  droit  de  vous  demander  compte 
du  dépôt  qu'elle  vous  a  confié.  Vous  tiendrez  à  honneur,  mes  chers  amis, 
de  lui  prouver  que  vous  avez  justifié  sa  coofiauce. 

Lisez,  lisez  encore.  El  quand,  plus  tard,  1res  tard,  vous  serez  as,-is  au 
soir  de  la  vie,  dans  une  clairière  heureuse  et  tiède,  et  qu'apparaîtra,  sor- 
tant du  calme  religieux  des  grands  bois,  celle  qui  doit  venir,  celle  qui 
viendra,  plus  heureux  que  le  Bûcheron  de  La  Font^iiue,  vous  n'aurez  pas 
besoin  de  son  aide  pour  porter  votre  fardeau;  comme  les  coureurs  antiques, 
vous  aurez  dé|à  remis  à  des  mains  nouvelles  le  llambeau  que  d'aulres  vous 
laissent  aujourd'hui.  Adressez-lui  seulement,  pour  l'apitoyer,  la  seule  prière 
digne  de  vous  et  de  vos  iulelligeuces  :  Laissez-moi  encore  le  temps  de  lire 
un  beau  livre  ! 

Pardonnez-moi,  j'oubliais  votre  âge,  celui  des  longs  espoirs  et  des  vastes 
pensées,  celui  qui  ouvre  devant  vous  l'infini  radieux.  Votre  ancien  condis- 
ciple a  déjà  le  droit  d'être  morose.  Mais  il  sait  bien,  au  fond,  que  toutes  ses 
paroles  ne  valent  pas  un  de  vos  éclats  de  rire.  Rassurez-vous,  il  n'abusera 
pas  plus  longtemps  de  votre  patience.  Partez  donc,  alertes  et  joyeux,  vers  les 
moissons  et  les  vendanges,  en  faisant  à  la  grâce  de  vos  mères  et  de  vos 
sœurs  un  cortège  d'impérieuse  gaîlé  ! 


Le  29  juillet  a  eu  lieu  l'inauguration  du  monument  élevé,  à 
Chùlillon-sur-Seine,  à  la  mémoire  de  Désiré  JNisard,  membre  de 
l'Académie  française;  de  Charles  Nisard,  de  l'Institut,  et  d'Auguste 
Nisard,  recleur  de  l'Académie  de  Grenoble. 

Malgré  le  caractère  intime  de  la  cérémonie,  l'assistance  était 
nombreuse. 

Le  monument,  placé  dans  le  jardin  publie,  comporte  le  buste 
en  bronze  de  D.  Msard  ;  à  droite  et  à  gauche,  encastrés  dans  le 
piédestal,  sont  les  médaillons  de  ses  deux  frères.  Il  est  dfi  à  la 
collaboration  des  sculpteurs  Pech  et  Di'ouet  et  de  l'architecte 
Marchegay,  petit-fils  et  neveu  des  ÎNisard. 

La  remise  du  monument  a  été  faite  à  la  Ville,  au  nom  de  la 
famille,  par  MM.  iNisai-d,  directeur  politique  au  ministère  des 
affaires  étrangères,  ministre  plénipotentiaire,  et  Homberg-Msard, 
ancien  directeur  des  beaux-arts  de  Belgique.  Puis,  après  les  paroles 
de  remerciements  du  maire,  M.  le  vicomte  Melchior  de  Vogué,  de 


736  CHRONIQUE 

l'Académie  française,  a  prononcé  un  discours  sur  l'œuvre  de 
D.  Nisard.  Après  avoir  loué  avec  éloquence  sou  livre  sur  la  litté- 
rature, il  l'a  montré,  moulant  une  garde  lidèle  devant  les  grands 
aïeux  de  la  pensée  française. 

Vers  le  milieu  du  pjècle  vivait  non  loin  d'ici,  aux  environs  de  Dijon,  un 
certain  capitaine  Noisot,  ancien  grenadier  de  la  vieille  garde,  qui  conser- 
vait pour  Napoléon  un  culte  d'idolâtrie.  11  commanda  au  sculpteur  Rude 
une  statue  de  l'emperfur  couché  sur  le  roc  de  Sainte-Hélène  et  s'éveillant 
pour  l'immortalité.  Puis  il  ordonna  que  son  propre  tombeau  fùf  placé  aux 
pieds  du  héros  et  qu'on  l'ensevelît  debout  ;  il  voulait  continuer  de  monter  !a 
garde  auprès  de  son  empereur,  jusqu'au  jour  du  réveil  espéré. 

Si  Nisard  eût  été  moins  modeste,  s'il  avait  pu  prévoir  qu'il  disposerait  des 
talents  d'un  architecte  et  de  deux  statuaires,  j'imagine  qu'il  eût  caressé 
parlois  ce  rêve  :  un  large  monument  symbolique  de  la  littérature  française, 
avec  les  effigies  de  tous  ses  dieux,  devant  lequel  son  buste  continuerait  de 
monter  la  garde,  lui  aussi.  Ce  monument  absent,  nos  imaginations  l'évo- 
quent naturellement  derrière  Nisard.  La  force  et  le  mérite  de  cet  homme, 
Messieurs,  c'est  qu'aucun  de  nous  ne  peut  regarder  ses  traits  sans  revoir 
aussitôt  la  glorieuse  assemblée  où  il  fut  notre  introducteur. 

Après  la  cérémonie,  nn  déjeuner  intime  a  réuni  les  autorités  et 
les  invités.  M.  Leroy,  député,  a  pris  ta  parole  et  retracé  quelrjues 
souvenirs  de  la  vie  des  trois  écrivains.  (Débals.) 


Le  dimanche  19  juillet,  Valenciennes,  en  fêlant  le  glorieux  sou- 
venir de  sa  défense  pendant  la  Révolution,  a  rendu  hommage  au 
vaillant  général  de  Dampierre,  qui  fut  tué  sous  ses  murs. 

Ce  général,  frappé  par  les  balles  prussiennes,  était  le  grand- 
père  de  l'héroïque  comte  André  de  Dampierre,  notre  compatriote, 
tué  également  par  les  balles  prussiennes,  sous  les  murs  de  Paris, 
pendant  le  siège.  {Revue  de  Champagne,  t.  VII  (1879),  p.  456.) 

On  peut  dire  que  le  fils  du  général,  père  du  comte  André,  a  été 
victime  également  des  Prussiens. 

Il  était,  en  etïet,  arrivé  à  un  grand  âge,  lorsqu'en  1870,  appre- 
nant l'invasion  allemande,  il  en  éprouva  une  douleur  patriotique 
qui  troubla  sa  raison.  Des  Prussiens  étant  venus  loger  dans  son 
château,  il  les  prit  pour  des  Français  et  alla  leur  montrer  dans  le 
parc  des  cachettes  où  il  avait  fait  enfouir  des  objets  précieux. 
Inutile  de  dire  que  ces  trésors  prirent,  dès  le  lendemain,  le  che- 
min de  la  Prusse. 

Cette  perte  de  la  raison  eut  au  moins  chez  le  comte  de  Dampierre 
un  bon  effet.  Il  n'eut  pas  conscience  de  la  mort  de  son  lils  et  suivit 
un  service  dit  à  sa  mémoire  sans  savoir  de  qui  il  s'agissait.  Il 
s'éleie:nit  l'année  suivante. 


Le  MoisiiMiîNT  DE  Carnot  a  Cualons-sur-Marne.  —  On  sait  que 
le  département  de  la  Marne  et  la  ville  de   Chàlons-sur-Marne   ont 


CHRONIQUK  737 

décidé  d'ériger,  par  souscription,  à  Cliâlons-sur-Mariie,  un  monu- 
ment à  Id  mémoire  du  regretté  président  Carnot. 

L'exécution  en  a  été  confiée  à  deux  sculpteurs  originaires  du 
département  de  là  Marne,  MM.  Massoulie  et  Dagonet,  et  à  un 
architecte  de  Cliâions,  M.  Giliet. 

Le  comité  du  monument  vient  de  se  réunir  à  l'atelier  de 
M.  Massoulie,  rue  Notre-Dame-des-Champs,  pour  y  examiner  le 
modèle,  à  demi-grandeur,  de  l'œuvre  conçue  par  les  deux  sculp- 
teurs et  l'architecte.  Elle  leur  fait,  disons-le  tout  de  suite,  le  plus 
grand  honneur.  Elle  est  en  parfaite  harmonie  avec  le  caractère  de 
l'homme  qu'elle  célèbre  et  qui  n'eut  qu'une  pensée  en  occupant  le 
pouvoir  suprême:  consacrer  toutes  ses  forces  à  son  pays. 

Le  monumetit  se  compose  d'une  stèle  surmontée  du  buste  de 
Carnot.  A  la  base,  la  France,  représentée  par  une  femme  aux 
traits  fiers,  est  assise,  ceinte  de  la  cuirasse,  la  main  gauche  appuyée 
sur  une  épée  entourée  d'un  rameau  d'olivier,  double  symbole  de 
la  force  dans  la  paix.  De  l'autre  main,  avec  un  geste  maternel, 
elle  lient  un  adolescent  debout,  au  visage  pensif,  symbole  du  sou- 
venir et  dont  l'attitude  ferme,  sans  arrogance,  exprime  qu'il  est 
aussi  l'avenir  et  qu'il  saura  en  remplir  les  lourds  devoirs.  L'enfant 
s'appuie  d'un  côté  sur  la  France,  de  l'autre  sur  un  grand  cartou- 
che décoratif  où  seront  gravées  les  dates  et  les  devises.  Sa  main 
est  pleine  de  myosotis  et  de  lierres. 

A  l'autre  angle  de  la  base,  une  jeune  femme  d'un  mouvement 
à  la  fois  gracieux  et  énei'gique,  un  genou  posé  sur  la  stèle,  dépose 
une  palme  auprès  du  buste  du  regretté  président.  Elle  personnifie 
la  «  Marne  ».  Toute  cette  partie,  la  principale  du  monument,  e^t 
l'œuvre  de  M.  Massoulie,  dont  le  noble  et  beau  talent  s'est,  là 
encore,  magnifiquement  exprimé. 

La  façade  antérieure  est  due  à  M.  Dagonet,  qui  a  eu  l'idée, 
vraiment  ingénieuse  et  é.mouvante,  de  symboliser  le  relèvement 
de  l'armée  par  une  jeune  femme  qu'un  souffle  semble  soulever  du 
sol  et  qui,  debout,  adossée  contre  la  stèle,  les  bras  levés,  tient  un 
drapeau  qu'elle  fait  flotter  derrière  le  président.  Sous  ses  pieds, 
dans  un  cartouche,  est  sculpté  un  bas-relief  représentant  la  revue 
de  Matignicourt ,  près  de  Vitry-le-François,  à  laquelle  Carnot,  on 
s'en  souvient,  assista  et  où  l'armée  française  apparut  régénérée  et 
forte. 

Le  comité  a  accepté  l'œuvre  de  MM.  Massoulie,  Dagonet  et  Giliet. 
Il  faut  maintenant  l'exécuter  en  grandeur  double  de  celle  qu'elle 
a  actuellement^  et  procéder  ensuite  au  coulage  en  bronze  des 
figures.  C'est  un  travail  considérable. 

Néanmoins,  les  auteurs  du  monument  espèrent  qu'elle  pourra 
être  inaugurée  dans  le  courant  de  l'année  prochaine  sur  la  place 
de  l'Hôtel-de-Yille  de  ChAlons- sur-Marne.  {Temps.) 


47 


738  CHRONIQUE 


Monnaies  et  médailles  trouvées  dans  les  remparts  de  Vituy-le- 
FuANçois.  —  Voici  la  liste  des  nouvelles  découvertes  de  monnaies 
et  de  médailles  faites  au  cours  de  la  démolition  des  anciens  rem- 
parts de  Vitry-le- François. 

Trois  monnaies  en  argent  du  règne  d'Henri  III. 

Une  monnaie  en  argent  du  règne  d'Henri  IV. 

Un  jeton  en  cuivre  de  la  comtesse  d'Artois,  au  millésime 
de  1703. 

Des  tournois  et  doubles  tournois  de  François  de  Bourbon,  prince 
de  Conti  et  Château-Regnault  (1605-1629). 

Des  tournois  et  doubles  tournois  de  Jean-Tliierry,  comte  de 
Loiwensteiii,  seigneur  de  Cugnon,  millésime  de  1027. 

Des  tournois  et  doubles  tournois  de  Charles  11  de  Gonzague,  duc 
de  Nevers.  de  Mantoue,  deClèves,  de  IMontferrat,  comte  de  Rethel. 
prince  d'Arches  (Charleville)  et  Château-Hegiiault. 

Une  monnaie  en  argent  portant  sur  l'une  des  faces  l'effigie  du 
pape  Clément  VIII  (Hippolyte  Aldubrandini,  lb92-1605),  et  sur 
l'autre  face  celled'Octaved'Aquaviva, cardinal  légat  de  Clément  VllI. 
—  Cette  pièce  a  été  frappée  à  Avignon. 

Une  monnaie  en  bronze  de  Frédéric-Maurice  de  La  Tour,  prince 
de  Sedan,  duc  de  Bouillon,  vicomte  de  Turenne  (1623-1641).  — 
Celte  pièce  a  été  frappée  à  Sedan. 

Un  jeton  du  règne  d'Henri  IV  (1589). 

Une  monnaie  en  billon  de  la  république  de  Soleure  (Suisse, 
1793). 

Un  jeton  de  Nuremberg,  du  xvi^  siècle. 

Cinq  monnaies  en  billon,  de  20  et  30  deniers,  du  règne  de 
Louis  XIV. 

Une  monnaie  en  billon  de  Joachin  Murât,  grand  duc  de  Berg  et 

de  Clèves  (1806). 

* 
*    * 

Inauguration  de  l'Hotel-de-Ville  et  des  Écoles  de  Nouzon,  — 
Le  dimanche  25  août  1895  a  eu  lieu,  à  Nouzon  (Ardenries),  l'inau- 
guration du  nouvel  Hôtel-de-Ville  et  du  groupe  scolaire. 

Le  matin,  dès  6  heures  et  demie,  les  fêtes  commençaient  par 
d'intéressants  concours  de  gymnastique,  d'instruction  militaire  et 
de  tir  auxquels  prirent  part  une  vingtaine  de  sociétés  dont  quel- 
ques-unes étaient  venues  des  départements  voisins  et  même  de 
Paris. 

Les  autorités  départementales  sont  arrivées  en  gare  à  9  h.  40  ; 
elles  ont  été  reçues  sur  le  quai  par  la  municipalité. 

Les  souhaits  de  bienvenue  terminés,  le  cortège  s'est  dirigé  vers 
la  place  GambetCa  où  se  trouvent  les  nouveaux  édifices  qui  sont 


CHRONIQUE  73:9 

très  vastes,  d'une  belle  mais  sévère  architecture,  et  parfaitement 
aménagés. 

La  cérémonie  d'inauguration  s'est  faite  dans  la  grande  salie  du 
premier  étage.  Trois  discours  ont  été  prononcés,  le  premier  par 
M.  Malicet,  premier  adjoint,  qui  a  remercié  les  autorités  et  a 
rappelé  la  part  que  le  gouvernement  de  la  République  a  prise  à 
l'édification  des  nouveaux  bâtiments;  le  deuxième  par  M.  Lardin 
de  Musset,  préfet  des  Ardennes,  qui  s'est  montré  fort  satisfait  de 
l'accueil  sympathique  qui  venait  de  lui  être  fait  par  la  population  ; 
le  troisième  par  M.  Bertrand,  inspecteur  primaire,  qui  a  fait  res- 
sortir l'utilité  de  l'instruction. 

Deux  chœurs  spécialement  composés  pour  la  circonstance  ont 
été  exécutés  d'une  façon  fort  remarquable  par  la  chorale  et  la 
fanfare  de  Nouzon,  puis  le  préfet  a  félicité  et  médaillé  plusieurs 
ouvriers  et  des  soldats  ayant  fait  les  campagnes  du  Tonkin. 

Après  cette  cérémonie  a  eu  lieu  le  défilé  fort  correct  des  sociétés 
prenant  part  au  festival. 

BÉNÉDICTIo^  DE  CLOCHE,  A  Heiltz-l'Évêque.  —  H  y  a  quelques 
mois,  une  pauvre  vieille  fille,  originaire  d'Heiitz-I'Évêque  (Marne), 
mourait,  laissant  à  la  fabrique  de  son  village  natal,  les  épargnes 
qu'elle  avait  amassées  depuis  sa  jeunesse,  au  service  d'une  hono- 
rable famille  de  Vitry.  Sa  petite  fortune  devait  servir  à  l'achat 
d'ornements  sacrés  et  d'une  seconde  cloche,  et  ses  dernières 
volontés  furent  scrupuleusement  exécutées. 

Le  dimanche  25  août  avait  lieu,  dans  l'église  d'HeiUz-l'Évèque, 
la  bénédiction  de  la  nouvelle  cloche,  sous  la  présidence  de  M.  l'abbé 
Fiorion,  vicaire  général,  assisté  de  M.  l'abbé  Mauclert,  curé  de  la 
paroisse,  et  de  douze  prêtres  venus  des  cantons  d"Heillz-le- 
Maurupt  et  de  Sermaize. 

Cette  cérémonie  a  donné  l'occasion  au  vicaire  général  de  rap- 
peler, dans  une  touchante  allocution,  le  texte  évangélique  où 
Jésus,  devant  le  Temple,  proclame  l'obole  oiTerte  par  la  pauvre 
veuve,  plus  fructueuse  et  plus  agréable  à  Dieu  que  les  magnifi- 
ques présents  des  riches.  Il  a  évoqué  en  termes  émus  la  belle 
mission  de  la  cloche  dans  l'église  catholique  :  c'est  la  grande  voix 
de  Dieu  appelant  les  fidèles  à  la  prière  publique  le  dimanche,  à 
la  piété  trois  fois  le  jour,  à  la  charité  dans  les  malheurs  et  les 
périls  publics  ;  c'est  [a  douce  voix  du  cœur,  amie  fidèle  jusqu'à  la 
mort,  qui  nous  suit  du  berceau  jusqu'à  la  tombe,  annonciatrice 
de  nos  joies  et  de  nos  peines,  qu'elle  semble  partager  à  toutes  les 
époques  marquantes  de  notre  vie;  c'est  enfin  la  puissante  voix  de 
l'harmonie,  qui  inspire  la  concorde,  la  paix,  et  chasse  les  discor- 
des et  les  haines... 


740  CHRONIQUE 

Dons  a  la  ville  de  Brienne-le  Château.  —  M.  Joseph  Gaucher, 
rentier  à  Brienne-Ie-Château  (Aube),  a  laissé,  par  testament,  un 
titre  de  rente  de  300  francs,  qui  doit  être  converti  en  12  livrets 
de  caisse  d'épargne  de  25  francs  attribués,  chaque  année,  aux  six 
élèves  les  plus  méritants  des  deux  écoles  communales  de  Brienne. 
L'achat  de  ce  titre  de  rente  a  nécessité  l'aliénation  d'un  capital  do 
12.000  francs. 

M.  Bonvalot,  receveur  des  contributions  indirectes  en  retraite, 
vient  de  faire  don  à  la  bibliothèque  de  l'école  des  garçons  des 
deux  volumes  intitulés  :  De  Moscou  en  Baclrinne  et  Du  Kurdistan  à 
la  Caspienne,  dans  lesquels  l'auteur,  M.  G.  Bonvalot,  fait  le  récit 
de  ses  premiers  voyages  en  Asie. 

Mme  veuve  Perrinot  a  fait  don  au  musée  scolaire  de  Brienne, 
son  pays  natal,  de  la  plupart  des  collections  qui  constituaient  le 
musée  de  son  mari,  décédé  instituteur  à  Barroville  (Aube). 


Charpentes  de  la  halle  de  Vitry-le-François.  —  En  travaillant 
à  la  réfection  de  la  halle  de  Vilry,  on  a  trouvé,  sous  les  combles, 
la  date  de  HoO  taillée  dans  une  enlretoise. 

En  sciant  par  la  base  un  des  poteaux  de  ladite  halle,  on  a  vu 
que  ce  poteau  était  pourri  à  l'intérieur  et  qu'il  renfermait  une 
sorte  de  poudre  ressemblant  à  du  tabac  à  priser. 

De  par  l'expérience  des  experts,  il  est  établi  que  les  chênes  des 
poteaux  sciés  étaient  âgés  d'environ  liiO  ans  au  moment  où  ils  ont 
été  coupés  sur  tronc. 

Aujourd'hui,  quand  on  emploie  le  bois  de  chêne,  il  n'a  guère 
que  60  à  70  ans  d'existence  vivace. 

En  notre  époque  électrique,  il  faut  aller  vite  et  employer  tout 
ce  qui  est  jeune,  malgré  les  déceptions  à  encourir  en  ce  qui  con- 
cerne l'usure  à  brève  échéance. 

* 

Le  général  Godart. —  Dans  l'état-major  des  troupes  du  6"  corps 
qui  vont  prendre  part  aux  grandes  manœuvres  de  l'Est,  nous  ren- 
controns le  nom  du  général  Godart,  commandant  la  39®  division 
d'infanterie,  ayant  son  quartier  général  à  Commercy. 

Le  général  Godart  est  né  le  17  août  1837  à  Mareuil-le-Port 
(Marne).  Entré  à  Saint-Cyr  en  1857,  il  en  est  sorti  en  1839  comme 
sous-lieutenant.  Lieutenant  en  1863,  il  fut  nommé  capitaine  au 
cours  de  la  guerre  contre  l'Allemagne,  le  2  octobre  1870.  Chef 
d'escadron  en  1880,  lieutenant-colonel  en  1884,  il  fut  promu  au 
grade  de  colonel  en  1 887  et  placé  à  la  têle  du  1  i  3^.  Il  a  été  nommé 
général  de  brigade  le  29  décembre  1S91.  Il  est  officier  de  la  Légion 
d'honneur. 

Le  général  Godart,  qui  a  pris  part  aux  campagnes  de  Ron>e,  de 


CHRONIQUE  7  i  1 

Tunisie  et  du  Tonkiii,  a  reçu  trois  blessures  ou  contusions.  Il  a 
été  cité  deux  fois  à  Tordre  de  l'armée  et  une  fois  au  Journal 
officiel. 


Anniversaire  du  massacre  de  Passavant.  —  Août  ramenait,  cette 
année,  le  vingt-cinquième  anniversaire  des  cruels  événements  qui 
ont  marqué  lAiinée  terrible.  La  commémoration  du  massacre  des 
mobiles  à  Passavant  (Marne)  a  été  célébrée,  le  27  août,  dans  cette 
commune,  au  milieu  d'un  concours  de  peuple  ému  et  recueilli. 
Les  arrondissements  de  Sainte-Menehould,  de  Chàlonset  de  Vitry 
étaient  représentés  par  de  nombreuses  délégations. 

Le  commandant  Duval,  ancien  clief  du  4«  bataillon  des  mobiles 
de  la  Marne,  présidait  la  cérémonie,  assisté  de  plusieurs  de  ses  offi- 
ciers, également  originaires  de  la  région. 

Au  pied  du  monument  expiatoire,  divers  discours  ont  été  pro- 
noncés par  le  commandant  Duval;  par  M.  Emile  Schmitt,  secré- 
taire de  l'Union  châlonnaise  des  volontaires  et  combattants  de 
1870;  et  par  M,  L.  Bourlier,  de  Saint-Amand,  frère  d'une  des 
malheureuses  victimes. 

Au  retour  de  ce  triste  pèlerinage,  le  cortège  officiel  s'est  rendu 
à  l'église,  tendue  de  noir  et  décorée  de  drapeaux,  où  a  été  célébré 
un  service  funèbre,  au  milieu  duquelune  allocution  touchante  fut 
prononcée  par  M.  l'archiprêtre  de  Sainte-Menehould  ;  enfin,  de  là 
au  cimetière,  où,  sur  la  tombe  des  mobiles,  le  commandant  Duval 
lit  entendre  encore  quelques  paroles  d'adieu. 


Anniversaire  du  combat  de  Buzancy.  —  Le  vingt-cinquième  anni- 
versaire du  combat  de  Buzancy  (Ardennes)  a  été  célébré  cette 
année  en  grande  pompe. 

La  municipalité,  les  fonctionnaires,  le  clergé  entier  du  canton, 
la  population  et  les  familles  Chanzy  et  de  Civry  y  assistaient. 
Après  un  patriotique  discours  d'un  missionnaire  apostolique, 
l'assistance  a  visité  la  sépulture  des  soldats  français  et  alle- 
mands. 


Le  colonel  Kirgener  de  Planta. —  Notre  honorable  compatriote 
chàlonnais,  M.  le  colonel  Kirgener  de  Planta,  vient  d'être  désigné 
pour  représenter  l'armée  française  aux  manœuvres  de  l'armée 
suisse  qui  doivent  avoir  lieu  prochainement. 


Le  baron  dk  Baye  en  Russie.    —  On  écrit  de  Syzrane,    le  b/lT 
septembre  (gouvernement  de  Simbirsk)  : 


742  CHRONIQUE 

Le  4/16  septembre,  le  baron  de  Baye,  à  son  retour  d'un  voyage 
archéologique  en  Sibérie,  est  arrivé  dans  la  ville  de  Syzrane. 
M.  Polivanow,  président  de  la  commission  des  archives  du  gou- 
vernement de  Simbirsk,  le  maire  de  la  ville,  le  directeur  de  l'école 
réale,  l'administration  de  la  Banque,  le  maréchal  de  la  noblesse 
du  district,  M.  de  Tolstoy,  un  des  doyens  parmi  les  archéologues 
russes,  etc.,  etc.,  ont  reçu  à  la  gare  le  nouvel  arrivant  au-devant 
duquel  une  foule  considérable  s'était  portée. 

La  musique  militaire  jouait  la  Marseillaise.  La  police  avait 
grand'peine  à  contenir  les  curieux  qui  avaient  envahi  l«;s  quais  de 
la  gare.  Le  lendemain  les  notabilités  de  Syzrane  ont  offert  au  club 
un  banquet  présidé  par  le  maréchal  de  la  noblesse  et  par  le 
maire.  Les  murs  disparaissaient  sous  des  guirlandes  de  chênes  et 
les  drapeaux  russes  et  français  réunis  par  des  écussons,  parmi 
lesquels  on  distinguait  celui  de  la  ville  de  Châlons.  Le  premier 
toast  a  été  porté  par  le  baron  de  Baye  à  la  santé  de  S.  M.  l'Empe- 
reur de  toutes  les  Russies,  et  l'hymne  russe  a  été  écouté  debout 
par  les  assistants.  Ensuite  le  maréchal  de  la  noblesse  a  porté  la 
santé  du  Président  de  la  République.  Ce  toast  a  été  immédiate- 
ment transmis  à  S.  E.  le  comte  de  Montebello  par  dépêche,  pen- 
dant que  la  musique  jouait  la  Marseillaise. 

Ensuite  le  baron  de  Baye  a  exprimé  ses  sentiments  de  gratitude 
pour  l'accueil  qui  lui  a  été  fait  et  a  levé  son  vene  à  la  ville  de 
Syzrane.  Des  cri^  de  :  «  Vive  la  France  »  ont  retenti. 

Le  lendemain  matin  le  baron  de  Baye  est  parti  pour  le  village 
de  Mouranka  où  des  fouilles  ont  été  pratiquées.  Dans  nne  vaste 
nécropole,  plus  de  cinquante  tombeaux  ont  été  ouverts.. 

Actuellement,  l'archéologue  franco-russe  est  l'hôte  de  M.  Poli- 
vanow, président  de  la  commission  des  archives  du  gouvernement 
de  Simbirsk,  qui  possède  dans  son  domaine  d'Akchonat  un  musée 
contenant  une  importante  collection  d'antiquités  recueillies  dans 
la  région  qu'il  habite.  (Débals.) 


LnAUGORATION  de  la-  STATL't;    DE   HeNRI     l"    LE    LlBliRAL,     COMTE   DE 

Champagne,  a  Igny-le-Jard.  —  La  statue  en  bronze  de  Henri  Pr  le 
Libéral,  douzième  comte  de  Champagne,  de  1132  à  1181,  bienfai- 
teur d'Igny-le-Jard  (Marne),  a  été  solennellement  inaugurée  sur  la 
place  publique  de  cette  commune,  le  dimanche  29  septem- 
bre 1895. 

Les  habitants  de  ce  modeste  village,  —  situé  dans  le  canton  de 
Dormans,  au  milieu  d'une  plaine  entourée  de  grands  bois  et  de 
plusieurs  étangs,  —  ont  prouvé,  dans  cette  circonstance,  que  les 
dettes  de  reconnaissance  ne  se  prescrivent  pas. 

On  sait  que  ce  comte  de  Champagne  et  de  Troyes,  au  cours 
d'une  administration  prospère  de  près  de  trente  années,  justifia 
l'appellation    de    Libéral  qui   lui   a  été  donnée,    en    prodiguant 


CHRONIQUE  743 

d'inépuisables  bienfaits  au  clergé,  aux  établissements  religieux  et 
hospitaliers  comme  aux  populations  urbaines  et  rurales  de  ses 
vastes  domaines. 

Ami  des  lettres,  des  sciences  et  des  arts,  il  encouragea  le  com- 
merce et  l'industrie,  concourant  au  développement  des  célèbres 
foires  de  Champagne,  où  tout  le  tralic  de  l'Europe  se  donnait 
alors  rendez-vous.  On  a  attribué  à  Henri  la  fondation  de  treize 
églises  collégiales  et  d'autant  d'hôpitaux. 

Le  premier  des  comtes  de  Champagne,  il  se  préoccupa  de  la 
condition  des  serfs  qui  formaient  au  xii'  siècle  la  presque  totalité 
des  habitants  de  ses  domaines,  et  délivra  [)lusieurs  chartes  d'atl'ran- 
chissement,  créa  des  villeneuves,  étendit  aux  juifs  même  sa 
tolérance  et  sa  mansuétude. 

Né  à  Trojes  vers  1127,  il  mourut  dans  cette  ville  le  16  mars 
1181. 

Igny-le-Jard  eut  sa  part  dans  les  libéralités  du  sage  comte.  Il 
y  avait  fondé  en  1178  un  prieuré  desservi  par  cinq  religieux  augus- 
tins  tirés  de  l'abbaye  de  Saint-Martin  d'Épernay.  Les  habitants 
bénéficièrent  des  généreuses  dispositions  du  prince  à  leur  égard. 
Ils  héritèrent,  eux  et  leurs  descendants,  à  perpétjité,  de  la 
propriété  des  bois  d'usage  et  pâtis,  eource  de  revenus  considéra- 
bles pour  cette  petite  commune. 

Igny  fut  le  siège  d'une  importante  chatellenie  sous  les  comtes 
successeurs  de  Henri  1"^'.  Thibaut  V,  notamment,  qui  régna  de 
I2b3  à  1270,  y  résida  à  diverses  reprises  et  reconstruisit,  de  1238 
à  1260,  dans  des  conditions  uouvellej  de  richesse  et  d'élégance,  la 
chapelle  du  prieuré.  Des  peintures,  exécutées  par  un  certain  maî- 
tre Bernard,  dit  un  compte  de  ce  temps,  ornaient  l'intérieur  de 
l'édiiice,  à  la  garde  duquel  huit  chanoines  réguliers,  au  lieu  de 
cinq,  furent  désormais  atîeclés. 

Il  ne  reste  aujourd'hui  du  prieuré  qu'une  fontaine,  conservée  dans 
l'ancien  enclos  monastique. 

Depuis  la  consécration  de  la  nouvelle  église  en  1830,  et  la  béné- 
diction des  cloches  paroissiales,  qui  avait  eu  lieu  en  l866  sous  la 
présidence  de  l'évèque  de  Châlons,  Mgr  Meignan,  aujourd'liui 
cardinal  archevêque  de  Tours,  Igny-le-Jard  n'avait  pas  vu  de 
semblable  fête. 

Dès  longtemps  déjà,  les  municipalités  successives  avaient  songé 
à  rendre  cet  hommage  de  gratitude  au  bienfaiteur  de  leurs  ancê- 
tres. Un  comité  se  constitua  en  I89't,  une  souscription  fut  ouverte. 
Au  mois  d'avril  1895,  une  convention  était  passée  avec  .MM.  Denon- 
villiers  et  Cie,  fondeurs  à  Sermaize,  et,  dans  les  premiers  jours  de 
juillet,  arrivait  en  gare  de  Dormans,  puis  à  igny  même,  la  statue, 
digne  d'être  comparée  au  Colbertde  Reims,  au  Royer-Collard  de 
Vitry. 

Restait  à  construire  le    soubassement   en    pierre    de  taille  ;  un 


~ii  CHRONIQUE 

architecte  de  Cliâtilloii-sur-Marne,  M.  Jules  Marié-Neveux,  fut 
choisi  k  cet  ctret,  et  le  projet  exécuté  par  M.  Lasserre-Rochette, 
de  Port-à-Binson. 

La  cérémonie  d'inauguration,  favorisée  par  un  clair  soleil,  a  eu 
lieu  à  2  heures  de  l'après-midi,  en  présence  du  député  de  la 
Marne,  M.  Vallé,  du  conseiller  général  Lourdeaux,  du  conseiller 
d'arrondissement  Leclère,  assistés  de  la  municipalité  d'Igny  et  des 
membres  du  Comité   de  souscription,   auxquels  s'était  jointe  une 

foule  considérable,  accourue  de  tous  les  environs. 

A.  T.-R. 


Anniversaires  DE  Sedan  et  du  Bazeilles.  —  Le  l'"'  septembre  a 
été  célébré  à  Sedan  et  à  Bazeilles  le  douloureux  anniversaire  des 
batailles  sanglantes  de  1870. 

A  Sedan,  un  service  funèbre  a  été  célébré  dans  l'église,  à  neuf 
heures. 

Les  pompiers  formaient  la  haie  dans  l'église  ;  sur  la  place  qui  la 
précède,  un  bataillon  du  120e  d'infanterie  et  un  escadron  du  23" 
dragons,  la  lance  au  poing,  rendaient  les  honneurs  ;  la  musique 
du  120<',  qui  n'avait  pu  trouver  place  dans  l'église,  du  reste  assez 
exiguë,  était  massée  devant  l'église  et  a  joué  des  morceaux  funè- 
bres pendant  le  service. 

Dans  le  chœur  avaient  pris  place  M.  Villain,  député  et  maire  de 
Sedan,  avec  un  certain  nombre  de  conseillers  municipaux,  le 
général  Uapp,  commandant  la  4*  division  de  cavalerie,  comman- 
dant d'arfnes,  le  général  Maillard,  commandant  la  5*  brigade 
d'infanterie,  les  colonels  et  lieutenants-colonels  des  22*  et  23" 
régiments  de  dragons,  le  sous  préfet  en  uniforme,  et  la  plupart 
des  notabilités  de  la  ville. 

Des  services  ont  été  dits  également  en  grande  pompe  au  Temple 
protestant  et  au  Temple  Israélite. 

Pendant  ce  temps,  la  Société  des  anciens  militaires  d'infanterie 
de  marine  de  Sedan  se  rendait  au  devant  des  Sociétés  attendues 
à  la  gare  à  neuf  heures  un  quart  après  une  visite  à  la  presqu'île 
d'Iges,  où  l'armée  française  prisonnière  a  passé  deux  ou  trois 
épouvantables  journées  en  1870. 

A  dix  heures,  un  autre  cortège  se  forme  sur  la  place  Turenue, 
et  bientôt,  précédé  de  l'Harmonie  municipale,  se  rend  au  cime- 
tière. Ce  sont  les  ambulanciers  et  les  brancardiers  de  la  Société  de 
secours  aux  blessés,  qui  vont  porter  une  couronne  à  l'ossuaire  du 
cimetière  Saint-Charles,  car,  si  l'on  connaît  surtout  l'ossuaire  de 
Bazeilles,  il  ne  faut  pas  oublier  que,  tout  autour  de  Sedan,  chaque 
village  a  également  le  sien. 

Un  grand  nombre  de  maisons  sont  ornées  de  drapeaux  en 
berne  et  cravatés  de  crêpe  :  par  ordre  de  la  municipalité,  tous  les 
édifices  publics  ont  également  des  drapeaux  en  deuil. 


CHRONIQUK  745 

Au  cimetière,  après  avoir  béni  le  monument  en  présence  des 
assistants.  M.  l'abbé  Delasalle,  aumônier  militaire,  a  prononcé  un 
discours  émouvant  et  patriotique,  qui  a  produit  le  plus  grand 
effet. 

A  onze  heures,  à  la  Halle,  un  vin  d'honneur  a  été  oilert  par  la 
municipalité  à  toutes  les  délégations  et  Sociétés  venues  pour  la 
cérémonie. 

Le  général  Lambert  qui,  avec  M.  Villain,  maire  de  Sedan,  allait 
assister  au  service  de  Bazeilles,  n'a  fait  qu'une  courte  apparition  ; 
il  a  été  salué  par  d'unanimes  acclamations. 

A  onze  heures,  dans  la  chapelle  provisoire  de  Bazeilles,  un  ser- 
vice anniversaire  a  été  célébré,  et  rien  n'était  plus  saisissant  que 
ce  pieux  témoignage  donné  sans  éclat,  sans  apparat,  aux  glorieux 
morts  de  1870.  C'est  là,  sur  le  champ  de  bataille  que  tant  de 
Français  arrosèrent  de  leur  sang,  c'est  là  que  le  général  Lambert 
a  voulu  s'associer  aux  prières  dont  ils  étaient  l'objet,  lui,  l'un  des 
héros  de  ces  tristes  journées. 

Après  le  service  de  Bazeilles,  auquel  assistait  une  foule  énorme, 
ou  s'est  rendu  au  cimetière,  où  plusieurs  discours  ont  été  pronon- 
cés. M.  le  curé  de  Bazeilles  a  donné  un  pieux  souvenir  aux  morts  ; 
le  général  Lambert  a  rappelé  que  ceux  qui  combattent  pour  la 
Patrie  font  leur  devoir  et  que  ceux  qui  meurent  pour  elle  ont 
droit  à  nos  regrets  et  à  nos  prières. 

Voilà  le  vrai  côté,  réellement  édifiant  et  fortifiant,  de  la  céré- 
monie anniversaire  de  1870.  ' 

L'après-midi,  la  cérémonie  officielle  avec  ses  drapeaux,  ses  ban- 
nières, ses  fanfares  et  ses  musiques,  ressemble  plus  à  une  fête 
quelconque  qu'à  la  simple  et  émouvante  manifestation  qui  devrait 
seule  se  produire. 

Le  cortège,  formé  à  Sedan,  et  qui  comprend  plus  de  vingt-cinq 
Sociétés  et  délégations,  dont  quelques-unes  sont  venues  de  fort 
loin  pour  apporter  une  couronne  aux  morts  de  Bazeilles,  arrive  à 
trois  heures  devant  la  mairie  où  sont  réunis  le  maire  de  Bazeilles, 
M.  Villain,  député  et  maire  de  Sedan,  le  général  Lambert,  les 
conseillers  municipaux,  etc.  Lespompiers  de  Bazeilles  sont  rangés 
devant  la  mairie,  ainsi  que  la  fanfare  du  23«  dragons. 

Immédiatement  le  cortège  se  reforme  et  se  complète,  après  les 
présentations  faites  par  le  maire,  et  l'on  se  rend  au  monument 
élevé  sur  la  place  de  l'infanterie  de  Marine  :  c'est  là  que  vont  être 
prononcés  les  nombreux  discours,  parmi  lesquels  nous  citerons 
celui  du  général  Lambert,  qui  rappelle  les  tristes  événements  aux- 
quels il  a  pris  part  il  y  a  vingt-cinq  ans;  et  celui  de  M.  Dugras, 
président  de  l'Union  amicale  des  anciens  sous-officiers  et  soldats 
de  la  Marine,  de  Reims. 

Eufin,  vei'S  quatre  heures,  les  dernières  paroles  sont  prononcées, 
et  le  cortège  se  dirige   vers   l'ossuaire,   tandis   que  les  musiques, 


74t>  CHRONIQUE 

échelonnées,  jouent  des  marches  funèbres.  En  passant  devant  la 
maison  des  Dernières  Cartouches,  tout  le  monde  se  découvre  et 
les  drapeaux  saluent, 

A  l'ossuaire,  tandis  qu'on  dépose  les  couronnes,  nouveaux  dis- 
cours, puis  retour  à  la  mairie,  où  un  vin  d'honneur  est  offert  :  il 
est  presque  six  heures  quand  la  cérémonie  prend  fin,  et  rien  n'est 
plus  curieux  que  le  retour  à  Sedan  des  visiteurs  et  des  Sociétés. 

On  évalue  à  plus  de  dix  mille  le  nombre  de  ceux  qui  ont  fait 
pendant  la  journée  du  !«■■  septembre   le   pèlerinage  de    Bazeilles. 

Sous  la  réserve  indiquée  plus  haut,  la  cérémonie  était  superbe  et 
imposante  ;  tous  ceux  qui  y  ont  assisté  en  conserveront  le  sou- 
venir. V.   M. 


La  Maison  des  Dernières  Cartouches  et  le  sergent  Poittevin. 
—  Les  Ardennes  publient  la  relation  suivante  concernant  la  célè- 
bre défense  de  la  maison  des  Dei'iiiércs  Cartouches,  dont  on  avait 
contesté  l'authenticité  glorieuse: 

«  Le  te""  septembre,  vers  sept  heures  du  matin,  le  2'  régiment 
d'infanterie  de  marine  parvint  à  repousser  l'ennemi  ;  mais  celui-ci 
renvoyait  constamment  des  troupes  fraîches  et  le  colonel  du  régi- 
ment de  maj'souins  commanda  au  capitaine  Bourgey,  de  la  13» 
compagnie,  d'occuper  la  maison  Bourgerie  et  de  s'y  maintenir 
coûte  que  coûte. 

«  120  marsouins  accompagnèrent  le  capitaine  Bourgey  avec 
deux  sous  lieutenants  :  M\L  Escourbet,  de  la  13",  et  Saint-Félix,  de 
la  5'. 

(i  Bientôt,  poursuivis  par  l'ennemi,  arrivaient  les  capitaines 
Aubert  et  Picard,  puis  le  commandant  Lambert  (aujourd'hui  géné- 
ral) blessé  à  la  cheville  et  soutenu  par  deux  soldats. 

«  C'est  alors,  vers  huit  heures  du  matin,  que  commença  une 
fusillade  qui  décima  littéralement  les  Bavarois. 

«  Vers  dix  heures,  les  inlrépi  les  marsouins  (officiers,  sous-offi- 
ciers et  soldats)  tenaient  toujours  quand  le  générai  allemand  Von 
der  Thann  envoya  une  batterie  d'artillerie. 

«  Les  servants  par  deux  fois  tombèrent  sous  les  balles  des  der- 
nières cartouches  ;  mais  la  batterie  fut  abritée,  et  des  obus  cre- 
vèrent le  toit  de  la  maison. 

«  Le  commandant  Lambert,  dit  un  témoin,  couché  et  soutlVant 
d'une  horrible  blessure,  excitait  les  marsouinsà  la  lutte  àoutrance, 
tandis  que  les  capitaines  Bourgey  (aujourd'hui  général)  et  Aubert 
tenaient  leurs  honmies  en  éveil. 

«  A  dix  heures  et  demie,  le  capitaine  Bourgey  était  contusionné 
à  la  tête  par  une  pierre  détachée  de  la  muraille. 

«  A  ce  moment  il  restait  une  vingtaine  de  cartouches.  Elles 
furent  tirées  par  les  officiers.  C'est  alors  que   les  Bavarois  enfon- 


CHRONIQUK  1  il 

cèrent  la  porte  de  la  maison  Bourgerie,  d'où  ils  furent  repoussés 
à  l'arme  blanche. 

«  La  position  n'était  plus  tenable  et  les  héroïques  défenseurs 
eussent  été  massacrés  jusqu'au  dernier  sans  l'intervention  cheva- 
leresque du  capitaine  d'état-major  bavarois  Lissignola. 

«  Devant  la  belle  défense  de  cette  poignée  d'hommes,  legénéral 
Von  der  Thann  ne  fil  pas  désarmer  les  officiers,  qui  purent  porter 
leurs  armes  jusqu'en  captivité.  » 

—  Un  incident,  qui  a  vivement  ému  tous  les  assistants,  s'est  pro- 
duit le  dimanche  1*^'  septembre  à  la  mairie  de  Bazeiiies.  Au 
moment  des  présentations,  le  général  Lambert  (commandant  en 
1870)  reconnut  parmi  les  assistants  I\L  Alphonse  Poittevin,  de 
Cumières  (Marne),  qui,  en  18*0,  était  sergent  d'infanterie  de 
marine. 

Poittevin  était  de  ceux  qui  défendirent  la  maison  Bourgerie  ;  il 
était  de  ceux  qui  sortirent  de  là,  avec  le  commandant  Lambert, 
les  cartouchières  vides. 

Fait  prisonnier  avec  le  commandant,  Poittevin  lui  olîrit,  le 
soir,  la  moitié  de  l'unique  morceau  de  lard  qu'il  avait  pour  se 
nourrir;  ce  fut  avec  lui  encore  qu'il  partit  en  captivité. 

Ces  souvenirs  sont  de  ceux  qui  ne  s'oublient  pas;  aussi,  après 
vingt-cinq  ans,  les  deux  compagnons  de  gloire  et  d'infortune  se 
sonl-ils  serré  la  main  avec  une  efTusion  facile  à  comprendre.  Le 
général  Lambert  n'a  pas  embrassé  Poittevin,  c'est  au  fils  du 
sergent  qu'il  réservait  cette  accolade  qui  voulait  dire  :  «  Fais 
comme  ton  brave  père.  » 

Bien  des  yeux,  qui  depuis  longtemps  n'avaient  pas  pleuré,  se 
sont  alor:>  mouilles  de  larmes.         {Courrurdc  La  Clumipiujiie.) 


M.  Antoine  Héron  de  Villefossu  et  liî  Musée  africain  du  Locvue. 
—  Le  président  de  la  République  a  inauguré,  le  S  juillet,  au 
Musée  du  Louvre,  la  nouvelle  salle  des  antiquités  africaines. 

iM.  Raymond  Puincaré,  ministre  de  l'Instruction  publique,  accom- 
pagné de  son  chef  de  cabinet,  M.  Georges  Bernard  ;  MAL  Henry 
Houjon,  directeur  des  beaux-arts,  Kaempfen,  et  tous  les  conserva- 
teurs du  Louvre  attendaient  M.  Félix  Faure  sur  le  perron  du 
pavillon  Denou^  qui  fait  face  aux  jardins  du  Carrousel. 

Après  avoir  traversé  la  galerie  Denon,  M.  Félix  Faure  est  entré 
dans  la  nouvelle  salle  des  antiquités  africaines.  M.  Antoine  Héron 
de  Villefosse,  conservateur  des  antiques  au  Musée,  notre  collabo- 
rateur, lui  en  a  fait  les  honneurs. 

Le  président  a  écouté  avec  un  vif  intérêt  les  explications  qui  lui 
ont  été  fournies  sur  les  pièces  les  plus  importantes  de  la  collection. 
Puis  M.  R.  Poincaré  a  ra[)pelé  en    quelijuos    mois,    très    vivement 


748  CHRONIQUE 

applaudis,  les  travaux  de  M.  de  Villefosse,    à    qui   le  Président    a 
remis  la  croix  d'olticier  de  la  Légion  d'honneur. 


Peintures  diî  la  porte  nouvel:.emknt  ouvertiî  au  portail  nord  dk 
LA  Cathédrale  Dii  Reims.  —  Un  de  nos  concitoyens,  parlant  de  la 
porte  du  portail  nord,  récenin\ent  ouverte,  et  «  de  l'informe  bar- 
«  bouillement  ocreux  du  fond  (que,  entre  parenthèses,  on  ferait 
«  bien  de  gratter  au  plus  vite)  »,  nous  paraît  sévère,  il  n'a  sans 
doute  pas  été  à  même  de  voir  à  son  aise  les  peintures  dont  il 
apprécie  si  mal  la  valeur.  De  loin,  à  travers  la  forêt  de  bois  de 
l'échafaudage,  il  est  difficile,  en  elTet,  de  les  juger  convenablement. 

Ces  peintures  sont  très  anciennes  ;  elles  seraient,  dit-on,  de  la 
lin  du  xir  siècle,  par  conséquent  dignes  d'être  conservées.  Le 
Gouvernement,  plusieurs  fois^  en  a  fait  prendre  le  dessin  et  les 
teintes,  ce  qui  explique  pourquoi  les  couleurs  sont  aujourd'hui 
très  pâlies.  M.  Gailhabaud,  dans  son  riche  ouvrage,  donne  une  vue 
polychromée  de  ce  portail  roman,  ce  qui  prouve  la  valeur  que  l'on 
a  donnée  à  ces  peintures,  qui  ont  perdu,  nous  l'avouons,  beau- 
coup de  leur  éclat  depuis  quelques  années. 

Pour  faciliter  l'inspection  du  travail,  nous  donnons,  en  quelques 
mots,  l'analyse  de  la  description  de  la  porte,  faite  par  M.  l'abbé 
Cerf  (Jlisl.  de  N.-D.)  : 

Dans  le  sommet  de  l'ogive  se  trouve  le  Christ  assis,  tenant  un  seplre  ; 
deux  anges  avec  des  flambeaux  sont  à  ses  côtés  et  à  genoux. 

Sous  une  fris^  se  dessine  une  arcade  à  plein  cintre,  au  sommet  de 
laquelle  sont  <teux  anges  qui  emportent  au  Ciel,  dans  un  lange,  une  petite 
figure  nue,  Ta  ne  sans  doute  de  la  sainte  Vierge,  conduite  au  Ciel.  Le  tout 
est  encadré  dans  un  cordon  d'anges,  qui  suivent  les  contours  de  l'arcade  et 
semblent  rendre  hommage  à  la  petite  figure,  en  l'honneur  de  laquelle  ils 
tiennent  des  lyslels,  des  flambeaux,  des  encensoirs. 

Le  groupe  qui  remplit  tout  le  tym[)an  de  l'arcade  a  pour  sujet  la  Très- 
Sainle-Vierge  tenant  l'Enfant  Jésus.  La  mère  de  Dieu,  couronnée,  est  revê- 
tue d'une  robe  d'or  et  d'un  manteau  bleu  à  fleuis  dor,  doublé  de  blanc. 
L'enfant  est  velu  d'une  robj  d'o;-  et  d'un  mauteau  pourpre. 

Au-dessous  de  l'arcade  sont  suspendus  des  rideaux  blancs,  frangés  d'or, 
relevés  et  noués  autour  d'une  colonne. 

Le  tympan  a  son  fond  rouge  et  bleu,  chargé  d'étoiles  d'or,  au  milieu  des- 
quelles sont  des  anges. 

Toute  la  sculpture  de  cette  porte  est  d'une  finesse  bien  grande  -, 
les  icônes,  les  frises,  les  rinceaux,  les  chapiteaux  rappellent  le 
commencement  du  xii*  siècle...  Si  le  gouvernement  avait  quelques 
sommes  disponibles,  il  serait  d'un  grand  intérêt,  non  pas  de 
gratter  au  plus  vite,  mais  de  refaire  ce  spécimen  de  peintures 
anciennes  si  rares  de  nos  jours. 

Un  lecteur  du  «  Couj-fùr.  » 


CHKONIQUE  74^ 

Tout  en  nous  élevant  contre  le  vandalisme  d'une  mesure  sem- 
blable à  celle  que  réclamait  le  rémois  cité  au  début  de  cet  article, 
nous  ne  saurions  d'autre  part  protester  assez  contre  la  mesure 
non  moins  barbare  proposée  par  le  correspondant  du  Courrier. 
Les  teintes,  toutes  pâlies  soient-elles,  du  coloris  ancien  doivent 
être  conservées  dans  leur  état  actuel  :  les  intempéries  de  l'air 
auront  assez  vite  fait  d'altérer  encore  et  d'etl'acer  leurs  nuances 
délicates.  Et  si,  d'une  part,  nous  devons  nous  réjouir,  pour  la 
beauté  de  l'ensemble,  de  la  réouverture  de  celta  baie,  qui  nous 
restitue  cet  admirable  portail  nord  de  la  cathédrale  dans  son  itité- 
grité,  qu'il  nous  soit  permis  d'émettre  un  regret  pour  l'inévitable 
altération  que  va  subir  cette  charmante  décoration  polvchrome 
qui  fit  tant  de  fois  l'émerveillenient  de  notre  enfance,  dans  la  claire 
et  paisible  sacristie  qui  abritait  ses  élégantes  voussures  et  son 
harmonieux  tympan.  A.  T. -H. 


Les  Tapisseries  ue  l'Éolise  Sai.nt-Remi  de  Reims.  —  Nous  lisons 
dans  le  Journal  des  Débats  : 

«  I\L  Marcou,  inspecteur  des  monuments  historiques,  signalait, 
il  y  a  six  mois,  à  l'attention  de  l'administration  des  beaux-arts, 
une  importante  collection  de  tapisseries  du  seizième  siècle, 
ornant  l'église  Saint-Remi,  à  Reims,  en  émettant  le  voni  qu'elles 
fussent  soumises  à  une  réparation  à  laquelle  leur  considérable 
valeur  artistique  donnait  droit. 

Le  travail  de  réparation  fut  confié  à  la  manufacture  nationale 
des  fiobelins,  et  aux  soins  éclairés  de  son  savant  administrateur, 
M.  J.-J.  Guitfrey. 

II  s'agissait,  après  avoir  fait  disparaître,  par  de  nombreux 
lavages  successifs,  la  couche  de  poussière  qui  recouvrait  les  brode- 
ries, de  reprendre,  maille  à  maille,  les  parties  de  \i  trame  que  I& 
temps,  l'humidité  et  une  autre  cause  mystérieuse  avaient 
détruites. 

Cette  autre  cause  est  purement  chimique.  Elle  réside  dans  la 
composition  des  couleurs  foncées,  le  noir  et  le  brun,  «jui  sont 
formées  de  substances  minérales,  tandis  que  les  autres  couleurs 
sont  obtenues  au  moyen  de  substances  végétales.  Or,  les  substances 
minérales  rongent  plus  rapidement  la  soie  et  la  laine  que  les 
autres;  aussi,  tandis  que  —  tout  en  devenant  plus  pâles  —  les 
parties  bleues,  rouges,  vertes  et  jaunes,  sont  restées  intactes,  toutes, 
ou  presque  toutes,  les  noires  et  les  brunes  ont  disparu. 

La  collection  de  Saint-Remi  est  composée  de  dix  tapisseries  de 
2o  mètres  carrés  chacune,  représentant  la  vie  du  saint  évèque.  En 
voici  la  liste  : 

1»  Naissance  et  éducation  de  saint  Kemi,  fils  de  sainte  Cilinie.  ^ 
2°  Saint  Rémi  est  nommé  archevêque  de  lieims.  —  3o  Dilférents  miracles  de 
saint  Rémi.  —  4°   Bataille   de    Tolbiac  ;  baptême  de  Clovis.  —  5»    Saint 


T.'^Û  CHRONFQUK 

Rémi  fait  mettre  en  prison  saint  Henebault.  —  6"  11  ressuscite  un  moine, 
afin  qu'il  porte  témoignage.  —  7°  Concile  tenu  en  France,  —  8"  Te!?tu- 
ment  et  mort  de  saint  Hemi.  —  9°  Funérailles  de  saint  Kemi.  —  10"  Trans- 
lation de  son  corps  ;  portrait  du  donateur. 

M.  J.-J.  GuifTrey,  qui  a  l'extrême  obligeance  de  nous  conduire 
dans  les  ateliers  des  Gobelins  et  de  nous  montrer  les  tapisseries 
de  Reims,  nous  en  fait  l'histoire.  Elles  ont  été  données  en  1531  à 
l'église  fiar  Robert  de  Lenoncourt,  archevêque  et  cardinal,  en 
même  temps  que  d'autres,  représentant  la  vie  de  la  Vierge,  et 
qui  se  trouvent  dans  la  cathédrale. 

La  date  du  don,  et  le  nom  du  donateur,  —  dont,  du  reste,  les 
armoiries  sont  représentées  sur  chacun  des  tableaux,  —  nous  sont 
prouvés  par  le  huilain  suivant,  qui  se  lit  en  lettres  gothiques  sur 
le  dernier  : 

L'an  mil  cinq  cent  trente  et  ung  adjoustez, 

Le  Révérand  Robert  de  Lenoncourt, 

)'our  décorer  ce  lieu  de  tous  coustez. 

Ce  fit  parfaire,  encore  bruyt  en  court, 

Honrorant  Dieu  en  sa  céleste  court. 

En  laquelle  est  le  beuoist  sainct  liemy, 

ir  me  donna,  pour  le  cas  faire  court, 

C'est  démonstré  de  son  salut  amy. 

Malheureusement,  si  cette  inscription  nous  renseigne  sur  ces 
deux  points,  elle  est  muette  sur  le  nom  du  peintre  qui  a  tracé  les 
modèles,  et  sur  celui  du  tapissier  qui  les  a  interprétés.  M.  Guitfrey 
a  la  conviction  que  le  peintre  devait  être  français,  en  considérant 
la  majesté  in)posante  des  figures,  le  caractère  tranquille  et  reli- 
gieux des  compositions. 

Les  personnages  sont  drapés  avec  noblesse,  dans  des  costumes 
simples,  formant  autour  d'eux  des  plis  réguliers.  Ils  ne  se  ressentent 
en  rien  des  exagérations  que  les  modes  allemande  et  boiirgui- 
gnonne  avaient  introduites  en  l^'rance  aux  quinzième  et  seizième 
siècles. 

En  outre,  si  les  types,  gestes  et  costumes  ont  une  allure  bien 
française,  M.  Guitfrey  retrouve  le  même  caractère  dans  l'architec- 
ture qui  décore  les  fonds  ou  qui  sépare  les  différents  sujets  d'une 
même  pièce. 

Chaque  tableau  est  divisé  par  des  pilastres  de  fines  arabesques, 
de  manière  à  contenir  cinq  scènes  ditférentes. 

A  l'heure  actuelle,  une  seule  tapisserie  de  la  collection  est  entiè- 
rement réparée.  C'est  la  dernière  de  laliste,  celle  qui  était  le  moins 
endommagée  au  début.  Les  frais  de  réparations  montent  à  2,500  fr. 

On  y  voit  le  portrait  du  donateur,  représenté  tôle  nue,  devant 
un  prie-Dieu  à  ses  armes.  Devant  le  prélat,  la  Vierge  tenant 
l'enfant  est  assise  sur  un  trône.  Saint  Rémi  qui  étend  les  bras  pour 
bénir  Robert  de  Lenoncourt,  semble  servir  d'intermédiaire  entre 
l'archevêque  et  les  personnages  divins. 


CHUONIQUB  "7^' 

Les  portraits  ont  été  conservés  sans,  avarie,  et  n'ont  pas  besoin 
d'être  retouchés,  ce  qui  offre  un  précieux  intérêt. 

Lorsque  la  collection  entière  aura  été  réparée,  c'est-à-dire  dans 
sept  ou  huit  ans,  l'administration  des  beaux-arts  a  l'intention  d  en 
orner  rarchevèohé  de  lleuns,  où  elle  sera  plus  à  l'abri  que  dans 
la  sacristie  de  Saint-Remi. 

Souhaitons,  en  terminant,  «lue  la  série  des  tapisseries  représen- 
tant la  vie  de  la  Vierge,  datant  de  la  même  époque,  et  qui  se 
trouvent  en  ce  moment  dans  la  cathédrale,  prennent  également 
un  jour  la  route  des  (jobelins.  » 


Inauguration  I.E  L'Hospici.:  UK  Bétheniville.  -  Le  dimanche 
22  septembre,  a  eu  lieu  l'inauguration  de  l'Hospice  de  Helheniville 

(Marne). 

Il  Y  a  quelques  années,  M.  Douillet,  brasseur  à  Pontfaverger.  ou 
il  avait  fait  une  fortune  considérable,  voulut  consacrer  par  une 
œuvre  charitable  le  souvenir  de  son  fils  unique,  décédé  docteur  en 
médecine  à  Rethel. 

Par  suite  de  considérations  qu'il  serait  oiseux  de  rappeler, 
M  Douillet  choisit  la  commune  de  Bétheniville  comme  bénéficiaire 
de  sa  libéralité.  U  institua  cette  commune  légataire  de  sa  fortune, 
avec  l'obligation  de  créer  un  hospice  de  vieillards. 

L'entrée  en  jouissance  de  ce  legs  se  heurta  aux  lenteurs  habi- 
tuelles de  l'administration,  des  contestations  intervinrent,  et 
finalement  la  part  de   Bétheniville  se  trouva   beaucoup    plus  res- 

treinte  qu'on  ne  le  supposait. 

Unpeudécouragée,l'administrationmunicipaledecette  commune 

laissa    dormir    assez  longtemps  le   projet  de    construction    d  un 

^7y  avait  cependant  dans  le  legs  de  M.  Douillet  une  clause 
formelle  et  qui'engageait  absolument  les  donataires  Deven"  -ai- 
de Bétheniville,  M.  Reynaud  aborda  carrément  l  Problèm  et 
avec  la  ténacité  intelligente  qui  le  ''[^''^''^'^ '\'''' Jj'^Z 
d'aboutir.  Appuyé  par  son  Conseil  "--;'P^\f  7"^' .'', .  i  J,t 
partager  ses  vues,  il  fit  étudier  un  projet  que  M.  Lamj  aicliitecte 
de  Re!ms,  avait  su  très  habilement  approprier  aux  besoins  de 
l'œuvre  et  proportionner  aux  ressources  dont  on  disposait. 

M  Reynaud,  par  des  démarches  réitérées,  obtint  rassent.ment 
de  radmi^istrlt^on  supérieure  et  aujourd'hui,  ^  ex  rém.té  du 
village,  s-élève  «  l'hospice  Douillet  .s  construction  elég.uit^^^^^^ 
coauette  simple  et  confortable,  dont  Taménagement  fait  giand 
Zneu:'à  M.^Lamy  et  quîestheureusementdisposéepo^^^^^ 
les  agrandissements  que  rendront  certainement  possibk.  les 
générosités  des  donateurs  futurs. 

C'est  cet  hospice  que  l'on  inaugurait  hier. 


752  CHRONIQUE 

M.  Poiffaut,  soiis-piéfel  de  Reims,  présidait  la  cérémonie. 
M.  de  Montebello,  député  ;  M..Lagout,  ingénieur  en  chef  des  ponts 
et  chaussées  ;  M.  Farchitecle  Lamy,  formaient,  avec  M.  le  maire 
de  Bétheniville  et  le  Conseil  municipal,  le  cortège  officiel. 


F"oNTAiNE  MONUMENTALE  A  Vanault.  —  Le  1 8  Septembre,  à  l'occa- 
sion de  l'inauguration  solennelle  du  service  des  eaux,  Vanault-les- 
Dames  (Marne)  était  en  fête. 

A  deux  heures  de  l'après-midi,  les  invités,  ayant  à  leur  tête 
M.  Garinet,  maire,  suivi  de  tout  le  conseil  municipal,  se  rendirent 
sur  la  place  de  la  Mairie. 

Le  château  d'eau,  situé  derrière  la  mairie,  comprend  deux 
bassins;  l'usine  qui  les  remplit  est  située  au  bas  de  la  côle  à 
environ  300  à  400  mètres,  actionnée  par  une  roue  hydraulique 
qui,  amenant  l'eau  de  source  dans  les  bassins,  la  distribue  par 
toute  la  commune. 

Sur  la  place  de  la  Mairie  s'élève  une  fontaine  monumentale,  don 
gracieux  de  Mme  Garinet,  actuellement  âgée  de  87  ans,  veuve 
d'un  ancien  conseiller  de  préfecture  à  Châlons. 

C'est  au  pied  de  cette  fontaine  que  M.  le  maire  de  Vanault-les- 
Dames  a  pris  la  parole  pour  remercier  les  invités,  le  conseil 
municipal  et  la  généreuse  Mme  Garinet  qui  a  donné,  pour  parfaire 
les  travaux,  plus  de  12,000  francs  à  la  commune. 


La  nouvelle  églisb  d'Épernay.  —  Le  dimanche  t5  septembre, 
au  prône  des  messes  de  dix  heures  et  de  onze  et  demie,  M.  l'archi- 
prètre  d'Épernaj'  a  annoncé  à  ses  paroissiens  que  les  plans  de  la 
future  église  monumentale  de  .Notre-Dame  d'Épernay  avaient  été 
apportés  récemment  par  M.  Selmersheim,  architecte  de  l'édifice. 
Soumis  à  l'examen  du  comité  de  construction,  ils  ont  été  étudiés, 
discutés  et  enfin  adoptés  en  principe  à  l'unanimité. 

Le  public  a  appris  avec  plaisir  qu'une  reproduction  du  plan 
serait  offerte  par  le  comité  du  monument  à  tous  les  souscripteurs. 

Un  troncspécial  doit  être  placé  dans  l'église  actuelle  pour  recevoir 
les  offrandes  volontaires  des  fidèles. 

Après  avoir  donné  le  chiffre  des  souscriptions,  qui  monte  à  plus 
de  650,000  fr.,  M.  l'archiprêtre  a  fait  un  chaleureux  appel  à  ceux 
qui  n'ont  pas  encore  souscrit,  comme  au  zèle  de  tous  pour  trouver 
de  nouveaux  souscripteurs. 

Il  a  indiqué  plusieurs  moyens  pratiques  de  concourir  à  cette 
œuvre,  si  digne  de  la  ville  d'Épernay,  dont  l'accroissement  et  les 
embellissements  font  l'admiration  de  tous  les  étrangers.  En  par- 
ticulier, il  a  signalé  la  place  qu'on   pouvait  lui  faire    dans  les 


CHRONIQUE  753 

dispositions  leslanientaires,  comme  cela  a  eu  lieu  pour  tant 
d'églises  en  construction. 

Enfin,  il  a  rappelé  que  les  fonds  déjà  reçus  sont  placés  dans 
deux  maisons  de  banque,  le  Crédit  lyonnais  et  la  Société  générale. 

Nous  sommes  heureux  de  voir  que  la  question  de  la  construction 
de  cette  église,  réclamée  par  la  majorité  de  la  population  sparna- 
cienne,  approche  de  sa  solution  définitive. 


Célébbation  de  l'anniversaire  de  Valuy.  —  Le  dimanche 
22  septembre,  a  été  célébré  à  Valmy  l'anniversaire  de  la  victoire 
remportée  par  Kellermann. 

La  municipalité  et  les  pompiers  de  'V^almy,  avec  l'orphéon  de 
Suippes,  se  sont  rendus  devant  le  monument.  La  Marseillaise  et 
Thymne  russe  ont  été  exécutés  sur  l'esplanade. 

A  l'issue  de  la  fête,  a  été  laite  une  distribution  de  secours  aux 
indigents. 

Un  banquet,  des  illuminations  et  un  bal  ont  ensuite  eu  lieu. 


Bénédiction  d'une  cloche  a  Merlaut.  —  Le  dimanche  22  sep- 
tembre 1895,  a  eu  lieu  à  Merlaut  (Marne)  la  bénédiction  d'une 
cloche  nouvelle,  acquise  avec  le  produit  d'une  souscription  et  de 
donations  généreuses. 

La  cérémonie  était  présidée  par  M.  l'abbé  Nottin,  archiprêlre 
de  Vitry,  délégué  par  Mgr  l'évêque  de  Châlons. 

La  cloche  a  eu  pour  parrain  M.  Philogène  Rouy,  de  Vitry,  ancien 
maire  de  Merlaut,  et  pour  marraine  Mme  Bathilde  Champenois. 

II  faut  dire  à  l'éloge  de  MM.  Paintendre,  les  habiles  fondeurs  de 
Vitry-le-François,  qu'ils  ont  obtenu  un  parfait  accord  entre  l'an- 
cienne cloche  et  la  nouvelle  compagne  dont  on  vient   de  la  doter. 


Nouvelle  chaire  a  l'église  de  Bethon.  —  L'œuvre  d'embellisse- 
ment, en  rapport  avec  le  style  de  la  jolie  église  de  Bélhon  (Marne), 
se  poursuit  toujours.  Les  nouveaux  autels  en  chêne  sculpté  appe- 
laient une  chaire  monumentale  dans  le  même  genre.  Nous  avons 
pu  l'admirer  récemment.  En  chêne  soigneusement  sculpté  dans  le 
style  du  xV  siècle,  elle  est  tout  à  la  fois  élégante  et  grandiose,  et 
plus  d'une  cathédrale  envierait  une  pareille  chaire. 

Ce  qui  la  distingue  surtout,  c'est  la  finesse  achevée  des  bas- 
reliefs,  des  statuettes  et  de  l'ornementation  générale. 

Les  bas-reliefs  représentent  les  qualités  que  réclame  la  prédi- 
cation dans  l'orateur  et  dans  l'auditeur. 

48 


754  CHRONIQUE 

!•  L'exemple  :  Jésus  à  l'alelier  obéissant  à  saint  Joseph  ; 

2"  L'étude  :  Jésus  dans  le  temple  écoutant  et  interrogeant  les 
docteurs  de  la  loi. 

3°  La  bonté  :  Jésus  enseignant  le  peuple  et  les  enfants. 

4°  La  prière  :  Jésus  priant  au  jardin  de  l'agonie. 

Aux  angles  se  trouvent  les  staïuette?  tinement  ouvragées  des 
principaux  docteurs  de  l'église  :  saint  Augustin,  saint  Léon  pape, 
saint  Grégoire  pape  et  sa  colombe,  et  Bossuet,  l'aigle  de  Meaux. 

Ces  différentes  scènes  et  statuettes  sont  environnées  d'orne- 
ments conçus  avec  l'élégance  et  la  délicatesse  propres  au  style  du 
XV"  siècle. 

L'escalier  lui-même  est  d'un  travail  très  soigné  et  très  original. 

L'abat-voix  représente  une  de  ces  tlèches  élancées  de  nos  belles 
cathédrales  du  xv°  siècle,  avec  son  double  rang  de  contreforts 
surmontés  de  clochetons  et  de  balustrades,  agrémentés  de 
gargouilles  et  de  crochets  finement  reproduits. 


Dons  A  l'ilGlise  de  ChemixoiN. —  Le  dimanche  15  septembre  189o, 
a  eu  lieu  dans  l'église  de  Cheminon  (Marne),  sous  la  présidence 
de  M.  l'abbé  Florion,  vicaire-général,  l'inauguration  d'un  orgue 
de  chœur  et  la  bénédiction  de  deux  statues,  l'une  de  saint  Antoine 
de  Padoue  et  l'autre  du  Bienheureux  Gossuin,  moine  de  l'abbaye 
cistercienne  de  Cheminon. 

Sainte-Meneuould  et  ses  recettes  culinaires.  —  Un  de  nos 
concitoyens  nous  communique  un  livre  qu'il  a  découvert  en 
bouquinant  sur  les  quais  et  qui,  imprimé  il  y  a  130  ans  à  Paris, 
prouve  qu'à  cette  époque  la  renommée  gastronomique  de  la  ville 
de  Sainte-Menehould  était  déjà  faite. 

Ce  livre,  intitulé  Cuisinière  Bourgeoise^  a  été  édile  à  Paris, 
chez  Guillijn,quai  des  Aiigusiins,  du  côlé  du  Ponl  Saint-Michel, 
au  Lys  d'Or,  en  l'année  1764. 

Voici  la  nomenclature  des  recettes  à  la  Sainie-Menehould  que 
nous  trouvons  à  la  table  de  cet  ouvrage  : 

Queue  de  hœuf  à  la  Sainte-Menehould. 
Gigot  de  mouton  à  la  Sainte-Menehould. 
Épaule  de  mouton  à  la  Sainte-Menehould. 
Langues  à  la  Sainte-Menehould. 
Pieds  de  mouton  à  la  Saintp-Menehould. 
Tête  de  veau  à  la  Sainte-Menehould, 
Pieds  de  veau  à  la  Sainte-Menehould. 
Queues  de  veau  à  la  Sainte-Menehould. 
Tête  d'agneau  à  la  Sainte-Menehould. 
Poulets  à  la  Sainte-Menehould. 
Ailerons  à  la  Sainte-Menehould. 
Poularde  à  la  Sainte-Menehould. 


CHRONIQUE  755 


Pigeons  à  la  SaiDt<î-Menehould. 
Raie  à  la  Sainte-Menehould. 
Harengs  saurs  à  la  Sainte  Menehould. 
'J'anche  a  la  Sainte-Menehould. 
Sauce  a  la  Sainte-Menehould. 


Nous  remarquons,  non  sans  une  certaine  surprise^  que  dans  retle 
alléchante  nomenclature  —  alléchante  autant  que  longue  —  ne 
ligurent  pas  les  fameux  pieds  de  porcs  à  ta  Sainte-Menehould 
qui,  à  eux  seuls,  suffisent  encore  aujourd'hui  pour  soutenir  la 
réputation  gastronomique  de  notre  intéressante  sous-préfecture. 


Une  Centenaire.  —  Nous  avons  déjà  parlé  de  la  centenaire  de 
Prunay.  Cette  vénérable  dame  va  atteindre  dans  quelques  jours, 
l'âge  de  cent  trois  ans,  étant  née  à  Bélhenivillele  22  septembre  1792. 

Mme  Biliek,  alerte  et  active  malgré  son  grand  âge,  s'occupe 
chaque  année  aux  travaux  de  la  moisson.  Elle  prépare  des  liens 
et  se  montre  très  fière  des  petits  services  qu'elle  peut  rendre  encore. 

Elle  est  restée  veuve  avec  huit  enfants,  et  l'une  de  ses  tilles 
habite  Reims. 

Toute  la  famille  se  propose  de  fêter  en  grande  pompe  le  prochain 
anniversaire  de  Mme  Biliek. 


Noces  ij'or.  —  M.  et  Mme  Antoine  Ladrange  ont  célébré  il  y  a 
quelques  jours  leurs  noces  d'or  à  Bourg-Saiiile-Marie  (Haute- 
Marne),  entourés  de  leurs  enfants,  petits-enfants  et  neveux,  au 
nombre  de  quarante. 


Nominations  et  distinctions.  —  Parmi  les  nominations  dans 
l'ordre  de  la  Légion  d'honneur  paruesàrO//tci;V/ au  mois  de  juillet 
dernier,  nous  relevons  divers  noms  intéressant  Reims  et  le  dépar- 
tement de  la  .Marne  : 

—  M.  le  comte  Gustave  de  Montebello,  ambassadeur  à  Saint- 
Pétersbourg,  a  été  promu  à  la  dignité  de  grand-officier. 

M.  de  Montebello  est  le  frère  de  M.  Fernand  de  Montebello,  de 
Mareuil-sur-Ay,  et  de  M.  Adrien  de  Montebello,  député  de  la 
Marne,  et  beau-frère  de  M.  le  comte  Werlé. 

—  Le  commandant  Moisy  (Arthur-Olympe),  de  Reims,  chef  de 
bataillon  au    41"    régiment    d'infanterie,   a    été    nommé    officier  ^ 
(36  ans  de  service^  7  campagnes,  !  blessure  de  guerre). 

—  M.  Patenôtre,  secrétaire  d'ambassade  à  Rome,  et  frère  de 
notre  ambassadeur  aux  États-Unis,  tous  deux  originaires  de  Baye, 
a  été  nommé  chevalier. 

—  Au  nombre  des  nouveaux  chevaliers  de  la  Légion  d'honneur 
figurent  encore  :  M.  le  D""  Bourgeois,  médecin-major  de   première 


756  CHRONIQUE 

classe  de  l'armée  territoriale  (25  ans  de  services,  !J  campagnes), 
qui  a  repris  à  Reims  la  clinique  du  docteur  Delacroix. 

M.  Gaston  Rivart,  capitaine  au  3"  régiment  de  spahis  (2t  ans  de 
service,  8  campagnes).  M.  G.  Rivart  est  le  iils  aîné  de  M.  Charles 
Rivart,  consul  de  Belgique  à  Reims. 

M.  Aude,  sous-commissaire  de  la  marine  ("21  ans  de  services, 
dont  cinq  à  la  mer)  ;  M.  Aude  est  originaire  de  Sainte-Menehould. 


Au  nombre  des  dernières  nominations  de  colonels  de  réserve, 
on  remarque  celle  du  glorieux  défenseur  de  Tuyen-Quan. 

Le  colonel  Dominé,  de  Vitry,  qui  avait  dû,  par  raison  de  santé, 
prendre  prématurément  sa  retraite  et  renoncer  même  à  une 
fonction  active  du  cadre  de  réserve,  se  trouve  maintenant  assez 
valide  pour  accepter  un  commandement  en   cas   de   mobilisation. 

C'est  à  la  lêle  d'une  formation  de  réserve  du  106"  régiment 
d'infanterie  qu'il  serait  placé  :  ce  régiment  tient  garnison  à 
Chàlons-sur-Marne. 


Le  Ministre  du  Commerce  et  de  l'Industrie  vient  de  décerner 
une  médaille  d'honneur  à  M.  Conain^  ouvrier  à  l'atelier  des  modèles 
de  l'École  nationale  des  Arts  et  Métiers  de  Chàlons. 

Celte  distinction  est  pour  iM.  Conain  la  juste  récompense  de 
30  années  de  bons  services  dans  cet  établissement. 


Parmi  les  nominations  récentes  au  grade  d'officier  de  l'instruc- 
tion publique,  faites  dans  le  personnel  de  l'enseignement,  nous 
rencontrons  les  noms  de  MM.  Fontaine,  professeur  d'allemand  au 
lycée  de  Reims,  Keverlet,  instituteur  à  Marcilly-sur-Seine  (Marne), 
et  de  Mlle  Trézaune,  directrice  du  lycée  de  jeunes  filles  de  Reims. 

Au  nombre  des  officiers  d'académie,  désignés  par  le  même  arrêté 
du  20  juillet  1895,  figurent  MM.  Colson,  surveillant  général  au 
collège  de  Sainte-Menehould  ;  Copillet,  professeur  d'allemand  au 
collège  de  Meaux  ;  Couty,  professeur  d'allemand  au  collège  de 
Sedan;  Hamel,  professeur  de  rhétorique  au  lycée  de  Reims; 
Macquart,  professeur  de  classe  élémentaire  au  lycée  de  Troyes  ; 
Nida,  professeur  d'anglais  au  lycée  de  Troyes  ;  Pierre,  professeur 
de  sixième  au  collège  de  Châlons-sur-Marne;  Rousselet,  maître 
élémentaire  au  lycée  de  Charleville;  Roussel,  professeur  de  musi- 
que au  lycée  de  Sens  ;  Simonnet,  professeur  de  physique  au 
lycée  de  Reims  ;  Viltard,  professeur  de  troisième  au  lycée  de 
Sens  ;  Bertrand,  instituteur  primaire  à  Rivière-les-Fosses  (Haute- 
Marne)  ;  Briganl,  instituteur  primaire  à  Doulaincourl  (Haute- 
Marne)  ;  Fossier,  instiluteur  primaire  à  la  Neuville-aux-Tourneurs 


CHRONIQUE  757 

(Ardennes)  ;  Honnet,  directeur  d'école  publique  à  Troyes;  Marin, 
instituteur  primaire  à  Sainte-Marie-à-Py  (Marne),  depuis  plus  de 
trente  ans  ; 

Mlle  Barhat,  directrice  du  collège  déjeunes  filles  de  Sedan;  Mme 
ïbévenin,  professeur  de  dessin  an  lycée  déjeunes  filles  à  Keims  ; 
Mlle  Saingery,  directrice  de  l'école  publique  de  Raucourl (Ardennes;. 

♦ 

Par  arrêté  en  date  du  16  août  l89o.  le  Ministre  de  l'agriculture 
a  décerné  les  récompenses  suivantes  pour  services  rendus  à  l'occa- 
sion des  épizooties  : 

Médaille  d'argent 

M.  Brissot,  vétérinaire  sanitaire  à  Suippes  (Marne). 

Médailles  de  bronze 
M.  Bonemain,  vétérinaire  sanitaire  àFére-Champenoise  (Marne). 
M.  Decbery,  vétérinaire  sanitaire  à  Fismes  (Marne). 
M.  Lenoir,  vétérinaire  sanitaire  à  Vertus  (Marne). 


Dans  sa  séance  du  22  août  1895,  la  Société  d'Agriculture, 
Commerce,  Sciences  el  Arts  du  département  de  la  Marne,  a 
décerné  une  médaille  de  bronze  à  M.  Scbinitto,  instituteur  à 
Cbampaubert,  pour  sa  notice  sur  la  bataille  du  10  février  181  i. 

Dans  un  rapport  sur  ce  travail,  M.  Horguelin,  ex-président  de 
la  Société,  a  fait  remarquer  que  M.  Scbniitte  n'avait  pas  voulu 
faire  oeuvre  historique,  mais  seulement  rappeler  un  glorieux  fait 
d'histoire  locale. 

M.  Horguelin  a  félicité  M.  Schmitte  et  souhaité  qu'il  ait  des 
imitateurs. 

Dans  la  même  séance,  la  Société  adécerné  une  médaille  d'argent 
à  M.  Schmitte,  d'Orconte,  pour  31  ans  de  services  rendus  comme 
régisseur  au  château  d'Orconte. 

C'est  la  deuxième  médaille  que  M.  Schmitte  oblientde  cette  Société. 


Voici  les  décorations  qui  ont  été  remises  par  le  Président  de  la 
République,  lors  de  son  passage  à  la  gare  de  Chaumont,  au  cours 
des  grandes  manoeuvres  de  l'Kst  : 

Chevalier  de  la  Légion  d'honneur:  M.  Persin,  maire  de  Longe- 
ville,  président  du  conseil  d'arrondissement  de  Wassy. 

Officiers  d'académie  :  MM.  Fourcaut,  maire  de  Chaumont  ; 
André,  chef  de  division  à  la  préfecture  (42  ans  de  services)  ;  le 
docteur  Jacquelin,  conseiller  général. 

Chevaliers  du  Mérite  agricole:  MM.  Chéronnet,  maire  deJoin- 
ville,  et  de  Montrol,  conseiller  général. 

M.  Félix  Faure  a  remis  en  outre  vingt-huit  médailles  d'honneur. 


758  CHRONIQUE 


M.  Grand'honime,  supérieur  du  grand  séminaire  de  Consliinline, 
vient  d'être  nommé  supérieur  du  grand  séminaire  de  Châlons,  en 
remplacement  de  M.  Morlhon,  nommé  supérieur  du  grand  sémi- 
naire de  Sens  et  visiteur  de  la  province  de  Champagne. 

M.  Grand'homme  est  né  au  Vézier,   dans  le  doyenné  de  Mont- 

mirail  (Marne). 

* 

Notre  compatriote  M.  Paul  Collinet,  de  Sedan,  directeur  de  la 
Revue  dWrdenne  el  d' Argonnc,  a  été  nommé,  au  mois  de  septem- 
bre dernier,  professeur  agrégé  de  droit  romain  à  la  Faculté  de 
Lille  en  remplacement  de  M.  Drumel,  sénateur. 

Nous  adressons  toutes  nos  félicitations  à  notre  confrère. 


Le  «  papa  Barboutin  »,  comme  on  l'appelle,  d'Hùmes  (Haute- 
Marne),  chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  vient  de  recevoir  à 
quatre-vingt-dix-sept  ans  la  médaille  coloniale. 

11  a  pris  part  en  1827  à  la  bataille  de  Navarin,  pendant  la  guerre 
de  l'indépendance  grecque.  Il  fit  aussi  les  campagnes  d'Algérie. 

C'est  bien  certainement  le  doyen  d'âge  des  médaillés  coloniaux. 


Mariage.  —  Mgr  de  Briey,  évêque  de  Meaux,  a  béni,  le 
21  septembre,  en  l'église  de  Pomponne,  près  de  Lagny  (Seine-et- 
Marne),  le  mariage.de  .\L  Henri  Chanzy,  lieutenant  au  113e  régi- 
ment de  ligne,  fils  de  M.  Léon  Chanzy,  ancieri  receveur  particulier 
des  finances  à  Reims,  et  neveu  du  regretté  général  Chanzy,  avec 
Mlle  Marie  Uubarle,  fille  de  M.  Léon  Dubarle,  ancien  magistrat. 
Les  témoins  du  fiancé  étaient  :  le  lieutenant  colonel  Despréaux  et 
M.  Louis  Chanzy,  son  cousin,  un  jeune  rapatrié  de  Madagascar  ; 
ceux  de  la  fiancée,  le  premier  président  Cautel,  son  grand-père, 
et  M.  Paul  Bonnet,  avocat  à  la  Gourde  Paris,  son  oncle. 

Pendant  la  messe,  M.  Maurice  de  Crépy,  fils  du  vicomte  de 
Crépy,  trésorier-général  d'Eure-et-Loir,  et  de  la  vicomtesse  de 
Crépy,  née  Chanzy,  a  l'ait  entendre  son  merveilleux  talent  de 
violoniste. 

Un  déjeuner,  servi  dans  le  parc  du  Prieuré  de  Pomponne,  a 
réuni  les  nombreux  assistants. 

L'armée  était  brillamment  repré-entée  à  cette  fête  charmante. 


MÉLANGES 


Le  viedx  Reims.  —  I.  Inscription  du  Grand  Séminaire  de  Reims. 
—  Le  Bulletin  du  Diocèse  de  Reims  a  publié  récemmenl  une  ins- 
cription g-oUiique  très  intéressante  au  point  de  vue  de  l'histoire 
locale.  Nous  la  rappelons  aujourd'hui  en  l'accompagnant  de  quel- 
ques explications. 

c(  Les  travaux  entrepris  depuis  quelques  jours  an  Grand  Sémi- 
naire de  Reims,  ancienne  abbaye  de  Saint-Denis,  ont  remis  en 
lumière  une  inscription  gothique  peu  connue. 

«  Elle  est  incrustée  dans  la  première  pile  de  la  cave,  à  gauche, 
au  bas  de  l'escalier,  sous  le  réfectoire.  Malgré  le  manque  de  jour, 
voici  ce  que  nous  avons  pu  lire  : 

L'an  de  grâce  mil  quai  cens  septente 
Sept,  de  février  le  xviii  jour 
Mo7is'  l'abbé  de  l'église  présente 
Jaques  Joff'rin  assit  en  ung  destour 
Des  fondements  de  ce  lien  et  séjour 
La  pmier  pierre  qui  y  fut  mise 
An  nom  de  Dieu,  jamais  n'en  soit  démise. 
(lîcussoQ  de  l'abbé,  surmoulé  de  la  crosse  abbatiale.) 

«  Jacques  Joifrin  fut  élu  en  1473,  fit  approuver  son  élection  par 
le  Chapitre  de  Reims,  prêta  serment  d'obéissance  le  lî  mars  de  la 
même  année.  11  est  hautement  loué  dans  les --fc/es  capilulaires  de 
la  Cathédrale,  pour  être  venu  en  personne  au  Chapitre,  s'oiTrir 
avec  les  biens  de  son  abbaye,  après  l'incendie  de  la  Cathédrale,  de 
1481.  Il  mourut  le  7  décembre  i484. 

«  Les  caveaux  de  Saint-Denis,  moyennant  une  légère  redevance, 
offraient  un  abri  et  un  asile.  On  déposait  les  objets  dans  une 
grande  cave,  appelée  trésor,  située  au-dessous  de  l'aigle  du 
chœur.  L'abbé  en  avait  la  clef  en  sa  garde,  et  plus  d'une  fois,  les 
bourgeois  de  Reims  vinrent  avec  le  clergé  des  campagnes  confier 
à  sa  vigilance  leurs  écus  et  leurs  joyaux. 

«  Les  Mémoires  de  l'Eclievinage  de  Reims  portent  que  les  habi- 
tants se  saisirent  des  deniers  royaux,  après  la  bataille  de  Poitiers, 
les  déposèrent  dans  les  caveaux  de  Saint-Denis  et  les  rendirent 
ensuite  au  régent. 

«  L'archevêque  Richard  Pique  laissa  en  testament  quatre  livres 
d'argent  à  l'abbé  de  Saint-Denis,  pour  le  trésor,  ou  cave,  où 
se  gardent  les  biens  communs  de  la  ville,  «  pour  ouvrir,  fermer  et 
administrer  lumière  ». 

«  Cette  pierre  sera  étudiée  avec  soin,  calquée  avec  précaution 


7G0  MÉLANGES 

et  conservée  comme  un  des  rares  souvenirs  lapidaires  de  Reims, 
rappelant  une  date  historique.  »  C.   C. 

L'inscription  de  1477  ne  peut  pas  se  rapporter  à  la  date  de 
construction  de  l'église  de  Saint-Denis,  qui  était  du  quatorzième 
siècle.  Le  texte  lui-même  prouve  qu'elle  existait  déjà,  car  il  dit  : 
«  Mons.  l'abbé  de  Véylise  présente.,  Jacques  Jotïrin,  assit  en  ung 
«  destour  des  fondements  de  ce  lieu  et  séjour  la  première  pierre 
«  qui  y  fut  mise.  » 

Il  s'agit  alors  de  la  première  pierre  d'un  bâtiment  élevé  à  cette 
époque  ;  mais  pourquoi  à  cette  époque  ?  Les  historiens,  les 
archives  de  la  ville,  le  cartulaire  de  Sainte-Geneviève  de  Paris  ne 
nous  apprennent  rien  à  ce  sujet.  Tâchons  de  répondre  par  induc- 
tion. 

Louis  XI,  en  1473,  envoie  à  Reims  un  nommé  Raulin  Cochinart, 
son  maître  d'hôtel,  et  l'établit  capitaine  de  la  ville,  avec  plein  pou- 
voir de  faire  tout  ce  qu'il  fallait  «  pour  fortifier  et  mettre  en 
«  s'jreté  et  bonne  defïense  ladicte  ville  de  Reims  ». 

Le  capitaine  se  met  à  l'œuvre,  «  détruit  les  chapelles,  donne 
e  les  pierres  d'autels,  les  pierres  tombales  à  ses  commis  ». 

«  Fait  démolir  et  abattre  aux  jours  de  fêtes  et  dimanches  la 
«  closture  du  cimetière  de  Saint-Hilaire-les-Reims,  contraignant 
c  les  Frères  Cordeliers,  Carmes,  Augustins,  Prescheurs,  etc.,  à 
«  faire  les  dictes  démolitions.  »  (Voir  l'interrogatoire  que  subit 
Cochinart,  en  1485,  dans  Marlot,  t.  IV,  p.  659.) 

Cochinart  démolit  tout  ce  qui  dérange  ses  plans;  pour  se  pro- 
curer des  matériaux,  il  détruit  églises,  chapelles,  châteaux,  les 
maisons  de  la  Porte  Mars,  le  château  de  l'Archevêque,  etc. 

Les  mémoires  du  temps  portent  :  «  que  cet  homme  cruel  et 
e  féroce...  finit  malheureusement  dans  les  prisons  d'Amboise.  Sa 
c  mémoire  était  en  exécration  :  à  Reims  le  peuple  disait  :  —  Il  ne 
«  faut  pas  rébecquer  à  Cochinart. —  Avant  de  mourir,  en  14Ho,  il 
«  dut  subir  un  interrogatoire  pour  rendre  compte  de  toutes  ses 
e  exactions.  » 

A  raison  de  la  situation  topographique  des  bâtiments  de  l'abbaye 
de  Saint-Denis,  proches  des  fortifications  de  la  ville,  il  est  pro- 
bable qu'ils  furent  alors  fort  endommagés,  peut-être  même 
détruits.  Quand  Cochinart  eut  terminé  son  œuvre  de  destruction, 
il  fut  relevé  de  ses  fonctions,  et  rarchevêqu-^  de  Reims,  Pierre  de 
Laval,  de  par  le  Roi  nommé,  en  1477,  lieutenant-général  du  pays. 
Les  religieux  de  Saint-Denis  construisirent  de  nouveaux  bâtiments, 
en  1477,  comme  le  porte  l'inscription. 

De  ces  bâtiments  de  la  fin  du  xv  siècle,  il  reste  des  parties  très 
importantes,  qui  ont  été  modifiées,  il  est  vrai,  quant  aux  ouver- 
tures des  fenêtres  et  à  l'ornementalion  des  clefs,  lors  des  construc- 
tions modernes  qui  se  voient  de  nos  jours,  mais  qui  n'en  con- 
servent pas  moins  les  traces  des  travaux  primitifs. 


MÉLANGES  76Î 

Ainsi,  dans  le  jardin  du  Grand  Séminaire,  les  murs  de  la  grande 
salle  et  de  la  salle  conliguë  sont  encore  flanqués  de  puissants 
contreforts  à  trois  étages,  reliés  par  des  glacis,  terminés  par  un 
faitage  en  pierre  de  la  fin  du  xv«  siècle.  Le  grand  comble  qui 
couvre  le  bâtiment  central,  dont  font  partie  les  salles  qui  nous 
occupent,  est  très  remarquable.  Il  est  tout  en  charpente  de  choix^ 
formant  un  vaste  berceau  en  ogive,  comme  on  le  pratiquait  à 
cette  époque.  Dans  la  rue  du  Cloître,  une  ancienne  maison  du 
Chapitre,  appartenant  à  M.  Robert,  possède  un  comble  en  tout 
semblable;  on  en  voit  un  pareil  rue  du  Couchant,  dans  l'ancien 
couvent  des  Jacobins. 

L'écussou  de  l'abbé,  gravé  au  bas  de  l'inscription  de  la  cave,, 
surmonté  de  la  crosse  abbatiale,  porte  un  monogramme,  posé 
deux  et  un,  formé  par  deux  J  réunis,  Jacques  Jollrin. 

A  l'entrée  de  la  rue  Libergier,  en  lace  du  Café  Sainl-Denis, 
dans  la  cour  du  café  qui  fait  l'angle,  on  voit  sur  un  mur  le  même 
écusson,  cette  fois  en  relief.  Il  provient  des  démolitions  de  l'ab- 
baye de  Sainl-Denis  quand  on  ouvrit  la  rue  Libergier. 

Les  bâlimenls  élevés  par  l'abbé  J.  Joffrin  étaient,  en  1702,  dans 
un  état  déplorable  de  délabrement.  L'archevècjue  Maurice  Le  Tel- 
lier  les  lit  rétablir  avec  une  grande  munificence,  comme  on  peut 
en  juger  par  la  porte  qui  donne  accès  dans  la  maison.  Les  murs 
des  ancienne.s  constructions  furent  conservés,  mais  les  grandes 
fenêtres  ogivales,  dont  on  retrouve  un  spécimen  dans  la  chambre 
n"  70  du  séminaire,  furent  bouchées  et  remplacées  par  de  plus 
petites,  ornées  de  clefs  sculptées.  Si  Ton  en  croit  la  tradition,  le 
bâtiment  central,  aulrefoi.s,  ne  faisait  qu'une  seule  salle  appelée 
Chapitre,  terminée  par  le  comble  en  ogive  dont  nous  avons  parlé. 
C'est  dans  celte  salle  que  les  habitants  de  Reims  tenaient  les  con- 
seils du  bien  commun.  La  grandeur  de  la  salle  explique  pourquoi 
les  restes  de  la  fenêtre  géminée,  qui  sont  encore  visibles  dans  la 
chambre  n°  70,  sont  d'une  aussi  grande  dimension. 

Devant  le  pavillon  central,  modTié  en  1702,  on  éleva  une  magni- 
fique galerie  formant  préau.  La  clef  de  voûte  du  milieu  porte  le 
monogramme  :  F.  M.  P.,  à  cause  sans  doute  de  <  Frère  Pierre 
«  Mariol,  prêtre,  religieux  de  la  Congrégation  de  France,  prieur 
«  de  l'abbaye  de  Saint-Denis  »,  ainsi  dénommé,  plusieurs  fois, 
dans  l'acte  du  29  novembre   1702,  par   lequel  Maurice   Le  Tellier 

confie  à  ces  religieux  la  direction  du  séminaire. 

Ch.  Cerf. 

II.  Inscription  de  la  Cathédrale  de  Reiins.  —  Un  amateur 
de  Reims  .s'est  composé  un  album,  du  plus  grand  intérêt,  de  pho- 
tographies de  la  Cathédrale,  prises  sur  le  monument,  de  haut  en 
bas,  de  long  en  large,  dans  les  endroits  les  moins  en  vue,  et  cela 
souvent  à  l'aide  d'échafaudages  disparus  depuis.  M.  Abel  Lajoie 
travaille    en    artiste.    11   a  fait  en    quelque    sorte    la   descrii)tioa 


7G2  MÉLANGES 

de  l'édifice  avet".  une  série  de  planches,  toutes  classées  dans  un 
ordre  mélliodique.  Si  l'on  désire  un  détail,  n'importe  lequel, 
il  ouvre  son  vaste  répertoire  et  le  donne  immédiatemenL  de 
la  meilleure  grâce. 

Parmi  ces  photographies^  il  en  est  une  très  précieuse  au  point 
de  vue  historique  :  c'est  une  inscription  qui  n'est  pas  connue  ;  elle 
est  d'autant  plus  précieuse  qu'il  est  impossible  de  la  découvrir  et 
de  la  lire,  à  raison  de  la  position  qu'elle  occupe.  Elle  est  placée 
tout  en  haut  du  grand  comble,  côté  nord,  à  l'extrémité  de  la  cou- 
verture qui  vient  butter  contre  la  Tour. 

Sur  une  feuille  de  plomb,  on  voit  en  relief  ces  mots  : 

Cette  couverture 

A  été  faite  par 

Jean  B"  Kousseau 

M""  couvreur  à  R*. 

N'  (natif)  de  Chateau-Porl". 

L'an  176:;   F"  (finie)  l'an    1769. 

Cette  inscription  fournit  un  détail  qui  a  échappé  au.\  historiens 
de  la  Cathédrale,  à  savoir  les  travaux  exécutés  à  la  couverture  de 
l'édifice,  de  1765  à  17fi"J. 

Nous  avons  voulu  en  avoir  la  preuve.  Nous  l'avons  trouvée  dans 
une  liasse  de  la  Fabrique  (renseignements),  conservée  à  la  Biblio- 
thèque de  la  Ville  :  «  12  décembre  1769,  première  quittance 
<  à  M.  Armaston,  chanoine  fabricien,  par  les  sieurs  Barel,  J.-B. 
a  Rousseau,  Lancelot-Paroissien,  de  3,000  livres,  avec  conclusion 
«   capitulaire  du  G  juillet  1770.  » 

A  celte  première  quittance  sont  jointes  quatre  autres  : 
«  2™^  aux  mêmes,  de  3,000  liv.,  avec  conclusion    capitulaire  du 
«   16  octobre  1770. 

«  3"'e  de  Baret,  de  2.000  liv.,  avec  conclusion  capitulaire  du  27 
«  février  1771 . 

«  k^'  aux  mêmes,  de  3,000  liv.,  avec  conclusion  capitulaire 
«   d'octobre  ^771 . 

«  o"'«  aux  mêmes,  de  3,000  liv,,  avec  conclusion  rapilulaire  du 
«  28  septembre  1772.  » 

En  1774,  les  ii.êmes  ouvriers  reçoivent  4,483  liv.,  allouées 
à  M,  Armaston,  pour  solde  de  travaux  à  la  couverture. 

De  l'année  1769  à  celle  de  1774,  ces  ouvriers  fournirent  203,763 
livres  1/2  de  plomb  neuf,  contre  213,218  livres  de  plomb  vieux. 
Le  31  juin  1776,  le  sieur  Barbier  reçoit  8,082  livres  o  sols  pour  la 
restauration  du  clocher  à  l'ange  est  du  rond-point.  Il  avait  fourni 
59,713  livres  1,2  de  plomb  neuf,  contre  43,078  de  vieux.  (S'oïv  le 
détail  des  journées,  du  prix  donné,  des  matériaux  foui  nis,  dans  la 
liasse  de  la  fabrique,  conservée  à  la  ville.)  Dans  cette  restauration 
du  clocher,  figure  le  replacement  des  statues. 


MÉLANGES  76:1 

Le  sieur  Hréinont  reçut  également,  en  novembre  1776,  I0,i)39 
livres  4  sols  pour  travaux  de  plomberie  à  la  couverture  du  coiia- 
lérai  du  cùlé  de  l'arcbevêcbé  et  du  cloclier  à  l'ange,  travaux  com- 
mencés le  9  août  et  terminés  le  20  novembre  de  la  même  année. 
Les  archives  mentionnent  d'autres  travaux  exécutés  les  années 
suivantes  ;  comme  ils  sont  de  peu  d'importance,  nous  ne  les  rap- 
pellerons pas. 

Nous  sommes  loin  des  travaux  qui  avaient  été  jugés  néces- 
saires comme  le  prouve  un  procès-verbal  de  1773,  s"élevant  à  la 
somme  de  l,i)92,29j  livres.  Le  Chapitre,  ne  pouvant  supporter  des 
frais  aussi  considérables,  adressa,  le  17  août  1774.  à  iMgr  de 
la  Roche-Aymon,  une  requête  pour  obtenir  du  roi  des  secours. 
Louis  XV  venait  de  mourir.  Le  Cardinal  la  fit  parvenir  au  jeune 
roi  Louis  XVI,  qu'il  avait  baptisé,  admis  au  banquet  eucharistique, 
confirmé,  et  qu'il  allait  sacrer.  Le  moment  semblait  favorable.  La 
requête  était  motivée  :  le  Chapitre  n'avait  que  18,000  livres 
de  revenus  ;  il  devait  20,000  livres  sur  60,000  livres  de  travaux 
exécutés;  il  fallait  dépenser  14,500  livres  pour  le  Moulin-Brûlé,  à 
cause  de  l'élargissement  de  la  chaussée  de  Vesie  ;  lu, 000  livres 
étaient  nécessaires  pour  reconstruire  en  partie  les  moulins  adja- 
cents à  la  porte  de  Vesle  ;  si  ces  moulins  étaient  détruits,  ce  serait 
une  perle  de  -ijOOO  livres  de  renies,  et  l'on  devrait  dépenser  100,000 
livres  pour  les  reconstruire. 

La  requête,  toutefois,  n'eut  aucun  effet. 
(l'ouvrier  de  la  Champagne.)  Ch.  Cerf. 


Le  Cimetière  de  l'Ouest  a  Chalons.  —  Son  orirjin".  —  Monu- 
ments funéraires  à  la  inénioire  d'anciennes  Filles  de  la  Charité. 
—  Le  cimetière  de  l'Ouest  est  le  plus  ancien  des  deux  cimetières 
qui  existent  aujourd'hui  à  Cbàlons.  Celui  de  l'Est,  réclamé  dès  1807 
par  les  paroissiens  de  Saint-Jean  et  de  Saint  Loup,  ne  fut  ouvert 
qu'en  1S20.  Voici  en  quelques  lignes  l'origine  du  premier. 

Avant  la  Révolution,  les  paroisses  et  les  communautés  religieu-ses 
avaient  chacune  leur  cimetière  contigu  à  leur  église.  La  quantité 
d'ossements  exhuinés  à  diverses  éfioques,  depuis  la  Révolution, 
des  terrains  voisins  des  anciennes  églises  et  chapelles  de  la  ville, 
le  témoigne  évidemment.  Plusieurs  de  ces  cimetières  regorgeaient 
de  sépultures  à  la  fin  du  siècle  dernier.  Le  21  juin  1783,  le  conseil 
de  ville  de  Châlons  décidait  en  principe  la  suppression  des  cime- 
tières dans  l'intérieur  de  la  ville,  et  nommait  deux  de  ses  membres 
pour  aller  prier  Mgr  de  Clermont-Tonnerre  de  vouloir  bien  appré- 
cier cette  mesure,  qui  intéressait  la  santé  publique  '. 

t.   Archives  municipales  :   Cimetières,  Délibérations  diverses. 
Le  20  juin   1793.  la  municipalité  inlerdisail  les   cimelièrei   Sainl-Loup   et 
Saint-Jeau,  les  derni-ers  exiàlaut  encore  dans  l'eaceiiite  de  !a  ville. 


7G4  MÉLANGES 

Vers  celte  époque,  le  cimetière  de  l'Elôtel-Dieu,  situé  à  l'inté- 
rieur de  l'établissement,  avait  dû  déjà  être  interdit.  L'administra- 
tion des  hôpitaux  avait  obtenu  alors  que  ses  morts  fussent  enterrés 
au  cimetière  Sainte-Catlierine,  situé  dans  le  voisinage  de  l'église 
paroissiale  de  ce  nom.  Ledit  cimetière  se  trouvant  rempli  à  son 
tour,  le  bureau  des  hôpitaux  fit  une  proposition  au  conseil  de  ville 
en  mars  1785.  Il  demandait  que  la  ville  lui  concédât  un  terrain  de 
huit  denrées,  situé  entre  la  porte  de  Marne  et  la  porte  Saint-Antoine, 
au  lieudit  le  Pré  des  lYonnes,  lequel  dépendait  des  remparts  de  la 
ville. 

