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Full text of "Tung pao. Toung pao"

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ARCHIVES 

CONCERNANT  UHISTOIRE,  LES  LANGUES, 

LA 

GÉOGRAPHIE  ET  UETHNOGRAPHIE 

DE 

UASIE  ORIENTALE 

Revue  dirigée  par 
Henri  CORDIER 

Membre  de  l'Institut 
Professeur  à  l'Ecole  spéciale  des  Langues  orientales  vivantes 

ET 

Paul  PELLIOT 

Membre  de  l'Institut 
Professeur  au  Collège  de  France. 


VOL.  XX. 


LIBRAIRIE  ET  IMPRIMERIE 

CI-DEVANT 

E.  J.  BRILL 

LEIDE   —   1921. 


Ds 

5-01 


7947lf. 


IMPRIMERIE   CI-DEVANT   E.  J.   BRILL,  LEIDE. 


SOMMAIRE. 


Articles  de  Fonds. 

Pages 
Paul  Pelliot,  La   peinture  et  la  gravure  européennes  en  Chine  au  temps 

de  Mathieu  Ricci i 

Leopold  DE  Saussure,  Le  voyage  de  Mou  Wang  et  l'hypothèse  d'Ed.  Cha- 

vannes 19 

Paul  Pelliot,  Le  juif  Ngai,  informateur  du  P.  Mathieu  Ricci 32 

L.  Van  Hée,  Le  Hai-tao  Souan-king  de  Lieou 51 

Paul  Pelliot,    Quelques   transcriptions   apparentées  à  Çambhala  dans  les 

textes  chinois 73 

Leopold  DE  Saussure,  Les  origines  de  l'astronomie  chinoise 86 

RiCHENET,  Note  sur  la  mission  des  Lazaristes  en  Chine,  spécialement  à  Pékin  117 

Aurel  Stein,  Central- Asian  relies  of  China's  ancient  silk  trade 130 

Paul  Pelliot,  Les  «Conquêtes  de  l'Empereur  de  la  Chine» 183 

A.  C.  Moule,  A  life  of  Odoric  of  Pordenone 275 

A.  C.  Moule,  A  small  contribution  to  the  study  of  the  bibliography  of  Odoric  301 

Paul  Pelliot,  Note  sur  les  T'ou-yu-houen  et  les  Sou-p'i 323 

Aurel  Stein,  La  traversée  du  dései-t  par  Hiuan-tsang  en  630  ap.  J.-C. .     .  332 

G.  Mathieu,  Le  système  musical 355 

Nécrologie. 

Léon  Tournade,  George  Ernest  Morrison,  par  Henri  Cordier 71 

Jules  Harmand,  par  Henri  Cordier 299 

Bulletin  critique. 

Alfred  Chapuis,  La  montre  «cJiinoisc»,  par  Paul  Pelliot 61 

Lo  Tchen-yu,  Kou  king  Vou  low,  Tomioka  Kenzo,  Kokei  no  kenkyïl;  — 
Professeur  Panduranga  S.  S.  Pissurlancar,  Recherches  sur  la  découverte 
de  V Amérique  par  les  anciens  hommes  de  l'Inde;  —  Emile  Hovelaque, 

Les  peuples  d' Extrême-Orient.  La  Chine,  par  P.  Pelliot 142 

Public  Debts  in  China.  By  Feng-hua  Huang;  —  The  Foreign  Trade  of 
China.   By   Chong   Su-see;  —  Modem   China   A  Political  Study   by 


IV  SOMMAIRE. 

Pages 

Sih-Gung  Cheng;  —  Bouinais,  The  Tsokiang ;  or  Water  Transport 
Conditions  between  Tonkin,  Lungchow,  and  banning,  par  Henri 
Cordier.  —  Louis  Finot,  La  Marche  à  la  Lumière  (Bodhicaryävatära), 
par  P.  Pelliot.  —  L.  Wieger,  La  Chine  à  travers  les  Ages  hommes 
et  choses  —  Précis  —  index  biographique  —  Index  bibliographique, 

par  Henri  Cordier 291 

Dr.  Franz  Babinger.  Gottlieb  Siegfried  Bayer  C1694—i738j,  ein  Beitrag 
zur  Geschichte  der  morgenländischen  Studien  im  i8.  Jahrhundert;  — 
Casimir  Schnyder,  Eduard  Huber,  ein  schweizerischer  Sprachen- 
gelehrter, Sinolog  und  Indochina  forscher,  par  Paul  Pelliot.  — 
English- Chinese  Dictionary  of  the  Standard  Chinese  Spoken  Language 
and  Handbook  for  Translators,  including  Scientific,  Technical,  Modern, 
and  Documentary  Terms.  By  K.  Hemeling;  —  I'he  History  of  Shanghai 
by  G.  Lanning — S.  Couling,  par  Henri  Cordier 361 

Bibliographie. 

Livres  nouveaux 69,  164,  297,  367 

Publications  périodiques 169 

Notes  and  Queries. 

L'étymologie  du  nom  des  monts  K'ouen  louen,  par  L.  de  Saussure  .     .     .  370 

Chronique. 

France,  Angleterre,  Chine 72,  182,  300,  372 

Index  alphabétique 373 


LA  PEINTURE  ET  LA  GRAVURE  EUROPÉENNES 
EN  CHINE  AU  TEMPS  DE  MATHIEU  RICCI, 

PAR 

PAUL  PELLIOT. 


On  s'est  occupé  à  maintes  reprises  des  peintres  occidentaux  qui 
travaillèrent  pour  les  empereurs  K'ang-hi  et  K'ien-long.  Les  noms 
d'AïTiRET,  de  Castiglione,  ceux  mêmes  de  Sichelbart,  de  Jean 
Damascene,  de  Panzi,  voire  de  Belleville  et  de  Gherardini,  sont 
aujourd'hui  bien  connus  des  orientalistes.  Mais  il  n'en  va  pas  de 
même  pour  les  premiers  temps  où  l'art  occidental  pénétra  en  Chine, 
aux  alentours  de  l'an  1600,  avec  le  fondateur  même  des  missions 
de  Chine,  Mathieu  Ricci  ^). 


1)  Je  rappelle  que  Ricci  est  arrivé  à  Macao  en  août  1582  (le  7  suivant  le  P.  Tacchi- 
Ventnri,  Opère  storiche  del  P.  Matteo  Ricci,  I,  Lxiv;  II,  416;  mais  à  II,  371,  le  même 
auteur  indique  le  8  août,  sans  observation).  J'insiste  sur  le  millésime,  parce  qu'il  y  n  par- 
fois à  ce  sujet  des  malentendus.  La  nouvelle  édition  du  Cathay  de  Yule  (t.  IV,  p.  178) 
dit  que  Ricci  «reached  Goa  in  1578,  but  speedily  left  it  for  Macao»  (avec  une  erreur, 
qui  est  de  faire  aller  en  1595  Ricci  à  Pékin,  d'où  il  se  serait  retiré  à  Nankin,  au  lieu 
que  cette  année-là  il  alla  à  Nankin,  d'où  il  se  retira  à  Nan-tch'ang).  M.  Cordier,  aussi 
bien  dans  L'imprimerie  sino-européetiTie  en  Chine  (p.  39)  que  dans  sa  Bibliotheca  Sinica* 
(col.  1090)  et  dans  L'arrivée  des  Portugais  en  Chine  {T'onng  Pao,  1911,  p.  540,  où  une 
faute  d'impression  fait  mourir  Ricci  le  14  mai  1610  au  lieu  du  11  mai),  fait  arriver  Ricci 
en  Chine  en  1583;  c'est  vrai  en  ce  sens  que  Ricci  ne  passa  de  Macao  au  Kouang-tong 
qu'en  1583,  mais  pour  d'autres  missionnaires  c'est  la  date  de  leur  débarquement  à  Macao 
qui  est  comptée  pour  celle  de  leur  arrivée  en  Chine;  il  n'y  a  pas  de  raison  d'avoir  deux 
systèmes.  D'autre  part,  tous  les  textes  chinois  que  je  connais,  y  compris  même  la  Vie 
chinoise   de   Ricci   par   le   P.  Aleni,  font  arriver  Ricci  en  1581;  c'est  entre  autres  le  cas 

1 


2        PAULPELLIOT.    LA   PEINTURE    ET   LA    GRAVURE   EUROPÉENNES 

Dans  un  article  extrêmement  curieux  intitulé  Christian  art  in 
China^)y  paru  en  1910,  M.  B.  Laufer  a  comblé  en  partie  cette 
lacune  de  nos  connaissances.  Grâce  à  lui,  nous  avons  aujourd'hui 
des  reproductions  de  six  peintures  religieuses  d'inspiration  occidentale 
portant  la  signature  du  célèbre  peintre  Tong  K'i-tch'ang,  d'un  al- 
bum figurant  des  scènes  de  la  vie  européenne,  et  surtout  de  quatre 
gravures  religieuses  européennes  prises  au  début  de  1606  par  7^ 
^  ^^  Tch'eng  Ta-yo  ^)  comme  sujets  d'illustration  pour  des  pla- 
ques d'encre  de  Chine  *). 


dans  le  Si  fang  ta  wen  d'Aleni,  dans  la  liste  des  missionnaires  jointe  au  SP  ^fr  3^  ^^ 
Cheng  Mao  sin  tcheng  et  même  dans  le  Ming  che  (eh.  326,  P  8  r°;  la  traduction  de 
Bretschneideb,  Mediaeval  Researches,  If,  325,  selon  laquelle  cette  date  serait  celle  de 
l'embarquement  de  Ricci  et  non  de  son  débarquement,  est  inexacte).  Pour  incompréhensible 
que  soit  l'erreur  d'Aleni,  il  n'y  a  pas  à  douter  de  la  date  d'août  1582,  garantie  par  de 
nombreux  documents  contemporains. 

1)  19  pages  et  XX  planches;  tirage  à  part  des  Mitteil,  des  Seminars  für  Oriental. 
Sprachen,  13°  année;  cf.  aussi,  du  même  auteur,  Ä  Chinese  Madonna,  8  pp.  -j-  1  pi.,  ré- 
imprimé de  The  Open  Court  de  janvier  1912. 

2)  Wylie  {Notes  on  Chinese  literature,  p.  117)  et  M.  Laufer  {Christian  Art,  p.  7) 
appellent    Jf^  S    j^    Tch'eng  Kiun-fang   l'auteur   de   ce   recueil,  intitulé   ^^  ]^ 

^g  Afj  Tch'eng  che  mo  yuan.  Telle  est  en  effet  la  forme  du  nom  dans  le  Sseu  k'ou 
ts'iuan  chou  (ch.  116,  f°  13),  dont  les  Notes  de  Wylie  ne  sont  guère  que  des  extraits; 
j'ai  d'ailleurs  rencontré  aussi  Tch'eng  Kion-fang  dans  le  chapitre  bibliographique  du  ^j^T 

1^  ^t?  Chö  Men  tche.  Mais  l'auteur  même  signe  Tfâ  -*-*  S^  Tch'eng  Ta-yo,  et  dans 
ses  préliminaires,  il  dit  lui-même  qu'il  s'appelle  Tch'eng  Ta-yo,  tseu  S^J  tH  Yeou-po,  hao 

IM.  ^^T'iao-ye,  et  qu'il  a  pour  «autre  tseuit  (,  9|I  *^-  )  Kiun-fang;  nous  l'appellerons 
donc  Tch'eng  Ta-yo.  Il  était  originaire  de  la  sous-préfecture  de  fîV  Cho  au  Ngan-houei, 
et  c'était  là  aussi  le  pays  d'origine  de  ~t  ^^^  ^g  Fang  Yu-lou,  auteur  d'un  recueil 
intitulé  h  ^P  ^Pr  Sq  Fang  che  mo  p'ou  tout  à  fait  similaire  à  celui  de  Tch'eng 
Ta-yo.  Un  grand  nombre  de  figures  sont  communes  aux  deux  recueils,  entre  autres  une 
plaque  portant  une  courte  inscription  en  des  caractères  e'trangers  qui  semblent  appartenir 
à  une  des  écritures  indigènes  de  l'Indochine  septentrionale  ou  du  Yunnan;  dans  ane  autre 
plaque  représentant  une  offrande  de  tribut,  où  l'inscription  chinoise  est  identique  dans  les 
deux  recueils.  Fang  Yu-lou  est  seul  à  mettre  sur  le  revers  de  la  plaque  une  courte  m- 
scription  y«J«»  que  Bushell  a  déchiffrée.  Les  deux  recueils  ont  an  certain  nombre  de  plaques 
portant  des  inscriptions  bouddhiques  en  brahml,  et  Fang  Yu-lou  reproduit  même  un  feuillet 
de  poffn  avec  un  texte  en  brahml  très  altéré.  Wylie,  qui  donne  1688  pour  la  date  de  pu- 
blication du  Fang  che  mo  p'ou,  a  admis,  sur  la  foi  du  Sseu  k'ou  ts'iuan  chou,  que  Fang 
yu-loa  l'aurait  publié  pour  supplanter  le  Tch'eng  che  mo  yuan.  Mais  les  préfaces  et  post- 


EN    CHINE    AU    TEMPS    DE    MATHIEU    RICCI.  3 

Par   la   traduction    latine   des  Commentaires  de  Ricci  publiée  au 
1615   par   Trigault   sous  le  titre  de  De  Christiana  expeditione  apud 


faces  du  Fang  che  mo  p'ou  vont  de  1583  à  1589;  c'est  tout  à  fait  exceptionnellement 
qu'une  d'entre  elles,  ajoutée  sans  doute  après  coup,  est  de  1596.  Au  contraire  les  préfaces 
et  postfaces  du  Tch'eng  che  mo  yuan  vont  de  1594  à  1605;  les  morceaux  de  Ricci,  ajoutés 
après  coup,  sont  du  9  janvier  1606.  11  semble  donc  bien  que  le  Fang  che  mo  p'ou  ait 
existé  avant  le  Tch'eng  che  mo  yuan.  Le  Tch'eng  che  mo  yuan  est  depuis  longtemps  à 
la  Bibliothèque  Nationale  (Courant,  Catalogue,  n°'  1134 — 1137).  Le  Fang  che  mo  p'ou  ne 
s'y  trouve  au  contraire  que  depuis  que  j'y  ai  remis  un  bon  exemplaire  qui  m'avait  été 
cédé  par  M«^  Jarlin  (coll.  Pelliot,  II,  49);  il  est  en  6  eh.;  la  collection  littéraire  de 
Fang  Yu-lou  est  l'objet  d'une  notice  au  Sseu  k'ou  ts'iuan  chou.  Abel-Rémusat  {Be  l'étude 
des  langues  étrangères  chez  les  Chinois,  p.  20)  parle  d'un  recueil  illustré  d'antiquités  «en 
30  volumes  grand-format»  intitulé  nFang-che  me  ping  y»;  malgré  l'inexactitude  de  la  des- 
cription, du  nombre  de  chapitres  et  du  titre,  il  semblerait  qu'il  s'agît  du  Fang  che  mo p' ou. 
Le  Tch'eng  che  mo  yuan  est  en  12  ch.  Les  gravures  et  les  textes  reproduits  par  M.  Laufer 
doivent  se  trouver  au  ch.  6T,  ff.  35  et  suiv.  Mais  la  table  de  ce  ch.  6T,  intitulée  «  table 
du  ch.  12»,  s'arrête  au  f°  29.  Les  ff.  30—31  sont  une  addition  de  1604;  les  ff.  32—34 
ont  été  ajoutés  au  printemps  de  1605.  Les  ff.  35  et  suivants,  qui  sont  consacrés  aux 
pièces  de  Ricci,  sont  une  addition  de  janvier  1606.  On  voit  que  l'ouvrage  a  eu  des 
états  successifs,  et  il  semble  que  les  tables  des  chapitres  aient  été  gravées  dès  1603,  et 
pour  une  division  de  l'ouvrage  en  12  ch.,  au  lieu  de  celle  en  6  ch.  doubles  que  comporte 
en  fait  notre  exemplaire.  Enfin,  notre  exemplaire  ne  comprend  que  deux  des  quatre  gravures 
reproduites  par  M.  Laufer  et  aucun  des  textes  en  transcription:  le  £°  35  r"  représente 
Saint  Pierre  marchant  sur  les  eaux,  et  le  f°  35  v"  rembraseraent  de  Sodome  (A.  Rémusat 
les  a  déjà  signalées;  cf.  Mélanges  Asiat.,  I,  47).  Au  premier  abord,  on  pourrait  bien  sup- 
poser que  les  autres  feuillets,  qui  sont  les  derniers  de  l'ouvrage,  manquent  à  l'exemplaire 
de  la  Bibliothèque  Nationale.  Mais,  comme  Ta  fait  remarquer  le  P.  Brucker  (JE^oäüei. 
publiées  par  les  Pères  de  la  Compagnie  de  Jésus,  t.  131  [1912],  p.  223),  les  deux  planches 
que  donne  encore  le  f°  85  de  notre  exemplaire  ne  comportent  pas  les  titres  en  romanisation 
qui  se  trouvent  dans  l'exemplaire  utilisé  par  M.  Laufer.  Il  semble  donc  qu'on  ait  k  un 
moment  donné  supprimé  de  l'ouvrage  deux  des  gravures  et  tous  les  feuillets  de  texte  ro- 
manisé,  en  même  temps  qu'on  faisait  sauter  les  titres  romanisés  en  haut  des  deux  gravures 
restantes;  toutefois,  les  signatures  européennes  ont  été  conservées  au  bas  de  ces  deux  gra- 
vures (dans  ces  signatures,  il  n'y  a  pas  lieu  de  maintenir  le  excutit  de  M.  Laufer;  le  texte 
a  correctement  excudit).  Il  est  possible  que  ces  suppressions,  dont  on  ne  voit  pas  toutefois 
pourquoi  elles  ne  se  sont  pas  étendues  au  f°  35,  aient  été  opérées  lors  de  la  proscription 
de  1616.  En  ce  cas,  et  bien  que  l'exemplaire  de  la  Bibliothèque  Nationale  soit  encore 
d'un  tirage  excellent,  celui  de  M.  Laufor  devrait  être  encore  meilleur,  et  tout  à  fait 
tch'ou-yin  («de  premier  tirage»).  Je  rappelle  qu'un  exemplaire  moyen  du  Tch'eng  che  mo 
yuan  vaut  actuellement  à  Pékin  de  80  à  100  $.  soit,  au  cours  actuel,  environ  1000  francs. 
Je  crois  trouver  ailleurs  trace  d'exemplaires  où,  comme  dans  celui  de  la  Bibliothèque 
Nationale,  il  ne  subsistait  plus  que  Saint  Pierre  marchant  sur  les  eaux  et  l'embrasement 
de  Sodome.  Une  lettre  du  Père  Fr.  Bourgeois,  écrite  de  Pékin  le  31  juillet  1778  et  pu- 


4      PAULPELLIOT.    LA   PEINTURE   FT   LA    GRAVURE    EUROPÉENNES 

Sinas,  on  savait  en  gros  que  Ricci  avait  fait  grand  usage,  pour  sa 
propagande,   de   gravures   et   de   peintures   européennes  ou  de  style 


bliée  récemment  par  M.  Cordier  {T'oung  Pao^  1917,  p.  379),  contient  le  passage  suivant: 
a  Sous  le  dernier  empereur  des  Ming  tchao,  les  missionnaires  Jésuites  eurent  le  courage 
de  faire  peindre  l'embrasement  de  Sodome  et  de  Gomorre,  et  de  le  présenter  avec  une 
explication  à  oet  Empereur,  qui  étoit  souverainement  débauché.  Leur  intention  étoit  de  le 
frapper.  Il  trouva  la  peinture  belle  dans  son  genre.  Il  la  fit  graver  dans  un  recueil^  des 
Monuments  de  son  temps,  et  voilà  tout  ce  qu'il  en  fut.  Il  y  fit  aussi  graver  l'Image  du 
Sauveur  portant  la  croix  à  la  main».  Le  dernier  empereur  des  Ming  devrait  être.Tch'ong- 
tcheng  (1628 — 1644);  mais  on  n'a  aucune  trace  d'un  recueil  publié  sous  son  règne  et  où 
de  tels  documents  pourraient  figurer.  Si  on  se  rappelle  que  Tch'eng  Ta-yo  présenta  son 
recueil  à  l'Empereur,  que  l'embrasement  de  Sodome  y  figure,  et  que  d'autre  part,  dans  la 
gravure  de  Saint  Pierre  marchant  sur  les  eaux,  le  Christ  est  debout  sur  le  rivage  et  porte 
sa  croix,  il  apparaîtra  bien  probable  que  le  P.  Bourgeois  a  connu,  directement  ou  par 
ouï-dire,  un  exemplaire  du  Tch'eng  che  mo  yuan  où,  comme  dans  celui  de  la  Bibliothèque 
Nationale,  il  ne  subsistait  plus  que  deux  gravures,  et  d'où  toute  mention  de  Ricci  avait 
dispara.  En  près  de  deux  siècles,  le  souvenir  des  rapports  de  Ricci  et  de  Tch'eng  Ta-yo 
avait  eu  le  temps  de  s'effacer,  et  une  légende  s'était  créée  pour  rendre  compte  de  la  pré- 
sence inattendue,  dans  ce  recueil  de  monuments  chinois,  de  deux  gravures  bibliques. 

3)  Les  gravures  reproduites  par  M.  Laufer,  imitées  de  gravures  sur  cuivre  et  où  on 
croirait  encore  reconnaître  les  hachures  au  burin  des  originaux,  posent,  au  point  de  vue 
de  l'histoire  de  la  gravure  en  Chine,  un  problème  technique  curieux  ;  il  faudra  le  repren- 
dre en  étudiant  aussi  les  reproductions  chinoises  des  gravures  de  l'ouvrage  illustré  du 
P.  Jérôme  Nadal,  qui  ont  un  aspect  assez  difi'érent  (cf.  Cordier,  L'imprimerie  sino-européenne, 
n°  3;  Courant,  Catalogue,  n°'  6750 — 6756).  Il  me  paraît  en  tout  cas  que  les  planches  du 
Tch'eng  che  mo  yuan  sont  ici  reproduites  directement  d'après  les  gravures,  et  non  d'après 
les  plaques  d'encre  de  Chine  que  Tch'eng  Ta-yo  a  sans  doute  illustrées  en  copiant  ces 
gravures.  Les  textes  chrétiens  en  caractères  chinois  et  en  romanisation  joints  aux  gravures 
par  Ricci  le  9  janvier  1606  et  qui  sont  également  reproduits  dans  l'ouvrage  de  Tch'eng 
Ta-yo,  offrent  des  anomalies  inexplicables.  Les  formes  y^g.  et  frag-  peuvent  n'être  consi- 
dérées que  comme  de  mauvaises  graphies  de  J^^  yin  et  «^  yin,  et  peut-être  (quoique 
j'en  doute)  y  a-t-il  eu  une  lecture  siuan  de  ^^  tchouan,  mais  on  comprend  mal  com- 
ment Ricci  a  pu  laisser  passer  une  orthographe  Mj)  ^^.  (soit  B-l)  ^3ç  )  Ye-sou  au  lieu 
du  MK  ÔBjç  Ye-sou  déjà  consacré  en  1606,  et  surtout  comment  il  a  pu  transcrire  teou 
le  caractère  j^  pao,  par  confusion  avec  ^g  teou.  Quant  aux  mots  ^Q  jp?  '^^ 
— ^  W&  y«  pao-siang  san-tso  que  M.  Laufer  (p.  10)  a  rendus  hypothétiquement  par  «of 
the  Holy  Trinity»,  ils  me  paraissent  signifier  «en  envoyant  ces  trois  images  précieuses», 
c'est-à-dire  les  trois  premières  gravures  reproduites  par  M.  Läufer;  pour  cet  emploi  dey«  là 
où  on  attendrait  ^Ê  yi,  cf.  le  jjp^  ^^  yu  chou  de  la  planche  XV  de  M.  Laufer.  Quoi 
qu'il  en  soit,  les  textes  reproduits  par  M.  Laufer  nous  donnent  pour  la  première  fois  des 
spécimens  authentiques  et  sufiisamment  longs  du  système  de  romanisation,  avec  notation  des 


EN   CHINE    AU    TEMPS   DE    MATHIEU    RICCI.  5 

européen  ^).  En  1629,  le  P.  Sambiaso  a  même  publié  un  petit  traité 
de  Réponses  sur  la  peinture^).  Le  P.  Buglio  (1606  —  1682)  fit  con- 
naître en  Chine  la  perspective  européenne;  il  «donna  à  l'Empereur 
trois  tableaux,  où  les  règles  en  étaient  parfaitement  gardées»^);  on 
sait  que  ces  règles  de  perspective  européenne  furent  appliquées  en 
1696  dans  le  Keng  tche  fou  de  Tsiao  Ping-tcheng  *). 

En  réalité,  les  premiers  missionnaires  n'avaient  pas  été  enthou- 
siasmés par  l'art  chinois.  On  lit  dans  les  Commentaires  de  Ricci  ^): 
«Les  Chinois,  tout  en  étant  très  amis  de  la  peinture,  ne  peuvent 
cependant   atteindre   à   nos   [artistes],   et   il   leur  manque  beaucoup 


accents,  qui  avait  été  élaboré  par  Ricci.  On  sait  que  Ricci  avait  arrêté  son  système  de 
romanisation  en  1598  avec  l'aide  du  P.  Cattaneo  et  du  frère  chinois  Sébastien  Fernandez, 
et  qu'il  l'imposa  dès  lors  à  toute  la  mission  (cf.  Tacchi-Venturi,  I,  300).  Ainsi  ce  système, 
qui  a  une  apparence  portugaise,  fut  fixé  par  un  Italien,  mais  qui  déjà  avait  perdu  le  con- 
tact avec  son  pays  depuis  longtemps,  et  devait  bientôt  déclarer  lui-même  qu'il  s'exprimait 
plus  facilement  en  portugais  ou  même  en  espagnol  que  dans  sa  langue  maternelle.  Un 
problème  du  même  ordre  se  pose  pour  la  transcription  de  l'annamite  par  le  quâc-ngû'  qui, 
malgré  son  apparence  portugaise,  semble  dû  surtout  à  des  missionnaires  qui  n'étaient  pas 
portugais  (cf.  Ch.  Maybon,  Histoire  moderne  du  pat/s  d'Annam,  Paris,  1919,  in-8°,  p.  36 — 37). 
Le  Ififf  Tchou,  Aao  yf-t  ^)K  Che-lin,  qui  mit  en  relations  Ricci  et  Tch'eng  Ta-yo, 
s'appelait  de  son  vrai  nom  jijO  4H*  j^  Tchou  Che-lou,  tseu  j^  ^rifl  Wou-Kong; 
originaire  de  ?H  1^  Tö-hing  au  Kiang-si,  il  avait  passé  le  doctorat  en  1589  et  était 
devenu  œf  ^iL  ^'^  ^^  pfa  li-k'o  ki-che-tchong  à  Nankin;  c'est  le  «Cioscelin»  des 
Commentaires  (cf.  Tacchi-Venturi,  t.  II,  à  l'index,  s.v.  Ciosellino). 

1)  Pour  le  rôle  des  peintures  chrétienne»  dans  la  propagande  au  XVIP  siècle,  cf.  les 
quelques  renseignements  groupés  dans  L.  Gaillard,  Croix  et  Svastika^,  p.  172  et  suiv, 

2)  Cf.  CoRDiEB,  L'imprimerie  sino- européenne,  n°'  253  et  254;  Courant,  Catalogue, 
n"'  3385 — 3388;  Laufer,  Christian  Art,  t^.  5.  Il  n'y  a  en  réalité  qu'une  œuvre  du  P.  Sambiaso 
sur  la  peinture  ;  le  n°  253  de  M.  Cordier  se  confond  avec  la  moitié  du  n°  254. 

3)  Cf.  du  Halde,  Description  de  la  Chine,  éd.  in-f°  de  1735,  t.  III,  p.  269.  Du  Halde 
appelle  ici  le  P.  Buglio  «Bruglip»,  de  même  qu'au  t.  II,  p.  128,  il  l'appelle  «Broglio». 
Le  P.  Gaillakd,  Nankin,  Aperçu  historique,  p.  221,  donne  entre  guillemets,  avec  une 
référence  inexacte,  une  phrase  qui  ne  se  trouve  pas  en  réalité  dans  du  Halde. 

4)  Cf.  O.  Franke,  Kêng  tschi  fu,  Hamburg,  1913,  in-4'' ;  P.  Pelliot,  A  propos  du 
Keng  tche  fou,  dans  Mém.  concern.  l'Asie  Orientale,  t.  I,  1913,  pp.  65 — 122;  O.  Franke, 
Zur  Geschichte  des  Kêng  Tschi  T'u,  dans  Ostasiat,  Zeitschrift,  1914,  169 — 208. 

5)  Je  traduis  sur  le  texte  italien  original,  d'après  l'édition  du  P.  Tacchi-Venturi, 
Opère  storiche  del  P.  Matteo  Ricci  S.J.,  Macerata,  1911,  gr.  in-8,  I,  16.  La  traduction 
latine  de  Trigault  n'est  pas  littérale. 


6      PAUL   PELLIOT.    LA   PEINTURE    ET   LA    GRAVURE    EUROPÉENNES 

dans  la  statuaire  et  dans  l'art  du  fondeur,  quoi  qu'ils  fassent  grand 
usage  de  tout  cela,  aussi  bien  dans  divers  arcs  et  dans  les  statues 
qu'ils  font  d'hommes  et  d'animaux  en  pierre  et  en  bronze  que  pour 
leurs  idoles  et  simulacres  dans  les  temples,  avec  les  cloches,  les 
grands  brûle-parfums  qu'ils  mettent  en  avant  de  leurs  idoles,  et 
autres  œuvres  d'art.  Il  me  paraît  que  la  cause  qui  les  empêche 
d'être  éminents  dans  ces  arts-là  est  la  rareté  ou  l'absence  de  com- 
munication avec  d'autres  nations  qui  auraient  pu  leur  venir  en  aide; 
car  comme  habileté  manuelle  et  dons  naturels  ils  ne  le  cèdent  à 
aucun  peuple.  Ils  ne  savent  pas  peindre  à  l'huile,  ni  mettre  des 
ombres  à  ce  qu'ils  peignent  ^),  et  ainsi  toutes  leurs  peintures  sont 
mortes  et  sans  aucune  vie.  Dans  la  statuaire,  ils  sont  tout  à  fait 
malheureux,  et  je  ne  sache  pas  qu'ils  aient  d'autres  règles  de  pro- 
portions et  de  symétrie  que  l'œil,  qui,  dans  les  objets  de  grande 
dimension,  se  trompe  bien  facilement,  et  ils  font  des  figures  im- 
menses tant  de  pierre  que  de  bronze.» 

C'est  peut-être  ce  sentiment  de  l'infériorité  de  l'art  chinois  qui 
fit  songer  Ricci  à  tirer  parti  d'œuvres  d'art  européennes  pour  le 
succès  de  son  apostolat.  Sans  doute,  il  se  servira  avant  tout  de 
peintures  religieuses,  il  offrira  à  l'Empereur  en  1601  des  tableaux 
de  Notre  Seigneur  et  de  la  Vierge  ^)  et  les  gravures  de  l'œuvre  du 
P.  Nadal   sont   mentionnées    tant   dans  les  Commentaires  que  dans 


1)  Dans  une  lettre  du  18  octobre  1598,  le  P.  Longobardi  demande  des  «livres  d'images», 
très  appréciés  des  Chinois,  «  parce  qu'ils  ont  ces  ombres  que  les  peintures  chinoises  ne  mar- 
quent pas»  (cf.  Tacchi-Venturi,  II,  475). 

2)  Le  rapport  présenté  par  Ricci  à  l'Empereur,  et  où  il  est  question  de  ces  cadeaux, 
est  bien  du  87  janvier  1601,  comme  le  dit  M.  Cokdier  (2i'm;?rmme  ««o-eKro;7<?c««e,  n°  238), 
encore  que  le  P.  Tacchi-Venturi  (t.  I,  p.  358)  déclare  cette  date  trop  tardive  et  sûrement 
inexacte.  La  date  du  28  janvier  1601  donnée  par  M.  Laufer  {Christian  Art,  p.  7)  semble 
être  une  inadvertance.  Une  liste  chinoise  des  cadeaux  offerts  par  Ricci,  plus  complète  que 
celles  connues  jusqu'ici  par  les  sources  européennes  ou  chinoises,  se  trouve  dans  le  n°  1322 
du  Catalogue  de  M.  Courant  et  méritera  d'être  étudiée  en  détail. 


EN    CHINE    AU    TEMPS    DE    MATHIEU    RICCI.  7 

les  Lettres;  mais  on  le  voit  aussi  réclamer  de  bonnes  gravures  de 
la  Rome  antique  dont  le  succès  lui  paraît  assuré. 

Sur  les  premières  peintures  chrétiennes  qui  entrèrent  en  Chine 
avec  Ricci,  nous  trouvons  dans  les  Commentaires  les  indications 
suivantes,  se  rapportant  à  la  fin  de  1586  ou  au  début  de   1587:^) 

«Notre   Père   Général   Claude   Acquaviva   a  écrit  aux  Pères  de 

la   mission et   tout   de   suite   il  leur   a   envoyé  de  Rome  une 

image   du    Sauveur  faite  par  un  excellent  peintre Du  Japon, 

le  père  vice-provincial  Gaspard  Coelho  leur  a  envoyé  une  grande 
image  du  Sauveur  faite  par  le  P.  Jean  Nicolao,  très  belle.  Des 
Philippines,  un  prêtre  pieux  a  envoyé  une  image  de  la  Vierge  avec 
l'Enfant  dans  ses  bras  et  Saint  Jean  [Baptiste]  l'adorant,  [image] 
venue  d'Espagne,  d'un  rare  talent  par  la  vivacité  des  couleurs 
et  des  figures,  et  le  P.  François  Cabrale  l'a  attribuée  à  cette 
mission-ci » 

Il  y  a  ici  une  indication  intéressante,  celle  d'un  tableau  peint 
par  le  P.  Jean  Nicolao.  Des  renseignements  que  le  P.  Tacchi-Venturi 
a  extraits  des  archives  de  la  Compagnie,  il  résulte  en  effet  que  le 
P.  Nicolao,  né  à  Naples  en  1560,  était  déjà  en  1592  au  Japon 
(à  «Xiqui»)'),  où  il  enseignait  la  peinture  à  de  jeunes  Japonais. 
En  1603,  il  était  à  Nagasaki,  directeur  d'une  école  de  peinture 
fondée  par  les  Jésuites,  On  l'y  retrouve  encore  en  1613.  Un  cata- 
logue antérieur  à  1620  le  fait  alors  vivre  à  Macao,  où  il  est  encore 
nommé  en  1623.  D'après  une  autre  note  du  P.  Tacchi-Venturi  ^), 
le  P.  Nicolao   portait   à    Nagasaki  le  titre  de   «préfet  du  séminaire 


1)  Ed.  Tacchi-Venturi,  I.  157—158. 

2)  C'est-à-dire  à  Shiki,  une  des  îles  du  groupe  d'Amakusa. 

3)  làid.,  I,  648.  Mais,  dans  cette  dernière  note,  le  P.  Tacchi-Venturi  doit  se  tromper 
en  ne  faisant  durer  que  jusqu'à  1603  cette  école  de  peinture  établie  par  les  Jésuites  au 
Japon;  les  renseignements  qu'il  a  donnés  p.  158  sont  formels  pour  prolonger  son  existence 
au  moins  jusqu'en  1613.  Il  me  paraît  vraisemblable  que  l'école  ait  duré  jusqu'à  la  pros- 
cription de  1614,  et  que  ce  soit  à  cette  date  et  pour  ce  motif  que  le  P.  Nicolao  soit  revenu 
à  Macao. 


8      PAULPELLIOT.    LA   PEINTURE   ET   LA    GRAVURE   EUROPÉENNES 

des  peintres».  Léon  Pages,  qui  ne  parle  pas  d'enseignement  de  la 
peinture  à  Shiki  ou  à  Nagasaki,  dit  de  son  côté,  à  propos  de  la 
mission  d'Arima,  qu'en  1601  «quatorze  Doyoucous,  étudiant  la 
peinture,  s'étaient  retirés  à  Arima  pendant  la  guerre,  et  vivaient 
en  forme  de  séminaire,  enrichissant  de  leurs  œuvres  les  sanctuaires 
du  Japon.  Ils  étaient  sous  la  direction  de  deux  religieux,  dont  l'un 
était  venu  de  Rome,  et  était  déjà  prêtre»  ^).  Bien  que  Pages  ne 
donne  pas  le  nom  de  ce  religieux,  c'est  bien  probablement  le  P.  Nicolao. 

En  1585  —  1586,  le  P.  Nicolao  était-il  déjà  au  Japon?  C'est 
possible,  mais  non  certain,  puisque  son  enseignement  n'y  est  attesté 
qu'en  1592.  Il  importe  toutefois  d'insister  sur  l'existence  de  ce 
«séminaire  des  peintres»,  car  nous  allons  retrouver  sa  trace  à 
plusieurs  reprises  dans  la  mission  de  Ricci. 

Une  première  mention  du  «séminaire»  apparaît  dans  un  docu- 
ment où  elle  a  été  d'abord  méconnue.  La  quatrième  des  gravures 
reproduites  par  M.  Laufer  d'après  le  Tch'eng  che  mo  yuan  est  celle 
d'une  Madone,  et  a  été  identifiée  à  une  gravure  de  Jérôme  Wieex 
reproduisant  la  «Nuestra  Senora  de  l'Antiqua»  de  Seville.  Au-dessous 
de  cette  gravure  se  trouve  une  légende  assez  longue,  copiée  textuelle- 
ment de  la  gravure  de  Wierx,  sauf  une  dernière  indication  placée 
dans  l'angle  inférieur  droit.  M.  Laufer  a  lu  ce  dernier  bout  de  ligne 
«in  8  cm°  Japv  1597»,  et  le  professeur  C.  Justi  lui  a  suggéré  pour 
«Japv»  une  interprétation  «anno  a  partu  virginis».  Le  P.  Brucker 
a  fait  remarquer  que  le  texte  portait  en  réalité  «in  Sem^  Japo  1597»^). 
Et  l'interprétation    s'impose;   il   faut  comprendre   «au  séminaire  du 


1)  Léon  Pagèsj  Histoire  de  la  religion  chrétienne  au  Japon  depuis  1598 jusqu'à  1651, 
Paris,  1869,  in-8,  t.  I,  p.  45. 

2)  Cf.  Brucker,  loc.  laud.,  p.  223.  Les  articles  où  le  P.  Brucker  a  parlé  de  la  Chine 
sont  toujours  intéressants,  mais  ce  sont  souvent  des  comptes-rendus,  pour  lesquels  le  nom 
du  P.  Brucker  n'est  pas  indiqué  dans  les  tables  des  Etudes-,  aussi  est-il  difficile  de  les 
retrouver,  et  restent-ils  peu  connus.  En  fait,  j'avais  fait  la  même  rectification,  et  mon  article 
était  rédigé  quand  un  heureux  hasard  m'a  fait  retrouver  le  compte-rendu  du  P.  Brucker. 


EN   CHINE   AU   TEMPS   DE   MATHIEU   RICCI.  9 

Japon  (ou  des  Japonais),  1597».  Ce  séminaire  doit  être  soit  le 
séminaire  de  «Xiqui»,  où  Nicolao  enseignait  la  peinture  en  1592, 
soit  le  «séminaire  des  peintres»  de  Nagasaki,  qui  n'est  attesté  qu'à 
partir  de  1603,  mais  pouvait  fort  bien  exister  dès  1597  ^).  La  con- 
statation est  assez  troublante.  J'ai  dit  plus  haut  qu'on  croyait  encore 
distinguer,  sur  la  planche  du  Tch'eng  che  mo  yuan,  la  trace  des 
hachures  d'une  gravure  originale  au  burin.  Faut-il  admettre  que 
ces  hachures  aient  subsisté  à  travers  une  première  copie  manuscrite 
fidèle  exécutée  au  Japon,  et  furent  ensuite  copiées  non  moins 
fidèlement  dans  la  planche  du  Tch'eng  che  mo  yuan'i  Ou  le  P.  Nicolao 
avait-il  regravé  ou  fait  regraver  au  burin  en  1597  la  planche  originale 
de  Wierx?  Cette  dernière  hypothèse  me  paraît  de  beaucoup  la  plus 
vraisemblable.  On  lit  en  efî"et,  dans  le  passage  de  Léon  Pages  déjà 
cité  au  sujet  du,  séminaire  d'Arima:  «On  gravait  aussi  de  belles 
images,  comparables  à  celles  d'Europe,  et  ou  les  répandait  dans  tout 
l'empire».  C'est  une  de  ces  gravures,  exécutée  au  Japon  en  1597, 
qui  a  dû  être  donnée  par  Ricci  à  Tch'eng  Ta-yo. 

Le  P.  Nicolao  et  son  école  ne  jouèrent  d'ailleurs  pas  seulement 
un  rôle  dans  la  mission  de  Ricci  par  les  œuvres  qu'ils  envoyèrent; 
la  mission  leur  dut  aussi  un  peintre. 

Toutefois  ce  ne  fut  pas  là  le  premier  peintre  que  Ricci  ait  eu 
autour  de  lui.  Quand,  en  mai-juin  1600,  Ricci,  alors  en  route  de 
Nankin  pour  Pékin,  se  trouvait  à  Tsi-ning  (Chau-tong),  il  eut 
l'occasion  de  montrer  au  gouverneur  ^  Lieou  (H.  Ao*  ^  Sin-t'ong) 
le  tableau  représentant  la  Vierge  avec  l'Enfant  et  Saint  Jean-Baptiste 
qu'il  destinait  à  l'Empereur.  La  femme  du  vice-roi,  entendant  parler 


1)  Le  P.  Brucker  suppose  qu'il  peut  s'agir  du  séminaire  de  Macao  où  les  Japonais 
vinrent  étudier  quand  le  gouvernement  japonais  s'opposa  à  la  propagande  chrétienne.  Mais 
on  a  vu  que  le  P.  Nicolao  était  encore  au  Japon  en  1613.  La  suite  de  cet  article  montrera 
que  le  frère  Niva,  son  élève,  ne  fut  ramené  du  Japon  qu'en  1601 — 1602.  Enfin,  en  1606, 
Ricci  envoya  Niva  de  Pékin  à  Macao  pour  y  décorer  la  nouvelle  église  des  Jésuites,  ce 
qu'il  n'eût  sans  doute  pas  fait  si  Nicolao  et  ses  élèves  s'y  fussent  déjà  trouvés. 


10      PAULPELLIOT.    LA    PEINTURE    ET    LA    GRAVURE    EUROPÉENNES 

du  tableau,  désira  envoyer  un  peintre  pour  en  prendre  une  copie. 
Mais  les  pères  «craignant  que  [ce  peintre]  ne  le  pût  faire  assez  bien, 
et  surtout  ne  pouvant  nullement  s'arrêter  là,  donnèrent  [au  gouver-: 
neur]  une  copie,  assez  belle,  qu'avait  faite  dans  notre  maison  un 
jeune  homme  de  notre  maison»^).  On  ne  sait  qui  était  ce  «jeune 
homme»,  capable  de  peindre,  et  qui  se  trouvait  à  Nankin  dans  la 
maison  des  pères. 

Mais,  bientôt,  le  P.  Ricci  eut  à  Pékin  un  vrai  peintre  dans  la 
personne  du  frère  Jacques  Niva,  un  élève  du  P.  Nicolao  que  le 
Visiteur  Alexandre  Valignani^)  avait  ramené  avec  lui  du  Japon  à 
Macao  à  la  fin  de  1601  ou  au  commencement  de  1602.  En  1601, 
le  P.  Ricci,  retenu  à  Pékin,  avait  été  suppléé  dans  les  missions  du 
Sud  par  le  P.  Emmanuel  Diaz  (senior),  nommé  recteur  de  ces  missions. 
En  1602,  le  P.  Diaz  monta  à  Pékin  conférer  avec  Ricci.  «Là  le 
Père  vint  avec  le  frère  Jacques  Niva,  peintre,  qui  fils  d'un  Chinois, 
mais  né  au  Japon,  avait  été  élevé  dans  notre  séminaire  et  con- 
naissait très  bien  cet  art  [de  la  peinture],  et  le  père  visiteur  l'avait 
mandé  pour  aider  dans  cette  entreprise  [de  l'apostolat  de  la  Chine], 
sans  qu'il  fût  encore  reçu  dans  la  Compagnie;  et  sans  avoir  aucune 
difiSculté  ni  empêchement  en  route,  ils  arrivèrent  par  eau  à  Pékin 
en  juillet  de  l'année  1602»  '). 

Le  P.  Tacchi-Venturi  ajoute  en  note  qu'il  ne  peut  donner  aucun 
renseignement  sur  ce  frère  Jacques  Niva,  dont  le  nom  ne  figure  pas 
parmi  ceux  des  pères  et  frères  mentionnés  comme  se  trouvant  en 
Chine  dans  un  catalogue  du  25  janvier  1604.  Mais  il  n'y  a  à  ce 
silence  rien  d'étonnant.  Le  passage  des  Commentaires  que  je  viens 
de  citer  spécifie  qu'en  1602,  Jacques  Niva  n'avait  pas  encore  été 
reçu  dans  la  Compagnie;  le  silence  du  catalogue  du  25  janvier  1604 


1)  Tacchi-Venturi,  I,  350. 

2)  Je  garde  cette  forme,  qui  est  celle  qu'emploie  le  P.  Tacchi-Venturi;  mais  le  P.  Bracker 
adopte  Valignano,  non  sans  de  bonnes  raisons  lui  aussi. 

3)  Tacchi-Venturi,  I,  439. 


EN   CHINE    AU    TEMPS   DE   MATHIEU    RICCI.  11 

vient  seulement  de  ce  qu'il  en  était  encore  de  même  à  cette  date-là. 
Deux  passages  d'une  lettre  écrite  le  15  août  1606  par  le  P.  Ricci 
aa  Général  des  Jésuites,  Claude  Acquaviva,  montrent  que  le  frère 
Niva,  «mezzo  giappone»  (ce  qui  paraît  supposer  que,  si  son  père 
était  chinois,  sa  mère  était  japonaise),  ne  fut  reçu  comme  frère 
dans  la  Compagnie  qu'après  la  mort  du  P.  Valignani,  survenue  le 
20  janvier  1606  i). 

Sur  les  travaux  du  frère  Niva,  on  peut  grouper  quelques  ren- 
seignements. 

Dans  une  lettre  de  février  1605  au  P.  Louis  Maselli,  Ricci  dit:  ^) 
«L'an  passé,  à  Noël,  pour  la  fête,  nous  avons  placé  sur  l'autel,  au' 
lieu  de  l'image  du  Sauveur  qui  y  est  toujours,  une  image  nouvelle 
de  la  Vierge  de  saint  Luc,  avec  l'Enfant  dans  les  bras,  très  bien 
peinte  par  un  jeune  homme  qui  est  dans  notre  maison  et  qui  a 
été  au  Japon  l'élève  de  notre  P.  Jean  Nicolô  (=  Nicolao),  et  mer- 
veilleux fut  le  contentement  que  tous  eurent  de  cette  [image]  ...» 

Dans  sa  lettre  du  15  août  1606  au  P.  Acquaviva,  Ricci  men- 
tionne que  le  frère  Niva  est  à  ce  moment  à  Macao,  où  il  l'a  en- 
voyé pour  exécuter  quelques  peintures  dans  l'église  nouvelle. 

Mais  il  devait  y  avoir  de  plus  amples  renseignements  dans  une 
lettre  perdue  de  Ricci,  car  le  P.  du  .Tarric,  dans  un  passage  qui 
semble  avoir  échappé  au  P.  Tacchi-Venturi,  célèbre  assez  longuement 
les  mérites  du  frère  Niva.  Voici  le  texte'):  «En  la  ville  de  Pacquin 
ez  anneez  1605.  estoiët  le  P.  Matthieu  Ricci,  le  P.  Jacques  Pantoja, 
&  vn  frère  Japonois  de  la  mesme  Côpagnie,  appelle  Jacques,  excel- 
lent peintre  ....  &  le  frère  auec  sa  peinture  rauissoit  en  admiration 
tout  ce  grand  monde  de  la  Chine,  ainsi  que  parle  le  P.  Ricci  en 
vne   de   ses   lettres,    de    façon    que   tous   aduouoient   qu'il  n'y  auoit 


J)  Tacchi-Venturi,  II,  300,  304. 

2)  Tacchi-Venturi,  II,  254. 

3)  Troisiestne  partie  de  l'Histoire  des  choses  plus  mémorables,  Bordeaux,  1614,  in-4'', 
p.  1018—1019. 


12      PAULPELLIOT.    LA   PEINTURE   ET   LA    GRAVURE   EUROPÉENNES 

point  en  la  Chine  aucune  peinture,  qui  peut  estre  parangonnée  à 
celles,  qui  venoient  de  sa  main,  quoy  qu'auparavant  ils  estimassent, 
qu'il  n'y  en  auoit  au  monde  de  telles  que  les  leurs.  Toutes-fois  il 
traualloit  si  secrettement,  qu'il  n'y  auoit  que  deux  Chrestiens  Chinois, 
&  iceux  fort  fidelles,  qui  le  sceusaent:  parce  que  si  cela  fut  venu 
à  la  notice  du  Roy,  il  n'eut  peu  estre  employé  à  autre  chose  qu'aux 
ouurages  d'iceluy,  ou  des  plus  grands  Mandarins  de  la  Cour  :  en 
danger  d'en  offencer  plusieurs,  ne  pouuant  satis-faire  à  tous.  ^^ 

En  1610,  le  frère  Niva  fut  envoyé  à  Nan-tch'ang  dans  le  Kiang-si 
pour  y  peindre  les  images  du  Sauveur  et  de  la  Vierge  dans  les 
deux  chapelles  qu'y  avait  la  Mission  ^).  C'est  sans  doute  ce  qui 
l'empêcha  de  se  trouver  à  Pékin  le  11  mai  1610,  lors  de  la  mort 
de  Ricci.  Ricci  n'avait  jamais  voulu  se  laisser  peindre  ^).  Mais  les 
chrétiens  indigènes  se  lamentaient  de  la  mort  de  celui  qu'ils  ap- 
pelaient le  Saint,  et,  ajoute  Trigault,  «  par  leurs  prières  importunes 
ils  obligèrent  un  des  frères,  qui  entendait  un  peu  à  la  peinture, 
de  peindre  le  portrait  du  héros,  pour  leur  commune  consolation.  » 
Une   lettre   de   de   Ursis    donne   le  nom  de  ce  frère  qui  *  entendait 


1)  Cf.  la  lettre  annuelle  de  1610,  du  P.  Trigault,  visée  dans  Tacchi-Venturi,  I,  648. 

2)  Nous  connaissons  ce  détail  par  la  f^ie  de  Siu  Kouang-k'i  qu'écrivit  le  P.  Couplet 
en  1678  (cf.  Cordieb,  L'imprimerie  sino-européenne,  n"  234,  où  cette  œuvre  est  classée  par 
inadvertance  au  milieu  des  écrits  de  Ricci).  Siu  Kouang-k'i  refusa  toujours  de  laisser  faire 
son  portrait,  voulant  imiter  par  là  le  P.  Ricci,  Aussi  quand  Siu  Kouang-k'i  fut  sur  le 
point  de  mourir,  un  de  ses  petits-fils  usa-t-il  de  subterfuge,  en  faisant  pénétrer  comme  on 
prétendu  médecin  un  peintre  qui  examina  longuement  le  mourant  et  reproduisit  ensuite 
ses  traits  de  mémoire.  A  propos  de  la  mort  de  Siu  Kouang-k'i,  je  ferai  remarquer  que  le 
Biogr.  Biet,  de  Giles  (n°  779)  la  place  en  1634,  date  qui  a  été  répétée  par  M.  Courant 
à  diverses  reprises  dans  son  Catalogue  et  par  M.  Vacca  dans  son  appendice  au  t.  II  du 
P.  Tacchi-Venturi.  J'ai  indiqué  1633  dans  B.  E.F.E.-O.,  III,  723,  et  je  crois  que  c'est 
la  date  qui  est  donnée  actuellement  par  les  Jésuites  de  Changfaai.  Mais  la  Vie  de  Siu 
Kouang'k'i  par  le  P.  Couplet  dit  très  formellement  que  Siu  Kouang-k'i  mourut,  selon  le 
calendrier  occidental,  en  l'an  de  Notre-Seigneur  1632,  et,  selon  le  calendrier  chinois,  le  7 
de  la  10°  lune  de  la  5"  année  Tch'ong-tcheng,  marquée  des  signes  j'cw-c^e»  ;  ces  données 
correspondent  indubitablement  au  18  novembre  1632.  La  famille  de  Siu  Kouang-k'i  existe 
encore;  il  devrait  être  possible  d'arriver  sur  ce  point  à  une  solution  certaine. 


EN   CHINE    AU    TEMPS   DE    MATHIEU   RICCI.  13 

un  peu  à  la  peinture»:  c'est  Emmanuel  Pereira  ^).  Nul  doute  qu'on 
se  fût  adressé  à  Niva  s'il  se  fût  alors  trouvé  à  Pékin. 

Par  contre,  lorsqu'on  1611  l'Empereur  eut  donné  aux  Pères, 
pour  le  tombeau  de  Ricci,  le  temple  bouddhique  confisqué  à  l'eunuque 
/fêf  Yang,  et  qu'il  s'agit  de  substituer  aux  images  et  statues  du 
bouddhisme  uue  décoration  chrétienne  appropriée,  c'est  le  frère 
Jacques  Niva,  de  retour  à  Pékin,  qui  s'acquitta  de  ce  pieux  devoir. 
«  L'autel ...  fut  aba/;U,  &  les  peintures  de  parois  couuertes  de  chaux. 
En  après  on  appresta  vn  lieu  sur  l'autel  neuf,  pour  y  poser  l'image 
du  Sauueur.  L'vn  de  nos  frères  l'auoit  pendant  ce  temps  très- 
proprement  peinte  en  ceste  mesme  métairie.  On  y  void  Jesus-Christ 
nostre  Sauueur  &  Redëpteur  assis  en  vn  throsne  magnifique,  les 
Anges  en  haut,  les  Apostres  en  bas  semblent  de  chaque  costé  l'escouter, 
comme  s'il  les  enseignoit.  »  ^) 

On  a  vu  que,  dans  une  lettre  perdue  dont  s'inspire  le  P.  du  Jarric, 
Ricci  parlait  avec  enthousiasme  de  la  peinture  de  Niva,  et  de  l'effet 
qu'elle  produisait  sur  les  Chinois  de  la  Cour.  De  même,  dans  ses 
Lettres,  il  note  qu'un  très  grand  nombre  de  visiteurs  viennent  à  la 
mission  «per  curiosità  di  vedere  l'artificio  délia  nostra  pintura  o 
stampa  de  libri  et  imagini  o  horiuoli  artificiosi»  ^).  Une  autre  fois, 
Ricci  dit  que  les  Chinois  «restent  stupéfaits  des  livres  d'images  qui 
les  font  penser  à  des  sculptures  (scolpite),  et  ils  ne  peuvent  croire 
que  ce  soient  des  peintures»*). 

Evidemment,  on  pourrait  se  demander  si  les  premiers  mission- 
naires   ne    se   sont    pas    mépris   dans    une   certaine    mesure,  et  s'ils 


1)  Cf.  Trigault,  De  Christiana  expeditione,  Augsbourg,  1615,  p.  614;  Tacchi-Venturi, 
I,  617. 

2)  Je  reproduis  la  traduction  faite  par  de  Riquebourg-Teiqatii.t,  neveu  du  P.  Nicolas 
Trigault  {Histoire  de  l'expédition  chrestienne  av  royaume  de  la  Chine,  Lyon,  1616,  1091— 
1092);  cf.  aussi  Tacchi-Venturi,  I,  645. 

3)  Lettre  du  22  août  1608  au  P.  Claude  Acquaviva  (dans  Tacchi-Venturi,  II,  367). 

4)  Lettre  du  10  mai  1605  à  Jeau-Baptiste  Ricci  (dans  Tacchi-Venturi,  II,  272). 


14      PAUL    PELLIOT.    LA    PEINTURE   ET, LA    GRAVURE    EUROPÉENNES 

n'ont  pas  accepté  comme  des  preuves  d'admiration  profonde  les 
compliments  que  la  politesse  chinoise  prodigue  volontiers.  On  sait 
en  effet  que,  malgré  la  qualité  de  peintres  ofiSciels  qu'eurent  au 
XVIIP  siècle  plusieurs  peintres  européens,  les  amateurs  chinois, 
dans  l'ensemble,  n'appréciaient  pas  autrement  cette  perspective  et 
ces  ombres  dont  Ricci  notait  tout  de  suite  l'absence  dans  la  peinture 
de  l'Extrême-Orient.  Mais  dans  l'histoire  de  cette  première  mission 
de  Chine,  tout  est  extraordinaire.  L'énorme  ascendant  que  Ricci  sut 
prendre  à  la  Cour  est  indéniable.  Sa  situation  d'étranger  entretenu 
pendant  10  ans,  lui  et  ses  compagnons,  aux  frais  de  l'Empereur, 
est  sans  précédent.  Et  il  n'y  a  pas  non  plus  d'exemple,  avant  le 
sien,  d'un  tombeau  donné  par  l'Empereur  à  un  «barbare»  mort  à 
la  capitale  et  qui  n'était  pas  l'envoyé  officiel  d'un  prince  tributaire. 
Cette  Chine  de  la  fin  des  Ming  a  été  séduite  par  la  science  des 
premiers  missionnaires  et  par  la  dignité  de  leur  vie.  Et  il  semble 
bien  que,  déposant  pour  un  temps  leur  orgueil  et  leur  exclusivisme, 
beaucoup  de  très  bous  esprits  aient  alors  admis  que  ces  étrangers 
leur  étaient  supérieurs  un  peu  en  tous  domaines.  L'insertion  des 
gravures  chrétiennes  dans  le  Tch'eng  che  mo  yuan  en  est  un  exemple. 
J'en  ajouterai  un  autre.  Au  milieu  du  XVIP  siècle,  ^  j^  ^ 
KiANG  Chao-chou  écrivit  une  Histoire  de  la  poésie  sans  paroles 
(c'est-à-dire  de  la  peinture),  portant  sur  les  peintres  de  la  dynastie 
des  Ming  (1368  —  1644)^).  Un  court  article  y  est  consacré  à  la 
«peinture  d'Occident»   (^  ^  ^  si-yu  houa);  il  y  est  dit:^) 


1)  Le  titre  de  l'ouvrage  est  J^  ^>  gi  §^  Wou  cheng  che  che,  en  7  ob.;  cf.  à 
8on  sujet  Sseu  k'ou  ts'iuan  chou,  ch.  114,  f°  21—22.  KiaDg  Chao-chou  a  aussi  laissé  un 
recueil  de  mélanges,  intitulé  Sa  yS  7^r  ^S  m^  ^un  che  tchai  pi  tau.  C'est  à  tort 
que  Wylie  {Notet  on  Chinese  Uterature'^,  136)  fait  vivre  Kiang  Chao-chou  au  début  du 
XVIII*  siècle;  lai-même  se  quali&e  de  sujet  des  «ex-Ming»;  il  écrivait  donc  pen  après 
que  les  Ming  furent  tombés  en  1644,  et  en  fait  la  préface  du  Yun  che  tchai  pi  t^an  est 
de  1649. 

2)  Je  cite  d'après  la  réédition  photolithographique  de  1910,  ch.  7,  f®  23. 


EN   CHINE    AU    TEMPS   DE    MATHIEU    RICCI.  15 

«Li  Ma-teou  (Ricci)  apporta  avec  lui  une  image  du  Maître  du 
Ciel,  [selon  les]  pays  d'Occident;  c'est  une  femme  portant  dans 
les  bras  un  enfant.  Les  sourcils  et  les  yeux,  les  plis  des  vêtements 
sont  comme  une  image  qui  serait  gardée  par  un  miroir  clair  et  qui 
librement  va  se  mettre  en  mouvement.  [Les  figures]  sont  d'une  majesté 
et  d'une  élégance  dont  les  peintres  chinois  ne  sauraient  approcher.  »  ^) 

Les  propos  de  Ricci  ont  ainsi,  on  le  voit,  une  contrepartie  dans 
les  textes  chinois.  La  peinture  européenne  a  vraiment  eu  son  heure 
de  vogue  en  Chine  au  début  du  XVII®  siècle,  et  dans  l'histoire  des 
relations  artistiques  entre  l'Europe  et  l'Extrême-Orient  il  faut  dé- 
sormais faire  une  place  au  P.  Jean  Nicolao,  Napolitain,  et  à  son 
élève,  métis  d'un  Chinois  et  d'une  Japonaise,  le  frère  Jacques  Niva. 


NOTES  ADDITIONNELLES. 

P.  L  —  Aux  peintres  «européens»  qui  ont  travaillé  en  Chine  au 
XVIIP  siècle,  il  faut  joindre  Michel  Araïlza,  Arménien,  qui  arriva 
en  Chine  en  1720;  c'était  un  laïc  envoyé  par  la  Propagande;  son 
nom  chinois  fut  Lai  (cf.   Rev.  d'Extr.-Or.,  II  [1887],  p.  66). 

P.  9.  —  En  rédigeant  mon  article,  je  n'avais  pas  à  ma  disposition 
la  brochure  de  sir  Ernest  Satow,  The  Jesuit  Mission  Press  in  Japan, 
1591 — 1610,  s.  1.,  1880,  in-4''.  Le  plus  ancien  livre  imprimé  par  les 
Jésuites  au  Japon  et  qu'ait  connu  Satow  a  été  gravé  en  1591  à 
Katsusa,  comté  de  Takaku  (province  de  Hizen);  mais  Satow  note 
que,  d'après  les  «lettres  annuelles»  pour  1591  et  1592,  le  collège 
dut  être  transporté  peu  après  à  Amakusa.  Les  gravures  des  planches 
de  ces  ouvrages  furent  exécutées  par  des  élèves  des  Jésuites.  Satow 


16      PAULPELLIOT.    LA   PEINTURE   ET    LA    GRAVURE   EUROPÉENNES 

ne  parle  pas  du  P.  Nicolao,  mais  il  cite  la  Lettera  Annua  del 
Giappone  dal  Marzo  del  1593  sino  al  Marzo  del  94^  Milan,  1597, 
où  il  est  dit  (pp.  59—60):  «Certaines  de  leurs  maisons  ne  font  pas 
moins  de  progrès  dans  la  peinture  ou  dans  la  gravure  des  plaques 
de  cuivre  pour  les  impressions  {in  iniagliar  lame  di  rame  per  stamps), 
car  huit  des  leurs  travaillent  à  diverses  peintures  à  la  gouache,  et 
d'autres  à  l'huile,  et  cinq  à  graver  des  plaques....  Ceux  qui  gra- 
vent sur  cuivre  ne  font  pas  moins  dans  leur  service,  car  ils  ont 
déjà  gravé  très  au  naturel  les  images  venant  de  Rome,  dont  on  a 
tiré  beaucoup  au  grand  plaisir  et  à  la  satisfaction  des  chrétiens». 
Comme  on  le  voit,  l'existence  d'une  section  de  gravure  au  burin 
dans  le  «séminaire  des  peintres*  est  pleinement  confirmée  par  ce 
texte,  et  il  n'y  a  plus  à  douter  que  c'est  une  de  ces  copies  japo- 
naises au  burin  qui  a  été  reproduite  par  Tch'eng  Ta-yo. 

P.  11.  —  L'église  des  Jésuites  à  Macao  avait  brûlé  en  1600; 
elle  fut  reconstruite  en  1601  —  1602  avec  le  concours  de  chrétiens 
japonais,  et  c'est  cette  église  nouvelle,  bien  connue  sous  le  nom  de 
San  Paolo,  qui  a  brûlé  à  son  tour  en  1835,  mais  dont  l'imposante 
façade  se  dresse  encore  dans  la  ville  de  Macao  (cf.  Montalto  de  Jesus, 
Historie  Macao,  p.  49,  mais  je  ne  vois  pas  que  le  Ming  che  parle 
de  l'église,  comme  le  dit  Montalto  de  Jesus).  Telle  est  sûrement  la 
vérité,  mais  il  y  a  en  apparence  une  difficulté  chronologique. 
D'après  Montalto  de  Jesus,  la  «pierre  de  fondation»  de  S*  Paul  porte: 
Virgini  Magnae  Matri  Civitas  Macaensis  Lubens.  Posuit  An.  1602. 
Or  une  lettre  annuelle  du  P.  Carvalho,  datée  de  Macao  le  25  janvier 
1602,  parle  de  l'incendie  de  l'église  en  1600  et  de  sa  reconstruction 
en  1601.  Qu'il  s'agisse  bien  de  la  même  église,  c'est  ce  que  confirme 
par  surcroît  l'accord  entre  la  dédicace  à  la  Vierge  de  la  pierre  de 
fondation  et  l'indication  expresse  du  P.  Carvalho  que  l'église  est 
dédiée  à  la  Mère  de  Dieu.  La  solution  me  paraît  être  que  l'in- 
scription   n'est    pas    celle    d'une    véritable    «pierre    de   fondation», 


EN   CHINE    AU    TEMPS   DE    MATHIEU   RICCI.  17 

mais  marque  l'achèvement  des  travaux.  Quoi  qu'il  en  soit,  le  pas- 
sage de  la  lettre  du  P.  Carvalho  est  important  pour  le  sujet  du 
présent  article,  et  je  le  reproduis  ci-après  {Lettre  de  la  Chine 
de  Van  1601.  escrite  par  le  P.  Valentin  Carua-  glio  Recteur  du 
College  de  Macao  au  T.  R.  P.  Clau-  de  Aquauiua  General  de 
la  Compagnie  de  lesus,  Paris,  Claude  Chappelet,  1605,  in-12,  53  ff. 
[B.  N.,  0^  104  (2)],  P  5):  «Au  lieu  des  deux  tableaux  qui  ont 
esté  brusiez,  l'on  en  a  faict  deux  autres,  l'vn  de  l'Assomption  de  la 
très  saincte  Mere  de  Dieu,  à  laquelle  l'Eglise  est  dediee,  l'autre  des 
onze  mille  Vierges  martyres.  C'a  esté  un  peintre  Japonais  que  nous 
nommons  Dogico  que  le  P.  Valignan  enuoye  à  ceux  de  la  Chine, 
qui  le  luy  ont  demandé  pour  faire  quelques  tableaux  qu'ils  veulent 
donner  aux  Chinois  nouueaux  conuertis  en  eschange  des  idoles 
qu'ils  leur  ostent.  Sans  doute  qu'il  a  bonne  main,  &  est  habile 
garçon  en  son  mestier,  ses  peintures  paroissent  si  belles  &  accom- 
plies, que  les  Chinois  y  prendront  plaisir.»  De  ce  texte,  il  paraît 
bien  résulter  que  le  P.  Valignani  n'était  pas  encore  à  Macao, 
puisqu'il  «envoie»  du  Japon  le  peintre  demandé  par  les  Jésuites 
de  Chine;  l'arrivée  du  P.  Valignani  serait  donc  du  début  de  1602. 
Maintenant  qui  est  ce  «Dogico»?  On  est  tout  de  suite  assez  tenté 
de  l'identifier  au  futur  frère  Jacques  Ni  va,  qui  aurait  ainsi  travaillé 
à  l'église  de  Macao  une  première  fois  en  1601  et  une  seconde  en 
1606.  «Dogico»  serait  un  aurnom  japonais,  peut-être  un  mot 
signifiant  «novice»  ou  «élève»  et  identique  au  «doyoucou»  em- 
ployé par  Pages.  Mais  alors  il  faudrait  admettre  une  légère  inex- 
actitude dans  les  textes  qui  veulent  que  Jacques  Ni  va  ait  été 
«amené»  du  Japon  par  Valignani;  Valignani  l'aurait  envoyé  à 
Macao  dès  1601,  mais  l'aurait  ensuite  pris  avec  lui  pour  aller  à 
Pékin  au  milieu  de  1602.  Je  n'ai  pas  actuellement  le  moyen  d'arriver 
à  une  conclusion  ferme  sur  ce  point. 


18  PAUL   PELLIOT.    LA    PEINTURE   ET   LA    GRAVURE    ETC. 

P.  14.  —  Comme  exemple  des  critiques  adressées  aux  méthodes 
de  la  peinture  européenne  par  les  critiques  d'art  chinois  du 
XVIIP  siècle,  cf.  le  texte  de  Tchang  Keng  (1685-1760)  traduit 
dans  Giles,  An  Introd.  to  the  study  of  Chinese  pictorial  arl^,  p.  199. 
Toutefois  M.  Giles  se  trompe  sûrement  en  parlant  d'un  portrait  du 
pape;  ^ç  ^  kiao-tchou,  le  «maître»  de  la  religion  chrétienne,  désigne 
bien  ici  Dieu  lui-même,  et  c'est  ce  même  tableau  qui  est  ensuite  décrit 
par   «une  femme  portant  un  petit  enfant»   (cf.  supra^  p.  15). 


LE  VOYAGE  DE  MOU  WANG 
ET  L'HYPOTHÈSE  D'ED.  GHAVANNES 


PAB 


LEOPOLD  DE  SAUSSURE. 


Dans  le  Journal  asiatique  de  mars-avril  1919  (p.  289)  M.  G. 
Ferrand  écrit: 

a  K'^ouen-louen,  dit  M.  Pelliot,  est  un  nom  fameux  de  la  géographie  chinoise  : 
c'est  celui  des  montagnes  d'Asie  centrale  où,  d'après  la  légende,  le  prince  Mou 
de  l'état  de  Ts'^in  aurait,  au  X'  siècle  (?)  avant  notre  ère,  rendu  visite  à  la 
«  mère  reine  d'Occiient  »  ').  » 

Cette  légende  ne  met  pas  en  cause  le  prince  Mou  ^p  de  Ts'in 
mais  bien  le  Fils  du  Ciel  Mou  wang  ^  ^  de  la  dynastie  des  Tcheou. 

Il  est  vrai  qu'Ed.  Chavannes  (M.  H.  V,  pp.  480—489)  a  émis 
l'hypothèse  que  le  voyage  en  question  aurait  été  accompli,  en  réalité, 
non  par  l'empereur  Mou  (au  10®  siècle)  mais  par  son  homonyme 
le  duc  Mou  de  Ts'in  (au  7®  siècle).  Cette  supposition,  même  si  elle 
est  fondée,  n'autorise  cependant  pas  à  dire  que  «  la  légende  »  se 
rapporte  au  prince  feudataire  puisqu'elle  met  invariablement  en 
cause  l'empereur  Mou. 

L'hypothèse   de   Chavannes   est  d'ailleurs  très  contestable.  Déjà, 


1)  Ed.  Chavannes,  Les  Mém.   hist,  de   Se-ma    Ts'ien,   t.   II,    1897,   pp.  7 — 8.    Sur 
y^    -f"  "Ht  Si-wang-mou,  cf.  le  compte  rendu  de  M.  Pelliot  de  Jdversaria  sinica  n°  1 
de   H.  A.  Giles,   dont   les   pages   1 — 19   sont   consacrées  à   ce   personnage  mythique  [dans 
B.E.F.E.-O.,  t.  VI,  1906,  pp.  416—421].  {Noie  de  M.  Ferrand.) 


20  LEOPOLD   DE    SAUSSURE. 

en  1908,  dans  son  Ancient  China  simplified,  M.  E.  H.  Parker  a  fait 
observer,  entre  autres  arguments,  qu'elle  ne  rend  pas  compte  d'un 
incident  caractéristique  du  voyage.  Le  roi  Mou  ^)  s'était  amouraché, 
en  cours  de  route,  d'une  jeune  femme  portant  le  même  nom  de  clan 
que  lui  {Ki  j(|5)  et  qu'il  ne  pouvait  donc  pas  épouser  sans  en- 
freindre les  rites: 

«  About  a  third  of  the  Travels  is  taken  up  with  a  description  of  the  in- 
cestuous intrigue  with  Lady  Ki  and  of  her  somptuous  funerals.  Why  should 
duke  Muh  trouble  himself  about  the  rites  due  to  members  of  the  Ki  family, 
to  which  the  Emperor  belonged  but  he  himself  did  not?  Why  should  the 
warlike  duke  Muh  (who  had  just  then  been  recommended  to  adopt  simple 
Tartar  ways...)  waste  his  time  in  pomp  and  ritual?  Again,  when,  as  the 
Travels  tells  us,  various  vassal  rulers  from  orthodox  China  arrived  to  pay 
their  respects  to  the  Emperor  as  their  liege-lord,  how  is  it  possible  to  suppose 
that  these  orthodox  counts  and  barons  would  come  to  pay  court  to  a  semi- 
barbarian  count  like  duke  Muh  (as  he  is  posthumously  called),  one  of  their 
equals,  a  man  who  took  no  part  in  the  durbar  affairs  and  who,  on  account 
of  his  human  sacrifices,  was  not  even  thought  fit  to  become  an  emergency 
Protector  of  China?  Once  more,  the  place  the  Emperor  started  from  and  came 
back  to,  though  part  of  his  appanage  in  984  B.C.  and  possessing  an  ancestral 
Chou  temple,  was  not  part  of  the  Ts'^in  dominions  in  650  B.C.,  and  never 
possessed  a  TsHn  temple.  .  .  » 

Chose  curieuse,  ni  Chavannes  ni  son  contradicteur  n'ont  évoqué 
le  passage  du  Tso  ichouan  se  rapportant  à  l'an  529  av.  J.-C.  (120 
ans  seulement  après  le  prétendu  voyage  du  prince  de  Ts'in),  où 
l'on   voit,   avec   des  détails  topiques  ^),  un  conseiller  du  vicomte  de 


1)  On  sait  que  les  empereurs  de  la  dynastie    Tcheou  portaient  le  titre  de  roi  ï  wang. 

2)  Il  est  visible  que  ce  récit  provient  (plus  ou  moins  directement)  d'an  témoin  oculaire. 
Le  vicomte,  soi-disant  roi,  de  Tch'ou  s'était  mis  en  tête  de  demander  au  Fils  du  Ciel,  les 
trépieds  des  Tcheou,  palladium  de  la  dynastie,  dont  la  cession  aurait  équivalu  à  une  ab- 
dication. «The  snow  was  falling  and  the  king  went  out  with  a  whip  in  his  hand,  wearing 
a  fur-cap,  the  cloak  sent  to  him  from  Ts'in  ornamented  with  king-fishers'  feathers,  and 
in  shoes  of  leopard  skin.  In  the  evening  Tsze-kih  waited  upon  him;  when  the  king  saw 
him  he  put  off  his  cap  and  cloak,  laid  aside  his  whip,  and  spoke  with  him»  (Leqog: 
C.  C.  V,  p.  641).  Le  roi  de  Tch'ou,  dans  cet  entretien,  vise  à  obtenir  l'approbation  de  son 
conseiller;  celui-ci,  n'osant  pas  le  heurter  de  front,  saisit  l'occasion  d'une  allusion  indirecte. 
L'historiographe  Ti-sianç  étant  venu   à   passer   et  le  roi  ayant  loué  ses  capacités,   Tteu-ii 


LE   VOYAGE   DE   MOU    WANG   ET   l'hYPOTHÈSE   d'eD.    CHAV ANNES.       21 

Tch'ou  rappellaat  à  son  maître  —  pour  le  prémunir  contre  un 
entraînement  fâcheux  —  le  souvenir  du  roi  Mou  qui  eut  la  passion 
des  voyages  ^)  mais  finit  cependant  par  écouter  les  remontrances 
de  son  ministre  Meou  fou  et  mourut  ainsi  de  mort  naturelle  dans 
son  palais  de  Tche  j^.  Cette  anecdote  ne  prouve  pas  que  le  roi 
Mou  soit  allé  au  Turkestan,  mais  elle  montre  que  c'est  bien  lui, 
et  non  le  duc  Mou,  qui  jouissait,  au  VP  siècle,  de  la  réputation 
de  grand  voyageur. 

Le  principal  argument  de  Chavanues  est  que,  dans  les  annales 
des  Tcheou,  Sseu-ma  Ts'ien  ne  mentionne  pas  le  voyage  du  roi  Mou, 
tandis  qu'il  eu  parle  assez  longuement  dans  les  chapitres  consacrés 
aux  royaumes  semi-turks  de  Ts'in  et  de  Tchao:  «Je  crois  —  dit-il  — 
pouvoir  en  conclure  que  Se-ma  Ts'ien,  qui  est  un  compilateur  fort 
attentif  à  ne  pas  altérer  ses  sources,  n'a  pas  relevé  d'allusion  au 
voyage  du  roi  Mou  dans  les  textes  provenant  du  pays  des  Tcheou, 
tandis  qu'il  a  trouvé  la  tradition  de  ce  voyage  très  vivace  dans  les 
pays  de  Ts'in  et  de  Tchao;  il  nous  indique  ainsi  où  nous  devons 
chercher  l'origine  de  ce  récit.» 

Ces  rapprochements  sont  de  nature  à  faire  impression,  mais  leur 
valeur  se  dissipe  quand  on  se  reporte  aux  documents,  c'est-à-dire 
au  chef  d'œuvre  de  Chavannes,  à  sa  traduction  du  Che  ki.  On  y 
constate  que  les  annales  de  la  principauté  de   Ts'in  y  tiennent  plus 


répartit  qu'il  ne  le  trouvait  pas  si  savant  ;  a  car,  lui  ayant  parlé  de  l'ode  composée  à  propos 
de  l'admonestation  de  Meou-fou  au  roi  Mou,  il  a  avoué  ne  pas  la  connaître  ».  —  «  Quelle 
est  cette  ode  —  demanda  le  roi  —  pouvez  vous  me  la  réciter  P»  Après  en  avoir  entendu 
les  vers  il  ne  put  manger  ni  dormir;  mais  il  ne  se  résigna  pas  à  abandonner  son  projet 
et  s'attira  un  humiliant  refus. 

y.  Ç|j(  ^^  X^  ]|^  g  Autrefois  le  roi  Mou  se  laissait  aller  à  sa  passion  de  circuler 
à  travers  le  monde,  marquant  partout  l'empreinte  des  roues  de  son  char  et  des  sabots  de 
ses  chevaux  {Tchao,  12"  année). 


22  LEOPOLD   DE   SAUSSURE. 

de  place  que  celles  consacrées  a  la  longue  dynastie  des  Tcheou;  et 
que  ces  annales  de  Ts'in  ne  comportent  aucune  intercalation  de 
documents  étrangers,  sauf  dix  lignes  empruntées  à  Han  Fei-tseu 
(t.  II,  p.  42);  taudis  que  les  annales  des  Tcheou  sont  composées 
de  pièces  et  de  morceaux  empruntés  au  Chou  king,  au  Tcheou  chou, 
au  Kouo  yu  et  au  Tso  ichouan.  Le  règne  du  roi  Mou,  par  exemple, 
comprend  170  lignes  empruntées  au  Kouo  yu  et  seulement  14  lignes 
d'annales  indiquant  son  accession  au  trône,  la  durée  de  son  règne 
et  sa  mort  ^). 

La  raison  d'être  de  cette  différence  est  facile  à  comprendre. 
Peu  après  le  règne  du  roi  Mou  (10®  siècle)  les  Tcheou  tombèrent 
en  décadence.  En  l'an  771  ils  furent  chassés  de  leur  capitale  par 
les  barbares  K'iuan  Jong\  et  c'est  en  cette  même  année,  en  con- 
sidération du  secours  apporté,  que  les  Ts'in  furent  mis  au  rang  des 
seigneurs.  A  partir  de  cette  date  Ts'in  ne  cesse  de  prospérer  et 
Tcheou  de  s'affaiblir  jusqu'au  jour  où  (en  255  av.  J.-C.)  Ts'in 
s'annexa  le  peu  qui  restait  de  l'ancien  domaine  impérial  et  mit  fin 
à  la  dynastie.  Après  avoir  brisé  les  dernières  résistances  et  s'être 
proclamé  empereur,  Ts'in  che  hoang  ordonna  la  destruction  des  livres, 
notamment  des  livres  d'histoire  à  l'exception  des  annales  de  sa  maison. 

Après  toutes  ces  vicissitudes,  et  surtout  à  cause  des  premiers 
désastres  infligés  à  la  dynastie  au  8®  siècle,  il  *n'est  pas  surprenant 
que  les  problématiques  annales  des  Tcheou  ne  contiennent  pas  de 
renseignements  sur  le  voyage  du  roi  Mou.  Elles  ne  nous  appren- 
nent rien  sur  l'époque  florissante  du  début  de  la  dynastie,  dont  la 
chronologie  est  incertaine.  Les  détails  circonstanciés  que  nous  possé- 
dons sur  certains  événements  de  cette  période  sont  dûs  à  d'autres 
sources. 

Ceux   qui  sont  intercalés   par  Sseu-ma  Ts'ien  dans  le  règne  du 


1)  Encore  n'est-il  pas  certain  que  ces  maigres  renseignements  proviennent  d'une  source 
Tcàeou. 


LE   VOYAGE   DE   MOU    WANG   ET   l'hYPOTHÈSE   d'eD.    CHAV ANNES.      23 

roi  Mou  proviennent,  avons-nous  dit,  du  Kouo  yu\  ce  sont:  1*^  le 
discours  de  Meou-fou  duc  de  Tchai  ^)  ;  2"  un  discours  du  roi  au 
sujet  de  la  réforme  du  code  pénal.  Ce  second  document  n'a  rien  à 
voir  avec  le  voyage  au  Turkestan  tandis  que  le  premier  est  en 
rapport  direct  avec  lui. 

Le  personnage  qui  tient  ce  discours,  Meou  fou,  duc  de  Tchai, 
est  précisément  ce  conseiller  qui,  dans  l'anecdote  du  Tso  tchouan, 
blâma  le  roi  Mou  de  sa  passion  des  voyages.  Et  ce  personnage, 
comme  le  remarque  Chavannes  en  1895  (t.  I,  p.  252)  est  cité  dans 
le  Mou  t'ien  tseu  tchouan.  Comment  concilier  ce  fait  avec  l'hypothèse 
émise  en  et  1905,  d'après  laquelle  il  semblerait  vraiment  qu'aucune 
particularité  du  récit  ne  désigne  spécialement  le  roi  Mou  plutôt 
que  le  duc  Mou  sauf  le  titre  de  Fils  du  ciel?  ^) 

En  second  lieu  la  remontrance  adressée  par  Meou  fou  a  rapport 
à   une   expédition   projetée  par   l'empereur  contre  les  K'iuan  Jong. 


1)  Ce  discours,  dit  Chavannes  (M.  H.  t.  I,  p.  251),  a  pour  but  de  dissuader  le  roi 
de  faire  une  expédition  guerrière  contre  les  K'iuan  .long.  Il  est  le  développement  de  deux 
arguments:  en  premier  lieu,  les  anciens  rois  de  la  d^'nastie  des  Tcheou  n'étaient  pas  des 
rois  guerriers;  ils  s'occupaient  d'instruire  et  de  nourrir  le  peuple;  si  le  roi  Wou  a  com- 
battu la  dynastie  des  Tin,  ce  n'est  pas  par  amour  de  la  guerre,  c'est  par  pitié  pour  les 
souffrances  du  peuple.  En  second  lieu  les  K'iuan  .Tong  ne  doivent  pas  être  attaqués;  en 
effet  ils  sont  rangés  dans  la  catégorie  des  vaisseaux  barbares:  or,  les  règlements  royaux 
veulent  que  lorsque  les  vassaux  barbares  manquent  à  leurs  devoirs  on  leur  adresse  une 
proclamation,  mais  ils  ne  veulent  pas  qu'on  les  combatte;  d'ailleurs  les  K'iuan  Jong  n'ont 
pas  manqué  au  devoir  des  vassaux  barbares  qui  est  de  venir  à  la  cour  à  chaque  avènement. 
Le  roi  Mou  a  donc  tort  de  projeter  une  attaque  contre  les  K'iuan  .Tong. 

2)  a  Le  Mou  t'ien  tse  tchouan  pourrait  fort  bien  être  le  récit  de  la  tournée  triomphale 
que  fit  le  duc  Mou  dans  ses  nouvelles  possessions  occidentales  pour  recevoir  solennellement 
l'hommage  des  chefs  soumis  ;  ce  récit  dut  être  écrit  au  jour  le  jour,  mais  ne  put  être  ter- 
miné que  lorsque  le  duc  Mou  fut  définitivement  rentré  dans  son  pays;  or  il  semble  que  la 
mort  du  duc  Mou,  survenue  en  621,  ait  eu  lieu  immédiatement  après  ce  retour;  c'est  ce 
qui  explique  pourquoi,  dans  le  titre  de  la  relation,  le  prince  figure  avec  son  nom  posthume 
«Mou:».  En  conclusion  donc,  la  rédaction  du  Mou  t'ien  tse  tchoan  dut  être  achevée  en 
621  av.  J.-C.  ou  fort  peu  après.  Cette  date  est  bien  plus  vraisemblable  que  la  date  qu'il 
faut  admettre  si  on  rapporte  la  composition  du  Mou  t'ien  tse  tchoan  au  règne  du  roi  Mou  ; 
en  effet  vers  l'an  1000  avant  notre  ère  la  littérature  chinoise  était  encore  trop  en  enfance 
pour  produire  un  monument  aussi  nettement  scientifique»  (M.  H.,  V,  p.  489). 


24  LEOPOLD    DE    SAUSSURE. 

Cette  peuplade  habitait  à  l'ouest  du  domaine  royal,  par  consé- 
quent sur  l'itinéraire  du  Turkestan.  Et  l'admonestation  du  ministre 
montre  que  le  roi  Mou  ne  pratiquait  pas  la  politique  traditionnelle 
de  non-intervention  dans  les  pays  barbares  et  qu'il  prenait  part  en 
personne  aux  expéditions  conquérantes.  Le  récit  du  Kouo  yu  se  borne 
à  constater  que  le  roi  Mou  ne  tint  pas  compte  de  l'exhortation  de 
Meou  fou,  qu'il  entra  de  suite,  en  campagne ...  et  ne  rapporta 
pour  tout  butin  que  quatre  loups  blancs  et  quatre  cerfs  blancs. 
Mais  ce  discours  du  Kouo  yu,  contraire  aux  indications  précises  du 
i^  ^  ^  ^  au  sujet  de  Meou  fou  et  du  roi  Mou,  est  d'ordre 
ritualistique  et  moral;  il  exprime  l'idéal,  d'ailleurs  très  élevé,  (combien 
différent  de  celui  de  l'Assyrie!)  de  l'Etat  chinois  et  ne  s'intéresse  nulle- 
ment aux  fantaisies  exploratrices,  contraires  aux  devoirs  hiératiques 
du  Fils  du  ciel,  auxquelles  se  livrait  le  roi  Mou  ^). 

En  résumé,  Sseu-ma  Ts'ien,  dans  sa  compilation  relative  aux 
premiers  Tclieou,  n'a  produit  aucun  document,  aucun  renseignement 
topique  provenant  des  annales  de  cette  dynastie,  les  archives  ayant 
été  vraisemblablement  détruites  lors  de  la  prise  de  la  capitale  par 
les  barbares  au  8®  siècle.  Il  ne  pouvait  par  conséquent  en  trouver 
concernant  le  roi  Mou  (10®  siècle);  il  y  a  suppléé  par  un  récit  du 
Kouo  yu  se  rapportant  à  la  question  qui  nous  intéresse:  directement 
par  l'exhortation  de  Meou  fou,  indirectement  par  la  mention  d'une 
expédition  chez  les  K'iuan  Jong.  C'est  donc  à  tort,  à  mon  avis, 
que  Chavannes,  dans  ses  conclusions  (p.  489),  a  cru  pouvoir  attri-« 
buer  une  valeur  probante  à  la  constatation  suivante: 

ai^  Les  documents  appartenant  en  propre  à  la  dynastie  des  Tcheou  et 
utilisés  par  Se-ma  Ta'^ien  dans  les  Annales  principales  des  Tcheou,  ignorent 
totalement  le  voyage  du  roi  Mou.» 


1)  D'aillears,    même  les  récits  favorables  au  roi  Mou  ne  mentionnent  son  voyage  que 
sons  In  forme  riluelle  d'une  «inspection  des  fiefs». 


LE   VOYAGE    DE    MOU    WANG   ET   l'hYPOTHÈSE   d'eD.    CHA VANNES.      25 

Il  nous  reste  maintenant  à  examiner  la  seconde  partie  de  l'ar- 
gumentation : 

«S**  La  tradition  relative  à  ce  voyage  est  localisée  dans  les  pays  de  Tsin 
et  de  Tchao  et  porte  d'ailleurs  en  elle-même  l'empreinte  de  la  race  turque 
qui  habitait  ces  régions.  » 

Cette  assertion  se  réfère  à  ce  qui  a  été  dit  plus  haut  des  an- 
nales de  Ts'in  (t.  II,  p.  5-9)  et  de  Tchao  (t.  V,  p.  8  —  10).  Mais 
si  l'on  se  reporte  aux  textes,  bien  loin  de  les  trouver  favorables  à 
la  thèse  de  Chavannes,  on  constate  qu'ils  en  établissent  la  réfutation. 

Ces  textes  appartiennent  l'un  et  l'autre  au  préambule  généalo- 
gique indiquant  les  antécédents  de  ces  deux  maisons  princières  col- 
latérales que  je  résume  en  un  tableau  synoptique: 

Fei-lien  (au  serrice  du  dernier  empereur  de  la  dynastie  Yin.) 


Ngo-lai  (Tué  lors  du  renversement  de  la  Ki-cheng 

I               dynastie   Yin.)  \ 

Niu-FANG  MoNG-TSENG    (fut    en    faveur   auprès   du   roi 

I  I                  Tch'eng  de  la  dynastie  Tcheou.) 

P'ang-kao                         '  Heng-fou 

T'ai-ki                                                                 Tsao-fou  (Il  fut  en  faveur  auprès  du  roi  Mou 

I  de  la  dynastie   Tcheou,  dont  il  con- 

Ta-lo                                                                     Tchao  duisit   le   quadrige   lorsque   ce   roi 

I  alla   visiter   les   fîefs   dans  l'ouest. 

Fei-tseu    (Reçut  le  fief  médiatisé  de  Ts'in  en  récom-  Comme  récompense  il  reçut  en  fief 

pense   de  ses  bons  services  dans  les  haras  du  la    ville    de  Tchao;  il  est  l'auteur 

Ts'in  roi  Hiao  (de  la  dynastie  Tcheou).    Ce  roi  lui  de  la  maison  de   Tchao.) 

confirma  le  nom  de  clan  Ying  conféré  autrefois 

à  ses  ascendants.  Il  est  l'auteur  de  la  maison 

de  Ts'in.) 

Nous  avons  vu  plus  haut  que  les  Annales  de  Ts'in,  telles  que 
Sseu-ma  Ts'ien  les  donne,  semblent  originales  et  non  pas  composées 
d'emprunts.  On  peut  donc  dire  «qu'elles  appartiennent  en  propre 
à  la  maison  de  Ts'in»  en  employant  l'expression  dont  Chavannes 
se  sert  (à  tort,  à  mon  avis)  en  parlant  de  celles  des  premiers  Tcheou. 
L'historique,  très  objectif,  des  antécédents  des  Ts'in,  ne  contient 
pas  de  légendes  merveilleuses;  il  reconnaît  que  la  maison  de  Tchao 
est   la   branche   aînée  et  que  la  maison  de   Ts'in  doit  son   élévation 


26  LEOPOLD    DE    SAUSSURE. 

aux  souverains  de  la  dynastie  Tcheou  et  à  la  faveur  dont  le  cousin 
Tsao-fou  avait  joui  à  la  cour. 

Les  Annales  de  la  principauté  de  Tchao,  aux  pages  indiquées, 
reproduisent  les  mêmes  faits,  plus  résumés. 

Or  Chavannes,  tout  en  prétendant  que  ces  Annales  confirment 
son  opinion  ^),  vient  renverser,  de  sa  propre  autorité,  cette  généalogie, 
incompatible  avec  sa  thèse  puisqu'elle  place  au  10®  siècle  des  faits 
qu'il  veut  attribuer  au  7®  siècle: 

A  la  thèse  qui  voit  dans  les  traditions  relatives  aux  pérégrinations  du  roi 
Mou  le  souvenir  d'un  voyage  que  ce  souverain  aurait  effectué  au  10'  siècle . . . 
j'oppose  la  thèse  suivante:  vers  623  av.  J.-C,  le  puissant  chef  de  race  turque 
qui  régnait  dans  ie  Chàn-si  actuel  réussit  à  imposer  sa  domination  dans  le 
Kan-sou  et  sur  le  Turkestan  oriental . . .  son  char  était  tiré  par  des  coursiers 
excellents  qui,  suivant  la  coutume  turque,  sont  associés  aux  exploits  du  héros  ...  ; 
le  cocher,  chargé  de  conduire  le  merveilleux  attelage  était  un  parent  du  duc 
Mou  et  fut  lui-même  l'ancêtre  des  princes  turcs  du  pays  de  Tchao. 

Depuis  quinze  ans  que  ces  lignes  ont  été  publiées,  aucun  lec- 
teur ne  s'est  peut-être  rendu  compte  des  conséquences  impliquées 
dans  la  dernière  phrase.  Elle  signifie  que  Chavannes  refait  arbi- 
trairement l'historique  de  la  maison  de  Tchao  en  la  faisant  débuter 


1)  Il  voit  sans  doute  cette  confirmation  dans  le  fait  que  ces  passages  des  Annales  de 
Ts'in  et  de  Tchao  reproduisent  ce  que  le  Mou  t'ien  tseu  tchouan  dit  du  quadrige  mer- 
veilleux (p.  7): 

Tsao-fou,  à  cause  qu'il  excellait  à  conduire  les  chevaux,  fut  en  faveur  auprès  du  roi 
Mou,  de  la  dynastie  Tcheou;  il  avait  le  quadrige  de  Ki,  Tao-li,  Hoa-Lieou  et  Lou-eul. 
(Le  roi  Mou)  alla  dans  l'ouest  inspecter  les  fiefs;  il  s'y  plut  et  oublia  de  revenir;  le  roi 
Ten  de  Siv  fit  des  troubles.  Tsao-fou  était  cocher  du  roi  Mou;  il  revint  dans  (le  pays  de) 
Tcheou  à  toute  vitesse,  parcourant  mille  li  par  jour,  afin  de  parer  aux  troubles.  Le  roi 
Mou  donna  la  ville  de   Tchao  en  fief  à   Tsao-fou. . . 

(Récit  identique  dans  les  annales  de  Tchao  avec  les  additions  suivantes;  le  quadrige 
fut  assorti  par  Tsao-fou  et  offert  par  lui  au  roi  Mou.  —  Le  roi  Mou  vit  Si-wang-mou 
et  se  plut  en  sa  compagnie). 

Kien  d'autre,  dans  ces  textes,  n'est  dit  au  sujet  du  quadrige.  C'est  donc  dans  ces 
quelques  mots  que  Chavannes  a  vu  «l'empreiate  de  la  race  turque  qui  habitait  ces  regions» 
et  trouvé  un  argument  suffisant  pour  considérer  comme  non  avenu  le  fait  que  ces  Annales 
des  Ts'in  et  des  Tchao  attribuent  formellement  le  voyage  à  l'empereur  .Uou  et  à  son 
serviteur,  leur  ancêtre  Tsao-fou. 


LE   VOYAGE   DE   MOU    WANG   ET   l'HYPOTHÈSE    d'eD.    CHAVANNES.      27 

au  7®  siècle  alors  que,  d'après  les  annales  des  Ts'in  et  des  Tchao, 
son  fondateur  est  Tsao-fou,  l'automédon  du  roi  Mou,  créé  seigneur 
de  Tchao  au  10®  siècle.  D'un  trait  de  plume  et  sans  examiner 
quelles  sont  les  répercussions  de  son  hypothèse,  il  transplante  du 
début  du  10®  siècle  à  la  fin  du  7®  siècle,  c'est-à-dire  eu  pleine 
période  Tch'ouen  —  Ts'ieou,  un  ensemble  de  faits  complexes  et  déclare 
que  l'ancêtre  des  princes  (plus  tard  rois)  de  Tchao  est,  en  l'an  623, 
le  cocher  du  prince  de  Ts'in. 

Or,  à  cette  époque,  bien  connue  non-seulement  par  les  annales 
des  états,  mais  par  le  livre  de  Confucius  et  ses  commentaires,  l'an- 
cêtre des  princes  de  Tchao  était  Tchao  Tch'ouei  au  service,  non  pas 
du  prince  de  Ts'in,  mais  du  fameux  duc  Wen  de  Tsin  dont  il  avait 
été  le  fidèle  compagnon  pendant  ses  19  ans  d'exil  et  à  qui  ce 
kong  tseu,  aux  aventures  romanesques,  devait  en  partie  sa  couronne 
puisque  c'est  lui,  Tchao  Tch'ouei,  qui  l'avait  arraché  à  ses  amours 
dans  le  pays  de  Ts'i.  Ce  Tchao  Tch'ouei  mourut  en  622  et  son  fils 
Tchao  Tauen  lui  succéda.  Cette  famille  a  vécu  sous  le  plein  jour  de 
l'histoire  et  l'on  sait  que,  étant  devenue  très  puissante,  elle  s'en- 
tendit avec  deux  autres  grandes  familles  pour  démembrer  le  mar- 
quisat de  Tsin  en  trois  principautés  qui  furent  Tchao,  Han  et  Wei 
(en  376). 

L'opinion  avancée  par  Chavaunes  en  1905,  et  qui  se  heurte 
aux  annales  de  Ts'in,  de  Tchao,  de  Tsin,  au  Tso  tchouan,  au  Tchou 
chou  ki  nien  et  au  Kouo  yu,  est  insoutenable.  Mais  avant  de  l'avoir 
formulée  dans  le  tome  V  des  Mémoires  historiques,  il  l'avait  présentée 
sous  une  forme  différente  dans  le  tome  II  en  1897.  Voyons  si  cette 
première  version  est  plus  acceptable: 

Quel  est  en  effet  le  noyau  de  la  légende?  C'est  Tsao-fou  et  son  attelage 
de  chevaux  merveilleux  dont  on  a  conservé  les  noms  étranges.  Mais  comme 
Tsao-fou  passe  pour  avoir  vécu  au  temps  du  roi  Mou,  les  érudits  ont  rapproché 
le  voyage  dans  l'ouest  du  nom  de  ce  roi.  C'est  ainsi  qu'une  légende  qui  prit 
naissance   dans   le    Chàn-si  à   une  époque   où   les   habitants  de  l'état  de  TsHn 


28  LEOPOLD    DE    SAUSSURE. 

étaient  encore  barbares,  a  été  d'abord  rattachée  artificiellement  à  l'histoire  du 
royaume  du  Milieu  en  vertu  d'une  prétendue  concordance  chronologique  entre 
Tsao-fou  et  le  roi  Mou,  puis  s'est  grossie  de  toutes  les  fables  qui  se  sont  for- 
mées autour  du  contre-sens  commis  sur  le  nom  de  Si-wang-mou. 

Cette  hypothèse  est  encore  plus  inadmissible  que  l'autre;  si 
Chavannes  l'a  modifiée,  c'est  évidemment  parce  qu'il  s'en  est  rendu 
compte.  Le  Mou  t'ien  tseu  tchouan  ne  peut  en  effet  avoir  été  com- 
posé par  les  érudits  d'après  la  légende  d'un  peuple  encore  barbare  ^). 
C'est  un  document  très  objectif,  manifestement  rédigé  d'après  des 
éphémérides  contemporaines  des  événements.  Aussi  Chavannes  a-t-il 
précisé,  en  1905,  que  ce  récit  avait  dû  être  achevé  peu  après  la 
mort  du  duc  Mou  survenue  en  621. 

* 

Chose  curieuse,  le  mobile  qui  pousse  Chavannes  à  ces  suppo- 
sitions gratuites  dont  il  ne  vérifie  pas  les  aboutissants,  est  visible- 
ment le  désir  de  prouver  le  caractère  turk  des  coutumes  équestres 
qui  se  manifestent  dans  la  Relation  du  voyage.  Or  personne  ne 
conteste  ce  caractère  turk  et,  pour  l'admettre,  il  n'est  aucunement 
nécessaire  de  transplanter  l'épisode  du  domaine  des  Tcheou  dans 
celui  des  Ts'in.  Le  territoire  ancestral  des  Tcheou  était  au  nord  puis 
au  sud  de  la  rivière  Wei,  en  contact  avec  les  peuplades  pastorales 
turco-tartares  des  Jong  et  des  Ti.  Et,  même  après  l'accession  des 
Tcheou  au  trône  impérial,  leurs  fonctionnaires  étaient  en  relations 
matrimoniales  avec  les  barbares  Jong^).  Il  est  tout  naturel  que 
dans  ces  territoires  d'élevage,  la  technique  chevaline  et  les  coutumes 


1)  On  peut  en  dire  autant  des  concordances  qui  résultent  des  diverses  annales  et  du 
Tao  tchouan,  an  snjet  de  la  généalogie  des  Tchao  et  des  Ts'in,  de  l'intervention  de  Tsao 
fou  et  de  Meou  fou,  du  nom  de  clan  du  roi  Mou,  etc.  A  quelle  époque  les  «érudits» 
auraient-ils  transformé  des  événements  de  l'an  623  et  la  généalogie  des  princes  de  Tchao 
en  une  légende  du  10°  siècle  déjà  fixée  dans  le   Tso  tchouan^ 

2)  C'est  même  îi  cause  de  ces  unions  mixtes  que  Fei-tseu  reçut  le  fief  de  Ts'in  au 
lien  de  celui  de  Ta-lo  qui  lui  était  destiné,  comme  on  le  voit  (t.  II,  p.  10 — II)  dans  ces 
annales  que  Chavannes  supprime  d'un  trait  de  plume. 


LE   VOYAGE.  DE   MOU   WANG   ET   l'HYPOTHÈSE   d'ED.    CHA VANNES.       29 

équestres  soient  restées  turkes,  de  même  que  chez  nous  la  termino- 
logie des  courses  de  chevaux  et  les  règles  du  sport  conservent  leur 
caractère  anglais. 

Un  autre  argument  présenté  par  Chavannes  est  (comme  nous 
l'avons  vu  plus  haut)  que  la  littérature  chinoise  était  encore  trop 
dans  l'enfance  au  X®  siècle  pour  produire  un  document  aussi  nette- 
ment scientifique  que  la  Relation  du  voyage  du  roi  Mou.  Les  docu- 
ments contemporains  montrent  cependant  que  ce  ne  sont  pas  les 
moyens  d'expression  qui  manquent  à  cette  époque:  la  différence  de 
style  entre  la  littérature  du  Chou  king  et  le  Mou  t'ien  tseu  fchouan 
tient  surtout,  semble-t-il,  à  la  différence  des  genres  ^). 

Reste  encore  une  dernière  critique,  la  seule  que  Chavannes  ait 
prévue: 

L'objection  qu'on  fera  à  ma  théoiie  est  que  le  héros  du  Mou  fien  tse  tchoan 
est  constamment  appelé  le  Fils  du  Ciel  ^  -^  ,  épithète  qui,  en  droit,  ne  peut 
convenir  qu'à  un  roi  de  la  dynastie  Tcheou. .  . 


1)  Je  suis  d'autant  plus  sceptique  au  sujet  de  cette  objection  d'ordre  philologique  que 
j'ai  eu  roccasion  de  voir  et  de  montrer  à  quelles  erreurs  d'appréciation  une  prévention 
analogue  a  conduit  en  ce  qui  concerne  le  texte  du  Tao  tien.  On  pensait  qu'à  une  époque 
si  reculée  il  ne  pouvait  être  question  que  d'observations  astronomiques  très  grossières  et 
l'on  s'ingéniait  à  imaginer  des  procédés  primitifs  —  d'ailleurs  inapplicables,  inopérants  et 
inexistants  —  pour  les  faire  cadrer  avec  le  texte;  alors  que  celui-ci  appartient  avec  évi- 
dence à  la  période  de  l'astronomie  tropique  et  solsticiale  qu'il  caractérise  avec  une  netteté 
admirable;  et  que  les  quatre  astérismes  qu'il  met  en  rapport  avec  les  equinoxes  et  solstices 
sont  précisément  les  astérismes  centraux  équidistants  des  quatre  palais  sidéraux  immuables 
qui  ont  traversé  quarante  siècles  d'histoire  et  correspondent  aux  saisons  de  la  haute  anti- 
quité. Ce  qui,  corroboré  par  les  trigrammes  de  Fou-ki,  par  le  calendrier  originel  (dit  «des 
Hiay>,  où  les  equinoxes  et  solstices  marquent  aussi  le  milieu  des  saisons)  et  par  l'admirable 
symétrie  diamétrale  des  étoiles  fondamentales,  montre  que  le  système  chinois,  astronomique 
et  dualistique,  était  constitué  dès  la  haute  antiquité.  Le  texte  du  Yao  tien  qui,  dans  sa 
concision  symétrique,  en  résume  les  caractères  essentiels,  est  un  document  proprement 
scientifique  et  synthétique,  bien  supérieur  à  ce  que  la  Chaldée,  ou  tout  autre  foyer  de 
civilisation,  a  produit  à  la  même  époque.  (Cf.  Archives  des  sciences pAysiques,  Genève  1920). 

L'esprit  curieux  du  roi  Mou  l'a  entraîné  vers  un  ordre  d'idées  naturellement  incom- 
patible, dans  la  forme  et  dans  le  fond,  avec  celles  de  son  époque  et  de  son  milieu  ritua- 
listique.  Mais  si  la  relation  de  son  voyage  est  un  document  scientifique,  le  texte  du  Tao 
tien,  antérieur  de  quatorze  siècles,  l'est  bien  davantage. 


30  LÉOPOLDDESAUSSURE. 

Cette  considération  ne  serait  pas  dénuée  de  valeur  s'il  n'y  en 
avait  vraiment  pas  d'autres  à  présenter.  Mais  elle  n'aurait  jamais 
une  eflBcacité  probante,  car  elle  est  affaire  d'appréciation.  Il  n'est 
pas  vraisemblable  que  les  comtes  de  TsHn,  après  s'être  arrogé  le 
titre  de  roi,  aient  osé  prendre  le  titre  —  essentiellement  unique  et 
impliquant  des  cérémonies  religieuses  impériales  —  de  Fils  du  Ciel  ^). 
Mais  on  ne  pourrait  pas  démontrer  l'impossibilité  de  la  chose  si  un 
indice  faisait  naître  une  telle  supposition.  Cet  indice,  je  ne  le  vois 
pas  dans  le  Mou  t'ien  tseu  tchouan,  car  la  thèse  de  Chavannes  attri- 
buant ce  document  au  duc  Mou  ne  paraît  pas  défendable. 

CONCLUSION. 

L'hypothèse  de  Chavannes  au  sujet  d'une  substitution  du  roi  Mou 
au  duc  Mou  dans  le  Mou  i'ieîi  tseu  tchouan  présente  beaucoup 
d'analogie  avec  celle  qu'il  a  émise  en  1906  pour  soutenir  que  la 
théorie  des  cinq  éléments  n'est  pas  chinoise  mais  turque  ^).  Dans 
l'un  et  l'autre  cas,  il  est  parti  d'une  supposition  basée  sur  des 
rapprochements  assez  vagues,  sans  prendre  le  soin  de  rechercher  les 
textes  auxquels  elle  se  heurte  et  de  voir  s'il  est  possible  de  les  ré- 
cuser. Dans  l'un  et  l'autre  cas  il  semble  avoir  méconnu  l'utilité  de 
son  admirable  traduction  des  Mémoires  historiques  de  Sseu-ma  Ts'ien 


1)  De  nos  jours  les  rois  d'Ânnam  (depuis  6ia-lông  tout  au  moins,  voir  les  Souvenirs 
de  Chaigneau)  ont  usurpé  ce  titre  au  grand  scandale  des  Chinois,  qui  ont  attribué  leur 
chute  à  cet  acte  d'impiété.  Mais  dans  l'antiquité  chinoise  la  situation  était  autre;  les  états 
feudataires  les  plus  puissants  se  surveillaient  les  uns  les  autres  et  maintenaient  l'égalité 
par  des  alliances.  On  n'imagine  guère  que  l'un  des  princes  ait  pu  prendre  le  titre  de  Fils 
du  Ciel  sans  causer  an  scandale  dont  ou  trouverait  sûrement  l'écho  dans  le  TcA'otien  Wieou 
ou  dans  ses  commentaires. 

2)  La  réfutation  que  j'en  ai  faite  et  que  Chavannes  a  accueillie  avec  bonne  grâce  dans 
le  T'ounff  pao  (1910),  a  été  complétée  en  1911  par  A.  Forke  dans  l'appendice  de  son 
Lut!  Hêng. 


LE    VOYAGE    DE    MOU    WANG    ET    l'hYPOTHÈSE    d'eD.    CHAV ANNES.       31 

qui  constitue  un  répertoire  si  commode  des  textes  antiques  et  où  il 
est  si  facile  d'en  trouver  à  opposer  à  ces  deux  hypothèses  ^). 

Il  n'y  a  pas  a  regretter,  cependant,  que  ce  grand  sinologue  ait 
formulé,  ça  et  là,  des  suppositions  contestables;  car  du  choc  des 
idées  jaillit  la  lumière  et,  pour  que  les  questions  soient  résolues, 
il  faut  d'abord  qu'elles  aient  été  posées. 


1)  Je  me  suis  borné  ici  à  réfuter  l'hypothèse  de  Chavannes  par  des  arguments  em- 
pruntés aux  livres  d'histoire  (CAe  ki,  Tso  tchouan,  etc.),  parce  que  je  n'avais  pas  à  ma 
disposition  le  texte  du  Mou  t'ien  tseu  tckouan,  dont  il  ne  me  restait  qu'un  vague  souvenir. 
Mais,  depuis  lors,  ayant  eu  l'occasion  de  le  relire  (dans  la  traduction  d'Eitel,  Cj^tVza  jRméze', 
vol.  XVII),  j'ai  été  vivement  frappe'  par  l'objectivité  de  cet  antique  document  qui  provient 
manifestement  (sauf  quelques  interpolations  évidentes)  du  journal  d'un  historiographe  du 
roi  Mou.  Ce  texte  précieux  n'a  guère  été  étudié  d'une  manière  approfondie  par  les  criti- 
ques chinois  et  occidentaux  puisqu'aucun  d'eux  ne  s'est  aperçu  des  énormes  erreurs  calen- 
dériques  qui  y  ont  été  introduites,  lors  de  sa  reconstitution,  après  sa  découverte  en  frag- 
ments épars  et  incomplets,  au  IIP  siècle  de  notre  ère.  Le  lettré  chargé  du  collationnement 
s'est  borné  à  juxtaposer  ces  fragments,  en  numérotant  les  jours  d'après  la  notation  cyclique 
sans  penser  qu'un  ou  plusieurs  cycles  avaient  pu  s'écouler  entre  deux  dates  (exemple: 
907°  jour,  chute  de  neige  en  automne;  910'  jour,  grande  chaleur  d'été).  On  trouvera  dans 
de  prochains  numéros  du  Journal  asiatique  et  de  la  New  China  Review  des  études  détaillés 
à  ce  sujet. 

En  ce  qui  concerne  l'objectif  du  principal  voyage,  je  n'ai  pas  d'opinion.  Si  j'ai  men- 
tionné le  Turkestan  oriental,  c'est  simplement  parce  que  La  Couperie,  Chavannes  et  Parker 
s'accordaient  sur  ce  point.  Mais  la  découverte  des  lacunes  du  texte  est  probablement  de 
nature  h  remettre  en  question  cette  hypothèse.  Les  Annales  sur  bambou  désignent  les  monts 
K'ouen  louen.  Si  ce  terme  ne  figure  pas  dans  le  texte  (sauf  en  un  passage  fantastique 
visiblement  interpolé),  c'est  qu'il  y  a  une  lacune  de  60  jours,  insoupçonnée  jusqu'ici,  entre 
la  visite  à  Si-wanq-mou  et  le  séjour  de  chasse  an  Kouang  yuan,  point  terminus  du  voyage. 

A  propos  du  passage  le  mettant  en  cause,  ci-dessus,  p.  19,  M.  P.  Pelliot  me  fait  ob- 
server qu'il  s'agit  d'un  lapsus  calami,  car  en  1897  Chavannes  n'avait  pas  encore  émis  son 
hypothèse  concernant  le  duc  Mou  de  Ts'in  En  lui  donnant  acte  de  celte  rectification, 
j'ajoute  que  c'est  peut-être  ce  quiproquo  fortuit  qui  a  suggéré  à  Chavannes  l'idée  de  sub- 
stituer le  duc  Mou  au  roi  51ou  lorsqu'il  modifia  en  1905  sa  première  version  de  1897. 

\_Nota:  —  Dans  la  phrase  écrite  par  moi  en  1904  et  que  M.  de  Saussure  reproduit 
à  la  suite  de  M.  Ferrand,  la  mention  du  duc  Mou  de  Ts'in  au  lieu  du  roi  Mou  des  Tcheoa 
est  un  simple  lapsus,  comme  le  montre  d'ailleurs  la  date  indiquée  du  X°  siècle,  qui  a  sur- 
pris M.  de  Saussure.  Ce  lapsus  est  antérieur  à  l'hypothèse  de  Chavannes,  que  pour  ma  part 
je  n'ai  jamais  acceptée.  Je  considère  qu'il  s'agit  bien  du  roi  Mou  des  Tcheou,  ce  qui  ne 
veut  pas  dire  que  j'admette  l'historicité  du  récit.  —  P.  Pelliot]. 


LE  JUIF  NGAI, 
INFORMATEUR  DU  P.  MATHIEU  RICCI, 

PAR 

PAUL  PELLIOT. 

..qp.. 

Dès  1615,  la  version  latine  publiée  par  Trigault  des  Commentaires 
de  Mathieu  Ricci  racontait  comment,  quelques  années  après  l'éta- 
blissement des  Jésuites  à  Pékin,  un  Juif  de  K'ai-fong-fou  était  venu 
trouver  le  P.  Ricci  qu'il  prenait  pour  un  correligionnaire,  et  avait 
ainsi  révélé  à  l'Occident  l'existence  ancienne  de  colonies  juives  en 
Extrême-Orient. 

Il  y  a  quelques  années,  l'édition  du  P.  Tacehi-Venturi  nous  a 
rendu  les  Commentaires  de  Ricci  dans  le  texte  italien  original  ^). 
Aux  pages  468—471,  sous  une  date  que  le  P.  Tacchi-Vbnturi 
fixe  à  1605,  on  retrouve  le  récit  traduit  par  Trigault.  Il  vient  d'être 
question  d'un  livre  écrit  par  un  Chinois  et  où  il  était  question  des 
Pères,  et  Ricci  continue  ainsi: 

«Ce  livre  vint  aux  mains  d'un  Juif  de  nation  et  de  religion, 
de  la   province   et   de   la   métropole  du  Ho-nan,  Ngai  de  son  nom 


1)  P.  Pietro  Tacchi-Venturi  S.J.,  Opère  Storiche  del  P.  Matteo  Ricci  S.J.,  t.  I,  I 
Commentari  délia  China,  Macerata,  1911,  grand  in-8**,  oxvui  -j-  660  pp.  -f-  1  f.  s.  n.; 
t.  II,  Le  lettere  délia  Cina,  ibid.,  1913,  lxvii  +  570  pp.  +  1  f,  s.  n.,  avec  planches. 
L'édition  est  excellente  et  le  commentaire  met  à  profit  les  pre'cicuses  archives  de  la  Com- 
pa8;nie.  Un  certain  nombre  de  mots  chinois  sont  estropiés.  L'index  est  très  incomplet  et 
assez  souvent  fantif. 


LE   JUIF   NGAI,    INFORMATEUR   DU   P.    MATHIEU    RICCI.  33 

de  famille,  lequel  avait  déjà  atteint  le  grade  de  licencié  littéraire 
en  Chine  et  était  venu  cette  même  année  à  Pékin  pour  les  examens 
de  doctorat.  ...  Le  P.  Mathieu  le  mena  de  suite  à  la  chapelle  où 
on  avait  nouvellement  placé  sur  l'autel,  vu  que  c'était  la  fête  de 
Saint  Jean  Baptiste,  une  belle  image  de  la  Vierge,  qui  avait  d'un 
côté  l'Enfant  Jésus,  et  de  l'autre  Saint  Jean  Baptiste  en  adoration 
à  genoux.  .  .  .  On  lui  montra  la  Bible  de  Plantin  en  hébreu.  ...  Il 
dit  aux  pères  qu'à  K'ai-fong  beaucoup  savaient  l'hébreu,  entre  autres 
un  sien  frère,  et  que  lui,  dès  son  enfance,  s'était  adonné  aux  lettres 
chinoises,  et  ainsi  n'avait  pas  appris  les  lettres  hébraïques.  Et  il 
donna  à  entendre  que,  pour  avoir  suivi  les  choses  des  lettrés  de  la 
Chine,  il  avait  été  chassé  de  la  synagogue  par  l'archiprêtre  qui  est 
là  à  leur  tête  et  était  à  moitié  excommunié,  et  qu'il  aurait  facile- 
ment abandonné  cette  loi  s'il  eût  pu  obtenir  le  grade  de  docteur, 
comme  le  font  aussi  les  Musulmans  qui,  réussissant  à  obtenir  le  grade 
de  docteur,  n'ont  plus  peur  de  leurs  mollah,  et  abandonnent  la  loi»^). 

Ainsi  le  licencié  Ngai  serait  venu  voir  Ricci  le  jour  de  la  Saint- 
Jean,  c'est-à-dire  le  24  juin  1605,  à  l'occasion  d'un  voyage  que 
Ngai  faisait  à  Pékin  pour  se  présenter  aux  examens  triennaux  de 
doctorat.  On  sait  en  effet  que  ces  examens  triennaux  ont  amené  au 
P.  Ricci,  tout  au  moins  en  1607  et  1610,  un  grand  concours  de 
visiteurs. 

Mais  il  y  a  à  cette  version  des  Commentaires  une  grosse  difficulté. 
Les  dates  des  examens  triennaux  de  doctorat  sont  bien  connues. 
Depuis  le  début  des  Ming,  les  noms  des  lauréats  de  chaque  promo- 
tion sont  gravés  sur  des  stèles  qui  existent  encore  au  Kouo-tseu-kien 
de    Pékin,    et   toutes   ces   promotions   sont   éditées   dans    un  recueil 


1)  Ngai  exagère  l'opposition  que  les  rabbins  auraient  faite  aux  lettres  chinoises.  Les 
Inscriptions  juives  de  K'ai  fong  fou  traduites  par  le  P.  Tobar  font  connaître  les  noms  de 
plusieurs  bacheliers  et  même  de  deux  docteurs,  Kao  Siuan  (de  promotion  inconnue)  et 
Tchao  Ying-cheng,  docteur  de  1646,  qui  conservèrent  des  attaches  étroites  avec  la  synagogue. 

3 


34  PAULPELLIOT. 

facilement  accessible,  le  ^  i^  ^^  ^  T'i  ming  pei  lou.  Or  il  y  a 
eu  des  examens  de  doctorat  en  1601,  eu  1604,  en  1607;  il  n'y  en 
a  pas  eu  en  1605. 

On  ne  pourrait  d'ailleurs  arguer  dé  l'absence  de  millésime  précis 
dans  ce  chapitre  des  Commentaires  pour  reporter  à  juin  1604  la 
visite  du  Juif  Ngai.  Les  examens  de  doctorat  se  passaient  au  prin- 
temps, et  V Histoire  des  Ming  enregistre  régulièrement,  dans  la 
troisième  lune,  la  proclamation  des  résultats;  en  1604,  c'est  le  13 
avril  que  la  liste  sortit  ^).  Peu  après,  les  candidats  malheureux 
retournaient  dans  leurs  provinces.  Il  n'y  aurait  pas  grande  appa- 
rence pour  que  le  Juif  Ngai,  s'il  était  venu  à  Pékin  pour  les 
examens  de  doctorat,  s'y  fût  encore  trouvé  le  24  juin.  D'ailleurs 
les  Commentaires  disent  que,  lors  de  la  visite  de  Ngai,  on  lui  montra 
la  Bible  de  Plantin  en  hébreu.  Il  s'agit  là  de  la  Bible  tétraglotte 
dite  ^ Bible  Royale'»^  imprimée  chez  Plantin  en  huit  volumes,  et 
qui  parvint  à  Pékin,  sauvée  d'un  naufrage  dans  une  inondation  du 
Pei-ho  aux  environs  de  T'ong-tcheou,  au  plus  tôt  dans  les  derniers 
jours  de  juillet  1604  2):  même  à  cette  date,  la  Saint-Jean  était 
passée  depuis  uu  mois.  Enfin  il  y  a  une  raison  décisive  pour  que 
la  visite  de  Ngai  soit  bien  de  1605;  c'est  que  dans  une  lettre  auto- 
graphe du  26  juillet  1605,  adressée  au  P.  Cl.  Acquaviva,  le  P.  Ricci 
emploie  en  propres  termes,  à  propos  de  la  visite  de  Ngai,  l'expres- 
sion de   «ces  jours  passés». 

C'est  en  reprenant  cette  lettre  du  26  juillet  1605  que  nous  allons 


1)  Cf.  Ming  che,  ch.  21,  f°  2  v°. 

2)  Sur  la  venue  de  cette  Bible,  cf.  Tacchi-Ventnri,  I,  453;  II,  260,  282—283.  Le 
P.  Tacchi-Venturi  (I,  462)  admet  même  que  le  naufrage  (dont  il  est  aussi  question  II,  266) 
est  de  l'autoDonfe  ou  de  l'hiver  de  1604.  L'hiver  est  hors  de  question,  puisque  le  Pei-ho 
est  alors  gelé  et  ne  peut  déborder.  En  outre  le  P.  Ricci  (cf.  Tacchi-Venturi,  I,  452)  met 
ce  naufrage  et  l'inondation  du  Pei-ho  au  même  temps  que  les  grandes  pluies  qui  causèrent 
une  inondation  à  Pékin  (sur  ces  pluies,  cf.  Tacchi-Venturi,  I,  452;  II,  271,  288).  Or, 
d'après  le  Ming  che  (ch.  21,  P  3  r°),  c'est  le  27  juillet  que  «à  la  capitale  il  y  eut  une 
grande  pluie  qui  renversa  [une  partie  de]  l'enceinte  de  la  ville». 


LE   JUIF    NGAI,    INFORMATEUR   DU   P.    MATHIEU    RICCI.  35 

chercher  la  solution  de  la  difficulté.  Le  P.  Ricci  dit  qu'il  a  appris 
depuis  «peu  de  jours»  l'existence  d'une  ancienne  chrétienté  à 
K'ai-fong-fou,  et  il  continue  en  ces  termes  (Tacchi-Venturi,  II,  290 
et  suiv.); 

«Nous   avons   su   cela  par  l'intermédiaire  d'un  Juif  de  religion, 

de  nationalité  et  de  type,  qui  ces  jours  passés  est  venu  me  visiter 

C'est  un  homme  appelé  Ngai,  de  la  province  du  Ho-nan,  habitant 
de  la  métropole  [de  cette  province];  son  père  avait  trois  fils;  lui 
s'est  adonné  aux  lettres  chinoises  et  a  obtenu  le  grade  de  licencié; 
il  a  déjà  une  soixantaine  d'années;  il  est  venu  cette  année  demander 
un  emploi  qui  lui  a  été  donné  dans  une  école  de  la  ville  de  lanceo 
(Yang-tcheou).  Les  deux  autres  frères  se  sont  appliqués  aux  lettres 
hébraïques  et  sont,  paraît-il,  rabbins  parmi  eux^)....  H  vint  chez 
nous  dans  l'octave  de  Saint  Jean   Baptiste.  ...» 

Cette  lettre,  écrite  au  lendemain  de  la  visite  de  Ngai,  doit  faire 
foi.  Avec  elle,  toute  difficulté  disparaît.  Ngai  vint  en  1605  à  Pékin 
pour  demander  un  emploi,  et  non  pour  passer  un  examen  qui  n'eut 
pas  lieu  cette  année-là.  Mais  quelques  années  plus  tard,  en  écrivant 
ses  Commentaires^  Ricci  confondit  la  visite  de  ce  licencié  avec  celles 
que  lui  rendirent  tant  d'autres  licenciés  quand  ils  venaient  à  Pékin 
pour  les  examens  triennaux  de  doctorat.  Il  est  possible  d'ailleurs 
que  Ngai  ait  dit  aux  Pères,  comme  le  veulent  les  Commentaires, 
qu'il  se  fût  senti  plus  libre  d'abandonner  ses  correligiounaires  s'il 
eût  pu  passer  le  doctorat^);  mais  à  60  ans,  il  avait  eu  le  temps 
d'échouer  à  pas  mal  de  sessions,  et  en  1605  ce  n'est  pas  pour 
tenter  encore  de  conquérir  un  grade  littéraire  qu'il  était  venu  à  la 
capitale,   mais   pour  obtenir  un  gagne-pain.    Enfin  la  date  de  cette 


1)  Deux  ou  trois  ans  plus  tard,  le  fils  d'un  de  ces  frères  rabbins,  appelé  lui  aussi  Ngai 
naturellement,  vint  à  sol  tour  visiter  les  Jésuites  de  Pékin. 

2)  Des  propos  prêtés  à  Ngai,  il  semble  résulter  que  Juifs  et  Musulmans  constituaient 
en  Chine  sous  les  Ming,  au  point  de  vue  administratif,  des  «nations»  placées  sous  l'auto- 
rité et  la  responsabilité  de  leurs  chefs  religieux. 


36  PAULPELLIOT. 

visite  n'est  pas  le  24  juin,  mais  un  jour  indéterminé  de  la  semaine 
du  25  au  31  juin  1605. 

Ce  Juif  Ngai,  il  n'est  pas  impossible  de  l'identifier. 

Il  y  a  peu  de  noms  de  famille  Ngai;  celui  auquel  on  songe 
immédiatement  est  celui-là  même  que  prit  peu  après  le  P.  Aleni, 
à  savoir  ^  Ngai.  La  Biographie  chinoise  de  Ricci  écrite  par  le 
P.  Aleni  ^),   en  racontant  la  visite  de  1605,  donne  bien  au  Juif  le 


1)  Il  n'y  a  à  ma  connaissance  (si  on  excepte  la  portion  du  ch.  326  du  Minq  che 
partiellement  et  parfois  inexactement  traduite  dans  Bretschneider,  Mediaval  Researches,  II, 
324 — 326)  qu'une  biographie  chinoise  du  P.  Ricci,  celle  due  au  P.  Aleni.  Elle  est  pre'cédée 
d'un  portrait  du  P.  Ricci  qui  a  été  reproduit  par  le  P.  Tacchi-Venturi  (t.  II,  en  face  de 
la  p.  172)  d'après  l'exemplaire  imprimé  de  cette  Biographie,  en  20  ff.  plus  1  f°  de  fron- 
tispice, qui  se  trouve  à  la  Bibliothèque  Nationale  de  Rome.  M.  Vacca  (dans  Tacchi-Venturi, 
H,  548),  qui  mentionne  cet  exemplaire  imprimé  de  Rome  (sous  le  n°  21  de  sa  bibliographie), 
ne  donne  aucune  date  soit  pour  la  re'daction,  soit  pour  l'impression;  mais  il  ajout«  qu'il  y 
a  également  à  la  Bibliothèque  Nationale  de  Rome  un  exemplaire  imprimé  de  deux  autres 
«biographies»  (qu'il  classe  sous  les  n"'  22  et  23  de  sa  bibliographie),  l'une  en  10  fiF.,  l'autre 
en  2  fif.  Pour  aucune  de  ces  deux  autres  «biographies»,  il  n'indique  de  nom  d'auteur,  ni 
de  date  de  composition  ou  d'impression.  Mais  M.  Vacca  dit  que  son  n°  21  correspond  au 
n°  28  de  Cordier,  L'imprimerie  sino-européenne  en  Chine,  et  ses  n"'  22  et  23  au  n°  29  du 
même  ouvrage  de  M.  Cordier.  Vu  que,  pour  le  n"  28,  M.  Cordier  indique  une  postface 
qu'il  date  de  1636,  je  pense. que  c'est  là  que  le  P.  Tacchi-Venturi  a  pris  cette  même  date 
pour  le  portrait  de  Ricci.  En  réalité,  il  y  a  eu  dans  les  divers  auteurs  toute  une  série  de 
confusions.  Il  faut  renverser  les  équivalences  données  par  M.  Vacca;  c'est  le  n**  29  de  M. 
Cordier  qui  répond  à  son  n°  21,  et  le  n°  28  de  M.  Cordier  représente  en  réalité  ses  n°' 
22  et  23,  plus  autre  chose.  Mais  les  descriptions  mêmes  de  M.  Cordier  reproduisent  à 
leur  tour  des  indications  en  partie  inexactes  du  Catalogue  des  livres  chinois  de  M.  Courant. 
Les  biographies  chinoises  du  P.  Ricci,  toutes  manuscrites,  occupent  dans  ce  Catalogue  les 
n°'  1014,  1015,  1016  et  996.  Les  n"'  1014,  1015  et  1016  contiennent  la  Biographie  de 
Ricci  par  Aleni.  Le  n°  1014  en  particulier  est  la  reproduction  fidèle  d'un  exemplaire  im- 
primé à  l'église  de  Fou-tcheou,  appelée  ici  -S*  ^^t  ""y'  King-kiao-t'ang;  il  est  indiqué 
que  l'œuvre  a  été  relue  par  les  PP.  Emmanuel  Uiaz  (junior),  Eereira  et  Semedo,  et  que 
l'édition  a  été  autorisée  par  le  P.  Emmanuel  Diaz  (junior),  supérieur  de  la  Mission.  Il  est 
vraisemblable  que  c'est  là  l'édition  même  qui  existe  à  la  Bibliothèque  Nationale  de  Rome, 
encore  qu'il  ait  dû  y  avoir  aussi  au  XVIP  siècle  une  édition  publiée  par  la  mission  de 
Pékin  (à  en  juger  d'après  les  listes  de  Courant,  Catal.,  n"  7046).  Je  doute  d'ailleurs  que, 
pour  l'édition  de  Pékin,  il  faille  adopter  la  date  de  1620  indiquée  par  le  P.  Sommervogel, 
car  il  me  paraît  probable  que  la  révision  des  PP.  Em.  Diaz,  Fereira  et  Semedo  et  l'auto- 
risation  du  P.  Diaz  s'appliquent  à  la  première  édition;  or  le  P.  Diaz  (junior)  n'est  devena 
vice-provincial  que   vers    1623;   d'autre   part   la  révision  est  forcément  antérieure  à  1637, 


LE   JUIF    NGJAI,    INFORMATEUR   DU    P.    MATHIEU    RICCI.  37 

nom    de  ~^  Ngai,   et   les  ioacriptious  juives  de  K'ai-fong-fou  nous 
attestent   que   ce   nom  était  effectivement  porté  par  des  familles  de 


date  à  laquelle  le.  P.  Semedo  quitta  la  Chine.  Eofin,  à  supposer  que  l'édition  de  Fou-tcheou 
ne  soit  pas  l'édition  princeps,  elle  doit  être  antérieure  à  1645,  date  à  laquelle  l'église  de 
Fou-tcheou  cessa  d'être  appelée  King-kiao-t'ang.  Comme  on  le  voit,  il  n'y  a  rien  là  qui 
s'oppose  à  la  date  de  1636;  mais  cette  date  elle-même,  jusqu'à  de  nouvelles  trouvailles,  ne 
me  paraît  reposer  sur  rien.  Dans  le  n°  1015,  la  biographie  de  Ricci  par  Aleni  est  suivie 
du  rapport  de  i^  ;;§  ^3  Wou  Tao-nan  demandant  que  l'Empereur  octroie  un  terrain 
pour  la  sépulture  de  Ricci  (Wou  Tao-nan  avait  été  reçu  pang-yen,  c'est-à-dire  second,  aux 
examens   de   doctorat  de  1589).  Ce  rapport,  imprimé,  est  détaché  du  5"  ch.  du    ^W  ^S 

1^  "aT*  r^P  Tsiue  kiao  t'ong  wen  ki,  où  il  occupait  les  fif.  10 — 13.  Le  Tsiue  kiao  t'ong 
locn  ki,  qui  semble  aujourd'hui  perdu,  doit  avoir  été,  à  en  juger  par  son  titre,  uu  ouvrage 
assez  considérable  consacré  à  des  documents  concernant  des  étrangers  lointains,  c'est-à-dire 
sans  doute  les  missionnaires.  J'en  ai  retrouvé  la  préface,  écrite  en  1615  par  le  mandarin  chrétien 

'^n  ^~,  i/z]  ^^"g  T'ing-yun,  au  début  du  très  intéressant  recueil  de  documents  relatifs 
aux  chrétiens  qui  se  trouve  à  la  Bibliothèque  publique  de  Petrograd  sous  le  titre  de  -IP 

^p^  "^R  ISa.  Tien  hio  tsi  kiai,  en  9  pen  formant  9  ch.  (n°  829  du  catalogue  de  Dorn). 
Enfin  le  n°  996  de  M.  Courant,  d'où  la  date  de  1636  paraît  tirée,  ne  la  donne  pas.  Dans 
un  examen  forcément  superficiel,  M.  (Jourant  a  indiqué  inexactement  le  contenu  du  manuscrit. 
En  tête  de  ce  n°  996  est  le  portrait  de  Ricci,  copié  sur  celui  de  l'édition  imprimée  de  la 
Vie  de  Ricci  par  Aleni.  Puis  viennent  10  ff.  occupés  par  le  "w*  rfti  ^|I  pft^  ^&  -?*  -'^B 
Ta  si  li  si  t'ai  tseu  tchouan  (correspondant  manifestement  au  n°  22  de  M.  Vacca),  lequel 
se  termine  par  ces  mots  :  <c  Après  avoir  salué  en  se  prosternant,  le  V/^  7j^  HB  — p* 
Tchan-tchai-kiu-che  HÊ  .Àtt  w^  Tchang  Wei-tch'ou,  tseu  JZ-  ^^§  Tseu-houan,  a  composé 
[cet  écrit]».  Tchang  Wei-tch'ou  (de  Wen-ling  ou  Tsin-kiang,  c'est-à-dire  de  Ts'iuan-tcheou 
au  Fou-kien)  était  gouverneur  du  Chàn-si  en  1626  (cf.  6'^««  si  t'ong  iche  de  1735,  ch.  22, 
f°  23  r°);  il  est  nommé  dans  un  édit  de  1628  qu'on  retrouve  dans  les  œuvres  du  ministre 
chrétien  Thomas  ^g  -rV^  ^fi  K'iu  Che-sseu  (cf.  Giles,  Biogr.  Biet.,  n°  499,  et  les 
œuvres  de  K'iu  Che-sseu,  à  la  Bibl.  Nat.,  coll.  Pelliot,  II,  236,  ch.  2,  f°  24  r°);  une 
poésie  écrite  en  faveur  des  missionnaires  par  Tchang  Wei-tch'ou  antérieurement  à  1641  se 
trouve  dans  le  n°  7066  du  Catalogue  de  M.  Courant.  Le  T'ien  hio  tsi  kiai  de  Petrograd 
contient  une  dissertation  de  Tchang  Wei-tch'ou  sur  le  Si  hio  fan  et  le  Wan  wou  tchen  yuan 
d'Aleni.  Si  j'avais  actuellement  à  ma  disposition  le  Ts'iuan  tcheou  fou  tche,  il  est  probable 
que  je  pourrais  préciser  les  étapes  de  la  carrière  de  ce  fonctionnaire  lettré.  En  tout  cas, 
sa  biographie  de  Ricci,  qui  est  sans  doute  antérieure  à  1650,  n'est  qu'un  démarquage  de 
celle  écrite  par  Aleni,  qu'il  invoque  formellement.  Vient  ensuite,  dans  le  manuscrit  n°  996, 
la  biographie  même  écrite  par  Aleni,  avec  la  même  suscription  que  dans  les  n°' 1014 — 1016, 
et  occupant  là  aussi  20  ff.  Enfin  vient  en  2  ff.  le  g§  ^|j  -JQ  fjÇ.  '^  'fô  Tou  li  sien 
cheng  tchouan  heou,  c'est-à-dire  «Postface  à  la   Vis  de  Ricci»,  qui  est  le  n°  23  de  M.  Vacca 

et  se  termine  par  ces  mots  :    tÛ  M  ^  ^  ^  ^  Wi^  ^^^  ^  ^  ' 

«  Ecrit,  après  s'être  parfumé  et  lavé  et  avoir  salué  cent  fois,  par  le  disciple  Li  Kieou-piao, 


38  PAUL, P  ELLIOT. 

la  colonie  juive  du  Ho-nan  ^);  Mais  ce  nom  même  de  ^  Ngai  est 
assez  rare.  D'autre  part,  les  monographies  locales  enregistrent  le 
plus  souvent  les  promotions  de  licenciés  pour  les  préfectures  ou 
sous-préfectures  dont  elles  s'occupent.  Or,  dans  la  Description  de 
K'ai-fong^fon^  il  n'y  a,  pour  les  deux  sous-préfectures  de  Siang-fou 
et  de  Siuan-wou  qui  se  partagent  la  ville  même  de  K'ai-foug, 
qu'un  seul  licencié  de  nom  de  famille  Ngai,  c'est  ^  ^  Ngai  T'ien, 
originaire  de  la  sous-préfecture  de  Siang-fou,  qui  passa  l'examen  de 


de  Fou-t'ang  (Fou-tcheou)  ».  Li  Kieou-piao  et  son  frère  "^^  7^  '^Ol  Li  Kieou-kong  sont 
deux  chrétiens  connus;  Li  Kieou-kong,  converti  en  1628  (voir  sa  préface  a  Courant, 
Catalogue,  n°  6876),  est  mort  en  1681;  sur  Li  Kieou-piao,  on  peut  consulter  les  n°' 6884 
et  7114  du  Catalogue  de  Courant,  et  Havret,  Stèle  chrétienne.  II,  95.  L'activité'  littéraire 
des  deux  frères  paraît  porter  sur  le  2°  tiers  du  X  VIP  siècle.  Enfin,  une  dernière  ligne  porte  : 
«Copié  (^^)  au  IP  mois  de  ping-tseu,  33  feuillets».  C'est  de  ce  ping-tseii  que  M.  Cou- 
rant a  tiré  la  date  de  1636,  qui  a  passé  dans  l'Imprimerie  sino-européenne  de  M.  Cor- 
dier  et  de  là,  semble-t-il,  dans  l'ouvrafje  du  P.  Tapchi-Venturi.  Mais  on  voit  que  ping-tseu 
ne  donne  pas  la  date  de  la  composition  d'une  quelconque  des  parties  du  n°  996,  mais 
seulement  de  l'exécution  matérielle  du  manuscrit.  On  n'a  même  pas  \^  nu  terminus  ad  quem, 
car  ping-tseu  peut  à  la  rigueur  correspondre  à  1696.  Le  cachet  de  ^W^  a|^  Sseu-mo,  qui  se 
trouve  au  début  du  manuscrit,  ne  contredit  pas  à  cette  dernière  date;  il  en  résulte  en  effet 
seulement  que  le  manuscrit  a  appartenu  au  Jésuite  chinois  j^g  7^  "^  Lou  Hi-yen, 
tseu  Sseu-mo,  qui  a  vécu  de  1630  à  1704,  Quant  au  «Rapport  sur  la  vie  du  P.  Ricci» 
par  les  PP.  Pantoja  et  de  Ursis  qu'indique  M.  Courant  (n°  1321),  en  disant  qu'il  porte 
la  date  de  1586  qui  serait  sans  doute  à  corriger  en  1616  (ces  mêmes  indications  ont  passé 
dans  Cordier,  L'imprimerie  sino-européenne,  n°  244),  le  manuscrit  donne  très  correctement 
et  lisiblement  la  44'  année  Wan-li,  c'est-à-dire  1616  (et  non  15S6),  et  ce  n'est  pas  un 
rapport  sur  la  vie  du  P.  Ricci,  mais  le  mémorial  présente'  en  1616  par  Pantoja  et  de  Ursis 
pour  se  de'fendre  contre  les  accusations  de  VyT  y^^  Chen  Kio  ;  en  d'autres  termes,  c'est 
un  exemplaire  du  ^^  ^feel  Pien  kie  (sur  lequel,  cf.  Cordier,  L'imprimerie  sino-européenne, 
n°  184;  Havret,  Stele  chrétienne,  II,  16 — 17).  Par  cet  exemple,  j'ai  voulu  seulement  mon- 
trer que  la  'oibliographie  détaillée  des  œuvres  chinoises  du  christianisme  an  XV IP  siècle 
reste  à  faire,  et  que  les  éléments  d'information  ne  font  pas  défaut.  Mais  leur  groupement 
et  lenr  discussion  exigera  beaucoup  de  travail  et  un  long  temps. 

1)  Cf.  Tobar,  Les  inscriptions  juives  de  K'ai-fong-fou,  p.  43,  46,  83 — 87.  L'inscription 
de  1663  énumère  sept  «familles»,  dont  la  famille  Ngai,  qui  en  1653  fournirent  les  fonds 
nécessaires  pour  reconstruire  la  synagogue.  C'est  plus  de  la  moitié  des  «dix  ou  douze  fa- 
milles» dont  Ngai  T'ien  avait  parlé  à  Ricci  en  1605  (cf.  Tacchi-Venturi,  I,  469).  Il  s'agit 
de  «  noms  de  famille  »  ou  de  «  clans  »  différents,  mais  chacun  d'eux  était  porté  par  un  assez 
grand  nombre  d'individus. 


LE   JUIF    NÖAI,    INFORMATEUR   DU    P.    MATHIEU    RICCI.  39 

licence  en  Wan-li  kouei-yeou,  c'est-à-dire  en  1573,  et  ne  dépassa 
pas  les  fonctions  mandarinales  de  tche-hien,  autrement  dit  de  sous- 
préfet  ■■•).  Il  y  a  d'autant  moins  à  douter  que  ce  soit  là  l'informateur 
du  P.  Ricci  qu'ayant  passé  la  licence  en  1573,  Ngai  T'ien  devait 
bien  avoir  en  1605,  comme  le  veut  la  lettre  de  Ricci,  une  soixantaine 
d'années.  Par  la  lettre  du  P.  Ricci,  nous  apprenons  en  outre  que 
Ngai  T'ien  reçut  une  fonction  «dans  une  école  de  la  ville  de  lanceo». 
Tl  est  pratiquement  certain  qu'il  s'agit  de  la  ville  préfectorale  de 
j^  ^|>j  Yang-tcheou  au  Kiang-sou,  mais  Ngai  T'ien  eut  là  une 
charge  assez  mince,  et  la  Description  de  Yang-tcheou  est  muette  à 
son  sujet. 

J'ai  rédigé  cette  note  pour  deux  raisons.  L'une  est  d'indiquer 
la  voie  par  où  on  peut  retrouver  dans  les  textes  chinois  la  grande 
majorité  des  personnages  nommés  ou  visés  par  les  Commentaires  de 
Ricci  ou  par  ses  Lettres  ^).  Mais  il  m'a  paru  également  intéressant 
de  montrer,  par  un  exemple  concret,  que,  si  le  texte  original  des 
Commentaires  permet  de  rectifier  ou  de  préciser  en  bien  des  endroits 
la  version  latine  de  Trigault,  ces  Commentaires  n'en  sont  pas  moins 
rédigés  après  coup,  et  qu'il  est  essentiel,  chaque  fois  qu'on  le  peut, 
de  les  contrôler  par  les  Lettres,  qui  sont,  elles,  un  témoignage  vrai- 
ment contemporain  et  d'une  incomparable  autorité. 


1)  Cf.  K'ai  fong  fou  tche,  éd.  de  1693  (Bibl.  Nat.,  coll.  Pelliot,  I,  269),  ch.  23,  f 
48  v°.  Les  mêmes  indications  doivent  se  trouver  dans  le  ÏÏSË  ^+  ^&;6  j^\  Siang  fou 
Men  tche,  mais  l'exemplaire  de  la  Bibliothèque  Nationale  (coll.  Pelliot,  II,  741;  éd.  de  1739) 
est  très  défectueux,  et  le  passage  en  question  y  manque. 

2)  M.  Vacca  (dans  Tacchi-Venturi,  II,  143 — 144)  a  indiqué  neuf  équivalences  (le  nom 
d'Ignace  K'iu  Jou-k'ouei,  autrement  dit  de  K'iu  T'ai^sou,  est  à  écrire  ^g  YTT  l^fc  K'iu 
Jou-k'ouei;  c'est  un  oncle  du  ministre  Thomas  K'iu  Che-sseu);  il  serait  aisé  de  quintupler 
ce  chiffre. 

Note  additionnelle:  Le  Li  Kieou-kong  cité  p.  38  est  le  père  de  ^C  ^E  ^^  Li 
Yi-fen,  éditeur  de  Courant,  Catal.,  n°  7227.  Ce  Li  Yi-fen  doit  être  le  même  que  Léonce  Li, 
qui  fut  un  des  maîtres  de  chinois  de  M^"  Maigrot. 


LE  SYSTÈME  MUSICAL 


PAR 


G.  MATHIEU. 

2e  Partie,  C.  1««*.  Notation  tonale.  ') 

Pour  connaître  de  la  tonalité,  il  faut  d'abord  signaler  l'opposition 
qu'ont  entre  eux  et  les  Modes  et  les  Tons.  La  notation  antique  le 
faisait,  comme  le  prouvent  les  traditions  conservées  en  Grèce  et 
en  Chine. 

§  1.  En  Grèce. 

Sur  les  «  Modes  Grecs  » ,  je  citerai  M.  Croiset.  «  Aristote  (Polit. 
IV,  3,  4)  cite  et  paraît  approuver  l'opinion  de  certains  musiciens 
qui  n'admettaient  que  deux  modes  fondamentaux,  le  Dorien  et  le 
Phrygien»  ^).  —  En  Système  Musical,  ces  deux  modes  ne  peuvent 
être  que  les  modes  x  et  ß. 

Or  Boëce  donne  sous  le  nom  de  Lydien,  les  Cordes  de  x  ^). 
J'en  conclus  que  tous  les  Modes  Grecs  ne  sont  que  les  différents 
Tons  de  oc  et  de  ß. 


1)  Le  précédent  article,  au  T'oung  Pao,  mars  1918/1919,  p.  41.  Pour  les  références: 
P.,  La  poésie  de  Findare,  par  A.  Ceoiset.  Paris,  Hachette,  1880. 

P.  L.,  Patrohgie  latine  de  Miqne. 

2)  P.  80,  note  2. 

3)  P.  L.  63.  1251.  B;  1254—1270;  1251—1252.  Boüce  donne  exactement  14  des 
16  Cordes  à  Notes  Diatoniques  de  x^  et  28  signes  qui  peuvent  dénommer  les  28  Cordes 
requises  par  les  5  Tons  de  «  en  Genre  Majeur. 


LE    SYSTEME    MUSICAL. 


41 


Le  bien  fondé  de  cette  hypothèse  ressortira  de  la  concordance 
entre  les  échelles  de  ces  Tons  et  les  données  traditionnelles.  —  Je 
dois  signaler,  pour  cela,  l'arabitus  du  Ton,  selon  le  diapason  moyen, 
et,  —  entre  parenthèses,  —  selon  le  diapason  primitif;  puis  la  hau- 
teur acoustique  de  la  finale  des  mélodies  écrites  dans  le  Ton;  enfin 
les  Distances  des  Cordes  à  notes  diatoniques,  qui  la  suivent  à  l'aigu  *). 


3.  4  (sol)  C,  F,  TTT,  e  (si) 
^.4  (fa)  B,  C,TTl,d(la) 
3.  5  (mi)  A,  A  TIT,  d  (la) 
«.  5(ré)r,  ^.ITT,  c(sol) 


(si)  E,  a,  TIT,  a.'  (mi)  ß.  2 
(la)  D,  E,  ITT,  g  (ré)  a..  2 
(la)D,  G^,TTl,g(ré)/3.3 
(sol)  C,  D,  TIT,  f  (ut)  ce.  3 


(ré)G,c,TTl,  ^'(faS)/3.  1 
(ut)  F,  G,  TIT,  a'  (mi)  x.  1 


Nous  devons  avoir  l'équivalence: 


ß.  4.  Mixolydien 

«.  4.  Lydien 

ß.  5.  Phrygien 

oc.  5.  Dorien 


ß.  2.  Hypomixolydien 

X.  2.  Hypolydien 

ß.  3.  Ionien,  Hypophrygien 

ûi.  3.  Eolien,  Hypodorien 


Voici  les  textes.  «Le  mode  Dorien  était  celui  qui  dans  le  genre 
Diatonique  avait  son  demi-ton  au  grave,  le  mode  Phrygien  l'avait 
au  milieu,  et  le  mode  Lydien  à  l'aigu»  ^). 

«Dans  le  mode  Dorien  primitif,  la  note  la  plus  aigiie  (dont  les 
Grecs  faisaient  la  tonique)  était  le  La.  Ce  La  forma  la  note  la  plus 
grave  de  l'un  des  nouveaux  modes,  le  mode  Eolien,  qui  s'appelait 
aussi  pour  cette  raison  Hypodorien  (nous  dirions  plutôt  Hyperdorien). 
Le  mode  Phrygien  fut  complété  d'une  manière  analogue  par  le  mode 
Hypophrygien  ou  Ionien,  et  le  mode  Lyùien  par  l'Hypolydien  »  '^). 

La  rédaction  de  ce  dernier  document  appelle  quelques  réserves. 
L'échelle  constitutive  du  Ton  a  deux  toniques,  qui  sont  ses  termi- 
naisons  à   l'aigu    et    au   grave;  et  ces  2  toniques  se  trouvent,  dans 


4)  Au  lieu  du  double  a,  octave  aigiie  de  a,  je  noterai  a';  et  au  lieu  du  double  si,  y^'. 
B)  P.  79. 
6)  P.  80. 


42 


G.    MATHIEU. 


le  mode,  en  trois  situations  différentes.  La  tonique  grave  en  son  état 
intermédiaire  sert  de  finale  aux  mélodies,  qui  rebattent  la  tonique 
aiguë  en  son  état  inférieur.  En  Dorien  la  finale  est  La  (A);  la  to- 
nique algue  est,  en  son  état  le  plus  élevé,  c,  de  même  dénomination 
que  C,  qui  est  la  tonique  grave  en  son  état  inférieur,  au  mode  Eolien. 
Ce  mode  est  dit  Hypo,  comme  on  a  dit  Hiâ-p'ing,  «écrit  le  second». 
Une  dernière  tradition  nous  communique  une  notation  tonale,  que 
Martianus  Capella  nous  transmet  exactement  ^),  ce  que  ne  fait  pas 
Boëce.  Il  s'agit,  dans  ce  document,  de  x.  l.  E,  car  son  échelle  donne 
aux  dénominations  indiquées  leur  signification  naturelle.  Dans  l'échelle 
de  ût,.  1.  E.,  je  mets  entre  parenthèses  les  notes  de  seconde  espèce. 


Cordes 

( 

4e 

Clavier 

2« 

s 

Dénominations 

a^ 

la 

1     vj  vyjT-^  ÙTTspa-oAiXiûùu  révm  %op^vj 

b 

(b) 

1      yj  1             1  dlOi  TOVOV  %opdi^ 

sol 

1     -             _     , 

ff 

;;  rpirvi  t           1  Xopd>i 

> 

i.\>) 

vvjTVj  'èis^sv'yfjLsyccv 

f 

fa 

Ll 1    àllX    TÛVOV 

mi 

, 

e 

rpiTii  \        ,_J 

1? 

(>) 

(H 

7riX,pûifjcé(Ti^ 

d 

ré 

ré 

ré 

vvjT'i^  (ruvyj fj(,f^svav 

\> 

(W 

(b) 

0) 

1           .1  dta.  Tûvov 

ut 

ut 

ut 

, 

c 

rpiTij  r  ;"..  .1 

utb 

ih 

pcéiT^i 

si  b 

(W 

(^) 

1        r  ■■""'■'  1  dix  rovov 

U 

. 

a 

Tratpwïï-a.TVi  \~  ,„, | 

b 

(h 

\> 

ùxixrvi  f^éa-ccv 

sol 

sol 

G 

r  '  — 1  diûi  rovov 

7 

(h 

TTXp'JTTXTVI    1               I 

F 

(fa) 

fa 

vTTxrvi  ùttxtuv 

Eb 

(\>) 

vj  7rpo<Thx(jt,bxvoiJ!.hov  révov  zop'^vj 

7)  P.  L.  131,  933.  —  Il  est   inexact   que    18   Cordes   scient   requises   «per   singulos 
qnosque  ac  per  omnes  tropos».  fl.  l.E  en  a  19;  ß.  1.  E,  17. 


LE    SYSTÈME   MUSICAL.  43 

Je  remarque  la  distance  La — Mi  des  2  états  élevés  de  la  tonique 
aiguë,  qui  a  fait  diviser  en  quartes  l'échelle.  Comme  e  n'est  pas,  dans 
l'échelle,  terme  d'une  quarte,  on  est  descendu  à  Mi  j?  (e  p),  ce 
qui  amenait  2  quartes,  et  laissait  en  dehors  de  la  collection,  la  corde 
E  p  :  —  d-'où  son  nom. 

Dans  a,  .\  . ,  la  quarte  au  dessus  de  la  finale  est  constituée  par 
les  intervalles  TIT;  on  a,  en  conséquence,  partagé  la  quarte  se 
terminant  à  La  :  La — Sol,  Sol  y — Mi. 

Comme,  après  avoir  écarté  E  \},  il  restait  9  Cordes  ^)  à  notes  de 
2Je  espèce,  là  cinquième  fut  appelée  (jt,ê(Tvi.  —  Elle  détachait,  au  grave, 
deux  groupes,  Si  1? — La  b,  Sol— Fa.  A  l'aigu  on  avait  une  corde  de 
trop;  Ut  n'ayant  point  de  notes  de  2^^  espèce  fut  rattaché  à  Ré, 
et  e  s'appela  TTxpxiJi.hvj. 

Ces  dénominations  ^)  prennent,  on  le  voit,  leur  signification,  de 
l'échelle  ä  .  1  .  E.  Par  sui<e,  l'opposition  des  deux  groupes,  «Cordes 
séparées»  '^),  «Cordes  rapprochées»  est  révélatrice  des  situations 
relatives  de  la  tonique  aiguë  en  ses  trois  états,  ce  qui  signale  une 
particularité  de  a.  1 .  et  fait  de  cette  notation  une  «Notation  Tonale». 

Avec  les  Cordes,  la  [ji,sX07rûiix,  indiquait  les  notes^  ici,  par 
10X3  =  30  (avec  les  sons  de  voix  de  tête,  60)  des  1620  signes 
connus  des  Grecs  '*). 

La  tonalité  était  spécifiée.  Pour  en  pénétrer  la  science,  on  com- 
para  d'abord    entre  elles  les  échelles  modales  des  difiFérents  tons  de 


8)  Dont  la  corde  F,  à  cause  du  (Fa)  du  clavier  %". 

9)  Parmi  ces  dénominations,  VTrxTij  doit  être  pris  dans  son  sens  dérivé  de  «dernier». 
Dans  un  cortège,  le  plus  élevé  en  dignité  vient  le  dernier.  Les  Cordts  se  dénomment,  en 
partant  de  l'aigu. 

10)  Car  la  hauteur  e  est  la  raison  de  la  dénomination  du  groupe;  ce  pour  quoi, 
Boëce  appelle  cette  corde,  —  d'ailleurs  à  tort,  —  vf^rtj.  «  Netes  igitur  diezeugmenon,  quae 
est  3072  (notre  hauteur  e)...»  (P.  L.  63.  1260.  C.) 

11)  Cfr.  Art.  1",  p.  384,  note  1. 


44  G.    MATHIEU. 

«  et  de  /3;  ce  qui  amena  des  quartes  et  des  quintes,  dont  l'impor- 
tance a  été  signalée  par  la  tradition. 

Relevons  l'échelle  modale  de  ^  .  1  .  E. 

Les  trois  positions  de  la  tonique  algue  sont  d,  e,  a^;  celles  de 
la  tonique  grave,  F,  G,  c. 

En  notant  la  place  de  la  finale  par  un  point  (.),  —  ici  hauteur 
G,  —  la  place  de  la  note  rebattue  (ici  d)  par  (°),  et  la  place  des 
autres  notes  par  une  virgule  (,),  on  a  en  distances  acoustiques, 
l'échelle  modale: 

T  .  4  ,  T  °  T  ,  4 

La   constitution    de  l'échelle  modale  de  <s:  4  . ,  est  identique.  Au 

reste,  voici  les  échelles  de  ot,  et  de  /3. 

Tons  1  et  4,  au  Mode  /3  :  4  .  T  ,  T  °  4  ,  T 

X    T.4,T°T,4 

Tons  2,  3,  5,  en  /3     4.T,3°4,T 

ot,     T.4,3°T,4 

Le  texte  de  Bernon  manifestement  s'y  rapporte  '^).  «  In  primis 
tetrachordum  finalium  diligentius  est  intuendum,  cui  tanta  quaedam 
naturalis  sonorum  inest  virtus,  ut  ex  quatuor  chordarum  ejus  origine, 
omnis  modorum  seu  tonorum  potestas  videatur  procedere».  —  «omnis», 
non.  —  «  Prima  species  diatessaron  constat  ex  tono,  semitonio  et 
tono,  ...  ;  cui  si  adjeceris  tonum  superius,  oritur  tibi  prima  species 
diapente  ( — ot,  1) —  Secunda  species  ex  duobus  tonis  et  semitonio, ...  ; 
cui  si  adjeceris  tonum  superius,  erit  secunda  species  diapente  ( — ä  4) — 
Tertia,  ex  semitonio  et  duobus  tonis,  ...  ;  cui  adhibendus  est  tonus 
inferius,  ut  fiat  tertia  species  diapente  ( — ot.  2  ^t  ot,  5) —  Quarta  spe- 
cies diapente  constat  ex  prima  species  diatessaron,  adjecto  tono  in- 
ferius, non  quidem  per  ejusdem  nomiuis  chordam,  sed  aliter,  id  est, 


12)  P.  L.  142,   1102,  A;  1103,  D. 


LE    SYSTÈME    MUSICAL. 


45 


a  paranete  diezeugmenon  incipiens,  ac  si  per  tonum,  semitonium  et 
tonum  in  meson  descendat».  —  On  peut  en  effet  hésiter  ici  entre 
ccS  et  Ä  .  1,  déjà  signalé;  mais  l'incise  «non  per  ejusdem  uominis 
chordam»  rejette  a.  1,  dont  les  cordes  G  (corde  finale)  et  F  sont 
d'un  même  groupe,  celui  des  ÙTnzTCuv  ;   «  sed,  aliter,  ....  »  '^). 

Nous  pouvons,  maintenant^  examiner  nous-mêmes,  comment  les 
modes  ^^  et  /3  se  différencient  l'un  de  l'autre  par  la  position  de 
leurs  quartes,  et,  comment  les  tons  1  et  4  ont  après  leur  quinte 
initiale,  un  tânine  (T),  et  les  tons  2,  3,  5,  une  tierce  mineure. 
Comment,  dans  le  même  mode,  1  se  distingue  de  4  par  la  constitution 
différente  de  la  quarte  qui  commence  à  la  finale;  et,  semblablement, 
comme  3  se  distingue  de  2  et  de  5.  11  reste  à  différencier  2  d'avec  5. 
On  le  fait,  en  signalant  les  hauteurs  absolues:  ce  qui  se  communi- 
quait aux  initiés,  dans  la  science  d'une  gradation  de  finales,  connue 
sous  le  nom  des  7  âpf^ovltxi. 

Voici.  Les  finales  de  <x  et  de  ß,  en  leurs  cinq  tons,  correspondent 

aux  cordes  ci  dessous  indiquées. 

Tons  5,  4,  3,  2,  1 

Mode  /3      D,  F,  G,  a,  c  ^ 
Mode  X      A,  C,  D,  E,  G 

ce  qui  donne,  en  gradation  acoustique, 


Tons,  de  ß 
Hauteurs  acoustiques 

5 
D 

4 
F 

3 
G 

2 
a 

1 

c 

Hauteurs  acoustiques 
Tous  de  X 

A 
5 

C 

4 

D 
3 

E 

2 

G 

1 

en  diapason  primitif 

mi. 

sol, 

la, 

si. 

ut, 

ré. 

mi, 

sol 

13)  «Sed  aliter,  ...»  ne  sera  bien  compris  qu'après  les  7  xpfiovîxt.  La  paranete 
diezeugmenon  est  en  a  LE,  g.  Or,  en  descendant  de  G  à  D,  en  tombe  sur  Ré  (D);  et, 
en  diapason  primitif,  un  Ré  est  le  milieu  d'un  disdiapason  Ré  —  Ré  —  Ré,  a  lire  en 
diapason  moyen  r  —  G  —  g. 


46  G.    MATHIEU. 

Or  on  avait  remarqué  une  collection  de  dix  échelles  donnant  la 
suite  des  7  appellations  de  la  gamme.  Je  les  indique,  en  signalant 
par  des  parenthèses  les  cordes  qui  ne  portent  dans  le  mode,  que 
des  notes  de  2de  espèce. 

rABHC         DEF         G  a  c         def         %    ^  \' 

sol,  la,  ]?,  si,  ut,  ji,  ré,  mi,  fa,  TL,  sol,  TÎ,  la,  p,  si,  ut,  ft,  ré,  mi,  fa,  n,  sol,  la,  si 

1  ,  ;  .  C  (tt)  la       si  M«  (JE)  ré  mi  fa    ft    sol  la  si 

1  ,  jj .  C  (tt)  sol  (ft)  la       si  ut  (ji)  ré  wî2  fa    it    sol  la 

1  ,  f  .  C  .  (mi)  fa  sol  (ft)  la  v  si  ut  (ft)  ré  mi  fa    ft    sol  la 

3  ,  /S  .  C  .  ré  mi  fa  (ft)  sol         la       si  ut  (jî)  ré  mi  fa  (ft)  sol 

2  ,  .r  .  C  .  ré  mi  fa    V.    sol  (ft)  la  1?  si  ut  (ft)  ré  mi 

4  ,  /  .  C  .  ré  mi  /a    IL    sol  (it)  la       si  ut  (ft)  ré  mi 

5  ,  X  .C  .  ut         r^  mi  fa    ft    sol  (ft)  la  1?  si  ut  (it)  ré 

4  ,  /3  .  C  .  (si)  ut         ré  mi  fa  (it)  sol  la       si  ut  (ft)  ré  mi 

(si)  ut  (ft)  ré  mi  fa    ft    sol  (ft)  /a       si  ut         ré  4 ,  >j  .  C 

sol    la  7    si    ut  (ft)  ré  mi  fa    ft    sol  (0)  la  5  ,  ^  .  C 

On  imagina  pourtant  d'emboîter  semblablement  7  des  10  échelles 
des  deux  modes  tx,  et  ß,  pour  avoir  avec  leurs  finales,  la  suite  des 
7  appellations  de  la  gamme.  On  y  parvenait  en  lisant  selon  le  dia- 
pason primitif  les  trois  tons  de  x  que  leur  constitution  rapprochait, 


iMode  ß 

D     F 

G 

Tons 

5     4 

3 

2 

Mode  Ö5 

mi,  C, 

la, 

si 

et   on   lut,    dans   un    souvenir   que   la   finale  la  plus  grave  des  dix 
emboîtements  était  A,  cette  apparente  gradation, 

la,  si,  C,  D,  mi,  F,  G. 

On    négligeait    ainsi,    il    est   vrai,    trois    modes:    xl,   ß2,   ßl; 
mais   leur   ambitus   débordait   à  l'aigu,  par  leurs  notes  la  et  si  ( — 


LE   SYSTÈME   MUSICAL.  47 

les    touches    c^   et    d^    du    tableau  de  A.  de  Garaudé '^)  —  un  dis- 
diapason, F — G — g,   «Mansion  ''')  des  notes  en  voix  de  poitrine». 

Enfin,  comme  par  leur  constitution  et  leur  hauteur  propres,  les 
mélodies  antiques  offraient  un  cachet  particulier,  on  le  signala  pour 
une  détermination  du  ton  par  le  goût.  On  disait:  les  mélodies  du 
Dorien  (xh)  sont  «graves  et  viriles»,  celles  du  Phrygien  (/S  5)  sont 
«passionnées»  (orgies);  en  Lydien  (a  4),  —  fréquent  dans  les  Chants 
funèbres  de  femmes,  —  les  mélodies  sont  «molles  et  efféminées». 
L'Eolien  (x  3)  convient  aux  Banquets,  l'Hypolydien  (a  2)  pour  les 
Choeurs  tragiques. 

§  2.  En  Chine. 

On  retrouve  en  Chine,  des  vestiges  de  ce  que  nous  ont  transmis 
les  Grecs.  Comme  eux,  les  Chinois  définissent  certains  tons  d'après 
leur  cachet  particulier:  «Le  ton  Koïing  (La)  a  une  modulation 
sérieuse  et  grave,  le  ton  Chang  (Sol)  une  modulation  forte  et  un 
peu  acre,  le  ton  Kiào  (Fa)  uue  modulation  douce  et  unie»  '^); 
c'est-à-dire  le  Dorien  à  la  finale  A,  le  Phrygien  et  le  Lydien,  aux 
finales  D  et  C,  estimées  à  tort,  comme  écrites  selon  le  diapason 
primitif;  —  Ré  et  Ut  en  diapason  primitif  se  lisent  selon  le  diapa- 
son moyen,  G  et  F. 

Au  Chou-King  '^),  «Je  désire  entendre  l'harmonie  des  7  débuts», 
—  avec  la  glose  «  Les  7  débuts  répondent  aux  3  pouvoirs  et  aux 
4  saisons»,  les  3  tons  ß  et  les  4  tons  x,  dont  il  a  été  question. 

Ailleurs  ^^),  dans  une  indication  au  commencement  d'un  morceau, 


14)  Op.  40,  Méthode  complète  de  Chant,  2'  éd.,  p.  9. 

15)  Cfr.  Art.  1",  pp.  373  et  seqq. 

16)  P.  Àiniot,  au  Tome  6  des  Mémoires  concernant  les  Chinois,  p.   166. 

17)  M.  Courant,    Essai   historique  sur   la  musique  classique  des  Chinois,  Paris,  Delà- 
grave,  1912,  p.  92. 

18)  J.  A.  van  Aalst,  Chinese  Music,  Schang-hai,  1884,  p.  20. 


48 


G.    MATHIEU. 


nous  avons  une  détermination  de  tonalité,  comme  les  Grecs  auraient 

pu  en  faire  :  «  Kiâ-tchoung  wei  ^  ;  pei  yîng-tchouog  (E  j?)  k'i  tiâo, 

young  tch'èu  tzeu  (G)  tiao,  tch'ou  JC  (La),  ï  (Mi)».  Avec  sa  finale 

G    et   sa    note    rebattue   d,    le   morceau   peut   être  à  quatre  modes, 

dont  je  donnerai  ici  les  échelles,  en  genre  majeur. 

; .  3  .  E  .  (b)  E  (F)  ip)  ^  G  (1?)  a  (i?)  [je  (1?)  d  etc. 

5  .  1  .  E  (J?)       F  (b)       G  (1?)  a  b  (ut  b)     c  (i?)  d  etc. 

Ä.1.E  (b)       F  (b)       G(b)a   b   (utb)     c(b)detc. 

^.l.E  (b)       F  (b)       G(b)a   b    (utb)ijc(b)d  etc. 

Les  échelles  modales  sont 

E.F.G.a.c.d.e.f.j^.g.a^  jj^ 
d         f        g         ' 


E 


G 


5.1 


F    G 


F    G 


x.l 


F    G    a 


d    e 

\' 

d 

d    e 

B,' 

d    e        # 

Relisons  le  texte  chinois.  «Pei  Yîng-tchoung  k'i  tiâo»,  l'ambitus 
commence  à  E  k  :  on  est  en  genre  majeur.  «  Young  tch'èu  tzeu 
tiao»,  G;  comme  l'examen  du  morceau  l'indique:  ce  qui  laisse  en 
suspens,  même  en  remarquant  la  note  rebattue.  Mais  <  Tch'ou  iC  »  » 
a  est  écarté  des  cordes  modales:  x  est  exclu,  et  aussi  /.  Est-ce  pour 
faire  remarquer  que  deux  tons  sont  exclus?  —  le  texte  ajoute 
<  (Tch'ou)  î  »  E  .  qui  écarte  /.  Le  choix  n'est  plus  à  faire  qu'entre 
oc  et  5.  L'importance  de  c,  dans  le  morceau,  fait  rejeter  5  pour 
prendre  x. 

Enfin  «  Kiâ-tchoung  v^ei  ^  » ,  —  c'est-à-dire  «  ^ ,  dont  la  hau- 
teur est  d,  doit  être  supposé  à  la  hauteur  Kiâ-tchoung  (Sib)»»  — 
avertit  l'exécutant,  que  le  chef  d'orchestre  veut  qu'on  baisse  de  deux 
tânines  (de  deux  tons). 


LE    SYSTÈME    MUSICAL. 


49 


Note.  Malgré  ces  précisions,  la  mélodie  elle  même  demeure  pour 
nous  un  air  inconnu.  «(Les  Chinois)  n'indiquent  que  les  tons  prin- 
cipaux et  suppléent  au  reste  par  la  mémoire  et  la  routine  »  '^)  ;  et, 
quand  ils  apprennent  d'un  autre  qui  le  sait,  un  air  nouveau,  —  je 
l'ai  constaté,  —  les  Chinois  solfient  les  notes  indiquées,  en  les  reliant 
les  unes  aux  autres  par  des  sons  à  bouche  fermée  «Hoa  tzeull», 
que  le  maître  sait  fredonner,  mais  que  personne  ne  peut  écrire.  On 
jugera  de  la  différence  par  cet  exemple  que  j'ai  reçu  du  P.  J.  Hoeffel. 
C'est  une  mélodie  que  nos  chrétiens  jouent  au  commencement  de  nos 
Messes  de  Fêtes.  J'ai  séparé  les  phrases,  sur  une  première  impression, 
qui  devra  être  examinée  plus  tard. 


TCH'OU  HING  KOUNG  FOU.  (0.  1.  E.) 


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19)  M.  GÉBARP,  France  et  Chine,  Tome  2,  p.  338.  Paris,  1870. 


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LE  HAI-TAO  SOUAN-KING  DE  LIEOU 

PAR 

L.  VAN  HEE,  S.  J. 

Le  classique  mathématique  de  Vile  maritime  explique  l'art  de  mesurer 
à  distance  toute  espèce  d'objets,  de  bâtiments,  de  montagnes. 

Comme  le  premier  des  neuf  problèmes  consiste  à  trouver  la  hauteur 
d'une  Ue  maritime  ^)  par  une  allusion  si  chère  aux  jaunes,  le  livre 
porte  son  titre  actuel. 

Wylie,  dans  ses  précieuses  Notes,  p.  92,  donne  cette  notice  un 
peu  vague.  Le  Hai-tao  sonan-king  consiste  en  neuf  problèmes  sur  la 
trigonométrie  pratique  '). 

Quelle  est  au  juste  cette  trigonométrie  pratique?  Les  Chinois 
possédaient-ils  donc  au  IIP  siècle  des  notions  exactes  sur  cette 
science  plutôt  moderne?  La  traduction  complète  du  traité  sera  la 
meilleure  réponse. 

De  l'auteur  Lieou  Houei  '),  nous  savons  fort  peu  de  chose.  Il 
vivait  à  l'époque  la  plus  mouvementée  de  l'histoire  chinoise,  au 
temps  des   Trois  Dynasties  (220—280). 

Les  Annales  des  Tsin  datent  de  263  ses  commentaires  sur  les 
neuf  sections  de  la  mathématique.  La  dernière  section,  intitulée  ^  ^  , 


1)  '^^  /H   ^&  y®  -^B  «  Supposons  un  observateur  qui  [veuille  mesurer  la  hauteur] 
d'une  île  maritime  y>. 

2)  The  Haè  taou  suàn  king  consists  of  9  problems  in  practical  Trigonometry. 

3)  Wylie  écrit  Lew  Hwuy  et  Mikami  transcrit  Liu  Hui  :^J  -j^X  ' 


52  L.    V  A  N    H  É  E. 

c'est-à-dire  du  triangle  rectangle^  donne  24  problèmes  sur  le  théorème 
de  Pythagore.  Comme  appendice,  le  commentateur  y  ajouta  ses  ueuf 
problèmes  à  lui,  intitulés  d'abord  ^J  ^ . 

Que  signifie  l'expression  ^  ^^  ? 

Cette  double  différence  insinue-t-elle  la  double  observation  faite 
au  moyen  de  perches  ou  de  grandes  équerres? 

Je  le  croirais  volontiers. 

Des  esprits  subtils  pourront  y  voir  une  idée  plus  profonde.  Ils 
raisonneront  comme  suit. 

L'auteur,  il  est  vrai,  effectue  toujours  avec  ses  perches,  stylets, 
gnomons,  plusieurs  opérations  différentes,  mais  ce  n'est  là  que  le 
côté  matériel  qui  prépare  les  calculs  et  l'application  des  formules. 

Ces  formules  n'auraient-elles  pas  été  trouvées  grâce  à  des  pro- 
portions répétées^  Je  n'oserais  nier  la  probabilité  de  cette  version. 
C'est  toutefois  chercher  loin  et  faire  d'emblée  beaucoup  d'honneur 
au  mathématicien  chinois. 

Ainsi  donc,  qu'il  faille  traduire  J^  ^g  par  observations  répétées 
ou  par  doubles  proportions^  la  question  épineuse  de  retrouver  par 
quelle  voie  les  formules  compliquées  ont  été  trouvées,  reste  toujours 
ouverte.  Sont-elles  chinoises?  Viennent-elles  de  l'Inde? 

Impossible  de  donner  une  réponse  satisfaisante.  L'histoire  des 
mathématiques,  ici,  n'est  pas  encore  assez  avancée. 

Sous  les  T'ang,  un  Commentateur  ayant  expliqué  l'œuvre  de 
LiEou  lui  donna  le  titre  de  Souan-tao  hdi-king  qu'il  a  depuis  con- 
servé. Aucun  exemplaire  complet  n'en  restait,  depuis  de  longues 
années,  et  tout  aurait  péri  irrémédiablement  sans  les  extraits  semés 
dans  la  Collection   Yong-Lo  du  XV®  siècle. 

C'est  le  mathématicien  Tai  Tchen  qui  vers  1775  rassembla, 
recousut  les  divers  morceaux,  épars  dans  la  vaste  encyclopédie  des 
Ming.  Depuis  lors,  les  éditions  se  sont  multipliées. 


LE    HAI-TAO    SOUAN-KING   DE   LIEOU.  53 

Celle  dont  je  rae  suis  servi  date  de  1884  -^  ^^  j^  ^  ,  et  est 
la  proprie'té  du   ^  *^  [Ij  ^  • 

A  la  première  page,  d'après  une  très  louable  habitude  chinoise, 
sont  donnés  les  noms  de  l'auteur  et  des  commentateurs. 

LiEOU  HouEi  natif  du  pays  de  Wei  ^  a  composé  l'ouvrage  comme 
appendice  et  explication  des  Neuf  Sections  /^ . 

Li  Tch'oen-pong  ^)   par   ordre   impérial   l'a   éclairci  de  ses  notes 

Enfin   Li   Hoang  Yun  Men   de   Tchong  Siang  a  révisé  le  texte 


A  la  dernière  page  se  trouvent  encore  deux  noms  propres  ceux 
de  Lo  T'iSNG-FONG  2)  et  de  Tch'en  K'jn-fei  ^).  Le  premier  a  collationné 
les  textes,  l'autre  a  fait  les  calculs  détaillés  ^<^  ^. 
Les  neuf  problèmes  sont: 

I.  Calcul  de  la  hauteur  d'une  île. 
IL  Sur  la  hauteur  d'un  conifère. 
m.  Ville  carrée. 
IV.  Vallée. 
V.  Tour. 

VL  Gouffre  au  S.E. 
VIL  Gouffre  à  eaux  transparentes. 
VIII.  Gué. 
IX.  Ville  vue  d'en  haut. 

I  Problème. 

Il  y  a  certaine  île  à  mesurer  *).  Deux  perches  sont  élevées, 
hautes  également  de  30  pieds,  mais  l'une  plus  près,  l'autre  plus  loin 
de  l'île  à  une  distance  de  1000  pas.  La  perche  la  plus  éloignée  est 
parfaitement  en  ligue  droite  avec  la  l®^®  et  l'île.    Si  l'œil  appliqué 

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54 


L.    VAN   HÉE. 


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LE   HAI-TAO   SOUAN-KING   DE    LIEOU.  55 

à  terre,  ou  regarde  le  sommet  de  la  1®^®  perche,  eu  reculant  de 
123  pas,  l'on  voit  juste  le  plus  haut  point  de  l'île.  Si  l'ou  se  met 
de  la  même  façon  à  127  pas  en  arrière  de  l'autre  perche,  l'on 
aperçoit  de  même  le  haut  de  l'île,  sur  le  rayon  visuel  qui  de  la  terre 
passe  au  sommet  de  la  2"®  perche.  Il  s'agit  de  trouver  la  hauteur 
de  l'île  et  sa  distance  des  potaux? 

Réponse.  Hauteur  de  l'île  4  lis  55  pas. 

Distauce  de  la  l^''®  perche  102  lis   150  pas. 

Solution.  Multiplier  la  hauteur  des  perches  par  l'intervalle  qui 
les  sépare  et  prendre  le  produit  pour  dividende;  le  diviseur  sera  la 
différence  entre  les  deux  reculs  opérés  derrière  les  deux  perches; 
le  quotient  augmenté  de  la  hauteur  des  perches  donnera  la  hauteur 
de  l'île. 

Pour  trouver  la  distauce  de  l'île  à  la  \^^^  perche,  multiplier  le 
nombre  de  pas  faits  en  arrière  de  la  l®''  perche  par  la  distance  qui 
sépare  les  deux  poteaux;  prendre  pour  diviseur  la  différence  entre 
les  deux  reculs:  le  quotient  sera  la  distauce  cherchée  i). 

Commentaire  de  [Li]  Houang  '). 

Par  le  mot  -^  île,  il  faut  comprendre  le  sommet  de  la  montagne 
[qui  s'y  trouve]. 


1)  La  traduction,  quoique  plus  claire  que  l'original,  n'est  cependant  pas  exempte 
d'obscùrite's.  C'est  qu'il  s'agit  avant  tout  de  donner  une  ide'e  aussi  exacte  que  possible  de 
l'original.  Le  commentaire  de  Li  Tch'obn-pong  ^  j!^  ^  va  pre'ciser  les  opérations 
indiquées  et  même  expliquer  la  terminologie. 

2)  Tous  ces  commentaires  commencent  par  l'indication    ^||^  "J^  J^  . 

Critique  du  texte,  correction  des  fautes  d'impression,  addition  des  mots  qui  manquent, 
explication  des  termes  les  plus  abstrus,  le  mathématicien  n'omet  aucun  de  ces  minutieux 
de'tails  dans  sa  glose  avant  tout  littéraire.    Ici: 

!•    -^    "loit  s'entendre  dit-il  comme    -^  \\\  ,    -^    ^  . 

3.    ^.  ;j>ö  î^    indique  les  2  perches  et  le  sommet  de  la  montagne. 

3.    ykö  ^^    est  la  difference  entre  les  deux  reculs. 


56 


L.    VAN    HEE. 


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LE    HAI-TAO   SOUAN-KING   DE   LIEOU. 


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Quant  aux  deux  poteaux,  il  faut  comprendre  que  l'œil  en  regardant 
voit  les  deux  soit  en  bas  soit  en  haut,  juste  en  ligne  droite  avec  l'île, 
c'est-à-dire  avec  le  sommet  de  la  montagne  qui  s'y  élève. 

La  phrase  ou  plutôt  l'expression 

-  ^  «  *  lu  Ä  ^ 

doit  être  entendue  ainsi 

c'est-à-dire   la  différence  entre  les  deux  reculs  opérés  à  l'arrière  de 
chaque  perche  s'appelle  i^  ^   ou  différence  des  reculs. 

Explications  de  la  figure. 

AB  est  l'île;  A  eu  est  le  sommet;  CD  est  la  première  perche 
et  DE  le  recul 
à  l'arrière  pour 
fixer  de l'ceill'île 
à  son  sommet; 
E  est  la  place 
de  l'œil;  EGA 
est  la  ligne  vi- 
suelle nMiFG- 
estla2"®perche, 
H  G  son  recul  ; 
et  H  le  point 
d'où  l'observa- 
teur regarde  le 
sommet  de  l'île,  "" 
d'après  la  ligne  H  F  A.  En  tirant  FOL  parallèle  à  G  E  D  B,  l'on 
a  I  G  égale  à  E  D  etc.  i) 


1)  Correspondance  des  lettres: 

^     A,     i^     C,     JjJ     E.     ^     G,     -î     I. 

2i     B>     T     D'     B     1^     ^     H,     Jg     L, 


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58 


L.   VAN    HEE. 


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LE    HAI-TAO   SOUÀN-KING   DE    LIEOU.  59 

Détail  des  opérations. 

Multipliant  la  distance  (d)  entre  les  deux  poteaux,  1000  de  pas, 
par  les  30  pieds,  hauteur  des  perches,  qui  réduites  en  pas,  à  raison 
de  6  pieds  au  pas  fait  5,  il  vient  5000  pas,  qui  sera  notre  dividende. 

Soustrayant  de  127  pas,  recul  fait  en  arrière  de  la  perche  n^  2, 
les  123  pas,  recul  fait  en  arrière  du  n^  1,  le  reste  est  4  qui  sera 
notre  diviseur. 

Le  quotient  sera  de  1250  pas.  Y  ajoutant  les  30  pieds  ou  5  pas 
de  la  perche  il  vient  1255  pas;  mais  le  li  valant  300  pas,  la  ré- 
duction en  lis  donne  4  lis,  55  pas  pour  hauteur  de  l'île:  réponse 
exacte. 

Pour  trouver  la  distance  qui  sépare  l'île  du  poteau  n°  1,  prenons 
les  1000  pas  —  entre  les  2  perches  —  multiplious  par  les  123  pas 
—  recul  en  arrière  de  le  perche  n"  1  —  nous  trouverons  123000  pas, 
qui  donneront  le  dividende',  le  diviseur  4  —  différence  entre  les  2 
reculs  —  laissera  pour  quotient  30750  pas  qui  réduits  en  lis  de 
300  pas,  font  102  lis  et  150  pas,  distance  qui  sépare  le  premier 
poteau  de  l'île. 

La  date  263  (p.  51)  a  été  d'abord  donnée  par  Yuen  Yuen. 


60 


L.    VAN    HÉE.    LE   HAI-TAO   SOUAN-KING   DE    LIEOU. 


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1)  :^  i^^    la  valeur  du  pas. 

■^    i^^    valeur  du  li. 
pas  =   6  pieds. 
li  =   300  pieds. 

2)  Noter  la  vieille  notation  : 

*    H        *>    c'est-à-dire  1   cent  deux; 

le  zéro  est  absent; 

on  peut  conclure  qu'il  était  inconnu. 


BULLETIN  CRITIQUE. 


Alfred  Chäpuis.  La  montre  <i chinoise»,  Neuchatel,  Attiuger 
frères,,  s.d.  [1919],  iu-4<',  xiii  +  272  pages,  avec  33 
pi.  hors  texte  et  245  fig. 

L'horlogerie  suisse  a  acquis  eu  Chioe  au  XIX®  siècle,  daus  le 
commerce  des  horloges  et  des  montres,  une  situation  prépondérante. 
C'est  ce  qui  a  permis  à  M.  Chapuis,  professeur  de  géographie  com- 
merciale à  l'Ecole  de  Neuchâtel,  de  rassembler  sur  place  les  éléments 
d'une  monographie  richement  illustrée  et  d'un  grand  intérêt.  Un 
professionnel,  M.  Gustave  Loup,  l'a  assisté  de  ses  connaissances 
techniques,  et  M.  Leopold  de  Saussure,  avec  sa  compétence  d'astro- 
nome et  de  mathématicien,  a  écrit  une  introduction  sur  U Horométrie 
et  le  Système  cosmologigue  des  CIdnois.  Comme  un  second  titre  l'in- 
dique, l'ouvrage  est  surtout  consacré  aux  Relations  de  V Horlogerie 
suisse  avec  la  Chine,  mais,  dans  un  chapitre  préliminaire,  M.  Chapuis 
a  retracé  les  premières  «relations  horlogères»  de  tous  les  pays  avec 
l'Extrême-Orient.  C'est  à  ce  chapitre  que  je  crois  pouvoir  apporter 
une  ou  deux  informations  supplémentaires. 

On  sait  que,  pendant  les  18  ans  qu'il  tenta  vainement  de  se 
rendre  à  Pékin  (1583  —  1601),  le  P.  Mathieu  Ricci  fabriqua  pour 
les  mandarins  chinois  un  grand  nombre  d'« horloges  de  pierre», 
c'est-à-dire  de  cadrans  solaires,  qu'il  établissait,  au  grand  étonnement 


62  BULLETIN   CRITIQUE. 

des  destinataires,  selon  les  latitudes  des  divers  lieux  où  il  passait  ^). 
Mais  quand,  au  début  de  1601,  il  put  enfin  parvenir  à  la  capitale, 
il  apportait  deux  horloges,  et  ces  «cloches  qui  sonnaient  d'elles-mêmes» 
(  @  R^  ^  tseu-ming-tchong)  firent  sur  l'empereur  et  sur  son  entourage 
une  impression  dont  les  Commentaires  de  Ricci  nous  ont  gardé  le 
témoignage  *).  Ce  fut  le  commencement  d'une  vogue  qui  n'a  jamais 
cessé.  Dès  lors,  horloges,  montres,  carillons,  automates  vinrent 
s'entasser  au  palais  impérial  et  chez  les  grands. 

Au  XVIII®  siècle,  il  y  eut  à  Pékin  un  atelier  impérial  d'hor- 
logerie, et  M.  Chapuis  a  rappelé  qu'un  Suisse,  le  frère  jésuite 
François-Louis  Stadlin  (1658  —  1740),  travailla  pour  l'empereur  K'ang- 
hi.  A  la  fin  du  XVIIP  siècle,  le  P.  de  Veutavon  (f  1787)  était 
horloger  de  l'empereur,  et  fut  remplacé  dans  cette  charge  par  un 
Lazariste,  le  frère  Charles  Paris.  Des  laïques  commençaient  aussi 
d'apparaître.  A  côté  de  la  maison  anglaise  Cox  (puis  Cox  et  Beale, 


1)  Ricci  avait  en  outre  traduit  en  chinois  la  Gnomonique  du  P.  Clavio.  Cette  traduc- 
tion n'a  pas  été  retrouvée;  on  n'en  a  pas  encore  établi  les  rapports  éventuels  avec  la 
Gnomonique  traduite  en  chinois  par  le  P.  de  Ursis  (cf.  Cordier,  L'Imprimerie  sino-européenne, 
u"  315;  Courant,  Catalogue,  n**  4903).  Sur  cette  question,  cf.  Tacchi-Venturi,  Opère  storiclie 
del  P.  Matteo  Ricci,  l,  395,  455  ;  II,  363. 

2)  Cf.  Tacchi-Venturi,  ibid.,  I,  347 — 348  (avec  la  citation  de  la  lettre  de  Pantoja  en 
note),  358.  Une  liste  détaillée  des  présents  offerts  par  Ricei  se  trouve  dans  le  |5Ei  gH 
^&.  if-«  4Ë  i^i  tch'ao  tch'ong  tcheng  isi  (Courant,  Catalogue,  n°  1322);  elle  méritera 
quelque  jour  une  étude.  J'emprunte  au  P.  du  Jarric  {Troisieime  partie  de  l'Histoire  des 
choses  plus  mémorables...,  Bordeaux,  1614,  in-4°,  p.  963)  la  description  suivante  des  deux 
horloges,  inspirée  de  la  lettre  de  Pantoja:  «Les  presents  qu'ils  portoient  au  Roy,  estoient 
ceux-cy:  premièrement  deux  horloges  à  roues,  l'vn  grand  de  fer,  auec  sa  quaisse  fort  belle, 
&  artistement  elabourée,  auec  plusieurs  fueillages,  &  force  dragôs  dorez,  qui  sont  les  ar- 
moiries du  Roy  de  la  Chine  (come  les  trois  fleurs  de  lys  sont  celles  de  la  France)  le  tout 
fort  gentiment  graué  sur  le  fer,  avec  le  burin.  L'autre  horloge  estoit  plus  petit,  n'estant 
haut  que  d'vne  palme:  mais  tout  de  cuyure  doré,  &  d'vne  si  belle-façon,  qu'on  en  puisse 
trouuer  en  Europe;  il  auoit  esté  enuoyé  de  Rome  par  le  R.  P.  Claude  Aquauiua  General 
de  la  Compagnie  de  Icsvs,  aux  Peres  qui  demeuroiet  en  la  Chine  tout  exprez  pour  en 
faire  present  au  Roy.  Il  estoit  mis  dans  vne  quaisse  dorée,  comme  l'autre  ;  &  en  tous  les 
deux,  au  lieu  de  nos  lettres,  qui  marquent  les  heures,  celles  de  la  Chine  estoient  grauées, 
lesquelles  vne  main  qui  sortoit  dehors  monstroit ...  » 


•       BULLETIN   CRITIQUE.  63 

puis  Beale),  qui  centralisait  à  Cautou  le  commerce  de  l'horlogerie, 
des  Suisses  laïcs  vinrent  en  Chine  à  la  fin  du  XVIIP  siècle: 
Ch.  H.  Petitpierre-Boy  ^)  et  Charles  de  Constant  de  Rebecque, 
cousin  germain  de  Benjamin  Constant. 

Mais,  au  XVIII°  siècle,  il  faut  nommer,  à  côté  du  frère  Stadlin 
et  du  P.  deVentavon,  un  Français,  horloger  de  profession,  qui  devint 
prêtre  à  la  Chine,  François  Guetti  ^),  et  deux  autres  jésuites.  L'un  de 
ceux-ci  est  le  frère  Jacques  Brocard  (1061  —  1718)^).  L'autre  qui  fut 
à  la  tête  de  l'atelier  impérial  d'horlogerie  et  dont  M.  Chapuis  n'a  pas 
non  plus  parlé,  est  le  P.  Valentin  Chalier,  né  à  Briançon  le  17  déc. 
1697,  arrivé  en  Chine  en  1728,  mort  à  Pékin  le  12  avril  1747. 
Un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  Nationale  conserve  de  lui  une  lettre 
du  16  octobre  1736  que  je  crois  inédite*),  et  qui  contient,  tant  sur 


1)  Ce  Petitpierre-Boy  fît  partie  successivement  de  l'ambassade  de  lord  Macartney  en 
1793,  puis  de  l'ambassade  hollandaise  qui  vint  à  Pékin  en  1795,  et  dont  le  voyage  a  été 
raconté  par  de  Guignes  fils  et  par  Van  Braam  Houckgeest.  M.  Chapuis  (p.  47 — 48)  dit 
n'avoir  pas  trouvé  dans  le  récit  de  Van  Braam  Houckgeest  la  description  annoncée  des 
deux  grandes  pendules  à  mécaniques  compliquées  que  l'ambassade  offrit  à  l'empereur,  et 
dit  qu'elle  manque  également  au  manuscrit  original  de  Van  Braam,  déposé  depuis  1912 
aux  archives  gouvernementales  de  La  Haye.  Mais  la  description  se  trouve,  dans  l'édition 
de  Philadelphie,  au  t.  Il,  p.  380 — 383,  avec  une  planche  en  face  de  la  p.  422;  les  mé- 
eauiques  avaient  été  achetées  à  Canton  chez  Beale,  et  arrivèrent  à  Pékin  endommagées  (cf. 
t.  I,  p.  154).  Van  Braam  ne  nomme  pas  Petitpierre  parmi  les  personnes  composant  la 
suite  de  l'ambassadeur  et  sa  garde  (t.  II,  p.  384 — 385),  mais  parle  de  lui  à  diverses  re- 
prises dans  le  cours  de  son  journal  (cf.  l'index).  On  sait  que  le  journal  de  Van  Braam  a 
été  publié  en  1797 — 1798  à  Philadelphie  par  L.  E.  Moreau  de  Saint-Méry;  sur  cette 
édition  princeps,  qui  est  assez  rare,  cf.  Cordier,  Bibl.  Sinica^,  col.  2350. 

2)  Fr.  Guetti,  des  Missions  Etrangères,  accompagna  le  cardinal  de  Tournon  a  Pékin 
en  1705 — 1706  et  joua  alors  un  rôle  contre  les  Jésuites  dans  l'affaire  des  rites  (cf.  Lettres 
édif.,  éd.  du  «Panthéon  Littéraire»,  III,  176). 

3)  «L'empereur  se  sert  aussy  beaucoup  de  N.  F.  Brocard,  François,  pour  les  horloges» 
(lettre  du  P.  E.  Lo  Couteulx,  publiée  Rev.  d'Extr.-Or.,  III,  39;  la  lettre  est  d'oct.  1709). 

4)  Cette  lettre  n'est  citée  ni  dans  la  Bibliographie  du  P.  Sommervogel,  ni  dans  les 
suppléments  du  P.  Rivière.  Elle  se  trouve  à  la  Bibliothèque  Nationale,  dans  le  mss.  fran- 
çais 17240,  f°  89,  où  elle  est  insérée,  sans  aucune  raison,  parmi  les  premiers  feuillets 
d'une  lettre  du  P.  Parrenin  du  12  août  1730,  que  le  Catalogue  des  manuscrits  français 
n'identifie  pas,  non  plus  que  la  Bibliotfteca  Sinica*  (col.  1086),  mais  qui  n'est  autre  que 
la  lettre   à  Dortous  de  Mairan  publiée,  avec  des  modifications,  dans  le  recueil  des  Lettres 


64  BULLETIN    CRITIQUE. 

son  travail  d'horloger  que  sur  la  manière  chinoise  de  compter  les 
veilles,  des  renseiguemeuts  assez  intéressants  pour  que  je  croie  bon 
de  la  reproduire  ici  en  entier.  Voici  le  texte: 

«De  Peking,  16  O^''^  1735 

«Une  pendule  de  quatre  pieds  et  V2  de  haut,  sur  trois  pieds  de 
large  qui  marque  à  l'europeane  les  heures,  les  minutes,  les  secondes, 
qui  sonne  les  V4  les  heures,  et  tout  cela  à  repetition,  qui  outre  cela 
frape  les  veilles  de  la  nuit  de  la  façon  qu'on  les  bat  dans  toute  la 
Chine,  qui  marque  par  un  cadran  particulier  la  veille  qu'il  est,  qui 
ait  un  cadran  pour  marquer  le  signe  du  Zodiaque  Chinois,  qui  en 
ait  un  pour  marquer  combien  de  fois  on  doit  annoncer  ou  repeter 
chaque  veille  dans  chaque  saison  différente  ou  chaque  signe  du 
Zodiaque. 

«Or  pour  que  vous  entendiez  tout  cela,  il  faut  scavoir  que  les 
veilles  commencent  régulièrement  deux  heures  après  le  Coucher  du 
Soleil  et  finissent  deux  heures  avant  son  Lever.  Cet  intervale  se 
divise  en  cinq  veilles  d'un  tems  egal  chacune,  de  façon  que  les  veilles 
augmentent  ou  diminuent  avec  la  même  proportion  que  les  nuits 
sont  plus  longues  ou  plus  courtes.  Tout  cela  quoique  difficile  ne 
m'auroit  pas  tant  inquiété,  si  la  manière  d'annoncer  et  de  battre 
et  de  repeter  ces  veilles  n'etoit  pas  encore  plus  irreguliere  que  leur 
durée.  D'abord  pour  le  commencement  des  veilles  on  frappe  108 
coups  séparés  de  18  en  18.  Les  18  l^^^  pour  me  servir  d'un  terme 
de  nos  colleges,  posés,  les  18  2""^  vites;  ainsi  3  fois  18  posés  et 
3   fois   18   vites   alternativement,  de  même  à  la  fin  des  veilles  108 


Edifiantes,  où  elle  est  datée  du  11  août  J730  (él.  du  «Panthéon  Littéraire»,  t.  III,  p. 
645 — 662  ;  le  P.  Sommervogel  donne  aussi  poar  cette  lettre  la  date  dull  août,  mais  celle 
du  mss.  de  la  Bibl.  Nat.  doit,  je  crois,  être  préférée).  Le  feuillet  contenant  la  lettre  du 
P.  Chalier  est  une  copie,  et  non  l'autographe  de  l'auteur.  Le  mss.  français  17240  provient 
de  l'ancien  fonds  de  Saint-Germain,  Résidu  216. 


BULLETIN    CRITIQUE.  65 

coups  et  frapés  de  la  mêaie  façon.  Chaque  18  coups  sont  séparés 
d'un  intervale  de  2'  ou  environ. 

«Les  108  coups  frapés  pour  annoncer  les  veilles  en  general, 
ou   annonce   la  1®  par  3  coups,  chaque  coup  séparé  d'environ  15". 

«Viennent  ensuite  les  Tchuen  ou  repetitions  des  veilles  qui  sont 
tantôt  en  plus  grand,  tantôt  en  plus  petit  nombre  selon  la  saison 
ou  signe  du  Zodiaque  où  est  le  soleil,  pendant  tout  le  tems  que  le 
soleil  est  dans  un  signe  c'est  toujours  le  même  nombre.  En  été 
que  les  veilles  sont  plus  courtes  (les  plus  courtes  sont  de  59')  on 
répète  la  veille  10  fois  et  cela  environ  30  jours,  le  soleil  entre-t-il 
dans  un  autre  signe,  onze  fois,  ensuite  12,  13,  14,  15  et  16  qui 
est  le  tems  ou  les  veilles  sont  les  plus  Longues,  c'est  à  dire  de  2^^  3' 
après  quoi  on  revient  à  15,   14  &c. 

«Ce  manege  s'observe  chaque  veille,  la  2°  s'anonce  par  6  coups 
de  2  en  2  chaque  2  coups  séparés  de  15".  La  3®  par  9  coups  de 
3  en  3.  la  4®  par  12  coups  de  4  en  4;  la  5®  par  15  coups  de 
5  en  5.  Viennent  ensuite  les  Tchuen.  Dans  la  1®  veille  chaque 
repetition  frappe  un  coup[,]  dans  la  2®,  2,  dans  la  3®,  3  &c.  Ces 
Tchuen  sont  ce  qui  m'a  donné  le  plus  de  peine  a  trouver,  par  ce 
que  rien  n'est  si  irregulier  pour  le  tems  qui  les  sépare.  Dans  les 
plus  grands  veilles  elles  sont  séparées  de  7'  15".  dans  les  plus  petites 
d'environ  5'  50"  et  lorsqu'elles  doivent  fraper  1 1  fois  elles  ne  sont 
séparées  que  de  5'  et  quelques  secondes. 

«Une  autre  chose  que  j'ai  eu  de  la  peine  a  trouver,  c'est  la 
marche  de  l'eguille  qui  montre  sur  un  cadran  particulier  la  veille 
de  la  nuit  qu'il  est.  Cette  aiguille  ne  doit  marcher  que  la  nuit,  et 
toujours  tantôt  plus  vite  tantôt  plus  lentement.  Cependant  c'est  le 
mouvement  réglé  et  uniforme  de  l'horloge  qui  la  fait  marcher  comme 
tout  le  reste. 

«Graces  a  Dieu,  ma  machine  est  finie  depuis  4  mois,  elle  est 
très  juste  et  va  très  bien.   L'empereur  en  a  été  très  content,  il  l'a 


66  BULLETIN    CRITIQUE. 

fait  placer  clans  sa  propre  chambre.  Il  n'a  rien  épargné  pour  les 
ornemens.  La  boëte,  les  cadrans,  tout  est  magnifique.  Avant  qu'elle 
fut  finie,  il  s'etoit  souvent  fait  apporter  ce  qu'il  y  en  avoit  de  fait 
et  voiant  la  multitude  des  pièces,  des  roues,  reports  &c  II  avoua 
qu'il  ne  croioit  pas  la  chose  si  difficile  quand  il  me  l'ordonna.  Dez 
qu'elle  fut  finie  il  fit  venir  les  princes  et  les  grands,  leur  montra 
cette  machine  comme  une  chose  de  son  invention[,]  la  leur  expliqua 
à  sa  manière.  On  lui  fit  de  grands  complimens,  on  lui  en  attribua 
l'invention  et  l'exécution,  et  le  beau,  c'est  qu'il  faut  que  je  parle 
comme  les  autres. 

«Outre  deux  pendules  à  veilles,  j'en  ai  fait  exécuter  deux  autres 
placés  dans  des  tiroirs  de  deux  tables  de  vernis,  mais  de  manière 
que  l'empereur  a  voulu  que  rien  ne  parut  a  l'extérieur  pas  même 
le  cadran.  Tout  est  caché  dans  un  espace  de  2  pouces  de  hauteur, 
7  de  profondeur  et  6  de  largeur.  Il  ne  point  sur  la  table  qu'une 
espèce  de  tambour  d'or,  et  deux  espèces  d'Equeres  de  même  matière, 
instrumens  de  l'ancienne  musique  chinoise  dont  ils  font  si  grands 
cas  mais  qui  a  mon  oreille  n'est  pas  agréable.  Ce  tambour  et  ces 
equires  tiennent  lieu  de  timbre,  le  tambour  pour  fraper  les  heures, 
et  les  Equeres  pour  frapper  les  quarts.  J'ai  sous  moi  cent  ouvriers 
esclaves  qui  ne  mettent  pas  un  clou  que  je  ne  dise  quant  et 
comment. 

«Ce  qui  est  difficile  ici,  c'est  que  l'on  ne  m'ordonne  rien  que 
des  choses  particulières  pour  le  gout  et  le  genre  [?]  chinois  dont  je 
ne  point  [sic]  de  modele  ni  d'instruction,  il  faut  tout  créer  et  tout 
inventer.  En  fait  d'horloge  d'Europe  tout  le  palais  en  est  plein. 
Montres,  carillons,  repetitions,  orgues,  spheres,  mobiles  [sic]  de  tous 
les  systèmes;  de  ces  espèces  différentes  grosses  ou  petites  il  eu  a 
plus  de  4000  des  meilleurs  maîtres  de  Paris  et  de  Londres,  une 
grande  quantité  a  déjà  passé  par  mes  mains  pour  être  racommodées 
ou  nettoiées.    Ainsi  pour  la  théorie  je  suis  au  fait  autant  qu'aucun 


BULLETIN   CRITIQUE.  67 

horlogeur  d'Europe.  Car  il  est  difficile  qu'aucun  eu  a  d'autaut  vu 
que  moi.  Uu  peu  plus  de  pratique  dans  la  jeunesse  me  seroit 
maintenant  d'une  grande  utilité.  Je  sens  tous  les  jours  qu'il  faut 
avoir  fait  un  aprentissage,  quand  ou  veut  faire  un   metier. 

Ohalier  Jésuite.  » 

Toutefois,  ce  n'est  pas  uniquement  daus  les  ateliers  impériaux 
que  les  Chinois  s'étaient  mis  à  la  construction  des  montres.  Nous 
avons  même  un  petit  traité  illustré  de  la  fabrication  des  horloges 
et  des  montres,  écrit  en  1809  par  un  homme  de  Changeai,  |^ 
^  ^  Siu  Tcli'ao-tsiun,  et  intitulé  ^  P,^  ^  ^  |Q  ^  Tseu  ming 
tchong  piao  fou  fa  ^).  Dans  sa  préface,  Siu  Tch'ao-tsiun  déclare  que 
son  ancêtre  à  la  5®  génération  construisit  des  instruments  «euro- 
péens »  '),  et  que  lui-même,  dans  les  intervalles  de  ses  études  litté- 
raires, s'est  amusé  dès  sa  jeunesse  à  fabriquer  des  montres.  11 
énumère  les  diverses  sortes  d'horloges  et  de  montres,  puis  en  étudie 
les  rouages.  La  compétence  me  manque  pour  parler  eongrûment  de 
cet  opuscule. 

Dans  la  seconde  moitié  du  XVIII®  siècle,  les  difficultés  du  com- 
merce de  Canton  firent  faire  des  essais  par  la  voie  de  la  Sibérie. 
Le  3/14  décembre  1771,  Catherine  II  écrivait  à  Voltaire:  «Pour  ce 
qui  regarde  le  commerce  des  montres  à  la  Chine,  je  crois  qu'il  ne 
serait  pas  impossible  d'y  parvenir  en  s'adressant  à  quelques  comptoir 
d'ici,  qui  trouvera  bien  le  moyen  de  les  faire  parvenir  à  la  frontière 
de  la  Chine;  car,  quoi  qu'en  disent  certains  écrivains,  la  couronne 
ne  fait  plus  ce  commerce».  Je  signale  à  M.  Chapuis  ce  texte  comme 
point  de  départ  d'une  future  note. 


1)  Cf.  Courant,  Catalogue,  n°  49il.  L'opuscule  est  en  23  fif. 

2)  Vu  le  nom  de  famille,  le  lieu  d'origine  et  cet  ancien  intérêt  pour  les  choses  occi- 
dentales, il  ne  serait  pas  impossible  que  Siu  Tch'ao-tsiun  fût  un  descendant  de  l'ancien 
ministre  chrétien  Siu  Kouang-k'i. 


68  BULLETIN   CRITIQUE. 

Je  ne  suivrai  -  pas  M.  Chapuia  dans  son  étude  minutieuse  des 
maisons  suisses  qui,  au  XIX®  siècle,  ont  fait  en  Chine  le  commerce 
de  l'horlogerie.  La  description  de  leurs  produits,  l'étude  de  leurs 
marques,  les  illustrations  nombreuses  et  soignées  font  de  son  livre 
un  travail  documentaire  et  d'une  lecture  attachante.  Quelques  inad- 
vertances seraient  à  corriger  dans  une  nouvelle  édition^). 

Paul  Pelliot. 


1)  P.  IX:  La  phrase  J^  -@Ê  3t  •&  \\  \i^  ^^p  m?  est  inspirée  de  Honai- 
nan-tseu  et  signifie:  «Un  joyau  d'un  pied  [de  diamètre]  n'est  pas  aussi  précieux  qu'un 
pouce  d'ombre  [c'est-à-dire  que  le  temps  que  met  l'ombre  du  guomon  à  se  déplacer  d'un 
pouce]»;  c'est  de  là  qu'est  tiré  le  nom  de  la  salle  d'étude  où  on  a  pitié  [d'un  pouce] 
d'ombre,  bien  connue  par  le  titre  du  M©  \<^C  gè>  ffP  aE  Si  i/m  hiuan  ts'ong  chou.  — 
P.  22:  Au  lieu  de  Marseille,  lire  Manille.  —  P.  23:  le  mémorial  du  P.  Ricci  est  daté 
en  chinois  du  27  et  non  du  28  janvier  1601.  Je  doute  jusqu''à  plus  ample  informé  de 
l'exactitude  du  renseignement  sur  les  «cadrans  d'ivoire»  du  P.  Pantoja.  —  P.  24:  Le 
traité  de  Nertchinsk  est  de  1689  et  non  1688.  —  P.  46:  Les  tombeaux  de  Cha-la-eul  ont 
été  détruits  par  les  Boxeurs  en  1900.  —  P.  242:  'Eicnxt pidgin  et  non  pidgean.  —  P.  270: 
Ecrire  Cattigara,  et  non  Cettigara.  Il  n'y  a  aucune  raison  de  supposer  que  les  vases  murrhins 
étaient  en  jade. 


BIBLIOGRAPHIE. 


-ö-^aiss-«^ — 


LIVRES  NOUVEAUX. 

Le  No.  5,  Vol.  I,  October  1919,  de  la  New  China  Review  ren- 
ferme: Portrait  de  Sir  E.  Trelawny  Backhouse;  The  Burial  Place 
of  Genghis  Khan  by  E.  T.  C.  Wkrner;  Le  grand  Pèlerinage  bouddhi- 
que de  Lang  Chan  (suite)  by  Henri  Dore:  Bishop  Gregory  Lopez  by 
the  Rev.  A.  C.  Moule;  Chinese  Life  on  the  Tibetan  Foothills  by  the 
Rev.  J.  Hutson;  Hwai-nan  Tsz,  Philosopher  and  Prince^  by  Prof. 
E.  H.  Parker;  A  Chinese  ^Temple  of  the  Cross»  by  Christopher  Irving; 
Stone  in  Ch'ung-shêng  Yuan',  Notes  and  Queries;  Recent  Literature. 

Le  No.  1,  Vol.  II,  February  1920,  de  la  Neio  China  Review 
renferme:  Portrait  du  Prof.  E.  H.  Parker;  TVje  Romance  of  an 
Emperor  [Chouen  Tche]  by  R.  P.  Johnston;  A  Poet  of  the  2nd 
Cent.  B.C.  [;^v^^,  Mei  Cheng]  by  H.  A.  GiLts;  Chinese  and 
Sumërian  by  Rev.  Hugh  W.  White;  Le  grand  Pèlerinage  bouddhique 
de  Lang  Chan  et  les  Cinq  Montagnes  de  Tong  Tcheou  (suite)  by 
Henri  Dore;  Chinese  Life  on  the  Tibetan  Foothills  by  the  Rev.  J. 
Hutson;  The  Japanese-Chinese  Question  by  Prof.  E.  H.  Parker; 
Notes  and  Queries;  Recent   Literature. 

Le  No.  2,  Vol.  II,  April  1920,  de  la  New  China  Review  ren- 
ferme: Portrait  du  Prof.  Henri  Cordier;  Multiple  Births  among  the 
Chinese  by  Berthold  Läufer;  A  Note  on  the  Yung  lo  Ta  Tien  by 
Lionel  Giles;    Chinese   Life  on   the  Tibetan   Foothills  (continued)  by 


70  BIBLIOGRAPHIE. 

Rev.  J.  HuïsoN ;T/ie  Romance  of  cm  Ejuperor  (concluded)  by  R.  F. 
Johnston;  Comfortable  Words  in  Sickness  by  Yuan  Chen;  Saint 
François  Xavier  et  la  Chive,  par  le  Rév.  P.  J.  de  la  Sërvièrk,  S.  J.; 
The  Fire-proof  Warehouses  of  Lin  An,  by  C.  M.;  Notes  and  Queries', 
Recent  Literature. 

Le  No.  3,  Vol.  II,  June  1920,  de  la  New  China  Review  ren- 
ferme: Portrait  de  Lionel  C.  Hopkins;  Reform  in  Chinese  Mour7iing 
Rites,  by  E.  T.  C.  Werner;  The  Earliest  Articulate  Chinese  Philosopher, 
Kioan-tsz  by  Prof.  E,  H.  Parker;  UOllone's  Investigations  on 
Chinese  Moslems  by  the  Rev.  G.  G.  Warren;  Taoist  Tales,  Part  III, 
by  Major  W.  Perceval  Yktts;  The  Chronology  of  the  Bamboo  Annals 
by  Arthur  Mor[,ey;  Notes  and  Queries',  Recent  Literature, 

La  Commission  de  Codification  a  publié  à  Pe  King  en  février 
1920,  un  second  projet  revise  du  Code  pénal  de  la  République  de  Chine. 


NEGROL'OGIE. 


LÉON  TOUBNADE   ^  vH  ^, . 

Nous  avons  le  très  vif  regret  d'annoncer  la  raort  du  Rév.  Père  Léon 
TouRNADE,  S.  J.,  Procureur  de  la  Mission  du  Kiang  Nan  (Chine),  Ancien  Au- 
mônier Général  de  l'Association  Catholique  de  la  Jeunesse  Française,  décédé  le 
29  avril  1920,  en  son  domicile,  à  Paris,  rue  de  Sèvres,  No.  21,  dans  sa 
70*  année. 

J^Ié  le  10  juin  1850,  il  était  entré  dans  la  Compagnie  de  Jésus,  le  20  oct. 
1871;  il  ai-riva  le  9  décembre  1875  à  Zi-ka-wei;  le  mauvais  état  de  sa  santé 
l'obligea  à  l'entrer  en  Europe  en  1886  et  il  remplaça  comme  Procureur  de  la 
Miösion  de  Chine  le  Père  Jules  Tailhan,  mort  le  26  juin  1891.  En  1907,  il 
accompagna  le  P.  Daniel  envoyé  en  Chine  comme  visiteur.  Le  P.  Tournade 
est  le  dernier  des  missionnaires  que  j'ai  connus  en  Chine;  il  avait  été  pendant 
quelque  temps,  alors  qu'il  était  simple  scolastique,  assistant  du  P.  Pfister, 
chargé  de  la  bibliothèque  de  Zi-ka-wei.  Le  P.  Albert  Robinet,  de  la  mission  du 
Kiang  Nan,  le  remplace  p.  i  comme  Procureur  de  cette  mission.        H.  C. 

G-EOBGE  ERNEST  MORRISON. 

M.  Morrison  qui  pendant  un  grand  nombre  d'années  avait  été  le  corres- 
pondant du  Times  à  Pe  King  est  mort  le  ?0  mai  1920,  à  Devoran,  Esplanade, 
Sid mouth,  South  Devon,  âgé  de  58  ans.  Il  était  né  le  4  février  1862  au  Scotch 
College,  Geelong,  dont  son  père  était  Principal.  Après  avoir  fait  ses  études  à 
Melbourne  et  à  Edimbourg,  il  commença  ses  pérégrinations  qui  le  conduisirent 
en  Nouvelle  Guinée,  aux  Etats  Unis,  aux  Antilles,  au  Maroc,  en  Espagne.  En 
1882,  il  traversa  l'Australie,  depuis  Normanton  au  nord  à  Victoria  en  122  jours 
(2043  milles);  en  1894,  il  voyagea  de  Chang  Haï  à.  Rangoon.  Depuis  1912,  il 
était  Conseiller  politique  du  Gouvernement  chinois.  Il  avait  formé  à  Pe  King 
une  bibliothèque  considérable  qu'il  a  vendue  au  mois  d'août  1917  au  Baron 
Iwasaki  pour  £  35.000.  11  n'a  laissé,  en  dehors  de  ses  correspondances  du  Times 
qu'un  volume  de  souvenirs  de  voyages  en  Chine  ')•  ^-  C. 

1)  An  Australian  in  China  being  the  Narrative  of  a  quiet  Journey  across  China  to 
British  Burma.  London:  Horace  Cox,  MDCCCXCV,  in-8,  pp.  xii— 299,  carte. 


CHRONIQUE. 


*  ^ — •- 


FRANCE. 

Par  décret  du  25  juin  1920,  M.  Louis  Finot,  Professeur  au  Collège  de  France, 
est  nommé  Directeur  de  l'Ecole  française  d'Extrème-Oï'ient  pour  une  période  de 
six  ans  à  compter  de  la  veille  de  son  embarquement. 

Dans  sa  séance  du  vendredi  7  mai  1920,  l'Académie  des  Inscriptions 

et  Belles-Lettres   a  décerné   le  Prix  Stanislas  Julien  à  M.  Marcel  Granet, 

Directeur   d'Etudes   à    l'Ecole   des  Hautes  Etudes,   pour  son   ouvrage  Fêles  et 
Chansons  anciennes  de  la  Chine. 

A  son  Assemblée  annuelle  du  21  juillet  1920,  la  British  Academy  a  élu 
M.  Henri  Cordier  Corresponding  Fellow. 

ANGLETERRE. 

Le  Rév.  W.  E.  Soothill,  M.  A.,  a  été  nommé  professeur  de  Chinois  à 
l'Université  d'Oxford  en  remplacement  du  regretté  T.  L.  Bullock  le  1"  juillet 
1920;  et  le  Rev.  W.  Hopkyn  Rees,  D.D.,  à  l'Université  de  Londres. 


QUIÎLQUES  TRANSCRIPTIONS  APPARENTÉES  A 
ÇAMRHALÂ  DANS  LES  TEXTES  CHINOIS  ') 


PAR 


PAUL  PELLIOT. 


Les  textes  du  bouddhisme  tibétaiu  parlent  assez  souvent  du  pays  de 
Çambhala  ^).  Un  texte  tantrique  du  Kanjur^  le  Bhagavcm-Vojrapä- 
niguhyâhhideça,  a  été  traduit  sur  un  exemplaire  du  «Çambhala  dans 
le  Nord»').  C'est  au  Çambhala  que  se  serait  développé  le  système  du 
kâlacakra,  ou  de  la  «roue  du  temps»,  qui  aurait  passé  de  là  dans 
l'Inde  du  centre  vers  la  seconde  moitié  du  X®  siècle  pour  revenir  ensuite 
au  Tibet  par  le  Cachemire  et  y  provoquer,  en  1027,  l'introduction  du 
cycle  sexagénaire  *).  Enfin,  uue  série  de  textes  encombrés  de  légen- 
des d'âges  divers  sont  intitulés  Itinéraires  de  Çanibhala;  l'un  d'entre 


1)  Cette  note  date  de  1914.  Je  l'ai  remapiée  tant  bien  que  mal,  mais  il  me  manque, 
pour  la  mettre  réellement  au  point,  divers  travaux  parus  pendant  la  guerre  en  Allemagne 
et  en  Kussie. 

2)  J'avais  suivi  dans  ./".  A.,  1913,  p.  652,  l'ortliographe  Éambhala  adoptée  par  M. 
Grünwedel  dans  sa  Mythologie  des  Buddhismus.  Mais  M.  Laufer  a  fait  justement  remar- 
quer {Voutig  Pao,  1913,  p.  589,  596)  que  cette  orthographe  ne  reposait  sur  aucune  auto- 
rité et  que  d'ailleurs  M.  Griinwedel' lui-même  l'avait  abandonnée. 

3)  Cf.  Laufer,  dans  Toung  Pao,  1913,  p.  596;  H.  Beckh,  Verzeichniss  des  Kanjur, 
p.  89. 

4)  Cf.  Pelliot,  Le  cycle  sexagénaire  dans  la  chronologie  tibétaine,  dans  J.  A.,  1913, 
p.  633 — 667,  et  les  additions  et  rectifications  de  Laufer,  The  application  of  the  Tibetan 
sexagenary  cycle,  dans  Toung  Pao,  1913,  p.  569,  596,  et  1914,  p.  278.  Je  regrette  de 
n'avoir  pas  vu  encore  la  traduction  par  M.  Griinwedel  de  la  Mine  des  joyaux  de  Täranätha, 
dont  le  1"  fascicule  au  moins  a  dû  paraître. 

6 


74  PAULPELLIOT.    QUELQUES   TRANSCRIPTIONS 

eux  est  incorporé  au  Tanjur  ^).  On  à  beaucoup  discuté  sur  la  loca- 
lisation du  Çambhala.  Certains  ont  songé  au  bassin  de  l'Yaxarte, 
mais  il  faut  remarquer  que  c'est  en  tant  que  dans  le  Çambhala  est 
placé  le  fleuve  Çïtâ  (Sïtâ);  or  il  n'y  a  aucun  doute  depuis  long- 
temps que  la  Çïtâ,  la  «Froide»,  n'est  pas  l'Yaxarte,  mais  le  Tarim  ^). 
La  part  faite  de  toutes  les  légendes  qui  font  régner  sur  ce  pays  des 
rois  Kulika  dont  chacun  occupe  le  trône  pendant  cent  ans,  c'est  donc 
dans  le  bassin  du  Tarim  qu'il  faudrait  chercher  le  Çambhala,  si  la 
Çïtâ  coulait  vraiment  à  travers  ce  pays  ^).  Comme  l'a  fait  remarquer 
à  plusieurs  reprises  M.  Laufer,  l'identification  du  Çambhala  et  l'étude 
détaillée  des  textes  tibétains  relatifs  au  système  du  kâlacakra  sont  d'une 
grosse  importance  non  seulement  pour  l'histoire  des  influences  étran- 
gères au  Tibet,  mais  aussi  pour  celle  de  l'Asie  centrale  eu  général. 


1)  Cf.  Laufer,  dans  Toung  Pao,  1907,  p.  403—404;  P.  Cordier,  Catal.  du  fonds  ii- 
hétain,  III,  p.  515,  où  le  texte  est  dit  traduit  sur  un  manuscrit  du  Népal.  M.  Grünwedel 
a  publié  récemment,  sous  le  titre  de  Der  Weg  nach  Çambhala  (Munich,  1915,  in-4"'),  le 
texte  et  la  traduction  du  SambhalaH  lam  yig  écrit  en  1775  par  le  3°  Pan-chen-erdeni-lama  ; 
ce  texte  n'a  pas  de  rapport  avec  celui  utilisé  par  M.  Laufer  et  que  celui-ci  attribue  au 
XIII"  siècle. 

2)  M.  Laufer  {T'oung  Pao,  1913,  p.  596)  semble  considérer  comme  possible  la  loca- 
lisation du  Çambhala  dans  le  bassin  de  TYaxarte.  En  tant  qu''elle  est  suggérée  par  la  Çïtâ, 
c'est  innpossible.  Lui-même  avait  fait  remarquer  {l'oung  Pao,  1907,  p.  403 — 404)  qu'il 
fallait  plutôt  chercher  du  côté  de  Khotan,  en  tout  cas  à  l'Est  des  Pamir,  car  la  Çîtïï, 
selon  son  texte,  ne  semblait  pas  être,  «comme  on  l'avait  admis  jusqu'ici»,  l'Oxus  ou 
l'Yaxarte,  mais  le  Tarim.  Csoma  avait  en  eifet  admis  l'équivalence  de  la  Çïtâ  et  du  «Sihon», 
c'est-à-dire  de  l'Yaxarte  (cf.  Annales  du  Musée  Guimei,  in-4°,  II,  362).  Quant  à  l'Oxus, 
il  est  forcément  hors  de  cause,  puisque  la  Çïtâ  est  citée  régulièrement  en  même  temps  que 
l'Oxus  dans  la  liste  des  grands  fleuves  qui  prennent  leur  source  au  lac  Anavatapta.  Mais  il 
suffit  de  se  reporter  aux  Mémoires  de  Hiuan-tsang  (trad.  Julien,  t.  II,  p.  208)  pour  voir 
que  la  Çïtâ  est  forcément  le  Tarim,  la  rivière  de  Yarkand  étant  considérée  comme  le 
cours  supérieur  de  ce  fleuve.  C'est  aussi  l'opinion  développée  par  Sir  Aurel  Stein  dans  son 
Ancient  Kholan.  S.  Levi  a  étudié  (/.  A.,  1918,  I,  151)  un  texte  bouddhique  chinois  qui 
nomme  quatre  aflluents  de  la  Çïtâ. 

3)  Quelles  qu'aient  été  sur  ce  point  les  fantaisies  des  Tibétains,  M.  Sarat  Chandra  Das, 
dans  son  dictionnaire  {s.v.  Çambhala),  doit  se  méprendre  au  moins  sur  la  date  quand  il 
rapporte  qu'au  XV'  siècle  les  Tibétains  auraient  identifié  le  Çambhala  «à  la  capitale  do 
l'Espagne».  Les  Tibétains  du  XV'  siècle  ne  devaient  avoir  aucune  idée  de  l'existence  même 
de  l'Espagne. 


APPARENTEES    A    ÇAMBIIALA    DANS    LES    TEXTES   CHINOIS.  75 

Une  édition  critique  du  Kälacakratantra,  préparée  par  M.  Grünwedel, 
devait  paraître  dans  la  Bibliotheca  Buddhica  et  nous  vaudrait  sans  doute 
de  précieuses  indications;  je  ne  crois  pas  qu'elle  ait  vu  le  jour.  Sans 
prétendre  à  étudier  ici  la  question  du  Çambhala  dans  sou  ensemble, 
je  voudrais  seulement  signaler  que  des  transcriptions  voisines  de 
Çambhala  se  rencontrent  dans  des  textes  chinois. 

M.  S.  Levi  a  déjà  attiré  l'attentiou  sur  les  listes  géographiques 
incorporées  à  VAvalamsaka^)  et  au  Maliäsamnipäta.  Dans  IVlra/am- 
snka  apporté  de  Khotan  par  ^  ^  ^  Tche  Fa-ling  au  début 
du  V°  siècle,  et  traduit  en  chinois  de  418  à  420  sous  la  direction 
de  Buddhabhadra  ^),  on  a  une  liste  des  sites  qui,  dans  les  divers 
royaumes,  sont  le  séjour  habituel  de  hodhisattoa.  C'est  ainsi  que  nous 
apprenons  que  dans  le  royaume  du  ||^  |SJ  ^K'ien-t'o-lo  (Gandhâra), 
il  y  a  le  ^  p|^  ^  Tsi-tsing-k'ou,  ou  «Grotte  de  l'apaisement»^). 
Ce  nom,  à  lui  seul,  ne  nous  dirait  pas  grand'  chose.  Tui-tsing  est 
une  expression  fréquente  du  bouddhisme  chinois,  mais  dont  je  ne 
puis  donner  un  équivalent  sanscrit  unique  et  certain.  Toutefois,  dans 
les  listes  géographiques  de  la  Mohummjûrï,  quoique  assez  divergentes 
entre  elles  et  souvent  altérées,  on  trouve  tsi-tsing  eu  correspondance 
avec  des  transcriptions  qui  ramènent  à  des  originaux  p/i'a,  çilâ  (sans 


1)  Je  profite  Je  l'occasion  pour  rectifier  ce  que  j'ai  dit  du  titre  de  VAoalamsalm  dans 
J.  A.,  1914,  TI,  121  — 122;  je  m'étais  aperçu  de  mon  erreur  avant  l'impression,  mais  l'article 
a  paru  pendant  la  guerre  sans  que  j'en  aie  eu  d'épreuve  entre  les  mains.  En  réalité» 
VAva/amsaIca  est  mentionné  dans  la  Mahâvijutpatti  (LXV,  4),  sous  le  titre  de  Buddhd.- 
valainsaka.  Si  Teng-kouan  parle  de  Gandavyûha  à  propos  de  la  Bhadracari,  ce  doit  être 
parce  que  la   Bfiadracarï  était  alors  considérée  comme  une  partie  de  la  section  Gatjdavyûha. 

2)  Cf.  S.  Levi  dans  B.E.F.E.-O.,  V,  253.  Aux  textes  que  cite  M.  Levi,  il  faut  ajouter 
la  notice  essentielle  qui  est  mise  à  la  fin  du  60°  et  dernier  chapitre  de  la  traduction  de 
Buddhabhadra  (cf.  aussi  le  chap.  9  du  Tch'ou  sa?i  tsang  H  tsï);  c'est  là  qu'on  voit  que  la 
traduction  fut  effectuée  de  418  à  420;  on  y  trouvera  également  les  noms  des  collaborateurs 
de  Buddhabhadra. 

8)  Cf.  S.  Le'vi,  dans  S.EF.E.-O,  11,  248;  Tripit.  de  TokyO,  ^,  VIII,  46  v";  de 
Kyoto,  VII,  IV,  166  v°.  C'est  par  inadvertance  que  M.  Levi  a  traduit  tsi^tsing  par 
«retraite  pure». 


76  PAULPELLIOT.    QUELQUES   TRANSCRIPTIONS 

doute  lu  çiva  par  le  traducteur)  et  çariti.  La  part  faite  des  fautes 
de  texte,  on  sait  en  outre  que  la  correspondance  régulière  de  tsi 
employé  seul  est  la  racine  çam-,  «être  apaisé»  ;  tsi  seul  traduit  fré- 
quemment çânti. 

Une  autre  traduction  de  VAvatainsaIca,  exécutée  en  695  —  699  par 
Çiksânanda,  nous  montre  que,  d'une  manière  quelconque,  Buddhabhadra 
a  voulu  traduire  ici  un  nom  qu'il  dérivait  de  la  racine  çam.  Dans 
le  passage  parallèle  à  celui  que  j'ai  cité,  Çiksâuanda  mentionne  en 
effet,  dans  le  royaume  du  Gandhära,  la  «grotte  de  ^  ^  ^  Chan- 
p'o-lo>.  M.  Levi  a  rétabli  Jambhala  ^),  mais  la  prononciation  ancienne 
des  mots  chinois  est  *Siäm-bhuä-lä  ^),  avec  une  chuintante  initiale 
sourde  ^);  l'original  ne  peut  être  que  Çambhala  (Çambala)  ou  Çambara  *) 


1)  B.E.F.E.-O.,  II,  248;  Triplf.  de  Tokyo,  ^,  111,  23  v°;  de  Kjoto,  VII,  vin, 
218  r». 

2)  J'ai  suivi  ici  le  système  de  M.  Karlgren,  bien  que  certains  éléments  secondaires  en 
soient  encore  douteux. 

3)  Que  le  dictionnaire  de  Giles  ait  ou  non  raison  d'indiquer  ^cian  comme  pronon- 
ciation péicinoise  moderne  au  lieu  de  cÂan,  les  dictionnaires  indigènes  ne  connaissent 
historiquement  que  c/iati  {*siäm).  Au  milieu  du  VIIl"  siècle,  Tou  llouan  emploie  ^b  c//an 
pour  transcrire  très  exactement  Sam,  le  nom  de  la  Syrie  dans  la  région  de  Damas  (cf. 
Hirth,  China  and  the  Roman  Orient,  p.  50).  Ici  même  d'ailleurs,  les  gloses  des  yin-yi 
concernant  l'.ipa/a«îîa^a  spécifient  la  prononciation  *siäm  et  non  *ziäm  ou  *jiäm.  Le  nom 
de  la  ville  du  pays  de  Sindh  que  Stanislas  Julien  (Iliuan-tsang,  Mémoires,  H,  I?0)  a  ré- 
tabli hypothétiquement  en  *Vicarapura  doit  se  transcrire  en  réalité  ^3  ife  j^.  5&m  Ätt 
P'i-chan-p'o-pou-lo,  et  la  restitution  théorique  en  est  *Viçarabhapura.  Le  Handbook  d'Eitel 
donne  le  caractère  Jb  chan  dans  deux  noms:  <tdjamhalây>  ([ne  jambhira),  nom  du  Citrus 
acida,    qui    serait    transcrit    en    chinois   par    4^  -Jfer  ^S    tan-pou-lo   ou    "^  \^.  fe*t 

chan-p'o-lo,  et  «  tchdmara  »  {câmara),  nom  d'arbre,  qui  serait  transcrit  "^t*  ^fc'  S^ 
than-mo-lo.  Mais  la  restitution  « djamhaldtf  pour  tan-pou-lo  t^lâmhhuolïi)  est  une  faute 
de  Julien  dans  sa  traduction  de  Hiuan-tsang  {fie,  p.  148),  fidèlement  reproduite  par  Beal 
{Life,  p.  109);  il  faut  en  réalité  lire  tämbTila,  le  bétel.  Quant  à  chan-p'o-lo  et  chan-molo, 
ce  sont  deux  orthographes  du  nom  même  de  çambhala  {çamhala)  qui  nous  occupe  ici.  La 
fausse  prononciation  tchan  pour  ^  chan  a  trompé  jusqu'à  Chavannes.  Dans  ses  Ueligieux 
émineiils,  p.  18,  20,  202,  il  est  question  d'un  roi  « Tchan-pon 9,  pour  lequel,  après  hésita- 
tion, Chavannes  a  adopté  une  équivalence  Jnmbhu;  mais  l'original  est  j-t  -^^  Chan-pou, 
et  la  restitution  Çambhu  ne  prête  pas  au  doute. 

4)  Les   transcriptions   chinoises   ne   distinguent   pas   le  plus  souvent  entre  b  aspiré  on 


APPARENTÉES   A    ÇAMBHALA   DANS    LES    TEXTES   CHINOIS.  77 

et  non  Jambhala.  Par  là-même  nous  comprenons  la  traduction  de 
Buddhabhadra:  il  a  dérivé  Çambhala  ou  Çambara  de  la  racine  çâm-. 
Mais  c'était  là  une  dérivation  qui  était  enseignée  dans  les  écoles 
bouddhiques,  car  les  Tibétains  de  leur  côté  traduisent  Çambhala  (et 
Çambhu)  par  bDe-'byun  i),  Çambara  par  bDe-mchog,  et  la  racine 
çâm-  est  représentée  normalement  par  hde  en  tibétain. 

Une  liste  parallèle  à  celle  ùq  V Avatamsaka  se  retrouve  dans  le 
Sûryagarbha  du  Alahäsamnipäla',  la  traduction  de  ce  texte  a  été 
exécutée  entre  589  et  618  par  Nareudrajaças.  On  y  lit  que  dans 
le  Gandhära  se  trouve  la  résidence  .du  saint  muni  -h^  7^|j  ^  ^[^ 
'^  ^  ^  Ta-li-chö-ua-jo-mo-lo.  M.  S.  Levi  a  restitué  hypothéti- 
quement  Darçauajiiâmala  ^).  Eu  réalité,  il  est  assez  difficile  de  dire 
quelle  est  la  première  partie  du  nom.  Je  ne  connais,  dans  les  textes 
anciens,  aucun  exemple  certain  où  ta  {*dhai  et  *dha),  d'ailleurs  assez 
rare  en  transcription,  transcrive  eu  fait  seulement  da  et  non  dai 
(ou  tout  au  moins  une  syllabe  où  le  timbre  de  l'a,  même  s'il  est 
primitif,  n'ait  pas  été  altéré);  ta  peut  avoir  son  sens  ordinaire  de 
grand;  de  plus,  le  caractère  citö  est  peut-être  fautif.  Mais  le  paral- 
lélisme des  deux  listes  permet  d'admettre  que  ^  jo  est  une  simple 
altération  graphique  de  ~^  rhan,  et  qu'ici  encore  chan-mo-lo  {*éuim- 
muä-lä)  doit  être  restitué  en  çambhala,  çambala  ou  çambara.  Toute- 
fois, cette  nouvelle  mention  ne  nous  permet  pas,  elle  non  plus,  de 
choisir  entre  ces  formes. 

Uue  autre  section  du  Mahäsammpäta,  le  Caudragarbha,  contient, 
elle  aussi,  uue  liste  apparentée  aux  deux  précédentes.    Le  nom  qui 


non   aspiré,   ni   entre   /  et   r,   à  moins  de  conventions  spéciales  des  transcriptions  savantes, 
et  sous  réserve  d'une  remarque  qu'on  trouvera  plus  loin. 

1)  C'est  la  traduction  indiquée  dans  le  Dictionnaire  de  Sarat  Chandra  Das,  s.v.  Sam- 
bha-la.  Mais  l'Itinéraire  de  Çambhala,  au  t.  133,  P  349,  du  Tanjur  de  Pékin,  rend  le  nom 
par  bDe-can-'jin  (cf.  P.  Cordier,  Cours  de  tibétain  classique,  p.  13);  la  racine  çûm  y  est 
encore  traduite  par  bde. 

2)  Tripit.  de  Tokyo,  ^  ,  III,  52  v°;  de  Kyoto,  VI,  viii,  252  v°;  B.E.F.E.-O.,  IV, 
546—547. 


78  PAULPELLIOT.    QUELQUES   TRANSCRIPTIONS 

uous  occupe  y  est  orthographié  |||^  ^  ^  Chan-p'o-li  (*Siäm-bhuä-lji), 
que  M.  Levi,  cette  fois,  a  rétabli  en  Çambali  ^). 

A  côté  de  ces  textes  relatifs  à  un  lieu  saint  du  Gandhara,  il 
faut  placer  un  ou  deux  autres  textes  du  Canon  qui  contiennent  en 
transcription  un  mot  analogue  à  chan-p'o-lo. 

L'un  d'eutre  eux  se  trouve,  lui  aussi,  dans"  VAvatamsaka,  mais 
dans  la  première  section  de  la  traduction  de  Çiksâuanda  ^).  Il  y  est 
question  de  divers  rois  des  Asura  qui  sont  nommés  d'abord  dans 
un  morceau  en  prose,  puis  dans  un  développement  correspondant 
eu  vers.  Or,  à  un  roi  des  Asura  X^  "^  |!J^  K'iao-houan-chou, 
«Habile  magie»,  de  la  partie  en  prose,  correspond  dans  la  partie 
en  vers  «le  roi  ^  5k  ^  Chan-mo-lo  (*Siäm-muä5-la)».  L'un  des 
noms  est  donc  la  traduction  de  l'autre.  Dans  ces  conditions,  l'original 
qu'a  voulu  rendre  Çiksânanda  ne  paraît  ici  guère  douteux.  Une 
nasale  initiale  du  chinois  rend  soit  cette  nasale,  soit  l'explosive  non 
aspirée  correspondante.  Notre  Chan-rao-lo  doit  donc  représenter  ici 
eu  principe  uu  nom  en  -ma-  ou  -ba-,  mais  non  en  -bha-;  précisé- 
ment Çambara  est  le  nom  d'un  Asura  et  çâmharî  signifie  «magie»; 
il  doit  par  suite  s'agir  d'un  roi  des  Asura  appelé  Çambara. 

Enfin,  dans  le  chap.  9  de  V Abhidharmakoçaçâsira  traduit  par 
Hiuan-tsang,  il  est  question  de  pratiques  usitées  au  moment  des 
accouchements,  et  le  texte  parle  à  ce  propos  de  ^^  ^  ^  )(-\^ 
chan-mo-li-che,    «jus  de  chan-mo-li  {sißni-muaS-lji)-»  ^). 

Si  j*ai  cité  ces  deux  derniers  textes,  c'est  à  raison  des  gloses 
dont  ils  sont  l'objet  et  qu'il  convient  d'étudier  en  même  temps  que 
celles  concernant  les  passages  de  V Avalamsaka. 


1)  Tripif.  de  Tokyo,  ^  ,  IV,  62  r°;  BEF.E-0,  V,  2S1— 282.  Il  résulte  de  ce  que 
j'ai  dit  plus  haut  que,  selon  moi,  il  n'y  a  pas  a  séparer  la  grotte  de  Chan-p'o-li  et  le  lieu 
saint  de  Ta-chö-Ii-jo  [corr.  chaD]-mo-lo,  comme  M.  Levi  le  fait  ici. 

2)  Tripif.  de  Tokyo,  j^,  ,  1,  H  r°;  je  n'ai  pas  réussi  à  retrouver  un  texte  parallèle 
dans  la  traduction  de  Buddbabhadra. 

S)  Tripif.  de  Tokyo,  ^,  X,  16  r°. 


APPARENTÉES   A    ÇAMBHALA    DANS   LES    TEXTES   CHINOIS.  79 

Le  plus  ancien  des  yin-yi^  ou  «sons  et  sens»  du  Cauou,  est 
celui  de  Hiuan-ying,  qui  date  du  milieu  du  VII®  siècle  ^).  A  propos 
du  «jus -de  chan^mo-li»  de  V Abhidharmakoçaçâstra,  Hiuan-ying  donne 
la  note  suivante^):  «C'est  une  plante  mucilagiueuse  (  y*^  ^  houa- 
ts'ao).  Ou  s'en  sert  pour  se  laver  les  mains;  elle  est  très  onctueuse 
(f^  ?^  houa-tso)».  En  somme,  il  s'agit  suivant  Hiuau-ying,  et  ceci 
va  bien  avec  le  contexte,  d'un  suc  de  plante  qui  tient  lieu  de  savon. 

Dès  le  premier  quart  du  VIII®  siècle,  ^  ^  Houei-yuan  glosait 
la  traduction  de  V Avatasamka  due  à  Çiksânanda,  et  consacrait  deux 
de  ses  notes  à  Chau-p'o-lo  et  à  Chau-mo-lo.  Nous  avons  des  yin-yi 
de  Houei-yuau  trois  états  diffe'rents,  les  deux  recensions  provenant 
respectivement  des  éditions  de  Chine  et  de  Corée,  et  celle  incorporée, 
dès  l'époque  des  T'ang,  au  Yi  ts'ie  king  yin  y/ de  Houei-lin.  En  tenant 
compte  des  diverses  leçons  de  ces  trois  textes  ^),  nous  pouvons  restituer 
à  coup  sûr  sous  la  forme  suivante  la  glose  de  Houei-yuau  relative  au 
nom  de  Chan-p'o-lo:  *Chan  se  prononce  *éiarn.  Chan-p'o-lo  est  le 
nom  d'un  arbre  aux  fleurs  odorantes.  Près  de  cette  grotte,  il  pousse 
beaucoup  de  ces  arbres;  de  là  on  a  nommé  [la  grotte]». 

Quant  au  nom  du  roi  des  Asura  Chau-mo-lo,  Houei-yuan  en 
parle  comme  suit*):  <^  C/ian-7no-lo:  C'est  là  le  nom  d'un  arbre  proche 
des  bords  de  l'Océan  dans  les  pays  d'Occident.  Le  sens  du  nom  est 
«couleur  jaune  mêlée»  (  ^  7^  Ê  ^^ouang-tsa-so).  Quand  «l'oiseau 
aux  ailes  d'or»  (garuda)  vient,  il  se  posé  immédiatement  sur  [cet 
arbre].» 


1)  Nanjiö,  Catalogue,  n°  1605.  M.  Nanjiö  «lit  que  l'œuvre  fut  compilée  «in  about 
AD.  649»;  il  resuite  en  effet  de  la  préface  que  l'auteur  commença  son  travail  «  à  la  fin 
de  la  pe'riode  icheng-Icouani»,  c'est-à-dire  vers  649.  Miiis  comme  la  traduction  de  VJbhi- 
dharmakoçaçustra  par  Hiuan-tsang  ne  doit  être  quo  de  651—654  (cf.  Nanjio,  n°  1267)  et 
que  Hiuan-ving  la  glose,  il  faut  bien  admettre  que  son  travail  s'est  poursuivi  pendant  un 
certain  nombre  d'années. 

2)  Tripit.  de  Tokyo,  '^Ij.  VI,  9J  v°.     '  • 

3)  Ihid,  VIII,  144  v°;  X,  121  r°,  140  v". 

4)  lUd,  VIII,  134  v°;  X,  110  v°,  131  r". 


80  PAULPELLIOT.    QUELQUES   TRANSCRIPTIONS 

Ainsi  Houei-yuaa,  originaire  de  Kacbgar  et  qui  utilisait  des 
manuscrits  d'Asie  Centrale,  distingue  deux  arbres,  l'un  chan-p'o-lo^ 
l'autre  chan-mo-lo',  mais  tel  n'est  pas  l'avis  de  Teng-kouan. 

Le  moine  y^  ^§^  Teng-kouan,  mort  en  838  •^),  avait  consacré 
de  longues  aunées,  dans  sa  retraite  du  Wou-t'ai-chan,  à  commenter 
et  à  sous-commenter  VAvatammka.  Au  chap.  47  du  commentaire 
principal  de  Teng-kouan,  nous  lisons^):  «Pour  ce  qui  est  de 
Chau-p'o-lo,  c'est  le  nom  d'un  arbre  aux  fleurs  odorantes;  avec  le 
t^  tK  ^  Chan-mo-lo  de  la  première  section  (  ^  ^  ich'oii-p'vi), 
il  n'y  a  que  la  différence  du  ^  k'irig  et  du  ^  tcliong  des  mots 
sanscrits  (^  "^  fan-yeu).  [Ces  arbres]  naissent  en  grande  abon- 
dance auprès  de  la  grotte;  c'est  pourquoi  [ou  l'a  nommée  ainsi]. 
On  rapporte  que  c'est  là  l'endroit  où  le  Buddha  a  laissé  son  ombre, 
comme  il  est  raconté  tout  au  long  dans  le  Si  yu  ki  et  dans  le 
Candragarbha  du  Mahäsammpäta,  dixième  section»  ^).  Dans  sou 
immense  sous-commentaire,  Teng-kouau  s'exprime  ainsi*):  <^ Sous- 
commentaire  de  Chan-p'o-lo:  le  terme  signifie  «de  couleur  jaune  mêlée». 
Dans  la  première  section  [de  V Avatamsaka],  [il  est  question]  du  roi 
des  Asura  Habile-magie  et  du  roi  Chan-mo-lo;  dans  la  partie  en 
vers  et  dans  la  partie  eu  prose,  on  a  ainsi  le  nom  respectivement 
en  chinois  et  en  sanscrit,  et  l'interprétation  [par  «Habile-magie»] 
ne  concorde  pas  avec  celle-ci  [par  «couleur  jaune  mêlée»].  La 
partie  en  vers  dit  [à  propos  du  roi  Chan-mo-lo]  «le  génie  de 
l'éclat    de    couleur    rouge»    (^vl  ^  31l  3^^    houg-sö-kouang-chen)^). 


1)  Cf.  J.  4.,  1914,  II,  120. 

2)  Cf.  s.  L(Svi,  dans  B.E.F.E.-O.,  II,  24,8;  Tripit.  de  Tokyo,  ^  ,  IV,  8  v°;  de  Kyoto, 
XXXIV,  ui,  195  v°. 

3)  Ma  ponctuation  est  confirmée  par  le  sous-commentaire  que  je  cite  ci-après;  l'édition 
de  Tokyo  est  mal  ponctuée. 

4)  Cf.  S,  Lc'vi,  Htim  B.E.F.E.-O  ,11,24^;  yn/Ji'A  de  Tokyo,  ^  ,  JX,  84  v°;  de  Kyoto, 
XXXIV,  IX,  760  r"  et  v**.  Le  même  texte  se  retrouve  dans  le  Tripif.  de  Kyoto,  Suppl.  I, 
X,  V,  600  r*»— 501  r". 

5)  Tong-kouan    semble    indiquer    par    là    que    le    nom    de    Clian-mo-lo,   traduit   par 


APPARENTEES -A    ÇlMBIIALA   DANS   LES    TEXTES   CHINOIS.  81 

De  plus,  à  plas  de  dix  H  au  Sud-Est  de  cette  ville,  il  y  a  un 
stupa,  daus  lequel  est  une  dent  du  Buddha,  lougue  d'envirou  un 
pouce  et  demi;  sa  couleur  est  d'un  blanc  jaunâtre.  Il  y  a  là  beau- 
coup de  saints  vestiges.  C'est  pourquoi  les  saints  y  demeurent.  Sous- 
commeidaire  de:  on  rapporte  que  cest  là  V endroit  ou  le  Buddha  a 
laissé  son  ombre:  C'est  ce  qui  est  dit  au  chapitre  2  du  Si  yu  ki: 
Au  Sud-Ouest  de  la  capitale  du  royaume  de  p^5  ^^  ^  Na-kie-lo 
(Nagarahâra),  il  y  a  un  sanghäräma  {Suit  un  long  extrait  du  Si  yu 
ki  sur  la  grotte  de  Vornbre  du  Buddha)-».  Dans  uue  dernière  note, 
Teng-kouau  précise  ses  références  au  Candragarhha  du  Mahäsamnipäla, 
et  reproduit  la  liste  du  Candragarhha  où  le  lieu  saint  est  désigné 
sous  le  nom  de  f||^  ^  ^|j  Chan-p'o-li. 

Il  n'est  pas  facile  d'interpréter  correctement  toutes  ces  explica- 
tions, et  de  choisir  entre  leurs  données  plus  ou  moins  contradictoires. 

En  ce  qui  concerne  Teng-kouan,  sa  terminologie  est  en  principe 
assez  claire.  Pour  lui,  Chan-mo-lo  et  Chan-p'o-lo  ne  diffèrent  que 
par  le  k'ing  et  le  tchong  du  sanscrit.  S'il  a  pris  ces  termes  avec  la 
valeur  ordinaire  que  leur  donnent  les  phonéticiens  chinois,  h'ing, 
«léger»,  indique  uue  explosive  non  .aspirée,  et  tchong,  «lourd»,  une 
explosive  aspirée;  cette  terminologie  s'appuie  évidemment  sur  la 
différeuce  de  la  force  d'expiration  dans  les  deux  cas.  Il  semblerait 
donc,  si  Teng-kouan  a  bien  pris  les  expressions  dans  leur  sens 
technique,  que  son  roi  fût  plutôt  Çambara,  et  que  la  grotte  au 
contraire  fût  celle  de  Çambhala. 

Ceci  serait  bien  en  accord  avec  les  transcriptions  elles-mêmes,  puis- 
qu'il y  a  tout  un  sjstème,  utilisé  surtout  sous  les  T'ang,  où  m  initial 
représente  m-  ou  b-  et  où  p'-initial  issu  do  *bh-  transcrit  bh-^); 
Chau-mo-lo  serait  donc  correct  pour  Çambara  (Çambala),  et  Chau- 


«  Habile-magie»    dans    la    partie    en    prose,    reparaît    ailleurs  traduit  «gdnie  de  l'éclat  de 
couleur  rouge»  dans  les  stances;  je  n'ai  pas  retrouvé  le  passage  qu'il  semble  viser  ici. 
1)  Cf.  H.   Maspero,  dans  B.EF.E.-O.,  XVI,  v,  61—63. 


82  PAUL  pelliot.  quelques  transcriptions 

p'o-lo  pour  Çaïubhala  (Çambhara).  Mais  ici  interviennent  les  expli- 
cations par  «nom  d'arbre»,  <jui  reparaissent,  sous  des  formes  diverses, 
chez  Hiuan-ying,  Houei-yuan  et  Teng-kouan  ;  Çambliala  n'est  pas 
connu  dans  cette  acception. 

La  glose  de  Houei-yuan  suggère  une  autre  solution.  Selon  lui, 
Chan-p'o-lo  est  le  nom  d'un  arbre  aux  fleurs  adorantes;  Chan-mo-lo 
veut  au  contraire  dire  «de  couleur  jaune  mêlée»  et  est  le  nom  de 
l'arbre  où  se  pose  le  garuda.  Bien  que  l'explication  par  «couleur 
jaune  mêlée»  paraisse  supposer,  comme  me  le  suggère  M.  S.  Levi, 
un  rapprochement  ou  une  confusion  avec  çabara,  «de  couleur  mé- 
langée», il  semble  qu'on  puisse  identifier  l'arbre  que  vise  en  second 
lieu  Houei-yuan.  Dans  le  Saddharmûsmrlynpasthanasûtra^  il  est  ques- 
tion d'un  arbre  jamhû  qui  est  situé  aux  bords  orientaux  du  Jambûdvîpa 
et  qui  est  la  résidence  de  Garuda;  dans  le  passage  correspondant  du 
Rämäyana^  le  janihü  est  remplacé  par  un  kûtaçalmali  ou  çâhnali 
épineux^).  L'arbre  jamhû  est  exclu  par  la  transcription  chinoise; 
mais  peut-il  s'agir  du  çâlmalil 

A  première  vue,  les  diflScultés  sont  considérables.  Houei-yuan 
parle  de  l'Océan  occidental,  au  lieu  que  le  Saddharmasmriyupasthäna 
met  son  arbre  du  garuda  dans  l'Océan  oriental;  de  plus  il  faudrait 
retrouver  une  source  bouddhique  qui  mentionnât  pour  le  garuda  le 
çâlmali  et  non  le  jamhû.  Enfin  l'analogie  phonétique  de  chan-mo-lo 
et  de  çâlmali  est  en  apparence  très  peu  satisfaisante;  mais  rien  ne 
prouve  qu'on  doive  partir  du  sanscrit  çâlmali  plutôt  que  de  quelque 
forme  dialectale  usitée  en  Asie  Centrale.  A  ce  point  de  vue,  il  est 
intéressant  d'étudier  sous  quelles  formes  le  nom  du  çâlmali  a  été 
connu  en  Chine. 

Dans  les  textes  bouddhiques,  le  çâlmali  joue  un  double  rôle; 
c'est  le  nom  d'un  enfer,  et  comme  tel  il  a  passé  sans  altération  en 
tibétain;  pois  c'est  le  nom  de  l'arbre  à  coton,  Bombax  Malaharicum. 

1)  Cf.  s.  Levi,  dans  /.  A,  1918.  I,  22,  89. 


APPARENTÉES    A    ÇAMBHALA   DANS  XES    TEXTES   CHINOIS.  83 

Comme  nom  d'enfer,  je  n'ai  souvenir  de  n'avoir  rencontré  en  chinois 
que  des  traductions  et  non  des  transcriptions  du  nom.  Comme  nom 
d'arbre,  il  en  va  autrement.  Watters  ^)  a  signalé  que  la  transcription 
^  ^  ^^'^^  (*«ä-/ä)  représentait  en  chinois  deux  originaux  diffé- 
rents ^),  d'abord  l'arbre  sala  ou  cala  {Shorea  Robiista),  puis  l'arbre 
k  coton,  dont  le  nom  chinois  est  "^  jj^  mou-viien\  dans  ce  second 
cas,  so-lo^  selon  Watters,  transcrit  le  nom  même  du  çcilmali.  Il  faut 
noter  que,  dans  ce  dernier  sens,  so'-lo  apparaît  dès  avant  les  T'ang 
non  pas  dans  des  textes  bouddhiques,  mais  dans  des  œuvres  de 
littérature  profane,  à  propos  du  Yunnan.  On  pourrait  donc  admettre 
que  ce  mot  so-lo^  s'il  représente  çahnali,  est  arrive  en  Chine  par 
la  voie  de  l'Assam  et  dans  un  dialecte  où  ç-  était  passé  as-;  ce 
ne  seraient  pas  les  traducteurs  bouddhiques,  non  plus  que  les  gens 
de  l'Asie  Centrale,  qui  auraient  fait  connaître  le  mot  en  Chine. 
Toutefois  l'anomalie  de  cette  transcription,  où  toute  une  partie  du 
mot  a  disparu,  est  de  nature  à  faire  hésiter.  Récemment,  M.  Laufer, 
s'appuyant  sur  ce  que  sa-la  est  encore  aujourd'hui  le  nom  du  coton 
en  lolo,  a  admis  que  c'était  là  un  nom  indigène  ')  (et  non  par  suite 
un  emprunt  à  un  dialecte  hindou).  Bien  que  la  plante  coton  soit 
différente  de  l'arbre  à  coton,  il  ne  serait  pas  surprenant  que  des 
populations  du  Sud-Ouest  de  la  Chine  eussent  étendu  à  la  plante 
le  nom  indigène  qu'ils  donnaient  à  l'arbre,  et  j'incline  à  croire  que 
M.  Laufer  a  raison.  So-lo  serait  ainsi  phonétiquement  indépendant 
de  calmait. 

Mais  les  œuvres  de  botanique  chinoise  connaissent  un  autre  nom 
de  l'arbre  à  coton,  celui  de  ^ß^  ^  chan-p'o,  qu'elles  considèrent 
comme  sanscrit  *).  Il  est  certain  que  c'est  là  simplement  une  forme 


1)  Essays  on  the  Chinese  Language,  p.  435;  cf.  aussi  B  E.F.E.-O.,  iv,  173. 

2)  Pour  une  troisième  valeur  douteuse,  cf.  Smith  et  Stuart,  Chinese  Materia  Mediea, 
1911,  p.  19. 

3)  Sino-Iranica,  p.  491. 

4)  Cf.  Watters,   Essays,   p.   435;  Smith   et  SJuart,   Chinese  Materia  Mediea,  p.  198. 


84  ^AITL   PELLIOT.   QUELQUES  TRANSCRIPTIONS 

altérée  de  notre  0^  ^  ^  c1ian-p'o-li^  où  le  dernier  caractère  est 
tombé  ^),  et  que  par  suite  les  botanistes  chinois  ont  recueilli  for- 
mellement dans  quelque  œuvre  bouddhique  l'équivalence  de  chan'p'o-li 
et  de  l'arbre  à  coton  ;  cJian-p'o-li  représente  donc  une  forme  dialectale 
de  çalmali,  et  uous  sommes  amenés,  vu  le  parallélisme  des  passages 
de  V AvatammJca  et  du  Mahäscmnipäta  et  les  gloses  qui  les  accom- 
pagnent, à  adoiettre  que  le  çalmali  est  également  à  la  base  des  ex- 
plications de  chan-mO'lo  et  de  chan-p'o-lo. 

En  fait,  ces  formes  attestées  par  les  textes  chinois  n'ont  rien 
que  de  très  normal  si  on  se  reporte  aux  formes  dialectales  connues 
dans  l'Inde.  Dès  les  Veda^  on  trouve  une  forme  çimhald  désignant 
la  fleur  du  çalmali',  les  formes  pâlies  de  çalmali  sont  simhali  et 
simbala;  le  prâcrit  jaiua  écrit  sâmall  et  simbali;  on  a  scunarï  dans 
les  prâcrits  non  classiques;  aujourd'hui  l'hindoustanî  dit  sä7))al  et 
sämbhal,  d'où  est  né  le  nom  seemul  (ou  simmul)  donné  au  cotonnier 
par  les  Anglais  de  l'Inde^).  Il  n'y  a  donc  qu'à  admettre  que  le 
nom  du  çalmali  avait  passé  en  Asie  Centrale,  dans  les  premiers 
siècles  de  notre  ère,  sous  des  formes  dialectales  *çambali,  *çombhali, 
*çambala,  *çambhala. 

Il  serait  évidemment  prématuré  de  prétendre  que  le  nom  du 
pays  mythique  de  Çambhala  est  directement  apparenté  à  ces  formes  '). 


Toutefois  ce  dernier  ouvrage  paraît  parler  ici  de  la  plante  coton  {Gossiphnn  herlaceum)  au 
lieu  qu'il  s'agit  en  réalité  de  l'arbre  à  coton. 

1)  Dans  la  glose  de  Houei-yuan  citée  p.  79,  deux  des  éditions  ont  de  même  ^ki   jêK 
chan-p'o    au   lieu   de   clian-p'o-lo,   et   la    troisième    a  p'o-lo.   Vu   la  confusion  constante  de 

.^S  p'o  et  ^^  so  en  chinois,  et  étant  donné  d'ailleurs  qu'on  rencontre  parfois  p'o-lo  et 
non  so-lo  dans  le  nom  du  cotonnier  (cf.  B.E.F.E.-O.,  IV,  173),  on  serait  tenté  de  supposer 
que  »o-lo,  nom  de  l'arbre  à  coton,  au  lieu  de  transcrire  *sä^mali'\  ou  de  représenter  un 
nom  indigène  sa-la,  pourrait  être  à  l'origine  une  faute  pour  p'o-lo,  forme  aphérétique  de 
chan-p'o-lo,  si  so-lo  ne  se  rencontrait  pas  d'aussi  bonne  heure  et  en  dehors  des  textes  boud- 
dhiques. 

2)  Yule  et  BnrncU,  Hobson-J oison*,  p.  807. 

3)  Çambhala  n'est  pas  upe  forme  anormale  dans  la  nomenclature  géographique  de  l'Inde. 
Ptolémée  cite,  dans  l'Inde  da  Nord,  deux  villes  de  Sambalaka,  dont  l'une  paraît  répondre  à 


APPARENTÉES   A    ÇAMBHALA   DANS   LES    TEXTES   CHINOIS.  85 

Si  on  se  rappelle  toutefois  que  la  grotte  de  *Çambhala  est  mise 
près  de  Nagarahâra  ^),  c'est-à-dire  daus  la  région  de  prédilection  de 
l'astrologie  et  de  la  magie  pour  les  textes  se  rattachant  à  l'Asie 
Centrale,  que  d'autre  part  la  localisation  du  Çambhala  dans  le  bassin 
du  Tarim  ne  nous  est  pas  attestée  jusqu'ici  avant  l'époque  mongole 
au  plus  tôt,  enfin  qu'il  y  a  dans  la  géographie  mythique  un  Çâl- 
malidvîpa  à  part  du  Jambûdvïpa,  peut-être  une  contamiuation  due 
aux  formes  dialectales  du  nom  du  çâlmali  n'apparaîtra-t-elle  pas 
comme  invraisemblable.  Il  serait  désirable  de  rechercher  dans  le 
Kanjur  les  passages  tibétains  correspondant  aux  textes  chinois  cités 
dans  la  présente  note;  peut-être  nous  vaudraient-ils  quelques  indi- 
cations nouvelles. 


l'actael  Sambhal  du  Rohilkhand  ;  ce  sont  là  probablement  des  formes  prâcrites  foncièrement 
identiques  à  Çambhala. 

1)  La   question   de   Nagarahâra  est  assez  complexe,  mais  Watters  {On  Yuan  Chwang's 
Travels,  I,  182 — 198)  l'a  embrouillée  inutilement,  car  le  nom  du  moins  n'est  pas  douteux. 


LES  ORIGINES  DE  L'ASTRONOMIE  CHINOISE 


PAR 


LEOPOLD  DE  SAUSSURE. 

(Suite)  »). 

H.  LES  ANCIENNES  ÉTOILES  POLAIRES. 


Le  P.  Gaubil,  au  XVIIP  siècle,  a  montré  que  deux  petites 
étoiles,  qui  furent  effectivement  polaires  au  27®  et  au  23®  siècles 
av.  J.-C,  portent  dans  l'uranographie  chinoise  des  noms  les  caracté- 
risant comme  polaires.  Le  fait  est  d'autant  plus  intéressant  qu'il 
n'a  pu  être  falsifié;  car,  même  après  la  découverte  de  la  loi  de 
précession,  les  Chinois  ont  ignoré  le  déplacement  du  pôle,  ayant 
interprété  cette  loi  comme  équatoriale.  D'ailleurs  le  nom  de  ces 
étoiles,  T'ien  yi  ^  — '  et  T'ai  yi  "^  — ',  figure  dans  le  chapitre 
^  ^    de  Sseu-ma  Ts'ien,   bien   antérieurement  à  cette  découverte. 

La  corrélation  entre  l'étoile  polaire,  au  centre  du  monde  céleste, 
et  le  Fils  du  ciel,  au  centre  de  l'univers  terrestre,  forme  la  base 
des  concepts  religieux  de  la  haute  antiquité  ^).  L'un  et  l'autre  sont 


1)  Voir  le   T'ounff  pao  1909,  1910,  1913;  et  1914  p.  645. 

2)  Cf.  Les  origines  (B)  T'oung  pao  1909,  pp.  262,  273  et  Le  système  astronomique 
des  Chinois,  II,  dans  les  Archives  des  sciences  physiques  et  naturelles,  décembre  1919. 
Dans  cette  dernière  publication  (au  chapitre  Rôle  fondamental  de  l'étoile  polaire),  j'ai  mon- 
tré que  les  expressions  Tchoung  young  \X\  Iœ*  et  Kiwi  tseu  ;M'  Hp*  se  rapportent  au 
concept  fondamental  de  l'étoile  polaire  symbole  de  la  régularité'  des  luis  de  la  nature  et  du 
souverain  terrestre.  L'homme  idéal,  en  Chine,  est  celui  qui,  tourné  vers  le  sud,  personifie 
le  centre  parfait  autour  duquel  tout  évolue  régulièrement. 


LES   ORIGINES   DE   l'ASTRONOMIE   CHINOISE. 


87 


essentiellement  uniques  de  même  que  le  centre  d'un  cercle  est  né- 
cessairement unique.  C'est  pourquoi  l'empereur  est  appelé  — •  J^ 
l'homme  Unique  et  l'étoile  polaire  ^  — *  l'Unique  du  ciel  ou 
H^  — '  l'Unique  suprême  ^). 

Le  fait  que  ces  deux  étoiles  ont  été  choisies  comme  polaires 
malgré  leur  petitesse  (5®  grandeur),  quoique  l'une  et  l'autre  ne 
soient  pas  très  éloignées  de  la  belle  étoile  ex,  Draconis,  est  également 
très  remarquable.  Il  témoigne  d'un  souci  d'exactitude  qui  s'explique 

o  Solstice  d'ete 


Fig.  27.  —  Projection  des  divisions  sidérales  sur  l'équateur  du  24"  siècle. 

fort  bien  depuis  que  j'ai  révélé  la  symétrie  générale  des  sieou  (fig.  27) 
et  montré  que  cette  symétrie  diamétrale  des  étoiles  déterminatrices, 
perfectionnement  du  zodiaque  lunaire  primitif,  n'a  pu  être  réalisée 
que  par  l'observation  concomitante  du  passage  au  méridien  des  étoiles 


1)  Le   fondateur   de  la   dynastie  Yin  a  pris  le  nom  de    ^^  .^i    (=  'jC  ')•  ^* 

la  dénomination  de  -Jr*  •  s'est  perpétuée  jusqu'aux  Han  comme  celui  de  la  plus  grande 

divinité  des  cieux  {Les  origines,  (B),  p.  273). 


88  LEOPOLD    DE    SAUSSURE. 

circora polaires;  ce  qui  nécessite  une  orientation  précise  du  plan  méri- 
dien et  par  conséquent  une  exacte  détermination  du  pôle  ^). 

Ce  remauiement,  par  les  Chinois,  du  zodiaque  asiatique  archaïque 
porte  en  lui-même,  comme  je  l'ai  montré,  la  date  du  25®  siècle 
environ  ^).  Il  coïncide  donc,  comme  cela  était  d'avance  probable, 
avec  la  création  des  palais  célestes  chinois,  c'est-à-dire  avec  la  ré- 
partition des  28  sieou  en  quatre  saisons  sidérales  qui  ont  immuable- 
ment conservé  tout  au  long  de  l'histoire  chinoise  la  position  des 
equinoxes  et  solstices  du  25®  siècle  ^). 

Le  nom  caractéristique  des  petites  étoiles  T'ien  yi  et  T'ai  yi, 
qui  furent  polaires  aux  environs  du  25®  siècle,  vient  confirmer  ces 
données.  Il  serait  donc  fort  intéressant  de  pouvoir  les  identifier  avec 
certitude;  malheureusement,  les  auteurs  qui  se  sont  occupés  de  cette 
question  ne  l'ont  pas  traitée  à  fond.  Ils  n'indiquent  pas  leur  docu- 
mentation et  présentent  entre  eux  des  divergences.  Nous  allons  donc 

reprendre  l'enquête  depuis  le  commencement. 

* 

Le  missionnaire  Gaubil,  S.J.  (1689  —  1759),  qui  se  donna  tant 
de  peine  pour  renseigner  les  savants  européens  sur  l'astronomie 
chinoise,  était  un  esprit  curieux,  modeste,  d'une  grande  probité; 
mais  souvent  confus  et  ne  s'exprimant  pas  clairement.  Ses  manuscrits 
étaient  en  outre  peu  lisibles;  et  leurs  éditeurs  les  imprimèrent  sans 
prendre  le  soin  d'en  faire  corriger  les  épreuves  par  une  personne 
compétente. 

Les  renseignements  qu'il  donne  sur  les  étoiles  polaires  se  trou- 
vent dans  trois  ouvrages  différents: 


1)  Cf.  Le  zodiaque  lunaire  asiatique  dans  les  Archives  pes  sc.  phys.  et  NAT.  (Genève) 
mars  1919.  Tirage  à  part  chez  Geuthner  à  Paris. 

2)  Cf.  le  Journal  asiatique,  juillet  1919:  La  symétrie  du  zodiaque  lunaire. 

3)  Cette  origine,  inscrite  dans  le  système  des  saisons  sidérales  chinoises,  est  en  outre 
confirmée  par  le  texte  du  Yaotien  qui  spécifie  la  corrélation  des  sieou  cardinaux  (fig.  27) 
avec  les  equinoxes  et  solstices  de  la  hante  antiquité  (cf.  Le  système  astronomique  des  Chi- 
nois, I,  Auch.  sc.  ph.  nat.,  mai  1919). 


LES   ORIGINES   DE   l'ASTRONOMIE   CHINOISE.  89 

1"  Dans  son  Histoire  de  Vastronomie  chinoise  dépuis  le  cominence- 
ment  de  la  monarchie  jusqu'en  Van  206  avant  J.-C.^),  où  il  dit: 

[A].  II  est  hors  de  doute  que  ces  Chinois  astronomes  observaient  l'étoile 
polaire  et  qu'ils  lui  donnaient  un  nom  chinois.  Dans  le  Chou  king,  chapitre 
Hong  fan,  l'empereur  est  désigné  sous  le  caractère  du  pôle.  Cette  idée  de 
l'empereur  sous  le  titre  du  pôle  est  clairement  marquée  par  Confucius, . .  Les 
caractères  chinois  Tien  y  et  Tay  y  ont  à  peu  près  le  même  sens  et  expriment 
le  ciel.  . .  Cela  .supposé,  les  étoiles  Tay  y  et  Tien  y,  qu'on  voit  dans  les  plus 
anciens  catalogues  chinois  et  qui  sont  dans  la  queue  du  Dragon,  paraissent 
avoir  été  successivement  les  étoiles  polaires  suivant  ces  catalogues  et  désignent 
le  Souverain. 

L'an  2259  l'étoile  Tay  y  fut  le  plus  près  du  pôle  et  était  l'étoile  polaire; 
et  l'an  2667  l'étoile  Tien  y  était  la  polaire.  L'étoile  x  de  la  queue  du  Dragon 
fut  avant  ce  temps  là  la  polaire,  l'an  2551  [lisez  2851],  mais  son  caractère 
chinois  ne  désigne  pas  une  étoile  polaire.  Ainsi  c'est  entre  les  ans  2259  et 
2780  [date  intermédiaire  entre  2851  et  2667]  qu'il  faut  fixer  le  commencement 
des  observations  chinoises  de  l'étoile  polaire  et  sans  doute  d'autres  observations. 

L'étoile  Tay  y  se  voit  à  la  vue  simple.  Je  ne  la  vois  pas  dans  les  catalo- 
gues européens  que  nous  avons  ici. 

Par  ce  qu'on  vient  de  dire,  on  doit  conclure  qu'en  l'an  2851,  temps  où 
l'étoile  ac  de  la  queue  du  Dragon  était  l'étoile  polaire,  il  n'y  avait  pas  en  Chine 
des  astronomes  observant  les  étoiles  du  pôle;  car  s'il  y  en  avait  eu,  on  aurait 
donné  un  nom  convenable  à  cette  étoile  comme  la  polaire  2);  le  nom  qu'elle  a 
lui  a  été  donné  ensuite  ^). 

Gaubil  indique  en  outre  les  coordonnées  écliptiques  des  étoiles 
T'ai  yi,  T'ien  yi  et  ot  Dragon.  Mais,  suivant  l'usage  de  son  temps, 
il  rapporte  les  longitudes  à  l'origine  du  signe  dans  lequel  l'astre  se 


1)  Ne  pas  la  confondre  avec  le  Traité  et  Y  Histoire  abrégée  publiés  dans  le  recueil  de 
Souciet  (1729  et  1732).  Elle  a  été  écrite  vers  1750  et  imprimée  dans  les  Lettres  édifiantes 
tome  XXVI  (1783),  puis  réimprimée  dans  l'édition  de  Lyon,  tome  XIV  (1819).  Quant  à  la 
Chronologie  chinoise,  expédiée  en  France  en  1749,  elle  ne  fut  tirée  de  l'oubli  qu'en  1814 
par  Laplace  qui  la  découvrit  au  bureau  des  longitudes  dans  les  papiers  de  Fréret.  —  Un 
autre  manuscrit  de  Gaubil,  écrit  en  1734,  Recherches  sur  les  constellations  et  les  catalogues 
chinois  des  étoiles  fixes,  se  trouve  à  la  bibliothèque  de  l'Observatoire.  (Cf.  Biot,  Etudes,  1862). 

2)  Gaubil  n'a  pas  vu  le  fait,  révélé  par  Schlegel,  que  si  l'étoile  a  ne  porte  pas  un 
nom  polaire,  elle  porte  du  moins  un  nom  circompolaire  :  Gond  de  droite;  de  même  que 
rétoile  t  (iota)  porte  le  nom  de  Cowrfrfe^awc-^e;  ces  termes  indiquant  une  proximité  immédiate 
du  pivot  céleste. 

8)  Lettres  édifiantes,  tome  XIV  (1819),  p.  328,  de  l'édition  de  Lyon. 


90  LEOPOLD   DE   SAUSSURE. 

trouve.  Or  les  éditeurs,  prenant  les  signes  de  la  Vierge  fl}?  et  du 
Lion  (Q)  pour  un  M  et  un  A,  ont  écrit;  Longitude  méridionale  (!), 
Longitude  australe  (!).  Biot  a  signalé  cette  méprise  dans  le  Journal 
des  Savants  1840  (p.  236)  et  rectifié  ainsi  le  tableau^); 


Coordonnées  écliptiques  en  Van  -|"  17 80. 


Tay  y 
Tien  y 
Ä  Draco  nis 


G  =  25°  24'  2Ü"  ^  =  145°  24'  20" 
G  =  0°04'25"  032=  150°  04' 25" 
G  =    3°  37'  40"  \\Hl  =  153°  37'  40" 


L  =  64°  13' 00' 
L  =  65°  21'  38" 
L  =  66°  21' 40" 


2*^  Dans  un  ouvrage  antérieur,  la  Chronologie  chinoise^  Gaubil  dit: 

[B].  D'après  les  catalogues  chinois  des  étoiles,  il  est  probable  que  deux 
petites  étoiles  près  de  l'antépénultième  de  la  queue  du  Dragon,  allant  vers  la 
pénultième,  ont  été  autrefois  étoiles  polaires,  au  moins  une  des  deux.  La  plus 
proche  de  l'antépénultième  s'appelle  Tien  y  {Caelum  unum).  L'autre  s'appelle 
Tay  y  {Magnum  unum). 

3"  Dans  un  mémoire  inédit  de  Gaubil  figure  une  indication  citée 
par  Biot  dans  son  article  du  Journal  des  Savants: 

[C].  Fréret,  dans  sa  Chronologie  chinoise  croit  que  cette  étoile  {Tien-y) 
était  «  du  Dragon  ;  mais  je  pense  qu'il  a  été  trompé  par  une  phrase  d'un 
manuscrit  de  Gaubil  dont  nous  avons  la  copie  à  l'Observatoire,  et  où  il  est  dit 
que  la  dénomination  d' Unité  du  ciel  s'applique  «  à  l'étoile  près  de  l'antépénul- 
tième de  la  queue  du  Dragon»;  puis,  à  ce  dernier  mot,  on  lit  en  note;  ««  in 
Dracone  ».  Fréret  aura  cru  que  cette  note  désignait  l'étoile  Tien  y,  tandis  qu'elle 
désignait  l'antépénultième  qui  est  réellement  cc'^). 

La  comparaison  des  documents  A,  B,  C,  établit  clairement  que 
T'ien  yi   est  l'étoile  (de  5®  grandeur)  i  du  Dragon.    Mais  l'identifi- 


1)  A  mon  tour  j'ai  rectifié  le  tableau  de  Biot  qui  porte  149°,  au  lieu  de  145°,  pour 
la  longitude  de  Tay  y  calculée  par  Gaubil.. 

2)  Cela  ressort,  d'ailleurs,  avec  évidence  du  texte  A  qui  e'tablit  la  distinction  entre 
les  trois  étoiles.  L'erreur  de  Fréret  s'est  cependant  propagée,  car  Flammarion  écrit  dans 
son  Astronomie  populaire:  «Vers  l'an  2700  l'étoile  et  du  Dragon  devint  polaire  et  fut  célèbre 
sous  ce  titre  en  Chine  et  en  Egypte.  Les  anciens  astronomes  chinois  l'ont  inscrite  dans 
leurs  annales  du  temps  de  l'empereur  Hoang-tii>.  Nous  ne  possédons  malheureusement  pas 
d'annales  datant  du  fabuleux  Iloaang-ti,  et  le  caractère  polaire  des  anciennes  étoiles  est 
attesté  seulement  par  le  nom  significatif  qu'elles  ont  conservé  dans  l'nranographie  chinoise. 


LES   ORIGINES   DE    l'ASTRONOMIE   CHINOISE.  91 

cation  de  T'ay  yi  est  plus  difficile.  A  son  sujet,  Biot  s'exprime  ainsi: 

J'ai  eu  moins  de  secours  pour  reconnaître  l'étoile  appelée  Tay  y,  V An- 
cienne unité  [?],  que  je  n'en  avais  eu  pour  lYen  y.  Gaubil  la  désigne  cepen- 
dant comme  ayant  aussi  les  caractères  d'une  polaire  observée  plus  anciennement 
même  que  Tien  j/  *);  et  il  donne  aussi  ses  coordonnées  en  longitude  et  latitude 
pour  1730. .  . 

Mais  je  ne  trouve  pas  d'étoiles  du  Dragon  qui  s'accorde  avec  les  coordon- 
nées de  Gaubil  et  celles  qui  s'en  approchent  le  plus  sont  deux  très  petites 
étoiles  de  cette  constellation  désignées  par  les  n"'  42  et  184  dans  le  catalogue 
de  Bode.  J'ai  donc  calculé  leurs  lieux  sur  le  ciel»d' Yao,  Elles  étaient  toutes 
deux  très  près  du  pôle;  et  même  l'une  d'elles,  la  42*,  en  était  plus  près  que 
Tien  y.  Je  les  ai  donc  placées  toutes  deux  dans  le  tableau  de  comparaison  aux 
places  que  le  calcul  leur  assigne;  "mais  je  n'oserais  absolument  répondre  de  leur 
identité  avec  celle  que  Gaubil  a  voulu  indiquer. 

Quoique  Biot  sût  fort  bien  que  les  ouvrages  de  Gaubil  four- 
millent de  fautes  d'impression,  il  n'a  pas  pensé,  dans  son  incertitude, 
à  corroborer  les  longitudes  avec  les  dates  indiquées  (A)  pour  la  plus 
grande  pj*oximité  de  ces  étoiles  au  pôle.  Cela  est  cependant  très 
facile  car,  à  propos  d'un  autre  sujet,  Gaubil  dit  qu'il  compte  1  degré 
de  précession  pour  72  ans  ^).  Comme,  d'autre  part,  Biot  constate 
que  la  longitude  d'^jj  Dragon  indiquée  par  Gaubil  est  exacte,  nous 
avons  tous  les  éléments  nécessaires  pour  calculer,  au  moyen  des 
dates,  les  longitudes  de  T*ien  yi  et  de  T'ai  yi,  en  retranchant  de 
la  longitude  lVx  Dragon  la  précession  comptée  d'après  la  formule 
de  Gaubil: 


1)  Biot,  en  général  clair  et  précis,  commet  ici  une  double  inadvertance  qui  vient 
compliquer  un  problème  obscurci  par  tant  d'étourderies  et  de  méprises.  T'ai  yi  signifie 
l'Unique  suprême  —  ou  V Unité  suprême  si  l'on  veut  adopter  cette  traduction  défectueuse — 
mais  en  tous  cas  pas  VAncient/e  unité,  dénomination  née  d'un  quiproquo  dans  l'esprit  de 
Biot.  Sa  méprise  se  trouve  aggravée  par  le  fait  que,  contrairement  aux  indications  du 
document  A  (coordonnées  et  date  de  la  proximité  du  pôle),  il  prétend  que  Gaubil  désigne 
Tay  y  comme  une  polaire  plus  ancienne  que  Tien  y. 

2)  «Je  vois  que  dans  nos  diverses  tables  le  mouvement  des  fixes  n'est  pas  le  même. 
Le  calcul  que  j'ai  rapporté  est  dans  l'hypothèse  de  72  ans  pour  un  degré»  (0/).  aV.  p.  339). 
Cette  expression  de  mouvement  des  fixes  semble  montrer  que  Gaubil  n'admettait  pas  le 
mouvement  de  la  terre.  On  sait  d'ailleurs  que  la  Sorbonne,  au  début  du  XVIIP  siècle, 
considérait  encore  le  système  de  Copernic  comme  «  une  hypothèse  commode  mais  fausse  ». 


92 


LEOPOLD    DE    SAUSSURE. 


Etoiles  polaires 

Dates 

Intervalles 

Longitudes 
induites 

Longitudes 
de  Gaubil 

(X,  Dragon 
T'ien  yi 
T'ai  yi 

-2851 

-  2667 

—  225cr 

j   184  ans 
j  408  ans 

151°  5' 
145°  25' 

153°  37'  40" 
150°  4'    25" 
145°  24'  20" 

On  voit  que  les  longitudes  induites  par  ce  calcul  approximatif 
concordent  avec  celles  de  Gaubil,  sauf  sur  un  point  qui  révèle  une 
erreur  typographique:  150°  au  lieu  de  151°,  ce  qui  explique  pour- 
quoi Biot  a  trouvé  un  peu  inexacte  la  longitude  assignée  par 
Gaubil  à  i  du  Dragon. 

En  résumé  les  coordonnées  et  les  dates  indiquées  par  Gaubil 
—  rectißcation  faite  des  fautes  d'impression  —  sont  concordantes. 
Elles  identifient  avec  certitude  T'ien  yi  à  i  du  Dragon,  mais  elles 
assignent  à  T'at  yi  un  lieu  du  firmament  où  Biot  n'a  pas  trouvé 
d'étoile  visible.  Reste  à  savoir  si  Biot  a  cherché  à  la  longitude  145° 
ou  à  la  longitude  149°  qui  figure  par  erreur  à  son  tableau.  Pour- 
suivons donc  notre  enquête. 


D'autres  auteurs  européens  se  sont  occupés  du  firmament  chinois: 
notamment  Schlegel  qui  publia  son   Uranographie  chinoise  en   1875. 

A  la  page  506,  après  avoir  rappelé  que  le  pôle  passa  autrefois 
près  de  x  du  Dragon  ^),  il  dit  : 


1)  Sur  la  fig.  28,  a  du  Dragon  est  porté  à  une  distance  un  peu  trop  grande  du  cercle 
moyen  de  précession.  Cela  provient  de  ce  que  ce  cercle  a  été  tracé  sur  une  carte  ordinaire, 
où  les  étoiles  sont  portées  d'après  leurs  coordonnées  équatoriales,  et  n'a,  par  conséquent,  pas 
pour  centre  le  pôle  de  l'écliptique;  il  devrait  donc  être  figuré  par  une  ellipse  et  non  par 
une  circonférence,  d'où  une  déformation  qui  affecte  la  proximité  et  la  date.  En  outre  i  du 
Dragon  est  portée  trop  loin  de  «;  et  la  lettre  n  est  attribuée  par  erreur  à  la  petite  étoile 
voisine  de  k. 

D'antre  part  l'obliqaité  de  l'écliptique  snbit  des  fluctuations,  de  telle  sorte  que  le 
trajet  du  pôle  n'est  pas  exactement  circulaire.  Suivant  mes  calculs,  le  pôle  a  passé,  au 
27'  siècle,  entre  a  et  i  du  Dragon  (fig.  29): 


LES    ORIGINES   DE   L  ASTRONOMIE   CHINOISE. 


93 


[D].'  Cette   étoile   et  celles   à  l'entour  doivent  donc  porter  des  noms  indi- 
quant qu'elles  étaient  polaires.    En  effet,  ceci  a  lieu  et  nous  trouvons  dans  cet 


Fig.  28.  —  Trajectoire  moyenne  de  la  révolution  du  pôle. 
Figure  empruntée  à  l'Astronomie  populaire  de  Flammarion. 

endroit  quatre   étoiles  dont  les   noms  attestent  incontestablement  leur  qualité 

circumpolaire. 


Etoiles  et  grandeur 


Co-latitude 


Obliquité  de 
l'écliptique 


Distance 
polaire 


Date  ap- 
proximative 


Longitude 

(+  1855) 


et  Dragon 3.5 

i  Dragon  {T'ien  yï) . . ..  4.8 

?         {T'aiyi) 

2"ai  yi  supposée  (A) . . .  6.4 

K  Dragon 3.8 

j3  Petite  ourse 2. 

X  Petite  ourse 2. 


-23<»  39' 

24">  41' 

[25°  47'J 

24"  41' 

28°  15' 

17°  1' 

23°  54' 


23°   59' 
2:5°   58' 


23*= 
23" 
23° 
23« 
23" 


55' 

54' 
48' 
47' 
26' 


—  0°  20' 

+  0°  43' 

+  1°  52' 

+  0°  47' 

+  4°  27' 

—  6°  46' 
+  U°  28' 


—  2824 

—  2668 

—  2263 

—  2171 

—  1357 

—  1097 
+  2105 


165°  32' 

152°  52' 

[147°  14'] 

146°  22' 

134°  22' 

131°  15' 

86°  30' 


La  co-latitude  est  la  distance  de  l'étoile  au  pôle  de  l'écliptique;  le  rayon  du  cercle  de 
précession  est  égal  à  l'obliquité  de  l'écliptique.  Eu  retranchant  l'une  de  l'autre,  on  obtient 
donc  la  proximité  minima  de  l'étoile  au  pôle  de  l'équateur.  —  L'étoile  T'ai  yi  n'ayant 
pu  être  identifiée  avec  certitude,  j'ai  indiqué  également  sa  position  d'après  les  coordonnées 
de  Gaubil. 


94 


LEOPOLD    DE    SAUSSURE. 


T'iEN-Y.  La  première  du  ciel.  Cette  étoile  répond  à  «  du  Dragon.  Elle 
est  de  couleur   noire  dans   la   sphère  chinoise.   [Il   ajoute   ici  en  note:]   Vide 

T'ai-y.  L'archi-première.  C'est  une  seule  étoile  rouge  répondant  probable- 
ment à  l'étoile  3067  i,  ou  à  quelqu'autre  près  de  «  du  Di'agon.  Déjà  Gaubil  a 
soupçonné  que  ces  étoiles  ont  été  polaires:  [Schlegel  cite  ici  notre  document  B]. 

14':8T      l4'?o"'      13''52"'     lihi"     13^36^     iBl'ae'P     isl'zo'?     IsNz^ 


Fig.  29.  —  Trajectoire  vraie  du  pâle  dans  la  haute  antiquité  chinoise. 
Le  point  P  indique  le  pôle  correspondant  aux  equinoxes  et  solstices  de  la  fig.  27. 

L'astrologie  chinoise  confirme  cette  supposition,  car  elle  dit  que  T^ien-y  est  le 
génie  du  général  céleste;  qu'elle  préside  aux  révolutions  célestes;  qu'elle  com- 
mande aux  douze  généraux  (les  douze  signes  zodiacaux). .  . 

Selon  les  astrologues  chinois  T'ai  y  est  un  autre  nom  pour  le  Souverain 
des  cieux,  le  plus  vénéré  de  toutes  les  divinités  célestes.  En  effet  l'étoile  polaire 
autour  de  laquelle  le  firmament  entier  paraît  tourner,  devait  être  considérée 
comme  le  Souverain  des  cieux,  comme  la  divinité  la  plus  vénérée.  ') 


1)  Schlegel  a  vu  le  rapport  entre  le  Souverain  polaire  et  l'Empereur  terrestre,  mais 
il  n'a  guère  compris  l'importance  de  ce  concept  dans  l'antiquité,  ni  discerné  les  nombreux 
textes  classiques  qui  s'y  rapportent.  S'il  avait  saisi  l'analogie  entre  le  nom  de  l'étoile  po- 
laire {l'Unique  du  ciel)  et  le  nom  du  Souverain  terrestre  {l'homme  Unique)  il  n'aurait  pas 
imaginé  la  traduction  défectueuse:  la  Première,  l'Archi-première. 


LES   ORIGINES   DE   l'ASTRONOMIE   CHINOISE.  95 

Le  fait  que  ces  deux  astérismes  ont  été  autrefois  polaires  est  confirmé  par 
la  présence  de  deux  autres  astérismes  voisins  qui  portent  le  nom  de  Tso-tchou 
/y,  ^^  •  Le  pivot  de  gauche  (iota  du  Dragon). . .  Yeou-tchou  ^  |JS  •  Le 
PIVOT  DE  DROITE  (alpha  du  Dragon). . . 

Cette  interprétation  de  Schlegel  nous  plonge  dans  une  nouvelle 
perplexité:  car  elle  intervertit  les  positions  des  deux  étoiles  polaires 
T'ien  yi  et  T'ai  yi,  plaçant  celle-ci  le  plus  près  et  celle-là  le  plus 
loin  d'^  du  Dragon. 

Cette  interversion  concorde  avec  la  phrase  de  Biot  disant  que 
T'ai  yi  est  la  plus  ancienne  de  ces  deux  étoiles  polaires.  Mais  on 
peut  croire  qu'il  y  a  là,  de  la  part  de  Schlegel  comme  de  la  part 
de  Biot,  une  de  ces  inadvertances  dont  fourmille  l'incohérente  ana- 
lyse de  l'astronomie  chinoise  ^). 

Remarquons  d'abord  que  Schlegel  cite,  sans  faire  aucune  objec- 
tion, le  passage  décisif  où  Gaubil  dit:  «La  plus  proche  de  l'anté- 
pénultième s'appelle  TieJi  y.  L'autre  s'appelle  Tay  y*.  Et  s'il  avait 
eu  l'intention  de  renverser  cet  ordre,  il  n'aurait  pas  manqué  d'en 
avertir  le  lecteur. 

Schlegel  écrivit  son  Uranographie  à  Batavia.  Il  dit  lui-même, 
dans  sa  préface,  qu'il  disposait  de  peu  de  documents.  En  feuilletant 
son  livre  on  voit  que  l'identification,  en  nomenclature  européenne, 
des  étoiles  chinoises  lui  est  fournie:  1°  par  le  catalogue  (incomplet) 
de  Reeves.  2°  par  les  croquis  d'astérismes  du  T'ien  yuan  li  li    ^ 

Les  astérismes  chinois  se  composent  parfois  d'une  seule  étoile; 
le  croquis,  naturellement,  fait  alors  défaut  et  le  texte  chinois  ne 
permet  pas  de  déterminer  la  position  de  l'étoile.    Or  tel  est  le  cas. 


1)  Dans  la  discussion  du  texte  du  Yao-tien  on  en  trouve  bien  davantage  que  dans 
celle  des  astérismes  polaires.  Les  auteurs  n'ont  pas  pris  connaissance  des  travaux  antérieurs 
ou  n'ont  pas  la  double  compétence  voulue  ;  il  en  résulte  un  réseau  inextricable  de  méprises, 
coq-à-l'âne,  non-sens  et  malentendus.  J'ai  pu  dire  sans  grande  exagération,  qu'un  vent  de 
folie  semble  avoir  passé  sur  cette  discussion  {T'oung  pao  1907,  u"  3). 


96  LEOPOLD   DE    SAUSSURE. 

d'après  le  T'ien  yuan  li  H,  pour  les  astérismes  T'ai  yi  et  T'ien  yi. 
Schlegel  ne  manque  jamais  d'indiquer  l'origine  de  son  identification. 
Quant  il  ne  le  fait  pas,  c'est  qu'il  s'agit  d'étoiles  notables  déter- 
minées par  les  cartes  chinoises.  Mais  comme,  en  ce  qui  concerne 
les  petites  étoiles  T'ai  yi  et  T'ien  yi  il  est  privé  de  ce  secours; 
comme,  d'autre  part,  il  cite  Gaubil  sans  le  contredire,  on  peut  sup- 
poser qu'il  croit  suivre  cet  auteur  en  identifiant  ces  deux  petites 
étoiles  à  i  et  ;<;  du  Dragon. 

En  ce  cas  il  aurait  commis  une  double  erreur.  !•  Il  intervertit 
leur  position  en  appelant  T'ai  yi  la  plus  rapprochée  de  a,  ce  qui 
est  contraire  aux  indications  de  Gaubil.  2°  Il  identifie  l'étoile  la 
plus  éloignée  de  aj  à  x  du  Dragon,  grande  étoile  (3®  grandeur) 
pénultième  de  la  queue  du  Dragon,  contrairement  au  texte  de 
Gaubil  disant: 

Deux  petites  étoiles  près  de  l'antépénultième  [«]  allant  vers  la  pénultième  [x]. 
d'après  lequel  non-seulement  ces  deux  petites  étoiles  ne  peuvent 
être  confondues  avec  x,  mais  sont  situées  plus  près  d'05  que  de  k. 

L'étoile  X  du  Dragon  ne  fut  d'ailleurs  polaire  quo  beaucoup 
plus  tard,  au  12®  siècle;  et  non  au  23®  siècle  comme  le  dit  Gaubil 
(p.  328)  pour  la  petite  étoile  en  question. 

En  outre,  un  peu  plus  loin  (p.  347),  Gaubil,  traitant  de  l'époque 

du  duc  de  Tcheou,  note  que  deux  étoiles  se  trouvaient  alors  à  peu 

près  à  la  même  distance  du  pôle,  une  à  droite  (x   Dragon),  l'autre 

à   gauche   {ß   Petite   ourse),    pouvant   toutes    deux    être   considérées 

comme   polaires   (malgré   leur  grand  éloignemeut  latitudinal).    Et  il 

fait   observer   que    c'est   ß    Petite   ourse    et   non    x   Dragon  qui  fut 

adoptée   comme  polaire   par   les   Chinois:   car  la  première  porte  un 

nom  polaire  caractéristique,  ce  qui  n'est  pas  le  cas  pour  x: 

[E].  Il  paraît  certain  que  les  Chinois,  vers  l'an  Uli,  regardaient  la 
Lucida  Humeri  de  la  Petite  ourse  comme  la  polaire.  Cette  étoile  a  le  nom 
de  Ti  (Souverain,  empereur).  On  dit  que  c'est  le  siège  de  la  grande  unité, 
expressions  qui  désignent  en   Chine  le   pôle  ou  l'étoile  polaire  quand  il  s'agit 


LES   ORIGINES   DE    l' ASTRONOMIE   CHINOISE.  97 

des  étoiles  qui  sont  ou  ont  été  près  du  pôle  i).  L'an  ill3  av.  J.-C.  cette  étoile 
fut . . .  dans  sa  plus  grande  proximité  du  pôle.  L'étoile  x  [lisez  x]  de  la  queue 
du  Dragon  poui"i"ait  être  regardée  comme  la  polaiie  de  ce  temps  là;  mais  le 
nom  chinois  de  l'étoile  x.  ne  désigne  nullement  une  étoile  polaire;  ce  qu'on  dit 
de  cette  étoile  ne  dénote  en  aucune  façon  le  pôle  ou  l'étoile  du  pôle;  c'est  ce 
qui  me  fait  juger  que  la  Lucida  humeri  de  la  Petite  ourse  était  l'étoile  polaire 
que  Tcheou-kong  observe. 