Le  3  avril  suivant,  la  vente  en  fut  consentie  en  l'assemblée 
générale  de  IHôtel  de  Ville,  sous  la  réserve  de  l'approbation  du 
roi,  à  cause  des  remparts,  et  «  moyennant  une  redevance  annuelle, 
«  perpétuelle  et  non  rachetable  de  deux  septiers  de  froment,  et  à 
'(  la  charge  pour  ledit  bureau  d'administration  de  clore  ledit  cime- 
«  tière  de  hayes  ou  de  murs.  » 

Le  S  juin  1785,  M.  de  Vergennes,  ministre  d'Etat,  faisait  savoir 
à  la  ville  l'approbation  de  cette  cession  par  le  roi,  et  l'administra- 
tion des  hôpitaux  ne  larda  point  à  approprier  le  terrain  pour  en 
faire  son  cimetière'.  Un  arrêté  du  Directoire  du  département,  du 
3  février  1792,  mit  en  demeure  toutes  les  paroisses  et  oratoires  de 
la  ville  de  faire  enterrer  leurs  morts  dans  ce  cimetière  qui,  origi- 
nairement appelé  cimetière  Saml-Bernard,  retint  ce  nom  jus- 
qu'après 1793-.  C'est  le  nom  sous  lequel  est  encore  connue  la 
crypte,  ou  chapelle  basse  de  l'Hôlel-Dieu,  qui  servait  de  sépulture 
aux  bienfaiteurs  de  l'établissement.  La  belle  pierre  tombale  d'un 
prêtre,  bienfaiteur  de  l'Hôtel-Dieu,  et  fils  d'un  seigneur  de  Sou- 
dron,  au  xui'^  siècle,  en  a  été  tirée  dans  ces  derniers  temps'. 

Vers  1806,  le  cimetière  de  Saint- Bernard  fut  repris  à  l'adminis- 
tration de  l'Hôlel-Dieu  par  la  ville  de  Châlons  ;  elle  l'agrandit 
considérablement,  le  ferma  de  murs  et  en  fit  le  cimetière  com- 
mun, aujourd'hui  connu  sous  le  nom  de  cimetière  de  l'Ouest. 

1 .  Registre  des  cooclusions  et  délibérations  du  Bureau  des  Hôpitaux  Unis 
de  la  Ville  de  Chaalous,  série  E  1,  registre  XXIII,  de  IISS-HOI .  (Archives 
des  hôpitaux.) 

2.  Arrêté  du  Directoire  du  déparlement.  (Archives  municipales  :  Cime- 
tières, Délibérations  diverses). 

3.  Dans  le  récit  de  son  Voyage  en  Champagne,  de  174i  à  175),  Dom 
(juyton,  religieux  bibliothécaire  de  l'abbaye  de  Clairvaux,  chargé  de  la 
visite  des  maisons  cister..,iennes  eu  Champagne,  a  inséré  quelques  notes  sur 
Chàlous,  qu'il  visita  en   1750. 

«  L'hôpital,  dit-il,  a  cent  lits.  .  une  chapelle  où  le  Saint-Sacrement 
repose...  Il  y  a,  à  l'entrée,  une  chipelle  souterraine  dite  de  S^jint-Bernard, 
bénite  l'an  dernier.  1749,  par  Mgr  l'Evoque,  où  il  y  a  un  bon  portrait  de  ce 
saint  :   Vera  effigies  sancli  Dernardi.  » 

{Voyage  littéraire  de  D.  Guyton,  Tievue  de  Champagne,  t.  21,  p.  21 6.} 
D.  Guyton  parle  ici  d'une  restauration  de  la  crypte;  car  la  chapelle  Saint- 
Bernard  était  tort  ancienne. 


MÉLANGES  7G5 

C'est  en  réparant  les  murs  d'enceinte  de  ce  cimetière,  que  deux 
petits  monuments  funéraires,  pleins  d'intérêt  pour  l'histoire  de  la 
charité  à  Chàloi)P,(int  été  remis  à  jour  le  mois  dernier.  Ils  étaient 
recouverts  d'un  lierre  épais,  qui  en  dérobait  la  vue.  Les  ouvriers, 
en  arrachant  cette  plante  parasite,  les  ont  fait  reparaître.  Ce  sont 
deux  plaques.  Tune  de  pierre,  l'autre  de  cuivre,  accrochées  à  la 
muraille,  à  quelques  mètres  de  la  porte  d'entrée,  à  gauche,  et  à 
l'endroit  même  où  furent  enterrées  les  Sœurs  de  la  Charité,  après 
l'interdiction  des  anciennes  sépultures;  les  inscriptions  que  pré- 
sentent ces  plaques  méritent  d'être  relevées. 

La  première,  la  plus  ancienne,  témoigne,  en  des  termes  aussi 
éloquents  que  simples,  du  zèle  des  Sœurs  de  la  Charité  dans  le 
soin  des  pauvres  de  la  cité.  Aux  jours  les  plus  mauvais  de  la 
période  révolutionnaire,  elles  avaient  continué  leurs  œuvres 
de  bienfaisance  chrétienne,  sous  les  yeux  de  la  municipalité 
d'alors,  et  avec  ses  encouragements  ;  ces  œuvres  s'alimentaient 
souvent  de  leurs  propres  ressources  et  se  continuaient  dans  de 
généreuses  fondations,  comme  l'insinue  la  première  de  nos  ins- 
criptions, par-delà  leur  trépas. 

Je  la  transcris  fidèlement,  mettant  seulement  l'orthographe  où 
l'ouvrier  graveur  l'a  omise  : 


«  Ici  reposent  dans  la  paix  du  Seigneur  Marie  Reynaud,  Sœur  de  la 
Charité,  décédée  le  8  février  1800,  âgée  de  81  ans,  62  de  résidence  dans  la 
maison  des  Sœurs  de  la  S'"  Trinité  de  cette  ville  '  —  et  Thérèse  Me^-nier, 
supérieure  de  ladite  maison,  décédée  le  28  décembre  1801,  âgée  de  82  ans, 
57  de  vocation,  toules  deux  mortes  en  vrayes  fidèles  de  S'  Vincent  de  Paul, 
remplies  de  l'amour  de  Dieu  et  des  pauvres,  qu'elles  ont  servis  avec  un  zèle 
infatigable,  et  dont  elles  seront  à  perpétuité  les  bienfaitrices. 

«  Rfquiescant  in  pace.  » 

La  seconde  inscription,  sur  cuivre,  nous  rappelle  le  nom  d'une 
autre  Fille  de  la  Charité,  bien  connue  de  nos  pères,  des  pauvres 
surtout,  et  dont  Mgr  de  Prilly  avait  fait  la  distributrice  de  ses  iné- 
puisables aumônes,  dès  son  arrivée  à  Châlons  : 

1  .  La  paroisse  de  la  Sainte-Trinité,  dont  l'église  s'élevait  au  bas  de  la 
tour  nord  de  la  Cathédrale,  en  bordure  de  la  rue  de  ce  nom,  fui  supprimée 
en  1791,  et  devint,  après  le  Concordat,  partie  intégrante  de  la  nouvelle 
paroisse  Saint-Etienne. 

La  maison  des  Sœurs  de  la  Charité,  où  vivaient  les  Sœurs  Keynaud  et 
Mejnier,  était  rue  des  Sept-Moulins,  au  n"  10  ;  elle  fut  échangée  le  ITi  mai 
1811,  par  le  bureau  de  bienfaisance  contre  la  maison  appartenant  à  iM.  Gre- 
net-Felise,  sise  rue  de  Noailles,  où,  jusqu'en  1894,  restèrent  établis  l'école 
communale  et  l'orphelinat  municipal  des  filles  pauvres. 

La  maison  de  la  rue  des  Sept-Moulins  est  désignée  dans  VAcle  d'échange 
comme  »  appartenant  aux  pauvres  et  consacrée  de  temps  immémorial  à  l'éta- 
«  blissement  des  Sœurs  de  la  Charité,  dites  de  la  Sainle-Trinilé  ».  (Acte 
d'échange  du  15  mai  1811,  passé  par  devant  M'  Failly,  notaire  4  Chillons). 


766  MÉLANGES 

■  t 

f  A  9  pieds   de  dislance  du  mur,  repose  dame   Françoise  Charbonnier, 
Fille  de  la  Charité,  décédée  le  25  août  1834,  dans  sa  9l'  année. 
«  Elle  en  a  passé  61  au  service  des  pieuvres,  dont  40  à  Châlons. 
«  Elle  a  emporté  les  regrets  et  l'estime    de  tous  ceux  qui   l'ont  connue, 
mais  particulièrement    des  pauvres,  qu'elle  avait  toujours  servis  avec  beau- 
coup d'affection. 

«  Priez  Dieu  pour  elle.  » 

L'église  cathédrale  nionlre  encore  au  visiteur,  à  l'entrée  de  la 
chapelle  de  Saint-Vincent-de-Paul,  une  petite  plaque  en  marbre 
noir  où  sont  inscrits  les  noms  de  deux  autres  anciennes  Filles  de 
la  Charité.  Ce  fut  là  sans  doute  qu'elles  reçurent  la  sépulture.  Les 
prêtres  et  les  religieux,  avant  la  Révolution,  étaient  ensevelis  dans 
leurs  églises  ou  dans  leurs  cloîtres  respectifs.  Il  en  était  autrement 
pour  les  Killes  de  la  Charité  :  leur  sépulture  ne  pouvait  être  que 
dans  le  cimetière  ou  dans  l'église  paroissiale  de  leur  résidence  ; 
elles  ne  devaient  avoir  ni  église,  ni  chapelle  propre.  Pour  les  atta- 
cher étroitement  à  la  paroisse  où  elles  exerçaient  la  charité,  leur 
saint  fondateur  ne  leur  avait  donné  d'autre  église  que  l'église 
paroissiale. 

Voici  l'inscription  relevée  à  l'entrée  de  la  chapelle  de  Saint-Vin- 
cent-de-Paul  à  la  Cathédrale  : 


«  Ici  reposent  les  corps  de  Perrine  Sorint,  décédée  le  17  'lécembre  175i, 
et  de  Elisabeth  Chenet,  décédée  le  29  avril  1769,  Sœurs  de  la  Charité,  les- 
quelles ont  vécu  dans  une  constante  pratique  des  œuvres  de    miséricorde. 

i<   Requiescaut  in  pace.   » 

(Journal  de  la  Marne).  L ■ 


Reims  et  la  Champagne.  —  Voici  le  très  intéressant  discours 
prononcé  le  13  août  1895  par  M.  André,  inspecteur  primaire,  à 
l'une  des  distributions  de  prix  aux  élèves  des  Écoles  conmiunales 
de  Reims. 

Mes  chers  amis, 

Un  ancien  a  dit  que  «  la  première  condition  du  bonheur  est  d'être  citoyen 
d'une  ville  renommée  ».  Ce  n'est  pas  celte  condition  là  qui  vous  manquera 
pour  être  heureux. 

Vous  êtes,  en  ttîet,  les  enfants  d'une  cité  qui,  par  son  passé  particuliè- 
rement fécond  en  glorieux  souvenirs  comme  par  son  importance  actuelle, 
tient  l'une  des  premières  places  parmi  les  villes  célèbres  de  noire  pays. 

L'histoire  de  Reims  est  étroitement  liée  au  berceau  de  la  France  et  son 
nom  est  associé  aux  principaux  événements  de  notre  vie  nationale. 

On  ne  vous  a  pas  dit  que  la  grandeur  de  Reims  était  déjfi  telle,  avant  la 
domination  romaine,  qu'elle  fixait  l'attention  des  écrivains  grecs  et  latins  ; 
on  ne  vous  a  pas  dit  davantage  que  les  écrits  de  l'évêque  Hincmar  renfer- 
maient de  très  précieux  renseignements  sur  les  iuslilulious  de  la  monarchie 


MKI.ANGHS  767 

franque,  mais,  sur  les  gradins  mêmes  de  Técole  inaternelle,  vous  avez 
balbutié  les  noms  de  Clovis  et  de  saint  Rémi  en  racouiaot  naïvement 
l'anecdote  du  va?e  de  Soissons  ;  vous  avez  appris  a  prononcer  avec  araour 
et  respect  le  nom  de  Jeanne  d'Arc,  celte  sublime  mattj're  du  patriotisme 
qui,  au  cri  d'agonie  de  la  Francp,  prit  dans  sa  main  frêle  et  délicaie  l'épée 
de  la  bataille  et  de  la  victoire  qui  glissait  des  mains  de  la  pétrie  et  qui  eût 
voulu  terminer  à  Reims  sa  marche  atissi  étonnante  que  glorieuse. 

Tous  ausfi,  vous  avez  entendu  parler  de  ce  lils  d'un  marchand  de  draps 
de  la  rue  Cérès,  de  Colberl,  qui  fut  l'un  de  vos  plus  illustres  aînés. 

Je  voudrais  aujourd'hui  essayer  de  remplacer,  pour  un  instant,  vos 
excellents  maîtres  et  maîtresses,  et  vous  faire  votre  dernière  leçon  d'instruc- 
tion morale  et  civique  de  l'année  scolaire.  Je  voudrais  vous  retracer,  à 
grands  traits,  le  passé  de  votro  ville  natale  et  contribuer,  pour  ma  faible 
part,  à  vous  la  faire  mieux  connaître  ;  ce  qui  revient  â  dire,  à  vous  la  faire 
aimer  davantage. 

Consultez  l'histoire.  Elle  vous  apprendra  que  le  nom  de  Rémois  a  toujours 
été  synonyme  de  force,  de  bravoure  et  de  patriotisme. 

Nos  pères  se  sont  couverts  de  gloire  sur  la  plupart  des  champs  de  bataille, 
à  plusieurs  reprises  ont  repoussé  les  envahisseurs. 

Quand,  au  xiv«  siècle,  l'Anglais  foule  le  sol  de  la  patrie  et  qu'Edouard  111 
vient  mettre  le  siège  devant  la  ville  de  Reims,  à  la  tête  d'une  armée  de 
cent  mille  hommes,  les  Rémois,  malgré  l'infériorité  du  nombre,  ne  perdent 
pas  courage.  Aux  noms  d'honneur  et  de  patrie,  ils  marchent  à  l'ennemi  et  lui 
livrent  plusieurs  combats  victorieux  sous  les  ordres  de  Gaucher  de  Châlillon. 
Et  le  11  janvier  136l_),  après  une  brillante  défense,  ils  forcent  les  Anglais  à 
«  montrer  le.''  talons  à  Reims  »,  suivant  l'énergique  expression  d'un  poète 
contemporain. 

C'est  de  ce  beau  fait  d'armes  que  datent  les  armoiries  de  la  ville. 

Plus  tard,  en  16.Ï7,  la  trompette  guerrière  fait  retentir  ses  joyeuses 
fanfares  dans  votre  antique  quartier,  sous  la  voûte  de  l'ancienne  pot  te 
Dieu-Lumière. 

C'est  l'annonce  de  la  victoire  remportée  par  la  milice  rémoise,  entre  la 
Pompelle  et  Sillery,   sur  les  troupes  espagnoles  de  Montai. 

En  1792,  nous  voyous  les  Rémois  flgurer  vaillamment  à  Valmy  dans  les 
bataillons  de  la  Marne  et,  en  1814,  ils  opposent  aux  alliéi  une  résistance 
désespérée. 

Ces  enseignements  de  l'histoire,  vous  devez  les  graver  profondément 
dans  vos  mémoires  et  dans  vos  cœurs  et,  si  les  circonstances  l'exigeaient 
jamais,  vous  montrerez,  j'en  suis  sûr,  que  l'esprit  de  dévouement  et  de 
sacrifice  vit  toujours  à  Reims,  et  se  confond,  comme  autrefois,  avec  l'amour 
de  la  liberté  et  l'âme  même  de  la  Patrie. 

Mais  ce  n'est  pas  seulement  à  la  guerre,  pendant  les  époques  troublées, 
que  les  Rémois  se  sont  distingués. 

Durant  les  périodes  de  paix,  ils  se  livrent  à  l'industrie  et  au  commerce, 
sans  négliger  l'agriculture  ;  ils  s'adonnent  aux  arts,  aux  lettres  et  aux 
sciences  et,  par  leur  activité  intelligente,  par  leur  bon  goiit  et  leur  génie, 
ils  jettent  sur  Reims  et  sur  la  Champagne  un  vif  et  durable  éclat. 

Ses  étoffes  de  laine,  déjà  très  avantageusement  connues  du  temps  dès 
Romains,  sont  recherchées  à  ])arlir  du  xvf  siècle.  Ou  les  juge  dignes  d'être 
offertes  eu  présents  aux  rois,  avec  les  toiles  ouvrées  et  damassées,  avec  les 
tapisseries  et  les  draps. 


768  MÉLANGES 

C'est  aussi  à  celte  époque,  que  le  vin  de  la  montagne  de  Reims,  a  plein 
de  caprice  et  de  saillie  »,  appelé  par  la  suite  à  une  renommée  universelle, 
commence  à  êlre  très  apprécié.  On  raconte  que  Wenceslas,  roi  de  Bohême, 
venu  en  France  pour  traiter  avec  Charles  VI,  se  rendit  à  Reims  en  1395.  Le 
vin  lui  plut  à  un  tel  point  que  pendant  le  séjour  il  oublia,  plus  d'une  fois, 
le  respect  qu'on  fe  doit  à  soi-même  et  aux  autres,  surtout  quand  on  est 
roi.  Un  jour,  hors  d'état  de  parler  d'affaire,  il  aima  mieux  consentir  à  tout 
ce  qu'on  lui  demandait  plutôt  que  de  cesser  de  boire  du  vin  de  Reims. 

Depuis  cette  époque  lointaine,  les  industries  qui  donnent  surtout  la  vie  à 
la  vieille  cité  rémoise  n'ont  cessé  de  se  développer,  et  si  aujourd'hui  elles 
traversent  une  crise  difficile,  la  vitalité  n'en  est  pas  contestable  et  le  passé 
nous  autorise  à  avoir  loi  dans  l'avenir. 

Je  ne  vous  parlerai  pas  de  l'importance  politique  de  Reiras.  Vous  savez 
tous  eue,  comme  ville  des  sacres,  elle  a  été  le  témoin  de  bien  des  événe- 
ments de  notre  histoire  nationale. 

Mais  pour  vivifier  celte  leçon  et  la  rendre  plus  profitable  à  votre  éduca- 
tion morale  et  civique,  je  vous  demanderai  encore  quelques  minutes  d'atten- 
tion. 

N'ayez  aucune  crainte.  Je  ne  veux  pas  mettre  à  une  trop  longue  épreuve 
le  peu  qui  vous  reste  de  patience,  en  ce  jour  de  fête,  et  veux  vous  fatiguer 
le  moins  possible. 

Nous  allons  recourir  à  une  forme  d'enseignement  particulièrement  chère 
à  la  pédagogie  moderne,  à  l'enseignement  par  les  yeux. 

C'est  une  promenade  scolaire  à  travers  Reims  que  je  voudrais  faire  eu 
votre  aimable  et  joyeuse  compagnie.  Nous  ferons  halte  aux  bons  endroits 
de  la  roule  et  j'espère  que  vous  rapporterez  de  cette  excursion  d'un  nouveau 
genre  des  enseignements  capables  de  vous  inspirer  une  légitime  fierté  et 
fortifier  en  vous  les  bons  sentiments  que  vos  distingués  instituteurs  et  insti- 
tutrices s'efforcent  de  développer  en  vous  avec  une  sollicitude  constante. 

Jetez  d'abord  les  regards  autour  de  cette  place  Saint-Remi,  où  vous 
prenez  si  souvent  vos  ébats,  et  contemplez  la  plus  ancienne  église  de  Reims. 
Elle  date  du  xi'  siècle.  Certes,  elle  n'a  pas  le  cachet  imposant  ni  la  richesse 
architecturale  de  la  Cathédrale,  mais  dans  son  ensemble,  elle  ne  laisse  pas 
d'être  remarquable.  L'édifice,  vous  devez  le  conjecturer  aisément,  n'a  pas 
été  construit  en  une  seule  fois,  car  les  diverses  parties  qui  le  constituent 
présentent,  même  à  l'œil  peu  exercé,  des  différences  très  sensibles. 

La  Cathédrale,  elle,  date  du  xiii'  siècle.  Par  sa  forme  harmonieuse  et 
fièie,  par  la  richesse  de  son  ornementation  et  le  fini  de  ses  sculptures, 
c'est  un  monument  de  tous  points  admirable. 

Considérez  surfont  ce  magnifique  portail  central,  dont  le  temps  a  noirci, 
obstrué  ou  brisé  les  dentelles. 

Voyez,  au-dessus,  cette  rosace  délicatement  sculptée  dans  la  pierre  et 
fermée  par  des  verrières  inimitables. 

Regardez,  plus  haut,  ces  balustrades  légères,  formées  de  minces  colonnes 
qui  s'entrecroisent  avec  un  art  parfait,  et,  plus  haut  encore,  ces  tours  à 
jours  et  à  découpures. 

Cette  merveilleuse  façade  n'a  de  rivale  que  là-bas,  au-delà  de  la  ligne 
bleue  des  Vosges,  sur  la  terre  d'Alsace,  qui  garde  une  des  meilleures  places 
dans  nos  chers  souvenirs  comme  dans  nos  patriotiques  espérances. 

Pourquoi,  devant  cette  façade,  ne  voyons-nous  pas  encore  debout  la  statue 
de  Jeanne  d'Arc,  l'image  nationale  ? 


MEr.ANGES  769 

J«  me  contente  de  po^er  la  question,  car  je  ne  possède  pas  les  élpme;.ts 
de  la  réponse  et  je  ne  puis  que  vous  dire  :  Vivez  dans  l'espoir  de  pouvoir  la 
coulerapier  un  jour. 

Passons  sur  la  place  IVoyale,  qui  S'irait  l'une  des  plus  belles  de  p'rance  si 
elle  était  plus  vaste.  Mais  ne  'ieinandez  pas  à  \otre  livre  d'histoire  de  vous 
indiquT  les  raisons  pour  lesquelles  vos  pères  ont  élevé  une  statue  à 
Louis  XV  ;  il  ce  vous  rens-ij;nerail  pas.  Cont  ntez  vous  d'admirer  la  beauté 
des  formes  et  des  draperi' s  des  deux  bas-relids  qui  ornent  la  statue  ;  ils 
sont  du  célèbre  sculpteur  français  Pigalle. 

Voici,  sur  la  place  du  Marché,  des  restes  J-!  l'archileclure  gothique  qui 
donnent  à  ce  coin  de  notre  ville  un  aspect  très  pittoresque  Et  plus  loin, 
dans  la  rue  de  Tambour  l'ancien  hôtel  des  comtes  de  Champagne,  la  maison 
dite  des  Musiciem. 

Arrêtotis-nous  devant  rHùtel-de-ViUe  :  c'est  l'un  des  [ilus  bpaux  monu- 
ments de  Reira^. 

Regardez  cette  belle  statue  équestre  de  Louis  XIII  placée  là- haut  entre 
deux  magnifiques  colonnes  torses,  ainsi  que  ce  campa-ile  qui  s'é  ève  avec 
grâce  dans  les  ans. 

Allons  aussi  faire  une  visite  à  la  Porte  Mars,  dont  les  ruines  vénérables 
racontent  la  gloire  de  l'antique  métropole  de  la  Gaule-Belgique.  Et  passons 
sur  les  promenades,  dont  le  j  lan  a  été  tracé  et  exécuté  par  des  Rémois; 
elles  ont  leur  histoire,  comme  tous  les  autres  quartiers.  C'est  là  que  fut 
célébré,  le  14  juillet  1790,  la  fêle  de  la  Féiération,  et  c'est  là,  dppuis  long- 
temps, qu'ont  lieu  les  fêles  publiques. 

Venez  :  nous  irons  ensemble  saluer  la  statue  deCrlbert;  c'est  une  des 
plus  grandes  figures  historiques.  Il  vous  enseignera  que  c'est  par  le  travail 
infatigable,  par  la  probité,  par  l'ordre  et  l'économie  qu'on  arrive  à  sortir  de 
la  condition  où  le  sort  nous  a  placés. 

Et  avant  de  terminer  notre  promenade  allons  saluer  également  Drouet- 
d'Lrlon,  car  c'est  aussi  l'un  des  vôtres.  Il  mania  d'abord,  avec  son  père,  les 
outils  de  serrurier,  et,  en  1792,  au  premier  appel  de  la  patrie  en  danger, 
il  vola  à  la  défense  de  s  m  paj-s.  De  simple  soldat,  il  s'éleva  par  son  mérite 
au  grade  de  maréchal  de  France.  «  Le  bien,  la  prospérité,  la  gloire  de  la 
France  furent  toujours  son  unique  pensée.  » 

Vous  êtes  donc  bien,  mes  amis,  suivant  le  vœu  du  poète,  les  fils  d'une 
ville  remmmée.  Reims,  d'ailleurs,  a  pris  soin  de  vous  en  avertir,  en  inscri- 
vant au  coin  de  nombre  de  ses  rues  les  noms  de  ses  plus  illustres  enfints 
et,  pour  vous  rappeler  que  vous  ne  devez  pas,  dans  vos  affections,  séparer 
la  grande  patrie  de  la  petite,  elle  a  associé  aux  gloires  et  aux  souvenirs 
rémois  les  noms  des  Thiers,  des  Chanzj,  des  Gambetta  et  des  Caruot,  dont 
une  phrase  résume  la  vie  :  Ils  ont  aimé  leur  Patrie. 

Et  vous  aussi,  mes  enfants,  aimez  votre  patrie.  Aimez  cette  ville  de 
Reims  qui,  par  son  passé,  par  ses  monuments,  par  les  actions  de  vos  aines 
comme  par  ses  œavres  fécondes,  vous  donne  de  si  hauts  et  de  .<i  nobles 
renseignements. 

Soyez  actifs,  industrieux,  amis  de  l'ordre  et  de  la  liberté  large  et  géné- 
reuse. Soyez,  en  un  mot,  de  vrais  Rémois,  c'est  une  excellente  manière 
d'être  de  bons  Fraiiçais.  Et  quel  que  soit  le  sort  que  l'avenir  vous  réserve, 
partout  et  toujours,  montrez- vous  dignes  de  la  ville  de  Reims. 

49 


770  MÉLANGES 


La  Canonnade  dk  Valmy  kt  le  Carabinier  Hoclangkr  (30  <^pplcm- 
bre  /792).—  C'est  bien  à  tort,  conitne  le  l'ail  remarquer  M.  Cluiquel 
dans  ses  livres  à  la  fois  si  allrayaiils  elsi  sérieusemeiiL  documentés', 
que  certains  écrivains  ont  cherché  à  rabaisser  l'imporlance  mili- 
taire de  la  canonnade  de  Valmy,  dont  septembre  ramenait  le 
glorieux  anniversaire.  De  l'accord  unanime  des  témoins  les  plus 
impartiaux,  en  P'rance  comme  à  lélranger,  du  côté  des  vainqueurs 
aussi  bien  que  parmi  les  vaincus,  ce  combat  eut  un  rdenlisse- 
ment  considérable  dans  toute  l'Europe.  L'armée  de  la  Hévolulion 
y  avait  reçu  en  quelque  sorte  le  bapl(?me  du  feu  :  en  face  des 
troupes  les  mieux  disciplinées  et  les  plu*  redoutables  des  royaumes 
coalisés,  elle  avait  tenu  tête  et  remporté  certainement  un  succès 
moral  dont  l'effet  fut  incalculable. 

Nous  avons  rencontré  léceminenl,  dans  une  vente,  un  petit 
manuscrit  de  queUjues  pages  qui  donne  sur  cette  journée  de  Valmy 
certains  détails  originaux  assez  piquants,  l/auleur.  carabinier 
d'ordonnance  des  ducs  d'Orléans  et  de  Chartres,  se  trouva  au  centre 
de  l'action  dans  des  circonstances  particulières,  dont  il  revendique, 
d'ailleurs,  le  bénétice.  On  a  généralement  cru  jusqu'à  présent, 
non  sans  raison^  que  la  victoire  de  Valmy  était  To^uvre  du  général 
Kellermann  et  que  le  principal  mérite  en  devait  être  attribué  aux 
talents  militaires  de  cet  officier.  S'il  faut  s'en  tenir  au  récit,  ingé- 
nument prétentieux,  du  carabinier  Boulanger,  une  petite  part,  oh  ! 
bien  modeste,  en  reviendrait  à  la  présence  d'esprit  du  brave 
ordonnance. 

Nous  laisserons  à  nos  lecteurs  le  soin  d'en  juger. 

<(  Au  commencement  de  la  guerre  de  la  Révolution,  en  1792, 
l'armée  du  Nord  se  forma  au  camp  de  la  Madeleine,  dont  le  corps 
de  carabiniers  faisait  partie,  sous  les  ordres  du  maréchal  Liickner, 
et  entra  en  campagne  au  mois  de  mai;  elle  s'empara  de  Gourtrai 
et  de  Henin,  où  des  affaires  avec  les  Autrichiens,  de  peu  d'impor- 
tance, eurent  lieu.  Ici,  pour  la  première  fois  je  vis  un  mort  sur  le 
champ  de  bataille  :  c'était  un  tirailleur  autrichien  ;  à  Hohenlinden 
j'en  vis  pour  la  dernière  fois,  mais  des  milliers  alors  qui  jonchaient 
ce  champ  d'honneur. 

En  juin,  l'armée  se  retira  de  ces  environs  pour  se  porter  au 
camp  de  Kamars  près  de  Valenciennes,  ensuite  à  celui  de  Riche- 
mont  près  de  Metz,  et  enfin  dans  les  environs  deThionville  où  elle 
demeura  jusqu'au  moment  où  les  Prussiens  se  firent  un  passage  à 
Loiigwy,  pour  se  porter  sur  Verdun  dont  ils  s'emparèrent  de  même. 
Dans  cet  intervalle,  Lûckner  perdit  le  commandement,  et  ce  fut 
le  maréchal  Kellermann  qui  le  remplaça.  Sous  les  ordres  de  ce 
nouveau  chef,  l'armée   quitta   son   camp  pour   se   porter  par  un 

1.  La  première  Invasion  pi  usiienne.  —  Valmy.  —  La  Hclraile  de 
Brunswick. 


MELANGES  771 

détour,  en  passant  par  Pont-à-Mousson,  à  proximité  de  celui  de 
la  Lune  que  les  Prussiens  occupèrent. 

Ce  fut  le  19  septembre  que  l'armée  arriva  à  Valmy,  où  elle  fut 
obligée  de  bivouaquer;  les  chevaux  de  bât  avec  les  lentes  n'ayant 
pu  suivre,  n'arrivèrent  que  la  nuit,  de  telle  manière  que  le  20  sep- 
tembre, à  la  pointe  du  jour,  étant  occupés  à  dresser  ces  tentes  pour 
nous  mettre  à  l'abri  du  temps  pluvieux  qu'il  faisait,  nous  enten- 
dîmes au  loin  un  bruit  que  beaucoup  d'entre  nous  prirent  pour 
celui  des  moulins  à  vent  dont  nous  étions  environnés,  quand  tout 
à  coup  un  aide  de  camp  arriva,  bride  abattue,  dans  notre  camp, 
criant:  c  Carabiniers,  à  cheval!  »  Notre  corps  se  porta  aussitôt 
vers  l'endroit  où  ce  cliquemcnt  se  faisait  entendre.  Arrivés  sur  la 
hauteur,  le  plus  beau  coup  d'œil  se  présenta  alors  à  nous  :  nous 
vîmes  sur  la  crête  d'une  montagne,  vis-à-vis  de  nous,  pour  la 
première  fois,  l'armée  prussienne,  qui  jusqu'ici  s'était  rendue 
réellement  redoutable.  Klle  était  là.  rangée  en  bataille,  et  ses 
tirailleurs  aux  prises  avec  les  nôtres  dans  la  vallée. 

Sur  la  colline  que  nous  occupâmes  se  massèrent  successivement 
le  l'""  régiment  de  chasseurs  à  cheval,  le  3«  régiment  de  housards 
et  la  compagnie  d'artillerie  légère,  avec  six  pièces  de  hint  et  deux 
obusiers,  nouvellement  organisée  et  commandée  par  le  capitaine 
Soi'bier.  Nous  ne  lardâmes  pas  à  voir  aussi  paraître  sur  notre 
position  intermédiaire,  —  car  le  gros  de  l'armée,  avec  le  parc 
d'artillerie,  se  trouvait  placé  dernière  nous  sur  une  côte  qui 
dominait  la  nôtre,  la  droite  appuyée  à  un  moulin  à  vent,  —  les 
généraux  en  chef  Kellermann  et  Dumouriez  (l'armée  de  celui-ci 
était  portée  à  notre  gauche),  les  ducs  d'Orléans  et  de  Chartres, 
auxquels  je  fus  attaché  comme  carabinier  d'ordonnance,  le  général 
Valence,  etc.,  etc. 

A  peine  le  liraillemcnl  avaM-'û  duré  une  heure,  (ju'une  forte 
colonne  de  cavalerie  ennemie  se  détacha  des  lignes  prussieimes, 
en  se  dirif^eant  droit  sur  nous.  Lorsqu'elle  fut  arrivée  à  portée,  le 
capitaine  Sorbier,  qui  avait  fait  charger  les  canons  i  mitraille  et 
bien  pointer,  commanda  de  faire  feu  ;  mais,  par  suite  de  la  pluie 
continuelle  de  la  journée,  la  mèche  s'était  éteinte,  de  sorte  que  la 
décharge  ne  put  avoir  lieu.  Comme  ordonnance  du  général  Egalité 
et  du  duc  de  Chartres,  qui  se  trouvèrent  à  proximité  de  celte 
batterie,  je  me  portai  sur  ce  point,  qui  allait  devenir  très  intéres- 
sant, et  je  vis  cet  embarras.  Mon  pistolet  chargé  à  la  main,  je 
cours  sur  le  canonnier  qui  tenailla  mèche  et  lui  crie  :  «  Canonnier, 
voilà  du  feu  I  »  Il  la  place  contre  le  bassinet  de  mon  [)islolet,  je 
lâche  le  coup  en  l'air,  et  la  mèche  est  en  pleine  flamme.  Le  peu 
de  retard  que  cet  incident  causa  devint  pour  l'ennemi,  toujours 
avançant,  extrêmement  funeste,  car  nos  six  bouches  à  feu  atllei- 
gnirenl  ses  rangs  plus  sûrement  et  plus  vigoureusement  ;  aussi 
n'altendit-il  pas  la  deuxième  décharge,  et  ceux  qui  n'étaient  pas 
atteints  ou  renversés  tirent  brusquement  demi-tour  et  rebroussè- 
rent chemin. 


772  MÉLANGES 

L'ennemi  perdit  non  seulement  beaucoup  d'Iiommes  et  de 
chevaux,  mais  encore  il  acquit  la  triste  conviction  que  ceux  qui 
l'avaient  persuadé  que  notre  armée,  uniquement  composée  de 
troupes  de  ligne,  hors  un  bataillon  de  volor;laires  qu'on  entploya 
ce  jour-là  comme  servants  au  parc  d'artillerie,  se  joindrait  à  la 
sienne  aussitôtque  l'occasion  se  présenterait,  l'avaient  bien  trompé. 
Il  est  probable  que  c'était  le  but  de  cette  colonne  de  sonder  ce 
fait,  car  son  mouvement  était  letit.  Cette  attacjue  fut  Ui  signal  de 
la  glorieuse  canonnade  qui  suivit  immédiatement,  et  dont  le 
résultat  fut  que  l'armée  prussienne,  qui  en  entrant  en  campagne 
était  si  belle,  si  nombreuse  et  animée  de  son  esprit  guerrier,  se 
croyant  encore  invincible  comme  sous  son  gi'and  roi  Frédéric  et 
déjà  aux  portes  de  la  capitale,  demanda  le  lendemain  par  la  voie 
de  parlementaires  à  capituler,  et  se  retira  dans  un  état  plus  (jue 
déplorable  hors  de  celle  itelle  France  a  laquelle  elle  voulait 
imposer  des  lois,  en  nous  rendant  Veriiun  et  Longw y. 

Lors  de  cette  retraite,  notre  corps  formait  l'avant-garde  de 
notre  armée;  nous  n'avions  pas  besoin  de  guides  pour  suivre  leur 
arrière-garde  :  la  trace  du  terrain  jonché  d'hommes  et  de  chevaux 
morts  ou  mourants,  et  les  débris  de  leur  train  nous  l'indiquait  par 
ce  triste  tableau.  Rien  d'étonnant  d'ailleurs  que  cette  journée 
nous  ait  été  si  glorieuse,  le  soin  du  succès  ayant  été  confié  à  une 
artillerie  que  le  grand  Frédéric  lui-même  reconnaissait  pour  la 
première  de  l'Europe.  Si  l'on  eût  donné  occasion  aux  autres  armes 
de  se  distinguer,  certes  elles  auraient  de  même  fait  brillamment 
leur  devoir.  Pour  animer  davantage  l'armée  prussienne,  son 
général  en  chef,  le  duc  de  Brunswick,  lui  promettait  par  un  ordre 
exprès  le  plus  riche  butin,  menaçant  notre  chère  patrie  du  sort  que 
la  Pologne  a  essuyé  ;  une  copie  de  cet  ordre  nous  fut  communi- 
quée, qui  ne  manqua  pas  de  produire  un  salutaire  effet,  car  géné- 
raux, officiers  et  soldats,  tous  furent  animés  du  même  dévouement. 

Vaincre  ou  mourir  pour  la  patrie  ! 

Boulanger, 
Cultivateur. 

P. -S.  —  Dans  mon  opuscule  je  démontre  comment  il  est  pro- 
bable que  deux  de  mes  camarades  m'aient  frustré  delà  récompense 
que  mon  action  devait  me  valoir,  n 

Celte  simple  et  naïve  narration  nous  montre  évidemment  le  fait 
d'armes  de  Valmy  sous  un  bien  petit  côté,  et  l'exploit  de  Bou- 
langer rappelle  un  peu  celui  de  La  Rissole  dans  la  comédie  de 
Boursault  '  ;  il  nous  a  paru    toutefois    curieux    d'exhumer  de   son 

1,  J'étais  .<;ur  un  vaisseau  quand  Ruyter  fui  tué, 

El  j'ai  mêoie  à  sa  mort  le  plus  contribué: 
Je  fus  cherctier  le  i'eu  que  l'on  mit  à  l'amorce 
Du  canon  qui  lui  fit  rendre  1  "âme  par  force. 

[Le  Mercure  galant.  A'-le  IV,  scène  7.) 


MÉLANGES  773 

oubli  ce  1res  minime  épisode  qui,  ;\  défaut  d'autre  portée,  a  du 
moins  la  valeur  d'un  témoignage  authentique  et  sincère.  Les  sou- 
venirs de  Boulanger  manquent  parfois  cependant  d'exactitude  : 
ainsi,  le  duc  d'Orléans,  [Uiilippe  Égalité,  n'était  pas  à  Valmy,  où 
se  trouvaient  ses  deux  fils,  les  ducs  de  Chartres  et  de  Montpensier, 
qui  partageaient  avec  leur  père  le  surnom  patriotique  décerné  par 
^a  Commune  de  Paris  ;  le  vieux  soldat  les  aura  confondus. 

L'ordre  de  Brunswick,  dont  il  est  question  à  la  fin  de  la  pièce, 
e?t  le  célèbre  manifeste  qui  fut  inspiré  par  les  émigrés,  et  qui 
parut  à  Coblentz,  le  20  juillet  1792. 

Retiré  dans  ses  foyers,  depuis  la  fin  de  l'année  1800  (Holienlinden 
est  du  3  décembre),  l'ancien  carabinier  d'ordonnance,  en  mettant 
sous  les  yeux  du  général  que  les  événements  politiques  venaient 
de  lui  donner  pour  souverain,  à  près  d'un  demi-siècle  de  distance, 
ce  récit  présenté  en  manière  de  requête,  espérait  une  récompense. 
De  son  côté,  le  duc  de  Chartres,  devenu  le  roi  Louis-Philippe, 
devant  cette  évocation  des  premiers  temps  de  sa  carrière  militaire, 
dut  sourire,  et  peut-être  accorder  un  léger  secours  à  l'humble 
guerrier,  associé  de  sa  jeune  gloire. 

11  est  probable  que  Boulanger  lit  rédiger  et  transcrire.  ?ous  sa 
dictée,  celte  supplique  par  l'instituteur  du  village  ;  çà  et  là,  diverses 
fautes  d'orthographe  ou  de  construction  ont  été  raturées  et  corri- 
gées par  une  main  étrangère,  également  peu  experte,  puisque 
plusieurs  incorrections  émaillent  encore  le  texte,  que  nous  n'avons 
guère  modifié.  Un  frontispice  assez  finement  lithographie  et 
colorié,  mais  non  signé,  représente  le  fait  d'armes  du  héros, 
accompli  en  présence  des  deux  princes.  Le  verso  porte  le  cachet: 
Palais-lloijal^  Bibliothèque  du  Roi,  qui  prouve  que  le  manuscrit, 
parvenu  à  destination,  se  perdit  lors  du  pillage  du  palais  en  18i-8. 
Enfin,  le  posbscriplum  fait  allusion  à  un  opuscule  que  sans  doute 
l'auteur  se  proposait  d'imprimer  et  dont  le  mémoire  ci  dessus, 
qui  n'a  que  sept  pages,  devait  former  la  préface.  Cette  plaquette 
a-t-elle  réellement  vu  le  jour  ?  Nous  n'en  avons  pu  retrouver  nulle 
part  la  trace,  et  il  est  permis  de  croire  que  le  projet  du  sieur 
Boulanger  n'aura  pas  été  poussé  plus  loin. 

(Revue  encyclopédique.)  A.  Tausserat-Radel. 


A  Mouumelo.\-les-Bains.  —  L'exode  de  l'École  de  Saint-Cyr,  le 
voyage  du  président  de  la  République,  les  nouvelles  manœuvres  de 
masse  exécutées  par  vingt-huit  batteries  d'artillerie,  tout  cela  a 
ramené  l'attention  publique  vers  ce  petit  village  de  Mourmelon, 
qui  connut  des  jours  si  brillants  à  la  fia  de  l'Empire,  alors  que  le 
chef  de  l'Elat  y  venait  suivre  les  grandes  manœuvres. 

Interrogez  les  officiers  de  l'époque,  ceux  qui  faisaient  partie  des 
régiments  de  la  garde,  et  ils  vous  raconteront  qu'un  séjour  au 
camp  de  Châlons  était  aussi  gai,  aussi  mouvementé,  aussi  amusant 


m  MÉLANGliS 

qu'une  saison  dans  une  ville  d'eau  à  la  mode.  Dans  l'armée,  on 
disait  :  «  Je  pars  pour  Mourmelon-les-Bains  »  comme  on  dit 
aujourd'hui  :  «  Je  vais  à  Trouville  »,  ou  «  à  Aix  ». 

L'empereur  s'installait  au  pavillon  impérial,  grand  baraquement 
dominant  tout  le  camp,  qui  s'étendait  alors  depuis  la  gare  et  le 
ruisseau  le  Chenu  jusqu'à  la  ferme  de  Suippe,  et  englobait  le  Petit 
et  le  Grand-Mourmelon,  le  centre  étant  coupé  par  la  route  qui 
monte  à  l'obélisque.  Dans  ce  temps-là,  le  monument  était  orné  à 
sa  base  de  quatre  aigles,  auxquelles  les  Allemands  ont  coupé  la 
tête  en  1870. 

Ce  village  de  Mourmelon,  avec  ses  rues  portant  un  nom  de  vic- 
toire ou  de  général  populaire,  avec  ses  enseignes  spéciales  :  a  A 
Malakoif  »,  «  Au  Zouave  galant  »,  «  A  la  Prise  de  Solferino  »,  res- 
suscitait toutes  nos  gloires  passées  et  semblait  le  cadre  voulu  à  des 
effusions  patriotiques. 

On  ne  rencontrait,  dans  les  rues  poudreuses,  que  des  lignards 
avec  la  tunique  courte  et  les  jambières,  des  artilleurs  au  spencer 
soutaché  d'écarlate,  des  lanciers  en  kurka  blanc,  ce  qui  leur  don- 
nait un  faux  air  d'Autrichiens,  des  guides  avec  la  veste  verte  et  le 
bonnet  de  police  à  turban  jaune  crânement  incliné  sur  l'oreille, 
des  cent-gardes  gigantesques,  le  torse  moulé  dans  la  longue 
tunique  bleu  de  ciel  doublée  d'amarante,  et  tous  ces  uniformes 
formaient,  sous  la  lumière  crue  du  soleil,  comme  une  orgie  de 
couleur. 

Les  cabarets  et  les  hôtels  regorgeaient  de  monde.  Par  les 
fenêtres  entr'ouvertes,  on  entendait  des  éclats  de  rire,  le  bruisse- 
ment de  la  vaisselle,  le  choc  des  billes  sur  le  billard  et,  parfois, 
quelque  juron  bien  français,  bien  énergique,  qui  vibrait  tout 
à  coup  comme  un  roulement  de  tambour  au  milieu  de  ces  sono- 
rités diverses.  Dans  la  rue  du  Génie  surtout,  et  sur  la  place 
d'Armes,  c'était  un  grouillement  merveilleux  :  officiers  se  retrou- 
vant, camarades  échangeant  une  poignée  de  main  ou  s'embras- 
sant  en  pleine  rue,  groupes  bruyants  s'ouvrant  en  hâte  pour  lais- 
ser passer  quelque  estafette  de  cavalerie  légère  filant  au  grand  trot, 
avec  la  pèlerine  en  sautoir,  dans  la  direction  du  quartier  impérial. 

Et  les  exclamations,  les  onomatopées  allaient  leur  train  : 

—  Comment?  c'est  toi?  Sacrebleu  ?  je  ne  tai  pas  vu  depuis 
Magenta.  Toujours  le  même.  Tu  ne  vieillis  pas. 

—  C'est  la  bonne  conduite.  Où  es-tu  maintenant? 
Etc.,  etc. 

Tout  ce  monde-là  formait  une  petite  église  fermée  et  spéciale, 
en  un  temps  oij  la  réserve  et  la  territoriale  n'avaient  pas  encore 
permis  aux  pékins  de  s'habiller  en  militaires.  Aussi  avec  quel  plai- 
sir on  se  retrouvait  !  Comme  on  revivait  les  souvenirs  d'amour  ou 
de  gloire  ! 

Le  matin,  dans  la  joie  et  la  fraîcheur  de  l'aube  naissante,  les 


MÉLANGKS  775 

réginienls  manœuvraient  sur  ces  steppes  verdoyants  qui  s'étendent 
à  perle  de  vue,  coupés  çà  et  là  de  quel(iue  maigre  bois  de  sapin, 
tro|)  pelil  pour  donner  de  l'ombre,  mais  suftisant  comme. . .  point 
de  direclioiî.  Les  escadrons,  formés  en  masse,  avançaient,  serrés 
les  uns  coiilre  les  aulres,  profilant  sur  i'ijerbe  comme  une  grande 
lâche  noire.  Les  chefs  de  peloton,  alignés,  bien  campés  en  selle, 
finissaient  une  dernière  cigarette  avant  le  commandement  «  (;arde 
à  vous  !  »  A  mesure  que  la  colonne  s'avançait,  les  compagnies  de 
perdreaux  s'envolaient,  elfarouchées,  les  lièvres  détalaient  sous  les 
pieds  mêmes  des  chevaux.  Ah  !  si  ce  n'était  pas  défendu  d'envoyer 
un  bon  coup  de  sabre  !  Les  hirondelles  rasaient  le  sol  avec  de 
pelils  cris  tout  autour  des  escadrons,  afin  de  happer  au  passage  les 
insectes  que  la  colonne  faisait  lever,  et  une  centaine  de  papillons 
roses,  peut-être  sortis  de  toutes  ces  jeunes  tèles,  servaient  d'es- 
corte et  d'avant-garde. 

Puis,  sur  les  lianes,  passaient  au  grand  irot  de  petits  paquets  de 
cavaliers^  groupes  de  «  gros  légumes  »,  généraux  avec  leurs  offi- 
ciers d'ordonnance,  suivis  de  leur  fai.ion,  dont  la  flamme  tran- 
chait gaiement  sur  le  bleu  du  ciel  ;  au  passage,  on  échangeait 
avec  les  officiers  de  troupe  quelque  salut  amical  el...  protecteur. 
Un  galop,  mainlenanl,  un  galop  désordonné.  Ce  sont  les  chefs 
d'élat-major  qui,  graves,  affairés,  le  bicorne  maintenu  par  la 
jugulaire,  les  aiguillettes  flottant  au  vent,  vont  porter  des  ordres 
je  ne  sais  où;  mais,  évidemment,  de  leur  rapidité  doit  dépendre 
le  sort  de  la  baiaille.  Ceux-là  n'ont  pas  le  temps  de  saluer,  pas  le 
temps  de  s'arrêter  ni  de  dire  bonjour  aux  camarades.  Hop  ! 
hop!  Us  arrivent  comme  un  tourbillon  el  disparaissent  comme  ua 
éclair,  non  sans  un  certain  dédain  pour  ces  braves  gens  qui  se 
contentent  de  commander  leur  unité  de  troupe. 

Le  soir,  la  biasserie  Drelier,  le  café  Fossé,  le  café  Fratjçais,  le 
restaurant  Marinier  resplendissaient  de  lumières.  Mais  le  mouve- 
ment éluit  surtout  au  grand  concert  Paysal,  où  l'on  applaudissait 
les  artistes  à  coups  de  fourreau  de  sabre  tapé  contre  les  planches. 
Parlois,  aux  chanteuses  envoyées  de  Reims,  se  joignait  quebiue 
étoile  arrivée  de  Paris  pour  lasolenmté.  Thérésa  y  risqua  sa  Gnr- 
detisc  d'oui  s,  et  quel  succès,  lorsqu'en  clignant  de  1  u-il,  elle  se 
campait  sur  la  scène  et  disait,  les  poings  sur  la  hanche,  sou 
fameux  air  du  Sapeur  : 

.  .  .    Vous   n'auriez  pas  besoin  d'uu'   bonue  ? 
J'  t  rais  voire  at'aue,  paroi'  d'Iiouueur. 
El  fjuis  je  u'  re.-evrai  plus  persouue.  .. 
Du  uiuius,  ce,  u'  sera  pas  uu  sa|)eur. 

Parfois,  des  représentations  théâtrales,  auxquelles  l'empereur 
assistait,  avaient  lieu  dans  un  grand  clialel  de  bois  situé  rue  Can- 
robert.  Les  dessins  de  Kandun  popularisèrent  ces  fêtes,  où  les 
acteurs  étaient  des  soldats,  et  où  les  ouvreuses  étaient  des  cuiras- 
siers.   La  dernière  fois  que  l'empereur  y  vint  la  lrouj>(\]0[.vd  deux 


776  MÉLANOliS 

pièces  :  la  Itcine  Caroline  et  Margot,  allusion  délicate  à  une  belle 
Marguerite  D...,  dont  on  parlait  beaucoup. 

Après  la  guerre,  le  pauvre  Mourmelon,  brûlé,  bombardé,  sac- 
cagé, ne  présentait  plus  que  des  ruines,  et  rien  n'était  mélanco- 
lique comme  de  voir  l'ancien  pavillon  impérial,  j;idis  si  brillant, 
avec  son  toit  éventré  et  son  papier  vert  à  abeilles  d'or  décliiquelé 
par  les  balles.  Le  camp  fut  ainsi  abandonné  jusqu'en  1880, 
époque  où  Ia5«  brigade  de  cuirassiers  (7»  et  lO®),  accusée  d'être  un 
brin  réactionnaire,  fut,  à  la  suite  de  certaine  fête  de  Hocbe,  ren- 
voyée de  Versailles.  En  plein  biver,  elle  alla  s'installer  dans  des 
baraques  et  sous  des  bangars  dans  lesquels  il  pleuvait. 

Mais,  bab  !  le  troupier  français  est  inventif  et  débrouillard. 
Après  la  première  mauvaise  bumeur  passée,  on  s'occupa  de  res- 
taurer et  d'embellir.  Grâce  à  l'initiative  des  colonels  Bignon  et  du 
Cheyron,  qui  sortaient  tous  deux  de  la  garde,  bientôt  le  camp 
reprit  un  air  joyeux.  Aux  grandes  manœuvres  de  1882,  on  revint 
aux  bonnes  traditions  de  jadis.  Un  café  cbantant  futdiessé  en 
pleine  prairie.  Au  premier  rang,  des  fauteuils,  sur  lesquels  étaient 
assis  le  iluc  d'Aumale,  les  généraux  Clianzy,  d'Espeuilles,  Lbotle, 
Brice,  Bobillot  ;  derrière  eux,  plus  de  trois  cents  officiers  sur  des 
cbaises.  Tout  autour,  un  cordon  de  lanternes  vénitiennes,  et,  der- 
rière une  simple  corde  à  fourrage  servant  de  clôture,  tous 
les  Pilous,  en  sajjots  et  bourgeron  de  toile,  venus  pour  avoir  leur 
part  du  spectacle. 

Pendant  près  de  trois  beures,  se  succédaient  des  monologues, 
des  parades  épiques,  un  concert  de  tninslrels,  avec  un  orchestre 
nègre  dirigé  par  le  grand  Marcotte,  un  lieutenant  haut  de  deux 
mètres.  Puis,  à  la  fin,  un  capitaine  du  1'"»'^'  cuirassiers  s'avançait 
sur  la  scène  et  disait  : 

Messieurs,  dans  noire  camp,  si  triste  d' inlinaire. 
Mais  si  gai,  grâce  à  vous,  t-oyez  les  bienvenus. 
l.a  bonne  humeur,  dil-oii,  esl  venu  raililaire  ; 
Au  franc  rire  gaulois  nous  somnjei  tous  tenus. 

Quarante-huit  escadrons.  Heur  de  cavalerie, 
Sont  venus  retrouver  les  pauvres  exilés. 
Sous  les  pieds  des  chevaux,  entio,  l'herbe  est  llélrie 
Et  poussera  moins  drue  autour  de  nos  pavés. 

Dans  cette  plaine  immense,  où  jadis  le  gros- frère 

Se  morfondait  tout  seul,  on  vit  les  artilleurs, 

Les  hussards,  les  chasseurs,  la  ligue  tt  la  légère. 

Les  dragons!...  que  ce  lut  comme  un  bouquet  de  Heurs  ! 

Aujourd'hui,  nous  jetons  un  regard  en  arrière  ; 
Nous  voyons  ces  jours  où,  sérieux,  recueillis, 
No.is  avons  galopé  gaîmert  dans  la  poussière, 
'rravaillaul  avec  vous  pour  le  bien  du  pays. 


MÉLANGES  777 

Maintenant,  c'est  fini.  Dans  quelques  jours  à  peine, 
Chacun  d>j  vous  aura  lejoint  sa  garnison. 
Nous  reprenilrons  tout  seuls  le  train-train  de  semaine, 
Cheicliant  à  vous  revoir  encore  à  l'horizon. 

Mais,  en  vous  éloignant,  tournez  un  peu  la  tête, 
El  nous,  à  Mournielon  par  devoir  retenus, 
Nous  vous  dirons  :  «  Adieu!  Lu  fête  lut  complète, 
Et  vous  fûtes  au  camp,  messieurs,  les  bienvenus  !   » 

Allons,  messieurs  du  18^  et  du  31«  dragons,  k  voire  luur!  (Ju'al- 
Jez-vous  inventer  pour  réveiller  les  vieux  échos  de  Mourmelon  les- 
Bains?  Quelles  réjouissances  allez-vcus  olfrir,  celle  année,  au  pre- 
mier bataillon  de  France? 

(Gil,  Blas.)  Pompon. 

Souvenirs  de  1870.  —  Le  Courrier  de  la  Cliampai/ne  a  entrepris 
de  donner  quotidiennemenl  une  série  d'È  pli  en  té  rides  des  faits 
accomplis  dans  la  région  à  cinquante  el  vingl-cinq  années  en 
deçà  de  nous. 

Nous  en  reproduisons  ici  quelques-unes  qui  sont  relatives  aux 
principaux  événements  du  douloureux  automne  de  1S70. 

1.  —  Occupalion  de  Chdlons. 

Reims,  28  août  1810. 

Les  journaux  de  Reims  publient  des  détails  précis  sur  l'occu- 
pation de  Châlons,  qui  a  eu  lieu  le  24. 

Après  avoir  parcouru  au  galop  de  leurs  chevaux  les  différents 
quartiers  de  la  ville,  cinq  dragons  prussiens,  et  non  des  uhians, 
ont  requis  le  maire,  M.  Perrier,  qu'ils  avaient  déjà  mis  à  contri- 
bution de  sa  voiture,  de  les  suivre  jusqu'à  leur  campement. 
M.  Perrier  s'y  esl  énergiquement  refusé,  el  a  répondu  à  celui  qui 
commandait  la  petite  troupe  que:  «  Si  on  voulait  le  voir,  on  le 
trouverait  à  l'Hûlel  de  Ville.  >  Cette  réponse,  faite  d'un  ton  déter- 
miné, H  f)aru  satisfaire  médiocrement  'ofticicr  ;  toutefois,  il  n'a 
pas  insisté  davantage. 

La  voiture  ae  M.  l'errier  lui  a  été  rendue,  et  les  cinq  Prussiens 
ont  quitté  la  ville  et  pris  la  direction  de  Uauchet,  où  se  trouvait 
leur  campement. 

Le  lendemain  24,  vers  dix  heures  du  matin,  une  colonne  de 
dragons  prussiens  forte  de  10  ofliciers  et  3U0  cavaliers,  est  entrée 
dans  Ghàions.  Celle  fois,  il  ne  s'agissait  plus  d'une  simple  prome- 
nade, mais  d'une  véritable  prise  de  possession.  Arrivée  devant 
l'HùIel  de  Ville,  la  troupe  s'y  esl  formée  en  bataille,  cl  l'officier 
commandant,  un  grand  el  beau  garçon,  a  demandé  en  fort  bon 
français,  si  «  Monsieur  le  Maire  était  là  «.  Sur  la  réponse  qui  lui  a 
été  faite  qu'on  avait  été  le  prévenir,  il  a  consenti  à  l'attendre, 
non  sans  témoigner  toutefois  d'une  certaine  mauvaise  humeur. 


778  MÉLANGES 

Au  bout  de  quelques  minutes,  M.  Perrier  est  arrivé.  L'officier 
Ta  rejoint  et  l'a  requis  d'avoir  à  fournir  immédiatement: 

i"  Déjeuner  pour  dix  officiers  et  trois  cents  soldats; 

2°  Deux  voitures  particulières  et  leurs  conducteurs,  destinées  à 
transporter  plusieurs  officiers  prussiens  à  Épernay  et  La  Veuve. 

Il  a  été  fait  droit  à  ces  réquisitions. 

En  même  temps  l'un  des  cliefs  du  détachement  a  également 
requis  M.  le  Maire  de  lui  changer  contre  argent  français  un  billet 
de  banque  de  cent  thalers. 

M.  le  Maire  ayant  demandé  si  cette  nouvelle  réquisition  était 
faite,  coinme  les  précédentes,  de  par  le  droit  du  plus  fort,  il  lui 
fut  répondu  oui.  Dès  lors,  il  s'exécuta. 

Pendant  qu'on  parlementait  à  l'Hôtel  de  Ville,  et  que  le  premier 
magistrat  de  la  cité,  avec  un  calme,  une  dignité  non  exempts 
d'une  certaine  fierté,  défendait,  avec  une  rare  énergie  et  autant 
que  faire  se  pouvait,  les  intérêts  et  l'honneur  de  Chàlons,  les 
Prussiens  prenaient  de  leur  côté  toutes  les  dispositions  pour  inter- 
cepter les  lettres  et  les  journaux  d'une  part,  et  de  l'autre  pour  ne 
pas  se  laisser  surprendre.  Ils  s'emparaient  de  la  poste  et  de  la 
préfecture,  où  ils  comptaient  sans  doute  surprendre  quelques- 
unes  des  dépêches  officielles  envoyées  au  préfet.  En  môme  temps, 
ils  plaçaient  des  factionnaires  à  chacune  des  poiles  de  la  ville, 
avec  ordre  de  faire  usage  de  leurs  armes  contre  toute  personne 
qui  essaierait  de  sortir.  A  partir  de  ce  moment,  Châlons  était 
bloqué. 

En  avant  des  premières  sentinelles  placées  aux  portes  de  la 
ville,  des  postes  de  vedettes  avancées  avaient  été  installés  dans 
toutes  les  directions  et  dissimulés  derrière  les  bouquets  d'arbres. 
On  en  apercevait,  sur  toutes  les  routes,  à  trois  kilomètres  de  la 
ville. 

Après  avoir  enlevé  les  lettres  trouvées  au  bureau  central  et  dans 
les  boîtes  de  quartiers,  après  avoir  aussi  tout  bouleversé  au 
bureau  militaire,  à  la  prélecture,  les  dragons  ont  quitté  Chàlons, 
se  dirigeant  vers  le  camp.  Ils  avaient  réquisitionné  plusieurs  voi- 
tures pour  les  accompagner.  Un  des  voituriers,  requis  sur  la  route 
de  Louvois.  avait  refusé  d'obéir  II  reçut  un  coup  de  feu  qui  le 
blessa  grièvement.  Il  fut  transporté  dans  la  soirée  à  l'hôpital  de 
Châlons. 

Le2o,  un  nouveau  détachement  occupe  la  ville.  Vers  trois  heures, 
quatre  uhians  se  présentent  à  l'Hôtel  de  Ville  et  informent  M.  le 
Maire  que  6,000  prussiens  vont  se  présenter  dans  quelques  instants 
pour  loger  en  ville. 

Vitry-le-Erançois  a  ouvert  ses  porter.  La  ville  ne  s'est  pas 
défendue.  La  garde  nationale  mobile  et  les  quelques  troupes 
d'artillerie  qui  s'y  trouvaient  avaient  auparavant  évacué  la  ville. 


MÉLAiNGttS.  779, 

H.  —  Occitpalion  i.rÉiiernay. 

Le  27  août  1870.  vers  deux  heures  de  l'après-midi,  un  délaclie- 
ment  de  vingt-ciuq  ulilaus,  sous  la  cunduile  d'un  olilcier,  arrivait 
à  Épernay  el  s'avançait  résoUinient  jusqu'à  la  gare. 

A  leur  vue.  des  ouvriers  employés  aux  ateliers  du  chcniiu  de  fer 
sortirent  immédiatement  et,  se  saisissant  de  barres  de  fer,  couru- 
rent sus  aux  Prussiens  en  criant  :  Aux  armes  !  puis,  se  précipitant, 
sous  la  conduite  du  sieur  Gounart,  vers  la  boutique  de  l'armurier 
Imbert,  ils  s'emparèrent  des  fusils  qui  leur  tombèrent  sous  la 
main. 

Cinq  uhians  s'étaient  cachés  sous  le  pont  du  chemin  de  fer. 

Gounart,  sautant  par-dessus  la  barrièi'e,  s'agenouilla,  puis 
visant  sfiremeni ,  en  abattit  deux. 

Un  autre  ouvrier  en  démonta  un  troisième.  Les  autres  s'enfui- 
rent à  travers  les  rues  d'Epernay. 

(îounard  se  lança  à  leur  poursuite  et  en  atteignit  plus  loin  un 
autre. 

Une  (juinzaine  de  Prussiens  environ  restèrent  sur  le  carreau  et 
l'officier  qui  conduisait  l'escorte  fut  pris,  saisi,  bousculé,  et  linale- 
ment  emmv^né  à  Reims. 

Quelques  jours  [ilns  tard,  Épernay  était  contraint  de  recevoir 
les  vainqueurs,  (jni  se  présentaient  cette  fois  avec  des  forces  plus 
imposantes,  et  une  dure  contribution  de  guerre,  faute  de  ([uoi  la 
ville  serait  impitoyablement  incendiée,  était  exigée  en  compen- 
sation du  traitement  fait  aux  éclaireurs  de  l'armée. 

111.  —  Ocriipalion  de  Reims. 

lieims,  4   seplt-inhre  ISTO. 

Ce  fut  avec  une  indicible  émotion,  une  profonde  tristesse,  que 
notre  ville,  la  veille  encore  pleine  d'espoir,  si  contiante  dans  les 
résultats  de  la  lutte  engagée  dans  les  Ardennes,  apprit,  le  matin 
du  4  septembre,  le  terrible  échec  subi  par  ros  armes. 

La  dépêche  officielle  suivante  avait  été  adressée  de  Paris,  le  3 
septembre  à  10  h.  2:')  du  soir,  à  tous  les  préfets  et  généraux  com- 
mandant les  divisions  : 

h  rançais, 

Un  ^raiitl  malheur  frappe  la  |wliiB  Après  trois  jours  de  lulles  héroïques, 
soutenues  par  larmee  du  maréchal  ce  .Mac-MaluQ  contre  3UO.liOI)  euneuns, 
40,OOU  hommes  oui  été  laits  prisonniers. 

Le  général  de  "Wirapl'eu,  qui  avait  pris  le  commandement  de  l'armée  ea 
remplacement  du  maréchal  de  Mac-iMahon,  j^rièvemenl  hlessé,  a  signé  une 
capitulation. 

Ce  cruel  revers  n'ébranle  pas  noire  courage.  Paris  e,.l  aujourd'hui  en  état 
de  défense,  les  forces  militaires  s'organifienl.  Avant  peu  de  jours,  une  arméa 
nouvelle  sera  sous  les  murs  de  Pans,  une  autre  armée  se  forme  sur  les  rives 
de  la  Loire,  Notre  patriotisme,  notre  union,  notre  énergie  sauveront  la  France. 


780  MÉLANGKS 

L'Empereur  a  élé  fuit  prisonnier  dans  la  luUe. 

Le  Gouvernemeni,  d'accord  avec  les  pnivoirs  publics,  prend  toutes  les 
mesures  que  comporte  la  gravité  des  événements. 

[Suivaienl  les  signatures  des  ministres.) 

Nous  emprunloiis  à  l'inléressanl  ouvrage  de  M.  V.  Diancourt, 
Les  Allevtands  à  Reims,  le  récil  de  roccupalioii  de  notre  ville  par 
l'armée  allemande  : 

Arrivée  des  Allemands  à  liehns. 

Ce  l'ut  seulement  dans  la  nuit  du  3  au  4  septembre  que  le  maire 
de  Reims,  M.  iJauphinot,  réveillé  à  deux  heures  du  rnaliti  et  mandé  â 
la  sous-prét'eclure,  apprit  en  même  temps  du  suus-préfet  et  du 
général  d  filxéa  la  défaite  de  Sedan,  la  captivité  de  l'Empereur  et 
de  l'armée  et  l'arrivée  imminente  de  l'ennemi.  On  l'informait  en 
outre  que,  dans  une  heure,  toutes  les  administrations  et  toutes  les 
forces  militaires  qui  se  trouvaie:it  à  Reims  auraient  quitté  la 
ville.  Tout  cela  dit  au  milieu  des  apprêts  d'un  départ  précipité, 
d'un  personnel  ahuri,  de  linges  et  de  vêlements  dont  on  bourrait 
les  valises,  de  papiers  qu'on  froissait  et  qu'on  détruisait,  dans  une 
hâte  fébrile,  pour  quitter  la  ville  à  temps  et  profiter  du  dernier 
train  qui  allait  emporter,  avec  la  troupe  effarée  des  fonction- 
naires, le  drapeau  de  la  Patrie  et  ses  derniers  dél'easeurs. 

La  précipitation  de  la  retraite  fut  telle  que,  plusieurs  heures 
plus  lard,  on  rencontrait  encore  dans  les  rues  de  Reims  des 
mobiles  isolés  qu'on  n'avait  pas  pu  prévenir  et  qu'on  se  hâtait  de 
faire  partir,  pour  qu'ils  ne  tombassent  pas  entre  les  mains  de 
l'ennemi. 

Le  maire,  resté  seul,  se  rendit  à  l'Hôtel  de  Ville  et  songea  aux 
premières  mesures  à  prendre.  On  allait  se  trouver  le  jour  même 
en  face  d'un  ennemi  dont  les  exigences  étaient  connues;  il  fallait  se 
mettre  en  mesure  d'y  faire  face.  Dans  les  derniers  jours,  en  pré- 
sence d'éventualités  redoutables,  la  Municipalité  avait  fait  retirer 
du  Trésor  cent  cinquante  mille  francs  à  valoir  sur  les  sommes  qui 
y  étaient  déposées  par  la  Ville  ;  mais  il  élait  à  prévoir  que  ces 
ressources  seraient  insuffisantes.  M.  Uauphinot  songea  à  s'adres- 
ser au  directeur  de  la  succursale  de  la  Banque  ;  il  le  pria  de 
rendre  à  la  Ville  le  service  de  lui  avancer  cent  mille  francs  pour 
lesquels  il  offrait  sa  signature  et  sa  garantie  personnelle.  Le  direc- 
teur consentit  à  prélever  cette  somme  sur  l'encaisse  qui  allait  être 
expédiée  à  Paris,  et  à  la  mettre  à  la  disposition  de  la  .Mairie,  qui 
eut  ainsi  entre  les  mains  un  capital  de  deux  cent  cinquante  mille 
francs  pour  les  premiers  besoins. 

A  quatre  heures  du  matin,  les  membres  du  Conseil  municipal 
furent  prévenus  et  convoqués  à  domicile;  à  six  heures,  ils  étaient 
en  séance  à  l'Hôtel  de  Ville. 

La  première  et  la  plus  grosse  question  à  débattre  élait  celle  de 
l'attitude  à  prendre  en  face  de  l'ennemi  qui  approchait.  Deux  hypo- 


MÉLANGES  781 

tli^=es  se  préseiilaienl.  Elait-co  une  année  vérilaMe  qui  allait 
arriver  aux  portes  de  Reims  ?  Serail-ou  seulement  en  face  d'un 
corps  d'éclairenrs,  ainsi  que  cela  s'était  priduit  dans  d'autres  villes 
de  la  région?  Dans  le  premier  cas.  la  retraite  de  l'armée,  l'ab- 
sence de  force  organisée  et  de  moyens  de  défense  obligeaient 
à  écarter  toute  idée  de  résistance.  Dans  l'hypoliièse  où  l'on  n'au- 
rait affaire  qità  des  troupes  d'avanl-garde,  on  ne  pouvait  admettre 
qu'une  population  de  60.000  âmes  lai.ssât  violer  son  enceinte  par 
quelques  cavaliers.  On  apprenait,  au  moment  même  où  la  ques- 
tion s'agitait,  que  plusieurs  ulilans,  profiLant  du  dé-arroi  de  la 
première  heure,  s'étaient  présentés  à  la  porte  de  Dieu-I.urrJère, 
qu'ils  avaient  trouvée  ouverte.  Ils  avaient  pénétré  jusque  dans  la 
rue  du  Barbâtre,  d'où,  après  une  courte  apparition,  ils  s'étaient 
repliés  devant  l'altitude  menaçante  de  la  population.  I/ofOcior  qui 
les  commandait  avait,  dans  sa  retraite  précipitée,  laissé  entre  les 
mains  de  la  foule  son  manlcau,  qui  fut  apporté  à  la  Mairie  comme 
un  trophée. 

En  vue  d'éviter  le  retour  de  ces  incuisions,  le  Conseil  décida 
que  toutes  les  portes  de  la  ville  seraient  fermées,  et  délégua  plu- 
sieurs de  ses  membres  ipii  se  rendirent  à  chacune  d'elles,  pour 
signifier  aux  éclaireurs  ennemis,  s'ils  se  présentaient,  la  résolution 
prise  de  ne  pas  les  laisser  pénétrer  dans  la  ville  avant  le  corps 
d'armée  qu'ils  précédaient. 

A  ce  moment^  une  sourde  détonation,  qui  fit  trembler  les  vitres 
de  la  salle  du  Conseil,  annonça  que,  derrière  le  dernier  train  qui 
regagnait  Paris,  le  pont  du  chemin  de  fer  de  Soissons  venait  de 
sauter,  en  même  temps  qu'une  partie  du  tunnel  de  Hilly  s'écrou- 
lait sous  l'explosion  d'une  mine.  Les  deu.x  routes  qui  aboutissaient 
à  la  capitale  étaient  désormais  fermées  pour  nous  ;  la  chaîne  qui 
nous  reliait  au  reste  de  la  patrie  française  était  brisée  ;  nous 
étions  seuls,  livrés  à  nous-mêmes,  en  face  de  l'ennemi  victorieux. 

Quelques  instants  plus  tôt,  le  Maire  avait  appris  que,  dans 
la  rapidité  du  départ,  l'autorité  militaire  avait  oublié  les  muni- 
tions qui  se  trouvaient  dans  la  poudrière  de  la  caserne.  On  se  liàia 
de  charger  les  caisses  qui  les  contenaient  sur  cinq  camions 
qui  devaient  les  conduire  au  plus  tùl  à  la  gare.  Pour  que  ces 
munitions  ne  devinssent  pas  la  proie  de  l'ennemi,  on  avait  donné 
aux  voiluriers  qui  les  conduisaient  l'ordre  de  jeter  à  l'eau  tout  ce 
que  le  dernier  train  qui  allait  partir  ne  pourrait  emporter.  Trois 
des  camions  seulement  arrivèrent  à  temps  ;  les  deux  autres  préci- 
pitèrent leur  chargement  dans  le  port  du  canal;  mais  cette  opéra- 
tion fut  si  mal  conduite,  que  les  caisses  et  les  tonneaux  qui 
renfermaient  les  poudres  et  les  cartouches  remontèrent  à  la 
surface  de  l'eau  et  furent  ramenés  au  bord  par  le  public  qui  se 
partagea  leur  contenu.  C'était  un  contre-temps  déplorable,  car  ces 
munitions,  désormais  inutiles  pour  la  défense,  pouvaient  devenir, 
entre  des  mains  imprudentes,  l'occasion  de  complications  à  l'arrivée 


78'i  MÉLANGES 

de  reiincmi,  et  allirer  sur  la  ville  et  la  popiilalion  de   sanglantes 
représailles. 

Ce  fut  ce  qui  détermina  le  Maire,  d'accord  avec  le  Conseil 
municipal,  à  s'adresser  direclemenl  à  la  population  et  à  faire 
appel  à  la  sagesse  dans  la  proclamation  suivante  : 

VILLE  DE  REIMS 
Proc'aDialion. 
Aux  habitants  de  Heinis, 
A  'a   nouvelle  .ie  rhovrible    malheur  qui  nous  fiapie,    les   autoril(^s   mili- 
taires et  administratives,  obéissant  aux  ordres  reçus,  se  sont  retirées  accom- 
pagnant les  troupes  groupées  autour  de  la  ville. 

Nous  sommes  désormais  sans  défense,  et  il  serait  insensé  d'essayer  une 
résistance  impossible,  qui  exposerait  la  population  tout  entier"  aux  plus 
graods  dangers. 

Nous  venons  donc,  la  mort  dans  le  cœar,  vous  supplier  de  rester  calmes, 
de  contenir  les  sentiments  qui  nous  oppressent  et  d'accepter  avec  une  dou- 
loureuse résignation,  en  ce  qui  nous  concerne,  ce  que  nous  ne  pouvons  plus 

empêcher. 

Le  Maire  et  les  ConseiHers  mniiicipaitx. 

A  ce  moment,  vers  onze  heures  du  matin,  un  agent  de  police 
vint  avertir  le  Maire  qu'un  détachement  de  cavalerie  allemande  se 
présentait  à  la  porte  de  Bélhen}'  ;  et  il  remettait  entre  ses  mains 
un  billet  écrit  au  crayon,  en  langue  française,  qui  était  conçu  en 
ces  ternies  : 

«  J'ai  promis  aux  habitants  de  ne  pas  entrer  en  ville  avant  que  vous 
ayez  eu  la  bonté  de  venir  me  voir  à  sa  porte.  J'ai  l'ordre  du  général  en  chef 
de  demander  si  Reims  voulait  être  traité  comme  ville  ouverte  ou  pas  ? 

«  Je  vous  attends. 

«  Baron  Wcerth, 

«  Chef  d'escadron.  » 

M.  Dauphinot,  retenu  en  ce  moment  par  des  nécessités  impé- 
rieuses à  THùlel  de  Ville,  qu'entourait  une  foule  compacte  et  de 
plus  en  plus  difficile  à  contenir,  délégua  un  adjoint,  M.  Marteau, 
et  trois  conseillers  municipaux  :  MM.  Laignier  aîné,  Jules  Houzeau 
et  Diancourt,  pour  le  remplacer  dans  l'entrevue  qui  était  demandée. 
Ces  messieurs  s'étant  rendus  à  l'endroit  désigné,  y  trouvèrent 
un  escadron  de  hussards  allemands  qui  stationnaient  en  dehors  de 
la  grille.  Le  commandant  annonça  à  la  délégation  de  la  Munici- 
palité qu'il  n'était  que  l'éclaireur  du  corps  d'armée  du  général 
von  Tumpling,  lequel  était,  à  ce  moment,  à  quatre  kilomètres  de 
la  ville  sur  la  route  de  Rethel,  il  demanda  si  Reims,  qui  était  une 
ville  ouverte,  était  disposée"  à  résister  à  l'armée  allemande.  Ces 
messieurs  lui  répondirent  que  la  ville,  évacuée  par  l'armée  fran- 
çaise et  dépourvue  de  tous  moyens  de  défense,  était  dans  l'impos- 
sibilité de  résister  à  une  armée  ;  mais  ils  lui  déclarèrent  que 
son  honneur  ne  lui  permettait  pas  d'ouvrir  ses  portes  à  de  simples 


MKLANGES  iQù 

délachement?  ennemis.  Ils  linvilèient,  en  conséquence,  à  s'absle- 
iiir  d'entrer,  quant  à  présent,  dans  la  ville.  L'ullicier,  ayant  pris 
connaissance  de  la  proclainalion  du  Maire,  dont  il  emporta  un 
exemplaire,  s'éloigna  avec  sa  troupe,  après  avoir  rallié  quelques 
cavaliers  détachés  qui  avaient  pénétré  en  ville.  Quatre  d'entre  eux 
s'étaient  portés  vers  la  gare  de  la  petite  vitesse,  à  l'entrée  du  fau- 
bourg de  Laon.  Sur  la  vue  d'un  ordre  écrit  de  leur  chef,  ils  ral- 
lièrent immédiatement  leur  corps,  en  prenant  la  rue  Jules-César, 
qui  était,  la  voie  la  plus  courte,  et  qu'ils  semblaient  ne  pas  pra- 
tiquer pour  la  première  fois. 

Deux  autres  cavaliers  avaient  également  pénétré  dans  le  fau- 
bourg et  s'étaient  avancés  jusque  dans  la  rue  Cérès.  L'un  d'eux 
voulut  se  faire  servir  des  pâtisseries  chez  un  marchand  de  cette 
rue  ;  mais,  au  moment  uù  ce  dernier  s'approchait  avec  ses 
gâteaux,  un  de  de  nos  concitoyens,  ancien  gendarme,  fit  voler 
d'un  levers  de  main  la  pâtisserie  dans  le  ruisseau.  Le  soldat, 
lurieux,  tourna  bride  et  partit  au  galop  en  lançant  un  coup 
de  sabre  à  l'auteur  de  cette  hostilité,  qui  succomba  quelques  mois 
après  aux  suites  de  la  blessure  qu'il  avait  reçue.  Un  coup  de  feu 
tiré  sur  l'autre  cavalier  ne  l'atteignit  pas,  et  tous  deux  purent 
rejoindre  leur  escadron. 

Enfin,  un  autre  hussard,  qui  avait  suivi  le  boulevard  Cérès 
et  s'était  avancé  jusqu'à  la  caserne  Colbert,  pour  s'assurer  qu'elle 
avait  été  évacuée,  dut  se  replier  précipitamment,  après  avoir 
essuyé  un  coup  de  pistolet  dont  il  ne  tut  pas  non  plus  atteint. 

Sur  ces  entrefaites,  le  Maire,  qui  avait  pu  quitter  un  instant 
l'Hôtel  de  Ville,  était  venu  rejoindre  à  la  porte  de  Bétheny 
M.  Marteau  et  les  conseillers  qui  s'y  trouvaient  réunis.  La  troupe 
ennemie  s'étant  éloignée,  on  rentra  à  la  Mairie  pour  attendre  les 
événements. 

Vers  deux  heures  de  l'après-midi,  il  se  fit  un  grand  mouvement 
aux  abords  de  la  place  ;  des  Ilots  de  population  y  affluaient,  débou- 
chant des  rues  Colbert  et  de  Tambour.  Les  Prussiens  arrivaient,  et 
au  milieu  de  clameurs  confuses,  on  entendait  le  bruit  de  leurs  fan- 
fares. Chacun  se  précipita  sur  le  perron.  Soudain,  au  milieu 
du  lumulle,  et  dominant  les  bruits  de  la  foule,  plusieurs  détona- 
tions d'armes  à  feu  retentirent  dans  la  direction  de  la  [)lace 
Royale.  Quelques  secondes  après,  on  vit  déboucher  de  la  place 
Royale,  comme  un  ouragan,  une  troupe  de  cavalerie  arrivant  au 
galop,  le  sabre  levé,  en  poussant  des  cris  et  des  hourras.  Ils  s'ar- 
rêtèrent devant  la  façade,  de  la  Mairie,  et  leurs  chefs,  sautant 
à  bas  de  leurs  chevaux,  s'élancèrent,  le  revolver  au  poing  et 
la  menace  à  la  bouche,  sur  le  perron  de  l'Hôtel  de  Ville,  où 
le  Maire  et  les  conseillers  municipaux  étaient  réunis. 

—  Nous  la  brûlerons,  votre  ville,  nous  la  brûlerons,  ne  cessait  de 
répéter  d'une  voix  stridente  un  officier  à  barbe  rousse,  qui  parais- 
sait être  un  médecin  militaire,  et,  à  ses  côtés,  le  baron  Wo'rth, 


784  MÉLANGES 

le  chef  d'escadron  avec  lequel  on  avait  parlementé  dans  la  mati- 
née, reprochait  au  Maire  la  trahison  dont  il  se  prétendait  victime. 
«  On  s'était  engagé  à  ne  pas  opposer  de  résistance  au  corps  d'ar- 
mée, et,  malgré  la  parole  donnée,  on  avait  lire  sur  les  troupes.  La 
ville  serait  brûlée.  »  Après  cette  explosion  de  colère  et  de  récri- 
minations, on  obtint  enfin  rexplicalion  de  l'incident.  Au  moment 
où  la  lête  de  la  colonne  ennemie  arrivait  en  haut  de  la  rue  Gérés, 
près  dé  son  débouché  sur  la  place  Royale,  un  coup  de  feu  était 
parti  d'une  des  fenêtres  de  la  maison  portant  le  n'  5,  occupée  par 
le  Café  Louis  XV.  Bien  que  personne  n'eût  été  atteint,  les  cava- 
liers allemands  avaient  répondu  par  une  décharge  de  leurs  cara- 
bines sur  les  fenêtres  de  la  maison.  \]n  malheureux  aveugle,  que 
le  bruit  avait  attiré  au  dehors,  fut  seul  atteint  par  celle  mousque- 
terie  qui  le  tua. 

Le  Maire  protesta  dii  sa  loyauté  et  d  ■  son  intention  de  rester 
fidèle  aux  conventions  arrêtées;  et,  devant  ses  assurances,  confir- 
mées par  les  conseillers  présents,  que  le  fait  incriminé  n'était 
qu'un  accident  isolé  qui  ne  se  reproduirait  pas,  les  ofticiers  se  cal- 
mèrent. Mais  ils  exigèrent  qu'en  garantie  des  paroles  qui  leur 
étaient  données,  le  Maire  accompagnât  l'escadron  jusqu'aux  portes 
de  la  ville,  où  le  général  en  chef  attendait  l'issue  d'un  conllit  qui 
était  en  contradiction  avec  la  teneur  de  la  proclamation  munici- 
pale, dont  un  exemplaire  était  entre  ses  mains.  M.  Dauphinot  et 
ses  trois  adjoints,  MM.  Rorrie,  Ch.  Rogelet  et  Marteau  quittèrent 
l'Hôte!  de  Ville,  précédant  l'escadron,  qui  les  accompagna  jusqu'à 
deux  cents  mètres  environ  des  dernières  maisons  du  faubourg,  où 
ils  se  trouvèrent  en  présence  de  l'armée  allemande  et  du  général 
von  Tumpling,  qui  la  commandait.  Après  de  nouvelles  assurances 
pacifiques  données  par  la  Municipalité,  l'armée  se  mil  en  marche 
et  entra  en  ville,  en  se  faisant  précéder,  jusqu'à  la  mairie,  par  les 
membres  de  l'Administration,  qui  lui  servaient  d'otages,  et  qui 
couraient  risque  de  payer  de  leur  vie  toute  agression  qui,  durant 
ce  trajet,  se  fût  produite  contre  les  Allemands. 

(On  constata  d'ailleurs,  quelques  jours  plus  tard,  que  la  maison 
de  M.  Jacquier,  rue  Cérès,  5,  avait  été  désignée  à  tort  comme  l'en- 
droit d'où  était  parti  le  coup  de  feu  tiré  le  4  septembre,  à  l'entrée 
des  troupes  prussiennes. 

L'auteur  de  ce  fait  était  placé  dans  la  rue  et  en  dehors  du  trot- 
toir ;  il  n'entra  qu'ensuite  dans  le  café  pour  se  mettre  à  l'abri.) 

Trente  mille  ['russiens  environ  étaient  entrés  dans  Reims.  Cette 
armée,  suivant  le  faubourg  et  la  rue  Cérès,  se  fractionnait  sur  la 
place  Royale,  chaque  corps  prenant  la  direction  du  cantonnement 
qui  lui  avait  été  indiqué. 

Certaines  maisons  recevaient  30,  o0,80,  100  et  même  130  hommes 
chacune.  Les  chevaux  étaient  installés  jusque  dans  les  magasins. 
Les  Allemands  s'aggloméraient  dans  les  quartiers  du  centre. 

Ce  fut  une  rude  et  triste  soirée  que  celle  du  4  septembre. 


MELANGES  785 

—  Nous  avons  eu  occasion  de  signaler  l'infatigable  dévouement 
dont  a  fait  preuve,  durant  la  nuit  du  3  au  4  septembre,  le  per- 
sonnel de  la  Compagnie  de  l'Est  à  la  tête  duquel  se  trouvait  placé 
en  ce  moment  M.  Ménecier,  chef  de  gare. 

Le  général  d'Exea,  averti  durant  la  nuit,  comme  le  maire  de 
Reims,  du  désastre  de  Sedan,  se  rendit  immédiatement  à  la  gare. 
Il  voulait  que  sa  d'vision  fût  embarquée  et  partie  deux  heures 
après.  Il  dut  se  rendre  aux  arguments  du  chef  de  gare  qui  ne 
voulut  lui  promettre  qu'une  chose:  faire  évacuer  les  troupes  dans 
le  plus  bref  délai  possible. 

Il  ne  fallait  pas  songer  à  expédier  en  si  peu  de  temps  la  division 
et  son  matériel,  d'autant  plus  que  les  troupes  n'étaient  même  pas 
rassemblées,  étaient  dispersées  à  Reims  et  dans  les  environs.  Il  fut 
convenu,  sur  l'avis  de  M.  Ménecier,  que  l'artillerie,  la  cavalerie  et 
le  train  gagneraient  les  stations  de  Muizon.  Jonchery  et  Fismes  où 
elles  embarqueraient,  tandis  que  l'infanterie    partirait  de  Reims. 

Ainsi  fut  fait.  A  quatre  heures  du  matin,  le  dernier  bataillon 
d'infanterie  quittait  la  gare  avec  les  fonctionnaires  du  Gouverne- 
ment, les  employés  de  la  banque  et  tout  leur  numéraire.  Restait 
le  matériel,  près  de  mille  wagons  et  quarante  machines  dont  la 
plupart  n'étaient  même  pas  allumées.  11  n'y  avait  pas  une  minute 
à  perdre  pour  sauver  tout  cela. 

On  fit  des  prodiges.  Pour  comble  de  malheur,  le  tunnel  de 
Rilly  était  bouché,  on  avait  lait  sauter  l'entrée  et  un  capitaine  zélé 
menaçait  à  chaque  instant  de  faire  sauter  le  pont  de  Soissons,  la 
seule  voie  libre  qui  restait.  Tout  le  monde  travaillait  avec  un  véri- 
table acharnement.  A  huit  heures  cinquante  minutes  du  matin,  le 
dernier  wagon  passait  le  pont,  emportant  le  personnel  et  le  chef 
de  gare,  resté  à  son  poste  jusqu'au  dernier  moment. 

Deux  minutes  après,  le  pont  sautait,  et  un  quart  d'heure  plus 
tard  les  éclaireurs  prussiens  occupaient  la  gare,  où  ils  ne  trou- 
vaient plus  ni  une  machine,  ni  un  fourgon,  ni  un  wagon  ! 

Un  dernier  détail  :  le  dernier  train  parti  de  Reims  nùt  douze 
heures  pour  faire  les  cinquante-quatre  kilomètres  qui  séparent 
Reims  de  Soissons,  tellement,  depuis  deux  heures  du  matin,  on 
avait  accumulé  sur  la  ligne  les  wagons  et  les  trains. 

—  Le  6  septembre,  le  commandant  de  la  place  de  Reims  signifia 
à  la  Mairie  que  la  maison  de  M.  Jacquier,  rue  Gérés,  5,  de  laquelle 
était  parti  le  coup  de  feu  tiré  sur  les  troupes  allemandes,  devait 
être  démolie.  On  avait  d'abord  songé  à  la  brîiler,  ce  qui  eût  été 
plus  expéditif  ;  mais  dans  la  crainte  de  ne  pas  être  maître  de  l'in- 
cendie qu'on  aurait  allumé,  on  s'en  tint  à  une  simple  démolition. 

Sur  le  conseil  du  commandant,  le  maire  s'adressa  à  M.  de 
Bismarck,  pour  obtenir  qu'on  revint  sur  cette  décision  aussi  bar- 
bare qu'injuste  ;  car  elle  frappait  des  personnes  innocentes  du 
fait  que  l'on  voulait  punir.  M.    de   Bismarck  engagea  le  Maire  à 

50 


78G  MÉLANGES 

recourir  au  Roi.  Celui-ci  le  reçut  avec  simplicité,  accorda  d'une 
façon  affable  la  grâce  qu'on  sollicitait,  et  la  maison  resta   debout. 

L'état-major  allemand  n'avait  pas  voulu  autre  chose  ;  mais  il 
voulait  surtout  que  le  public  fût  informé  de  la  condamnation 
encourue  et  de  la  grâce  accordée.  Les  termes  mêmes  de  celte 
communication  lurent  imposés  par  le  comte  de  Bismarck.  Ils  carac- 
térisent trop  nettement  la  situation  que  les  événements  avaient 
faite  à  la  Municipalité,  pour  que  nous  n'en  metlious  pas  le  texte 
sous  les  yeux  du  lecteur. 

C'est  le  maire  qui  écrit,  c'est  M.  de  Bismarck  qui  dicte  : 

Aux  Ilabitaiils. 

J'ai  appris,  ce  matin,  que  le  coup  de  l'eu,  lire  dim-'nchesur  les  premières 
troupes  entrées  dans  celte  ville,  allait  amener  sur  la  maison  d'(.ù  il  est  parti 
toutes  les  rigueurs  de  la  loi  militaire. 

Le  café  du  sieur  Jacquier  et  la  maison  tout  entière  allaient  être  rasés. 

Grâce  à  l'attitude  calme  de  la  population,  j'ai  pu  ol  tenir  de  Sa  Majesté  le  roi 
Guillaume  l'oubli  d'un  tait  qui,  s'il  se  renouvelait,  nous  attirerait  les  plus 
grands  malheurs. 

Je  supplie  nos  concitoyens  de  continuer  à  donner  des  preuves  de  leur  modéra- 
tion et,  au  besoin,  de  réprimer  eux-mêmes  ie  désordre  partout  où  il  pourrait 
se  produire. 

C'est  en  lisantcetavis  imprimé,  collé  sur  sa  porte,  que  M.  Jacquier 
apprit  en  même  temps  le  péril  qu'il  avait  couru  et  les  démarches 
qui  l'en  avaient  préservé. 

—  Le  roi  de  Prusse  arriva  à  Reims  le  5  septembre,  accompagné 
du  prince  de  Bismarck,  du  maréchal  de  ftlollke,  du  général  Stoch, 
intendant  général  de  l'armée,  du  chef  de  la  police  Slieber,  et  d'un 
nombreux  état-major. 

L'archevêché  avait  été  réquisitionné  pour  le  recevoir  —  ainsi  que 
le  maréchal  de  Moltke.  M.  de  Bismarck  logeait  chez  .M.  Adolphe 
Dauphinot,  rue  du  Cloître.  Presque  toute  la  maison  du  roi  et 
l'état-major  général  logeaient  dans  les  environs  immédiats  de  la 
Cathédrale.  .Au  Courrier  étai^'ent  établis,  en  place  de  30  soldats, 
que  Ton  fit  déménager,  deux  colonels,  un  capitaine  et  leurs 
ordonnances.  On  travaillait  ferme  chez  les  officiers  qui  faisaient 
partie  de  l'état-major;  jour  et  nuit,  les  portes  de  l'habitation 
restaient  ouvertes,  sous  la  garde  de  sentinelles. 

Le  roi  Guillaume  occupa  les  appartements  de  Charles  X  lors  de 
son  sacre. 

Tandis  que  ses  troupes  s'ébranlaient  dans  la  direction  de  Paris, 
il  reçut  dans  un  banquet  ro3'al  les  princes,  les  grands-ducs,  les 
ministres  et  tout  le  haut  état-major  allemand.  Une  invitation,  pour 
ce  banquet,  avait  été  adressée  au  maire  de  Reims,  qui  l'avait 
déclinée.  M.  de  Bismarck,  auquel  il  avait  fait  connaître  son  refus 
et  les   motifs  honorables  qui   le    lui   dictaient,    s'était   chargé   de 


MELANGES  787 

l'excuser  auprès  du  rui.  Ce  fut  probablement  là  l'origine  de  ce*' 
récifs  dont  quelques  journaux  français  ne  craignirent  pas  de 
souiller  leurs  colonnes,  et  dans  lesquels  on  signalait  la  présence  à 
ce  banquet  de  représentants  de  la  ville  et  de  quelques-uns  de  ses 
habitants,  fraternisant  avec  les  envahisseurs. 

On  écrivait  ainsi  l'histoire,  dès  ce  temps-là. 

Le  Prince  royal,  arrivant  à  Reims,  prit  logement  chez  M.  Werle, 
rue  du  Marc. 

Il  ne  suitisait  pas  d'ouvrir  sa  maison  à  ces  hôtes  exigeants,  il 
fallait  encore  pouivoir  à  leur  nourriture.  Un  arrêté  du  prince 
Frédéric-Guillaume  régîait,  ainsi  qu'il  suit,  l'ordinaire  qu'on  devait 
fournil;  à  chaque  soldat  : 

750  grammes  de  pain. 

500         —         de  viande. 

250  —  de  lard. 
30  —  de  café. 
60         —         de  tabac  ou  o  cigares. 

Un  demi- litre  de  vin. 

La  ration  des  chevaux  était  également  fixée. 

Les  habitants  qui  ne  voulaient  ou  ne  pouvaient  fournir  en  nature 
les  aliments  éuurnérés  ci-dessus,  avaient  la  faculté  de  s'en  dispenser, 
en  payant  une  indemnité  de  deux  francs  par  jour  et  par  soldat. 

On  placardait  en  même  temps,  sur  les  murs  de  la  ville,  des 
affiches  d'un  caractère  plus  sinistre  :  l'une  abolissait  la  conscrip- 
tion dans  l'étendue  des  territoires  occupés  par  les  Allemands  ;  une 
autre  énumérait  les  faits  de  guerre  que  le  code  pénal  prussien 
punissait  de  mort,  et  parmi  eux  l'acte  de  citoyens  français  qui, 
n'appartenant  pas  à  l'armée,  prendraient  les  armes  contre  les 
envahisseurs... 


Bazeilles  en  1895.  —  Un  de  nos  collaborateurs,  qui  se  trouve  en  ce 
momeat  à  Sedan,  nous  adresse  la  lettre  suivante  : 

Sedan,  le  30  août  1895. 

Avant  le  pieux  pèlerinage  que  vont  accomplir  à  Bazeilles  tant 
de  braves  Français  restés  fidèles  au  souvenir  des  valeureux  sol- 
dats morts  pour  la  patrie,  j'ai  voulu  parcourir  seul  la  voie  doulou- 
reuse que  les  héros  de  1870  ont  arrosée  de  leur  sang  et  que  les. 
tombes  jalonnent  à  chaque  pas;  j'ai  fait  à  pied  le  chemin  de 
Sedan  à  Balan  et  à  Bazeilles. 

Combien  les  temps  sont  changés.  Le  ciel  est  pur,  le  soleil  brille, 
et  sur  cette  route  que  sillonnaient  il  y  a  vingt-cinq  ans  les  soldats 
ivres  du  feu  de  la  bataille  et  les  blessés  se  traînant  à  peine,  les 
promeneurs  vont  paisiblement.  Les  champs  et  les  prairies  que 
ravageait  la  mitraille  et  que  parcouraient  les  bataillons  éperdus, 
sont  peuplés   de   travailleurs   rentrant   les   moissons.    Les  arbres 


78^-  MÉLANGES 

qu'ont  ahallus  les  boulets  sont  rem{)Iacés  par  d'autres  arbres 
vigoureux  et  verdoyants,  le  chant  des  oiseaux  et  des  travailleurs 
remplit  l'air  là  où  résonnait  lugubrement  la  voix  du  canon. 

Mais  tout  n'est  pas  oublié  pour  cela. 

Les  remparts  de  Sedan  sont  abattus  et  ont  fait  place  à  de  belles 
constructions  et  à  de  superbes  avenues,  mais  regardez  un  peu  à 
gauche  en  sortant  de  la  vieille  ville,  les  murs  d'un  bastion  éventré 
par  les  obus  des  Allemands  laissent  apercevoir  leur  silhouette 
délabrée.  Un  peu  plus  loin,  dans  une  belle  propriété  pleine  d'ombre 
et  de  verdure,  se  dresse  près  de  la  route  le  tronc  d'un  magnifique 
peuplier  décapité  par  un  boulet. 

En  sortant  de  Balan,  où  les  maisons  neuves  et  coquettes  ont  un 
aspect  si  pimpant,  voici  à  droite  deux  ou  trois  rangées  de  monti- 
cules que  l'herbe  recouvre  :  ce  sont  des  tombes. 

Un  peu  plus  loin  k  gauche,  voici  à  quelques  cents  mètres  de  la 
route  l'arbre  près  duquel  fut  blessé  le  maréchal  de  Mac-Mahon  ;  à 
côté  est  le  monument  élevé  à  la  mémoire  d'un  de  ses  aides  de 
camp  tué  près  de  lui. 

A  droite  encore,  le  long  de  la  clôture  d'un  parc  qui  descend 
vers  la  Meuse,  voici  au  milieu  des  arbres  deux  croix  de  pierre.  Là 
sont  enterrés  trente  officiers  allemands  tués  dans  cette  journée, 
qu'on  appelle  à  tort  la  bataille  de  Sedan,  puisqu'elle  a  en  lieu  sur- 
tout à  Bazeilles,  à  Balan  et  à  Givonne. 

Et  dans  le  lointain,  à  droite,  au-delà  de  la  Meuse,  se  détachent 
les  sommets  boisés  d'où  l'artillerie  allemande  foudroyait  nos  pau- 
vres soldats.  Plus  loin  encore,  le  sommet  escarpé  du  haut  duquel 
le  roi  Guillaume  assistait  impassible  à  l'écrasement  de  nos  soldats, 
au  plus  sinistre  désastre  dont  notre  histoire  fasse  mention. 

Et,  bien  qu'aujourd'hui  la  nature  semble  en  fête,  tous  ces  épou- 
va,ntables  souvenirs  reviennent  à  la  mémoire  et  serrent  le  cœur  au 
plus  indifférent. 

Voici  à  gauche  un  terrain  planté  de  quelques  cyprès  ;  c'est 
encore  une  tombe  française  :  un  certain  nombre  des  nôtres  sont 
enterrés  là.  Un  père  sachant  que  son  fils  figurait  parmi  les  morts 
qui  avaient  été  inhumés  en  cet  endroit,  a  acheté  le  terrain  et  l'a 
entouré  de  la  petite  grille  en  fer  qui  protège  cette  sépulture  contre 
toute  profanation. 

C'est  ainsi  que  jusqu'à  Bazeilles  sont  marquées  toutes  les  sta- 
tions de  ce  pénible  calvaire. 

Bazeilles,  complètement  brûlé  et  détruit  par  ces  Allemands  qui 
s''indignent  aujourd'hui  quand  on  leur  reproche  d'avoir  volé  nos 
pendules,  Bazeilles  a  été  entièrement  l'econstruit  ou  à  peu  près, 
comme  nous  le  disions  tout  à  l'heure. 

En  y  arrivant,  on  aperçoit  à  droite  ce  fameux  pont  de  la  Meuse 
sur  lequel  nos  soldats  firent  un  tel  carnage  de  Bavarois  que  les 
cadavres  encombraient  le  passage  et  formaient  comme  une  barri- 
cade derrière  laquelle  s'abritaient  les  combattants. 


MÉLANGES  ~8'J 

A  gauche  est  la  maison  des  dernières  cartouclies,  que  le  peintre 
De  Neuville  a  illustrée  à  jamais.  C'est  là  que  le  général  Lambert, 
alors  capitaine,  tint  tète  jusqu'à  la  dernière  minute  aux  IJavarois, 
ivres  do  rage  d'une  telle  résistance. 

La  maison  est  transformée  en  musée  ;  une  fraiclie  et  blonde 
jeune  fille  explique  aux  visiteurs,  toujours  nombreux,  la  prove- 
nance de  tous  les  objets  qui  le  composent  :  armes,  tambours, 
pipes  allemandes,  décorations,  etc.,  etc.,  ramassés  sur  le  champ  de 
bataille.  Un  peu  moins  d'apparat  dans  ces  assemblages  de  lugu- 
bres dépouilles  en  rendrait  l'aspect  plus  saisissant. 

Devant  la  maison,  là  où  se  tenaient  ces  brutes  enragées  qui 
canardaient  à  bout  portant  une  poignée  d'héroïques  soldats  d'in- 
fanterie de  marine  barricadés  dans  la  maison,  on  a  planté  des  arbres, 
installé  des  tables  sous  des  tonnelles  et...  l'on  boit  de  la  bière'. 

Au  bout  du  cimetière,  à  la  place  du  mur  derrière  lequel  nos  sol- 
dats s'abritaient  pour  tirer  sur  les  Bavarois  qui  s'avançaient  en 
masses  serrées,  s'élève  l'ossuaire,  sobre  et  imposant  monument, 
qui  renferme  les  ossements  de  plus  de  quinze  cents  Français  et 
Allemands.  La  description  en  a  été  faite  trop  souvent  pour  qu'il 
soit  besoin  d'y  revenir. 

Mais  au  milieu  de  ce  village  tout  neuf,  de  ces  constructions  si 
riantes  d'aspect,  se  dresse  çà  et  là  quelque  lugubre  souvenir.  Un 
amas  de  terre  et  de  pierres  noircies  marque  l'emplacemeiit  de 
l'église,  qui  n'a  pas  encore  été  reconstruite.  Quelques  pans  de 
murailles  sont  tout  ce  qui  reste  de  la  splendide  demeure  de 
M.  Thomas.  Et  plusieurs  de  ces  jolies  maisonnettes  portent  sur 
leur  façade  une  plaque  indiquant  qu'elles  ont  été  reconstruites 
avec  le  produit  du  sou  des  chaumières. 

Que  tous  ceux  en  qui  s'eil'ace  le  poignant  souvenir  des  désastres 
de  1870  lassent  le  voyage  de  Bazeilles,  et  toutes  les  velléités  d'in- 
dulgence et  d'oubli  qu'ils  éprouvent  auront  bientôt  disparu. 
(Courrier  de  la  Champagne.)  V.  M. 


Historique  du  courtage  des  vins,  a  Reims.  —  Nous  empruntons  à  un 
intéressant  petit  volume  paru  il  y  a  une  cinquantaine  d'années,  à  Reims, 
intitulé  :  Essai  sur  l  histoire  des  l'ins  de  Champagne,  par  Max.  Suiaiue, 
les  lif^nes  suivantes  ccncernaut  les  courtiers,  dont  l'ori^'ine  remoule  à  une 
époque  très  reculée  : 

Nos  pères,  qui  savaient  si  bien  apprécier  leurs  excellents  vins,  et 
qui  comprenaient  toute  l'importance  de  cette  branche  d'industrie 
si  riche  et  si  léconde,  ne  voulurent  pas  que  son  exploitation 
appartint  au  premier  veuu  et  fût  livrée  à  des  mains  improbes 
ou  inhabiles.  Ils  réglementèrent  la  vente  des  produits  de  leurs 
vignobles,  régularisèrent  les  opérations,  firent  en  sorte  que  les 
droits  du  vendeur  et  de  l'acheteur  reçussent  une  garantie  officielle, 
et  l'institution  des  courtiers  prit  naissance. 


7<;90  MÉLANGES 

Elle  dépendait  de  la  justice  de  Péchevinage,  dite  juridiction  du 
Buffet',  dont  la  police  s'exerçait  encore  sur  les  brasseurs,  les 
auneurs  d'étoffes,  les  mesureurs  de  charbon,  sur  la  visite  et 
la  vente  du  poisson  de  mer,  etc. 