Remarques.  1"  Entre  le  temps  de  Tcheou-kong  et  celui  où  on  a  vu  que 
Tay  y  était  la  polaire  chinoise,  il  n'y  a  aucune  autre  étoile  qui  ait  un  nom 
chinois  convenant  à  une  étoile  polaire;  on  ne  dit  rien  non  plus  d'aucune  autre 
étoile  qui  dénote  le  pôle  ou  l'étoile  polaire.  Il  paraît  donc  que  l'étoile  Tay  y 
fut  longtemps  la  polaire  chinoise  et  qu'après  que  Tay  y  cessa  d'être  polaire, 
la  Lucida  humeri  fut  la  polaire  chinoise.  —  2o  Ni  dans  les  fragments  ou  livres 
anciens,  ni  dans  les  catalogues  chinois  qui  subsistent,  on  ne  voit  aucun  fonde- 
ment de  croire  que  l'étoile  x  de  la  Queue  du  dragon  ait  eu  le  nom  d'étoile 
polaire  ou  que  les  Chinois  ont  changé  le  nom  de  polaire  qu'a  pu  avoir  l'étoile  k. 
Peut-être  dans  ces  temps  anciens  l'étoile  k  ne  se  voyait  pas  bien;  ou,  étant 
vue,  était  regardée  comme  moins  considérable  que  les  étoiles  Tay  y  et  Lucida 
humeri. 


1)  Gaubil  entend  par  là  que  la  tradition  astrologique  conserve  aux  étoiles  qui  ont  été 
polaires  les  attributs  de  leur  ancienne  fonction,  quoique  aucun  Chinois,  depuis  un  temps 
immémorial,  n'ait  jamais  pu  soupçonner  que  les  étoiles  furent  autrefois  polaires. 

Ainsi,  par  exemple,  (Ur.  pp.  507  et  524),  à  propos  de  T'ien  yi,  le  ^^   -^  '@'  J^ 
dit   que  cette  e'toile  est  le  génie  du  général  des  cieux    H^   7,   >^  "Jc  Ht»  1^  TfiE 
Qu'elle  préside   aux  révolutions  célestes    -p  ,äC  "^  ^Ä  -fl^  ^    Qu'elle  commande  aux 
12  généraux  (les  dodécatémories)   V«  ~r  ZZ,  7^0  ^  propos  de  T'ai  yi,  le    G^  gQ 
il-»  ^fe   dit  que  T'ai  yi  est  une  appellation  de  l'Empereur  céleste      Jj^  ^    ^^  ^* 
■^   Bjj  -^P^  J|j       Cela  est  d'autant  plus  remarquable  que  -ic^  ~/.    est  l'étoile  polaire 
du  23*  siècle  et  que    "fc  'm*  est  l'étoile  polaire  du  12°  siècle.  Le  même  ouvrage  dit  en- 
core que  T'ai  yi  est  la  plus  véne'rée  des  divinités  célestes  ^^  ijj^   "^  g»    pq.  "ö'  ^" . 
(Voir  aussi  M.  H.  III,  p.  473).    Inversement,   à   propos   de    T'ien  ti  sing,  l'étoile  polaire 
du   12°   siècle,    il   est   dit   qu'elle    est    la    résidence   de    T'ai  yi    gp  J^  ^    ,^  ^^  ^ 
De  même,  à  propos  de  l'étoile  x  Petite  ourse  ^^  ;££  y©  ,  qui  était  déjà  polaire  depuis 
la    fin    des    Tcheou,    Sseu-ma   Ts'ien    dit    qu'elle    est    la    résidence    constante    de    T'ai  yi 
'JS^  Zj   ^  ^  o^""  '""  P*'^  ^^  que  les  expressions  3^   ^   -»  ^   ^   ^  ^  1^  > 
"5E  ^^ë    ^'^^^  ^^^  appellations  interchangeables  caractérisant  l'étoile  polaire. 

Le  fait  que  ces  dénominations  ont  été  maintenues  aux  étoiles  qui,  insensiblement,  se 
sont  éloignées  du  pôle  après  avoir  été  polaires,  est  la  plus  étonnante  manifestation  du 
traditionalisme  chinois. 


98  LEOPOLD   DE    SAUSSURE. 

Cette  hypothèse  est  plausible,  car,  au  cours  de  l'histoire,  on  a 
constaté  le  changement  d'éclat  d'assez  nombreuses  étoiles  ^).  Quoi 
qu'il  eu  soit,  Schlegel  a  sûrement  fait  erreur  en  assimilant  à  k 
Dragon  une  des  deux  petites  étoiles  qui  furent  polaires  aux  environs 
du  25®  siècle.  Ajoutons  que  Schlegel  ne  s'intéressait  que  médiocre- 
ment à  cette  question.  Son  idée  fixe,  celle  qui  lui  a  inspiré  son 
livre,  est,  en  effet,  que  l'astronomie  chinoise  n'a  pas  été  créée  aux 
environs  du  25®  siècle,  mais  bien  13000  ans  avant  Yao,  (intervalle 
d'une  demi-révolution  du  pôle)  quand  les  levers  et  couchers  d'étoiles 
étaient  intervertis  ^).  C'est  pour  cette  raison  qu'il  ne  mentionne  ja- 
mais la  division  chinoise  du  ciel  en  cinq  palais,  qui  est  cependant 
le  système  fondamental  de  l'astronomie  chinoise.  La  date  originelle 
de  ce  système  est  inscrite  dans  les  equinoxes  et  solstices  qui  mar- 
quent le  centre  des  quatre  palais  équatoriaux;  elle  est  inscrite  en 
outre  dans  le  centre  du  palais  central,  c'est-à-dire  au  pôle.  Or  le 
pôle  qui  correspond  aux  astérismes  cardinaux  des  saisons,  c'est  le 
point  P  de  notre  figure  29.  Schlegel  ne  voulait  voir  là  qu'une 
coïncidence  et  évitait  d'y  insister. 

L'erreur  de  Schlegel  assimilant  T'ieyi  yi  à  x  Dragon  s'est  réper- 
cutée dans  la  traduction  du   Che  ki  par  Ed.  Chavannes. 


1)  En  comparant  les  catalogues  à  partir  d'Hipparqvie,  Flammarion  a  confirmé  60 
changements  d'éclat  parmi  les  2000  étoiles  classées.  Deux  des  étoiles  polaires  mentionnées 
ci-dessus  ont  changé  d'éclat  au  cours  de  l'ère  chrétienne:  a  du  Dragon,  de  3°  grandeur  ^, 
était  de  2"=  grandeur  au  XVP  siècle;  «  de  la  Petite  ourse  était  autrefois  inférieure  à  ß, 
tandis  qu'elle  lui  est  actuellement  égale  et  même  plutôt  supe'rieure  {Jstr, populaire,  f.  11 3). 

2)  Le  fait  principal  qui  lança  Schlegel  dans  cette  voie  paradoxale  est  que  les  Chinois 
nomment  Palais  du  printemps  le  quartier  du  ciel  où  le  soleil  séjourne  en  automne  et 
réciproquement.  Cette  interversion  provient  simplement  de  ce  que  les  sieou  dérivent  d'un 
ancien  zodiaque  lunaire  servant  à  localiser  le  plein  de  la  lune  qui  a  lieu,  comme  on  sait, 
à  l'opposé  du  soleil.  Cette  coutume  s'est  maintenue  dans  les  palais  équinoxiaux  après  que 
l'avènement  de  l'astronomie  solaire  l'exit  fait  supprimer  dans  les  palais  solsticiaux.  Le 
souvenir  traditionnel  de  ce  partage  des  saisons  entre  la  lune  et  le  soleil  se  manifeste  dans 
le  Tcheou  li,  où  il  est  dit:  Aux  solstices  d'hiver  et  d'été,  le  soleil;  aux  equinoxes  du 
printemps  et  d'automne,  la  lune;  servent  à  régler  les  quatre  saisons.  (Cf.,  Ze*  origines  (U) 
T'oung  pao  1910,  p.  460  et  Le  système  astr.  des  chinois^  op.  cit.). 


LES    ORIGINES   DE   l'ASTROjSOMIE   CHINOISE.  99 

Sseu-ma  Ts'ien,  dans  sa  description  du  Palais  central,  dit: 

En  ligne  droite  de  la  cavité  du  Boisseau  sont  trois  étoiles  qui  forment  un 
cône  tourné  vers  le  nord  ;  tantôt  elles  sont  visibles,  tantôt  non.  On  les  appelle 
Tien  yi  (M.  H.  III,  p.  340). 

Chavannes,  d'après  l'indication  de  Schlegel  (voir  la  note,  p.  339) 
dit  que  T'ieii  yi  est  actuellement  k  Dragon  et  émet  l'hypothèse  que 
les  deux  étoiles  formant  avec  elle  un  cône  sont  ôi  et  ^  àe  la 
Grande  ourse,  c'est-à-dire  les  deux  grandes  étoiles  marquant  l'ouver- 
ture de  la  cavité  du  Boisseau.  Gela  est  inadmissible.  Dans  la 
nomenclature  chinoise  une  même  étoile  ne  fait  pas  partie  à  la  fois 
de  deux  astérismes  et  les  étoiles  attribuées  à  T'ien  yi  ne  sont  évi- 
demment pas  celles  du  Boisseau.  Le  texte,  en  disant  que  «tantôt 
elles  sont  visibles,  tantôt  non  » ,  montre  qu'il  s'agit  de  petites  étoiles. 
D'autre  part  nous  avons  vu  que  l'identification  de  T'ien  yi  avec  x 
Dragon  ne  repose  sur  aucun  argument  et  n'est  qu'une  méprise  de 
Schlegel.  T'ien  yi  n'est  autre  que  i  du  Dragon  (5®  grandeur)  et  les 
deux  étoiles  qui  lui  sont  associées  ^)  sont  deux  petites  étoiles  de  la 
même  région,  de  5®  ou  6®  grandeur  sans  doute,  qu'on  ne  peut 
identifier  avec  certitude. 

un  autre  auteur  a  traité  incidemment  des  étoiles  polaires  chi- 
noises: S.  M.  Russell,  professeur  d'astronomie  au  T'oung  wen  kouan 
à  Pékin.  Par  sa  compétence  et  sa  situation,  cet  auteur  était  bien 
placé  pour  traiter  le  sujet  à  fond;  malheureusement  il  lui  a  con- 
sacré seulement  quelques  lignes  dans  un  mémoire  destiné  principale- 
ment à  la  discussion  des  éclipses  ^).  Il  se  borne  à  dire  que,  d'après 


1)  De  même  que,  par  exemple,  Siu,  qui  représente  essentiellement  Antares,  comprend 
—  en  tant  qu'astérisrae  —  deux  petites  étoiles  avoisinantes. 

2)  Discussion  of  astronomical  records  in  ancient  Chinese  looks  dans  le  Journal  of 
the  Peking  Oriental  Society,  vol.  II,  n°  3.  C'est  dans  ce  même  article  que  M.  Russell  a 
donné,  sur  le  texte  du  ïao-tien,  cette  singulière  interprétation  que  j'ai  réfutée  dans  le 
T'oung  pao,  1907,  pp.  826  sqq.:  interprétation  qui  restera  comme  un  exemple  mémorable. 


100  LEOPOLD    DE    SAUSSURE. 

leur   nom,   on   voit   que   les   étoiles   ^  — '   T'ieri  yi  et  *j^   Ti  ont 

été  considérées  comme  polaires  par  les  anciens  Chinois,  la  première 

au    temps   de   Yao^  la  seconde  au  début  de  la  dynastie  des   Tcheou. 

11  assimile   T'ien  yi  à  10  Draconis  et   Ti  à  ß   Ursae  minons  ce  qui 

confirme   les  indications    de   Gaubil.    L'étoile   10   Draconis   (dans  la 

nomenclature  de  Flamsteed)  n'est  autre,  en  effet,  que  i  Draconis  de 

la  nomenclature  de  Bayer.    Quant  à  l'identification  de  l'étoile  Ti  à 

ß   de   la    Petite   ourse,    elle    n'est   contestée   par   personne.    Russell, 

malheureusement,  ne  s'est  pas  occupé  de   T'ai  yi. 

* 

Tel  est  l'état  de  la  question  d'après  les  auteurs  européens.  Les 
divergences  portent  sur  les  deux  petites  étoiles  polaires  T'ien  yi  et 
T'ai  yi  de  la  haute  antiquité.  Gaubil,  Schlegel  et  Russell  s'accor- 
dent à  identifier  l'une  d'elles  à  10  Dragon  z,  mais  Schlegel  l'appelle 
T'ai  yi,  tandis  que  Gaubil  et  Biot  l'appellent  T'ien  yi.  Quant  à 
l'autre,  Gaubil  la  désigne  comme  une  très  petite  étoile  située  à  8 
degrés  de  longitude  en  deçà  de  x  Dragon,  tandis  que  Schlegel 
l'assimile  à  x  Dragon. 

Pour  trancher  le  différend  il  faut  recourir  aux  documents  origi- 
naux, c'est-à-dire  aux  cartes  célestes  chinoises  ^).  Je  n'en  ai  qu'une 
à  ma  disposition,  celle  qui  est  reproduite  dans  le  mémoire  de 
Chavannes  intitulé  Instruction  d^un  futur  empereur  de  Chine  et 
dont  j'ai  fait  agrandir  le  Palais  central  (fig.  30). 

On  remarque,  sur  cette  carte  de  la  calotte  circompolaire,  à  droite 
et  à  gauche  du  pôle,  deux  lignes  brisées  qui  sont  la  Haie  orientale 


des  méprises  auxquelles  un  astronome  professionnel  s'expose  s'il  s'aventure  à  traiter  de 
l'astronomie  primitive  sans  avoir  au  préalable  réfléchi  à  cette  question  et  conçu  la  distinc- 
tion entre  les  procédés  sidéraux  et  les  proce'dcs  tropiques  (cf.  Prolégomènes  d'asironomie 
primitive  dans  les  Archives  des  se.  ph.  et  nat.,  juin  1907). 

1)  Dans  son  article  de  1840  (p.  237)  Biot  dit:  «J'ai  essayé  de  retrouver  Tay-y  par 
les  indications  des  catalogues  chinois  du  Pou-tien-ko  et  de  l'encyclopédie  japonaise,  comme 
je  l'ai  fait  aussi  pour  Tien  y;  mais  les  indications  de  ces  catalogues  sont  trop  vagnes  on 
trop  inexactes  ponr  les  définir  avec  sûreté». 


LES   ORIGINES   i)E   l'astronomie   CHINOISE. 


loi 


^  »^  et  la  Haie  occidentale  j^  ^^  des  dignitaires  de  la  Cour 
qui  entourent  le  souverain  céleste.  Ces  deux  haies  forment  l'enceinte 
^  ^0  ^  (dont  le  nom  est  inscrit  dans  un  cartouche  à  fond  blanc). 
L'une  commence  au  Pivot  de  gauche  ^  ^^  (iota  Dragon),  l'autre 
au  Pivot  de  droite  ^  ^fj^  (alpha  Dragon).  Cette  dernière  étoile  est, 


Fig.  30.  —  Le  palais  central,  d'après  une  carte  chinoise  du  XII 1"  siècle. 

comme  nous  l'avons  vu,  celle  dont  Gaubil  se  sert  pour  indiquer  la 
position  de  T'ieji  yi  et  de  T'ai  yi: 

Deux  petites  étoiles  près  de  l'antépénultième  [et]  de  la  queue  du  Dragon, 
allant  vers  la  pénultième  [x];  la  plus  proche  de  l'antépénultième  s'appelle 
T'ien  yi,  l'autre  s'appelle  l'^ai  yi. 


1Ô2 


L]ÉOPOLD   DE   SAUSSURE. 


La  carte  chinoise  vérifie  exactement  ces  indications.  On  y  voit 
THen  yi  ^  — -  et  T'ai  yi  ~^  — •  placées  le  long  de  la  haie  occi- 
dentale entre  ~J^  |j^  {ot,  Dragon)  et  ^  ^»j"  (jc  Dragon).  Il  est  donc 
évident:  1^  que  Schlegel  s'est  trompé  eu  intervertissant  l'ordre  de 
ces  deux  anciennes  étoiles  polaires;  2°  qu'il  s'est  trompé  en  assimi- 
lant l'une  d'elles  {T'ien  yi)  à  x  Dragon. 


Fig.  31.  —  L'étoile  polaire  de  la  Girafe. 


Remarquons  maintenant  que  x  Dragon  fait  partie  de  la  haie 
des  dignitaires  et  porte  sur  la  fig.  30  le  nom  de  ^  ^^.  Schlegel 
ayant  baptisé  cette  étoile  ^  — • ,  où  donc  a-t-il  placé  «  Le  petit 
commandant»?  Il  l'identifie  à  %  2348  do  la  Grande  ourse  (Ur.  p.  509) 
située   à    mi-distance   entre  s   Grande   ourse   et   j«    Dragon,    ce   qui 


LES    ÔBIOÏNES   DE   l' ASTRONOMIE   CHINOISE.  103 

occasionne  sur  son  atlas  un  brusque  crochet  dans  la  haie  des  dignitaires, 
crochet  n'existant  nullement  dans  la  carte  chinoise  (fig.  30)  où  la 
haie  file  en  ligne  droite  dans  l'alignement  a,  x,  A  (  ;;^  |^  ^  /^  ^ij"  ^ 
Jt  ^  )  lequel  est,  en  effet,  sensiblement  rectiligne  (fig.  28)  ^). 

En  définitive  la  question  des  étoiles  polaires  de  la  haute  anti- 
quité est  ainsi  tranchée  conformément  aux  indications  de  Gaubil: 
T'ien  yi  n'est  autre  que  10  Dragon  i  et  T'ai  yi  est  une  petite 
étoile  située  dans  le  voisinage  du  cercle  de  précession  à  environ  6 
degrés  de  longitude  en  deçà.  Mais  quelle  est,  au  juste,  dans  notre 
nomenclature  le  nom  de  cette  petite  étoile? 

Si  l'on  porte  sur  la  carte  (fig.  29)  la  position  indiquée  par 
Gaubil  (après  avoir  transformé  les  coordonnées  écliptiques  en  coor- 
données équatoriales)  on  constate,  comme  l'a  fait  Biot,  qu'il  n'existe 
pas  d'étoile  visible  à  cet  endroit.  II  faut  donc,  ou  bien  que  Gaubil 
ait  fait  une  erreur  d'observation  ou  de  calcul,  ou  bien  que  les 
coordonnées  aient  été  altérées  par  des  fautes  d'impression.  Cette 
dernière  hypothèse  n'est  admissible  que  pour  la  latitude,  car,  comme 
nous  l'avons  vu,  la  longitude  est  corroborée  par  la  date  (2259) 
assignée  à  la  plus  grande  proximité  du  pôle.  Quoi  qu'il  en  soit  de 
la  cause  de  cette  regrettable  inexactitude,  il  est  probable  que  l'étoile 
en  question  est  la  petite  étoile  de  6®  grandeur  42  (Bode),  qui  est 
l'étoile  (visible  à  l'œil  nu)  la  plus  voisine  de  la  position  indiquée 
par  Gaubil.  Biot,  comme  nous  l'avons  vu  p.  91,  a  déjà  constaté 
que   les   deux   étoiles   les   plus   voisines   sont   celles   qui   portent  les 


1)  Schlegel  intitule  sa  planisphère:  «Atlas  céleste  d'après  le  Tien-yotien-U'-li'».  N'ayant 
pas  cet  ouvrage  à  ma  disposition,  je  ne  puis  vérifler  s'il  comporte  une  figure  de  la  Haie 
occidentale  indiquant  ce  crochet.  J'en  doute  fort;  mais  quand  même  il  en  serait  ainsi^ 
rautorité  du  T'ien  yuan  li  H  ne  pourrait  prévaloir  contre  celle  de  la  carte  célehtc,  anté- 
rieure de  plusieurs  siècles,  dressée  officiellement  ad  usum  ddphini. 

Ces  méprises  de  Schlegel  semblent  provenir  de  ce  qu'il  a  dru  9*appuyer  sur  l'autorité 
de  Gaubil,  dont  il  cite  le  texte  sans  le  contredire  et  sans  l'avoir  lu  attentivement. 


104  LEOPOLD   DE   SAUSSURE. 

n*^8  42  et  184  du  catalogue  de  Bode  ^).  Mais  il  n'a  pas  remarqué 
la  coufirmation  apportée  aux  longitudes  de  Gaubil  par  l'indication 
des  dates  de  proximité.  Ces  dates  (2851,  2667,  2259}  calculées  par 
Gaubil  à  raison  d'un  degré  de  précession  pour  72  ans,  correspondent 
aux  dates  2830,  2631,  2228,  calculées  avec  le  coefiBcient  plus  exact 
d'un  degré  pour  71,57  ans.  On  peut  donc  dire,  indépendamment 
des  fautes  d'impression  ou  de  calcul,  que  Gaubil  a  désigné  comme 
étant  T'ai  yi  l'étoile,  visible  à  l'œil  nu,  située  à  proximité  du  pôle 
du  23®  siècle.  La  figure  29  montre  que  cette  étoile  ne  peut  être 
que  l'étoile  A  si  Gaubil  n'a  pas  commis  une  faute  de  calcul,  ou 
l'étoile  triple  C,  placée  à  droite  de  l'alignement  x — Jc,  comme  le 
T'ai  yi  de  la  carte  chinoise,  considération  donnant  à  penser  qu'il 
s'est  trompé  *). 

Gaubil  a  pu  se  faire  montrer  cette  petite  étoile  parce  qu'à 
son  époque  la  tradition  uranographique  existait  encore  eu  Chine. 
Mais  il  est  peu  probable  qu'il  y  ait  de  nos  jours  un  lettré  capable 
de  désigner  T'ai  yi  dans  le  firmament.  La  réforme  opérée  officielle- 
ment par  les  Jésuites  a  eu  pour  effet  de  tuer  l'ancienne  astronomie. 
Comme  elle  a  coïncidé  avec  le  début  de  la  dynastie  Ts'ing  et  qu'elle 
était  appuyée,  pour  des  raisons  politiques,  par  le  jeune  empereur 
K'ang  M  '),  elle  a  été  considérée,  non  pas  comme  une  importation 
d'idées  occidentales,  mais  comme  une  de  ces  transformations  rituelles 
instituées  à  l'occasion  d'un  changement  de  dynastie  et  qui  tendent 


1)  Ces  deux  étoiles  eorrespondent  aux  n"'  2029  et  2034  de  Christiania.  La  première, 
marquée  A  sur  la  fig.  29,  est  de  grandeur  6.4;  la  seconde,  qu'on  voit  un  peu  au  dessous, 
est  de  grandeur  7,7. 

2)  On  peut  remarquer,  en  outre,  que  la  latitude  de  l'étoile  42  est  précisément  d'un 
degré  plus  faible  que  la  latitude  indiquée  par  Gaubil,  ce  qui  pourrait  s'expliquer  par  une 
faute  d'impression:  66°  au  lieu  de  65**.  — 

Je  rappelle  au  lectenr  pea  familiarisé  avec  les  notions  astronomiques  que  la  longitude 
et  la  latitude  sont  des  coordonnées  écliptiques;  la  première  est  donc  concentrique  au  cercle 
de  précession  et  la  seconde  lui  est  perpendiculaire  (fig.  28  et  29)» 

8)  Les  origines  B,   T'oung  pao  1909. 


LES    ORIGINES    DE   l' ASTRONOMIE    CHINOISE.  10^ 

à  mettre  le  nouvel  état  de  choses  en  harmonie  avec  l'influx  des  lois 
physico-morales  de  la  nature.  La  réforme  de  l'astronomie  et  du 
calendrier  par  les  Jésuites  a  été  envisagée  comme  analogue  à  la 
réforme  cosmologique  et  calendrique  de  la  dynastie  Toheôu.  Aussi 
l'astrologie  elle-même  s'est-elle  conformée  aux  règles  nouvelles  i). 
Les  astronomes  formés  à  l'école  des  Jésuites  ou  de  leurs  élèves  n'ont 
pas  ou  la  même  éducation  que  leurs  prédécesseurs.  Et  comme 
l'astronomie  est,  en  Chine,  un  service  officiel,  impérial,  et  non  une 
science  d'ordre  privé,  il  est  probable  que  l'interruption  de  la  trans- 
mission orale  a  fait  perdre  la  connaissance  traditionnelle  de  la  petite 
étoile   T'ai  yî,  que  los  livres  et  les  cartes  mentionnent  sans  préciser 

exactement  sa  position. 

* 

Pour  compléter  cette  étude,  il  nous  reste  à  dire  quelques  mots 
des  étoiles  polaires  de  l'ère  moderne. 

Au  début  de  la  dynastie  TcJieou,  c'était,  comme  nous  l'avons  vu, 
ß  de  la  Petite  ourse  ^  *^^  ^  qui  était  considérée  comme  la  po- 
laire; et  actuellement  c'est  x  de  la  Petite  ourse.  A  quelle  époque 
celle-ci  a-t-elle  été  substituée  à  celle-là? 

Si  nous  considérons  la  fig.  28,  nous  voyons  que  c'est  seulement 
vers  le  IIP  siècle  de  notre  ère  que  <x  s'est  trouvée  plus  rapprochée 
du  pôle  que  ß.  Or,  comme  nous  l'avons  vu,  x  était  autrefois  infé- 
rieure en  éclat  à  ß.  Ou  n'imagine  pas  comment  les  Chinois,  si 
conservateurs,  auraient  été  amenés  à  substituer  ^  à  /3  à  une  époque 
ou  la  première  ne  possédait  comme  titre  à  la  qualité  de  polaire, 
ni  la  plus  grande  proximité  ni  le  plus  grand  éclat.  Il  est  donc  per- 
mis d'affirmer  que,  dans  le  chapitre  l^'ien  kouan  du  Che  ki,  l'étoile 
polaire  dont  il  s'agit  n'est  pas  oi,  notre  étoile  polaire  actuelle, 
mais  ß. 


1)  J'ai  sous   les  yeux  un  almanach  astrologique  de  l'année  IS31  qui  met  en  rapport 
l'année  astrologique  avec  l'ordre  rétrograde  (et  réel)  des  signes:  "^  ^   ^,  ^   ^U   ^  .  .  , 


106  LEOPOLD   DE    SAUSSURE. 

Schlegel,  il  est  vrai,  l'assimile  à  «as,  mais  saus  eu  douuer  aucuue 
raisou  ;  et  Chavannes  daus  sa  traductiou  s'est  couformé  à  cette 
ideutification  ^). 

Mais  rien  daus  le  texte  de  Sseu-7na  Ts'ien  (qui,  d'ailleurs,  est 
vraisemblablement  la  reproduction  d'un  document  de  l'époque  des 
Toheou)  n'indique  la  situation  de  cette  étoile  par  rapport  aux  autres 
astérisQies. 

Le  nom  qui  lui  est  donné  dans  le  C/ie  là  (  ^  ^^  ^  )  ne  peut 
servir  à  la  préciser,  car,  comme  nous  l'avons  vu,  les  appellations 
du  pôle  sont  interchangeables.  Si  l'on  voulait  eu  tirer  une  indication, 
elle  serait  plutôt  favorable  à  ß  qu'à  a]  car,  dans  le  chapitre  Hong  fan 
du  Chou  king,  le  Souverain,  image  terrestre  de  l'étoile  polaire,  est 
appelé  _^  ^^  ;  dans  l'ère  moderne  le  nom  urauographique  de  l'étoile 
polaire  actuelle  est  ^  ^  ^  ^j"  que  n'emploie  pas  Sseu-ma  Ts'ien; 
et  le  nom  uranographiqae  resté  à  l'ancienne  polaire  des  Tcheou  est 

Sous  les  Han,  notre  étoile  polaire  actuelle  (tz)  se  trouvant  plus 
éloignée  du  pôle  que  ß  et  d'éclat  iuférieur,  ne  pouvait  être  consi- 
dérée comme  polaire  et  ne  portait  certainement  pas  son  nom  im- 
périal   actuel.    D'autre    part   ß    était   alors    fort  éloignée  du  pôle  ^). 


1)  M,  H.  III,  p.  339.  —  Chavannes  ne  semble  pas,  d'ailleurs,  avoir  pensé  au  pro- 
blème de  la  révolution  du  pôle,  car  il  dit  que  l'étoile  Faîée  du  ciel  «n'est  autre  que  l'étoile 
polaire»,  sans  spécifier  laquelle. 

2)  On  sait  que  le  Tcheou  pi,  dans  sa  deuxième  partie  la  moins  ancienne,  indique  la 
manière  d'orienter  le  méridien  d'après  les  elongations  de  la  polaire  et,  plus  loin,  dans  la 
partie  la  moins  ancienne  qui  date  peut-être  des  Ilan  ejtpose  un  procédé  (d'ailleurs  illusoire) 
pour  mesurer  la  distance  de  l'étoile  polaire  en  mesurant  son  elongation  verticale.  Edouard 
Biot,  dans  sa  traduction  de  cet  ouvrage  {Journal  asiatique),  a  calculé  que  les  indications 
très  vagues  de  celte  mesure  angulaire  reporteraient  la  rédaction  de  ce  chapitre  au  IP  siècle 
de  notre  ère,  époque  qui  semble  dit-il  un  peu  tardive.  Lui  non  plus  ne  s'est  pas  posé  le 
problème  du  changement  de  l'étoile  polaire  et  admet  implicitement  que  cette  étoile  est  x. 
En  appliquant  le  calcul  à  /3  on  ne  trouverait  d'ailleurs  pas  une  époque  beaucoup  plus  ré- 
cente, car,  comme  nous  l'avons  vu,  la  distance  polaire  à'x  et  de  ß  était  la  même  au 
IP  siècle. 


LES   ORIGINES   DE   l'ASTRONOMIE   CHINOISE.  107 

Mais  en  dehors  de  ces  deux  grandes  étoiles  ^  et  /3  auxquelles  fut 
successivement  attribué  le  nom  impérial,  les  Chinois  u'ont-ils  pas 
adopté,  depuis  deux  mille  ans,  d'autres  étoiles  polaires,  pour  mar- 
quer plus  exactement  le  pôle?  On  voit  sur  la  fig.  18  qu'une  petite 
étoile  s'est  trouvée  fort  près  du  pôle  au  début  de  notre  ère;  et 
qu'une  autre  petite  étoile  (4339  de  la  Girafe)  a  marqué  presqu'- 
exactement  le  pôle  au  temps  de  Charlemagne.  Est-il  vraisemblable 
que  les  Chinois,  dont  les  astérismes  comprennent  fréquemment  do 
si  petites  étoiles,  n'aient  pas  tenu  compte  de  la  proximité  polaire 
de  ces  astres?  Pour  s'en  assurer  il  faut  rechercher  si  ces  deux 
petites  étoiles  polaires  modernes  portent  des  noms  caractéristiques 
dans  l'uranographie  chinoise;  et,  si  possible,  compulser  les  plus 
anciennes  cartes  célestes  pour  noter  l'étoile  qui  figure  au  centre  du 
palais  central. 

La  seule  carte  chinoise  à  ma  disposition  est  celle  du  XIII®  siècle 
reproduite  par  la  fig.  30;  elle  nous  renseigne  à  souhait,  car  nous  y 
voyons  que  la  circonférence  du  palais  central  a  pour  centre  ^JJ;  ^ 
V Etoile-pivot   dont   le   nom    est   assez    significatif  pour  se  passer  de 
commentaire. 

Elle  se  trouve  à  l'extrémité  d'une  ligne  coudée  formée  de  cinq 
étoiles:  :*:  -f-  ,  ^  ,  IS  -7-  ,  O  g*  .  a  s  o  En  outre,  elle 
est  elle-même  entourée  par  une  ligne  brisée  de  quatre  étoiles  appe- 
lées collectivement  Py  È^  I^es  Quatre  supports.  Ces  circonstances  fa- 
cilitent son  identification. 

Le  2"ie7i  yuan  H  li  donne  à  plusieurs  de  ces  cinq  étoiles  des  noms 
un  peu  différents: 

±^.  ^c-tM«  J[ttT>  BM.  "^m. 

Il  appelle  donc  ^  ^  Gond  dn  ciel  l'étoile  polaire  que  la  carte 
du  XIIP  siècle  nomme  ^  ^ .  Le  nom  est  équivalent  et  le  T'ien 
yuan  H  li  spécifie  le  caractère  polaire  de  l'étoile:  |tl^  ^  ^  ^J^  ^  ^ 


108  L:É0P0LD   DE   SAUSSURE, 

iSCl^  3c  -2  11§  Ôt  o  Cette  étoile  semble  immobile,  c'est  pourquoi 
elle  est  (considérée  comme)  le  pivot  du  ciel. 

Quant  à  l'astérisme  qui  entoure  ce  pivot  du  ciel,  le  T'ien  yuan 
li  li,  comme  la  carte,  le  nomme  ^  ^  Les  quatre  supports  sans 
indiquer  de  nom  particulier  à  chacune  de  ses  étoiles.  Il  dit  que  ces 
quatre  étoiles  autour  du  pôle  représentent  les  ministres  qui  entourent 
(le  SouTerain).  H  ü  H  M  M  .  lï  Ä  M  #  .  :)§  Ä  g  ^  , 
Ce  trait  est  caractéristique,  car  les  étoiles  qui  environnent  la  polaire 
symbolisent  toujours,  dans  l'uranographie  chinoise,  les  conseillers 
intimes  de  l'empereur  (cf.  T.  P.  1910,  p.  343,  note). 

On  voit  par  là  que  le  2^'ie7i  yuan  li  li,  tout  en  employant 
l'appellation  de  ^  |^  comme  nom  spécifique  de  l'étoile  appelée 
^  ^ ,  lui  applique  également  le  teruie  de  ^fl-  ^  qui  signifie 
l'étoile  polaire  ^). 

L'existence  d'une  étoile  polaire  de  l'ère  moderne  est  ainsi  dé- 
montrée, à  la  fois  par  son  nom,  par  sa  position  sur  la  fig.  30  et 
par  les  attributs  astrologiques  de  son  entourage.    Cette  constatation 


1)  Les  termes  j^J^  et  M!^  sont  équivalents  et,  dans  le  texte  cité  plus  haut,  le 
T'ien  yuan  li  li  emploie  l'expression  ^M  :^. .  Or  >4v  icj^  Av.  —  que  Schlegel  u  bien 
traduit  par  «Le  domicilié  du  pivot»  —  est  le  nom  de  l'empereur  jaune  {Les  origines 
T.  P.  1910  pp.  263  et  284).  L'empereur  jaune  place  au  centre,  correspondait  au  palais 
central,  par  consequent  au  pôle  et  au  Chang  li  dont  le  culte  était  associe'  au  culte  des 
ancêtres  impériaux.  Plus  tard  les  cinq  empereurs  ancestraux  devinrent  les  cinq  Chang  ti\ 
la  tradition  du  Chang  ti  unique  (alias  T'ai  yi  ou  2"ien  H)  fit  placer  au  dessus  d'eux  une 
divinité  supérieure,  polaire,  tandis  que  les  cinq  Chang  li  inférieurs  furent  assimiles  aux 
cinq  éléments.  Mais  le  nom  de  -^^  ^pp  ^J|-  montre  qu'à  l'origine  l'empereur  du  centre 
était  également  polaire.  Il  se  trouvait  ainsi  y  avoir  deux  empereurs  centraux  et  polaires. 
C'est  pourquoi,  dans  le  culte  de  T'ai  yi  restauré  sous  les  Ilan,  on  plaça  l'empereur  jaune 
au  S  W,  à  côté  de  l'empereur  rouge  (S).  La  raison  pour  laquelle  on  le  plaça  au  SW  est  la 
même  qui  fait  placer  le  cheval  et  le  mouton  dans  le  ministère  du  sud  dans  le  Tcheou  li 
et  qui  fait  placer  la  cinquième  saison  au  S  O  dans  le  Li-ki.  {Les  origines,  T.  P.  1910, 
pp.  253,  261,  604.) 

Chalmers,  qui  cependant  a  écrit  sur  l'astronomie  chinoise,  a  trouvé  les  noms  de  -^S^ 
yMS  -pjj;  et  des  autres  divinités  cosmiques  tellement  incompréhensibles  qu'il  les  a  taxées 
de  «meaningless  syllables»  et  leur  attribuait  une  origine  hindoue  (T.  P.  1910,  p.  263). 


LES   ORIGINES   DE   l'asTRONOMIE   CHINOISE.  109 

est  importante  en  ce  qu'elle  prouve  qu'en  dehors  des  grandes  étoiles 
impériales  ix  ei  ß  de  la  Petite  ourse,  considérées  successivement 
comme  étoiles  polaires  depuis  les  temps  lointains  de  la  dynastie 
Yin  ^)  il  a  pu  y  avoir  d'autres  petites  étoiles  considérées  comme 
pivot  du  ciel  au  point  de  vue  technique.  Le  cas  de  l'étoile  ^-  ^ 
montre  que  la  tendance  invétérée  des  Chinois  à  assimiler  le  pivot 
du  ciel  à  l'Empereur  s'est  manifestée  même  sur  cette  petite  étoile 
polaire  technique  à  laquelle  on  a  accordé  un  entourage  de  ministres 
quoique  l'étoile  impériale  oflScielle  fût  déjà  probablement  x  de  la 
Petite  ourse. 

Cela  n'est  cependant  point  certain.  Nous  avons  vu  plus  haut 
qu'au  IP  sièle  de  notre  ère  ä  de  la  Petite  ourse  se  trouvait  à  la 
même  distance  du  pôle  que  ß.  Comme  elle  avait  alors  un  moindre 
éclat,  elle  n'a  guère  pu  détrôner  ß  que  vers  le  IV®  ou  V®  siècle. 
Or  au  début  de  notre  ère  il  y  avait  une  étoile  qui  marquait  le  pôle 
(6g.  28)  et  dès  le  V®  siècle  l'étoile  ^  ^  était  la  plus  proche  du 
pôle.  Il  est  donc  fort  possible  que  l'interrègne  entre  ß  ei  x  de  la 
Petite  ourse  ait  été  fait  par  une  ou  par  deux  petites  étoiles  polaires  ^). 
Dans  ce  cas  l'avènement  de  x  n'aurait  eu  lieu  qu'un  peu  plus  tard 
lorsque  la  distance  polaire  de  ß  serait  devenue  trop  grande  pour  lui 
conserver  la  fonction  impériale.  Cet  avènement  est,  en  tous  cas, 
antérieur  au  XIII®  siècle  puisque  x  porte  (sur  la  figure  30)  sou  titre 
actuel  de  ^  ^  -^  *j^ .  Il  est  d'ailleurs  probable  que  ce  titre  lui 
a  été  conféré  par  un  décret  officiel  dont  on  trouvera  peut-être  la  trace. 

Il  reste  maintenant  à  identifier  notre  étoile  ^  ^  de  la  fig.  30. 


1)  La  proximité  polaire  minima  de  ß  s'est  produite  au  12°  siècle  et  cette  étoile  était 
la  plus  proche  du  pôle,  parmi  celles  de  grand  éclat,  depuis  plusieurs  siècles. 

2)  Gaubil  {Observaiio7is,  tome  II)  dit  qu'au  IP  siècle  de  notre  ère  un  astronome  de'couvrit 
que  l'étoile  polaire  n'était  pas  exactement  au  pôle  et  tournait  autour  de  lui.  Quelle  que 
fût  la  décadence  oh.  l'astronomie  tomba  à  la  fin  des  Tcheou,  il  est  inadmissible  qu'on  ne 
sût  pas  sous  les  Han  que  les  grandes  étoiles  ix  et  ^  de  la  Petite  ourse,  toutes  deux  égale- 
ment fort  éloignées  du  pôle,  tournaient  autour  de  lui.  Il  s'agit  donc  évidemment  de  la 
petite  étoile  voisine  du  pôle  au  début  de  notre  ère  (fig.  28). 


110  LEOPOLD    DE    SAUSSURE. 

Ni  Reeves  ui  Schlegel  ne  se  sont  aperçus  de  son  caractère  d'étoile 
polaire,  faute  d'avoir  marqué  sur  la  carte  le  trajet  du  pôle  ^). 
Schlegel  dit;  « L'astérisme  T'ien-ichou  ^  |JS  (le  pivot  du  ciel) 
n'a  pas  été  vérifié  par  M.  Reeves,  mais  doit  également  répondre  à 
une  étoile  de  la  Petite  ourse»  ^).  Cette  étoile  n'a  donc  été  identifiée 
par  aucun  de  ces  deux  auteurs.  Elle  est  cependant  reconnaissable 
au  fait  qu'elle  est  la  5^  de  l'astérisme  coudé  commençant  à  ~\^  '-^ 
et  *j^'  {y  et  ß  de  la  Petite  ourse);  en  comparant  les  fig.  28  et  30, 
et  en  tenant  compte  du  fait  que  ni  le  T'ien  yuan  li  li,  ni  la  carte 
du  XIIP  siècle  ne  mentionnent  d'autres  étoiles  entre  notre  Petite 
ourse  et  la  Haie  occidentale,  on  voit  que  la  ligne  coudée  commen- 
çant à  7  (n°  1)  et  ß  {n^  2)  de  la  Petite  ourse  se  continue  par  les 
trois  étoiles  marquées  sur  la  fig.  28,  dont  la  dernière  (u"  5),  très 
éloignée  du  n^  3,  n'est  autre  que  4339  de  la  Girafe,  qui  fut  effective- 
ment polaire  au  VIII®  siècle  de  notre  ère  ^). 

CONCLUSION. 

Dès  les  origines  de  la  monarchie  chinoise,  l'étoile  polaire  a  joué 
un  rôle  fondamental,  par  suite  de  la  division  homologue  du  Ciel  et 
de  la  Terre  en  une  région  centrale,  entourée  de  quatre  régions 
périphériques,  conception  qui  faisait  du  Fils  du  ciel,  placé  au  centre 
de  la  Terre,  l'image  du  Chang  H  et  de  l'étoile  polaire  trônant  au 
centre  du  ciel. 


1)  Schlegel  a  bien  vu  que  les  expressions  -^JJ  ^  ^^  ^  Çp  ^  ^  ^  indiquent  la 
proximité  du  pôle,  mais  il  a  cru  que  ces  termes  faisaient  allusion  à  la  relative  proximité  de 
ces  étoiles  à  la  polaire  a. 

2)  Nous  avons  vu  que  le  T'ien  yuan  li  li,  suivi  par  Schlegel,  nomme  ^^  T^.  ^* 
5°  étoile  de  l'astérisme  (de  même  nom)  qui  correspond  à  l'étoile  nommée  ^JJ.  ^ä  (l'étoile 
polaire)  sur  la  fig.  30. 

3)  <i  Etoile  double  qui  porte  les  n°'  4337  et  4342  du  catalogue  »  (Flammarion).  Suivant 
les  systèmes  de  nomenclature,  on  l'appelle  N  2668  et  82  de  Hevel;  c'est  à  tort  que  Schlegel 
la  place  parmi  les    UU   Çp    en  laissant    ^  W^   indéterminée  {Ur,  p.  625). 


LES   ORIGINES    DE   l'ASTRONOMIE    CHINOISE.  111 

A  cette  cousidératioo,  d'ordre  philosophique  et  religieux,  qui 
attirait  l'atteutiou  des  anciens  Cl]inois  vers  le  pivot  du  ciel,  s'ad- 
joignait une  raison  d'ordre  technique.  Ayant  entrepris  de  perfectiouner 
la  symétrie  diamétrale  du  zodiaque  luui-solaire  asiatique  ^),  il  leur 
fallait  connaître  exactement  la  situation  du  pôle  pour  choisir,  sur 
le  prolongement  du  cercle  horaire  des  circompolaires,  des  étoiles 
diamétralement  opposées,  dans  des  régions  équatoriales  non  visibles 
simultanément. 

Précisément  à  cause  de  cette  importance  attachée  à  la  notion 
du  pôle,  centre  du  ciel,  l'astronomie  chinoise  a  eu  dès  le  début  ce 
caractère  equatorial  qu'elle  a  conservé  jusqu'à  l'intervention  des 
Jésuites.  On  ne  trouve  chez  elle  aucune  trace  de  la  notion  du 
cercle  oblique  avant  les  Htm  ^).  Et  même  dans  l'ère  nouvelle  les 
divisions  de  l'écliptique  sont  subordonnées  à  celles  de  l'équateur. 
Par  suite  de  cette  habitude  d'esprit,  lorsque  les  Chinois  découvrirent 
la  loi  de  précession,  ils  l'interprétèrent  comme  équatoriale,  c'est-à-dire 
comme  si  le  centre  de  ce  mouvement  était  au  pôle.  Ils  n'ont  donc 
jamais  soupçonné  que  le  pôle,  symbole  de  la  rectitude  et  de  l'ira- 
muabilité,  ait  pu  varier  au  cours  des  âges.  Ils  ont  calculé  les  sol- 
stices et  les  equinoxes  du  Yao-tien,  mais  sans  se  douter  que  l'équa- 
teur de  la  haute  antiquité  n'était  pas  l'équateur  actuel  et  ne  cor- 
respondait nullement  au  pôle  actuel.  Ils  n'ont  donc  jamais  su,  ni 
recherché,  pourquoi  certaines  étoiles  du  palais  central,  actuellement 
fort  éloignées  du  pôle,  portent  un  nom  caractéristique  d'étoile  polaire. 

C'est  Gaubil.  qui,  le  premier,  a  été  frappé  par  la  singularité  de 
ces  appellations  (^  — '  -»  ^fc  — '  %  ^  %')•  ^^  ^^^  l'analogie  entre 
ces  noms  et  le  symbolisme  de  la  littérature  antique  qui  assimile 
l'Empereur   terrestre   à   l'étoile   polaire    et   réciproquement.    Il  nota 


1)  Cf.  Journal  asiatique  novembre  1919. 

2)  Même  dans  la  partie  la  moins  ancienne  du   Tcheou  pi,  la  déclinaison  du  soleil  est 
attribuée  à  ce  qu'il  s'éloigne  plus  ou  moins,  dans  le  plan  equatorial,  suivant  la  saison. 


112  LEOPOLD   DE   SAUSSURE. 

que  le  fondateur  de  la  dynastie  Yin  prit  le  nom  de  T'ien  yi  et 
que,  soit  dans  le  Hong  fan,  soit  dans  la  doctrine  de  Confucius,  le 
Fila  du  ciel  est  comparé  au  pôle.  Il  constata  que  les  commentaires 
astrologiques  des  uranographies  chinoises  attribuent  auxdites  étoiles 
des  fonctions  impériales  et  polaires.  Faisant  alors  le  calcul  de  pré- 
cession, il  vérifia  qu'en  effet  le  pôle  avait  passé  successivemeut, 
dans  la  haute  antiquité,  à  proximité  des  petites  étoiles  T'ien  yi  et 
T'ai  yi,  ce  qui  parachevait  la  démonstration. 

En  ce  qui  concerne  T'ai  yi,  Gaubil  —  qui  cependant  connaissait 
le  chapitre  T'ien  kouan  —  ne  semble  pas  avoir  remarqué  ce  qu'en 
dit  Sseu-ma  Ts'ien.  L'empereur  Wou,  étant  tombé  malade,  alla  con- 
sulter une  magicienne  qui  révérait,  au  dessus  de  tous  les  dieux, 
une  divinité  nommée  T'ai  yi.  Le  Fils  du  ciel  ayant  guéri,  ses  con- 
seillers l'engagèrent  à  rétablir  le  culte  de  T'ai  yi:  «Les  cinq  em- 
pereurs, disaient-ils,  ne  sont  que  les  assistants  de  T'ai  yi;  il  faut 
instituer  le  culte  de  T'ai  yi  et  l'empereur  doit  lui  faire  en  personne 
le  sacrifice  kiao*.  Après  avoir  hésité,  l'empereur  Wou  s'y  décida  et, 
le  jour  du  solstice  d'hiver,  il  fit  solennellement  le  sacrifice  kiao  à 
T'ai  yi.  Ce  sacrifice  est  essentiellement  identique  à  celui  qui  se 
faisait  de  nos  jours  dans  la  banlieue  de  Pékin  et  à  celui  qui  est 
mentionné  dans  les  livres  antiques. 

Le  culte  même  rendu  à  T'ai  yi  montre  que  cette  divinité  est 
bien  l'étoile  polaire,  puisqu'on  la  voit  entourée  des  astérismes  cir- 
compolaires,  la  Grande  ourse  etc.  (M.  H.  III,  p.  490)  et  qu'elle 
trône  au  centre,  les  cinq  Chang  fi  au  dessous  d'elle,  entourée  des 
huit  orifices  (les  bouches  des  huit  vents,  autrement  dit  la  rose  des 
vents  correspondant  aux  huit  trigrarames  de  Fou-hi,  aux  saisons  et 
demi-saisons)  ^).    D'ailleurs    dans    maint    autre   passage   du    Che   ki, 


1)  En   réalité   cette  proximité  est  encore  plus  remarquable  que  ne  l'avait  cru  Gaubil, 
car  il  ignorait  la  variation  de  l'obliquité  de  l'écliptique  (fig.  29). 

2)  J'ai   montré  que   la   doctrine   des   cinq    Chang  ti  s'est   constituée  sous  les  Tcheou 


LES   ORIGINES   DE   L* ASTRONOMIE   CHINOISE.  113 

l'identité  de  Tkii  yi  avec  l'étoile  polaire  est  évidente:  à  la  première 
page  du  T'ien  Jcouan  cJiou,  il  est  dit  que  «l'étoile  polaire  est  la 
résidence  de  T'ai  yi»;  et  ailleurs:  «Les  sacrifices  que  le  Fils  du  Ciel 
actuel  a  institués  sont  ceux  à  T'ai  yi  et  à  la  Souveraine  Terre» 
(M.  H.  m,  pp.  339,  495,  517).  «On  fit  des  sacrifices  à  T'ai  yi  et 
à  la  Souveraine  Terre»  (cp.  ^  ^  J5r  i)-  D'autre  part,  à  propos 
de  la  première  apparition  du  terme  Chang  ti  dans  le  Chou  king 
(chapitre  Chouen  tien),  les  commentateurs  chinois  exposent  que,  dans 
la  haute  antiquité,  le  Chang  ti  n'était  autre  que  l'étoile  polaire  ^). 
Et  Ma  touan-Un  dit  que  T'ai  yi  est  le  nom  donné  au  Chang  ti 
sous  les  Han.  On  voit  par  là  que  l'équivalence  des  termes  Chatig  ti 
_t  ^ ,  T'ai  yi-jit—,  T'ien  % ,  T'ien  ti  ^  ^ ,  est  établie  2). 
Si,  à  l'évidence  des  textes  classiques  montrant  le  caractère  po- 
laire de  T'ai  yi,  on  ajoute  le  fait  que  cette  petite  étoile,  se  trouve 
effectivement  à  proximité  du  cercle  de  précession  et  marquait  le  pôle 
aux  environs  du  23®  siècle,  on  reconnaîtra,  sans  contestation  possible, 
que  le  traditionalisme  chinois  nous  a  conservé  la  désignation  de  l'étoile 
qui  fut  polaire  avant  l'avènement  de  la  première  dynastie  {Hia). 


comme  une  conséquence  de  raffaiblissement  du  pouvoir  impérial  et  des  prétentions  des 
grands  vassaux  au  titre  de  roi  (T.  P.  1910,  p.  292).  Ces  cinq  Chang  ti,  correspondant 
aux  cinq  éléments,  sont  placés  au  dessous  de  l'ancien  Chang  ti  unique.  C'est  sans  doute 
cet  avènement  de  Chang  ti  inférieurs  qui  fit  abandonner  l'usage  de  ce  terme  pour  désigner 
la  divinité  polaire  suprême,  que  Confucius  nomme  toujours  T'ien. 

1)  «Pour  ma  part,  dit  Chavannes,  je  ne  vois  pas  de  raisons  scientifiques  de  rejeter 
cette  explication  »  (M.  H.  I).  Si  l'éminent  sinologue  s'était  souvenu  de  cette  appréciation  et 
avait  remarqué  le  caractère  astronomique  du  culte  rendu  à  T'ai  yi,  il  n'aurait  probable' 
ment  pas  vu  dans  cette  divinité  suprême  «une  création  de  la  raison  abstraite 9  (M.  H.  I, 
p.        ). 

2)  Cette  équivalence,  toutefois,  comporte  une  nuance.  Dans  la  haute  antiquité,  comme 
le  montrent  bien  plusieurs  chapitres  du  Chou  king,  le  Chang  ti  était  anthropomorphique  et 
l'étoile  polaire  n'était  que  sa  résidence.  A  cette  époque  on  n'aurait  pas  dit  que  «  l'étoile 
polaire  est  la  résidence  de  T^ai  yii>  mais  plutôt  que  «  T'ai  yi  est  la  résidence  du  Chang  ti». 
Dans  les  siècles  suivants  la  doctrine  se  corrompt.  Au  début  de  la  dynastie  Tcheou  l'étoile 
polaire  est  appelée  l'Empereur  céleste;  puis  T'ai  yi,  qui  est  le  nom  d'une  étoile,  est  adoré 
comme  une  divinité.  On  entremêle  ainsi  l'élément  anthropomorphique  et  l'élément  naturiste, 
ti'étoile  devient  la  divinité  et  la  divinité  devient  l'étoile; 


114 


LEOPOLD   DE   SAUSSURE. 


L'étoile  T'ien  yi  se  trouve  daas  le  même  cas.  Son  caractère 
polaire  est  établi:  l''  par  son  nom  significatif,  l'Unique  du  ciel; 
2^  par  le  fait  que  ce  nom  fut  porté  par  un  empereur  de  l'antiquité; 
3*^  par  les  attributs  polaires  que  l'uranographie  astrologique  lui  a 
conservés;  4^  par  le  calcul  qui  montre  qu'elle  était  effectivement 
l'étoile  la  plus  rapprochée  du  pôle  au  27®  siècle. 


Des  cinq  palais  célestes  de  la  haute  antiquité  nous  connaissons 
donc  les  centres. 

Le  milieu  des  quatre  palais  équatoriaux  (fig.  27  et  32)  corres- 
pondant aux  quatre  saisons  nous  est  indiqué  par  le  système  chinois, 
tel  qu'il  apparaît  dans  les  documents  des  Tcheou  et  des  Han, 
système  qui  conserve  immuablement  les  saisons  sidérales  de  la  période 
créatrice  avec  leurs  milieux  (equinoxes  et  solstices)  dans  les  sieou 
Mao,  Sivg,  Fang,  Hiw,  ce  que  confirme,  d'ailleurs,  le  texte  du  Yao  tien. 


Fig.  32.  La  sphère  céleste  chinoise. 

Si,  sur  un  globe  à  pôle  mobile,  nous  plaçons  les  equinoxes  et 
solstices  dans  ces  quatre  sieou,  le  pôle  viendra  automatiquement 
se  placer  entre  les  points  P  et  P''  de  la  fig.  30,  c'est-à-dire 
entre  les  étoiles  T'ien  yi  et  T'ai  yi,  dans  la  situation  occupée 
par  le  pôle  céleste  entre  le  27^  et  le  23®  siècles,  précisément 
à  l'époque   où   la   tradition   chinoise   place   le   règne   des  empereurs 


LES   ORIGINES   DE   L*ASTR0K0MIE   CHINOISE.  Il5 

légendaires  créateurs  de  l'astronomie.  Les  noms  de  ces  deux  étoiles 
et  le  rôle  joué  par  ces  noms  dans  la  littérature  classique  démontrant 
qu'elles  ont  été  les  étoiles  polaires  de  la  haute  antiquité,  nous  con- 
naissons donc  documentaireraent  le  centre  du  palais  central:  à  l'épo- 
que où  les  solstices  et  equinoxes  commençaient  à  se  trouver  simul- 
tanément dans  les  quatre  sieou  cardinaux,  le  centre  du  palais  central 
était  en  P,  près  de  T'ien  yi\  ëC  l'époque  où  l'équinoxe  commençait 
à  sortir  de  la  division  Ho  (fig.  27)  il  était  en   P^,  près  de  T'ai  yi. 

A  toute  position  des  equinoxes  dans  le  firmament  correspond, 
naturellement,  une  position  déterminée  du  pôle  parmi  les  étoiles. 
La  concordance  entre  la  position  des  equinoxes,  indiquée  par  les 
quatre  palais  périphériques  traditionnels,  et  la  position  du  pôle, 
indiquée  par  les  anciennes  étoiles  polaires  du  palais  central,  est 
extrêmement  intéressante. 

Cette  confirmation  de  la  haute  antiquité  du  système  astronomique 
des  Chinois,  en  dehors  de  sa  portée  d'ordre  historique  et  philosophique, 
possède  une  valeur  chronologique.  La  position  des  equinoxes  et  sol- 
stices dans  les  sieou  cardinaux  indique  par  elle-même  les  environs 
du  25®  siècle  pour  l'origine  du  système.  Mais  il  pouvait  toujours 
subsister  un  doute  au  sujet  de  l'exactitude  des  observations  ^).  Sous 


1)  Ces  observations,  comme  je  l'ai  exposé  ailleurs  {^Arch.  des  se.  ph.  nat.,  mars,  mai, 
novembre  1919)  consistaient  en  ceci:  1°  détermination  de  la  date  da  solstice  d'hiver  par 
l'ombre  du  gnomon,  opération  très  simple  mais  qui  peut  être  entachée  d'un  ou  deux  jours 
d'erreur,  laquelle  s'élimine  par  la  moyenne  des  années;  2°  observation  du  lieu  sidéral  de 
la  pleine  lune  à  une  date  comptée  à  partir  du  solstice  d'hiver,  par  exemple  au  38^  jour 
dans  le  sieou  Tche  ^  (n°  24,  fig.  27)  ;  on  en  déduisait  qu'à  cette  date  le  soleil  était 
dans  le  sieoii  Ti  diamétralement  opposé  et  qu'un  semestre  plus  tard,  au  (183  -f-  38  =) 
22P  jour  le  soleil  serait  en  TcAe.  Par  ce  procédé,  qui  fut  la  raison  d'être  des  divisions 
symétriques  du  zodiaque  lunaire,  on  comprend  que  les  anciens  Chinois  aient  vu  parfaitement 
les  lieux  cardinaux  du  Contour  du  ciel  correspondant  aux  dates  cardinales  de  l'année,  éva- 
luée alors  à  366  jours  mais  rectifiée  par  l'observation  de  la  date  du  solstice. 

D'autre  part  le  moment  du  plein  de  la  lune  est  facile  à  préciser  puisque,  ce  jour  là, 
la  lune  se  lève  au  coucher  du  soleil,  tandis  que  l'intervalle  est  de  trois  quarts  d'heure  la 
veille  et  le  lendemain. 


116  LEOPOLD   DE   SAUSSURE. 

ce  rapport  l'indication  fournie  par  les  étoiles  polaires  eat  décisive. 
Car,  le  cboix  d'une  très  petite  étoile  comme  polaire  garantit  lui- 
même  son  exactitude.  L'adoption  de  T'ien  yi,  au  détriment  de  la 
belle  étoile  «  Dragon  nous  certifie  que  les  Chinois  du  27®  ou  26® 
siècle  procédaient  à  des  recherches  précises,  très  probablement  pour 
l'élaboration  de  la  symétrie  des  aieou.  La  période  créatrice  du 
système  de  divisions  astronomiques  qui  s'est  perpétué  tout  au  long 
de  l'histoire  chinoise,  paraît  donc  avoir  commencé  au  27®  ou  26® 
siècle  avant  notre  ère. 


NOTE  SUR  LA  MISSION  DES  LAZARISTES  EN 
CHINE,  SPÉCIALEMENT  A  PÉKIN  ') 


PAR 


l'abbé  RICHENET, 

de  la  Congrégation  de  la  Miüsion. 


I. 

Origine  de  cette  Mission. 

Il  y  avait  près  de  cent  ans  que  les  Jésuites  Portugais  avaient 
un  établissement  à  Pékin,  et  c'était  le  seul  établissement  européen 
qu'il  y  eût,  lorsque  Louis  XIV  réussit  à  y  établir  des  Jésuites  Français. 
Les  Portugais  admettaient,  à  la  vérité,  parmi  eux  quelques  sujets 
qui  n'étaient  pas  de  leur  nation,  mais  ces  étrangers  étaient  toujours 
soumis  aux  Portugais,  dépendant  d'eux.  Envoyés  de  Lisbonne  ou  de 
Macao,  ils  étaient  censés  Portugais,  et  ne  pouvaient  avoir  aucun 
rapport  particulier  avec  leur  patrie.  Louis  XIV,  à  qui  aucune  grande 
œuvre  n'échappait,  sentit  l'importance  d'y  avoir  de  ses  sujets  établis 
d'une  manière  indépendante  des  Portugais,  et  réussit  à  y  en  intro- 
duire. Ces  Envoyés,  quoique  Jésuites,  furent  d'abord  un  grand  sujet 
de  jalousie  à  leurs  confrères  portugais.  Le  zèle  dont  ils  étaient 
animés,  pour  correspondre  aux  vues  de  leur  souverain,  les  aida  à 
supporter  ces  désagréments,  qui  furent  encore  adoucis  par  les  égards, 
l'estime  particulière  que  leur  témoigna  bientôt  l'Empereur  de  Chine, 


1)  Affaires  Etrangères.  —  Asie.  Mémoires  et  documents,  21. 


118  RICHENET. 

le  célèbre  Kamhi.  On  sait,  par  les  relations  qui  ont  été  rendues 
publiques,  les  ouvrages  qu'ils  entreprirent  et  exécutèrent  par  ordre 
de  cet  Empereur,  ainsi  que  ce  qu'ils  ont  fait  et  écrit,  pour  étendre 
en  France  les  connaissances  au  sujet  de  cet  Empire.  On  sait  que 
cet  Empereur,  pour  leur  donner  une  preuve  de  sa  satisfaction,  ne 
tarda  pas  à  leur  accorder,  dans  l'enceinte  même  de  sou  palais,  une 
habitation  qui  a  été  ensuite  augmentée,  et  forme  maintenant  une 
maison  assez  considérable,  avec  une  Eglise  à  l'Européenne. 

C'est  dans  les  mêmes  vues  de  Louis  le  Grand  que  depuis  les 
Rois  et  le  Gouvernement  français  ont  constamment  attaché  le  plus 
grand  intérêt  à  cet  établissement,  dans  lequel  les  Lazaristes  ont 
remplacé  les  Jésuites  en  1784  par  ordre  de  Sa  Majesté  Louis  XVI 
et  un  Bref  du  Souverain  Pontife.  Louis  XIV  fit  des  dépenses  con- 
sidérables pour  le  mettre  sur  un  ton  de  dignité  convenable  à  la 
grandeur  de  la  nation  qu'il  gouvernait;  et  Louis  XVI  en  y  sub- 
stituant les  Lazaristes  leur  assigna  douze  mille  francs  par  an,  en 
attendant  qu'on  pût  leur  donner  une  pension  plus  considérable  sur 
des  bénéfices  ecclésiastiques. 

II. 

Importance  de  cette  Mission. 

Outre  les  motifs  religieux,  outre  la  grande  importance  de  con- 
server, de  propager  dans  ce  vaste  empire  la  Religion  chrétienne, 
de  procurer  le  salut  éternel  à  tant  d'âmes  qui  en  seraient  privées 
sans  les  Missionnaires  européens,  la  Prance,  une  nation  aussi  grande, 
aussi  éclairée,  aussi  empressée  à  étendre  les  connaissances,  pourrait- 
elle  regarder  comme  indifférent  de  recevoir  de  temps  en  temps  des 
renseignements  concernant  l'Empire  de  Chine,  qui  intéresse  sous 
tant  de  rapports,  son  antiquité,  son  gouvernement,  ses  productions, 
8on  commerce,  ses  mœurs,  son  immense  population,  etc.?  Mais  ces 
renseignements,    comment   les   obtenir?    Les   négociants   qui  vont  a 


KOTE   SUR   LA   MISSION   DES   LAZARISTES   EN   CHINÉ.  119 

Canton  ne  peuvent  guère  être  informés  de  ce  qui  se  passe  dans 
l'intérieur  de  l'Empire.  Comme  ils  communiquent  avec  très  peu  de 
Chinois,  la  plupart  de  classe  inférieure,  et  dont  ils  ignorent  la  langue, 
ils  ne  peuvent  être  informés  qu'imparfaitement,  même  de  ce  qui 
concerne  Canton.  Ils  ne  peuvent  entrer  dans  la  ville:  ils  n'ont 
d'accès  que  dans  une  petite  partie  d'un  faubourg.  Il  n'en  est  pas 
de  même  des  Missionnaires  de  Pékin,  qui,  à  raison  de  leur  situation 
et  de  leurs  fonctions,  communiquent  avec  les  diflFérentes  classes  de 
la  société.  D'ailleurs,  les  nouveaux  Missionnaires,  en  vivant  un 
certain  temps  avec  les  anciens,  qui  ont  étudié  tout  ce  qui  concerne 
le  pays,  acquièrent  insensiblement  l'expérience  et  les  connaissances 
qu'ils  se  sont  transmises  successivement  depuis  200  ans.  Aussi 
qu'a-t-on  appris  en  Europe  concernant  la  Chine,  si  ce  n'est  ce 
qu'en  ont  écrit  les  Missionnaires?  On  leur  a  reproché  quelques 
défauts.  On  s'est  plaint  qu'il  leur  était  échappé  quelques  fautes  dans 
les  nombreux  mémoires  qu'ils  ont  faits.  Mais  ces  accusations  sont- 
elles  fondées?  Quoiqu'il  en  soit,  ce  qu'ils  ont  envoyé  n'est-il  pas 
encore  ce  qu'il  y  a  de  moins  imparfait  sur  la  Chine?  Qui  doute 
maintenant  que  ceux  qui  ont  voulu  les  critiquer  en  Europe  ne 
soient  tombés  eux-mêmes  dans  des  fautes  grossières,  et  n'aient  dé- 
figuré la  Chine,  à  un  point  qu'elle  n'est  pas  reconnaissable ?  Outre 
les  traductions,  les  nombreux  mémoires  que  les  Missionnaires  ont 
envoyés,  et  qui  ont  été  imprimés  en  France,  ils  conservent  encore 
à  Pékin  des  manuscrits  dont  il  n'a  rien  paru  en  Europe. 

Il  convient  de  chercher  à  détruire  les  préjugés  grossiers  dont 
les  Chinois  sont  remplis  contre  les  Européens.  Il  peut  être  impor- 
tant de  chercher  ainsi  à  se  concilier  leurs  esprits,  et  à  rapprocher 
leurs  idées  des  nôtres.  C'est  un  moyen  propre,  et  en  quelque  sorte 
indispensable,  de  préparer  les  voies  à  des  traités  avantageux  pour 
les  peuples.  Or  ce  but,  qui  peut  mieux  le  procurer  que  des  Mission- 
naires?  Il   est  prouvé   par  le  fait  que  la  régularité  de  leur  vie,  la 


120  RI  CHENET. 

sévérité  de  leurs  mœurs  et  les  œuvres  de  charité  auxquelles  ils 
s'appliquent  les  rendent  beaucoup  plus  propres  à  se  concilier  l'estime 
et  l'affection  des  Chinois.  Ce  qui  frappe  un  Européen,  qui  passe  de 
Canton  à  Pékin,  est  l'idée  toute  dififérente  que  les  Chinois  se  sont 
formée  des  Européens,  dans  ces  deux  villes.  A  Pékin  les  Européens 
sont  estimés,  on  n'en  dit  que  du  bien.  Tous  les  Grands  de  la  Cour 
leur  donnent  accès  et  les  traitent  honorablement.  A  Canton,  ils  sont 
injuriés,  hués  par  la  populace  dans  le  peu  de  rues  du  faubourg 
où  on  leur  permet  d'aller.  Malgré  tout  l'argent  et  les  richesses 
qu'ils  apportent,  ils  n'ont  aucun  accès  auprès  des  mandarins,  des 
lettrés.  Le  Chinois,  tout  avide  qu'il  est  d'argent,  accorde  néanmoins 
plus  volontiers  son  estime  au  Missionnaire  qui  n'apporte  que  sa  vertu, 
qu'au  négociant  chargé  de  tout  ce  qu'il  j  a  de  plus  brillant  en  Europe. 
Cette  impression  avantageuse  que  font  les  Missionnaires  sur  l'esprit 
de  ceux  qui  les  voient  à  Pékin,  gagne  peu  à  peu  dans  les  provinces. 
Ceux  qui  l'ont  reçue,  les  négociants,  les  mandarins  surtout,  qui, 
par  leur  profession,  se  répandent  de  la  capitale  dans  les  différentes 
parties  de  l'Empire,  la  portent  partout  avec  eux.  Si  donc  les  Chinois 
ont  déposé  en  partie  les  préjugés  grossiers  qu'ils  avaient  contre  les 
Européens;  s'ils  ont  fait  quelques  pas  vers  le  but  de  rapprochement 
dont  on  vient  de  parler,  ce  ne  peut  être  qu'aux  Missionnaires  qu'on 
peut  l'attribuer.  On  ne  fait  qu'insinuer  l'avantage  qui  peut  résulter 
de  là  pour  le  bien  public.  Il  est  aisé  d'en  conclure,  ou  au  moins 
d'espérer  qu'en  soutenant  efiBcacement  cette  mission,  la  mettant  sur 
un  bon  pied,  il  pourra  se  rencontrer  des  circonstances  favorables, 
dont  le  Gouvernement  Français  pourrait  tirer  le  plus  grand  parti. 
Plusieurs  nations  d'Europe  sentent  tellement  l'importance  de  cet 
établissement,  qu'elles  ne  cessent  de  nous  l'envier.  Quelques-unes 
tâchent  depuis  longtemps  de  pouvoir  au  moins  avoir  un  Résident 
accrédité  à  Pékin:  elles  en  achèteraient  la  permission  à  grand  prix. 


NOTE   SDR   LA    MISSIOIS^   DES   LAZARISTES   EN   CHINE.  121 

Plus  d'une  fois  elles  ont  tenté  le  patriotisme  et  la  fidélité  des  Mis- 
sionnaires français,  pour  qu'ils  aidassent,  appuyassent  leurs  vues. 

III. 
Fonctions  des  Missionnaires  Lazaristes  en  Cliine. 

Ils  ne  sont  admis  par  le  Gouvernement  Chinois  que  pour  le 
service  de  l'Empereur,  par  conséquent  seulement  à  Pékin,  en  qualité 
d'artistes,  peintres,  horlogers,  machinistes,  et  surtout  mathématiciens, 
astronomes,  pour  faire  le  calendrier  lunaire,  calculer  les  éclipses,  etc. 
Ils  sont  aussi  interprètes  de  la  Cour  pour  la  correspondance  avec 
les  étrangers,  surtout  avec  les  Russes,  dont  les  rapports  sont  plus 
fréquents:  c'est  M''  Lamiot,  français,  qui  remplit  à  présent  cet  ofiSce. 
Il  y  en  a  toujours  trois  qui  sont  mandarins,  membres  du  Tribunal 
de  mathématique.  Actuellement  ces  trois  mandarins  sont  Portugais; 
ils  sont  tous  Lazaristes. 

Quoique  les  Chinois  prohibent  la  religion  chrétienne,  cependant, 
comme  ils  savent  que  les  Missionnaires  ne  se  prêteraient  point  aux 
services  qu'on  leur  demande,  qu'ils  ne  viendraient  et  ne  voudraient 
point  rester  à  Pékin  sans  avoir  le  libre  exercice  de  leur  religion, 
on  ne  les  gêne  nullement  à  cet  égard.  Ils  peuvent  librement  chanter 
la  messe,  les  vêpres,  etc.  Les  Chrétiens  Chinois  peuvent  assez  libre- 
ment fréquenter  les  églises,  assister  aux  offices,  entendre  les  in- 
structions, et  recevoir  les  sacrements,  excepté  dans  les  temps  de 
persécution.  Il  y  a  dans  le  diocèse  de  Pékin  environ  quarante  mille 
chrétiens,  dont  cinq  à  six  mille  sont  dans  la  ville. 

Comme  les  Missionnaires  Européens  ne  sont  point  en  nombre 
suffisant  pour  administrer  les  secours  spirituels,  vu  surtout  le  vaste 
espace  dans  lequel  les  Chrétiens  sont  dispersés,  un  de  leurs  soins 
principaux  est  de  former  des  prêtres  indigènes  pour  les  aider. 
A  cette  fin,  ils  ont  deux  collèges  ou  séminaires  à  Pékin,  un  dans 
la  maison   française  et  l'autre  dans  la  maison  portugaise.    Pour  la 


122  RICHENET. 

même  raisoa  et  la  même  fin,  ils  sont  obligés  d'avoir  im  certain 
nombre  de  catéchistes  laïques,  qui  précèdent  ou  accompagnent  les 
prêtres  dans  les  difiFérents  districts,  où  ils  vont  remplir  leurs  fonctions. 
Ils  sont  aussi  obligés  d'entretenir  à  la  maison  quelques  lettrés, 
pour  les  affaires  délicates,  et  pour  les  écrits  chinois  qu'ils  ont  à  faire; 
car  quoique  les  Européens  apprennent  suffisamment  la  langue  chi- 
noise pour  l'entendre  et  la  parler,  il  est  rare  qu'ils  puissent  l'écrire 
assez  correctement  pour  oser  le  faire  sans  être  aidés  en  quelques 
circonstances.  Toutes  ces  circonstances  rendent  la  maison  de  Pékin 
nécessairement  nombreuse,  et  exigent  beaucoup  de  dépenses. 

Outre  l'établissement  de  Pékin,  les  Lazaristes  français  sont 
chargés  d'administrer  les  secours  spirituels  aux  Chrétiens,  dans 
plusieurs  provinces.  Ils  ont  dans  la  province  de  Hou-pé  deux 
Européens  avec  quelques  prêtres  Chinois;  leur  administration  est 
sur  un  espace  de  plus  de  cent  lieues  de  diamètre.  Ils  ont  un  autre 
district  dans  la  province  de  Ho-nan,  un  dans  la  province  de 
Kiang-nan,  un  dans  la  province  de  Tché-kiang,  et  un  autre  dans 
la  province  de  Kiang-si.  Au  défaut  d'Européens,  ces  districts  ne 
sont  administrés  que  par  des  prêtres  chinois,  formés  par  les  Laza- 
ristes français  et  dépendant  d'eux. 

Il  y  a  dans  l'Empire  de  Chine  trois  Evêchés  ordinaires,  et  trois 
Vicariats  Apostoliques.  Les  trois  Evêchés  sont  ceux  de  Pékin, 
Nankin  et  Macao.  C'est  le  Roi  de  Portugal  qui  présente  au  Pape 
les  sujets  pour  ces  trois  Evêchés,  et  il  ne  présente  guère  que  des 
Portugais.  L'évêque  de  Nankin,  qui  est  un  Lazariste  portugais,  est 
attaché  à  la  mission  de  Pékin,  et  pour  cela  ne  peut  pas  aller  à 
son  diocèse.  Celui  de  Pékin,  qui  est  aussi  un  Lazariste  portugais, 
est  à  Macao  depuis  plusieurs  années;  il  n'a  pu  encore  obtenir  la 
permission  du  gouvernement  chinois  pour  se  rendre  à  Pékin.  Ces 
évêques  ne  sont  point  connus  comme  tels  par  les  Chinois.  Celui  de 
Pékin   n'est  admis  que   comme  les  autres  Missionnaires,  en  qualité 


NOTE   SUR   LA   MISSION   DES   LAZARISTES   EN   CHINE.  123 

de  mathématicien,  etc.,  et  souvent  se  trouve  moins  employé,  moins 
élevé  en  dignité  ou  eu  rang  que  les  autres.  Celui  de  Nankin  n'est 
nullement  avoué;  il  ne  pourrait  visiter  son  diocèse  qu'en  secret:  il 
se  trouve  membre  de  la  Mission  de  Pékin  parcequ'il  y  avait  été 
admis,  comme  mathématicien,  avant  qu'il  ne  fût  évêque.  Celui  de 
Macao  exerce  publiquement  ses  fonctions  pour  les  Européens  de 
cette  ville,  mais  il  ne  peut  les  exercer  que  secrètement  pour  les 
Chinois.  Il  n'entre  jamais  dans  l'intérieur  de  l'Empire,  et  n'a  aucun 
rapport  avec  le  Gouvernement. 

Les  trois  Vicariats  Apostoliques  sont  ceux  de  Chau-si,  Su-tch'uen 
et  B^o-kien.  Ce  sont  des  Religieux  Italiens,  de  l'ordre  de  S  E'rançois 
qui  sont  chargés  du  premier.  —  Messieurs  du  Séminaire  des  Missions 
Etrangères,  rue  du  Bac,  à  Paris,  sont  chargés  du  second;  —  et  des 
religieux  Dominicains  espagnols  sont  chargés  du  troisième.  Tous  ces 
Vicaires  Apostoliques  sont  évêques  titulaires,  ou  z«  partihis^  soumis 
immédiatement  à  Sa  Sainteté  et  à  son  tribunal,  la  Congrégation  de 
la  Propagande  qui  les  nomme.  Quoique  leur  juridiction  soit  déléguée, 
ils  ont  chacun  en  particulier  dans  leur  district  respectif,  tous  les 
pouvoirs  des  évêques  ordinaires.  Ils  ont  communément  un  coadjuteur 
ainsi  que  les  autres  évêques.  Les  Européens  de  Chine  n'ont  plus 
de  différends  entre  eux.  Ils  sont  tous  d'accord  et  en  rapport  de 
bons  oflHces  mutuels,  d'union  et  de  charité. 

Il  n'y  a  pas  beaucoup  plus  de  deux  cent  mille  chrétiens  dans 
tout  l'Empire.  ' 

IV. 

Situation  critique  dans  laquelle  se  trouve 
rétablissement  français  de  Pékin. 

Cette  Mission  ayant  été  privée  de  tout  secours  d'Europe  depuis 
la  Révolution  se  trouve  actuellement  dans  l'état  le  plus  affligeant, 
dans  un  danger  imminent  de  tomber  si  l'on  ne  vient  promptemeut 


124  RICHENET. 

à  son  secours.  De  dix  Missionnaires  qu'il  y  avait,  il  n'en  reste  plus 
qu'un.  S'il  venait  à  mourir  avant  qu'il  lui  arrivât  quelques  confrères 
pour  l'aider  et  lui  succéder,  il  est  très  à  craindre  que  l'établissement 
ne  fût  perdu  pour  la  France,  que  l'on  ne  pût  plus  y  introduire  de 
Français.  Les  Lazaristes  portugais  qui  sont  à  Pékin  auraient  peut 
être  les  moyens  et  la  bonne  volonté  de  conserver  cet  établissement 
à  leurs  confrères  français,  mais  supposé  que  le  Gouvernement  chi- 
nois s'y  prêtât,  ce  qui  n'est  pas  certain,  le  Gouvernement  portugais 
n'y  mettrait-il  pas  des  obstacles?  Ne  défendrait-il  pas  à  ses  sujets 
de  faire  aucune  démarche  pour  les  Français?  Il  y  a  bien  des  raisons 
de  le  craindre. 

V. 

I^ecours,  moyens  indispensables  pour  soutenir  et 
conserver  cette  mission. 

Le  besoin  le  plus  urgent  est  évidemment  celui  de  sujets.  On  ne 
peut  pas  se  dissimuler  que  depuis  la  persécution  commencée  en  1805 
par  le  Gouvernement  chinois  contre  les  Chrétiens,  et  qui  fut,  pen- 
dant quelque  temps,  spécialement  contre  des  Missionnaires,  l'ad- 
mission des  Européens  à  Pékin  est  devenue  beaucoup  plus  diflScile. 
Quand  même  nous  en  aurions  maintenant  quelques-uns  tout  prêts, 
je  ne  pourrais  pas  me  flatter  de  les  faire  entrer  promptement.  Mais 
il  est  important  d'en  préparer  et  d'eu  avoir  quelques-uns  prêts, 
lorsque  le  moment  favorable  de  les  faire  entrer  sera  arrivé.  On  sait 
positivement  que,  malgré  les  difficultés  que  le  Gouvernement  chinois 
oppose  depuis  quelque  temps  à  l'entrée  des  Missionnaires  européens 
à  Pékin,  il  a  à  cœur  d'y  en  avoir  toujours,  parce  qu'il  en  a  besoin, 
surtout  pour  faire  le  calendrier.  Il  est  sûr  que  lorsqu'il  en  man- 
quera quelques-uns  de  ceux  qui  sont  en  place,  il  sera  disposé  à  en 
recevoir  d'autres.  Il  est  même  probable  qu'on  pourrait  eu  faire 
entrer   plus   tôt:   il   ne   faut  pour   cela   qu'un    changement  dans  le 


NOTE   SUR   LA   MISSION  DES   LAZARISTES   EN   CHINE.  125 

Gouvernement,  et  il  peut  arriver  bientôt.  Peut-être  même  que  sans 
ce  changement,  une  représentation  faite  à  propos,  accompagnée  de 
quelques  présents,  suffirait.  Il  est  de  la  plus  grande  importance  de 
saisir  le  premier  moment  favorable,  puisque,  si  on  le  laissait  échap- 
per et  si  le  seul  Français  qui  reste  à  Pékin  venait  à  manquer,  il 
y  a  tout  lieu  de  craindre  qu'ensuite  on  ne  pût  y  en  introduire 
aucun,  et  que  cet  établissement  fût  perdu  pour  la  France. 

Pour  les  provinces,  il  n'y  a  pas  la  même  diflBculté.  Comme  on 
les  introduit  secrètement  et  qu'ils  y  restent  de  même,  on  pourrait 
y  eu  envoyer  plus  tôt. 

Il  est  donc  urgent  de  préparer  des  sujets  pour  envoyer  tant  à 
Pékin  que  dans  les  provinces  de  Chine.  On  dit  préparer^  car  il  faut 
des  talents,  des  qualités  particulières  pour  cette  mission.  Il  faut  du 
temps,  des  soins  pour  connaître  et  former  les  sujets  qui  seraient 
disposés  à  s'y  consacrer.  En  envoyer  qui  n'auraient  pas  ces  qualités 
particulières,  eussent-ils  d'ailleurs  de  la  vertu  et  des  talents,  serait 
un  véritable  mal,  et  exposer  l'établissement  à  de  grands  inconvénients, 
peut-être  à  sa  perte. 

Pour  se  former  une  idée  de  l'importance  de  ces  qualités  parti- 
culières, il  suffirait  de  considérer  les  mœurs,  les  usages  des  Chinois, 
leur  différence,  ou  plutôt  leur  opposition  presque  générale  avec  les 
nôtres,  et  que  néanmoins  il  est  nécessaire  de  se  faire  le  plus  litté- 
ralement possible  à  ces  usages,  quoique  diamétralement  opposés  aux 
habitudes  que  l'on  a  contractées,  aux  idées  que  l'on  s'est  formées. 
Quel  renoncement  à  soi-même,  quelle  prudence,  quelle  patience  ne 
faut-il  pas  pour  réussir  dans  une  telle  carrière?  L'esprit  de  docilité, 
de  simplicité  pour  écouter  et  pour  profiter  des  instructions,  des  avis 
des  supérieurs,  des  confrères  instruits  par  l'expérience,  ainsi  qu'une 
stricte  uniformité  de  principes  et  de  conduite  avec  eux  est  une 
qualité  non  moins  nécessaire.  Un  esprit  tant  soit  peu  singulier,  ou 
particulier,    quoique    animé    de    bonnes    vues,    gâterait    tout.    C'est 


126  RICHENET. 

spécialement  à  cause  de  l'importance  de  cette  uniformité  de  principes 
et  de  conduite  qu'il  est  essentiel  que  les  Missionnaires  envoyés  dans 
une  telle  mission,  soient  des  hommes  de  communauté  et  d'un 
même  corps. 

Il  faut  aussi  considérer  soigneusement,  pour  le  Choix  des  sujets, 
le  tempérament,  la  constitution  physique.  Il  faut  pour  cette  Mission 
une  certaine  force,  surtout  une  certaine  souplesse  de  constitution, 
c'est-à-dire  une  facilité,  ou  au  moins  une  aptitude  à  supporter  les 
difiFérentes  positions  par  lesquelles  on  a  à  passer,  sans  quo  la  santé 
en  soit  sensiblement  affectée,  verbi  gratia  la  fatigue  de  voyages 
(celui  d'Europe  en  Chine,  malgré  les  gênes  qu'il  occasionne,  est 
bien  moins  pénible  que  celui  de  Canton  à  Pékin),  la  différence  de 
climat  et  de  nourriture,  l'extrême  rigueur  du  froid  et  du  chaud, 
ainsi  que  l'humidité  et  la  sécheresse.  Ces  degrés  extrêmes  tiennent 
communément  ceux  qui  n'y  sont  pas  faits  dès  l'enfance,  dans  un 
état  habituel  de  malaise  et  de  contrainte.  Une  constitution  susceptible, 
délicate,  ne  tarderait  pas  à  succomber. 

Pour  les  Missions  Etrangères  en  général,  il  est  grandement 
important  de  bien  choisir  les  sujets,  parceque,  si  ensuite  on  s'aper- 
çoit qu'ils  ne  conviennent  pas,  il  est  très  désagréable,  très  dispen- 
dieux de  les  renvoyer.  Mais  cette  importance  est  beaucoup  plus 
grande  encore  pour  la  Chine,  surtout  pour  Pékin,  parcequ'on  ne 
pourrait  pas  les  renvoyer.  Dans  quelques  Missions  Etrangères,  ainsi 
qu'en  Europe,  si  un  sujet  ne  convient  pas  à  telle  place,  à  tel  en- 
droit, on  peut  le  faire  passer  dans  un  autre.  A  Pékin  ou  n'a  pas 
cette  ressource;  il  n'y  a  pas  d'autre  place  à  lui  donner  dans  l'Empire. 
Un  Missionnaire  qui  est  admis  à  Pékin  ne  peut  plus  le  quitter. 
Il  faut  pour  y  aller,  être  disposé,  déterminé  et  s'attendre  à  y  passer 
toute  sa  vie.  Il  n'y  a,  comme  je  l'ai  dit,  aucune  antre  place  à  lui 
donner  dans  l'Empire,  et  il  est  extrêmement  rare  qu'on  puisse  ob- 
tenir  la   permission    d'en   sortir.   On    ne   peut   non    plus   tenter  de 


NOTE   SUR   LA   MISSION   DES   LAZARISTES   EN   CHINE.  127 

quitter  furtivement:  ce  serait  compromettre  notablement  toute  la 
mission,  et  peut  être  occasionner  des  suites  désagréables  à  tous  les 
Européens  qui  sont  en  Chine. 

Ce  léger  aperçu  des  dispositions  et  des  qualités  qui  sont  néces- 
saires aux  sujets  employés  dans  cette  mission  fait  assez  sentir  que 
cet  établissement,  quoique  sous  un  rapport  il  soit  principalement 
civil  ou  politique,  ne  pourrait  guère  être  soutenu  par  d'autres  que 
par  des  Missionnaires.  La  piété  a  fondé  cet  établissement,  la  piété 
seule  peut  le  soutenir.  Il  faut  pour  nue  telle  mission,  ce  grand  fonds 
de  religion,  qui  porte  à  un  renoncement  total.  Tout  autre  motif 
agit  trop  faiblement  sur  le  cœur  humain  pour  commander  d'aussi 
grands  sacrifices.  Dire  adieu  à  ses  parents,  à  ses  amis,  renoncer 
pour  toujours  aux  agréments  de  sa  patrie,  et  d'une  patrie  telle  que 
la  France;  aller  se  renfermer  à  Pékin  pour  se  livrer  d'abord  à  une 
étude  aussi  longue  et  aussi  sèche  que  celle  de  la  langue  chinoise; 
vivre  avec  un  peuple  dont  les  mœurs  et  les  habitudes  contrastent 
si  étrangement  avec  les  nôtres,  et  auxquelles  cependant  il  faut  se 
plier  totalement,  malgré  son  dégoût  et  sa  répugnance;  avoir  à 
considérer  que  quelques  désagréments  que  l'on  puisse  rencontrer 
dans  cette  terre  étrangère,  quelques  privations  que  l'on  éprouve,  il 
n'y  a  aucune  espérance  de  pouvoir  en  sortir.  Ces  considérations  et 
celles  de  la  restreinte  (sic)  continuelle  dans  laquelle  il  faut  se  tenir, 
firent  une  telle  impression  sur  Jes  artistes  qui  accompagnaient  lord 
Macartney  à  Pékin  que,  quand  même  le  Gouvernement  chinois 
aurait  permis  que  quelques-uns  restassent,  il  aurait  été  impossible 
de  les  y  retenir. 

CONCLUSION. 

Enfin,  pour  préparer  les  sujets  nécessaires  à  Pékin,  il  faut 
1"  une  maison,  et  cette  maison  doit  être  le  chef-lieu  des  prêtres 
de  la  congrégation  des  Lazaristes,  puisque  ce  sont  les  prêtres  de  la 


128  ^  RI  CHE  NE  T. 

dite  Congrégation  qui  doivent  connaître,  choisir  parmi  leurs  élèves 
ceux  qui  seront  propres  et  les  former;  et  c'est  dans  le  chef-lieu  de 
la  Congrégation  que  les  élèves  doivent  être  réunis. 

2°  Il  faut  des  fonds  convenables  pour  entretenir  ces  élèves, 
ainsi  que  les  directeurs,  et  aussi  pour  payer  les  maîtres  particuliers 
qui  pourront  être  uécessaires.  Aussitôt  que  le  Gouvernement  aura 
jugé  à  propos  d'avoir  une  maison  convenable  et  les  fonds  nécessaires, 
le  supérieur  des  Lazaristes  s'empressera  d'inviter  les  jeunes  gens  de 
bonne  volonté  à  s'y  réunir,  tant  pour  cet  objet  que  pour  les  autres 
fins  de  leur  institut. 

3"  Comme  les  présents  sont  un  article  essentiel  à  Pékin,  et  que 
l'on  ne  peut  presque  rien  y  faire  sans  cela,  il  serait  grandement 
utile  d'avoir  une  certaine  somme  pour  se  procurer  et  envoyer  les 
objets  que  l'on  sait  y  être  bien  accueillis  et  désirés.  Outre  les 
occurences  ou  circonstances  particulières  dans  lesquelles  ces  présents 
sont  de  grande  utilité,  tous  les  ans  a  trois  époques  fixes,  les 
Missionnaires  sont  obligés  d'en  offrir  à  l'Empereur  et  à  quelques 
principaux  de  la  Cour. 

Les  Jésuites  de  Chine,  outre  les  secours  qu'ils  tiraient  de  leur 
Société  et  des  particuliers  qui  s'intéressaient  à  cet  établissement, 
avaient  vingt-deux-mille  livres  de  revenu  fixe  en  France.  Depuis  la 
suppression  de  leur  Société,  ces  biens  cessèrent  d'être  employés  à 
cet  usage;  en  compensation,  ou  leur  accorda  des  pensions  viagères 
qui  ont  été  éteintes  à  leur  mort.  En  leur  substituant  les  Lazaristes, 
ou  assigna  à  ceux-ci  une  somme  de  douze  mille  francs  par  an,  en 
leur  faisant  espérer  qu'on  leur  en  accorderait  une  plus  considérable 
sur  des  bénéfices.  La  Révolution  étant  survenue,  cette  promesse  n'a 
pu  s'effectuer,  ils  n'ont  même  plus  rien  reçu  des  douze  mille  francs 
qui  leur  étaient  alloués.  L'Assemblée  Révolutionnaire,  en  supprimant 
les  Communautés  et  en  s'emparant  de  leurs  biens,  accorda  des 
pensions   aux   individus  qui   les   composaient.    Les  Missionnaires  de 


NOTE   SUR   LA   MISSION   DES   LAZARISTES   EN   CHINE.  129 

Chine  y  avaient  droit,  ce  semble,  à  double  titre,  et  coname  membres 
de  la  Congrégation  des  Lazaristes,  et  comme  envoyés  par  le  Gou- 
vernement: ils  n'ont  néanmoins  jamais  rien  reçu.  On  conçoit  aisé- 
ment dans  quelle  gêne  ces  privations  ont  dû  les  réduire.  Ils  auraient 
pu  tirer  d'ailleurs  des  secours,  et  peut-être  des  sujets,  en  se  donnant 
à  une  nation  quelconque.  Mais  des  hommes  qui  se  sacrifient  pour 
la  religion,  n'en  demeurent  que  plus  fortement  attachés  à  leur  patrie. 
Aussi  ont-ils  préféré  vivre  pauvrement,  et  s'exposer  même  à  manquer 
absolument,  en  vendant  ou  engageant  quelques  portions  de  ce  qu'ils 
possédaient  à  Pékin,  afin  de  pouvoir  subsister. 

C'est  spécialement  pour  représenter  les  besoins  de  cette  mission 
que  le  soussigné,  informé  des  heureux  changements  arrivés  eu  France, 
est  revenu  de  Chine  où  il  a  demeuré  près  de  quinze  ans. 

RicHENET,  prêtre  de  la  Congrégation  de  S'  Lazare, 
Procureur  des  Missions  de  Pékin. 

Paris,  Rue  du  Bac  N^   132. 
30  juillet  1817. 

Jean- François  Richenkt,  rentré  eu  France  en  1815,  a  écrit 
sur  la  demande  du  Gouvernement  cette  note  ainsi  qu'une  deuxième 
Sur  les  moyens  ou  le  mode  de  rétablir  le  commerce  français  en  Chine 
datée  du  3  août  1817  que  nous  avons  reproduite  dans  le  T'oung  Pao, 
1903,  pp.  290-294.  M.  Richenet  est  mort  le  9  juillet  1836.  —  H.  C. 


CENTRAL-ASIAN  RELICS  OF  CHINA'S 
ANCIENT  SILK  TRADE. 

BY 

Sir  AUREL  STEIN. 

..qp.. 

It  is  a  well-known  historical  fact  that  the  export  of  China's 
silk  fabrics  had  played  a  very  important  part  in  that  earliest 
expansion  of  Chin-ese  trade  and  political  power  into  Central  Asia 
which  commenced  under  the  great  emperor  Wu-ti,  of  the  Former 
Han  dynasty,  towards  the  close  of  the  second  century  B.C.  These 
Notes  are  culled  from  Serindia,  my  detailed  report  on  the  scientific 
results  of  my  second  journey,  completed  in  1918  and  now  approaching 
publication  at  the  Oxford  University  Press. 

The  relics  deserving  first  mention  consist  of  two  silk  strips 
discovered  at  a  ruined  watch-station,  T.  XV.  a,  of  that  ancient 
Chinese  Limes  in  the  desert  west  of  Tun-huang  (or  Sha-chou) 
which  my  exploration  of  1907  proved  to  have  been  constructed 
during  the  closing  years  of  the  second  century  B.C.  and  for  a 
great  part  of  its  length  to  have  been  garrisoned  down  to  about  the 
middle  of  the  second  century  A.D.  i)  Both  strips  marked  (T.  XV.  a.  1.  3) 


1)  A  fairly  detailed  account  of  those  explorations  has  been  given  in  my  personal 
narrative,  Ruins  of  Desert  Cathay  (Macmillan,  1912),  II,  pp.  lliJ5 — 126.  All  archaeological, 
historical  and  geographical  facts  bearing  on  this  westernmost  portion  of  the  Han  border 
line  will  be  found  fully  discussed  in  Chapters  XV — XX  of  my  Serindia.  For  a  succinct 
preliminary  record  of  nay  explorations  of  1914  by  which  I  traced  this  ancient  Limes 
eastwards  to  the  Etsin-gol,  see  A  third  journey  of  exploration  in  Central  Asia,  in 
Geographical  Journal,  1918,  XLVIII,  pp.  193  sqq. 


CENTRAL-ASIAN   RELICS   OF   CHINA's   ANCIENT   SILK   TRADE.       131 

originally  belonged  to  the  same  piece  of  undyed  creamy  silk  and 
were  found  together  in  one  of  the  extensive  refuse-heaps  adjoining 
that  post  on  the  Limes  wall.  Among  the  Chinese  records  on  wood 
recovered  here  and  elucidated  with  hundreds  of  other  Chinese 
documents  from  the  Han  Limes  by  my  lamented  great  collaborator 
M.  Chavannes  a  number  bear  precise  dates,  extending  from  67  A.D. 
to  A.D.  137,  and  conclusively  proving  when  that  particular  refuse- 
heap,  T.  XV.  a.  1,  had  accumulated.  ^) 

One  of  those  strips  ^)  bears  the  ink  impression  of  a  Chinese 
seal  not  as  yet  deciphered,  and  by  the  selvages  retained  at  both 
ends  is  shown  to  have  come  from  a  piece  or  roll  of  silk  which 
had  a  width  of  about  19.7  inches  or  50  centimetres.  The  other 
strip,  12i  inches  long  and  incomplete  at  one  end  bears  a  Chinese 
inscription    read    by    M.   Chavannes:    'f^  ^  81  "^  ^  ^  — '  E 

-|^ /V .  He  translates  it:  "A  roll  of  silk  from  K'ang-fu  in  the 
kingdom  of  Jeti-eh'eng;  width  2  feet  and  2  inches;  length  40  feet; 
weight  25  ounces;  value  618  pieces  of  money"  ^).  M.  Chavannes 
has  pointed  out  that  the  kingdom  of  Jên-ch'êng  was  established 
A.D.  84  and  is  represented  by  the  present  Chi-niug-chou  in  the 
province  of  Shan-tuug. 

M.  Chavannes  has  already  in  a  general  way  called  attention  to 
"the    historical    importance    of    this   text   which   furnishes    us    with 


^         1)  Cp.  Chavannes,  Docamenis  e/ihiois  découverts  par  JurelSlei7i  {ChTen<ion'Preai,l9lS), 
pp.  116  sqq. 

2)  These  strips  are  described  by  M.  Chavannes,  Documents  chinois,  p.  118,  under  No.  539 
and  in  part  reproduced  in  Plate  XV. 

3)  In  a  note  written  down  for  me  at  our  last  meeting  October  3, 1917,  M.  Chavannes 
thus  corrected  his  previous  reading  of  the  record.  "Les  mots  que  j'ai  lus  kou-fou  ont  été 
corrigés  par  M.  Wang  Kouo-wei  {Lieou  cha  to  kien,  chap.  II,  p.  43"')  en  K'ang-fou,  et 
celte  heureuse  rectification  permet  de  donner  maintenant  une  traduction  exacte:  K'ang-fou 
est  le  nom  d'une  sous-préfecture  située  dans  le  royaume  de  Jen-tch'eng  et  qui  était  à  50  li 
de  la  ville  actuelle  de  Tsi-ning  tcheou  dans  le  Chan-tong".  [    t-f^  -^>   K'ang-fou.  —  P.  P.l 


132  AUREL  STEIN. 

precise  indications  as  to  the  origin,  the  dimensions,  the  weight  and 
the  price  of  a  piece  of  silk  at  the  close  of  the  first  century  or  at 
the  beginning  of  the  second  century  of  our  era".  But  there  are 
several  special  considerations  which  increase  the  antiquarian  interest 
of  this  record. 

In  the  first  place  it  deserves  to  be  noted  that  this  "find"  dates 
precisely  from  the  period  to  which  relates  the  famous  classical 
record  about  the  direct  silk  trade  of  the  West  with  the  land  of  the 
Seres  as  learned  by  Marinus  of  Tyre  from  the  Agents  of  Maes  the 
Macedonian  and  preserved  by  Ptolemy  in  a  well-known  extract  ^). 
Next  we  may  attach  distinct  significance  to  the  fact  that  the 
Limes  station  T.  XV.  a,  where  this  inscribed  silk  was  found,  is 
proved  by  conclusive  archaeological  evidence  to  mark  just  the  point 
where  "the  new  route  of  the  north",  opened  by  the  Chinese  in  A.D.  2 
through  the  desert  ranges  of  the  Kuruk-tagh  towards  Turfan  and 
the  oases  along  the  T'ien-shan,  passed  outside  the  Limes  to  the 
north-west  ^).  This  makes  it  very  probable  that  the  roll  of  silk 
specified  in  the  inscription  had  found  its  way  there  in  connection 
with  China's  silk  export  ware  as  carried  to  Central  Asia  and  the 
distant  West  about  the  close  of  the  first  century  A.D. 

Finally  it  may  be  pointed  out  that  some  fortunate  "finds"  in 
the  course  of  the  same  exploration  enable  us  to  test  and  confirm 
the  information  contained  in  that  record  by  independent  archaeolo- 
gical evidence.  The  inscribed  strip  indicates  the  measure  of  2  feet 
2  inches  for  the  width  of  the  silk  piece  in  question.  Now  the  exact 
value  of  the  (decimal)  Chinese  inch  and  foot  during  the  Later  Hau 
period   is   accurately    determined    by    two   wooden  measures  brought 


1)  Cf.  Ptolemy,  Geograpfiia,  ed.  C.  Müller,  I,  xi,  6.  Regarding  the  approximate  date 
of  Marious  of  Tyre's  great  cartographical  work  (ahout  100  A.D.)  cf.  HerrmaoD,  Seiden' 
Strassen ^  p.  19. 

2)  See  Chavannes,  Les  pays  ^occident  d'après  le  Weilio,  7Wn:^-;(?ao,  1905,  pp.  533  sq  ; 
Serindia,  Chap.  XIX,  section  Vf. 


Central- ASIAN  relics  of  china's  ancient  silk  trade.     13^ 

to  light  by  my  excavations  along  the  Limes  west  of  Tun-huang  ^). 
The  measure  T.  VIII.  4  shows  a  foot  divided  into  ten  inches, 
each  fV  0Ï  22.9  millimeters  long.  The  other  measure,  T.  XI.  11.13, 
a  slip  of  cane,  is  marked  by  inch  divisions  of  exactly  the  same  length. 

The  measures  were  found  at  watch-towers  which  can  both  be 
proved,  from  dated  documents  recovered  there,  to  have  been  occupied 
during  the  first  and  second  century  A.D.  ^)  Accepting  the  value  of 
22.9  ram.  for  the  inch  of  the  Later  Han  period,  we  get  50.38  cm. 
(or  19.83  inches)  as  the  equivalent  of  the  measurement,  22  Chinese 
inches,  indicated  as  the  proper  width  in  the  inscription  of  T.  XV. 
a.  1.  3.  And  with  this  the  actual  width  of  50  cm.  practically  coin- 
cides. This  mutual  confirmation  of  the  recorded  measurement  and 
the  wooden  measures  has  its  special  value  in  view  of  the  apparent 
uncertainties  besetting  early  Chinese  metrology  '). 

That  the  width  of  22  Chinese  inches  or  approximately  50  cm. 
may  be  considered  to  have  been  the  standard  one  for  Chinese  silk 
fabrics  throughout  Han  times  is  proved  by  another  interesting  relic 
of  that  ancient  export  trade  of  China  found  at  the  same  Limes  station, 
T.  XV.  a.  At  another  of  its  refuse  heaps,  marked  T.  XV.  a.  Ill, 
which  is  shown  by  datable  Chinese  records  on  wood  to  have 
accumulated  in  the  course  of  the  first  century  B.C.  and  the  first 
few  years  of  the  first  century  A.D.  *),  there  were  found  together 
two  strips  of  fine  silk,  undyed.  One  of  the  strips,  about  13  inches 
long,  is  incomplete,  having  one  end  hemmed,  the  other  torn  oflf. 
But  the  other  strip  still  retains  the  original  selvage  at  either  end 
and   shows  that  the   piece   of  silk   from    which  it   was  cut,  had  a 


1)  For  reproductions  see  Ruins  of  Besërt  Cathay,   Fig.  17o;  Serindia  III,  Plate  LiV. 

2)  Cf.  Chavannes,  Documents  chinois,  pp.  126,  145. 

3)  Cf.  Chavannes,  Les  livres  chinois  avant   l'invention  du  papier.  Journal  Asiatique^ 
1905,  janvier-février,  p.  18,  note. 

4)  The  time  limits  extend  from  53  B.C.  to  the  downfall  of  the  Former  Han  dynasty, 
A.D.  9;  of.  Chavannes,  Documents  chinois,  pp.  99  sq. 

10 


134  ÂtÎRËL   STEIIÎ* 

width  of  about  19i  inches  or  close  on  50  cm.  At  one  end  of  the 
strip  there  appears,  written  in  bold  upright  Brâhmï  characters,  a 
short  inscription  of  eleven  aharas  ^).  At  the  very  time  of  discovery 
the  writing  had  struck  me  as  showing  the  type  of  the  S'aka  or 
early  Kuçana  period  in  India. 

When  early  in  1917  I  was  able  to  turn  my  attention  to  this 
little  relic  of  Indian  writing  and  presumably  Indian  language  from 
the  ancient  wall  guarding  the  Far  East,  the  analogy  of  the  inscribed 
silk  strip  T.  XV.  a.  1.  3,  with  its  almost  identical  breadth,  led  me 
to  hazard  the  conjecture  that  the  Brahmi  legend,  too,  might  prove 
to  contain  some  record  descriptive  of  the  silk  roll  from  the  edge 
of  which  this  strip  had  been  cut  off.  There  was  some  support  for 
it  in  the  word  pata  (Sanskrit  patta  "piece  of  fabric")  which  alone 
seemed  then  clearly  decipherable.  Subsequent  painstaking  scrutiny 
of  the  legend  by  that  exceptionally  qualified  collaborator,  M.  Boyer, 
has  been  rewarded  by  gratifying  results.  With  the  exception  of  the 
initial  ahiira  which  owing  to  a  hole  in  the  silk  remains  uncertain, 
he  determined  the  reading  as:  [ai]  stasya  pata  ijisti  saparisa. 

M.  Boyer  interprets  the  short  record  in  a  manner  which  is 
philologically  very  convincing  and  accords  remarkably  well  with 
archaeological  considerations.  Accepting  pata  in  the  obvious  sense 
of  "piece  of  cloth",  he  takes  saparisa  as  a  Prakrit  equivalent  of 
Skr.  sat-catvarims'at  "forty-six"  ^).  This  reading  of  the  word  as  a 
numeral  suggests  that  the  preceding  word  may  designate  a  measure. 
No  such  term  is  found  in  Sanskrit,  but  it  is  just  from  such  a  form 
that  we  can  most  appropriately  derive  the  word  gitth^  gith,  meaning 


1)  M.  Boyer  io  support  of  his  interpretation  refers  to  the  fact  that  in  the  Pralfrit 
of  my  Kharostht  documents  from  the  Niya  Site  Skr.  ealvârims  at  appears  as  caparis*a 
and  that  in  Pali  the  same  decimal  numeral  is  contracted  from  caUänsam  into  /illlsam 
When  compounded  with  single  numerals,  e.ff,  in  cuttalisam. 

2)  I  owe  the  reference  to  Kashmiri  gith  to  Sir  George  Oriersou  who  rightly  notes  in 
this  form  the  confusion  between  cerebral  and  dental  typical  of  Dardic  or  'Pis'ûca'  languages. 


CENTßAL-ASlAN   RELICS   OF   CHINA's   ANCIENT   SILK   TRADE.        135 

"span"  which  is  quoted  by  M.  Bojer  from  modern  Panjâbï  and  is 
found  also  in  Kashmiri  gith  ^). 

This  interpretation  of  gisti  appears  to  me  all  the  more  convincing 
because  if  the  record  referred  to  the  roll  of  silk  itself  —  it  is  always 
in  this  form  that  silk  is  carried  in  Chinese  trade  nowadays,  just  as 
it  is  shown  for  antiquity  by  another  "find"  to  be  mentioned 
presently  —  there  was  an  obvious  reason  for  ^its  indicating  the 
length  of  the  piece.  Other  details  such  as  the  Chinese  inscription 
of  that  strip  from  T.  XV.  a.  i  records,  as  to  weight,  price,  etc., 
were  not  essential  for  the  foreign  trader  carrying  his  purchased 
fabrics  to  distant  countries  with  difiFerent  measures,  money,  etc. 
The  width  of  the  silk  was  always  visible  to  him  and  its  purchasers. 
But  the  length  he  had  certainly  to  note  for  his  own  convenience 
if  troublesome  unrolling  was  to  be  avoided  on  each  occasion. 

In  short,  while  the  Chinese  inscription  is  of  a  kind  as  would 
recommend  itself  to  the  producer  or  wholesale  exporter,  the  Brâhmï 
record  in  a  strange  script  and  language  was  just  a  brief  memo 
intended  by  the  trader  from  the  distant  west  for  his  own  guidance. 
I  well  remember  having  seen  similar  markings  in  Persian  or  Turk! 
on  the  fabrics  which  the  caravans  of  Muhammedan  traders  in 
Chinese  Turkestan  are  accustomed  to  carry,  whether  silks  exported 
from  Ssü-ch'üan  or  British  cotton  goods  brought  from  Kashmir  and 
Yärkand. 

Accepting  then  gisti  ]>  giith  to  mean  a  "span"  and  assuming 
that  the  note  referred  to  the  complete  piece  of  silk,  we  may  attempt 
to  determine  its  approximate  original  length»  It  is  certain  that  by 
the   modern   Indian   gitth   is   meant   a    span   measured  between  the 


1)  Sir  George  Guierson  connects  the  terra  gisti  gifh  with  the  Dardic  or  'Pis'âca* 
language  group.  Its  uso  in  our  brief  record  Äight  then  point  to  the  region  where  these 
languages  or  their  influence  is  traceable.  But  the  area  thus  covered  is  a  very  wide  one, 
extending  perhaps  from  Kabul  in  the  west  along  the  Hindukush  and  K'un-lun  as  far  east 
as  Khotan. 


136  AUREL   STEIN. 

tips  of  the  thumb  and  the  little  finger.  Such  a  measure  cannot 
have  an  exactly  fixed  value  nowadays;  still  less  we  know  what  its 
accepted  value  may  have  been  in  Central  Asia  about  the  time  of 
Christ.  So  it  seems  better  to  base  our  attempt  on  the  assumption 
that  the  standard  of  length  had  been  approximately  the  same  about 
the  beginning  of  the  first  century  A.D.  (T.  XV.  a.  111.  57)  as 
about  its  end  (T.  ^XV,  a.  1.  3).  There  is  distinct  support  for  this 
in  the  fact  to  be  noted  presently  that  the  width  of  the  silk  exported 
from  China  had  undergone  no  change  between  the  beginning  of  the 
first  century  A.D.  and  the  third  or  early  fourth  century  A.D. 

If  then  we  suppose  the  46  ghti  or  spans  of  the  note  in  Brâhmï 
to  have  been  the  equivalent  of  the  40  Chinese  feet  recorded  in 
the  inscription  of  T.  XV.  a.  1.  3,  we  arrive  at  the  equation  of 
1  gisti  -  -^ — -^ — —  =  19.9  cm.,  or  close  on  8  inches.  The  result 
coincides  closely  with  the  average  span  of  the  hand  in  India  and 
the  Middle  East  and  thus  indirectly  ofiers  some  support  for  M.  Boyer's 
interpretation  of  both  gisti  and  saparis'a. 

Leaving  the  initial  word  [aijstasya  to  be  discussed  in  Serindia, 
I  may  content  myself  here  with  an  observation  or  two  of  some 
historical  interest.  The  Brâhmï  record  proves  that  already  during 
the  period  between  61  B.C.  and  A.D.  9,  roughly  comprising  the 
last  reigns  of  the  Former  Han  dynasty,  traders  accustomed  to  use 
an  Indian  script  and  language  must  have  made  their  way  across 
the  Chinese  Limes  for  the  sake  of  the  "silk  of  the  Seres".  It  would 
be  useless  to  make  guesses  as  to  the  origin  and  race  of  the 
particulier  trader  to  whose  hand  we  owe  this  curious  relic  of  the 
early  silk  trade  across  Central  Asia.  So  much  seems  clear,  however, 
that  a  Prakrit  mixed  with  Sanskrit  words  must  have  been  used  for 
purposes  of  secular  record  in  the  region  where  that  ancient  trader 
was  born  or  settled  ^). 


1)  Cf.  Ruins  of  Detert  Cathaff,  I,  pp.  296—291  ;  Serindia^  Chapter  XI,  section  i— v. 


CENTRAL-ASIAN   RELICS   OF   CHINA's   ANCIENT   SILK   TRADE.        137 

The  form  in  which  Chinese  silk  fabrics  found  their  way  into 
Central  Asia  and  thence  to  the  regions  westwards  does  not  appear 
to  have  undergone  appreciatie  change  in  the  course  of  the  century 
following  the  downfall  of  the  Later  Han  dynasty,  A.D.  221.  This 
is  proved  by  an  interesting  "find"  made  by  me  at  the  ruined  site 
of  "ancient  Lou-lau"  in  the  waterless  wind-eroded  wastes  of  the 
Lop  desert.  The  remains  I  explored  there  in  1906  and  again  in 
1914  have  been  fully  described  elsewhere.  They  mark  the  position 
of  an  important  Chinese  military  station  established  on  the  ancient 
trade  route  which  the  emperor  Wu-ti  had  first  opened  through  the 
Lop  desert  and  which  formed  the  nearest  line  of  communication 
between  Tun-huang  and  the  great  northern  cases  of  the  Tärim  Basin. 
From  many  dated  Chinese  documents  recovered  there  it  is  certain  that 
this  station  on  the  early  Chinese  "route  of  the  centre"  continued 
to  be  occupied  also  under  the  Chin  dynasty  until  it  was  finally 
abandoned  to  the  desert  in  the  first  half  of  the  fourth  century  A.D. 

On  clearing  the  ground  near  the  foundation  walls  of  a  stiucture 
L.  A.  I.  completely  destroyed  by  the  eroding  force  of  the  wind  I 
found  there,  flush  with  the  original  flooring,  a  small  roll  of  yellowish 
silk.  Tightly  rolled  and  evidently  unused  it  had  become  so  dry  and 
brittle  that  when  first  lifted  it  broke  into  two.  Its  actual  width 
was  18|-  inches,  its  diameter  2i  inches.  It  is  useless  to  speculate 
how  it  bad  come  to  be  left  behind  when  the  structure  once  standing 
here  was  abandoned  or  how  it  had  escaped  those  who  during  the 
immediately  succeeding  period  are  likely  to  have  searched  the  deserted 
station  for  any  objects  of  value  or  practical  use. 

It  is  true  that  on  comparing  this  silk  roll  from  the  Lou-Ian  Site 
with  the  inscribed  silk  strips  of  the  Han  Limes  we  find  its  actual 
length  to  be  18f  inches  or  about  one  incH  less  than  the  standard 
width  as  above  determined.  But  a  glance  at  the  reproduction  in  my 
Desert  Cathay^  Fig.  197,  or  the  larger  one  in  Serindia,  Plate  XXXVII 


138  AXJREL   STEIN, 

shows  that  both  ends  of  the  roll  have  become  frayed  through  ab- 
rasion, and  this  circumstance,  together  with  the  probable  shrinkage 
of  the  fabric  during  so  many  centuries'  deposit  in  dry  sand,  is  amply 
suflScient  to  account  for  the  slight  difference. 

We  are  thus  justified  in  concluding  that  the  standard  width 
for  silk,  as  established  during  Han  times,  remained  the  same  also 
under  the  Chin  dynasty.  The  dimension  of  the  Chinese  inch,  on 
the  other  hand,  had  been  altered  considerably  in  this  later  period, 
if  we  may  judge  from  the  foot  measure  found  near  by  at  another 
structure  of  the  same  station,  L.  A.  II.  vi,  which  shows  decimal 
divisions  of  li^  or  30.16  mm.  each.  It  is  ouly  natural  that  an 
important  article  of  foreign  export  remained  unaffected  in  its  trade 
dimensions  by  this  change  in  the  units  of  measurement.  In  any 
case  there  can  be  no  doubt  that  this  strangely  preserved  relic  has 
shown  us  for  the  first  time  the  actual  form  in  which  that  most 
famous  product  of  the  silk-weaving  Seres  used  to  travel  from  China 
to  the  distant  West. 


[Notes  additionnelles.  —  1°  t^e  J^  |^  |^  ^  Lieou  cha  to  Men 
a  été  publié  par  M.  Lo  Tchen-yu  ea  1914;  lui-même  et  M.  ^ 
18  W^  Wang  Kouo-wei  y  ont  repris  l'étude  des  documents  recueillis 
par  Sir  Aurel  Stein  et  édités  par  M.  Chavannes.  En  dehors  de  la 
rectification  "^  ^  K'ang-fou  au  lieu  de  "j^  ^  kou-fou,  M.  Wang 
Kouo-wei  apporte,  à  propos  de  la  bande  de  soie  où  ce  nom  figure, 
les  renseignements  nouveaux  suivants: 

x)  Sur  l'envers  de  cette  bande  de  soie,  il  y  a  un  sceau  et  une 
courte  inscription,  desquels  M.  Chavannes  n'a  pas  parlé.  M.  Wang 
Kouo-wei  n'a  pas  déchiffré  le  sceau,  mais  lit  yj^  yuan  le  dernier  mot 
de  la  courte  inscription  qui  est  à  gauche  du  sceau.  Cette  lecture 
est  en  effet  très  vraisemblable,  mais  ne  permet  aucune  interprétation, 
car  les  sens  de  yuan  sont  nombreux. 


CENTRAL- ASIAN   RELICS   OF   CHINA's   ANCIENT   SILK   TRADE.        139 

/3)  La  largeur  de  2  pieds  ^/^g  ^^  ^^  longueur  de  40  pieds  étaient 
si  bien  établies  sous  les  Han  pour  les  pièces  de  soie  que  Pau  Kou, 
daus  le  Ts'ien  han  chou  (eh.  24  ic,  f*'  1  r*'),  attribue  l'institution  de 
ces  mesures  au  duc  de  Tcheou  (XIP  siècle  av.  J.-C),  et  que  le 
C/iouo  wen  (début  du  II®  siècle  de  notre  ère)  définit  purement  et 
simplement  ^C  p'i,  «pièce  [de  soie]»,  par  «quatre  tchang^,  autre- 
ment dit  par   «quarante  pieds». 

y)  Parmi  les  princes  de  Jen-tch'eng  figure  ^\  ^  Lieou  Tch'ong, 
qui  reçut  ce  titre  à  la  mort  de  son  père  vers  120  et  mourut  vers 
150  A.D.  Sa  notice  biographique  {Heou  han  chou,  ch.  72,  i°  8  r°) 
dit  qu'«au  temps  de  l'empereur  Chouen  (126  —  144),  les  barbares 
^  K'ian2  (=  les  tribus  tibétaines  de  la  Chine  occidentale)  se  révol- 
tèrent  à  plusieurs  reprises.  [Lieou]  Tch'oug  offrit  alors  de  l'argent 
(  ^  '^'"0  ®^  ^^^  pièces  de  soie  (  ^  po)  pour  aider  aux  dépenses 
des  frontières».  Le  renseignement  est  intéressant,  mais  je  ne  vois 
pas  qu'il  y  ait  lieu,  comme  le  propose  M.  Wang  Kouo-wei  (sous 
réserves  d'ailleurs),  de  chercher  un  lien  entre  ce  don  et  la  présence 
de  soieries  de  Jen-tch'eng  au  delà  de  Touen-houang. 

2"  Le  morceau  de  soie  dont  il  s'agit  ici  est  appelé  ^^  kien\ 
c'était  là  une  espèce  de  soie  spéciale,  distincte  du  ^^  kiuati,  ou 
taffetas  de  soie  ordinaire,  et  plus  chère  que  lui.  Les  diverses  dé- 
nominations des  soieries  anciennes  ont  été  étudiées  par  '[^  y^  ^^ 
Jen  Ta-tch'ouen  (1738-1789;  et  non  1737-1789  comme  il  est  dit 
dans  Giles,  Biogr.  Diet..,  n°  926),  dans  un  travail  spécial  en  1  chap., 
intitulé  ]^  ^  Che  tseng,  «Explication  des  soieries»,  qui  se  trouve 
aussi  bien  daus  la  collection  partielle  des  œuvres  de  Jen  Ta-tch'ouen 
dite  ^  jjl^  ^  i.  ^  y^n  hi  Vang  won  tohong  que  dans  le  ch.  503 
de  la  collection  bien  connue  Houang  ts'ing  king  Mai.  Mais  toute  cette 
terminologie  ne  pourrait  être  traduite  sans  un  long  commentaire. 


140  AUBEI,   STEIN. 

3°  M.  Wang  Kouo-wei  a  écrit  vers  1916  un  traité  en  2  chap., 
intitulé  ^^  ^  Che  pi,  «Explication  des  pièces  de  soie»,  qui  a  été 
édité  presque  immédiatement  dans  le  ^  ^  ^  ^|]  Siue  Vang  ts'ong 
k'o  de  M.  Lo  Tchen-yu.  M.  Wang  y  étudie  les  dimensions  et  le 
prix  des  pièces  de  soie  sous  les  diverses  dynasties.  D'après  M.  Wang, 
les  dimensions  (en  nombre  de  pieds)  usitées  sous  les  Han,  et  qui 
sont  celles  du  fragment  inscrit  retrouvé  par  Sir  Aurel  Stein,  étaient 
déjà  usitées  sous  les  Tcheou  et  se  sont  maintenues  en  principe 
pendant  plusieurs  siècles  après  les  Han,  malgré  les  changements 
dans  la  longueur  du  pied;  ceci  ne  cadre  pas  avec  les  observations 
de  Sir  Aurel  Stein  {supra,  p.  137  —  138).  D'autre  part,  et  bien  que 
le  pied  eût  beaucoup  grandi  des  Han  aux  T'ang,  la  pièce  de  soie 
valait  beaucoup  moins  cher  sous  les  T'ang  que  sous  les  Han. 

4"  Sir  Aurel  Stein  a  trouvé  22°™. 9  pour  le  pied  des  Han  posté- 
rieurs, et  30°™.16  pour  le  pied  des  Tsin.  L'archéologue  connu  ^ 
I^W^  Wou  Ta-tch'eng,  mort  vers  1900,  avait  laissé  en  manuscrit 
un  travail  sur  les  anciens  poids  et  mesures,  intitulé  ^^  ^  |^  ^ 
W  'i^  ^  K'iu'an  heng  tou  leaiig  che  yen  k'ao  et  qui  a  été  édité 
en  1915  par  M.  Lo  Tchen-yu.  D'après  cet  ouvrage,  les  Tcheou 
auraient  eu  3  pieds,  de  W^.h,  21«™.85  et  18°™.9;  le  pied  des  Han 
valait  23<''".5;  celui  des  Han  du  Sseu-tch'ouan  (IIP  siècle),  19<'".2; 
celui  des  Tsin,  22<'™.5;  celui  des  T'ang  du  VHP  siècle,  24°™. 75; 
celui  des  Song,  27°™;  celui  du  ministère  des  Travaux  publics  sous 
les  Ts'ing,  30°™.80.  Ces  mesures  de  Wou  Ta-tch'eng  ne  sont  pas 
autrement  convaincantes.  Bien  que  son  manuscrit  autographe  soit 
reproduit  en  fac-similé,  les  dimensions  relatives  qu'il  indique  entre 
les  divers  pieds  ne  cadrent  pas  avec  les  longueurs  de  fait  données 
par  ses  figures.  La  longueur  de  30°™.80  pour  le  pied  du  ministère 
des  Travaux  publics  me  paraît  plus  courte  de  2  millimètres  que  la 
longueur    véritable    de    cette    mesure    moderne;    peut-être   toutefois 


CENTRAL-ASIAN   RELICS   OF   CHINA's   ANCIENT   SILK   TRADE.        141 

est-ce  uu  effet  de  la  reproduction  en  fac-similé  ou  du  retrait  du 
papier.  D'autre  part,  la  plupart  de  ces  mesures  sont  des  déductions. 
Eu  dehors  du  pied  du  Ministère  des  Travaux  Publics,  les  seules 
mesures  qui  soient  celles  de  pieds  connus  directement  sont:  P  celle 
du  pied  des  Hau,  connu  par  un  pied  en  bronze  de  81  A.D.  qui  est 
actuellement  conservé  dans  la  famille  de  Confucius  à  K'iu-feou  du 
Chau-tong  (mais  le  même  pied,  reproduit  en  tête  du  T'ao  tchai  ki 
kin  lou  de  Touan-fang,  y  a  23*^™. 1);  2°  celle  du  pied  des  Tsiu, 
connu  par  un  estampage  pris  sous  les  Song  d'un  pied  de  bronze 
des  Tsiu.  En  réalité,  si  on  tient  compte  de  l'insufiSsauce  des  repro- 
ductions du  pied  de  81  A.D.,  on  peut  admettre  que  ce  pied  des  Hau 
était  de  23^"  environ  (22<^™.9  de  Sir  Aurel  Stein).  Je  doute  que 
le  pied  des  Tcheou  ait  été  plus  beaucoup  petit.  En  effet,  dès  l'aube 
de  la  civilisation  chinoise,  nous  trouvons  la  notion  que  la  taille 
moyenne  de  l'homme  est  de  8  pieds.  Or  il  n'y  a  aucun  indice  que 
la  race  chinoise  ait  été  autrefois  sensiblement  plus  petite  ou  plus 
grande  qu'à  présent.  La  taille  considérée  comme  nurmale  devait 
donc  être  aux  environs  de  1™.70,  et  ceci  suppose  un  pied  de  21  à 
22^°^.  Mais  il  semble  bien  que  le  pied  soit  en  principe  allé  en 
augmentant  chaque  fois  qu'il  ne  restait  plus  stationnaire,  et  je  ne 
crois  guère  par  suite  qu'on  ait  eu  d'abord  un  pied  de  21  à  22^™, 
qui  serait  tombé  sous  les  Tcheou  à  19^"^  pour  remonter  à  environ 
23^°^  sous  les  Hau.  Par  ailleurs,  il  eât  tout  à  fait  extraordinaire 
que  les  Tsin  de  300  à  400  de  notre  ère  aient  déjà  eu  un  pied  de 
30*^"^,  dimension  qui  n'a  été  atteinte,  pour  autant  que  nous  sachions, 
qu'à  l'époque  moderne.  D'imaginer  l'emploi  simultané  de  divers  pieds 
pour  divers  usages,  comme  ce  fut  le  cas  sous  la  dynastie  mandchoue, 
ne  nous  avancerait  guère.  Je  n'entrevois  pas  de  solution  satisfaisante 
actuellement.  —  P.  Pelliot.] 


BULLETIN  CRITIQUE. 


;j^  3É  1^0  Tclien-yu,  "^  ^  j^  ^  Kou  king  Cou  lou 
[«Album  illustré  d'anciens  miroirs  métalliques»];  1916, 
1  album  in-folio  de  1  +  3  +  17  +  34  +  23  +  1  ff.; 
3  chapitres. 

M  MM  ToMioKA  Kenzo,  '^^(Pi^  %.  Kokei 
iw  kenkyU  [«Recherches  sur  les  anciens  miroirs  métalli- 
ques»]; Kyoto,  1920,  in-S«,  2  pi.  +  8  +  4  +  3  +  416 
-f-  17  pages -|- 95  pi. -|- 1  f-  d'errata;  en  vente  à  la 
librairie  Maruzen,  8  yen. 


Les  anciens  miroirs  de  bronze  ont  attiré  depuis  longtemps 
l'attention  des  savants  européens,  et  on  en  trouve  de  nombreux 
spécimens  dans  nos  musées.  Rien  qu'à  Paris,  il  y  en  a  des  séries, 
en  général  de  type  courant,  au  Louvre,  au  Musée  Guimet  et  au 
Musée  Cernuschi.  L'ouverture  de  tombeaux  anciens  nécessitée  par 
les  travaux  des  chemins  de  fer  a  d'ailleurs  jeté  sur  le  marché, 
depuis  quinze  ans,  un  très  grand  nombre  de  ces  miroirs.  D'abon- 
dantes reproductions  se  trouvaient  en  outre  dans  les  recueils  arché- 
ologiques chinois  bien  connus:  Po  kou  t'ou  lou,  Si  ts'ing  kou  kien, 
Si  ts'ing  siit  kien,  Ning  cheou  kien  kou,  Kin  che  so.  Toutefois  la 
plupart  des  notices  consacrées  aux  miroirs  anciens  par  les  savants 
d'Europe  concernent  le  problème  des  miroirs  dits  «magiques», 
c'est-à-dire  de  ceux  qui  doivent  à  l'emploi  de  deux  alliages  et  au 
polissage   la   curieuse    propriété   de   refléter   par   leur   face   polie  les 


BULLETIN   CRITIQUE.  143 

contours  des  reliefs  existant  sur  l'autre  face  ^).  M.  Hirth  est  à  peu 
près  le  seul  savant  d'Europe  qui  se  soit  occupé  des  miroirs  au 
point  de  vue  de  leur  histoire  et  de  leur  ornementation  ^).  Des  don- 
nées plus  ou  moi  us  fragmentaires,  remontant  en  partie  aux  travaux 
de  M.  Hirtb,  ont  passé  dans  les  divers  manuels  concernant  l'art 
chinois  ^).  Mais  toute  la  question  est  à  reprendre  à  la  lumière  des 
riches  matériaux  qui  nous  sont  fournis  par  MM.  Lo  Tchen-yu  et 
Tomioka  Kenzo. 

L'un  des  sujets  qui  out  le  plus  attiré  l'attention  de  M.  Hirth 
dans  ses  recherches  sur  les  miroirs  chinois  est  la  présence,  sur  toute 
une  série  de  miroirs  que  le  Po  kou  t'ou  Ion  et  les  recueils  impé- 
riaux du  XVIII®  siècle  attribuent  aux  Han,  d'animaux  marins  et 
de  grappes  de  raisin.  Le  raisin  a  été  traditionnellement  rapporté 
en  Chine  de  Bactriane  par  Tchaug  K'ien  dans  la  seconde  moitié 
du  IP  siècle  avant  notre  ère,  et  porte  d'ailleurs  un  nom,  p'ou-t'ao, 
qui  n'est  pas  chinois,  et  où  M.  Hirth,  à  la  suite  de  Kingsmill  *), 
croyait  retrouver  le  grec  ßörpvc.  M.  Hirth  émet  en  outre,  sous 
toutes  réserves,  l'hypothèse  que  le  nom  de  l'animal  marin,    jf^  ^^ 


1)  Voir  la  bibliographie  de  cette  question  aux  p.  211 — 212  de  l'article  de  Hirth, 
Chinese  metallic  mirrors,  dont  il  est  question  a  la  note  suivante,  et  ses  notes  sur  les 
miroirs  magiques  aux  pages  243—247  du  même  article.  M.  Hirth  (p.  244)  y  dit  n'avoir 
pu  identifier  ^^  -f"  -fy  Wou  Tseu-hingf,  à  qui  est  attribuée  la  première  explication 
du    phénomène    des    «miroirs    magiques».    En    réalité,    c'est    là    l'appellation   littéraire  de 

^*  ^B  '^yî  ^o"-^'icou  Yen.  mort  en  1311  à  l'âge  d'environ  40  ans,  et  qui  a  laissé 
plusieurs  ouvrages  dont  un  petit  traité  arche'ologique  intitulé  ^k  "^  éjS  IHo  kou  pieu 
(cf.  Wylie,  Notes  on  Chinese  literature^  34,  112;  B.EF.E.-O.  II,  13(5;  IX,  221).  La 
collection  des  poésies  de  Wou-k'ieou  Yen  est  maintenant  accessible  dans  le  Wou  lin  wang 
tcho  yi  tcliou  ts'ien  pien. 

2)  V eher  fremde  Einflüsse  in  der  chinesischen  Kunst,  Munich  et  Leipzig,  1896,  in-8°, 
xviii  -}-  83  pages,  ill.  ;  Chinese  Metallic  Miroirs,  dans  Boas  Memorial  Volume,  New-York, 
1906,  in-S",  p.  208—256,  ill.  (le  tirage  à  part  comporte  en  outre  une  table  et  un  index). 

3)  Cf.  Bushell,  L'art  chinois  [trad,  franc,  de  1910],  p.  109—113;  O.  Münsterberg, 
Chinesische  Kunstgeschichte,  I,  52—56;  II,  159 — 16S. 

4)  En  réalité,  cette  hypothèse  avait  déjà  été  formulée  en  1837  par  Ritter  (cf.  F.  W.  K. 
Müller,  Tox/i  und  Kuisan  {Kiisän),  dans  Sitz,  der  k.  preuss.  Ak.  der  ^w,  1918, p.  572). 


144  BULLETIN   CRITIQUE. 

hai-imt  «cheval  mariu»,  résultait  d'une  sorte  île  jeu  tie  mots  évo- 
quant le  nom  de  la  plante  sacrée  iranienne  haoma^  le  soma  de  l'Inde. 
En  tout  cas,  ces  miroirs  révélaient  selon  lui  d'une  manière  saisis- 
saute  une  influence  gréco-bactrienne  sur  l'art  chinois  aux  alentours 
du  début  de  notre  ère  ^).  L'équivalence  de  hai-ma  et  haoma,  bien 
peu  vraisemblable,  n'a  généralement  pas  rencontré  grande  faveur^), 
et  on  a  proposé  en  outre  de  reconnaître  dans  ces  miroirs  une  in- 
fluence scythique  ou  «mittelasiatisch»  plutôt  que  spécifiquement 
gréco-bactrienne  ^).  Par  contre,  l'équivalence  p'ou-t'ao  =  ßorpvc  est 
passée  daus  l'usage  couran/;,  et  les  manuels  de  Bushell  et  de 
Münsterberg  consacrent  l'opinion  que  les  miroirs  aux  raisins  rendent 
témoignage  d'une  influence  occidentale  qui  s'est  exercée  eu  Chine 
sous  les  Han. 

En  réalité,  il  n'y  a  pas  grand'  chose  à  retenir  de  toutes  ces 
hypothèses. 

D'abord  l'équivalence  p'ou-t'ao  -  ßorpvg,  malgré  le  crédit  qu'elle 
a  rencontré,  n'est  guère  satisfaisante.  Le  vrai  nom  de  la  vigne  est 
plutôt  aTX(pvXyj  que  ßorpvc,  qui  signifie  au  propre  une  «grappe»  de 
raisin.  En  outre,  Tchang  K'ien  a  rencontré  en  Bactriane  non  pas 
des  Grecs,  mais  des  Iraniens  qui  avaient  subi  certaines  influences 
helléniques;  il  serait  bien  invraisemblable  que  ce«  Iraniens,  chez  qui 
la  vigne  était  une  culture  ancienne,  l'eussent  appelée  d'un  nom  grec, 
qui,  comme  l'a  fait  remarquer  Ed.  Huber,  aurait  dû  alors  laisser 
quelque  trace  en  iranien  ou  en  araméen.  D'autre  part,  le  mot  p'ou-t'ao, 
sous  ses  diverses  orthographes  ^  [1^  p'ou-t'ao,  -^  ^  p'ou-t'ao,  etc., 
comporte  toujours  au  début  de  la  deuxième  syllabe  une  ancienne 
sonore    dh   (d),   à   laquelle   le   t    de   ßoTpug    ne   répond    pas  *).    Les 


1)  Fremde  Einßüsae,  p.  28—29. 

2)  Cf.  Cbavanncs,  dans  .7.  J..  1896,  II,  534—535. 

3)  Münsterberg,  Ch'mes.  Kunstgesch.,  I,  56. 

4)  La  pins  ancienne  orthographe  est  ^s   i^  p'ou-t'ao,  avec  deux  anciennes  sonores; 


BULLETIN   CRITIQUE.  145 

vraisemblances  me  paraissent  donc  être,  pour  p'ou-t'ao,  en  faveur 
de  l'étymologie  proposée  naguère  par  Ed.  Huber  mais  qui  a  passé 
inaperçue,  a  savoir  une  forme  apparentée  au  sanscrit  mrdu,  attesté 
au  sens  de  raisin  dans  le  vinaya  des  Sarvâstivâdin  ^). 

Mais  surtout,  il  apparaît  aujourd'hui  que  le  Po  kou  fou  Ion  et 
les  recueils  du  XVIII®  siècle  se  sont  trompés  en  datant  des  Han 
les  miroirs  «aux  raisins».  Déjà,  paraît-il,  l'historien  et  archéologue 
^  ;|:|5  Ts'ien  Tchan,  dans  son  ^  ^  ^  ^  Kvig  ming  tsi  lou 
ou  Recueil  des  inscriptions  {gravéesJi  sur  les  miroirs  métalliques  '^), 
s'appuyant  surtout  sur  le  texte  même  des  inscriptions  gravées  sur 
les  miroirs,  avait  conclu  que  les  miroirs  «aux  raisins»  dataient  non 
des   Han,   mais   des  T'ang.    Les  recherches  de  M.  Lo  Tchen-yu,  de 


elle  se  rencontre  déjà  dans  le  |  Jm  ^C  Chang  lin  fou  de  Sseu-ma  Siang-joii;  or 
Sseu-ma  Siang-jou  a  dû  mourir  eu  117  av.  J.-C.  ;  on  voit  que  le  morceau  est  sensiblement 
contemporain  de  Tchang  K'ien,  qui  a  dû  revenir  de  Bactriane  en  126  av.  J.-C.  J'avoue 
d'ailleurs  que  les  conditions  du  retour  de  Tchang  K'ien  ne  me  paraissent  pas  favorables 
au  transport  de  graines  ou  de  plants.  Il  serait  bien  important  à  ce  point  de  vue  de 
déterminer  la  date  exacte  de  la  composition  du  Chang  lin  fou,  ce  qui  ne  paraît  pas  im- 
possible. Je  signalerai  en  passant  que  le  Chang  lin  fou  fournit  aussi  un  exemple  du  nom 
chinois  du  corail,  chan-hou,  plus  ancien  que  tous  ceux  relevés  jusqu'ici. 

1)  B.E.F.E.-O.,  XIV,  I,  13.  Cf.  aussi  Laufer,  Sino-lranica,  p.  225—226. 

2)  Ts'ien  Tchan  {/seu  iSr  ^  Hien-tche,  hao  ""j-*  ^  Che-lan)  vécut  de  1744  .\ 
1806;  c'est  lui  qui  est  faussement  appelé  ^^  J^  Ts'ien  Tien  dans  Giles,  ßiogr.  Biet., 
n°  367,  avec  une  indication  erronée  de  1744  pour  sa  réception  au  grade  de  bachelier.  Il 
était  le  fils  du  frère  aîné  du  célèbre  érudit  Ts'ien  Ta-hin.  Quatre  œuvres  de  Ts'ien  Tchan 
sur  les  classiques  ont  été  e'ditées  sous  le  titre  de  ^^  ^^  Y}\  ^|g  Ts'ien  che  sseu  tchotuj 
(cf.  ch.  1  du  Houei  k'o  chou  mou).  Une  liste  partielle  des  œuvres  dé  Ts'ien  Tchan  est 
donnée  au  ch.  24  du  Li  tai  ming  jen  tche  tou  siao  Ichouan.  11  a  laissé  un  recueil  archéo- 
logique intitulé  ~j~*  -^  -^  ^fâ  ^g  "i^  :g3:  ^/J  ^^  Che  lieou  tch'ang  lo  t'ang 
hou  k'i  k'ouan  tche,  et  c'est  a  la  suite  de  ce  recueil  qu'est  publié  le  King  ming  tsi  lou 
ou  plus  complètement  \^  !^  ^p  ^S  OT-'  ®^  ^^  ^^  ^^  Houan  houa  pai  che 
hiuan  king  ming  tsi  lou,  en  2  chap.  Je  ne  sais  quand  l'édition  a  été  faite;  en  1870,  le 
Choit  mou  ta,  wen  donnait  encore  le  King  ming  tsi  loti  comme  inédit.  En  1916,  un  exem- 
plaire du  Che  lieou  tch'ang  lo  t'ang  kou  k'i  k'ouan  tche  et  du  King  ming  tsi  lou,  com- 
prenant 2  pen  en  tout,  était  en  vente  au  Bunkyudo  pour  35  ye«;  nous  n'avons  pas  l'ouvrage 
à  Paris,  et  je  ne  l'ai  jamais  vu.  On  trouvera  en  outre  le  texte  de  sept  inscriptions  de 
miroirs  des  Han  et  de  trois  inscriptions  de  miroirs  des  T'ang  au  ch.  14  du  Siu  kou  wen 
yuan  de  Souen  Sing-yen  (éd.  du  Ving  (sin  kouan  is'ong  chou). 


146  BULLETIN   ÛRiTlOUË. 

M-  S  ffl  Ä  o^  ^^^*  Sadakichi  et  de  M.  Tomioka  (p.  36,  269-270) 
semblent  bien  confirmer  ces  conclusions.  On  connaît  aujourd'hui  un 
assez  grand  nombre  de  miroirs  datés  allant  du  P^  au  VP  siècle; 
aucun  n'est  un  miroir  «aux  raisins».  M.  Tomioka  admet  toutefois 
que  ces  miroirs  «aux  raisins»  commencent  peut-être  un  peu  plus 
tôt  que  ne  pensait  Ts'ieu  Tchan,  et  date  leur  apparition  non  pas 
du  VIP  siècle,  mais  de  la  fin  des  «six  dynasties»,  c'est-à-dire  du 
VP  siècle.  L'influence  «gréco-bactrienne»  ou  «mittelasiatisch»  du 
temps  des  Han  ne  peut  donc  être  pour  rien  dans  leur  décoration. 

L'album  de  M.  Lo  Tchen-yu  donne,  aux  dimensions  originales, 
un  choix  de  159  miroirs;  les  planches  sont  excellentes;  malheureuse- 
ment elles  reproduisent  presque  toujours  des  estampages  dont  l'exé- 
cution parfaite  rend  fort  bien  les  ^miroirs  dont  la  décoration  est 
toute  en  méplats,  mais  ne  donne  qu'une  idée  insuflBsante  de  ceux 
qui  sont  traités  en  reliefs  arrondis. 

Le  premier  chapitre  de  M.  Lo  reproduit  des  miroirs  datés;  j'y 
reviendrai  tout  à  l'heure.  Quant  aux  chapitres  2  et  3,  ils  sont 
consacrés  à  des  miroirs  de  toutes  époques,  depuis  les  Han  jusqu'aux 
Yuan  et  peut-être  jusqu'aux  Ming.  L'un  d'eux,  reproduit  d'après 
l'exemplaire  de  la  célèbre  collection  |^  Tch'en  de  y,^;^  Wei-hien, 
est  ce  même  miroir  dit  de  ^  J^  -^  Joug  K'i-k'i,  dont  le  Suédois 
F.  R.  Martin  avait  recueilli  en  Sibérie  un  exemplaire  fragmentaire 
muni  d'une  inscription  runique  et  dont  Devéria  avait  retrouvé  dans 
le   Kin  che  so   un   dessin  fait  d'après  deux  autres  exemplaires^);  il 


1)  Cf.  B.  Laufer,  Confucius  and  Ms  portraits  (extrait  de  Tlie  Open  Court,  tnars  et 
avril  1912),  p.  10 — 14.  Comme  M.  Laufer,  je  n'ai  retrouvé  l'anecdote  visée  que  dans  Lie 
tseu,  mais  le  nom  y  est  écrit  cE'  J^-  SQ  Jong  K'i-k'i  (c'est  à  tort  que  la  traduction 
du  P.  Wieger,  Canon  taoïste,  II,  75,  supprime  le  troisième  caractère  du  nom).  Les  auteurs 
du  Kin  che  so  disent  à  propos  de  cette  diflërence  d'orthographe  que  »jj'  -^X-  Jg^  ttq 
«dans  l'antiquité  les  caractères  se  sont  employés  l'un  pour  l'autre»;  mais  c'est  là,  semble-t-ii, 
une  hypothèse  toute  gratuite;  je  ne  connais  aucun  cas  ancien  où  "^  Ft  et  S^  k^t 
soient  interchangeables.  J'entrevois  une  explication  possible.  Ce  miroir  est  certainement  des 


BULLETIN   CRITIQUE.  147 

dut  en  être  fondu  beaucoup  d'exemplaires  sous  les  T'ang,  car 
M.  Tomioka  le  publie  également  (pi.  58)  d'après  l'exemplaire  du 
W  ^  ^  Pao-king-tcbai  (Hokeisai)  ^).  A  la  fin  du  3®  chapitre  de 
M.  Lo  Tchen-yu  se  trouvent  plusieurs  miroirs  avec  inscriptions  en 
caractères  étrangers.  L'un  est  en  brahmï;  c'est  un  miroir  lamaïque 
qui  n'est  pas  antérieur  aux  Mongols,  et  d'un  type  dont  j'ai  va  pas 


T'ang.  Or  l'empereur  Hiuan-tsong  avait  pour  nom  personnel  "^t  ^g^  Long-ki,  et  le  second 
caractère  fut  frappé  de  tabou  à  son  avènement  en  712.  Il  suffirait  que  le  miroir  eût  été 
créé  postérieurement  à  cette  date  pour  qu'on  s'expliquât  le  remplacement  de  Su  i't,  oïl 
entrait  le  même  élément  constitutif  que  dans  H.  M,  par  l'homophone  -^V  k'i.  J'incline 
moins  que  M.  Laufer  à  admettre  que  ce  miroir  s'inspire  d'un  modèle  plus  ancien  et  qui 
pourrait  remonter  jusqu'aux  Han;  on  ne  connaît  jusqu'ici  aucun  miroir  de  ce  motif  ou  de 
ce  style  qui  soit  antérieur  aux  T'ang,  et  M.  Tomioka  reproduit  sur  la  même  planche  un 
autre  miroir  des  T'ang,  représentant  le  cannellier  et  le  lièvre  lunaires,  qui  est  tout  à  fait 
de  même  style  que  le  miroir  de  Jong  K'i-k'i. 