Le  corps  des  courtiers  compte  parmi  les  plus  anciens  de  la  cité; 
nous  trouvons,  au  commencement  du  xiv»  siècle,  un  document  qui 
semble  indiquer  que  sa  création  remonte  à  une  date  beaucoup 
plus  reculée  encore.  Eu  1323^,  le  Parlement  homologuait  une 
transaction  passée  entre  les  échevins  et  l'archevêque  Robert 
de  Courtenay,  dont  le  prévôt  Thomas  Louvet  contestait  aux  pre- 
miers le  droit  de  nommer  les  courtiers  de  vins. 

Depuis  cette  époque,  el  malgré  les  prétention;  qu'on  essaya 
parfois  de  faire  valoir  contre  eux,  les  échevins  furent  constamment 
maintenus  dans  ce  droit,  ainsi  que  le  témoignent  plusieurs  lettres 
patentes  et  arrêts  conservés  au  carlulaire  de  la  ville  ■*. 

Ils  fixaient  le  nombre  des  courtiers,  s'assuraient  de  leur  capacité, 
en  exigeaient  caution  et  recevaient  leur  serment.  En  même  temps 
aussi,  ils  sauvegardaient  les  intérêts  de  cenx-ri,  qui  n'eurent 
jamais  de  plus  zélés  défenseurs  de  leurs  privilèges.  Quand  des 
intermédiaires  illégitimes  et  non  reconnus  cherchaient  à  se  glis- 
ser dans  les  transactions,  les  échevins  intervenaient  immédiate- 
ment, poui'suivaient  la  fraude  et  provoquaient  contre  elle  la  sévé- 
rité des  lois''. 

A  une  certaine  époque  cependant,  la  discipline  se  relâcha,  des 
abus  s'introduisirent,  et  l'échevinage  dut  songer  à  réduire  le 
nombre  des  courtiers,  qu'on  avait  laissé  s'accroître  outre  mesure. 
Deux  ordonnances  des  '.i  juin  el  4  septembre  U).")^  tixent  défini- 
tivement re  nombre  à  dix-liuit,  qui  furent  immédiatement  choisis 
parmi  ceux  qui  exerçaient  alors.  Les  mêmes  ordonnances  remettent 
en  vigueur  les  anciens  règlenients,  enjoignent  aux  courtiers  de  se 
renfermer  dans  le  cercle  de  leurs  attributions  et  de  lents  devoirs, 
et  leur  défendent  surtout,  sous  peine  de  ôt-'O  livres  d'amende  et  de 
déchéance,  de  s'associer,  soit  avec  des  commissionnaires  non 
reconnus  et  agissant  sans  provisions,  soit  avec  Ics  marchands  de 
vins  ;  ou  de  se  livrer  eux-mêmes  et  pour  leur  propre  compte  a  des 
opérations  commerciales. 

En   même   temps,    leurs    honoraires    sont    tarilés  ;    il    leur  est 

'  .  La  jusiice  de  lëctieviuage  se  divisait  en  d^-ux  juridictions  :  celle  du 
Buttet  dont  nous  parlons,  el  celle  dite  de  la  Pierre- au- Vhungt,  qui  avait 
dans  ses  allnbulions  la  police  de  la  ville  eu  géuéral,  etc..  Elle  se  teuait 
en  l'auditoire  du  bailliage,  dit  de  la  Pierre-au-Cbange,  situé  rue  de  'Tam- 
bour, en  la  première  uiaiion  taisant  le  coin  à  droite  vers  les  marches. 
[Bidet,  tome  IV). 

-2.  20  décembre  1323  (sous  Charles . IV). 

3.  Ordonnances  du  18  novembre  13.o7,  8  tJvrier   1379,  de  IGil,  etc.. 

4.  Ordonnance  du  20  mars  lotil. 


MÉLANGES  791 

accordé  5  sols  tournois  par  queue  de  via  vendue  sur  l'Etape',  et 
20  sols  poui'  chacune  queue  qu'ils  fvroienl  vendre  aux  habitants 
de  la  ville,  et.  non  autres,  avec  prohibition  expresse  de  recevoir 
d'avantage,  quoique  à  eux  volontairement  offert,  sur  peine  de 
concussion  -. 

En  définissant  ainsi  les  devoirs  et  les  droits  des  courtiers,  les 
échevins  n'oublièrent  pas  de  veiller  à  la  conservation  de  leurs  pri- 
vilèges ;  tout  intermédiaire  illégal  était  puni  par  une  amende  de 
30  livres  et  par  la  prison. 

On  avait  compris  de  quelle  importance  il  était  de  ne  confier  ces 
charges  qu'à  des  personnes  d'une  capacité  et  d'une  moralité 
reconnues. 

Reims,  dont  les  fortifications  exigeaient  de  fréquentes  et  coû- 
teuses réparations  qui  épuisaient  ses  finances,  obtint  de  Charles  V[ 
l'autorisation  d'atfermer  le  courtage  des  vins  et  d'employer  le 
prix  de  la  ferme  à  l'entretien  des  remparts.  Les  lettres  patentes  du 
roi  furent  données  de  son  camp  devant  Bourges,  le  li  juillet  1412. 

Les  courtiers  recevaient  alors  2  sous  parisis,  et  7io>l  plus  par 
pièce. 

Sentinelle'!  vigilantes  placées  sur  le  seuil  de  nos  libertés,  les 
échevins  repoussaient  tout  empiétement  sur  les  droits  de  la  cité. 
Au  commencement  du  xvii*  siècle,  quatre  courtiers  voulurent  exer- 
cer à  Reims,  en  vertu  de  lettres  patentes  émanées  du  roi.  Les 
échevins  protestèrent  énergiquement  et  revendiquèrent  le  privi- 
lège dont  ils  avaient  ioujours  joui  de  nommer  seuls  les  dits  cour- 
tiers. Le  Conseil  d'Etat  fit  droit  à  leur  requête,  et  les  quatre  titu- 
laires durent  renoncer  à  leur  charge,  malgré  l'investiture  qui  leur 
avait  été  royalement  octroyée.  Seulement  la  ville  fut  tenue  de  leur 
rembourser  leurs  offices  à  raison  de  600  livres. 

En  1692,  les  échevins  demandèrent  à  racheter  les  charges 
des  courtiers  et  firent  à  cet  etl'et  une  otfre  de  130,364  livres,  plus 
les  2  sous  pour  livre,  qui  fut  acceptée.  Dès  lors,  ils  entrèrent  en 
possession  des  droits  et  privilèges  attribués  aux  dites  charges,  qui, 
probablement,  à  partir  de  cette  époque,  furent  exercées  sous  l'ins- 
pection de  l'échevinage,  au  profit  de  la  commune.  La  ville  fut 
autorisée  en  même  temps  à  contracter  un  emprunt  à  constitution 
de  rentes  pour  réaliser  la  somme  qu'elle  avait  oli'erte'. 

Le  28  ventôse  an  IX  de  la  République  française,  une  Bourse  de 
commerce  fut  créée  à  Reims,  et  on  lui  alfecta  pour  local  la  grande 
salle  de  l'archevêché.  L'emplacement  trouvé,  il  fallut  songer  au 
personnel,  et  un  certain  nombre  de  courtiers  furent  appelés  à  des- 
servir ce  nouveau  temple  de  l'industrie.  Mais,  soit  que,  pendant 
ce  temps  de  guerres  et  de  troubles,  les  transactions  ne  présen- 

1.  On  sait  que  la  queue  iaisail  deux  pièces. 

2.  Bidet.  —  Cartulaire  de  Reims. 

3.  Arrêt  du  Conseil  d'Etat,  1692. 


792  MÉLANGES 

tassent  pas  une  importance  suffisante,  soit  aussi,  peut-être,  parce 
que  la  position  des  intermédiaires  non  reconnus  par  la  loi,  et  qui 
exploitaient  alors  la  place,  leur  parût  inexpugnable,  pendant 
longtemps  les  courtiers  semblèrent  considérer  leur  charge  comme 
une  sinécure  et  leur  titre  comme  un  vain  nom. 

Ce  ne  fut  guère  que  vers  Tannée  182'}  qu'ils  se  réveillèrent  de 
ce  long  sommeil  et  prirent  leurs  fonctions  au  sérieux.  Ils  en  com- 
prirent, au  reste,  rapidement  toute  l'importance,  et  celte  utile  ins- 
titution, dignement  représentée  par  les  titulaires  actuels,  rend  de 
véritables  services  au  commerce. 

Reims  compte  en  ce  moment  trois  courtiers  de  vins  seulement, 
qui  peuvent  exercer  dans  le  pays  vignoble  tout  entier,  et  dont  les 
droits  se  perçoivent  de  la  manière  suivante  : 

2  fr.  par  pièce  de  120  fr.  au-dessous  ; 

3  fr.  par  pièce  au-dessus  de  120  fr.  ; 

5  centimes  par  bouteille  jusque  500  bouteilles  ; 

4  centimes  par  bouteille  jusque  1.000  bouteilles; 
2  centimes  par  bouteille  au-dessus  de  1.000'. 

{Courrier  de  la  Champagne.) 


Les  vins  rouges  de  Champagne.  —  Nous  empruntons  au  dernier  numéro 
de  la  Revue  de  ViticuUure  (7  septembre),  l'intéressant  article  suivant  ; 

C'est  toujours  avec  surprise  que  l'on  apprend  que  laCliampagne 
produit  des  vins  rouges  de  haute  qualité  qui  rivalisent  avec  les  plus 
célèbres  crus  de  Bourgogne  et  de  Bordeaux;  la  rareté  de  ces  vins 
fait  qu'ils  ne  sont  connus  que  d'un  petit  nombre  d'amateurs,  j'al- 
lais dire  d'adorateurs.  Avant  l'extensioii  du  commerce  des  vins 
mousseux,  les  vignerons  faisaient  en  blanc  la  majeure  partie  de 
leurs  vins;  aujourd'hui,  ils  ont  le  plus  souvent  intérêt  à  vendre 
directement  aux  négociants  leurs  raisins;  en  1893,  on  a  payé,  à 
Bouzy,  la  caque  de  raisin  (60  kilos)  235  fr.  ;  on  conçoit  que,  dans 
ces  conditions,  le  vigneron  préfère  se  débarrasser  immédiatement 
de  sa  récolte  que  de  courir  les  chances  d'une  vente,  plus  élevée,  il 
est  vrai,  de  son  vin  fait  en  rouge;  cependant  un  certain  nombre 
de  vignerons  font  toujours  quelques  pièces  de  vin  rouge,  soit  pour 
leur  consommation,  soit  sur  commande  ;  les  années  où  la  récolte 
est  abondante,  ils  transforment  en  vin  rouge  l'excès  de  récolte  non 
vendu,  de  sorte  que  sur  place  on  peut  toujours  trouver  au  moins 
quelques  bouteilles  de  ces  vins. 

On  n'en  fait  d'ailleurs  que  dans  les  très  bonnes  années  :  le  vin  le 
plus  renommé  est  le  Bouzy,  puis   viennent  les  Vertus,   Damery, 

1.  Tarif  général  des  droits  de  courtage  pour  la  place  de  lieims.  déli- 
béré par  Is  tribunal  de  commerce,  en  sa  séance  du  7  octobre  1826.  {lieims, 
chez  Guélon-Moreau,  imprimeur  de  la  Bourse,  182(5.) 


MÉLANGES  793. 

Ciimières,  etc.;  —  les  vignerons  nous  montrent  encore  avec  fierté 
quelques  bouteilles  de  18o7,  î)8,  ùî,  6r>,mais  les  1H8i,  1889, et  sur- 
tout les  1893  sont  encore  en  tas  respectables.  —  Les  prix  atteignent,, 
à  Bouzy,  de  800  à  1.200  fr.  la  pièce  dans  l'année  de  leur  prépa- 
ration, et  leur  prix  s'accroît  naturellement  avec  l'âge.  Les  autres 
crus  se  vendent  à  des  prix  moins  élevés. 

La  vinitication  de  ces  produits  si  délicats  nécessite  des  soins 
tout  spéciaux  depuis  la  vendange  jusqu'à  leur  expédition.  On  choi- 
sit les  raisins  des  meilleurs  lieudits,  où  se  trouvent  de  vieilles 
vignes  bien  exposées  ;  on  fait  un  mélange  des  raisins  de  plusieurs 
vignes,  vignes  basses,  de  mi-côte  et  hautes  vignes;  on  cueille  au 
moment  où  VaifjuiUon  du  pédoncule  des  grains  est  devenu  rouge. 

(]omme  pour  les  vins  blancs,  on  choisit  un  temps  sec,  on  évite  la 
rosée  et  la  pluie,  qui  font  tourner  les  grains  ou  pourrissent.  Chaque 
hordon.  de  vendangeurs  comprend  les  cueilleiirs  :  ce  sont,  en- 
général,  des  entants  qui  coupent  les  raisins  avec  des  serpettes,  les 
déposent  dans  des  paniers  à  vendange  ou  mandelelles  ;  des  por- 
teurs les  portent  à  la  main  et  les  versent  sur  une  cUujcUe  devant 
ciiaque  éplliclieiise.  A  l'aide  d'un  sécateur  à  éplucher,  on  enlève  de- 
chaque  raisin  les  grains  maiimurs  ou  verts,  secs,  Irémilés,  tour- 
nés, pourris,  piqués  par  la  cochylis  ou  les  guêpes  ;  le  raisin,  après 
sa  toilette,  est  déposé  dans  un  panier-mannequin,  les  épluchures 
sont  versées  dans  un  autre,  on  en  fait  des  vins  de  boissons  dits 
•vins  de  détour. 

Le  transport  de  la  vigne  au  pressoir  est  fait  avec  moins  de  pré- 
cautions que  lorsqu'on  doit  faire  du  vin  blanc  ;  les  raisins  sont 
versés  dans  des  linctles  et  foulés  soit  au  pied,  le  plus  souvent  au 
pilon,  quelquefois  au  fouloir  mécanique  ;  dans  quelques  vignobles,, 
le  foulage  est  même  commencé  à  la  vigne,  dans  les  bariilels,  qui 
sont  eni^uite  portés  à  bât  par  dos  ânes. 

Le  moût  est  immédiatement  versé  dans  les  cuves  ;  le  plus  sou- 
vent on  ne  se  préoccupe  aucunement  de  sa  composition,  on  en 
mesure  simplement  le  titre  glucométrique  comme  renseignements^ 
on  vine  quelquefois  à  l'aide  de  bons  cognacs,  de  manière  à  amener 
le  titre  alcoolique  à  12  ■  ;  mais  on  laisse  de  côté  le  titre  acide  ;  cepen- 
dant, comme  ces  vins  rouges  sont  faits  en  général  dans  les  années 
de  maturité  précoce,  il  doit  arriver  que  leur  litre  acide  est  laible, 
et  ce  serait  certainement  une  excellente  précaution  de  relever  ce 
titre  acide  sur  le  moût,  plutôt  que  d'agir  ensuite  sur  le  vm.  — 
D'ailleurs,  la  même  opération  s'impose  également  pour  les  vins- 
blancs  en  ces  années  de  qualité.  Jusqu'ici,  cette  prati<iue  de  l'aci- 
dification  du  moût  s'est  faite  en  Champagne  sans  règle  bien  pré- 
cise, car  on  n'a  pas  encore  iixé  la  limite  minima  d'acidité  que 
doit  présenter  soit  un  moût  rouge,  soit  un  moût  blanc,  pour  que 
la  fermentation  ail  lieu  dans  les  meilleures  conditions;  il  serait  à 
désirer  que  l'on  possédât  de  nombreuses  mesures  d'acidité  sur  des 
moûts  rouges  et  blancs  et  sur  les  vins  qui  en  dérivent  ;    on  pour- 


794  MÉLANGES 

rail  alors  adopter  une  liinile  miiiima,  9  grammes  d'acide  larlrique 
par  litre  de  moût,  comme  l'ont  fait  les  vignerons  du  iMidi.  La 
mesure  de  l'acidité  est  aujourd'hui  très  facile  à  l'aide  de  notre  aci- 
dimètre  '  ;  nous  l'avons  mis  etitie  les  mains  de  plusieurs  vigne- 
rons, et  nous  espérons  avoir,  l'an  procliiiin,  des  renseignements 
précis  au  sujet  de  l'acidité  des  moûts. 

Les  cuves  pour  vins  rouges  sont  en  bois  de  chêne,  de  forme 
basse,  ouvertes,  et  d'une  contenance  qui  varie  de  8  à  oU  hectos  ; 
les  meilleuros  sont  celles  de  30  ;  on  leur  fait  subir  siniplement  un 
lavage  à  l'eau,  avec  une  brosse  en  chiendent  ;  on  retient  le  cha- 
peau à  l'aide  de  claies  et  on  foule  deux  ou  trois  fois  par  jour  pen- 
dant la  fermentation  ;  le  foulage  au  pied  a  été  abandonné  et 
remplacé  par  l'emploi  du  pilon  ou  demoiselle. 

Pendant  la  durée  du  cuvage,  il  est  de  la  plus  haute  importance 
de  maintenir  les  cuves  à  une  température  constante  :  le  moindre 
courant  d'air  peut  saisi?'  la  cuvée,  c'est-à-dire  arrêter  la  fermen- 
tation ;  on  dispose  même  autour  des  cuves  des  cloisons  qui  les 
isolent.  L'accès  des  celliers  est  interdit  alors  aux  femmes,  il  parait 
que  la  présence  d'une  femme  peut  faire  loiirne?'  le  vin  ;  n'est-ce 
pas  plutôt  là  un  prétexte,  comme  nous  l'a  confessé  nn  vigneron, 
pour  éloigner  les  ùabilleiises  qui  viendraient  distraire  les  ouvriers 
des  pressoirs  '? 

L'instant  du  déouvage  est  celui  de  l'arrêt  du  bouillnge,  c'e4-à- 
dire  de  la  fermentation  tumultueuse;  il  se  produit  généralement 
du  cinquième  au  huitième  jour  après  l'encuvage  ;  on  surveille 
alors  la  cuvée,  et  quand  on  juge  l'arrêt  arrivé,  on  décuve  serait-ce 
yu  milieu  de  la  nuit  ;  quebjues  vignerons  prolongent  la  macé- 
ration de  six  heures  pour  donner  un  Iri/er  goût  de  grappe.  Le  sou- 
tirage se  fait  par  un  robinet  placé  au  fond  de  la  cuve  ;  autrefois  on 
enfonçait  un  panier-mannequin  dans  le  chapeau,  et  on  puisait  le 
vin  ainsi  filtré  à  l'aide  d'un  seau,  on  le  versait  dans  une  hotte  de 
bois,  le  ddiidcrliii,  et  un  homme  allait  verser  la  bottée  de  vin 
dans  le  tonneau  ;  on  écœuraii  ainsi  le  vin,  on  enlevait  le  vin  de 
cuve,  la  fIcLii'  du  lin,  dont  on  réservait  ainsi  une  pièce  ou  deux, 
sans  les  mélanger  au  vin  de  pressoir  obtenu  en  pressant  le  cha- 
peau, ou  les  aines  ou  enes  ;  en  général,  on  répartit  également 
dans  les  tonneaux  le  vin  de  cuce  et  les  vins  de  pressoir,  d'autres 
ne  les  coupent  qu'après  les  premiers  froids. 

On  estime  qu'il  faut  liliO  kilos  de  raisin  pour  obtenir  une  pièce 
de  200  litres  de  vin  rouge,  tandis  qu'il  faut  400  kilos  pour  faire 
une  pièce  de  vin  blanc  de  cuvée,  le  seul  employé  pour  taire  les 
lins  mousseux. 

Le  vin  demeure  au  cellier  jusqu'après  les  premiers  froids  ;  on  le 
soutire  alors,  soit  pour  l'expédier,  suit  pour  le  descendre  en  cave. 

1  .  L,.  Mathiku,  Acitlimèlre  rafiiJe  pour  moùld  et  pour  vins  [Revue  de 
\'Uicidlu7-c,  u"  85). 


MÊLA  N  (SES  7.95 

Ce  soutirage  est  quelquefois  précédé  d'uu  léger  collage,  uiême 
d'un  tanuisage  ou  d'une  alf.oolisalion,  d"une  acidilication,  si  l'eu 
juge  que  le  vin  a  un  défaut  de  constitution  ;  mais,  à  part  l'alcoo- 
lisation, ce  ne  sont  pas  des  pratiques  générales.  Le  vin  demeure 
en  cave<  —  les  plus  froides  sont  les  meilleures  — jusqu'après  l'iii- 
ver  de  l'année  suivante.  Alors  on  le  soutire  en  bouteilles  par 
un  temps  sec  et  fruid;  on  préfère  les  vieilles  bouteilles  qui  ont 
déjà  servi  :  nous  en  avons  vu  qui  dataient  de  Louis  XIV  et  ([ui 
avaient  les  formes  les  plus  curieuses.  On  ne  laisse  que  foi't  peu 
d'air  dans  la  chambre,  on  bouche  et  on  cacheté  à  la  cire,  on 
entreille  les  bouteilles  en  cave,  où  on  les  laisse  jusqu'au  jour  de 
l'expédition  ou  de  la  consommation  ;  alors  on  sépare  le  déjiôt  du 
vin,  soit  en  le  dépotant,  soit  en  mettant  les  bouleilles  sur  pointe, 
rassemblant  le  dépôt  sur  le  bouchon,  s'il  n'est  pas  adhérent,  et  les 
dégorgeant.  Pour  les  dépoter,  on  transvase  le  vin  dans  une  autre 
bouleille,  et  ^on  évite,  autant  qu^,  possible,  l'accès  de  l'air  en 
se  servant  de  la  pompe  à  dépoLer,  petit  tube  qui  laisse  rentrer  l'air 
dans  la  balle  sans  barboter  dans  le  vin.  Si  le  vin  doit  être  expédié 
en  pièces,  on  prend  la  précaution  d'engainer  celles-ci,  en  les  dis- 
posant dans  une  futaille  plus  grande  avec  de  la  paille  ou  du  char- 
bon pour  éviter  les  écarts  brusques  de  température. 

Les  vins  rouges  ainsi  obtenus  sont  d'une  finesse  incomparable, 
mais  aussi  d'une  grande  délicatesse;  quand  ils  sont  bien  consti- 
tués, ils  se  conservent  très  longtemps,  surtout  si  l'on  a  soin  de  les 
mettre  en  bouteilles  un  peu  vcrls;  nous  avons  vu,  cette  année 
même,  des  18o7  de  Vertus  parfaits,  des  Bouzy  de  1862  de  (jualité 
extraordinaire;  mais  si  le  vin  a  une  tare  quelconque,  insuffisance, 
soit  d'alcool  ou  d'acide  ou  de  tannin,  il  est  exposé  à  tourner;  l'ac- 
cident le  plus  commun  est  de  voir  le  vin  s'absiiiilier  \  il  prend  un 
goût  d'absinthe,  il  devient  amer;  on  sait,  d'ailleurs,  que  l'amertume 
est  la  maladie  spéciale  de  tous  les  bons  crus  de  pineau^,  soit  de 
Bourgogne,  soit  de  Champagne.  Nuus  avons  vu  un  vin  de  f88i 
parfaitement  limpide,  franc  de  goût  au  surlir  de  la  bouteille, 
prendre  le  goût  d'absinthe  par  l'exposition  à  l'air.  M.  de  Ver- 
gnette-Lamothe  a  dailleuis  signalé  plusieurs  variétés  d'amertume 
sur  les  Bourgogne. 

A  notre  connaissance,  la  pasteurisation  de  ces  vins  n'a  |)as  été 
tentée  ;  néanmoins,  d'après  les  travaux  de  M.  Cayon,  elle  aurait 
des  chances  de  réussite.  Un  vigneron  champenois  des  plus  intelli- 
gents nous  a  même  conté  qu'il  avait  fait  une  expérience  de  pas- 
teurisation bien  avant  AI.  Pasteur  :  en  I808,  il  avait  chaulfé  à  70", 
au  bain-marie,  des  bouteilles  de  vin  de  1857,  non  pour  les  pas- 
teuriser, mais  pour  juger  de  l'action  de  la  chaleur  sur  ce  vin  qui 
devait  être  expédié  de  Bordeaux  dans  l'Amérique  du  Sud.  Le  vin, 
non  seulement  s'est  bien  tenu,  mais  encore  les  bouteilles  chauf- 
fées se  sont  parlaitement  conservées^,  même  en  vidange  ;  ce  qui 
n'a  rien  d'étonnant  après  ce  que  nous  ont  a[)pri~  les  travaux  de 
M.  Pasteur. 


796  MÉLANGES 

A  tous  ceux  qui  ignorent  nos  vins  rouges  de  Champagne,  que 
connaissent  bien  les  Belges  et  les  Anglais,  nous  sonliaitons  un 
voyage  dans  ces  vignobles  merveilleux  :  ils  trouveront  l'accueil  le 
plus  cordial,  et,  à  peine  assis,  leur  hôte  s'échappera  un  instant 
pour  leur  remonter  un  flacon  d'un  de  ces  crus  que  l'on  ne  boit 
plus,  même  à  la  table  des  rois.  L.  Mathieu. 


Au  CHATEAU  DE  Bois-BouDRAN.  —  S.  M.  le  roi  de  Portugal,  conti- 
nuant la  série  de  ses  déplacements  cynégétiques,  a  chassé  récem- 
ment k  Bois-Boudran.  chez  le  comte  Greliulhe. 

Bois-Boudran,  qui  est  situé  dans  la  région  la  plus  giboyeuse  de 
Seine-et-Marne,  et  qui  est  une  terre  de  famille  des  Gretïulhe, 
n'était  autrefois  qu'un  simple  rendez-vous  de  chasse.  Mais,  en 
188;'),  le  château,  d'apparence  relativement  modeste,  a  été  magni- 
fiquement restaurt-  par  son  propriétaire  actuel,  qui,  tout  en  con- 
servant une  partie  de  l'ancienne  habitation  —  entre  autres  le 
salon  et  la  salle  à  manger  —  lui  a  donné  un  aspect  grandiose. 

La  pièce  principale  est  un  hall  immense,  peut-être  même  trop 
grand,  avec  des  œils-de-bœuf  comme  à  Versailles,  d'un  elfet  très 
original.  Un  joli  salon,  style  Régence,  un  boudoir  de  la  mrme 
époque,  arrangé  avec  un  goût  exquis,  et  la  salle  à  manger,  où  de 
superbes  boiseries  alternent  avec  les  tapisseries  de  Beauvais, 
achèvent  de  faire  de  Bois-Boudran  une  résidence  à  la  fois  somp- 
tueuse et  élégante. 

Quant  au  parc  et  aux  jardins,  ils  sont  aussi  tieaux  que  vastes,  et 
tenus,  et  soignés  avec  une  rare  perfection. 

L'existence  que  l'on  mène  au  cliAteau  est  tout  ensemble  patriar- 
cale et  fashionable  :  patriarcale,  en  ce  que  l'esprit  et  la  vie  de 
famille  sont  de  tradition  dans  la  maison  Grelfulhe,  que  la  proche 
parenté  y  est  assez  nombreuse  et  l'intimité  complète  ;  fashionable 
par  les  réunions,  les  diners,  les  réceptions  triées  sur  le  volet  qui 
s'y  donnent  constamment  et  surtout  par  ses  chasses  qui,  après 
celles  d'Eclimont,  si  ce  n'est  sur  le  même  rang  que  celles-ci,  sont, 
je  crois  bien,  les  plus  brillantes  de  France. 

Parmi  les  hôles  assidus  de  Buis-Boudran,  indépendamment  de 
quelques  personnages  politiques,  anciens  collègues  du  comte 
GrefFulhe  au  Parlement,  il  faut  citer  en  première  ligne  le  général 
de  Gallitlet,  le  marquis  du  Lan,  le  comte  Henri  Costa  de  Beaure- 
gard,  etc. 

Les  deux  beaux-frères  du  comte,  le  prince  d'Arenberg  et  le 
marquis  de  L'Aigle,  qui  font  de  longs  et  fréquents  séjours  à  Bois- 
Boudran,  contribuent  de  leur  côté  à  son  prestige  et  à  son  attrait. 

Le  dernier,  intelligent,  instruit,  brillant  causeur,  jouant  la 
comédie  à  ravir,  a  eu  beaucoup  de  succès  dans  le  momie,  où  il 
était,  avant  son   mariage,  des   plus   répandus,  non  seulement  à 


MÉLANGES  7^ 

Paris,  mais  à  Vienne,  qu'il  habita  longtemps  en  qualité  de  secré- 
taire d'ambassade.  Retiré  aujourd'hui,  après  avoir  été  député, 
dans  une  existence  familiale  très  sérieuse,  conseiller  général 
estimé,  il  partage  ses  loisirs  entre  la  chasse  à  tir  et  soa  superbe 
équipage  de  Compiègne. 

{Figaro.)  Chamillac 


Un  de  nos  compatriotes  rémois,  bien  connu  dans  le  monde  des  lettres  sous 
le  pseudonyme  de  René  de  Pont-Jest,  M.  Delmas,  a  publié  récemment  dans 
ie  Gaulois,  à  propos  des  événements  de  Madapascar,  un  curieux  épisode  de 
sa  jeunesse  voyageuse.  Il  nous  a   paru  intéressant  de  le  reproduire  ici. 

A.  T.-R. 

«  Krère  de  Sang  ».  —  On  écrit  de  Madagascar  que  deux  de  nos 
compatriotes,  MM.  Lamotte  et  Gauthier,  qui  s'étaient  éloignés  de 
Majunga  pour  acheter  des  bo'ufs,  ont  été  trahis  par  leur  escorte. 
M.  Lamotte  a  été  tué  et  M.  Gauthier  est  rentré  à  .Majunga  griève- 
ment blessé  ;  tandis  qu'un  troisième  français,  qui,  lui  aussi,  était 
allé  en  ravitaillement  chez  les  Sakalaves,  a  réussi  dans  son  entre- 
prise, grâce  à  la  protection  de  la  reine  de  la  tribu,  dont  il  était 
le  «  frère  de  sang  ». 

Qu'est  donc  cette  fraternité  si  puissante,  qu'elle  défend  l'étran- 
ger au  milieu  d'une  peuplade  ennemie?  Celui  qui  écrit  ces  lignes 
peut  le  dire  mieu.\  que  personne,  car  il  a  eu  l'honneur,  dans  sa 
jeunesse,  de  devenir,  lui  aussi,  le  «  frère  de  sang  »,  le  «  tavo  » 
d'un  chef  sakalave.  La  cérémonie  au  cours  de  laquelle  est  con- 
tracté ce  lien  mérite  d'être  contée.  Elle  est  en  même  temps  sau- 
vage et  pleine  de  poésie. 

J'étais  en  voyage  d'exploration  dans  le  canal  du  Mozambique,  et 
nous  avions  mouillé  sur  la  côte  du  Marah,  où  régnait  un  certain 
Mounila,  qui  ne  tolérait  guèi-e  sur  ses  terres  que  les  négriers  por- 
tugais, avec  lesquels  il  échangeait,  contre  des  armes  et  des  spiri- 
tueux, les  Hovas  qu'il  enlevait  dans  des  razzias,  ou  même  quelques- 
uns  de  ses  sujets,  quand  les  prisonniers  de  guerre  lui  manquaient. 

Or,  je  désirais  vivement  chasser  dans  les  forêts  du  .Marah,  et 
comme  j'exprimais  mes  regrets  de  ne  pouvoir  le  faire  à  un  digne 
marchand  de  bois  d'ébène,  il  m'apprit  que  si  je  devenais  le  «  frère 
de  sang  »  d'un  chef,  je  pourrais  battre  tout  le  pays  à  mon  aise, 
sans  courir  aucun  danger. 

Je  fis  immédiatement  part  de  mon  ambition  à  notre  interprète 
sakalave,  et,  moins  d'une  heure  après,  je  vis  grimper  à  bord  un 
propre  cousin  de  S.  .\L  .Mounita,  un  brave  guerrier  du  nom  de 
Raboormouii,  qui,  les  deux  mains  loyalement  ouvertes,  me  pro- 
posa d'être  mon  «  frère  de  sang  ». 

Dix  minutes  plus  tard,  j'étais  à  terre  avec  deux  de  mes  compa- 
gnons de  voyage,  et  voici  comment,  à  Abourmag'ha,  au  milieu 


79'8  MELANGES 

d'une  foule  enlhousiaslè,  se  passa  la  cérémonie  bizarre  qui  fil  dé 
moi,  grâce  au  serment  sacré,  le  Falhridah,  un  oiloyen  malgache'. 

Ah  .!;,ce,  ne  fut  pas  long  !  L'ombias,  le  sorcier  du  village,  avait 
été  prévenu.  Je  le  vis  bientôt  arriver,  en  compagnie  dé  mon  futur 
frère  et  de  ses  assesseurs. 

Raboormoun  marchait  en  tête  de  la  colonne,  appuyé  gravement 
sur  sa  sagaie  garnie  de  tleurs.  Sans  s'êlre  débarrassé  de  son  pagne 
bleu,  il  avait  endossé  un  habit  rouge,  encore  assez  propre,  de 
major  anglais,  dont  les  basques  retombaient  sur  ses  mollets, 
enfouis  dans  de  grosses  bottes  de  mer  ornées  de  coraux.  Et,  pour 
coifTure,  une  espèce  de  turban  énorme,  surmonté  d'un  plumet  mul- 
ticolore, sous  lequel  son  visage,  tatoué  et  horriblement  ravagé  par 
la  variole,  avait  une  e.xpression  de  majesté  grotesque  impossible  à 
décrire. 

Derrière  lui  venaient,  séparés  de  la  foulé  par  Vombias,  cinq  ou 
six  indigènes  chargés  de  vases  de  terre,  de  diverses  dimensions, 
et  renfermant  des  pièces  de  monnaie,  du  manioc,  des  balles,  de 
la  poudre  et  des  petits  morceaux  de  bois. 

Les  acteurs  de  la  scène  qui  allait  se  jouer  formèrent  le  cercle, 
selon  les  ordres  de  Vombias,  autour  d'un  des  grands  vases,  posé  à 
terre,  et  la  foule  se  groupa,  silencieuse. 

Le  calme  le  plus  complet  régnait  depuis  cinq  minutes  au  moins, 
lorsqu'un  vigoureux  coup  de  tam-lam  retentit. 

Cela  voulait  dire  que  les  dieux,  consultés,  étaient  favorables  au 
fathridah.  La  cérémonie  commença  aussilûl. 

Vombias  se  mit  à  vei-ser  dans  le  grand  vase  l'eau  que  ses  aides 
étaient  allés  puiser  à  la  rivière,  il  ne  laissait  tomber  le  liquide  que 
goutte  à  goutte,  en  marmottant  des  invocations,  à  certains,  mots 
desquelles  tous  les  assistants  élevaient  les  bras  au  ciel  en  poussant 
un  grand  cri. 

Quand  le  vase  fut  rempli,  l'étrange  grand-prêtre  prit  à  Raboor- 
moun sa  sagaie  et  en  plongea  dans  l'eau  rextrémité  do  la  hampe, 
le  fer  empoisonné  restant  ainsi  tourné  vers  le  ciel. 

Puis  le  cousin  de  Mounita  saisit  le  bout  armé  à  pleines  mains, 
je  mis  les  miennes  en  dessous,  et  Vombias,  puisant  dans  l'un  des 
petits  vases  que  portaient  les  indigènes,  les  pièces  de  monnaie  qui 
s'y  trouvaient,  entonna  le  chant  suivant,  dont  je  garantis  l'authen- 
ticité, car  je  l'ai  fait  traduire  et  en  ai  gardé  copie  : 

«  Andrianzanhar,  sois  témoin  du  serment  de  l'étranger  et 
de  celui  du  chef  sakalave.  Vous,  puissants  guerriers,  sagaies 
de  notre  bon  esprit,  que  vos  bras  s'arment  pour  frapper  avec  la 
rapidité  de  la  tlèche  celui  qui  manquera  à  son  serment  ». 

Les  pièces  de  monnaie  disparurent  au  fond  du  grand  vase  plein 
d'eau;  le  prêtre  les  remua  avec  la  sagaie,  ajoutant  : 

«  L'argent  du  Sakalave  est  à  l'étranger,  conmie  l'argent  de 
l'étranger  est  au  Sakalave  ». 


MÉLAiVOES  T99 

Le  manioc  couvrit  la  surface  de  l'eau,  et  l'oir.bias  rlianla  : 

«   L'étranger  et  le  Sakalave  n'ont  qu'un  iiirine  pain  .>. 

Les  petits  morceaux  de  bois  llottèreut. 

<<  L'étranger  a  le  droit  à  la  plus  douce  natte  dans  la  case  du 
Sakalave;  le  Sakalave  est  chez  son  i'rére  dans  la  maison  de 
l'étranger  ». 

Ce  fut  ensuite  le  tour  des  balles  et  de  la  poudre  à  se  mêler  dans 
le  récipient  à  tous  les  objets  qui  s'y  trouvaient  déj.'j,  et  le  sorcier 
reprit  : 

€  L'étranger  aura  désormais  pour  frères  et  amis  les  frères 
et  amis  du  Sakalave,  et  le  Sakalave  sera  l'ennemi  des  ennemis  de 
l'étranger.  Que  la  poudre  et  les  balles  n'aillent  jamais  du  frère  au 
frère,  et  que  Vannalclia  (le  mauvais  esprit)  ne  pousse  jamais 
le  bras  de  l'étranger  pour  frapper  un  Sakalave,  ni  ne  dirige 
jamais  non  plus  le  bras  du  Sakalave  contre  l'étranger  ! 

«  L'épouse  au  teint  de  lait  de  l'étranger  franchira  le  seuil  du 
Sava  sakalave  (le  gynécée)   ». 

On  voit  que  le  serment  du  falhridah  n'oubliait  rien  ! 

Et  la  foule  entonna  aussitôt  : 

«  Oh  !  Andrianzanliar,  bon  et  grand  esprit  ;  oh  !  Andrianmissara, 
Andrianisova,  puissants  guerriers  et  hommes  forts,  nos  ancêtres, 
agitez  joyeusement  vos  sagaies,  soyez  favorables  à  l'étranger,  écou- 
lez son  serment  et  celui  de  votre  tils  chéri  le  Sakalave  !  » 

Pendant  ce  temps-là,  Voriibiiis,  accompagné  de  quatre  aides  qui 
portaient  chacun  un  petit  vase,  était  allé  chercher  de  la  terre  aux 
quatre  points  cardinaux.  Quand  il  fut  de  retour,  Raboormoun  prit 
dans  chacun  des  vases  une  poignée  de  terre,  et,  la  lançant  dans 
toutes  les  directions,  il  sécria  : 

«  Partout  où  le  vent  emporte  cette  terre,  peut  marcher  mon 
frère  !  Les  forêts  sacrées  n'ont  plus  de  mystère  pour  lui,  et  les 
kabars  (assemblées  politiques)  nous  sont  ouverts.  » 

Le  grand-prêtre  ajouta  aussitôt  : 

«  Que  les  fanfoudl  soient  funestes  à  celui  des  frères  qui  violera 
le  serment  du  falhridah  !  Que  \e?>  samipias  conduisent  droit  à  son 
cœur  les  sagaies  ennemies  au  lieu  de  les  éloigner!  Que  la  corde 
d'arrjent  ne  se  déroule  jamais  pour  faire  descendre  jusqu'i  lui  les 
bons  esprits,  mais  qu'elle  se  retire  de  lui  à  sa  mort,  peur  qu'il  ne 
puisse  quitter  la  terre,  où  il  rampera  dans  le  corps  des  animaux 
immondes  !  Que  l'épreuve  du  Tan;/ui  soit  pour  lui  la  tlèche  empoi- 
sonnée de  l'Hova  ;  qu'Andrianzanhar  ne  le  visite  jamais  dans 
sa  solitude  ni  dans  ses  douleurs  !  » 

Les  fanfoudl  et  les  sampias  sont  des  amuleltes  auxquelles  les 
Malgaches  accordent  les  plus  grands  pouvoirs.  Le  fanfoudl  fait 
rêver  celui  qui  le  porte^  et  ses  rêves  sont  la  reproduction  de  ce  qui 
se  passe  loin  de  lui.  Les  sampias  le  préservent  à  la  guerre  de  tous 
les  dangers. 


'800  MÉl.ANGKS 

Ces  imprécations  terminées,  ie  sorcier  présenta  à  Raboormoun 
•un  grand  couteau,  a"ec  lequel  le  chef  sakalave  se  fit  au  bras  une 
forte  entaille,  d'où  s'échappa  du  sang  qu'il  reçut  dans  une  coquille 
de  nacre  ;  puis,  pendant  que  le  parent  de  Mounita  fermait  lui- 
même  la  plaie  qu'il  s'était  faite,  Vombias  me  présenta  la  lame 
rouge  du  sang  de  Raboormoun. 

Je  compris  avec  un  certain  effroi,  mais  j'étais  allé  trop  loin  pour 
reculer  ;  de  plus,  je  ne  voulais  pas  être  moins  courageux  qu'un 
sauvage.  Alors^i  je  pris  le  maudit  couteau,  je  me  piquai  légèrement 
le  bras  et  mon  sang  se  mêla  à  celui  de  mon  frère. 

Hélas  !   tout  n'était  pas  fini.  Le  moins  agréable  restait  à  faire  ! 

Vombias  remplit  la  coquille  sanglante  avec  de  l'eau  du  grand 
vase,  eau  rien  (noins  que  limpide,  grâce  aux  objets  divers  qu'elle 
avait  reçus,  et  il  l'offrit  à  Raboormoun,  qui,  le  visage  inspiré,  but 
d'un  seul  trait  la  moitié  de  l'horrible  mélange,  puis  me  présenta 
la  coupe,  avec  un  aimable  sourire. 

Je  ne  pus  m'empêcber  d'esquisser  une  grimace  de  dégoût,  mais 
comprenant  qu'il  fallait  —  c'était  le  cas  de  le  dire  —  boire  le  calice 
jusqu'à  la  lie,  je  pris  la  coquille  et,  ma  foi,  bravement,  mais  les 
yeux  fermés,  je  bus  à  mon  tour, le  moins  possible. 

Aussitôt,  le  sacrificateur  s'écria  et  la  foule  répéta  : 

«  L'étranger  et  le  Sakalave  sont  frères  !  que  Zanahar  les  pro- 
tège et  que  les  bons  esprits  les  dirigent  !  » 

Voilà  romment  je  pus  battre  tout  le  pays  sans  jamais  courir 
aucun  danger.  J'étais  «  tayo  »,  «  frère  de  sang,  n 

Ce  serment  était  alors  si  répandu  parmi  les  peuplades  saka- 
laves,  que  presque  tous  les  chefs  étaient  parents,  et  ce  lien  était  à 
ce  point  respecté,  qu'il  était  parfois  difficile  de  savoir  si,  entre  tels 
ou  tels  personnages,  la  parenté  était  réelle  ou  seulement  née  du 
Fathridah  !  René  de  Pont-Jest. 


L'Imprimeur- Géra  m, 

Léon    KREMONT. 


L'Arrondissenienl  de  \ilry-le-François 

AVANT     L'AN     MIL 


Sur  les  \'H>  communes  qui  composent  actuellement  Tar- 
roncJissemenl  de  Vilry-le-François,  34  seulement  sont  men- 
tionnées '  dans  les  rares  documents  antérieurs  à  l'an  mil.  Ce 
n'est  pas  une  raison  pour  en  conclure  que  celles-là  seulement 
étaient  comprises  dans  les  loo,833  hectares  de  cet  arrondisse- 
meni.  Beaucoup  d'autres  villages,  dont  nous  n'avons  pu  décou- 
vrir les  origines,  doivent  bien  certainement  remonter  à  une 
époque  plus  reculée.  Si  nous  consultons  le  savant  et  volumi- 
neux travail  de  M.  Longnon',  nous  voyons  que  la  plupart  des 
villages  peuvent,  d'après  leur  vocable,  être  rangés  dans  diverses 
catégories. 

Parmi  ceux  d'origine  gauloise  ou  gallo-tomaine,  dont  les 
suffixes  gaulois  :  avos,  oialos,  acos,  se  sont  Iransfornàés, 
à  l'époque  romaine,  en  avus,  oialus,  acus,  iacus,  pour  revèlir 
aujourd'hui  les  formes  ai/,  ey,  y,  nous  citerons  : 

Arrigny  [Aridiacus).  Blacy  [Blittiacus),  Ghaugy  [Cajnidia- 
eus),  Doucey  {Dociacus),  Drosnay  {Draitseuiacus),  Drouilly 
[DrîiUiacus),  Etrepy  [Stirpiacus],  Gigny  (Giniacus),  Loisy 
[Lausiacus),WQv\di\ii[i]Ierulavus],VAVQu\[Paterniaciis),Vni\Qy 
{Primiaciis).  Soguy  [Sunniacus).  Songy  [Sumniacv.s),  Vanault 
[Wasnaus],  VàYr&y  {Vaà  iacus),  Vilry  [Victoriacm]. 

Parmi  les  noms  d'origine  romaine,  nous  pouvons  citer  : 
Champillon  [Campilio),  village  aujourd'hui  détruit,  Lignon 
(Lvno),  [)uis  d'autres  noms  de  lieux,  formés  de  noms  de  pro- 
priétaires, pris  adjectivement,  avec  les  mots  villa,  casa  sous- 

1.  Villages  menlionnéi  dans  cet  article  : 

Ablancourl,  AUiancelles,  Arzill'ères,  Aulna^'-l'Aîlre.  Betlancourt- la- 
longue,  thangy,  Chapelaine,  CharuionI,  La  Chaussée,  Coole,  Corbeil,  Cou- 
vrot,  Dommartin- Lettrée,  Domremy,  Urouilly,  Elrepy,  Ilautevillc,  Lan- 
dricourt,  Lignon,  Matignicourt-Goncourt,  Merlaut,  l'iichancourt,  l'onltiion, 
Possesse,  Saint-Lumier-la-l'opuleuse,  Scriipt,  Sommes lus,  Sorapuis,  Ttiié- 
bUmont,  Vanault-le- Chàtel,  Veinuncourt,   V'itry-le-Bifilé,   V'roU. 

2.  LongQon  :  Dictionnaire  topographique  du  département  delà  Marne. 
Pbris,  Imp.  nat.,  1891. 


802  l'arrondissement  de  vithy-le-françois 

entendus  ;  ce  sont  :  Biaise  (Blaesia),  Gloyes  [Claudia  ou 
Clodia),  Fa.yressG  {FaberiHa\  Lisse  [Liscia],  Soulanges 
[Solemnia). 

Les  noms  d'origine  germanique  ou  gallo-franque  sont  les 
plus  nombreux.  Taudis  que  certains  reproduisent  des  noms  de 
tribus  barbares,  comme  Sermaize  {Sarnialia),  qui  désigne  un 
lieu  originairement  habité  par  quelques-uns  de  ces  auxiliaires 
Sarraates,  que  les  empereurs  plaçaient  dans  divers  points  du 
territoire  romain,  d'autres  étaient  empruntés  directement  à  la 
langue  franque,  comme  Brébant  [Brachbant),  territoire  en 
friche. 

Les  vocables  les  plus  répandus  sont  ceux  qui  tirent  leur  ori- 
gine de  noms  propres  de  personnes,  ou  plus  rarement  de  noms 
communs  ou  d'adjeciifs,  suivis  des  mots  :  coriis,  villa,  vil- 
lare,  mons,  vallis,  campus. 

Les  cortis,  domaine  rural,  ont  donné  naissance  à  :  Ablan- 
court  [Amhlo'iiis  cortis),  Bettancourt  [Bettonis  coriis),  Bigni- 
court  [Duniara  coriis),  Courdemanges  [Cortis  dominiaca), 
Friguicouit  {Frc7iiaca  cortis),  Hancourt  [Haldonis  cortis),. 
Jussecourt  [Justiaca  cortis),  Landricourt  [Landrici  cortis], 
Larzicourt  (Latridiaca  cortis),  Malignicourt  {Matiniaca  cor- 
tis], WxnQcouYi  [Mediana  cortis),  Plichancourt  [Plotldonis  cor- 
tis), Sapignicourt  [Sappiniaca  cortis),  Vernancourt  [Warnonis 
coriis). 

Parmi  les  dérivés  de  villa,  villare.  synonymes  de  cortis, 
à  l'époque  mérovingienne,  nous  trouvons  :  Humbeauville 
[Hunibaldi  villa),  Hanteville  [Alla  villa),  Neuville  [Nova 
villa),  Villers  [Villare),  Braudonvilleis  [Brandonis  villare). 

Le  mot  latin  mons,  synonyme  de  hauteur,  combiné  avec 
des  noms  propres  de  personnes,  ou  quelquefois,  et  plus  rare- 
ment, avec  des  adjectifs,  entre  dans  la  formation  de  plu- 
sieurs nonis  de  lieux  de  l'époque  mérovingienne  :  Beaumont. 
[Bdlus  onons),  Charmont  [Carus  vions),  EcoUemont  [Scopilia- 
ciis  mons),  Farémout  {Farane  mons),  GilTaumont  [Girfalci 
tnons),  Haussignémont  [Alsimacus  mons),  \M\émoi\i[Luciacus 
mons),  baiut-Remy-en-Bouzeraont  [Bosonis  mons),  Thiéble- 
raont  [Thetboldi  mons). 

Enfin  vallis,  vallée,  se  retrouve  dans  Vauclerc  (  Vallis  clara); 
campus,  champ,  dans  Champaubert  Campus  Adalberli  ou  Cam- 
pus Alberti). 

Toutefois,  parmi  les  noms  que  nous  venons  de  citer,  plu- 
sieurs pourraient  être  postérieurs  à  l'époque  mérovingienne,  et 
de  peu  antérieurs  au  onzième  siècle. 


AVANT    L  AN   MIL  803 

Parmi  les  uoms  d'origine  romane,  déjà  utilisés  sous  la 
domination  franque,  plusieurs  pourraient  remonter  à  l'époque 
romaine  ou  aux  premiers  siècles  du  moyen  âge.  Ce  sont  sur- 
tout ceux  qui  tirent  leur  origine  des  cours  d'eau  près  desquels 
ils  se  trouvaient  placés  :  Brusson  {Bruxio,  Broscio],  Goole 
[Cosla),  Glannes  {Glanna),  Isle  [Inmla],  Maurupt  [Malus 
riviis),  Orconle  [Ulco],  ^:crupt  [Siccus  rivus].  Soudé  ISoldia- 
cus),  Sommesous  [Summus  salins),  Sompuis  [Summus  puteus), 
Somsois  [Summus  sibi). 

D'autres  sont  issus  de  noms  d'arbrisseaux  ou  de  minéraux  : 
Aulnay  [Alnetum,  lieu  planté  d'aunes),  Arzillières(/lr^z7/fl?'ia, 
terrain  argileux),  Bussy  [Duxelum,  buis),  Norrois  [Nucaretum, 
noyer),  Rosay  [Rausetum,  loseau). 

Plusieurs  noms  de  lieux,  notamment  dans  la  première  moi- 
tié du  moyen  âge,  proviennent  de  dénominations  ecclésias- 
tiques, comme  Domnus,  forme  de  bass->  latinité  de  Dominus  ; 
exemple  :  Dommailiu  [Dommis  Martinus),  Domremy  (Dom- 
nvs  Remigius).  Ceux-là,  d'après  M.  Longuon,  seraient  bien  cer- 
tainement antérieurs  au  dixième  siècle,  car  le  mol  dominus 
n'est  pas  employé  comme  synonyme  de  sanctus  au  delà  de 
cette  époque.  Parmi  les  noms  d'ordre  ecclésiastique,  quelques- 
uns  paraissent  avoir  uue  origine  plus  antique,  notamment 
Blesmes,  autrefois  Belesme,  qui  rappelle  le  culte  de  Belisama, 
divinité  gauloise. 

Eutln,  dans  cette  période,  on  connaît  une  infinité  de  n  ms 
de  lieux  précédés  du  mot  sanclus  :  Margerie  [Scinda  Marga- 
reta),  Sainl-Amand  (Sanctus  Amandu.),  Saint-Chéron  [Sanc- 
tus Caraunus),  Saint-Etienne  [Sanclus  Slephanu!-),  Sainl- 
Eulien  (S.  Aguiliuus),  Saiut-Geuest  (^S*.  Genesius),  Saint-Jean 
{S.  Johannes),  Sainte -Livière  {Sancla  Leoùaria),  Saint-Lou- 
vent  (S.  Lupcnlius),  Saint-Lumier  [S.  Leodomirns)^  Sainl- 
Ouen  [S.  Audoenus),  Saint-Oueulin  [S.  Quintimis],  Sainl- 
K'=my(/S'.  /Jewîif/zwy),  Saint- Utin  [S.  AiigHStinus),^Mn\.-Wvàh\ 
{S.  Verauus). 

Parmi  les  noms  d'origine  française,  M.  Longnon  classie  un  cer- 
tain nombre  de  localités,  qu'on  ne  peut  classer  avec  certitude 
absolue  dans  les  périoles  antérieures  :  exemple  Bassuet,  ([ui 
ne  serait  qu'un  diminutif  de  Bassu,  Châtelraould  [Ca'stellnm 
Jiadulphi).  Vauault-les-Dames,  Ileillz-l'Evôque,  Maisons  (J/an- 
siones),  Le  Meix-Tiercelin  (Mansus),  Ecrienne  (du  bas  laliu 
Screona],  Outrepont  [Ultra  pontem),  nom  qu'il  doit  à  la  situa- 
lion  géograpbique  qu'il  occupe  au  delà  de  Merlaul,  Moncelz 


804  l'arrondissement  de  vitry-le-françois 

{dp.moncel,  monticule),  Le  Buisson,  Les  Rivières,  Giianlecoq, 
Les  Grandes  et  Peliles-Cùtes,  etc.,  etc. 

Cependant,  derrière  ces  dénominations  modernes,  pour- 
raient se  cacher  des  noms  d'origine  plus  ancienne,  comme 
pour  Moncetz,  par  exemple,  qui  s'appelait  autrefois  Bertiniaca 
curie. 

En  l'absence  de  documents  authentiques  des  périodes  primi- 
tives, nous  ne  pouvons  que  former  des  hypothèses  sur  l'ori- 
gine probable  de  la  plupart  des  localités  de  notre  arron- 
dissement. Bien  que  les  forêts  de  Frois-Fontaines,  de  l'Argonne, 
les  territoires  alors  incultes  de  la  Champagne  pouilleuse,  aient 
occupé  une  étendue  de  terrain  beaucoup  plus  considérable 
que  de  nos  jours,  il  n'en  est  pnis  moins  vrai  que  les  plaines  si 
fertiles  de  l'arrondissement  de  Vitry,  sillonnées  de  cours 
d'eau,  ont  dû  attirer  de  nombreuses  tribus  nomades,  qui 
se  sont  décidées  à  y  fixer  leur  résidence,  d'où  création  de 
nombreuses  agglomérations  qui  devinrent  plus  tard  des  vil- 
lages. Les  fouilles,  entreprises  sur  divers  points  du  territoire, 
à  Marolles,  à  Brébant,  à  Corbeil,  Couvrot,  Somsois,  Margerie, 
Plichancourt,  lieiltz-l'Evèque,  Vouillers,  etc  ,  etc.,  fouilles  qui 
ont  amené  la  découverte  de  nombreux  objets  gallo-romains, 
en  fournissent  la  preuve  irréfutable. 

Nous  laisserons  cependant  de  côté  toutes  ces  localités,  qui  ne 
se  présentent  pas  avec  un  certificat  d'origine  dûment  constaté, 
c'est-à-dire  toutes  celles  dont  nous  ne  trouvons  pas  la  trace 
dans  les  documents  antérieurs  à  l'an  mil,  documents  puisés 
aux  plus  pures  sources  de  l'histoire'. 

1.  Periz  :  Monumenta  Germaniœ  historica.  —  Dom  Bouquet  :  Recueil 
des  historiens  des  Gaules.  —  Longnon  :  Diclionnaire  topographique  du 
déparlemenl  de  la  Marne.  —  Grandes  (o'ieclions  de  l'Histoire  de  France 
(Gu'zot,  Michaud  et  Poujoulat,  Cinnberel  L'anjou,  Petitol,  Buchon).  —  Société 
de  rjlistoire  de  France.  —  Documents  inédits  de  i'Hisloire  de  France.  — 
Ada  sanclorum.  —  Gallia  Christiana.  —  D'Arbois  de  JubainviUe  :  Histoire 
des  ducs  et  comtes  de  Champagne.  —  Ed.  de  Barthélémy  :  Histoire  générale 
du  Diocèse  de  Chùlons.  —  Lulore  :  Collection  des  principaux  cartulaires 
du  diocèse  de  Troijes.  —  Bréquigny  et  Pardessus  :  Table  chronologique 
des  pièces  imprimées  conc  rnaiU  l'Histoire  de  France.  —  Mabille  :  La 
Pancarte  noire  de  Saint-Martin  de  Tours.  —  Tardif  :  Monuments  histo- 
riques. —  Baronius  :  Annales  ecdesiaslici.  —  Lalore  :  Le  poli/plique  de 
l'abbaye  de  Montier-en-Dcr.  —  Guérard  :  Le  polyplique  de  l'abbé  Irminon. 
—  Guérard  :  Polyptichum  sancti  Remigii  Remcnsis.  —  Cartulaire  manuscrit 
de  Monlier-cn-Der .  Copie  Bibl.  nat.,  n»  1251,  fonds  latin.  —  Cartulaire 
tnanuscril  de  l'évéché  et  du  Chapitre  Saint-Etienne  de  Chalons  :  Cartulaire 
du  chantre  Guérin.  Archives  départ,  de  la  Marne,  G.  4-62,  —  Ed.  de  Bar- 
thélémy :  Cartulaire  de  l'évéché  du  Chapitre  Saint-Etienne  de  Chûlons. 
Ghàlons-sur-Marnc,  1853. 


AVANT   l'an    mil  8O0 

Ablancourt. 

Amblonucorlis,  Ambloniscurt. 

Il  en  est  fait  jour  la  première  fois  meuliou  daus  une  charte 
de  Charles  le  Chauve,  datée  de  SèiO,  qui,  à  la  requête  de 
Loup  II,  évèque  de  Gbàlous,  confirme  la  donation  de  plusieurs 
propriétés,  faites  au  Chapitre  Saiul-Etienne  de  Châlons  [Sanc- 
tus  Slephanus),  par  ledit  évêque  et  ses  prédécesseurs.  Parmi 
ces  propriétés  figurent  trois  villages  de  l'arrondissement  de 
Vitry  :  Aviblonlscurt  {h.h\d.nco\jiï\.)^  ^^«i</MW  (Aulnay-l'Aitre), 
Pludereicurtis  (Plichancourt). —  (Cartulairedu  chantre Guérin, 
f"  4,  V.) 

Alliancelles. 

Ascncella. 

Signalé,  en  80O,  dans  le  Polyptique  de  Saint  Remy  de 
Reims,  à  propos  de  redevances  dues  à  cette  église.  Il  est  aussi 
question  de  Drouilly  iDruellius)  et  de  Don)remy  [Domnus 
Remigius).  (Guérard  :  Polyplichiim  sancli  Remigii  Remensis.) 

D'après  M.  Longnon,  Alliancelles  aurait  figuré  à  cette  époque 
dans  le  Pagus  stadiinensis  (Aslecois).  (Longnon  :  Etude  sur 
les  pugi  de  la  Gaule.  Bibliothèque  de  l'Ecole  des  Hautes 
Etudes.  Paris,  Franck,  1869.) 

Arzillières. 

Argillaria,  Arzillerus. 

Il  est  question  de  l'autel  de  l'église  d'Arzillières,  Altare 
de  Arzilleriis,  dans  un  document  non  daté,  du  Cartulaire  de 
Montier-en-Der,  l"  33,  v^. 

Aulnay-l'Aître. 

Alnetum,  Alncduin,  Alnidum,  Alnido. 

Ce  mot  Alnidum,  nom  de  lieu  très  répandu,  viendrait  du 
latin  Alnus  ou  Alnido,  lieu  planté  d'aunes,  comme  on  le  trouve 
daus  deux  diplômes  carolingiens  de  832  et  bri"2.  (D'Arbois 
de  Jubaiuville  :  Recherches  sur  loiigine  de  h  propriété  fon- 
cière.) 

Le  village  d'Auloay-l'Aitre  se  trouve  mentionné,  eu  même 
temps  qu'Ablaucourt,  daus  un  diplôme  de  Charles  le  Chauve, 
donné,  en  8;i0,  eu  faveur  de  l'église  Saint-Elioune  de  Châlons. 
(Cartuluire  du  chantre  Guérin,  f°  4,  V.) 


8ÛG  l'arrondissement  de  vitry-le-fiîançois 

Bettancourt-la- Longue, 

Bclloni  curlls,  Bellonc  corlc,  Bettoiiis  coi-lis. 

Signalé  au  milieu  du  ix"  siècle,  dans  le  Polyplichum  sancli 
Remigii  Remensis  (Guérard),  à  propos  de  redevances  dues  à 
l'abbaye  de  Saint- Remy. 

Changy. 

Camizisus,  Camlsiacus,  Camidiacus. 

Nous  avons  peu  de  données  sur  le  village  de  Ghaugy,  anlé- 
rieuremeul  à  l'an  mil.  Nous  ne  le  trouvons  mentionné  que 
dans  une  cbarle  dalée  de  853,  par  laquelle  Cbarles  le  Chauve 
restitue,  à  l'église  Saint-Etienne  de  Châlons,  le  bourg  de 
Changy  [Vicus  qui  dicitur  C amisiacus) ,  composé  de  24  manses* 
(Caftulaire  du  chantre  Guérin,  ^  2,  v°.) 

Partout  ailleurs,  il  est  plutôt  question  du  Pagus  Camsiacensis 
ou  Camicensis,  Comilalus  Camsiacensis,  qui  fut  réuni  au  PagnS 
Pettensis  (Perlhois),  vers  le  x^  siècle.  Ce  pagus  est  mentionné 
dans  une  charte  de  84Ii  (Cartulaire  du  chaulre  Guérin,  f»  6,  v")  ; 
dans  le  Capitulaire  de  Servais,  853  (Dom  Bouquet,  t.  VII, 
p.  GIG)  ;  dans  une  charte  de  Louis  le  Bègue,  de  878  (Mabille  : 
Pancarte  noire  d?  Saint-Martin  de  Toîirs)  ;  dans  une  charte 
de  Charles  le  Simple,  vers  90U-904  (Cartulaire  du  chantre 
Guérin,  f"  3,  v°.) 

Chapelaine. 

Caplin^. 

Chapelaine  figure  dans  une  hste  de  redevances  (ix"^  siècle) 
que  plusieurs  villages  devaient,  chaque  année,  aux  frères  du 
monastère  de  Montier-en-Dcr.  Dans  cette  liste  sont  aussi  cilés 
les  villages  de  Thiéblemont  et  de  Matignicourt.  [Polypligue 
de  Montier-en-Der,  I,  f''*  129  à  131  ;  l^alore  :  Collection  des 
principaux  cartulaires  du  Diocèse  de  Troyes,  1.  IV,  p.  89  ) 

Charmont. 

Calmons,  Carus  mous. 

Signalé  par  M.  Loognon,  dans  l'Astenois,  inpago  Stadunensi, 
803  (Cari,  de  Gorze,  p.  57). 

Chaussée   (La). 
Dans  ['Histoire  de  Bicher  et  dans  les  Annales  de  FloJoard, 


AVANT    LAN    MIL  807 

il  est  question  d'un  castium  du  nom  de  Causostis,  dont  Iléri- 
bert  se  serait  emparé  eu  1)38,  Ce  caslrum  aurait  été  situé, 
d'après  les  historiens  de  l'époque,  au-dessus  de  la  Marne, 
dans  le  diocèse  de  Reims. 

Est-ce  le  village  de  La.  Chaussée?  Sa  position  dans  le 
diocèse  de  Reims  semblerait  écarter  celle  hypolhèse  admise 
par  les  commentateurs  de  Pertz. 

Marlot,  dans  son  Histoire  de  Reims,  croit  qu'il  s'agit  de 
Tours-sur-Marne,  où  existe  un  lieudit  «  Saucotle  ».  D'après 
les  Monumenla  Gennaniœ,  ce  serait  l'enceinle  du  Grand- 
Chausol  (commune  de  Mareuil-sur-Ay).  (Perlz  :  Jiic/i. 
Mst.,  1.  2,  l.  III,  p.  589  ;  Flodoard  :  Annales,  1.  i,  t.  III, 
p.  o8o.) 

S'il  n'est  pas  question  de  La  Chaussée,  il  semble  qu'on 
doive  trouver  Coulmiers,  un  de  ses  hameaux,  dans  le  village 
de  Columbarium,  dont  il  est  question  dans  le  Polyptichiim 
sancti  Remigii  Remensis,  à  propos  de  redevances  dues  à  celte 
église  au  milieu  du  ix*^  siècle,  ('juérard.) 

Coole. 

Colsa,  Colla,  Cosla. 

Signalé  au  viii"  siècle,  à  propos  de  redevances  dues  à  l'ab- 
baye de  Saint- Remy  de  Reims  [Polyplichiim  sancti  Remigii 
Remensis),  et  dans  une  charte  du  comte  Eudes,  en  983,  «  Cur- 
lis  qiiœdam  vocatur  Colsa.  »  (Carlulaire  du  chanlre  Cuériu, 
f'^  11,  r°;  Ed.  de  Barthélémy  :  Diocèse  ancien  de  Cliâluns,  l.  II, 
p.  39.) 

En  88u,  Charles  le  Gros,  à  la  prière  de  l'évoque  Beruon, 
rend  à  l'église  Saint-Etienne  de  Châlons  les  villages  de  Fleuri- 
guy  et  de  Coole,  qui  avaient  été  injustement  enlevés  à  celle 
église.  «  Quœ  res  sunt  sitœ  in  comitatu  Senonico  villa  quœ 
dicitur  Floriniacus  et  super  /luvium  Coslum  villa  quœ  dicitur 
Cûslus.  »  (Carlulaire  du  chanlre  Guérin,  f°  12.] 

Eu  860,  le  roi  Charles  rend  à  l'église  Sainl-Elienne  la  villa 
Costa,  pagus  Cathalaimenais.  (Carlulaire  du  chanlre  Guérin.) 

Nous  possédons  des  documents  antérieurs  sur  Coole.  Car 
c'est  probablement  de  celle  localité  dont  veut  parler  FloJoard 
{Histoire  de  Reims,  1.  4,  ch.  IX).  Cet  historien  champenois 
nous  apprend  que  les  restes  de  saint  Gibrien  ont  été  trans- 
portés de  Chàlous  à  l'église  Sainl-Remi  de  Reims.  Il  parait  que 
dans  celle  province,  z«^fl^?^5  C athalaunensis .  s'étaient  autreiois 
fixés  sept   frères  venus    d'Irlande.    Saint   Gibrien   était   du 


8u8  l'arrondissement  de  vitry-le-françois 

Dombre.  Ceux-ci  se  choisirent  une  habitation  convenable  sur 
les  bords  de  la  Marne.  Saint  Gibrieu  alla  demeurer  dans  un 
village  nommé  Cosle,  Cosla  vocatum. 

Corbeil. 

Corobiiium. 

Est  mentionné  déjà  dans  les  Tables  de  Peulicger  et  Théodo- 
sienne  (iv"  siècle),  comme  station  située  sur  la  voie  romaine 
de  Durocorlorum  (Reims)  à  Andematunu77i  (Laugres).  Celle 
ancienne  voie  part  de  la  roule  nationale  de  Nevers  à  Sedan, 
route  n°  77,  au  lieudil  «  Monl-Saint-Michel  »  (ancien  mons 
Jovis).  Elle  se  dirige  sur  Laugres,  en  passant  près  du  pont  de 
Coolus  à  Vésigneul,  Coole,  Humbeauville,  Le  Meix-Tiercelin, 
Corbeil,  Balignicourt,  Yèvres,  Bar-sur-Aube.  Aujourd'hui,  sou 
tracé  entre  le  mont  Saint-Michel  et  le  moulin  Saint-Laurent, 
sur  la  rivière  de  Corbeil,  n'existe  plus.  Il  est  longé,  à  envi- 
ron 50  mèlres  à  l'est,  par  le  chemin  de  grande  communication 
n°  91,  de  Châlons  à  Blacy.  A  partir  du  moulin  Saint-Laurent, 
l'ancienne  voie  existe,  tantôt  comme  chemin  vicinal,  tantôt 
comme  chemin  rural,  à  l'exception  seulement  de  2,800  mèlres, 
depuis  l'entrée  de  Humbeauville  jusqu'à  la  sortie  du  Meix- 
Ti(!rcelin.  où  elle  a  été  convertie  en  un  chemin  de  grande  com- 
munication n"  2Li,  de  Huiron  à  Dampierre. 

Tous  les  géographes,  excepté  Katancsich  et  Ukert,  s'ac- 
cordent sur  rideutificaliou  de  CoroMlùwi  en  Corbeil. 

M.  Morel  a  fait  de  nombreuses  fouilles  sur  son  territoire, 
souvent  fructueuses,  et  y  a  trouvé  nombre  d'objets  romains  ou 
gallo-romains  (épées,  armes,  etc.,  etc.).  qui  enlèvent  toute 
incertitude  sur  la  position  de  celle  station  romaine'. 

Couvrot. 

Vlila  Covros  ou  Coiiros. 

En  l'an  000,  le  25  mars,  Charles  le  Simple,  à  la  requête 
de  l'évèque  de  Châlons,  Manciou,  restitue  à  l'église  Saint- 
Etienne  diverses  mauses  sises  dans  le  Chaugeois  et  le  Per- 
ihois.  Parmi  les  villages  sujets  à  redevances,  ilgure  la  villa 

1 .  Desjardins  :  Géographie  de  la  Gaule  d'après  la  lable  de  Peulinger,  1SG9. 

—  Longnoa  :  Dicliunnaire  topographique  du  département  de  la  Marne. 

—  Morel  :  Mémoire  de  la  Société  des  Sciences  et  Arts  de  Vitrij  le-Fran- 
çois,  t.  XVI,  p.  699.  —  Savy  :  Topographie  jusqu'au  V'  siècle  de  la  partie 
des  Gaules  occupée  aujourd'hui  par  le  département  de  la  Marne. 


AVANT    l'an    mil  809 

Coiiros,  dans  le  Changeois,  iii  comilalu  Camsiacensi.   (C\r- 
lulaire  du  chantre  Guériu,  D'  3,  v».) 

Dommartin-Lettrée . 

Sur  le  fiuage  de  Dommartin-Lellrée,  exislait  autrefois  le  vil- 
lage de  TEliée  (Slrata),  qui  eut  une  certaine  importance 
comme  position  géographique. 

Il  élail  situé  sur  l'ancienne  voie  romaine  qui  reliait  Reims  à 
l'Italie,  par  Chàlons,  Arcis,  Troyes  [Itincrarium  Antoiiirà, 
3G1).  Son  tracé  u'esl  pas  bien  conservé  entre  Chàlons  et 
Troye«î.  11  est  probable  cependant  que,  passant  à  l'est  de 
la  roule  qui  relie  actuellement  ces  deux  villes,  elle  devait 
franchir  la  Soude  près  de  l'Elrée. 

La  voie  de  Meaux  [Fixtuinum]  à  Bribe,  au  pied  du  Mont- 
Aimé  [Table  de  Pculinger),  qui  aboutissait  probablement  à 
Chàlons,  devait  sans  doute  aussi  passer  par  l'Elrée.  (Longnon  : 
Dictionnaire  (opographigue  du  département  de  la  Marne.) 

Domremy. 

Domniis  Ikinigkis. 

Il  en  est  parlé,  en  8o(i,  à  propos  de  redevances  dues  à 
l'église  Saint-Kemy  de  Reiras.  On  croit  qu'il  s'agit  bien  ici  de 
Domremy,  village  du  canton  de  Thiéblemonl.  (Guérard  : 
l'otyptichum  sancti  Remigii  Remehsis.) 

Drouilly. 

Dridleiiis,  Dniliacus. 

En  SoO,  Drouilly  [Drulleius)  devait  payer  à  l'église  Saint- 
Remy  de  Reims,  5  sols  en  mars,  5  sols  en  mai,  îj  à  la  fête  de 
Siint-Remy,  12  deniers  le  jour  de  la  Nativité  et  12  à  Pâques. 
(Guérard  :  Polyptichum  sancti  Remigii  Remensis.) 

Vers  î)87  ou  'JOG,  une  charte  de  Hugues  Capet  contirme 
la  donation  de  certaines  dîmes  pour  la  réception  des  pèlerins. 
Dans  cette  charte  figurent  beaucoup  de  localités  du  dépar- 
tement de  la  Marne,  parmi  lesquelles  nous  relevons  Drulia- 
cum,  que  M.  Longnon  croit  être  D.'ouilly.  (Archives  de  Sainl- 
Remi,  1.  15,  n»  12.  —  Marlot  :  Histoire  de  la  ville,  cité  et 
université  de  Reims,  t.  II,  p.  80'J.  Pièces  juslificaiives  n^  20. 
—  Longnon  :  Dict.  top.  du  dy.  de  la  Marne.) 


810  l'arrondissement    de    VITRT-LE-FRANÇOIS 

Etrepy. 

Stirpiaciis,  Sih-peiiis. 

Signalé  parmi  les  villages  devant  une  redevance  à  l'église 
Saint-Tiraolhée  de  Sainl-Remy  de  Reims  (viir'  siècle).  —  (Gué- 
lard  :  Polyplichiim  sancli  Remigii  Remensis.) 

Hauteville. 

Alla  villa. 

Mentionnée  dans  un  docunieul  non  daté,  et  probable- 
ment antérieur  à  l'an  mil,  du  Cartulaire  de  Monlier  en-Der, 
f"  o3,  v°.  {AUare  Alla  villa.) 

Heiltz-l'Evêque. 

Aiitkeri  curlis. 

Eu  y04,  Charles  III,  dit  le  Simple,  confirme  le  don  fait  à 
Tévèque  Mancion,  de  plusieurs  redevances  de  son  domaine  de 
Ponthion,  prélevées  dans  divers  villages  du  pays  de  Changy 
(in  comitatu  Camsiacensi),  savoir  :  à  Plichancourt,  sur  la 
Bruxenelle  et  in  villa  Aullieri  curte,  sur  la  Saulx  {super  /lu- 
viîim.  Saltvnv.  (Cartulaire  du  chantre  Guérin,  f^  25,  v^.)  Or, 
Audricourt,  qui  est  bien  certainement  la  traduction  littérale  de 
Autheri  cicrle^  est  un  lieudil  de  Heillz-l'Evèque  et  de  Jusse- 
courl.  (LongDon  :  Dict.  lop.  du  dcp.  de  la  Marne.) 

Laûdricourt. 

Landrici  corlis,  Ledriaca.  curtis. 

Charte  du  roi  Charles,  datée  de  801  ou  814,  mandant  à  un 
de  ses  vassaux,  Alédramue,  de  faire  rendre  intégralement 
à  l'abbaye  de  Monlier-en-Der  les  manses  que  son  satellite, 
Godon,  possédait  injustement,  à  Landricourt  [Ledriaci  curte) 
etàTargie^^ar^m)  '.  (Cartulaire  de  Montier-en-Der,  1. 1,  f"  20, 
v,  et  21,  1°.  —  D'Arbois  de  Jubainville  :  Histoire  des  ducs  et 
comtes  de  Champagne,  t.  I,  p.  58  et  43o.) 

1.  D'après  M.  d'Arbois  de  Jubainville  [Histoire  des  ducs  et  ceintes  de 
Champagne,  l.  I,  p.  58  el  435),  Targie  sérail  un  lieu  inconnu,  voisin  de 
Vilry. 


AVANT    L  AN    MIL  81  1 

Lignon. 

Linio,  Villa  Linonis. 

La  Villa  Linonis  est  mentionuée,  à  la  dale  de  800,  daus  une 
charle  du  Cirlulaire  du  <;hantie  Guérin.  Par  celle  charle, 
le  roi  Charles  reud  à  Téglise  Saial-Elienue  la  villa  Cosla 
(Coole),  daus  le  pagus  Calalaunensis,  tenue  par  Variuus,  et 
la  Villa  Linonia,  possédée  par  Ermeuoldus,  dans  le  pagus 
Breonensis. 

A  l'époque  de  la  pierre  polie,  Lignon  devait  être  une  station 
importante,  car  M.  Alorel  y  a  trouvé  de  nombreux  objets 
en  silex,  haches,  couteaux,  et  des  ossements  d'ho.Times  et 
d'animaux.  (Morel  :  Sépulltire  de  Page  de  la  pierre  polie  à 
Lignon.  Mémoires  de  la  Société  des  Sciences  et  Arts  de  Vitry- 
le- François,  t.  III,  p.  90.) 

Matignicourt  et  Goncourt. 

Malliniaca  cortis,  Godonis  curtis,  Godoniscort. 

Eu  l'an  90Ô,  Charles  le  Simple  restitue  à  l'église  Saint- 
Etienne  de  Châlons,  plusieurs  manses  sises  dans  le  Changeois 
et  le  Perthois.  Parmi  les  villages  sujets  à  redevances,  se  trouve 
Goncourt,  Godouiscort,  situé  daus  le  Changeois  [in  comitatu 
Camsiacensi).  (Cartulaire  du  chantre  Guérin,  f"  3,  V.j 

Au  ix^  siècle,  Goncourt  {Godonis  curtis)  et  Matignicourt 
[Matiniaca  corlis)  sont  inscrits  sur  une  liste  de  redevances  que 
plusieurs  villages  devaient  annuellement  aux  frères  de  l'ab- 
baye de  Moniier-en-Der. 

M.  Lalore  croit  que  Godonis  curtis  est  Goudrerourt  (Meuse); 
mais  M.  Longnourin?cril  bien  sous  le  nom  de  Concourt,  dépen- 
dance de  Matignicourt,  dans  son  Dictionnaire  topographigue 
du  département  de  la  Marne.  [Polyptique  de  Montier-cn-Uer, 
Cart.  I,  f°  129  à  131.  —  Lalore  :  Collection  des  principaux  car- 
tulaires  du  diocèse  de  Troyes.  t.  IV,  p.  89.) 

Merlaut. 

Merlan,  Mcrlaits,  Merulavus,  Mcrulaus. 

La  villa  Merlau,  pour  Merulavus,  aujourd'hui  Merlaul,  est 

-plusieurs   fois    mentionnée  dans   la   charte   de   Saint-Martin 

de   Tours.    Dans  cet   acte,  daté  du  '<iU  juin    878,    Louis    le 

Bègue  donne  aux  chanoines  de  iSaint-Martin  de  Tours,  la  villa 

Merlau,  située  dans  le  pays  de  Changy  [in  pago  Camsiacense) 


812  l'arrondissement  de  vitry-le-françois 

sur  la  Vière  (m  J'iera),  avec  loules  ses  dépendaDces.  En 
reconnaissance  de  celle  donaiion  les  chanoines  devaient  prier 
Dieu  pour  le  repos  des  âmes  de  Charles  le  Chauve,  son  père, 
d'Ermeulrude,  sa  mère,  el  de  sa  femme.  (Mabille  :  Pancarte 
noire  de  Saint-Marti7i  de  Tours,  p.  91  et  228,  h"  51,  59,  72.) 

D"après  M.  d'Arbois  de  Jubainville  {Recherches  sur  Vorigine 
de  la  propriété  foncière),  Merulavus  dériverait  de  il/é?-w^"a,  sur- 
nom latin  usité  dans  une  branche  de  la  gens  Cornelia. 

Deux  L.  Cornélius  Merula  furent  consuls  à  Rome,  sous 
la  République,  l'un  en  193,  l'autre  en  87  avant  J.-C.  Ce  sur- 
nom avait  pénétré  en  Gaule,  témoin  Sappius  Merula,  dont 
l'épitaphe  a  été  recueillie  àNimes. 

Plichancourt. 

Pluderciciirtis,  Plokioncort,  Plolkionis  cortls. 

En  850,  Charles  le  Chauve  confirme  la  donation  de  plusieurs 
propriétés  en  faveur  du  Chapitre  Saint-Etienne  de  Châlons, 
parmi  lesquelles  plusieurs  situées  dans  le  village  de  Plichan- 
court [Pludereicurlis). —  (Cartulaire  du  chantre  Guérin,f°  4,  v".] 

Eu  l'an  900  et  904,  Charles  le  Simple,  à  la  requête  de 
l'évêque  de  Châlons,  Mancion,  restitue  au  Chapitre  Saint- 
Etienne  plusieurs  manses,  dont  quelques-unes  sises  à  Pli- 
chancourt [in  villa  scilicet  que  Plokioncort  dicitur  {PlotMonis 
curte),  dans  le  Changeois  {in  comitatu  Camsiacensi),  sur  la 
BvuxeueWe  (s7iper  /InviMH  Broscion).  —  (Cartulaire  du  chan- 
tre Guérin,  f°  3,  v»;  1°  25,  v^.  —  Ed.  de  Barlliélemy  :  Diocèse 
ancien  de  Châlons,  p.  347.) 

Plichancourt  a  sans  doute  eu  une  certaine  importance  à 
l'époque  gallo-romaine,  car,  dans  ses  environs,  près  de  la  ferme 
de  Decourl,  les  D'^  Chevillon,  Maihieu  et  Mougin  ont  décou- 
vert plusieurs  sépultures  gauloises,  contenant  des  fragments 
d'os,  de  vases,  de  couteaux  en  silex,  etc.,  etc.  [Mémoires  de  la 
Société  des  Sciences  et  Arts  de  Vitry-le-François ,  1. 1,  p.  ^1  ; 
t.  Vlll,  p.  157.) 

Dans  une  charte  de  876,  le  comte  Boson  donne,  au  monastère 
de  Moulier-en-Der,  plusieurs  biens  qu'il  possédait  dans  le  Per- 
ihois  sur  divers  fiuage?.  Parmi  cesfinages  {finis)  ou  territoires, 
nous  relevons  celui  de  Addoniaca,  «  in  fine  Addoniaca  »,  que 
nous  croyons  être  le  hameau  de  Decourl,  dépendance  de  Plichan- 
court. (Cartulaire  de  Montier-en-Der,  p.  21.  —  Lalore  :  Col- 
lection des  principaux  cartulaires  du  diocèse  de  Troyes^  t.  IV, 
p.  135.) 


AVANT    l'an    mil  813 

Ponthion. 

PonligOy  Ponlio. 

Ponthion  sous  les  fils  de  Clovis 
(iv  siècld) 

La  première  fois  (]ue  nous  eutendoDS  parler  de  Pouihion, 
c'est  au  iv°  siècle,  à  propos  d'un  miracle  de  saiut  Martin. 

Grégoire  de  Tours  {De  tirtulihus  S.  Marliiii,  liv.  IV, 
eh.  Xlil),  rapporte  qu'à  la  fêle  de  saint  Marlin  (qui  vécut 
de  316  à  397),  un  cerlain  Maurelliis,  de  la  ferme  de  Ponthion 
{Dotnus  Ponlkoiiensis),  serf  du  duc  Aginus,  ayant  perdu 
l'usage  du  jarret,  vint  assister  à  la  fêle  en  s'adaplaut  un 
bâlon  aux  genoux  comme  font  les  boiteux.  Pendant  trois  jours 
il  adressa  de  ferventes  prières  au  Seigneur  et,  le  quatrième, 
son  genou  fut  redressé  el  il  s'en  retourna  guéri. 

Plus  tard,  nous  voyons  que  Ponthion  était  une  villa  royale 
{Ponticonis  villa)  appartenant  à  Sigebert  ;  il  y  garda,  pen- 
dant une  année,  comme  prisonnier  de  guerre,  son  neveu 
Tbéodeberl,  fils  de  son  frère  Chilpéric,  qui  s'était  révolté 
contre  lui.  Voici,  du  reste,  ce  qu'en  dit  Grégoire  de  Tours  : 
«  Sigebert,  revenu  vainqueur  des  Huns,  s'empare  de  Sois- 
a  sons,  y  trouve  Tbéodeberl,  fils  du  roi  Chilpéric,  le  prend  et 

«   l'envoie  en  exil 11  le  fit  garder  une  année  entière  dans 

«  sa  maison  royale  de  Ponthion  ;  puis,  comme  il  était  clément, 
«  il  le  renvoya  à  son  père,  sans  aucun  mal  et  comblé  de  riches 
«  préseuls,  mais  il  lui  avait  fait  promellre  par  serment  de  ne 
«  jamais  rien  entreprendre  contre  lui,  engagement  qui  fut 
«   violé  par  le  jeune  prince  à  cause  de  ses  péchés.  » 

{Soc.  Iiist.  France.,  t.  IX  ;  Grégoire  de  Tours  :  His-toria  Fruncû- 
mm,  liv.  IV,  ch.  XXII.  —  Dom  Bouquet  :  Recueil  des  historiens 
des  Gaules,  t.  II,  p.  214-560  ;  Monuments  Germunitx  hiscorica,  Scrip- 
tore.<  rerum  merovingicjrum,  t.  I,  p.  159- 15'.) 

584 
Vingt  ans  plus  tard,  saint  Louvent  {Lupentius),  abbé  de 
Saint-Privat-de-Meude,  vint  à  Metz,  se  disculper  du  crime  de 
lèse-majesté  dont  il  était  soupçonné;  Innocent,  comte  de 
Gcvaudan,  l'accusait  d'avoir  irrévérencieusement  parlé  de  \x 
veuve  de  Sigebert,  la  reine  Brunehaut. 

1.   Ilanuovertf  impensis  bibliopoli  llahiiiaDi   I88,'l. 


Ol4  L  ARRONDISSEMKNT    DE    VITRT-LE-FRANÇOIS 

Reconnu  non  coupable,  il  fut  relâché  ;  mais  à  peine  veuail- 
il  de  se  remettre  en  roule,  qu'il  fut  attaqué  par  Innocent 
et  ramené,  comme  prisonnier,  à  la  maison  royale  de  Ponlhion 
{ad  Ponliconem  villam),  où  il  subit  de  cruels  tourments. 
Relâché  une  seconde  fois,  il  reprit  sa  route  et  fut  lâchement 
assas.-iné  par  son  persécuteur,  sur  les  bords  de  l'Aisne. 

(Société  de  l'Histoire  de  France  ;  Grégoire  de  Tours  ;  Historia  Fran- 
corum^  liv.  VI,  ch.  XXXVII.  —  Dom  Bouquet  :  t.  II,  p.  286.) 

PûNTHION   SOUS    ChaRLES-MaKTEL    ET    ThIERRI    IV. 

726 
La  villa  de  Sigebert  reparaît  dans  plusieurs  documents  pos- 
térieurs, à  titre  de  villa  royale.  Un  diplôme  du  roi  Thierri  IV 
{Theudericus),  en  faveur  de  l'abbaye  de  Saint-Denis,  est  daté 
du  3  mars  726,  de  Ponlhion  (Ponlegîme,  m  palacio  noslro)  ; 
ce  qui  semble  indiquer  que  le  roi  nominal  Thierri  fixait 
de  temps  en  temps  sa  résidence  à  Ponthion. 

(Pertz  :  Mmumenta  Germaniœ  liL^toricu  :  Diplomuta  rcgiim  Franco- 
rum  e  stirpc  merovingia^  t.  I,  p.  84.  —  Dom  Bouquet  :  Recueil  des 
historiens  des  Gaules,  t.  IV,  p.  704.) 

Ponthion  sous  Pépin  le  Bref  et  Carloman. 

La  villa  de  Ponlhion  {villa  Pontigo?iià)  parait  avoir  été 
la  résidence  favorite  de  Pépin.  Plusieurs  chartes  émanées  de 
cette  villa  (762),  et  notamment  la  visite  qu'y  fit  le  pape 
Etienne,  en  fournissent  la  preuve. 

7o3 
En  753,  le  pape  Etienne  II,  victime  des  violences 
d'Astaulphe,  roi  des  Lombards,  résolut  de  venir  en  France, 
implorer  le  secours  de  Pépin  le  Bref.  Il  quitta  Pavie  le 
lo  novembre  753,  et  n'-^rriva  à  Ponlhion  que  le  6  janvier 
754.  Pépin  envoya  au-devant  de  lui  l'aîné  de  ses  fils,  Char- 
les, qui  devait  plus  lard  s'appeler  Charlemagne,  Lui- 
même,  accompagné  de  la  reine  Berlrade  et  des  grands  de  son 
royaume,  alla  à  sa  rencontre  à  trois  milles  de  sa  résidence  {de 
palalio  Pontiano,  Ponliana,  Po,is  IJugonis,  Pons  vgo,  Pon- 
tico).  Arrivé  en  présence  d'Etienne  II,  il  l'accueillit  avec  la 
plus  grande  humilité.  Descendant  de  cheval,  il  se  prosterna  à 
ses  pieds,  puis,  prenant  la  bride  de  son  cheval,  il  ue  voulut 
pas  qu'un  autre  que  lui  eût  l'honneur  de  lui  servir  d'écuyer,  et' 
le  conduisit  ainsi  jusqu'au  palais  de  Ponlhion. 


AVANT    l'an    mil  81  K 

Le  lendemain,  le  pape,  couvert  de  cilice  et  de  cendres,  se 
rendit,  avec  toute  sa  suite,  dans  l'église  du  château  et  là,  pros- 
terné au  pied  des  autels,  invoqua  le  secours  de  Dieu,  suppliant 
Pépin  le  Bref  de  le  délivrer,  lui  et  la  samle  Eglise,  du  joug  des 
Lombards.  11  ne  voulut  même  se  relever  que  quand  Pépin  lui 
eut  juré  sur  les  saints  autels  aide  et  assistance.  Pépin  lui 
fil  celle  promesse  et  l'engagea,  en  attendant  qu'il  fût  prêt  pour 
cette  expédition,  à  se  retirer  à  l'abbaye  de  Saint-Denis,  où  il 
trouverait  une  hospitalité  plus  digne  de  lui. 

(Pertz  :  Monuments  Germamœ  historica  ;  M^riani  Scotli  chronicon^ 
t.  V^  p.  547;  Annales  Maximian.,  t.  XIII,  p.  20.;  Chronicon  Saler- 
nltatum^  t.  III,  p.  473.  —  Dom  Bouquet  :  Recueil  des  historiens  des 
Gaules,  ex  chronico  Moissiacensi^  t.  V.  p.  67  ;  Annales  Francorum 
Mettenses^  t.  V,  p.  336;  Fredegariani  chronici  continuali  pars  IV,, 
t.  V,  p.  2  ;  Ludovici  Du  Four^  Annales  Francorum,,  t.  III,  p.  706, 
—  Monumenta  Germanis  historica.  Scriptores  merovingicorum,,  t.  II.) 

762 
Diplôme  de  Pépin  en  faveur  du  monastère  "  Juncellensi  », 
donné  «  in  villa  Pontigonis  ». 

(Baluze  ;  Capit.  regum  Francorum^  t.  II,  col.  1395. —  Bréquigny  : 
Table  chronologique  des  pièces  imprimées  concernant  l'Hist.  de  France,^ 

t.    I,   p.     ICI.) 

7fi9 
Garloman,  fils   de   Pépin,   fixa  aussi  sa  résidence  à  Pon- 
thion,  après  la  mort  de  son  père,  ainsi  que  le  prouve  une 
charte  donnée  en  faveur  de  l'église  d'Argenteuil,  datée  de 
son  palais  de  Ponthion  [Pontione  palaîio  publico). 

(Dom  Bouquet  :  Recueil  des  historiens  des  Gaules  ,  Diplomjta 
Karoli  magni.  t.  V,  p.  719.  —  Bréquigny  :  Tab.  cliron.  des  imprimés 
concernant  l'Hist.  de  France,^  t.  I,  p.   107.) 

Ponthion  sous  Charles  le  Chauve. 

Ponthion  fut  aussi,  sous  Charles  le  Chauve,  une  résidence 
royale.  Dans  le  Recueil  des  historiens  de  France  dî  Dom 
Bouquet,  dans  les  Monumenta  Gcrmaniœ  hislorica  de  Pevlz, 
on  trouve  beaucoup  de  chartes  datées  du  palais  de  Ponthion. 
Celle  résidence  royale  fut  même  le  théâtre  de  nombreux  événe- 
ments, dont  plusieurs  ont  eu  un  grand  retentissement.  C'est 
sous  Charles  le  Chauve  que  nous  avons  trouvé  le  plus  de 
documents  sur  Ponthion,  et  leur  importance  mérite  qu'on  s'y 
arrête  un  instant  ;  c'est  pourquoi  nous  allons  en  donner  l'énu- 
méralion  par  ordre  chronologique. 


81  fi  l'arrondissement  de  vitrt-le-françois 

853 
Diplôme  de    Charles  le  Chauve    eu    faveur  du    mouastère 
((  Anianensi  »,  donné  «  in  Ponclone,  fisco  regio  ». 

(Dom  Bouquet  :  Recueil  de?:  historiens  des  Gaules^  t.  Vll[.  p.  526. 
—  Bréquigny  :  Ta^\  chron.  des  pièces  imp.  concernant  lliist.  de  France, 
t.  I,  p.  236. 

Diplôme  en  faveur  de  l'église  Saint-Symphorien  d'Autun 
[Aeduensi),  dalé,  apud  Pontionis  palatium. 

(Dom  Bouquet  :  Recueil  des  hisi  ariens  des  Gaules^  t.  VIII,  p.  540-  — 
Bréquigny  :  Tab.  chronol.  des  diplômes^  t.  I,  p,  242.) 

80G 
Charte  par  laquelle  Charles  le  Chauve  restitue  à  l'abbaye  de 
Moutier-en-Der  certains  alleux,  dont  on  lavait  dépouillée,  à 
savoir,  entre  autres,  certaines  manses,  situées  dans  le  Per- 
thois  {in  pago  Perlense),  dans  un  lieu  dit  Ponthion,  Pontunns 
{Aclum  Pontione palatio). 

(Annales  ordinis  S.  Benedicii^  t.  III,  liv.  XXXV.  p.  58.—  Dom  Bou- 
quet :  Recueil  des  historiens  des  Gaules  \  Diplomata  Caroli  Calvi, 
noCXLII,  t,  VIII,  p.  549.  —  Bréquigny  :  Tab. chronol.  des  diplômes^ 
t..I,  p.  244.  —  Gallia  Christia':a\  Ecclesia  Catalaunensis,  t.  IX, 
P    911) 

Si  l'invasion  des  Normands  fut  une  des  grandes  calamités  du 
règne  de  Charles  le  Chauve,  ce  ne  fut  pas  la  seule.  Les  luttes 
intestines,  les  révoltes  des  grands  de  l'Aquitaine,  de  Bretagne, 
de  Neuslrie  causèrent  au  roi  Charles  de  tels  embarras,  qu'dse 
vit  à  peu  près  abandonné  de  la  plupart  de  ses  vassaux.  Pen- 
dant qu'il  guerroyait  contre  les  Normands,  les  seigneurs  neus- 
Iriens,  ses  sujets,  firent  défection  et  appelèrent  à  leur  aide  le 
frère  de  Charles  le  Chauve,  Louis,  roi  de  Germanie,  avec 
qui  ils  entretenaient  des  relations  secrètes  depuis  plusieurs 
années.  On  apprit  tout  à  coup  que  Louis  le  Germanique 
traversait  l'Austra-ie  et  s'avançait  vers  les  bords  de  l'Aisne 
et  de  la  Marne.  En  septembre,  il  se  trouvait  dans  la 
villa  royale  de  Ponthion  {villa  regia  Ponlicona,  Ponteojiis). 
De  là  il  se  dirigea,  par  le  Châlounais,  vers  Sens,  recevant  sur 
£on  passage  les  hommages  de  ceux  qui  avaient  fait  défection  à 
Charles  le  Chauve.  C'étaient  presque  tous  les  premiers  digni- 
taires du  royaume,  hormis  ceux  qui  guerroyaient  avec  lui 
contre  les  Normands,  sur  les  bords  de  la  Loire  {Liger], 
Charles  le  Chauve,  à  cette  nouvelle,  abandonne  la  lutte  contre 
les  Normands  et  se  hâte  d'avancer  jusqu'à  Bricnue  pour  com- 


AVA\T  l'an  mil  817 

battre  l'usurpateur.  Mais  s'apercevanl  que  ses  troupes  sont 
ébranlées,  inquiet  sur  la  fidélité  de  ses  principaux  guerriers, 
et,  craignant  surtout  que  ses  soldats  ne  le  livrent  à  Louis  le 
Germanique,  il  quitte  la  partie  et  gagne  les  confins  de  la  Bour- 
gogne, abandonnant  une  armée  qui  se  range  sous  la  bannière 
de  l'envahisseur  (fin  septembre).  Ce  que  voyant,  Louis  alla  à 
Troyes,  où  il  distribua  des  comtés,  des  monastères,  des  villas 
à  ses  fidèles,  et  vint  établir  son  quartier  général  au  palais 
d'Attigny. 

(Pertz  :  Monumenta  Germjniœ  historien]  Rudolf i  Fuldensis  annales, 
I,  371  ;  Prudeniu  Trecensis  annales^l^  452.  —  Djm  BDUquet  :  Recueil 
des  historiens  des  Gaules \  Annales  Beriiniani,  t.  VII,  p.  74.  —  Soc. 
hist.  France  \  Annales  de  Saint- Serein,,  p.  96. 

860 

Charles  le  Chauve  recouvra  ses  Etats  presque  aussitôt  qu'il 
les  avait  perdus.  Au  commencement  de  l'année  ^59,  quelques- 
uns  des  sujets  de  Louis  le  Germanique  ayant  projeté  de 
le  livrer  à  son  frère,  celui-ci  dut  évacuer  au  plus  vile  laNeus- 
trie,  et  Charles  revint  fixer  sa  résidence  dans  son  palais 
de  Ponthion  [in  Ponticom,  Pontione,  palatio  regio),  ainsi  que 
le  prouvent  les  deux  chartes  suivantes  qui  en  émanent. 

19  décembre.  Charte  en  fiveur  du  monastère  de  «  Sainl- 
Emeterii  et  Genesii  »  dans  le  diocèse  de  Géronde. 

13  décembre.  Charte  pour  l'église  d'Urgel. 

(Dom  Bouquet  :  Recueil  des  historiens  des  Gaules^  t.  VIIF,  p.  562- 
563.  —  Bréquigny  :  Tab.  chron.  des  diplômes,  I,  255.) 

861 

Cette  année,  Charles  entreprit  une  expédition  contre  son 
neveu,  Charles,  roi  de  Provence.  Après  avoir  confié  la  garde 
du  royaume  de  Neustrie  à  son  fils  Louis,  au  duc  Adelhard, 
oncle  de  sa  femme  Irmentrude,  il  s'avance  en  Bourgogne 
jusqu'à  Màcon.  Mais  les  choses  ne  marchèrent  pas  comme  il 
l'avait  espéré,  et  cette  expédition  n'eut  aucun  succè-.  Il  revint 
dans  son  palais  de  Ponthion  {Poniigonevi  palatium),  d'où  il 
envoya,  de  la  part  de  son  frère  et  de  son  neveu  Lothaire,  des 
messagers  à  l'évêque  Advenlius,  évèque  de  Metz.  11  entendit 
ensuite  comme  accusé  le  comte  Leutard,  qu'il  renvoya  absous, 
puis  célébra  à  Ponthion  la  fête  de  la  Nativité  de  J.-C,  coLuuie 
de  coutume. 

(Pertz  :  Monumenta  Germanix  hisiorica\  Hincmari  Remensis annales^ 
t.  I,  p.  456.—  Soc.  hist.  France  ;  Annales  de  Sai'it-Bercin^p.  108.  — 

52 


818  l'arrondissement  de  vitrt-le-frànçois 

Dom  Bouquet  :  Recueil  des  historiens  des  Gaules  ;  Annales  Bertiniuni^ 
t.  VII,  p.  77. 

862 

En  862,  Charles  apprit  la  révolte  de  ses  deux  fils,  Louis  et 
Charles,  et  la  fuite  de  sa  fille,  Ingeltrude,  qui,  veuve  de  deux 
rois  anglo-saxons,  venait  d'épouser,  malgré  la  loi  évangéliîjue 
et  apostolique  et  l'autorité  paternelle,  Baudoin,  comte  de 
Flandre.  Louis,  sous  prétexte  de  réconcilier  les  fils  avec  leur 
père,  gagna  la  Bavière.  Charles  quitta  le  territoire  de  Toul  et, 
passant  par  Von\h\o\i{Pontigo) ,  gagna,  par  la  rivière  de  Marne, 
le  palais  de  Kierzy  {Cansiacimi). 

Cependant,  le  palais  royal  de  Ponlhion  {Poiiligo  palatium 
regium)  vit  cette  même  année  Charles  le  Chauve.  Une  charte 
datée  de  cette  résidence,  le  7  novembre,  fait  don  au  monas- 
tère de  Saint-Urbain  de  plusieurs  propriétés  sises  dans  le  Per- 
thois,  notamment  à  Vitry. 

(Soc,  hist.  de  France  :  Annales  de  Saint-Bertin^  p.  116.  —  Dom 
Bouquet  :  Recueil  des  historiens  des  Gaules^  t.  VII,  p.  80;  t.  VIII, 
p.  584  [Diplomata  Çaroli  CalvT  .  —  Pertz  :  Monumenta  Germaniœ 
hisrorica  \  Hmcmari  Kemensis  Annales^  t.  I,  p.  459.  —  Gallia  Chris- 
tiana^  t.  X  ;  instrumenta^  col.  148.  —  Bréquigny  :  Table  chron.  des 
diplômes,  I,  260  ) 

870 

En  861t,  Lolhaire  vint  à  mourir.  Son  héritage  revenait  de 
droit  au  seul  survivant  des  enfants  do  ses  trois  fils,  à  l'empe- 
reur Louis  IL  Mais  il  n'était  pas  à  l'abri  des  convoitises  des 
oDcles  de  l'héritier,  Charles  le  Chauve  et  Louis  le  Germanique. 
Louis  le  Germanique,  étant  retenu  par  ses  interminables 
guerres  contre  les  Slaves,  Charles  fut  le  premier  prêt.  Il  entra 
de  suite  en  campagne  et  se  fit  sacrer  roi  de  Lorraine  (9  sep- 
tembre 869).  Mais  Charles  ne  jouit  pas  longtemps  de  ses  nou- 
veaux domaines,  car  le  roi  de  Germanie  lui  enjoignit  de  quitter 
au  plus  tôt  Aix-la-Chapelle  et  la  Lorraine,  sinon  il  marcherait 
immédiatement  contre  lui.  Charles  obtempéra  à  cet  ordre, 
mais,  avant  de  partir,  il  envoya  k  son  frère,  Eudes,  évèque  de 
Beauvais,  et  les  comtes  Eudes  et  Hardouin  pour  lui  demander 
une  entrevue,  afin  de  s'entendre  au  sujet  du  partage  du  royaume 
de  Lolhaire.  Puis  il  retourna  à  Ponlhion  (Pontigo),  où  il  atten- 
dit la  réponse  de  son  frère. 

12  août.  Diplôme  de  Charles  le  Chauve  daté  du  palais  de 
Ponlhion  (Poniione  palaliû),  concernant  la  ville  de  Carcassonne. 

(Dom  Bouquet  :  Annales  Bertiniani,  t.  Vlî,  p.  109  ;  t.  VIII,  p.  628  ; 
t.  VII,  p.    133    (Chroniijuei  de  saint  Vcnis).  —  Pertz  :  t.  I,  p.  487 


AVANT   l'an   mil  819 

{HincmarL  R^mcnsis  annales).  —Socuté  de  l'hist.  de  France  :  Annales  de 
Saint-Berlin.,  p.  205. —  Bréquigiiy  :  Table  chronologique  des  diplômes, 

h  29'-) 

S71 

En  870,  la  Lorraine  fut  partagée  entre  Charles  le  Chauve 
et  Louis  de  Germanie,  Mais  ce  partage  fut  plutôt  fictif  que 
réel,  car  Louis  ne  tarda  pas  à  obtenir  restitution  dune  par- 
tie de  ses  biens.  En  87,1,  Charles  le  Chauve,  ayant  appris  sa 
mort,  se  préparait  à  envahir  ses  Etals  ;  mais  celle  nouvelle 
étant  démentie,  il  revint  en  droite  ligne  de  Besançon  à  Pouthion 
(Ponligo).  De  là  il  gagna  Attigny,  puis  Servais,  où  il  rassem- 
bla les  grands  de  son  royaume.  Dans  ce  plaid,  il  fit  de  nouveau 
confier  son  fils  Carloman,  qui  s'était  révolté  contre  lui,  à  la 
garde  des  «  Silcanectes  »,  et  força  ses  complices  à  lui  prêter 
serment  de  fidélité  par  comté. 

(Soc.  hist.  France  :  Annales  de  Saint-Bertin  de  Saint- Jf^aasc,  p.  226. 
—  Dom  Bouquet  :  t.  VII,  p.  114.  —  Pertz  :  Hincmari  Remensis 
annales.^  I,  49^ .) 