1)  La  collection  du  Pao-king-tchai  est  la  plus  riche  à  laquelle  M.  Tomioka  emprunte 
ses  illustrations,  et  il  résulte  clairement  de  certains  passages  de  l'ouvrage  que  c'était  là  le 
nom  qu'il  avait  donné  a  sa  propre  collection.  D'ailleurs  l'ouvrage  donne  comme  faisant 
partie  du  Pao-king-tchai  plusieurs  miroirs  que  M.  Lo  Tchen-yu  indiquait  comme  étant 
dans  la  collection  de  M.  Tomioka.  £n  fait,  beaucoup  des  plus  remarquables  miroirs  chinois 
anciens  ont  passé,  au  cours  des  dernières  années,  des  collections  chinoises  dans  les  collections 
japonaises  et  M.  Tomioka  avait  acquis  dès  avant  1916  plusieurs  des  meilleurs  miroirs  de 
la  collection  Tch'en  de  Wei-hien.  Dans  le  cas  présent,  la  comparaison  de  la  planche  de 
M.  Lo  Tchen-yu  et  de  celle  de  M.  Tomioka  montre  toutefois  que,  pour  le  miroir  de  Jong 
K'i-k'i,  il  s'agit  d'exemplaires  différents.  Il  est  d'ailleurs  évident  qu'il  y  a  eu  divers  états 
de  ce  miroir.  Le  dessin  du  Kin  che  so  n'est  pas  d'une  fidélité  à  toute  épreuve,  mais  on 
remarquera  que  le  bâton  de  Confucius  paraît  bien  le  terminer  par  une  tête  de  dragon  dans 
l'exemplaire  publie'  par  M.  Tomioka  comme  dans  l'exemplaire  trouvé  en  Sibérie,  mais  non 
dans  celai  reproduit  par  M.  Lo  Tchen-yu.  D'autre  part,  ce  dernier  exemplaire  paraît  le 
plus  net  de  tous,  et  il  est  regrettable  que  nous  ne  le  connaissions  pas  par  une  photographie 
directe,  mais  seulement  par  un  estampage.  La  rédaction  de  l'inscription  du  miroir  est  assez 
bizarre.  On  a  une  ligne  à  gauche  portant  ^pjj  ^C  J*  '  P*^'*  "°^  ^'S'^ß  centrale  portant 
RB  0  ^  '  puis  une  ligne  de  droite  portant  ^  ^  ^  •  ^-  Tomioka  (p.  272) 
lit  l'inscription  entière  d'affilée  en  commençant  par  la  ligne  de  gauche.  Le  Kin  che  so  se 
borne  à  dire  que  la  ligne  du  centre  est  ~^  3Jl|  kou-tcho,  «d'une  simplicité  archaïque». 
L'inscription,  qu'on  la  prenne  par  la  droite  ou  par  la  gauche,  n'en  est  pas  moins  gram- 
maticalement ineXplica'ole.  Je  pense  que  l'auteur  a  voulu  avoir  le  nom  de  Confucius  à  gauche 
et  relui  de  Jong  K'i-k'i  à  droite  pour  répondre  à  la  place  môme  des  personnages  snr  le 
miroir,   et   qu'il   faut  lire  comme  si  on  avait:    lf\j  y^  -T*  ^    0  o    ^^  '^F  ~^ 


148  BULLETIN   CRITIQUE. 

mal  d'exemplaires  en  Chine;  je  crois  bien  qu'on  en  fait  encore^). 
Un  autre  est  eu  si-hia.  Un  troisième  porte  quatre  grands  caractères 
que  M.  Lo  Tchen-yu  qualifie  de  k'i-tan',  si  cette  épithète,  dout  je 
n'ose  actuellement  me  porter  garant,  était  juste,  nous  aurions  là 
pour  la  première  fois  quelques  caractères  k'i-lan  à  ajouter  aux  cinq 
caractères  reproduits  dans  le  Chou  che  houei  yao.  Un  dernier  miroir 
enfin  contient  28  ou  29  caractères  joufchen  du  type  des  «grands» 
caractères  joulchen  de  l'inscription  de  Sa-li-kau;  M.  Lo  Tchen-yu 
n'indique  pas  la  provenance  de  ce  miroir;  il  se  trouve  en  réalité 
au  musée  de  Séoul  dont  le  directeur  m'en  a  envoyé  naguère  un 
estampage. 

L'album  du  M.  Lo  Tchen-yu  ne  comprend  que  des  fac-similés, 
sans  déchiffrement  ni  commentaire.  L'œuvre  de  M.  Tomioka  est 
d'un  tout  autre  caractère.  M.  Tomioka  Kenzo,  de  son  appellation 
littéraire  '^^  â^  Tökwa,  est  mort  en  1919  à  l'âge  de  46  ans,  après 
àssir  consacré  une  vie  malheureusement  brève  à  l'étude  de  la 
littérature  et  de  la  civilisation  chinoises  ^)  et  s'être  spécialisé,  dans 
ses  dernières  années,  dans  la  question  des  anciens  miroirs  métalliques. 
Sur  ce  sujet,  il  avait  publié  de  1916  à  1919  une  série  d'articles 
dans  les  revues  Geibun,  ^  ^  Shirin,  Kokka,  ^  "j^  ^  ^  ^ 
Kôkogaku  zasshi,  ^  ^  ^  Shin-Kyoto;  la  plupart  sont  restés 
ignorés  des  savants  européens.  Le  fils  de  M.  Tomioka  et  un  de  ses 
disciples,  M.  j|^  j^  ^  yj^  Umehara  Sueji,  ont  réuni  ces  articles, 
les   ont   complétés,   y   ont  joint    plusieurs   autres   travaux  restés  eu 


1)  Un  exemplaire  de  ce  même  miroir  est  reproduit  dans  Bushell,  L' dri  chinoù  (trad. 
franc.),  fig.  61. 

2)  M.  Tomiuka  avait  acquis  des  documents  chinois  importants.  Il  possédait  les  ch.  29 
et  30  d'un  manuscrit  des  T'ang  de  la  collection  littéraire  de  ^^  ^H  Wang  Po  (648 — 676?), 
intitulée  ZC.  ^^  ^fc  -^è.  Wang  tseu  ngan  isi,  ainsi  qu'un  manuscrit  nestorien  "fragmen- 
taire provenant  de  Touen-houang,  le    '  ÏÏjffl  âs  Yi  chen  louen.  Le  premier  de  ces  ma- 

nuscrit»  est  absolument  inédit.  Sur  le  second,  on  n'a  jusqu'ici  qu'une  note  pre'liminaire 
publiée  par  M.  Haneda  dans  le  Qeihun  de  1918,  n"  1,  p.  141 — 144  (c'est  par  un  lapmi 
que,  dans  le  J.  A.,  avril-juin  1920,  p.  261,  j'ai  écrit  Fukuoka  au  lieu  de  Tomioka). 


BULLETIN   CRITIQUE.  149 

manuscrit,  et  c'est  à  ces  soins  pieux  que  le  présent  volume  doit 
son  apparition.  M.  Tomioka,  qui  connaissait  personnellement  M.  Lo 
Tchen-yu,  cite  à  maintes  reprises  le  Kou  king  t'ou  lou. 

Les  mémoires  que  le  volume  renferme  sont  les  suivants: 
P   Origine  des  miroirs  métalliques  (p.   1  —  8).  Avait  paru  dans  le 
Geihun  de  1918. 

2*^  Les  anciens  miroirs  chinois  exhumés  au  Japon  (p.  9  —  38). 
Avait  paru  dans  le  Shirin  de  1916. 

S''  Notice  illustrée  sur  les  anciens  miroirs  chinois  (p.  39  — 107). 
Avait  paru  dans  la  Kokka  de  1917. 

^^  A  propos  des  anciens  miroirs  datés  depuis  les  Han  jusqu'à 
la  fin  des  Six  dynasties  (p.  108  —  147).  Avait  paru  dans  le  Kôko- 
gaku  zasshi  de   1917. 

5°  A  propos  d^un  miroir  du  temps  de  Wang  Mang  et  d^ anciens 
miroirs  à  nien-hao  des  Han  postérieurs  (p.  148  —  168).  Avait  paru 
dans  le  Kôkogaku  zasshi  de  1917. 

6°  A  propos  d^ anciens  miroirs  chinois  datés  (p.  169  — 174).  Tra- 
vail inachevé,  publié  dans  le  Kôkogaku  zasshi  de  1919. 

7*^  A  propos  de  l'âge  d'anciens  miroirs  trouvés  dans  la  partie 
Nord  de  Kyüshü  en  même  temps  que  des  épées  de  bronze,  des  fers 
de  lance  en  bronze  et.  des  poteries  yayoishiki  (p.  175—207).  Avait 
paru  dans  le  Kôkogaku  zasshi  de  1918. 

8^  Examen  des  miroirs  à  sujets  vivants  (p.  208  —  225).  Travail 
inachevé;  inédit. 

9^  Examen  des  miroirs  à  décor  de  ^^  ^^  p'au-tch'e  {< dragons 
sans  corne  enroxdés-»)  (p.  226—236).  Travail  inachevé;  inédit. 

10**^  propos  des  anciens  miroirs  exhumés  dans  la  partie  Nord 
de  Kyüshü  (p.  237  —  255).  Travail  inachevé;  inédit. 

11"  Propos  sur  les  anciens  miroirs  (p.  256  —  276).  Avait  paru 
dans  le  Shin- Kyoto  de   1918. 

11 


150  BULLETIN   CRITIQUE. 

12''  Addenda  à  la  <^ Notice  illustrée  sur  les  anciens  miroirs  chinois» 
(p.  277-292).  Brouillon. 

13"  Encore  à  propos  des  anciens  miroirs  chinois  exhumés  au  Japon 
(p.  293-342).  Brouillon. 

14*'  vl  propos  des  anciens  miroirs  imités  au  Japon  (p.  343  —  415). 
Brouillon. 

15°  Appendice.  A  propos  des  '^Recherches  sur  les  anciens  miroirs» 
du  maître  Tomioka,  par  M.   Umehara  Sueji. 

Cette  simple  table  du  Kokei  no  kenkyU  montre  qu'il  ne  s'agit 
pas  d'un  ouvrage  didactique  général  sur  les  anciens  miroirs,  et  on 
a  parfois  l'impression  que  M.  Tomioka,  s'il  avait  vécu,  aurait  remanié 
ces  articles  pour  éviter  certains  doubles  emplois.  Mais  tel  quel,  cet 
ensemble  de  travaux  sur  les  miroirs  depuis  les  Hau  jusqu'aux  T'ang 
est  singulièrement  instructif.  Un  grand  effort  est  fait  pour  classer 
chronologiquement  les  types  de  miroirs  en  partant  d'un  côté  de  ceux 
qui  sont  datés,  de  l'autre  des  fouilles  faites  au  Japon  et  en  Corée 
dans  des  conditions  de  contrôle  satisfaisantes.  Il  est  évident  que  c'est 
là  la  bonne  voie;  en  Indochine  également  on  a  exhumé  des  miroirs 
intéressants  ^),  et  un  jour  viendra  sans  doute  où  on  pourra  faire  des 
recherches  systématiques  fructueuses  aux  confins  de  la  Mongolie. 

Dans  le  premier  des  articles  ainsi  réunis  en  volume,  et  qui  est 
consacré  à  l'origine  des  miroirs  métalliques  (p.   1  —  8),  M.  Tomioka 


l)  Cf.  les  pi.  1  et  8  de  B.KF.E.-O.,  XVII,  i  (le  grand  miroir  de  la  pi.  8,  très  voisin 
comme  type  des  pi.  38  et  40  de  M.  Tomioka,  paraît  être  des  IV^ — V=  siècles).  Il  y  a  en 
outre  à  l'Ecole  française  d'Extrême-Orient,  depuis  plus  de  quinze  ans,  une  portion  d'un 
superbe  petit  miroir  à  vernis  noir  {kei-ts'ï),  provenant  lui  aussi  d'un  ancien  tombeau  ton- 
kinois. Le  dernier  nume'ro  de  1919  du  B.E.F.E.-O.  (XIX,  v,  101—102  et  pi.  6)  reproduit 
un  miroir  fort  intéressant  trouvé  en  Ânnam,  qui  n'est  pas  sans  analogie  avec  le  miroir  de 
10  A.D.  dont  il  sera  question  plus  loin,  et  surtout  avec  le  miroir  reproduit  par  M.  Lo 
Tchen-yu,  ch.  f ,  f°  10  v°.  On  remarquera  que  l'inscription,  généralement  de  quatre  vers, 
est  réduite  sur  le  miroir  trouvé  en  \nnam  à  deux  vers,  plus  une  exclamation  finale. 
L'inscription  spécifie  que  le  miroir  a  été  fabriqué  par  l'administration  des  "jp^  Jj 
ehang-fang,  c'est-à-dire,  théoriquement  au  moins,  par  l'administration  métropolitaine  char- 
gée de  la  fabrication  des  objets  impériaux  sous  les  Ilan. 


BULLETIN   CRITIQUE.  151 

étudie  les  textes  de  l'ancienue  littérature  chinoise  où  il  est  question 
des  miroirs  métalliques.  On  sait  que  l'antiquité  chinoise  nomme 
surtout  les  miroirs  à  propos  du  «feu  pur»  à  tirer  du  soleil  et  de 
r«eau  pure»  à  tirer  de  la  lune.  Plusieurs  travaux  européens  ont 
déjà  utilisé  une  partie  de  ces  textes,  mais  en  s'ignoraut  générale- 
ment les  uns  les  autres  ^),  et  la  moisson  même  de  M.  Tomioka, 
indépendante  de  celle  des  savants  occidentaux,  pourrait  être  elle-même 
facilement  enrichie.  Tous  ces  textes  seront  à  reprendre  en  un  travail 
d'ensemble,  eu  y  joiguant  aussi  plusieurs  passages  parallèles  du 
Louen  heng  ^),  et  en  tenant  compte,  dès  l'apparition  du  bouddhisme, 
des  notions  analogues  apportées  de  l'Inde  ^)  ;  d'autre  part,  il  faudrait 
bien  tirer  au  clair  les  textes  qui  parlent  de  «miroirs  de  jade»,  de 
«miroirs  de  fer».  C'est  une  étude  considérable  que  je  ne  puis 
entreprendre  ici.  Je  rappellerai  seulement  que  le  miroir  pour  tirer 
le  feu  du  soleil  est  rond,  mais  que-  celui  destiné  à  recueillir  l'eau 
de  la  lune  devait  être  en  principe  carré  *)  ;  il  est  donc  possible  que 


1)  Püzmaier,  Die  Anwendimg  und  die  Zufälliglceiten  des  Feuers  im  alten  China 
{Sitz.  d.  phil.-hist.  Cl.  de  l'Acad.  de  Vienne,  t.  LXV,  p.  767— 812);  Uirth,  Chinsse  Metallic 
Miroirs,  p.  212 — 234;  Chavannes,  Le  T'ai  chan,  p.  187 — 191;  M.  W.  de  Visser,  Fire  and 
ignés  fatui  in  China  and  Japan  (extr.  des  Mitteil,  des  Sem.  f.  Or.  Spr.). 

2)  Cf.  ïorke,  Lun-Héng,  I,  378;  11,  132,  3^,  412,  496—498.  Mais  c'est  sûrement  à 

ira  |v  k-Li. 
tort  que  M.  Forke  a  vu  dans  y^  %^  yang-souei  un  «burning-glass»;  il  s  agit  de  mi- 
roirs métalliques  légèrement  concaves.  Les  textes  plus  tardifs  relatifs  à  l'emploi  d'une  len- 
tille faite  d'un  morceau  de  glace  (eau  gelée)  n'ont  pas  été  étudiés  systématiquement.  Quant 
aux  lentilles  de  cristal  et  de  verre,  qu'on  ignorait  au  temps  du  Louen  heng,  elles  ont  été 
l'objet  d'un  fort  bon  travail  de  B.  Laufer,  Optical  Lenses,  àans  T'oung  Pao,  1915,111 — 228 
(la  traduction  de  yang-souei  par  «burning-glass»  y  est  réfutée  p.  179 — 183). 

3)  Les  anciens  textes  chinois  appellent  yang-souei  le  miroir  avec  lequel  on  tire  le  feu 
du  soleil  et  ^^  ^a  kien-tchou  ou  Jj  ^a  fang-tchou  celui  dans  lequel  on  recueille 
l'eau  de  la  lune.  Or  ces  termes  ont  été  employés  par  les  traducteurs  des  écritures  bouddhi- 
ques, en  particulier  dans  la  version  chinoise  du  Çurangamasûtra  (cf.  Beal,  A  Catena  of 
Buddhist  Scriptures,  p.  335,  où  le  terme  traduit  par  «burning  glass  (or  mirror)»  est 
yang-souei,  et  p.  337,  où  le  «moon-speculum»  rend /«?/^-/'c^oa  du  texte  chinois).  Cf.  encore 
Chavannes,  Cinq  cents  contes,  I,  210,  où  l'explication  de  yang-souei  par  lentille  de  cristal 
est  à  rejeter,  au  moins  en  ce  qui  concerne  la  Chine. 

4)  Cf.  de  Visser,  Fire  and  ignés  fatui,  p.  20;  Chavannes,  Le  T'ai  chan,  p.  190;  bien 
qu'on   en   ait   proposé   d'autres   explications,  je  pense  que,  dans  fang-tchou,  le  mot  fang  a 


152  BULLETIN   CRITIQUE. 

les  rares  miroirs  métalliques  carrés  qu'on  trouve  eu  Chine  dérivent 
à  l'origine  du  miroir  lunaire. 

Il  est  eu  outre  une  indication  portée  parfois  sur  les  miroirs  et 
dont  les  vieilles  idées  cosmogoniques  des  Chinois  rendent  compte. 
Le  métal  est  l'élément  de  l'Occident,  mais  il  fond  par  le  feu,  et  le 
feu  est  l'élément  du  Sud.  A  ce  titre,  ce  sont  les  caractères  cycliques 
du  Sud,  soit  ping  et  ti7ig  dans  la  série  des  «troncs»  (kan)  et  sseu- 
wou  dans  la  série  des  «branches»  (tche)^),  qui  sont  les  jours  favo- 
rables à  la  fonte  des  miroirs,  et  l'opération,  autant  que  possible, 
sera  faite  à  l'heure  wou,  c'est-à-dire  à  midi.  Quant  à  la  saison,  les 
alentours  du  solstice  d'été  sont  naturellement  le  plus  propices,  et 
c'est  pourquoi  un  certain  nombre  de  miroirs,  avec  ou  sans  indication 
de  nien-hao  ou  d'année,  portent  qu'ils  ont  été  foudus  le  jour  ping- 
loou  du  5®  mois;  l'indication  est  conforme  aux  traditions  recueillies 
dans  le  Louen  heng  ^).  Cette  même  indication  se  retrouve  parfois 
sur  les  anciennes  agrafes  de  ceinture  ^).  J'en  ai  actuellemeut  sous 
les  yeux  une  qui  appartient  à  M.  P.  Mallon  et  qui  porte  en  in- 
crustation d'or  l'inscription  suivante:  ^^-|^3Ï.  0  î^'^J^f 
5(Ê  ^  Ä  -f-  ^  ^  (=  %  )  M  ^  t±  (-  fi)  ^Agrafe  fabriquée 


précisément  son  sens  usuel  de  «  carré  ».  Le  texte  traduit  par  Chavannes  est  très  intéressant  ; 
mais  je  ne  crois  pas  juste  de  traduire  -^>-  ^S,  kin-si  par  «or  et  étain»  dans  le  texte  du 
Tcheou  li;  il  doit  s'agir  de  «cuivre  et  étain»,  le  «cuivre»  étant  ici  appelé  simplement 
le  «métal»  par  excellence. 

1)  Cf.  de  Visser,  loc.  laud.,  p.  20. 

2)  Une  théorie  analogue  se  trouve  au  ch.  13  du  Seou  chen  Ici,  mais  l'exposé  le  plus 
ancien  est  dans  le  Louen  heng  (trad.  Forke,  I,  378).  La  traduction  de  M.  Forke  est  assez 
inexacte.  Le  début  du  texte  signifie  :  «  Avec  un  [miroir]  yang-souei  on  prend  du  ciel  le  feu. 
[Voici  comment:]  Le  jour  ping-wou  du  5*  mois,  an  milieu  du  jour,  on  liquéfie  cinq  miné- 
raux et  on  en  fond  un  objet,  qui  est  rendu  brillant  par  le  frottement.  On  le  tient  en  l'air 
dans  la  direction  du  soleil,  et  alors  le  feu  arrive.  C'est  là  la  manière  correcte  de  prendre 
le  feu.» 

3)  Pour  ces  mentions  du  jour  pmg-wou  sur  les  anciens  miroirs  et  sur  les  agrafes  de 
ceinture  du  temps  des  Han,  cf.  l'intéressant  passage  du  ch.  8  du    Tj»!    7S    TcJia  p'ou  de 

4ï  ^B    Kouei  Feu  reproduit  dans  l'ouvrage  de  M.  Tomioka,  p.  126 — 127. 


BULLETIN    CRITIQUE.  153 

le  15®  jour  ping-wou  du  5®  mois;  puissent  grâce  à  elle  fils  et 
petit-fils  prolonger  les  [sacrifices]  ancestraux  et  faire  durer  les 
[sacrifices  au]  dieu  du  sol!» 

Le  plus  ancien  miroir  daté  connu  jusqu'ici  est  un  miroir  de  la 
2®  année  che-kien-kouo  de  l'usurpateur  Wang  Maag,  c'est-à-dire  de 
10  A.D.  Il  était  déjà  signalé  et  déchiffré  au  2®  chapitre  de  l'appen- 
dice du  ;^  yj^  -î^  ;^  ^  ^^  3^  ^^  Song  yuan  kieou  pen  chou  king 
yen  lou  de  ^  ^  ^  Mo  Yeou-tche  (1811—1871),  et,  après  avoir 
appartenu  à  ^  ^  g^  Tcheou  Sing-yi  de  jj^  '^^  Siang-fou,  qui 
l'avait  acquis  à  Fou-tcheou,  il  est  aujourd'hui  la  propriété  de  M. 
^  Mao  à  ^0  ^  Jou-kao  dans  le  Kiang-sou.  L'inscription  est  en 
bon  état,  mais  écrite  avec  des  formes  archaïques  dont  certaines 
n'ont  pas  encore  été  identifiées  d'une  manière  satisfaisante.  Le  décor 
comporte  un  homme  (?)  et  des  animaux  très  stylisés  ^). 

J'ai  dit  que  le  premier  chapitre  de  l'ouvrage  de  M.  Lo  était 
consacré  aux  miroirs  portant  une  date  de  fabrication;  M.  Tomioka 
a.  ajouté  quelques  numéros  à  cette  liste  (p.  137  —  138),  mais  s'arrête 
à  la  fin  du  V®  siècle.  Les  miroirs  datés  connus  jusqu'ici  sont  des 
dates  suivantes:  10  A.D.  (cf.  ci-dessus);  105  (connu  de  Ts'ieuTchan; 
un  exemplaire  naguère  dans  la  collection  de  Touan-fang;  un  exem- 
plaire dans  la  collection  Tch'en  de  Wei-hien);  167  (collection  To- 
mioka); 174  (chez  M.  Ts'ien  de  Siang-yaug;  mentionné  dans  le 
K'i  kou  che  M  kin  tven  chou  de  Lieou  Sin-yuan);  184  —  189  (période 
tchong-pHng,  mais  chiffre  d'année  illisible;  publié  par  M.  Lo  Tchen-yu); 
196  (chez  M.  Siu  Nai-tch'ang);  205  (5  miroirs);  209  (chez  M.  NaitS 
Torajiro);  219  (3  miroirs);   227  (2  miroirs)  2);  229  (coll.  Tomioka); 


1)  Sur  ce  miroir,  cf.  l'ouvrage  de  M.  Tomioka,  pp.  41,  111,  151 — 154  (où  il  reproduit 
une  notice  importante  de  -^  g^  ^^  Souen  Yi-jang)  et  pi.  27,  ainsi  que  l'album  de 
M.  Lo  Tchen-yu,  ch.  J:,  f°  7  r°. 

2)  Le  tableau  de  M.  Tomioka  (p.  138)  indique  la  8*=  anne'e  ^oaa«^-ïoOM  et  l'équivalence 
229.  Mais  le  miroir  est  du  9"  mois  et,  dès  le  4''  mois  de  la  8°  anne'e  houang-wou,  le 
nien-hao  avait  été  changé  en  houanq-long.  Il  semble  bien  qu'il  faille  lire  en  réalité  6'  an- 


154  BULLETIN   CRITIQUE. 

238  (2  miroirs);  246  (estamp.  chez  M.  Tomioka);  253  (2  miroirs, 
dont  un  chez  M.  Siu  Nai-tch'ang)  ;  256  (2  miroirs,  dont  1  à  la 
Faculté  des  Lettres  de  Tokyo,  l'autre  dans  coll.  Tch'en  de  Wei-hien); 
258  (anc.  coll.  Touan-fang);  259  (reproduit  par  M.  Lo);  273  (coll. 
Tomioka  et  album  de  M.  Lo);  280  (album  de  M.  Lo);  281  (2  mi- 
roirs, dont  un  dans  coll.  Tch'en  de  Wei-hien);  291  (reproduit  par 
le  Kin  die  so);  337  (coll.  du  baron  Koga);  412  (album  de  M.  Lo); 
498  (coll.  Tomioka);  1052  (album  de  M.  Lo);  1093  {ibid.)\  1172 
{ihid.)\  1198  {ibid.;  2  miroirs)!);   1199  {ibid.);   1389  {ibid.). 

Aucune  conclusion  formelle  ne  se  peut  tirer  de  ces  dates,  pour 
lesquelles  le  hasard  des  trouvailles  joue  naturellement  un  grand  rôle. 
On  est  cependant  tenté  d'admettre  qu'il  y  ait  eu  des  époques, 
comme  le  IIP  siècle,  où  la  datation  des  miroirs  était  assez  usuelle, 
au  lieu  qu'on  ne  connaît  jusqu'ici  aucun  exemple  d'un  miroir  daté 
pendant  les  trois  siècles  que  dure  la  dynastie  des  T'ang.  Ce  silence 
ne  peut  être  entièrement  fortuit. 

11  ne  saurait  s'agir  ici  de  suivre  en  détail  l'étude  que  fait 
M.  Tomioka  des  divers  motifs  qui  figurent  sur  les  miroirs.  Les 
questions  y  sont  traitées  sous  l'aspect  du  style  des  motifs,  de  la 
rédaction  des  inscriptions,  du  caractère  de  la  calligraphie.  M.  Tomioka 
ne  donne  que  très  peu  d'indications  sur  la  composition  chimique 
des  miroirs  *).  Il  y  a  enfin  une  question  intéressante  sur  laquelle  je 


née   houang-wott   (227),  comme  l'avait  fait  M.  Lo  et  comme  M.  Tomioka  l'a  fait  dans  des 
articles  subséquents  (cf.  à  ce  sujet  p.  62—63,  116,  170—171  et  la  pi.  32). 

1)  Ces  deux  exemplaires  sont  reproduits  au  i°  17  r°  du  1"  ch.  de  M.  Lo  Tchcn-yu; 
j'ai  rapporté  de  Si-ngan-fou  un  troisième  exemplaire  que  j'ai  donne'  au   Musée  Guiraet. 

2)  La  composition  théorique  indiquée  pour  les  miroirs  par  le  Tclieou  li,  et  qui  est  de 
cuivre  et  d'étain  par  parties  égales  (cf.  Hirth,  Chinese  Metallic  iliirrorj,  p.  218),  n'a  jamais, 
je  crois  bien,  été  constatée  dans  la  réalité.  On  admet  généralement  que  les  miroirs  des  Hau 
ont  une  composition  moyenne  de  75  "/o  de  cuivre  et  de  25  y,  d'étain.  Pour  des  miroirs 
trouvés  dans  le  Nord  de  Kynshn,  M.  Tomioka  (p.  202)  indique  65  à  68  ^  de  cuivre,  et 
25  k  30  «^  d'étain,  le  reliquat  étant  du  plomb  et  du  zinc.  C'est  là  une  composition  très 
différente  de  celle  indiquée  dans  St.  Julien  et  Paul  Champion,  Industries  anciennes  et  mo- 
dernes de  l'empire  chinois,  p.  64,  qui  s'applique  sans  doute  k  des  miroirs  modernes,  et  où 


BULLETIN   CRITIQUE.  155 

ne  trouve  rien  dans  son  beau  travail:  c'est  celle  des  miroirs 
doubles.  J'ai  vu  à  Pékin,  chez  un  archéologue  japonais,  deux  miroirs 
doubles,  l'un  complet,  l'autre  réduit  à  un  seul  de  ses  éléments.  Le 
second  miroir,  plus  petit  et  garni  à  son  rebord  extérieur  de  quelques 
boutons  disposés  sur  la  tranche,  s'encastre  dans  le  rebord  saillant 
du  plus  grand.  Le  type  de  la  décoration  était  ancien,  genre  Han 
ou  «Six  dynasties».  J'ignore  la  raison  de  cette  disposition.  Les 
boutons  saillants,  qu'ils  soient  placés  sur  la  face  des  miroirs  ou  sur 
la  tranche,  sont  appelés  ^  ling^  «grelot»;  de  là  le  nom  de  ^  ^ 
ling-king,  «miroirs  à  grelots»,  donnés  aux  miroirs  qui  ont  ainsi 
sur  la  tranche  ces  boutons  saillants,  le  plus  souvent  au  nombre  de 
5  ou  6,  parfois  aussi  de  4  et  de  7^).  Le  type  de  ces  «miroirs  à 
grelots»  serait-il  sorti  primitivement  des  miroirs  doubles?  D'autre 
part,  nous  manquons  encore  de  données  sur  des  miroirs  dits  ^  ^ 
kia-king,  «miroirs  doubles»,  et  qui  seraient  constitués  de  deux  moitiés 
appliquées  l'une  contre  l'autre,  mais  en  laissant  au  centre  un  certain 
vide   entre   elles  ^).   Comme  on   le    voit,   même  après  les  recherches 


il  y  aurait  30  %  de  zinc  contre  50  y,  de  cuivre  et  16  %  d'e'tain.  On  est  encore  fort  mal 
renseigné  sur  l'histoire  du  zinc  en  Chine  (cf.  B.  Laufer,  Sino-Iranica,  514 — 515),  et  le 
fait  certain  est  que  l'ancienne  langue  chinoise  n'a  pas  de  caractère  écrit  spécial  pour  dé- 
signer le  zinc.  Mais  la  présence  du  zinc  dans  les  alliages  anciens  montre  qu'on  devait 
utiliser  certaines  minéraux  à  base  de  zinc.  Je  ne  sais  sur  quoi  repose  l'affirmation  de 
Stan.  Julien  {Industr.  anc.  et  mod.,  p.  46)  que  le  zinc  est  désigné  en  Chine  sous  le  nom 
de  «plomb  japonais»;  il  paraît  y  avoir  là  quelque  méprise.  Je  n'ai  pas  actuellement  à  ma 
disposition  le  T'ien  hong  k'ai  wou,  qui  est  à  la  base  des  traductions  de  Julien,  mais  les 
noms  usuels  du  zinc  en  Chine,  au  XVIP  et  au  XVIIP  siècle,  sont  pî  ^Q*  pai-k'ien, 
«plomb  blanc»,  et  surtout  ïïS  <Ê/^  ya-k'ien,  «second  plomb»  (encore  que  cette  dernière 
expression  manque  dans  le  dictionnaire  de  Giles);  les  savants  contemporains  emploient  un 
caractère  nouveau,   x£  sin,  qui  est  une  transcription  de  «zinc». 

1)  Cf.  par  ex.  le  miroir  de  1052  reproduit  au  1"  eh.,  f°  15  r°,  de  M.  Lo  Tchen-yu, 
et  les  15  miroirs  qui  occupent  les  planches  92  et  93  de  M.  Tomioka. 

2)  Le  nom  de  kia-king  est  emprunté  au  Po  kou  t'ou.  Voici  ce  que  dit  à  ce  sujet  la 
préface  de  M.  Lo  Tchen-yu:  «Quelques  années  plus  tard  [après  1898],  me  trouvant  tem- 
porainement  à  Wou-tch'ang  dans  la  résidence  officielle  de  Touan-fang,  de  son  titre  posthume 
Tchong-min,  je  vis  un  miroir  de  [la  période]  hi-p'ing  (172 — 178)  qui  était  conserve'  par 
M.    ^^  TsMen  de  Siang-yang.  Il  était  d'une  fabrication  tout  à  fait  spéciale.  Quand  on  le 


156  BULLETIN    CRITIQUE. 

chinoises  et  japonaises  dont  le  livre  de  M.  Tomioka  nous  donne  les 
résultats,  l'étude  des  anciens  miroirs  métalliques  de  l'Extrême-Orient 
est  loin  d'être  achevée  ^).  P.  Pelliot. 

Professeur  Panduranga  S.  S.  Pissurlancar,  Recherches  sur 
la  découverte  de  V Amérique  par  les  anciens  hommes  de 
VInde,  Sanquelim-Goa,  1920,  in-S»,  pp.  22. 

La  fantaisie  humaine  est  sans  limites,  et  les  légendes  ont  la  vie 
dure.  L'honorable  Hindou  qui  a  écrit  la  présente  brochure  cite  une 
série  de  textes  indiens  où  les  indianistes  verront  clair  sans  nous. 
Mais  il  invoqué  aussi  les  textes  chinois,  et  là  nous  devons  crier 
casse-cou.  D'après  l'auteur  (p.  19),  il  y  a  un  récit  chinois  «écrit 
en  502  par  un  moine  bouddhiste  de  Caboul,  appelé  Hui  Shen  »  et 
qui  montre  qu'«en  499  de  l'ère  chrétienne  un  prêtre  bouddhiste, 
natif  de  Caboul,  nommé  Hui  Shen,  est  allé  de  la  contrée  de  Fou- 
Sang  à  King-chow,  situé  sur  la  rivière  Yang-tse»;  d'après  le  même 
<Hui  Shen»,  «en  458  de  l'ère  vulgaire,  y  furent  [à  Fou-sang]  de 
Caboul  cinq  bhikshous»  qui  y  propagèrent  le  bouddhisme  jusque-là 
inconnu.  Pour  l'auteur,  le  Fou-sang  est  naturellement  l'Amérique. 

Faut-il  rappeler  le  caractère  légendaire  du  récit  de  l'ambassade 
de  Houei-cheu?  Soi-disant,  Houei-chen  (qui,  entre  parenthèse,  n'est 
dit  nulle  part  originaire  de  «Caboul»)  est  arrivé  à  King-tcheou  en  499, 
sous  les  Ts'i  du  Sud,  mais  V Histoire  des  Ts'i  du  Sud  est  muette  à 
ce  sujet,  et  l'événement  n'est  raconté  que  dans  VHistoire  des  Leang, 
rédigée  au  début  du  VII®  siècle.  Ce  récit  prêtée  aux  fonctionnaires 
du  Fou-sang  un  titre  non  chinois  de  touei-lou  qui  se  retrouve  dans 


cognait  du  doigt,  il  rendait  un  son  corarae  s'il  eût  été  vide  à  l'intérieur.  Je  compris  alors 
seulement  qu'il  existait  encore  [des  miroirs  du  type]  de  ceux  que  le  Po  kou  i'ou  appelle 
des  kia-kingy>. 

1)  Aux  p.  239 — 241,  M.  Tomioka  reproduit  un  article  curieux,  encore  que  peu  criti- 
que, paru  dans  un  journal  chinois  et  consacré  à  une  importante  trouvaille  archéologique 
faite  en  1916  au  Kouang-tong  dans  une  tombe  d'un    ^«   ^^^    «roi  de  Yue». 


BULLETIN   CRITIQUE.  157 

les  notices  sur  les  états  coréens.  Toute  l'histoire  est  empreinte  de 
traits  légendaires,  qui  ne  lui  donnent  guère  de  valeur  que  pour  le 
folk-lore.  Quant  au  Fou-sang,  on  ne  saurait  trop  regretter  l'aber- 
ration qui,  de  üb  Guignes  à  Vining,  y  a  fait  souvent  chercher 
l'Amérique.  La  contagion  a  gagné  jusqu'à  la  Chine.  L'un  des  cory- 
phées de  la  révolution  chinoise,  M.  ^  ')^  J|||  Tchang  Ping-lin, 
n'a-t-il  pas  soutenu  naguère  que  le  pèlerin  Fa-hien,  en  revenant 
des  Indes,  avait  fait  un  crochet  par  l'Amérique.  C'est  ce  qui  ex- 
pliquait selon  lui  que  bien  des  noms  géographiques  américains,  eu 
particulier  celui  de  la  Cordillère  des  Andes,  soient  si  évidemment 
«sanscrits»!  P.  Pelliot. 

Emile  Hovelaque,  Les  peuples  d^ Extrême-Orient.  La  Chine 
{Biblioth.  de  philos,  scientifique  dirigée  par  le  D^  Gustave 
Le  Bon),  Paris,  E.  Flammarion,  1920,  in-120,  pp.  286. 

M.  E,  HovELAquE,  aujourd'hui  inspecteur  général  de  l'Instruction 
publique,  fut  un  des  premiers  universitaires  qui  bénéficièrent  des 
bourses  de  voyage  «autour  du  monde»  fondées  par  M.  Albert  Kahn, 
et  c'est  ainsi  qu'eu  1899  il  visita  l'Extrême-Orient.  Il  le  fit  en  poète 
et  en  artiste,  et  revint  plein  d'une  sympathie  et  d'un  enthousiasme 
que  vingt  ans  n'ont  pas  affaiblis.  C'est  en  ami  des  Extrêmes-Orientaux 
qu'il  a  entrepris  d'écrire,  pour  la  section  d'histoire  générale  de  la 
Bibliothèque  de  philosophie  scientifique,  deux  volumes  consacrés  l'un 
à  la  Chine,  l'autre  au  Japon,  et  dont  le  premier  a  paru  voilà 
quelques  mois.  Un  livre  signé  de  ce  nom  et  paraissant  dans  cette 
collection  à  gros  tirage  —  l'exemplaire  que  j'ai  sous  les  yeux  est 
déjà  du  4®  mille  —  ne  saurait  passer  inaperçu. 

L'ouvrage  m'a  un  peu  déçu.  Je  ne  parle  pas  des  noms  estropiés 
et  des   erreurs   de  dates  ^);  mieux  vaudrait  sans  doute  qu'il  n'y  en 


1)  11   y   a   beaucoup   des  uns  et  des  autres,  comme  «Hiu-Tsung»  (p.  184)  au  lieu  de 
Houei-tsong,  «Chao-Tu-mien»  (p.  188)  qui  paraît  être  pour  Tchao  Song-nien,  «Karatoum» 


158  BULLETIN   CRITIQUE. 

eût  pas;  encore  importe-t-il  assez  peu  au  public  à  qui  le  livre 
s'adresse.  Mais  si  M.  Hovelaque  avait  montré  son  manuscrit  à  l'un 
ou  à  l'autre  de  nous,  nous  lui  aurions,  je  crois,  formulé  amicale- 
ment pas  mal  d'objections  singulièrement  plus  graves.  Dès  qu'on 
veut  sortir  des  pures  impressions  contemporaines  et  parler  de  la 
vieille  Chine,  il  est  dangereux  d'avoir  pour  sources  principales  des 
œuvres  aussi  suspectes  que  la  Western  Origin  of  the  Chinese  Civilization 
de  Terrien  de  Lacouperie,  Le  peuple  chinois  de  Farjenel  ou  La 
cité  chinoise  d'Eugène  Simon.  Sur  la  foi  de  chacun  de  ces  auteurs, 
on  en  arrive  ainsi  à  donner  une  importance  indue  à  des  hypothèses 
qui  sont  le  plus  souvent  des  erreurs. 

C'est  ainsi  que,  pour  l'origine  des  Chinois,  M.  Hovelaque  invoque 
une  fois  de  plus  les  prétendues  tribus  «Bak»  qui  seraient  venues 
d'Elam  en  Chine,  et  reproduit  (p.  98  —  102)  les  rapprochements 
fantaisistes  de  Terrien  de  Lacouperie,  y  compris  celui  de  Bagdad, 
nom  cependant  purement  iranien  d'une  ville  quj  ^e  fut  fondée  qu'à 
l'époque  musulmane.  La  citation  des  Reclus  sur  l'évolution  de 
l'écriture  chinoise  partie  de  l'écriture  cunéiforme  ne  repose  sur  aucun 
fait  réel,  sur  aucun  document  connu.  M.  Hovelaque  conclut:  «Un 
fait  paraît  infiniment  vraisemblable,  pour  ne  pas  dire  certain:  c'est 
celui  d'une  immigration  de  colons  venus  de  l'Ouest».  Mais  non; 
rien  n'est  moins  certain,  et  la  thèse  n'a  même  pas  jusqu'ici  d'indice 
de  vraisemblance.  Les  caractères  somatiques,  la  langue  (car  Lacouperie 
ne  parlait  pas  seulement  de  l'écriture,  mais  aussi  de  la  langue) 
apparentent  les  anciens  Chinois  aux  autres  populations  de  l'Asie 
orientale.  Nous  savons  peu  de  chose  sur  les  influences  étrangères 
qui  ont  pu  s'exercer  en  Chine  dans  ces  temps  très  lointains,  mais 
toute    l'argumentation   de   Terrien    de   Lacouperie    s'appuie    sur   des 


(p.  195)  poar  Karakorum,  etc.  Le  traité  de  Nertchinsk  n'est  pas  de  1769  (p.  199),  mais 
de  1689.  Leang  K'i-tch'ao  (p.  216),  Leang  Ki-tchéoa  (p.  242),  Leang  Ki-chéou  (p.  245) 
ne  sont  qu'an  seul  et  même  personnage. 


BULLETIN   CRITIQUE.  159 

textes  mal  contrôlés,  mal  datés,  qu'il  a  souvent  mal  compris;  leur 
accumulation  fait  peut-être  impression  sur  un  profane;  quand  on  y 
regarde  de  près,  le  château  de  cartes  s'écroule. 

M.  Hovelaque  insiste  à  bon  droit  sur  le  traditionalisme  qui  a 
maintenu  la  civilisation  chinoise  sensiblement  dans  les  mêmes  cadres 
pendant  près  de  3000  ans;  encore  ne  faudrait-il  pas  l'exagérer. 
Pour  M.  Hovelaque  «l'époque  capitale  est  celle  où  le  Tchéouli  a  été 
rédigé.  .  .  A  coup  sûr,  aucun  livre,  pas  même  la  Bible,  n'a  eu  une 
influence  comparable  à  celle  qu'a  exercée  le  Tchéou-li.  C'est  lui  qui 
a  réglé  et  fixé  pour  toujours  jusqu'aux  moindres  détails  de  la  vie 
chinoise:  on  peut  voir  avec  quelle  minutie  par  les  citations  que 
j'en  ai  données  au  sujet  de  l'engrais  humain  ....  »  (p.  130—131); 
«vingt-cinq  dynasties  historiques  se  sont  succédé,  les  invasions,  les 
révoltes  ont  tout  ravagé,  sans  qu'un  iota  du  culte  qui  régit  la  Chine 
ait  été  modiflé»  (p.  127).  La  comparaison  de  l'influence  du  Tcheou  li 
à  celle  de  la  Bible  est  en  réalité  reprise  de  M.  Hirth,  The  Ancient 
History  of ,  Chin  a,  p.  108;  mais  là  où  M.  Hirth,  sinologue,  avait  rais 
«probably»,.  M.  Hovelaque  écrit  «-à  coup  sûr».  Je  crois  d'ailleurs 
que,  dans  l'occasion,  M.  Hirth  allait  déjà  trop  loin.  Le  Tcheou  li 
est  essentiellement  un  tableatP  de  l'organisation  administrative  des 
Tcheou.  Sur  son  autorité  avant  les  Han,  nous  ne  savons  autant 
dire  rien  ;  la  littérature  confucéenne  est  muette  à  ce  sujet.  Après 
les  Han,  l'éducation  traditionnelle  des  Chinois  se  fait  au  moyen  des 
«quatre  livres»  et  des  «cinq  classiques»;  mais  dans  les  «cinq 
classiques  » ,  c'est  le  Li  M  qui  représente  les  rituels,  et  non  le  Tcheou  li. 
En  réalité,  le  sens  d'un  très  grand  nombre  de  rites  anciens  s'est 
perdu,  et  beaucoup  de  rites  nouveaux  se  sont  créés.  Le  Tcheou  li 
est  un  ouvrage  d'un  intérêt  puissant  pour  l'étude  de  l'organisation 
(au  moins  de  l'organisation  théorique)  des  Tcheou;  mais  il  suflBt 
d'ouvrir  les  ouvrages  de  M.  Dk  Groot  sur  la  religion  chinoise  pour 
reconnaître  que,  depuis  lors,  le  culte  a  beaucoup  délaissé  et  beaucoup 


160  BULLETIN    CRITIQUE. 

innové.  Quaut  à  1'« engrais  humain»,  je  doute  qu'il  doive  intervenir 
ici.  M.  Hovelaque  lui  fait  jouer  une  sorte  de  rôle  symbolique,  à  la 
suite  d'Eugène  Simon,  «pour  qui  cet  engrais  est  la  base  de  la 
civilisation  chinoise»  (p.  36),  et  reproduit  à  son  sujet  (p.  35  —  36), 
toujours  d'après  Simon,  une  longue  citation  «du  Tcheou-Li,  rites 
agricoles  minutieux  formulés  100  ans  avant  l'ère  chrétienne».  Je 
n'ai  pas  actuellement  sous  la  main  le  livre  d'Eugène  Simon,  mais 
il  y  a  ici  quelque  confusion;  le  Tcheou  li  n'est  pas  un  recueil  de 
rites  agricoles;  il  ne  date  pas  de  100  avant  l'ère  chrétienne;  enfin 
le  passage  sur  1'« engrais  humain»    ne  s'y  trouve  pas. 

Et  pour  en  finir  avec  les  critiques,  je  crains  que  la  lecture  du 
livre  de  M.  Hovelaque  ne  laisse  pas  une  impression  exacte  de  ce 
qu'ont  été  les  rapports  entre  l'Extrême-Orient  et  l'Occident.  Dans 
sa  sympathie,  en  soi  fort  légitime,  pour  les  Orientaux,  l'auteur  ne 
voit  chez  les  Européens  en  Chine  —  à  l'exception  des  Jésuites  fran- 
çais —  que  sottise,  grossièreté  et  barbarie  ^).  Quand  il  s'agit  de  flétrir 
les  excès  des  Occidentaux,  il  prend  de  toutes  mains:  (p. ,197)  ragots 
de  Pinto,  ce  «prince  des  menteurs»;  (p.  94)  anecdote  au  moins 
douteuse  de  Loti,  etc.  ^)  Quand  les  Européens  arrivent  en  Chine  au 
XVP  siècle,  «leur  premier  soin  fut  ^'expulser  des  ports  les  Arabes 
qui  alors  détenaient  le  commerce»;  et  «il  est  à  remarquer  que  ces 
marchands  arabes,  pacifiques  et  policés,  n'ont  jamais  eu  de  difficultés 
avec  la  Chine.  ...    La  haine  de  l'étranger  est  née  de  l'inqualifiable 


1)  Par  contre,  M.  Hovelaque  dit  (p.  60)  qu'en  Extrême-Orient  «le  moindre  coolie 
sait  non  seulement  lire  et  écrire,  mais  peindre  et  composer  des  poèmes,  jouit  d'une  œuvre 
d'art  raffinée,  a  le  souci  du  beau  langage  et  des  belles  manières».  Pauvre  coolie! 

2)  L'histoire  est  possible;  il  y  a  des  goujats  partout,  et  les  Chinois  ont  jeté  aussi  des 
crucifix  aux  latrines.  Mais  on  ne  saurait  trop  se  méfier  de  ce  qu'on  raconte  en  Chine  au 
voyageur  de  passage.  Loti  est  un  merveilleux  évocateur  de  sites;  pour  les  faits  précis,  sa 
caution  est  médiocre.  Ses  Derniers  jours  de  Pékin  sont  essentiellement  la  réunion  d'articles 
qu'il  envoyait  alors  au  Figaro;  mais  il  en  a  supprimé  un,  celui  où,  sur  la  foi  d'un  télé- 
gramme inexact,  il  décrivait  en  témoin  oculaire  l'incendie  du-  Yong-houo-kong  qui  n'a  ja- 
mais brûlé. 


BULLETIN   CRITIQUE.  161 

Conduite  des  «diables  rouges»  (p.  197).  C'est  là  oublier  le  soulève- 
ment des  Musulmans  de  Canton  au  VIII®  siècle,  et  les  plaintes 
réitérées  formulées  contre  les  Musulmans  aux  XIIP  et  XIV®  siècles. 
L'exposé  des  rapports  entre  l'Europe  et  la  Chine,  de  cette  «doulou- 
reuse histoire,  et  honteuse  pour  l'Europe»,  de  ce  «morne  récit 
presque  ininterrompu  d'agressions  sauvages  de  notre  part»  (p.  195) 
commence  par  l'envoi  des  missions  de  Plan  Carpin  et  de  Guillaume 
de  Rubrouck;  mais  l'auteur  n'a  pas  un  mot  de  réprobation  pour 
les  effroyables  massacres  auxquels  se  livraient  alors  les  hordes  mon- 
goles, et  qu'aucune  agression  occidentale  n'avait  cependant  provoqués. 
Je  suis  loin  d'approuver  l'incendie  du  Palais  d'Eté  eu  1860,  mais 
je  me  représente  cependant  l'indignation  des  alliés  dont  les  parle- 
mentaires avaient  été  lâchement  attirés  dans  un  guet-apens,  et  dont 
ils  retrouvaient  les  cadavres  mutilés  ou  les  survivants  torturés; 
M.  Hovelaque,  en  parlant  seulement  de  «mauvais  traitements»  in- 
fligés  aux  parlementaires  (p.  204),  me  paraît  bien  indulgent.  Quant 
au  soulèvement  des  Boxeurs  et  à  la  guerre  russo-japonaise,  les 
Légations  européennes  d'Extrême-Orient  n'ont  pas  montré  la  «sereine 
ignorance»  et  la  «merveilleuse  incompréhension»  dont  M.  Hovelaque 
les  accuse  (p.  221  et  224).  Elles  ont  averti  leurs  gouvernements, 
leur  ont  dénoncé  le  péril  imminent,  les  ont  adjurés  d'agir  pendant 
qu'il  était  encore  temps:  les  télégrammes  de  M.  Pichon  en  1900, 
ceux  de  nos  agents  diplomatiques  et  militaires  de  Tokyo  en  1904 
(sans  compter  ceux  du  ministre  russe  Roskn)  sont  là  pour  en  faire 
foi.  Ce  n'est  pas  la  faute  de  ces  agents  si  les  chancelleries  euro- 
péennes ne  les  ont  pas  écoutés. 

Je  suis  ainsi  en  désaccord  sur  bien  des  points  avec  mon  ami 
Hovelaque.  Mais  il  est  d'autres  parties  de  sou  livre  qui  me  parais- 
sent d'une  vue  plus  juste,  et  qui  répandront  dans  le  public  des 
idées  que  je  crois  saines.  Telle  cette  caractéristique  du  rôle  ancien 
de  la  Chine  dans  l'histoire  de  l'humanité  (p.  114):  «Elle  se  sentait. 


162  BULLETIN   CRITIQUE. 

et  elle  était,  infiniment  supérieure  aux  pays  qui  l'entouraient 

Son  incommensurable  orgueil  et  son  immobilité  s'expliquent  donc 
encore  par  là:  elle  n'a  reçu  de  partout  que  des  confirmations  de 
son  génie  propre  et  de  se  supériorité;  et  ce  fait  est  capital.  Elle 
se  croyait,  et  elle  était,  le  centre  de  son  monde,  et  la  plus  haute 
expression  de  l'humanité  de  son  Asie».  De  même  la  personnalité  et 
le  rôle  de  Confucius  sont  retracés  en  fort  bons  termes  (p. .132  — 141). 
Et  l'exposé  du  taoïsme  (p.  141  —  160),  moins  neuf  cependant  que 
l'auteur  ne  le  suppose,  est  finement  nuancé  et  joliment  exprimé  ^). 
Mais  c'est  surtout  dans  le  chapitre  relatif  à  l'art  (p.  166  —  194)  que 
son  sentiment  très  vif  et  déjà  ancien  des  choses  de  l'Extrême-Orient 
a  heureusement  servi  M.  Hovelaque  ^).  Les  lecteurs  de  la  Bibliothèque 
de  philosophie  scientifique  trouveront  là  des  notions  qu'ils  ne  pouvaient 
jusqu'ici  acquérir  que  dans  des  ouvrages  coûteux,  presque  tous  épuisés 
et  le  plus  souvent  rédigés  dans  des  langues  étrangères.  Je  me  demande 
parfois  si  une  certaine  révision  de  ces  notions  ne  s'imposera  pas 
par  la  suite.  La  prédominance  du  paysage  date  surtout  des  Song; 
mais  les  catalogues  anciens  nous  montrent  qu'avant  les  T'aug  et 
sous  les  T'ang,  la  peinture  de  portraits  et  de  scènes  tint  une  grande 
place.  Le  sentiment  artistique  de  la  nature  universelle  au  détriment 
de  celui  de  l'individu  est  dans  une  certaine  mesure,  à  mon  sens, 
un   phénomène  relativement  tardif. 

Les  appréciations  de  M.  Hovelaque  sur  la  situation  politique 
actuelle  de  la  Chine  me  paraissent  plus  justes  que  beaucoup  de 
celles  qu'il  porte  sur  son  passé.  Il  n'a  pas  tort  quand  il  qualifie  la 


1)  Mais  pourquoi  diable  opposer  à  Confucius,  homme  du  Nord,  Lao-tseu  «certainement 
originaire  du  Sud»  (p.  142)?  Les  traditions  relatives  à  Lao-tseu  sont  suspectes,  mais  toutes 
s'accordent  à  le  faire  naître  dans  l'extrême  Nord  du  Ngan-houei  actuel,  bien  au  Nord  du 
Fleuve  Bleu.  11  faut  ou  bien  s'y  tenir,  ou  admettre  que  nous  ne  savons  rien  de  Lao-tseu. 
Par  ailleurs,  les  arguments  de  M.  Giles  contre  l'authenticité  du  Too  to  king  ne  sont  pas 
tous  bons,  et  sa  discussion  n''est  pas  «sans  réplique»  (p.  142). 

2)  Je  signalerai  aussi  ce  que  M.  Hovelaque  dit  (p.  23)  de  Tinfluence  de  la  Chine  sur 
la  Hollande.  L'idée  vaudrait  d'être  poussée  et  vérifiée. 


BULLETIN   CRITIQUE.  163 

majorité  des  révolutionnaires  chinois  de  «babous»  (p.  232),  et  on 
ne  saurait,  sauf  quelques  honorables  exceptions  individuelle?,  mieux 
caractériser  le  chaos  où  se  débat  ce  malheureux  pays  que  par  cette 
phrase  de  la  page  259:  «En  réalité  la  Chine  n'est  ni  gouvernée, 
ni  représentée,  ni  renseignée:  une  poignée  d'intellectuels  primaires 
au  milieu  de  l'indiflFérence  et  de  l'inertie  générales  se  débat  contre 
une  poigoée  de  mandarins  et  de  militaires  corrompus  qui  défendent 
leurs  prébendes  en  dissipant  pareillement  les  ressources  de  la  Chine». 
Je  souscrirais  aussi  pour  ma  part  à  la  conclusion,  encore  qu'elle 
surprenne  peut-être  un  peu  après  le  reste  du  livre:  «Pour  l'Asie, 
notre  civilisation  est  matérielle,  laide,  inquiète,  inhumaine.  Soit.  Mais 
elle  vit:  et  les  plus  hautes  civilisations  de  l'Orient  ne  sont  guère 
que  de  belles  mortes».  Je  ne  doute  pas  d'ailleurs  qu'après  la  période 
de  transition  actuelle,  la  Chine  modernisée  ne  finisse  par  prendre 
dans  le  monde  une  place  eminente,  conforme  à  la  valeur  de  sa  race 
et  à  l'immensité  de  sa  population.  P.  Pelliot. 


BIBLIOGRAPHIE. 


LIVRES  NOUVEAUX. 

—   Bulletin  de  V Ecole  française  d' Extrême-Orient. 

T.  XIX,  n^  5.  —  H.  Maspero,  La  prière  du  bain  des  statues 
divines  chez  les  Cams  (donne  le  texte  cham  et  la  traduction  de  la 
prière  chantée  dans  les  sacrifices  à  la  déesse  Po  Nagar  pendant  la 
cérémonie  du  bain  de  la  déesse).  —  H.  Pabmëntier,  Sculptures  cames 
conservées  à  Hué  (inventaire  des  sculptures  déposées  au  Tân  Tho'-viên). 
—  N.  PÉRI,  A  propos  du  mot  sampan  (M.  Péri  écarte  les  etymologies 
malaise  et  chinoise  et  songe  à  une  origine  américaine  du  mot;  cette 
note  contient  des  renseignements  intéressants,  mais  la  preuve  n'est 
pas  faite;  p.  16,  la  relation  de  Mendez  Pinto  n'a  pas  paru  en  1540, 
mais  en  1614).  —  Bibliographie  (entre  autres,  analyses  critiques  par 
M.  Parmentier  des  travaux  de  E.  B.  Havell  sur  l'art  hindou; 
compte  rendu  important  par  M.  Maspero  des  Fêtes  et  chansons  an- 
ciennes de  la  Chine  de  M.  Granet).  ~  Chronique  (aux  p.  127—135, 
traduction  partielle  de  l'importante  leçon  d'ouverture  du  Dr.  N.  J. 
Krom,  De  Sumatraansche  Periode  der  Javaansche  Geschiedenis).  — 
Documents  administratifs. 

T.  XX,  n°  1.  —  N.  PÉki,  Etudes  sur  le  drame  lyrique  japonais 
no,  V.  C'est  une  suite  de  l'important  et  excellent  travail  dont  la 
publication  a  commencé  dans  le  Bulletin  en  1909  et  a  été  poursuivie 
en  1911,  1912  et  1913.  M.  Péri  traduit  ici  les  no  suivants:  1"  No 
de  Miwa  (p.  1-23);  2°  No  de  Tamura  (p.  25—47);  3°  Nô  d'Eguchi 


BIBLIOGRAPHIE.  165 

(p. '49— 73);  4"  No  du  Tcinufa  (p.  75-95);  5°  No  de  Matsuyama- 
Kagami  (p.  97  —  1 10).  [Nous  signalerons  les  petites  corrections  suivantes  : 
P,  75:  Le  texte  ne  parle  pas  du  pays  de  Yen,  mais  de  la  région  de 
^S  ^  Yen-jan;  c'est  précisément  là  que  se  trouvaient  les  Hiong-nou, 
et  il  n'y  a  pas  à  douter  que  la  poésie  de  l'empereur  Yang,  tout 
comme  le  no  du  kinuta,  vise  bien  Sou  Wou;  l'histoire  de  Sou  Wou 
était  très  populaire,  et  il  en  est  question  dans  plusieurs  manuscrits 
de  Touen-houang.  —  P.  101:  Au  lieu  de  Lou-k'ieou,  lire  ^^ 
Lu-tchou,  et  au  lieu  de  ^  ^  Tch'ao-wang,  lire  ^  ^,  «le  prince 
de  Tchao».  Sur  Lu-tchou,  cf.  Giles,  Biogr.  Diet.,  n»  1709;  B.E. 
F.E.'O.,  IX,  245,  et  J.  A.,  mai-juin   1914,  p.  517.] 

—  La  Géographie  de  sept.-oct.  1920  contient  (p.  209  —  234)  un 
article  intitulé  La  Chine  au  Thibet,  que  l'auteur,  le  Père  Gore,  date 
de  Tatsienlou,  1®^  décembre  1919.  Les  conditions  dans  lesquelles 
l'auteur  a  dû  travailler  feront  excuser  les  erreurs  de  faits,  de  noms, 
de  dates,  qui  marquent  l'exposé  des  relations  anciennes  de  la  Chine 
et  du  Tibet;  pour  l'époque  contemporaine,  l'article  est  plein  de  don- 
nées intéressantes. 

Vient  de  paraître  (septembre  1920):  Sêr  Marco  Polo  Notes  and 
Addenda  to  Sir  Henry  Yule's  Edition,  containing  the  Results  of 
Recent  Research  and  Discovery  by  Henri  Cokdier.  .,  With  Frontis- 
piece. London,  John  Murray,   1920,  in-8,  pp.  x— 161. 

Nous  avons  reçu  des  Douanes  Maritimes  Chinoises:  Returns 
of  Trade  and  Trade  Reports  1919.  —  Part  I.  —  Report  on  the 
Trade  of  China,  and  Abstract  of  Statistics.  [Le  revenu  total  de  1919 
était  de  Hk.  Tis.  46.009.160;  le  change  était  Haikouan  tael  = 
10  fr.  12  =  Mex.  dollar  1.68.  La  population  étrangère  en  Chine 
était  350.991  dont  171.485  Japonais,  148.170  Russes,  13234  Anglais, 
6660  Américains,  4409  Français,  2390  Portugais,  etc.]  —  Part  II.  — 

13 


166  BIBLIOGRAPHIE. 

Port  Trade  Statistics  and  Reports.  —  Vol.  I.  —  Northerji  Ports 
{Aigun  to  Kiaochow).  [Carte:  Rectification  of  Haiho  Entrance  and 
Proposed  Reclamation  of  North  Flat.] 

Part  III.  —  Analysis  of  Foreign  Trade.  —  Vol.  I.  —  Imports. 
[1919:  Importations  nettes,  Hk.  tis.  646.997.681.]  -  Vol.  IL  - 
Exports  (with  Appendix).  [1919:  Exportations,  Hk.  tls.  630.809.411.] 

—  List  of  Lighthouses,  Light- Vessels,  Buoys,  and  Beacons  on  the 
Coast  and  Rivers  of  China,  1920.  (Corrected  to  1st  December  1919). 
[On  comptait  1474  feux  de  toute  espèce,  dont  189  phares.] 

Des  modifications  expliquées  dans  la  circulaire  suivante  ont  été 
apportées  dans  la  publication  des  rapports  des  Douanes  chinoises; 

CHINESE  MAEITIME  CUSTOMS. 

NEW    SYSTEM   OF    PUBLISHING   ANNUAL    AND    QUARTERLY 
STATISTICS    OF   TRADE. 

In  pursuance  of  instructions  received  from  the  Inspector  General 
of  Customs  a  nevs^  system  of  rendering  and  publishing  the  trade 
statistics  which  are  compiled  and  issued  by  the  Maritime  Costoms 
Service  has  been  inaugurated,  beginning  with  the  Trade  Returns 
for  March  quarter  1920. 

Th«  more  important  changes  which  have  been  introduced  are, 
as  regards  the  Annual  Returns,  the  elimination  of  the  former  Part  II, 
the  volume  in  which  the  annual  statistics  of  each  port  have  hitherto 
been  brought  together;  and,  as  far  as  the  Quarterly  Returns  are 
concerned,  the  discontinuance  of  publication  of  the  quarterly  returns 
of  all  the  ports  in  one  combined  bound  volume.  Hereafter,  the  latter 
will  be  issued  as  separate  pamphlets  only,  one  for  each  port,  and 
published  separately  as  soon  after  the  close  of  each  successive  quarter 
as  possible.  The  opportunity  has  been  taken  to  improve  the  arrange- 
ment of  the   various   tables  published  in  the  Returns,  and  a  com- 


BIBLIOGRAPHIE.  167 

parative  column  has  been  added  to  the  tables  of  the  June,  Septem- 
ber, and  December  quarters  showing  cumulative  figures  from  the 
1st  January  to  the  end  of  the  quarter  concerned  for  the  current 
and  two  preceding  years.  The  December  quarter  pamphlet,  moreover, 
will  also  include  the  Annual  Trade  Report  in  English  and  Chinese 
of  the  port  concerned  and  certain  annual  tables.  It  will  thus  be  seen 
that  the  December  quarter  returns  will  contain  all  the  information 
hitherto  published  in  Part  II  of  the  annual  volume,  which  will 
therefore  cease  to  be  issued.  No  modifications  are  contemplated  in 
the  former  Part  III,  which  will  hereafter  become  Part  11.  It  is 
expected  that  the  changes  explained  above  will  considerably  advance 
the  date  of  publication  of  the  quarterly  and  annual  trade  statistics. 
A  list  of  the  Customs  statistical  publications  as  they  will  hereafter 
be  issued,  and  the  prices  at  which  they  are  for  sale,  follows  hereunder: 

ANNUAL:  TRADE  OF  CHINA. 
Part  I.  —  Report  on  the  Trade  of  China  and  Abstract  of  Statistics.  One 

volume.  Price  $  2. 
Part  II.  —  Analysis  of  Trade  (formerly  Part  III).  Two  volumes.  Price  $  3  per 
volume. 

Vol.  I.  —  Imports. 

Vol.  II.  —  Exports.  Appendix:  Imports  and  Exports  grouped  according 
to  the  plan  adopted  by  the  Brussels  International  Conference  on 
Commercial  Statistics. 

QUARTERLY:  TRADE  OF  EACH  PORT. 
Issued  in  separate  port  pamphlets  containing  quarterly  tables  for  I. —  Imports, 
II. — Exports,  III. — Re-exports,  with  figures  for  the  corresponding  quarter  of  the 
preceding  year,  and  IV. — Special  :  Tea,  Silk,  etc. 

i.  January-March.  | 

2.  April-June.  Price  $0.10  per  pamphlet. 

3.  July-September.  1 

4.  October-December.  Pi-ice  $  0.50  per  pamphlet. 

The  Quarterly  Returns  mentioned  under  Nos.  2,  3,  and  4  give  also  the 
cumulative  figures  from  the  Ist  January  to  the  end  of  the  quarter  concerned 
for  the  current  and  two  preceding  years.  No.  4  contains,  in  addition,  the  Annual 
Trade  Report  in  English  and  Chinese  and  the  following  annual  tables  : 
I.— Revenue,  II.— Shipping,  III.— Values,  IV.— Inland  Transit,  V.— Treasure,  VI.— 
Passenger  Traffic,  and  VII.-  Special,  with  comparative  statistics  for  10  years. 

Inspectorate  General  of  Customs, 
Statistical  Department, 

Shanghai,  14th  May  1920. 


168  BIBLIOGRAPHIE. 

Nous    avons    reçu    le    Rapport  de    V Administration    des   Postes 

chinoises  pour  Vannée  1919.  Nous  y  relevons  le  chifiFre  de  la  popu- 
lation de  la  Chine: 

Pe  King  4.014.619 

Tche  Li  30.172.092 

Chan  Si  11.080.827 

Ho  Nan  30.831.909 

Chen  Si  9.465.558 

Kan  Sou  5.927.997 

Sin  Kiang  2.519.579 

Mandchourie  13.701.819 

Chan  Toung  30.803.245 

Se  Tch'ouan  49.782.810 

Hou  Pe  27.167.244 

Hou  Nan  28.443.279 

Kiang  Si  24.466.800 

Kiang  Sou  28.235.864 

Chang  Haï  5.550.200 

Ngau  Houei  19.832.665 

Tche  Kiang  22.043.300 

Fou  Kien  13.157.791 

Kouaug  Toung  37.167.701 

Kouang  Si  12.258.335 

Yun  Nan  9.839.180 

Kouei  Tcheou  11.216.400 


Total     427.679.214 

1  Hién  dans  le  Mongolie  dans  le  district  de  Pe  King,  3  Hien 
dans  le  district  de  Mandchourie  et  le  Tibet  ne  sont  pas  compris 
dans  ces  chiffres,  faute  de  renseignements. 

En  tête  vue  de  la  poste  de  Tsi  Nan,  Chan  Toung. 


BIBLIOGRAPHIE.  169 

PUBLICATIONS  PÉRIODIQUES. 

Le  JoKrnal  of  the  North  China  Branch  of  the  Royal  Asiatic 
Society  Vol.  LI  — 1920  renferme:  Proceedings.  —  The  Relations  of 
Chinese  and  Siamese.  By  W.  Clifton  Dodd.  —  Greek  and  Chinese  Art 
Ideals.  By  Arthur  Stanley.  —  Destiny,  Fate.  By  Evan  Morgan.  — 
China's  Petrified  Sun-Rays.  By  Herbert  Chatley.  —  Chinese  Ideas 
of  Antiques.  By  Rev.  J.  Hudson.  —  Names  and  Nicknames  of  the 
Shanghai  Settlements.  By  George  Lanning.  —  Cldnese  Poetry  and  its 
connotations.  By  Florence  Ayscough.  —  Notes  on  the  Agriculture, 
Botany  and  the  Zoology  of  China.  By  B.  W,  Skvortzow.  —  A  Chinese 
Life  of  Mohammed.  By  Isaac  Mason.  —  Reviews  of  Recent  Books.  — 
Notes  and  Queries.  —  Additions  to  the  Library.  —  List  of  Members, 

Journal  asiatique: 

Janvier— mars  1920:  P.  5—54:  Suite  de  l'important  travail  de 
M.  Przyluski  sur  Le  Parinirväna  et  les  funérailles  du  Buddha.  L'auteur 
étudie  cette  fois  l'évolution  des  traditions  des  diverses  écoles  au  sujet 
du  rituel  des  funérailles  du  Buddha  [P.  18,  lire  fen  au  lieu  àe  fan 
reproduit  d'après  Nanjiö.  —  P.  27  et  28:  le  nom  du  Makuta- 
bandhana  semble  devoir  être  interprété  au  passé:  «ont  attaché» 
et  non  «attachent».  —  P.  39,  1.  1  et  n.  1  :  La  forme  donnée  en 
note  ne  peut  répondre  phonétiquement  à  susthânï  ;  la  restitution 
théorique  serait  *susarjanî.  Il  faut  remarquer  d'ailleurs  que  la 
citation  du  dictionnaire  d'Eko  (pourquoi  Ekko?)  ne  paraît  pas  se 
rapporter  au  texte  utilisé  ici  par  M.  Przyluski.  Pour  l'alternance 
kapilä  et  kapittha  des  pp.  38— 39,  cf.  T'oung  Pao,  1912,  p.  356. 
Toutes  ces  transcriptions  du  Pan  ni  yuan  king  sont  d'ailleurs  faites 
sur  des  formes  prâcrites  ou  iranisantes  et  mériteraient  une  étude 
spéciale.  —  P.  39,  n,  3:  Cette  note  ne  me  paraît  pas  très  exacte. 
Il  n'est  pas  sûr  que  le  titre  de  Chan  song  p'i  ni  siu  soit  à  préférer 


170  BIBLIOGRAPHIE. 

à  celui  donné  par  Nanjiö,  n°  1144.  D'autre  part,  Nanjiô,  dans 
App.  II,  44,  a  modifié  sa  restitution  antérieure  do  titre  sanscrit  en 
Sarvästivädavinayanidäna.  La  traduction  n'a  pas  dû  être  exécutée 
«entre  409  et  410»,  puisqu'elle  doit  être  postérieure  à  la  mort  de 
Kumarajïva,  laquelle  se  place  en  413  (cf.  T'oMn^  Pao,  1912,  p.  392); 
c'est  donc  entre  413  et  418  que  la  traduction  dut  être  effectuée  par 
Vimalâksa  (je  ne  vois  pas  de  raison  de  garder  la  forme  Vimalâksas 
de  Nanjiö).  Enfin  la  traduction  de  Vimalâksa  comprend  non  seule- 
ment un  ksudraka  varga  et  un  nidâna,  mais  en  outre  une  première 
partie,  la  plus  considérable,  qui  est  un  ^  ^  fa-p'in.].  —  P.  55—88: 
Le  cyoh  des  douze  animaux  et  le  symbolisme  cosmogonique  des  Chinois^ 
par  L.  de  Saussure.  L'auteur  y  reprend,-  d'une  façon  plus  systéma- 
tique que  dans  ses  travaux  antérieurs,  son  argumentation  en  faveur 
de  l'origine  chinoise  du  cycle  des  douze  animaux.  [Je  n'ai  jamais 
cru  pour  ma  part  à  l'origine  «turque»  de  ce  cycle  proposée  par 
Chavanues,  et  les  arguments  de  M.  de  Saussure  sont  impressionnants. 
On  reste  parfois  un  peu  inquiet  de  le  voir  si  bien  tout  expliquer, 
mais  je  crois  l'ensemble  de  son  raisonnement  solide.  Il  reste  toutefois 
à  rendre  compte  des  similitudes  apparentes  qui  existent  entre  le 
cycle  des  douze  animaux  et  les  listes  occidentales  étudiées  par 
M.  Boell.  En  outre,  M.  de  Saussure  est  amené  (p.  86—87)  à  ac- 
corder à  la  liste  des  mois  turcs  anciens  donnée  par  Al-Bîruni  une 
antiquité  qui  paraît  historiquement  assez  peu  vraisemblable.  — 
P.  66,  note:  «Tcheng  tong»  est  une  inadvertance  de  Biot,  Tcheou  H, 
p.  Lx;  il  faut  lire  ^  ^  Tcheng  Tchong,  comme  Biot  l'écrit  cor- 
rectement partout  ailleurs,  par  ex.  pp.  xv,  xx,  lxi.  —  P.  81,  82 
et  86:  Le  Chouo  wen  n'est  pas  du  1®^  siècle,  mais  du  IP;  il  ne 
faut  user  qu'avec  prudence  du  Kia  yu  qui,  dans  son  état  actuel, 
est  un  faux  du  IIP  siècle.].  —  P.  96  —  100:  Note  où  M.  Coedès 
fixe  entre  1115  et  1180  la  construction  d'Angkor-Vat.  -  P.  107-109: 


BIBLIOGRAPHIE.  171 

Traduction    d'une   note   de  1918  de  M.  A.  I.  Ivanov  sur  les  textes 
si-Ma  conservés  à  Petrograd. 

Avril— juin  1920:  P.  115  —  185:  A  propos  des  Comans,  par 
P.  Pbl[.iot  [article  écrit  en  partant  du  livre  de  Bang  et  Marquart, 
Osttürkische  Dialektstudien,  Berlin,  1914.].  —  P.  205  —  232:  Le 
proto-chinois,  langue  flexionnelle,  par  B.  Karlgren,  [L'auteur  étudie 
l'emploi  des  pronoms  dans  les  classiques,  et  conclut  qu'ils  doivent 
avoir  eu  primitivement  une  forme  nominative-génitive  et  une  forme 
régime.  Peut-être  le  titre  de  l'article  dépasse-t-il  toutefois  en  portée 
ce  qui  résulterait  à  soi  seul  de  cette  constatation.]  —  P.  233—245: 
Les  origines  de  la  dynastie  de  Sukhodaya,  par  G.  Coedès.  [On  n'at- 
teignait jusqu'ici  la  dynastie  de  Sukhodaya  qu'à  la  fin  du  XIII®  siècle, 
par  l'inscription  de  Rama  Kamhëog.  M.  Coedès  étudie  ici  une  in- 
scription provenant  sans  doute  de  Sukhodaya  et  qui  doit  être  de  la 
première  moitié  du  XTV®  siècle;  elle  donne  des  renseignements  in- 
téressants sur  la  manière  dont  Indräditya,  le  père  de  Rama  Kamhêug, 
se  rendit  indépendant  du  Cambodge.] 

Journal  of  the  R.  As.  Society: 

Janvier  1920:  P.  1  —  19:  To  the  East  of  Samatata,  par  Prof. 
Padmanath  Bhattacharya.  L'auteur  y  propose  de  nouvelles  identi- 
fications, absolument  inadmissibles,  pour  les  états  que  Hiuan-tsang 
nomme  dans  la  péninsule  indochinoise.  —  P.  31  —  48:  Suite  du  tra- 
vail de  M.  J.  Kennedy  sur  The  Aryan  Invasion  of  Northern  India. 

Avril  1920:  P.  185  —  192:  The  Historical  Position  of  Rämänanda, 
par  J.  N.  Farquhar.  Au  lieu  des  dates  1299  —  1410  généralement 
indiquées  pour  Râmânanda,  l'auteur  propose  circa  1400—1470.  — 
P.  193—219:  The  Kharosthi  Alphabet,  par  R.  D.  Banerji  [Est  en 
général  en  faveur  des  opinions  de  Bühler  et  de  Thomas  contre  celles 
de  Smith.  —  P.  193:  au  lieu  de  <^ Fa-wan-shu-lin-» ,  lire  en  transcription 
anglaise  Fa-yuan-chu-lin.   —   P.  194:  la  référence  de  la  n.  3  repose 


172  BIBLIOGRAPHIE. 

sur  une  confusion;  il  faut  lire  340  au  lieu  de  191.  —  Les  planches 
annoncées  p.  219  n'ont  pas  paru.  —  A  propos  des  formes  «kharosthï 
ou  kharostrï»  de  la  p.  193,  je  voudrais  signaler:  l''  Que  la  resti- 
tution *kharo8tra  de  M.  S.  Levi  (ou  plutôt  *kharostraka,  *kharostrag) 
est  seule  en  accord  avec  la  forme  chinoise  k'ia-lou-chou-ta-lo  de 
Houei-yuan  (cf.  B.E.F.E.-O.,  III,  479-480),  ce  qui  ne  veut  pas 
dire  que  la  forme  vraisemblablement  iranisante  indiquée  par  Houei- 
yuan  doive  nécessairement  l'emporter  sur  l'autre;  2^  que  pour  ex- 
pliquer kharostrag,  il  y  a  peut-être  lieu  de  se  rappeler  que,  dans  la 
langue  de  l'Avesta,  on  a  aostra-  à  côté  de  aoêta-  pour  «lèvre»; 
3^  que,  dans  les  discussions  sur  kharosthi  ou  kharostri,  on  a  omis, 
je  ne  sais  pourquoi,  de  faire  intervenir  la  forme  Kharustr  de 
Mekhitar  d'Aeriwank  que  Vasil'ev  avait  déjà  rapprochée  de  Kharostha 
(cf.  Schiefner,  WassUjevis  Vorrede  zu  seiner  russ.  Uebersetzung  von 
Târanâtha^  p.  30—31  ;  Weber,  Hist,  of  Indian  Literature*^  p.  248)].  — 
P.  223  —  226:  Invasion  of  the  Panjab  by  Ardashir  Päpakän  {Bäbagän), 
the  first  Sassanid  King  of  Persia,  A.D.  226 — 41^  par  Vincent  A.  Smith 
(à  propos  d'un  passage  de  Firista  et  d'une  monnaie  kusan  dont  le 
revers  porterait  un  motif  sassanide  frappé  après  coup).  —  P.  227  —  229: 
Identification  of  the  ^Ka-p'i-li  country t»  of  Chinese  Authors,  par 
Vincent  A.  Smjth  [L'auteur  accepte  comme  «presque  sûrement 
correcte»  l'explication  que  lui  a  proposée  le  lieutenant-colonel 
Alban  Wilson  et  selon  laquelle  «Ka-p'i-li»  serait  la  région  de  la 
Kopili  River  dans  l'Assam,  et  le  roi  ^  ^  Yue-ngai  serait  un 
hypothétique  roi  Khasia  U-Ai.  Il  n'y  a  rien  à  retenir  de  ces  équi- 
valences. Le  chinois  Kia-p'i-li  ramène  à  *Kaviri  ou  *Kavili,  et  rien 
ne  pousse  à  le  chercher  dans  l'Assam,  bien  au  contraire;  quant  à 
Yue-ngai,  c'est  sûrement  une  traduction  (Candragupta?)  et  non  une 
transcription.]. 

Juillet  1920:  P.  319-324:   Taxila  Inscription  of  the  year  136, 
par  EàMàpkasad   Chanda.    Nouvelle   étude   sur   le   mot  ayasa  qui  a 


BIBLIOGRAPHIE.  173 

été  l'objet  de  tant  de  discussions  depuis  que  Sir  John  Marshall  a 
publié  l'inscription  pour  la  première  fois  dans  le  J.R.A.S.  de  1914.  — 
P.  392  —  396:  Nécrologies  de  Vincent  Arthur  Smith  (1848-1920) 
et  de  James  Kennedy. 

Octobre  1920:  P.  447  —  452:  Hiuan-tsang  aud  the  Far  East,  par 
Louis  FiNOT.  Réfutation  des  hypothèses  invraisemblables  proposées 
par  M.  Padmanath  Bhattacharya  dans  le  n*^  de  janvier  du  XZ2.-4.<S.  — 
P.  453 — 479:  On  the  Representation  of  Tones  in  Oriental  Languages, 
par  Sir  George  Griekson.  Cet  ingénieux  système  sera  employé  avec 
avantage  dans  les  travaux  de  linguistique  comparative  entre  les 
diverses  langues  polytouiques.  —  P.  517  —  533:  The  Shahbandor  in 
the  Eastern  Seas,  par  W.  H.  Moreland,  Intéressante  étude  sur  les 
différentes  valeurs  de  cet  ancien  titre;  l'auteur  montre  que  l'expli- 
cation usuelle  par  «maître  de  port»  n'est  qu'une  acception  entre 
plusieurs.  —  P.  591  —  596:  A  propos  de  l'article  de  M.  Farquhar 
sur  Rämänaada,  Sir  G.  Grierson  montre  que  Râmânanda  ne  venait 
pas  du  Sud  de  l'Inde,  mais  dut  naître  à  Allahabad.  —  P.  667—674: 
Nécrologies   de   Sir  Charles  James  Lyall,  de  Henri  Louis  Joly,  de 

KaRABAOEK,    de    SaTISCANDRA    VlDYâBHÛSANA. 

The  Geographical  Journal: 

Août  1920,  p.  124-128:  A  Note  on  the  Topography  of  the 
Nun  Kun  Massif  in  Ladahh,  par  le  Major  Kenneth  Mason  [montre, 
contrairement  aux  dires  de  M^^  Bullock  Workman,  que  le  Survey 
of  India  avait  correctement  indiqué  les  hauteurs  relatives  des  trois 
principaux  pics  du  massif].  —  P.  149  —  150:  Bonne  nécrologie,  par 
A.  E.  Hippisley,  du  D''  George  Ernest  Morrison  [mais  il  est  faux 
que  le  colonel  Shiba  ait  été  mortellement  blessé  lors  du  siège  des 
Légations  en   1900]. 

Septembre  1920,  p.  183-195:  The  valleys  of  Kham,  par  P.  Kingdon 
Ward  [l'auteur,  s'appuyant  sur  son  voyage  dans  le  Nord-Ouest  du 


174  BIBLIOGRAPHIE. 

Yunnan,  insiste  sur  l'importance  de  la  chaîne  qui  sépare  le  Mékong 
de  la  Salouen  au  point  de  vue  des  limites  de  la  flore  et  de  la  faune 
tropicales  d'une  part,  et  de  celles  de  la  Chine  de  l'autre.  Au  point 
de  vue  des  routes  commerciales,  l'auteur  a  raison  de  dire  que  le 
commerce  ne  s'est  pas  exercé  par  le  Nord-Ouest  du  Yunnan  vers 
la  Birmanie  et  1' Assam,  mais  il  paraît  ne  pas  soupçonner  l'impor- 
tance historique  des  anciennes  communications  de  la  Chine  et  de  la 
Birmanie  par  le  Sud-Ouest  du  Yunnan]. 

Novembre  1920,  p.  416—418,  compte  rendu  par  C.  Raymond 
Beazley  du  dernier  ouvrage  où  M.  H.  Vignauld  a  résumé  ses 
recherches  sur  Christophe  Colomb.  M.  Beazley  admet  que  M.  Vignauld 
a  eu  raison  de  nier  que  Toscanelli  soit  pour  rien  dans  les  découvertes 
de  Colomb,  mais  ne  rejette  pas  la  possibilité  d'un  voyage  fait  par 
Colomb  en  1477  en  Islande,  où  il  aurait  pu  entendre  parler  des 
anciens  voyages  Scandinaves,  et  eu  tout  cas  maintient  contre  M. 
Vignauld  que  Colomb,  comme  il  le  dit  lui-même,  a  découvert 
l'Amérique  en  voulant  gagner  le  Cathay,  le  Japon  et  les  Indes. 

The  New  China  Review,  t.  II: 

Février  1920:  P.  1—24:  Tke  romance  of  an  Emperor,  1®"^  article, 
par  R.  F.  Johnston.  —  P.  25  —  36:  A  poet  of  the  2nd  Cent.  B.C., 
par  H.  A.  Giles.  [C'est  une  nouvelle  traduction  de  poèmes  de 
/|^  ^  Mei  Cheng;  M.  Giles  l'oppose  à  celle  qui  en  avait  été 
donnée  antérieurement  par  M.  Waley.  En  réalité,  je  ne  crois  pas 
qu'on  puisse  traduire  utilement  ces  textes  anciens  sans  un  commen- 
taire détaillé.  Tantôt  la  version  de  M.  Waley,  et  tantôt  celle  de 
M.  Giles  sont  en  accord  avec  le  commentaire  de  ces  poèmes  donné 
au  VIP  siècle  dans  le  ch.  29  du  Wen  sinan.  Bien  d'autres  travaux 
ont  paru  depuis  lors.  Il  y  a  là  des  diflBcultés  de  détail  qu'une  simple 
afiGrmation  de  l'un  ou  de  l'autre  ne  sufiBt  pas  à  trancher.]  — 
P.  37—43:    Chinese   and  Sumerian,   par   le   Rev.  Hugh  W.  White. 


BIBLIOGRAPHIE.  175 

[La  tendance  de  cet  article  est  de  montrer  non  seulement  que 
l'écriture  suraérienne  et  l'écriture  chinoise  sont  apparentées,  comme 
le  soutient  le  Rev.  C.  J.  Bail,  mais  qu'il  faut  probablement  ramener 
à  la  même  origine  commune  l'écriture  égyptienne  et  l'écriture  hittite. 
Il  m'entraînerait  trop  loin  de  dire  ici  les  raisons  de  priucipe  qui 
rendent  jusqu'ici  une  telle  thèse  ruineuse.  Parmi  les  exemples  par- 
ticuliers cités  ici,  celui  de  !la  loan  est  vraiment  mauvais;  quant  à 
|5L,  je  ne  pense  pas  qu'on  doive  le  considérer  comme  formé 
directement  de  trois  éléments,  mais  seulement  de  deux,  fl^  et  ^L  » 
dont  le  premier  était  déjà  un  signe  complexe.]  —  P.  44  —  68:  Fin 
du  travail  du  P.  H.  Doré  sur  Le  grand  pèlerinage  bouddhique  de 
Lang-chan  et  les  cinq  montagnes  de  Tong-tcheou,  [Il  s'agit  de  ^^  j^ 
T'ong-tcheou  du  Kiang-sou;  la  description  de  ce  panthéon  populaire 
est  curieuse.  —  P.  49:  Le  sens  primitif  de  ^  ^  louen-tsang  ne 
doit  pas  être  «roue  de  la  Loi»,  mais  ^Tripitaka  tournant».  — 
P.  52:  'fl/n  ^  k'ie-lan  est  en  principe  sanghäräma  et  non<Kalanda».  — 
P-  53:  ^  jp[  ts'eu-hang  est  la  «barque»  et  non  r«île»  de  la  miséri- 
corde. —  P.  54:  Je  doute  de  l'explication  de  Fa-tsiu-ngan  ;  les  trois 
«divinités»  en  question  sont  en  réalité  taoïques.]  —  P.  69—88: 
Suite  du  travail  du  Rev.  J.  Hutson,  Chinese  Life  on  the  Tibetan  foothills 
[Renseignements  intéressants  sur  les  sociétés  secrètes  au  Sseu-tch'ouan  ; 
à  la  p.  71,  une  invraisemblable  erreur  où  les  conjurés  du  «jardin 
des  pêchers»  (II®  siècle  A.D.)  sont  représentés  comme  en  lutte 
avec  les  T'ang  (VIP  siècle).]  —  P.  89-98:  The  Japanese- Chinese 
Question,  par  E.  H.  Parker. 

Avril  1920:  P.  109-136:  Important  article  de  B.  Laufer  sur 
Multiple  births  among  the  Chinese.  M.  Laufer  y  relève  les  cas  de 
gémellatiou  de  trois,  quatre,  six  et  même  sept  jumeaux  qu'il  a  relevés 
dans  les  textes  chinois.  —  P.  137—153:  A  note  on  the  Tung  lo  ta  tien, 
par  Lionel  Giles  [M.  Giles  y  donne  un  historique  de  cette  immense 
encyclopédie  et  décrit  26  volumes  qu'il  a  examinés  personnellement. 


176  BIBLIOGRAPHIE. 

Son  étude  est  à  joindre  à  celle  de  M.  Aurousseau  dans  B.E.F.E.-O.^ 
XII,  IX,  79  —  87.  Les  volumes  du  D^  Morrison  dont  parle  M.  Aurousseau 
doivent  être  aujourd'hui  au  Japon,  chez  le  baron  Iwasaki;  l'un  deux 
est  important  en  ce  qu'il  contient  la  section  j^  3^  tsao-yun,  ou 
des  «transports  par  eau»,  copiée  du  ^  j^^  ^  Ä  King  che  ta  tien, 
encyclopédie  de  l'époque  mongole  aujourd'hui  perdue.  Les  ch.  485 
et  486  du  Yong  lo  ta  tien,  contenant  un  ;^  ^  Tchong  tchouan 
illustré  inconnu  jusqu'ici,  ont  été  reproduits  en  1916  au  l®'*  tsi  du 
S  ^  tt  Ä  ^  ^^^  A"  ^^OM  pi  hi.  M.  Lo  Tchen-yu  a  édité 
dans  son  ^  ^  J^  ^J  Siue  Vang  ts'ong  k'o  le  texte  du  ^:k  ||j^  Q 
Ngao  po  t'ou  ou  ^Traité  illustré  sur  les  salines'»  de  |^  ^  Tch'en 
Tch'ouen  des  Yuan,  qui  avait  été  copié  dans  le  Yong  lu  fa  tien 
par  la  «Cour  de  peinture»  de  la  dynastie  mandchoue;  depuis,  il  a 
reproduit  en  fac-similé  dans  le  1®'  tsi  de  son  ^  ^  'p'  ^  ^ 
Ki  che  ngan  ts'ong  chou  l'albura  même  établi  par  la  «Cour  de  peinture», 
texte  et  planches.  Enfin,  dans  le  4®  tsi  de  ce  même  Ki  che  ngan 
ts'ong  chou,  il  a  reproduit  les  ch.  14628  et  14629  du  Yong  lo  ta  tien, 
contenant  une  portion  du  ^^^^^^  Li  pou  t'iao  fa  des  Song, 
d'après  l'exemplaire  qui  était  venu  en  la  possession  de  M.  Tomioka. 
Bien  que  le  Yong  lo  ta  tien  n'ait  jamais  été  imprimé  entièrement, 
l'édition  en  fut  peut-être  commencée  sous  les  Ming  (cf.  B.E.P. 
E.-O.,  IX,  829).  On  sait  qu'un  grand  nombre  d'ouvrages  extraits 
au  XVIIP  siècle  du  Yong  lo  ta  tien  ont  été  incorporés  aux  éditions 
du  Wou-ying-tien  ;  mais  beaucoup  d'autres  ainsi  extraits  à  cette 
époque  sont  restés  alors  inédits;  ou  en  trouvera  la  liste  au  ch.  5 
du  Hoitei  k'o  chou  mou.  Depuis  lors,  un  certain  nombre  d'autres 
œuvres  ont  été  extraites  du  Yong  lo  ta  tien,  en  particulier  par 
l'érudit  Siu  Song.  Les  unes  ont  été  publiées,  d'autres  sont  restées 
inédites  comme  les  chapitres  du  King  che  ta  tien  sur  les  Jamci 
(stations  postales)  dont  une  copie  manuscrite  est  au  Musée  Rumyancov 
de  Moscou,  et  le  ^^j^  1^  ^  Song  houei  yao,  dont  l'édition,  longtemps 


BIBLIOGRAPHIE.  177 

différée,  a  peut-être  aujourd'hui  paru  à  Changhai.  La  meilleure  notice 
indigène  que  je  connaisse  sur  le  Yong  lo  ia  lien  est  celle  de  M. 
Miao  Ts'iuau-souen,  au  ch.  4  de  son  ^  ^  ^  ^  ^  ^  Yi  fong 
fang  wen  siu  tsi;  nul  sinologue  ne  l'a  utilisée  jusqu'ici.  Il  y  aura 
lieu  de  traduire  intégralement  la  notice  du  Catalogue  impérial  que 
M.  Giles  n'a  fait  qu'analyser  brièvement,  et  d'utiliser  les  informations 
supplémentaires  de  M.  Miao  Ts'iuan-souen.  D'après  ce  dernier,  le 
premier  édit  de  compilation  est  du  9®  mois  de  1403,  au  lieu  que 
M.  Giles,  d'après  le  Catalogue  Impérial,  indique  le  7®.  Le'Mitig  che 
ne  fournit  aucune  indication  à  ce  sujet,  ni  dans  les  «annales  prin- 
cipales», ni  dans  le  chapitre  sur  la  littérature;  mais  on  devrait 
retrouver  la  trace  de  l'édit,  et  peut-être  sou  texte,  dans  les  che-lou 
de  Yong-lo,  dont  un  manuscrit  se  trouve  à  Cambridge.  M.  Miao 
Ts'iuan-souen  termine  son  article  par  la  liste  des  365  ouvrages 
provenant  du  Yong  lo  ta  tien  et  qui  ont  été  incorporés  au  Sseu- 
k'ou-ts'iuan-chou,  et  des  106  ouvrages  qui  ont  été  seulement  l'objet 
d'une  notice  critique  dans  la  section  ts'ouen-mou  du  Catalogue  im- 
périal.'] —  P.  154  —  179:  Suite  du  travail  du  Rev.  J.  Hutson, 
Chinese  Life  on  the  Tibetan  foothills.  [Donne  sur  les  châtiments  et 
l'appareil  de  la  justice  des  détails  dont  beaucoup  ne  se  trouvent  pas 
ailleurs.]  —  P.  180  —  194:  The  romance  of  an  Emperor,  par  R.  P. 
Johnston  {suite  et  fin).  [Le  Rev.  Cornaby  avait  étudié  dans  la 
New  China  Revieio,  I,  329—339,  la  tradition  selon  laquelle  l'empe- 
reur Chouen-tche  ne  serait  pas  mort  en  1661,  mais  se  serait  fait 
moine  au  Wou-t'ai-chan,  d'aucuns  disent  au  T'ien-t'ai-sseu  non  loin 
de  Pékin;  c'est  cette  tradition  qui  serait  à  la  base  du  fameux  roman 
Hong  leou  mong.  Le  travail  de  M.  Johnston,  richement  documenté 
et  très  sainement  mené,  montre  qu'il  n'y  a  pas  à  s'arrêter  à  cette 
légende.  Il  s'appuie  surtout  sur  les  témoignages  chinois,  mais  in- 
voque aussi  le  silence  des  missionnaires  qui  vivaient  alors  près  de 
la  Cour.  A  ce  point  de  vue,  il  y  eût  eu  intérêt  à  consulter  V Histoire 


178  BIBLIOGRAPHIE. 

de   la    Chine  sous  la  domination  des  Tartares  du  P.  Greslon  (1671), 
dont   le   manuscrit  autographe,  écrit,  semble-t-il,  en  1668,  est  à  la 
Bibliothèque    Nationale,   fonds   français,    n*'  14688.    On  y  trouve  la 
mention   d'un   fait   qui  a  dû  jouer  un  rôle  dans  l'élaboration  de  la 
légende.    En    1659,    Chouen-tche   fit  demander  par  tout  l'empire  de 
belles    filles    pour   son  gynécée,  et  son  parent  Tong  Kouo-k'i,  alors 
en    fonctions    au    Tchö-kiang,    lui    en    envoya    une   dont   on    disait 
merveille,  mais  qui  fut  trouvée  enceinte  quand  elle  arriva  au  palais. 
Il    est   fort    possible,    malgré   la   règle    à   laquelle   M.  Johnston  fait 
allusion  p.  10,  que  cette  femme  ait  été  chinoise.    On  sait  par  Kao 
Che-k'i  que  K'ang-hi  eut  une  concubine  chinoise  dont  un  mission- 
naire  fit   le   portrait  (cf.  B.E.F.E.-O.,  XII,  ix,  96-97),  et  la  fa- 
meuse ^  ^  ^ß  Hiang-kouei-fei  de  K'ien-long,  originaire  du  Tur- 
kestan,   n'était    pas    non    plus  des   «bannières».]   —    P.   195  —  196: 
Comfortable  loords  in  sickness,  poésie  de  y\^  ^^  Yuan  Tchen  des  T'aug, 
traduite    par    Sir    E.  Trelaw^ny  Backhouse.   —    P.  197  —  206:  Saint 
François-Xavier  et  la  C/wie,  par  le  Père  J.  de  la.  Serviere.  [Etude 
très  documentée,  basée  surtout  sur  les  Monumenta  Xaveriana  et  sur 
les  biographies  du  saint  publiées  en  1900  par  le  P.  Gros  et  en  1912 
par  le  P.  Brou.    La   mort  de  saint  François-Xavier  est  fixée  ici  au 
3  décembre  1552  avant  l'aube.  On  sait  qu'on  avait  admis  très  long- 
temps pour  cette  mort  la  date  du  2  décembre,  puis  qu'un  document 
publié  par  le  P.  Gros  avait  paru  ensuite  en  faveur  du  27  novembre.] 
—   P.  207  —  210:  The  ßre-proof  Warehouses  of  Lin- an,  par  G.  M[oule]. 
[Il   s'agit   des  j^  jtjÇ  Va-fang,  expression  dont  le  sens  précis  n'est 
pas  encore  bien  établi.]  —  P.  211—214:  Further  note  on  foot-binding, 
par  L.  G.  Arlington.  [M.  Arlington  avait  donné  sur  le  même  sujet, 
dans    New    China    Review,    1,    92—94,    une   note    malheureusement 
entachée    de    grosses    erreurs,    dont    quelques    unes   seulement   sont 
corrigées   ibid.,    p.  320—321;  en  particulier   '^  ^  ^    Han  H  che 
n'est  pas  un  nom  d'homme,  mais  le  titre  d'un  ouvrage  de  ^^  ^ 


BIBLIOGRAPHIE.  179 

Hong  Koua  (1117 — 1184).  En  réalité,  il  ne  reste  rien  des  textes 
sur  lesquels  s'appuyait  M.  Arlington  pour  attribuer  le  bandage  des 
pieds  «au  cinquième  siècle  avant  notre  ère».  Et  il  n'y  a  pas  non 
plus  à  faire  état  du  texte  invoqué  par  M.  Giles  {Adversaria  Sinica, 
I,  281)  et  auquel  renvoie  M.  Arlington,  pour  établir  que  la  coutume 
existait  au  moins  en  150  A.D.;  car  ce  texte  est  tiré  du  ^  ^ 
^^  ■=^  Tsa  che  pi  si'w,  lequel  est  connu  comme  un  faux  des  Ming. 
Ici  encore  la  meilleure  réunion  de  textes  se  trouve  au  ch.  4  du 
Yi  fong  fang  wen  siu  tsi  de  Miao  Ts'iuan-soueu.  On  y  verra  que 
la  coutume  des  petits  pieds  apparaît  à  peine  au  X^  siècle,  et  ne  se 
répand  vraiment  que  sous  les  Song  du  Sud.  Ni  les  Kin,  ni  les 
premiers  Yuan  ne  connaissaient  les  petits  pieds.  On  ne  bandait  pas 
non  plus  les  pieds  au  palais  des  premiers  empereurs  Ming.  Les 
Mandchous  proscrivirent  le  bandage  des  pieds  par  un  édit  de  1638, 
et  ou  sait  que,  durant  toute  leur  dynastie,  ils  ne  le  tolérèrent  pas 
au  palais  ou  dans  les  «bannières».  Ils  essayèrent  même  de  l'interdire 
pour  toute  la  Chine  par  des  edits  de  1645  et  de  1662  ;  ce  n'est 
qu'en  1668  que,  de  guerre  lasse,  ils  laissèrent  leurs  sujets  chinois 
en  faire  à  leur  guise.] 

Juin  1920:  P.  223  —  247:  Reform  in  Chinese  mourning  rites,  par 
E.  T.  C.  Wernkr.  [Traduction  des  opinions  formulées  par  un  M^ 
Hou  Che  (on  ne  nous  donne  par  les  caractères  chinois  de  son  nom) 
sur  la  simplification  des  rites  funéraires.  Le  document  est  intéressant 
par  son  entier  détachement  de  tout  ce  qui  est  tradition  de  pure 
forme.]  —  P.  248  —  266:  IVie  earliest  articulate  Chinese  philosopher, 
Kwan^tsz,  par  E.  H.  Parker.  [Avait  déjà  paru  dans  le  Journal  of 
the  Manchester  Egypt,  and  Or.  Soc.  en.  1917-1918.]  -  P.  267-289: 
D^Ollone's  investigations  on  the  Chinese  Moslems,  par  le  Rev.  G.  G. 
Warren.  —  P.  290  —  295:  Suite  des  Taoist  Taies  du  major  W.  Perceval 
Yetts.  —  P.  298  —  305:  The  chronology  of  the  Bamboo  Annals,  par 
Arthur  Mori.ey.  [L'auteur  accepte  dans  l'ensemble  les  opinions  que 


180  BIBLIOGRAPHIE. 

Chavannes  a  exprimées  dans  sa  traduction  de  Sseu-ma  Ts'ien.]  — 
P.  306—311:  Notes  de  M.  Arlington  sur  les  termes  ^^  li-min 
^^  ^M  W  t'a-fang. 

Août  1920:  P.  319-341:  A  Re-translation,  par  H.  A.  Giles. 
[M.  Giles  oppose  cette  nouvelle  traduction  des  Élégies  de  Tch'ou  à 
celle  qui  a  été  publiée  en  1919  par  M.  A.  Waley.  Il  eu  est  un 
peu  de  ces  poèmes  comme  de  ceux  de  Mei  Cheng  dont  j'ai  parlé 
plus  haut:  pour  se  faire  une  idée  de  l'œuvre,  il  y  a  déjà  plusieurs 
traductions  qui  suffisent;  si  on  veut  pousser  plus  loin  l'étude,  il  y 
faut  un  gros  commentaire.  C'est  ainsi  que  p.  332,  il  n'est  pas  du 
tout  évident  que  M.  Giles  ait  raison  contre  M.  Waley  dans  l'inter- 
prétation de  ^  ^  sien-pi.  Si  on  admet  avec  MM.  Waley  et  Giles 
que  sien-pi  est  ici  l'équivalent  du  mot  étranger  qui  a  aussi  été 
transcrit  j^jjj  ^[j  cJie-pi,  J^  P^  si-pH,  etc.,  et  qui  désigne  les  anciennes 
agrafes  de  ceinture,  la  comparaison  peut  très  bien  porter  sur  la  forme 
allongée  et  gracile  de  ces  agrafes;  je  ne  connais  pas,  pour  ma  part, 
d'ancienne  agrafe  de  ceinture  sur  laquelle  soit  figurée,  comme  le  veut 
M.  Giles,  une  gazelle.]  —  P.  341— 365:  Lu  in  Confucius' early  years^ 
par  A.  MoRLBY,  [L'auteur  se  montre  très  familier  avec  la  littérature 
confucéenne.  Serait-il  permis  de  souhaiter  que  quelqu'un  de  ceux  qui 
se  consacrent  à  l'étude  de  cette  période  nous  donnât  pour  le  Tso  (chouan 
les  index  qui  manquent  à  la  traduction  de  Legge  comme  à  celle  de 
Couvreur?  La  tâche  est  ingrate,  mais  le  service  rendu  serait  très  grand.] 
—  P.  366  —  397:  Suite  du  travail  du  Rev.  Hutson,  Chinese  life  on 
the  Tibetan  foothills.  [Curieux  renseignements  sur  les  pratiques  de 
divination  et  de  sorcellerie,  sur  Kouan-yin  et  ses  sœurs  (!)  Manjuçrî 
et  Samantabhadra,  sur  le  ^  ^^  ^^  fou-ti-chen  et  sur  le  dieu  de  la 
muraille  et  des  fossés.]  —  P.  398—414:  Fin  du  travail  de  M.  Warken, 
D'Ollone*8  investigations  on  Chinese  Moslems.  [Ce  travail  est  un  résumé 
du  t.  I  des  Documents  scientifiques  de  la  mission  d'OlloneJ\  — 
P.  415—418:  A  note  on  multiple  births  on  China,  par  R.F.Johnston. 


BIBLIOGRAPHIE.  181 

[Ce  sont  des  renseignements  à  ajouter  à  l'article  de  M.  Laufer  sur 
le  même  sujet  paru  dans  le  n°  d'avril  1920,  p.  109  —  136.]  — 
P.  421-422:  Note  par  M.  H.  I.  Harding  sur  le  -p  ^  ^  Che- 
tseu-sseu  ou  «Temple  de  la  Croix»  du  ^  |_L|  Faug-chan,  dont  il 
a  été  question  à  diverses  reprises  dans  le  1. 1  de  la  New  China  Review. 
[M.  Harding  s'est  aperçu  que  l'une  des  croix  porte  une  courte  inscription 
de  2  lignes  qu'il  reproduit  ici  et  qu'il  suppose  être  du  mongol.  Il  est 
évident  que  l'inscription  est  en  écriture  syriaque,  mais  peut-être  assez 
mal  gravée;  ne  lui  trouvant  pas  de  sens,  je  me  suis  adressé  à  un 
spécialiste,  qui  n'en  a  rien  pu  tirer;  il  serait  désirable  d'avoir  un  bon 
estampage,  ou  au  moins  une  bonne  photographie,  de  ce  monument 
que  sou  site  même  rend  particulièrement  intéressant.] 

—  Les  Mémoires  de  la  Soc.  de  Linguistique  de  1920  (t.  XXII, 
p.  43—46)  contiennent  une  note  fort  curieuse  de  M.  B.  Laufek, 
Sanskrit  karketana.  On  connaît  en  arménien  une  pierre  karkehan, 
le  zircon,  dont  le  nom  suppose  un  prototype  iranien  *karka^an. 
De  celui-ci,  M.  Laufer  rapproche  à  bon  droit  le  sanscrit  karketana, 
prâcrit  kakkeraa,  qui  a  passé  en  tibétain  et  en  mongol  sous  la  forme 
kekeru.  L'arabe  connaît  karkand  et  karkahan. 

—  M.  F.  H.  Andkews  a  publié  dans  The  Burlington  Magazine 
de  juillet-septembre  1920,  avec  introduction  de  Sir  Aurel  Stein,  un 
très  important  article  Ancient  Chinese  figured  silks  excavated  by  Sir 
Aurel  Stein  at  ruined  sites  of  Central  Asia,  avec  15  figures  (tirage 
à  part,  20  pages).  Ces  soieries,  qui  out  été  trouvées  dans  la  région 
dépendant  de  l'ancien  Leou-lan,  paraissent  remonter  au  1®^  siècle 
av.  J.-C.  Plusieurs  comportent  des  caractères  chinois  tissés  dans  le 
décor.  Elles  se  relient  comme  style  d'une  part  aux  sculptures  chi- 
noises des  Hau  (dans  une  certaine  mesure),  d'autre  part  aux  soieries 
retrouvées  à  Antinoe  et  aux  soieries  sassanides  et  byzantines. 


CHRONIQUE. 


CHINE. 

L'Université  de  Pékin  prépare  l'ouverture  d'une  section  de  phonétique, 
qui  aura  pour  but  l'étude  des  dialectes  chinois,  et  devra  ultérieurement  pour- 
suivre des  recheiches  sur  l'ancienne  phonétique  chinoise.  Ce  nouveau  départe- 
ment sera  confié  à  un  Américain,  M'  Douglas  M.  Beacii.  D'autre  part  on  nous 
dit  que  l'indianiste  bien  connu  baron  de  Staël-Holstein,  qui  se  trouve  depuis 
plusieurs  années  en  Extrême-Orient,  a  été  nommé  professeur  de  sanscrit  à 
l'Université  de  Pékin. 


LES  «CONQUÊTES  DE  L'EMPEREUR  DE  LA  CHINE» 


PAR 

PAUL  PELLIOT. 


Les  orientalistes  et  les  artistes  connaissent  la  suite  de  seize 
estampes  gravée  à  Paris  de  1767  à  1774  sous  la  direction  de  Cochin 
et  représentant  les  «Conquêtes  de  l'Empereur  de  la  Chine».  M.  Jean 
MoNVAL  en  1905^)  et  M.  H.  Cordier  en  1913  2)  leur  ont  consacré 
des  études.  M.  nAËNiscH  a  raconté  récemment  la  campagne  chinoise 
de  1755  dans  l'Ili  et  a  commenté  à  ce  propos  deux  planches  qui 
sont  censées  en  rappeler  des  épisodes  ').  Enfin  un  article  de  M. 
^  B3  ^  ^  ^  IsHiDA  Mikinosuke  vient  de  reprendre  l'explication 
des  seize  estampes  à  la  lumière  des  textes  chinois  qui  leur  ont  été 
adjoints  *).  Malgré  tous  ces  travaux,  dont  aucun  n'est  négligeable, 
il  m'a  paru  qu'il  restait  encore  beaucoup  à  tirer  des  matériaux  que 
j'avais  réunis  en  partie  dès  1913  et  dont  M.  Cordier  annonçait  dès 
ce  moment  la  prochaine  publication. 


1)  Jean  Monval,  Les  Conquêtes  de  la  Chine.  Une  commande  de  l'Empereur  de  CMne  en 
France  au  XVIIIe  siècle  {Revue  de  VArt  ancien  et  moderne,  1905,  t.  XVIII,  pp.  147 — 160). 

2)  H.  Cordier,  Les  Conquêtes  de  l'Empereur  de  la  Chine  (Mémoires  concernant  VAsie 
Orientale,  t,  I,  1913,  pp.  1—18). 

3)  Erich  Haenisch,  Ber  chinesische  Feldzug  in  Hi  im  Jahre  1755  {mit  zwei  zeitge- 
nössischen französischen  Kupferstichen),  dans  Ostasiat,  Zeitschrift,  1"  année,  avril-sept. 
1918,  pp.  57—86. 

Im   h  ^  Bö^    (^  «  A  propos  des  planches  des  victoires  lors  de  la  soumission  des  Dzoun- 

gars   et   des   Musulmans,  gravées   à   Paris   sous   K'ien-longi»   (extrait   du    Töyögahu-ho   de 

septembre  1919,  t.   IX,  n°  3,  p.  396—448). 

13 


184  PAUL    PELLIOT. 

Il  est  bien  connu  que  les  dessins  d'après  lesquels  forent  gravées 
les  planches  avaient  été  exécutés  à  Pékin  par  ordre  de  l'empereur 
K'ien-long  lui-même,  et  que  quatre  des  dessins  furent  expédiés  en 
Europe  dès  1765,  avant  les  douze  autres.  MM.  Mon  val  et  Cordier 
ont  dit  que  l'envoi  des  plauches  «en  France»  avait  été  prescrit 
par  un  édit  impérial  du  13  juillet  1765,  mais  le  texte  même  de 
cet  édit  n'a  pas  été  publié.  Il  existe  cependant,  sinon  dans  le  texte 
chinois  original  et  que  je  n'ai  pu  retrouver,  du  moins  dans  une 
version  française  conservée  aux  Archives  Nationales  ^),  et  son  contenu 
est  trop  intéressant  à  plus  d'un  titre  pour  que  je  ne  reproduise  pas 
ici  le  document  en  entier.  Le  voici: 

Décret  publié  par  ordre  du  Grand  Empereur  de  Ija  Chine  Kieslung2)  Le 
26°  de  la  5°  lune  l'an  trentième  de  son  Empire  c'est-à-dire  le  13  juillet  4765. 

Je  veux  que  les  Seize  Estampes  des  Victoires  que  j'ay  remportées  dans  la 
conquête  du  Royaume  de  Chumgar  et  des  Pais  raahoraétans  voisins  que  j'ay 
fait  peindre  par  Lamxinim  (françois  Joseph  Castiglione  Italien  de  la  Société  de 
Jesus)  et  par  les  autres  Peintres  Européens  qui  sont  à  mon  service  dans  la  Ville 
de  Pekin-Soient  envoyées  en  europe  ou  l'on  choisira  Les  meilleurs  artistes  en 
Cuivre  afin  qu'ils  puissent  rendre  parfaitement  et  dans  toutes  leurs  parties 
chacune  de  ces  Estampes,  sur  des  Lames  de  Cuivre,  je  donne  ordre  que  le 
Prix  de  cet  ouvrage  soit  payé  sans  aucun  retardement,  je  veux  que  l'on  profite 
des  premiers  vaisseaux  qui  partiront  pour  L'Europe  pour  y  envoyer  seulement 
quatre  de  ces  estampes  sçavoir  4"  celle  appelée  Nyaizuxi  chayen  3)  peinte  par 
Lamxinim  ou  frère  Joseph  Castiglione  Italien  S.J.  2"  Celle  apellée  Alchor  peinte 
par  Vanchichim  ou  frère  Denis  attiret  françois  de  la  Compagnie  de  Jesus. 
30  Celle  appellee  Yslîgin  min  Theu  hiam  *)  par  Nyaikimura  <*)  ou  Père  Ignatien 
Sichelbarte   allemand    de   la   Compagnie  de  J.    40  Enfin  celte  appellee  Curman 


1)  Les  documents  concernant  les  seize  estampes  et  leurs  gravures  sont  en  majeure 
partie  réunis  aux  Archives  Nationales  dans  une  liasse  qui  a  déjà  été  utilisée  par  M.  Monval 
et  qui  occupe  la  2'  partie  du  carton  0'1924;  les  pièces  portent  en  outre  un  numéro  d'ordre 
an  crayon;  le  texte  reproduit  ici  fait  partie  de  la  pièce  n^  L  L'édit  en  question  n'est  pas 
mentionné  dans  le  Tong  houa  lou.  II  y  a  également  quelques  documents  dans  les  cartons 
O'ilie  et  0'1911  à  0'1913. 

2)  Lire  «Kienlnng». 

3)  Lire  «  Ngaiyuxi  chayim  ». 

4)  Lire  «Yli  gin  min  theu  hiam». 
6)  Lire  «  Ngaikimum  ». 


LES    «CONQUÊTES   DE   l'eMPEREUR   DE    LA    CHINE».  185 

peinte  par  Nyantey  ')  ou  le  Pare  jean  Damascene  Italien  augustin  déchaussé 
de  la  Congrégation  de  la  Propagande. 

Je  désire  que  cet  ouvi'age  soit  exécuté  avec  la  plus  grande  célérité  possible, 
et  qu'après  avoir  tiré  cent  exemplaires  de  ces  estampes  sur  la  planche  de  cuivre, 
ces  cent  exemplaires  et  les  Planches  me  soient  renvoyés. 

Quant  aux  douze  autres  Estampes,  j'ordonne  qu'on  les  envoyé  en  Europe 
pas  trois  voyes  différentes  dont  quatre  par  chaque  voie.  Ce  Décret  sera  exacte- 
ment observé./. 

Cette  traduction  du  décret  impérial  est  suivie,  dans  la  pièce  1 
de  la  liasse  0^1924  (2),  du  document  suivant: 

Lettre  du  frère  Joseph  Castiglione  écrite  de  Pékin  Le  treize  Juillet  1765 
au  très  illustre  Président  de  l'académie  de  Peinture.  Salut 

Quoique  Le  Décret  de  L'Empereur  qui  accompagne  ma  lettre  suivant  son 
ordre  soit  suffisant  pour  que  l'artiste  qui  sera  chargé  de  graver  Les  Estampes 
se  conforme  exactement  aux  originaux,  j'ay  crû  pour  ne  rien  laisser  à  désirer 
à  L'Empereur,  et  pour  la  Célébrité  des  artistes  Européens,  devoir  vous  recom- 
mander deux  choses. 

La  première,  soit  que  ces  Estampes  soient  gravées  au  Burin  ou  à  l'eau 
forte,  d'avoir  soin  qu'elles  scient  exprimées  sur  le  Cuivre  avec  la  délicatesse  la 
plus  grande  et  la  plus  Gracieuse,  que  l'artiste  y  mette  la  Correction  et  la 
netteté  la  plus  exacte  telle  que  demande  un  ouvrage  qui  doit  être  de  nouveau 
présenté  à  un  si  grand  Empereur. 

2«  Si  après  La  quantité  d'Exemplaires  portés  dans  le  mandement  de 
L'Empereur,  les  Planches  se  trouvoient  affoiblées  ou  usées,  il  faudroit  néces- 
sairement Les  retoucher  et  les  réparer  pour  être  envoyées  en  Cliine,  à  fin  que 
les  nouveaux  exemplaires  qui  en j  seront  tirés  dans  le  Pays  puissent  avoir  les 
mêmes  beautés  que  les  premieres./. 

Ainsi  le  texte  même  du  décret  impérial  de  1765  nommait  les 
auteurs  et  indiquait  le«  sujets  de  chacun  des  quatre  premiers  dessins; 
c'est  là  un  point  important  pour  la  discussion  que  nous  aurons  à 
instituer  par  la  suite.  Quant  aux  quatre  artistes  Castiglione,  Attiret, 
Sichelbart  et  Jean  Damascene,  on  sait  qu'ils  sont  aussi  les  auteurs 
des  douze  dessins  envoyés  ultérieurement,  ou  du  moins  de  tous  ceux 
de  ces  douze  dessins  dont  les  auteurs  sont  connus.  Sur  ces  quatre 
artistes    qui    travaillaient    alors   au    Palais    pour   K'ien-long,   il   est 


1)  Lire  «  Ngautey  ». 


186  PAUL   PELLIOT. 

possible  de  rectifier  et  de  completer  les  renseignements  qui  ont  été 
donnés  jusqu'à  présent  ^). 

P  Joseph  Castiglione.  Le  frère  jésuite  Joseph  Castiglione,  de 
son  nom  chinois  ^  ^  ^  Lang  Che-ning  ^),  est  à  bon  droit  le 
plus  connu  des  quatre;  c'est  lui  qui  avait  le  plus  de  talent.  Né  à 
Milan  en  1688,  il  arriva  à  Pékin  en  1715  et  y  travailla  jusqu'à 
sa  mort  survenue  le  16  juillet  1766  ^).  Quoique  Italien,  il  appar- 
tenait à  la  mission  des  jésuites  portugais  de  Pékin.  Sous  son  nom 
chinois  de  Lang  Che-ning,  il  a  gardé  en  Chine  jusqu'à  nos  jours 
une  réelle  notoriété.  Les  Européens  de  Pékin  connaissent  son  por- 
trait d'une  concubine  de  K'ien-long,  la  musulmane  ^  "^  ^ß 
Hiang-kouei-fei,  représentée  casquée  et  revêtue  d'une  armure  euro- 
péenne de  fantaisie.  Je  possède  lu  photographie  de  deux  enfants 
jouant,  peints  par  Castiglione;  ce  tableau  faisait  partie  de  la  col- 
lection  du   vice-roi   Touan-fang  *).    Mon    ami  B.  Laufer  m'a  envoyé 


1)  Les  missionnaires  employés  aax  travaux  du  Palais  passaient  la  majeure  partie  de 
l'année  à  Hai-tien,  dans  un  bâtiment  dependant  du  Yuan-raing-yuan,  et  dont  les  Lettres 
Edifiantes  orthographient  le  nom  tantôt  «  Jouy-koan  »,  tantôt  «c  Jou-y-koan  ».  D'après  une 
lettre  du  P.  Benoist  (Delatour,  Essais,  p.  164),  «/oK-y-yuoa«  signifie  maison  d'amusement». 
Il  semblerait  donc  que  le  nom  fût  jfjj  'm^  WS  Jou-yi-kouan;  on  le  retrouvera  d'ailleurs 
sûrement  dans  les  ouvrages  chinois. 

2)  Telle  est  l'orthographe  que  j'ai  toujours  rencontrée  dans  les  textes  chinois.  L'ortho- 
graphe ^Leang  donnée  par  M.  Cordier  dans  T'oung  Pao,  II,  m,  305,  et  Les  Conquêtes 
de  l'Empereur  de  la  Chine,  p.  3,  n'est  pas  exacte. 

3)  Je  n'ai  malheureusement  à  ma  disposition  ni  le  CatMogus  Patrum,  ni  les  Notices 
biographiques  autographie'es  du  P.  Pfister,  et  suis  par  suite  mal  en  mesure  de  choisir  par- 
fois entre  des  indications'contradictoires.  M.  Cordier  (Ze«  CW^u/i^««,  p.  3)  dit  que  Castiglione 
arriva  en  Chine  en  août  1715,  au  lieu  que  le  P.  C.  de  Rochemonteix  {Joseph  Amiot,  Paris, 
1915,  in-8°,  p.  15)  dit  qu'en  août  1715  il  arriva  à  Pékin.  D'autre  part,  M.  Cordier  fait 
mourir  Castiglione  en  1764  {Les  Conquêtes,  p.  3;  Oiuzeppe  Panzi,  p.  1),  au  lieu  que  le 
P.  de  Rochemonteix,  d'accord  avec  le  P.  Sommervogel,  indique  le  16  juillet  1766.  Castiglione 
ne  peut  être  mort  en  1764,  puisque  la  lettre  de  lui  que  je  publie  ici  est  du  13  juillet  1765. 
Le  P.  de  Rochemonteix  doit  donc  avoir  raison  dans  le  second  cas;  je  pense  au  contraire 
que  c'est  M.  Cordier  qui  a  raison  dans  le  premier.  Dans  les  Mém.conc.les  Chinois, i. 'S l\\, 
p.  283,  il  est  dit  que  Castiglione  mourut  en  1768. 

4)  Cf.  B.E.F.E.-O.,  IX,  674,  où  je  parle  de  ce  tableau. 


LES    «CONQUÊTES   DE    l'eMPEREUÏI   DE    LA    CHINE».  187 

de  son  côté  la  photographie  d'un  vase  de  fleurs  peint  par  Castiglione. 
J'ai  signalé  naguère  que  la  4®  livraison  du  Tehong  hmo  ming  houa  tsi 
reproduisait  un  tigre  peint  par  Castiglione  ^).  Depuis  lors,  la  même 
revue  a  consacré  son  63®  fascicule  hors  série  à  une  autre  œuvre 
de  Castiglione,  un  rouleau  peint  en  1744  et  qui  représente  l'empe- 
reur K'ien-loug  à  cheval  examinant,  au  printemps,  des  chevaux  en 
liberté  ^).  Enfin  le  général  Frey  a  fait  récemment  don  au  Musée 
Guimet  d'un  rouleau  peint  par  Castiglione  et  qui  représente  des 
Qazaq-Kirghiz  ofifrant  des  chevaux  à  K'ien-long.  Castiglione  est 
jusqu'ici  à  peu  près  le  seul  des  peintres  européens  ayant  travaillé 
en  Chine  au  XVIIP  siècle  et  dont  des  œuvres  exécutées  en  Chine 
nous  soient  connues  directement;  elles  mériteront  une  étude  spéciale  ^). 


1)  Ibid.  Cf.  aussi  Charannes,  dans  T'oung  Pao,  1909,  p.  627. 

2)  Il  y  a  là  un  magnifique  example  de  cheval  au  «c galop  volant».  Ou  sait  que 
M.  Salomon  Reiuach  n'a  pas  trouvé  dans  la  peinture  européenne  d'exemple  de  cheval  au 
«galop  volant»  avant  les  toutes  dernières  années  du  XVIII'  siècle  (cf.  La  représentation 
du  galop,  dans  Rev.  archéologique,  1900,  t.  1,  p.  31  du  tirage  à  part).  Le  F.  Castiglione 
est  donc  le  premier  peintre  européen  k  avoir  représenté  le  «galop  volant»,  un  demi-siècle 
plus  tôt;  il  l'a  certainement  emprunté  à  l'art  chinois.  Peut-être  en  définitive  l'art  chinois 
fut-il  pour  quelque  chose  dans  l'adoption  de  cette  attitude  par  les  peintres  d'Europe.  Ce 
rouleau  de  1744,  peint  par  Castiglione,  n'est  pas  mentionné  dans  le  Kouo  icA'ao  yuan 
hotia  lou. 

3)  Pour  les  peintres  européens  en  Chine  au  XVIP  siècle,  cf.  B.  Laufer,  Christian  Art 
in  China  (dans  les  Mitteil.  d.  Semin.  f.  Orient.  Sprachen,  13°  année,  1910)  et  A  Chinese 
Madonna  (dans  The  Open  Court  de  1912),  ainsi  que  mon  article  La  peinture  et  la  gravure 
européetmes  en  Chine  au  temps  de  Mathieu  Ricci  (dans  T'oung  Pao,  II,  xx  [1920 — 1921], 
pp.  1—18).  Dans  ce  dernier  article,  en  parlant  de  la  vogue  de  la  peinture  européenne  en 
Chine  au  XVII°  siècle,  j'aurais  dû  citer  un  texte  à  vrai  dire  un  peu  postérieur  (1703),  "^^ 
mais  qui  se  rattache  au  même  mouvement,  et  où  Kao  Çhe-k^  prête  à  un  portraitiste 
européen  la  perfection  de  Kou  K'ai-tche  {B.E.F.Ë.-O.,  XII,  ix,  96 — 97);  ce  portraitiste 
devait  être  soit  le  frère  Belleville,  soit  plus  probablement  le  modénois  Gherardini.  J'hésite  — 
à  faire  état  pour  l'instant  de  la  tradition  relative  à  «Lon-li-min»  dans  J.  de  la  Serviere, 
Histoire  de  la  mission  du  Kiang-nan,  I,  App.  II,  p.  6,  parce  que  je  ne  vois  pas  bien  pour 
l'instant  à  qui  elle  s'applique.  J'ai  dit  que  Castiglione  était  jusqu'ici  «à  peu  près  le  seul» 

des  peintres  européens  du  XVIIP  siècle  d«nt  nous  connaissions  des  originaux  exécutés  en 
Chine.  J'aurais  dit  «le  seul»  si  je  ne  croyais  pouvoir  identifier  une  peinture  originale  du 
frère  Joseph  Panzi,  arrivé  en  Chine  en  1771,  mort,  dit-on,  en  1812  (cf.  sur  lui  H.  Cordier, 
Giuseppe  Panzi,  tirage  à  part  des  Mélanges  o forts  à  M.  Emile  Picot,  Paris,  1913,  in-S", 
15   pages;   c'est  d'après   M.   Cordier  que  j'indique  l'arrivée  de  Panzi  en  (Jhine  en  1771; 


188  PAUL    PELLIOT. 

Dans    son    p|  ^  |^  ^g  ^^    Kouo    tch'ao    yuan    houa    lou    ou 
Histoire  des  peintures  du  Bureau  {de  la  peinture^  sous  la  dynastie  régnante. 


mais  en  tout  cas  il  ne  parvint  à  Pékin  que  le  12  janvier  1773,  d'après  les  Lettres  édif., 
éd.  du  «Panthéon  Littéraire»,  IV,  196;  M.  Cordier  n'avait  pas  trouvé  trace  de  Panzi 
après  1790;  mais  le  P.  de  Rochemonteix,  dans  son  livre  sur  Joseph  Amiot,  cite  plusieurs 
lettres  inédites  de  Panzi,  dont  une  de  1795  [p.  430];  et  c'est  également  au  P.  de  Roche- 
monteix [p.  412]  que  j'emprunte  la  date  incertaine  de  1812  pour  sa  mort).  Panzi  avait 
envoyé  à  Bcrtin  en  1789  un  portrait  du  P.  Amiot  qui  fut  gravé  une  première  fois  par 
Helman  et  une  seconde  fois  par  un  artiste  inconnu  (cf.  Cordier,  Giuseppe  Panzi,  p.  14,  et 
T'oung  Pao,  1913,  p.  251).  Or,  dans  les  papiers  de  Bertin  légués  par  M.  Delessert  à  la 
Bihliothèque  de  l'Institut,  il  se  trouve,  à  côté  des  deux  gravures  du  portrait,  une  peinture 
non  signée  (cf.  Bibl.  Sinica^ ,  col.  1041)  qui  me  paraît  être  manifestement  l'original  des 
deux  gravures  et  serait  par  suite  l'œuvre  même  de  Panzi.  Puisque  je  parle  ici  de  Panzi, 
je  signale  que  son  nom  chinois  n'était  pas  *^ff  Tg*  ^^  P'an  Jo-chö  comme  le  dit  M. 
Cordier  {Les  Conquêtes,  p.  3;  T'oung  Pao,  1916,  283),  sans  doute  d'après  le  Catalogus 
^  Patrum,  mais  «Pan-ting-tchang»  (=  Y^  ^i  jE^  P'an  T'ing-tchang  ?)  ;  cf.  Lettres  édif., 
éd.  du  «Panthéon  Littéraire»,  IV,  199,  203,  204,  214).  Il  est  enfin  un  autre  groupe 
d'œuvres  qui  se  trouvent  en  Europe  et  sur  lesquelles  on  aimerait  à  avoir  des  informations 
plus  précises.  Feuillet  de  Conches  {Les  peintres  européetis  en  Chine,  extr.  de  la  Revue 
contemporaine  de  1856,  p.  88)  en  parle  comme  suit:  «Les  plus  magnifiques  miniatures 
chinoises  que  nous'  ayons  vues  sont  à  la  bibliothèque  du  palais  Barberini  à  Rome.  Ce  sont 
quinze  ou  vingt  portraits  en  pied,  représentant  la  famille  impériale  de  la  Chine,  depuis 
l'empereur  jusqu'au  plus  jeune  de  ses  enfants.  La  tradition  du  palais  Barberin  est  que  ce 
manuscrit  a  été  envoyé  au  page  Urbain  VIII  (1623 — 1644)  par  l'empereur  lui-même,  ce 
qui  veut  dire  sans  doute  qu'il  a  été  un  hommage  des  missionnaires  européens  nu  souverain 
pontife.  Quoi  qu'il  en  soit,  les  figures  qui,  à  l'exception  d'une  seule,  sont  en  couleur, 
offrent  une  telle  perfection  de  modelé,  de  couleur  et  de  composition,  une  telle  énergie 
d'individualité  qu'il  y  a  peu  d'œuvres  de  nos  Occidentaux  de  force  à  leur  être  comparées. 
L'une  des  dernières,  presque  entièrement  à  la  mine  de  plomb,  à  peine  effleurée  de  quelques 
teintes  de  couleur,  représente  une  jeune  fille,  le  corps  entouré  plusieurs  fois  d'une  étoffe 
légère  qui  laisse  discrètement  transparaître  les  formes,  comme  dans  les  figures  égyptiennes. 
L'enfant  tient  une  fleur  à  la  main.  Il  n'y  a  nulle  exagération  à  dire  que  cette  miniature, 
grande  à  force  de  simplicité  et  de  force  qui  se  cache,  respire  le  sentiment  des  plus  déli- 
cieuses peintures  du  Pérugin.  »  Feuillet  de  Conches  a  réimprime  tout  ce  passage  dans  ses 
Causeries  d'un  curieux,  t.  Il  [1862],  p.  79,  en  changeant  seulement  les  derniers  mots;  la 
miniature  ne  respire  plus  que  «le  sentiment  des  bonnes  peintures  du  Pérugin».  Ce  texte 
laisse  assez  rêveur.  Urbain  VIII  était  un  Barberini,  mais  des  peintures  de  la  famille  im- 
périale qui  lui  auraient  été  envoyées  devraient  représenter  encore  l'empereur  des  Ming 
Tch'ong-tcheng  et  sa  famille;  un  tel  envoi  est<  surprenant;  l'examen  des  costumes  permet- 
trait d'ailleurs  de  décider  sans  peine  s'il  s'agit  de  Ming  ou  de  Ts'ing.  D'autre  part,  je  ne 
connais  pas  de  dessins  chinois  anciens  à  la  mine  de  plomb.  Ces  miniatures,  qui  excitaient 
à  un  tel  point  l'enthousiasme  de  Feuillet  de  Conches,  ne  seraient-elles  pas  en  définitive  plus 
tardives,  et  l'œuvre  de  quelque  missionnaire  européen  ou  de  ses  élèves? 


LES    «CONQUÊTES    DE   l'eMPEREUR   DE    LA    CHINE».  189 

rédigée  eu  1816^),  l'érucîit  "^  ^  Hou  King  consacre  plusieurs 
feuillets  (ch.  1,  £F.  14  —  18)  à  décrire  les  56  peintures  de  Lang 
Che-ning  (Castiglione)  enregistrées  dans  les  trois  séries  du  Che  k*iu 
pao  ki,  c'est-à-dire  du  catalogue  des  peintures  profanes  des  collections 
impériales  ^).  Hou  King  considère  surtout  Castiglione  comme  un 
excellent  peintre  d'animaux  et  de  fleurs,  mais  il  reproduit  également 
divers  morceaux  où  K'ien-long  parle  de  Castiglione  et,  dans  l'un 
d'eux,  l'empereur  déclare  que,  «pour  la  peinture  de  portraits,  nul 
n'est  au-dessus  de  Lang  Che-ning»  (  -^  ^  IK  j!|^  ^  ^  ^)' 
L'une  des  peintures  décrites  par  Hou  King,  intitulée  «Tableau  de 
l'offrande  de  chevaux  par  les  Qazaq»,  en  un  rouleau,  exécutée  en 
1757,  doit  être  celle-là  même  que  possède  le  Musée  Guimet. 

2°  Denis  Attiret.  Le  frère  jésuite  Denis  Attirât  était  né  à  Dole 
en  1702;  il  arriva  en  Chine  en  1738,  fit  partie  de  la  mission  jésuite 
française    de    Pékin,    et    mourut   à   Pékin    le    8    décembre    1768  ^). 

1)  Sur  cette  œuvre,  cf.  Pelliot,  A  propos  du  nKeng  tche  t'ouv,  dans  Mém.  concernant 
l'Asie  Orientale,  I,  76. 

2)  Sur  les  diverses  séries  du  Che  k'iu  pao  Jci  et  de  l'inventaire  parallèle  des  peintures 
religieuses  ou  Pi  tien  tchou  lin,  cf.  Pelliot,  A  propos  du  nKeng  tche  t'ouït,  p.  76  (l'or- 
thographe Iciu  au  lieu  de  k'iu  y  est  une  inadvertance).  Les  indications  que  j'ai  données  en 
1913  sont  à  compléter  aujourd'hui  comme  suit:  1°  La  première  série  du  Fi  tien  tchou  lin, 
en  24  eh.,  a  été  édite'e  photolithographiquement  il  y  a  quelques  années  par  le  Yeou-tcheng- 
chou-kiu  de  Changhai.  2°  La  première  série  du  CAe  k'iu  pao  ki,  en  44  eh.,  a  été  éditée 
photolithographiquement  par  la  Commercial  Press  de  Changhai  en  1918.  3"  La  liste  des 
titres  de  la  troisième  série  du  Che  k'iu  pao  ki  (mais  sans  notices)  a  été'  éditée  en  3  pen 
de  petit  format  par  M.  Lo  Tchen-yu  en  1917.  Dans  la  première  et  la  troisième  série  du 
Che  k'iu  pao  ki,  ou  retrouve,  dispersées  au  cours  des  divers  chapitres,  des  indications  sur 
nombre  de  peintures  de  Castiglione.  Hou  King  note  (ch.  2,  {°  29  r°)  qu'un  portrait  peint 
par  Castiglione  et  qui  est  l'objet  d'un  poème  inséré  dans  la  5°  série  des  poésies  de  K'ien- 
long,  n'est  pas  porté  aux  inventaires  du  Che  k'iu  pao  ki;  ce  n'est  si\rement  pas  la  seule 
omission  de  cette  nature. 

3)  Sur  Attiret,  cf.  Cordier,  Les  Conquêtes,  p.  3—6,  et  surtout  Georges  Gazier,  Un 
Artiste  Comtois  à  la  Cour  de  Chine  au  XVIIIe  siècle:  le  Frère  Attiret  (1702—1768), 
dans  Mém.  de  la  Soc.  d'Emulation  du  Douis,  8'  série,  t.  VI  [1911],  p.  17—40.  Pour  la 
bibliographie  d'Attiret,  il  faut  combiner  les  indications  de  la  Biiliotheque  du  P.  Sommer- 
vogel  {s.v.   Amiot   et  Attiret)  avec  celles  de  la  Bibliotheca  Sinica^,  col.  1053,  et  celles  de 


190        ,  PAUL    PELLIOT. 

Sur  la  vie  d'Attiret  et  son  activité  artistique  au  Palais  impérial, 
le  meilleur  document  est  une  longue  lettre  du  P.  Amiot  écrite  à 
Pékin  le  1®^  mars  1769  et  adressée  à  un  parent  du  frère  Denis, 
«M.  Attiret,  sculpteur  à  Paris»;  le  destinataire  remit  cette  lettre 
en  1775  à  la  Bibliothèque  du  Roi  ^). 

M.  Cordier,  conformément  aux  indications  des  Notices  biographiques 
du  P.  Pfîstèr  et  des  deux  éditions  du  Catalogus  Patrum,  a  dit  que 
le  nom  chinois  d'Attiret  était  El  ^  Ä  P^  Tö-ni;  c'est  là  un  nom 
que  je  n'ai  rencontré  nulle  part.  On  a  vu  que  le  traducteur  de  l'édit 
de  1765  disait  que  le  nom  de  «Vanchichim»  mentionné  dans  cet 
édit  était  celui  d'Attiret.  Un  document  parallèle  de  1765,  et  dont 
nous  avons  le  texte  chinois  (il  en  sera  question  tout  à  l'heure), 
nous  donne  la  forme  chinoise  réelle  du  nom  dans  l'édit  impérial: 
c'est  3E  ^  1^  Wang  Tche-tch'eng.  Et  eu  effet,  alors  que  Hou  King 
ne  nomme  aucun  peintre  appelé  Pa  Tö-ni,  il  signale  (ch.  2,  l''  15  r°) 


M.  Gazier;  chacune  de  ces  sources  donne  des  indications  qu'on  ne  trouve  pas  dans  les 
autres;  aucune  ne  fait  mention  de  la  lettre  d'Attiret  publiée  dans  les  Mém.  géogr.  phys. 
et  hist,  sur  l'Asie,  l'Afrique  et  l'Amérique  (Yverdon,  1767),  que  signale  M,  Chapuis,  Lm 
montre  chinoise,  p.  80.  Parmi  les  documents  importants  qu'indique  M.  Gazier  et  que  n'ont 
connus  ni  Sommervogel  ni  M.  Cordier,  il  faut  signaler  surtout  les  Lettres  inédites  du  frira 
Attiret  publiées  par  Ch.  Weiss  dans  Le  Franc-Comtois  de  février-juin  1843. 

1)  La  majeure  partie  de  cette  lettre  a  été  publiée  dès  \11\  àaiUiXa  Journal  des  Savants 
(juin  1771,  p.  406 — 420).  Une  copie  exécutée  en  1821  d'après  le  mss.  de  la  Bibliothèque 
Royale  se  trouve,  selon  M.  Gazier,  à  la  bibliothèque  de  Besançon.  Le  texte  entier,  con- 
forme au  mss.  original  remis  en  1775  à  la  Bibliothèque  du  Roi,  a  été  publié  par  le  P. 
Terwecoren  dans  ses  Précis  historiques,  année  1856,  p.  437 — 453,  461 — 477,  485 — 500. 
Je  n'ai  pas  réussi  à  retrouver  à  la  Bibliothèque  Nationale  le  manuscrit  original  d'Amiot. 
C'est  certainement  une  copie  de  cet  original  (ou  peut-être  l'original  lui-même  s'il  a  dispara 
de  la  Bibliothèque?)  qui  était  mise  en  vente  dans  le  catalogue  Luzarche  de  1868, 1,  n**  1519 
(cf.  Bibl,  Sinica^,  col.  1053);  ce  catalogue  parle  à  tort  d'«une  série  de  lettres»  adressées 
par  Amiot  au  parent  d'Attiret  ;  il  n'y  a  qu'une  très  longue  lettre  du  I"  mars  1769.  La 
nouvelle  de  la  mort  d'Attiret  parvint  assez  vite  en  France,  car  son  frère  aîné  J.  B.  Attiret, 
peintre  également  et  vivant  à  Dole,  la  connaissait  déjà,  et  depuis  quelque  temps  à  ce  qu'il 
semble,  le  26  octobre  1769  (Arch.  Nat,  0U911[6],  n°  176).  L' Attiret  de  Paris  était  un 
cousin,  «statuaire  à  Paris  et  professeur  en  l'Académie  de  S'  Luc»  (lettre  d'Attiret  l'aîné 
du  13  mars  1771,  0'1912[2],  n"  17).  J'ignore  pourquoi,  en  mourant,  le  frère  Attiret  avait 
donné  à  Amiot  l'adresse  de  son  cousin  plutôt  que  celle  de  son  frère  aîné. 


LES    «CONQUÊTES   DE   l'EMPEREUR   DE    LA   CHINE».  191 

un  album  de  dix  coursiers  peints  par  Waug  Tche-tch'eng  et  qui 
est  décrit  dans  la  seconde  série  du  Che  k'iu  pao  ki.  Enfin,  s'il 
restait  un  doute  sur  le  nom  chinois  d'Attiret,  son  inscription  funé- 
raire le  lèverait.  Attiret  fut  enterré  au  cimetière  «français»  des 
environs  de  Pékin,  bouleversé  par  les  Boxeurs  en  1900.  Sou  in- 
scription funéraire  n'existe  plus,  mais  elle  a  été  relevée  en  1869 
par  M^''  Zéphyrin  Guillemiu,  qui  s'exprime  ainsi:  ^) 

«A  quelque  distance  du  tombeau  du  P.  Parrenin  se  trouve  celui 
du  Frère  Attiret,  avec  l'inscription  latine  suivante: 

DION YSIUS  IN  MISSIONE 

ATTIRET,  ANN.  XXX 

GALLÜS,  OBIIT  PEKINI 

SOC.  JESU.  DIE  VIII  DECEMB. 

VIXIT  IN  SOC.  ANNO  MDCCLVIII 

ANNIS  XXXIII  AETATIS  LXVI 

. . .  Sur  le  revers  de  la  pierre  se  lit  une  autre  inscription  chinoise, 
ainsi  conçue: 

D.  0.  M. 
Monumentum  D.  Wouong  tsi-ching  erectum. 

D.  Wouong  Tsi-ching^  Jesuita,  Galliis,  perfectioms  amore,  Patres 
Jesuitas,  ad  praedicandam  fidem  secutus  est.  Qui,  cum  annis  30  in 
aula  Imperiuli  laborasset,  66  annos  natus  vita  decessit. 

Ipsius  morte  Imperatori  annunciata,  eodem  die  Imperator  ex 
aerario  publico  pro  eius  sepultura  misit  200  taëlia  argenti,  quae 
quidem  accepta  sunt.» 


1)  La  lettre  de  M«'  Guillemin,  adressée  à  l'Union  franc-comtoise,  y  a  paru  le  15  mars 
1870;  elle  a  été  reproduite  dans  des  Lettres  de  iW  Guillemin  publiées  à  Rome  en  1870 
(cf.  Bihl.  Sinica^,  col.  1131).  Je  n'ai  eu  accès  à  aucune  de  ces  éditions.  Mais  M.  l'abbé 
Launay,  des  Missions  Etrangères,  m'a  aimablement  communiqué  un  ouvrage  Hommes  et 
choses  d'Extrême-Orient  {Ire  Série),  publié  à  Macao  en  1919,  in-8°,  par  Endore  de  Colomban 
(=  abbé  Gervaix),  et  où  la  lettre  en  question  est  à  nouveau  reproduite  ;  le  passage  se  trouve 
k  la  p.  284. 


192  PAULPELLIOT. 

Il  va  sans  dire  que  «Wououg  Tsi-ching»  est  Wang  Tche-tch'eng, 
et  il  est  donc  bien  certain  que  c'est  là  le  nom  sous  lequel  Attiret 
fut  connu  en  Chine.  Si  le  nom  de  Pa  Tö-ni  se  trouve  quelque  part, 
il  faudrait  que  ce  fût  là  un  premier  nom  qu'Attiret  aurait  reçu 
lors  de  son  arrivée  dans  la  mission  de  Chine,  mais  qu'il  abandonna 
par  la  suite.  Mais  je  ne  vois  jusqu'ici  rien  qui  vienne  à  l'appui 
d'une  telle  solution. 

3^  Ignace  Sichklbart.  Le  père  jésuite  Ignace  Sichelbart  ou 
Sickelpart  était  un  Tchèque,  né  en  1708,  arrivé  en  Chine  en  1745, 
mort  à  Pékin  en  1780  ^).  Son  nom  chinois  était  bien,  comme 
l'indique  l'édit  de  1765,  5t  0  ^  ^g^i  K'i-mong.  D'après  Hou 
King  (ch.  2,  1*^  24),  Sichelbart  (tout  comme  Castiglione)  excellait 
surtout  dans  la  peinture  des  animaux  et  des  plantes.  Huit  de  ses 
œuvres  étaient  décrites  dans  la  deuxième  série  du  Che  k'iu  pao  M 
et  une  dans  la  troisième.  L'une  de  ces  œuvres  représente  un  cheval 
«circassien»  offert  par  le  prince  tourghout  Cäbäk-Dorji  lors  du 
retour  de  sa  tribu  en  Chine  en  1771.  Les  autres  sont  également  des 
peintures  d'animaux. 

4°  Jean  Damascene.  M.  Cordier  l'appelle  le  «frère»  Jean  Damascene 
et  dit  qu'il  ne  faut  pas  le  confondre  avec  Jean  Damascene,  sacré  le 
20  septembre  1778,  sans  bulles,  comme  évêque  de  Pékin  et  mort  en 
novembre  1781  ').  Je  crois  au  contraire  qu'il  s'agit  d'un  seul  et 
même  personnage. 

En  premier  lieu,  il  n'y  a  aucune  raison  de  supposer  que  le 
peintre  Jean  Damascene  était  seulement  «frère»  et  non  «père». 
Les  signatures  des  estampes  mettent  devant  le  nom  de  Jean  Damascene 
tantôt  î\,  tautôt  P.  F.,  tantôt  P.  J.,  tantôt  même  S.;  il  n'y  a  rien 


1)  Cf.  Cordier,  Le*  Ckmçuéles,  p.  5. 

2)  Cordier,  Les  Conquêtes,  p.  3,  5. 


LES    «CONQUÊTES    DE    l'eMPEREUR   DE    LA   CHINE».  193 

à  en  conclure  de  décisif.  On  se  rappellera  toutefois  que  le  titre  de 
«frère»  s'employait  pour  des  religieux  qui  étaient  en  réalité  prêtres, 
et  non  «frères»  au  sens  où  nous  l'entendons,  et  c'est  ce  que  suggère 
ici  le  P.  F.  ^)  Quand  il  s'agit  des  simples  frères  comme  Attiret  ou 
Castiglione,  les  légendes  des  estampes  ne  mettent  d'ailleurs  aucune 
initiale  devant  leurs  noms.  Enfin  et  surtout,  le  traducteur  de  l'édit 
de  1765,  qui  vivait  à  Pékin  même,  distingue  soigneusement  les 
«frères  »Castiglione  et  Attiret  des  «pères  »Sichelbart  et  Jean  Damascene. 
Le  P.  de  Rochemonteix  parle  sans  hésitation  de  notre  peintre  comme 
du  «P.  Damascene»  ^). 

Le  Père  Jean  Damascene  qui  fut  sacré  évêque  de  Pékin  en  1778 
était  un  Augustin  déchaussé,  prêtre  romain,  de  son  nom  de  famille 
Salusti  ou  Sallusti,  et  dont  le  nom  de  religion  complet  était  Jean 
Damascene  de  la  Conception;  missionnaire  de  la  Propagande  et  établi 
à  Pékin  depuis  de  longues  années,  il  savait  mal  le  chinois  ^).  Or  les 
missionnaires  de  la  Propagande,  installés  à  Pékin  au  Si-t'ang, 
étaient  fort  peu  nombreux.  Longtemps,  il  n'y  eut  qu'un  missionnaire 
de  la  Propagande  à  Pékin,  le  P.  Sigismond,  Augustin  réformé; 
mais  il  reçut  enfin  du  renfort.  «On  lui  envoya  du  fond  de  l'Italie, 
écrit  le  P.  Amiot .  en  1774,  d'abord  un  peintre  et  un  horloger,  et 
ensuite  un  médecin,  ou  se  disant  tel.  Le  premier  était  Augustin 
déchaussé,  le  second  petit  Carme  et  le  troisième  Franciscain.  Celui-ci 
n'ayant  pas  réussi  dans  la  première  cure  dont  on  le  chargea,  fut  mis 
à  quartier  presque  en  arrivant.  Les  deux  autres,  après  avoir  servi 
environ  dix   ans,   ont  été  renvoyés  du  palais  parce  qu'ils  n'avaient 


1)  Le  fntur  évêque  Jean-Damascène  est  ainsi  qualifié  de  «frater»  dans  un  document 
romain  de  1778  (de  Rochemonteix,  Joseph  Amiot,  p.  498);  et  cependant  il  s'agit  bien 
d'un  prêtre. 

2)  Joseph  Amiot,  p.  151.  De  même,  une  lettre  du  P.  Benoist  du  4  novembre  1773, 
qui  parle  bien  des  «frères»  Panzi,  Attiret,  Castiglione,  nomme  à  côté  d'eux  le  «père» 
Damascene,  encore  peintre  au  Palais  à  cette  date  {Lettres  édifiantes,  éd.  du  «Panthéon 
littéraire»,  IV,  197). 

3)  Ibid.,  p.  281,  498—499. 


194  PAULPELLIOT. 

ni  les  manières,  ni  le  ton  propre  du  lieu,  outre  ces  trois  religieux, 
il  y  en  a  un  quatrième,  petit  Carme  encore,  mais  allemand  de  nation, 
et  qui  est  proprement  le  seul  des  propagandistes  qui  ait  acquis  assez 
de  connaissance  et  d'habitude  de  la  langue  chinoise,  pour  pouvoir 
faire  avec  quelques  fruits  les  fonctions  de  missionnaire»^).  Le  carme 
allemand  est  le  P.  Joseph  de  Sainte-Thérèse,  délégué  par  l'évêque 
de  Nankia  pour  l'administration  du  diocèse  de  Pékin.  L'horloger  est 
le  P.  Archange.  On  ignore  le  nom  du  médecin.  Quant  au  peintre, 
c'est  naturellement  le  peintre  Jean  Damascene.  On  voit  par  la  lettre 
d'Amiot  qu'après  avoir  travaillé  au  Palais  pendant  dix  ans,  il  était 
à  nouveau  au  Si-t'ang,  libre  de  tout  emploi,  en  1774;  et  d'autre 
part  il  ne  savait  autant  dire  pas  le  chinois  malgré  son  long  séjour 
^  Pékin.  Tout  cela  rendrait  déjà  bien  vraisemblable  l'identification 
du  Jean  Damascene  peintre  et  de  Jean  Damascene  Sallusti.  Mais  si 
on  reprend  les  titres  que  porte  le  peintre  Jean  Damascene  dans  les 
légendes  des  estampes,  on  voit  que  le  nom  complet  du  peintre  est 
Jean  Damascene  de  la  Conception,  qu'il  était  Augustin  déchaussé, 
Romain,  missionnaire  de  la  Propagande.  Il  me  paraît  clair  dès  lors 
qu'il  n'y  a  plus  à  hésiter:  c'est  bien  l'ancien  peintre  de  K'ien-long 
qui  est  devenu  M^''  Sallusti,  évêque  de  Pékin,  en  .1778.  M^^  Sallusti, 
qui  ne  fut  pas  heureux  comme  prélat,  ne  l'avait  pas  été  non  plus 
comme  peintre.  Quelles  qu'aient  été  les  raisons  précises  qui  lui  firent 
quitter  le  Palais  après  dix  ans  d'emploi,  il  n'avait  pas  assez  de 
talent  pour  qu'on  l'y  pût  regretter.  Cochin  parle  du  dessin  d'une 
des  premières  planches  «qui,  étaut  du  Père  Damascene,  était  des 
moins  bons»  ^).  L'édit  de  1765  et  le  document  chinois  parallèle 
auquel  j'ai  déjà  fait  allusion  nous  font  connaître  pour  la  première 
fois   le   nom    chinois   du    P.    Jean    Damascene,    alias    MS^*   Sallusti: 


1)  Ibid.,  p.  160—151. 

2)  Cf.  Monval,  loc.  laud.,  p.  164—156. 


LES    «CONQUÊTES   DE   l'eMPEREUR  DE    LA    CHINE».  195 

c'est  ^  ^  ^  Ngan  To-yi  ^).  Mais  aucune  peinture  de  Ngan  To-yi 
n'est  portée  au   Clie  Ic'iu  pao  ki;  Hou  King  l'ignore  entièrement. 

* 
*     * 

Sur  les  conditions  dans  lesquelles  les  dessins  furent  envoyés  en 

France,  il  s'est  produit  quelques  confusions  qu'il  paraît  aisé  et  utile 

de  dissiper.  MM.  Monval  et  Cordier  ont  dit  que  l'édit  du  13  juillet 

1765  prescrivait  d'envoyer  les  dessins  «en  France».  M.  Monval  écrit: 

«La   Compagnie   des  Indes  d'Angleterre  fait  tout  son  possible  pour 

avoir  la  commande;  mais  le  P.  [sic]  Attiret,  grâce  à  son  ascendant 

sur  l'empereur   et   à   l'autorité  incontestable  de  son  talent,  procure 

cet  avantage  à  la  France»  ^).    Eu  réalité,  l'édit  du  13  juillet  1765 

prescrit   d'envoyer   les  gravures   «en  Europe»,  mais  ne  nomme  pas 

la  France.  D'autre  part,  au  cours  d'une  conversation  que  le  P.  Michel 

Benoist   eut   eu    1773   avec   l'empereur   K'ien-long,  le  Père  dit  que 

c'était    le    vice-roi    de    Canton    qui    avait    choisi    la    France    pour 

l'exécution     des     gravures;     et    comme    l'empereur    lui    demandait: 

«N'est-ce   pas   vous  autres  qui  d'ici  avez  indiqué  votre  royaume  et 

avez    écrit   pour   cela?»,   le    P.   Benoist  lui  répondait:    «...  Il  est 

vray  que  ...  les  Europeans  d'ici  ont  fait  des  Mémoires  qui  ont  été 

envoyés   en    même   temps   que  les  premiers  desseins:  mais  dans  ces 

Mémoires    les    Europeans    avertissoient    seulement   le   graveur   quel 

qu'il  fut   de  la  conformité  totalle  que  V.  M*®  souhaitoit  qu'eussent 

ces    planches    avec   les   desseins    envoyés,  de  la  quantité  d'Estampes 

que  Votre  Majesté  souhaitoit  qu'on  tirât  et  des  autres  circonstances 


1)  En  réalite,  bien  qu^n  ignorât  les  caractères  chinois  qui  l'écrivaient,  le  nom  chinois 
du  P.  Damascene  était  déjà  cité  dans  une  lettre  du  P.  Benoist  du  4  novembre  1773,  où 
le  P.  Benoist  dit  que  «Ngan-tey  (le  père  Damascene  de  la  S.  C.)»  est  Italien  {Lettres 
édif.,  éd.  du  «Panthéon  littéraire»,  IV,  214),  Puisque  je  complète  et  rectifie  ici  les  noms 
chinois  qn'un  indique  traditionnellement  pour  un  certain  nombre  d'anciens  missionnaires, 
j'ajouterai  que  les  lettres  du  V.  Benoist  montrent  encore  {Lettres  édif.,  IV,  219)  que  le 
nom  chinois  du  P.  Bourgeois  n'est  pas  Se.  |^K  io»  Tch'ao  Tsi-ko,  comme  il  est  dit  dans 
T'oung  Pao,  1916,  p.  274,  à  la  suite  du  Catalogus  Patrum,  mais  Tch'ao  Cheng-sieou. 

2)  Ibid.,  p.  149—150. 


196  PAUL   PELLIOT. 

que  V.  M*®  avoit  elle-même  indiquées»^).  Il  est  donc  certain  que 
la  décision  d'envoyer  les  dessins  en  France  plutôt  qu'en  tout  autre 
pays  d'Europe  fut  prise  à  Canton  et  non  à  Pékin;  ui  le  frère  Attiret 
ni  l'empereur  n'y  sont  pour  rien  ^).  'La  vérité  nous  est  révélée  par 
un  mémoire  de  Bertin  qu'a  signalé  M.  Cordier.  Les  Anglais  furent 
pressentis,  mais  le  P.  Louis  Joseph  Le  Febvre,  supérieur  de  la 
mission  jésuite  française  de  Chine  et  alors  établi  à  Canton,  «fit 
représenter  au  Vice-Roi  par  un  mandarin  de  ses  amis,  protecteur 
déclaré  des  Français,  que  les  arts  étaient  plus  cultivés  en  France 
que  dans  aucun  autre  Etat  de  l'Europe,  et  que  la  gravure  surtout, 
y  était  portée  au  plus  haut  point  de  perfection»  ^). 

Le  P.  Le  Febvre  voyait  sans  aucun  doute  dans  l'exécution  de 
ces  gravures  par  la  France  un  moyen  de  développer  en  Chine 
l'influence  française,  et  par  suite  celle  des  missionnaires  français 
établis  à  la  Cour  de  Pékin.  Mais  les  représentants  de  la  Compagnie 
[française]  des  Indes  à  Canton  montraient  moins  d'enthousiasme. 
C'est  ce  qui  résulte  d'une  lettre  du  Conseil  de  la  Direction  de  Canton 
adressée  le  10  janvier  1767  aux  Directeurs  de  la  Compagnie  à  Paris 
et  où  ou  lit  ce  qui  suit:  «L'honneur  d'avoir  été  choisis  entre  les 
autres  nations  pour  décorer  Le  Palais  de  Sa  Majesté  Impériale  est 


1)  Cordier,  Les  Conquêtes,  p.  17. 

2)  En  parlant  des  efforts  de  la  Compagnie  anglaise  des  Indes  pour  avoir  la  commande 
et  de  Tiatervention  da  «P.  Âttiret»,  M.  Monval  s'est  inspiré  d'un  des  documents  qai  com- 
posent la  pièce  n"  l  de  la  liasse  0' 1924  (2).  Mais  ce  document,  dont  il  sera  question  plus 
loin,  est  un  Mémoire  établi  dans  les  bureaux  de  Bertin  à  la  fin  de  1766  et  qui  rapporte 
tout  cela  comme  un  simple  «on  dit)»  de  Paris;  en  outre,  il  y  est  question  des  «mission- 
naires qui  sont  à  la  Cour  de  Pékin»  en  général,  mais  c'est  M.  Monval  qui,  de  son  chef, 
a  nommé  Attiret. 

3)  Cordier,  Les  Conquêtes,  p.  5 — 6,  et  surtout  La  Chine  en  France  au  XVIIle  siècle 
(Paris,  1910,  in-4°),  p.  57 — 58,  où  le  texte  entier  est  donné.  Toutefois  ce  mémoire  de 
Bertin  est  sensiblement  plus  tardif;  il  fut  sans  doute  écrit  après  la  lettre  de  Parent  du 
18  avril  1776  dont  il  sera  question  tout  à  l'heure;  et  soit  information  fautive  dès  l'origine, 
soit  imprécision  de  souvenirs  après  dix  ans,  il  contient  un  certain  nombre  d'inexactitudes. 
Bertin  se  trompe  en  croyant  que  l'ordre  de  K'ien-long,  qui  est  certainement  l'édit  du  13 
juillet  1765,  est  postérieur  à  l'intervention  da  P.  Le  Febvre  auprès  du  vice-roi  de  Canton. 


LES    «CONQUÊTES    DE    l'eMPEREUR   DE    LA    CHINE».  197 

assurément  très  flateur,  mais  il  nous  expose  à  des  embaras  que  nous 
eussions  été  plus  aise  d'éviter.  La  route  étant  faite,  nous  avons  été 
obligés  de  la  suivre.  Nous  tachons  seulement  de  ne  pas  nous  com- 
promettre en  ne  determinant  point  de  terme  pour  l'exécution  où  du 
moins  en  exigeant  un  terme  si  long  qu'il  ne  soit  pas  possible  de 
manquer  à  nos  engagements»  ^). 

Le  Conseil  de  Direction  de  la  Compagnie  à  Canton  exprimait 
ces  appréhensions  en  1767,  à  propos  de  l'envoi  du  second  lot  com- 
prenant les  12  derniers  dessins.  Mais  les  arrangements  entre  les  Chinois 
et  la  Compagnie  des  Indes  avaient  été  conclus  dès  1765,  au  reçu 
de  l'édit  impérial.  Comme  pour  toute  affaire  commerciale  avec  les 
Européens,  c'étaient  les  marchands  hannistes  qui  avaient  traité.  Un 
heureux  hasard  nous  a  conservé  le  texte  chinois  de  ce  traité  signé 
par  les  10  marchands  hannistes,  ayant  à  leur  tête  ^  |^  ^  P'an 
T'ong-wen  ^).  Bien  que  la  traduction  de  ce  document  préparée  par 
M.  Courant  ait  déjà  été  publiée  par  M.  Cordier  en  1902  dans  un 
travail  sur  Les  marchands  hanistes  de  Canton  *),  elle  est  restée  ignorée 
de  M.  Monval,  M.  Cordier  ne  s'est  pas  trouvé  y  faire  allusion  dans 
son  article  sur  Les  Conquêtes  de  V Empereur  de  la  Chine,  et  par  suite 
M.  Ishida  ne  l'a  pas  non  plus  utilisée.  Je  crois  donc  bon  de  la 
reproduire  ici,  avec  de  très  légères  modifications: 

P'an  T'ong-wen  et  autres,  marchands  hannistes  au  Kouang-tong,  en  s'en- 
gageant  publiquement  font  une  commande  à  P^  ^^  fî^  Kan-tche-li  et  à 
«^  jjjfin  p|B  Wou-kia-lang4),  chefs  commerciaux  pour  le  royaume  de  France. 


1)  Arch.  Nat.,  0' 1924  (2),  pièce  n°  4. 

2)  Bibl.  Nat.,  nouv.  fonds  chinois  n°  5231.  Le  document  porte  une  date  d'enregislre- 
ment  du  1"  mai  1767. 

3)  T'ounç  Pao,  H,  in,  304—306. 

4)  La  suite  du  texte  montrera  que  Kan-tche-li  devait  repartir  en  France  avec  les 
vaisseaux,  au  lieu  que  Wou-kia-lang  restait  à  Canton.  Des  personnes  mieux  au  courant 
que  moi  de  l'histoire  de  la  Compagnie  des  Indes  pourraient  certainement  identifier  ces 
personnages.  Pour  Wou-kia-lang,  on  serait  tenté  de  songer  à  Vauquelin,  qui  fut  nommé 
en  1776  consul  à  Canton  lors  de  la  création  de  ce  poste;  Vauquelin  avait  fait  antérieure- 
ment  plusieurs    voyages  eu  Extrême-Orient,  mais  j'ignore  s'il  avait  été  a  un  moment  à  la 


198  PAUL    PELLIOT. 

Nous  avons  reçu  de  LL.  EE.  le  vice-roi  et  le  surintendant  des  douanes 
communication  d'un  ordre  impérial  prescrivant  de  transmettre,  pour  les  faire 
graver  sur  cuivre,  quatre  dessins  représentant  les  Victoires  obtenues  dans  les 
pays  des  Dzoungars  et  des  tribus  musulmanes  i).  Avec  bordereau  ont  été  en- 
voyés un  feuillet,  dessin  oi-iginal  de  ^R  Tg^  ^^  Lang  Che-ning,  ayant  pour 
sujet  «Le  camp  [enlevé]  par  ruse  par  Ngai-yu-che» -);  un  feuillet,  dessin  original 
de  ^  $j^  gw  Wang Tche-tch'eng,  ayant  pour  sujet  «[le  combat  d'J  j^  ^W 

^^  j^  A-eul-tch'ou-eul  »  ;  un  feuillet,  dessin  original  de  "^t  ^^  ^^  Ngai 
K'i-mong,  ayant  pour  sujet  «Les  habitants  de  l'Ili  font  leur  soumission»  3); 
un  feuillet,  dessin  original  de  ^r  ^S.  ^g  Ngan  To-yi,  ayant  pour  sujet  «  [le 
combat  de]  Jf^  {^  jffi^  K'ou-eul-man».  En  même  temps  ont  été  envoyés  deux 
feuillets  en  caractères  barbares  du  royaume  d'Italie  et  deux  feuillets  en  caractères 
barbares  ayant  cours  dans  tous  les  pays  d'Occident  *).  Ces  diverses  pièces  sont 
parvenues  à  notre  comptoir,  avec  l'ordre  transmis  par  les  autorités  de  traiter 
[cette  affaire]. 

Maintenant  nous  remettons  aux  chefs  Kan-tche-li  et  Wou-kia-lang  l'en- 
semble des  quatre  dessins  originaux  et  des  quatre  papiers  en  caractères  barbares, 
pour  que  le  tout  soit  porté  par  le  vaisseau    pî  Hß   Po-ye  s)  en  votre  pays  et 

tête  du  Conseil  de  Direction  de  Canton  (cf.  Cordier,  La  France  en  Chine  au  XVllIe  siècle, 
p.  LXiv  tt  passim,  surtout  p,  86;  aussi  T'ounff  Pao,  II,  ix,  54).  Pour  Kan-tche-li,  j'incline 
à  penser  qu'il  s'agit  de  M.  de  La  Gannerie,  qui  fut  «chef  du  Conseil»  de  la  Compagnie 
des  Indes  à  Canton  à  l'époque  indiquée  (cf.   T'oung   Pao,  1917,  p.  307). 

1)  '^  •§  ^  0  ^  ^  ;^  ^  ^  H  •  Tel  était  donc  le  nom  officielle- 
ment donné  à  la  série  des  16  planches  dans  l'édit  du  13  juillet  1765  que  le  contrat  des 
hannistes  suit  sûrement  avec  fidélité.  La  traduction  de  M.  Courant  («tribus  musulmanes 
de  Dzoungarie»),  quoique  grammaticalement  possible,  est  inexacte. 

^)  ^c  3l.  §S  PF  ^ä  '  ^^  traduction  de  M.  Courant  («camp  de  Ngai-yu-chi-tcha») 
n'est  pas  juste.  Tous  les  noms  d'auteurs  et  les  titres  des  planches  sont  empruntés  par  les 
hannistes  à  l'édit  du  13  juillet  1765,  comme  ou  peut  s'en  convaincre  en  se  reportant  à  la 
traduction  française  de  cet  édit  reproduite  plus  haut.  Ainsi,  à  défaut  du  texte  chinois 
original  de  l'édit,  nous  en  atteignons  ce  qui  nous  manquait  le  plus,  c'est-à-dire  la  forme 
véritable  des  noms  propres,  grâce  au  contrat  des  marchands  hannistes. 

4)  Comme  on  pouvait  le  supposer  et  comme  un  document  nous  le  confirmera  bientôt, 
cette  seconde  formule  désigne  le  latin.  Les  Chinois  ne  distinguaient  naturellement  pas  entre 
une  langue  et  son  écriture;  les  „caractères"  italiens  sont  donc  pour  eux  différents  des 
„caractères"  latins. 

6)  Ce  nom,  qui  ne  donne  pas  de  sens  en  chinois,  doit  être  une  transcription  du  nom 
du  narire  de  la  Compagnie  des  Indes.  Qui  connaîtrait  la  liste  des  voyages  effectués  à  cette 
époque  en  Chine  pour  la  Compagnie  restituerait  le  nom  sans  peine.  Phonétiquement,  on 
pourrait  songer  au  Benyer,  mais  ce  navire  paraît  exclu  par  le  fait  qu'il  se  trouvait  de 
nouveau  k  Canton  tout  au  début  de  1767,  comme  on  le  verra  plus  loin. 


LES    «CONQUÊTES   DE   l'eMPEREUR   DE    LA   CHINE».  199 

qu'on  prenne  la  peine  de  le  remettre  à  la  Compagnie  (,^»  ]ß^  *s*  kong-pan-yi). 
Celle-ci  confiera  les  pièces  aux  Ministres  d'Etat  de  votre  pays  et  les  chargera 
de  faire  graver  quatre  planches  de  cuivre  avec  une  exactitude  respectueuse,  en 
se  conformant  aux  règles  et  aux  instructions  contenues  dans  les  documents  en 
caractères  barbares.  La  gravure  étant  achevée,  pour  chaque  planche  on  tirera 
200  exemplaires  sur  bon  papier  résistant,  soit  en  tout  800  feuilles,  qui  avec 
les  planches  de  cuivre,  seront  divisées  [en  deux  lots]  et  chargées  sur  deux 
vaisseaux  pour  être  rapportées  :  chaque  vaisseau  devra  porter  2  planches  de  cuivre 
et  100  exemplaires  de  chaque  gravure,  soit  en  tout,  400  feuilles.  Les  quatre 
dessins  originaux  envoyés  d'ici  et  les  quatre  documents  en  caractères  barbares 
seront  joints,  et  le  tout  exactement  devra  arriver  au  Kouang-tong  environ  dans 
la -33^  année  (1768)')  pour  être  remis  aux  autorités. 

Maintenant  on  verse  à  l'avance  5.000  taëls  d'argent  '1^  ^s  houa-pien  '^) 
à  titre  d'arrhes.  Si  pour  le  prix  du  travail  ce  n'est  pas  suffisant,  on  complétera 
intégralement  le  prix  lors  de  l'arrivée  des  planches  de  cuivre.  S'il  y  a  quelque 
accident  de  mer,  le  prix  du  travail  et  le  fret  seront  portés  au  compte  de  notre 
comptoir. 

Ce  billet  d'obligation  est  dressé  en  deux  exemplaires  semblables,  l'un  est 
remis  au  chef  Kan-tche-li  pour  qu'il  l'emporte  dans  son  pays  et  s'y  conforme; 
l'autre  est  remis  au  chef  Wou-kia-lang  résidant  à  Canton  pour  qu'il  le  conserve 
comme  preuve.  Des  deux  parts,  il  n'y  aura  pas  de  négligence. 

Ceci  est  une  affaire  importante  transmise  par  les  autorités  pour  être  traitée  ; 
il  faut  que  la  gravure  soit  très  fine  et  conforme  au  modèle.  Aussitôt  [le  travail] 
fait,  qu'on  renvoie  le  tout  dans  les  délais;  le  plus  tôt  sera  le  mieux. 

Ce  billet  d'obligation  est  remis  à  MM.  les  chefs  Kan-tche-li  et  Wou-kia-lang. 

La  30'  année  de  K'ien-long  (1765),  . .  .  mois,  . . .  jour.  ^) 

[Suivent  les  signatures  des  dix  marchands  hannistes,  P'-an  T'^ong-ioen 
et  autres.] 

Il  me  paraît  clair  que  le  document  conservé  à  la  Bibliothèque 
Nationale  est  l'exemplaire  du  contrat  apporté  en  France  par  «Kan- 


1)  La  date  de  1769  indiquée  dans  la  traduction  de  M.  Courant  est  un  lapsus. 

2)  Houa-pien  signifie  mot-àmot  „à  bord  fleuri",  „à  bord  orné";  M.  Courant  a  donné 
en  note  l'explication  du  dictionnaire  de  Wells  Williams,  où  l'expression  est  rendue  par 
j,a  milled  dollar",  „un  dollar  îi  cordon".  Le  dictionnaire  de  M.  Giles  indique  (s.v.  iq*î  ) 
^^  -îA  hova-picii,   „flowery  border,  —  a  dollar",  et  {s.  v.  j^  )    -\y.  iÄ  ftoua-pien,  „a 

flowered  border;  the  milled  edge  of  a  coin".  Les  dollars  actuels  n'existaient  pas  en  1765; 
mais  les  Européens  tenaient  à  Canton  leurs  comptes  en  piastres.  Il  semble  donc  que  les 
hannistes  aient  versé  les  5000  taéls  non  pas  en  lingots  d'argent,  mais  en  piastres  d'argent  ; 
il  doit  s'agir  de  la  piastre  espagnole. 

3)  Le  mois  et  le  jour  ne  sont  pas  indiqués. 

14 


200  PAUL   PELLIOT. 

tche-li».  Les  deux  feuillets  en  italien  et  les  deux  feuillets  en  latin 
représentaient  évidemment  l'un  le  texte  italien  et  latin  de  la  tra- 
duction de  l'édit  du  13  juillet,  l'autre  le  texte  latin  et  italien  de 
la  note  annexe  de  Castiglioue.  La  traduction  française  de  ces  docu- 
ments que  j'ai  reproduite  plus  haut  est  sûrement  l'œuvre  des  agents 
de  la  Compagnie  des  Indes.  Que  la  traduction  primitive  de  l'édit 
soit  due  à  Castiglione  ou  à  son  entourage,  c'est  ce  que  nous  confirme 
par  ailleurs  l'orthographe  conservée  pour  les  noms  propres  dans  la 
traduction  française:  cette  orthographe  est  eu  effet  l'orthographe 
portugaise,  courante  chez  les  Jésuites  portugais  de  Pékin  auxquels 
Castiglione  était  rattaché,  au  lieu  qu'un  traducteur  de  la  mission 
jésuite  française  aurait  employé  l'orthographe  française  de  Gaubil 
et  d'Amiot;  Attiret  est  donc  décidément  hors  de  cause.  Eu  outre, 
le  double  emploi  de  l'italien  et  du  latin  par  Castiglione  montre 
bien  qu'il  ne  savait  à  quel  pays  irait  la  commande;  il  voulait 
seulement,  à  tout  hasard,  que  l'édit  et  sa  note  fussent  compris 
partout.  Quant  à  ce  qu'il  est  advenu  de  ces  notes  originales  eu 
italien  et  en  latiu,  une  lettre  de  Parent,  écrite  en  1776,  prouve 
qu'il  les  vit  lors  de  l'arrivée  des  quatre  premiers  dessins  eu  France  ^). 
Si  nous  ne  les  retrouvons  pas,  c'est  sans  doute  que,  conformément 
au  contrat  avec  les  hannistes,  elles  furent  renvoyées  en  Chine  avec 
les  gravures. 

Expédiés  en  France  (sur  le  «Po-ye-»?)  au  début  de  1766^), 
les  quatre  premiers  dessins  y  arrivèrent  dans  l'automne  de  176G, 
Le  contrat  avec  les  hannistes  spécifiait  que  la  Compagnie  des  Indes 
remettrait  les  dessins  «aux  Ministres  d'Etat»  pour  les  faire  graver; 
mais  rien  ne  prouve  que  «  Kan-tche-li  »  ait  apporté  avec  lui  une 
traduction  complète  du  contrat;  en  tout  cas  on  ne  trouve  pas  trace 


1)  Cf.  Cordier,  Les  Conquêées^  p.  7. 

2)  En  annonçant  le  second  envoi  en  1767,  le  Conseil  de  Direction  de  Canton  parle 
du  premier  comme  effectué  „l'année  dernière";  les  vaisseaux  n'avaient  donc  d/\  quitter 
Canton  qu'au  début  de  1766. 


LES    «CONQUÊTES   DE    l'eMPEREUR   DE    LA   CHINE».  201 

d'une  telle  traduction,  et  il  n'est  même  fait  aucune  allusion  au 
contrat  dans  le  dossier  des  Archives  Nationales.  Que  contenaient 
par  ailleurs  les  rapports  écrits  de  «  Wou-kia-lang»,  ceux  écrits  ou 
oraux  de  «Kan-tche-li»?  Nous  l'iguoron?,  car  ces  rapports  n'ont 
pas  été  signalés  jusqu'ici;  on  sait  que  les  archives  de  la  Compagnie 
des  Indes  ont  eu  majeure  partie  disparu  à  la  Révolution.  Mais  le 
fait  certain  est  que  la  Compagnie  possédait  la  note  de  Castiglione, 
adressée,  selon  la  version  française,  «au  très  illustre  Président  de 
l'Académie  de  Peinture»,  sans  que  ce  titre  visât  dans  l'espèce  une 
académie  spéciale  d'un  pays  déterminé  ^).  Les  directeurs  de  la 
Compagnie  des  Indes  ne  tinrent  d'abord  nul  compte  de  cette  note 
et  se  préoccupèrent  de  trouver  eux-mêmes  des  graveurs.  Mais  Pa- 
rent, premier  commis  du  ministre  Bertin  de  qui  dépendait  la  Com- 
pagnie des  Indes,  se  trouva  voir  chez  les  Directeurs  de  la  Compagnie 
la  note  de  Castiglione,  et  fit  alors  observer  à  ces  messieurs  que 
l'exécution  de  la  commande  ne  les  concernait  pas  et  que  «l'Empe- 
reur de  la  Chine  avoit  entendu  d'en  charger  le  Ministre  des  Arts, 
c'est-à-dire  le    Directeur   Général    des    Bâtiments   du    Roy».  Parent 


1)  M.  Monval  {Les  Conquêtes  de  la  Chine,  p.  150)  et  M.  Cordier  (La  Chiite  en  France 
au  XFIITe  siècle,  p.  55  ;  Les  Conquêtes,  p.  6),  disent  que  la  note  de  Castiglione  était  adressée 
an  „Directeur  des  Arts";  je  ne  trouve  cette  indication  que  dans  la  notice  jointe  à  la  suite 
réduite  de  Helman  (cf.  Cordier,  La  France  en  Chine  au  XFIIIe  siècle,  p.  16),  et  elle  doit 
être  inexacte.  Parent,  qui  vit  la  note  de  Castiglione  en  „françois,  latin  et  italien",  dit  qu'elle 
portait  l'adresse  de  „M.  le  Président  des  Beaux-Arts"  (Cordier,  Les  Conquêtes,  i).!),  et  noas 
ne  pouvons  y  contredire  absolument,  puisque  nous  ne  connaissons  que  la  version  française 
de  la  note;  mais  Parent  écrit  en  1776,  et  ses  souvenirs,  après  dix  ans,  peuvent  avoir 
manqué  ici  de  précision.  Le  mémoire  de  Bertin  dont  il  a  été  déjà  question  dit  (Cordier, 
La  Chine  en  France,  p.  58)  que  la  lettre  d'envoi  de  Castiglione,  en  latin,  en  italien  et  en  français, 
„étoit  adressée  au  très  illustre  Président  des  Arts  (il  n'ctoit  pas  qualifie'  du  titre  de  Président 
de  l'Académie)".  Au  moins  en  ce  qui  concerne  la  version  française  de  la  lettre  de  Castiglione, 
la  seule  qui  nous  soit  connue,  l'affirmation  de  Bertin  est  absolument  erronée.  Il  ne  semble 
pas  qu'on  doive  accorder  plus  de  créance  à  un  mémoire  de  1775  émanant  des  bureaux  du 
comte  d'Angiviller  (on  trouvera  ce  document  plus  loin)  et  où  il  est  dit  que  la  lettre  de 
Castiglione  était  adressée  au  y^ Président  de  la  sculpture  en  France";  la  France  n'étaif 
sûrement  pas  nommée  dans  la  lettre  de  Castiglione. 


202  PAUL  tELLlôT. 

prévint  alors  son  chef  Bertin,  et  celui-ci  parla  à  son  toar  au 
Directeur  général  des  Bâtiments  du  roi  et  Directeur  de  l'Académie 
royale  de  peinture,  le  marquis  de  Marigny,  «qui  prit  les  ordres  du 
Roy  et  retira  les  desseins»  ^). 

C'est  le  17  décembre  1766  que,  conformément  à  l'avis  de  Parent, 
les  directeurs  de  la  Compagnie  des  Indes  se  décidèrent  à  saisir 
M.  de  Marigny  par  la  lettre  suivante  dont  une  copie  se  trouve  aux 
Archives  Nationales:^) 

Copie   d'une   Lettre   de  M"  Les  Sindics  et  Directeurs  de  la  Compagnie  des 
indes  a  M.  Le  Marquis  de  Marigny  du  17  X"""  i766. 
Monsieur 

Le  nommé  Lankeikoua  •')  marchand  Chinois  a  remis  aux  préposés  de  la 
Compagnie  à  Canton  quatre  desseins  représentant  les  victoires  de  L'Empereur 
de  la  Chine  Sur  les  tartares  manchoux,  il  a  demandé,  au  nom  des  grands 
mandarins  de  la  Ville,  que  ces  desseins  fussent  apportés  en  france  pour  y  être 
gravés  par  les  meilleurs  artistes  conformément  au  Décret  de  l'empereur,  dont 
il  a  remis  en  même  [sic]  deux  traductions  L'une  -en  latin  et  l'autre  en  Italien. 
Les  traductions  de  ce  décret  ainsy  que  les  desseins,  avoient  été  envoyés  de 
Pékin  par  le  P.  Castiglione,  Jésuite,  qui  avoit  reçu  les  ordres  de  l'Empereur  à 
cet  égard.  Ces  divers  [sic]  Pièces  sont  accompagnées  d'une  Lettre  de  ce  Père 
adressée  au  Président  de  l'Académie  de  Peinture,  dans  laquelle  il  lui  recom- 
mande la  perfection  de  L'ouvrage,  en  même  tems  qu'il  en  exprime  les  Conditions; 
nous  avons  pensé.  Monsieur,  que  la  direction  d'un  travail  dont  le  succès  interresse 
l'honneur  des  artistes  françois  ne  pouvoit  regarder  que  vous,  nous  avons  l'hon- 
neur de  vous  adresser  en  conséquence  une  traduction  tant  du  Décret  de  l'Em- 
pereur, que   de   la   lettre  du  P.  Castiglione  et  nous  vous  ob.servons  qu'il  seroit 

1)  Lettre  de  Parent  à  Bertin,  e'crite  de  Seville,  18  avril  1116  {Corâier,  Les  Conqué/es, 
p.  7). 

2)  0' 1924  (2),  pièce  n»  1. 

3)  Lire  „Pankeikoua",  que  donne  d'ailleurs  le  document  de  177B  émanant  du  comte 
d'Angiviller.  C'est  là  une  transcription  de  ^-ffip  «^  B  P'an  K'i'l<oaan,  nom  qui  est 
resté  jusqu'au  milieu  du  XIX'  siècle  celui  d'une  des  maisons  hannistes  de  Canton;  cf. 
T'ounff  Fao,  11,  m,  307—810;  Cordier,  La  France  en  CAine,  p.  61.  62;  H.  B.  Morse, 
The  gilds  of  China,  Londres,  1909,  in*8°,  p.  69  (dans  T'oung  Pao,  II,  Ht,  p.  310,  „P'an 
Kou-kouan"  est  une  transcription  inexacte,  et  on  ne  voit  pas  pourquoi  le  nom  est  répété 
deux  fois  dans  la  liste).  Le  „Pankeikoua"  ici  vise'  n'est  autre  que  P'an  T'ong-wen,  le  pre- 
mier signataire  du  contrat  de  1765.  Peut-être  est'ce  le  nom  de  „Pan-kei-koa"  qui  est  altéré 
en  „T'an-an-koa"  dans  une  copie  d'un  document  de  1770  reproduite  par  Cordier,  £a  Fra-wt^e 
m  Chitie,  p.  4. 


LES    «CONQUÊTES   DE    l'eMPEREUR   DE    LA    CHINE».  203 

à  souhaiter,  pour  remplir  les  intentions  de  l'empereur,  que  ce  travail  fût  fini 
au  mois  de  9''"  prochain,  afin  de  profiter  des  vaisseaux  que  la  compagnie  ex- 
pédiera alors  pour  la  Chine. 

La  Compagnie  payera  ce  qu'il  en  pourra  coûter  pour  l'Exécution  de  cet 
ouvrage,  et  nous  nous  empresseions.  Monsieur,  de  vous  remettre  les  quatre 
desseins,  ainsy  que  les  autres  Pièces  originales  dont  nous  venons  de  vous  faire 
le  détail,  aussitôt  que  vous  aurez  bien  voulu  nous  en  indiquer  le  moment. 

Nous  sommes  avec  Respect,  etc. 
Signé:  Brisson,  Du  Vandier,  Marion,  Belin  (?),  Sancé  (?)  [,]  de  Lessart,  Le  Moyne 

et  De  Mery  Darcy. 

Cette  copie  de  la  lettre  des  directeurs  de  la  Compagnie  des  Indes 
est  accompagnée  de  la  copie  d'un  Mémoire,  évidemment  établi  dans 
les  bureaux  de  Bertin,  et  dont  voici  le  texte: 

L'Empereur  Kien-long,  actuellement  regnant  en  Chine  vient  de  Rendre 
hommage  à  l'Industrie  françoise,  en  faisant  charger  les  préposés  de  la  Com- 
pagnie des  indes  à  Canton  de  faire  graver  en  franco  quatre  grands  desseins 
représentant  des  victoires  qu'il  a  remportées  sur  des  Rebelles  attachés  à  la 
dernière  dinastie  chinoise;  ces  quatre  desseins  sont  actuellement  à  Paris  entre 
les  mains  des  Sindics  et  Directeurs  de  la  Compagnie  des  Indes. 

L'Empereur  demande  que  les  quatre  Planches  gravées  sur  cuivre  lui  soient 
envoyées,  avec  200.  épreuves  de  chaque  Planche;  pour  fournir  à  la  dépense,  il 
a  fait  délivrer  aux  préposés  de  la  Compagnie,  une  somme  de  Seize  mille  Taëls 
(N*  Le  Taël  vaut  7^10*  ce  qui  fait  une  somme  de  112.800^).  Ce  Prince  demande 
encore  que  les  quatre  Desseins  originaux  luy  soient  renvoyés  avec  les  Planches 
et  les  Epreuves,  on  dit  que  la  Compagnie  des  Indes  d'angleterre,  ou  ses  em- 
ployés à  la  Chine  ont  fait  tout  leur  possible  pour  avoir  la  Préférence  de  Cette 
Commission,  sentant  bien  toute  l'utilité  que  l'angleterre  en  auroit  pu  retirer, 
mais  que  les  missionnaires  qui  sont  à  la  Cour  de  Pékin  ont  procuré  cet  avantagé 
à  la  france. 

on  Croiroit  à  propos  d'exécuter  en  petit  ces  quatre  desseins  sur  des  grands 
vases  de  Belle  forme  de  la  Manufacture  Royale  de  Sève  [sic],  un  tel  présent 
seroit  sans  doute  fort  estimé  de  l'empereur  de  la  Chine,  niais  ce  qui  lui  feroit 
le  plus  de  plaisir,  ce  seroit  de  voir  ces  mêmes  desseins  exécutés  en  tapisseries 
à  la  Manufacture  Roïale  des  Gobelins,  ou  au  moins  à  celle  de  Beauvais.  .  .  ') 

Ce  Mémoire  est  lui-même  suivi  de  la  copie  d'une  lettre  de  Bertin 

au   marquis   de   Marigny,   en   date   du   27  décembre  1766.    Elle  est 

ainsi  conçue: 


1)  La  suite  du  Mémoire  énumère  les  avantages  commerciaux,  politiques  et  religieux  à 
retirer  de  l'exécution  de  la  commande. 


204  PAUL   PELLIOT. 

Le  Memoire,  Monsieur,  que  j'ai  l'honneur  de  vous  adresser  ayant  été  remis 
au  Roy,  S.  M.  sur  le  compte  qu'elle  m'a  chargé  de  luy  en  rendre,  m'a  donné 
ses  ordres  pour  ce  qui  concerne  la  manufacture  de  Sèvres:  elle  m'a  commandé 
aussi  de  vous  faire  part  de  ce  memoire,  en  vous  prévenant  de  Sa  Part  qu'elle 
désire  que  vous  preniez  ses  ordres  sur  les  demandes  que  contient  ce  mémoire 
relatives  à  votre  administration,  après  néantmoins  que  vous  vous  serez  procuré 
à  la  Compagnie  des  Indes  tous  les  ecclaircissemens  qui  peuvent  vous  êtres  né- 
cessaires pour  les  objets  qui  vous  regardent,  et  que  présente  entr'autres  une 
Lettre  qui  a  dû  vous  parvenir  par  la  voie  de  la  Compagnie  des  Indes  à  votre 
adresse  comme  Directeur  Général  des  Batimens  du  Roy  et  manufactures. 

Je  vous  renouvelle,  elc.  Signé:  Berlin. 

Je  ne  crois  pas  que  l'idée  de  faire  reproduire  les  quatre  dessins 
en  tapisserie  par  les  manufactures  des  Gobelins  ou  de  Beauvais  ait 
eu  aucune  suite.  En  ce  qui  concerne  la  manufacture  de  Sèvres,  la 
lettre  de  Bertin  semble  indiquer  que  des  ordres  avaient  été  au 
moins  donnés.  L'administrateur  de  la  manufacture  de  Sèvres  me 
fait  savoir,  par  lettre  du  17  novembre  1920,  qu'on  ne  trouve  rien 
à  ce  sujet  dans  ses  archives,  mais  ajoute  que  ces  archives  «sont 
assez  pauvres  de  renseignements  sur  les  productions  artistiques  de 
la  Manufacture  au  XVIIP  siècle»  ^). 

Grâce  à  Bertin,  les  quatre  dessins  furent  donc  remis  à  M.  de 
Marigny,  non  pas  en  tant  que  Directeur  de  l'Académie  royale  de 
peinture,  mais  comme  Directeur  Général  des  Bâtiments  du  Roi  et 
Manufactures^);  cette  remise  aurait  été  effectuée  le  31  décembre 
1766  par  M.  de  Méry  d'Arcy  ^). 


1)  L'administrateur  me  fait  savoir  par  ailleurs  qu'on  possède  encore  an  Musée  Cérami- 
que de  la  Manufacture,  sous  le  nom  d'„Empereur  de  la  Chine",  la  maquette  originale  par 
Le  ßiche  (1775)  d'une  statuette  en  pied  de  K'ien-long,  et  que  c'est  même  un  des  modèles 
dont  on  continue  la  fabrication.  Un  exemplaire  de  cette  statuette  fut  envoyé  à  la  Cour  de 
Pékin,  ainsi  qu'un  portrait  de  K'ien-long  „peint  sur  porcelaine  de  France",  d'après  une 
lettre  de  Bertin  à  Panzi  en  date  du  16  novembre  1781  (Cordier,  Giuseppe  Pami,  p.  9; 
La  Chine  en  France  au  XFlIle  siècle,  p.  83). 

•  2)  C'est  ce  qui  résulte  de  la  fin  de  la  lettre  de  Bertin  du  27  décembre  1766  qu'on 
a  lue  plus  haut  et  des  termes  employés  dans  les  soumissions  des  graveurs  qui  exécutèrent 
les  planches.  Et  c'est  aussi  sans  doute  ce  que  veut  dire  Bertin  quand,  dans  son  Mémoire 
plus   tardif,   il   déclare  que  la  lettre  de  Castjglione  était  adressée  au  Président  des  Arts  et 


LES    «CONQUÊTES   DE   l'eMPEREUR  DE   LA   CHINE».  205 

A  cette  même  date  du  31  décembre  1766,  Bertin  parlait  avec 
enthousiasme  des  quatre  dessins  «magnifiques»  arrivés  de  Chine. 
«Ces  dessins  lavés  à  l'encre  de  la  Chine  sont,  disait-il,  do  la  plus 
grande  beauté;  on  y  distingue  entr'autres  ceux  qui  sont  de  la  main 
du  P.  [sic]  Castiglione  et  du  F.  Attiret»  i).  Il  est  vrai  que  Bertin 
ajoutait  en  note:  «Je  ne  les  ai  pas  encore  vu,  mais  M.  Poivre^) 
et  autres  personnes  les  trouvent  tels».  Mais  l'admiration  ne  semble 
pas  avoir  été  aussi  grande  dans  le  monde  des  artistes.  En  particulier, 
quand  il  s'agit  de  graver  le  dessin  du  P.  Jean  Damascene,  Cochin 
estima   nécessaire   de   le   retoucher   au    préalable   à  tel  point  que  le 


ajoute  expressément  (à  tort)  qu'il  n'y  était  pas  qualifié  du  titre  de  „Président  de  rAcadémie". 
Il  n'y  a  pas  à  s'arrêter  à  l'indication  en  apparence  contraire  de  la  notice  de  Helœan  (cf. 
Cordier,  La  France  en  Chine,  p.  16).  Il  semble  d'ailleurs  qu'il  se  soit  produit  à.  la  fin  de 
1766  certaines  contestations  ou  rivalités  au  sujet  de  ces  dessins,  et  ce  n'est  peut-être  pas 
seulement  aux  premières  démarches  des  Directeurs  de  la  Compagnie  des  Indes  pour  choisir 
eux-mêmes  des  graveurs  que  Bertin  faisait  allusion  quand  il  écrivait  au  Marquis  de  Marigny 
le  18  mai  1771;  „Vous  vous  rappelez,  Monsieur,  le  danger  que  coururent  les  dessins  des 
Batailles  que  l'Empereur  de  la  Chine  en  France  il  y  a  quatre  ans...  lorsque  j'en  donnai 
l'éveil  afin  qu'elles  vous  fussent  remises  pour  être  gravées  sous  vos  ordres..."  (Cordier, 
La  Chine  en  France,  p.  59;  Les  Conquêtes,  p.  16).  Cette  lettre  est  citée  avec  cette  date 
du  18  mai  1771  par  M.  Cordier  d'après  la  copie  qui  s'en  trouve  dans  les  papiers  de  Bertin 
légués  par  M.  Delessert  à  l'Institut;  mais  cette  même  lettre  existe  aux  Archives  Nationales 
(0'1924[2],  pièces  54,  55,  56)  et  y  est  datée  de  la  „fin  may  1771". 

3)  Cf.  Cordier,  Les  Conquêtes,  p.  7.  Cette  date  est  vraisemblable,  mais  elle  n'est  don- 
née à  ma  connaissance  que  par  Helman,  dans  la  notice  jointe  à  sa  rédaction  des  seize 
estampes  (cf.  Cordier,  La  France  en  Chine  au  XV llle  siècle,  p.  16);  cette  notice  renferme 
plusieurs  inexactitudes,  et  ne  saurait  faire  foi  à  elle  seule, 

1)  Ibid.,  p.  8, 

2)  Les  dessins  doivent  être  arrivés  par  Lorient,  et  Pierre  Poivre  se  trouvait  dans 
ce  port,  en  instance  de  départ  pour  l'Ile  de  France  (Maurice),  le  7  janvier  1767  (cf. 
T'onnfj  Pao,  1914,  p.  309).  Mais  il  semble  qu'il  ne  faisait  alors  qu'y  parvenir,  et  je 
crois  plus  probable  qu'il  ait  vu  les  dessins  à  Paris.  En  tout  cas,  la  correspondance  conser- 
vée de  Poivre  avec  Bertin  ne  contient  rien  sur  les  dessins  qui  soit  antérieur  à  la  présente 
lettre  de  Bertin.  Quelques  jours  plus  tard,  le  12  janvier  1767,  et  toujours  de  Lorient, 
Poivre  écrivait  à  Bertin:  „Vos  observations  au  sujet  des  quatre  desseins  de  Bataille  de 
l'Empereur  seront  certainement  gouttées  des  Missionnaires  de  Pékin  et  je  ne  doute  pas 
que  ces  Mrs.  ne  fassent  leurs  efforts  pour  les  faire  également  goûter  à  l'empereur" 
{T'oung  Pao,  1914,  p.  312);  mais  nous  ignorons  en  quoi  consistaient  ces  „observations" 
de  Bertin. 


206  PAULPELLIOT. 

graveur  eut  un  mois  de  délai  de  plus  que  ses  trois  confrères  pour 
livrer  sa  planche^).  Et  en  1769,  le  marquis  de  Mariguy,  écrivant 
au  frère  d'Attiret  à  propos  des  dessins  exécutés  par  celui-ci, 
n'hésitait  pas  a  ajouter  «quoiqu'à  dire  vray,  étant  faits  dans  le  goût 
chinois  ils  soyent  plus  remarquables  par  la  singularité  de  ce  qu'ils 
représentent  que  par  leur  beauté»  ^).  Cette  appréciation  du  Directeur 
Général  des  Bâtiments  du  Roi  est  confirmée  par  une  remarque 
émanant  de  Cochin  lui-même.  Le  3  janvier  1770,  un  abbé  Viguier 
écrivait  de  Besançon  au  marquis  de  Marigny  et  offrait  de  lui  vendre 
pour  25  louis  deux  recueils  envoyés  de  Pékin  par  le  frère  Attiret 
et  contenant  l'un,  des  gravures  >  du  Yuan-ming-yuan,  l'autre,  des 
planches  qu'il  croyait  représenter  les  fêtes  données  en  l'honneur 
du  60®  anniversaire  de  la  mère  de  K'ien-long.  Le  marquis  de 
Marigny  lut  trop  vite  la  lettre,  pensa,  qu'on  lui  proposait  des  œuvres 
originales  d'Attiret  lui-même,  et  mit  en  note:  «A  montrer  à  Mr. 
Cochin  pr  ce  qu'il  pense  des  desseins  du  f.  Attiret».  Cochin  répondit 
le  11  janvier  1770  qu'il  s'agissait  non  de  dessins  originaux,  mais 
de  gravures  faites  d'après  les  dessins  d'Attiret,  qui,  ajoutait-il, 
«d'ailleurs  étoit  un  médiocre  dessinateur»  ').  En  réalité,  l'importance 


1)  Arch.  Nat.,  0»1924(2),  n"'  6—10. 

2)  Arch.  Nat.,  0'1911  (5),  n»  177. 

3)  Cette  correspondance  se  trouve  aux  Arch.  Nat.,  0' 1912(1),  pièces  7,  8  et  9.  Les 
albums  dont  il  est  question  ici  ne  sont  pas  sans  intérêt  pour  l'histoire  de  la  gravure  en 
Chine,  et  j'aurai  occtfeion  d'en  reparler  plus  loin.  Je  reproduis  donc  les  trois  lettres. 
Voici  d'abord  celle  de  l'abbé  Viguier,  de  Besançon,  3  janvier  1770:  „J'ai  deux  recueils 
envoyés  de  Pékin  par  le  f.  Attiret,  premier  peintre  de  l'empereur  de  la  Chine,  dont  je 
me  déferai  en  votre  faveur  pour  vingt-cinq  louis,  s'ils  vous  conviennent.  Le  premier  est 
un  carton  bleu  renfermant  deux  livres  chinois  de  la  hauteur  de  10  pouces,  et  de  6  de 
largeur  avec  quarante  gravures  pliées  par  le  milieu.  C'est  la  description  d'Yven-ming-yven, 
ou  des  dernières  maisons  de  plaisance  de  l'empereur,  qui  ont  été  bâties  hors  des  murs  de 
Pékin.  L'autre  recueil  est  un  carton  jaune  qui  renferme  trois  volumes  dont  l'un  est  chinois 
et  les  deux  qui  suivent  contiennent  147  planches,  toutes  pliées  par  le  milieu,  hantes  de 
11  pouces  8  lignes  et  larges  à  proportion.  Cette  dernière  collection  est  le  détail  des  (êtes 
données  vers  l'an  1752  à  l'occasion  de  la  60'  année  de  l'impératrice  mère.  Les  décorations 
commençoient   à   Yven-ming-yven,   et   se   terminoient   au   palais   qui   est  dans  le  centre  de 


LES    «CONQUÊTES   DE   l'eMPEREUR   DE   LA   CHINE».  207. 

qu'on  accorda  en  1766—1767  à  la  «commande»  de  l'empereur  de 
Chine  ne  tenait  en  rien  à  la  valeur  des  dessins.  Mais  on  ne  dou- 
tait pas  que  de  belles  gravures  françaises  ne  dussent  exciter  l'ad- 
miration de  K'ien-long;  elles  vaudraient  à  la  France  un  respect  et 
un  crédit  qui  la  distingueraient  des  Hollandais,  des  Portugais  et 
surtout  des  Anglais,  et  dont  elle  tirerait  des  avantages  précieux  au 
point  de  vue  du  commerce  et  de  la  religion. 

Pour  atteindre  ce  but,  il  fallait  s'adresser  à  des  artistes  d'un 
talent  reconnu;  Cochin  fut  chargé  de  les  choisir.  Le  22  avril  1767, 
Le  Bas,    Saint-Aubin,    Prévôt   et   Aliamet   soumissionnaient   chacun. 


Pékin,  de  la  ville  tartare.  Elles  occupoient  un  espace  d'environ  quatre  lieues.  Vous  verres 
dans  les  lettres  édifiantes  des-  PP.  jésuites,  quelques  détails  au  sujet  des  curiosités  que  je 
vous  propose.  Le  f,  Attiret  y  donne  une  description  assez  exacte  d'Yven-ming-yven,  et  le 
P.  Amyot,  celle  de  la  fête  célébrée  en  l'honneur  de  l'impératrice-mère".  La  description  du 
F.  Attiret  dont  parle  l'abbé  Viguier  est  celle  donnée  dans  la  lettre  à  d'Assaut  du  1"  no- 
vembre 1743  {Lettres  édif.,  éd.  du  Panthéon  littéraire,  III,  786 — 795);  elle  est  antérieure 
à  la  construction  des  palais  „européens"  du  Yuai:-ming-yuan,  Quant  à  la  lettre  du  P.  Amiot, 
elle  est  du  20  octobre  1752  {Lettres  édif.,  même  éd.,  III,  832—841).  Le  11  janvier  1770, 
Cochin  écrivait  à  Marigny:  „Les  Effets  qui  vous  sort  proposés  ne  sont  point  des  desseins 
du  E.  Attiret,  qui  d'ailleurs  étoit  un  médiocre  dessinateur,  mais  des  gravures  faites  d'après 
ses  desseins.  Elks  auront  du  moins  le  mérite  de  l'Exactitude  et  les  manuscrits  qui  y  sont 
joints  peuvent  être  curieux.  Le  Prix  que  Ion  en  demande  ne  me  paroist  point  exorbitant, 
mais  cette  curiosité  sembleroit  convenir  davantage  à  la  Bibliothèque  du  Roy  qu'au  Depost 
des  Bâtimens".  Le  4  [lire  14  P]  janvier  1770,  on  répondit  en  conséquence  à  l'abbé  Viguier 
de  s'adresser  plutôt  „à  M.  le  Comte  de  St  Florentin  qui  a  la  Bibliothèque  du  Roy  sous 
ses  ordres  ou  à  M.  Bignon  qui  en  est  le  bibliothécaire".  Si  Marigny  s'était  trompé  en 
croyant  qu'il  s'agissait  de  dessins  d'Attiret,  Cochin  faisait  erreur  à  son  tour  en  admettant 
que  les  gravures  étaient  faites  d'après  des  dessins  d'Attiret.  En  outre,  rien  n'indique  dans 
la  lettre  de  Viguier  que  les  albums  qu'il  proposait  fussent  en  partie  des  manuscrits,  comme 
l'admet  Cochin.  Ce  serait  cependant  possible  s'il  s'agissait  bien  des  fêtes  de  1751  (telle  est 
la  date  véritable),  car  elles  ne  devaient  pas  encore  être  gravées  en  1770,  et  on  sait  qu'on 
en  avait  envoyé  en  France  au  moins  un  exemplaire  peint.  Mais  on  ne  voit  pas  pourquoi 
ce  coûteux  cadeau  serait  allé  à  l'abbé  Viguier,  et  je  montrerai  plus  loin  que  le  second  ouvrage 
possédé  par  l'abbé  Viguier  était  sûrement  l'album  gravé  représentant  les  fêtes  du  60^  an- 
niversaire de  K'ang-hi,  en  1713,  et  non  celui  des  fêtes  du  60'  anniversaire  de  l'impératrice- 
mère  en  1751.  Je  ne  sais  si  l'abbé  Viguier  s'adressa  à  la  Bibliothèque  du  Roi;  s'il  le  fit, 
la  négociation  ne  dut  pas  aboutir,  car  la  Bibliothèque  Nationale,  ni  aux  manuscrits,  ni  aux 
estampes,  ne  paraît  renfermer  aucun  album  répondant  aux  indications  de  la  lettre  de  1770 
et  qui  soit  entré  vers  cette  époque  dans  les  collections. 


208  PAUL   PELL  10  T. 

pour  l'exécution  d'une  planche  qu'ils  devaient  faire  «tout  leur 
possible»  pour  livrer  eu  octobre  1768,  sauf  Saint- Aubin,  qui, 
chargé  de  graver  le  dessin  du  P.  Jean  Damascene,  avait  jusqu'à 
novembre  1768  ^). 

Les  douze  autres  dessins  arrivèrent  en  juillet  1767^);  ils  étaient 
accompagnés  d'une  lettre  du  Conseil  de  Direction  de  la  Compagnie 
des  Indes  à  Canton,  en  date  du  10  janvier  1767,  dont  on  trouve 
aux  Archives  Nationales  l'extrait  suivant;  ^) 

Nous  Vous  Envoyons,  M. M.  Douze  nouvelles  Estampes  ou  sont  représentées 
Les  Victoires  de  L'Empereur  de  la  Chine,  Ces  Douze  Estampes  sont  renfermées 
quatre  à  quatre  dans  trois  petites  Boettes  de  Calice  qui  seront  réparties  sur  les 
3.  V""^  Le  Berryer  et  Le  Penthîevre  vous  en  porteront  chacun  une,  Le  Duras 
aura  La  troisième.  Le  Conseil  de  la  précédente  Expédition  vous  en  Envoya  de 
pareilles,  où  du  moins  dans  le  même  genre  L'année  dernière.  Nous  Vous  prions, 
M.M.  de  prendre  les  précautions  les  plus  sûres  pour  qu'elles  soient  faites  dans 
le  tems  prescrit.  L'honneur  d'avoir  Eté  choisis  entre  les  autres  nations  pour 
décorer  Le  Palais  de  Sa  Majesté  Impériale  est  assurément  très  flateur,  mais  il 
nous  expose  à  des  Embaras  que  nous  eussions  été  plus  aise  d'Eviter.  La  route 
étant  faite,  nous  avons  Eté  obligés  de  la  suivre,  nous  tachons  seulement  de  ne 
pas  nous  compromettre  en  ne  déterminant  point  de  terme  pour  L'Exécution 
où  du  moins  en  exigeant  un  terme  si  long  qu'il  ne  Soit  pas  possible  de  man- 
quer à  nos  engagements. 

La  Prière  que  nous  vous  faisons  icy  est  d'autant  plus  juste  et  d'autant 
plus  digne  de  votre  attention  qu'elle  ne  nous  regarde  pas  personnellement;  ce 
n'est  pas  nous  qui  Souffririons  dé  votre  peu  d'Exactitude,  mais  Elle  pourroit 
Entraîner  La  ruine  de  vos  principaux  marchands  et  par  contrecoup  rejaillir 
infailliblement  sur  La  Compagnie./. 

Comme  on  le  voit,  le  grand  souci  des  agents  de  la  Compagnie 
des    Indes    était    qu'un    retard    dans   la   livraison    des    planches    ne 


1)  Arch.  Nat.,  0'1924(2),  n'"  6 — 10;  ce  sont  les  originaux  des  soumissions. 

2)  Cordier,  Les  Conquêtes,  p.  10.  Cette  date,  donnée  dans  une  lettre  de  Bertin  de  1769, 
est  cependant  un  peu  surprenante,  car  ce  n'est  que  le  20  septembre  1767  que  les  Directeurs 
de  la  Compagnie  des  Indes  avisent  le  marquis  de  Marigny  de  l'arrivée  des  12  dessins;  ils 
les  lai  envoyaient  sans  doute  en  même  temps  qne  la  lettre,  car  le  21  septembre,  Marigny 
leur  accuse  réception  des  12  dessins  placés  en  trois  caisses  (on  va  voir  qu'ils  avaient  été 
en  effet  chargés  sur  trois  vaisseaux  différents);  cf.  Arch.  Nat.,  0*1924(2),  n°"  2  et  15. 

S)  àrch.  Nat.,  0' 1924  (2),  n°  4. 


LES    «CONQUÊTES   DE   l'eMPEREUR  DE   LA.   CHINE».  209 

mécontentât  l'Empereur  et  n'attirât  aux  haunistes  des  difficultés  avec 
les  autorités  de  Canton.  Mais,  malgré  toutes  les  recommandations,  le 
retard  se  produisit  et  fut  de  plusieurs  années.  Déjà  lors  des  soumissions 
aux  quatre  premières  planches,  au  lieu  de  la  date  de  novembre  1767 
qui  était  indiquée  par  la  lettre  de  la  Compagnie  des  Indes  de  dé- 
cembre 1766,  on  avait  dû  se  borner  à  demander  aux  artistes  de 
faire  «tout  leur  possible»  pour  livrer  leur  travail  en  octobre  et 
novembre  1768  \).  Ce  délai  même  fut  insuffisant,  et  deux  planches 
seulement  étaient  complètement  achevées  le  17  décembre  1769. 
Encore  ne  furent-elles  pas  expédiées  immédiatement,  car  une  lettre 
du  P.  Benoist  de  la  fin  de  1773  montre  qu'aucune  des  planches 
n'était  arrivée  en  Chine  avant  un  premier  lot  de  sept  planches  qui 
parvint  à  Pékin  au  début  de  décembre  1772  ^).  Je  n'ai  retrouvé 
les  soumissions  que  pour  11  des  12  planches  du  second  envoi;  2 
sont  du  2  décembre  1767  8),  8  du  P^  février  1768*),  1  du  26  mars 
1768^).  Le  travail  se  prolongea  sept  ans;  les  dernières  quittances 
sont   de  la   fin   de    1774^).  Je  ne  sais  si  des  gravures  étaient  par- 


1)  Dans  sa  lettre  à  Cochin  du  19  avril  1767,  le  marquis  de  Marigny  insistait  pour 
que  les  graveurs  eussent  fini  fin  1768  alors  qu'eux  mêmes  disaient  qu'il  leur  fallait  jusqu'à 
tin  1769,  et  le  marquis  ajoutait  qu'„une  année  de  refard  peut  ûter  à  la  France  l'avantage 
de  faire  parvenir  son  ouvrage  la  première"  (cf,  Monval,  Les  Conqvétes,  p.  151 — 152). 
Mais  la  France  seule  avait  reçu  commande,  et  par  suite  le  sens  de  cette  dernière  phrase 
m'échappe. 

2)  Lettres  édifiantes,  éd.  du  „Panthe'on  Littéraire",  IV,  222;  et  la  lettre  parallèle  du 
16  novembre  1773  à  Bertin  publiée  par  M.  Cordier  (partiellement  dans  Les  Conquêtes, 
p.  16 — J8;  intégralement  dans  T'oung  Pao,  1917,  341 — 349).  Un  passage  de  T'oung  Pao, 
1917,  p.  343,  montre  que  les  trois  lettres  reproduites  l'une  après  l'autre  dans  les  Lettres 
édifiantes,  et  dont  la  première  était  du  4  novembre  1773,  étaient  adressées  au  P.  du  Gad, 
ancien  supérieur  de  la  mission  française  de  Chine.  Les  Lettres  édifiantes  ne  donnent  pas 
les  dates  exactes  des  2"  et  3°  lettres;  elles  paraissent  être  de  la  fin  de  cette  même  année. 

3)  Arch.  Nat.,  0' 1924  (2)  n"  19. 

4)  Arch.  Nat,  0'1911  (4)  n-  18  à  23. 

5)  Arch.  Nat,,  0'1924(2)  n°  21. 

6)  Et  non  de  janvier  1774  comme  l'a  dit  M.  Monval  {Les  Conquêtes,  p.  154)  et 
comme  M.  Cordier  l'a  répété  d'après  lui  (Les  Conquêtes,  p.  11).  C'est  ce  qui  résulte 
d'une  lettre  de  Cochin  du  6  décembre  1774,  insistant  pour  le  règlement  du  compte  des 
graveurs.  Cette  lettre  contient  en  outre  le  passage  suivant:  „Les  planches  de  la  Chine 
sont  livrées,  les  estampes  imprimées,  le  dernier  envoi  se  fait  dans  deux  ou  trois  jours". 


210  PAULPELLIOT. 

venues  eu  Chine  en  1773.  En  tout  cas  un  uouveau  lot  de  trois 
caisses  parviut  à  Macao  sur  le  Superbe  le  29  août  1774 1).  Les 
dernières  planches  et  épreuves,  expédiées  de  Paris  en" décembre  1774, 
ne  purent  parvenir  en  Chine  avant  le  milieu  de  1775.  Pour  faire 
patienter  l'empereur,  le  P.  Benoist  lui  expliquait  que  «les  premières 
planches  ayant  été  exécutées,  le  Ministre  jugeant  que  quelque 
délicat  que  fut  le  burin,  l'espèce  de  gravure  qu'on  avoit  employée 
ne  seroit  peut-être  pas  du  gout  d'ici,  il  aima  mieux  sacrifier  ces 
premières  Planches  et  les  faire  recommencer  dans  un  goût  qu'il 
désigna  lui-même ...»  2)  Je  ne  trouve  rien  de  pareil  dans  les 
dossiers  des  Archives  Nationales  ^). 

* 
*  * 

Les  acomptes  et  paiements  étaient  effectués  aux  graveurs  par 
le  Trésor  au  moyen  de  sommes  que  la  Compagnie  des  Indes  met- 
tait à  sa  disposition.  Mais  la  Compagnie  des  Indes  elle-même  ne 
faisait  ces  versements,  au  moins  en  principe,  que  pour  le  compte 
de  l'empereur  de  Chine,  entendez  des  marchands  hannistes  de 
Canton  qui  eurent  sûrement,  en  dernière  analyse,  à  supporter  seuls 
les  frais  de  la  commande  impériale  *). 

On  a  vu  que  l'édit  du  13  juillet  1765,  en  prescrivant  que  la 
gravure   des   planches   se  fit  en  Europe,  ordonnait  que   «le  prix  de 

1)  Cordier,  La  France  en  Chine,  p.  38,  60. 

2)  Lettres  édifiantes,  IV,  209;  Cordier,  Les  Coriquêtes,  p.  17;  T'oung  Pao,  1917, 
p.  346,  Cette  conversation  entre  K'ien-long  et  le  P.  Benoist  eut  lieu  au  cours  des  séances 
où  le  frère  Panzi  peignait  le  portrait  de  l'Empereur,  c'est-à-dire  dans  les  premiers  mois 
de  1773.  Mais  alors  on  comprend  mal  que  le  P,  Benoist  n'y  fasse  aucune  allusion  à 
l'arrive'e  des  sept  premières  planches  qui,  d'après  le  témoignage  même  de  sa  lettre,  étaient 
arrivées  à  Pékin  dès  le  début  de  décembre  1772. 

3)  11  faut  toutefois  se  rappeler  que  le  P.  Benoist  possédait  au  sujet  de  l'exécution  et 
du  tirage  des  gravures  un  mémoire  écrit  par  Cochin  en  1769  et  qui  parvint  à  Pékin  en 
1770;  or  nous  ne  savons  pas  tout  ce  que  contenait  ce  mémoire,  sur  lequel  je  reviendrai 
plus  loin. 

4)  M«^  Favier,  Peking  (Pékin,  1897,  g""  in-4),  p.  215,  se  trompe  absolument  en  disant 
que  les  planches  furent  gravées  „aux  frais  de  Louis  XV". 


LES    «CONQUÊTES   ÜE   l'eMPEREUR   DE   LA   CHÎNË».  2 11 

cet   ouvrage   soit   payé  sans   aucun  retardement»,  et  le  contrat  des 

hannistes  de  1765  mentionne  le  versement  immédiat  de  «5.000  taëls 

à   titre  d'arrhes»,  en  pièces  d'argent.    En  outre,  le  Mémoire  rédigé 

dans  les   bureaux   de   Bertin    à   la  fin  de  1766  dit  que  l'Empereur 

«a  fait  délivrer  aux  préposés  de  la  Compagnie  une  somme  de  seize 

mille  taëls  (le  taël  vaut  7-=^  10^  ce  qui  fait  une  somme  de  112.800-^)»^). 

Les  indications  utilisées  ici  par  les  bureaux  de  Bertin  ont  dû  parvenir 

en  même  temps  que  les  premières  planches;  il  faut  donc  qu'entre  le 

contrat  de  1765  et  le  départ  des  vaisseaux  au  début  de  1766,  il  y 

ait   eu   un   nouveau   versement  des  hannistes.    Mais  la  question  est 

encore  compliquée   par   une   entrée   dans   les    comptes   du    comptoir 

de  la  Compagnie  des  Indes  à  Canton,  où  on  lit  au  compte  «passif» 

du  comptoir  :  *) 

Piastres 
«Pour  dépôt  fait  par  le  Cong-hang  en  1765  et  1766 

à  la  Caisse  de  ce  Comptoir  pour  l'exécution  des  gravures 

représentant    les   Victoires   de    V Empereur   de   la    Chine 

20000  taëls  faisant  la  piastre  à  7™  l^  8  caches,  au  Passif    27.8552/i6-» 

Il  semblerait  donc  qu'après  le  premier  versement  de  5000  taëls 
et  un  second  de  11.000,  les  hannistes  eussent  encore  versé  en  1766 
une  troisième  somme  de  4000  taëls.  Il  n'y  a  pas  à  douter  en  tout 
cas  du  chiffre  total  de  20.000  taëls  attesté  par  les  comptes  du 
comptoir  de  Canton.  Nous  arrivons  ainsi,  pour  les  sommes  versées 
par  les  hannistes,  en  1765  et  1766,  à  un  total  de  150.000  livres, 
aussi    bien    en    nous    tenant   à   l'équivalence   de   «7<^10^»    au   taël 

1)  Ce  passage  du  Mémoire  a  été  reproduit  sans  observation  par  MM.  Monval  {Les 
Conquêtes,  p.  150)  et  Cordier  {Les  Conquêtes,  p.  6),  mais  le  calcul  des  commis  de  Bertin, 
qui  supposerait  200  sols  à  la  livre,  est  faux  dans  les  termes  où  il  nous  parvient.  A  1^  10« 
le  taël,  on  aurait,  pour  16.000  taëls,  120  000  livres.  Si  le  total  de  112.800  livres  était 
exact,  il  faudrait  que,  dans  le  texte  original  du  Mémoire,  il  y  eût  eu  non  pas  „7^  10*", 
mais  „7^  1«";  je  montrerai  tout  à  l'heure  pourquoi  c'est  le  total  que  je  crois  faux;  il  ne 
s'agirait  donc  pas  d'une  faute  de  copie,  mais  d'une  erreur  originale  du  Mémoire, 

2)  Cf.  Cordier,  La  Chine  en  France  au  XVIlle  siècle,  p.  14. 


212  PAUL   PËLLIOT. 

qu'indique  le  Mémoire  des  bureaux  de  Berlin  qu'en  partant  de  la  valeur 
en  livres  alors  admise  pour  la  piastre  en   Extrême-Orient  ^). 

Mais  il  y  eut  encore  d'autres  versements  effectués  par  les  hau- 
nistes  après  cette  date.  En  1773,  la  Compagnie  réclamait  50.000 
livres  aux  hannistes  eu  remboursement  des  sommes  payées  à  Paris 
et  qui  n'étaient  pas  couvertes  par  les  versements  de  1765  —  1766; 
elle  obtint  6.000  piastres  le  28  décembre  1773  et  resta  créditrice 
des  hannistes  pour  1200  piastres  ^).  C'est  là  une  comptabilité  bi- 
zarre, puisque  6000  +  1200  piastres,  soit  au  total  7200  piastres, 
font  38.880  livres  et  non  50.000;  ici  encore  il  a  dû  se  glisser 
quelques  erreurs  de  copie,  et  le  seul  chifl're  sûr  est  celui  des  6000 
piastres  reçues  en  1773.  Lors  de  l'arrivée  des  trois  caisses  du  Superbe 
à  la  fin  août  1774,..  de  Robien,  contre  l'avis  du  Conseil  de  Direction, 
remit  aux  hannistes  les  trois  caisses  contre  une  reconnaissance  de 
dette  de  4000  piastres  représentant  les  1200  piastres  arriérées  et 
les  nouvelles  dépenses;  ces  4000  piastres  furent  effectivement  ver- 
sées par  les  hannistes  le  12  janvier  1775^).  La  dernière  expédition 
de  gravures,  parvenue  au  milieu  de  1775,  ne  donna  pas  lieu  à  une 
nouvelle  note  de  frais  de  la  Compagnie.  Tout  était  donc  réglé 
quand  Vauquelin,  nommé  en  1776  au  poste  de  consul  qu'on  créait 
alors  à  Canton,  s'avisa  d'exiger  des  hannistes  et  obtint  d'eux,  «en 
nantissement  des  sommes  qui  pourraient  être  dues  pour  solde  des 
gravures  représentant  les    Victoires  de  V Empereur  de  la  Chine*  une 


1)  L'équivalence  de  la  piastre  à  0.71  (et  une  fraction)  du  taël  est  conforme  à  ce  que 
les  comptes  anciens  nous  font  connaître.  En  ce  qui  concerne  la  valeur  de  la  piastre  en 
livres,  les  comptes  du  comptoir  de  Canton  montrent  qu'on  calculait  alors  la  piastre  h 
„108  sols",  soit  5  livres  8  sols  (cf.  Cordier,  /.a  France  en  Ckitie,  p.  94 — 95,  98 — 99, 
106—107).  Or  27855  piastres  2/16,  à  5  livres  8  sols  la  piastre,  font  1 60.417  livres  67, 
et  puisque  ces  27855  piastres  2/16  représentent  20.000  taëls,  correspondent  à  une  valeur 
de  7J^10*  au  taël  et  non  de  7^1';  dans  le  Mémoire  des  bureaux  de  Bertin,  il  y  a  donc 
une  erreur  de  calcul,  et  on  ne  doit  pas  songer  à  une  erreur  de  copie. 

2)  Cf.  Cordier,  La  France  en  Chine,  p.  31,  3i,  61,  lOB. 
8)  Ibid.,  p.  47,  60-62,  106. 


LES  «CONQUÊTES  DE  l' EMPEREUR  DE  LA  CHINE».       213 

soumission  de  10.000  piastres,  snr  laquelle  2000  piastres  lui  furent 
versées  comptant;  cette  somme  tie  2000  piastres,  ou  10800  livres, 
figure  à  l'état  de  caisse  de  Vauquelin  daté  du  1®^'  janvier  1779. 
Le  20  décembre  1779,  Vauquelin  se  faisait  délivrer  un  nouvel  a- 
compte  de  3.000  piastres,  soit  16.200  livres,  qui  figure  à  ses  états 
de  caisse  du  1®^  janvier  1780  et  du  31  décembre  1780;  il  employa 
les  5.000  piastres  aux  besoins  du  consulat.  Vauquelin  mourut  le  23 
septembre  1782,  mais  dès  le  3  février  de  cette  même  année,  Joly 
de  Fleury,  trouvant  inique  la  réclamation  de  10.000  piastres  for- 
mulée par  Vauquelin,  insistait  à  Paris  pour  qu'on  reversât  le  plus 
vite  possible  aux  hannistes  les  5.000  piastres  qu'on  avait  exigées 
d'eux  indûment^).  La  restitution  eut  sans  doute  lieu  en  1783^). 

Si  on  ajoute  aux  150.000  livres  de  1765-1766  les  10.000  piastres, 
soit  54.000  livres  de  1773  et  1775,  on  voit  que  les  hannistes  ont 
payé  pour  les  gravures  204.000  livres.  D'autre  part,  à  Paris,  chaque 
graveur  reçut  10.000  livres  par  gravure,  sauf  Prévost  qui  pour  la 
première  planche,  la  plus  chargée,  de  Sichelbart,  eut  11.000  livres, 
et  ChoflFard  qui  soumissionna  à  deux  gravures  pour  un  prix  global 
de  15.000  livres.  Les  graveurs  reçurent  donc  156.000  livres.  D'autre 
part  Cochin,  «directeur»  de  l'entreprise,  et  directeur  efi'ectif  puis- 
qu'il retoucha  fort  certaines  planches,  fut  rémunéré  de  son  travail 
dans  des  conditions  dont  le  détail  nous  échappe  ^).  Un  état  conservé 
dans  la  liasse  0^1924  (2)  des  Archives  Nationales  totalise  à  168.000 
livres  environ  les  dépenses  déjà  effectuées  en  janvier  1774.  On  trouve 
encore  trace  de  15.000  à  20.000  livres  de  dépenses  après  cette  date. 
Qu'on  y  joigne  les  frais  d'impression  des  dernières  planches,  ceux 
d'emballage,    d'expédition,    et   on    ne   sera   pas  loin,  en  somme,  des 


1)  Ibid.,  p.  94,  95  (où  18.800  livres  est  une  faute  d'impression  pour  10.800),  98,  99, 
105,  107,  111,  125—126,  136. 

2)  Ibid.,  p.  259. 

3)  C'est  ainsi   que   Cochin  reçut  à  ce  titre  800  livres  à  la  fin  de  juillet  1774  (Arch, 
Nat,  0' 1912  [5],  n""  80  et  82. 


214  PAUL   PELLIOT. 

204.000   livres   que  la  commande  de  K'ien-long  coûta  efiFectivemeni 

aux  haunistes  de  Canton  ^). 

* 
*  * 

On  a  dit  généralement  qu'il  ne  fut  tiré  en  France  que  cent 
exemplaires  des  plauches;  c'est  en  efifet  ce  qu'on  lit  dans  la  notice 
jointe  à  la  série  réduite  par  Helman:  «Cet  Ouvrage  ne  fut  entière- 
ment terminé  qu'eu  1774,  et  les  Planches  avec  cent  Exemplaires 
qu'on  en  tira,  furent  envoyés  à  la  Chine;  il  n'en  fut  réservé  qu'un 
très-petit  nombre  pour  la  Famille  Royale  et  la  Bibliothèque  du  Roi, 
ce  qui  a  rendu  cette  suite  de  la  plus  grande  rareté»  ^).  Mais  cette 
fois  encore  la  notice  de  Helman  doit  faire  erreur. 

D'abord,  il  faut  mettre  hors  de  compte  les  exemplaires  qui 
restèrent  en  France.  Quel  que  fût  le  nombre  final  du  tirage  demandé 
par  l'empereur  de  Chine,  il  est  en  effet  bien  évident  qu'il  fallait 
lui  envoyer  ce  nombre  d'exemplaires  intégralement.  Les  exemplaires 
restés  en  Europe  étaient  donc  sûrement  tirés  en  surnombre  ^).  11 
semble  qu'au  début,  l'entourage  du  marquis  de  Mariguy  ait  pensé 
se  servir  assez  largement.  Le  frère  aîné  d'Attiret,  ayant  appris  à 
Dole  qu'on  allait  graver  à  Paris  des  dessins  de  son  frère,  s'adressait 
à  Marigny  dès  le  26  octobre  1769,  et  le  marquis,  dans  sa  réponse 
du  10  novembre  1769,  était  loin  de  le  décourager:  «Quant  à  l'envie 
que  vous  avez  de  posséder  un  exemplaire  de  la  gravure  de  ces 
dessins,  il  n'est  pas  possible  de  la  remplir  sitôt,  attendu  qu'il  est 
essentiel,   pour  les   intérêts   du   commerce   de   la   nation,   qu'il  n'en 


1)  En  dehoYs  des  gravures  elles-mêmes,  on  avait  décidé  d'abord  de  graver  à  part  un 
encadremetit,  où  une  large  place  aurait  été  faite  aux  fleurs  de  lys;  je  ne  sais  par  suite  de 
quelles  circonstances  ce  projet  fut  abandonné.  Cf.  à  ce  sujet,  Monral,  Les  Conquêtes, 
p.  151 — 152,  reproduisant  la  lettre  du  marquis  de  Marigny  à  Cochin  du  19  avril  176?; 
la  minute  de  cette  lettre  est  dans  0'1924(2);  une  copie  est  dans  0*1116,  fol.  233 — 238 
(dans  cette  copie,  l'encadrement  est  qualifié  de  „nécessaire",  au  lieu  que  la  minute  a  cor- 
rectement „accessoire"). 

2)  Cf.  Cordier,  La  France  en  Chine  au  XVllIe  siècle,  p.  16. 
8)  Je  âiflTère  sar  ce  point  de  Cordier,  Lies  Conquêtes,  p.  16. 


LES    «CONQUÊTES    DE   l'eMPEREUR   DE    LA    CHINE».  215 

paroisse  aucun  en  Europe  que  lorsque  l'envoy  complet  des  gravures  et 
des  planches  aura  été  fait,  ce  qui  doit  encore  tarder  environ  deux  ans. 
Lorsque  les  vaisseaux  chargés  de  cet  envoy  seront  partis,  je  verrai 
volontiers  à  vous  procurer  cette  satisfaction.»  J.  B.  Attiret  revient  à  la 
charge  en  1770,  puis  au  début  de  1771,  et,  le  6  février  1771,  Marigny 
lui  répond  encore:  «Il  sera  réservé  au  surplus  quelques  exemplaires  de 
ces  gravures  pour  rester  en  Europe,  et  je  vous  en  ferai  avec  plaisir 
garder  un  de  chacune  des  planches  dont  le  feu  P.  Attiret  a  fait 
les  desseins»^).  Mais,  en  1772,  la  note  change.  A  une  nouvelle  lettre 
d'Attiret  aîné,  Marigny  répond  le  7  décembre  1772  qu'il  n'est  pas 
encore  sûr  que  les  vaisseaux  emportent  encore  toutes  les  gravures 
cette  année,  et  il  ajoute:  «Je  ne  puis  même  vous  cacher  que  par 
de  nouveaux  arrangemens  avec  la  Compagnie  des  Indes,  il  est  fort 
douteux  qu'il  en  reste  en  Europe  d'autres  exemplaires  que  quelques 
uns  pour  le  roy  et  ses  ministres  [;]  il  ne  m'est  pas  possible  en  ce 
moment  de  vous  marquer  rien  de  plus  positif.»  Attiret  n'en  fit  pas 
moins  une  dernière  tentative  le  24  juillet  1775.  Le  comte  d'Angiviller, 
qui  avait  succédé  à  Marigny  dans  la  Direction  générale  des  Bâtiments, 
lui  ôta  tout  espoir  par  cette  lettre  du   15  août  1775:*) 

Lorsque  M.  de  Marigny,  Monsieur,  vous  fil  espérer  le  don  des  estampes 
gravées  d'après  les  dessins  du  P.  Attiret  votre  frère,  il  avoit  lieu  de  croire  que 
s'il  restoit  en  Europe  quelques  unes  de  ces  estampes,  elles  lui  .seroient  remises 
pour  en  faire  la  distribution.  Mais  les  choses  ayant  changé  sous  le  ministère  de 
M.  l'abbé  Terray,  il  m'est  impossible  de  vous  procurer  la  satisfaction  à  laquelle 
vous   aspirez   depuis   tant  d'années.    Il  faudroit  vous  addresser  on  à  M.  le  con- 


1)  Dans  cette  lettre  de  1771,  J.  B.  Attiret  demandait  en  outre  à  Marigny  de  lui 
obtenir  de  l'empereur  de  Chine  un  secour.'i  à  raison  des  services  rendus  à  la  Cour  de  Pékin 
par  son  frère.  Le  marquis  lui  répond  qu'il  croit  la  chose  possible,  mais  qu'Attiret  doit 
s'adresser  à  la  Compagnie  des  Indes  qui  a  seule  contact  direct  avec  les  autorités  chinoises. 

3)  La  correspondance  d'Attiret  l'aîné  avec  Marigny  et  Angiviller  se  trouve  aux  Arch, 
Nal.,  0'1924(2),  n"'  43  et  44;  0'1911(5),  n"»  176  et  177;  0'1912(2),  n"»  9, 10,  17,  35  ; 
0M912(3),  n°'  13S  et  144;  0'1913(2),  n°'  148  et  160.  La  lettre  d'Angiviller  a  déjà  été 
reproduite,  sans  indication  d'origine,  par  Roger  Portalis  et  Henri  Béraldi,  Les  graveurs 
du  XVIIle  siècle,  Paris,  in-8.  t.  II  [1S81],  p.  392. 

15 


216  PAUL   PELLIOT. 

troleur  general  ou  a  la  compagnie  des  indes.  Mais  comme  il  interesse  fort  pour 
cette  compagnie  qu'aucune  de  ces  estampes  ne  reste  en  Europe  (car  l'empereur 
de  la  chine  l'a  recommandé  fortement  et  il  y  iroit  peut-être  pour  elle  de  se 
voir  fermer  les  ports  de  cet  empire)  elle  vous  repondra  sûrement  qu'il  n'en  a 
point  resté;  et  cela  est  fort  probable.  —  je  n'en  aï  point  moi  même  qui  ait  [sic] 
donné  les  premieis  ordres  pour  l'entreprise,  ce  qui  probablement  diminuera  votre 
sensibilité  sur  cette  privation. 

Le  comte  d'Angiviller  venait  cependant  de  faire  à  ce  même 
moment  une  tentative  afin  d'obtenir  de  l'abbé  Terray  quelques 
exemplaires  des  gravures  pour  lui-même.  Nous  connaissons  cette 
tentative  par  un  «Mémoire»  assez  amer  a  l'adresse  de  l'abbé  Terray 
et  qui  avait  été  établi  dans  les  bureaux  d'Angiviller  le  24  juillet 
1775.  En  voici  le  texte  :i) 

En  1767.  Les  vaisseaux  de  Chine  apportèrent  en  Europe  quatre  desseins 
représentant  les  Conquêtes,  Victoires  et  Triomphes  de  l'Empereur  de  la  Chine, 
Kien-Lung,  sur  une  nation  Tartare  qui  s'étoit  révoltée;  et  ils  furent  suivis  peu 
après  de  12  autres  pour  être  gravés.  L'addresse  de  la  lettre  du  P.  Castiglione, 
Premier  Peintre  de  l'Empereur,  était  au  Président  de  la  sculpture  en  franco, 
pour  qu'il  ordonnât  la  gravure  de  ces  desseins  par  les  meilleurs  artistes  en 
cuivre,  ce  dont  la  ville  de  Canton  devoit  faire  les  frais  par  les  mains  du 
Président  du  Bureau  du  Commerce  Pan-kei-koua. 

M.  Bertin,  sous  les  ordres  de  qui  étoit  à  lors  la  Compagnie  des  Indes,  ne 
crut  pas  que  cette  addresse  put  regarder  autre  personne  que  M.  de  Marigny 
et  lui  renvoya  la  lettre  du  P.  Castiglione,  ainsy  que  les  desseins.  Ce  fut  en 
conséquence  M.  de  Marigny  qui,  après  avoir  pris  les  ordres  du  Roy,  fit  le  choix 
des  artistes  à  qui  l'exécution  de  ces  gravures  seroit  confiée;  il  régla  le  prix  de 
chacune  et  chargea  M.  Cochin  de  la  Direction  générale  de  l'entreprise. 

Lorsqu'il  y  eut  un  certain  nombre  de  ces  Estampes  terminées  elles  furent 
présentées  au  Roy.  Cette  presentation  eut  du  naturellement  être  faite  par  M. 
de  Marigny,  l'entreprise  s'exécutant  sous  ses  ordres.  Mais  M.  l'abbé  Terray,  sur 
le  prétexte  que  la  Compagnie  des  Indes,  qui  étoit  sous  ses  ordres,  faisoit,  ou 
avançoit  les  fonds  de  l'Entreprise,  s'empara  de  cette  presentation.  M.  de  Marigny 
ne  crut  pas  devoir  s'y  opposer  ou  s'en  plaindre  par  ménagement  pour  un  Ministre 
dont  il  avoit  besoin  à  chaque  moment. 

M.  le  Comte  d'Angiviller  auroit  pu,  par  les  raisons  exposées  ci-dessus, 
aspirer  à  faire  la  presentation  au  Roy  des  dernières  estampes,  mais  elle  s'est 
faite  avec  tant  de  précipitation  qu'il  n'a  pas  même  eu  le  temps  de  représenter 


1)  Arch.  Nat.,  0'1913(2),  n°  140. 


LES    «CONQUÊTES    DE    l'eMPEREUR    DE    LA    CHINE».  217 

à  cet  égard  ses  droits  â  Monsieur  Le  Controlleur  Général,  de  l'amitié  duquel 
il  a  lieu  de  croire  qu'ils  eussent  été  écoutés. 

Mais  il  croit  devoir  avoir  l'honneur  de  lui  observer,  que  l'Entreprise  ayant 
été  achevée  sous  ses  ordres,  on  ne  peut  du  moins  lui  refuser  quelques  exem- 
plaires de  la  suite  de  ces  gravures,  dont  certainement  la  Compagnie  des  Indes 
a  retenu  au  moins  un  petit  nombre  d'exemplaires,  et  dont  la  distribution  eut 
du  naturellement  le  concerner.  Il  est  juste  aussi  que  M.  de  Marigny  qui  dans 
le  temps  a  donné  .ses  soins  pour  que  l'entreprise  fut  exécutée  parfaitement  au 
giȎ  des  Chinois,  en  ait  une  suite. 

Au  reste  on  n'ignore  pas  que  ce  petit  nombre  d'exemplaires  réservés  en 
Europe  ne  peut  être  distribué  qu'avec  ménagement,  et  après  un  certain  temps 
écoulé,  afin  que  l'on  ne  sache  point  en  Chine  qu'il  en  a  resté  dans  ce  Pays-ci; 
Ce  qui,  selon  le  Gouvernement  paternel  de  la  Chine,  pourroit  valoir  la  Bastonade 
à  M.  Pan-kei-koua.  Mais  Monsieur  le  Controlleur  General  sera  sans  doute  Tran- 
quille sur  l'usage  que  M.  Le  Comte  d'Angiviller  fera  de  ce  don. 

Eu  marge  de  cette  copie  du  mémoire,  un  secrétaire  a  écrit: 
«M.  le  comte  m'a  dit  que  M.  le  contrôleur  général  lui  feroit  don- 
ner quelques  exemplaires  des  gravures  de  la  Chine.»  Mais  la  phrase 
finale  de  la  lettre  écrite  trois  semaines  plus  tard  à  J.  B.  Attiret 
donne  à  penser  que  le  comte  d'Angiviller  s'était  mépris  sur  les 
intentions  de  l'abbé  Terray  ^). 

D'autres  furent-ils  plus  heureux  que  le  comte  d'Angiviller? 
Nous  l'ignorons.  Il  y  eut  toutefois  quelqu'un  qui  reçut  alors  un 
exemplaire  des  gravures:  c'est  Berlin.  Bertin  s'était  adressé  à  ce 
sujet  à  Marigny  dès  1771,  et  nous  savons  par  une  note  d'un  de 
ses  secrétaires,  Chompré  ou  Parent,  que,  le  moment  venu,  il  obtint 
satisfaction  ^).  Les  exemplaires  conservés  en  Europe  et  aujourd'hui 
connus  sont  peu  nombreux.  Brunet  indique  les  prix  atteints  par 
quelques  exemplaires  passés  en  vente  publique  au  XIX®  siècle.  On 
connaît  aujourd'hui   un  exemplaire  à  la  Bibliothèque  Nationale,  un 


1)  On  sait  que  le  privilège  de  la  Compagnie  des  Indes  avait  été  suspendu  en  1769, 
et  qu'en  1770  avait  commencé  une  liquidation  qui  n'était  pas  encore  achevée  lors  de  la 
Révolution.  L'abbé  Terray,  contrôleur  général  des  finances,  avait  la  haute  main  sur  cette 
liquidation. 

2)  Cf.  Cordier,  La  Chine  en  France,  p.  59;  Les  Conquêtes,  p.  12  et  16.  La  lettre 
de  Bertin  de  mai  1771  est  en  outre  mentionnée  dans  Arch.  Nat.,  0' 1912 (2),  n"  35. 


218  PAUL    PELL  10 T. 

autre  à  la  Mazarine;  un  troisième,  donné  à  Necker  par  Louis  XVI, 
orne  les  murs  du  château  de  Coppet  ^).  Il  y  a  environ  25  ans,  un 
exemplaire  vint  aux  mains  de  M.  Henry  Hymaus  ^).  Quelques  autres 
se  trouvent  sûrement  encore  en  circulation  ^).  Voilà  pour  les  exem- 
plaires tirés  en  surnombre  et  qui  restèrent  en  Europe  au  X  VHP  siècle. 

Abstraction  faite  de  ces  exemplaires,  combien  en  fut  il  envoyé 
réellement  à  l'empereur  de  Chine? 

L'édit  du  13  juillet  1765,  transmis  eu  traduction  par  Castiglione, 
est  eu  apparence  formel:  «Je  désire...  qu'après  avoir  tiré  cent 
exemplaires  de  ces  estampes  sur  la  planche  de  cuivre,  ces  cent 
exemplaires  et  les  Planches  me  soient  renvoyés.»  Mais  le  contrat 
des  marchands  hannistes,  dont  nous  avons  l'original  chinois  et  qui, 
partout  ailleurs,  est  un  reflet  fidèle  de  l'édit  du  13  juillet,  dit  de 
son  côté  à  propos  des  quatre  premières  planches,  avec  une  précision 
qui  exclut  tout  soupçon  d'inadvertance  dans  la  rédaction:  «La  gra- 
vure étant  achevée,  pour  chaque  planche  on  tirera  200  exemplaires 
sur  bon  papier  résistant,  soit  en  tout  800  feuilles,  qui,  avec  les 
planches  de  cuivre,  seront  divisées  [en  deux  lots]  et  chargées  sur 
deux  vaisseaux  pour  être  rapportées;  chaque  vaisseau  devra  porter 
2  planches  de  cuivre  et  100  exemplaires  de  chaque  gravure,  soit  en 
tout,  400  feuilles.»  De  son  côté,  le  Mémoire  établi  à  la  fin  de  1766 
dans  les  bureaux  de  Bertin  porte:  «L'Empereur  demande  que  les 
quatre  Planches  gravées  sur  cuivre  lui  soient  envoyées,  avec  200 
épreuves  de  chaque  Planche.»  Ce  Mémoire,  qui  ne  s'inspire  sûre- 
ment pas  du  décret  ni  de  la  note  annexe  de  Castiglione,  ne  repose 
pas  non  plus  sur  le  contrat  de  1765  puisqu'il  indique  un  versement 


1)  Cordier,  La  Chine  en  France,  p.  56. 

2)  Cf.  H.  Hymans,  Une  phase  de  l'histoire  de  Vart  en  C^iW,  dans  6t<//«^t»  de  l'Acad. 
Royale  d'archéol.  de  Belgique,  5'  se'rie,  I  [1S98],  p.  55—72. 

8)  La  librairie  E.  Nourry  a  veodu  en  1919  (Cat.  n°  134,  n°  542),  pour  100  francs, 
un  exemplaire  des  «Victoires  et  Conquêtes»;  mais,  malgré  l'indication  dn  catalogue,  je 
soupçonne  qu'il  s'agissait  de  la  réduction  de  Helman. 


LES    «CONQUÊTES   DE    l'eMPEREUR   DE    LA   CHINE».  219 

de  16.000  taëls  au  lieu  des  5.000  mentioanés  au  dit  contrat;  le  chiffre 
de  200  exemplaires  de  chaque  gravure  était  doue  vraisemblablement 
répété  dans  une  autre  note  du  début  de  1766,  émanant  du  Conseil  de 
Direction  de  la  Compagnie  à  Canton,  et  qui  n'a  pas  été  retrouvée. 

Tout  bien  considéré,  je  crois  vraisemblable  que  les  hannistes, 
d'accord  peut-être  avec  les  autorités  de  Cauton,  aient  ici  modifié 
volontairement  le  nombre  d'exemplaires  indiqué  dans  l'édit  du  13 
juillet.  Il  fallait  toujours  envisager  la  perte  possible  d'un  navire. 
Or,  avec  le  contrat  des  hannistes,  même  si  un  navire  disparaissait, 
l'autre  apportait  les  100  exemplaires  exigés  par  K'ien-long;  l'em- 
pereur avait  satisfaction.  Si  les  deux  navires  parvenaient  à  bon  port, 
on  en  serait  quitte  pour  garder  à  Canton  ou  pour  détruire  les  100 
exemplaires  en  surnombre. 

Mais  faut-il  admettre  qu'après  coup  on  s'avisa  en  France  du  contenu 
même  de  l'édit  du  13  juillet,  et  que,  contrairement  au  contrat  conclu  avec 
les  hannistes,  on  ne  tira  que  cent  exemplaires  comme  le  dit  Helman? 
En  aucune  façon,  et  un  document  important,  dont  je  ne  sais  pourquoi, 
à  l'exception  de  MS^  Pavier  et  de  M.  Hymans,  on  n'a  pas  fait  état 
jusqu'ici,  va  nous  montrer  qu'à  la  fin  de  1770,  l'empereur  sanctionna 
précisément  le  chiffre  de  200  épreuves  indiqué  dès  1765  parle  contrat 
des  hannistes. 

A  la  fin  de  1769,  deux  gravures  seulement  étaient  prêtes;  en- 
core n'en  envoya-t-ou  alors  en  Chine  ni  les  planches  ni  aucun  tirage. 
En  leur  place.  Cochin  adressa  au  P.  Benoist,  supérieur  de  la  mission 
de  Pékin,  un  mémoire  dont  il  demandait  que  le  texte  fût  soumis  à 
l'empereur  de  Chine.  De  ce  mémoire  perdu,  les  lettres  du  P.  Benoist 
à  Bertin,  récemment  publiées  par  M.  Cordier,  font  mention  à  deux 
reprises.  Dans  une  lettre  du  25  novembre  1770,  le  P.  Benoist  ex- 
plique que  les  mandarins  de  la  Cour  n'acceptent  pas  en  principe 
de  se  mêler  d'une  affaire  qui  a  été  confiée  par  l'Empereur  à  ceux 
de  Canton  ;   or  c'était  le   cas  pour  la  gravure  des  seize  dessins  des 


220  PAUL    PELLIOT. 

Conquêtes^   ou,  comme  il  les  appelle  plus  exactement,  des    Victoires, 
Voici  ce  que  dit  à  leur  propos  le  P.  Beuoist:-^) 

C'est  en  conséquence  de  cette  manière  d'agir  qu'observe  ici  la  Cour,  que 
les  démarches  que  je  viens  actuellement  de  faire  pour  les  Estampes  des  Victoires 
ont  été  inutiles.  Par  le  même  ordinaire  par  lequel  sont  venues  les  lettres  de 
V.  G.  j'ai  reçu  de  Mrs.  du  Conseil  de  la  Compagnie  des  Indes  à  Canton,  le 
mémoire  de  M.  Cochin  sur  lequel  cos  Mrs.  me  témoignoient  souhaiter  ardem- 
ment que  je  leur  communiquasse  les  intentions  de  la  Cour:  quoique  je  n'ignore 
pas  les  usages  de  la  Cour  de  Pe  King:  néanmoins  comme  ce  mémoire  m'avoit 
été  adressé  directement  et  que  en  retardant  d'en  instruire  la  Cour  et  en  ren- 
voyant l'aifaire  au  douanier  de  Canton,  c'étoit  s'exposer  à  retarder  au  moins 
d'une  année  les  planches  et  les  Estampes  des  Victoires,  j'ai  cru  que  je  pouvois 
faire  ici  quelques  tentatives.  La  lettre  de  Mrs.  du  Conseil  et  le  Mémoire  de 
M.  Cochin  étoient  arrivés  très  à  propos,  deux  jours  avant  le  retour  de  Sa  Ma- 
jesté de  son  Voyage  de  Tartarie.  Dans  l'absence  de  l'Empereur  il  n'auroit  pas 
été  possible  de  rien  tenter.  Mon  premier  soin  a  donc  été  d'employer  les  deux 
jours  qui  me  restoient  à  traduire  en  chinois  les  sages  réflexions  de  M.  Cochin. 
J'avois  travaillé  à  une  nouvelle  édition  des  cartes  de  l'empire  en  cent  quatre 
feuilles,  dont  l'Empereur  a  fait  graver  les  planches  sur  cuivre'^).  Je  me  suis 
encore  chargé  bien  malgré  moi  et  uniquement  pour  me  rendre  aux  vives  solli- 
citations qu'on  m'a  faites  de  veiller  à  l'impression  de  ces  nouvelles  planches. 
Je  dis  bien  malgré  moi  parce  que  ce  n'a  été  qu'après  avoir  représenté  que  ja- 
mais je  ne  m'étois  occupé  de  cette  espèce  de  travail,  que  je  n'avois  point 
d'autres  secours  que  ceux  que  peuvent  donner  quelques  écrits  que  nous  avons 
sur  la  manière  d'imprimer  les  Estampes,  mais  qui  ne  donnent  pas  l'exercice 
et  la  pratique  sans  lesquelles  il  est  moralement  impossible  de  réussir.  Quoique 
ces  planches  soient  infiniment  plus  faciles  à  imprimer  que  ne  le  peuvent  être 
des  planches  aussi  délicates  que  le  seront  celles  des  Victoires  auxquelles  un 
artiste  aussi  habile  que  M.  Cochin  aura  apporté  tous  ses  soins:  néanmoins  les 
difficultés  de  la  part  du  papier,  de  l'huile,  du  noir,  de  l'essuy  des  planches, 
soit  avec  le  chiffon,  soit  avec  la  paume  de  la  main,  et  bien  d'autres  que  je  suis 
continuellement  témoin  qu'éprouvent  nos  ouvriers  du  Palais,  je  les  avoLs  expo- 
sées dans  mon  mémoire  pour  confirmer  les  observations  de  M.  Cochin.  Hier, 
24  novembre,  je  me  rendis  à  deux  lieues  de  Pe  King  dans  la  Maison  de  Plaisance 
où  l'Empereur  passe  la  plus  grande  partie  de  l'année  et  où  il  devoit  se  rendre 
à  son  retour  de  Tartarie.   Sa  M*«  y  arriva  effectivement  vers  les  onze  heures 


1)  T'oung  Pao,  1917,  337—340. 

2)  Je  ne  parlerai  pas  ici  des  travaux  cartographiques  du  P.  Benoist.  C'est  une  question 
que  je  compte  reprendre  prochainement  dans  une  étude  d'ensemble  sur  l'œuvre  cartographique 
de  l'ancienne  mission  jésuite  en  Chine. 


LES    «CONQUÊTES    DE   l'eMPEREUR   DE    LA    CHINE».  221 

du  matin.  Après  avoir  consulté  avec  nos  deux  Missionnaires  peintres  qui  restent 
encore  des  quatre  qui  ont  dessiné  les  Estampes  des  Victoires  '),  afin  qu'ils  fus- 
sent en  état  de  répondre  et  de  m'appuyer  en  cas  de  besoin,  je  vis  en  présence 
des  Eunuques  les  deux  Mandarins  qui  ont  présidé  à  l'envoi  des  Estampes  et 
leur  présentai  mon  mémoire.  Ils  parurent  bien  surpris  que  cette  année  il  ne 
fut  venu  aucune  planche,  pas  même  aucune  épreuve  de  celles  que  je  leur  disois 
être  faites.  Après  bien  des  conférences  et  des  explications,  ils  me  dirent  que  je 
ne  devois  pas  ignorer  que  Sa  Majesté  avoit  confié  au  Chef  des  Douanes  de 
Canton  le  soin  de  faire  graver  en  Europe  les  16  desseins  des  Victoires  et  par 
conséquent  ils  ne  pouvoient  plus  s'en  mêler,  ni  faire  à  ce  sujet  aucune  dé- 
marche sans  la  participation  du  Chef  des  Douanes  à  qui  Sa  M.  auroit  peut-être 
donné  quelques  ordres  particuliers  qu'ils  ignoroient;  que  ce  Chef  des  Douanes 
de  Canton  n'auroit  pas  manqué  de  s'informer  des  Europeans  qui  avoient  été 
chargés  de  faire  gi-aver  les  desseins  des  Victoires  et  de  sçavoir  d'eux  en  détail 
où  en  étoit  l'ouvrage  et  en  conséquence  auroit  averti  Sa  Majesté  ;  que  je  devois 
sçavoir  souhaiter  que  tout  alla  par  les  voies  ordinaires;  qu'ainsi  je  n'avois  qu'à 
écrire  à  Messieurs  nos  François  de  s'adresser  immédiatement  au  douanier  de 
Canton  et  de  prendre  avec  lui  des  arrangements  sur  tout  ce  qui  regarde  les 
Planches  et  les  Estampes  des  Victoires,  et  que  personne  ne  pouvoit  s'en  mêler 
ici.  Comme  j'insistois  sur  ce  que  si  la  chose  ne  se  régloit  pas  ici  et  qu'elle  fut 
renvoyée  à  Canton,  les  Vaisseaux  de  France  devant  partir  dans  peu,  c'étoit 
s'exposer  à  retarder  au  moins  d'un  an  l'envoi  des  planches  et  des  Estampes; 
ils  m'ont  répondu  qu'ils  faisoient  leur  devoir  et  ne  pouvoient  agir  autrement 
que  par  conséquent  eux  et  moi  devions  être  tranquilles. 

Voilà,  Monseigneur,  ce  qui  se  passa  hier  au  Palais:  aujourd'hui  j'en  donne 
avis  à  Mrs.  du  Conseil  résidant  à  Canton  et  les  engage  de  s'adresser  prompte- 
ment  au  douanier  de  qui  ils  ont  accepté  la  commission  de  faire  exécuter  les 
gravures  que  demande  Sa  Majesté.  Il  n'y  a  que  lui  seul  qui  puisse  les  déter- 
miner sur  le  party  qu'ils  ont  à  prendre,  or  je  doute  qu'il  consente  à  ce  que 
chaque  planche  on  en  imprime  mille  exemplaires,  surtout  si  cela  doit  retarder 
l'arrivée  des  planches.  Actuellement  qu'on  imprime  le  recueil  de  la  Carte  de 
l'Empire  en  cent  quatre  feuilles.  Sa  Majesté  n'a  ordonné  à  en  tirer  que  cent 
exemplaires,  après  quoi  les  planches  de  cuivre  seront  renfermées 

Dans  une  autre  lettre  à  Bertin,  en  date  du  16  novembre  1773, 
le  P.  Benoist  disait  entre  autres  choses:^) 

Vous  avez  sçu,  Mr.,  comment  il  y  a  trois  ans  est  parvenue  entre  les  mains 
de  l'Empereur  la  traduction  du  mémoire  raisonné  dans  lequel  M.  Cochin  détail  le 


1)  Ces  deux  survivants  étaient  les  PP.  Sichelbart  et  Jean  Damascene. 

2)  T'omig  Pao,  1917,  p.  347. 


222  PAUL    PELLIOT. 

les  difticultcs  qu'il  doit  y  avoir  ici  à  imprimer  des  gravures  aussi  fines  et  aussi 
parfaites  que  le  sont  les  planches  des  Victoires ') 

De  ces  lettres  du  P.  Benoist,  il  résulte  que,  clans  son  mémoire 
de  1769,  Cochin,  exposant  les  difiBcultés  qu'on  aurait  à  tirer  en  Chine 
de  nouvelles  épreuves  des  estampes,  proposait  qu'il  en  fût  tiré  en 
France  1000  exemplaires.  Ces  lettres  du  P.  Benoist  n'ont  été  publiées 
qu'en  1917,  mais  d'autres  détails,  et  plus  précis,  se  trouvent  dans 
une  lettre  du  P.  Benoist  au  P.  du  Gad,  écrite  sans  doute  à  la  fin 
de  1773,  et  qui  a  été  insérée  dès  le  XVIIP  siècle  dans  la  collection 
des  Lettres  édifiantes  (t.  XXIV,  1781).  Voici  le  passage  qui  concerne 
les  seize  estampes  :  ^) 

Ce  fut  tandis  qu'on  étoit  occupé  à  tirer  ces  exemplaires  [de  la  carte  de 
Chine  en  104  feuilles]  que  messieurs  du  conseil  françois  de  Canton  m'adressèrent 
un  mémoire  dans  lequel  M.  Cochin  exposoit  les  difficultés  qu'on  auroit  à  im- 
primer ici  les  planches  des  victoires,  tant  à  cause  de  la  délicatesse  de  la  gra- 
vure que  pour  les  autres  raisons  qu'il  détailloit.  En  conséquence,  il  proposoit 
d'en  tirer  en  France  un  nombre  d'exemplaires  plus  grand  que  celui  que  l'em- 
pereur avoit  demandé;  qu'ensuite  avec  les  planches  et  les  estampes  qu'on  au- 
roit tirées,  on  enverroit  ici  du  papier  d'Europe,  les  matériaux  nécessaires  pour 
la  composition  du  vernis,  et  un  mémoire  détaillé  de  tout  ce  qui  est  nécessaire 
pour  réussir  dans  l'impression  de  ces  gravures.  Sur-le-champ  je  traduisis  en 
chinois  ce  mémoire  et  le  portai  au  palais  du  Yuen-ming-yuen,  pour  le  faire 
parvenir  à  Sa  Majesté  qui  étoit  arrivée  de  Tartaric,  où,  suivant  sa  coutume, 
elle  avoit  été  jouir  du  plaisir  de  la  chasse.  Mais,  comme  je  m'y  étois  attendu, 
les  mandarins  et  les  eunuques  ne  jugèrent  point  à  propos  de  présenter  le  mé- 
moire et  le  placet  que  j'y  avois  joint.  Ils  me  dirent  qu'il  falloit  que  j'écrivisse 
à  messieurs  de  Canton,  de  s'adresser  au  tsong-tou  ou  au  Directeur  des  douanes, 
parce  que  l'un  et  l'autre  ayant  reçu  de  l'empereur  la  commission  de  ces  gra- 
vures,  il    n'y   avoit   qu'eux   qui    pussent   proposer   à   Sa   Majesté  les  raisons  de 


1)  La  lettre  du  25  novembre  1770  disait  que  le  P.  Benoist  n'avait  pas  pu  faire 
remettre  à  l'empereur  la  traduction  du  mémoire  de  Oochin,  parce  que  ce  mémoire  lui  était 
parvenu  directement.  Mais  on  va  voir  que  le  mémoire  fut  alors  expédie  de  Canton  par  la 
voie  régulière  des  autorités  provinciales.  Toutefois  nous  n'avons  pas  de  lettre  du  P.  Benoist 
à  Berlin  où  il  soit  question  de  cette  seconde  phase  de  l'épisode. 

2)  Ed.  du  «Panthéon  littéraire»,  IV,  222 — 223.  Cette  lettre  est  la  troisième  de  celles 
que  j'ai  dit  plus  haut  être  adressées  au  P.  du  Gad.  Elle  n'est  pas  datée,  mais  paraît  être 
de  la  fin  de  1773.  Le  P.   Benoist  mourut  d'ailleurs  le  23  octobre  1774. 


LES    «CONQUÊTES   DE    l'eMPEREUR   DE    LA    CHINE».  223 

M.  Cochin.  Et,  effectivement,  les  François,  sans  attendre  raa  réponse,  s'y  étoient 
adressés;  c'est  ce  qui  fit  que  le  tribunal  des  ministres  nous  appela,  le  père  Amiot 
et  moi,  pour  traduire  les  dépêches  arrivées  de  Canton.  La  réponse  de  l'empereur 
fut  qu'on  imprimât  deux  cents  exemplaires  de  chacune  de  ces  gravures  et  qu'à 
mesure  qu'elles  seroient  imprimées,  on  les  envoyât  promptenient  ici  avec  les 
planches;  qu'il  n'étoit  pas  besoin  d'envoyer  d'Europe  ni  du  papier,  ni  les  in- 
grédients dont  est  composé  le  ^einis;  et  ordre  à  nous  de  traduire  en  notre 
langue  ces  intentions  de  l'empereur. 

Cette  réponse  de  l'empereur,  avec  la  traduction  que  nous  avions  faite, 
détaillée  suivant  ce  qu'on  nous  avoit  dit  dans  le  tribunal  des  ministres,  parti- 
rent aussitôt  pour  Canton  par  un  courrier  extraordinaire  qui  arriva  en  douze 
jours  à  Canton.  Deux  ans  après,  c'est-à-dire  au  commencement  de  décembre 
1772,  arrivèrent  ici  sept  de  ces  planches,  avec  le  nombre  d'estampes  demandé 
par  Sa  Majesté  qui,  les  ayant  vues  et  en  ayant  été  très  satisfaite,  ordonna  de 
tirer  ici  des  épreuves  de  ces  sept  planches.  Sur-le-champ  on  m'envoya  signifier 
de  la  part  de  Sa  Majesté  de  me  rendre  au  palais  pour  y  consulter  sur  les 
moyens  qu'il  convenoit  de  prendre  pour  tâcher  de  réussir  dans  un  ouvrage  si 
délicat  et  si  difficile.  L'impression  des  cartes  avoit  eu  un  heureux  succès;  mais 
le  burin  de  cet  ouvrage  étoit  bien  grossier  en  comparaison  do  la  délicatesse  du 
burin  des  sept  planches  qu'avoit  dirigé  un  artiste  aussi  habile  que  M.  Cochin. 
Pour  pouvoir  espérer  de  réussir,  il  falloit  prendre  bien  d'autres  précautions  que 
celles  qu'on  avoit  prises  pour  imprimer  les  cartes.  Je  fis  là-dessus  un  mémoire 
dans  lequel  j'exposois  les  difficultés  qu'il  y  avoit  d'imprimer  des  gravures  aussi 
délicates  que  le  sont  celles  des  victoires;  les  précautions  qu'il  falloit  y  apporter  ; 
qu'autrement  on  s'exposeroit  à  les  gâter  et  à  les  rendre  inutiles;  que  la  rigueur 
du  froid  qu'il  faisoit  empêchoit  qu'on  pût  actuellement  mettre  la  main  à  l'œuvre, 
qu'il  falloit  attendre  que  les  froids  fussent  radoucis;  qu'en  attendant  on  pré- 
pareroit  la  nouvelle  presse  et  les  autres  choses  qui  dévoient  être  employées. 
Dès  que  ce  mémoire  fut  fini,  les  mandarins  le  firent  sur-le-champ  parvenir  à 
Sa  Majesté,  qui  consentit  que  tout  ce  qui  y  étoit  contenu  fût  exécuté. .  . 

Cette  lettre  du  P.  Benoist  doit  faire  foi.  Puisqu'à  la  fin  de  1770, 
l'Empereur  a  demandé  qu'on  tire  200  exemplaires  de  chaque  planche, 
et  qu'en  décembre  1772  on  a  reçu  à  Pékin  sept  planches  avec,  pour 
chacune,  «le  nombre  d'estampes  demandé  par  Sa  Majesté»,  il  est 
bien  évident  qu'on  avait  envoyé  d'Europe  200  exemplaires  de  cha- 
cune de  ces  sept  planches,  et  a  priori  on  peut  être  certain  qu'il 
en  fut  de  même  pour  celles  qui  suivirent.  Helman  s'est  donc  trompé 
et  a  induit  en  erreur  ceux  qui  ont  parlé  depuis  lors  de  ces  estampes 


224  PAUL    PELLIOT. 

quand   il   a   dit   qu'on    n'avait  tiré  en  France  que  -cent  exemplaires 
de  chacune  des  planches. 

Quant  aux  nouvelles  épreuves  des  sept  plauches  que  l'empereur 
demandait  au  P.  Benoist  de  tirer  à  Peking,  elles  furent  tirées  au 
printemps  de  1773.  C'est  ce  qui  résulte  de  la  lettre  du  P.  Benoist 
à  Bertin  en  date  du  16  novembre  1773:^) 

...  Sa  Majesté  a  été  si  contente  des  estampes  des  Victoires  qu'elle  a  déjà 
reçues,  que  dès  que  les  sept  planches  des  Victoires  que  nos  vaisseaux  apportè- 
rent l'année  dernière  furent  arrivées  à  Pe  King,  elle  ordonna  qu'on  en  tirât 
des  épreuves  qui  lui  ont  été  présentées  au  mois  de  juin  avant  son  départ  pour 
la  Tartarie;  quoiqu'à  la  vérité  ces  épreuves  ne  puissent  pas  entrer  en  ligne  de 
compte  avec  celles  qui  ont  été  tirées  en  France,  néanmoins  au  jugement  de 
tous  les  Europeans  qui  les  ont  vues,  elles  ont  réussi  beaucoup  au  delà  de  ce 
qu'on  s'y  étoit  attendu. 

Comme  le  P.  Benoist  est  mort  le  23  octobre  1774,  il  ne  put 
pas  voir  l'arrivée  du  dernier  lot  d'estampes  à  Pékin  et  si,  comme 
il  est  pratiquement  certain,  l'empereur  fit  aussi  tirer  de  nouvelles 
épreuves  de  celles-ci,  ce  n'est  pas  lui  qui  y  procéda.  ^) 


1)  Cordier,  Les  Conquêtes,  p.  18;  T'oung  Pao,  1917,  p.  347. 

2)  M.  Cordier  a  dit  {La  Chine  en  France  au  XVIIIe  siècle,  p.  56):  «Ces  belles 
planches,  retouchées  à  diverses  reprises  par  les  Chinois  ont  fourni  à  Pe-King  des  tirages 
plus  curieux  qu'artistiques».  Je  n'ai  connaissance  de  rien  de  2}areil,  et  je  soupçonne  qu'il 
s'est  produit  ici  une  confusion  entre  les  seize  estampes  gravées  en  France  et  les  séries 
gravées  en  Chine  dont  il  va  être  question  maintenant.  Nous  sommes  mal  renseignés  sur 
les  conditions  dans  lesquelles  se  firent  les  impressions  après  la  mort  du  P.  Benoist.  On  a 
vu  que,  d'après  la  lettre  au  P.  du  Gad  de  fin  1773,  on  avait  dû,  pendant  l'hiver  de 
1772 — 1773,  préparer  «la  nouvelle  presse»  pour  l'impression  des  sept  premières  planches 
arrivées  à  Pékin,  En  1773,  la  Compagnie  de  Jésus  fut  supprimée;  cotte  suppression  fut 
notifiée  officiellement  aux  Jésuites  de  Pékin  le  15  novembre  1775.  Les  Lazaristes  français 
reçurent  après  quelques  années  la  charge  de  continuer  l'œuvre  des  jésuites  de  Pékin;  ils 
arrivèrent  à  Pékin  en  avril  17S5.  Parmi  eux  se  trouvait  le  frère  Joseph  Paris,  «  horloger, 
mécanicien  et  tourneur  »  (de  Rochemonteix,  Joseph  Amiot,  p.  393 — 394  ;  ce  frèïe  est 
appelé  à  tort  Charles  Paris  dans  T'oung  Pao,  1916,  p.  598,  peut-être  a  la  suite  de  M^' 
Favier,  Peking,  p.  223).  Et  le  13  novembre  1786,  le  P.  Bourgeois  écrivait  à  Bertin: 
«L'imprimerie  était  chez  M.  Ventavon;  il  s'est  fait  un  plaisir  de  la  remettre  au  frère  Joseph. 
Elle  est  telle  qu'elle  est  venue  ici.  Les  caractères  qu'on  croyait  perdus,  se  sont  trouvés 
dans  des  enveloppes  de  papier.  Il  ne  manque  que  la  presse.  Personne  ici  n'est  en  état  de 
la  faire  surtout  la  vis,  mais  le  frère  Joseph  l'a  entrepris  ;  et  comme  il  a  beaucoup  de  talent. 


LES    «CONQUÊTES   DE    l'eMPEREUR   DE    LA    CHINE».  225 

Aucun  document  ne  nous  renseigne  jusqu'ici  sur  le  sort  des 
seize  dessins  originaux.  Il  est  à  peu  près  sûr  que,  conformément 
aux  ordres  de  K'ien-loug,  ils  furent  renvoyés  à  Pékin.  Mais  je  n'ai 
pas  retrouvé  leur  trace  dans  l'inventaire  publié  par  Hou  King  des 
œuvres  du  «bureau  de  la  peinture»  énumérées  dans  les  trois  séries 
du  Che  k'iu  pao  ki.  Ces  dessins  originaux  devaient  d'ailleurs  revenir 
en  Chine  avec  de  fortes  retouches  de  la  -main  de  Cochin. 

* 

*    * 

K'ieu-long  avait  admiré  les  gravures  exécutées  en  Europe,  mais 
son  orgueil  n'admettait  guère  qu'on  ne  pût  faire  aussi  bien  à  sa  Cour. 
Le  12  octobre  1766,  le  P.  Benoist  écrivait  à  propos  de  K'ien-long: 
«Je  me  suis  apperçu  qu'il  goûtoit  beaucoup  plus  les  machines  et 
autres  ouvrages  faits  ici  sous  ses  yeux  et  dirigés  par  les  Europeans 
qu'il  ne  goûtoit  ceux  qui  lui  sont  envoyés  de  Canton,  quoique  plus 
magnifiques  et  mieux  exécutés.»  ^)  C'est  là  sans  doute  le  motif, 
plus  ou  moins  conscient,  qui  lui  avait  fait  limiter  à  200  épreuves 
le  tirage  que  Cochin  offrait  de  porter  à  1000;  pour  le  reste,  on  y 
pourvoirait  à  Pékin.  Point  n'était  même  besoin  du  papier  et  du 
vernis  que  Cochin  proposait  d'expédier:  la  Chine  saurait  bien  les 
fournir.  Et  c'est  aussi  cette  même  conviction  de  l'habileté  chinoise 
qui  fit  bientôt  ordonner  par  K'ien-long  de  reproduire  en  gravures 
en  taille-douce  les  bâtiments   «européens»   du  Yuan-raing-yuan. 

On   sait   que   le   Yuan-ming-yuan,   l'ancien    Palais   d'Été,  a  été 


il  réussira  sûrement,  et  nous  ne  doutons  pas  qu'il  ne  tire  bon  parti  de  cette  imprimerie» 
{'l'oung  Pao,  1916,  p.  615).  Il  semblerait  qu'il  s'agît  de  la  même  presse,  qui  par  suite 
n'aurait  pas  été  montée  en  1773.  Si  le  frère  Joseph  Paris  réussit  dans  son  travail,  comme 
il  est  vraisemblable,  il  est  possible  qu'il  ait  contribué  à  l'impression  de  certaines  des  séries 
chinoises,  jusqu'à  sa  mort  dont  j'ignore  la  date;  et  je  ne  sais  qui  imprima  après  lui  (pro- 
bablement ses  élèves  chinois?).  Mais  les  graveurs  étaient  chinois,  et  je  vois  d'autant  moins 
de  fondement  aux  doutes  émis  a  ce  sujet  par  M.  Mümiethür^  {Chinesische  Kunstgeschichte, 
II,  370)  que  je  dirai  tout  à  l'heure  quelques  mots  de  gravures  sur  cuivre  dont  les  auteurs 
sont  silrcment  chinois. 

1)  T'oung  Pao,  1917,  p.  314. 


226  PAUL    PELLIOT. 

incendié  par  les  Europe'ens  en  1860  et  que  la  destruction  en  a  été 
achevée  par  les  pillards  chinois.  Mais,  malgré  un  intéressant  chapitre 
du  livre  de  M.  Combaz  sur  les  Palais  impériaux  de  la  Chine '^), 
l'histoire  de  cette  résidence  et  son  iconographie  sont  encore  fort 
mal  connues.  Qu'il  sufiBse  de  rappeler  ici  que  le  Yuan-ming-yuau 
ou  «Jardin  de  la  clarté  parfaite»  ^)  avait  été  donné  au  futur 
Yong-tcheng  en  1709,  du  vivant  de  sou  père  K'ang-hi;  c'est 
Yong-tcheng  qui  y  édifia  la  plupart  des  anciens  bâtiments.  K'ien- 
loug  eu  fit  à  son  tour  sa  résidence  à  la  mort  de  Yong-tcheng  ^). 
D'après  MS'*  Pavier,  K'ien-loug  aurait  chargé  en  1737  le  frère 
Castiglione,  «de  concert  avec  Soim-iou,  Chen-iuen  et  d'autres  man- 
darins, de  tracer  les  plans  généraux»  *);  plus  tard,  «il  voulut  avoir 
plusieurs  pavillons  à  l'européenne,  qui  furent  exécutés  sous  la 
direction  du  P.  Beuoist,  d'après  les  dessins  du  frère  Castiglione». 

Je  n'ai  pas  retrouvé  le  texte  relatif  à  1737  sur  lequel  s'appuie 
MS'^  Favier,  et  ne  suis  pas  eu  mesure  par  suite  de  déterminer 
sûrement  ce  qu'entendait  M^^^  Favier  par  «tracer  les  plans  généraux». 
Mais  les  noms  des  personnages  associés  à  Castiglione  peuvent  nous 
mettre  sur  la  voie.   «Chen-iuen»   est  sûrement  ^jj^^  "Jf^   Chen  Yuan, 


1)  Gisbert  Combaz,  Les  palais  impériaux  de  la  Chine,  Bruxelles,  1909,  in-8°,  pp.  103 — 
158.  Ce  travail  est  un  tirage  à  part  des  Annales  de  la  Soc.  d'arc/iéol.  de  Bruxelles,  t.  XX]. 
Ce  que  M.  Combaz  dit  p.  137  de  la  bibliothèque  du  Yuan-ming-yuan  et  du  7 'ou  chou 
isi  tch'eng  est  très  inexact. 

2)  Mot-à-mot  «Jardin  de  la  clarté  ronde»;  le  «Jardin  de  la  clarté  blonde»  de  M. 
Combaz  (p.  110)  est  sans  doute  une  faute  d'impression.  Mais  le  nom  a  joue'  de  malheur. 
En  1743,  le  frère  Attiret,  bien  qu'en  Chine  depuis  cinq  ans,  l'expliquait  par  «jardin  des 
jardins»  (^Lettres  édif.,  e'd.  du  Panthéon  littéraire,  111,  792),  confondant  ainsi  les  deux 
caractères  différents,  mais  homophones,  qui  entrent  dans  le  nom,  et  M«'  Favier  (Peking, 
p.  378)  traduit  non  moins  h  tort  Yuan-ming-yuan  par  «Jardin  de  la  prudence  et  de  la 
clarté».  M.  Combaz  se  trompe  également  en  traduisant  ^fô  ^K  [öj  Tch'ang-tch'ouen-yuan 
par  «Jardin  du  palais  prolongé»;  il  faut  dire  «Jardin  du  printemps  prospère».  Le  résumé 
de  l'histoire  des  palais  donne  par  M^'  Favier  (p.  377 — 378)  ou  par  M.  Madrolle  {Chine 
du  Nord^,  p.  31)  est  assez  exact;  celui  de  M.  Combaz  (p.  110)  est  plein  d'erreurs. 

3)  Cf.  les  ch.  32  et  33  du  Houanj  tch'ao  t'ong  tche. 

4)  Favier,   Peking,  p.  378. 


LES    «CONQUÊTES   DE    l'eMPEREUR   DE   LA    CHINE».  227 

un  des  membres  du  Bureau  de  la  peinture  sous  K'ien-loug,  et  qui 
collabora  à  plusieurs  albums  destinés  à  l'empereur^).  «Souu-iou» 
est  Don  moins  sûrement  -^  J^  Soueu  Yeou  ou  ^  j^  Soueu  Hou, 
du  Kiang-sou,  lui  aussi  l'un  des  peintres  officiels  de  K'ien-long  ^). 
Et  puisqu'il  eu  était  de  même  de  Castiglione,  on  est  amené  à 
penser  que  la  besogne  de  ces. trois  peintres  et  des  «autres»  consista 
à  peindre  un  certain  nombre  de  vues  reproduisant  l'ensemble  des 
constructions  du  Yuau-ming-yuan  ;  c'est  en  cela  qu'ils  en  auraient 
«tracé  les  plans  généraux». 

Le  malheur  est  que  le  Houavg  tch'ao  i'ong  tche  (ch.  113)  et  surtout 
le  Kouo  tch'ao  yuan  Jioiia  lou,  qui  nous  renseignent  abondamment 
sur  de  nombreuses  séries  d'albums,  eu  particulier  sur  les  albums  des 
Trente-six  vues  de  Jehol  '),  du  Soixantième  anniversaire  de  K'ang-hi  *), 


1)  Cf.  Kouo  fcA'ao  yuan  houa  lou,  I,  6  r";  II,  25  v° — 27  v°;  Li  tai  houa  che  houei 
tchouan,  éd.  photolith.  de  Changhai,  cb.  50,  f»  2  v°. 

2)  Cf.  Kouo  tch'ao  yuan  houa  lou,  I,  5  v";  II,  25  v" — 27  v";  Li  tai  houa  ehe  houei 
tchouan,  ch.  16,  f  5  v°.  Le  premier  de  ces  ouvrages  écrit  Souen  Hou,  Je  second  Souen  Yeou. 

3)  Je  parlerai  plus  loin  de  ces   Trente-six  vues  de  Jehol. 

4)  Cf.  Houang  tch'ao  t'ong  tche,  ch.  113,  f°  9  r°,  et  surtout  Kouo  tch'ao  yuan  houa 
lou,  ch.  2,  ff.  25  v° — 26  r°,  où  sont  indiqués  les  auteurs  des  40  scènes,  formant  deux 
rouleaux.  C'est  en  1713  que  K'ang-hi,  né  le  4  mai  1654,  eut  60  ans  à  la  chinoise;  mais 

l'album  ne  fut  peint  qu'en  1717:  il  porte  le  titre  de    J^,  ^^  |MI     Wan  cheou  t'ou.  Le 
IT  '  i.»^j   p\r  u=u 

Département  des  Estampes  de  la  Bibliothèque  Nationale  possède  (A\5  Réserve,  vol. 
Nanteuil-Tardieu)  une  peinture  de  très  grand  format,  non  8ia;née,  représentant  ce  cortège 
de  1713;  elle  est  suivie  d'une  notice  composée  et  calligraphiée  en  1717  par  le  Grand  Secrétaire 
3E^^Wang  Chan  (1645—1728;  cf.  à  son  sujet  le  ch.  11,  ff.  24—37,  du  Kouo  tch'ao 
ki  hien  lei  tcheng);  cette  peinture  n'est  pas  mentionnée  dans  les  catalogues  de  MM.  Courant 
et  Cordier.  Les  fêtes  du  60'  anniversaire  de  K'ang-hi  ont  en  outre  été  l'objet  d'un  ouvrage 
imprimé  considérable,  le  !^a  -^^è  ^X  -œ^  Wan  cheou  cheng  tien,  en  120  chapitres  (cf. 
Sseu  k'ou  ts'iuan  chou,  ch.  82,  f°  20).  Je  ne  connais  pas  d'exemplaire  complet  de  cet 
ouvrage,  mais  les  ch.  41  et  42  en  sont  occupés  par  des  planches,  et  la  Bibliothèque  Na- 
tionale possède  trois  exemplaires  de  ces  deux  chapitres.  Deux  de  ces  exemplaires  sont  in- 
diqués par  le  Catalogue  de  M.  Courant  (n°'  2314—2316),  et  l'un  d'eux  est  aussi  l'objet 
d'une  notice  dans  le  Catalogue  des  albums  chinois  de  M.  Cordier  (/.  .^.,  1909,  II,  p.  214 — 
215,  cote  Oe  10  du  Département  des  Estampes).  Mais  M.  Cordier  se  trompe  en  parlant 
de  75  planches  imprimées;  il  y  a  en  réalité  dans  l'exemplaire  le  ch.  41,  qui  contient  73 
planches  et  le  ch.  43  qui  en  contient  75,  soit  un  total  de  148  planches.  Le  troisième 
exemplaire,  qui  n'a  pas  été  identitié,  est  coté  Oe  11,  et  porte  sur  le  dos  de  la  boîte-reliure 


228  PAUL    PELLIOT. 

un  titre  fautif  «Feste  chinoise  de  1752»;  au  dos  est  colld  un  rond  de  maroquin  rouge 
avec  une  tour  en  or.  Quelque  erreur  dans  l'ancien  numéro  d'inventaire  fait  qu'on  ne  peut 
fixer  la  date  d'entrée  de  l'exemplaire  au  de'partement  des  Estampes;  mais  une  note  de 
l'ancien  possesseur,  collée  à  l'intérieur,  contient  un  extrait  d'une  lettre  dn  12  novembre 
1772  où,  en  réponse  U  une  demande  de  cet  ancien  possesseur,  le  P.  Benoist  l'avertissait  que 
l'ouvrage  ne  représentait  pas  sans  doute  les  fêtes  de  1751  (la  date  de  1752  est  fausse), 
mais  celles  de  1713;  l'ancien  possesseur  ajoutait  à  la  fin  :  «C'est  bien  cela»  (cf.  Cordier, 
dans  .7.  J.,  1909,  II,  215).  Et  en  effet,  ce  sont  là  simplement  les  ch.  41  et  42  du  Wan 
eheou  cheng  tien.  Cet  ancien  possesseur  devait  êtrt,  je  suppose,  L.  F.  Delatour  (1727 — 1807), 
qui  était  en  relations  avec  les  missionnaires  de  Pékin  et  dont  le  cabinet,  d'ailleurs  déjà 
très  diminué  a  la  Révolution,  fut  vendu  en  1808  et  1810  (cf.  Cordier,  dans  J.  A.,  1909, 
II,  210);  la  «tour»  d'or  lui  aurait  servi  d'armes  parlantes.  On  sait  en  effet  que  Delatour 
a  publié  anonymement  en  1803,  à  36  exemplaires,  des  Essais  sur  Varchitecittre  des  Chinois 
(cf.  Bibl.  Sinica^,  col.  59,  et  Premier  catalogue  des  Livres,  la  plupart  précieux,  du  Cabinet 
de  Feu  M.  L.-F.  Delatour,  Paris,  Tilliard  et  Merigot,  avril-mai  1808,  in-S"  [Bibl.  Nat., 
A  13155  et  A  13130],  introd.,  et  p.  22).  Or  on  y  lit  (p.  568)  que  Delatour  possédait 
«deux  volumes,  petit  in-fol.,  contenant  les  gravures,  en  bois,  des  superbes  fêtes  données 
par  l'Empereur  Kien-Lotig  à  la  soixantième  année  de  l'Impératrice  sa  mère...»  De  même, 
dans  le  Second  Catalogue  des  ouvrages  Chinois,  Tartares . .  .  du  cabinet  de  feu  M.  L.  F. 
Delatour  (Paris,  Tilliard  et  Merigot,  janv.  1810,  in-8°;  Bibl.  Nat.  A  13155  et  A  13130), 
figure,  sons  le  n°  352,  l'ouvrage  suivant:  «Collection  de  294  planches,  en  bois  bien  fine- 
ment gravées,  représentant  dans  le  plus  grand  détail  les  deux  superbes  fêtes  données  par 
l'Empereur  Cang-Ei,  avec  la  plus  grande  pompe,  à  la  60'  et  70"  années  de  l'Impératrice 
sa  mère.  On  y  remarque  entr" autres  Ventrée  solennelle  de  l'Empereur  dans  la  ville  de  Peking, 
2  vol.  in-fol.  br.  Contenus  dans  une  boîte  in-folio  relié.  Avec  quelques  explications  en  chinois.» 
L'ouvrage  s'est  vendu  170  francs.  Malgré  l'intervention  indue  de  l'impératrice-mère,  qui 
montre  une  confusion  avec  les  fêtes  de  l'impératrice  mère  de  K'ien-long,  il  doit  bien  s'agir 
du  60*  anniversaire  de  K'ang-hi  lui-même.  Les  deux  volumes  et  la  boîte  de  reliure  con- 
cordent avec  l'état  actuel  de  Oe  11.  Quant  au  chiffre  de  294  planches,  il  résulte  d'une 
erreur  de  147  au  lieu  de  148  planches,  et  en  comptant  pour  deux  planches  chaque  planche 
pliée  en  deux.  D'autre  part  on  a  vu  que  l'abbé  Viguier  offrait  au  marquis  de  Marigny  en 
1770  trois  volumes  chinois,  dont  un  de  texte  et  deux  représentant  en  147  planches  «le 
détail  des  fêtes  données  vers  l'an  1752  à  l'occasion  de  la  60°  année  de  l'impératrice  mère». 
Mais,  en  1770,  le  recueil  des  fêtes  de  175 1  (non  1752),  dont  je  ne  connais  d'ailleurs  aucun 
exemplaire,  n'était  pas  encore  gravé;  c'est  ce  qu'afiSrme  la  lettre  du  P.  Benoist  du  12  no- 
vembre 1772.  Il  me  paraît  dès  lors  évident  que  l'abbé  Viguier  a  commis  la  même  confusion 
que  l'ancien  possesseur  de  Oe  11.  Le  nombre  même  des  planches,  147  selon  l'abbé  Viguier, 
concorde  à  une  unité  près  avec  les  148  planches  des  ch.  41  et  42  du  Wan  cheou  cheng  tien, 
et  est  identique  aux  294  (=  147  X  2)  du  Catalogue  de  Delatour.  Il  ne  semble  pas  par 
ailleurs  que  l'exemplaire  de  l'abbé  Viguier  puisse  être  Oe  11  lui-même,  puisque  celui-ci, 
dès  1772,  ne  comprenait  pas  le  volume  de  texte  dont  parle  l'abbé  Viguier.  Ce  volume  de 
texte  était  sans  doute  le  ch.  40,  et  à  ce  titre  il  n'est  pas  impossible  que  l'exemplaire  de 
l'abbé  Viguier  soit  celui  qui  porte  au  Catalogue  de  M.  Courant  les  n"'  2314 — 2315; 
mais  c'est  là  une  sointion  hypothétique,  puisqu'on  ne  trouve  pas  trace  à  la  Bibliothèque 
Nationale  de   l'autre   ouvrage  qu'offrait  l'abbé  Viguier  Et  qui,  si  l'offre  avait  été  acceptée, 


LES    «CONQUÊTES   DE   l'eMPEREUR   DE    LA   CHINE».  229 

du    Voyage   de   K*ang-M  dans   le   Sud  ^),    ne   soufflent   mot   d'aucun 
album  de  vues  du  Yuan-ming-yuan. 

De  tels  albums  ont  cependant  existé.  On  trouve  assez  couram- 
ment en  Chine  un  ouvrage  en  2  pen,  assez  grand  in-8,  intitulé 
fttP  ^  |MI  ^  ImI  ß^  ^^  ^^^*^  yuan  ming  yuan  che  ou  «Poésies 
sur  le  Yuan-ming-yuan,  composées  par  l'empereur».  Les  poésies, 
qui  sont  l'œuvre  de  K'ien-long,  accompagnent  des  vues  du  Yuan- 
ming-yuan,  et  sont  elles-mêmes  commentées  par  des  lettrés  du 
temps.    Le   tout  est   précédé  de   deux  préfaces   de  K'ien-long  tirées 


aurait  dû  entrer  a  la  Bibliothèque  en  même  temps.  Les  trois  exemplaires  portent  en  marge 
le  titre  ^^  ^^  ^i  W.  :^<JJ  ^^  on  «Première  série  du  Wan  cheou  cheng  tien-» 
A  la  fin  du  oh.  42  est  une  note  finale  disant  que  la  gravure  a  été  surveillée  par 
ï  M  ÏP  ^"°S  Yuan-k'i  et  ^E  ^  i^  ^»"g  Yi-ts'ing.  Wang  Yuan-k'i  (1642— 
1715)  est  un  peintre  célèbre;  on  voit  par  la  date  Je  sa  mort  que  le  Wan  cheou  cheng  tien 
fut  gravé  avant  l'exécution  de  l'albnm  décrit  au  Kouo  tch'ao  yuan  houa  lou  et  de  la 
peinture  AA  5  Réserve,  puisque  ces  deux  dernières  œuvres  sont  de  1717.  Il  y  a  cependant 
un  lien  d'école  entre  toutes  ces  œuvres,  car  -^^  ^^  (ïïu  Kin  Yong-hi,  l'un  des  auteurs 
de  l'album  de  1717,  était  un  disciple  de  Wang  Yuan-k'i,  et  Wang  Yi-ts'ing,  qui  surveilla 
avec  Wang  Yuan-k'i  la  gravure  des  planches  du  Wan  cheou  cheng  tien,  était  le  fils  de 
Wang  Chan,  l'auteur  de  la  notice  de  1717  jointe  à  la  peinture  de  AA  5  Réserve.  Je  pense 
que  c'est  encore  un  exemplaire  des  mêmes  planches  qui  figure  an  catalogue  d'une  vente 
faite  les  2  et  3  mars  1914  par  MM.  Lair-Diibreuil  et  André  Portier  (p.  47,  n"  553) 
sous  le  titre  de  „Description  des  fêtes  données  à  Pékin,  à  l'occasion  du  60"  anniversaire 
de  l'empereur  Kienlong  (1736 — 1796).  Edition  impériale."  Je  ne  connais  en  effet  aucun 
ouvrage  imprimé  relatif  aux  fêtes  du  60*  anniversaire  de  K'ien-long,  et  „K'ien-long"  me 
paraît  être,  ici  encore,  une  faute  pour  „K'ang-hi". 

1)  Cf.  Houang  tch'ao  fong  tche,  ch.  113,  f  9  r**;  Kouo  tch'ao  yuan  houa  lou,  ch.  1, 
ff.  7  v",  14  v°.  Le  titre  des  albums  est  ^a  \m  l^l  Nan  siun  t'on.  Il  ne  faut  pas  les 
confondre  avec  l'ouvrage  connu  Nan  siun  cheng  tien  en  120  ch.  qui  se  rapporte  au  temps 
de  K'ien-long  (cf.  Sseu  k'ou  ts'iuan  chou,  ch.  82,  ff.  23 — 24);  la  préface  impériale  de  ce 
dernier  ouvrage  est  de  1771,  et  il  y  a  une  réédition  photolithographique  de  1882  (Bibl. 
Nat.,  coll.  Pelliot,  II,  539).  En  dehors  de  ce  grand  ouvrage,  le  voyage  de  K'ien-long  dans 
le  Sud  avait  été  l'objet  d'un  album  de  46  vues  gravées  sur  bois  que  le  P.  Amiot  envoya 
en  France  en  1765  (Département  des  Estampes,  Oe  12;  Courant,  Catalogue,  n°  5541; 
Cordier,  dans  /.  A.,  1909,  II,  215 — 216).  Ces  vues  ont  été  reproduites  par  Le  Rouge  dans 
Les  Jardins  anglo-chinois  à  la  mode  (Bibl.  Nat.,  Estampes,  Hd  89  a).  En  outre,  r^  jj^ 
Siu  Yang  avait  retracé  ce  voyage  de  K'ien-long  en  12  rouleaux  intitulés  "^5  i^  |M| 
Nan  siun  t'ou  (cf.  Kouo  tch'ao  yuan  houa  lou,  ch.  2,  f°  16  r°). 


230  PAUL    PELLIOT. 

en  rouge.  Bien  que  le  recueil  ne  soit  pas  daté,  il  ne  me  paraît 
pas  douteux  qu'il  soit  du  premier  quart  du  règue  de  K'ieu-long, 
c'est-à-dire  antérieur  à  1750^),  Je  possède  ce  recueil,  mais  ne  l'ai 
pas  actuellement  à  ma  disposition,  et  mes  notes  n'indiquent  pas  le 
nombre  des  gravures.  Toutefois  il  se  confond  à  peu  près  sûrement 
avec  un  ouvrage  illustré  en  deux  chapitres  qui  se  trouve  au  British 
Museum  et  comporte  quarante  planches  ^).  C'est  évidemment  là  aussi, 
selon  moi,  l'ouvrage  en  deux  livres,  renfermant  quarante  vues  du 
Yuau-ming-yuan,  que  l'abbé  Viguier  offrait  de  céder  au  marquis 
de  Marigny  en  1770. 

Dans  ses  Essais  sur  Varcliitechire  dés  Chinois  (p.  163),  Delatour 
reproduit  des  extraits  d'une  lettre  du  P.  Bourgeois  écrite  de  Pékin 
en  octobre  1786^);  le  P.  Bourgeois  fait  observer  à  Delatour  qu'il 
y  a  beaucoup  de  palais  proches  les  uns  des  autres,  et  il  ajoute: 
«Vous  verrez  donc.  M.,  1°  qu'il  ne  s'agit  pas  de  trois  ou  quatre 
palais:  car  je  vous  envoie  les  planches,  gravées  en  bois,  de  cinquante 
maisons  impériales  qui  sont  toutes  situées  dans  le  même  endroit, 
dont  Yven-ming-Yuen  n'occupe  qu'une  partie.  Cependant  comme 
c'est  à  Yuén-ming-Yuen  que  l'Empereur  se  plaît  le  plus,  et  que 
c'est  là  qu'il  a  fait  bâtir  des  palais  où  il  demeure  quand  il  n'est 
pas  à  Pékin,  on  donne  à  toute  l'enceinte  le  nom  de  Yuen-ming-Yuen.-* 
Delatour  met  en  note:  «J'ai  gardé  les  50  planches  gravées  en  bois; 
elles  sont  de  format  graud  in-4'^.  »  Par  contre,  à  la  p.  188,  Delatour 


1)  Il  y  a  en  outre  une  réédition  lithographique  réoente  jointe  à  celle  des  Treiite-six 
vues  de  Jehol;  le  titre  y  est  donné  sous  la  forme  Ym3  ^V.  1^1  i\h  I^Ï  I^  =^i^  Yu 
tche  yuan  ming  yuan  t'ou  yong. 

2)  Cf.  Douglas,  Catalogue,  )).  270.  Le  titre  y  est  |^P  ^  [Jj  0^  ^  |5[|  -|- 
-S*  gi    Yu   tche  yuan  ming  yuan  sseu  che  king  che,  ce  qui  ne  signifie  pas,  comme  l'a 

cru  Douglas,  „Forty  Elegant  Poems  on  Yuen-ming-yuen",  mais  „Poésies  sur  quarante  sites 
du  Yuan-ming-yuan".  Quant  à  l'impérial  poète,  Douglas  a  cru  que  c'était  Yong-tcheng; 
mes  notes  indiquent  nettement  K'ien-long. 

8)  Ces  lettres  du  P.  Bourgeois  publiées  en  partie  par  Delatour  ne  sont  notées  ni  dans 
la  Bibliothèque  de  Sommervogel  ni  dans  la  Bibliotheca  Sinica. 


LES    «CONQUÊTES    DE    l'eMPEREUR   DE    LA    CHINE».  231 

note  qu'il  a  les  gravures  sur  bois,  grand  in-4'',  de  25  pavillons  du 
Yuan-ming-yuan,  sans  compter  des  peintures  eu  couleur  de  6  de 
ces  pavillons  ^).  Ainsi,  à  la  p.  188  de  ses  Essais,  Delatour  ne  parle 
plus  que  de  25  planches  du  Yuan-raing-yuan,  mais,  à  la  page  566, 
il  revient  au  nombre  de  48  on  50.  Enfin,  dans  le  Second  Catalogue 
de  sa  vente,  le  n"  326  est  ainsi  libellé:  «Vues  (47)  des  jardins  et 
palais  d'Yueu-Ming-Yuen,  de  l'empereur  Kien-Long,  appelé  par  les 
Européens  le  Versailles  de  la  Chine,  à  trois  lieues  de  Pékiiig,  petit 
in-folio,  cart.  Ces  planches  sont  gravées  au  trait  sur  bois».  Malgré 
toutes  ces  indications  contradictoires  de  50,  25,  48  ou  50,  47  planches, 
je  crois  qu'ici  encore  il  s'agit  de  l'album  usuel,  gravé  sur  bois,  des 
Quarante  vues  du   Yuan-ming-yuan . 

La  Bibliothèque  Nationale  n'a  pas  d'exemplaire  imprimé  de  ces 
Quarante  vues  du  Yuan-ming-yuan,  mais  elle  en  possède  deux 
exemplaires  manuscrits  en  couleurs,  et  il  y  en  a  un  troisième  au 
Louvre  dans  la  collection  Thiers.  Ces  albums  ne  sont  pas  d'ailleurs 
des  copies  des  gravures,  mais  constituent  des  exemplaires  qui  s'in- 
spirent des  gravures  dans  la  reproduction  des  mêmes  sites  ^). 


1)  Ueiatour  donne  (p.  189 — 207)  une  description  détaillée  de  ces  six  peintures,  rédigée 
pour  lui  par  un  M.  Morel.  Ces  six  peintures  figurent  au  Hecond  Catalogue  de  sa  vente, 
n»  327. 