875 

Le  dernier  fils  de  Lothaire,  l'empereur  d'Italie,  Louis  II, 
mourut  sans  enfant  mâle,  le  l3  août  875,  laissant  son  héritage 
à  ses  deux  oncles,  Charles  le  Chauve  et  Louis  le  Germanique. 
A  cette  nouvelle,  Charles,  qui  était  dans  les  Ardennes,  à 
Douzy  [Duciacu7n),  revint  en  toute  hrue  à  Ponlhion  (Pontic/o), 
où  il  rassembla  tous  ses  vassaux.  Il  gagna  ensuite  Langres, 
où  il  attendit  tous  ceux  qui  devaient  l'accompagner  dans 
cette  excursion,  et  descendit  en  Italie  par  le  Mont-Joux  et 
Saint-Maurice. 

(Dom  Bouquet:  Annales  Berliniani^  t.  VII,  p.  118.  —  Soc.  hist. 
France  :  p.  240.  —  Pertz  :  Hincmari  Remensis  annales,  I,  498.  — 
Dom  Bouquet  :  Chronique  de  Saint-Denis^  t.  VII,  p.  141  .) 

«70 

Il  prit  même  à  ce  sujet  le  litre  de  successeur  du  roi  Lothaire 
(Carolus  gloriosissimus  imperalor  et  in  successiojie  regni 
Lotharii),  ainsi  que  le  prouvent  différentes  chartes  datées  du 
palais  de  Ponthion,  qui  prend,  pour  cette  circonstance,  le  titre 
de  Palatium  impériale. 

1°  Charte  du  3  juillet,  relative  au  mouaslère  de  Beaulieu 
[Bellilocensi). 

2°  Charte  du  16  août,  concédant  diverses  villœ  à  Hildebert, 

30  Charte  du  17  août,  en  faveur  de  l'abbaye  de  Solesmes 
{Solemniacensi). 


820  l'arrondissement  de  vitry-le-françois 

C'est  à  Ponlhion,  qui  était  alors  fisc  royal  [âscus  regius), 
que  s'arrêta  Charles  le  Chauve  à  sou  retour  de  Rome,  d'où  il 
ramenait  le  corps  du  pape  Corneille.  Quand  il  voulut  repartir, 
il  fut  impossible  d'enlever  le  corps  de  saint  Corneille,  tant  que 
le  roi  n'eut  pas  accordé  à  l'église  de  Saini-Gyprien  et  de  Saint- 
Corneille  de  Compiègne,  la  foiêtde  Zwir  (Luiz).  située  entre  la 
Saulx  et  la  Marne,  dans  le  Perlhois. 

(Dom  Bouquet  :  t.  VIK,  p.  653  ;  t.  VIII,  p.  654.  —  Pertz  :  Chro- 
nica  AlbricL  Monaclil  Trium  fontium,  c.  XXIII,  p.  742.  —  Dom  I3ou- 
quet  :  Aniidles  Bertinij.nl,  t.  VII,  p.  121.  —  Pertz  :  Hiiicnidri  Reniai- 
ss  annales,  t.  I,  p.   501.) 

Concile  de  Ponthiox. 

876 

Celte  même  année,  eut  lieu  un  fait  important  pour  noire 
région  :  ce  fut  la  réunion  d'un  concile  à  Ponlhion.  Charles  le 
Chauve,  élant  revenu  de  son  couronnement  en  Italie,  convoqua 
au  mois  de  juin  876  un  grand  synode  dans  son  palais  de  Pon- 
lhion [Po7itigo).  k  ce  concile,  assistaient  deux  légals  du  pape 
Jean  de  Toscanella  {Johannes  Tuscanensis),  Jean  d'Arezzo 
[Aretinus),  oO  évèques  et  7  archevêques. 

«  Le  21  juin,  tout  le  clergé  élant  réuni  en  habit  ecclésias- 
«  tique,  l'église  tapissée,  le  livre  des  évangiles  posé  sur  uu 
<i  pupitre,  au  milieu  du  coucile,  devant  le  siège  impérial, 
«  l'empereur  Charles  le  Chauve  entra,  vêtu  à  la  frauque,  d'un 
«  habit  orné  d'or.  Il  était  accompagné  de  deux  légats,  et  après 
a  que  les  chantres  eurent  entonné  l'anlienne  Exaudi  nos 
«  Domine^  Jean,  évêque  de  Toscanella,  prononça  l'oraison  et 
€  l'empereur  s'assit.  Dans  celte  session,  Charles  fil  confirmer 
«  son  élection  à  fempire '. 

«  Le  troisième  jour  de  juillet,  date  de  la  troisième  session, 
«  l'empereur  donne  audience  aux  ambassadeurs  de  Louis 
«  de  Germanie,  son  frère.  Les  présents  du  pape,  dont  les 
«  principaux  étaient  un  sceptre  et  un  bâton  d'or  et  des  étoffes 
*  précieuses  et  des  bracelets  ornés  de  pierreries,  furent 
«  offerts  à  l'empereur  et  à  l'impératrice. 

1  Les  évêques  s'assemblèrent  par  l'ordre  des  légals,  pour 
«   la  huitième  et  dernière  fois,  le  matin,  16  juillet. 

\.  En  S"5,  Charles  le  Chauve  et  Louis  le  Germanique  se  disputaient  la 
couronne.  Le  pape  Jean  VIII  se  décida  en  faveur  du  neuslrien  Charles. 
Apiès  le  concile  de  Pavie,  Charles  fut  couronné  à  Saint-Pierre  de  Rome,  en 
873. 


AVANT   LAN    MIL  821 

«  L'empereur  vint  au  coucile  à  l'heure  de  none,  paré  el 
«  couronué  à  la  grecque,  dalmalique  longue,  ceinture  qui 
u  pendait  jusqu'aux  pieds,  voile  de  soie  sur  la  tète,  couronne 
«  par  dessus.  Les  légats  étaient  vêtus  à  la  romaine,  les  évèques 
Il   en  habit  ecclésiastique. 

a  L'évèque  Léon  prononce  l'oraison. 

€  Les  légats  se  rendent  dans  la  chambre  de  l'empereur  et 
0  amènent  dans  le  concile  Richilde,  la  couronne  impériale  sur 
a  la  lèle. 

«  L'empereur  se  fait  prêter  un  nouveau  serment  par  ses 
<i   vasiaux,  entre  aulres  par  Hiucmar. 

«  Léon  deGabie  et  Jean  de  ïoscanellacomraenceut  les  accla- 
«  mations  et  louanges  pour  le  pape,  l'empereur  et  l'impéra- 
a   trice.  Le  premier  prononce  l'oraison,  et  ainsi  finit  le  concile.  » 

Dans  ce  concile,  on  traita  surtout  l'importante  question  de 
l'extension  de  l'autorité  des  papes  sur  les  libertés  dites  de 
l'église  gallicane.  Charles  le  Chauve  y  appuya  les  légats,  qui 
apportaient  des  lettres  de  primate  à  Ausegise,  archevêque  de 
Sens,  qui  fut  nommé  primat  de  Gaule  et  de  Germanie,  au 
détriment  de  Hincmar,  archevêque  de  Reims,  habitué  jusque- 
là  à  tenir  le  premier  rang. 

(Annules  ecchsiasticl  Baronii^  t.  XV  p.  282  ;  Collectio  concilionim, 
t.  XVII,  p.  307,  —  Grilla  Cliristiana  :  Ecclesia  catalaunensis,  t.  IX, 
cl). XXXV. — Annales  ordLnis  S .  Benedictini^t.l\\,c\\.lLXXW\\^Y>-  '9i- 

—  Société  de  l'histoire  de  France  :  Annales  de  SaintBertin  de  Saint- 
JFaast,  p.  243-244. —  Periz  :  Monumenta  Germanicp  historia^  p.  533- 
534  ;  id.,  Legum,  1. 1,  p.  532-533-J34  ;  id.,  Hincmari  Remensis  annales. 
I,  498.  —  Dom  Bouquet  :  Recueil  des  historiens  des  Gaules  :  Capitu- 
laria  Caroli  Calvi,  t.  VII,  p.  689-690-691-692-694;  Chronique  de 
Saint-Denis,  t.  VII,  p.  144-142;  Annales  Bertiniani^  t.   VU,  p.  119. 

—  Bréquiguv  :  Table  chronol.  des  diplômes,  I,  302-303. —  Sirmond  : 
t.  III,  p.  434  ;  Edition  du  Louvre,  r.  XXIV,  p.  413.  —  Labbe  :  t.  IX, 
p.  280-1261.  —  Lelong  :  Biblioth,  hist.  de  France.) 

sn 

Trois  diplômes  datés  de  Ponlhion,  désigné  encore  sous 
le  nom  de  palais  impérial.  Actum  Ponlione  palatio  impériale 
regni  Caroli  gloriosissimi  imp.  augusii  in  Francia,  et  imperii 
secundo  et  in  stcccessione  Lotharii  régis. 

1"  0  juillet,  en  faveur  de  l'abbaye  de  Marchienoes. 

2°  7  juillet,  en  faveur  du  couvent  de  Saiule-Gertrude  de 
Nivelle  [pro  Niveîlensi  cœnohio  S.  Gerlrudis). 

3^  4  juillet,  confirmation  d'une  permutation  faite  entre  les 
cbaaoines  réguliers  «  Capleienses  «  et  les  moines  «  JEduenses  ». 


822  l'arrondissemExXt  de  vitry-le-françois 

En  celte  même  année,  Charles  guerro^'ait  contre  les  Nor- 
mands, quand  it  dut  se  décider  à  acheter  la  paix  pour  pouvoir 
aller  en  Italie,  où  le  pape  l'appelait  avec  instance.  Avant  de 
partir,  il  tint  un  plaid  à  Kiersy,  pour  régler  le  gouvernement . 
du  royaume  pendant  son  absence.  De  là  il  se  dirigea  vers  les 
Alpes  en  passant  par  Soissons,  Reims,  Ghàlons,  Pouthion 
[Pontigo)  et  Langres.  Il  était  accompagné  de  sa  femme  et  de 
beaucoup  d'argent,  d'or  et  de  chevaux. 

Ce  fut  dans  cette  expédition  qu'il  trouva  la  mort  près 
du  Mont-Cenis  (6  octobre  877). 

(Dom  Bouquet  :  t.  VIII,  p.  667  ;  t.  VIII,  p.  666;  t.  VII,  p.  123 
et  1^6.  —  Ferez  :  Hincmari  Remensis  annales,  t.  I,  p.  503.  —  Bré- 
quigny  :  I,  311  ;  I,  310.  —  Mabille  :  Pancarte  noire  de  Saint-Martin 
de  Tours,  n"  CXIV,  a"  XII.) 

PONTHION  SOUS    LoUlS    II    DIT    Le   BÈGUE. 

87y 

A  la  mort  de  Charles  le  Chauve,  son  fils  Louis  le  Bègue  eut 
grandpeine  à  se  faire  couronner  roi  des  Francs  occidentaux. 
On  a  peu  d'indications  sur  Ponthion  pendant  son  règne,  qui 
fut  de  courte  durée.  Ou  sait  seulement  qu'en  879,  Louis  vint 
dans  l'Ardenue,  célébrer  la  Nativité  du  Seigneur  à  Longlarius 
(Langlier  dans  le  Luxembourg,  suivant  les  uns  ;  Glaire,  dans 
le  diocèse  de  Lann,  suivant  d'autres).  Après  être  resté  quel- 
que temps  dans  rArdenne,il  reprit  sa  marche  en  avant,  passa 
par  Ponthion  (Pontigo),  et  poussa  jusqu'à  Troyes  pour  châtier 
la  révolte  de  Bernard,  comte  d'Auvergne,  qui  s'était  emparé 
de  la  Bourgogne.  A  peine  était-il  arrivé  dans  cette  ville, 
qu'il  tomba  malade  et  dut  confier  la  direction  de  l'armée  à  son 
fils.  Transporté  à  Compiègne,  il  y  mourut  le  10  avril  879.  Il 
laissait  deux  fils,  Louis  III  et  Carloman,  plus  un  fils  posthume 
qui  fut  Charles  le  Simple. 

(Dom  Bouquet  :  c.  VIII,  p.  33.  —  Pertz  :  t.  I,  5'io.  —  Société  de 
l'histoire  de  France  :  Annales  de  Saint-Bertin  de  Saint- JF'aast,  p.  277. 
—  Annales  ordlnls  S.  Benedictini,  t.  III,  li\\  38,  p.  220.) 

Ponthion  sous  Carloman. 
881 
Une  seule  mention  de  Ponthion  pendant  le  règne  de  Carlo- 
man, qui  eut  à  peine  la  durée  de  quatre  ans.  Il  s'agit  d'une 
charte  de    Carloman,    en   faveur  de    l'église    d'Argenteuil  ; 


AVANT  l'an  mil  823 

diplôme  daté  en  novembre,  de  Ponlhiou,  désigné  ici  sous  le 
nom  de  palais  public  «  Actum  Pontione  palatio piiblico  a. 
(Bréquigny  :  T^bk  c/ironol.  des  diplômes^  I,  p,  328.) 

PoNiHioN  SOUS  Charles  le  Gros. 
885 
A  la  mort  de  Garloman,  la  couronne  échut  au  troisième  fils 
de  Louis  le  Germanique,  Charles  le  Gros.  Maître  déjà  de  la 
Souabe,  de  la  Suisse,  de  l'Alsace,  de  la  Bavière,  il  prit,  en  882, 
la  couronne  impériale  et  toutes  les  possessions  de  Louis  le 
Germanique,  auxquelles  il  adjoignit,  en  884,  le  trône  de 
France,  essayant  ainsi  de  reconstituer  la  monarchie  de  Charle- 
magne.  Ce  fut  à  Ponthion  [Poniionum)  qu'il  fut  reconnu  roi 
des  Francs  occidentaux  (juin  885).  Peu  après  il  regagnait  ses 
Etats,  mais  avant  il  prévenait  ses  nouveaux  vassaux  d'avoir  à 
marcher  contre  les  Normands,  qui  organisaient  la  plus  grande 
expédition  qu'ils  eussent  jamais  lancée  contrôla  Gaule. 

(Dom  Bouquet  :  Recueil  des  historiens  des  Gaules  :  Ex  clironico  de 
gestis  normannorum^t.  VIII, p.  95  ;  id..  Annales  Vedastini^t.  VIII,  p.  84. 
—  Pertz  :  Monumenta  Germanii£  historica^  I,  532  ;  II,  201. —  Soc.  hisC, 
de  France  :  Annales  Vedastini.,  p.  320.) 

PCNTHION    SOUS    C1IARLES    LE    SlMPLE    ET    RaOUL. 

907 

Après  la  déposition  de  Charles  le  Gros,  Eudes,  fils  aiué  de 
Robert  le  Fort,  fui  proclamé  roi  eu  888.  Mort  peu  de  temps 
après  (898),  la  couronne  passa  sur  la  tête  de  Charles  le  Simple, 
fils  posthume  de  Louis  II,  dit  le  Bègue.  Sans  doute  ce  roi  tint 
de  préférence  ses  assises  dans  son  palais  i'Atligny,  puisqu'en 
907,  il  donna  en  douaire  à  sa  femme,  Frédérune,  le  château  de 
Ponthion,  avec  toutes  ses  dépendances  :  églises,  esclaves, 
terres,  vignes,  bois,  prés,  pâturages,  moulins,  cours  d'eau, 
biens  meubles  et  immeubles.  C'est  la  première  fois  qu'il  est 
fait  mention,  dans  les  chartes,  de  la  position  géographique  de 
Ponthion,  sis  dans  le  Perlhois,  au-iessus  de  la  Saulx  et  de  la 
Bruxenelle.  {Ponligonem  quineliam  inpago  Perlense  super  flu- 
vios  Saltum  et  Bruscionem.) 

(Bouquet  :  t.  IX,  p.  504.  —  Annales  ordinis  S.  Benedicnni,  t.  III, 
L.  XLI,  p.   328.  —  Bréquigny  :  I,  368.) 

907-917 
Par  celte  donation,  la  reine  avait  liberté  absolue  d'eu  dis- 
poser comme  elle  l'entendrait.  Elle  en  fit  don,  en  90'j,  à  l'église 


824  l'arrondissement  de  vitry-le-françois 

de  Compiègne,  sous  la  condition  que,  après  sa  mort,  Boson,  son 
frère,  évêque  de  Châlons,  en  aurait  l'usufruit  sa  vie  durant,  à 
charge  par  lui  de  donner  chaque  année  une  livre  d'argent  pour 
faire  dire  des  prières  le  jour  anniversaire  de  sa  mort.  Cet  acte 
fut  homologué  par  un  diplôme  de  Charles  le  Simple,  en  date 
du  26  juillet  917. 

[Gallia  Christiana  :  Ecchsia  catalaunensis^  t,  IX,  ch.  XL,  p.  870. 

—  Dom  Bouquet  :  t.  IX,  p.  534.  —  Bréquigny  :  I,  378.) 

928 
La  donation  de  Frédérune  resta  pour  ainsi  dire  sans  effet,  car 
Ponlhion  ne  tarda  pas  à  passer  entre  les  mains  du  roi  Raoul  et 
d'Héribert  de  Vermandois,  qui  détenaient  Charles  le  Simple 
prisonnier.  Nous  verrons,  à  propos  de  Vitry,  que  quand 
ils  le  jugèrent  hors  d'état  de  nuire,  ils  lui  rendirent  la  liberté, 
ainsi  que  sou  domaine  de  Ponlhion,  dont  il  ne  jouit  pas  long- 
temps, puisqu'il  mourut  peu  de  temps  après,  en  929. 

{Société  de  l'histoire  de  France.  Richer  :  Histoire  de  son  temps.,  liv,  I, 
ch.  LV,  p.  105.  —  Pertz  :  Monumenta  Germaniœ  historica.  — Richer  ; 
Hist.,  liv.  I,  t.  III.  p.  584.) 

PONTHION    SOUS    LoUIS    d'OuTREMER. 

952 
Nous  assistons,  eu  9b2,  à  une  guerre  civile  entre  le  roi  Louis 
d'Outremer  et  Hugues  le  Grand  ou  le  Blanc,  qui  s'était  désisté 
en  faveur  du  roi,  qu'il  espérait  tenir  en  tutelle.  Nous  voyons 
Louis  d'Outremer  et  le  comte  Rainold  pénétrer  dans  le  Perlhois 
et  dévaster  par  le  fer  et  le  feu  les  terres  et  le  domaine  de 
Ponlhion  {Pontigo  fiscus),  dont  s'était  emparé  Héribert,  Ils 
essayèrent,  mais  en  vain,  de  prendre  le  château  de  Vitry,  N'y 
pouvant  parvenir,  le  roi  fit  bâtir  en  face  de  ce  château,  contre 
<i  Victuriacrom  »,  un  nouveau  fort  qui  fut,  dit-on,  élevé  avec 
les  matériaux  provenant  de  la  démolition  du  château  de  Pon- 
lhion. La  villa  royale  de  Ponlhion  avait  vécu. 

l'Pertz  :  Monumenta  Germ,  hist.  :  Frodoardi  annales.^  t.  III,  p.  401. 

—  Dom  Bouquet  :  Rec.  hist.  Gaules  :  Chronicon  Frodoardi^  t.  VIII, 
p.  208. 

Notice  chronologique.,  historique  et  politique  de  Pontyon  en  Per- 
tois,  Vitry,  Martin-Nicaise,  1836.  —  Barbât  de  Bignicourc  :  L'an- 
cien  Ponthion  en  Perthois  ;  Mémoires  de  la  Société  des  Sciences  et 
Arts  de  Vitry4e-François,  t.  IX,  p.  63.) 


AVANT    l'an    mil  82j 

Possesse. 

Pistil'. 

Possesse,  que  M.  Longnon  plice  dans  TAslenois  [Pagus  sla- 
dunensis),  semble  être  Pistœ,  qui  figure  dans  lilinéraire 
d'Anlouiû.  Celait,  d'après  M.  de  Barthélémy,  à  l'époque  carlo- 
viogienue,  une  localité  assez  importante  pour  qu'il  y  soit  tenu 
UQ  concile  en  862. 

(Longnon  :  Etudes  sur  les  pagi  de  la  Gaule ^  1869.  —  De  Barthé- 
lémy :  Diocèse  ancien  de  Châlons,  t,  U,  p.  199.) 

Dans  le  roman  de  Garin  le  Loherain,  de  Jean  de  Flagy, 
chanson  de  geste  du  xii*  siècle,  il  est  question  de  Possesse. 
Gibert  allant  voir  Gariu,  sort  de  Châlons  pour  ne  s'arrêter  qu'à 
Possesse,  à  mi-chemin  de  Bar-le-Duc.  (I.ivre  VI,  ch.  III, 
p.  283.) 

{A  suivre.)  L,  Moulé. 


Glossaire   du    Mouzonnais 


A  s'emploie  ordinairement  à  la  place  de  chez,  dans.  On  dit  :  Je 
vas  au  médecin,  pour  :  je  vais  chercher  le  médecin  ;  je  vas  à 
répicerie,  pour  :  je  vais  acheter  de  l'épicerie  ■,j'cans  au  boulan- 
(jie(r),  pour  :  nous  prenons  notre  pain  chez  le  boulanger. 

Abaissie(r),  v.  abaisser.  —  J'abaisse,  j'abaissans,  v'abaissez,  il 
abaissant;  —  j'abaissos,  j'abaissains,  v'abai3sie(z),  il  abaissaint  ;  — 
j'ai  abaissie;  —j'abaisserai,  t'abaisserais,  il  abaisserai,  j'abaisse- 
rans^  v'abaisserez,  il  abaisserant  ;  —  j'abaisseros,  j'abaisserains  ; 
—  An  abaissant.  —  On  entend  quelquefois  prononcer  Abachie(r). 

Cis  feu  fu  si  grans  et  si  cribles  que  nel  pot  nuls  abaissier 

ne  esteindre. 

(ViUehardouin.) 

Très  liaute  amor  qui  tant  s'est  abessic. 

(Perrin  d'Angecourt.) 

Les  Engles  lances  abaissies  et  ferans  chevaux  des  espérons. 

(Froissart.) 

Abandouner,  v.  abandonner.  —  P.  p.,  abandonné. 

Brochet  le  bien,  le  frein  li  abandunet. 

(Chanson  de  Roland.) 

Franceis  murrunt,  se  a  nus  sabundunent. 

[Id.) 

Qui  irestout  me  abandonne 

Tout  me  tout  (enlève),  tout  me  doune^ 

[Proverbes  dcl  Vilain,  Lincy.) 

Abanner,  v.  publier  les  bans  de  mariage,  à  l'église  :  Cest 
dimanche  qu'ons  abannerai  Pierre  et  Marie;  Pierre  et  Marie  sant 
ABANNÉs,  c'est-à-dire  fiancés,  promis,  et  les  bans  publiés. 

Abat(r)e,  v.  abattre.  —  J'ans  té  aiîat"  in'  aube  on  deux. 
•  Voir  page  641,  tome  VII  de  la  Bévue  de  Champagne. 


GLOSSAIRE    DU   MOUZONNAIS  827 

Abaufumer  (s'),  v.  s'enfler,  se  gonller,  se  garnir  de  pus  : 
M'doigl  s'abaukl'me,  ju  m'ai  piqué  aveu(c)  in'  épine.  Les  Bourgui- 
gnons disent  Baitfe  pour  enflure.  Dans  une  chanson,  Thibaut  de 
Champagne  dit  : 

Dame,  merci,  la  mieux  enbaufamée 
Que  nuil  et  jor  liais'  cent  fois  il'r.n  estai. 

Mais  il  y  a  tout  lieu  de  comprendre  que  ce  mot  signifie  ici 
embaumé,  parfumé. 

Abéliir),  v.  llatter,  caresser,  charmer,  faire  le  bel  pour  attirer  ; 
plaire,  être  agréable  :  I  faut  /■.\rkli(r)  in  peu,  ou  i  n'cinrail  mi. 

Car  forment  m'abelli 
Lor  gieus  à  esgarJer. 

(Gilbert  de  Berneville.) 

Deus  la  fist  pour  enbeiir. 

(Perrin  d'Angecourt.) 

Quant  li  rois  l'a  veïi  forment  li  abcii. 

[Berte  as  grans  pies.) 

Et  bien  fu  la  dame  gardée, 
Que  volentiers  ai  esgardée, 
Car  li  regars  m'abeiissoit. 

(Walriquel  de  Couvin.) 

Aberner,  v.  embrener,  souiller  de  boue,  de  fange,  de  bren  — 
Il  ai  AiiER.NÉ  loule  sa  culotte. 

Ablouquer,  ablouquie(r),  v.  boucler,  mettre  la  boucle 
(blouque).  —  P.  p.,  ablouquie. 

Abochon,  s,,  avorton,  petit  être  sans  force  :  (^we/ abociion  quii 
c't  afant  là,i  n'est  mi  bin  pus  gros  qu'rin  !  —  [."expression  dauphi- 
noise à  boclion  signifie  «  la  face  contre  terre.  »  Notre  mot  désigne- 
t-il  l'enfant  sans  vigueur,  tout  jeune,  qui  a  la  spécialité  de  tomber 
sur  le  nez? 

Abouchie(r),  v.  aboucher  et  [embouchier,  voy.  ce  mot]. 

Abouni(r),  v.  devenir  ou  rendre  bon.  L'temps  s'est  bin  abou.ni 
d'puis  midi. 

About'ner,  aboutouner,  v.  boutonner,   mettre  les  boutons. 

Aboutoune  lu  yilet  !  —  Tpantalon  n'est  mi  abolt'm;. 


828  GLOSSAIRE   DU   MOUZONNAIS 

Abracie(r),  v.  embrasser,  baiser,  donner  l'accolade. — J'abrace  ; 
j'abraços;  j'ai  abracif.  ;  j'abracerai,  t'abracerais;  il  abracerai  ; 
j'abraeeros  ;  a'n  abraçant.  On  dit  aussi  rabracie(v)  pour  embrasser, 
et  surtout  avec  l'idée  de  baisers  réitérés  et  réciproques  :  Je  nous 
ans  bin  rabracies  ! 

Cuntre  son  piz  (poitrine)  estreil  l'ad  embraciet . 

{Chanson  de  Roland.) 

Sa  fille  a  embracie,  si  la  baise  en  la  chère  (visage). 

(Berte  aus  grans  pies.) 

Quant  le  te  veoie 
Autrui  BT.bracier. 

(Jehans  Erars.) 

Abrégie(r),  v.  abréger.  J'abrège,  j'abrégeans,  v'abrégez,  il 
abrégeant;  ~  j'abrégeos,  j'abrégeains,  v'abrégie(z),  il  abrégeaint; 
—  j'ai  abrégie  ;  —  j'abrégerai,  t'abrégerais,  il  abrégerai,  j'abrége- 
rans  ;  —  j'abrégeros,  j'abrégerains.  —  A'n  abrégeant. 

Or  ferai  une  manière  de  somme....  pour  abri'ijier  les  liseurs 
de  croniques. 

(Guillebert  de  Metz.) 


Abruver,  v.  abreuver  :  Ai-l-on  abritvé  les  biles?  L'ancien 
verbe  est  aboivre,  qui  a  donné  abeuvre,  abeuvrer. 

Je  euz  fain,  vous  me  saoulastes 
Et  si  euz  soif,  vous  m'abrucastes. 

(Jean  de  Mcung,  Rose.) 

Abuder,  v.  comme  buder,  aboutir,  abouler,  buter,  frapper, 
toucher  :  A  cheu-ïanl,  ma  lêle  est  venue  abuder  cont(r)e  lapoi'te. 
—  Le  pré  Laurent  bcdant  d'm  côlè  à  B  et  de  l'autrà  à  S.  —  Le 
vieux  français  avait  abuler,  cité  par  Lillré  dans  l'exemple  qui 
suit  : 

Il  fit  résoudre  de  mettre  le  feu  en  toutes  les  rues  qui  abut- 
toient  SX  la  maison  de  ville. 

(D'Aubigné.) 

S'emploie  aussi  avec  le  sens  d'accoler,  appuyer,  de  fixer  : 
Abcdes-tc  conl'  lu  mur  (appuie-toi  contre  le  mur,  afin  d'avoir  plus 
de  force  pour  pousser  ou  résister).  — /  faurrai  abuder  le  volet^ 
pa(r)ce  qui  fait  don  vent  (fixer  le  volet,  pour  qu'il  ne  s'ouvre  pas, 
ce  qui  se  fait  avec  un  pieu  qu'on  aboute  contre  le  volet  d'une  part, 
et  un  objet  résistant  d'autre  part). 

Cis  Jehans  fit  •!-  mur  et  abuda  ce  mur  à  leur. . . 

[Arch.  adm,  de  Reims,  \2yi,) 


GLOSSAIRE    DU   MOUZONNAIS  829 

Aburler,  v.  ramasser  le  foin,  le  mettre  en  tas,  à  buriaus  (en 
bureler). 

A  cause?  interrogation,  pourquoi?  —  Vous  ne  voulez  mi 
chanter  ?  A  cause  ?  A  cause  dil  ça  !  iparce  que  !  ce  qui  n'est  pas 
une  réponse). 

Accompagnie(r),  v.  accompagner.  —  P.  p.,  accompagnie. 

Flour  de  lys  —  Très  grandement  a:compagnie. 

(Froissa  rt.) 

Acconduire,  v.  accompagner  en  amenant:  Je  l'ai  kcosoin  jus- 
qu'à rentrée  don  village. 

Accouchie(r),  v.  accoucher.  —  P.  p.,  accoucliic. 

Et  avint  que  la  reine  fut  i)reste  d'accoucliier. 

(Merlin.) 

...  La  royne  jolie  —  Qui  d'une  fille  estoit  à  ce  temps  acouchie. 

(Guesclin.) 

Sa  femme  i  fu  acouchie  et  relaice  de  une  belle  fille. 

(Froissart.) 

Accouri)r),  v.  accourir.  —  P.  p.,  accouri  ou  accouru. 

Accrochie(r),  v.  accrocher.  —  J'accroche,  j'accrochaiis  ;  — 
j'accrochos,  j'accrochains  ;  —  j'ai  accrochie  ;  —j'accrocherai,  t'ac- 
crocherais, il  accrocherai,  j'accrocherans  :  — j'accrocheros,  j'ac- 
crocherains. 

Coveitlse  ne  sait  entendre 

A   riens  qu'a  l'aulrui  acrochier. 

Rom.  de  la  Rose.) 

Accroupi(rj,  v.  accroupir. 

Accrus,  s.  m.  pi.,  ce  qui  pousse  au  bord  et  en  dehors 
de  la  limite  des  bois.  V.  Concrus. 

Accueùder,   v.    accouder.    Le   vieux    français    disait  souvent 

acouter. 

Dessus  une  feneslre  s'est  aie  aqueulcr. 

{Guesclin.) 

Accueud(r)e,  v.  (l'eu  est  bref),  accoster,  atteindre,  aller 
chercher  le  bout  :  //  ai  fallu  quii  j'va  accui:ud(hje  VauVdeboul,  à 
pus  de  cent  verges. 


830  GLOSSAIRE    DU   MOUZONNAIS 

Tybort  a  laissé  le  pîaidier 
Si  aqueut  l'andouille. 

(Rom.  de  Renart.) 

Chascun  se  veit  as  bons  acueiidre. 

(Id.) 

Pars  euz  n'aqeudrez  mauvais  los 

(fd.) 

Cil  un  par  matin  sa  voie  aqueut. 

(Douin  d'Avesne.) 
Achain-ner,  v.  enchaîner. 

Achauteler,  v.  Enduire  de  chaux  en  poudre  ou  en  dissolution. 
J'achaulelle,  j'achautelans  ;  —  j'achauLeJos  ;  —  j'achaulellerai  ;  — 
i'achautelleros.  —  Par  précaution  on  achautelle  lu  blé  devant 
qu'dù  l'siimer. 

Achessie(r),  v.  chasser,  envoyer,  pousser,  amener.  J'achesse  ; 
—  j'achessos;  — j'ai  achessie;  — j'achesserai. 

De  toutes  pars  achaçoient  les  proies  devant  eus. 

(Guillaume  de  Tyr.) 

Acheter,  v.  On  prononce  :  j'agète,  j'agèterai,  ageter. 

Acheteu(r}.  s.  m.,  acheteur. 

Achever,  v.  On  prononce  :  j'ageuve,  j'agevans  ;  —  j'ai  agevé  ; 
j'ageuvrai;  —  agever. 

Achiferné,  adj.,  enchifrené. 

Achourdi(r),  v.  assourdir,  accabler  par  le  bruit  :  Tu  m'achourdip 
aveu(c)  t'  tambour. 

Achus,  acies,  an'cie,  prép.  Chez.  Dans  le  canton  de  Cari- 
gnan  on  dit  :  J'ai  té  an'cie  vous.  C'est  acies  eus  quonfait  la  noce. 
L'ancien  français  disait  à  clies,  en  chiès  (ad  sedem). 

Or  le  puel-on  trouver  cnchies  Gautier. 

(Amis  et  Amile.) 

...  Et  dinoient  e>i  chiez  maistre  Godart,  régaleur  dou  roy  pour  le  temps. 

(Comptes  de  Rtims,  l3o2.) 

Aclore,  y.  enclore. 

Del  monde  tôt  et  de  la  terre 
8i  cum  la  mer  Vaclot  et  serre. 

(Chron.  ducs  de  Norm.) 


GLOSSAIRE    DU  MOUTONNAIS  83  t 

Aco,  co,  adv.  encore.  —  Jil  n'i  ai  mi  co'  lé.  —  jil  ni aim  aco 
tè  (Je  n'y  suis  pas  encore  allé). 

Acoisi(r)  et  racoisi(r),  v.  Rare  aujourd'hui  :  tranquilliser, 
rendre  coi  (quietus),  apaiser. 

Sire,  or  vous  aquoisiés. 

{Cygne.) 

El  la  dedens  fu  la  cose  acoisie  et  apaisie. 

{Chron.  de  Rains  ) 

Acombrer,  v.  encombrer.  —  P.  p.,  acombré. 

Acorner,  v.  encorner,  donner  des  coups  de  cornes  ;  Xos  deux 
cabcs  s'ant  acornéiis. 

Acostant,  adj.,  qui  accoste,  va  au-devant,  avec  amabilité 
et  bienveillance. 

Acouragie(r),  v.  Encourager.  J'acourage  ;  —  j'acourageos  ;  — 
j'ai  acouragie.  —  Acourageant. 

Glorieuse  vierge  Marie, 

Puisque  vos  serviches  m'est  biaus, 

Et  je  vous  ai  encoragie 

Faiz  en  sera  uns  chans  nouviaus. 

(Adam  le  boçu.) 

Li  pople  de  Israël  (ud  acoragiez  de  faire  le  service  Deu. 

(Liu,  des  Rois.) 

S'Acouvissie(r),  v.  S'accroupir,  Se  dit  mieux  de  la  poule, 
quand  elle  se  niche  pour  couver.  Elle  s'acouvisse  ;  s'acouvissot:  — 
s'ai  acouvissih:  ;  — s'acouvisserai  ;  — s'acouvisserot  ;  —  à  s'acou- 
vissant.  —  Vpauv  pélil  s'ai  acouvissie  ias  fcoin^pi  i  s'ai  adormu. 

Acquerre,  v.  acquérir.  —  Rarement  employé. 

Acramillie(r),  acrami-iie(r),  v.  emmêler,  embrouiller,  entor- 
tiller. Rest'  tranquille,  lu  vas  acrami-he  n)  ma  lainnc.  —  //  m' 
semb{l)e  quil  leus  affaires  sant  ben  acramillies.  On  rencontre  ce 
mot  dans  les  vieux  textes  et  aussi  acrabillier. 

Serait-ce  le  verbe  enlrcniHcr  sous  la  forme  italienne  inlra- 
mischiare?  Ou  bien,  est-ce  l'ancien  terme  agriiml^  agrumci^ 
fâché,  embarrassé"?  dans  ces  vers  de  Rutebeuf  ; 

Car  sont  trop  agramei 
La  gent  dont  Diex  a  plus  a  faire 
Cil  d'Acre,  qui  n'ont  nul  ami. 


832  GLOSSAIRE   DU   MOUZONNAIS 

Acrassie(r),  v.  encrasser.  —  P.  p.,  acrassie  :  M'fusi  est  tout 
ACRAssiE  :ju  n'sais  commat  m'y  'prcnre  pou{r)  lnetto-iie{r).  —  Ea 
réalité,  remplir  de  cuas,  gras,  graisse,  ordure... 

Acroûte(r),  v.  encrotàler. 

A  c't'heure,  voy.  Asteur. 

Adamagie(r),  v.  endommager,  gâter.  —  P.  p  ,  adamagic. 

Une  guerre  moult  Vadamagea. 

{Cygne.) 

Et  il  nous  couronl  sus  pour  nous  adamagier. 

(God.  de  Bouillon.)      • 

Les  bonnes  fens  devant  nommés  ont  esté  adomagies  et  blasmées 
sans  véritable  occasion. 

[Chron.  de  Valencicnnis.) 

Adamer,  v.  entamer. 

■Sus  le  seneslre  espauUo  tu  la  chars  atamée. 

(Bastars  de  Buillon.) 

Pour  parlfir  a  une  femme  qui  avoit  la  laingue  endammee. 

{Arch.  adm.  de  Rciina,  1309.) 

Par  la  mort  qui  tout  met  a  fin 
Et  qui  nos  cors  mort  et  endame. 

(Jean  de  Condé,) 

Adamure.  s.  f. ,  entame.  —  fain-me  bin  rAiuMi'RE  don  pain. 

Adauler,  adôler,  v.  gâter,  tlatter,  caresser,  aduler,  plaindre.  — 
1  s  fait  ADAULER  com  in  afanl  d'deitsans.  Le  mot  serait  aujourd'hui 
endeuiller,  douloir,  plonger  dans  le  chagrin,  la  tristesse,  la  dou- 
leur. Néanmoins,  on  a  lu,  dans  l'ancien  dialecte,  s'adoulcr  pour 
se  plaindre. 

Titus   trop    se    dolul  (plaignit)  d'un   jour   que   il    n'avoit 
donné  nul  bénéfice. 

(Joinville.) 

S'est  Ivaries  porpensé 

De  la  mort  de  son  (il,  dont  il  est  adolé. 

(Quatre  fils  Aymon.) 

Por  vos  sui  si  adolés  (peiné) 
r^t  si  malement  menés 
Que  ie  n'en  cuit  vis  aler. 

(Aucassin  et  Nicolete.) 


GLOSSAIRK    DU    MOUZONNAIS  833 

S'ele  ne  fust  si  adoléc  (endeuillée,  blessée) 
Mult  bon  déduit  eûsl  de  li. 

(Amadas  et  Ydoine.) 

Adêver,  v.  endêver,  agacer,  troubler,  endiabler,  rendre  fou.— 
Dans  le  vieux  français,  desvê,  dcrc',  signifiait  fou,  insensé,  des- 
titué de  sens  (deviare). 

Adeviner,  adviner,  v.  deviner,  découvrir. 

Or,  regardés  comment  j'ay  bien  adcviité. 

{Godcfroi  de  Bouillon.) 

Pour  ce  devons  nous  aduvincr  se  les  gens  voelent  ko  nous 
lor  donnons. 

(Li  ars  d'amour.) 

Adimanchier),  v.  endimancher.  —  P.  p.,  adimanchic.  — 
Qu'esl-cc  qui  ni  ai  donc  quil  l'maire  esl  adimanchie  anoui'l 

Il  fit  adimanclier  les  quatre  curez. 

(D'Aubigné.) 
Adiu,  adieu. 

Adjugie(r),  v.  adjuger.  —  P.  p.,  adjiigic. 

Chose  adjugic  par  la  court. 

(Litlré,  Mil"  s.) 

Ador  et  endor,  adj. ,  endormi,  engourdi,  insensible.  —  Je  m'ai 
attrapé  {louché)  après  'n  soquctlc,  j'ai  tout  te  picid)  auou. 

Adormi(r),  v.  endormir.  —  J'madors,  j'iious  adormans  ;  — 
j'  m'adormos  ;  —  j'm'ai  adoiîml"  ;  — j'm'adormerai  ;  j'm'adormeros, 

—  A  m'adormant. 

Adossie(r),  v.  adosser.  —  P.  p.,  adossic  :  La  iniison  cal  Auoi- 
siK  à  la  cote. 

Adouci(r),  v.  adoucir. 

Adrecie(r/,  v.  adresser.  — J'adresse,  j'adressans  ;  — j'adrcssos; 

—  j'ai   ADRECiE  ;    j'adresserai,    t'adresserais,    i!    adresserai;    — 
j'adresseros.  A'n  adressant. 

Belle  Doette  s'est  en  estint  drecie, 
Voit  l'escuier,  vers  lui  s'est  adrecie. 

(llomanccro.) 

o3 


834  GLOSSAIRE    DU   MOUZONNAIS 

Une  periere  i  ont  drecie 
Qui  por  jeter  fu  adrccie. 
Là  ù  li  murs  estoit  crevés. 

(Gauvain.) 

Adurci(r),  v.  endurcir.  —  P.  p.,  adiirci. 

Mes  y  est  adurci  comme  un  vieil  asne. 

(XV  joijes  de  mariage.) 

Adurer,  v.  endurer,  supporter,  —  J'n'ai  su  Taduker  (je  n'ai 
pas  pu  le  supporter,  le  souffrir).  Le  participe  présent  adurant, 
signifie  surtout  patient,  fort  contre  la  souffrance  ;  le  participe 
passé,  aduré,  devient  adjectif  avec  la  signification  d'endurci,  rude, 
fort,  vigoureux. 

Bien  vos  poés  venger  de  Bueve  ïaduré. 

{Quatre  fils  Aymon.) 

Advant,  préposition  employée  seulement  dans  le  mot  qui  suit, 
où  il  signifie  avant. 

Advant- z- hier,  adv.,  avant-hier. 

Adveni(r),  v.  devenir,  et  quelquefois  avenir,  arriver.  —  J'ad- 
vins,  j'advenans  -.  —  j'advenos,  jadvenaius,  v'advenie(z),  il  adve- 
naint  ;  — j'ai  adv  e.nc  ;  —  j'advinrai,  t'advinrais,  il  advinrai  ;  — 
j'advinros. 

Adviner,  adeviner,  v.  deviner.  —  J'advine  ;  —  j'ai  adviné  ; 
—  j'advinerai. 

Il  n'en  venra  mie  senœc  (sans  cela) 
Si  con  je  pens  et  advin. 

(Rodel,  Jus  S'-Nicholas.) 

Et  de  moi  tant  advina. 

(Froissarl.) 

Mais  il  adevine 
Car  elle  est  faulse  et  variable. 

(Coquillart.) 

Advinette.  s.,  devinette,  énigme  ;  jeu  de  la  devinette. 

Juiens  nous  aux  adviniaus. 

(Froissart.) 

Advineu(r),  s.,  devin,  déchiffreur. 

Et  aussi  s'en  partirent    llelenus    ung    adevincur,    lequel 
estoit  aussi  111s  de  Priam. 

iGuillebet't  de  Melz.) 


GLOSSAIRE    DU    MOUZONNAIS  835 

A   fait,    adv.,    entièrement,   à    mesure.   —   Eu    français,    fait 
maintenant  partie  de  l'expression  adv.  tout-à-fait. 

A    fait  (]uo  llanuier  semoient 
A  lor  volonté  los  prendroient. 

(Cygne.) 
A   fait  k'il  viennent  à  l'estour 
Lor  aprendenl  François  un  tour. 

(Ph.  Mouskes.) 

Li   duc    ardit    tous  les    V   cens  si   à  fait,  qa'illi  ne  leur 
demorat  riens. 

(Jean  d'Oulremeuse») 

Afant,  s.,  enfant.  —  Le  vieux  français  disait  plus  souvent  Efant, 
et  quelquefois  enfés. 

Jli  doi  (deux)  afant,  li  fil  de  ma  moillier  (femme). 

{Garin  le  Lohcrain.) 

Lasse  !  fil  ele,  mon  c/fanf  ! 
Lasse  !  je  Tamoie  tant  ! 

{Vie  de  S.  Aiex's.) 

Afantillage,  s.,  enfantillage,  puérilité,  vétille. 

Affichie(r),  v.  afficher.  —  P.  p  ,  affichic. 

Afficot,  3.,  manche  en  os,  où  la  tricoteuse  place,  pour  la 
maintenir,  une  grande  aiguille  à  tricoter. 

Aficeler,  v.  Lier  avec  une  licelle.  —  //  est  mal  aiiceli^:  (il  est 
mal  mis;. 

Affi-iietr  ,  v.  engager  par  foi  ou  contrat,  faire  une  convention,, 
promettre,  assurer.—  P.  p.,  affi-licir).—  J'ai  afki-iie  'ii  servanlc 
poui^r)  la  semain-ne  qui  vint.  —  Je  nous  ans  akfi-iiks  tous  les 
deux  das  la  mein-me  maison  (uous  nous  sommes  engagés  comme 
domestiques...).  —  Le  verbe  s'aki-ier,  s"en  remettre,  avoir  con- 
fiance, est  mis  pour  s'en  fier  :  et  homme  là  s"aii-ik  trop  a  lou. 

Je  vous  affc  c'aulre  moullier  n'arai. 

(Cytinc.) 
Aies  comme  amis  vous  aff 
Et  seur  mon  désir  vous  jure. 

(Perrin  d'.Vngccourl.) 

Je  vous  affie  qu'il  semble  mieulx  à  ung  songe  ou  fantaisie 

qu'a  auUre  chose. 

(Jehan  de  Pans.) 


836  GLOSSAIRE    DU   MOUZONNAIS 

Je  n'y  vois  pas,  dit  Panurge,  je  vous  affic. 

(Rabelais.) 

Il  s'affioil  tant  en  sa  poissance. 

(Froissart.) 

Afiler,  V.  enfiler.  —  Jii  n\v)ois  pus  clair  poit{r)  akileh  m'/i 
aguïc. 

Affligie(r)^  v.  affliger.  —  P.  p  ,  affàgie.  —  lleslhen  akfligie, 
c'f  homme-là  -.  (il  a  des  infirmités,  il  est  bossu,  boiteux,  etc. 

Affoler,  V.  blesser.  Actif  et  pronominal.  —  J'crois  quii  j'mai 
AVFOLi:  a  roulant  çule  grosse  pierre  la.  —  C'est  s  camarade  qui 
l'ai  AFFOLÉ  sans  le  faire  esprès. 

Y  deschaussèrent  leurs  mitaines 
De  fer,  de  paour  de  m'affoler. 

(N ) 

Grant  foison  y  en  eut  de  mors  et  d'a/folés. 

(Boucicaut.) 

Pour  essayer  ses  ongles,  il  m'a  seulement  gratté  du  polit 
doigt  icy  entre  les  jambes,  et  m'a  du  tout  affolée. 

(Rabelais.) 

Et  s'il  chiet  à  la  dame  une  espille,  il  (le  mari)  l'amassera, 
car  elle  se  pourroit  affoler  à  soi  baisser. 

(XV  joyes  de  mariage.) 

Que  mors  que  pris  ou  qu'affoleis 
Des  nostres  il  y  ot  plus  de  XL. 

(Guerre  de  Metz.) 

Affoli(r),  V.  devenir  fou.  —  P.  p.,  aff'oli.  S'emploie  plutôt 
comme  assoti(r),  endêver  :  L'pauo'  garçon,  sa  Juliette  lii  fait 
Ai-FOLiin)  ;  l'amour  lui  fait  perdre  le  sens,  le  dérange. 

Affolure,  s.  f.,  blessure. 

Les  chirurgiens  alfo.'-ment  et  déclarent   le  péril  où   il    est 

constitué,   soit   de  mort,    dcniguration,   affoleurc   ou    autre 

débilitalion. 

(Coutumicr  général.) 

Excepté    es   cas  de    mort,  elforcement    de   femmes,  affo- 
lements d'ommes,  etc. 

(Pricii.  des  Lombards,  Mouzon,  1401.) 

Afforer,  v.  Mettre  un  tonneau  en  pet'ce;  de  forare,  forer,  per- 


GLOSSAIRE    DU    MOUZONNAIS  8?,7 

cer,  trouer  ;  Cest  demain  qii'  f.\FFon.\y&  In  nuve  bière.  —  Ce  mot 
avait  aussi  jadis  une  autre  signification,  celle  de  mettre  le  prix  aux 
boissons,  aux  denrées  exposées  en  vente  (forum),  et  présentait 
l'autre  forme  :  afeiirer,  a/iierer  (fuer,  prix). 

Le  vin  aforé  de  nouvel 

A  plaiu  loi  et  à  iilain  tonnel. 

(Jehan  Bodel.) 

Devant  qu'il  (le  vin)  soit  prisé  et  a/fore  par  les  eschevins. 

{Coutumicr  général.] 

AfiFro-iie(r),  v.,  frayer,  ouvrir  passage,  préparer,  essayer.  — 
P.  p.,  a/J'ro-iie.  —  1  ni  ni  chu  trop  bin  d'ia  neige  :  i  f  aurai  qu' 
/affhoïans  in  chemin  fouir)  aller  à  l'église.  —  J'ai  AFFao-iie  mes 
nues  soleis  hier. 

Et  cil  —  Ne  se  volt  a  lui  afjToier 
D;  si  qu'il  ot  lot  son  loier. 

(D'abliau,  Fouteor.) 

Affûter,  v.  se  mettre  à  l'alfùt  (du  gibier), 

Affuteu(r)^  s.,  braconnier,  qui  se  met  à  l'affût. 

Afoiicie(r),  v.  enfoncer.  —  j'afonce,  j'ai  a/oncie,  j'afoncerai. 
~  J'  m'ai  Aïo.NciK  in  clou  clas  l'  pie[d). 

Afourchie(r),  v.  Enfourcher^  donner  un  coup  de  fourche, 
transpercer.  — P.  p.,  ajourchie. 

Afourner,  v.  enfourner,  mettre  au  four. 

Afroumer,  afrumer,  afremer,  v.  enfermer.  —  Cl  homme-là 
ai  reslé  pendant  cinq  ans  afroumé  das  'n  prison. 

S'en  fu  bien  V  ans  en  prison  afrumée. 

(Cygne.) 

Et  furent  si  sourpris  qu'il  s'cnfrcmèrcnt  dedens  le  castiel. 

(Chron.  de  Rains.) 

Afûler,  v.  AfI'ubler,  habiller  ridiculement  ou  bizarrement. 

Afumer,  v.  enfumer.  —  0ns  ai  afusié  'n  nichée  du  renards 
das  in  naille. 

Agace,  agache,  s.  f.,  pie.  —  liai,  la  gazza. 

Quant  agaces  ou  pyez  gargonnenl  dessus  une  maison, 

(Evangile  des  Quenouilles.) 


838  GLOSSAIRE    DU    MOUZONNAIS 

Ce  qu'en  fait  de  baljil  y  savoit  notre  agace 

(In  Fontaine.) 

Agace,  adj.,  agacé,  comme  par  un  acide  :  J\ii  les  dénis  agaces, 

Agacia,  s.  m.,  acacia. 

Agacie(r),  v.  agacer,  produire  la  sensation  désagréable  de 
l'acide,  de  l'aigre,  —  du  bruit  aigu,  strident.  —  Ennuyer,  énerver. 
—  J'ai  les  deuils  agacie(s)  d'a{i')oi(r)  mangic  d'  l'oseille. 

Agagie(r),  v.  engager.  —  J'agage,  j'ai  agagie,  j'agagcrai.  — 
Nol'  pus  grand  s'ai  acagie  das  les  dragons. 

Engaigier  me  puet  et  vendre, 

(Perrin  d'Angecourt.) 

Agambée,  s.  f.,  enjambée.  —  /'  marchot  à  grand'  agambkes. 

.Mais  ne  vous  aprocii's  de  moi  plaine  engambée. 

{Cygne.) 

Agamber,  v,  enjamber,  passer  par  dessus  un  obstacle  en  écar- 
tant les  jambes. 

S'il  avient  que  aucun  engainbe  par  dessus  un  petit  enfant. 

(Kvangiie  des  Quenouilles.^ 

Age,  est  féminin  (aetas)  :  C'est  la  belle  âge. 

Nous  poons  trover  Vaage  de  la  lune,  quele  ele  est  on  cas- 
cun  jor  du  mois. 

(Comput.) 
Ce  n'est  rien  noslre  âge  fuiarde. 

(Baïf.) 

Agencie{r),  v.  agencer,  arranger,  disposer. — J'agence,  j'agen- 
çans  ;  —  j'agenços  ;  —  j'ai  agencie  ;  —  j'agencerai,  l'agencerais,  il 
agencerai.  —  Çute  mécanique-là  est  bin  mal  agen'cie.  —  Mal  agen- 
cie, mal  babillé. 

Et  por  agencier  le  plus  bel. 

(Rom.  de  lienarl.) 

Li  uns  estoit  mas  et  pensis 

Embron.-'hies  et  mal  agensis 

Et  de  moult  viex   dras  vestus   fu. 

(J.  de  Condé.) 

Agenoinllie(r),  v.  agenouiller,  P.  p  ,  agenouillie. 


GLOSSAIRE   DU    MOUZONNAIS  839 

Levez  sus,  sire  clievaliers;  vous  ne  vous  devez  pas  aijenouil- 
lieVt  qaï  portés  les  reliques. 

(Joinville.) 
Devant  Roilan  se  vail  engenoillier. 

(Gérars  de  Viane.) 
Ageter,  v.  acheler. 

Agie,  adj.,  âgé,  âgée.  Le  vieux  français  disait  aagié. 

Agi(r),  v.  agir. 

Agis,  s.  m.  pi.,  les  êtres  d'un  lieu^  d'une  maison  ;  —  Laissez- 
lii  faire,  i  connaît  les  agis. —  Le  mot  appartient  à  la  vieille  langue; 
qui  écrivait  :  açjiz,  agies,  et  même  âges,  pour  signifier  chemins 
détournés  (agea). 

Aglu-iie(r),  v.  engluer.  —  P.  p.,  aglu-iie. 

Agober,  v.  être  déçu,  trompé,  attrapé.  —  Tu  /'agobes,  vins! 
r  pccfion  est  sauve.  C'est  le  vieux  mot  gaber,  railler,  moquer. 

Deu  ki  sires  est  del  ost  de  Israël  Ici  tu  as  ««charni  et  gabé. 

(Liv.  des  Rois.) 

Agoncie,r\  v.  engoncer,  embarrasser,  gêner.  —  P-  p.,  agon- 
cie.  —  Ci  hobit-là  /'agonce  :  ra  n'ii  va  mi  bin  ! 

Agoiii(r),  V.  agonir,  accabler  de  mauvais  propos. 

Agobille  ou  gobilie,  voy.  ce  mot. 

Agorgie(r),  v.  engorger.  —  P,  p.,  agorgie.  —  C'est  tout  de 
meinme  moul  geinnani  d''aoi{r)  loujou(r)s  les  tuiaus  agorgie.s. 

Agoutant,  adj.,  agréable  au  goùt,  excitant;  contraire  de 
dégoiitant.  —  Ça  n'est  guère  agoutant  d'mangic(r)  citus  eus. 

Agrandi(r),  v.  agrandir. 

Agrangie(r),  v.  engranger,  mettre  engrange. —  P.  p.,agrangie. 

Choses  ki  ont  vertu  de  croistre  e!  d'eugrangier. 

{Li  ars  d'amour.) 

Agrape,  s.  f,,  agrafe.  —  C'est  l'ancienne  forme  du  mot,  dont 
il  y  a  un  reste  dans  grappin. 


840  GLOSSAIRE    DU   MOUZONNAIS 

Agraper,  v.  agrafer,  accrocher.  —  Saisir,  prendre,  atteindre, 
attraper.  C'est  surtout  dans  ce  dernier  sens  qu'on  le  rencontre 
dans  les  vieux  auteurs. 

Au  col  de!  ceval  s'agrapi. 

{Gauvain.) 

Bertrand  agrappa  la  pique, 

(Du  Gange,  Littré.) 

Il  faut  bien  adviser  comment   on   y   entre  pour  en  issir,  et 
sans  estre  agrappé  comme  poisson  à  la  nasse, 

CGerson,  1405  ) 

Agraissie(r),  v.  engraisser.  —  P.  p.,  agraissie. 

J'ai  toz  iorz  engressie  ma  pence 
D'autrui  chatel,  d'autrui  substance. 

(Rutebeuf  ) 

Agrément,  pron.  agré-iemenl. 

Agriab(l)e,  adj.,  agréable. 

Aguichie(r),  v.  Agacer,  exciter,  provoquer,  faire  rager.  — 
J'aguiche,  j'aguichos,  j'ai  aglichie,  j'aguicherai. 

Aguichie,  part.  adj.  Embarrassé  par  l'huile  et  la  graisse.  Se 
dit  des  rouages  dont  les  mouvements  sont  gênés  :  Les  roues  d'  noV 
horloge  sant  aglicuies. 

Agu-ïe,  s.  f.,  aiguille.  —  Jil  ?i'  sais  pus  afder  m'n  aguïe. 

Si  pris  l'aguille  à  enfiler. 

[llom.  de  la  Rose.) 

Fers  de  alêne,  greiffies,  agu'dlcs  estamines. 

{Liv.  des  métiers.) 
Agu-ue,  agu-illie,s.  f.,  aiguillée. 

Si  font  voler  de  lor  filé 

Grans  aguillies  de  fil   blanches 

(Rom.  Rcnart.) 

Agu-ïon,  s.  m.,  aiguillon  :  La  toape  ai  laissie  s'a  agu-ïon  das 

m'  doigt. 

Robert  le  Nain  par  grant  eschar 

Les  poingnoit  toz  d'un  aguillon. 

(Andeli.  —  Vil  ars.) 

Ele  adere  son  iiointillon 
Ensement  com  un  aguillon. 

ÇDolopai/ios.) 


GLOSSAIRE    DU    MOUZONNAIS  841 

Aguz  comme  aquillon. 

(Villon.) 

Agugie(r),  V.  aiguiser.  —  P.  p.,  agugic.  —  Ma  faux  est  mal 

AGL'GIE. 

Aguinchie(r),  v.  Habiller  mal,  de  travers.  —  P.  p.,  aguin- 
cliie.  —  Ce  mot  est  probablement  formé  du  vieux  verhe  giienc h ir, 
devenu  gauchir,  aller  de  travers.  —  Elle  aguinche  mont  drôlernat 
s'n  afant. 

Ahaner,  v.  Labourer,  travailler  la  terre  pour  les  semailles,  — 
Les  ahans  étaient  jadis  les  produits  (du  travail)  de  la  terre;  mais 
ce  mot  a  aussi  désigné  le  travail,  la  fatigue,  l'effort.  —7'  îi'ahane- 
RANs  nos  terres  quii  la  semainne  qui  vint. 

Et  tourbloit  si  le  paï's  qu'on  n'i  semoit  ne  ahanoit  nient. 

{Cfiron.  de  liains.) 

Et  avoit  campaigne  entre -II- oii  on  poil  a/iangr  et  culiiver. 

(  Chron.  de  Rains.) 

Ces  félons la  terre  ahanneront. 

{Baudouin  de  Seboiirc.) 

A  Jérusalem  où  il  eut  maint  ahain. 

{Gilles  de  Chin.) 

Et  se  li  dit  marchant  n'avoiont  cueilliet  leurs  troys  ahans 

dessus  dis. 

[Cart.  de  lielliel,  1301.) 

Tu  n'as  ne  terre,  no  ahans,  qui  ne  soient  lous  mis  à  cens. 

(b'roissart.) 

Il  convient  que   li   ahaîiniers  (laboureur),  quand  il  auera 

enroiet  un  champ  à   l'un  des  lés,  que    il    ne   puist  ailleurs 

enroer. 

{Ordonn.  de  Reims,  1378.) 

Li    prodons   pooit  faire   testament   del  moilié   des  embla- 
veurs,  partant  qu'ilh  avoit  les  terres  ahannecz  de  sa  cheruwe. 

{Pau'eiihars.) 

Ahardir,  v.  enhardir, 

Alionchie(r),  v.  Faire  de  vifs  reproches,  disputer,  dire  des  sot- 
tises. —  P.  p.,  alwncliie.  —  Quand  j'ai  vu  Pierre  qui  passai  das 

ma  terre,  j'  l'ai  ahonchie  in  peu  comme  i  faut. 

Ahoter,  v.  Embarrasser,  empêtrer,  embourber;  —  entrer  dans 
la  terre  molle,  d'où  on  ne  peut  se  tirer.  —  Tai  ahoté  m'  cher  das 


842  GLOSSAIRE   DU    .VJOUZONNAIS 

la  berne  ;  }'  n\ii  jamais  su  le  déhoter.  —  Le  vieux  mol  hoc 
désignait  un  crochet.  L'ancien  terme  anroiér  signifiait  embar- 
rassé dans  une  ornière,  d'où  nous  aurions  tiré  aroté,  puis  ahoté. 

Ensi  comme  il  le  portoil  viers  son  lit,  ses  esporons  ahoka 
à  la  sarge  au  toron  du  lit. 

(Flore  et  Jehanne.) 

Ai,  ais,  ai,  j'ai,  tu  as,  il  a.  —  Les  trois  personnes  du  futur 
étant  formées  du  verbe  et  de  présent  du  verbe  avoir,  sont  donc,  dans 
notre  patois,  terminés  par  ai,  ais,  ai  —  ans,  ez,  ant.  —  J'  lir-ai, 
lu  lir-ais,  i  llr-ai  —  /'  lir-ans,  v'  lir-ez,  i  lir-ant  -.  c'est-à-dire 
j'rti,  Vais,  il  (V/,  —  i'ans,  v'ez,  il  ant  à  lire. 

Aidie(r),  v.  aider.  — J'aide,  j'aidos,  j'ai  m'c;?/^,  j'aiderai,  aidant. 

Li  manda  que  il  estoit    prez   de   li    aidier   à  conquerre  la 
Terre  Sainte. 

(Joinville.) 

Et  voulons  que  lesdiz  Lombars  soient  aidies  et  confortez. 
{Prioil.  des  Lombards,  Mouzon,  1402.) 

Et  lui  pria  que  il  lui    volsist  envoyer  gens   par  coi  il  fust 
soudainement  aidie  s'il  besoinguoit. 

(Froissart.) 

Aigrefin,  voyez  égreffln. 

Aigrelle  (pomme  d'),  alise,  fruit  de  l'alisier,  famille  des  rosa- 
cées, consistant  en  une  toute  petite  pomme  rouge  de  saveur  aigre- 
lette. 

Aigrellie(r),  s.  m.,  alisier, 

Aigrimoin-ne,  s.  f.,  aigremoine,  eupatoire,  plante  médici- 
nale. 

Absinthe,  eupatoire  ou  agrimoine. 

(A.  Paré,  dans  Liltré.) 

Aigri(r),  v,  aigrir. 

Ain-mab(l)e,  adj.,  aimable. 

Ain-mer,  v.  aimer.  —  J'ainme,  j'ainmans,  v'ainmez,  il  ainmant  ; 
—  j'ainmosjj'ainmains,  v'ainmie(z),il  ainmaint  ;  —  J'ai  ain-mé  ;  — 
j'ainmerai,  t'ainmerais,  il  ainmerai,  j'ainmerans,  v'ainmerez, 
il  ainmerant;  — j'ainmeros  ;  —  ainmant. 

Entre  gent  qui  ne   l'ainment  goûte 

(Rutebeuf.) 


GLOSSAIRE    DU    MOL'ZONNAIS  8'»/{ 

Vii'gili>  ainme  moull  cel  livre. 

(Dolopathos.) 

Tex. . .  ki  ainme  Dieu  et  sort  et  prie. 

(Li  H  is  de  Cambray.) 

Vous  n'amés  par  amours  aussi  commj  ces  autres  dames 
qui  toutes  ainmcnl. 

(Flore  et  Jehanne.) 

Sur  toutes  llours  yainmc  la  margherite. 

(Froissart.) 

Ain-né,  adj.  et  s.,  aiiié.  De  ains-nê  (anle  natus),  premier  ri6. 
On  rencontre  csnel,  dans  les  vieux  textes,  qui  a  laissé  le  nom 
propre  Lesnel,  Lênel,  désignant  primitivement  le  fils  aîné.  Ici  la 
nasalisation  de  ai  est  étymologique  et  contenue  dans  ains  (avant). 

Je  ay  estably  que  li  ainncz  lils  poura  encontre  tous  ses 
frères  puisnez. 

(nerf  de  l-2-2'i,  Thibaut  IV,  le  Grand.) 

Li  ainsne:  de  ces  fils  ot  à  non  JofTrois. ...  et  11  mainsnes 
ot  a  non  Guillaume, 

(W';  de  iVormaniù'.) 

Aire,  s.  f,,  sol,  terrain,  surface  plate.  —  J'  vas  t'  f ..  {Ilanquer) 
les  quai'  patl's  en  /'aire  :  je  vais  te  renverser  à  terre.  —  On  dit 
aussi  :  l'aire  à  fu  (l'àtre  à  feu). 

Miex  vodroie  gésir  en  Vaire 
Que  ne  F  fiance  au  sainluaire, 

[Bom.  de  Renart.) 

Airi-ier,  v.  aérer^.  donner  de  l'air,  faire  passer  un  courant 
d'air.  Le  Provençal  dit  ayreiar,  et  Béroalde  de  Verville  signalait 
comme  une  nouveauté  la  substitution  de  aère  à  œré.  (Litlré.j 

Àijrès  les  dras  de  paour  de  vers 

(Cité  par  Palsgrave.) 

Airs  don  jou(r),  s.  m.  pi.,  à  la  naissance  du  jour.  Il  vaudrait 
mieux   écrire   ère  (commencement).  —  J'parlrans  aux  airs  dou 

iou(r). 

Aise,  adj.,  content,  heureux.  —  On  prononce  quelquefois, 
pour  la  liaison,  je  pense,  iaise  :  il  est  moxil  iaise. 

Aisie,  aigie,  adj.,  aisé,  facile,  —  On  n'ai  pas  aisik  d'  trouver 
à  gangnie(r)  sa  vie.  —  On  a  l'occasion  de  prononcer  iaiqie, 
comme  pour  aise.  L'ancien  français  avait  le  verbe  aisikiî  (faciliter), 
dont  notre  mot  est  le  participe. 


.844  GLOSSAIRE   DU   MOUZONNAlS 

Aisiemat,  aigiemat,  adv.,  aisément,  facilemenl. 

Et  qui  vouJroit  légièrement  et  aisiement  trouver. 

(//"  du  Guesclin.) 

Pour  conibatlro  les  Englès  i^ien  aisiement  par  la  ville  de  Caen. 

(Froissart.) 

Aiwe,  ève,  s.  f.,  eau.  —  Besle  dans  Ayvclles,  nom  de  lieu.  La 
forme  Ève  est  encore  usitée  sur  la  Chiers  :  elle  a  laissé  le  mot 
évier,  dénommé  chez  nous  glacie{r)  ou  iavier  (l'évier,  agglutina- 
tion de  l'arlicle). 

Alsi  com  les  aywes  en  lur  chenals. 

(Liv.  de  Job.) 

En  l'esperile  de  la  forsenerie  sunt  amoncelées  les  eves. 

(P»aulier.) 

Et  11  evesqucs  les  cwes  bénissent. 

(Ch.  de  Roland.) 

Et  il  n'en  oïssi  onques  goules  à'eve. 

(Rom.  des  7  Sages.) 

En  semblance  de  vin  et  d'eive  fait  user 

Deus  son  sanc  par  le  munde  pur  les  anemes  salver. 

(Thom.  le  martyr.) 

El  Vaicc  du  puis  clere  esloit. 

{Castoiemrnt.) 

Tant  va  le  pot  al  eu'aqil  brise. 

(Proverbes,  Lincy.) 

Ueve  pour  le  pain,  qui  veut,  si  praigne. 

{Cris  de  Paiis.) 

Ajalée,  s.  f,,  gelée.  —  /  faurot  qui  [ail  'il  bonne  ajalée. 

Ajaler,  v.  geler,  engeler.  —  P.  p.,  ajalé. 

Tornoieur,  vos  qui  aleiz. 
En  yver,  el  vos  enjaleis. 

(Rutebeuf.) 

Ils  n'ont  laissiez  charbon  ne  fer 
Venir  à  Melz  pour  reschauffer 
Ceulx  qui  cstoient  enjalez. 

(Credo  de  Ib^iri  de  Ileis.) 

Ajalure,  s.  f.,  engelure. 

Ajeveler,  v.  Mettre  en  javelles  (jevelles). 


GLOSSAIRE    DU    MOUZONNAIS  84 0 

Ajouquie(r),  v.  Placer,  sur  le  joug  ou  juchoir,  ou  sur  un  lieu 
élevé.  —  P.  p.,  ajoitquie  (juché,  perché  :  Wailc  don{c)  l' paon  !  il 
e5(AJ0UQciE  à  la  son  don  loit. 

Alaidi(r},  v.  enlaidir.  —  Ton  phre  ai  hen  alahii  d'puis  huit 
jours  (son  état  de  sanlé  a  empiré).  —  Se  dit  surtout  du  fait  qu'un 
oiseau  couvant  quitte  son  nid,  parce  qu'il  y  est  trop  souvent  visité 
ou  dérangé  :  le  vieux  mot  laidir,  dire  laid,  sigaiMait  violer,  inju- 
rier, blesser.  Les  lies  sanl  alaidis. 

Alan,  s.  m.,  élan.  —  Prends  l'n  alan. 

Alargi^r),  v.  Elargir,  donner  du  large,  agrandir. 

S-e  il  avient  que  aucun  home  voulle  alargir  sa  maison  sur 

mon  mur  meismes 

(Asiises  de  Jcrmalem.) 

A  la  son,  exp.  adv.;  au  sommet,  en  haut.  —  A  la  son  de  la 
tour  (in  summa  turris)^  a  la  son  d'in'  aube.  Le  vieux  français 
employait  plus  volontiers  ason,  enson. 

Seur  chascune  tour  tout  enson. 

{Adenes  li  Rois.) 

Anson  les  lances  ont  -ij-  contenons  pendans. 

{Girars  de  Vianc.) 
Alein-ne,  s.  f.,  alêne. 

Alignie(r),  v.  Mettre  en  ligne  (droite).  —  P.  p.,  alignie. 

Allaitie(r),  v.  allaiter.  —  P.  p.,  alaitic.  —  On  dit  plutôt  nour- 
ri(r).  —  Est-ce  qu'elle  alaite  sii'n  afanl  ? 

Là  où  la  mère  vuel  son  enfant  alaitier. 

(Chanson  d'A  niiochc) 

Il  nous  convint  douz    fois   descendre  en   la   terre  de  nos 

ennemis,   pour  faire    feu   et   cuire   viande,  pour  les  enfans 

ri'paistre  et  alaitier. 

(Joinville.) 

Alentours  (aux),  environ.  —  //  ai  aux  alkntouhs  dii  cin- 
quante (ans)» 

Allégie(r),  alégiir),  v.  alléger. 

Aller,  V.  —  J'  vas,  tu  vas,  il  va  (ou  vais,  vais,  vait),  j'allans. 
v'allez,  il  allant  (ou  j'  vans,i  vant)  -,  —  j'allos,  j'allains  ;  —  j'ai  tk 


846:  GLOSSAIRE    DU    MOUZONNAIS 

(et  quelquefois  j'ai  allé)  ;  —  j'irai,  t'irais,  il  irai,  j'irans,.  v'irez, 
il  irant  (ou  je  verrai,  lu  verrais,  i  vérai,  j'  véraiis,  v'  vérez,  i 
vérant)  ;  —  j'iros,  t'iros,  il  irot,  j'irains,  v'irie(z),  il  iraint  (ou 
j'  véros,  j'  vérains).  —  A'n  allant.  —  Voy.  Vrrai. 

■    Il  not  guièrcs  aie  (fait  de  chemin),    quant  il  ot  plusieurs 

messages  de. . .  de. . . 

(Joinville.) 

Tant  ont  par  lor  journées  aie  et  pourseû  —  Que. . . 

{Bcrlc.) 
Et  cil  li  ont  tout  aconté 
Cornent  la  chose  avoit  aie. 

(Castoiemcnl.) 

Ke  très  k'à  Vudesloke  avcit  od  lui  aie. 

(  Thomas  le  martyr.) 

Si  se  avisât  et  dist  (]ue  il  les  loiroit  (irait,  veroil)  conforter. 

(Froissart.) 
La  voie  qui  vail  à  Dieu. 

(Maurice  de  Sully.) 

Le  congiet  prist  et  si  s'en  vail. 

{Ainadas  cl  Ydoine.) 

Après  dist  a  -i-  allre  :  Tu  l'en  y  rais  al  empereur  Ollon  à 

Nyvelle. 

(Jeaii  d'OuIremeuse.) 

Et  avoec,  ele  aroit  aie  (été)  contre  sa  fiance  et  contre  son 
sa  i  rement. 

(Ru\  Taillar,  T08.) 

Allongie(r),  v.  allonger.  —  P.  p.,  allongic. 

Garsions  s'enfoï,  por  sa  vie  aloiuiicr 
Amont  cl  haut  cas'el. 

(Chans.  d'Aiilioclie.) 

Alo-ie(r),  v.   Lier_,  allier  (alligare).  —  P.  p  ,  alo-iie.  —  Les 
deux  pauv  bêles  élaint  aloues  asanibe. 

Alonde,  s.,  hirondelle,  aronde.  —  //  ai  mis  sa  habit  à  queue 
(Z'alonde. 

Pluslot  li  cort  quaro/icit  ne  vola. 

(Raoul  de  Cambrai.) 

Kabillarde  aronde,  tais-toi, 

(Baïf.) 
L'aronde  en  l'aicl  criz  pileux  et  iranchans. 

(Marot.) 


GLOSSAIRE    DU    MOUZONxNAIS  847 

Altère,  s.  f.,  arlère.  —  Celle  siibsliUUioii  de  17  à  Vr  esl 
1res  fréquente  :  nous  l'avons  déjà  rencontrée  pour  alondc. 

L'aspre  altère,  comme  un  gouet. 

(Raljelais.) 

Amadoue,  s.  f.,  amadou,  ce  qui  est  doux,  mou,  comme  l'ama- 
dou. J'  n'aiiime  ini  i"  pain  chaud  :  on  diroi  qu'on  mange  de 
/'amado'je. 

Ainanchie(r),  v.  emmancher.  —  P.  p.,  amanchie. 

Se  U  covient  coingnie 
Tranchant  et  enmanchic 

iEstillcment  au  vilain.) 

Amasser,  v.  Faire  des  amassons. 

Nuis  ne   porra   entrer  en  un  champ  pour  moissonner  se  il 
n'est  amassé. 

{Ord.  de  Reims,  1378.) 

Amasson,  s.  m  ,  sorte  de  javelles  que  l'on  l'ail  à  l'aide  du 
râteau  en  ramassant  l'avoine  coupée  et  couchée  en  andains. 

Ambedeux,  adj.,  deux,  tous  deux.  —  N'est  plus  guère  connu 
que  par  la  justice  double,  que  prenaient,  tantùl  à  Ivoy,  tantôt  à 
Mouzon,  les  trois  villages  d'EuilIy,  Vaux  et  Tétaig-ne;,  appelés  pour 
ce  fait  ambedeux. 

Si  qn'ambcdcuz  les  espérons  li  irencha. 

(Fabliaux  du  XIV"  s.) 

lih  estoient  ambedeux  de  Hny  et  tout  d'un  lignage. 

(Jean  d'Oui remeuse  ) 
Amb(r)e,  s.  f.,  framboise. 

Ambri-iie(r),  s.,  framboisier,  qui  porte  ramb(r)e. 

Amein-nagie(r),  v.  .4ménager,  disposer  —  et  emménager.  — 
Amein-nafju(r)  'n  coupe  {dû  bos),  c'est  débiter  le  bois,  le  disposer 
en  tas  mesurés  et  parés,  pour  la  vente.  —  Ces  f/ens-là  anl  amein- 
nagic  hier  ;  jii  n'  nais  dud'  d'ail  's  qui  d'vi'nanl  (je  ne  sais  d'où  ils 
viennent). 

Amein-ner,  Amon-ner,  v.  amener  et  emmener.  — J'amein-ne, 
j'amein-nans  ;  —  j'amein-nos  ;  —  j'ai  nmcin-nr  -,  —  j'amein-ncrai  ; 
a'n  amein-nant. 

La  réiue  l'enfant  enincinnc. 

(Dolopalhos.) 


848  GLOSSAIRE    DU    MOUZONNAIS 

Cil  Vameinnent  parmi  la  ruo. 

(lioman  des  Sept  Sages.) 

Tantôt  commande  à  amcincr  son  cheval. 

(Rom.  de  Renart.) 

Que  nul    marcheant    (Je    poissons  ne  soit  si    hardiz  qu'il 
amainne  paniers  à  Pari'^ .... 

[Ord.  roy.  de  1307) 

Amieller,  v.  Flaller,  allirer  par  des  paroles  aimables,  miel- 
leuses. —  M'man,  V  chat  n"  veut  mi  r'vcni(r)  !  —  AmELLE-lil  in 
peu  ! 

Amignoter,  v.  Cajoler,  amadouer,  adoucir,  llaller.  —  Racine  : 
Mignot,  mignon,  qui  a  donné  aussi  le  vieux  mot  mignotise,  déli- 
catesse, gentillesse.  C'est  l'équivalent  de  Amignarder,  ou  à  peu 
près.  —  Figure  dans  les  Glossaires  de  l'ancien  langage. 

Les  petits  enfants  se  délectent   à  ouir  paroK's  llalteuses 
et  qui  les  amignardcnt. 

(Paré,  dans  Littré.) 

Aminci(r),  v.  amincir. 
Amolli(r),  v.  amollir. 

[A  suivre.)  N.  Goffart. 


LES 

CHANSONS  DE  PERRIN  D'ANGECOURT 


VIII 


Au  tens  novel 

Que  cil  nisel 

Sont  hétié  et  gai, 

En  un  boschel 

Sans  pastoral 

Pastor  trouvai  ; 
Où  fesoit  chapiaus  de  Hors 
Et  chantoil  un  son  d'amors 
Qui  tant  ert  iolis  : 
«  Li  pensers  trop  mi  guerroie  de  vous,  dous  amis.  » 

Par  grant  revel, 
Ens  el  prael. 
Dire  li  alai  : 
S'il  vous  ert  bel, 
Por  vo  chape!, 
Vostre  devendrai. 
Fins  et  loiaus  à  tousiors, 
Sans  iamès  penser  ailiers, 
Et  pour  ce  vous  proi  : 
«  Bergeronele,  fêles  vosireami  de  moi.   » 

Siro,  aies  en  ; 
C'est  pour  noient 
Qu'estes  ci  assis. 
J'aim  loiaument 
Robin  le  genf, 
Et  ferai  tous  dis. 
S'amie  sui  et  serai  ; 
Ne  ia  tant  com  ie  vivrai 
Autre  n'en  iorra. 
«  Robins  m'aim,  Robins  m'a,  Robins  m'a  demandée,  si  m'aura.   » 

*  Voir  page  (382,  tome  Vil  de  la  Revue  de  Champagne. 


850  LES   CHANSONS    DE   PERRIN    D  ANGECOURT 

Mull  longuement 
L'alai  proiant, 
Que  riens  n'i  conquis  ; 
Estroitement, 
Tout  en  riant, 
Par  les  flans  la  pris. 
Sus  l'herbe  la  souvinai. 
Mult  en  fu  en  grant  esmai. 
Si  haut  a  crié  : 
«  Bêle  douce  mère  Dé  !  gardés  moi  ma  chaste.   » 

Tant  i  lulai, 
Que  l'achevai 
Trestout  mon   désir, 
le  la  trouvai 
De  bon  essai, 
Et  douce  à  sentir. 
Adonc  si  me  sui  tornez; 
Et  quant  ie  fui  remembrez 
Si  pris  à  chanter  : 
«  Par  les  saints  Dieu,  douce  Marguet,  il  a  grant  peine  en  bien  aimer.  » 

Vaniantes.  —  Vers  3.  Joli  et  gai  (24.406)  —  7.  Oa  (id.).  —  9.  Moût 
ert  (id.).  —  15.  Pour  ua  (id.).  —  22.  Tout  pour  (id.).  —  29.  Autre  n'ame- 
rai.  —  38.  EtTroi  (id.) 

Glossaihe.  —  Tens  novel,  printemps.  —  Cil  oisel,  ces  oiseaux,  cas  sujet 
pluriel.  —  Hetié,  hailié,  joyeux,  bien  disposés.  —  Boschel,  bocage,  bos- 
quet. —  Pastorel,  petit  berger.  —  Pastourc,  bergère.  —  Son,  chant.  — 
Ere,  était.  —  Revel,  ébats,  jeux,  ardeur,  lutte.  —  Ens,  dedans  (intus),  — 
El  prael,  le  pré.  —  S'il  vous  ert  bel,  si  ce'a  vous  est  (sera)  agréable.  —  Fins 
et  loiaus,  vrai  et  loyal.  —  Proi,  prier.  —  Xoient,  néant,  rien  (nec  entem). 
—  lorra,  jouira.  —  Si,  ainsi,  explétif.  —  Souvinai,  renversai  sur  le  dos.  — 
Chaste,  chasteté,  vertu,  virginité.  —  Trestout,  Irestot,  entièrement.  —  Adonc, 
alors  (ad  lune).  —  Remembrer,  se  souvenir,  se  remémorer. 


IX 

Contre  la  froidor 
M'est  talent  repris 
De  chanter  ioliement, 
De  très  bone  amor, 
Qui  si  m'a  sorpris, 
Que  siens  sui  a  encient. 
Ne  ia  n'en  iere  partis, 
Nul  ior  que  ic  soie  vis. 
.\ins  servirai  loiaument, 

Et  souvent, 
Bone  amour  à  son  devis. 


LBS   CHANSONS    DK  PERRIN   d'aNGECOURT  851 

Ja  n'iert  a  nul  ior, 

Uosignol  iolis. 
Qui  a  femele  se  prent. 

Il  pert  sa  baudor, 

Sd  ioie,  ses  cris. 
Que  doit  vivre  loiaument, 
Se  mes  chanters  n'est   mens, 
N'en  doi  estre  mains  iolis. 
Mes  plus  renvoisiement, 

Et  souvent, 
Doi  chanter,  ce  m'est  à  vis. 

Dame  de  valor, 

Qui  maintient  bon  pris, 
Qui  lins  a  mis  en  jouvent^. 

S'en  bee  à  honor 

Cuer  qui  est  assis 
En  tele  amor  vraiement, 
Le  guerredons  en  est  pris. 
.    Cil  n'est  mie  fins  amis 
Qui  n'en  a  amendement 

Quand  il  prend 
Don  de  si  haut  lieu  tramis. 

Variantes.  —  Texte  du  845.  —  Vers  5.  Conquis  (847),  sesi  ou  seur- 
pris  (LV).  —  6.  Escient  (EV),  essient  (817).  —  9.  Eiaument  ou  bonnement 
(LV).  —  12-13.  Jà  niert  roussignol  iolis  (LV).  —  15.  Qui  pert  (847).  — 17. 
Quant  doit  (847j.  —  21.  Envoisiement  (LV).  —  23.  Mots  omis  par  (LV).  — 
25.  Qui  a  fia  ami  en  jouvent   L^'l.  —  28.  En  celé  amour  le  ramaine  (LV). 

—  29.  Se  guerredons  (847).  —  31 .  Alégement  (847)  ;  Qui  tent  a  , LV).  — 
33.  Leu  (847). 

Glossaire.  —  Talent,  volonté,  envie,  désir,  passion  talentum,  balance). 

—  Encient,  cssienl,  pour  tout  de  bon.  véritablement,  au  su.  —  Jà,  jamais, 
déjà,  certes  (jam)  —  Vis,  vivant.  —  Ains,  mais.  —  Devis,  gré,  désir,  volonté, 
souhait.  —  X'iert,  ne  sera,  il  n'y  aura  (non  erit).  —  Uaudur,  hardiesse, 
crânerie,  gaieté,  allégresse,  —  Meris,  payé,  récompensé.  —  Mes  clianters. 
mon  chant,  suj.  sing.  —  Mains,  moins.  —  lienvoisiemcnl,  envoisiement, 
joyeument,  avec  raffinement..  — A  vis,  à  vouloir,  ce  qu'on  veut;  a  en  vis, 
contre  le  gré,  l'opinion  (vis).  —  Fin  ami,  ami  sûr,  vrai,  délicat.  —  Jjuvenl, 
jouvence,  jeunesse.  —  Béer,  désirer,  espérer,  se  dispeser.  —  S'en,   si   en. 

—  fris,  prix,  récompense,  —  Guerredon,  guerdon,  récompense,  rémuné- 
ration, salaire.  —  Cil,  celui-là.  —  Tramis,  transmis,  envoyé. 


X 


Hélas  !  or  ai  ge  trop  duré  ! 

Vivre  me  désagrce. 
Quant  mes  cuers  m'a  à  ce  mené 

Que  i'ai  ma  dame  irée. 


852  LES   CHANSONS    DE   PERRIN    D'aNGECOURT- 

Si  me  repent. 
Et  li  requier  bonement 
Que  me  reface  ioli 
Par  avoir  de  moi  merci. 

Dolereusement  m'ont  grevé 

Vilaine  geiit  desvée, 
Qui  m'ont  vers  ma  dame  mellé, 

Tant  qu'ele  m'a  veée 
Trop  cruelment. 
Sa  parole  qui  souvent 
M'a  de  grant  ioie  garni 
One  mes,  hom  tant  ne  perdi. 

Mes  auques  m'ont  réconforté 

Selonc  ma  destinée, 
Ce  qu'en  li  est  a  (tel)  plenté. 

Haute  bonté  loée, 
Que  longuement 
N'aurai  pas  son  mautalent, 
Amor  mi  fot  jiorvoir  :  Di 
Qu'a  besoing  faut  son  ami. 

Ho  !    franche   riens,  de  grand  biauté 

Et  de  tos  biens  parée 
Recevez  ma  chanson  en  gré. 

S'ert  ma  vie  honorée, 
Par  un  convent, 
C'onc  mes  si  ioliement 
Gom  ie  ferai  puis  ici, 
En  chantant  ne  m'esjoi. 

Par  fol  stns,  sans  desloiaulé, 

Seiie  né  celée, 
Ai  vers  ma  dame  meserré 

Ou  toute  ma  pensée 
Et  mon  talent 
Ai  mis  si  entièrement  ; 
Mes  se  morir  doi  por  li, 
One  si  bêle  mort  ne  vi. 

Dame  au  cors  gent 
Prenez  mon  chant  bonement  : 
Et  si  le  ferez  ainsi 
Si  morront  mi  anemi 

Variantes.   —  Texte  du  845  et  variantes  du  24.406.  —  Vers  9.  Vilaine 
gent  m'ont  grevé.  —  10.  Mauvaise  genl  desvée.  —  16,  Onques  hom.  —  17. 


LES    CHANSONS    DE    PERRIN    d'aNGKCOURï  8bu 

M'onl  reconlorté  (mau  reconlorté  au  845).  —  19.  Ce  qu'eu  li  a  à  tel  plenté 
lest  à  plenté,  845].  —  23.  Qu'amours.  —  24.  Qu'en  desdaiog  faut  son  ami. 
—  30.  Qu'ains  si.  —  31.  Puisse  issi.  —  32.  Eu  chanlant  moi  esjoir.  — 33. 
Car  fox  sens  de  loiaulé.  —  3b.  Envers.  —  40.  Ains. 

GlOïSaire.  —  Irée,  courroucée,  fichée,  en  colère,  —  Desvée,  folle, 
insensée.  —  ilellé,  brouillé.  —  Véée,  refusée  (vetare;.  —  One  mes,  jamais 
plus  (unquam  magis).  —  Auques,  un  peu,  quelque  (aliquod).  —  A  plenlé, 
en  abondance  (plenitalem).  —  Loée,  louée,  applaudie.  —  Mautalent,  mau- 
vaise dépositiou  ou  inteulion,  colère,  irritation.  —  Faut,  manque.  —  Franche 
riens,  libre,  fijénéreuse  créature  (rem).  —  S'ert,  si  ert,  ainsi  sera.  —  Con- 
verti, convention,  engagement,  —  l'uis  ici,  à  partir  de  ce  moment.  —  Esjoi, 
réjouis.  —  Seue  ne  celée,  ni  connue  ni  cachée.  —  Meserré,  mal  agi.  — 
Cent,  adjectif,  noble,  beau.  —  loli,  Gai.  —  Par  avoir,  en  ayant. 


XI 

Quant  li  biax  estez  repère, 

Qu'arbre  sont  foilli. 
Que  chascuns  oisiax  s'apere 

Pour  le  tens  ioli 
Las  !  il  ne  m'est  pas  ensi  ! 

Ains  muir  d'esmaiance; 
Car  celé  ou  tant  a  vaillance, 

Des  bêles  la  flors, 

Croit  les  menteors 
Si  me  terne  a  mescheance. 

He  !  mesdisant  de  maie  aire  1 

Tuit  loial  ami 
Doivent  hair  vostre  alfere. 

Vous  m'avez  nuisi  ! 
Loiaus  amours  que  gen  pri 

Men  face  venjance  ! 
Par  vous  sui  en  desperance 

Sans  être  resors 

Se  loias  amors. 
Et  bone  foi  ne  m'avance. 

Onques  ne  vi  si  contrere, 

Ni  si  mau  parti, 
Com  son  cuer  et  son  viere. 

Cn  m'a  mai  bailli  : 
■Vis  a  de  pitié  garni 

Et  d'umiliance  : 
I.i  cuers  t'et  ia  différance. 

Car  toute  dourors 

1  est  a  rebors. 
Pris  sui  par  tel  décevance  ! 


8S4  LES   CHA.NSONS    DE   PERRIN    d'aNGECOURT 

Mult  me  sot  très  bien  atrere, 

Et  bien  me  sesi 
La  grant  biauté  qui  l'esclere, 

Quant  primes  la  vi. 
Puis  en  ai  maint  mal  senti, 

Et  mainte  grevance. 
N'onques,  pour  ce,  n'oi  voiiiance 

De  penser  ailiers, 

M'Ugré  traïtors, 
Vis  en  loial  espérance. 

Chancon,  va-t'en,  sans  retrere. 

Ne  seiorner  ci 
A  la  sage  debonere, 

I)e  par  moi  li  di  : 
Que  tuit  mi  chant  sont  por  li. 

i.ors  sans  arestance 
A  conte  d'Aniou  t'avance  ; 

Di  li  que  tousiors 

Hee  jangieors  ; 
Je  li  charge  en  penitance. 

Vahiavtes.  —  Texte  du  845,  —  Vers  3.  Se  paire  (846),  —  4.  Seri  (ea 
double  24.106).  —  6.  De  ma  lance  1!  (846).— 7.  Ou  i'ai  ma  fiance  (24.406). 

—  11.  Couplet  passé  par  25.406.  —  17.  Désespérance  (846).  —  2".  Umileté 
(24.406).  —  28.  Desevrance  (id.),  et  défaillance  (846).  —  33.  Biauté  de  sa 
chiere(24.406).  —  34.  Premiers  (id.)  —  35.  Poi  (id.)  —  40.  Vif  (8i6  et  24.406). 

Glossaire.  —  Li  biax  estez,  le  bel  été,  suj.  sing.  —  liepere,  revient.  — 
Ensi,  ainsi.  —  Muir.  je  meurs.  —  Esmaiance,  émoi,  inquiétude,  trouble, 
crainte,  effroi.  —  Meschéance,  malheur,  malechance.  —  Tuil,  tous.  — 
Veniance,  vengeance.  —  ResO}'S,  guéri,  ressuscité.  —  Mau  parti,  mal  par- 
tagé. —  Viere,  visage,  figure.  —  Ce  m'a  mal  hailli,  cela  ma  donné  mon 
mal,  —  Vis,  visage.  —  Umiliance,  umileté,  bienveillance,  débonnairelé,  dou- 
ceur. —  DifJ'érance,  desevrance,  séparation.  —  Sot,  sut.  —  Atrere,  attirer. 

—  Primes,  premiers,  la  première  fois.  —  Puis,  depuis.  —  N'onques,  non 
jamais.  —  N'oi,  je  n'eus.  —  Voiiiance,  volonté.  —  Retrere,  rester,  demeu- 
rer, remettre.  —  Hée,  qu'il  haïsse.  —  Jangieors,  bavards,  mauvaises  langues. 


XII 

Quant  voi  le  félon  tens  fine 
Qu'entré  sonmes  el  moi  de  mai, 
Que  raverdissent  bois  et  pr^, 
Et  oisel  sont  iolif  et  gai, 

Lors  chanterai  ; 
Mes  se  ma  chanson  n'agrée 
A  celé  en  qui  ma  pensée 
Et  tout  mon  pouvoir  mis  ai, 
Sans  plus  chanter  aimerai. 


LES    CHANSONS    DE   PERRIN    d'aNGECOURT  855 

Nus  cuer  n'iert  ia  plains  de  bonté  ; 
Pieçà  que  primes  l'esprouvai, 
Devant  qu'amors  i  ait  ouvré. 
En  lui  fui  et  sui  et  serai. 

Ja  n'en  istrai. 
Car  tele  est  ma  destinée  ! 
Mais  se  li  max  a  durée, 
Que  je,  por  ma  dame,  trai, 
Et  vivre  et  chanter  lerai. 

J'ai  tousiours  puis  à  li  pensé. 
Que  pr  mierement  l'esgardai. 
Si  fui  sorpris  de  sa  biauté, 
Que  loiauté  li  créantai. 

Si  li  tendrai  ; 
Ne  jà  n'iert  par  moi  faussée. 
Quant  ele  aura  esprouvée 
Ma  pensée  et  mon  cuer  vrai 
S'il  li  plaist,  merci  aurai. 

Dame  a  qui  amors  m'a  doné, 
Par  les  euls  dont  vous  acointai  ! 
Car  daigniés  recevoir  en  gré 
Ce  qu'adès  servie  vous  ai  ! 

Et  servirai  ;  , 

Ne  ià  n'en  sera  ostée 
Ma  volenté,  mes  doublée, 
Quant  plus  por  vos  soffrerai. 
Mes  trop  sont  grief  vostre  essai  ! 

Dame  en  qui  tuit  bien  sont  planté, 
Je  sui  d'une  chose  en  esmai  ; 
Se  mesdisant  sont  escouté, 
Que  par  raison  has  et  narrai, 

Par  ce  perdrai 
Ce  qui  m'a  vie  gardée  : 
Espérance,  qui  donnée 
Me  fu  quant  vos  enamai. 
Se  je  la  pert,  je  morrai  ! 

Va  sans  délai^ 
Chançon,  et  sans  demorée, 
Droit  en  Bréban.  Car  voée 
Es  au  duc.  Là  te  donrai  -, 
Melz  emploier  ne  te  sai. 

Variantes.  —  Texte  du  845.  —  Vers  9.  L'amerai  (139!  et  24.406).  — 
12.  I  ait  ouvré  (id.)  —  A  li  sui  tousiours  et  serai  (1591).  —  47.  Que  pour 


»Ù0       LES  CHANSONS  DE  PERRIN  D  ANGECOURT 

ma  dame  tret  ai  (24.40C).  —  18.  A  vivre  et  a  chanteo  lerai  (24.406);  Et 
muet  a  chanter  lerai  (l59l). — 28.  Dame  cui.  —  29.  Vous  esgardai  (24.40C). 

—  35.  SolFerrai  (id.)  —  40.  Hee  (84G).  —  4/.  Que  ma  vie  a  sauvée.  —  44. 
Vos  acointai  (846).  —  46.  Eavoi  supprimé  dans  1591  et  24.406.  —  48.  Brai- 
bant  (846).  —  50.  Mieux  (id.). 

Glossaire.  —  Félon,  méchant,  mauvais.  —  El,  en  le.  —  Oisel,  oiseaux. 

—  N'iert,  ne  sera.  —  Pièce,  pièce  (de  temps)  a,  il  y  a  longtemps.  —  Primes, 
la  première  fois,  d'abord.  —  Ouvré,  travaillé.  —  Ja  n'en  islrai,  jamais  je 
n'eu  sortirai.  —  Que  je  Irai,  tire,  supporte.  —  Lerai,  laisserai.  —  Puis, 
depuis.  —  Créaritai,  Je  lui  fis  créance,  je  lui  promis.  —  Tendrai,  lenrai, 
je  tiendrai.  —  Euls,  yeux.  —  Acointai,  je  connus  (cognitus).  —  Adès,  tou- 
jours (ad  dies).  —  Grief,  graves,  pénibles.  —  Tuit,  tous.  —  Has  [liée)  et 
Harrai,  je  hais  et  haïrai.  —  Par  reson,  comme  il  est  prévu,  compté  (ratus). 

—  Demorée,  relard  (demorari,  tarder).  —  Voée  es,  tu  es  vouée,  destinée.  — 
l)onrai,  donnerai. 


XIII 

Qaant  ie  vol  l'erbe  amatir, 

Et  le  félon  tens  entré, 

Qui  fet  ces  oisiax  taisir 

Et  lessier  joliveté, 

Pour  ce  n'ai-je  pas  osté 

Mon  cuer  de  loial  désir. 

Mais,  pour    mon   us  maintenir, 

A  cest  molet  me  reclaim  : 

«  Je  suis  jolis,  pour  ce  qu'iaim..  » 

J'aim  loiaument  sans  traïr. 

Sans  feindre  et  sans  fausseté, 

Celé  qui  me  fet  languir, 

Sans  avoir  de  moi  pité. 

Et  bien  sai  de  vérité. 

Que  je  suis  siens  sans  guencliir. 

Mes  en  espoir  de  joir, 

Li  ert  cest  motet  chantez  : 

c  Dame,  merci,  vous  m'ociez.  » 

Vous  m'ociez  sans  reson, 
Dame  sans  humelité! 
Ne  pert  pas,  à  vq  façon. 
Qu'en  vo  cuer  ait  cruauté, 
Mes  grant  débonnereté. 
Pour  ce  sui-je  en  soupeçon  : 
Simple  vis  et  cuer  félon 
M'ont  mis  en  grant  desconfort 
Sa  biaute  Fcausel  ma  mort. 


LES    CHANSONS    DE    VKRUIN    d'aNGKCOURT  So7 

xMort  m'a,  sans  point  d'achoson, 

Celé  en  qui  j'ai  atorn4 

Mon  sens  et  m'entencion. 

Por  fjre  sa  volenté, 

S'or  le  daignoit  prendre  en  gré, 

Por  tout  autre  guerredon, 

Mis  m'auroit  hors  de  friç.on. 

Si  diroie  sans  esmoi  -. 

Bone  amour  qu'iai.  mi  tient  gai. 

Var-antes.  —  Texte  du  8i5.  —  Vers  10.  J'aioR  léaumer.t  (SW).  —  1G 
Merir  (846).  —  26.  Tous  les  textes  parlent  :  Sa  biauté  m'a  morl  (m'a  tué). 
—  Ou  m'amort,  m'attache,  me  passionne,  m'amorce. 

Glossaire.  —  Amatir,  s'abattre,  se  tlétrir.  se  faner;  —  Taisir,  taire 
(tacere).  —  Le.isier,  laisser,  quitter.  —  Jolielé,  gaieté,  agrément.  —  Pité, 
piljé.  _  Guenchir,  broncher,  se  détourner.  —  Li  ert,  lui  sera.  —  Ociez, 
tuez.  —  Xe  perl,  il  ne  paraît.  —  Simple  vis,  visage  sans  déguisement  (sine 
plicat.  —  Desconfort,  abattement,  aniiction.  —  Acheson,  achoison,  ochoi- 
son,  occasion,  motif.  —  Atome,  dirigé,  appliqué.  —  Entencion,  intention, 
intelligence.  —  S'or,  si,  à  présent.  —  Guerredon,  récompense,  rémunéra- 
tion. —  Fricon,  crainte,  terreur. 


XIV 

Très  haute  amour  qui  tant  s'est  abessie, 
Qu'avec  mon  cuer  se  daigna  herbergier, 
A  fere  un  chant  m'a  prestee  s'aïe. 
Si  chanterai  -,  car  pour  moi  enseignier, 
A  amors  pris  en  moi  son  héritage. 
Et  se  ie  chant,  ce  n'est  pas  par  usage  ; 
Ains  vueil  chanter  por  ce  que  ce!e  l'oie 
Qui  peut  mon  duel  fere  devenir  ioie. 

Amors  me  fist  vilaine  corloisie, 
Quant,  en  tel  leu,  veult  mon  cuer  omploier, 
Ou  Dex  a  mis,  de  ses  biens  grant  partie, 
Que  tes  11  mons  i  auroit  que  prisier. 
.)e  cuidoie  qu'amant  fuissent  tuit  sage  ! 
Sage  non  sont  :  i'aim  et  si  fas  folage-. 
Car  i'aim  dame,  que  prier  n'oseroie^ 
Et  si  n'ai  oii  si  hardi  qui  la  voie. 

Celé  que  i'aim  est  de  tel  seignorie, 
Que  sa.  biautez  me  fet  outrecuidier. 
Quant  ie  la  voi  ie  ne  sai  que  ie  die. 
S'i  sui  sorpris  que  ie  ne  l'os  prier. 


858  LES    CHANSONS   DE   PERRIN    d'aNGECOURT 

Las  !  l'en  morrai,  s'ele  ne  m'assoagf)  : 
S'ele  m'ocir,  trop  fera  grant  outrage. 
Tant  sent  por  li  de  mal  qui  me  guerroie, 
S'espoirs  n'estoit,  soffrir  ne  le  porroie. 

Dame  en  qui  est  toute  honors  asegie, 

En  moi  grever,  poez  forment  péchier. 

Se  fine  amor  vos  a  de  moi  sesie, 

Ne  me  devez,  por  ce,  pas  melre  arrier. 

Vostre  hom  devieng,  loial,  de  vrai  corage. 

D'une  chancon  rendue  à  héritage 

Le  ior  de  mai,  Dex  doint  que  bien  l'emploie  ! 

Car  ia  n'aurai  vouloir  que  ie  recroie. 

Hé  !  mesdisant,  vilaine  gent  haïe  ! 

De  moi  grever,  vos  voi  appareillier. 

Et  sachiez  bien,  c'est  mult  grant  vilanie  ! 

Car  ie  sui  cil  qui  n'en  auroit  meslier  ; 

Mes  la  douçor,  qui  maint  en  mon  visage, 

De  leauté  li  porte  tesmoignage. 

Por  ce  n'ai  pas  paor  qu'ele  vos  croie, 

Se  la  durtés  d'eiïr  ne  la  desvoie. 

Variantes.  —  Texte  du  845,  qui  donnerait  cette  chanson  plus  volontiers 
au  roi  de  Navarre,  —  Vers  5.  Herbergage  (double),  —  Hebergage  (2i.406). 
Duel  est  du  8iG  et  24.406;  845  donne  cbant.  —  9.  Amours  me  fist  une 
grant  (846).  —  14.  Non  sont  par  Dieu  (846).  —  15.  Il  y  a  en  note  :  La 
Heine,  mère  de  Louis.  —  16.  Oeul  (24.406),  huil  (846).  —  24.  Que  n'ot 
Paris  por  Helainne  de  Troie  (846).  —  25.  Dame  oui  s'est  (846)  ;  s'est  toute 
honeur  habergie  (24.406).  —  26.  Griement  (840,  noie).  —  28.  Plus  (24.406). 
—  29.  Fui  corage  (8'i6)  ;  devieng  leaus  (24.406).  —  30.  D'une  chancon  bêle 
par  hirelage  (846).  —  37.  La  grant  douceur  qui  (846).  —  38.  Le  845  dit 
biauté,  346  léaulé,  24.406  loiauté.  —  39.  Por  ce  si  ai  paour  (846)  ;  pas  voloir 
que  i'en  recroie  (24.406).  — 40,  Se  la  durte  de  vos  la  Jesvoie  (S46,  et  eu 
note  :  d'eiir  ne  la  mesvoie)  ;  Ou  se  desdaing  par  ce  ne  i'en  desvoie  (24,406), 

Glossaire.  —  Herbergier,  herbegier,  héberger,  loger,  habiter.  —  S'aïe, 
son  aide  (adjuva).  —  Enseignier,  instruire,  montrer  (in  signum),  —  Her- 
bergage, pour  héiilage  ;  l'amour  a  élu  domicile  chez  moi.  —  Ains,  mais.  — 
Vueil,  je  veux.  —  L'oïe,  l'entende. —  Duel,  deuil,  tiistesse,  chagrin. — 
Volt,  veuU,  veut.  —  Tos  li  inons,  tout  le  monde,  suj.  singulier,  —  Cuidoif, 
je  pensais,  —  Tuil,  tous,  —  Fas  Folage,]^  fais  folie.  —  Si,  certes.  — OU, 
huil,  œil.  —  Voie,  regarde.  —  Outrecuidier,  penser  au-delà  (ultra  cogitare), 
extravaguer.  —  Las  !  malheureux.  —  Assoage,  soulage,  adoucit,  apaise 
(suavis).  —  Ocit,  tue.  —  Outrage,  excès.  —  Guerroie,  attaque,  excite,  pour- 
suit. —  Asegie,  assis,  placé,  (siège).  —  Grever,  accabler  sous  le  poids  (gra- 
vis). —  Mètre  arrier,  renvoyer,  repousser.  —  A  hiretage,  héritage,  à  jamais. 