2)  Il  y  aurait  même  trois  exemplaires  si  l'indication  que  donne  M.  Cordier  (.7.  A., 
1909,  II,  210)  pour  AA  6  était  juste.  M.  Cordier  décrit  ce  numéro  ainsi:  „Vues  du  Palais 
d'Eté.  Grand  Album,  acquis  en  1862".  Mais  il  s'tst  produit  là  une  confusion  de  fiche.  Le 
„grand  album  acquis  en  1862",  et  qui  contient  en  effet  des  vues  du  Palais  d'Eté,  n'est  pas 
AA  6,  mais  l'album  alors  sans  cote  que  M.  Cordier  décrit  p.  211  et  qui  porte  aujourd'hui 
la  cote  B9  Réserve;  il  en  sera  question  tout  à  l'heure.  Quant  à  AA  6,  qui  est  aussi  de  la 
Réserve,  c'est  un  album  composite,  qui,  a  côté  de  quelques  autres  pièces,  contient  les 
documents  chinois  suivants,  tous  de  très  grand  format:  1°  Quatre  figures  marquant  les 
points  où  on  peut  pratiquer  l'acupuncture  d'après  les  trous  du  fameux  „homme  de  bronze"; 
ces  figures  sont  accompagnées  d'une  note  qui  paraît  être  de  la  main  du  P.  Amiot;  2°  Un 
autographe  du  „sixième  prince";  il  y  en  a  un  autre  dans  AA  5,  vol.  Nanteuil-Tardieu  ;• 
3®  Deux  peintures  de  fleurs  et  une  représentant  un  saurien  ;  4"  Une  belle  peinture  intitulée 
^^    ja     Tl,  np  1^1    Tch'oueti  h'man  wou  tseu  t'ou,  représentant  une  poule  avec  cinq 

poussins,  et  signée    ^^  v§^    Ts'ien  Siuan  (ce  peintre  célèbre  vivait  aux  alentours  de  l'an 

16 


232  PAUL    PELLIOT. 

L'an  d'entre  eux,  Oe  21,  ne  nous  arrêtera  pas;  c'est  un  album 
des  40  vues  sur  papier,  d'exécution  médiocre,  et  qui  n'est  ni  daté 
ni  signé  ^).  Il  ne  vaut  pas  davantage  d'insister  sur  l'album  de  la 
collection  Thiers  2).  Mais  le  très  grand  album  acquis  en  1862  et 
qui  porte  aujourd'hui  la  cote  B  9  Réserve  est  une  véritable  œuvre 
d'art  ^).  Cet  album  était  jadis  divisé  en  deux  parties,  mais  les 
planches  de  bois  d'une  des  reliures  ont  été  perdues  ou  détruites,  et 
toutes  les  peintures  sont  aujourd'hui  réunies  entre  les  planches  de 
bois  du  premier  album.  Les  20  peintures  de  chaque  partie  sont 
numérotées  2  à  21,  ce  qui  semblerait  indiquer  qu'il  manque  un 
feuillet  préliminaire  à  chacune  d'elles.  Sur  la  couverture  est  gravé 
le  titre  B  "&  tll  M  û  MM  ^Â  M  ^  +  ^  ^'avg  tai  chen 
yuan  ho  houa  yuan  ming  yuan  sseu  che  king,  «Quarante  vues  du 
Yuan-ming-yuan,  peintes  de  concert  par  T'ang  Tai  et  Chen  Yuan». 
Une  signature  placée  sur  la  dernière  planche  de  chaque  partie  in- 
dique que  T'ang  Tai  et  Chen  Yuan  ont  peint  ces  albums  pour 
l'Empereur  en  1744  *).  En  face  de  chaque  peinture  il  y  a  un 
feuillet  de  texte  calligraphié  en  1744  par  y^E  È  ^^^^^S  Yeou-touen. 
Tous  ces  personnages  sont  parfaitement  connus.  Wang  Yeou-touen 
(1692  —  1758),  célèbre  comme  calligraphe  et  comme  homme  d'Etat, 
fut    ministre   sous   K'ien-long  ^).    Chen  Yuan   et  T'ang  Tai   étaient 


1300;  cf.  Li  tai  houa  che  houei  tchouan,  ch.  18,  f°  3  r");  B°  un  certain  nombre  de  grandes 
imageries  sans  intérêt.  Une  note  d'entrée  conserrée  dans  les  archives  du  département  des 
Estampes  montre  qne  toutes  ces  pièces  ont  été  confisquées  chez  „l'émigré  Bertiu"  en  1795. 
On  sait  que  Bertin  est  mort  à  Spa  eu  1792.  D'autre  part,  dans  une  note  de  ses  Essais 
sur  l'architecture  des  Chinois  (p.  244),  Delatour  dit  que  Bertin,  ruiné,  avait  dû  se  défaire 
de  ses  collections  dès  avant  1791  et  passer  à  l'étranger.  La  note  dont  je  viens  de  parler 
montre  que,  même  après  1791,  il  devait  rester  pas  mal  de  choses  chez  l'ancien  ministre. 

1)  Courant,  Catal.,  n°  5549;  Cordier,  dans  .7.  A.,  1909,  II,  219, 

2)  N°  280;  cf.  Combaz,  Les  palais  impériaux  de  la  Chine,  p.  122. 

8)  Courant,  Catal,  n»  5540;  Cordier,  dans  .7.  J,  1909,  II,  211—212.  M.  Combaz 
a  reproduit  six  de  ces  peintures  (pi.  XXI  à  XXVI  dé  ses  Palais  impériaux  de  la  Chiné). 

4)  La  date  de  1754  indiquée  par  M.  Combaz,  Xe*/)o/öw  !»i/;(?nätKx,  p.  122,  est  inexacte. 

5)  Cf.  Giles,  Biogr.  Diet.,  n°  2255;  c'est  à  tort  que  M.  Courant,  qui  l'appelle  bien 
Wang  Yeou-touen  à  propos  du  n°  5540  de  son  Catalogue,  le  nomme  „Wang  Yeou",  tseu 
„Tonen-lin",  h  propos  du  n°  5538. 


LES    «CONQUÊTES   DE    l'eMPÉREUR   DE    LA    CHINE».  233 

tous  deux  membres  du  «bureau  de  la  peinture»  sous  K'ien-long, 
Nous  avons  déjà  vu  Chen  Yuan  nommé  à  côté  de  Castiglione 
parmi  les  artistes  à  qui  K'ien-long,  selon  MS^  Favier,  ordonna  en 
1737  de  «tracer  les  plans  généraux»  du  Yuau-ming-yuau.  Quant  à 
T'ang  Tai  (ou  T'ang-tai?),  c'était  un  Mandchou,  de  l'école  de  Wang 
Yuan-k'i,  et  qui  excellait  surtout  dans  la  peinture  de  paysage;  les 
diverses  séries  du  Che  k'iu  pao  ki  ont  enregistré  un  grand  nombre 
de  ses  œuvres^).  Le  même  Che  k'iu  pao  ki  mentionne  en  outre  un 
album  du  ^  ^^  |Q  Pin  fong  fou,  ou  «Illustrations  des  Airs  de 
Pin»,  où  le  texte  de  l'ode  du  «septième  mois»  de  la  section  Pin- 
fong  du  Che  king  était  calligraphié  par  ^  jj^^  Tchang  Tchao 
(1691  —  1745),  et  dont  les  peintures  avaient  été  exécutées  en  colla- 
boration par  Castiglione,  Chen  Yuan  et  T'ang  Tai  2):  Castiglione 
avait  peint  les  bâtiments;  les  paysages  étaient  dûs  à  T'ang  Tai; 
les  hommes  et  les  animaux  étaient  l'œuvre  de  Cheu  Yuan  ^).  Bien 
qu'il  ne  semble  pas  que  Castiglione  soit  intervenu  directement  dans 
l'album  de  1744,  les  bâtiments  montrent,  par  leur  perspective,  que 
T'ang  Tai  et  Chen  Yuan  s'étaient  imprégnés  de  ses  principes. 

Dans  les  Quarante  vues  du  Tuan-ming-yuan,  il  n'y  a  pas  trace 
des  bâtiments  «européens»;  que  ceux-ci  qu'ils  n'existaient  pas  encore 
eu  1737  ou  en  1744.  Mais,  en  1747  *),  le  P.  Benoist  aménagea  au 
Yuan-ming-yuan  les  premiers  ^  ^  chouei-fa,  ou  «à  garder»,  et 
bientôt  entreprit  sur  les  mêmes  emplacements  la  construction  de 
toute  une  série  de  pavillons  «européens».  Bien  qu'ils  aient,  comme 
tout  de  Palais  d'Eté,  brûlé  en  1760,  leurs  murs  en  maçonnerie 
pleine  ont  mieux  résisté  que  les  bâtiments  chinois  soutenus  par  des 
charpentes    en   bois,    et  leurs   ruines   sont   encore   aujourd'hui   assez 


1)  Cf.  Koico  tch'ao  yuan  houa  lou,  ch.  1,  ff.  3 — 5. 

2)  Sar  les  Pin  fong  t'ou,  cf.  Pelliot,  Ä  propos  du  „Keng  iche  t'ou",  dans  Mém.  conc. 
l'Asie  Orientale,  I  [1913],  pp.  95,  108—109,  120. 

3)  Cf.  Kouo  tch'ao  yuan  houa  lou,  ch.  2,  f°  27  v°. 

4)  Cf.  Lettres  édifiantes,  éd.  do  Panthéon  littéraire,  IV,  120  et  226. 


234  tAÜLPELLIOT. 

imposantes.  Un  jour  vint  que  K'ien-long  désira  avoir  des  vues  de 
ces  bâtiments  «européens»,  et  puisqu'aussi  bien  il  avait  reçu  les 
estampes  sur  cuivre  des  Conquêtes,  il  décida  de  faire  reproduire  les 
nouvelles  vues  par  ce  procédé  qui  était   «européen»   lui  aussi. 

Les  meilleurs  renseignements  à  ce  sujet  se  trouvent  dans  une 
lettre  du  P.  Bourgeois  à  Delatour,  et  que  celui-ci  dit  datée  de  1786. 
Voici  ce  qu'écrivait  le  P.  Bourgeois^): 

II  y  a  trois  ans,  Monsieur,  que  l'Empereur  voulut  avoir  le  plan  de  ses 
maisons  européennes  bâties  à  Yuen-ming-Yuen,  pour  les  joindre  à  ceux  des 
palais  Chinois  qui  avoient  été  levés  sur  ses  ordres.  Il  appela  deux  ou  trois 
disciples  du  frère  Castiglione;  ils  travaillèrent,  pour  ainsi  dire,  sous  les  yeux 
de  ce  Prince  qui  corrigea  souvent  leurs  plans,  puis  il  les  fit  graver  sur  le  cuivre, 
et  c'est  le  premier  Essai  du  talent  chinois  pour  la  gravure  en  taille  douce  2). 

Par  le  moyen  des  deux  Peintres  élèves  de  Castiglione,  je  suis  venu  à  bout 
d'avoir  un  exemplaire  des  planches  que  je  vous  envoie.  C'est  un  des  deux  qui 
a  tracé  le  plan  général,  et  la  situation  lespective  de  tous  les  bâtiments  euro- 
péens à  Yuen-ming-yuen;  l'autre  avoit  commencé  à  mettre  en  couleur  la 
première  planche,  mais  il  tomba  malade  et  n'acheva  pas.  J'ai  mis  son  esquisse, 
toute  imparfaite  qu'elle  est,  dans  la  caisse. 

Delatour  continue  comme  suit: 

Cet  envoi  précieux,  avec  la  lettre  ci-dessus,  m'est  parvenu  à  la  fin  de  i  787, 
et  certain*  il  étoit  parti  de  Pékin  dès  4785  3).  Les  XX  planches  gravées  sur 
cuivre,  comme  collection  de  grandes  estampes,  sont  rares,  puisqu'elle  présente 
la  première  tentative  des  Chinois  dans  ce  genre  de  gravures,  et  du  tirage 
qu'ils  ont  hasardé.  Malgré  toutes  les  imperfections  que  les  artistes  françois  et 
les  amateurs  d'estampes  pourront  y  trouver,  il  est  difficile  de  s'empêcher  d'ad- 
mirer la  facilité  de  ce  peuple  patient  et  laborieux  à  imiter  les  modèles  qu'on 
lui  met  sous  les  yeux. ... 


1)  Delatour,  Essais  sur  Varchitecture  des  Chinois,  p.  170 — 172;  cf.  aussi  le  passage 
de  la  p.  164  (et  non  162  comme  dit  M.  Combaz,  Les  palais  impériaux,  p.  149):  „Vous 
jugerez  mieux  de  ces  maisons  européennes  bâties  à  Yuen-ming-yuen,  par  les  XX  grandes 
planches  gravées  qui  les  représentent,  que  je  vous  envoie.  C'est  le  premier  essai  de  gravure 
sur  cuivre  fait  en  Chine,  sous  les  yeux  et  par  les  ordres  de  l'Empereur". 

2)  Ceci  est  vrai,  comme  le  dit  le  P.  Bourgeois,  de  la  gravure  de  dessins  en  taille  douce. 
Mais  antérieurement  les  Chinois,  sous  la  direction  des  missionnaires,  avaient  déjà  gravé  au 
trait  sur  cuivre  les  cartes  de  l'empire,  tant  sous  K'ang-hi  que  sous  K'ien-long. 

3)  Ceci  est  impossible  si  la  lettre  d'envoi  du  P.  Bourgeois  est  bien,  comme  le  dit 
Delatour,  de  1786. 


LES    «CONQUÊTES   DE    l'eMPEREUR   DE    LA   CHINE».  235 

J'ai  donné  dans  le  temps  un  grand  soin  à  la  conservation  de  ces  estampes, 
tirées  sur  un  papier  trop  foible,  quoique  passé  à  l'alun.  En  doublant  chaque 
feuille  d'une  feuille  de  papier  de  France  mince,  je  les  ai  toutes  préservées  d'un 
déchirement  inévitable  de  la  part  de  celui  qui  les  toucheroit  sans  précaution. 
II  peut  exister  en  France  un  second  exemplaire  de  la  même  collection,  qui 
étoit  entre  les  mains  de  M.  Bertin  le  ministre;  mais  dans  ses  malheurs,  dans 
la  dispersion  de  son  magnifique  cabinet  de  curiosités  chinoises,  et  le  peu  d'ar- 
rangement et  d'ordre  qui  y  étoit,  il  est  possible  qu'on  n'ait  fait  aucune  distinc- 
tion de  ce  rouleau  d'estampes  et  qu'il  soit  perdu. 

Delatour  ajoute  qu'en  1793,  avant  sa  détention  «qui  a  été  si 
longue»,  il  a  consenti  à  céder  cette  collection  d'estampes  des 
bâtiments  «européens»,  mais  qu'il  a  gardé  la  description  des  20 
planches,  faite  pour  lui  par  son  ami  «M.  Mai  (le  P.  Avril,  jésuite)»; 
il  reproduit  cette  description,  qui  occupe  les  pages  173  —  186  de  ses 
Essais. 

L'exemplaire  des  20  planches  que  possédait  Delatour  ne  s'est 
pas  retrouvé,  non  plus  que  celui  qui  a  appartenu  à  Bertin  ^). 
Enfin,  aucun  exemplaire  de  ces  gravures  sur  cuivre  des  bâtiments 
«européens»  du  Yuan-miug-yuan  n'a  été  signalé  jusqu'ici^).  Une 
heureuse  circonstance  permet  cependant  de  se  faire  une  idée  assez 
exacte  de  ce  qu'elles  étaient.  En  1794  —  1795,  la  Compagnie  hol- 
landaise des  Indes  Orientales  envoya  en  ambassade  à  Pékin  Isaac 
Titsingh,  accompagné,  comme  second,  de  A.  E.  Van  Braam  Houck- 
geest,  chef  du  comptoir  de  Canton.  Van  Braam  Houckgeest,  qui  a 
écrit  le  récit  de  l'ambassade,  rassembla  une  importante  collection 
de  dessins  et  de  curiosités  chinoises,  parmi  lesquels  le  traducteur 
et    adaptateur    du    Voyage,    Moreau    de    Saint-Méry  ^),    note    «vingt 


1)  Sur  l'envoi  d'un  exemplaire  à  Bertin,  on  devrait  trouver  quelques  renseignements 
soit  dans  les  lettres  du  P.  Bourgeois,  soit  dans  celles  du  P.  Amiot.  Mais  la  correspondance 
du  P.  Amiot  avec  Bertin  est  encore  entièrement  inédite,  et  la  dernière  lettre  publie'e  du 
P.  Bourgeois  à  Bertin  est  du  31  juillet  1778  {T'oung  Pao,   1917,  p.  365—379). 

2)  Je  crois  avoir  entendu  dire  que  M.  Casenave,  ancien  chargé  d'affaires  de  France 
en  Chine,  avait  acquis  à  Pékin  un  exemplaire  de  ces  planches  sur  cuivre  des  bâtiments 
„européens"  du  Palais  d'Eté;  mais  je  ne  l'ai  pas  vu.  [Cf.  infra  les  Addenda.] 

3)  Cf.  Biblioih.  Sinica*,  col.  2350—3351. 


236  PAULPELLIOT. 

dessins  qui  sont  autant  de  vues  de  différentes  parties  de  l'habitation 
bâtie  à  l'européenne  dans  la  vaste  enceinte  de  la  maison  de  plaisance 
Impériale  de  Yuen-mwg-yiien  »  ^).  M.  Combaz  a  signalé  ^)  qu'une 
note  finale  de  l'édition  du  Voyage  parue  à  Paris  en  1798  annonçait 
que  Van  Braam  Houckgeest  venait  d'offrir  ses  collections  au  Directoire 
et  que  celui-ci  les  avait  acceptées.  Je  ne  sache  pas  qu'on  ait 
signalé  jusqu'ici  dans  nos  collections  nationales  d'objets  provenant 
de  ce  Hollandais  d'un  républicanisme  ardent,  à  l'exception  précisé- 
ment des  dessins  du  Yuan-miug-yuan  ^).  Ceux-ci  se  trouvent  au 
Département  des  Estampes,  Oe  18;  il  n'y  en  a  que  dix-neuf,  qui 
portent  chacun  un  titre  en  chinois,  et,  en  regard,  une  traduction 
française  de  ce  titre.  Les  dessins  sont  accompagnés  de  la  note 
suivante  *)  :  «. 

Les  dix-neuf -dessins  qui  suivent,  présentent  une  séiie  de  différentes  vues, 
de  l'une  des  36  maisons  de  plaisance  de  Sa  Majesté  Impériale  à  Yuen  Ming 
Yuen.  Cette  habitation  située  à  25  lis  seulement  de  Peking,  n'a  pas  moins  de 
300  lis  de  circonférence.  Elle  a  été  construite  entièrement  dans  le  goût  européen 
par  le  P.  Benoit,  missionnaire  français,  il  y  a  environ  40  ans  (vers  1750). 

Ces  dessins  ont  été  copiés  par  des  peintres  chinois  sur  les  Peintures  originales 
exécutées  par  les  missionnaires  eux-mêmes  à  la  demande  et  aux  frais  de  M^  Van 
Braam  Houckgeest,  chef  de  la  nation  hollandaise  à  Canton  en  1794. 

La  note  ci-dessus  et  celles  qui  se  trouveront  en  regard  de  chaque  dessin 
ont  été  traduites  du  hollandais  d'après  le  Manuscrit  original  autographe  de 
M.  Van  Braam. 


1)  Ed.  de  Philadelphie,  1797—1798,  t.  I,  p.  xxi.  Le  journal  original  de  Van  Braam 
Houckgeest,  qui  est  inédit  sous  cette  fornae,  est  conservé  depuis  1912  aux  Archives  de  La 
Haye  (cf.  A.  Chapuis,  La  montre  chinoise,  Neuchâtel,  s.  d.  [1919],  in-é",  p.  47);  j'ignore 
s'il  s'y  trouve  quelques  détails  sur  les  collections. 

2)  Les  palais  impériaux,  p.  153. 

3)  Mais  il  est  fort  possible  que  si  on  procédait  au  Departement  des  Estampes  à  un 
tri  de  ce  qui  vient,  comme  dessins  chinois,  de  Bertin  et  de  Delatour,  on  pût  retrouver 
dans  le  reliquat  un  certain  nombre  de  pièces  que  les  préliminaires  de  la  traduction  de 
Moreau  de  Saint-Méry  permettraient  d'identifier. 

4)  Cf.  Courant,  Catalogue,  n°  5651;  Cordier,  dans  /.  A.,  1909,  II,  218—219;  Com- 
baz, Les  palais  impériaux,  p.  153.  La  reproduction  de  cette  note  donnée  par  M.  Combaz 
est  inexacte  en  plusieurs  endroits  et,  par  inadvertance,  le  dernier  paragraphe  n'est  pas  in- 
diqué comme  une  citation. 


LES    «CONQUÊTES   DE   l'eMPEREUR   DE    LA   CHINE».  237 

Il  résulte  de  cette  note  que,  lors  de  l'envoi  des  dessins  par 
Vau  Braam  Houekgeest,  il  n'y  en  avait  plus  que  19  sur  20.  Quant 
à  l'origine  de  cette  note,  je  crois  qu'il  faut  la  placer  aux  Etats  Unis, 
où  vivait  Van  Braam,  et  non  en  ÎVance.  Il  n'y  a  pas  trace  d'un 
manuscrit  hollandais  de  Van  Braam  qui  aurait  pu  être  joint  à  l'envoi. 
D'autre  part,  les  dessins,  qui  sont  certainement  ceux  exécutés  en 
Chine  et  non  une  copie  faite  aux  Etats  Unis,  ne  portent  pas  un 
mot  de  hollandais.  On  est  ainsi  amené  à  supposer  que  Van  Braam 
avait  rapporté  de  Chine,  sur  des  feuillets  à  part  (dans  le  manuscrit 
original  de  son  journal?),  l'explication  des  légendes,  et  qu'il  fit 
traduire  cette  explication  en  français  et  la  fit  inscrire  au  regard 
des  dessins  quand  il  envoya  ceux-ci  au   Directoire. 

Cette  explication  des  légendes  chinoises  est  assez  développée, 
et  il  paraît  probable  que  Van  Braam  Houekgeest  l'ait  recueillie  à 
Pékin,  où  il  avait  avec  lui  l'album  des  vingt  dessins.  Mais  cela  ne 
veut  pas  dire  qu'il  ait  fait  exécuter  l'album  à  Pékin  même.  La  note, 
de  rédaction  ambiguë  ^),  doit  être  interprétée  en  réalité  de  la  ma- 
nière suivante:  «Ces  dessins  ont  été  copiés  à  Canton,  en  1794, 
par  des  peintres  chinois,  à  la  demande  et  aux  frais  de  M^  Vau 
Braam  Houekgeest,  chef  de  la  nation  hollandaise,  sur  les  peintures 
originales  exécutées  par  les  missionnaires  eux-mêmes.» 

Qu'étaient  les  «peintures  originales  exécutées  par  les  mission- 
naires»? M.  Combaz  a  déjà  remarqué  q^u'il  y  avait  identité  absolue 
entre  les  dessins  provenant  de  Van  Braam  Houekgeest  et  les  des- 
criptions des  vingt  planches  du  Yuan-ming-yuan  rédigées  par  le 
jésuite  Avril  et  reproduites  par  Delatour  ^).  La  raison  en  est  bien 
simple.   C'est  qu'il  y  a  une  double  inexactitude  dans  la  note  jointe 


1)  Cette  rédaction  ambiguë  a  manifestement  trompé  M.  Cordier  ;  cf.  La  Chine  en  France, 
p.  83. 

2)  Cf.  Combaz,  Les  palais  impériaux,  p.  153 — 157.  M.  Combaz  donne  la  liste  des 
19  dessins  provenant  de  Van  Braam  Houekgeest  et  reproduit  3  d'entre  eux  avec  les  des- 
criptions correspondantes  des  Essais  de  Délateur. 


238  PAUL    PELLIOT. 

aux  dessins:  ceux-ci  ont  été  copiés  non  sur  deâ  «peintures»,  mais 
sur  les  gravures  en  taille  douce  exécutées  par  ordre  de  K'ien-long, 
et  on  a  vu  que  les  auteurs  des  dessins  originaux  et  des  gravures 
n'étaient  pas  les  missionnaires  eux-mêmes,  mais  des  Chinois  qui 
avaient  été  les  élèves  des  missionnaires.  Cette  conclusion,  que  l'examen 
seul  des  dessins  me  paraissait  imposer,  est  confirmée  par  deux  pas- 
sages du  Voyage  de  Van  Braam  Houckgeest,  où  on  lit,  sous  la  date 
du  3  février  1795,  que  Van  Braam  Houckgeest  avait  antérieurement 
«obtenu,  à  Canton,  du  marchand  Paonkêqua^),  vingt  dessins  des 
vues  du  Yuen-ming-yuen  pour  les  copier»,  et  plus  loin,  à  la  date 
du  15  février  1795:  «Les  dessins  que  j'en  ai  [du  Yuan-ming-yuan] 
sont  très  exacts,  ayant  été  copiés  sur  des  gravures  faites  par  les 
Missionnaires  eux-mêmes,  d'après  les  plans  de  cet  architecte  leur 
confrère  [le  P.  Benoist].*^)  Comme  on  le  voit,  les  originaux  étaient 
bien  des  gravures,  mais  l'erreur  de  les  attribuer  aux  missionnaires 
remonte  à  Van  Braam  Houckgeest  lui-même. 

Les  dessins  copiés  à  Canton  sur  ces  gravures  pour  Van  Braam 
Houckgeest  sont  finement  exécutés,  et  doivent  reproduire  fidèlement 
les  originaux.  Ils  ont  presque  l'apparence  de  dessins  au  trait,  et 
suggéreraient  que  les  graveurs  chinois,  novices  dans  l'art  de  la 
gravure  en  taille-douce,  avaient  évité  de  surcharger  leurs  planches. 
Ces  dessins,  à  défaut  des  gravures  originales,  sont  précieux  pour 
nous  faire  connaître  l'ancien  aspect  des  bâtiments  construits  sous 
la  direction  du  P.  Benoist.  Ils  nous  révèlent  aussi  les  noms  chinois 
des  divers  bâtiments,  comme  celui  du  ^  ^  ^  Yang-ts'io-Iong 
(la  Volière),    et   surtout   du    bâtiment    principal    appelé    jf$  ^  ^ 


1)  „Paonkêqua"  est  le  même  nom  que  celui  du  „Pankeikoua"  mêlé  aux  négociations 
pour  la  gravure  des  estampes  des  Conquêtes.  Mais  c'était  là  en  réalité  le  nom  d'ane  maison 
hanniste,  et  rien  ne  montre  que  le  chef  de  cette  maison  en  1794  fût  encore  P'an  T'ong- 
wen  comme  en  1265. 

2)  Voyage,  éd.  de  Philadelphie,  t.  I,  pages  243  et  269. 


LES    «CONQUÊTES   DE   l'eMPEREUR   DE    LA   CHINE».  239 

Hai-yen-t'ang  ^).  En  avant  de  ce  bâtiment  principal,  les  dessins 
reproduisent  les  douze  animaux  cycliques  aménagés  par  le  P.  Benoist 
et  dont  chacun,  à  tour  de  rôle,  lançait  un  jet  d'eau  pendant  deux 
heures.  Les  ruines  actuelles  ont  encore  gardé  les  lignes  générales 
de  ce  grand  bâtiment. 

La  lettre  du  P.  Benoît  de  1786  nous  a  fait  savoir  que  les  vingt 
planches  des  bâtiments  européens  du  Yuan-ming-yuan  étaient  le 
premier  essai  chinois  de  gravure  sur  cuivre  en  creux,  et  que  cet 
essai  était  de  1783  ^).  Mais  K'ieu-long  ne  s'en  tint  pas  là.  J'ai 
mentionné  plus  haut  incidemment  une  série  de  Trente  six  vues  de 
Jehol;  le  Che  k'iu  pao  ki  en  décrit  deux  exemplaires  peints  l'un 
P^^  ^  ^  ^  Tchang  Tsong-ts'ang,  l'autre  par  "^  ^  ^  Cheu 
Ying-houei  ^).  C'est  l'empereur  K'ang-hi  qui  avait  choisi  ces  36  sites, 
et  il  avait  consacré  à  chacun  d'eux,  en  1711,  une  poésie  appropriée 
en  chinois;  en  1741,  K'ieu-long  fit  lui  aussi,  pour  les  mêmes  sites, 
36    poésies    sur    les    mêmes   rimes   qu'avait   employées   sou    aïeul  *). 


1)  On  devrait  retrouver  ces  noms  dans  les  ouvrages  chinois  qui  décrivent  le  Yuan- 
ming-yuan;  je  ne  les  ai  pas  actuellement  à  ma  disposition. 

2)  Ou  de  1782,  si  la  lettre  du  P.  Bourgeois  était  de  1785  comme  Délateur  paraît 
l'indiquer  en  un  autre  passage. 

3)  Cf.  liouang  tch'ao  t'ong  tcfie,  ch.  113,  f°  9  r°  de  l'édition  photolith.,  et  surtout 
Kouo  tch'ao  yuan  noua  lou,  ch.  2,  ff.  9  — 10  et  14  v°.  Tchang  Tsong-ts'ang  et  Chen  Ying- 
houei  vivaient  sous  K'ang-hi  ;  le  premier  fut  un  des  plus  féconds  artistes  du  „bureau  de  la 
peinture".  Le  titre  des  albums  est  \fi^  ^^  Mj  Bj^  — -.  ~t~*  -^  "Si*  |g|  Pi  chou 
chan  tchouang  san  che  licou  king  fou,  „Tableaux  des  36  vues  du  Pi-chou-chan-tchouang". 
Pi-chou-chan-tchouang,  la  „Résidence  de  montagne  oà  on  fuit  les  chaleurs",  était  le  nom 
donné  par  K'ang-hi  à  la  résidence  estivale  de  Jehol. 

4)  Il  y  a  une  réédition  lithographique  récente  publiée  au  ~p^  jqj  ^^  ^i  Ta-t'ong- 
chou-kiu  de  Chaughai,  et  où  on  trouve  les  30  vues,  les  poèmes  de  K'ang-hi  de  1711,  ceux 
de  K'ien-long  de  1741,  et  les  commentaires  jojnts  à  chaque  poème  par  une  commission  de 
lettrés  en  1741  ;  elle  porte  le  titre  de  |^  ^  ^  ^  [J_|  ^  }§  ^<  Yu  tche  pi 
chou  chan  tchouang  t'ou  yong;  j&  la  possède,  mais  ne  l'ai  pas  actuellement  à  ma  disposition; 
je  n'ai  jamais  vu  l'édition  originale  qu'elle  reproduit.  M.  Franke  a  acquis  un  exemplaire 
de  cette  édition  originale  de  1741  ;  elle  porte  le  titre  deYjtfl  ^f    j^  ^*  jjj  ^T.  §# 


240  PAUL   PELLIOT. 

Mais  en  outre,  eii  1754,  K'ien-long  baptisa  à  soa  tour  36  sites  de 
Jehol;  ce  serait  mal  connaître  sa  fécondité  littéraire  que  d'admettre 
qu'il  laissa  échapper  une  si  belle  occasion  d'écrire  36  poèmes 
nouveaux  ^). 

Or  il  y  a  au  Département  des  Estampes,  Hd  90,  un  album  qui 
est  simplement  qualifié  «Paysages  chinois»  ^)-,  ce  sont  en  réalité 
36  vues  de  Jehol.  En  face  de  chaque  vue,  il  y  a  un  texte  manuscrit, 
mais  les  vues  elles-mêmes  sont  des  gravures  sur  cuivre  en  taille-douce. 
Bien  que  je  n'aie  pas  actuellement  à  ma  disposition  les  poèmes  de 
1711  et  de  1741  pour  faire  la  comparaison,  il  me  paraît  probable 
que  noas  ayons  ici  les  36  sites  nouveaux  choisis  par  K'ien-long  en 
1754,  avec  les  compositions  qu'il  ne  manqua  pas  d'écrire  à  cette 
occasion.  K'ien-long  aura  voulu  que  «ses»  sites  fussent  gravés 
comme  l'avaient  été  ceux  de  K'ang-hi.  Mais  il  adopta  pour  cette 
nouvelle  série  le  procédé  récemment  importé  d'Europe.  Et  puisque 
les  gravures  des  bâtiments  européens  du  Yuan-ming-yuan  exécutées 
en  1783  étaient  le  premier  essai  de  gravure  en  taille  douce  en  Chine, 
il  faut  que  l'album  Hd  90  ait  été  gravé  postérieurement  à  cette  date  ^). 


Yu  tche  pi  chou  chan  tchouang  che  (cf.  Franke,  Beschreibung  des  Jehol-Gebietes,  p,  61), 
La  bibliothèque  de  Cambridge  possède  un  exemplaire  des  poèmes  de  K'ang-hi  avec  traduc- 
tion mandchoue,  et  aussi  un  exemplaire  de  l'édition  de  1741  ;  cf.  Giles,  Catalogue  of  the 
Wade  Collection,  p.  86,  et  Supplementarg  Catalogue,  p.  21  (mais  les  indications  donne'es 
sont  insuffisantes;  M.  Giles  ne  dit  rien  ni  des  planches  ni  des  poèmes  de  K'ien-long;  de 
plus  le  titre  ne  signifie  pas  „Poems  from  a  summer  retreat",  mais  „Poèmes  sur  le  Pi- 
chou-chan-tchouang").  C'est  évidemment  aussi  un  exemplaire  de  l'édition  de  1741  que 
devait  posséder  Delatour  et  qui  est  décrit  dans  le  Second  Catalogue  de  sa  vente,  n°  351, 
comme  „Recueil  de  36  vues  gravées  sur  bois"  représentant  les  palais  de  Jehol;  je  ne  sais 
ce  que  cet  exemplaire  est  devenu. 

1)  M.  Franke  a  donné  une  liste  des  36  sites  de  K'ang-hi  et  des  36  sites  supplémen- 
taires de  K'ien-long  {Beschreibung  des  Jehol-Gebietes,  p.  91 — 97). 

2)  Cf.  Cordier,  dans  J,  A.,  1909,  II,  262.  Je  ne  crois  pas  que  cet  album  figure  dans 
le  Catalogue  de  M.  Courant. 

3)  L'album  Hd  90  ne  porte  aucune  indication  de  possesseur  ni  d'origine.  Néanmoins 
il  est  assez  vraisemblable  qu'il  ait  été  envoyé  de  Chine  a  la  fin  du  XVIII'  siècle,  et  peut- 
être  trouvera-t-on  quelques  renseignements  a  ce  sujet  dans  la  correspondance  encore  inédite 
du  P.  Amiot  avec  Bertin. 


LES    «CONQUÊTES   DE    l'eMPEREUR   DE    LA   CHINE».  241 

La  gravure  est  en  traits  assez  lourds,  et  qui  dénotent  une 
insufiSsante  maîtrise  du  procédé.  Néanmoins,  pour  des  bâtiments  et 
des  paysages  comme  c'est  le  cas  ici,  les  graveurs  chinois  se  sont 
mieux  tirés  d'affaire  que  lorsqu'ils  s'essayèrent  bientôt  à  des  sujets 
plus  délicats,  avec  des  animaux  et  des  personnages. 

Enfin,  les  campagnes  de  Dzoungarie  et  du  Turkestan  chinois 
ne  furent  pas  les  dernières  du  règne  dé  K'ien-long.  Et  puisque  les 
luttes  contre  les  Dzoungars  et  les  Musulmans  avaient  été  si  bien 
illustrées  par  la  gravure  sur  cuivre  européenne,  l'empereur  ordonna 
de  commémorer  par  le  même  procédé  ses  succès  militaires  dans 
d'autres  régions.  D'assez  nombreuses  séries  de  «victoires»  en  résul- 
tèrent. Exécutées  par  des  graveurs  indigènes  attachés  au  ^  ^  ^ 
Tsao-pan-tch'ou  ^),  elles  célèbrent  les  conquêtes  de  la  dynastie 
mandchoue   dans   les    deux    Kin-tch'ouan    (aux    confins  du  Tibet)  ^), 


1)  C'est  ce  que  j'avais  dit  à  M.  Cordier,  en  ajoutant  que  certaines  des  gravures 
d'exécution  chinoise  se  trouvaient  dans  la  collection  Fan  de  Ning-po;  mais  son  souvenir 
l'a  ensuite  trompé,  et  il  a  cru  {Les  Conquêtes,  p.  18)  que  je  l'avais  assuré  que  les  planches 
vues  par  Sir  John  Bowring  daus  la  collection  Fan  de  Ning-po  n'étaient  pas  les  gravures 
originales.  M.  Ishida  s'étonne  à  bon  droit  que  j'aie  commis  une  erreur  qui  va  contre  les 
données  du  catalogue  bien  connu  de  la  collection  P'an;  les  16  planches  sont  en  effet  énumé- 

rées  avec  leurs  sujets  dans  les  préliminaires  de  ce  catalogue  intitulé  "^  '  ygi  ^g»    p| 

T'ien  yi  ko  chou  mou,  à  côte  des  12  planches  relatives  aux  deux  Kin-tch'ouan,  Sur  le 
Tsao-pan-tch'ou,  cf.  Faléologue,  Uart  chinois,  p.  290  —  291;  E.  Hänisch  dans  Ostasiat. 
Zeitschr.,  VII  [1918],  p.  57. 

2)  La  plus  connue  de  ces  séries  d'exécution  chinoise  est  celle  qui  célèbre  les  victoires 
de    Kffl   /|\j-    A-kouei    dans   les    Kin-tch'ouan;    on  la  désigne  sous  les  titres  de    — J-^  ^^ 

tbt  Aèit  Jll  m«  (Ml  F'ing  ting  leang  kin  ich'ouan  ichan  t'ou  ou  simplement  de  Kin 
tch'ouan  tehan  t'ou.  Elle  est  mentionnée,  avec  la  séri««  des  planches  relatives  à  la  soumis- 
sion des  Dzoungars  et  des  Musulmans,  au  ch.  113  du  -^  SH  ^m  j^  Ilouang  tch'ao 
t'ong  tche.  L'énumération  détaillée  de  la  série  des  planches  des  deux  Kin-tch'ouan  donnée 
dans  les  préliminaires  du  T'ien  yi  ko  chou  mou  comporte  12  planches.  Il  y  en  avait  un 
exemplaire  dans  la  bibliothèque  impériale  de  Moukden  (cf.  Rudakov,  Bogdokhanskie  dvorcy 
i  knigokhranilisca  v  Mukdeni,  dans  Izv.  Vostoi.  Insiituta,  t.  Ill  [1901],  p.  29,  où  -^^  >|>N 
Kin-tcheou  est  une  faute  de  copie  potr  Kin-tch'ouan).  D'après  M.  Rudakov,  l'exemplaire 
de   Moukden   était  en   16   feuilles;   si   l'indication   est   exacte,   il  faut  que  la  série  décrite 


242  PAUL    PELLIOT. 

à  Formose  ^),  au  NépaP),  en  Annarn'),  au  Yunnan*),  au  Hounan*"), 


dans  le  T'ien  yi  ko  choti  mou  soit  incomplète  (d'après  une  note  de  M.  Ishida,  p,  416,  la 
Library  of  Congress  de  Washington  doit  aussi  avoir  un  exemplaire  des  batailles  du  Kin- 
tch'ouan  en  16  planches);  quant  aux  morceaux  impériaux  relatifs  à  chaque  planche,  ils  sont, 
pour  les  planches  d'exécution  chinoise,  gravés  dans  le  champ  ou  en  marge  de  la  planche, 
au  lieu  d'avoir  été  ajoutés  sur  des  feuillets  séparés  comme  les  morceaux  dont  il  sera 
question  plus  loin  et  qui  se  rapportent  aux  gravures  exécutées  à  Paris.  D'après  M.  Rudakov, 
qui  s'appuie  sur  le  ^^^  ^0  -BÄ  ■^|J  'fia  ^^  Cheng  king  tien  tche  pei  k'ao,  l'envoi  à 
Moukden  de  la  série  du  Kin-tch'ouan  fut  fait  la  51"  année  de  K.'ien-long  (1786).  La  cam- 
pagne même  était  de  1775.  Quelques  unes  des  plaques  de  cuivre  de  la  série  du  Kin-tch'ouan  . 
ont  été  acquises  vers  1910  par  le  Museum  für  Völkerkunde  de  Berlin  (cf.  aussi  Mûnster- 
berg,  Ciines,  Kunstgeschichte,  II,  370),  et  un  tirage  de  l'une  de  ces  planches  est  reproduit 
dans  A.  Tafel,  Meine  Tibetreise,  t.  II  [1914],  pi.  LI;  elle  ne  paraît  s'identifier  à  aucune 
des  12  planches  décrites  dans  le   l 'ien  yi  ko  chou  mou. 

^v    C^2   HHii.  ï^t 

1)  Un    exemplaire  de  cette  série,  intitulée     t-«    î^   Pu  j^|     T'ai  wan  tckan  t'ou, 

en  13  feuilles  (12  planches  -j-  1  feuillet  de  composition  littéraire?),  se  trouvait  à  la 
bibliothèque  impériale  de  Moukden,  où  il  avait  été  envoyé  la  55°  année  de  K'ien-long  (1790) 
(l'équivalence  1791  donnée  par  M.  Rudakov,  ibid.,  p.  39,  est  inexacte);  la  campagne  était 
de  1786.  M.  Rudakov  paraît  faire  allusion  (p.  39)  à  une  autre  série  de  gravures  sur  For- 
mose  qui  aurait  été  envoyée  à  Moukden  en  1800 — 1801;  je  doute  qu'il  y  ait  eu  vraiment 
deux  séries. 

2)  Un  exemplaire  de  cette  série,  qui  est  intitulée  ^R  l^a  P^  Bgb  |gj  K'ouo-eul-k'a 
tchan  t'ou,  „Tableaux  des  combats  [contre]  les  Gorkha[=  Népalais]",  se  trouvait  à  Moukden, 
où  il  avait  été  envoyé,  selon  M.  Rudakov,  en  1800 — 1801;  la  campagne  était  de  1793. 
J'ignore  combien  cette  série  comporte  de  planches.  M.  Lo  Tchen-yu  en  possède  un  exem- 
plaire acheté  en  1912  au  prince  Kong  (cf.  à  ce  sujet  le  texte  de  M.  Lo  que  je  cite  plus 
loin).  Dans  la  collection  littéraire  de  ^  ^  Wang  Kie  (1725—1805;  la  date  de  1724 
donnée  par  Giles,  ßiogr.  Diet.,  n°  2150,  est  fausse,  de  même  que  celle  de  1760  au  lieu 
de  1761  pour  l'année  où  il  devint  tchouang-yuan,  et  celle  de  1785  au  lieu  de  1786  pour 
l'année  où  il  devint  grand  tuteur  de  l'héritier  présomptif),  intitulée  XÄ  î§.  ^3  ^^ 
Fao  tch'ouen  ko  tsi,  on  trouve  au  ch.  2  un  ;^  Hfe  1i^  ||Ü.  \Êa  ^^  P^  mfe  |Q  ^ 
c'est-à-dire  une  „Notice  [écrite]  respectueusement  à  la  suite  [des  morceaux]  composés  par 
l'Empereur  pour  les  Tableaux  des  combats  [contre]  les  Gorkha". 

3)  Celte  série  est  intitulée  ^t"  ^H  1^  ffife  |@|  î^'gan  nan  kouo  tchan  t'ou  et 
comporte  6  planches.  Un  exemplaire  s'en  trouvait  à  Moukden,  où  il  avait  été  envoyé  en 
1790  (M.  Rudakov,  p.  39,  indique  faussement  1791).  M.  Lo  Tchen-yu  en  mentionne  un 
exemplaire  qu'il  vit  en  1915  chez  un  de  ses  amis.  M.  Rudakov  semble  parler  d'une  autre 
série  sur  l'Ânnam  envoyée  à  Moukden  en  1800 — 1801;  je  crains  qu'il  n'y  ait  là  quelque 
confusion.  K'ieD*long  avait  fait  six  poésies  sur  ces  six  planches,  et  Wang  Kie  fit  à  son  tear, 
sur  les  mêmes  rimes  que  les  poésies  impériales,  six  poésies  qui  se  trouvent  au  ch.  12  du 
Pao  tch'ouen  ko  tsi. 

4)  Cette  série  en  4  feuilles  fut  distribuée  la  10°  année  Kia-k'ing  (1805;  M.  Rudakov 


LES    «CONQUÊTES   DE   l'EMPEREUR    DE    LA    CHINE»'.  243 

et  une  deuxième  fois   chez  les  Musulmans  du  Turkestan  chinois  ^). 


indique  faussement  1806);  je  ne  la  connais  que  par  M.  Rudakov.  Il  doit  s'agir  d'opérations 
de  1795. 

5)  Cette  série  en  16  feuilles  fut  également  distribue'e  en  1805;  je  ne  la  connais,  elle 
aussi,  que  par  M.  Rudakov.  M.  Hänisch,  qui  dit  quelques  mots  de  ces  séries  sans  indiquer 
le  nombre  des  planches  [Ostasiat.  Zeitschr.,  VII,  58),  parle  aussi  de  planches  relatives  au 
Kouei-tcheou;  je  ne  sais  si  elles  sont  comprises  dans  la  série  des  16  planches  du  Hou-nan. 

1)  J'ignore  le  nombre  de  planches  de  cette  seconde  série  du  Turkestan  chinois,  gravée 
80U8  Tao-kouang  (1821  — 1850);  M.  Lo  Tchen-yu  en  possède  un  exemplaire  acheté  en  1912 
au  prince  Kong.  Je  ne  crois  pas  sans  intérêt  de  traduire  ici  un  passage  du  journal  de 
voyage  intitulé  -fy^  "T^  H  *^»  )I^  ^vL  ^^^^  "^^  /^  mony  hen  lou,  et  où  M.  Lo 
Tchen-yu,  alors  réfugié  au  Japon,  raconte  un  bref  voyage  qu'il  fit  en  Chine  en  1915;  ce 
récit  de  voyage  est  reproduit  au  4"  f'ao  du  =N'!  y.  gg  ^j  Sine  t'ang  ts'ong  k'o;  le 
passage  en  question  est  aux  ff.  3J — 32;  M.  Lo  vient  d'arriver  à  K'ai-fong-fou  :  „Je  me 
rendis  chee  mon  compatriote  AP  51$  Kouo,  iseu  ^g  ra^  Tsin-tch'en.  Tsin-tch'en  me 
montra  deux  plaques  de  cuivre  des  planches  représentant  les  combats  pour  la  pacification 
de  l'Annam  et  les  combats  pour  la  pacification  du  Turkestan  chinois  sous  K'ien-long;  il  les 
avait  récemment  obtenues  à  la  capitale.  La  gravure  en  est  très  fine,  et  les  traits  sont 
entièrement  en  creux  comme  dans  les  planches  de  cuivre  qu'on  grave  au  Japon.  Les 
planches  des  combats  ne  se  rencontrent  que  très  rarement  ;  au  temps  de  leur  exécution, 
il  n'y  eut  que  les  grands  serviteurs  proches  de  l'Empereur  à  qui  il  en  fut  octroyé.  Je  les 
ai  vues  à  Changhai,  dans  la  bibliothèque  de  Zikawei.  En  1912,  j'avais  obtenu  du  prince 
7]v  Kong  les  planches  sur  la  pacification  du  petit  Kin-tch'ouan  et  des  Gorkha  sous 
K'ien-long  et  du  Turkestan  chinois  sous  Tao-kouang;  mais  jusqu'ici  je  n'avais  pas  vu  les 
planches  relatives  à  la  pacification  de  l'Annam  et  du  Turkestan  chinois  [sous  K'ien-long]. 
Les  plaques  originales  des  planches  des  combats  et  celles  de  la  carte  de  K'ien-long  en  13 
bandes  (  0^  j^g  H~*  —^_  mE.  jjj^  j^  K'ien  long  de  san  p'ai  ti  i'ou)  étaient  toutes 
conservées  au  Won-ying-tien.  Au  début  de  T'ong-tche  (1862 — 1874),  comme  on  manquait 
de  cuivre,  le  ministère  des  travaux  publics,  considérant  que  ces  plaques  étaient  gravées  en 
creux  et  qu'on  ne  pouvait  en  tirer  d'épreuves,  demanda  à  les  fondre;  mais  un  des  ministres 
fit  échouer  ce  projet;  c'est  ainsi  que  les  plaques  ont  été  conservées  jusqu'à  nos  jours.  Je 
ne  sais  où  se  trouvent  actuellement  les  plaques  de  la  carte.  Mais  je  me  rappelle  que  la 
1'"  année  de  Siuan-t'ong  (1910),  comme  les  livres  du  grand  dépôt  du  Nei-ko  devaient  être 
remis  au  Ministère  de  l'Instruction  publique,  je  me  rendis  au  Nei-ko  pour  les  examiner; 
je  vis  que  les  cartes  remplissaient  deux  meubles.  Je  désirai  les  regarder,  et  un  des  secrétaires 
me  dit:  „Ce  sont  de  vieilles  cartes  qui  ne  servent  à  rien  et  attendent  qu'on  les  jette  au 
feu".  Effrayé,  je  le  priai  de  surseoir,  et  en  hâte  saisis  le  Ministère;  puis  j'y  transportai 
les  cartes  qui  furent  déposées  à  la  Bibliothèque  de  la  capitale  (King-che-t'ou-chou-kouan). 
De  plus,  dans  la  cour  du  grand  dépôt,  je  vis  des  textes  présentés  au  trône  (  ^S  ^K 
t'i-pen)  qui,  accumulés,  couvraient  le  sol.  J'en  ramassai  un  au  hasard  :  c'était  un  rapport 
militaire  de  A-kouei;  j'en  examinai  d'autres,  ils  étaient  de  même  nature;  tant  bien  que 
mal,  je  les  rangeai  par  années  et  par  mois;  c'étaient  tous  des  matériaux  historiques  d'im- 
portance.  J'informai   en   hâte   le   Ministère,   et   ces   documents,   transportés  dans  plusieurs 


244  *  PAULPELLIOT. 

Les  planches,  d'exécution  grossière,  n'ont  qu'un  intérêt  documentaire; 
on  en  possède  plusieurs  tirages  plus  ou  moins  complets  à  Hanoi,  à 
Paris,  etc.  Il  n'est  pas  à  ma  connaissance  que  personne  leur  ait 
encore  consacré  une  étude  d'ensemble  ^). 


dizaines  de  charrettes,  furent  provisoirement  placés  au  Kouo-tseu-kien  ;  je  ne  sais  où  ils  se 
trouvent  maintenant".  Ce  texte  est  intéressant  en  plus  d'un  sens.  D'abord  il  montre  l'e'tat 
lamentable  de  l'organisation  des  archives  en  Chine.  11  donne  également  quelques  renseigne- 
ments précieux  sur  la  „carte  en  13  bandes"  de  K'ien-long;  .je  compte  reparler  prochaine- 
ment de  cette  carte  et  des  autres  cartes  des  jésuites  en  utilisant  les  travaux  de  MM. 
Baddeley  et  Herrmann.  En  ce  qui  concerne  les  planches  des  „victoires",  on  notera  que 
M.  Le  paraît  distinguer  celles  vues  chez  les  Jésuites  de  Zikawei  de  celles  relatives  à  la 
conquête  du  Turkestan  chinois  sous  K'ien-long;  je  soupçonne  là  quelque  confusion.  D'autre 
part,  M.  Lo  ne  paraît  pas  avoir  été  frappé  par  une  différence  d'exécution  entre  les  planches 
françaises  et  les  planches  chinoises;  on  serait  presque  amené  à  douter  qu'il  ait  connu  les 
planches  françaises  originales;  et  en  effet  je  croyais  me  rappeler  n'avoir  vu  à  Zikawei  que 
les  réductions  de  Helman;  mais  mon  souvenir  doit  être  inexact,  car  M.  Cordier  dit  {La 
Chine  en  "France  au  XVlIIe  siècle,  p.  56)  qu'il  y  a  une  série  des  estampes  originales 
„dans  le  réfectoire  des  Jésuites  de  Zi-ka-wei".  Enfin  il  est  intéressant  de  constater  qu'en 
1862,  il  n'y  avait  personne  à  Pékin  qui  sût  tirer  les  planches  soit  des  estampes,  soit  de 
la  carte.  M.  Hänisch  {Der  chinesische  Feldzug,  p.  57)  a  fait  dire  à  M.  Paléologue  {Vart 
chinois,  p.  293 — 294)  que  le  peintre  cantonais  La^n-kouii  avait  pratiqué  à  nouveau  indépen- 
damment  vers  1S30  le  procédé  de  gravure  introduit  en  Chine  au  XVIIP  siècle  par  les 
Jésuites.  C'est  une  erreur,  et  il  n'y  a  rien  de  pareil  dans  le  livre  de  M.  Paléologue. 
Celui-ci  ne  parle  que  de  dessins  et  peintures  de  Lan-koua,  et  non  de  gravures.  Il  n'est 
pas  non  plus  question  de  gravures  dans  la  source  principale  concernant  Lan-koua,  et  qui 
est  le  livre  de  G.  T.  Downing,  The  Fan-Qui  in  China  in  1836—1837  (Londres,  1838, 
t.  II,  p.  90 — 114;  cf.  aussi  la  trad,  de  ce  chapitre  de  Downing  dans  la  Rev.  de  l'Orient 
de  1844,  la  note  de  Y  Artiste  de  juin  1849,  l'article  de  Delécluze  dans  la  Revue  française 
de  1839,  p.  272 — 285,  et  les  notes  de  Feuillet  de  Conches,  dans  Les  peintres  européens  en 
Chine,  p.  44  et  suiv.). 

1)  En  dehors  des  séries  que  je  viens  d'indiquer,  il  est  possible  qu'il  y  ait  eu  sous 
K'ien-long  une  série  intitulée  ^|^  qr  BTO  |g|  Wou  che  tchan  t'ou,  „Tableaux  des 
combats  d'U8[-Turfan]".  La  campagne  de  Dzoungarie  et  du  Turkestan  s'était  achevée  en 
1759,  Mais  en  1765,  les  Musulmans  d'IJs-Turfan  se  révoltèrent;  ils  furent  réduits  au  bout 
de  quelques  mois.  Cette  campagne  fut  illustrée  par  un  tableau  de  ^^  ,^£  J^  Tchang 
T'ing-yen,  auquel  K'ien-long  joignit  une  poésie  en  1768,  et  par  un  rouleau  peint  de 
^  -cp  Kia  Ts'iuan ;  les  deux  œuvres  étaient  intitulées  ^|-*  ^p  ^^  T|  wB  [^ 
P'inff  ting  wou  che  tchan  t'ou,  „Tableau  des  combats  pour  la  pacification  d'[Js[-Turfan]" 
(cf.  Kouo  tch'ao  yuan  houa  lou,  ch  1,  f*  19;  ch.  2,  f°  7  r**).  Un  Wou  che  tchan  t'ou 
est  mentionné  par  le  Houang  tch'ao  t'ong  tche  (ch.  113,  f**  9  v")  entre  les  victoires  sur 
les  Dzoungars  et  celles  du  Kin-tch'ouan.  Comme  ces  deux  séries  ont  été  gravées,  il  est 
possible   que   le    Wou  che  tchan  t'ou   l'ait  éié  également.    Mais  cela  reste  douteux,  car  le 


LES    «CONQUÊTES   DE    l'eMPEREUR   DE   LA    CHINE».  245 


*      * 


Lors  de  l'envoi  en  Chine  des  planches  originales  gravées  sous 
la  direction  de  Cochin,  il  n'en  était  resté  en  France,  on  l'a  vu 
plus  haut,  qu'un  très  petit  nombre  d'épreuves.  Aussi,  pour  satisfaire 
à  la  curiosité  du  public  entiché  des  choses  de  Chine,  un  élève  de 
Le  Bas,  Helman,  en  exécuta-t-il  une  réduction  «qui  parut  eu  1785 
en  quatre  livraisons  de  quatre  planches  chacune»,  selon  M.  Cordier  ^). 


Houang  tch'ao  t'ong  tcke  (ch.  113,  f°  8  v"  et  9  r°)  mentionne  aussi  dans  le  même  chapitre 
une  série  de  144  tableaux  des  combats  des  premiers  princes  mandchous  en  Mandchourie  au 
début  du  XVIP  siècle,  et  8  albums  des  combats  de  T'ai-tsou  des  Ts'ing;  or  ces  oeuvres 
sont  sûrement  restées  manuscrites. 

1)  Cordier,  Les  Conqtiêtes,  p.  18.  La  série  de  Helman  ne  porte  pas  de  date  de  publi- 
cation, mais  un  certain  nombre  de  ses  seize  gravures  sont  datées,  et  ces  dates  vont  de  1783 
à  1785;  M.  Hänisch  fait  donc  erreur  quand  il  dit  {Der  chinesische  Feldzug,  p.  58)  que 
la  suite  de  Helman  parut  en  1784.  D'autre  part,  Helman  joignit  bientôt  aux  16  estampes 
réduites  des  Conquêtes  quatre  autres  estampes  gravées  par  lui  en  1786  et  repre'sentant 
l'une  la  Cérémonie  du  labourage  faite  par  l'Empereur  de  Chine,  les  trois  autres,  qui  se 
font  suite,  la  Marche  ordinaire  de  l'Empereur  de  la  Chine  lorsqu'il  passe  dans  la  ville  de 
Peking.  Il  est  vraisemblable  qu'il  y  ait  eu  une  première  table  ne  comprenant  que  la 
nomenclature  des  16  estampes  des  Conquêtes;  je  n'en  ai  pas  vu  d'exemplaire,  non  plus 
que  je  n'ai  trouvé  l'origine  du  renseignement  de  M.  Cordier  sur  la  publication  en  1785 
des  16  estampes  en  4  fascicules  de  4  livraisons  chacunes.  La  table  de  l'exemplaire  de  la 
Bibliothèque  Nationale  Rés.  0*n  624  a  été  gravée  pour  l'édition  en  20  estampes,  qui  doit  être 
de  1786,  mais  cette  table  a  été  retouchée  en  1788.  Cette  année-là,  Helman  ajouta  4  nouvelles 
estampes  (dont  un  banquet  au  Palais,  auquel  assistent  plusieurs  missionnaires),  portant  ainsi 
le  nombre  total  à  24,  et  ajouta  sur  la  planche  de  table  les  sujets  de  cette  nouvelle  addition, 
en  même  temps  que  l'annonce  des  Faits  mémorables  qui  allaient  commencer  à  paraître  en 
avril  1788;  les  quatre  planches  additionnelles  portent  elles-mêmes  la  date  de  gravure  de 
1788;  tel  est  l'état  de  l'exemplaire  Rés.  0*n  624.  La  Biblioth.  Sinica^,  col.  641—642, 
ne  contient  aucune  indication  sur  ces  divers  états  de  la  publication  de  Helman,  mais  cite, 
d'après  un  catalogue  Rouqnette  de  1891,  des  „Batailles  de  la  Chine,  réduites  d'nprès  les 
grandes  planches  que  l'Empereur  Kien-long  a  fait  graver.  A  Paris,  chez  Hocquart,  1788, 
24  grandes  pi.  ou  fig.,  in-fol.,  oblong".  Bien  que  l'exemplaire  Rés.  O^n  624  ne  porte  nulle 
part  le  nom  de  Hocquart,  il  me  paraît  évident  que  l'exemplaire  que  vendait  Rouquette 
était  un  exemplaire  du  dernier  état  du  recueil  de  Helman,  c'est-à-dire  comprenait  les  16 
estampes  des  Conquêtes,  les  4  estampes  de  1786  et  les  4  estampes  de  1788.  Le  Giiide  de 
Vamateur  de  livres  à  gravures  du  XVIIIe  siècle  de  Henri  Cohen  (6*  éd.  revue  par  Seymour 
de  Ricci,  Paris,  Rouquette,  1912,  in-8°)  est  d'une  rare  inexactitude  en  ce  qui  concerne  les 
estampes  des  Conquêtes;  à  la  p.  1012 — 1013,  il  donne  comme  noms  des  dessinateurs  les 
„P.P.  jésuites  Attiret,  Damascus  et  Castillion"(!);  et,  à  la  p.  480,  il  confond  les  Faits 
mémorables  et  les  Conquêtes,  le  „P.  jésuite  Attiret"  étant  en  même  temps  devenu  l'unique 


246  PAUL   PELL  10  T. 

Les  gravures  de  Helman  sont  très  inférieures  à  la  série  originale. 
«Toutefois,  dit  M.  Hanisch^^),  les  petites  gravures  de  l'édition  réduite 
ont  sur  les  autres,  outre  qu'elle  ne  sont  pas  d'une  si  extrême  rareté, 
l'avantage  des  légendes  explicatives.  Sur  les  gravures  originales, 
quiconque  n'est  pas  spécialement  versé  dans  l'histoire  de  la  cam- 
pagne ne  pourra  comprendre  le  sujet  de  mainte  scène.»  En  effet, 
les  gravures  de  la  série  originale,  destinées  à  l'empereur  de  Chine, 
comportaient  des  signatures  d'auteurs  et  de  graveurs,  mais  rien  qui 
indiquât  le  sujet  des  planches.  L'édition  de  Helman  supplée  à  cette 
lacune,  et  c'est  des  explications  de  Helman,  acceptées  déjà  sans 
réserves  par  MM.  Monval  et  Cordier,  que  part  à  son  tour  M.  Hänisch 
pour  donner  un  commentaire  des  deux  gravures  qu'il  reproduit. 
Tout  irait  bien  si  les  légendes  de  Helman  étaient  justes;  c'est  la 
question  essentielle  qui  va  maintenant  nous  occuper. 

A  l'arrivée  des  quatre  premiers  dessins  en  France  dans  le 
courant  de  1766,  on  commit  les  plus  étranges  méprises  sur  ce 
qu'ils  représentaient.  Le  17  décembre  1766,  la  lettre  des  Directeurs 
de  la  Compagnie  des  Indes  au  marquis  de  Mariguy  disait  que  les 
quatre  dessins  avaient  pour  sujet  «les  victoires  de  l'empereur  de  la 
Chine  sur  les  Tartares  manchoux»,  ce  qui  était  vraiment  énorme, 
puisque    l'empereur    lui-même    était   mandchou.    Le  Mémoire  établi 


auteur  des  dessins  de  ces  deruières.  Il  y  a  eu  au  moins  une  réédition  de  la  série  des  seize 
estampes  en  Extrême-Orient  à  la  fin  du  XIX°  siècle  ;  elle  porte  un  titre  anglais  extravagant 
que  je  reproduis  d'après  l'article  de  M.  Ishida:  The  Ta-Ching  Empire's  Imperial  War  Atlas 
of  the  Tranquilation  {or  Pacification)  of  Hsin-Kiang.  This  map  was  originally  engraved  at 
Paris,  France  in  the  month  of  the  Tear  of  Keng-Tin  of  Kwang-Hsü,Shaweitithe  German 
reprinted  it  by  a  new  plan  {jby  photographing  it  into  small  pictures  and  mounted  mi  the 
stone)  and  bound  it  up  in  one  volume  with  38  sheets...  II  semble  que  „Keng-Yin  of 
Kwang-Hsii"  soit  ici  pour  „keng-yin  of  Ch'ien-lung"  (1770);  ou  peut-être  est-ce  la  date 
de  la  réédition  (1890),  avec  une  rédactiou  fautive.  J'ai  vu  en  1990,  chez  M.  Véroudart, 
une  réédition  grand  format  des  estampes  de  Paris,  et  qui  avait  été  faite,  je  crois,  à 
Chang-hai;  peut-être  est-ce  celle  de  „Shaweiti".  Je  crois  en  outre  avoir  vu  en  1910  une 
réédition  (différente?  plus  petite?)  à  la  Légation  de  Russie  à  Pékin,  mais  ne  l'y  ai  pas 
retrouvée  en  1916. 

1)  Ber  chinesische  Feldzug,  p.  68. 


LES    «CONQUÊTES   DE   l'eMPEREUR   DE   LA    CHINE».  247 

vers  la  même  date  dans  les  bureaux  de  Bertin  n'était  guère  plus 
exact  quand  il  parlait  de  ces  dessins  où  l'empereur  de  Chine  avait 
fait  représenter  «des  victoires  qu'il  a  remportées  sur  des  rebelles 
attachés  à  la  dernière  dynastie  chinoise».  Le  31  décembre  1766, 
Bertin  lui-même  écrivait  aux  pères  chinois  Ko  (=  Kao)  et  Yang, 
qui,  après  un  long  séjour  en  France,  étaient  repartis  pour  Pékin: 
«On  assure  que  ces  desseins  seront  suivis  de  douze  desseins  pareils 

qui   traitent  les   mêmes  sujets Il  y  a  apparence  que  les  seize 

desseins  composent  la  suite  des  victoires  de  Tsong-te  da  ma-van,  et 
de  Chun  tchi.  Chef  de  la  dynastie  ïsing  actuellement  régnante  à 
la  Chine  depuis  la  révolution  de  1644,  peut  être  aussy  comme  ou 
l'a  assuré  que  ces  desseins  représentent  les  Expéditions  et  les  Combats 
que  l'Empereur  régnant  a  donné  contre  les  rebelles  qu'il  a  réduict, 
et  dont  on  n'a  eu  aucune  connaissance  en  Europe;  vous  me  ferés 
plaisir  de  me  marquer  ce  que  vous  en  aurés  appris  des  personnes 
instruites  et  des  Missionnaires  avec  qui  vous  aurés  eu  occasion  d'en 
conférer.»  ^).  Ko  et  Yang  répondirent,  car,  le  27  janvier  1769, 
Bertin  leur  écrivait  à  nouveau:  «Je  vous  remercie  de  la  note 
historique  que  vous  me  donnés  des  victoires  de  l'Empereur  sur  les 
Eludes  [=  Eleuths]  et  les  Chuncards  [=  Dzoungars]  qui  sont  décrites 
dans  ces  desseins.  La  modération  et  la  clémence  forment  le  caractère 
particulier  de  ce  Prince  qui  après  sa  victoire  a  comblé  de  bienfaits 
son  ennemi  Tamacu  [lire  Tawatsi  =  üavaci].  Je  désirerois  savoir  de 
quel  côté  des  frontières  de  l'Empire  ce  Royaume  des  Eludes  et  des 
Chuncards  est  situé;  quelle  est  à  peu  près  son  étendue  et  ses  confins, 
vous  me  ferés  plaisir  de  me  le  marquer  afin  d'en  enrichir  nos  cartes 
qui  sont  toujours  bien  imparfaites  sur  ces  Pays  éloignés  de  nous.»**) 
Un  mémoire  explicatif  fut  eu  outre  transmis  par  la  Compagnie  des 
Indes;    c'est   ce    qui    résulte    d'une    note    où    un    commis    de   Bertin 


1)  Cordier,  Les  Conquêtes,  p.  8, 

2)  Ibid.,  p.  10.  La  note  historique  dont  parle  Bertin  n'a  pas  été  retrouvée. 

17 


248  PAULPELLIOT. 

proposait  de  faire  mettre  au  bas  de  chaque  gravure  «un  cartel 
dans  lequel  on  pourroit  écrire  le  sujet»  «tel  qu'il  est  dans  le 
Mémoire  de  la  Compagnie  des  Indes»  ^).  Ce  mémoire  n'a  malheu- 
reusement pas  été  retrouvé;  il  devait  être  très  sensiblement  postérieur 
à  la  «notice  historique»  envoyée  par  les  PP.  Ko  et  Yang.  Enfin 
il  n'est  pas  impossible  que  la  «  notice  historique  »  des  PP.  Ko  et  Yang 
ou  le  «-Mémoire»  de  la  Compagnie  des  Indes  soient  à  la  base  d'une 
brochure  imprimée  qu'on  n'a  pas  retrouvée  non  plus  jusqu'ici  et 
qui  est  intitulée  ;  «  Précis  historique  de  la  guerre  dont  les  principaux 
événements  sont  représentés  dans  les  X6  estampes  gravées  à  Paris  pour 
V empereur  de  la  Chine,  sur  les  dessins  que  ce  prince  a  fait  faire  à 
Pékin.  Faria,  1791,  in-40.»  2) 

Les  légendes  des  16  estampes  telles  qu'elles  ont  été  établies  par 
Helraan  sont  reproduites  par  M.  Cordier  d'après  la  table  générale 
mise    en    tête    de   la   suite   de   Helman  ^).   Il   me   paraît   inutile   de 


1)  Ibid.,  p.  12.  M.  Cordier  ajoute  en  note:  „Un  mémoire  avait  été  en  effet  rédigé 
par  la  Compagnie  des  Indes  pour  donner  l'explication  des  sujets;  je  n'ai  pu  le  retrouver". 
Cette  note  donnerait  à  penser  que  M,  Cordier  a  rencontré  ailleurs  que  dans  la  note  du 
commis  de  Bertin  une  mention  de  ce  me'moire;  ce  teite,  s'il  existe,  m'a  jusqu'ici  échappé. 

2)  Cette  brochure  était  jointe  à  un  exemplaire  de  la  suite  de  Helman  relié  par  Busche 
et  qui  s'est  vendu  23  francs  (cf.  Cordier,  Bièl.  Sinica*,  col.  641,  citant  Brunet,  Manuel, 
col.  1178).  Je  n'indique  que  sous  réserves  la  „notice  historique"  ou  le  „mémoire"  comme 
source  de  cette  brochure,  parce  qu'entre  temps  Amiot  avait  envoyé  de  Pékin  à  Bertin,  en 
1772,  sa  traduction  annotée  du  monument  de  la  conquête  des  Eleuths  re'dige'  par  K'ien- 
long,   et   cette   traduction   était   accessible  à  tous  dans  le  t.  I  des  Mémoires  concernant  les 

Chinois,  paru  en  1776  (p.  325 — 400);  l'auteur  de  la  brochure  de  1791  a  pu  s'en  inspirer. 
Une  copie  de  cette  brochure  (ou  de  la  „notice  historique"  des  PP.  Ko  et  Yang?  ou  encore 
du  „mémoire"  de  la  Compagnie  des  Indes?)  constituait  sans  doute  le  „volume  in-4*  d'ex- 
plications manuscrites"  qui  était  joint  à  l'exemplaire  des  16  estampes  appartenant  à  Hue 
de  Miromesnil  et  fut  vendu  avec  cet  exemplaire  en  1797  (cf.  Cordier,  5!*/.  iSJ«.*,  col.  641). 
J'ai  vainement  cherche'  un  exemplaire  de  la  brochure  de  1791  dans  les  divers  départements 
de  la  Bibliothèque  Nationale. 

3)  Les  légendes  mises  par  Helman  au  bas  de  chaque  estampe  diffèrent  seulement  par 
des  détails  orthographiques  de  celles  de  sa  „table  générale"  reproduite  par  M.  Cordier 
{Les  Conquêtes,  p.  13—16).  Par  contre  les  signatures  donne'es  par  M,  Cordier  sont  celles 
de  la  table  préliminaire  de  Helman,  qui  prétend  copier  les  signatures  des  planches  originales; 
il  ne  le  fait  pas  sans  un  certain  nombre  d'erreurs  graves.  Quant  aux  signatures  des  estampes 


LES    «CONQUÊTES   DE   l'eMPEREUR   DE    LA   CHINE».  249 

donner  à  nouveau  ici  toute  cette  enumeration  qui  prendrait 
plusieurs  pages;  j'en  citerai  seulement  au  fur  et  à  mesure  ce  qui 
sera  nécessaire  à  ma  discussion  ^).  Quant  à  l'origine  des  légendes 
établies  par  Helman,  M.  Cordier  a  dit  que  Helraau  avait  reproduit 
«les  titres  et  les  explications  tels  qu'ils  étaient  écrits  en  manuscrit 
au  bas  de  chaque  Estampe,  dans  les  Appartements  du  Roi».  Je  n'ai 
pas  retrouvé  l'origine  de  cette  indication,  non  plus  que  de  celle 
relative  à  la  publication  de  la  série  de  Helman  en  «quatre  livraisons 
de  quatre  planches  chacune».  On  conserve  à  la  Bibliothèque  Mazarine 
une  série  des  16  estampes  originales  qui  provient  de  la  salle  de 
billard  de  Louis  XVI  ^),  et  est  dans  ses  cadres  anciens;  mais  cette 
série,  que  j'ai  vue,  n'a  aucune  légende;  si  le  renseignement  de 
M.  Cordier  est  exact,  et  si  c'est  de  cette  série  qu'il  s'agit,  il  faut 
que  les  légendes  manuscrites  aient  été  écrites  autrefois  sur  des 
cartons  fixés  au  mur  au-dessous  des  cadres  et  qui  ont  aujourd'hui 
disparu;  il  n'y  a  d'ailleurs  rien  là  d'invraisemblable^). 

Qu'elles  soient  ou  non  copiées  sur  des  explications  qui  se 
trouvaient  au  bas  des  estampes  dans  les  appartements  du  roi,  les 
légendes  de  Helman  remontent,  au  moins  en  partie  et  plus  ou  moins 
directement,  à  des  renseignements  du  P.  Amiot;  peut-être  est-ce 
celui-ci  qui  avait  fourni  les  éléments  de  la  «notice  historique»  des 
PP.  Ko  et  Yang  et  plus  probablement  du  «mémoire»  de  la  Com- 
pagnie   des   Indes.    L'intervention    du    P.   Amiot  se   révèle   en   effet 


mêmes  de  Helman,  le  „C.  N.  Cochin  filius,  Direxii"  a  naturellement  disparu,  et  les  noms 
des  graveurs  Masquelier,  Aliamet,  etc.,  ont  été  comme  de  juste  remplacés  par  celui  de 
Helman. 

1)  Toutefois,  en  donnant  le  tableau  définitif  des  estampes  reclassées  par  sujets,  je 
reproduirai  les  signatures  véritables,  qu'il  y  a  lieu  de  substituer  à  la  liste  inexacte  de 
Helman. 

2)  Cf.  Cordier,  La   Chine  en  France,  p.   56. 

3)  Malgré  les  légendes  de  Helman  et  la  correspondance  des  missionnaires,  Abel  Rémusat 
a  commis  l'erreur  bizarre,  dans  l'article  „Khang-hi"  de  la  Biographie  Universelle,  de  dire 
que  les  16  estampes  ont  été  gravées  en  France  sous  K'ang-hi  et  „représentent. les  batailles 
de  Khang-Hi  contre  Galdan". 


250  PAUL    PELL  10  T. 

dans  les  légeuàes  des  IX®  et  X®  estampes  de  Helraan,  où  il  y  a 
des  fautes  de  lecture  «Houutcbés»  pour  ^^  ^  Houei-t'o  et 
«  Chonotés  »  pour  5^  ^^  ^  Houo-cho-t'ö  qui  se  retrouvent  dans 
la  traduction  du  Monument  de  la  conquête  des  Eleutlis  due  à  Amiot  ^). 
De  plus,  le  «poème»  impérial  cité  par  la  légende  de  la  IX®  estampe 
de  Helman  n'est  autre  que  ce  Monument  lui-même;  le  passage 
correspond  à  la  p.  375  de  la  traduction  insérée  dans  les  Mémoires 
cohcernani  les  Chinois.  Mais  la  citation  faite  dans  la  légende  de 
Helman  comporte  des  variantes  et  additions  qui  excluent  un  em- 
prunt direct  à  la  traduction  telle  qu'elle  a  été  imprimée.  Cette 
citation  doit  donc  remonter  à  Amiot  non  par  les  Mémoires  concer- 
nant les  Chinois,,  mais  par  le  mémoire  explicatif  de  la  Compagnie 
des  Indes  ^). 

On    aura   remarqué   que   ceux   qui,   au  XVIII®  siècle,  ont  parlé 
du  sujet  des  estampes  n'ont  tenu  aucun  compte  des  titres  que  l'édit 


1)  Ces  noms  sont  éurits  „llountéhé"  et  „Chouoté"  dans  les  Mémoires  concernant  les 
Chinois,  I,  374 — 375.  Il  est  clair  qn'Aœiot  a  lu  raB  fautivement  houen  d'après  l'analogie 
de  ^B  houen,  etc.  L'origine  de  la  finale  est  moins  manifeste.  Si  „Hountéhé"  est  une  erreur 
de  lecture  des  éditeurs  pour  „Hountché"  qu'aurait  écrit  Amiot,  on  peut  admettre  qu'Amiot 
a  confondu  ^jâp  t'ö  et  ürS  ich'e.  Mais  alors,  pour  „Chonoté",  il  faudrait  supposer  qu'il 
a  pris  ^^h[\  houo  en  valeur  sémantique,  sans  voir  que  ce  mot  faisant  partie  du  nom  des 
Khochot.  Si  Amiot  a  écrit  au  contraire  „Hountéhé",  on  devra  conclure  que  „Hounté"  = 
Houei-t'o,  les  Khoït,  et  qu'Amiot  a  réuni  à  leur  nom  la  première  syllabe  houo,  transcrite 
ici  „hé" ,  du  nom  Houo-cho-t'ö  des  Khochot.  Enfin  Vn  de  „Chonoté"  serait  fautive  pour  a. 
Tout  cela  est  assez  bizarre.  Le  fait  certain  est  qu'Amiot  a  mal  lu  les  noms  donnés  dans  le 
„Monument"  de  K'ien-long,  et  il  est  invraisemblable  que  les  mêmes  erreurs  aient  été 
commises  identiquement  par  d'autres;  la  source  de  Helman  est  donc  Amiot,  directement  ou 
indirectement. 

2)  La  „notice  historique"  des  PP.  Ko  et  Yang  est  exclue  en  ce  qui  concerne  cette 
citation  du  „poème"  ou  „monument"  de  la  conquête  des  Eleuths.  En  effet  Bertin  était 
déjà  en  possession  de  cette  notice  en  janvier  1769.  Or  nous  savons  par  Amiot  lui-même 
{Mém.  conc.  les  Chinois,  I,  326)  que  ce  n'est  qu'en  1771  qu'il  se  procura  le  texte  du 
„poème"  impérial.  En  dernière  analyse,  c'est  donc  bien  le  „Mémoire"  de  la  Compagnie  des 
Indes,  et  non  la  „notice  historique"  des  PP.  Ko  et  Yang,  qui  a  servi  à  Helman,  soit  que 
Helman  ait  connu  ce  mémoire  directement,  soit  qu'il  ait  copié  dans  les  appartements  du 
roi  des  légendes  établies  d'après  ce  mémoire. 


LES    4 CONQUÊTES   DE   l'EMPEREUR   DE    LA   CHINE».  251 

du  13  juillet  1765  et  le  contrat  des  hatiuistes  donnaient  aux  quatre 
premiers  dessins  envoyés  en  France.  A  vrai  dire,  ces  titres  étaient 
obscurs  pour  des  profanes;  d'ailleurs  il  n'est  pas  sûr  qu'on  ait  eu 
une  traduction  complète  du  contrat  des  hannistes,  et  d'autre  part 
on  a  vu  que  ni  Bertin  ni  son  entourage  ne  paraissent  avoir  lu  la 
traduction  de  l'édit  envoyée  par  Castiglione.  Pour  nous  au  contraire, 
les  indications  identiques  de  ces  deux  documents  sont  précieuses, 
et  apparaissent  immédiatement  inconciliables  avec  les  légendes  de 
Helman. 

Nous  avons  en  eflFet  des  éléments  de  détermination  suffisants 
pour  identifier  ces  quatre  planches,  puisque  les  soumissions  des 
graveurs  et  la  correspondance  de  Cochin  nous  font  connaître  les 
noms  des  graveurs  auxquels  chacun  des  dessins  fut  attribué: 
Le  Bas  eut  le  dessin  de  Castiglione,  Saint-Aubin  celui  de  Jean 
Damascene,  Prévost  celui  de  Sichelbart,  Aliamet  celui  d'Attiret. 
Or  il  n'y  a  que  deux  dessins  de  Castiglione  qui  aient  été  gravés 
par  Le  Bas:  ce  sont  les  estampes  qui  portent  chez  Helman  les 
n^s  m  et  V.  Mais  le  n»  III  a  été  gravé  en  1771,  et  le  n«  V  en 
1769.  Comme  il  s'agit  de  la  première  planche  gravée  par  Le  Bas, 
c'est  évidemment  la  planche  V  qui  reproduit  le  dessin  de  Castiglione 
arrivé  en  1766^).  Un  seul  dessin  de  Jean  Damascene  a  été  gravé 
par  Saint- Aubin;  c'est  l'estampe  VII  de  Helman.  dont  la  gravure 
fut  achevée  en  1770 '^).  Un  seul  dessin  de  Sichelbart  a  été  gravé 
par    Prévost;   c'est   celui   qui    porte   chez    Helman  le  n''  VIII,  dont 


1)  Il  y  a  aussi  une  planche  gravée  par  Le  Bas  d'après  un  dessin  dont  l'auteur  n'est 
pas  indiqué;  mais  cette  planche  (n°  IX  de  Helman)  fut  gravée  en  1770;  elle  ne  peut  donc, 
pour  If 8  mêmes  raisons  que  celle  de  1771,  entrer  ici  en  ligne  de  compte,  même  si  on 
supposait  que  l'auteur  anonyme  de  ce  dessin  était  (Castiglione.  De  plus,  les  noms  des  auteurs 
des  dessins  ont  été  indiqués  par  les  graveurs  chaque  fois  qu'ils  étaient  connus;  or  on 
connaissait  les  noms  des  auteurs  des  quatre  premiers  dessins  envoyés. 

2)  L'estampe  n°  IV  de  Helman,  gravée  par  Saint-Aubin  en  1773,  est  à  écarter  pour 
les  mêmes  raisons  qui  ont  été  données  à  la  note  précédente  à  propos  de  la  planche  IX 
de  Helman. 


252  PAUL    PELLIOT. 

la  gravure  fut  achevée  en  1769^).  Un  seul  dessin  d'Attiret  a  été 
gravé  par  Aliamet;  c'est  l'estampe  XV  de  Helman,  dont  la  date 
d'achèvement  n'est  pas  indiquée.  II  n'y  a  donc  pas  à  douter  que 
les  quatre  dessins  arrivés  en  1766  correspondent  aux  estampes  V, 
VII,  VIII  et  XV  de  Helman,  et  c'est  en  effet  ce  qu'ont  déjà  dit 
MM.  Monval  et  Cordier  2). 

Mais  si  nous  nous  reportons  maintenant  aux  titres  donnés  aux 
quatre  dessins  par  l'édit  du  13  juillet  1765  et  par  le  contrat  des 
hannistes,  nous  voyons  que  ces  titres  ne  concordent  aucunement 
avec  les  légendes  attribuées  par  Helman  à  ses  estampes  V,  VII, 
VIII  et  XV:  le  n"  V  de  Helman  ne  représente  nullement  la  sur- 
prise d'un  camp;  le  nom  de  K'ou-eul-man  n'apparaît  pas  dans  la 
légende  de  son  estampe  n^  VII;  la  légende  de  son  n°  VIII  ne  parle 
pas  de  la  soumission  des  gens  de  l'Ili;  il  n'est  pas  question  d'«  Altchor» 
dans  la  légende  de  son  n*'  XV.  Par  contre  la  légende  de  la  planche 
XIV  de  Helman  donne  pour  sujet  de  cette  estampe  la  «bataille 
d'Altchour»,  où  le  nom  est  évidemment  identique  à  r<Alchor»  ou 
A-eul-tch'ou-eul  de  l'édit  du  13  juillet  et  du  contrat  des  hannistes; 
or  cette  planche  XIV  a  bien  été,  elle  aussi,  dessinée  par  Attiret, 
mais  elle  a  été  gravée  par  Le  Bas  et  non  par  Aliamet;  de  plus  le 
dessin  est  daté  de  1766  *)  et  la  gravure  n'en  a  été  achevée  qu'en 
1774,  ce  qui  exclut  doublement  que  le  dessin  original  de  cette 
planche  ait  fait  partie  du  premier  lot  qui  se  trouvait  déjà  à  Cautou 
en  1765.  La  conclusion  s'impose:  les  légendes  de  Helman  et  leur 
attribution  à  telle  ou  telle  estampe  sont,  au  moins  en  partie,  arbitraires. 


1)  Prévost  n'a  gravé  qu'une  autre  des  16  planches;  mais  c'est  le  n*  X  de  Helman, 
d'auteur  inconnu,  et  dont  la  gravure  ne  date  que  de  1774. 

2)  Cf.  Cordier,  Les  Conquêtes,  p.  9. 

3)  La  table  préliminaire  de  Helman,  et  M.  Cordier  qui  la  reproduit  {Les  Cotiquétes, 
p.  15),  datent  le  dessin  de  cette  estampe  XIV  de  1764;  mais  c'est  là  une  erreur  de  Hel- 
man; la  planche  originale  do  Le  Bas  a  1766.  Ce  n'est  pas  la  seule  erreur  de  ce  genre  chez 
Helman;  il  date  le  dessin  de  la  planche  XV  de  1763,  au  lieu  que  l'estampe  originale 
d'Aliamet  a   1765. 


LES    «CONQUÊTES   DE   l'eMPEREUR   DE    LA.   CHINE».  253 

Les  soumissious  des  graveurs  pour  les  douze  dessins  arrivés  en 
1767  nous  indiquent  les  numéros  que  portaient  onze  de  ces  dessins, 
ce  qui  permet  de  suppléer  aussi  celui  du  douzième.  Vérification  faite, 
ces  numéros,  qui  ne  tiennent  pas  compte  des  quatre  premiers  dessins 
envoyés,  sont  de  simples  numéros  d'ordre  ajoutés  soit  à  Pékin,  soit 
à  Canton,  soit  même  à  Paris,  mais  qui  ne  répondent  à  aucun  classe- 
ment véritable;  ils  ne  nous  sont  donc  d'aucune  utilité. 

Le  problème  risquerait  ainsi  de  demeurer  insoluble  si  nous  étions 
réduits  aux  sources  occidentales;  heureusement  nous  pouvons  nous 
appuyer  maintenant  sur  des  documents  chinois. 

La  D*"  G.  E.  Morrison  Library  a  acquis  récemment  un  exem- 
plaire relié  des  gravures  originales  des  Conquêtes,  où  chaque  planche 
est  accompagnée  d'un  feuillet  de  même  dimension  reproduisant  en 
fac-similé  une  composition  explicative  composée  et  calligraphiée  par 
K'ien-long.  La  comparaison  des  planches  et  des  compositions  et  la 
reproduction  des  morceaux  littéraires  dus  à  K'ien-long  occupent  la 
majeure  partie  du  travail  que  M.  Ishida  a  immédiatement  consacré 
à  l'ouvrage  entré  ainsi  dans  la  bibliothèque  dont  il  est  le  conser- 
vateur ^).  La  conclusion  de  M.  Ishida,  qui  n'a  d'ailleurs  connu  ni 
l'édit  du  13  juillet  1765  jusqu'ici  inédit,  ni  le  contrat  des  hannistes 
publié  en  1902  dans  le  T'oung  Fao,  est  que  les  légendes  de  Helman 
sont  gravement  inexactes,  et  que  l'ordre  qu'il  a  adopté  est  faux 
dans  15  cas  sur  16.  D'après  M.  Ishida,  l'ordre  véritable  doit  être 
restitué  comme  suit: 


1)  On  sait  que  la  bibliothèque  du  U'  Morrison  a  été  achetée  par  le  baron  Iwasaki, 
le  fils,  je  crois  bien,  de  celui  qui  avait  acheté  antérieurement  la  riche  bibliothèque  chinoise 
de  Lou  Sin-yuan.  Bien  que  la  bibliothèque  réunie  par  le  D'  Morrison  lui-même  ne  contienne 
que  des  ouvrages  en  langues  européennes,  ses  acquéreurs  lui  ont  adjoint  un  fonds  en  langues 
d'Extrême-Orient,  et  plusieurs  manuscrits  chinois  et  japonais  importants  ont  déjà  été 
reproduits  en  fac-similé,  avec  des  notes  critiques,  aui  frais  du  baron  Iwasaki. 


254 


PAUL   PELLIOT. 


Ordre  véritable 

u°^  de  Heltnaa 

Ord 

re  véritable 

u°^  de  Helmau 

1 

= 

VIII 

9 

= 

III 

2 

= 

lY 

10 

= 

XII 

3 

= 

VII 

11 

= 

XV 

4 

= 

XIV 

12 

= 

X 

5 

= 

IX 

13 

= 

XI 

6 

= 

XIII 

14 

= 

I 

7 

= 

II 

15 

= 

VI 

8 

= 

V 

16 

= 

XVI 

On  notera  toutefois  que  l'ordre  indiqué  par  M.  Ishida  n'est  pas 
nécessairement  juste,  puisque  chaque  planche  était  primitivement 
indépendante  du  feuillet  de  texte  qui  lui  a  été  adjoint,  et  que 
M.  Ishida  ne  fait  que  suivre  ici  l'ordre,  jugé  par  lui  meilleur,  de 
l'exemplaire  relié  entré  dans  la  D''  G.  E.  Morrison  Library.  Mais 
rien  ne  montre  a  priori  que  le  relieur  de  l'album  ne  se  soit  pas 
trompé  en  mettant  telle  planche  à  côté  de  tel  feuillet  de  texte. 
C'est  une  question  de  fait  à  étudier,  et  qu'il  est  impossible  de  ré- 
soudre sans  entrer  dans  des  détails  au  sujet  de  ces  feuillets  chinois. 

L'existence  de  ces  feuillets  chinois  ne  m'était  pas  inconnue. 
Dès  1901,  j'avais  acquis  pour  l'Ecole  d'Extrême-Orient,  des  héritiers 
du  fameux  Tso  Tsong-t'ang,  un  exemplaire  complet  des  gravures 
originales  et  des  feuillets  de  texte;  il  a  malheureusement  disparu 
peu  de  temps  après  d'une  manière  inexpliquée.  Mais  M.  J.  Flisch, 
alors  élève-interprète  à  la  Légation  de  France  à  Pékin,  a  rapporté 
de  Chine  en  1900  un  autre  exemplaire  presque  complet  des  gravures 
et   des  feuillets  de  texte  ^);  cet  exemplaire  appartient  aujourd'hui  à 


1)  Dans  ce  bel  exemplaire,  les  gravures  et  les  feuillets  de  texte  ont  chacun  un  numéro 
à  Tencre,  allant  de  1  à  16.  Il  manque  la  gravure  n°  15,  correspondant  à  l'estampe  VI 
de  Helinan,  et  le  feuillet  de  texte  n°  16,  a  l'absence  dnqael  la  publication  des  16  feuillets 
de  texte  par  M.  Ishida  permet  de  suppleer.  Les  gravures  sont  à  moins  grande  marge  que 
dans  l'exemplaire  conservé  au  Cabinet  des  Estampes  de  la  Bibliothèque  Nationale  (0°  9), 
mais  le  papier  en  est  européen,  et  il  ne  me  paraît  pas  douteux  que  ce  soit  là  un  des  200 


LES    «CONQUÊTES   DE   l'eMPEREUR   DE   LA   CHINE».  255 

M.  Marcel  Bouteron,  bibliothécaire  de  l'Institut.  Mon  collègue  M. 
Vissière  m'a  en  outre  signalé  un  exemplaire  que  la  Banque  Indus- 
trielle de  Chine  a  acquis  eu  Extrême-Orient  il  y  a  quelques  années  ^). 

Les  feuillets  de  textes  chinois  sont  au  nombre  de  18,  à  savoir 
1  feuillet  de  préface,  dû  à  K'ien-long,  16  feuillets  de  compositions 
impériales  se  rapportant  aux  16  planches,  et  1  feuillet  de  joa,  ou 
de  «notice  finale»,  rédigé  et  signé  par  un  certain  nombre  de 
grands  mandarins. 

La  préface  de  K'ien-long,  datée  du  1®^  mois  du  printemps 
(9  février— 10  mars)  de  1766,  débute  ainsi:  «L'armée  [qui  opérait] 
dans  l'Ouest  a  achevé  sa  tâche  en  ki-mao  (1759)  et  ce  n'est  que 
sept  ans  après,  en  ping-siu  (1766),  que  les  dessins  des  combats  ont 
été  achevés.  C'est  que  pour  s'enquérir  eu  détail  de  l'aspect  des 
camps  et  des  combats  et  pour  en  composer  des  dessins,  il  a  fallu 
des  saisons  et  des  jours.  Des  officiers  et  soldats  qui  sont  partis  en 
campagne,  cent  sont  morts  pour  un  qui  a  survécu.  Ils  ont  donné 
leur  force  pour  l'Etat,  et  grâce  à  eux  l'œuvre  a  été  achevée;  com- 
ment pourrais-je  supporter  qu'ils  disparussent  ignorés?  C'est  pour- 
quoi au  ^  3^  ^  Tseu-kouang-ko  on  reproduit  actuellewent  les 
portraits  des  sujets  qui  se  sont  distingués  ^).  Quant  à  ces  [do8sins-]ci, 


exemplaires  tirés  en  France  et  expédiés  en  Chine;  peut-être  les  marges  ont-elles  été  rognées 
pour  être  ramenées  aux  dimensions  des  feuillets  de  texte,  dont  le  papier  est  chinois. 

1)  Cet  exemplaire  est  complet,  mais  fort  usagé.  Les  feuillets  de  gravures  et  de  textes 
sont  tous  plies  par  le  milieu,  et  reliés  ainsi  en  un  album  qui  porte  sur  la  couverture  le 
titre  de  -wj^  ^p|  p^  Rm  ffife  ^0  |^  Yu  t'i  si  che  tchan  kong  t'ou,  „Tableaux  des 
mérites  [acquis]  dans  les  combats  par  l'armée  [opérant  dans]  l'Ouest,  avec  notices  impériales". 
Le  tirage  est  assez  médiocre,  et  le  papier  est  chinois;  il  s'agit  donc  d'un  des  exemplaires 
tirés  en  Chine.  La  mention  de  Cochin  a  été  grattée  partout  au  bas  des  planches,  mais  les 
autres  signatures  subsistent. 

2)  Le  Tseu-kouang-ko  est  un  bâtiment  bien  connu,  situé  dans  la  partie  occidentale  des  jar- 
dins du  palais  impérial  de  Pékin;  c'est  là  que  se  donnaient  les  audiences  des  princes  tributaires 
et  c'est  là  aussi  qae  les  ministres  européens  eurent  leurs  premières  audiences  (cf.  Cordier, 
Hist,  des  relat.  de  la  Chine  avec  les  puissances  occidentales,  1,  474;  II,  117 — 118). 
Après  la  fin  de  la  campagne  de  1759,  K'ien-long  ordonna  d'y  peindre  les  portraits  de  deux 
séries  de  cinquante  généraux  qui  s'y  étaient  distingués;  on  trouvera  les  noms  des  cinquante 


256  PAULPELLIOT. 

on  s'est  rendu  dans  tous  lea  endroits  où  le  sang  avait  coulé  dans 
les  combats,  et  on  a  retracé  fidèlement  les  circonstances  où  on  a 
attaqué  des  positions  fortes,  brisé  l'ardeur  [de  l'ennemi],  décapité 
ses  généraux,  enlevé  ses  drapeaux,  afin  de  rendre  hommage  à  tant 
d'efforts  et  de  célébrer  tant  de  courage.  Dans  tous  les  cas  où,  en 
ouvrant  les  bulletins  de  victoire,  je  leur  avais  déjà  consacré  des 
poèmes,  je  les  ai  écrits  entre  les  feuillets  [des  gravures].  Quant  aux 
[scènes]  pour  lesquelles  je  n'avais  pas  encore  pris  le  pinceau,  et 
qui  sont  au  nombre  de  six,  je  leur  ai  consacré  ici  spécialement  des 
poèmes  supplémentaires.  .  . .  »  i)  Conformément  à  cette  préface,  les 
feuillets  de  texte  comprennent  dix  morceaux  composés  par  K'ien-long 
à  des  dates  diverses,  au  fur  et  à  mesure  des  événements,  et  six 
morceaux  additionnels  composés  par  lui  en  1766  lors  de  l'achèvement 
des  dessins. 

La  notice  finale  est  un  développement  qui  reprend  en  partie  les 
données  de  la  préface  impériale.  Le  début  en  est  toutefois  important: 

premiers  personnages  dans  le  Kouo  tch'ao  yuan  houa  Ion  de  Hou  King,  ch.  1,  ff.  20 — 21  ; 
l'empereur  K'ien-long  écrivit  les  „éloges"  de  chacun  des  cinquante  premiers  et  fit  composer 
par  de  grands  mandarins  les  éloges  des  cinquante  personnages  de  moindre  mérite;  tous  ces 
textes  occupent  le  4"  chap,  préliminaire  du  Si  yu  t'ou  tche.  Une  note  jointe  à  la  liste  du 
Kouo  tch'ao  yuan  houa  lou  montre  que  K'ien-long  fit  par  la  suite  l'éloge  des  portraits  de 
cinquante  personnages  qui  s'étaient  distingués  au  Kin-tch'ouan,  de  vingt  personnages  qui 
s'étaient  distingués  à  Formose,  et  de  quinze  personnages  qui  s'étaient  distingués  contre  les 
Gorkha  (Népal).  On  a  vu  que,  parallèlement  aux  se'ries  des  portraits  du  Tseu-kouang-ko, 
il  y  eut  aussi  des  se'ries  d'estampes  pour  toutes  ces  campagnes.  Les  lettres  du  frère  Attiret 
et  celle  d'Amiot  en  date  du  l*""  mars  1769  adressée  au  cousin  d'Attiret  montrent  que  le 
frère  Attiret,  à  qui  K'ien-long  fit  peindre  quelque  200  portraits  de  ses  officiers  employés 
dans  la  guerre  de  Dzoungarie,  dut  avoir,  directement  ou  indirectement,  une  large  part 
dans  l'exécution  des  100  premiers  portraits  du  Tseu-kouang-ko.  Cette  indication  est  déjà 
donnée,  en  termes  plus  vagues^  par  M.  Madrolle,  Chine  du  Nord*,  p.  21,  mais  la  date  de 
la  campagne  y  est  à  lire  „1755 — 1759"  au  lieu  de  „1761"  et  la  date  de  l776  indiquée 
pour  l'exécution  des  portraits  est  trop  basse  d'au  moins  10  ans. 

1)  La  suite  de  la  préface  est  un  développement  littéraire  sans  intérêt  historique.  Les 
six  poèmes  additionnels  de  1766  dont  il  est  question  ici  sont  reproduits  à  la  fin  du  3'  cha- 
pitre préliminaire  du  5»  yu  Cou  tche;  ils  y  sont  précédés  de  préfaces  explicatives  qui  se 
trouvent  aussi  sans  doute  dans  les  éditions  sur  pierre  et  sur  bois  des  œuvres  de  K'ien-long, 
mais  que  les  feuillets  de  texte  joints  à  nos  planches  ne  donnent  pas. 


LES    «CONQUÊTES   DE    l'eMPEREUR   DE   LA    CHINE».  257 

«Les  16  feuillets  de  dessins  ci-dessus  commencent  par  «la  soumis- 
sion de  rili»  et  se  terminent  par  «la  présentation  des  prisonniers 
musulmans».  Plus  loin  le  texte  parle  des  portraits  du  Tseu-kouang-ko, 
et  nous  fait  savoir  que  K'ien-long,  polygraphe  et  calligraphe  im- 
pénitent, avait  composé  sur  la  campagne  de  1755  —  1759  plus  de 
220  poèmes;  tous  avaient  été  gravés  sur  des  dalles  qu'on  avait 
ensuite  encastrées  dans  les  parois  des  couloirs  latéraux  du  ^  J^ 
^  Wou-tch'eng-tien  ^).  Cette  notice  finale  est  signée  de  '^  ^jg 
Fou-heng  2),  de  ^B*  |g  ^  Yin-ki-chan  s),  de  ^J  ^  ^  Lieou 
T'ong-hiun  4),  de  |$^  M  S"  A-li-kouen  '),  de  ^  gf  ^  Chou-bo- 
to  ^)  et  de  ^  ^  p|H  Yu  Miu-tchong  ''').  Elle  n'est  pas  datée,  mais 


1)  On  retrouverait  tous  ces  morceaux  épars  dans  les  diverses  collections  littc'raires  de 
K'ien-long. 

2)  Sur  Fou-heng,  mort  en  1770,  cf.  Giles,  Biogr.  Diet.,  n°  584.  C'est  lui  le  premier 
des  cinquante  „sujets  méritants"  dont  les  portraits  furent  peints  au  Tseu-kouang-ko  à  la 
suite  de  la  guerre  de  Dzoungarie.  Il  est  le  père  de  Fou-k'ang-ngan,  le  vainqueur  du  Népal. 

3)  Telle  est  bien  la  leçon  du  texte;  le  'HT  Yi-ki-chan  de  M.  Ishida  est  une  inadrer- 
tance  ou  une  faute  d'impression.  Yin-ki-chan  vécut  de  1696  à  1771;  il  remplit  les  plus 
hautes  charges  à  la  métropole  et  en  province  (cf.  le  ch.  21  du  Kouo  tch'ao  ki  hien  lei  tcheng 
et  Giles,  Biogr.   Diet.,  n°  2487). 

4)  Sur  Lieou  T'ong-hiun  (1699—1773),  cf.  Giles,  Biogr.  Diet.,  n°  1362,  Lieou  T'ong- 
hinn  est  qualifié  ici  de  Grand  Secrétaire,  ])oste  qu'il  occupa  de  1761  jusqu'à  sa  mort. 
Lieou  T'onghiun  est  le  père  du  célèbre  calligraphe  "^m  J^  Lieou  Yong  (1719 — 1804; 
le  Biogr.  Diet,  de  Giles,  n"  1381,  dit  1720—1805,  ce  que  je  crois  inexact). 

5)  A-li-konen  est  mort  en  1770  ;  il  est  ici  qualifié  de  Grand  Secrétaire  adjoint,  poste 
auquel  il  fut  nommé  en  1764,  et  il  quitta  la  capitale  en  1768  (cf.  Giles,  Biogr.  Diet., 
n°  1585,  où  il  est  dit  à  tort  fils  de  2b  //K  ^()  Ngo-yi-tou;  c'est  naturellement  impos- 
sible puisque  Ngo-yi-tou  vécut  de  1562  à  1621  [et  non  de  1573  a  1662  comme  le  dit 
Giles,  Biogr.  Diet.,  n°  1589];  le  père  d'A-li-kouen  s'appelait  -^  ^S  Yin-tö;  cf.  Kovo 
teh'ao  ki  Aie»  lei  tcheng,  ch.  27). 

6)  Chou-ho-tö  vécut  de  1710  à  1777.  Il  est  ici  qualifié  de  président  de  ministère, 
titre  qu'il  eut  en  effet  en  1761,  et  qu'il  abandonna  en  1768  pour  aller  au  Yunnan  (cf.  Giles, 
Biogr.  Diet ,  n°  1737).  C'est  le  „Chou  Ta-jen"  ou  „Fixcellence  Chou",  dont  il  est  souvent 
question  dans  les  écrits  des  anciens  missionnaires  (cf.  par  exemple  7"ou»^j»ao,  1917,  p.  311, 
316,  et  Mém.  conc.  les  Chinois,  I,  397). 

7)  Sur  Yu  Min-tchong,  mort  en  1779  (ou  plus  exactement  tout  au  début  de  1780), 
cf.  ma  note  dans  les  Mémoirss  concernant  l'Asie  Orientale,  t.  I  [1913],  p.  75.  C'est  là 
certainement  le  „Yu  Ming-tchong"  dont  Âmiot  avait  envoyé  à  Bertin  le  portrait  peint  par 


258  PAUL   PELLIOT. 

les  uoras  et  les  titres  de  ses  signataires  moutrent  qu'elle  ne  peut 
être  postérieure  à  1768.  Comme  à  ce  moment  les  16  dessins  étaient 
eu  France,  il  est  probable  que,  comme  la  préface  de  K'ien-long, 
la  notice  finale  est  du  moment  où  tous  les  dessins  furent  achevés, 
c'eat-à-dire  du  printemps  de  1766.  Toutefois,  même  à  ce  moment, 
les  quatre  premiers  dessins  étaient  déjà  en  route  pour  l'Europe. 

L'ordre  des  16  feuillets  de  textes  chinois  se  rapportant  aux  16 
estampes  peut  être  considéré  comme  acquis.  Il  est  en  effet  le  même 
dans  le  T'ien  yi  ko  chou  inôu,  dans  l'exemplaire  de  la  D'*  G.  E. 
Morrison  Library,  dans  celui  de  M.  Bouteron,  et,  à  une  exception 
près,  dans  celui  de  la  Banque  Industrielle  ^). 

Voici  quel  est  l'ordre  des  16  feuillets  de  textes  chinois: 

1^^  poème:  ^^'^^^  |^,«0n  reçoit  la  soumission  de  Tili». 
Poème  écrit  par  K'ien-long  en   1755  ^). 


Panai;  Bertin  en  accusait  réception  le  16  novembre  1781  (cf.  Cordier,  La  Chine  en  France 
au  XV nie  siècle,  p.  83  ;  dans  Cordier,  Giuseppe  Panzi,  p.  9,  le  nom  est  imprimé  par 
erreur  „Yu  Nimg-Tchoung").  Une  notice  sur  Yu  Min-tchong,  écrite  par  Amiot  le  26  sep- 
tembre 1780,  se  trouve  dans  le  tome  IX  des  Mém.  conc.  les  Chinois,  p.  45 — 60;  il  résulte 
d'un  passage  de  cette  notice  (p.  51)  que,  si  Yu  Min-tchong  avait  vécu  jusqu'en  1795 
(l'équivalence  de  1796  donnée  en  note  est  fausse),  il  aurait  eu  alors  82  ans  à  la  chinoise, 
c'est-à-dire  81  ans  pour  nous;  il  a  donc  dû  naître  en  1714. 

1)  L'exemplaire  de  la  Banque  Industrielle  renverse  l'ordre  des  feuillets  de  texte  XIV 
et  XV.  La  seule  anomalie  apparente  de  la  classification  ainsi  admise  par  toutes  nos  sources 
est  que  la  notice  finale  de  l'album,  rédigée  par  Fou-heng  et  autres,  dit  que  la  série  des 
16  estampes  s'achève  par  la  présentation  des  prisonniers,  au  lieu  que  dans  tous  nos  exem- 
plaires la  dernière  planche  est  le  banquet  du  Tseu-kouang-ko  ;  la  présentation  des  prison- 
niers est  la  14'  planche  dans  trois  exemplaires,  la  16"  dans  celui  de  la  Banque  Industrielle. 
Il  faut  admettre  que  la  16'  planche,  et  sans  doute  la  15',  qui  sont  des  félicitations  à  l'armée, 
ont  été  considérées  comme  en  quelque  sorte  hors  série.  L'importance  de  cette  petite  diver- 
gence est  d'ailleurs  faible,  puisque  l'essentiel  pour  nous  est  de  pouvoir  déterminer  le  sujet 
de  chaque  planche;  ceci  acquis,  l'interversion  d'un  ou  deux  numéros  d^ordre  ne  tirerait 
pas  en  elle-même  à  conséquence. 

2)  Il  s'agit  de  la  première  soumission  de  l'ili  en  1755,  quand  Amur-Sana  était  au 
service  de  KMen-long.  Les  généraux  représentèrent  à  K'ien-long  que  la  population  les  avait 


LES    «CONQUÊTES   DE   l'eMPEREUR   DE    LA   CHINE».  259 

2®  poème:  ^^  ^  ^  ^  '^  § ,  ^On  force  le  camp  [établi]  à  Gädän- 

öla».  Poème  de  1755  ^). 
3®  poème:   ^  ^  ^L  '^  ^  ^  1^'    *^®   combat   d'Oroï-jalatu » . 

Poème  additionnel  de  1766^). 
4®  poème:  ^j^  ^  ^  |^  ^  :^,  «La  victoire  de  Khorgos».  Poème 

de  1758  8).. 


accueillis  à  bras  ouverts.  Cette  soumission  fut  bientôt  suivie  de  la  révolte  d'Amur-Sana. 
Les  formes  turques  et  mongoles  rétablies  ici  pour  les  noms  que  le  texte  fournit  en  trans- 
cription chinoise  sont  presque  toutes  sûres;  je  dirai  d'ailleurs  en  note  les  raisons  qui  m'ont 
déterminé  dans  les  cas  où  les  noms  sont  incertains.  Beaucoup  des  formes  indiquées  par 
M.  Ishida  sont  a  rectifier  d'après  le  tableau  que  je  donne.  Dans  son  article  de  1918  sur 
la  campagne  de  l'Ili  en  1755,  M.  E.  Hänisch  a  rétabli  les  noms  d'après  les  transcriptions 
mandchoues  qui  offrent  souvent  plus  de  garanties  que  les  transcriptions  chinoises;  leur  va-  . 
leur  toutefois  n'est  pas  absolue,  car  il  ne  manque  pas  de  cas,  par  exemple  dans  les  recueils 
des  biographies  des  princes  tributaires,  où  ces  transcriptions  mandchoues  ont  été  faites 
elles-mêmes  non  pas  sur  les  formes  turques  ou  mongoles  originales,  mais  sur  les  transcriptions 
chinoises  de  ces  formes.  Dans  le  cas  présent,  des  formes  mandchoues  Kasigar  (Hänisch, 
p.  71)  pour  Kachgar  et  même  Bariköl  (p.  08)  pour  Barköl  [=  très  probablement  *Bars-k51] 
ne  doivent  avoir  aucune  autorité.  J'ajouterai  que  le  „Yerechim"  de  Helman,  qui  a  em- 
barrassé M.  riänisch,  est  Yarkend  (p.  59);  le  Tseng  Kouo-fan  de  la  p.  64  est  un  lapsus 
pour  Tseng  Ki-tsö;  la  rédaction  de  la  p.  65,  qui  paraît  faire  écrire  par  Tchou  Hi  une 
histoire  où  il  est  question  des  Ming,  n'est  pas  très  heureuse. 

3)  Sur  le  Gädän-öla,  ou  Mont  Gädäii,  à  environ  100  li  au  Sud-Ouest  de  Konldja,  cf. 
Popov,  MeHT>-ry-K)-My-Lt3H,  p.  140,  445,  et  surtout  le  texte  original  beaucoup  plus  détaillé 
au  ch.  13  du  Monç  kou  yeou  mon  H;  aussi  Hänisch,  loc.  laud.,  p.  7S,  84  (mais  je  ne  sais 
où  M.  Hänisch  a  pris  la  distance  de  500  li  au  Sud-Ouest  de  Kouldja);  Si  yu  /'ou  tche, 
ch.  22,  ff.  8 — 9.  Il  s'agit  du  raid  où  le  Kalmouk  [Jffl  -f>^  ^^  A-yu-si  (Ayusi),  passé  au 
service  chinois,  força  en  1755  avec  quelques  hommes  le  camp  de  Davaci,  établi  sur  le 
Mont  Gädän.  Le  poème  de  K'ien-long  est  reproduit  dans  le  Siyut'outche,  ch.  22,  ff.  8 — 9, 
sous  le  titre  de  „Chant  d'Ayusi,  composé  par  l'Empereur".  Castiglione  a  peint  un  rouleau 
qui  illustre  l'exploit  d'Ayusi  (cf.  Koito  tch'ao  yuan  houa  lou,  ch.  1,  fol.  .15  v°).  Cf.  aussi 
Hänisch,  Der  chines.  Feldzug,  p.  65,  81. 

i)  La  restitution  Oroï-jalatu  est  celle  que  fournit  le  Si  yu  t'ong  wen  tche,  ch.  1,  f°  13. 
Tchac-houei  y  surprit  de  nuit  en  1756  Dasi-Cäran,  mais  les  Dzoungars  assiégèrent  les 
Chinois,  que  des  troupes  de  secours  vinrent  enfin  délivrer;  Tchao-houei  dut  alors  reculer 
jusqu'au  Barköl  (cf.  Si  yu  t'ou  tche,  3"  chap,  préliminaire,  f°  11  r°). 

2)  Un  Khorgos  est  porté  sur  nos  cartes  au  Nord  du  fleuve  Ili,  et  est  en  effet  connu 
des  géographes  chinoises  (cf.  Si  yu  t'ou  tche,  ch.  13,  f  1  r").  Mais  il  doit  s'agir  ici 
d'un  autre  Khorgos,  qui  était  à  10  /«  à  l'Ouest  de  Manas  (cf.  Si  yu  t'ou  tche,  ch.  10,  f**  C, 
où  le  poème  de  K'ien-long  est  reproduit).  Les  partisans  d'Amur-Sana  y  furent  défaits  an 
printemps  de  1758  par  le  prince  Cäbdäii-Jab,  à  qui  ils  avaient  tendu  une  embuscade. 


260  PAUL   PELL  10  T. 

5®  poème:  i^  ^  ^  ^  1^'   ^ï-*®  combat  de  Khurungui».  Poème 

de  17581). 
6^  poème:    .^  ft  §  g  È|;  i|£  |^  ,    «Le    chef  d'ü§[-Turfan]    se 

soumet  avec  sa  ville».  Poème  de  1758^). 
7°  poème:  S^  ;!fC  H  ^  i    *La  levée  du  siège  de  la  Rivière  Noire 

(Khara-usu)».  Poème  de  1759^). 

8®  poème:    P^  ^ '^  ^Ac  ft  «   *^^   grande    victoire   de   Qurmau». 
Poème  de  1759*). 


1)  Le  mont  Khurungui  est  au  Nord  du  Fleuve  Ili.  Quand  les  partisans  d' Amur-Sana 
eurent  été  défaits  à  Khorgos,  ils  voulurent  franchir  l'Ili,  mais  l'armée  chinoise  les  pressait; 
ils  allèrent  alors  au  Mont  Kharuiigui  où  Tchao-houei  et  ses  lieutenants  les  attaquèrent  de 
plusieurs  côtés  pendant  la  nuit.  Cf.  le  ch.  22,  1°  8  r°,  du  Si  yu  t'ou  tcke. 

2)  Sur  la  soumission  du  beg  yg^  ^ê  Bf  Houo-tsi-sseu  d'Us-Turfan  en  1758,  cf, 
aussi  6Ï  yu  t'ou  tche,  ch.  17,  f°  1,  où  le  poème  de  K'ien-long  est  reproduit.  Dans  ce 
poème,  il  est  question  des  moutons  qu'on  amène  à  l'armée  impériale.  La  transcription 
mandchoue  du  nom  de  Houo-tsisseu  est  Hojis  (cf.  Hänisch,  Der  chines.  Feldzug,  p.  82); 
quelle  que  soit  la  forme  originale  véritahle,  il  s'agit  d'un  Musulman,  et  ce  doit  être  par 
inadvertance  que  M.  Hänisch  {ibid.,  p.  85)  donne  le  nom  comme  tihétain. 

3)  Malgré  l'équivalence  (mongole)  Khara-usu  indiquée  par  le  poème  de  K'ien-long,  la 
scène  se  passe  au  Turkestan  chinois,  et  le  nom  véritahle  doit  donc  être  turc,  par  conséquent 
Qara-su.  Khara-usu  (Qara-su)  'était,  selon  le  Si  yu  t'ou  tche  (ch.  28,  ff.  3 — 4,  où  le  poème 
de  K'ien-long  est  reproduit),  le  nom  de  la  branche  de  la  rivière  de  Yarkend  qui  coule  au 
Sud  et  à  l'£st  de  la  ville.  Au  10'  mois  de  1758,  Tchao-houei,  ne  réussissant  pas  à  réduire 
Yarkend,  •  amena  par  l'Est  quelques  centaines  d'hommes  qui  franchirent  le  Qara-su,  mais 
durent  le  repasser  vite  et  furent  assiégés  à  leur  tour  par  les  rebelles.  Quand,  en  1759, 
Tchao-hoaei  apprit  que  les  troupes  venant  d'Aksou  avaient  battu  les  Musulmans  à  Qnrma, 
il  fit  une  sortie,  brûla  les  bastions  ennemis  et  se  dégagea. 

4)  Qurma  ou  Qurmau  était  entre  Yarkend  et  Maralbasi,  à  130  H  au  Sud-Ouest  de 
Barëuq  (qui  était  tout  voisin  de  Tactuel  Maralbasi);  cf.  Si  yu  t'ou  tche,  ch.  18,  ff.  7 — 8, 
où  le  poème  de  K'ien-long  est  reproduit.  Bien  que  le  nom  ne  figure  plus  aujourd'hui  sur 
nos  cartes,  les  documents  européens  ne  l'ignorent  pas,  car  c'est  le  Horma  de  Benoît  de  Goes; 
cf.  Yule  et  Cordier,  Cathay  and  the  way  thither*,  IV,  228  (où  1756  est  une  faute  d'im- 
pression pour  1759).  M.  Sven  Hedin  s'est  trompé  lui-même  en  taxant  d'erreur  le  Horma 
de  Benoit  de  Goes  {Southern  Tibet,  I  [1917],  p.  161;  presque  toutes  ses  hypothèses  sur 
cette  partie  de  l'itinéraire  de  Benoît  de  Goes  sont  d'ailleurs  malheureuses).  Quand  Tchao- 
houei  fut  assiégé  au  Qara-su  à  la  fin  de  1758,  des  troupes  furent  envoyées  d'Aksou  pour 
le  délivrer.  Le  3  février  1759,  le  général  S  ^S  Fou-lö,  qui  n'avait  avec  lui  que  600 
hommes,  se  battit  à  Qurma  contre  plus  de  5000  Musulmans  et  les  défit  après  un  long  et 
dur  combat. 


LRS    «CONQUÊTES   DE   l'eMPEREUR   DE   LA   CHINE».  261 

9®  poème:  S  "È*  >S>  'S  ^  >S  Hfe '  *^®  combat  de  Tonguzluq». 

Poème  additionnel  de  1766^). 
10®  poème:  ^^J!p!§]^^||Ê,  «Le  combat  de  Qos-qulaq». 

Poème  additionnel  de  1766^). 
11®  poème:    |^^>^^^||^i    *Le   combat   d'Arcul».    Poème 

additionnel  de  1766  ^). 
12®  poème:  '^  ®  yÇ  JÇ  ^  ^/#  ^  :S  ffe,  «Le  combat  du  Yeâil- 

köl-nör».  Poème  additionnel  de  1766*). 
13®  poème:  ^  ^  |JLl  V^  ^^  ^,  «Le  khan  du  Badakhsan  demande 

à  se  soumettre».  Poème  de  1759. 
U®  poème:  ^  ®  0  oR  Èj$#,    «Ou    offre    [à   l'Empereur]   les 


1)  Tonguzliiq  signifie  „l'endroit  od  il  y  a  des  porcs";  j'en  ignore  l'emplacement  exact. 
D'après  la  préface  mise  en  tête  de  ce  poème  additionnel  dans  le  Si  yu  t'ou  tche  (3"  chap, 
préliminaire.  1°  11  v°),  il  semblerait  qu'il  s'agît  d'un  épisode  qui  se  place  a  la  fin  de  1758, 
quand  Tchao-houei  essaye  pour  la  première  fois  de  réduire  Yarkend. 

2)  La  forme  que  j'ai  rétablie  est  douteuse;  elle  s'appuie  sur  la  glose  „paire  d'oreilles" 
qui  est  jointe  à  la  poésie  de  K'ien-long.  Mais  le  Si  yu  Cou  tche,  ch.  17,  f®  10  v°,  écrit 
^U  T|  /E  ^^k,  yf,  Houo-che-k'ou-tchou-k'o,  c'est-à-dire  *Qos-küciik.  Les  Khoja,  après 
s'être  enfuis  de  Yarkend,  furent  défaits  eu  1759  dans  cet  endroit  par  t|B  J^  Ming-jouei. 
C'était  un  col,  à  500  U  à  l'Ouest  de  Kachgar.  Cf.  aussi  5/  yu  t'ou  tche,  3"  ch.  prélimin., 
fo  12  r". 

3)  Le  nom  est  douteux;  le  Si  yu  t'ou  tche  (ch.  17,  f°  11  r°)  écrit  |$^  H^lJ  ^ 
J^  A-la-tch'ou-eul,  que  le  Si  yu  t'ong  wen  tche  (ch.  S,  f  18  r°)  interprète  par  Ara-ëol. 

Les  Khoja,  après  avoir  été  battus  au  col  de  *Qos-kücük,  se  réfugièrent  à  *Arcul,  situé  à 
300  U  plus  à  l'Ouest  et  y  furent  à  nouveau  battus.  Les  Mém.  conc.  les  Chinois,  1,  393, 
écrivent  „Altchour".  Cf.  aussi  Si  yu  t'ou  tche,  3"=  ch.  prélimin.,  f*  12  r". 

4)  Le  Si  yu  t'ou  tche  (ch.  17,  f°  12  ?°)  écrit  ^^  W  ^  ^  ^  Ye-che-lo-k'ou-lo. 
La  localité  ainsi  désignée  se  trouvait  à  200  H  au  Sud-Ouest  d'*Arcul.  et  an  Nord  du 
Badakhsan.  Elle  devait  son  nom  à  un  lac,  d'où  le  pléonasme  Yesil-kôl-nOr  de  certains  textes, 
où  k'ôl  et  nôr  signifient  tous  deux  „lac",  l'un  en  turc,  l'autre  en  mongol.  C'est  là  le 
„Isil-kol"  de  la  légende  XV  de  Helman,  que  M.  Hänisch  a  eu  tort  de  rétablir  tacitement 
(p.  60)  en  „Isik  kol".  Tonte  cette  nomenclature  ancienne  de  la  région  des  Pamirs  devra 
être  reprise  en  détail.  Le  nom  d'*Arcul  est  r„Alitchour"  de  Cordier,  Hist,  générale  de  la 
Chine,  III  [1920],  348,  qui  suit  on  outre  Imbault-Huart  dans  l'équivalence  Yesil-köl  = 
„Siri-koul".  Cf.  aussi  Si  yu  t'ou  tche,  3*  ch.  prélimin.,  f**  12  r°  et  v*>.  K'ien-long  fit  par 
la  suite  graver  là  une  inscription  dont  le  texte  chinois  est  reproduit  au  ch.  28  du  Si  yu 
t'ou  tche. 


262  PAUL   PELLIOT. 

prisonniers  [faits  lors]  de  la  pacification  des  tribus  musulmanes». 
Poème  de   1760  i). 

15«  poème:  5?P^lfilnSj|!cî(lAW±'  «[L'Empereur  se  rend] 
dans  la  banlieue  pour  prendre  [personnellement]  des  nouvelles  des 
officiers  et  soldats  qui  se  sont  distingués  dans  la  campagne  contre 
les  tribus  musulmanes».  Poème  de  1760  2). 

16®  poème:  §)l  ^  J^  ^  SE  îlÇ  it  i  «[L'Empereur]  offre  un  ban- 
quet de  victoire  aux  officiers  et  soldats  qui  se  sont  distingués*. 
Poème  de  1760  ^). 

Nous  connaissons  donc  désormais,  par  les  poèmes  de  K'ien-long, 
les  sujets  des  16  planches  et  l'ordre  dans  lequel  ces  sujets  doivent 
se  succéder;  jusqu'ici  nous  sommes  en  plein  accord  avec  M.  Ishida. 
Les  difficultés  commencent  quand  il  s'agit  de  déterminer  la  planche 
qui  représente  chacun  des  16  sujets.  Grâce  aux  noms  des  auteurs  des 
quatre  premiers  dessins  envoyés  en  1765,  nous  avons  déjà  pu  constater 
que  les  légendes  de  Helman  étaient  réparties  de  manière  fantaisiste. 
Maintenant  que  nous  connaissons  les  sujets  des  16  planches,  nous 
pouvons  en  outre  déterminer  les  numéros  des  quatre  dessins.  Appli- 
quons ce  critérium  au  tableau  dressé  par  notre  confrère  japonais. 

Le  dessin  de  Sichelbart,  intitulé  «Les  habitants  de  l'Ili  fout  leur 
soumission»   et  qui  fut  gravé  par  Prévost,  est  évidemment  le  sujet 


1)  Les  prisonniers  furent  présentés  à  l'Empereur  à  -t-*  Pt  Wou-men,  c'est-à-dire  à 
la  poste  méridionale  du  palais  de  Pékin;  on  offrit  aussi  à  K'ien-long  la  tête  dn  Khoja 
Houo-tsi-tchan.  C'est  là  qu'avait  eu  lieu  en  1755  une  autre  présentation  de  prisonniers 
musulmans,  sur  laquelle  K'ien-long  fit  également  nn  poème  {Si  yu  i'ou  tche,  2'  oh.  prél  , 
t"  3  v")  et  qui  fut  représentée  en  peinture  par  ?^  T^  Siu  Yang  {Kouo  fch'ao  yuan 
houa  lou,  ch.  2,  f  16  v°). 

2)  Le  poème  de  K'ien-long  spécifie  que  sur  une  terrasse  ronde  on  avait  planté  les 
étendards  pris  à  l'ennemi. 

3)  Ce  banquet  fut  donné  au  Tseu-kouang-ko.  L'estampe  correspondante,  et  qui  pour 
une  fois  est  d'accord  avec  l'ordre  de  Helman  (mais  non  avec  sa  légende),  représente  en 
effet  le  Tseu-kouang-ko  va  par  le  Sud,  avec  en  arrière  à  droite  le  Pont  de  Marbre  que 
domine  dans  le  lointain  le  Pai-t'a. 


LES    «CONQUÊTES   DE    L'EMPEREUR   DE    LA   CHINE».  263 

du  poème  n"  1,  intitulé  «On  reçoit  la  soumission  de  l'Ili».  D'après 
M.  Ishida,  qui  s'appuie  sur  l'ordre  de  reliure  de  l'exemplaire  qu'il 
étudie,  la  planohe  correspondant  à  ce  poème  n°  1  est  la  planche  VIII 
de  Helman.  Cette  équivalence  est  sûrement  exacte  puisque  nous 
avons  déjà  vu,  pour  d'autres  raisons,  que  cette  planche  VIII  dé 
Helman  était  la  seule  à  pouvoir  entrer  ici  en  ligne  de  compte. 

Le  dessin  de  Castiglione,  intitulé  «Le  camp  [enlevé]  par  ruse 
par  Ngai-yu-che  » ,  a  été  gravé  par  Le  Bas.  Ngai-yu-che  est  une 
transcription  d'Ayusi,  autre  forme  (et  plus  correcte)  d'Ayusi.  Nous 
avons  vu  que  l'enlèvement  du  camp  de  Dawaci  par  Ayusi  est  le 
sujet  du  poème  n°  2.  D'après  M.  Ishida,  la  planche  correspondant 
à  ce  poème  n°  2  est  la  planche  IV  de  Helman.  Mais  la  planche  IV 
de  Helman  est  anonyme  et  a  été  gravée  par  Saint-Aubin,  et  non 
par  Le  Bas;  elle  ne  fut  d'ailleurs  achevée  qu'en  1773,  et  n'est  pas 
de  celles  arrivées  en  France  en  1766. 

Le  dessin  de  Jean  Damascene,  intitulé  «Qurman»  et  gravé  par 
Saint- Aubin,  est  le  sujet  du  poème  n''  8.  D'après  M.  Ishida,  la 
planche  correspondant  au  poème  u*^  8  est  la  planche  V  de  Helman. 
Mais  la  planche  V  de  Helman  a  été  dessinée  par  Castiglione  et 
gravée  par  Le  Bas. 

Le  dessin  d'Attiret,  intitulé  «*Arôul»  et  gravé  par  Aliamet, 
est  le  sujet  du  poème  n"  11.  D'après  M.  Ishida,  la  planche  corres- 
pondant au  poème  n°  11  est  la  planche  XV  de  Helman.  La  planche 
XV  de  Helman  est  bien  en  effet  l'œuvre  d'Attiret  et  a  été  gravée 
par  Aliamet. 

Ainsi,  l'ordre  adopté  par  M.  Ishida  d'après  l'exemplaire  de  la 
D*"  G.  E.  Morrison  Library  aboutit  dans  deux  cas  sur  quatre  à 
des   solutions   impossibles.    Il   est   donc   clair   que,   si   cet  ordre  est 

18 


264  PAUL   PELLIOT. 

moins  défectueux  peut-être  que  celui  de  Helman,  il  est  encore  loin 
d'être  satisfaisant. 

Prenons  maintenant  l'exemplaire  de  M.  Bouterou  et  celui  de  la 
Banque  Industrielle.  J'ai  déjà  dit  que  l'ordre  des  poèmes  y  était 
identique,  sauf  interversion  des  poèmes  14  et  15.  Mais,  comme  la 
même  interversion  se  produit  dans  le  classement  des  planches  cor- 
respondant à  ces  poèmes,  la  correspondance  générale  des  poèmes  et 
des  planches  n'en  est  pas  altérée.  Les  deux  exemplaires  affectent 
toujours  les  mêmes  planches  aux  mêmes  poèmes,  sauf  pour  les 
planches  2  et  3  de  l'exemplaire  de  M.  Bouteron,  qui  sont  inter- 
verties dans  l'exemplaire  de  la  Banque  Industrielle.  Admettant  par 
provision  que  l'équivalence  générale  des  poèmes  et  des  planches 
est  bonne  dans  ces  exemplaires,  nous  devrons  nous  décider  ici 
d'après  les  scènes  représentées.  Dans  les  deux  cas,  il  s'agit  d'un 
combat  aux  abords  d'un  camp  dans  une  région  montagneuse.  Mais 
la  planche  2  de  l'exemplaire  Bouteron  ne  montre  que  des  Kalmouks 
luttant  contre  des  Kalmouks,  au  lieu  que  sa  planche  3  représente 
un  combat  entre  Kalmouks  et  Chinois.  Or  nous  savons  que  le  poème 
n°  2  se  rapporte  à  l'action  des  Kalmouks  d'Ayusi  contre  ceux  de 
Dawaci,  au  lieu  que  le  poème  n*  3  concerne  la  lutte  des  Chinois 
de  Tchao-houei  contre  les  Kalmouks  de  Dasi-Cäran.  Nous  admet- 
trons donc  que  c'est  le  classement  de  l'exemplaire  de  M.  Bouteron 
qui,  dans  cet  unique  cas  de  divergence,  doit  l'emporter  sur  le 
classement  de  l'exemplaire  de  la  Banque  Industrielle. 

Ceci  admis,  voici  comment  s'établit  la  correspondance  des  planches 
de  l'exemplaire  Bouterou  (et  de  celui  de  la  Banque  Industrielle)  avec 
les  planches  de  Helman: 


LES    «CONQUÊTES   DE   l'eMPEREUR  DE   LA   CHINE». 


265 


Ex.  Bouteron 

n°^  de  Helman 

Ex. 

Bouteron 

n°^  de  Helman 

1 

= 

VIII 

9 

= 

IV 

2 

= 

V 

10 

= 

X 

3 

= 

IX 

11 

= 

XV 

4 

= 

XIV 

12 

= 

XII 

5 

= 

II 

13 

= 

XI 

6 

= 

xm 

14 

= 

I 

7 

= 

III 

15 

= 

VI 

8 

= 

VII 

16 

=: 

XVI 

Vérifions  ces  équivalences  par  les  sujets  des  dessins  envoyés  en 
1765.  On  a  vu  que  ces  dessins  devaient  forcément  correspondre 
aux  poèmes  n°^  1,  2,  8  et  11,  et  être  respectivement  de  Sichelbart 
gravé  par  Prévost,  de  Castiglione  gravé  par  Le  Bas,  de  Jean  Damascene 
gravé  par  Saint- Aubin,  d'Attiret  gravé  par  Aliamet.  Or  la  planche 
VIII  de  Helman,  correspondant  à  Ex.  Bouteron  1,  est  bien  de 
Sichelbart  et  Prévost;  la  planche  V  de  Helman,  correspondant  à 
Ex.  Bouteron  2,  est  bien  de  Castiglione  et  Le  Bas;  la  planche  VII 
de  Helman,  correspondant  à  Ex.  Bouteron  u°  8,  est  bien  de  Jean 
Damascene  et  Saint-Aubin;  la  planche  XV  de  Helman,  correspon- 
dant à  Ex.  Bouteron  n"  11,  est  bien  d'Attiret  et  Aliamet. 

L'épreuve  est  décisive,  et  il  serait'  aisé  de  la  renforcer  encore 
par  la  correspondance  des  scènes  et  des  poèmes.  C'est  ainsi  que 
sur  la  planche  VI  de  Helman,  qui  est  la  planche  15  de  l'exemplaire 
de  M.  Bouteron,  on  voit  bien  l'empereur  gagner  à  cheval  le  pavillon 
rond  sur  lequel  on  a  fiché  les  drapeaux  ennemis,  comme  il  est  dit 
dans  le  poème  n°  15.  Sur  la  planche  XIII  de  Helman  qui  est  la 
planche  6  de  l'exemplaire  de  M.  Bouteron,  les  Musulmans  amènent 
les  moutons  dont  parle  le  poème  n°  6.  Ces  exemples  pourraient 
être  multipliés,  mais  ils  sont  vraiment  superflus.  Pour  la  première 
fois,  nous  pouvons  enfin  donner  les  sujets  véritables  et  l'ordre  réel 


266  PAULPELLIOT. 

des  16  estampes,  dénaturés  trop  longtemps  par  les  légendes  de 
Helman  ^).  Je  ne  crois  pas  inutile  de  reproduire  cet  ordre  et  ces 
sujets  ici,  avec  l'équivalence  aux  numéros  de  Helman,  et  en  publiant 
les  signatures  des  estampes  originales  qui  n'ont  jamais  été  données 
avec  exactitude  jusqu'à  présent. 

Ordre  véritable  et  sujets  des  seize  estampes  des  «Conquêtes». 

1  (=  Helman  n*'  VIII):   «On  reçoit  la  soumission  de  l'Ili». 

P.  lonatius  [sic]  Sichelbarth  Soc.  Jesu  dehn.  1765.  |j  C.  N.  Cochin  direx.  || 

B.  L.  Prévost  Sculpsit  1769. 

2  (=  Helman  n°  V):    «On  force  le  camp  [établi]  à  Gädän-öla». 

Joseph.  Castilhoni  Soc  Jesu  delin  1765  ||  C.  N.  Cochin  direx.  ||  J.  Ph.  Le  Bas 
Seul  1769. 

3  (=  Helman  n''  IX):   «Le  combat  d'Oroï-jalatu». 

C.  N.  Cochin  Filius  Dh'ex.  ||  Gravé  par  J.  P.  Le  Bas  Graveur  du  Cabinet  du 
Roi,  et  de  son  Académie  de  Peinture,  et  Sculpture.  1770. 

4  (=  Helman   n^  XIV):    «La  victoire  de  Khorgos». 

joah  dimi  Attiret  Soc.  jes.  fecit  Pekini  Anno  1766.  ||  C.  N.  Cochin  Filius. 
Diréxit.  ||  Gravé  par  J.  P.  Le  Bas.  Graveur  du  Cabinet  du  Roi  en  1774. 

5  (=  Helman  n°  II):  «Le  combat  de  Khurungui». 

J.  Joannes  Damascenus  à  SS*»  Conceptione,  Augustinianus  excalcatus  [sic] 
et  Missionarius  Apostolicus  Sacrée  Congregationis  delineavit  et  fecit  ||  C.  N. 
Cochin  Filius.  Direxit.  ||  J.  Aliamet  Sculp. 

6  (=  Helman  n°  XIII):  «Le  chef  d'üs[-Turfan]  se  soumet  avec  sa  ville». 

J.  Joannes  Damascenus  a  SS^i  Conceptione  Augustinus  Excalceatus  et  Mis- 
sionarius Apostolicus  Sacr.  Congregationis  de  Propaganda  Fide  Delineavit 
et  Fecit.  ||  C.  N.  Cochin  Filius  Direx.  ||  PP.  Choffard  Sculpsit  Parisii  1774. 

7  (=  Helman  n°  III):   «La  levée  du  siège  de  la  Rivière  Noire». 

Joseph.  Castilhoni  Soc  Jesu  delin  1765.  ||  C.  N.  Cochin  direxit.  ||  J.  P.  Le  Bas 
Sculp  1771. 


1)  Ces  légendes  de  Helman  peuvent  parfois  faire  illusion.  Ainsi,  la  légende  de  sa 
planche  II  dit  que  le  général  Pan-ti  surprend  en  1755  l'ennemi  à  la  faveur  d'un  brouillard; 
et  sur  la  planche,  on  voit  en  effet  un  brouillard  flottant  à  fleur  de  terre.  M.  Häuisch 
{Der  chinesische  Feldeug,  p.  61)  a  cru  pouvoir  préciser  tous  les  éléments  de  cette  scène. 
Mais  Pan-ti  est  hors  de  cause;  il  s'agit  du  combat  de  Khurungui  en  1756,  et  la  légende 
de  Helman  est  simplement  inspirée  de  la  planche  elle-même. 


LES    «CONQUÊTES   DE    l'eMPEREUR   DE    LA   CHINE».  267 

8  (=  Helmaa  n''  VII):    «La  grande  victoire  de  Qurman». 

P.  F.  Joannes  Damascenus,  Romanus,  Augustinus  Excalceatus  Missionarius 
Apostolicus  delineavit  et  fecit,  Anno  1765.  ||  C.  N.  Cochin  Direxit.  ||  Augustinus 
de  S*  Aubin  Sculpsit  Parisiis  Anno  1770. 

9  (=  Helman  n°  IV):   «Le  combat  de  Tonguzluq». 

C.  N.  Cochin  Filius,  Direxit.  ||  Augustinus  de  S*  Aubin  Sculpsit  Parisiis, 
Anno  1773. 

10  (=  Helman  n"  X):   «Le  combat  de  *Qos-qulaq». 
C.  N.  Cochin  Filius.  Direxit.  ||  B.  L.  Prévost  Sculpsit  1774. 

11  (=  Helman  n°  XV):   «Le  combat  d'*Arcul». 

JB  Dios  Attiret  Soc.  Jesu,  del.  1765.  ||  C.  N.  Cochin  filius  Dirrex.  ||  J.  Aliamet 
Sculp. 

12  (=  Helman  n°  XII):  «Le  combat  du  Ye§il-köl-nör». 

P.  J.  Joes  Damascenus  a  SS^*^  Conceptione  Augustinus  excalceatus  Sacrae 
Congregationis  Missioharius  ApostoU  Delineavit  et  Fecit.  ||  C.  N.  Cochin 
Filius  Direxit.  ||  N  De  Launay  Sculp.  1772. 

13  (=  Helman  n°.XI):     «Le    khan    du    Badakhsan    demande   à    se 
soumettre  » . 

J.  Joannes  Damascenus  a  SS*  Conceptione  Augustinus  Excalceatus  et  Mis- 
sionarius Apostolicus  Sacr.  Congregationis  de  Propaganda  Fide  Delineavit 
et  Fecit.  !|  C.  N.  Cochin  Filius  Direx.  ||  PP.  Choffard  Sculpsit  Parisiis  1772. 

14  (=  Helman   n°  I):    «On    offre    [à    l'Empereur]    les    prisonniers 

[faits  lors]  de  la  pacification  des  tribus  musulmanes». 

Joan.  Dionys.  Attiret  S.  Jesu.  Missionarius  Delineavit.  ||  C.  N.  Cochin  Filius 
direxit.  ||  L.  J.  Masquelier  Sculpsit. 

15  (=  Helman  n*^  VI):  «[L'Empereur  se  rend]  dans  la  banlieue  pour 

prendre  [personnellement]  des  nouvelles  des  oflBciers  et  soldats  qui 

se  sont  distingués  dans  la  campagne  contre  les  tribus  musulmanes». 

F.  Jne*  Damascenus  a  S"»'*  Conceptione  Aug^us  Excalceatus  et  Missionarius 
Apostoo'i*  Sacrœ  Congre"'^  delineavit  et  fecit.  ||  C.  N.  Cochin  filius  direxit.  || 
Fran<=»8  Dion«»  Née  Sculpsit  Anno  1772. 

16  (=  Helman  n°  XVI):  «[L'Empereur]  offre  un  banquet  de  victoire 
aux  officiers  et  soldats  qui  se  sont  distingués». 

Cochin  Filius  Direxit  ||  Gravé  par  J,  P.  Le  Bas,  Graveur  du  Cabinet  du  Roi  1770. 


268  PAUL    PELLIOT. 


* 


APPENDICE. 

Pendant  que  le  présent  travail  était  en  cours  d'impression,  j'ai 
rencontré  un  document  important  relatif  à  la  commande  des  gravures 
des  «Conquêtes»;  il  s'agit  d'un  post-scriptum  ajouté  parle  P.  Augustin 
de  Hallerstein  à  une  lettre  qu'il  écrivait  de  Pékin  à  son  frère  le 
P.  Weiehard  de  Hallerstein.  Le  P.  A.  de  Hallerstein  (1703-1774), 
président  du  «Tribunal  des  Mathématiques»,  comptait  à  la  mission 
portugaise;  il  était  placé  pour  être  renseigné.  Ses  lettres  à  son  frère 
ont  été  publiées  en  1781  par  le  P.  Georges  Pray  comme  appendice 
à  ses  Imposturae  CCXVIII.  in  dissertatione  R.  P.  Benedicti  Cetto, 
....  detectae  et  convulsae  ^).  La  reproduction  des  lettres  n'est  toute- 
fois pas  intégrale,  car  le  P.  Pray  a  supprimé  ce  qui  avait  un  caractère 
privé,  et  il  semble  que  ce  travail  d'éditeur  ait  amené  au  moins  une 
confusion,  et  précisément  à  propos  du  texte  qui  nous  intéresse  ici. 
Ce  texte  est  en  effet  donné  comme  un  post-scriptum  à  une  lettre 
écrite  de  Pékin  le  12  septembre  1764,  et  dont  le  millésime  ne  paraît 
pas  douteux  car  elle  rappelle  un  envoi  de  1763  comme  fait  «anno 
superiore»  ^).  Mais  le  postscriptum  ne  peut  être  en  fait  que  de 
l'automne  de  1765,  à  raison  même  de  son  contenu;- il  semble  par 
suite  qu'il  doive  appartenir  en  réalité  à  la  lettre  suivante,  qui  est 
da  27  octobre  1765.  Quoi  qu'il  en  soit,  voici  le  texte  :^) 


1)  Sur  cet  ouvrage  extrêmement  rare,  cf.  Cordier,  Bibl.  Sin.*,  col.  924.  L'exemplaire 
de  l'Ecole  des  Langues  Orientales  porte  le  nom  «de  Murr»  et  la  mention  «  Donum  R.  P. 
Prayj»;  ce  doit  donc  être  l'exemplaire  donné  par  le  P.  Pray  à  Christophe  Gottlieb  von 
Murr;  on  va  voir  que  Marr  connaissait  en  effet  les  Imposturae. 

2)  C'est  par  erreur  que  la  lettre  ici  visée,  qui  occupe  (avec  le  post-scriptum)  les  pages 
XL — XLiv  des  Imposturae,  est  indiqae'e  comme  «sans  date»  dans  la  Bibl.  Sin.*,  col.  924. 
Elle  est  d'autre  part  sautée  par  inadvertance  dans  la  liste  des  lettres  de  Hallerstein  publiées 
par  Pray  et  que  donne  Sommervogel  dans  sa  Bibliothèque,  s.v.  Hallerstein. 

3)  Von  Murr  est,  à  ma  connaissance,  seul  à  avoir  cité  jusqu'ici  ce  postscriptum,  dans 
ses  Litterae  patentes  Imperatoris  Sinarum  Kang-hi,  Nuremberg,  1802,  in-4°,  p.  24 — 25; 
il  admettait  sans  autre  examen  que  le  postscriptum  était  bien  de  septembre  1764,  comme 
la  lettre  à  laquelle  il  est  joint  dans  l'édition  de  Pray. 


LES    «CONQUÊTES   DE    l'eMPEREUR   DE    LA   CHINE».  269 

-Quod  in  epistola  oblitus  fui,  hic  significo.  Imperator  noster  vult  sculpi,  & 
imprimi  in  Europa  sexdecim  icônes,  quse  représentant  operationes  belli,  quod 
his  elapsis  annis  gessit  contra  Tartaros  Eluthanos,  &  horum  vicinos,  &  antea 
subditos  Mahometanos.  Nempe  finito  bello  curavit  pingi  "16.  magnas  picturas, 
quibus  aulas  suas  exornavit.  Venerunt  postea  ad  illius  manus  quaedam  icônes 
Augustanse  sculptons  Rugendas,  quse  similes  actiones  exhibebant  ');  tum  vero  illas 
intellexit,  eique  placuerunt.  Jussit  ergo  Fratrem  nostrum  Josephum  Castiglione, 
est  Mediolanensis,  habet  setatis  78.  Pekini  49.  '^)  valet  etiamnum  oculis,  &  raa- 
nibus,   P.  Ignatium  Sichelbart  Bohemum,   Fratrem  Dionysium  Attiret  Galium, 


1)  Georges  Philippe  Rugendas,  d'Augsbourg  (1666 — 1743);  peintre  de  batailles. 

2)  J'ai  déjà  dit  que  le  présent  texte  ne  pouvait  être  de  1764;  la  mention  de  l'envoi 
des  quatre  premiers  dessins  des  «Conquêtes»  effectué  «environ  deux  mois  auparavant», 
oblige  à  le  dater  de  l'automne  de  1765.  Ce  qui  est  dit  ici  de  Castiglione  amène  à  la  même 
conclusion,  Castiglione  est  mort  le  16  juillet  1766  (cf.  supra,  p.  186).  Or,  dans  une  lettre 
de  Pékin,  24  septembre  1766,  Hallerstein  s'exprime  ainsi  (Pray,  Impostura,  p.  li): 
«  Mortuus  est  hic  hoc  anno  mensis  Julii  die  16,  Frater  nostrœ  Societatis  ./ojejD^««  Caj/i^fto«« 
Mediolanensis,  egregius  Pictor,  sed  muito  melior  religiosus.  Vixit  annis  79.  si^  paucos  dies 
demas,  quorum  50.  Deo  in  hac  statione  Pekinensi  ejusqne  obsequio  impendit...»  Si,  le 
16  juillet  1766,  Castiglione  avait,  selon  Hallerstein,  79  ans  moins  qu(?lques  jours,  dont 
50  passés  b.  Pékin,  il  est  bien  évident  que  c'est  à  l'automne  de  1765,  et  non  le  12  sep- 
tembre 1764,  que  le  même  Hallerstein  pouvait  lui  en  attribuer  78,  dont  49  passés  à  Pékin. 
Mais  quelle  est  la  date  de  naissance  exacte  de  Castiglione?  M,  Cordier  {Gius.  Panzi,  p.  1) 
fait  naître  Castiglione  le  16  juillet  1688;  le  P.  de  Rochemonteix  {Joseph  Amiot,  p.  15) 
indique  le  19  juillet  1688.  Il  serait  bien  extraordinaire  que  Castiglione  fût  né  et  mort  un 
16  juillet.  Le  19  juillet  est  au  contraire  en  accord  avec  le  «si  paucos  dies  demas»  de 
Hallerstein.  Reste  l'année  de  la  naissance.  Pour  que  Castiglione,  mort  le  16  juillet  1766, 
eût  alors  79  ans  moins  quelques  jours,  il  faudrait  qu'il  fût  ne' le  19  juillet  i6S7  et  non  1688. 
Si  on  a  des  documents  formels  en  faveur  de  1688,  il  faudra  admettre  que  Hallerstein,  et 
Bans  doute  alors  tous  les  jésuites  de  Pékin,  avaient  pris  à  la  Cour  l'habitude  de  calculer 
les  années  à  la  chinoise,  c'est-à-dire  en  comptant  un  an  révolu  au  moment  de  la  naissance. 
Cela  paraît  assez  étrange,  mais  n'est  pas  impossible.  Peut-être  trouverait-on  quelques  indi- 
cations dans  les  documents  relatifs  aux  fêtes  qui  marquèrent  les  7U  ans  de  Castiglione;  je 
n'en  ai  pas  pour  l'instant  à  ma  disposition.  Mais  une  question  analogue  se  pose  pour 
Sichelbart.  11  est  certain  que  les  70  ans  de  Sichelbart  furent  célébrés  le  21  septembre  1777 
(cf.  Mém.  conc.  les  Chinois,  VIII,  283,  où  la  correspondance  des  dates  chinoise  et  européenne 
est  exacte;  Cordier,  Giuseppe  Panzi,  p.  12);  or  M.  Cordier  {Giuseppe  Panzi,  p.  1;  Con-, 
quêtes,  p.  5),  sur  la  foi  sans  doute  du  Caialogus  Patrum,  fait  naître  Sichelbart  le  8  sep- 
tembre 1708,  Je  ne  me  charge  pas  d'expliquer  le  désaccord  entre  les  dates  du  8  et  du  21 
septembre.  Mais,  en  ce  qui  concerne  le  millésime,  il  faut,  si  Sichelbart  est  bien  né  en  1708, 
que  ses  70  ans  aient  été  comptés  «  à  la  chinoise  »  pour  tomber  en  1777.  Peut-être  en 
est-il  donc  de  même  pour  les  78  et  79  ans  que  de  Hallerstein  prête  à  Castiglione  en  1765 
et  1766. 


270  PAUL    PELLIOT. 

&  P.  Damascenum  Roraanum,  Ord.  S.  Augustini  de  propaganda  i),  ut  .illas 
raagnas  picturas  in  minorem  formam  rédigèrent  :  redactas  primas  quatuor  ante 
duos  circiter  menses  expedivit  Cantonom  ad  Proregem,  ut  navibus  Europseis 
traderentur  in  Europam  transferendse.  Sequente  anno  ibunt  alias  quatuor,  &  ita 
porro.  Votum  F.  Castiglione  est,  ut  sculperentur,  &  imprimerentur  in  Italia: 
cum  res  non  sit  mei  fori,  non  me  iraraiscui.  Vult  autem  Imperator,  ut  ex 
singulis  tabulis  exprimantur,  &  imprimantur  soluramodo  centum  exemplaria, 
&  una  cum  tabulis  hue  remittantur:  precium  quantumcunque  persolvat  Prorex 
Cantonensis.  Hoc  putabam  V.  R.  gratum  fore  intelligere,  ut,  si  quis  iliic  de  re 
sermo  fiat,  sciat,  quid  rei  sit.  Quod  si  R.  V.  resciei'it  de  loco,  &  artifice,  gra- 
tum etiam  mihi  fuerit,  id  statim  scire  2).  Ceterum  est  magna  differentia  inter 
has  picturas:  F.  Castiglione  est  sine  dubio  optima;  banc  se(\u\tur  P.  Sichelbart, 
&  F.  Atliret,  sed  passibus  non  aequis,  &  has  longo  intervallo  Romani,  licet 
Romani.  Est  adhuc  novus.  ^) 

Ce  texte  est  intéressant  à  plus  d'un  titre.  D'abord  il  confirme 
la  traduction  de  l'édit  du  13  juillet  1765  en  ce  qui  concerne  le 
chiffre  primitivement  prescrit  pour  le  tirage;  ce  chiffre  primitif 
était  bien  de  100  exemplaires,  et  non  de  200;  le  chiffre  de  200 
ne  fait  son  apparition  qu'avec  le  contrat  des  hannistes.  En  second 
lieu,  le  récit  de  Hallerstein  établit  que  non  seulement  l'envoi  des 
dessins    en    France   n'avait  pas   été   décidé   à   Pékin  —  je  l'ai  déjà 


1)  Ou  notera  que  cette  lettre  de  Hallerstein  distingue  bien,  elle  aussi,  les  «frères» 
Castiglione  et  Attiret  et  les  «pères»  Sichelbart  et  uamascène;  cf.  supra,  p.  192 — 193. 
De  même,  dans  sa  lettre  du  24  septembre  1766,  Hallerstein  énumère  les  quatre  pères  de 
la  Propagande  qui  se  trouvaient  alors  à  Pékin  et  nomme  parmi  eux  «P.  F.  Damascenus, 
nescio  a  quo,  Romanus  pictor»;  le  «nescio  a  quo»  signifie  que  Hallerstein  ne  se  rappelait 
plus  que  Damascene  était  «  a  Sanctissima  Couceptione  ». 

2)  Il  est  curieux  que  le  P.  Pray,  publiant  cette  lettre  en  1781,  n'ait  rien  su  de  ce 
qu'il  était  advenu  des  dessins,  car  il  ajoute  en  note:  «Quid  iis  factum  sit,  an  tabulis  œneis 
exscriptse,  an  contra,  nuspiam  reperio  ».  En  fait,  la  cour  de  France  avait  dû  faire  plus  on 
moins  le  silence  sur  l'exécution  des  gravures,  et  je  ne  vois  pas  qu'on  ait  signalé  jusqu'ici 
aucune  information  relative  à  la  commande  de  K'ien-long  dans  les  nombreuses  publications 

•périodiques  du  temps. 

3)  La  hiérarchie  établie  ici  par  Hallerstein  entre  les  quatre  artistes  correspond  bien 
à  l'importance  respective  de  leur  œuvre  dans  les  collections  impériales  de  la  fin  du 
XVII !•  siècle,  et  est  confirmée  par  l'avis  de  Cochin.  D'autre  part,  si  le  P.  Damascene 
était  «encore  nouveau»  en  1765,  il  faut  qu'il  ait  quitte  le  palais  très  peu  avant  1774, 
puisqu'en  1774  il  n'y  était  plus,  mais  y  avait  travaillé  «environ  dix  ans»  (cf.  supra, 
p.  198). 


LES    «CONQUÊTES   DE   l'eMPEREUR   DE   LA    CHINE»,  271 

montré  plus  haut  par  d'autres  raisons  — ,  mais  que  Castiglione 
espérait  que  la  commande  irait  eu  Italie;  le  fait  qu'il  joignit  des 
versions  italiennes  aux  versions  latines  de  l'édit  et  de  la  note 
explicative  vient  d'ailleurs  à  l'appui  de  l'information  de  Hallerstein. 
Enfin  Hallerstein  est  le  seul  à  nous  fournir  des  renseignements 
sur  la  genèse  de  l'entreprise.  Aucune  source  ne  nous  avait  appris 
jusqu'ici  que  les  seize  planches  étaient  des  réductions  de  peintures 
plus  considérables  qui  ornaient  déjà  les  parois  d'un  des  bâtiments 
du  palais,  et  que  K'ien-long  avait  conçu  le  projet  de  faire  graver 
ces  peintures  en  voyant  des  gravures  de  batailles  exécutées  d'après 
des  originaux  de  Rugendas.  Sur  ces  peintures  primitives  plus  con- 
sidérables et  sur  leurs  auteurs,  nous  sommes  réduits  jusqu'ici  à  des 
hypothèses.  Selon  toute  vraisemblance,  elles  avaient  été  exécutées, 
comme  les  portraits  des  ofiSciers  méritants,  sous  la  direction  des 
artistes  missionnaires,  et  j'incline  à  croire  que  ce  sont  là  les  scènes 
de  bataille  qui  étaient  suspendues  dans  le  Tseu-kouang-ko  au-dessus 
de  la  longue  rangée  des  portraits  ^).  Il  est  à  souhaiter  que  quel- 
qu'un ayant  libre  accès  au  Tseu-kouang-ko  nous  renseigne  d'une 
manière  plus  précise  sur  la  décoration  de  ce  bâtiment  ^). 

* 
*     * 

Remarques  additionnelles. 

P.  187.  —  Pour  Castiglione,  cf.  aussi  Laufer,  Christian  art  in 
China,  p.   16,  et,  pour  le   «galop  volant»,  p.   18. 

P.  190,  n.  1.  —  L'Attiret  de  Paris  doit  être  Claude-François 
Attiret   (1728  —  1804).    Mais,    tandis    que    les    documents    que    j'ai 


1)  Dans  VOpisanie  Pekina  du  P.  Hyacinthe  Bicurin,  Petrograd,  1829,  in-S",  p.  35, 
il  est  question  des  portraits,  au-dessus  desquels  «sont  pendus  aux  murs  des  tableaux 
représentant  divers  épisodes  des  combats  de  l'année  de  l'Ouest  en  1776  ».  La  date  de  1776 
me  paraît  être  une  simple  erreur  pour  1755 — 1759;  on  a  vu  (p.  256)  que  M.  Madrolle 
parle  aussi  de  1776  ;  peut-être  est-ce  d'après  la  traduction  française  du  livre  du  P.  Hyacinthe. 

2)  J'ai  visité  partiellement  le  Tseu-kouang-ko  deux  fois,  mais  n'ai  vu  aucune  salle  où 
se  trouvassent  des  portraits  de  généraux  ou  des  tableaux  de  bataille. 


272  PAUL    PELLIOT. 

utilisés  font  de  lui  un  cousin  du  missionnaire,  il  est  indiqué  comme 
son  neveu  aussi  bien  dans  Nagler,  Künstler-Lexicon,  que  dans  Thieme 
et  Becker,  Allgem.  Lexicon  der  bildenden  Künstler. 

P.  205,  notes,  1.  8.  —  Lire  «que  l'Empereur  de  la  Chine  envoya 
en  France  il  y  a  quatre  ans». 

P.  207,  1.   10.   -    Lire  Prévost. 

P.  210,  I.  3  et  4.  —  La  Préface  du  1. 1  i\e9  Mémoires  concernant 
les  Chinois  est  donc  dans  l'erreur  quand  elle  dit  (p.  xi)  en  1776 
que  les  seize  planches  ont  été  envoyées  en  Chine  «il  y  a  trois  ans»; 
c'est  d'ailleurs  une  autre  inexactitude  de  cette  préface  de  prétendre 
que  K'ieu-loug  avait  voulu  que  les  estampes  «fussent  gravées  en 
France  » . 

P.  218.  —  M.  Laufer  {Christian  Art,  p.  18)  parle  d'un  exem- 
plaire des  gravures  originales  qui  est  en  sa  possession,  mais  ne  dit 
pas  s'il  s'agit  d'un  tirage  fait  à  Paris  ou  en  Chine,  ni  si  des  textes 
chinois  y  sont  joints. 

P.  227,  note  4.  —  Le  Wang  cheou  cheng  tien  relatif  aux  fêtes 
du  60®  anniversaire  de  K'ang-hi  en  1713  a  été  reproduit  par  la 
photolithographie  au  Tien-che-tchai  de  Changhai  en  1879;  mais  je 
ne  sais  si  cette  réédition  donne  l'ouvrage  entier  ou  seulement  les 
chapitres  de  planches.  Cette  réédition  de  1879  se  trouve  au  British 
Museum  (cf.  Douglas,  Supplementary  Catalogue^  p.  150;  la  date  de 
1721  indiquée  par  Douglas  vient  de  ce  qu'il  a  confondu  l'année  de 
naissance  de  K'ang-hi  et  celle  de  son  avènement). 

P.  229,  note,  1.  11—17.  —  Même  s'il  n'y  a  pas  eu  d'ouvrage 
imprimé  relatif  aux  fêtes  du  60®  anniversaire  de  K'ien-long,  il  ne 
s'agirait  pas  iûi  nécessairement  du  60®  anniversaire  de  K'ang-hi. 
Il  y  a  en  effet  un  gros  ouvrage  en  120  chapitres  consacré  au  80^ 
anniversaire  de  K'ien-long,  et  qui  est  intitulé  /\  ^  !ä  ^  )j^  Ä 
Pa  siun  wan  cheou  cheng  tien;  un  exemplaire  s'en  trouve  au  British 


LES    «CONQUÊTES   DE   l'eMPEREUR   DE    LA   CHINE».  273 

Museum^).  Ce  80®  anniversaire  était  tombé  en  1790^);  l'ouvrage 
lui-même,  d'après  Douglas,  serait  de  1792  ^). 

P.  235.  —  M.  Cordier  m'a  mis  sur  la  piste  d'un  exemplaire  des 
gravures  originales  sur  cuivre  représentant  les  bâtiments  européens 
du  Palais  d'Eté.  Cet  exemplaire,  malheureusement  incomplet,  se 
trouve  dans  la  bibliothèque  de  l'Ecole  des  Beaux-Arts,  qui  l'a 
acheté  150  francs  aux  héritiers  de  Jametel  en  1890.  Les  gravures 
de  très  grand  format,  tirées  sur  papier  pelure,  sont  d'une  extrême 
fragilité,  comme  le  disait  Delatour.  Je  ne  donnerai  pas  ici  d'indi- 
cations détaillées  sur  ces  gravures,  qui  mériteront  une  étude  à  part, 
et  me  borne  à  signaler  qu'elles  sont  beaucoup  plus  chargées  et 
remplies  que  les  copies  faites  pour  Van  Braam  Houckgeest,  avec 
leur  aspect  de  dessins  au  trait,  ne  l'auraient  laissé  soupçonner. 

P.  236.  —  Le  don  des  collections  de  Van  Braam  Houckgeest 
est  relevé  dans  les  «Observations»  jointes  au  Voyage  à  Canton  de 
Charpentier  Cossiguy,  mais  sans  aucun  renseignement  nouveau. 

P.  240.  -  L'album  Hd  90  doit  bien  être  postérieur  à  1783, 
mais  mou  hypothèse  en  ce  qui  concerne  les  sites  représentés  n'est 
pas  juste.  Ces  36  sites  de  Jehol  sont  bien  ceux  de  K'ang-hi,  et 
non  les  nouveaux  sites  de  K'ien-long;  il  suflBt  pour  s'en  convaincre 
de  comparer  leur  liste  à  cette  donnée  par  M.  Franke.  Il  semble 
que  ce  soit  un  autre  exemplaire  de  ces  gravures  en  taille  douce 
qui  se  trouve  au  British  Museum  et  est  décrit  sommairement  par 
Douglas,  Supplementary  Catalogue,  p.  2. 


1)  Cf.  Douglas,  Supplement.  Catalogue,  p.  l. 

2)  K'ien-long   était   né  le  25  septembre  1711,  et  non  en  1710  comme  il  est  dit  dans 
Giles,  Biogr.  Diet.,  n'  364. 

3)  Dans   l'ouvrage   touffu  et  confus  de  G.  de  Vincentiis,  Documenti  e  titoli  sul 

Matteo  Ripa,  Naples,  1904,  in-4"',  part.  I,  p.  15,  il  est  question  d'une  poésie  écrite  par 
K'ien-long  en  1783  au  sujet  de  Castiglione,  et  qui  est  insérée  «au  ch.  1,  folio  18»  du 
Pa  siuan  wan  ckeou  cheng  tien;  je  ne  retrouve  pas  actuellement  la  source  à  laquelle  l'au- 
teur a  emprunté  ce  renseignement. 


274  PAUL    PELLIOT. 

P.  254,  vers  le  bas.  —   Lire  M.  J.  Fliehe. 

P.  255,  n.  2.  —  Pour  les  portraits  de  généraux  peints  par  les 
Jésuites  sous  K'ien-loug,  cf.  Laufer,  Christian  Art,  p.  17,  renvoyant 
à  une  note  de  M.  F.  W.  K.  Müller  dans  Zeitschr.  für  Ethnologie, 
1903,  t.  XXXV,  p.  483. 


Note  finale  (cf.  p.  187):  —  Au  dernier  moment,  j'ai  accès  à  la 
revue  d'art  et  d'archéologie  ^  |^j  ^  ^  Yi  chou  ts'ong  pien,  qui 
paraît  depuis  quelques  années  à  Changhai.  Dans  le  n°  du  4®  mois 
de  1917  est  reproduit  un  tableau  de  Castiglione  du  type  usuel, 
représentant  une  femme  jouant  avec  deux  enfants.  Le  n°  du  8®  mois 
de  cette  même  année  contient  une  image  de  tigre  mise  sous  le  nom 
de  Castiglione,  encore  que  le  tableau  ne  soit  pas  signé  de  lui  et 
porte  seulement  la  signature  (fausse)  de  ^  ,^  Pao  Kouei  des  Song; 
tout  ce  qu'on  peut  dire  est  que  c'est  là  une  œuvre  sinon  de  Castiglione 
lui-même,  du  moins  de  l'école  «européenne»  de  la  Cour;  aussi  est-il 
curieux  de  voir  cette  peinture  porter  une  notice  autographe  de 
Touan-fang,  où  ce  collectionneur  affirme  que  c'est  «sûrement  là  un 
chef-d'œuvre  des  Song». 

P.  233,  1.  20:  Lire:  c'est  que  ceux-ci  n'existaient  pas  encore. . .  —  L.  22:  Lire:  chouei-fa, 
ou  «systèmes  hydrauliques».  —  L.  2B:  Lire:  comme  tout  le  Palais  d'Eté. 


A  LIFE  OF  ODORIG  OF  PORDENONE 

BY 

A.  C.  MOULE. 

.-qp" 

Nothing  can  be  more  vague  than  the  chronology  of  Odoric's  life 
and  travels,  with  the  single  exception  of  the  date  of  his  death. 

The  date  of  his  birth  has  been  guessed  as  1285  or  1286,  Yule 
adding  (in  Cathay  II,  p.  8)  "judging,  however,  from  the  eflBgies 
of  Odoric  on  his  tomb  at  Udine,  I  should  have  guessed  the  date 
of  his  birth  to  stand  a  dozen  years  earlier  than  that  mentioned",  — 
that  is,  in  1274.  On  this  point  no  new  evidence  seems  to  have 
come  to  light,  although  Jerome  Golubovich  0.  S.  F.  (in  Archivmn 
Franc.  Histor.^  1917,  p.  22)  would  place  the  date  of  birth  in  1265 
by  an  argument  which  seems  to  me  to  have  little  or  no  weight. 

Of  the  date  and  duration  of  Odoric's  travels  a  little  more  can 
be  said  than  about  his  birth,  but  after  all  it  is  very  little  and 
very  vague.  On  his  travels  "he  started  sometime  between  1316  and 
1318  (inclusive),  and  from  them  he  returned  shortly  before  the 
spring  of  1330"  (Yule,  I.e.  p.  9).  Cordier  accepts  the  date  of  his 
departure,  which  some  say  was  from  Venice  "with  the  galleys",  as 
April,  1318.  Yule  (1.  c.  p.  98)  tells  us  that  the  galleys  for  Trebizond 
did  not  leave  Venice  till  the  middle  of  July;  and  the  years  1318 
or  1316  are  vigorously  attacked  by  Golubovich  on  the  following 
grounds. 

19 


276  A.   C.   MOULE. 

The  date  1318,  he  says,  has  no  other  foundation  whatever  than 
the  statement  of  two  late  Italian  MSS  of  the  type  underlying  the 
second  or  minor  Ramusian  text.  These  two  MSS  are  52  and  53 
in  the  Yule-Cordier  list  {Cathay  II,  pp.  59,  60),  and  begin,  sure 
enough,  "Ani  domini  Mcccxviii.  Jo  frate  odoricho"  and  "Anno 
Mcccxviii.  io  Frate  Oderigo"  respectively,  unfortunately  for  Golu- 
bovich's  reputation  for  accuracy,  No.  51  and  54  in  the  list  also 
contain  the  date  Mcccxviii,  though  the  month,  April,  seems  to  be 
due  to  the  printed  editions  of  Virunio  (1513)  and  Ramusio  (1583). 
The  four  MSS  are  dated,  in  Calhaij:  51,  "xivth  or  xvth  cent."; 
52,  "xivth  cent.";  53,  "xvth  cent.";  and  54,  "xivth  cent.",  whereas 
Golubovich  assigns  52  and  53  (the  only  ones  he  mentions)  to  the 
xvth  century. 

But  there  is  another  possible  way  of  arriving  at  the  date. 
According  to  Golubovich  two  other  Italian  MSS  and  one  Latin  MS 
give  the  duration  of  Odoric's  travels  «s  fourteen  or  fourteen  and  a 
half  years  and  so,  counting  back  from  1330,  fix  the  beginning  in 
1315  or  1316.  These  MSS  are  Yule-Cordier  No.  58  (at  Lucca  - 
"paesi  ue  li  quali  el  feze  dimora  anni  xiiij")  and  59  (at  Pisa  — 
"paesi  nelle  qualli  elli  fue  personalmente  quattordici  anni."),  both 
of  the  xvth  century;  and  47,  of  the  xivth  or  xvth  century,  at 
Venice,  which  says  {Cathay  II,  p.  279)  "Quatuordecim  annis  cum 
dimidio  .  .  in  hujusmodi  partibus  sum  moratus".  Here  again  a  second 
Latin  MS  (27)  of  the  xivth  century,  which  mentions  fourteen  years, 
must  be  added  to  the  list. 

Golubovich  has,  no  doubt,  done  good  service  in  pointing  out 
that  all  this  is  not  very  secure  evidence  for  fixing  Odoric's  departure 
in  1315,  1316,  or  1318;  but  what  are  we  to  say  to  the  reasoning 
by  which  he  himself  makes  Odoric  sail  for  the  Holy  Land  in  1296, 
and  again  for  the  Far  East  in  1314?  He  writes  (I.e.  p.  21)  that 
Odoric's  "whole  oriental  missionary  career  was  full  33  years,  as  we 


A   LIFE   OF   ÔDÔRIC   OF   PÔRDENOKË.  277 

are  assured  by  the  following  indubitable  testimony  of  one  of  his 
superiors.  Here  is  the  interesting  document,  preserved  in  a  rare 
codex  in  the  Royal  Library  at  Monaco  (cod.  lat.  3702),  written 
about  1450,  which  contains  a  list  of  Franciscan  Saints,  among 
whom  is  our  Odoric,  with  the  following  notice:  —  'Item,  in  the 
Province  of  St  Anthony  Brother  Odoric,  who  for  XXXIII  years 
read  the  word  of  life  among  the  infidels,  preaching  many  years  in 
many  tongues.  He  travelled  as  far  as  to  the  Indies  where  in  the 
court  of  the  great  Khan  (magni  Kay)  he  represented  the  glory  of 
the  faith  for  three  years.  About  him  brother  Conrad  of  Pigan, 
Vicar  of  the  North,  who  himself  went  about  among  the  Saracens 
for  thirty  years,  has  told  (De  ipso  narravit  fr.  Conradus  de  Pigan, 
Vicarius  Aquilonaris,  qui  et  ipse  inter  Sarracenos  XXX  aunis  cir- 
cuiens,  quod)  that  wherever  the  said  Brother,  who  knew  only  Latin, 
came  he  found  him  an  interpreter  of  tongues.  In  obedience  to  a 
command  he  told  the  marvels  which  he  saw  and  heard  from  trust- 
worthy persons,  a  certain  Brother  writing  them  down  A.D.  1330, 
in  the  month  of  May  at  Padua.  He  departed  to  the  Lord  A.D.  1331 
on  the  13th  day  of  January.  . .'" 

Of  this  it  is  enough  to  say  that  it  was  written  120  years  after 
Odoric's  death,  and  that  the  unknown  Conrad  (who  is  no  doubt  the 
"one  of  his  superiors"  alluded  to  by  Golubovich)  is  not  made  to 
vouch  for  the  traveller's  thirty-three  years  missionary  career. 

No  room  for  the  preliminary  seventeen  years  of  this  career  is 
found  in  the  "authoritative  life"  (as  Golubovich  constantly  calls  it) 
of  the  Saint  of  which  I  proceed  to  offer  a  translation,  and  it  seems 
to  me  that  we  practically  have  as  yet  no  reason  to  start  Odoric 
on  his  travels  before  1314,  and  no  evidence  at  all  of  the  date  of 
his  birth. 

The  Life  of  Odoric  is  contained  in  the  Chronicles  of  the  General 
Ministers  of  the  Order  of  Minor  friars.  This  valuable  work,  which 


278  A.    C.    MOULE. 

was  already  more  or  less  kuown  through  the  use  made  of  it  by 
Wadding  for  his  Annales  Minorum,  was  printed  for  the  first  time 
from  an  Assisi  MS  (No.  329)  as  vol.  Ill  of  Ajialecta  Franciscana, 
Quaracchi,  1897.  The  editors  give  reason  for  believing  that  the  bulk 
of  the  work  was  written  before  1369,  and  so  we  may  suppose  that 
the  Life  of  Odoric  which  comes  on  fol.  150  r*^  — 151  v°  {AmciL 
Franc.  Ill,  pp.  499  —  504)  was  written  within  forty  years  of  his 
death.     It  is  as  follows;  — 

"Under  this  General  (Gerard  Odo)  there  flourished  and  died 
before  the  Chapter  at  Perpignan  the  most  perfect  man  Brother 
Odoric  of  Friuli,  who  entered  the  Order  of  Minor  Brothers  when 
he  was  quite  young,  and  from  the  time  of  his  profession  always 
wore  hair-cloth  ^)  or  coat  of  mail  next  his  skin.  He  was  never 
willing  to  be  promoted  to  the  official  positions  of  the  Order,  but 
to  be  busy  with  humble  ministries.  He  always  fed  sparingly,  too, 
as  far  as  possible  on  bread  and  water;  and  the  bread  was  commonly 
made  of  a  red  grain  which  is  given  to  donkeys  for  oats.  Also, 
before  he  went  beyond  the  sea,  he  was  alone  in  a  certain  wood, 
with  the  leave  of  his  Minister,  leading  the  solitary  life  of  a  hermit. 
Once  also  while  he  was  praying  in  church  he  saw  the  devil  trying 
to  strangle  a  burgher  for  three  nights,  A  certain  woman,  the  wife 
of  a  smith,  who  had  a  cancer  on  her  jaw,  was  cured  by  the  divine 
power  alone  through  Brother  Odoric  at  the  prayer  of  her  husband, 
after  the  sign  of  the  cross  had  been  impressed  on  her  jaw  with  the 
greatest  devotion.  And  with  the  sign  of  the  cross  he  healed  a  girl 
who  had  a  disease  of  an  incurable  nature  in  the  hand.  He  exacted 
from  her,  nevertheless,  a  faithful  promise  that  she  would  never  tell 
it  as  long  as  he  lived. 

"Moreover  when  in  his  piety  he  had  crossed  the  sea  and  passed 
through    many    lands    towards   the   south    and    east,    he   saw    many 


1)  The  cilicium  still  shown  at  LJdinc  is  a  kind  of  chain  girdle,  eingulus  ferreus. 


A   LIFE    OF   ODORIC    OF    PORDENONE.  279 

wonderful  things  which  he  committed  io  writing  and  so  made  a 
book,  which  is  called  Concerning  the  wonders  of  the  world.  In  the 
sixteen  years  for  which  he  was  there  (Id  xvi  annis  quibus  ibi  fuit) 
he  baptized  twenty  thousand  infidels  and  subdued  them  to  the 
catholic  faith. 

"Once  he  was  there  in  a  place  where  the  order  was  that  no 
one  should  receive  any  Christian  under  his  roof  under  pain  of 
death  and  confiscation  of  his  goods.  He  however  was  so  seriously 
ill  that  for  a  year  he  could  not  walk  on  his  feet.  He  was  never- 
theless placed  by  a  rustic  under  a  tree  which  is  called  fasciol^  to 
lie  there.  And  all  through  that  year  he  ate  nothing  but  the  fruits 
of  that  tree,  which  continue  all  the  year  round,  and  drank  nothing 
but  the  water  which  flowed  from  the  foot  of  that  tree.  He  sa^d 
too  that  he  had  borne  this  patiently  without  anxiety.  Moreover 
once  when,  being  very  hungry,  he  had  eaten  a  fruit  which  he  had 
found  in  a  stream,  that  fruit  gave  him  so  great  strength  that  he 
travelled  for  nine  days  without  needing  or  taking  food  or  drink. 
And  he  believed  that  he  would  never  have  needed  food  or  drink 
any  more,  if  he  had  not  eaten  other  things  to  oblige  some  lady. 

"Afterwards  when  he  was  going  to  the  house  of  an  idolater  to 
convert  him,  and  was  taking  the  man's  son  with  him,  when  he  got 
up  after  matins  the  boy  was  so  sleepy  that  he  could  not  go  on. 
So  Brother  Odoric  put  him  up  in  a  tree  to  sleep  because  of  the 
wild  beasts,  and  gave  himself  up  meanwhile  to  prayer.  And  he  saw 
a  multitude  of  women  dressed  in  green,  walking  along  the  road  in 
procession  and  singing  melodiously.  And  after  that  he  saw  another 
longer  procession  of  women  dressed  in  red,  who  were  followed  by 
others  dressed  in  white  silk,  and  all  had  wonderful  crowns.  And 
last  he  saw  a  lady  of  extreme  beauty  dressed  in  garments  of  cloth 
of  gold,  and  supported  by  many  knights.  And  then  Brother  Odoric 
was  called  by  his  own  name  by  that  lady  so  great,  and  he  answered 


280  A.   C.   MOULE. 

in  amazement:  'Lady,  who  are  you,  and  how  do  you  know  me?' 
'I,  says  she,  am  the  Mother  of  God,  and  go  with  all  these  to  do 
honour  to  a  woman  who  is  soon  to  die,  who  has  always  served 
me  in  virginhood.  The  first  procession  indeed,  which  you  saw,  is 
of  holy  wives  and  widows;  the  second,  of  martyrs;  the  third,  of  those 
who  have  kept  their  virginity  pure.'  And  so  as  they  talked  Brother 
Odoric  walked  with  her  nearly  half  a  league.  At  length  the  blessed 
Virgin  told  him  to  go  back  quickly  to  the  boy  whom  he  would 
find  crying,  and  then  to  follow  her  at  once,  because  the  said  woman 
could  not  die  until  he  had  ministered  the  Eucharist  to  her.  As 
the  vision  vanished  therefore,  Brother  Odoric  found  the  boy  crying 
aud  after  that  the  sick  woman  who,  when  he  had  communicated  her, 
departed  this  life  as  the  Virgin  had  said. 

"He  came  also  to  a  country,  which  is  called  Malescorte  ^), 
where  as  well  as  in  great  Tartary  God  has  given  such  grace  to  the 
Minor  Brothers  that  with  a  word  alone  they  drive  out  devils  from 
bodies  possessed  as  quickly  as  they  would  chase  a  dog  from  the  house. 
And  for  this  reason  demoniacs  are  brought  bound  to  the  Brothers 
from  a  distance  of  ten  days  journey,  and  being  set  free  and  con- 
verted to  the  faith  are  baptized  by  the  Brothers.  And  then  the 
Brothers  put  their  idols  which  are  made  of  felt  in  the  fire,  and  if, 
as  sometimes  happens,  they  come  out  of  the  fire  by  the  help  of  the 
devil,  the  Brothers  sprinkle  the  fire  with  holy  water  and  put  the 
devil  to  flight,  and  the  idols  are  burnt  up  at  ouce.  Aud  the  evil 
spirit  cries  out  in  the  air  'See  how  I  am  driven  out  of  my  house'. 
And  the  idolaters  hearing  this  are  converted  and  are  baptized  by 
the  Brothers. 

"When  he  was  going  through  a  valley  which  is  placed  above 
a   certain  river  of  delight,  he  saw  many  corpses  of  dead  men,  and 


1)  Cf.  Cathay  II,  pp.  257,  260,  261,  where  the  casting  out  of  devils  is  not  connected 
with  this  place  (Millestorte,  Melensorte,  etc.),  but  only  with  great  Tartary. 


A   LIFE    OF    ODORIC    OF    PORDENONE.  281 

heard  such  a  sound  of  nakers  and  musical  instruments,  that  he  was 
shaken  by  a  great  fear.  Moreover  that  valley  is  seven  or  eight 
miles  long,  and  whoever  enters  it  never  comes  out,  as  is  known  in 
that  land,  but  dies  without  delay.  Nevertheless  Brother  Odoric, 
committing  himself  to  God,  went  into  it.  So  after  he  had  found 
innumerable  corpses  of  the  dead  at  the  entrance,  as  he  went  on 
he  saw  in  the  rock  on  one  side  a  human  face  so  terrible  that  he 
nearly  died  of  fright.  Commending  himself  however  to  God  by 
saying  continually  'The  Word  was  made  flesh',  he  went  up  to  within 
about  seven  paces  of  the  face,  but  being  afraid  to  go  nearer  he 
passed  on  to  the  head  of  the  valley.  And  goiug  up  a  sand  hill 
and  looking  about  from  thence,  he  saw  nothing  but  a  quantity  of 
silver  on  the  top  of  the  hill  gathered  together  like  fishes'  scales. 
And  at  first  he  put  some  of  it  into  his  bosom,  but  afterwards, 
having  no  use  for  it,  he  threw  it  away.  He  heard  moreover  all 
the  time  the  sound  of  the  said  nakers  and  by  the  protection  of  God 
came  out  unhurt.  And  when  the  Saracens  saw  him  they  saluted 
him  with  the  greatest  astonishment,  and  said  that  he  had  so  escaped 
because  he  was  baptized  and  holy.  They  said  also  that  the  said 
dead  men,  were  evil  spirits  of  hell  ^). 

"He  came  also  to  the  wonderful  palace  of  the  most  great  em- 
peror who  is  called  the  great  Khan,  where  the  Minor  Brothers  al- 
ways have  a  special  place  at  table,  and  the  emperor  receives  the 
blessing  from  them.  When  however  he  had  stayed  with  him  for 
two  years,  he  came  back  of  his  own  wish  this  side  of  the  sea, 
that  he  might  take  Brothers  there  to  teach  the  people.  While  there- 
fore he  was  returning  for  the  said  reason  to  his  own  land,  the 
devil  appeared  to  him  on  the  road  in  the  form  of  a  woman  pilgrim. 
And  when  she  asked  him,  calling  him  by  his  own  name,  where  he 
was  going,  Brother  Odoric  said  to  her,  'Who  and  whence  art  thou?' 


1)  Cf.  Cathay  II,  pp.  362—266. 


282  A.   C.    MOULE. 

She  replied  'I  am  the  devil,  come  to  hinder  thee  in  thy  business, 
lest  thon  drive  us  from  our  possessions.  And  know  that  never  shalt 
thou  return  to  these  lands'.  And  he,  all  disturbed,  shouted  in  answer 
'Go,  Satan  and  father  of  lies,  for  I  believe  thee  not  at  all'.  Now 
his  companion,  who  was  behind  him,  wondered  that  he  talked  so 
loudly  with  himself,  and  thought  that  he  had  gone  mad.  And  when 
he  blamed  him  for  talking  so,  he  answered  that  he  was  not  talking 
to  the  air,  but  to  the  devil  'who',  says  he,  'said  so  and  so  to  me'. 

"When  however  he  wished  to  go  to  the  lord  Pope  for  his 
blessing  and  to  beseech  him  with  regard  to  the  troubles  of  the  Order, 
when  he  was  at  Pisa  he  began  constantly  to  be  very  ill.  And  when 
he  was  in  great  pain  the  blessed  Francis  appeared  to  him  in  a 
cloud  which  was  bright  inside  and  dark  outside  and  said  'Brother 
Odoric,  thou  shalt  not  go  to  the  Court,  for  I  am  going  and  will 
set  forward  the  business  for  which  thou  wishest  to  go.  But  rise 
and  go  back  to  thy  nest,  and  there  shalt  thou  die,  for  this  city  is 
not  worthy  to  hold  thee  dead.'  And  he  had  himself  carried  at  once 
to  üdine,  his  own  country,  notwithstanding  his  very  great  bodily 
weakness  and  the  distance  of  the  place.  And  when  he  had  been 
generally  confessed  and  the  confessor  wished  to  absolve  him,  he  said 
'Father,  I  am  glad  for  thee  to  absolve  me,  although  I  have  no  need, 
because  I  have  been  absolved  from  all  my  sins  by  God.'  And  afterwards 
on  Monday  about  Terce  (die  lunae  circa  tertiara)  he  departed  this  life. 

"But  when  the  Brothers  wished  to  bury  him  after  the  OflHce  at 
Vespers,  the  Gastald,  or  governor  of  the  city,  who  was  a  great 
friend  of  Brother  Odoric,  comes  and  says  'Brothers,  it  would  not 
be  a  good  thing  that  such  a  man  should  be  buried  thus.  But  wait 
till  the  morning,  and  I  and  the  whole  town  will  do  him  honour.' 
And  so  it  was  done.  And  on  the  following  Tuesday  morning 
(sequenti  vero  die  Martis  de  mane),  while  the  Brothers  were  saying 
the   fanerai   sereice   and    women    were   coming  up  according  to  the 


A    LIFE   OF    ODORIC    OF    PORDENONE.  283 

custom  to  kiss  his  feet,  a  certain  lady  [iu  the  service]  of  the  sister 
(quaedam  matroua  sororis)  of  the  lord  Patriarch  of  Aquileia,  who 
had  had  her  whole  arm  shrunken  for  seven  months,  so  that  she 
could  do  nothiag  for  herself,  confidently  touched  her  own  shrunken 
arm  with  the  arm  of  Brother  Odoric  and  instantly  called  out  and 
showed  that  she  was  cured.  Then  everyone  shouted  alond  and  said 
'he  is  holy,  and  so  must  not  be  buried  so  quickly'.  And  then 
many  sick  people  came  and  all  went  away  cured  by  his  merits. 

"His  face  was  more  beautiful  than  when  he  was  alive,  and  his 
limbs  were  as  pliant  as  those  of  a  living  man.  But  when  people 
had  torn  ofip  his  cassock  up  to  his  knees,  a  woman  who  tried  to 
cut  off  one  of  his  fingers  with  scissors  was  suddenly  paralyzed; 
and  on  account  of  this  the  Brothers  shut  up  his  body  in  a  coffin 
(uchia).  And  on  Wednesday  the  Reader  of  the  Preachers  preached 
about  his  life  in  the  evening.  And  when  they  wanted  to  put  him 
in  another  coffin  (area)  with  three  locks  and  then  to  bury  him  in 
a  new  tomb,  and  devout  people  were  coming  in  crowds  to  kiss 
his  feet  and  hands,  so  sweet  a  swell  came  from  the  coffin  that  all 
wondered.  And  the  Gustos  of  the  church  of  the  Canons,  a  man 
of  position,  and  some  of  the  burghers  wanted  to  prove  whether 
the  Brothers  had  put  iu  scent  to  deceive  the  people,  and  one  of 
them  uncovered  him  and,  by  applying  his  nose  even  between  his 
legs,  found  the  same  fragrance  all  over  the  body,  and  even  swore 
that  for  more  than  a  week  he  perceived  that  scent  on  his  hands 
which  had  touched  the  sacred  corpse. 

"When  he  was  buried  and  people  were  taking  pieces  of  the  first 
coffin  (caxia,  =  capsa)  for  relics,  one  man,  wanting  to  take  a  piece 
of  the  first  shirt  with  a  great  sword,  cut  off  the  whole  of  his  own 
finger.  And  after  putting  some  of  the  said  wood  on  the  cut,  he 
wrapped  up  his  finger,  hanging  as  it  was  by  the  skin,  and  so  went 
to   the  doctor.     And  when  the  broken  finger  was  unbound,  it  was 


284  A.   C.    MOULE. 

found  so  healed  that  scarcely  a  trace  of  the  cut  could  be  seen. 
And  the  doctor  was  annoyed  thinking  that  he  had  been  hoaxed, 
until  the  man,  lost  in  astonishment,  stoutly  declared  that  the  cut 
had  really  been  made  and  that  he  had  been  healed  by  Brother  Odoric. 
"On  the  following  sixth-day  (Friday)  the  lord  Patriarch  of  Aquileia 
came  from  one  of  his  castles  to  visit  the  sacred  corpse.  And  when 
the  doctors  said  that  they  doubted  whether  he  had  really  been  dead 
before  he  was  buried,  since  his  limbs  were  supple  and  his  face  fair 
and  of  a  good  colour  and  his  body  sweet,  the  lord  Patriarch  caused 
him  to  be  publicly  taken  from  the  grave  so  as  to  remove  this 
mistake.  And  when  the  Governor  of  the  city  and  the  Consuls  and 
the  Warden,  who  for  safer  custody  were  keeping  the  three  keys 
where  the  sacred  corpse  was,  met,  the  coflSn  was  unlocked,  and 
the  sacred  body  taken  from  the  cofiBn  and  reverently  placed  on  an 
altar.  And  the  lord  Patriarch  seeing  his  limbs  still  supple  and  pliant 
as  those  of  a  living  man,  and  perceiving  the  greatest  sweetness 
with  his  nose,  could  not  refrain  from  tears.  And  putting  a  ring 
on  his  finger,  he  knelt  down  and  worshipped  him  as  a  Saint; 
and  after  him  his  whole  retinue  did  the  same.  His  face  moreover 
was  fair  and  fresh  as  if  he  were  alive.  And  when  the  Abbess  of 
Aquileia,  whose  convent  was  at  a  distance  of  six  leagues,  came  to 
the  place,  the  Governor,  Consuls,  and  Warden  aforesaid,  who  held 
the  keys  of  the  said  coflBn,  came,  and  the  sacred  corpse  was  placed 
on  an  altar  again  with  lighted  candles,  at  her  request,  because  she 
was  very  noble.  And  while  the  Sisters  two  and  two  were  coming 
devoutly  to  kiss  his  feet,  a  stone  from  the  building  fell  on  Brother 
Odoric's  leg,  making  a  bruise  and  wodnd  from  which  blood  flowed. 
And  the  governor  of  the  city  wiped  up  the  blood  with  his  silk-lined 
hood  ^)  and  kept  it  as  a  relic. 


1)  Caputio  folraio  de  serico.    The  printed  text  has  caputio  foderato  de  terico,  'a   fur- 
lined  hood  uf  silk'. 


A    LIFE    OF    ODORIC    OF    PORDENONE.  285 

"Brother  Michael  of  Venice,  who  had  fistulas  of  an  incurable 
kind  in  his  throat,  and  the  throat  itself  pierced,  for  quite  seven 
years,  heard  in  the  lands  beyond  the  sea  of  the  miracles  of  Brother 
Odoric,  and  devoted  himself  to  the  same  holy  man.  And  the  said 
(sic)  Brother  James  sent  him  a  letter  to  this  effect:  'Brother  Odoric, 
most  loved  companion,  for  the  mutual  love,  friendship,  and  fellowship 
which  we  had  together  amongst  the  unbelievers,  and  by  the  merit 
of  thy  holiness,  I  beg,  pray,  and  beseech  thee  to  heal  our  friend 
and  faithful  representative  from  every  desease.'  ^)  When  indeed  the 
said  Brother  Michael  came  to  his  tomb  on  the  vigil  of  Pentecost 
after  Matins,  and  had  read  the  aforesaid  letter  on  his  knees  in 
the  presence  of  two  Brothers,  and  had  put  a  piece  of  the  holy  man's 
coat  on  the  wound  with  faith,  he  found  himself  after  prayer  so 
perfectly  healed,  that  he  preached  to  the  people  the  same  day  and 
showed  them  the  place  of  the  wound  and  published  the  miracle. 

"On  the  next  day  a  woman  was  brought  from  Padua  in  a 
carriage,  who  had  broken  the  spine  of  her  back  in  hard  labour 
and  had  become  so  doubled  and  bent  towards  the  ground  that  she 
could  not  raise  her  head  more  than  three  palms,  though,  nevertheless, 
she  was  [naturally]  tall  [cum  tarnen  esset  longa),  and  had  walked  with 
a  stick  doubled  up  like  this  for  ten  years.  But  when  she  stayed  there 
by  the  tomb,  on  the  third  day  she  was  restored  to  her  former  health, 
walking  in  the  sight  of  all  perfectly  upright  without  a  stick. 

"With  many  other  miracles  did  the  Lord  make  his  Saint  wonder- 
ful, to  whom  is  honour  and  glory  for  ever." 

To  this  Life,  which  after  all  does  not  tell  us  much  that  is  new, 
we  add  versions  of  extracts  from  other  works. 

"At  Udine  lies  holy  Brother  Odoric  who  from  zeal  for  the  faith 
went  to  the  lands  of  the  unbelievers  and  made  much  fruit  in  the 
conversion  of  the  nations,  and  visited  the  greater  part  of  the  lands 


1)  James,  one  of  Odoric's  travelling  companious,  seems  to  have  been  an  Irishman. 


286  A.    C.    MOULE. 

of  the  unbelievers  in  person.  And  though  he  was  very  well  informed 
about  the  circumstances,  dwellings,  and  manners  of  the  aforesaid 
peoples  and  could  speak  with  truth,  yet  he  desired  to  have  a  three- 
fold command  to  write  the  marvels  of  the  aforesaid  peoples;  and  so, 
bound  by  obedience,  he  published  a  short  work  about  the  marvels 
of  the  unbelievers.  Coming  back  at  last  to  his  native  province  of 
St  Anthony  he  slept  in  the  Lord  at  Udine,  and  his  death  was 
glorious  in  the  sight  of  the  Lord.  After  death  this  saint  did  and 
still  does  many  signs,  on  account  of  which  he  was  canonized  in 
the  patriarchate  of  Aquileia.  This  Brother  Odoric  raised  from  the 
dead,  at  the  prayer  of  his  sister,  a  certain  Minor  Brother  who  had 
lain  six  days  in  the  tomb.  And  Brother  Henry  the  Minister  General 
saw  him  raised  up,  as  Master  Matthew  Bartoli  said."  ^) 

And  again:  "The  Custodia  of  Friuli  has  a  station  at  udine, 
in  which  lies  buried  Brother  Odoric,  canonized  for  his  virtues  in 
the  patriarchate  of  Aquileia,  who  visited  almost  the  whole  world 
preaching  and  teaching."  ^) 

Next  we  translate  an  interesting  passage  from  the  Chronicle  ol 
John  of  Viktring,  which  is  quoted  in  full  by  Cordier  (p.  vii),  but 
is  little  known  to  English  readers,  as  it  is  barely  mentioned  by  Yule. 
John's  Chronicle  extends  from  1211  to  1343,  and  is  therefore  the 
work  of  a  contemporary  of  Odoric,  and  although  this  passage  does 
not  come  in  what  seems  to  be  the  original  form  of  the  Chronicle, 
the  extended  form  in  which  this  and  other  additions  are  found  is 
only    carried    to    the   year    1347,    so   that   we   may    well  think  that 


1)  Or,  according  to  the  Âssisi  codex,  'as  be  himself  told  me  Master  Bartholomew  by 
word  of  mouth'.  Bartholomew  of  Pisa,  De  Conformilate,  in  Analecta  Franc.  IV,  p.  274. 
Bartholomew  of  Pisa  (i.  e.  Bartholoinaeus  de  Rinonico  de  Pisis)  is  not  to  be  confused,  as 
Yale  and  others  confuse  him,  with  his  earlier  contemporary  Bartholomaeas  domini  Âlbisi, 
also  of  Pisa,  who  died  c.  1360;  whereas  the  author  of  the  Be  Conformitate  is  first  heard 
of  in  1352  and  is  said  to  hare  died  in  1401,  having  finished  the  book  about  1390. 

2)  Ibid.  p.  525. 


A    LIFE    OF    ODORIC    OF    PORDENONE.  287 

the  notice  of  Odoric  is  written  by  a  contemporary.  This  extended 
Chronicle  was  printed  from  a  15th  century  MS,  under  the  title  of 
'Anonymi  Leobiensis  Chronicon'  by  Hier.  Pez  in  Scriptores  Rerum 
Austriacarum,  vol.  I,  1743,  where  this  passage  will  be  found  in 
col.  919,20.  Cordier  quotes  it,  and  it  is  here  translated,  from  the 
text  printed  by  J.  P.  Boehmer  in  Fontes  Rerum  Germajacarum, 
vol.  I,  1843,  p.  391.  Boehmer,  whose  text  differs  a  little  from 
that  of  Pez,  presumably  copied  the  additions  (which  he  prints  in 
footnotes)  from  the  same  Kloster-Neuburg  MS.  It  is  then  as 
follows  : 

"At  this  time  [i.  e.  in  the  days  of  Pagano,  Patriarch  of  Aquileia] 
a  Brother  of  the  Order  of  Minors,  named  Ulric,  of  the  descendants 
of  those  whom  King  Ottakar  had  once  placed  at  Pordenone  as  a 
guard,  who  had  gone  into  exile  for  a  long  time  for  the  propagation 
of  the  faith  in  the  lands  beyond  the  sea,  came  home  and  told 
wonderful  stories.  Amongst  the  rest,  when  some  of  his  companions 
had  been  burned  by  the  Saracens,  he  himself,  coming  to  collect 
their  bones,  is  caught  and  thrown  into  the  fire,  but  came  out  un- 
hurt. And  when  the  gentiles  were  praising  him  because  of  this, 
he  says  that  the  Lord  had  shown  this  miracle  not  for  hia  merits, 
but  for  the  virtue  of  the  bones  of  the  saints.  He  related  besides 
that  he  had  seen  in  a  monastery  a  man,  who  was  keeper  of  animals 
of  different  kinds,  sheep,  goats,  monkeys,  dogs,  and  such  like,  which 
at  a  fixed  time  he  drove  up  to  feed,  and  placed  before  them  rem- 
nants of  food  ;  and  said  that  they  were  (human)  souls,  but  had 
lived  like  these  animals,  and  so  were  changed  into  their  likeness. 
And  when  he  could  make  no  progress  against  this  belief,  although 
he  argued  in  the  catholic  way,  he  shook  off  the  dust  from  his  feet 
and  went  away,  leaving  the  error  in  minds  hardened  by  the  wiles 
of  the  devil.  He  died  at  üdine  in  Friuli,  famous  for  many  miracles. 
The  people  had  run  in  crowds  to  his  tomb." 


288  A.   C.   MOULE. 

Lastly  we  give  the  brief  notice  of  Odoric,  derived  probably  in 
part  from  the  Chronica  Generalium,  which  Marianus  of  Florence 
inserted  in  his  Compendium  Chi'onicarum  0.  F.  il/.,  c.  1525,  which 
was  first  printed  in  Archivum  Franciscanum  Historicum,  1908  —  11, 
and  issued  separately  in  1911.     It  is  as  follows: 

"Brother  Odoric  of  Friuli,  a  most  holy  man  and  bright  with 
miracles,  fell  asleep  in  the  Lord  on  the  14th  January  A.D.  1331. 
And  the  Patriarch  of  Aquileia  inscribed  him  on  the  roll  of  Saints 
in  his  own  patriarchate.  In  the  sixteen  years  for  which  he  stayed 
in  the  lands  of  the  south  and  east  he  saw  many  wonderful  things, 
and  baptized  twenty  thousand  unbelievers  and  subdued  them  to  the 
catholic  faith.  And  coming  back  thence  to  Italy,  he  wrote  by 
command  a  book  called   Concerning  the  wonders  of  the  WorldJ*^  ^) 

We  have  said  above  that  no  date  in  Odoric's  career  is  certain, 
except  the  date  of  his  death.  Two  modifications  of  this  statement 
should  be  made.  First,  it  is  not  open  to  doubt  that  his  book  was 
dictated  and  written  at  Padua  in  May,  1330.  Secondly,  there  is 
more  divergence  than  Yule,  Cordier,  or  Golubovich  would  lead  one 
to  suppose  with  regard  to  the  date  of  his  death.  Yule  {Cathay  II, 
p.  13)  says  "he  died  on  the  14th  January,  1331"  and  adds  in  a 
note:  "This  is  the  date  given  by  the  postscripts  to  Odoric's  narrative, 
and  all  the  subsequent  accounts."  In  the  postscripts  which  he  him- 
self prints  in  Latin  (pp.  276,  336)  and  English  (p.  275)  it  is 
"pridie  idus  Januarii"  or  the  12th  January!  Cordier  (p.  xxxi)  and 
Golubovich  (p.  22)  accept  the   14th  January,  1331,  without  remark. 

From  the  little  extracts  from  the  MSS  which  are  given  in  the 
Yule-Cordier  Bibliography  [Cathay  II,  pp.  39  —  74),  with  some  help 
from  other  pages,  it  is  possible  to  discover  the  date  given  in  the 
postscript  in  seventeen  cases,  with  the  following  result. 

One  MS  (14;  14th  cent.)  has  4  Jan.,  1330;  two  MSS  (16,  17; 


1)  Compendium  etc.,  Quaracchi,  191],  p.  71. 


A   LIFE    OF    ODORIC    OF    PORDENONE.  289 

?  and  15th  cent.)  have  14  Jan.,  1330;  three  (13;  14th  cent., 
47;  14th  cent,,  and  another  (p.  276))  have  12  Jan.,  1331;  two 
MSS  (33,  40;  14th  cent.)  supported  by  the  15th  cent,  notice  quoted 
above,  have  13  Jan.,  1331.  All  the  above  are  Latin.  The  date 
14  Jan.,  1331,  is  given  in  four  Latin  MSS  (2,  5,  18,  61)  of 
the  14th  cent,  and  one  (37)  of  the  17th  cent,  and  in  one  Italian 
MS  (58)  of  the  14th  cent,  and  two  (66,  67)  of  the  15th  or  16th 
centuries.  And  finally  one  French  MS  (69)  of  the  15th  century 
gives  14  Jan.,  1332.  None  of  these  postscripts  seem  to  name  the 
day  of  the  week  or  the  hour;  and  Wadding's  Monday  is  no  doubt 
derived  from  the  Life  which  is  translated  above.  In  1331,  the  14th 
January  fell  on  Monday,  a  fact  which  of  course  tends  to  confirm 
the  accepted  date.  Whether  the  variation  which  exists  between  the 
third  and  ninth  hour  can  be  in  any  way  due  to  the  correspondence 
of  the  "third  hour"  with  "9  o'clock"  I  do  not  know. 

Such  is  the  meagre  story  of  our  traveller.  From  boyish  asceticism 
and  the  life  of  a  hermit  in  the  greenwood  he  turned  about  the  year 
1314  or  1315,  with  one  of  those  sharp  changes  which  sometimes 
bisect  a  human  life,  to  spend  the  rest  of  his  time  wandering  through 
the  busiest  and  most  crowded  haunts  of  men.  Yule  is  perhaps  too 
quick  to  deny  him  the  spirit  and  intention  of  a  missionary.  His 
book  asserts  that  he  went  out  to  win  souls,  and  came  back  to 
collect  a  party  of  fifty  missionary  recruits  for  Cathay.  In  his  first 
seven  years  spent  in  Armenia  and  Persia  among  members  of  his 
own  Order  who  were  so  busy  with  daily  baptisms  and  confirmations 
that  they  had  no  time  for  meals  until  the  stars  came  out,  he 
probably  helped  in  the  work,  and  several  of  his  later  stories  allude 
to  preaching  or  to  baptism.  He  seems  to  have  reached  Thana  near 
Bombay  in  1321  or  1322  and  has  left  us  one  of  the  most  detailed 
stories  of  the  martyrdom  there,  on  their  way  to  China,  of  four  of 
his  Brothers.     An  old  document,  the  existence  and  nature  of  which 


290  A.    C.    MOULE.    A    LIFE    OF    ODORIC    OP    PORDENONE. 

have  not  been  verified,  asserts  that  he  visited  Lin-ch'ing  in  Shantung 
and  founded  a  Church  there  in  1326,  on  his  way  to  or  from  his 
two  or  three  years  stay  at  Peking  ^).  And  he  was  home  again  in 
Padua  in  May,  1330.  It  is  not  doubted  that  he  saw  most  of  the 
places  he  describes;  but  the  sources  of  his  information  are  perhaps 
less  certain.  He  has  some  stock  travellers'  tales  like  the  Old  Man 
of  the  Mountains.  In  his  notice  of  Causai  (Hang-chou  in  China) 
it  can  almost  be  demonstrated  that  he  merely  repeats  the  words 
of  his  hosts  and  guides.  Some  of  his  sentences  are  actual  trans- 
lations from  contemporary  guide  books,  still  extant,  which  no  doubt 
contain  the  sort  of  stories  which  would  be  told  to  visitors. 
Conspicuous  is  the  story  of  the  feeding  of  the  beasts  which  had 
human  faces  and  souls.  It  is  in  the  Chinese  books  and  it  is  still 
recorded  on  the  rocks;  but  it  was  the  performance  of  the  "Ape's 
Father",  a  particular  monk  who  died  eight  centuries  before  Odoric 
was  born.  Odoric  describes  the  place,  which  he  quite  probably  visited, 
and  the  way  there  by  water  quite  correctly,  but  I  doubt  if  he  saw 
the  show.  Marignolli,  twenty  years  later,  declares  that  he  experimented 
on  the  beasts  with  a  cross,  but  still  I  have  my  doubts.  The  Chinese 
books,  not  one  but  many  of  them,  are  resolutely  sure  that  the 
performance  took  place  once  and  long  ago  ^).  But  this  sort  of 
question  only  adds  to  the  interest  of  the  narrative. 

Born   in   the   quiet   country   of  Friuli,  the  traveller  returned  at 
last  from  the  ends  of  the  earth  to  die  there  in  peace. 


1)  Le  Miitioni  Francescane  in  Palestina  etc.  vol.  II,  fasc.  VIII,  31  Agosto,  1892, 
pp.  475 — 4SI.  The  document  is  said  to  be  in  tlie  archives  of  the  Franciscan  Mission  at 
Chi-nan.     I  owe  this  reference  to  Monsieur  Pelliot. 

2)  The  curions  version  of  the  story  given  by  John  of  Viktring  (p.  287  above)  suggests 
that  Odoric  may  bave  seen  sheep  and  goats  driven  up  to  feed,  and  at  the  same  time  heard 
the  story  of  the  apes,  and  perhaps  unconsciously  blended  the  two  into  one  tale  of  his  own 
experience. 


BULLETIN  CRITIQUE. 


*o-  ^XSXa — «♦-- 


Public  Debts  in  China.  By  Fbng-hua  Huang,  Ph.  D. 
New  York,  Columbia  University,  1919,  in-8,  pp.  105. 

Cet  ouvrage  qui  est  le  No.  2  du  Vol.  85  des  Studies  in  History, 
Economies  and  Public  Law  publiées  par  la  Faculté  des  Sciences 
politiques  de  Columbia  University  passe  en  revue  dans  sept  chapitres 
les  difiFérents  emprunts  contractés  par  la  Chiue:  I.  Emprunts  do- 
mestiques; II.  Indemnités  et  Emprunts  de  guerre;  III.  Emprunts 
de  chemin  de  fer;  IV — V.  Emprunts  généraux;  VI.  Emprunts  pro- 
vinciaux, domestiques  et  étrangers;  VII.  Conclusions  et  suggestions. 
Dans  des  appendices,  des  tableaux  récapitulent  ces  emprunts.  Il  eut 
été  préférable,  je  crois,  de  donner  une  liste  chronologique  de  ces 
emprunts  dont  le  premier,  dont  il  ne  parait  pas  être  question,  est 
celui  de  décembre  1874  au  capital  nominal  de  2.000.000  de  taels 
à  8  °/o  d'intérêt  annuel,  garanti  par  les  Douanes  maritimes,  rem- 
boursable en  dix  ans.  Je  ne  parle  pas  des  petites  sommes  prêtées 
en  1865-1866.  H.  C. 

T/ie  Foreign  Trade  of  China.  By  Chong  Su-see,  Ph.  D. 
Published  under  the  auspices  of  the  China  Society 
of  America.  New  York,  Columbia  University,  1919, 
in-8,  pp.  451. 

C'est  le  No.  199,  Vol.  87  des  Studies  de  Columbia  University. 
L'ouvrage   est   divisé   en    deux   parties;   les   Relations   commerciales 


292  BULLETIN   CRITIQUE. 

avant  1861;  les  Relations  commerciales  depuis  1861,  suivies  d'ap- 
pendices renfermant  d'utiles  statistiques  et  se  terminant  par  un 
index  alphabétique. 

L'ouvrage  est  écrit  surtout  d'après  des  sources  anglaises,  ce  qui 
est  assez  naturel  puisque  le  commerce  anglais  est  le  plus  important 
de  Chine,  mais  l'auteur  aurait  pu  glaner  dans  d'autres  livres  des 
renseignements  utiles.  J'ai  consacré  de  longs  travaux  aux  Marchands 
hamsfes  et  au  Consulat  de  France  à  Canton  que  M.-  Chong  ne  paraît 
pas  avoir  connus;  il  aurait  puisé  aussi  des  notes  nombreuses  dans 
Cathay  and  the  Way  thither^  seconde  édition,  qu'il  a  consultée  trop 
sommairement.  11  ne  paraît  pas  connaître  le  Commerce  du  Levant 
de  W.  Heyd.  C'est  moi  et  non  M.  Albert  Maybon  (p.  212)  qui 
ai  baptisé  les  «Cent  jours»  la  période  des  réformes  de  Kouang-siu. 
J'aurais  désiré  aussi  plus  de  sources  purement  chinoises.  Néanmoins, 
tel  qu'il  est,  ce  livre  est  intéressant  et  témoigne  d'un  travail 
consciencieux.  Beaucoup  des  titres  des  ouvrages  de  la  bibliographie 
ont  été  cités  de  seconde  main:  Breden  pour  Bredon  (p.  410); 
Grossier  pour  Grosier  (p.  412).  H.  C. 

Modem  China  A  Political  Study  by  Sih-Güng  Cheng,  M.  A., 
....  Oxford,  at  the  Clarendon  Press,  1919,  in-8, 
pp.  VII- 380. 

L'intérêt  de  ce  petit  volume  est  de  nous  présenter  au  point  de 
vue  chinois  les  problèmes  que  soulève  la  situation  compliquée 
de  l'heure  actuelle.  La  partie  qui  sollicitera  plus  particulièrement 
l'attention  du  lecteur  est  celle  qui  traite  des  Nouveaux  Problèmes 
depuis  la  guerre  et  spécialement  de  l'affaire  de  Kiao  Tcheou. 
A  la  fia  du  livre  ou  trouvera  un  certain  nombre  de  documents 
officiels  des  dernières  années.  L'auteur  a  raison  (pp.  305  seq.)  de 
marquer  le  réveil  du  patriotisme  chinois  dans  les  dernières  années 
et  il  rend  justice  au  désintéressement  des  Etats-Unis,  de  la  Grande 


BULLETIN   CRITIQUE.  293 

Bretagne  et  de  la  France.  Il  n'a  pas  tort  de  manquer  de  confiance 
à  l'égard  du  Japon.  H.  C. 

The  Tsokiang  ;  or  Water  Transport  Conditions  between 
Tonkin,  Lungchow,  and  Nanning.  Shanghai,  Maritime 
Customs,  1920,  in-4,  pp.  23,  carte. 

Le  Tso  Kiang  ^  J^X  O"  Rivière  de  Gauche  est  formé  du 
Soung  ki  kiang  ;^  "^  ^Xi  appelé  aussi  Soung  ki  koung  et  rivière 
de  Lang  So'n  et  de  la  rivière  de  Kao  P'ing  ^  ^  ^pj ,  appelé  par 
les  Annamites  Soung  Bang  Giang,  qui  descend  de  Caobang;  au 
confluent  des  deux  rivières  est  bâti  Loung  Tcheou  ^||  j^ .  Le 
Soung  ki  kiang  nait  près  de  la  frontière  du  Tong  King  et  du 
Kouang  Tüuug,  près  du  poste  de  Baxa;  la  rivière  de  Caobang  ou 
en  chinois  Mumaho  (Muma,  nom  chinois  de  Caobang)  d^  j^  ^p]', 
prend  naissance  au  Yun  Nan  et  pénètre  au  Tong  King  près  de 
Bingmang  et  rentre  en  Chine  à  Chouei  k'eou  (Shui  k'ou  ;^  P  ) 
pour  descendre  à  Loung  Tcheou. 

Le  Tso  Kiang  se  termine  à  San  kiang  k'eou,  ^  )^  P  ,  30 
railles  au-dessus  de  Nan  Ning,  après  sa  jonction  avec  le  Yeou  Kiang 
^  J^X  ou  rivière  de  droite;  sa  longueur  de  Loung  Tcheou  à  San 
Kiang  K'eou  est  de  183  milles;  la  distance  par  eau  entre  Loung 
Tcheou  et  Nan  Ning  est  de  213  milles.  Le  principal  affluent  du 
Tso  Kiang  est  le  Ning  Ming  Ho  ^  B^  ifpj*  ou  Ming  Kiang  ÇÇ  Ü1  î 
les  deux  autres  affluents  sont  le  flei  chouei  ho  ^  y^  jp^  à  gauche 
et  le  Houa  Ho  1^  J^pJ"  à  droite. 

Cette  étude  qui  forme  le  No.  33  de  la  «Special  Series»  des 
publications  des  Douanes  maritimes  est  due  à  M,  Pierre  Boüinais, 
Acting  Commissioner  à  Loung  Tcheou.  H.  C. 


294  BULLETIN   CRITIQUE. 

Louis  FiNOT,  La  Marche  à  la  Lumière  (Bodkicaryävalära) 
[Les  classiques  de  l'Orient],  Paris,  Bossard,  1920,  ia-8°, 
166  pages  +  1  f.  n.  eh.,  ill.,  28  fr. 

La  collection  des  Classiques  de  V Orient,  entreprise  par  l'éditeur 
Bossard  sous  le  patronage  de  l'Association  française  des  Amis  de 
l'Orient  et  sous  la  direction  de  M.  Victor  Goloubew,  a  pour  but  de 
mettre  entre  les  mains  du  public  lettré  des  traductions  fidèles,  mais 
facilement  lisibles,  d'œuvres  caractéristiques  de  l'Orient.  Elle  a  dé- 
buté par  un  épisode  fameux  du  Rämäyana,  La  légende  de  Nala  et 
Damayanti ,  traduite  par  M.  S.  Levi,  et  doit  successivement  donner 
des  No  traduits  par  M.  N.  Péri,  Trois  drames  tibétains  traduits  par 
M.  Bacot,  Les  Questions  du  roi  Ménandre  traduites  par  M.  Pinot  ; 
l'intérêt  des  œuvres  et  les  noms  des  traducteurs  fout  bien  augurer 
de  l'avenir  de  l'entreprise. 

Le  Bodhicaryävatära  de  Çântideva,  qui  est  sans  doute  du  milieu 
du  VIP  siècle,  méritait  de  figurer  dans  cette  série.  Dès  la  première 
publication  du  texte  sanscrit  par  Miuayev  en  1890,  M.  Barth,  avec 
son  jugement  si  sûr  des  choses  de  l'Inde,  avait  proclamé  que  c'était 
là  «une  très  belle  œuvre,  une  sorte  de  pendant  bouddhique  de 
V Imitation*.  Depuis  lors  on  a  eu  une  traduction  française  de 
M.  de  La  Vallée  Poussin  et  une  traduction  anglaise  abrégée  de 
M.  Barnktt.  La  nouvelle  version  française  de  M.  Finot,  d'une 
élégante  sobriété  et  enrichie  des  gravures  sur  bois  de  Mlle  H.  Tirman, 
rencontrera  certainement  le  meilleur  accueil. 

Ce  poème,  qui  n'a  pas  1000  vers,  a  d'ailleurs  joui  dans  le 
monde  bouddhique  d'une  grande  popularité,  qui  lui  a  valu  d'exister 
en  plusieurs  recensions.  Bien  que  nous  ue  possédions  que  l'une 
d'elles  en  sanscrit,  et  que  la  traduction  tibétaine,  qu'on  place  dans 
la  première  moitié  du  XI®  siècle,  réponde  au  texte  sanscrit  que 
nous   avous,   la   version   chinoise  de  circa  1000  A.D.  n'est  qu'en  8 


BULLETIN   CRITIQUE.  295 

sections  au  lieu  de  10,  et  l'ordre  et  le  contenu  des  sections  sont 
sensiblement  différents  ^).  En  fait,  l'historien  tibétain  du  bouddhisme, 
Târanâtha,  parle  de  trois  recensions  du  Bodhicaryävatära.  une  seule 
est  incorporée  au  Tanjur,  mais  elle  y  est  accompagnée  de  12  com- 
mentaires, tous  traduits  du  sanscrit  en  tibétain  ^).  Les  Tibétains 
firent  même  connaître  le  Bodhicaryävatära  aux  Mongols,  et  la  version 
mongole,  qui  date  peut-être  du  début  du  XIV®  siècle,  a  dû  encore 
être  revue  par  des  lamas  de  Pékin  au  XVIII®  siècle  ^). 

P.  Pblliot. 

La  Chine  à  travers  les  Ages  hommes  et  choses  —  Précis  — 
Index  biographique  —  Index  bibliographique.  1920,  in-8, 
pp.  547.  [Imprimerie  de  Hien  Hien]. 

Ce  livre  termine  la  série  des  grands  ouvrages  désirés  par  les 
T.  R.  P.  L.  Martin  et  F.  X.  Wernz,  Généraux  de  la  Compagnie 
de  Jésus,  et  demandés  au  P.  L.  Wieger  par  le  P.  Emile  Becker, 
Supérieur  de  la  Mission  du  Tche  Li  S.E.,  mort  le  28  avril  1918, 
auquel  l'ouvrage  est  dédié. 

La  Préface  nous  indique  le  but  de  l'ouvrage.  Il  résume  et  com- 
plète, dit  le  P.  Wieger,  mon  Histoire  politique  de  la  Chine  (Textes 
historiques),  et  mon  Histoire  des  Croyances  religieuses  et  des 
Opinions  philosophiques  en  Chine.  . .  Il  se  compose  de  trois  parties: 
Un   précis.  Un  index  biographique.  Un  index  bibliographique. 


1)  M.  S.  Levi  a  donné  quelques  indications  à  ce  sujet  dans  B.E.F.E.-O.,  II,  253 — 55. 
Il  y  a  en  outre  entre  le  chinois  et  le  sanscrit  des  différences  de  détail  qui  semblent  indiquer 
parfois  des  variantes  de  texte. 

2)  Cf.  P.  Cordier,  Catal.  du  fonds  tibétain,  III,  pp.  306—310,  498,  526.  M.  Finot 
dit  que  la  traduction  tibétaine  est  de  la  première  moitié  du  Xl°  siècle;  c'est  possible,  mais 
le  passage  de  Bendall  anqucl  il  renvoie  n'en  dit  rien. 

3)  Cf.  B.  Laufer,  Skizze  der  mongolischen  Literatur  (dans  Keleti  Szemle,  t.  VIII), 
p.  217.  En  outre,  s'il  y  a  eu  une  traduction  mongole  complète  du  71()!«;W,  comme  je  le  crois 
(cf.  à  ce  sujet  J.  A.,  1914,  II,  112 — 113),  tons  les  commentaires  du  Bodhicaryävatära 
déjà  traduits  du  sanscrit  en  tibétain  ont  dû  être  alors  retraduits  du  tibétain  en  mongol. 


296  BULLETIN   CRITIQUE. 

«Le  Précis  expose  succinctement  la  suite  des  événements  arrivés 
en  Ciiine  au  cours  des  âges,  depuis  le  commencement  de  son  histoire 
jusqu'en  1911,  mettant  le  lecteur  à  même  de  situer  dans  leur  cadre 
les  hommes  et  les  choses. 

«L'Index  biographique  contient  plus  de  quatre  mille  notices. 

«L'Index  bibliographique  contient  un  millier  de  fiches». 

C'est  comme  on  le  voit,  tout  en  complétant  les  ouvrages  du 
P.  Wieger,  un  immense  répertoire  qu'on  peut  consulter  isolément. 
L'index  biographique,  noms  en  transcription  avec  les  caractères  chinois, 
me  parait  particulièrement  précieux.  L'index  bibliographique  sera  un 
supplément  aux  Notes  on   Chinese  Literature  de  Wylee. 

Nous  félicitons  le  P.  Wieger  sur  l'achèvement  de  la  tâche  qu'il 
s'était  imposée,  mais  nous  comptons  bien  qu'il  se  remettra  au  travail 
après  un  repos  bien  gagné.  H.  C. 


BIBLIOGRAPHIE. 


LIVRES  NOUVEAUX. 

S.  E.  ^  j^  ^  Siu  Che-tch'ang,  Président  de  la  République 
chinoise,  vient  de  publier  un  ouvrage  ^  |^  ^  -^  ^  H  Ngeon 
tchan  heou  tche  tchong  kouo  («La  Chine  après  la  guerre  européenne»), 
1920,  in-8,  imprimé  au  pj^  ^  ^  M  Tchong-houa-chou-kiu,  2  +  4 
-f- 138  pages, 

A  la  librairie  Bossard  et  sous  le  patronage  de  l'Association 
française  des  Amis  de  l'Orient,  a  paru  un  opuscule  Art  et  analomie 
hindous^  par  Abanindra  Nath  Tagore,  1921,  55  pages  in-16,  illustré, 
traduit  de  l'anglais  par  M"®  Andrée  Karpelés,  avec  préface  de  Victor 
Goloubew.  C'est  une  étude  sur  les  règles  qui  président  dans  l'art 
hindou  à  la  représentation  du  corps  humain. 

Nous  avons  reçu  des  Douanes  Maritimes  Chinoises:  Retrirm 
of  Trade  and  Trade  Reports,  1919.  —  Part  II.  —  Fort  Trade 
Statistics  and  Reports.  —  Vol.  II.  —  Yangtze  Ports  (Chungking  to 
Chinkiang).  —  Vol.  III.  —  Central  Ports  (Shanghaï  to  Wenchow). 
—  Vol.  IV.  —  Southern  Coast  Ports  (Santuao  to  Pakhoi).  —  Vol.  V.  — 
Frontier  Forts  (Lungchow  to  Tengyueh). 

La  Direction  générale  des  Postes  chinoises  nous  a  remis 
son  premier  Rapport  sur  les  Opérations  de  la  Caisse  d"" Epargne 
postale  pour  Vannée  1919. 


298  BIBLIOGRAPHIE. 

Deux  fascicules  ont  paru  de  la  Collection  Paul  Mallon;  le 
premier  par  M.  Gabriel  Migeon;  le  second  par  MM.  Gabriel  Migeon, 
Alexandre  Moret  et  Maurice  Pezard;  les  planches  sont  d'une 
exécution  remarquable.  i 

Nous  ne  faisons  que  signaler  aujourd'hui  chez  Paul  Gkuthner  — 
nous  y  reviendrons  plus  tard  —  l'apparition  de  quatre  fascicules  des 
planches  que  M.  Paul  Pklliot  a  consacrées  à  la  description  des 
fameuses  grottes  de  Touen  Houang. 


NECROLOGIE. 


JULES  HARMAND. 

François  Jules  H  arm  and  qui  vient  de  mourir  (janvier  1921)  chez  sa  fille 
à  Poitiers,  et  était  né  à  Saumur  le  23  octobre  1845,  avait  commencé  sa  carrière 
comme  médecin  militaire;  élève  du  service  de  santé  militaire,  29  oct.  1863; 
aide-médecin,  20  oct.  1866,  médecin  auxiliaire  de  seconde  classe,  3  août  1870, 
il  fut  un  des  compagnons  de  Francis  Garnier  lors  de  la  mémorable  conquête 
du  Delta  du  Tong  King  en  1873.  Médecin  de  2'  classe,  4  nov.  1874,  il  fut 
chargé  d'une  mission  scientifique  en  Indochine,  1875 — 1877  •).  Conservateur- 
adjoint  de  l'Exposition  des  Colonies,  il  fut  nommé  consul  de  seconde  classe  à 
Bangkok,  le  7  octob  e  1881.  A  la  suite  de  la  mort  du  Commandant  Rivière 
le  19  mai  18S3,  Harmand  fut  nommé  Commissaire  général  du  Gouvernement 
au  Tong  King,  le  7  juin  1883,  après  la  prise  des  forts  de  Thuan-an,  il  imposa 
au  Gouvernement  annamite  le  traité  signé  à  Hué  le  25  août  1883  qui  recon- 
naissait notre  protectorat.  Nommé  Consul  général,  4  août  1884;  à  Calcutta, 
20  juin  4885;  ministre  plénipotentiaire  de  2°  cla.sse,  hors  cadres,  chargé  du 
Consulat  général,  31  déc.  1887;  gérant  de  la  légation  de  Santiago,  26  juillet 
1890 — 26  déc.  1890,  il  fut  enfin  nommé  envoyé  extraordinaire  et  ministre 
plénipotentiaire  à  Tokyo,  le  19  avril  -1894.  Il  était  en  fonctions  lors  de  la 
guerre  entre  la  Chine  et  le  Japon,  et  il  eut  à  conduire  avec  ses  collègues 
d'Allemagne  et  de  Russie  les  négociations  qui  amenèrent  la  restitution  du  Leao 
Tonng  à  la  Chine.  Il  a  pris  sa  retraite  en  1906,  comme  ambassadeur  honoraire. 
Le  D'  Harmand  a  été  inhumé  à  Versailles  le  19  janvier  1921.  En  même  temps 
qu'un  savant  distingué,  il  a  été  un  des  plus  remarquables  agents  de  la  Finance 
dans  l'Extrême-Orient.  H.  C. 


1)  Les  cinq  voyages  du  Docteur  Harmand  en  Indo-Chine  1875 — 1877.  Par  E.  Génin. 
(Bul.  Soc.   Géog.  du  VEst,  II,  1880,  pp.  272—281). 


CHRONIQUE. 


^  I 


FRANCE. 

M.  Henri  Maspero  a  ouvert  le  mardi  26  janvier  1921  au  Collège  de  France 
le  cours  de  langue  chinoise  en  faisant  l'éloge  de  son  regretté  prédécesseur 
Edouard  Chavannes.  Le  niardi  matin,  il  traitera  des  Eléments  de  la  formation 
primitive  de  la  Chine;  le  vendredi  matin  il  (eva  une  Etude  critique  de  quelques 
textes  historiques  de  V époque  des  Tcheou. 

Dans  sa  séance  du  vendredi  28  janvier  1921,  l'Académie  des  Inscriptions 
et  Belles-Lettres  a  décerné  le  prix  Stanislas  Julien  à  la  traduction  par  Raphaël 
Petrucci  de  l'Encyclopédie  de  la  Peinture  Kia-tseu-yuan  Houa  Tchouan. 


A  SMALL  CONTRIBUTION  TO  THE  STUDY 
OF  THE  BIBLIOGRAPHY  OF  ODORIG 

BY 

A.  C.  MOULE. 

..qps.. 

Through  the  great  kindness  of  the  respective  Librarians,  Sir 
GeofiFrey  Butler  and  the  Reverend  G.  A.  Schneide«,  I  have  lately 
been  able  to  look  at  the  manuscripts  of  Odoric  which  are  kept  in 
the  libraries  of  Corpus  Christi  College  and  Gonville  and  Caius 
College  at  Cambridge.  In  the  Yule-Cordier  bibliography  in  Cathay 
and  the  Way  thither^  vol.  II,  1913,  the  C.C.C.  manuscripts  are 
numbered  1.  and  2.,  their  library  marks  being  275  and  407 
respectively;  and  the  Caius  College  manuscript  is  numbered  3., 
and  has  the  marks  83  :  162.  All  three  are  mentioned  by  Cordier 
in  his  great  French  edition  {Les  Voyages  en  Asie  etc.,  1891);  and 
two  of  them  by  Golubovioh  in  Archivum  Franciscanum  Hist.,  X, 
p.  25  ;  and  by  earlier  editors  of  Odoric  ^). 


1)  Cf.  G.  Venni,  Elo^io  siorico  Sec.,  1761,  p.  40:  "Due  altri  rsemplari . . .  cmtoditi 
in  Cambridge  in  Inghilterra  nel  Collegio  di  San  Benedetto,  e  nella  Libreria  del  Barone 
Lumley"  and  Domenichelli,  Sopra  la  via  &c.,  1881,p.  362  :  "7.  Cambridge — Bibliotcca  del 
Collegio  del  Corpus  Christi...  Man.  num.  407...  Porta  la  data  dell'  anno  1448  [!]... 
8.  Cambridge  —  Collegio  Gonville  e  Caius.  Numero  162." 

Cordier,  for  some  reason,  has  not  repeated  in  Cathay  Ihe  more  detailed  information 
about  the  date  of  the  C.C.C.  MS.  407  which  he  gave,  on  the  authority  of  H.  Bradshaw 
and  S    S.  Lewis,  în   1891. 

21 


302  A.    C.    MOULE. 

I.  No.  407  is  described  in  Cathay  IT,  p.  40  as  "end  of  xivth 
cent."  This  date,  derived  I  think  from  Nasmith's  Catalogue  ^),  is 
repeated  by  Cordier  and  Golubovich,  while  Bkazley  says  it  is  "of 
the  earliest  XVth  century"  ^).  The  well  known  modern  catalogue 
by  M.  R.  James,  now  Provost  of  Eton,  omits  "end  of",  and  remarks 
that  the  book  formerly  belonged  to  Simon,  Prior  of  Norwich, 
1344—1352.  This  is  the  case.  At  the  top  of  the  first  page  is 
clearly  written,  liber  fratris  symonis  Prioris  Norwicensis.  or  A  hook 
of  hrotJier  Symoi),  Prior  of  Norwich.  Not  only  so,  but  the  volume 
appears  in  a  contemporary  list  of  Symon's  books:  Libri  fratris 
Symonis  Bozouu [26.]  Liber  itinerariorum  precij  -xl-^.  ^) 


])  J.  Nasmith,  Cat.  Lier.  Man.  quos  C.C.C.  et  B.M.V.  in  Ac.  Cantab,  kgavit  etc. 
n??.  I'P-  384,  885:  CCCCVII.  Codex  membranaceus  in  8'°,  exeunte  seculo  xiv  icripius, 
in  quo  continentur,  1.  Kinerarium  fratrum  Symonis  Seraeonis  et  Hugonis  illnminatoris, 
ordiois  fratrum  niinorum  professoriim  ad  tcrram  sanctam  A.D.  1822.  2.  [William  of  Ilu- 
bruquis.]  3.  Itinerarium  fratris  Odorici  ordinis  fratrum  rainorom  de  mirabilibus  orientalium 

Tartarorum The  earlier  Catalogue  by  Stanley  gives  no  date  or  description,  but  may 

be  quoted:  Cat.  Lib.  Man.  in  Bib.  Coll.  C.  C.  in  Cantab.,  1722,  p.  21:  6.  VI.  1.  Iter 
Fratris  Symonis  Prioris  Norwic.  ab  Hibernia  per  Angliam,  Franciam,  Italiaro,  JEgypturo, 
Babylonian!,  ïerram  Sanctam,  &c.  2.  [William  of  Kubruquis.]  3.  Itinerarium  Fr.  Orderici 
Ordinis  Minornm,  de  mirabilibus  orientalium  Tartarorum.  lile  obiil  an.  1331.  This  vo- 
lume is  No.  72  in  T.  James  Ecloga  Oxonio-Cantab.,  16C0,  p.  76,  and  No.  1349.72.  in 
Cat.  Lib.  MSS.  Ângliœ,  1697.  p.  134. 

For  Symon  Scmeonis,  a  different  man  from  Symon,  Prior  of  Norwich,  with  whom 
Stanley  confuses  him,  see  Golubovich,  Itinerarium  Fratrum  Simonis  etc.,  Florence,  1918. 

2)  C.  R.  Beazley,  John  de  Piano  Carpini  etc.,  1903,  p.  xviii:  "no.  407  in  the  Corpus 
collection.  It  is  of  the  earliest  XVth  century,  is  written  in  a  small,  close,  and  diflicult 
late-mediœval  hand,  abounding  in  abbreviations."  The  writing  of  the  first  three  pieces  in 
the  volnme  is  in  one  hand  and  of  nearly  the  same  date.  Mr  Beazley's  experience  of 
meditcval  MSS.  must  have  been  fortunate,  if  he  calls  this  writing  difficult. 

3)  Giraldus  Cambrensis  (Rolls  ed.)  vol.  V,  Pref.  p.  ixxix.  Referring  to  the  British 
Museum  Royal  MS.  14  (>.  ziii,  the  editor  writes:  "On  the  top  margin  of  f.  14,  before 
the  begiuning  of  the  Polychronicon,  is  a  note  stating  that  this  volume  belonged  to  Simcn 
Bozoun,  prior  of  Norwich;  and  on  the  opposite  page,  f.  13^,  is  a  catalogue  of  his  library, 

consisting   of  thirty-one  volumes,   with  their  prices  affixed Accordingly  this  volnme 

must  have  been  written  somewhere  between  1327,  when  the  Poly cIiro7ii con  ends,  and  1352, 
when  Simon  Bozoun  ceesed  to  be  prior.  Had  its  date  not  have  been  thus  certainly  fixed, 
I  should  have  placed  it  as  a  manuscript  of  tome  lifiy  years  later  date."  This  last  sentence 
is    interesting    in    connexion    with   the   later   date   which    has    been   ascribed    to   No.  407. 


THE   BIBLIOGRAPHY    OF    ODORIC.  303 

Dugdalk's  Monasticon,  vol.  IV,  1823,  p.  7,  has  this  entry:  "Simon 
BozouN,  or  BoHON,  was  confirmed  prior  Aug.  25th,  1344,  and  in- 
stalled Aug.  27th.  He  resigned  in  April,  1352."  The  book  belonged 
therefore  to  a  Prior  of  Norwich  before  April,  1352,  and  takes  its 
place  among  the  early  MSS.  of  Odoric,  written  probably  within 
twenty  years  of  the  author's  death. 

At  the  end  of  the  notice  of  Odoric  in  this  No.  407,  M.  R.  James' 
Catalogue  says  "Printed  Acta  SS.  1  Jan.,  p.  986."  This  might  be 
misleading.  The  text  of  407  is  quite  unlike  that  in  the  Acta  Sanctorum 
(Ist  ed.,  Jan.  I.,  (14  Jan.)  pp.  9806-992;  new  ed.,  Jan.  II.,  (14 
Jan.)  pp.  268/;  — 274X  as  will  be  seen  by  the  following  example, 
the  date  of  Odoric's  death.     No.  407,  fol.  90  v»,  91  r»  has:  Anno 

igitur  (?)  domini    m^.  CCC™°.  xxxj^ Cumque  esset  in  Counentu 

accepta   comraunione   ipsoque   ad   dominum    disponente  eciam 

corpore  existens  incolumis;  in  domino  requieuit Anno  domini 

m*'.  ccc™°.  xxxj^.  xiiij.  die  meusis  Januarij  obiit  in  xpisto  beatus 
Odoricus  ordinis  fratrum  minorura.  The  Acta  SS.,  p.  992,  has: 
anno  Dominicae  Incarnatiouis  MCCCXXXI  postridie  Idus  lanuarij 
de  huius  mundi  naufragio  transiit  in  gloriam  Beatorum.  And  it 
seems  to  be  worth  while  to  draw  attention  to  this,  as  in  the  case 
of  another  MS.  a  similar  remark  seems  actually  to  have  led  editors 
astray.  In  the  Bibliography  in  Cathay  II,  p.  53,  is  a  Latin  MS. 
numbered  "39—39-5—  Saint-Omer,  Library,  No.  737."  of  which 
CoRDiER  writes  "This  itinerary  of  Odoric  has  been  published  by  the 
Bollandists.  v.  Acta  Sanctorum,  Januar.,  t.  I,  p.  986,  col.  2."  In 
his  French  edition  Cobdier  says  the  same,  in  the  form  of  a  quotation 
from  Cat.  des  Ms.  des  Bib.  des  Dép.     Golubovich  {op.  cit.,  pp.  28,  33) 


Which  of  the  Prior's  31  books  was  the  volume  in  which  the  list  occurs  is  not  stated, 
but  I  know  no  reason  to  doubt  the  Provost  of  Eton's  identification  of  Liber  itinvrariorum 
with  No.  407  rather  than  with  the  Museum  MS.  No.  407  has  also  on  fol.  I  r°  the 
marks  S.  xxiij.  (?  15th  century)  and  G.  6.  (?  18th  century).  For  a  further  account  of 
lloyal  MS.  14  C.  liii.  and  its  relation  to  No.  407,  see  pp.  309—311  below. 


304  A.   C.    MOULE. 

repeats  the  same  in  Italian  (E  questo  il  codice  di  cui  si  servirouo 
i  BoLLANOiSTi),  copying  probably  from  Cordier,  and  also  classifies 
the  Saint-Omer  MS.  as  containing  the  recension  of  Henry  of  Glatz, 
while  both  the  C.C.C.  MSS.  (275  and  407)  are  said  to  have  the 
William  of  Solagna  text.  The  Acfa  SS.  has  in  fact  the  text  ol 
Henry  of  Glatz.  But,  strangely  enough,  the  beginning  and  end 
of  the  Saint-Omer  MS.  ^)  are  not  only  verbally  but  almost  literally 
identical  with  the  beginning  and  end  of  407,  and  quite  unlike  the 
beginning  and  end  of  the  text  in  Ada  Sanctorum.  How  is  it  that 
each  of  these  two  MSS.  in  turn  has  been  said  to  be  the  original 
of  the  Bollandist  text?  Most  probably  the  a43thor  of  the  Catalogue 
of  the  Saint-Omer  MSS.  in  1861,  and  the  Provost  of  Eton  more 
recently,  meant  nothing  more  than  that  Odoric  would  be  found 
printed  in  the  Ada  SS.,  without  intending  it  to  be  understood  that 
the  particular  MSS.  with  which  they  were  respectively  dealing  had 
been  reproduced  there  ^). 

We  may  conclude  then  with  regard  to  the  Corpus  Christi  College 
MS.  407  (1)  that  it  was  written  between  January,  1331,  and  April, 
1352,  and  (2)  that  it  is  not  printed  in  the  Acta  Sanctorum.  It  is, 
as  will  bo  seen  later,  a  good  example  of  the  text  printed  by  Hakluyt. 
And  it  seems  also  to  be  open  to  question,  until  more  evidence  is 
available,  whether  the  Saint-Omer  MS.  737  really  contains  tho  text 
of  Henry  of  Glatz,  or  is  printed  in  the  Acta  Sanctorum. 

1)  Cai.  gén.  des  MSS.  des  Bib.  publ.  des  Dép ,  III,  1861,  pp.  328,  329:  "737.  In- 
folio  sur  papier.  —  Incipit  Itinerariam  fratris  Oderici,  ordinis  fratriiin  Minoram,  de 
Mirabilibus  orienlalium  Tartarorum.  "Licet  multa  et  varia  de  ritibus  et  conditionibus, 
etc."  —  Desinit:  "Innumerabilia  et  mihi  difficilia  ad  scribendum."  —  XV'=  SIÈCLE. 
Abbaye  de  Saint-Bertin.  —  Cahier  de  18  feuillets  en  mauvais  état,  mouillé,  écrit  en  gothique 
mixte,  ...  [written  by  'ego  Michael  de  Lira  scriptor'  at  Mechlin,  21  Feb,  1448.]  Cet 
Itinéraire  d'Oderic  a  été  publié  par  les  BoUandistes.  (Voy.  Jeta  Sanctorum,  Januar,  t.  I, 
p.  936,  col.  2.)" 

Another  MS.  which,  to  judge  from  the  extracts  given  in  Cathay  II,  pp.  52,  53,  must 
be  very  much  like  407,  is  «37 — 87— 3— Paris,  Bib.  Nat.,  Bupuy  Collection  No.  686," 

2)  The  Prorost  assures  me  that  this  is  the  case,  as  far  as  he  is  concerned. 


THE   BIBLIOGRA.PHY   OF    ODORIC.  305 

II.  No.  275.  Here  agaia  there  is  a  question  of  date.  Cohdieii 
writes  {Cathay  II,  p.  40)  of  this  MS.:  "The  present  MS.  is  probably 
one  to  which  Yule  refers,  p.  30,  No.  4,  iu  these  words:  'Asquini 
in  his  life  of  Odoric  says  that  the  old  MS.  . . .  was  sold  in  his  own 
day  to  an  English  gentleman  . .  .  and  he  understood  that  it  was 
preserved  in  St  Benet's  College  [i.  e.  Corpus  Christi  College],  Cam- 
bridge. The  MS.  in  question,  however,  only  dated  from  1448  (see 
Venni,  p.  38).'  "  This  probability  is  accepted  as  fact  by  Golubovich, 
who  infers  that  275  is  the  copy  made  in  1448  by  Alberto  di  Udine 
from  an  old  codex  which  he  (Golubovich)  assumes  to  have  been  the 
autograph  of  William  of  Solagna  and  believes  now  to  be  at  Assisi 
(MS.  343).  But  both  Cordier  and  Golubovich  should  have  reflected 
that  Asquini's  Life  of  Odoric  was  published  in  1737,  and  that  a 
book  written  at  Udine  in  1448  and  sold  in  Italy  iu  Asquini's  "own 
day"  could  not  be  275,  which  "is  No.  21  of  the  collection  of  books 
left  to  Corpus  Christi  College  by  Thomas  Markaunt,  of  Cambridge, 
in  1439."  {Cathay  II,  p.  39).  The  College  possesses  a  precious 
volume  (MS.  No.  232)  which  contains  (1)  the  will  of  Thomas  Mar- 
kaunt, dated  4  November,  1439;  (2)  the  formal  acceptance  of  the 
bequest  of  books  by  the  Master  and  Fellows,  dated  1  August,  1440; 

(3)  a  list  of  the  7G  volumes  bequeathed,  with  the  contents  of  each; 

(4)  a  second   list   of  the   same   books,    arranged   according  to  their 
subjects,    with   the   price   of  each,  i)     The  entry  relating  to  275  is 

1)  The  following  are  extracts  from  these  four  sections: —  Fol.  1  r°:  In  dei  nomine 
Amen.  Ego  Thoraas  markaunt  Clericus  de  villa  Cantabriggie  Eliensis  Diocesis  compos 
mentis  et  bone  memorie  existens.  Die  quarto  mensis  Nouembris  Anno  Domini  millesimo 
•CCCC""".  tricesimo  nono;  Condo  testamentum  meum  in  hunc  modum.  In  primia  lego  ani- 
mam  meam  Deo  omnipotenti  Beate  marie  Virgini  et  omnibus  Sanctis  corpusque  meum 
ecclesiastice  sepulture.  Item  lego  omnes  libros  meos  Collegio  corporis  xpisti  et  sancte 
Marie  Cantabriggie  predicte.  sub  ista  condicione  videlicet  quod  ponentur  et  custodiantur 
in  quadam  cista  seu  cistis  infra  dictum  Collegio  deputata  vel  deputatis  secundum  modum 
el  formam  cistarum  de  Gotham  &  lynk  ad  vsum  dumtaxat  sociorum  Collegii  supradicti..  . . 
Insuper  volo  quod  socij  Collegii  corporis  xpisti  &  sancte  marie  predict!  ;  sub  tali  modifi- 
cacione    ante    dictos   libros   possideant.    quod   orent   pro   anima    mea  &  animabus  parentum 


306  A.    C,    MOULE. 

on  fol.  5  v°,  6  r"  as  follows:  "^Liber  diuersorum  tractatuum.  De 
oracione  dorainica.  De  officio  misse  et  régula  fratrom  minorum  De 
vita  prothoplasti  Epistola  Methodij  de  inicio  et  progressa  mundi  et 
tie  die  iudieij  De  speculo  mundi  Purgatorium  sancti  patricij.  Item 
oracio  eiusdem.  Itinerarium  domini  Johannis  Maundeuyle  militis 
Tractatus  de  presbitero  Johanne  Itinerarium  fratris  Odorici  ordinis 
fratrum  minorum  Tractatus  francisci  petrarche  De  Waltero  Mar- 
thione  et  Grisilda  vxore  eius.  De  tribus  magis  Regibus  De  secundo 
philosopho.  De  vita  et  passione  Sancte  Thome.  De  sarasenis  et 
eorum  obseruacionibus  De  Machameto  et  eins  legibus  Cuius  secun- 
dum folium  iucipit  171  enigmale.  et  penultimum  folium  incipit  iudieij 
Machameto.  21."  In  Ecloga  Oxonio-Cantab.,  Liber  Secundus,  1600, 
p.  70,  this  volume  is:  4.  1.  Tractatus  de  oratione  domiuica.  2.... 
11.  Itinerarium  Fratris  Odorici,  ordinis  Fratrom  minorum.;  and  in 
Cat.  Lib.  MSS.  Ang.,   1697,   p.  131,  it  is  No.  1280.  4.     Stanley, 

Catal,  1722,  p.  2,  has:  A.  IV [fol.]  149.  Itinerarium  Fratris 

Oderici  Minoritse  de  Mirabilibus  Orientalium  Tartarorum.;  and  Na- 
smith,   CataL,   1777,  p.  316:  CCLXXV.  Codex  memhranaoeus  in  folio 

minor,   seeulo  xv  scriptus,  in  quo  continentur, 13.  Itinerarium 

fratris  Odorici   ordinis   fratrum  minorum  de  mirabilibus  orientalium 


meorum  velut  orent  pro  alijs  benefactoribus  suis. . ,  Fol.  3  r":  ET  nos  Johannes  Tytesbale. 
Magister  siue  Gustos  CoUcgij  Corporis  xpisti  et  sanote  Marie  Cantabriggie  Eliensis  diocesis. 
vnanimi  consensu. ..  eandem  librorum  legacionem . . .  admittimus. . .  Datum  nostra  conclaue 
primo  Die  Mensis  Augusti  Anno  Domini  Millesimo  quadringentesimo  quadragesimo.  Fol. 
5  r":  Hie  incipit  llegistrum.  magistri.  Thome  Markaunt  de  numerositate  librorum  suorum 
cum  eorum  contentis  quos  contulit  ad  vtilitatem  sociorum  Collegii  corporis  xpisti  studcneium 
Each  book  is  numbered  in  the  right  hand  margin  with  Arabic  numerals  in  red.  The  list 
ends  with  76.  on  fol.  8  v".  fol.  9  r°:  hie  inseruntur  omnes  libri  Magistri  T.  markaunt 
cam  eoram  precijs  The  books  are  arranged  in  groups  according  to  their  subjects,  and 
each  has  its  proper  number  from  the  first  list  in  red  in  the  left  hand  margin.  Under 
Libri  théologie  (fol.  9  y°)  we  find  on  fol,  10  r":  21.  liber  diuersorum  tractatuum.  Do 
oracione  dominica  &c  —  yiij.  f.  See  also  Camb.  Auiiq.  Society,  Miscellaneous  Communicationt 
Pt  I,  pp.  15—20.  William  de  Gotham  was  Chancellor  in  1366,  1376,  and  Robert  de 
Lynge  in  1345,  1352;  and  both  were  benefactors  of  the  University.  Cf.  Masters  Uist. 
C.C.C,  p.  41. 


THE   BIBLIOGRAPHY    OF    ODORIC.  807 

Tartarorum,  fol.  149.  Ultimum  capitulum  deest.  It  is  thus  reasonably 
certain  that  this  volume  has  been  in  the  College  library  from  August, 
1440,  to  the  present  time.  Regarded  as  a  copy  of  the  Assisi  codex 
343,  No.  275  might  prove  to  be  disconcertingly  inaccurate;  but  as 
a  fact  it  seems  to  be  an  English  manuscript  of  the  early  15th 
century,  giving  a  well  written  but  sometimes  careless  copy  of  the 
same  text  as  is  found  in  407,  and  coming  to  a  sudden  conclusion 
after  the  story  of  the  Terrible  Valley  with  the  words:  hec  de  visis 
certitudinaliter  Ego  frater  Odoricus  hie  inscripsi.  &  multa  mirabilia 
omisi  pouere  quia  homines  non  credidissent  nisi  vidissent 
Explicit  itinerarium  fratris  Odorici  &cetera.  The  following  are  short 
examples  of  the  relation  between  the  two  texts,  407  and  275:  — 

407.  Inde  transiui  per  ciuitates  raultas  &  veni  ad  ciuitatem  no- 
mine kaitan  in  qua  fratres  minores  habeut  duo  loca  ad  que  portaui 
de  ossibus  fratrum  uostrorum  pro  fide  xpisti  interfectorum 

275.  lude  transiui  ad  ciuitates  multas  &  veni  ad  ciuitatem  no- 
mine kaxlan  In  qua  fratres  minores  duo  habent  loca  ad  que  portaui 
de  ossibus  fratrum  minorum  pro  fide  xpisti  interfectorum 

407.  nam  quilibet  ignis  soluit  vnum  balis  -i-  v.  cartas  bombici? 
qui  vnum  florenum  cum  dimidio  valent  &  -x-  vel  -xij-  superlectiles 
facient  vnum 

275.  nam  quilibet  ignis  soluit  vnum  «i«  quinque  cauas  borabicis 
qui  vnum  florenum  cum  dimidio  valent  &  10  vel  -IB-  superlectiles 
faciant  vnum 

III.  The  third  Cambridge  MS.  of  Odoric  is  in  the  library  of 
Gonville  and  Caius  College,  in  the  volume  marked  83  :  162.  This 
is  one  of  the  books  bequeathed  to  the  College  by  William  Moore 
in    1659,  ^)   but   its    history   before   that   date  does  not  seem  to  be 


1)  J.  Venn,  Gonville  and  Caius  College,  vol.  I,  p.  192.  See  also  Ü.L.C.  MSS.  Dd. 
IV.  36.  (a  contemporary  catalogue  of  Moore's  books)  fol.  B.  "Class.  B.  I-i,  4  Odoricus  de 
ritibus  Orientalium";  and   Cat.  Lib.  MSS.  Ang.,  1697,  p.  122,  No.  1110.  46. 


308  A.   C.    MOULE. 

known.  The  volume  contains  213  leaves,  of  which  fol.  141  r°  — 213  v" 
are  in  neat  13th  century  hands,  and  fol.  1  r°  — 140  r*'  in  an  untidy 
but  legible  English  hand,  or  hands,  of  the  early  15th  or  very  late 
14th  century.  Odoric  {Trattatus  Odorici  de  Ritibus  orientalium 
Regionum.)  occupies  fol.  87  r°  — 105  v°.  The  text,  as  far  as  I  have 
examined  it,  is  that  of  William  of  Solagna,  agreeing  very  nearly 
and  often  exactly  with  that  printed  in  Cathorj  II,  Appendix  I, 
from  the  Paris  MS.  lat.  2584  (Yule-Cordier  No.  35).  It  does  not 
call  Odoric  a  Bohemian  (Boemus),  as  he  is  called  in  the  Paris  MS., 
but  in  some  places  it  seems  to  me  to  give  perhaps  the  better  text 
of  the  two.  It  begins:  Licet  multa  &  varia  de  ritibus  &  condicionibus 
huius  seculi  enarrentur  a  multis;  tamen  sciendum  est  quod  ego 
frater  Odoricus  de  foroiuli  de  portu  nahonis  volens  transfretare.  .  .  . 
fol.  93  r°:  in  Polumbb  ad  portum  ascendimus  aliam  nauim  nomine 
conchum  vt  in  Indiam  superiorem  sicut  dictum  est  iremus  ad  quan- 
dam  Ciuitatem  nomine  Caytan.  In  qua  sunt  duo  loca  nostrorum 
fratrum.  .  . .  fol.  99  v°:  hec  ciuitas  posita  est  in  aquis  lacuuarum 
que  manet  &  stat  vt  Ciuitas  veueret.  Ipsa  etiam  habet  plures  quam 
•12-  milia  poncium.  . . .  fol.  105  v°;  esse  deraones  infernales  sit 
nomeu  domini  bencdictum  1[Ego  frater  Odoricus  de  foroiuli  de 
porta  nahonis  de  ordine  fratrum  minorum  testificor  &  testimonium 
perhibeo  meoque  ministro  respondeo  cum  ab  eo  requisitus  fuerim 
per  obedienciam  salutarem,  quod  hec  omnia  que  scripta  sunt  ant 
propriis  oculis  ego  vidi  aut  audiui  ab  hominibus  fidedignis  Multa 
etiam  alia  dimisi  que  scribi  non  feci  quia  ipsa  apud  aliquos  quasi 
incredibilia  viderentur  nisi  ilia  propriis  oculis  vidissent,  Ego  autem 
de  diem  in  diem  me  preparo  ad  illas  contratas  accedere  in  quibus 
me  mori  dispono,  &  viuere  vt  illi  placeat  qui  sine  fine  viuit  &  regnat. 
A-M-E-N   —    Explicit   Trattatus  Odorici  de  Ritibus   Orientalium, 


THE   BIBLIOGRAPHY    OF    ODORIC.  909 

These  three  appear  to  be  the  oulj  MS.  copies  of  Odoric  which 
have  been  catalogued  in  Cambridge.  ^)  The  two  at  Corpus  Christi 
College  represent,  one  very  accurately,  the  other  more  carelessly 
and  imperfectly,  the  Hakluyt  text;  while  the  Caius  College  MS. 
gives  what  seems  to  be  a  good  form  of  the  text  translated  and 
printed  by  Yule  in  Cathay.  The  transcript  made  in  1448  from  an 
old  codex  at  tJdine  can  no  longer  be  identified  évidemment  or  even 
probably  with  any  one  of  these  Cambridge  MSS.,  which  were  all, 
I  think,  written  in  England  and  have  been  in  England  at  least 
since  1352,  1439,  and  1659,  respectively.  Incidentally,  too,  it  is 
curious  to  think  that  Simon,  Prior  of  Norwich,  possessed  two  al- 
most identical  copies  of  the  Hakluyt  text  (C.C.C.  407  and  Royal 
MS.  14.  C.  xiii  (Yule's  Mus.))  within  twenty  years  of  Odoric's  death, 
and  it  may  not  be  out  of  place  to  give  some  further  account  of 
these  two  MSS.  (407  and  Mus.)  and  of  their  relation  to  Hakluyt's 
printed  text. 

For  obvious  reasous  I  have  not  been  able  to  place  the  two  MSS. 
side  by  side,  but  my  impression  is  that  they  were  written  by  the 
same  scribe.  The  writing,  if  by  two,  is  at  least  by  two  very  similar 
hands,  and  so  are  the  delicate  red  and  blue  initials.  Capital  letters 
in  the  text  are  much  more  often  touched  with  blue  or  red  in  Mus. 
than  they  are  in  407.  As  will  be  seen  from  the  printed  Catalogues, 
407  is  a  small  book  (Nasraith:  in  8^^)  while  Mus.  is  a  fair-sized 
Polio.  At  the  beginning  of  Mus.  are  14  leaves  of  parchment  not 
included  in  the  ancient  numeration.  Of  these  the  first  is  blank 
except  for  a  few  words  and  letters  scribbled  on  the  verso^  2  r^ 
has   the   Arabic   numerals    1  —20   in  their  14th  century  form,  2  v^ 


1)  Golubovich  {op.  cit ,  p.  26)  has  "Cambridge,  un  quarto  codice  segnato  lo49  (73)  $  3". 
But  this  is  obviously  C.C.C.  No.  407  (see  note  1,  p.  302  above);  and  one  cannot  help 
thinking  that  others  of  the  twenty-ieven  MSS.,  which  are  recorded  as  having  eluded  Cor- 
dier,  may  be  accounted  for  perhaps  in  a  similar  way,  though  several  of  them  seem  really 
to  be  new. 


310  A.    C.    MOULE, 

has  the  contents  of  the  volume  in  a  14th  or  15th  century  hand, 
9  items  of  which  Otloric  is  the  fifth,  3  r°~10  v"  contain  the  Index 
(?  to  the  Polychronicon),  11  r^  blank,  11  v^  — 12  v°  Introduction 
and  Contents  of  Giraldus  Cambrensis  (Introitua  ad  recitationem 
historiae  Giraldi  Cambrensis),  13  blank,  but  ruled  and  lettered  for 
use  (omitted  from  the  modern  pencil  numeration),  14  r"  blank  (13 
in  the  modern  numeration),  14  v°:  Libri  fratris  Symonis  Bozoun. 
and  the  titles  and  prices  of  31  books.  On  the  15th  leaf,  numbered 
1  in  the  contemporary  ink  numbering,  and  14  in  modern  pencil, 
the  Polychronicon  begins,  and  at  the  top  of  the  page  is  written 
1[  liber  fratris  Symonis  Bozoun  Prioris  Norwicensis  and  the  library 
mark  P.  Ixj. 

Odoric  begins  at  the  top  of  fol.  205  (216)  r°  and  ends  on  fol. 
213  (224)  v°.  The  comparison  of  a  few  short  passages  will  show 
(I)  that  407  and  Mus.  may  have  been  copied  from  a  common 
original,  or  (2)  that  Mus.  was  copied  from  407,  (3)  that  407  was 
not  copied  from  Mus.^  (4)  that  Hakluyt,  as  is  well  known,  copied 
Mus.,  and,  though  he  mentions  other  texts,  seems  sometimes  at  least, 
when  in  diflSculty,  simply  to  have  emended  the  text  of  Mus.',  and 
for  this  purpose  I  have  chosen  generally  words  or  phrases  where 
one  or  both  of  the  MSS.  are  clearly  wrong. 

407,  fol.  82  yo  hospitabar;  Mus.  fol.  210  (221)  r«  habitabar; 
Hah  p.  48  habitabä.  407  and  Mus.  ib.  de  inde  vbi  sol  oritur; 
Hah.  de  indè  vbi  sol  occidit.  407,  ib.  portulam;  Mus.  ib.  perclusam  (?); 
Hak.  perclusam.  407,  ib.  apparuit;  Mus.  ib.  aparuit;  Hak.  aparuit. 
407  and  Mus.  ib.  deceuderunt;  Hak.  descenderunt.  407,  fol.  83  x^ 
per  aspidem;  Mus.  ib.  per  aspidem  {margin  parapsidem);  Hak.  pa- 
ropsidem.  407,  ib.  mihi  dicens  quod;  Mus.  ib.  michi  quod;  Hak. 
mihi  quod.  407  and  Mus.  ib.  animalis  in  tota;  Hak.  animalis  intrat. 
407,  fol.  90  v''  sicut  ipse  uarrabat  ita  scribebat  ad  hoe;  Mus.  fol. 
213  (224)  r°  and  Hak.  p.  53  sicut  ipse  narrabat  ad  hoc.     407,  ib. 


THE   BIBLIOGRAPHY    OF    ODORIC.  31 1 

testator  esse  vera;  Mus.  and  Hak.  testatur  esse.  407,  ib.  alia  ego 
dimisi  que  scribi  non  feci  cum  ipsa  quasi  incredibilia  videntur;  nisi 
ilia  propriis  oculis  conspexissent;  Mus.  ib.  alia  ego  dimisi  nisi  ilia 
propriis  oculis  conspexissent;  Hak.  alia  ego  dimisissem,  nisi  ilia 
propriis  oculis  conspexissem.  In  this  last  instance  Mus.  has  simply 
dropped  out  one  line,  and  Hakluyt  has  emended  to  make  good 
grammar,  and  has  exactly  reversed  the  sense. 

If  I  have  added  a  little  to  the  stock  of  accurate  knowledge 
about  three  of  the  many  manuscripts  of  Odoric,  I  have  also  con- 
vinced myself  that  an  extraordinary  uncertainty  still  pervades  the 
subject.  YuLB  in  both  editions  of  Cathay  divides  the  texts  into 
''''four  distinct  types",  viz.  (1)  The  recension  of  Henry  of  Glatz, 
represented  by  the  extracts  in  the  Acta  Sanctorum  and  by  a  MS. 
at  Venice  {Cathay  II,  No.  47);  (2)  The  recension  of  William  of 
Solagua,  who  originally  wrote  the  narrative  down  from  Odoric's 
dictation  at  Padua  in  May,  1330.  Yule  thought  that  this  was  not 
the  best  text,  but  the  text  of  the  best  Latin  and  Italian  MSS.  ; 
(3)  The  text  printed  and  translated  by  Hakluyt.  This  is  represented 
by  three  MSS.  in  the  British  Museum  and  two  at  Cambridge 
{Cathay  II,  No.  5,  7,  8,  1,  2),  and  apparently  by  one  at  the  Bodleian, 
besides  one  at  least  at  Paris  {Cathay  II,  No.  37)  and,  possibly, 
one  at  Saint-Omer  {Cathay  II,  No.  39);  (4)  The  Minor  Ramusian 
text,  represented  by  Ramusio's  second  and  shorter  printed  text  and 
by  some  Italian  MSS. 

Goi-UBOVICH,  the  latest  contributor  to  the  subject,  divides  the 
Latin  texts  into  two  recensions,  (1)  William  of  Solagna,  (2)  Henry 
of  Glatz.  In  (2)  he  places  only  three  MSS.,  viz.  Saint-Omer  737, 
Berlin  141,  and  Munich  903  {Cathay  II,  No.  39,  13,  32);  and  all 
the  rest,  including  the  known  Hakluyt  texts,  are  put  in  (1).  The 
most  elaborate  bibliographer  of  Odoric  is  Cordier,  both  in  his 
^French   edition,   and  in   the   second   edition   of  Cathay \  and  of  one 


312  A.    C.    MOULE. 

of  Go(.UBoviCH*8  second  recension  —  Berlin  141  ^)  —  he  writes  "it 
includes  also  the  text  of  Odoric's  Itinerary  published  by  Hakluyt; 
...  it  is  the  version  of  Henry  of  Glatz."  But  "the  version  of 
Henry  of  Glatz"  is  quite  different  from  the  "Itinerary  published  by 
Hakluyt"! 

Very  little  has  been  done  to  determine  the  relationship  of  these 
three  or  four  different  forms  of  the  text.  Y  ulk  regarded  the  Henry 
of  Glatz  text  as  representiug  (if  we  had  but  a  good  copy  of  it) 
the  nearest  approach  to  Odoric's  own  words,  but  he  gave  no  reason 
for  this  opinion,  unless  there  is  truth  in  the  note  added  to  the 
lost  MS.  at  Mentz  {Cathay  II,  No.  16)  that  William  of  Solagna 
was  only  one  of  several  writers  at  Padua,  Henry  of  Glatz  must 
have  copied  from  William's  text.  Neither  Y  ulk,  Cordier,  nor  Golu- 
Bovicii  tell  us  wherein  Henry  really  difiers  from  William  (except 
in  the  little  notes  they  have  added  to  their  respective  texts:  Hec 
predicta  f rater  Guillelmus  and  Et  ego  f rater  hinricus  de  Glarz), 
nor  do  they  seriously  attempt  to  trace  the  source  of  the  Acta 
Sanctorum  text.  Of  Golubovich's  three  examples  of  Henry  of  Glatz, 
one  seems,  as  we  have  seen,  to  be  doubtful;  but  the  Munich  text, 
as  printed  by  Domenichelli,  and  Berlin  141  {Cathay  II,  No.  32 
and  13)  are  certainly  of  this  type.  Cordieu  has  published  beautiful 
facsimiles  of  the  last  two  and  a  half  pages  of  the  Berlin  MS.  from 
which  it  is  clear  that  the  text  is  very  nearly  but  not  exactly  that 
of  the  Acta  SS.  And  the  same  is  true  of  the  Munich  text.  ^)  The 
Bollandists    themselves    tell    us   that   they   got   their   text   from    an 


1)  Domenichelli  and  Cathay,  131;  Cordier  (1891)  and  Golabovich  (rigbtly),  Ul. 

2)  Fer  example  Berlin  141  omits  Scripsi  autem  hec  anno  Domini  tresentesimo  qua- 
dragesimo  {Munich,  1340)  in  Pragil,  circa  festum  omnium  Sanctorum,  &  copiosius  ea 
{Munich,  omit  ea)  aadieram  in  Anenione.  with  which  Acta  SS.  ends.  And  Munich  reads 
vno  cymbalo  for  Acta  SS.  vno  tintinnabulo;  cum  convenissent  et  coraedissent  for  cum 
comedissent;  vellet  huius  ciuitatis  magnitudinem  for  velit  huius  ciuitatis  magna;  etc.  My 
knowledge  of  the  Manich  text  is  derived  at  second,  if  not  at  third,  hand  from  Domenichelli. 


THE   BIBLIOGRAPHY    OF    ODORIC.  818 

ancient  codex  copied  for  them,  or  given  them,  by  John  Gamans  S.J., 
and  that  the  story  of  the  four  martyrs  of  Thaoa  was  copied  by 
Gamans  from  a  MS.  Passionale  in  the  Augustinian  monastery  of 
St  Meinulph  at  Bodickheim.  They  assume  that  the  martyrdom  had 
been  originally  copied  from  the  same  old  codex  of  Odoric,  and  they 
are  careful  to  note  that  the  two  MSS.  agreed  in  such  a  curious 
detail  as  the  date  1  April,  1322,  for  the  martyrdom;  but  un- 
fortunately they  do  not  say  where  the  Odoric  codex  was  kept,  ^) 
and  it  does  not  seem  as  if  many  efforts  had  been  made  to  trace  its 
subsequent  history.  Three  other  manuscripts  in  Cordier's  bibliography 
{Cathay  11,  No.  19,  23,  36)   look   as   if  they    might  possibly   have 


1)  Acta  SS.,  Jan.  I,  p.  984  col.  1:  In  peruefusto  Codice  MS.  quern,  bénéficia  loannis 
Gamansij  nostri  ohtinuimus,  exfat  ea  historia  sub  hoc  titulo:  Descriptio  terrarum  Fr. 
Odorici  de  Foro-Iulij.  cum  appendice  rerum  ab  eo  narratarum  Fr.  Marchisino  de  Bayadon 
Ordinis  Minorum.  Q,uae  omnia  vna  cum  breui  relatione  obiius  8^  niiraculorum  descripsit 
in  hoc  nostro  Codice  Fr.  Henricus  de  Glats  ord.  Minorum  Pragœ  an.  Ch.  1340.  ab  obitu 
B.  Odorici  9.  Prescipua  solum  decerpsimus,  quœ  B  Odorici  zelum  demonstrent  in  Christiana 
religionis  propagatione  indefessum. 

April.  I.,  pp,  50,  51  :  llanc  peregrinaiionis  ejus  historiam,  seu  lihrum  de  Mirahilibus 
mundi,  habuimus  in  codice  valde  antiquo,  quern  Fr.  Henricus  de  Glats  Ord.  Minorum  Pragœ, 
anno  Christi  MCCCXL,  descripsit.  Historia  martyrii  horum  Beaiorum  Fratrum,  indeolim 
excerpt  a,  extat  in  Passionali  MS.  insigni  cœnobii  Bodecensis  Canonicorum  Regnlarium  S. 
Jugusfini  in  diascesi  Paderbonensi,  quam  inde  descriptam  nobis  transmisit  loannes  Gaman- 
sius  noster,  cum  hoc  titulo:  Incipit  passio  Sanctorum  quatuor  Fratrum  Minorum,  quae  est 
Kalendis  Aprilis:  qui  dies  infra  num.  6.  [p.  54,  par.  6]  confirmatur  his  verbis:  Compleve- 
runt  autem  gloriosi  viri  martyrium  suum  anno  Domini  millesimo  treccntesimo  vigcsimo 
secundo,  Kalendis  Aprilis,  ante  Palmas.  Ita  Odoricus  utroque  manuscripto. 

For  Bodickheim  or  Bodiken  see  Gen.  totius  sacri  ordinis  der.  canon,  historia  by  Gabr. 
Pennotius,  1630,  p.  405  :  In  Bodiken  oppido  eiusdera  diœcesls  Paderbornensis  monasterium 
sancti  Meynulphi,  eiusdem  congregationis  Windesimensis.  ex  codera  [sc.  congregationis  Wind.] 
Catalogo.  This  monastery  of  Augustinian  Canons  may  have  succeeded  a  nunnery  which 
was  founded  A.D.  804  or  840;  for  which  see  Meibom  Rerum  Germ.  I,  p.  240:  Hie  Mei- 
nalphus. ..  .monasterium  monialium,  seu  canonicaram  regulariura,  in  villa  Bod icken  Pader- 
bornensis dixcesis,  fundavit  &  dotavit,  quod  usque  ad  tempora  nostra  [c.  1418]  perduravit: 
nunc  vero  non  hostium  incursa  forinseco,  sed  tinea  atténuât  um  intrinseca,  desolationi 
proximum  est.     I  have  been  unable  to  find  out  anything  about  the  library  there. 

For  much  kind  help  in  finding  these  and  other  references  I  am  indebted  to  the  staff 
of  the  University  Library  at  Cambridge,  and  especially  to  Mr  A.  Bogers  and  Mr  Charles 
Sayle. 


314  ./  >  -         A.    C.    MOULE. 

the  Henry  of  Glatz  text.  The  first  of  these  has  the  date  1340;  the 
second  has  the  exact  beginning  of  the  Ada  SS.  text;  and  the  third 
was  believed  by  Yule  to  be  "after  Henry  of  Glatz".  This  last 
manuscript  has  not,  I  believe,  been  printed,  as  seems  accidentally  to 
be  said  in  Cathay  II,  p.  52,  by  the  Société  de  Géographie. 

Hakluyt's  text,  on  the  other  hand.  Yule  regarded  with  suspicion 
as  having  been  "tampered  with",  but  he  does  not  attempt  to  trace 
its  history.  It  is  manifestly  a  clearly  defined  text,  early  popular, 
and  ultimately  derived  from  Udine  with  the  notary's  attestation,  — 
from  a  copy,  that  is  to  say,  finished  after  Odoric's  death.  It  forms 
then  a  second  distinct  type  of  text  current  before  1352. 

Of  the  third  Latin  type,  that  of  Paris  Bib.  Nat.  latin  2584; 
Assisi  343;  or  Gains  College  162,  no  example  seems  to  be  dated  in 
the  bibliographies  as  early  as  1352.  Assisi  343  was  indeed  regarded 
by  Sbaralea.  ^)  and  (more  doubtfully)  by  Golubovich  as  the  actual 


1)  Supplementum  ad  Scriptores  O.F.M.,  p.  330:  Hujus  codex  autographus,  quem  ntipcrus 
Illustrator  Historia  D.  Odorici  Inquisitor  Ulineusis  pag.  39.  ait,  ncsciri  quic  fata  subierit, 
nunc  asservatur  Aeisii  in  Archive  nostri  sac.  Conventus  ms.  pergam.  in  4.  asseribus  ligneis 
coopertus,  &  num.  20.  signatus. 

It  is  advisable  to  repeat  vfhat  Venni  (the  nuperus  Illustrator)  really  says.  In  his 
Elogio  storico  etc.,  1761,  p.  38  we  read:  [Besides  the  copy  by  Henry  of  Glatz]  there  was 
another  copy  in  the  convent  at  UJine,  as  is  shown  by  the  original  catalogue  of  the  books 
kept  by  him  in  his  library  written  out  at  large  by  the  Gustos  of  the  Friulan  Custodia, 
Brother  John  Senior  of  Udine,  in  the  year  1369  [fol.  11.  ter.]:  Item  liber  B.  Fratris 
Odorici,  and  more  clearly  in  another  catalogue  of  1410  [fol.  14.  ter.]:  Item  Ystoria  B. 
Odorici  cum  tabnlis,  Sf  corio  rubeo  ad  ligaturas.  This  Story  was  a  volume  distinct  from 
that  of  the  miracles  which  was  kept  in  the  Sacristy  among  the  relics:  Item  unus  quadernut 
de  papyro,  in  quo  aunt  miracula  Beati  Odorici  probata.  In  the  year  1148  Brother  Albert 
of  Udine  made  a  copy  in  one  volume  of  the  said  Story  and  of  the  Patriarch's  schedule  of 
the  miracles,  together  with  the  account  of  the  death  of  the  Blessed  man,  of  his  funeral, 
of  the  beginning  of  his  worship,  and  of  certain  miracles  which  had  been  left  out  of  the 
schedule;  and  authenticated  the  copy  with  his  signature:  Hie  liber  scriplus  est  per  manut 
Fratris  Alberli  de  TJtino  die  VII.  Septembris  au.  1448.  Worn  out  by  time  Albert's  copy 
was  renewed  in  the  following  century  at  the  expense  of  a  gentleman  of  Udine  Jerome 
Montaniani,  Sindaco  of  the  convent,  with  the  note  [Consttmata  dal  tempo  la  copia  d' Alberto 

uel  ucolo  luategiiente  fu  rinnovata  a  spese  del con  la  memoria):  Beati  Odorici  devoivs 

Hieronymut  Montetiianus  D.   Utiu.  Patri    hujus,  Sc  Sacri  Coenoby  Conventualium  Francis- 


THE   BIBLIOGRAPHY    OF    ODORIC.  315 

autograph   of  William  of  Solagna  written  at  Padua  in  May,  1330, 
but   until   this   most  interesting  MS.  has  been  more  fully  examined 


canorum  Syndicus  I/iner.  ^  Mirac.  ejusdem  Bead  Librum  kunc  omni  ornatu  nudatum,  Sf 
vetusiaie  corruptum  in  hanc  pris/inam  formaw,  cum  omni  cullu  sua  impensa  restituit  Anno 
Domini  MbccccîI.  Die  xv.  Mens,  viihris.  [p.  39]  Of  the  three  examples  which  used 
to  be  in  the  Convent  at  Udine  the  third,  Montaniani's,  is  still  preserved,  the  other  two 
arc  lost;  likewise  {or  just  as)  there  is  no  trace  [to  show]  what  fate  may  have  befallen  the 
original  which  the  Blessed  one  dictated  at  Padua  in  the  year  1330  {conforme  non  v'c 
iraccia,    qual    sorte    sia    toccata    all'    originate,    che    il    Beato    dettu    in.    Fadova    I'anno 

Mcccxxx). 

The  value  of  Venni's  opinion  is  probably  considerable,  since  he  was  presumably  very 
familiar  with  the  library  at  Udine,  and  seems  to  write  in  a  careful  and  scholarly  manner, 
but  at  the  same  time  his  last  paragraph,  on  p.  S9,  is  not  quite  easy  to  understand,  and 
I  should  have  been  glad  to  compare  with  it  Asquini's  statement,  if  the  latter's  Life  of 
Odoric  had  been  available  in  the  British  Museum  or  at  Cambridge.  It  seems  to  me  that 
Venni  thought  that  the  Convent  at  Udine  had  possessed  (1)  a  copy  of  the  Itinerary 
(which  he  does  not  seem  to  identify  with  the  autograph  of  I330>,  which  was  entered  in 
the  Catalogues  of  1369  and  1410;  (2)  a  copy  o«  paper  of  the  schedule  (processo)  of  Mi- 
racles, which  was  kept  in  the  Sacrisfy,  and  appears  in  the  catalogue  of  1410;  (3)  a 
transcript  of  (1)  and  (2)  in  one  volume,  with  some  other  miracles,  etc.  added,  made  by 
Albert  in  1448,  and  restored  or  re-bound  by  Montaniani  in  1542.  In  his  day  (1761) 
(1)  and  (2)  had  disappeared,  but  (3)  survived.  It  will  be  noticed  that  Venni  gives  the 
words  of  Albert's  subscription  {Hie  liber  scriptus  etc.)  although,  according  to  Golubovich's 
interpretation  of  the  passage,  his  transcript  had  left  Udine  many  years  before.  Golubovich 
understood  that  there  had  been  at  Udine  (1)  the  autograph  of  1330,  which  was  afterwards 
at  the  Holy  Convent  at  Assisi  (No.  20)  and  is  now  in  the  Communal  Library  there  (No. 
343);  (2)  a  transcript  of  (1)  made  by  Albert  in  1448,  which  was  sold  to  an  Englishman 
in  the  17th  or  early  18th  century;  (3)  a  transcript  of  (2)  made  for  Montaniani  in  1542. 
That  Montaniani  did  anything  more  than  repair  Albert's  transcript  is  not  stated  by  Venni; 
bnt  a  new  copy  made  in  1542  is  required  if  we  accept  Asquini's  alleged  statement  that 
Albert's  transcript  had  been  sold  before  1737.  Asquini  was  certainly  wrong  in  saying  that 
that  transcript  was  at  St  Benet's  College,  Cambridge  (unless  it  may  have  been  there  for  a 
short  time  between  1722  and  1777),  and  his  whole  story  may  be  a  mistake.  As  has  been 
said,  very  little  is  known  of  Assisi  343.  Sbaralea  sajs  it  is  written  on  parchment,  and 
this  (if  it  is  the  whole  truth)  forbids  us  to  guess  that  it  is  Venni's  (1)  and  (2)  bound  np 
as  one  volume.  He  adds  that  the  book  used  certainly  to  be  at  Udine,  because  there  is  a 
note  on  the  last  page  which  says.  (^  eiiam  est  hie  cingulus  ferreus  prope  reliquias,  quern 
portavit  ad  carnem.,  and  the  iron  girdle  has  been  and  is  preserved  at  Udine.  Until  more 
is  known  of  the  date  and  handwriting  of  this  note,  it  is  not  necessary  to  think  that  it 
means  more  than  that  the  book  was  copied  at  Udine  by  a  conscientious  and  not  too 
officiously  intelligent  scribe,  who  if  his  original  said  "here"  did  not  change  it  to  "at  Udine". 
Assisi  343  is,  apparently,  the  most  complete  of  all  the  manuscripts  of  Odoric.  It  contains 
the   Tliäna   martyrdom  with  separate  incipit  and  explicit,  the  Itinerary,  the  attestations  of 


316  A.   C.   MOULE. 

and  described,  the  early  date  cannot  be  regarded  as  certain.  The 
attestation  of  William  of  Solagna  (sometimes  in  the  first  person, 
ego  . .  .  redegi),  which  is  characteristic  of  this  as  well  as  of  the 
Hakluyt  test,  makes  it  of  course  likely  that  both  these  texts  were 
derived  in  the  first  instance  from  the  original  copy  at  Padua. 

I  add  the  passage  chosen  as  an  illustration  by  Yule  himself 
(Cathay  II,  pp.  28-30),  giving  the  texts  of  the  C.C.C.  MS.  407, 
the  Caius  MS.  162,  Hakluyt,  vol.  IT,  1599,  p.  48,  and  of  the  Ada 
Sanctorum^  1.  c.  p.  990,  col.  2. 

407.  In  ilia  ciuitate  quatuor  fratres  nostri  couuerteraut  vnum  po- 
162.  Hie  etiam  est  ciuitas  regia  in  qua  Mancg  Rex  olim  morabatur 
Hak.  In  ilia  ciuitate  4.  fratres  nostri  conuerterant  vnum  po- 
A.S.  In    eâ  nostri  Fratres  quatuor  paaedicti  ad  fidem  Christi  vnum 

407.  tentem  ad  fidem  xpisti  in  cuius  hospicio  continue  hospitabar 
162.  &  in  ea  •4°'''  fratres  minores  ad  fidem  nostram  vnum  potentem 
Hak.  tentem  ad  fide  Christi,  in  cuius  hospitio  continue  habitabâ, 
A, S.  potentem  hominem  conuerterunt,  in  cuius  domo  continue  hospi- 

407.  dum  fui  ibi  qui  semel  dixit  mihi  ara  -i-  pater  vis  tu  venire 
102.  hominem  conuerterunt  in  cuius  domo  continue  hospitabantur. 
Hak.  dum  fui  ibi,  qui  semèl  dixit  mihi.  Ara,  i.  pater,  vis  tu  venire 
A. S.  tabar,  &  ille  mihi  aliquando  dixit:  Ara,  id  est,  Pater,  vis  venire 


Odoric,  and  of  William  of  Solagna  (in  the  first  person),  the  death  of  Odoric,  the  letter 
of  the  Patriarch  about  the  miracles,  the  schedule  of  the  miracles,  etc.,  etc.  If  it  is  the 
Padaa  autograph  of  1330,  it  has  obviously  had  large  additions,  for  while  the  Martyrdom 
ard  Itinerary  occupy,  I  think,  24  leaves,  the  extra  matter,  which  can  only  have  been 
written  after  January,  1331,  and  at  Udine,  fills  about  33  leaves  more.  And  again  if  it  is, 
as  Sbaralea  suggests,  the  Ystoria  of  the  1410  catalogue,  then  Venni  must  be  wrong  in 
saying  that  that  Ystoiia  contained  only  the  Itinerary  and  not  the  Miracles.  It  is  to  be 
hoped  that  before  long  the  fall  text  of  Asaisi  343  may  be  published  with  facsimiles  and 
competent  notes.  *..-.>     >".     ,  v< .       - 


THE    BIBLIOGRAPHY    OF    ODORIC.  317 

407.  &  videre  ciuitatera  istara  &  dixi  quod  sic  &  ascendimus  vnam 
162.  vnde  mihi  dicebant  aliquaado.  ara  -i*  pater  vis  tu  venire  videre 
Hak.  &  videre  ciuitatem  ista;  &  dixi  quod  sic,  &  ascendimus  vna 
A.S.  ad  perdeductionem  couspicere  ciuitatem?  Tunc  conseutiente  rae, 

407.  barcham  &  iuimus  ad  vnum  monasterium  maximum  de  quo 
162.  terram'  cui  respondebam  quod  sic-  vude  ascendimus  vnam 
Hak.  barcham,  &  iuimus  ad  vnO  monasterium  maximii,  de  quo 
A.S.  ascendimus   siraul    in    vuam    barcham,    &   iuimus   ad   quoddam 

407.  vocauit   vnum  religiosum  sibi   notum.  &  dixit  sibi  de  me  Jste 

162.  barcam*    &   iuimus   ad    vnum   magnum  illorum   monasteriorum 

Hak.  vocauit    vnû    religiosum    sibi    notû,    &    dixit   sibi   do    me,    Iste 

A.S.  magnum   monasterium  religiosorum,  qui  sunt  illic.  Et  euocato 

407.  raban  francus.  i.  religiosus  venit  de  inde  ^)  vbi  sol  oritur  & 
162.  que  ibi  erant,  ad  quod  cum  iuissemus,  vocauit  illorum  vnum 
Hak.  Raban  Fracus,  i.  religiosus  venit  de  indè  vbi  sol  occidit,  & 
A.S.  ad   se   vno   ex   illis,   dixit:  Vides  huuc  Rabi  Prancum,  id  est, 

407.  nunc  vadit  kambalech   vt  deprecetur  vitam  pro  magno  kaue  & 

162.  Religiosorum  &  dixit  ei  vides  hunc  Rabau  firancum  -i-  virura 

Hak.  nunc    vadit    Cambaleth,    vt   deprecetur    vita   pro  magno  Cane, 

A.S.  virum    religiosum?    Tste    venit   à   regionibus    vbi  sol  occidit,  & 

407.  ideo  ostendas  sibi  aliquid  quod  si  reuertatur  ad  contratas  suas 
162.  religiosum.  Iste  venit  inde  vbi  ponitur  &  hinc  iuit  Kambalec 
Hak.  &  ideo  ostendas  sibi  aliquid,  quod  si  reuertatur  ad  contratas 
A.S.  nunc  vadit  Cambalech,  vt  roget  pro  vita  magni  Can.  Ideo  ali- 


1)  275    reads  iodia  vbi  sol  oritur     Mus.,  inde  vbi  sol  oritur. 


318  A.    C.    MOULE. 

407.  possit  referre  quod  tale  quid  nouum  vidi  iu  Canasia  ciuitate 
162.  vt  roget  vitara  pro  magno  caue-  ideoque  sibi  osteudas  aliquid 
Hak.  suas  possit  referre  quod  tale  quid  uouû  vidi  in  Canasia  ciui- 
A.S.  quid  sibi  ostendas,  vt  si  aliquando  reuersus  fuerit ....  nouum 

407.  tune   sumpsit   ille   religiosus    duos    raastellos   magnos    repletos 

162.  vt   si    reuertatur-    ad  suas  coutratas  posset  dicere  tale  nouum 

Hak.  täte:  tunc  sumpsit  ille  religiosus  duos  mastellos  magnos  repletos 

A.S.  &  rarum  in  Chamsana  ego  vidi.  Ille  autem  respondit  se  velle 

407.  reliquijs  que  supererant  de  mensa  &  duxit  me  ad  vnam  por- 

162.  quod    vidit  in    Cansaye:   Tunc   iste  dixit  quod  libenter  vellet 

Hak.  reliquijs    quae   supererant   de  mensa,  &  duxit  me  ad  vna  per- 

A.S.  aliquid    libenter    demonstrare.     Deinde    magnas    duas    sportas 

407.  tulam  paruam  quam  aperuit  cum  claue  &  apparuit  viridarium 
162.  ostendere  sibi  aliquod  nouum,  &  tunc  iste  duos  magnos  raastelos 
Hak.  clusam  paruam,  quam  aperuit  cum  claue,  &  aparuit  viridarium 
A.S.  accepit  plenas,  quas  mensse  superfuerant  fragmentorum,  &  aperta 

407.  graciosum  &  magnum  in  quod  intrauimus  &  in  illo  viridario 
162.  accepit  plenos  hijs  que  superfuerunt  in  mensa  &  tunc  statim 
Hak.  gratiosum  &  magnû  in  quod  intrauimus,  &  in  illo  viridario 
A.S.  porta  nos  in  quoddam  viridarium  introduxit.  Erat  autem  in  eo 

407.  stat  vnus  monticulus  sicut  vnum  campanile  ^)  repletus  amenis 

162.  aperuit   cuiusdam  viridarij  portam  per  quam  intrauimus  viri- 

Hak.  stat    vnus   monticulus   sicut   vnû   campanile,  repletus  amoenis 

A.S.  monticulus  quidam   plenus   arboribus  amoenis:  acceptôqne  vno 


1)  This  may  be  a  confused  reference  to  the  pagoda  which  stands  at  the  foot  of  the 
monticulus  and  marks  the  grave  of  the  founder  of  the  monastery.  It  is  very  unlikely  to 
be  a  mere  interpolation,  lo  say  that  the  hill  was  "like  a  bell-tower" 


THE    BIBLIOGRAPHY    OF    ODORIC.  319 

407.  herbis  &  arboribus  &  dum  staremus  ibi  ipse  sumpsit  cymbalum 

162.  darium    illud,    nunc    autem   in  eo  est  vnus  raonticulus  plenua 

Hak.  herbis  &  arboribus,  &  dum  staremus  ibi,  ipse  sumpsit  cymbalû, 

Ä.S.  tintinnabule    cœpit    pulsare.    Ad    cuius   sonitû   mox   animalia 

407.  &  incepit  percutere  ipsum  sicut  percutitur  quando  monachi 
162.  arboribus  araenis  &  dum  sic  in  eo  essemus  ipse  cimbalum  vnum 
Hak.  &  incœpit  percutere  ipsura  sicut  percutitur  quando  monachi 
A.S.  multa   &   diuersa   de  illo   monticulo  descenderunt,  sicut  essent 

407.  intrant  refectorium  ad  cuius  gonitnm  multa  animalia  diuersa 
162.  accepit,  &  illud  incepit  pulsare,  ad  cuius  sonitum  multa  animalia 
Hak,  intrant  refectoriù,  ad  cuius  sonitû  multa  animalia  diuersa 
A.S.  simiae,    cati,  ...  &  plura  alia,  &  quaedara  quas  facieni  hominis 

407.  decenderunt  de  monte  illo  aliqua  vt  Symie  aliqua  vt  kati 
162.  diuersa  de  illo  monticulo  descenderunt  sicut  essent  simie  gatti» 
Hak.  descenderunt  de  monte  illo,  aliqua  vt  simiae,  aliqua  vt  Oati, 
A.S.  videbantur  habere.  Et  cum  videremus  de  bestiis  vsque  ad  tria 

407.  maimones  &  aliqua  faciem  hominis  habencia  &  dum  sic  starem 
162.  Maimones-  similiter  &  multa  alia  animalia  que  faciès  bomiuig 
Hak.  Mayraoues,  &  aliqua  faciem  hominis  habentia,  &  dum  sic  starem 
A.S.  millia   circa  ipsura   ordinate  conueoisse,  ille  paropsides  posuit, 

407.  congregauerunt  se  circa  ipsum  circa  -iij™*  de  illis  animalibus 
162.  habebant  ^  &  dum  vidissemus  sic  ilia  animalia  bene  circa  tria 
Hak.  coûgregauerunt  se  circa  ipsum,  4000.  de  illis  animalibus, 
A.S.  &  illis  sportis  secundum   naturae  suas  .  .  .  distribuit  iilis  cibura. 


320  A.    C.    MOULE. 

407.  &  se  in  ordinibus  collocaueruafc  coram  quibus  posait  par  aspi- 
162.  milia  circa  ipsum  se  aptauerunt  ad  se  inuicem  ordinata,  &  cum 
Hak.  &  se  in  ordinibus  collocauerunt,  coram  quibus  poauit  paropsi- 
A.S.  Et   cum    comedissent,    iterum    cymbalum  pulsaus,  animalia  ad 

407.  dem  ^)  &  dabat  eis  comedere.  &  cum  comedissent  iterum  cym- 
162.  circa  ipsum  sic  essent  posita  &  ordinata.  ipse  parapsides  posuit 
Hak.  dem  &  dabat  eis  comedere,  &  cum  comedissent  iterum  cym- 
A.S.  loca   propria   remeabant.   Ego    autem    multùm    ridens  illi  seni 

407.  balum  percussit  &  omnia  ad  loca  propria  redierunt  tunc  ad- 
162.  ante  ilia  &  cum  sic  competenter  comedere  sibi  dederit  ea  que 
Hak.  balum  percussit,  &  omnia  ad  loca  propria  redierunt.  Tunc  ad- 
^.»S.  dixi:   Edissere   mihi,    quid    ista  siguificent.   Ait  ille:  Istae  sunt 

407.  miratus  iuquesiui  quid  essent  animalia  ista;  &  respondit  mihi 
162.  sic  comedissent;  ipse  cim balum  pulsare  cepit  &  sic  cuncta  hec 
Hak.  miratus  inquisiui  quae  essent  animalia  ista?  Et  respondit  mihi 
^.«S.  nobilium    virorum    animse,   quas   nos  hic  pascimus  amore  Dei. 

407.  dicens  quod  sunt  anime  nobilium  virorum  quas  nos  hic  pascimus 
162.  animalia  ad  loca  propria  remeabant,  Dum  autem  vidissem  ista 
Hak.  quod  sunt  animse  nobilium  virorû,  quas  nos  hîc  pascimus 
^.<S.   Ad  quod  ego:  Ista  animalia  non  sunt  aniraœ,  quae  spirituales 

407.  amore  dei  qui  regit  orbem  &  sicut  vuus  homo  fuit  nobilis; 
162.  multum  cepi  ridere  dicens  Tu  mihi  dicas  quid  hoc  indicare 
Hak.  amore  Dei,  qui  regit  orbe,  &  sicut  vnus  homo  fuit  nobilis, 
A.S.  sunt,   sed  solum  bestiœ  corporales.    Respondit  ille:    Non  sunt 


1)  275.  reads  par  apsides  and  below  &  respondit  michi  quod  essent  anime 


THE    BIBLIOHRAPHY    OF    ODORIC.  321 

407.  ita  anima  eius  post  mortem  in  corpus  nobilis  animalis  in  tota  ^) 

162.  velit    tunc   ipse   respondit   dicens,    Hec   animalia   sunt    anime 

Hak.  ita  anima  eius  post  mortem  in  corpus  nobilis  animalis  intrat. 

A.  S.  animalia,  sed  aniraaB  defunctorum.  Et  adiecit:  Sicut  hîc  quilibet 

407.  Anime  vero  simplicium  &  rusticorum.  corpora  vilium  auima- 
162.  nobilium  virorum  que  nos  hic  pascimus  amore  dei,  ei  autem 
Hak.  AnimsB  vero  simpliciû  &  rusticorû,  corpora  vilium  animalium 
^.aS.  nobilior  fuit,  sic  anima  eius  in  nobilius  animal  transformatur: 

407.  Hum  intrant  Jncepi  istam  abusionem  improbare  set  nichil 
162.  sic  respondi  dicens,  Hec  anime  non  sunt,  set  solum  bestie-  mihi 
Hak.  intrant.  Incœpi  istà  abusionc  improbare,  sed  nihil  valuit  sibi, 
A. S.  aniraœ   vero   rusticorum    vilibus   animalibus  se  coniunguut.  Et 

407.  valuit  sibi  non  enim  poterat  credere  quod  aliqua  anima 
162.  autem  respondebat  dicens,  verum  non  est  quod  hec  animalia  sunt, 
Hak.  no  enim  poterat  credere,  quod  aliqua  anima  posset  sine  cor- 
A.S.  licet  multô  sibi   dicerem  &  predicarem,  nùquam  tamen  ipsum 

407.  posset  sine  corpore  manere.  Jude  transiui  ad  quamdam  ciui- 
162.  set  solum  îsta  sunt  anime  nobilium  virorum,  vnde  sicut  vnum 
Hak.  pore  manere.  Indè  transiui  ad  quamdam  ciuitatem  nomine 
A. S.  ab  hac   perfidiâ   potui   reuocare.    Si   quis    velit   huius    ciuitatis 

407.    tatem  nomine  chilemso 

162.    illorum   fuit    uobilis    homo;  sic  eius  anima  in  aliquid  istorum 

Hak.  Chilenso 

^4.5.  m;igna  &  mirabilia,  quae  in  eâ  sunt,  scribere,  vix  vnus  quater- 


1)  275.  reads  intrat 


322  A.    C.    MOULE. 

162.  nobilium    auimalium   ipsa   iutrat,   Anime   vero   Rusticoruni  in 

Ä.S.  üio  posait  omnia  continere.  18.  De  hac  recedens 

162.  auimalia  vilia  intrant  &  inhabitant  sic  autem  hoc  modo  poteram 

162.  sibi  dicere  multa,  set  tamen  aliud  nunquam  credere  volebat/ 

162.  siquis  autem  vellet 


NOTE  SUR  LES  T'OU-YÜ-HOÜEN  ET  LES  SOU-PT 


PAR 


PAUL  PELLIOT. 


I.  Les  T'oa-yu-houen. 

Au  début  du  IV®  siècle  de  notre  ère,  les  pJ:  ^  ^  T'ou-yu-houen 
avaient  fondé  dans  la  région  du  Koukou-nor,  au  milieu  de  populations 
K'iang  (tibétaines),  un  royaume  qui  ne  fut  détruit  par  l'empire  tibétain 
proprement  dit  qu'en  663;  mais  les  T'ou-yu-houen  n'étaient  pas 
eux-mêmes  des  Tibétains.  Tous  les  textes  nous  montrent  en  eux  des 
émigrés  de  race  Sien-pi,  venus  de  la  région  du  fleuve  Leao  vers 
250  d'abord  dans  le  Nord  du  Kan-sou,  puis  passés  au  Sud  de  la 
ligne  des  oasis,  et  ayant  gagné  de  là,  en  traversant  la  rivière  ^^ 
T'ao,  jusqu'au  Koukou-nor;  leur  capitale  était  à  15  /i  à  l'Ouest 
du  lac. 