—  Dex  doint,  que  Dieu  donne,  —  Recroie,  je  recule,  j'en  revienne,  je  me 
lasse.  —  Appareillier,  préparer,  disposer.  —  Avoir  meslier,  avoir  besoin.  — 
iMoinI,  demeure,  réside  (manere).  —  Leauté,  fidélité. — Paor,  paour,  peur. 

—  Eiir,  heur,  fortune,  sort.  —  Desvoie,  mesvoie,  met  ho.'s  de  la  voie. 


LES    CHANSONS    UE   PERRIN    d'aNQECOURT 


XV 

Amors  dont  sens  et  cortoisie 
Et  toute  autre  bonté  descente 
Me  fet  chanter,  par  sa  mestrie, 
Contre  le  dous  commencement 
D'esté.  Kien  doi  ioliement 
Chanter,  car  bon  espoir  m'aie, 
Qui  me  dit  que  celé  ert  m'amie 
Qui  j'ai  fait  de  mon  cuer  présent. 

Mult  me  muet  de  très  grant  folie, 
Et  d'outrage,  et  de  hardement, 
Quant  onques,  a  nul  ior,  envie 
Me  prist  d'amer  si  hautement. 
Car  ie  sai  bien  certainement  ; 
Qu'en  li  amer,  reson  ouijlie. 
Si  croi  que  g'en  perdrai  la  vie, 
S'amors  et  pitiez  le  consent. 

De  grant  biauté  est  garnie, 
De  sens  et  d'eneur  ensement, 
Celé  qui  amors  a  sesie 
De  moi  par  son  commandement. 
Ore  en  puet  fere  son  talent, 
Car  il  n'est  qui  le  contredie. 
Se  ce  vaut,  ma  poine  ert  mérie. 
Onques  n"i  pensai  faussement. 

Dame  !  onques  ne  vos  fu  gehie 
L'aspre  dolor  que  por  vos  sent. 
Se  pitiez  est  a  droit  partie, 
Je  vivrai  en  alégement. 
J'di  en  vos  mis  entièrement 
Mon  cuer,  et  mon  cors  et  ma  vie. 
Merci,  quant  ele  ert  deservie. 
Aurai,  se  loiauté  ne  ment. 

A  Paris  va,  chançon  jolie. 
Sans  fere  point  d'arestement. 
Phelipe  Chauçon  di  et  prie 
Qu'il  te  chant  envoisiement. 
Et,  s'onques  ama  loiaument, 
Por  Dieu  !  qu'il  n'en  recroio  mie  ; 
Mes  tosiors  aim,  que  que  l'en  die  ! 
Car  amors  fel  valoir  !a  gent. 


SfiO  LES    CHANSONS    DE    PERRIN    d'aNGECOURT 

Variantes.  —  Texte  du  845.  —  Vers  18.  Onour  ansument  (846).  — 11). 
Celé  qui  de  moi  a  sesie  (24.406).  —  20.  Amors  par  son  commandement 
(124.406),  —  28.  —  le  morrai  (S46).  —  35.  Phelippe  Ghauço;is  (34.406).  — 
38.  Por  Deu  (846). 

Glossaire.  —  Mestrie,  possession,  pouvoir,  maestria  (!)  —  Aïe,  aide 
(aiuva).  —  Ei't  m'amie,  sera  mon  amie.  —  Qui,  cui,  à  qui.  —  Muet,  meut, 
m'émeut,  me  remue.  —  Oulr'age,  exagération.  —  Hardement,  excès,  har- 
diesse. —  Onquei,  jamais.  —  Qu'en  li  amer,  qu'à  l'aimer.  —  Enscmenl^ 
aussi,  ainsi,  pareillement,  ensemble  (in  simul).  —  Sesie,  mise  ea  posses- 
sion. —  Ore,  maintenant  (hora).  —  Talent,  dé&ir,  fantaisie.  —  Ert  mérie, 
sera  payée,  récompensée.  —  Gehie,  avouée.  —  Partie,  distribuée,  partagée. 
—  Ele  ert  deservie,  elle  sera  méritée,  gagnée.  —  Aurai  merci,  j'obtiendrai 
merci,  pitié.  —  Chauçon,  prob.  nom  propre.  11  y  a  eu,  à  Sedan  et  à  lîethel, 
des  Chosson  dès  le  xiu'  siècle.  —  Peut  être  Chançons,  au  vocatif,  comme 
dans  le  man.  La  Vallière,  peu  correct  du  reste,  —  Envoisiement,  gaiement, 
avec  envolée.  —  S'onques,  si  jamais.  —  Recroie,  recule,  fatigue  (ne  se  lasse 
pas). 

XVI 

y  Liant  voi,  en  la  fin  d'esté 

La  fueille  chéoir. 
Et  la  grant  ioliveté 

D'ûisiax  remanoir, 
Lors  al  de  chanter  voloir 
Greignor  que  ne  soloie. 
Car  celé,  a  qui  le  m'otroie 

Ligement 
M'en  a  l'et  commandement. 

Si  chanterai 
Et  quant  ma  dame  plera 

Joie  aurai. 

Cuer  qui  n'aime  ou  n'a  amé 

Ne  puet  riens  valoir. 
Pour  ce  i'ai  le  mien  doné, 

Sans  iames  movoir. 
Et  si  sai  bien  tout  de  voir, 
Que  par  haut  penser  soloie 
Comment  qu'avenir  m'en  doie. 

Loiaument 
A  amors  servir,  me  vent, 

Tant  com  vivrai. 
Et  quant  ma  dame  plera 

Joie  aurai. 

Tant  me  plest  sa  grant  biaulé 

A  ramentevoir. 
Que  i'ai  tout  autre  pensé 

Mis  en  noiK'haloir. 


LES    CHANSONS    DE    PERÎtIN    d'aNGECOUKT  8G1 

Las  !  et  si  ie  ])iiis  savoir 

S'3  mon  penser  bien  emploie  ! 

Car  por  riens  ne  li  diroie 

Que  ie  sent, 
Fors  quant  ciiant  si  feteiiiunt  ; 

Li  géhirai  : 
Dame,  quant  il  vos  plera 

Joie  aurai. 

Dame,  en  droite  loiauté. 

Et  sans  décevoir^. 
En  vo  debonnereté 

Met  tôt  mon  povoir. 
Car  me  daigniés  recevoir, 
Dame  en  qui  tous  biens  ondoie  ! 
Vo  grant  biauté  me  guerroie 

Si  griément, 
Se  ie  n'ai  alégement 

Por  vos  morrai. 
Dame,  quant  il  vos  plera 

Joie  aurai. 

Mesdisant  !  vo  mauvesté 

M'a  mult  lait  doloir  ! 
Et  s'ai  mainte  fois  douté 

Vostre  apercevoir. 
Maus  feus  les  puist  tos  anteir  ! 
Si  voir  com  ie  le  voudroie, 
lié!  hone  amor  qui  g'on  proie, 

Vengiez  m'en  I 
Donez  chascun  un  forment, 

Tel  com  ie  ai  ! 
Et  quant  ma  dame  plera 

Joie  aurai. 

Variantes.  —  Texte  du  8i5.  —  Veis  13.  M'anime  (846).  —  15.  S'ai 
(24.406).  —  21.  Kent  (8iG  et  2i.40G:.  —  33.  Chantant  (836)  ;  fièrement 
(24.406).  —  35.  Kl  quant  madame  plera  (24.405).  —  43.  Voslre  biauté 
(843);  vo  grant  {Si6,  2i.iU(i).  —  4;i.  Esligement  (8it)).  —  i".  El  quant 
madame  plera  (24.406). 

Glossairiî.  —  /Îema»i0i>',  s'arrêter,  en  rester  là  —  Grcirinor,  plus  ^rand, 
comparatif  de  grant  (grandior).  —  Ne  so^oie,  je  n'avais  l'habitude  (solebam). 
^  Olroie,  octroie,  je  me  donne  (auctoricare).  —  Ligenient,  pleinement, 
entièrement.  —  Madame  plera,  quant  il  fera  plaisir  à  ma  dame. —il/oDO/r, 
mouvoir,  déplacer,  oier  (movere).  —  Si,  explétif,  —  De  voir,  de  vrai.  — 
Tant  com,  tanl  que.  —  Ramentevoir,  à  me  rappeler,  souvenir  (in  mentem 
reducere).  —  Xonchaloir,  négligence  (non,  et  c/ia'oir.  importer,  calcre".  — 
Que,  ce  que.  —  Fors^  excepté.  —  Sifetemenl,  sifaitement,  ainsi,  de  cette 
façon  (sic  facta  mente).  —  Gehirai,  avouerai.  —  Gricmenl,  griefmi'nt,  grave- 


862  LES    CHANSONS    DB   PIERRE   d'aNGECOURT 

ment,  durement,  péniblement.  —  Afauveslé,  mécLancelé.  —  Doloir,  souffrir 
(dolere).  Maus  feus,  mauvais  feu.  —  Puisl  los  ardoir,  puisse  les  brûler 
tous.  —  Si  voh',  si  vrai.  —  Proie,  prie.  —  Dorez  chascun,  donnez  à 
chacun. 


XVII 

Onques,  por  esloignement, 
Ne  mis  ma  dame  en  obli  ; 
Mes  ades,  entièrement 
A  esté  mes  cuers  a  li. 
Encor  m'i  aient  nuisi, 
Mesdisant  a  leur  povoir  ! 
J'amerai  por  melz  valoir  ; 
Si  en  devroient  crever, 
Ja,  por  mesdisans,  ne  lerai  l'amer. 

Quant  primes  vi  son  cors  gent, 
Et  les  euls  qui  m'ont  trahi, 
Si  lui  férus  rudement. 
Que,  dou  grant  cop,  m'esbahi. 
Si  que,  tantost,  me  rendi 
Où  piliez  ne  set  manoir. 
Raençon  en  vout  avoir. 
Pris  m'a,  or,  en  ait  merci. 
La  bel'  qui  mon  cuer  a,  me  tient  ioli. 

Jolif,  sans  alégement  ! 
One  tel  merveille  ne  vi  ; 
Car,  quant  plus  sui  en   tourment. 
Plus  me  truis  amanevi 
De  li  servir.  Ce,  li  pri  : 
Qu'en  gré  veuille  recevoir 
Ce  que,  de  loial  voloir, 
M'olroie  a  li  ligement. 
Me  confort  amors,  com  l'aim  loiaumenl  ! 

Dame  en  qui  tous  biens  aj)ent, 
Qui  mon  cuer  avez  sesi. 
Se  ie  ne  vos  voi  souvent, 
N'ai  ie  pas  mains  déservi  ? 
Si  onc  por  ce  riens  n'en  soCTri, 
Ains  me  convient  plus  doloir. 
Li  désirs  de  vos  vooir 
M'art,  se  merci  n'en  avez, 
Dame,  prenoz  m'en  pilé,  vous  m'ociez, 


LES    CHANSONS   DE   PERRIN   d'aNGECOURT  863 

Chançon,  va-t'en  droilement 
A  Mignot,  et  si  H  di  : 
Que,  por  mon  avancement, 
Dejjrit  bone  amor  por  mi. 
Car  il  a  tousiors  servi 
De  loial  cuer,  sans  movoir. 
Et  por  ce,  sai-ie  de  voir, 
Sa  prière  m'aidera. 
La  Bele  m'ocit,  qui  m'en  guarira  ! 

Variantes.  —  Texte  du  843.  —  Vers  8    S'il  en  dévoient  (846.  24.406). 

—  9.  Ne  lerai  a  amer  (24.406).  —  10.  Premiers  (24.406)  ;  geot  cors  (846). 

—  15.  Menoir  (846).  —  16.  Kaencon  n'en  veut  avoir.  —  20.  Ainz  (24.40t'). 

—  23.  Or  li  pri  (24.406i.  —  26.  M'outroie.  —  28.  A  cui  (846).  —  38.  Mar- 
got (24.406).  —  42.  Mouloir  (845),  mouvoir,  846  et  24.406). 

Glossaire.  —  Onques,  jamais.  —  Ades,  toujours  (ad  dies).  —  Mes  cuers, 
mon  coeur.  —  Encor,  eucor  que,  bieu  que.  —  Melz,  miex,  mieux  (melius). 

—  Lerai,  laisserai,  cesserai.  —  Frimes,  premiers,  d'abord.  —  Gent,  beau, 
noble,  bien  né  (genilum).  —  Euls,  veux.  —  Fui  férus,  je  fus  frappé.  — 
Manoir,  résider,  demeurer  (manere).  —  Or,  maintenaut  (hora).  —  Me  Irais, 
fe  me  trouve.  —  Joli,  gai.  —  Amanevi,  préparé,  disposé,  gaillard,  empressé, 
leste,  dégagé.  —  Ce  li  pri,  de  cela  je  la  prie.  —  Molroi,  je  me  donne.  — 
Mains  deservi,  moins  mérité.  —  Ains  me  convient,  mais  il  me  faut.  —  Doloir, 
souffrir.  —  M'art,  me  brûle,  me  consume  (ardere).  —  M'ocie,  vous  me  tuez. 

—  Depril,  qu'il  prie  avec  instance  (deprecare).  —  De  voir,  de  vrai. 


XVIil 


Perrins  d'Angicorl 
Et  si  fu  coreitaie  a  Are: 


J'ai  un  iolif  souvenir 
Qui,  en  moi  maint  et  repaire, 
Qu'amors  i  a  fet  venir 
Pour  moi  compaignie  faire, 

A  servir 
Ma  dame  sans  deffaillir 
Et  sans  mesfaire. 
Amors,  qui  tant  puet  merir, 
Li  doint  voloir  d'amenrir 
Les  ma.x,  que  por  li  vueil  traire  ! 

Tout  ades  quant  le  remir 
Son  gent  cors,  son  cler  viaire. 
Ses  euls  qui,  au  cuer  scsir. 
Ont  semblant  si  débonnaire 

Sans  sentir 
.Me  done,  amors,  de  ioir 


864  LES   CHANSONS   DE    PERRIN    d'aNGECOURT 

Un  essemplairc. 
Mes  c'est  por  mot  sostenir, 
Que  ie  ne  puisse  clieir 
En  volenté  de  retraire 

Jà  Dex  ne  m'en  doint  loisir  ! 
Trop  seroie  de  maie  aire  ! 
Je  voudroie  meiz  vestir 
Tout  mon  éage  la  liaire, 

Que  giiorpir 
Celé  qui  puet  convertir  ' 

Tout  mon  contraire, 
En  ioie  et  moi  détenir  ; 
Et  me  plus  puet  enrichir 
Qu'a  faire  roi  de  Gésaire. 

Bien  me  deust  oie  acueillir 

Et  d'aucuns  dous  mos  refaire  ! 

Mes  el  ne  me  veut  oïr, 

Ne  por  parler,  no  ])or  taire  ! 

S'en  souspir, 
Et  d'amoureus  cuer  m'aïr, 
Quant  el  n'esclaire 
.    Moi,  qui  ne  li  puis  guenchir, 
Ains  me  fet  plus  max  soulTrir 
Qu'Alixandres  ne  fist  Daire, 

Dame,  ie  sui  sans  mentir 
Vostres,  et  sans  contrefaire. 
Riens  ne  me  jiorroit  nuisir, 
Si  mes  chans  vos  pooit  plaire. 

Et  languir 
Aim  bien  por  vos,  et  pâlir 

Tant  qu'il  me  paire, 
Voire,  s'il  vos  plest,  morir. 
Ne  me  soifrés  à  périr, 
Gentis  cuers  de  bon  afaire  ! 

Maintenir 
Loiaule,  sans  repentir. 
Ne  puet  desplaire 
A  cuer  qui  sert  sans  trair. 
Mes  li  faus  s'en  veut  partir 
Lues  qu'un  pou  de  mal  le  maire. 

Variantes.  —  Texte  du  845.  —  L'indication  se  trouve  au  manuscrit  de 
Berne  ;  Arez,  Arras.  —  Vers  2.  Qui  en  mon  cuer  (1591).  —  3.  Oa'amor  i 
ont  (21-406).  —  6.  Me^servir  (8i6).  —  7.  El  sans  retraire  (Val).  —  9.  l'ooir 


LES    CHANSONS   DE    PEURIN    d'aNGECOURT  8i)5 

(2-Ï.406).  —  12.  Viaire  cler  (846).  —  13.  Ses  iex  (24.406);  ses  icx  vairs 
qi  a  sesir  (846,  1o9l).  —  IG.  Men  doigneDl  amours  ioir  (Val).  —  19.  En 
chair  (24.406;.  —  23.  Miex  ameroie  veslir  (24.406  et  Vat).  —  24.  Tous  les 
iors  du  mont  la  h  aire  (24.406).  —  26.  Celé  trestol  mon  contraire  (24.406). 

—  27.  AlFaire  (845).  —  30.  Qu'eslre  roi  de  Cesaire  (846).  —  31.  Kecoillir 
(846,  1591,  Vat).  —  32.  Atraire  (23.406).  —  33.  Aiiis  s'el  me  vuel  oir  (846). 

—  34.  Pour  (24.406).  —  36.  El  d'amour  au  cuer  air  (Vat).  —  39.  Et  me 
(24.406.  —  41.  Faillir  (846,  fouir,  24.406).  —  46.  Aiog  miex  tous  dis  et 
pâlir  (24.406);  Vuil  bien  (846).  —  47.  Tant  quil  i  paire  (24.406);  Si  que 
me  paire  (1o9l).  —  4S.  S'il  li  (24.406).  —  51.  Passé  dans  24.406  et  lo91. 

Glossaire;.  —  Corenaie  a  ^jY'S,  couronnée  à  Arras.  —  Maint  et  repaire, 
demeure  et  reste  (mancre,  repatriare).  —  Ménr,  récompt  nser.  —  Li  doint, 
qu'Amour  lui  donne.  —  Amenrir,  amoindrir,  adoucir.  —  Traire,  tirer,  sup- 
porter. —  Ades,  toujours,  tout  le  temps  (aJ  dies).  —  Remir,  je  regarde, 
admire,  contemple,  —  Viaire,  viere,  visage.  —  Cliéir,  chair,  choir,  tom- 
ber (caiere).  —  Doinst  loisir,  que.,  donne  permission.  —  Voudruie  m  eux. 
je  prélérerais  revêtir.  —  Eage,  âge,  vie.  —  Guerpir,  quitter,  abandonner. 

—  Contraire,  malheur,  désagrément.  —  Cesaire,  Césarée.  —  Deiist,  devrait. 

—  M'atr,  alnr,  me  courrouce,  me  fâche.  —  Guenchir,  faire  défaut,  man- 
quer, mecarier.  —  Daire,  Darius.  —  Paire,  parait.  —  Voire,  même.  — 
Li  faux,  le  faux,  louibu.  —  Lues  que,  dès  que,  aussitôt  que.  —  Maire, 
obsède,  majore  (maior). 


XIX 

Li  jolis  mais,  ne  la  flors  qui  blanchuie. 
Ne  chant  d'oisia.\,  nejire,  ne  verl  boscage, 
Ne  mi  font  pas  chanter,  ne  mener  ioie. 
Tout  ce  me  l'et  force  de  seignorage  : 
El  ma  dame  cui  i'ai  tel  lige  hommage, 
Qui  i'aim  de  cuer,  sans  nule  fausseté, 
De  qui  je  lieng  si  grinl  ioliveté, 
Que  sans  ennui  en  userai  ma  vie, 
El  s'en  l'rr::i  mainte  chanson  iolie. 

f.oiaus  amers,  qui  tos  les  biens  envoie, 
Me  fet  tenir  un  merveilleux  usnge, 
Qu'ele  ni'ocisl.  Et  si  chant  toute  voie. 
Quant  plus  me  dueil,    plus   ai  joiif  corage, 
Puisque  >por  li  aim  et  vueil  mon  damage. 
Bien  l'nn  deust  prendre  aucune  pilé  ! 
Las  !  ie  la  pert  par  ma  maleiirlé. 
Je  sai  de  voir  qu'autrement  n'est-ce  mie  : 
?Ja  mesestance  a  ]dtié  endormie. 

Se  ma  dame  son  prisonnier  guerroie, 
Mull  petit  puet  prisier  son  vasselage. 
Car,  por  morir,  vers  li  ne  penscroie 
Desloiauté,  vilonic  n'outrage. 


866  LES   CHANSONS    DK   PKRRIN    d'anGECOURT 

Bien  mfe  devroit  torner  a  avantage, 
Ce  que  vers  li  ne  pens  fors  loiauté  ! 
Si  m'envoit  Dex  garison  ne  santé 
Prochainement,  ains  que  cist  max  m'ocie, 
Conques  vers  li  ne  pensai  tricherie. 

He  !  mesdisant,  amer  ne  vos  sauroie  ! 
Dex  vos  amoinst  un  mal  qu'en  cioime  rage 
Se  s'avenoit  que  par  reson  diroie  ? 
La  fausseté  parroit  ens  el  visage 
Dou  mesdisant  et  de  l'amant  volage. 
Si  seroient  bien  et  mal  esprouvé, 
Selonc  le  droit  d'amors  guerredoné. 
Lors  si  auroil  li  vilains  vilanie, 
Et  li  loiaus  amans  loial  amie. 

Hé  !  douce  rienS;  preus  et  vaillans  et  coie, 

Qui  hom  ie  sui  liges  a  héritage, 

Se  fine  amors  consent  que  ie  vos  voie, 

Jà  tôt  le  jor  ne  douterai  malage. 

Douce  dame,  vos  estes  bien  si  sage, 

'Qu'assez  poez  savoir  ma  volenté  : 

En  vos  servir  ai  si  mis  mon  pense 

Que  nuit  et  ior  i  pens  et  estudie. 

Se  ce  n'est  sens,  s'est-ce  riche  folie  ! 

Variantes.  —  Texte  du  84o.  —  Le  manuscrit  de  Berne  porte  :  Pieres 
d'Angincurt.  —  \'ers  2.  Nus  chanz  (24.406);  ne  preies,  ne  vers  boscages 
(20.050).  —  4.  Car  ce  (id.)  ;  tant  çoux  me  fait  l'orche  de  seignourage  (1591). 

—  7.  De  oui  jalant. . . .  ioliveteit  (20.050).  —  10.  Leals  amors  qui...  envoiet 
(id.)  —  12.  Et  iou  cant  toutes  voies  (Val).  —  13.  Noble  corage  (24.406); 
cant  plus  ai  mal  (20.050)  ;  qant  pis  me  fait,  plus  (Vat).  —  14.  Puis  ke  por 
li  veil  et  em  mon  damage  (20.050).  —  15.  Bien  l'au  devroit  prandre  aucune 
piteit  (id.)  —  17.  Iou  sai  devoir  autrement  n"est  çou  mie  (Vat.)  ;  Bien  sa  de 
voir  causi  ne  mi  ert  amie  (20.050).  —18.  Mésestance  ;12.o81)  ;  mescbéance 
(846);  mes  le  areis  ont  piliet  andormie  (20.0o(i).  —  23.  Mi  deûsl  (1391).  — 
24.  Qu"ains  ne  peiiçai  vers  li  fors,  loiauté  (12.581);  çou    qu'envers  li  (Vat). 

—  25.  Si  me  doinl  Dex  guerison  et  santé  (24.400  et  1591).  —  28.  Porroie 
(H. 281).  —  29.  Anvois-i-  maus  (12.581)  ;  c'on  claime  ^Vat)  ;  —  30.  Se  ce 
venoit  (12.581).  —  31.  Ens  ou  (840);  la  ''auseté  leur  parroit  au  visaige 
(15.281).  —  31.  Au  mesdisant  et  à  l'amant  volage  (Val).  —  33.  Lors  seroient 
(id.)  —  35.  Adont  auroit  (id  )  —  37.  (Le  vers  est  du  Vat)  ;  simple  geutis  et 
coie  (845)  ;  et  plaisant  et  coie  (l5.281)  —  38.  Cui  (15.281  et  846).  —  39. 
Quant  fine  (Vat  et  15.281).  —  40.  Jà  puis  le  iour  ne  senlerai  malage  (Vat) 

—  43.  En  vous  ai  si  mon  cuer  et  mon  pensé  (Vat).  —  45.  Si  çou  n'est  (Vat). 

—  Vers  d'une  belle  envolée. 

Glossaire.  —  loliveté,  gentillesse  d'esprit,  traits  spirituels.  —  Loiaus 
amours,  amour  vrai  et  fidèle.  —  Toute  voie,  toutefois,  quant  môme.  — 
Dueil,  peine,  attriste.  —  MalcUrlé,  malheur,  infortune,  mauvaise  chance.  — 
Voir,  vrai.  —  Mésesonce,  meschèanccy  malechance.  —  MuU  petit,  bien  peu. 


LES   CHANSONS    DE   PERRIN    d'aNGECOUUT  867 

—  Prisier,  estimer.  —  Fors,  hors,  excepté.  —  y|/nx,  avant. — .4n7cc,  aimer. 

—  Amoinst,  amène.  —  Parroit  cns  el,  paraît  dans  le.  —  Guerredone,  récom- 
pease.  —  Si  auroit,  ainsi  aurait.  —  liiens,  créature.  —  Coie,  tranquille.  — 
Liges  à  lu-rilage,  lidèle  à  jamais.  —  Dvutcr,  redouter,  craiudre.  —  Malagc, 
malheur,  malaise,  maladie.  —  Poez,  pouvez. 


XX 

Il  ne  me  chaut  d'eslé  ne  de  rousée, 
De  froidure,  ne  de  tens  ivernage, 
Quant  le  me  muir  pour  la  plus  bêle  née, 
pjt  la  meilleur  du  mont,  et  la  plus  sage. 
La  riens  qui  ])lus  m'agreve  mon  malage, 
C'est  ce  qu'a  li  u'os'  dire  ma  pensée, 
Et  ce  que  tant  sent  grief  ma  destinée. 
Que  ie  n'atent  merci  en  mon  aage. 

Et  ne  porquant  ma  dame  est  tant  senée, 
Qu'ele  voit  bien  et  congnoist  mon  courage. 
Si  durement  me  tourment  et  elTrée, 
Que,  quant  plus  i'aim,  et  plus  la  Iruis  sauva^ 
La  !  ie  sui  si  lous  siens  à  héritage. 
Que,  por  morir,  ne  li  seroit  véée 
Riens  qui  par  moi  peust  estre  achevée, 
Ri  l'en  ai  mis  tout  mon  cuer  en  ostage  ! 

Dame  de  sens  et  d'onor  acesmée, 
En  qui  biauté  a  i>ris  son  herbeiage, 
Prenez  en  gré,  douce  dame  honorée, 
Ce  qu'à  tosiors  vous  ai  fet  lige  hommage  : 
En  gentil  cuer  doit  mercis  1ère  esiage  ! 
Et  se  par  vos  ne  m'est  santé  donée, 
Estrangement  avez  ma  mort  jurée, 
Par  cruel  cuer  et  par  simple  visage. 

Bien  en  moi  Une  amor  esprovée 

La  puissance  de  son  haut  seignorago. 

Si  cruelment  m'a  féru  de  s'espée, 

Que  nulc  fois  ma  plaie  n'assoage. 

Si  en  sui  liez,  dont  n'est  ce  droite  rage  ? 

Quant  pis  me  fait  mes  max,  et  plus  m'agrée. 

Mes  loiautés  est  ma  droite  avoée  : 

Ce  fet  ele  que  je  vueil  mon  damage. 

Or  est  ensi  la  chose  à  ce  tornée, 

Que  tous  sui  siens  sans  changement  de  gage. 

Et  se  mercis  n'i  estoit  là  trouvée, 

Si  m'en  vient  il  un  mull  bel  avantage  : 


868     LES  Chansons  de  perrîn  d  angecourt 

Car  g'en  vau  melz,  et  s'en  hé  plus  hontage, 
Et  s'en  est  plus  par  moi  joie  menée. 
Cuer  sans  amor  a  grant  folio  bée  : 
C'est  a  bon  droit  s'il  a  honte  et  damage. 

Variantes.  —   Texte  du  800.  —  Le  ms.  Berne  porte  Peiins  d' Angincoi'l. 

—  Vers  1.  Il  ne  m'en  chat  d'esleit  (20.830).  —  .3.Kar(id.)  ;  quar  (1591).  — 
4.  Ke  soit  ou  mont  et  tou'e  la  plus  sage  (20.050);  qui  soit  u  mont  et  toute 
la  plus  sage  (1591).  —  5.  Agrège  (845)  ;  agriève  (1591)  :  me  griève  a  (12.381^; 
La  rians  ke  plus  m'agriève  a  mon  malage  ("20.050).  —  7.  Et  ne  porquant 
tele  est  ma  destinée  ('24  406J  ;  Et  sour  ke  tout  est  tels  ma  destinée  ("20.050); 
Et  ce  que  truis  si  grief  (l2.58t  ;   Et  que  tant  senc  dure  ma  destinée  (Val. 

—  8.  Que  n'en  aurai  merci  en  mon  eage  (24.406)  ;  Ke  nen  atent  œersit  en 
mon  eage  ('20.050)  ;  Car  ion  atent  (12.581)  ;  Que  n'en  ateuc  merci  en  mon 
eage  (Va).  —  11.  Si  durement  me  torment  et  eilrée  (24.406).  —  13.  Supprimé 
dans  24.406.  —  17.  Douce  dame  haute  chose  houiiourée  (1591)  ;  —  18.  Her- 
bergage  (1591  ',  hebergage  i24.406).  —  19.  Prenez  en  gré  douce  dame  hono- 
rée ^24.406)  ;  Prenez  en  grae  dame  sil  vous  agrée  (845)  ;  Prenez  en  fiance 
dame  honouree  (1591  et  Va).  —  21.  Merci  prendre  estage  (Va).  —  23. 
Estrangement  m'assailli  la  pensée  (24.406).  —  25.  Couplets  omis  par  20.030. 

—  i9.  Douce  rage  (24  .406)  ;  Si  en  sui  liés  en  es  çou  droite  rage  (Va).  —  30. 
Mi  fet  et  mes  maus  plus  m'agrée  (24.406).  —  33.  Est  ci  menée  (24.406);  Or 
est  ainsi  la  chose  a  ce  tournée  (1591).  —  34.  Ke  tous  sens  siens  (20.050)  ; 
Cangement  de  paie  (Va).  —  35.  Et  s'alrement  n'i  ai  mersit  ia  trouvée 
(20.020)  —  36.  Si  en  ai  ieu  un  mult  (20.050).  —  37.  Car  ie  m'aing  mies 
(24.406);  Que  i'en  vail  miex  et  sau  faiz  mainz  doue  eage  C12.581)  ;  Car 
i'au  vas  raiez  et  sans  heiz  (28.050).  —  388.  Vers  du  24.400  et  12.581  ;  Par 
moi,  et  s  en  est  plus  ioie  menée  (84o)  ;  Et  s'en  jcrt  (20.030).  —  39.  Houour 
ki  a  folie  baiet  (20.050). 

GLOsSAinK.  —  Une  me  chaut,  il  ne  m'importe.  —  Muir,  meurs.  —  La 
plus  bêle  née,  la  mieux  née,  la  plus  noble.  —  Mont,  monde.  —  La  riens, 
la  chose.  —  Agrève,  aggrave.  —  Malage,  mal.  —  Mercé,  pitié,  miséri- 
corde, récompense  (mercedem).  —  Aage,  eage,  âge,  vie  (setatem).  — iVe 
forquant,  cependant,  ncanmoios.  —  Sénee,  sensée,  pleine  de  sens,  avisée. 

—  Truis,  je  trouve.  —  Las,  malheureux.  —  A  héritage,  à  jamais.  —  Véée, 
refusée.  -  Por  morir,  même  au  prix  de  la  mort.  —  Riens,  chose.  — 
Peùsl,  pût,  puisse.  —  Acesnice,  ornée,  parée.  —  Herbegage,....  hospila- 
liié,  logement,  résidence.  —  Gentil,  noble.  —  Estage,  ré.-idence.  —  Féru, 
frappé.  —  S'espée,  son  épce.  —  Assoage,  soulage,  adoucit  (suavis)  —  Liez, 
joyeux  (Isetus).  —  Droite,  juste.  —  Avouée,  avocate.  —  meh,  mieux.  -~ 
He,  hais.  —  Hontage,  houte,  déshonneur.  —  Bée,  aspire,  vise. 


XXI 

Je  ne  chant  pas  pour  verdor 
Por  let  tens,  ne  pour  froidure, 
Ains  chant  pour  très  bone  amor 
En  qui  j'ai  mise  ma  cure. 
De  li  vient  m'envoiseiire, 
El  de  celo  que  j'aor, 
Où  ià  n'avendrai  nul  ior 
So  piliez  ne  vaint  droiture. 


LES    CHANSONS    DE    PERRIN    d'aNGECOURT  8^9 

Quant  primes  vi  la  color 
De  son  vis,  qui  tousiors  dure. 
Je  m'abatis  à  mon  tor, 
Par  ma  foie  esgardeiire. 
Car  g'issi  hors  de  mesure, 
Q-iant  pensai  à  tel  honor. 
Mes  ce,  que  tant  a  valor, 
Me  conforte  et  asseiire. 

Pris  est  mes  cuers  sans  relor. 
Ce  soit  par  bone  aventure 
Il  est  mis  en  une  tor  : 
Ce  n'est  mie  cùarlre  oscure, 
Ains  est  plus  clere  et  plus  pure 
Que  n'est  li  lens  de  pascor. 
El  cors  eiïst  grant  honor 
S'il  fust  en  tele  jtasture  ! 

Je  ne  sai  péril  greignor 
Ne  si  grant  deseonfilure  ; 
Com  cors  qui  suelfre  estor 
Sans  cuer,  tant  ait  d'armeùre. 
llelas  !  li  miens  cors  endure, 
Sans  mon  cuer,  tant  de  dolor  ! 
Mes  il  n'eiist  pas  paor 
S'avec  lui  fust  en  closture  ! 

Dame  où  pert  tant  de  douçor  ! 
Ne  sai  se  c'est  c'ouverture 
Et  cors,  et  chière  et  ator 
Avez  tout  d'une  faiture  ! 
Lurs  serez  de  tel  nature 
Qu'el  monde  n'aura  meillor, 
Et  mors  sui  par  ma  folor. 
Et  vos  par  estes  trop  dure. 

Variantes.  —  Texte  du  84."i.  Vers  2.  Por  dous  tens  (12.!)8I);  ne  pour  let 
temps  (1591)  —  3.  Fine  amour  (12.381).  —  4.  Ou  j'ai  ais  toute  ma  cure 
(1591).  —  6.  Gui  j"aour  (24.406).  —  7.  Ataiadrai  (24.406),  ie  n'alendrai 
(12.381),  atandrai  (1cJ9l).  —  8.  Sa  pitié  ne  mest  droiture  (24.406).  —  li. 
Regardure  (12.581).  —  13.  Et  issi  lors  de  mon  tor(id.)  —  13.  Mais  ce, 
qu'ele  a  tant  valor  (12.381).  —  20.  Qui  n'est  (12.581  et  1391).  —  21.  Plus 
nele  (12.381),  —  23-24.  El  cors  eiist  grant  seignor,  S'il  fust  en  autel  paslure 
(843)  ;  Encor  eust  grant  honor  s'il  fust  en  tele  pasture  (12.381).  —  Au  cor 
eust  il  grant  secours.  S'il  fust  à  li  en  paslure  (ISOî)  ;  en  tele  (24.406).  — 
27.  Con  de  cors  (1591)  ;  Que  de  (12.381).  —  28.  Sans  cop  (1591).  Sans 
cuer  fait  point  d'armeùre  (12.581).  —  30.  Son  (24.406,  12.581,  1391).  — 
31.  Paour,  pavour,  poor.  —  32.  Sen  tel  leu  fust  en  pasture  (24. 400]  ;  S'il 
fust  en  aule  closture  (1591)  ;  se  il  fust  à  ioiroduire  (12.581).  —  35.  Cuer  et 


870       LES  CHANSONS  DE  PERRIX  D  ANGECOURT 

cors  et  autre  alour.  —  30.  Avez  (Z'i.-lOCl,  Aiez  (843)  ;  nature  (1391).  —  3". 
Seront  (24.406);  serez  de  tel  failure  (1591).  —  38.  Kl  (845),  Quel  (1591, 
12.581). 

Glossaire.  —  Let,  laid.  —  Ains,  mais.  —  Envoiseure,  f^aîlé,  joie,  alle'- 
gresse.  —  Jaoi-,  j'adore.  —  Avendrai,  alaindra',  attendrai,  aviendra,  arrivera. 
—  Primes,  la  première  fois,  d'abord.  —  Vis,  visage.  —  Esgardeiire,  ret-ard, 
vision.  —  G'issi,  je  sertis.  —  Pris  est  mes  cuers,  mon  cœur  est  pris.  —  Char- 
tre,  prison  (carcerem).  —  Tens  de  pascor,  temps  pascal,  le  printemps.  — 
El  cors  eiist,  au  corps  aurait.  —  Greignor,  plus  graQd  (grandior) .  —  Eslor, 
estuur,  bataille,  combat.  —  //  n'eiist  pas  paor,  il  n'aurait  pas  peur.  —  Où 
pert,  où  paraît. —  .Se  çesl  c\...  avez,  si  c'est  que  vous  avez  —  Chierc,  figure, 
visage.  —  Failure,  perfection,  bonne  facture.  —  El  monde  n'aura,  en  le 
monde,  il  n'y  aura.  —  Fo'.or,  l'olie,  fol  espoir,  élourderie.  —  Par,  parce  que. 


XXII 

Quant  partis  sui  de  Provence, 

Et  du  tens  félon, 
Ai  vouloir  que  je  conmence 
Nouvele  chancon 

Jolie. 
Et  qu'en  chantant  prie 

Bone  amor, 
Que  tant  de  doucor 
Mete  a  mon  chant  commencier 
Qu'eie  me  face  cuidier 
Que  ma  douce  dame  daigne  vouloir 
Que  je  la  puisse  à  son  gré  revooir. 

Atorne  m'est  à  enfance 

Et  a  mes  prison 
Li  désirs  d'aler  en  France 
Que  i'ai  par  reson. 

Folie 
Fet  qui  me  chastie 

Se  i'ator 
Mon  cuer  au  retor, 
Quant  ie  ne  le  puis  lessier. 
Car  tout  autre  desirrier 
Me  fet  melre  du  tout  en  nonchaloir 
Celé  sans  qui  riens  ne  me  puel  valoir 

De  biauté  et  de  vaillance 

A  si  grant  foison, 
Lues  que  gen  oi  connoissance 

iMis  en  sa  prison 
Ma  vie 

Je  ne  mesfas  mit- 


LlîS    CHANSONS    DE    PERRIN    d'aNGECOURï  871 

Se  i'aor 
El  aim  la  meillor. 
Car  pour  eu  i'aim  et  tieng  chier 
Que  je  sui  en  son  dangier. 
Dix  !  quant  g'i  pens,  ie  ne  m'esmai  doloir 
Et  mes  pensers  i  est  sans  ia  mouvoir. 

Souiïrir  loial  pénilance 

Me  semble  plus  bon 
Qu'avoir,  par  décevance 
Ne  par  (raison, 

Amie. 
Fausse  druerie 
Sans  savor 
Ont  li  trichéor, 
Qu'il  conquièrent  par  pledier  : 
Tel  ioir  ne  m'a  mestier. 
Don  pourctiacier  n'aie  ie  ia  povoir  ! 
J'aim  meîz  languir  que  fausse  ioie  avoir. 

Onques  n'oi  autre  voillance 

Ne  entencion, 
Que  ie  feïsse  semblance 

D'amer,  s'a  d.'-oit  non. 
Polie, 

Langue  apareillie 
A  Folor, 

En  set  bien  le  tor. 
Mes  ce  n'i  puet  rien  aidier. 
Qu'a  la  parole  afetier 
Peut-on  choisir  qui  bee  à  décevoir  ? 
Et  De.x  en  lest  ma  dame  apercevoir  ! 

Fenio, 
Chanson  !  Envoie 

Sans   demor 
Serès  à  la  tlor 
Des  dames  à  droit  iugier. 
Et  par  pitié  li  reqier, 
Se  eurs  te  fet  devant  li  aparoir, 
Qil  li  plese  que  ie  vive  en  espoir! 

Variantes.   ~  Texte   du    84^.  —   \ers   3.    Ai    ie que  commence 

(24.406).  —  8.  Duuchour  (1Ô91).  —  9.  Commenchier  (id.)  —  13.  Li  désir 
que  i'ai  en  France  (24.106).  —  16.  D'aler  par  reson  (id.)  —  19.  Se  iai  tor 
(1591).  —  24.  Et  mes  pensers  y   est  sans   ià   mouvoir  {1^>'J\).  —  26.   Oi  si 

(1591).—  27.  Lors  que  l'en  oi  (24.406)  ;  Luez  que  i'e.:  oi  acointance  (1191). 

—  30.  Je  ne  meffis  mie  (24.406).  —  32.  Et  ainfr  (id  )  -  33.    J'aing..  et 


872  LES    CHANSONS    DE   PERRIN    d'aNGECOURT 

lieng  (id.  )  —  3o.  Diex ...  je  n'ai  mal  ne  dolor  (24 .  406)  ;  ia  ne  mais  ni  ai 
doloir  (846)  ;  ies  ne  mes  ni  ai  doloir  (ITiOl).  —  46.  Ni  a  mestier  (846).  — 
47.  Du  pourchassier. . . .  pooir  (24 .406).  ;  Dou  pourchacier,  autre  n'ai  ie 
pooir  (846)  ;  De  pourchassier,  n'ai  ie  pooir  (1591).  —  49.  Onques  noi  cuer, 
ne  vuillancB  (8i5).  texte  de  24.406.  —  59.  Puet  on  choisir  (24.406).  —  63. 
Seras  sans  demour  (846).  —  68.  Je  muire  eu  espoir  (1591). 

Glospaire.  —  Cuidier,  penser,  croire  (cofiilare).  —  Atome,  a  tourné, 
est  devenu.  —  Enfance,  puérilité,  désir  d'enfant,  toquade.  —  Mesprison, 
méprise,  erreur.  —  J'alor,  j'atourne,  je  prépare,  je  dispose.  —  Lessier, 
laisse,  quitter,  abandonner.  —  Désirrier,  désir,  besoin.  —  Nonchaloir, 
nonchalance,  néj^ligence,  sans  ardeur  (calere).  —  Lues,  dès,  aussitôt.  — 
C'en  oi,  j'en  eus.  —  Mis,  je  mis.  —  Mesfaire,  mal  agir.  —  Vaor,  j'adore. — 
Dangier,  domination,  puissance.  —  Dex  !  Dieu,  nomin.  —  Je  ne  m'esmoi 
doloir,  je  ne  m'émeus  point  de  souffrir.  —  Ja  mouvoir,  jamais  bouger, 
changer.  —  Druerie,  amitié.  —  Li  Iricheor,  les  tricheurs,  trompeurs,  men- 
teurs. —  Par  pledier,  en  plaidant,  raisonnant.  —  Ne  m'a  meslier,  ne  m'est 
nécessaire  (œinisterium).  —  Pourchacier,  recherche,  sollicitation,  conquête. 
—  Melz,  mieux.  —  Onques  noi,  jamais  je  n'eus.  —  Voillance,  Vuillance, 
vouloir,  volonté,  désir.  —  S'a  droit  non,  sinon  justement.  —  Afelier,  aiïec- 
ter,  ajuster.  —  Dee,  cherche,  vise.  —  Lest,  que  Dieu  laisse.  —  Sans  demor, 
sans  retard.  —  A  droit  jugier,  au  jugement  sain.  —  Eiirs,  la  chance,  la 
fortune  (augurium). 

(A   suivre.]  N.  Goffart. 


NÉCROLOGIE 


Le  \\  octobre,  ont  été  célébrées,  à  Ueirns,  an  milieu  d'une 
imposante  assistance,  les  obsèques  de  M.  Brnnette,  architecte  hono- 
raire de  la  Ville,  décédé  le  8,  dans  sa  88*  année. 

M.  H.  Henrot,  maire,  conduisait  le  deuil.  Les  cordons  du  drap 
mortuaire  étaient  tenus  par  MM.  V.  Diancourt,  sénateur;  Maillet- 
Valser,  adjoint  au  Maire  ;  Albert  Benoi^t,  président  de  l'Académie  ; 
Houion  jeune,  président  de  la  Chambre  syndicale  des  enlrepre- 
neurs  :  Alphonse  Gosset,  président  de  la  Société  des  architectes  de 
la  Marne  ;  Bazin  de  Bezoas,  proviseur  du  Lycée. 

Président  honoraire  de  la  Société  des  architectes  de  la  Marne, 
membre  fondateur  de  l'Académie  nationale  de  Reims,  M.  Brunette 
a  beaucoup  fait  pour  la  cité,  dont  il  fut  l'architecte  pendant  près 
de  quarante  ans,  de  1838  à  1877,  et  son  nom  restera  attache  à 
toutes  les  transformations  que  subit  la  ville  durant  cette  longue 
suite  d'années. 

Grâce  à  lui,  la  magnilique  basilique  de  Saint-Remi,  un  moment 
condamnée  à  être  rasée  jusqu'au  transept,  sortit  de  ses  ruines 
pour  retrouver  son  ancienne  splendeur  ;  l'église  Saint-Jacques, 
intéressante  à  plus  d'un  titre,  conserva  son  betfroi,  dont  on  avait 
désespéré  ;  Saint-Maurice  fut  transformé  complètement,  et  la 
grande  et  belle  église  de  Saint-André  inaugurée  à  l'entrée  du  fau- 
bourg Gérés. 

Au  cimetière,  trois  discours  ont  été  prononcés,  par  M.  le  Maire, 
par  M.  Alphonse  Gosset,  par  M.  Iloulon  jeune.  Nous  en  reprodui- 
sons quelques  passages. 

Avec  M.  Narcisse  Bruuelte,  né  le  15  août  1808,  a  dit  M.  H,  Ueiirot, 
disparaît  toute  une  génération  qui,  pendant  le  deuxième  tiers  de  ce  siècle,  a 
tenu  une  place  considérable  dans  la  cité  ;  parmi  tous  ces  disparus,  il  n'eu 
est  pas  un  qui,  plus  que  lui,  ait  droit  à  notre  reconnaissance. 

M.  Brunette,  entré  à  l'Hôtel  de  Ville  le  1"  lévrier  1838,  a  réuni  sous  sa 
direction,  pendant  près  de  40  ans,  les  services  aujourd'hui  séparés  de  l'ar- 
chitecture, de  la  voirie  et  des  eaux  ;  il  a  été  ainsi  intimement  mêlé,  pendant 
cette  longue  période,  à  toutes  les  transformations  qui  ont  embelli  noire 
ville.  Les  régimes  onl  changé,  apportant  avec  eux  autant  de  maires  dillé- 
rents  ;  M.  Brunette  est  resté  immuablemcrt  attaché  à  ses  ijnclions  ;  son 
caractère  élevé  et  franc,  sa  loyauté,  sa  fière  indépendance  imposaient  le  res- 
pect ;  sous  Louis-Philippe,  sous  la  deuxième  République,  sous  Napoléon, 
sous  le  régime  actuel,  il  a  toujours  trouvé,  de  la  part  de  nos  honorables 
prédécesseurs,  des  témoignages  de  vive  sympathie  pour  sa  persounne  et  de 
confiance  absolue  en  ses  talents. 

Chaque  administration  a  apporté  ses  préoccupations  :  sous  l'Empire,  on 
s'est  ellorcé  de  réparer  toutes  nos  églises  ;  sous  la  République,  ou  a  surto'.it 
multiplié  les  écoles. 


874  NÉCROLOGIE 

En  dehors  de  la  Calhédrale,  qui  appartient  à  l'Elat,  toutes  les  autres 
églises  ont  été  l'objet  d'importantes  réparations  :  Saint-Maurice,  Saint- 
Jacques,  Saint-Remi  ont  été  translormés  ;  c'est  surtout  pour  cette  dernière 
église  que  M.  Brunette  a  déployé  toute  sa  persuasion,  et  à  la  lois  tout  son 
talent  d'architecte.  Une  partie  de  l'église  s'était  elFondrée,  la  toiture  était  venue 
s'écraser  sur  les  doUes  ;  de%'anl  l'énormité  des  dépenses,  on  songeait  plus  à 
une  démolition  qu'à  une  réparation  ;  c'est  à  l'active  et  précieuse  interven- 
tion de  notre  dévoué  concitoyen  que  nous  devons  la  conservation  de 
ce  remarquable  monument  et  son  habile  et  savante  restauration  ;  il  est 
regrettable  que  la  belle  tlèche  placée  au-dessus  du  chœur  n'ait  pu  être 
rétablie. 

M.  Brunette  a  construit  deux  églises  neuves  :  l'une,  Sainl-André,  qui, 
par  ses  vastes  proportions  et  ses  voûtes  en  plein  cintre,  rappelle  Saint- 
Remi;  l'autre,  Saint-Thomas,  coquette  dans  ses  petites  proportions. 

11  a  fait,  pour  l'Administration  des  Hospices,  d'importantes  constructions 
à  IHôtel-Dieu,  à  l'Hôpilal-Général  et  à  Saint-Marcoul  ;  la  plus  remarquable 
est  cette  superbe  Maison  de  Retraite  que  de  nouveaux  dons  vont  nous  per- 
mettre d'achever  ;  cet  hûtel  des  invalides  du  travail  est  conçu  sur  un  plan 
large  et  imposant  qui  lait  honneur  à  son  auteur. 

Les  groupes  scolaires  de  Courlancy,  d'Anquetil  et  de  Carterel  ont  été  édi- 
fiés par  lui  :  c'est  sous  son  habile  direction  que  le  vieux  Lycée  et  noire 
Ecole  professionnelle  ont  été  remplacés  par  les  belles  constructions  que 
nous  admirons  aujourd'hui. 

Le  Bureau  de  Mesurage,  1  s  Bains  et  Lavoirs  (qui,  pendant  longtemps, 
sont  restés  le  type  le  plus  achevé  de  ce  genre  d'établissements),  la  caserne 
Coibert,  les  Abattoirs,  le  Marché,  le  Cirque,  le  Manège,  et  bien  d'autres 
travaux  de  moindre  importance,  dont  l'énuméralion  serait  trop  longue,  ont 
été  édifiés  par  lui;  enfin  les  travaux  du  Grand-Théàlre,  sur  les  plans 
de  M.  Alphonse  Gosset,  et  l'achèvement  de  notre  bel  Hùlel  de  Ville  com- 
plètent l'œuvre  si  grande  de  notre  regretté  con'iitoyen. 

Dans  celte  période  d'activé  transformation  de  noire  ville,  on  peut  dire 
qu'il  s'est  occupé  de  tous  les  monuments,  grands  ou  petits,  soœpluaires  ou 
modestes,  et  qu'il  a  toujours  apporté  celte  science  profonde  du  technicien, 
et  cette  scrupuleuse  délicatesse  qui  aplanissait  toujours  toute  difficulté  avec 
ses  supérieurs  ou  avec  les  entrepreneurs. 

Dans  le  service  de  la  voirie,  la  démolition  des  remparts,  rétablissement 
des  grauds  boulevards  Lundy,  Gérés  et  Gerbert,  le  développement  dv  ser- 
vice des  eaux  et  des  égouts,  dénotent  son  infatigable  activité. 

Aussi,  dans  sa  séance  du  11  juillet  1877,  le  Conseil  municipal,  en  recon- 
naissance de  ses  Ions  et  loyaux  fervices,  et  pour  couronner  une  carrière  si 
bien  remplie,  décernait  à  M.  Brunette  le  litre  d'architecte  honoraire  de  la 
Ville,  avec  une  gratification  extraordinaire  de  10,000  fr. 

On  ne  pouvait  inieux  reconnaître  la  fidélité  au  devoir  et  le  dévouement 
continu  de  celui  qui,  pendant  quarante  ans,  avait  été  l'instrument  le  plus 
actif  de  l'heureuse  transformation  de  notre  ville. 

Le  Gouvernement  avait  aussi  apprécié  les  qualités  exceptionnelles  de 
AL  Brunette  en  le  faisant  chevalier  de  la  Légion  d'honneur  et  officier 
d'Académie. 

M.  Brunette  ne  s'est  pas  contenté  d'enrichir  notre  ville  d'un  nombre  consi- 
dérable de  monuments  et  de  conslruclions  diverses,  il  a  voulu  faire  revivre 
l'ancienne  capitale  de  la  Gaule-Belgique,  avec  ses  arcs  de  triomphe  gran- 
dioses, se?  palais  et  ses  thermes.  A  l'aide  des  nombreux  vestiges  que  chaque 


NÉCROLOGIE  b75 

coup  de  pioche  de  ses  ouvriers  mettait  au  jour,  il  a  pu  reconstituer  les 
splendeurs  de  celte  capitale  largement  alimentée  par  une  eau  saine  et  fraîche 
qu'un  superbe  aqueduc  lui  amenait  de  la  Suippe  ;  il  a  su,  dans  des  dessins 
remarquables  qui  ont  été  exposés  au  Louvre,  reconstituer  ce  .bel  arc  romain 
doul  les  voûtes  qui  restent  vont  bientôt  avoir  vingt  siècits  d'existence. 

Ces  retours  en  arrière  sont  bien  faits  pour  oous  rendre  modestes,  et,  mal- 
gré tous  nos  travaux  modernes,  nous  n'avons  pas  su  conserver  à  notre  cité 
la  place  prépondérante  qu'elle  avait  alors.  Les  belles  mosaïques  que  nous 
Tardons  précieusement,  les  colonnes,  les  chapiteaux  qui  vont  bientôt  orner 
notre  futur  muiée  lapidaire,  sont  les  témoins  irrécusables  de  notre  cité,  que 
l'on  appelait  l'Athènes  du  Nord. 

M.  Alphonse  Gossel  raconte  les  débuis  de  M.  Brunette  dans  sa 
laborieuse  carrière. 

Brunette,  né  à  Breuvery,  près  Châlons- sur-Marne,  aîné  d'une  l'amille 
nombreuse,  dont  l'invasion  de  ISli  délraisil  le  b  eu,  dut  de  bonne  heure  se 
sufûre. 

Adolescent,  il  fut,  sur  sa  bonne  volonté  et  son  courage,  envoyé  à  Clià- 
lons,  où,  tout  en  travaillant,  soit  au  cadastre,  soit  chez  un  lithographe 
célèbre,  M.  Barbât,  il  suivit  les  cours  gratuits  de  dessin,  dont  il  augmeatait 
la  durée  en  arrivant  tût  et  en  ne  quittant  que  tard. 

Aussi  ses  progrès  y  furent-ils  rapides  et  attirèrent- ils  l'attention  de  ses 
maîtres,  qui  encouragèrent  ses  aptitudes  au  dessin  d'architecture  et,  son  goût 
y  aidant,  l'engagèrent  à  s'y  livrer  de  préférence. 

Ne  trouvant  pas  d'issues  à  Châlons,  il  alla  à  Epernay,  chez  M.  Bienvenu, 
architecte  de  l'église  d'Epernay,  dont  il  dirigea  seul  les  travaux  à  sa  mort. 
C'est  ainsi  que,  le  premier,  il  releva  et  publia,   en  lithographie,  le  char- 
mant portail   Renaissance    de   l'ancienne    église,   conservé   dans   la    façade 
latérale. 

Il  vint  ensuite  à  Reims,  chez  mon  père,  oit  il  travailla  à  se  perfectionner 
dans  l'art  de  bâtir,  en  même  temps  qu'il  observait  la  vieille  ville,  étudiait  ses 
besoins  et  ses  monuments. 

Adjoint  ensuite  à  l'architecte  de  Paris  chargé  de  la  construction  du  Palais 
de  Justice,  il  apporta,  dans  la  direction  des  travaux,  les  qualités  d'ordre,  de 
méthode  et  d'économie  qui  le  signalèrent  à  l'atlention. 

Aussi,  la  place  d'archilecle  de  la  Ville  étant  devenue  vacante  en  1838, 
l'obtint-il  facilement. 

Mis  à  la  tête  d'un  vaste  champ  d'action  qui  lui    convenait,  il  put  donner 
essor  à  son  talent  et  à  ses  moyens. 
Brunette  fut  l'homme  de  la  situation. 

Reims  alors  sorti  de  la  crise  de  18;V2,  voulait  enÛn  reprendre  ies  leçons 
d'édilité  que  lui  avait  données  Lévesque  de  Pouilly  au  xviii»  siècle,  et  entrer 
dans  les  voies  nouvelles  nécessaires  à  la  vie  des  villes  modernes. 

Encore  riche  en  monuments  anciens,  il  lui  manquait  une  voirie  et  nombre 
d'édifices  publics  appropriés  aux  exigences  de  notre  civilisation. 

Aussi,  son  nom  restera- t-il  justement  attaché  à  la  transformation  de  la 
ville. 

Coup  sur  coup,  il  édifia  :  la  Halle,  qui  compta  alors  parmi  les  premières 
constructions  en  1er  de  l'époque  ;  les  Abattoirs;  organisa,  en  remplacement 
des  fontaines  de  l'abbé  Godiaot,  la  première  grande  distribution  a  eau,  qui 
dure  encore,  etc. 


870  NÉCROLOGIE 

C'est  alors  que  ses  éludes  archéologiques,  qu'il  ne  perdit  jamais  de  vue, 
profilèrent  des  fouilles  de  celle  longue  canalisation,  pour  relever  les  traces 
de  la  cité  gallo-romaine,  qui  furent  consignées  dans  un  plan  de  restitution 
gravé  ;  il  publia  ensuite  un  projet  de  restauration  de  l'arc  de  triomphe,  qui 
reçut  un  commencement  d'exécution  ;  entreprit  la  restauration  de  la  basilique 
de  Saint-l'eœi,  qui  menaçait  ruine,  et  la  rétablit  dans  l'inlégrilé  où  nous 
l'admirons,  l'uis,  tout  en  construisant  des  écoles,  en  dirigeant  la  voirie,  en 
préparant  des  plans  d'avenir,  il  installa  cl  compléta  tous  nos  établissements 
hospitaliers,  édlGa  le  Petit  Séminaire,  etc.  Les  événements  de  1848  lui 
imposèrent  des  travaux  communaux  et  ceux  de  l'extension  de  la  ville  dans 
les  faubourgs,  qui  arrêtèrent  les  lonstruclions  monumentales,  mais  non  sa 
tâche. 

Mais  ce  fut  surtout  dans  l'ère  des  travaux  de  l'Empire  que  toutes  ses 
qualités  trouvèrent  à  s'exercer,  et  elles  furent  mises  à  toute  épreuve. 

Travailleur  intelligent  et  infatigable,  il  eut,  en  effet,  alors  à  mener  de 
front  pendant  vingt  ans  :  Texteuiion  de  la  ville,  extra- muros;  la  rélecliou 
de  la  voirie,  pavages  et  trottoirs,  la  création  des  égouts  avec  la  construc- 
tion de  la  caserne  qu'il  distingua  de  tant  de  constructions  banales  ;  celle 
des  bains  et  lavoirs  publics,  de  nombreuses  écoles,  de  l'établissement  du 
mesurage  et  du  conditionnement  des  laines  ;  et,  en  même  temps  que  la  mai- 
son de  retraite,  riicole  prolessionnelle,  le  Cirque,  de  nombreuses  construc- 
tions hospitalières,  la  maison  de  l'Enfant-Jésus,  celle  de  la  Providence,  la 
restauration  de  Saint-Jacques,  qui  lut  si  périlleuse,  de  Sainl-Maurice,  la 
construction  de  Saint-Thomas,  surtout  celle  de  Saint-André,  de  nombreuses 
chapelles  de  commuuaulé. 

Grande  période  d'activité,  d'efforts,  d'ingéniosité,  de  luttes  du  travail  et 
aussi  de  succès,  où  il  fut  architecte  dans  son  acception  la  plus  étendue  de  ce 
beau  titre.  Elle  fut  honorée  en  1855,  après  l'édification  du  tombeau  de  saint 
Rémi  (d'un  style  si  fin),  de  la  croix  de  Saint-Grégoire-le-Grand  et,  en  1858, 
de  celle  de  la  Légion  d'Honneur,  puis  des  palmes  académiques. 

Après  la  guerre  et  l'occupation  qui  lui  imposa  bien  des  charges,  la  période 
républicaine  le  trouva  toujours  vaillant,  dévoué,  et  empressé  à  recommencer 
une  nouvelle  série  des  édifices,  nécessités  par  l'accroissement  de  la  ville  et 
des  temps  nouveaux,  notamment  des  établissements  hospitaliers,  écoles  de 
tous  genres,  l'achèvement  du  L^'cée,  et  surtout  celui  de  l'Hôtel  de  Ville» 
auquel,  par  la  construction  de  trois  fniliments  sur  quatre,  il  donna  sa  consti- 
tution définitive. 

Grande  carrière  oii,  sans  jamais  faiblir,  il  déploya  toutes  les  qualités  du 
constructeur  et  de  l'artiste.  De  ce  qui  touche  l'art  de  bâtir,  rien  ne  lui  fut 
étranger.  Archéologie,  architecture  et  génie  civil,  il  put  répondre  à  toutes 
les  questions  qu'il  eut  à  résoudre.  Aussi,  parmi  les  nombreux  élèves  qui 
s'instruisirenl  a  son  école,  quelques-uns  sont-ils  devenus  à  leur  tour  des 
maîtres.  Tels  Auguste  Keinibeau,  son  inspecteur  dans  la  restauration  de 
Sainl-Remi,  puis  architecte  de  tant  de  constructions  heureuses,  ingénieuses 
dans  la  contrée  ;  Maréchal,  architecte  de  la  Ville  do  Paris,  et  Deperlhes, 
architecte  de  l'Hôtel  de  Ville  ;  et  enfin  son  fils  aîné,  dont  il  a  fait  son  digne 
continuateur. 


Nous  apprenons  la  mort,  à  Sainl-Jean-d'AngeJ}',  de  M.  Jean- 
Baplisle  Buzy,  qui  fut  pendant  assez  longtemps  professeur  au 
lycée  de  Reims,  puis  au  lycée  de  Sens, 


NÉCHOLOGIE  877 

M.  Buzy  elait  un  Iraviiillcur,  poêle  à  sos  heures  cl  poélc  de 
goùl;  il  fui  à  plusieurs  reprises  lauréat  de  concours  iiuportauts,  et 
les  Archives  de  l'Académie  de  Reims  doivenl  conserver  quelques- 
unes  de  ses  ojuvres. 

On  a  égalenienl  de  lui  quelques  monographies  inléressanles, 
nolammenl  celle  de  la  chapelle  Sainte-Anne  de  Clcrnionl  (Meuse), 
son  pays  natal. 

M.  Buzy  avait  laissé  à  Keims  de  fort  bons  souvenirs  ;  bien  qu'il 
ait  quitlé  noire  ville  depuis  une  quarantaine  d'années,  il  est  certain 
que  son  nom  est  encore  gravé  dans  la  mémoire  de  tous  ceux  qui 
ont  connu  cet  excellent  homme  .?omme  professeur  ou  comme  ami. 


On  annonce  aussi  la  mort  de  M.  Georges-Maurice  Loilière,  juge 
de  paix  du  canton  de  Méziéres,  décédé  le  IN  octobre,  à  Tàge  de 
iil  ans. 

Né  à  Sierck,  arrondissement  de  Thionville,  M.  Loilière  fut 
décoré  de  la  médaille  militaire  pour  faits  de  guerre  pendant  Van- 
née terrible;  expulsé  par  raulorité  prussienne,  il  fut  nommé,  à 
30  ans,  juge  de  paix  à  Arc-en-Barrois,  puis  à  Vassy,  et  finalement 
à  Mézières,  où  il  remplissait  ces  fonctions  depuis  huit  années. 


On  a  célébré,  le  12  novembre,  à  Uormans  (Marne),  les  obsèques 
de  la  comtesse  de  La  Vaulx,  décédée  au  château  de  Villcis-Agron 
(Aisne),  à  l'âge  de  70  ans. 

Le  deuil  était  conduit  par  le  comte  Ernest  de  La  Vuulx,  son  mari . 
Dans  la  nombreuse  assistance,  se  rencontraient  les  notabilités  du 
pays  où  la  comtesse  de  La  Vaux  laisse  d'unanimes  regrets. 


M.  Olive,  conservateur  de  la  bibliothèque  municipale  de  Vitry- 
le-François,  olTicier  de  l'Instruction  publique,  est  mort  le  20 
novembre  dernier,  à  l'âge  de  68  ans,  à  la  suite  d'une  longue  et 
douloureuse  maladie. 

M.  Olive  remplissait  les  fonctions  de  bibliothécaire  depuis  dix 
ans.  Il  appartenait  auparavant  à  l'Université  et  avait  professé  suc- 
cessivement aux  collèges  de  Vitry-le-François  et  de  Sainte-Mene- 
hould. 


On  annonce  de  Vitry-le-Françoi-,  la  mort,  à  l'âge  de  ('>!  ans,  de 
M.  Pessez,  fondateur  et  ancien  directeur  du  Messa;jcr  de  la  Marne. 

Né  à  Sermaize,  le  2  février  1829,  M.  Fessez  débutait,  eu  i8i-8, 
comme  professeur  au  (Collège  de  Vilry-lc-Fran(;ois. 


878  NÉCROLOGIE 

Le  18  novembre  dS"l,il  fondait^. avec  le  concours  de  MM.  Dehal- 
lays,  professeur,  et  Halier,  avoué,  la  Société  du  Messager  de  la 
Marne. 

M.  Pessez  s'était  retiré,  il  y  a  quatre  ans,  de  la  politique  active. 


M.  le  comte  de  Valicourt,  inspecteur  des  forêts  à  Troyes,  vient 
de  succomber  à  une  courte  maladie. 

Agent  forestier  des  plus  distingués,  il  était  en  fonctions  à  Troyes 
depuis  plus  de  dix  ans.  Sa  perte  sera  vivement  ressentie  par  l'ad- 
ministration et  par  ses  nombreux  amis. 


BIBLIOGRAPHIE 


PouiUé  de  l'ancien  diocèse  de  Sens,  publié  d'après  des  manusci'ils  et  des 
documents  inédits,  par  Paul  Qdesvebs  et  Henri  Stein.  Paris,  Alph. 
Picard;  Meaux,  Le  Blondel  ;  Sens,  Poulain-Rocher;  Orléens,  Herluisou, 
1894,  in- 4"  de  viii-ZiOS  p.  —  Prix  :  20  fr. 

La  préparation  d'un  recueil  des  inscriptions  de  l'ancien  diocèse 
de  Sens  a  conduit  MM.  Quesvers  et  Stein  à  publier  le  volume  que 
nous  annonçons  ici.  Il  leur  a  semblé  qu'un  pouillé  formait  les  pré- 
liminaires indispensables  du  recueil  qu'ils  se  proposaient  de 
donner  au  public.  Ils  n'ont  pas  voulu  se  contenter  de  publier  un 
pouillé  ancien  ni  un  état  du  diocèse  en  1790,  travail  qui,  en  se 
référant  à  une  époque  nettement  déterminée,  aurait  eu  l'inconvé- 
nient d'être  incomplet.  D'autre  part,  le  but  qu'ils  se  proposaient 
en  publiant  ce  pouillé  et  leur  volonté  d'en  faire  comme  une  intro- 
duction de  leur  recueil  d'inscriptions,  leur  interdisait  de  donner  à 
cette  publication  les  proportions  que  M.  l'abbé  Guillotin  de  Corson 
a  données  à  son  Pouillé  de  l'arcbevêcbé  de  Rennes.  Ils  se  sont 
donc  etforcés  de  prendre  la  voie  intermédiaire  et  d'être  aussi 
complets  que  possible  sous  la  forme  la  plus  brève. 

Comme  sources  de  leur  .travail,  ils  ont  mis  à  profit,  outre  les 
ditiérents  pouillés  manuscrits  ou  imprimés  et  la  Gailia  christia)ia, 
les  recueils  falmanachs,  cartes,  cartulaire  de  l'Yonne,  etc.),  oii  ils 
avaient  chance  de  trouver  des  renseignements  ;  et  ils  y  ont  ajouté 
d'autres  documents  retrouvés  par  eu.v  dans  les  archives.  Le  plan 
de  l'ouvrage  est  fort  simple.  Le  pouillé  est  divisé  par  archidiaconés 
et  doyennés  ;  dans  chaque  section  sont  relevées  tour  à  tour,  dans 
l'ordre  alphabétique,  les  abbayes  d'hommes  et  de  femmes;  les  col- 
légiales, les  cures,  les  prieurés,  les  chapelles,  les  communautés 
•religieuses,  les  hôpitaux  et  maladeries,  les  commanderies,  les  col- 
lèges et  autres  établissements  analogues. 

Pour  les  cures,  l'on  s'est  contenté  d'indiquer  le  patron  et  le  col- 
lateur;  pour  les  autres  établissements,  l'on  a  réuni  dans  la 
mesure  du  possible  un  certain  nombre  de  renseignements  complé- 
mentaires (date  de  fondation,  vicissitudes  historiques,  etc.),  et 
l'on  a  pris  soin  d'indiquer  sommairement  les  documents  sur 
lesquels  on  s  appuyait.  Les  notes  relativement  nombrenses  mises 
au  bas  des  pages  donnent  les  éclaircissements  nécssaires.  Un 
supplément  assez  considérable  (p.  287-321)  contient  d'importantes 
additions  et  corrections.  Une  copieuse  table  alphabétique  termine 
ce  volume,  qui  se  recommande  assez  de  lui-iuéme  pour  qu'il  soit 
superflu  d'en  faire  l'éloge.  lil.-G.  L. 


880  BIBLIOGIIAPHIE 


Jean  de  Joinville  cl  les  seigneurs  de  Joininlle,  suivi  d'un  catalogue  de  leurs 
actes,  p.  H. -François  Dklabobde.  Paris,  A.  Picard,  1894,  in-8°  de 
xv-338  p.  —  Prix  :  10  !r. 

U  n'esl  personne  qui,  éludianl  l'hisloire  du  moyen  âge,  ne  soit 
attiré  par  la  physionomie  si  vivante  et  si  franche  Hu  sire  de  Join- 
ville. La  quantité  d'ouvrages  déjà  publiés  sur  lui  et  sur  sa  famille, 
les  nombreuses  éditions  de  son  Histoire  de  saint  Louis,  enfin, 
toutes  les  brochures,  tous  les  articles  dans  lesquels  on  cherche  à 
donner  quelque  nouveau  renseignement  sur  sa  vie  et  à  ia  mieux 
faire  connaître,  sont  la  preuve  du  charme  qu'exerce  sur  les  érudits 
le  sénéchal  de  Champagne.  Jusqu'alors,  cependant,  personne 
n'avait  entrepris  une  histoire  en  quelque  sorte  définitive  tant  des 
sires  de  Joinville  que  de  l'historien  de  saint  Louis.  Un  bon  travail 
avait  bien  été  déjà  publié  sur  celte  famille  par  iM.  Simonnet,  et  la 
biographie  du  sénéchal  avait  tenté  plusieurs  historiens  au  siè(;le 
dernier  et  dans  le  nôtre  ;  mais  bieti  des  points  étaient  encore  obs- 
curs, et  de  nombreuses  erreurs  s'étaient  glissées  dans  ces  travaux. 
M.  Delaborde,  reprenant  le  sujet,  après  des  recherches  variées  et 
après  avoir  dressé  avec  soin  le  catalogue  des  actes  des  seigneurs 
de  Joinville,  put  nous  donner  sur  eux  une  liistoire  vraiment  com- 
plète et  passée  au  crible  de  la  critique  la  plus  rigoureuse.  L'auteur 
ne  s'occupe  pas  uniquement  de  Jean  de  Joinville,  mais  reprenant 
les  travaux  faits  sur  les  origines  de  sa  famille,  il  rectifie  les  erreurs 
commises  jusqu'alors  sur  ce  sujet  et  retrace  en  quelques  pages 
la  biographie  des  ancêtres  de  l'historien.  Nous  avons  ainsi  des 
détails  intéressants  sur  Etienne,  (ieolfroy  l",  Geolfroy  II,  Hoger, 
Geolfroy  III,  Geoflroy  IV,  (Jeoifroy  V  et  Simon  ;  en  outre,  M.  Dela- 
borde fait  mention  des  enfants  que  chacun  d'eux  put  avoir.  C'est 
naturellement  à  Jean  de  Joinville  qu'est  consacrée  la  notice  la 
plus  détaillée.  Les  renseignements  donnés  sont  tirés  en  majeure 
partie  de  son  Histoire  de  saint  Louis,  complétés  par  les  actes 
émanés  de  sa  chancellerie  et  par  plusieurs  articles  publiés  sur  lui 
et  faisant  connaître  différents  éjûsodes  de  sa  vie.  Après  Jean, 
viennent  ses  successeurs,  Anseau  et  Henri,  comte  de  Vaudémont, 
le  dernier  représentant  masculin  de  la  ligne  directe.  Deux  appen- 
dices donnant,  l'un,  un  aperçu  de  l'histoire  des  branches  secon- 
daires de  la  maison  de  Joinville,  et  l'autre,  un  tableau  généalogique 
des  sires  de  Joinville,  terminent  la  première  partie  de  cet  ouvrage. 
La  deuxième  partie  comprend  l'analyse  de  mille  soixante  et  onze 
pièces,  formant  ainsi  un  catalogue  complet  des  actes  des  seigneurs 
de  Joinville.  Une  bonne  table  clùt  ce  travail,  qui  justifie  bien  la 
laveur  qui  lui  fut  accordée  d'être  imprimé  à  l'Imprimerie  natio- 
nale et  la  récompense  (lue  lui  décerna  l'Académie  des  inscriptions 
et  belles-lettres,  la  première  médaille  au  concours  des  antiquités 
nationales.  Jules  Viarl». 


BIBLIOaiîAPHIE  881 


Aux  paijs  du  Chrisl.  Eludes  b.bli(/ues  en  i'.7.'y;"c  et  en  Palestine,  par 
l'abbé  M  °  Lanuriiïux.  —  Paris,  Maison  de  la  Donne  Presse,  1895. 
(Imprimerie  Pelithenry).  In-4"  de  ix-fiiS  pages,  avec  figures  dans  le  texte 
dessins  de  E.  Auger,   dessinateur  rémois. 

Ce  livre  esL  de  ceux  qui  ne  peuvent  être  omis  dans  une  biblio- 
graphie champenoise,  et,  à  défaut  du  compte-rendu  détaillé  qu'il 
mérite,  nous  devons  du  moins  le  signaler  ici  pour  son  intérêt  local 
et  général.  Les  récits  et  impressions  de  pélerioages  en  Terre- 
Sainte  sont  toujours  des  œuvres  marquantes  au  point  de  vue  de 
l'histoire  comme  au  point  de  vue  religieux.  Le  texte  de  celui-ci, 
son  illustration  soignée,  l'élan  et  l'entrain  qui  résultent  de  sa  lec- 
ture valent  bien  la  peine  que  nous  le  recommandions.  L'auteur 
vient  de  l'ofFrir  à  la  Bibliothèque  de  Reims.  H.  J. 


Lis  Hymnes  et  Proses  de  PEglise,  par  Pr.  Solllié,  docteur  es  lettres.  — 
Paris,  V.  Rctau.x,  1895,  lu- 8"  carré  de  iv-î210  pag'^s  (Imprimerie  Coopé- 
rative de  Reims.) 

Nous  avons  déjà  fait  connaître  aux  lecteurs  de  la  licviic  l'ou- 
vrage du  même  auteur,  Scniences  el  proverbes,  qui  renferme  tant 
de  vérités  morales  enveloppées  sous  une  forme  précise  et  poétique. 
Nous  tenons  à  leur  annoncer  la  publication  d'une  oeuvre  posthume 
de  l'ancien  professeur  de  l'Université,  membre  de  l'Académie  de 
Reims,  décédé  au  mois  de  lévrier  dernier,  dans  sa  SO"  année.  C'est 
une  ojuvre  également  digne  d'un  lettré,  mais  d'un  lettré  chrétien, 
esprit  ferme,  plein  d'une  foi  généreuse,  et  doué  dune  pénétration 
profonde  des  beautés  de  la  liturgie.  A  force  d'en  méditer  les  har- 
monies, il  s'est  essayé  à  les  traduire  en  vers. 

Le  recueil  que  M.  Soullié  a  su  composer  aux  beures  tranquilles 
de  sa  sereine  vieillesse,  a  cela  d'original  qu'il  oll're  le  texte 
des  plus  belles  hymnes  et  proses  catholiques  avec  une  traduction 
littérale  et  versifiée  en  regard.  On  peut  juger  ainsi  du  caractère,  de 
la  forme  et  du  fond  de  chaque  strophe  de  ces  poésies  sacrées,  trop 
peu  connues  du  monde  profane,  inconnues  même  de  beaucoup  de 
chrétiens.  Il  y  en  a  de  différentes  époques  et  des  auteurs  les 
plus  divers,  mais  elles  respirent  toutes  un  parfum  poéti(iue  sous 
leur  simplicité,  parfois  même  leur  naïveté  primitive. 

.M.  Soullié  ne  dissimule  pus,  dans  sa  préface,  ses  regrets  pour 
les  belles  proses  de  certaines  fêtes,  Noël,  l'Epiphanie,  l'Ascensicm, 
la  Toussaint,  généralement  supprimées  en  France  lors  de  l'adop- 
tion du  rite  romain  :  «  L'Eglise,  dit-il,  a  poussé  peut-être  ù  l'excès 
le  soin  et  le  scrupule  lorsqu'elle  a  proscrit  de  son  culte  une  foule 
de  séquences  [)leiues  de  dévotion  pour  n'en  garder  que  quatre  ou 


882  BIBLIOGRAPHIE- 

cinq,  et  nous  avons  entendu  plus  d'un  pieux  fidèle  les  regretter. 
Nous  avons  été  moins  sévère,  cl  nous  conservons  ici  les  plus 
remarquables  de  ces  prose?,  qui  charmaient  et  édifiaient  noà 
pères.  »  Puisse  ce  langage  d'un  lettré  chrétien  ramener  l'usage  de 
ces  chants  naguère  si  populaires,  déjà  repris  en  partie  à  notre  con- 
naissance dans  quelques  diocèses,  et  qui  contribueraient  partout  à 
remettre  en  honneur  les  oliices  publics  trop  délaissés. 

H.  J. 


Clovis,  par  GoDEFhOY  KuR-H,  professeur  à  l'Universilé  de  Liège;  magni- 
fique volume  grand  iu-4",  orné  de  huit  compositions  hors  texte  en  hélio- 
gi'avure,  d'après  les  dessins  de  Cormon,  Flameng,  Guillonnet,  Lurainais, 
Maignan,  Kocbegrosse,  et  de  130  gravures  sur  bois  dans  le  texte,  d'après 
Sellier,  Derotou  et  Le  Grand.  —  Tours,  Imprimerie  Marne,  1896.  Prix  ; 
15  fr.  broché. 

Ce  li\re  est  un  monument  et  un  document  :  Clovis,  le  premier 
roi  franc  et  le  premier  roi  très  chrétien,  n'avait  pas  encore  d'his- 
torien spécial,  el  son  époque  n'avait  jamais  été  circonscrite  et 
approfondie  avec  celte  érudition  de  bon  aloi  qui  en  rend  l'intel- 
ligence accessible  à  tous. 

Nous  devons  ce  double  service  à  un  savant  professeur  de  l'Uni- 
versité de  Liège,  que  ses  précédents  travaux,  sa  haute  compétence 
et  sa  situation  même  entre  les  pays  du  Rhin  et  la  France,  ren- 
daient apte  à  bien  écrire  cet  ouvrage,  difficile  à  composer  et  diffi- 
cile à  éditer.  C'est  la  France  (jui  l'a  édité,  par  les  presses  si  mer- 
veilleusement outillées  qui  ont  déjà  donné  à  notre  patrie  tant 
d'histoires  de  ses  héros  :  Sai:)t  Martin,  Charlemagne,  Saint  Louis, 
Jeanne  d'Arc,  Bayard,  Turenne,  etc.  Ce  sont  des  mains  françaises 
qui  l'ont  illustré  sous  la  direction  dévouée  de  M.  Léon  Gautier, 
avec  la  collaboration  d'un  archiviste  expérimenté,  iM.  Léon  Le 
Grand,  et  le  concours  d'artistes  distingués,  parmi  lesquels  nous 
citerons  en  première  ligne  M.  Sellier.  Nous  le  citons  parce 
que  nous  l'avons  vu  à  l'oeuvre  à  Reims,  l'hiver  dernier,  dessinant 
au  milieu  des  plus  rudes  intempéries,  courant  de  nos  musées 
à  nos  églises,  et  victime  de  son  zèle  dans  ces  courses  multiples, 
par  une  chute  qui  lui  cassa  le  poignet,  sans  suites  fâcheuses  toute- 
fois, grâce  aux  soins  immédiats  du  U'' Mercier.  L'habile  dessinateur 
a  repris  depuis  longtemps  son  actif  crayon,  mais  nous  n'avons  pas 
perdu  le  souvenir  de  cet  épisode. 

La  ville  de  Reims  et  la  Champagne  entière  ont  beaucoup  à 
glaner  dans  le  beau  livre  que  nous  recommandons  en  toute  sécu- 
rité :  son  prix  est  bien  inférieur  à  sa  valeur.  A  notre  avis,  il 
ne  manque  que  d'une  table  alphabétique  des  noms  et  d'une  table 
des  ligures.  U  faudra  donc  le  lire  tout  entier  avant  de  le  consulter, 
et  ce  sera  double  profit.  De  la  première  page  à  la  dernière,  on  y 
trouvera  d'utiles  dissertations;  celle  qu'a  composée  M.  L.  Demai- 
son,  sur  le  Lieu  du  Baptême  de  Clovis,  termine  le  volume. 

H.  J. 


BIBLIOGRAPHIE  883 


La  France  chrélicnne  daus  l'histoire,  ouvruge  publié  à  l'occasion  du  IV 
Centenaire  du  Baplême  de  Clovis,  sous  le  haut  patronage  de  Son  Emi- 
nence  le  Cardinal  Langénieux  et  sous  la  direction  du  R.  1\  B/.udiullart, 
prêtre  de  lOraloire.  —  l'aris,  Firmin-Didol,  1890.  Un  volume  in- \'  de 
600  page?,  illustré  de  nombreuses  gravures  dans  le  t^xle  et  hors  texte, 
d'après  les  documents  bistoriques.  Prix  brocbé  :  15  fr. 

Voici  un  second  ouvrage  qui  nous  repoiie  à  nos  origines,  mais 
avec  un  plan  beaucoup  plus  étendu  que.  le  Clovis  de  M.  Kurtli. 
Les  auteurs  de  La  France  chrtliennc  (ils  ne  sont  pas  inoins 
de  trente-sept)  ont  pour  but  de  retracer,  dans  une  série  de 
tableaux  rangés  par  ordre  chronologique,  toutes  les  phases  de 
l'action  chrétienne  dans  la  vie  nationale  de  la  France.  A  la  suite 
d'une  préface  du  Cardinal  Langénieux,  se  déroulent  ces  études 
complètes  ciiacune  et  distinctes  l'une  de  l'autre,  qui  oll'rent  la  vue 
claire  et  nette  tantôt  d'un  événement,  tantôt  d'un  personnage,  de 
manière  à  préciser  pas  à  pas  la  marclie  de  toute  notre  histoire. 
Des  juges  compétents  ont  déjà  pu  se  rendre  compte  de  la  réussite 
d'une  tentative  dont  le  l*.  Baadrillart  a  assumé  courageusement  la; 
tâche. 

La  réussite  peut-elle  manquer,  d'ailleurs,  à  une  coUiboration  qui 
compte  des  noms  d'historiens  et  d'écrivains  tenus  en  si  haute 
estime  :  AL  l'abbé  Dticliesne,  le  P.  de  Smedt,  .MM.  Imbart  de 
la  Tour,  V.  Fabrc,  J.  Kuy,  P.  l'ournier,  Marins  Sepet,  l'abbé 
U.  Chevalier,  Petit  de  Jullcville,  Pératé,  Wallon,  .\o<'l  Valois, 
R.  Doumic,  Rébeiliau,  pour  ne  citer  que  quelques-uns  des  plus 
connus  dans  le  monde  des  lettres  et  de  l'érudition'?  Avec  de  tels 
ouvriers,  chaque  pierre  de  l'édifice  assure  la  perfection  de  l'o-uvre. 

Quant  aux  sujets  traités  et  que  nous  ne  pourrions  tous  énumérer, 
il  en  est  qui  concernent  plus  spécialement  la  Champagne  :  Le 
liaplêmc  de  Clovis^  par  M.  Kurth,  avec  un  éclaircissement  sur  ses 
conséquences  prochaines  et  lointaines  ;  —  Hincmar,  par  P.  Four- 
nier;  —  AdalOéron,- pdiV  Marins  Sepet;  —  GerberL,  par  l'abbé 
Ulysse  Chevalier,  —  Jeanne  d'Arc,  par  le  marquis  de  Beaucourt  ; 
—  Les  BèncdicUns  français,  par  le  prince  de  Broglie,  etc.,  etc. 
Chaque  page  a  son  attrait;  chaque  détail  glorifie  la  France  depuis 
ses  origines  jusqu'à  nos  jours.  II.  J. 


A.  Bo.NVALLtT.  La    Préiôlii  rotjale   de  Cuiffij-k- Chulel.    Arcis-sur-Aube, 
l''ré;iiont,    1895,   iii-8". 

Sous  ce  titre  :  La  precûlc  royale  de  Coi/fij-le-  Chalel,yi.  A.  Bo.\- 
VALLET  publie  une  longue  étude  résumant  tous  les  renseignements 
qu'on  a  sur  cette  localité,  autrefois  assez  importante,  et  sur  le 
pays  environnant.  Le  nom  de  Coifiy  ne  parait  (ju'au  xr  siècle  dans 
des  chartes   de    la  maison    de   Choiscul    en    faveur  de    l'abbaye 


884  BIBLIOGRAPHIE 

de  Molesmes.  On  trouvera  dans  ce  travail,  qui  a  paru  récemment 
dans  notre  revue,  des  détails  intéressants  sur  l'administration  de 
la  justice  et  surtout  sur  les  communautés  d'iiabitants  dans  le  res- 
sort de  la  prévôté. 

Sommaire  de  la  Revue  historique.  T.  LIX.  Novembre-décembre 
189o  : 

RoccA  (Félix  De),  Les  assemblées  poWiques  dans  la  Russie  ancienne,  p.  241 
à  292.  —  Depping  (G),  Nouvelles  lettres  de  la  princesse  palatine: 
Madame,  mère  du  fiégenl  et  sa  tante  Sophie,  électrice  du  Hanovre  (suite 
et  lin),  p.  293  à  ;13.  —  Kkballain  (HenéuK).  Les  Français  au  Canada. 
La  capilulalion  du  fort  Guillaume-Henri  (1757),  p.  314  à  326.  --  Dans 
la  chronique,  il  est  rendu  compte  du  Marquisat  de  Plancy,  par  le  baron 
G.  de  Plancy,  de  la  Trouée  des  Ardennes,  par  M.  J.  Rayeur. 


Sommaire   de    la    Revue    historique    ardennaise   (novembre- 
décembre  189b)  : 

I.  La  deslruction  de  l'église  d'Aubrives  pendant  le  siège  de  Charlemont,  en 
1640,  par  N.  A. 

H.  Les  Monuinenla  Cartusia?  de  Valle  Sancti  Pelri  de  Dom  Ganncrun,  char- 
treux du  Mont- Dieu,  à  la  BiblioU'èque  nationale,  par  Paul  Laurent. 

III.  Mélanges.  —  L"  four  aux  verriers  de  la  forêt  d'Omont  (1477-1528), 
par  Henri  L&gaille. 

La  famille  relhéloise  de  Métayer,  par  Paul  Fellot. 

Porte  en    fer  du  xV  siècle,    à    l'ancien  moulin  de  Séoigny'Walcppc,  par 

Henri  Jadart. 
Un  château  projeté,  en  12H2,à  Moutrctcmps,  par  le  comte  deGrandpré,  sur 

V emplacement  d'un  monument  gallo-romain. 

IV.  Bibliographie.  —  Gui'laume  de  Barchon,  seigneur  de  Neuf manil.  gou- 
verneur de  la  principauté  d'Orange,  en  1!)71.  —  H.  Jadart,  Essai  d'une 
bibliographie  relhéloise.  — Jean-Pierre  de  lai  Rivière  de  Neuf  maison. 

V.  Chronique.  —  Les  lauréats  ardennais  de  l'Académie  de  Reims,  en  189o. 
VL  Table  des  matières  du  tome  II  de  la  Revue  historique  ardennaise. 


Sommaire   de   la  Revue  tVArdcnnc  et  d'Argonne  (novembre- 
décembre  189o)  : 

Vieille»  chansons  :  I.  Vieux  Noél  nrdennais  (nord  de  Sedan  ;  IL  Cythère 
(ronde  ardennaise)  ;  III.  Chanson  du  Clermontois  ;  IV.  Chanson  (Exer- 
nioul)  ;  V.  La  Voirgoie  (Plainchamps-Chéh^ry).  —  D'  J.  Jailliot, 
Recherches  sur  l'abbaye  de  Chéhèry  (suite).  —  E.  Henry,  Le  maré- 
chal de  camp  Guy  d'Haudanger,  seigneur  de  Sorcy-Dauthémont  (1603- 
1675).  —  s.  Leroy,  Notice  armoriale  et  généalogique  sur  la  Maison  de 
Bouillon  (suite). 
Planche  hors  texte.  -    Noël  (composition  de  A.  Drouei). 


CHRONIQUE 


SociETK  ACVDKUiQUE  DE  l'Auiîe  (Séaiicc  (tii  Kl  QOÙl  IS'.>5).  —  Pré- 
sidence de  M.  Kélix  ForUaine,  président. 

CORRESPO.NDANCt; 

MM.  Vallée,  sous-préfet  de  Hai'-sur-Aube,  et  Jean  Vcrnier  sont 
proclamés  membres  associés. 

MM.  Gaston  Lorey  et  Depontaillier  sont  proclamés  membres 
correspondants. 

M.  le  Président  annonce  que  M.  Victorien  Sardou,  membre  bono- 
raire,  vient  d'êlre  nommé  commandeur  de  la  Légion  d'honneur. 

Il  annonce  ensuite  la  mort  de  M.  Julien  Gréau,  membre  hono- 
raire, ancien  président  de  la  Société.  MM.  Félix  Fontaine  et  Albert 
Babeau  ont  assisté  à  ses  obsèques  et  donnent  lecture  des  discours 
qu'ils  y  ont  prononcés. 

Ouvrages  oiferts 

M.  Albert  Babeau  oiïre  une  Note  sur  les  plus  anciens  plans 
d'achèvement  du  Louvre  et,  la  réunion  de  ce  palais  à  celui  des 
Tuileries.  1!  faut  faire  remonter  au  règne  de  Henri  IV  les  pre- 
miers projets  de  réunion  des  deux  palais. 

M.  d'Arbois  de  Jubainville,  membre  honoraire,  envoie  un 
numéro  de  la  Revue  critique  d'Histoire  et  de  Littérature,  dans 
lequel  il  fait  un  grand  éloge  de  la  Statistique  monumentale  du 
département  de  l'Aube,  par  M.  Charles  Fichot,  et  formule  quel- 
ques critiques  qui  n'oient  rien  au  mérite  de  cette  remarquable 
publication. 

M.  Mathieu,  professeur  de  physique  au  lycée  de  Cherbourg,  offre 
une  conférence  faite  au  Congrès  agricole  de  Reims,  sur  la  Tourbe 
dans  le  sol  de  la  Champagne. 

M.  Labourasse,  membre  associé,  envoie  un  travail  manuscrit 
sur  :  Les  Plantations  de  Pins  dans  les  terres  crayeuses  de  la 
Champagne,  et  en  particulier  dans  l'arrondissement  d'Arcis-sur- 
Aube. 

Séance  du  18  octobre  ISi).').  —  Présidence  de  M.  Félix  Fon- 
taine, président. 

M.  Charles  Coullon  est  proclamé  membre  correspondant. 

Ouvrages  offerts  par  M.  Albert  Babeau,  membre  résidar.t  :  Le 
Théâtre  des  Tuileries  sous  Louis  XIV,  Louis  XV  et  Louis  XVI. 

Par  M.  Herluison,  membre  correspondant  :  Texte  de  l'allocution 
à  S.  S.  Pie  VII,  lors  de  son  passage  à  Troyes,  en  l8o;>,  pur  l'abbé 
Herluison,  bibliothécaire  de  la  ville. 


880  CHRONIQUE 

Par  M.  Louis  .Moriii  :  Une  associalion  coopérative  de  Joueurs 
d'instruments  à  Trotjes,  au  wn"  siècle  (Manuscrit). 

Par  .M.  le  docteur  Liitel,  membre  résidant  :  Piccueil  de  ver? 
et  poème  déposé  en  vue  du  Concours  de  poésie. 

M.  rarchivisle  donne  lecture  de  la  liste  des  dons  offerts  au 
musée  pendant  le  troisième  trimestre  de  189."i  ;  des  remerciements 
sont  adressés  aux  donateurs. 

M.  de  la  Boullaye  rend  compte  du  travail  de  M.  Labourasse  sur  -. 
Les  Plantations  de  l'ins  dans  les  terres  crayeuses  de  la  Cham- 
pagne, et  en  particulier  dans  l'arrondissement  d'Arcis-sur- 
Aubc. 

MM.  Ferdinand  Maison,  ingénieur  des  Mines,  à  Dijon,  Henri 
Abit,  professeur  au  lycée  d'Ai.\,  et  Arsène  Gry,  cbef  de  bataillon 
au  89°  d'infanterie,  à  Monlargis,  sont  élus  membres  correspon- 
dants. 

Séance  du  i')  novembre  l,S95.  —  Présidence  de  M.  Félix  Fon- 
taine, président. 

Ol'VnAGES    OFFERTS 

Les  Rurales,  poésies,  par  AL  Arsène  Thévenot,  membre  associé. 

Mémoires  de  la  Société  d'Agriculture,  Commerce,  Sciences  et 
Arts  de  la  Marne  :  M  Lorraine,  ni  Champenoise,  ou  nouvel 
aperçu  sur  Domremij,  pays  de  Jeanne  d'Arc.  L'auteur,  M.  Poin- 
signon,  essaie  de  démontrer  que  Domremy  dépendait  du  gouver- 
nement de  Vaucouleurs  et  se  trouvait,  par-là  même,  directement 
sous  la  domination  du  roi  de  France,  de  sorte  que  Jeanne  d'Arc 
ne  fut  ni  Lorraine,  ni  Champenoise.,  mais  directement  Française. 
Celle  étude  est  suivie  d'un  rapport  de  M.  Thibault,  sur  une  bro- 
cbure  de  M.  l'abbé  Missel,  qui  est  d'une  toute  autre  opinion  que 
M.  Poinsignon,  et  établit  la  nationalité  cbampenoise  de  Jeanne 
d'Arc  ;  le  rapporteur  approuve  pleinement  les  conclusions  de 
M.  Tabbé  Misset. 

Bulletin  de  la  Société  historique  el  archéologique  d'Orléans  : 
L'Age  de  Jeanne  d'Arc  à  l'époque  du  siège  d'Orléans,  par  M.  Guer- 
rier. Il  y  a,  sur  ce  point,  diverses  opinions.  L'auleuT  établit  que 
Jeanne  d'Arc  est  née  le  6  janvier  Lil2  ;  c'est  donc  à  dix-sept  ans 
et  quatre  mois  qu'elle  délivra  Orléans,  le  8  mai  1429. 

Bulletin  de  la  Société  des  Sciences  historiques  et  naturelles  de 
rVonne  :  Suite  du  travail  sur  Lvs  Le  Rouge,  imprimeurs  à  Cha- 
blis, intéressant  l'imprimerie  troyenne  :  l'un  des  Le  Rouge  ayant 
résidé  à  Troyes.  Notice  biographique  sur  M.  Gustave  Colteau, 
membre  correspondant  de  notre  Société  Académique. 

LECTL'nES    ET    COMMUNICATIONS    DU    PRÉSIDENT    ET    DES    MeUBRES 

M.  Dufour-Bouquot  lit  un  rapport  sur  Je  Théâtre  des  Tuileries, 
par  M.  Albert  Babeaii.  C'est  un  travail  d'un  grand  intérêt^  conte- 
nant de  très  curieuses  recherches  et  digne  en  tout  de  son  auteur. 


CHRONIQUE  S87 

M.  Tenling  donne  lecture  d'un  rappofl  sur  VHisluirc  du  »iflr- 
qitisat  di  Plancy,  par  M.  le  baron  de  Plancy  ;  il  fait  ressortir  le 
mérite  de  cet  ouvrage  très  consciencieux,  rempli  de  recherches;  il 
désirerait  seulement  l'indication  des  sources,  à  laquelle  on  attache 
justement,  aujourdluii,  une  très  grande  importance.  11  trouve 
aussi  que  l'auteur  est  bien  sévère  pour  les  abbés,  qui  n'ont  per- 
sonne pour  les  défendre. 

M.  Det  lit  un  rapport  sur  l'ouvrage  de  M.  Louis  Morin  :  Les 
nssocialions  coopératives  de  joueurs  d'instruments  à  Troycs,  au 
XVII^  siècle.  L'auteur  a  découvert  des  pièces  importantes  qui 
donnent  à  son  travail  une  réelle  valeur;  il  fait  connaître  les  règle- 
ments, les  conditions,  les  avantages  de  ces  associations  ;  on  y 
remarque  un  grand  développement  de  l'assistance  mutuelle. 

M.  Truelle-Saint-Evron,  membre  corresporidant,  a  envoyé  un 
travail  manuscrit  intitulé  :  Un  Troyen  à  la  Grande  Chartreuse, 
notice  nécrologique  sur  le  R.  P.  Timothée  Arnoult.  M.  le  Président 
donne  lecture  de  ce  manuscrit,  dont  l'auteur  demande  la  publi- 
cation. 

M.  Le  Clert  lit  un  travail  destiné  à  ['Annuaire,  sur  la  Faïencerie 
de  Mathaux  ;  ce  travail  est  accompagné  d'une  planche  très  fine- 
ment exécutée,  qui  donne  une  idée  des  produits  de  celte  faïence- 
rie. Aucune  notice  n'a  encore  été  publiée  bur  ce  sujet  ;  M.  Le  Clert 
s'est  proposé  de  combler  cette  lacune.  La  faïencerie  de  Mathaux 
était  la  plus  importante  de  notre  région.  .M.  Le  Clert  en  donne 
l'historique  et  indique  les  moyens  d'en  reconnaître  les  produits. 

M.  de  la  Boullaye  dépose,  également  pour  V Annuaire,  un  por- 
trait authentique  du  général  de  Dampicrre.  Ce  portrait  sera 
accompagné  d'une  notice  qui  sera  lue  à  la  prochaine  séance. 

M.  l'abbé  d'Antessanly  rend  compte  d'un  travail  manuscrit 
envoyé  par  iM.  l'abbé  Blampignon,  membre  correspondant,  et 
intitulé  :  Le  comte  Beugnot.  et  conclut  au  renvoi  à  la  Commission 
de  publication. 

Les  travaux  de  MM.  Louis  Morin,  Truelle-Saint-Evron,  Le  Clert 
et  Blampignon  sont  renvoyés  à  la  Commission  de  publication. 

Présentations 
.MM.  le  comte  de  Vallerand  ;  Paul  Bavatte,  ingénieur  des  Ponts- 
et-Chau5sées,  à  Sedan  ;  Lefebvre,  professeur  de  mathématiques 
spéciales  au  Lycée  de  Reims  ;  et  Petit-Dutaillis,  professeur  d'his- 
toire de  moyen-âge  à  la  Faculté  des  Lettres  de  Lille,  sont  pro- 
posés comme  membres  correspondants. 

Séance  du  20  novembre  tS95.  —  Présidence  de  M.  Félix  Fon- 
taine, président. 

CORRIiSPONDANC.-: 

Depuis  la  dernière  séance,  la  Société  a  perdu  deux  de  ses 
membres,  M.  Bertbeiand,  de  Chacenay,  et  M.  Théodore  Mannequin, 


888  CHRONIQUE 

économiste.  M.  le  Président  se  fait  l'interprète  des  regrets  causés 
par  leur  nnort. 

M.  Maison,  ingénieur  des  mines  à  Dijon,  est  proclamé  membre 
correspondant. 

M.  Barotte,  qui  a  quitté  Troyes  d'une  façon  définitive,  envoie  sa 
démission  de  membre  résidant.  M.  le  Président  lui  a  exprimé  les 
regrets  de  la  Société  et  le  proclame  membre  honoraire.  La  vacance 
de  son  fauteuil  est  déclarée,  et  il  sera  pourvu  à  son  remplacement 
à  la  séance  de  janvier. 

L'Institut  vient  de  décerner  à  M.  Charles  Ballet,  pour  son 
ouvrage  :  L'HorlicuUure  dans  1rs  cinq  parties  du  monde,  le  prix 
de  statistique  fondé  par  M.  de  Monthyon. 

M.  le  Président  adresse  à  M.  Baltet  les  félicitations  de  la  Société. 

MM.  Courtois  et  Cognée  remercient  la  Société  de  la  médaille  d'or 
qui  leur  a  été  décernée  le  19  juillet  dernier. 

M.  Bruwaërt,  à  qui  l'on  doit  un  travail  sur  le  graveur  troyen 
Thomassin,  couronné  par  la  Société  en  1875,  et  inséré  dans  les 
Mémoires  de  1876,  écrit  qu'il  a  retrouvé  des  documents  inédits  le 
complétant  et  en  demande  la  publication. 

M.  Bruwaért  demande  en  même  temps  si  la  Société  Académique 
ne  perd  pas  de  vue  un  remarquable  manuscrit  de  Pilhou,  qu'il  lui 
a  fait  remettre  il  y  a  quelques  années,  pour  être  publié.  M.  le 
Président  lui  a  répondu  que  ce  manuscrit  précieux  était  conservé 
pour  être  inséré  dans  le  premier  volume  de  Documents  inédits, 
que  la  Société  serait  en  mesure  de  faire  paraître. 

Ouvrages  oi-i-p;rts 

Par  M.  H.  Herluison,  d'Orléans,  membre  correspondant:  Le  Nou- 
veau Musée  de  Jeanne  d'Arc  ;  —  et  un  portrait  de  G. -P.  Herluison, 
bibliothécaire  de  l'Aube,  1759-1811.  —  il  demande  en  même  temps 
l'insertion  dans  les  Mémoires  de  la  Société,  d'une  note  relative  i 
Pierre  Mignard,  qui  a  été  insérée  dans  le  Compte-rendu  du  19* 
Congrès  des  Sociétés  des  Beaux-Arts  des  déparlements.  Cette  note 
est  très  intéressante  pour  notre  pays,  mais  les  Mémoires  de  la 
Société  sont  exclusivement  réservés  aux  travaux  inédits.  Avis  en 
sera  donné  à  M.  Herluison,  en  lui  exprimant  les  regrets  de  la 
Société. 

Par  M.  Lhole,  membre  correspondant  :  Un  érudit  chalonnais  : 
Josepli-Ami'dée  Llioie. 

Par  M.  Charvot,  instituteur  à  Mesnil-Lettre  :  Noies  de  L'ahbé 
Monnier,  recueillies  par  M.  Charvot;  —  Histoire  d'Aiizances  et  de 
Crocq,  par  Tardieu. 

Par  M.  le  comte  de  Vallerand  :  Histoire  de  l'abbaye  du  Bricot- 
en-Brie. 

La  Revue  de  Chanipagne  et  de  Brie  commence  par  une  note  de 
M.  Louis  Morin,  sur:  Un  cas  de  pression  électorale  en  I72S.  C'est 


CHHONIQUE  889 

l'histoire  d'une  lutte  entre  les  représentants  du  pouvoir  roval  et 
les  bourgeois  de  la  ville,  à  propos  de  l'élection  des  maire  et  éche- 
vins.  Les  bourgeois  eurent  le  dessous;  mais  à  la  suite  de  cette 
lutte,  une  réglementation  nouvelle  intervint  pour  les  élections  et 
les  charges  municipales,  modification  qui  mit  tout  le  monde  d'ac- 
cord «  jusqu'à  la  prochaine  querelle  »,  ajoute  l'auteur.  Les  inci- 
dents relatés  ressemblent,  en  beaucoup  de  points,  à  ce  qui  se 
passe  de  nos  jours,  et  prouvent  que  les  passions  humaines  ne  se 
modifient  guère  avec  les  siècles. 

Bulletin  du  Comité  des  Travaux  historiques  :  A.  citer,  parmi 
les  travaux  remarquables  communiqués  au  Congrès,  un  mémoire 
de  M.  Rameau  de  Saint-Pére,  sur  les  chartes  censives  du  xi«  siècle 
dans  quatre  chàtellenies  (Oise,  Cher,  Aube  et  Orne).  La  chàtel- 
lenie  de  l'Aube  dont  l'auteur  s'occupe  est  celle  de  Chacenay  ;  il 
rappelle  avec  quel  goût  et  quelle  intelligence  M.  et  Mme  E.  Ber- 
Iherand  ont  fait  revivre  le  château  ;  il  mentionne  le  concours  que 
leur  a  apporté  M.  l'abbé  Lalore,  qui  a  créé,  dans  le  manoir  lui- 
même,  un  trésor  incomparable  de  manusciits  locaux,  dans  les- 
quels il  a  trouvé  des  richesses  d'érudition.  Il  constate  qu'à  Chace- 
nay il  y  avait  encore  des  ser.'"s  en  1084  et  i  I  !9  ;  qu'il  y  avait  déjà 
des  tenanciers  censitaires,  et  même  riches,  alors  qu'une  partie  de 
la  population  était  encore  assujettie  au  servage. 

LECTL'RliS    ET     COMMUNICATIONS 

M.  de  la  Houllaye  lit  une  Notice  sur  le  général  de  Dampierre,  à 
l'occasion  d'un  portrait  inédit  ;  elle  est  destinée  à  l'Annuaire. 

M.  Det.  en  vue  de  V Annuaire  également,  a  préparé  une  note 
sur  L'ancienne  rue  de  ^'e)^vaux,  dont  il  donne  lecture. 

M.  Renaud  lit  un  article  de  M.  Thiébault-Sisson,  publié  dans  la 
dernière  nouvelle  du  journal  le  Temps,  du  l.'i  décembre  lH9o,  au 
sujet  de  l'attribution  du  tableau  Les  Deux  Ambassadeurs,  qui 
appartient  à  la  National  Gallery  de  Londres,  et  qni  a  été  repro- 
duit par  la  Gazelle  des  Heaux-Aris.  D'après  un  document  qui 
parait  être  un  extrait  d'inventaire,  découvert  par  .Miss  Mary  Her- 
vey,  l'un  des  ambassadeurs  serait  Jean  de  Dinteville,  seigneur  de 
Polisy,  bailli  de  Troyes,  ambassadeur  de  France  en  Angleterre  en 
153-2  et  lo33. 

M.  Le  Clert  dit,  à  ce  propos,  que  .^L  Babeau  et  lui  ont  été  consultés 
pour  ce  tableau  pai-  M.  Sidney-Colvin,  conservateur  des  dessins  au 
British  Muséum.  M.  Le  Clert  lui  a  envoyé  un  dessin  du  vitrail  de 
l'église  de  Tbennelières,  qui  représente  Jean  de  Dinteville. 

Elections  et  Puéskntations 

MM.  le  comte  de  Vallerand,  Baratte,  Lefehvre  et  Petit-Dutaillis 
sont  élus  membres  correspondants. 

Sont  présentés  comme  membres  associés  :  M.M.  Lugène  Labille 
de  Breuze,  sylviculteur  à  Bar-sur-Seine,  et  Henri  Jauès,  régisseur 
du  domaine  de   Crogny  ;   et    comme    memhres   correspondants  ; 


890  CHRONIQUE 

MM.  Ferdinand  Slorelli,  Roger  (îodoL  de  Mauroy,  propriétaires  à 
Paris  ;  l'abbé  Paul  Berton,  à  Esternay  (Marne)  ;  Longnon,  membre 
de  rinsliluL  ;  Henry  Lorimy,  président  de  la  b'ociélé  arcbéologique 
du  Cbàlillonnais. 


Liste  des  dons  faits  au  Musf.e  de  Tuoyes  (Pendant  le  troisième 
trimestre  de  l'année  IS!).'))  : 

Peinture 
MM. 

Le  baron  Alpbonse  de  Rothschild,  membre  de  i'Jnstilut  :  — ' 
Saint  Michel  protéijeant  nne  trépassée.  ToUe  par  M.  Hubert-Denis 
Etcheverry,  médaillé  au  Salon  de  18'J5. 

Léon  Fréminet,  membre  associé  (legs  testamentaire)  :  —  l'ny- 
sage.  Aquarelle  par  M.  G.  Legrand. 

Sculpture 
Courillon  lils,  épicier,  rue  de  la  Cité,  n»  41,  à  Troyes  :  —  Vierge- 
Mèr",  statue  en  pierre  datant  du  commencement  du  xyi*^  siècle. 
Elle  provient  de  l'ancienne  maison  canoniale  qui  porte  le  n"  î,  sur 
la  place  Saint-Pierre. 

AnCHÉOLOGIE 

Le  Maire  et  le  Conseil  municipal  de  la  Ville  de  Troyes  :  —  Une 
petite  fourchette;  —  Une  clé;  —  Une  bouclette  de  chemise  sans 
ardillon  ;  —  Un  clou  ;  —  Un  fragment  de  ferret  ;  —  Un  support  de 
pendeloque  ;  —  Deux  tiges  découpées  dans  une  plaque  de  métal,  à 
laquelle  elles  adhèrent  par  leur  partie  supérieure  ;  l'autre  partie, 
qui  est  libre,  est  percée  latéralement  de  petits  trous  (l'emploi  de 
cet  objet  nous  est  inconnu)  ;  —  Une  petite  tleur  de  lis,  munie  d'un 
rudiment  de  pédoncule  (tous  ces  objets  sont  en  bronze)  ;  —  Un 
petit  médaillon  en  cuivre  jaune,  portant  sur  ses  deux  faces  une 
rose  gravée  en  creux.  Il  date  du  commencement  du  xyi^  siècle  ;  — 
Trois  clefs  en  fer;  —  Plusieurs  fragments  d'un  plat  en  terre  ver- 
nissée, orné  de  dessins  géométriques  gravés  en  creux  ;  —  Deux 
débris  de  faïences  décorées  portant  :  l'un,  le  monogramme  du 
Christ;  l'autre,  des  lettres  ayant  fait  partie  d'une  inscription;  — 
Trois  fragments  de  pierres  sculptées  trouvés  dans  la  rue  du  Petit- 
Cloitre-Saint-Pierre,  et  provenant  vraisemblablement  de  l'ancienne 
église  de  la  Maison-Dieu-Saint-Niculas,  xii°  siècle  ;  —  Deux  boulets 
en  fer,  découverts  près  de  l'ancienne  porte  Saint-Jacques. 

L'abbé  Prévost,  curé  de  Rouilly-Sacey,  membre  associé  :  —  Un 
débris  de  pierre  tumulaire  gravée  au  trait.  Personnages  sous  des 
édicules.  Provient  de  Rouilly-Sacey,  xive  siècle. 

Mme  Charles  Savctiez,  au  nom  de  feu  M.  Savetiez,  membre  rési- 
dant :  —  Une  clé  ancienne,  en  for. 

Bourgeois,  instituteur,  à  Chapelle-Vallon  :  —  Une  batterie 
de  fusil  à  pierre  ;  —  Un  poids  d'horloge,  en  bronze  ;  —  Un  bouton 
d'habit,  en  cuivre  jaune. 


CHRONIQUE  801 

Mazurier,  antiquaire,  ù  Tioyes  :  —  Une  enseigne  de  pèlerinage 
en  pioml),  dont  l'entouiMge,  ayant  la  forme  d'un  co'ur,  renferme 
une  plaquette  en  plomb  sur  laquelle  on  voit,  en  relief:  d'uneûlé, 
un  évêque  bénissant;  rie  l'autre,  saint  Laurent  portant  son  irril. 
Provient  de  Villcnauxe. 

Cbarles  Poussier,  rue  Saint-Loup,  n"  6,  à  Troyes  :  —  Un  carreau 
en  terre  incrustée  et  vernissée,  trouvé  dans  des  fouilles,  près  du 
pont  de  Jaillard  ;  —  Un  débris  de  verre  irisé,  provenant  du  pied 
d'un  vase  et  rappelant,  par  sa  forme,  certains  produits  de  l'an- 
cienne fabrique  de  .Murano  ;  —  Un  fragment  de  frise  en  pierre 
sculptée,  trouvé  dans  la  rue  du  Hon-Pasteur. 

De  la  Bouliaye,  membre  résidant  :  —  Un  carreau .  vernissé 
et  incrusté,  provenant  de  l'abbaye  de  Montiérender. 

Blanc  jeune,  rue  du  Betïroi,  n"  8,  à  Troyes  :  —  Une  pendeloque 
en  bronze;  —  Un  tlacon  en  verre  ;  —  Deux  petits   vases  en  terre  ; 

—  Deux  fusaioles,  également  en  terre  cuite,  et  un  grain  de  collier 
en  verre  :  le 'tout  provenant  de  la  propriété  du  donateur,  située 
sur  le  territoire  de  Saint-Julien,  prés  du  chemin  de  fer  de  Paris  à 
iMulhouse,  dans  le  lieu  dit  Le  Cliamp-aux-Oics  :,  —  Une  boucle  de 
ceinturon,  en  fer,  portant  des  restes  d'incrustations  en  or  et 
en  argent.  Elle  a  été  découverte  dans  la  même  propriété,  près 
d'un  ancien  puits.  Ces  objets  datent  de  l'époque  franque  ;  —  Une 
bâche  en  granit,  de  l'âge  de  la  pierre  polie,  trouvée  dans  la  grève, 
près  du  déversoir  de  Saint-Julien;  —  Un  fer  de  tlècbe,  de  forme 
triangulaire,  et  des  biscaïens  en  fer,  trouvés  dans  les  anciens  fos- 
sés de  la  Ville,  prés  des  rotondes  du  cbemin  de  fer;  —  Un  frag- 
ment du  pot  en  terre  qui  renfermait  les  monnaies  romaines 
découvertes  ù  Villemoyenne,  en  1892. 

Numismatique  et  Sigillographie 

Mariotle,  propriétaire  à  Landreville  :  Quatorze  monnaies  fran- 
çaises et  étrangères  et  un  jeton  en  cuivre  jaune  :  le  tout  provenant 
de  trouvailles  faites  sur  le  finage  de  Landreville. 

Bourgeois,  instituteur  à  Chapelle-Vallon  :  —  Deux  monnaies 
françaises,  en  billon. 

Blanc  jeune,  à  Troyes  :  —  Un  lot  de  grands  bronzes  des  Empe- 
reurs et  Impératrice  Adrien,  Antonin,  Marc-Aurèle,  Fausline 
jeuns  et  Commode,   provenant  de  la  trouvaille  de  Villemoyenne  ; 

—  Cinq  médailles  de  l'ancienne  Société  horticole  de  l'Aube,  dont 
quatre  en  argent  et  une  en  bronze. 

Le  Maire  et  le  Conseil  municipal  de  la  Ville  de  Troyes  :  — 
Quatre-vingt-douze  monnaies  romaines,  françaises  et   étrangères  ; 

—  Treize  jetons  et  deux  médailles,  trouvés  dans  les  tranchées  pra- 
tiquées en  ville  pour  la  pose  des  nouvelles  conduites  d'eau. 

Jourdan,  membre  résidant  :  —  l,n  sceau-matrice  en  bronz'% 
rond  et  à  bélière.  Légende  :  +  S  WALTLRI.  V;  CALAI'.  Dans  le 
champ,  une  aigle  empiétant  un  agneau.  Ce  sceau  de  bourgeois, 


892  CHRONIQUE 

dalanl  du  xiv  siècle,  provient   de    la    tranchée    ouverte   rue    du 
Cloître-Sain  t-Etieni.e. 

Mme  Charles  Savetiez,  au  nom  de  M.  Savetiez,  son  mari,  décédé 
membre  résidant  de  la  Société  Académique  de  l'Aube  :  —  Un 
cachet  de  la  mairie  de  Dampieire;  —  Un  cachet  de  Uabiche,  juge 
de  paix  à  Chavanges,  et  quatre  cachets  de  diflférents  types,  portant 
le  nom  de  M.  Savetiez,  notaire  à  Dampierre  (Aube). 

Histoire  naturellic 
Blanc  jeune,   à  Trojes   :   —    Un   oursin,   trouvé   dans  la  partie 
basse  du   l'ré-aiix-Gols,  finage  de  Saint-Julien;    —    Un  escargot 
{CochUa  lerrestris)  à  hélice  renversée. 

Ml.NÉRALOr.IE 

De  Mauroy,  membre  résidant  :  —  Dix  échantillons  de  météorites 
nouvelles  pour  le  Musée. 

SociÉTiL  Historique  et  Archéologique  de  Chateau'-Thierry 
(Séance  du  ^'  septembre  1893).—  Présidence  de  M.  Véretle,  pré- 
sident. 

1.  —  La  maison  de  La  Fontaine  reçoit  de  fréquentes  visites  ; 
il  est  peu  de  personnes,  passant  par  Chàteau-Tliierry,  qui  ne 
lassent  un  pèlerinage  au  berceau  du  fabuliste.  Dans  le  courant  du 
mois  d'août,  deux  tourisics,  littérateurs  distingués,  MM.  Antony 
Valabrègue^  critique  d'art,  et  Victorien  Maubry,  publiciste,  ont 
publié  chacun  leurs  impressions,  le  premier,  dans  la  Nouvelle 
Revue,  le  second,  dans  le  journal  ÏInsD'uclion  Primaire. 

La  Compagnie,  touchée  de  l'hommage  qu'elle  a  reçu  de  ces 
deux  visiteurs,  s'associe  pleinement  à  l'idée  exprimée  entre  autres 
par  M.  Valabrègue,  à  savoir  que  Château-Thierry  aurait  tout  inté- 
rêt à  développer  son  musée  et  à  peupler  la  maison  La  Fontaine. 
>'  On  voudrait  y  voir  le  plus  grand  nombre  d'objets  rappelant 
l'auteur  des  Fables  ;  quelques  tentures  de  Beauvais,  avec  des  repro- 
ductions d'après  Oudry.  oifriraient  une  décoration  facile  et  tout  k 
fait  en  rapport  avec  la  destination  et  les  souvenirs  de  la  maison.  ■> 

IL  —  Inventaire  du  mobilier  de  Hilaire  de  La  Haye,  auditeur  à 
la  Cour  des  Comptes,  conseiller  du  rai,  à  Charly,  en  1680. 

C'est  une  véritable  indiscrétion  que  nous  allons  commettre, 
assure  M.  Corlieu  ;  mais  cette  indiscrétion  est  à  la  mode,  et  je 
n'en  veux  pour  preuve  que  l'exemple  donné  par  M.  le  vicomte  de 
Grouchy,  lequel  dépouille,  au  grand  plaisir  des  archéologues 
curieux,  les  minutes  anciennes  des  notaires  de  Paris. 

Or,  Hilaire  de  La  Haye,  propriétaire  du  petit  château  de  la 
Bonnelle,  à  Charly  (maisons  Fléchy  et  Dalibon),  était  mort  en  mai 
1G85,  laissant  une  veuve  et  plusieurs  héritiers.  Un  inventaire  s'im- 
posait ;  il  fut  dressé  par  iNicolas  (iorlidot,  notaire  à  Charly. 

«  Commencé  le  13  juillet  1G8(J,  cet  inventaire  fut  clos  le  lende- 


CHRONIQUE  89  "i 

main.  Il  esl  instruclif  au  point  de  vue  de  la  valeur  approximalive 
des  objets  au  xvii'^  siècle^  et  nous  montre  que  le  confortable  d'un 
seigneur  à  cette  époque  était  inférieur  à  celui  d'un  petit  bourgeois 
d'aujourd'hui.  » 

Deux  membres  de  la  famille  de  La  Haye  ont  été  ambassadeurs 
à  Constantinople,  d'autres  ont  rempli  des  fonctions  importantes 
dans  l'administration,  la  magistrature  ou  le  clergé.  Il  reste, 
comme  souvenir  de  cette  famille,  une  plaque  de  cheminée  armo- 
riée et  qui  se  trouve  dans  la  ferme  de  Charly.  «  Sic  transit  gloria 
mundi!  »  ajoute  tristement  M    Corlieu. 

III.  —  M.  de  Lariviére  donne  lectyre  d'une  étude  documentée 
sur  notre  La  Fontaine,  candidat  à  l'Académie  en  1682.  Colbert 
venait  de  mourir;  une  place  était  vacante  ;  les  amis  de  La  Fon- 
taine l'engagèrent  à  se  présenter;  il  avait  pour  compétiteur  son 
ami  Boileau.  Malgré  l'opposition  de  Louis  XIV,  malgré  l'opposition 
du  rogue  président  Rose  —  qui  jeta  sur  le  bureau  la  dernière 
édition  des  Contes  —  La  Fontaine  fut  élu,  mais  ne  put  prendre 
séance  qu'après  la  nomination  de  Boileau,  cest-à-dire  en  1684. 
Celte  notice,  finement  écrite,  insérée  dans  la  Hevuc  lillrraire,  est 
due  à  un  professeur  de  la  Faculté  des  Lettres  de  Paris,  qui  a  gardé 
l'anonymat, 

IV.  —  Les  archives  de  la  Société  vont  s'enrichir,  grâce  à 
M.  Pilloy,  d'une  pièce  fort  curieuse.  Il  s'agit  de  l'ordonnance, 
signée  par  Louis  XIV,  contrôlée  par  d'Ormesson,  de  Breteuil, 
Letellier,  réglant  les  impositions  pour  l'élection  de  Château- 
Thierry  en  178k  <(  Encore  bien,  dit  l'édit,  que  les  besoins  de  l'Etat 
ne  nous  permettent  pas  encore  d'annoncer  à  nos  peuples  des  dimi- 
nutions générales  sur  la  masse  des  impositions,  ceux  de  nos  sujets 
qui  auront  éprouvé  des  pertes  locales  dans  leurs  récoltes,  doivent 
se  reposer  avec  confiance  sur  notre  attention  à  leur  procurer  des 
secours  particuliers,  etc..  ■> 

Voici  les  chitlVes  des  impositions  pour  l'année  précitée  : 

Pour  la  taille i  l'i.dOO  livres 

Pour  les  impositions,  accessoires  de  la  taille.     .         lOI.UO-i     — 
Pour  la  capitation  (y  compi'is  4  sous  par  livre).     .  IS.UOO     — 

Au  total.     .     .     .         -iOS-iniV  livres 
11  serait  intéressant  de  comparer  ces  cliilfres  avec  ceux  que  com- 
portent Ici  rôles  actuels, 

V.  —  Le  secrétaire  annonce  la  mort  de  M.  Jlené  Bigorgnc, 
maire  de  Marigny-en-Orxois,  qui  avait  succédé  à  son  père  comme 
i.iemhre  titulaire,  en  1871.  La  Société  présente  ses  sincères  condo- 
léances à  la  famille  si  cruellement  éprouvée. 

il  enregistre  le  travail  de  M.  Enlart,  sur  les  MoHumeiUs  reltfjkux 
de  i'arckUcciure  romane  et  de  iraiisilion  dons  les  anciens  dio- 
cèses d'Amiens  et  de  Bohloijne.  etc.,  où  l'auteur  analyse  ou  cite 
•21    églises   du   département;   ainsi    que   le  volume  que  M.   l'abbé 


894  CHRONIQUE 

Pêcheur  vient  de  piililicr,  qui  donne  une  connaissance  réelle 
de  l'élat  du  diocèse  de  Soissons  dans  la  première  moitié  de 
ce  siècle. 

Séance  du  5  novembre  IS05.  —  Le  14  octobre  dernier,  M.  Maciet 
faisait  déposer  dans  la  salie  des  séances,  pour  être  remis  au  musée 
de  la  ville,  deux  j»ortraits  de  La  Fontaine.  «  Je  pense,  dit  le  bien- 
veillant donateur,  que  ces  portraits  auront  un  grand  intérêt  pour 
nos  collègues,  car  ils  représentent  tous  deux  le  fabuliste  assez 
jeune  et  olfrent  des  types  dont  le  petit  musée  ne  possède  pas  de 
reproduction  :  1°  petit  portrait  peint  à  l'huile,  sur  carton,  d'après 
le  grand  et  beau  portrait  appartenant  à  la  bibliothèque  de  Genève. 
C'est  une  copie  ancienne  qui,  sans  avoir  des  qualités  notables 
comme  peinture,  n'est  pourtant  pas  mauvaise  et  parait  exacte; 
2"  dessin  rehaussé  de  couleurs,  copie  agrandie  d'une  miniature 
qui  est  au  Louvre,  provenant  du  legs  Lenoir.  Cette  copie  a  été  exé- 
cutée en  1893,  par  M.  Gentil,  très  jeune  pensionnaire  de  la  ville 
'd'Orléans,  à  l'Ecole  des  Beaux-Arts;  elle  est  d'une  ressemblance 
très  exacte.  » 

Le  2  novembre  dernier,  M.  Maciet  enrichissait  encore  le  musée 
des  portraits  gravés  du  poêle  et  de  sa  femme.  Ces  portraits  ont 
été  publiés  par  la  maison  Hachette  dans  sa  grande  édition  des 
classiques.  Des  remerciements  sont  adressés  à  M.  Maciet  et  au 
généreux  éditeur. 

L'hiver,  avec  ses  longues  soirées,  va  permettre  à  M.  Salèse,  prin- 
cipal du  collège  de  Verdun,  et  correspondant  de  la  Société,  de 
mettre  la  dernière  main  à  ses  deux  notices  sur  les  Maucroix  et  les 
Pintrel. 

IL  —  Dans  le  volume  des  Travaux  de  l'Académie  de  Reims,  le 
secrétaire  signale  :  1^  la  remarquable  étude  de  M.  Duchàtaux,  sur 
«  Virgile  avant  l'Enéide  »  ;  2°  «  le  Grand  Pardon  de  Chaumont  ». 
Cette  notice  nous  révèle  un  Jean  de  Montmirel,  né  à  Chaumont 
en  1409,  mort  à  Rome  en  1479,  et  tout  à  l'ait  distinct  du  B.  Jean 
de  Montmirail,  abbé  de  Longpont,  mort  en  1217.  —  La  Société 
des  sciences  historiques  de  l'Yonne  continue  l'intéressante  biblio- 
graphie de  l'œuvre  de  Pierre  I^e  Rouge,  de  Chablis,  fécond  et 
habile  graveur,  imagier  du  xni''  siècle. 

IIL  —  «  l'etit  procès  civil  et  criminel  devant  la  prévôté  de 
Neuilly-Saint-Fi'ont,  en  1780.  » 

Cette  [trévôté  avait,  le  21  janvier  1789,  rendu  une  décision  dont 
appellation  fut  portée  devant  «  laTournelle  ».  L'alfaire  n'était  pas 
bien  grave,  mais  les  débats  furent  longs,  animés,  et  les  parties 
épuisèrent  tous  les  degrés  de  la  juridiction  ;  c'est  ce  long  débat 
dont  M.  Puinsier  nous  donne  une  complète  et  bien  intéressante 
analyse...  Le  21  janvier  1789,  on  célébiait,  avec  un  éclat  inaccou- 
tumé, le  baptême  de  l'enfant  du  cabaretier  Salendre.  Le  parrain 
réclama  l'aide  de  plusieurs  amis,  à  l'exclusion  des  sonneurs  attitrés, 


CHRONIQUE  89o 

pour  inellre  eu  volée  les  quatre  cloches  de  la  parois.^c.  Les  son- 
neurs improvisés  accomplirent  leur  besogne  avec  tant  de  bonne 
volonté  que  plusieurs  accidents  survinrent,  et  de  là  prori'-s  inter- 
minable. 

IV.  —  Dans  la  deuxième  partie  de  son  élude  sur  «  la  Pharmacie 
de  l'Hôtel-Dieu  »,  M.  Fr.  Ilenriet,  après  avoir  rappelé  les  bienfaits 
de  M.  et  Mme  de  Stouppe  en  faveur  de  la  maison  que  dirigeait, 
avec  autant  de  distinction  que  de  charité  leur  nièce,  Mme  de  la 
Bretonnière,  s'attache  à  déterminer  les  centres  de  fabrication  des 
vases  de  la  pharmacie  et  du  service  de  table.  D'après  le  caractère 
décoratif,  l'aspect  de  l'émail,  l'épaisseur  de  la  matière,  on  peut, 
sans  crainte  de  se  tromper,  attribuer  une  origine  nivernaisc  aux 
200  pièces  qui  ornaient  l'ancienne  pharmacie. 

«  C'est  à  Rouen  que  M.  et  Mme  de  Stouppe  se  sont  adressés  pour 
tout  ce  qui  concerne  le  service  de  table,  et  c'était  faire  preuve  de 
goût.  La  fabrique  roucnnaise  n'avait  pas  de  rivale  pour  ce  genre 
spécial,  et  tenait  d'ailleurs,  sans  conteste,  le  premier  rang  parmi 
les  faïenceries  concurrentes  ».  D'après  le  manuscrit  de  Mme  de  la 
Bretonnière,  ces  services,  qui  pottent  les  armes  de  la  commu- 
nauté, auraient  été  reçus  au  cours  des  années  16S8  et  1600. 

La  céramique  strasbourgeoise  est  là,  comme  partout  à  peu  près, 
de  qualité  moyenne;  il  faut  en  excepter  quatre  corbeilles  à  fruits 
délicatement  ajourées,  plusieurs  tasses  à  café,  et  deux  soupières 
oblongues,  côtelées.  M.  Fr.  Henriel  pense  qu'elles  proviennent  de 
la  fabrique  d'Aprey  (Haute-Marne). 

Nous  ne  voulons  pas  clôturer  celle  intéressante  analyse  sans 
relever  cette  note  :  Les  grandes  orgues  de  l'Hôtel-Dieu,  placées 
dans  la  tribune  de  la  chapelle  (don  de  M.  de  Stouppe),  furent  mises 
en  vente  pendant  la  Révolution  et  achetées  par  les  protestants  de 
Monneaux  ;  elles  se  trouvent  encore  aujourd'hui  dans  leur  temple. 


ClIATEAU-TlIIERRY     ET    LA     MAISO.X     IJE     La     FoNTAINE.    —     Cllàteau- 

Thierry  est  la  ville  natale  de  La  Fontaine.  Le  fabuliste  est 
demeuré  le  grand  homme  toujours  honoré  et  comme  le  patron 
du  pays.  La  fête  de  la  ville  conserve  cette  dénomination  :  Fi'lc  de 
Jean  La  Fonlaine.  Une  statue  lui  a  été  élevée,  et  il  est  question 
d'en  commander  une  autre  plus  monumentale.  On  peut  visiter  sa 
maison  qui  a  été  rachetée,  restaurée,  et  où  a  élé  installé  un  petit 
musée. 

La  maison  a  gardé,  en  partie,  son  ancien  caractère  ;  la  façade 
rappelle  la  fin  du  xvi«  siècle^  la  porte  est  llanquée  de  légers  pilas- 
tres. Dans  la  cour  on  aperçoit  un  puits  surmonté  d'un  auvent  et 
recouvert  d'une  dalle  de  pierre.  Le  jardin  qui  s'étend  dcnière  celle 
habitation  montre  encore,  dans  sa  disposition,  les  coins  abrités  et 
ombragés  oii  rêvait  le  poète. 

Quant  au  musée,  il  occupe  une  petite  salle  au  rez-de-chaussée  : 


896  CHRONIQUE 

on  y  remarque  an  porUail  de  La  Konlaine,  peint  en  1(192;  c'est 
un  don  de  M.  Jules  iMaciet,  un  amateur  bien  connu,  originaire  de 
Château-Tliierry.  De  lui  viennent  aussi  quelques  autres  tableaux 
de  diverses  écoles  qui  coniposenL  le  fonds  principal  de  cette 
modeste  galerie. 

Au  premier  étage  se  trouve  une  collection  de  gravures,  qui  fait 
revivre  des  personnages  historiques,  contemporains  de  La  Fon- 
taine, entre  autres  les  membres  de  la  famille  de  Bouillon,  qui 
devinrent  seigneurs  de  Château-Thierry.  Voici  Marie  Mancini, 
nièce  de  Mazarin,  qui  fut,  elle  aussi,  duchesse  de  l'ouillon,  et  qui 
protégea  le  poète  ;  voici,  plus  loin,  le  maréchal  de  Turenne  et  Louis, 
duc  d'Auvergne  et  comte  d'Lvreux.  La  plus  grande  partie  de 
cette  collection  d'estampes  est  due  également  à  M.  Maciet. 

La  Société  historique  et  archéologique  de  Château-Thierry 
lient  ses  séances  dans  la  maison  du  fabuliste.  Elle  est  là  du  reste 
chez  elle,  et  l'achat  de  la  maison  s'est  fait  sous  ses  auspices.  Il  y  a 
à  Château-Thierry,  certainement,  un  solide  courant  d'études; 
n'oublions  pas  que  le  pays  a  produit  quelques  artistes  distingués, 
tels  que  ^L  Léon  Lhermitte. 

Château-Thierry  aurait  donc  tout  intérêt  à  développer  ce  musée 
qui  est  demeuré  slationnaire  et  à  peupler  la  maison  de  La  Fon- 
taine. On  voudrait  y  voir,  comme  l'avait  souhaité  M.  Barbey,  un 
des  promoteurs  de  la  transformation  et  de  l'achat  du  logis,  un 
plus  grand  nomlire  d'objets  rappelant  la  mémoire  de  l'auteur  des 
Fables.  Quelques  tentures  de  Beauvais,  avec  des  reproductions 
d'après  Oudry,  offriraient  une  décoration  lacile  et  tout  à  fait  en 
rapport  avec  la  destination  et  les  souvenirs  de  la  maison. 

Nous  trouvons,  quant  à  nous,  que  la  coquette  cité  devrait  faire 
un  elfort  sérieux  pour  faire  valoir  ses  traditions  et  les  gloires  de 
son  passé.  Château -Thierry  qui  conserve  encore  un  air  <(  vieille 
France  )>,  y  gagnerait  un  relief  nouveau,  une  physionomie  plus 
robuste,  à  côté  des  autres  centres  du  département  de  l'Aisne, 
Laon,  Saint-Quentin  et  Soissons.  Antony  Valabuègl-e. 


SkAN'CG    PUBLUJCE    ANNUEl-LE     DE     l'AcADÉMIE     DE     ReIMS.     —     Cette 

séance,  retardée  cette  année  par  l'Exposition  rétrospective  et  les 
vacances,  a  eu  lieu  le  jeudi  17  octobre,  à  i  h.  1/2,  dans  la  grande 
salle  du  Palais  archiépiscopal.  Près  du  bureau  de  l'Académie, 
avaient  pris  place  :  Son  Eminence  le  cardinal  Langénieux,  arche- 
vêque de  Reims  ;  .M.  Poitfaut,  sous-préfet;  M.  le  D'  Renrot,  maire  de 
Reims  ;  M.  Diancourt,  sénateur;  .Al.  Jalenques,  président  du  tribu- 
nal civil  ;  M.  'Walbaum,  président  du  tribunal  de  commerce  ; 
M.  Bazin  de  Bezons,  proviseur  du  Lycée  ;  M.  le  commandant 
Caruel,  chef  du  génie,  etc.  Les  membres  titulaires  et  correspon- 
dants siégeaient  sur  l'estrade,  et  un  public  choisi  avait  répondu  à 
l'appel  de  l'Académie. 


CHRONIQUE  807 

Le  discours  du  président,  les  rapports  el  le  compte-rendu  des 
travaux  de  l'année  sont  lus  dans  l'ordre  du  programme  : 

1 .  Discours  d'ouverture  par  M.  Albert  Benoist,  président  annuel. 

2.  Compte-rendu  des  travaux  de  l'année  1894-1890,  par  M.  Henri 
Jadart,  secrétaire  général. 

3.  Rapport  sur  le  Concours  d'Histoire,  par  M.  Haudeco^ur, 
membre  titulaire. 

4.  Rapport  sur  le  Concours  de  Poésie,  par  M.  Paul  Douce, 
membre  titulaire. 

5.  Proclamation  des  Prix  et  Médailles,  par  M.  L.  Demaisou, 
secrétaire  archiviste. 

L'Album  de  VExposUion  relrospcclive  de  Reims  et  celui  de 
V Eglise  Salnl-Rcmi  (photographies  par  F.  Rothier),  étaient  expo- 
sés dans  la  salle  et  ont  attiré  l'attention  de  tous  les  assistants  par 
leurs  belles  reproductions. 

Les  prix  et  médailles  ont  été  ensuite  décernés  aux  lauréats,  dont 
voici  la  liste  : 

Poi-;siE 

1 .  —  Une  médaille  d'or  de  lOD  fr.  est  décernée  à  M.  Achille 
Jlillien,  membre  correspondant  à  Reaumont-la  Ferrière  (Xièvre), 
pour  ses  pièces  diverses. 

2.  —  Une  médaille  de  vermeil  à  M""  B.Tliorel,  à  Gaillon  (Eure), 
pour  ses  pièces  diverses. 

3.  —  Une  médaille  d'argent  de  première  classe  à  M.  P.  Ouagne, 
à  Bornest  (Nièvre),  pour  sa  fable. 

4.  —  Une  médaille  d'argent  à  .M.  Louis  Mercier,  membre  cor- 
respondant à  Besançon,  pour  sa  pièce  Les  Roses  de  Noël. 

Histoire 

1 .  —  Une  médaille  d'or  de  200  fr.  à  M.  Sécheret,  instituteur  à 
Mouzon,  pour  sa  Monographie  de  liaucourl  el  îlaraucourt 
{Ardenms). 

2.  —  Une  médaille  d'or  de  100  fr.  à  M.  Clariri  de  la  Rive,  pour 
son  Elude  sur  lioberl  de  Lenoiicourl,  avchevcquc  de  Reims. 

3.  —  Une  médaille  de  vermeil  a  M.  Thénault,  lauréat  de. précé- 
dents concours,  pour  sa  Monograpliic  de  Vertus  [Marne). 

4.  —  Une  médaille  de  vermeil  à  M.  l'abbé  Antoine,  pour  sa 
Monograyliie  de  Vireux-Wallerand  (Ardennes). 

l).  —  Une  médaille  d'argent  à  M.  Cousin-Henrat,  cultivateur  à 
Lavannes,  pour  sa  Monographie  de  Lavannes  [Marne]. 

G.  —  Une  médaille  d'argent  à  M.  l'abbé  Alexandre,  curé  de 
Saint-Loup-Terrier,  pour  la  publication  d'une  Histoire  de  Sainl- 
Loup-ïerrier  [Ardennes). 

Beaux-Auts 

Un  jeton  de  vermeil  est  otVert  à  M.  Rothier,  photographe,  pour 

:.7 


898  CHRONIQUE 

l'envoi  de  ses  Albums  de  VExposilion  rélrospcclive  et  de  l'Eglise 
Saint-Rcmi de  Reims. 

La  séance  était  levée  à  4  heures,  laissant  le  public  sous  l'impres- 
sion des  hautes  pensées  et  des  souvenirs  historiques  évoqués  par 
les  orateurs.  H.  J. 

Voici  le  compte-rendu  des  travaux  pendant  l'année  1894-1895, 
qui  a  été  lu  par  M.  Henri  Jadart,  secrétaire  général  : 

Messieurs, 

Celte  année,  la  lâche  principale  de  l'Acailémie  fut  sa  participation  à  l'Ex- 
position rétrospective  entreprise  par  la  Ville,  à  l'occasion  du  Concours  régio- 
nal, et  organisée  dans  les  salles  de  ce  palais  avec  le  gracieux  agrément  de 
S.  Em.  le  Cardinal.  Celte  lâche,  assumée  en  dehors  de  nos  travaux  habi- 
tuels, était  bien  conlorme  cependant  au  but  de  notre  Société,  qui  est  de 
a  contribuer  au  développement  des  sciences  et  des  arts,  et  de  recueillir  les 
matériaux  qui  peuvent  servir  à  Thistoire  du  pays...  ^  »  C'était,  en  outre, 
un  devoir  civique  proposé  à  TAcadémie  par  notre  confrère  honorable,  M.  le 
Maire  de  Reims,  et  résolument  accepté  par  vous  en  vue  du  bien  public,  sous 
la  seule  réserve  de  toute  responsabilité  financière. 

Inspirée  par  ce  noble  élan,  votre  commission,  Messieurs,  a  montré  ce  que 
peut  produire  un  accord  persévérant  et  désintéressé  sur  le  terrain  fécond  de 
l'histoire  locale,  de  l'archéologie  et  de  l'art.  Vous  n'avez  point,  en  effet,  res- 
treint votre  mission  aux  seules  ressources  des  membres  titulaires  de  la 
Compagnie  :  après  avoir  pris  dans  votre  sein  le  commissaire  général, 
M.  Léon  Morel,  et  le  trésorier,  M.  Ernest  Brunette,  vous  avez  fait  appel  à 
vos  correspondants,  M.  le  baron  Remy,  M.  Paul  Simon,  M.  Théodore  Petif 
jean,  dont  les  collections  sont  tout  un  Musée  ;  à  vos  collaborateurs  les  plus 
Gistingués,  M.  Louis  Robillard,  qui  valut  à  lui  seul  une  armée,  \1 .  Véry- 
Mennesson  ;  aux  membres  du  bureau  de  la  Société  des  Arts,  M.  Alexandre 
Heuriot  et  M.  André  Trévost-'.  Ces  membres  divers  du  comité  d'organisation, 
présidés  par  votre  président  et  assistés  du  délégué  de  l'Administration  muni- 
cipale, M.  Ch.  Morizet,  ont  renouvelé  l'entreprise  si  applaudie  de  1876,  sur 
les  mêmes  bases  et  avec  le  même  succès  artistique.  En  plus,  nous  avions  le 
musée  de  la  médecine  rémoise,  par  M.  le  D'  Guelliot.  A  eux  tous  est  due 
voire  profonde  gratitude. 

Il  ne  nous  appartient  pas  d'apprécier  l'Exposition  nUrospective  en  elle- 
même  :  quinze  mille  visiteurs  ont  pu  la  juger.  M.  Ch.  Yriarte,  inspecteur 
des  Beaux-.\rts,  délégué  du  ministre;  M.  Fiédéric  Henriet,  délégué  de  la 
Société  historique  de  Château-Thierry  ;  M.  le  comte  de  Maisy,  directeur  de 
la  Société  française  d'archéologie  ;  plusieurs  autres  critiques  d'art  et  écri- 
vains en  ont  proclamé  le  résultat  et  affirmé  l'intérêt-'.  Vos  vœux  sont  com- 
blés à  cet  égard,  puisque  vous  avez  eu  la  satisfaction  d'élever  les  âmes  vers 
les  splendturs  du  beau,  et  de  mettre  en  lumière  mille  détails    inconnus  de 

1.  Slaluls  de  l'Académie  de   Reims,  article  premier. 

2.  Le  comité  s'était  assuré  le  concours  dévoué  de  MM.  Justinart,  L'Hoste 
et  Matot,  qui  contribua  grandement  à  la  réussite. 

3.  Voir  la  lettre  de  M.  Ch.  Yriarte  dans  les  journaux  de  Reims  du  17 
juillet,  et  le  compte-rendu  de  M.  Frédéric  Henriet  dans  le  Journal  des  Arls 
du  17  juin  1895.  —  Cfr.  liulicttii  monumental,  1895. 


CHRONIQUE  800 

notre  passé  glorieux.  Vision  bienfaisante,  mais  éphémère,  que  vous  évoque- 
rez toujours  avec  un  vif  attrait,  et  dont  il  vous  restera  un  double  catalogue, 
celui  des  curiosités  de  l'art  et  de  l'archéologie,  et  celui  du  Musée  lapidaire, 
qui  est  en  grjnde  partie  votre  œuvre  depi'is  trente  ans.  En  outre,  un  album, 
dû  au  talent  de  M.  Rolhier,  photographe  lauréat  de  l'Académie,  retracera 
ces  perspectives  évanouies  de  vitrines  d'objets  d'art,  de  belles  tapisseries,  de 
riches  trésors,  de  meubles  et  de  tableaux,  réunis  et  c'assés  en  si  grand 
nombre  et  dans  une  variété  merveilleuse.  Vous  avez  travaillé  ainsi  pour 
l'honneur  de  Reims,  de  sa  région  et  de  toule  la  Champagne  :  c'est  une  poge 
inetfaçable  dans  vos  annales. 

l'iusieurs  séances  ordinaires,  trente  séances  de  commission  vous  ont  été 
nécessaires  pour  les  préparatifs  de  l'Exposition  rétrospective,  et  cependant 
vous  avez  tenu  à  assurer  au  public,  dans  l'intervalle,  deux  conférencas  qui 
ont  rallié  tous  les  sutfrages  de  l'auditoire  d'élite  que  vous  aviez  groupé  autour 
de  nos  orateurs.  Le  premier  était  l'un  de  nos  plus  zélés  correspondants, 
M.  le  baron  Joseph  de  Baye,  qui  vient  d'acquérir  une  si  haute  notoriété 
pour  sa  participation  aux  recherches  archéologiques  en  Russie.  Ses  travaux 
ont  été  le  point  de  départ  d'une  adhésion  et  d'une  entente  commune  entre 
les  corps  savants  de  Pétersbourg  et  de  Moscou  avec  nos  Académies  et  nos 
Sociétés  historiques.  Il  nous  a  parfaitement  rendu  compte  de  l'utilité  et  du 
profit  que  la  France  pouvait  tirer  des  congrès  internationaux,  et  de  ces  com- 
munications de  la  science,  qui  rapprochent  en  ce  moment  tant  d'esprits  d'un 
bout  à  l'autre  de  l'Europe.  C'est  ainsi  qu'il  a  été  amené  à  nous  faire  con- 
naître l'œuvre  du  peintre  Wasnetzoff  a  Moscou,  à  Kiew  et  en  d'autrer 
grandes  cités  russes.  Grâce  aux  projections  habilement  conduites  pas 
M.  Houlon  fils,  vous  avez  été  témoins  des  grandioses  scènes  de  l'âge  de 
pierre,  et  des  épopées  religieuses  ou  nationales  que  son  pinceau  a  fait  revivre 
sur  les  fresques  des  monuments.  Mieux  encore,  vous  retrouverez  ces  images 
fidèlement  reproduites  dans  le  prochain  volume  de  nos  Travaux,  avec  le 
texte  de  la  conférence,  splendidement  illustré  par  la  muniOcence  de  notre 
confrère.  Nous  lui  adressons  d  me  en  ce  jour  l'assurance  de  notre  cordiale 
gralitule,  alors  qu'il  parcourt  ces  vastes  espaces  qui  conduisent  de  Russie 
en  Sibérie.  Il  y  fait  partout  connaître  notre  langue  et  sentir  notre  intluence 
scientifique. 

L'autre  conférencier  était  M.  Georges  Rloudel,  agségé  de  l'Uui\ertilé, 
membre  de  la  Société  d'Economie  sociale,  chargé  de  cours  à  la  Faculté  des 
Lettres  de  Lille.  Elève  de  1  école  de  L.e  Play,  il  exposa  d'abord  les  mérites 
de  la  méthode  d'observation  pour  l'étude  des  questions  sociales  chez  les  dif- 
férents peuples.  Il  relata  ensuite  ce  qu'il  avait  recueilli  lui-même  d'obser- 
vations au  cours  de  dilférentes  missions  en  Angleterre,  en  Allemagne,  eu 
Russie  et  en  Italie,  sur  toutes  les  questions  d'actualité,  sur  les  rapports  enlrj 
Iès  ditlérentes  classes,  sur  les  luttes  qu'elles  engendrent  ou  menacent  d'en- 
gendrer partout.  Il  exposa  les  causes  qui  provoquent  ces  luttes  ou  ce  malaise 
général,  causes  d'ordre  économique  et  causes  d'ordre  moral  ;  il  les  discuta  et 
proposa  des  remèdes  dont  il  exclut  d'emblée  le  socialisme  d'Etat  ;  il  insista 
surtout  sur  le  développement  des  associations,  sur  le  dévouement  des  patrons 
qui  consacrent  à  leurs  ouvriers  une  partie  de  leur  intelligence  et  de  leur 
temps  L  Le  langage  élevé  de  M.  Bloudel,  sa  haute  compétence,  sa  profonde 
sincérité    ont    impressionné    ses    auditeurs,    et    tous    semblaient    lui    dire    : 

1.  Voir  le  compte-rendu  donné  par  le  Courrier  de  la  Chnmpjgne  du  L'4 
mars  1895. 


000  CHRONIQUE 

Au  revoir.  Il  apparlicnl  à  noire  président,  membre  lui-même  de  relie  utile 
Société  d'Economie  sociale,  de  poursuivre  parmi  nous  son  action  bienfai- 
sante, éclairée,  et  qui  serait  salutaire  dans  notre  grande  ville,  autant  et  plus 
qu'ailleurs. 

Telles  sont,  Messieurs,  les  initiatives  publiques  de  l'Académie  dans  le 
cours  de  celte  année  :  une  exposition  et  deux  conférences.  Je  leur  devais 
une  assez  large  part  dans  ce  compte-rendu,  je  n'rse  avouer  que  ce  sera  au 
détriment  de  nos  propres  travaux,  dont  j'abrégerai  l'analyse.  On  m'a 
reproché.  Messieurs,  de  ne  dire  que  du  bien  de  vos  communications  ;  com- 
ment en  dirai-je  du  mal,  alors  que  j'en  aperçois  surtout  la  valeur  conscien- 
cieuse ?  La  critique,  d'ailleurs,  n'est  point  mon  fait  :  je  vous  citerai,  et  ceus 
qui  voudront  critiquer  vos  œuvres  commenceront  par  les  lire. 

Sciences 

Nos  confrères,  MM.  les  docteurs  Guelliol  et  Colleville,  ne  manquent 
jamais  de  nous  ollrir  leurs  publications  médicales.  Nous  les  en  remercions 
cordialement. 

Les  préoccupations  des  savants  sur  l'avenir  de  la  navigation  aérienne  se 
font  jour  partout,  en  Fiance  comme  en  Amérique.  M.  Benoisl  vous  a  parlé 
de  la  machine  volante  de  Hiram  Maxim,  il  en  a  détaillé  le  mécanisme  et 
indiqué  les  résultats  acquis  '. 

Autre  question  internationale,  universelle  même,  que  celle  du  sort  des 
échanges  de  monnaies  entre  les  peuples,  et  de  la  préminence  actuelle  de  l'or 
sur  l'argent,  dite  pour  cela  question  du  bimétallisme.  M.  Maldan  vous  a 
résumé  l'étal  de  la  bataille  entre  le  camp  blanc  et  le  camp  jaune  ;  il  a  pré- 
conisé la  réunion  d'une  conférence  diplomatique  qui  saurait  préserver 
la  vieille  Europe  et  apporter  un  remède  à  ce  péril  économique.  M.  Duchâ- 
taux  a  présenté  des  observations  en  sens  opposé;  une  discussion  s'est  enga- 
gée, et  vous  n'avez  point  conclu,  laissant  à  l'élude  et  au  temps  le  soin  de 
poursuivre  ces  aidus  et  inquiétants  problèmes, 

Belles-Lettres 
Le   seul  eiivoi  littéraire  de  l'année  est  celui   des  Sonnels   de    M.    Clovis 
Tisserand,  notre  correspondant  à  Relhel,    dans   lesquels  il  caractérise   Ips 
écrivains  les  plus   marquants   du  grand  siècle  sous  des  traits  précis,  et   en 
même  temps  avec  beaucoup  de  simplicité  d'expression. 

HlSTOIt^E 

Les  Débuis  de  FEchevinage  rémois,  ses  origines  et  ses  Iransformalions, 
lel  est  le  sujet  d'un  vaste  travail  de  M.  Thirion,  le  savant  professeur  dout 
nous  déplorons  le  départ.  Il  a  eu  le  temps  de  dépouiller,  durant  son  séjour 
à  Reims,  toutes  les  séries  des  Archives  communales,  et  de  nous  lire  des 
aperçus  de  son  ouvrage  qui  rétablira  les  faits  et  modifiera  les  conclusions 
d'Augustin  Thierry.  Il  on  est  peu  de  celle  étendue  dans  nos  mémoires.  Vous 
en  avez  jugé  par  les  éludes  sur  la  commune  de  Reims  et  les  luttes  des  habi- 
tants avec  le  Chapitre  et  avec  les  archevêques  Manassès  et  Henri  de  France. 
Pourquoi  faut-il  interrompre  ces  lectures  quand  elles  allaient  aborder  le  lôle 
paciticateur  de  Guillaume  de  Champagne?  Attendons  patiemment  la  publi- 
cation intégra  e  de  l'œuvre  dans  nos  volunirs. 

Vj.  l'abbé  Haudecœur  a  apporté   le   contingent  de  trois  importantes  com- 

1 .  Les  aéroplanes  et  la  machine  volante  de  M.  Maxim,  par  Gaston  Tis- 
SANDiEB,  dans  La  Nature,  189'i,  2«  sera.,  p.  2'J4. 


CHRONIQUE  901 

municalions  k  nos  séances,  l'une  sur  les  Espions  atiglais  à  Reims  au  xvi« 
Siècle,  fruit  de  ses  recherches  en  Angleterre  et  de  sa  connaissance  des  faits 
relatifs  à  Guillaunae  Allen,  à  Guillaume  GiflorJ  et  autres  réiugiés  anglais  ; 
—  la  seconde,  sur  les  Guillemites  et  leur  (ondaleur,  conlribation  absolu- 
ment nouvelle  à  l'histoire  des  ordres  religieux  en  France  et  au  prieuré  de  cet 
ordre  établi  à  Louvergn}^ (Ardennes)  ;  —  en6n,  la  plus  importante,  (^Mt  Jeanne 
d'Arc  devant  l'opinion  et  la  liileralure  anglaise,  dont  la  publication  a  suivi 
de  près  la  lecture  à  nos  réunions.  Tous  ceux  qu'intéresse  la  mémoire  de 
Jeanne  d'Arc  hors  de  France  ont  puisé  dans  cette  revue  une  infinité  de  ren- 
seignements et  d'exactes  observations. 

M.  Ponsinet  vous  a  rendu  compte  des  travaux  d'un  autre  genre  sur  Jeanne 
d'Arc,  qui  ont  élé  vaillamment  repris  et  très  élégamment  composés  par  un 
érudit  champenois,  M.  l'abbé  Misset.  Il  s'agit  de  cette  question  réputée 
insoluble,  de  Vorigine  et  de  la  nationalité  de  la  Pueelle,  que  M.  l'abbé 
Etienne  Georges  avait  entreprise,  de  son  côté,  de  longue  date.  —  M.  l'abbé 
Misset  a  mis  dans  ses  exposés  de  la  verve,  de  la  netteté,  une  grande  préci- 
sion, mais  peut-être  des  vues  trop  modernes  et  trop  simples,  en  ce  qui  con- 
cerne les  divisions  et  les  juridictions  de  l'époque.  Vous  continuerez  a  suivre 
ses  études  avec  intérêt,  sans  les  séparer  des  loyales  et  judicieuses  répliques 
qu'elles  inspirent  à  M.  Léon  Germain,  notre  correspondant  à  Nancj'. 

L'Armoriai  de  l'Abbaye  de  Saint-Nicai:e,  tel  est  le  chapitre  ajouté  celte 
année  par  M.  Ch.  Givelet  à  son  étude  sur  la  célèbre  basilique  de  ce  nom. 
Vous  avez  entendu  avec  non  moins  de  curiosité  le  travail  de  M.  Léon  Le 
Grand,  notre  correspondant  à  Paris,  sur  le  Codicile  de  Guy  de  Roye,  arche- 
vêque de  lieims,  pièce  qui  complète  son  testament  avec  infiniment  de  détails 
précieux  pour  l'art  et  l'arcliéologie,  l'histoire  de  la  charité  à  Reims  et  la 
fondation  du  collège  de  Reims  à  Paris. 

Un  recueil  trop  oublié  est  celui  des  Affiches  de  Reims  (1772-1805),  feuille 
hebdomadaiie  due  a  l'initiative  de  Havé,  avocat  et  homme  de  lettres,  qui  est 
elTeclivement  le  iondateur  du  journalisme  à  Reims.  Mais  quel  journalisme  en 
comparaison  du  nôtre  !  On  ne  trouve,  dans  les  Affiches,  que  des  annonces 
fort  curieuses  aujourd'hui  pour  l'histoire,  des  récits  d'événements  la  plupart 
intéressants,  des  descriptions  des  fêtes,  des  pièces  morales,  des  poésies  et 
la  nécrologie  locale.  Point  d'articles  de  politique  courante,  point  de  discus- 
sion ni  de  personnalités.  Malgré  cela,  ou  plutôt  à  cause  de  cela,  il  a  été 
facile  à  votre  secrétaire  général  d'en  extraire  toute  une  Chronique  rémoise 
de  la  fin  du  xviu'  siècle,  à  laquelle  il  a  joint  des  documents  sur  les  derniers 
jours  du  Chapitre  de  Reims,  sur  les  premières  délibérations  de  la  paroisse 
Notre-Dame,  sur  l'envoi,  par  la  municipalité,  du  Concilie  de  Trente  à  Fran- 
çu^s  de  Neulchâteau,  et  enfin  sur  la  population  de  la  ville  et  des  environs  à 
l'époque  de  la  Révolution. 

C'est  de  la  même  époque  que  vous  entretint,  avec  une  rare  compétence, 
M.  Cicile,  notre  correspondant  à  Reims,  lequel  nous  quitte  malheu'euse- 
ment,  comme  son  confrère  NJ.  Thirion.  Il  vous  a  restitué  sous  son  vrai  jour, 
et  avec  unt»,  ressemblance  absolue,  un  personnage  très  peu  connu  historique- 
ment, sans  doute  parce  qu'il  fut  le  héros  du  roman  d'Alexandre  Dumas,  Le 
Chevalier  de  Maison  Rouge.  Déjà  M.  Lenôlre  avait  publié  Le  Vrai  Cheva- 
lier de  Maison  Rouge,  qui  donna  le  vrai  nom  et  rétablit  la  biographie 
de  Gonzze  de  Rougeville  dans  son  cadre  réel  ;  mais  notre  confrère  fut  encore 
plus  précis  que  cet  auteur  dans  son  compte-rendu  :  il  corrigia  certains 
points  douteux,  ajouta  maints  détails  fort  curieux,  et  nous  retraça  la  vie 
entière  du  conspirateur  dans  une  communication  orale.  Les  plus  curieux 
détails  pour  nous  sont  ceux  de  la  mort  de  Gonzze,  qui  vécut  interné  à  Reims 


902  CHRONIQUE 

sous  le  premier  Empire,  et  y  fut  fusillé  par  ordre  de  Napoléon,  au  moment 
de  la  campagne  de  France. 

Archéologie,  Beaux-Afits 

La  lecture  de  la  suite  d'Arles  gallo-romain  par  M.  Bazin  de  Bezons,  a 
précédé  la  publication  que  nous  allons  l'aire  dans  nos  Mémoires  de  la  com- 
plète description  de  celte  importante  cité.  Comme  naguère  pour  Lyon  et 
pour  Nîmes,  il  étudie  tous  les  débris  antiques,  tous  les  monuments  debout 
ou  détruits  qui  en  sont  la  gloire  dans  le  passé  et  dans  le  présent. 

Ajoutons  à  cet  égard  que  M.  le  Proviseur  du  Lycée  a  invité  les  membres 
de  l'Académie  à  l'inauguration  de  la  galerie  archéologique,  disposée  par  ses 
soins  dans  cet  établissement.  Cette  galerie  comprend  de  nombreux  moulages 
de  bas-reliefs  choisis  et  de  sujets  divers  de  l'antiquité,  du  Moyeu-Age  et  de 
la  Renaissance  ;  on  peut  y  suivre  le  style  et  les  progrès  de  chaque  époque. 
Une  telle  initiative  répond  trop  bien  au  programme  d'une  Société  savante 
pour  que  vous  ne  deviez  en  féliciter  le  savant  maître  qui  en  est  l'auteur  et 
les  élèves  qui  en  profiteront. 

Plusieurs  documents  inédits  sur  la  construction  de  la  belle  église  de 
Noir e- Dame- de- r Epine,  entre  autres  un  dessin  original  de  l'abside  décou- 
vert aux  Archives  de  lîeims,  ont  été  mis  au  jour  par  NL  Demaison,  après 
qu'il  en  eut  donné  lecture  au  dernier  Congrès  des  Sociétés  savantes.  Le  bon 
accueil  fait  à  cette  notice  par  le  Comité  des  travaux  historiques  est  le  plus 
sur  garant  de  sa  valeur.  Ainsi  se  trouvent  détruites  les  légendes  sur  les 
fausses  dates  acceptées  jusqu'ici,  ainsi  que  les  prétendus  plans  d'un  archi- 
tecte anglais.  M.  l'abbé  Puifeux,  notre  correspondant  à  Cbâlons,  avait 
entamé  le  premier  la  réfutation  des  erreurs  ;  notre  confrère  achève  la  pleine 
démonstration  do  la  vérité. 

S'inspirant  des  conférences  de  M.  le  baron  de  Baye  sur  les  œuvres  de 
"Wasnetzoff,  AL  A!p.  Gosset  nous  a  fait  valoir  le  mérite  des  peintures  à 
fresque  dans  les  édifices  religieux,  en  insistant  sur  la  tradition  qui  leur  main- 
tint, dès  l'origine,  une  place  considérable  dans  les  basiliques  chrétiennes. 
Il  demande  le  retour  à  cette  tradition,  et  par  conséquent  l'adoption  de  plans 
en  rapport  avec  la  décoration  murale  la  plu-  étendue  possible.  Cette  motion 
est  évidemment  favorable  aux  intérêts  de  l'art,  mais  il  a  été  observé  à  notre 
confrère  que  jamais  l'on  ne  s'est  départi  entièrement  des  anciennes  règles, 
et  que,  même  dans  les  édifices  gothiques,  une  part  était  réservée  à  la  pein- 
ture proprement  dite,  en  dehors  des  larges  espaces  destinés  aux  vitraux 
dans  les  baies,  aux  mosa'îques  dans  les  pavages  et  aux  tapisseries  sur  les 
murailles. 

Les  tapisseries  sont  encore  en  usage  à  Reims,  pour  la  décoration  des 
chïurs  et  des  basses-nefs  des  églises.  A  cette  occasion,  Messieurs,  votre 
secrétaire  général  vous  entretint  de  la  restauration  des  précieuses  tapisse- 
ries de  la  Vie  de  Saint  Rémi,  dont  la  Direction  des  Beaux-Arts  entreprend 
la  restauration  aux  Gobelins.  Ce  grand  travail,  dirigé  par  M.  Guiffrey,  et 
dont  M.  Marcou,  inspecteur-adjoint  des  monuments  historiques,  est  le  plus 
dévoué  promoteur,  a  rallié  tous  les  suffrages  au  sein  de  l'Académie'.  Sou- 
haitons qu'il  en  soit  de  même,  avec  le  vote  d'un  subside  en  plus,  au  sein  du 
Conseil  municipal,  qui  est  intéressé  au  premier  chef  à  maintenir  les  richesses 
artistiques  de  la  ville,  principal  atlri;it  des  visiteurs  si   nombreux   dans   nos 

1 .  Voir  une  note  sur  cette  restauration,  dans  le  Journal  des  Débals, 
reproduite  dans  le  Courrier  de  la  Cliami  agne  du  18  septembre  189"). 


CHRONIQUE  903 

monuments.  Nos  efforts,  'nos  vœux  ne  seront  point  impuissants,  si  nous 
savons  les  faire  valoir  avec  l'appoint  de  l'opinion  et   de  l'inlérèt  publics. 

L'éplise  Saint-Remi  est,  d'ailleurs,  l'objet  de  multiples  études,  à  raison 
des  fêles  prochaines  du  14"  Centenaire  du  baptême  de  Clovis.  Un  album 
général  de  l'édifice  vous  a  été  présenté  par  M.  Rotliit^r,  photofiraphe,  en  vue 
d'illustrer  plus  tard  une  histoire  et  une  description  complète  du  monument. 
Vous  avez  ofert  en  reconnaissance  à  cet  artiste  uoe  médaille  de  vermeil  à 
titre  d'encouragement  spécial. 

Ce  sont  les  tableaux  de  l'Ecole  rémoise  qui  ont  attiré  cette  année  l'atten- 
tion de  M.  le  chanoine  Cerf,  et  il  en  a  découvert  d'inconnus  jusqu'ici  aux 
chercheurs,  dans  les  diverses  communautés  et  les  bô{)itaux  de  Reims.  Il  en 
a  dressé  l'inventaire  méthodique,  et  a  fourni  ainsi  un  nouveau  continssent  de 
modèles  à  ijos  artistes  et  amateurs  contemporains. 

Envois  des  Correspondants 
Outre  les  travaux  manuscrits  de  nos  correspondants  s-ignalés  plus  hau!, 
nous  devons  mentionner  les  publications  dont  plusieurs  ont  bien  voulu  nous 
réserver  l'envoi  :  \i.  le  U'  Eug.  Doyen  nous  a  offert  spn  ouvrage  sur  le 
Tratlemenl  chirurgicnl  des  maladias  ds  l'estomac;  —  M.  Théodore  Dubois, 
sa  Notice  sur  Gounod  ;  —  M.  l'abbé  Hannesse,  son  rapport  au  Congrès 
eucharistique  ;  —  M.  le  baron  de  Baye,  ses  Anliquilés  franques  en  Bohème  ; 
—  M.  l'abbé  Péchenart,  lauréat  de  l'Académie,  son  volume  sur  Sillery  ei,  ses 
se:giieurs  ;  —  M.  Amédée  Lhote,  sa  belle  et  utile  tlisloire  de  l'Imprimerie 
à  Chdlons  ;  —  M.  Armand  Bourgeois,  plusieurs  opuscules  littéraires  ;  — 
M.  Bosteaux,  ses  rapports  aux  Congrès  pour  l'avancement  des  sciences  ;  — 
M.  le  baron  Kemy,  ses  recherches  sur  la  Maison  de  Beffroy  ;  —  M.  Louis 
Mercier,  un  Bouquet  d'Idylles  ;  —  M.  Louis  Arnould.  sa  Leçon  sur  La 
Fontaine  ;  —  M.  l'abbé  Etienne  Georges,  ses  notices  sur  Troyes  ;  —  M.  Léon 
Germain,  ses  divers  travaux  d'archéologie  lorraine  ;  —  M.  le  comte  de 
Alarsy,  sa  Lecture  sur  Racine  ;  —  AL  N.  Kharousine,  son  Histoire  d'une 
ancienne  ville  russe  en  Livonie  ;  —  M.  de  Lapparent,  ses  études  sur  VAge 
des  formes  topographiques  et  l'Equilibre  de  la  terre  ferme  ;  —  et  enfin  l'un 
de  nos  plus  éminenls  confrères,  M.  Léopold  Delisle,  ses  études  sur  les 
Bibles  de  Cutemberg,  et  sur  les  manuscrits  de  M.  Armand  Durand,  parmi 
lesquels  se  trouve  la  Chronique  de  Signy,  document  important  de  notre  his- 
loire  locale,  dont  la  trace  était  perdue. 

Décès  et  Mutations 

Depuis  trois  ans,  de  1892  à  1895,  la  mort  n'avait  causé  aucun  vide  dans 
les  rangs  de  nos  membres  titulaires,  nous  avions  pris  la  douce  habitude  d'eu 
remercier  la  Providence  et  de  croire  un  peu  à  notre  immortalité.  Cette 
année,  trois  pertes  successives  nous  oui  rappelé  que  nous  n'étions  à  I  épreuve 
d'aucun  de  ces  coups  douloureux  du  trépan,  ni  des  séparations  qu  ils 
enlraînent. 

Vous  avez  perdu  M.  le  D'  Henri  Jolicœur,  dont  nous  vous  présentiont 
l'an  dernier,  à  pareille  séance,  le  bel  ouvrage  sur  les  Ravageurs  delà  Vigne, 
et  qui  continuait  encore,  sous  les  étreintes  d'un  mal  qui  ne  pardonne  pas, 
de  nouveaux  travaux  profitables  à  tousL  Bien  qu'il  n'ait  pu  s'associer  direc- 
timent  à  nos  séances  dans  son  élat  de  santé,  son  nom  était  un  honneur  sus 
notre  liste,  et  ses  œuvies  resteront  pour  nous  un  légitime  sujet  d  orgueilr 
Aussi,  vous  VOUS' êtes  associés  aux  regrets  et  au  deuil  de  Id  ville  entière, 
pleurant  un  bienlaileur  des  hospices  et  des  pauvres. 

1.  Journaux  de  Reims  des  16  et  18  janvier  1895. 


904  CHRONIQUE 

Ce  fut  ensuite  lo  tour  d'un  vétéran  de  la  Compagnie,  ferme  et  beau  vieil- 
lard, infatigable  dans  ses  travaux  littéraires  comme  dans  ses  œuvres  de  cha- 
rité, vous  avez  nommé  M.  Prosper  SouUié,  qui  a  tenu  dans  vos  rangs  une 
place  si  importante,  l'espace  de  quarante-deux  ans.  Docteur  et  professeur 
agrégé  de  l'Université,  officipr  de  llnstruclion  publique,  il  parcourut  une 
honorable  cariière  dont  une  partie  s'écoula  au  Lycre  de  Reims;  il  prit  sa 
retraite  dans  cette  ville,  où  il  vient  de  mourir  au  seuil  natal,  fidèle  à  ses 
alieclions  et  aux  devoirs  de  toute  fa  vie.  Ses  nombreuses  lectures  à  nos 
séances,  ses  rapports  sur  les  concours  de  poésie,  ses  actes  comme  secré- 
'■aire-archiviste  et  comme  président  lui  assuraient  dans  nos  annales  une  place 
inetfaçalile  ;  vous  avez  tenu  à  en  fixer  le  souvenir  par  un  hommage  d'adieu 
sur  sa  tombe  et  par  une  notice  spéciale  dans  nos  volumes'. 

Un  autre  membre  honoraire,  beaucoup  plus  jeune,  fut  enlevé  cette  année 
préraatuiément  à  l'enseignement  public,  M.  Gustave  Carré,  professeur  agrégé 
d'histoire  au  Lycée  Uakanal,  qui  fut,  de  1883  à  1886,  alors  qu'il  professait 
au  1.3'cée  de  Reims,  l'un  de  nos  plus  assidus  confrères.  Il  nous  fit  parti- 
ciper à  la  préparation  de  sa  thèse  de  doctorat  sur  le  Collège  des  Oraloriens 
de  Troijes,  en  nous  «lonnant  plusieurs  intéressantes  lectures  sur  ce  sujet  qu'il 
alîeclionnait.  Il  fit  aussi  le  rapport  sur  un  concours  d'histoire,  et  stimula  autour 
de  nous  le  zèle  et  les  aptitudes  à  la  connaissance  des  bonnes  méthodes  his- 
toriques. Nous  lui  devons  donc  le  juste  tribut  de  notre  estime  et  de  nos 
regrets. 

Le  concours  de  1875  vous  avait  procuré  l'occasion  de  récompenser  un 
mémoire  sur  la  Législation  rurale  en  1791,  envoyé  par  M.  Masson,  alors 
juge  de  paix  à  Avize.  Devenu  coirespondant  de  l'Académie  l'année  suivante, 
il  resta  en  relations  avec  nous  à  Epernay,  puis  à  Reims,  où  il  termina  trop 
tôt  sa  carrière,  en  1894,  entouré  de  l'estime  générale. 

J'arrive  au  nom  de  l'un  des  plus  illustres  érudits  de  l'Europe,  M.  le  com- 
mandeur J.-B.  de  Rossi,  que  des  liens  rattachaient  de  longue  date  au  dio- 
cèse de  Reims,  et  qui  voulut  bien  s'associer  à  plusieurs  de  nos  travaux.  Il 
accepta  le  diplôme  de  correspondant  que  vous  lui  aviez  décerné  récemment 
en  témoignage  de  gratitude  pour  ses  services  et  d'admiration  pour  ses  tra- 
vaux. Son  éloge  est  dans  tous  les  recueils  savants  ;  nous  ne  pouvons  que 
nous  en  faire  l'écho,  et  nous  associer  à  ce  concert  unanime  de  regrets  envers 
la  mémoire  de  ce  grand  homme,  de  «  ce  beau  génie  qui,  selon  l'expression 
de  M.  Ed.  Le  Blant,  créa  toute  une  science  et  découvrit  tout  un  monde-  ». 
Vous  avez  suivi  un  troisième  deuil,  celui  de  M.  le  D''  0.  Doyen,  ancien 
maire  de  Reims,  professeur  honoraire  à  l'Ecole  de  Médecine,  qui  appar- 
tenait à  l'Académie  depuis  trente- trois  ans.  Il  y  fit  plusieurs  conférences 
scientifiques,  fréquenta  nos  séances  et  nous  apporta   fidèlement  ses  produc- 

1.  Travaux  de  l'Académie,  t.  XCV,  p.  93. 

'2.  Paroles  de  M.  Ed.  Le  Blant  à  l'Académie  des  Infcriplions  et  Belles- 
Lettres,  en  lui  annonçant  la  mort  de  M.  de  Rossi,  dans  la  séance  du  21 
septembre  1894.  —  Autres  éloges  et  notices,  par  M.  l'abbé  Duchesne,  dans 
la  lievue  de  Paris,  1894  ;  —  par  M.  Paul  Allard,  dans  le  Corresponaanl, 
1894  ;  —  par  M.  Eug.  Mûntz,  dans  la  Gazelle  des  Beaux-Arls,  décembre 
1894,  p.  512.  ;  —  par  M.  A.  Gelfroy,  dans  les  Mélanges  dj  l'Ecole  fran- 
çaise de  Rome,  octobre  1894;  —  par  M.  Ledos,  dans  la  Revue  des  Ques- 
lions  historiques,  avril  1893,  p.  562  ;  —  par  MM.  A.  Pératé  et  Jean  Gui- 
raud,  dans  la  lievue  Historique,  mars  et  mai  1895  ;  —  par  M.  Jehan  de 
Witte,  dans  la  Revue  de  l'An  chrétien,  189;>;  —  enfin,  dans  le  Bulletin  du 
Diocèse  de  Reims,  29  septembre  1894. 


90? 

CHRONIQUE 


Uon.  diverse,  en  dernier  liea  son  ^i-^.;/^-!:  ^::aif  iJ^îcù!^;^ 
en  189..ntitulé  :  U.e  page  ^^^^^^"1^1']'^^^^^^^^^^  de  facniUe 

de   celte  Ecole  et    ses    services   pour   la    f°™^^  °°    ^  ^^^^^    ,„„frère, 

ouvrière.  C'était  une  des  plus  nobles  P-^^P; '^^^^  j^^  ^^'^....-.Hé,  de 
d'.a.éliorer  la  condUion  des  ian,dl  s  du  P^P^^^^j;  ^^^^  f.^ers  et  dans 
leur  olTrir  une  assistance  vraiment  digne  et  secourable  a  y 

nos  établissements  hospitaliers  ' . 

A  la  suite  des  membres  titulaires,  j  ai  a  -us  IcU^  pa^  du  déce 
aiembres  honoraires    et  de  deux  membres  correspondants,    qui 
eu  des  relations  suivies  avec  la  Compagnie.  «.imsen 

Lue  Socieié  au  co„™  de  sa    ..gue  '-    «     «•,^'    »"    '„»„  ,3pp„,  ,„  les 
elle  à  l-occa.i««  d»  concours  <le  18S3^1l  »""  °^°"'     P  ^,^,,3  ji3„„, 

C./sses  d'épors»»,  s"  concours  de  1S43     ses  autres 

petpéluerocl  sa  mémoire  dans  nos  annales.  ■„  ,1„  la  ville 

'  L.  mo,.,éc..led.  M.  Narcisse  Brou.ue.  »-'";-'«  "»"  ,, f,'.     '   , 
ne  peut  S„e  passée  sous  sile.c.  dans  ceUe  --'  ô    ;„      "^   "p',,,,  „  fu, 

La  mort  na  paa  eie  sluh.  a  optil's    et  plus  dévoues 

...idence  vient  de  nous    priver  de  lui.  ^^^^^^^^^  ^^  ^e  de  Reims, 
•conirères.  M.  Paul  Thirion,  P-^-^-    ''  rf/^^'^tTne  nous  quitte  point 
promu  à  Tune  des  chaires  du  Lycée  de  ^^'^^f^'  '  ]    j^j,,,  cjui 

out  entier,  sa  collaboration  nous  -^« -<j^^- P°  rJ^X  ^  ,3  partiJi- 
nous  rendra  ^e  c^-ne^-^^oe,  ;^^  taLJ^^HoU.gue,  M.^CicU. 
Tor^^tteTgrmer;:  suite  de  sa  nomination  au  Lycée  de  Poitie.s.  A 
tous  deux,  nos  félicitations  et  nos  vœux  ^^^  ^.^^^ 

Il  est  temps.  Messieurs,  de  serrer  nos  rang.  °^P  >^  ;;   '^  ,  ,etle 

,  .t  .Ipc  nus  et  le  départ  des  autres  nous  inlligent  si  ruaemcu 

que  la  mort  des  uns  ei  le  uepa  ,„^-„pc  narmi  nous,    en   leur 

;-:-r::rL:e=d::anS::::';inn:^!i:a.ss.e;ud.e. 

,     Nolice  bi0R,.pla,«e  dans  le  Co»r,-,.,-  *  <«  C/...»p.9»e  ■!»  "  J"'"" 

iriu:a:srSv;rd.rir:,„::s:J'n"drie,odw^^^^ 

4.  ./otir^aux  de  Heims  des  0  et  12  octobre  18J.. 


^^^  CHRONIQUE 


SociiiTK  d-Archéolog,e,  Sc.ences,  Lettres  et  Arts  du  département 
r>K^SE,.E-ET-MAR.E.  -  Ordre  du  jour  de  la  séance  du  27  octobre 

Notice  sur  Vaux-le-Pénil  (suile),  par  M.  G.  Leroy. 

première  audUion  d'un  acte  d'opéra,  poésie,  par  M.  L.  Vavas- 

Uii  fâcheux  surnom,  par  M.  René  Morel. 


seul 


Note  sur  les  tufs  de  ta  Celle-sous-Morel  et  sur  une   récente 
découverte  de  silex  taillés,  par  M.  Keyni 


lier 


Dans  les  Mémoires  de  la  Société  royale  des  Antiquaires  du  Nord 

TZtTi  '  '  'r  '''-'''^'  ^'"  ''  une  dissertat.on  d 
M.  Hans  Olrik  sur  deux  documents  danois  conservés  aux  Archives 
de  1  Aube  provenant  du  chartrier  de  Clairvaux.  Ils  sont  re  ati ^à 
s  privilèges  accordés  à  ce  monastère  par  le  roi  Valdemar  II  en 
UJu.  M.  Olnk  constate  que  ces  deux  documents,  portant  la  même 
da    ,  émanes  l'un  et  l'autre  dun  ro.  Valdemar,  offrent  cependant 

laient  etie  1  œuvre  d'artistes  français.  Il  pense  que  l'un  de  ces 
diplômes  est  de  Valdemar  II  et  l'autre  de  Valdemar  le  jeune  son 
fi  .associe  à  son  père  jusqu'en  1231,  date  de  sa  mort,  ie  dernier 
d.pl  me  a  ete  donné  au  gouvernement  danois  par  le  gouverne- 
ment fiançais,  en  échange  delà  reproduction  galvano  plastique 
du  vase  en  argent  de  Gundestrup  déposée  au  nLée  nat^ouaH 
oaint-bermain-en-Laye. 

* 

Inauguration  du  Monument  de  Champa,;bert.  -  Le  dimanche  20 
octobre,  a  eu  Heu,  à  Champaubert  (Marne),  la  fête  organisée  à 
loccasion  de  1  inauguration  de  la  colonne  commémorative  du  10 
lévrier  1814,  récemment  restaurée. 

châlomili'rr'^'  ^"  ""'"p  '  '"'  "'"^^'■"'^  '^^  "^'^'^''^  du  Comité 
chdlonnais  du  Souvenir  Français  se  réunissaient  à  la  gare  de  Châ- 
lons,  pour  prendre  le  train  à  destination  de  Colligny.  A  l'arrivée 
des  voitures  attendaient  les  invités,  et  après  un  arrêl  de  quelque^ 

a  cLtVautT'  '^  '''''''-''  ''-'-^'  '  --  '--^  -  d '-e 

reçu  Tlt'','  ^^-/'^"^  ^«"^onipagné  des  conseillers  municipaux,  a 
'eçu  i  1  entrée  du  village  le  Comité  du  Souvenir  Français 

Domnier?f  Vr'''''^'  ^"  '"  ^'"^'^'  ^'  ^'^^  '^  '''^^''^  des  sapeurs- 
pompiers  de  Champaubert,  s'est  rendu  à  la  mairie,  ou  un  banquet, 


CHRONIQUE  907 

a  élé  offert  aux  invités.  Ce  banquet  a  eu  lieu  dans  la  salle  d'école, 
ornée  avec  goût  par  M.  Schmitte,  instituteur  à  Champaubert. 

Après  le  banquet,  le  cortège,  précédé  du  clergé  de  la  paroisse, 
de  la  musique  de  Baye  et  des  sapeurs-pompiers  de  Champaubert 
et  de  Montmort,  s'est  dirigé  vers  la  place  du  monument. 

\  cet  endroit  se  trouvait  réunie  une  foule  considérable,  attirée 
par  cette  solennité  et  par  la  fête  patronale.  Des  guirlandes  de 
feuillage  et  des  drapeaux  français  et  russes  pavoisaient  les  maisons 
avoisinantes.  Une  estrade,  décorée  par  M.  Anota,  peintre  à  Bave, 
avait  été  élevée  en  face  du  monument  pour  recevoir  les  autorités. 
La  colonne  est  située  à  l'intersection  des  routes  de  Paris  à  Châ- 
lons  et  de  Paris  à  Orléans. 

En  face  se  trouve  la  maison  où  coucha  Napoléon  V^  le  soir  de  la 
bataille  du  10  février  1814. 

On  voit  encore  un  boulet  français  incrusté  dans  la  façade  de 
cette  maison. 

C'est  M.  Mille  qui  eut  l'idée  d'élever  une  colonne  et  qui  donna  le 
terrain.  Son  gendre,  M.  Trotrot,  mit  le  projet  à  exécution. 

En  1849,  un  Comité  de  souscription,  présidé  par  le  général  Par- 
chappe,  député  de  la  Marne,  et  ayant  pour  vice-président  le  baron 
de  Cliaubry,  conseiller  général,  fut  formé  et  recueillit  une  somme 
d'environ  quinze  mille  francs. 

Le  monument  se  compose  d'une  colonne  de  douze  mètres  de 
hauteur.  Le  piédestal  est  un  prisme  octogonal  qui  supporte  le  tût 
de  la  colonne  portant  à  six  mètres  du  sol  le  nom  de  Champaubert. 
Cette  colonne  est  surmontée  d'un  chapiteau,  sur  lequel  est  posé 
un  aigle  impérial.  Une  grille  en  fer  forgé  entoure  le  monument. 
Enfin,  huit  canons  le  tlanquent  sur  les  côtés,  faisant  face  aux 
routes. 

Les  faces  du  piédestal  présentent  les  inscriptions  suivantes  : 

1"  face  :  10  février  1814. 

O"  face  :  A  la  mémoire  des  braves,  morts  à  Champaubert. 

3«  face  :  Montmirail  et  Marchais  :  11  février. 

4'  face  :  Monument  élevé  par  souscription  nationale. 

5-  face  :  Bataille  de  Champaubert,  commandée  par  Napoléon  I". 

6e  face  :  69  corps  d'infanterie  et  1-  corps  de  c.vale.ie,  sous  les  ordres  du 

maréchal  Marmont.  ,. 

7e  face  :  Généraux  Ricart,    Lagrange,    Pelleport,  Uoumerc,   de  Gira.d.n, 

Piquet. 

8e  face  :  de  BordesouUe,  de  Nansouty. 

On  s'étonne  de  ne  pas  voir  figurer,  au  milieu  de  ces  inscrip- 
tions, le  nom  du  brave  général  de  cavalerie  Uommanget  né 
à  Possesse,  qui  assistait  à  la  bataille  de  Champaubert,  et  dont 
le  portrait  figure  au  Musée  des  généraux  de  la  Marne,  organise  par 
le  Comité  châlonnais  du  Souvenir  français. 

Le  produit   de    la   souscription   de   1S49  ne  fut  employé   qu'en 


908  CHRONIQUE 

1864.  M.  Lenoir,  entrepreneur  de  maçonnerie  à  Eloges,  construisiL 
la  colonne  sous  la  direction  de  M.  de  Granrut,  architecte. 

La  pose  de  la  première  pierre  eut  lieu  le  dimanche  IG  juillet 

1865,  en  présence  des  autorités  suivantes  :  MM.  le  baron  de  Ciiau- 
bry  ;  baron  Kirgencr  de  Planta,  maire  d'Etoges  ;  Oudet,  maire  de 
Courjeorinel,  conseiller  d'arrondissement;  Théophile  Rofort,  maire 
de  Champaubert  et  oncle  du  maire  actuel  ;  Férat,  maire  de 
Congy  ;  de  Granrut  ;  Joffre,  adjoint  ;  Décès,  Poisson,  Petit,  N.  Lau- 
rin,  Papillon,  Marest,  David  et  Leblond,  conseillers  municipaux. 

Le  monuTîent  avait  été  dessiné  par  Louis  Visconti,  le  célèbre 
architecte  du  tombeau  de  Napoléon  1«'',  aux  Invalides. 

Il  n'y  eut  pas  de  cérémonie  d'inauguration.  Le  9  janvier  1867, 
la  pose  de  l'aigle  qui  surmonte  la  colonne  eut  lieu  en  présence  de 
M.M.  le  baron  de  Chaubry  ;  Poisel,  architecte  du  monument  ;  Théo- 
phile Rofort,  maire;  Antoine  JolTre,  adjoint;  Louis  Lenoir, 
d'Etoges;  Pierre  Amé,  sculpteur;  Poisson,  David,  Petit,  Marest, 
Décès  et  Leblond,  conseillers  municipaux. 

En  1868,  le  Gouvernement  donna  les  huit  canons  qui  tlanquent 
le  monument.  Depuis  celle  époque,  aucune  réparation  n'y  avait 
été  faite,  lorsqu'on  fît  appel  au  Comité  chàlonnais  du  Souvenir 
français.  Celui-ci  délégua  son  secrétaire,  M.  Piot,  lequel  fit  laver 
la  colonne,  repeindre  la  grille  el  nettoyer  le  terrain.  Les  canons 
furent  posés  sur  d'autres  supports,  et  enfin,  un  ponceau  fut  établi 
pour  donner  accès  à  la  Place  de  la  Colonne. 

Enfin,  hier,  M.  Happillon,  de  Sillery,  avait  placé  au  bas  de  la 
lace  principale  du  monument  une  panoplie  composée  de  coitfures 
de  généraux  français  du  premier  Empire  et  de  lances,  casques, 
sabres  et  cuirasses  franco-russes. 

De  plus,  le  Souvenir  français  avait  fait  placer  un  cadre  portant 
cette  inscription  : 

«  Honneur  —  l'atrie  —  Société  nationale  du  Souvenir  français — L'inau- 
guration de  ce  monument,  restauré  par  les  soins  du  Souvenir  françuis,  a  eu 
lieu  le  2U  octobre  1895.  » 

M.  Turlure,  curé  de  Congy,  après  avoir  récité  les  prières  litur- 
giques, a  prononcé  une  allocution  patriotique,  puis  MM.  le  D"" 
Bretenaker,  Rivière,  Rofort,  Nicaise  et  Chariot  ont  succesivement 
pris  la  parole  devant  le  monument. 


La  fonte  de  la  Jeanne  dArc  de  Reims.  —  Un  Rémois  a  récemment 
visité,  rue  des  Plantes,  à  Montrouge,  l'usine  de  M.  Bingen,  le 
maître  fondeur,  où  se  sont  faits  les  préparatifs  d'une  fonte  extraor- 
dinaire à  cire  perdue,  entreprise  certainement  unique  dans  les 
fastes  de  la  sculpture  contemporaine,  nous  voulons  parler  de  la 
fonte  de  la  Jeanne  d'Arc  équestre  de  M.  Paul  Dubois. 

L'œuvre  de  l'artiste,  enfermée  dans  un  moule  dont  la  confection 


CHRONIQUE  1)00 

a  demandé  des  années  de  travail,  fut  placée,  Tété  dernier,  dans  le 
sous-sol  de  l'usine.  Elle  formait  un  bloc  de  30,000  kilos,  que  deux 
puissantes  grues,  installées  dans  le  vaste  atelier,  déposèrent  à 
environ  six  mètres  au-dessous  du  plancher. 

On  construisit  alors  un  édifice  de  briques  qui  enveloppa  la 
masse  entière,  solidement  encadrée  par  une  armature  de  fer  et, 
dans  le  mois  de  septembre,  au  plus  fort  des  tardives  chaleurs^  un 
grand  feu  fut  allumé  dans  cette  sorte  de  four,  atin  d'amener 
Técoulement  complet  de  la  cire.  Des  hublots,  ménagés  dans 
les  murs,  permettaient  de  se  rendre  compte  des  progrès  et  de 
l'action  du  feu. 

L'opération  est  aujourd'hui  terminée.  Le  four  se  refroidit.  De  la 
matière  malléable  pétrie  par  les  doigts  du  statuaire,  il  ne  reste 
plus  rien.  L'œuvre  a  disparu  totalement,  laissant  un  vide  dans 
lequel,  prochainement,  en  deux  minutes  émolionnantes,  se  préci- 
pitera d'un  seul  coup  le  métal  bouillonnant. 

Kn  ce  moment,  une  tiédeur  se  dégage  encore  du  vaste  amon- 
cellement de  briques  en  partie  désagrégées  par  la  violence 
des  ilammes.  C'est  la  fin  du  premier  des  deux  actes  que  comprend 
cette  fonle  prodigieuse.  Les  préparatifs  du  second  acte  sont  com- 
mencés. Sur  une  estrade,  douze  fours  contenant  autant  de  creu- 
sets en  terre  réfractaire  sont  déjà  placés.  Dans  chacun  d'eux  se 
liquéfieront  ;iOO  kilos  de  fonte.  La  totalité  du  métal  en  fusion 
provenant  de  ces  creusets  se  réunira  dans  une  rigole  ou  ruisseau, 
également  déjà  aménagée,  d'où  elle  se  précipitera  dans  les  tuyaux 
d'adduction,  pour  remplir  en  deux  minutes  —  comme  nous 
l'avons  dit  —  tous  les  creux  de  l'énorme  moule.  Trois  ouvertures, 
dans  la  partie  supérieure,  rendront  inolfensif  le  jeu  des  chasses 
d'air. 

Le  moule  lui-même,  d'ici  quelques  jours,  sera  dépouillé  de  son 
revêlement  actuel,  disloqué  par  le  feu,  et  recevra  une  enveloppe, 
élayée  par  des  madriers  et  des  châssis  de  fer,  qui  lui  permettra  de 
supporter  sans  se  briser  la  coulée  subite  des  6.000  kilos  de  bronze. 
De  véritables  fortifications  s'élèveront  autour  de  cette  montagne 
d'argile  durcie. 

Ces  préliminaires  de  la  fonte  exigeront  sans  doute  plus  d'un 
mois  de  travail.  Ce  n'est  donc  que  vers  la  fin  do  l'année  que  de  la 
chrysalide  en  apparence  informe,  amas  de  matériaux  de  tout 
genre,  sortira  l'oîuvre  rayonnante,  la  Jeanne  d'Arc  inspirée  que 
nous  avons  vue  au  Salon.  Encore  le  statuaire  devra-t-il  la  reprendre 
dans  son  atelier  pour  lui  donner  le  dernier  coup  de  pouce. 

Il  ne  nous  appartietit  pas  d'entrer  dans  les  détails  des  dissenti- 
ments qui  ont  surgi,  à  propos  de  cette  œuvre,  entre  le  sculpteur 
et  le  fondeur.  Disons  cependant,  puisqu'on  a  parlé  des  exigences 
de  celui-ci,  qu'il  ne  lire  aucun  piofit  de  l'entreprise,  et  qu'il  y  perd 
même  —  c'est  son  aveu  —  une  dizaine  de  mille  francs. 

On  n'ignore  pas  que,  de  son  côté,  M.  l'aul  Dubois  s'est  imposé 


910  CHRONIQUE 

de  grands  sacrifices  dont  le  chiflYe  n'est  évidemment  pas  couvert 
par  la  souscription. 

Ue  tels  travaux  occasionnent  des  frais  considérables.  Ils  ne  sont 
pas  rémunérateurs  et  demandent,  de  la  part  de  ceux  qui  s'en 
chargent,  beaucoup  de  dévouement.  11  faut  qu'un  souci  d'art 
guide  le  fondeur  lui-même. 

~  C'est  la  dernière  œuvre  de  ce  genre  que  j'entreprends,  nous 
a  dit  M.  Bingen,  et  cette  Jeanne  d'Arc  sera  une  pièce  unique,  à 
moins  qu'un  autre  fou  comme  moi  ne  se  décide  à  se  livrer  corps 
et  âme  à  la  même  épreuve  redoutable.  Mais  nous  sommes  dans  un 
siècle  d'argent,  et  ce  dévouement  ne  se  rencontrera  plus  guère. 

M.  Bingen  entend  limiter  désormais  sa  spécialité  à  la  fonte 
d'œuvres  de  dimensions  beaucoup  moindres.  Il  continuera  de  faire 
à  la  cire  perdue  des  statuettes,  des  médaillons,  de  menus  objets 
d'art.  C'est  lui  qui  a  coulé  les  délicieuses  cires  de  Meissonier,  ce^ 
magnifiques  cavaliers  qui  sont  au  Louvre.  Son  atelier  se  remplit 
de  bustes  de  maîtres  anciens  que  son  procédé  lui  permet  de 
reproduire  avec  une  scrupuleuse  exactitude.  Mais  quel  labeur 
constituent  encore  ces  fontes  réduites  !  Quel  travail  délicat  !  Que 
de  soins  infinis  avant  de  mettre  une  œuvre  sur  pied  !  On  sort  de  là 
convaincu  que  c'était  folie  de  vouloir  fondre  à  la  cire  perdue  une 
statue  aussi  grande  que  la  Jeanne  d'Arc  de  M.  Paul  Dubois. 
{Courrier  de  la  Chamjiagne.)  H,  F. 


M.  Casimir-Périer  a  pu  s'imaginer,  ces  jours  derniers,  au  moins 
durant  quelques  instants,  que  son  départ  de  l'Elysée  n'était  qu'un 
mauvais  rêve  —  ou  un  bon  rêve.  Celte  sensation  lui  fut  donnée 
par  la  visite  de  M.  Roujon,  directeur  des  Beaux-Arts,  qui  venait 
lui  offrir  un  exemplaire  de  son  buste  en  biscuit  de  Sèvres,  le  pre- 
mier sorti  des  fours.  Le  buste  est  la  réduction  de  celui  que  le 
statuaire  Alfred  Boucher  exécuta  pour  le  compte  du  ministère  des 
beaux- arts. 

Peut-être  les  contribuables  ignoraient-ils  que  parmi  les  nom- 
breuses reproductions  des  traits  de  chaque  président  de  la  Répu- 
blique, il  en  est  une  qui  est  exécutée  à  leurs  frais.  Dès  qu'un  pré- 
sident est  nommé,  la  direction  des  Beaux-Arts  désigne  un  statuaire 
pour  exécuter  un  buste  qui  est  ia  propriété  de  l'Etat  et  qui  est 
destiné  à  transmettre  à  la  postérité  une  image  officielle  du  chef 
de  l'Etat.  Une  réduction  de  ce  buste  est  envoyée  à  Sèvres,  où  on 
l'exécute  en  biscuit. 

Le  nombre  des  reproductions  en  biscuit  n'est  pas  limité.  La 
première  est  remise  au  Président,  la  seconde  à  l'auteur  et  les 
autres  sont  envoyées  dans  les  ministères  ou  dans  les  ambassades. 
D'autres  sont  mises  à  la  disposition  du  public,  mais  la  vérité  nous 
oblige  à  dire  qu'elles  sont  très  peu  demandées. 


CHRONIQUE  911 

Il  nous  faut  faire  exception  pour  Carnot  ;  mais  ces  achats  ont 
été  effectués  après  sa  mort,  et,  par  suite,  ils  sont  un  tribut  payé 
à  la  pitié  plutôt  qu'à  l'admiration. 

Ce  buste  de  Carnot  était  l'œuvre  de  Chapu.  Le  busle  de 
M.  Félix  Faure  qui  a  figuré  au  Salon  de  cette  année  est  dû  au 
ciseau  de  Saint-Marceaux.  Incessamment  il  sera  mis  au  four,  et  l'on 
est  ainsi  en  droit  d'espérer  qu'il  ne  Jui  arrivera  pas  la  même  mésa- 
venture qu'à  celui  de  M.  Casimir-Périer  el  qu'il  aura  les  honneurs 
de  l'Elysée. 

Il  est  à  remarquer  que  les  trois  statuaires  désignés  ci-dessus  ap- 
partiennent tous  trois  à  notre  région,  le  regretté  Chapu  étant  né  au 
Meix-TiercHliii  (Seine-et-Mai-ne),  M.  René  de  Saint-Marceaux  à 
Reiras,  et  M.  Alfred  Boucher  à  .Nogeiil-sur-Seine  (Aube). 


Une  Œuvke  piouvELLE  DE  M.  Théodore  Dubois.  —  Le  26  novem- 
bre a  eu  lieu,  à  l'Opéra-Comique,  la  première  représentation  d'un 
opéra  en  trois  actes,  de  notre  très  distingué  compatriote  M.  Théo- 
dore Dubois. 

M.  Théodore  Dubois  est  un  sympathique,  en  dépit  de  la  banalité 
courante  qui  s'attache  à  ce  mot.  Quand  il  concourut  pour  le  prix 
de  Rome,  en  1801,  il  tomba  malade  sous  la  coupole  de  l'Institut, 
où  les  candidats  étaient  alors  enfermés,  et  ses  camarades  postu- 
lèrent pour  que  le  jury  lui  rendit  les  vingt  jours  que  la  maladie 
lui  avait  fait  perdre.  On  lui  accorda  le  sursis,  il  remporta  le  prix 
avec  une  cantate  à'Alala  et  aucun  de  ses  rivaux  ne  songea  à  regret- 
ter la  faveur  exceptionnelle  dont  il  avait  été  l'objet.  C'est  là  un 
acte  de  bonne  camaraderie  utile  à  rappeler  par  ces  temps  où  la 
lutte  pour  la  vie  est  devenue  féroce  et  ne  reconnaît  plus  de 
bornes. 

M.  Théodore  Dubois  est  aujourd'hui  de  l'Institut.  Il  a,  l'an  der- 
nier, succédé  à  Gounod,  pour  qui  il  n'a  jamais  caché  son  admira- 
tion et  l'influence  que,  dès  ses  premiers  pas  dans  la  carrière, 
l'auteur  de  Faust  avait  exercée  sur  son  talent. 

C'est  près  de  nous,  à  Rosnay,  que  M.  Théodore  Dubois  travaille 
durant  l'été,  dans  un  jardin  parfumé  de  fleurs,  en  face  de  la 
cathédrale  de  Reims,  dont  il  aperçoit  au  loin  les  hardiesses  gothi- 
ques. C'est  là  qu'il  compose,  dans  ses  loisirs  des  beaux  jours, 
réservant  pour  Paris  la  besogne  de  l'orchestration,  dans  laquelle 
il  excelle.  Sans  doute  c'est  là  qu'ont  été  conçues  et  jetées  sur  le 
papier  les  principaux  airs  de  Xavièrc,  dont  nous  allons  parler 
d'après  quelques-uns  de  nos  confrères  parisiens. 

Voici  d'abord  l'article  du  savant  critique  musical  du  (iaulois, 
M.  Fourcaud  : 

«  AL  Ttiéodore  Dubois  est  un  musicien  sérieux  et  du  caractère  le  plus 
honorable.  On  a  de  lui  des  parlilious  religieuses    comme    les  Sept   Paroles 


'.112  CHRONIQUE 

du  Christ,  une  grande  canlate,  le  Paradis  perdu,  couronnée  jadis  au  cou- 
cours  de  la  ville  de  Paris,  des  pièces  d'orchestre  et  même  un  ballet,  la 
Farandole,  cù  s'allïrraent,  avec  une  parfaite  honnèlelé  musicale,  des  ten- 
dances souvent  élevées.  Au  théâtre,  il  a  donné  jusqu'ici  (en  dehors  de  sou 
ballet)  un  petit  opéra  comique,  non  sans  agrément,  la  Guzla  de  l'émir  et 
un  grand  opéra  de  structure  tiès  italienne,  Aben  Ijamel,  resté  médiocre  en 
mon  souvenir.  Je  ne  sais  ti  la  musique  dramatique  est  bien  son  fait.  Eu 
tout  cas,  nul  n'apporte  plus  de  simplicité  en  ses  entreprises  et  ce  n'est  la 
rien  moins  qu'une  qualité  ordinaire.  On  peut  goûter  ou  ne  pas  goûter  ses 
ouvrages  ;  on  ne  saurait  lui  refuser  une  toute  personnelle  estime.  Ce  qu'il 
croit  pouvoir  dire,  il  le  dit  du  mieux  qu'il  peut,  sans  chercher  à  surprendre, 
encore  moins  à  capter  personne,  avec  une  entière  bonhomie  et  un  louable 
parti  pris  de  correction. 

L'opéra  comique  en  trois  actes  qu'il  vient  de  faire  représenter  n'embouihe 
aucune  trompette.  C'est  un  ouvrage  doux  et  loyal,  qui  ne  se  recommande 
d'aucun  programme  agressif  ou  rétrograde  et  qui  s'ofiresans  façon  au  public. 
La  question  de  la  comédie  lyrique  n'y  est  pas  même  posée.  11  semble  que 
l'auteur  ait  tenu  à  marquer  sa  volonté  de  rester  à  l'écart  de  toutes  les  que- 
lelUs  par  le  titre  qu'il  a  choisi  :  u  Xavtère,  idylle  dramatique...  »  N'y 
cherchsz  ni  un  drame,  ni  une  comédie,  ni  un  vieil  opéra  comique,  ni  même 
une  pièce  au  sens  propre  du  mot.  11  ne  s'agit  que  d'un  [letit  roman  dialo- 
gué mis  eu  musique  a  la  fantaisie  de  l'artiste,  sans  la  moindre  arrière-pen- 
sée méchante. 

Et,  de  fait,  le  poème  a  été  tiré  par  .\1.  Louis  Gallet  d'un  roman  de 
M.  Ferdinand  Fabre.  En  vo  ci  la  donnée  sommairement  :  Au  village  de 
Camplong,  tapis  sous  les  grands  châtaigniers  cévenols,  vivent,  en  bon 
accord  apparent,  le  plus  vénérable  curé  du  monde  et  le  plus  malfaisant 
instituteur  qui  se  puisse  'voir.  Cet  instituteur,  du  nom  de  Landrinier,  tient 
sous  sa  dépendance  une  veuve  de  faible  esprit,  alfolée  de  ses  mérites,  nom- 
mée Benoite  Ouradou.  L'épousera  t-il  ?  —  Eh  !  sans  doute.  Seulement, 
elle  a  une  fille,  la  jolie  et  bonne  Xavière,  laquelle,  en  réclamant  son  bieu 
paternel,  laissera  la  maison  démunie. 

Que  Xavière  disparaisse,  par  un  accident  quelconque,  ft  monsieur  le 
régent  conduira  volontiers  la  veuve  à  l'autel,  avec  le  sac  d'écas  de  la  morte. 
Le  brave  curé,  Si  distrait  qu'il  oublie  d'ouvrir  son  parapluie  rouge  en  pleine 
averse,  en  rêvant  de  saint  François  d'Assise  et  de  ses  discours  à  ses  frères 
les  oiseaux,  si  simple  que  jamais  nul  mauvais  penser  ne  l'eltleure,  n'aper- 
çoit rien  de  telles  machinations,  pourlanî  très  visibles.  Pour  complaire  à 
Benoite  et  à  Landrinier,  et  croyant  assurer  le  bonheur  de  Xavière,  il  l'incita 
à  se  faire  religieuse  en  un  couvent  voisin.  Point  du  tout  !  La  petite  a  un 
grand  amour  au  cœur  —  et  un  amour  partagé.  Elle  est  la  fiancée  dd 
Landry...  Eh  bieu,  donc,  qu'elle  soit  sa  femme  ! 

Pac'  malheur,  l'instituteur  furieux  donne  suite  à  son  atroce  dessein.  Un 
jour  que  la  jeune  fide  est  en  train  de  cueillir  des  cliâtaignes,  sur  les  bran- 
ches d'un  séculaire  châtaignier,  le  misérable  s'arrange  pour  la  faire  tomber. 
On  relève  Xavière  évanouie,  moribunde.  Au  milieu  d'un  terrible  orage  qui 
bouleverse  la  terre  et  le  ciel,  de  pareils  accidents  peuvent  se  produire... 
Pourtant,  la  Providence  a  veillé  sous  les  espèces  d'un  berger  caché  parmi 
les  branchages.  Le  pâtre  Galibert  a  tout  vu  ;  il  eu  témoigne  tt  le  reste  se 
devine  aisément.  Landrinier,  dûment  confondu,  est  chassé  du  village  ; 
Xavière,  qui  ne  meurt  pas,  épousera  son  amoureux.  Les  gros  cfàtaigiiiers 
cévenols  verront  des  idylles  encore. 

Cette  action,  direz-vous,  dissimule  bieu  du  noir  sous  ses  Heurs.   Bah  !  les 


CHRONIQUE  913 

auteurs  glissent  sur  les  impressions  noires.  Les  épisodes  aimables  sont 
prodigués  :  chansons  des  enfants  do  l'école,  p)ur  invoquer  les  saints  contre 
la  tempête  ;  fêle  des  lutteurs  dans  la  châlaigueraie,  avec  refrains  et  danses  ; 
chanson  galante  dialoguée  et  mimée  par  le  pâtre  Galibert  et  la  servante 
Mélie.  On  voit  se  nouer  et^e  dénouer  la  fiction,  sans  trop  y  croire.  Et  puis 
qu'importe  !  A  d'auties  soirs,  les  grauds  soucis. 

M,  Louis  Gallel  a  écrit  en  vers  les  morceaux  qualifiés  et  en  prose  ryth- 
mée tous  les  passages  transitoires.  J'ai  indiqué  plus  d'une  fois  que  la  ques- 
tion des  vers  ou  de  la  prose  à  mettre  en  musique  est,  en  soi,  sacs  intérêt. 
Si  l'on  veut  regarder  d'un  peu  près  aux  choses,  on  note  que  le  rythme 
musical  s'accommodant,  quoi  qu'on  fasse,  uniquement  des  périodes  brèves, 
répugne  aux  rytlimes  à  longue  portée  d'une  prose  fortement  construite  et 
que,  toujours,  le  musicien  la  découpe  en  vers.  M.  Gallet,  sur  ce  point,  afin 
de  simplifier  la  besogne  de  son  collaborateur,  a  lui-même  procédé  au 
découpage.  Ses  transitions  sont,  bel  et  bien,  en  vers  blancs  —  et  je  suis 
loin  de  le  lui  reprocher. 

On  a  vu  plus  haut  le  caractère  de  la  partition.  L'inspiration  en  est  fré- 
quemment gouDodienne.  Je  sais  même  un  duo  des  amoureux,  au  second 
acte,  qui  procède  de  Mireille  tout  directement.  Le  ton  général  est  discret, 
modéré,  sans  prétention,  sans  insistance.  La  facture  y  répond  de  tout  point. 
L'artiste  y  a  mis,  comme  on  dit,  tous  ses  soins  d'un  bout  à  l'autre.  Cà  et 
là,  une  intension  de  motif  conducteur  ou  de  rappel.  Eh  !  pourquoi  non  '.'  ne 
faut  il  pas  suivre  le  courant  ?..  Par  places,  un  petit  emploi  de  chansons 
rustiques  —  oh  !  sans  outrance  aucune  ..  Le  chœur  du  «  Châtaignier  »  a  de 
la  sonorité,  les  danses  ont  quelque  montant.  Et  puis  la  chanson  de  «  Grive, 
grivoise  et  grivoisette  »  est  de  ces  fredons  que  les  salons  se  disputent. 
Imitons  ici  le  musicien  :  inutile  d'insister. 

M.  Alfred  Bnineau,  auleur  émérite  de  V Attaque  du  Moulin  el 
chroniqueur  au  Figaro^  apprécie  ainsi  la  parlitioii  de  M.Théodore 
Dubois  : 

c  Le  début  de  ia  partition  me  paraissait  tout  à  fdil  charmant  el  curieux. 
Là,  je  fus  séduit  par  l'indépendance  de  la  forme  musicale,  la  justesse  de 
l'expression,  la  sobriété  de  l'orchestre  qui,  ô  surprise  !  laissait  entendre  la 
parole  et  permettait  de  comprendre  l'exposition  du  drame  ;  je  goûtai  l'esprit 
du  chœur  des  gamins  demandant  au  curé  une  histoire,  la  poésie  intense  et 
Ubïve  de  ce  récit  un  peu  mystique  et  vraiment  délicieux.  Le  dialogue  des 
mauvais  parents,  à  peine  noté  et  qu'encadie  le  bref  motif  instrumental  ilu 
crime,  ne  me  plaisait  pas  moins.  J'étais  ravi  et  plein  d'espoir,  car  ces 
scènes,  très  vivantes,  en  leur  libre  allure,  me  semblaient  des  plus  théâtrales." 
Et  le  public  aussi  était  ravi,  je  vous  le  jure,  et  il  applaudissait. 