Le  nom  des  T'ou-yu-houen,  abrégé  à  la  fin  des  T'ang  eu 
^  j^  T'ouei-houen  et  pJ:  j^  T'ou-houen,  ramène  à  un  original 
*Tu'u7-;Kun  (*Tuyu7-7un)  ou  *Tu'u7un  (*Tuyu7un),  qui  n'a  pas  été 
retrouvé  jusqu'ici  en  dehors  des  sources  chinoises.  A  vrai  dire, 
M.  Laufer  a  invoqué  un  texte  du  rGyal-rabs  tibétain,  parallèle  à 
celui  des  Histoire  des  T'ang  et  où  les  T'ou-yu-houen  sont  appelés 
en  tibétain  Thu'lu'hun  ^).  Mais  le  rGyal-rabs  n'est  que  du  XIV®  siècle, 
et  il   me  paraît  évident  que  le  récit  tibétain  a  été  ici  simplement 


1)  T'oumj  Pao,  1908,  pp.  450—451. 


324  PAUL   PELLIOT. 

interpolé  dans  la  chronique  tibétaine  d'après  les  sources  chinoises. 
Nous  connaissons  en  effet  le  nom  tibétain  des  T'ou-yu-houen,  et 
ce  nom  n'était  pas  Thu'lu'hun,  mais  'A-za  ^). 

Or  ce  nom  de  'A-za,  je  crois  bien  le  retrouver  dans  les  textes 
chinois.  La  notice  des  T'ou-yu-houen  dans  le  Sony  chou  (ch.  96,  f°  1  r^) 
commence  ainsi:  «Les  T'ou-yu-houen  ou  «barbares  A-tch'ai>^),  ce 
sont  des  Sien-pi  du  Leao-tong»  {^  ^  ]^  ut  1ê^  W-  ^&M  M 
^.  j^  ).  Et  un  peu  plus  loin,  le  texte  spécifie  que  le  nom  de 
«barbares  A-tch'ai»  n'est  pas  celui  que  les  T'ou-yu-houen  se  don- 
nent à  eux-mêmes,  mais  bien  celui  par  lequel  les  désignent  «les 
tribus  mélangées  du  Nord-Ouest»  (  ^  i^f^  ^  ^  ^Ê)-  A-tch'ai  ra- 
mène à  un  ancien  *A-zai  ou  *A-jai,  et  il  n'est  pas  douteux,  à 
mon  sens,  que  ce  soit  ce  nom,  douné  aux  T'ou-yu-houen  par  leurs 
voisins  des  «tribus  mélangées  du  Nord-Ouest»,  qui  a  passé  en 
tibétain  proprement  dit  sous  la  forme  'A-za. 

Ce  point  acquis,  un  nouvel  aspect  du  problème  reste  à  examiner. 
La  forme  de  «barbares  A-tch'ai»,  avec  la  même  orthographe,  se 
trouve  dans  le  Sang  chou,  dans  le  Pei  che  (ch.  96,  i^  4  v"),  dans 
le  Wei  chou  (ch.  101,  P  3  v»);  le  Tsin  chou  (ch.  97,  f"  4  r«)  l'a 
également,  mais  ajoute  qu'on  dit  aussi  |^  J^  Ye-lu  («barbares 
sauvages»  ou  «barbares  Ye»?).  En  rencontrant  ces  noms,  j'avais 
songé  immédiatement  au  texte  du  Wei  Ho  sur  les  pays  d'Occident, 
où  il  est  question  d'anciens  esclaves  des  Hiong-nou  qui,  dans  la 
première  moitié  du  IIP  siècle,  étaient  établis  dans  le  Nord  du 
Kan-sou  et  étaient  connus  sous  le  nom  de  -^  ^  Tseu-lu,  «bar- 
bares Tseu»,  ^tseu*  étant  (d'après  le  Wei  Ho)  le  mot  Hiong-nou 
signifiant  «esclave»^).  Nous  avons  souvent  des  transcriptions  chinoises 


1)  Cf.  J.  A.,  1912,  II.  522;   1914,  II,   144. 

2)  Le  vrai  sens  de  lu  est  «prisonnier»,  mais,  dès  les  Han,  les  textes  chinois  rem- 
ploient comme  une  épithète  méprisante  désignant  les  a  barbares»  du  Nord  et  du  Nord-Ouest, 
et,  sous  les  T'ang,  le  mot  est  constamment  employé  à  propos  des  Tibétains. 

3)  Cf.  Chavannes,  dans   T'oung  Pao,  1905,  p.  625. 


NOTE   SUR   LES   t'OU-YU-HOUEN   ET   LES    SOU-P'l.  325 

OÙ  un  a-initial  est  supprimé,  soit  qu'il  s'agisse  là  d'un  fait  chinois, 
soit  que  les  transcripteurs  chinois  reproduisent  une  forme  dialectale 
sans  a-initial  coexistant  avec  une  forme  en  a-.  D'autre  part,  il  y  a 
une  ressemblance  graphique  entre  ^  tch'ai  et  -^  tseu.  Le  'A-za 
du  tibétain  nous  garantit  la  leçon  A-tch'ai  de  nos  textes;  tseu 
pourrait-il  être  une  mauvaise  leçon  du  texte  actuel  du  Wei  lio^ 
C'est  possible,  mais  eu  ce  cas  la  faute  serait  fort  ancienne,  car  le 
Na7i  ts'i  chou,  rédigé  au  début  du  VI®  siècle  et  qui  s'inspire  évi- 
demment du  Wei  lio,  parle  également  des  «barbares  Tseu>  (ch.  59, 
f°  2  r*').  Que  toutefois  un  rapprochement  se  soit  imposé  à  l'esprit 
des  Chinois  comme  au  mien  entre  les  «barbares  Tseu»  du  Wei  Ho 
et  les  «barbares  A-tch'ai»  qui  sont  les  T'ou-yu-houen,  c'est  ce  que 
montre  le  T'ovg  tien  qui,  à  la  fin  du  VIII®  siècle,  écrit  |5^  ^  J^ 
A-tseu-lu  («barbares  A-tseu»),  au  lieu  de  «barbares  A-tch'ai»,  pour 
le  nom  des  T'ou-yu-houen  (ch.  190,  f°  6  v**),  et  cette  leçon  a  passé 
au  X®  siècle,  avec  tout  ce  texte  du  T'ong  tien,  dans  le  T'ai  p'ing 
houan  yu  ki  (ch.  188,  f^  5  r°)  ^).  J'incline  donc  à  admettre  que 
'A-^a,  nom  tibétain  des  T'ou-yu-houen,  est  une  appellation  remon- 
tant au  moins  au  début  du  IIP  siècle  et  qui  n'est  d'origine  ni 
T'ou-yu-houen,  ni  tibétaine;  ce  nom  devait  désigner  primitivement 
des  tribus  mélangées  établies  au  Nord  du  Kan-sou  et  que  sans 
doute  les  T'ou-yu-houen  venus  du  bassin  du  Leao  rangèrent,  en 
passant,  sous  leur  domination. 

Maintenant,  quelle  langue  parlaient  ces  T'ou-yu-houen  venus  du 
bassin  du  Leao?  ^)  M.  Parker,  Chavannes,  M.  Pranke  qualifient  les 


1)  L'orthographe  actuelle  du  T'ong  tien  est  bien  celle  que  l'auteur  donnait;  il  l'a  en 
effet  précisée  par  une  glose  phonétique  gjj  ^^  ïyt  qui  implique  la  prononciation  tseu; 
cette  glose  a  passé  également  dans  le  T'ai  p'ing  houan  yu  ki,  mais  011  tsi,  au  moins 
dans  les  éditions  modernes,  y  est  altéré  en    ^gK    kiun. 

2)  La  plupart  des  histoires  dynastiques  les  font  venir  du  Leao-tong;  le  Sou«  c^om  dit 
par  contre  «du  Leao-si  »  et  la  «droite  du  Leao»  indiquée  par  le  So»^  cäom (ch.  96,  f°  1  r") 
est  en  faveur  du  Souei  chou.  M.  Parker  {À  Thoutand  years  of  the  Tartars,  p.  151 — 152) 
donne  pour  berceau  aux  T'ou-yu-houen  la  région  de  Jehol;  il  ne  doit  pas  être  loin  de  la  vérité. 


326  t    i-  !,,      -M         PAUL    P  ELLIOT. 

T'ou-yu-howen  de  Tongous;  Rockhill  et  M.  Laufer  ont  pensé  au 
contraire  que  c'étaient  des  Mongols  ^).  La  question  est  liée  à  mon 
sens  à  celle  de  la  parenté  linguistique  des  Sien-pi,  car,  contrairement 
à  ce  que  M.  Laufer  paraît  supposer,  je  ne  vois  pas  de  raison  de 
révoquer  en  doute  l'histoire  très  précise  de  la  migration  qui  a  amené 
les  T'ou-yu-houen  de  la  région  du  Leao  dans  celle  du  Koukou-nor, 
Mais  la  question  même  des  Sien-pi  est  fort  obscure.  Pour  ma  part, 
j'incline  à  considérer  les  Sien-pi  comme  des  tribus  de  langue  mongole 
dont  le  nom  survivait  à  l'époque  des  T'ang  et  des  Song  dans  celui 
des  Che-wei,  et  on  sait  que  parmi  les  tribus  Che-wei  de  l'époque 
des  T'ang  Bguraient  les  Mong-wou,  dont  le  nom  doit  bien  être 
identique  à  celui  des  Mon^u,  Mon/us,  Mon^ul  de  la  première  moitié 
du  XIP  siècle,  inséparable  lui-même  de  celui  des  Mongols  de 
Gengis-khan. 

Les  quelques  mots  de  la  langue  des  T'ou-yu-houen  qui  nous  ont 
été  conservés  me  semblent  appuyer  cette  manière  de  voir. 

Lorsque  T'ou-yu-houen,  le  prince  éponyme  du  futur  royaume 
T'ou-yu-houen,  se  fut  séparé  de  son  frère  cadet  qui,  né  de  la 
femme  légitime,  avait  succédé  à  son  père  dans  le  commandement 
de  la  tribu,  ce  frère  cadet  lui  envoya  un  émissaire  pour  l'exhorter 
à  revenir.  T'ou-yu-houen  accepte  si  ses  chevaux  consentent,  et 
l'émissaire  se  prosterne  joyeux  en  disant  ^  ^  ^  tch'ou  k'o-han, 
ce  qui  veut  dire  en  chinois  ^^  ^  ^  eul  kouari'kia.  Mais  les 
chevaux  refusent  de  reprendre  la  route  de  l'Est,  et  l'émissaire, 
vaincu,  reconnaît  le  prodige  dans  une  phrase  où  il  s'adresse  à 
nouveau  à  T'ou-yu-houen  en  l'appelant  k'o-han.  Nous  avons  ainsi, 
pour  une  tradition  qui  se  rapporte  à  250  —260  de  notre  ère,  deux 
mots  T'ou-yu-houen  qu'il  est  intéressant  d'examiner. 

Le  premier,  ich'ou^  traduit  en  chinois  par  ^^  euly  «toi»,  est 
sûrement   le   pronom    de   la   seconde  personne.    Il  y  a  une  parenté 


1)  Cf.  les  références  de  Laufer,  dans  T'oung   Pao,  1908,  p.  451. 


NOTE   SUR   LES   T'OU-YÜ-HOÜEN   ET   LES    SOü-P'l.  327 

assez  étroite  entre  les  pronoms  des  deux  premières  personnes  en  turc, 
en  mongol  et  en  mandchou.  Le  pronom  de  la  première  personne 
est  en  turc  bän  {märt),  génitif  bänin  {mänin)^  nom.  plur.  biz\  en 
mongol  bi,  gén.  wn'/m,  nom.  plur.  bida^  gén.  plur.  bidanu^)  ou  mauu\ 
en  mandchou  bi,  gén.  minu  (jucen  mim),  nom.  plur.  be,  gén.  plur. 
rneni.  Le  pronom  de  la  seconde  personne  est  en  turc  sein,  gén.  sdnin, 
nom.  plur.  siz;  en  mongol  cl,  gén.  êinu,  nom.  plur.  ta,  gén.  plur. 
tanu;  en  mandchou  si,  gén.  sini,  nom.  plur.  suve,  gén.  plur.  suveni^). 
Comme  on  le  voit,  on  retrouve  en  particulier  en  mongol  et  en 
mandchou,  pour  le  pronom  de  la  première  personne,  l'alteruauce  qui, 
dans  une  partie  des  dialectes  turcs,  transforme  b-  en  m-  dans  les 
mots  comportant  une  nasale. 

A  laquelle  de  ces  langues  convient-il  de  rattacher  le  tch'ou,  «toi», 
du  T'ou-yu-houen  ?  Tch'ou  est  malheureusement  un  mot  à  deux 
prononciations,  tch'ou  {*t^s'ia)  et  tchou  {*t^siu),  et,  bien  qu'il  se 
rencontre  dans  la  transcription  d'un  certain  nombre  de  noms  turcs, 
aucun  de  ceux  dans  lesquels  il  entre  n'a  été,  autant  que  je  me 
rappelle,  rétabli  de  façon  certaine  jusqu'ici.  Mais  la  restitution  nor- 
male ne  peut  être  que  *êu  ou  *cä.  Le  turc,  avec  son  sän,  est  ici 
hors  de  question.  Restent  le  mongol  et  le  mandchou  Les  c-  mongols 
devant  -i  sont  très  souvent  développés  d'anciens  t-,  et  l'analogie  du 
pluriel  ta  conduit  à  supposer  que  le  ci  mongol  est  issu  de  *ti',  les 
passages  de  *ti-  a  ci-  en  mongol  ont  continué  longtemps;  certains 
sont  postérieurs  au  XIIP  siècle,  mais  ils  peuvent  avoir  commencé 
de  très  bonne  heure;  *cu  (*crt)  du  T'ou-yu-houen  peut  donc  se 
rattacher  à  ci  du  mongol  au  moins  aussi  bien  qu'à  si  du  mandchou 


1)  La  forme  moderne  est  bidä,  bidänü,  mais  les  transcriptions  de  l'époque  mongole 
montrent  qu'on  prononçait  anciennement  ces  formes  à  la  classe  forte. 

2)  Je  ne  dis  rien  ici  du  pronom  de  la  troisième  personne,  aujourd'hui  perdu  en  mongol 
comme  pronom  indépendant;  mais  il  existe  encore  à  plusieurs  cas  dans  les  textes  des  XI II*' 
et  XI V"  siècles  et  se  relie  régulièrement  au  pronom  ?",  «il»,  du  mandchou. 


328  PAUL    PELLIOT. 

(nous  igQorons  malheureusement  jusqu'ici  la  forme  juëeii  du  pronom 
de  la  seconde  personne,  et  il  en  est  de  même  pour  le  khitan). 

Le  second  mot  cité  par  le  Song  chou  est  pj*  ^^  k'o-han  {*k'(t-yan), 
rendu  par  kouan-kia,  mot-à-mot  «famille  maudarinale»,  «famille 
noble»,  mais  qui  s'est  employé  autrefois  pour  dire  «l'empereur». 
II  n'est  pas  douteux  que  nous  ayons  ici,  et  pour  •  un  fait  qui 
remonterait  au  milieu  du  III®  siècle,  le  titre  même  qui  a  fait  for- 
tune plus  tard  sous  la  forme  turque  de  qaycat',  la  transcription  est 
rigoureuse  ^).  Mais  on  sait  que,  si  le  titre  de  qayan  fut  adopté  par  les 
Turcs  T'oa-kiue  au  VP  siècle,  cela  ne  veut  pas  dire  que  le  mot 
ait  été  nécessairement  turc  à  l'origine.  Dans  la  première  moitié  du 
IIP  siècle,  ce  titre  aurait  été  porté  par  un  chef  Sien-pi  du  Kan-sou, 
appartenant  à  un  autre  groupe  que  les  T'ou-yu-houen,  et  ancêtre 
éponyme  des  '^  ^  K'i-fou  qui,  à  la  fin  du  IV®  siècle  et  au  début 
du  V®,  régnèrent  dans  une  partie  du  Kan-sou  sous  le  nom  de  ^ 
Tsin  occidentaux  ^)  ;  nous  ne  sortons  pas  par  là  des  Sien-pi  *). 
Par  la  suite,  qayan  est  le  titre  porté  au  début  du  V®  siècle  par  les 
souverains  Jouan-jouan  (Avar),  et  au  début  du  VIP  siècle  par  les 
princes  T'ou-yu-houen.  Or  il  semble  que  les  Avars  aient  été  des 
Mongols,  et  c'est  d'eux  que  les  T'ou-kiue  (Turcs  de  l'Orkhon)  ont 
hérité  le  titre  de  qayan  avec  une  bonne  partie  de  leur  organisation 
administrative  et  de  leurs  dignités  de  cour.    Par  ce  titre  de  qayan, 


1)  C'est  à  ce  passage  du  Sonj  chou  que  M.  Shiratori  a  déjà  fait  allusion  dans  Keleii 
Szemle,  II,  15 — 16. 

2)  Cf.  Tiin  chou,  eh.  125,  f°  1  r",  et  F.  W.  K.  Müller,  dans  Osiasiat.  Zeitsckr., 
VIII,  313.  Ce  texte  du  Tsin  chou  écrit  Hj  Tr  k'o-han  {*k'a-yau);  c'est  l'orthographe 
qui  a  généralement  prévalu  par  la  suite,  et  de  préférence  &  celle  du  Song  chou.  J'admets 
que  le  Tiin  chou  actuel,  bien  qu'il  n'ait  été  rédige  qu'au  VU"  siècle,  reproduit  exactement 
l'orthographe  des  textes  plus  anciens  sur  lesquels  il  a  été  compilé. 

3)  Le  début  du  Wei  ekou  rattache  aussi  les  Wei  aux  Sien-pi;  il  est  certain  que  les 
Wei  n'étaient  pas  des  Tongous,  mais  ils  ne  paraissent  pas  non  plus  avoir  été  des  Mongols  ; 
la  liste  de  mots  des  Wei  conservée  par  le  Nan  ts'i  chou  semble  bien  plutôt  les  rattacher 
aux  Turcs. 


NOTE    SUR   LES    t'oU-YU-HOUEN   ET    LES    SOU-P'l.  329 

qu'ils  auraient  connu  dès  le  III®  siècle,  les  T'ou-yu-houen  semblent 
donc  se  rattacher  aux  Mongols  plutôt  qu'aux  Tongous. 

Un  autre  mot  T'ou-yu-houen  fourni  par  presque  toutes  les 
notices  sur  les  T'ou-yu-houen  est  j$^  "f""  a-kav,  parfois  écrit  ^  -^ 
a-yu,  «frère  aîné»;  l'une  des  deux  formes  est  altérée  graphiquement 
de  l'autre.  Le  mot  turc  pour  «frère  aîné»  est  anciennement  âci,  eei, 
plus  récemment  aqo,  aya;  le  mot  mongol  est  aqa;  le  mot  mandchou 
est  ahun  (jucen  a%ui\un).  Il  paraît  clair  qu'il  faut  adopter  pour  les 
T'ou-yu-houen  la  leçon  a-kan  -  *oqa)u  ce  qui,  avec  1'-?/  final  quies- 
cent du  mongol,  ramène  régulièrement  *aqan  à  oqa  du  mongol  ^). 

Les  notices  sur  les  T'ou-yu-houen  mentionnent  encore  un  mot 
T'ou-yu-houen  ^M.  ^  mo-hô  i^m^ak-ya)^  qui  signifiait  «père»,  et 
entrait  dans  une  titulature.  Ce  mot  se  retrouve  avec  la  même 
transcription  chinoise  à  l'époque  des  Turcs  de  l'Orkhon,  en  parti- 
culier dans  le  titre  de  haya-tarqan.  Le  mot  baya  ne  s'explique  pas 
en  turc,  et  M.  Bang  a  proposé  jadis  d'y  voir  le  mongol  baya, 
«petit»  ^).  Remarquons  que,  même  dans  cette  hypothèse,  le  titre 
serait  un  emprunt  aux  Avars,  à  qui  les  Turcs  de  l'Orkhon  doivent 
aussi  le  pluriel  «mongol»  tarqat  de  tarqan.  Mais  je  pense  plutôt 
que  les  Avar  avaient  le  même  mot  baya  que  les  T'ou-yu-houen, 
et  je  serais  tenté  d'y  voir  une  forme  aphérétique  correspondant  au 
mongol  aboya,  «oncle  paternel».  Ni  le  turc  ancien,  ni  le  mandchou 
n'ont  ce  mot;  les  termes  pour  «père»  et  «oncle  paternel»  portent 
d'ailleurs  en  turc,  en  mongol  et  en  mandchou  trace  de  flottements 
qui  tiennent  peut-être  à  l'ancien  usage  d'épouser  ses  belles-sœurs. 


1)  On  remarquera  que  le  q-  de  qayan  est  rendu  en  chinois  par  k'-,  c'est-à-dire  par 
une  aspirée,  au  lieu  que  le  -q-  de  *aqan.  est  rendu  par  un  k  non  aspiré.  De  même  le  turc 
saqal  est  transcrit  en  chinois  au  VP  et  an  Vil'  siècle  par  ^^  J&  so-ko  {*sa-kaS), 
c'est-à-dire  sans  aspiration.  Il  est  possible  que  la  différence  du  traitement  tienne  à  une 
différence  de  prononciation  du  q  en  mongol  et  en  turc  anciens  suivant  que  ce  q  était  initial 
ou  médian. 

2)  Cf.  Marquart,  Die  Clironologie  der  aîttilrk.  Inschriften,  Leipzig,  1898,  in-8°,  p.  99. 


330  PAULPELLIOT. 

Enfin,  les  litres  complets  de  deux  qayan  T'ou-ya-houeii  que  nous 
connaissons  au  VII®  siècle  se  terminent  tous  deux  par  ^  leou 
suivi  de  qayan;  on  est  assez  tenté  d'y  voir  des  épithètes  se  termi- 
nant par  le  su£Sxe  adjectif  -fu  du  mongol,  encore  que  l'ensemble 
des  deux  titres  ne  se  laisse  pas  restituer  pour  l'instant. 

Tout  bien  pesé,  et  sans  considérer  le  problème  comme  tranché 
définitivement,  je  crois  donc  pouvoir  conclure  que,  selon  toute 
vraisemblance,  les  T'ou-yu-houeu  installés  au  Koukou-nor  parmi  des 
populations  tibétaines  étaient  eux-mêmes  de  langue  mongole. 

II.  Les  Sou-p'i. 

Au  Sud-Ouest  des  T'ou-yu-houen  et  au  Nord-Est  du  Tibet 
proprement  dit  se  trouvait,  au  VP  siècle  et  dans  la  première  moitié 
du  VII®,  une  principauté  tibétaine  que  les  textes  chinois  appellent 
généralement  |^  B^  Sou-p'i;  les  Chinois  y  voyaient  un  des 
«royaumes  des  Femmes»,  et  les  notices  des  T'ang  lui  ont  parfois 
rapporté  des  informations  qui  se  rapportent  à  un  autre  «royaume 
des  Femmes»  situé  à  l'Ouest  du  Tibet  ^).  Sou-p'i  suppose  un  nom 
indigène  *Su-bi  ou  *Su-vi,  qui  ne  se  retrouve  sous  cette  forme 
nulle  part  ailleurs.  Mais,  parmi  les  manuscrits  que  j'ai  rapportés 
de  Touen-houang,  se  trouve  une  traduction  chinoise  du  Vyâkarcna 
de  Khotav,  due  à  ^  J^  Fa-tch'eng,  et  qui  doit  donc  remonter  à 
la  première  moitié  du  IX®  siècle^);  les  Sou-p'i  y  sont  nommés. 
Si  on  compare  la  nomenclature  de  ce  texte  avec  celle  fournie  par 
les  extraits  du  texte  tibétain  qu'a  publiés  M.  Thomas  '),  on  est 
amené  à  supposer  que  les  Sou-p'i  ne  sont  autres  que  les  Sum-pa 
du  texte  tibétain.  Or  l'hypothèse  devient  une  certitude  si  nous  nous 


1)  Cf.  Bushell,  dans  .7.  R.  A.  S.,  18S0,  p.  531  ;  Chavannes,  Documents  sur  les  Tou- 
Mue  ooeidentatue,  p.  169;  et  mes  remarques  dans  T'oung  Fao,  1912,  p.  358. 

2)  Cf.  /.  A.,  1914,  II,  144. 

8)  Dans  Stein.  Jncieni  KAota»,  II,  &84. 


NOTE   SUR    LES    t'OU-YU-HOÜEN    ET   LES    SOU-P'l.  331 

reportons  à  la  notice  sur  les  Sou-p'î  dans  la  Nouvelle  histoire  des 
T'ang^);  on  y  lit  en  effet  que  les  Sou-p'i  étaient  primitivement  un 
état  de  K'iang  qui  fut  conquis  par  les  T'ou-fan  (Tibétains  de  Lhasa) 
et  reçut  le  nom  de  -^  |^  Souen-po  (*Su8n-pua).  Souen-po  ramè- 
nerait normalement  à  *Sun-pa,  mais  on  sait  que  le  chinois  ancien 
n'avait  pas  de  mot  *sum;  il  a  donc  dû  sacrifier  la  nasale  labiale 
pour  rendre  le  timbre  u  de  la  voyelle  labiale,  et  Souen-po  est  sûre- 
ment le  Sum'pa  des  Tibétains.  En  réalité,  je  ne  suis  pas  sûr  que 
Sou-p'i  (*Su-bi)  soit  essentiellement  différent  de  Sum'pa.  Bien  que 
les  K'iang  aient  été  très  probablement  de  langue  tibétaine,  ils 
parlaient  peut-être  un  tibétain  assez  différent  de  celui  des  Tibétains 
qui  fondèrent  l'empire  de  Lhasa,  et  *Su-bi  pourrait  être  la  forme 
«k'iang»  du  même  nom  dont  Sum'pa  était  la  forme  «t'ou-fan». 
Le  nom  de  Sum-pa  a  survécu  dans  la  nomenclature  géographique 
moderne,  où  il  désigne  un  des  districts  septentrionaux  du  Tibet. 


1)  Cf.  Chavannes,  Documents,  p.  169. 


Notes   additionnelles. 

P.  324.  —  L'alternance  T'ou-yu-houen  et  T'ouei-houen  paraît  être 
du  même  type  que  celle  des  doublets  yuyu-  et  yui-,  «demander», 
guyû-  et  gui-,   «courir»,  en  mongol. 

P.  326.  —  L'identification  du  nom  des  Sien  -pi  à  celui  des  Che-wei 
supposerait  un  original  *Särbi,  *Serbi. 


LA  TRAVERSÉE  DU  DÉSERT  PAR  HIUAN-TSANG 
EN  630  AP.  J.-C. 

PAR 

.-]--■ 

H    .m        Sir  AÜREL  STEIN. 

C'est  pendant  ma  seconde  expédition  en  Asie  centrale,  durant 
l'automne  de  1907,  que  j'ai  traversé  le  «Gobi»  pierreux  du  Pei-chan, 
par  le  chemin  qui  conduit,  à  travers  le  désert,  de  l'oasis  de  Ngan-si 
à  Hâmi.  Cette  voie  sert  de  grand'  route  pour  relier  le  Kan-sou, 
situé  à  l'extrême  ouest  de  la  Chine  avec  la  province  de  Sin-Kiaug, 
«la  Nouvelle  Possession»  ou  Turkestan  chinois.  Je  savais  alors 
que  je  suivais  la  vieille  «route  du  Nord»  qui,  dès  que  les  Chinois 
eurent  pris  pied  solidement  à  Hâmi,  en  73  ap.  J.-C,  leur  servit 
régulièrement  de  grande  voie  de  communication  avec  leurs  posses- 
sions de  l'Asie  centrale,  toutes  les  fois  qu'ils  furent  en  mesure 
d'assurer  un  contrôle  politique  ou  militaire  sur  ces  territoires  éloignés. 
Sur  le  moment,  cette  idée  m'aida  à  me  résigner  au  fait  que  des 
considérations  d'ordre  pratique  m'imposaient  une  route  déjà  suivie 
par  plus  d'un  voyageur  européen  depuis  Prjevalsky,  et  dont  les 
vastes  étendues  de  graviers  et  de  rocs  en  train  de  se  désagréger 
ne  se  prêtaient  guère  à  de  nouvelles  observations  tant  soit  peu 
intéressantes. 

J'ai  eu,  depuis,  à  m'occuper  de  cette  région  dans  Sêrindia^  le 
rapport  détaillé  des  résultats  scientifiques  de  mon  deuxième  voyage 


LA   TRAVERSÉE   DU   DÉSERT    PAR   HIÜAN-TSANG.  333 

eil  Asie  centrale  (rapport  terminé  en  1918,  et  qui,  je  l'espère,  sera 
publié  sous  peu  par  l'Imprimerie  de  l'Université  d'Oxford).  C'est 
seulement  alors  que  j'accordai  toute  l'attention  voulue  aux  circon- 
stances qui  autorisent  cette  route  désolée  à  réclamer  un  iutérêt 
spécial  et  quasi-personnel  de  la  part  de  quiconque  s'occupe  de  la 
géographie  historique  de  l'Asie  centrale.  Elle  le  doit  à  un  épisode 
célèbre  de  la  vie  du  grand  pèlerin  chinois  Hiuan-tsang,  à  la  fois 
le  Pausanias  et  le  Marco  Polo  des  Bouddhistes,  dont  le  voyage  aller 
et  retour  de  la  Chine  aux  Indes  à  travers  l'Asie  centrale,  accompli 
dans  ïe  deuxième  quart  du  VIP  siècle  de  notre  ère,  nous  a  fourni 
des  renseignements  si  nombreux  et  si  importants  sur  la  géographie, 
l'histoire,  les  antiquités,  etc.,  des  immenses  régions  qu'il  a  parcourues. 
Je  veux  parler  de  cette  hardie  traversée  du  désert,  grâce  à  laquelle 
notre  pieux  voyageur  s'échappa,  vers  le  début  de  l'an  630  ap.  J.-C, 
par-delà  ce  qui  était  alors  la  frontière  de  l'Empire  chinois,  si  ja- 
lousement gardée  q'u'elle  fût,  et  pénétra  dans  ces  «Régions  occiden- 
tales» que  son  ardente  poursuite  de  la  sainte  Loi  Bouddhique  le 
poussait  à  explorer. 

L'histoire  de  cette  grande  aventure,  où  Hiuan-tsang  faillit  périr 
de  soif  dans  le  désert,  n'a  pas  encore  été  examinée  à  la  lumière 
d'une  connaissance  exacte  de  la  topographie  du  pays.  On  n'en  trouve 
d'ailleurs  pas  le  récit  dans  le  Si  Yu  Ki,  ou  «Relation  des  Contrées 
occidentales»  écrite  par  Hiuan-tsang  lui-même  (puisque  celle-ci  ne 
commence  qu'au  moment  où  il  quitte  le  Tourfân  pour  se  diriger 
vers  l'ouest),  mais  seulement  dans  la  «Fî'o»  de  Hiuan-tsang,  œuvre 
compilée  à  l'origine  par  son  disciple  Houei-li  et  éditée  plus  tai:d  dans 
des  conditions  qui  devaient  fatalement  en  diminuer  la  valeur  critique  ^). 
Aussi    pouvait-on  à  bon  droit  entretenir  des  doutes  sur  l'exactitude 


1)  Cf.  Stanislas  Julien,  Ristoire  de  la  vie  de  Iliouen-lhsanff,  préface  p.  lxxvi  et  seq., 
où  sont  exposées  les  conditions  dans  lesquelles  le  texte  de  la  biographie,  originairement 
compilée  par  le  moine  Hoeï-li  (Houei-li)  fut  retrouvé  et  édité. 


334  AUREL    STEIN. 

des  détails  contenus  dans  cette  narration,  en  raison  surtout  de  la 
nuance  de  surnaturel  que  l'histoire,  telle  qu'elle  nous  est  rapportée 
par  le  pieux  biographe,  prête  à  certains  événements  quasi-miraculeux 
auxquels  le  grand  pèlerin  dut  son  salut,  au  moment  où,  perdu  dans 
le  désert  aride,  il  était  sur  le  point  de  mourir  de  soif  et  d'épuisement. 

Il  n'est  donc  que  plus  intéressant  de  voir  qu'une  soigneuse 
comparaison  révèle  un  accord  étroit  entre  les  détails  précis  de 
l'histoire  et  les  données  de  notre  relevé  topographique  de  la  route 
depuis  les  parages  de  Ngan-si  jusqu'à  Hämi.  Cette  entière  conformité 
démontre  de  façon  frappante  l'exactitude  avec  laquelle  Hiuan-tsang 
lui-même  a  dû  se  rappeler  et  raconter  ce  fameux  épisode  initial  de 
ses  courses  errantes.  Elle  contribue  à  confirmer  une  fois  de  plus  la 
fidélité  subjective  de  ses  récits;  et  comme  il  nous  faut  à  chaque  in- 
stant nous  en  servir  quand  nous  avons  à  traiter  de  la  géographie 
ancienne  de  l'Asie  centrale  ou  de  l'Inde,  les  notes  qu'on  va  lire 
sur  l'itinéraire  suivi  par  Hiuan-tsang  à  travers  le  désert  peuvent  à 
juste  titre  trouver  place  ici. 

Cependant,  avant  d'essayer  de  suivre  pas  à  pas  le  pieux  voyageur, 
il  serait  bon  d'indiquer  rapidement  certains  faits  topographiques 
particulièrement  importants,  tant  en  ce  qui  concerne  son  point  de 
départ,  l'oasis  de  Ngan-si,  qu'à  propos  du  terrain  que  traverse  la  grand' 
route  actuelle  entre  cette  oasis  et  Hämi.  Dans  les  chapitres  XV  et 
XXVII  de  ma  *Serindia*,  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de  discuter  à  fond 
les  raisons  de  géographie  générale  qui  ont  obligé  les  Chinois, 
depuis  le  début  de  l'expansion  de  leur  puissance  vers  l'ouest,  dans 
le  dernier  quart  du  IP^ie  gi^de  av.  J.-C,  jusqu'à  nos  jours,  à 
choisir,  comme  ligne  principale  de  communication  avec  l'Asie  centrale, 
la  route  qui  longe  le  pied  du  versant  nord  des  montagnes  neigeuses 
du  Nan-chan.  Là  seulement  se  rencontre  une  série  de  districts 
relativement  bien  arrosés  et  fertiles,  s'étendant  de  Liang-tcheou  à 
Sou-tcheou  en  pa.ssant  par  Kan-tcheou,  et  capable  de  servir  de  base 


LA    TRAVERSÉE    DU   DÉSERT    PAR   HIÜAN-TSANG.  335 

sûre  à  des  expéditions  commerciales  et  militaires  à  travers  les  grands 
déserts  qui  séparent  le  Kan-sou  du  Turkestan  chinois.  Au-delà  de 
Sou-tcheou,  où  se  termine  la  Grande  Muraille  médiévale  de  l'Empire, 
cette  ligne  s'amincit  à  mesure  qu'on  s'enfonce  vers  l'ouest,  jusqu'à 
n'être  plus  qu'un  chapelet  de  petites  oasis,  entre  autres  le  Yu-mên- 
hien  actuel,  Ngan-si  et  Touen-houang.  Celles-ci  sont  toutes  situées 
dans  la  vallée  très  large,  mais  pour  la  plus  grande  partie  absolu- 
ment stérile,  par  laquelle  le  cours  inférieur  du  Sou-lo  Ho  va  se 
perdre  dans  le  désert,  à  l'est  de  l'ancien  lit  de  la  Mer  de  Lop. 
On  retrouvera  tous  ces  traits  essentiels  clairement  marqués  sur  la 
carte  I,  accompagnant  mes  Ruins  of  Desert  Cafhay,  et  publiée 
d'abord  par  le  Geographical  Journal,  dans  le  numéro  de  mars  1911, 
afin  d'illustrer  les  explorations  de  mon  second  voyage. 

Aussi  longtemps  que  les  entreprises  commerciales  et  militaires 
des  Chinois  visant  le  bassin  du  Târim  purent  continuer  à  se  diriger 
ainsi  droit  à  l'ouest  et  à  suivre  cette  première  route,  à  travers  le 
désert  d'argile  et  de  sel  laissé  par  le  lit  desséché  de  la  Mer  de  Lop, 
jusqu'aux  établissements  ruinés  de  Lou-lan  ^),  aussi  longtemps  Touen- 
houang,  la  dernière  oasis  en-deçà  de  la  vieille  frontière  chinoise  du 
temps  des  Han,  demeura  le  point  de  départ  et,  pour  ainsi  dire,  la 
tête  de  pont  pour  la  grande  traversée  du  désert.  Mais  quand,  après 
le  IIP"^®  siècle  de  notre  ère,  Lou-lau  fut  abandonné  au  désert  et 
que  le  manque  d'eau  ferma  au  trafic  cette  route  diflBcile,  mais  de 
toutes  la  plus  directe,  tout  ce  qui  subsista  en  fait  de  rapports  avec 
l'Asie  centrale,  après  la  disparition  du  contrôle  politique  chinois 
sur  les   «Régions   occidentales»,  se  détourna  forcément,  de  façon  à 


1)  J'ai  réussi,  au  cours  de  mes  explorations  du  désert  de  Lop  en  1914 — 15,  à  relever 
cette  ancienne  route  de  Lou-lan  d'un  bout  à  l'antre:  pour  son  tracé,  cf.  A  i/iird  jotirney 
cf  exploration  in  Central  Asia,  1913 — 16,  dans  le  Geographical  Journal,  1916,  XLVIII, 
p.  124 — 129;  voir  aussi  dans  Serindia,  ch.  XIV,  une  revue  des  notices  historiques  chinoises 
relatives  à  cette  route. 


336  AUREL   STEIN. 

peu    près    complète,    vers   les    routes    qui    traversent   le   «Gobi»    du 
Pei-chan  dans  la  direction  de  Hâmi. 

Parmi  ces  routes,  celle  qui  partait  de  l'oasis  de  Ngau-si  et  con- 
duisait presque  en  droite  ligne,  au  nord-ouest,  vers  la  région  culti- 
vable de  Hâmi,  au  pied  du  versant  sud  du  Karlik-tägb,  doit  sûre- 
ment avoir  été  de  tout  temps  relativement  la  plus  facile,  et  par 
suite  la  plus  fréquentée.  C'est  en  suivant  la  ligne  de  son  tracé  que, 
pour  les  voyageurs  venant  de  la  Chine  proprement  dite,  ou  s'y 
rendant,  la  distance  à  couvrir  à  travers  un  terrain  absolument 
désertique  est  la  plus  courte.  Elle  traverse  le  désert  pierreux  du 
Pei-chan  en  onze  marches,  dont  le  total  s'élève,  comme  l'a  montré 
notre  relevé,  à  environ  218  milles.  Hâmi,  grâce  aux  facilités  d'irri- 
gation que  lui  assure  le  voisinage  des  neiges  du  Karlik-tîîgh,  a 
toujours  été,  dans  les  temps  historiques,  un  endroit  renommé  pour 
ses  produits  agricoles,  et  un  emporium  naturel  pour  tout  le  trafic 
qui  traversait  la  région  désertique  du  sud- est.  Ngan-si,  de  son  côté, 
ne  s'est  pas  encore  relevé  de  toutes  les  ruines  causées  par  la  grande 
rébellion  des  Touuganes,  dans  la  sixième  décade  du  siècle  dernier. 
Néanmoins,  si  maigres  que  soient  ses  présentes  ressources,  elles 
suffisent  pour  permettre  aux  caravanes  de  marchands  et  aux  autres 
voyageurs  de  se  ravitailler  sur  place.  Dans  les  temps  anciens,  comme 
le  prouvent  quantité  de  témoignages  historiques,  ces  ressources 
élaieut  beaucoup  plus  considérables.  Quant  aux  autres  routes,  qui 
peuvent  encore  conduire  de  Hâmi  et  de  l'extrémité  orientale  du 
T'ien-chan  vers  les  districts  frontières  du  Kau-sou  et  de  la  Chine 
même,  toutes  traversent  les  étendues  stériles  du  «Gobi»  du  Pei-chan 
sur   des   distances  bien  plus  longues  ^).    Ainsi  que  l'a  démontré,  eu 


1)  La  carte  russe,  à  l'cchelie  de  40  verstes  au  pouce,  des  régions  au-delà  ùo  la 
frontière  asiatique  indique  en  effet  sur  les  feuilles  XXI  et  XXIT,  moitié  d'après  des  relevés 
d'explorateurs  russes  tels  que  Groum  Grijmailo  et  Obroucl:ev,  moitié  d'après  des  «rensei- 
gnements indigènes»,  des  routes  qui  traversent  le  Pei-chan  à  l'est  de  la  ligne  Hâmi — Ngan-si. 
Une    route   distincte   des   précédentes  et  menant  de  Hâmi  au  grand  coude  du  Sou-lo  Ho  8 


LA   TRAVERSÉE   DU   DÉSERT   PAR   HIUAN-TSANG.  337 

septembre  1914,  mon  voyage  de  Mao-mei  au  Karlik-tagh  ^),  elles 
présentent  des  diflScultés  analogues,  sinon  pires,  en  ce  qui  concerne 
le  ravitaillement  en  eau  et  la  nourriture  des  bêtes  de  somme. 

A  la  lumière  de  ces  simples  faits  géographiques,  il  ra'apparaît 
clairement  que  la  route  menant  de  Ngan-si  à  Hâmi  a  toujours  dû 
conserver  son  importance  pendant  les  périodes  durant  lesquelles  elle 
fut  ouverte  aux  relations  entre  la  Chine  et  l'Asie  centrale,  et  qu'au 
surplus  son  tracé,  selon  toute  vraisemblance,  doit  avoir  toujours  été 
sensiblement  le  même  qu'à  présent.  Cette  dernière  conclusion  se 
justifie  d'autant  mieux  que  —  comme  on  peut  le  voir  sur  la  carte 
jointe  a  Desert  Cathay  et,  avec  plus  de  détails,  sur  les  feuilles 
reproduisant  notre  levé  topographique  à  l'échelle  de  4  milles  au 
pouce  2)  —  à  l'exception  d'un  petit  détour  rendu  nécessaire  par 
l'approvisionnement  d'eau  entre  la  source  de  Ta-ts'iuen  et  celle  de 
Cha-ts'iuen-tzeu,  la  route  actuelle  conduit  presque  en  ligne  droite 
depuis  Ngan-si  jusqu'au  plus  proche  endroit  habité  sur  la  lisière  de 
l'oasis  de  Hami. 


été  suivie  en  1898  par  le  Prof.  FuTTERER,  qui  l'a  très  soigneusement  décrite  dans  Geogra- 
phische Skizze  der  Wüste  Gobi,  Ergänzungsheft  n°  139,  Fetermatms  Mitteilungen,  1902. 
Cet  article  expose  de  la  façon  la  plus  instructive  la  géologie  et  la  phyiiographie  générales 
des  chaînes  du  Pci-chan  oriental. 

Parmi  les  différents  tracés  de  route  marqués  sur  la  carte  russe  mentionnée  çi-dessus 
comme  traversant  le  Pei-chan  à  l'ouest  de  la  ligne  Ngan-si — Hâmi,  il  n'y  en  a  qu'un  qui 
puisse  être  considéré  comme  praticable  et  réellement  existant.  C'est  celui  relevé  par  le 
capitaine  Roborovsky,  au  cours  de  son  expédition  de  1893:  il  se  détache  de  la  grand'route 
chinoise  à  Kou-chouei,  à  quatre  étapes  de  Hâmi,  et  pique  droit  au  sud  sur  Touen-houang. 
La  difficulté  de  s'y  approvisionner  en  eau,  etc.,  fait  que  cette  route  n'est  que  rarement 
suivie  de  nos  jours.  Les  voyageurs  chinois,  partant  de  l'oasis  que  je  viens  de  nommer, 
préfèrent  rejoindre  la  grand'route  à  Hoang-liou-yüan,  la  seconde  étape  après  Ngan-si. 
L'existence  des  autres  chemins,  étant  données  les  informations  recueillies  par  le  capitaine 
Roborovsky  et  le  professeur  Pelliot,  semble  des  plus  problématiques. 

1)  Voir  «A  third  journey  of  exploration  in  Central  Asia».  Geographical  Journal, 
XLVIII,  p.  200. 

2)  Voir  les  feuilles  n°  73,  76,  77,  80  et  81  de  l'Atlas  préparé  par  le  Service  géogra- 
phique de  l'Inde  pour  être  joint  ù  mon  volume  de  Serindia.  Par  ordre  du  Directeur  général 
de  ce  même  service,  des  bonnes  feuilles  de  l'atlas  ont  été  envoyées,  en  1914,  aux  principales 
institutions  géographiques  d'Europe  et  d'Amérique. 


388  AUREL   STEIN. 

Ngan-si,  l'ancien  Koua-tchéou,  qui  fut  le  point  de  depart  de 
Hiuau-tsang  dans  l'épisode  de  son  voyage  dont  nous  avons  à  nous 
occuper  ici,  ne  mérite  pas  de  retenir  longtemps  notre  attention. 
Dans  mon  Desert  Cathay,  au  chap.  LXXI,  j'ai  déjà  consigné  les 
observations  que  j'avais  pu  faire  sur  sa  condition  présente  au  cours 
de  mes  séjours  de  1907  ^).  Le  Ngan-si-tcheou  actuel,  situé  à  quelque 
distance  de  la  rive  gauche  du  Sou-Io  Ho,  n'est  guère,  eu  dépit  de 
sou  nom  sonore  («la  Cité  de  [la  garnison]  qui  protège  l'ouest»), 
qu'une  rue  de  maisons  clairsemées  au  milieu  d'une  vaste  enceinte 
de  murailles  croulantes.  Il  doit  ce  qu'il  a  d'importance  uniquement 
au  fait  que  c'est  la  dernière  étape  sur  la  route  de  Hâmi  où  l'on 
puisse  trouver  à  s'approvisionner.  Au  sud  de  la  ville  s'étend,  entre 
le  lit  de  la  rivière  et  le  pied  des  collines  stériles  qui  forment 
l'avant-garde  du  Nan-chan,  une  large  plaine  couverte  de  brousse, 
où  des  bandes  de  maigres  cultures  sont  coupées  par  de  vastes 
étendues  en  friche.  Des  ruines  de  villes  et  de  villages  entourés  de 
murs  abondent  dans  cette  région  désolée,  attestant  son  ancienne 
prospérité.  Parmi  ces  ruines,  la  plus  considérable  et  la  plus  centrale 
porte  encore  le  nom  de  Koua-tcheou-tch''éng,  la  «  ville  murée  de 
Koua-tcheou»  et  la  tradition  locale  en  fait  le  site  de  l'ancien  chef- 
lieu  du  district^).  Des  raisons  d'ordre  archéologique,  que  j'ai  discu- 
tées dans  Serindia,  corroborent  l'exactitude  de  cette  tradition;  selon 
toute  vraisemblance  c'est  là  qu'il  faut  situer  le  centre  administratif 
du  district  de  Koua-tcheou,  où  la  Vie  fait  arriver  Hiuan-tsaug  vers 
la  fin  de  l'an  629  de  notre  ère  ^). 


1)  Cf.  Bcsert  Cathay,  II,  p.  235  et  suivantes. 

2)  Se  reporter  pour  la  position  exacte  de  ce  site  ruiné  et  la  topographie  du  chemin 
de  Ngan-si,  au  carton  à  l'échelle  de   l  :  1.000.000'  insérée  dans  la  carte  1  de  Beseri  Cathay. 

3)  Cf.  Stan.  Julien,  Histoire  de  la  vie  de  Hiouen-thsang  (Paris,  1853),  p.  17;  ainsi 
quo  Beal,  The  Life  of  Hiuen-tsiang,  p.  13.  Dans  les  citations  extraites  de  la  F»e  que  nous 
aurons  à  faire  çi-dessous,  nous  suivrons  le  texte  du  grand  sinologue  français,  sur  lequel  la 
traduction  anglaise  est  géDuralement  fondée. 


LA    TRAVERSÉE    DU    DÉSERT   PAR   HIÜAN-TSANG.  339 

Le  savant  moine  bouddhique  avait  quitté  Tch'ang-ngan,  la  capitale 
chinoise,  dans  le  dessein  avoué  de  «  voyager  vers  l'ouest,  à  la 
recherche  de  la  Loi  dans  le  royaume  des  Brahmanes»,  c'est-à-dire 
dans  l'Inde.  Mais  bien  que  le  grand  empereur  T'ang,  T'ai  Tsoung 
(627—650  ap.  J.-C),  fût  déjà  engagé  dans  cette  politique  d'expan- 
sion vers  l'occident,  qui  devait  avant  longtemps  rétablir,  après  un 
intervalle  de  plusieurs  siècles,  le  pouvoir  des  autorités  chinoises  sur 
le  bassin  du  Tarim  et  même  au-delà,  les  méthodes  traditionnelles 
tendant  à  isoler  la  Chine  de  l'occident  barbare  étaient  encore  en 
vigueur  sur  la  frontière  du  Kan-sou:  «A  cette  époque,  l'adminis- 
tration du  pays  était  encore  nouvelle,  et  les  frontières  de  l'empire 
ne  s'étendaient  pas  fort  loin.  Le  peuple  était  soumis  à  de  sévères 
défenses,  et  il  n'était  permis  à  personne  de  sortir  pour  aller  dans 
les  pays  étrangers»  ^). 

Aussi  Hiuan-tsaug  avait-il  été  obligé  de  quitter  Liang-tcheou  en 
secret,  et  de  gagner  Koua-tcheou  par  des  marches  de  nuit.  Arrivé 
là,  «le  Maître  de  la  Loi»  s'étant  informé  des  routes  de  l'ouest,  on 
lui  répondit:  «>A  50  li  d'ici,  eu  marchant  vers  le  nord,  on  rencontre 
la  rivière  Hou-lou,  dont  le  cours  inférieur  est  large,  et  le  cours 
supérieur  très  resserré.  Ses  eaux  tournoient  constamment  et  roulent 
avec  une  telle  impétuosité  qu'on  ne  peut  la  passer  en  bateau.  C'est 
près  de  la  partie  la  plus  large  qu'on  a  établi  la  barrière  Yû-mên- 
Kouan,  par  laquelle  on  est  obligé  de  passer,  et  qui  est  la  clef  des 
frontières  de  l'ouest.  Au  nord-ouest,  en  dehors  de  cette  barrière,  il 
y  a  cinq  tours  à  signaux,  où  demeurent  les  gardiens  chargés  d'ob- 
server. Elles  sont  éloignées  l'une  de  l'autre  de  cent  li.  Dans  l'inter- 
valle qui  les  sépare,  il  n'y  a  ni  eau  ni  herbages.  En  dehors  de  ces 
cinq  tours  s'étendent  le  désert  de  Mo-ho-yen  et  les  frontières  du 
royaume  d\I-Wou  (Hâmi)». 

La   Vie  raconte  de  façon  touchante  comment  l'ardent  pèlerin  en 


1)  Cf.  Julien,  Vie  de  H.-t.,  p.  10. 


340  AUREL    STEIN. 

vint  à  braver  l'interdiction  officielle  et  à  s'aventurer  dans  le  redou- 
table désert  par-delà  la  frontière  ').  En  recevant  les  renseignements 
que  nous  venons  de  rapporter,  il  s'était  d'abord  senti  très  abattu; 
et,  comme  en  outre  il  venait  de  perdre  son  cheval,  il  passa  un  mois 
dans  l'affliction.  Là-dessus,  le  gouverneur  local  apprit  par  ses  es- 
pions les  intentions  de  Hiuau-tsang:  mais  comme  c'était  un  homme 
plein  de  piété,  il  lui  montra  en  secret  leur  rapport,  et  finalement, 
ému  par  sa  sincère  ferveur,  décida  —  more  Sinico  —  de  fermer  les 
youx.  Néanmoins  les  ennuis  du  saint  voyageur  ne  firent  que  s'ac- 
croître, tant  à  cause  de  la  défection  des  deux  jeunes  moines  qui 
devaient  l'accompagner,  que  de  la  difficulté  où  il  était  de  se  procurer 
un  guide.  Mais  des  songes  et  des  présages  favorables  lui  firent 
reprendre  courage,  et  un  jeune  indigène  dévot  l'aida  à  se  rencontrer 
en  secret  avec  un  «barbare»  âgé  qui  avait  fait  quinze  fois  le 
voyage  ù'I-wou,  aller  et  retour. 

Le  vieillard  lui  donna  ce  grave  avertissement:  «Les  routes  de 
l'ouest  sont  mauvaises  et  dangereuses;  tantôt  on  est  arrêté  par  un 
fleuve  de  sable  (des  sables  mouvants),  tantôt  par  des  démons  et  des 
vents  brûlants.  Lorsqu'on  les  rencontre,  il  n'est  personne  qui  puisse  y 
échapper.  Souvent  des  caravanes  nombreuses  s'y  égarent  et  périssent». 
Mais  Hiuan-tsang  demeura  ferme  et  déclara  que  s'il  ne  finissait  pas 
par  atteindre  le  royaume  des  Brahmanes,  de  sa  vie  il  ne  retournerait 
vers  l'orient,  dans  la  direction  de  la  Chine:  «Quand  je  devrais 
mourir  au  milieu  de  ma  route,  je  n'éprouverais  nul  regret». 
Là-dessus  le  sage  vieillard  lui  dit:  «Maître,  puisque  vous  êtes 
décidé  à  partir,  il  faut  que  vous  montiez  mon  cheval.  Déjà  plus 
de  quinze  fois,  il  a  fait  aller  et  venir  le  chemin  ù*I-wou  (Härai). 
Il  est  vigoureux  et  connaît  les  routes.  Votre  cheval,  au  contraire, 
est  faible  et  n'y  arrivera  jamais».  Nous  verrons  un  peu  plus  tard 
le  rôle  important  que  cette  brave  monture,   «maigre  et  de  couleur 


1)  Voir  Julien,  Vie  de  H.-t.,  p.  17—21. 


LA   TRAVERSÉE   DU    DÉSERT   PAR   HIÜAN-TSANG.  341 

rousse»,  contre  laquelle  il  échangea  la  sienne,  était  destinée  à  jouer 
dans  cette  aventure:  c'est  enfin  de  compte,  à  elle  que  le  pèlerin  dut 
d'échapper  à  la  mort  dans  le  désert  ^). 

Ainsi  monté,  et  accompagné  par  le  jeune  habitant  du  pays  qui 
devait  lui  servir  de  guide,  Hiuan-tsang  partit  la  nuit  de  Koua-tcheou: 
«A  la  troisième  veille,  ils  arrivèrent  à  la  rivière  et  aperçurent  de 
loin  la  barrière  Yu-mên-kouan.  A  dix  H  en  amont  de  l'endroit  où 
était  placée  cette  barrière  ^)  les  deux  rives  du  cours  d'eau  n'étaient 
séparées  que  par  la  distance  d'un  tchang  (dix  pieds)».  A  cet  endroit, 
ils  efifectuèrent  leur  passage  sur  un  pont  de  fortune  improvisé  par 
le  jeune  «barbare»  avec. des  branches  d'arbre  coupées,  etc.  Puis, 
après  s'être  reposés  sur  le  bord  de  la  rivière,  ils  se  mirent  en  route 
avec  les  premiers  rayons  du  soleil.  Mais  an  bout  de  quelques  pas, 
le  compagnon  de  Hiuan-tsang,  effrayé  par  les  périls  qui  les  atten- 
daient, refusa  de  s'aventurer  plus  loin  et  laissa  le  courageux  pèlerin 
continuer  seul  l'aventure. 

Avant  de  suivre  davantage  Hiuan-tsang,  il  serait  à  propos  de 
résumer  les  indications  que  nous  pouvons  tirer  de  ce  bref  récit 
d'une  part,  et,  d'autre  part,  des  renseignements  locaux  que  nous 
avons   reproduits   précédemment,    en    les   comparant  ensuite  avec  la 


\)  La  mention  de  ce  cheval  et  ce  qu'on  nous  dit  de  sa  {i;raude  cxpe'rience  du  voyage 
me  paraissent  donner  une  note  réaliste  à  l'histoire  telle  qu'elle  nous  est  rapportée  dans  la 
Vie.  Ce  détail,  joint  à  ceux  que  nous  aurons  à  indiquer  çi-dessous,  crée  une  présomption 
en  faveur  de  la  véracité  foncière  du  récit  recueilli  et  transmis  par  le  biographe  de 
Hiuan-tsang. 

En  même  temps,  la  façon  dont  la  Vie  rattache  l'heureuse  acquisition  de  cette  monture 
à  une  prédictioUj  faite  à  Hiuan-tsang  par  un  devin  avant  son  départ  de  Tch'ang-ngau,  montre 
le  même  mélange  de  sens  réaliste  et  de  crédulité  naïve,  qui  caractérise  mon  «saint  patron» 
chinois,  au  même  titre  que  tant  de  ses  compatriotes,  anciens  ou  modernes.  Cette  même  veine 
se  retrouve  d'un  bout  à  l'autre  de  ses  «Mémoires».  (Cf.  Desert  Cathay,  H,  p.  169  et  sq.). 

2)  Je  suis  ici  l'interprétation  de  Beal  (voir:  Life  of  Riuen-tdang,  p.  10).  La  version 
de  Julien  impliquerait  que  le  lieu  de  la  traversée  était  à  la  Barrière  même.  Mais  il  est 
évident  que  tel  ne  peut  être  ici  le  sens,  puisque  le  passage  devait  s'effectuer  en  secret.  De 
plus,  ou  nous  a  dit  précédemment  que  la  Barrière  de  Yii-men  se  trouvait  \  l'endroit  où  la 
rivière  était  le  plus  large,  et  où  par  suite  il  est  permis  de  supposer  qu'elle  était  guéable. 


342  AUREL   STEIN. 

présente  topographie  de  Ngan-si.  Si  nous  prenons  comme  point  de 
départ  la  ville  de  Koua-tcheou,  la  route  à' I-wou  ou  Hämi  se  dirigeait 
d'abord  vers  le  nord  sur  une  distance  de  cinquante  li  avant  d'at- 
teindre la  rivière  Hou-lou.  Sur  les  bords  de  cette  dernière  était  alors 
placé  le  poste  de  garde  Yû-mên-kouan,  «la  Barrière  de  la  Porte  de 
Jade».  A  partir  de  ce  point,  la  route  de  Hämi  s'infléchissait  vers 
le  nord-ouest  et  conduisait  aux  cinq  postes  de  guet  installés  dans 
le  désert  pour  la  surveiller.  Le  premier  soin  de  Hiuan-tsang  devait 
être  d'éviter  la  «Barrière  de  la  Porte  de  Jade»,  où  il  n'aurait  pas 
manqué  d'être  arrêté  dans  son  dessein  de  traverser  la  frontière  sans 
autorisation.  Il  quitta  donc  Koua-tcheou  de  unit,  et  aborda  la  rivière 
à  un  point  situé  à  une  dizaine  de  li  eu  amont  du  poste  de  garde. 
Ayant  réussi  à  traverser  l'eau  sans  être  aperçu  pendant  la  troisième 
veille  de  la  nuit,  il  rejoignit  de  là  le  chemin  qui  menait  à  la  plus 
proche  des  tours  de  guet,  et,  comme  nous  allons  voir,  y  arriva  après 
avoir  couvert  une  distance  de  quatre-vingts  H. 

Il  est  aisé  de  démontrer  que  ces  indications  s'accordent  pleine- 
ment avec  les  données  de  notre  relevé  topographique  du  pays.  La 
rivière  Hou-lou  ne  saurait  être  que  le  Sou-lo  Ho  ^).  La  ville  en 
ruines  de  Koua-tcheou-tch'êng^  en  raison  de  sa  position  centrale  et 
de  la  persistance  de  la  tradition  locale,  peut  être  considérée  comme 
marquant  approximativement  le  site  du  Koua-tcheou  de  l'époque  des 
T'ang.  Or,  c'est  à  huit  milles  presque  exactement  au  nord,  en  droite 
ligne,  que  la  présente  route  de  Hämi  traverse  le  Sou-lo  Ho.  Si  l'on 
admet  que  le  cours  de  la  rivière,  à  l'époque  de  Hiuan-tsang,  était 
situé  à  environ  deux  milles  plus  au  nord,  à  l'endroit  où  notre  plan 
porte  marqué  un  ancien  lit  de  rivière,  la  distance  est  en  accord 
encore  plus  étroit  avec  les  50  li  mentionnés  par  la  Vie:  car,  ainsi 


I)  On  doit  la  première  identification  correcte  de  cette  rivière  avec  le  Sou-lo  Ho,  le 
Bouloangir  des  Mongols,  à  V.  de  Saint-Martin:  cf.  Juukn,  Mémoires  de  Hiouen-thsang, 
II.  p.  203. 


LA   TRAVERSÉE   DU    DÉSERT    PAR   HIUAN-TSANG.  343 

que  nous  l'a  appris  une  longue  expérience  de  la  façon  dont  Hiuan- 
tsang  calculait  les  distances  le  long  des  routes  de  l'Asie  centrale, 
l'équation  «5  H  =  un  mille»  représente  en  général  la  moyenne 
correcte.  Que  la  route  de  Hämi,  en  quittant  la  rivière,  conduise  de 
façon  constante  dans  la  direction  du  nord-ouest,  il  suffit  pour  s'en 
assurer  de  jeter  un  coup  d'œil  sur  la  carte.  Enfin  les  80  li  que 
Hiuan-tsang,  nous  dit-on,  aurait  couverts  entre  la  traversée  de  la 
rivière  et  la  première  tour  de  guet  correspondent  de  manière  frap- 
pante aux  16  milles  environ  que  la  carte  montre  entre  l'ancien  lit 
de  rivière  dont  j'ai  parlé  plus  haut,  et  la  première  étape,  Pei-tan- 
tzti,  avec  sa  source,  sur  la  route  actuelle  des  caravanes. 

En  ce  qui  concerne  le  site  exact  de  la  barrière  de  Yu-mên  à 
l'époque  du  voyage  de  Hiuan-tsang,  je  ne  suis  pas  en  mesure  de 
le  fixer  de  façon  positive:  cela  ne  change  d'ailleurs  rien  à  l'itiné- 
raire qui  nous  intéresse  en  ce  moment.  Les  découvertes  faites  en 
1907,  au  cours  de  mes  explorations  de  l'ancien  Limes  chinois  ont 
apporté  une  solution  au  problème  de  la  position  originale  et  des 
vestiges  de  cette  fameusj  place  —  frontière  de  la  «Porte  de  Jade», 
jadis  située  très  loin  à  l'ouest  de  Touen-houang '^)  ;  et  de  bonnes 
raisons  archéologiques  nous  donnent  à  penser  que,  même  au  temps 
de  Hiuan-tsang,  son  transfert  dans  le  nord  de  Koua-tcheou  était  de 
date  relativement  récente  ^).  La  stricte  surveillance,  exercée  dans 
l'antiquité  sur  tout  le  trafic  traversant  la  frontière  par  cette  grande 


1)  Cf.  Besert   Cathay,  II,  p.  115  et  seq.;  Serindia,  chap.  XIX,  sec.  I— III. 

2)  Un  passage  des  Annales  des  T'ang,  rapportant  l'envoi  en  610  ap.  J.-C,  du  fameux 
commissaire  chinois  P'ei  Kiu  à  Yii-mên-kouan,  place  clairement  cette  Barrière  de  la  frontière 
à  la  ville  de  Tchin-tch'ang  ;  cf.  Chavannes,  Documents  sur  les  Turcs  occidentaux,  p.  18. 
Les  archéologues  chinois  et  la  tradition  locale  de  Ngan-si  semblent  d'accord  pour  considérer 
Chin-ch'ang  comme  une  sous-préfecture  dépendant  de  Koua-tcheou  et  située  à  l'est  de 
Ngan-si  ectuel:  mais  sa  position  exacte  reste  encore  à  déterminer. 

Combien  de  temps  la  «Barrière  de  la  Porte  de  Jade»  resta-t-elle  près  de  Koua-tcheou, 
et  quand  et  comment  le  Tû-mén-hien  actuel,  entre  Sou-tcheou  et  Ngan-si,  hérita-t-il  du 
nom  de  l'ancienne  station  frontière  du  temps  des  Han?  C'est  là  une  autre  question  qui 
doit  être  réservée  pour  de  futures  recherches. 


344  AÜREL    STEIN. 

porte  orientale  de  la  première  Grande  Muraille,  a  son  pendant  exact 
dans  la  procédure  observée  jusqu'à  nos  jours  à  la  porte  de  Kia-yü- 
kouan,  à  l'ouest  de  Sou-tcbeou,  ainsi  que  j'ai  eu  déjà  plus  d'une 
fois  l'occasion  de  le  signaler  soit  dans  Desert  Cathay,  soit  dans 
Serindia  ^). 

Pour  mieux  apprécier  les  conditions  dans  lesquelles  Hiuan-tsang 
effectua  sa  traversée  du  désert,  jetons  un  rapide  regard  sur  l'aspect 
général  de  la  route  telle  qu'elle  existe  aujourd'hui,  et  sur  les  traits 
topographiques  qui  distinguent  certaines  de  ses  étapes.  Aux  yeux 
des  Chinois,  dont  on  connaît  la  partialité  marquée  pour  la  vie 
civilisée,  cette  route  désertique  doit  avoir  été  de  tout  temps  un 
véritable  épouvantail,  en  quelque  qualité  qu'ils  eussent  à  l'afiFronter, 
comme  soldats,  comme  marchands,  ou  comme  voyageurs  d'occasion. 
Nous  en  avons  tout-de-suite  eu  l'impression  en  passant,  au  cours 
de  notre  marche,  d'une  minable  petite  étape  à  l'autre.  Celles-ci  sont 
toutes  établies,  avec  leurs  huttes  de  terre  pleines  de  fumier  et  leur 
petite  caserne,  en  un  endroit  où  quelque  vague  dépression  du  terrain 
fournit  chichement  un  peu  d'eau  de  source  ou  de  puits.  Çà-et-là 
seulement,  elles  offrent  des  coins  de  pâturage,  faits  de  brousse  ou 
de  roseaux.  Les  conditions  du  trafic,  telles  qu'il  m'a  été  donné  de 
les  observer  eu  traversant  ces  étendues  complètement  stériles  de 
gravier,  de  rocs  émiettés  ou  de  sable  apporté  par  le  vent,  qui  sé- 
parent ces  lamentables  haltes,  n'ont  guère  dû  changer  depuis 
l'antiquité. 

La  difficulté  de  se  procurer  assez  de  paille  de  roseaux  et  d'eau 
pour  les  bêtes  de  somme,  jointe  à  la  disette  non  moins  grande  de 
combustible,  doit  avoir,  de  tout  temps,  sérieusement  gêné  les  dé- 
placements d'ordre  commercial  ou  militaire  le  long  de  cette  route. 
Les  conditions  climatériques  du  Pei-chau  central  sont  rendues  ex- 
trêmement pénibles,  tant  par  ses  ouragans  du  nord-est,  si  redoutés 


1)  Voir  Desert   Cathay,  II,  p.  148,  154,  282;  Serindia,  ch.  XXVII,  sec.  1,  11. 


LA   TRAVERSÉE   DU    DÉSERT    PAR    HIUAN-TSANG.  345 

et  si  fréquents  en  hiver  et  au  printemps,  que  par  sa  brûlante  sé- 
cheresse et  ses  orages  de  poussière  pendant  l'été:  forcément,  elles 
ont  toujours  impliqué  de  graves  risques  pour  le.s  voyageurs  isolés. 
Aujourd'hui  encore,  en  l'absence  d'un  guide,  ceux-ci  courent,  sur 
certaines  portions  de  la  route,  le  risque  de  s'égarer:  et  évidemment^ 
ce  danger  doit  avoir  été  beaucoup  plus  grand  pendant  les  périodes 
où   l'isolement  politique  de  la  Chine  empêchait  tout  trafic  régulier. 

Si  uniforme  qu'il  soit  dans  sa  morne  stérilité,  le  terrain  traversé 
par  la  route  se  laisse  néanmoins  diviser  eu  certaines  sections  distinctes. 
Sur  les  cartes  détaillées  qui  accompagnent  Serinâia,  nous  pouvons 
aisément  les  reconnaître,  et  même  la  carte  de  Desert  Cathay  suffit 
à  en  marquer  les  limites.  Les  cinq  premières  marches  à  partir 
de  Ngan-si  conduisent  à  travers  une  série  de  chaînes  de  collines 
étroites,  toutes  orientées  (ou  peu  s'en  faut)  de  l'est  à  l'ouest,  et  à 
peine  surélevées  au-dessus  des  larges  vallées,  en  façon  de  plateaux, 
qui  les  séparent.  On  trouve  de  l'eau  de  source  aux  trois  premières 
étapes  (Pei-tan-tzeu,  Houug-liou-yüan,  Ta-ts'iuen)  et  à  Ma-lien- 
tching-tzeu  et  Siug-sing-hia,  on  atteint  la  nappe  souterraine  par 
des  puits  qui  ne  dépassent  pas  6  à  8  pieds  de  profondeur.  Appa- 
remment, ce  n'est  pas  sans  raison  que  la  frontière  entre  la  pro- 
vince de  Kan-sou  et  celle  de  Sin-kiang  ou  Turkestan  chinois  est 
à  présent  fixée  tout  près  de  Sing-sing-hia;  car,  au-delà,  le 
caractère  du  terrain  subit  une  transformation  marquée  et  qui  n'est 
nullement  à  son  avantage.  On  rencontre  quantité  de  saillies  rocheu- 
ses et  de  détritus  pendant  les  deux  marches  suivantes  vers  Cha- 
ts'iuen-tzeu  et  K'ou-chouei,  en  même  temps  qu'on  descend  graduelle- 
ment d'environ  2000  pieds  au-dessous  du  niveau  moyen  des  étapes 
précédentes.  La  plus  humble  sorte  de  végétation  se  fait  de  plus  en 
plus  rare,  tandis  que  l'eau  devient  nettement  saumâtre,  comme 
l'indique  à  juste  titre  le  nom  de  K'ou-chouei,   «l'Eau   Amère». 

Mais   c'est   la    marche   suivante   jusqu'à   la   halte   de    Yen-toun, 


346  ,:/■■'-■  AUREL    STEIN. 

qui  est,  de  toutes,  la  plus  redoutée  des  voyageurs  chinois.  Sur  une 
distance  d'environ  35  milles,  elle  descend  par  des  pentes  de  gravier 
absolument  dénudées  dans  une  sorte  de  grand  bas-fond  à  1500  pieds 
au-dessous  du  niveau  de  K'ou-chouei.  Totalement  dépourvue  d'eau 
ou  d'abri  d'aucune  sorte,  cette  longue  marche  ne  laisse  pas  d'être 
dangereuse,  soit  en  raison  de  la  grande  chaleur  qui  y  règne  l'été, 
soit  à  cause  du  vent  glacé  du  nord-est  qui  la  balaie  en  hiver  et 
au  printemps.  Des  carcasses  de  bêtes  de  somme  jalonnent  le  chemin 
à  partir  de  K'ou-chouei,  et  les  pertes  de  vies  humaines  ne  sont  pas 
un  accident  sans  exemple  sur  cette  partie  de  la  route.  Après  Yen- 
toun,  une  autre  marche,  mais  cette  fois  beaucoup  plus  courte,  à 
travers  de  semblables  étendues  d'aride  gravier,  amène  le  voyageur 
aux  sources  de  Tchang-liou-chouei  ^),  à  la  lisière  méridionale  d'une 
large  ceinture  de  loess  qui  reçoit  souterrainement  l'eau  des  neiges 
du  Karliktagh,  et  qui  se  couvre  d'une  abondante  végétation,  brousse 
et  champs  de  roseaux.  A  Tchang-liou-chouei  on  rencontre  le  premier 
petit  bout  de  terrain  cultivé  de  Hâmi,  et,  après  deux  marches  faciles, 
on  atteint  la  ville  de  Hami  ou  Koumoul,  dans  l'oasis  centrale. 

Telle  est)  la  physionomie  actuelle  de  la  route;  et  il  est  possible 
de  démontrer  que  les  points  essentiels  de  l'histoire  du  voyage  de 
Hiuan-tsang  à  travers  le  désert  sont  en  accord  étroit  avec  ces 
données  topographiques.  Cet  accord  paraît  d'autant  plus  remarquable 
quand  on  songe  à  l'imperfection  du  texte  de  la  Vie  par  Houei-li 
et  à  l'impossibilité  où  nous  sommes  de  contrôler  son  exposé  à  l'aide 
de  la  relation  écrite  par  Hiuan-tsang  lui-même.  Nombre  de  détails 
ou  de  faits  personnels  contribuent  à  renforcer  l'impression  que 
Houei-li  recueillit  des  lèvres  mêmes  du  maître  le  pittoresque  récit 
de  ses  aventures  dans  le  désert,  et  qu'il  l'a  fidèlement  reproduit. 
On  connaît  trop  la  pieuse  ardeur  et  la  naïve  crédulité  de  Hiuan- 
tsang   pour  se  laisser  induire  eu  méfiance  par  quelques  allusions  à 


1)   Chang-liou-sJti7i  sur  la  carte  à  1  :  3.000.000'  est  une  faute  de  lecture. 


LA    TRAVERSÉE   DU    DÉSERT    PAR   HIUAN-TSANG.  347 

des  événements  surnaturels:  il  ne  faut  y  voir  que  de  pures  illusions 
subjectives,  telles  que  des  moments  de  grande  tension  et  de  réel  péril 
devaient  tout  naturellement  en  provoquer  dans  un  esprit  animé  d'une 
dévotion  si  fervente. 

Du  récit  que  nous  fait  Houei-li,  nous  dégageons  les  principaux 
faits  suivants  ^).  Abandonné  peu  après  avoir  passé  le  Sou-lo  Ho 
par  le  «jeune  barbare»  qui  devait  lui  servir  de  guide,  le  pèlerin 
poussa  seul  en  avant,  se  guidant  sur  les  os  des  animaux  morts  et 
le  crottin  laissé  par  les  chevaux  le  long  de  la  route.  Des  visions 
de  troupes  armées  se  mouvant  dans  le  lointain  lui  causèrent  de 
l'inquiétude:  «Mais,  en  les  voyant  disparaître  au  moment  où  il  les 
croyait  près  de  lui,  il  reconnut  que  c'étaient  de  vaines  images 
créées  par  les  démons».  Evidemment,  il  s'agit  de  mirages  analogues 
à  ceux  que  j'ai  fréquemment  observés  au  cours  de  mes  toutes 
premières  marches  au-delà  de  Ngan-si.  Après  avoir  couvert  une  dis- 
tance de  80  //,  Hiuan-tsang  arriva  à  la  première  tour  de  guet. 
Dans  l'espoir  de  passer  inaperçu,  il  se  cacha  jusqu'à  la  nuit  tombante. 
Quand  il  essaya  de  remplir  sa  gourde  à  la  fontaine  voisine  de  la 
tour,  les  hommes  de  garde  le  reçurent  à  coups  de  flèche.  Sur  sa 
déclaration  qu'il  était  un  moine  venu  de  la  capitale,  ils  le  condui- 
sirent devant  le  commandant  du  poste. 

Celui-ci,  un  certain  Wang-siang,  natif  de  Touen-houang,  lui  fit 
subir  un  interrogatoire  très  serré.  Ayant  reconnu  en  lui  l'aspirant 
pèlerin  à  la  recherche  de  la  Loi,  au  sujet  duquel  un  rapport  lui 
avait  été  envoyé  de  Liang-tcheou,  il  fut  pris  de  pitié  et  le  traita 
avec  bienveillance.  N'ayant  pas  réussi  à  le  persuader  de  revenir  sur 
ses  pas,  il  lui  recommanda  au  matin  de  se  diriger  droit  sur  la 
quatrième  tour,  commandée  par  un  de  ses  parents.  Quand  Hiuan- 
tsang  y  parvint  dans  la  nuit  du  meine  jour,  les  incidents  de  la 
veille    se    répétèrent.    Il    fut    arrêté   par  une   flèche   que   lui   lança 


1)  Cf.  JuuKN,    Fie  de  II. -t,  p.  23  et  sqq  ;   BEA.r>,  Life  of  H.-t.,  p.  \8  et  seq. 


348  AUREL   STEIN. 

l'homme  de  garde,  puis  amené  devant  le  commandant.  Au  reçu  du 
message  de  Wang-siaug,  cet  oflBcier  l'accueillit  de  façon  hospitalière; 
mais  il  l'avertit  de  ne  pas  approcher  de  la  cinquième  et  dernière 
tour  de  guet:  car  elle  était  occupée  par  des  gens  d'un  caractère 
violent.  Il  lui  conseilla,  au  contraire,  de  gagner  une  source  éloignée 
de  100  H,  et  appelée  JTe-ma-ts'iiien,  «la  source  des  chevaux  sau- 
vages» ^),  et  d'y  renouveler  sa  provision  d'eau. 

«A  une  petite  distance  de  là,  il  entra  dans  le  désert  appelé 
Mo-ho-yen,  qui  a  une  longueur  de  huit  cents  li  et  que  les  anciens 
appelaient  Cha-ho  ou  le  Fleuve  de  sables.  On  n'y  voit  ni  oiseaux, 
ni  quadrupèdes,  ni  eau,  ni  pâturages».  Dans  ce  désert  le  pieux 
voyageur  fut  à  nouveau  inquiété  par  des  visions  démoniaques, 
entendez  des  mirages,  contre  lesquelles  il  se  protégea  par  la  lecture 
de  son  texte  sacré  favori,  le  Prajnä-päramitä-Sütra.  Après  avoir 
fait  cent  li,  il  s'égara  et  ne  réussit  pas  à  découvrir  la  «Source  des 
chevaux  sauvages».  Pour  comble  de  malheur,  il  laissa  tomber  la 
grande  outre  d'eau  qu'on  lui  avait  donnée  à  la  quatrième  tour  et 
répandit  à  terre  son  précieux  contenu.  «De  plus,  comme  le  chemin 
faisait  de  longs  circuits,  il  ne  savait  plus  quelle  direction  suivre. 
Il  eut  alors  la  pensée  de  retourner  du  côté  de  l'est,  vers  la  quatrième 
tour  à  signaux».  Mais,  après  avoir  fait  10  li  dans  cette  direction, 
il  se  rappela  son  serment  de  ne  jamais  retourner  vers  l'est  avant 
d'avoir  atteint  l'Inde:  là-dessus,  «priant  avec  ferveur  Kouan-yin 
(Avalokiteçvara),  il  se  dirigea  vers  le  nord-ouest.  Il  regarde  de  tous 
côtés  et  découvre  des  plaines  sans  bornes  où  l'on  ne  voyait  aucune 
trace  d'hommes  ni  de  chevaux».  Pendant  la  nuit,  il  était  tourmenté 
par  des  lumières  qu'allumaient  de  mauvais  esprits,  et  pendant  le 
jour  par  de  terribles  orages  de  poussière:   «Au  milieu  de  ces  cruels 


1)  Le  nom  de  Te-ma-Wiuen   est   encore  fréquemment  employé  pour  désigner  des  loca- 
Ute's  dans  le  désert  au-delu  de  la  frontière  du  Kan-sou. 


LA  Traversée  dû  désert  paë  iiiuan-tsaîjg.  $4â 

assauts,    son   cœur   restait   étranger   à   la   crainte»;   mais   la  soif  le 
faisait  cruellement  souffrir. 

Après  avoir  ainsi  voyagé  sans  eau  pendant  quatre  nuits  et  cinq 
jours,  il  tomba  épuisé.  Au  milieu  de  la  cinquième  nuit,  après  avoir 
adressé  de  ferventes  prières  à  Avalokiteçvara,  il  se  sentit  ranimé 
par  une  brise  fraîche  et  trouva  du  repos  dans  un  court  sommeil. 
Une  vision  divine  qui  lui  apparut  en  rêve  l'incita  à  tenter  un  nouvel 
effort.  Après  avoir  fait  environ  dix  H,  son  cheval,  qui  avait,  lui 
aussi,  retrouvé  assez  de  forces  pour  se  remettre  sur  ses  jambes, 
changea  brusquement  de  direction,  et,  au  bout  de  quelques  H,  le 
mena  jusqu'à  une  pièce  d'herbage  vert.  Après  qu'il  eut  laissé  brouter 
son  cheval,  comme  il  se  préparait  à  pousser  plus  loin,  il  découvrit 
un  étang  dont  l'eau  était  claire,  et  il  comprit  qu'il  était  sauvé.  Il 
fit  halte  tout  un  jour  à  cet  endroit,  puis  reprit  son  voyage  avec 
une  provision  fraîche  d'eau  et  de  fourrage,  et  après  deux  jours  de 
plus,  il  émergea  du  désert  et  arriva  à  1-wou  ou  Hâmi. 

Si  nous  comparons  cette  relation  abrégée  de  la  traversée  du 
désert  par  Hiuan-tsang  avec  la  topographie  actuelle  de  la  route 
de  Ngan-si  à  Hâmi,  nous  ne  pouvons  manquer  de  reconnaître,  d'une 
part,  leur  accord  étroit,  de  l'autre  l'existence  d'une  lacune  évidente 
dans  le  texte  de  la  Vie.  D'après  celle-ci,  le  pèlerin  se  rend  en  une 
seule  marche  de  la  première  tour  de  guet  à  la  quatrième.  Mais  cela 
est  clairement  en  contradiction  avec  le  passage  précédemment  cité 
du  même  texte,  où  se  trouvent  rapportés  les  renseignements  recueillis 
par  Hiuan-tsang  à  Eoua-tcheou:  «Au  nord-ouest,  en  dehors  de  cette 

barrière,  il  y  a  cinq  tours  à  signaux Elles  sont  éloignées 

l'une  de  l'autre  de  cent  H*.  Nous  sommes  ainsi  obligés  d'admettre 
que  Hiuan-tsang  eut  en  réalité  quatre  marches  à  faire  à  partir  de 
la  rivière  avant  d'atteindre  la  quatrième  tour,  et  que,  dans  le  récit 
tel  qu'il  nous  est  parvenu,  deux  de  ces  marches  ont  été  passées 
sous  silence. 

2^ 


350  AUREL   STEIN. 

Cette  lacnoe  n'a  inalheurensement  que  de  trop  fréquents  pen-" 
(lants  dans  la  Vie  et  s'explique  aisément  par  l'état  present  da  texte. 
Une  fois  qu'elle  est  admise,  rien  n'est  plus  facile  que  de  suivre  les 
étapes  et  les  incidents  du  voyage  à  travers  le  désert.  La  position 
indiquée  pour  la  première  tour  de  guet  désigne  clairement,  ainsi 
qu'on  l'a  vu  plus  haut,  la  halte  actuelle  de  Pei-tan-tzeu,  la  premier© 
après  Ngan-si.  Les  480  li,  comptés  depuis  le  Sou-lo  Ho  jusqu'à  la 
cinquième  tour  de  guet,  coïncident  remarquablement  avec  les  96 
milles  relevés  au  cycîomètre  au  cours  de  nos  marc&es  entre  la 
rivière  et  Sing-sing-hia,  la  cinquième  halte  sur  la  route  actuelle. 
Au-delà  de  la  cinquième  tour  de  guet  s'étend,  nous  dit-on,  le  désert 
redouté  de  Mo-ho-yen:  et,  en  effet,  peu  après  Sing-sing-hia,  le 
caractère  du  terrain  empire  de  façon  marquée.  Et  il  n'est  pas  moins 
aisé  de  prouver  que  taus  les  renseignements  d'ordre  positif  que  nous 
fournit  le  récit  des  aventures  de  Hiuan-tsang  dans  le  désert  sont 
parfaitement  compatibles  avec  les  données  de  la  carte. 

Nous  y  lisons  que  le  voyageur,  après  avoir  reçu  l'avis  d'éviter 
la  cinquième  tour  de  guet,  c'est-à-dire  Sing-sing-hia,  abandonna 
la  grand'route  à  la  hauteur  de  la  quatrième  tour  pour  se  diriger 
vers  la  «Source  des  Chevauic  sauvages»,  située  à  une  distance  de 
100*  li.  Quand  il  ne  réussit  pas  à  trouver  cette  source  et  songea  à 
regagner  la  quatrième  tour,  il  revint  pour  un  moment  sur  ses  pas 
en  marchant  «vers  l'est».  Cela  montre  clairement  que  la  source 
Ye-ma'tsHiven^  vers  laquelle  on  l'avait  aiguillé,  se  trouvait  quelque 
part  à  l'ouest.  Or,  si  l'on  jette  un  regard  sur  la  carte  russe  des 
régions  au-delà  de  la  frontière,  on  voit  que  la  route  de  Tonen- 
houang,  telle  qu'elle  a  été  relevée  par  l'expédition  du  capitaine 
Roborovsky,  passe  à  une  distance  d'environ  3d  milles  à  l'ouest  de 
Ma-Ken-tching-tzeu  avant  de  rejoindre  la  route  Ngan-si  — Härai  à 
K'ou-chouei,  et  qu'un  de  ses  points  d'étape  et  d'eau  se  trouve  à 
peu   près   à  cette   distance  dans   une   direction   ouest-nord-ouest  de 


LA   TRAVERSÉE   ÛIT   DÉSEÏIT   PAR   HIUAN-TSANG.  fei 

Mà-lien-tching-tzeu.  Ainsi  l'existéuce,  passée  et  présente,  d'une  source 
approximativement  située  à  l'endroit  indiqué  pour  le  Ye-ma-ts'iüen 
vainement  cherché  par  Hiuan-tsàng  dètierit  infiniment  probable. 
Que,  faute  de  guide,  lé  pèlerin  ne  soit  pas  parvenii  à  la  découvrir, 
c'est  là  one  fâcheuse  expérience  que  j'ai  eu  trop  souvent  l'occasion 
de  faire  mtfi-même  en  ti-a versant,  pendant  le  mois  dé  septembre  1914, 
dés  parties  encore  inexplorées  du  Pei-chan  oriental  ^). 

En  tout  cas,  il  est  certain  que  si,  de  nos  joars,  un  voyageur 
venant  âe  Ngan-si  avait  quelque  raison  pour  éviter  d'être  vu  à 
Siùg-sing-hia,  il  ne  pourrait  mieux  faire  que  de  quitter  la  grand' 
route  à  Ma-lien-tcliiug-tzeu  et  d'obliquer  vers  l'ouest-nord-ouest. 
Il  aurait  à  passer,  dans  cette  direction,  un  prolongement  dé  ce  qui 
paraît  être  la  plus  haute  des  chaînes  de  collines  eu  voie  de  dés- 
agrégation du  Pei-chan,  celle-là  même  q(ue  la  ^rand'routé  traverâé 
par  des  gorges  tortueuses,  juste  au-dessus  de  Sing-sing-hia.  Sur 
un  pareil  terrain,  il  serait  évidemment  difiScile  de  marcher  en  droite 
ligne,  et  cette  circonstance  explique  a  toetveille  le  passage  du  récit 
où  il  est  dit:  «Comme  le  chemin  faisait  de  loùgs  cifcuîtg,  il  ïiê' 
savait  plus  quelle  direction  suivre».  Après  avoir  vainement  cherché 
la  «Source  des  chevaux  sauvages»  et  coupé  court  à  sa  tentative 
de  regagner  la  quatrième  tour,  Hiuan-tsang,  nous  dit-on,  reprît 
résolument  la  direction  du  nord-ouest  et  poursuivit  son  Voyage  sans 
se  laisser  abattre  par  la  soif  ni  par  les  pénis  du  désert.  C'était 
une  décision  qui  demandait  toute  la  ferveur  religieuse  et  là  Vaillance 
ixi  grand  pèlerin  :  mais  c'était  aussi  ce  qu'il  y  avait  de  plus  sage 
à  faire,  du  moins  pour  quelqu'un  capable  de  ne  pas  dévier  de  la' 
direction  choisie.  Et  que  Hiuan-tsang  possédât  à  la  perfection  cet 
instinct  de  l'orientation  si  répandu  parmi'  les  Chinois  d'é  toutes 
conditions  sociales,  les  renseignements  topographiques  qu'il  nöüs  à 
laissés  dans  son  Si  yu  M  le  prouvent  abondamménU. "i'  '''"■^"'  *"-""'■ 


1)  Cf.  Geographical  Journal,  XLVIII,  p;  200, 


352  AUREL   STEIN. 

Comme  le  montre  la  carte,  cette  marche  vers  le  nord-ouest 
devait  forcément  amener  le  voyageur,  à  travers  le  glacis  de  gravier 
complètement  stérile  des  environs  de  K'ou-chouei,  au  fond  de  la 
dépression  de  Yen-toun,  et,  par-delà  celle-ci,  à  la  lisière  sud-est 
de  la  ceinture  de  loess,  où  le  drainage  souterrain  descendant  du 
Karlik-tägh  entretient  quelque  végétation.  On  nous  dit  que  durant 
sa  traversée  du  désert  de  Mo-ho-yen,  le  pèlerin  resta  sans  eau 
pendant  quatre  jours  et  cinq  nuits,  jusqu'à  ce  qu'enfin,  après  que 
le  repos  de  la  cinquième  nuit  leur  eût  rendu  quelques  forces,  sa 
vaillante  monture  le  conduisit,  quelques  milles  plus  loin,  à  un 
pâturage  et  un  étang.  Ici  encore,  nous  constatons  que  l'évaluation 
approximative  des  distances,  telle  qu'elle  est  consignée  daus  la  Vie^ 
présente  avec  les  données  de  la  topographie,  un  accord  aussi  étroit 
qu'on  pouvait  raisonnablement  l'espérer;  car  nous  venons  de  voir 
que  par  la  route  de  caravanes  actuelle,  cinq  marches,  formant  un 
total  de  106  milles,  sont  nécessaires  pour  amener  le  voyageur  de 
Ma-lien-tchiug-tzeu,  c'est-à-dire  de  la  quatrième  tour  de  guet,  jus- 
qu'à Tchang-liou-chouei,  le  premier  endroit  où  l'on  trouve  de  l'eau 
de  source  et  de  la  verdure  en  approchant  de  Hâmi. 

Il  est  vraisemblable  qu'alors  comme  aujourd'hui,  il  y  avait  des 
puits  sur  la  route  régulière  conduisant  de  la  cinquième  tour  de  guet 
à  Hami,  à  des  endroits  correspondant,  ou  peu  s'en  faut,  à  Cha- 
tsiuen-tzeu,  K'ou-chouei,  Yen-toun.  Mais  combien  il  eût  été  difiScile, 
sinon  impossible  à  Hiuan-tsang  de  les  trouver,  une  fois  en  dehors 
de  la  route  des  caravanes,  mon  expérience  personnelle  ne  me  l'a 
que  trop  bien  appris  quand  j'ai  eu  à  traverser  des  terrains  déserti- 
ques du  même  genre.  De  toute  évidence,  le  tracé  qu'il  a  suivi  était 
sensiblement  parallèle  à  cette  route.  Pourtant,  il  y  avait  toutes  les 
chances  du  monde  pour  que  celle-ci  échappât  à  sou  observation, 
alors  même  qu'il  n'en  eût  été  séparé  que  par  quelques  milles. 

En    fin   de   compte,   ce   fût  soit  l'odorat,  soit  la  mémoire  topo- 


LA   TRAVERSÉE   DU    DÉSERT   PAR   IIIUAN-TSANG.  353 

graphique  de  son  cheval  qui  permit  à  Hiuan-tsang  d'atteindre  la 
source  du  salut  avant  de  mourir  de  soif  et  d'épuisement;  ce  trait 
renforce  encore  ma  croyance  en  l'autenthicité  du  récit  qui  nous  a 
été  transmis  par  Houei-li.  Nous  y  avons  lu  comment  Hiuan-tsang, 
au  moment  où,  à  Koua-tcheou,  il  se  préparait  à  son  aventureuse 
expédition,  avait  eu  la  sagesse  d'échanger  son  cheval  contre  celui 
d'un  «vieillard  barbare»,  qui  avait  fait  plus  de  quinze  fois  sur  son 
dos  le  voyage  de  Hämi  et  retour  ^).  La  façon  remarquable  dont, 
dans  le  désert,  chevaux  et  chameaux  peuvent  soit  flairer  l'eau  et 
l'herbage  à  des  distances  considérables,  soit  localiser  correctement 
les  endroits  qu'ils  se  rappellent  avoir  visités  précédemment,  est  un 
fait  trop  connu  pour  avoir  besoin  d'être  confirmé  par  mon  témoignage 
personnel.  Ce  dernier  peut  toutefois  n'être  pas  superflu  en  ce  qui 
concerne  le  fait  qu'un  cheval,  habitué  à  voyager  dans  le  désert, 
est  fort  capable,  dans  le  froid  d'un  hiver  de  l'Asie  centrale,  de  se 
passer  d'eau  pendant  cinq  jours.  Quand  j'ai  traversé  le  Taklamakan 
pour  aller  rejoindre  l'extrémité  de  la  rivière  de  Kériya,  nos  quelques 
poneys  restèrent  sans  être  abreuvés  pendant  quatre  jours  pleins^); 
néanmoins,  à  en  juger  par  leur  condition  quand,  à  la  fin,  nous 
atteignîmes  la  rivière,  ils  auraient  probablement  pu  tenir  une  couple 
de  jours  de  plus.  Notons  d'ailleurs  que  la  marche  sur  les  pentes  et 
plateaux  de  gravier  du  Pei-chan  est,  vu  leur  caractère  uni,  beaucoup 
moins  fatigante  pour  les  chevaux  et  les  gens  que  la  traversée  des 
régions  couvertes  de  dunes  du  Taklamakan. 

L'exactitude  du  récit  qui  nous  a  été  conservé  par  la  Vie  se 
vérifie  jusqu'au  bout:  car  les  deux  jours  de  plus  qu'elle  fait  passer 
en  route  par  Hiuan-tsang  avant  d'atteindre  Hämi  correspondent 
exactement  aux  deux  marches  que  l'on  compte  actuellement  pour 
franchir   les  35  milles  ou  environ,  qui  séparent  Tchang-liou-chouei 


1)  Voir  ci-dessus,  p.  340. 

2)  Cf.  P08cri  Cathay,  II,  p.  391  et  s(j. 


354  AUREL   STEIN. 

fie  la  ville  de  Hämi.  Nous  fermons  dpnc  |ci  le  liïre  sur  une  assu? 
r^ijce  bien  faite  pour  nous  plaire;  même  ce  chapitre  initial  desi 
voyages  dvi  pèlerin  qui,  eu  raison  des  graves  périls  et  de  la  quasir 
qairaculeuse  délivrance  qu'il  rapporte,  aurait,  plus  facilement  que 
tout  autre,  pu  se  prêter  à  l'exagération  et  à  la  fiction,  est  resté 
dans  la  narration  de  Houei-li,  à  peu  près  tel  qu'il  était  tombé,  seloq 
toute  vraisemblance,  de  la  bouche  même  du  Maître  de  la  Loi. 


LE  SYSTÈME  MUSICAL  ^ 


PAE 

G.  MATHIEU. 

C.  2,  JLes  huit  Tons  du  Plain-chant. 

«  Dans  les  cérémonies  bouddhistes,  nous  dit  Williams,  les  chants 
rappellent  les  Chants  Âmbrosiens  et  les  premiers  Tons  Grégoriens  »  ^). 
L'indication  me  paraît  précieuse,  mais  demande  que  nous  nous 
rendions  compte  de  ce  qu'est  le  Plain-chant.  J'y  distingue  une 
Collection,  une  Théorie,  des  Traditions  indépendantes  de  cette  théorie, 
et  qui  nous  font  connaître,  dans  son  opposition  avec  la  mélodie, 
la  Psalmodie. 

§  1.  La.  Collection. 

«Aucune  œuvre  musicale  n'offre,  nous  dit-on,  une  plus  grande 
variété  de  mélodies  que  nos  chants  liturgiques»  ^). 

Cependant,  au  lieu  des  dix  finales  que  peuvent  avoir  les  mélo- 
dies *),   ne  compter  plus  que  les  4  dénominations  Ré,  Mi,  Fa,  Sol, 


1)  Le  précédent  Article  (Modes  grecs),  au  'l 'oung  Pao,  juillet  1914,  p.  339;  octobre 
1915,  p.  489;  mars  et  mai  1917,  p.  31;  mars  1918/1919,  p.  41  ;  janvier  1920/1921,  p.  40. 
Pour  les  références: 

D.,  D'Orïigue,  Diet,  de  Flain-chant,  Migne,  Paris  1853. 

F.  C,  F.  CcÉMENT,  Méthode  complète  de  Plain-chant,  2°  éd.,  Paris,  Hachette,  1872. 

2)  Williams,  The  middle  Kingdom,  New- York,  Scribners,  1883,  Vol.  3,  p.  96. 
8)  F,  C,  p.  X. 

4)  T'oung  Pao,  Juillet  1914,  p.  866  et  p.  365. 


356  G.    MATHIEU. 

des  Plaiu-chautistes  porte  à  croire  que  la  collection  est  fort  ap- 
pauvrie. 

Mais  il  s'agit  chez  eux,  non  de  finales,  mais  de  pures  dénomi- 
nations, qui,  encore,  se  réfèrent  à  plusieurs  diapasons. 

Les  finales  des  mélodies  anciennes  réclament,  pour  que  la  mé- 
lodie ait  son  cachet,  leur  hauteur  acoustique  propre.  Confondre  A 
avec  a,  C  avec  c,  pour  remarquer  8  dénominations,  est  dangereux. 
On  s'y  est  mépris.  Réduire  ce  nombre  à  4,  oblige  au  rejet  de  cer- 
tains genres  de  mélodies,  si  l'écriture  est  selon  un  diapason  unique. 

Eu  Plain-chant  il  n'en  est  rien:  ses  doubles  lectures,  par  exemple 
l'Ave  Regina  celorum  à  la  finale  F,  lue  ailleurs  Ut  ^),  montrent, 
qu'avec  l'écriture  selon  le  diapason  moyen,  on  a  fait  usage  d'une 
écriture  selon  le  diapason  primitif.  Mi  et  Sol,  en  ce  diapason, 
désignent  les  hauteurs  acoustiques  A  et  a,  C  et  c;  et  on  peut  de 
même  rencontrer  un  Ré  selon  le  diapason  grave,  ce  serait  H;  un 
Mi   selon  le  diapason  aigu,  qui  donnerait  la  dixième  finale  Fa  Cl  *). 

La  Collection  reste  donc  précieuse  dans  ses  mélodies  transmises 
par  tradition  orale'');  et,  comme  les  Plaiu-chantistes  admettent  qu'il 
est  probable  «Qu'une  foule  de  nos  chants  religieux  ont  été  chantés 
par  les  Romains  dans  leurs  cérémonies  payennes»^),  on  peut  s'at- 
tendre à  rencontrer  en  Chine,  des  mélodies  religieuses,  comme  «La 
grande  invocation  à  Bouddha»  qui  rappelle  le  Salve  Regina  des 
Trapistes,  qui,  se  retrouvant  eu  Plain-chant,  nous  livreraient,  dans 
la  mélodie  commune  origine,  le  chant  antique. 


5)  F.  c,  p.  168  et  p.  166. 

6)  Ne  serait-ce  pas  la  raison  de  la  «  M  usique  feinte  »  V  Quand  on  disait  «  fa  mi  fa  » 
ponr  une  écriture  «la  sol  lav,  on  encore  «mi  ré  mi»,  n'était-ce  pas,  que  les  hauteurs 
«lab»,  tiiaiV»,  qu'on  ne  dénommait  point,  se  rencontraient  musicalement  dans  une  écriture 
selon  le  diapason  grave,  ou  le  diapason  aigu,  dans  un  «Chant  transposé»?  Le  procédé  au- 
rait été  ensuite  généralisé  sans  raison.  D.,  col.  £6,  «On  écrit  Fa  Sol,  Sol  Fa  Sol;  La  Dt 

La;  Mi  Ré  Mi,  Ré  Ut  Ré et   on  disait  Mi  Fa,  Fa  Mi  Fa;  Fa  Mi  Fa.  Fa  Mi  F« 

Fa  Mi  Fa ». 

7)  T'ouny  Pao,  1930,  p.  46.  5)  D„  «78. 


LE   SYSTÈME   MUSICAL.  357 


§  2.  La  Théorik  des  8  Tous. 


Cette  The'orie  doit  être  abandonnée.  Elle  apparaît  un  essai  de 
synthèse,  basé,  dans  la  perte  de  la  science  ésotérique  des  Modes  Grecs, 
sur  des  traditions  mal  comprises. 

Selon  la  mentalité  antique,  dont  nous  avons  encore  un  vestige 
dans  le  «Règlement  de  628  pour  les  Hymnes >^),  on  a  du  attribuer 
au  Culte  divin  le  premier  Ton  du  premier  Mode  rencontré  dans  le 
Système  musical,  oc .  1  dont  la  finale  est  G. 

D'autre  part,  les  7  àp[/,ovixi  débutaient  à  l'aigu  par  un  Ton  à 
même  finale  G  :  /3  .  3. 

Et  il  se  trouvait  qu'à  partir  de  G  ou  avait  une  Quinte  jusqu'à 
la  Dominante  de  «; .  1,  une  Quarte  jusqu'à  la  diatonique  grave  de 
ß .  3.  L'inventeur  des  8  Tons  du  Plain-chant  s'y  méprit,  en  croyant 
y  reconnaître  la  raison  de  l'opposition  de  l'Authentique  et  du  Plagal; 
puis,  confondant  la  diatonique  grave  avec  la  corde  finale,  il  prit  la 
suite  Ré,  Mi,  Fa,  Sol,  écrite  selon  le  diapason  primitif  ^°),  comme 
groupant  les  8  Modes  et  il  généralisa  pour  les  trois  autres  finales 
ce  qu'il  avait  rencontré  en  G. 

La  méprise  initiale  est  évidente  d'après  les  définitions  que  les 
Plain-chantistes  donnent  de  leurs  Tons  8®  et  7®,  comme  nous  pou- 
vons en  juger. 

Voici  d'abord,  sans  parler  des  sons  de  voix  de  tête,  /3 .  3  .  C  et 
«  .  l  .  C,  avec  toutes  leurs  cordes  (celles  entre  parenthèses  ne  cor- 
respondent, dans  le  Mode,  qu'à  des  notes  de  2®  espèce),  puis  dans 
leurs  cordes  modales  seulement. 

/3.3.C.  DE      (Jf)Ga      [|  c  (ff)  d  ef  (^)  g 

Ä.I.C.  (E)F(jj;)GaH|:|)c        def      g  a^ 


9)  M.  CouEANT,  La  musique  des  CAitwis Bibliographie,  N°  99,  1"  Hymne:  «A 

l'autel  du  Ciel  on  prend Hoàng  tchoUng ,  de  la  Terre,,..   Ljnn  tchotlng,.,,  des 

Ancêtres ....  Taî  tsoû  ». 

10)  T'ou)i^  Pao,  1920,  pp.  43,  42,  38. 


558  U,    MATHIEI. 

Les  cordes  modales,  hauteurs  successivement  occupées  par  la  tonique 

grave  et  le  tonique  aiguë  dans  les  3  bouds  constitutifs  du  Mode  i^), 
sont  pour 

ß.S.  D             Ga         c                 f        g 

X .  1.  F       G           c        de                a' 

Or   les   Tons   8*^   et    7®   sont   définis,   comme  cordes   et  binôme 
(corde  finale,  corde  rebattue), 

Quinte 


Ton  8e 
Ton   7e 

Quarte 
D  E  F 

G  a 
G  a 

>   ^ 

^  " 

1 
d 

d  e  f  g 

Quarte 

Quinte 
binôme;  avec  finale  G:  c  pour  le  Ton  8®,  d  pour  le  Ton  7®. 

Et  ils  disent  ^2):  «La  finale  est  la  dernière  note  de  la  cadence 
finale  qui  termine  la  pièce  de  chant  ou  le  Mode,  et  sert  à  le  recon- 
naître  La  Dominante  (est)  celle  sur  qui  le  chant  a  davantage 

son  cours,  son  retour  et  son  soutien,  et  qui,  jointe  avec  la  finale, 
donnent  ensemble  la  principale  forme  et  la  distinction  de  chaque 
Mode»;  et  encore  ^^)  «La  Dominante  ...  la  note  . .  .  que  l'on  rebat». 

D'après  ces  définitions  le  Ton  8®  est  spécifié  comme  nous  spé- 
cifions ß  .  3.  Pour  le  Ton  7®  —  Jumilhac  dit  sagement  «  La  prin- 
cipale forme»  —  comme  le  binôme  G  .  d,  convient  à  4  Tons,  il 
demande  à  être  complété  pour  spécifier  le  Mode. 

^.1.  F  G  de  ß^ 


ty..l. 

F  G 

c  d  6 

a' 

x.-i. 

F  G  ft 

de       J 

/.3. 

B 

G  a 

d       f  g 

11)  T'ounff  Pao,  Juillet  1914,  p.  340,  6''  toi. 

12)  Jumilhac  cité  en  D,  col.  829,  «Cordes  modales». 

13)  D.,  col.  1142. 


LE   SYSTÈME   MüSipAL.  iE}59 

Pratiquement  qu'entendent  les  Plain-chantistes?  Il  n'y  a  qu'à  Mcoqrir 
aux  phants  qu'ils  attribueqt  aij  Tqn  7^.  Gppame  le  P.  Dechevrons  cite, 
<" malgré  sa  date»^*)  la  Séquence  «Dies  iiste  celebretur»  comme  «exem- 
ple», je  la  prends  comme  caractéristique.  Les  Cordes  qu'elle  emploie, 
indiquent  dans  leur  fréquence  relative,  l'importance  de  c  après  d,  sans 
que  les  valeurs  proportionnelles  y  contredisent:  c'est  donc  x. 

Cordes  touchées,  FGahcdefg 
fréquence,         5,  31,  29,  29,  44,  62,  23,  13,  4 

la  mélodie  est  en  « .  1 .  C;  le  Ton  7®  est  bien  ce  que  nous  avons  avancé. 

§  3.  La  Psalmodie. 

Le  premier  Ton  rencontré  dans  le  Système  musical,  oc  .  1,  invi- 
tait à  rebattre  la  tonique  aiguë  en  son  état  grave  pour  terminer  sur 
la  tonique  grave  en  son  état  moyen.  La  chute  étaut  ainsi  d'une 
Quinte  y  conviait.  Mais  ce  repos  naturel,  définitif,  s'accordait  mal 
avec  la  répétition  des  courts  versets  d'un  Psaume:  on  abandonna, 
pour  la  psalmodie,  la  position  moyenne  de  la  tonique  grave  pour  sa 
position  aiguë,  ainsi  qu'en  témoignent  les  traditions  Plain-chantistes. 

«Dans  le  chant  Gallican,  il  y  avait  un  genre  de  Psalmodie, 
dont  la  dominante  n'était  au  dessus  de  la  corde  finale  que  d'un  ton, 
ou  même  d'un  demi-ton,  et  quelquefois  cette  dominante  était  la  corde 
finale  >  ^^).  Si,  pour  la  distance  d'un  ton,  on  peut  hésiter  à  cause 
des  mélodies  en  Ö  .  1,  ou  en  (5.4,  le  doute  n'est  plus  possible  pour 
les  distances  plus  faibles.  Quand  la  corde  finale  et  la  corde  rebattue 
sont  :  G. G;  d.d;  E.F;  a.|?;  ü.c;  et  aussi  :  d  .  e,  on  est  en  pré- 

14)  A.  Dechevrens,  Etudes  de  science  musicale,  1"  et  2^  Etudes,  Paris,  1898,  Typo- 
graphie musicale  de  M. M.""»  Blanc,  4  Bue  Malebranche,  p.  170. 

Je  relèverai,  en  passant,  dans  l'Appendice  4°,  du  même  auteur,  sur  la  musique  Arabe, 
que  la  tradition  (p.  29),  des  «17  intervalles  inégaux  et  difficilement  appréciables»  donne 
l'Octave,  de  r  à  G  (exclusivement)  de  la  totalisation  des  Cordes  de  voix  de  poitrine  et  de 
voix  de  tête  du  Système  musical  {Toung  Pao,  juillet  1914,  p.  360). 

15)  D. 


360  G.    MATHIEU. 

sence  d'une  Psalmodie.  Dans  les  autres  cas,  jusqu'à  la  distance  triton, 
le  morceau  est  à  examiner.  Parmi  les  «Tons  des  Psaumes»,  le  3® 
avec  terminaison  Si  ^^),  est  une  Psalmodie  au  sens  technique  du  mot: 


tr 


Di  -  xit     Do  -  mi  -  nus    Do  -  mi  -  no     me  -   o, 

4s: 


îe^e^^eIeïe^^ÉiI 


Se  -  de    a    dex  -  tris  me  -  is. 

En  Chine,  où  les  aveugles  se  groupent  en  différents  syndicats 
qui  se  distinguent  par  leur  chant,  j'ai  entendu  en  Février  1908, 
traversant  le  Hien  hien,  un  aveugle  «Il  entonne,  me  dit  le  P.  Rivât, 
Utg,  descend  au  Sig  pour  terminer  Fa«,  et  chant  non  mesuré».  — 
Utg,  Fag,  notre  p  (Si  |?)  et  notre  E  ];,  sont  des  hauteurs  naturelles 
à  la  voix  '^'')  mais  l'arrêt  sur  Si,  la  hauteur  a,  ne  s'explique  guère 
et  semble  réclamer  le  souvenir  d'un  chaut  entendu.  Pour  moi,  celui 
qui  fît  choix  de  cette  phrase  pour  ce  groupe,  n'a  fait  que  démar- 
quer uu  chant  voisin,  rebattant  la  hauteur  1;  pour  conclure  sur  E, 
mélodie  en  £  .  3,  ou  en  s  •  3,  ou,  —  et  plus  vraisemblablement,  — 
Psalmodie  en  x  .  3  .  C  ou  en  jc  .  3  .  E. 

On  pourrait  donc  rencontrer  la  Psalmodie  en  Chine. 


16)  «  Cantus  diversi,  qaos  tradidit ...  D'  P.  Wagner,  Commissionis  Vaticanae  membrnm  », 
Arras,  22,  Rue  Jeanne  d'Arc,  1907,  p.  79. 

17)  T'oung  Fao,  Octobre  ]915,  p.  492  et  p.  493. 


BULLETIN  CRITIQUE. 


Dr.  Franz  Babinger.  Gottlieb  Siegfried  Bayer  (1694—1738), 
ein  Beitrag  zur*  Geschichte  der  morgenländischen  Studien 
im  18.  Jahrhundert.  Leipzig,  0.  Harrassowitz,  1916, 
in-8^,  85  pages. 

L'hiatoire  de  l'orientalisme  en  général  n'est  pas  écrite;  celle  des 
études  sinologiques  a  été  amorcée  par  plusieurs  travaux  très  docu- 
mentés de  M.  CoRDiER,  mais  là  encore  il  reste  beaucoup  à  faire. 
Nous  ne  pouvons  donc  qu'applaudir  au  dessein  de  M.  Babinger, 
lequel  paraît  vouloir  consacrer  une  partie  de  son  activité  scientifique 
à  établir  des  biographies  critiques  d'un  certain  nombre  d'anciens 
orientalistes  de  langue  allemande.  Gottlieb  Siegfried  Bayer,  né  à 
Königsberg  le  6  janvier  1694,  mort  à  Petrograd  le  10  février  1738, 
méritait  mieux  que  les  brèves  notices  qui  lui  avaient  été  consacrées 
jusqu'ici.  Ce  savant  encyclopédique,  très  au  fait  des  littératures 
classiques  dès  ses  années  d'adolescence,  avait  acquis  en  même  temps 
une  certaine  connaissance  de  l'hébreu  et,  dans  sa  19®  année,  com- 
mença tant  bien  que  mal  l'étude  du  chinois.  En  partie  sous  l'in- 
fluence de  La  Croze,  il  s'attaqua  ensuite  à  presque  toutes  les  lan- 
gues orientales;  sa  réputation  fut  bientôt  suffisante  pour  qu'au 
lendemain  de  la  fondation  de  l'Académie  des  Sciences  de  Petrograd 
en  1724,  il  ait  été  invité  à  accepter  une  place  dans  la  nouvelle 
institution  de  Pierre  le  Grand.  Ce  séjour  en  Russie  élargit  encore 
l'horizon  de  Bayer.  Bien  que  ce  polyglotte  n'ait  pas  appris  le  russe, 
il  fut  un  des  pionniers  de  l'ancienne  histoire  russe;  en  même  temps, 
les   relations   des   tsars  avec  l'Asie  centrale  lui  permirent  de  réunir 


362  BULLETIN   CRITIQUÉ. 

uue  documentation  alors  très  neuve  sur  les  Mongols  et  même  les 
Tibétains.  Les  travaux  publiés  par  Bayer  n'ont  souvent  plus  qu'un 
intérêt  historique;  mais  il  y  aurait  peut-être  à  glaner  dans  les 
manuscrits  qu'il  a  laissés  et  qui  sont  dispersés  surtout  entre  Petrograd, 
Königsberg  et  Glasgow.  De  son  abondante  correspondance,  on  ne 
connaît  guère  que  ses  lettres  à  La  Croze  éditées  en  1742  par 
J.  L.  Uhl  dans  le  Thesaurus  Epistolicus  LaCrozianus.  Il  y  aurait 
certainement  intérêt,  pour  l'histoire  de  l'orientalisme,  à  ce  qu'on 
publiât,  au  moins  par  extraits,  les  lettres  de  La  Croze  lui-même  à 
Bayer,  conservées  à  l'Académie  des  Sciences  de  Petrograd,  tout 
coinmle  celles  de  La  Croze  à  J.  Chr.  Wolf,  qui  sont  coiiàetvéïes  à 
ÖaAbourg. 

Bayer,  en  dépit  de  l'extrême  dispersion  de  son  effort,  a  fait  eu' 
général  preuve  de  bon  sens.  C'est  peut-être  pourquoi  il  ne  se  décida 
jaufiaîs  à  publier  son  travail  sur  Le  christianisme  en  Tartarîe  et  en 
Chine  promis  à  La  Croze  à  diverses  reprises  et  où  Bayer  devait 
étabïir  que  fe  christianisme  n'avait  pas  pénétré  dans  Ta  Haute  Asie 
âvaùt  Gengis-Khan.  f'ar  là  Bayer  devait  réfuter  l'abbé  RenaudôT, 
et  venir  en  aide  à  La  Croze  qui  niait  l'authenticité  de  l'inscription 
âe  Si-iigan-fou.  Le  manuscifit  de  ce  fctàvàil  inédit  de  Bayer  ne  s'est 
pas  rétrouve.  Je  dois  atouer  que  si  l'abstention  finale  de  Bayet  est 
une  marqué  de  clairvoyance,  sa  correspondance  avec  La  Croze  à  propo^ 
dé"  ^inscription  de  Si-ngân-fou,  telle  que  cette  correspondance  est 
publiée  par  Uhl,  me  paraît  faire  moins  d'honneur  à  son  caractère. 
Mais  c'est  une  question  sur  laquelle  je  compte  revenir  ailleurs  ^). 

P.  Pelliot. 

- — — J 

1)  Le  travail  de  M.  Babinger  est  très  bien  informé.  Je  relève  un  oa  deux  points  de 
dAaiT:  P.  39:  La  date  de  1666  pour  le  retour  du  P.  Couplet  est  uue  inadvertance;  je 
crois  que  c'est  en  1680  que  le  P.  Couplet  s'était  embarque'  pour  rentrer  en  Europe;  la 
date  de  1687  indiquée  par  Abel-llémusat,  Nouv.  Mél.  Asiat.,  I,  259,  est  par  contre  trop 
tardive.  —  P.  60:  Lire  «Tso-k'icu^ming».  Le  passage  d'Abel-Rémusat  ne  vise  que  la  re- 
production de  textea  chinois  originaux,  et  ne  dit  pas  que  Bayer  ait  été  le  premier  à  attirer 
l'attention  sur  le  Tch'ouen  tsUeou. 


BULLETIN   CRITIQUE.  ÈèÈ 

Casimir  Schnyder.  Eduard  Hither,  ein  sehioeizerischer 
Sprachen  gelehrter,  Sinolog  und  Indochinaforscher.  Zu- 
rich, Art.  Institut  Orell  Füssli,  1920,  iu-8",  viii  + 
203  pages,  avec  40  ill.  et  3  cartes.  Prix:  20  franca 
suisses. 

Edouard  Huber,  né  à  Grosswangen  (canton  de  Lucerne)  le  12  août 
1879,  mort  le  6  janvier  1914  à  l'hôpital  de  Vinh-long,  fut  un  des 
plus  prodigieux  cerveaux  de  philologue  que  le  monde  ait  connus. 
Avant  tout  sinologue  et  indianiste,  ses  dons  exceptionnels  lui  avaient 
permis  de  s'assimiler  la  plupart  des  langue?  anciennes  et  modernes 
de  l'Asie,  arabe,  turc  et  persan  compris;  comme  en  se  jonant,  il 
atait  appris  assez  d'annamite,  de  chara,  de  khmer,  de  siamois,  de 
mon,  de  birman,  de  javanais,  de  malais,  pour  pouvoir  manier  lefaf 
testes  écrits  dans  toutes  ces  langues  et  en  extraire  les  raatériaui 
de  ses  travaux  peu  nombreux  et  peu  étendus,  mais  d'une  richessô" 
d'information  et  d'une  originalité  de  rues  qui  leur  assuraient  plus 
de  portée  qu'à  beaucoup  de  gros  livres.  L'Ecole  française  d'Extrême- 
Orient,  qui  accueillit  H  über  quand  il  avait  21  ans  et  à  laquelle  if 
appartint  jusqu'à  sa  mort,  garde  le  souvenir  très  cher  du  camarade 
trop  tôt  disparu,  et  à  qui  son  directeur,  L.  Finot,  a  rendu  dans  lé 
Bulletin  de  1914  un  hommage  légitime.  Il  était  bon  que  la  per-' 
sounalité  exceptionnelle  de  Huber  fût  mieiïx  connue  d^aii-s  les  pays 
de  langue  allemande.  Aussi  ne  peut-on  que  louer  le  soin  pieux  atecf 
lequel  M.  C.  Schnyder  a  traduit,  intégralement  ou  en  résumé,  le* 
principaux  articles  de  Huber,  ainsi  que  les  notices  nécrologiques  qui 
lui  ont  été  consacrées.  La  biographie  fait  aussi  état  de  lettres  de 
Huber;  de  celles-ci  on  ne  devra  user  qu'avec  précaution.  Huber, 
d'une  exactitude  si  scrupuleuse  dans  ses  travaux,  faisait  preuve  de 
beaucoup  de  fantaisie  dans  ses  propos;  nous  voyous  aujourd'hui  que 
sa  correspondance  est  un  peu  la  mise  par  écrit  de  ses  propos. 

ï*.    l*feLLI0T4 


364  BULLETIN  CRITIQUE. 

English'Chinese  Dictionary  of  the  Standard  Chinese  Spoken 
Language  (  g  §^)  and  Hanhook  for  Translators^ 
including  Scientific,  Technical,  Modern,  and  Documentary 
Terms.  By  K.  Hemeling,  Ph.  D.,  Commissioner  ol 
Chinese  Maritime  Customs.  —  Based  on  the  Dictionary 
of  the  late  G.  C,  Stent,  published  1905  by  the 
Maritime  Customs.  Shanghai:  Statistical  Department 
of  the  Inspectorate  general  of  Customs.  —  1916, 
in-8,  pp.  VI  — 1726.  à  2  col. 

George  Carter  Stent,  mort  le  1®^  sept.  1884,  avait  publié  à 
Chang  Haï  dès  1871  un  vocabulaire  chinois  et  anglais  du  Kouan 
houa  de  Pe  King;  l'ouvrage  répondait  à  un  besoin  et  il  eut  plu- 
sieurs editions,  dont  la  troisième  fut  publiée  en  1898  par  le  Rév. 
Donald  Mac  Gillivray.  En  1905,  M.  Hemeling  reprit  le  dictionnaire 
et  lui  donna  un  grand  développement;  une  nouvelle  revision  lui  a 
permis  de  donner  l'œuvre  actuelle  destinée  surtout  aux  étrangers 
faisant  des  traductions  en  chinois.  Ce  dictionnaire  a  été  compilé 
principalement  pendant  les  cinq  années  que  l'auteur  a  occupé  à 
Pe  King  le  poste  de  Secrétaire  cliiuois  des  Douanes.  Dix  lettrég 
chinois  familiers  avec  le  Kouan  houa  du  nord  et  du  sud  l'ont  aidé 
dans  sa  tâche.  L'orthographe  de  Sir  Thomas  Wade  a  été  adoptée; 
les  tons  n'ont  pas  été  marqués.  Ce  dictionnaire  essentiellement 
pratique  répond  évidemment  aux  besoins  du  grand  service  auquel 
il  est  destiné.  H.  C. 

The  History  of  Shanghai  by  G.  Lanning  — S.  Couling. 
Part  I.  Printed  and  Published  for  the  Shanghai 
Municipal  Council  by  Kelly  &  Walsh,  1921,  iu-8, 
pp.  II  -h  1  f-  û.  ch.  +  pp.  504—5  +  1  f.  n.  ch. 

En  1006,  le  «Municipal  Council»  de  Chang  Haï  a  chargé  G. 
Lawning   d'entreprendre  cette  publication  pour  son  compte;  lorsque 


BULLETIN   CRITIQUE.  365 

Lanning  mourut  en  janvier  1920  après  avoir  accompli  la  plus 
grande  partie  de  sa  tâche,  Mr.  S.  Couling  fat  chargé  de  terminer 
le  volume  qui  comprend  deux  parties,  l'une  cousacrée  à  la  Chine 
en  général  (Chap.  I— VIII),  l'autre  à  Chang  Haï  même  (Chap. 
IX— LUI);  deux  nouveaux  volumes  devront  compléter  cette  seconde 
partie. 

La  première  partie  qui  forme  une  introduction  et  occupe  un 
trop  grand  nombre  de  pages  du  volume  aurait  pu  être  écartée  à 
mon  avis  car  elle  est  étrangère  au  sujet  même  —  l'histoire  de 
Chang  Haï  —  qu,i  ne  commence  en  réalité  qu'au  chapitre  XXVIII; 
cette  introduction  prétentieuse  n'a  aucune  valeur  d'ailleurs. 

On  est  tout  d'abord  surpris  que  l'auteur  ne  mentionne  pas  les 
travaux  de  ses  devanciers  comme  C.  Shaw,  W.  H.  Medhurst  sen., 
C.  Schmidt,  J.  W.  Maclellan,  Montalto  de  Jesus,  etc.  Puis,  quand 
on  entre  dans  le  détail  des  chapitres,  on  est  étonné  de  la  pauvreté 
de  la  documentation.  Lanning  ne  semble  pas  connaître  à  propos  du 
royaume  de  Wou  -^  l'ouvrage  du  P.  Albert  Tschepe  pas  plus  que 
le  Nankin  du  P.  Gaillard;  je  doute  qu'il  ait  ouvert  le  Tsong  Ming 
du  P.  Havret.  Le  _|;^  jf^  i^  ^,  ne  lui  est  pas  familier.  Il  ne  se 
doute  pas  qu'il  y  a  eu  un  consul  de  France  nommé  Montigny  qui 
a  joué  un  rôle  important  et  il  n'a  p'as  entendu  parler  du  bom- 
bardement de  la  ville  indigène  par  les  Français.  Il  aurait  pu  tirer 
parti  pour  l'origine  des  Douanes  à  Chang  Haï  des  documents 
diplomatiques  inédits  que  j'ai  moi-même  publiés.  Hollingworth 
dans  le  Journal  of  the  North  China  Branch  of  the  Royal  Asiatic 
Society  a  traité  d'une  façon  plus  sérieuse  des  noms  des  différents 
espèces  de  thé.  Dans  son  chapitre  Banking  il  ne  mentionne  pas  la 
création  du  Comptoir  d'Escompte  à  Chang  Haï  en  1860;  il  est  vrai 
qu'on  peut  lire  tout  le  volume  sans  se  douter  qu'on  dehors  des 
Anglais  et  des  Américains,  il  y  ait  eu  d'autres  étrangers  à  Chang  Haï. 


BULLETIN  CRITIQUE. 

Je  pourrais  remplir  uue  demi-douzaine  de  pages  d'observations 
semblables.  Je  n'ai  pas  eu  l'honneur  de  connaître  Lanning,  mais 
il  est  évident  qu'il  n'avait  pas  les  qualités  nécessaires  pour  écrire 
une  Histoire  de  Chang  Haï  ou  même  toute  autre  histoire;  heureuse- 
ment que  quelques  planches  compensent  en  partie  la  pénurie  du 
texte.  H.  C. 


BIBLIOGRAPHIE. 


LIVRES  NOUVEAUX. 

Le  vendredi  11  mars  1921,  M.  Jau  Feenstra  Kuiper  a  soutenu 
à  l'Université  de  Leyde  une  thèse  pour  le  Doctorat  intitulée  Japan 
en  de  Buitenwereld  in  de  achttiende  eeuw. 

Il  a  paru  à  Peking  en  juillet-octobre  1920  le  premier  numéro 
d'une  nouvelle  revue:  Bulletin  Médical  franco-chinois.  Parmi  les 
articles,  nous  notons  ceux  du  R.  P.  Léon  Wieger,  La  Médecine 
chinoise.  —  Historique  et  du  D^  H.  Jouveau-Dubreuil,  le  service 
de  la  vaccine  à  V hôpital  de  Tchentou  (Setchonen). 

Les  Conférences  faites  au  Collège  de  France  par  M.  Masaharu 
Anesaki,  Professeur  à  l'Université  Impériale  de  Tokyo,  ont  été 
réunies  dans  le  Tome  43  de  la  Bibliothèque  de  Vulgarisation  des 
Annales  du  Musée  Guimet  sous  le  titre  de  Quelques  pages  de 
Vhistoire  religieuse  du  Japon. 

Vient  de  paraître  le  troisième  fascicule  du  Dictionnaire  Cambodgien- 
Français  par  Joseph  Guesdon,  ancien  missionnaire  apostolique  au 
Cambodge,  chez  PIon-Nourrit,  Paris. 

Nous  avons  reçu  des  Maritime  Customs  la  List  of  Lighthouses, 
Light-vessels,  Buoys,  and  Beacons  on  the  Coast  and  Rivers  of  China, 
1921,  corrigée  au  1^^  décembre  1920.  Il  y  avait  à  cette  date  un 
total  de  1496  feux  dont  197  phares. 


368  BIBLIOGRAPHIE. 

Vient  de  paraître  chez  Bossard  (Paris,  1921)  Trois  Mystères 
Tibétains  Tchrimekundan  —  Djroazanmo — Nansal  traduits  avec  Intro- 
ductiou,  Notes  et  Index  par  Jacques  Bacot.  Bois  gravés  d'après 
les  dessins  de  V.  Goloubew.  Ce  livre  forme  le  Volume  III  de 
Les  Classiques  de  V Orient  Collection  publiée  sous  le  patronage  de 
l'Association  française  des  Amis  de  l'Orient  et  la  direction  de 
Victor  Goloubew. 

A  la  même  librairie  ont  été  publiées  des  Fables  chinoises  du 
Ille  au  Ville  siècle  de  notre  ère  (d'origine  hindoue)  traduites  par 
Edouard  Chavannes  versifiées  par  M™®  Edouard  Chavannes  ornées 
de  46  dessins  par  Andrée  Karpelès. 

Nous  avons  reçu  des  Douanes  Maritimes  Chinoises:  Foreign 
Trade  of  China,  1920.  —  Part  I:  Report  and  Abstract  of  Statistics. 
Le  revenu  total  des  douanes  en  1920  a  été  de  Hk.tls.  49.819.885; 
le  change  était  en  1920  de  fr.  17.79  contre  fr.  10.12  en  1919  et 
fr.  3.40  en  1911,  par  Haikouan  tael. 

Nous  avons  reçu  du  Directeur  général  des  Douanes  de  Bangkok 
le  rapport  sur  The  Foreign  Trade  and  Navigation  of  the  Port  of 
Bangkok  years  2461  (1918-19)  and  2462  (1919-20). 

Nous  avons  reçu  39  feuilles  de  la  grande  carte  du  Chinese 
Tarkistan  and  Kansu  dressée  d'après  les  relevés  exécutés  durant  les 
explorations  de  Sir  Aurel  Stein  au  cours  de  ses  trois  explorations 
en  1900-01,  1906-08,  1913-15;  la  carte  entière  comprendra 
47  feuilles  à  l'échelle  de  1  :  500.000.  Elle  fait  le  plus  grand  hon- 
neur à  l'auteur  et  au  Survey  of  India. 

Vient  de  paraître  chez  Paul  Gedthner,  Paris,  le  quatrième  et 
dernier  volume  de  VHistoirc  générale  de  la  Chine  et  de  ses  relations 
aoec  les  pays  étrangers  depuis  les  temps  les  plus  anciens  jusqu^à  la 
chute  de  la  Dynastie  Mandchoue  par  Henri  Cordier.  Elle  comprend: 


BIBLIOGRAPHIE.  369 

I.  —  Depuis  les  temps  les  plus  anciens  jusqu'à  la  chute  de  la 
Dynastie  T'ang  (907  après  J.-C). 

II.  —  Depuis   les   Cinq    Dynasties    (907)   jusqu'à   la   chute  des 
Mongols  (1368). 

III.  —  Depuis  l'avènement   des    Ming    (1368)  jusqu'à   la  mort 
de  Kia  K'ing  (1820). 

IV.  —  Depuis    l'avènement    de    Tao    Kouang    (1821)    jusqu'à 
l'époque  actuelle. 

Ce  dernier  volume  renferme  un  index  alphabétique  de  93  pages. 


NOTES  AND  QUERIES. 


L'étymologie  du  nom  des  monts  K<ouen  louen. 

Dans  un  article  récent  ^),  j'ai  dit  que  le  nom  des  monts 
K'ouen  louen  ^)  était  peut-être  la  transcription  phonétique  d'une 
appellation  étrangère.  Mais  il  me  paraît  plus  probable  que  ce  nom 
—  très  ancien  puisqu'il  figure  dans  le  Tchou  cJiou  ki  nien  et  dans 
le  Mou  fien  tseu  tchouan  —  possède  une  signification  proprement 
chinoise,  analogue  à  celle  qui,  dans  l'antiquité  gréco-latine,  associa 
l'Atlas  africain  aux  fondations  de  l'univers. 

K'ouen  louen  exprime,  en  effet,  la  sphéricité  de  la  voûte  des 
cieux,  dont  les  gigantesques  montagnes  tibétaines  semblaient  être 
le  prolongement  ou  le  support  ^).  Et,  d'autre  part,  Louen  houen 
signifie  le  chaos  *)  comme  aussi  '/^  /j^ .  Il  y  a  évidemment  une 
entité  cachée  sans  l'analogie  des  termes  ^  ^  ^  */^  f^  ^  ^  ^ . 

L'expression  K'ouen  louen  —  probablement  abrégée  ^)  de  ^  ^ 


1)  La  Relation  des  voyages  du  roi  MOU,  Journal  asiatique,  avril-juin  1921. 

2)  1.   ^   au..  ^  ^. 

ä)  A  *j  :t  11  iS  *  0  a  ^  H  if5*gij  m*  0 

Vm  Vm    (Diet.  K'ang  hi). 

4)  Notons,  à  propos  de  cette  dernière  expression,  que  l'identité  étymologique  de  r^ 
et  de  iim  (comme  aussi  de  ^^»  ,  ifta|  et  ICT  )  est  un  autre  exemple  de  cette  catégorie 
de  caractères  où  la  prétendue  phonétique  est  simplement  le  mot  primitif,  différencié  posté- 
rieurement par  l'adjonction  de  divers  radicaux  afin  de  distinguer  les  acceptions  dérivées 
(voir  à  ce  sujet  ma  note  sur  le  caractère  ^Ej  dans  le  T'oung  Pao,  vol.  XIV,  p.  808). 

5)  Indépendamment  du  sens  géographique,  le  dictionnaire  de  Wells  Williams  indique: 
*■  ^^  Sa  The  canopy  of  the  sky»;  cette  signification,  dont  il  ne  justifie  malheureusement 
pas  l'autorité,  s'attacherait  donc,  par  abréviation,  au  terme  K'ouen  louen  pris  isolément. 


NOTES   AND    QUERIES.  371 

0  ^|3  —  semble  done  avoir  signiße  «les  hauteurs  du  bout  du 
monde»  ^).  Dans  l'ère  moderne  ce  nom  de  K'ouen  louen  a  été  ap- 
pliqué successivement  à  diverses  contrées  (et  à  divers  peuples)  de 
rindochine  et  de  la  Mélanésie,  ainsi  qu'à  Madagascar  ^).  Mais  cette 
appellation,  quand  elle  apparaît,  désigne  toujours  des  pays  situés  à 
la  limite  du  monde  alors  connu  des  Chinois,  c'est-à-dire  à  des  pays 
qui  sont  censés  toucher  à  la  voûte  des  cieux. 

L.  DE  Saussure. 


1)  Le  dictionnaire  K'ang  hi  place  les  monts  K'ouen  louen  dans  le  Khotan  actuel  et 
leur  attribue  500  li  de  longueur.  Dans  mon  susdit  article  du  /.  Ä.  (p.  279),  j'ai  cité  un 
rescrit   de   l'empereur   K'attg  hi  plaçant   le   pays   de   Si-wang-mou   aux   environs  du  mont 

Iot  jPfj  Äfr.  que  M.  W.  R.  Caries  assimile  au  mont  Kailas  dans  un  mémoire  destiné 
au  Geographical  Journal,  Mais  le  mont  Kailas  se  trouve  en  fait  dans  le  Tibet  méridional 
par  31°  de  latitude  et  81°  de  longitude,  ce  qui  rend  cette  identification  inadmissible.  Le 
terme  du  voyage  du  roi  Mou  doit  être  placé,  à  mon  avis,  dans  le  Tibet  septentrional,  aux 
monts  K'ouen  louen  proprement  dits. 

2)  Cf.  G.  Ferband.  Le  K'ouen  louen  et  les  navigations  interocéaniques,  J.  A.,  1919. 
L'aateur   explique  cette  communauté  de  dénomination  par  le  fait  que  les  Chinois  auraient 

ttribué  une  parenté  ethnique  à  ces  divers  peuples. 


CHRONIQUE. 


FRANCE. 


Dans  sa  séance  du  vendredi  4  mars  i921,  l'Académie  des  Inscriptions  et 
Belles-Lettres  a  accordé  le  prix  Giles  à  M.  Leopold  de  Saussure  pour  ses 
travaux  sur  l'Astronomie  chinoise;  dans  la  séance  du  vendredi  11  mars  1921, 
elle  a  décerné  le  Prix  ordinaire  à  M.  Henri  Maspero  pour  son  étude  sur  le 
Dialecte  de  Tch'ang  Ngan  sous  les  T'ang. 

M.  Paul  Pelliot,  Professeur  au  Collège  de  France,  a  été  élu  par  l'Académie 
des  Inscriptions  et  Belles-Lettres  dans  la  séance  du  6  mai  1921  membre  ordinaire 
en  remplacement  du  Comte  de  Lasteyrie. 


INDEX  ALPHABÉTIQUE. 


A. 

Page 
Andrews,  F.  H.,  Ancient  Chinese  figured  silks  excavated  by  Sir  Aurel  Stein  181 
Anesaki,  Masaharu,  Quelques  pages  de  l'histoire  religieuse  du  Japon,  con- 
férences du  Collège  de  France ^    .  367 

B. 

Babinger,  Franz,  Gottlieb  Siegfried  Bayer,  notice  par  P.  Pelliot     .     .     .361 

fiacot,  Jacques,  Trois  Jlystères  tibétains 368 

Bangkok,  The  foreign  trade  and  navigation  of  the  Port  of,  Rapport  .  .  368 
Bayer,  Gottlieb  Siegfried,  par  le  Dr.  Franz  Babinger,  jiotice  par  P.  Pelliot  361 

Bouïnais,  Pierre,  lo  Tso  Kiang,  notice  par  H.  Cordier .  293 

Bulletin  Médical  franco-chinois 367 

Burlington  Magazine 181 

c. 

Çambhala,  Quelques  transcriptions  apparentées  à,  par  P.  Pelliot     ...     73 
Central  Asian  Relics  of  China's  Ancient  Silk  trade,  by  Sir  Aurel  Stein  .  130 
Chapuis,  Alfred,  la  Montre  chinoise,  notice  par  P.  Pelliot.     .....    61 

Chavannes,  M^^  Edouard,   Fables  chinoises  traduites  par  Ed.  Chavannes 

et  versifiées  par, 368 

Chine,  la,  à  travers  les  âges  par  L.  Wieger,  S.  J.,  notice  par  H.  Cordier.  295 
Chine,  la,  après  la  guerre  européenne  —  Ngeou  tchan  heou  tche  tchong 

kouo,  par  Siu  Che-tch'ang 297 

Chong  Su-see,  Foreign  trade  of  China,  notice  par  Henri  Cordier  .     .     .  290 

Classiques  de  V  Orient 368 

Conquêtes  de  l'Empereur  de  la  Chine,  par  Paul  Pelliot 183 

Cordier,  Henri,  Nécrologie  :  Léon  Tournade 71 

George  Ernest  Morrison 71 

Jules  Harmand ".     .  299 

—  Notices:  sur  Public  Debts  in  China  by  Feng  hua  Huang 290 

sur  Foreign  trade  of  China  by  Chong  Su-see 290 

sur  Modern  China  by  Sih  Gung  cheng 292 

—  —  sur  le  Tso  Kiang  par  Pierre  Bouïnais 293 

sur  la  Chine  à  travers  les  âges  par  L.  Wieger,  S.  J 295 

sur  English-Chinese  Dictionary  by  K.  Hemeling 364 

sur  History  of  Shanghai  by  G.  Lanning  and  S.  Couling     ....  364 

—  Ser  Marco  Polo  Notes  and  Addenda 165 

—  Histoire  générale  de  la  Chine,  4°  vol 368 

—  Elu  Corresponding  Fellow  of  the  British  Academy 72 

Couling,  Samuel,  History  of  Shanghai,  notice  par  Henri  Cordier.     .     .     .  364 


374  INDEX    ALPHABÉTIQUE. 

D. 

Douanes  maritimes  chinoises,  Returns  of  Trade,  Reports,  etc.       .     .    165,  297 

Ecole  française  cT Extrême-Orient,  Bull , 164 

English- Chinese  Dictionary  by  K.  Hemeling,  notice  par.  Henii  Cordier.  .  364 
Etymologie  du  nom  des  monts  ICouen  louen  par  Leopold  de  Saussure.     .  370 

F. 

Feng  hua  Huang,  Public  Debts  in  China,  notice  par  Henri  Cordier  .  .  290 
Finot,  Louis,  nommé  Directeur  de  l'Ecole  française  d'Extrême-Orient  .     .     72 

—  La  Marche  à  la  lumière,  notice  par  Paul  Pelliot 294 

Foreign  Trade  of  China  by  Chong  Su-see,  notice  par  Henri  Cordier    .     .  290 

i;-  ^  G. 

.Geographical  Journal 173 

Géographie,  la 165 

Granet,  Marcel,  reçoit  le  prix  Stanislas  Julien 71 

Guesdon,  Joseph,  Dictionnaire  Cambodgien-français 367 

Guimet,  Annales  du  Musée 367 

H. 

Hai  tao  Souan  King  de  Lieou,  par  L.  Van  Hée,  S.  J 51 

Harmand,  Jules,  nécrologie  par  Henri  Cordier 299 

Hemeling,  K.,  English-Chinese  Dictionary,  notice  par  Henri  Cordier    .     .  364 

Hiuan-tsang,  traversée  du  désert  par,  par  Sir  Aurel  Stein 332 

Hovelaque,  Emile,  Les  peuples  d'Extrême-Orient,  notice  par  Paul  Pelliot  157 
Huber,  Eduard,  par  Casimir  Schnyder,  notice  par  Paul  Pelliot     ....  363 

J. 

Journal  Asiatique 169 

Journal  North-China-Branch  of  the  Royal  Asiatic  Society 169 

Journal  Royal  Asiatic  Society 171 

Jouveau-Dubreuil,  Dr.,  Service  de  la  vaccine  à  l'hôpital  de  Tchentou  .  367 
Juif  Ngai,  le,  informateur  du  Père  Mathieu  Ricci,  par  P.  Pelliot ...  32 
Julien,  Stanislas,  prix 72,  300 

K. 

Kokei  no  Kenkyû  par  Tomioka  Kenzo,  notice  par  Paul  Pelliot     ....  142 

Kou  king  fou  lou  par  Lo  Tchen-yu,  notice  par  Paul  Pelliot 142 

Kuiper,  Jan  Feenstra,  soutient  à  l'Université  de Leyde,  une  thèse  intitulée: 

Japan  en  de  Buitenwereld  in  de  achttiende  eeuw.    .......  367 

L. 

Lanning,  G.,  History  of  Shanghai,  notice  par  Henri  Cordier 364 

Lazaristes,  note  sur  la  Mission  des,  en  Chine,  par  l'abbé  Richenet .  .  .117 
Lo  Tchen-yu,  Kou  king  t'ou  lou,  notice  par  Paul  Pelliot 142 


INDEX    ALPHABETIQUE.  375 

M. 

Page 
Mallon,  Paul,  Collection 298 

Maische  à  la  lumière,  la,  par  Louis  Finot,  notice  par  Paul  Pelliot .     .     .  294 

Maritime  Customs,  List  of  Lighthouses,  Buoys,  etc 367,  368 

Maspero,  Henri,  Ouverture  du  cours  de  langue  chinoise  au  Collège  de  France  300 

—  Reçoit  le  Prix  ordinaire  de  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres  372 

Mathieu,  G.,  le  Système  musical 40    355 

Mémoires  de  la  Société  de  Linguistique 181 

Modem  China,  by  Sih  Gung  Cheng,  notice  par  Henri  Cordier 292 

Montre  chinoise,  la,  d'Alfred  Chapuis,  notice  par  Paul  Pelliot 61 

Morrison,  George-Ernest,  nécrologie  par  Henri  Cordier 71 

Moule,  A.  C,  Life  of  Odoric  of  Pordenone 275 

—  Small  contribution  to  the  ftudy  of  the  bibliography  of  Odoric     .     .     .  301 
Mou   Wang,   Voyage  de,  par  Leopold  de  Saussure 19 

N. 

New  China  Review 69,  70,  174 

o. 

Odoric  of  Pordenone,  Life  of,  by  A.  C.  Moule 275 

Odoric,  Small  contribution  to  the  study  of  the  bibliography  of,  by  A.  C. 

Moule 301 

Origines  de  V Astronomie  chinoise,  par  Leopold  de  Saussure 86 

P. 

Peinture  et  gravure  européennes  en  Chine  au  temps  de  Mathieu  Ricci, 

par  Paul  Pelliot 1 

Pékin,  Université  de.  Ouverture  d'une  section  de  Phonétique 182 

Pelliot,  Paul,  La  peinture  et  la  gravure  européennes  au  temps  de  Mathieu 

Ricci 1 

—  Le  Juif  Ngai,  informateur  du  P.  Mathieu  Ricci 32 

—  Quelques  transcriptions  appai-entées  à  Çambhala  dans  les  textes  chinois     73 

—  Conquêtes  de  l'Empereur  de  la  Chine 183 

—  Note  sur  les  T'ou-yu-houen  et  les  Sou-p'i 323 

—  Notices:  sur  la  montre  chinoise  d'Alfred  Chapuis 61 

sur  Kou  king  t'ou  lou,  par  Lo  Tchen-yu 142 

sur  Kokei  no  Kenkyû  par  Tomioka  Kenzo 142 

sur  Recherches   sur   la   découverte   de   l'Amérique   par  Panduranga 

S.  S.  Pissarlancar 156 

sur  Peuples  d'Extrême-Orient;  la  Chine,  par  Emile  Hovelaque     .     .  157 

sur  la  Marche  à  la  Lumière  de  Louis  Finot 294 

—  —  sur  Gottlieb  Siegfried  Bayer,  par  Franz  Babinger 361 

sur  Eduard  Huber,  par  Casimir  Schnyder 363 

—  Ont  paru  quatre  fascicules  des  planches  des  Grottes  de  Touen  houang.  298 

—  Elu  membre  oïdinaire  de  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres ,  372 

Petrucci,  Raphaël, '^prix  Stanislas  Julien 300 

Peuples  d'Extrême-Orient,  la  Chine,  par  Emile  Hovelaque,  notice  par  P.  Pelliot  157 


376  INDEX    ALPHABÉTIQUE. 

Page 
Fissarlancar,  Panduranga,  S.  S.,  Recherches  sur  la  découverte  de  l'Amérique, 

notice  par  Paul  Pelliot 156 

Postes  Chinoises,  Rapport  pour  1919 168 

—  Rapport  sur  les  Opérations  de  la  Caisse  d'Epargne  postale  1919  .     .     .  297 
Public  fiebts  in  China,  by  Feng  Hua  Huang,  notice  par  Heni-i  Cordier    .  290 

R. 

Recherches  sur  la  découverte  de  V Amérique,  par  Panduranga  S.  S.  Pissar- 

lancar,  notice  par  Paul  Pelliot 156 

Hees,  le  Rev.  W.  Hopkins,  nommé  professeur  de  chinois  à  l'Université  de 

Londres 72 

Richenet,  l'abbé,  Note  sur  la  Mission  des  Lazaristes  en  Chine    .     .     .     .117 

S. 

Saussure,  Leopold  de.    Voyage   de   Mou  Wang   et    hypothèse  d'Edouard 

Chavannos 19 

—  Origines  de  l'Astronomie  chinoise 86 

—  Etymologie  du  nom  des  Monts  Kouen  louen 370 

—  reçoit  le  prix  Herbert  Giles  de  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres  372 

Schnyder,  Casimir,  Eduard  Huber,  notice  par  Paul  Pelliot 365 

Shanghai,  History  of,  by  G.  Lanning  and  S.  Couliiig,  notice  par  H.  Cordier  364 

Sih  Qung  Cheng,  Modem  China,  notice  par  Henri  Cordier 292 

Soothill,  le  rev.  W.  E.,  nommé  professeur  de  Chinois  à  l'Université  d'Oxford     72 
Stein,  Sir  Aurel,  Central  Asian  Relies  of  China's  ancient  silk  trade.     .     .  130 

—  Traversée  du  Désert  par  Hiuan  tsang 332 

—  Carte  du  Chinese  Turkistan  and  Kansu 368 

Système  musical,  par  G.  Mathieu 40,  355 

T. 

Tagore,  Abanindra  Nath,  Art  et  anatomie  hindous 297 

Tomioka  Kenzo,  Kokei  no  Kenkyü,  notice  par  Paul  Pelliot 142 

Tournade,  Léon,  nécrologie  par  Henri  Cordier 71 

T'ou  yu  houen,  note  sur  les,  et  les  Sou  p'i,  par  Paul  Pelliot 323 

Tso-kiang,  or  Water  transport  Conditions,  par  Pierre  Bouïnais,  notice  par 

Henri  Cordier 293 

V. 

Van  Hee,  L.,  S.  J.,  le  Uai-tao  Souan-king  de  Lieou 51 

W. 

Wieger,  Léon,  S.  J.,  la  Chine  à  travers  les  âges,  notice  par  Henri  Cordier  295 

—  La  Médecine  chinoise 367 


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