L'inquiétude  nous  a  gagnés,  lors  jue  le  téuor,  entrant  comme  par  hasard, 
est  venu  chanter  une  romance  au  soullleur.  El  le  charme  s'est  rompu  aussi- 
tôt, non  pas  parce  qu'on  chantait  une  romance  —  grands  dieux  !  on  n'eu 
chantera  jamais  d'assez  belles,  d'assfz  sublimes  !  -  mais  parce  que,  n'étant 
plus  dans  l'action  et  ayant  paru  lorl  mal  amené,  ce  morctau  devenait  terri- 
blement conventionnel. 

Nous  trouvâmes  au  secord  a^-le  l'air  à  vocalises,  la  fêle  villageoise,  le 
ballet,  un  peu  trop  entendus  et  vus  adleurs.  On  resta  de  glace.  Des  bavar- 
dages précèdent  l'assassinai.  11  est  certain  que  dans  le  drame  farouche  qui 
se  développe  à  cet  endroit  de  la  pièce,  M.  Dubois  s'est  senti  beaucoup  moins 

58 


\)\i  CHRONIQUE 

à  l'aise  que  dans  l'idylle  du  commencement  el  n'a    pas    lenu  les   promesses 
qu'il  nous  avait  faites. 

Par  bonheur,  les  tonalités  simples  du  début  reparaissent  au  dernier  acte 
dans  deux  niélodies,  parfaitement  en  situation,  que  l'on  a  bissées  et  qui  ont 
toute  la  fraîcheur  rustique  de  nos  vieilles  chansons  populaires,  aux  recueils 
desquelles  la  seconde  semble  avoir  été  empruntée,  tant  la  grâce  de  ses  con- 
tours, la  franchise  de  ses  rythmes  sont  grandes.  Mais  l'œuvre  Cnit  froide- 
ment, après  un  terne  septuor,  trop  traditionnel.  J'ai  dit  en  absolue  sincérité 
les  impressions  qu'elle  me  causa.  » 

A  celle  apprécialion,  peul-èlre  un  peu  sévère,  opposons  pour 
terminer,  celle  du  Matin  : 

M.  Théodore  Dubois,  sans  sou.-i  des  querelles  d'école,  a  écrit  une  parti- 
tion digne  de  tout  intérêt  par  sa  sincérité  et  son  honnêteté  artistique. 
Xavière  peut  être  l'oeuvre  d'un  compositeur  timide  dans  les  nouveautés, 
mais  c'est  assurément  l'œuvre  d'un  musicien  plein  de  conscience.  Sans 
ostentation  et  sans  alfectation  de  science  —  et  il  en  possède  beaucoup  plus 
qu'il  n'a  la  discrétion  d'en  laisser  voir  —  il  donne  franchement  son  inspira- 
tion pour  ce  qu'elle  vaut,  et  cette  inspiration  est  toujours  délicate  et  distin- 
guée. Quand  les  grandes  messes  soat  finies,  il  Hotte  encore  dans  l'ombre 
des  églises  un  reste  harmonieux  de  musique  et  de  chants  qui  suffisent  a 
l'élévation  des  cœurs  isolés  ei  iidèles.  M.  Théodore  Dubois  semble  le 
virtuose  mélancolique  de  ces  heures  de  religieux  crépuscule,  et  l'estime  des 
esprits  sans  préjugés  doit  le  suivre  dans  son  succès  d'hier  soir. 

Le  premier  acte,  le  moins  riche  en  trouvailles,  contient  cependant  un 
aimable  chœur  d'enfants  et  la  séraphique  légende  de  saint  François  et  des 
oiseaux.  Le  duo  a'amour,  un  peu  é'ourlé,  se  développe  tendrement  au  deu- 
xième acte,  parmi  'es  rythmes  dansants  d'un  ballet  emprunté  à  des  airs 
populaires.  L'invocation  aux  Cévennes  a  de  la  grandeur,  mais  ce  qu'il  faut 
louer  surtout,  c'est  le  troisième  acte,  absolument  complet  d'un  bout  à  l'au- 
tre. La  gaieté  s'y  mêle  à  la  tendresse.  Une  jolie  chanson  cévenole  traverse 
avec  légèreté  le  thème  murmurant  d'un  duo  d'amour  ;  et  le  final  dramatique 
traité  en  septuor  termine  brillamment  un  opéra-comique  où  le  public  pour- 
rait bien  retrouver  le  charme  qu'il  éprouve  à  l'amlition  de  Mirei'lc. 


L'AiîBÉ  Chanzy  i:t  li;  Grand  Séminaire  iie  Rt;iMs.  —  M.  le  cha- 
noine Cerf  publie,  dans  le  dernier  Hullelin  du  diocèse  de  Reims, 
un  souvenir  d'hisloire  locale,  qui  a  Irait  à  une  famille  des  plus 
honorables  et  des  plus  respeclées  de  noire  déparlemenl. 
Voici  ce  que  raconte  le  savant  correspondant  du  Builclin  : 
Un  amateur  passionné  de  porlrails  rémois.,  se  trouvant  chez 
!\1.  rÉconome  du  «irand  Séminaire,  aperçoit  un  tableau  représen- 
tant un  prêtre  à  cheveux  blancs,  revêtu  de  la  soutane.  11  demande 
l'autorisation  d'emporter  le  portrait  pour  le  soumettre  à  quelques 
connaisseurs,  espérant  découvrir  le  nom  de  l'ecclésiastique.  Les 
recherches  ne  produisirent  aucun  résultat.  Il  fallut  rapporter  le 
tableau  :  la  lumière  devait  venir  du  Séminaire.  Quand  on  voulut 
replacer  la  tuile  dans  son  cadre,  on  aperçut,  émergeant  de  la 
poussière,  sur  la  traverse  haute  de  derrière^  ces   mots  ;  «  M.  Jac- 


CHRONIQUE  91S^ 

qiics  Cfianzij,  né  à  Terron  en  1754,  mort  à  Reims,  le  3  mai  1833, 
ch^  hon^",  à  l'dge  de  19  ans.  » 

Le  portrait,  peint  par  M.  Germain,  de  Reims,  ea  1833,  est  digne 
d'être  conservé.  Il  perpétuera  le  souvenir  d'un  prêtre  de  mérite, 
bien-aimé^.  professeur  de  l'ancienne  Université  de  Reims,  puis  du 
Collège  impérial,  victime  de  la  Révolution,  et  oncle  du  général 
Chanzy . 

M.  l'abbé  Chanzv  est  né  en  l'année  1754,  à  Terron-sur-Aisne,  où 
son  père  était  notaire  ;  sa  mère  s'appelait  Alexise  Barthélémy,  il 
vint  à  Reims,  suivit  les  cours  de  l'Université,  et  de  1780  à  1783  il 
remplit  les  fonctions  de  sous-principal  du  Collège,  avec  MM.  Mac- 
quart,  Bastien,  Parent,  Legros.  En  17S4  il  obtint  la  chaire  de  cin- 
quième, qu'il  conserva  jusqu'en  1791.  Au  moment  de  la  Révolution 
il  dut  s'exiler. 

Il  revint  à  Reims  après  la  tourmente  révolutionnaire,  et  se 
dévoua  de  nouveau  à  l'instruction  des  jeunes  gens,  avec  MM.  Parent, 
Lefebvre  et  Fourmet. 

Le  \'à  octobre  1802,  M.  l'abbé  Legros  ouvre  un  cours  d'enseigne- 
ment dans  les  bâtiments  de  l'ancien  couvent  de  Saint- Denis  ((jrand 
Séminaire).  Il  prend  avec  lui  plusieurs  de  ses  confrères  de  l'Uni- 
versité, MM.  Nicolas  Gordier,  Parent  et  Chanzy.  La  maison,  qui  fut 
fermée  en  1809,  fut  très  prospère,  malgré  la  rivalité  du  (Collège, 
fondé  le  23  septembre  1804  dans  les  bâtiments  de  l'ancienne 
Université. 

En  1809,  M.  l'abbé  Legros  fut  nommé  proviseur  du  Lycée  impé- 
rial, et  MM.  Parent  et  Chanzy,  professeurs  de  rhétorique  et  de 
troisième.  M.  Legros  se  retira  vers  1813;  il  est  probable  que  ses 
confrères  le  suivirent  dans  la  retraite;  car  ils  ne  figurent  plus 
dans  la  liste  des  professeurs  en  Tannée  1814. 

M.  Chanzy  continua  d'instruire  les  jeunes  gens  qu'il  disposait  le 
plus  possible  à  entrer  dans  l'état  ecclésiastique.  .Nous  le  retrouvons 
encore  comme  professeur,  en  1820,  dans  les  bâtiments  de  l'ancien 
couvent  des  Augustin?,  au  moment  du  la  famille  Boisseau  vendait 
ces  propriétés  à  l'abbé  Lieulard,  pour  l'établissement  du  Petit 
Séminaire. 

Tant  de  travaux  méritaient  une  récompense.  Trop  modeste  pour 
la  désirer,  l'abbé  Chanzy,  sans  l'avoir  demandé,  fut  nommé  cha- 
noine  honoraire  au  moment  de  la  restauration  du  siège  de  Reims. 
La  ville  tout  entière  ratifia  cette  nomination. 

M.  l'abbé  Chanzy  mourut  à  Reims  le  3  mai  1833,  dans  la  rue  du 
Bourg  Saint-Denis,  n"  18  :  la  rue  aujourd'hui  porte  le  nom  de  son 
illustre  neveu,  le  général  Chanzy. 

La  meilleure  preuve  que  nous  puissions  donner  de  l'amour  et 
de  l'estime  des  habitants  de  Reims  pour  l'abbé  Chanzy,  c'est  de 
rappeler  la  souscription  ouverte  aussitôt  après  samoi'l,  patronnée 
par  M.  Macquart,  vicaire  général,  à  l'eirel  d'ériger  un  monument 
à  la  mémoire  du  défunt. 


^16  CtiRONIQÙd 

Le  monument  est  placé  derrière  la  chapelle  du  cimetière,   àil 
milieu.  11  est  haut  de  deux  mètres.  Sur  l'une  des  faces,  on  lit  ; 

MOiNUMK.NT    ÉLEVÉ    PAR    LA    VÉNÉRATION 
ET    LA    RECONNAISSANCE 

A    LA    MÉMOIRE 

DE     M.    JACQUES    CHAN/.Y 

PRÊTRE,    CHANOINE    HONORAIRE 

UE    LA    MÉTROPOLE    DE    REIMS; 

MORT    LE    3    MAI    1833 

ÂGÉ    DE    79    ANS. 

Sur  Taulre  face  : 

Doux  et  humble  de  cœur 

Il  a  consacré  sa  vie 

à  C instruclion  de  la 

Jeunesse,  au  salut,  des 

âmes  et  au  soulagement 

des  Pauvres. 

Nous  n'avons  rien  à  ajouter  après  un  pareil  témoignage. 

Ch.  Cerf. 


Fête  de  l'Association  des  Sourds-Muets  Champenois.  —  L'Asso- 
ciation des  sourds-muets  de  la  Champagne,  qui  compte  à  peine 
deux  ans  d'existence  et  dont  la  prospérité  croit  de  jour  en  jour, 
célébrait  le  17  novembre  sa  fête  annuelle. 

Pendant  la  messe,  qui  a  été  dite  à  Saint-Remi,  M.  l'abbé  Dela- 
place,  ancien  aumônier  des  sourds-muets  de  Saint-Médard  de 
Soissons,  a  prononcé  et  mimé  un  sermon  remarquable,  et  à  l'issue 
de  la  cérémonie,  la  quêle  a  été  faite  par  quatre  gracieuses  jeunes 
filles,  Mlles  Marie  Mercier,  d'Épernay,  Julielle  Prosper  et  Juliette 
l'érin,  de  Reims,  et  Cabrielle  Dupas,  du  Chesne.  Le  produit,  qui  a 
dû  être  assez  fructueux,  est  destiné  a  accroître  les  ressources  de 
l'Association. 

A  une  heure  a  eu  lieu,  salle  Bernardin,  un  banquet  auquel  ont 
pris  part  cent  quarante  invités  des  deux  sexes. 

La  présidence  d'honneur  avait  été  acceptée  par  M.  Diancourt, 
sénateur  de  la  Marne,  et  la  présidence  elTeclive  par  M.  Pron,  vice- 
président  de  l'Association. 

Nous  citerons  parmi  les  convives  AL  Victor  Lambert,  conseiller 
d'arrondissement  du  3°  canton  ;  M.  Th.  Denis,  ancien  chef  de 
bureau  au  ministère  de  l'Intéi'ieur,  fondateur  du  musée  universel 
des  sourds-muets,  chevalier  de  la  Légion  d'honneur. 

MM.  Mercier  fils  d'Épernay,  principaux  fondateurs  de  la 
Sociéié  ;  l'abbé  Delaplace  ;  Henri  (ievis,  président  de  l'Association 


CHRONIQUE  017 

des  sourjs-muels  de  Paris  ;  Ernest  Dusugeau,  professeur  honoraire 
à  riiislilulion  nationale  des  sourds-muets  de  Paris;  Paul  Delonne, 
président  de  la  Société  de  secours  mutuels  des  sourds-muets  de 
Liègo,  et  Robert  Dresse,  vice-président  de  la  même  Société  ; 
Hublot,  président  de  la  Société  des  sourds-muets  de  Gharleroi  : 
Henii  Janvoine,  président  de  la  Société  des  sourds-muets  de  Besan- 
çon ;  Louis  Aymard,  vice-président  de  l'Association  de  Paris  ; 
Henri  Fortin,  de  Guise,  peintre  estimé  ;  Hamard,  sculpteur,  dont 
nous  avons  admiré  l'année  dernière  le  beau  buste  de  l'abbé  de 
l'Épée,  et  qui  vient  d'obtenir  une  troisième  médaille  au  Salon  de 
1895;  Gaillard,  du  Journal  des  Sourds-Muets;  Hennequin,  le 
statuaire  bien  connu,  et  son  fils,  un  jeune  architecte  de  grand 
avenir;  Ed.  Beaumont,  ancien  élève  de  l'École  des  hautes  études, 
explorateur  distingué  ;  Despierrier,  secrétaire  de  la  Société  de 
Paris  ;  Bélanger,  professeur  à  l'Institution  nationale  de  Paris; 
l'abbé  Peifer,  secrétaire  de  l'Association  ;  le  docteur  Langlet,  etc. 

On  voit  par  cette  longue  énumération  combien  la  jeune  asso- 
ciation des  sourds-mueis  de  la  Champagne  a  su  se  créer  déjà  de 
précieuses  sj'mpathies. 

Au  dessert,  les  toasts  et  les  discours  se  sont  succédé  tout  aussi 
nombreux  que  dans  les  banquets  ordinaires,  mimés  par  les  ora- 
teurs et  traduits  oralement  par  un  interprète. 

Les  invités  se  sont  ensuite  rendus  au  Cercle  de  l'Abbé  de  l'Epée 
qu'on  inaugurait.  Comme  nous  Favons  dit,  c'est  grâce,  en  partie, 
à  la  générosité  de  M.  Pron,  de  Vitry-le-Frunçois,  que  l'Association 
amicale  des  sourds-muets  de  la  Champagne  possède  aujourd'hui 
son  cercle  ;  c'est  la  seule  Société  de  France  qui  jouisse  de  cet  avan- 
tage. 

L'édifice  où  est  installé  le  Cercle  porte  les  numéros  144  et  146 
de  la  rue  des  Capucins  ;  il  a  été  construit  et  aménagé  par 
M.  Dufay,  le  jeune  architecte  auquel  on  doit  la  jolie  église  de  Witry- 
les-Reims,  dont  nous  avons  déjà  parlé. 

A  gauche,  un  petit  vestibule  précède  la  grande  salle  des  fêtes. 

Au  premier  étage  sont  des  salles  de  jeu,  une  salle  de  billard  et 
une  bibliothèque. 

La  jeune  Association  des  sourds-muets  de  la  Champagne  a  déjà 
fait  ses  preuves  :  elle  a  obtenu  une  médaille  de  bronze  à  l'Expo- 
sition de  Bordeaux. 

(Courrier  de  la  Champagne.)  'V.  M. 

* 
«    « 

Le  Prieuré  de  Binso.n  et  les  PiiRES  Blancs.  —  La  destination  de 
l'ancien  prieuré  de  Binson-sous-Châtillon  (Marne),  restauré  com- 
plètement il  y  a  quelques  années,  par  le  cardinal  Langénieux, 
archevêque  de  Reims,  vient  d'être  changée.  Les  prêtres  qui  occu- 
paient les  nouvelles  constructions  se  sont  transportés  à  Reims,  pour 


918  CHRONIQUE 

y  continuer,  dans  des  conditions  meilleures,  l'œuvre  entreprise,  et 
Son  Eminence  a  mis  les  bâtiments  à  la  disposition  des  RR.  PP. 
Missionnaires  d'Afrique,  plus  connus  sous  le  nom  de  Pères  Blancs, 
qui  viennent  d'y  établir  leur  école  de  lliéologie,  qui  compte  plus 
de  quatre-vingts  élèves.  On  sait  que  cette  congrégalion  a  été  fon- 
dée par  S.  E.  le  Cardinal  Lavigerie,  à  Alger,  où  se  trouve  le 
noviciat. 

M.  l'abbé  Legras,  ancien  supérieur  du   Prieuré  de  Hinson,  a  été 
nommé  cbanoinc  honoraire  de  l'Eglise  métropolitaine. 


Le  Baron  hk  Baye  en  Russie.  —  Un  gracieux  salut  fraternel, 
accompagné  d'un  touchant  et  amical  souvenir,  vient  de  parvenir  à 
ChAlons,  des  bords  du  Volga,  à  l'extrême  limite  de  l'Europe. 

Au  cours  de  la  mission  scientifique  que  M.  le  baron  de  Baye 
accomplit  en  Russie,  avec  autant  de  zèle  que  de  talent,  notre  com- 
patriote, s'est  arrêté  dans  la  ville  de  Syzrane^  le  1G  septembre 
dernier.  Il  y  fut  reçu  avec  les  plus  grandes  démonstrations  d'ami- 
tié, au  son  de  notre  hymne  national'. 

Pour  conserver  le  souvenir  de  celte  fêle,  les  autorités  de  Syzrane 
ont  eu  la  gracieuse  pensée  d'envoyer  à  la  Société  d'Agriculture, 
Commerce,  Sciences  et  Arts  de  la  Marne,  l'écusson  aux  armes  de 
Chàlons,  un  drapeau  russe  et  un  drapeau  français  qui  ornaient  la 
salle  du  banquet. 

Très  touchée  de  cette  amicale  démonstration,  la  Société  acadé- 
mique, qui  s'honore  de  compter  M.  de  Baye  au  nombre  de  ses 
membres,  a  décidé  de  placer  ce  trophée  dans  la  salle  de  ses 
séances  et  d'envoyer  ses  remerciements  el  un  souvenir  à  la  ville  et 
aux  autorités  de  Syzrane. 

M.  le  baron  de  Baye,  qui  a  parcouru  en  dernier  lieu  la  Sibérie 
et  là  province  transcaspieune,  en  s'y  livrant  à  des  recherches 
archéologiques,  est  reparti  pour  la  France. 


La  nouvelle  Clln'ioce  nii  D''  Doyen.  —  A  l'occasion  du  Congrès 
annuel  de  chirurgie,  récemment  tenu  à  Paris,  le  docteur  Doyen, 
de  Reims,  a  reçu  ses  collègues  du  Congrès  en  une  soirée  inti.Tie 
dans  l'hùlel  de  l'avenue  d'iéna,  où  il  vient  d'installer  sa  clinique 
privée. 

Toutes  les  notabilités  du  monde  médical  s'étaient  rendîmes 
à  cette  invitation. 

Le  docteur  Doyen  a  montré  à  ses  collègues  ses  collections  scien 
tifiques,  qui  sont  des  plus  curieuses,   notamment  les  pièces  rela- 

1.    Voir  Revue  de  Chaivpagnr,  t.  Vil,  p.  741. 


CHRONIQUE  919 

tives  aux  blessures  faites  par  les  armes  de  guerre  de  polit  calibre, 
et  ses  nouveaux  instruments  de  cranieclomie,  qui  viennent  de 
faire  l'objet  d'une  communication  des  plus  intéressantes  à  l'Acadé- 
mie de  médecine. 


Les  Ardennais  a  l'Acadkmie  de  Reims  en  !89o.  —  Parmi  les 
ouvrages  couronnés,  cette  année,  par  l'Académie  nationale  de 
Reims,  nous  relevons  ceux  de  trois  Ardennais  : 

1"  L'Histoire  de  Ravcoiirt  et  de  Haraucourt,  par  M.  Sécherel' 
Cellier,  instituteur  à  Mouzon,  qui  a  obtenu  le  1"  prix,  consistant 
en  une  médaille  d'or  et  2(J0  fr. 

C'est  un  travail  très  consciencieux  sur  l'ancienne  seigneurie  de 
Raucourt  et  l'industrieuse  vallée  de  l'Ennemane. 

2"  Recherches  historiques  sur  Molhain,  savante  étude  de 
M.  l'abbé  Antoine,  curé  de  Vireux-Molbain. 

30  Monographie  de  Saiiit-Louf-Tcrrier,  par  M.  l'abbé  Alexandre, 
curé  de  cette  paroisse. 

Don  au  Musée  de  Cualons.  —  L'Etat  vient  de  faire  don,  au  Musée 
de  Cbâions,  de  la  statue,  modèle  en  plâtre,  intitulée  :  La  Nuit, 
œuvre  de  M.  Dagonet,  notre  compatriote,  exposée  au  salon 
de  J892. 


Don  au  Musée  de  Vitry-le-Françûis.  —  M.  Auguste  Grasset,  pro- 
fesseur de  dessin  à  La  Varenne-Saint-Hilaire,  vient  de  faire  don,  à 
la  ville  de  Vitry-le-François,  d'un  tableau  dont  il  est  l'auteur, 
représentant  une  vue  de  l'Océan,  sur  la  cùle  du  Finistère,  près  de 
l'embouchure  dune  rivière. 

Cette  œuvre,  d'un  réel  mérite,  qui  a  ligure  à  l'Exposition  de 
Paris,  a  été  placée  dans  la  salle  du  Conseil. 

Ce  don  est  d'autant  plus  précieux  pour  le  Musée,  que  M.  Auguste 
Grasset  est  un  compatriote. 

Découverte  Ar.ciiEoLOc.inUE  a  Chalons.  —  Les  travaux  de  ter- 
rassement exécutés  à  Chàlons,  pour  le  monument  destiné  à  consa- 
crer la  mémoire  du  président  Carnot,  ont  fait  retrouver  les 
londalions  de  la  colonne  commémorative  des  victoires  françaises 
qui  avait  dû  être  élevée  à  Chàlons,  comme  au  chef-lieu  de  chaque 
département,  en  l'an  VIlI,  après  la  campagne  de  Marengo. 

11  ne  lut  pas  donné  suite  à  ce  projet.  Cependant  l'inscription  de 
la  colonne  exisle  et  doit  être  conservée  au  Musée  de  la  ville. 


Découvertes  archéolooiques  a  Troyes,  —  On  vient  de  découvrir 
à  Troyes,  dans  les  fouilles  qu'on  fait  actuellement  pour  la  cous- 


92(1  CHRONIQUE 

Iruclion  de  la  maison  qui  doit  remplacer  celle  de  M.  Danlon-Jolly, 
à  l'angle  de  la  rue  de  la  République  et  de  la  rue  Claude-Huez, 
plusieurs  meules  à  bras  ayant  dû  servir  à  moudre  le  grain,  ainsi 
que  divers  ossements  humains,  notamment  des  crânes  parfaite- 
ment conservés. 

L'existence  de  ces  objets  à  cet  endroit  doit  remonter  fort  loin. 
Cependant,  l'emploi  des  meules  à  bras  avait  encore  lieu  en  lb60, 
ainsi  que  le  prouve  une  ordonnance  royale  qui  enjoignait  à 
chaque  propriétaire  d'avoir  chez  lui  une  meule  à  bras,  atin  qu'en 
cas  de  siège  chacun  pût  moudre  son  grain. 


Découverte  archkologioue  a  Reims.  —  Le  21  octobre  dernier, 
M.  Jules  Orblin  qui,  sous  la  direction  de  M.  Habert,  conservateur 
du  Musée  archéologique  de  Reims,  a  déjà  pratiqué  avec  succès  de 
nombreuses  fouilles  dans  la  ville  et  dans  les  environs,  a  mis 
à  découvert,  près  du  cimetière  de  l'Est,  un  sarcophage  gallo- 
romain. 

L'ouverture  de  ce  sarcophage,  faite  en  présence  de  M.  Habert, 
de  M.  Brunetle,  architecte,  et  de  quelques  autres  personnes,  a 
causé  k  nos  archéologues  une  légère  déception,  car  on  n'y  a  rien 
trouvé  qu'un  peu  de  chaux  en  poudre.  11  est  probable  que  cette 
sépulture,  comme  beaucoup  de  celles  qui  ont  été  trouvées  dans  le 
cimetière  gallo-romain  déjà  connu,  a  été  ouverte  et  profanée  dans 
les  fouilles  déjà  faites  en  cet  endroit  vers  le  xvii' siècle. 


Découvertes  auchéologihL'es  a  Vituy-le-F[<a.m;ois.  —  Dans  le 
courant  d'octobre  dernier,  des  ouvriers  travaillant  au  nivellement 
de  la  chaussée,  tout  près  de  la  Gendarmerie,  ont  découvert  en  cet 
endroit  un  moellon  taillé  et  bien  conservé,  sur  lequel  est  gravée 
cette  date  :  1635-13  mai.  Cette  pierre  a  été  recueillie  et  déposée  à 
l'Hôtel-de-Ville. 

Le  lendemain,  à  quelques  pas  plus  loin^  les  mêmes  ouvriers  ont 
trouvé,  à  quelques  centimètres  de  profondeur,  un  crâne  humain 
et  quelques  ossements  dont  l'inhumation  paraît  remonter  à  plu- 
sieurs siècles. 

Cette  dernière  trouvaille  provient,  à  n'en  pas  douter,  de  terres 
de  remblai  extraites  de  l'ancien  cimetière  du  village  de  iMaucourt, 
qui  avait  pour  emplacement  l'endroit  qu'occupe  actuellement  la 
cour  de  la  Gendarmerie  de  Vitry-le-François. 


Décol'verte  arciiéologkjuf.  a  Etréchy.  —  Un  cultivateur  d'Etré- 
chy  (Marne)  a  mis,  ces  jours  derniers,  une  tombe  gauloise  à  décou- 


I 


CHRONIQUE  '.l'il 

vert;    le    cràiie   avec    la    màchoii-e    adliérenle    paraissaient    bien 
conservés,  mais  lis  se  sont  brisés  an  toucher. 

Le  squelette  nnesurait  environ  deux  mètres  de  longueur;  aucune 
arme,  aucun  vase  ne  se  trouvaient  dans  la  fosse.  Rappelons  que 
presque  toutes  les  sépultures  explorées  récemment  dans  le  voisi- 
nage renfermaient,  au  contraire,  divers  objets. 


Nécropole  gallo-romaine  a  ^'ère-Cuampenoisk.  —  M.  Albert 
Mathieu,  continuant  les  fouilles  entreprises  récemment  dans  son 
jardin,  à  Fère-Champenoise  (Marne),  a  découvert  d'autres  sque- 
lettes, des  armes,  etc. 

Il  a  constaté  plus  de  symétrie  dans  l'arrangement  des  corps  ;  il 
est  maintenant  incontestable  que  l'on  se  trouve  en  présence  d'un 
cimetière  antique,  paraissant  remonter  à  Tépoque  gallo-romaine. 


NOCKS  DK  DIAMANT  DUCURK  UE  Sa1.NT-LuS1[ER-EN-ChAM1'AG,\E   (MaRNE). 

—  Le  •2ii  septembre,  une  émouvante  cérémonie  a  eu  lieu  dans  la  com- 
mune de  Saint-Lumier  (.Marne).  Le  vénérable  curé,  M.  l'abbé  Mor- 
lot,  né  en  tSli,  célébrait  ses  noces  de  diamant,  c'est-à-dire  le 
soixantième  anniversaire  de  son  ordination,  qui  eut  lieu  en  1835. 

Depuis  le  6  août  1S38,  M.  Morlot  est  curé  de  Saint-Lumier  ;  dans 
cette  période  de  temps,  il  n'a  jamais  eu  aucune  difiiculté  avec  l'ad- 
ministration municipale,  ainsi  que  l'a  fait  remarquer  l'archiprètre 
de  Vitry  dans  une  allocution  prononcée  au  cours  de  la  cérémonie, 
qu'il  avait  été  appelé  à  présider. 

Au  point  de  vue  religieux,  il  est  inutile  d'insister  sur  le  rare 
dévouement  que  M.  le  Curé  de  Saint-Lumier  a  déployé  dans 
l'exercice  de  son  ministère,  et  qui  est  connu  de  tout  le  monde. 


Une  nouvelle  partition  d'Edmond  Missa.  —  Notre  compatriote 
rémois,  M.  Edmond  Missa,  le  compositeur  de  Ninon  de  Lcnclos, 
achève  en  ce  moment  un  nouvel  ouvrage  dont  le  livret  a  été  écrit 
par  MM.  Adenis  frères  et  Arthur  Bernède.  Titre  :  Thibaut,  de 
Champagne. 


Le  nouveau  pont  de  Xogent-l'Autaud.  —  Le  nouveau  pont  de 
Nogent-l'Arlaud  a  été  livré  ces  jours-ci  à  la  circulation.  Il  reste 
bien  peu  à  faire  maintenant  et  les  ouvriers  donnent  le  dernier 
coup  de  «  lion  ».  L'immense  tablier  mélallique  est  un  peu  plus 
haut  que  celui  de  l'ancien  pont  suspendu  et  on  a  dû  recharger  la 
chaussée  à  chaque  extrémité  pour  en  rendre  l'accès  plus  facile. 
Malgré  cela,  la  montée  sera  dure  pour  les  voilures  chargées. 


922  GHRONIQUK 

Le  nouveau  pont  repose  sur  une  pile  et  a  une  rongueur  totale 
de  84  mètres.  Il  aura  sur  son  aîné  le  grand  avantage  d'être  à  deux 
.voies  et  sera  par  ?uile  d'une  commodité  incontestable  pour  la 
circulation  des  voitures. 

C'est  le  troisième  pont,  dit-on,  élevé  sur  la  .Marne  à  Nogent- 
l'Artaud.  Le  premier,  un  pont  de  pierre,  fut  détruit  par  les  Anglais 
au  moment  des  troubles  de  la  guerre  de  Cent  Ans,  vers  142r'i. 

Le  second,  le  pont  suspendu  qui  vient  de  disparaître,  avait  été 
érigé  en  184ci. 

Le  troisième,  le  pont  actuel,  construit  en  fer,  dernier  perfec- 
tionnement du  siècle,  verra  probablement  beaucoup  d'eau  passer 
sous  lui  avant  de  disparaître. 

Chalons  et  le  général  CoMPÉut:.  —  Le  noni  du  général  Compère 
vient  d'être  donné  à  l'une  des  rues  de  Chalons  —  où  il  était  né  le 
21  septembre  1774. 

La  carrière  du  général  est  un  exemple  peu  commun  de  rapide 
avancement,  (iénéral  de  division  à  l'âge  de  3.'j  ans,  en  180!»,  il  a 
été  tué  trois  ans  plus  tard  à  la  bataille  de  la  Moskowa. 

Engagé  à  l'âge  de  18  ans,  en  1792,  il  était  nommé,  àeux  ans 
plus  tard,  à  iu'U;7i  a;îs,  chef  de  bataillon  (21  septembre  1794).  il 
fit  toutes  les  campagnes  de  la  République  et  de  l'Empire  jusqu'en 
1812. 

Le  nom  de  ce  général  est  inscrit  sur  les  tables   de   bronze   du 

palais  de  Versailles. 

* 

Inscription  cualo.nnaise.  —  Une  plaque  commémorative  d'une 
ancienne  donation  faite  aux  prisonniers  est  reléguée  depuis  de  lon- 
gues années  dans  la  rem'sc  du  matôriol  dos  pompes,  à  l'Hôtel  de 
Ville. 

L'inscription  gravée  sur  cette  plaque  rappelle  la  fondation,  en 
165U,  de  messes  pour  les  prisonniers  de  Gbâlons,  par  Jean  Gallois, 
trésorier  des  Ligues  Suisses.  (Voir  à  ce  sujet  la  Biographie  Chd- 
lonnaise  de  M.  Amédée  Lhote.)  Jean  Gallois  mourut  à  Chalons  le 
10  septembre  1678. 

il  serait  à  désirer  que  cette  plaque,  actuellement  exposée  à  des 
détériorations,  fût  placée  au  musée  lapidaire  de  la  ville. 

{Journal  dr  la  Marne.) 


RL  le  baron  de  Baye,  de  retour  de  la  mission  archéologique  qui 
lui  avait  été  confiée  par  le  Ministre  de  l'instruction  publique,  pour 
l'étude  des  antiquités  de  la  Russie  orientale  et  de  la  Sibérie,  a  été 
reçu,  le  mardi  20  novembre,  en  audience,  par  le  Président  de  la 
République. 


CHRONIQUE  y23 


NiiMiNATio.Ns  ET  iiisTiNCTioNS.  —  Parmi  les  élèves  admis  en  pre- 
mière année  à  l'Kcole  des  Chartes,  en  vertu  diin  arrêté  ministériel 
du  S  novembre  iSOo,  nous  rencontrons  le  nom  d'un  compatriote, 
M.  Paul  Viinet,  né  à  Saint-Julien  (Aube)  le  ii  janvier  I87;i,  et 
qui  a  été  reçu  avec  le  n"  3. 

»     * 

L'Académie  française,  dans  sa  séance  du  20  novembre,  a  décerné 
à  M.  Rayeur,  professeur  au  lycée  Ghanzy,  à  Charleville,  le  prix 
Montliyon,  pour  son  ouvrage  intitulé  la  Trouée  des  Ardeiincs,  dont 
nous  avons  précédemment  rendu  compte. 


M.  de  Pimodan,  capitaine  de  cavalerie,  attaché  au  deuxième 
bureau  de  l'état-major  de  l'armée,  va  partir  pour  le  Japon,  où  il 
est  désigné  pour  occuper  le  poste  d'attaché  militaire  à  la  légation 
de  F'rance. 


Nous  trouvons  dans  le  Journal  officiel  de  l'Exposition  de  Bor- 
deaux la  liste  des  récompenses  attribuées  à  la  section  V  et  nous  en 
publions  celles  qui  concernent  particulièrement  les  maisons  de 
Champagne  qui  ont  exposé  dans  cette  section  :  Vins  mousseux^ 
clisse  j7. 

Hors  concours.  —  Syndicat  du  commerce  des  vins  de  Champa- 
gne, Reims. 

Diplômes  de  médailles  d'or.  — •  \i.  Mercier  et  Cie,  à  Épernay  ; 
Testulat-Rruleau,  à  Epernay. 

Diplùincs  de  médailles  d'argejil.—  iiouché  fils  et  Cie,  à  Mareuil  ; 
Potin  (maison  de  vente  à  Paris),  à  Reims  ;  Albert  Valet  et  Cie,  à 
.Vareuil. 

Diplômes  de  médailles  de  bronze.  —  Puisard,  à  Cramant;  Vau- 
trin, à  Hautvillers. 

Mentions  honorables.  -  Vaillant,  à  Mareuil  ;  H.  de  Vallandé, 
à  Reims. 

Nous    relevons    également    dans    la    classe    iilj,    vins   de    com- 
merce : 
~  Menlion  honorable.  —  Dufaut  fils  et  Cie,  à  Pierry. 


Noces  d'or.  —  M.  et  Mme  Langlet-Eambert,  de  Raslieux-les- 
Fismes  (.Marne),  viennent  de  célébrer  leurs  noces  d'or  entourés  de 
leurs  jiet  ts  et  arrière-petits  enfants. 


924  CHRONIQUE 


Hubert  Vaiiel,  âgé  de  84  ans,  né  à  Haiiteville  (Marne),  en  181 1, 
domicilié  à  Perllies,  époux  de  Lucie  Dallemagne,  âgée  de  88  ans, 
née  également  à  Perthes,  en  1807,  vient  de  mourir  le  6  novembre 
après  64  ans  de  mariage. 

Une  aussi  longue  union  est  un  fait  excessivement  rare,  qui 
mérite  d'être  livré  à  la  publicité.  Ces  deux  respectables  octogé- 
naires ne  doivent  pas  cette  longue  durée  de  mariage  à  un  repos 
absolu  ni  à  un  grand  bien-être  matériel,  car  l'un  et  l'autre  n'ont 
point  cessé,  jusqu'à  ce  jour,  de  se  livrer  aux  travaux  pénibles  de 
la  viticulture.  Ils  eussent  pu  célébrer  leurs  noces  d'or  il  y  a  près 
de  quinze  ans. 

Le  dimancbe  17  novembre,  M.  Bagnost,  ancien  maire  de  Mon- 
thelon  (Marnej,  et  sa  femme  ont  adressé  au  Comité  de  la  Société 
de  Va.  Croix-Iîoiige  d'Avize  100  francs  pour  les  blessés  militaires 
de  Madagascar,  à  l'occasion  de  leur  soixantième  année  de 
mariage. 

Les  époux,  qui  sont  en    bonne    santé,    comptent,  à    eux    deux, 

cent  cinquante-neuf  ans. 

* 

Cinquantaine  religieuse.  —  Le  21  novembre  dernier,  à  focca- 
sion  du  cinquantième  anniversaire  de  profession  religieuse  de  la 
supérieure  de  l'Hospice  de  Sézanne,  les  offices  du  matin  et  du  soir 
ont  été  célébrés  au  milieu  d'une  nombreu-e  aftluence. 

Avant  le  salut  solennel  de  deux  beures  et  demie,  l'Archiprêtre  a 
adressé  à  l'auditoire  une  allocution  de  circonstance  sur  les  avan- 
tages de  la  vie  religieuse. 

Après  le  salut  donné  par  le  cbanoine  Lacombe,  les  administra- 
teurs de  l'Hospice  quittèrent  la  cbapelle  pour  se  rendre  dans  une 
grande  salle  magnifiquement  décorée. 

Là,  en  présence  de  tout  le  personnel  delà  maison  et  d'une  assis- 
tance très  sympathique,  M.  Laplatte,  président  de  la  commission 
hospitalière,  prononça  d'une  voix  émue  un  éloquent  discours  et 
remit  ensuite,  au  nom  de  ses  collègues,  à  la  vénérable  jubilaire, 
une  médaille  d'argent  artistement  travaillée. 

H  annonça  ensuite  que,  par  décret  de  M.  le  Président  de  la  Répu- 
blique, à  la  date  du  20  novembre,  une  médaille  officielle  du  Gou- 
vernement serait  remise  dans  quelques  jours  à  celle  que  tous  se 
faisaient  une  joie  d'honorer  en  ce  jour. 

La  médaille  d'argent  offerte  par  la  commission  de  l'Hospice 
porte  l'inscription  suivante  : 

'<  La  commission  administrative  de  l'Hospice  de  Sézanne  à  .Mme 
«  Eugénie-Bernarde  Malpel,  lille  de  la  Charité,  supérieure  de 
«'  l'Hospice.  » 


CHRONIQUE  925 

El  dans  un  faisceau  de  lauriers,  la  dale  suivante  :  «  -21    noveoi- 

Lre  1895.  » 

Au  revers,  au-dessous  d'une  croix  entourée  de  rayons  : 

«  Témoignage  de  profonde  gialitude  à  l'occasion  du  oO"^  anni- 

('  versai re  de  sa  profession.  » 


Mariage.  —  .Mgr  [.alty,  évêque  de  Cliàlons-sur-.Marne,  a  béni 
le  "23  novembre  189o,  en  l'église  de  Vilry-la-VilIe  (Marne),  le 
mariage  du  baron  Armand  d'Espierres,  lils  du  baron  G.  d"Es- 
pierres,  propriétaire  du  château  de  Mansart-Hainaut  en  Belgique, 
avec  Mlle  Marie  de  Riocour,  fille  du  comte  H^nri  de  Riocour. 


MÉLANGES 


Le  vavasseur  de  Champagne.  —  Au  temps  où  le  prince  Noir 
ravageant  la  Giij'enne,  vivait  en  Champagne  un  paysan  dont  on  ne 
sait  point  le  nom,  père  de  famille,  assez  riche,  d'âme  candide, 
très  pieux.  Il  possédait  une  terre  roturière.  On  appelait  ces  sortes 
de  terres  des  vavassoreries  ;  elles  étaient  divisibles  entre  plusieurs 
héritiers.  L'ainé  des  co-partageanls  était  seul  en  rapport  avec  le 
seigneur  de  qui  relevait  la  vavassorerie.  Pour  cette  raison,  ces 
terres  portaient  aussi  le  nom  d'aînesse.  Le  vavasseur  payait  une 
rente  à  son  seigneur,  acquittait  le  droit  de  relief,  assistait  aux 
plaids  et  devait  le  service  de  cheval,  redevance  très  honorable.  En 
lait,  le  vavasseur  était  un  gros  paysan  à  qui  l'on  donnait  du  prud'- 
homme au  village.  Pai'fois  il  s'entendait  à  dresser  les  chiens  et  à 
apprivoiser  les  oiseaux  pour  la  chasse.  Et  cet  art,  si  prisé,  lui 
valait  l'estime  du  seigneur,  comme  en  témoignent  les  petits  vers 
cités  par  La  Curne  de  Sainte-Palaye  : 

Moult  sont  preudome  vavassnr 
El  moull  vivent  à  granl  houor  ; 
Ce  sont,  ce  m'est  avis,  les  gens 
De  qui  vient  plus  afailemcnlz 
De  chiens,  d'oiseaux  et  de  servise. 

(Nota  :  afailcmcnl  s'entend  d'un  chien  qu'on  dresse,  d'un  oiseau 
qu'on  apprivoise.) 

Nous  ne  savons  si  le  vavasseur  champenois  qui  nous  occupe  se 
connaissait  à  V adébon nairisscment  du  faucon  niais.  Mais  il  est 
certain  qu'il  cultivait  la  terre.  Il  vivait  en  des  temps  cruels.  Il  avait 
connu  la  peste  noire;  il  avait  entendu  les  mauvaises  nouvelles  de 
Calais  pris  par  les  Anglais  et  de  la  (ïuyenne  dévastée  par  le  prince 
^'oir.  il  avait  vu  les  Uagellants  courir  demi-nus,  avec  une  croix 
louge,  par  les  campagnes.  Ces  malheureux  allaient  en  troupe,  se 
déchirant  la  chair  avec  dei  fouets  armés  de  clous  et  chanlant  des 
chansons  en  langue  française. 

En  l'an  13oG,  la  peste  et  les  pénitents  étaient  passés.  Mais 
la  guerre  demeurait,  et  peut-être  le  pauvre  vavasseur  avait  la  tête 
un  peu  troublée  de  toutes  ces  mi-ères  et  de  toutes  ces  folies. 
C'était  un  homn\e  d'un  cœur  simple  et  d'un  esprit  droit. 

Un  jour  qu'il  était  seul  aux  champs,  il  entendit  une  voi.x  qui  lui 
dit  : 

—  Va  avertir  le  roi  de  France,  Jehan,  de  ne  combattre  contre 
nul  de  ses  ennemis. 

Cette  'Voix,  qui  n'était  point  humaine,  épouvanta  le  pauvre 
homme.  Il  en  demeura  troublé  et  plein  d'horreur. 


MÉLANGES  927 

De  retour  au  village,  il  alla  conter  à  soq  curé  une  aventure  si 
étrange;  le  curé  était  sage  et  de  bonne  vie.  Il  écoula  attentive- 
ment le  récit  de  son  paroissien,  et  jugea  que  le  fait  était  digne 
d'attention.  Il  importait  avant  tout  de  discerner  si  celte  voix,  qui 
n'élait  point  de  ce  monde,  venait  de  Dieu,  ou  si,  au  contraire,  elle 
n'apportait  qu'un  mensonge  de  l'Esprit  mauvais.  Espérant  que  le 
diable  ne  serait  guère  hardi  à  séduire  un  chrétien  en  état  de  grâce, 
il  conseilla  au  bon  homme  de  rendre  prcmirrement  son  âme  bien 
nette  et  pure. 

—  Observe  le  jeune  pendant  trois  jours,  lui  dil-il,  et  fais  péni- 
tence. Après  quoi  tu  retourneras  au  lieu  où  la  Voix  l'a  parlé. 

Le  vavasseur  obéit  à  son' curé.  Il  jeûna  pendant  trois  jours  et 
puis  alla  dans  le  champ  où  la  Voix  avait  éclaté.  Quand  il  y  fut,  la 
voix  se  lit  entendre  de  nouveau.  Elle  fut,  cette  fois,  impérieuse  et 
menaçante  : 

—  Va  vers  le  roi  Jehan  de  France  et  lui  dis  qu'il  ne  cjmbatte 
point  ses  ennemis.  Et  si  lu  n'y  vas  et  ne  fais  ce  que  je  t'ordonne, 
en  douleur  et  en  peine  sera  ton  corps. 

Le  vavasseur  s'en  alla,  tout  anxieux,  l'edire  à  son  curé  ces 
paroles  ell'rayantes. 

Le  prêtre  ne  savait  point  encore  d'uù  venait  cette  voix  ;  il  ne 
savait  pas  si,  dans  ce  champ.  Dieu  lui-même  avait  remué  ses 
lèvres  invisibles.  Du  moins,  pour  avoir  lu  dans  les  livres,  il  con- 
naissait beaucoup  d'exemples  de  discours  tenus  ainsi  par  le  Sei- 
gneur à  dos  hommes  privilégiés.  Songeant  que  c'est  la  pureté  du 
cœur  et  des  sens  qui  donne  le  discernement  des  vérités  célestes,  il 
prescrivit  à  son  paroissien  un  nouveau  jeune  de  trois  jours  et  réso- 
lut de  s'associer  à  ce  jeûne. 

—  .Mon  frère,  lui  dil-il,  moi  et  loi  ferons  abstinence  et  jeûne- 
rons encore  par  trois  jours.  Et  en  même  temps  je  prierai  pour  loi 
ÏNotre  Seigneur  Jésus-Christ. 

Ils  firent  ainsi.  Et  le  troisième  jour,  le  prud'homme  alla  au 
champ.  Dès  qu'd  y  fut,  il  vit  avec  horreur  une  grande  lumière  qui 
descendait  du  ciel,  el  il  entendit  la  Voix  qui  disait  : 

—  Si  lu  ne  fais  connaître  .sans  délai  ce  que  je  le  manifeste  par 
la  volonté  du  Fils  de  Dieu  pour  le  profit  du  commun  peuple,  sou- 
dainement et  misérablement  tu  mourras  ! 

(Nota.  —  Le  texte  porte  :  «  soudainement  el  diversement 
mourras  ».  J'ai  traduit  divrsemenl  par  misérablement.  Ce  mot 
veut  dire  au  juste  :  ??2f'c/)a/7i?ncni.  «  Ils  violèrent  et  desrompirenl 
trop  divei  sèment  l'abbeïe  de  Castiaux  »,  dit  Froissart.  Et  l'on 
trouve  encore,  dans  Montaigne,  diversement  pris  dans  cette 
(icception.) 

Instruit  par  le  prud'homme  de  ce  nouveau  signe  plus  merveil- 
leux que  les  précédents,  le  curé  ne  douta  plus  que  la  Voix  ne  vint 
de  Dieu.  Ce  qui  probablement  mil  fin  à  son  incertitude,  c'est  ([ue 


{)28  MÉlANdES 

la  voix  entendue  dans  la  lumière  avait  prononcé  le  nom  de  JésUs- 
Christ.  Et  il  n'était  pas  croyable,  en  elfet,  que  le  diable  eût  fait 
passer  ce  saint  nom  par  son  gosier.  C'était  le  sentiment  à  peu  près 
unanime  des  clercs  que  le  malin  n'avait  pas  un  tel  pouvoir.  Quand 
il  voulait  tromper  les  lidèles,  l'embarras  de  son  langage  le  trahis- 
sait. Le  curé  conseilla  donc  au  prud'homme  d'obéir.  Il  lui  dit  : 

—  Va  tout  de  suite  révéler  ce  que  tu  as  entendu,  puisque  c'est 
par  la  volonté  de  Dieu. 

Aussitôt  le  vavasseur,  emmenant  un  de  ses  tils,  s'en  alla  vers  le 
roi.  En  ce  temps,  les  gens  d'humble  état,  artisans  et  paysans,  fai- 
saient volontiers  de  grands  voyages  à  pied.  Les  routes  étaient  cou- 
vertes de  pèlerins  et  de  petits  marchands,  et  sans  doute  le 
bonhomme  et  son  fils,  qui  s'en  allaient  à  la  cour  du  roi  Jean,  ne 
causèrent  pas  grande  surprise  dans  les  auberges  et  dans  les  granges 
où  ils  couchaient. 

Et  si  le  bon  vavasseur  conta  en  chemin,  comme  il  est  probable, 
qu'il  avait  commandement  du  ciel  de  parler  au  roi,  on  dut  se  dire, 
en  l'écoutant,  qu'il  n'était  pas  le  premier  dans  ce  cas,  et  qu'il  ne 
serait  pas  le  dernier.  Par  la  suite,  en  effet,  durant  plus  de  soixante 
ans,  les  roules  virent  passer  sans  cesse  des  voyants  et  des  voyantes 
qui  portaient  des  secrets  au  roi  de  France. 

Ayant  cheminé  jusqu'à  la  plaine  de  Beauce^  où  le  roi  Jean  cam- 
pait avec  son  armée,  «  dans  un  grand  désir  de  combattre  les 
Anglais  »,  le  vavasseur  champenois  entra  dans  le  camp  et  demanda 
ingénument  à  voir  le  plus  prud'homme  qui  se  tint  à  la  cour  du  roi. 
Les  seigneurs  à  qui  cette  requête  fut  transmise  se  mirent  à  rire. 
C'étaient  de  braves  chevaliers  naturellement  joyeux,  et  qui  s'amu- 
saient de  peu.  Le  vavasseur  leur  fut  un  grand  sujet  de  joie.  Mais 
l'un  d'eux,  qui  servait  à  la  cour,  ayant  vu  de  ses  yeux  ce  voya- 
geur, reconnut  tout  de  suite  que  c'était  un  homme  bon,  simple  et 
sans  nialice.  11  lui  dit  : 

—  Si  tu  as  quelque  avisa  donner,  va  vers  l'aumônier  du  roi. 
Le  vavasseur  alla  donc  vers  l'aumônier  du  roi  Jean  et  lui  dit  : 

—  Faites  que  je  parle  au  roi.  J'ai  telle  chose  à  dire  que  je 
ne  dirai  à  personne  fors  au  roi. 

—  Qu'est-ce?  demanda  l'aumônier.  Dites  ce  que  vous  savez. 
Mais  le  bonhomme  ne  voulut  pas  révéler  son  secret.  La  Voix  lui 

avait  dit  :  «  Tu  parleras  au  roi  ».  Aussi  s'obstinait-il  à  ne  vouloir 
s'expliquer,  sinon  devant  le  roi  Jean. 

—  C'est,  assurait-il,  pour  son  bien  et  profit. 

Désespérant  de  rien  tirer  de  ce  bon  paysan,  l'aumônier  alla 
trouver  le  roi  Jean  et  lui  dit  : 

—  Sire,  il  y  a  céans  un  prud'homme  qui  me  semble  sage  à  sa 
façon,  et  qui  vous  veut  dire  une  chose  qu'il  ne  dira  qu'à  vous. 

Le  roi  Jean  refusa  de  le  voir.   Ce  bon  chevalier  n'était  curieux 


MÉLANGES  029 

que  de  lialaillcs.  11  appela  son  confesseur  eL  l'envoya  ciilcndre  pour 
lui.  en  compagnie  de  l'aumônier,  le  pèlerin  paysan. 

Les  deux  prêtres  retournèrent  donc  auprès  de  cet  homme  et  lui 
annoncèrent  qu'ils  étaient  commis  par  le  roi  pour  l'entendre.  A 
cette  nouvelle,  désespérant  de  voir  le  roi  Jean,  et  se  fiant  au  con- 
fesseur et  à  l'aumônier  pour  ne  révéler  son  secret  qu'au  roi,  le 
Ijon  homme  leur  dit  comment  la  Voix  lui  avait  parié.  Ils  en  firent 
un  rapport  au  roi  Jean,  qui  s'en  moqua  bien.  Il  ne  pensait  qu'à  sa 
bataille. 

Pourtant  il  ordonna  qu'on  remit  une  somme  d'argent  au  vavas- 
scur  en  le  congédiant.  Le  confesseur  et  l'aumônier  obéirent.  Mais 
l'homme  qui  avait  entendu  la  Voix  ne  voulut  point  accepter  l'ar- 
gent. 

Ce  refus  surprit  les  deux  prêtres,  qui  se  dirent  l'un  à  l'autre,  en 
voyant  s'éloigner  le  paysan  : 

—  Cet  homme  est  un  juste  au  regard  de  Dieu. 

Le  roi  Jean  s'avança  avec  son  host  jusqu'à  Poitiers,  où  il  ren- 
contra le  prince  Noir.  11  perdit  toute  son  armée  dans  la  bataille  et, 
frappé  au  visage  de  deux  blessures,  fut  pris  par  les  Anglais. 
(Echo  de  Pa)-is.)  Anatole  FRA^■CE. 

Le  Sccc.i:s  de  l'Lmpostuhe.  —  Bien  que  l'histoire  de  la  fausse 
Jeanne  d'Arc,  que  nous  avons. contée,  ne  soit  pas  plus  incroyable 
que  celle  du  faux  Martin  Guerre,  par  exemple,  ou  du  faux 
Tichborn,  plusieurs  de  nos  lecteurs  nous  ont  écrit  pour  nous  faire 
part  de  leur  surprise  et  nous  demander  des  éclaircissements.  Il 
faut  connaître,  en  effet,  les  circonstances  dans  lesquelles  les  faits 
se  sont  produits. 

Le  souvenir  de  la  Pucelle  tlotta  de  bonne  heure  dans  un  va^-ue 
poétique  et  religieux.  Les  humbles,  les  petits  parlaient  avec  une 
tristesse  douce  de  leur  amie  qui  était  restée  si  peu  de  temps  parmi 
eux,  et  qui  avait  laissé  une  trace  si  éclatante  de  son  passage.  Ce 
qu'ils  en  disaient  n'était  pas  bien  exact.  Leurs  récils  étaient  plus 
vrais  dans  l'esprit  que  dans  la  lettre.  On  multipliait  les  combats, 
les  victoires  de  la  Pucelle.  On  lui  faisait  prendre  des  pars  qui 
n'avaient  été  l'econquis  qu'après  sa  mort.  Et,  puisqu'elle  était  une 
sainte,  on  ornait  son  histoire  de  ces  merveilles  charmantes  qui 
tleurissent  les  légendes  des  saints.  On  contait  qu'enfant,  les 
bètes  des  champs  et  des  bois  lui  obéissaient  et  que,  plus  tard,  un 
essaim  de  papillons  blancs  volait  autour  de  sa  bannière.  A  son 
martyre  surtout  s'ajoutaient  de  gracieux  miracles.  Les  bonnes 
gens  disaient  : 

■<  Dieu,  qui  l'a  choisie  parmi  nous  pour  faire  ce  (|ue  n'avaient  pu 
les  riches  ni  les  grands,  Dieu  ne  l'a  point  abandonnée.  Il  la  tenait 
dans  sa  grâce  quand  il  l'a  appelée  dans   son   paradis.   Celui  qui 

o9 


930  MÉLANGES 

envoya  les  roses  du  ciel  à  sainte  Dorolhée  souffrant  pour  la  Vérité, 
n'a  pas  refusé  à  sa  guerrière,  liée  à  l'infâme  poteau,  quelques-uns 
de  ces  signes  miraculeux  dont  il  se  plaît  à  glorifier  la  passion  de 
ses  vierges.  N'a-l-on  pas  lu  le  saint  nom  de  Jésus  écrit  sur 
le  bûcher  en  lettres  ardentes?  N'a-t-on  pas  vu,  quand  Jeanne 
expira,  une  colombe  s'envoler  des  flammes?  A  l'exemple  des 
bienheureuses  Catherine,  Barbe,  Marguerite  et  Lucie,  Jeanne  a 
converti  ses  bourreaux.  Ils  ont  pleuré  ;  et  Tua  d'eux  s'est  écrié  : 
«  Nous  avons  brùlé  une  sainte  !  »  Mais  le  travail  de  l'imagination 
populaire  ne  se  bornait  pas  à  former  une  historiette  ornée  et 
pieuse. 

En  plus  d'un  pays,  on  se  refusait  à  penser  que  Jeanne  fût  morte 
véritablement.  Le  peuple  se  résigne  avec  peine  à  croire  à  la  fin 
des  existences  qui  ont  émerveillé  son  imagination  ;  il  répugne  au 
brusque  dénouement  des  belles  aventures  humaines.  La  mort  de 
Jeanne  d'Arc  olTensait  trop  le  sentiment  public  pour  être  acceptée 
partout  comme  une  vérité.  Elle  trompait  de  hautes  espérances  ; 
elle  démentait  une  prophétie  accréditée  dans  le  royaume,  sur  la 
foi  de  laquelle  Jeanne  devait  mourir  en  Terre-Sainte,  après  avoir 
délivré  le  tombeau  de  Jésus-Christ.  Vers  1439,  moins  de  neuf  ans 
après  l'exécution  de  Rouen,  le  bruit  courait  en  pleine  Normandie 
que  Jeanne  d'Arc  n'était  point  morte,  et  qu'on  avait  brûlé  au  lieu 
d'elle  une  fille  inconnue.  Un  chroniqueur  normand,  qui  écrivait  à 
cette  date  de  1439,  nous  fait  connaître  que  l'opinion  était  partagée 
à  ce  sujet.  «  Les  Anglais,  dit-il,  la  menèrent  en  la  ville  de  Rouen, 
où  elle  fut  emprisonnée  l'espace  d'un  long  temps  et  questionnée 
par  les  plus  grans  hommes  et  sages  et  grignours  (plus  grands) 
clercs  de  tout  leur  party,  pour  savoir  si  les  victoires  qu'elle  avoit 
eues  sur  eulz  estoient  faictes  par  enchantemens,  caraulx  (enten- 
dez :  sorcelleries  et  danses  magiques),  ou  aultrement  ;  laquelle  ils 
trouvèrent  de  si  belle  réponse,  en  leur  baillant  solucions  si  rai- 
sonnables, qu'il  n'y  eut  onques  nul  qui  par  long  temps  l'osast 
jugier  à  mort  selon  le  droit.  Mais  finablement  la  tirent  ardre 
publiquement  ou  autre  femme  en  semblable  d'elle.  De  quoy  moult 
de  gens  ont  été  et  encore  sont  de  diverses  oppinions  ». 

Même  doute  dans  la  chronique  aln'égée  de  Bretagne,  rédigée  en 
1440  : 

i<  L'an  mil  CCGCXXXI,  la  veille  du  saint  sacrement,  fut  la 
Pucelle  brusiée  à  Rouen  ou  condamnée  à  l'estre.  » 

Pour  le  chroniqueur  de  Lorraine,  la  fin  de  Jeanne  est  fabuleuse 
et  mystérieuse.  Il  conle  ijue  la  Pucelle  mena  l'armée  royale  sous 
les  murs  de  Rouen. 

«  Là,  fut  perdue,  dit-il.  On  ne  sut  (ju'elle  devint.  Plusieurs 
disoient  que  les  Angloys  la  prindrent  ;  dedans  Rouen  fut  menée. 
Les  Angloys  si  la  tirent  brusler  ;  d'autres  disoient  qu'aucuns  de 
l'armée  l'avoient  faict  mourir,  pour  cause  qu'elle  attribuoit  tous 
les  faicts  d'armes  à  elle.  » 


I 


MÉLANGES  93 1 

Celte  rédaclio.i,  il  esl  vrai,  fui  faite  sous  Charles  VIII,  plus  de 
soixante  ans  après  les  événements.  Mais  le  rédacteur  travaillait  sur 
un  ancien  texte,  peut-être  sur  une  chanson  épique.  Ce  qu'il  rap- 
porte louchant  la  disparition  de  la  Pucelle  prend  sa  source  dans 
des  traditions  qui  remontent  vraisemblablement  à  la  première 
heure.  On  y  voit  l'empreinte  encore  toute  vive  des  sentiments  hai- 
neux que  cette  sainte  tille  inspirait,  dans  la  France  qu'elle  avait  si 
bien  servie,  à  tout  un  parti  puissant.  Nous  savons  que  le  chance- 
lier de  France,  quand  Jeanne  fut  prise,  s'empressa  de  publier  le 
dire  d'un  berger  visionnaire,  qui  annonçait  que  Dieu  s'était  retiré 
d'elle  pour  la  punir  de  son  orgueil.  Ces  gens-là,  au  sens  droit  et 
simple  du  populaire,  avaient  tué  Jeanne,  et  c'est  un  écho  de 
la  rumeur  publique  qu'on  enlend  ici  :  «  D'autres  disoienl  qu'au- 
cuns de  l'année  l'avoient  l'ail  mourir.  »  Certes,  le  roi  Charles, 
alfable  et  doux,  ami  du  peuple,  n'était  pas  de  ceux-là.  Aussi  la 
chronique  ajoula-t-elle  dans  son  style  de  chanson  : 

«  Quand  le  roy  sceut  les  nouvelles  que  la  Pucelle  estoit  morte, 
il  feusl  moult  courroucé.  Se  vers  luy  elle  eusl  été  emmenée,  en 
saincle  terre  l'eusl  faict  enterrer,  et  luy  eust  faicl  faire  une  sépul- 
ture riche  et  honuesle  ;  à  tout  jamais  l'Eglise  en  eusl  i'aicl 
mémoire  ;  grand  proufict  en  eussent  eu  les  prcbstres.  » 

Inspirées  par  le  sentiment  populaire,  ces  paroles  n'en  trahissent 
pas  moins  une  profonde  ignorance  des  faits  et  une  grande  incer- 
lilude  sur  le  sort  de  la  Pucelle  :  «  On  ne  sait  ce  qu'elle  devint.  » 
Ce  doute  propice  aux  illusions  favorisait  l'imposture.  El  lorsque, 
au  printemps  de  l'année  14:^6^  une  fille  qui,  jusque-là,  s'était  l'ait 
appeler  Claude,  vint  de  France  en  Lorraine  et  révéla  qu'elle  se 
nommait  Jeanne  de  son  vrai  nom,  qu'elle  était  la  Pucelle  de 
France,  ceu.t  à  qui  elle  se  confia  crurent  en  ses  paroles  et  les 
répétèrent,  en  sorte  qu'une  grande  rumeur  s'étendit  au  loin  : 
«  C'est  elle  !  »  La  dame  des  Armoises  n'est  pas  la  seule  femme  qui 
se  sôit  fait  passer  pour  Jeanne  la  Pucelle.  Il  y  eut,  sous  le  règne 
de  Charles  VII,  des  fausses  Jeanne  d'Arc,  comme  il  y  eut  des  faux 
dauphins  à  l'époque  de  la  Restauration  et  du  gouvernement  de 
Juillet.  On  en  connaît  deux  qu'on  a  confondues  l'une  et  l'autre  avec 
la  dame  des  Armoises,  cl  qui  pourtant  semblent  des  personnes  dis- 
tinctes. Ces  femmes  sent  fort  mal  connues.  L'une  se  rendit  à  Ser- 
maize,  joua  à  la  paume  avec  le  curé  et  lui  dit  :  «  Curé,  sache  que 
lu  joues  à  la  paume  contre  la  Pucelle  de  France.  »  J'ai  parlé  ici 
même,  l'année  dernière,  de  cette  Pucelle  de  Sermaizc.  L'autre 
n'apparaît  qu'au  moment  où,  reçue  par  le  roi  Charles,  sous  une 
treille,  elle  se  trouble,  crie  merci  et  confesse  ses  impostures.  Un 
chambellan,  témoin  de  l'entrevue,  en  fit  le  récit  à  l'âge  de  quatre- 
vingt-dix  ans  et  plus.  Les  complices  de  cette  femme,  dit  le  cham- 
bellan, '  furent  justiciés  très  àprement  »,  ce  qui  veut  dire  qu'ils 
furent  mis  à  mort.  Or,  nous  avons  vu  quels  étaient  les  complices 
de  la  dame  des  Armoises  :  c'étaient  d'abord   les  frères  de  Jeanne 


932  MÉLANGES 

d'Arc,  qui  moururent   comblés  d'honneur  ;  c'étaient    ensuite   les 
bourgeois  d'Orléans. 

Toutes  ces  fausses  Jeanne  d'Arc  faisaient  des  dupes  dans  le 
peuple  ignorant  et  crédule.  Et  longtemps  des  doutes  subsistèrent 
sur  la  mort  de  Jeanne.  Cette  incertitude  parait  dans  une  chro- 
nique rimée  qui  a  pour  titre  :  «  Recollection  des  merveilles  adve- 
nues de  notre  tems  »  : 

En  I^'racce  la  très  belle 
Fleur  de  chreslienté, 
Je  vois  une  Pucelle 
Sourdre  en  aucloriié, 
Qui  fil  lever  le  siège 
D'Orléans  en  ses  mains. 
Puis  le  roy  par  prodiège 
Mena  sacrer  à  Reims. 

Saincle  fut  aorée 
Par  les  œuvres  que  fil; 
Mais  puis  fut  rencontrée 
Et  prise  sans  prouffit  ; 
Arse  à  Houen  eu  cendre. 
Au  grand   dam  des  François, 
Donnant  depuis  entendre 
Son  revivre  aultre  fois. 

A  vrai  dire,  la  fable  de  Jeanne  échappée  au  bûcher  ne  cessa 
jamais  d'abuser,  çà  et  là,  quelques  esprits.  Toujours  détruite,  elle 
reparut  toujours.  Ernest  Renan  disait  qu'en  ce  monde  la  vérité 
l'emporte  définitivement  sur  le  mensonge.  Ce  grand  esprit  son- 
geait-il à  toutes  les  conséquences  de  cette  affirmation  sublime,  et 
ne  voyait-il  pas  que  prévoir  le  triomphe  final  do  la  vérité  parmi  les 
hoinmes,  c'est  annoncer  le  royaume  de  Dieu  sur  la  terre  ? 

Nous  n'en  sommes  pas  encore  là.  Cette  dame  des  Armoises,  qui 
confessa  sa  vie  sur  la  table  de  marbre  du  palais,  fait  encore  des 
dupes  par  des  impostures  tant  de  fois  dévoilées.  Nous  avons  vu  que 
le  doyen  de  Saint-Thibaud  avait  été  séduit  des  premiers.  C'était,  à 
en  juger  par  ses  écrits,  un  très  honnête  homme,  qui  aimait  beau- 
coup la  ville  de  Metz,  gouvernée  alors  en  république,  avec  un 
maître  échevin  et  deux  conseils. 

Il  aimait  beaucoup  aussi  ses  voisins  les  Français.  Tous  ses  vœux 
sont  pour  la  gentille  tleur  de  lys.  C'est  ainsi  qu'il  nomme  le 
royaume  de  France.  En  14io,  cet  excellent  homme  croyait  encore 
que  la  dame  des  Armoises  était  véritablement  Jeanne  la  Pucelle. 
Il  convient  de  dire  que  l'endroit  de  sa  chronique  qui  la  concerne 
fut  remanié  plus  tard.  Mais  on  ignore  si  ce  fut  de  son  fait.  Il  suffit 
de  citer  la  première  phrase  pour  montrer  le  sens  de  ce  rema- 
niement : 

((  En  cette  année  vint  une  jeune  fille,  laquelle  se  disoit  la 
Pucelle  de  France  et  juant  (jouant)  tellement  son  personnage,  que 
plusieurs  en  furent  abusés  et  par  espécial  tous  les  plus  grands.  » 


i 


MÉLANGES  1)33 

Mais  celle  dame  des  Armoises  élait  une  sorle  de  phénix  toujours 
renaissant.  Je  conterai  penl-ètre  un  jour  comment  elle  abusa  de 
plusieurs  doctes  personnes  au  dix-septième  siècle  et  au  dix-hui- 
tième. De  nos  jours  encore,  elle  inspira  une  ferme  contiance 
ù  quelques  esprits.  On  se  rappelle  peut-être  que,  dans  l'été  de 
1881,  une  statue  fut  élevée,  en  Picardie,  sur  cette  pointe  du  Cro- 
toy  où  la  Pucelle  avait  été  menée  prisonnière. 

En  annonçant  l'inauguration  de  ce  monument,  le  journal 
anglais  le  Siandai'd  publia,  le  30  août,  un  article  dont  j'extrais  les 
lignes  suivantes,  qui  sont  traduites  littéralement  : 

Quoique  l'on  puisse  se  deinander  jusqu'à  quel  point  le  fanatisme  de  Jeanne 
aida  à  la  défaite  de  nos  conipatriotes,  cette  défaite  n'est  point  douteuse  ;  il 
l'aut  accepter  le  verdict  que  porta  l'épée.  Mais  après  que  cent  ouvrages  ont 
décrit  sa  mort  et  que,  par  milliers,  les  dévols  pèlerins  ont  pleuré  sur  le  lieu 
de  son  martyre,  on  n'a  pu  apprendre  sans  émoi  que,  non  seulement  les 
Anglais  n'étaient  pas  respoi  sables  de  sa  mort,  mais  que  l'héroïque  jeune 
fille  n'avait  jamais  été  biùlée,  et  qu'elle  avait  vécu  pour  devenir  une  res- 
pectable matrone  et  une  citoyenne  bien  pensante. 

Il  est  plus  étrange  que  ce  système  ait  trouvé  en  France  un  nou- 
veau défenseur  dans  la  personne  d'un  philosophe  positiviste, 
M.  Ernest  I.esigne,  qui  n'est  pas  dénué,  par  ailleurs,  de  sens  his- 
torique. Le  livre  de  M.  Lesigne  fut  publié  en  1880.  L'auteur  pro- 
mettait une  suite  qui  n'a  point  paru. 

(Echo  de  Fai'is.)  Anatole  Fuan'ce. 


UN  AVOCAT   .lOURKALlSTI':    AU    XVIIl'^    SIÈCLE  ' 
l 

«  Vous  connaissez  le  journal  dont  Linguet  a  entrepris  la  rédac- 
«  lion.  D'après  le  caractère  fougueux  et  dur  de  cet  écrivain,  il  y  a 
<i  lieu  de  penser  qu'il  abandonnera  cet  ouvrage  à  la  première 
<t  tracasserie  un  peu  forte  que  lui  fera  le  Censeur.  A  propos  du 
0  dernier  édit  pour  le  commerce  des  grains,  il  s'est  permis  d'apos- 
«  tropher  de  nouveau  les  Economistes  auxquels  il  a  déclaré  la 
u  guerre  il  y  a  longtemps  et  il  a  en  même  temps  parlé  un  ptu 
«  trop  librement  sur  cette  opération  du  Gouvernement.  M.  Turgot 
«  lui  a  fait  dire  que,  sans  Vouloir  gêner  sa  plume,  il  lui  conseil- 
«  lait  de  respecter  les  vues  du  ministre  et  surtout  les  choses  éta- 
«  blies  en  conséquence  de  ces  vues.  » 

C'est  ainsi  que,  pour  la  première  fois,  et  dans  le  premier  volume 
de  sa  Correspondance  secrète^  le  chroniqueur  Métra  parle  de 
Linguet.  C'est  dans  le  numéro  du  17  janvier  1775.  Linguet  a 
trente-neuf  ans  ;  il  a  déjà  rempli  Paris  de  ses  tapages  ;  il  a  défendu 
le  chevalier  de  la  Barre,  accusé  d'avoir  mutilé  un  crucifix,  et  sa 
lutte  avec  les  magistrats  d'Abbeville  l'a  mis  en  pleine   lumière  ;  il 

1.  Linguet,  1  vol.  in  18,  par  M.  Jean  Cruppi. 


9IU  MÉLANGES 

a  rédigé  un  mémoire  fameux  pour  le  duc  d'Aiguillon;  il  a  fait, 
avec  le  Mémoire  pour  le  comte  de  Moraiigiès  autant  de  bruit  que 
Beaumarchais  avec  ses  Mémoires  dans  la  fameuse  alfaire  Gorzman; 
i!  a  écrit  des  brochures,  des  pamphlets,  des  tragédies,  des  livres 
d'iiistoire  ;  il  a  rimé  des  épîtres;  il  a  traduit  l.ope  de  Vega  et 
Tacite  ;  il  a  rêvé  d'établir  un  canal  en  Picardie  et  un  port  sur  les 
côtes  de  la  Provence,  en  même  temps  qu'il  formait  le  projet  de  com- 
pléter les  Révolutions  romaines,  de  l'abbé  de  Vertot.  Il  a  eu  un  livre 
condamné  au  feu,  son  Histoire  impartiale  des  jrsuitcs,  et  il  a  été 
rayé  du  talileau  des  avocats  à  la  suite  de  polémiques  admirables  et 
orageuses.  Avocat  par  aventure,  il  a  été  un  orateur  extraordinaire, 
très  vivant  et  lrè3  nouveau  dans  un  temps  où  règne  encore  le 
convenu  et  fore  rolundo  en  cet  art  tout  particulier  de  l'éloquence. 
Quand  il  a  plaidé,  il  a  attiré  la  foule,  passionné  les  juges  et,  quoi- 
que laid,  petit,  maigre,  piqué  de  la  petite  vérole,  séduit  les  femmes. 
Il  a  manié  le  sarcasme  avec  une  virtuosité  quasi  féroce.  Il  se  vante 
de  n'avoir  jamais  perdu  que  deux  procès  :  encore,  dit-il,  ai  je 
bien  voulu  les  perdre. 

Né  à  Reims,  d'un  petit  professeur,  autrefois  sous-principal  du 
collège  de  Heauvais,  il  a  été  un  lauréat  aux  concours  de  lin  d'an- 
née et,  pauvre^  forcé  de  vivre  de  son  éducation  livresque,  il  est 
entré  au  service  du  duc  de  Deux-Ponts  ;  il  l'a  suivi  en  qualité  de 
secrétaire  ou  même,  dit-on,  d'aide  de  camp  pour  lapartie  mathé- 
matique du  génie  ;  il  a  fait  escorte  aussi  au  prince  de  Beauvau 
en  Portugal  et  de  ce  passé  on  tire  contre  lui  d'assez  méchantes 
histoires  de  chevaux  volés,  d'écus  empruntés  par  force  vive.  On 
l'accuse  d'avoir  détroussé  le  duc  de  Deux-Pont?  comme  on  l'accuse 
d'avoir  volé  Dorât,  son  ami.  Ce  petit  homme,  remuant,  actif, 
affamé  d'argent,  gonllé  de  projets,  roulant  toutes  les  inventions 
disparates  dans  sa  tête  qui  tourne,  si  je  puis  dire,  au  vent  ency- 
clopédique du  siècle,  est  entré  au  barreau  parce  qu'il  faut  vivre  et 
qu'il  veut  bien  vivre. 

«  Je  n'ai  jamais,  écrivait-il,  estimé  le  métier  d'avocat  et  je  vais 
le  faire.  C'est  qu'il  faut  être  quelque  chose  dans  la  vie  ;  c'est  qu'il  y 
faut  gagner  de  l'argent  et  qu'il  vaudrait  mieux  être  cuisinier  riche 
que  savant  pauvre  et  inconnu.  » 

Plus  tard,  il  se  fera  publiciste  —  et  au  moment  où  Métra  écrit, 
Linguet  s'improvise  journaliste,  —  parce  que,  la  parole  lui  étant 
enlevée,  il  lui  reste  la  plume,  cette  plume  rapide,  rageuse,  incor- 
recte parfois,  pittoresque  toujours,  qu'on  essayera  de  briser  comme 
on  a  voulu  étouffer  la  voix  sarcastique  de  l'avocat. 

«  Vous  connaissez  Linguet  !  i  Certes,  on  le  connaissait,  à 
l'heure  où  Métra  annonçait  l'apparition  du  journal  de  ce  diable 
d'homme.  Il  faisait  partie  du  Tout-Paris  d'alors  et  les  cafés  se 
répétaient  ses  bons  mots.  Mais  le  connaît-on  aujourd'hui?  Charles 
Monselet,  dans  un  livre  exquis  et  qu'on  ne  lit  plus,  a  placé  Linguet 
en  tête  de  sa  galerie  des  Oubliés  et    Dédaignés  du   dix-huitieme 


MÉLANGES  935 

siècle.  El  il  semble  que  .Moiiseiet,  cet  homme  de  premier  ordre 
dans  les  petites  œuvres,  ce  ciseleur  de  chefs-d'œuvz'e  minuscules, 
cet  abbé  du  vieux  temps  égaré  dans  noire  siècle  féroce,  ait  trouvé 
place,  à  son  tour,  parmi  les  oubliés  qu'il  a  pris  à  tâche  de  faire 
revivre.  Eugène  Hatin,  dans  son  Histoire  de  la  presse,  cite  tout 
au  long- les  jugements  de  Monselet  sur  Linguet  sans  donner  un 
salut  au  juge  et  M.  Jean  Cruppi  vient  d'écrire  tout  ua  volume  et 
un  volume  excellent,  nourri  de  faits,  plein  d'idées,  de  verveet  de 
talent,  sur  l'avocat  journaliste  du  dix-huilièmc  siècle,  sans  citer  le 
nom  de  Charles  Monselet. 

Ce  fut  pourtant  l'auteur  des  Oublies  et  Dédaignés  qui  fit,  le 
premier,  campagne  pour  rendre  à  l'avocat-journaliste  affamé  de 
renommée  un  regain  de  gloire.  Mais  Charles  Monselet  accrochait 
son  pastel  de  Linguet  parmi  d'autres  portraits  à  demi-effacés, 
Dorvigny,  Plancher- Valcour,  Olympe  de  Gouges,  le  chevalier  de 
la  Morlière.  Ce  n'est  plus  un  paslel,  c'est  presque  une  statue  de 
Linguet  que  nous  donne  M.  Jean  Cruppi  et,  dans  tous  les  cas, 
l'éloquent  avocat  général  de  la  Cour  de  cassation  place  son  client 
dans  une  niche  à  part.  La  figure  de  Linguet  sort,  grâce  à  lui,  très 
vivante,  du  chaos  du  passé  et  du  fatras  de  ses  livres.  La  biogra- 
phie, à  un  tel  degré,  devient  de  la  résurrection. 

El  non  seulement  M.  Cruppi  fait  revivre  l'orateur,  le  publiciste, 
mais  le  temps  même  où  Linguet  a  vécu,  le  Palais  de  justice  où  il 
a  usé  ses  talons  avant  de  foudroyer  ses  adversaires,  la  cilé  d'Abbe- 
ville  où  il  a  lente  d'arracher  le  chevalier  de  la  Barre  aux  «  chats- 
fourrés  »  et  aux  tortionnaires,  le  logis  où  l'avocat  travaille  parmi 
les  dossiers  venus  par  charretées  de  l'hôtel  du  duc  d'Aiguillon. 
Toutes  ces  scènes  sont  vivantes,  comme  Facteur  lui-même,  pitto- 
resques, saisissantes,  et  le  tableau  du  Palais  de  justice  en  17G4, 
avec  ses  mœurs,  ses  usages,  son  personnel,  sa  grande  salle,  ses 
libraires  et  ses  douze  bancs  est  une  admirable  évocation  qui  donne 
la  sensation  même  de  la  réalité. 

II 

Tout  faiseur  de  journal  doit  tribut  au  malin. 

Linguet  n'a  pas  donné  de  démenti  au  vers-proverbe.  Et  non 
seulement  il  a  payé  tribut  au  malin  en  sa  vie  terriblement  agitée, 
mais  il  s'est  démené  lui-même  comme  un  beau  diable.  Il  a  vécu  de 
paradoxe  et,  à  en  croire  certains  historiens,  il  serait  mort  d'un 
paradoxe.  Voltaire,  avant  de  l'appeler  le  premier  écrivain  des 
charniers,  l'avait  un  peu  loué  el  beaucoup  averti,  lui  criant  casse- 
cou  sur  celle  route  où  s'engageait  Linguel,  prenant  avec  eiitêle- 
ment  le  contre-pied  des  vérités. 

U  avait  passé  trois  jours  à  Ferney  et  l'auteur  de  Candide  aurait 
dil  de  lui  : 

«  J'ai  cet  homme  sur  les  épaules  comme  un  fagot  d'épines  et  je 
n'ai  pas  osé  le  secouer  tant  je  craignais,  en  le  jetant  à  terre,  d'en 


930  MÉLANGES 

être  déchiré,  d  Voltaire  n'avait  pas  toujours  eu  de  notre  homme 
une  telle  idée  :  «  M.  Liuguet  a  les  outils  universels  avec  lesquels 
on  fait  tout  ce  qu'on  veut,  le  courage  et  l'éloquence  »,  écrivait-il 
un  jour  k  Mallet  du  Pan. 

Riais,  à  dire  vrai,  Linguet  l'avait  lassé,  comme  il  dut  lasser  tous 
ses  protecteurs  et  tous  ses  amis  —  des  protecteurs  dont  le  joug 
lui  pesait  et  des  amis  qu'il  n'aimait  pas.  Voltaire  lui  avait  repro- 
ché d'avoir  dit  que  l'esclavage  est  préférable  à  la  domesticité  et 
surtout  à  l'état  libre  de  manœuvre. Il  lui  écrivait,  le  i'6  mars  1767  : 
«  Non,  monsieur,  tout  n'est  pas  perdu  quand  on  met  le  peuple  en 
état  de  s'apercevoir  qu'il  a  un  esprit.  Tout  est  perdu,  au  contraire, 
quand  on  le  traite  comme  une  troupe  de  taureau.x  ;  car  tôt  ou  tard 
ils  vous  frappent  de  leurs  cornes...  Enfin,  monsieur,  ce  n'est  pas 
à  vous  d'empêcher  les  hommes  de  lire,  vous  y  perdriez  trop.  » 

On  voit,  par  les  reproches  de  Voltaire,  quelles  étaient  les  idées 
de  Linguet.  Paradoxales  aux  yeux  du  philosophe  ami  du  luxe  qui 
trouvait  dans  le  travail  «  la  consolation  do  la  vie  «  ;  humanitaires 
et,  dirait-on  aujourd'hui,  socialistes  pour  Linguet  que  révoltait 
l'iniquité  du  labeur  infligé  à  ces  bêtes  de  sommes  réputées  pour- 
tant des  liommes  libres. 

Au  surplus,  l'idée  maltresse  de  Linguet,  s'il  faut  la  dégager  de 
sa  vie  eL de  ses  oeuvres,  c'est  l'opposition.  Cet  avocat  méprisait 
surtout  Cicéron,  et  ce  journaliste  contestait  ses  droits  à  la  presse. 
On  ne  s'imagine  pas  le  scandale  que  dut  faire  naître,  dans  le 
monde  du  barreau,  l'attaque  de  Linguet  contre  Cicéron,  le  père 
de  l'éloquence,  Cicéron,  l'oracle  de  tous  les  avocats  du  dix-huitième 
siècle,  ce  Cicéron  que  les  esprits  les  plus  indépendants  et  les  plus 
nouveaux,  si  je  puis  dire,  révéraient  à  l'égal  d'un  dieu.  J'ai  là, 
dans  ma  bibliothèque,  deux  volumes  des  M.  Tullii  Ciceronis  ora- 
tioncs,  qui  ont  appartenu  à  Camille  Desmoulins,  et  que  le  futur 
journaliste,  avocat  aussi,  comme  Linguet,  a  usés  à  demi  en  faisant 
son  droit,  et  annotés  de  sa  main.  Chaque  page  du  Pro  Milone  ou 
du  Pro  Ligorio  est,  en  marge,  chargée  des  exclamations  admi- 
ralives  de  Camille.  «  Quelle  «Hoquoice  !  —  Tour  admirable  !  — 
Belle  image  !  —  Tout  cela  est  divin  !  —  Et  Camille,  comme  nous 
dirious,  représentait  la  jeune  école.  Voilà  l'idole  que  Linguet 
tentait  de  renverser.  A  propos  de  ces  boutades  contre  Cicéron, 
Voltaire  dit  dans  son  Dictionnaire  philosophique,  à  l'article 
«  Cicéron  »,  en  se  plaignant  de  «  ce  qu'on  ose  écrire  dans  le  siècle 
des  paradoxes  »  : 

«  Quel  est  l'iiomme  qui  a  essayé  de  déshonorer  sa  mémoii'e? 
C'est  un  de  ses  disciples;  c'est  un  homme  qui  prête,  comme  lui, 
son  ministère  à  la  défense  des  accusés  ;  c'est  un  avocat  qui  a  étu- 
dié l'éloquence  chez  ce  grand  maître  ;  c'est  un  citoyen  qui  parait 
animé,  comme  Cicéron  même,  de  l'amour  du  bien  public.  » 

Et  Voltaire,  qui  ne  nomme  pas  Linguet  dans  l'article,  ajoute  en 
note  ; 


MÉLANGES  937 

.1/.  Linguet.  Celle  satire  de  Cicéron  est  l'efTct  de  ce  secret  penchant  cjui 
porte  un  prand  nombre  d'écrivains  à  combattre  non  les  préjugés  populaires, 
mais  les  opinions  des  hommes  éclairés.  Ils  semblent  dire  comme  César  : 
«  J'aimerais  mieux  être  le  premier  dans  une  bicoque,  que  le  second  dans 
Korne.  »  Pour  acquérir  quelque  gloire  en  suivant  les  traces  des  hommes  éclai- 
rés, il  faut  ajouter  des  vérités  nouvelles  à  celles  qu'ils  ont  établies  ;  il  faut 
saisir  ce  qui  leur  est  échappé,  voir  mieux  et  plus  loin  qu'eux.  Il  faut  être  né 
avec  du  génie,  le  cultiver  par  des  études  assidues,  se  livrer  à  des  travaux 
opiniâtres  et  savoir  enfin  attendre  la  réputation.  Au  contraire,  en  combattant 
leurs  oolnions,  on  est  sûr  d'acquérir  à  meilleur  marché  une  gloire  plus  prompte 
et  plus  brillante  ;  et  si  on  aiore  mieux  compter  les  sullrages  que  de  les  peser 
il  n'y  a  point  à  balancer  entre  ces  deux  partis. 

Voilà  le  vi'ai  —  les  amis  du  paradoxe  ne  sont  que  les  partisans 
de  la  renommée  facile  —  et  Linguet  aurait  dû  profiter  du  conseil. 
.Mais  il  était  de  ceux  qui  veulent  le  succès  rapide  et  la  gloire  à 
bon  marché.  C'est  l'art  de  prendre  le  contre-pied  des  choses  qui 
donne  cela.  Voilà  pourquoi  l'avocat  qui  devait  avoir  un  d'Aiguillon 
pour  client,  s'avisa  de  reprocher  à  Cicéron  de  n'avoir  plaidé  que 
pour  des  coquins. 

Au  Palais,  il  irrita  vite.  A  l'.Vcadémie,  où  il  voulut  frapper,  il 
rencontra  porte  close.  «  Qu'est-ce  qu'un  Linguet?  écrit  à  ce  propos 
Voltaire  à  d'Alenthert  (1768).  Pourquoi  a-t-il  fait  une  si  lougue 
réponse  au.x  docteurs  modernes  ?  Pourquoi  n'a-t-il  pas  été  aussi 
plaisant  qu'il  pouvait  l'être?  Il  avait  beau  jeu,  mais  il  n'a  pas  joué 
assez  adroitement  sa  partie  ;  il  a  de  l'esprit,  pourtant,  et  a  quel- 
quefois la  serre  assez  forte  ;  mais  il  n'entend  pas  comme  il  faut  le 
secret  de  rendre  les  gens  parfaitement  ridicules  ;  c'est  un  don  de 
la  nature  qu'il  faut  soigneusement  cultiver  ;  d'ailleurs^  rien  n'est 
meilleur  pour  la  santé.  Si  vous  êtes  enrhumé,  servez-vous  de  cette 
recette  et  vous  vous  en  trouverez  à  merveille.  « 

Linguet  ne  chercha  pas  à  ridiculiser,  mais  à  écraser  les  gens. 
Les  magistrats  s'émurent;  on  le  chassa  du  Palais.  On  fit  des  étotFes 
à  la  Linguet,  des  bonnets  à  la  Linguet  :  c'étaient  des  étoti'es  et  des 
bonnets  rayés.  Ce  fut  alors  qu'il  prit  la  plume.  Il  devint  journa- 
liste —  un  de  ces  «  cirons  périodiques  qui  grattent  l'épiderme  des 
bons  ouvrages  pour  y  faire  naître  des  ampoules  ».  La  définition 
est  de  lui.  C'est  encore  Linguet  qui,  dans  le  Journal  de  Bruxelles, 
écrira  que  :  «  témoin  et  longtemps  victime  de  la  licence  dos  jour- 
nalistes, étonné  du  despotisme  qu'exercent  si  hardiment  et  avec  tant 
d'impunité,  dans  une  république  libre,  ces  magislrals  sans  mis- 
sion »,  il  se  fait  publiciste  à  son  tour.  Mais  le  temps  n'est  pas  loin 
oii  d'Eprémesnil  qui,  pas  plus  que  Voltaire,  n'aimait  le  paradoxe, 
lui  reprochera  d'avoir,  dans  les  Annales,  «  érigé  la  force  en  véri. 
table  droit,  fondé  toutes  les  couronnes  sur  des  litres  de  sang, 
soutenu  que  les  rois  sont  propriétaires  des  biens  et  des  personnes 
de  leurs  sujets^,  fait  de  la  banqueroute  un  droit  de  la  couronne, 
un  devoir  de  chaque  nouveau  roi,  outragé  le  barreau,  insulté  tous 
les  tribunaux  français,  etc.,  etc.  »■,  et  où  seront  condamnés  au  feu 


938  MÉLANGES 

par  le  parlement,  ces  numéros  où   Lingiiel    alfaquera  —  dit-il  — 
«   la  robinocralie,  la  bureaucratie  et  toutes  les  cratics  possibles  ». 

Quel  est  donc  le  parti  de  Linguet?  Demandez  plutôt  quelle  est 
son  humeur.  Un  parti,  il  n'en  a  pas.  îln  tempérament  de  révolté 
—  de  réfractaire,  dit  fort  bien  M.  Gruppi  —  voilà  sa  nature.  Tan- 
tôt il  écrira,  selon  sa  bile  ou  sa  colère,  dans  sa  Théorie  des  iois 
civiles  :  ((  La  société  vit  de  la  destruction  des  libertés  comme  les 
bêtes  carnassières  vivent  du  meurtre  des  animaux  timides  »,  ou 
encore  il  proclamera  que  a  la  fermeté  poussée  par  un  souverain 
jusqu'à  la  rigueur  n'est  jamais  à  charge  aux  peuples,  et  qu'il  y  a 
tout  bénéfice  à  rouvrir  les  sources  de  l'esclavage  »  —  tantôt,  à  pro- 
pos de  Joseph  H,  il  jettera  ce  cri  de  révolte  :  u  Sans  vouer  à  un 
malheureux  qu'on  appelle  roi  une  haine  aveugle  et  indistincte, j'ai 
conçu  pour  la  royauté  une  horreur  qui  ne  finira  qu'avec  ma  vie.  « 

Et,  le  paradoxe  constant  étant  non  seulement  dans  son  œuvre 
mais  dans  sa  vie,  lui,  le  premier  des  démolisseurs  de  la  Bastille, 
dans  son  sang,  il  sera  condanmé  par  le  tribunal  révolutionnaire  et 
exécuté  par  Sanson  comme  suppôt  de  la  tyrannie  et  ennemi  du 
peuple. 

III 

M.  Jean  Cruppi  ne  nous  conduit  pas  encore  jusqu'à  cette  partie, 
si  dramatique  et  si  curieuse  de  la  vie  de  Linguet.  Je  sais  qu'il  a 
interrogé  nos  archives  nationales  sur  ce  point,  et  mon  ami 
M.  Emile  Camppardon  me  disait  qu'après  Gruppi  il  ne  restait,  dans 
les  cartons  de  la  rue  du  Chaume,  rien  à  glaner.  Ce  premier  volume 
en  appelle  donc  un  autre  et  nous  l'attendons.  Avec  son  rare  et  pit- 
toresque talent,  l'historien  de  Linguet  nous  montrera  Linguet 
embaslillé  et  définitivement  révolté. 

Le  27  septembre  1780,  il  avait  été,  en  elïet,  arrêté  et  conduit  à 
la  Bastille,  malgré  les  pistolets  qu'il  avait  toujours  en  poche, 
comme  l'abljé  Maury,  qui  appelait  ses  armes  ses  burettes.  Ecroué, 
Linguet"?  A  quel  propos  ? 

Grimm  l'accuse  d'avoir  débité  des  impertinences  sur  les  traités 
de  la  France  avec  l'Amérique,  «  sur  les  plans  de  la  guerre  actuelle, 
dont  il  a  osé  dire,  dans  une  de  ses  dernières  feuilles,  qu'il  n'y  en 
avait  pas  un  seul  dont  on  ait  pu  deviner  le  motif,  d'avoir  écrit  à 
M.  le  maréchal  de  Duras  et  osé  dire,  en  toutes  lettres,  à  un  homme 
revêtu  de  la  première  digniié  du  royaume  :  Vous  clés  un  Jean  F... 
Signé  :  Linguet. 

Linguet,  qui  luttera  plus  tard  contre  Joseph  II  lui-même,  se 
moque  bien  d'une  querelle  avec  un  maréchal  de  France  !  Il 
se  moquera  môme  de  la  Bastille,  la  vieille  forteresse  qui  n'a  plus 
longtemps  à  durer  et  où  il  reste  deux  ans,  jusqu'au  19  mai  1782. 

On  connaît  la  boutade  qui  lui  est  attribuée  par  les  anas. 
Un  homme  entre,  souriant,  dans  sa  chambre  :  «  Qui  êtes-vous, 
monsieur  ?  —  Monsieur,  je  suis  le  barbier  de  la  Bastille  !  —  Ah  !  par- 
bleu, s'éci'ie  Linguet,  vous  auriez  bien  dû  lu  raser!  » 


MÉLANGES  939 

El  il  y  pense  —  et  il  la  rasera  plus  lard,  autanl  qu'il  pourra.  Pen- 
dant sa  captivité,  ses  Aniiales  sont  continuées  par  Mallel  du  Pan, 
Ja  future  victime  de  Desmoulins,  celui  que  Camille  appellera  tou- 
jours Mallel  Panda.  Et  Linguet  amasse  des  documents  contre  la 
prison  séculaire  —  et  ses  MémoirPS  sur  la  Bastille  la  démoliront 
aussi  sûrement  que  le  canon  des  faubouriens.  Palloy  y  porta  la 
pioche,  mais  le  premier  coup,  ce  fut  Einguet  qui,  du  bec  de  sa 
plume,  le  donna  avec  son  livre  où  le  frontispice  nous  montre 
«  l'Horloge  scandaleux  dont  les  ornements  étaient  des  fers  sculp- 
tés, et  le  support  deux  figures  ;  un  homme  et  une  femme  enchaî- 
nés par  le  cou,  les  mains,  les  pieds  cl  le  milieu  du  corps  »  —  et 
on  l'on  voit,  en  luème  temps  que  «  ces  soutiVances  inconnues  et 
ces  peines  obscures  des  captifs,  «  la  statue  de  Louis  XVi  dressée 
parmi  des  ruines, et  celle  inscription  sur  le  piédestal  :  A  Louis  XVI, 
sur  l'emplacement  de  la  Baslillc.  » 

—  Ici  l'on  écritj  aurait  pu  dire  le  pamphlétaire  Linguet,  en 
attendant  que,  sur  les  ruines,  le  peuple  de  Paris  plaçAt  l'étiquette  : 
Ici  l'on  danse. 

Cet  homme  fut,  du  reste,  un  démolisseur,  un  précurseur  un 
chercheur,  un  oseur  en  tontes  choses.  A  peine  Linguet  est-il  sorti 
de  la  Bastille,  que  les  Mémoires  secrels  rapportent,  par  exemple, 
l'invention  dont  il  entretenait  avec  fièvre  ses  contemporains  : 

Voilà  Liuguet  installt?  de  nouveau  dans  la  carrière  oîi  ses  travaux  avaient 
été  si  désagréablement  interrouipus  ;  il  est  douteux  qu'il  puisse  y  rapprocher 
la  fortune  de  la  prudence.  Son  projet  prétendu  d'une  communication  facile 
entre  deux  endroits  très  éloignés  paraît  n'être  que  le  rêve  de  quelque  plai- 
sant désœuvré.  Il  en  est  résulté,  comme  de  la  plupart  des  imaginations  chi- 
mériques, quelque  chose  d'utde...  11  s'agit  d'établir  sous  terre  des  conduc- 
teurs électriques  en  iil  de  fer  doré,  entcrmés  dans  des  tuyaux  garnis  de 
résine.  Une  machine  électrique  à  l'une  des  extrémités  de  ces  conducteurs,  et 
des  lettres  de  métal,  des  caractères  tachj'graphiques,  à  l'autre,  rendraient 
cet  appareil  très  propre  à  transmettre  d'un  lieu  à  un  autre,  môme  à  une  dis- 
tance considérable,  des  avis  fort  détaillés.  Les  physi:ieus  et  les  amateurs  de 
l'électricité  connaissent  les  moyens  de  mettre  en  pratique  d'une  manière 
assez  sûre  ce  procédé  simple  et  peu  coûteux,  eu  égard  aux  avantages  qu'il 
promet. 

On  voit,  dit  Eugène  Ilatin  après  avoir  cilé  ce  passage  des 
Mémoires,  que  l'idée  du  télégraphe  n'est  pas  tout  à  fait  nouvelle. 
C'est  toujours  l'histoire  du  vieux  neuf.  Les  lignes  que  je  viens  de 
transcrire  datent  du  o  juin  1782.  Il  y  a  plus  de  cent  ans  que  Lin- 
guet avait  presque  inventé  la  télégraphie  électrique. 

Mais  la  Révolution  approche.  Anobli  par  l'empereur  .losepli, 
Linguet  défend  bientôt  contre  lui  les  insurgés  du  Brabant.  Lui  qui 
sera  condamné  pour  avoir  encensé  les  despotes  de  Vienne  et  de 
Londres.,  il  vient  plaider  à  la  barre  de  la  Constituante,  pour  les 
droits  de  l'assemblée  coloniale  de  Saint-Domingue,  contre  la 
lijrannie  des  blancs.  Il  fera  plus. 

Il  ollVira  à  Camille  Desmoulins,  le  procureur  général  de  la  lan- 


940  MÉLANGES 

terne,  d'être  son  siibslitut,  et  nirme  on  le  verra  plus  lard,  après 
s'être  déclaré  dantoniste,  devenir  niaratisle.  Puis  tout  à  coup,  un 
paradoxe  contre  le  pain  le  fera  soupçonner  d'être  un  ennemi  des 
pauvres  diables  ! 

a  Le  pain,  dit-il,  considéré  comme  nourriture,  est  une  invention 
dangereuse  et  tiès  nuisible.  Nous  vivons  de  cette  drogue,  dont  la 
corruption  est  le  premier  élément,  et  que  nous  sommes  obligés 
d'altérer  par  un  poison  pour  la  rendre  moins  malsaine...  L'escla- 
vage, l'accablement  d'esprit,  la  bassesse  en  tout  genre  dans  les 
petits,  le  despotisme,  la  fureur  efl'rénée  des  jouissances  destruc- 
tives, sont  les  compagnes  inséparables  de  1  habitude  de  manger  du 
pain,  et  sortent  des  mêmes  sillons  où  croit  le  blé  !  » 

Attaquer  le  pain  à  l'heure  où  la  France  affamée  demandait  un 
peu  de  blé  pour  vivre  —  et  pour  vaincre  —  et  où  les  patriotes 
chantaient,  sur  l'air  de  la  Carmaçinole,  ces  vers  naïvement  éner- 
giques, niaisement  sublimes  : 

Que  faul-il  au  républicain  ? 
Un  peu  (le  fer,  un  peu  de  pain. 
Du  pain  pour  le  manger, 
Du  1er  pour  Tétranger. 

Linguet  paya  cher  ce  dernier  paradoxe.  11  habitait  une  maison- 
nette près  de  VilIe-d'Avray.  On  l'y  arrêta.  Détenu  à  Paris,  il  se 
vantait  de  dévoiler  la  sottise  et  l'atrocité  de  ses  ennemis.  «  Ils 
verront  demain  !  »  L'avocat  d'autrefois  comptait  sur  sa  parole  et 
ses  sarcasmes.  Mais  les  juges  du  tribunal  révolutionnaire  n'étaient 
plus  ceux  de  la  grand'cbanibre,  cl  M.  Cruppi  énumère  même  quel- 
ques-uns de  ceux  d'entre  eux  qui  avaient  précédé  Linguet  devant 
Fouquier-Tinville.  «  Ce  ne  sont  pas  des  juges,  s'écria  Linguet 
condamné,  ce  sont  des  tigres!  »  L'exclamation  est  bien  classique 
et  bien  cicéronienne.  Jimagine  que  Linguet  dut  dire  plutôt  :  «  Ce 
sont  des  sols  !  »  En  montant  dans  la  charrette,  un  soir  de  juin  — 
le  27  juin  179't  —  il  demanda  un  prêtre.  Le  prêtre  n'était  plus  là. 
Alors  Linguet  ouvrit  un  volume  de  Séneque.  A  défaut  du  livre  de 
messe,  une  page  d'un  philosophe.  Toute  sa  vie  de  contradiction 
est  là. 

On  avait  saisi  ses  papiers.  Il  y  en  avait  beaucoup  dans  la  maison 
où  il  paperassait  toujours  :  —  des  notes,  des  projets.  Le  tout  fut 
transporté  à  l'Ecole  militaire.  On  en  lit  des  cartouches.  «  Ce  qui 
avait  tué  pendant  sa  vie  tua  encore  après  sa  mort  »,  dit  fort  joli- 
ment Monselet. 

I\L  Cruppi,  dans  son  livre  qui  durera,  qui  est  tout  à  fait  person- 
nel et  d'une  vivacité  entraînante,  dit  à  peu  près  que  Linguet  est  le 
véritable  fondateur  du  journalisme  moderne.  Il  serait  plus  vrai 
d'affirmer  qu'il  est  le  précurseur  d'un  certain  journalisme  parti- 
culier. 

Il  est  le  type,  ce  Linguet,  du  polémiste  acerbe,  préoccupé  du 
succès  immédiat,  du  tapage  de  l'heure  présente,  persécuté  mais 


MÉLANGES  941 . 

per.îécuteur  ;  liavaillaiit,  comme  Maral  à  la  tribune,  avec  un  pis- 
tolet près  de  son  écritoire,  aimant  le  hruit,  ce  bâtard  de  la  gloire  ; 
aimant  l'argent;  sachant  fort  bien  se  faire  payer  ses  ai'ticles 
comme  il  savait  réclamer  ses  honoraires  d'avocat  ;  rêvant  la  for- 
lune,  incapable,  d'ailleurs,  pour  la  conquérir,  de  suivre  la  ligne 
droite  et  de  suivre  même  une  ligne  quelconque  ;  nerveux,  inso- 
lent, paradoxal,  plaidant  volontiers  les  mauvaises  causes,  et,  à  vrai 
dire,  toutes  les  causes,  après  s'être  honoré,  et,  à  tout  prendre, 
immortalisé  par  «a  diMcnse  d'un  martyr:  ayant  pour  client  un 
d'Aiguillon,  une  du  Barry.  les  défendant  comme  il  avait  loué 
Néron,  puis  leur  jetant  le  gant,  les  bravant,  revenant  à  je  ne  sais 
quelle  générosité  qui  fait  aussi  partie  de  sa  nature  —  un  indépen- 
dant, à  coup  sûr,  un  violent  —  ce  qu'on  appelle  aujourd'hui  dans 
l'argot  du  journalisme  un  éreinleur,  un  de  ces  iiisulteurs  à  la 
ligne  qui  font  trembler  les  faibles,  donnent  au  vulgaire  l'idée 
d'une  fausse  vigueur,  prennent  l'audace  pour  la  force,  haussent  la 
voix,  se  font  justiciers  pour  n'être  pas  justiciables  et,  après  avoir 
fait  illusion  sur  leur  énergie  et  s'être  fait  illusion  sur  leur  puis- 
sance, ne  laissent  après  eux  qu'un  nom  —  quand  ils  laissent 
même  un  nom.  «  11  brûle,  mais  il  éclaire  »,  disait  de  Linguet  l'au- 
teur de  Candide.  D'ordinaire,  les  pamphlétaires  de  la  race  de  Lin- 
guet  n"éclairent  guère  et  ne  laissent  que  des  cendres. 

Ils  ont  remué  des  idées  et  parfois  une  fortune  (d'Aiguillon 
envoyait  les  honoraires  de  Linguel  en  des  sacs  pesants)  ;  ils  ont 
manié  les  hommes,  tour  à  tour  servi  et  desservi  les  puissances  ;  ils 
ont  jeté,  à  tort  et  à  travers,  les  vérités  et  les  paradoxes  parmi  la 
foule.  Ils  ont  fait  fureur  à  de  certaines  heures  et  se  sont  étonnés, 
après  tant  de  bruit,  du  silence  de  leur  vieillesse  ou  de  la  solitude 
de  leur  mort.  A  quoi  bon  tant  de  tapage  pour  finir,  comme  le 
joueur  décavé,  par  se  consoler  avec  Sénèque  .■* 

Et  ils  ont  beau  trouver,  après  un  siècle,  des  historiens  de  talent, 
comme  M.  Cruppi,  pour  les  tirer  du  tombeau,  leur  réhabilitation 
même  ne  semble  que  le  plus  brillant  et  le  plus  attirant  des  para- 
doxes :  les  aventuriers  ont  la  minute,  l'avenir  est  aux  seuls  braves 
gens. 

(Temps.)  Jules  Claretie. 

♦     » 

Ce  (juk  h.\iji'ELLK  CiiA.\ii'.\LiiiiHT. —  Il  y  a  vingt-neuf  ans  bientôt,  le 
11  février  1807.  on  inaugurait  à  Montmirail,  sur  la  limite  de  la 
Marne  et  de  lAisne,  la  colonne  commémoralive  de  la  liataille  du 
11  février  1814. 

Ce  fut  l'occasion  d'une  fête  touchante  que  n'ont  pas  oubliée  ceux 
qui  en  ont  été  les  témoins.  Rendant  compte  de  cette  solennité,  que 
rehaussait  la  présence  d'un  bataillon  du  03"^  de  ligne,  venu  de  Sois- 
sons,  notre  journal  disait  : 

Comme  autrefois,  lors  des  grandes  batailles  de  l'Empire,  le  soleil,  si  loog- 
temps  caché  à  nos  re^;ards,  apparaît  cutia  pour  It^'lcr  l'auniversaire  de  Monl-. 
mirait. 


942  MÉLANGES 

Depuis  plusieurs  jours  déjà,  une  foule  nombreuse,  composée  surtout  de 
ces  habitants  des  campagnes,  dont  les  pères,  jadis  formés  en  corps  francs 
ou  embusqués  derrière  les  haies  de  leurs  villages,  causèrent  tant  de  mal  à 
l'ennemi,  couvre  les  roules  qui,  de  la  Marne  et  de  l'Aisne,  conduisent  a 
Montmirail,  et  dont  nos  soldats,  il  y  a  cinquante-trois  ai;s,  marquèrent  les 
étapes  glorieuses.  Ic',  chaque  village,  chaque  ferme,  chaque  maison,  chaque 
bouquet  d'arbres  a  son  histoire,  que  les  habitants  se  transmettent  de  géné- 
ration en  génération,  et  qu'ils  se  plaisent  à  vous  raconter.  Dans  ce  vallon 
aux  pentes  gracieuses,  c'i  st  le  village  de  Marchais,  tant  de  fois  pris  et 
repris;  plus  loin,  c'est  la  Haute-Epine,  d'où  les  grenadiers  de  la  vieille 
garde  débouchèrent  pour  tomber  à  revers  sur  les  Russes  qui  luttaient  contre 
les  soldais  de  Ne\'  et  de  Mortier;  de  cetie  place,  s'élancèrent  les  héroïques 
enlauts  qui  composaient  les  gardes  d'honneur,  et  leur  charge  furieuse  décida 
la  victoire.  Plus  loin  encore,  c'est  la  ferme  des  Greneaux,  où  l'Empereur 
passa  la  nuit,  c'est  le  village  des  Caquirets,  puis  enfin  la  ville  de  Château- 
Thierry,  où  se  termina  la  première  partie  de  cette  grande  opération,  com- 
mencée à  Sc'zanne,  qui  nous  avait  valu  la  défaite  d'Alsuwiell  à  Champau- 
berl,  celle  de  Sacken  à  Montmiraii,  celle  d'York  à  Château-Thierry,  et  qui 
devait  nous  valoir  encore  le  désastre  de  Elûcher  à  Vauchainps  et  à  Eloges. 
Nulle  part  ailleurs  qu'à  Montmirail,  on  ne  comprend  mieux  cette  belle  expres- 
sion d'un  grand  écrivain  :  «  Napoléon,  à  délaut  de  forces  suffisantes,  sem- 
bla vouloir  envelopper  l'ennemi  de  son  mouvement.  » 

Cbampaubert  aussi  a  son  monument,  élevé  il  y  a  près  d'un  demi- 
siècle,  monument  qui  tombait  en  ruines  et  que  le  tjouvenir  Fran- 
çais a  restauré.  C'est  pour  une  nouvelle  inauguration  que  le 
bomité  cbâionnais  a  convoqué,  à  la  date  du  dimancbe  20  octobre, 
tous  ceux  qui  ont  à  cœur  de  conserver  intact  le  souvenir  des  glo- 
rieuses journées  de  notre  bisloire. 

La  colonne  commémoralive  sera  bénite  par  TEglise,  qui  a  voulu 
s'associer  à  celte  cérémonie,  des  discours  seront  prononcés,  et 
nous  nous  empresserons  de  leur  donner  noire  publicité. 

Mais,  dès  maintenant,  comme  nous  l'avons  fait  il  y  a  trois  ans, 
pour  la  campagne  de  l'Argonne,  nous  voulons  dire  quelques  mots 
de  cette  partie  de  la  campagne  de  1<S14. 

Le  21  décembre  18 Kl,  l'armée  de  la  coalition  avait  francbi  le 
Rbin  en  deux  masses  principales  :  l'une,  sous  Scbwartzenberg,  par 
Bâle  et  en  violant  la  neutralité  suisse  ;  la  seconde,  dite  armée  de 
Silésie^  sous  Bliiclier,  à  Manbeim,  Mayence  et  Cobleniz. 

Poussant  devant  elles  les  faibles  corps  des  marécbaux  Macdonald, 
Marmont,  "Victor,  Ney  et  Mortier,  elles  avaient  tourné,  par  le  nord 
et  par  le  sud,  la  ligne  des  Vosges,  et  étaient  venues  rejoindre 
entre  Chaumonl  et  Bar-le-Duc. 

Le  25  janvier.  Napoléon  arrivait  à  Cbàlons  et  prenait  le  com- 
mandement de  ses  troupes  ;  le  26,  il  élait  à  Saint-Dizier;  battait 
Blûcher,  le  29,  à  Brienne,  et  était  attaqué,  le  1"  février,  à  la 
Rotbière,  par  170.000  bommes  auxquels  il  ne  pouvait  opposer  que 
32.000  combattants.  Après  une  lutte  acbarnée,  il  repassait  l'Aube 
et  se  retirait  sur  Troyes,  prévoyant  qu'une  i'aule  de  l'ennemi  allait 
lui  pei mettre  de  reprendre  l'avantage. 


MÉLANGES  943 

Cette  faute,  les  alliés  ne  furent  pas  longtemps  à  la  commettre. 

Le  3  février,  Bltieher  se  séparait  de  Schwartzenberg  et,  pendant 
que  ce  dernier  s'avançait  au  sud  de  la  Seine,  le  général  prussien 
se  portait  vers  la  vallée  de  la  Marne,  agrandissant  à  chaque  étape 
l'espace  qui  le  séparait  de  ses  alliés,  et  se  mettant  dans  l'impossi- 
bilité d'être  secouru  par  eux. 

Napoléon  suivait  de  l'œil  ses  adversaires;  le  moment  était  venu 
de  se  jeter  sur  sa  proie. 

Le  5  février,  il  était  à  Nogent-sur-Seine  ;  le  7,  il  donnait  à  Mar- 
mont  l'ordre  de  s'avancer  sur  Sézanne  ;  il  le  suivait  avec  les  maré- 
chaux Ney,  Mortier  et  la  garde,  laissant  à  Gérard,  Victor  et  Oudinot, 
le  soin  de  retarder  la  marche  de  Schwartzenberg  vers  Melun. 

Au  moment  où  Blûcher  allait  être  attaqué  par  l'Empereur^  ses 
lieutenants  étaient  dispersés  de  telle  façon  qu'ils  ne  pouvaient  se 
soutenir  mutuellement  :  le  général  York^  après  avoir  bombardé  et 
pris  Châlons,  avait  suivi  Macdonald  jusqu'à  Château-Thierry  ;  Sac- 
ken,  à  ia  gauche  d'York,  se  portait  sur  la  Ferté-sous-Jouarre  ; 
Bliicher,  précédé  d'Alsuwielt",  s'avançait  de  Fére-Champenoise  vers 
Montmirail.  Ce  fut  le  Russe  Alsuwietf  qui  tomba  le  premier  sous 
les  coups  des  Français. 

Le  10  février,  vers  neuf  heures  du  malin,  Marmont,  étant  arrivé 
sur  la  hauteur  qui  domine  la  vallée  du  Petit-Morin,  aperçut  le 
corps  de  ce  général,  fort  de  5.000  fantassins  et  de  24  pièces  de 
canon. 

AlsuwiefT  n'était  point  en  mesure  de  résister  ;  cependant,  au  lieu 
de  se  retirer  et  de  faire  sauter  le  pont  de  Saint-Prix  pour  retarder 
la  marche  dos  Français,  il  voulut  défendre  le  passage  :  mais 
l'empereur  le  fit  attaquer  de  suite  par  les  divisions  Lagrange  et 
Ricard  ;  le  pont  fut  bientôt  emporté  et  rcnncmi  [)oussé  jusque 
sous  Baye,  où  il  se  déploya  et  lit  jouer  son  artillerie  contre  notre 
cavalerie. 

Aussitôt  la  division  Lagrange  gravit  le  plateau  qui  s'étend  entre 
Baye  etBannay  et  marcha  au  secours  de  nos  cavaliers;  le  2«  léger, 
ainsi  qu'un  bataillon  de  marine  s'avancèrent  sur  la  droite  du  bois 
par  où  les  Russes  pouvaient  déboucher.  Le  général  Alsuwieff, 
pressé  sur  son  front  et  sur  sa  gauche,  se  retirait  en  bon  ordre, 
après  avoir  repoussé  devant  Bannay  la  brigade  Pelleport,  lorsque 
l'Empereur  dirigea  sur  ce  point  son  artillerie^,  et  lit  déployer  dans 
la  plaine  l'infanterie  du  maréchal  Ney. 

En  même  temps,  il  ordonna  au  général  Girardin,  aide-de-camp 
de  Berthier,  d'aller  à  gauche  prévenir  l'ennemi  sur  la  route 
de  Paris,  et  au  général  Ricard  de  le  prévenir  sur  Epernay,  en 
longeant  le  bois  à  droite. 

La  confusion  se  mit  alors  dans  les  rangs  ennemis  ;  chargés 
à  gauche  et  rejetés  dans  Champaubert  par  les  lanciers  du  général 
Picquet,ils  furent  vivement  attaqués  de  front  par  les  cuirassiers  du 
général  BordesouUe,  qui.  les  acculèrent  au  bois  et  aux  étangs  du 


944  MÉLANGES 

Désert  et  les  forcèrent  à  la  fuite.  Vingl-et-une  Louches  à  feu  el  leurs 
caissons,  le  généfal  AIsuwieif,  deux  généraux  sous  ses  ordres,  qua- 
rante-sept officiers  et  mille  huit  cent  sept  prisonniers  restèrent  au 
pouvoir  des  vainqueurs  ;  près  de  douze  cents  ennemis  avaient  été 
tués;  à  peine  s'en  sauva- t-il  quinze  cents  qui,  le  lendemain,  rejoi- 
gnirent à  Fère-Champenoise  le  corps  prussien  de  Kleist.  Kes  Fran- 
çais ne  comptèrent  pas  plus  de  six  cent  cinquante  hommes  tués  et 
blessés;  au  nombre  de  ces  derniers  se  trouvait  le  général 
Lagrange,  atteint  d'une  balle  à  la  tête. 

L'i-lnipermir  coucha  à  Champaubert. 

Le  lendemain  11  février,  laissant  iMarmunt  à  Etoges  pour  empê- 
cher Blïicher  de  déboucher  de  Vertus.  Napoléon  se  porta  à  Monl- 
mirail  contre  Sacken  el  York.  Nous  n'avons  pas  à  raconter  les 
péripéties  de  celte  bataille,  où  nos  troupes  chassèrentsuccessivement 
leurs  adversaires  de  la  ferme  de  la  Haute-Epine,  de  Marchais,  et 
les  rejetèrent  vers  Château-Thierry.  Si,  à  ce  moment^,  le  maréchal 
Macdonald  s'était  avancé  de  La  Ferté-sous-.Jouarre  sur  l'une 
ou  l'autre  des  rives  de  la  Marne,  il  aurait  fait  prisonnier  tout  ce  qui 
restait  du  corps  de  Sacken. 

Le  12  février,  lendemain  de  la  victoire  de  Montmirail,  et  tandis 
que  Sacken  et  York,  chassés  de  Château-Thierry,  fuyaient  vers 
Kismes  et  Reims,  et  que  près  de  deux  mille  de  leurs  soldats,  réfu- 
giés dans  les  bois,  étaient  tués  par  les  paysans,  Bliicher  se  portait 
contre  ,e  maréchal  Marmont,  laissé,  comme  nous  l'avons  vu,  à 
Etoges.  Marmont,  par  trop  inférieur  en  nombre,  se  repliait  entre 
Vaiichamps  et  Montmirail.  Mais  bientôt  Napoléon,  revenu  de  Châ- 
teau-Thierry, arrivait  à  son  secours  et  livrait,  le  14  février,  le 
combat  de  Vauchamps. 

L'infanterie  ennemie  occupait  Vauchamps  et  avait  jeté  des 
tirailleurs  dans  le  bois  en  avant,  le  reste  de  l'armée  était  à  six  cents 
mètres  environ  en  arrière.  L'Empereur  ordonna  à  Marmont  d'enle- 
ver ce  village,  et  au  générai  Grouchy  de  tourner,  avec  la  cavalerie 
de  ligne,  la  droite  de  l'ennemi.  La  garde  fut  établie  en  réserve  sur 
la  grande  route. 

Le  maréchal  prussien  ignorait  encore  la  défaite  de  ses  lieute- 
nants et  ne  savait  pas  qu'il  avait  l'Empereur  en  face  de  lui. 

Tandis  que  la  division  Ricard  enlève  Vauchamps,  les  cuirassiers 
el  les  hussards  prussiens  sont  culbutés  par  les  divisions  de  cavalerie 
Lefèvre-Desnouettes  et  Laferrière.  Grouchy  menace  les  derrières 
de  l'ennemi,  Blùcher  ordonne  la  retraite,  en  formant  plusieurs 
carrés  de  son  infanterie.  Mais,  à  peine  a-l-il  dépassé  Janvilliers  et 
pénétré  sur  un  terrain  découvert,  que  ces  carrés  sont  enfoncés  ; 
quelques-uns  reculent  jusqu'aux  bois  situés  entre  Saint-Martin- 
d'Ablois  el  Etoges;  ils  y  sont  acculés,  et  bientôt  deux  mille 
hommes  mettent  bas  les  armes.  L'infanterie  française  entre  au  pas 
de  charge  dans  Fromenlières. 


MÉLANGES  94 0 

Le  général  Drouot,  avec  rarLillerio  de  la  garde,  achève  la  défaite 
des  Prussiens. 

On  atteint  Champaiibert,  théâtre  de  la  bataille  quatre  jours 
auparavant;  Marmont  s'y  arrête  à  peine  quelques  instants  et  se 
remet  k  la  poursuite  de  l'ennemi;  il  entre  dans  Etoges  et  y  fait 
prisonnier  Ouroussow  et  six  cents  hommes. 

Grouchy  bivouaqua  à  Champaubert  ;  Napoléon  retourna  le  sou- 
même  à  iMontmirail. 

Les  Français  qui,  ce  jour-là,  avaient  eu  600  hommes  tués  ou 
blessés,  en  tuèrent  ou  prirent  plus  de  7.000  à  l'ennemi. 

En  résumé,  parti  le  9  février  de  Xogent-sur-Seine,  arrivé  le  10 
à  Champaubert,  Napoléon  avait  pris  ou  détruit  dans  cette  journée 
le  corps  d'Alsuwiefl  ;  battu  le  II,  à  Montmirail,  le  corps  de  Sac- 
ken  ;  battu  et  refoulé  le  12,  sur  Château-Thierry,  celui  d'Vorlc  ; 
employé  le  13  à  rétablir  le  pont  sur  la  Marne  pour  lancer  Mortier 
à  la  poursuite  de  l'ennemi,  et,  le  14,  rebroussant  chemin,  il  avait 
assailli  Bliicher,  qui  lui  fournissait  ainsi  l'occasion  d"accabler  le 
dernier  des  quatre  corps  sous  ses  ordres.  Cette  campagne  de 
quatre  jours  avait  coûté  à  l'armée  de  Silésie  28.000  hommes  sur 
60.000,  et  l'avait  forcée  à  se  replier  au-delà  de  Reims  et  de  Châ- 
lons. 

On  sait  quels  prodiges  marquèrent  encore  la  campagne  de  1814. 

Pendant  les  quelques  jours  que  ÎS'apoléon  avait  consacrés  à 
vaincre  Bliicher,  le  prince  de  Schwartzenberg  avait  marché  de  nou- 
veau en  avant  vers  Paris  par  la  rive  gauche  de  la  Seine,  et  était 
arrivé  à  quinze  lieues  de  cette  capitale.  Napoléon  se  porte  au- 
devant  de  lui,  rallie  Oudinot,  "Victor,  Gérard,  rem[iorte,  le  18 
février,  la  victoire  de  Montereau,  et  rejette  encore  une  fois  l'ennemi 
vers  Troyes  et  Chaumont. 

Mais  tel  était  le  nombre  des  soldats  de  la  coalition,  qu'ils  se 
retrouvaient,  au  lendemain  d'une  défaite,  plus  nombreux  que  la 
veille^  et  l'invasion,  refoulée  sur  un  point,  reparaissait  sur  un 
autre. 

Bliicher  avait  réuni  à  Chàlons  les  débris  de  son  armée,  forte 
encore  de  .32,000  hommes;  il  s'était  porté  vers  Méry-sur- Seine  et 
Anglure,  pour  se  jeter  dans  le  tlanc  de  Napoléon,  tandis  que 
celui-ci  poursuivait  Schwarlzenbcrg.  Puis,  se  ravisant,  il  remontait 
par  Sézanne  vers  le  nord,  pour  aller,  au-delà  de  la  Marne  et  de 
r.\isne,  rejoindre  les  corps  de  Bulow  et  de  Wintzingerode,  forts  de 
oO.OOO  hommes,  qui  se  dirigeaieut  sur  Reims  et  Soissons. 

Il  iallait  à  tout  prix  que  l'Empereur  empêchât  cette  jonction. 
Aussi  Napoléon,  parti  de  Troyes,  se  hùte-t-il  de  suivre  le  mouve- 
ment de  BHicheF.  Le  28,  il  rejoint  à  La  Ferté-sous-Jouarre  les 
maréchaux  Mortier  et  Marmont,  franchit  la  Marne  et  pousse  vive- 
ment Bliicher  sur  Oulchy.   Le  feld-maréchal  prussien  est  bientôt 

60 


1)46  MÉLANGES 

acculé  entre  l'Aisne  et  Napoléon.  Le  seul  pont  par  lequel  il  pour- 
rait s'échapper  est  celui  de  Soissons  ;  mais  cette  place-forte  est 
aux  mains  des  Français.  Que  Soissons  résiste  seulement  quarante- 
huit  heures,  et  Bliicher  sera  forcé  de  se  rendre  à  l'P^mpereur,  et 
cette  fois  sa  défaite  sera  définitive.  La  coalition  sera  vaincue. 

La  fatalité  voulut  que  Soissons  eût  pou.'  gouverneur  un  inca- 
pable ou  un  traître,  le  général  Moreau,  qui  capitula  à  la  première 
sommation,  et  à  l'heure  même  oîi  déjà  l'on  entendait  de  Soissons 
le  canon  de  l'armée  française.  Soissons  pris,  c'était  Bliicher  tra- 
versant l'Aisne  et,  sur  la  rive  droite  de  cette  rivière,  rallian.t  à  son 
armée  les  cinquante  mille  hommes  de  Bulow. 

Vainement,  dès  lors,  Napoléon  livra  encore  de  glorieux  et  déses- 
pérés combats  :  Craonne,  Laon,  Arcis-sur-Aube,  Saint-Dizier. . . 
Vainement  une  division  de  gardes  nationaux  lutta  héroïquement 
presque  jusqu'au  dernier  homme,  contre  les  masses  de  la  coalition, 
entre  Fère-Champenoise  et  Saint-Gond  ;  vainement,  pendant  toute 
une  journée,  Moncey,  Marmont,  Mortier  combattirent  pour  la 
défense  de  Paris La  partie  était  perdue. 

Du  moins,  Napoléon  put  se  dire  qu'il  n'avait  jamais  déployé  plus 
de  génie,  que  jamais  l'armée  française  ne  s'était  montrée  plus 
brave,  et  notre  province  de  Champagne  plus  patriote. 

Voilà  les  souvenirs  que  rappelle  le  nom  de  Champaubert,  et  qui 
en  font  un  des  plus  glorieux  de  notre  histoire. 

(Journal  de  la  Manie) 


Un  POETE  MAUDIT  :  Arthur  Rimbaud  —  Sous  ce  titre,  notre  con- 
frère Fernand  Hauser  publie,  dans  le  Figaro,  le  curieux  article 
suivant,  au  sujet  d'un  poète  ardennais,  né  à  Charleville,  et  dont 
beaucoup  de  nos  concitoyens,  ses  anciens  camarades  d'études,  ont 
conservé  le  souvenir  : 

"   A  sppt  :in^,  il  l;ii-ail  de.-  roinan- 
-iir  la  vil,'.   » 

Arthur  HiMnALD. 

Celui-ci  fut  vraiment,  selon  l'acception  de  Paul  Verlaine,  un 
poète  maudit.  Lorsqu'il  qualifia  de  ce  titre  certains  écrivains,  Paul 
Verlaine,  en  efi'et,  s'il  exagéra  pour  quelques-uns,  donna  son  véri- 
table nom  à  l'auteur  du  Baleaa  ivre.  Arthur  Rimbaud,  durant  sa 
vie  de  soull'rances  et  d'on  ne  sait  quelles  expiations,  fut  bien  un 
poète  maudit,  il  passa  à  travers  l'existence,  clamant  des  vers,  et 
disparut,  et  l'on  ne  sut  jamais  plus  rien  de  lui,  sinon  au  jour  de 
sa  mort,  dans  un  hôpital,  comme  Gilbert,  comme  Hégésippe 
Moreau,  comme  tant  d'autres. 

Or,  la  mojt  d'Arthur  Rimbaud  fut  toute  autre  que  sa  vie.  Lui, 
coureur  d'aventures,  chantre  d'horreurs,  contempteur  de  toute 
religion,  mourut  comme  un  saint,  avec  une  foi  d'ange  et  des 
épanchcments  d'un    mysticisme   de   vierge.    Et   c'est    peut-être  à 


MÉLANGES  947 

cause  de  cela  que  la  inalédiclion  qui  semblait  peser  sur  lui   et  sur 
ses  œuvres  va  enila  être  levée. 

Elles  vont  resplendir,  ses  œuvres,  et  non  plus  à  la  lumière  falote 
des  revues  mort-nées;  elles  vont  resplendir  à  la  lumière  du  livre. 
Les  oeuvres  complètes  d'Arthur  Rimbaud  vont  voir  le  jour. 

Chose  étrange  :  des  années  se  sont  écoulées  entre  l'éclosion  de 
ces  œuvres  et  leur  publication  véritable,  et  durant  ces  années, 
longues  au  gré  des  poètes,  les  vers  de  Rimbaud  ont  couru  les 
pages  des  petites  revues,  introuvables.  Il  arriva  même  des  choses 
inouïes.  Rimbaud  disparu,  (luclques-uns  imaginèrent  de  créer  une 
légende,  de  dire  que  l'écrivain  des  Illinninulions  ri'avail  jamais 
existé,  que  les  poèmes  signés  du  nom  de  Rimltaud  étaient  dus  à 
la  collaboration  de  plusieurs...  et  Ton  vit  éclore  des  vers  signés 
Rimbaud,  qui  jamais  n'avaient  été  écrits  par  le  pauvre  poète. 

Durant  ce  temps,  lui,  dans  le  sud  de  l'Afrique,  faisait  le  com- 
merce du  café,  de  la  gomme,  de  l'ivoire,  cherchait  de  l'or,  trafi- 
quait de  l'encens,  et  ne  songeait  [)lus  au  grand  poète  qu'il  avait 
failli  devenir. 

Et  voici  qu'il  revint,  et  voici  qu'il  apprit  ce  qui  se  passait,  et  il 
voulut  protester,  et  la  maladie  le  cloua  sur  un  lit  de  mort. 

Aujourd'hui,  le  poète  Paul  Verlaine,  son  maître  et  son  ami, 
après  avoir  soigneusement  compulsé  les  manuscrits  de  Rimbaud, 
[)ublie  ses  œuvres  complètes,  et  nous  allons  pouvoir  les  admirer. 

C'est  d'abord  Les  Elrennes  des  Orphelins,  un  poème  navrant,  un 
poème  de  tristesse,  de  douleur,  mai-s  si  frais,  si  touchant!.., 

Mainlenant,  les  petits  sommeillenl  tristement  : 

Vous  dirii  z,  à  les  voir,  qu'ils  pleurent  en  dormant. 

Tant  leurs  yeux  sont  gopllés  et  leur  souf'lle  pénible, 

Les  tout  petits  enfants  ont  le  cœur  si  sensible  ! 

—    Mais  l'ange  des  berceaux  vint  essuyer  leurs  \ou;%. 

Et  dans  ce  lourd  sommeil  mil  un  rêve  joyeux. 

Un  lève  si  joyeux,  que  leur  lèvre  rai-close. 

SouriautP,  semblait  murmurer  quelque  cliose.. 

Ils  rêvent  que,  penchés  sur  leur  petit  '^ras  rond. 

Doux  geste  du  réveil,  ils  avancent  le  front, 

El  leur  vague  regard  tout  autour  d'eux  repose.  . 

lis  se  croient  endormis  dans  un  paradis  rose.  . 


On  dirait  qu'une  fée  a  passé  dans  cela  !... 
Les  enfants,  tout  joytux.  ont  jeté  deux  cris  :  Là, 
Près  du  lit  malernel,  sous  un  beau  rayon  rose. 
Là,  sur  le  grand  tapis,  resplendit  quelque  cLose... 
Ce  sont  des  médaillons  argentés,  noirs  et  blancs. 
De  la  nacre  et  du  jais,  aux  rtllets  scintillants. 
Des  petits  cadres  noirs,  des  couronnes  de  verre. 
Ayant  trois  mots  gravés  en  or  :  A  nothe  Miohe  1  ^ 


(!lettc  pièce  est  datée  de  1S70. 


948  MELANGES 

Et  les  Assis,  ce  poème  effrayant,  chantant  les  toujours  assis,  les 
bureaucrates, 

Tremblant  du  tremblemrat  douloureux  des  crapauds. 

Et  les  E/Jarés,  cette  pièce  do  pure  anthologie,  connue  de  tous 
les  lettrés,  les  Ejfarés,  qui  regardent  cuire 

Le   lourd  pain  blond... 

Et  tant  d'autres  poèmes,  tous  admirables,  nous  allons  pouvoir 
les  lire  et  nous  en  délecter... 

Nous  allons  lire  aussi  cet  extraordinaire  Bateau  ivre,  cette  vision 
hallucinante,  ce  poème  forcené,  dû  à  un  fou  ou  à  un  génie,  selon 
l'un  des  critiques  rares  qui  aient  consacré  une  partie  de  leur  temps 
à  Rimbaud. 

Or  moi,  bateau  perdu  sous  les  cheveux  des  anses, 
Jelé  par  Touragan  dans  l'éllier  sans  oiseau. 
Moi  dont  les  monilors  et  les  voiliers  des  Hanses 
N'auraient  pas  repêché  la  carcasse  ivre  d'eau, 

Moi  qui  tremblais,  sentant  geindre  à  cinquante  lieues 
Le  rut  des  Bc^bémohs  et  des  Maelstroms  épais, 
l''iieur  éternel  des  immobilités  bleues, 
Je  regrette  l'Europe  aux  anciens  parapets. 

Mais  vrai,  j'ai  trop  pleuré  !  Les  aubes  sont  navrantes, 
Toute  lune  est  atroce  et  tout  soleil  amer. 
L'acre  amour  m'a  gonllé  de  torpeurs  enivrantes. 
Oh  !  que  ma  quille  éclate  !  Oh  !  que  j'aille  à  la  mer  ! 

Vraiment,  ce  poète  avait  l'àme  d'un  étonnant  créateur,  et  l'on 
se  demande  avec  effarement  quelle  onivre  géante  il  eût  accomplie 
s'il  n'eût  été  arrêté  sur  sa  route  par  on  ne  sait  quelle  vision  qui, 
le  remplissant  de  terreur,  l'arracha  tout  sanglant  à  la  Poésie,  pour 
le  déposer  dans  les  terres  brûlées  du  soleil  d'Afrique  et  lui  l'aire 
contracter  un  mal  qui  lui  donna  la  mort. 

Les  Premières  Communions,  rOrgie  parisienne,  Aco'oupisse- 
menis,  poèmes  eft'rayants  ;  les  Pauvres  à  l'église,  poème  fou,  quel 
grand  poète  satirique  vous  nous  promettiez  !...  Et  vous  aussi,  stu- 
péfiants blasphèmes,  liage  de  Ci'sar,  le  Mal,  Bal  des  Pendus^  Vrnus 
Anadyomènc ;  et  vous  encore,  Morts  de  quatre-vingt-douze,  le 
Forgeron,  Ophélic,  le  Châtiment  de  Tariu/]'c^  poèmes  d'étonnante 
incompréhension... 

Car  c'est  peut-être  parce  qu'il  fut  souvent  incompréhensible,  ce 
poète,  qu'il  nous  apparaît  comme  un  grand  écrivain  mort  avant 
l'heure.  Cette  recherclie  d'une  originalité  plus  grande  que  toute 
autre  promettait^  en  effet,  des  œuvres  d'étrangeté,  de  terreur, 
d'eifroi,  semblables  à  celles  de  Poë. 

Oui,  c'est  un  Poo  que  nous  avons  perdu  en  Rimbaud,  et  un  Poe 
qui  eût  peut-être  été  plus  grand  que  le  Poe  américain. 


MÉLANGES  949 

A  noir,  E  blanc,  I  rouge.  U  vfirt,  0  bleu,  voyelles. 
Je  dirai  quelque  jour  vos  naissances  latentes... 

clianlail-il,  et  Ton  s'exlasiait,  et  l'on  cherchait  à  élaborer  des  théo- 
ries à  propos  de  ces  deux  vers,  sans  se  douter  de  ceci,  c'est  que, 
sembahle  à  Poi',  Rimbaud  aimait  mystifier  ies  gens... 

Blasphémateur,  adorateur  d'élrangetés,  fou  de  conceptions  alFo- 
lantes,  mystificateur,  Rimbaud  n'en  aura  pas  moins  été  Tun  des 
poètes  les  plus  étonnants  de  notre  époque.  A  vingt  ans,  il  a  écrit 
des  chefs-d'œuvre,  et  ces  chefs-d'œuvre  ont  bouleversé  l'âme  de 
tous  les  jeunes  qui  sont  venus  après  lui. 

Que  dis-je?  l'âme  de  Verlaine  elle-même  n'a-t-elle  pas  été  trou- 
blée par  Rimbaud  ?  Lorsqu'il  rencontra  cet  enfant,  Verlaine  était 
le  Parnassien  des  Poèmes  saiurniens.  Quel  changement  soudain 
dut  s'opérer  en  lui,  lorsqu'il  rencontra  Rimbaud  I...  Le  Maître  avait 
trouvé  en  l'Enfant  un  Elève  qui  lui  montrait  sa  voie...  et  il  la  suivit... 

Et  toute  la  jeunesse  lettrée  suivit  Verlaine. 

Et  c'est  pourquoi,  à  l'heure  où  paraissent  les  œuvres  complètes 
de  Rimbaud,  l'on  doit  rehausser  quelque  peu  l;i  mémoire  de  ce 
pauvre  poète  qui,  enfant  prodige,  s'efl'ara  tout  à  coup  d'on  ne  sait 
quoi  et,  tel  un  oiseau  blessé,  s'en  alla  à  tire-d'aile,  la  voi.x  à  tout 
jamais  éteinte,  se  mourir  dans  un  coin  désert. 

Fernand  Hauser, 


Histoire  d'u.nk  bouteille  de  Cii.\iiPAr.,\E.  —  Le  Champagne  a  beau 
être  français  comme  on  ne  l'est  pas,  sans  mélange  ni  métissage, 
français  jusqu'à  la  mousse,  cette  moelle  volatile  des  vins  :  il  n'en 
est  pas  moins  le  breuvage  cosmopolite  par  excellence.  Comme 
l'idée  française,  dont  il  est  le  pétillant  emblème,  et  dont  il  a  les 
qualités  de  noblesse,  de  coquetterie,  de  gaillardise  et  de  vivacité, 
il  a  peu  à  peu  conquis  le  monde. 

Partout,  sous  tous  les  climats,  jusque  dans  les  pays  les  plus 
reculés,  en  Chine  comme  à  Londres  ou  à  Moscou,  à  Panama 
comme  à  Melbourne,  à  Constantinople  comme  à  Rio-de-Janeiro,  aux 
Indes,  au  Japon,  aux  îles  Sandwich,  dans  le  Far-West  américain, 
en  Sibérie,  au  Monomotapa,  chez  le  Négus  d'Abyssinie  comme 
chez  le  Shah  de  Perse,  toutes  les  fois  qu'on  veut  faire  une  petite 
débauche  de  bonne  —  ou  même  de  mauvaise  —  compagnie,  le 
Champagne  est  de  la  fêle.  Avant  d'être  exilé  aux  Antilles,  Behanzin 
sûrement  en  avait  goûté.  On  le  sablait  couramment  naguère,  — 
car  le  verbe  boire,  qui  correspond  à  un  besoin  banal,  semblant 
insuffisant  et  impropre,  force  a  été  de  créer  un  nouveau  mot, 
d'une  suggestion  supérieure,  pour  exprimer  la  sensation  perverse 
qu'il  donne  d'une  caresse  chaude,  piquante  et  parfumée,  —  on  le 
sablera  désormais  plus  souvent  encore  à  la  cour  de  Ranavalo-Man- 
jaka,  reine  de  Madagascar.  N'est-ce  pas  dans  le  Figaro  que  j'ai  lu 
jadis  le  récit  de  l'odyssée  d'un  officier  français,  qui,  traitant  une 


9o(J  MÉLANGES 

affaire  délicale  avec  le  pirate  chinois  Ba-Ky,  qu'il  élail  allé  relan- 
cer jusque  dans  son  repaire,  dut  trinquer  au  Champagne  avec  son 
hôte?  Celui  qui  écrit  ces  lignes  n'oubliera  jamais,  pour  sa  part, 
l'émotion  —  faut-il  dire  patriotique?  —  qu'il  ressentit  certain 
soir  déjà  lointain,  où,  dînant  en  pleine  «  brousse  »,  dans  un  admi- 
3'able  décor  d'Ancien  Testament,  chez  le  Caïd  des  Berkech,  Bel- 
Adri-Ould-M'hammed-Ben-Adri.  il  vit  arriver,  après  la  soupe  à 
la  menthe,  les  ragoûts  à  la  verveine  et  le  traditionnel  mouton  rôli 
de  la  diji'a,  nue  vénérable  bouteille  de  Champagne,  l.e  lils  dos 
croyants  avait  voulu  montrer,  à  la  barbe  du  Prophrtc,  an 
«  Roumi  »  de  passage,  que,  lui  aussi,  savait  vivre.  Et  il  n'avait 
pas  trouvé  de  meilleur  gage  de  raffinement  et  de  politesse,  qu'une 
bonne  rasade  de  ce  nectar  qui  personnifie  si  exactement  la  civili- 
sation française,  conmic  le  gin  et  le  whisky  personnifient  la  civi- 
lisation anglo-sa.\oiine,  et  le  kief  l'time  orientale. 

Je  ne  mettrais  pas  ma  main  au  feu  que  ce  torrent  de  Cham- 
pagne international  soit  également,  partout  et' toujours,  de 
provenance  certaine  et  d'impeccable  source.  Mais  il  n'importe  !  De 
même  que  l'hypocrisie  est.  dit-on,  un  hommage  rendu  à  la  vertu, 
la  contrefaçon  est  un  hommage  rendu  à  la  qualité.  On  ne  carica- 
ture que  les  hommes  célèbres,  on  n'adultère  que  les  bonnes 
choses. 

Cette  catholicité,  —  je  prends  la  formule  dans  son  sens  étymo- 
ogique,  issu  du  grec  callioUkos,  «  universel  u,  cette  catholicité  du 
vin  de  Champagne  équivaut  en  fin  de  compte  à  une  sorte  de 
mainmise  du  génie  français,  auquel  appartient  sans  partage,  par 
droit  d'esthétique,  l'hégémonie  de  ce  que  Rabelais  appelait  ((  la 
gueule  »,  sur  le  goiit  et  l'esprit  du  genre  humain.  <<  S'ils  en  ont  en 
Angleterre  »,  on,  volontiers,  l'on  boit  sec,  cxlra  dry,  ce  n'est  qu'à 
la  condition  d'y  mettre  le  prix  —  une  aimable  façon,  où  tout  le 
monde  trouve  son  compte,  de  nous  payer  tribut.  Et  qui  sait, 
d'autre  pari,  si  le  Champagne  n'éparpille  pas  h  la  ronde,  dans  la 
pétarade  discrète  de  ses  globules  d'or,  un  peu  du  charme  ensor- 
celant qui  s'exhale  du  sol  gaulois?  Qui  sait  si  la  reconnaissance 
de  l'estomac  et  du  cerveau  qu'engendrent  ses  vapeurs  subtiles,  où, 
dans  un  rayon  de  soleil,  se  sont  dissoutes  de  la  tendresse  et  de  la 
bonne  hunieur,  n'est  pas  le  commencement  de  la  sympathie, 
comme  qui  dirait  un  germe  et  une  amorce  de  fraternité  ? 

Le  vin  de  Champagne  contribue  ainsi,  pûur  une  large  part,  à  sa 
gloire  et  au  prestige  de  la  France,  autant,  au  moins,  qu'à  sa  for- 
tune. 

Sans  doute,  le  côté  strictement  commercial  de  la  question  n'est 
point  à  dédaigner.  Il  n'est  pas  annuellement  livré,  en  effet,  à  la 
consommation,  moins  de  200,000  hectolitres  de  Champagne,  j'en- 
tends de  Champagne  garanti  et  signé,  soit  une  moyenne  de  2o  mil- 
lions de  bouteilles,  valant,  au  bas  mot,  100  millions. 

Sur  ces  '25    millions  de   bouteilles,    17  ou    18  —  près  des  trois 


MÉLANGES  ySl 

quarts  —  s'en  vont  à  l'étranger,  où,  sous  une  forme  délicieuse  et 
séduisante,  elles  font,  au  prot"'  du  pays  qui  y  a  mis  le  meilleur  de 
sa  sève  et  des  artistes  qui  y  ont  mis  le  meilleur  de  leur  art,  la  plus 
exquise  et  la  plus  sûre  des  propagandes,  celle  qui,  en  raison 
de  l'impossibilité  de  la  concurrence,  ne  sème  aucune  jalousie  der- 
rière elle. 

«  Art  »,  0  artistes  »  !  Appliquées  aux  fabricants  de  Champagne, 
ces  ambitieuses  expressions  ne  sont  ni  déplacées,  ni  excessives. 

A  un  certain  point  de  vue,  en  effet,  avant  même  d'être  chose  de 
commerce  et  d'industrie,  le  Champagne  est  véritablement  une 
o'.uvre  d'art,  réclamant  une  science,  des  éludes,  des  soins,  des 
etïorts,  une  attention  soutenue,  dont  ne  se  doutent  guère  les  joyeux 
drilles  auxquels  le  bruit  d'un  bouchon  qui  saule  suffit  pour  mettre 
l'eau  à  la  bouche,  une  O'uvre  délicate  et  diflicile,  dans  laquelle 
l'équation  personnelle  ^c'est-à-dire  le  tlair  de  l'artiste,  son  expé- 
rience, son  tact  et  son  ingéniosilé)  joue  un  rùle  prépondérant. 
Témoin  les  innombrables  marques  qui,  chaque  année,  sournoise- 
ment ou  à  grand  orchestre,  apparaissent,  casquées  d'argent  ou 
d'or,  sur  le  marché,  qu'elles  s'évertuent  en  vain  à  conquérir,  pour 
sombrer  ensuite  sans  merci  aux  limbes,  ignorées  des  dilettantes, 
où  croupissent  les  «  camelotes  »  de  bas  étage  ! 

Pour  un  Champagne  comme  le  Champagne  Doyen  —  que 
je  prends  volontiers  pour  type,  parce  qu'il  est,  en  dépit  de  son 
nom,  le  dernier  venu  (tlie  lasl.  but  not  llie  leasl),  —  noble,  moel- 
leux, distingué,  pimpant  et  séducteur,  combien  de  piquettes 
aigrelettes  et  plates,  dignes  du  fâcheux  sobriquet  de  «  coco  épi- 
leptique  »,  que  créa  jadis,  un  jour  d'indigestion,  un  amateur  désa- 
busé ! 

Mais  pour  se  rendre  un  compte  approximatif  de  la  valeur  d'un 
semblable  triomphe,  il  faut  connaître  les  diverses  phases  par  où 
doit  successivenjent  passer  le  contenu  d'une  bouteille  de  Cham- 
pagne, depuis  la  cueillelte  du  raisin  jusqu'à  l'habillage  du  goulot, 
ainsi  que  les  multiples  retouches  que,  pour  être  mis  au  point,  ce 
poème  fluide  doit  nécessairement  subir.  C'est  précisément  pour 
mettre  les  profanes  au  courant  de  cette  liistoire,  à  propos  de 
laquelle  circulent  tant  de  légendes  saugrenues^  que  le  Figaro  a 
tenu  à  tirer  à  part  cette  «  chronique  documentaire  »,  où  il  n'y  a 
de  fantaisie  que  dans  la  forme. 

D'aucuns  essaieront  peut-être  d'en  induire  que  le  Champagne  est 
un  produit  exclusivement  arlificiel...  11  faudra  leur  pardonner,  à 
ces  inconscients  blasphémateurs,  car  ils  ne  savent  pas  ce  qu'ils 
disent  —  mais  en  se  gardant  de  les  croire. 

Comment  se  fait-il,  en  effet,  si  le  Champagne  n'est  qu'un  vin 
fabriqué,  dont,  par  conséquent,  tout  le  mérite  devrait  être  dans 
l'habileté  du  fabricant,  que  l'année  ait  tant  d'intluence  sur  sa  qua- 
lité? Comment  se  fait-il,  par  exemple,  que  la  cuvée  de  1893  ait 
été  supérieure  à  la  moyenne,  dans  le  goût  des  célèbres  vins  de 


9o2  MÉLANGES 

1874,  c"esl-à-dire  tout  à  fait  hors  pair?  N'esl-ce  pas  parce  que  le 
soleil,  qui  n'est  pas  chimiste,  quoiqu'il  gouverne  la  chimie  comme 
le  reste,    coopère,  au  même  titre  que  l'homme,  au  résultat  final  ? 

A  côté  du  soleil,  à  côté  des  capricieuses  vicissitudes  saisonnières, 
il  y  a  aussi  le  terroir,  dont  le  rôle  est  plus  capital  encore.  Si  le 
Champagne  n'était  effectivement  qu'une  œuvre  de  chimie  pare  et 
simple,  on  en  fabriquerait  partout,  et  tout  le  monde  s'en  mêlerait. 
Les  Allemands,  en  particulier,  qui  passent  à  bon  droit  pour  être 
des  maîtres  en  fait  de  chimie,  n'auraient  pas  attendu  si  longtemps 
pour  disputer,  de  ce  chef,  aux  négociants  champenois  leur 
enviable  prééminence. 

La  recette  est  connue,  depuis  dom  Pérignon,  le  fameux  cellerier 
du  prieuré  d'Hautvillers,  où  il  mourut  en  1715,  après  avoir 
inventé,  dit-on,  le  vin  mousseux. 

Sans  doute,  le  vin  de  Champagne  existait  avant  le  xviii^  siècle, 
puisque,  lors  du  sacre  de  Philippe  VI  de  Valois,  en  d328,  la  chro- 
nique raconte  qu'il  n'en  fut  pas  bu  à  Reims  moins  de  trois  cents 
pièces.  Celui  qu'on  sable  dans  «  les  rendez-vous  de  noble  compa- 
gnie «  du  Pré-nux-Clercs  n'est  donc  pas  un  anachronisme.  Seule- 
ment, ces  vins  préhistoriques  n'étaient  p;is  mousseux;  c'étaient  de 
simples  vins  blancs,  rouges  ou  gris,  de  saveur  exquise,  mais  d'hu- 
meur tranquille.  Pourquoi  donc  ne  pas  faire  ailleurs  ce  que  dom 
Pérignon  a  fait  en  Champagne?  C'est  que  le  terroir,  qui  fait  le  cru, 
c'est-à-dire  la  race,  ne  se  supplée  pas  plus  qu'il  ne  s'improvise. 
Tout  le  génie  d'un  Mendéléef  ou  d'un  Berthelot  ne  réussirait  pas  à 
faire  du  Champagne  avec  d'autres  raisins  que  ceux  de  certains 
vignobles  des  coteaux  du  déparlement  de  la  Marne,  aux  environs 
de  Reims  et  d'Epernay.  Encore  ces  vignobles  privilégiés  se  super- 
posent-ils suivant  une  certaine  hiérarchie. 

On  raconte  que  dom  Pérignon,  ce  doux  bienfaiteur  de  l'huma- 
nité, qui,  mieux  peut-être  que  Parmentier,  mériterait  sa  statue, 
étant  devenu  aveugle  pendant  sa  vieillesse,  reconnaissait  au  tou- 
cher les  grappes  propres  à  faire  de  bonnes  cuvées.  On  y  met 
aujourd'hui  tout  autant  de  scrupule,  et  une  longue  expérience  a 
enseigné  aux  vignerons  que  les  crus  de  Verzenay.  d'Ay,  Mareuil, 
Rilly,  Cramant,  Avize,  tiennent  le  premier  rang.  Viennent  ensuite 
Cliampilion,  Hautvillers,  Cumières,  etc.;  puis,  enfin,  Damery, 
Venteuil,  etc. 

A  quoi  tiennent  ces  dill'érences  entre  les  diverses  parties  conti- 
guës  d'un  territoire  restreint  dont  la  superficie  ne  dépasse  guère 
16.000  hectares?  Partout,  le  terroir,  à  peu  près  exclusivement  en 
plaine  ou  à  mi-côle,  présente  le  même  aspect,  la  même  composi- 
tion ;  c'est  toujours  le  même  sous-sol  crayeux  ou  rocheux,  recou- 
vert de  la  même  couche  d'humus  plus  ou  moins  riche  en  silice. . . 
Quelles  sont  les  mystérieuses  affinités,  les  idiosyncrasies  occultes, 
qui  valent  à  ce  coin  de  terre,  à  peine  deux  ou  trois  fois  grand  comme 
Paris,  de  donner  leur  cachot  inimitable  aux  vins  qu'il  élabore? 


WÉr.ANGIîS  OiJ!-! 

Nul  ne  l'a  dit  encore,  nul  ne  le  dira  probablement  de  sitôt.  Il 
n'empêcbe  que  c'est  un  fait,  contre  lequel  aucun  artifice  ne  saurait 
prévaloir,  l'our  faire  un  civet,  il  faut  un  lièvre;  pour  faire  du 
Champagne,  il  faut  du  raisin...  champenois. 

De  tous  les  «  lapins  »  qu'on  a  essayé  de  poser  aux  gourmets, 
aucun  ne  saurait  faire  fortune.  En  France,  à  Saumur  même,  où  la 
besogne  semblait  facile,  les  fraudeurs  en  sont  pour  leurs  frais  — 
qui  sont  parfois  des  frais  de  justice,  car  la  loi  qui  punit  les 
contrefacteurs  n'est  pas  lettre  morte.  Incapables  de  soutenir  la 
comparaison,  leurs  produits  ne  tromperont  jamais  que  des  palais 
fiarbares.  C'est  également  en  vain,  raconte  quelque  part  Charles 
Mayet,  dans  son  excellente  monographie,  le  Vin  de  France.,  c'est 
en  vain  que  les  Yankees  ont  planté  des  vignobles  qu'ils  ont  bap- 
tisés Reims,  Epernay,  Sillery,  etc.,  croyant  ainsi  donner  le  change 
aux  consommateurs.  Cette  Champagne  artificielle  n'aura  jamais  de 
la  Champagne  que  l'enseigne,  dont  un  vieux  proverbe  veut  que  le 
bon  vin  n'ait  pas  besoin.  Et  cette  enseigne  n'est  qu'un  inutile 
plagiat. 

Ailleurs,  les  Allemands,  les  Hongrois  et  les  Belges  se  sont  bor- 
nés longtemps  à  copier  nos  étiquettes,  sauf  à  mettre  dessous  n'im- 
porte quelle  mixture  effervescente,  fût-ce  de  la  limonade  ou  du 
cidre  mousseux.  Mais  n'était  ce  pas  là  plutôt  un  aveu  d'impuis- 
sance? 

En  Russie,  en  Crimée,  oii  il  y  a  pourtant  des  crus  fort  appré- 
ciables, on  n'a  pas  réussi  davantage.  Tout  le  Champagne  que 
boivent  les  Russes,  qui  en  font  assez  de  cas  pour  ne  pas  hésiter  à 
le  payer  13  fr.  50,  13  fr.  75,  14  et  lo  fr.  la  bouteille,  en  gros,  c'est- 
à-dire  le  double  ou  peu  s'en  faut  du  prix  de  détail,  à  Reims  — 
tout  le  Champagne,  dis-je,  que  boivent  les  Russes  vient  de  France, 
d'où  il  arrive,  provenance  directe,  sous  verre. 

Je  me  trompe  !...  La  maison  Doyen,  inaugurant  un  procédé  com- 
mercial inédit,  a  rompu  avec  cette  habitude.  Désormais,  l'on  peut 
boii'e  en  Russie  du  Champagne  Doyen  fabriqué  à  Saint-Péters- 
bourg. Seulement,  ce  Champagne^  absolument  identique  à  celui 
qu'on  peut  goûter  à  Reims,  dans  les  caves  du  boulevard  Dieu- 
Lumière,  provient  de  vins  vierges  de  France  des  meilleurs  crus  de 
la  Marne,  transportés  là-bas,  à  grands  frais,  en  cercles,  pour  être 
ensuite  soumis  sur  place  au  traitement  de  rigueur.  Histoire 
de  pouvoir  offrir  à  nos  amis  les  Russes,  à  des  prix  abordables,  un 
Champagne  loyal  extra  ! 

C'est  une  réponse  spirituelle  aux  «  gàte-métier  »  qui,  croyant 
apparemment  que  le  secret  du  succès  procède  d'un  sortilège 
épandu  dans  l'air,  expédient  de  Reims  ou  d'Epernay  de  louches 
champagnes  de  pacotille,  réellement  fabriqués  secundiim  arteni 
au  bon  endroit,  mais  avec  des  vins  blancs  étrangers,  de  Touraine 
ou  d'Anjou,  de  Bourgogne  ou  d'Auvergne.  Toujours  l'histoire  du 
bonhomme  qu'on  fit  venir  d'Amiens  pour  être  Suisse  ! 


yo4  MÉLANGES 

On  ne  sail  pas,  il  est  vrai,  on  ne  prévoit  même  pas  ce  que  finira 
par  donner  tôt  ou  tard  celle  étonnante  tliéorie,  pressentie  par  Pas- 
teur, de  la  sélection  des  levures,  qui  l'ait  l'objet  de  si  curieuses 
expériences.  Peut-êlre  viendra-t-il  un  jour  où  il  suffira  de  trans- 
porter méthodiquement  d'une  cuvée  à  l'autre  tels  ou  tels  des  mul- 
tiples ferments  qui  coopèrent  à  l'élaboration  d'un  vin  déterminé, 
pour  transporter  ipso  fado  \es  caractères  particuliers  auxquels  ces 
ferments  président  et  qu'ils  engendrent.  Mais  nous  n'en  sommes 
pas  là.  Sans  doute,  on  a  pu  jusqu'ici  améliorer  certains  vins. 
Encore  faut-il  qu'ils  soient  du  cru.  Proviennent-ils  d'un  moût 
étranger,  ils  ne  tardetit  guère  à  jaunir  et  à  prendre  un  goût  détes- 
table. Le  reste  n'est  encore  qu'un  lieau  rrve  paradoxal  et  lointain, 
et  la  lignée  garde  tous  ses  droits. 

Il  faut  au  moins  trois  générations,  dit-on,  pour  l'aire  d'un  rustre 
un  gentilhomme.  Le  vin  de  Champagne,  qui  est  un  vin  aristocra- 
tique, ne  saurait  également  procéder  (]ue  de  raisins  de  bonne 
souche.  De  tous  les  facteurs  de  l'équation  œnologique  qu'il  ligure, 
la  race  est  apparemment  le  plus  nécessaire. 

Hàlons-nous  d'ajouter  cependant  que  la  race  ne  suffit  pas  toute 
seule. 

On  peut  être  bien  né,  de  lignée  pure,  à  quatorze  quartiers  de 
patriciat,  sans  faire  nécessairement  un  monsieur  présentable.  Tel 
gentilhomme  authentique,  mal  dégrossi,  poussé  tout  seul,  au  petit 
bonheur,  comme  un  sauvageon,  n'est  pas  un  homme  du  monde.  Il 
faut  tailler  le  diamant  pour  le  mettre  en  valeur  ;  il  faut  développer 
la  race  par  l'éducation. 

Le  vin  de  Champagne  a,  de  mêaie,  besoin  d'être  «  éduqué  ».  Et 
c'est  ici  qu'intervient  l'art  des  propriétaires  et  des  négociants, 
pour  mettre  en  relief  ses  belles  qualités,  qu'il  faut  adapter  aux 
goûts  versatiles  et  variés  d'une  clientèle  poiycéphale  et  polyglotte, 
faire,  en  un  mot,  sa  toilette  et  sa  présentation. 

S'il  n'en  était  pas  ainsi,  le  Champagne  ne  se  distinguerait  pas 
d'après  ses  marques,  mais  d'après  ses  crus,  et.  quand  on  voudrait 
boire  une  bonne  bouteille,  on  ne  demanderait  pas  du  Doyen  extra 
quaUlij,  mais  du  Cramant  ou  de  TAy,  de  l'Avize  ou  du  Verzenay, 
de  telle  année.  Or,  tous  les  vins  de  Champagne  qui  ne  servent  pas 
à  la  fabrication  du  vin  mousseux  connu  sous  ce  nom  générique  — 
et  il  en  reste  assez  pour  faire  amplement  face  à  tous  les  besoins  de 
la  consommation  locale  —  n'ont  pas  d'histoire  et  gardent  l'inco- 
gnito. On  ne  connaît,  on  ne  classe  que  ceux  sur  lesquels  l'homme 
a  mis  son  estampille  et  son  nom. 

Il  faut,  en  un  mot,  pour  faire  un  bon  vin  de  Champagne,  comme 
pour  faire  un  homme  bien  élevé,  aider  la  nature. 

La  besogne  ne  laisse  pas  d'être  délicate,  aléatoire  et  compli- 
quée. Les  régies  qui  la  gouvernent  n'ont  pas  été  tracées  du  pre- 
mier coup  avec  la  précision  et  la  rigueur  qu'elles  ont  acquises 
depuis,  peu  à  peu.  Longtemps,  en  effet,  l'imperfection  de  la  fabri- 


i 


MKLANGES  Uûi) 

cation  du  cliampagne  a  pu  expliquer,  avec  i'indifïérence  des 
coiisonimaleurs,  la  violence  des  attaques  dont  il  était  l'objet  et  qui 
nous  paraissent  aujourd'hui  aussi  incompréhensibles  qu'inex- 
cusables. 

Bref,  le  vin  de  Champagne,  comme  toutes  les  onivres  humaines, 
a  dû  subir  la  loi  du  progrès. 

Doni  Pérignon,  son  émule  Jean  Oudart  et  ses  élèves,  le  Frère 
Philippe,  le  Frère  Lemaire  et  le  Frère  André,  avaient  bien,  dès  le 
début,  posé  certains  principes  immuables  auxquels  la  pratique  cou- 
rante n'a  pas  cessé  de  rester  iidèle,  relativement,  par  exemple,  à 
l'époque  de  la  mise  en  bouteilles  et  du  collage.  Ces  savants  reli- 
gieux, qui  devaient  être  des  hommes  de  valeur,  avaient,  au  sur- 
plus, à  peu  près  tout  prévu,  jusqu'aux  moindres  détails,  tels  que  le 
bouchage  au  liège  et  le  ficelage  des  bouteilles.  Assurément,  leurs 
procédés  de  fabrication  étaient  primitifs,  mais  ils  donnaient,  en 
fin  de  compte,  le  résultat  désiré. 

Il  faut  en  venir  aux  années  1830  et  1837  pour  constater  un  pro- 
grès appréciable. 

Jusque-là,  le  règlement  du  sucrage  destiné  à  [)rovoquer  la 
«  prise  de  mousse  »,  se  faisait  au  jugé,  au  hasard  de  la  dégusta- 
tion. Il  s'ensuivait,  nécessairement,  de  graves  mécomptes. 

l/acide  carbonique,  produit  par  la  décomposition  du  sucre  qu'il 
faut  ajouter  au  vin  pour  le  rendre  mousseux,  développe  une  pres- 
sion énorme,  qui  peut  atteindre  parfois  six  ou  sept  atmosphères. 
A  l'époque  où  l'on  ne  savait  pas  calculer  mathématiquement 
d'avance  la  quantité  de  sucre,  mesurée  à  l'aveuglette  du  bout  des 
lèvres  et  de  la  langue,  on  risquait  toujours  d'en  mettre  en  excès, 
les  principes  acides  du  vin  n'en  masquant  que  trop  aisément  la 
saveur.  Aussi  la  casse  était  fantastique  :  elle  dépassait  parfois  80  et 
90  p.  100,  et  l'on  cite  un  négociant  de  Reims  qui,  ayant  tiré  G,O0O 
bouteilles,  en  1746,  n'en  put  finalement  garder  que  120.  A  chaque 
instant,  au  moindre  choc,  ou  même  sans  le  moindre  prétexte,  les 
liouteilles  pétaient  comme  des  grenades,  sabrant  de  leurs  éclats 
les  visages,  crevant  les  yeux,  fendant  les  crânes.  Le  jeu  n'en  était 
pas  seulement  ruineux  :  il  était  mortel. 

Les  procédés  de  dosage  appliqués  aujourd'hui  sont  d'une  per- 
fection telle  que  ce  dosage  n'est  plus  à  craindre.  Il  y  a  bien 
encore,  par-ci,  par-là,  quelques  flacons  qui  sautent,  comme 
de  simples  coulissiers,  pour  le  mauvais  motif,  mais,  ce  ne  sont 
plus  que  de  très  rares  accidents,  dont  le  plus  souvent  la  responsa- 
bilité incombe  aux  verriers. 

C'est  de  la  même  époque  que  datent  encore  d'autres  innova- 
tions, entre  autres  celles  qui  servent  à  préserver  les  vins  d'une 
maladie  connue  sous  le  nom  de  «  graisse  »,  et  qui  fait  le  vin 
«  filant  ». 

Autrefois,  on  n'entreprenait  jamais  sans  de  grandes  appréhen- 


9iiC  MÉLANGES 

sioiis,  qui  paralysaient  riuiliative  en  paralysant  la  confiance  et  les 
ellorts,  des  tirages  d'une  certaine  importance,  dont  la  réussite 
n'était  jamais  sûre.  Aujourd'hui,  la  «  graisse  »  a  totalement  dis- 
paru, entre  les  mains,  au  moins,  des  gens  compétents.  C'est  de 
l'histoire  ancienne  ! 

Le  vin,  voyez-vous,  et  le  vin  de  Champagne  en  particulier,  n'est 
pas,  come  se  l'imaginent  les  «  philistins  »,  une  liqueur  morte,  un 
jus  inerte  et  passif.  C'est  btl  et  bien  un  être  vivant. 

Depuis  la  tumultueuse  fermentation  de  la  cuve  —  ce  berceau  1 
—  où  il  jette  ses  gourmes,  jusqu'à  la  décomposition  suprême,  qui 
le  résout  en  une  mixture  amorphe  et  bâtarde,  n'ayant  plus  de  nom 
dans  aucune  langue,  le  vin  ne  cesse  d'évoluer,  ni  plus  ni  moins 
que  la  vigne,  d'où  il  procède,  et  que  l'homme,  où  il  aboutit. 

Les  vieux  vignerons  croient  même  que  le  vin  ne  peut  fermenter 
qu'au  moment  où  la  sève  monte  dans  la  vigne.  Comme  s'il  y  avait 
entre  la  treille  et  son  jus,  je  ne  sais  quel  mystérieux  lien  vital  ! 

Ce  n'est  qu'une  légende  puérile,  car  il  s'agit  là  d'un  phénomène 
biologique  qui  s'accomplirait  aussi  bien,  avec  l'aide  de  ferments 
appropriés,  en  pleine  gelée,  sous  la  neige...  Mais  ce  qui  n'est  pas 
une  légende,  c'est  que,  de  même  que  tous  les  autres  êtres  vivants, 
le  vie  a  sa  jeunesse,  sa  maturité,  sa  vieillesse  et  sa  plus  ou  moins 
lente  et  longue  agonie '.Il  a  ses  déchéances  et  ses  misères.  11 
a  même  ses  maladies,  dues,  comme  la  plupart  des  nôtres,  à  l'ac- 
tion perlide  d'invisibles  parasites,  d'infiniment  petites  levures 
pathogènes,  de  microbes,  en  un  mot,  qui  végètent  et  pullulent  en 
son  sein  de  pourpre  iiisée  et  d'or  fondu,  de  la  même  façon  que  les 
bacilles  de  la  tuberculose  ou  de  la  fièvre  typhoïde  allèrent  nos 
humeurs  et  nos  tissus. 

C'est,  je  le  répète,  toute  une  éducation  à  faire,  une  éducation 
qui  exige  une  minutieuse  sollicitude  de  tous  les  instants,  tout 
comme  s'il  s'agi-sait  d'un  enfant  délicat,  et  particulièrement  diffi- 
cile à  élever. 

En  réalité,  l'œuvre  de  l'homme  commence  logiquement  dès  le 
vignoble,  où  elle  vient  seconder  l'œuvre  de  la  nature.  La  culture 
du  vignoble  champenois  réclame,  en  effet,  des  soins  exception- 
nels, souvent  compliqués  et  compromis  par  les  caprices  d'un  ciel 
plutôt  un  peu  rogue,  sous  lequel  les  gelées  printanières  ne  sont 
pas  rares.  Mais,  .sans  remonter  jusque-là,  on  peut  dire  que  l'his- 
toire d'une  bouteille  de  Champagne  date  au  moins  des  vendanges. 

Ce  n'est  pas  une  petite  affaire  que  la  cueillette  des  raisins  en 
Champagne. 

Il  faut  savoir  tout  d'abord  qu'un  quart  seulement  environ  du 
vignoble  produit  des  raisins  blancs.   Les  trois  autres  quarts  sont 

1.   IjEs    Etapes    de    la   Sciunce   (Le  vin   vivant),    pai'    Emile  Gautier, 

p.  i-;o. 


ilELANGES 


957 


planlés  en  raisins  noirs.  Mais  il  n'importe  :  raisins  blancs  et  raisins 
noirs  donnent  également  d(i  vin  blanc.  Il  suffit  de  savoir  s'y 
prendre.  Presque  tout  le  vin  de  Champagne  est  issu  du  raisin 
noir... 

—  Comment,  dira-t-on  peut-être,  comment  peut-on  faire  du 
vin  blanc  avec  du  raisin  noir? 

Rien  n'est  plus  simple  que  ce  miracle,  qui  n'a  rien  de  commun 
avec  celui  des  noces  de  Cana.  La  pulpe  du  raisin,  qu'il  soit  rouge 
ou  blanc,  la  chair  vive  du  grain,  n'est  jamais  colorée  :  son  suc  — 
j'allais  dire  son  sang  —  ne  l'est  pas  davantage.  C'est  toujours  un 
jus  blanc,  légèrement  teinté  d'émeraude.  Seule,  la  peau,  d'un 
rouge  noir,  peut  empourprer  la  liqueur.  Si  donc,  au  lieu  de  mettre 
la  peau  des  raisins  noirs  à  macérer  dans  la  cuve,  pêle-mêle  avec 
les  pépins  et  la  pulpe,  on  recueille  à  part  ce  jus  presque  incolore 
à  la  sortie  du  pressoir,  on  aura  du  vin  blanc  II  n'y  a  là  qu'un  tour 
de  main  spécial,  pour  lequel  les  vignerons  champenois  ont  à  la 
longue  acquis  une  incroyable  perfection. 

Mais  avant  de  fouler  le  raisin,  il  faut  le  cueillir. 
N'allez  pas  croire,  au  moins,  que  cette  opération  initiale  soit  des 
plus  simples  ! 

I.e  premier  point,  c'est  de  savoir  choisir  le  jour  de  la  vendange. 
Malheur  au  pauvre  vigneron  s'il  vient  à  pleuvoir  ou  à  faire  froid  ! 
On  a  peiue,  en  etïel,  à  ss  faire  une  idée,  à  moins  d'en  avoir  été 
témoin,  de  l'intluence  désastreuse  que  peuvent  exercer,  sur  la 
valeur  d'un  moût,  le  refroidissement  ou  l'humidité. 

Un  méchant  courant  d'air,  au  moment  psychologique,  peut  non 
seulement  paralyser  la  fermentation,  mais  disqualifier  d'avance 
toute  une  récolte  :  liitéralement,  et  presque  sans  métaphore  Je  vin 
scnr/mmc. . . 

Songez  donc  que  le  vin  le  plus  simple  est  un  composé  instable 
d'au  nioins  soixante  substances  diverses,  qui  ne  sont  elles-mêmes 
ni  simples  ni  stables!  Il  doit  fatalement  falloir  bien  peu  de  chose, 
un  souffle,  un  zeste,  un  rien,  pour  en  déranger  la  belle  harmonie. . . 
Aussi  prend-on  grand  soin,  une  fois  les  grappes  coupées  à  la 
serpette,  d'en  enleve'^i-  un  à  un  tous  les  grains  verts,  pourris,  grillés 
ou  tachés.  Cette  menue  besogne,  qui  n'a  l'air  de  rien  et  pourrait 
même  passer  presque  pour  ridicule  aux  yeux  des  observateurs 
superficiels,  est  indispensable,  si  l'on  veut  avoir  du  vin  de  belle 
venue  d'allure  distinguée  et  de  commode  conservation.  La  blan- 
cheur'du  moût,  parla'nt,  la  pureté  du  vin.  en  seraient  altérées,  en 
même  temps  qu'il  pourrait  s'ensuivre  des  fermentations  visqueuses 
ou  putrides.  Les  précautions  infinies  qu'on  prend  pour  éviter  le 
tassement,  le  froissement  et  l'écrasement  du  raisin  dans  les  paniers 
pendant  les  transports  au  pressoir,  s'inspirent  du  même  souci. 

On  estime  que  pour  faire  10  hectolitres  de  moût,  il  faut  environ 
2.000  kilogrammes  de  grappes.  Mais  ces  10  hectolitres  ne  sont  pas 
intégralement  d'égale  et  constante  qualité. 


'^■b  MÉLANGES 

I..e  pressurage  se  fait,  en  elFet,  en  plusieurs  foulées  :  la  première 
donne  la  cuvée,  qui  est  le  vin  de  première  qualité  ;  viennent 
ensuite  la  première  et  la  deuxième  tailles,  dont  le  produit  est  de 
qualité  moindre.  11  reste  encore  après,  dans  le  marc,  une  certaine 
quantité  de  jus  qu'on  peut  extraire,  et  qui  prend  le  nom  de 
rebcchc.  Mais  les  négociants  consciencieux  ne  le  mettent  pas  dans 
le  commerce,  et  il  sert  uniquement  à  la  consommation  des  vigne- 
rons et  des  tonneliers. 

Une  fois  soi'ti  du  pressoir,  le  moût  est  envoyé,  le  long  de  tuyaux 
argentés  à  l'intérieur,  dans  de  vastes  cuves  ouvertes,  où  il  est  aban  - 
donné  à  lui-même  pendant  dix  ou  douze  heures  —  le  temps 
nécessaire  pour  que  le  dépôt  (râlles,  pépins,  poussières,  etc.) 
tombe  au  fond,  et  que  la  première  écume  monte  à  la  surface.  On 
le  soutire  ensuite,  avant  que  la  fermentation  ait  commencé,  et  on 
le  loge  dans  les  lûts  préalablement  lavés,  ébouillantés  même,  et 
purifiés  avec  le  plus  grand  soin,  oii  il  va  désormais  séjourner  jus- 
qu'à sa  transformation  délinitive. 

C'est  dans  ces  tonneaux,  fermés  seulement  par  une  feuille  de 
vio-ne  placée  sur  la  bonde  et  recouverte  de  sable  fin,  afin  de  per- 
mettre l'échappement  des  gaz,  que  va  s'accomplir  la  fermentation, 
c'est-à-dire  la  décomposition  du  sucre  sous  l'action  des  ferments 
naturels  du  vin,  et  son  dédoublement  en  alcool  et  en  acide  carbo- 
nique. 

il  reste  encore  alors  au  Champagne  une  petite  quantité  desuci'e, 
à  laquelle  il  suffira  d'ajouter  plus  fard,  à  l'état  candi,  le  sucre  de 
canne  le  plus  pur,  à  la  dose  convenable,  pour  provoquer  la  forma- 
tion de  la  mousse  sans  pression  exagérée. 

Commencée  en  octobre  ou  septembre,  immédiatement  après  la 
vendange,  la  fermentation  dure  jusqu'aux  gelées  d'iiiver.  C'est 
seulement  quand  elle  est  achevée,  et  après  soutirage,  que  Iheure 
est  venue  de  ce  qu'on  appelle  Y  assemblage,  qui  consiste  à  mélan- 
ger ensemble  les  divers  crus  pour  composer  la  cuvée. 

I.e  Champagne,  en  effet,  n'est  pas  un.  cru,  mais  un  état-major 
de  crus,  tous  champenois,  bien  entendu,  dont  les  uns  ont  plus  de 
corps,  les  autres  plus  de  finesse,  de  douceur  ou  de  bouquet,  et  que 
l'art  consiste  à  combiner,  à  associer,  dans  des  proportions 
variables  avec  le  goût  de  la  clientèle  et  la  tradition  ou  le  caractère 
de  la  marque.  On  y  ajoute  aussi  du  vin  de  la  réserve  des  années 
antérieures,  pour  maintenir  le  type  et  honorer  la  tradition. 

On  peut  dire  que  \'assenibla</e  est  la  phase  essentielle  de  l'his- 
toire d'une  bouteille  de  Champagne,  la  plus  grave  de  toutes  les 
manutentions  successives  que  doit  pratiquer  le  fabricant. 

Non  seulement,  en  effet,  les  qualités  des  divers  crus  varient 
avec  la  provenance,  l'exposition,  la  culture,  avec  l'année  surtout  et 
les  caprices  des  saisons,  mais  il  en  est  <jui  se  marient  mal  ensemble, 
tandis  «lue  d'autres,  au  contraire,  s'améliorent  et  se  complètent. 


CHROiNIQUE  950 

Il  va  de  soi  que  les  qualilés  du  mélange  final  dépendent  stricte- 
ment des  qualités  et  des  doses  respectives  des  éléments  com- 
pusants. 

Si  le  (boix  des  vins  à  combiner  est  de  capitale  importance, 
l'achat  n'est  pas  chose  moins  délicate  ni  moins  sérieuse.  Tant  et  si 
bien  que  le  tlair  commercial  ne  joue  pas,  dans  l'opération,  un  rôle 
moindre  que  Thabileté  technique  ! 

On  ne  se  figure  pas,  en  elfel,  quand  on  n'est  pas  du  pays 
et  quand  on  n'a  pas,  dans  ce  slrugçite  for  life,  payé  soi-même  de 
sa  personne,  à  quelles  fantastiques  oscillations  est  exposée,  entre 
deux  vendanges,  la  cote  des  vins  de  Chan)pagne.  Sauf  les  pétroles 
et  les  mines  d'or  sud-africaines,  il  n'est  peut-être  pas  au  monde  une 
seule  marchandise  dont  la  valeur  soit  aussi...  accidentée,  et  com- 
porte autant  de  hauts  et  de  bas.  D'une  année  à  l'autre,  ce'te 
valeur  varie  très  bien  d;:  double  et  du  triple. 

Voulez-vous  des  chitl'res  et  des  dates?  J'en  ai  à  revendre. 

i'renons,  pour  base  de  comparaison,  trois  crus  de  diverses  qua- 
lités, que  je  classe,  comme  suit,  par  ordre  de  mérite  :  1°  l'Ay  ; 
2'  le  Cumières  ;  3»  le  Damery. 

De  1889  à  1892,  le  prix  de  l'Ay  a  varié  de  800  fr.  à  1,200,  l,;jOO, 
I;3b0,  1,400,  et  même  1,600  et  1,800  fr.  la  pièce;  le  prix  du 
Cumières,  entre  900  et  1,100  fr.  ;  celui  du  Damery,  entre  200  et 
400  ou  450  fr.  Par  contre,  je  sais  des  acheteurs  qui  ont  payé,  en 
1886,  l'Ay  400  fr.,  le  Cumières  2ï0  et  le  Damer.  190  francs...  Voilà 
comment  la  réserve  en  cave  de  telle  grande  maison,  qui  valait  40 
millions  hier  et  qui  vaudra  iiO  millions  demain,  n'en  vaut  peut-être 
pas  25  au  cours  du  jour.  Tout  dépend,  en  ell'et,  du  prix  auquel  a 
été  primitivement  payé  le  stock  initial. 

C'est  surtout  du  rendement  du  vignoble  à  l'hectare  —  cela  va 
de  soi  —  que  dépendent  ces  vicissitudes  du  marché.  On  sait  que 
la  production  moyenne  du  vignoble  champenois  ne  s'élève  guère 
au-dessus  de  4o0,U00  hectolitres.  Il  y  a  cependant  des  exceptions  : 
témoin  l'année  IS'JG,  qui  fut  véritablement  une  année  extraordi- 
naire, non  seulement  au  point  de  vi;e  de  la  qualité,  mais  encore  au 
point  de  vue  de  la  (pjantité,  puisque  la  production  atteignit 
le  chiliVe  invraisemblable  de  740,000  hectolitres,  contre  128,000 
seulement  en  1892. 

Ce  fut  une  aubaine  providentielle  pour  la  maison  Doyen,  d'être 
en  mesure  de  profiter  de  la  merveilleuse  production  de  1893,  et, 
achetant  ainsi  le  meilleur  —  «  li  meillor  i.  comme  dit  la  radieuse 
devise  champenoise  —  aux  prix  de  500  à  000  fr  ,  de  faire  de  cette 
réserve  sa  base  d'opérations. 

Voici  donc  les  crus  classés  et  dégustés,  il  ne  reste  plus  qu'à  les 
«  assembler  ».  L'opération  se  fait  dans  d'immenses  foudre.*,  où  des 
agitateurs  mécaniques  travaillent  à  parachever  com|)iètement  le 
mélanîje  inlime  des  crus. 


gCO  MÉLANGES 

Est-ce  lîni?  Ah  bien!  oui!  On  n'en  esl  encore  qu'aux  hors- 
d'œuvre,  comme  qui  dirait  aux  bagatelles  de  la  porte. 

C'est  maiulenant,  en  etfet,  qu'il  va  falloir  procéder  niéUiodique- 
ment  aux  multiples  trailements  dont  le  bul  est  de  rendre  le  vin 
mousseux,  de  séparer  ses  lies,  et  de  préserver  le  précieux  liquide 
des  maladies  variées  qui  le  menacent.  Si  je  vous  disais  que  la  dis- 
cussion détaillée  des  procédés  et  règles  de  chacun  de  ces  traite- 
menls  comporterait  un  vc>lume,  vous  ne  me  croiriez  pas  :  ce  serait 
cependant  la  stricte  vérité. 

Mieux  vaut  donc  renvoyer  les  sceptiques  aux  ouvrages  spéciaux 
—  il  y  en  a  toute  une  bibliothèque  aussi  compacte  que  toullue  — 
et  passer  outre  délibérément, 

Justement,  nous  en  sommes  arrivés  au  printemps;  la  sève 
monte  :  c'est  l'époque  du  «  tirage  »,  c'est-à-dire  de  la  mise  en  bou- 
teilles. 

Le  i<  tirage  »  ou  mise  en  bouteilles  se  fait  au  cellier,  au  pied 
même  des  vastes  foudres  où  les  vins  ont  été  assemblés  et  addi- 
tionnés de  la  liqueur  sucrée  destinée  à  leur  faire  prendre  mousse. 

Les  bouteilles  sont  bouchées  et  le  bouchon  maintenu  à  l'aide 
d'une  agrafe  de  fer.  On  les  couciie  sur  des  treillis  en  tas  énormes, 
et  Ton  attend  que  la  fermentation  soit  en  pleine  vigueur.  Dès  que 
la  pression  atteint  .'j  ou  (i  atmosphères,  ou^  empiriquement,  dès 
que  la  «  casse  »  commence,  on  redescend  les  bouteilles  en  cave, 
une  température  basse  et  constante  étant  indispensable  à  l'élabo- 
ration parfaite  du  pétillant  nectar. 

(A  suivre.)  Emile  tlAcniiR. 


L'Imprimeur   (jérant, 

LÉON    F  REM  ONT 


TABLE 


DU 


Tome  \ll,  2'"'  Série,  de  la  Revne  de  Champagne  et  Brie 


—       -'■A/VWW^ 


ACADEMIE  de  Reims 381,635,896 

ALLICHAMP,  famille  d' 14^ 

ALPIN  (St)  ;  ses  reliques 631 

AMBRIERES,  sépulture  antique 229 

ANNIVERSAIRES  à  Passavant 741 

—  à  Buzaiicy 741 

—  Sedan  et  Bazeilles 744 

—  à  Valmy 753 

ARCHIVES  notariales  et  actes  d  etat-civil  (Rethélois  et 

Rémois) 216 

ARCY-EN-BRIE^  la  ferme  et  le  lait  d' 554 

AUDE,  chevalier  de  la  Légion  d'honneur y^ô 

BAGNOST  (Noël),  son  récit  de  la  bataille  de  Friedland  521 

BARAU  (Emile),  chevalier  de  la  Légion  d'honneur  .     .  502 
BAYE  (le  baron  de),  conférence  sur  l'œuvre  du  peintre 

russe  Wasnetsoff ^i^' 

—  —           conférence  sur  la  ville  de  Kiew     .  477 

—  —  sa  mission  en  Russie   .      .      .     741,  918,  922 

BA"\"E^  monnaies  du  moyen  âge  trouvées  à 72 

BAZEILLES  en   1895 787 

BESNARD  (M"'e  l'amirale) 233 

BÉTHENIVILLE,  inauguration  de  l'hospice     ....  751 

BETHON,  nouvelle  chaire  à  prêcher 753 

BEUGNOT,  mémoires  de 397 

BINSON  (le  prieuré  de) 917 

BOIS-BOUDRAN,  le  châte:iu  de 796 

BONHOMME  (Jean),  architecte 66 

BOURGEOIS  (Armand),  ses  œuvres 635 

BOURGEOIS  (le  docteur)^  chevalier  de  la  Légion  d'hon- 
neur    755 

BRAUX-LE-COMTE,  statue  en   bois   de  la  Vierge,  du 

XVI"  siècle 77 

BRIENNE-LE-CHATEAU,  donations  aux  écoles  .     .     .  740 

BRONVILLE,  canton  de  Terron-sur-Aisne 301 

BURLIN,  promu  général 308 

BUZANCY^  anniversaire  du  combat  de 741 


II  TABLE 

CAMP  DE  CHALONS 314,  773 

CASIMIR-PERIER,  son  buste 910 

CENTENAIRE  du  Baptême  de  Clnis 303 

CHALONS-SUR-MARNE,  inscription  du  xvil'-  siècle    .  922 

—  Monument  Caillot  .     .     .     .      307,  736 

—  Ecole  normale 308 

—  Succession  du  D''  Mohen  .      .  309 

—  Ecole  des  Arts  et  Métiers.     .  382 

—  Foire  de  Saunes 387 

—  Les  reliques  de  S^  Alpin    .      .  631 

—  Musée 634,  638^  919 

—  Asile  des  sieillards  ....  637 

—  Le  cimetière  de  l'Ouest     .      .  763 

—  Occupation     de     Cliâlons    en 

1870.      .......  777 

—  Colonne  commémorative  des 

victoires  françaises  ...  919 

—  Le  général  Compère    .     .     .  922 
CHAMPAUBERT,  inauguration  du  monument  de.   .      .      906,  941 

CHANZY  (l'abhé),  chanoine  de  Reims 914 

CHARTES  du  prieuré  de  Longueau  ....     19,   161,  279,  337 

CHATEAU-THIERRY,   la  maison  de  La  Fontaine         .  895 

CH  ATILLOX-SUR-SEINE,  monument  de  Désiré  Nisard  735 

CHEMINON,  inauguration  d'orgues 754 

CHUQUET  (Arthur) 221 

CLAUDE,  abbé  de  Clairv^ux  .;  autographe 74 

CLERMONT-FERRAND,  les  fêtes  de 496 

CLAIRVAUX,  chartes  danoises 906 

CLOVIS,   baptême  de 303,   384 

COLLIXET  (Paul),  professeur    de    droit    romain     à    la 

Faculté  de  Lille 758 

COMMISSION  météorologique  de  la  Marne 38 j 

CONGRES  de  la  Sorbonne  :  communication  de  MM. 
Demaison,  H.  Bourguignat,  P.  Collinet.  L.  Maxe- 
Werly,  L.  More),  Bergeron,  Moulé,  abbé  Bonno^  D'' 
Lemoine,  abbés  Parât,  Jovy,  Libois^  Nicaise,  Moulin, 

Hugues,  Rosérot,  Herluison 471 

COUCY     baionnie  de 148,   215 

COULOMMIERS  (la  légende  du  sorcier  de) 5'i3 

CUNFIN,  buste  en  bois  de  sainte  Anne 389 

DAMPIERRE  (le  général) 736 

DANTON 305: 

DAVREY  (Aube),  verrières 499 

DOMINÉ,  colonel  du  106"  de  réserve 756 

DOMMARTIN  (le  général  Elzéar-Auguste),  autographe  73 

DOYEN,  la  clinique  du  D' 919 

DUBOIS  (Paul),  statuaire  ;  autographe 74 

—         (Théodore),  musicien 911 


TABLE  III 

ÉCOLE  des  Chartes  :  thèses    de    MAI.     Abel    Rigault, 

Robert  Goubaux 479»  9^3 

ELOGE  académique  d'Hippolyte  Taine,  par  A.  Sorcl     .  3J1 

ENSEIGNEMENT  primaire  :  récompenses  au  personnel  389 

EPERNAY,  église  Saint-Pierre  et  Saint-Paul   ....  489 

—  fondation  d'un  Carmel 636 

—  Nouvelle  église  N.-D 752 

—  Occupation  d'Epernay  en  1870 779 

EPO"\  £.  bénédiction  de  cloches 501 

ESTERNAY,  église 501 

ETRECHY,  tombe  gauloise 920 

EVANGÉLIAIRES  d'origine  rémoise 240 

FAISSAULT  (Ardennes),  poirier  trois  fois  séculaire  .      .  639 

FÈRE-CHAMPENOISE,  cimetière  antique 921 

FLOQUET  (l'abbé) ,     chanoine    honoraire     du    roi    de 

Grèce 73 

GIRARDOT  (Louis-Auguste),  peintre  troyen   ....  635 

GIRAUX  (le  D''),  décoré  du  Mérite  agricole     ....  639 
GLOSSAIRE  du  Mouzonnais,  par  N.  GOFFART     .     .     .     641,826 

GODART  (le  général).     .     .      .      .• 740 

GODIN,  sous-intendant  militaire 233 

GRAND'HOMiVIE  (l'abbé),  supérieur    du   grand    Sémi- 
naire de  Chàlons 758 

GRIGNY   (oppidum  de) 387 

GUENÉGAUD    (Henri    le''    et    Henri     II),   marquis   de 

Plancy m,    181,   241 

GUERLET  (Marie-Henri- S'^ictorj,  nommé  chevalier    de 

la  Légion  d'honneur 147 

GUICHARD  de  Troyes,  son  procès 479 

H  ARMEL  (Léon),  conférence  à  Rome 307 

HAUT-MARNAIS,  banquet  des 23a 

HhILTZ-L'ÉvÈQUE,   bénédiction  de  cloche   ....  739 
HENRI  lei ",  comte  de  Champagne,  .sa  statue  à  Igny-le- 

Jard 742 

HERMENT  (Georges)^  promu  chef  de  bataillon  .     .     .  388 
HÉRON  DE  VILLEFOSSE  (Antoine),   nommé  officier 

de  la  Légion  d'honneur 747 

IGNY-LE-JARD,  statue  du  comte  Henri  L' 742 

JADART  DU  MERBION  (le  général, 223 

JEANNE  D'ARC,  nationalité  de 52,   390,   509 

—  Sa  béatification 74 

—  La  Veillée   de    Jeanne    d'Arc,     scène 

lyrique 229,   305 

—  Fête  à  Sainte-Catherine  de  Fierbois.  389 

—  Fêtes  en  son  honneur.      .     .     .      498,  499,  506 

—  Sa  statue  à  Reims 499,  63^,  908 

—  —       à  Pont-à-Mousson     ...  637 

—  Le  succès  de  l'imposture     ....  929 


IV  TABLE 

JUZANCOLJIT,  église 321,  401,  593,  66 1 

KELLERM.ANN  (lettre  inédite  de) 222 

KIRGENER  DE  PLANTA  (le  colonel) 741 

KRIER  (Etienne),  admis  à  l'Ecole   des   Arts   industriels 

de  Reims 308 

LAGIER  (famille) 147 

L\  JACQUERIE  en  Champagne 714 

LA  MARCK  (Robert  IL,  seigneur  de  Sedan 483 

LAMBERT  (Victor),  son  autobiographie 529 

LA  PREMIÈRE  LITHOGRAPHIE  française  ....  224 
L'ARRONDISSEMENT  de  Vitry-le-François  avant  l'an 

mil,  par  L.  MouLÉ 801 

LA  SALLE  (le  bienheureux  J.  B.  de);  sa  maison.     .     .  64 

—  Sa  cajiooisation "7 

—  Sa  statue 634 

LE  CARTULAIRE    du   prieuré   de   Longueau,    par    P. 

Pellot 19,  161 

LE  GRIFFON,  commune  de  Terron-sur-Aisne     .      .      .  301 

LEMAIRE  (Fernaiid),  i^"  prix  du  Conservatoire.  .  .  640 
LE  MARQUISAT  de  Phncy,  par  G.  DE  Plancy     .      m,    18  r^.  241 

LEPAGE  (le  D') '234 

LES  ARQUEBLSIhRS   de  Rethel    (1615  1790).    par    H. 

Jadart  et  H.   L 561 

LES  CHANSONS  de  Penni  d'Angecourt,  par   N.  GOF- 

FART 682  ,   849 

LE  VAVASSEUR   de  ChaiPpagiie,  légende 926 

LES    ARDENNAIS     à    l'Académie    de     Remis;     MM. 

Sécherei-Cellier,  les  abbés  Antoine  et  Alexandre     .     .  919 

LINGUET  (Simon-Nicolas-Henri) 215,  933 

LISTE  des  échevins  de  la  ville  de   Troyes,  par  A.  DE  M.  ,    5 

LONGUEAU,  prieuré  de 19,   161,  279,   337 

LOUIS  XVI,  relation  inédite  de  son  exécution  .  .  .  237 
MALPEL  (Mi"«),   supérieure  de  l'hospice   de    Sézanne  ; 

médaille 924 

MARIE-ANTOINETTE,   livre  de  piété  de 22^ 

MARCHAND  (le  capitaine),  professeur  à  Técole  d'artil- 
lerie et  du  génie 73 

MÉDAILLES  d'honneur  à  IVIM   Conain,   Brissot,   Bone- 

main,  Dechery,  I.enoir,  Schmitte 756,  757 

MERLAULT,   bénédiction  de  cloches.      .     .      .     .     .     .  7^3 

MER'i"   (Aube)^.  église 694 

MILLOT  (Ernest),  les  restes  de  l'explorateur    ....  204 
MISSA-DUVAL   (Edm.),    mimique  de  A'inon  de  Lcnclos  .  317,  921 
—                              musique  de  Maud     ....  502 
MOIS\'    (le  commandant),  otficier   de    la   Légion  d'hon- 
neur    7J5' 

MOLL  (Henri,  le  lieutenant)  au  Tonkin 308 

MONTANGON,  famille  de 143 


TABLE  V 

MONTEBELLO  (ie  comte  Gustave),  grr.nd-officier  de  la 

Légion   d'honneur 755 

MONT  THOME^  près  l'Epine,  cimetière  ancique      .      .  307 

MORILLOT,  portrait  de,  par  Meissoiiier 525 

MOURMELON,  le  camp  de  Châlons 773 

MOUZON 81,  641,  826 

—  Monument  à  la  mémoire  des  soldats  morts  en 

1870. 232 

NAPOLÉON  IV,  sculpteur 503 

NEUFCHATEL-SUR-AISNE,  église 306 

NEVEUX  (Pol) 230 

NICAISE  (le  D--),  officier  de  la  Légion  d'honneur  .   .     .  639 
NISARD    (Désiré),    son     monument    à    Châtillon-sur- 

Seine 735 

NOËL  (Tony),  sculpteur 312 

NOGENT-L' ARTAUD,  nouveau  pont 921 

OFFICIERS  de  l'Instruction  publique  et  officiers  d'Aca- 
démie  7I5   146,  502,  7^6,  757. 

PALLE  (le  colonel) 75 

PARIS  (Gaston) 527  ,  629 

PASSAVANT,  anniversaire  du  massacre  des   mobiles     .  741 
PATENOTRE,  secrétaire  d'ambassade,   chevalier  de  la 

Légion  d'honneur J^$ 

PÉRIGNY- LA-ROSE,   bénédiction   d'une  cloche  ...  72 

PE '.  RI N  D'ANGECOURT,  ses  chansons 682,849 

PERSIN,  chevalier  de  la  Légion   d'honneur     ....  757 

PHILIPPE,  le  colonel,  promu  général  de  brigade.     .     .  75 

PLANCV,  le  marquisat  de m,  181,  241 

PLESSIS-BARBUISE,  trouvaille  de  monnaies  romaines.  'j6.  234 

PLIVOT,  dé-ouverte  d'un  double  louis  de  Louis  XVI  .  388 

RAYEUR,  prix  Monthyon 923 

REIMS,  Hôtel  de  Ville 66 

—  Dons  faits  au  Musée 69 

—  Lycée 72 

—  Les  noms  des  nouvelles  rues 139 

—  Récents  travaux  d"art  dans  les  églises.     .     .     .  219 

—  Concours  régional 225 

—  Conversion  de  saint   Pau!,   tableau    donné  par 

l'Etat 228 

—  La  musique  à  Reims 228,  309 

—  Cathédrale 304,  417,  491,  6}8,  748 

—  Sarcophage  antique 307,  308 

—  Arrestation  des  terroristes 395 

—  Inauguration  de  la  salle  des  fêtes,  au   Lycée     .  477,  503 

—  Exposition  rétrospective 492,  517,  730 

—  Cinquantenaire  du  pensionnat  des  Fières    .      .  627 

—  Exposition  de  la  Société  des  Amis  des  Arts,     .  638 

—  Concours  régional 729 


VI  TABLE 

—  (Excursion  de  l'École  d'anthropologie  à).      .     .  729 

—  Distribution    des  prix   à    l'Ecole   régionale    des 

Arts  industriels 730 

—  Distribution  des  prix  au  Petit  Lycée   ....  732 

—  Tapisserie  de  l'église  Saint-Remi 749 

—  Inscription  de  J.  JofiVin  au  grand    Séminaire    .  759 

—  Inscription  au  grand  comb'e  de  la  cathédrale  .  761 

—  Distribution  des  prix  aux  écoles   communales  .  766 

—  Occupation  de  Reims  en  1870 779 

—  Association  des  sourds- muets 916 

—  Découverte  d'un  sarcophage 920 

REMBRANDT,  tableau  attribué  à 147 

RENE  DE  PONT-JEST  (M,  Delmas)  à  Madagascar.     .  797 

RETHEL  (les  arquebusiers  de) 561 

RIMBAUD  (Arthur),  poète  ardennais 946 

RITT,  officier  de  la  Légion    d'honneur 233 

RIVART  (Gaston),  chevalier  de  la  Légion  d'honneur.  .  756 
SAINT-LUMIER-EN-CHAMPAGNE.  noces  de  diamant 

de  l'abbé  Morlot 921 

SAINT-MARCEAUX  (René  de),  statuaire 228 

SAINTE-ME^EHOULD,  recettes   culinaire?    du    XVIlie 

siècle 7)4 

SAINT  REMI,  vie  inédite  de 715 

SALON    des    Champs-Elysées,    artistes    récompensés    : 

MM.  Prévôt-Va'eri,  H.  Thiérot,  P.  Simon,  E.  Dagonet  639 
SENS,     restitution     d'un     monument   an'i-|ue,   par    G. 

JULLIOT 720 

SIMON   VOUET  et  l'église  de  Neuilly-Saint-Front    .      .  58 

SOCIÉTÉ  Académique  de  l'Aube  .  .  .  54,  136,  299,  624,  885 
SOCIETE  d'Agriculture,  Commerce,  Sciences  ce  Arcs  de 

la  Marne 721,  906 

SOCIÉTÉ  d'Histoire  et  d'Archéologie  de  Provins  .      137,  295,  380 

SOCIETE  Historique  de  Château-Thierry.     .     56,  218,  297,  488 

717,  894 
SUCHETET  (Auguste),  chevalier   de   la    Légion  d'hon- 
neur   502 

TAINE,  son  tombeau  ;  —  son  éloge  académique  .     .      .  157,   351 

TOPOGRAPHIE  ardennaise,  par  H.  Jadart.     .     .     40,  100,   301 

TROYES  (échevins  de) 5 

—  Distribution  du  prix  Doublet 304 

—  Ln  cas  de  pression  électorale  en  1728  .     .     .  401 

—  Découverte  d'antiquités 919 

UN  BUDGET    de  la   châtellenie   de   Mouzon,    par    N. 

GOFFART 81 

UN  CAS  de  pression  électorale  à  Troyes  en    1728,  par 

M.  L.  MORIN 401 

UNE  CENTENAIRE  à  Prunay 755 

UNE  EGLISE  rurale  du  moyen  âge  jusqu'à    nos  jours, 

par  H.  Jadart 321,  411,  593,  661 


TABLE  VH 

VAL.\n\,  la  cjnonnade  de 771 

V-VNAULT-LES-DAMES,  fontaine  monumentale     .      .  753 

VERTUS,  promenades  publiques 232 

VIGNERONS  de  la  Mirne 230 

VILLEMAUH,  four  banal  de 630 

VILLERS-DEVANT-LE-THOUR,  église.  .  321,  401,  593,  661 
VINS  DE  CHAMPAGNE 532,  789,  948 

—  Exposition  de  Bordeiux     .     .  923 
VITRY-LE-FRANÇOIS,  objets  trouvés  duis  la  démoli- 
tion des  remparts    .      .     313,   500,  738 

—  Eglise  Notre-Dame  ....  636 

—  •           Charpente  de  la  Halle  .     .     .  740 

—  L'arrondissement     de,     avait 

l'an  mil 801 

—  Don  d'un  tableau  au  Musée   .  919 

—  Cimetière  antique     ....  920 
VITR^-LES-REIMS,   monument    aux    soldats    décédés 

depuis  1792 312 

WILLIEVIE  (François),  admis  à  l'école  d'artillerie   .     .  308 

BIBLIOGRAPHIE 

Napoléon,  son  caractère,    son   génie,    son    rSle   hstoric^ie^ 

par  Marius  Sepet ji 

Essai  d'une  bibliographie  ardenn^ise^  par  Henri  JadART  .  Ji 
Sommaire  de  la  Revue  d'Ardenne  et  d'Argonne    .     51,  217,  470,  623 

716,  884 
Sommaire  de  la  Revue  Historique  .  .  .  ^a,  470,  623,  715,  884 
Sommaire  de  la  Revue  Ardennaise     ,      135,   216,   378,  632,  716,  884 

L'Histoire  d'un  clocher  (Essayes) 78 

Suite  de  feuillets  détachés  de  l'histoire   de   Reb.iisen-Brie^ 

par  V.  Leblond 133 

Manuscrits  légués  à  la  BibliotheLjue  nationale  par  Arm.ind 

Durand  ;  A'on'ce  par  Léopold  Delisle 134 

Mémoires  de  J.-Fr.  Thoury.,  par  Ch.  BoY 134 

Les  classes  scrviles  en  Champagne  du  Xl^   au   XIF^  siècle, 

par    Henri    SÉE  ;   Article  critique  de   M.  TauSSERAT- 

Radel 148 

EudeSj  comte  de  Bloisy  de  Tours,  de  Chirtres^  de  Troyes  et 

de  Meaux,  par  Léonce  Lex 214 

Un  avocat  Journaliste  au  XV [[1°  siècle^  Linguet^  par  Jean 

Cruppi 215 

L'Annuaire  rémois 216 

La  maison  de  Beffroy,  par  le  baron  Remy 294 

Jeanne  d'Arc  champenoise,  par  E.  MisseT 294 

Jeanne  d'Arc,  le  duc  de  Lorraine  et  le  sire  de   Baudricoi.r:, 

par^Léon  MOUGENOT 294 

Annuaire  du  département  de  la  Marne  pour  1895      •      •      •  ^95 


VIII  TABLE 

Dictionnaire    biographique    de    Seine-et-Marne^    par    Ch. 

Rabourdin 306 

Un   épisode  de  la  Fronde  ;  rencontre  du  9  janvier  1632   au 

Chesnoy,  près  de  Sens,  Tps.r  y\.:x\ix'ice  Ko\ 37J 

Mélanges  de  Bibliographie^  par  Henri  SteiN 377 

Cirey-le-Château  ;  la  marquise  du  Châtelet^  par  l'abbé  PlOT  464 

Royer-Collard^  par  Eugène  SpuLLER 466 

Inventaire-sommaire  des    Archives   de    Charleville,  par    P. 

Laurent 620 

Le  D'  Jolicœur^  sa  vie,  ses  œuvres,  par  Ad.  BelLEVOYE  .  620 

Le  marquisat  de  Plancy,  par  le  baron  de  Plancy.   .     .      .  620 

La  trouée  des  Ardennes,  par  J.  Rayeur 621 

Dictionnaire  biographii/ue  de  Seine-et-Marne 621 

Etude  historique  sur  Fontfaverger,  par  Ch.  NiCOL.      .     .  709 

Fe/-^i2///<'5,  par  Jacques  Bouché 711 

Poidllé  du  diocèse  de  Sens,  par  P.  QuESVERS  et  H.  Stein.  879 
Jean  de  Joinville  et  les  seigneurs    de  Joinville,    par    Fr. 

Delaborde 880 

Aux  pays  du  christ,  ^d^rVabbé  Landrieux 881 

Les  Hymnes  et  Proses  de  l'Église,  par  Pr.  SOULLIÉ  ...  881 

Clovisy  par  Godefroy  KuRTH 882 

La  France  chrétienne  dans  l'histoire 883 

La  Prévôté  royale  de  Coiffy-lc-Châtel,  par  A.  BONVALLET  883 

MARIAGES 

Chanzy  (Henri)  et  M"'    Marie  Dubarle 758 

Deperthes  (Jules)  et  M"'   Valentine  Jouvin 235 

Doré  (le  vicomte  du)   et  M"''  Marguerite  Duhamel  de 

Breuil 505 

Esmangard  de  Bournonville  (J.)  et  M"°  Alice  Quinquet 

de  Mbnjour 504 

Espierres  (le  baron  Armand  d')  et  M"'  Marie  de  Riocour.  925 

Geliot  (Adrien)  et  M"'  Thérèse  Le  Conte 235 

Lenzbourg   (le  comte  Ch. -Henri  de)  et  M"'   Marg.    de 

Pleurre 235 

Lesseville  (le  comte  de)  et  M"'  Elisabeth  de  Poincy  .     .  640 

Michelet  (Amédée)  et  M"'  Alice  Métairie 77 

Rohan-Chabot  (le  comte  de)  et  M"°  Cécile  Aubry-Vitet.  23J 

Senart  (Ch.)  et  M""  Jeanne  Péchenet 155 

Stein  (Henri)  et  M"'  Lucie  Vico 313 

Thiaux  (H.)  et  M"'  Alice  Leconte 505 

Velly  (Henri)  et  Mu»  Aubert 235 

NÉCROLOGIE 

Alavoine-Herbulot  (M"'e) 291 

Arvizet 7°? 


TABLE  IX 

Aubry  (Charles) 707 

Bazin  (Gustave) 131 

Beaujard 131 

Bébin  (l'abbé) 213 

Bergeron  (Théodule) ^y^ 

Bertrand  (Emile) 290 

Bigorgne  (René) 707 

Bisson  (E.) 707 

Blava  (Rose  Caroline) 209 

Boucquemont    (Louise) 373 

Boullier 707 

Brémont 211 

Brunette  (Narcisse) 873 

Bucquec 130 

Bulteau  (Hippolyte) 463 

Buzy  (Jean-Baptiste) 876 

Carré  (le  D"") 213 

ChafTaut  (le  comte  du) 292 

Challe,  sous-intendant  militaire 132 

Chamisso  (Louis  de) 461 

Chandoii  de  Briailles  (le  comte  de) 618 

Chavalliaud  (Léjn) 463 

Chevalier  (le  D'  Henri- Alfred) 213 

Cohet  (le  capit:iine) 293 

Colbert  (la  marquise).      ,. 132 

Collet  (M'"e; 213 

Davout  (le  baron  Alexandre-Charles) 374 

Dazy  (l'abbé) 213 

Debieuvre 707 

Delius  (Georges) 461 

Denizot 460 

Descôtes  (l'abbé.     .     .      .     >. .  293 

Douradou  (le  commandant) 49 

Doyen  (f^.)-   •     •     • 213 

Doyen  (le  D'  Octave) 707 

Ferreux  (h  marquise  de) 50 

Fréminet,  ancien  député 460 

Gallois  (Ch. -Edouard) 293 

Garot  (veuve) 2to 

Gillet 707 

Godart  (Léon) 373 

Gollnisch  (Edmond) 461 

Goulet-Leclercq 4Q 

Guy  (M""-) 213 

Hutin  (le   D') 213 

Hypolite  (l'abbé) 213 

Jacob  (Mni^) 292 

Jacqueminet  (l'abbé) 213 


X  TABLE 

Jolicœur  (le  D''   Henri) 13c,  353 

Lallemeiit 37^ 

Lamairesse  (Xavier) 707 

Lamorelle  (le  général) 462 

Lapersonne  (le  capitaine) 293 

La  Vaulx  (comtesse  de) 877 

Lavaux  (le  commandant  de) 293 

Lecocq   (l'abbé) 13^ 

Lemaire  (Ferdinand) 213 

Linard   (Fulgence) 213 

Loitière  (Georges- Maurice) 877 

Marie-Angèle,  religieuse 293 

Martin  (M°i'>) 373 

Mauclair  (Sœur  Julie-Catherine) 213 

Mie  (le  DO 7°? 

Millot  (Ernest) 204 

Mohen  (le  DO     .     .     ., 209 

Montagnac  (le  baron  F.lizée  de) 291 

Mont  de  Signéville  (M""=  du) 50 

Moreau-Cullot 462 

Moriot  (le  colonel) 463 

Morizot  (Désiré) 374 

Noailles  (le  comte  Alfred  de) 213 

Nouage  (le  T.-C.  frère) 462 

Olive 877 

Oudry    (l'abbé) 49 

Padoy  (l'abbé) -.     .      .      .  707 

Percebois 291 

Fessez 877 

Philippoteaux  (Auguste) .211 

Pillon  (Léon) 461 

Prin. 373 

Quenardel-de  Warcy  (Arsène) 707 

Quinquet  de  Montjour  (Henri-Victor) 293 

Rathier  (Jean),  député  de  l'Yonne 130 

Robert  (Léon) 460 

Saint-Ferjeux  (Adeline-Louise) 461 

Saint-Genis  (M""'  de) 213 

Sauvage  (A.),  peintre 292 

Savetiez  (Charles) 289 

SouUié  (Prosper-Théophile) 207 

Teissier  (le  général  Alfred) 374 

Thierrard  (le  docteur) 49 

Vaiicourt  (comte  de) 878 

Varlet  (Memmie) 210 


n 


DC 


^^^      Revue  de  Champagne  et  de  Brie 
C44R5 


ser.2 
t,7 


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